Skip to main content

Full text of "Le Ménestrel"

See other formats


■■:■.":     ... 


rB" 


JV9.Ha11,1 


^^■n^^ 


"Bi 


WloO/  j>1 


UL 


PURCHASED    FROM    THE     1NCOME    OF    THE 

JOSIAH    H.    BENTON   FUND 


_T 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/lemnestrel28pari 


LE 


MÉNESTREL 


JOURNAL 


MUSIQUE  ET   THÉÂTRES. 


TABLETTES 

DU   PIANISTE   ET    DU   CHANTEUR. 


28me   ANNEE.  —  1860-1861. 


/'/ 


TABLE 


JOURNAL  LE  MÉNESTREL. 


28™  ANNEE.  -  1860-1861. 


TEXTE. 


/Uo 


'  //A,'/ 


T»o  t.  —  2 décembre  1S60.  —  Pages  1  à  8. 

I  L'opéra-comique ,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâ- 
tres :  De  la  Barde ,  Martini,  Piccini  (  15»  article  ) . 
L.  Meneau.  —  H.  Acte  de  baptême  de  Dell»  Maria. 
—  III.  Académie  impériale  de  Musique  :  le  Papil- 
lon, ballet  en  deux  actes,  première  représentation. 
3.  Lovy.—  IV.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chan- 
teur :  De  l'accentuation  considérée  dans  ses  rapports 
avec  la  sonorité,  le  rhythme  et  la  mesure  (1er  arti- 
de).  Marmontel.  —  V.  Etudes  sur  la  chanson  po- 
pulaire en  France  :  Chansons  historique--  et  descripti- 
ves (10=  etdernier  chapitre).  J.-B.  WékïRLIK.—  VI. 
Nouvelles  et  Annonces. 

J.Î.-9  décembre  1860.  —  De  9  à  16. 
I  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  dive'S  théâ- 
tres :  Gossec  et  Catel  (16e  article).  L.  Meneau.  —  II. 
Opéra-Comique  :  première  représentation  de  l'E- 
ventail. —  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  III.  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur  :  De  l'accentua- 
tion considérée  dans  ses  rapports  avec  la  sonorité, 
le  rhythme  et  la  mesure  (suite  et  lin).  Maruontel. 
— •  IV.  La  session  du  Congrès  pour  la  restauration 
du  plain-chant  et  de  la  musique  d'église.  J.  d'Or- 

tigue V.  Monument  de  Cheruhini  —  VI.  Saison 

,le  pjjce.  —  VII.  Nouvelles  et  Annonces. 

IV»  3.  —  16  décembre  1860.  —  De  17  à 24. 

I.  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâ- 
tres: Nicolo,  Méhul  (17e  article).  L.  Meneau.  —  II. Se- 
maine théâtrale.  J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pia- 
niste et  du  chanteur  :  De  la  mesure.  Paul  Bernard. 

—  IV  Bal  annuel  des  artistes  de  l'Opéra.  G.  Ber- 
trand. —  V.  Théâtre-Italien  :  Concert  de  J.-B. 
Wékerlin.—  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

IV»  4.  —  23  décembre  1860.  —  De  25  à  32. 
I    L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâ- 
tres :  Méhul  {suite  et  fin)  18e  article.  L.  Meneau  — 
IL  Théâtre-Lyrique  :  les  Pécheurs  de  Cutané,  de 
M.Aimé  Madlart,  première  représentation.  J.  Lovy. 

—  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Le 
Conservatoire  de  Paris  et  les  Conservatoires  de  pro- 
vince (1"  article).  G. Bénédit.—  IV.  Théâtre-Italien: 
les  Poèmes  de  la  Mer,  ode  symphonique  de  J.-B. 
Wékerlin,  première  audition.  Léon  Gatayes.  — 
V.  Semaine  théâtrale.  —  VI.  Nouvelles  et  Annon- 
ces. 

IV»  5.  —  30  décembre  1860.  —  De  33  â  40. 

1  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâ- 
tres- Chérubini  et  Onslow  (19e  article).  L.  Me- 
neau.— II.  Théâtre  de  l'Opéra-Comique  :  première 
représentation  de  Barkouf.  J.  Lovv.  —III.  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur  :  Le.  Conservatoire 
de  Paris  et  les  Conservatoires  de  province  (2e  arli- 
"  •âtralc.J.LovY. 


cle).  G.  Bénédit.—  IV.  Semaine  théâtre 
V.  Nouvelles  et  Annonces. 

IV»  a.  —  6  janvier  1861 .  —  I 


I  L  opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâ- 
tres :  Lesueur  (20=  article,.  L.  Meneau.  —  IL  Se- 
maine théâtrale.  J.  Lovy.  —  III.  Bouffes-Parisiens  : 
première  représentation  du  Mari  sans  le  savoir.  .1.- 
L  Heugel.—  IV.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chan- 
teur :  Le  Conservatoire  de  Paris  et  les  Conserva- 
toires de  province  {suite  et  fin).  G.  Bénédit.  —V. 
La  nouvelle  salle  de  l'Opéra.  Concours.  —VI.  Nou- 
velles et  Annonces. 


.\°  s. 


- 13 janvier  1861.  —  De  49  à  DO. 


I.  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâ- 
tres: Bertnn  121-  article).  L.  Meneau.—  II.  Semaine 
théâtrale.  J.-L.  Heucei..  —  III.  Bouffes-Parisiens  : 
première  représentation  de  la  Chanson  de  Far- 
tunio,  débuts  de  M»«  Pfotzer.  .1.  Lovv.  —  IV.  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur  :  Bilan  lyrique 
de  l'année  1860.  —  V.  Nouvelles  et  Annonces. 


IV»  t*.  —  20  janvier  1861 .  —  De  57  à  64. 

I.  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâ- 
tres :  Kreutzer  (22»  article).  L.  Meneau.  —  II. 
Théâtre-llalien  :  Un  Bal/o  in  maschera,  de  Verdi, 
première  représentation.  J.  Lovy.  —  III.  Théâtre- 
Lyrique  :  la  Madone,  de  M.  Carmouche,  musique  de 
Louis  Lacombe.  J.-L.  Heugel.  —  IV.  Semaine  théâ- 
trale. J.  Lovy.  —  V.  Bilan  mortuaire  de  Tannée 
1860.  —  VI.  Le  nouveau  Théâtre-Lyrique.  —  VU. 
Premier  concert  du  Conservatoire.  E.  Vif.l.  — VIII. 
Nouvelles,  Concerts  et  Soirées,  Annonces. 


m»  ».  -  27  ja 


1861.  —  De  65  â  72. 


I;  L'opéra-comique,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs  et 
ses  divers  théâtres  :  compositeurs  secondaires  de  la 
République  et  du  premier  Empire  (23e  article). 
L.  Ment.au.  —  IL  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  — 
III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Préface 
aux  douze  transcriptions  concertantes  des  chefs- 
d'œuvre  des  grands  maîtres,  avec  introduction  par 
Ajiédée  Mereaux.  J.-L.  Heugel.  —  IV.  Petite  chro- 
nique :  l'Orgue  de  Barbarie  et  la  commission  de  sa- 
lubrité musicale.  Malliot.  —  V.  Nouvelles,  Soirées 
et  Concerts,  Annonces. 

IV»  IO.  —  3  février  1861.  —  De  73  à  80. 

I.  L'opéra-comique,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs 
et  ses  divers  théâtres  :  compositeurs  secondaires  de 
la  République  et  du  premier  Empire  (24e  article, 
suite  et  fin).  L.  Meneau.  —  II.  Semaine  théâtrale. 
J.  Lovy.—  111.  Tablettes  dupianiste  et  du  chanteur: 
Schulhoff  et  ses  œuvres.  Marmontel.  —  IV.  Deuxiè- 
me concert  du  Conservatoire  Ed.  Viel.  —  V.  De  la 
musique  de  chambre.  F.  Halévy.  —  VI.  Petite  chro- 
nique :  La  musique  chinoise.  Paul  d'Ivoy.  —  VII. 
Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Nécrologie,  Annonces. 

IV°  M.  —  10  février  1861.  —  De  SI  à  88. 

I.  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  première  re- 
présentation de  la  Circassieune,  de  MM.  Scribe  et- 
Auber.  J.-L.  Heugel.—  II.  Théâtre-Lyrique  :  pre- 
mière représentation  de  Madame  Grégoire,  de 
MM.  Scribe  et  Clapisson.  Paul  Bernard.  —  III.  Se- 
maine théâtrale.  J.-L.  Heugel.  —  IV.  Nouvelles, 
Soirées  et  Concerts,  Annonces. 


ïli»  13. 


-17  février  1861.  —De  89  à  96. 


I.  L'opéra-comique ,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs 
et  ses  divers  théâtres  :  c  mpositeurs  de  la  Républi- 
que et  du  premier  Empire  :  Boïeldieu  (25e  article). 
L.  Meneau.  —  IL  Semaine  théâtrale.  J.-L.  Heugel. 

—  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  J. 
Schulhoff,  notice  biographique,  deuxième  concert. 
J.-L.  Heugel.  —  IV.  Troisième  concert  du  Conserva- 
toire. Ed.  Viel.  —  V.  Nécrologie.  —  VI.  Nouvelles, 
Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

IV»  13.  —  24  février  1861.  —  De  97  â  104. 

I.  L'opéra-comique,  ses  compositeurs ,  ses  chanteurs 
et  ses  divers  théâtres  :  composit s  de  la  Républi- 
que et  du  premier  Empire  :  Boïeldieu  (26e  article), 
'suite  et  fin).  L.  Meneau.  —  II.  Semaine  théâtrale  : 
Eugène  Scribe,  nécrologie.  J.  Lovv.—  III.  Tablettes 
du  pianiste  et  du  chanteur  :  A  propos  d'une  sonate 
de  Henri  Herz.  Paul  Bernard.  —  IV.  Petite  chro- 
nique :  Les  droits  d'auteur  d'autrefois.—  V.  Nou- 
velles, Soirées  et  Concerts,  Nécrologie,  Annonces. 
IV»  14. —  3  mars  1861.  — De  105  â  112.    „ 

I    L'opéra-comiquc,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs  et 

'  ses  divers  théâtres  :  compositeurs  de  la  République 

cl.  du  premier  Empire:  Adolphe  Adam  (27=  article). 

L  Meneau.  —  IL  Semaine  théâtrale.  J.-L.  Heugel. 

—  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Au- 
dition des  Uniiiimitruscs,  nouvelles  éludes  d'Henri 
Ravina  Léon  Gatayes.  —  IV.  Quatrième  concert 
du  Conservatoire  et  audition  des  œuvres  de  Léon 
Kreutzer.  Ed.  Viel.  —  V.  Les  œuvres  posthumes 
d'Eugène  Scribe  et  le  Domino  noir  â  Londres.  — 
VI.  Hommage  hongrois  àHeetor  Berlioz.—  VIL  Nou- 
velles, Soirées  et  Concerts,  Annonce-, 


IV»  15.  —10  mars  1861.  —De  113  â  120. 
I.  L'opéra-comique,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs  et 
ses  divers  théâtres  :  Adolphe  Adam  (sv.ite  et  fin,  28= 
article).  L.  Meneau,  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lo- 
vy. —  III.  Théâtre  de  l'Opéra-Comique  :  première 
représentation  du  Jardinier  galant.  A.  Dureau.  — 
IV.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

IV»  iffi.— 17  mars  1861.—  De  121  à  128. 
1.  Académie  impériale  de  Musique  :  Tannhauser  de 
Richard  Wagner  ;  impression  de  la  première  soirée. 
J.-L.  Heugel.  —  II.  Tablettes  du  pianiste  et  du 
chanteur  :  le  Laryngoscope,  ou  Miroir  de  la  voix, 
par  Manuel  Garcia.  j.-L.  Heugel.  —  111.  Troisième 
et  quatrième  théâtre  lyrique  :  premières  représen- 
tations des  Deux  Cadis  et  de  la  Servante  à  Nico- 
las. J.  Lovy.  —  IV.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts, 
Annonces. 

IV»  19 .  —  24  mars  1861 .  —  De  129  â  136. 
1.  Tannhauser.  Le  système  et  la  partition  de  M.  Ri- 
chard Wagner.  Paul  Bernard.—  IL  Théâtre  de  Fu- 
péra-Comique  :  première  représenlation  de  Maître 
Claude.  J.  Lovv.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du 
chanteur  :  Audition  de  l'Ecole  chantante  de  Félix 
Godefroid.  Léon  Gatayes.  —  IV.  Semaine  théâtrale. 
J.Lovy.  — V.  Nécrologie  :  L.  Niedermeyer.  J.  d'Or- 
tigue.  — VI.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annon- 

IV»  as.  —  31  mars  1861 .  —  De  137  à  144. 
I.  Académie  impériale  de  musique:  Concert  de  Féli- 
cien David  ;  troisième  soirée  du  Tannhauser  ;   pre- 
mière représentation  de  Graziosa.  Paul  Bernard. 

—  II.  Troisième  et  quatrième  théâtre  lyrique  :  Re- 
prise de  Gil  Blas  ;  première  représentation  du  Pont 
des  Soupirs.  J.  Lovy.  —  III.  Nouvelles,  Soirées  et 
Concerts,  Annonces. 

IV»  10.  —  7  avril  1861.  —  De  145  à  152. 

I.  L'opéra-cotnique,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs  et 
ses  divers  théâtres  :  Hérold  (29e  article).  L.  Meneau. 

—  II.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  La 
Semaine  Sainte  et  le  Stabat  Mater  de  Bossini.  J.- 
L.  Heugel. —  III.  Concerts  spirituels  du  Conserva- 
toire. E.  Viel.  —  IV.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy. — 
V.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

IV"  ÏO.  —14  avril  1861.  —  De  153  à  160. 

1.  L'opéra-comique,  sa  naissance,  ses  progrès  et  sa 
trop  grande  extension  :  Conclusion  (30e  et  dernier 
article).  L.  Meneau.  —  11.  Théâtre-Lyrique  :  pre- 
mière représentation  de  la  Statue,  opéra  en  trois 
actes  de  M.  Ernest  Beyer.  J.  Lovy.  —  III.  Semaine 
théâtrale.  J.-L.  Heugel.  —  IV.  Opéra-Comique: 
première  représentation  de  Royal-Cravate.  J.  Lovy. 

—  V.  La  Société  des  concerts  et  Hector  Berlioz.  E. 
Viel.  -*■  VI.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  An- 
nonces. 

IV»  Si.  —  21  avril  1861.  —  De  161  à  168. 
I.  Méhul  et  ses  œuvres  (ltr  article).  P. -A.  Vieillard. 

—  II.  Semaine  théâtrale.  J.-L.  Heugel  et  J.   Lovv. 

—  III.  La  Société  des  jeunes  artistes  et  M.  Pasde- 
loup.  J.  Lovy.  —  IV.  Petite  chronique  :  Un  Musée 
d'instruments  de  musique  au  Conservatoire.  —  V. 
Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

IV»  Sï.  —  28  avril  1861 .  —  De  169  à  176. 

I.  Méhul  et  ses  œuvres  (2e  article).    P.-A.  Vieillard. 

—  II.  Semaine  théâtrale.  .1.  Lovy.  —  III.  Recher- 
ches sur  les  premiers  concerts  donnés  â  Paris.  Gus- 
tave Bertrand.  —  IV.  Nouvelles,  Soirées  et  Con- 
certs, Annonces. 


ni"  23. 


mai  1861.  —  De  177  â  184. 


1.  Méhul  et  ses  œuvres  (3e  article).  P.-A.  Vieillard. 
— 11.  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  pre- 
mière représentation  de  Salvator  Bosa,  opéra  en 
trois  actes  de  M.  Duprato.  J.  Lovv.  —  111.  Dernier 
concert  du  Conservatoire.  Ed.  Viel.  —  IV.  Petite 
chronique  :  une  vente  d'autographes.  A.  Dureau.  — 
V.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 


7B*  s*.  —  12 mai  1861.  —  De  185  à  192. 

L  Théâtre-Lyrique.  Bénéfice  de  M.  Batlaille  :  première 
représentation  de  l'opéra  bouffe  de  M.  le  prince  Po- 
niatowski  :  Au  travers  du  mur:  les  troisièmes  actes 
â'Armide  et  do  la  Sonnambula.  J.-L.  Heugel. — 
II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  III.  Collection 
complète  des  chansons  de  Gustave  Nadaud.  Paul 
Bernard.  —  IV.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  An- 
nonces. 

N'îS.  —19  mai  1361.  —  De  193  à  200. 

I.  Méhul  et  ses  œuvres  (Ie  article).  P. -A.  Vieillard. 

—  II.  Semaine  théâtrale  :  l'Opéra  et  le  Théâtre-Ita- 
lien. J.-L.  Heugel.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et 
du  chanteur  :  Mme  Pauline  Viardot  et  son  Ecole 
classique  du  Chant.  J.-L.  Heugel.  —  IV.  Théâtre 
de  l'Opéra-Comique  :  première  représentation  de 
Sylvio-Sylvia.  —  Théâtre-Lyrique  :  première  re- 
présentation du  Buisson  vert.  J.  Lovy. —  V.  Nou- 
velles et  Annonces. 

N°  î« .  —  26  mat  1861 .  —  De  201  à  208 . 

I.  Méhul  et  ses  œuvres  (5e  article).  P.-À.  Vieillard. 

—  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.— III.  Tablettes 
du  pianiste  et  du  chanteur  :  Mme  Pauline  Viardot 
et  son  École  classique  du  Chant  (2e article).  J.-L. 
Heugel.  —  IV.  Petite  chronique  :  Le  diapason 
normal  anglais.  —  Les  appointements  de  l'ancien 
Opéra.  —  V.  Nouvelles  et  Annonces. 

WD  39.  —  2  juin  1861.  —  De  209  à  216. 

1.  Méhul  et  ses  œuvres  (6e  et  dernier  article).  P.-A 
Vieillard.  —  IL  Semaine  théâtrale  :  premières  re- 
présentations du  Marché  des  Innocents  et  de  la 
Beauté  du  Diable.  J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du 
pianiste  et  du  chanteur  :  Chopin  et  ses  œuvres  (1er 
article).  H.  Barbedette.  —  IV.  Nouvelles  et  An- 

IV*  sa.  _  9  juin  1861 .  —  De  217  à  224. 

I.  Méhul  et  ses  œuvres  :  bibliographie.  Dense-Baron. 

—  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  III.  Tablettes 
du  pianiste  et  du  chanteur  :  Chopin  et  ses  œuvres 
(2B  article).  IL  Barbedette.  —  IV.  Festival  rhénan. 

—  V.  Un  quatuor  d'amateurs  (1er  article).  J.  d'Or- 
tigue. —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 


Iï°  «0. 


16  juin  1S61 .  —  De  225  à  232 . 


I.  Histoire  de  la  musique  en  France,  depuis  les  temps 
les  plus  reculés  jusqu'à  nos  jours,  par  Cil.  Poisot. 
Paul  Bernard.  —  IL  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy. 

—  Hï.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  ;  Cho- 
pin et  ses  œuvres  (3e  article).  IL  Barbedette.   — 

IV.  Un  quatuor  d'amateurs  (2e  article).  J.  d'Orti- 
gue. —  V.  Petite  chronique  :  Les  derniers  moments 
de  Haydn.  —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

IV  30.  —  23  juin  1861.  —  De  233  à,  240. 

I.  Le  Théâtre  et  la  Musique  au  Salon  de  1S61  (1er  ar- 
ticle). Gustave  Bertrand.  —  IL  Théâtre  impérial  de 
l'Opéra-Comique  :  première  représentation  de  Ma- 
rianne. J.  Lovy.—  III.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy. 

—  IV.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Cho- 
pin et  ses  œuvres  (4*  article).  H.   Barbedette.  — 

V.  Nouvelles.  —  Nécrologie.  —  Publications  musi- 
cales. L.  d'Aubigny. 

M'Sl.-  30  juin  1861 .  —  De  241  à  248 . 

I.  Le  Théâtre  et  la  Musique  au  Salon  de  1861  (2«  ar- 
ticle). Gustave  Bertrand.  —  II.  Semaine  théâtrale. 
J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chan- 
teur :  Chopin  et  ses  œuvres  (5e  article}.  H.  Barbe- 
dette. —  IV.  Les  diapasons,  de  1680  à  1859.  — 
V.  Un  quatuor  d'amateurs  (3e  article,  fin).  J.  d'Or- 
tigge.  —  VI.  Nouvelles.  —  VIL  Etudes  pratiques 
de  style.  Léon  Gatayes. 

I¥°  3«.  —  7  juillet  1861.  —  De  249  à  256. 

I.  Le  théâtre  et  la  musique  au  salon  de  1861  {3*  et 
dernier  article).  Gustave  Bertrand.  —  IL  Séances 
annuelles  de  l'Orphéon.  J.  D'Ortigue.  —  III.  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chumeur  :  Chopin  et  ses 
œuvres  (6e  article).  H.  Barbedette. —  IV.  Semaine 
théâtrale.  J.  Lovy.  —  V.  Nouvelles. 

IM°  33.  —  14  juillet  1861.  —  De  257  à  264. 

I.  Le  Tanahanser  désavoué  par  l'esthétique  alleman- 
de. —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  III.  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur  :  Chopin  et  ses 
œuvres  (7u  et  dernier  article).  H.  Barbedette.  — 
IV.  La  salle  d'asile  de  Maisons-Laffitte,  concert  au 
château.  J.-L.  Heugel.  —  V.  Petite  chronique  : 
Haydn,  côté  comique  de  l'artiste.  —  VI.  Nouvelles 
et  Aononces. 


\»W.-  21  juillet  lSCt.  —  De  265  à  272. 

I.  La  nouvelle  salle  de  l'Opéra  (1er  article).  Tu.  Gras- 
set.—II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.—  III  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur  :  Encore  Frédé- 
ric Chopin.  J.  d'Ortigue. —  IV.  Concours  du  Con- 
servatoire. —  V.  Nouvelles  et  Annonces. 

IV«  35.  —  28  juillet  1861.  —De  273  à  280. 

I.  La  nouvelle  salle  de  l'Opéra  (suite  et  fin).  Th. 
Grasset.  — Il  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  III. 
Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Mozart  et 
ses  œuvres  (1er  article)  Denne-Baron.  —  IV.  Con- 
cours du  Conservatoire. —  V.  Concours  île  musique 
religieuse.  —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 


:*<>  36.  —  i  , 


ùtlS6l.  -  De  281  k 288. 


I.  Concours  du  Conservatoire  et  distribution  des  prix 
de  l'Ecole  de  musique  religieuse  de  Paris.  J.-L. 
Heugel.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  III. 
Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur:  Mozart  et 
ses  œuvres  (2e  article).  Denne-Baron.  —  IV.  Nou- 
velles et  Annonces. 

]\">33.  —  11  août  1861.  —De  289 à 296. 

I.  Distribution  des  prix  du  Conservatoire  impérial  de 
musique  et  de  déclamation  J.-L.  Heugel. —  IL  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur  :  Mozart  et  ses 
œuvres  (3e  article).  Denne-Baron.  —  III.  Semaine 
théâtrale.  J.  Lovy  —  IV.  Nouvelles  et  Annonces. 

W°3S.  —18  août  1861.  —De  297  à  304. 

L  Exposition  de  l'industrie  à  Marseille  :  les  pianos 
(ltr  article).  G.  Bénédit.—  IL  Semaine  théâtrale. 
J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chan- 
teur: Mozart  et  ses  œuvres  (4e  article).  Denne-Ba- 
ron.  —  IV.  Festival  de  Caen  :  Concours  d'orphéons 
et  de  musiques  militaires.  J.  Lovy.  —  V.  Petite 
chronique  :  Matrimoniomanie.  — VI.  Concert  de 
bienfaisance  du  16e  arrondissement.  —  VI.  Nou- 
velles et  Annonces. 

HT»  39.  —  25  août  1861.  —De  305  à 312. 

1.  Exposition  de  l'industrie  à  Marseille  :  les  orgues, 
violons  et  violoncelles  (2e  article).  G.  Bénédit.  ■ — 
IL  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du 
pianiste  et  du  chanteur  :  Mozart  et  ses  œuvres  (5e 
et  dernier  article;.  Denne-Baron.  —  IV.  Petite 
chronique  :  l'Angleterre,  pays  musical.  —  V.  Nou- 
velles et  Annonces. 

I¥°  4G.  —  !"  septembre  1861.—  De  313  à  320. 

L  Exposition  de  l'industrie  à  Marseille  :  encore  les 
violons  et  les  instruments  de  cuivre  (3e  et  dernier 
article").  G.  Bénédit.  —  IL  Semaine  théâtrale.  J. 
Lovy. —  III.  Table/tes  du  pianiste  et  du  chanteur  : 
Souvenirs  du  théâtre  (de  la  fin  du  xvme  siècle  jus- 
qu'en 1830).  M™  Scio.  P.-A.  Vieillard.—  IV.  Pe- 
tite chronique  :  Plaisanteries  musicales  de  Porpora. 

—  V.  Nouvelles  et  Annonces. 

ni.  —  8  septembre  1861.  —  De  321  à  328. 

I.  Les  Métaux  chanteurs.  —  IL  Semaine  Ihéâtrale.  J. 
Lovy.  —  III.  La  prochaine  saison  du  Théâtre-Ita- 
lien. —  IV.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  : 
Souvenir*  du  théâtre  (de  la  fln  du  xvmc  siècle  jus- 
qu'en 1830),  M",e  Scio  (2e  artirle).  P  -A.  Vieillard. 

—  V.  Concert  d'exposition  à  Nantes.  —  VI.  Peljte 
chronique  :  Le  Boulevnrt  des  Italiens. —  VII.  Nou- 
velles, Nécrologie  et  Annonces. 

W  4Z.  —  15  septembre  1861.  —  De  329  à  336. 

I.  Première  Lettre  d'un  bibliophile  musicien.  J.  d'Or- 
tigue. —  IL  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.—  III.  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur  :  Souvenirs  du 
théâtre  (de  la  fin  du  xvme  siècle  jusqu'en  1830), 
Mme  Scio  (3e  et  dernier  article).  P.-A.  Vieillard. — 
IV.  Le  quartier  du  nouvel  Opéra.  —  V.  Nouvelles, 
Nécrologie  et  Annonces. 

ï\-°  43.  —  22  septembre  1861.  —  De  337  à  344. 

L  Deuxième  Lettre  d'un  bibliophile  musicien.  J.  d'Or- 
tigue. —  IL  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur: 
De  l'Origine  du  piano.  A.  Ungeret  et  J.-L.  Heugel. 

—  III.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  IV.  Théâtre 
des  Bouffés-Parisiens:  lre  représentation  de  M .  Chou- 
fleur}]  restera  chez  lui  le...  J.  Lovy. —  V.  lr-  re- 
présentation de  la  Lionne  de  Trouvilte.  Le  mar- 
quis de  Lassay. —  VI.  Nouvelles,  Nécrologie  et  An- 
nonces. 


N°  44.  —29  septembre  1861.  —  De  345  à  352. 

I.  La  nouvelle  salle  de  l'Opéra.  E.—  II.  Semaine  théâ- 
trale. J.  Lovy. —  III.  Lu  Lionne  de  Trouville  (suite 
et  lin).  Marquis  de  Lassay.—  IV.  Tablettes  du  pia- 
niste et  du  chanteur:  Perfectionnements  apportés 
dans  le  mécanisme  du  piano  par  les  Érard.  — 
V.  Inauguration  de  l'orgue  d'accompagnement  de 
la  cathédrale  de  Bayeux.  —  VI.  Nouvelles,  Nécro- 
logie et  Annonces. 

lï°  4&.  —  6  octobre  1861.  —  De  353  à  360. 

I.  Kéouvcrture  du  Théâtre-Italien  :  //  matrimonio 
segreto.  Paul  Bernard.  —  11.  Bentiée  de  Boger  à 
l'Opéra-Comique  et  débuts  de  Ml,e  Cico  dans  les 
Mousquetaires  de  la  Reine.  J.  Lovy.  —  111.  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur;  Perfectionne- 
ments apportés  dans  le  mécanisme  des  pianos  par  les 
Erard  (2e  article).  —  IV.  Les  orgues  du  Palais-Du- 
cal de  Bruxelles.  —  V.  Petite  chronique  :  Lafont  et 
Paganini.  —  Etonnants  effets  de  quelques  instru- 
ments. —  VI.  Le  monument  de  Cherubini.  — 'VIL 
Nouvelles,  Nécrologie  et  Annonces. 

IV»  «16.  -  13  octobre  1861.  —  De  361  â  36S. 

I.  Troisième  Lettre  d'un  bibliophile  musicien.  J.  d'Or- 
tigue.—  IL  Théâtres  lyriques.  J.  Lovy.  —  111.  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur:  Notice  sur  les 
travaux  de  MM.  Erard  (3e  article).  — IV.  Nouvelles 
et  Annonces. 


n°  47. 


■  20  octobre  1861.  —  Du  36! >  à  376. 


I.  Souvenirs  de  théàlre:  Vicissitudes  d'un  librettiste 
de  l'ancien  Opéra.  P.-A.  Vieillard.  —  IL  Semaine 
théâtrale.  J.Lovy.  — 1(1.  Tablettes  du  pianiste  et 
du  chanteur:  Notice  sur  les  travaux  de  MM.  Erard 
(4e  article).  —  IV.  Nouvelles  et  Annonces. 

M°l§.  —  27  octobre  1861.  —  De  377  à  384. 

I.  Souvenirs  de  théâtre  :  Vicissitudes  d'un  librettiste 
de  l'ancien  Opéra  (suite  et  fin].  P-A.  Vieillard.  — 
II.  Semaine  lyrique:  lre  représentation  de  YAlceste 
de  Gluck  à  l'Opéra  ;  l,e  représentation  du  Neveu  de 
Gulliver  au  Théâtre-Lyrique.  J.  Lovy.—  III.  Lettres 
d'un  Bibliophile  musicien  :  Rectification.  A.  Bu- 
reau. —  IV.  Petite  chronique  :  L'Emir  Abd-el-Ka- 
der.  —  Musique  des  Bédouins.  —  V.  Nouvelles 
et  Annonces. 

IV"  49.  —  3  novembre  1861.  —  De  385  à  392. 

I.  Concerts  populaires  de  musique  classique.  Amédée 
Mèreaux. —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  III. 
Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur:  Notice  sur 
les  travaux  de  MM.  Erard  (5°  article).  —  IV.  Un 
nouvel  organiste.  Paul  Bernard.  —  V.  Petite  chro- 
nique :  Sociétés  musicales  de  la  Belgique.  Dillé- 
rentes  manières  d'écouter  la  musique.  —  VI.  Nou- 
velles et  Annonces. 


W°  50. 


•  10  novembre  1861.—  De  393  à  400. 


I.  Gluck  -.  partition  tVAlceste.  Paul  Bernard.  —  II. 
Semaine  théâtrale  :  Débutsde  M.  Faure  dans  Guil- 
laume Tell,  reprises  de  Don  Pasquale,  de  la  Sirène, 
de  Jaguaritael  du  Pont  des  soupirs.  J.   Lovy.  — 

III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur:  Notice 
sur  les  travaux  de  MM.  Erard  ;  rapport  de  S.  Thal- 
berg  (6m-  et  dernier  article).  —  IV.  l'été  patronale  de" 
Saint-Eustache;  messe  en  musique  de  M.  F.  Beuoist. 
Paul  Bernard.  —V.  Mme  Duprez-Vandenheuvel  au 
Théâtre-Boyal  d'Anvers.  —  VI.  Nouvelles  et  An- 
nonces. 

HT  sa.  —  17  novembre  1861.  —  De 401  à  408. 

I.'Quatrième  Lettre  d'un  bibliophile  musicien.  J.  d'Or- 
tigue. —  II.  Semaine  théâtrale  :  Guillaume  Tell, 
M.  Dulaurens;  reprise  de  Jaguarita.  J.  Lovy.  — 
Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur:  Deux  lettres 
de  Mendelssohn-Bartholdy.  —  IV.  Variétés  :  Une 
vente  d'Autographes.  A.  Dureau.  —  V.  Nouvelles 
et  Annonces. 

N°  SS.  —  24  novembre  1860.  —  De  409  à  416. 

I.  Premières  représentations  de  la  semaine  :  L'Etoile 
de  Messine ,  Rigoletto,  le  Café  du  Roi,  la  Fête  des 
Gondoles,  On  ne  badine  pas  avec  l'amour  et  Nos 
Intimes.  J.  Lovy.  —  IL  Tablettes  du  pianiste  et  du 
chanteur:  Deux  autres  lettres  de  Mendelssohn-Bar- 
tholdy;  Paris  et  Londres.  —  III.  Variétés:  Une 
vente  d'autographes    (suite  et  fin).  A.  Dureau.  — 

IV.  Petite  chronique  :  Lablache  à  vingt-trois  ans. — 

V.  Nouvelles  et  Annonces. 


FIN  DE   LA  TABLE  TEXTE. 


TABLE 


MUSIQUE    PUBLIÉE   DANS  LE  MÉNESTREL. 


28me  ANNEE.    1860-1861. 


Piano.  —  N°  1.  —  2  décembre  1860. 
JU-L.    Battmnnn.  Menuet   et  galop  d'Orphée  aux 
enfers. 

■     Chant.  —M» 2.  —  0  décembre  1860. 
Léopold  Aniat.  La  Sympathie,  romance. 

Piano.  —  K»  3.  —  16  décembre  1860. 
Ch.    Neustedt.     //   Mio    Tesoro,    de  Don    Juan, 
transcription . 

Chaut.  —  N°  4.  —  23  décembre  1860. 
F.  IHasini.  Le  Lever  des  étoiles. 

Piano.  —  N°  5.  —  30  décembre  1860. 
JL  Strauss.  Sémiramis,  2e  quadrille. 

Chant.  —  N»  6.  —  6  janvier  1861. 
Pauline  Tbys.  Harmonie  de  Lamartine. 

Piano.  —  N°  7.  —  13  janvier  1861. 
Jl.  Strauss.  Le  Papillon,  1er  quadrille. 

Chant.  —  N»  8.  —  20  janvier  1861. 
Pauline  Tbys.  Tes  Vingt  ans. 

Piano.  —  N»  9.  —  27  janvier  1861. 
Jl.  Oflfcnbach.  La  Valse  des  Fleurs,  du  Papillon. 

Chant.  —  N°  10.  —  3  février  1861. 
Jl.  ©flenbach.  La  belle  Eau  elaire,  de  la  Chanson 
de  Fortunio. 

Piano.  —  N»  11.  —  10  février  1861. 
Arban.  Polka  des  Métamorphoses,  sur  le  Papillon. 

Chant.  —  N»  12.  —  17  février  1861. 
Jl.  Offenbacb.  Chanson  du  Chien,  de  Barkouf. 

Piano.  —  N»  13.  —  24  février  1861. 
Jl.  Strauss.  La  Chanson  de  Fortunio,  quadrille. 

Chant.  —  N»  14.  —  3  mars  1861. 
H.  Potier.  Adieu  les  Fées. 

Piano.  —  N»  15.  —  10  mars  1S61 . 
Philippe  Stutz.  Juana,  polka-mazurka. 

Chant.  —  M"  16.  —  17  mars  1861. 
De  Saint-Rémy,  Le  Bal,  du  Mari  sans  le  savoir. 

Piano.  —  N»  17.  —  24  mars  1861. 
Th.  Lécureux.  Fleuve  du  Tage,  transcription. 

Chant.  —  N°  18.  —  31  mars  1861. 
H.  Potier.  Fuis-toi  petit. 

Piano.  —  N»  19.  —  7  avril  1861. 
Paul  Bernard.  Bella  sera,  idylle. 

Chant. ■  —  N»  20.  —  14  avril  1861. 
jl.  oflenbach.  L'Hiver. 

Piano.  -  N°  21.  —  21  avril  1861. 
Auguste  Durand.  Lu  belle  Niçoise,  polka-mazurka. 

Chant.  —  N»  22.  —  28  avril  1861. 
Ch.  Poisot.  Les  Lilas. 

Piano.  —  N°  23.  —  5  mai  1861. 
A.  Marmontel.  Musette,  Souvenirs  du  Mont-Dore, 
rondo  pastoral. 


Chant.  —Pi»  24.  —  12  mai  1861. 
Jl.  OITenhaeh.  Chanson  à  boire,  de  Barkouf. 

Piano.  —  K"  25.  —  19  mai  1861. 
A,  Croisez.   Guipures  et   dentelles,   n»   1,  polka- 
mazurka. 

Chant.  —  N°  26.  —  26  mai  1861. 
Cs5c  O.-ïf .  de  Lcrnay.  Smtr  Mêlante,  scène  mélodie. 

Piano.  —  N»  27.  —  2  juin  1861. 
A.  Croisez.  Guipures  et  dentelles,  n°  2,  valse. 

Chant.  —  N»  28.  —  9  juin  1861. 
H.  Potier.  Comité  ou  le  nouvel  ami  des  enfants. 

Piano.  —  N"  29.  —  16  juin  1861. 
Ii.  de  Pitray.  Les  Êmeraudes,  polka. 

Chant.  —  N°  30.  —  23  juin  1861. 
E.  Lombard.  La  Danse  macabre. 

I'uno.  —  IN"  31.  —  30  juin  1861. 
Chopin.  V. il-».  op.64,  n°  1, dédiée  à  M»6  lacs3ePotocka 

Chant.  —  N»  32.  —  7  juillet  1861. 
De  Saint-Rémy.  Absent,  mélodie. 

Piano.  —  N»  33.  —  14  juillet  1861. 
J(.-I*f .  Delalannc.  Romance  sans  paroles. 

Chant.  —  N°  34.  —  21  juillet  1861. 
Félix  Codcfroid.  Ma  wii'e  Annette. 

Piano.  —  N»  35.  —  28  juillet  1861. 
Louis  Diémer.  lr°  mazurka  de  salon. 

Chant.  —  N»  36.  —  4  août  1861. 
L.  de  Saint-Gcrvais.  Être  deux. 

Piano.  —  N»  37.    —  11  août  1861. 
Jl.-C.   Engel.  Mosaïque-polka  sur   les  opérettes  de 
J.  Olienbach. 

Chant.  -  N"  38.  —  18  août  1861. 
G.  Nadnud.  Le  bonhomme  Séraphin. 

Piano.  —  N°  39.-25  août  1861. 
jiosrph  Brnga.  Carillon,  polka-mazurka. 

Chant  .  —  N°  40 .  —  1er  septembre  1861. 
G.  Pk'adaud.  Un  Regard. 

Piano.  —  N»  41 .  —  8  septembre  1861. 
A.  Godard.  Cosmopolite,  polka. 

Chant  .  —  N°  42.  — 15  septembre  1861. 

A.  Guillot  de  Sainbris.  Hiver  et  Printemps. 

Piano.  —  N°43.  —  22  septembre  1861. 

Ch.  Neustedt.  Alceste,  de  Gluck,  transcription. 

Chant.  —  N°  44.  —  29  septembre  1861. 

Robert  Mozcl.  Le  Chant  du  Marin. 

Piano.  —  K°  45.  —  6  octobre  1861. 
Hasard.  La  Chanson  de  Fortunio,  polka-mazurka. 

Chant.  —  N°  46.  —  13  octobre  1861. 
Dorval-Yalentino.  Charmants  tyrans  du  cœur . 

Piano.  —  N°  47.  —  20  octobre  1801. 
L.  Dcssanc.  Polka  des  Colombes. 


Chant.  —  N°  48.  —  27  octobre  1861 . 
Dorval-Yalentino.  La  Prise  de  voile. 

Piano.  —  N°  49.  -  3  novembre  1861. 
Jl.  Roscnhnin.  La  Calabraise. 

Chant.  —  N°  50.  —  10  novembre  1861. 
G.  Nadaud.  Simple  projet. 

Piano.  —  N°  51.  —  17  novembre  1861. 
Ed.  Viénot.  La  Fée  du  bal,  polka-mazurka. 

Chant.  —  n»  52.  —  24  novembre  1861. 
VSSR  de  Grandval.  Jeanne  d'Arc  (scène). 


ALBUMS-PRIMES 

(  1860-1861. ) 


ABONNEMENT  COMPLET. 

Partition  illustrée  de  SÉMIRAMIS  de 
Rossini,  avec  les  I)ll.\  PORTRAITS  de  G. 
ROSSIIVI  (Naplcs  1SÎO  et  Paris  ISO»)  et 
les  DESSIIYS  REPRESENTANT  LES  SCÈNES 
PRINCIPALES  DE  L'OUVRAGE:. 

CHANT  SEUL. 

Partition  complète  des  SAISONS  de  J. Haydn, 
chant,  piano  et  traduction  française  de 
G.  Roger,  oratorio  en  quatre  parties,  seule 
édition  conforme  à  l'exécution  des  concerts 
du  Conservatoire,  et  ornée  du  portrait  de 
HAYDN. 

PIANO  SEUL. 

Recueil  de  transcriptions  et  réductions  des 
célèbres  œuvres  concertantes,  symphoniqiics 
et  pour  piano  seul,  de  Haydn,  Mozart  et  Beetho- 
ven, par  Jules  Weiss,  contenant  : 

HAYDN  :  J.  Final  du  trio  en  fa.  —  S .  Menuet 
du  même  trio.  -  3.  Final  du  trio  en  la.  — 
J.  Allegro  de  la  symphonie  en  mi  bémol. 

BEETHOVEN  :  .%.  Adagio  et  allegro  de  la 
symphonie  en  ut.  —  G.  Final  du  quatuor  en 
fa.  —  3.  Menuet  et  Scherzo  du  septuor.  — 
S.  Allegro  du  trio  en  mi  bémol. 

MOZART  :  9.  Menuets  extraits  de  ses  sym- 
phonies. —  1«.  Final  de  la  symphonie  en 
ré.  —  11.  Final  du  quatuor  en  sol  mineur. 
—  f  î.  Presto  de  la  sonate  en  s;  bémol. 


1861  —  Typ.  Charles  de  Mourgues  MM»,  rue  J.-J.  Rousseau,  8.  —  7060 


151.  —  28e  Année. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  2  Décembre 

18  GO. 


liiSa 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES   LOVY, 

Rédacfen  chef- 


LES  DUHEAUX ,  S  fois,  rue  Vïvïenne.  —  HEUGEL  et  C*,  éditeurs. 


CHANT. 

•r  Mode  d'abonnement  ;  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  3G  Morceaux  : 
Scènes,  Mélodies,  Homances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  ï  Albums* 
primofl  illustré*.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


&US@ESM3E2ilj!ire  S  I'Iano. 

I      2o  Mode  d'abonnement  .  Jo-irnnl-Tcxte,  tous  les  dimanches;  *0  Mo 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Album*- 
[  [ii-imus  illustres.  —  Uu  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


CHANT  ET  IMANO    IlËl'IVl»  t 

3°  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  58  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  *  Albuni8-prime«  illustré*. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Etranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l°r  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franc* 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  HEIFRPJ.  et  C»,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


!  Jean-Jacques  Kousseau,  8,  —  7100. 


SOIVIITIAIKE. 


TEXTE. 


I.  L'opéra-comique ,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  De  la  Barde,  Martini, 
Picrini  (  15e  article).  L.  Meneau.  —  II.  Acte  de  baptême  de  Della  Maria. 
—  III.  Académie  impériale  de  Musique  :  le  Papillon,  ballet  en  deux  actes,  pre- 
mière représentation.  J.  Lovy.  —  IV.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  : 
De  l'accentuation  .considérée  dans  ses  rapports  avec  la  sonorité,  le  rhythme  et 
la  mesure  (1er article).  Marmontel.  —  V.  Études  sur  la  chanson  populaire  en 
France  :  Chansons  historiques  et  descriptives  (10e  et  dernier  chapitre).  j.-B.  W'É- 
kerhk.  —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour, 
(1er  dimanche  de  la  28e  année  d'existence  du  Ménestrel)  ,  le  menuet  et 
galop  de 

ORPHEE  AUX  ENFERS 
De  J.  Offenbach,  transcrits  par  J.-L.  Battmann.  —  Suivra  immédiate- 
ment après  :  /(  mio  tesoro  ,  transcription  de  Don  Juan  ,   par  Ch. 
Neustedt. 

CHANT  ; 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

LA  SYMPATHIE 

Paroles  du  chevalier  d'Abluo,  musique  de  Léopold  Amat.  —  Suivra 
immédiatement  après  :  le  Lever  des  Étoiles,  paroles  deM.  Emile  Bellier, 
musique  de  F.  Masini. 

s,  pour  les  Frimes  du  Ménestrel, 


I/OrËRA- COMIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES  PROGRES,  SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


FIN  DE  LA  PREMIERE  PARTIE. 

XVIII"  SIÈCLE. 

Chapitre   IV. 

Della  maria  (1),  Dezdde,  Chanipein,  De  la  Barde,  Mnrtini  et  Pïccïni. 

XV. 

DE   LA   BARDE  ,    MARTINI. 

Je  ne  citerai  qu'en  passant  Jean  Benjamin  de  la  Barde,  pre- 
mier valet  de  chambre  de  Louis  XV.  Il  naquit  à  Paris  le  5  sep- 
tembre 1734  et  périt  sur  l'échafaud  révolutionnaire  le  22  juillet 


(I)  Voir  ci-après  l'eitrait  de  baptême  de  ee  compositeur. 


1794.  Il  apprit  le  violon,  de  Dauvergne,  et  le  contrepoint,  de  Ra- 
meau. On  ne  pouvait  avoir  un  maître  plus  illustre  et  plus  ca- 
pable. 

Il  écrivit  quelques  opéras-comiques  dont  on  ne  connaît  que 
le  nom.  Je  citerai  Alix  et  Alexis  (le  6  juillet  1768) ,  Annelle  et 
Lubin  (la  même  année)  ;  les  Trois  rivales  (1763)  ;  Imène  et 
Iménias  ou  la  Fête  de  Jupiter  (1770).  Le  31  octobre  1772  on 
joua  par  ordre  de  la  reine ,  le  Billet  de  Mariage  de  Défontaines 
qui  n'eut  aucun  succès. 

Martini  (Jean-Paul-Égide)  qu'il  ne  faut  point  confondre  avec 
le  savant  théoricien  de  Bologne,  était  né  à  Freysladt  le  1er  sep- 
tembre 1741 .  Son  nom  véritable  était  Schwarlzendorf.  Ayant  eu 
des  désagréments  avec  sa  famille,  il  résolut  de  s'expatrier  et  se 
confiant  à  la  direction  du  vent  pour  le  choix  de  la  route  qu'il 
devait  prendre,  il  arriva  env  France  et  y  changea  son  nom  bar- 
bare contre  celui  de  Martini. 

Ses  meilleurs  ouvrages  furent  son  premier  opéra  V Amoureux 
de  quinze  ans,  représenté  le  18  avril  1771  à  la  Comédie  italienne, 
Henri  IV  ou  la  Bataille  d'Ivry,  trois  actes,  au  même  théâtre 
(1774),  dont  l'ouverture  eut  beaucoup  de  succès,  et  le  Droit  du 
Seigneur,  paroles  de  Défontaines,  joué  pour  la  première  fois  le 
17  septembre  1787.  Martini  jouit  plusieurs  années  de  la  faveur 
publique.  Son  style  était  mélodieux.  La  célèbre  romance  : 
Plaisir  d'amour...,  peut  en  donner  une  idée. 

PICCINI. 

Si  Gluce  ne  réussit  pas  dans  l'opéra-comique,  bien  qu'il  ait 
donné  à  Vienne  deux  ouvrages  de  ce  genre  :  les  Pèlerins  de  la 
Mecque  et  le  Chasseur  en  défaut,  il  n'en  fut  pas  de  même  de 
Piccini.  Ce  grand  homme  (né  à  Bari  en  1728,  mort  a  Paris  le 
7  mai  1800),  écrivit  des  opéras-comiques  estimables.  Il  n'y  a 
qu'un  pas  en  effet  de  l'opéra  bouffe  italien,  dans  lequel  il  avait 
pleinement  réussi,  à  l'opéra  français.  Je  n'entreprendrai  point 
ici  une  biographie  de  ce  grand  artiste  qui  ne  se  rattache  que 


LE  MÉNESTREL. 


par  un  fil  bien  mince  au  genre  dont  je  fais  l'histoire.  La- 
borde  le  fit  venir  en  France  où  la  reine  lui  commanda  d'écrire  la 
musique  d'un  sujet  d'opéra-comique  :  Phaon,  destiné  a  la  Comé- 
die italienne,  mais  qui  n'y  fut  jamais  représenté  ;  il  fut  jouéseu- 
lement'à  Choisy  devant  la  Cour. 

Le  Fat  méprisé  (1779)  eut  peu  de  succès,  mais  le  Dormeur 
éveillé,  quatre  actes  de  Marmontel,  réussite  la  ville  comme  à  la 
Cour.  On  l'avait  donné  à  Fontainebleau  le  14  novembre  1783; 
ce  fut  le  28  juin  1784  que  les  Parisiens  l'entendirent.  On  te-? 
procha  un  peu  de  monotonie  à  la  partition,  mais  le  libretto  parut 
très-intéressant.  Le  Faux  Lord,  deux  actes,  eut  un  plein  succès, 
les  paroles  étaient  du  fils  aîné  du  compositeur  Alexandre  Pic- 
cini ;  celte  pièce  réussit.  Sa  première  représentation  eut  lieu  le 
6  décembre  1783. 

Il  n'en  fut  pas  de  même  de  Lucette  (1784),  dont  les  paroles 
étaient  aussi  d'Alexandre  Piccini.  Cette  pièce  tomba  ainsi  que  le 
Mensonge  officieux  (1787). 

Durosoy  arrangea  plus  tard  sur  la  musique  de  Piccini  les 
Fourberies  de  Marine  en  trois  actes,  mais  ce  pastiche  n'eut  pas 
de  succès. 

Son  fils  Louis,  écrivit  quelques  petites  partitions  d'opéra  co- 
mique qui  ne  jouissent  pas  d'une  grande  renommée. 

Si  le  grand  opéra  en  France  a  tiré  de  l'Allemagne  et  de  l'Italie 
ses  premières  et  principales  illustrations  (Rameau  excepté) ,  nous 
constaterons  que  l'opéra-comique  ne  dut  presque  toujours  ses 
grands  succès  qu'à  des  musiciens  français.  Nous  venons  de  voir 
briller  dans  cette  première  partie  de  l'histoire  de  l'opéra-comi- 
que les  compositeurs  français  :  Monsigny,  Philidor,  Dalayrac, 
j'allais  presque  dire  Grétry,  —  car  s'il  naquit  dans  un  pays  qui 
politiquement  n'appartient  pas  à  la  France,  ce  pays  lui  est  inti- 
mement lié  par  les  mœurs  [et  le  langage;  —  nous  allons  main- 
tenant assister  aux  triomphes  des  Nicolo,  des  Méhul,  des  Le- 
sueur,  des  Boïeldieu,  des  Hérold,  tous  nés  français. 

LÉON   MÉNEAD. 


Paris,  le  21  novembre  1860. 
Cher  monsieur  Heugel, 

Je  lis  dans  le  Ménestrel  du  18  du  courant,  à  l'article  que  M.  Meneau  a 
consacré^  Délia  Maria  :  «  On  n'est  pas  d'accord  sur  l'époque  de  la  naissance 
a  de  ce  maître.  Les  uns  le  font  naître  à  Marseille  en  1764,  de  parents  ita- 
o  lieDS,  d'autres  en  1768.  Duval,  son  ami  intime,  le  fait  mourir  à  27  ans 
a  en  1800,  ce  qui  porterait  la  date  de  sa  naissance  en  1773.  » 

Moi-même,  en  rédigeant  l'article  Délia  Maria,  pour  la  Nouvelle  biogra- 
phie générale  que  publient  MM.  Firmin  Didot  (t.  XIII,  1855),  j'avais  adopté 
la  date  de  1768  comme  me  paraissant  la  plus  probable.  Je  ne  connaissais 
pas  alors  le  document  suivant  qui  lève  tous  les  doutes.  C'est  l'acte  de 
baptême  de  ce  musicien,  extrait  des  registres  de  la  paroisse  des  Accoules, 
à  Marseille,  où  il  a  été  baptisé.  Le  voici  textuellement  : 

«  Du  quatorze  juin  mil  sept  cent  soixante-neuf,  Pierre-Antoine-Domi- 
«  nique  Delamaria,  fils  légitime  de  Dominique  Delamaria,  marchand  de 
«  musique  cy  présent,  et  de  Marguerite  Bertrand,  mariés,  né  aujourd'huy 
a  sur  notre  paroisse,  a  été  baptisé;  son  parrain  Pierre  Lippy,  fabricant  de 
«  musique  (d'instruments  de  musique,  sans  doute),  et  sa  marraine,  Fran- 
«  çoise-Germine  Bertrand,  son  aïeule,  qui  a  dit  ne  savoir  écrire,  de  ce 
«  enquis  par  nous  soussignés. 

«  Signé  :  Pietro  Lippy  et  Dominique  Delamaria. 
«  Ravanal,  vicaire.  » 

C'est  à  M.  G.  Bénédit,  de  Marseille,  auteur  du  Plutarque  provençal,  où 


il  a  inséré  une  biographie  complète  de  Délia  Maria,  que  l'on  doit  ce  docu- 
ment. Siium  cuique. 

En  attendant  que  je  puisse  rectifier  la  date  dont  il  s'agit,  dans  la  seconde 
édition  de  la  Nouvelle  biographie  générale,  mon  honorable  confrère  M.  Me- 
neau, dont  je  lis  les  articles  avec  beaucoup  d'intérêt,  sera  peut-être 
bien  aise  d'être,  comme  moi,  renseigné  sur  la  question,  et  je  me  fais  un 
véritable  plaisir  de  lui  transmettre  ce  document  par  votre  intermédiaire. 

Agréez,  monsieur,  la  nouvelle  expression  de  mes  sentiments  les  plus 
distingués  et  les  plus  dévoués. 

D.  Denne-Baron. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L  OPÉRA. 


Le  Papillon,  ballet-pantomime  en  deux  actes  et  quatre  tableaux,  de 
Mllc  Marie  Taglioni  et  M.  de  Saint-Georges  ;  musique  de  M.  Jacques 
Offenhach  ;  décors  de  MM.  Cambon  ,  Thierry  ,  Desplechin  ,  Nolau, 
Ruré  et  Martin. 

Si  j'en  crois  les  entomologistes,  les  annales  des  lépidoptères 
n'offrirent  jamais  une  série  de  tribulations  semblables  à  celles 
de  ce  pauvre  papillon  dont  Mme  Taglioni  et  M.  de  Saint-Georges 
viennent  de  nous  raconter  l'histoire.  Il  est  vrai  que  ce  papillon 
est  une  jeune  fille...,  et  que  l'action  se  passe  en  Circassie. 
Encore  ne  sait-on  pas  au  juste  si  la  chose  est  arrivée. 

Farfalla  est  une  gracieuse  enfant  attachée  au  service  de  la  mé- 
chante fée  Hamza,  et  dont  s'éprend  le  jeune  prince  Djalma, 
neveu  de  l'émir  Ismaïl  Bey.  La  fée  Hamza  devient  la  rivale  de 
Farfalla  et  se  sert  contre  elle  du  pouvoir  surnaturel  dont  elle 
dispose  ;  d'un  coup  de  sa  baguette  elle  la  métamorphose  en  pa- 
pillon. Sous  cette  forme  la  jeune  fille  est  capturée  par  le  prince 
qui,  comme  un  vulgaire  naturaliste,  pique  son  prisonnier  sur 
i'écorce  d'un  chêne.  Alors  par  un  jeu  d'optique,  dont  l'effet  est 
charmant,  on  voit  le  papillon  se  transfigurer,  se  détacher  de 
l'arbre  et  voltiger  à  travers  la  forêt  au  milieu  d'un  essaim  de 
frères  ailés.  Djalma,  qui  a  reconnu  la  jeune  fille  dont  il  est  épris, 
court  à  sa  poursuite  ;  mais  voici  la  fée  Hamza  qui,  armée  de  son 
talisman,  enlace  le  papillon  dans  un  filet  perfide.  Heureusement 
un  bûcheron  dérobe  à  la  vieille  sa  baguette  magique  :  Farfalla 
est  délivrée,  tandis  qu'Hamza  reste  prise  elle-même  dans  le  filet. 

La  fée  captive  est  amenée  devant  l'émir  Ismaïl,  avec  qui  elle 
a  un  terrible  compte  à  régler.  C'est  elle  qui  lui  enleva  jadis  sa 
fille  bien  aimée,  et  cette  fille. c'est  Farfalla.  Hamza  est  effrayée 
des  menaces  de  l'émir,  et  comme  elle  a  retrouvé  son  talisman, 
elle  promet  de  lui  rendre  sa  fille.  En  effet,  voici  Farfalla  pré- 
cédée d'un  brillant  cortège  et  trônant  sur  un  palanquin.  Ismaïl 
est  dans  le  ravissement  ;  il  présente  sa  fille  au  prince  Djalma, 
car  c'est  à  lui  qu'elle  est  destinée  en  mariage.  Le  prince  débute 
par  un  refus  ;  mais  bientôt,  reconnaissant  Farfalla,  il  tombe  aux 
pieds  de  sa  cousine.  Au  moment  où  il  veut  effleurer  de  ses 
lèvres  la  joue  de  sa  jeune  fiancée,  la  vieille  Hamza  s'avance  pres- 
tement et  intercepte  le  baiser  à  son  profit.  Soudain  rides  et  che- 
veux blancs  disparaissent  ;  la  fée  devient  jeune,  belle,  éblouis- 
sante de  parure  et  de  charmes.  Farfalla  reprend  sa  forme  de  lé- 
pidoptère, s'envole  au  loin,  tandis  que  le  prince  tombe  anéanti, 
fasciné  par  le  regard  magnétique  d'Hamza  ;  et  celle-ci,  frappant 
la  terre  de  sa  baguette,  se  transporte  avec  lui  dans  ses  jardins 
enchantés. 

Djalma  s'éveille  et  croit  être  le  jouet  d'un  rêve  ;  pendant  qu'il 
promène  çà  et  ià  ses  regards  étonnés,  un  bruissement  d'ailes 
attire  son  attention  :  c'est  Farfalla  qui  arrive  à  lui,  voletant  sur 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


lès  buissons  de  fleurs.  Djalma  la  retient  et  la  blottit  dans  une 
touffe  de  roses. 

Hamza  reparaît  ;  une  cour  brillante  l'entoure,  et  un  bel  en- 
fant s'avance,  tenant  à  la  main  une  torche  enflammée,  la  torche 
de  l'hymen.  La  clarté  attire  le  papillon  ,  qui  tourne  vivement 
autour  de  la  lumière,  et  finit  par  s'y  brûler  les  ailes. 

Dès  lors  le  charme  est  rompu.  La  baguette  magique  de  la  fée 
se  brise  dans  sa  main,  et  Farfalla  devient  la  belle  jeune  fille,  à 
la  grande  joie  du  prince,  de  son  oncle...  et  de  toute  la  Circassie. 

Mlle  Emma  Livry,  la  gracieuse  héritière  de  Marie  Taglioni, 
et  l'héroïne  de  cette  fiction,  a  vaillamment  répondu  aux  espé- 
rances du  public.  Tous  les  devoirs  qui  incombent  à  une  femme 
métamorphosée  en  papillon,  c'est-à-dire  tous  les  prodiges  de  la 
plus  délicate  gymnastique,  elle  les  accomplit  minutieusement  : 
elle  vollige  sur  les  eaux  des  cascades,  se  pose  sur  les  fleurs  sans 
courber  les  tiges,  effleure  de  ses  ailes  diaphanes  les  odorantes 
plate-bandes,  elle  charme  à  la  fois  les  plus  sévères  entomologistes 
et  les  plus  habiles  experts  en  chorégraphie.  Il  est  vrai  qu'elle 
accomplit  en  même  temps  des  bonds  aériens  qu'aucun  lépidoptère 
n'oserait  jamais  rêver.  Aussi  les  applaudissements  ont-ils  été 
chaleureux  et  unanimes. 

Avec  Mlle  Livry ,  il  faut  nommer  MUe  Louise  Marquet , 
chargée  du  rôle  de  la  fée  Hamza.  Mlle  Marquet  vieille  et  ca- 
duque !  C'est  à  la  fois  une  abnégation  et  un  non-sens  ;  mais 
aussi  comme  elle  prend  sa  revanche  au  deuxième  acte,  lorsque 
rides  et  cheveux  blancs  disparaissent,  qu'elle  redevient  jeune , 
belle  et  rayonnante  ! 

La  musique  de  M.  Jacques  Offenbach  remplit  toutes  les  con- 
ditions de  mélodie  et  de  rhythme  exigées  en  matière  chorégra- 
phique. Sa  valse  des  rayons  surtout  est  un  morceau  des  plus 
réussis  ;  d'emblée  cette  valse  a  captivé  tous  les  suffrages.  C'est 
neuf,  cela  ne  ressemble  à  rien,  et  cependant  tout  le  monde  en 
fredonnait  le  motif  au  sortir  de  la  salle.  L'air  des  Bohémiens, 
la  Léginska,  la  marche  des  guerrières  et  la  polka  finale  sont 
d'une  populaire  contexture.  Il  faut  citer  aussi  les  motifs  du  pas 
de  trois,  notamment  la  Polonaise  dansée  par  M1Ie  Fiocre. 

Après  la  chute  du  rideau,  Mlle  Livry,  rappelée  à  grands  cris, 
a  ramené  par  la  main  MUe  Marie  Taglioni,  la  marraine  de  ce 
triomphe,  l'ingénieuse  chorégraphe  ,  l'éminente  sylphide  qui 
délecta  nos  pères. 

L'Empereur  assistait  à  cette  belle  soirée,  à  laquelle  les  graves 
préoccupations  du  moment  ajoutaient  un  appoint  de  solennité. 

J.  Lovy. 

P.  S.  Nous  devions  rendre  compte  cette  semaine  de  l'opéra 
de  M.  J.  Offenbach,  en  même  temps  que  de  son  ballet,  mais 
une  indisposition  de  Mlle  Saint-Urbain  fait  ajourner  la  première 
représentation  de  Barkouf.  Le  public ,  comme  nous,  regrettera 
d'autant  plus  cet  ajournement,  qu'il  pourra  se  prolonger  d'une 
quinzaine,  dit-on. 


Mais  ce  que  le  public  déplorera  avec  toute  la  presse  artis- 
tique et  littéraire,  c'est  le  douloureux  événement  qui  vient  de 
frapper  le  Vaudeville,  en  la  personne  universellement  regrettée 
de  son  honorable  directeur,  M.  Louis  Lurine,  enlevé  au  théâtre, 
aux  lettres  et  a  ses  amis,  dans  toute  la  force  de  l'âge. 

Ses  obsèques  auront  lieu  aujourd'hui  dimanche,  à  midi,  en 
l'église  Notre-Dame-de-Lorette. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


DE  L'ACCENTUATION 

Considérée  dans  ses  rapports  avec 

LA  SONORITÉ,    LA    MESURE    ET   LE   lUIYTIITII. 

I. 

V accentuation,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  Vexpression, 
appartient  au  domaine  de  l'enseignement.  On  apprend  à  lire  aux 
enfants  avec  l'inflexion  vocale,  qui  convient  aux  mots,  aui 
phrases,  et  même  à  la  situation.  Ces  nuances  de  diction  sont,  à 
notre  avis,  l'accentuation  élémentaire  du  langage  parlé.  Ceci  est 
tout  à  fait,  nous  le  répétons,  du  domaine  de  l'enseignement. 
Mais,  en  musique  surtout,  on  n'apprend  pas  à  dire  avec  expres- 
sion; ce  germe  précieux  est  en  nous,  et  c'est  presque  instinctive- 
ment que  nous  traduisons  notre  sentiment,  nos  impressions.  Le 
talent  du  maître  consiste  alors  à  guider,  à  contenir,  ou  à  dévelop- 
per ce  tact  inné,  ce  don  naturel. 

Si  les  élèves  exagèrent  parfois  l'expression,  plus  souvent  en- 
core, l'appréhension  de  paraître  maniérés,  affectés,  ridicules 
même,  leur  fait  craindre  ou  négliger  d'exprimer  tout  naturelle- 
ment ce  qu'ils  ressentent. 

C'est  avec  un  soin  tout  délicat  qu'il  faut  faire  éclore,  conserver, 
cultiver  ce  sentiment  vrai,  juste,  chaste,  contenu,  qui  donne 
tant  de  charme  au  talent  et  ce  cachet  de  distinction,  de  sensibi- 
lité qui  est  déjà  la  poésie  dans  l'interprétation. 

L'expression  indiquée  ou  imposée  par  le  professeur,  alors 
qu'elle  ne  correspond  pas  exactement  à  notre  propre  sentiment, 
offre  dans  l'imitation  quelque  chose  de  faux  et  de  guindé  qui  ne 
trompe  jamais  un  auditeur  de  goût. 

Aussi,  le  professeur  doit-il  bien  se  garder  de  substituer  son  pro- 
pre sentiment  à  celui  d'un  élève  intelligent  et  bien  organisé  ;  car 
c'est  une  faute  des  plus  graves  que  détruire  l'individualité,  même 
chez  un  élève  peu  avancé. 

D'après  ce  qui  précède,  l'expression ,  cette  partie  poétique, 
éthérée,  de  l'exécution  échappant  à  l'analyse  de  l'enseignement, 
posons  en  principe,  que  quatre  sources  différentes  et  très-distinc- 
tes servent  de  points  de  départ  aux  variétés  sans  nombre  de  l'ac- 
centuation musicale  :  l'articulation,  la  sonorité,  la  mesure,  le 
rhythme. 

Dans  un  précédent  chapitre,  nous  avons  indiqué  les  principaux 
effets  de  l'articulation.  Nous  avons  donc  aujourd'hui  à  nous  oc- 
cuper plus  particulièrement  des  nuances  de  sonorité,  de  mesure 
et  de  rhythme. 

La  musique  étant  par  sa  nature  la  langue  des  sons  et  celle  du 
sentiment  par  excellence,  il  est  tout  naturel  que  l'accentuation 
soit  un  de  ses  éléments  constitutifs. 

Nulle  autre  langue  parlée,  quelque  mélodieuse  qu'elle  soit, 
n'offre  cette  richesse  infinie  de  nuances,  cette  variété  d'expres- 
sion qui  permet  au  discours  musical  de  parcourir  toute  la 
gamme  du  sentiment,  soit  au  moyen  des  accents,  de  la  modula- 
tion des  sons,  ou  des  nuances  expressives. 

La  modulation  du  son  musical,  qui  s'élève  ou  s'abaisse  dans 
l'échelle,  ou  se  plie  aux  effets  si  variés  des  timbres,  de  l'intensité, 
de  l'articulation,  du  sentiment  intime  de  l'artiste ,  doit  toujours, 
autant  que  possible ,  avoir  pour  but  d'exprimer  une  pensée ,  un 
sentiment ,  une  sensation.  Il  va  sans  dire  que  nous  exceptons  de 
cette  admirable  propriété  les  exercices  purement  mécaniques ,  ou 


LE  MENESTREL. 


pratiqués  au  point  de  vue  de  la  sonorité  sans  aucune  intention 
mélodique. 

La  gamme  des  tons  que  la  voix  humaine  parcourt  dans  le  dis- 
cours est  infiniment  plus  restreinte  que  l'échelle  des  sons  musi- 
caux. Cette  étendue  et  les  éléments  naturels  si  variés  que  nous 
n'avons  fait  qu'indiquer,  font  de  la  musique  une  langue  mer- 
veilleuse et  divine. 

Nous  avons  esquissé  dans  le  chapitre  précédent  les  principaux 
effets  que  l'on  peut  tirer  de  Y  articulation,  essayons  aujourd'hui 
d'analyser  l'accent  au  point  de  vue  de  la  sonorité. 

Dans  le  discours  musical,  c'est  le  son, —  ou  du  moins  les  sons 
entre  eux,  — qui  remplace  la  pensée.  C'est  donc  le  premier  élé- 
ment constitutif  qui  s'offre  au  musicien  pour  s'exprimer  ;  c'est 
par  le  son  modulé  et  bien  dirigé  que  le  compositeur  traduit  les 
sensations,  les  sentiments,  dans  cette  langue  inspirée  qui  est 
l'âme,  l'esprit,  le  cœur  de  l'artiste. 

Il  est  tout  naturel  d'admettre  que  la  musique,  étant  de  tous  les 
arts  celui  où  l'organisation,  où  la  sensibilité  native  sont,  le  plus 
surexcitées,  c'est  aussi  par  la  musique  que  l'individualité  de  l'ar- 
tiste s'épanche  avec  le  plus  d'abandon  ;  n'est-ce  pas  la  manifes- 
tation spontanée  la  plus  vraie  de  la  vie  intérieure  ? 

La  parole  devient  musicale  et  prend  des  nuances  particulières 
d'inflexion,  d'articulation,  suivant  les  sentiments  à  exprimer;  ce 
seul  emprunt  a  la  musique  prouve  déjà  toute  sa  puissance. 

Mais  l'accent  qui  est  l'âme  du  discours,  qui  lui  donne  la  cou- 
leur et  la  vie,  n'est-il  pas  aussi  un  emprunt  à  l'art  musical?  Le 
cœur  se  réfléchit  dans  la  voix,  c'est  lui  qui  en  règle  le  ton ,  les 
inflexions. 

Cette  charmante  pensée  de  madame  de  Staël  nous  semble  bien 
plus  juste  encore  quand  il  est  question  d'art  musical. 

Les  modulations  du  son,  de'  l'aigu  au  grave,  du  fort  au  faible, 
ou  du  piano  au  fort,  sont  indiqués  par  des  signes  connus  de  tous, 
et  traduisent  d'une  manière  plus  ou  moins  exacte  l'intention 
précise  de  l'auteur,  le  mode  d'exécution  qu'il  avait  en  vue  pour 
tels  ou  tels  passages. 

Posons  d'abord  en  principe,  puisque  nous  avons  à  nous  occu- 
per des  accents  qui  modifient  le  son,  et  des  signes  qui  les  repré- 
sentent, que  dans  la  notation  musicale  le  signe  qui  exprime  l'in- 
flexion de  sonorité  reste  le  même  dans  les  passages  de  douceur  ou 
de  force,  de  demi-sonorité  ou  de  puissance  extrême.  C'est  un 
tort,  ce  nous  semble,  mais  c'est  un  fait  consacré  par  l'usage  et 
passé  dans  nos  habitudes. 

Dans  notre  enseignement,  comme  dans  celui  de  nos  collègues 
qui  se  préoccupent  plus  de  l'esprit  et  du  caractère  que  de  la 
lettre  sèche ,  la  traduction  des  signes  prend  des  teintes  différentes 
de;'sonorité,  suivant  l'expression,  le  sentiment  et  le  degré  de 
force  de  la  phrase  musicale. 

DES   ACCENTS   DE   SONOUITÉ. 

Les  accents  de  force  se  placent  presque  toujours  sur  les  temps 
forts,  mais  ils  peuvent  aussi  être  employés  avec  bonheur  sur  la 
partie  faible  des  temps.  Cela  dépend  de  l'effet  à  produire,  de 
l'esprit  d'originalité  du  compositeur,  de  la  structure  de  la  phra- 
se, du  caractère  et  de  la  nature  de  l'idée. 

Nous  recommandons  aux  élèves  de  ne  point  oublier  que  les 
accents  varient  d'intensité,  quoique  les  signes  indicateurs  restent 
les  mêmes,  suivant  le  sentiment,  l'esprit,  le  mouvement  des  mor- 
ceaux. 

Un  nf.  ou  sf.  ou  ff>.  ou  A  >  dans  une  phrase  douce,  expressive, 


aura  certes  une  tout  autre  inflexion  que  placée  dans  un  passage 
énergique.  11  en  est  de  même  de  tous  les  signes  modificateurs  du 
son  ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  un  effet  déterminé,  un  contraste  indi- 
qué d'une  manière  précise  ,  soit  par  la  modulation  soit  par  le 
changement  d'allure  de  la  mélodie. 

Les  accents  doivent  donc  toujours  être  proportionnés  et  en 
harmonie  parfaite  avec  la  couleur  expressive,  le  sentiment  et  le 
caractère  prédominant  de  la  phrase  qu'ils  accidentent. 

Nous  n'avons  pas  à  indiquer  ici  la  nomenclature  des  signes 
employés,  toutes  les  méthodes  élémentaires  les  faisant  connaître; 
pourtant,  nous  dirons  qu'en  général,  les  nuances  tranchées  de 
sonorité  pp.  mf.  ff.  fff.  s'emploient  pour  des  phrases  ou  lon- 
gues périodes  musicales,  les  accents  rf.  sfz.  fp.  A  >  pour  des 
notes  isolées,  et  cela  sans  altérer  d'une  manière  sensible  la  cou- 
leur d'ensemble  de  la  phrase,  en  vue  de  faire  valoir  un  contour, 
de  donner  plus  de  saillie  à  uue  note,  à  un  mot  musical. 

Si  nous  cherchons  un  terme  de  comparaison  entre  les  nuances 
de  sonorité  de  la  musique  et  certains  effets  de  lumière  et  d'ombre 
de  la  peinture,  nous  dirons  qu'abstraction  faite  du  sentiment  et 
de  l'expression,  le  ff.  correspond  à  un  ton  lumineux,  le  mezzo- 
forte  (mf.)  à  une  demi-teinte,  et  le  pp.  a  Yombrc. 

Il  est  souvent  dans  les  habitudes  de  langage  du  professeur,  de 
dire  à  un  élève  :  mettez  ce  passage  plus  en  lumière,  pour  indi- 
quer une  sonorité  plus  éclatante,  une  articulation  plus  ferme  et 
précise,  ou  bien  :  jouez  cette  phrase  dans  une  demi-lcinle ,  équi- 
vaut à  dire  :  jouez  à  mi-voix,  en  donnant  aux  accents  eux-mêmes 
une  demi-sonorité. 

Laisser  dans  l'ombro  une  pensée  accessoire,  c'est  jouer  piano, 
en  indiquant  à  peine,  sans  accent  prononcé,  cette  période  musi- 
cale. 

Ce  langage  coloré  rend  souvent  plus  sensible  à  l'élève  les  re- 
commandations faites  en  d'autres  termes.  Mais  à  côté  de  ces  cou- 
leurs tranchées,  surgissent  mille  nuances  intermédiaires. 

La  musique,  comme  la  peinture  et  la  poésie,  ne  procède  pas 
seulement  par  des  contrastes  et  des  oppositions  violentes. 

L'élévation  et  l'abaissement  du  son,  ses  ondulations,  sa  grada- 
tion depuis  le  pp.  jusqu'au  ff.,  ses  accents  si  variés  d'intensité, 
d'expression,  qui  surgissent  pour  appeler  accidentellement  l'at- 
tention sur  une  note,  sur  un  accord,  un  membre  de  phrase,  un 
simple  trait,  offrent  bien  des  points  de  comparaison  avec  le  dis- 
cours parlé,  avec  la  peinture;  mais  nous  croyons  inutile  de  re- 
chercher davantage  tous  ces  termes  de  comparaison,  nous  esquis- 
sons seulement  celte  pensée,  et  nous  dirons  pour  finir,  que  le 
fiât  lux  d'un  symphoniste,  —  que  ce  soit  Haydn  ou  Félicien  Da- 
vid, —  se  produira  toujours  sur  l'expression  d'un  fortissimo,  au 
point  culminant  d'un  crescendo.  Les  ténèbres  se  dissipent  peu  à 
peu  et  la  lumière  se  fait. 

Il  y  a  certains  effets  grandioses  de  musique  imitative,  pourtant 
la  puissance  de  la  musique  n'est  pas  dans  l'art  de  décrire,  mais 
bien  dans  le  don  d'émouvoir. 

L'école  allemande  moderne  fait,  ce  nous  semble,  fausse  route, 
en  donnant  à  un  art  tout  de  sentiment  et  dont  les  effets  sur  nos 
sens  sont  vagues,  indéterminés,  des  propriétés  que  les  musiciens 
qui  n'ont  pas  un  parti  pris  lui  refusent  .avec  raison. 

A.  Marmontel. 
(  La  suite  au  prochain  numéro.) 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


ÉTUDES  SUR  LA  CHANSON  POPULAIRE  EN  FRANCE. 


Cbansoiss  historiques  et  descriptive**. 

Une  chanson  d'aventurier,  se  rapportant  aux  guerres  d'Italie 
sous  Louis  XII ,  nous  a  été  communiquée  par  M1"16  Amédée 
Thierry,  qui,  elle-même,  la  tient  d'une  vieille  nourrice  champe- 
noise, c'est  le  Siège  de  Mantoue.  Cette  chanson  a  évidemment 
subi  des  transformations  et  des  altérations  ;  nous  avons  même 
une  version  à  laquelle  on  a  mêlé  le  général  Bonaparte. 

C'est  la  vill'  de  Mantou',  grand  Dieul  qu'elle  est  jolie  1 
C'est  la  vill'  de  Mantou',  grand  Dieu  I  qu'elle  est  jolie! 
Elle  est  jolie  et  parfaite  en  beauté 

Que  les  Français  n'y  peuv'nt  entrer. 


Le  roi  qui  leur  commande,  ont  fait  feu  sur  la  ville  ; 
Aux  premiers  coups  qu'leurs  canons  ont  tiré,       j 
La  joli'  ville  en  a  tremblé. 

Les  dames  de  Mantou'  montèr'nt  sur  les  rempares  ; 
Nous  vous  donn'rons  chacun'  cent  mille  écus,       ] 
Que  vos  canons  ne  tirent  plus.  i 

—  De  vos  cent  mille  écus,  Mesdam's  n'avons  que  faire; 
Nos  volontaires  brûleront  vos  maisons, 
Et  nos  dragons  vous  pilleront. 


bis. 
bis. 

bis. 
bis. 

bis. 
bis. 

bis. 
bis. 


Courage  mes  enfants,  enfants  prenez  courage.  — 
Ont  tant  lire  et  tant  espadronné , 
La  joli'  ville  y  ont  gagné. 

Dans  la  variante  suivante  sont  à  peu  près  résumés  les  trois 
premiers  couplets  : 

C'est  la  vill'  de  Mantou',  faut  la  mettre  au  pillage. 
—  Sire  le  roi,  appaisez  vos  canons, 
Avec  vous  nous  composerons. 

Autre  variante  : 


bis. 

bis. 


C'est  la  vill'  de  Mantou',  faut  la  mettre  au  pillage. 
Brûlons  tout,  les  petits  et  les  grands, 
Nous  mettrons  tout  à  feu  et  à  sang. 


bis. 

bis. 


La  version  suivante  se  rapporte  à  la  prise  de  Mantoue,  en 
1797,  par  Bonaparte;  on  voit  par, la  que  le  peuple  ressuscite 
quelquefois  d'anciennes  chansons  presqu'oubliées  et  profite 
d'une  similitude  de  circonstances  pour  les  faire  revivre,  en  leur 
faisant  subir  des  altérations,  ce  que  nous  avons  déjà  observé  à 
propos  de  la  chanson  de  Marlborough. 

La  ville  de  Mantou',  grand  Dieu  !  qu'elle  est  jolie I 
Elle  est  jolie  et  parfaite  en  beauté , 
Les  Français  veulent  y  entrer. 
Bonaparte  envoya  quatre  de  ses  hussards  : 
a  C'est  Bonaparte  qui  nous  envoie  ici, 
Si  vous  voulez  vous  rendre  à  lui.  r 

—  Va  dire  à  Bonaparte,  au  r'présentant  du  peuple, 

Va-t-en  lui  dire  qu'on  se  moque  de  lui,  { 

Le  jour  aussi  bien  que  la  nuit.  j 

Les  hussards  s'en  revinr'nt,  les  hussards  s'en  retournent  : 
«  Général  Bonaparte  ils  se  moqu'nt  de  vous, 
La  nuit  aussi  bien  que  le  jour.  » 
Bonaparte  leur  command'  de  fair'  feu  sur  la  ville. 
Les  premiers  coups  qu'  les  canons  ont  tiré, 
La  jolie  ville  en  a  tremblé. 
Les  dames  de  Mantou'  montent  sur  les  rempares  : 
«  Ah  1  Bonaparte  appaisez  vos  canons , 
Contribution  nous  vous  ferons.  » 

—  Quell'  contribution,  Mesdam's,  voulez-vous  faire?  ■ 

•  Contribution  est  de  cent  mille  écus  , 
Que  vos  canons  ne  tirent  plus.  » 


bis. 
bis. 
bis. 
bis. 
bis. 
bis. 
bis. 
bis. 
bis. 
bis. 
bis. 
bis 
bis. 
bis. 


bts. 


bis. 


—  De  vos  cent  mille  cens,  Mesdames,  n'avons  que  faire;  bis. 

Nos  canons  brûleront  tout' s  vos  maisons, 
Et  mes  soldats  les  pilleront.  — 

—  Courage,  mes  amis,  amis  prenez  courage  , 
Qu'on  mette  à  l'instant  la  ville  au  pillage;  — 

Ils  ont  tant  tiré,  tant  espadronné , 
Qu'la  joli'  ville  ils  ont  gagné. 

Il  est  hors  de  doute  qu'un  grand  nombre  de  chansons  histo- 
riques, faites  à  propos  de  tel  ou  tel  événement  politique,  n'existent 
plus  ou  sont  devenues  introuvables,  parce  que  ces  pièces  ont  été 
supprimées  par  la  censure.  D'autres  fois  ces  chansons  n'ont 
jamais  eu  les  honneurs  de  l'impression,  tout  en  ayant  été  popu- 
laires; nous  n'irons  pas  bien  loin  pour  appuyer  ce  dire  d'une 
preuve.  En  1848,  une  chanson  de  circonstance  très-curieuse  fut 
faite  par  la  classe  ouvrière  de  Mulhouse,  et  se  répandit  dans  tout 
le  Haut-Rhin  ;  elle  fut  très-populaire,  non  imprimée,  mais  nous 
la  publierons  dans  un  travail  spécial  sur  la  chanson  populaire  en 
Alsace. 

* 
*  * 

Notre  travail  sur  la  Chanson  populaire,  publié  successivement 
dans  le  Ménestrel,  est  loin  d'être  complet,  mais  nous  sommes 
obligé  de  nous  arrêter  là  pour  le  moment,  d'autres  occupations 
nous  empêchant,  d'une  part,  d'y  donner  suite  immédiate,  et  de 
l'autre,  craignant  d'abuser  trop  longtemps  de  nos  lecteurs. 

Nous  indiquerons  seulement  ici  les  chapitres  complémentaires, 
le  tout  devant  paraître  en  un  volume  complet.  Chap.  X.  Chansons 
de  mariage,  mœurs,  usages.  —  Chap.  XI.  Complaintes.  — 
Chap.  XII.  Chansons  patriotiques  et  guerrières.  — Chap.  XIII. 
Chansons  satiriques,  politiques  ;  vaudevilles.  —  Chap.  XIV. 
Chansons  à  loire.  —  Chap.  XV.  Chansons  grivoises  ,  bur- 
lesques; parodies.  —  Chap.  XVI.  Berceuses,  chansons  à  danser, 
rondes.  —  Ch.  XVII.  Les  refrains. 

J.-B.  Wekeblin. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Par  décret  impérial,  M.  le  comte  Waleski  est  nommé  ministre  d'État 
en  remplacement  de  M.  Achille  Fould,  démissionnaire. 

—  Par  suite  de  la  suppression  du  ministère  de  la  Maison  de  l'Empe- 
reur, le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  est  replacé  dans  les  attributions  du 
ministre  d'État.  Tous  les  théâtres,  sans  exception,  relèvent  donc,  dès 
aujourd'hui,  du  nouveau  ministre,  M.  le  comte  Waleski,  nommé  en  rem- 
placement de  M.  Fould,  démissionnaire.  L'Opéra  n'en  reste  pas  moins 
une  dépendance  de  la  liste  civile.  Confié  spécialement  à  l'administration 
de  M.  le  comte.  Waleski,  il  ne  saurait,  en  aucune  façon  être  assimilé  aux 
entreprises  particulières,  ni  rentrer  dans  le  service  ordinaire  des  bu- 
reaux. 

—  On  écrit  de  Londres  que  les  concerts  populaires  du  lundi  viennent 
d'inaugurer,  sous  la  direction  de  leur  chef  d'orchestre  Bénédict,  leur  troi- 
sième saison  par  une  brillante  soirée  uniquement  consacrée  à  l'exécution 
d'oeuvres  de  Weber,  Spohr  et  Dusseck. 

—  Les  journaux  anglais  nous  annoncent  pour  l'année  1861  un  grand 
festival  international,  dans  le  genre  de  celui  qui  a  eu  lieu  l'été  dernier.  Le 
comité  qui  a  pris  l'initiative  a  profité  du  séjour  àLotidres  de  M.  Delaporte 
pour  en  arrêter  les  bases.  Cette  grande  solennité  réunirait  les  députations 
des  orphéons  de  France  aux  Sociétés  chorales  anglaises. 

—  Un  nouveau  journal  de  musique  se  publiée  Florence.  L'Italia  artis- 
tica,  tel  est  le  titre  de  cette  feuille  qui  en  est  déjà  à  son  huitième  numéro 
et  s'annonce  sous  les  meilleurs  auspices. 

—  On  nous  écrit  de  Bologne  que  Mme  Borghi-Mamo  a  été  rappelée  avec 
enthousiasme  après  le  Prophète.  Elle  a  chanté  le  rôle  de  Fidès  avec  ce 
dramatique  de  bon  goût  et  de  haut  style  qui  émeut  profondément  sans 
cesser  d'être  vocal.  C'était  la  manière  de  Rubùii  et  la  seule  bonne  au  point 
de  vue  lyrique. 


LE  MÉNESTREL 


—  Au  théâtre  Gerbino ,  à  Turin ,  on  a  représenté  tout  récemment  la 
Bianca  Capello,  du  maestro  dell'  ODgara.  Cet  ouvrage  a  reçu  le  meilleur 
accueil. 

—  Un  journal  anglais  publie,  dans  sa  correspondance  de  Vienne,  des 
documents  curieux  sur  le  Burg-Théâtre  et  celui  de  la  Porte-de-Carinthie. 
Il  paraît  que  les  ordonnances  de  police  de  Tannée  1800  régissent  encore, 
à  l'heure  qu'il  est,  ces  deux  scènes  importantes,  et  les  régissent  assez  des- 
potiquement  par  une  affiche  qui  n'a  pas  cessé,  depuis  plus  d'un  demi- 
siècle,  d'orner  les  couloirs  des  deux  théâtres.  Ces  ordonnances  sont  rédi- 
gées en  langue  française,  mais  quel  français,  bon  Dieul  il  est  aussi  caduc 
que  le  règlement  lui-même  ;  jugez-en  par  l'art.  14  :  —  «  Dans  le  nombre 
dés  Bienséances  à  observer  une  des  premières  c'est  d'ôteî  son  chapeau  à 
l'entrée  du  parterre  noble,  que  leurs  Majestés  se  trouvent  au  Spectacle  ou 
non,  et  celui,  qui  averti  par  le  Commissaire  Inspecteur  s'obstineroit  à 
rester  couvert,  sera  non-seulement  obligé  de  quitter  la  salle  incontinent, 
mais  il  pourra  encore,  suivant  le  cas,  être  sujet  à  une  animadversion.  » 

—  Dans  la  dernière  séance  de  l'Académie  royale  de  Belgique  (classe  des 
beaux-arts),  M.  Fétis  a  lu  un  rapport  sur  la  question  de  savoir  s'il  con- 
vient que  la  Belgique  imite  la  France,  en  adoptant  les  mesures  prises  à 
l'égard  du  nouveau  diapason.  Le  savant  directeur  du  Conservatoire  est 
d'avis  que  le  diapason  doit  être  fixé  tel  qu'il  est  aujourd'hui,  mais  non 
abaissé.  M.  Fétis  veut  que  les  ut  dièze  ne  perdent  rien  de  leur  merveil- 
los'ité.  Ajoutons  que  les  orchestres  lui  en  devront  reconnaissance  à  tous 
égards. 

—  A  Bruxelles,  M.  Charles  Hanssens  vient  de  terminer  la  partition  du 
Siège  de  Calais,  opéra  en  quatre  actes  qui  sera  représenté  cet  hiver  au 
théâtre  de  la  Monnaie. 

—  Le  père  de  notre  laborieux  archéologue  musical,  George  Kastner, 
vient  de  mourir  à  Strasbourg  dans  sa  quatre-vingt-unième  année. 

—  On  nous  écrit  de  Nantes  :  «  La  Société  des  Beaux-Arts  et  le  théâtre 
sont  en  fête  :  Mme  Carvalho  vient  d'arriver  et  des  représentations  vont 
succéder  au  concert  pour  lequel  cette  éminente  cantatrice  nous  arrive  en 
compagnie  du  violoniste  Herman.  La  présence  et  le  concours  de  Mme  Car- 
valho vont  jeter  un  nouveau  lustre  sur  la  saison  théâtrale  qui  s'annonce, 
du  reste,  sous  les  meilleurs  auspices  :  Mme  Beynaud,  chanteuse  légère 
et  d'un  talent  distingué  ;  MUe  Desterbecq  et  Mme  Warnotz,  fortes  chan- 
teuses dans  toute  l'acception  du  mot,  l'une  soprano,  l'autre  contralto  ; 
MUe  Courtois,  Dugazon  des  plus  agréables;  M.  Bertrand,  fort  ténor  à  la 
voix  splendide  ;  M.  Perillé,  première  basse  de  grand  mérite;  M.  Comte  Bor- 
chard,  baryton  très-justement  réputé  ;  enfin  MM.  Bineau,  ténor  léger,  et 
Péqueur,  deuxième  ténor,  composent  un  personnel  qui  fait  merveille 
sous  l'habile  direction  de  M.  Solié,  chef  d'orchestre.  M.  Solié  est  en 
même  temps  directeur,  mais  sous  la  haute  impulsion  de  l'administration 
municipale  de  Nantes,  qui  a  délégué  à  cet  effet  l'un  de  ses  honorables 
membres,  M.  Guilley. 

—  Mardi  dernier,  la  Société  philharmonique  d'Arras  a  donné  son  pre- 
mier concert  de  la  saison  au  bénéfice  des  pauvres.  Parmi  les  artistes 
engagés,  MUe  Rey,  de  l'Opéra,  et  notre  basse  chantante  Tagliafico  ont  obtenu 
le  succès  le  plus  complet  dans  le  duo  de  la  Fille  du  régiment  et  dans 
différents  morceaux  dont  deux,  la  Polonaise  de  Jérusalem  et  la  Tarentelle 
de  Rossini  ont  été  redemandés.  M.  Tagliafico,  nous  écrit-on,  a  été  réengagé 
pour  l'un  des  prochains  concerts  de  la  société. 

—  Avant  de  partir  pour  le  midi ,  les  frères  Lionnet  se  sont  fait  enten- 
dre chez  M.  et  Mmc  Rossini ,  dans  leurs  duos  et  scènes  d'imitation ,  qui 
ont  obtenu  tout  leur  succès  habituel.  Puis  Anatole  Lionnet  a  ;dit  seul 
une  nouvelle  production  de  Nadaud ,  la  Promenade ,  avec  ce  sentiment 
élevé ,  cet  accent  profond ,  qui  l'ont  élevé  si  haut  dans  l'estime  des  con- 
naisseurs. Ce  même  soir,  un  grand  chanteur,  —  comme  on  en  voit  pou 
aujourd'hui ,  —  M.  Badiali,  du  théâtre  Italien ,  a  dit  l'air  non  più  andrai 
de  Mozart ,  accompagné  par  Rossini  en  religieux  admirateur  du  musicien 
qu'il  appelle  le  maître  des  maîtres. 

—  L'opéra  de  salon  vient  de  faire  son  entrée  de  saison  dans  le  monde 
musical.  C'est  Mmc  Gaveaux-Sabatier,  la  créatrice  et  la  reine  du  genre,  qui 
en  a  fait  les  honneurs  dimanche  dernier,  chez  Mracs  Orfila  et  Mosneron 
de  Saint-Preux.  Mm0  Sabatier  a  joué  et  chanté  en  compagnie  de  M.  Lour- 
del-Belval ,  la  Perruque  du  bailli ,  paroles  et  musique  de  Mllc  Pauline 
Thys,  —  aujourd'hui  Mm°  Sebault.  —Un  auditoire  aussi  nombreux  que 
choisi ,  n'a  cessé  d'applaudir  le  bon  goût  du  poème  et  les  élégantes 
mélodies  de  la  parlition.  M.  Salvator  tenait  le  piano.  —  L'auteur  a  été 
redemandé  avec  les  interprètes.  —  Avant  l'opéra ,  Géraldy  et  Mmo  Charles 


Ponchard  avaient  défrayé  avec  autant  de  verve  que  de  talent  une  première 
partie  de  concert,  et  pour  couronner  le  programme,  Levassor  est  venu 
faire  acte  d'apparition.  On  ne  l'attendait  guère,  on  le  croyait  en  Moldavie, 
en  Chine  ou  en  Espagne  —  où  il  se  rend  actuellement ,  —  lorsque  tout- 
à-coup  entre  un  gentleman  pur-sang  qui  entonne  les  côtes  d'Angleterre  de 
Gustave  Nadaud,  avec  ce  flegme ,  cet  humour  britannique  que  chacun  lui 
connaît.  Aussi  quel  formidable  bis  et  que  d'interminables  bravos  à  la 
lecture  de  son  journal  de  village.  On  criait  :  encore  I  encore!  mais  Levassor 
avait  déjà  pris  l'express-train  pour  Madrid. 

—  A  cette  même  soirée  de  Mme  Orfîla ,  nous  avons  un  grand  et  légitime 
succès  à  constater,  celui  obtenu  par  Géraldy,  non-seulement  dans  son  air 
du  Philtre  et  son  duo  des  Voitures  versées  avec  Mme  Charles  Tohchafâ, 
mais  encore  dans  la  simple  production  de  Gustave  Nadaud ,  le  Nid  aban- 
donné ,  touchant  petit  poëme  qu'il  a  dit  du  cœur  et  de  la  voix ,  de  ma- 
nière à  charmer,  à  impressionner  tout  son  auditoire.  Chacun  regrettait  que 
l'auteur  ne  fût  pas  là  pour  féliciter  son  interprète. 

—  Une  nouvelle  opérette  de  salon  ,  les  Sabotiers,  musique  d'Adolphe 
Canoby,  a  fait  élection  de  domicile  la  semaine  dernière  à  Passy,  chez 
l'auteur  du  livret,  M.  Trouvé,  artiste  peintre  qui  manie  avec  une  égale 
facilité  la  plume,  le  crayon  et  les  pinceaux.  On  a  applaudi  musique,  pa- 
roles et  les  interprètes  qui  avaient  noms  :  M.  Petit,  premier  prix  du  Con- 
servatoire, baryton  engagé  au  Théâtre-Lyrique ,  et  Mme  Denizet,  élève 
de  Mmc  'Ugalde,  qu'on  a  bissée  dans  sa  romance.  MM.  Levasseur,  Ponchard, 
M.  et  Mme  Charles  Ponchard,  assistaient  à  cette  intéressante  audition 
qu'ils  ont  même  illustrée  d'une  préface  qui  avait  bien  son  petit  mérite  : 
les  duos  de  la  Fausse  Magie,  du  Nouveau  Seigneur,  de  la  Dame  blanche 
et  du  Philtre. 

—  Une  grande  solennité  musicale  se  prépare  au  théâtre  impérial 
Italien  pour  le  mercredi  soir,  19  décembre.  On  y  entendra  pour  la  pre- 
mière fois  les  Poèmes  de  la  mer,  ode  symphonie  avec  soli,  chœur  et  or- 
chestre, paroles  d'après  J.  Autran,  musique  de  J.  B.  Wekerlin.  L'ensemble 
de  celte  exécution  présente  un  chiffre  de  150  artistes  qui  seront  dirigés 
par  l'auteur.  Nous  donnerons  prochainement  le  programme  de  ce  festival 
ainsi  que  les  noms  des  solistes. 

—  Dès  sa  séance  d'ouverture ,  le  Congrès  pour  la  restauration  du  plain- 
chant  et  de  la  musique  d'église  s'est  empressé  d'approuver  la  proro- 
gation de  trois  mois  accordée  aux  maîtres  de  chapelle  et  organistes  français 
et  étrangers  pour  l'envoi  des  manuscrits  destinés  au  concours  de  compo- 
sition de  musique  religieuse  fondé  par  les  éditeurs  de  la  Maîtrise.  On 
a  également  adopté  la  modification  sollicitée  au  sujet  des  messes  et 
motets  qui  pourront  être  écrits  indifféremment  à  trois  voix  égales  ou  non. 

Le  congrès  a  ensuite  discuté  son  règlement ,  établi  son  ordre  du  jour. 
Il  y  avait  affluence  dans  la  salle  de  la  Société  d'encouragement,  rue 
Bonaparte.  Nombre  d'Archevêchés  et  d'Évêchés  étaient  représentés. 
M.  V.  Pelletier,  l'honorable  chanoine  du  diocèse  d'Orléans,  présidait.  On  re- 
marquait au  bureau,  M.  Calla,  MM.d'Ortigue  et  Adrien  de  Lafage,  présidents 
de  la  2°  et  de  la  3S  section.  Un  sténographe  avait  pris  place  près  de  M.  Rabu- 
taux,  secrétaire.  Nous  donnerons  le  résumé  de  ces  instructives  séances  qui 
ont  été  closes  hier  soir  samedi.  Dès  aujourd'hui,  signalons  le  succès 
obtenu  et  mérité  par  M.  Xavier  Van  Elewyck  de  Louvain ,  docteur  en 
sciences  et  représentant  la  Belgique  musicale  religieuse  au  congrès.  Les 
plus  vives  sympathies  ont  accueilli  ses  précieuses  communications. 

—  Dans  son  dernier  feuilleton  de  l'Illustration,  M.  G.  Héquet  résume 
d'intéressantes  considérations  sur  la  Sémiramis  française  et  la  Semira- 
mide  italienne,  et  s'exprime  ainsi  au  sujet  de  l'exécution  matérielle  de  la 
nouvelle  édition  de  Sémiramis  publiée  par  le  Ménestrel  et  offerte  en  prime 
à  ses  abonnés  : 

«  La  partition  de  Sémiramis  vient  de  paraître  avec  les  paroles  françaises 
de  M.  Méry.  —  L'édilion  est  conforme  en  tous  points  à  la  représentation. 
La  pièce  est  divisée  en  quatre  actes.  On  sait  que  le  drame  italien  n'en  a 
que  deux.  Rien  n'y  manque,  ni  les  airs  de  ballet  de  M.  Carafa,  ni  les  ré- 
citatifs écrits  ou  ajustés  à  la  prosodie  française  par  M.  Carafa,  qui,  certes, 
était  digne  plus  que  personne  de  cette  mission. 

«  La  partition  de  Sémiramis,  réduite  pour  le  piano,  est  gravée  en  petit 
format,  mais  avec  une  netteté  parfaite,  et  le  caractère  en  est  assez  gros 
pour  que  sa  lecture  n'offre  aucune  difficulté  même  aux  vues  les  plus  fai- 
bles. Le  texte  italien  est  joint  au  texte  français,  ce  qui  permet  d'apprécier 
l'élégante  fidélité  de  la  traduction,  —  quelques  passages  exceptés.  On  n'est 
point  parfait,  quelque  Méry  que  l'on  soit.  Une  chose  dont  les  véritables 
musiciens  sauront  à  l'éditeur  un  gré  infini,  c'est  le  soin  qu'on  a  pris  d'in- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


diquer  les  détails  de  l'orchestration ,  l'entrée  des  instruments  à  vent,  les 
tenues,  etc.  Par  ce  procédé,  un  homme  exercé  peut  se  faire  du  coloris  de 
cet  admirable  ouvrage  une  idée  presque  aussi  exacte  que  s'il  avait  la 
grande  partition  sous  les  yeux.  Hérold,  dans  la  belle  réduction  qu'il  a  faite 
de  Mosè  in  Egitlo,  avait  déjà  donné  une  fois  cet  exemple,  qui  n'avait  pas 
été  suivi.  Louons  M.  Heugel  de  l'avoir  renouvelé. 

«  En  tête  de  ce  beau  volume  sont  deux  portraits  lithographies  de  Ros- 
sini.  L'un  est  la  copie  d'un  portrait  peint  à  l'huile  par  un  artiste  allemand 
appelé  Mayer  :  l'original  est  dans  le  salon  du  maître  ;  l'autre  est  la  repro- 
duction d'une  photographie  parfaitement  réussie  de  M.  Numa  Blanc.  Le 
premier,  qui  a  dû  être  fort  ressemblant,  représente  Rossini  tel  qu'il  était 
en  1820  ;  le  second  vous  le  montre  tel  qu'il  est  en  1860.  Quatre  autres 
lithographies  reproduisent  les  quatre  décors  de  l'Opéra,  et  le  tableau  pré- 
senté par  quatre  des  principales  scènes.  Enûn,  rien  n'a  été  épargné  pour 
rendre  l'édition  digne  de  l'œuvre,  et  l'on  peut  affirmer  qu'aucune  partition 
n'a  jamais  été  publiée  avec  autant  de  luxe,  ni  avec  plus  de  soin.  » 

—  On  lit  également  dans  le  dernier  feuilleton  musical  de  l'Illustration: 
«  M.  Camille  Stamaty,  l'hahile  pianiste,  qui  continue  chez  nous  l'ensei- 
gnement de  Kalkbrenner,  et  qui  s'acquitte  de  celte  honorable  tâche  avec 
un  si  brillant  succès,  vient  de  commencer,  dans  les  salons  de  MM.  Pleyel, 
Wolff  .et  fiie,  rue  Richelieu,  <9S,  deux  cours  spéciaux,  l'un  pour  les  jeunes 
personnes,  l'autre  pour  les  jeunes  gens  qui  se  destinent  à  suivre  la  car- 
rière artistique  et  professorale.  Je  copie  le  programme  que  j'ai  sous  les 
yeux.  —  C'est  une  sorte  d'école  normale  pour  l'enseignement  du  piano. 
Dans  chacun  de  ces  cours,  les  travaux  sont  alternativement  individuels  et 
collectifs  ;  ils  embrassent  tous  les  genres  de  musique  ancienne  et  moderne. 
Il  n'y  a  ni  âge  ni  degré  de  force  déterminés  pour  l'admission  des  élèves  ; 
mais  des  épreuves  trimestrielles  serviront  à  classer  ceux-ci  entre  eux,  et, 
à  la  fin  de  l'année  scolaire,  il  sera  décerné  des  récompenses  aux  plus  mé- 
ritants. Ces  cours  dureront  du  1er  novembre  au  1er  août,  et  auront  lieu 
deux  fois  par  semaine,  les  mardis  et  samedis  :  à  9  heures  du  matin  pour 
les  jeunes  gens,  à  midi  pour  les  jeunes  personnes.  —  Il  n'est  pas  admis 
plus  de  huit  élèves  en  deux  heures. 

«  Cette  entreprise  de  M.  Camille  Stamaty  mérite  tout  l'intérêt  du  public, 
et  sera  éminemment  utile  à  l'art  musical.  Il  y  a  beaucoup  de  professeurs 
à  Paris,  —  peut-être  trop;  —  mais  il  n'y  en  a  presque  pas  en  province. 
Tous  nos  départements  en  demandent  à  grands  cris.  Puisse  M.  Stamaty 
leur  en  expédier  beaucoup  !  Nous  savons  d'avance  que  tous  ceux  qui  sor- 
tiront de  ses  mains  auront  une  instruction  solide,  le  goût  de  l'art  sérieux, 
et  ce  vif  sentiment  du  beau  que  donne  l'étude  assidue  des  grands  maî- 
tres. » 

—  Nous  sommes  en  retard  avec  le  concert  donné,  il  y  a  quelques  jours, 
à  Melun,  par  M.  de  Vroye,  notre  excellent  flûtiste.  M.  et  MmG  Tagliafico, 
Alard  le  violoncelliste  et  le  pianiste  hollandais  Brewer  avaient  prêté  leur 
concours  au  bénéficiaire.  C'est  en  termes  pompeux  que  l'Indicateur  gé- 
néral de  Seine-et-Marne  rend  compte  de  cette  séance  qui,  sous  tous  les 
rapports,  a  parfaitement  réussi. 

—  Le  comité  du  Progrès  artistique  qui  comprend  toutes  les  classes  des 
beaux-arts ,  les  lettres  et  les  sciences  et  qui  compte  dans  son  sein  des 
membres  illustres  de  1  Institut  et  de  l'Université  a  pour  but  de  faire  con- 
naître ses  adhérents  et  leurs  ouvrages.  Il  donne  des  séances  mensuelles  à 
l'Hôtel  de  Ville  et  des  concerts  dans  la  salle  du  Lycée  Louis-le-Grand.  La 
première  séance  solennelle  a  eu  lieu  dimanche  23.  Elle  a  été  des  plus 
brillantes  tant  par  l'auditoire  qui  encombrait  la  vaste  salle  que  par  le 
talent  des  artistes  qui  s'y  sont  fait  applaudir.  Nous  citerons  M1Ie  Chardon 
qui  a  exécuté  sur  le  piano  le  Carnaval  espagnol  de  Delioux  et  Y  Impromptu 
de  Chopin,  Mme  Portelette  et  MUe  Adam-Boisgontier  interprétant  chacune 
une  mélodie  de  M.  Gustave  Lefevre,  président  du  comité  :  Yvonne  et  la 
Bouquetière  ont  conquis  vaillamment  la  sympathie  de  l'auditoire.  M.  Lan- 
,cien  a  joué  avec  toutes  les  qualités  d'un  virtuose  la  fantaisie  d'AIard 
,sur  la  Muette.  M.  Bloch  a  dit  de  la  manière  la  plus  intelligente  diverses 
productions  de  Parizot.  Le  Duo  bouffe  chanté  avec  M.  Lcgrain  a 
.couronné  son  succès.  Signalons  enfin  l'orchestre  bien  dirigé  par  M.  Molier 
dans  l'ouverture  des  Aveugles  de  Tolède  de  Méhulella  Romanesca  fort  bien 
instrumentée  par  M.  Gustave  Lefevre. 

—  Les  bals  de  l'Opéra,  sous  la  direction  de  Strauss  avec  son  formidable 
orchestre,  ouvriront  la  saison  1861  le  samedi  15  décembre.  Samedi  pro- 
chain, le  bal  annuel  de  la  Caisse  des  pensions  des  artistes  de  l'Opéra  pré- 
cédera la  réouverture  des  bals  masqués  de  l'Opéra. 


AVIS   AUX   ABOME§. 


La  partition  illustrée  de  SÉMIRAMIS  de  Rossini, 
avec  les  DEUX  PORTRAITS  de  G.  ROSSINI  (Naples 
18SO  et  Paris  1S4SO)  et  les  DESSINS  REPRÉSEN- 
TANT LES  SCÈNES  PRINCIPALES  DE  L'OUVRAGE, 
est  actuellement  délivrée  aux  abonnés  du  Ménestrel. 

Cette  magnifique  prime,  offerte  gratuitement 
pour  tout  renouvellement  ou  abonnement  complet 
(chant  et  piano),  prendra  la  place  des  quatre  Albums 
'Aii'  Ménestrel,  dont  les  morceaux  n'en  seront  pas 
moins  publiés  dans  le  Journal  (voir  ci-dessous). 

Les  abonnés  au  CHANT  seul,  ou  au  PIANO  seul, 
auront  droit  à  la  même  prime,  moyennant  un  sup- 
plément d'abonnement  de  dix  francs  ,  s'ils  ne  préfè- 
rent recevoir   gratuitement  : 

1°  A  la  place  des  deux  Albums  annuels  pour  le 
Chant:  la  partition  complète  des  SAISONSde  J. HAYDN, 
chant,  piano  et  traduction  française  de  G.  Roger, 
oratorio  en  quatre  parties,  seule  édition  conforme 
à  l'exécution  des  concerts  du  Conservatoire  ,  et 
ornée  du  portrait  de  HAYDN. 

S"  En  échange  des  deux  Albums  annuels  pour 
piano  :  un  beau  Recueil  de  transcriptions  et  réduc- 
tions des  célèbres  oeuvres  concertantes,  sympho- 
niques  et  pour  piano  seul,  de  Haydn,  Mozart  et  BEE- 
THOVEN, par  Jules  WEISS,  et  contenant  : 


—   2.    Menuet   du  [même    trio.  — 
Allegro   de  la    symphonie    en  mi 


llivnv  :  1.   Final   du  trio  en    fa. 

3.  Final   du    trio  en    la.  —   4 

bémol. 
BEETHOVEN  :  5.  Adagio  et  allegro  de  la  symph. 

du  quatuor  en  fa.  —   S.  Menuet  et  scherzo 

gro  du  trio  en  mi  bémol. 
MOZART  :  O.  {Menuets  extraits  de  ses  symphonies. — ÎO.  Final  de 

la  symphonie    en  ré.  —  11.    Final   du  quati 

12.  Frcsto  de  la  sonate  en   si  bémol. 


c  en  ut.  —  6.  Final 
septuor.  —  9.  Alle- 


cn    sol  mineur.  — 


CATALOGUE  des  morceaux  séparés  des  quatre  ALBUMS 
du  Ménestrel  [année  1860-1861),  quiparailront  de  semaine 
en  semaine,  à  partir  du  dimanche  11  novembre  1860. 


ALBUMS  DE  CHANT. 


ROMANCES  ET  CHANSONNETTES. 

e.  IVADAIID. 

La  bruyère. 
PAULINE  TOUS. 

Tes  vingt  ans! 

F.  MASINI. 

Le  Lever  des  Étoiles. 

LÉOFOLD  AMAT. 

Sympathie. 

H.  POTIER. 

Adieu  les  Fées  I 

DORVAL-VALENTINO. 

Charmants  Tyrans  du  cœur. 


SCENES  ET  MELODIES. 

O.   NADAUD. 

Le  vent  qui  pleure. 

PAULINE  THVS. 

Harmonie  de  Lamartine. 

.«.  -It.  WEKERLIN. 

9J  Tyrolienne. 

FÉLIX  GODEFROID. 

Ma  mie  Annette. 


ALBUMS  DE  PIANO. 


MUSIQUE  DE  DANSE. 

ARBAN . 

A  vos  Souhaits,  polka. 
I,.  MICHELE 

Polka  militaire  du  Camp  de  Saint-Maur. 

STRAUSS. 

Sérnirumis ,  2e  quadrille. 

PHILIPPE  STUTZ. 

Juana ,  polka-  mazurka. 

Ml'SARD. 

Sémiramis,  ■valse. 
J.-L.  BATTMANN. 

Menuet  et  galop  fiDal  A'Orphée  aux 
Enfers,  de  J.  Offenbach. 


MORCEAUX  DE  SALON. 

CROISEZ. 

Guipures  et  Dentelles  [n°  1). 

CH.  NEUSTEDT. 

//  mio  Tesoro,  transcription  de  Don  Juan. 

M  Alt  MO. VI' EL. 

Musette,  rondo  pastoral. 
PAUL  BERNARD. 

Bella  sera,  idylle. 
LÉCUREUX. 

Fleuve  du  Tage,  transcription. 

FÉLIX  CODEFROED. 

Les  Abeilles,  étude  extraite  du3u  cahier 
de  l'Ecole  chantante  du  piano. 


Chaque  demande  ou  renouvellement  d'abonnement  doit  être  accom- 
pagné d'un  bon  sur  la  poste  [franco).  Joindre,  pour  les  départements, 
un  supplément  de  2  francs ,  montant  de  l'affranchissement  des  primes  de 
l'abonnement  complet,  ou  un  supplément  de  1  franc  pour  l'affranchisse- 
ment des  primes  séparées,  piano  ou  chant. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


INTRODUCTION 


AUX 


CLASSIQUES-MARMONTEL 


LE  JEUNE 


TRANSCRIPTIONS  ET   RÉDUCTIONS 

Des  célèbres  œuvres  concertantes  ,  symphoniques  et  pour  piano  seul 

PAU 


HAYDN. 

1er  Cahier.  —  San»  octave». 

1.  Finale  du" trio  en  ut 5 

2.  Finale  du  irio  en  fa S 

3.  Minuetto  du  trio  en  fa 5 

4.  Allegro  du  trio  en  sol 5 

5.  Allegro  du  Irio  en  fa 6 

0.  Allegro  du  irio  en  soi 6 

7.  Finale  du  trio  en  la 5 

8.  Allegro  de  la  symphonie  en  mi  bémol S 


BEETHOVEN. 

ïm0  Cahier.  —  Sans  octaves. 

9.  Allegro  de  la  sonate  en  sol,  op.  14,  n°  2 6  » 

10.  Finale  de  la  sonate  en  ré,  op.  12,  n°  1 6  » 

11.  Finale  de  la  sonate  en  fa,  op.  17 5  » 

12.  Adagio  et  allegro  de  la  symphonie  en  ut...  6  » 

13.  Finale  du  quatuor  en  fa,  op.  18,  n°  4 5  » 

14.  Minuetto  et  scherzo  du  septuor 5  » 

15.  Finale  de  la  sonate  en  mi  bémol,  op.  12. . .  5  » 

16.  Allegro  du  trio  en  mi  bémol,  op.  3 6  » 

Chaque  cahier  complet  :  25  fr. 


MOZART. 

3mo  Cahier.  —  IMêlé  d'octave*. 

17.  Allegro  de  la  sonate  en  fa 5    » 

18.  Trois  menuets  extraits  de  symphonies 6    • 

19.  Finale  de  la  symphonie  en  ré 5    » 

20.  Finale  du  quatuor  en  sol  mineur 7  50 

21.  Presto  de  la  sonate  en  si  bémol 5    » 

22.  Allegro  de  la  sonate  en  la 5    » 

23.  Adagio  et  allegro  de  la  sonate  en  sol  mineur.  6    » 

24.  Allegro  de  la  symphonie  en  ut 7  50 


(  «■»«  Cahier.  ) 


HAYDN. 


1.  Finale  de  la  symphonie  en  ut 7  50 

2.  Finale  de  la  4°  symphonie  en  sol 7  50 

3.  Andante  de  la  symphonie  en  sol 7  50 

4.  Finale  de  la  1"  symphonio  en  soi 7  50 


BEETHOVEN. 


5.  Sonate  en  sol  mineur,  op.  49,  n°  1 7  50 

6.  Sonate  en  sol,  op.  49 ,  n°  2 7  50 

7.  Allegro  de  la  sonate  en  la,  op.  12,  n°  2 7  50 

8.  Allegro  de  la  sonate  en  fa,  op.  17 7  50 


MOZART. 


9.  Allegro  de  la  sonate  facile S 

10.  Andante  de  la  sonate  d°    5 

11.  Finale  de  la  sonate     d»    5 

12.  Marche  turque 5 


REPRODUCTION  ALLEMANDE.    —    PROPRIETE  DES  EDITEURS. 


Paris,  an  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivicimc,  HEUGEL  et  ir>,  éditeurs,  fournisseurs  du  CONSERVATOIRE. 

BOTE  et  BOCK,  à  Berlin. 


Typ.  Charles  do    Muurgucs  frêles,  me  J.-J.  Rousseau,  8.    —  1532. 


752.  —  "28e  Aimée. 
m»  s. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR, 


Dimanche  9  Décembre 

tSGO. 


MEN 


Q^r=a 


TREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

DJ'ecteii-. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivïenne.  —  HEUGEL  et  Ci",  éditeurs. 


C.IIiiYT.  Œ@BnB2raP2@OT8  E)'Aœ@WHÎÎIM®Kl,  S  PIANO. 

er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  30  Morceaux:      [      2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  «O  Morceaux  i 

Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  ï  Alhiims-  Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  z  Albuius- 


illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18 


en  quin 
fr.  ;  Ètra 


anger  :  21  fr.  I  primes  illustrés.  - 

chant  et  rn.vo  nrr\is  : 


•  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  1 8  fr.  ;  Etranger  :  21  fr. 


3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Teste  complet,  les  53  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  &  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


On  souscrit  du  1"  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l»'décembre,etles52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  IIEI  <:i.i,  et  Cie,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


Adresser/ranco 
rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  7376. 


SOMMAIRE.  —  TEXTE. 

I.  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  Gossec  et  Catel  (16e  ar- 
ticle). L.  Meneau.  —  Il  Opéra-Comique  :  première  représentation  de  l'Eventail. 
—  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  111.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  : 
De  l'accentuation  considérée  dans  ses  rapports  avec  la  sonorité  ,  le  rhythme  et 
la  mesure  (suite  et  fin).  Marmontel.  —  IV.  La  session  du  Congrès  pour  la  res- 
tauration du  plain-chant  et  de  la  musique  d'église.  J.  d'Ortigtte.  — V.  Monu- 
ment de  Chérubiui   —  VI.  Saison  de  Nice.  —  VII.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront avec  le  numéro  de  ce  jour: 
LA  SYMPATHIE 

Paroles  du  chevalier  d'Arluc,  musique  de  Léopold  Amat.  —  Suivra 
immédiatement  après  :  le  Lever  des  Etoiles,  paroles  de  M.  Emile  Bellier, 
musique  de  F.  Masini. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

IL  IHIO  TESORO , 

Transcription  de  Don  Juan,  par  Ch.  Neustedt.  — Suivra  immédiate- 
ment après  :  la  valse  de  Sémiramis,  par  Musard. 


L0PÊR4  C03IIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES   PROGRES,  SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


SECONDE  PARTIE.  —  XIXe  SIÈCLE. 

.       CHAPITRE    VI. 
GOSSEC  et   CATEL. 

XVI. 

Gossec  et  Catel. 


Gossec  et  plus  tard  Catel  facilitèrent  la  voie  aux  Nicolo,  aux 

Méhul,  aux  Boïeldieu En  donnant  à  l'Opéra-Comique  des 

œuvres  plus  correctement  écrites  que  celles  de  leurs  devanciers, 
ils  formèrent  le  goût  des  auditeurs. 


Ce  ne  furent  point  cependant  leurs  travaux  dramatiques  qui 
contribuèrent  le  plus  à  leur  célébrité. 

François-Joseph  Gossec  (1)  dut  ses  principaux  titres  de  gloire 
à  ses  morceaux  de  musique  instrumentale,  à  ses  compositions 
religieuses  et  à  ses  chants  patriotiques. 

Lorsqu'il  arriva  en  France,  en  1751,  il  obtint,  grâce  à  la 
protection  de  Rameau  auquel  son  maître  l'avait  adressé,  une 
place  de  chef  d'orchestre  chez  le  fermier  général  La  Popelinière. 
Il  devint,  par  suite,  directeur  du  Concert  spirituel.  Frappé  de 
l'état  peu  avancé  de  la  musique  d'orchestre  en  France  à  cette 
époque,  il  écrivit  des  symphonies  qui  brillèrent  singulièrement 
à  côté  de  celles  de  Lulli ,  de  Mondonville,  de  Rameau ,  for- 
mant le  fonds  du  répertoire  du  Concert  spirituel.  Il  écrivit  les 
symphonies  qu'on  nommait  alors  périodiques,  à  peu  près  en 
même  temps  qu'Haydn  en  composait  pour  l'Allemagne.  Celles-ci 
devaient  être  connues  de  ce  côté  du  Rhin  vingt  ans  plus  tard  et 
faire  oublier  à  leur  tour  les  symphonies  du  musicien  français. 

Gossec  chercha  à  introduire  sa  réforme  instrumentale  dans 
les  opéras.  Il  constitua  l'orchestre  à  peu  près  comme  il  l'est  au- 
jourd'hui, ne  gardant  des  instruments  à  cordes  que  le  violon,  la 
viole,  le  violoncelle  et  la  contrebasse;  il  remplaça  la  flûte  à  bec, 
fausse  et  d'un  son  peu  agréable,  par  la  flûte  traversière,  importée 
d'Allemagne  ;  il  rendit  l'usage  de  la  clarinette  plus  général  et 
proscrivit  le  cor  de  chasse  pour  mettre  à  sa  place  le  cor  d'har- 
monie. 

Ses  titres,  comme  compositeur  d'opéra-comique,  sont  quatre 
ouvrages  en  un  acte,  donnés  à  la  Comédie  italienne  :  le  Faux 
lord,  1764;  les  Pêcheurs,  8  avril  1766,  son  plus  grand  succès; 
Toinon  et  Toinette  et  le  Double  déguisement,  pièce  moins  heu- 
reuse que  les  précédentes  et  qui  n'eut  qu'une  seule  représentation. 

Gossec  était  un  des  meilleurs  maîtres  français  de  composition, 


(I)  Né  dans  une  petite  ville  du  Hainaut ,  le  17  janvier  1733,  et  mort  à 
Passy  le  16  février  1829. 


10 


LE  MÉNESTREL. 


quoique  altaché,  comme  tous  ses  compatriotes  musiciens,  au 
système  de  la  basse  fondamentale.  Il  eut  au  nombre  de  ses 
élèves  Cbarles-Simon  Catel  (1) ,  qui  renversa  le  vieil  édifice 
théorique  de  Rameau  et  s'illustra  par  un  traité  d'harmonie  resté 
la  base,  le  programme  des  ouvrages  plus  développés  qui  ont  été 
écrits  depuis  sur  ce  sujet. 

Si  l'opéra  français  a  dans  les  veines  du  sang  allemand  et  du 
sang  italien,  il  en  est  de  même  de  nos  théories  musicales  :  Catel 
condensa  dans  son  traité,  logique  et  clair,  ce  qu'il  avait  trouvé 
de  juste  dans  les  ouvrages  obscurs  et  embrouillés  des  maîtres 
allemands  et  italiens. 

Il  écrivit  quelques  opéras  comiques  qui  n'eurent  peut-être 
point  le  succès  qu'ils  méritaient;  F  Auberge  de  Bagnères  (1807), 
dont  les  paroles  étaient  d'Elleviou,  comme  nous  l'avons  vu, 
possédait  de  charmantes  mélodies,  une  vérité  scénique  bien 
trouvée  et  surtout  une  pureté  de  style  rare  à  cette  époque,  et  ce 
fut  peut-être  là  ce  qui  nuisit  à  Catel.  On  sait  la  répulsion  ridicule 
d'une  certaine  partie  du  public  pour  les  œuvres  des  compositeurs 
réputés  érudits.  Musique  de  calcul,  telle  est  la  phrase  absurde 
avec  laquelle  bien  des  hommes  de  talent  ont  vu  leur  célébrité 
éclipsée  et  assez  souvent  par  de  véritables  médiocrités. 

Les  qualités  qui  brillent  dans  l'Auberge  de  Bagnères  se  re- 
trouvent dans  les  Artistes  par  occasion,  opéra  comique  repré- 
senté la  même  année,  mais  dont  le  libretto  était  trop  faible  pour 
que  la  pièce  pût  se  soutenir  au  répertoire  ;  on  remarque  dans 
cette  partition  un  joli  trio  qui  se  chante  encore  aujourd'hui 
dans  les  concerts. 

En  1812,  Catel  donna  les  Aubergistes  de  qualité,  composition 
un  peu  froide  dans  laquelle  je  citerai  cependant  un  joli  duo  pour 
dessus  et  ténor  : 

D'un  seul  vœu  mon  âme  est  remplie... 

Il  écrivit  ensuite  la  musique  d'un  drame  en  trois  actes, 
Wallace,  qui  eut  un  succès  mérité,  et  dans  lequel  on  applaudit 
un  charmant  air  de  soprano  : 

Soyez  sensible  à  ma  douleur. 

L'Officier  enlevé  (1819)  fut  son  dernier  ouvrage. 

Le  grand  opéra  de  Sémiramis  est  ce  qu'il  donna  de  mieux  à 
la^scène,  mais  son  chef-d'œuvre  eut  le  sort  des  ouvrages  de 
Gossec;  le  libretto  de  Sémiramis  servit  plus  tard  de  canevas  h 
un  opéra  éclatant  qui  devait  faire  oublier  celui  de  Catel. 
* 

Rien  "que  cela  ne  se  rattache  point  à  l'histoire  de  l'opéra 
comique,  je  ne  puis  avoir  parlé  de  Gossec  sans  mentionner,  fait 
assez  rare  chez  les  artistes,  qu'il  était  plein  d'admiration  pour 
tous  les  compositeurs  de  talent  de  son  époque  ;  s'il  devint  le 
protégé  de  Rameau,  c'est  qu'il  rendit  hommage  à  ses  œuvres, 
comme  plus  tard,  son  admiration  pour  les  opéras  de  Gluck  lui 
attacha  ce  grand  génie. 

Ce  fut  avec  bonheur  qu'il  assista  aux  progrès  de  l'art  musical 
de  son  temps,  progrès  qui  reléguaient  souvent  ses  œuvres  au 
rang  d'antiquailles.  Lorsque  Catel  lui  soumit  son  traité  d'har- 
monie, il  l'embrassa  en  lui  disant  :  «  Tu  me  fais  enfin  com- 
«  prendre  ce  que  je  t'ar  enseigné.  »  Aussi  ce  fut  pour  lui  un 
grand  bonheur  d'avoir  «  eu  la  chance  singulière  »,  dit  Ad.  Adam 
dans  les  pages  charmantes  qu'il  lui  a  consacrées,  «  d'entendre  à 
a  Paris  les  dernières  exécutions  des  opéras  de  Lulli,  et  d'assister 
«  aux  premiers  triomphes  de  Rossini.  »  Léon  Meneau. 

{La  suite  au  numéro  prochain.) 

(1)  Né  à  l'Aigle,  en  juin  1773,  mort  à  Paris  le  29  novembre  1830. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  l/OPÉRA-COMIQIJE. 


L'Eventail ,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Jules  Barbier  et 
Michel  Carré  ,  musique  de  M.  Ernest  Boulanger. 

Voici  un  gracieux  pastel  musical,  —  qui  nous  a  été  servi 
presqu'à  l'improviste,  et  même  à  la  grande  surprise  des  auteurs. 
M.  Ernest  Roulanger,  notamment,  le  croyait  renvoyé,  —  sinon 
aux  calendes  grecques,  —  du  moins  à  l'année  prochaine  :  musi- 
cien des  plus  distingués,  il  avait  droit  de  supposer  que  les  direc- 
tions théâtrales  ne  feraient  pas  avec  lui  beaucoup  de  façons. 
Mais,  voyez  la  chance!  Une  artiste  ,  prise  de  maladie  subite,  fait 
ajourner  Barhouf;  nul  autre  ouvrage  n'est  prêt  ;  voilà  l'Éven- 
tail forcément  inscrit  au  rôle,  et  le  public  parisien  condamné, 

—  à  venir  applaudir  une  œuvre  musicale  des  plus  estimables. 
La  pièce  de  MM.  Rarbier  et  Carré  n'est  pas  sans  analogie  avec 

les  Caprices  de  Marianne,  d'Alfred  de  Musset,  —  sauf  le  dé- 
nouement. Elle  a  toute  l'allure  de  Iâ~  fantaisie  espagnole,  avec 
une  légère  dose  de  logique  et  de  sérénité,  comme  l'exigent  les  us 
et  coutumes  de  la  maison  de  Favart. 

Une  jeune  veuve  qui  s'ennuie,  —  dame  Rosalinde,  —  est 
aimée  du  poète  Fabrice;  mais  comme  elle  est  aussi  cruelle  que 
coquette,  la  voilà  qui  fait  chasser  à  coups  de  bâton  ce  senti- 
mental donneur  de  sérénades.  Fabrice,  furieux,  confie-sa  mésa- 
venture à  son  ami  le  capitaine  Annibal,  un  bravache,  un  han- 
teur  de  tavernes. 

—  «  Tu  n'as  que  ce  que  tu  mérites,  avec  tes  lamentables 
romances,  lui  dit  le  capitaine;  passe-moi  ta  mandoline,  et  tu  vas 
voir  comment  l'on  captive  les  femmes  ! ...  » 

Là  dessus  messire  Annibal  entonne  une  fringante  chanson 
assaisonnée  d'une  pointe  de  raillerie.  En  effet,  la  belle  inhumaine 
ne  tarde  pas  à  reparaître  sur  son  balcon,  —  mais  pour  jeter  un 
petit  sou  au  chansonnier.  Annibal  est  furieux  à  son  tour;  les 
deux  amis  ont  donc  une  double  vengeance  à  exercer.  — «  Laisse- 
moi  faire,  dit  le  capitaine,  il  faut  absolument  que  la  belle  m'ac- 
corde un  rendez-vous  ;  je  me  fais  fort  de  l'obtenir;  alors  tu  t'y 
rendras  à  ma  place,  et  lui  diras  :  «  Annibal  ne  vous  a  jamais  ai- 
mée, madame,  et  moi  je  ne  vous  aime  plus.  » 

Cette  comédie  anodine  est  acceptée.  Or,  selon  les  traditions, 
le  capitaine,  tout  en  jouant  avec  le  feu,  s'enflamme  le  cœur  ;  et 
de  son  côté  Rosalinde  n'est  pas  insensible  aux  propos  du  mau- 
vais sujet. 

Heureusement  la  belle  veuve  possède  une  jeune  sœur  des 
plus  avenantes  et  toute  disposée  à  offrir  au  poète  Fabrice  une 
fiche  de  consolation.  Phébé  hâte  le  dénouement  en  excitant  le 
dépit  de  sa  sœur  et  la  jalousie  d'Annibal.  L'éventail  de  Rosa- 
linde, s' égarant  de  mains  en  mains,  collabore  activement  au 
résultat  voulu,  et  tout  annonce  que  deux  mariages  vont  se  célé- 
brer le  même  jour. . .  ou  le  lendemain.  . .  conformément  aux 
rites  andaloux. 

De  ce  canevas  de  bonne  maison  le  compositeur  a  pris  large- 
ment sa  part  ;  sa  partition  de  Y  Éventail  est  et  restera  la  digne 
sœur  de  ses  aînées,  le  Diable  à  l'école  et  les  Sabots  de  la  mar- 
quise. —  Une  série  de  morceaux  mélodieusement  conçus,  habi- 
lement traités;  une  orchestration  saine,  sans  abus  de  sonorité, 

—  et  du  côté  de  la  salle,  de  sincères  marques  de  sympathie,  tel 
est  le  bulletin  de  la  soirée. 

Parmi  les  pages  le  plus  fêtées,  il  faut  citer  les  couplets  à 
boire  chantés  au  lever  du  rideau  par  Annibal  (Crosti)  ;  sa  séré- 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


11 


nade  bouffe,  et  son  duo  avec  Phébé  (MIIe  Cordier).  Disons  bien 
vite  que  Crosti  a  donné  à  tous  ces  morceaux  un  excellent  cachet. 
Mentionnons  encore  l'air  de  MmeFaure-Lefebvre  :  Ah  ma  pau- 
vre file,  et  le  morceau  de  bravoure  du  veuvage,  dont  elle  s'est 
tirée  de  la  façon  la  plus  brillante.  Ponchard,  dans  le  rôle  de 
Fabrice,  s'est  montré,  comme  d'habitude,  comédien  de  la  bonne 
école  et  gracieux  chanteur.  Son  duo  avecMlle  Cordirîr  est,  sans 
contredit,  le  plus  joli  morceau  de  la  partition,  aussi  a-t-il  pro- 
voqué dans  l'auditoire  plusieurs  salves  d'applaudissements. 

Bref,  le  succès  de  ce  petit  opéra  a  été  légitimé*  ;  la  présence  de 
l'Empereur  ajoutait  à  l'éclat  de  la  soirée. 

Le  spectacle  commençait  par  la  Perruche  (musique  de  M.  Cla- 
pisson),  dont  Ambroise,  Laget,  M,les  Pannetrat  et  Tuai  ont  fort 
bien  fait  les  honneurs.  Ambroise,  le  transfuge  des  Variétés, 
tient  avec  aisance  tous  les  rôles  qui  lui  sont  confiés.  Il  s'acclimate 
à  merveille,  et  déjà  le  public  l'accueille  comme  un  enfant  de  la 
maison. 

J.  Lovy. 


SEMAINE  THEATRALE. 

A  I'Opéra,  le  succès  du  Papillon  prend  de  grandes  propor- 
tions. MIles  Emma  Livry  et  Marquet  obtiennent  chaque  fois  des 
ovations  princières.  L'Empereur  est  allé  voir  une  seconde  fois 
le  charmant  ballet  de  Mme  Marie  Taglioni  et  de  M.  de  Saint- 
Georges  ;  la  foule  sanctionnera  avec  empressement  cette  marque 
officielle  d'approbation. 

La  reprise  de  Guillaume  Tell ,  avec  le  baryton  Morelli, 
Mlle  Carlotta  Marchisio,  MM.  Gueymard  et  Belval,  est  à  l'ordre 
du  jour  de  cette  semaine. 

Avant-hier,  vendredi,  la  6e  représentation  du  Papillon  a  été 
de  nouveau  honorée  de  la  présence  impériale.  Ce  soir  là  l'af- 
fiche s'était  enrichie  d'un  attrait  de  plus  :  la  première  audi- 
tion de  la  cantate  Ivan  IV,  couronnée  par  l'Institut.  On  sait 
que  M.  Achille  Fould,  alors  ministre  d'État,  prenant  en  consi- 
dération le  succès  éclatant  du  jeune  Paladilhe,  avait  décidé  que 
sa  cantate  serait  exécutée  à  l'Opéra.  Son  honorable  successeur, 
M.  Walewski,  s'est  empressé  de  ratifier  cette  décision.  MM.  Mi- 
chot,  Cazaux  et  Mlle  Amélie  Rey  chantaient  les  soli. 

On  a  remarqué  la  sérénade  du  ténor,  et  le  trio  scénique  qui  a 
servi  de  cadre  à  M.  Théodore  Anne  pour  développer  le  sujet  de 
sa  cantate.  Ce  trio  est  une  belle  et  grande  page  des  plus  méri- 
tantes, surtout  si  l'on  considère  que  les  élèves  mis  en  loge  se 
trouvent  dans  l'obligation  d'écrire  sur  un  canevas  donné,  à  jour 
fixe,  pour  des  voix  absentes,  pour  des  instruments  muets,  et 
dont,  par  cela  même,  leur  jeune  expérience  ne  saurait  se  rendre 
un  compte  exact.  A  plus  d'un  titre,  M.  Paladilhe  méritait  donc 
l'honneur  qui  vient  de  lui  être  fait,  et  son  maître  Halévy  ajoutait 
à  cet  honneur  en  venant  encourager  de  sa  présence  sur  la  scène, 
le  jeune  et  vaillant  lauréat. 

Aujourd'hui  dimanche ,  représentation  extraordinaire  de  la 
Sémiramis,  par  les  sœurs  Marchisio  et  MM.  Obin,  Dufrène  et 
Coulon.  Demain  lundi,  le  Prophète,  pour  la  rentrée  de  Mme  Te- 
desco,  et  mercredi  prochain  septième  représentation  du  Papillon. 

Au  Théâtre-Italien  on  a  repris  Marta,  la  suave  partition 
de  M.  de  Flotow.  Mme  Alboni,  dans  le  rôle  de  Nancy,  s'est 
montrée  à  la  fois  merveilleuse  cantatrice  et  comédienne  parfaite  ; 
sa  verve  a  électrisé  la  salle  entière.  Graziani  est  toujours  à  la 
hauteur  de  sa  magnifique  voix  et  de  sa  réputation.  Mario,  Zuc- 


chini  et  Mlle  Battu  réalisent  un  délicieux  ensemble,  infiniment 
supérieur  h  celui  de  la  Lucie.  Aussi  la  partition  de  Marta,  mal- 
gré son  infériorité  relative,  attire-t-elle  beaucoup  de  monde. 

En  attendant  Barkouf,  qui  sera  représenté  vers  le  20,  — 
M"e  Marimon  au  lieu  et  place  de  M1Ie  Saint-Urbain,  —  I'Opéra- 
Comiqde  nous  a  donné  cetle  semaine  la  première  représentation 
de  l'Éventail  avec  la  reprise  de  la  Perruche.  (Voir  notre  article 
de  ce  jour.) 

Le  Théâtre-Lyrique  donnera  vendredi  prochain  la  première 
représentation  des  Pêcheurs  de  Catane  ,  drame  lyrique  en  trois 
actes,  de  MM.  Cormon  et  M.  Carré,  musique  de  M.  Aimé  Mail- 
lart.  L'administration  n'a  rien  négligé  pour  augmenter  l'intérêt 
qui  s'attache  déjà  à  l'apparition  d'une  œuvre  nouvelle  de  l'au- 
teur des  Dragons  de  Villars.  On  parle  de  décors  et  de  costumes 
splendides.  Mais,  outre  ce  luxe  auquel  on  est  habitué  au  Théâtre- 
Lyrique,  la  première  représentation  des  Pécheurs  de  Catane 
servira  aux  débuts  de  Mlle  Baretti  et  de  M.  Peschard,  débuts 
qui,  si  l'on  en  croit  des  indiscrétions  de  coulisses,  sont  appelés 
à  un  bel  avenir.  Les  représentations  des  Pécheurs  de  Catane 
alterneront  avec  celles  du  Val  d'Andorre,  dont  les  recettes  se 
maintiennent  au  chiffre  le  plus  élevé. 

Aux  Bouffes-Parisiens,  le  succès  trois  fois  centenaire  d'Or- 
phée  aux  enfers  retarde  la  première  représentation  de  Fortunio, 
nouvelle  opérette  de  J.  Offenbach. 
* 

Une  comédie  en  cinq  actes,  en  vers,  de  M.  Louis  Bouilhet, 
vient  de  recevoir  un  brillant  accueil  à  FOdéon  :  l'Oncle  million, 
tel  est  le  titre  piquant  de  cette  œuvre,  dont  le  succès  a  été  par- 
tagé par  les  interprètes,  MM.. Tisserand,  Kime,  Thiron ,  Mes- 
dames Thuillier,  Ramelli,  Mosé. 

La  Dame  aux  camélias,  qui  a  tari  toutes  les  larmes  du  Vau- 
deville, s'est  décidée  à  émigrer  vers  le  Gymnase,  où  Mme  Rose 
Chéri  personnifie  le  principal  rôle  d'une  façon  Irès-remarquable, 
Lafontaine  aidant. 

En  attendant  la  nomination  du  nouveau  directeur,  M.  Dor- 
meuil,  les  artistes  du  Vaudeville  ont  été  autorisés  à  continuer 
les  représentations.  La  commission  administrative  se  composait 
de  MM.  Lafont,  Brindeau  et  Saint-Germain. 

Le  Palais-Boyal  a  servi  à  ses  habitués  deux  amusants  vau- 
devilles :  le  Passé  de  Nichette  et  le  Serment  d'Horace.  Cette 
dernière  pièce ,  signée  Henri  Murger,  ne  saurait  désavouer  la 
signature  ;  elle  abonde  en  mots  charmants.  Ravel  est  fort  humo- 
ristique dans  le  personnage  d'Horace. 

Enfin,  sur  la  scène  de  Mme  Déjazet,  notre  spirituelle  comé- 
dienne a  repris  les  Premières  armes  de  Richelieu,  et  retrouvé 
ses  admirateurs  d'autrefois.  Trottmann  le  touriste,  joué  par 
Dupuis,  mérite  une  mention  honorable. 

J.  Loyy. 


P.  S.  Les  obsèques  de  M.  Louis  Lurine,  directeur  du  Vaudeville,  ont  eu 
lieu  dimanche  dernier.  Une  foule  considérable  d'hommes  de  lettres,  d'ar- 
tistes, d'amis  du  défunt,  remplissait  l'église  Notre-Dame-de-Lorette  et  ses 
abords.  Après  le  service,  le  convoi  s'est  dirigéversle  cimetière  du  Nord.  Les 
cordons  du  poêle  étaient  tenus  par  M.  Auguste  Maquet,  vice-président  de 
la  Société  des  auteurs  dramatiques  ;  M.  Emmanuel  Gonzalès,  vice-président 
de  la  Société  des  gens  de  lettres  ;  51.  Hippolyte  Cogniard,  directeur  des 
Variétés,  et  M.  Brindeau,  ancien  sociétaire  de  la  Comédie-Française,  artiste 
du  Vaudeville.  Le  deuil  était  conduit  par  MM.  Albéiic  Second,  Raymond 
Deslandes  et  Edouard  Martin.  On  remarquait  dans  l'assistance,  M.  Camille 


12 


LE  MÉNESTREL. 


Doucet,  chef  de  la  division  des  théâtres  au  ministère  d'État;  M.  Scribe, 
président  à  vie  de  la  Société  des  auteurs  dramatiques  ;  M.  le  baron  Taylor, 
président  honoraire  de  la  Société  des  gens  de  lettres  ;  plusieurs  membres 
de  l' Académie-Française,  presque  tous  les  directeurs  des  théâtres  de  Paris. 
Deux  discours  prononcés  sur  la  tombe,  l'un  par  M.  Félix  MallefiUe,  l'autre 
par  M.  Frédéric  Thomas,  ont  laissé  la  plus  profonde  impression.  La  péro- 
raison de  M.  MallefiUe  :  «  Ci-git  un  homme  d'honneur  »  restera  la  digne 
épitaphe  du  défunt. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  OU  CHANTEUR. 


DE  L'ACCENTUATION 

Considérée  dans  ses  rapports  avec 
EA  SONORITÉ,    EA   MESURE    ET   LE  RIIYTIIIHE. 

II. 

ACCEXTS   Km'THMIQUES. 

Nous  donnons  le  nom,à' accents  rhythmiques,  aux  inflexions  de 
sonorité  qui  accompagnent  toujours  la  note  initiale  des  dessins 
mélodiques,  ou  certains  traits  dont  la  configuration  offre  des  ré- 
pétitions fréquentes  des  mêmes  formules. 

Les  pièces  d'une  allure  vive  et  très-fWfmttî'nf'e  comme  les  Taren- 
telles, Saltarelles,  Boléros,  Mazurkas,  Scherzi,  présentent  de 
nombreux  exemples  de  ces  sortes  d'accents. 

Mais  ce  principe  général  trouve  aussi  bien  souvent  son  appli- 
cation dans  des  compositions  d'un  tout  autre  caractère.  Phrases 
expressives,  études,  etc.,  nous  ferons  seulement  remarquer  que 
ces  inflexions  de  sonorité  doivent  être  finement  indiquées,  tracées 
avec  délicatesse,  et  variées  d'intensité  suivant  la  progression  de  la 
phrase  entière  ;  c'est  une  nuance  qui  s'ajoute  à  la  couleur  déter- 
minée et  dominante  de  la  période  musicale. 

La  fantaisie,  le  caprice,  l'imagination  et  le  génie  des  maîtres 
variant  à  l'infini  le  contour  des  phrases,  les  arabesques  des 
traits ,  ce  serait  un  acte  de  folie  que  de  poser  des  règles  absolues 
et  fixes  d'accentuation;  nous  posons  seulement  ce  principe  qui 
laisse  tout  le  champ  libre  aux  exceptions  :  qu'il  doit  y  avoir  dans 
le  son  musical  comme  dans  la  parole  une  certaine  progression 
ascendante  ou  descendante,  lorsque,  un  rhythme  étant  donné,  il 
se  meut  d'une  manière  régulière,  périodique.  Rien  de  monotone 
et  de  fatigant  comme  la  répétition  fréquente  des  formules 
rhythmiques  ou  mélodiques  sans  inflexion  do  sonorité. 

Que  le  signe  soit  marqué  ou  non,  le  son  doit  suivre  la  marche 
ascendante  ou  descendante  indiquée  par  la  figure  des  traits,  et 
cela  sans  oublier  les  accents  secondaires  ou  saillants  commandés 
par  la  nature  du  trait,  les  proportions  rhythmiques,  les  modu- 
lations, cadences  mélodiques  et  harmoniques. 

Nous  désignons  sous  le  nom  d'accents  de  mesure,  l'inflexion 
de  force  donnée  aux  notes  placées  sur  les  temps  forts  ou  la  partie 
forte  des  temps,  abstraction  faite  de  leur  valeur  et  de  leur  impor- 
tance mélodique. 

La  main  gauche,  quoiqu'elle  ait  souvent  une  allure  indépen- 
dante, est  plus  particulièrement  chargée  d'indiquer  les  accents  de 
mesure,  ou  tout  au  moins  de  les  soutenir  par  l'attaque  un  peu  plus 
prononcée  des  basses  fondamentales  ou  chantantes  ;  mais  celte 
règle  générale  ne  peut  être  posée  en  principe  absolu,  —  bien  des 
exceptions  d'un  charmant  effet  faisant  opposition  à  la  règle. 
Nous  n'avons  pas  à  indiquer  ici  les  différentes  variétés  de 


mesure  ;  l'étude  du  solfège  et  les  principes  élémentaires  de  la 
théorie  musicale  apprennent  aux  élèves,  dès  leur  début,  quels 
sont  les  temps  réputés  forts  ou  faibles;  bornons-nous  donc  à 
dire  qu'un  principe  élémentaire  de  diction  musicale  veut  que  les 
notes  placées  sur  les  temps  forts  soient  plus  légèrement  accusées. 
Ceci  s'applique  tout  aussi  bien  aux  formules  mélodiques  qu'aux 
traits  brillants  ou  légers,  de  quelque  nature  qu'ils  soient.  - 

Celle  accentuation  se  trouve  complètement  déplacée  et  changée 
dans  les  passages  syncopés.  C'est  encore  au  solfège  que  nous 
renvoyons  pour,  la  définition  du  mot  syncope.  Nous  nous  bor- 
nons à  dire  que  dans  ces  sortes  de  passages,  le  son  attaqué  sur  le 
temps  faible  et  prolongé  sur  le  temps  fort,  acquiert  la  valeur 
d'accentuation  réservée  en  principe  aux  temps  forts  ;  le  temps 
faible  devient  fort,  et  par  contre,  le  temps  fort  devient  faible. 


Indépendamment  des  accents  de  mesure  et  rhythmiques  et 
des  accents  qui  tiennent  au  caractère  de  la  mélodie,  à  son  con- 
tour, à  la  configuration  des  traits,  à  leur  rhythme,  à  la  nature 
des  accompagnements,  la  mélodie  a  des  accents  grammaticaux 
qui  lui  sont  propres.  Ainsi,  les  appogiatures  simples  et  doubles, 
inférieures  et  supérieures,  les  brisés,  les  ports  de  voix,  les  altéra- 
tions qui  ont  un  caractère  expressif  ou  modulatoire,  portent  tout 
naturellement  des  accents  dont  l'intensité  et  la  durée  varient 
suivant  le  caractère  de  douceur  ou  de  force  de  la  phrase  mu- 
sicale. 

Les  cadences  ou  repos  mélodiques  et  harmoniques  portent 
aussi  des  accents  sur  l'avant-dernière  note,  celle  qui  précède  le 
repos.  L'accent  varie  suivant  la  nature  de  la  cadence  momen- 
tanée ou  finale.  Les  accords  dissonnants  et  modulatoires  portent 
aussi  des  accents  de  force.  Dans  les  phrases  expressives,  on  atté- 
nue souvent  l'effet  dissonnant  par  un  arpège  ou  en  esquivant 
avec  douceur  ce  que  la  dissonnance  peut  avoir  de  dur. 

Il  y  a  dans  le  style  des  qualités  d'accentuation  qui  tiennent  à 
la  vérité  d'expression,  c'est  là  le  sentiment  individuel  et  natif 
qu'il  faut  savoir  respecter. 

Mais  il  s'en  trouve  aussi  un  grand  nombre  qui  dépendent  de 
la  correction  grammaticale.  Ce  sont  ceux-là  que  nous  avons  eu 
la  prétention  de  mieux  préciser  en  indiquant  l'emploi  raisonné 
que  l'on  doit  en  faire,  la  place  qu'ils  occupent,  l'influence  qu'ils 
peuvent  avoir,  le  rôle  actif  et  matériel  qu'ils  sont  appelés  à  jouer 
dans  le  discours  musical. 


Résumons-nous  :  • 

Nous  ne  craignons  pas  d'affirmer  que  les  principes  généraux 
rationnels  d'une  bonne  accentuation  grammaticale  sont  du  do- 
maine de  l'enseignement. 

Quant  aux  accents  expressifs  et  pathétiques,  ils  échappent  à 
l'analyse,  à  la  précision  des  règles.  Les  nuances  si  variées  du 
sentiment,  les  élans  passionnés  de  l'inspiration  se  traduisent  de 
mille  façons  différentes,  suivant  l'organisation,  la  sensibilité  et 
l'instruction  musicale  de  l'exécutant. 

Ces  différentes  manières  d'exprimer  et  d'interpréter  la  même 
pensée  constituent  seules  dans  l'exécution  l'individualité  et  l'ori- 
ginalité de  l'artiste. 

Mais  il  y  a  dans  l'exécution  vocale  ou  instrumentale  des 
accents  précis,  invariables  que  l'on  peut  parfaitement  désigner 
sous  le  nom  d'accenls  orthographiques  de  la  langue  musicale. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


13 


Une  accentuation  exacte,  juste,  conforme  aux  lois  du  goût  et 
de  la  méthode,  résume  une  qualité  plus  rare  qu'on  ne  pense,  et 
si  nous  avons  un  peu  longuement  insisté  sur  un  sujet  souvent 
débattu  et  d'une  utilité  contestée  par  des  musiciens  dont  nous 
respectons  la  conviction,  sans  toutefois  nous  ranger  à  leur  avis, 
c'est  parce  que  nous  croyons  du  plus  grand  intérêt,  pour  les 
progrès  des  élèves,  de  guider  leur  goût  en  les  habituant  dès  les 
premiers  pas  à  colorer  sagement  leur  exécution  au  moyen  d'une 
accentuation  précise,  juste  et  variée  dans  ses  effets. 

Marmontel. 


LA  SESSION  DU  CONGRÈS 

pour  la  restauration  du  plain-euant  et  de  la  musique  d'église. 

Nous  avons  dit  que  la  session  du  Congrès  pour  la  restauration 
du  plain-chant  et  de  la  musique  d'église  avait  eu  lieu  du  27  no- 
vembre au  1er  décembre  inclusivement,  dans  le  local  de  la  So- 
ciété d'Encouragement,  rue  Bonaparte,  44.  Dès  le  mardi,  27, 
les  membres  du  Congrès  s'étaient  réunis  à  Saint -Eustache  à 
onze  heures  du  matin,  pour  assister  à  la  messe  du  Saint-Es- 
prit, célébrée  par  M.  l'abbé  Simon,  curé  de  cette  paroisse.  Cette 
messe,  à  laquelle  assistaient  les  membres  du  Congrès  résidant  à 
Paris,  ceux  arrivés  des  provinces,  et  une  foule  de  personnes  dis-, 
tinguées,  a  été  accompagnée  du  chant  du  Veni  Creator,  alter- 
nant avec  le  grand  orgue  ,  de  plusieurs  morceaux  exécutés 
par  M.  Ed.  Batiste,  l'excellent  organiste  ,  de  l'exécution  de 
YAdoremus  te,  du  Palestrina,  et  de  VAve  Maria  des  pèlerins  du 
xve  siècle.  Après  le  Domine  salvum  fac  en  faux  bourdon,  le 
chœur  a  entonné  un  admirable  cantique  du  P.  Brydayne,  qui  a 
servi  comme  de  prélude  à  une  belle  et  éloquente  allocution  que 
le  président  du  Congrès,  M.  l'abbé  V.  Pelletier,  chanoine  de 
l'église  d'Orléans,  a  prononcée  en  chaire. 

N'oublions  pas  de  dire  que  les  maîtres  de  chapelle  de  quatre 
paroisses  de  Paris:  M.  Delort,  de  Saint-Pierre-de-Chaillot; 
M.  E.  Gautier,  de  Saint-Eugène;  M.  Dhibaut,  de  Saint- Jacques- 
du-Haut-Pas,  et  M.  Renaud,  de  Saint -Sulpice,  avaient  eu  l'obli- 
geance d'envoyer  un  certain  nombre  de  leurs  choristes  pour  con- 
courir, sous  l'habile  direction  de  M.  Hurand,  maître  de  cha- 
pelle de  Saint-Eustache,  à  l'exécution  des  morceaux  entendus. 
Aussi  cette  exécution  a-t-elle  été  parfaite. 

Le  soir,  à  trois  heures,  première  séance  générale  pour  l'adop- 
tion définitive  du  règlement,  la  constitution  des  trois  seclions  et 
la  répartition  des  travaux  dans  chacune  d'elles.  On  remarquait 
au  bureau  :  31.  l'abbé  Pelletier,  président;  MM.  F.  Benoist, 
A.  de  la  Fage,  d'Ortigue,  vice-présidents;  M.  Rabutaux,  secré- 
taire général,  et  M.  Calla,  trésorier;  au-dessous  de  l'estrade  et 
à  la  droite  du  bureau,  le  sténographe.  C'est  dans  cette  séance 
que  l'époque  des  concours  proposé  par  les  éditeurs  de  la  Maîtrise 
a  été  prorogée  de  trois  mois. 

Dès  que  les  sections  ont  été  saisies  de  l'ordre  de  leurs  travaux, 
on  peut  dire  que  le  zèle  le  plus  intelligent,  la  plus  louable  émula- 
tion ont  animé  tous  les  membres,  et  les  discussions  les  plus  sé- 
rieuses ,  les  rapports  les  plus  intéressants  se  sont  succédé 
d'heure  en  heure.  Ainsi,  chaque  jour  apportait  un  nouvel  ali- 
ment aux  séances  générales.  Plusieurs  membres  y  ont  fait  preuve 
d'un  véritable  talent  oratoire.  Parmi  eux,  il  faut  citer  M.  l'abbé 
Chantôme,  M.  Charreire,  organiste  de  Limoges,  ancien  élève 
de  l'Institution  des  Jeunes-Aveugles,  et  M.  le  chevalier  X.  van 
Élewyck,  qui  s'est  présenté  au  Congrès  au  nom  des  intérêts  de 
l'art  musical  religieux  en  Belgique.  On  sait  l'accueil  tout  sym- 


pathique et  cordial  que  l'assemblée  tout  entière  a  fait  à  la  pa- 
role éloquente  et  généreuse  du  chevalier  van  Élewyck. 

N'oublions  pas  ce  bon  et  respectable  curé  du  village  de  Pif- 
fonds,  du  diocèse  de  Sens,  que  l'on  pourrait  appeler  le  père  le 
Jeune  du  Congrès,  M.  l'abbé  Bémond,  qui  est  venu  avec  tant 
d'humilité  ,  de  bonhomie ,  une  élocution  si  simple  et  si  insi- 
nuante, plaider  la  cause  des  populations  des  campagnes,  déshéri- 
tées de  tout  plain-chant,  de  toute  musique  sacrée.  C'a  été  là  l'un 
des  épisodes  les  plus  curieux  et  les  plus  inattendus  du  Congrès. 

MM.  les  chanoines  Gontier,  du  Mans;  Planque,  d'Arras; 
M.  l'abbé  Stéphen  Morelot,  M.  l'abbé  Cloët,  M.  l'abbé  Delatour, 
M.  l'abbé  Brumare ,  M.  l'abbé  Vanson  ,  M.  l'abbé  Valleix, 
M.  l'abbé  Raillard,  M.  l'abbé  Arnaud,  M.  l'abbé  Jules  Bon- 
homme, M.  l'abbé  de  Geslin,  M.  l'abbé  Tesson,  M.  l'abbé  Léger, 
M.  l'abbé  Barbier  de  Montault,  avec  quelques  laïques,  MM.  A. 
de  la  Fage,  AloysKunc,  E.  Gautier,  Vervoitte,  Gastinel,  Char- 
reire, Delort,  Octave  Poix,  Dhibaut ,  Schmitt ,  Calla ,  Marli- 
neau,  etc.,  représentaient  en  quelque  sorte  la  partie  scientifique 
des  questions  soumises  au  Congrès.  Ces  questions  se  trouvent 
résumées  dans  une  Adresse  à  l'Épiscopat,  présentée  par  MM.  de 
Vaucorbeil,  Bertrand  et  J.  d'Ortigue ,  dont  la  discussion  et 
l'adoption  ont  occupé  toute  la  séance  générale  du  vendredi  30  no- 
vembre. Cette  Adresse  est  à  la  fois  une  déclaration  de  principes 
et  l'expression  des  vœux  du  Congrès.  Nous  la  ferons  connaître 
prochainement  à  nos  lecteurs. 

Il  n'y  a  eu  qu'une  voix  dans  l'assemblée  pour  admirer  le  talent, 
la  présence  d'esprit,  l'habileté,  le  zèle  infatigable  avec  lesquels 
M.  l'abbé  Pelletier  a  dirigé  et  souvent  soutenu  la  discussion 
pendant  le  cours  de  ces  importantes  séances. 

La  session  du" Congrès  avait  commencé  par  un  acte  religieux; 
elle  s'est  terminée  par  une  bonne  œuvre.  Sur  la  proposition  de 
M,  Ed.  Batiste,  une  quête  a  été  faite  au  profit  de  l'Association 
des  artistes  musiciens  ;  cette  quête,  bien  qu'effectuée  au  dernier 
moment,  n'a  pas  été  sans  résultat,  et  le  produit  a  été  envoyé, 
dès  le  lendemain,  à  M.  le  baron  Taylor. 

J.  d'Oktigde. 


MONUMENT  A  CHERUBINI. 

La  ville  de  Florence  a  résolu  de  rendre  à  Cherubini  l'hon- 
neur qu'elle  a  rendu  à  ses  hommes  les  plus  illustres.  Cherubini 
est  né  dans  cette  ville  le  14  septembre  1760,  et,  à  l'occasion  de 
l'anniversaire  séculaire  de  sa  naissance,  on  a  posé  dans  l'église 
de  Santa-Croce  la  première  pierre  d'un  monument  qui  lui  sera 
érigé  à-côté  de  ceux  de  Michel-Ange  et  de  Galilée.  Une  commis- 
sion composée  d'hommes  éminents  s'est  formée  à  Florence  pour 
recueillir  les  souscriptions  nécessaires  et^  en  diriger  l'emploi.  Le 
roi  Victor-Emmanuel,  le  prince  de  Savoie-Carignan,  ont  ouvert 
la  liste  des  souscripteurs,  et  la  ville  même  y  a  contribué  pour 
une  somme  importante. 

La  commission  de  Florence  a  fait  un  appel  à  la  France,  mais 
l'initiative  prise  en  cette  circonstance  par  l'Italie  aurait  pu  l'être 
également  par  nous,  car  on  ne  saurait  dire  à  laquelle  des  deux 
nations  Cherubini  appartient  le  plus.  S'il  est  né  en  Italie,  s'il  y 
a  fait  ses  premiers  pas  d'artiste,  c'est  en  France  qu'il  a  composé 
ses  chefs-d'œuvre,  fondé  une  école  et  laissé  d'immortels  souve- 
nirs. Notre  part  dans  la  dette  commune  est  sans  contredit  la  plus 
forte,  et  nous  serons  heureux  de  l'acquitter.  Un  comité  s'est  donc 
constitué  à  Paris  ;  il  a  lieu  d'espérer  que  l'hommage  de  l'admi- 
ration et  delà  reconnaissance  sera  digne  des  services  rendus  par 


i  V 


LE  MÉNESTREL. 


le  grand  artiste  dont  la  gloire  demande  une  dernière  consé- 
cration. 

La  souscriplion  est  ouverte  au  Conservatoire  impérial  de  mu- 
sique et  de  déclamation,  au  bureau  de  M.  Réty. 

Les  membres  du  comité  : 
MM.  Auber,  membre  de  l'Institut,  Président; 

Prince  Joseph  Poxiatowski,  sénateur;  Halévy,    membre 

de  l'Institut,  Vice-Présidents  ; 
Berlioz,  Carafa,  Clapisson,  Georges  Kastner,  Meyer- 
beer,  Reber,  Rossini  ,  Ambroise  Thomas,  Membres 
de  l'Institut  ; 
Edouard  Monnais,  Secrétaire. 


SAISON  DE  NICE. 

On  lit  dans  la  Gazette  des  Eaux,  correspondance  de  Nice  : 
—  Depuis  bien  des  années  notre  ville  n'a  reçu  un  aussi  grand 
nombre  d'étrangers  ;  une  riche  société  française,  anglaise  et 
xusse  s'est  donné  rendez- vous  cet  hiver  a  Nice. — Aussi  notre 
splendide  soleil  fait-il  fête  à  tout  ce  beau  monde  qui  nous  ar- 
rive de  Paris,  de  Londres  et  de  Pétersbourg.  Aussi  les  réunions, 
les  bals  et  les  concerts  s'annoncent  devoir  être  fort  brillants,  et 
notre  théâtre  impérial  italien,  traduit  en  belles  recettes  chacune 
de  ses  soirées.  —  Il  est  juste  de  dire  que  noire  nouveau  direc- 
teur, M.  L.  Avette,  homme  actif  et  intelligent,  offre  à  notre 
élégant  public  étranger,  la  fleur  du  répertoire  italien  chanté  par 
des  artistes  que  ne  désavouerait  pas  la  capitale.  —  Après  la 
Favorite  et  le  Trovatore,  dans  lesquels  la  Sanchioli  et  laBerini 
ainsi  que  Pozzo,  Rossi  et  Binaghi  ont  été  maintes  fois  rappelés, 
on  nous  a  offert  YAroldo  de  Verdi,  opéra  inconnu  ici.  —  Cet 
ouvrage,  malgré  les  beautés  de  premier  ordre  qu'il  renferme,  et 
en  dépit  du  mérite  de  ses  vaillants  interprètes,  n'a  pas  fait 
furore  !  Pourquoi?...  Chi  lo  sa? 

La  nouvelle  direction  voulant  répondre  aux  sympathies  de 
la  société  d'élite  qui  fréquente  assidûment  le  théâtre  impérial, 
a  engagé  Vicentelli ,  ténor  de  réputation  ,  venant  de  la  Scala 
pour  chanter  la  Traviata  et  Rigoletto.  —  Dans  ces  deux  ou- 
vrages, Vicentelli  a  eu  un  succès  d'enthousiasme,  ainsi  que  la 
Berini  qui,  dans  la  Traviata  surtout,  s'est  révélée  cantatrice  de 
premier  ordre,  qui  nous  sera,  hélas!...  bientôt  enlevée  par 
Paris.  —  On  nous  assure  que  notre  infatigable  directeur  vient 
d'engager  un  nouvel  artiste,  dont  le  nom  m'échappe ,  pour 
chanter  /  Masnadieri  de  Verdi.  —  La  première  représenta- 
tion de  cet  opéra,  nouveau  pour  nous,  aura  lieu  très-prochaine- 
ment. —  Les  nouveautés  lyriques,  vous  le  voyez,  se  succèdent 
ici,  aussi  notre  théâtre  italien  fait-il  fanatisme 

Le  théâtre  français,  qui  possède  une  des  meilleures  troupes 
qu'il  nous  ait  été  donné  d'applaudir  à  Nice  ,  obtient  également 
du  succès.  —  Le  drame  a  pour  interprètes  des  artistes  d'une 
véritable  valeur,  tels  que  Mmc  Derouet  et  M.  Haciot  ;  et  les  co- 
miques Monbrun  et  Legais  rivalisent  d'esprit,  de  verve  et  de 
gaîté  dans  le  vaudeville....  mais....  ou  disons  mieux,  malheu- 
reusement ce  théâtre  n'est  suivi  que  par  la  population  niçoise, 
et  cela  ne  nous  paraît  pas  suffisant  pour  couvrir  ses  frais  d'ex- 
ploitation. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  A  Vienne  on  a  commencé  les  répétitions  de  l'opéra  de  Rubinstein, 
les  Enfants  des  Landes.  L'œuvre  sera  représentée  dans  les  derniers  jours 
de  ce  mois. 

—  Les  nouvelles  de  Vienne  nous  apprennent  aussi  que  la  baronne  Pas- 
qualat  a  obtenu  le  privilège  d'un  nouveau  théâtre  qui  portera  son  nom. 

—  Enfin,  des  correspondances  de  la  même  ville,  nous  assurent  qu'au 
théâtre  de  la  cour,  il  n'y  aura  pas  d'opéra  italien  cette  année. 

—  La  presse  littéraire  de  Berlin  a  perdu  un  de  ses  représentants  les  plus 
notables,  Louis  Rellstab,  dont  les  journaux  prussiens  viennent  de  nous  an- 
noncer la  mort.  On  doit  à  Rellstab  un  grand  nombre  d'articles  de  critique 
musicale  des  plus  estimés. 

—  Le  violon  Stradivarius  dont  Spohr  s'est  servi  pendant  un  demi- 
siècle,  va  être  mis  en  vente  par  ses  héritiers.  On  dit  que  c'est  un  des 
meilleurs  instruments  à  cordes  connus. 

—  Le  gouvernement  actuel  de  la  Chine,  disent  les  correspondances,  se 
divise  en  quatre  branches  principales,  confiées  à  des  mandarins,  et  l'on 
ne  remarque  pas  sans  intérêt  que  la  quatrième  branche  ,  le  département 
de  la  musique,  a  pour  président  le  frère  du  précédent  empereur. 

—  On  écrit  de  Rotterdam,  que  l'existence  de  l'opéra  allemand  a  été  ga- 
rantie par  la  souscription  d'actions  du  capital  de  750,000  florins.  L'éta- 
blissement est  en  voie  de  prospérité  et  les  représentations  sont  très- 
suivies. 

—  On  lit  dans  le  Sun,  journal  de  Londres  :  «  Une  grande  matinée  musi- 
cale a  été  donnée  samedi  dernier  dans  la  salle  de  V Assemblée,  à  Saint- 
Léonard,  Hasting,  par  Mme  Thérésa  Wartel,  —  matinée  délicieuse  pour 
tous  les  assistants,  et  telle  qu'on  devait  l'attendre  d'un  choix  de  musique 
de  la  haute  école,  interprétée  par  des  artistes  qui  en  comprennent  la  res- 
ponsabilité. Le  beau  trio  en  ré,  de  Mendelssohn,  pour  piano,  violon  et 
violoncelle,  ouvrait  le  concert  et  a  été  magistralement  exécuté  par  Mme  War- 
tel, MM.  Sainton  et  Piatti.  Une  fantaisie  pour  le  violon  par  M.  Sainton,  et 
un  solo  de  violoncelle  par  AI.  Piatti,  ont  mérité  à  ces  deux  artistes  les  plus 

'vifs  applaudissements.  Quant  à  Mmc  Wartel,  elle  s'est  admirablement  tenue 
à  la  hauteur  de  sa  réputation.  Mentionnons  enfin  que  la  partie  vocale  a 
été  parfaitement  défrayée  par  Mme  Sainton-Dolby,  et  espérons  que  Mme  War- 
tel offrira  aux  habitants  d'Hasling  plus  d'une  occasion  d'applaudir  son  beau 
talent.  » 

—  Le  ténor  allemand  Reichardt,  dont  les  concerts  de  Londres  et  de 
Paris  ont  gardé  le  meilleur  souvenir,  est  de  retour  parmi  nous,  il  se  pro- 
pose, dit-on,  de  se  faire  entendre  dans  nos  concerts  et  de  répondre  à  l'appel 
des  sociétés  philharmoniques  des  déparlements. 

—  Les  concerts  de  la' société  des  Beaux-Arts  de  Nantes  et  de  la  société 
philharmonique  d'Angers,  pour  lesquels  Mme  Carvalho  avait  été  appelée 
de  Paris,  ont  produit  si  grande  sensation,  que  les  deux  administrations 
théâtrales  sont  venues  spontanément  offrir  un  pont  d'or  à  la  célèbre  can- 
tatrice qui  a  dû  chanter  le  Barbier,  les  Noces  de  Jeannette  et  Lucie.  On 
n'a  pas  idée,  nous  écrit-on,  d'un  pareil  enthousiasme,  d'un  pareil  em- 
pressement. A  Nantes,  la  loge  de  Mmo  Carvalho  était  littéralement  en- 
combrée de  fleurs  ;  du  reste,  on  peut  dire  qu'Angers  et  Nantes  se  sont 
disputé  l'honneur  de  combler  la  grande  artiste  des  prévenances  les  plus 
délicates. 

—  Herman  avait  été  également  appelé  par  la  société  des  Beaux-Arts  de 
Nantes,  non-seulement  pour  s'y  faire  entendre  comme  soliste,  mais  aussi 
pour  accompagner  Mme  Miolan-Carvalho,  dans  l'air  du  Prc-aux-Clercs  et 
l'Ave  Maria  de  Gounod  sur  le  prélude  de  Bach.  Son  succès  a  été  des  plus 
complets,  malgré  un  triste  épisode  de  voyage  qui  a  failli  le  mettre  dans 
l'impossibilité  de  paraître  en  public.  La  veille,  notre  virtuose  avait  pris  le 
chemin  de  fer  de  Nantes  et  s'arrêta  avec  un  certain  nombre  de  personnes 
à  la  gare  des  Aubrais  à  Orléans,  où  il  leur  fut  servi  du  veau  aux  cham- 
pignons, dont  les  tristes  effets  durent  faire  arrêter  le  train  express  deux 
ou  trois  fois.  Nos  malheureux  voyageurs  étaient  empoisonnés  et  de  ma- 
nière à  se  trouver,  sinon  en  danger  de  mort,  du  moins,  dans  un  état  dé- 
plorable. Ce  n'est  qu'avec  un  grand  courage,  que  M.  Herman  a  pu  se  lever 
le  lendemain  au  soir,  pour  tenir  son  engagement  avec  la  société  des 
Beaux-Arts  de  Nantes. 

—  A  Angers,  c'est  le  violoniste  W.  Cattermole,  élève  de  Léonard, 
gendre  de  M.  Fétis,  qui  a  accompagné  Mme  Carvalho  et  de  la  manière  la 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


IS 


plus  remarquable.  Nous  devons  aussi  une  mention  toute  spéciale  au  ba- 
ryton Comte-Eorchard,  qui,  au  théâtre  de  Nantes,  a  merveilleusement 
secondé  Mmo  Carvalbo  dans  les  Noces  de  Jeannette. 

—  MUc  Bochkollz-Falconi,  à  peine  do  retour  de  la  longue  et  brillante 
tournée  de  concerts  qu'elle  a  faite  en  Suisse  et  en  Allemagne,  en  compa- 
gnie du  pianiste  Auguste  Mey,  nous  est  revenue  de  nouveau  de  la  Hol- 
lande, où  elle  avait  été  appelée  pour  une  solennité,  à  laquelle  était  égale- 
ment convié  le  violoniste  Ferdinand  Laub,  de  Berlin.  On  nous  assure  que 
les  manifestations  du  public  hollandais  ont  atteint  les  proportions  d'une 
véritable  ovation  pour  les  deux  artistes. 

—  M.  Bessems  nous  est  revenu  après  des  séances  classiques  données  en 
Belgique,  et  qui  lui  ont  valu  de  réels  succès  par  l'interprétation  des  maîtres; 
c'est-à-dire  que  Beethoven,  Mozart  et  Bocchcrini  ont  fait  les  frais  de  ces 
séances  qui  ont  laissé  un  souvenir  très-grand  dans  le  monde  artistique 
d'Anvers  et  de  Bruxelles,  où  M.  Bessems  a  fait  entendre,  en  outre,  des 
œuvres  nouvelles  de  sa  composition. 

—  Notre  excellent  professeur  Jacques  Pothart  vient  do  quitter  le 
Havre  où  il  passe  chaque  année  sa  saison  d'été.  Il  va  reprendre  à  Paris 
ses  leçons  et  l'organisation  d'un  certain  nombre  de  soirées  musicales  dont 
il  a  la  direction  dans  le  monde  dilettante. 

—  Une  excellente  musicienne  qui  faisait  partie  du  trio  féminin  dont 
nous  avons  eu  plusieurs  fois  occasion  de  parler,  MUa  Maurice  Reuclisel,  est 
morte  il  y  a  quelques  jours  à  Paris,  au  moment  où  elle  commençait  à  re- 
cueillir le  fruit  de  ses  travaux. 

—  Notre  pianiste-compositeur  Melchior  Mocker,  après  avoir  parcouru  la 
Suisse,  l'Italie  et  l'Allemagne,  et  y  avoir  fait  connaître  ses  compositions, 
est  de  retour  à  Paris,  où  il  fixe  désormais  sa  résidence. 

—  MUe  Gabrielle  Colson  a  inauguré  ses  mercredis  par  une  intéressante 
réunion  d'élèves.  M.  Tayau  s'est  doublement  fait  applaudir  par  le  charme 
de  son  violon  et  ses  spirituelles  chansonnettes.  M110  Colson  a  exécuté  avec 
infiniment  de  brio  la  belle  transcription  de  Goria,  la  Marguerite  au  rouet. 
Le  chant  était  défrayé  par  Mme  Labadie  et  une  de  sesjeunes  élèves;  Mme  C, 
dont  on  a  beaucoup  applaudi  la  belle  voix  de  contralto.  Nous  signalons  en- 
core M.  Altavilla,  ténor  italien;  M.  Audubert,  baryton,  et  une  pièce  de 
vers  dite  avec  infiniment  de  goût  par  M.  D'Herment. 

—  Une  des  meilleures  élèves  d'Alard,  MUc  Castellan,  prix  de  violon, 
s'est  fait  entendre  dans  un  concert  de  bienfaisance  donné  à  la  Sorbonne. 
Cette  jeune  artiste  a  produit  un  grand  effet  dans  la  fantaisie  de  Ballet  de 
Beriot  et  dans  la  Tarentelle  d'Alard.  A  la  vigueur  de  son  coup  d'archet,  à 
la  pureté  de  son  staccato  et  ses  arpèges,  on  se  croirait  en  présence  d'un 
artiste  déjà  fait.  Que  Mlle  Castillan  continue  de  mettre  en  pratique  les  le- 
çons de  son  habile  maître,  et  nous  lui  prédisons  un  avenir  brillant. 

—  M.  Th.  Ymbert  vient  d'ajouter  deux  nouvelles  fables  de  La  Fontaine 
à  celles  que  nous  avons  annoncées.  Ce  sont  :  le  Satyre  et  le  Passant,  et 
ta  Mort  et  le  Btlcheron,  pour  voix  de  basse  chanta.nte.  Nous  les  signalons 
à  l'attention  des  artistes  et  des  amateurs. 

—  Nous  recommanderons  aussi  aux  amateurs  de  jolies  mélodies,  bien 
franches,  bien  naturelles,  inspirées  par  des  poésies  élevées  et  profondément 
senties,  les  deux  productions  :  Etre  deux  et  le  Souvenir  de  Lamartine, 
traduites  en  musique  parM1,e  de  Saint-Gervais,  compositeur-amateur,  qui 
écrit  la  romance  à  la  manière  de  Mme  Pauline  Duchambge,  c'  est-à  dire,  avec 
l'esprit  et  le  cœur  d'une  femme  du  monde. 

—  Un  élève  de  MM.  Leborne  et  Halévy,  M.  Charles  Poisot,  compositeur 
distingué  et  auteur  d'une  histoire  de  la  musique  en  France,  annonce  un 
cours  d'harmonie  pratique  destiné  aux  gens  du  monde,  aux  chanteurs  et 
aux  instrumentistes  qui  veulent  étudier  la  composition. 

—  M11"  Claire  Bertou,  l'auteur  des  valses  :  la  Branche  de  Bruyère  et  le 
Papillon  bleu,  et  des  œuvres  concertantes  à  quatre  et  six  mains  :  Qua- 
drille concertant,  les  Honneurs  partagés,  polka;  Léonie,  polka-mazurka, 
vient  de  faire  paraître  une  Première  romance  sans  paroles,  dont  le  succès 
peut  se  prédire  à  l'avance.  C'est  un  chant  sympathique  accompagné  de  la 
manière  la  plus  distinguée. 

—  Samedi  prochain,  premier  bal  masqué  de  l'Opéra.  L'orchestre  Srauss, 
exécutera  l'album-1861  des  bals  de  la  cour  et  fera  entendre  pour  la  pre- 
mière fois,  la  célèbre  valse  des  rayons,  dansée  par  Mlle  Emma  Livry  dans 
le  Papillon,  ainsi  que  le  quadrille  composé  par  Strauss  sur  les  charmants 
motifs  de  ce  nouveau  ballet  deMme  Marie  Taglioni  et  de  M.  de  Saint  Georges, 
musique  de  J.  Offenbach. 


AVIS    AUX    ABfNOnES. 


Ea  partition  illustrée  de  SÉÏHÏRAMIS  «le  Rossini, 
avec  les  DEUX  PORTRAITS  de  G.  ROSSINB  (Naples 
18SO  et  Paris  1SOO)  et  les  DESSINS  REPRÉSEN- 
TANTEES  SCÈNES  PRINCIPALES  DE  i'OUVRAGE, 
est  actuellement  délivrée  aux  abonnés  du  Ménestrel. 

Cette  magnifique  prime,  offerte  gratuitement 
pour  tout  renouvellement  ou  abonnement  complet 
(chant  et  piano),  prendra  la  place  des  quatre  Albums 
du  Ménestrel,  tlont  les  morceaux  n'en  seront  pas 
inoins  publiés  dans  le  Journal  (voir  ci-dessous). 

Ees  abonnés  au  CHANT  seul,  ou  au  PIANO  seul, 
auront  droit  à  la  même  prime,  moyennant  un  sup- 
plément d'abonnement  de  dix  francs ,  s'ils  ne  préfè- 
rent recevoir   gratuitement  : 

1°  A  la  place  des  deux  Albums  annuels  pour  le 
Chant:  la  partition  complète  des  S  AISONS  de  J. HAYDN, 
chant,  piano  et  traduction  française  de  (i.  Roger, 
oratorio  en  quatre  parties,  seule  édition  conforme 
à  l'exécution  des  concerts  du  Conservatoire  ,  et 
ornée  du  portrait  de  HAYDN. 

g"  En  échange  des  deux  Albums  annuels  pour 
piano  :  un  beau  Recueil  de  transcriptions  eta'éduc- 
tions  des  célèbres  oeuvres  concertantes,  sympho- 
niques  et  pour  piano  seul,  de  HAYDN,  MOZART  et  BEE- 
THOVEN, par  JULES  WeisS,  et  contenant  : 

fa.   —  3.    Meamet   du  'même    trio.  — 


—   3.    Meamet    du  juèi 
Allegro   de  la    symplii 


SI  4 \  ICI  :  1.  Final  du  trio  c 
3.  Final  du  trio  en  la. 
bémol. 

BEETHOVEN  :  5.  Adagio  et  allegro  de  la  syniplioni. 

du  quatuor  en  fa.  —  5.  Menuet  et  selierzo  du  ; 

gro  du  trio  en  mi  liéniol. 
MOZART  :  9.  [Menuets  extraits  de  ses  symphonies.  —  ÎO.  Final  do 

la  symphonie   en  ré.  —  11.    Final  du  quatuor  en    ■"/  mineur.  — 

13.  Presto  de  la  sonate  en  si  bémol. 


rplii 


CATALOGUE  des  morceaux  séparés  des  quatre  ALBUMS 
du  Ménestrel  [année  1860-1861),  quiparaîtront  de  semaine 
en  semaine,  à  partir  du  dimanche  11  novembre  1860. 


AEKCMS  DE  CHANT. 


ROMANCES  ET  CHANSONNETTES. 

C.  IVADAU». 

La  bruyère. 
PAKLiniE  TUAS. 

Tes  vingt  ans! 

F.   MASIlM 

Le  Lever  des  Étoiles. 

LÉOPOI.D  AMAT. 

Sympathie. 

II.    PO  I  11   II. 

Adieu  les  Fe'es  ! 

DORVAL-VALENTIIVO. 

Charmants  Tyrans  du  cœur. 


SCENES  ET  MELODIES. 

G.   \lll\l  IS. 

Le  vent  qui  pleure. 

PAULïiVE  «US. 
Harmonie  de  Lamartine. 

J.-B.    WEKERI  IV. 

9-  Tyrolienne. 
FÉLIX  GODEFROID. 

Ma  mie  Annelte. 


ALBUMS  DE  PIANO. 


MUSIQUE  DE  DANSE. 

AREAIV. 

À  vos  Souhaits,  polka. 
!..  MICHEL!. 

Polka  militaire  du  Camp  de  Saint-JIaur. 

STRAUSS. 

Sëmiramis ,  2e  quadrille. 

PHILIPPE  STUTZ. 
Juana  ,  polka-  mazurka. 

MUSARD. 

Sémiramis,  valse. 

JI.-L.  BATTMANÎV. 

Menuet  et  galop  final  d'Orphée  aux 

Enfers,  de  J.  Offenbach. 


MORCEAUX  DE  SALON. 

CROISEZ. 

Guipures  et  Dentelles  {n°  1). 

CU.   NEUSTEDT. 

Il  mioTesoro, U-UDicviplionde  Don  Juan. 

M  A  B.1IO.VII  :  I, . 

Musette,  rondo  pastoral. 

MU.  BERNARD. 

Bella  sera ,  idylle . 

I.l'.t.lREl  A. 

Fleuve  du  Tage ,  transcription. 

FÉLIX  GODEFRGL». 

Les  Abeilles,  étude  extraite  du  3=  cahier 
de  l'Ecole  chantante  du  piano. 


Chaque  demande  ou  renouvellement  d'abonnement  doit  être  accom- 
pagné d'un  bon  sur  la  poste  [franco).  Joindre,  pour  les  départements, 
un  supplément  de  2  francs ,  montant  de  l'affranchissement  des  primes  de 
l'abonnement  complet,  ou  un  supplément  de  1  franc  pour  l'affranchisse- 
ment des  primes  séparées,  piano  ou  chant. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau, 


PARTITIONS ,  RECUEILS  ET  ALBUMS-1861 , 

PUBLIÉS  AU  MÉNESTREL  ,   2  bis ,   rue  Vivienne. 


SEMIRAMIS  de  ROSSINI, 

Texte  italien  et  paroles  françaises  de   DIért  , 

récitatifs  de  Carafa. 

Partition  illustrée  de  deux  portraits  de  Rossini  et  des 

principales  scènes  de  l'Opéra. 
Cartonnée  :  20  fr.  Reliure  toile  :  25  fr.  Velours  :  40  fr. 


MELODIES 

DE 

A  -E    DE  VAUCORBEIL 

Un  volume  relié  :  10  fr. 
4'  ALBUM  DE  CONCERT 

DE 

FERDINAND  DE  CROZE 

1.  Les  Ombres,  caprice-valse. 

2.  La  Derbouka,  chanson  orientale. 

3.  Rêvez  toujours,  cantabile. 

4.  En  aérostat,  rêverie-étude. 

5.  Ciel  et  Terre,  andante. 

6.  La  Razzia,  presto. 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 

ALBUM-STRAUSS 

Pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 
i.  Comtesse  Walewslca-valse.  - 

2.  Comtesse  Aguado-\a\se. 

3.  Comtesse  Sweigkowska-fo\kn. 

4.  Comtesse  Litta-va\se. 

5.  Comtesse  de  Cessole-vsAse. 

6.  Comtesse  il/itrat-polka-mazurka. 

Broché  :  8  fr.  Relié  :  12  fr. 

ALBUMS  DE  CHASSE 

PAR 

MM.  BERTRAND  et  TELLIER. 


TEXTE,  ORGUE  ET  CHANT- 

Collections  du 
JOURNAL  LA  MAITRISE. 

Volumes  cartonnés  :    15,   18  et  36  fr. 

LE  LIVRE   DU  BON  DIEU, 

d'ÉDOUAR©  PLOUVIER, 

Musique  de  Harcier.   —  Textr  et  dessins.  —  Prix  :  12  fr. 

ALBUM   ARTISTIQUE 

DES 

FRÈRES    LIONNET 

Broché  :  10  fr.    Relié  :  15  fr. 


LE  JEUNE  PIANISTE  CLASSIQUE 


J      WEISS 


HAYDN. 

1.  Final  du  trio  en  fa. 

2.  Menuet  du  même  trio. 

3.  Final  du  trio  en  la. 

i.  Allegro  de  la  symphonie  en  mib. 


MOZART. 


0.  Menuets  extraits  de  sessymphon. 

10.  Final  de  la  symphonie  en  ré. 

11.  Final  du  qnatuorenso/ mineur. 

12.  Presto  de  la  sonate  en  si  bémol. 


BEETHOVEN. 

5.  Adagio  etallegrodelasymphonie  I  7.  Menuet  et  scherzo  du  septuor. 

en  ut,  8.  Allegro  du  trio  en  mi  bémol. 

6.  Final  du  quatuor  en  fa.  I 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 


1 .  Paul  Bernard  .  Bel  lu  sera,  idylle. 

2.  J.-L.  Battmakn.  Menuet  et  galop 

d'Orphée  aux  enfers. 

3.  Ph.    Stdtz.  Juana,   polka-ma- 

zurka. 
4    Th.  Lécureux.  Fleuve  du  Tage, 
transcription  variée. 

Broché  :  8  fr.    Relié  :  12  fr 


5.  Arbak.  A  vos  souhaits,  polka. 
G.  Ch.  Neustedt.    Il  mio   tesoro  , 
transcription  de  Von  Juan. 

7.  A.  Croisez.   Guipures  et  Den- 
telles (n»  1) 

8.  Strauss.  2e  quadrille  sur  Sémi- 


DECAMERON   DRAMATIQUE. 

Album  de  danse  par 

J    OFFENBACH 


LES  SAISONS  de  J.  HAYDN 

Oratorio  en  quatre  parties. 
Traduction  française  de  G.  Roger,  seule  édition  con- 
forme à  l'exécution  des  concerts  dû  Conservatoire, 

orné  du  portrait  de  J,  Haydn. 
Broché  :  10  fr.  Reliure  toile  :  15  fr.  Velours  :  30  fr. 


ALBUM  COMIQUE 

DE 

LEVASSOR- 

Cartonné  :  10  francs. 
ALBUM  DE   SALON 

J    LEYBACH 

1.  Mes  solitudes,  4e  noclurne. 

2.  Souvenirs  d'Allemagne,  3e  valse. 

3.  Ronde  pastorale,  3e  idylle. 

4.  Confidence,  romance  sans  paroles. 
Fête  aux  Champs,  galop  pastoral. 


6.  La  Hongroise,  caprice-mazurka. 
Rroché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 

LE  JEUNE  PIANISTE. 

Morceaux  faciles   sans   octaves  , 
composés  par 

H- VALIQUET,  J.-L   BATTMANN, 
A    DESSANE 

Broché  :  8  fr.  Relié  :  12  fr. 
L"  ALBUM-COTILLON 

PAR 

LABORDE ,  avec  dessins. 


NOUVEAUTES  POUR  PIANO,  SOUS  PRESSE  OU  PUBLIÉES. 


A    CROISEZ 

Guipures  et  Dentelles. 
Valse  et  mazurka  (n°  1  et  2). 

CH    DELIOUX 

'  Deux  Sérénades  (n°  1  et  2). 

TH    LÉCUREUX- 

Transcriptions  variées. 

Fleuve  du  Tage.  —  Mœris,  de  Mme  Gail. 

Valse  des  Pâtres  du  Valais. 

CH -B    LYSBERG 

L'absence,  sonate  romantique.  -Andante  pastoral. 
Airs  savoisiens  variés. 


PAUL  BERNARD 

Barcarolle  et  chanson  de  Fortunio. 
Galop  de  concert .  \  Prima  sera,  idylle. 


FÉLIX  GODEFROID 

Joanhnisberg,  valse  desalon.      |    Une Fièore brûlante,  transcription. 

LEFÉBURE-WÉLY 

Armide  de  Gluck. 
Morceau  de  concert,  varié.      |        Morceau  de  salon  ,  varié. 

HENRI  RAVINA 

ÉTUDES   HARMONIEUSES. 

Vingt-cinq  nouvelles  études  de  moyenne  difficulté. 
Prix  :  20  fr. 


L    DIEMER- 

Polonaise  de  concert ,  lre  mazurka. 
Elégie  à  la  mémoire  de  sa  mère. 

F  DOLMETCHS- 

Douze  études  récréatives. 

(Livre  dcuxjème). 

CH    NEUSTEDT 

Transcriptions  variées. 

1.  La  ci  darem  la  mano. 

2.  Il  mio  tesoro. 

3.  Sérénade  et  duo  de  Don  Juan. 


MARMONTEL 

Thème  varié,  ancien  style.  Musette,  pastorale. 
Venezia,  barcarolle. 


AIRS  DE  BALLET  ,  ARRANGEMENTS  ET  MUSIQUE  DE   DANSE 

Du  nouveau   ballet  |     |ra      DUEIH     I     f%bM  Musique  de 

de  ropéra  L, EL    V MrlLLUIl  J.  OFFENBACH. 

Livret   de  ]JIm°  MARIE    TAftlilORI   et   de  M,    »JE    SAIÏ¥T  -  GjEORCÎJES. 


STRAUSS.   Quadrille  ,    Valse  des  Rayons  et  Polka-Mazurka  la  Lesguinka. 
Composés  pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 


iB3.   —  *8"  Anare. 

IV"  3. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Hiiiiiinclic  \i\  Décembre 

1860. 


nt^s-ga 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 


MUSIODE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 


(AU' 


L:;S  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  "Vivienne.  —  HEUGEL  e*  Ci",  éditeurs. 

Magasins  et  Abonnement  de  IVItisiqnc  du  MÉNESTREL.  —  Vente  et  location   de  Pianos  et  Org 


CHANT. 

er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  S6  morceaux: 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine:  l  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15 fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2°  Mode  d'abonnement  .  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  20  morceaux  i 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albums- 
primes  illustrés. —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


3e  Mode  d'abonnement  conte 


«il  w  r  ET  i>i  v\o  m.nm  : 

ut  le  Texte  complet,  les  5«  Morceaux  do  chant  et  de  piano,  les  4  Albu 
Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  tejteet  musique,  —  forment  collection. Adresser/rarceo 

un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  HCltGEI.  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgnes  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  6.  —  7571. 


S030IAIÏIE. 


TEXTE, 


I.  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  •.  Nicolo,  Méhul  (17»  ar- 
ticle). L.  Meneau.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovr.  -  III.  Tablettes  du  pia- 
niste et  du  chanteur:  De  la  mesure.  Paul  Bernard.  —  IV.  Bal  annuel  des 
artistes  de  l'Opéra.  G.  Bertrand.  —  V.  Théâtre-Italien  :  Concert  de  J  ,-B. 
Wêkerlin.  —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  M  PIANO  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
IL  MIO  TESOBO, 

Transcription  de  Von  Juan ,  par  Ch.  Neustedt.  —  Suivra  immédiate- 
ment après  :  la  valse  de  Sêmiramis,  par  Musard. 

CHANT  : 
Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

LE  LEVER  DES  ETOILES , 

Paroles  de  M.  Emile  Bellier,  musique  de  F.  Masini.  —  Suivra  immé- 
diatement après  :  Harmonie  de  Lamartine,  musique  de  Mm0  Pau- 
line Thïs. 


Voir  à  In  page  des  Nouvelles  diverses,  pour  les  Primes  du  Ménestrel, 
année  l»VG-f »Si. 


I/OrËRA-COMIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES   PROGRES,  SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


SECONDE  PARTIE.  —  XIXe  SIÈCLE. 

CHAPITRE    VI. 
MC.Ol.o  et  MI  lit  I  . 

XVII. 

Nicolo. 

Nicolo  appartient  bien  plus  que  les  deux  auteurs  précédents 
à  l'histoire  de  l'opéra  comique.  Sans  être  un  écrivain  irrépro- 
chable, il  réunissait  quelques-unes  dis  qualités  de  style  de 
Gossec  et  de  Catel  au  charme  des  mélodies  de  Gréiry  et  de 
Dalayrac. 

Son  véritable  nom  était  Nicolas  lsouart.  Né  à  Malte,  en  1775, 


de  parents  français,  il  l'ut  envoyé  à  Paris  pour  y  faire  ses  études  ; 
on  le  destinait  à  la  marine  royale,  mais  la  révolution  de  89 
ayant  modifié  les  intentions  de  son  père,  il  revint  à  Malte  où  on 
le  plaça  dans  le  commerce. 

Cette  nouvelle  carrière  ne  lui  convenait  guère;  il  sentait  en  lui 
déjà  se  développer  sa  passion  pour  la  musique.  Il  obtint  des  le- 
çons d'harmonie  du  maître  de  chapelle  des  chevaliers  de  Malte. 
Le  père  lsouart  s'apercevant  que  son  fils  consacrait  à  l'étude  de 
la  musique  beaucoup  de  temps,  le  sépara  de  son  maître,  qui 
l'avait  pris  en  affection,  voyant  se  développer  chez  lui  très-rapi- 
dement de  grandes  dispositions  pour  la  composition. 

Nicolas  fut  envoyé  à  Palerme,  mais  il  y  trouva  encore  mieux 
qu'à  Malte  l'occasion  de  se  livrer  à  ses  goûts  artistiques.  De 
Palerme  on  le  plaça  à  Naples  chez  des  banquiers  allemands  ;  il 
termina,  dans  cette  ville,  ses  études  de  composition  ,  son  séjour 
dans  la  patrie  de  Léo,  de  Durante,  de  Scarlatli,  de  Pergolèse,  de 
Cimarosa,  ayant  décidé  complètement  de  sa  vocation. 

Il  obtint  un  libretto  [Avviso  ai  Maritati)  pour  le  théâtre  de 
Florence,  et  signa  la  partition  de  son  nom  de  baptême  en  italien, 
Nicolo  lui  paraissant  plus  musical  qu'IsouART. 

Lavviso  n'eut  pas  un  grand  succès  et  cela  put  donner  à  réflé- 
chir au  jeune  auteur  ;  il  dut  craindre  d'avoir  mal  fait  de  laisser 
le  commerce  ;  mais  il  fut  plus  heureux  à  Livourne  avec  son 
opéra  à'Arlaserse,  qui  lui  procura  la  connaissance  du  grand 
maître  de  l'ordre  de  Malte.  Celui-ci  le  ramena  dans  sa  patrie  et 
lui  fit  obtenir  la  place  de  maître  de  chapelle  de  l'Ordre. 

Après  l'arrivée  des  Français  à  Malte  et  la  suppression  des 
chevaliers,  il  fut  conduit,  par  le  général  Vaubois,  à  Paris,  où  on 
l'engagea  à  s'établir.  Il  y  fut  patronné  par  R.  Kreutzer,  qui  lui 
aplanit  les  difficultés  du  début  au  théâtre. 

Nicolo  se  fit  connaître  comme  compositeur  dramatique  par  la 
musique  du  Tonnelier,  ancien  opéra-comique  que  Delrieu  avait 
parodié  et  pour  lequel  il  écrivit  de  nouvelle  musique.  La  pièce 
ne  réussit  point. 


18 


LE  MÉNESTREL. 


Il  donna  la  même  année  (1799),  un  opéra-comique  en  un 
acte  :  la  Statue  ou  la  Femme  avare,  qui  n'eut  pas  plus  de  bon- 
heur que  le  Tonnelier. 

Après  quelques  collaborations  heureuses,  telles  que  le  Baiser 
et  la  Quittance,  partition  à  laquelle  avaient  travaillé  Méhul , 
Kreutzer  et  Berton  ,  il  réussit  dans  plusieurs  petils  opéras  : 
Michel-Ange  (1802)  j  le  Médecin  turc  (1803),  l'Intrigue  aux 
fenêtres  (1805).  Cependant  ses  succès  durables  n'arrivèrent  que 
plus  tard,  lorsqu'il  eut  à  lutter  avec  un  rival  plus  fort  que  lui , 
avec  Boïeldieu  par  qui  Nicolo  ne  voulait  point  se  laisser  éclipser. 

Il  avait  eu  cependant  un  autre  émule  d'une  grande  valeur , 
l'auteur  de  Joseph;  mais  les  œuvres  de  Méhul,  comme  on  le 
verra  bientôt ,  quoique  plus  fortement  trempées  que  celles  de 
Nicolo,  avaient  eu  le  malheur  et  le  mérite  de  devancer  leur 
temps.  Celle  musique  sévère  et  magistrale  ne  devait  être  appré- 
ciée à  sa  juste  valeur  que  de  nos  jours,  tandis  que  celle  de  Boïel- 
dieu avait  le  charme  de  plaire  du  premier  coup.  Il  se  fit  alors 
deux  camps,  un  agréable  pendant  aux  querelles  des  Gluckistes 
et  desPiccinistes. 

Nicolo,  pour  soutenir  sa  réputation,  dut  écrire  des  partitions 
plus  musicales  que  celles  qu'il  avait  données  jusqu'à  ce  jour. 
C'est  à  partir  de  ce  moment  que  l'on  compte  ses  pièces  à  grand 
succès  :  les  Rendez-vous  bourgeois,  un  acte  (1805)  ;  Un  jour  à 
Paris,  trois  actes  (1808);  Cendrillon,  trois  actes  (1810);  le 
Billet  de  loterie,  un  acte  (1811)  ;  Joconde,  trois  actes,  et  Jeannot 
et  Colin,  trois  actes  aussi;  ces  deux  pièces  en  l'année  1814. 

Les  Rendez -vous  bourgeois  ont  dû,  sans  doute,  principale- 
ment leur  vogue  soutenue ,  actuelle,  et  qui  défiera  le  temps,  au 
comique  du  libretto  d'Hoffmann  (1)  ;  mais  les  autres  œuvres  que 
j'ai  ensuite  citées  possédaient  un  mérite  musical  réel,  et  s'il  est 
impossible  qu'elles  soutiennent  la  comparaison  avec  celles  de 
Boïeldieu,  qui  brillent  par  plus  de  verve,  on  y  trouve  du  moins 
des  mélodies  d'une  franchise  d'allure  des  plus  séduisantes.  Parmi 
les  morceaux  remarquables  des  meilleures  pièces  de  Nicolo,  on 
doit  citer  : 

Dans  Cendrillon,  le  quatuor  d'introduction  dans  lequel  la 
chanson  de  l'héroïne  :  II  était  un  p'tit  homme,  se  marie  avec 
esprit  au  motif  des  deux  sœurs  :  Arrangeons  ces  dentelles,  et  à 

l'air  de  la  basse  :  Ma  chère  enfant,  soyez  tranquille le  duo 

deClorinde  etThisbé:  Ah  !  quel  plaisir  !  ah!  quel  beau  jour  !... 
l'air  d'Alcindor  :  Conserves  bien  cette  bonté...  le  duo:  Vous 
l'aimez  donc  avec  tendresse  ?. . . 

Dans  le  Rïllet  de  loterie,  l'air  de  soprano  devenu  classique  : 
Non,  je  ne  veux  pas  chanter... 

Dans  Joconde,  l'air  célèbre  dans  lequel  Martin  pouvait  faire 
ressortir  l'étendue  et  la  souplesse  de  sa  voix  :  J'ai  longtemps 
parcouru  le  monde...  le  duo  plein  d'entrain:  Ah  !  monseigneur ; 
je  suis  tremblante...  les  couplets  :  Parmi  les  filles  du  canton, 
un  des  succès  de  Mme  Gavaudan. . .  le  quatuor  :  Quand  on  attend 
sa  belle...  enfin  la  romance  :  Dans  un  délire  extrême... 

Dans  Jeannot  et  Colin,  le  duo  ravissant  de  Colin  et  Colette  : 
Tous  mes  plaisirs  étaient  les  siens ,  la  suave  romance  :  Oh  ! 
Jeannot  me  délaisse...,  et  l'air  également  devenu  classique  : 
J'ai  perdu  l'ami  de  mon  cœur. 

(1)  François-Benoît  Hoffmann,  né  à  Nancy  le  11  juillet  1760,  méprisait, 
dans  sa  jeunesse  ,  les  auteurs  d'opéras-comiques,  et  protesta  pour  cela 
par  une  épigramme  à  la  nomination  de  Sédaine  à  l'Académie  française  ; 
il  écrivit  ensuite,  comme  pour  faire  amende  honorable,  une  quantité  de 
libretti  :  Adrien,  Euphrosine,  Stratonice,  Médée,  Ariadant,  le  Trésor 
supposé,  etc.  Il  mourut  le  27  avril  1828. 


Etienne  avait  pleinement  réussi  en  arrangeant  pour  la  scène 
une  fable  de  Perrault,  il  se  risqua  à  traiter  delà  même  manière 
un  conte  que  La  Fontaine  avait  tiré  de  Roland  furieux;  l'entre- 
prise, plus  périlleuse,  réussit,  et  Joconde  obtint  un  immense 
succès  de  recette.  Les  deux  collaborateurs,  ne  voulant  point 
laisser  se  refroidir  l'enthousiasme  du  public  à  leur  égard,  don- 
nèrent, avant  que  le  succès  de  Joconde  fût  épuisé ,  Jeannot  et 
Colin,  bergerade  de  la  plus  grande  simplicité  qui  réussit,  grâce 
aux  mélodies  gracieuses  de  Nicolo,  'a  qui  le  genre  champêtre 
convenait  on  ne  peut  mieux. 

Quoique  les  partitions  de  Joconde  et  celle  de  Jeannot  et  Colin 
fussent  supérieures  à  celle  de  Cendrillon,  elles  n'eurent  point, 
dans  le  temps  du  moins,  autant  de  vogue.  Aujourd'hui  ce  serait 
l'effet  contraire  que  nous  aurions  à  constater. 


Nicolo  altéra  sa  santé  par  des  excès  qui  abrégèrent  son  exis- 
tence. Il  n'avait,  en  effet,  que  quarante-deux  ans  lorsqu'il  mou- 
rut le  23  mars  1818. 

Il  eut,  à  ses  derniers  moments,  le  chagrin  de  voir  son  rival 
Boïeldieu  arriver  à  l'Institut,  alors  qu'il  s'était  en  vain  présenté 
en  même  temps  que  lui  pour  être  admis  dans  ce  corps  savant. 

Il  laissa  inachevée  la  partition  d'Aladin  ou  la  Lampe  merveil- 
leuse, qui  fut  terminée  par  Benineori  (1)  ;  mais  celui-ci  n'eut 
pas  non  plus  le  plaisir  de  voir  exécuter  cette  pièce,  il  mourut 
quelques  jours  avant  la  première  représentation,  qui  eut  lieu  le 
6  février  1822. 

Nicolo  n'avait  pas  produit  moins  de  six  opéras  italiens  et 
trente-trois  opéras  français,  dont  plusieurs  chefs-d'œuvre  au 
point  de  vue  du  genre,  et  cependant,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut, 
les  portes  de  l'Institut  lui  restèrent  obstinément  fermées.  Il  faut 
avouer  qu'on  est  moins  intraitable  de  nos  jours. 


Je  comparerai  volontiers  Nicolo  au  peintre  Lancret,  et  Méhul 
à  David.  Nicolo  séduisait  par  des  partitions  faciles,  des  tableaux 
de  genre  d'un  style  agréable  ;  les  mâles"  accents  de  Méhul , 
grandes  pages  d'histoire,  ne  furent  pas  toujours  comprises  du 
premier  coup  par  la  foule.  On  peut  dire  de  lui  ce  que  Mozart 
disait  de  son  Don  Juan  :  «  J'écris  pour  moi  et  pour  quelques- 
uns  de  mes  amis.  »  Méhul  écrivait  également  pour  lui,  plutôt 
que  pour  le  public. 

Son  caractère  timide  outre  mesure,  sa  bonté  qui  le  portait  à 
s'occuper  de  ses  amis  avant  de  penser  à  son  propre  bien-être  ; 
la  peine  que  lui  causèrent  quelques  rares  insuccès,  des  chagrins 
domestiques  et  enfin  la  maladie  qui  abrégea  ses  jours,  altérèrent 
singulièrement  sa  vie. 

Il  naquit  à  Givet,  petite  ville  des  Ardennes,  le  22  juin  1763, 
selon  quelques  biographes,  le  24  selon  d'autres.  Son  père  était 
cuisinier  et  obtint,  par  la  suite,  grâce  au  crédit  de  son  fils,  une 
place  de  garde  du  génie  (2).  Il  reçut  des  leçons  de  musique  d'un 
organiste  aveugle.  La  vivacité  de  son  imagination  lui  fit  deviner 


(1)  Bénincori ,  né  à  Brescia  le  28  mars  1779,  a  écrit  trois  petits  opéras- 
comiques  qui  n'ont  point  eu  de  succès.  Le  chagrin  qu'il  conçut  de  ces 
mécomptes  successifs  contribua  à  augmenter  la  maladie  qui  le  conduisit 
au  tombeau  le  30  octobre  1821. 

|2)  Telle  est  l'opinion  de  M.  Fétis,  dans  la  première  édition  de  sa  Bio- 
graphie universelle  des  musiciens;  quelques  biographes  (M.  Quatremère 
de  Quincy  et  M.  P.-A.  Vieillard,  entre  autres),  pensent  que,  dès  la  nais- 
sance de  son  fils,  le  père  de  Méhul  servait  dans  le  génie. 


TABLETTES  DU   PIANISTE  ET   DO  CHANTEUK. 


19 


les  ressources  de  l'orgue,  et  lui  mérita  bientôt  la  place  d'orga- 
niste de  l'église  des  Récollels.  Appelé  par  la  suile  dans  la  com- 
munauté des  Prémontrés  par  le  chef  du  chœur,  l'abbé  Hanser, 
qui  découvrit  ses  heureuses  dispositions,  il  y  reçut  des  leçons  de 
ce  savant  maître  de  contrepoint.  Méhul  était,  dans  ce  couvent, 
organiste  en  second.  Il  fut  entendu  par  le  colonel  d'un  régi- 
ment en  garnison  à  Charlemont,  riche  et  grand  amateur  de 
musique,  qui  l'amena  à  Paris  et  pourvut  à  son  entretien. 

Là,  Méhul  fit  la  connaissance  de  Gluck,  et  la  sincère  admi- 
ration qu'il  professa  pour  les  œuvres  de  l'auteur  i'Iphigéhie  lui 
conquit  son  amitié. 

Cette  liaison  introduisit  dans  l'opéra-comique  l'élément  ger- 
manique qui  lui  avait  fait  défaut  jusqu'à  ce  moment,  et  qui 
devait  singulièrement  vivifier  le  genre  et  se  résoudre  en  l'œuvre 
d'HéroId,  admirable  composé  de  l'esprit  français,  de  la  morbi- 
dezza  italienne  et  de  la  poésie  allemande.  C'est  là  un  fait  capital 
dans  l'histoire  de  l'art. 

Méhul  avait  écrit  un  grand  opéra,  Alonzo  et  Cora,  dont  les 
représentations  ne  paraissaient  point  devoir  être  prochaines. 
L'Opéra-Comique  lui  ouvrit  ses  portes,  et  l'année  1790  sa  pre- 
mière pièce,  Euphrosine  et  Coradin,  ou  le  Tyran  corrigé,  dont 
les  paroles  étaient  d'Hoffmann,  vit  le  jour.  Du  premier  coup 
Méhul  conquit  une  place  élevée  parmi  les  compositeurs  de  son 
temps.  Avant  d'écrire  Cora,  il  s'était  longuement  préparé  par 
trois  opéras  composés  sur  de  vieux  libretti  et  sous  les  yeux  de 
Gluck;  aussi  peut-on  dire  que  le  talent  de  Méhul  était  mûr 
lorsqu'il  présenta  à  la  scène  Euphrosine  et  Coradin. 

On  remarque  dans  cette  partition  les  qualités  et  les  défauts 
qui  sont  propres  à  ce  maître  et  que  nous  retrouverons  dans  ses 
autres  œuvres  :  une  orchestration  ferme,  une  élévation  soutenue 
dans  le  style,  mais  aussi  quelque  froideur  dans  la  mélodie  et 
parfois  une  certaine  monotonie  dans  les  accompagnements. 

L'ouverture  à' Euphrosine  démontra  que  Méhul  avait  appris 
à  l'école  de  Gluck  la  science  d'une  constitution  orchestrale  plus 
robuste  que  celle  des  autres  opéras-comiques  du  temps.  Ce  qui 
impressionna  à  juste  titre  dans  cette  pièce,  ce  fut  le  duo  de  la 
Jalousie,  supérieur  à  ce  qu'on  entendait  alors.  Le  morceau  dé- 
bute sourdement  sur  ces  mots  : 

Gardez-vous  de  la  jalousie, 
Redoutez  son  affreux  transport. 

peu  à  peu  l'orchestre  s'anime,  et  la  péroraison  éclate  au  milieu 
des  traits  rapides  des  violons  et  des  hurlements  des  trombones, 
instruments  rares  à  cette  époque  et  dont  l'effet,  par  conséquent, 
était  saisissant.  Méhul  semble  avoir  voulu  dépeindre  les  fureurs 
des  Euménides,  aussi  Grétry  dit-il,  à  ce  propos,  dans  ses  essais 
sur  la  musique  :  «  L'explosion  qui  est  à  la  fin  semble  ouvrir  le 
»  crâne  des  spectateurs  avec  la  voûte  du  théâtre.  Dans  ce  chef- 
»  d'œuvre,  Méhul  est  Gluck  à  trente  ans.  »  On  doit  citer  aussi, 
parmi  les  bonnes  parties  d'Euphrosine  et  Coradin,  le  quatuor  : 
Toutes  trois  vous  êtes  jeunettes 

A  partir  de  ce  moment,  l'Opéra  s'empressa  déjouer  Alonzo  et 
Cora  et  les  nouvelles  partitions  du  même  maître  :  Stratonice, 
Adrien,   etc.... 

Il  revint  à  l'Opéra-Comique  avec  le  Jeune  sage  et  le  Vieux 
fou  (1~93),  et  la  Caverne  (1794),  qui  fut  représentée  à  Favart 
après  la  pièce  du  même  nom  que  Lesueur  avait  donnée  l'année 
précédente  à  Feydeau.  L'œuvre  de  Lesueur  conserva  seule  la 
vogue. 

En  1797,  Méhul  eut  un  échec  partiel  avec  le  Jeune  Henri, 
opéra-comique  dont  Bouilly  avait  fait  les  paroles.  On  sait  que 


l'ouverture  plut  énormément  au  public,  si  bien  qu'il  voulut  l'en- 
tendre deux  fois  de  suite  et  refusa  ensuite  de  laisser  achever  la 
pièce  ;  mais  néanmoins  après  avoir  fait  baisser  le  rideau,  comme 
fiche  de  consolation  décernée  au  musicien,  on  redemanda  une 
troisième  fois  l'ouverture,  qui  devint  ensuite  un  des  morceaux 
classiques  du  répertoire  des  concerts  à  grand  orchestre. 

En  1799,  Méhul  donna  Ariodant,  dans  lequel  on  retrouve 
les  beautés  habituelles  à  l'auteur.  La  conformité  du  librelto 
d'Hoffmann  avec  celui  de  Montano  et  Stéphanie  de  Berlon  , 
nuisit  au  succès  d' Ariodant  où  se  trouve  l'air  si  connu  : 

Femme  sensible,  entends-tu  le  ramage  ? 

Êpicure  (1800),  dont  le  libretto  était  de  Desmoustiers,  et  à 
la  partition  duquel  avait  travaillé  Chérubini,  ne  réussit  point  ; 
il  en  fut  de  même  déport,  pastorale  héroïque  d'Hoffmann.  Ces 
sujets  tragiques  ne  seront  jamais  goûtés  à  l'Opéra-Comique  ;  la 
tendance  de  celte  scène  à  copier  le  grand  opéra,  m'a  toujours 
semblé  préjudiciable  au  genre.  C'est  là  un  point  sur  lequel  je 
compte  insister  à  la  fin  de  ce  travail. 

Méhul  prit  une  éclatante  revanche  le  19  février  1801,  avec 
Ylrato  de  Marsollier. 

Voici  ce  qui  avait  donné  naissance  à  cette  bouffonnerie  (1)  : 

Une  troupe  italienne  venait  de  s'établir  à  la  salle  Chantereine, 

jouant  les  opéras  de  Paësiello,  Cimarosa ,  etc La   grande 

vogue  qu'attirait  ce  spectacle  blessa  la  susceptibilité  nationale 
de  Méhul,  qui  se  dit  qu'il  ne  lui  serait  point  difficile  de  com- 
poser de  la  musique  dans  le  genre  bouffe  italien.  Il  pensait  que 
ceci  n'était  qu'une  affaire  de  procédés.  On  afficha  donc  Ylrato, 
opéra  bouffe,  traduit  de  l'italien,  musique  de  signor  Fiorelli. 
C'était  une  satire  des  formes  italiennes.  Le  compositeur  fut  ad- 
mirablement secondé  dans  la  réussite  de  son  projet  par  une 
exécution  excellente  confiée  à  Martin,  dans  le  rôle  de  Scapin, 
qui  entraînait  les  morceaux  d'ensemble  ;  à  Elleviou ,  très-co- 
mique dans  le  personnage  de  Lysandre,  à  Solié,  à  Dozainville, 
à  Mme  Philis.  Ces  artistes  tenaient  à  honneur,  eux  aussi,  d'é- 
clipser les  Italiens.  La  pièce  réussit  parfaitement.  Méhul  la 
dédia  au  Premier  Consul,  qui  avait  assisté  à  la  représentation, 
et  dont  il  connaissait  le  faible  pour  la  musique  italienne,  afin 
de  s'excuser  en  quelque  sorte  de  la  petite  mystification  qu'il 
avait  voulu  jouer  aux  partisans  exclusifs  de  l'école  napolitaine. 

Les  mélodies  de  Ylrato  sont  distinguées  et  bien  coupées. 
Outre  le  célèbre  quatuor  dout  j'ai  parlé  à  propos  de  Martin,  il 
faut  citer  encore  les  couplets  : 

Si  je  perdais  mon  Isabelle.... 

dans  lesquels  on  remarque  les  effets  d'accompagnements  iro- 
niques ;  l'air  : 

J'ai  de  la  raison,  j'ai  de  la  sagesse, 
le  fameux  trio  : 


et  le  duo 


Femme  jolie  et  du  bon  vin, 
Voilà  les  vrais  biens  de  la  vie.. 

Jurons  de  les  aimer  toujours. 


L.  MENEAU. 


[  La  suite  au  prochain  numéro.) 


(1)  Cette  version  est  contestée.  Nous  y  reviendrons  à  propos  d'un  travail 
spécial  sur  Méhul,  sa  vie  et  ses  œuvres,  travail  des  plus  intéressants,  publié 
par  M.  P.-A.  Vieillard,  bibliothécaire  du  Sénat,  qui  a  bien  voulu  en  auto- 
riser la  reproduction  complète  dans  le  Ménestrel. 


20 


LE  MÉNESTREL. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

Par  décret  impérial  du  8  décembre  ,  M.  le  comle  Bacciochi, 
premier  chambellan  de  Sa  Majesté,  surintendant  des  spectacles 
de  la  Cour,  a  été  nommé  surintendant  des"  théâtres  impériaux 
(voir  aux  Nouvelles  diverses). 

En  attendant  la  reprise  de  Guillaume  Tell,  à  FOpéra  ,  pour 
la  continuation  des  débuts  de  Mlle  Carlotta  Marchisio  ,  et  la 
rentrée  de  Morelli ,  les  soirées  du  Papillon  deviennent  de  plus 
en  plus  brillantes.  L'Empereur  a  honoré  de  sa  présence  une 
quatrième  fois  ce  charmant  ballet,  —  honneur  sans  précédent 
dans  les  fastes  chorégraphiques  de  la  rue  Lepellelier.  La  mu- 
sique de  M.  Offenbach  partage,  avec  le  livret  de  Mme  Marie 
Taglioni  et  de  M.  de  Saint-Georges,  les  ovations  décernées  chaque 
soir  à  M"e  Emma  Livry,  l'incomparable  papillon.  La  fée  Hamza, 
MUe  Marquet,  est  toujours  resplendissante  de  beauté  et  d'expres- 
sion au  deuxième  acte.  En  somme,  grand  succès  sur  toute  la  ligne. 

Le  Théâtre-Italien  ,  séduit  par  le  succès  de  la  Sémiramis 
française,  a  repris  celte  semaine  la  Semiramidc  italienne,  espé- 
rant que  la  comparaison  et  la  lutte  entre  d'éminents  artistes 
offriraient  un  vif  attrait  de  curiosité.  Cet  espoir  s'est  justifié, 
bien  que  l'œuvre,  salle  Venladour,  soit  dénuée  de  ses  pompes 
théâtrales.  Les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour  Mme  Penco 
(Sémiramis),  Mme  Alboni  (Arsace),  Badiali  (Assur),  et  un  nou- 
veau ténor,  M.  Pagaas,  qui  complétait  le  personnel.  Le  débu- 
tant ne  manque  pas  d'une  certaine  agilité  vocale,  mais  la  voix 
ne  nous  semble  plus  de  la  première  fraîcheur. 

Le  Théâtre-Français  étudie  activement  la  nouvelle  comédie 
de  M.  Emile  Augier,  les  Effrontés.  L'auteur  a  eu  l'honneur  de 
lire  sa  pièce  aux  Tuileries,  devant  l'Empereur.  M.  Augier,  dit- 
on,  n'a  jamais  rien  écrit  de  plus  hardi,  de  plus  incisif. 

A  rOpÉK.v-CoittiQDE,  MUo  Marimon  vient  de  s'essayer  avec 
bonheur  dans  le  rôle  d'Isabelle  du  Pré  aux  Clercs  :  Warot , 
chargé  pour  la  première  fois  du  personnage  de  Mergy,  a  été 
également  fort  applaudi.  C'est  aussi  Mlle  Marimon  qui  jouera  , 
dans  Barkouf,  le  rôle  confié  successivement  à  Mmos  Ugalde  et 
Saint-Urbain.  On  croit  que  l'opéra  de  MM.  Scribe  et  Offenbach 
pourra  être  donné  samedi  prochain. 

Le  Théâtre-Lyrique  nous  annonce  pour  demain  lundi ,  la 
première  représentation  des  Pécheurs  de  Catane,  avec  les  dé- 
buts de  Peschard  et  MUe  Baretti.  Ce  sera  une  soirée  doublement 
attrayante. 

Les  Bouffes-Parisiens  annoncent  également  une  nouveauté 
pour  cette  semaine;  la  plume  musicale  d'un  grand  personnage 
n'y  serait  pas  étrangère.  —  (l'est  la  nouvelle  du  jour  des  salons 
officiels. 


Au  Gymnase,  le  Voyage  de  M.  Perrichon,  qui  devait  alterner 
avec  la  Dame  aux  Camélias,  est  subitement  arrêté  par  un  acci- 
dent cruel  arrivé  à  Geoffroy.  Cet  excellent  comédien  ,  en  jar- 
dinant à  sa  villa,  est  tombé  sur  un  instrument  tranchant  et  s'est 
blessé  au  genou.  Espérons  que  cette  blessure  n'aura  pas  de 
suites  graves. 

Le  Vaudeville  est  sorti  de  son  intérim.  M.  Durmeuil  père 
est  nommé  directeur  de  ce  théâtre,  en  compagnie  de  M.  Benou, 
son  honorable  et  inséparable  aller  ego.  De  plus,  M.  Dormeuil 


s'associe  M.  Duponche!  pour  l'administration  de  la  scène.  C'est 
une  triple  garantie  de  prospérité.  Nous  pouvons  en  toute  con- 
fiance attendre  la  nouvelle  administration  à  l'œuvre. 

Au  nombre  des  pièces  qui  sont  en  répétition  au  Palais- 
Royal,  on  parle  d'une  opérette  de  MM.  Leuven  et  Prillieux, 
dont  la  musique  est  de  six  compositeurs  différents  :  MM.  Cla- 
pisson,  Gevaërt,  Gautier,  Poise,  Bazile  et  Mangeant.  Cette  ma- 
cédoine lyrique  aura  pour  interprètes  le  baryton  Pradeau,  le  té- 
nor René-Luguet,  le  basso  cantante  Lassouche  et  la  prima  donna 
assolula  signora  Schneider,  —  qui  nous  apparaît  comme  le  seul 
prétexte  honnête  de  cette  tentative  musicale.  On  ne  nous  dit  pas 
si  le  Palais-Royal  profitera  de  celle  œuvre  pour  inaugurer  le  dia- 
pason officiel.  Pourtant  l'occasion  serait  bonne. 

J.  Lovt. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


DE  EA  MESURE. 

La  mesure  est  la  partie  positive  de  la  musique.  Daus  ce  lan- 
gage éthéré  qui  semble  supérieur  aux  choses  de  la  terre,  il  existe 
un  point  palpable,  analytique,  inflexible  comme  le  chiffre  ;  et 
c'est  par  ce  côté  mathématique,  espèce  de  fil  traducteur,  que  le 
sens  humain  peut  se  rattacher  à  la  mélodie,  la  saisir  et  la  com- 
prendre. 

Sans  la  mesure,  la  musique  devient  toute  mystique  el  s'adresse' 
plus  direclement  à  la  divinité,  témoin  le  plain-chant  dont  les 
phrases  larges  et  les  harmonies  sévères  se  suivent  sans  rhythme 
et  presque  sans  accents.  Avec  la  mesure  ,  au  contraire,  la  mu- 
sique se  rapproche  de  notre  sphère  et  de  nos  aptitudes.  Elle  revêt 
une  forme,  elle  prend  une  couleur,  notre  oreille  la  saisit  et  notre 
esprit  la  comprend.  La  musique  est  une  âme  donl  la  mesure  est 
le  corps  ;  si  le  corps  s'éteint,  l'âme  nous  échappe  et  remonte  au 
ciel.  Si  la  mesure  cesse,  la  musique  nous  devient  incompréhen- 
sible et  passe  à  l'état  de  poésie  céleste.  Ou  je  me  trompe  fort , 
ou  les  chœurs  séraphiques  ignorent  complètement  ce  que  c'est 
qu'un  trois-quatre  et  un  six-huit. 

Nous  voici  donc  dans  l'obligation  d'accepter  la  mesure  à  l'état 
de  corps  musical  el  même  de  lui  reconnaître,  —  comme  au 
corps  humain,  —  une  certaine  beauté.  La  Vénus  de  Milo  et  les 
figures  de  Raphaël  sont  là  pour  soutenir  notre  ihèse.  Sur  terre, 
Dieu  l'a  voulu  ainsi ,  tout  procède  par  lignes;  les  grands  ho- 
rizons de  la  nature,  comme  le  gracieux  visage  de  la  femme. 
L'œil  ne  peut  juger  des  lignes  que  par  leur  harmonie  ;  l'oreille 
ne  peut  comprendre  l'harmonie  que  par  ses  lignes,  c'est-à-dire 
l'harmonie  réglée,  distancée,  mesurée  au  point  de  vue  du  temps 
comme  l'est  un  beau  paysage  au  point  de  vue  de  l'espace. 

Sans  la  forme,  ici-bas,  tout  ne  serait  donc  que  chaos.  On 
pourrait  en  dire  autant  de  la  musique  sans  mesure;  mais  l'em- 
pire de  la  forme  et  l'empire  du  rhythme  sont  tous  deux  sans 
limites,  et  l'on  ne  saurait  établir  raisonnablement  une  quantité 
approximative  aux  mille  nuances  qui  séparent  le  ruisseau  de  la 
mer,  le  scherzo  de  Y  adagio. 

Cette  comparaison  de  la  forme  et  du  rhythme  est  si  vraie, 
qu'on  en  trouve  la  raison  d'être  et  le  rapprochement  dans  la 
nature  même.  La  marche  régulière  de  l'homme,  le  galop  du 
cheval,  le  tic-tac  du  moulin,  le  chant  de  la  caille  et  mille  autres 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


21 


bruits  encore,  forment  des  rhythmes  naturels  qui  sont  comme  le 
point  de  départ  de  la  mesure  musicale. 

On  pourrait  donc  poser  comme  axiome,  que  le  rhythme  est  la 
forme  du  son. 


Une  fois  ce  principe  fondamental  de  la  mesure  établi  et 
reconnu  comme  partie  organique  et  organisatrice  de  la  musique, 
il  reste  à  envisager  et  à  rechercher  quelle  importauce  lui  sera 
dévolue,  quelle  interprétation  lui  sera  donnée.  Son  importance 
coïncidera  avec  celle  qu'on  accorde  aux  battements  du  cœur. 
Comme  ceux-ci,  les  battements  réguliers  de  la  mesure  seront  les 
pulsations  delà  musique.  Quant  à  l'interprétation  de  la  mesure, 
elle  variera  évidemment  selon  le  genre  du  morceau,  selon  le  ca- 
ractère, le  style  et  la  nature  même  de  l'interprète.  La  voix  hu- 
maine, l'instrument  solo,  le  quatuor,  l'orchestre,  auront  chacun 
leur  manière  de  la  conduire,  d'après  leur  individualité  propre. 
Le  piano,  à  son  tour ,  s'inspirera  de  toutes  ces  nuances,  de  tous 
ces  styles,  puisqu'il  n'est,  la  plupart  du  temps,  qu'une  réduction 
quelquefois  petite,  mais  toujours  charmante  et  ingénieuse  des 
passages  les  plus  touchants  comme  des  effets  les  plus  grandioses. 

La  mesure  existe  donc  partout  et  toujours  en  musique. 
Vouloir  s'en  affranchir  serait  repousser  sa  vie  réelle.  Quelques 
exemples  de  périodes  non  mesurées  se  présentent  bien  parfois 
dans  les  points  d'orgue,  mais  ce  sont  là  des  espèces  de  suspen- 
sions de  la  pensée,  des  rêves,  en  un  mot,  où  la  vie  réelle  est 
arrêtée,  comme  pour  repartir  plus  positive  et  plus  vivace.  Pro- 
longer ces  périodes  serait  tomber  dans  une  léthargie  complète^. 

La  voix  humaine  qui  ne  chante  guère  sans  adjoindre  à  son 
chant  la  parole,  est,  par  cela  même,  sous  l'empire  immédiat  d'un 
sentiment  ou  d'une  passion.  11  est  facile  de  comprendre  que  dans 
ces  conditions  la  mesure  subira  les  influences  de  la  pensée  et  les 
secousses  du  sentiment.  Le  creur  et  la  mesure  battront  toujours 
à  l'unisson.  De  là,  l'expression  en  musique.  De  même  qu'une 
personne  émue  prend  sans  le  vouloir  une  démarche  irrégulière, 
de  même  la  mesure  deviendra  agitée  et  tumultueuse  alors  que  la 
pensée  sera  viulente  et  passionnée.  Les  émotions  douces  ramè- 
neront la  tranquillité  dans  le  mouvement.  La  joie  lui  donnera 
de  la  franchise,  la  gaîté  de  l'entrain  ;  il  obéira  à  tous  les  senti- 
ments que  l'art  musical  peut  exprimer. 

La  musique  chantée,  sous  la  forme  dramatique  surtout,  sera 
donc  celle  où  la  mesure  subira  le  plus  de  transformations;  mais 
ce  n'est  pas  seulement  dans  les  mouvements  passionnés  que  la 
mesure  trouve  des  éléments  d'altération  :  la  grâce,  la  coquetterie, 
la  finesse,  la  malice,  qui  existent  aussi  bien  en  musique  qu'ail- 
leurs, viendront  à  leur  tour  l'animer  de  leurs  sourires  et  de 
leurs  saillies.  Pour  les  faire  valoir  il  faudra  que  le  rhythme 
perde  un  peu  de  sa  rigidité,  car  les  mouvements  gracieux  re- 
poussent la  raideur,  et  les  phrases  soulignées  doivent  être  dites 
plus  lentement.  Dans  les  périodes  expressives  et  sentimentales 
où  la  tendresse  tient  le  premier  rang,  les  attaques  devront  être 
atténuées  et  les  finales  toujours  un  peu  ralenties.  Mais  au  milieu 
de  tout  cela  il  faudra  éviter  de  tomber  dans  l'afféterie,  et  quoi- 
qu'il arrive,  la  mesure,  malgré  toute  l'élasticité  possible,  devra 
toujours  reparaître  sous  l'expression  comme  le  dessin  acadé- 
mique sous  la  draperie.  Une  observation  générale  très-impor- 
tante est  celle  encore  d'établir  dans  chaque  morceau  un  mou- 
vement-type auquel  il  est  bon  de  revenir  après  chaque  variation 
de  la  mesure;  cela  donne  de  l'unilé  et  ramène  en  quelque  sorte 


tous  les  sentiments  exprimés  comme  en  un  seul  faisceau,  qui 
devient  la  personnalité  de  l'œuvre  (1). 

Tout  ce  qui  précède  prouve  que  la  mesure,  quoique  réglée 
d'après  des  principes  invariables  quant  à  sa  formation,  peut , 
dans  son  interprétation,  s'étendre  ou  se  précipiter  selon  les 
caprices  du  sentiment,  du  style  ou  de  l'expression.  La  mesure 
musicale  sera  donc  un  peu  comme  ces  objets  en  caoutchouc  qui 
peuvent  se  raccourcir  ou  s'allonger  sous  la  pression,  mais  qui 
reviennent  quand  même  à  leur  forme  primitive,  dont  ils  con- 
servent toujours  le  caractère. 

Il  est  à  remarquer  que  les  œuvres  rhylhmiques,  les  marches 
militaires,  les  morceaux  de  danse,  seront  moins  accessibles  à  ces 
irrégularités  de  mesure.  L'expression  exagérée  y  deviendrait  un 
contre-sens  et  une  impossibilité.  De  même,  la  musique  d'or- 
chestre purement  symphonique ,  sera  toujours  plus  sage  d'al- 
lures et  moins  capricieuse  dans  l'interprétation  rhythmique. 
Soixante  musiciens  ne  peuvent  chercher  les  petits  effets  comme 
un  soliste,  et  d'ailleurs  l'inspiration  du  compositeur,  quand  elle 
se  sent  un  orchestre  pour  arène,  est  toujours  plus  largement 
dessinée  et  plus  carrément  accusée,  même  dans  les  détails  de  la 
mesure.  Une  symphonie  de  Beethoven  ne  saurait  être  maniérée 
et  irrégulière  comme  un  nocturne  de  Chopin.  Quelques  maîtres 
du  piano  ont  poussé  très-loin  cette  incertitude  du  rhythme,  et 
pour  bien  interpréter  leurs  œuvres  ,  il  faut  non-seulement 
mettre  un  grand  laisser  aller  dans  le  caractère  de  la  mesure, 
mais  aussi  dans  l'ensemble  même  des  différentes  parties.  C'est 
ainsi  que  les  basses  se  posent  parfois  un  peu  avant  les  parties 
supérieures,  le  tout  s'arpégeant  et  s'étageant.  Cet  effet  qui  donne 
comme  un  parti  pris  d'expression,  doit  être  employé  avec  beau- 
coup de  ménagement,  car  il  représente  on  ne  peut  mieux,  pour 
les  oreilles  un  peu  puristes,  un  orchestre  dont  les  instruments 
se  courraient  les  uns  après  les  autres,  ou  un  accompagnateur 
qui  prendrait  toujours  le  pas  sur  celui  qu'il  accompagne.  Les 
pianistes  ont  poussé  très-loin  cet  art  du  déraillement  de  la  me- 
sure. Encore  une  fois,  la  mesure  est  l'esclave  du  sentiment , 
mais  elle  n'en  est  assurément  pas  le  jouet. 

Nous  n'avons  pas  encore  parlé  du  récitatif.  Le  récitatif  est 
la  déclamation  lyrique.  On  parle,  on  s'explique,  on  se  répond; 
il  n'y  a  pas  là  prétexte  à  musique.  11  suffit  de  parler  sur  des 
intonations  favorables  et  avec  des  harmonies  en  situation.  La 
mesure  disparaît  presque  alors  ;  c'est  tout  au  plus  si  le  temps 
fort  se  retrouve  à  intervalles  éloignés.  Aussi,  dans  le  récitatif 
italien  surtout,  le  sens  musical  n'existe-l-il  presque  plus.  Dans 
le  récitatif  allemand  et  français,  des  ritournelles  colorées  ,  des 
accompagnements  obligés  viennent  s'adjoindre  à  la  déclamation 
et  la  rendent  plus  musicale.  La  mesure  y  est  donc  un  peu  moins 
abandonnée.  Mais  tous  ces  genres  regardent  à  peine  le  pianiste, 
à  moins  qu'il  ne  soit  appelé  à  accompagner.  Cependant  quelques 
pages  spécialement  écrites  pour  le  piano,  renferment  des  imita- 
lions  de  récitatifs.  L'introduction  de  la  célèbre  Invitation  à  la 
valse,  de  Weber,  est  un  modèle  du  genre.  La  mesure  y  est 
conservée.  Mais  dans  la  sonate  de  Mendelssohn  ,  op.  6  ,  on 
trouve  un  long  récitatif  non  mesuré,  fort  difficile  à  comprendre 
et  à  interpréter,  et  qui  nous  consoliderait  volontiers  dans  cette 

(1)  Il  est  bien  entendu  que  par  mesure  nous  établissons  un  terme  général 
qui  comporte  tous  les  genres  de  mesures  à  deux,  trois  ou  quatre  temps, 
simples  ou  composées,  et  que  ce  que  nous  disons  de  la  mesure  en  général 
s'applique  aussi  bien  à  la  mesure  à  i,  la  plus  brève  connue,  qu'à  celle 
à  quatre  temps,  beaucoup  plus  usuelle. 


22 


LE  MÉNESTREL. 


opinion  que,  sans  mesure,  il  n'y  a  plus  de  musique,  et  que  le 
désordre  commence  là  où  la  règle  n'existe  plus. 

En  thèse  générale,  la  mesure  musicale  pourra  donc  être  con- 
sidérée, non  pas  comme  une  barrière,  non  pas  comme  une 
entrave,  mais  bien  comme  un  guide,  comme  le  réseau  de  la 
broderie,  comme  l'élément  vital  par  excellence,  et  nous  enga- 
geons fort  les  jeunes  pianistes  à  la  sacrifier  un  peu  moins  à  la 
vulgarité  du  goût,  et  à  s'inspirer  un  peu  plus  des  grandes  pages 
orchestrales  où  elle  règne  toujours  en  souveraine.  Là,  du  moins, 
on  se  convaincra  facilement  qu'elle  peut  être  assouplie,  mais 
renversée  ,  jamais  !  Paul  Bernard. 


BAL  AXIWJEL,  DES  ARTISTES  BE  L'OPERA. 

Le  bal  annuel  des  artistes  de  l'Opéra,  donné  au  bénéfice  de  la 
Caisse  des  pensions,  n'a  pas  été  aussi  brillant  qu'on  aurait  pu  le 
penser.  Néanmoins  la  recette  s'est  élevée  au  chiffre  très-honora- 
ble de  17,000  fr. 

Quelques  jours  avant,  les  artistes  du  chant  avaient  joué  le 
Prophète  dans  le  même  but.  Samedi  dernier,  c'était  aux  artistes 
de  la  danse  à  s'exécuter,  et  quelques-unes,  peut-être  bien,  comme 
le  dit  l'Entracte,  l'ont-elles  fait  du  bout  du  pied  et  d'un  air  de 
princesses  ennuyées,  —  oubliant,  les  heureuses!  les  choyées 
d'hier  et  d'aujourd'hui  !  que  les  destinées  de  théâtre  sont  éphé- 
mères, qu'il  peut  arriver  même  aux  déesses  d'Opéra  de  vieillir, 
et  que  ce  n'est  pas  chose  à  dédaigner  qu'une  caisse  de  retraite. 

Toutefois, — ajoute  M.  G.  Bertrand,  rédacteur  en  chef  de 
YEntr'acte,  —  vers  minuit  moins  vingt,  le  corps  de  ballet,  à  peu 
près  au  complet,  a  ouvert  le  bal  par  un  divertissement  choré- 
graphique, qui  se  composait  de  fragments  empruntés  au  réper- 
toire et  fort  bien  agencés.  C'étaient  tour  à  tour  le  galop  de  Gus- 
tave, la  Lithuanienne,  le  Lœndler,  joli  duo  villageois  dansé  par 
Mlle  Zina  et  Beauchet,  une  Varsoviana  par  Coralli  et  M"e  Vene- 
tozza  (que  ce  nouveau  nom  ne  vous  trouble  point  ;  ce  n'est  pas 
un  début  :  il  s'agit  de  l'excellente  ballerine  que  vous  applaudis- 
sez à  l'ordinaire  sous  le  simple  nom  de  Caroline)  ;  —  puis  le 
ballabile  en  mazurka  du  Diable  à  quatre,  le  pas  chinois  du 
Cheval  de  bronze,  la  Tarentelle  de  la  Muette,  etc.,  etc. 

On  n'eût  pas  manqué  d'applaudir  à  tout  rompre  si  l'on  en 
avait  eu  la  liberté  ;  mais  que  voulez-vous  faire  avec  un  chapeau 
dans  les  mains  ?  On  s'est  réduit  à  pousser  quelques  grognements 
tumultueux  de  satisfaction,  a  l'anglaise. 

Et  comme  le  bal  hésitait  ensuite  à  se  mettre  en  train,  en  dépit 
des  bruyants  appels  de  l'orchestre  de  Strauss,  c'est  encore  le 
ballet  qui  lui  vint  en  aide:  Mlle  Fiocre  Ire,  Fiocre-Amour, 
comme  on  l'appelle,  qui  avait  assisté  en  simple  spectatrice  au 
divertissement,  prit  l'initiative  et  se  lança  courageusement  dans 
les  tourbillons  de  la  valse. 

L'orchestre,  fort  de  cent  cinquante  symphonistes,  exécutait 
pour  la  première  fois  l'Album  nouveau  de  Strauss  et  cette  ra- 
vissante valse  des  Rayons,  récemment  enchâssée  dans  le  ballet  du 
Papillon,  et  qui  paraît  destinée  à  jouir  d'une  grande  popularité. 

Peu  à  peu  l'on  a  vu  reparaître  dans  la  salle,  ou  plutôt  dans 
les  premières  loges  et  les  avant-scènes,  la  plupart  des  danseuses 
qui  avaient  figuré  au  divertissement  ;  et  la  meute  ardente  et  cu- 
rieuse des  admirateurs,  lorgnant  et  murmurant,  s'est  mise  à 
tourner,  comme  l'ours  au  fond  de  sa  fosse,  tout  à  l'entour  de 
cette  corbeille  de  beautés  connues  et  aimées.  La  fête  s'est  ter- 
minée, pour  mesdemoiselles  du  corps  de  ballet,  par  un  fin  sou- 
per servi  dans  le  foyer  de  la  danse. 


THEATRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 


Le  concert  de  M.  J.-B.  Wekerlin  aura  lieu  mercredi  prochain,  19,  à 
huit  heures  du  soir. 

PROGRAMME. 

lre  Partie.  —  N°  1.  Résia,  ouverture  à  grand  orchestre.  —  N°  2.  Bal- 
lade orientale  pour  ténor  solo,  chantée  par  M.  Lévy,  chœur  et  orchestre. 

—  N°  3.  Ode  de  Gilbert,  pour  basse  solo,  chantée  par  M.  Belval  de 
l'Opéra.  Compositions  de  J.-B.  Wékermn.  — N°  4.  Adieu  des  Bohémiens, 
scène  avec  chœur,  chantée  par  M"e  Balhi. 

gmo  Partie.  —  Les  Poèmes  de  la  Mer,  ode  symphonie ,  paroles  d'après 
le  livre  de  M.  J.  Autran,  musique  de  J.-B.  Wékerlin,  130  exécutants. 

N°  1.  La  naissance  des  vagues,  chœur.  —  N°  2.  Rêverie  au  bord  de  la 
mer,  pour  mezzo-soprano  (sur  une  note).  —  N»  3.  Le  Départ,  scène  pour 
chœur  de  voix  d'hommes.  —  N°  4.  Le  Calme,  la  nuit,  pour  soprano  solo. 

—  N°  5.  Chanson  d'un  Triton,  solo  pour  voix  de  basse.  —  N°  6.  Les 
Océanides,  chœur  de  voix  de  femmes.  —  N°  7.  Tempête,  orchestre  seul. 

—  N°  8.  Le  Cabin  boy  (le  Mousse),  pour  soprano  solo.  —  N°  9.  Le  Soleil 
sur  la  mer,  chœur.  —  N°  10.  Promenade,  solo  de  ténor.  —  N°  11.  Épi- 
logue, chœur  final. 

Pour  finir  :  4e  acte  des  Horaces  de  P.  Corneille,  joué  par  MUe  Karoly 
de  l'Odéon. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  On  lit  dans  le  Moniteur  :  «  Par  décret  impérial  du  8  décembre  1860, 
M.  le  comte  Bacciochi,  premier  chambellan  de  Sa  Majesté,  surintendant 
des  spectacles  de  la  Cour,  a  été  nommé  surintendant  des  théâtres  impé- 
riaux. Le  surintendant  des  théâtres  impériaux  exerce,  sous  l'autorité  du 
Ministre  d'État,  la  haute  surveillance  du  service  des  théâtres  impériaux  ; 
à  cet  effet,  les  commissaires  impériaux  près  le  théâtre  des  Italiens  et  les 
théâtres  de  l'Opéra-Comicrue  et  de  l'Odéon,  sont  placés  sous  ses  ordres.  » 

—  Un  arrêté  de  M.  Walewski,  ministre  d'État,  maintient  d'une  manière 
désormais  permanente  et  définitive,  le  droit  fixe  de  cinq  cents  francs  par 
soirée,  accordé  aux  auteurs  d'ouvrages  joués  sur  la  scène  de  l'Académie 
impériale  de  musique.  Jusqu'ici  ce  droit,  exigible  pendant  les  quarante 
premières  représentations  du  même  opéra ,  se  trouvait  ensuite  réduit  à 
trois  cents  francs,  —  ce  qui  était  tout  une  anomalie,  car  le  droit  d'auteur 
diminuait  en  raison  inverse  du  succès  de  l'ouvrage.  Cet  arrêté  ministé- 
riel ne  parle  pas  explicitement  des  droits  relatifs  aux  ballets,  mais  il  va 
sans  dire  que  cette  amélioration  s'étend  à  tout  ce  qui  constitue  le  spectacle 
d'une  soirée. 

—  Deux  nouveautés  ont  été  données  au  théâtre  Apollo,  de  Rome  :  un 
opéra  du  maestro  Raffaele  Gentile,  intitulé  :  Stefanias,  et  un  ballet  assez 
original  du  chorégraphe  Rota  :  il  Genio  Anardk. 

—  Nous  avons  annoncé  la  mort  du  célèbre  journaliste  allemand  Louis 
Rellstab.  Dans  le  nombre  des  œuvres,  étrangères  à  la  critique ,  que  nous 
devons  au  défunt,  il  faut  citer  le  libretto  du  Camp  de  Silésie,  dont  notre 
maestro  Meyerbeer  a  écrit  la  partition.  —  Le  père  de  Louis  Rellstab  était 
éditeur  de  musique,  et  plus  tard  libraire. 

—  La  centième  représentation  à'Orphée  aux  enfers  a  été  célébrée  avec 
pompe  à  Berlin.  Mllc  Taglioni  a  dansé  avec  le  corps  de  ballet  de  la  Cour, 
les  chœurs  et  l'orchestre  avaient  été  doublés.  —  On  le  voit,  en  Allemagne 
comme  en  France,  la  musique  bouffe,  spirituelle  et  amusante,  trouve  son 
public. 

—  On  écrit  de  Stockholm  :  «  Un  des  compositeurs  de  notre  pays,  auteur 
de  plusieurs  partitions  qui  ont  obtenu  du  succès,  M.  Ilermann  Berens , 
vient  d'être  nommé  chef-d'orchestre  du  deuxième  théâtre.  » 

—  Bien  décidément,  en  fait  de  beaux-arts,  le  vent  est  à  la  décentrali- 
sation :  toute  ville  veut  avoir  une  société  philharmonique ,  tout  chef-lieu 
aspire  à  une  pièce  de  théâtre  inédite.  —  Sans  parler  des  grands  théâtres, 
comme  ceux  de  Marseille  et  de  Bordeaux  qui  ont  donné  le  baptême  à  des 
œuvres  de  mérite,  les  scènes  modestes  se  piquent  d'émulation  et  se  mettent 
à  l'œuvre.  La  semaine  dernière,  un  collaborateur  du  Ménestrel,  M.  Léon 
Meneau,  a  fait  représenter  sur  le  théâtre  de  La  Rochelle  un  acte  d'opéra- 
comique  intitulé  :  Qui  compte  sans  son  hôte.  Cet  ouvrage  méritait  assu- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


23 


rément  un  cadre  plus  brillant  que  la  scène  rochelaise  ;  mais  le  jeune 
compositeur  s'était  promis  de  faire  jouer  son  premier  opéra  dans  sa  ville 
natale,  et  il  a  tenu  parole.  Les  journaux  de  la  Charente-Inférieure 
signalent  par  des  feuilletons  entiers  le  succès  sincère,  chaleureux,  qui  a 
accueilli  cette  petite  partition,  et  si  c'était  là  l'hôte  mystérieux  sur  lequel 
l'auteur  avait  compté,  il  ne  comptera  pas  deux  fois.  —  Maintenant  que  la 
dette  du  clocher  est  payée,  nous  donnerons  rendez-vous  à  M.  Léon  Me- 
neau sur  les  scènes  lyriques  de  Paris,  où  l'appellent  ses  études  et  ses  ins- 
pirations musicales.  E.  B. 

—  Le  ténor  Renard,  qui  n'a  fait  qu'une  apparition  à  l'Opéra,  vient  de 
reprendre  ses  fructueuses  représentations  au  grand  théâtre  de  Marseille. 
Guillaume  Tell  a  reparu  sur  l'affiche,  à  la  grande  satisfaction  des  ama- 
teurs de  grande  et  telle  musique. 

—  Les  journaux  de  l'Ain  parlent  longuement  des  ovations  faites  à 
Mme  Cambardi  par  les  dilettanti  de  Bourg.  Elle  a  dû  y  donner  deux  con- 
certs avec  le  concours  du  pianiste  Karl  Hermann  et  de  la  société  chorale. 

—  A  l'occasion  des  fêtes  de  la  Noël,  MM.  les  artistes  et  amateurs  de  la 
ville  de  Toulouse,  sous  la  direction  de  M.  Crouzat,  maître  de  chapelle,  exé- 
cuteront à  la  cathédrale  de  Saint-Élienne,  en  présence  de  Mgr  l'archevêque 
Desprez,  une  grande  messe  solennelle  à  trois  voix,  en  chœur  et  à  grand 
orchestre  de  M.  Lomagne,  violoniste-compositeur,  dédiée  par  l'auteur  à 
l'illustre  R.  P.  Dominique  Laeordaire,  directeur  de  l'école  de  Sorèze  et 
membre  de  l'Académie  de  Paris.  La  Société  des  concerts  de  Toulouse  se 
propose  aussi,  dit-on,  d'exécuter  dans  une  de  ses  prochaines  séances  une 
symphonie. 

—  On  nous  communique  un  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle  de 
Gaston  de  Saint-Paul,  élève  de  Boély,  musicien  regrettable  et  regretté,  qui 
avait  tenu  longtemps  le  grand  orgue  de  Notre-Dame  en  l'absence  de  M.  Dan- 
jou.  Cette  œuvre,  sérieusement  écrite,  est  accompagnée  d'une  romance 
sans  paroles  d'un  cachet  également  élevé.  On  assure  que  M.  Gaston  de 
Saint-Paul  a  laissé  beaucoup  d'œuvres  religieuses  et  de  musique  d'orgue 
dont  communication  va  être  faite  à  la  Maîtrise. 

—  Les  virtuoses  voyageurs  regagnent  la  capitale.  Nous  apprenons  l'ar- 
rivée à  Paris  de  M.  Ferdinand  Sehœn,  jeune  pianiste  déjà  avantageuse- 
ment connu  dans  le  monde  musical.  M.  Schœn,  qui  s'est  fortifié  par  de 
récentes  études,  poursuivies  avec  persévérance,  se  fera  entendre  cet  hiver 
en  public,  ce  qui  ne  l'empêchera  pas  de  répondre,  au  besoin,  ainsi  qu'il 
l'a  fait  plusieurs  fois,  à  l'appel  des  sociétés  musicales  de  la  province. 

—  On  annonce  également  le  retour  du  violoniste  Gleichauf ,  un  des 
meilleurs  élèves  de  Tieuxtemps.  M.  Gleichauf  s'est  fait  entendre  avec 
succès,  cet  été,  à  Bade,  "Wisbade,  Hombourg,  et  nous  vient  en  dernier  lieu 
de  Strasbourg,  où  il  a  donné  tout  récemment  un  beau  concert. 

-r-  La  salle  Pleyel  s'ouvrira  mercredi  prochain  19,  à  un  concert  vocal  et 
instrumental  donné  parle  virtuose-compositeur  Joseph  Wieniawski ,  avec 
le  concours  de  Mmes  Massart,  de  la  Pommeraye,  MM.  Armingaud,  Lee  et 
Richard  Lindau.M.  J.  "Wieniawski  exécutera  plusieurs  de  ses  compositions, 
notamment  sa  barcarolle-caprice  et  une  grande  sonate  inédite. 

—  M.  Hippolyte  Chartrain,  l'habile  accordéoniste,  et  M.  Louis  Lapret, 
pianiste,  membre  de  l'Athénée  des  Arts,  se  rendent  à  Nice  pour  y  donner 
des  concerts. 

—  Au  nombre  des  compositions  intéressantes  pour  le  piano  à  l'usage 
des  petites  mains ,  nous  signalons  la  collection  des  chefs-d'œuvre  ly- 
riques des  grands  maîtres,  transcrits  et  doigtés  par  A.  Croisez ,  A.  Cra- 
mer, Alphonse  Leduc  et  P.  Norewsky.  La  première  série  que  vient  de 
publier  l'éditeur  Adolphe  Catelin  contient  :  le  Barbier  de  Sëville  et  la  Ce- 
nerentola,  de  Rossini;  Elisire  d'amore,  de  Donizetti;  Nozze  di  Figaro, 
de  Mozart  ;  Richard  Cœur  de  lion,  de  Grétry  ;  la  Sonnambula,  de  Bellini. 

—  L'auteur  du  Berquin  des  jeunes  pianistes,  H.  Valiquet,  vient  de  pu- 
blier chez  Brandus  une  nouvelle  fantaisie  militaire  sur  les  motifs  des  Dra- 
gons de  Villars.  Ce  morceau ,  composé  expressément  pour  les  petites 
mains,  est  d'une  exécution  très-facile. 

—  Sous  le  titre  :  le  Mirliton ,  l'éditeur  Gauvin  publie  un  nouveau 
quadrille  d'Alphonse  Leduc  sur  des  motifs  populaires  de  MM.  Olivier, 
Robillard  et  Trahand. 


Lai  partition  illustrée  de  SÉ.tlïRAMIS  de  Rossini, 
—  texte  italien  et  traduction  française  de  MÉUÏ  , 
récitatifs  et  airs  de  ballet  de  CARAFA,  points  d'or- 
gue et  rentrées  d'orchestre ,  —  avec  les  DEUX 
PORTRAITS  de  G.  ROSSINI  (Naples  188©  et  Paris 
1SGO)  et  les  DESSINS  REPRÉSENTANT  TES 
SCÈNES  PRINCIPALES  DE  L'OUVRAGE  ,  —  est 
actuellement  délivrée  aux  abonnés  du  Ménestrel. 

Cette  magnifique  priasse,  offerte  gratuitement 
pour  toint  renouvellement  ou  abonnement  complet 
(chant  et  piano),  prendra  la  place  des  quatre  Albums 
du  Ménestrel,  dont  les  morceaux,  n'en  seront  pas 
moins  publiés  dans  le  Journal  (voir  ci-dessous). 

Les  abonnés  au  CHANT  seul,  ou  au  PIANO  seul, 
auront  droit  à  la  mèaie  prime,  moyennant  un  sup- 
plément d'abonnement  de  dix  francs  ,  s'ils  ne  préfè- 
rent recevoir   gratuitement  : 

1°  A  la  place  des  deux  Albums  annuels  poui*  le 
Chant:  la  partition  complète  des  SAISONS  de  J. HAYDN, 
chant,  piano  et  traduction  française  de  G.  Roger, 
oratorio  en  quatre  parties,  seule  édition  conforme 
à  l'exécution  «les  concerts  du  Conservatoire  ,  et 
ornée  du  portrait  de  HAA'DN. 

9°  En  échange  des  deux  Albums  annuels  pour 
piano  :  un  beau  Recueil  de  transcriptions  et  réduc- 
tions des  célèbres  œuvres  concertantes,  sympho- 
niques  et  pour  piano  seul,  de  Haydn,  Mozart  et  Bee- 
thoven, par  Jules  Weiss,  et  contenant  : 

HATBS  :  a.  Final  du  trio  en  fa.  —  2.  Menuet  (lu  même  trio.  — 
3.  Final  du  trio  en  la.  —  J.  Allegro,  symphonie  en  mi  bémol. 

BEETHOVEN;  3.  Adagio  et  allegro  de  la  symphonie  en  ut.  —  G.  Final 
dn  quatuor  en  fa.  —  "S.  Menuet  et  scherzo  du  septuor.  —  S.  Alle- 
gro du  trio  en  mi  bémol. 

MOZART  :  O.  Menuets  extraits  de  ses  symphonies.  —  flO.  Final  de 
la  symphonie  en  ré.  —  la.  Final  du  quatuor  en  sol  mineur.  — 
13.  Presto  de  la  sonate  en  si  bémol. 


CATALOGUE  des  morceaux  séparés  des  quatre  ALBUMS 
du  Ménestrel  [année  1860-1861),  quiparaîlront  de  semaine 
en  semaine,  à  partir  du  dimanche  11  novembre  1860. 

ALBUMS  DE  CHANT. 


ROMANCES  ET  CHANSONNETTES. 

G.   NADAltm. 

La  bruyère. 

PAULINE   TJIA'S. 

Tes  vingt  ans! 

F.  MASI^II. 

Le  Lever  des  Etoiles. 

LÉOFOI.i)  AMAT. 

Sympathie. 

ai.  i»OTai:n. 

Adieu  les  Fées  !  ■ 

dorval-valeivtiiïo. 

Charmants  Tyrans  du  cœur. 


SCENES  ET  MELODIES. 

G.    11ÎHU1. 

Le  vent  qui  pleure. 

PAl'LIIÏE  T1IYS. 

Harmonie  de  Lamartine. 

j(  -B.  wa^BiEiiLiiv. 

9-  Tyrolienne. 

FÉLIX  GODEFROID. 

Ma  mie  Annette. 


ALBUMS  DE  PIANO. 


MUSIQUE  DE  DANSE. 

ARBAIV. 

A  vos  Souhaits,  polka. 

L.  JIK1IELI. 

Polka  militaire  du  Camp  de  Samt-Maùr. 

STRAUSS. 

Sémiramis ,  2e  quadrille. 

PHILIPPE  STIITZ. 
Juana ,  polka- mazurka. 

MliSARD. 

Sémiramis,  valse.  ■ 

J!.-L.  BATTMAiVJ». 

Menuet  et  galop  Dnal  d'Orphée  aux 

Enfers,  de  J.'  Offenbach. 


MORCEAUX  DE  SALON. 

CROISEZ. 

Guipures  et  Dentelles  (n°  1). 

eu.  veustebt. 

Ilmio  Tesoro,  transcription  de  DonJuan. 

M  ARMONTEL . 

Musette,  rondo  pastoral. 

PAUL  BERNARD. 

Bella  sera ,  idylle . 

LÉCFREUX. 
Fleuve  du  Tage,  transcription. 

FÉLIX  GODEFROID. 

Les  Abeilles,  étude  extraite  du  3S  cahier 
de  Y  Ecole  chantante  du  piano. 


Chaque  demande  ou  renouvellement  d'abonnement  doit  être  accom- 
pagné d'un  bon  sur  la  poste  [franco]  :  1°  de  13  fr.  ,  Paris;  18  fr.,  pro- 
vince, pour  chant  et  texte,  ou  piano  et  texte:  2°  De  25  fr.,  Paris,  ou  30fr., 
province,  pour  l'abonnement  complet:  texte,  chant  et  piano  réunis, 
Joindre,  pour  les  départements,  un  supplément  de  2  francs ,  montant  de 
l'affranchissement  des  primes  de  l'abonnement  complet,  ou  un  supplément 
de  1  franc  pour  l'affranchissement  des  primes  séparées,  piano  ou  chant. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


1861-PARTITIONS ,  RECUEILS  ET  ALBUM S-1861 

PUBLIÉS  AU   MÉNESTREL  ,  2  bis ,   rue  Vivienne. 


SEMIRAMISdeG  ROSSINI 

Texte  italien  et  paroles  françaises  de    Méry  , 

récitatifs  deCARAFA. 

Partition  illustrée  fie  deux  portraits  de  Rossira  et  des 

principales  scènes  de  l'Opéra. 
Cartonnée  :  20  fr.  Reliure  tuile .:  25  fr.  Velours  :  40  fr. 


MELODIES 

DE 

A  -E   DE  VAUCORBEIL 

Un  volume  relié  :  10  fr. 
4e  ALBUM  DE  CONCERT 

DE 

FERDINAND  DE  CROZE 

1.  Les  Ombres,  caprice-valse. 

2.  La  Derbouka,  chanson  orientale. 

3.  Rêvez  toujours,  cantabile. 

4.  En  aérostat,  rêverie-étude. 

5.  Ciel  et  Terre,  andante. 

6.  La  Razzia,  presto. 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 


ALBUM-STRAUSS 

Pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra, 

1.  Comtesse  Waleivska-\a\se. 

2.  Comtesse  Aguado-\a\se. 

3.  Comtesse  Sweigkowsku-po\ka. 

4.  Comtesse  Lrtfa-valse. 

5.  Comtesse  de  Cessole-\a\se. 

6.  Comtesse  Afitrai-polka-mazurka. 

Broché  :  8  fr.  Belié  :  12  fr. 

ALBUMS  DE  CHASSE 

PAR 

MM    BERTRAND  et  TELLIER 


COLLECTIONS  DE  LA  MAITRISE 

Trois  beaux  volumes  cartonnés, 
Texte,  Orgue  et  Chant  :  15,  18  et  30  fr. 


LE  LIVRE   DU  BON  DIEU, 

d'ÉIMHJAREB  PI.05JVIER , 
Musique  de  Darcier.  —  Texte  et  dessins.  —  Prix  :  12  fr. 

ÉCOLE  CHANTANTE  DU  PIANO 

par 
FÉLIX    GO&EFROID. 

1er  Livre.  Méthode  de  chant  appliquée  au  piano,  exercices, 

mélodies-types  sur  toutes  les  difficultés  du  chant. 

Texte  et  musique  :  25  fr. 

2e  Livre.  Quinze  études  mélodiques  pour  les  petites  mains.  Prix  :  12  fir. 

3e  Livre. Douze  étudescaractéristiquetd'undegrésupérieur.  Prix  :  12fr. 


LE  JEUNE  PIANISTE  CLASSIQUE 


WEISS 

MOZART. 

9.  Menuets  (.'xLraitsili'  sessymphon. 

10.  Final  de  la  symphonie  en  ré. 

11.  Final  du  quatuorenso/ mineur. 

12.  Presto  de  la  sonate  en  si  bémol. 


HAYDN. 

1.  Final  du  trio  eu  fa. 

2.  Menuet  du  même  trio. 

3.  Final  du  trio  en  la. 

4.  Allegro  de  la  symphonie  en  mih 

BEETHOVEN. 

5.  Adagio, allegro,  symphonie enut.  I  7.  Menuet  et  scherzo  du  septuor. 

6.  Final  du  quatuor  en  fa.  j  8.  Allegro  du  trio  en  mi  bémol. 

Broché  :  10 fr.  Relié:  15  fr. 

AMTfM  SMMJtŒIE* 

5.  Arban.  A  vos  souhaits,  polka. 

6.  Ch.  Neustedt.    //  mio   tesoj^o  , 
transcription  de  Don  Juan. 

7.  A.  Croisez.   Guipures  et  Den- 
telles (n»  1) 

8.  Strauss.  2e  quadrille  sur  Sémi- 
ramis. 

Relié  :  12  fr. 


1.  PaulBernard. Bellasera, idylle 

2.  J.-L.  Battmann.  Menuet  et  galop 

d'Orphée  aux  enfers. 

3.  Ph.    Stutz.  Juaua,   polka-ma- 

zurka. 

4.  Th.  Lécuredx.  Fleuve  du  Tage, 

transcription  variée. 

Broché  :  8  fr, 


DECAMERON    DRAMATIQUE. 

Album  de  danse  par 

J    OFFEN3ACH 


LES  SAISONS  deJ.  HAYDN 

Oratorio  en  quatre  parties . 
i'raduction  française  de  G.  Roger,  seule  édition  con- 
forme à  l'exécution  des  concerts  duConservatoire, 

orné  du  portrait  de  J.  Haydn. 
lïioché:  10 fr.  Reliure  toile:  15  fr.  Velours  :  30 


ALBUM   ARTISTIQUE 

DES 

FRERES    LIONNET 

Broché  :  10  fr.  Belié  :  15  fr. 
ALBUM  DE  SALON 

PAR 

J    LEYBACH 

i.  Mes  solitudes,  4e  nocturne. 

2.  Souvenirs  d'Allemagne,  3e  valse. 

3.  Ronde  pastorale,  3e  idylle. 

4.  Confidence,  romance  sans  paroles. 

5.  Fête  aux  Champs,  galop  pastoral. 

6.  La  Hongroise,  caprice-mazurka. 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 

LE   JEUNE  PIANISTE 

Morceaux  faciles  sans  octaves, 
composés  par 

H  VALIQUET,  J -L    BATTMANN, 
A    DESSANE 

Broché  :  8  fr.  Relié  :  12  fr. 


L'ALBUM-COTILLON 


LABORDE,  avec  DESSINS 


NOUVEAUTES  POUR  PIANO,  SOUS  PRESSE  OU  PUBLIEES. 


A-   CROISEZ 

Guipures  et  Dentelles. 
Valse  et  mazurka  (n°  1  et  2). 

CH    DELIOUX 

Deux  Sérénades  (n°  1  et  2). 

TH    LÉCUREUX 

Transcriptions  variées. 

Fleuve  du  Tage.  —  Mœris,  de  Mmo  Ga.il. 

Valse  des  Pâtres  du  Valais. 

CH -B    LYSBERG 

L'absenee,  sonate  romantique.  — Andante,  idylle. 
Airs  savoisiens  variés. 


AIRS  DE  BALLET 

Du  nouveau  ballet 
de  l'opéra 


PAUL  BERNARD 

Barcarolle  et  chanson  de  Fortunio. 
Galop  de  concert.  \  Prima  sert 


idylle. 


FELIX  GODEFROID 

Joanhnisberg ,  valse  desalon.      |    Une  Fièvre  brûlante,  transcription. 


LEFEBURE-WELY 

Armide  de  Gluck. 
Morceau  de  concert,  varié.      |        Morceau  de  salou  ,  varié. 


HENRI  RAVINA 

ÉTUDES   HARMONIEUSES 

Vingt-cinq  nouvelles  études  de  moyenne  difficulté. 
Prix  :  20  fr. 


L    DIEMER 

Polonaise  de  concert ,  lre  mazurka. 
Élégie  à  la  mémoire  de  sa  mère. 

F  DOLMETCHS 

Douze  études  récréatives. 
(Livre  deuxième). 


CH    NEUSTEDT 

Transcriptions  variées. 

1 .  La  ci  darem  la  mano. 

2.  Il  mio  tesoro. 

3.  Sérénade  et  duo  de  Don  Juan. 


MARMONTEL 

Thème  varié,  ancien  style.  Muselle ,  pastorale. 
Venezia,  barcarolle. 


ARRANGEMENTS  ET  MUSIQUE   DE   DANSE 

Musique  de 

J.  OFFENBÂCH. 


LE  PAPILLON 


1.  Marche  paysanne, 
ï.  Chant  du  Papillon. 

3.  Andanle-Bohémiana. 

4.  Taise  des  Rayons. 


STRAUSS 

Quadrille,  Valse  des  RAYONS  et  Polka-Mazurka  la  LESGVINKA. 

Composés  pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 


5.  Marche  du  Palanquin. 

6.  Polonaise  des  Bohémiennes. 

7.  Valse  des  Fleurs. 

8.  Galop  des  Papillons. 


ARBAN  '.  Polka  des  Métamorphoses.  La  fée  Hamza.  M11"  Marquet.         |         PU.    STUTZ  '.  La  Fée  des  Moissons.  Polka-mazurka.  M"1'  Schlosseb. 

H,  VALIQUET  '.   Quadrille  et  valse  faciles  ,  sans  octaves. 


75 i  —  28e  Année. 

K»   4. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  23  Décembre 

1SGO. 


n^rsi 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Yi  vienne.  —  HEUGEL  et  O,  éditeurs. 

(Aux  Magasin»  et  Abonnement  île  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Vente  et  location   de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1"  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  2  6  Morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  a  Album» 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger  :  21  fr. 


PIANO. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  20  Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  t  Albums» 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  : 

3'  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  s:  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/ranco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  IIEUGEI,  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  1721. 


SOMMAIRE.  —  TEXTE, 

I.  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  Méhul  (suite  et  fin)  48e 
article.  L.  Meneau  —  II.  Théâtre-Lyrique  :  les  Pêcheurs  de  Catane,  de 
M.  Aimé  Maillart,  première  représentation.  J.  Lovv.  —  III.  Tablettes  du  pia- 
niste et  du  chanteur  :  Le  Conservatoire  de  Paris  et  les  Conservatoires  de  pro- 
vince (1er  article).  G.  Bêrédit.  —  IV.  Théâtre-Italien  :  Les  Poèmes  de  la  Mer, 
ode  symphonique  de  J.-B.  Wekerlin,  première  audition.  Léon  Gatayes.  — 
V.  Semaine  théâtrale.  —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

LE  LEYER  DES  ÉTOILES  , 

Paroles  de  M.  Emile  Bellier,  musique  de  F.  Masiki.  —  Suivra  immé- 
diatement après  :  Harmonie  de  Lamartine,  musique  de  Mme  Pau- 
line Thys. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

VALSE  DE  SÉMIR  AMIS  , 

Par  Musard.  —  Suivra  immédiatement  après  :  le  premier  quadrille  du 
Papillon,  composé  par  Strauss  pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra, 
sur  les  molifs  du  ballet  de  J.  Offenrach. 


i/orËm- comique 


SA  NAISSANCE,  SES  PROGRES,   SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


SECONDE  PARTIE.  —  XIXe  SIÈCLE. 


CHAPITRE    VI. 


MEHUL. 

XVIII. 

[Suite  et  fin.) 

Le  succès  que  Méhul  avait  remporté  avec  Ylrato  le  décida  à 
écrire  de  nouveau  dans  le  genre  bouffe,  et  Bouilly  lui  fournil  le 
libretlo  d'I/ne  folie  :  celte  pièce,  jouée  par  les  mêmes  acteurs 
que  VIrato,  eut  à  peu  près  la  même  fortune.  Je  citerai  parmi 
les  morceaux  les  plus  agréables  de  la  partition,  l'air  :  Reviens  , 


6  mon  aimable  gaîlé,  et  la  romance  :  Je  suis  encor  dans  mon 
printemps,  triomphe  de  Mme  Philis. 

11  fut  moins  heureux  avec  le  Trésor  supposé,  qui  ne  réussit 
qu'à  moitié.  Il  persista  néanmoins  dans  cette  voie  et  donna,  en 
1806  ,  les  Deux  Aveugles  de  Tolède,  dont  Marsollier  avait  pris 
le  sujet  dans  le  roman  picaresque  de  Mendoza  :  Lazarillo  de 
Tonnes.  Il  rechercha  la  couleur  locale  dans  cette  œuvre  ;  l'ou- 
verture, par  exemple,  est  un  joli  boléro  andaloux.  L'un  des 
meilleurs  morceaux  de  la  partition  est  le  duo  de  soprano  et 
ténor  :  Vous  dont  le  cœur  n'a  pas  parlé. 

Il  revint  peu  de  temps  après  au  genre  vers  lequel  le  portait 
plus  particulièrement  le  caractère  de  son  esprit,  celui  qui  plaisait 
le  plus  à  sa  muse,  pour  employer  une  expression  du  temps.  Il 
donna,  en  effet,  le  16  mai  1806,  Ulhal,  drame  ossianique.  Pour 
conserver  à  sa  partition  un  cachet  plus  antique,  il  jugea  à  propos 
de  retrancher  les  violons  de  son  orchestre,  mais  il  résulta  de 
celte  tentalive,  un  peu  trop  hasardée,  une  monotonie  qui  nuisit 
singulièrement  à  la  pièce.  On  raconle  que  Grétry,  à  la  fin  de 
la  première  représentation,  s'était  écrié  :  «  Un  louis  à  qui  me 
fera  eDtendre  une  chanterelle  (1).  »  Malgré  le  défaut  d'unifor- 
mité, on  reconnaît  dans  Ulhal  la  touche  du  maître. 

(I)  L'éditeur  Pacini,  alors  compositeur,  l'auteur  de  la  partition  d'Isabelle 
et  Gerlrude,  représentée  avec  succès  à  l' Opéra-Comique,  le  1er mars  1806, 
m'a  raconté  cette  anecdote  de  la  façon  suivante  :  «  Je  fus  visiter  Méhul, 
qui  me  demanda  de  connaître  quelques-uns  de  mes  ouvrages  ;  je  lui  portai 
un  Christus  factus  est  obediens  usque  admortem....,  quej'avais  composé  à 
Nîmes;  il  fut  surpris  que  j'eusse  employé  tous  les  insruments  excepté  le 
violon.  Méhul,  à  qui  j'avais  donné  la  partilion  de  mon  Christus,  fit  un 
opéra  intitulé  Uthal;  il  voulut  essayer  aussi  de  remplacer  les  violons 
par  des  altos,  sans  songer  que  ce  qui  convenait  à  un  petit  oratorio  serait 
trop  monotone  pour  trois  actes  d'opéra.  Le  lendemain  je  rencontrai  Grétry 
sur  le  boulevard,  qui  me  demanda  si  j'avais  assisté  à  la  première  repré- 
sentation à' Uthal.  Sur  ma  réponse  négative,  il  me  dit,  sachant  que  je 
jouais  du  violon  :  Je  vous  ai  cherché  pour  vous  demander  si  vous  aviez 
une  chanterelle  dans  votre  poche,  je  l'aurais  payée  un  louis.  » 


26 


LE  MÉNESTREL. 


L'année  1807  vit  paraître  son  chef-d'œuvre  :  Joseph,  drame 
en  trois  actes,  représenté,  la  première  fois,  le  17  février.  Le 
librelto  fut  le  résultat  d'un  pari  que  Duval  avait  fait  d'écrire,  sur 
le  sujet  biblique  de  Joseph,  un  drame  (1),  sans  y  introduire 
aucune  intrigue  étrangère  à  la  donnée  de  la  Bible.  Cet  ouvrage 
devait  être  d'abord  un  grand  opéra,  mais  Duval  l'ayant  lu  en 
prose  à  ses  parieurs,  ceux-ci  l'engagèrent  à  né  point  métamor- 
phoser son  dialogue  en  récitatif.  "Joseph  fit  grande  impression 
chez  les  vrais  amateurs  de  musique;  mais  le  gros  du  public 
trouva  le  libretto  trop  monotone*  et  c'est  ce  qui  nuisit  au  succès 
dramatique  de  la  pièce,  qui  fit  plus  d'effet  dans  les  concerts 
qu'à  la  scène  (2)  ;  elle  était,  du  reste,  admirablement  jouée  par 
Elleviou  (Joseph),  Solié  (Jacob),  Gavaudan  (Siméon),  Mme  Ga- 
vaudan  (Benjamin),  etc....  Cette  œuvre  éminente  est  trop  bien 
connue  des  musiciens  pour  que  j'en  fasse  une  analyse  détaillée  ; 
il  me  suffira  de  citer  l'ouverture  religieuse,  préfate  de  l'œuvre, 
l'air  classique,  devenu  le  morceau  de  concours  de  tous  les  ténors 
d'opéra-comique  :  Vainement  Pharaon....,  la  romance  si  con- 
nue :  À  peine  au  sortir  de  l'enfance,  les  deux  cantiques  :  Dieu 
d'Israël  et  Aux  accents  de  notre  harmonie,  pour  remettre  toute 
la  partition  dans  la  mémoire  du  lecteur. 

Le  dernier  ouvrage  de  Méhul  fut  un  opéra-comique  en  trois 
actes  :  La  Journée  aux  aventures. 

Bien  qu'abattu  par  des  chagrins  de  plus  d'un  genre,  et  miné 
par  la  maladie  mortelle  qui  le  dévorait,  il  avait  su  trouver  assez 
de  gaîté  pour  rappeler  dans  cette  œuvre  les  beaux  jours  de 
Ylrato  et  d'Une  folie.  On  lui  conseilla  l'air  du  Midi,  mais  il 
ne  put  s'habituer  à  vivre  loin  de  Paris.  A  peine  arrivé  en  Pro- 
vence ,  après  un  voyage  pénible  et  fatigant,  il  écrivit  à  ses  amis 
de  l'Institut  :  «  L'air  qui  me  convient  est  l'air  que  je  respire 
parmi  vous.  »  On  le  ramena  à  Paris  où  il  mourut  quelques  jours 
après  son  retour,  le  18  octobre  1817. 

*  * 

Dans  la  préface  de  Joseph,  Duval  dit,  à  propos  de  la  mort  de 
Méhul  :  «  Les  arts,  qui  espéraient  encore  quelques  chefs-d'œuvre 
de  son  immense  talent,  la  société  qu'il  charmait  par  les  grâces 
de  son  esprit,  ont  fait  une  perte  réelle  dans  la  personne  de 
l'honnête  homme,  de  l'homme  aimable  et  du  grand  composi- 
teur; et  s'il  a  droit  à  mes  éloges  comme  artiste  distingué  dont 
j'ai  partagé  les  travaux,  il  a  droit  à  de  longs  regrets  comme  mon 
ami.  Les  personnes  qui  n'ont  connu  que  ses  chants  peuvent 
l'admirer  ;  mais  ses  amis  seuls  ont  pu  apprécier  son  caractère  et 
la  bonté  de  son  cœur.  » 

Léon  Ménead. 


THÉÂTRE   LÏR1 


Les  Pécheurs  de  Catane ,  drame  lyrique  en  trois  actes;  paroles  de 
MM.  Cormon  et  Michel  Carré,  musique  de  M.  Aimé  Maillart. 

Les  partisans  de  M.  Aimé  Maillard,  —  et  le  nombre  en  est 
grand,  —  attendaient  avec  impatience  cette  nouvelle  œuvre,  à 
laquelle  ils  rendaient  déjà  un  hommage  anticipé  ;  —  hommage, 
du  reste,  complètement  justifié  par  les  précédents.  Gaslibelza, 

(1)  Ce  fut  à  propos  du  Joseph  de  Baour-Lormian  ,  auquel  Duval  avait 
reproché  l'introduction  d'une  intrigue  amoureuse  qui  affaiblissait  le  sujet 
principal,  la  piété  filiale. 

(2)  En  Angleterre  on  l'exécute  en  oratorio. 


la  Croix  de  Marie,  et  surtout  les  Dragons  de  Villars,  —  popu- 
laire partition  qui  fait  en  ce  moment  son  tour  d'Allemagne  sous 
le  titre  la  Clochette  de  l'Ermite,  —  constituent  de  vraies  lettres  de 
noblesse  musicale.  M.  Aimé  Maillart  est  un  de  nos  compositeurs 
dramatiques  qui  nous  donnent  les  plus  sérieuses  promesses,  — 
promesses  déjà  fidèlement  tenues  et  largement  remplies.  Ses 
chants  ont  de  grandes  allures,  sa  mélodie  est  claire,  son  instru- 
mentation, ses  masses  vocales  se  combinent  et  s'agencent  avec 
bonheur  ;  en  voilà  plus  qu'il  n'en  faut  pour  légitimer  les  sym- 
pathies du  public  dilettante. 

Un  autre  attrait  se  joignait  à  la  solennité  de  cette  première 
représentation  :  deux  jeunes  débutants,  un  ténor  et  un  soprano, 
nous  apparaissaient  le  même  soir  dans  deux  rôles  importants. 
L'un,  M.  Peschard,  avait  fait  ses  preuves  dans  les  concours  et 
exercices  du  Conservatoire;  c'est  un  premier  prix  de  chant,  et  son 
diplôme  est  en  règle  ;  —  l'autre,  Mllc  Baretti,  jeune  et  gracieuse 
cantatrice-lauréate  que  nous  devons  également  au  Conservatoire 
et  aux  soins  tout  particuliers  de  notre  professeur  Laget. 

Mais  avant  de  nous  occuper  de  ces  deux  nouveaux  venus, 
essayons,  —  il  en  est  temps,  —  d'analyser  le  sujet  des  Pêcheurs 
de  Catane. 


La  pièce  de  MM.  Cormon  et  Michel  Carré  appartient  à  la 
respectable  famille  des  mélodrames  ;  elle  est  charpentée  suivant 
les  traditions  de  l'endroit,  à  quelques  défaillances  près  ;  je  doute 
pourtant  que  celte  enfant  dn  boulevard  eût  été  absolument  pré- 
sentable sans  la  musique  de  M.  Maillart. 

Nella  est  la  fille  adoptive  d'une  famille  de  pêcheurs  ;  et  si  tout 
marchait  régulièrement  dans  ce  bas-monde,  elle  épouserait  tout 
simplement  son  frère  de  lait  Cecco,  qui  l'aime  avec  une  tendresse 
toute  sicilienne.  Par  malheur,  la  joyeuse  Nella  rencontra  un 
beau  jour  certain  jeune  officier  ;  celui-ci  sut  prendre  un  tel  em- 
pire sur  son  cœur,  que,  pour  s'y  soustraire,  elle  n'eut  rien  de 
plus  pressé  que...  de  se  retirer  au  couvent  de  l'Annonciade. 

Au  lever  du  rideau,  tous  les  pêcheurs  sont  réunis  pour  fêter 
Nella  ;  car,  selon  les  us  du  pays,  le  couvent  rend  chaque  année, 
pour  trois  jours,  les  novices  à  leurs  familles.  Arrive  la  signora 
Carmen,  nièce  du  gouverneur  de  Catane  et  amie  de  Nella,  qu'elle 
a  prise  en  affection  pour  l'avoir  entendue  chanter  dans  les  offices 
du  couvent.  Carmen  s'est  fait  escorter  de  son  vieil  écuyer  d'hon- 
neur, le  capitaine  Barbagallo  (type  taillé  sur  le  sénéchal  de  Jean 
de  Paris),  et  de  son  cousin  Fernand,  qui  doit  l'épouser  sous  peu 
de  jours. 

Maintenant,  si  je  vous  dis  que  ce  Fernand  est  précisément 
l'officier  mystérieux  qui  a  troublé  la  jeunesse  et  la  gaîté  de  Nella, 
vous  devinez  toute  la  série  des  péripéties  à  venir.  Nella  balance 
entre  ses  sentiments  mal  éteints  et  les  ardentes  sollicitations  de 
Cecco  ;  mais  la  présence  de  Fernand,  le  réveil  des  souvenirs,  l'en- 
traînement fatidique  des  jeunes  cœurs,  tout  annonce  que  le 
pauvre  Cecco  sera  sacrifié.  En  effet,  Nella  et  Fernand  se  pro- 
diguent de  nouveaux  serments  et  s'apprêtent  à  fuir  ;  mais  voilà 
qu'au  moment  de  monter  dans  la  barque  quHes  attend,  ils  sont 
surpris  par  Cecco  et  ses  amis.  C'est  à  grand'peine,  en  s'exposant 
elle-même,  que  la  jeune  fille  parvient  à  soustraire  Fernand  à  la 
fureur  des  pêcheurs;  car  Fernand  n'est  pas  seulement  le  ravis- 
seur de  leur  enfant  adoptive,  il  est  le  neveu  du  gouverneur  qui 
désole  la  côte  par  ses  exactions.  Aussi  veulent-ils  garder  l'officier 
en  otage  jusqu'à  ce  qu'on  leur  resti lue  leurs  filets  confisqués. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Nella  leur  promet  satisfaction,  ot  se  charge  elle-même  des  dé- 
marches près  du  gouverneur. 

Arrivée  à  Calane,  elle  trouve  son  amie  et  protectrice  donna 
Carmen  au  milieu  des  préparatifs  de  sa  noce,  et  l'on  n'attend 
plus  que  le  fiancé.  Par  l'intercession  de  Carmen,  le  gouverneur 
expédie  aux  pêcheurs  insurgés  une  lettre  qui  leur  assure  le  re- 
couvrement de  leurs  filets  et  de  leurs  barques.  Mais  le  cœur  de 
Nella  est  brisé  ;  et  lorsque  lasignora  Carmen,  h  qui  Cecco  a  ré- 
vélé le  fatal  secret,  accourt  pour  rendre  à  son  amie  celui  qu'elle 
aime,  il  est  trop  tard,  la  jeune  fille  expire  entre  leurs  bras. 


J'ai  dit  que  cette  œuvre  des  boulevards  exigeait  la  collabo- 
ration de  M.  Aimé  Maillart  ;  mais  j'ajouterai ,  pour  être  juste, 
que  les  librettistes  ont  fourni  au  compositeur  bon  nombre  de 
situations  musicales,  avec  une  ample  provision  de  morceaux 
très-habilement  coupés  au  point  de  vue  lyrique.  Certes,  ce  double 
contingent  vaut  unbill  d'indemnité. 

Quant  à  M.  Maillart,  —  à  part  certaines  réminiscences ,  des 
moins  malheureuses,  du  reste,  —  il  vient  de  conquérir  un  nou- 
veau titre  lyrique,  et  le  mérite  réel  de  sa  partition  a  été  souvent 
acclamé  par  la  salle  entière.  L'œuvre  renferme  des  pages  d'une 
importance  capitale ,  et  aussi  bon  nombre  de  jolis  détails  qui 
ne  peuvent  que  gagner  aux  auditions  suivantes. 

Citons  parmi  les  éléments  le  plus  franchement  fêtés  le  pre- 
mier chœur  des  pêcheurs  ;  la  romance  de  Nella,  l'Ame  désespérée, 
puis  sa  Sicilienne,  mêlée  de  chants  et  de  danse  ;  au  second 
acte,  la  romance  deFernand,  Du  serment  qui  ni1  engage, le  chœur 
Bénissons  la  Madone,  les  couplets  de  jalousie  de  Cecco,  et  la 
chanson  de  l'Hirondelle,  fantaisie  d'une  facture  originale,  et  où 
chaque  membre  de  phrase  débute  par  une  roulade  en  arpège  ; 
enfin,  au  troisième  acte,  les  couplets  piquants  de  Carmen  :  Tant 
pis  pour  lui  s'il  vient. 

L'exécution  de  tous  ces  morceaux  a  été  généralement  bonne, 
sinon  de  premier  ordre,  et  l'orchestre,  sous  la  vaillante  direction 
de  M.  Deloffre,  a  dignement  rempli  sa  tâche. 

Quant  aux  deux  débutants,  ils  n'ont  qu'à  se  louer  de  l'excellent 
accueil  qui  leur  a  été  fait.  M.  Peschard  (Fernand)  possède  une 
gracieuse  voix  de  ténor,  bien  timbrée  dans  son  volume,  et  qu'il 
conduit  avec  goût.  Il  a  dit  avec  beaucoup  de  charme  sa  romance 
Du  serment  qui  m'engage:  seulement  l'art  du  comédien  laisse 
tout  à  désirer,  sa  physionomie  ne  s'anime  pas,  manque  de  mo- 
bilité, et  un  apprentissage  scénique  sera  des  plus  indispensables 
au  jeune  chanteur.  —  Sa  partenaire,  MIle  Baretli  (Nella),  a  su 
d'emblée  captiver  l'assistance  par  sa  jolie  figure, — prise  de  profil 
surtout,  —  le  timbre  (encore  inégal)  de  sa  voix  et  la  netteté  rela- 
tive de  sa  vocalisation,  —  vocalisation  que  le  travail  rendra  cer- 
tainement plus  agile  et  plus  parfaite.  Son  Credo  du  premier 
acte,  sa  Sicilienne  et  la  chanson  de  Y  Hirondelle  lui  ont  valu  de 
nombreuses  salves  d'applaudissements. 

Balanqué  (Cecco),  qui  nous  fait  parfois  acheter  par  un  peu 
de  raideur  la  sonorité  métallique  de  son  organe,  a  eu  des  notes 
caressantes,  surtout  dans  ses  beaux  couplets  de  la  Jalousie  au 
second  acte,  qu'on  a  unanimement  bissés.  —  Mlle  A.  Faivre, 
est  très-gracieuse  dansle  personnage  de  donna  Carmen.  G  irardot, 
Wartel  et  Mme  Vadé  tiennent  fort  convenablement  leurs  rôles. 

La  mise  en  scène  a  également  tenu  loules  ses  promesses,  et 


fait  grand  honneur  à  M.  Rély.  Le  décor  du  second  acte  sur- 
tout, représentant,  par  un  pâle  clair  de  lune,  les  falaises  de  la 
Sicile  et  l'arrivée  des  barques  de  pêcheurs  aux  flambeaux,  for- 
ment un  ensemble  de  l'effet  le  plus  pittoresque.  Aussi  ce  décor 
a-t-il  plus  particulièrement  partagé  les  bravos  décernés  à  la  mu- 
sique de  M.  Aimé  Maillart. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
LE  CONSERVATOIRE  DE  PARIS 

ET   LES 

Conservatoires    de   province. 

(  Le  Sémaphore.  ) 
I. 

De  tous  les  temps  les  Conservatoires  furent  en  butte  aux  at- 
taques inconsidérées  d'une  foule  de  gens,  qui,  sans  examiner  le 
sujet  de  leurs  épigrammes  railleuses,  décernaient  un  brevet  d'in- 
capacité aux  hommes  d'étude,  dont  la  mission  consiste  à  révéler 
chaque  jour  les  secrets  de  l'art  à  ceux  qui  les  ignorent  pour  les 
conduire  par  degrés,  si  c'est  possible,  à  l'apogée  du  talent  et  du 
succès. 

Au  dire  de  ces  personnes,  les  conseils  et  les  leçons  de  la  science 
sont  tout  à  fait  superflus.  Qu'est-il  besoin,  en  effet,  d'apprendre 
la  musique  pour  savoir  chanter,  et  d'étudier  la  diction  pour 
interpréter  les  chefs-d'œuvre  de  la  scène  française?  L'instinct 
suffît,  assure-t-on,  et  loin  de  développer  les  qualités  d'un  élève  , 
les  professeurs  ne  font  souvent  qu'en  arrêter  l'essor  à  force  de 
difficultés  et  d'entraves. 

Pour  réduire  à  leur  valeur  de  telles  assertions,  il  suffirait 
d'abord  de  citer  les  jeunes  gens  qui,  assez  mal  avisés  pour  les 
prendre  au  sérieux,  ont  payé  par  des  chutes  éclatantes  cette 
révolte  insensée  contre  les  principes  de  l'art  et  les  règles  du  goût. 

Ensuite,  et  pour  ne  parler  que  du  Conservatoire  de  Paris, 
que  de  noms  d'artistes  célèbres  viendraient  se  presser  sous  ma 
plume  si  je  voulais  établir  à  l'appui  de  ma  thèse  une  contre 
partie  ?  N'est-ce  pas  le  Conservatoire  de  Paris  qui  a  formé  Deri- 
vis,  Nourrit,  Levasseur,  Dabadie,  Alexis  Dupont,  Mmes  Bran- 
chu,  Damoreau-Cinti,  Falcon,  en  même  temps  qu'il  donnait  à 
l'Opéra-Comique  Mmea  Saint-Aubin,  Boulanger,  Pradher,  Ri- 
gault,  Lemonnier;  MM.  Ponchard ,  Valère,  Chollet ,  Roger, 
Couderc,  Jourdan  ;  puis,  de  nos  jours,  Mmes  Carvalho,  Lefebvre, 
Cabel,  et  bien  d'autres  encore?  Duprez  et  Mme  Stoltz  ne  sont-ils 
pas  sortis  de  l'école  de  Choron  ?  Battaille  et  Faure,  devenus  pro- 
fesseurs, n'enseignent-ils  pas  à  leurs  disciples  ce  qu'ils  ont  ap- 
pris au  Conservatoire,  et  MUe  Ugalde,  elle-même,  cette  artiste 
de  la  nature,  n'est-elle  pas  élève  de  sa  mère,  qui  avait  établi 
dans  son  domicile,  aux  Batignolles,  une  école  de  musique  à 
l'usage  de  ses  enfants  ? 

Si  on  jette  maintenant  un  regard  sur  la  Comédie-Française , 
on  y  rencontre  les  mêmes  exemples  d'artistes  instruits  dans 
l'établissement  célèbre  du  faubourg  Poissonnière  ,  et  en  tête 
desquels  figurent  encore,  à  l'heure  qu'il  est,  MM.  Provost  et 
Samson,  ce  dernier  le  professeur  à  qui  M1Ie  Rachel  confia,  dés 
le  début  de  sa  carrière,  le  soin  de  son  avenir  artistique.  N'est-il 
pas  notoire,  en  effet,  que  M"e  Rachel  a  suivi  jusqu'au  dernier 


28 


LE  MÉNESTREL. 


moment  les  leçons  de  son  maîlre,  comme  jadis  Mlle  Mars  suivait 
les  leçons  du  comédien  Monvel? 

D'ailleurs,  comment  s'élonner  des  attaques  dont  le  Conserva- 
toire de  Paris  est  l'objet,  s'écrie  M.  Paul  Smith,  dans  un  des 
derniers  numéros  de  la  Gazette  musicale,  quand  on  voit  que  ces 
agressions  injustes  ont  précédé  sa  naissance  !  On  l'attaquait  déjà 
dans  cette  petife  école  royale  du  baron  de  Breteuil,  et  il  faut 
voir  avec  quelle  vigueur  de  bon  sens,  de  conscience  et  de  juste 
fierté  Gossec  la  défendait  dans  une  lettre  à  M.  de  La  Ferté. 
L'école  n'existait  que  depuis  deux  ans  et  demi,  et  on  l'accusait 
déjà  de  ne  rien  produire  !  Gossec  répondit  à  ce  reproche  et  à 
bien  d'autres  : 

Cette  école  contre  qui  l'on  s'élève,  que  l'on  se  plaît  à  décrier, 
et  dont  on  veut  prononcer  l'inutilité,  écrivait  l'illustre  fondateur 
du  Conservatoire;  cette  école  n'a-t-elle  pas  montré  les  aperçus 
les  plus  favorables  ?  La  représentation  de  Roland ,  qu'elle  a 
donnée  au  théâtre  des  Menus,  suffirait  seule  pour  sa  défense. 
Cette  représentation,  donnée  au  bout  de  dix-huit  mois  d'école  , 
avec  des  élèves  tirés  du  néant  et  de  la  plus  profonde  ignorance, 
des  élèves  à  qui  nous  avions  déjà  donné  des  talents  au  bout  de 
ce  terme,  quoique  les  ayant  commencés  tous  par  l'alphabet  de 
chaque  science  que  l'on  professe  à  l'école  ;  cette  représentation, 
dis-je,  ne  tenait-elle  pas  du  miracle?  N'y  a-t-on  pas  entendu, 
indépendamment  des  premiers  sujets  qui  s'y  sont  distingués  , 
tous  ces  enfants  rendre  les  chœurs,  j'ose  le  dire,  avec  plus  de 
précision  et  de  justesse  que  l'Opéra  ?  N'ont-ils  pas  exécuté  mer- 
veilleusement, l'année  dernière,  à  différents  examens,  vous  pré- 
sent, Monsieur,  des  chœurs  de  Dardanus,  d'Écho  et  Narcisse 
etd'Alhalie? 

Bref,  et  pour  couper  court  à  ce  débat  si  fécond  pour  ma 
cause  en  heureux  témoignages,  l'on  peut  affirmer  sans  crainte , 
qu'à  de  rares  exceptions  près,  tout  ce  qui  a  pris  part  au  mouve- 
ment musical  et  dramatique  sur  les  premiers  théâtres  de  France, 
depuis  plus  d'un  demi-siècle,  a  puisé  son  éducation  dans  les 
écoles,  et  principalement  au  Conservatoire  de  Paris.  Après  cela, 
que  deviennent  les  railleries  de  quelques  censeurs  inquiets,  qui, 
pour  se  distinguer  de  la  foule  des  esprits  judicieux,  ne  savent 
opposer  à  leur  opinion  que  le  dédain  moqueur  ou  le  dénigre- 
ment systématique?  Aussi  le  Conservatoire  de  Paris,  fier  à  juste 
titre  de  ses  innombrables  succès,  ne  daigne  pas  même  répondre 
à  de  telles  folies  ;  il  se  contente  de  former  d'excellents  élèves, 
et,  grandissant  chaque  jour  sa  réputation  européenne,  rappelle 
ces  vers  d'un  de  nos  meilleurs  poètes  de  l'empire  : 

Le  dieu  poursuivant  sa  carrière , 
Verse  des  torrents  de  lumière 
Sur  ses  obscurs  blasphémateurs. 

Certes,  les  Conservatoires  en  sous  ordre  ne  jettent  pas  au  fir- 
mament de  l'art  ces  éblouissantes  clartés.  Ici,  c'est  une  œuvre 
de  dévoûment  et  d'abnégation,  qui  s'accomplit  presque  toujours 
sans  bruit  et  dans  l'isolement  le  plus  modeste.  Le  Conservatoire 
de  Paris,  lui,  du  moins  ,  a  mille  moyens  pour  confondre  ses 
détracteurs,  tandis  que  les  écoles  de  province  ne  peuvent,  à 
beaucoup  près,  disposer  des  mêmes  ressources.  Voyez  plutôt  : 

A  deux  époques  de  l'année  (il  s'agit  seulement  ici  de  chan- 
teurs),^Paris  invite  à  ses  examens  tous  les  jeunes  gens  des  deux 
sexes  desjquatre-vingt-six  départements  de  la  France,  qui  croient 
avoir  une  .voix  assez  juste,  assez  puissante,  assez  étendue,  pour 
être  reçus  élèves  pensionnaires  ou  externes  dans  l'établissement 
de  la  rue  Bergère.  Le  nombre  des  aspirants  s'élève  d'habitude 


à  cinquante  ou  soixante,  quelquefois  plus.  Après  avoir  fait 
chanter  à  chacun  d'eux  un  morceau  de  musique,  on  choisit  les 
mieux  doués  sous  le  rapport  vocal,  sans  préjudice  de  l'organi- 
sation et  des  connaissances  élémentaires  qu'ils  peuvent  avoir 
acquises.  Le  reste  de  la  troupe,  poliment  éeonduit  et  plus  ou 
moins  désappointé,  après  avoir  dit  un  dernier  adieu  au  boule- 
vard des  Italiens,  parcouru  les  Champs-Elysées,  salué,  en  pas- 
sant, la  colonne  Vendôme,  que  tout  Français  doit  être  fier  de 
contempler,  va  faire  son  paquet  et  remonte  en  wagon  pour  aller 
vivre  tranquillement  à  l'ombre  du  clocher  de  sa  ville  natale. 

Est-il  besoin  de  dire  dire  qu'une  fois  reçus,  les  élèves  du 
Conservatoire  de  Paris  renoncent  tout  à  fait  à  leurs  professions 
premières,  pour  ne  s'occuper  exclusivement  que  de  leurs  études 
artistiques?  Admis  dans  les  classes  de  solfège,  de  grammaire, 
de  chant  et  de  déclamation,  ils  travaillent ,  de  neuf  heures  du 
matin  à  cinq  heures  du  soir ,  avec  leurs  professeurs,  et  vont 
ensuite  compléter,  par  l'observation,  des  leçons  qui  continuent, 
sons  forme  d'exemple,  au  théâtre,  au  concert,  au  salon  et  jusque 
dans  les  rues ,  où  la  classe  ouvrière  et  les  enfants  du  peuple 
parlent  avec  un  accent  harmonieux  si  purement  français.  Or, 
en  suivant  ce  programme  avec  zèle,  jugez  où  peut  atteindre  un 
élève  dans  l'espace  de  quelques  années,  s'il  est  assez  heureux 
pour  n'éprouver  dans  ses  études  journalières_ aucune  interrup- 
tion. 

En  province,  disons-le  sans  hésitation,  ces  choses-là  diffè- 
rent. Ici,  point  de  voix  choisies  ;  il  faut  les  accepter  comme  elles 
se  présentent,  à  Marseille  principalement,  si  indigente  en  fait  de 
belles  voix.  Les  cours  ont  lieu  trois  fois  par  semaine  ;  mais  les 
élèves  ne  s'y  rendent  pas  avec  assiduité,  sans  qu'on  puisse  sévè- 
rement leur  reprocher  leurs  inexactitudes  ;  car,  enfin,  comment 
faire?  Ouvriers  à  la  journée,  qui  finit  à  sept  heures  du  soir,  il  y 
a  là  des  charpentiers,  des  portefaix,  des  calfats,  des  tanneurs, 
des  maçons,  des  employés  d'administration  ou  de  commerce.  Ils 
arrivent  presque  tous  haletants,  exténués  de  fatigue.  L'un  est 
brisé  par  les  nombreux  fardeaux  qu'il  a  portés  dans  la  journée  ; 
l'autre  éprouve  un  enrouement  fâcheux  pour  avoir  travaillé  sur 
un  échafaudage,  en  plein  vent,  par  un  mistral  de  tous  les  dia- 
bles. Je  n'y  vois  plus,  dit  celui-ci,  les  chiffres  et  les  calculs  de  la 
journée  m'ont  mis  la  tête  en  déroute.  Et  moi,  réplique  l'autre, 
si  vous  saviez  dans  quel  état  se  trouve  ma  poitrine  ;  j'ai  tanné  plus 
de  trente  peaux  aujourd'hui  et  je  termine  à  peine.  Là  dessus,  on 
fait  chanter  les  plus  valides,  les  autres  se  reposent;  et  tous,  après 
avoir  assisté  à  la  leçon  du  soir,  retournent,  le  lendemain,  à  leurs 
ateliers  où  ils  oublient  à  peu  près  ce  qu'ils  ont  fait  la  veille,  et 
se  remettent  à  parler  un  langage  qui  ne  ressemble  en  rien  à  ce- 
lui qu'on  apprend  dans  les  classes  de  déclamation.  Il  faut  donc 
recommencer  tous  les  jours  avec  un  zèle  et  une  patience  infati- 
gables, si  l'on  veut  obtenir  quelque  résultat  à  la  fin  de  l'année. 
C'est  l'histoire  du  rocher  de  Sysiphe,  qui  roule  et  retombe  sans 
cesse  et  qu'il  faut  sans  cesse  relever. 

G.    BÉNÉDIT. 

{La  suite  au  numéro  prochain.} 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 


LES  POEMES  DE  LA  MER. 
Si,  —  comme  l'a  dit  Chateaubriand  ,  «  c'est  un  grand  mal 
pour  l'homme  d'arriver  trop  tôt  au  but  de  ses  désirs  »,  —  ce 
n'est  très-certainement  ni  le  plus  grand,  ni  le  plus  commun 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


29 


parmi  la  multitude  d'obstacles,  souvent  insurmontables,  qui 
entravent  la  carrière  de  l'artiste  désireux  de  se  produire.  Les 
compositeurs,  surtout,  ne  connaissent  guère  le  malheur  d'arriver 
trop  tôt;  car  tandis  que  les  peintres  et  les  statuaires  ont  du  moins 
pour  eux  les  expositions  publiques,  —  que  l'écrivain,  en  se 
chargeant  de  tout  ou  partie  des  frais  d'impression,  peut,  à  la 
rigueur,  trouver  un  éditeur;  —  tandis  que  le  virtuose  a  toujours 
la  ressource  de  produire  son  œuvre  en  l'exécutant  lui-même 
dans  les  concerts ,  le  compositeur,  dont  la  partition  exige  le 
concours  des  chœurs,  des  solistes,  et  d'un  puissant  orchestre  , 
ue  peut  espérer  une  interprétation  convenable,  à  moins  d'être 
en  mesure  de  couvrir  tout  d'abord  les  cinq  ou  six  mille  francs 
de  frais  qu'entraîne  une  seule  exécution  sur  un  théâtre. 

Audaces  fortunajuvat,  dit  un  ancien  adage,  la  fortune  sourit 
aux  audacieux  :  aussi  en  se  lançant  dans  l'ode-symphonie  à  la 
manière  de  Félicien  David ,  avec  solos,  orchestre,  chœurs  et 
stances  déclamées,  M.  Wekerlin  n'a-t-il  pas  hésité  à  se  jeter  en 
pleine  mer,  —  ce  qui  n'était  pas  sans  danger,  même  avec  la 
poésie  de  M.  Autran  pour  ceinture  de  sauvetage.  Cependant,  ce 
n'est  pas  à  l'auteur  de  tant  de  compositions  justement  appré- 
ciées dans  le  monde  musical,  que  doit  s'adresser  le  vieux  pro- 
verbe latin.  Car,  mélodiste  de  l'école  allemande-francisée , 
habile  dans  l'art  d'écrire  pour  les  voix,  dans  celui  d'orchestrer, 
d'harmoniser  les  timbres,  si  M.  Wekerlin  a  visé  à  la  scène  par 
des  opérettes  de  salon  très-goûlées,  par  un  essai  [V Organiste) 
qui  a  réussi  au  Théâtre-Lyrique,  l'administration  de  ce  théâtre 
a  aussi  reçu  un  grand  ouvrage  du  même  auteur,  et  (sans  compter 
plusieurs  partitions  en  portefeuille)  il  en  a  encore  un  autre  éga- 
lement reçu,  —  quoique  moins  important,  —  à  l'Opéra-Co- 
mique. 

En  organisant  la  grande  soirée  de  mercredi  dernier,  au 
Théâtre-Italien,  en  s'imposant  les  frais  énormes  qu'entraînait 
l'exécution  des  Poèmes  de  la  mer,  M.  Wekerlin  n'a  donc  pas 
fait  preuve  d'audace,  il  se  produisait  très-honorablement  sur 
une  grande  scène,  avec  un  orchestre  d'élite,  à  la  tête  de  150  exé- 
cutants qu'il  a  dirigés  lui-même.  Sans  parler  du  succès,  —  le 
chiffre  de  la  recette  est  là  pour  donner  raison  à  son  initiative, 
—  et  celte  recette  ne  contribuera  peut-être  pas  moins  que  son 
talent  à  stimuler  les  directeurs  en  retard  dans  l'exécution  de 
leurs  promesses. 

Fatigué  d'attendre  la  mise  en  scène  des  poèmes  dont  il  a  fait 
la  musique,  en  l'absence  d'un  librelto  de  nature  à  remplir  le 
but  nouveau  qu'il  se  proposait,  le  musicien  a  cependant  trouvé 
moyen  de  s'en  procurer  un.  Il  a  puisé  çà  et  là  quelques  strophes 
détachées  dans  le  volume  de  poésies  de  M.  Autran  [les  Poèmes 
de  la  mer),  et  par  leur  heureuse  succession,  le  choix  forme,  — 
si  ce  n'est  une  action  suivie,  —  du  moins  le  cadre  que  remplit 
une  partition  où  se  révèlent  les  qualités  du  compositeur. 

Mais  avant  de  passer  à  la  musique,  indiquons  d'abord  som- 
mairement comment  M.  Wekerlin  a  su  grouper  quelques  poésies 
détachées  pour  en  faire  sortir  sa  grande  Ode  symphonique.  Ce 
sont  tour  à  tour  :  la  naissance  des  vagues,  —  une  rêverie  au 
bord  de  la  mer,  —  un  bruyant  départ  de  matelots  ;  puis  du  sein 
de  l'Océan  s'élève  pendant  le  calme  de  la  nuit  la  chanson  d'un 
triton.  A  ces  mâles  accents  succèdent  les  douces  voix  des  océa- 
nides  que  couvre  bientôt  le  bruit  de  la  tempête  ;  elle  s'apaise, 
et  un  pauvre  petit  mousse  chante  dans  la  mâture  son  mélanco- 
lique refrain.  Enfin,  les  heures  se  sont  écoulées,  le  soleil  se  lève, 
l'hymne  de  la  nature  entière  s'épand  sur  l'azur  des  flots,  et 
l'esquif  vogue  lentement.  Alors  le  drame  maritime  finit  par  la 


pensée  religieuse  que  fait  naître  dans  l'âme  l'éternel  mouvement 
des  vagues,  cette  grande  loi,  —  dit  le  poète,  —  que  Dieu  fit 
pour  la  mer  comme  pour  l'humanité. 

L'Ode-Symphonie  formait  la  seconde  partie  du  Concert;  main- 
tenant que  nous  arrivons  à  la  musique,  passons  d'abord  à  la 
première  où  l'auteur  a  successivement  fait  entendre  l'ouverture 
de  Rézia,  une  Ballade  orientale,  la  célèbre  ode  de  Gilbert  et 
Y  Adieu  des  Bohémiens. 

En  retard  pour  l'ouverture,  je  ne  suis  arrivé  que  juste  à  temps 
pour  les  premiers  accords  de  la  ballade.  Là,  au  milieu  d'une  so- 
norité de  couleur  toute  locale,  paraît  et  disparaît,  pour  reparaître 
encore,  un  chant  mélancolique  dont  le  timbre  agreste  du  haut- 
bois et  la  douce  voix  de  M.  Félix  Lévy  ont  été  les  interprètes,  et 
qu'ont  fait  plus  ressortir  encore  le  caractère  original  des 
chœurs  et  une  remarquable  instrumentation. 

Les  navrantes  stances  de  Gilbert  mourant  ont  inspiré  à 
M.  Wekerlin  une  sombre  mélodie;  il  y  a  surtout  une  phrase 
pleine  de  douleur  et  de  larmes  ;  et  cette  phrase,  M.  Belval  Ta 
interprétée  avec  toute  la  douceur  possible  à  une  voix  de  basse 
profonde.  Mais  cet  organe,  ce  timbre  surtout  sont  tout-à-fait 
invraisemblables  pour  le  jeune  malade  dont  la  voix  mourante 
murmure  un  sublime  et  dernier  adieu. 

Quanta  l'^yieu  des  Bohémiens,  dont  une  jeune  et  jolie  per- 
sonne ,  mademoiselle  Balbi ,  a  très-bien  chanté  et  vocalisé  les 
solos,  il  faudrait  bien  des  lignes  pour  indiquer  seulement  le  rôle 
des  chœurs  et  de  l'orchestre.  C'est  écrit  à  la  manière  de  Weber 
dans  Preciosa,  et  instrumenté  en  maître. 


L'analyse  de  chaque  morceau  de  Y  Ode-Symphonie  m'entraî- 
nerait bien  plus  loin  encore,  aussi  résumerai-je  par  de  simples 
appréciations  générales.  Constatons  d'abord  que,  chose  rare  par 
le  temps  qui  court,  la  partition  tout  entière  est  très-sagement 
écrite  pour  les  voix.  L'intervention  des  chœurs  joue  un  grand 
rôle,  et  toute  la  partie  symphonique,  sans  recourir  à  l'imitation 
matérielle  y  est  toujours  descriptive.  Les  flots  se  soulèvent  sous 
le  souffle  de  la  tempête,  ou  réfléchissent  doucement  l'azur  des 
cieux  ;  ces  tableaux  arrivent  mystérieusement  à  l'âme  en  se  glis- 
sant par  l'oreille,  au  lieu  d'y  arriver  par  les  yeux,  car  c'est  l'o- 
reille qui  voit.  Au  départ  des  matelots,  ce  sont  des  scènes  de 
danses  et  de  joie  tumultueuse,  auxquelles  succède  le  silencieux 
balancement  de  la  houle.  La  chanson  du  Triton  (pour  voix  de 
basse)  est  une  légende  sonore  à  la  manière  allemande;  la  tem- 
pête est  une  traditionnelle  page  symphonique  où  les  sifflements 
de  la  petite  flûte  sillonnent  les  sombres  modulations  de  l'orches- 
tre comme  l'éclair  sillonne  la  nue;  la  chanson  du  Mousse  (que 
Mlle  Balbi  a  été  obligée  de  recommencer,  après  l'avoir  interpré- 
tée de  manière  à  enchanter  la  salle  entière)  emprunte  une  dou- 
ceur pleine  de  charme  au  mélancolique  accompagnement  du  cor 
anglais.  Mais  le  bijou  de  la  partition,  un  chant  que  tout  le  monde 
voudra  entendre,  que  tout  le  monde  voudra  chanter  pour  soi, 
pour  les  autres,  dans  les  concerts,  dans  les  salons,  dans  la  soli- 
tude, c'est  la  romance  pour  ténor  que  l'on  a  fait  bisser  à  M.  Fé- 
lix Lévy. 

La  ravissante  mélodie  semble  apportée  par  le  vent  que  souffle 
un  chœur  mystérieux  à  bouche  fermée,  tandis  que  les  arabes- 
ques des  instruments  à  vent  et  les  pizicatli  des  violoncelles  se 
dessinent  sur  le  timbre  voilé  des  altos  avec  sourdines. 

C'est  une  trouvaille  enfin,  que  cette  poétique  inspiration;  elle 
suffirait  seule  à  un  succès,  aussi  ce  succès  n'a-t-il  pas  fait  défaut 


30 


LE  MÉNESTREL. 


à  M.  Wekerlin  ;  il  a  dû  éclater  de  nouveau  à  la  fin  de  la  soirée, 
mais  je  n'étais  plus  là  pour  applaudir  avec  la  foule,  j'étais  allé 
chercher  cet  air  extérieur  dont  je' ne  saurais  me  passer  pendant 
toute  une  soirée,  depuis  la  fièvre  qui  m'a  tenu  si  longtemps  loin 
du  Ménestrel.  Je  dirai  donc  en  finissant  que  sur  les  tenues  de 
l'orchestre,  mademoiselle  Karoly  a  déclamé  quelques  strophes, 
quelques  vers  isolés,  quelques  fragments  de  récils;  et  je  ne  cloute 
pas  que  le  quatrième  acte  des  Horaces,  par  lequel  s'est  terminée 
la  soirée  aura  valu  à  l'énergique  tragédienne  tous  les  applaudisse- 
ments qu'avait  déjà  mérités  cette  preuve  de  complaisance  et  d'ab- 
négation personnelle. 

Léon  Gatayes. 


SEMAINE  THEATRALE. 

Les  recettes  du  Papillon  s'élèvent  au  maximum,  malgré  la 
bulle  d'excommunication  du  Très-iY-Rév.  P.-.  Scudo.  Ce  succès 
d'argent  est  tout  un  honneur  pour  les  ballets  en  général  qui  se 
trouvaient  singulièrement  compromis  au  point  de  vue  de  la 
location. 

Les  études  de  mise  en  scène  viennent  de  commencer  à  I'Opéra 
pour  le  Tannhauser.  L'œuvre  de  Richard  Wagner  nous  est 
promise  pour)les  premiers  jours  de  février.  Le  ténorallemand  Rei- 
chartest  à  son  poste  et  brillait  parmi  les  célébrités  vocales  et 
chorégraphiques  qui  assistaient  au  bal  annuel  de  la  caisse  des 
pensions  des  artistes  de  l'Opéra. 

L' Indépendance  belge  nous  apprend  dans  sa  correspondance 
théâtrale  que  notre  maestro  Halévy  s'occupe  d'un  opéra  en 
quatre  actes  intitulé  Vaninad'Ornano,  paroles  de  MM.  de  Saint- 
Georges  et  Léon  Halévy.  —  On  annonce  la  reprise  de  Guillaume 
Tell  pour  demain  lundi.  —  Aujourd'hui  dimanche,  laFavorite. 

Aux  Italiens,  on  répète  activement  il  Ballo  in  Maschera  de 
Verdi.  —  Mercredi  dernier,  M.  Calzado  avait  ouvert  sa  salle  aux 
poèmes  de  la  mer,  ode-symphonie  de  J.-R.  Wekerlin.  (Voir  no- 
tre article.)  —  Aujourd'hui  dimanche,  I  Puritani. 

Un  début  assez  heureux  s'est  accompli  l'autre  soir  à  I'Opéra- 
Comiqce;  c'est  celui  de  Mme  Numa  Blanc,  élève  de  M.  Pierma- 
rini.  Il  fallait  certes  quelque  courage  pour  aborder  ce  rôle  de 
Virginie,  du  Caïd,  où  mainte  habile  cantatrice  n'a  pu  effacer 
l'empreinte  de  Mme  Ugalde.  Mme  Numa  s'est  risquée,  et  à  travers 
force  émotion ,  elle  a  su  se  faire  accueillir  avec  sympathie. 
Comme  comédienne  elle  a  de  l'entrain,  et  s'est  fort  gaîment 
acquittée  de  la  partie  comique  de  ce  charmant  opéra.  —  Demain 
lundi,  on  annonce  comme  définitive  la  première  représentation 
de  Barkouf. 

L'administration  du  théâtre  des  Bouffes- Parisiens  ,  pour 
répondre  aux  nombreuses  demandes  qui  lui  sont  adressées ,  se 
décide  à  donner  encore  deux  représentations  d'Orphée  aux  En- 
fers, après  quoi  trois  opérettes  nouvelles  prendront  place  sur 
l'affiche,  de  deux  en  deux  jours. 

Le  Théâtre-Lyrique  nous  a  donné  lundi  dernier  ses  Pêcheurs 
de  Calane,  musique  de  M.  Aimé  Maillart.  (Voir  notre  article  de 
ce  jour.) 

Le  Gymnase  a  eu  jeudi  dernier  une  représentation  extraor- 
dinaire au  bénéfice  de  la  Caisse  de  secours.  Le  grand  attrait  de 
la  soirée  était  la  cérémonie  du  Malade  imaginaire,  avec  les 
artistes  de  la  Comédie-Française  et  de  la  plupart  des  théâtres. 


Le  Vaudeville  va,  dit-on,  fermer  ses  portes  pendant  quel- 
ques jours  pour  r'ouvrir  ensuite  avec  éclat.  En  attendant,  la 
nouvelle  direction  fait  répéter  activement  les  Femmes  fortes,  de 
M.  Victorien  Sardou. 

Les  revues  de  l'année  vont  agiter  leurs  grelots  sur  plusieurs 
théâtres  secondaires  ;  quelques-uns  ont  déjà  donné  le  signal  :  la 
revue  des  Variétés,  annoncée  pour  hier  samedi ,  ne  sera  déci- 
dément jouée  qu'aujourd'hui  dimanche. 

J.  L. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Darmstadt  sera  la  première  ville  en  Allemagne  où  l'on  représentera 
le  Faust  de  M.  CI).  Gounod.  On  étudie  avec  beaucoup  de  soins  ce  remar- 
quable ouvrage,  dont  la  représentation  ne  peut  manquer  d'attirer  une 
foule  de  curieux  des  villes  voisines. 

—  On  écrit  de  Kœnigsberg  qu'un  opéra  du  comte  de  Redern,  intitulé  : 
Christine,  a  été  représenté  sur  le  théâtre  de  cette  ville. 

—  Cologne  est  la  première  ville  de  l'Allemagne  qui  ait  adopté  le  diapa- 
son normal  fixé  par  la  France,  et,  disent  les  correspondances,  le  résultat 
de  cette  mesure  est  des  plus  satisfaisants. 

—  Un  correspondant  de  Berlin  nous  apprend  qu'au  concert  donné  ré- 
cemment par  là  Société  philharmonique  de  Postdam,  les  organisateurs 
ont  eu,  pour  la  première  fois,  l'idée  de  faire  distribuer  des  rafraîchisse- 
ments aux  dames,  entre  les  deux  parties  du  programme.  Cette  agréable 
innovation,  si  elle  faisait  son  chemin,  plairait  également  aux  deux  sexes. 

—  Les  journaux  italiens  annoncent  l'arrivée  à  Paris,  de  M.  Borri,  chargé 
de  composer  et  de  régler  le  ballet  dont  Mme  Ferraris  doit  créer  le  principal 
rôle  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra. 

—  Le  théâtre  italien  de  Madrid  est  en  veine  de  succès,  grâce  à  l'habile 
direction  de  M.  Bagier,  homme  de  tact  et  de  goût.  M110  Sarolta  et  Mme  De- 
meric-Lablache  ont  fait  merveille  dans  le  Trovatore.  Comme  nouveautés, 
on  prépare  à  ce  théâtre  le  Ballo  in  Maschera  de  Verdi,  et  Pierre  de  IWé- 
dicis  du  prince  Poniatowski  ;  on  attend  beaucoup  de  ces  deux  opéras, 
qui  ont  reçu  un  brillant  accueil,  l'un  en  Italie,  l'autre  à  Paris. 

—  Le  jeune  et  déjà  célèbre  violoniste  Sarasate  dont  nous  avons  enre- 
gistré les  triomphes  en  Espagne,  vient  d'être  l'objet  d'une  distinction  aussi 
exceptionnelle  que  glorieuse  de  la  part  de  sa  Souveraine,  qui  a  daigné  lui 
accorder  la  croix  de  Charles  III.  C'est  la  première  fois  qu'un  artiste  de 
seize  ans  aura  mérité  une  telle  faveur. 

—  La  même  correspondance  nous  apprend  que  MUe  Mariquitta  de  Biar- 
rote, qui  a  récemment  quitté  Paris  pour  aller  se  fixer  à  Madrid,  s'est  fait 
entendre  pour  la  première  fois  dans  une  représentation  extraordinaire 
donnée  au  Théâtre-Italien,  au  profit  des  orphelins,  sous  le  patronage  de 
S.  M.  la  Reine.  —  Mllc  de  Biarrote  a  exécuté  la  grande  et  belle  fantaisie  de 
Goria  sur  la  Lucrezia ,  et  avec  un  tel  succès  qu'on  lui  a  jeté  bou- 
quets et  couronne.  La  couronne,  en  fleurs  artificielles  ornée  de  rubans, 
portait  pour  inscription  :  «  Hommage  au  talent  artistique  de  M'le  de  Biar- 
rote. » 

—  Voici,  depuis  le  commencement  de  ce  siècle,  la  liste  des  personnes 
qui  ont  été  à  la  tête  de  l'administration  de  l'Académie  impériale  de  Mu- 
sique : 

En  1800.  M.  Bonet,  commissaire  du  gouvernement.  —  1801.  Cellerier, 
directeur.  —  1802.  Le  Premier  Consul  met  l'Opéra  sous  la  surveillance  d'un 
des  préfets  du  Palais.  M.  Morel,  parolier,  directeur.  Lemoyne,  musicien, 
directeur  pendant  quinze  jours.  —  1803.  M.  Bonet,  directeur.  —  1807. 
Napoléon  donne  la  surintendance  de  l'Académie  impériale  de  Musique  à  son 
premier  chambellan,  M.  Picard,  auteur  dramatique,  directeur.  — 1814.  Le 
ministre  de  la  maison  du  roi  prend  l'Académie  royale  de  Musique  dans  ses 
attributions.  —  1815.  M.  Papillon  de  la  Ferté,  directeur-général  pour  le 
ministre.  M.  Choron,  régisseur.  Permis, inspecteur  delà  musique.  — 1817. 
Courtin,  administrateur.  —  1818.  Pertuis,  directeur.  —  1819.  Viotti, 
directeur.  —  1821.  Habeneck,  directeur.  —  1824,  Duplantys,  directeur. 
— 1828.  M.  Lubbert,  directeur.  —  1831.  Le  ministre  abandonnant  la  régie 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


31 


de  l'Académie  royale  de  Musique,  en  accorde  le  privilège  à  M.  Véron,  qui 
entreprend  à  ses  risques.  —  1835.  M.  Duponchel,  directeur.  —  1840. 
MM.  Duponchel  et  Ed.  Monnais,  directeurs.  — 1841.  M.  Léon  Pillet  prend  la 
direction.  —  1847.  MM.  Duponchel  et  Nestor  Roqueplan,  directeurs.  — 
1848.  M.  Nestor  Roqueplan,  seul.  —  1854.  M.  Nestor,  administrateur  im- 
périal. —  1854.  M.  Crosnier.  —  1856.  M.  Alphonse  Royer. 

—  On  annonce  le  mariage  du  fils  d'Adolphe  Nourrit,  —  M.  Rohert  Nour- 
rit, docteur  en  droit,  —  avec  MUe  Marie  Pion,  fille  de  M.  Henri  Pion,  im- 
primeur de  l'Empereur. 

—  Roger  rentre  dans  Paris  après  des  pérégrinations  aussi  triomphales 
que  fructueuses.  En  moins  d'un  an,  ses  représentations  lui  ont  produit 
plus  de  125,000  fr.  A  Marseille,  on  lui  a  demandé  Zampa,  rôle  de  prédi- 
lection de  réminent  ténor  qui  a  fait  les  honneurs  de  nos  deux  grandes 
scènes  lyriques  françaises  personnifiées  dans  Zampa. 

—  On  lit  dans  une  correspondance  de  Londres,  à  la  date  du  13  ; 

«  Depuis  hier  le  Théâtre-Français  a  cessé  d'exister.  Tous  ceux  qui  con- 
naissent M.  Talexy  regrettent  qu'il  soit  victime  de  la  mauvaise  saison.  Il 
est  certain  que  si  le  Théâtre-Français  pouvait  réussir  à  Londres,  ce  ne  se- 
rait qu'en  été  et  avec  des  artistes  de  premier  ordre.  » 

—  Les  Sociétés  philharmoniques  de  Rennes,  Laval  et  le  Mans  annon- 
cent la  reprise  de  leurs  concerts  d'hiver. 

—  Ce  sont  les  sœurs  Marchisio  qui  ont  été  engagées  pour  les  prochains 
concerts  de  Nantes  et  Angers.  Elles  y  chanteront  leurs  incomparables  duos 
de  la  Semiramis,  de  Mathilde  de  Shabran  et  de  Norma. 

—  La  Société  des  Concerts  du  Conservatoire  reprendra  ses  séances  le 
13  janvier  prochain. 

—  Les  samedis  de  M.  et  Mme  Rossini  deviennent  de  plus  en  plus  bril- 
lants. Notre  grand  maestro,  non-seulement  reçoit  nos  artistes  en  renom  , 
mais  il  encourage  avec  la  même  affabilité  les  jeunes  talents  qui  ambi- 
tionnent de  se  faire  entendre  dans  son  salon.  Ainsi  ces  derniers  samedis, 
à  côté  de  Mlle  Grisi,  do  Badiali,  du  violoncelle  de  Braga,  du  piano  de 
jjme  Tardieu  de  Malleville,  de  Stanzieri,  — qui  nous  a  redit  la  Tarentelle  de 
Rossini,  comme  seul  il  sait  l'interpréter, —  nous  avons  entendu  et  applaudi 
le  charmant  violoniste  Accursy  et  sa  jeune  femme,  pianiste  des  plus 
agréables,  les  frères  Castellani ,  amateurs  distingués ,  au  talent  d'artiste, 
et  un  ténor,  M.  Naudin,  que  M.  Lumley  tient  en  cage  dorée,  et  sur  lequel 
le  célèbre  impressario  fonde  toute  une  Californie  d'espérances.  De  plus,  à 
l'exemple  des  frères  Castellani,  nos  meilleurs  amateurs  se  font  un  plaisir 
de  prendre  place  au  piano ,  témoin  Mnle  Dubois  qui  phrase  et  poétise  la 
musique  comme  son  maître  Chopin  ;  témoin  Mmc  Conneau,  qui  nous 
prépare  une  nouvelle  Regata  de  Rossini.  Quant  aux  accompagnateurs, 
ils  abondent  chez  le  maestro.  Alary  et  M.  Peruzzy  s'y  font  remarquer 
entre  tous. 

—  Son  Excellence  le  Ministre  des  Cultes  et  de  l'Instruction  publique  a 
désigné  M.  Lefébure-Wély  pour  aller  faire  l'inauguration  du  grand  orgue 
construit  par  M.  Cavaillé-Coll,  pour  la  cathédrale  de  Carcassonne.  Cette 
réception  officielle  a  lieu  demain  lundi,  et  de  plus,  M.  Lefébure  est  invité 
par  Monseigneur  l'Évêque  à  vouloir  bien  se  faire  entendre  aux  fêtes  de 
Noël.  C'est  là  un  vif  plaisir  dont  le  public  parisien  est  privé  depuis  trois 
ans  à  la  Madeleine. 

—  On  lit  dans  la  Revue  parisienne  et  départementale  de  M.  Ch.  Villagre, 
revue  littéraire  et  artistique  : 

«  Parmi  les  hommes  dont  les  travaux  ont  contribué  au  progrès  de  l'ensei- 
gnement du  chant,  M.  Dorval-Valentino  mérite  une  mention  particulière. 
—  Ancien  élève  pensionnaire  du  Conservatoire,  M.  Dorval-Valentino  a  su 
tirer  de  l'audition  et  de  la  fréquentation  des  grands  maîtres,  Ponchard, 
Bordogni,  Duprez,  etc.,  tous  les  éléments  constitutifs  d'une  étude  sérieuse 
de  ce  grand  art,  trop  souvent  exploité  par  l'ignorance  et  la  routine;  son  en- 
seignement repose  sur  des  principes  clairs,  précis,  "rationnels,  d'une  appli- 
cation aussi  prompte  que  facile.  Depuis  la  connaissance  des  notes  jusqu'à 
la  phraséologie  de  la  mélodie  et  Yexpression,  qui  sont  le  complément  des 
études,  il  possède  un  système  de  démonstration,  qui  forme  un  ensemble 
homogène,  un  tout  parfaitement  saisissable  et  à  la  portée  des  organisa- 
tions les  moins  heureuses.  Le  développement  de  la  voix  est  un  résultat 
presque  immédiat  de  sa  méthode.  M.  Dorval-Valentino  a  publié  sur  l'art 
de  la  prononciation,  un  ouvrage  remarquable,  qui  a  été  ai  prouvé  par  le 
Conservatoire,  et  dont  un  grand  nombre  d'exemplaires  s'est  rapidement 
écoulé.  » 


—  Les  salons  Pleyel-Wolff  et  leur  élégant  public  ont  fêté,  mercredi 
dernier,  le  pianiste-compositeur  Wieniawski ,  dont  le  concert,  malheu- 
reusement, s'effectuait  le  même  jour  et  à  la  même  heure  que  la  solennité 
de  l'ode-symphonie  :  les  Poèmes  de  la  mer  au  Théâtre-Italien.  Pour  notre 
part,  nous  avons  été  privés  d'entendre  M.  Wieniawski.  mais  nous  aurons 
occasion  de  revenir  plus  d'une  fois  cet  hiver  sur  le  talent  de  cet  artiste 
hors  ligne. 

—  On  annonce  le  retour  à  Paris  du  pianiste-compositeur  Emile  Forgues 
qui  compte  nous  faire  entendre  un  nouveau  concerto-symphonique  avec 
orchestre  et  plusieurs  nouvelles  compositions. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  fr 


rue  Jean-Jacques Rou 


GAMBOGI  frères,  successeurs  de  C1IÀBAL  ,   éditeurs   de  musique, 
15,  boulevard  Montmartre. 


ÉTRENNES   1861 


A   LA.  MEMOIRE 

3BE  A.   GOÏKIA. 

AVEC   SON  PORTRAIT   PHOTOGRAPHIÉ  PAR  MM.  PETIT  ET  TRINQUART. 

Delioux  (Ch.).  Garde  à  vous.  (Ronde  de  nuit.) 
Godard  (Alf.).  Alice.  (Valse.) 

Ketterer  (E.).  Mazurka  des  Patineurs.  (Souvenirs  du  Nord.) 
Ki'îiger  (W.J.  Rosemonde.  (Mélodie  de  Schubert.) 
Lefébure-Wély.  Romance  sans  paroles. 
L,eyl>acli  (J.).  Op.  42.  Charme  du  salon.  (Caprice.) 
Marniontel  (A.).  Op.  56.  2mc  Sérénade.  (Genre  espagnol.) 
ÎUagmis  (D.).  L'Adieu  du  Pécheur.  (Esquisse  musicale.) 
©'Kelly  (J.).  Au  bord  de  la  Mer.  (Méditation.) 
Pfeiffer  (Georg.).  La  Houlette.  (Feuillet  d'album). 

RICHEMENT  RELIÉ,  PRIX  NET  :  1  5  FRANCS 


Paris,  Maison  LEMOiNE  aine,  1IAI1AM1,  successeur, 
20,  rue  de  l'Ancienne-Comédie. 

EN  VENTE. 

Mozart.  Six  grandes  Srjmphonies  arrangées  pour  piano,  par 

Georges  Mathias,  chaque  symphonie  séparée.  P.  m.  10    » 

Les  six,  en  un  volume  broché Net.  15    » 

—      en  Album  riche Net.  18    » 

Dsigard.  Op.  5.  Ondine.  Rêverie  pour  piano 6    » 

Ferlus.    Op.  20.  Regrets.            Id.              g    „ 

—  Op.  21.  Une  Pensée       Id.             4  go 

Al.  Artus.  La  Dame  de  Monsoreau.  Quadrille 4  go 

—  Id.  Polka-mazurka 3    » 

Falsclinam.  Il  pleut  Bergère.  Quadrille  très-facile 4  go 

L,e  Corbeiller.  La  Monaco.  Quadrille 4  go 

F.  Masiiii.  Discrétion.  Romance 2  50 

—  Lève-toi.  Romance 2  50 

—  Prière  d'une  Hirondelle.  Romance 2  50 


L'ALBUiW  POSTHUME  DE  L    ABADIE 

publié  par  l'éditeur CHALLIOT  ,  334,  rue  Saint-Honoré,  est. en  vente; 
il  contient  :  le  Baptême  d'un  Enfant.  —  Rose  des  Bois.  —  Le  Vieux 
Castillan.  —  Les  Clochettes.  —  André  Vesale.  —  Bachelette.  —  Esclave 
et  Créole.  —  Le  Lutin  des  Amoureux.  —  Le  Fiancé  de  Jeannette.  — 
Ils  suivent  la  file  comme  les  moutons.  —  Diogène  cherchant  une  femme. 
—  Tout  couleur  de  rose. 


1861-PARTITIONS ,  RECUEILS  ET  ALBUMS-1861, 

PUBLIÉS  AU   MÉNESTREL  ,   2  bis  ,    rue  Vivienne, 


SEMIRAMISdeG  ROSSINI 

Texte  italien  et  paroles  françaises  de   Méry  , 

récitatifs  de  Carafa. 

Partition  illustrée  de  deux  portraits  de  RossiNiet  des 

principales  scènes  de  l'Opéra. 
Cartonnée:  20  fr.  Reliure  toile  :  25  fr.  Velours:  40  fr. 


MELODIES 

-DE 

A  -E   DE  VAUCORBEIL 

Un  volume  relié  :  10  fr. 
*'  ALBUM  DE  CONCERT 

DE 

FERDINAND  DE  CROZE 

1.  Les  Ombres,  caprice-valse. 

2.  La  Derbouka,  chanson  orientale. 

3.  Rêvez  toujours,  cantabile. 

4.  En  aérostat,  rêverie-étude. 

5.  Ciel  et  Terre,  andante. 

6.  La  Razzia,  presto. 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 

ALBUM-STRAUSS 

Pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 
i.  Comtesse  Walewska-\a\se. 

2.  Comtesse  Aguado-vahe. 

3.  Comtesse  Sweigkowslca-po\kdL. 

4.  Comtesse  lîtfa-valse. 

5.  Comtesse  de  Cessole-vsise. 

6.  Comtesse  Mitra  J-polka-mazurka. 

Broché  :  S  fr.  Relié  :  12  fr. 

ALBUMS  DE  CHASSE 

PAR 

MM-  BERTRAND  et  TELLIER 


COLLECTIONS  DE  LA  MAITRISE 

Trois  beaux  volumes  cartonnés, 
Texte,  Orgue  et  Chant  :  15,  18  et  30  fr. 

LE  LIVRE   DU  BON  DIEU, 
d'ÉDOUARD  PEOITVIER, 

Musique  de  Darcier.  —  Texte  et  dessins.  —  Prix  :  12  fr. 

ÉCOLE  CHANTANTE  DU  PIANO 

par 
FÉLIX    GODEFROID. 

1"  Livre.  Méthode  de  chant  appliquée  au  piano ,  exercices , 

mélodies-types  sur  toutes  les  difficultés  du  chant. 

Texte  et  musique  :  25  fr. 

2e  Livre.  Quinze  études  mélodiques  pour  les  petites  mains.  Prix:  12  £r. 

3e  Livre.  Douze étudescaractéristiquesd'undegrésupérieur.  Prix  :  12 fr. 


LE  JEUNE  PIANISTE  CLASSIQUE 

PAR 


HAYDN. 

1.  Final  du  trio  en  fa. 

2.  Menuet  du  même  trio. 

3.  Final  du  trio  en  la. 

4.  Allegro  de  la  symphonie  en  mîb 


WEISS 

MOZART. 

9.  Menuets  extraits  de  ses  symphon. 

10.  Final  de  la  symphonie  en  ré. 

11.  Final  du  quatuorensoJ  mineur. 

12.  Presto  de  la  sonate  en  si  bémol. 


BEETHOVEN. 

5.  Adagio, allegro,  symphonie  enw£.  I  7.  Menuet  et  scherzo  du  septuor. 

6.  Final  du  quatuor  en  fa.  \  8.  Allegro  du  trio  en  mi  bémol. 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 


1.  PaulBernàrd. Bellasera, idylle. 

2.  J.-L.  Batthank.  Menuet  et  galop 

d'Orphée  aux  enfers. 

3.  Ph.    Stiitz.  Juana,   polka-ma- 

zurka. 
4    Th.  Lécuredx.  Fleuve  du  Tage, 
transcription  variée. 

Broché  :  8  fr. 


5.  Arban.  A  vos  souhaits,  polka. 

6.  Ch.  Neustedt.    Il  mio   tesoro  , 

transcription  de  Don  Juan. 

7.  A.  Croisez.   Guipures  et  Den- 

telles (n°  1) 

8.  Strauss.  2e  quadrille  sur  Sémi- 

ramis. 
Relié  :  12  fr. 


DEGAMERON   DRAMATIQUE. 

Album  de  danse  par 

J    OFFENBACH 


LES  SAISONS  deJ.  HAYDN 

Oratorio  en  quatre  parties 

Traduction  française  de  G.  Roger,  seule  édition  con 

forme  à  l'exécution  des  concerls  du  Conservatoire, 

orné  du  portrait  de  J.  Havdk. 
Broché  :  10  fr.  Reliure  toile  :  15  fr.  Velours  :  30 

ALBUM   ARTISTIQUE 


FRERES    LIONNET 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 
ALBUM  DE   SALON 

PAR 

J    LEYBACH- 

1.  Mes  solitudes,  4a  nocturne. 

2.  Souvenirs  d'Allemagne,  3°  valse. 

3.  Ronde  pastorale,  3e  idylle. 

4.  Confidence,  romance  sans  paroles. 

5.  Fête  aux  Champs,  galop  pastoral. 

6.  La  Hongroise,  caprice-mazurka. 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 

LE  JEUNE  PIANISTE 

Morceaux  faciles  sans  octaves, 
composés  par 

HVALIQUET,  J.-L-  BATTMANN, 
A-  DESSANE 

Broché  :  8  fr.  Relié  :  12  fr. 


L'ALBUM-COTILLON 

PAR 

LABORDE,  avec  DESSINS 


NOUVEAUTES  POUR  PIANO,  SOUS  PRESSE  OU  PUBLIEES. 


A    CROISEZ 

Guipures  et  Dentelles. 
Valse  et  mazurka  (n°  1  et  2). 

CH    DELIOUX 

Deux  Sérénades  (n°  1  et  2). 

TH    LÉCUREUX 

Transcriptions  variées. 

Fleuve  du  Tage.  —  Mœris,  de  Mrae  Gail. 

Valse  des  Pâtres  du  Valais. 

CH -B    LYSBERG 

L'absence,  sonate  romantique.  — Andante,  idylle. 
Airs  savoisiens  variés. 


PAUL  BERNARD 

Barcarolle  et  chanson  de  Fortunio. 
Galop  de  concert.  [  Prima  sera,  idylle. 


FELIX  GODEFROID 

Johanisberg ,  valse  desalon.        |    Une  Fièvre  brûlante,  transcription. 

LEFÉBURE-WÉLY 

Armide  de  Gluck. 
Morceau  de  concert,  varié.      |        Morceau  de  salon  ,  varié. 

HENRI  RAVINA 

ÉTUDES   HARMONIEUSES. 

Vingt-cinq  nouvelles  études  de  moyenne  difficulté. 
Prix  :  20  fr. 


L    DIEMER 

Polonaise  de  concert ,  1™  mazurka. 
Elégie  à  la  mémoire  de  sa  mère. 

F  DOLMETCHS 

Douze  études  récréatives. 
(Livre  "deuxième). 

CH    NEUSTEDT 

Transcriptions  variées. 

1.  La  ci  darem  la  mano. 

2.  /(  mio  tesoro. 

3.  Sérénade  et  duo  de  Don  Juan. 


MARMONTEL 

Thème  varié,  ancien  style.  Musette,  pastorale. 
Venezia,  barcarolle. 


AIRS  DE  BALLET,  ARRANGEMENTS  ET  MUSIQUE   DE  DANSE 

Du  nouveau   ballet  |     V>      DADII     I     f% M  Musique  de 

deioPÉRAde  LiC  rMrlLLUri          j.  offenbach. 

1.  Marche  paysanne.  M"">  MARIE  TAGLIONI  et  de  M.  DE  SAINT-GEORGES.  5.  Marche  du  Palanquin. 

2.  Chant  du  Papillon.  QTRÂIIQQ  6-  Potonaisedes Bohémiennes. 

3.  Andante-Bohémiana.  O  1  rlMUOO  7    Valse  des  Fleurs 

4.  Valse  des  Rayons.  Quadrille ,  Vajse  des  RA  YONS  et  Polka-Mazurka  la  LESGUINKA.  g.  Galop  des  papiUonSt 


STRAUSS 

Quadrille,  Valse  des  RAYONS  et  Polka-Mazurka  la  LESGUINKA. 

Composés  pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 

ARBAN  :  Polka  des  Métamorphoses.  La  fée  Hamza.  M118  Marquet.         |         PH-   STUTZ  '.  La  Fée  des  Moissons.  Polka-mazurka.  M11»  Schlosser. 
MUSARD:  Les  Circassiennes.  Deuxième  quadrille.         |         H,  VALIQUET  ."  Quadrille  et  valse  faciles,  sans  octaves. 


75S.  —  28e  Année. 

K«  8. 


TABLETTES 
iSTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  30  Décembre 

1860. 


QaS3 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rétlact'enchef. 


(Au 


LES*  BêlïBïB'MBTX  ,  «  BtBs,  rue  Vivienne.  —  IIËUGEL  et  O,  éditeurs. 

Magasins  et  A!>unn<Miiciit  do  iîliisïcjue  du  I»IJÉI\ESTREI,.  —  Vcute  oit  location  de  Pianos  et  <3>r{£ 


or  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  3G  Morceaux  : 

Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  £  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger  :  21  fr. 


PIANO. 

2Q  Mode  d'abonnement  .  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  3«  Morceaux 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  î  Albuun 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


3°  Mode  d'abonnement  contenant  le 


CHANT  ET  PIANO     EtEXNIU  1 

Texte  complet,  les  53  Morceaux  de  chant  et  de  piano 
Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


tes  <S  Albums  ur 


On  souscrit  du  leF  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique.  — forment  collection.  —  Adresser/Vanco 
un  bon  sur  la  poste,  a  Mltl.  HIEUOEI,  et  Cie,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  M  Maîtrise^  bis,  rue  Vivienne. 


Typ.  Chai  les  de  Mourgu 


(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


:  Jean-Jacques  Rou 


SOJVOIAIfllE.  —  TEXTE. 

I.  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  Chérubini  et  Onslow 
(19e  article).  L.  Meneau.  —  II.  Théâtre  de  l'Opéra-Comique  :  première  repré- 
sentation de  Barkouf.  J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  : 
Le  Conservatoire  de  Paris  et  les  Conservatoires  de  province  (2°  article).  G.  Bé- 
hédit.  —  IV.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  V.  ^Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO  : 

Nos  abonnés  àla  musiquede  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  cejoui1  : 

»""■•  QUADRILLE  DE   SÉMIRAMIS  , 

Par  Strauss.  —  Suivra  immédiatement  après  :  le  premier  quadrille  du 
Papillon,  composé  par  Strauss  pour  les  bals  de  la  Cour  el  de  l'Opéra, 
sur  les  motifs  du  ballet  de  J.  Offenbach. 

CHANT: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

HARMONIE  DE  LAMARTINE , 

Musique  de  Mme  Pauline   Thys.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
Tes  vingt  ans ,  du  même  auteur. 


LOFERA  -COMIQUE 


SA   NAISSANCE,  SES    PROGRES,   SA  TROP  GHANUE  EXTENSION. 


SECONDE  PARTIE.  —  XIX0  SIÈCLE. 

CHAPITRE    VI. 

CHÉRUBINI  ,   OIVSLOW. 

XIX. 

CHÉRUBINI. 

Parmi  ceux  de  ses  collègues  de  l'Institut  pour  lesquels  Méhul 
avait  le  plus  de  sympathie,  Chérubini  était  en  première  ligne (1). 

(1)  Comme  nos  lecteurs  le  verront,  cette  appréciation  de  Chérubini  et 
de  ses  œuvres  est  traitée  au  point  de  vue  tout  spécial  de  l'opéra-comique. 
Le  Ménestrel  se  réserve,  ainsi  que  pour  Méhul,  de  publier  une  notice 
biographique  complète  de  Chérubini,  celle-ci  due  à  M.  Denne  Baron. 


Lorsque  Napoléon  offrit  à  l'auteur  de  Joseph  d'être  directeur 
de  la  chapelle  impériale,  Méhul  demanda  que  son  ami  partageât 
cette  fonction  avec  lui  :  l'empereur  s'y  refusa  et  accorda  la  place 
à  Lesueur.  Chérubini  ne  jouit  du  reste  que  fort  peu,  pendant 
toute  sa  carrière,  de  la  faveur  impériale.  Son  caractère,  très-ori- 
ginal, son  franc-parler,  souvent  peu  parlementaire,  ne  furent 
point  étrangers  à  cette  disgrâce.  On  raconte  que  le  général  Bo- 
naparte, ayant  été  reçu  au  Conservatoire,  eut  à  y  subir  l'audition 
de  cantates  laudalives,  composées  par  Lesueur,  Méhul  et  Ché- 
rubini.—  Le  vainqueur  d'Italie  fit  à  ce  dernier  des  remarques 
critiques  sur  son  œuvre.  —  «  Général,  lui  dit  Chérubini,  lors- 
«  que  vous  faites  un  plan  de  bataille,  vous  ne  consultez  que  vo- 
«  tre  génie.  »  Sur  quoi,  dit-on,  le  grand  capitaine  lui  tourna  le 
dos  (2). 

Il  y  avait  entre  Chérubini  et  Méhul  une  certaine  affinité  de 
talent.  Quoique  Italien  de  naissance  (3),  par  ses  œuvres,  il  se 
rapprochait  plutôt  de  l'école  allemande  que  de  celle  à  laquelle  il 
devait  son  éducation.  A  vrai  dire,  le  style  de  Chérubini  appar- 
tient, bien  plus  encore  que  celui  de  Méhul,  à  cette  école  éclecti- 
que qui  caractérise  en  musique  la  scène  française  :  il  perfectionna 
ce  genre  auquel  se  rattachent  les  compositeurs  français  actuels, 
pour  la  plupart  ses  élèves.  «Sa  manière,  dit  Ad.  Adam,  est  moins 
italienne  que  celle  de  Mozart,  elle  est  plus  pure  que  celle  de  Bee- 
thoven; c'est  plutôt  la  résurrection  de  l'ancienne  école  d'Italie 
enrichie  des  découvertes  de  l'harmonie  moderne.  » 

Un  fait  singulier  se  présente  à  propos  de  l'œuvre  de  Chéru- 
bini. Ses  partitions  eurent  une  influence  immense  sur  celles  de 
ses  contemporains.  11  fut  en  quelque  sorte  l'astre  autour  duquel 


'(2)  A.  Elwart.  Histoire  de  la  Société  des  Concerts. 
(3)  Marie-Louis-Charles-Zénobi-Salvador  Chérubini  était  né  à  Florence 
le  8  septembre  1760.  M.  Elwart,  dans  l'intéressant  ouvrage  que  je  viens 
de  citer,  le  fait  naître  le  14  septembre ,  contrairement  à  plusieurs  autres 
biographes. 


34 


LE  MÉNESTHEL. 


gravitaient  les  planètes  Lesueur,  Berton,  Kreutzer,  lesquelles 
avaient  elles-mêmes  leurs  satellites,  Steibelt,  Gaveaux,  Solié,  De- 
vienne, Bruni,  Bochsa,  etc.,  et  cependant  on  ne  joue  plus  guère 
en  France  les  opéras  de  l'illustre  directeur  du  Conservatoire.  La 
postérité  le  salue  comme  un  des  grands  artistes  du  siècle,  et  la 
plupart  de  ceux  qui  sont  disposés  à  encenser  son  autel  ne  connais- 
sent point  ses  œuvres.  Cent  fois  meilleur  musicien  que  Nicolo,  il 
n'atteignit  point  à  la  popularité  de  l'auteur  de  Joconde.  Nous 
avons  vu  quelque  chose  de  semblable  se  produire  à  propos  de 
Philidor  et  deMonsigny. 

Chérubini  écrivait  pour  les  délicats  de  la  musique  et  les  fi- 
nesses de  touche  qui  fourmillent  dans  ses  partitions  passaient 
inaperçues  aux  yeux,  ou  mieux,  aux  oreilles  des  spectateurs.  La 
foule  est  bien  plus  impressionnée  par  la  pensée  même  de  l'au- 
teur que  par  la  manière  dont  il  l'a  rendue  ;  les  délicatesses  du 
style  ne  sont  appréciées  a  leur  juste  valeur  que  par  les  érudils 
ou  les  gens  du  métier.  Yoilà  pourquoi  Chérubini  n'a  pas  ob- 
tenu, comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  de  succès  proportionnés  à  son 
immense  mérite. 

Son  culte  pour  la  forme  et  les  développements  complets  de 
l'idée  musicale  l'ont  entraîné  dans  des  longueurs,  qui,  parfaite- 
ment à  leur  place  dans  la  musique  d'église  ou  de  chambre  (dans 
le  Credo  de  la  messe  du  sacre,  par  exemple),  ralentissent  au 
théâtre  la  marche  du  drame.  Le  spectateur  est  porté  plus  vo- 
lontiers à  se  plaindre  de  la  lenteur  de  l'action  dramatique  qu'à 
admirer  le  fini  du  travail.  «  Il  y  a,  dit  M.  Fétis  dans  sa  pre- 
mière lettre  aux  compositeurs  dramatiques,  dans  les  opéras  de 
Chérubini  des  morceaux  qui  ont  toujours  fait  naître  l'admi- 
ration d'un  auditoire  d'élite,  lorsqu'ils  étaient  exécutés  au  piano, 
et  qui  sont  aussi  remarquables  par  leur  expression  dramatique 
que  par  la  beauté  des  formes  ;  cependant  ils  manquaient  leur 
effet  a  la  scène,  parce  que  le  grand  artiste  ne  comprenait  pas 
que  la  musique  ne  fût  pas  la  chose  importante  dans  un  opéra.  » 

Si  nous  remontons  aux  premières  leçons  données  à  Chérubini 
par  plusieurs  maîtres  florentins,  nous  voyons  le  jeune  maestro 
faire  exécuter  une  messe  de  sa  composition  dès  l'âge  do  12  ans. 
Ce  début  fait,  il  écrivit  pour  l'église  et  le  théâtre  jusqu'à  ce 
que  le  duc  de  Toscane ,  Léopold  II ,  étonné  de  la  précocité  de 
son  esprit ,  l'envoyât  en  1778,  à  Bologne,  avec  une  pension 
pour  qu'il  étudiât  sous  la  direction  de  Sarti.  Ce  maître  per- 
fectionna l'éducation  de  Chérubini,  à  ce  point  que  l'élève  fut 
bientôt  aussi  savant  que  le  professeur,  c'est-à-dire  qu'il  devint 
le  musicien  le  plus  érudit  de  notre  époque. 

Il  composa  d'abord  des  opéras  pour  plusieurs  villes  d'Italie  et 
se  rendit  ensuite  en  Angleterre  où  il  travailla  pour  le  théâtre 
royal  ;  il  revint  à  Paris  quelque  temps  après,  retourna  en  Italie 
et  fit  un  second  séjour  à  Londres.  Enfin,  il  se  fixa  définitivement 
en  France,  en  1788,  et  donna  à  l'Opéra,  Démophon,  représenté 
le  2  décembre,  sans  beaucoup  de  succès. 

Après  avoir  écrit  plusieurs  morceaux  intercalés  dans  les  opé- 
ras qu'une  troupe  italienne,  réunie  par  Violti,  donnait  au  théâtre 
de  la  foire  Saint-Germain  et  dont  Chérubini  dirigeait  les  répéti- 
tions, le  maestro  fit  son  début  à  l'Opéra-Comique  par  Lodoïska, 
le  20  juillet  1791. 

L'une  des  raisons  qui  avaient  nui  à  la  réussite  de  Démophon, 
tenait  évidemment  de  ce  que  précédemment  Vogel  avait  traité  le 
même  sujet  ;  on  connaissait  déjà  en  France  l'ouverture  très-ad- 
mirée  du  compositeur  allemand  et  chacun  éprouvait  de  la  sym- 
pathie pour  le  jeune  compositeur  qu'une  mort  récente  venait 


d'enlever  à  l'art  musical.  On  s'étonnait  qu'un  musicien,  alors 
peu  connu,  allât  sur  les  brisées  du  regrettable  et  regretté  défunt. 
Or,  un  motif  analogue  nuisit  à  la  réussite  de  Lodoïska:  Kreutzer 
avait  traité  le  même  sujet  peu  de  temps  avant.  La  Lodoïska  de 
Chérubini  était  cependant  bien  remarquable  par  les  effets  nou- 
veaux de  développements  dans  les  idées  et  de  richesse  instru- 
mentale que  Mozart  faisait  connaître  alors  à  l'Allemagne,  mais 
qui  n'étaient  point  encore  parvenus  jusqu'à  nous. 

A  la  fin  de  1794,  il  fit  jouer  au  théâtre  Feydeau  Elisa  ou 
le  Mont  Saint-Bernard,  un  de  ses  chefs-d'œuvre.  Cette  parti- 
tion, malgré  les  beaux  morceaux  dont  elle  était  composée  (l'in- 
troduction, par  exemple,  et  presque  tous  les  chœurs)  ne  put  se 
soutenir  à  la  scène,  à  cause  de  la  faiblesse  du  librelto.  Ce  fut  là 
le  sort  de  presque  toutes  ses  pièces,  à  l'exception  des  Deux  jour- 
nées, poëme  agréable  de  Bouilly,  qui  ne  manquait  point  de  sen- 
sibilité. 

Les  chœurs  (ÏÊUsa,  que  l'on  doit  particulièrement  mention- 
ner sont  ceux-ci  :  0  ciel,  daigne  exaucer  mes  vœux  .'...Buvons... 
et  Allons,  en  route...  Il  montra  dans  ces  morceaux  une  inspira- 
tion soutenue,  unie  à  cette  richesse  de  style  qui  ne  lui  faisait  ja- 
mais défaut. 

1797  vit  paraître  Médée,  drame  lyrique  pour  lequel  il  écrivit 
une  partition  d'un  genre  sévère  et  élevé,  bien  appropriée  au  su- 
jet. Le  rôle  principal  était  tenu  par  Mme  Scio  (1),  cantatrice  et 
actrice  distinguée,  qui  faisait  admirer  dans  cet  opéra  sa  rare 
intelligence  de  la  scène,  l'expression  de  son  chant  et  la  pureté 
argentine  de  sa  voix. 

Médée  (comme  la  plupart  des  œuvres  de  Chérubini)  eut  plus 
de  représentations  à  l'étranger,  et  particulièrement  en  Allemagne, 
qu'en  France. 

En  1777,  il  avait  donné  au  théâtre  Feydeau  un  à-propos  en  un 
aote  :  la  Mort  du  général  Hoche  (1);  l'année  suivante  il  fit  jouer 
au  théâtre  Favart  :  l'Hôtellerie  portugaise,  partition  dans  la- 
quelle on  remarque  principalement  un  délicieux  trio;  dans  ce 
morceau,  il  réunit  deux  qualités  qui  trop  souvent  s'excluent 
l'une  l'autre  dans  certaines  œuvres  musicales  :  l'inspiration,  la 
méthode.  Cependant,  l'Hôtellerie  portugaise  ne  réussit  encore 
qu'à  moitié  :  le  compositeur  avait  travaillé  sur  un  libretto  dénué 
d'intérêt  ;  son  talent  spéculatif  ne  voyait  trop  souvent  dans  le 
poëme  d'un  opéra  que  des  mots,  moyens  indispensables  pour  l'é- 
mission de  la  voix.  Aussi  n'était-il  point  difficile  dans  le  choix  de 
ses  paroliers.  Il  écrivait  un. peu  ses  œuvres  dramatiques  à  la  fa- 
çon des  symphonies.  Cependant  Chérubini,  bien  au  contraire, 
n'était  point  dépourvu  du  sentiment  de  la  scène,  il  l'a  surabon- 
damment prouvé  lorsque  son  poète  sut  lui  fournir  des  situations 
intéressantes,  comme  Bouilly  le  fit  dans  les  Deux  journées,  qui 
eurent  un  succès  colossal. 

Parmi  les  morceaux  les  plus  remarquables  de  cet  opéra,  il  y  a, 
outre  l'ouverture,  bijou  instrumental  finement  ciselé,  le  final  du 
premier  acte,  le  duo  pour  soprano  et  ténor  :  Me  séparer  de  mon 
époux...,  celui  pour  ténor  et  basse  :  O  mon  libérateur!...,  et 

(i)  Julie-Angélique  Legrand  était  née  à  Lille  en  1768.  Elle  eut  beau- 
coup de  succès  dans  les  théâtres  du  midi,  où  elle  débuta  et  fit  connais- 
sance d'Etienne  Seio,  premier  violon  du  théâtre  de  Marseille,  qui  l'épousa. 
Ils  allèrent  à  Paris  où  ils  furent  engagés  d'abord  au  théâtre  Molière,  puis 
au  théâtre  Feydeau,  où  Mmo  Scio  obtint  la  première  place,  qu'elle  garda, 
même  à  la  réunion  des  théâtres  Feydeau  et  Favart.  Elle  mourut  à  Paris 
d'une  phlbisio  pulmonaire  à  l'âge  de  39  ans.  —  Etienne  Scio  composa 
plusieurs  petits  opéras  d'une  mince  valeur. 

(1)  Le  général  Hoche  était  l'ami  de  Chérubini. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET   1)1!  CHANTEUR. 


35 


la  délicieuse  romance  :  Guide  mespas,  6  Providence  .'...Les  Deux 
journées  furent  une  des  pièces  oùbrillail  le  plus  Mme  Scio. 

Pour  compléter  la  liste' des  opéras,  dont  Chérubini  écrivit  la 
partition  sans  collaborateurs,  il  faut  citer  Koucourgi  (1),  posté- 
rieur à  Lodoïska  et  resté  inédit;  la  Punition  (1799),  un  acte  au 
théâtre  Monlansier  et  le  Crescendo  (1810)  ;  dans  ce  dernier  ou- 
vrage, ayant  à  écrire  pour  Martin  un  air  dont  le  sujet  était  le 
récit  d'un  combat,  fait  devant  un-  homme  qui  déleste  le  bruit,  il 
fit  chanter  le  morceau  solto  voce  et  écrivit  un  accompagnement 
de  quatuor  en  sourdine.  Cet  effet  original  réussit  complètement. 

Commandeur  de  la  Légion  d'Honneur,  membre  de  l'Institut 
et  directeur  du  Conservatoire,  auquel  son  nom  est  lié  d'une 
façon  inséparable,  Chérubini  mourut  à  Paris  le  14  mars  1842. 

Il  a  eu  le  bonheur  d'être  peint  par  un  des  plus  grands  artistes 
de  notre  siècle,  M.  Ingres,  qui  a  placé  sa  figure  dans  le  tableau 
historique  que  chacun  connaît.  La  physionomie  du  musicien, 
qu,e  couronne  la  Muse,  est  le  miroir  d'un  esprit  rude  au  pre- 
mier abord,  mais  qui  s'adoucissait  bien  vite;  cette  grande 
figure  passera  doublement  à  la  postérité,  par  l'intérêt  qu'inspire 
le  modèle  et  par  le  mérite  de  l'œuvre.  C'était  bien  à  M.  Ingres 
à  nous  léguer  les  trails  du  grand  maître  de  la  musique  fran- 
çaise moderne ,  l'auteur  de  l'apothéose  d'Homère  étant  non- 
seulement  un  peintre  de  premier  ordre,  mais  encore  un  excel- 
lent musicien. 

«  De  tous  les  titres  de  gloire  de  Chérubini,  dit  Ad.  Adam  , 
il  en  est  un  que  l'on  ne  saurait  trop  proclamer  :  il  fut  le  maître 
de  Boïeldieu,  d'Auber,  de  Carafa  et  d'Halévy  »  (2). 


Le  successeur  de  Chérubini  à  l'Institut  fut  Georges  Onslow  (3), 
dont  il  appréciait  les  œuvres  comme  elles  méritaient  de  l'être. 

Onzlow  avait  écrit  plusieurs  ouvrages  pour  l'Opéra-Comique  : 
V Alcade  de  la  Véga  (1824),  le  Colporteur  (1827) ,  et  Guise  ou 
les  Étais  de  Blois  (1837). 

De  ces  trois  ouvrages,  le  meilleur  est  le  Colporteur,  qui  ob- 
tint du  succès  sur  les  scènes  allemandes  sous  le  titre  de  der 
Hausirer.  11  est  à  regretter  que  ses  travaux  pour  la  scène  n'aient 
pas  été  plus  encouragés.  Onslow  est  une  des  gloires  musicales 
françaises,  puisqu'il  occupe  incontestablement  la  première  place 
parmi  ceux  de  nos  compositeurs  qui  ont  écrit  de  la  musique  de 
chambre. 

Qu'il  me  soit  même  permis,  à  ce  propos  et  en  passant,  de 
faire  observer  que  ses  œuvres  ne  sont  pas  assez  estimées.  Je  ne 
vois  figurer  que  très-rarement  dans  les  séances  publiques  de  mu- 
sique de  chambre,  —  qui  se  sont  si  heureusement  multipliées 
depuis  quelque  temps  à  Paris,  — les  quatuors  cl  quintettes  d'Ons- 
low,  et  cependant  ils  ont  un  cachet  original,  de  la  verve,  de  l'en- 
train, rehaussés  par  des  modulations  piquantes,  mérite  qui  les 
place  de  droit  au  premier  rang. 

Léon  Meneau. 

[La  suite  à  un  prochain  numéro.) 

(1)  La  musique  de  Koucourgi  fut  placée  dans  la  partition  à' Ali-Baba, 
grand  opéra,  qui  eut  plus  de  succès  en  Allemagne  qu'en  France. 

(2)  Do  tous  les  élèves  de  Chérubini,  M.  Halévy  me  paraît  être  celui  dont 
le  style  approche  le  plus  du  genre  de  Chérubini.  Cependant  l'auteur  de 
la  Juive  possède  le  sentiment  dramatique  à  un  degré  bien  plus  développé 
que  son  illustre  maître. 

(3)  Né  à  Clermont  le  27  juillet  1784,  il  est  mort  en  1853. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

Barlouf,  opéra  bouffe  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Scribe  et  Boisseaux, 
musique  de  M.  J.  Offenhach. 

Il  est  donc  enfin  venu  à  terme,  ce  Barhouf  dont  l'enfantement 
avait  eu  à  lutter  contre  toute  une  avalanche  de  tribulations.  Il 
est  arrivé  à  temps  pour  inaugurer  le  carnaval  de  1861  ;  —  car 
Barkouf  esl une  bouffonnerie  tellement  buffonne  et  bouffonne, 
que,  pour  entrer  dans  l'analyse  du  libretlo,  il  faudrait  laisser  son 
bon  sens  au  vestiaire. 

Qu'il  vous  suffise  de  savoir  que  le  grand  Mogol  s'avisa  un  beau 
jour  de  faire  gouverner  la  ville  de  Lahore  par  un  kaïmakan  à 
quatre  pâlies,  et  cela  pour  châtier,  sur  le  dos  de  la  ville,  une 
bande  d'émeutiers. 

Une  fois  installé  dans  sa  niche  royale,  le  chien  Barkouf,  — 
c'est  le  nom  du  nouveau  kaïmakan  ,  —  devient  un  dogue  ina- 
bordable, el  menace  de  ses  coups  de  dents  tous  ceux  qui  osent 
l'approcher,  même  le  grand-vizir  Balbaleck. 

Il  n'y  a  que  la  jeune  fleuriste  Maïma  qui  puisse  dompter  cet 
étrange  gouverneur;  car  le  chien  Barkouf  lui  avait  appartenu 
jadis.  Celait  son  ami  d'enfance. 

Le  grand-vizir,  qui  a  toutes  sortes  de  signatures  à  demander 
au  kaïmakan,  se  dispose  à  user  de  l'influence  magique  de  Maïma, 
et  la  nomme  secrétaire-interprète  du  kaïmakan. 

Arrive  le  chef  de  la  justice;  celui-ci  vient  requérir  l'autorisa- 
tion de  pendre  Xaïloun ,  fauteur  de  la  dernière  émeute.  Mais 
Xaïloun  est  le  bien-aimé  de  la  marchande  d'oranges,  Balkis, 
amie  de  Maïma.  Barkouf  est  consulté,  et  trois  aboiements  bien 
accentués  répondent  que  le  kaïmakan  fait  grâce. 

Le  grand-vizir  a  projeté  un  mariage  entre  sa  fille  et  le  jeune 
officier  Saèb  :  il  voudrait  que  le  gouverneur  apposât  sa  griffe 
sur  le  contrat.  — Nouveaux  aboiements  contre  le  projet  de  ma- 
riage :  car,  Saèb,  de  même  que  le  chien,  est  un  ami  d'enfance  de 
Maïma;  or,  la  jeune  fille  se  le  destine  personnellement  en  ma- 
riage. 

Le  grand-vizir  est  furieux,  el  dans  sa  rage  il  ourdit  avec  quel- 
ques fonctionnaires  mécontents  une  conspiration  contre  Barkouf. 
On  livrera  les  portes  de  la  ville  aux  Tartares  et  l'on  empoison- 
nera Barkouf  dans  une  tasse  de  n'importe  quoi. 

Mais  Maïma  se  doute  de  la  trahison  ;  et  lorsque  le  grand 
échanson  vient  apporter  la  coupe  destinée  au  maître,  la  jeune 
fille,  au  nom  du  kaïmakan ,  invite  les  conspirateurs  à  boire 
dans  la  même  coupe.  Le  grand-vizir  el  ses  complices  trem- 
blent et  se  trahissent. 

Les  Tartares  se  montrent  aux  portes  de  la  ville.  Saëb  les  re- 
pousse à  l'aide  d'une  poignée  de  braves  et  du  chien  Barkouf,  — 
qui  se  fait  tuer  sur  le  champ  de  bataille. 

Bref,  Saëb  épouse  Maïma,  et  Xaïloun  épouse  Balkis. 

C'est  sur  ce  scénario  que  M.  Offenbach  a  du  livrer  sa  première 
bataille  d'opéra-comique.  —  Ses  ennemis  personnels,  ceux  de  sa 
musique,  n'ont  point  manqué  à  l'appel  de  la  salle  Favart,  et  il 
faut  le  dire ,  cerlains  d'entre  eux  avec  le  parti  pris  do  démo- 
lir, de  conspuer  un  musicien  qui  a  l'impudeur  de  faire  applau- 
dir, de  faire  adopler  ses  opérettes,  non-seulement  en  France,  en 
Belgique,  mais  aussi,  ce  qui  est  de  la  dernière  irrévérence,  sur 
tous  les  théâtres  populaires  de  la  musicale  Allemagne. 

Or,  M.  Offenbach,  en  écrivant  sa  partition  de  Barkouf,  s'est-il 
suffisamment  préoccupé  de  la  lutte  qu'il  aurait  h  soutenir?  Nous 
ne  le  pensons  pas.  Non-seulement  il  paraît  s'en   être  fort  peu 


36 


LE  MÉNESTREL. 


préoccupé,  mais  parfois  il  semble  défier  la  critique,  je  veux  dire 
les  critiques. 

Il  pouvait  oublier  sa  première  manière  et  faire  de  la  musique 
d'opéra-comique  comme  tout  le  monde  en  écrit,  avec  des  chances 
plus  ou  moins  favorables;  mais  M.  Offenbach  n'a  point  voulu 
renier  ses  premiers  succès  et  les  Bouffes-Parisiens  font  plus  d'une 
fois  acte  d'apparition  dans  Barkouf.  Faut-il  en  féliciter  l'auteur 
A' Orphée  aux  enfers? 

Le  vrai  public  seul  en  décidera  ;  car  il  ne  faut  point  oublier 
que  le  vrai  public  ne  viendra  pas  chercher  dans  Barhouf,  la  mu- 
sique du  Messie  de  Haendel  ,  ou  toute  autre  grande  épopée 
musicale  ou  dramatique. 

Et  cependant,  quoiqu'on  en  puisse  dire,  quoiqu'on  en  puisse 
penser,  la  partition  de  M.  Offenbach  comporte  plus  d'un  mor- 
ceau de  bonne  facture,  plus  d'un  joli  effet  d'orchestration,  plus 
d'une  trouvaille  mélodique. 

Au  premier  acte,  toute  l'introduction  est  du  vrai  cadre  de 
l'Opéra-Comique,  musiquebien  charpentée  etbien  écrite  pour  les 
voix  comme  pour  les  instruments.  Les  couplets  du  grand  Mogol 
(M.  Nathan)  qu'on  a  bissés  avec  justice,  sont  d'un  rhythme  franc 
et  très-heureusement  accompagnés  par  le  chœur  et  l'orchestre. 
Quant  au  duo  final  de  ce  premier  acte,  c'est  très-certainement  un 
bel  et  bon  morceau,  réussi  au  double  point  de  vue  de  l'andante 
et  de  l'allégro. 

Dans  le  deuxième  acte,  à  part  le  quatuor  syllabique, —  Bouffes- 
Parisiens  pur  sang,  mais  qui  n'en  a  pas  moins  son  mérite,  — 
nous  signalerons  les  couplets  comiques  de  Sainle-Foy  ;  le  joli 
duo  entre  Sainte-Foy  et  Mlle  Marimon  :  Tu  comprends  bien,  et 
enfin  la  romance  :  Ici,  Barkouf,  délicieusement  chantée  par 
Mlle  Marimon,  romance  qui  lui  a  valu  un  bis  unanime. 

Le  troisième  acte  se  lève  sur  de  jolis  couplets  de  Berthelier, 
bientôt  suivis  d'un  chant  de  conspirateurs  trop  long,  excentrique, 
mais  en  somme  d'un  récit  vrai,  s'il  était  mieux  exécuté.  Pas- 
sons sur  la  romance  du  ténor,  —  qui  est  mélodique  et  mélo- 
dieuse, tout  comme  celle  du  deuxième  acte,  —  et  arrivons  à  la 
scène  finale  de  la  coupe  empoisonnée  qui  a  valu  un  nouveau  bis 
à  Mlle  Marimon,  la  reine  de  la  soirée. 

Voilà,  certes,  un  contingent  des  plus  agréables,  sinon  des 
plus  respectables ,  sans  compter  que  la  partie  instrumentale 
se  distingue  par  un  luxe  de  dissonnances  qui  va  même  parfois 
jusqu'à  l'abus.  Faut  des  dissonnances,  mais  pas  trop  n'en  faut. 
Parlez-moi  de  M1Ie  Marimon.  Voilà  une  parfaite  bouque- 
tière d'Opéra-Comique  :  distinction,  charme,  gentillesse,  elle 
a  tout  pour  faire  aimer  Barkouf.  Et  comme  elle  chante  le 
rôle  de  Maïma  !  Cette  charmante  étoile  de  l'école  Duprez  vient 
de  se  révéler  sous  un  jour  vraiment  nouveau  et  des  plus  sédui- 
sants. La  jeune  artiste  a  interprété  tous  ses  morceaux  d'une  fa- 
çon très-remarquable;  et  de  plus,  elle  leur  a  imprimé  une  cer- 
taine vigueur  dramatique  que  nous  ne  lui  soupçonnions  pas. 

Mlle  Bélià  s'est  fait  applaudir  avec  justice  dans  ses  couplets 
et  le  grand  duo  du  premier  acte. 

Sainle-Foy,  Lemaire  et  Berthelier  sont  des  plus  amusants  ; 
Mme  Casimir,  Warot,  bien  qu'indisposé,  et  Nathan,  malgré  l'in- 
suffisance de  sa  voix,  méritent  plus  qu'une  mention  honorable. 
Nous  en  dirons  autant  delà  direction,  qui  a  prodigué  à  cet 
opéra  bouffe  des  splendeurs  de  mise  en  scène  dignes  d'une  œu- 
vre de  premier  ordre. 

L'exécution  chorale  s'est  montrée  moins  hospitalière. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
LE  CONSERVATOIRE  DE  PARIS 

ET   LES 

Conservatoires    de    pro-vâssee. 

|  Le  Sémaphore.  ) 
II. 

Il  arrive  cependant  que  le  hasard,  ce  dieu  capricieux  et  bi- 
zarre, fait  surgir  en  province  un  de  ces  élèves  exceptionnels  qui, 
à  eux  seuls,  sont  un  honneur  et  une  espérance.  «  Dieu  soitloué! 
s'écrie  alors  le  professeur  assez  heureux  pour  posséder  un  tel 
trésor;  voilà  du  moins  une  compensation.»  Oui,  mais  Paris  est 
là,  et  comme  ce  seigneur  suzerain  a  le  droit  de  prendre  son  bien 
où  il  le  trouve,  un  beau  matin  l'élève  exceptionnel  disparaît  du 
Conservatoire  provincial  comme  une  muscade  entre  les  doigts  du 
prestidigitateur  et,  sur  un  coup  de  baguette,  se  trouve  transporté 
comme  par  enchantement,  des  bords  du  Bhône  ou  du  Jarret  aux 
rives  de  la  Seine. 

En  général,  les  professeurs  qui  ne  sont  pas  égoïstes,  et  c'est  le 
plus  grand  nombre,  se  consolent  de  ces  mésaventures  en  son- 
geant à  l'avenir  de  leurs  élèves  assez  favorisés  du  sort,  pour 
aller  puiser  aux  sources  de  la  science  une  éducation  complète 
qu'ils  ne  pourraient  trouver  ailleurs.  La  seule  chose  qui  afflige  à 
bon  droit  les  maîtres  de  province,  c'est  lorsqu'on  leur  refuse 
même  le  peu  de  part  qu'ils  ont  dans  la  découverte  d'un 
élève.  Ce  qui  les  décourage,  ce  sont  les  accusations  injustes  dont 
on  les  accable  dans  des  circonstances  où  l'on  devrait  au  con- 
traire leur  savoir  gré  d'une  initiative  profitable  à  l'art  et  à  ses  in- 
terprètes futurs. 

Voulez-vous  un  exemple.de  cette  vérité,  chers  lecteurs!  écou- 
tez le  récit  d'une  petite  histoire. 

LE    TÉNOR    LEFRANC. 

Les  journaux  de  Paris,  et  après  eux  ceux  de  Marseille,  ont 
parlé  naguère  d'un  nouveau  ténor  appelé  Lefranc,  qui,  grâce 
aux  leçons  de  Duprez,  dont  il  est  l'élève  aujourd'hui,  a  déjà 
obtenu  dans  le  monde  musical  un  accueil  qui  fait  bien  augurer 
pour  son  avenir  artistique. 

Jusque-là  tout  allait  bien.  Par  malheur  quelques-uns  de  ces 
journaux,  en  donnant  à  M.  Lefranc  des  éloges  mérités  sansdoute, 
ont  ajouté  «  qu'il  était  regrettable  que  notre  ville  eût  laissé 
passer  inaperçu  un  élève  de  cette  valeur,  un  jeune  homme  dont 
la  belle  voix  aurait  dû  fixer  l'attention  de  MM.  les  professeurs 
du  Conservatoire  de  Marseille.  » 

-  Le  reproche  était  direct,  comme  on  voit  ;  aussi,  à  la  lecture 
de  ces  lignes,  plusieurs  de  mes  amis  très  au  courant  de  l'his- 
toire du  ténor  en  question  et  des  moindres  détails  de  son  odyssée, 
vinrent  me  voir  pour  m'engager  à  rétablir  la  vérité.  «Merci,  ré- 
pondis-je  aux  personnes  assez  bienveillantes  pour  s'intéresser 
à  moi,  les  réclamations  me  répugnent  ;  je  n'aime  guère  occuper 
•  le  public  de  mes  débats  personnels,  et  c'est  peut-être  cette  indif- 
férence, jointe  au  respect  que  je  professe  pour  le  journal  où  j'ai 
l'honneur  d'écrire,  qui  jusqu'à  présent  m'ont  fait  passer  outre 
à  toutes  les  attaques  plus  ou  moins  injustes,  plus  ou  moins  bles- 
santes, dirigées  publiquement  contre  moi  sans  raison  comme 
sans  motif. 

Et  puis,  ajoutai-je,  en  fait  de  rectification  par  la  presse,  je  me 
fais  un  devoir  de  suivre  les  conseils  de  mon  illustre  compatriote 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


37 


Méry.  «  Ne  rectifiez  jamais,  rae  disait-il  un  jour,  à  moins  que 
vous  n'y  soyez  forcé  malgré  vous,  par  des  circonstances  extrêmes. 
Une  fois  engagé  dans  le  système  des  rectifications,  il  faut  tout 
relever  jusqu'aux  plus  insignifiantes  paroles;  car  si  par  aven- 
ture on  vous  accusait  d'avoir  tué  votre  père  et  que  vous  ne  fus- 
siez pas  là  pour  relever  cette  calomnie,  on  dirait  naturellement  : 
«  Le  fait  doit  être  vrai  puisqu'il  n'a  pas  été  démenti.  » 

Aujourd'hui,  si  je  viens  entretenir  mes  lecteurs  du  ténor  Le-' 
franc,  ce  n'est  pas  dans  mon  intérêt,  on  peut  le  croire,  mais  à 
cause  de  notre  école  de  musique  ,  mise*en  cause  dans  celte 
affaire  et  que  j'ai  à  cœur  de  justifier  d'un  reproche  qu'elle  ne 
mérite  point. 

Voici  donc  la  vérité  sur  le  ténor  et  sur  le  Conservatoire  : 
Il  y  a  deux  ans  de  cela.  Un  ouvrier,  attaché  depuis  longtemps 
à  l'imprimerie  du  Sémaphore,  vint  me  voir  et  me  dit  :  «  Mon 
cher  monsieur,  vous  qui  êtes  professeur  de  musique,  seriez- 
vous  assez  bon  pour  entendre  un  de  mes  neveux,  qui,  dit-on,  a 
une  belle  voix?  Comme  je  ne  me  connais  guère  à  ces  sortes  de 
choses,  j'ai  cru  ne  pouvoir  mieux  faire  que  de  m'adresser  à 
vous. 

—  Et  quel  genre  de  voix  a  votre  neveu  ?  dis-je  à  cet  oncle 
typographe. 

—  Il  a  (du  moins  à  ce  qu'on  prétend),  une  voix  de.... 

—  De  ténor  ? 

—  De  ténor ,  précisément. 

—  Certes,  cela  mérite  d'être  examiné.  Par  le  temps  qui  court, 
les  ténors  sont  fort  rares  ,  et  si  votre  neveu  possède  une  de  ces 
voix  dans  de  bonnes  conditions,  il  est  certain  de  son  affairé  , 
cela  peut  le  conduire  à  tout.  » 

Le  lendemain ,  Lefranc  se  présenta.  C'était  un  fort  beau 
garçon,  qui  sortait  d'un  régiment  de  ligne  avec  le  grade  de  ser- 
gent-major. Lefranc  comptait  sept  ans  de  service  dans  l'armée 
française,  où  il  aurait  pu  avoir  un  bel  avancement  ;  mais  comme 
il  ne  partageait  pas  tout  à  fait  l'opinion  de  Georges  Brown  sur 
cette  profession  où  «  l'on  sert,  par  sa  vaillance,  et  son  prince  et 
l'État,  puis,  gaîment,  on  s'élance  de  l'amour  au  combat,  »  il  avait 
préféré  le  frac  bourgeois  à  l'habit  militaire.  J'entendis  Lefranc. 
qui,  en  effet,  avait  une  voix  magnifique  ;  le  grave  et  le  médium 
laissaient,  à  vrai  dire,  quelque  chose  à  désirer,  pour  l'égalité 
des  notes,  mais,  en  revanche  ,  à  partir  de  Yut,  au  milieu  des 
lignes  au  contre-ut  sur-aigu,  cette  voix  était  pleine,  sonore. 
d'un  timbre  puissant ,  d'une  belle  couleur  et  d'une  expression 
excellente  pour  interpréter  les  grandes  scènes  du  drame  lyrique.. 
■  Par  malheur,  voici  le  revers  de  cette  brillante  médaille  ; 
Lefranc  était  âgé  de  vingt-sept  ans  et  ne  connaissait  pas  une 
note  de  musique,  sans  compter  un  inconvénient  plus  grand 
encore,  celui  de  ne  pouvoir  assister  régulièrement  aux  cours  de 
l'école,  car,  employé  du  chemin  de  fer,  où  ses  fonctions  le  re- 
tenaient jusqu'à  l'heure  où  se  terminent  les  classes,  il  n'était  pas 
libre  de  suivre  assidûment  nos  leçons.  Dans  cette  extrémité,  que 
résoudre  ?  Certes,  si  Lefranc  eût  pu  consacrer  trois  heures  par 
semaine  à  l'enseignement  des  classes  de  chant  et  de  déclamation, 
le  Conservatoire  aurait  fait  de  lui  ce  qu'il  a  fait  de  douze  ou 
quinze  élèves  ouvriers  de  profession  qui,  entrés  dans  l'établis- 
sement sans  rien  connaître  des  choses  de  la  musique,  en  sont 
sortis  assez  forts  et  assez  artistes  pour  tenir  leur  emploi  en  qua- 
lité de  ténor,  de  baryton  et  de  basse-taille  sur  les  meilleurs 
théâtres  de  province,  sans  avoir  recours  au  Conservatoire  de 
Paris.  G.  Bénédit. 

(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


SEMAINE  THEATRALE. 


L'Opéra  nous  a  rendu  lundi  dernier  le  chef-d'œuvre  deRos- 
sini,  Guillaume  Tell,  avec  solennité  et  dans  de  nouvelles  con- 
ditions de  succès.  Grâce  à  M°le  Carlolta  Marehisio,  on  a  pu 
rétablir  la  grande  scène  du  troisième  acte,  et  ce  rôle  de  Mathilde 
complètement  interprété ,  acquiert  maintenant  toute  son  im- 
portance normale.  Mme  Carlotta  a  dit  avec  beaucoup  de  pu- 
reté et  de  sentiment  l'air:  Sombres  forêts!  et  elle  a  produit  un 
effet  merveilleux  dans  la  grande  scène  du  troisième  acte.  La 
rentrée  de  Morelli  est  également  des  plus  heureuses  pour  le  per- 
sonnage de  Guillaume  Tell.  Cet  excellent  chanteur  a  été  ac- 
cueilli de  la  manière  la  plus  flatteuse  et  la  plus  sympathique. 
Gueymard  s'est  fait  vivement  applaudir,  et  MIle  Zina  Richard 
a  fait  les  honneurs  du  ballet  avec  beaucoup  de  verve.  Vendredi 
dernier  l'affiche  annonçait  la  quatre  centième  représentation  de 
Guillaume  Tell!!! 

Voici  d'après  les  journaux  delà  grande  presse,  les  termes  du 
décret  qui  régit  les  droits  d'auteurs  à  I'Opéra,  à  partir  du  pre- 
mier janvier  1861. 

Article  premier.  A  partir  du  premier  janvier  prochain, 
le  droit  des  auteurs  et  compositeurs  au  théâtre  impérial  de 
l'Opéra  est  fixé  à  la  somme  de  500  francs  par  service  pour 
toute  la  composition  du  spectacle,  quel  que  soit  le  nombre  des 
représentations  des  ouvrages  représentés. 

Art.  2.  La  somme  de  500  fr.  attribuée  aux  auteurs  en  vertu 
de  l'article  qui  précède  est  répartie  entre  les  ouvrages,  tant  an- 
ciens que  modernes,  faisant  partie  de  la  composition  du  specta- 
cle, conformément  au  tableau  suivant  : 

Un  ouvrage  seul. 500  fr . 

Un  opéra  en  5,  4  ou  3  actes 375  )  ^qq 

Un  ballet  en  un  acte 125  ) 

Un  opéra  en  4  ou  3  actes 300   1 

Un  ballet  en  2  ou  3  actes 200  j  500 

Un  opéra  en  2  actes 250   i 

Un  ballet  en  2  ou  3  actes 250  j  o0° 

Un  opéra  en  1  acte 200  ) 

Un  ballet  en  2  ou  3  actes 300  )  ou 

Un  opéra  ou  ballet  en  2  ou  3  actes 250   j 

Un  opéra  ou  ballet  en  1  acte 125   >  500 

Un  opéra  ou  ballet  en  1  acte 125  ) 

Un  opéra  en  1  acte 200  j 

Un  ballet  en  1  acte 150  [500 

Un  ballet  en  1  acte 150  ) 

Art.  3.  Un  acte  emprunté  à  un  ouvrage  en  plusieurs  actes  sera 
rétribué  comme  un  ouvrage  en  un  acte. 

Art.  4.  Les  droits  des  auteurs  et  compositeurs,  fixés  par  les 
articles  qui  précèdent,  sont  partagés  par  moitié  entre  l'auteur  du 
poème  et  le  compositeur  de  la  musique,  s'il  s'agit  d'un  opéra  ; 
et,  s'il  s'agit  d'un  ballet,  ils  sont  partagés  par  tiers  entre  le 
compositeur  de  la  musique,  l'auteur  du  programme  et  le  com- 
positeur de  la  chorégraphie. 

Art.  5.  Pour  les  opéras  dont  les  poèmes  seront  traduits  en  pa- 
rodies, les  avantages  résultant  des  art.   1  et  2  seront,  comme 


38 


LE  MÉNESTREL. 


précédemment,  réduits  de  moitié,  sans  que  cette  réduction 
puisse  influer  sur  la  rétribution  de  l'ouvrage  représenté  dans  la 
même  soirée. 

Quant  aux  opéras  remis  à  la  scène  avec  des  changements, 
l'administration  continuera  à  en  traiter  de  gré  à  gré  avec  les  au- 
teurs et  les  compositeurs,  suivant  l'importance  du  changement. 

Art.  6.  Sont  maintenues  les  dispositions  des  ordonnances  du 
1er  novembre  1814  et  du  18  janvier  1816,  en  tant  qu'elles  ne 
sont  pas  contraires  au  présent  décret,  dont  notre  ministre  d'Etat 
est  chargé  d'assurer  l'exécution. 

Le  Théatke-Italien  nous  a  donné  /  Puritani  pour  la  pre- 
mière fois  de  la  saison,  et  la  soirée  de  dimanche  dernier  a  été 
une  fête  relative  pour  le  dilettantisme  parisien.  Cette  partition 
de  Bellini,  écrite  expressément  pour  notre  Théâtre-Italien  de 
Paris,  et  suivant  le  goût  français,  n'a  jamais  manqué  son  effet  sur 
le  public,  malgré  les  défaillances  successives  du  personnel  chan- 
tant. MM.  Graziani,  Gardoni,  Angelini  et  Mme  Penco  n'ont  pas 
démérité  de  l'œuvre.  Graziani  (Riccardo)  a  rendu  avec  goût  le  can- 
tabile  :  il  duol  che  al  cor  et  rempli  vaillamment  sa  tâche  dans 
le  duo  des  basses  avec  Angelini.  Le  fameux  Suoni  la  Ironiba  est 
resté  célèbre  en  dépit  des  puritains  de  l'harmonie  qui  ont  cher- 
ché à  le  démonétiser.  —  Elvira  n'est  pas  un  des  beaux  rôles  de 
jjme  penco.  Toutefois,  l'excellente  artiste  a  été  rappelée  à  plu- 
sieurs reprises. 

L'Opéra-Comique  nous  a  donné,  cette  semaine,  son  opéra  de 
Barkouf.  (Voir  notre  article.)  A  la  seconde  et  troisième  repré- 
sentations, M.  Laget  a  dû  remplacer  M.  VVarot,  dont  l'indispo- 
sition n'a  fait  que  s'aggraver  à  la  première  soirée. 

Un  événement  qui  a  bien  sa  petite  importance,  c'est  la  rentrée 
de  Mme  Ugalde  dans  Galathée,  son  rôle  de  prédilection.  La  ver- 
veuse  cantatrice  a  reçu  le  meilleur  accueil,  — et  elle  y  comptait 
bien.  —  On  répète  très-activement  Salvator  Rosa  ,  opéra  de 
MM.  Grange  et  Duprato.  MUe  Saint-Urbain,  engagée  pour  trois 
ans,  débutera  dans  cette  pièce. 

Au  Théâtre-Lyrique,  les  Ruines  de  Balbek  sont  en  répéti- 
tion. Nous  donnerons  plus  tard  la  distribution  de  cet  ouvrage, 
pour  lequel  l'administration  compte  faire  de  très-grands  frais 
de  mise  en  scène.  Les  décors  sont  confiés  à  MM.  Cambon  et 
Thierry,  Nolau  et  Rubé,  et  seront  exécutés  d'après  les  magni- 
fiques photographies  de  M.  Maxime  du  Camp. 

Le  Vaudeville  qui  a  fermé  ses  portes  depuis  quelques  jours, 
les  rouvre  demain  lundi  par  un  prologue,  un  acte  de  M.  Meil- 
hac,  et  les  Femmes  fortes  de  M.  V.  Sardou. 

La  Revue  des  Variétés  :  Oh  là  là  !  que  c'est  bête  tout  ça  ! 
promet  une  nouvelle  ère  de  prospérité  à  ce  théâtre.  Plusieurs 
tableaux  de  ce  joyeux  panorama  ont  brillamment  réussi.  Le 
jeu  des  acteurs  et  une  splendide  mise  en  scène  ont  particuliè- 
rement déterminé  ce  grand  succès,  qui  durera  trois  mois. 

L' Ambigu-Comique  nous  prépare  l'Ange  de  Minuit,  drame 
en  six  actes  de  MM.  Th.  Barrière  et  Ed.  Plouvier,  pour  les 
débuts  de  M.  Paul  Bondois  et  de  M11"  Méa  ,  transfuge  de 
l'Odéon. 

Avant-hier  vendredi,  le  théâtre  impérial  du  Cirque  a  défi- 
nitivement donné  la  première  représentation  des  Massacres  de 
Syrie,  grand  drame  en  cinq  actes,  de  M.  Victor  Séjour.  A  di- 
manche prochain  les  détails. 

J.  Lovï. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Les  correspondances  transatlantiques  nous  apprennent  que  l'Opéra- 
Ilalicn  de  New-York  est  tombé  dans  une  déconfiture  complote.  Les  dilet- 
tantes de  cette  cité  américaine  n'ont  plus  pour  toute  nourriture  musi- 
cale que  la  Société  Philharmonique  et  les  deux  Sociétés  de  quatuor. 
Heureusement  le  Lioderlcranz ,  sous  la  direction  de  Paur,  est  une  Société 
de  chant  de  premier  ordre,  composée  de  500  membres,  dont  le  chœur, 
dit-on,  fait  merveille.     « 

—  On  écrit  de  Napl'es  :  San  Carlo  a  été  le  théâtre  des  plus  regrettables 
excès.  Le  surintendant  avait  autorisé  un  spectacle  déplorable.  Après  avoir 
supporté  un  mauvais  ballet,  accueilli  par  des  buées  et  des  sifflets,  on  a 
donné  un  faible  opéra,  le  Follelto,  de  Gressi,  dont  le  premier  acte,  exécuté 
par  les  plus  mauvais  artistes,  a  été  sifflé  unanimement.  Le  public  a  voulu 
ensuite  et  exigé  V Hymne  de  Garibaldi.  La  surintendance  a  empêché 
maladroitement  de  continuer  le  spectacle.  La  foule  est  montée  sur  les 
bancs,  a  envahi  l'orchestre  et  la  scène  aux  cris  de  :  A  bas  la  surinten- 
dance! Pendant  deux  beures,  San  Carlo  a  offert  les  scènes  les  plus  scan- 
daleuses. Ce  n'est  qu'à  onze  heures  et  demie  que  la  foule  a  consenti  à 
évacuer  la  salle,  en  demandant  énergiquement  le  changement  du  surin- 
tendant. 

San-Carlo  va  rester  fermé,  assure-t-on,  jusqu'à  ce  qu'on  ait  pu  réorga- 
niser cette  scène,  devenue  la  plus  faible  qui  existe  sous  tous  les  rapports. 

—  Les  journaux  allemands  nous  apprennent  la  mort  du  célèbre  ténor 
Breiting.  Pendant  vingt  ans  il  a  fait  partie  du  personnel  de  l'Opéra  de 
Darmsladt;  mais  les  cinq  dernières  années,  le  pauvre  artiste  les  a  passées 
à  l'hospice  des  aliénés  à  Hofheim,  où  il  est  mort,  le  5  décembre,  à  l'âge  de 
57  ans. 

—  M.  le  conseiller  Lueder  vient  d'acheter  le  violon  de  Spohr  au  prix 
de  1000  thalers,  pour  en  faire  cadeau  à  l'élève  favori  du  défunt  maître, 
M.  Koempel,  violoniste  de  la  chambre  du  roi  de  Hanovre. 

—  C'est  le  13  janvier,  comme  nous  l'avons  annoncé,  que  la  Société  des 
Concerts  du  Conservatoire  ouvrira  sa  Saison.  Elle  inaugurera  sa  trente- 
quatrième  année  d'existence.  Voici  comment  le  Comité  de  la  Société  des 
Concerts  a  été  constitué  à  la  dernière  assemblée  : 

Président  :  il.  Auber,  de  l'Institut,  directeur  du  Conservatoire. 

Vice-président  et  chef  d'orchestre  :  M.  Tilmant  aine  ;  —  Second  chef  : 
M.  Deldevez  (de  l'Opéra). 

Chef  du  chant  :  M.  Vauthrot. 

Commissaire  du,  matériel  :  M.  Jancourt  (nouveau). 

Secrétaire  :  M.  Lebouc. 

Secrétaire-adjoint  :  M.  Eugène  Gautier  (nouveau). 

Archiviste  caissier  :  M.  Frédéric  Duvernoy. 

Agent  comptable  :  M.  Portehaut. 

Revenant  aux  traditions  du  beau  temps  de  Habeneck,  la  Société  est 
décidée  à  ouvrir,  de  temps  à  autre,  à  nos  artistes  contemporains,  ses 
programmes  fiers  et  inhospitaliers,  en  ces  dernières  années  surtout,  et 
voués  trop  exclusivement  au  culte  des  grands  maîtres  allemands. 

On  a  essayé  déjà  deux  symphonies  inédites,  l'une  de  M.  Léon  Gastinel, 
l'autre  de  M.  Michiels,  un  des  membres  de  l'orchestre.  Une  symphonie- 
cantate  de  Mendelssohn  est  à  l'étude.  —  Les  abonnés  ont  reçu,  le  20  de  ce 
mois,  les  lettres  d'avis;  et,  à  partir  du  6  janvier,  les  coupons  seront 
délivrés. 

—  La  Société  des  Jeunes  Artistes,  sous  la  direction  de  M.  Pasdeloup, 
commencera  ses  concerts,  salle  Herz,  le  20  janvier,  le  dimanche  qui  suivra 
l'ouverture  des  Concerts  du  Conservatoire.  Parmi  les  œuvres  nouvelles 
pour  son  public,  qu'elle  répète  en  ce  moment,  on  cite  l'Ode  symphonie 
Faust,  de  Sehumann. 

—  Dimanche  dernier  a  eu  lieu ,  au  Cirque  Napoléon  ,  la  deuxième 
séance  musicale  de  l'école  Galin-Paris-Chevé,  représentée  par  un  grand 
nombre  d'exécutants  et  en  présence  de  son  comité  de  patronage  que  pré- 
sidait S.  Exe.  le  comte  de  Morny.  S.  Exe.  le  ministre  d'État  et  Mmo  la 
comtesse  VValewska  assistaient  à  cette  Séance,  ainsi  que  S.  Exe.  le  minis- 
tre de  l'instruction  publique  et  des  cultes.  On  remarquait  dans  l'audi- 
toire des  sommités  musicales  et  beaucoup  de  notabilités  artistiques. 


NODVELLES  ET  ANNONCES. 


39 


—  On  a  remarqué  et  fort  applaudi,  dans  le  programme  de  samedi, 
chez  M.  et  Mmc  Rossini ,  un  trio  de  M.  Blanc,  œuvre  des  mieux  réussies 
sous  le  double  rapport  de  la  composition  et  do  l'exécution.  Plusieurs 
pièces  nouvelles  pour  piano,  écrites  par  le  grand  maestro,  ont  été  inter- 
prétées par  5ImeTardieu  de  Malleville  et  Mme  Accursi  au  milieu  des  bravos 
les  plus  enthousiastes.  Nous  citerons  notamment  le  Prélude  /'«jasse,  véri- 
table chef-d'œuvre  des  genres  classique  et  moderne  mariés  avec  autant 
de  charme  que  d'esprit.  Graziani  et  Zucchini  ont  été  superbes  dans  leurs 
duos  bouffes.  Les  frères  Castellani  y  ont  répondu  très-heureusement.  Des 
chansons  de  Nadaud,  dites  par  Malézieux,  ont  couronné  ce  programme 
improvisé. 

—  Le  dimanche  de  5I'"es  Orflla  et  Mosneron  de  Saint-Preux  s'est  sur- 
tout signalé  cette  semaine  par  la  belle  transcription  de  51.  Deloffre  sur 
l'Orphée,  de  Gluck,  pour  violon,  violoncelle,  orgue  et  piano.  Ce  morceau, 
exécuté  par  M.  et  Mme  Deloffre,  le  violoncelliste  Allardet  51.  Léo  Delibes, 
pour  la  partie  d'orgue,  a  mérité  une  ovation  du  genre  de  celles  qui 
accueillent  chaque  fois  la  célèbre  méditation  de  Gounod  sur  le  prélude 
de  Bach.  M.  et  Mme  Deloffre  ont  de  plus  exécuté  avec  le  même  succès, 
pour  piano  et  violon,  une  sonate  de  5Iayseder  et  un  duo  concertant 
composé  sur  Faust  par  l'habile  chef  d'orchestre  du  Théâtre-Lyrique, 
jjmes  ugaicle,  Bertrand,  ont  fait  les  honneurs  de  la  partie  vocale  de  celte 
soirée. 

—  5Ime  Gaveaux-Sabatier  et  le  violoncelliste  Nathan  viennent  de  terminer 
leurs  pérégrinations  artistiques  à  Cherbourg,  Caen,  Falaise,  Jlulhouse, 
Vesoul  et  Bâle.  La  Colombe,  de  5Iembrée,  avec  solo  de  violoncelle, 
la  Sérénade,  de  Gounod,  et  la  Prière  de  Moïse,  arrangée  en  trio  par  le 
violoncelliste  Nathan,  sont  les  morceaux  qui  ont  été  le  plus  particulière- 
ment fêtés. 

—  On  annonce  aussi  le  retour  à  Paris  du  violoncelliste  Casella. 

—  Le  jeune  pianiste  Colomer,  d'origine  espagnole,  l'élève  de  l'école 
Marmonlel,  dont  nous  avons  annoncé  les  succès  à  Madrid,  vient  de  se 
faire  entendre  devant  la  reine  Isabelle,  qui  lui  a  témoigné  toute  sa  royale 
satisfaction. 

—  Une  intéressante  séance  musicale  a  eu  lieu,  le  dimanche  23  décem- 
bre, dans  l'amphithéâtre  de  l'École  de  Médecine,  au  profit  de  la  Société 
de  secours  mutuels  de  la  Monnaie.  La  socrété  chorale  de  l'Odéon ,  sous  la 
direction  de  51.  Delafontaine,  y  a  fait  entendre  plusieurs  chœurs.  5Ime5Ieil- 
let,  l'habile  cantatrice  du  Théâtre-Lyrique  ,  a  dit  l'air  du  Trouvère,  la 
chanson  de  Marco  Spada,  et  une  romance  de  Paul  Henrion.  Elle  était 
secondée,  pour  la  partie  vocale,  par  M.  et  Mme  Morin-Nilo,  et  51.  Lhomet, 
et  pour  la  partie  instrumentale,  par  M.  Eugène  5Iathieu,  pianiste,  et  le 
violoncelliste  51.  Loys.  De  chaleureux  applaudissements  ont  prouvé  à  ces 
virtuoses,  après  chaque  morceau,  la  satisfaction  et  la  reconnaissance  de 
l'auditoire. 

—  Le  monde  dilettante  rouvre  aussi  ses  salons  à  la  musique.  Dimanche 
dernier,  chez  51me  N*+*  ,  MUe  Pages  a  parfaitement  chanté  le  grand  air 
SArsace,  et  une  production  de  5Ille  Robert-Mazel,  intitulée  le  Chant  du 
Marin.  Dans  cette  même  soirée,  Mlle  Julienne  André,  la  digne  élève 
d'Alard,  a  exécuté  trois  morceaux  avec  Mlle  Laguesse,  qui  a  ensuite  joué 
un  impromptu  de  sa  composition,  pour  piano. 

—  51.  A.  Vialon,  professeur  de  chant,  auteur  de  nombreuses  scènes 
bouffes  devenues  populaires,  vient  de  composer ,  pour  son  Album  de 
la  Romance  pour  rire,  huit  nouvelles  scènes  et  chansonnettes  comiques. 
Les  paroles  de  ce  joyeux  recueil  sont  dues  à  5151.  Ch.  Delange,  Alex. Flan, 
Hipp.  Guérin,  de  Richemont ,  Taillar  et  Francis  Tourte.  Les  illustrations 
portent,  comme  toujours,  la  signature  de  Stop.  Les  romances  bouffes  de 
M.  Vialon,  interprétées  par  nos  célébrités  du  genre,  feront  partie,  cet 
hiver,  de  leur  répertoire  aux  théâtres  et  dans  les  concerts. 

—  On  vient  de  publier,  à  la  librairie  Dentu,  une  nouvelle  édition  des 
Contes  pour  les  jours  de  pluie,  par  Edouard  Plouvier.  Nul  doute  qu'un 
succès  ne  recommence  pour  ce  joli  volume,  si  bien  accueilli  à  sa  pre- 
mière apparition. 


J.-L.  Hevjgel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, rue  Jean-Jacques  Rou 


Nouveau  Répertoâa'e  des  célébrités  chantantes , 

Paris,  chez  A.  "VIAL.OJV,  compositeur, 
Rue  Vivienne ,  Rotonde  Colbert ,  Escalier  E. 


M  ROMANCE  POUR  RIRE 


ALBUM  DE 


Fesi  musique  île  fl,  VIALUN  ircG  accompagnement-  k  Piano. 

Paroles  de  MM.  Ch.  Delange,  Alex.  Flan,  Hippolyte   Guérin,  Eug.  de 
Richemont,  Emile  Taillar  et  Francis  Tourte. 

DESSINS  DE  STOP  ET  A.  VIALON. 

L'Heureux  particulier,  aspirations 2  50 

Un  Cœur  de  Maire  ,  souvenirs 2  50 

A  la  Correctionnelle ,  scène 2  50 

Requête  au  Loup-Garou  (soprano  ),  naïveté 2  50 

Un  Biner  à  la  Folbiche ,  étude 2  50 

Une  Volonté  de  fer,  chansonnette 2  50 

Le  Revers  des  maximes  ,  morale  en  action 2  50. 

Le  Biberon  musical,   étrennes-primes   aux  abonnés  du  Journal 

de  h  Musique  en  chiffres 2  50 

L'Album  broché,    net  :   6  fr.  —  Cartonné,    net  :  7  fr. 

DERNIÈRES  CHANSONNETTES   DE  A.  VIALON  ; 

L'Histoire  d'un  nez.  —  Amour  et  mal  de  dents.  —  Au  chat  I  au  chat  I  — 
Le  Diable  en  jupon.  —  Les  Trompettes  de  Jéricho.  —  J'ai  si  mal  dîné  I 
—  Sur  un  arbre  perché.  — Le  petit  ànon  gris. —  Chemise  d'un  homme 
heureux.  —  L'Art  d'élever  ses  enfants.  —  Le  Roi  de  la  rampe.  — ■ 
Plus  d'accidents  !  —  Les  Dîners  pour  tous.  —  Un  mari  à  la  tartare.  — 
Le  Docteur  5Iirobolanpouff.  —  Le  parfait  Jardinier. 

six  nouveaux  QUADRILLES,  motifs  de  a.  vialon. 

(Exécutés  à  grand  orchestre  et  bissés  aux  bals  de  l'Opéra,  de  l'Hôtel  de  Ville, 
de  Valentiao,  etc.) 


STRAUSS.  Le  Docteur  Mirobolanpouff,  quadrille  pour  piano. . 

—  Le  Roi  de  la  rampe ,  id 

MARX.         Les  Trompettes  de  Jéricho ,  id 

Les  mêmes  pour  orchestre,  prix  net  :  75  c.  chacun. 


4  50 
4  50 
4  50 


(Exécutés  et  bissés  au  concert  de  l'Association  des  Sociétés  chorales  de  Paris.) 
A.  'VIAL.OrV  Quadrille  pour  rire,  à  4  voix  d'homme,  sans  accomp. 

—  La  Danse  pour  tous.  id.  id. 

DE  RIIXÉ  (Laurent).  L'Orphéon  au  bal,        id.  id. 

Chaque  quadrille  en  partition,  net  :  75  c.  —  Chaque  partie  séparée,  net  :15  c. 


Paris,  Maison  LEMOIN'E  aîné,  II.UUND,  successeur, 

20,  rue  de  l'Ancienne-Comédie. 


EN  VENTE. 

Mozart.  Six  grandes  Symphonies  arrangées  pour  piano,  par 

Georges  Mathias,  chaque  symphonie  séparée.  P.  m.  10    » 

Les  six,  en  un  volume  broché Net.  15    » 

—      en  Album  riche Net.  18    » 

Dagard.  Op.  5.  Ondine.  Rêverie  pour  piano 6    » 

Ferlus.    Op.  20.  Regrets.            Id.              5    » 

—  Op.  21.  Une  Pensée       Id.             4  50 

Al.  Artus.  La  Dame  de  Monsoreau.  Quadrille 4  50 

—  Id.                       Polka-mazurka 3    » 

Falschnam.  Il  pleut  Bergère.  Quadrille  très-facile 4  50 

L.e  Corljeiller.  La  Monaco.  Quadrille 4  50 

F.  DIasini.  Discrétion.  Romance 2  50 

—  Lève-toi.  Romance 2  50 

—  Prière  d'une  Hirondelle.  Romance 2  50 


1861-PAR1TTI0NS ,  RECUEILS  ET  ALBUMS-1861, 

PUBLIÉS  AU    MÉNESTREL  ,   2  bis  ,    rue   Vivienne. 


SEMIRAMISdeG  ROSSOMi 


Partition  illustrée  de  deux  portraits  de  Rossini  et  des 

principales  scènes  de  l'Opéra. 
Cartonnée:  20  fr.  Reliure  tuile  :  25  fr.  Velours:  40  fr. 


MELODIES 

DE 

A  -E    DE  VAUCORBEIL 

Un  volume  relié  :  10  fr. 
4'  ALBUM  DE  CONCERT 

DE 

FERDINAND  DE  CROZE 

1.  Les  Ombres,  caprice-valse..     .    . 


2.  La  Derbouka,  chanson  orientale. 

3.  Rêvez  toujours,  cantabile. 

4.  En  aérostat,  rêverie-étude. 

5.  Ciel  et  Terre,  andante. 

6.  La  Razzia,  presto. 

Broché:  10  fr.  Relié  :  là  fr. 


ALBUM-STRAUSS 

Pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 
1/  Comtesse  Walewska-valse. 

2.  Comtesse  Aguado-xa\se. 

3.  Comtesse  Swiegkotoska-poWf.». 

4.  Comtesse  Lrtfa-valse. 

5.  Comtesse  de  Cessole-\a\se. 

6.  Comtesse  jl/wat-polka-mazurka . 

Broché  :  8  fr.  Relié  :  12  fr. 

ALBUMS  DE  CHASSE 

PAR. 

MM    BERTRAND  et  TELLIER 


COLLECTIONS  DE  LA  MAITRISE 

Trois  beaux  volumes  cartonnés, 
Texte,  Orgue  et  Chant  :  15,  18  et  30  fr. 


LE  LIVRE   LU  BON   LIEU, 
d'ÉUOUARD  PLOUVIER, 

Musique  de  Dakcier.   —  Texte  et  dessins.  —  Prix  :  12  fr. 

ÉCOLE  CHANTANTE  DU  PIANO 

par 
FÉLIX    GODEFROID. 

1er  Livre.  Méthode  de  chant  appliquée  au  piano,  exercices, 

mélodies-types  sur  toutes  les  difficultés  du  chant. 

Texte  et  musique  :  25  fr. 

2°  Livre.  Quinze  études  mélodiques  pour  les  petites  mains.  Prix  :  12  fr. 

3-"  Livre.  Douze  étudeRcaractéristiquesd'un  degré  supérieur.  Prix:  12  fr. 


LE  JEUNE  PIANISTE   CLASSIQUE 


WEISS 

MOZART. 

0.  Menuetscxtrailsdesessyinphon. 

10.  Final  de  la  symphonie  en  ré. 

11.  Final  du  quatuor  en  sol  mineur. 

12.  Presto  de  la  sonate  en  si  bémol. 


HAYDN. 

1.  Final  du  trio  en  fa. 

2.  Menuet  du  même  trio. 

3.  Final  du  trio  en  la. 

4.  Allegro  de  la  symphonie  en  mib 

BEETHOVEN. 

5.  Adagio,  allegro,  symphonie enwr.  I  7.  Menuet  et  scherzo  du  septuor. 

6.  Final  du  quatuor  en  fa.  \  8.  Allegro  du  trio  en  mi  bémol 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 


1.  Paul  Bernard,  fie///*  sera,  idylle. 

2.  J.-L.  Batthaisn.  Menuet  et  galop 

d'Orphée  aux  enfers. 

3.  Ph.    Stutz,  Juana,   polka-ma- 

zurka. 
4    Th.  Lécureux.  Fleuve  du  Tage, 
transcription  variée. 

Broché  :  8  fr. 


\VJÙ, 


5.  Ardan.  A  vos  souhaits,  polka. 

6.  Ch.  Neustedt.    //  mio   tesoro , 
transcription  de  Don  Juan. 

7.  A.  Croisez.   Guipures  et  Den- 
telles (n°  1) 

8.  Strauss.  2e  quadrille  sur  Semi- 
ramis. 

Relié  :  12  fr. 


DECAMERON    DRAMATIQUE. 

Album  de  danse  par 

J    OFFENBACH 


LES  SAISONS  deJ    HAYDN 

Oratorio  en  quatre  parties , 
Traduction  française  de  G.  Roger,  seule  édition  con- 
forme à  l'exécution  des  concerls  duConservatoire, 

orné  du  portrait  de  J.  Haydn. 
Broché:  lOfr.  Reliure  toile:  15  fr.  Velours  :  30 

ALBUM   ARTISTIQUE 

DES 

FRERES    LIONNET 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 
ALBUM   DE    SALON 

J    LEYBACH 

1.  Mes  solitudes,  4e  nocturne. 

2.  Souvenirs  d'Allemagne,  3e  valse. 

3.  Ronde  pastorale,  3e  idylle. 

4.  Confidence,  romance  sans  paroles. 

5.  Fête  aux  Champs,  galop  pastoral. 

6.  La  Hongroise,  caprice-mazurka. 

Broché  :  10  fr.  Relié  :  15  fr. 

LE  JEUNE  PIANISTE 

Morceaux  faciles  sans  octaves, 
composés  par 

H  VALIQUET,  J -L    BATTMANN 
A    DESSANE 

Broché  :  8  fr.  Relié  :  12  fr. 


L  ALBUM-COTILLON 


LABORDE,  avec  DESSINS 

NOUVEAUTES  ii'OUR  PIANO,  SOUS  [  l  '    N!i    OU  PUBLIÉES. 


A    CROISEZ 

Guipures  et  Dentelles. 
Valse  et  mazurka  (n°  1  et  2). 

CH    DELIOUX 

Deux  Sérénades  (n°  1  et  2). 

TH  1ÉCUREUX 

Transcriptions  variées. 

Fleuve  du  Tage.  —  Maris,  de  Mme  Gail. 

Valse  des  Pâtres  du  Valais. 

CH  -B    LYSBERG 

L'absence, sonate  romantique.  — Andante,  idyl 
Airs  savoisiens  variés. 


PAUL  BERNARD 

Barcarolle  et  chanson  de  Fortunio. 
Galop  de  concert.  \  Prima  sera,  idylb 


FELIX  GODEFROID 

Johavisberg ,  valse  desalon.         I     Une  Fièvre  brûlante,  transcription. 

LEFÉBURE-WÉLY 

Armide  de  Gluck. 
Morceau  de  concert,  varié.      |        Morceau  de  salon  ,  varié. 

HENRI  RAVINA 

ÉTUDES    HARMONIEUSES. 

Vingt-cinq  nouvelles  études  de  moyenne  difficulté. 

Prix  :  20  fr. 


L    DIEMER 

Polonaise  de  concert ,  lre  mazurka. 
Elégie  à  la  mémoire  de  sa  mère.  | 

F  DOLMETCHS 

Douze  études  récréatives. 

(Livre  deuxième). 

CH    NEUSTEDT 

Transcriptions  variées. 

1.  La  ci  darem  lit  mano. 

2.  //  mio  tesoro. 

3.  Sérénade  et  duo  de  Don  Juan. 


MARMONTEL 

Thème  varié,  ancien  style.  Musette ,  pastorale. 
Venezia,  barcarolle. 


AI  US  DE  BALLET,  ARRANGEMENTS  ET  MUSIQUE   DE    DANSE 


Du   nouveau    ballet  |     g"      ÉPJj  flft  gffrlE        I     /^%ËL|  Musique  de 

del'OpÉRA.de  .  laEL      "  I^T  BLaLitsJPI  J 

M"»  MARIE  TAGEIONI  et  de  M.  DE  SAINT-GEORGES. 

STRAUSS 

Quadrille,  Valse  des  RAYONS  et  Polka-Mazurka  la  LESGUINKA. 

Composés  pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 

ARBAN  I  Polka  des  Métamorphoses.  La  fée  Hamza.  M11»  Mabquet.         |         PH-    STUTZ  '.  La  Fée  des  Moissons.  Polka-mazurka.  Mlls  Schlosser 
MUSARD  !  Les  Circassïennes.  Deuxième  quadrille.         |         H.  VALIQUET  '.   Quadrille  et  valse  faciles,  sons  octaves. 


1.  Marche  paysanne. 

2.  Chant  du,  Papillon. 

3.  Andanle-Bohémiana 

4.  Valse  des  Rayons. 


5.  Marche  du  Palanquin. 

6.  Polonaise  des  Bohémiennes. 

7.  Valse  des  Fleurs. 

8.  Galop  des  Papillons. 


756.  —  28"  Aimée. 

N«  G. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  (i  Janvier 

1861. 


MEN 


T-jDt.T~&\ 


TREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef* 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL,  et  O,  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  de  Musiiiue  «lu   MÉNESTREL.  —  Vente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

l*r  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  3G  morceaux: 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  «  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 

CHANT  ET  PIANO    RÉUNIS 


2«  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches; 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinz 
primes  illustrés. —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Étra 


2(1  Morceaux  i 
Une;  î  Albums. 
îger  :  21  fr. 


3°  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albmi 
Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


^primes  illusfr 


On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre^  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  ib  ■'.<<:■. I,  et  CIe,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  '2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


—  Adresser/Vanco 
rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  66. 


SOMMAI  HE.  —  TEXTE- 

I.  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  Lesueur  (20»  article). 
L.  Meneau.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  III.  Bouffes-Parisiens  :  pre- 
mière représentation  du  Mari  sans  le  savoir.  J.-L.  Heugel.  —  IV.  Tablettes  du 
pianiste  et  du  chanteur  :  Le  Conservatoire  de  Paris  et  les  Conservatoires  do 
province  (suite  et  fin).  G.  Bêkêdit.  — V.  La  nouvelle  salle  de  l'Opéra.  Concours. 
—  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  C  h  ANTrecevronl  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
HARMONIE  DE  LAMARTINE, 

Musique  de  Mme  Pauline   Thys.   —  Suivra  immédiatement  après  : 
Tes  vingt  ans ,  du  même  auteur. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  ,  le  premier  quadrille  composé  par  Strauss  sur  les  motifs  du 
ballet 

EE  PAPIEEON  , 

musique  de  J.  Offenbach.  —  Suivra  immédialemenl  après  :  la  Valse 
des  Fleurs,  dn  même  ballet,  dansé  par  M""  Emma  Livrï. 

vclles  diverses,  pour  les  Primes  fin  Ménestrel, 


L/OrÈRA- COMIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES   PHOGRES,  SA  TitOP  GRANDE  EXTENSION. 


SECONDE  PARTIE.  —  XIXe  SIECLE. 
CHAPITRE    VI. 

XX. 

LESUEUR. 

Je  reviens,  après  cette  petite  digression,  aux  musiciens  con- 
temporains de  Méhul.  A  cette  époque  qui  n'était  presque  plus 
le  XVIIIe  siècle,  et  qui  n'était  pas  encore  le  XIXe,  pendant  la 
République,  un  grand  nombre  de  compositeurs  de  talent  se 
disputaient  les  faveurs  d'un  public  distrait  par  les  déclamations 


de  la  tribune  à  l'intérieur,  ou  par  le  bruit  du  canon  aux  fron- 
tières. Ces  musiciens  rivaux,  mais  rivaux  bons  amis,  se  réunis- 
saient parfois  dans  une  collaboration  générale  et  l'Opéra-Comi- 
que  (Fejdeau  ou  Favart)  recevait  une  partition  à  laquelle 
avaient  travaillé  une  demi-douzaine  d'hommes  illustres  tels  que: 
Chérubini ,  Méhul ,  Nicolo  ,  Berton  ,  Kreutzer  ,  Boïeldieu  , 
Paer,  etc.  Les  trois  collaborateurs  le  plus  fréquemment  réunis 
étaient  Méhul,  Chérubini  et  Lesueur. 

Ce  dernier,  moins  illustre  par  ses  œuvres  que  les  deux  autres, 
avait  dû  à  la  délicatesse  de  Méhul  et  h  la  franchise  un  peu  raide 
de  Chérubini,  une  position  élevée  à  la  cour.  Méritait-il  celte 
distinclion  autant  que  ses  deux  contemporains?  —  Il  me  semble 
que  non.  Sss  œuvres  n'avaient  ni  la  grandeur,  ni  l'élévation  de 
celles  de  Méhul,  ni  la  délicatesse  savante  et  magistrale  de  celles 
de  Chérubini ,  elles  étaient  loin  cependant  d'être  dépourvues  de 
mérile.  On  y  remarquait  des  mélodies  gracieuses  à  la  manière  de 
Dalayrac,  mais  moins  sentimentales  que  les  mélodies  de  l'auteur 
de  Camille. 

Lesueur  se  rendit  plus  célèbre  par  un  très-grand  nombre 
d'oratorios ,  de  motets  et  de  messes,  que  par  ses  œuvres  dra- 
matiques. Deux  de  ses  opéras  sont  cependant  restés  dans  la  mé- 
moire des  musiciens  :  la  Caverne  (opéra-comique  auquel  je  re- 
viendrai bientôt)  et  Ossian  ou  les  Bardes,  grand  opéra  pour  le- 
quelNapoléon,  en  personne,  le  décora  dans  sa  loge  chevalier  de 
la  Légion-d'Honneur;  aussi  plus  tard,  lorsque  Charles  X  voulut 
élever  Lesueur  au  grade  d'officier  dans  cet  ordre,  le  musicien  s'y 
refusa-t-il,  voulant  garder  sur  sa  poitrine  la  croix  que  l'Empereur 
y  avait  placée  de  sa  main.  C'était  d'un  beau  caractère. 

Lesueur  naquit  dans  un  village  près  d'Abbeville,  le  15  jan- 
vier 1763  (1).  Après  avoir  étudié  la  musique  dans  cette  ville,  à  la 
chapelle  de  Saint-Vulfran,   il  fut  envoyé   comme    enfant   de 


(1)  Les  Abbevillois  lui  ont  élevé  une  statue  sur  une  de  leurs  places. 


42 


LE  MÉNESTREL. 


chœur  à  la  maîtrise  d'Amiens.  Ce  fut  sans  doute  la  magnifique 
cathédrale  de  la  métropole  de  la  Picardie'  qui  lui  inspira  ces  mé- 
lodies suaves  qui  firent  le  succès  de  son  chef-d'œuvre,  l'opéra 
des  Bardes.  Cependant  sa  musique  n'a  pas  la  grandeur  antique 
de  celle  de  Méhul.  H  n'y  a  rien,  dans  ce  qu'il  a  écrit  pour  l'é- 
glise, qui  att,eigne  à  la  majesté  sacrée  du  chœur  de  Joseph: 
Dieu  d'Israël,. ....  Ayant  reçu  une  éducation  musicale  assez 
incomplète,  ijl -avait  perfectionné  son  style  en  lisant  les  parti- 
tions §§s  vieux  maîtres  italiens,  genre  dont  il  s'inspira.  On  re- 
trouve<danstoute  son  œuvre  de  ces  mélodies  candides  comme  cette 
phrase  de  ténor  d'un  de  ses  oratorios  :  surge  Debbora!  (1) .  ■ . . . 
qui  me  revient  ici  à  la  mémoire  et  qui  me  semble  un  type  de  sa 
manière. 

Après  avoir  été  maître  de  chapelle  à  Séez,  à  Dijon,  au  Mans, 
à  Tours,  venu  à  Paris  en  1784,  il  obtint  la  maîtrise  de  Notre- 
Dame  en  1786.  11  introduisit  dans  la  chapelle  de  celle  cathé- 
drale un  orchestre,  et  y  fit  exécuter  des  messes  qui  avaient  pres- 
que un  cachet  mondain,  ce  qui  déplut  au  chapitre.  On  le  lui  re- 
procha, et  la  partie  instrumentale  fut  réduite,  comme  devant,  en 
un  simple  accompagnement  de  violoncelles  et  contre-basses.  Le- 
sueur,  blessé  de  cette  modification,  se  retira  chez  un  de  ses  amis 
à  la  campagne  jusqu'en  1792,  époque  à  laquelle  mourut  son 
bienfaiteur.  Il  revint  alors  à  Paris  et  parvint  à  faire  jouer,  l'année 
suivante,  au  théâtre  Feydeau,  la  Caverne,  opéra  en  trois  actes. 
Un  grand  succès  le  dédommagea  des  déboires  de  tous  genres 
qu'il  avait  éprouvés  aux  répétitions.  On  se  souvenait  qu'il  avait 
porté  le  petit  collet  lorsqu'il  était  maître  de  chapelle  de  la  cathé- 
drale, et  qu'à  cette  époque-la  on  l'appelait  Monsieur  l'abbé. 
Les  quolibets  de  l'orchestre  et  des  acteurs  ne  lui  étaient  point 
ménagés.  Il  fallut  que  Chérubini  se  mît  à  la  tête  des  répétitions, 
et  fît  cesser  par  sa  protection  toute-puissante,  —  depuis  que  la 
réputation  des  Deux  journées  était  devenue  populaire,  — le  mau- 
vais vouloir  déclaré  contre  son  ami.  Il  fit  plus  ;  pendant  les  trois 
premières  représentations,  il  remplit  les  fondions  de  souffleur  (2) 
et  alla,  après  le  succès  consacré  à  Paris,  monter  la  pièce  à  Rouen, 
où  elle  ne  réussit  pas  moins,  grâce  au  sentiment  scénique  heu- 
reusement saisi  dans  cette  partition.  Parmi  les  morceaux  remar- 
quables qu'on  y  rencontre,  je  citerai  le  duo  :  Moi,  que  de  vous, 

je  me  sépare! l'air  :  Quel  antre  affreux! le  trio  : 

se  calme-t-elle  un  peu  ? 

Après  la  Caverne,  Lesueur  donna  en  1794  Paul  et  Virginie, 
ouvrage  qui  n'est  pas  très-remarquable,  mais  dans  lequel  se 
trouve  une  hymne  au  soleil,  qui  fût  exécutée  depuis  dans  les 
concerts  qu'on  donnait  au  théâtre  Feydeau. 

Il  avait  écrit  pour  l'opéra,  du  temps  où  il  était  maître  de  cha- 
pelle à  Notre-Dame ,  Télémaque  dans  l'île  de  Calypso  (3) ,  qui 
fut  reçu,  mais  ne  fut  pas  représenté.  Il  retira  sa  partition  et 
l'arrangea  en  opéra-comique  ,  pour  être  exécutée ,  en  1796, 
sous  cette  nouvelle  forme. 

Il  se  brouilla  avec  Sarrette  par  des  écrits  contre  le  Conserva- 
toire, où  il  habitait,  et  fut  ainsi  forcé  d'abandonner  sa  demeure. 
Lesueur  se  trouva  alors  sur  le  pavé  avec  sa  famille  et  dans  la 
gêne  la  plus  complète.  Mais  un  heureux  hasard  vint  le  tirer  de 
là  :  Paisiello,  maître  de  chapelle  de  Napoléon,  ayant  demandé 


sa  retraite,  on  donna  ces  fonctions  à  Lesueur,  comme  je  l'ai  dit 
plus  haut.  Il  put  alors  faire  jouer  son  opéra  des  Bardes,  qui 
traînait  depuis  longtemps  dans  les  cartons  de  l'Opéra.  La  pre- 
mière représentation  eut  lieu  le  10  juillet  1804. 

Dans  un  pamphlet  anonyme  intitulé  le  Rideau  levé,  l'auteur 
reproche  à  Lesueur  d'avoir  été  trop  dramatique_,dans  ses  messes 
et  pas  assez  dans  ses  opéras  ;  la  vérité  est  qu'il  écrivait  ses  par- 
titions de  musique  religieuse  un  peu  dans  le  style  de  celles 
par  lui  destinées  au  théâtre,  si  bien  que  ce  gui  paraissait 
théâtral  dans  le  saint  lieu,  eût  été  parfois  à  sa  véritable  place  à  la 
scène,  tandis  que  ce  qui  aurait  rigoureusement  pu  convenir  à 
l'Église  était  par  trop  languissant  pour  le  théâtre . 

Lesueur  mourut  en  octobre  1837. 

LÉON    MÉîiEAU. 

[La  suite  à  un  prochain  numéro.] 


|1)  Debbora,  oratorio  ,  1823. 

(2)  Ce  dévouement  de  Chérubini  est  lout  un  éloge  de  Lesueur. 

(3)  On  aimait,  à  cette  époque  les  litres  développés  ;  Berton  donna  en 
1799,  un  opéra  en  un  acte  inlilulé  :  La  nouvelle  au  camp  de  l'assassinat 
des  ministres  français  à  Rastadt. 


SEMAINE  THEATRALE. 

L'année  1861  s'est  ouverte  dans  nos  théâtres  sous  les  plus 
brillants  auspices.  Il  y  a  eu,  dit-on,  de  splendides  étrennes  à 
tous  les  horizons,  —  ce  qui  vaut  mieux  que  des  cartes  de  visite 
et  des  compliments  banals.  Au  théâtre  impérial  de  I'Opéra  le 
renouvellement  de  Tannée  s'est  signalé  par  une  mesure  qui 
obtiendra  l'approbation  de  lous.  11  avait  d'abord  été  question 
d'accorder  une  gratification  de  500  fr.  à  tous  les  artistes,  figu- 
rants, danseurs,  machinistes,  etc.,  dont  se  compose  l'immense 
personnel  de  l'Opéra.  Mais  S.  Exe.  le  comte  Walewski,  ministre 
d'État,  a  pensé  qu'il  valait  mieux,  dans  l'intérêt,  bien  entendu, 
de  ces  intéressants  auxiliaires  de  notre  première  scène  lyrique, 
appliquer  à  leurs  traitements  le  système  de  l'augmentation  pro- 
gressive :  il  a  décidé  en  conséquence  qu'à  dater  du  1er  janvier 
1861,  les  appointements  s'élèveront  de  100  fr.  chaque  année, 
pendant  cinq  ans.  Les  artistes  de  l'Opéra  s'accordent  à  préférer 
ce  genre  d'étrennes  à  celles  qu'ils  attendaient  :  M.  le  ministre 
d'État  s'est  ainsi  en  effet  acquis  des  droits  à  leur  éternelle  grati- 
tude, en  substituant  à  un  encouragement  passager  l'amélioration 
durable  de  leur  position  et  l'accroissement  certain  de  leur  bien- 
être  dans  l'avenir. 

Sans  doute  les  grandes  étoiles — surtout  les  étoiles  féminines — 
n'ont  pas  été  oubliées  dans  le  chapitre  des  rémunérations  d'usage, 
—  si  nous  en  jugeons  par  la  gracieuseté  dont  l'héroïne  du 
Papillon  a  été  l'objet  ;  car,  le  1er  janvier,  l'Empereur  de  la 
finance,  M.  Rothschild,  a  fait  remettre  à  Mlle  Emma  Livry  une 
magnifique  broche  en  diamants,  sous  la  forme  d'un  papillon,  qui 
brillait  de  tous  ses  feux  le  lendemain  mercredi  soir  à  l'Opéra, 
notamment  dans  la  Valse  des  rayons  ;  on  sait  que  celte  valse  est 
tout  un  triomphe  pour  M"e  Livry  et  pour  la  musique  de  M.  J.  Of- 
fenbach. 

Au  Théâtre-Italien,  on  ne  s'entretient  que  de  l'œuvre  de 
Verdi ,  un  Ballo  in  maschera.  On  parle  surtout  d'un  grand 
ensemble  final  auquel  serait  réservé  un  succès  égal  à  celui  du 
miserere  du  Trovalore  (?) 

A  I'Opéra-Comique  la  parole  est  à  l'opéra  de  MM.  Scribe  et 
Auber,  la  Morte  d'amour.  Cet  ouvrage  se  répète  sous  le  titre 
provisoire  d'Alexis.  Espérons  que  l'année  1861  réservera  un 
regain  de  gloire  à  cette  heureuse  collaboration  qui  a  fait  la  for- 
tune de  notre  Opéra-Comique. 

En  attendant  la  partition    de  M.  J.  Offenbach,  le  célèbre 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


43 


Barkouf,  quelque  pou  allégée  —  insuffisamment  à  notre  avis, — 
tiendra  bon.  Elle  luttera  de  son  mieux  contre  la  baisse  des 
recettes  de  nouvelle  année  et  la  température  fiévreuse  des  feuille- 
tons de  la  semaine.  C'est  un  grand  honneur  pour  la  musique  de 
M.  Offenbach  que  d'exciter  ainsi  la  verve  de  nos  critiques.  Les 
imprécations  d'Horace  ne  sont  pas  acquises  à  tout  le  monde. 
L'un  voue  aux  serres  des  vautours  les  opérettes  et  le  théâtre  de 
M.  Offenbach,  — dans  lequel  il  confesse  du  reste  n'être  jamais 
entré,  —  l'autre  répudie  la  popularité  des  350  représentations 
d'Orphée  aux  enfers;  un  troisième  enfin  est  tellement  préoccupé 
d'en  finir  avec  Barkouf  en  personne,  que  sa  plume  se  refuse  à 
écrire  le  moindre  éloge  de  MIle  Marimon,  —  qui  s'est  révélée 
délicieuse  cantatrice  de  par  M.  Offenbach.  Ceci,  nul  ne  saurait 
le  contester,  et  ne  le  point  mentionner,  c'est  nier  la  lumière  en 
plein  midi. 

Deux  mots  encore  de  M.  Offenbach,  dont  on  a  représenté 
hier  soir  samedi,  la  Chanson  de  Forlunio  aux  Bouffes  Pari- 
siens. Cette  nouvelle  opérette  tiendra  l'affiche  avec  le  Mari  sans 
le  savoir  (voir  notre  article)  et  les  Musiciens,  grande  bouffonne- 
rie en  deux  actes,  promise  pour  samedi  prochain. 

La  nouvelle  direction  du  Vaudeville  a  rouvert  ses  portes  ; 
et  dès  la  première  soirée  elle  a  récolté  un  succès  du  meilleur 
aloi.  Les  Femmes  fortes,  de  M.  Sardou  (l'auteur  des  Pattes  de 
Mouche  et  de  Garât),  forment  le  point  capital  de  cette  inaugu- 
ration. C'est  une  piquante  comédie,  dont  tous  les  caractères  font 
relief,  une  vive  satire  des  mœurs  américaines;  les  mots  y 
abondent,  notamment  dans  le  premier  acte,  qui  est  le  mieux 
réussi.  L'excellent  comédien  Numa,  le  doyen  de  la  scène  du 
Gymnase,  effectuait  son  entrée  au  Vaudeville  dans  cette  pièce  ; 
il  a  été  salué  par  la  salle  entière,  —  ovation  justifiée  ensuite  par 
la  façon  dont  il  a  joué  le  rôle  de  Quentin.  Près  de  lui  brillait 
M"0  Fargueil,  la  comédienne  au  talent  si  souple  et  si  nerveux 
cependant.  Félix,  dans  le  type  d'un  yankee  brûlai,  s'est  égale- 
ment distingué.  Citons  encore  Mlles  Jane  Essler,  Pierson, 
Mmes  Alexis,  Guillemin,  MM.  Chaumont,  Munie  et  Boisselot.  — 
Cette  spirituelle  comédie  a  été  précédée  d'un  prologue  allégo- 
rique formulant  le  plan  de  campagne  de  la  direction,  et  suivie 
d'un  petit  acte  de  M.  Meilhac,  intitulé  :  l'Étincelle. 

Le  Palais-Boy  al  nous  a  donné  deux  vaudevilles  ;  l'un,  inti- 
tulé :  Chamarin  le  Chasseur,  est  dû  a  la  triple  collaboration  de 
MM.  Varin,  de  Jallais  et  Thierry  et  renferme  des  scènes  très- 
plaisantes,  fort  bien  interprétées  par  Arnal,  Lassouche  et 
Mme  Thierrel  ;  l'autre,  Colombe  et  Pinson,  est  signé  Paulin  Des- 
landes, l'auteur  des  Deux  Anges  gardiens  et  de  la  Gamine. 
C'est  dire  que  la  pièce  se  signale  par  un  fond  sentimental.  Delan- 
noy,  Luguet  et  Mlle  Martine  font"  très-bien  valoir  ce  petit  acte 
plein  de  cœur. 

La  Dame  de  Monsoreau  poursuit  toujours,  à  I'Ambigu-Co- 
mique,  sa  brillante  carrière.  Ce  succès  est  justifié,  du  reste,  par 
la  façon  remarquable  dont  l'œuvre  est  interprétée. 

Les  Massacres  de  Syrie  ont  fait  leur  apparition  au  théâtre  im- 
périal du  Cirque.  Ce  grand  drame,  bâti  sur  le  palpitant  épisode  de 
notre  histoire  contemporaine,  orné  d'une  mise  en  scène  splen- 
dide,  a  reçu  le  meilleur  accueil.  Dumaine  remplit  avec  noblesse 
le  rôle  d'Abd-el-Kader.  On  n'a  nommé  que  M.  Victor  Séjour, 
mais  le  nom  de  son  illustre  collaborateur,  —  déjà  populaire  sur  les 
théâtres  de  nos  boulevards,  —  n'est  un  mystère  pour  personne. 


La  présence  de  S.  M.  l'Empereur,  à  la  première  représentation, 
a  été  acclamée  et  l'objet  d'ovations  réitérées  et  prolongées. 

Toutes  les  scènes  du  boulevard  du  Temple  ont  eu  leur  Revue. 
Celle  du  Théatre-Déjazet,  due  à  MM.  Ch.  Potier  et  Dunan- 
Mousseux,  n'est  pas  une  des  moins  piquantes.  La  direction  a 
recruté  pour  ce  panorama  un  essaim  de  jeunes  femmes,  —  ce 
grand  élément  d'attraction  ;  les  couplets  sont  finement  tournés, 
la  mise  en  scène  est  fort  belle  ;  et  pour  attirer  les  amateurs  de 
musique,  le  directeur — en  musicien  consciencieux, — a  composé 
une  cantate  sur  V Annexion,  chantée  par  cinquante  membres  de 
la  Société  des  Enfants  de  Lulèce. 

Aussi  notre  ami  Dantan  disait-il,  en  sortant  du  théâtre,  que 
cette  Bévue  était  pleine  d'esprit  et  de  chœur. 

J.    LOTT. 


THEATRE  DES  BOUFFES-PARISIENS. 

Le  Mari  sans  le  savoir,  opérette  de  MM.  Léon  Halévy  et  de  Servièrb  , 
musique  de  M.  de  Saint-Rémy. 

Depuis  la  saint  Sylvestre  une  gracieuse  opérette  marche  côte  à 
côte  avec  Orphée  ,  ce  Nestor  du  passage  Choiseul,  qui  se  décide 
enfin  à  quitter  l'affiche.  Le  Mari  sans  le  savoir  a  réussi  corps  et 
biens,  c'est-à-dire  texte  et  musique,  —  et  ce  n'est  pas  peu  dire. 

Le  sujet  est  passablement  invraisemblable,  et  par  cela  mêma 
ne  se  trouve  nullement  dépaysé  chez  M.  Offenbach. 

Chamaroux  est  parti  pour  quelques  mois  seulement,  mais  il 
a  compté  sans  les  colonies  où  il  s'est  rendu  un  peu  à  l'aventure  ; 
aussi  bon  gré,  mal  gré,  reste-t-il  quatre  ans  éloigné  de  sa  belle 
patrie.  Pendant  ce  temps  un  de  ses  vieux  camarades  meurt, 
laissant  une  fille  qu'il  lègue  à  son  ami  absent ,  en  le  priant,  par 
testament,  de  la  protéger,  —  mieux  que  cela,  —  de  l'épouser.  Et 
afin  que  cette  chère  Antoinette  soit  protégée  et  respectée  séance 
tenante,  elle  se  dira  mariée  secrètement  à  Chamaroux,  avant  le 
départ  de  celui-ci.  Telles  sont  les  dernières  volontés  du  défunt. 
Chamaroux  ignore  tout  cela,  et  lorsqu'il  revient  à  Paris,  il  trouve 
d'abord  sa  maison,  —  non  pas  démolie,  —  mais  vide  de  ses 
meubles  qui  ont  été  déménagés.  Son  fidèle  domestique,  Mon- 
thabor,qui  garde  son  nouveau  logement,  lui  remet  le  testament 
du  défunt,  en  lui  apprenant  qu'il  a  dû  prendre  un  nouvclj  ap- 
partement pour  Monsieur,  le  premier  logement  étant  trop  res- 
treint pour  recevoir  Mme  Chamaroux.  L'honorable  mari  sans  le 
savoir,  homme  déjà  mûr,  paraît  d'abord  vouloir  se  résigner  à 
son  sort  ;  mais  comme  il  a  un  vague  souvenir  et  pas  mal  de  let- 
tres d'une  certaine  Paméla,  que  d'ailleurs  un  sien  neveu  retrouve 
en  Antoinette  une  amie  d'enfance,  il  juge  plus  prudent  de  ma- 
rier la  jeune  orpheline  à  son  coquin  de  neveu.  Elle  sera  toujours 
Mme  Chamaroux  et  la  clause  du  testament  reste  sauve. 

Le  canevas  de  celte  pièce  est  très-agréablement  conduit  par 
MM.  Léon  Halévy  et  de  Servière,  déplus  il  est  particulièrement 
égayé  par  le  type  de  Monthabor,  un  domestique  qui  n'a  pas 
son  pareil  dans  les  quatre  parties  du  monde  —  des  domes- 
tiques. Ce  type,  poussé  jusqu'à  l'extravagance,  trouve  en  Léonce 
un  interprète  des  plus  réjouissants. 

Parlons  de  la  partition  :  elle  est  signée  de  Saint-Rémy,  mais 
ce  pseudonyme,  —  tout  le  monde  le  sait,  —  nous  voile  un  haut 
personnage  qui  écrit  de  fort  agréable  musique  à  ses  heures. 

Et  la  preuve,  c'est  que  le  Mari  sans  le  savoir  renferme  un 
charmant  trio  :  Marié  !  marié  !  marié  !  dont  la  première  partie 


LE  MÉNESTREL. 


n'est  point  étrangère  au  Pendu  !  pendu!  du  Postillon  de  Lon- 
jumeau  ;  un  deuxième  trio  très-réussi ,  un  duo  des  plus  mélo- 
dieux et  parfaitement  accompagné,  une  suave  romance  et  une 
très-jolie  valse  chantées  par  Mlle  Ghabert,  finalement  la  chan- 
son nègre  de  Léonce,  un  des  éléments  comiques  de  la  pièce, 
chanson  dont  le  moindre  mérite  n'est  pas  de  se  faire  attendre 
et  désirer  jusqu'au  dénouement. 

Cette  tentative  lyrique  de  M.  de  Saint-Rémy  a  donc  obtenu 
un  franc  et  légitime  succès.  C'est  une  musique  aristocratique 
et  pimpante,  s'adaptant  à  la  situation,  et  ne  donnant  pas  la 
moindre  prise  à  l'ennui,  à  la  satiété,  aux  crises  de  nerfs. 

Mlle  Chabert,  MM.  Léonce,  Potel  et  Desmont  font  les  hon- 
neurs de  l'opérette.  Léonce  est  ébouriffant. 

M.  le  comte  et  Mme  la  comtesse  de  Morny,  qui  honoraient  de 
leur  présence  la  première  représentation  de  cette  pièce,  ont  fait 
remettre  a  MUe  Chabert  une  broche  artistique  du  meilleur  goût. 

Nous  ne  quitterons  pas  les  Bouffes  sans  mentionner  la  re- 
prise de  Savetier  et  Financier,  une  des  meilleures  opérettes 
d'Offenbach.  M.  Tacova  a  débuté  dans  cette  pièce  avec  un  demi- 
succès.  Le  souvenir  de  Pradeau  ne  lui  a  pas  été  léger.  Par  com- 
pensation, M"e  Tostée  et  M.  Potel  ont  été  fêtés. 

J.-L.  Heugel. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
LE  CONSERVATOIRE  DE  PARIS 

ET   LES 

Conservatoires    de    province. 

(  Le  Sémaphore.  ) 
III. 

Néanmoins,  et  malgré  des  circonstances  qui  auraient  empêché 
tout  élève  doué  d'une  voix  ordinaire  d'entrer  à  notre  école  de 
musique,  Lefranc  y  fut  admis  et  confié  à  mes  soins.  Là,  mettant 
à  profit  les  rares  moments  dont  sa  place  lui  permettait  de  dispo- 
ser, il  s'appliqua  si  bien,  qu'après  huit  mois  il  fut  jugé  capable 
definurerau  concours  de  1859,  où  il  remporta  le  premier  acces- 
sit de  chant  dans  la  grande  scène  du  2e  acte  de  la  Juive. 

Un  accessit  c'est  peu,  dira-t-on,  pour  un  sujet  si  fâcheusement 
attardé  sur  la  route  des  études  et  qui  commençait  son  éducation 
à  un  âge  où  les  autres  la  terminent  d'ordinaire.  Heureusement 
et  sur  ces  entrefaites,  M.  Ambroise  Thomas,  inspecteur  des  Con- 
servatoires de  France,  vint  à  Marseille  pour  examiner  notre 

école. «Soyez  le  bienvenu,  dis-je  à  l'aimable  auteur  du  Songe 

et  du  Caïd,  vous  arrivez  fort  à  propos  ;  vous  qui,  à  l'exemple  du 
marquis  de  Torcy,  cherchez  des  voix,  des  ténors  surtout,  dans 
les  recoins  les  plus  obscurs  de  la  province,  peut-être  trouverez- 
vous  ici  un  de  ces  oiseaux  rares  dont  l'espèce  se  perd  et  que  tous 
nos  théâtres  de  France  se  disputent  à  des  prix  fous  ».  Ici,  disons- 
le  sans  préambule,  l'audition  immédiate  de  notre  élève  eut  le 
résultat  que  nous  en  attendions.  Émerveillé  de  cette  voix  d'un  si 
beau  timbre,  qui  atteignait  sans  peine  les  notes  les  plus  inacces- 
sibles aux  ténors  ordinaires,  M.  Ambroise  Thomas  félicita  Le- 
franc.   «  Jeune  homme,  lui  dit-il,  vous  avez  une  fort  belle  voix, 

et  il  ne  tient  qu'à  vous  de  venir  au  Conservatoire  de  Paris  où 
vous  pourrez,  en  qualité  de  pensionnaire,  continuer  vos  études.» 


Quelques  mois  après,  Lefranc  partit.  Il  n'entra  point  au  Con- 
servatoire par  des  raisons  qu'il  est  inutile  de  dire;  mais  sur  le 
conseil  de  quelques  personnes  bien'inspirées,  il  vit  Duprez,  se  fit 
entendre  à  lui,  et  c'est  alors  que  l'éminent  professeur  s'engagea 
vis-à-vis  du  ténor  à  lui  donner  l'éducation  et  les  moyens 
d'existence  nécessaires  jusqu'au  moment  de  ses  débuts  sur  la 
scène. 

D'après  les  détails  qui  précèdent  et  dont  je  garantis  l'exacti- 
tude, il  est  facile  de  se  convaincre  que  le  Conservatoire  de  Mar- 
seille, loin  d'avoir  méconnu  le  jeune  chanteur,  lui  a  facilité  les 
moyens  de  suivre  brillamment  sa  carrière.  Je  dirai  plus,  sans  le 
secours  de  cet  auxiliaire,  il  est  probable  que  le  ténor  en  question 
n'aurait  jamais  eu  la  pensée  d'aborder  la  capitale  et  qu'il  en  se- 
rait encore  aujourd'hui  à  noircir  du  papier  dans  les  bureaux  du 
chemin  de  fer.  C'est  donc  une  différence  du  tout  au  tout,  et  voilà 
pourtant  comme  on  écrit  l'histoire!... 

Lettre  de  G.  DUPREZ. 

Maintenant,  si  nos  lecteurs  désirent  savoir  l'opinion  de  Duprez 
sur  le  ténor  marseillais,  nous  les  invitons  à  lire  la  lettre  suivante  : 

«  Mon  cher  Bénédit , 

«  Au  mois  de  novembre  1859,  un  jeune  homme  est  venu  se 
présenter  à  moi,  me  priant  de  vouloir  bien  l'entendre.  Il  tira 
de  sa  poche  un  petit  papier  de  musique  sur  lequel  était  noté, 
de  la  manière  la  plus  innocente,  une  cabalette  italienne  ;  j'y 
aperçus  un  ut  présomptueux,  et  voulus  voir  ce  qu'en  ferait  mon 
gaillard.  Je  me  mis  au  piano,  mon  jeune  homme  chanta.  Je  lui 
reconnus  de  la  voix,  de  la  chaleur,  et  comme  il  n'était  pas  dans 
des  conditions  à  être  reçu  au  Conservatoire,  puisqu'il  était  marié, 
je  lui  trouvai,  sous  la  responsabilité  de  l'éducation  vocale  et 
dramatique  que  j'avais  l'intention  de  lui  donner,  une  personne 
qui,  pendant  deux  ans,  subviendrait  à  ses  besoins. 

«  Depuis  ce  temps,  Lefranc  travaille  chez  moi.  On  ne  lui 
apprendra  pas  la  musique,  il  ne  la  saurait  jamais  ;  mais,  ainsi 
queRubini,  Donzelli,  etc.,  etc.,  son  organisation  et  les  exem- 
ples qu'il  aura  lui  tiendront  lieu  de  tout. 

«  Celte  organisation  est  aussi  remarquable  que  sa  voix  ;  il 
travaille  avec  ardeur,  il  marche  à  coup  sûr  ;  ce  qu'il  fait  déjà 
est  miraculeux.  Je  l'instruis  pour  la  grande  carrière  italienne  , 
où  il  doit  indubitablement  faire  sa  fortune  et  laisser  un  beau 
nom  de  chanteur. 

«  Si  cet  homme  fût  tombé  entre  mes  mains  à  l'âge  où  l'on 
peut  apprendre  encore  la  musique,  à  cette  heure  on  ne  parlerait 
que  de  lui. 

«  Voilà,  mon  cher  Bénédit,  tout  ce  que  j'ai  à  vous  dire  sur 
Lefranc. 

«  Mille  compliments  bien  affectueux  de  votre  vieux  camarade 

et  ami. 

«  G.  Duprez.  » 


Malgré  les  obstacles  et  les  difficultés  de  toutes  sortes,  malgré 
les  ressources  restreintes  d'enseignement  auxquels  leur  situation 
les  condamnent,  les  Conservatoires  de  province,  outre  les  sujets 
qu'ils  ébauchent  de  temps  en  temps  pour  le  Conservatoire  de 
Paris,  produisent  un  assez  grand  nombre  d'élèves  qui  viennent 
chaque  année  recevoir  les  récompenses  dues  à  leur  intelligence 
et  à  leurs  efforts.  Parmi  ces  lauréats,  dont  la  plupart  se  distin- 
guent comme  lecteurs,  instrumentistes,  harmonistes,  chanteurs 
et  comédiens,  les  uns  vont,  en  qualité  d'amateurs,  chercher  dans 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


45 


les  salons  des  succès  qu'ils  obtiennent  presque  toujours  de  leur 
indulgent  auditoire  ;  les  autres,  voués  à  l'enseignement,  par- 
viennent à  professer  à  leur  tour  et  soutiennent  ensuite  leur  fa- 
mille ;  les  derniers  enfin,  séduits  par  les  avantages  d'un  art  où 
marchent  d'ordinaire  d'un  pas  égal  la  gloire  et  la  fortune,  con- 
fient aux  destinées  du  théâtre  leur  avenir  artistique,  en  deve- 
nant les  interprètes  plus  ou  moins  harmonieux  d'Auber,  de  Do- 
nizetti,  de Meyerbeer  et  de  Rossini.  Ceux-là,  il  faut  en  convenir, 
sont  les  mieux  favorisés,  car,  entrés  au  Conservatoire  sans  con- 
naître une  note  et  sachant  à  peine  parler  français,  ils  en  sortent 
avec  un  bagage  artistique  très-sufïisanl,  pour  aller  gagner  dans 
un  mois  autant  que  leurs  professeurs  dans  le  courant  d'une 
année.  Et  notez  bien  qu'une  fois  arrivés  à  celte  transformation, 
la  reconnaissance  n'est  pas  toujours  la  vertu  de  ces  jeunes  gens, 
dont  le  plus  grand  nombre,  oubliant  ce  qu'ils  doivent  à  leurs 
maîtres,  rappellent,  après  dix-huit  siècles,  l'épisode  des  dix 
lépreux  guéris  par  le  Sauveur  sur  la  roule  de  Samarie,  et  racon- 
tée avec  une  si  naïve  concision  par  l'évangéliste  saint  Luc. 

La  conclusion  de  cette  histoire,  nous  disait  dernièrement  un 
de  nos  confrères,  la  voici  :  «  On  a  mis  de  tout  temps  l'orgueil 
en  tête  des  péchés  capitaux,  c'est  l'ingratitude  qui  devrait  tenir 
cette  place.  » 

G.  BÉNÉD1T. 
FIN. 


LA  NOUVELLE  SALLE  DE  L  OPÉRA. 


S.  Exe.  le  comte  Walewski,  ministre  d'État,  en  rendant  l'ar- 
rêté qui  met  au  concours  les  projets  d'édification  de  la  nouvelle 
salle  destinée  a  notre  première  scène  lyrique,  réalise  une  mesure 
de  haute  équité  qui  profitera  certainement  à  tous  les  intérêts. 

Voilà  une  décision  digne  du  ministre  auquel  sont  confiées  les 
destinées  des  beaux-arts  et  de  l'art  dramatique  en  particulier. 
Il  n'est  qu'une  voix  pour  féliciter  M.  le  comte  Walewski. 

Voici  cet  important  arrêté,  déjà  reproduit  par  toute  la  presse, 
mais  qui  n'en  doit  pas  moins  prendre  une  première  place  dans 
la  table  des  matières  de  notre  collection,  année  1861. 

RECONSTRUCTION   DE   L'OPÉRA. 

MISE    AU    CONCOURS    DU    PROJET. 

Au  nom  de  l'Empereur, 

Le  ministre  d'État  : 

Vu  le  décret  du  29  septembre  1860,  qui  déclare  d'utilité 
publique  la  construction  d'une  nouvelle  salle  d'Opéra,  avec 
toutes  ses  dépendances,  sur  un  emplacement  sis  entre  le  boule- 
vard des  Capucines,  la  rue  delà  Chaussée-d'Antin,larue  Neuve- 
des-Mathurins  et  le  passage  Sandrié  ; 

Considérant  que  la  composition  du  projet  du  théâtre  excite, 
avec  juste  raison,  l'attention  publique,  et  qu'il  est  du  devoir  de 
l'administration  de  faire  un  appel  à  tous  les  architectes  et  de 
solliciter  toutes  les  intelligences, 

Arrête  : 

Art.  1er.  11  est  ouveit  un  concours  public  pour  la  rédaction 
d'un  projet  d'Opéra  à  construire  à  Paris. 

Ce  concours  aura  lieu,  non  sur  des  projets  définitifs,  mais 
simplement  sur  des  avant-projets  suffisamment  indiqués  pour 
faire  comprendre  la  pensée  de  leurs  auteurs,  tant  sur  l'économie 
générale  de  l'édifice  que  sur  son  aspect  monumental. 

Il  sera  clos  le  31  janvier  1861. 


Les  pièces  à  produire  consisteront  dans  un  plan  d'ensemble, 
une  élévation  géométrale  de  la  façade  principale,  une  coupe  sur 
la  longueur  de  la  salle,  enfin  un  devis  sommaire  descriptif  et 
estimatif. 

Les  artistes  pourront  joindre  à  ces  pièces  celles  qui  leur  paraî- 
traient utiles  pour  la  plus  complète  intelligence  de  leurs  travaux. 

Les  dessins  devront  être  aux  échelles  suivantes,  savoir  : 

Le  plan  d'ensemble  à  4  millimètres; 

Le  plan  des  façades  et  des  coupes  à  8  millimètres. 

Chaque  projet  portera  une  épigraphe  qui  sera  répétée  sur  un 
billet  cacheté.  Ce  billet  renfermera,  outre  l'épigraphe,  le  nom. 
et  le  domicile  du  concurrent,  et  ne  sera  décacheté  qu'après  le 
jugement  du  concours. 

Art.  2.  Un  jury,  présidé  par  le  ministre  d'État  et  composé 
des  membres  de  1  Académie  des  beaux-arts  (section  d'architec- 
ture) et  de  membres  du  conseil  général  des  bâtiments  civils, 
examinera  les  projets  et  les  classera  par  ordre  de  mérite. 

L'auteur  du  projet  qui  sera  reconnu  non-seulement  comme 
le  meilleur  du  concours,  mais  encore  comme  répondant  digne- 
ment à  l'attente  de  l'administration,  au  point  de  vue  de  l'art  et 
de  la  construction,  sera  chargé  de  la  rédaction  d'un  projet  défini- 
tif et  de  la  direction  des  travaux. 

L'auteur  du  projet  classé  au  second  rang  recevra  une  prime 
de  6,000  fr.;  enfin  l'auteur  du  projet  n°  3  recevra  une  prime  de 
4,000  fr. 

Dans  le  cas  où  aucun  projet  ne  serait  jugé  digne  d'être  exé- 
cuté, il  ne  serait  pas  décerné  de  premier  prix,  et  l'administration 
conserverait  toute  sa  liberté  d'action  quant  à  la  rédaction  du 
projet  définitif.  Toutefois,  les  primes  resteront  acquises  aux 
deux  meilleurs  projets. 

Les  pièces  des  avant- projets  seront  remises  au  ministère 
d'État,  bureau  des  bâtiments  civils. 

Paris,  29  décembre  1860. 

A.  Waleswki. 

PROGRAMME   DU    CONCOURS   DE    LA   NOUVELLE    SALLE   D'OPÉRA. 

L'avant-projet  demandé  par  l'arrêté  ministériel  ne  pouvant 
présenter  que  des  dispositions  d'ensemble,  le  programme  ne 
donnera  que  des  conditions  générales,  l'administration  se  réser- 
vant d'indiquer  tous  les  détails  des  besoins  à  satisfaire  lors  de  la 
rédaction  du  projet  définitif. 

Terrain. 

L'édifice  sera  élevé  à  l'extrémité  d'une  place  donnant  sur  le 
boulevard  des  Capucines,  a  la  jonction  des  rues  de  Rouen  et  de 
Lafayette,  et  sa  façade  sera  établie  dans  l'axe  de  la  rue  projetée, 
en  face  le  Théâtre-Français  et  aboutissant  au  boulevard  des 
Capucines,  près  la  rue  de  la  Paix. 

Les  façades  latérales  donneront  sur  les  rues  Mogador  et  La- 
fayette prolongées  et  sur  la  rue  de  Rouen  ;  la  façade  postérieure 
sur  la  rue  Neuve-des-Mathurins. 

Le  terrain  disponible  présente  une  surface  de  10,000  mètres 
environ  ;  sa  profondeur,  mesurée  de  la  place  a  la  rue  Neuve-des- 
Mathurins,  est  de  150  mètres  ;  sa  plus  grande  largeur  est  de 
70  mètres. 

Bâtiments. 

Les  bâtiments  comprendront  : 

1°  Les  constructions  affectées  au  public; 

2°  Les"  constructions  affectées  à  la  scène,  aux  artistes  et  à 
fadminist  ration. 


LE  MÉNESTREL. 


Constructions  destinées  au  public. 

Les  portiques  ou  péristyles  pour  la  descente  de  voiture  à 
couvert. 

Les  vestibules  avec  les  bureaux  de  distribution  de  billets,  et 
recevant  le  public  avant  l'ouverture  des  bureaux. 

Les  escaliers  desservant  facilement  tous  les  étages. 

Les  dépendances  diverses,  telles  que  bureaux  pour  les  ser- 
vices de  police  et  de  santé,  les  suppléments. 

Les  corps  de  garde,  etc. 

La  salle  pouvant  contenir  1,800  à  2,000  personnes  environ. 
Les  baignoires  et  loges  couvertes  des  premier  et  deuxième  rangs 
seront  précédées  de  salons. 

Nota.  La  salle  actuelle  contient  1,700  places;  son  diamètre 
est  de  19  mètres,  mesuré  du  fond  des  loges. 

La  loge  impériale  avec  une  entrée  particulière  ;  les  voitures 
devront  pénétrer  dans  un  vestibule,  afin  d'éviter  la  descente 
dans  la  rue,  et  des  emplacements  seront  ménagés  pour  recevoir 
les  voitures  et  l'escorte  pendant  les  représentations. 

Il  serait  utile  qu'une  entrée  particulière  pût  être  également 
affectée  aux  abonnés. 

Constructions  destinées  à  la  scène  et  au  personnel. 

La  scène  doit  pouvoir  contenir  400  personnes  environ  ;  son 
ouverture  aura  un  minimum  de  14  mètres  ;  sa  profondeur  sera 
de  32  mètres,  mesurée  de  la  rampe  au  fond  du  théâtre. 

Les  magasins  de  décors  à  proximité  de  la  scène  renfermeront 
le  matériel  nécessaire  au  répertoire  courant  ;  ils  occuperont  une 
surface  de  150  mètres  superficiels  environ. 

Le  personnel  des  artistes  comprend  deux  divisions  :  le  chant 
et  la  danse,  lesquelles  seront  elles-mêmes  subdivisées  en 
hommes,  femmes  et  enfants.  Il  convient  que  ce  personnel  ait  un 
accès  facile,  soit  à  la  scène,  soit  au  grand  foyer  du  chant  et  de  la 
danse,  qui  seront  disposés  à  proximité  de  la  scène. 

Des  dépôts  de  costumes  et  des  postes  d'habilleurs  et  d'habil- 
leuses seront  à  portée  de  chaque  catégorie  d'artistes. 

L'administration  comprendra  le  concierge,  le  bureau  de  loca- 
tion, les  cabinets  du  directeur,  du  secrétaire,  du  caissier  et  de 
quelques  employés  ;  les  ateliers  de  tailleurs  et  de  couturières,  les 
magasins  de  costumes  et  de  matières  premières  ;  enfin  un  poste 
de  pompiers  destiné  à  surveiller  l'ensemble  des  bâtiments. 

A.  Walewski. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  On  écrit  de  Vienne  :  Le  Maenner  gesang  Yerein  (Société  chorale 
pour  hommes),  de  Vienne,  avait  exécuté,  le  mois  dernier,  un  hymne  du 
duc  de  Saxe-Cobourg,  Or,  d'après  les  statuts  de  cette  association,  à  l'auteur 
de  toute  pièce  de  chant  à  plusieurs  voix  qu'elle  exécute  pour  la  première 
fois  elle  fait  remettre  un  ducat  à  titre  d'honoraires.  Ce  ducat  fut  envoyé 
par  conséquent  au  duc,  qui  l'accepta  et  adressa  ù  la  Société  une  lettre  do 
remercîment  qui  se  terminait  ainsi  :  «  Par  cette  simple  pièce  d'or  vous 
m'avez  honoré  plus  que  n'aurait  pu  le  faire  l'hommage  le  plus  fastueux, 
et  parmi  les  décorations  que  je  possède,  elle  n'occupera  pas  la  dernière 
place..  Et  vous-mêmes,  Messieurs,  vous  n'occupez  pas  une  place  moins 
élevée  dans  mon  estime  par  la  confiance  toute  allemande  avec  laquelle 
vous  m'avez  considéré  comme  étant  égal  parmi  des  égaux,  et  comme  tel 
je  vous  offre  mon  amicale  salutation  de  chanteur.  » 

—  Le  compositeur  allemand,  M.  Marschner,  l'auteur  du  Templier  et  la 
Juive,  du  Vum,pire,  et  autres  opéras  renommés  en  Allemagne,  est  à  Paris, 
et  a  l'intention  d'y  passer  l'hiver.  Peut-être  le  maestro  tient-il  à  vérifier 
sur  les  lieux  le  genre  d'accueil  réservé  au  Tannhauser  de  son  compatriote 
Richard  Wagner. 


—  L'Académie  des  Beaux- Arts  vient  de  publier  son  avis  annuel  Concer- 
nant les  concours  de  composition  musicale  pour  1861.  Le  programme  est 
invariable.  Une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  500  fr.  est  offerte  à  l'auteur 
des  paroles  de  la  cantate  choisie  pour  être  donnée  comme  texte  du  côii- 
cours  de  composition  musicale.  La  cantate  doit  être  exécutée  par  trois  per- 
sonnages, une  femme,  un  ténor  et  un  baryton  ou  basse-taille.  Elle  doit 
contenir  un  ou  au  plus  deux  airs,  un  seul  duo  ou  un  trio  final,  chacun 
de  ces  morceaux  devant  être  séparé  des  suivants  par  un  récitatif.  Le  poëte 
devra  éviter  de  donner  trop  d'étendue  aux  récitatifs  ;  il  devra  renfermer, 
dans  le  moins  de  vers  possible,  l'expression  des  sentiments  que  le  sujet 
amènera.  S'il  y  a  deux  airs,  il  faudra  nécessairement  qu'ils  diffèrent  de 
caractère  et  de  mouvement.  Le  poëte  combinera  son  trio  final  de  manière 
à  ce  que  le  compositeur  puisse  y  trouver,  soit  au  début,  soit  au  milieu, 
Un  motif  de  chant  sans  accompagnement.  Le  sujet  pourra  être  choisi 
indifféremment  dans  la  Bible,  dans  l'histoire  ancienne,  dans  l'histoire  du 
moyen-âge,  dans  l'histoire  moderne,  ou  être  tout  à  fait  d'invention.  Il  faut 
que  le  poëte  offre  au  compositeur  un  sujet  clair,  dans  lequel  il  y  ait  du 
mouvement,  de  la  passion,  de  la  variété.  Il  est  difficile  de  limiter  précisé- 
ment la  longueur  de  la  pièce  de  vers,  mais  il  est  à  désirer,  dans  l'intérêt 
des  jeunes  compositeurs,  que  la  cantate,  mise  en  musique,  n'excède  pas 
une  durée  de  vingt  ou  vingt-cinq  minutes.  Chacune  des  pièces  de  vers  con- 
tiendra, dans  un  billet  cacheté,  le  nom  de  l'auteur,  son  adresse  et  l'épi- 
graphe de  sa  pièce.  Il  ne  sera  reçu  à  ce  concours  que  des  pièces  de  vers 
inédites.  Les  manuscrits  ne  seront  pas  rendus,  mais  les  auteurs  pourront 
en  faire  prendre  copie.  Les  cantates  seront  reçues  au  secrétariat  de  l'Ins- 
titut jusqu'au  15  mai  1861,  terme  de  rigueur. 

Concours  de  composition  musicale  pour  1861.  —  Concours  d'essai. — 
Entrée  en  loges,  le  samedi  4  mai,  à  dix  heures  du  matin  ;  sortie  de  loges, 
le  vendredi  10  mai,  à  10  heures  du  matin;  jugement  le  samedi  11  mai. 

Concours  définitif.  — Entrée  en  loges  le  samedi  18  mai,  à  midi  ;  sortie 
de  loges  le  mercredi  12  juin,  à  midi  ;  en  tout  vingt-cinq  jours  de  travail 
en  loges;  jugement  préparatoire  le  vendredi  5  juillet;  jugement  définitif 
le  samedi  6. 

—  Un  artiste  dramatique,  dont  les  anciens  habitués  de  l'Ambigu-Co- 
miqueel  de  la  Porte-Saint-Martin  ont  gardé  le  souvenir,  vient  de  mourir 
à  Passy,  à  l'âge  de  soixante-deux  ans.  Il  était  membre  actif  et  dévoué  du 
bureau  de  bienfaisance.  Vers  1838,  après  avoir  quitté  les  théâtres  de  Pa-: 
ris,  Walter  alla  jouer  à  l'étranger  et  demeura  longtemps  en  Russie,  où  il 
fut  régisseur  du  théâtre  français  à  Moscou.  Revenu  en  France  avec  la 
pension  d'usage,  il  renonça  définitivement  à  la  scène.  —  Ses  obsèques, 
qui  ont  eu  lieu  le  28  décembre,  en  l'église  Notre-Dame  de  Passy,  réunis- 
saient un  grand  nombre  d'amis  et  d'artistes. 

—  Carcassone.  L'inauguration  du  grand  orgue  dont  le  Gouvernement 
vient  de  doter  notre  cathédrale,  a  eu  lieu  avec  une  grande  solennité  la 
veille  de  Noël  et  aux  offices  du  lendemain.  Mgr  l'Évêque,  entouré  de  son 
clergé,  a  d'abord  béni  l'instrument  et  en  a  tiré  les  premiers  accords  ;  puis 
en  présence  des  autorités  locales  et  d'un  public  d'élite,  M.  Lefébure-Wély, 
ex-organiste  de  Saint-Roch  et  de  la  Madeleine,  a  déployé  sur  l'orgue  son 
magnifique  talent.  Pendant  deux  heures  il  a  captivé  l'auditoire  par  les 
accents  les  plus  riches  et  les  plus  variés.  A  la  fin  de  la  cérémonie,  M.  le 
Préfet  de  l'Aude,  —  suivi  d'un  grand  nombre  d'amateurs,  —  est  monté  à 
l'orgue  pour  exprimer  sa  haute  satisfaction  au  célèbre  facteur  de  l'orgue, 
M.  Cavaillé-Coll,  et  à  l'éminent  artiste  chargé  de  l'inauguration.  Le  jour 
de  Noël  M.  Lefébure-Wély  a  tenu  l'orgue  pendant  les  offices.  La  cathé- 
drale n'a  pu  contenir  tous  les  fidèles  qui  se  sont  présentés  pour  entendre 
le  célèbre  artiste  et  ce  nouvel  orgue  que  l'on  considère  comme  un  des 
meilleurs  instruments  de  la  facture  moderne. 

—  Le  voyage  du  Midi  entrepris  par  les  frères  Lionnet,  et  leurs  concerts 
et  représentations  sur  les  théâtres  de  Marseille,  Lyon,  Saint-Ëtienne , 
Avignon,  sont  couronnés  d'un  franc  et  légitime  succès.  Partout  on  leur 
redemande  leurs  duos  et  les  principales  productions  de  Gustave  Nadaud, 
qu'ils  interprètent  si  admirablement.  Les  frères  Lionnet  vont  se  diriger 
sur  Nice,  où  les  attend  la  réception  la  plus  cordiale,  la  plus  brillante. 

—  La  société  philharmonique  de  Reims  a  ouvert  sa  série  de  concerts 
de  la  saison.  Le  programme  a  été  défrayé  par  M.  Magnin,  premier  grand 
prix  de  violon  do  celte  année,  élève  d'Alard  ;  par  M.  Hayet,  ténor  (prix 
de  chant),  élève  de  M.  Revial,  et  par  M.  Egheralde,  basse  chantante.  L'or- 
chestre et  les  chœurs,  sous  la  direction  de  M.  Robert,  ont  fort  bien  mar- 
ché. MM.  Magnin,  Hayet  et  Egheralde  ont  particulièrement  brillé  dans 
leurs  divers  rôles. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


47 


—  Une  audition  d'un  opéra-comique  a  eu  lieu  à  Passy,  ces  jours  der- 
niers, dans  une  soirée  particulière  où  les  invités  ont  eu,  de  plus,  le  rare 
bonheur  d'entendre  Ponchard  qui  avait  voulu  consacrer  par  sa  présence 
le  mérite  de  l'œuvre  ainsi  représentée  en  petit  comité.  On  a  dit  le  poème 
de  M.  Clairville  ;  nous  avons  eu  le  regret  de  n'en  pouvoir  juger,  mais  nous 
avons  été  heureux  d'applaudir  les  différents  morceaux  qui  composent  la 
partition.  Fraîcheur  d'idées,  largeur  de  style,  tout  fait  présager  un  succès 
pour  le  théâtre  qui  voudrait  attirer  à  lui  cette  partition  d'un  jeune  maître 
qui  donne  déjà  plus  que  des  espérances.  L'exécution  a  d'ailleurs  été  des 
plus  brillantes,  grâce  au  talent  de  Mlle  Balbi,  qui  a  retrouvé  là  ses  succès 
du  concert  de  J.-B.  Wekerlin,  et  au  triple  concours  de  M.  Petit,  un  ba- 
ryton distingué  que  le  Théâtre-Lyrique  vient  de  s'attacher,  et  de  deux 
lauréats  du  Conservatoire,  M.  Gourdin,  qui,  malgré  ses  dix-huit  ans, 
possède  déjà  une  remarquable  basse-taille,  et  M.  Capoul,  dont  la  voix  sym- 
pathique et  la  méthode  excellente  font  espérer  un  ténor  que  nos  scènes 
lyriques  se  disputeront  avant  peu.  La  soirée  a  donc  été  bonne  pour  tout 
le  monde  :  pour  l'auteur,  M.  Gustave  Canoby,  qui,  maître  de  chapelle  de 
Passy,  a  prouvé  son  aptitude  dans  un  genre  tout  différent  ;  pour  les  ar- 
tistes, puisque  plusieurs  morceaux  ont  été  redemandés,  et  enlin  pour  les 
auditeurs,  car  indépendamment  de  cette  primeur  musicale,  ils  ont  en- 
tendu notre  cher  doyen  des  chanteurs,  Ponchard,  qui  est  venu  clore  cette 
solennité  en  redisant  ses  deux  romances  favorites  :  Je  chanterai,  et  les 
Quatre  âges  du  cœur. 

—  Un  des  salons  princiers  du  faubourg  Saint-Honoré  offrait ,  il  y  a 
quelques  jours  à  ses  invités,  un  programme  des  plus  attrayants.  Le  vio- 
loncelliste Samary  y  a  exécuté,  au  milieu  des  applaudissements  ,  sa  fan- 
taisie sur  la  Dame  blanche.  Diemer,  l'un  des  premiers  de  cette  phalange 
d'élèves  passés  maîtres  de  l'école  Marmontel ,  a  fait  entendre  ses  dernières 
compositions,  pami  lesquelles  on  a  surtout  remarqué  l'Élégie  et  la  Ma- 
zurka. De  chaleureuses  félicitations  ont  aussi  accueilli  les  frères  Guidon 
et  leurs  charmants  duos;  l'un  d'eux,  M.  Auguste  Guidon,  a  interprété  en 
véritable  artiste  le  Voyage  aérien,  de  Nadaucl  ;  Mlle  Méa,  la  charmante 
transfuge  de  l'Odéon,  et  M.  Ducros,  poète  improvisateur  de  talent,  ont  eu 
leur  large  part  des  bravos  de  cette  soirée. 

—  MUe  Marie  Darjou  donnera  son  concert  avec  orchestre  le  mardi 
29  janvier,  à  huit  heures  du  soir,  salle  Herz. 

—  Le  virtuose  Sarasate,  le  jeune  et  nouveau  chevalier  de  Charles  III, 
est  de  retour  à  Paris. 

—  Parmi  les  œuvres  musicales  nouvellement  publiées  chez  l'éditeur 
Saint-Hilaire,  nous  devons  recommander  à  nos  lecteurs  toute  une  belle  ej 
bonne  collection  de  musique,  composée  par  Arthur  Kalkbrenner.  Celte 
publication,  qui  ne  comprend  pas  moins  de  vingt-cinq  morceaux,  em- 
brasse tous  les  genres  de  productions.  Dans  le  genre  sérieux  et  classique 
on  trouve  un  grand  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  et  une  intro- 
duction et  rondo.  Le  chant  y  '  tient  une  large  place  ;  il  se  compose  de 
quatre  ballades  de  Victor  Hugo ,  la  Grand' Mère,  la  Chanson  du  fou ,  la 
Fiancée  du  timbalier,  la  Légende  de  la  nonne  ;  de  deux  chansons  de  Bé- 
ranger  :  le  Vieux  caporal  et  le  Retour  dans  la  patrie,  d'une  romance, 
d'une  ballade  et  d'une  grande  cantate  pour  ténor,  de  Paul  Saunière  : 
Faites  l'aumône  à  l'orphelin,  le  Sereno,  Dieu  le  veut  !  La  cantate  est 
surtout  une  œuvre  capitale  d'un  style  sévère  et  mélodieux.  Dans  la  mu- 
sique de  piano  nous  citerons  les  Chants  d'Italie.  Les  morceaux  de  danse 
y  figurent  également,  et  les  succès  qu'Arthur  Kalkbrenner  a  déjà  obtenus 
dans  ce  genre,  les  recommandent  aussi  bien  que  leur  fraîcheur  et  leur 
originalité.  Nous  avons  surtout  remarqué  parmi  ces  productions  :  Cora  la 
Negra,  les  Batteurs  en  grange,  Karloucha,  Emil'Ivan-Walzer,  etc.,  etc. 

—  Au  concert  donné  à  Vesoul  par  M"1*  Gaveaux-Sabatier  et  le  violon- 
celliste Nathan,  MUc  Marie  Battmann  a  exécuté  avec  une  netteté  remar- 
quable la  musique  classique  aussi  bien  que  la  musique  gracieuse  et  légère; 
elle  l'a  prouvé  en  jouant  avec  M.  B...,  M.  Nathan  et  M.  L.  Battmann,  le 
beau  quatuor  en  sol  mineur  de  Mozart,  pour  piano,  violon,  alto  et  vio- 
loncelle, et  le  délicieux  cantabile  de  Félix  Godefroid  :  les  Soupirs,  trans- 
crit par  M.  Battmann,  pour  piano  et  orgue. 

—  On  nous  écrit  de  Clermont-Ferrand  :  «  Le  comique  G.  Bousquet , 
après  avoir  obtenu  des  succès  à  l'étranger,  et  tout  récemment  à  Marseille 
et  à  Lyon,  se  repose  en  ce  moment  dans  la  capitale  de  l'Auvergne.  Néan- 
moins M.  Lattes,  directeur  du  Casino  de  Clermont-Ferrand,  l'a  su  retenir, 
ce  qui  rend  son  repos  assez  problématique.  M.  Bousquet  réussit  spéciale- 
ment dans  une  chanson  intitulée  la  Table  à  rallonges,  que  Berthelier,  à 
qui  elle  est  dédiée,  pourrait  bien  nous  faire  entendre  cet  hiver.  » 


La  partition  illustrée  de  SÉMIRAMIS  de  Rossini, 
—  texte  italien  et  traduction  française  de  MÉRY  , 
récitatifs  et  airs  de  ballet  de  CARAFA,  points  d'or- 
gue et  rentrées  d'orchestre ,  —  avec  les  DEUX 
PORTRAITS  de  G.  ROSSINI  (Naples  «8SO  et  Paris 
1860)  et  les  DESSINS  REPRÉSENTANT  LES 
SCÈNES  PRINCIPALES  DE  L'OUVRAGE  ,  —  est 
actuellement  délivrée  aux  abonnés  du  Ménestrel. 

Cette  magnifique  prime,  offerte  gratuitement 
pour  tout  renouvellement  ou  abonnement  complet 
(chant  et  piano),  prendra  la  place  des  quatre  Albums 
du  Ménestrel,  dont  les  morceaux  n'en  seront  pas 
moins  publiés  dans  le  Journal  (voir  ci-dessous). 

Les  abonnés  au  CHANT  seul,  ou  au  PIANO  seul, 
auront  droit  à  la  même  prime,  moyennant  un  sup- 
plément d'abonnement  de  dix  francs  ,  s'ils  ne  préfè- 
rent recevoir  gratuitement  : 

1°  A  la  place  des  deux  Albums  annuels  pour  le 
Chant:  la  partition  complète  des  SAISONSde  J.HAYPN, 
chant,  piano  et  traduction  française  de  G.  Roger, 
oratorio  en  quatre  parties,  seule  édition  conforme 
à  l'exécution  des  concerts  du  Conservatoire  ,  et 
ornée  du  portrait  de  HAYDN. 

2°  En  échange  des  deux  Albums  annuels  pour 
piano  :  un  beau  Recueil  de  transcriptions  et  réduc- 
tions des  célèbres  oeuvres  concertantes,  sympho- 
niques  et  pour  piano  seul,  de  Haydn,  MOZART  et  BEE- 
THOVEN, par  Jules  Weiss,  et  contenant  : 

HAVDN  :  1.  Final  du  trio  en  fa*  —  Z.  Menuet  du  'mente  trio.  — 
3.  Final  du  trio  en  la.  —  4.  Allegro,  symphonie  en  mi  bémol. 

BEETHOVEN  :  S.  Adagio  et  allegro  de  la  symphonie  en  ut.  —  «.  Final 
du  quatuor  en  fa.  —  9.  Menuet  et  scherzo  du  septuor.  —  s.  Alle- 
gro du  trio  en  mi  bémol. 

MOZART  :  9.  Menuets  extraits  de  ses  symphonies.  —  f O.  Final  do 
la  symphonie  en  ré.  —  II.  Final  du  quatuor  en  sol  mineur.  — 
lï.  Presto  de  la  sonate  en  si  bémol. 


CATALOGUE  des  morceaux  séparés  des  quatre  ALBUMS 
du  Ménestrel  [année  1860-1861),  qui  paraîtront  de  semaine 
en  semaine,  à  partir  du  dimanche  11  novembre  1860. 


ALBUMS  DE  CHANT. 


ROMANCES  ET  CHANSONNETTES. 

G.  NADAUD. 

La  bruyère. 

PAULINE  TII1S, 

Tes  vingt  ansf 

F.  MAS1NI. 

Le  Lever  des  Étoiles. 

IKillllll  AMAT. 

Sympathie. 

H.  POTIER. 

Adieu  les  Fées  1 

DORVAL-VALENTINO. 

Charmants  Tyrans  du  cœur. 


SCENES  ET  MÉLODIES. 

G.  NADAUD. 

Le  vent  qui  pleure. 
PAULINE  TI1YS. 

Harmonie  de  Lamartine. 

J.-B.    WEKERLIN. 

9:;  Tyrolienne. 
FÉLIX  GODEFROID. 

Ma  mie  Annette. 


ALBUMS  DE  PIANO. 


MUSIQUE  DE  DANSE. 

ARBAN. 

A  vos  Souhaits,  polka. 

L.  MICHELE 

Polka  militaire  du  Camp  de  Saint-Maur. 

STRAUSS. 

Sémiramis ,  2e  quadrille. 

PHILIPPE  Sl'llï. 

Juana ,  polka-  mazurka. 

MUSARD. 

Sémiramis,  yalse. 

JC.-L.  BATTMANN. 

Menuet  et  galop  final  à'Orphée  aux 
Enfers,  de  J.  OOenbach. 


MORCEAUX  DE  SALON. 

CROISEZ. 

Guipures  et  Dentelles  (n°  1). 

Cit.  NEUSTEDT. 

Il  mio  Tesoi-o,  transcription  de  Don  Juan. 

MARMONTEL. 

Musette,  rondo  pastoral. 

PAUL  BERNARD. 

Sella  sera,  idylle. 

JLÉCUREUX. 

Fleuve  du  Tage,  transcription. 

FÉLIX  GODEFROID. 

Les  Abeilles,  étude  extraite  du  3L"  cahier 
de  l'Ecole  chantante  du  piano. 


Chaque  demande  ou  renouvellement  d'abonnement  doit  être  accom- 
pagné d'un  bon  sur  la  poste  [franco]  :  1°  de  15  fr. ,  Paris;  18  fr.,  pro- 
vince, pour  chant  et  texte,  ou  piano  et  texte.  2°  De  25  fr.,  Paris,  ou  30fr., 
province,  pour  l'abonnement  complet:  texte,  chant  et  piano  réunis. 
Joindre,  pour  les  départements,  un  supplément  de  2  francs ,  montant  de 
l'affranchissement  des  primes  de  l'abonnement  complet,  ou  un  supplément 
de  1  franc  pour  l'affranchissement  des  primes  séparées,  piano  ou  chant. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


3.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


BIBLIOTHÈQUE   CONCERTANTE 


DES 


ŒUVRES 

PROGRESSIVES. 


PIANO 
QUATRE  MAIW8. 


lECARPENTIEIl . 

Trésor  (1rs  jeunes  Pianistes.  Vingt-quatre  Récréa- 
tions livs-fucilrs  '■[  (loisirs  Nui^iieiisnnent  sur  les 
romances  de  Loïsu  Puget,  niL'lodii's  iLaliennes,  etc., 
en  deux  suites;  chacune 7  au 

Op.  56.  La  Hose  bretonne 6    » 


I,.  GUEUIEE. 

£m  Petits  pianistes,  six  petits  morceaux  très-faciles.  9    » 

Frais  ombrages,                                                id.  «  50 

Gentil  Hussard,                                             ■<!•  3    " 

X.  RIIMMEL. 

Valse  de  Ven^ano 6    " 

1.  Barcarolle  d'Oberon,  de  J.-A.  PiCHEn fi    » 

2.  Fleur  des  Alpes,  de  J.  Schad ,.  6    » 

3.  Santa  Luc ia,  de  Padl  Bernard 6    » 

4.  Carnaval  de  Venise,  de  J.-Cn.. Hess 6    » 

5.  Les  Noces  de  Figaro,  de  Cil.  IS'ecstedt 6    » 

6.  OU  vas-tu,  petit  Oiseau?  de  Ch.  Hess 6    • 

ÉCOLE  CHANTANTE  DE  F.  GODEFROID 
Var  J.  KUMMEE. 

1.  Op.  26.  Résignation,  romance £  50 

2.  —  5&.  Gouttes  de  rosée,  rêverie 9    » 

3.  —  Ù8.  Prière  des  Bardes ,  choral 1  50 

û.  —  ft8.  Les  Nuits  d'Espagne,  boléro 9    D 

5.  —  35.  Les  Soupirs ,  and3nte 1  50 

6.  —  38.  Le  Réveil  des  Fées,  orientale 12    ■ 

II.    BOSEELErV. 

Op.  60.  Fantaisie sur  Béatrice  di  Ténia 9    » 

Op.  72.  Marche  de  la  Caravane  du  Désert 10    » 

1"  Quadrille  italien  varié 9    . 

2«    Quadrille            id 9     >i 

H.    HERZ  et  LOUIS. 

Op.  118.  Les  trois  Sœurs:  1.  Gracieuse.   2.  Senti- 
mentale. 3.  L'Enjouée.  —  Chaque 7  50 

lA'Cartott'a  Grisi,  grande -valse..;; 6    » 

FÉLICIEN    DAVID. 


II.    HERZ. 

Op.  Ir6.  Grand  duo  concertant  sur  le  Désert 9    » 

Op.  166.  Marche  nationale 7  50 

ENSEIGNEMENT 

INDIVIDUEL  ET  COLLECTIF  A  L'CSACE  DES   COLT.S  DE  PIANO 
Far  FRANÇOIS  STŒPEL. 

N°  1.  Éléments  de  l'art  du  Pianiste,  avec  une  Intro- 
duction raisonnée  de  toutes  les  méthodes,  et  précé- 
dée d'un  Avant-Propos  pour  les  Cours  de  piano.  Net.     5    » 
N°  2.  Exercices-  préparatoires  et  20  leçons  progres- 
sives soigneusement  doigtées,  pour  1-2  ou  3  pianos 

concertants Net.     5    b 

i.    Sicilienne, 
l  3  pianos  con- 


nts. 


Net. 


H.  VAI.IQUET. 

ECOLE  CONCERTANTE  DES  PETITES  MAINS. 


1.  Illitclle  des  Grains  tir  Sable...  3  75 

2.  Polka  id.  ...  3  75 

3.  Musette  id.  ...  3  75 
tt.  Pâquerette,  polka  des  Brins 

d'Herbe 3  75 

5.  Perce-Neige,  marche     id.     . .  3  75 

6.  Le  Liseron ,  valse  id.     . .  3  75 

7.  L'Été,  pol.-maz.  des  i  Saisons.  3  75 


8.  L'Automne,  valse  des  Quatre 

Saisons 3  75 

9.  La  belle  au  Bois   dormant, 

berceuse  des  fontes  de  Fées.,  ù  50 

10.  Le  Chat  botté,  rondo    id.     . .  ù  50 

11.  Le  Nain  jaune,  valse    id.     . .  ti  50 

12.  Le  Prince  Charmant ,  polka- 

mazurka  des  Coules  de  Fées.  U  50 


(s«  aaaa'jj 


CH.  CZERS1. 


L'ART  DU   CHANT  DE  S.   THALBERG. 


1,  Quatuor  ù'i  Puritain',  de  Bel- 

lini 

2.  Trc   Giorni  ,     air    de   Pergo- 


Adétmde,  de  Beethoven ...  7  50 

Air  d'église,  de  Stradella 6    h 

LacrymosaelNozze  di  Figaro, 

de  Mozart 7  50 

Duetto   de  Zelmira,  Hossini...  7  50 
Le  recueil  complet,  net 10    » 


7.  Bclla  adorata,  de  Mercadantc.  6    u 

8.  Le,  Meunier  et  le  Torrent,  de 

Schubert 6    n 

9.  ttmio  lesoro,  air  de  Don  Juan, 

de  Mozart 7  50 

10.  Chœur  des  Conjurés,  du  Cro- 

cialo,  de  Meyerbeer 7  50 

11.  Ballade  de  Prrcinsa,  de  Weber.  6    » 

12.  hiiodeFreyschUtz,  de  Weber.  7  50 
Le  recueil  complet ,  net 10    n 


LEFËBURE-WÉLY. 

ÉCOLE   CONCERTANTE    DU    PIANO. 


(O,..  85). 


1.  Scherzo  pastoral. .. 

2.  Berceuse 


Marche  . 


7  50 

varié 7  50 

Andante 6    » 

Scherzo-chasse *  7  50 


7.  Scherzo-symphonioue. 

8.  Rêverie 


..  G 


9.  Presto 7  50 

10.  Andantino 7  50 

11.  Boléro 7  50 

12.  Scherzo-poste 5    D 

DU  MÊME  AUTEUR: 

Op.  53.    Fantaisie  sur  les  Monténégrins 9    D 

Op.  58.          Id.      sur  les  Porcherons , 9    H 

Op.  93.     Concert  à   la  Pension 7  50 


CLASSIQUES-MARMONTEL 

BEETHOVEIV. 

Op.  f>.  Sonatine  (n°  2û,  école  clas- 
sique}      6    » 

Op.  £i5.  Trois  marches  {11"  32,  école 
classique) 7  50 

Variations  à  quatre  mains  sur  un 
thème  de  Waldstein  (n°  103, 
école  classique) ■ 7  50 

m  iiui- 1.. 

Op.  138.  Tyrolienne  ;\  U  mains...  7  50 


MOZART. 

Sonate  eu  ri;  naturel  majeur  (n°  92, 

école  classique) 7  50 

Sonate  en  si  bémol  majeur  (n°  93, 

école  classique) 7  50 

CM.    DE   WEDER. 
Op.  3.  Six  pièces   faciles   (  n°  7ft, 

école  classique) 7  50 

Op.  3  bis.  Six  pièces  faciles  (n°  75, 

école  classique  ) 9    » 


MORCEAUX  DIVERS  A  QUATRE  MA8NS. 


H\    ROSEffXEtV. 
Répertoire  de*  jeunes  pianistes. 

Rondo  sur  la  Gazza  ladra 

PetiLe  fantaisie  sur  Olîvo  e  Pasquale 

la  cavatine  de  Gabriella  di  Vergy... 

?.duardo  e  Cristina 

A.   IVELD1. 
Op.  e.    Dix   Etudes  primaires  rhythmîques  et  mêïo- 


Le  Déserteur,  grande  valse .,  7  50 

Le  Ramier  messager,    id ,,  -7  50 

Les  Yeux  bleus,             id 7  50 

Ta  Main ,  fantaisie- valse ."  *  7  50 

La  Sirène  dr  Sor renie,  fantaisie- valse 7  50 

Benedetta,  fantaisie  brillante 7  50 

LE  JEUNE  PIANISTE  CLASSIQUE. 

Transcriptions  et  réductions   des  œuvres  célèbres 

de  HAYDN,    MOZABT,     BEETHOVEN, 

d'une  difficulté  progressive,  arrangées  à  U  mains  et  doigtées 

par  JULES  WE1SS. 

HAYDN. 

1.  Finale  de  la  symphonie  en  ut 7  50 

2.  Finale  de  la  Uc  symphonie  eu  sol !.  7  50 

3.  Andante  de  la  symphonie  en  sol 7  50 

U.  Finale  de  la  lce  symphonie   en  sol 7  50 

BEETHOVEN. 

5.  Sonate  en  sol  mineur.         Op.  &9.  no    1 7  50 

6.  Sonate  en  sol.                        Op.  I19.    n°     2 7  50 

7.  Allegro  de  la  sonate  en  la.  Op.  12 ]  7  50 

8.  Allegro  de  la  sonate  en  fa.  Op.  17 '.  7  50 

MOZART. 

9.  Allegro  de  la  sonate  facile 5    , 

10.  Andante  de  la  sonate  facile ,,  \  5    » 

11.  Finale  de  la  sonate  facile \\\\  5    , 

12.  Marche  turque !  !  !  !  !  5    » 

Cil.   CZERIVY. 
Quatre  grandes  fantaisies  concertantes. 

Op.  2a0.   Wauerley 9    , 

Op.  2&1,  Guy-Mannering 9    » 

Op.  2£i2.  Ivanhoé 9     , 

Op.  2^3.  Rob-Roy 9    , 

CH.    LYSBERG. 

Souvenirs  de  Don  Juan ,  a  deux  pianos 12    » 

C.    STAM4T1. 

ï.e  Ru 3  [lune   des  doigts. 

Exercices  applicables  à  U  mains  et  plusieurs  pianos,  15    • 


exercices  chantants  en  forme  de  duetlino 15 

L'Aride  l'Accompagnement  appliqué  au. piano,  mé- 
thode poiirappieiuhe  aux  chanteurs  à  s'accompagner.  15 

A.  .\i:idv 

Dix  Études  primaires,   arythmiques    et  mélodiques, 
piano  et  violon 12 


nolmetscli.  Rêve  du  jeune  âge  (f.) 

comion.  Op.  htx.  La  Bague  de  ma  Mère  (f.) 

—  Op.  50.  Sur  la  Cracovienne    (f.) 

II.    kurr.  Nocturne  sur  l'Illusion  cf.) 

—  Op.  180.  La  Pensée  nocturne    (F.) 

««.  K.astncr.  Grande  valse  (d.) 

utemczlnskl.  Op.  5.  Variations  sur  Don  Juan  (m.  d.)... 

—  Op.  6.  Rovdolrlto,  marche  polonaise  (M.  d.). 


Kozeluck.  Op.  19.  Sonate  (m.  d.) 

IL.  a, annuité.   Marche  des  racoleurs,   A'Ârva    (d.) 

Latour.  Le  Petit  Tambour  (m.  d.) , 

—        Premier  duo  sur  O  dolec  contenlo  (m.  d.) 

E.  Lipart.  Divertissement  facile 

S.    Louis.   Op.  1W.  Ma  Champagne,   fantaisie   (M.  d.  \ 

Majetii.  Grand  yalop  de  la  Méduse   (m.  d.) 

Marquerie.   Op.   21.  Deux  bluettes  sur  le  Diatestê, 
deux  suites  (f.).   Chacune 


A.  Weldy.  Souvenirs  de  Saintonge  [h.  d.) 7 

Ries.  Di  tanti  palpiti  (m.  d.) 6 

—     Op.  53.  Retour  des  Troupes  (h.  d.) 4 

A.  Thys.  Pas  styrien  (si.  d.) U 

De  vaucorheil.  Tempo  di  Minuelto  (m.  d.) C 

OUVERTURES  A  QUATRE  MAINS. 

Pilatl  et  Flotow.  Le  Naufrage  de  la  Méduse C 

Ain».  Thomas.  Le  Panier  fleuri 6 

Paul  Bernard.  Sémiramis,  de  Hossiui 9 


IHUSiaUE  CONCERTANTE  POUR  PIANO,  VIOLON,  VIOLONCELLE,  ORGUE,  ETC. 


ALEX.  BATTA. 


A.    B»D  D.OE  fl  Itï  . 

Scène  (TOrphée,  de  Gluck,  transcription  pour  violon 
ou  violoncelle,  piano  et  orgue,  ad  lib 

CH.  OOIHVO». 

Méditation  sur  le  premier  prélude  de  Bach,  pour 
piano,  violon  ou  violoncelle  et  orgue 

LaJeunereligieusc,  de  Schubert,  transcription  pour 
violon,  violoncelle,  ad  lib. ,  orgue  et  piano 

V"  ■►■     GRMIITAE. 

Deuxième  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle 

n.  iikrk  et  iv.  i.oiriM. 
Les  trois  sœurs  :  la  Gracieuse,  la  Sentimentale, 
l'Enjouée,  3  fantaisie^  pourpiano  et  violon.  Chacune 
La  Carlotla  Grisi,  valse 


AMlDli;     MEBEAVX, 


Douze  transcriptions  concertantes  d 

1.  Duo  de  ta  lettre,  des  Noces  de 
Figaro,  de  Mozart.  Piano  et  or- 
gue  Duo .     5    u 

2.  Mon  cœur  soupire,  des  Noces 
de  Figaro,  de  Mozart.  Piano,  vio- 
lon et  orgue Trio.    6    » 

3.  La  Prière,  adagio  varji':  du  3e 
quatuor  d'Haydn.  Piano  et  or- 
gue ou  deux  orgues. . . .   Duo.    6    n 

U.  BattiBatli,  air  de  Don  Juant 
de  Mozart.  Piano,  violon,  violon- 
celle et  contrebasse..  Quatuor.    7  50 

5.  Adagio  et  polonaise  de  la  S<?- 
rénade  de  Beethoven.  Piano  et 
orgue. Duo.     7  50 

G.  Andantino  de  i:i^j;in(h' sympho- 
nie en  mibêmol  d'Haydn.  Piano, 
violon  et  orgue Trio.    9    » 


aîlns. 


uvres  célèbres  des  grands  1 

7-  Chœur    pastoral    et    gavotte 

iTArmide,  de  Gluck.   Piano 

et  orgue Duo . 

8.  Menuet  et  trio  des   Masques, 

de    Don   Juan,  de  Mozart. 
Piano  et  orgue Duo. 

9.  Air  de  basse  de  la  Flûte  en- 

chantée, de  Mozart.    Piano, 
violoncelle  et  orgue.    Duo. 

10.  Les    Soupirs    du    Berger  , 

de    Weber.    Piano    et    or- 
gue    Duo. 

11.  Quatuor  de  Fidelio  ,  de  Bee- 

thoven.  Piano    a  U  mains  , 
orgue Trio . 

12.  Andante  du    quatrième   con- 

certo  de  Ilaindcl.   Piano   et 
orgue Duo. 


E.   ir»l    HARTOG. 
Pensée  de  Crépuscule,  méditation  pour  violon,  vio- 
loncelle, orgue  et  piano 9    t 

Souvenir    de    Pergolèse ,    andante    religioso,    pour 
violon,  violoncelle,  piano  et  orgue 7  50 

LEFÉBIIRE-WÉLV. 

ècle),  pour  piano,  violon  ou 


GUIS.  —  IV.  LOUIS. 

n\  —  Méduse,  —  Porcherons,  —  lùe  sé- 

•  des  motifs  de  Loïsa  Puget 6  et  7  50 


Paris,  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  ru  Vivicnnc,  IIEUGEL  ctO,  éditeurs ,  fournisseurs  du  CONSERVATOIRE. 


685  —  Typ.  Cliarlcs  (le  Mourgues  rrtres,  rue  J.-J.  Rousseau,  8.  —  0409. 


757.  —  28°  Année. 

N"  », 


J.-L._  HEUGEL, 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR, 


Dimanche  13  Janvier 

1861. 


££>3^ 


NESTREL 


JOURNAL 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'enchef. 


JLES  BUREAUX  ,  S  Ijîs,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  C>«,  éditeurs. 

(lui  Magasins  et  Abonnement  île  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Vente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  30  Morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  î  Album» 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


28  Mode  d'abonnement  ;  Jonrnol-Textc,  tous  les  dimanches;  ïO  Morceaux 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albmiu 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REI'NIS  : 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums  -primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser /ranco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  IIF.irr.EI.  et  Cie,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  273. 


SOTE.WAIE8E. 


TEXTE. 


I.  L'opéra-comiqne,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  Berton  (21e  article). 
L.  Meneau.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.-L.  Heucel.  —  III.  Bouffes-Parisiens  : 
première  représentation  de  la  Chanson  de  Fortunio,  débuts  de  M"-  Pfotzer. 
J.  Lovy.  —  IV.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Bilan  lyrique  de  l'année 
1860.  —  V.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO  ; 

Nos  abonnés  à  la  musique  Je  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
le  premier  quadrille  composé  par  Strauss  sur  les  motifs  du  ballet 

LE  PAPILLON  , 

musique  de  J.  Offenrach.  —  Suivra  immédialemenl  après  :  la  Valse 
des  Fleurs,  du  même  ballet,  dansée  par  Mlle  Emma  Livry. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanclie  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

TES  VINGT  ANS , 

Paroles  et  musique  de  Mme  Pauline  Thys.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  la  romance  du  deuxième  acte  de  Barkouf,  chantée  par  Mllu  Ma- 
rimon,  paroles  de  MM.  Scrire  et  Boisse  vux,  musique  de  J.  Offenrach. 


I/OPËRA-COMIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES   PROGRES,  SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


SECONDE  PARTIE.  —  XIXe  SIECLE. 

CHAPITRE    VI. 

XXI. 


Henri  Monta'n  Bsrlon,  né  à  Paris  le  17  septembre  1737,  était 
fils  de  Pierre  Montan  Berton,  chef  d'orchestre  de  l'Opéra  et 
composi'eur. Comme Méhul,  Chérubini  cl  Lesueur,  Henri  Berton 
é  rivit  à  la  fois  pour  l'Opéra  el  l'Opéra-Comique  ;  il  n'appartient 
donc  pas  aussi  complètement  à  celle  histoire  que  les  premiers 
compositeurs  dont  j'ai  tracé  la  biographie  détaillée  :  Monsigny, 
Grétry,  Dalayrac... 


Il  avait  vécu  dans  la  musique  dès  son  enfance;  aussi,  à 
l'âge  de  six  ans,  déchiffrait-il  déjà  couramment  une  sonate.  Il 
entra  de  bonne  heure,  comme  violon,  à  l'orchestre  que  dirigeait 
son  père  et  ce  fut  en  accompagnant  les  chefs-d'œuvre  de  Gluck 
et  de  Piccini,  qu'il  fit  son  éducation,  bien  plutôt  qu'en  prenant 
quelques  leçons  d'harmonie  de  ses  camarades  d'orchestre. 

A  quinze  ans,  il  devint  amoureux  de  la  prima  donna  Maillart 
qui,  de  ballerine  s'était  élevée  à  l'emploi  de  première  canlalrice 
à  l'Opéra.  Il  en  eut  un  fils,  François  Berton,  compositeur  qui 
donnait  des  espérances,  mais  qui  mourut  du  choléra  en  1832. 

Henri  Berton  avait  mis  en  musique  un  librelto  iutilulé  la  Dame 
invisible;  il  se  demanda  si  ce  qu'il  avait  fait  était  bien  de  quel- 
que valeur  ;  MUe  Maillart  se  chargea  de  montrer  cette  œuvre  à 
Sacchini  qui  y  vit  le  germe  d'un  talent  réel  et  consentit  à  donner 
des  conseils  au  jeune  artiste.  Grâce  à  ce  patronnage,  Berton  put 
faire  exécuter  au  concert  spirituel  des  oratorios  de  sa  façon  ;  en- 
fin, en  1787,  un  opéra -comique  :  les  Promesses  de  mariage,  et 
peu  de  temps  après  :  la  Dame  invisible,  dont  il  avait  retouché  la 
partition  primitive.  Après  quelques  œuvres  de  peu  d'impor- 
tance, il  donna  a  la  Comédie-Italienne  les  Rigueurs  du  cloître, 
le  23  août  1790.  Celte  pièce,  dont  le  libretlo  était  de  Fiévée> 
eut  un  succès  retentissant  et  mérité.  La  partition  débute,  aussi- 
tôt l'ouverture,  par  un  duo  brillant  et  mjuvemeaté  entre  Lucile 
elle  comte  :  Ah!  de  grâce!  ...  Le  chœur  des  nonnes  :  Ah! quel 
scandale  abominable!  est  comique  et  bien  réussi;  l'allégro  agi- 
tato  de  Lucile  au  second  acte  :  Où  fuir?  et  le  chœur  :  Grand 
Dieu,  reço'.s  ce  sacrifice  !  sont  très-pathétiques  et  ne  manquent 
point  leur  effet. 

Berton  écrivit  après  cela  quelques  ouvrages  qui  furent  assez 
froidement  reçus.  Pendant  la  terreur,  l'esprit  public  élait  modé- 
rément tourné  vers  les  comédies  à  ariettes  et  les  seules  pièces  que 
l'on  allât  voir  étaient  des  sjôues  patriotiques,  des  à-propos  qui 
coûtaient  peu  de  travail  à  leurs  autours  el  dont  le  nombre  de 
représentations  était  du  reste  assez  restreint.  Les  litléra leurs  en 


50 


LE  MÉNESTREL. 


renom  ne  voulaient  plus  se  donner  la  peine  d'écrire  des  libretti 
soignés.  Or,  Berton  avait  abandonné  Mlle  Maillart  qui  régnait  à 
l'Opéra,  fort  peu  soucieuse  de  son  ancien  ami  ;  celui-ci  s'était 
marié,  il  avait  une  famille  à  élever  et  se  trouvait  dans  la  plus 
grande  gêne.  Ne  pouvant  mettre  la  main  sur  un  scénario,  il  ré- 
solut d'en  écrire  un  lui-même  et  fut  ainsi  doublement  l'auteur  de 
Ponce  de  Léon ,  opéra-comique  en  trois  actes ,  représenté 
en  1794,  avec  un  bon  succès  d'estime,  qui  ne  lui  rapporta  point 
cependant  assez  d'argent  pour  le  tirer  de  la  gène  où  les  événe- 
ments politiques  l'avaient  jeté. 

En  1799,  Berton  habitait  une  mansarde  ornée  du  plus  simple 
mobilier  ,  lorsque  se  présenta  chez  lui  un  parolier  célèbre- 
alors,  déjà  son  collaborateur  dans  le  Nouveau  d'Assas,  repré- 
senté en  1791.  C'était  le  poète  Dejaure  (1).  Il  apportait  le  li- 
bretto  de  Montano  et  Stéphanie,  reçu  au  théâtre  Favart  et  qu'il 
avait  présenté  d'abord  a  Grétry;  mais  celui-ci  ne  voulait  plus 
composer,  et  lui  avait  répondu  :  «  11  vous  faut  un  musicien  qui 
«  soit  encore  dans  l'âge  des  passions  et  qui  néanmoins  ail  fait  ses 
«  preuves  au  théâtre.  Celui  qui  réunit  toutes  ces  conditions,  c'est 
«  le  petit  Berton.  Croyez-moi,  choisissez-le,  et  il  vous  rendra  un 
«  chef-d'œuvre.  »  Cette  prédiction  se  réalisa  :  Berton  s'éprit  pour 
le  sujet  qu'il  avait  à  traiter  etsa  partition  fut  faite  en  un  mois.  C'é- 
tait bien  réellement  un  chef-d'œuvre.  On  y  remarque  à  un  degré 
éminent  l'entente  de  la  scène,  l'originalité  de  style  qui  placent 
Berton  à  part  parmi  les  musiciens  français.  Pour  s'identifier  avec 
le  poème  qu'il  avait  à  traiter.  Il  se  représentait,  en  écrivant,  ses 
chanteurs  en  scène.  Berton  dit  en  effet,  à  propos  de  la  situation 
qu'il  avait  à  rendre  en  musique  dans  l'introduction  :  «  J'avais 
cinq  rôles  principaux  à  faire  agir  et  parler.  Je  fis  donc  chois  de 
cinq  gros  louchons  :  à  la  gauche  du  spectateur,  le  premier  était 
Stéphanie;  le  deuxième,  Léonali;  le  troisième,  Salvator;  le  qua- 
trième, Montano,  et  le  cinquième,  Altamont.  Les  petits  bouchons 
placés  derrière  représentaient  les  officiers  et  les  gens  de  leur  suite. 
Celte  statistique  exacte  du  tableau  que  je  désirais  que  la  scène 
offrît  me  fut  d'un  grand  secours  ;  car,  en  faisant  avancer  ou  re- 
culer à  mon  gré  l'un  de  ces  personnages,  lorsque  l'un  d'eux  me 
paraissait  avoir  trop  tardé  à  parler,  je  m'identifiais  plus  directe- 
ment avec  l'intérêt  et  le  pathétique  éminent  de  cette  belle  situa- 
tion dramatique.  » 

La  première  représentation  s'effectua  le  26  mai  1799  et  obtint 
un  immense  succès,  malgré  le  tumulte  affreux  qui  eut  lieu  lors- 
que l'on  vit  entrer  en  scène  le  chanteur  Solié,  sous  des  habits  de 
prêtre  ;  le  vacarme  des  républicains  étouffa  la  voix  de  Gavaudan 
qui  jouait  le  rôle  de  Montano  et  celle  de  Jenny  Bouvier  (1), 
chargée  de  celui  de  Stéphanie.  La  pièce  ne  put,  du  reste,  avoir 
que  trois  représentations.  On  fut  forcé  de  la  retirer  du  répertoire 
«  parce  que,  comme  disait  un  critique  du  temps,  elle  exigeait  la 
présence  de  personnages  qui  blessaient  la  susceptibilité  des 
oreilles  et  des  yeux  républicains.  »  Elle  ne  fut  reprise  qu'en 
1801.  Dejaure  était  mort,  Legouvé  fit  au  troisième  acte  quelques 
modifications  jugées  nécessaires  au  poëme.  Parmi  les  morceaux 
qui  doivent  être  cités  dans  celte  pièce,  il  y  a,  outre  la  belle  ou- 
verture que  Berton  écrivit  le  jour  même  de  la  première  représen- 
tation, l'air  :  Oui,  c'est  demain  que  Vhyménée...  d'une  mélodie 


(1)  Jean-Élie  Bendenc  Dejaure,  né  en  1761,  mort  le  S  décembre  1799. 
Il  fut,  comme  on  le  verra plusloin,  le  collaborateur  habituel  de  R.  Kreutger. 

(1)  Jenny  Bouvier  était  fille  d'un  violoniste  de  l'orchestre;  elle  chantait 
avec  goût,  mais  sa  voix  était  faible. 


large  et  pleine  de  sentiment;  le  duo  gracieux  :  Venez,  aimable 
Stéphanie  ;  le  trio  :  0  mes  enfants;...  Mais  la  pièce  capitale  est 
le  finale,  avec  son  crescendo  célèbre  qui  n'a  jamais  manqué  d'en- 
lever l'auditoire. 

Les  meilleurs  ouvrages  de  Berton  après  Montano  furent  le 
Délire,  un  acte  (1799)  qui  fit  ressortir  jusqu'à  quel  point  ce  com- 
positeur savait  donner  à  sa  musique  des  couleurs  variées  et  ap- 
proprier son  style  au  genre  qu'il  avait  à  traiter. 

Deux  œuvres  de  mérite  bien  différent  se  succédèrent  dans  les 
années  1802  et  1803.  1°  Le  concert  interrompu,  un  acte  dans 
lequel  on  remarque  deux  jolis  airs  de  soprano  :  Jeunes  beautés, 

craignezde  tristes  chaînes et  Oui,  fuyez  loin  de  mon  âme 

2°  Aline,  reine  de  Golconde,  celui  des  opéras  de  Berton  qu'on  a 
repris  le  plus  souvent.  Cet  auteur  avait  cherché  avec  soin  et  ren- 
contré souvent  avec  bonheur  la  couleur  locale  dans  cette  parti- 
tion. Il  suffit,  pour  s'en  convaincre,  de  lire  le  premier  et  le  troi- 
sième actes,  empreints  d'une  originalité  orientale,  et  le  deuxième 
qui  brille  par  un  certain  air  de  vivacité  provençale. 

En  1806  Berton  mit  en  musique  l'opéra  d'Elleviou  :  Dellia  et 
Werdi-Kan. 

En  1806,  il  fit  aussi  la  partition  pleine  de  franche  gaieté  des 
Maris  garçons,  un  bon  type  d'opéra-comique  français.  Elleviou 
enlevait  son  auditoire  quand  il  chantait  :  Pour  triompher  de  la 
beauté secondé  supérieurement  par  son  partenaire  Martin. 

En  1809,  Berton  donna  Françoise  de  Foix,  ouvrage  en  trois 
actes,  dans  lequel  on  applaudit  un  joli  trio  :  A  mon  aspect.... 

Dans  ses  derniers  opéras,  on  ne  reconnaît  plus  la  verve  de 
Montano  et  Stéphanie.  Son  esprit  s'était  affaibli  par  suite  de 
différents  chagrins  ;  sa  carrière  avait  été  peu  heureuse  en  effet. 
Il  avait  survécu  à  sa  réputation  (elle  est  encore  grande  aujour- 
d'hui) tout  au  moins  à  la  vogue  de  ses  pièces  ;  désappointement 
profond  pour  un  auteur.  Sa  vieillesse  fut  attristée  aussi  par  l'é- 
tat de  gêne  qui  le  poursuivit  toute  sa  vie 

Si  nous  remontons  à  l'époque  où  Dejaure  venait  le  trouver 
dans  sa  mansarde  pour  lui  porter  le  libretlo  de  Montano  et  Sté- 
phanie, nous  le  voyons  en  proie  à  un  morne  désespoir,  il  était 
sur  le  point  de  renoncer  à  l'espérance  de  traiter  un  sujet  qui  l'a- 
vait enthousiasmé,  faute  d'avoir  de  quoi  acheter  du  papier  à 
partition.  Un  ami  lui  procure  un  travail  abrutissant  au  moyen 
duquel  il  parvient  à  vivre  jusqu'à  la  première  représentation  de 
son  opéra ,  mais  à  peine  son  œuvre  a-t-elle  conquis  la  faveur  du 
public  que  le  gouvernement  républicain  jette  l'interdit  sur  la 
pièce.  Par  suite,  elle  ne  lui  rapporta  presque  rien. 

Plus  tard,  en  1820,  on  ne  songeait  plus  à  lui  ;  pour  remettre 
son  nom  dans  la  mémoire  des  acteurs,  il  céda  la  propriété  de  ses 
compositions  à  l'Opéra-Comique,  alors  dirigé  par  les  artistes  en 
société,  moyennant  une  rente  viagère  de  trois  mille  francs.  Mais 
le  théâtre  ayant  fait  de  mauvaises  affaires,  Berton  vit  cette  der- 
nière ressource  lui  échapper. 

Il  mourut  au  mois  d'avril  1842,  après  avoir  perdu  tous  ses 
enfants. 

Léon  Meneau. 

[La  suite  à  un  prochain  numéro.] 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET   IW  CHANTEUR. 


51 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

Un  nouvel  Éléazar  nous  est  apparu  dimanche  dernier  à 
I'Opéra.  M.  Labat,  ci-devant  professeur  d'histoire  à  la  solde 
de  noire  première  scène  lyrique,  est  venu  s'attaquer  à  ce  for- 
midable rôle  d'Éléazar,de  la  Juive.  Il  s'en  faut  que  la  tentative 
du  nouveau  venu  ait  été  des  plus  heureuses, —  selon  le  style 
consacré  de  la  réclame.  Ce  n'est  pas  que  le  débutant  ne  soit 
doué  de  quelques  belles  notes  de  poitrine,  mais  que  de  défail- 
lances dans  le  médium  !  que  d'inexpérience  au  point  de  vue  du 
chant  I  Pourtant  M.  Labat  ne  s'est  pas  mal  tiré  de  la  Pâque, 
notamment  de  la  phrase  :  Dieu,  que  ma  voix  tremblante  !  Le 
trio  de  l'ana thème  lui  a  également  été  favorable ,  tandis  que  les 
passages  les  plus  modestes  laissaient  considérablement  à  désirer. 
En  somme,  M.  Labat  possède  un  fort  bel  instrument  dont  il 
n'a  pas  suffisamment  appris  à  se  servir.  —  Les  partenaires 
d'Éléazar,  Mmes  Duprez-Vandenheuvel ,  Marie  Sax,  M.  Belval, 
ont  récolté  leur  succès  habituel,  et  Dufrêne  (Léopold)  s'est  fait 
remarquer,  dans  la  bonne  acception  du  mot,  en  sens  contraire 
de  M.  Labat. 

Le  lendemain  lundi,  les  sœurs  Marchisio,  de  retour  de  leur 
pérégrination  à  Nantes  et  à  Angers,  ont  reparu  dans  la  Semi- 
ramis,  dont  elles  venaient  de  chanter  triomphalement — hors 
Paris — le  duo  qui  a  fondé  leur  réputation,  non-seulement  en 
France,  mais  aussi  en  Italie. — Chacun  se  rappelle  l'émotion 
communiquée  à  la  salle  entière  de  l'Opéra  par  le  merveilleux 
ensemble  des  sœurs  Marchisio  dès  la  première  soirée.  Cette 
sorte  d'électricité  vocale  ne  pouvait  manquer  son  effet,  même 
au  concert,  où  s'efface  cependant  tout  le  prestige  de  la  scène. 

Voici  ce  que  nous  lisons  à  ce  sujet  dans  le  journal  de  Maine- 
et-Loire  : 

LES    SOEURS    MARCHISIO. 

«  Les  sœurs  Marchisio  n'étaient  guère  connues  ici  que  par  leur 
triomphe  à  l'Opéra  dans  Sémiramis.  Elles  se  sont  présentées 
tout  modestement ,  de  rose  vêtues,  charmantes,  sinon  par  la 
beauté,  du  moins  par  la  physionomie,  par  le  caractère,  par  la 
fleur  de  la  jeunesse  et  par  leur  touchant  accord  fraternel. 

«  Prodigues  de  leur  talent,  elles  n'ont  pas  compté  avec  le  public; 
elles  ont  fait,  comme  on  dit,  la  bonne  mesure,  et  cet  avare  de 
public  n'a  pas  encore  été  content,  il  a  fait  répéter  deux  mor- 
ceaux. 

«  Les  deux  sœurs  ont  débuté  par  le  duo  des  Zingari,  joli  bijou 
de  Gabussi.  Leur  succès  a  été  aussitôt  décidé.  Il  a  fallu  recom- 
mencer le  morceau. 

«  Elles  ont  ensuite  chanté  ensemble  le  fameux  duo  de  Sémira- 
mis, dont  l'andante  se  termine  par  de  diaboliques  vocalises  à 
deux.  On  aurait  bien  voulu  bisser,  mais  c'eût  été  cruel.  Il  ne 
faut  jamais  abuser,  même  des  meilleures  dispositions. 

•«  Elles  ont  enfin  terminé  par  un  délicieux  duo  de  Mathilde 
de  Shabran,  qui  était,  comme  le  bouquet  d'un  feu  d'artifice, 
une  pluie  de  perles  et  de  diamants,  une  mélodie  enchâssée  par 
le  bijoutier  qui  se  nomme  Rossini,  dont  le  génie  a  inventé  les 
traits  et  dont  la  science  a  guidé  les  jeunes  virtuoses.  Ce  mor- 
ceau-là, par  exemple,  on  l'a  redemandé;  c'était  le  dernier;  il 
était  [impossible  de  laisser  partir  les  sœurs  Marchisio  sans  les 
revoir  et  sans  les  applaudir. 

«  Mais  ce  n'est  pas  tout.  Elles  se  sont  aussi  fait  entendre  cha- 
cune isolément. 

«  Carlotta,  le  soprano,  a  dit  une  cavatine  deRigoletto,  hérissée 
de  difficultés,  et  la  romance  de  Guillaume  Tell  .-Sombres  forêts. 


«  Barbara,  le  contralto,  a  chanté  un  gracieux  air  de  Dona 
Carilea,  de  Mercadante. 

«  Le  timbre  de  voix  de  ces  deux  sœurs  est  a  peu  près  le  même, 
bien  que  l'une  atteigne  les  notes  les  plus  élevées  et  que  l'autre 
descende  aux  plus  profondes.  Ces  voix  sont  vigoureuses,  pleines, 
bien  trempées.  Dans  un  grand  vaisseau,  elles  doivent  vibrer 
merveilleusement.  Elles  ont  de  l'éclat,  du  brio,  et  aussi,  quand 
il  le  faut,  beaucoup  de  douceur  et  de  suavité. 

«  Leur  chant,  évidemment  façonné  par  le  même  maître,  est  pur 
et  franc.  La  note  est  toujours  juste,  égale  ;  le  caractère  a  de  la 
hardiesse,  le  trait  est  enlevé  vivement  et  comme  à  plaisir.  Il  est 
difficile  de  dire  laquelle  des  deux  sœurs  on  préfère,  tant  elles  se 
complètent  l'une  l'autre. 

«  Aussi,  quand  elles  chantent  ensemble,  quelle  entente  I  quelle 
perfection  d'unité  !  Ce  sont  les  Siamoises  du  chant;  elles  pensent 
de  même  et  elles  ont  le  même  sentiment  au  même  instant.  Toutes 
les  nuances  sont  rendues  avec  une  instantanéité  impossible  à 
atteindre  dans  d'autres  conditions. 

«  En  somme  c'est  admirable,  et  nous  avons  passé  deux  heures 
délicieuses.  »  Louis  Tavermer. 

Aux  Italiens  on  annonce  la  première  représentation  du 
Ballo  il  Maschera  pour  ce  soir  dimanche.  On  attend  beaucoup 
de  ce  nouvel  opéra  de  Verdi,  dont  Mme  Grisi  et  M.  Badiali  ont 
fait  apprécier  plusieurs  beaux  fragments  samedi  dernier  chez 
notre  grand  maître  Rossini.  A  dimanche  prochain  les  détails. 

Jeudi  dernier  le  Théâtre -Français  a  représenté  les  Effrontés, 
de  M.  Emile  Augier,  comédie  en  cinq  actes,  qui  a  presque  les 
allures  d'un  drame  sous  l'attrait  piquant  de  la  satire.  Les  mots 
abondent,  la  critique  de  mœurs  ne  tarit  pas,  et  le  rire  fait  de 
même.  Citer  les  interprètes  :  Mme  Arnoukj-Plessy,  MM.Samson, 
Provost,  Régnier,  Got,  Delaunay,  c'est  nommer  les  collaborateurs 
naturels  de  ce  grand  succès.  L'Empereur  honorait  de  sa  pré- 
sence cette  brillante  soirée  et  n'a  quitté  la  salle  qu'après  avoir 
applaudi  en  personne  le  nom  de  l'auteur. 

L'Opéra-Comique  a  repris  Barhouf,  Mlle  Bélia  et  M.  Nathan 
ayant  pu  reprendre  leurs  rôles  respectifs;  quelques  nouvelles 
coupures  ont  d'autant  mieux  réussi  qu'elles  portent  sur  les 
ensembles  dont  l'exécution  laissait  beaucoup  à  désirer.  MIIe  Ma- 
rimon  est  toujours  rappelée,  et  c'est  justice.  On  annonce,  comme 
très-prochaine,  la  première  représentation  du  nouvel  ouvrage 
de  MM.  Scribe  et  Auber.  Cet  ouvrage  aura  pour  titre  définitif 
la  Circassienne,  et  pour  principaux  interprètes  :  MM.  Montaubry, 
Couderc,  Barrielle  et  M1Ie  Monrose. 

De  son  côté,  le  Théatre-Ltriqce  promet  pour  demain  lundi 
la  première  représentation  de  la  Madone,  opéra-comique  en  un 
acte,  de  Louis  Lacombe,  paroles  de  M.  Carmouche.  —  Le  nouvel 
ouvrage  de  M.  Ernest  Reyer  se  répète  activement. 

Les  Rouffes-Parisiens  ont  représenté  leur  Forlunio,  qui 
n'est  rien  moins  qu'un  grand  succès  (voir  notre  article). \  A  la 
bonne  heure,  voilà  bien  le  genre  du  véritable  opéra-comique, 
vif,  léger,  pimpant,  avec  uue  agréable  dose  de  sentiment.  Forta- 
nio  prendra  le  première  place  dans  cette  foule  de  jolies  opérettes 
qui  ont  nom  :  le  Violoneux,  le  Mariage  aux  lanternes,  les  Pan- 
lins  de  Violette,  le  66,  Monsieur  Landry,  le  Mari  à  la  porte,  etc. 

Demain  ou  mardi,  première  représentation  des  Musiciens, 
ouvrage  bouffe,  qui  va  venir  compléter  l'affiche  de  Fortunio  et 
du  Mari  sans  le  savoir. 

On  le  voit,  les  nouveautés  ne  manquent  pas;  l'année  1861 
s'annonce  sous  les  meilleurs  auspices.  Puisse-t-elleJ  ne  point 
faillir!  J.-L.  Heugel. 


52 


LE  MÉNESTREL. 


THÉÂTRE  DES  BOUFFES-PARISiËNS. 

~  LaZChunson  de  Fortunio ,  opérette  en  un  acte,   paroles  de  MM.  Hector 
CnÉMiEux  et  Ludovic  Halévy,  musique  de  M.  J.  Offenbach. 

M.  Offenbach  vient  de  répondre  aux  ennemis  de  son  théâtre 
et  de  sa  musique  par  une  délicieuse  petite  partition  qui,  celle-là 
aussi,  fera  non-seulement  son  tour  de  France  et  de  Belgique, 
mais  encore  son  tour  d'Allemagne.  Et  Fortunio  justifiera  son 
titre  sur  toute  la  ligne,  partout  la  faveur  publique  l'accueillera, 
avec  son  joli  poëme,  sa  musique  pleine  de  fraîcheur,  de  grâce  et 
d'entrain.  Là,  pas  un  mot,  pas  une  note  qui  n'intéresse  ou  ne 
plaise,  ne  déride  et  ne  charme  en  même  temps.  Ajoutez  à  ces 
mérites  essentiels  une  débutante  qui,  d'emblée,  a  conquis  toutes 
les  sympathies,  et  l'on  comprendra  la  fortune  prédestinée,  par 
droit  de  baptême,  à  Fortunio.  Mais  abordons  la  pièce. 
Chacun  connaît  l'adorable  chanson  d'Alfred  de  Musset  : 
Si  vous  croyez  que  je  vais  dire 

Qui  j'ose  aimer, 
Je  ne  saurais  pour  un  empire 
Vous  la  nommer. 

Il'y  a  déjà  quelque  dix  ans  M.  Offenbach,  —  alors  violon- 
celliste très-couru  dans  nos  salons  aristocratiques, — écrivit  pour 
Roger,  sur  cette  poétique  pensée,  une  non  moins  poétique  mélo- 
die, qu'il  accompagna  d'une  certaine  barcarolle  de  Théophile 

Gautier  : 

Dites,  la  jeune  fille, 
Où  voulez -vous  aller? 
La  voile  ouvre  son  aile, 
La  Irise  va  souffler..., 
dont  notre  grande  cantatrice,  M"18  Cinti-Damoreau,  faisait  ses 
plus  doux  loisirs.  Nos  illustrations  chantantes,  qui  pressentaient 
déjà  la  fibre  mélodique  du  violoncelliste-compositeur,  ne  dédai- 
gnaient pas  de  le  signaler  au  monde  musical,  bien  au  contraire. 
Or,  c'est  ce  même  musicien  que  certains  feuillelonnistes  ont 
systématiquement  nié  celte  semaine.  Qu'ils  aillent  entendre  la 
Chanson  de  Fortunio  aux  Bouffes-Parisiens,  et  M.  Offenbach 
sera  suffisamment  indemnisé. 

La  donnée  de  la  pièce  repose,  —  comme  tout  le  monde 
l'aura  deviné, — sur  cette  même  chanson  d'Alfred  de  Musset, 
musique  de  M .  Offenbach . 

Maître  Fortunio,  autrefois  clerc  chez  Me  André,  avait  clé 
cité  comme  un  verl-galant.  Il  parvenait  surtout  à  conquérir  les 
cœurs  féminins  avec  notre  ravissante  chanson  :  Si  vous  croyez 
que  je  vais  dire,  etc. 

Aujourd'hui  Mc  Fortunio,  établi  tabellion,  et  marié,  a  par- 
faitement oublié  ses  folies  de  jeunesse;  — je  me  Irompe  :  il  les 
a  si  peu  oubliées,  qu'il  redoute  les  entreprises  des  galanls  et 
craint  la'peine  du  talion.  Il  n'en  faut  pas  davantage  pour  chan- 
ger cet  officier'  ministériel  en  un  véritable  Othello,  voire  en  un 
tigre  du  Bengale. 

Or,  ses  appréhensions  pourraient  bien  être  fondées,  car  sa 
femme  esl  jolie,  et  ses  clercs  sont  de  vrais  diables.  Précisément 
en  voici  un,  —  le  jeune  Valentin,  —  qui  rôde  autour  de 
Mme  Fortunio  avec  la  tendresse  respectueuse  d'un  Chérubin. 
Le  jeune  homme,  excessivement  timide,  se  serait  éternellement 
borné  à  cueillir  des  roses  à  l'intention  de  sa  châtelaine  sans 
lui  chanter  sa  flamme  (vieux  style),  —si  le  petit  clerc  Friquet 
(représenté  par  le  grand  Bâche)!  ne  venait  attiser  le  feu  dans 
l'étude  de  maître  Fortunio.  Ce  salané  Friquet,  en  débrouillant 
un'  vieux  dossier,  a  trouvé  le  vieux  brouillon  de  la   fameuse 


chanson  qui  servit  jadis  au  patron  pour  conquérir  les  cœurs.  Et 
tous  les  clercs  d'en  prendre  aussitôt  copie  pour  leur  usage  per- 
sonnel. Ce  n'est  pas  tout.  Afin  de  ménager  à  son  timide  cama- 
rade Valentin  une  entrevue  avec  Mme  Fortunio,  Friquet  éloigne 
le  palron  on  lui  faisant  accroire  que  le  Châtelet  est  en  feu. 

A  son  retour,  maître  Fortunio  trouve  son  étude  en  pleine 
galanterie;  tous  les  clercs,  bras-dessus,  bras-dessous  avec  de 
gentilles  grisettes,  entonnent  à  son  nez  et  à  sa  barbe  la  chanson 
magique;  et  Valentin  la  soupire  à  la  patronne. 

Le  tabellion  se  voyant  joué,  devient  plus  Othello  que  jamais  : 
mais  les  rieurs  ne  sont  pas  de  son  côté.  La  jalousie  est  un  vilain 
défaut,  —  un  défaut  très-dangereux;  et  cela  est  si  vrai,  que  la 
fenêtre  du  balcon  s'ouvre,  et  que  Mme  Fortunio  jette  au  jeune 
Valentin  une  rose...  une  espérance.  Et  le  rideau  tombe  sur  cette 
piquante  fantaisie,  —  pour  sauver  la  morale. 


La  musique  de  la  Chanson  de  Fortunio,  comme  nous  avons 
dit  plus  haut,  est  d'un  bout  à  l'autre  pleine  de  grâce,  d'entrain 
et  de  fraîcheur.  Tous  les  morceaux  ont  été  fêtés,  et  pour  être 
juste,  il  faudrait  les  citer  tous.  D'abord,  les  couplets  de 
M1)e  Chabert  (Mme  Fortunio),  Mon  cher  époux,  prenez  garde  à 
vous.'  les  couplets  à  boire  des  clercs  :  Verse  l'eau  clair  de  la 
fontaine,  ceux  de  Bâche  :  C'est  moi  qui  suis  le  petit  clerc  ; 
puis  la  chanson  :  Autrefois  et  aujourd'hui;  la  romance  de 
Mlle  Pfotzer  (Valentin),  Je  l'aime  ;  le  joli  sextuor  en  mouvement 
de  valse  :  Nous  le  verrons  à  nos  genoux,  et  le  duo  final  de 
jjues  chabert  et  Pfotzer,  dans  lequel  se  déroule  et  se  développe  en 
un  chaleureux  crescendo,  la  fameuse  Chanson  de  Fortunio,  la 
clé  de  voûte  et  le  prétexte  de  la  pièce  :  ce  poétique  bijou  ne 
pouvait,  certes,  être  plus  finement  enchâssé. . 

Désiré  est  un  tabellion  des  plus  désopilants  et  de  bonne  comé- 
die ;  le  grand  Bâche  nous  offre  un  petit  clerc  comme  on  en  voit 
peu  :  il  est  épatant  sous  tous  les  rapports  (style  local).  MUe  Cha- 
bert est  charmante  dans  le  rôle  de  Mme  Fortunio.  Quant  à 
M"e  Pfotzer  (Valentin),  son  début  est  un  véritable  événement 
sur  la  petite  scène  lyrique  des  Bouffes-Parisiens.  Une  voix  fraî- 
che., expressive,  argentine  ,  très-agréablement  métallique  déjà, 
quelque  intelligence  de  la  scène,  enfin  de  l'expression  dans  le  dé- 
bit, avec  une  apparence  de  gaucherie  qui  est  une  grâce  de  plus,  — 
telles  sont  les  qualités  de  la  nouvelle  étoile  que  l'on  bisse  et 
rappelle  chaque  soir  dans  la  Chanson  de  Fortunio. 
* 

L'auteur  de  Fortunio  se  rend  à  Berlin  et  à  Vienne  où  ses  ou- 
vrages sont  devenus  populaires.  Sa  nouvelle  œuvre  l'y  suivra 
bientôt  et  ne  tardera  pas  à  prendre  place  dans  le  répertoire  al- 
lemand. 

Et  si  l'on  veut  juger  de  la  place  qu'y  occupent  les  opérettes  de 
M.  Offenbach,  laissons  parler  les  relevés  dramatiques  publiés 
par  la  Gazette  musicale  de  Berlin. 

«  Au  théâtre  Charles,  à  Vienne,  sous  la  direction  de  M.  Nes- 
troy,  huit  opérettes  ont  été  représentées  124  fois  depuis  janvier 
jusqu'en  novembre.  Orphée  aux  enfers,  54  fois  ;  le  Mari  à  la 
porte,  26  fois  ;  Tschin  Tschin  (Bataclan),  13  fois;  le  Violo- 
neux, la  Demoiselle  en  loterie,  4  fois;  le  Mariage  aux  lanternes, 
8  fois  ;  le  66  ou  les  Deux  Savoyards,  2  fois. 

«  Sous  la  direction  de  M.  Braun,  depuis  novembre  jusqu'en 
décembre  on  a  donné  13  fois  la  Chatte  métamorphosée. 

«  Au  théâtre  Treumann,  on  a  représenté  34  opérettes  :  Bâta- 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


53 


clan,  18  fuis;  Ma  tante  dort,  1  fois  ;  le  Mari  à  la  porte,  3  fois, 
le  Mariage  aux  lanternes,  1  fois. 

«  A  ce  môme  théâtre  on  a  donné,  le  5  janwer,  pour  la  pre- 
mière fois  Geneviève  de  Brabant,  sous  le  titre  :  la  Belle  Mame- 
lonné. 

«  La  Belle  Magelonne  se  joue  avec  succès  sur  plusieurs  autres 
scènes  allemandes. 

«  A  Breslau,  on  a  joué  22  fois  Orphée  aux  enfers. 

«  A  Berlin,  Orphée  aux  enfers  et  Daphnis  et  Chlcê  alternent 
avec  la  Clochette  de  l'hrrmite  {les  Drâgcnsde  Villcrs),  d'Aimé 
Maillart. 

«  A  Potsdam,  Orphée  aux  enfers  ne  quitte  pas  l'affiche  et  ob- 
tient un  immense  succès. 

«  A  Posen,on  en  est  à  la  15e  représentation  d'Orphée  aux 
enfers. 

«  A  Dantzick,  Orphée  aux  enfers  fait  fureur. 

«  A  Halle,  la  ville  universitaire,  Orphée  excite  un  rire  homé- 
rique, nonobstant  la  pauvreté  de  la  mise  en  scène.  » 

Nous  en  passons  et  des  meilleurs,  car  nous  ne  transcrivons 
ici  que  le  bulletin  du  dernier  trimestre  des  scènes  allemandes. 

Et  le  (lot  monte  toujours  ! 

De  pareils  résultats  peuvent  consoler  de  bien  des  feuilletons. 

J.  Lovt. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
LE  BILAN  LYIUQUE  DE  1860. 

Les  feuilles  théâtrales  nous  ont  donné  l'inventaire  dramatique 
de  l'année  défunte.  Fidèle  à  notre  spécialité,  nous  ne  nous  occu- 
perons que  des  opéras  et  opérettes  joués  en  1860  sur  les  scènes 
de  Paris,  des  débuts,  reprises  et  autres  événements  lyriques, 
que  nous  venons  ranger,  à  titre  de  renseignements,  dans  le 
domaine  de  nos  tablettes  du  chanteur. 

Opéka.  —  15  janvier,  début  do  Mlle  Marie  Brunet,  dans  les 
Huguenots  (rôle  de  Valentine).  —  17  février,  deuxième  début 
de  Mlle  Brunet  dans  la  Juive  (rôle  do  Rachel).  —  29  février, 
débuts  de  M.  Michot  dans  la  Favorite  (rôle  de  Fernand). — 
9  mars,  première  représentation  de  Pierre  de  Médicis,  opéra  en 
quatre  actes,  de  MM.  de  Saint-Georges  et  Pacini,  musique  de 
M.  le  prince  Poniatowski.  —  30  avril,  deuxième  début  de 
M.  Michot  dans  Lucie  (rôle  d'Edgard).  —  15  juin,  V Annexion, 
cantate  de  M.  Méry,  musique  de  M.  J.  Cohen,  et  début  de 
M.  Wicart  dans  Guillaume-Tell  (rôle  d'Arnold). — 4 juillet, 
représentation  de  M.  Wicart  dans  les  Huguenots  (rôle  do  Raoul)". 
—  9  juillet,  première  représentation  (à  ce  théâtre)  de  Sémira- 
mis,  opéra  en  quatre  actes,  de  Rossini,  traduction  française  de 
M.  Méry  (débuts  de  M"es  Carlotta  et  Barbara  Marchisio).  — 
3  août,  reprise  de  Robert -le- Diable,  pour  les  débuts  de 
Mme  Vandenheuvel-Duprez  (rôle  d'Isabelle)  et  de  Mlle  Sax  (rôle 
d'Alice).  —15  août,  le  Quinze  août,  cantate  de  M.  Cormon, 
musique  de  M.  Aimé  Maillart.  —  10  septembre,  reprise  du 
Trouvère  (Mlle  B.  Marchisio).  —  12  octobre,  reprise  du  Pro- 
phète, rentrée  de  Mme  Tedesco  (rôle  de  Fidès).  —  26  novembre, 
première  représentation  du  Papillon ,  ballet  en  deux  actes  et 
quatre  tableaux,  de  Mllc  Taglioni  et  M.  de  Saint-Georges,  mu- 
sique de  M.  J.  Offenbach. —  7  décembre,  première  représen- 
tation d'Ivan  IV,  cantate  ayant  remporté  le  prix  de  compo- 
sition musicale,  de  M.  Théodore  Anne,  musiquede  M.Paladilhe. 


—  24  décembre,  rcntiée  de  M.  Morrlli  et  début  de  Mlle  C.  Mar- 
chisio ,  Guillaume  Tell. 

Théatiie-Italien. —  2  janvier,  première  rr  présentation  de 
Marghcrita  la  Mendiccnte,  opéra  en  trois  actes,  de  M.  Piave, 
musique  de  M.  Braga.  —  12  janvier,  débuis  de  Mlle  Battu  dans 
\aScnnambvla  (rôle  d'Amina).  —  26  janvier,  reprise  de  il  Ma- 
trimonio  segreto,  opéra  bouffe  en  deux  actes,  de  Cimarosa. — 
5  février,  débuts  (à  ce  théâtre)  de  Roger,  dans  la  Lucia.  — 
14  février,  reprise  de  Don  Giovanni,  opéra  de  Mozart.  — 
1 1  mars,  rentrée  de  Tamberlick  dans  Otello.  —  27  mars,  pre- 
mière représentation  de  la  reprise  d'il  Crociato,  opéra  en  trois 
actes,  de  G.  Meyerbeer.  —  16  avril,  reprise  de  Poliuto,  opéra 
deDonizetli.  —  30  n:ai,  clôture  des  représentations  lyriques. — 
2  octobre  réouverture  :  hSonnambula,  opéra  deBellini;  débuis 
de  M"e  Vestri  (rôle  de  Lisa).  — 7  octobre,  reprise  d'il  Trova- 
tore ;  débuts  de  M.  Pancani  (rôle  de  Manrico).  — 14  octobre, 
reprise  d'ÎZ  Barbiere  d'i  Siviglia,  18  octobre,  reprise  de  la 
Cencrentola. — 23  octobre,  reprise  à'Ernani,  opéra  en  quatre 
actes,  de  Verdi,  —  29  octobre,  reprise  d'il Matrimonio  segrelo, 
de  Cimarosa.  —  8  novembre,  reprise  de  Rigolelto,  opéra  de 
Verdi.  —  23  décembre,  reprise  de  Semiramide. 

Opéra-Comique.  —  4  février,  première  représentation  du 
Roman  d'Elvire,  opéra  en  trois  actes,  do  MM.  Alexandre 
Dumas  et  de  Leuven,  musique  de  M.  Ambroise  Thomas.  — 
19  février,  reprise  de  Galalhée,  opéra  en  deux  actes,  de  MM.  J. 
Barbier  et  M.  Carré,  musique  de  M.  Victor  Massé.  —  6  mars, 
début  de  M"e  Tuai,  dans  Fra-Diavolo  (rôle  de  Zeiline).  — 
30  mars, débuts  de  M"e  Breuillé,dans  le  Chalet  (rôle  de  Beltly). 

—  23  avril,  première  représentation  de  Château-Trompette, 
opéra  comique  en  trois  actes,  de  MM.  Cormon  et  Carré,  musi- 
que de  Gevaërt.  —  7  mai,  première  représentation  de  Rita  ou 
le  Mari  battu,  de  M.  Gustave  Vaez,  musique  posthume  de 
Donizetti.  —  18  mai,  première  représentation  de  Y  Habit  de 
Mylord,  opéra  comique  en  un  acte,  de  MM.  Sauvage  et  de  Léris, 
musique  de  M.  Lagarde.  —  14  juin,  France  et  Savoie,  cantate 
de  M*'*,  musique  de  M.  Matton.  —  5  juillet,  représentations  de 
M.  Boger.  —  6  juillet,  rentrée  de  Mme  Ugalde,  dans  Galalhée. 

—  30  juillet,  débuts  de  M1,e  Marimon,  dans  les  Diamants  de  la 
couronne  (rôle  de  Catarina). —  2  août,  reprise  du  Petit  Chaperon 
rouge,  opéra  comique  en  trois  actes,  de  Théaulon,  musiquede 
Boëldieu. — 15  août,  Vive  l'Empereur!  cantate  de  M.  Alfred 
Beaumont,  musique  de  M.  Jules  Cohen. —  28  août,  première 
représentation  du  Docteur  Mirobolan,  opéra  comique  en  un 
acte,  do  MM.  Cormon  et  Trianon,  musique  de  M.  Eugène  Gau- 
tier.—  21  septembre,  représentation  au  bénéfice  des  chrétiens 
de  Syrie  :  première  représentation  (à  ce  théâtre)  de  ma  Tante 
dort,  opéra  comique  en  un  acte,  de  M.  H.  Crémieux,  musique 
de  M.  Caspers.  —  24  octobre,  reprise  du  Pardon  de  Ploërmel; 
pour  la  rentrée  do  M".0  Wertheimber  (dans  le  rôle  d'Hoël).  — 
30  octobre,  reprise  de  la  Clé  des  champs,  opéra  comique  en  un 
acte,  de  M.  H.  Boisseaux,  musique  de  M.  Deffès,  et  reprise  des 
Deux  Gentilshommes,  opéra  comique  de  M.  Cadaux.  —  4  dé- 
cembre, première  représentation  de  YÉventail,  opéra  comique 
en  un  acte,  de  MM.  J.  Barbier  et  Carré,  musique  de  M.  L.  Bou- 
langer ;  reprise  de  la  Perruche,  opéra  comique  en  un  acte,  de 
MM,  Dumanoiret  Dupin,  musique  de  M.  Clapisson.  —  15  dé- 
cembre, débuts  de  Mme  Numa,  dans  le  Caïd  (rôle  do  Virginie). 

—  24  décembre,  première  représentation  de  Rarkouf,  opéra 
bouffe  en  trois  actes,  de  MM.  Scribe  et  H.  Boisseaux,  musique 
de  M.  J.  Offenbach. 


54 


LE  MÉNESTREL. 


Théâtre-Lyrique. —  3  janvier,  reprise  de  la  Reine  Topaze, 
opéra  comique  en  un  trois  actes,  de  MM.  Lockroy  et  L.  Battu, 
musique  de  M.  V.  Massé.  —  21  janvier,  première  représenta- 
tion de  Ma  tante  dort,  opéra  comique  en  un  acte,  de  M.  Hector 
Crémieux,  musique  de  M.  Caspers.  —  18   février,  première 
représentation  de  Phiïémàn  et  Baucis,  opéra  comique  en  trois 
actes,  de  MM.  J.  Barbier  et  Michel  Carré,  musique  de  M.  Ch. 
Gounod.  —  24  mars,  première  présentation  de  Gil-Blas,  opéra 
comique  en  cinq  actes,  de  MM.  Jules  Barbier  et  Carré,  musique 
de  M.  Semet. — 5  mai,  première  représentation  (à  ce  théâtre)  de 
Fidelio,  opéra  comique,  paroles  françaises  de  MM.  Jules  Bar- 
bier et  Michel  Carré,  musique  de  Beethoven. — 2  juin,  pre- 
mière représentation  des  Valets  de  Gascogne,  opéra  comique  en 
un  acte,  de  M.  Ph.  Gille,  musique  de  M.  Dufresne. — 5  juin, 
première  représentation  (à  ce  théâtre)  des  Rosières,  opéra  comi- 
que en  trois  actes,  de  Théaulon,  musique  d'Hérold. —  14 juin, 
France,  Nice  et  Savoie,  cantate.  — 17  juin,  première  représen- 
tation de  Maître  Palma,  opéra  comique  en  un  acte,  de  M.Fur- 
pille,  musique  de  Mlle  Rivay. —  30  juin,  clôture  annuelle. — 
1er  septembre,  réouverture  :  premières  représentations  de  Cris- 
pin  rival  de  son  maître,  opéra  comique  en  deux  actes,  imité  de 
Lesage,  musique  de  M.  Sellenick,  et  de  l'Auberge  des  Ardennes, 
opéra  comique  en  un  acte,  de  MM.  Carré  et  Verne,  musique  de 
M.  Aristide  Hignard. —  5  septembre,  reprise  des  Dragons  de 
Villars,  opéra  comique  en  trois  actes,  de  M.  A.  Maillart;  début 
de  Mlle  Roziès  (rôle  de  Bose). — 1er  octobre,  début  de  M.Laves- 
sières,   dans  Richard  Cœur  de  lion  (rôle  de  Richard) .  —  8  octo- 
bre, début  de  MUe  Giliess,  dans  les  Dragons  de  Villars  (rôle 
de  Rose  Friquet). — 15  octobre,  première  représentation  (à  ce 
théâtre)  du  Val  d'Andorre,  opéra  comique  en  trois  actes,  de 
M.  de  Saint-Georges,  musique  de  M.  Halévy.  —  5  novembre, 
reprise  d'Orphée,  début  de  M1Ie  Orwil  (rôle  d'Euridyce).  — 
17  décembre,  première  représentation  des  Pêcheurs  de  Catane, 
opéra  comique  en  trois  actes,  de  MM.  Cormon  et  Michel  Carré, 
musique  de  M.  A.  Maillart;  débuts  de  MUe  Baretti  (rôle  de 
Nella),  et  de  M.  Peschard  (rôle  de  Fernand). 

Bouffes-Parisiens.  —  14  janvier,  première  représentation 
du  Nouveau  Pourceaugnac,  opérette  en  un  acte,  de  MM.  Scribe 
et  Poirson,  musique  de  M.  Hignard,  et  de  Croquignolle  XXXVI, 
opérette  en  un  acte,  de  MM.  Desforges  et  Gastineau,  musique 
de  M.  Lépine.  — 16  janvier,  débuts  de  trois  artistes  Lillipu- 
tiens :  MM.  Kiss-Jozsi,  Vounderlich  et  Piccolo.  —  4  février, 
première  représentation  de  Monsieur  Bonne-Étoile,  opérette  en 
un  acte,  de  M.  Ph.  Gilles,  musique  de  M.  L.  Delibes. — ■ 
10  février,  première  représentation  du  Carnaval  des  Revues, 
revue  en  deux  actes  et  neuf  tableaux,  de  MM.  Grange  et  Philippe 
Gilles,  musique  de  J.  Offenbach. — 27  mars,  première  repré- 
sentation de  C'était  moi!  opérette  en  un  acte,  de  M.  Deulin, 
musique  de  M.  Debillemont,  et  première  représentation  de 
Daphnis  et  Chloé,  opérette  en  un  acte,  de  M.  Clairville, musique 
de  M.  J.  Offenbach.  — 12  avril,  première  représentation  du 
Petit  Cousin,  opérette  en  un  acte,  de  MM.  Rochefortet  Deulin, 
musique  de  M.  le  comte  Gabrielli.  —  7  mai,  première  repré- 
sentation du  Sou  de  Lise,  opérette  en  un  acte,  de  MM.  de  Saint- 
Yves  et  P.Zaccone,  musique  de  Mme  Caroline  Blangy. — 12  mai, 
première  représentation  de  Titus  et  Bérénice  opérette  en  un 
acte,  de  MM.  Ed.  Fournier,  musique  de  M.Gastinel. — Clôture. 
—  1er  septembre,  réouverture  par  Orphée  aux  Enfers.' — 
23  novembre,  première  représentation  de  l'Hélel  de  la  Poste, 
opérette  en  un  acte,  de  M.  Gille,  musique  de  M.  Dufrêne.  — 


31  décembre,  le  Mari  sans  le  savoir,  opérette  en  un  acte,  paro- 
les de  M.  Léon  Halévy  et  Jules  Servières,  musique  de  M.  le 
comte  de  Saint-Rémy. 

Théatre-Déjazet.  —  4  février,  première  représentation  de 
Fanchette,  opéra  comique  en  un  acte,  paroles  et  musique  de 
M.  Eug.  Déjazet.  —  16  mars,  première  représentation  de  Y  lie 
de  sol-si-ré,  opérette  en  un  acte,  de  M.  Julian,  musique  de 
M.  Ritter.  —  11  mai,  première  représentation  de  Pianella, 
opéra  bouffe  en  un  acte,  de  MM.  Octave  Féré  et  de  Saint-Yves, 
musique  de  M.  de  Flotow. — 14  septembre,  réouverture;  reprise 
du  Docteur  Tam-Tam,  opéra  en  un  acte,  de  M.  Tourte,  musique 
de  M.  F. Barbier.  —  29  octobre,  première  représentation  A' As-tu 
déjeûné  Jacquot?  opéra  en  un  acte,  de  MM.  Harmant,  musique 
de  M.  Debillemont. 

OPÉRAS   NOUVEAUX. 

Opéra,  2  ouvrages. 
Théâtre-Italien,  2. 
Opéra-Comique,  8  (14  actes). 
Théâtre-Lyrique,  11  (25  actes). 
Bouffes-Parisiens,  10  (11  actes). 
Théatre-Déjazet,  5  (5  actes). 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  L'Intendance  royale  du  théâtre  du  Hanovre  a  décidé,  d'après  un 
ordre  du  roi,  que  les  artistes,  sur  la  scène,  ne  devaient  plus  avoir  égard 
aux  demandes  de  rappels  et  aux  bis,  afin  qu'à  l'avenir  l'action  drama- 
tique ne  soit  pas  interrompue,  comme  cela  se  voit  presque  partout.  Cette 
mesure  s'applique  à  l'opéra,  à  la  comédie,  au  drame,  mais  non  au  vaude- 
ville, qui  s'en  trouve  exonéré.  Pourquoi  cette  exception,  —  et  que  diraient 
les  Théâtres  Italiens  si  on  leur  appliquait  cette  rigueur  royale? 

—  Les  représentations  de  Roger  au  théâtre  royal  de  Hanovre ,  n'ont 
point  permis  d'appliquer  la  nouvelle  mesure.  —  Neuf  rappels  ont  accueilli 
le  grand  artiste  français  dans  les  Huguenots.  —Il  a  dû  reparaître  jusqu'à 
quatre  fois  successives  après  le  quatrième  acte.  Le  Roi  a  fait  appeler 
Roger  pour  un  concert  à  la  Cour,  et  lui  a  demandé  une  représentation  de 
la  Dame  blanche.  Aujourd'hui  dimanche,  Roger  doit  chanter  le  Prophète. 
Il  se  rendra  ensuite  à  Brème,  puis  à  Berlin,  où  la  plus  chaleureuse  ré- 
ception lui  est  réservée. 

—  Au  théâtre  de  la  ville  d'Augsbourg  on  a  donné  tout  récemment  une 
opérette  intitulée  :  Jean  est  là  [Hans  ist  da),  paroles  du  procureur  du 
roi  Bonn,  musique  du  bourgmestre  Foerg.  La  réussite  a  été  complète; 
librettiste  et  compositeur  ont  été  appelés  sur  la  scène.  Il  paraît  que  les 
procureurs  et  les  bourgmestres  ont  du  loisir  en  Allemagne  et  marchent 
sur  les  brisées  de  M.  Offenbach. 

—  ALoewenberg  (Prusse)  on  vient  de  représenter  Ariane  à  Naxos, 
poème  dramatique  avec  solos  et  chœurs,  par  M.  Th.  Krebs,  musique  du 
maître  de  chapelle  de  la  cour,  Max  Seifriz. 

—  On  écrit  de  Berlin  que  M.  le  professeur  Otto  Lange,  rédacteur  de  la 
Gazette  musicale  de  Bock,  est  désigné  comme  devant  succéder  à  feu 
Rellslab  dans  la  rédaction  du  feuilleton  musical  de  la  Gazette  de  Voss. 
Gette  dernière  vient  d'allouer  à  la  veuve  de  Rellstab  une  pension  annuelle 
de  300  thalers.  Jusqu'ici  il  n'y  a  eu  guère  en  Allemagne  que  la  maison 
Cotta  qui  ait  accordé  des  pensions  aux  veuves  des  correspondants  de  la 
Gazette  d'Augsbourg.  L'exemple  était  bon  à  suivre  :  les  journaux,  aussi 
bien  que  les  théâtres,  ont  le  droit  de  se  souvenir  de  ceux  qui  ont  contribué 
à  leur  fortune. 

—  Il  vient  de  se  former  à  Berlin  une  Société  qui  se  propose  de  jouer 
les  opéras  des  jeunes  compositeurs  qui  ne  parviennent  point  à  les  faire 
représenter  au  théâtre.  Il  paraîtrait  qu'à  Berlin,  comme  à  Paris,  la  pro- 
duction dépasse  la  consommation. 

—  Les  correspondances  d'Italie  nous  apprennent  que  M.  Lumley  a 
loué,  à  Milan,  le  théâtre  de  Sainte- Radegonde,  pour 'y  donner  une  série 
de  représentations  avec  les  meilleurs  artistes  de  sa  compagnie. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


B5 


—  Schuloff  vient  d'arriver  à  Paris  et  se  propose  d'y  passer  quelque 
temps.  Il  doit  nous  faire  entendre  ses  nouvelles  œuvres.  Ce  sera  une 
bonne  fortune  pour  le  publie  et  les  artistes. 

—  Un  artiste,  qui  débuta  avec  succès  à  l'Opéra  il  y  a  quelques  années, 
et  que  nous  avons  vu  également  sur  la  scène  du  Théâtre  Lyrique,  M.  Rous- 
seau-Lagrave,  est  venu  grossir  le  bulletin  nécrologique  de  1860.  Sa  santé 
n'a  pu  résister  au  climat  de  la  Nouvelle-Orléans,  et  sa  famille  vient  d'ac- 
quérir la  certitude  de  sa  mort. 

—  On  nous  écrit  de  Lille  :  «  Un  succès  qui  n'a  peut-être  pas  de  précé- 
dent dans  les  annales  dramatiques  des  départements,  vient  d'avoir  lieu 
sur  le  théâtre  de  notre  ville,  à  propos  d'un  opéra  en  trois  actes  intitulé 
Hérida,  dont  le  livret  est  de  M.  Henri  Dupont  et  la  musique  de  M.  Fer- 
dinand Lavairne.  Il  faudrait  citer  la  plupart  des  morceaux  de  cette  par- 
tition très-substantielle  par  son  instrumentation  et  sa  couleur  générale  ; 
mais  nous  signalerons  particulièrement  les  chœurs,  un  très-beau  quatuor 
et  deux  trios  dignes  de  figurer  dans  les  plus  belles  conceptions  de  ce 
genre.  Les  rôles  ont  été  parfaitement  interprétés  par  Mm0  Gasc,  MM.  Tal- 
ion (ténor),  Barré  (baryton) ,  et  Gadelaghi  (basse-taille)  ;  les  chœurs  et 
l'orchestre  ont  fait  merveille  sous  la  direction  de  leur  habile  chef, 
M.  Henri  Bénard,  qui  avait  apporté  les  plus  grands  soins  aux  études  de 
cette  partition.  Trois  représentations  successives  viennent  de  consolider 
ce  succès  qui  a  valu  aux  auteurs  des  bravos  enthousiastes  et  des  rappels 
réitérés.  Cet  ouvrage,  par  sa  valeur  musicale,  a  pris  rang  dans  notre  ré- 
pertoire, et  M.  Ferdinand  Lavainne  doit  être  fier  de  voir  son  opéra  ac- 
cueilli et  acclamé  chaque  soir,  comme  s'il  s'agissait  d'une  œuvre  de 
Rossini  ou  de  Meyerbeer.  » 

—  Nos  départements  continuent  à  se  créer  un  répertoire  du  crû.  Au 
théâtre  du  Gymnase,  à  Marseille,  on  vient  de  représenter  une  opérette, 
Y  Amour  au  village,  ayant  pour  auteurs  deux  enfants  de  la  maison,  deux 
artistes  de  ce  théâtre  jouissant  tous  deux  de  la  sympathie  du  public  mar- 
seillais, l'un  comme  acteur  et  auteur,  l'autre  comme  musicien. 

—  L'Académie  des  Beaux-Arts,  dans  sa  séance  de  samedi  dernier,  a 
procédé  au  renouvellement  de  son  bureau  pour  1861.  Le  compositeur 
Reber  a  été  élu  président. 

—  Les  soirées  musicales  devancent  la  saison  de  Carême,  et  si  beaucoup 
de  ces  soirées  prennent  la  musique  pour  prétexte  de  réunion  et  de  con- 
versation, —  à  la  façon  anglaise,  —  il  faut  reconnaître  que  l'on  rencontre 
encore  dans  Paris  de  ces  salons  hospitaliers  où  l'art  musical  retrouve  ses 
vrais  fidèles.  Ainsi,  dimanche  dernier,  nous  assistions,  rue  d'Antin,  chez 
M.  et  Mme  Dubois,  à  l'une  de  ces  soirées  musicales  composées  d'un  petit 
nombre  d'amateurs,  gens  de  goût,  heureux  de  se  réunir  dans  le  seul  but 
d'entendre  de  bonne  musique.  Il  est  vrai  que  la  maîtresse  du  logis,  Mme Du- 
bois, magnétise  le  clavier  comme  Chopin  lui-même,  dont  elle  est  certai- 
nement la  plus  poétique  incarnation.  C'est  une  double  et  admirable  école 
que  celle  de  Chopin  !  Au  point  de  vue  de  la  composition,  c'est  la  forme 
la  plus  suave ,  la  plus  romantique,  avec  les  harmonies  les  plus  piquantes, 
les  plus  élevées  ;  sous  le  rapport  de  l'exécution,  ses  œuvres  ont  créé  tout 
un  style  :  le  piano  sentimentalisé.  Il  faut  entendre  les  inspirations  de 
Chopin  interprétées  dans  leur  vrai  style,  sous  leur  véritable  forme,  pour 
s'en  faire  une  idée  absolument  complète.  Aussi  ne  saurait-on  trop  féli- 
citer les  privilégiés  qui  viennent  s'initier  près  de  Mme  Dubois  à  la  tradi- 
tion, à  la  pensée  du  maître. 

;  —  Parmi  les  artistes  qui  ont  pris  part  au  programme  intime  de  la  soirée 
de  M.  et  Mme  Dubois,  nous  avons  retrouvé  Franchomme,  le  violoncelliste 
de  la  grande  école,  et  Georges  Mathias,  lui  aussi  élève  de  prédilection  de 
Chopin.  M.  Mathias  a  joué  plusieurs  études  inédites  qui  ont  été  très- 
goûtées.  On  a  aussi  fort  applaudi  M,le  Reeves  qui  nous  promet  une  can- 
tatrice de  bon  style. 

—  Une  cérémonie  religieuse  des  plus  intéressantes  doit  avoir  lieu 
mardi  15  janvier  à  Landrecies,  à  l'occasion  du  grand  orgue  construit  pour 
l'église  de  cette  ville,  par  la  maison  Merklin  Schutze  et  Cie,  de  Paris  et 
Bruxelles.  C'est  M.  Edouard  Batiste,  professeur  au  Conservatoire,  orga- 
niste de  Saint-Eustache,  qui  est  appelé  à  Landrecies  pour  faire  entendre 
ce  nouvel  instrument  dont  on  fait  les  plus  grands  éloges. 

—  On  lit  dans  V Aigle,  journal  de  Toulouse  :  «  Mgr.  l'Archevêque  a 
officié  le  jour  de  Noël  dans  l'église  Saint-Etienne.  La  Messe  en  musique  a 
produit  un  très-grand  effet.  On  remarque  la  mélodie  du  chant  et  la  puis- 
sance des  chœurs.  Cette  messe  fait  le  plus  grand  honneur  à  M.  Lomagne, 
qui  l'a  écrite  avec  la  constante  préoccupation  du  sentiment  religieux,  sans 
s'astreindre  aux  exigences  du  style  fugué.  » 


—  On  se  rappelle  l'opérette  Bredouille,  de  MM.  Galoppe  d'Onquaire  et 
Paul  Bernard.  Cette  agréable  petite  pièce  semble  vouloir  recommencer, 
comme  il  y  a  trois  ans,  le  cours  de  ses  représentations  dans  les  salons 
parisiens.  Lundi  dernier  cette  reprise  s'effectuait  rue  du  Sentier,  dans  les 
salons  artistiques  de  M.  R***.  Comme  d'habitude,  MmE  Gaveaux-Sabatier 
remplissait  le  rôle  de  Rosette,  et  cette  fois  c'était  M.  Lourdel  qui  lui  don- 
nait la  réplique.  L'air  de  chasse ,  la  Chanson  des  oiseaux  et  le  grand  duo 
final  avec  son  orage,  ont  produit  leur  effet  accoutumé.  Les  qualités  scé- 
niques  et  mélodiques  de  Paul  Bernard  ont  été  reconnues  une  fois  de  plus, 
le  poëme  rempli  de  fraîcheur  et  d'esprit,  a  fait  plaisir  d'un  bout  à  l'autre, 
et  la  réussite  a  été  complète.  Nul  doute  que  cette  reprise  ne  prenne  toute 
l'importance  d'une  première  représentation,  et  ne  prépare  une  nouvelle 
carrière  à  ce  petit  opéra  qui  serait  très-bien  placé  au  théâtre. 

—  Dimanche  dernier,  nous  signalions  le  succès  obtenu  dans  les  salons 
de  M.  le  prince  ***,  au  faubourg  Saint-Honoré,  par  le  violoncelliste 
Samary,  les  frères  Guidon,  Ducros,  MUcs  Huet  et  Mea.  Ce  même  succès 
s'est  reproduit  cette  semaine  dans  les  mêmes  salons,  mais  cette  fois  il  faut 
y  joindre  les  bravos  qui  ont  accueilli  Mlle  Angèle  Cordier,  de  l'Opéra- 
Comique,  dans  deux  airs  italiens  qu'elle  a  chantés  de  la  façon  la  plus  bril- 
lante. Aussi  Mme  la  princesse  ***  a-t-elle  bien  voulu  la  féliciter  particu- 
lièrement en  la  priant  de  ne  pas  manquer  à  toutes  ses  grandes  réunions 
de  quinzaine. 

—  C'est  le  samedi  23  janvier  que  les  salons  de  Pleyel  s'ouvriront  à  la 
première  séance  de  quatuors  de  MM.  Armingaud,  Jacquard,  Lalo  et  Mas,  avec 
M.  Lubeck  pour  pianiste  de  la  première  séance.  Ce  fidèle  groupe  instru- 
mental aura  son  fidèle  auditoire. 

—  Une  intéressante  matinée  musicale  sera  donnée  le  27  janvier,  à  deux 
heures  précises,  salle  Pleyel,  par  notre  violoniste  de  l'Opéra,  A.  Ropicquet, 
professeur  au  Lycée  Louis-le-Grand,  pour  l'audition  de  ses  nouvelles  com- 
positions musicales,  avec  le  concours  de  nos  premiers  artistes,  comme 
d'habitude. 

—  M.  et  Mmo  Ernest  Lévi-Alvarès  donneront,  cet  hiver,  des  soirées 
musicales  régulières  (les  premier  et  troisième  samedis  du  mois).  La  pre- 
mière a  eu  lieu  le  5  de  ce  mois,  avec  le  concours  de  Mme  Alard,  de 
M1Ie  Marville  (Jacob)  et  de  M.  Lafont,  le  baryton,  lauréat  du  Conserva- 
toire. Ces  artistes  ont  été  très-applaudis,  et  Mme  Lévi-Alvarès,  notre  pia- 
niste-professeur, a  été  également  fêtée. 

—  Musard  vient  d'être  engagé  à  Londres  pour  y  donner  une  série  de 
concerts  dans  la  salle  Saint-James,  avec  le  concours  de  cinquante  de  ses 
principaux  musiciens.  Avant  de  quitter  Paris,  Musard  a  composé  pour 
les  bals  de  cet  hiver  le  deuxième  quadrille  du  nouveau  ballet  le  Papillon, 
sous  le  titre  :  les  Circassiennes. 

—  A  peine  de  retour  de  son  voyage  à  Pau,  où  notre  baryton  M.  Lyon 
avait  été  retenu  plus  d'un  mois  par  plusieurs  concerts,  cet  artiste  vient 
d'être  appelé  à  Angoulême  par  la  Société  Philharmonique.  On  lui  a  fait 
redire  le  fou  Guilleau,  le  Voyage  aérien,  l'air  de  Jean  de  Paris,  le  Qui 
vive!  àe,  Léopold  Amat. 

—  Voici  l'état  des  recettes  qui  ont  été  faites  pendant  le  mois  de  décem- 
bre 1860  dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit  des  indi- 
gents : —Théâtres  impériaux,  450,139  fr.  99c;  —Théâtres  secon- 
daires, 899,316.  98;  —  Concerts,  cafés -spectacles,  cafés -concerts  et 
bals,  204,528.  75;— Curiosités  diverses,  14,791.  50.— Total....  1,568,773 
francs  22  centimes. 

—  Les  bals  de  l'Opéra  s'annoncent  sous  les  meilleurs  auspices.  Le  car- 
naval-1861  n'aura  rien  à  envier  à  ses  aînés.  On  redemande  chaque  soir 
les  valses,  polkas,  mazurkas  du  nouvel  album  de  Strauss,  —  1' 'Album  des 
Comtesses,  —  ainsi  que  sa  valse,  mazurka  et  premier  quadrille  sur  le  Pa- 
pillon; son  deuxième  quadrille  sur  Sémiramis,  et  la  charmante  valse 
le  Bal,  extraite  de  l'opéra-comique  le  Mari  sans  le  savoir.  Strauss  pré- 
pare les  quadrilles  de  Barkouf  et  de  Fortunio,  pour  succéder  à  ceux 
à'Orphée  aux  Enfers  et  de  Geneviève  de  Brabant. 


—  L.  Le  Couppey  vient  de  publier  sous  ce  titre  :  le  Rhythme,  un  nou- 
veau recueil  de  25  Études  pour  le  piano. 


J.-L.  Hevjgel,  directeur. 


1.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


ACADÉMIE  IMPÉRIALE 

de  musique. 

Du  nouveau   ballet 
de  I'Opéra  de 


EN   VENTE  au   Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


LE  PAPILLON 


HEUGEL  ET  O , 

éditeurs. 

Musique  de 

J.  OFFENBACH. 


1.  Marche  paysanne.  '"      ™~«.~  «^„^.«i„  m  ue  i«.  „.,  ^»i^  m-i.^p««.b^.  g   Marche  du  Palanquin. 

2.  Chant  du  Papillon.  ^&T13lil  I  JiS^Î  '  6'  Pttall'«li«w»i»M. 

3.  Andanle-Bohémiana.  *"  '        H"°  7.  Valse  des  Fleurs. 

4.  Toise  dei  %oK.  1er  Quadrille,  Valse  rfes  7?/l  FO^S  e<  Polka-Mazurka  Za  LESGU1NKA.  8   Gff;op  dw  Paj)iUons_ 

Composés  pour  les  bals  do  la  Cour  el  de  l'Opéra. 

AnBAN  .'  Polka  des  Métamorphoses.  La  fée  Hamza..MUe  Maiîquet.  |         PH.  STUTZ  '.  La  Fés des  Moissons.  Polka-mazurka.  Mlle  Schlosser. 

;  Les  Circassiennes.  Deuxième  quadrille.         |         H.    VÂLJQUET  '•  Quadrille  et  valse  faciles,  sans  octaves. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL 

de  l'Opéra-Comique. 


S3C£à"û*3-^  S3"»U3i.I^i^iS£S  a 


HEUGEL  ET  Cie 

éditeurs. 


AIRS  DÉTACHES,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT 


Ojtés'a-coasiiquc 


trois  actes. 


BARKOUF 


De 


.  SCRIBE 
SSEAUX. 


Musique  de 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO 

Opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  MM.  HECTOR  CRÉMIEUX  et  LUDOVIC  HAIiÉVY. 

—  AIRS  DÉTACHÉS,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT.  — 


on«r.„  LE  MARI  SANS  LE  SAVOIR  M»H~DaY,c 

Musique  de 
Partition  piano  et  citant       M»    DE     SAINT^HÊMY.    Airs  détachés,  VALSE-STRAUSS. 

SOUS  PRESSE.       —    £2Jt^*3-Si££;Ep'v23-IS  rnrst   33*a^^.a._a>CÏ>=.    —      SOUS  PRESSE. 


Vingt-cinq  nouvelles  études  de  moyenne  force. 

op.  50.  LES  HARMONIEUSES  2ofr. 


7S8.  —  28e  Année. 

M«  8. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR, 


Dimanche  20  Janvier 

1861. 


ri^s-st 


iREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES   LOVY, 

Rédjct'en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivîenne.  —  HEUGEL  et  Ci»,  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  de  Musique  du  MÉNESTREE.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 

CHANT.  <B@SÎSMÏÏÏÏÏ@SÏS 

l«_Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  ïo  Morceaux 
,Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  ï  Albums 


Scène: . 

primes  illustrés 


■  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr 

CIIOT  ET  PIANO    RÉUNIS 


2»  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  IO  Morceaux  t 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  ï  llbiinu- 
primes  illustres.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  58  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  l«de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/Vatico 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  HEUGEL  et  CJe,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Yivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  û5i. 


SOMMAIRE.  —  TEXTE. 

I.  L'opéra-comique,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  Kreutzer  (22e  article). 
L.  Ménead.  — II.  Théâtre-Italien  :  Un  Ballo  in  ynaschera,  de  Verdi,  première 
représentation.  J.  Lovy.  —  III.  Théâtre-Lyrique  :  la  Madone,  de  M.  Carmouche, 
musique  de  Louis  Lacombe.  J.-L.  Heugel.  —  IV.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovr. 
—  Y.  Bilan  mortuaire  de  l'année  1860.  —  VI.  Le  nouveau  Théâtre-Lyrique.  — 
VIL  Premier  concert  du  Conservatoire.  E.  Viel.  —  VIII.  Nouvelles,  Concerts 
et  Soirées,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
TES  VINGT  ANS , 

Paroles  et  musique  de  Mme  Pauline  Thys.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  la  romance  du  deuxième  acte  de  Barkouf,  chantée  par  Mlle  Ma- 
rimon,  paroles  de  MM.  Scribe  et  Boisseaux,  musique  de  J.  Offenbach. 

PIANO: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

LA  VALSE  DES  FLEURS  , 

Dansée  par  M11' Emma  Livry,  dans  le  Papillon,  musique  de  J.  Offen- 
bach. —  Suivra  immédiatement  après,  du  même  ballet,  la  Polka  des 
Métamorphoses,  par  Arban. 


I/0PË1U- COMIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES  PROGRES,  SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


SECONDE  PARTIE.  —  XIXe  SIECLE. 
CHAPITRE    VI. 

XXII. 

Kreutzer. 

En  raison  de  la  rivalité,  si  profitable  à  l'art,  des  théâtres 
Favarl  et  Feydeau,  un  même  sujet  fat  quelquefois  traité  à  peu 
près  en  même  temps  par  deux  auteurs  différents  et  représenté 
sur  chacune  des  deux  scènes.  C'est  ainsi  que  les  deux  meilleurs 
ouvrages  de  Kreutzer  :  Lodoïska  et  Paul  et  Virginie  avaient  deux 
homonymes  mis  en  musique,  le  premier  par  Chérubini,  le  se- 
cond par  Lesueur,  comme  nous  venons  de  le  voir. 


Rodolphe  Kreutzer  avait  reçu  une  éducation  musicale  plus 
incomplète  que  celle  de  Berton  et  de  Lesueur.  Il  eut  pour 
professeur  son  propre  instinct  musical.  Il  composait  ses  opéras 
en  se  promenant  de  long  en  large  dans  sa  chambre  son  violon  à 
la  main,  et  notant  à  la  volée  les  mélodies  gracieuses  qui  nais- 
saient sous  ses  doigts,  j'eusse  pu  dire  sous  ses  pas.  C'est  ainsi 
qu'il  trouva  les  inspirations  chaleureuses  et  naïves  à  la  fois,  re- 
marquables, comme  celles  de  Berton,  par  la  recherche  de  la 
couleur  locale  que  l'on  rencontre  dans  son  œuvre. 

Il  était  né  à  Versailles  le  16  novembre  1766.  Son  père  était 
musicien  de  la  chapelle  du  roi.  Rodolphe  apprit  de  l'allemand 
Stamitz  à  jouer  du  violon,  cet  art  qui  devait  le  rendre  plus  célè- 
bre que  ses  compositions  dramatiques  et  lui  donner  une  place 
dans  le  glorieux  triumvirat  de  violonistes  français  dont  Rode 
et  Baillot  étaient  les  deux  autres  membres.  A  treize  ans,  il  exé- 
cuta au  concert  spirituel,  avec  le  plus  grand  succès,  un  concerto 
qu'il  avait  composé,  bien  qu'il  ne  sût  point  l'harmonie. 

Ceci  l'encouragea  à  s'essayer  dans  un  genre  plus  grandiose 
que  le  concerto,  l'opéra,  et  il  écrivit  dans  ce  but  la  partition  de 
deux  anciennes  comédies  à  ariettes  qui  furent  jouées  sur  le  théâ- 
tre de  la  Cour  à  Versailles.  Grâce  à  cet  essai  et  à  la  protection  de 
la  reine,  il  obtint  de  Desforges  un  libretto,  Jeanne  d'Arc,  drame 
historique  en  trois  actes.  Kreutzer,  abandonnant  toutes  ses  au- 
tres occupations ,  ne  songea  plus  qu'à  sa  partition  qui  fut  ache- 
vée en  peu  de  jours,  et  représentée  à  la  comédie  italienne  en  1790. 
Le  public  l'accueillit  assez  bien. 

Le  15  janvier  de  l'année  suivante,  Kreutzer  obtenait  un  suc- 
cès très-franc  avec  Paul  et  Virginie,  pièce  en  trois  actes.  De- 
jaure,  qui  avait  fait  les  paroles  de  cet  opéra,  s'empressa  de  remet- 
tre à  son  collaborateur  un  nouveau  libretto  aussi  en  trois  actes, 
dont  il  avait  tiré  le  sujet  du  Faublas  de  Louvet,  et  qu'il  avait 
appelé  Lodoïslca  ou  les  Tarlares.  Cette  pièce  fut  reçue  avec  un 
véritable  enthousiasme,  quoique  la  partition  ne  valut  peut-être 
pas  celle  de  Paul  et  Virginie.  L'ouverture  est  restée  populaire; 


LE  MÉNESTREL. 


toute  l'armée  française  a  défilé  aux  accents  de  la  marche  des  Tar- 
tares. 

Kreutzer  écrivit  ensuite  plusieurs  opéras  et  opéras-comiques 
qui  n'eurent  pas  un  sort  aussi  heureux  que  ses  premières  œu- 
vres. Professeur  au  Conservatoire,  il  crut  que  cette  nouvelle  po- 
sition l'obligeait  à  travailler  le  contrepoint,  et  ces  études,  pénibles 
à  l'âge  où  il'jles  entreprenait,  nuisirent  à  son  inspiration.  Je  ci- 
terai, quoique  ceci  soit  un  peu  en  dehors  de  mon  cadre,  parmi 
ses  grands  opéras  :  la  mort  d'Abel,  trois  actes  représentés  en  1810. 

Kreutzer  s'était  cassé  le  bras  en  1820,  et  depuis  cette  époque 
il  ne  jouait  plus  du  violon.  11  mourut  à  Genève,  le  6  janvier 
1831,  d'une  espèce  de  maladie  de  langueur,  pour  laquelle  on 
lui  avait  ordonné  l'air  des  montagnes. 

«  La  maison  de  Kreutzer,  dit  M.  Vieillard  dans  sa  biogra- 
phie de  Méhul,  était  un  vrai  sanctuaire  de  l'art.  A  l'Opéra- 
Comique,  les  deux  grands  succès  de  Lodoïsha  et  de  Paul  et  Vir- 
ginie; à  l'Opéra,  Astyanax,  la  Mort-  d'Abel  et  Aristippe,  avaient 
donné  à  Kreutzer  un  rang  très -distingué  parmi  les  composi- 
teurs français.  Premier  violon  à  l'Opéra,  parmi  ses  contempo- 
rains, Rodaet  Baillot  pouvaient  seuls  être  placés  sur  la  même 
ligne  que  lui.  Son  frère  et  son  élève,  Auguste,  promettait  d'être 
son  digne  successeur.  Ces  titres  divers  h  la  vogue  et  à  la  célébrité 
avaient  procuré  à  Kreutzer  une  des  plus  grandes  existences  d'ar- 
tiste dont  il  y  ait  eu  d'exemple  en  France;  par  le  talent  il  était 
arrivé  à  la  fortune  ;  et  la  spirituelle  intelligence  d'une  femme 
du  plus  haut  mérite  avait  fait  de  sa  maison  le  centre  de  réunion 
d'un  petit  nombre  d'auteurs  et  d'artistes  d'élite  qu'il  rassemblait 
toutes  les  semaines  h  sa  table.  » 

LÉON    MENEAU. 


THEATRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 

Un  Ballo  in  maschera,  mélodrame  lyrique  en  quatre  actes, 
libretto  de  M.  Somma  ,  musique  de  Verdi. 

Notre  bonne  ville  de  Paris,  quoi  qu'on  dise,  est  générale- 
ment routinière,  et  lorsqu'une  pièce  apparaît  sur  l'affiche  un 
dimanche,  on  la  suppose  à  peu  près  sacrifiée.  Quelques  direc- 
tions de  loin  à  loin  bravent  le  préjugé,  mais  on  parviendra 
difficilement  à  le  déraciner,  chez  MM.  les  feuilletonistes,  surtout. 

M.  Calzado  a  voulu  que  le  nouvel  opéra  de  Verdi  fît  les 
honneurs  de  la  soirée  dominicale;  son  audace  lui  a  réussi  : 
chacun  s'est  trouvé  à  son  posle. 

Avant  d'aborder  cette  représentation,  nous  croyons  devoir 
emprunter  à  notre  confrère,  Gustave  Bertrand,  de  Y  Entracte, 
quelques  renseignements  préliminaires  qu'on  ne  lira  pas  fans 
intérêt. 

«  La  mort  romanesque  et  tragique  de  Gustave  III  dans  un 
bal  masqué  a  d'abord  été  exploitée  par  les  dramaturges.  Nous 
avons  eu  entre  les  mains  un  drame,  représenté  et  édité  à  Paris, 
sur  le  même  sujet  et  sous  le  même  titre. 

«  M.  Scribe  vint  ensuite,  qui  bâtit  un  livret  de  grand  opéra- 
ballet  sur  cette  magnifique  donnée;  et  savez- vous  à  quel  com- 
positeur le  Bal  Masqué  fut  primitivement  destiné?  ARossini. 

«  Quand  Rossini  fut  appelé  à  Paris,  il  accepta  le  traité  sui- 
vant ;  le  ministère  de  la  maison  du  roi  lui  assurait,  en  dehors 
de  ses  droits  d'auteur,  une  rente  de  10,000  fr.  pendant  six  ans, 
et  le  maestro,  de  son  côté,  s'engageait  a  livrer  dans  ce  délai 
trois  grands  opéras  à  l'Académie  royale  de  Musique. 

«  Les  trois  ouvrages  désignés  étaient  Guillaume  Tell,  Gu..~ 


lave  III  et  le  Duc  d'Albe.  Mais,  il  n'y  a  pas  à  marchander  avec 
le  génie;  Rossini  s'est  acquitté  mille  fois  en  donnant  à  la  France 
un  seul  chef  d'œuvre,  celui  de  Guillaume  Tell. 

«  Le  livret  du  Duc  d'Albe  fut  confié  plus  tard  par  M.  Scribe 
à  Donizetti,  qui  mourut  avant  d'avoir  achevé  son  travail.  — 
Quant  à  Gustave  III,  l'ouvrage  échut  à  M.  Auber  et  fut  donné 
à  l'Opéra  le  27  février  1833;  les  rôles  étaient  chantés  par  Nour- 
rit, Levasscur,  Massol,  Dabadie,  Alexis  Dupont,  M"0  Falcon, 
M"e  Dorus  (qui  devint  peu  après  Mme  Dorus-Gras),  ftMme  Da- 
badie. Mais  cet  ouvrage  était  autant  un  ballet  qu'un  opéra,  et, 
par  une  destinée  bizarre,  l'opéra  fut  écrasé  par  le  ballet.  Les 
airs  de  danse,  d'une  grâce  ravissante,  sont  restés  populaires; 
le  ballet  était  un  des  mieux  réussis  de  Taglioni;  la  mise  en 
scène,  réglée  par  M.  Duponchel,  était,  au  cinquième  acte  sur- 
tout, au  tableau  du  bal,  d'une  magnificence  éblouissante  qui 
fit  événement  à  l'Opéra;  si  bien  que,  lorsque  la  vogue  de  l'ou- 
vrage eut  un  peu  diminué,  le  cinquième  acte  survécut  et  se 
donna  longtemps  encore  b.  la  fin  des  spectacles  et  dans  toutes 
les  représentations  extraordinaires. 

«  Gustave  III  a  fait  le  tour  de  l'Europe,  mais  c'est  toujours 
plutôt  comme  ballet  qu'il  est  donné  à  Bruxelles,  à  Pétersbourg 
et  sur  les  théâtres  allemands. 

«  L'œuvre  de  Verdi  est  uniquement  un  drame  lyrique  au 
contraire,  et  il  n'y  a  ras  ombre  de  chorégraphie.  Le  libretto 
italien  est  de  M.  Somma,  un  jeune  pcëte  qui  a  écrit  de  très- 
belles  choses,  entre  autres  une  tragédie  intitulée  :  Parasina, 
pour  Mme  Ristori.  M.  Somma  était  régisseur  au  Grand-Théâtre 
de  Trieste. 

«  L'ouvrage  devait  être  donné  au  théâtre  de  San-Carlo  pen- 
dant le  carnaval  de  1858;  mais  la  censure  napolitaine,  qui  n'ai- 
mait pas  les  conjurations,  même  au  théâtre,  suscita  tant  d'ennuis 
à  Verdi,  qu'un  beau  jour  il  ramassa  musique  et  livret  et  s'en  alla 
chez  lui,  sans  plus  s'inquiéter  du  procès  dont  la  direction  de 
San-Carlo  le  menaçait.  On  parlait  simplement  de  250,000  fr. 
de  dommages-intérêts.  La  révolution  des  Deux-Siciles  vient  de 
renvoyer  le  procès  aux  calendes  grecques. 

«  L'affaire  dormit  pendant  un  an,  puis  le  maestro  entama  des 
négociations  avec  le  théâtre  Apollo  de  Rome.  Entre  autres 
remaniements  que  le  drame  eut  à  subir,  il  fallut  transporter 
l'action  à  Boston.  La  censure  romaine  jugea  que  le  mal  serait 
moins  grand  si  l'affaire  se  passait  très-loin,  en  Amérique,  dans 
une  capitale  protestante,  et  si  l'infortuné  roi  de  Suède  n'était 
plus  qu'un  gouverneur  anglais.  Mais  on  eut  la  main  malheu- 
reuse en  choisissant  Boston,  qui  a  toujours  passé  pour  la  ville 
puritaine  par  excellence,  et  où  il  n'y  a  peut-être  jamais  eu  de 
bal  masqué. 

«  Un  Ballo  in  maschera  fut  donc  représenté,  pendant  le 
carnaval  de  1859,  à  Rome,  avec  un  succès  et  un  retentissement 
immenses.  Les  principaux  rôles  étaient  chantés  par  le  ténor 
Fraschini,  qui  chante  maintenant  à  Madrid;  par  le  baryton 
Giraldoni,qui  est  à  Pétersbourg;  par  notre  compatriote  Mmo  Ju- 
lienne Dejean  (Amelia),  M"e  Sbriscia  (Ulrica),  et  M"e  Scotti 
(Oscar).  » 

Grâce  à  M.  Calzado,  l'accueil  ultramontain  vient  d'être 
sanctionné  à  Paris.  La  partition  d'un  Ballo  in  maschera,  autant 
qu'il  nous  est  permis  d'en  juger  d'après  une  première  audi- 
tion, peut  prendre  rang  à  côté  des  bonnes  œuvres  du  maestro 
italien.  Elle  nous  semble  participer  parfois  de  la  vigueur  du 
Trovatore  et  des  accents  plus  délicats  de  la  Traviata;  elle  accuse, 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


59 


de  plus,  un  reflet  de  l'école  romantique  allemande,  notamment 
au  point  de  vue  instrumental. 

Parmi  les  morceaux  goûtés  et  acclamés  dès  la  première  soi- 
rée, citons  au  premier  acte  l'introduction,  la  romance  du  ténor 
(Mario),  et  l'air  de  Graziani  (Renato),  et  une  fort  agréable  bal- 
lade du  page  Oscar  (Mlle  Battu);  au  deuxième,  la  scène  de  la 
bohémienne  Ulrica  (Mme  Alboni),  son  invocation  en  mode 
mineur  Iîe  dclV  abisso,  avec  le  chœur  qui  reprend  le  motif  en 
majeur  ;  puis  le  terzelto  avec  Mme  Tenco  (Amélia)  et  Mario 
(Riccardo);  enfin  une  très-gracieuse  canzone  napolitaine,  dite 
par  Mario,  et  redemandée. 

Le  troisième  acte,  qui  nous  transporte  dans  le  champ  des 
supplices,  renferme  des  éléments  non  moins  remarquables.  La 
scène  des  apparitions  fournit  au  compositeur  une  belle  page, 
dont  Mme  Penco  prend  triomphalement  sa  part.  La  scène  sui- 
vante, le  duo  entre  Amélia  et  Biccardo,  le  trio  avec  Renato 
(Graziani),  et  surtout  le  chœur  sardonique  des  conjurés  : 
Ha  ha  ha,  ont  enlevé  tous  les  bravos. 

Au  quatrième  acte,  il  faut  mentionner  un  suave  canlàbik 
dit  par  Graziani,  un  quintette  coupé  par  une  ravissante  fantai- 
sie vocale  du  page  Oscar  (M"e  Battu);  au  deuxième  tableau,  la 
mélodie  de  Biccardo  :  Si,  rivederti  (motif  qui  domine  tout  l'ou- 
vrage), et  la  fête  du  bal  masqué.  Cette  fête  se  signale  d'abord 
par  la  chanson  moqueuse  du  page  Oscar,  saper  vorreste,  chan- 
son qui  a  valu  à  M"e  Battu  des  salves  d'applaudissements  et 
deux  rappels. 

Le  motif  sautillant  des  instruments  de  cuivre  de  l'orchestre 
du  bal  pèche  par  la  vulgarité  ;  mais  le  compositeur  a  su  l'agen- 
cer, en  contre-sujet,  avec  un  chant  large,  confié  au  soprano 
et  soutenu  d'un  dessin  orchestral  très-dramatique.  Quant  à 
la  scène  finale,  celle  du  coup  de  poignard,  elle  est  complète- 
ment écrasée  par  le  souvenir  de  la  poétique  agonie  d'Edgard 
dans  la  Lucie. 

En  général,  l'orchestre  occupe  un  rôle  important  dans  cette 
partition  de  Verdi.  Ce  ne  sont  plus  ces  accompagnements  pla- 
qués sous  un  chant  violent,  mais  un  tissu  instrumental  des  mieux 
travaillés,  où  les  dialogues,  les  réponses  et  les  contrastes 
frappent  agréablement  l'oreille  du  dilettante  exercé. 

Mme  Penco,  Mlle  Battu,  Mme  Alboni,  Graziani  et  Mario, — 
malgré  ses  défaillances  du  dernier  acte, —  ont  droit  à  de  sin- 
cères éloges,  et  le  public  nous  a  paru  injuste  en  ne  les  rappelant 
point  tous  à  l'issue  du  tableau  final. 

A  propos  de  tableaux,  la  mise  en  scène  mérite  d'être  signalée. 
M.  Calzado  a  fait  tout  ce  qu'il  a  pu  pour  encadrer  élégam- 
ment ce  mélodrame  dénué  de  gaieté  et  privé  de  l'élément  cho- 
régraphique. 

En  somme,  Un  Ballo  in  maschera  tiendra  une  bonne  place 
dans  le  répertoire  de  Ventadour. 

J.  Lovy. 


THEATRE  LYRIQUE. 

La  Madone,  de  Louis  Carmouche,  musique  de  Louis  Lacombe. 

Celte  pauvre  Madone  vient  enfin  de  voir  le  jour  après  des 
vicissitudes  sans  fin. 

D'abord  destinée  au  concours  de  composition  musicale  sous  la 
forme  de  la  cantate  traditionnelle,  l'auteur  du  livret  ambitionna 
plus  tard  le  théâtre,  et  c'est  à  M.  Lacombe  qu'échut  le  sort  de 
celte  transformati  m  musicale. 


Le  lecteur  a  déjà  compris  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  d'un  opéra- 
comique  —  quoi  qu'en  puisse  dire  l'affiche,  —  mais  bien  de  vers 
chantés  et  déclamés  à  la  manière  des  odes-symphonies  qui 
défraient  depuis  quelques  années  nos  concerts  à  grand  orchestre. 

Acceptée  sous  ce  point  de  vue,  la  Madone  révèle  les  qualités 
élevées  que  chacun  reconnaît  h  Louis  Lacombe,  symphoniste 
qui  a  fait  ses  preuves  :  Manfred,  Arva,  sont  des  œuvres  qui 
attestent  la  marque  du  musicien.  Comme  pianiste,  et  sous  le 
rapport  de  la  musique  de  salon,  vocale  ou  instrumentale, 
Lacombe  a  produit  de  belles  pages  et  du  style  le  plus  élevé. 
Tout  ceci  ne  fait  plus  question. 

Ce  qu'il  restait  à  établir,  à  confirmer,  c'étaient  les  qualités 
scéniques  plus  ou  moins  dévolues  par  la  nature  à  ce  composi- 
teur distingué.  Par  malheur,  la  Madone  ne  pouvait,  à  aucun 
titre,  atteindre  ce  but,  et  c'est  une  épreuve  à  recommencer.  Nous 
connaissons  d'ailleurs  dans  le  portefeuille  de  Louis  Lacombe  un 
acte  de  M.  Clairville,  écrit  dans  d'excellentes  conditions  d'opéra- 
comique  avec  musique  à  l'avenant. 

Quant  à  la  Madone  de  M.  Carmouche,  elle  est  bien  et 
dûment  restée  cantate  comme  devant,  affublée,  il  est  vrai,  d'un 
modeste  décor  et  d'humbles  costumes ,  mais  privée  des  inter- 
prètes de  premier  ordre,  qui  d'usage  font  ressortir  les  mérites 
de  ce  genre  de  musique  ;  —  si  bien  qu'à  l'orchestre  près, —  qui 
a  très-habilement  manœuvré  sous  la  direction  de  M.  Deloffre — 
le  public  a  eu  peine  à  saisir  les  qualités  musicales  de  cette  can- 
tate. Certains  morceaux  cependant,  placés  dans  leur  cadre  natu- 
rel, chantés  par  de  vraies  voix,  de  vrais  chanteurs,  produiraient 
assurément  leur  effet.  Nous  citerons  de  ce  nombre  la  romance 
du  soprano  (M"e  Orwil)  ,  la  barcarolle-sérénade  du  baryton 
(M.  Vanaud)  ,  et  le  trio  final  par  lequel  se  déroule  l'action. 
En  voici  le  sujet  : 

Un  artiste  célèbre  peint  une  madone  pour  le  Vatican  et  prend 
pour  modèle  une  jeune  paysanne  dont  le  visage  angélique 
l'inspire.  La  paysanne  est  fiancée  à  un  pêcheur  (de  Calaue,  sans 
doute,  pour  rester  fidèle  à  la  couleur  locale).  Or  ce  fiancé,  un 
jour  d'orage,  vient  troubler  les  séances  de  l'atelier  du  maître 
par  une  scène  de  jalousie.  Le  peintre,  afin  de  désabuser  ce  nou- 
vel Othello,  disparaît  un  instant  pour  reparaître  sous  le  capu- 
chon d'un  moine,  —  preuve  irréfragable  que  lui,  ainsi  que  la 
jeune  villageoise,  avaient  les  intentions  les  plus  pures  et  sont 
innocents  comme  l'agneau  pascal.  C'est  d'ailleurs  pour  donner 
du  pain  à  sa  mère  que  la  fiancée  du  pêcheur  avait  consenti  h 
poser  comme  madone.  Aussi  l'Othello,  doublement  convaincu, 
rentre-t-il  son  poignard  dans  sa  ceinture  avec  les  derniers  accents 
du  trio  final. 

Nous  avons  parlé  de  l'orchestre,  et  nous  disions  qu'il  s'était 
distingué.  C'est  surtout  dès  l'ouverture,  remarquable  fragment 
symphonique,  que  le  public  aurait  pu  l'apprécier.  Mais  le 
moyen  d'arriver  au  Théâtre-Lyrique  à  sept  heures  de  relevée, 
par  dix  degrés  au-dessous  de  zéro!  C'était  le  moment  fixé  pour 
le  premier  coup  d'archet.  M.  Deloffre  a  bien  accordé  quelques 
minutes  aux  retardataires;  mais,  hélas!  la  bise  soufflait  de  la 
façon  la  plus  glaciale,  et  la  Madone  n'avait  pu  conjurer  cette 
dernière  tourmente.  Les  auteurs  n'ont  eu  qu'à  se  résigner  : 
La  volonté  de  Dieu  soit  faite. 

J.-L.  Heugiîl. 


L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  renvoyer  au  dimanche 
suivant  nos  Tablettes  du  Pianiste  et  du  Chanteur. 


60 


LE  MÉNESTREL 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

Le  théâtre  impérial  de  I'Opéba  nous  a  rendu,  mercredi  der- 
nier, Pierre  de  Médicis,  qui  n'avait  pas  été  représenté  depuis 
assez  longtemps.  Gueymard,  Obin,  Dumestre,  Mme  Gueymard- 
Lauters,  ont  retrouvé  l'écho  et  la  consécration  de  leurs  succès 
primitifs  dans  la  partition  du  prince-musicien.  —  De  son  côté, 
Mme  Ferraris  a  effectué  une  brillante  rentrée  dans  le  ballet  du 
deuxième  acte,  les  Amours  de  Diane.  L' excellente  ballerine  a 
dansé  son  pas  avec  une  merveilleuse  perfection;  aussi  le  public 
lui  a-t-il  prouvé,  par  ses  salves  de  bravos,  que  le  Papillon, — 
malgré  son  immense  vogue, —  ne  saurait  arrêter  les  ailes  de 
la  Reine  des  Elfes.  — Le  ténor  Labat  a  amélioré  ses  débuts  dans 
la  Juive.  On  dit  qu'il  doit  s'essayer  également  dans  Guillaume 
Tell; —  s'essayer  est  le  mot,  — seulement  n'est-il  pas  fâcheux 
que  ce  soit  sur  la  scène  de  l'Opéra  ? 

La  reprise  à'Herculanum,  que  l'on  espérait  pour  les  derniers 
jours  de  ce  mois,  est  encore  retardée,  Mme  Tedesco  étant  obligée 
de  se  consacrer  entièrement  aux  études  du  Tannhauser,  qui  se 
répète  jour  et  nuit.  —  Tout  n'est  pas  rose  à  l'Opéra. 

Le  Théâtre-Italien  nous  a  donné,  dimanche  dernier,  la 
première  représentation  d'un  Ballo  in  maschera  (voir  notre 
article).  Quatre  représentations  successives  et  quelques  heureuses- 
coupures  ont  décidément  amené  cet  ouvrage  à  bon  port. 

A  l'OpÉRA-CoaiiQUE  Mme  Saint-Urbain  , .  qui  devait  faire  ses 
débuts  dans  un  ouvrage  nouveau,  paraît  avoir  renoncé  à  cette 
résolution.  Cette  artiste  nous  apparaîtra  d'abord  clans  le  rôle  de 
Marie,  de  la  Fille  du  régiment,  rôle  qui  a  bien  son  importance, 
surtout  par  les  grands  souvenirs  qu'il  nous  a  laissés.  —  On  a 
fait  relâche,  hier  samedi ,  pour  les  répétitions  générales  de  la 
Circassienne. 

Mercredi  dernier  a  eu  lieu,  au  Théâtre -Lyrique,  la  première 
représentation  de  la  Madone  (voir  notre  article).  —  On  nous 
promet,  avant  la  fin  de  ce  mois,  la  Nuit  du  mardi  gras,  opéra- 
comique  en  trois  actes,  de  MM.  Scribe  et  Boisseaux,  musique  de 
M.  Clapisson.  Le  poëme,  des  plus  amusants,  si  l'on  en  croit  les 
bruits  de  coulisses,  ne  le  céderait  en  rien  à  la  partition,  une  des 
mieux  réussies  qu'ait  écrites  l'auteur  de  Fanchonnette. 

En  attendant  cet  important  ouvrage,  on  prépare,  avec  MIIc  Gi- 
rard,unereprise  deGil  Blas,le  grand  succès  de  la  saison  dernière, 
et  plusieurs  nouveautés  en  un  acte,  destinées  h  être  données 
avec  les  Pêcheurs  de  Catane  et  le  Val  d'Andorre,  dont  les  recettes 
semblent  devoir  se  maintenir  au  maximum. 

Le  Théâtre-Français  fait  salle  comble  avec  les  Effrontés,  de 
M.  Emile  Augier.  Malgré  ses  défauts,  que  la  presse  a  surabon- 
damment signalés,  cette  comédie  excitera  pour  le  moins  un  vif 
sentiment  de  curiosité.  —  Le  Théâtre-Français  va  remettre  à  la 
scène  les  Fourberies  de Scapin, qui  n'ont  pas  été  donnéesdepuis 
sept  ans,  et  le  Sicilien,  qui  depuis  vingt-trois  ans  avait  disparu 
du  répertoire.  Mlle  Ponsin  continuera  ses  débuts  dans  ces  deux 
pièces  de  Molière.  Régnier  et  M"°  Augustine  Brohan  joueront 
dans  les  Fourberies;  Monrose  et  Talbot  feront  les  honneurs  du 
Sicilien. 

L'Odéon  devient  décidément  une  pépinière  de  tragédiennes. 
Voici  venir  une  nouvelle  aspirante,  Mlle  Jeanne  Tordeus.  Mais 
ce  nom  ne  nous  était  point  inconnu  :  il  évoque  le  souvenir  de 
Rachel,  qui  honora  jadis  de  ses  conseils  et  de  ses  encourage- 
ments la  jeune  artiste  belge,  alors  âgée  de  douze  ans.  Mlle  Tor- 


deus est  élève  deProvost;  elle  a  remporté,  l'année  dernière, 
le  premier  prix  de  tragédie  au  Conservatoire  de  Paris.  —  Son 
début  a  eu  lieu  celte  semaine  dans  le  rôle  de  Chimêne,  du  Cid; 
elle  l'a  composé  avec  beaucoup  d'intelligence;  sa  voix  est  tra- 
gique; sa  tenue,  son  geste,  sont  assez  nobles;  en  un  mot,  c'est 
une  heureuse  nature  d'artiste  :  peut-être  manque-t-elle  de  force 
pour  les  grands  rôles  tragiques,  — à  moins  que  le  travail  et  la 
vigueur  de  l'âge  ne  développent  ce  jeune  organe.  Quoi  qu'il  en 
soit,  la  jeune  débutante  a  été  sincèrement  applaudie  et  rappelée 
à  la  fin  de  sa  grande  scène  avec  Rodrigue. 

Au  Gymnase,  nous  avons  eu  la  première  représentation  de 
la  Famille  de  Puimenée,  comédie  en  quatre  actes,  de  M.  Edouard 
Foussier.  Il  y  a  des  situations  émouvantes  et  des  détails  heureux. 
La  pièce  est  interprétée  à  souhait  par  Mme  Rose-Chéri,  Lafon- 
taine,  Mlle  Suzanne  Lagier  (qui  débutait  dans  le  rôle  de  Yanka), 
MM.  Landrol,  Lesueur,  Francisque,  Mmes  Chéri-Lesueur  et 
Delaporte. 

La  direction  des  Variétés  vient  d'engager  Dupuis,  du  théâtre 
Déjazet,  et  plusieurs  actrices  du  boulevard  du  Temple.  —  Ce 
théâtre  a  cru  devoir  remplacer  son  excellent  chef  d'orchestre 
Nargeot,  auteur  d'une  foule  d'airs  et  de  mélodies  devenus  po- 
pulaires. C'est  M.  Victor  Chéri  qui  doit  succéder  à  M.  Nargeut 
le  1er  avril  prochain. 

Le  théâtre  de  la  Gaîté  reprend  Trente  ans  ou  la  Vie  d'un 
joueur,  avec  Frédérick-Lemaître,  le  grand  comédien  qui,  au 
milieu  de  ses  nobles  débris,  a  conservé  toute  la  puissance  du  geste 
et  du  regard. 

* 
*  -* 

Un  mot  encore  :  malgré  la  double  vogue  de  la  Chanson  de 
Fortunio  et  du  Mari  sans  le  savoir,  les  Bouffes-Parisiens 
annoncent  pour  mardi  prochain  les  Musiciens  de  l'orchestre, 
grande  bouffonnerie  en  deux  actes,  par  les. principaux  comiques 
et  toute  la  troupe  féminine.  Les  Musiciens  compléteront,  avec 
les  deux  pièces  nouvelles,  l'affiche  la  plus  variée  qu'ait  offerte 
depuis  longtemps  notre  cinquième  théâtre  lyrique. 

J.  Lovv. 


LE  BILAN  MORTUAIRE  DE  1860. 

Les  journaux  do  théâtres  publient  les  tablettes  nécrologiques  de 
l'année  défunte.  On  verra  par  l'extrait  suivant,  que  cette  fois 
encore  l'art  musical  a  largement  payé  le  fatal  tribut. 

COMPOSITEURS. 

Instrumentistes,  maîtres  de  chapelle,  chefs  d'orchestre,  etc. 

M.  Luigi  Gordigiani,  compositeur.  —  M.  Luigi  Ricci,  maître 
de  chapelle  de  la  ville  et  chef  d'orchestre  du  théâtre  de  Trieste. 

—  M.  Girard,  chef  d'orchestre  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra. 

—  M.  le  comte  Pillet-Will ,  violoniste,   amateur-compositeur. 
M.  A.  Goria,  pianiste-compositeur.  —   M.  Jules  Couplet, 

compositeur.  —  M.  Henri  Enck.  —  M.  Silker.  —  M.  Roger, 
chef  d'orchestre  dans  différents  théâtres  de  province.  —  M.  Jul- 
lien,  chef  d'orchestre,  à  Londres.  —  M.  Fréd.  Sébastiani, 
clarinette.  —  M.  Sauva geot ,  violoniste.  — M.  J.  de  Buhl, 
ancien  chef  de  musique  des  gardes  du  roi.  —  M.  Nicolas 
Schaffner,  ex-chef  d'orchestre  du  Grand-Théâtre  de  Bordeaux. 

—  M.  Fumeri,  chef  d'orchestre  à  l'Opéra  de  Moscou. — M.  Ely, 
flûtiste.  —   M.  Charles  Blinder,  chef   d'orchestre   au  théâtra 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


01 


Charles,  à  Vienne.  —  M.  Finney,   pianiste.  —  M.   Brucker, 
chef  d'orchestre,  à  Nîmes. 

PROFESSEURS    DE    MUSIQUE. 

M.  Moreau-Sainli ,  professeur  au  Conservatoire.  —  M.  Ch. 
Gieschner,  ex-professeur  au  Conservatoire  de  Bruxelles. 

DIVERS. 

M.  Devaux,  —  M.  S.  T.  Zurasteeg,  éditeur  de  musique.  — 
M.  Gosselin,  maître  de  ballet  au  théâtre  de  l'Opéra.  —  M.  Tée, 
éditeur  de  musique.  —  Mme  veuve  Hérold,  mère  du  compositeur 
de  ce  nom.  —  Mm"  Weigl,  veuve  du  compositeur  de  ce  nom .  — 
Mme  Alexandre,  mère  de  M.  Alexandre,  facteur  d'orgues.  — 
M.Rellslab,  critique  musical.  — M.  Wild,  artiste  lyrique. — 
Mme  Schroeder-Devrient ,  célèbre  cantatrice  allemande.  — 
Mme  FélixMelolte.  —  Mme  Raby,  —  M.  Cibot,  artistes  lyriques. 

P.  S.  Nous  avons  déjà  dit  que  le  bilan  mortuaire  de  l'année 
1860  s'était  accru  de  la  mort  du  ténor  Rousseau-Lagrave,  dont 
chacun  se  rappelle  la  double  apparition  sur  les  scènes  de  l'Opéra 
etdu  Théâtre-Lyrique.  Aujourd'hui,  nous  avons  à  enregistrer  un 
nouveau  deuil,  qui  attriste  bien  douloureusement  celte  première 
quinzaine  de  l'année  1861.  Mmo  Ménechet  de  Barival  vient  d'ê- 
tre enlevée  à  sa  famille  et  à  ses  amis,  après  une  longue  et  cruelle 
maladie.  C'était  une  des  femmes  les  plus  distinguées  du  monde 
dilettante  :  artiste  par  le  talent,  le  cœur  et  l'esprit,  Mme  Méne- 
chet de  Barival  brillait  d'un  poétique  éclat  parmi  nos  pianistes- 
compositeurs.  Le  produit  de  ses  œuvres,  d'une  réelle  valeur  artis- 
tique et  commerciale,  était  destiné  à  des  fondations  de  bienfai- 
sance; —  aussi,  les  regrets  universels  ont-ils  accompagné  la 
femme  et  l'artiste  jusqu'à  sa  dernière  demeure. 


LA  NOUVELLE  SALLE  DU  THEATRE-LYRIQUE. 

Le  gros  œuvre  du  Théâtre-Lyrique  étant  terminé,  les  jour- 
naux complètent  les  renseignements  déjà  publiés  sur  ce  nouvel 
édifice,  construit  sur  les  plans  de  M.  Davioud,  architecte  de  la 
Ville  de  Paris. 

Le  nouveau  Théâtre-Lyrique  est  construit  sur  un  terrain 
isolé  des  quatre  faces  par  quatre  voies  publiques,  et  occupe  une 
surface  totale  de  1,844  mètres. 

L'entrée  principale  se  développe  sur  la  place  du  Châtelet,  au 
moyen  de  cinq  arcades  comprenant,  à  droite  et  à  gauche,  les 
bureaux  des  loges  et  stalles  principales  et  secondaires.  Ces 
arcades  donnent  accès  à  un  vestibule  de  25  mètres  de  long 
sur  6  mètres  de  large.  De  chaque  côté  et  derrière  ce  vestibule 
se  trouvent  deux  escaliers,  les  escaliers  du  parterre,  deux  ves- 
tiaires et  une  salle  d'attente. 

Les  places  secondaires  sont  desservies  par  deux  escaliers,  l'un 
en  façade  sur  le  quai,  l'autre  sur  l'avenue  Victoria  :  on  y  arrive 
par  deux  vestibules  spacieux.  Les  ventilateurs  sont  adossés  à  ces 
escaliers.  Les  bureaux  de  location  sont  placés  en  façade  sur  le 
quai  et  sur  l'avenue;  enfin,  au  centre  de  l'avenue  Victoria,  il 
existe  un  vestibule  et  un  escalier  spécial  donnant  accès  à  la  loge 
impériale. 

L'entresol  de  chaque  côté  de  la  salle  comprend  les  bureaux  et 
la  direction,  et  sur  le  quai,  le  service  des  accessoires.  L'entrée 
du  parterre  s'y  trouve  au  centre,  du  côté  de  la  place,  et  de 
grands  couloirs  entourent  le  parterre  pour  desservir  les 
baignoires. 


Au  premier  étage  se  trouve  le  foyer  principal,  donnant  sur  la 
place  et  ayant  à  ses  extrémités  deux  salons-foyers.  Sur  le  quai 
sont  cinq  foyers  pour  les  chœurs,  la  danse,  les  artistes,  etc. 

Au  deuxième  étage,  au-dessus  des  salons-foyers  placés  aux 
angles  de  la  place,  il  y  a  d'un  côté  une  bibliothèque  de  parti- 
tions, et  de  l'autre  un  bureau  pour  la  copie  de  la  musique. 

Au  troisième  étage,  il  existe  un  foyer  pour  les  places  secon- 
daires, occupant  la  même  surface  que.  le  foyer  principal;  des 
salles  d'étude  pour  les  dames,  pour  les  chœurs  ;  les  loges  des 
artistes,  etc.  ;  enfin  le  quatrième  étage  est  consacré  aux  maga- 
sins, aux  ateliers,  salles  d'armes. 

La  salle  a  environ  19  mètres  de  largeur  sur  19  mètres  de  pro- 
fondeur, et  une  hauteur  totale  de  19  mètres  du  parterre  au  lus- 
tre :  elle  contiendra  1 ,750  spectateurs.  Elle  se  compose  d'un  par- 
terre avec  loges  de  baignoires,  quatre  galeries  et  un  amphi- 
théâtre. 

Les  loges  du  premier  et  du  deuxième  étage  ont  chacune  un 
salon  donnant  sur  les  couloirs,  et  toutes  les  galeries  sont  des- 
servies par  de  vastes  couloirs. 

Le  fond  de  la  salle  a  la  forme  d'un  demi-cercle  parfait  avec 
parties  elliptiques  de  chaque  côté  rejoignant  les  avant-scènes. 
Celte  forme  a  paru  la  plus  convenable  pour  permettre  à  tous  les 
spectateurs  de  bien  voir  et  surtout  de  bien  entendre. 

Enfin  la  scène  a  25  mètres  de  large  sur  15  de  profondeur. 

Nous  ferons  connaître  en  temps  et  lieu  les  améliorations  in- 
térieures projetées  par  M.  Davioud,  en  vue  de  l'acoustique,  de 
la  venlilation  et  du  confortable,  améliorations  qui  promettent 
d'ajouter  singulièrement  à  l'attrait  du  nouveau  Théâtre-Lyrique, 
dont  chaque  loge  aura  un  salon  particulier.  Tout  est  préparé 
pour  fixer  le  public  dilettante  dans  cette  nouvelle  résidence,  dont 
l'inauguration  se  signalera,  en  outre,  par  la  première  représen- 
tation des  Troyens,  d'Hector  Berlioz. 


SOCIÉTÉ  DES  CONCERTS  DU  CONSERVATOIRE. 

PREMIER  CONCERT. 

La  Société  devait  ouvrir  la  série  de  ses  séances  par  une  œuvre 
imporlanle  et  nouvelle  pour  Paris  :  la  Symphonie  avec  chœurs 
de  Mendelssohn  ;  une  indisposition  de  M.  Paulin  a  fait  ajourner 
celte  solennité  et  nous  a  valu  la  symphonie  en  ré  de  Beethoven  ; 
nous  n'avons  donc  pas  absolument  perdu  au  change,  toute 
réserve  faite  en  faveur  de  l'inconnu.  Mendelssohn  était  d'ail- 
leurs représenté  au  concert-  de  dimanche  par  son  ouverture  de 
la  Grotte  de  Fingal,  page  ingénieuse,  presque  originale,  qui 
renferme  un  motif  des  plus  élégants  et  qui  certes  produirait 
plus  d'effet  encore  sans  ses  développements  excessifs.  Parlez- 
nous  du  chœur  des  Génies  à'Obéron  :  voilà  de  la  musique  d'une 
fantaisie,  d'un  romantisme  adorables,  et  qui  pourtant  n'a  garde 
de  se  perdre  dans  les  divagations.  M.  Belval  a  été  remplacé, 
au  pied  levé,  par  M.  Cazaux,  dans  la  scène  de  la  Bénédiction  des 
Drapeaux  du  Siège  de  Corinlhe;  —  la  journée,  paraît-il,  était 
aux  indispositions,  ce  qui  n'a  rien  de  bien  étrange;  —  dans 
cette  inspiration  si  énergique  et  si  éclatante,  M.  Cazaux  a  su 
se  faire  applaudir,  non  pas  seulement  pour  son  acte  de  bonne 
camaraderie,  mais  encore  à  cause  de  sa  belle  voix  et  de  son 
énergique  accentuation,  bien  qu'il  n'eût  répété  qu'au  piano,  le 
malin  même,  sous  la  direction  de  M.  Vauthrot,  l'habile  et  cons- 
ciencieux chef  du  chant  de  l'Opéra  et  de  la  Société  des  Concerts. 
Après  le  fragment  fugué  du  9e  quatuor  de  Beethoven,  excel- 


62 


LE  MÉNESTHEL 


lemment  dit  par  tous  les  instruments  à  cordes,  un  Alléluia  des 
Messes  de  Haendel  est  venu  clore  magistralement  cette  première 
séance. 

Artistes  et  public  se  sont  retrouvés,  avec  un  égal  plaisir,  dans 
la  salle  de  la  rue  Bergère.  M.  Tilmant  dirigeait  sa  phalange 
avec  un  zèle  et  une  habileté  qui  ne  sauraient  être  comparés 
qu'à  l'habileté  et  au  zèle  des  exécutants.  Enfin  les  plus  délicats 
ne  se  sont  pas  aperçus  que  l'abaissement  du  diapason  portât  le 
moindre  préjudice  à  la  sonorité  de  l'orchestre  ou  a  l'exécution 
des  œuvres.  Tout  cela  n'est  pas  très-neuf  ;  ne  nous  en  plaignons 
pas  ;  la  perfection  ne  progresse  guère,  et  si,  plus  tard,  il  se 
produit  quelque  nouveauté, — dansle  répertoire  bien  entendu, — 
nous  prenons  l'engagement  de  vous  en  instruire. 

E.    VlEL. 

P.  S.  On  annonce,  pour  le  second  concert,  la  première  appa- 
rition en  public  de  Francis  Planté,  le  virtuose-pianiste  qui  a 
placé  si  haut  l'École-Marmontel.  11  exécutera  le  concerto  en 
mi  bémol  de  Beethoven,  avec  orchestre. C'est  tout  un  événement 
pour  le  public  de  la  Soci^  des  Concerts.  —  Sarrasate,  le  jeune 
chevalier  de  l'ordre  de  Charles  III,  qui  de  son  côté  vient  d'illus- 
trer l'École  d'Alard  en  Espagne,  se  fera  entendre  à  l'un  des 
concerts  suivants. 


NOUVELLES  IIIYERSES. 


—  L'anniversaire  de  Molière  a  élé,  comme  de  coutume,  le  sujet  d'un 
banquet  annuel,  auquel  assistaient  un  grand  nombre  de  convives,  auteurs 
et  artistes.  M.  le  baron  Taylor  présidait  le  festin  qui  se  donnait  aux  Pro- 
vençaux, mardi  dernier.  Ponchard,  le  doyen  de  nos  célébrités  lyriques , 
a  été  invité  à  chanter,  et  la  romance  du  Petit  Chaperon  rouge  lui  a  valu 
de  telles  ovations,  que  la  couronne  posée  sur  le  front  de  Molière  en  a  été 
détachée  en  son  honneur.  Ponchard  s'est  refusé  à  se  parer  de  ce  trophée, 
—  à  l'exemple  de  Samson ,  qui,  l'an  dernier,  déclina  un  semblable  hon- 
neur; —  mais  il  a  gardé,  comme  un  précieux  souvenir  cette  couronne, 
et  l'a  placée  à  côté  des  portraits  de  Rossini  portant  cette  dédicace  du  grand 
maître  :  «  Offert  à  mon  ami  Ponchard,  modèle  de  charme  et  de  grâce  de 
a  l'école  française.        G.  Rossini.  » 

—  Les  correspondances  de  Vienne  nous  apprennent  qu'aucun  impré- 
sario ne  s'étant  présenté  pour  prendre  à  bail  l'entreprise  du  théâtre  de 
l'Opéra,  et  le  terme  du  concours  étant  expiré,  ce  théâtre  devra  continuer 
à  être  un  établissement  impérial. 

—  Par  suite  de  la  mort  du  roi  de  Prusse  Frédéric-Guillaume  IV,  les 
représentations  théâtrales,  les  concerts ,  .les  bals,  les  divertissements 
publics  de  tout  genre  ont  été  interdits  à  Berlin  et  dans  tout  le  royaume, 
pendant  seize  jours. 

—  Le  premier  maître  de  chapelle  à  Munich,  M.  Lachner,  a  été  choisi 
pour  diriger  le  prochain  grand  festival  à  Aix-la-Chapelle. 

—  On  nous  écrit  de  Milan  que  Mme  Cambardi,  prima  donna  du  théâtre 
de  la  Scata,  a  été  brillamment  accueillie  dans  le  rôle  d'Anaïde,  de  Mosc, 
opéra  qui  alterne  avec  la  Favorite,  dont  Mmo  Borghi-Mamo  fait  les 
honneurs.  Mme  Cambardi  vient  d'être  chargée  du  principal  rôle  dans  une 
œuvre  du  maestro  Bianchi  :  Leone  Isuura. 

—  On  écrit  de  La  Haye  :  M.  Martin  Lazare,  pianisle-composileur,  ancien 
élève  du  Conservatoire,  lauréat  de  plusieurs  concours,  vient  d'être  décoré 
de  l'ordre  de  la  Couronne  de  Chêne.  Cet  artiste  doit  se  rendre  prochaine- 
ment à  Paris  pour  faire  entendre  en  public  plusieurs  compositions  écrites 
pendant  sa  tournée  artistique  à  travers  l'Amérique  du  Nord. 

—  On  vient  de  jouer  sur  le  théâtre  national  du  Cirque,  à  Bruxelles,  un 
drame  en  cinq  actes  et  neuf  tableaux,  tiré  des  annales  des  Flandres,  inti- 
tulé Jeanne  de  Constanlinople.  L'auteur,  M.  A.  de  Peellaert,  a  intercalé 
dans  son  œuvre  divers  morceaux  de  chant  de  sa  composition,  qui  ont  élé 
vivemenl  applaudis. 


—  MUe  Louise  de  Ronvroy  a  terminé  ses  représentations  à  Versailles. 
Ses  adieux  au  public  ont  élé  signalés  par  une  avalanche  de  fleurs  et  un 
gracieux  cadeau  offert  par  les  abonnés.  M"e  de  Rouvroy  est  engagée  au 
théâtre  de  Gand. 

—  M.  Biche-Latour,  le  nouveau  directeur  choisi  par  la  municipalité  de 
Bordeaux  pour  diriger  pendant  trois  ans  les  théâtres  de  cette  ville,  a  dési- 
gné M.  Charles  Desolme,  rédacteur  de  l'Europe  Artiste  et  directeur  d'une 
des  meilleures  agences  théâtrales,  pour  son  correspondant  à  Paris.  Les 
artistes  qui  seraient  dans  l'intention  d'être  proposés  à  Bordeaux,  soit  pour 
tenir  leur  emploi  pendant  la  prochaine  campagne,  soit  pour  donner  des 
représentations,  sont  invités  à  faire  connaîire  leurs  prétentions  aux  bureaux 
de  l'Europe  Artiste,  57,  rue  du  Faubourg-Montmartre,  en  les  accompa- 
gnant de  leur  répertoire. 

—  Une  exposition  universelle  des  produits  de  l'industrie  aura  lieu  à 
Metz  vers  la  fin  de  mai  prochain.  Un  concours  d'Orphéon  fera  partie  du 
programme  de  celte  fête. 

—  Poitiers.  —  La  société  chorale  ,  sous  la  direction  de  M.  Puisais,  a 
donné  hier  soir,  15  janvier,  son  concert  annuel  au  profit  des  pauvres. 
MUe  de  la  Pommeraye,  artiste  de  l'Opéra,  s'y  est  fait  entendre  dans  plusieurs 
morceaux  parfaitement  interprétés.  M.  Lévêque,  élève  d'Alard,  a  joué 
une  fantaisie  de  son  maître  sur  des  motifs  de  la  Muette,  avec  élégance 
et  une  grande  supériorité  d'exécution.  M.  Dupuy,  qui,  l'année  dernière  en- 
core, était  premier  violoncelle-solo  au  Théâtre-Lyrique,  est  revenu  se  fixer 
définitivement  dans  sa  ville  natale.  Il  a  dit  d'une  manière  magistrale,  et 
au  milieu  des  applaudissements,  un  divertissement  de  sa  composition.  La 
société  chorale  a  complété  le  programme  par  plusieurs  chœurs  heureuse- 
ment choisis  et  dont  l'exécution  n'a  rien  laissé  à  désirer.  La  salle  était 
comble. 

—  Les  journaux  parlent  longuement  du  concert  donné  à  Tours  par 
notre  baryton  Géraldy,  qui,  non-seulement  a  chanté  seul,  —  avec  le 
style  et  la  méthode  qu'on  lui  connaît,  l'air  ù'OEdipe  à  Colonne  et  plu- 
sieurs mélodies  de  son  répertoire,  mais,  de  plus,  a  fait  applaudir  son 
élève,  Mlle  Hœnen,  dans  les  duos  du  Barbier  et  du  Caïd.  «  Pour  tout 
l'auditoire,  dit  le  Journal  d'Indre-et-Loire,  ce  concert  a  passé  comme  un 
éclair,  et  on  aurait  élé  tenté  de  demander  aux  exécutants  de  prolonger  la 
fête  jusqu'au  lever  du  soleil.  »  On  le  voit,  les  amateurs  de  Tours  sont 
bien  loin  d'être  blasés  à  l'endroit  des  concerts. 

—  S.  Exe.  le  Ministre  delà  guerre  vient  d'instituer  une  commission  char- 
gée de  préparer  le  travail  de  description  des  modèles-types  d'instruments 
à  employer  dans  les  musiques  militaires,  et  d'indiquer  le  prix  et  la  durée 
légale  de  ces  instruments  et  de  leurs  étuis.  Cette  commission  est  ainsi 
composée:  MM.  Dorus,  flûte;  Cokken,  basson  ;  Dauverné,  trompette; 
Meifred,  cor  à  pistons  ;  Forestier,  cornet  à  pistons;  Ad.  Leroy,  clarinette. 
Elle  se  réunira  sous  la  présidence  de  M.  le  général  Mellinet,  au  ministère 
de  la  guerre. 

—  Il  est  question  de  modifier  la  désignation  officielle  des  places  dans 
les  théâtres  de  Paris.  Elles  porteraient  désormais  l'indication  de  l'étage  où 
elles,  sont  situées.  Ainsi  les  baignoires  s'appelleront  :  loges  du  rez-de- 
chaussée  ;  les  loges  de  la  galerie  :  premières  loges  ;  les  premières  loges  de 
deuxième  rang  :  secondes  loges,  etc.  Cette  désignation  va  devenir  générale. 
Depuis  longtemps,  du  reste,  elle  était  réclamée  par  le  public. 

—  M.  Montaubry,  l'excellent  artiste  de  l'Opéra-Comique,  vient  d'avoir 
la  douleur  de  perdre  son  père,  qui  habitait  Niort.  Le  même  coup  frappe 
en  même  temps  M.  Montaubry,  frère  du  ténor,  et  ancien  chef  d'orchestre 
du  Vaudeville. 

—  M.  Théodore  Faivre,  ex-professeur  au  Gymnase  musical  militaire, 
artiste  au  théâtre  impérial  italien,  vient  de  mourir  dans  sa  soixante-troi- 
sième année.  C'était  le  père  de  MUe  Faivre,  jeune  artiste  qui  tient  un  ' 
rang  distingué  au  Théâlre-Lyrique. 

SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  Les  premières  représentations  ne  s'en  sont  pas  tenues  au  théâtre, 
celte  semaine;  le  salon  a  été  favorisé  des  mêmes  honneurs.  Jeudi  dernier, 
l'hôtel  de  M.  et  Mme  Jules  Béer  ouvrait  ses  portes  à  une  fête  musicale.  Il 
y  avait  file  de  voitures  de  la  rue  d'Aumale  à  la  rue  Saint-Lazare.  La  plus 
élégante  sociélé  de  Paris  s'empressait  d'accourir  à  l'appel  de  la  première 
représentation  des  Roses  de  M.  de  Malesherbes  ,  paroles  de  M.  Delbès, 
musique  de  M.  Jules  Béer,  le  maître  de  la  maison.  A  dix  heures  et  demie, 
le  parterre  était  éblouissant  de  femmes,  de  fleurs  et  de  diamants.  Les  trois 
coups  de  rigueur  ont  élé  frappés,  et  le  rideau  s'est  lové  sur  un  décor  de 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


63 


roses  et  de  verdure;  puis  M110  Mira,  MM.  Gourdin  el  Capjul  sont  venus 
nous  jouer  et  nous  chanter,  en  costumes,  la  pastorale  des  Roses  de  M.  de 
Malesherbes,  avec  Suzotle  et  Biaise  pour  héros.  Ce  petit  poù'me  est  spiri- 
tuellement mené,  et  la  musique  aussi  agréable  que  bien  écrite,  deux  qua- 
lités qui  ne  se  tiennent  pas  toujours.  Mais  noblesse  oblige,  et  l'on  sait 
que  M.  Jules  Béer  est  de  la  famille  de  l'illustre  auteur  de  Robert  et  des 
Huguenots  ;  aussi  a-t-il  semé  à  pleines  mains,  dans  sa  petite  partition, 
de  charmantes  mélodies,  de  jolis  duos  et  un  remarquable  trio  de  facture, 
que  l'on  a  fait  redire  tout  er.lier.  On  a  rappelé  les  trois  artistes,  qui  le 
méritaient  bien  à  tous  égards.  C'est  tout  un  succès  de  salon  que  les  Roses 
de  M.  de  Malesherbes. 

—  Schuloff  a  fait  entendre  plusieurs  nouvelles  compositions,  samedi 
dernier,  chez  Rossini.  Le  compositeur  et  l'exécutant  ont  été  princièrement 
accueillis.  On  a  également  fêté  le  jeune  virtuose  Sarrasate,  qui  faisait  sa 
rentrée  dans  le  monde  musical  parisien.  La  basse  chantante  Biadialiet  les 
frères  Caslellani  représentaient  la  partie  vocale. 

—  Jeudi  dernier  a  eu  lieu  la  première  séance  de  quatuors  de  MM.  Mau- 
rin,  Chevillard,  Viguierel  Sabalier.  L'exécution  des  quatuors  de  Beetho- 
ven, en  mi  mineur  et  en  ut  dièze  mineur,  a  été  splendide,  et  l'on  peut 
ajouter  que  le  quatuor  de  M.  Maurin  est  arrivé  à  rendre  les  dernières 
pensées  de  l'illustre  compositeur  allemand  avec  une  perfection  qui  n'avait 
jamais  été  atteinte  jusqu'ici.  On  doit  des  éloges  à  M.  Rilter,  qui  a  exécuté 
en  artiste  consommé  le  trio  dédié  à  l'archiduc  Rodolphe.  Quant  à  M.  Mau- 
rin, il  a  conquis  son  brevet  de  grand  artiste,  et  a  su  faire  renaître  l'archet 
de  son  maître ,  le  célèbre  Baillot. 

—  Le  salon  de  la  Réunion  des  Arts  vient  d'inaugurer  sa  belle  galerie 
d'exposition  permanente,  rue  de  Provence.  L'Elément  musical ,  avait  été 
appelé  à  rehausser- l'éclat  de  celte  soirée.  Graziani,  du  Théâtre-Italien  , 
Jules  Lefort  et  plusieurs  autresarlistes,  notamment  MM.  Sighicelli.Zucchi- 
ni,  Angelini,  Reichardt,MmesBertini,  Sievers,  défrayaient  le  programme  aux 
applaudissements  de  toute  l'assistance.  L'exposition  se  compose  particu- 
lièrement d'une  collection  de  cent  dessins  de  M.  Ingres,  qui  n'ont  jamais 
été  vus  ni  par  les  artistes  ni  par  le  public.  La  Société  a  eu  l'heureuse  idée 
d'ouvrir  ses  salons  le'  soir  aussi  bien  que  le  jour,  et  de  montrer  à  la  lu- 
mière- des  réflecteurs  les  tableaux,  sculptures,  dessins  et  autres  objets 
d'art  qui  composent  son  exhibition.  Ouvert  avec  le  concours  des  artistes 
éminents  qui  l'ont  fondé  et  sous  les  auspices  du  grand  peintre  dont  le 
nom  seul  est  une  consécration,  le  Salon  des  Arts-Unis  est  une  institution 
toute  nouvelle  qui  réunira  les  avantages  de  plusieurs  autres  en  offrant  au 
public  une  galerie  charmante,  et  en  logeant  les  beaux-arts  dans  un  cercle 
et  les  amateurs  dans  un  musée. 

—  Deux  intéressantes  nouveautés  musicales  ont  fait  lundi  dernier  leur- 
apparition  dans  les  salons  de  M.  Rev***,  riche  financier,  ce  qui  ne  l'em- 
pêche pas  d'êlre  t-xcellent  musicien.  Ce  sont  les  deux  duos  dont  nousavons 
déjà  parlé,  le  Médecin  Tant  pis  et  le  Médecin  Tant  mieux,  et  la  Mon- 
tagne qui  accouche,  fables  de  La  Fontaine,  mises  en  musique  par  M.  Th. 
Ymbert.  Ces  morceaux,  d'une  véritable  valeur  musicale,  ont  charmé 
l'auditoire  par  leur  gaîté  de  bon  aloi,  leur  verve  et  leur  originalité.  Ils 
avaient  pour  interprètes  Géraldy  et  Sainte-Foy  :  c'est  dire  qu'ils  ont  été  ren- 
dus avec  tout  l'esprit  et  l'entrain  possibles. 

—  «  Le  premier  concert  de  l'Association  musicale  de  l'Ouest  (Rennes, 
Laval,  Le  Mans),  vient  de  s'effectuer  des  plus  heureusement  dans  chacune 
de  ces  trois  villes  associées,  grâce  à  la  présence  de  M"e  Balbi  et  de 
M.  Cuslel.  Les  journaux  de  Rennes,  Laval  et  Le  Mans  sont  unanimes  à  ce 
sujet.  A  Rennes,  surtout,  le  succès  de  Mlle  Balbi  a  pris  les  proportions  d'un 
véritable  triomphe.  Plusieurs  de  ses  morceaux  ont  été  bissés. 

«  M.  Caste],  qui,  pour  la  seconde  fois  depuis  un  an,  chantait  dans  les 
mêmes  villes,  a  été  très-chaleureusement  accueilli.  Il  a  dû  redire  Sapristi 
et  le  Serpent,  qu'il  avait  chantées  l'an  dernier.  On  parle,  pour  le  deuxième 
concert,  d'un  artiste  éminent  de.  l'Opéra  et  de  M.  Fournier,  violon  dis- 
tingué, bien  connu  à  Paris.    Du  Rocher.  » 

—  Mlle  Laguesse  a  ouvert ,  dimanche  dernier,  ses  Matinées  musicales, 
et  cette  première  séance  s'est  signalée  par  la  coopération  de  plusieurs  de 
nos  artistes  aimés.  Mme  Gaveaux-Sabalier  a  dit  avec  un  sentiment  parfait 
la  Colombe,  de  Membrée,  accompagnement  du  violoncelle  de  M.  Casella. 
Une  fantaisie  de  sa  composition  a  valu  ensuite  de  nouveaux  bravos  à  ce 
virtuose.  M.  Hammer,  le  violoniste  classique,  Mlle  Manille,  les  deux  frères 
Guidon  et  MUe  Laguesseont  été  très-fètés.  Enfin,  la  séance  s'est  terminée 
par  l'audition  de  deux  nouvelles  compositions  de  M.  Salvator,  pleines  de 
finesse  et  de  distinction. 


—  Aujourd'hui  dimanche,  première  séance  de  MM.  Alard  el  Fran- 
chomme,  avec  M.  Louis  Diémer,  succédant  comme  pianiste  â  M.  Francis 
Piaulé.  C'est  là  un  nouvel  honneur  pour  l'École -Marmonlel,  dont 
M.  Diémer,  comme  M.  Planlé,  esl  l'un  des  dignes  et  remarquables  disci- 
ples. Voici  le  programme  de  celle  première  séance  :  1°  82me  qualuor  en  fa 
pour  instruments  à  cordes,  Haydn.  —  2°  10rac  sonale  en  mi  bémol  pour 
piano  et  violon ,  exécutée  par  MM.  Diomer  et  Alard,  Mozart.  — 
3°  5me  quatuor  en  la  pour  instruments  à  cordes,  Beethoven.  — 4°  qualuor 
en  mi  bémol  pour  piano,  violon,  allô,  violoncelle,  alto. 

—  Voici  le  programme  de  la  première  séance  de  musique  de  chambre 
de  MM.  Armingaud,  Léon;  Jacquard,  Lalo  et  Mas,  mercredi  prochain,  à 
huit  heures  du  soir,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  avec  le  concours  de 
M.  Ernest  Lubeck  :  1°  Grand  trio  en  si  bémol,  de  Beethoven  ;  2°  quatuor  en 
mi  mineur  de  Mendelssohn  ;  3°  scherzo  et  andante  de  Schumann  ;  4°  quin- 
tette de  Beethoven,  en  ut  majeur,  pour  inslrumentsà  cordes. 

—  Aujourd'hui  dimanche  20  janvier,  Malinée  musicale  donnée  dans 
les  salons  d'Érard  par  M.  et  Mme  Deloffre. 

—  Dimanche  prochain  27  janvier ,  matinée  musicale  et  dramatique, 
donnée  par  MUe  Marie  Mira.  Le  programme  se  compose  d'un  proverbe  de 
M.  Verconsin  :  Le  tout  est  de  s'entendre,  d'un  intermède  musical  défrayé 
par  MM.  Stanzieri,  Badiali,  Sainte-Foy  et  MUe  Mira,  etde  l'opéra  de  salon  : 
V Amour  à  l'èpée,  de  MM.  Galoppe  d'Onquaire  et  Wekerlin,  joué  par 
Mlle  Mira,  MM.  Sainte-Foy  et  Biéval.  Voilà  un  attrayant  programme; 

—  Le  concert  de  Mlle  Marie  Darjou  est  toujours  fixé  au  mardi  29  jan- 
vier dans  la  salle  de  M.  H.  Herz,  à  8  heures  du  soir.  M1Ie  Marie  Darjou 
exécutera  des  œuvres  nouvelles  de  sa  composition,  un  Caprice  de  Men- 
delssohn, avec  orchestre,  ef  plusieurs  œuvres  d'Emile  Prudent.  M.  Crosti, 
de  l'Opéra-Comique,  M.  Reichardt  et  M1Ie  Balbi  prêteront  leur  concours 
à  cette  solennité  musicale.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Placet. 

—  Mme  Kolb,  née  Sophie  Danvin,  après  une  série  de  concerts  en  Alle- 
magne, se  propose  de  rentrer  à  Paris  et  d'y  donner  un  concert  le  mardi 
29  janvier,  dans  les  salons  Pleyel. 

—  Lundi  28  janvier,  concert  vocal  et  instrumental  donné  par  M116  Elvire 
del  Bianeo,  avec  le  concours  de  Mmo  Grisi,  MM.  Géraldy,  J.  Sauzay  et 
Casella.  Salons  Érard.  M"e  del  Bianeo  est  une  pianiste  de  premier  ordre. 

—  L'Association  des  artistes  musiciens  fera  exécuter,  le  samedi  2  février, 
jour  de  la  Purification  de  la  Sainte  Vierge,  dans  l'église  Saint- Vincent-de- 
Paul,  la  première  messe  d'Adolphe  Adam,  dédiée  au  pape  Grégoire  XVI, 
avec  solos  et  chœurs,  accompagnés  par  des  harpes  et  l'harmonie.  Le  pro- 
duit des  chaises  et  de  la  quête  est  destiné  à  la  Caisse  de  secours  de  la 
Société  de  bienfaisance  des  artistes  musiciens.  S'adresser,  pour  l'obtention 
de  places  réservées,  à  M.  Bolle-Lasalle,  agent  trésorier  de  l'œuvre ,  rue  de 
Bondy,  n°  68. 


—  Indépendamment  de  la  célèbre  Valse  des  Rayons,  de  la  polka-ma- 
zurka la  Lesguinka,  dansées  par  Mlle  Emma  Livry  dans  le  Papillon,  et 
orchestrées  par  Strauss  pour  les  bals  de  l'Opéra,  les  éditeurs  du  Ménestrel 
viennent  de  mettre  en  vente  les  principaux  airs  de  ballet  du  Papillon, 
musique  de  J.  Offenbach.  Voici  les  titres  de  ces  morceaux  transcrits  avec 
soin  pour  piano,  par  Henri  Potier  :  1.  Marche  paysanne;  2.  Chant  du 
Papillon;  3.  Andante-Bohémiana ;  4.  Valsedes  Rayons  (originale);  S.  Mar- 
che du  palanquin;  6.  Polonaise  des  Bohémiennes  ;  7.  Valse  des  Fleurs  ; 
8.  Galop  des  Papillons.  —  Sous  presse  :  i°  le  2me  quadrille,  par  Musard,  sur 
le  Papillon,  pour  faire  suite  au  1er  quadrille  de  Strauss;  2°  la  polka  des 
Métamorphoses,  par  Arban  ;  3°  la  polka-mazurka  la  Fée  des  Moissons, 
par  Ph.  Stutz;  4°  quadrille  et  valse  faciles,  par  H.  Valiquet.  —  Toutes  ces 
productions  sont  ornées  d'illustrations  du  ballet  de  Mme  Marie  Taglioni  et 
de  M.  de  Saint-Georges,  musique  de  J.  Offenbach. 

—  La  maison  G.  Brandus  et  S.  Dufour  vient  d'acquérir  la  propriété 
des  Pécheurs  de  Catane,  le  nouveau  drame  lyrique  d'Aimé  Maillart.  La 
grande  partition,  les  parties  d'orche=tre,  la  partition  réduite  pour  chant  et 
piano  et  les  airs  détachés  paraîlront  prochainement. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Tjp.  Charles  de  Mouigues  frères,  rue  Jean- Jacques  Rousseau,  8. 


ACADÉMIE  IMPERIALE 

de  musique. 

Du   nouveau    ballet 
de  I'Opéra  de 


EN   VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


LE  PAPILLON 


HEIGEL  ET  Cie , 

éditeurs. 

Musique  de 

J.  OFFENBACH. 


i.  Marche  paysanne. 

2.  Chant  du  Papillon. 

3.  Andante-Bohémiana. 

4.  Yalse  des  Rayons. 


Mme  biakie  TAGUONI  et  de  M.  »E  SAINT-GEORGES. 

STRAUSS 


5.  Marche  du  Palanquin. 

6.  Polonaise  des  Bohémiennes. 

7.  Valse  des  Fleurs. 
1er  Quadrille,  Valse  des  RA  YONS  et  Polka-Mazurka  la  LESGUINKA.           8   Gahv  des  Papuions. 

Composés  pour  les  Lais  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 

ARBAN  .'  Polka  des  Métamorphoses.  La  fée  Hamza.  Mlle  Marquet.  [         PH.  STUTZ  '.  La  Fésdes  Moissons.  Polka-mazurka.  Mlle  Schlosser. 

MUSARD  H  Les  Circassiennes.  Deuxième  quadrille.         |         H.    VALIQUET  '.  Quadrille  et  valse  faciles,  sans  octaves. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL 

de  l'Opéra- Comique. 


^dâ-ds-^  s>03.sssiâ  a 


HEIGEL  ET  Cie 

éditeurs. 


AIRS  DÉTACHES ,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT 

DE 

Opéra -comique        Sf^li  B&   SFH  WiM  i^%  1  JfflBË     Ut' MM.  SGREBE 


en] 

trois  actes. 


BARKOUF 


BOISSEAUX. 


Musique  de 


a  ©1?^MJ©^SI 


£Xi"Car   sxis_2â  s2jïi^  ^sv^jr-'o^i^'^Kiroâ.  a 

LA  CHANSON  DE  FORTUNIO 

Opéra-comifiiie  en  un  acte,  paroles  «le  MM.  HECTOR  CRÉMIEUX  et  LUDOVIC1  HAIiÉVY. 

—  AIRS  DÉTACHÉS,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT.  — 


Opéra— Comique  en 

un  acte. 


LE  MARI  SANS  LE  SAVOIR  M\Xmm 


Musique  de 
Partition  piano  et  chant.      Bd„    ©Es     SAiUM^^HËBUTd    Airs  détachés;  VALSE-STRAUSS, 


SOÏTS  PRESSE.       —    spn-raa-gtTXT^-riit-r^   mna   I5»I2<£^3Kr  £•}<=»     —      SOUS  PRESSE. 


Vingt-cinq  nouvelles  études  de  moyenne  force. 

op.  50.  LES  HARMONIEUSES  Ȏ 


730.  —  28'  Année. 

K°  9. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  OU  CHANTEUR. 


Dimanche  27  Janvier 

1861. 


a>sa 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  cher. 


(Ail' 


LES  MUBSEABJX  ,  S  bis,  rue  Vivieniie.  —  IIEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

tlagasin*  ot  Abonnement  de  IMiiHiqiic  «lu  MÉIVESTBEL.  —  Vente  ot  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT.  <S®MH)E1'H©ST8  IB*âi)i  ®Hiï mWISESW  '•  piano. 

1*'  Mude  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  36  Morceaux:      i      2e  Mode  cCabonnement  .  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  a©  3forccmix 
Scènes,  Mélodies.  Homanees,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  «  Albums-  Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Alhiiitu 

liriuios  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr.  I  primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


t'.n.v.vr  ET  c-iANO   itEI'NIS  : 


Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  * 

Un  an 


ceaux  de  chant  et  de  piano,  les  t  Allm 
30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre, et  les  5'2  numéros  de  chaque  année  —  leite  et  musique, —  forment  collection 
un  bon  sur  la  poste,  à  rara.  HEIlnEI.  ot  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  V.ilume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Adresser/Vanco 
Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  C17. 


SOIvIIflAIRE. 


TEXTE. 


I.  L'opéra-comique,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  com- 
positeurs secondaires  de  la  République  et  du  premier  Empire  (23 :  article). 
L.  Meneau.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovv.  —  111.  Tablettes  du  pianiste  et 
du  chanteur  :  Préface  aux  douze  transcriptions  concertantes  des  chefs-d'œuvre 
des  grands  maîtres,  avec  introduction  par  Amédée  Meneaux.  J.-L.  Helt.el.  — 
IV.  Petite  chronique  :  l'Orgue  de  Barbarie  et.  la  commission  de  salubrité  musi- 
cale. Malliot.  —  V.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DEIMAiNi): 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  nu  nié  ru  de  ce  jour: 
SLA  VALSE  »ES  FLEURS  , 
Dansée  par  M11"  Emma   Livrï,  dans  le  Papillon,  musique  de  J.  Offen- 
dach.  —  Suivra  immédiatement  après,  du  même  ballet,  la  Polka  des 
Métamorphoses,  par  Arban. 

CHANT: 
Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

LA  BELLE  EAU  CLAIRE, 

Chantée  dans  Fortunio  parM"c  Pfotzeb,  paroles  de  MM.  Hector  Grémieux 
et  Ludovic  Halévï,  musique  de  J.  Offexbach  —  Suivra  immédiate- 
ment après  :  la  romance  du  deuxième  acte  de  Ba'kouf,  la  Chanson  du 
Chien,  chantée  par  MUc  Marimon,  paroles  de  MM.  Scribe  et  Boisseaux, 
musique  de  J.  Offenbach. 


i/orÉiu- COMIQUE 


SA   NAISSANCE,  SES   PROGRES,   SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


COMPOSITEURS  SECONDAIRES 

DE    LA    REPUBLIQUE    ET    DU    PSEMIEIt    EMPIRE. 
CHAPITRE    VU. 

XXIII. 

DEVIENNE,    STEIBELT,   BRUNI,    PLANTADE,    GAVEAUX,    SOLIÉ,  CATRUFO  , 
•Mm°  GAIL,   BOCHSA,    KHEUBÉ,  PAER,   GOMIS. 

Les  musiciens  célèbres  dont  je  viens  de  traiter  la  biographie 
n'étaient  pas  les  seuls  qui  eussent  écrit,  pour  l'Opéra-Cornique, 
des  pièces  intéressanles  pendant  la  République  et  le  premier 
Empire. 


Le  7  janvier  1792,  le  théâtre  Feydeau  donnait  les  Visilan- 
dines,  deux  actes  très-spirituels  de  Picard  (1).  La  musique  était 
de  François  Devienne,  né  à  Joinville  (Haute-Marne),  en  1759. 
On  y  remarque  une  foule  de  jolis  morceaux  ;  je  citerai  entre 
autres  l'air  connu  de  Frontin  : 

Qu'on  est  heureux  de  irouver  en  voyage  I . . . 
et  celui  de  Relfort  : 

Enfant  chéri  des  dames.. . . 
que  Martin  et  Elleviou  rendirent  populaires. 

Les  Visilandines,  refusées  par  lo  théâtre  Favart,  furent  cha- 
leureusement accueillies  à  Feydeau.  Ce  succès  suggéra  aux 
auteurs  la  singulière  idée  d'y  ajouter  un  troisième  acte ,  qui  ne 
plut  pas  au  public.  Ils  le  supprimèrent,  et  la  pièce  reparut  dans 
sa  forme  première  en  1795.  En  général,  on  peut  approuver  des 
coupures  intelligentes  faites  dans  le  but  de  donner  de  la  rapi- 
dité a  l'action  ;  mais  il  est  rare  qu'une  amplification  ait  chance 
de  réussir. 

Sous  la  Restauration,  l'opéra  des  Visilandines  devint  tour  à  tour 
le  Pensionnat  déjeunes  demoiselles,  puis  les  Français  au  Sérail; 
mais  1830  lui  rendit  son  premier  titre. 

Les  orchestres  de  Devienne  sont  bien  écrits  pour  les  instru- 
ments à  vent  ;  il  jouait  remarquablement  de  la  flûte  et  du  basson, 
■  et  connaissait  assez  les  autres  instruments  pour  traiter  l'harmo- 
nie avec  une  grande  facilité.  11  fit  faire  à  cette  partie  de  l'in- 
strumentation des  progrès  dans  les  orchestres  dont  il  fit  partie. 

Il  composa  une  très-grande  quantité  de  morceaux ,  abusant 


(1)  Louis-Benoît  Picard,  né  à  Paris  en  1769,  fui  tour  à  tour  avocat, 
acteur,  directeur  do  théâtre  et  auteur;  il  mourut  membre  de  l'Académie 
française,  en  1828.  Il  a  fait  beaucoup  de  bonnes  pièces,  parmi  lesquelles 
je  citerai  :  la  Petite  ville  et  Médiocre  et  rampant ,  cinq  actes  qui  ont  in- 
spiré bien  des  comédies  récentes  de  nos  meilleurs  auteurs  contemporains. 


GO 


LE  MÉNÉSTBEL 


ainsi  de  sa  fécondité.  Ce  travail,  au-dessus  de  ses  forces,  le  con- 
duisit à  Charenton,  où  il  mourut  le  3  septembre  1803.  La  folie 
est  une  maladie  malheureusement  commune  chez  les  composi- 
teurs de  musique. 

C'est  qu'il  y  a  dans  la  sensation  indescriptible  que  l'on 
éprouve  à  entendre  son  œuvre  reproduite  par  les  voix  multiples 
de  l'orchestre  et  de  la  scène,  dans  cet  ensemble  qui  est  en  quel- 
que sorte  l'incarnation  de  la  pensée  tout  entière,  une  volupté 
cent  fois  plus  enivrante  que  celle  que  donnent  l'ivresse  et  l'amour. 
Elle  peut  rependant  leur  être  comparée,  parce  que  cette  sensation 
a  quelque  chose  d'essentiellement  matériel,  d'essentiellement  ner- 
veux. Les  cerveaux  ordinaires  n'y  tiennent  pas  longtemps  :  il  faut 
une  organisation  puissante,  plus  fortement  trempée  que  l'acier, 
pour  pouvoir  y  résister  indéfiniment.  On  voit  en  effet  trop  de 
musiciens  mourir  jeunes  ou  fous,  non  sans  avoir  connu  sur  terre 
les  joies  du  ciel  ou  les  tourments  du  purgatoire,  selon  qu'ils  ont 
entendu  leur  œuvre  bien  ou  mal  exécutée. 

STEIBELT. 

En  1793 ,  le  théâtre  Feydeau  avait  donné  Roméo  et  Juliette, 
du  pianiste-compositeur  Daniel  Steibelt. 

Ce  musicien  était  né  à  Berlin  dans  la  seconde  moitié  du  siècle 
dernier.  La  profession  de  son  père,  facteur  de  pianos,  avait 
décidé  de  sa  vocation.  Son  talent  d'exécutant  lui  avait  obtenu 
la  protection  du  vicomte  de  Ségur,  qui  lui  donna  le  scénario  de 
Roméo  et  Juliette,  que  les  auteurs  présentèrent  à  l'Opéra  en 
1792;  mais  ce  théâtre  n'ayant  point  voulu  le  monter,  ils  méta- 
morphosèrent leur  pièce  en  opéra-comique,  et  ce  fut  sous  cette 
dernière  forme  qu'elle  fut  accueillie  du  public,  soutenue  par  le 
talent  de  Mmo  Scio.  Quoique  la  musique  n'en  fût  pas  toujours 
convenablement  écrite  pour  la  voix,  cet  opéra  eut  un  succès 
mérité  par  ses  agréables  mélodies. 

Steibelt  mourut  à  Saint-Pétersbourg  le  20  septembre  1S23 , 
laissant  après  lui  un  grand  nombre  de  pièces  écrites  pour  le 
piano  dans  le  meilleur  style.  Ce  sont  aujourd'hui  des  œuvres 
devenues  classiques. 

BRUNI. 

En  1797  paraissait  le  Major  Palmer,  opéra-comique  en  trois 
actes,  du  Piémontais  Antoine-Barthélémy  Bruni,  violoniste  de 
talent,  né  à  Coni  le  2  février  1759.  Ce  musicien,  qui  fut  tour 
à  tour  chef  d'orchestre  du  théâtre  de  Monsieur,  de  l'Opéra- 
Comique  et  du  Théâtre-Italien,  écrivit  près  de  vingt  partitions, 
qui  eurent  une  existence  modeste.  Il  retourna  à  Coni,  où  il 
mourut  en  1821,  sans  s'être  fait  une  réputation  de  compositeur 
dramatique,  mais  avec  un  nom  des  plus  estimés  parmi  les  vio- 
lonistes du  temps. 

PLANTADE. 

Dans  la  même  année  parut  aussi  Palma  ou  le  Voyage  en 
Grèce,  pièce  en  deux  actes,  dont  la  musique  était  de  Plantade, 
compositeur  et  professeur  de  talent,  né  à  Pontoise  en  1767  et 
mort  à  Paris  le  19  décembre  1839.  Plantade  fit  plusieurs  autres 
opéras,  mais  sa  réputation  s'établit  surtout  à  l'église  et  dans  le  pro- 
fessorat. Il  eut  l'honneur,  je  crois,  de  donner  les  premières  leçons 
de  chant  à  M110  Cinti,  depuis  Mme  Damoreau,  la  célèbre  cantatrice 
qui  a  jeté  un  si  grand  éclat  sur  le  répertoire  moderne  de  l'Opéra- 
Comique. 

GAVEAUX. 

En  1798  fut  représentée  Léonore,  opéra  en  trois  actes,  mu- 
sique de  Pierre  Gaveaux.  Ce  libietto— malgré  sa  couleur  som- 


bre et  terne  —  fut  mis  souvent  en  musique,  et  notamment  par 
Beethoven,  sous  le  titre  de  Fidelio.  Gaveaux  avait  écrit  pour 
cette  partition  un  chœur  de  prisonniers  : 

Que  ce  beau  ciel  !... 
qui  fut  justement  applaudi. 

Léonore  ne  fut  pas  le  seul  titre  de  gloire  de  Gaveaux 
comme  compositeur  :  en  1792,  il  avait  donné  au  Théâtre- 
Feydeau  les  Deux  Suisses,  dont  il  changea  le  litre,  après  les 
affaires  du  10  août,  en  celui  de  l'Amour  filial  ou  lo  Jambe  de 
bois,  dénomination  sous  laquelle  cette  œuvre  est  plus  connue. 
Parmi  les  meilleurs  morceaux  de  la  partition  il  faut  citer  : 
Jeunes  amants,  cueillez  des  fleurs. 
En  1804,  deux  de  ses  partitions  réussirent  au  Théàlre-Mon- 
tansier,  le  Diable  couleur  de  rose  et  le  Bouffe  et  le  Tailleur; 
cette  opérette  se  joue  encore  de  nos  jours,  sinon  à  Paris,  tout 
au  moins  en  province. 

Il  y  a  de  jolis  airs,  tels  que  : 

Gaîment  je  m'accommode 

De  tout; 
Je  suis  pour  toute  mode 
Mon  goût. 
Gaveaux  ne  fut  pas  seulement  une  illustration  de  la   scène 
française  comme  compositeur;  il  reçut   souvent  comme  chan- 
teur les  applaudissements  du  public  de  Feydeau ,  bien  qu'il 
n'eût  pas  une  voix  très-agréable  ni  une  taille  des  plus  élégantes. 
Il  était  né  à  Béziers  le  9  octobre  1760  (1).  Après  avoir  été 
enfant  de  chœur  dans  celte  ville,  il  se  rendit  à  Bordeaux,  où  on 
l'engagea  comme  ténor  à   la  chapelle  de  Saint-Séverin  :  il  y 
apprit  la  composition  et  fit  exécuter  des  motets.  Malgré  ses 
fonctions  cléricales,  il  assistait  aux  représentations  du  Grand- 
Théâtre;  en  entendant  un  des  artistes  remporter  un  brillant 
succès  dans  un  ouvrage  de  Monsigny,  il  trouva  que  ces  ova- 
tions  bruyantes  avaient  quelque  chose  d'autrement  enivrant 
que  les  joies  et  les  succès  d'église  :  jetant  donc  de  côté  le  petit 
collet,  il  s'offrit  au  directeur  du  Grand-Théâtre.  Ses  débuts  sur 
cette  scène  eurent  lieu  en  1788  et  lui  conquirent  ses  éperons  du 
premier  coup. 

Il  voulut  faire  connaître  son  nouveau  talent  à  ses  compa- 
triotes et  s'engagea  pour  cela  à  Montpellier.  En  1789  il  jouait 
au  théâtre  de  Monsieur,  dont  il  suivit  la  fortune  à  sa  fusion 
avec  le  Théâtre-Italien  à  la  salle  Feydeau. 

A  l'arrivée  d'Elleviou  et  de  Martin,  Gaveaux,  qui  n'était 
point  aussi  jeune  qu'eux  et  dont  la  voix  n'était  plus  assez 
fraîche,  fut  éclipsé;  la  faveur  du  public  l'abandonna.  Le  cha- 
grin qu'il  en  éprouva  troubla  probablement  sa  raison  :  un  pre- 
mier accès  de  folie  (eu  1812)  se  renouvela  en  1819,  et  il  mou- 
.  rut  dans  un  complet  état  de  démence  le  5  février  1825. 

SOLIÉ. 

En  1806  eut  lieu  la  première  représentation  du  Diable  à 
quatre,  opéra-comique  en  deux  actes,  dont  les  paroles  étaient 
de  Sedaine  et  la  musique  de  Jean-Pierre  Soulier,  plus  connu 
sous  le  nom  de  Solié  :  il  naquit  à  Nîmes  en  1755.  Se  trouvant 
en  1778  dans  l'orchestre  d'Avignon,  où  il  jouait  le  violoncelle, 
on  afficha  la  Rosière  de  Saîency,  deGrétry;  mais  l'acteur  qui 
devait  remplir  le  rôle  de  ténor  se  trouva  malade.  Solié  s'offrit 
alors  pour  le  remplacer,  et  son  coup  d'essai,  qui  fut  un  coup  de 
maître,  le  détermina  à  se  vouer  complètement  à  la  carrière  dra- 
matique. Il  chanta  sur  plusieurs  scènes  de  province,  et  enfin  de 

(1)  Selon  quelques  biographes,  en  1761  ;  selon  d'autres,  en  1764. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


67 


Nancy  il  passa  à  la  comédie  Ilalienne  en  1782.  Il  eut  beaucoup 
de  peine  à  se  faire  adopter  par  le  public  parisien  et  retourna  en 
province  :  on  le  réengagea  cependant  dans  la  suite  a  l'Opéra- 
Comique  pour  servir  de  doublure  à  Çlairval  ;  mai-;  en  1789  on 
jugea  que  la  doublure  commençait  à  valoir  mieux  que  le  chef 
d'emploi. 

Solié  s'aperçut  plus  tard,  en  entendant  chanter  les  artistes 
d'une  troupe  italienne,  qu'il  y  avait  un  genre  de  voix  intermé- 
diaire entre  le  ténor  et  la  basse,  et  ce  timbre,  auquel  Martin 
devait  attacher  son  nom,  et  qu'on  appelle  plus  généralement 
aujourd'hui  baryton,  était  précisément  le  sien;  il  put  ainsi  par- 
venir à  une  réputation  irès-hoDorable  au  théâtre  en  créant  des 
rôles  écrits  spécialement  pour  lui  par  Méhul  et  Berlon. 

Ses  débuts  comme  compositeur  eurent  lieu  en  1792  par 
Jean  et  Geneviève;  ses  autres  partitions  d'opéra-comique,  au 
nombre  de  trente-quatre,  de  1792  à  1811,  obtinrent  du  public 
assez  de  faveur,  bien  qu'elles  ne  se  recommandent  pas  par  des 
qualités  saillantes  :  cependant  les  recettes  du  Diable  à  quatre 
luttèrent  avec  celles  de  Cendrillon. 

Le  Secret  (1796)  est  aussi  un  de  ses  chefs-d'œuvre  ;  il  fut- 
repris  à  Berlin  en  1853.  On  y   remarque  une  belle  romance  : 
Je  te  perds,  fugitive  Espérance. 

LÉON    MENEAU. 

{La  suite  au  numéro  prochain.) 


SEMAINE  THEATRALE. 

Parmi  les  qualités  inconnues  du  Tannhauser,  que  I'Opéra  va 
livrer  au  jugement  public,  il  en  est  une  très-appréciable  dès  au- 
jourd'hui :  c'est  que  cette  œuvre  est  d'une  longueur  raisonnable. 
Malheureusement,  cet  adjectif  jouit  d'un  crédit  médiocre  sur  la 
place,  et  les  habitués  de  l'Opéra  se  trouveraient  désorientés,  — 
j'allais  dire  déshonorés,  —  si  on  les  renvoyait  chez  eux  à  onze 
heures.  Aussi  a-t-il  été  décidé  qu'un  ballet  champêtre  serait  an- 
nexé au  spectacle.  Ce  hors-d'œuvre  chorégraphique  aurait  pour 
héroïne  Mme  Ferraris,  avec  musique  de  M.  Th.  Labarre.  Celle 
fin  de  soirée  ne  sera  pas  à  dédaigner. 

Au  Théâtre-Italien,  Un  ballo  in  maschcra  s'est  puissam- 
ment amélioré  aux  représentations  suivantes.  Le  public  s'est 
montré  plus  chaleureux,  —  et  aussi  plus  juste  —  pour  celte 
remarquable  œuvre  de  Verdi,  ainsi  que  pour  ses  interprètes  Ma- 
rio, Graziaui,  Mmos  Penco,  Alboni.  Toutefois,  ce  sont  toujours 
les  Irois  premiers  actes  qui  captivent  les  dilettantes. 

DÉBUTS  BE  NI"'  SAINT-URBAIN. 

A  I'Opéra-Comique,  nous  avons  eu  jeudi  dernier  la  Fille  du 
régiment,  avec  les  débuts  de  Mlle  Saint-Urbain  dans  le  rôle  de 
Marie.  Cette  artiste  française,  dont  l'éducation  vocale  s'est  com- 
plétée en  traversant  le  répertoire  italien,  ne  pouvait  échouer  sur 
la  scène  de  Favart,  bien  qu'elle  n'y  soit  point  absolument  a  sa 
place.  Toutefois,  l'événement  a  justifié  et  même  dépassé  toules 
les  espérances.  Mlle  Saint-Urbain  est  une  jolie  femme,  —  c'est 
toujours  une  excellente  recommandation;  de  plus,  elle  est  déjà 
presque  comédienne,  qualité  indispensable  pour  ce  lype  de  Ma- 
rie. Cantatrice  exercée,  douée  d'un  soprano  franc,  naturel  et 
étendu,  la  débutante  s'est  vaillamment  tirée  de  ce  rôle  qui  a 
laissé  tant  de  souvenirs.  Peut-être  abuse-t-clle  parfois  des  vibra- 
tions. Le  trémolo  systématique  imprimé  de  nos  jours  par  tous  les 
chanteurs  aux  notes  à  effet  aurait  besoin  d'être  pratiqué  avec 
plus  de  sobriété.  — MM.  Warot,  Prilleux,  Nathan,  Mmc  Casimir 


ont  coopéré  au  succès  de  celle  reprise,  —  chacun  selon  sa  capa- 
cité. Warot  a  été  particulièrement  applaudi  dans  sa  romance  du 
second  acte.  Point  n'est  besoin  de  constater  les  impressions  de  la 
musique  de  Donizetti.  Tout  a  été  dit  sur  cette  œuvre  française  du 
maestro  italien,  qui  vient  de  valoir  deux  rappels  à  MUo  Saint- 
Urbain. 

FBSîOTBî-.KE   ISEPUÉSEIÏTATIOIV  D'ASTAKOTII. 

Le  Tuéatre-Lyrique  nous  égrène  son  chapelet  de  petits  actes 
pour  faire  cortège  aux  Pêcheurs  de  Calcine.  Vendredi  dernier, 
nous  avons  eu  la  première  représentation  ù'Aslaroth,  paroles  de 
M.  Henri  Boisseaux,  musique  de  M.  Debillemont. 

Ulrich  est  fiancé  à  Thécla  ;  mais  perdu  de  dettes,  adonné  à 
la  boisson,  au  jeu,  il  prend  le  parti  héroïque  de  renoncer  à  la 
main  delà  jeune  fille,  de  crainte  de  la  rendre  malheureuse. 
Thécla  lui  fait  ses  adieux  en  pleurant.  Ulrich,  pour  s'étourdir, 

se  jette  dans  les  bras de  sa  chère  bouteille,  et  tombe  sur  son 

lit,  ivre-mort.  —  Ici  l'action  se  poursuit  sous  la  forme  d'un 
cauchemar.  Ulrich,  désespéré,  invoque  l'enfer,  et  Astarolh  lui 
apparaît.  Le  démon  étale  à  ses  yeux  des  monceaux  d'or.  Ulrich 
se  laisse  tenter,  joue ,  gagne,  perd  ;  puis,  poussé  par  le  démon, 
joue  son  âme  et  Thécla. 

Heureusement  tout  cela  n'était  qu'un  rêve.  Ulrich  se  retrouve 
sur  son  lit,  et  complètement  corrigé  de  ses  défauts  (?),  il  épouse 
sa  fiancée. 

L'auteur  de  la  partition  avait  droit,  de  par  Astarolh,  de 
recourir  à  des  cantilènes  infernales,  à  des  effets  diaboliques; 
mais  M.  Debillemont  s'est  abstenu;  il  s'est  borné  à  une  instru- 
mentation un  peu  bizarre,  souvent  cherchée,  et  parfois  décou- 
sue. Néanmoins  la  partie  chantante  se  tient,  et  plusieurs  mor- 
ceaux, tels  que  les  couplets  du  Rouet,  la  chanson  Qui  vivra 
verra,  et  le  duo  d'Ulrich  et  de  Thécla,  ont  été  fort  bien  accueil- 
lis. Mais  mentionnons  particulièrement  la  chanson  d'Ulrich, 
Evohé,  qu'on  a  redemandée,  son  duo  syllabique  du  jeu  avec 
Astarolh,  et  le  trio  qui  suit. 

Mlle  Gilliess,  Delaunay-Biquier,  et  Wartel  (qui  représente  à 
ja  fois  l'usurier  Magnus  et  Astarolh),  ont  mené  cet  acte  à  bon  port. 

LES  MUSICIENS  DE   I/OSSCHESTRE, 
(  lrc  rcprésenlaiion.  } 

Les  Bouffes-Parisiens,  —  qui  ne  veulent  pas  laisser  pousser 
l'herbe  sur  le  chemin  de  la  folio,  —  nous  ont  donné  vendredi 
soir  une  bouffonnerie  de  carnaval.  Les  Musiciens  d'orchestre, 
tel  est  le  litre  de  cette  opérelte  dont  la  musique  du  premier  acte, 
due  à  la  triple  collaboration  de  MM.  Hignard  ,  Erlanger  et 
Delibes,  a  égayé  la  salle  entière. 

La  pièce  (de  MM.  de  Forge  et  Bourdois)  a  pour  héros  princi- 
pal un  bourgmestre  de  Busenfeld.  Ce  personnage  est  l'homme 
le  plus  occupé  et  le  plus  ahuri  de  la  Confédération  germanique. 
Fonctionnaire  public  et  dilettante  forcené,  il  a  composé  une  sym- 
phonie qui  va  être  exécutée  au  festival  de  la  localité.  Son  do- 
meslique,  Schopp,  est  chargé  de  la  partie  de  basson,  et  sa  ser- 
vante, Gotte,  joue  des  timbales.  Ce  n'est  pas  tout  :  sa  femme 
tient  une  pension  de  demoiselles  et  se  trouve  en  outre  sur  le  point 
de  donner  un  huitième  rejeton  au  bourgmestre.  Jugez  des 
préoccupations  de  l'époux,  du  père,  du  fonctionnaire  et  du 
maestro  I  II  faut  penser  au  chef  d'orchestre,  au  médecin,  aux  ré- 
pétitions, etc.,  elc.  Or,  voici  venir  le  docteur  :  le  bourgmestre 
le  prend  pour  le  chef  d'orcheslre  et  lui  fait  toutes  sortes  de  re- 
ommandations  auxquelles  l'autre  ne  comprend  rien;  d'ailleurs, 
il  est  sourd .  De  leur  côté,  les  musiciens  se  révoltent  parce  que  le 


G3 


LE  MÉNESTREL. 


bourgmestre  se  propose,  après  le  festival,  de  les  enrôler  dans 
la  landwehr.  La  servante  Gotle  grise  les  jeunes  pensionnaires  de 
madame  et  les  amène  au  festival  où  elles  remplacent  les  musi- 
ciens. Finalement,  on  reconnaît  que  le  prétendu  chef  d'orchestre 
n'est  autre  que  le  susdit  médecin  ;  celui-ci  s'apprête  à  vaquer  à 
ses  fonctions,  mais  il  arrive  trop  tard,  car  on  vient  d'annoncer 
l'heureuse  délivrance  de  madame  :  —  trois  garçons  !  rien  que 
cela  ! 

Voila  pour  le  poëme. 

La  musique  est  pleine  de  verve  et  d'humour.  Le  premier  acte 
surtout  brille  par  une  série  de  morceaux  réussis.  Citons  le  pre- 
mier trio,  le  chœur  A  ce  soir,  le  duo  Ma  Golle,\e  Caquet  des 
femmes  et  le  chœur  bachique  qui  suit  et  termine  le  premier  acte. 
C'est  de  la  musique  bouffe  bien  faite. 

Le  deuxième  acte  comprend  un  morceau  symphonique  attribué 
à  M.  Offenbach,  passé  maître  en  ces  sortes  de  facéties  musicales. 

Léonce,  Désiré,  Bâche  et  Mlle  Toslée  font  les  principaux  hon- 
neurs de  cette  excentricité  musicale,  qui  va  compléter  l'affiche  de 
Forlunio  et  du  Mari  sans  le  savoir. 

L'Odéon  nous  a  donné  jeudi  la  première  représentation  des 
Frelons,  comédie  en  cinq  actes,  en  prose,  de  M.  Ernest  Ca- 
pendu.  La  pièce  a  obtenu  un  succès  d'estime.  Tisserant,  Pier- 
ron,  Febvre,  Thiron,  MllesRamelli  et  Debay  ont  eu  leur  part  de 
celte  petite  fête  de  famille. 

Le  Vaudeville  vient  de  mettre  à  l'étude  une  pièce  de  carna- 
val, due  à  la  collaboration  de  MM.  Edouard  Martin  et  Albert 
Monnier.  —  On  parle  de  la  retraite  de  MIle  Fargueil,  ou  plutôt 
de  son  émigration  vers  la  Porle-Saint-Martin  ;  mais  nous  dou- 
tons encore  que  la  direction  du  Vaudeville  consente  à  se  priver 
d'une  aussi  parfaite  comédienne. 

Le  théâtre  de  la  Gaité  a  repris  Trente  ans  nu  la  Vie  d'un 
Joueur,  avec  Frédérick-Lemaître.  Le  grand  comédien  a  retrouvé 
de  magnifiques  élans  dans  les  deux  derniers  tableaux,  et  Mme  La- 
croix !lui  a  donné  vigoureusement  la  réplique.  Le  reste  de  la 
troupe  n'a  pas  démérité  de  l'œuvre. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
TRANSCRIPTIONS  CONCERTANTES 

d'oeuvres  célèbres  des  grands  maîtres, 
par 

AMÉDÉE    MÈRE  AUX. 

Les  éditeurs  du  Ménestrel,  les  premiers,  ont  publié  des  trans- 
criptions jet  grandes  pages  concertantes  pour  orgue,  piano,  vio- 
lon et  violoncelle.  En  tète  de  ce  genre  d'œuvres,  il  est  juste  de 
placer  la  belle  méditation  de  Charles  Gounod  sur  le  prélude  de 
Bach.  Celte  première  œuvre  a  fait  école  et  donné  naissance  a  un 
assez  grand  nombre  de  publications  analogues,  au  nombre  des- 
quelles nous  signalerons  :  le  célèbre  air  d'Église  de  Stradella 
et  Y  Hymne  à  la  Vierge,  méditations  religieuses  pour  piano,  or- 
gue, violon  et  violoncelle,  parLEFÉBUKE-WÉLv;  te  Souvenir  de 
Pergolèse  et  la  Pensée  de  crépuscule,  par  E.  de  Hartog  ;  la 
Résignation,  d' Alexandre  Batta;  la  Prière  des  Bardes,  de 
Félix  Godefroid  ;  la  grande  scène  d'Orphée  de  Gluck,  par 
A.  Deloffre  ;  enfin  la  Jeune  Religieuse  de  Schubert,  égale- 
ment transcrite  pour  piano,  violon  ou  violoncelle  et  orgue,  par 


Chaules  Gounod,  —  avec  facilité,  pour  la  plupaildeces  mor- 
ceaux, de  pouvoir  être  exécutés  en  duos,  trios  ou  quatuors. 

Les  amateurs  de  musique  concertante  ont  rencontré  là,  non- 
seulement  une  nouvelle  source  de  jouissances  musicales  de  l'or- 
dre le  plus  élevé,  mais  ils  y  ont  aussi  trouvé  le  sujet  d'études 
concertantes  du  meilleur  style.  Or,  chacun  le  sait,  l'habitude 
de  la  musique  d'ensemble,  seule,  peut  rendre  parfait  musicien. 
A  tous  les  points  de  vue,  M.  Charles  Gounod  a  donc  rendu  un 
réel  service  aux  artistes  et  aux  amateurs,  en  créant  un  nouveau 
genre  de  musique  de  chambre,  genre  aussi  instructif  qu'intéres- 
sant, car  il  nous  initie  aux  chefs-d'œuvre  des  différentes  écoles. 

C'est  dans  lo  but  de  développer  et  de  compléter  cette  idée-mère, 
que  nous  publions  aujourd'hui  douze  nouvelles  transcriptions, 
empruntées  aux  chefs-d'œuvre  de  Haendel,  Gluck,  Haydn, 
Mozart,  Lkethoven  et  Webek,  transcriptions  concertantes, 
écrites  avec  autant  de  religion  que  de  talent,  par  M.  Amédée 
Méreaux,  l'un  des  artistes  sérieux  de  notre  époque. 

Les  pianistes  qui  partagent  leurs  loisirs  entre  le  clavier  du 
piano  et  celui  de  l'orgue  de  salon,  puiseront  de  précieux  élé- 
'ments  dans  cette  collection  ;  ils  remercieront  M.  Amédée  Méreaux 
de  son  remarquable  travail,  précédé  d'une  introduction  sur  les 
progrès,  l'utilité  de  l'orgue  de  salon  et  l'incontestable  intérêt,  à 
tous  les  points  de  vue,  des  transcriptions  concertantes  des  œuvres 
de  nos  grands  maîtres. 

J.-L.  Heugel. 


«  Depuis  quelques  années,  grâce  à  d'ingénieuses  inventions, 
l'orgue  est  devenu  un  instrument  de  salon  et  de  concert.  En  ap- 
propriant l'instrument  des  églises  à  un  usage  mondain,  d'habiles 
facteurs  ont  su,  dans  des  proportions  restreintes  et  par  de  nou- 
veaux procédés  de  facture,  lui  conserver  ses  qualités  naturelles  et 
constitutives  :  la  variété  des  timbres,  la  prolongation  et  la  modi- 
fication expressive  du  son. 

«  Plusieurs  virtuoses  ont  étudié  les  effets  de  l'orgue  expressif 
et  se  sont  acquis  une  grande  réputation  par  la  manière  brillante 
dont  ils  en  ont  fait  valoir  tous  les  avantages.  Aussi,  l'orgue, 
comme  instrument  solo,  a-t-il  été,  depuis  assez  longtemps  déjà, 
jugé,  apprécié  et  reconnu  pour  une  féconde  et  très-agréable  res- 
source d'effets,  offerte  aux  exécutants  et  aux  compositeurs  de 
musique  instrumentale. 

«  Toutefois,  a  un  autre  point  de  vue,  je  pense  que  cet  instru- 
ment doit  avoir  une  influence  plus  directe  sur  la  marche  pro- 
gressive et  sur  la  propagation  de  l'ait  musical.  L'orgue  expressif 
m'a  toujours  paru  destiné  à  devenir  un  complément  vraiment  ar- 
tistique des  moyens  d'exécution  de  la  musique  concertante.  C'est, 
à  mon  avis,  l'élément  orchestral  introduit  dans  les  concerts  et 
dans  la  musique  de  chambre.  Son  union  avec  le  piano  produit  de 
charmantes  combinaisons  de  sonorité.  Ces  deux  instruments  ac- 
couplés se  complètent  l'un  par  l'autre  :  dans  cet  harmonieux 
ensemble,  le  piano  apporte  sa  netteté,  son  articulation  franche, 
sa  précision  de  mécanisme,  et  l'orgue  prêle  un  grand  charme  à 
ces  qualités,  en  leur  ajoutant  le  prestige- de  ses  sons  liés,  soutenus 
et  expressifs. 

«  Si  l'on  joint  au  piano  et  à  l'orgue  réunis  le  violon  et  le  vio- 
loncelle, on  arrive  à  la  reproduction  réduite,  et,  toute  proportion 
gardée,  à  une  imitation  très-satisfaisante  de  l'orchestre.  C'est  là 
que  réside  l'importance  artistique  de  l'orgue  expressif.  Il  ne  s'a- 
git plus  alors  d'une  très-séduisante  variété  dont  se  trouve  enri- 
chie la  partie  instrumentale  des  concerts;  l'orgue  n'est  plus  seu- 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


69 


lement  un  objet  d'agrément  :  il  devient  sérieux,  classique,  et  se 
prêle  merveilleusement  a  la  vulgarisation  des  chefs-d'œuvre  de 
nos  grands  maîtres. 

«  A  notre  époque,  la  transcription  a  été  une  salutaire  réaction 
contre  l'abus  des  mélanges,  pots-pourris  ou  prétendus  arrange- 
ments de  motifs  d'opéras  ;  on  a  commencé  par  transcrire,  pour 
piano  seul,  des  compositions  vocales  de  tout  genre  ;  puis  des 
airs,  des  scènes  entières,  des  morceaux  d'ensemble,  extraits  d'ou- 
vrages lyriques,  ont  été  transcrits  pour  piano,  et  souvent  avec 
orgue,  violon  ou  violoncelle.  La  musique  théâtrale  trouve  ainsi 
une  place  de  plus  dans  les  concerts  et  dans  les  soirées  intimes. 
Ses  produits  peuvent  passer  de  la  scène  au  salon,  sans  que,  dans 
cette  émigration,  ils  aient  à  subir,  désormais,  ni  changement, 
ni  mutilation,  ni  altération  radicale. 

«  La  musique  instrumentale  aussi,  —  la  musique  de  cham- 
bre, les  quatuors  et  quintettes,  qu'on  ne  pouvait  entendre  avec 
fruit  que  dans  des  réunions,  toujours  fort  rares,  de  quatre  ou 
cinq  instrumentistes  d'un  talent  réel,  —  la  musique  orchestrale, 
les  symphonies,  les  ouvertures,  dont  l'audition  n'était  possible 
que  dans  les  solennités  musicales  dont  l'organisation  est  si  diffi- 
cile, et  qui,  pour  cela  même,  ne  se  renouvellent  pas  souvent  dans 
le  courant  d'une  année,  —  toute  cette  musique,  la  plus  belle,  la 
plus  intéressante,  la  plus  instructive,  se  popularise  tous  les 
jours,  grâce  à  l'heureux  système  de  la  transcription,  dans  la- 
quelle l'orgue  expressif  est  appelé  à  jouer  un  si  grand  rôle. 

«  Avec  l'orgue  expressif,  la  transcription  peut  s'élever  à  de 
larges  proportions  et  prendre  un  caractère  tout  à  fait  classique. 
C'est  dans  cette  conviction  et  pour  soumettre  aux  pianistes  un 
spécimen  des  moyens  nouveaux  acquis  par  l'emploi  de  l'orgue 
expressif  à  la  transcription  des  grandes  compositions  lyriques, 
instrumentales  ou  symphoniques,  que  j'ai  écrit,  avec  le  plus 
grand  soin,  les  douze  transcriptions  concertantes  dont  ces  quel- 
ques lignes  sont  la  préface  explicative.  Je  n'ai  touché  aux  chefs- 
d'œuvre,  choisis  en  vue  de  ce  travail,  que  pour  les  retracer  fidè- 
lement. Airs,  duos,  trios,  quatuors,  symphonies,  j'ai  donné  de 
tout  un  peu  ;  mais  tout  a  été  arrangé  avec  la  même  rigueur  de 
principes,  avec  le  même  respect  pour  le  génie  et  pour  ses  moin- 
dres intentions.  Ainsi,  tous  ces  morceaux  ont  été  transcrits  d'a- 
près les  grandes  partitions  orchestrales  :  je  n'ai  ajouté  ni  omis 
aucune  note  ;  toutes  les  parties  des  divers  instruments,  je  les  ai 
reproduites,  en  conservant,  autant  que  possible,  l'effet  et  le  co- 
loris de  leurs  timbres,  au  moyen  de  la  variété  de  mécanisme,  de 
nuances  et  de  sonorité,  que  peut  offrir  la  réunion  du  piano,  de 
l'orgue,  du  violon  et  du  violoncelle.  On  peut  dire  que  ces  trans- 
criptions sont  textuelles  dans  toute  la  pureté  mélodique  et  dans 
toute  la  plénitude  harmonique  de  leurs  modèles. 

«  Amédée  Méreaux.  » 


PETITE  CHROMQi'E. 


LES  ORGUES  DE  BARBARIE. 

COMMISSION    I>E    SAM  lîKITi:   MUSICALE. 

Au  moment  où  les  orgues  de  Barbarie  vont  être  soumises  — 
comme  tous  les  instruments  à  cylindre  —  à  un  droit  de  repro- 
duction ,  ne  serait-ce  pas  le  cas  de  réglementer  une  bonne 
fois  l'usage  et  l'accord  de  ces  instruments  nomades  qui  vont 
à  travers  le  monde  troubler  le  repos  public  ou  tout  moins  déchi- 
rer les  oreilles  les  moins  délicates. 


Le  feuilleton  musical  du  Nouvelliste  de  Rouen  prend  la  ques- 
tion de  plus  haut  :  il  demande  la  reproduction  fidèle,  exacte, 
des  motifs  empruntés  aux  opéras  comme  aux  moindres  airs  de 
vaudeville.  Il  est  en  effet  scandaleux  de  voir  estropier  nos  motifs 
populaires  d'une  manière  aussi  déplorable,  et  si,  en  définitive, 
l'orgue  de  Barbarie  doit  éternellement  demeurer  le  premier  degré 
de  l'éducation  musicale  du  peuple  français,  améliorons  au  moins, 
réglementons  l'exercice  de  cet  engin  musical. 

Mais  laissons  la  parole  au  Nouvelliste  de  Rouen. 

* 
*  * 

Comment  les  orgues  de  Rarbarie  sont  devenues  aussi  absurdes 

musiciens   que  le  plus   grand  nombre  de  chanteurs  de  nos 

jours. 

«  Autrefois   l'orgue  de  Barbarie,  instrument  populaire  de 

musique,  se  contentait  de  jouer  des  airs  qu'il  choisissait  parmi 

les  plus  francs  de  rhythme  et  de  mélodie.  La  chanson  était  son 

domaine  ;  il  y  prenait  ses  ébats  en  toute  liberté,  traduisant  des 

valses,  des  airs  de  danse,  des  marches;  il  servait  aussi  de  guide 

et  d'accompagnateur  à  des  marchands  de  chansons,  dont  les  airs 

non  notés  sous  les  paroles  n'étaient  point  trop  défigurés ,  et  se 

transmettaient  ainsi  avec  assez  d'exactitude  parmi  le   peuple, 

quiles  apprenait  de  même  en  les  entendant  régulièrement  jouer. 

«  Tout  passe  ici-bas,  tout  se  transforme  et  trop  souvent  se 
déforme,  sous  prétexte  de  progrès.  Ce  progrès,  ainsi  entendu, 
s'est  manifesté  chez  les  orgues,  qui  ont  abandonné  la  chanson 
pour  l'opéra,  et  qui  ont  imité  la  plupart  des  chanteurs,  hélas! 

«  Parmi  les  chanteurs,  en  effet,  il  s'était  opéré  un  progrès, 
chez  quelques-uns  surtout,  qui  voulaient  toujours  et  partout 
produire  des  effets,  c'est-à-dire  être  applaudis  non  pas  seule-  • 
ment  à  la  terminaison  des  morceaux,  mais  encore  dans  le  cou- 
rant des  périodes  musicales.  Pour  y  parvenir,  ils  créèrent  de 
fausses  cadences,  c'est-à-dire  de  faux  repos  à  l'aide  de  rallenlendo 
intempestifs,  arrêtant  ainsi  sans  nécessité  la  marche  du  dis- 
cours musical,  et  par  des  tenues  de  voix  non  motivées  ils  pro- 
duisirent des  effets  de  sonorité  aux  dépens  du  sens  mélodique. 

«  S'il  fallait  énumérer  toutes  les  bévues  faites  chaque  jour 
à  ce  sujet,  un  journal  y  suffirait  à  peine.  De  loin  en  loin  on 
signale  ces  absences  dégoût;  mais  cela  ne  corrige  personne, 
et  les  chanteurs  continuent  à  dire  :  Je  vous  souhaite  bien  le 

bon .jour!  et  la  masse  du  public  continue  d'applaudir,  en 

prenant  pour  un  vrai  plaisir  la  satisfaction  qu'il  éprouve  de 
voir  conclure  et  terminer  une  sotte  suspension,*qui  ne  lui  est 
réellement  agréable  que  par  la  cessation  du  malaise  qu'elle  lui 
causait. 

«  Jusque-là, les  choses  n'étaient  qu'à  demi-malheureuses,  car 
l'erreur  restait  dans  la  fantaisie  du  mauvais  goût  et  n'était  pas 
érigée  en  fait  acquis. 

«  Mais  voilà  que  les  facteurs  d'orgues  de  Barbarie,  qui  sont 
la  principale  musique  du  peuple,  imitant  ce  qui  a  lieu  dans  les 
hautes  régions  musicales,  ont  pris  le  faux  pour  le  vrai,  et  se 
sont  imaginé  de  noter  sur  leurs  mécaniques  les  sottises  des 
chanteurs. 

«  L'orgue  de  Barbarie  a  secoué  la  poudre  de  ses  bonnes 
vieilles  chansons  pour  s'affubler  de  la  pompe  des  grands  airs 
d'opéra,  et  aujourd'hui  il  ne  joue  plus  que  des  morceaux  de 
Lucie,  AeNorma  et  du  Trouvère.  En  cela,  il  a  suivi  la  mode  mu- 
sicale, il  n'y  a  pas  trop  à  le  blâmer  ;  mais  où  a-t-il  été  chercher 
ses  textes?  Vous  croyez  que  c'est  d'après  les  partitions  mêmes 
que  les  facteurs  ont  reproduit  les  airs  de  nos  grands  maîtres  ; 


70 


LE  MÉNESTREL. 


allons  donc  !  c'eût  été  trop  naturel  et  trop  simple  ;  ils  ont  pré- 
féré imiter  les  chanleurs,  et  surtout  les  mauvais.  Ils  ont  voulu 
reproduire  jusqu'à  l'âme  de  ces  chanteurs.  Or,  ce  que  beaucoup 
de  gens  appellent  l'âme  n'est  autre  chose  qu'une  sorte  de  vibra- 
tion factice  qui  donne  à  une  voix  ce  petit  tremblotement  que 
possède  la  gelée  découpée  sur  un  plat.  Nous  avons  beaucoup  de 
comestibles  à  la  gelée  ;  plus  tard  nous  sont  venues  les  voix 
accommodées  à  la  même  sauce  froide.  Eh  bien!  cela  ne  suffit 
pas;  il  nous  faut  supporter  aujourd'hui  les  orgues  de  Barbarie 
trembloteurs,  c'est-à-dire  qui  ont  de  l'âme. 

«  Tous  les  bouchons  coupés,  toutes  les  mains  calleuses  frô- 
lant de  la  soie,  tous  les  frottements  et  cris  les  plus  agaçants 
sont  des  accords  de  harpes  célestes  en  comparaison  du  bruit 
affadissant,  irritant,  énervant,  produit  par  les  orgues  trembleurs 
que  l'on  est  forcé  d'entendre  à  chaque  instant  du  jour. 

«  Mais  ce  n'est  pas  tout;  ils  ont  voulu  faire  aussi  des  rallen- 
tendo,  de  la  fantaisie,  du  déclamé  musical,  en  un  mot,  ils  se 
sont  inspirés  de  toutes  les  bêtises  qu'ils  entendent  commettre 
journellement,  et,  qui  le  croirait?  ils  les  ont  notées  ;  si  bien 
que  maintenant  nous  entendons  estropier  et  défigurer  les 
plus  belles  inspirations  par  les  fautes  les  plus  grossières.  Là, 
c'est  une  phrase  de  quatre  mesures  qui  est  ornée  d'une  prolon- 
gation qui  la  fait  boiter  ;  ici,  c'est  une  mélodie  de  quatre  me- 
sures qui  se  trouve  transformée  en  cinq,  une  de  deux  en  trois, 
une  de  six  en  sept;  c'est  un  sens  binaire  qui  passe  au  ternaire, 
et  vice  versa;  enfin,  c'est  un  atroce  massacre,  une  stupide  pro- 
fanation, et  les  gens  qui  ont  le  bonheur  d'avoir  conservé  une 
oreille  juste  au  milieu  de  ce  tohu-bohu  sont  forcés  de  jeter 
quelques  sous  au  porteur  du  monstre  pour  se  soustraire  à  ses 
blessures.  Quant  au  peuple,  qui  généralement  ne  sait  point  ou 
que  fort  peu  de  musique,  il  subit  tout;  bien  plus,  il  se  nourrit 
de  cette  diabolique  et  malsaine  musique,  qui  corrompt  et  per- 
vertit son  sens  auditif. 

«  On  a  créé  des  Conservatoires,  on  enseigne  un  peu  de 
musique  dans  les  écoles  publiques;  c'est  très-bien,  c'est  pro- 
gressif. 

On  a  même  établi  un  diapason  normal  pour  ménager  les 
voix.  Serait-il  donc  impossible  de  créer  un  bureau  d'examen, 
devant  lequel  devraient  passer  les  orgues  de  Barbarie,  qui 
abrutissent  et  faussent  l'oreille?  Ne  pourrait-on  pas  avoir  autant 
de  soins  pour  l'organe  qui  entend  le  son  que  pour  celui  qui  le 
produit?  On  nous  répondra  :  L'art  doit  être  libre.  Nous  ne 
l'ignorons  pas,  et  l'on  ne  saurait  avoir  la  prétention  d'empêcher 
tout  un  chacun  d'aller,  pour  son  argent,  applaudir  à  ce  qui 
est  mauvais  comme  à  ce  qui  est  bon.  D'accord  :  moyennant 
finance,  on  doit  avoir  la  faculté  de  faire  subir  à  son  individu 
toutes  sortes  d'impressions.  Mais  ici,  il  s'agit  d'une  chose  gra- 
tuite, qu'on  ne  peut  éviter,  qui  se  promène  sur  la  voie  publique, 
et  qui,  par  cela  même,  devrait  être  assimilée  aux  choses  sou- 
mises aux  vérifications  du  conseil  de  salubrité;  car  enfin,  nous 
ne  voyons  pas  pourquoi  il  serait  plus  permis  d'empoisonner  nos 
oreilles  que  nos  narines. 

(.<.  Nous  osons  donc  émettre  le  vœu  qu'il  soit  établi  une  com- 
mission chargée  de  vérifier  les  orgues  de  Barbarie,  et  d'empê- 
cher qu'ils  ne  jouent  dans  les  rues  des  airs  connus  en  les  estro- 
piant, et  ce,  sous  peine  d'être  poursuivi  et  puni,  sans  préjudice 
des  droits  de  la  partie  civile,  c'est-à-dire  des  autours  qui  pour- 
raient réclamer  des  dommages  et  intérêts  pour  toutes  les  atteintes 
portées  à  leur  considération  professionnelle  ! 

«  Une  institution  de  ce  genre  devrait  avoir  à  sa  tête  quelques 


bons  musiciens,  quelques  compositeurs,  quelques  prix  de  Rome, 
par  exemple  ;  il  y  en  a  tant  qui  meurent  de  faim,  que  ce  serait 
toujours  un  moyen  de  leur  donner  un  emploi  en  attendant 
qu'ils  puissent  faire  représenter  leurs  ouvrages.  Il  y  aurait  à 
cela  un  peu  de  profit  pour  eux  et  beaucoup  pour  l'art,  et  aussi 
pour  les  facteurs  d'orgues  de  Barbarie,  qu'on  tirerait  malgré 
eux  de  leur  ignorance  musicale. 

«  Malliot.  » 


NOUVELLES  HIVEKSES. 


—  Le  ciseau  de  Danlan  jeune,  qui  nous  a  doté  tout  récemment  d'un 
buste  si  remarquable  de  notre  grand  maître  Rossini,  vient  de  créer  un 
digne  pendant  à  son  chef-d'œuvre  de  l'an  dernier.  C'est  l'illustre  repré- 
sentant de  la  musique  française,  réminent  directeur  du  Conservatoire, 
M.  Auber,  qui  celte  fois  a  inspiré  la  verve  de  Dantan.  Le  statuaire- 
anatomiste  a  fouillé  jusqu'aux  moindres  lignes  de  la  physionomie  — 
spirituelle  entre  toutes  —  de  l'auteur  du  Maçon,  du  Domino,  de  Fra- 
Diavolo,  de  l' Ambassadrice ,  du  Cheval  de  bronze,  delà  Sirène  et  de 
tant  d'autres  chefs-d'œuvre  lyriques  devenus  populaires,  non  par  la 
vulgarité  de  leurs  mélodies  ,  mais  bien  par  le  rhythme  naturel ,  pétil- 
lant, des  moindres  phrases  musicales,  par  leur  cachet  de  finesse,  de  bon 
goût  et  d'esprit  essentiellement  français.  Tous  les  trésors  de  sa  mu- 
sique, M.  Auber  les  a  sur  les  lèvres,  dans  les  yeux;  mieux  que  cela,  dans 
chacun  de  ses  traits,  qui  se  divisent  et  se  multiplient  à  plaisir  sans 
perdre  une  parcelle  de  leur  harmonie  si  caractéristique.  Ce  tout  et  ces 
mille  détails,  voilà  ce  que  le  ciseau  bien  inspiré  de  Dantan  a  reproduit 
avec  autant  de  talent  que  d'admiration  pour  les  œuvres  et  la  personne  du 
musicien  français  par  excellence. 

—  Avant  de  quitter  Hanovre  pour  Brème,  où  il  est  attendu,  Roger  s'est 
fait  entendre  chez  l'ambassadeur  de  France,  M.  de  Malarey.  Il  y  a  chanté 
la  grande  scène  de  Membrée  :  Page,  écuijer,  capitaine,  le  Roi  des  Aulnes, 
de  Schubert,  et  une  romance  de  Meyerbeer. 

—  C'est  a  Riga  que  doit  avoir  lieu,  cette  année,  un  festival  de  la  Bal- 
tique, où  se  trouveront  toutes  les  Sociétés  de  chant  des  provinces  alle- 
mandes de  la  Russie.  « 

—  La  Gazette  musicale  du,  Bas-BJiin  s'est  amusée  à  dresser  la  statis- 
tique du  personnel  théâtral  en  Europe.  Selon  les  évaluations  de  ce  jour- 
nal, il  y  avait  en  Europe,  à  la  fin  de  l'année  18G0,  18,140  acteurs  et 
chanteurs,  21,609  actrices  et  cantatrices,  1,733  intendants  et  directeurs  de 
théâtres.  Si  l'on  dressait  la  statistique  du  mérite,  il  va  sans  dire  que  le 
chiffre  serait  considérablement  plus  modeste. 

—  La  musique  de  Jacques  Offenbach  crée  des  imitateurs  en  Allemagne. 
Les  journaux  de  Vienne  nous  apprennent  qu'une  mauvaise  imitation  des 
opérettes  de  ce  compositeur  vient  de  se  produire  au  théâtre  An  derWien. 
L'auteur  se  nomme  M.  Niemetz.  Son  œuvre,  dépourvue  de  gaieté  et  d'en- 
train, a  été  froidement  accueillie.  Ne  marche  pas  qui  veut  sur  les  tracés 
d'Orphée  et  de  Fortunio. 

—  La  première  nouveauté  qui  se  produira  sur  le  théâtre  royal  de 
l'Opéra  de  Berlin,  sera  un  grand  ballet  de  P.  Taglioni,  intitulé  :  Rêve  et 
Réveil. 

—  M.  Aber,  membre  de  la  chapelle  royale  de  Stuttgard  et  auteur  d'un 
opéra  en  quatre  actes,  Anna  de  Landsfa'on,  se  trouve  en  ce  moment  à 
Paris. 

—Un  dos  excellents  élèves  de  M.  Marmonlel,  le  pianiste  Colomer,  lau- 
réat de  1859,  a  reçu  de  la  reine  d'Espagne,  à  la  suite  de  plusieurs  con- 
certs donnés  à  Madrid,  de  magnifiques  boutons  en  perles  fines,  œuvre 
d'art  du  plus  grand  prix. 

—  Les  Sociétés  philharmoniques  d'Amiens  et  de  Reims  viennent 
d'appeler  et  de  fêler  le  virtuose  Sighicelli,  en  compagnie  des  sœurs  Mar- 
chisio  et  du  baryton  Giorgo  Bonheur.  Bravo!  voilà  des  programmes 
bien  remplis. 

—  Nous  sommes  en  relard  avec  les  pérégrinations  artistiques  de 
notre  habile  et  élégant  violoniste  Léon  Le  Cieux,  de  retour  à  Paris,  à  la 
suite  d'une  excursion  en  Normandie  et  en  Bretagne.  Nous  ne  reprodui- 
rons pas  les  appréciations  multipliées  qui  nous  arrivent,  et  sous  tant 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


71 


de  formes,  du  talent  de  M.  Léon  Le  Cieux.  La  presse  bretonne  a  été  dus 
plus  chaleureuses,  à  en  juger  par  les  quelques  lignes  suivantes  :  «  Toutes 
«  les  distinctions  que  puisse  ambitionner  un  artiste  et  jusqu'à  l'honneur 
«  du  rappel,  ont  été  accordés  d'enthousiasme  à  M.  Le  Cieux,  dont  le  cœur 
«  doit  être  pénétré  de  gratitude  pour  les  populations  bretonnes,  qui 
o  savent  si  noblement  encourager  les  arts  et  honorer  le  talent.  »  A  son 
passage  à  Caen,  M.  Le  Cieux  a  donné,  avec  Mme  Miolan-Carvalho,  un 
grand  concert  dans  la  grande  salle  de  l'hôtel  de  ville.  Dire  qu'il  a  partagé 
les  ovations  de  la  soirée  avec  l'éminente  cantatrice  dont  le  talent  résume 
la  perfection,  c'est  constater  que  la  ville  de  Caen  n'a  pas  été  moins  pro- 
digue d'applaudissements  que  ses  sœurs  de  la  Bretagne.  Si  nous  sommes 
bien  informés,  M.  Le  Cieux  doit  se  faire  entendre  en  ce  moment  à  Bor- 
deaux, en  compagnie  de  Mm0  Miolan-Carvalho.  Nous  n'avons  pas  besoin 
de  prédire  de  nouveaux  succès  à  l'artiste  qui  sait  allier  la  distinction  de 
la  personne  à  la  supériorité  du  talent. 

—  De  retour  des  concerts  de  l'Ouest,  Mlle  Balbi  a  été  aussitôt  deman- 
dée à  Lille  en  compagnie  du  ténor  Dufrêne,  de  l'Opéra,  et  de  notre 
célèbre  harpiste  Godefroid,  ce  qui  est  tout  un  honneur.  MUe  Balbi  est 
une  précieuse  acquisition  pour  nos  Sociétés  philharmoniques 

—  On  assure  que  la  nouvelle  salle  de  l'Opéra  aura  son  télégraphe  élec- 
trique, qui  correspondra  non-seulement  avec  le  cabinet  du  ministère 
d'État,  mais  de  plus  avec  les  principaux  hôtels  de  Paris,  afin  que  les 
étrangers  puissent  louer  des  places  pour  les  représentations  sans  se 
déranger.  [Extrait  des  journaux  allemands,  sans  garantie  du  G.) 

—  Les  journaux  se  hâtent  trop  souvent  d'annoncer  comme  faits 
accomplis  des  mesures  qui  ne  sont  encore  qu'à  l'état  de  projet.  Cette 
semaine  on  a  vu  se  produire  un  phénomène  tout  opposé,  et  le  fait  a 
devancé  le  zèle  de  la  presse.  Nous  avions  dit,  comme  la  plupart.de  nos 
confrères,  qu'il  était  question  d'une  réforme  officiellement  apportée  à  la 
dénomination  des  loges  de  théâtre,  qui  seraient  désormais  désignées  sui- 
vant l'étage  qu'elles  occupent  :  loges  de  rez-de-chaussée  (baignoires]: 
premières  loges  jau  premier  étage);  deuxièmes  loges  (au  deuxième 
étage),  etc.  Or,  cette  réforme  est  accomplie.  Le  théâtre  de  l'Opéra  s'est, 
depuis  plusieurs  jours,  conformé  à  l'ordre  ministériel  :  tous  les  autres 
théâtres  suivent  l'exemple. 

—  C'est  samedi  prochain  2  février,  à  dix  heures,  dans  l'église  Saint- 
Vincent- de-Paul,  que  le  Comité  des  Artistes  musiciens  doit  faire  exécuter 
la  première  messe  d'Adolphe  Adam,  dédiée  au  pape  Grégoire  XVI,  avec 
solos  et  chœurs  accompagnés  par  des  harpes  et  l'harmonie.  M.  Bat- 
taille  chantera  un  Salutaris  inédit, composé  par  Ad.  Adam. 

SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  Félix  Godefroid  vient  d'ouvrir  ses  salons  du  boulevard  Sébastopol 
par  une  grande  soirée  musicale,  dans  laquelle  se  pressaient  à  la  fois  le 
monde  élégant  et  l'élite  de  nos  artistes  parisiens.  Les  élèves  de  Mme  Coche 
y  ont  exécuté,  avec  beaucoup  de  style,  les  nouvelles  et  remarquables 
œuvres,  pour  le  piano,  de  Félix  Godefroid.  M.  et  Mme  Lyon,  le  ténor 
Michot,  de  l'Opéra,  dans  une  mélodie  de  la  Harpe  d'or,  MM.  Gleichoff, 
violoniste,  et  Pœncet,  violoncelliste  de  premier  ordre,  ont  excité  tour  à 
tour  les  plus  plus  vifs  applaudissements.  Ajoutons  à  ce  contingent,  déjà 
confortable,  le  maître  de  la  maison  lui-même,  qui,  cédant  aux  instances 
de  ses  visiteurs,  a  pris  enfin  sa  harpe  d'or,  muette  depuis  deux  ans,  et  a 
transporté  son  auditoire  dans  les  sphères  les  plus  idéales. 

—  Dimanche  dernier,  la  Société  des  Jeunes  Artistes  du  Conservatoire 
donnait  son  premier  concert,  sous  la  direction  de  M.  Pasdeloup.  La  sym- 
phonie en  ut  de  Mozart  a  été  exécutée  avec  un  ensemble  et  une  vigueur 
remarquables,  et  l'on  a  pu  admirer  de  nouveau  la  beauté  de  celte  compo- 
sition, dont  l'andante  surtout  et  le  finale  sont  de  vrais  chefs-d'œuvre.  Le 
charmant  chœur  des  Bacchantes,  de  M.  Gounod,  a  eu  les  honneurs  du 
bis,  et  l'ouverture  de  M.  Gade  a  été  bien  accueillie.  Le  concert  s'est  ter- 
miné par  les  Ruines  d'Athènes,  splendide  composition  de  Beethoven, 
dont  l'exécution,  si  difficile,  a  été  satisfaisante.  Un  peu  plus  d'ensemble 
et  de  vigueur  dans  les  violoncelles  et  contre-basses,  et  l'orchestre  des 
jeunes  artistes  deviendra  irréprochable  sous  l'habile  direction  de  son  chef. 

—  La  première  séance  de  MM.  Alard  et  Franchomme  a  eu,  dans  son 
petit  cadre,  tout  le  retentissement  du  premier  concert  du  Conservatoire. 
Dès  son  premier  morceau,  la  10me  sonate  de  Mozart,  pour  piano  et  violon, 
M.  Louis  Diémer,  le  nouveau  venu,  a  su  conquérir  la  faveur  du  public 
dilletlante  qui  se  presse  à. ces  intéressantes  réunions.  Voilà  M.  Diémer 
placé  au  rang  de  nos  grands  artistes. 


—  M.  et  M"'°  Dclolîre  ont  donné,  dimanche  dernier,  une  fort  intéres- 
sante matinée  dans  les  salons  d'Érard.  Le  couple  artiste  a  récollé  les  plus 
vifs  applaudissements  dans  la  grande  sonate  de  Meyerbeer  et  un  duo 
sur  les  motifs  de  Gil  Dlus  ;  puis  le  piano  de  Mme  Deloffre  a  été  particuliè- 
rement fêlé  dans  plusieurs  morceaux  et  de  charmants  airs  nationaux 
espagnols,  recueillis  par  M.  Deloffre.  Le  violoncelle  do  M.  Alard  complétait 
la  partie  instrumentale.  Quant  au  chant,  il  a  été  brillamment  défrayé  par 
M.  etMmeMeiilel  etMme  Alard.  M.  Meillet  avec  les  Glouglous  de  Gounod,  et 
Mme  Meillet  dans  l'air  du  Postillon,  ont  obtenu  une  véritable  ovation. 
Malézieux,  par  ses  chansonnettes,  a  gaiement  couronné  celte  séance. 

—  A  peine  de  retour,  M.  Sighicelli  a  donné,  chez  lui,  mercredi  dernier, 
une  première  séance  de  quatuors,  dans  laquelle  une  œuvre  de  M.  de  Vau- 
corbeil  a  parfaitement  tenu.sa  belle  et  bonne  place,  près  d'un  quatuor  de 
Haydn.  Badiali  a  fait  diversion  dans  une  scène  du  Ballo  in  mascheia  de 
Verdi.  MM.  Emile  Rignaull  et  Sighicelli  ont  ensuite  joué,  l'un  et  l'autre, 
un  solo  de  leur  composition. 

—  Mme  Edouard  Chesueau,  élève  distinguée  de  Goria,  elle-même  pro- 
fesseur de  talent,  a  donné,  lundi  dernier,  un  concert  dans  les  salons  de 
MM.  Pleyel-Wolf  et  compagnie,  avec  le  concours  de  MM.  Lebrun,  Las- 
serre,  Lafont,  de  Mmo  Henri  Polier,  Moris  et  Henry.  Mm0  Edouard  Chesneau 
a  exécuté  entre  autres  morceaux  le  concerto  de  Wéber  et  deux  études  de 
son  maître  :  le  Tournoi  et  l'étude  de  concert  en  la  bémol.  Des  chanson- 
nettes par  Paul  Malézieux,  le  Roi  boiteux  et  les  Côtes  d'Angleterre,  de 
Gustave  Nadaud,  complétaient  le  programme. 

—  Aujourd'hui  dimanche  a  lieu,  salle  Herz,  l'intéressante  matinée 
musicale  et  dramatique  de  MUe  Marie  Mira. 

—  C'est  demain  soir  lundi,  salons  d'Érard ,  que  se  fait  entendre  la 
virtuose-pianiste  italienne  Elvire  del  Bianco,  en  compagnie  de  MraeGrisi, 
de  MM.  Géraldy,  Sauzay  et  Casella. 

—  Demain  lundi,  concert  donné  par  M.  Edouard  Lapret,  salons  de 
Pleyel  (huit  heures  du  soir). 

—  Le  premier  concert  du  pianiste-compositeur  Emile  Forgues  est 
annoncé  pour  le  23  février,  salons  d'Érard. 

—  M.  J.  Schuloff,  le  célèbre  pianiste,  qui  ne  s'est  pas  fait  entendre  à 
Paris  depuis  plusieurs  années,  s'est  décidé  à  donner  un  concert  qui  aura 
lieu  jeudi,  31  janvier,  à  huit  heures  et  demie  du  soir,  dans  la  salle  Pleyel, 
rue  Rochechouart. 

—  M.  Henri  Herz  vient  de  composer  et  publier  une  grande  sonate 
(di  bravura)  pour  piano  seul,  dédiée  à  M.  Auber.  Nous  reparlerons  de 
cet  ouvrage,  que  M.  H.  Herz  fera  entendre  à  son  prochain  concert. 

—  Sous  le  titre  :  Marseille,  quadrille  des  Phocéens,  l'éditeur  Roussel 
a  eu  l'heureuse  idée  de  publier,  avec  illustrations,  du  nouveau  et  de 
l'ancien  Marseille,  un  quadrille  des  plus  mélodieux,  des  plus  dansants  et 
des  plus  variés,  car  chague  figure  est  due  à  un  amateur  de  la  ville,  choisi 
entre  les  meilleurs,  et  ils  sont  aussi  nombreux  que  bons  musiciens  à 
Marseille.  MM.  P.  Lamotte,  de  Rémusat,  C.  Pellissier,  Emm.  de  Fonsco- 
lomb  et  L.  Gouin  sont  les  compositeurs-amateurs  qui  se  sont  chargés  des 
cinq  figures  de  ce  quadrille,  dédié  par  l'éditeur  aux  cinq  cenls  membres 
du  Cercle  phocéen  de  Marseille. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  I 


Pour  paraître  du  1er  au  5  février  1861. 

LES  HARMONIEUSES 

25  NOUVELLES  ÉTUDES  DE 

HENRI 


Op.  5.  —  Prix  :  20  fr.,  (moyenne  force); 


ACADEMIE  IIPÉRIAIil 

de  niu&âtgur. 


Du   nouveau    ballet 
de  I'Opéra  de 


1.  Hlarche  paysanne. 

2.  Chant  du  Papillon. 

3.  Andante-Bohémiana. 

4.  Valse  des  Rayons. 


K\   VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivicnne. 


PAPILLON 

mmc  MARIE  TAiKUOnll  et  de  M.  E>E  SAïWT-îiEORGES. 

STRUUSS 

1"  Quadrille,  Valse  des  RA  YONS  et  Polka-Mazurka  la  LESGU1NKA. 


HEUGEL  ET  Cie , 

éditeurs. 

Musique  de 

J.  OFFENBACH. 

5.  Marche  du  Palanquin. 

6.  Polonaise  desBohémiennes. 

7.  Valse  des  Fleurs. 

8.  Galop  des  Papillons. 


Composés  pour  lés  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 
Polka  des  Métamorphoses.  La  fée  Hamza.  M1"  Marouet.  |         PH.  STUTZ  '.  La  Fée  des  Moissons.  Polka-mazurka.  Mlle  Schlosser. 

;  Les  Circassiennes.  Deuxième  quadrille.         |         H,    VALIQUET  '.  Quadrille  et  valse  faciles,  sans  octaves. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL 

de  l'Oftéra-Comique. 


(scjp.'ï^^  &iaiassîa  a 


HEUGEL  ET  CLe 

éditeurs. 


AIRS  DÉTACHÉS  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO,  PAR  M.   L.  SOUMIS. 


N°  1.  Introduction  :  Couplets  dialogues 
chantés  par  Mlle9  Marimon  cIBelia. 

N°2.  Air  de  Xaïloun,  chanté  par  M.  Ber- 
thelier. 

N°  3.  Couplets  du  Grand  Mogol,  chan- 
tés par  M.  Nathan. 

N°  4.  Duo  chanté  par  Mlles  Marimon  et 

BÉUA. 

N°  5.   Couplets  de  Bababek  ,  chantés 

par  M.  Sainte-Foï. 
N°  6.  1"  romance  de  Saéb,  chantée  par 

M.  Warot. 


ARKOUF 


Musique  de 


M3ÏB&S! 


N°  7.  Duo  chanté  par  M11»  Marimon  et 

M.  Sainte-Foy. 
N°  8.  Chanson  du  Chien. ,  chantée  par 

M110  "Marimon. 
N°  8  bis.  La  même  transposée  en  fa. 
N°  9.  Valse-entr'acte  pour  piano  seul. 
N°  10.  Couplets  ch.  parM.BERTHELiER. 
N°  H.  2me  romance  de  Saéb  ,  chantée 

par  M.  Warot. 
N°  12.  Chanson  à  boire  chantée  par 

Mlle  Marimon. 
N°  12  bis.  La  même  transposée  en  sol. 


BURGMUILER. 

Valse  de  salon  à  deux  et  quatre  mains. 


STRAUSS. 


Quadrille  à  deux  et  quatre  mains. 


EW  VEMTE. 


—       £S»\33-    5Prt-rt»iPT8T5t   ^."^^S^TS-Si  3      —  EU"  "VETVTE. 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO 

Opéra-comique  en  un  acte,  paroles  «e  MM.  HECTOR  CRÉMIEUX  et  EjUDOVIC  WAJLÉVW. 

—  AIRS  DÉTACHÉS,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT.  — 

TABLE  DES  MORCEAUX  DE  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO. 


3.  Couplets  du  Petit  clerc  Friquet ,  chantés 
par  M.  Bâche 


|  6.  Duo  et  Chanson  de  Fortunio,  chantés  par 
50  Mlles  Chabert  et  Pfotzer 6    » 

,  a  ha     6  bis.    Chanson  de   Fortunio,  extraite  du 

4.  Autrefois,  Aujourd  feu.,  ronde  des  clercs.    2  50  du(j  _  pour  soprano  QU  ^ 2  50 

5.  Toutes  les  femmes  sont  à  nous ,  valse  des               q  ter,  La  mâme  j  transposée  pour  baryton 
clercs,  à  une  ou  deux  voix 3  75  et  4  50   I         ou  contralto 2  50 


1.  Prenez  garde  à  vous,  couplets  chantés 

par  M1"  Chahert 2  50 

2.  La  belle  eau  claire ,  chanson  à  boire,  par 

Mlle  Pfotzer 2  50 

2  bis.  La  même,  transposée  pour  contralto 

ou  baryton 2  50  | 

Partition  in-8°  :  Texte  ,  chant  et  piano.  Prix  net  :   7  francs. 


FORTUNIO.       - 

ji.-li.  Battmann.  Fantaisie  variée 5    » 

f.  BurgmiiUer.  Valse  de  salon 6    » 

—  La  même  à  4  mains 7  50 

—  La  même  en  feuille 2  50 


Morceaux  et  arrangosneiits  pour  pisino.       —         FORTUNIO. 

a.  Croisez.  Morceau  de  s:ilon 6    »  |  Strauss.   Quadrille  de   Fortunio,   à    deux 

Faut  asernnr.i.  Barcarolle  et   Chanson   de  !         mains 4  50 

Fortunio ,  transcriptions C    «                                           . 

,-,         .    ;    n    sr    r>     ■  ■    „  —         A  quatre  mains 4  50 

h.  vniiijiiii. Concerts desBouffcs  Pa.  isiens,  :                         ^ 

petites  fantaisies  sans  octaves.  Chacune.    3    »  |  i*i>.  stuu.  Fortunio-Polka 4  50 


Opéra-Comique  en 
un  acte. 


LE 


LE  BAL, 

Valse  chantée  par 

M110  CHABERT, 

Prix  :  4  50. 


Musique  de 

M-  DE  SAÏNT-EÉM^. 


Oc  M.  LÉON  et  LUDOVIC 
HftLÉVY. 

CHANSON  NÈGRE, 

chantée  par 

M.  LÉONCE. 

1  et  2,  prix  :  2  fr.  50  c. 


VALSE  composée  par  STRAUSS  pour  les  Bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra.  —  Prix  :  6  fr. 
Partition  piano  et  chant  (avec  texte),  in-8°.  Prix  :  5  fr. 


751. 


—  -28°  Année. 

IV  10. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  3  Février 

1861. 


LLoa 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédaci'enchet. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  IIEUGEL  et  Ci»,  éditeurs. 

(lui  Magasina  et  Abonnement  «le  Musique  «lu  MÉiVESTISEI..  —  Tenle  et  location  «le  Pianos  ci  Orgues.) 


CIlA.liT. 

1er  Mode  (l'abonnement  ■  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  SU  Morceau 
Scènes,  Mélodies,  Homances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  i  Alliuit 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province:  1Sfr.  ;  Etranger:  21  fr. 


'■Jf  i  l'in». 

2e  Mode  'Vallonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  e«  morceau 
Fantaisies,  Valses.  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  Z  Allmn 
primes  illustres.  — Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


CHANT  r.T  riAIVO    EtI  l  \l«*  : 

3'  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  rcioreonux  de  chant  et  de  piano,  les  s  Albums-prime»  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Etranger  :  3G  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l«r  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresse! /Vanco 
un  bon  surla  poste,  a  MM.  BIKtTCKf .  et  cfe/éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  (le  Mourgues  frer 


:  Jean-Jacques  boisseau. 


«.OTIVSAIKt, 


TK.XTF.. 


I.  L'opéra-coraique,  ses  compositeurs ,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  com- 
positeurs secondaires  de  la  République  c!  du  premier  Empire  (24e  article,  suite 
et  Du).  L.  Meneau.  — II.  Semaine  théâtrale.  ].  Lovy.  —  111.  Tablettes  du  pianiste 
et  du  chanteur  :  Schnlhoff  et  ses  œuvres.  Marnoktf.i..  —  IV.  Deuxième  concert 
du  Conservatoire.  E.  Viel.  —  V.  De  la  musique  de  chambre.  F.  Halêvï.  — 
VI.  Petite  chronique  :  La  musique  chinois:;.  Paul  d'Iyoy.  —  VII.  Nouvelles, 
Soirées  et-Conccrts,  Nécrologie,  Annonces. 

MUSIQUE  DR  CHANT; 

Nos  abonnés  S  la  musique  de  Chant  recevront  avec,  le  numéro  de  ce  jour: 
la  chanson  à  boire  ; 

LA  BELLE  EAU  CLAIRE, 

Chantée  dans  Fortunio  parMllePFOTZEn,  paroles  de  Mil.  Hector  Crkmieux 
et  Ludovic  Halévy,  musique  de  J.  Offenbach  —  Suivra  immédiate- 
ment après  :  la  romance  du  deuxième  acte  de  Bwkouf,  la  Chunson  du 
Chien,  chantée  par  M"e  Marimon,  paroles  de  MM.  Scribe  el  Boisseaux, 
musique  de  J.  Offenbach. 

PIANO: 
Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 

de  Piano  : 

LA  POLKA  IDES  MÉTAMORPHOSES, 

Composée  par  Arban,  sur  les  motifs  du  Papillon,  de  J.  Offenbach.  — 
Suivra  immédialemenl  après,  le  quadrille  de  Fortunio,  le  grand  succès 
des  Bouffes-Parisiens  ,  composé  par  Strauss  pour  les  bals  de  la  Cour 
et  de  l'Opéra. 


L'OPÉRA-  COMIQUE 

Kl    [\AlSaA\CK,  SES    MICGKÈS,   SA  TllOB>  (.111MI1     EXTENSION. 


COMl'OSlTEUliS  SECONDAIRES 

D2    LV    RÉPUBLIQUE    ET    DU    PREMIER    EMPIRE. 
CHAPITRE    VII. 

xxtv. 

DEV  ENNE,    STE1BELT,   BRUNI,    PLANTADE,    CAVEAUX,   SOL1É,   CATRUFO  , 
Mm"   GAIL,   BOCHSA,    KREUBÉ,   PAER,   COM1S. 

CATRIFO. 

Le  Théâlre-Feydeau  donniit,  le  28  février  1813,  FéUcwbù 
la  Jeun?,  fille  romanesque  :  l'auteur,  Jjscph  Catrufo,  élail  né  à 


Naplos  en  1771.  11  avait  appris  la  musique  au  Conservatoire  de 
cette  ville  en  compagnie  de  Spontini,  deFaritielli  el  de  Pacini. 
11  était  chanteur  et  compositeur  très-instruit;  on  lui  doit  un 
Traité  d'instrumentation  très-eslimé.  En  voyageant,  Catrufo 
s'était  fixé  à  Genève,  où  il  donnait  des  leçons  de  chant.  Madame 
de  Staël,  ravie  de  son  talent,  de  ses  délicieuses  compositions, 
l'engagea  à  se  rendre  à  Paris  :  elle  lui  donna  une  lettre  de 
recommandation  pour  Dnpaly,  qui  lui  fit  la  pièce  en  trois 
actes  intitulée  :  Félicin,  et  lui  donna  pour  interprètes  : 
Martin,  Julliel,  Mllc  Pallart,  depuis  Mmï  Rigaull  et  Mm»  Bou- 
langer ;  ces  artistes  d'élite  enlevèrent  le  succès.  Martin  y  chan- 
tait une  romance  que  l'on  faisait  bisser  tous  les  soirs  : 

La  sympathie  est  le  lien  des  âmes, 
Lancé  des  cieux  pour  unir  les  amants... 

El  un  charmant  duo  avec  Mme  Boulanger  : 
Sij'ado-ais  Li-elle, 
C'est  qu'elle  avait  tes  yeux. 

Peu  de  temps  après  Félicie,  Catrufo  cul  un  secorïtl  succès  : 
la  Bataille  de  Dciiain. 

MADAME    GAIL. 

La  même  année  1813,  qui  avait  vu  naître  Félieie,  vit  aussi 
une  opérette  :  les  Deux  jaloux,  succès   intéressant,  parce  que 
l'auteur  était  une  femme  :  Mms  Gail  (lj.  On  applaudit  surtout 
dans  cet  acte  un  trij  et  une  jolie  romance  : 
Ta  Fan.'hetle  est  charmante. 

La  romance  était  du  reste  le  d  >maine  de  prédilection  de 
Mme  Gail,  qui  s'interprétait  olle-môms  aveu  autant  de  charme 
que  d'esprit. 


(I)  Edinc-Sopliie Garre,  Dée  à  Miîun  en  1776;  se  sépara  de  sou  mari  et 
mourut  à  Paris  le  24  juillet  1819. 


74 


LE  MÉNESTREL, 


En  1815  Bochsa  donnait  à  la  scène  la  Lettre  de  change,  un 
acte  qui  reçut  un  bon  accueil.  Robert-Nicolas-Charles  Bochsa 
était  né  à  Montraédy,  le  9  août  1789.  Son  père,  hautboïste  des 
théâtres  de  Lyon  et  de  Bordeaux,  avait  écrit  plusieurs  morceaux 
de  musique  pour  son  instrument.  Bochsa  fils  montra  une  préco- 
cité extraordinaire  :  à  sept  ans  il  jouait  un  concerto  de  piano; 
à  neuf  ans,  il  composait  une  symphonie;  à  onze,  un  concerto  de 
flûte  ;  à  douze,  une  ouverture,  des  ballets,  des  quatuors  ;  à  seize 
ans,  il  faisait  jouer  à  Lyon  un  opéra  de  circonstance  pour  le  pas- 
sage de  Napoléon.  Il  étudia  à  Bordeaux  la  harpe,  qui  devint  son 
principal  instrument. 

Élève  de  Catel  pour  la  composition,  il  donna,  en  1813,  un 
opéra-comique  en  trois  actes,  les  Héritiers  de  Paimpol,  et  puis 
après,  trois  ou  quatre  autres  partitions,  dont  la  meilleure  est 
la  Lettre  de  change. 

Plus  tar,d  obligé  de  s'expatrier,  Bochsa  se  rendit  à  Londres, 
où  il  obtint  la  direction  de  l'orchestre  du  théâtre  de  Hay-Market. 
11  ne  put  se  maintenir  clans  ce  poste  et  se  réfugia  aux  États- 
Unis,  à  San-Francisco,  et  en  dernier  lieu  en  Australie,  où  il 
mourut  le  1er  janvier  1856.  Peut-être  fût-il  devenu  un  des 
bons  compositeurs  français,  s'il  eût  pu  résider  à  Paris  et  s'as- 
treindre à  soigner  davantage  ce  qu'il  écrivait. 

KREUBÉ. 

En  1819,  Charles-Frédéric  Kreubé,  chef  d'orchestre  de 
l'Opéra-Comique,  donnait  à  ce  théâtre  Edmond  et  Caroline,  un 
acte  qui  fut  assez  bien  accueilli.  Cet  auteur,  qui  se  distingua 
comme  violoniste  (1),  écrivit  aussi  d'autres  partitions;  ses  meil- 
leures sont,  outre  Edmond  et  Caroline,  le  Forgeron  de  Bassora, 
le  Coq  de  village,  les  Enfants  de  maître  Pierre,  et  l'Officier  et 
le  Paysan. 

PAER. 

Un  succès  réel  et  qui  n'est  pas  près  do  finir,  se  fit  jour  à 
l'Opéra-Comique  en  1824:  je  veux  parler  du  Maître  de  cha- 
pelle, charmant  opéra  en  deux  actes,  dont  le  librelto  avait  été 
taillé  par  Mmc  Sophie  Gay,  dans  la  comédie  deDuval,  intitulée: 
le  Chanoine  de  Milan.  On  ne  joue  guère  plus  que  lo  premier 
acte  de  cette  partition,  quoiqu'il  y  ait  dans  le  second  un  très- 
joli  quintette.  Le  scénario,  ainsi  estropié,  ne  signifie  plus  rien 
du  tout,  maison  entend  sans  cesse  avec  plaisir  le  trio  bouffe  : 


Ce  sont  les  Français,  je  gage , 

Qui  profitent  do  la  nuit, 

Pour  commencer  leur  tapage. . . 

L'air  de  Martin  : 

Ah  1  quel  plaisir  de  pressentir  sa  gloire  I 
enfin  le  duo  classique  : 


Perché  crudele  amore  ? 
Lo  compositeur ,  à  la  plume  élégante  duquel  on  devait  cette 
partition,  était  l'Italien  Ferdinand  Paër,  né  à  Parme,  le  1er  juin 
1771 .  11  avait  appris  très-facilement,  et  presque  tout  seul,  les  prin- 
cipes de  la  composition  ;  l'audition  des  œuvres  de  Guglielmi,  de 
Paisiello,  de  Cimarosa,  compléta  son  éducation.  Au  piano,  Paër 
régnait  de  la  double  puissance  d'un  grand  chanteur  et  d'un 
grand  compositeur. 

(1]  Il  était  élève  de  Kreutzer. 


Napoléon  s'élant  emparé  de  Dresde,  où  Paër  était  maître  do 
chapelle  en  1806,  fut  séduit  par  la  musique  d'un  de  ses  opéras  : 
Achille,  et  l'attacha  à  la  France  en  lui  accordant  une  brillante 
pension;  mais  Paër  ne  justifia  guère  le  choix  de  l'Empereur, 
au  point  de -vue  de  la  composition  dramatique  du  moins.  Sa 
paresse  était  telle,  que  ce  ne  fut,  comme  on  vient  de  le  voir,  que 
sous  une  autre  dynastie  qu'il  écrivit  la  partition  française  du 
Maître  de  chapelle,  à  laquelle  je  ne  connais  qu'une  sœur  : 
Un  caprice  de  femme.  —  Le  Théâtre-Italien  lui  doit  YAgnèse  , 
un  des  triomphes  de  Pellegrini  et  de  Mmc  Mainvielle-Fodor. 

GOMIS. 

Le  29  janvier  1831,  avait  lieu  la  première  représentation  du 
Diable  àSéville,  opéra  en  deux  actes,  de  Joseph-Melchior  Gomis, 
compositeur,  né  en  1793,  à  Anleniente,  ville  espagnole.  11  avait 
mis  dans  toute  sa  partition  la  couleur  locale  qui  répandit  sur  son 
œuvre  une  teinte  agréable,  mais  monotone.  Plus  tard,  Gomis  fit 
représenter  le  Portefaix  et  le  Revenant,  et  mourut  à  Paris  en 
1836,  à  la  fleur  de  l'âge ,  au  moment  où  l'Espagne  pouvait  se 
promettre  un  compositeur  dramatique  distingué. 


Pour  terminer  celle  suite  de  biographies  des  auteurs  morts 
qui  ont  écrit  pour  l'Opéra-Comique,  il  me  reste  à  parler  de 
Boïeldieu,  de  son  élève  Adolphe  Adam  ,  qu'une  mort  préma- 
turée et  regrettable  a  tant  de  titres,  fait  entrer  dans  le  cadre  que 
je  me  suis  tracé,  et  enfin  d'Hérold,  que  je  placerai  après  Adam, 
parce  quo  l'œuvre  de  ce  dernier  me  paraît  être  la  continuation 
immédiate  de  l'œuvro  de  Boïeldieu,  et  que ,  d'ailleurs,  Hérold 
est  incontestablement  le  plus  jeune  de  tous  les  auteurs  dont  j'ai 
parlé.  Je  continue  de  cette  façon  à  suivre  les  progrès,  les  déve- 
loppements successifs  de  l'opéra-comique  français,  au  point  de 
vue  musical,  dont  Zampa  me  paraît  le  type  le  plus  développé, 
comme  je  l'ai  dit  en  commençant. 

Ma  tâche,  à  présent,  devient  très-simple:  il  ne  s'agit  plus 
d'ouvrir  sous  les  yeux  du  lecteur  des  partitions  poudreuses, 
dont  la  plupart  ne  sont  consultées  qu'a  de  rares  intervalles  par 
les  bibliophiles,  mais  de  faire  appel  aux  souvenirs  de  la  veille. 

Léon  Meneau. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

Sémiramis  et  le  ballet  du  Papillon  ont  alterné  cetle  semaine 
au  théâtre  impérial  de  I'Opérv.  Obin  et  les  sœurs  Marchisio 
reçoivent  toujours  le  plus  sympathique  accueil  dans  l'œuvre 
francisée  du  maestro  italien  ;  et,  de  son  côté,  Mlle  Emma 
Livry  récolte  chaque  fois  de  nouvelles  ovations  dans  le  gracieux 
rôle  de  Far-falla. 

.  La  prochaine  apparition  du  Tannhauser  excite  de  multiples 
émotions.  11  y  a  d'abord  les  anxiétés  fort  naturelles  desinlerprètes 
de  l'œuvre;  puis,  au  dehors,  l'impatiente  curiosité  des  divers  camps 
dilettantes,  des  Wagneristes  et  de  leurs  adversaires;  et  enfin, 
par  dessus  tout,  l'armée  des  résidents  allemands,  qui,  par  esprit 
national  peut-être  autant  que  par  religion  musicale,  croit  devoir 
soutenir  et  défendre  le  pavillon  du  Tannhauser.  Bien  plus,  on 
assure  que  des  députalions  germaines  sont  en  route  pour  se 
joindre  aux  amis,  afin  d'emporter  de  haute  lutte  le  succès  de 
la' musique  de  l'avenir.  Tout  annonce  donc  que  la  soirée  du 
Tannhauser  marquera  dans  les  annales  de  notre  première  scène 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


75 


lyrique.  Elle  paraît  toujours  fixée  aux  derniers  jours  de  ce  mois, 
Mme  Tedesco  ayant  pu  reprendre  les  répétitions. 

Une  indisposition  de  Zucchini  a  fait  changer,  jeudi  dernier, 
le  spectacle  au  Théâtre-Italien.  Un  Ballo  in  maschera  a  rem- 
placé Don  Giovanni,  annoncé  pour  le  soir.  C'est  partie  remise 
à  jeudi  prochain.  Aujourd'hui  dimanche,  il  Barbiere. 

A  I'Opéra-Comique,  la  Circassienne  avait  été  également 
promise  pour  jeudi;  mais  les  enrouements  successifs  de  Mon- 
taubry,  de  Couderc,  de  M'le  Monrose,  l'ont  fait  reculer  de  deux 
jours.  C'est  hier  au  soir  samedi  que  cette  importante  œuvre  a 
été  livrée  au  jugement  public.  A  dimanche  prochain  notre 
comple-rendu.  — Mlle  Saint-Urbain  a  continué  plus  brillamment 
encore  ses  débuts  dans  la  Fille  du  régiment.  C'est  décidément 
une  belle  et  bonne  acquisition  pour  la  salle  Favart. 

Le  Toéatre-Lyrique  donnera  jeudi  prochain  la  première 
représentation  de  la  Nuit  du  mardi  gras,  opéra-comique  en 
trois  actes,  de  MM.  Scribe  et  Boisseaux,  musique  de  M.  Clapis- 
son.  L'administration  compte  sur  un  grand  succès:  La  pièce  sera 
jouée,  dit-on,  avec  un  rare  ensemble  :  MIIe  Roziès,  qui  a  débuté 
si  heureusement,  il  y  a  quelques  mois,  dans  les  Dragons  de  Vil- 
lars  et  plus  tard  dans  UVal  d'Andorre,  remplira  le  principal  rôle. 
Les  autres  artistes  auxquels  est  confiée  l'interprétation-du  nouvel 
ouvrage  de  l'auteur  de  Fanchonnette,  sont  MM.  Fromant,Riquier- 
Delaunay,  Wartel,  Lesâge,Mlles  Moreauet  Faivre. 

Aux  Bouffes-Parisiens,  beau  fixe  avec  Fortunio,  le  Mari 
sans  le  savoir  et  les  Musiciens  de  l'orchestre,  et  cependant  on 
répète  le  Pont  des  soupirs,  la  pièce  capitale  de  l'hiver. 

*  * 

Le  Gymnase  a  plusieurs  nouveautés  en  perspective. 

Il  s'agit  d'abord  du  Sacrifice  d'Iphigénie ,  —  titre  assez 
bizarre.  Cette  pièce  est  attribuée  à  M.  d'Ennery  ,  et  aura 
Geoffroy  pour  principal  interprète;  on  nous  promet  ensuite  un 
acte  de  MM.  Labiche  et  Delacour,  provisoirement  intitulé  : 
Verdinet;  et  enfin,  le  Dernier  des  Lafrenaie,  deux  actes  de 
MM.  Dumanoir  et  Lafargue,  avec  Lafontaine  dans  un  rôle  de 
vieux  marquis  de  soixante  ans,  —  promesse  piquante. 

L'intention  de  se  séparer  de  MUe  Fargueil  avait  été  prêtée 
gratuitement  à  la  nouvelle  direction  du  Vaudeville.  Cette  ex- 
cellente comédienne  vient  d'être  rengagée  à  de  fort  bonnes 
conditions.  Nous  en  félicitons  le  triumvirat  du  théâtre  de  la 
Bourse,  car  elle  trouverait  difficilement  à  remplacer  une  artiste 
qui  aborde  avec  une  égale  perfection  le  drame  et  la  comédie 
légère.  —  La  pièce  carnavalesque  du  Vaudeville  est  annoncée 
pour  le  dimanche-gras. 

Celle  du  Palais-Royal  a  dû  voir  les  feux  de  la  rampe,  hier 
soir  samedi  ;  M1'0  Schneider,  MM.  Brasseur,~Hyacinlhe  et  Gil 
Pérès  en  sont  les  héros.  On  parle  beaucoup  d'une  ronde  de 
M.  Sylvain  Mangeant,  qui  vient  couronner  cette  folie  de  car- 
naval . 

Le  théâtre  de  I'Ambigu-Comiqoe  s'apprête  à  représenter  un 
drame  étrange.  Cette  œuvre  a  pour  titre  :  ['Ange  de  minuit; 
elle  est  due  à  la  collaboration  de  MM.  Théodore  Barrière  et 
Edouard  Plouvier,  et  sera  montée  avec  un  grand  luxe  de  mise 
en  scène.  De  plus,  elle  servira  de  cadre  à  plusieurs  débuts  im- 
portants, -notamment  celui  de  Mlle  Méa,  la  belle  Andromaque 
de  l'Odéon. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 

SCHULHOFF. 

Les  édjjeurs  du  Ménestrel,  qui  n'ont  rien  publié  de  Schulhoff, 
—  à  leur  grand  regret,  —  ne  m'en  avaient  pas  moins  demandé 
une  élude  sur  ce  pianiste  justement  célèbre.  En  cela ,  ils  sui- 
vaient le  cri  de  leur  conscience,  qui ,  plus  d'une  fois,  m'a  permis 
de  donner  dans  ces  tablettes  des  places  d'honneur  à  des  artistes 
tels  que  Stephen  Heller,  Henri  Ravina,  Georges  Mathias,  J.  Ro- 
senhain  et  tant  d'autres  compositeurs  dont  les  publications  enri- 
chissent les  catalogues  des  maisons  Lemoine,  Brandus,  Richault 
et  Meissonnier. 

L'élude  que  je  me  proposais  d'écrire  sur  le  talent  et  .les 
œuvres  de  Schulhoff,  s'est  trouvée  devancée  par  le  concert- qui 
vient  de  signaler  l'heureux  retour  a  Paris  du  célèbre  virtuose  ; 
si  bien  que,  bon  gré  malgré,  voici  mon  humble  prose  passée 
à  l'état  de  comple-rendu. 

Les  lecteurs  du  Ménestrel  me  pardonneront  cet  empiétement 
involontaire.  Qu'ils  se  rassurent  d'ailleurs je  ne  recom- 
mencerai pas. 

Mais,  pour  aujourd'hui,  qu'ils  me  permettent  de  leur  dire  que 
nous  sommes  encore  sous  le  charme  de  l'impression  vive  et 
profonde  causée  par  J.  Schulhoff  à  son  concert  de  jeudi  dernier. 
Ceux  qui,  moins  heureux  que  nous,  ont  été  privés  du  plaisir 
d'assister  à  celte  belle  et  intéressante  soirée,  nous  sauront  gré 
de  leur  parler  des  succès  de  l'éminent  artiste,  comme  composi- 
teur et  comme  virtuose. 

Schulhoff  nous  revient  après  un  long  séjour  en  Allemagne. 
Le  repos,  l'air  vivifiant  de  la  patrie,  et  l'éloignement  du  foyer 
incandescent  qui  brûle  l'existence  des  artistes  parisiens,  lui  a 
rendu  la  santé,  la  sève  et  la  force  nécessaires  pour  fournir  une 
nouvelle  carrière.  L'empressement  général,  l'accueil  chaleureux 
fait  à  l'artiste  ont  dû  vivement  émouvoir  Schulhoff  et  lui  prouver 
que  le  public  des  concerts  a  fidèlement  gardé  souvenir  de  ses 
premières  soirées.  Nous  nous  souvenons  tous,  en  effet,  de  l'im- 
pression produite  par  Schulhoff  avec  ses  premières  compositions, 
déjà  populaires  avant  l'audition  du  jeune  maître  à  Paris.  Le  bel 
allegro  dédié  à  Chopin,  op.  1  ;  l'agitato,  op.  15  ;  les  impromp- 
tus, op.  8  ;  les  Airs  bohémiens,  op.  10;  le  Carnaval  de  Venise, 
op.  22  ;  les  valses,  op.  6  et  20  ;  le  galop,  op.  17,  avaient  admi- 
rablement préparé  la  bienvenue  du  pianiste-compositeur,  aimé 
de  tous  les  amateurs  et  artistes  avant  même  d'avoir  pu  être  ap- 
précié el  admiré  comme  virtuose. 

L'élégante  distinction  des  premières  compositions  de  Schulhoff 
repose  principalement  sur  le  tour  original  des  idées,  toujours 
accompagnées  d'harmonies  fines  et  ingénieuses,  et  sur  la  forme 
neuve  et  brillante  des  traits.  L'excellente  facture  de  sa  musique 
a  séduit  non-seulement  le  public,  mais  encore  tous  les  musi- 
ciens de  goût  et  de  bonne  foi  qui  rendent  justice  au  vrai  mérite, 
sans  distinction  de  clocher.  Schulhoff  sut  donc  conquérir,  de 
prime  abord,  rrne  des  premières  places  parmi  les  célébrités  mo- 
dernes du  piano. 

Encouragé  par  le  succès,  il  écrivit,  quelque  temps  après,  plu- 
sieurs petites  pièces  ravissantes,  qui  brillent  entre  toutes  par 
l'invention  mélodique  et  ce  parfum  de  jeunesse  qui  séduit  l'ima- 
gination et  l'oreille.  Citons  tout  d'un  trait  :  le  Chant  du  pécheur, 
op.  32;  Souvenir  de  Vienne,  op.  28;  Souvenir  de  Varsovie, 
op.  30;  Sérénade  espagnole,  trois  idylles,  op.  27;  Souvenir  de 
la  Grande-Bretagne,  fantaisie  brillante;  YOndine,  etc. 


70 


LE  SÎÈNESÏIltr. 


Artiste  laborieux,  amant  passionné  de  l'art  et  du  progiès,  . 
Schulhoff  n'a  pas  voulu  refaire  toujours  le  même  caprice,  et  il  a 
modifié  sa  manière,  soit  en  donnant  plus  de  développement  à  ses 
motifs,  soit  aussi  par  un  travail  d'harmonie  et  d'imitations  plus 
serré.  La  belle  sonate  jouée  au  concours  de  piano  du  Conserva- 
toire est  un  exemple  de  cette  modification  de  style  ;  la  Bal- 
lade, op.  41,  la  Polonaise,  op.  4î,  l'Aubade,  cp.  42  et  les 
Chants  d'amitié,  op.  45,  appartiennent  encore  à  cette  seconde 
manière,  d'un  travail  plus  recherché  et  dans  laquelle,  par  cela 
même,  l'inspiration  a  peut-être  moins  de  jet  et  de  naturel. 

N'oublions  pas  une  œuvre  de  jeunesse  que  nous  estimons 
comme  un  des  beaux  fleurons  do  la  couronne  de  Schulhoff  :  les 
Études  de  concert,  op.  12. 

U  nous  fallait,  avant  de  parler  du  concert  de  jeudi  dernier, 
constater  cette  tendance  de  l'artiste  vers  un  idéal  plus  élevé,  s'é- 
loignantavec  intention  de  la  forme  première  qui  avait  si  agréa- 
blement séduit  et  impressionné  le  public. 

Celte  grâce  infinie  des  anciennes  œuvres,  nous  l'avons  re- 
trouvée jeudi  dernier,  parmi  les  œuvres  nouvelles,  sous  la  forme 
d'une  perle  fine  :  Souvenirs  de  Venise.  11  est  difficile  d'imagi- 
ner rien  de  plus  suave  et  de  plus  poétique  ;  la  Polonaise,  d'un 
rbjlhme  saisissant, — a  la  fière  allure  qui  convient  à  ce  genre  de 
pièces,  — est  venue  faire  contraste  à  la  rêverie  vénitienne.  Sou- 
venirs de  Saint-Pétersbourg  est  une  mazurka  qui  aura  le  succès 
du  Souvenir  de  Kieffet  de  Varsovie  :  on  l'a  bissée.  VOndine, 
que  nous  avons  précédemment  entendue,  est  un  pendant  au 
Chant  dupécheur.  Ce  bruissement  mélodieux  est  ravissant. 

La  fantaisie  sur  les  Mélodies  bohémiennes,  un  caprice  de  con- 
cert à  grand  effet  par  l'originalité  des  motifs,  la  manière  heu- 
reuse dont  ils  s'enchaînent,  le  brio  des  variations. 

11  nous  reste  à  dire  que  Schulhoff  a  joué  la  sonate  do  Beetho- 
ven, op.  81,  avec  toute  l'autorité  d'un  maîlro  :  son  jeu  coloré, 
chaleureux,  tendre  et  passionné,  a  fait  admirablement  valoir 
toutes  les  beautés  de  celte  œuvre  de  génie.  Le  trio  en  ut  de  Haydn 
a  été  aussi  délicieusement  inlerprété.  MM.  Dupuis  et  Jacquard 
ont  rivalisé  de  talent  avec  Schulhoff;  il  est  impossible  de  dire  avec 
plus  d'esprit  et  de  verve  cette  musique  d'une  admirable  simpli- 
cité où  le  génie  du  grand  maîlre  se  révèle  à  chaque  page  avec 
tant  de  puissance  et  de  bonhomie  à  la  fois. 

Nous  voudrions  avoir  l'esprit  d'analyse  de  notre  cher  collègue 
M.  Stéphen  de  la  Madeleine,  pour  parler  du  gracieux  (aient  vocal 
de  Mlle  Orwille  ;  mais  nous  nous  devons  tout  entier  à  l'immense 
succès  de  Schulhoff,  succès  qui  nous  vaudra,  nous  l'espérons, 
plusieurs  soirées  semblables  h  celle  de  jeudi.  Il  n'est  pas  un  pia- 
niste qui  n'ait  le  désir  d'entendre  ses  œuvres  nouvelles  et  aussi 
celles  qui  ont  précédé  sa  grande  réputation;  seulement,  qu'il 
nous  soit  permis,  en  terminant  celle  causerie,  d'émettre  un  vœu 
selon  noire  impression  toute  personnelle,  à  savoir:  que  Schulhoff 
ne  sacrifie  pas  trop  aux  tendances  modernes  de  l'école  allemande  ; 
que  l'horreur  du  banal  ne  le  jette  pas  dans  les  brouillards  de 
l'avenir;  enfin,  que  son  jeu  sympathique  et  naturellement  entraî- 
nant se  défie  des  sonorités  stridentes,  de  l'abus  de  la  force.  No- 
tre admiration  pour  le  grand  artiste  nous  autorise  a  émettre  ce 
conseil  amical,  qu'il  voudra  bien  accepter  comme  une  preuve  de 
la  sincérité  de  nos  éloges. 

Marmontel. 


société  nrs  concerts  du  comîiyatoïre. 

DEUXIÈME   CONCERT. 

La  Symphonie-cantate  de  Mendelssohn,  sur  des  paroles  de  la 
sainte  Écriture,  ouvrait  la  séance  de  dimanche  dernier.  Dans 
cette  vaste  composition,  qui  comprend  douze  morceaux  et  ne. 
dure  pas  moins  de  cinq  quarts  d'heure,  le  maître  ne  s'est  pour 
ainsi  dire  pas  écarté  du  plan  suivi  par  Beelhoven  dans  sa  neu- 
vième symphonie.  D'abord,  trois  pièces  symphoniques  ;  puis 
ensuite,  la  partie  vocale  entremêlée  de  chœurs  et  de  solos.  Un 
majestueux  appel  de  trombone  sert  de  début  au  premier  alle- 
gro, et,  se  reproduisant  à  la  coda  de  l'adagio,  encadre  en  quel- 
que sorte  le  rôle  do  l'orchestre.  Ce  premier  allegro  a  certaine- 
ment beaucoup  d'éclat  et  de  grandeur  ;  on  observe  pareillement 
de  la  conviction  et  de  l'autorité  dans  ïadagio  religioso  ;  il  nous 
a  pourtant  paru  que  la  pensée  ne  s'y  dégageait  pas  toujours  as- 
sez nettement  des  limites  d'une  facture  d'ailleurs  habile  à 
l'excès.  On  ne  saurait  en  dire  autant  de  Vallegretto  6/8,  placé 
entre  deux  et  relié  à  la  première  partie  :  voilà  une  inspiration 
d'une  franchise,  d'une  originalité  et  d'un  charme  incontestables. 
Parmi  les  nombreux  morceaux  do  chant,  nous  avons  surtout  re- 
marqué un  air  de  ténor  à  l'accent  onctueux  et  attendri  ;  un  duo 
pour  soprano  et  contr'alto  d'une  suprême  élégance  ;  un  second 
air  de  ténor,  qui  a  la  prétention  de  peindre  les  tourmen'.s 
des  damnés;  enfin,  plusieurs  chœurs  d'un  caractère  par  trop 
uniforme,  mais  toujours  parfaitement  écrit*.  Cette  partie  do 
l'œuvre  rappelle  au  reste,  à  s'y  méprendre,  le  style  de  l'Êlie  et 
du  Paulus;  ce  sont  les  mêmes  qualités  et  le  même  talent  do  fac- 
ture :  une  sincérité  qui  arrive  parfois  à  la  chaleur  et  à  l'émo- 
tion ;  une  science  des  procédés  en  usage  dans  les  compositions 
dites  religieuses,  qui  ne  se  dément  jamais  et  chatouille  délicieu- 
sement les  oreilles  amoureuses  des  artifices  de  la  fugue  et  du 
contre-point.  Paulin,  quoiqu'encoro  un  peu  souffrant,  s'est  bien 
acquitté  de  la  partie  qui  lui  avait  été  confiée.  Mme  Vanden- 
Heuvcl-Duprez  a  chanté  la  sienne  avec  sa  perfection  accoutu- 
mée; elle  a  dit  plus  tard  l'air  du  troisième  acte  des  Noces,  et 
comment?...  nous  ne  prétendons  l'apprendre  à  personne. 

M.  Sarrasato,  dont  nous  avons  constaté  plus  d'une  fois  les 
éclatants  triomphes,  a  triomphé  une  fois  de  plus  dans  des  frag- 
ments —  allegro  et  andante,  —  d'un  concerto  de  Baillot  ;  de 
la  fermeté,  de  la  fougue,  et  en  même  temps  une  inaltérable  pu- 
reté de  style,  voilà  le  secret  des  bravos  que  récolte  partout 
M.  Sarrasate,.et  qui  ne  lui  ont  pas  fait  défaut  dans  la  salle  de  la 
rue  Bergère  ;  l'école  d'Alard  compte  en  ce  jeune  virtuose  un 
digne  et  intrépide  représentant. 

Pour  finir,  l'orchestre  a  rendu  d'une  façon  merveilleuse  l'ou- 
verture du  Freïschutz,  cette  page  empreinte  tour  à  tour  d'une 
sombre  poésie  et  d'une  radieuse  inspiration. 

E.  Viel. 


LA  MUSIQUE  DE  CHAMBRE. 

Nous  avons  constaté  l'active  propagation  des  Sociétés  de  mu- 
sique de  chambre.  Chaque  hiver,  ces  sociétés  acquièrent  plus  de 
prosélytes,  et  c'est  là  un  symptôme  frappant  des  progrès  de  l'art 
musical.  Aujourd'hui,  nous  allons  laisser  à  un  éminent  compo- 
siteur, à  un  savant  et  disert  académicien,  M.  Halévy,  le  soin 
de  faire  connaître  à  nos  lecteurs  ce  qu'est  au  juste  la  musique 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


77 


do  chambre.  Lo  fragment  qui  suit  est  emprunté  h  son  vo'urre 
des  Souvenirs  cl  Por'.raits,  publié  par  la  librairie  Michel  L;vy. 


«  Sous  son  apparence  modeste,  cette  dénomination  bour- 
geoise de  musique  de  chambre  ea<ho  cependant  lire  origine 
illustre.  La  chambre  :  c'est  ainsi  qu'on  désignait  la  chambre  par 
excellence,  celle  du  souverain,  son  habilatirn  intime,  particulière. 
On  appelait  musique  de  la  chambre  du  roi,  musique  de  la 
chambre,  celle  qui  se  faisait  dans  ses  appartemén's  ;  aujourd'hui 
qu'il  ne  s'agit  plus  que  de  la  chambre  de  tout  le  monde,  on  dit 
simplement  musique  de  chambre. 

«  Ce  nom  dit  au  reste  tout  ce  qu'il  veut  dire. 

«  La  chambre, c'est  l'intimité-,  la  retraite  interdite  aux  impor- 
tuns. Le  salon  est  consacré  aux  réceptions. nombreuses,  aux  fêtes 
bruyantes,  aux  invitations  banales;  on  n'admet  dans  sa  chambre 
que  des  amis,  et  encore  un. sage  amphitryon  musical,  dans  sa 
réserve  prudente  et  dédaigneuse,  fait-il  souvent  son  choix  dans 
l'amitié. 

«  On  appelle  donc  aujourd'hui  musique  de  chambre  (musica 
da  caméra)  toute  espèce  de  musique  destinée  à  être  exécutée 
devant  un  petit  nombre  d'auditeurs  par  un  petit  nombre  d'ar- 
tistes. Cette  expression,  appliquée  aussi  en  Italie  5  la  musique 
vocale,  alors  surtout  que  les  maîtres  les  plus  célèbres  ne  dédai- 
gnaient pas  d'écrire,  pour  un  auditoire  choisi,  de  petits  morceaux 
pleins  de  grâce  ,  véritables  chefs-d'œuvre  de  mélodie  et  de 
finesse  harmonique,  est  aujourd'hui,  en  France  et  en  Allema- 
gne, presque  exclusivement  réservée  pour  désigner  certaines 
compositions  instrumentales. 

«  Ce  genre  de  musique  permet,  impose  même  au  composi- 
teur une  sorte  de  recherche  et  de  coquetterie.  Le  plaisir  que 
cause  la  musique  fait  toujours  supposer  une  éducation  première 
acquise  par  la  seule  habitude  de  l'oreille  ou  par  l'étude  de  l'art. 
En  écrivant  de  la  musique  de  chambre,  le  compositeur  sait 
qu'il  s'adresse  aux  oreilles  exercées,  fines,  délicates,  à  des  intel- 
ligences musicales  heureusement  disposées  ou  développées  par 
des  études  bien  dirigées.  Il  ne  craint  donc  pas  de  parer  son 
ouvrage  de  perles  qui  seraient  perdues  pour  des  auditeurs  vul- 
gaires. Un  orchestre  nombreux  emporte  le  public  par  sa  masse, 
par  la  richesse,  par  l'éclat  de  sa  sonorité;  le  se  luit  par  l'alliance 
heureuse  des  timbres  divers,  associés  et  non  confondus  dans  un 
ensemble  transparent;  le  charme  par  des  dialogues  ingénieux. 
La  musique  de  chambre  ne  dispose  que  de  quatre  ou  cinq  exé- 
cutants, et  encore  les  instruments  qui  doivent  chanter  enscmb'e 
ou  se  répondre  sont-ils  presque  toujours  de  la.  môme  famille 
(famille  à  laquelle  le  piano  ne  reste  point  étranger). 

«  Avec  des  ressources  si  bornées,  le  compositeur  doit  savoir 
être  tour  à  tour  passionné,  tendre,  élevé,  rapide,  gai,  chaleureux 
et  toujours  discret  et  élégant  dans  ses  plus  grands  écarts.  Un 
petit  nombre  de  cordes,  mises  en  vibration  par  quelques  archets, 
ou,  si  l'on  veut  être  exact  et  parler  la  langue  de  la  statis'.ique, 
un  peu  étonnée  de  se  fourvoyer  dans  un  quatuor,  seize  cordes, 
mues  par  quatre  archets,  voila  toute  la  richesse  dont  il  dispose. 
Mais  ces  cordes  doivent  vibrer  sur  des  instruments  de  prix,  sui- 
des bois  sonores  choisis  et  façonnés  il  y  a  trois  siècles  par  ces 
savants  luthiers  de  Crémone,  Amati,  Guarnerius,  Stradivarius; 
ces  quatre  archets,  construits  selon  toutes  les  règles  de  l'ait, 
doivent  être  remis  aux  mains  les  plus  habiles,  aux  doigts  les 
plus  brillants,  animés  du  sentiment  le  plus  exquis. 


«  À  ces  artistes  d'élite  il  faut  aussi  un  auditoire  d'élite.  Pour 
être  digne  d'entrer  dans  la  chambre,  devenue  un  sanctuaire; 
pour  oser  s'y  asseoir  et  prendre  part  aux  mystères  qu'on  y  cé- 
lèbre, il  faut  être  profondément  dévoué  à  la  musique,  dévoué 
quelquefois  jusqu'à  la  patience,  n'avoir  jamais  laissé  errer  son 
goût  ni  ses  préférences,  être  reconnu,  proclamé  amateur  de 
bonne  race,  en  posséder  le  brevet,  en  porter  le  blason  sans 
tache. 

«t  Si  les  succès  obtenus  par  ce  genre  de  composition  n'ont 
pas  l'éclat  et  le  retentissement  des  succès  remportés  au  théâtre, 
ils  ont  peut-être  plus  de  solidité,  parce  qu'il  s'établit  bientôt 
entre  l'auteur  elles  artistes,  ou  les  amateurs  habiles  dont  il  sait 
satisfaire  les  talents  et  les  goûts,  une  sorte  de  lien  sympathique. 

«  Comme  leur  admiration  repose  sur  une  conviction  éclairée, 
ils  sont  moins  avides  de  nouveautés.  Comme  la  coupe  et  la 
forme  des  morceaux 'sont  h  peu  près  invariables,  ils  n'ont  point 
d'exigences  capricieuses.  Aussi  le  succès  est-il  assis  sur  une  base 
durable  dans  ces  alliances  fondées  sur  un  goût  pur,  sur  des 
études  élevées, sur  des  convenances  réciproques  justement  appré- 
ciées, sur  un  échange,  affectueux  de  bons  procédés,  de  bonne 
musique  et  de  bonne  exécution.  » 

F.  Halévy. 


PETITE  CHRONIQUE. 

Musique  chinoise. 

r  La  Chine  est  décidément  ouverte ,  et  chaque  jour  nous  ap- 
portera, sur  tout  ce  qui  concerne  cet  étrange  pays,  des  notions 
rien  moins  que  certaines,  exactes  ou  authentiques.  Les  nouvelles 
musicales  de  Pékin  vont  donc  acquérir  sous  peu  et  acquièrent  dès 
aujourd'hui  un  vif  intérêt  d'actualité.  C'est  à  ce  titre  que  nous 
eni]  runtons  les  lignes  suivantes  à  l'un  de  nos  chroniqueurs  pari- 
siens, M.Paul  d'Ivoy,  fantaisiste  du  grand  format. 


Le  mandarin  lettré  Lu-Ling,  l'un  des  Jullien  du  pays,  «  se 
prépare  à  visiter  l'Europe,  afin  de  s'initier  aux  sottises  musi- 
cales des  peuples'arriérés,  et  de  répandre  les  vrais  principes  de 
la  musiquechinoise.il  voyagera  avecjtout  un  orchestre  de  musi- 
ciens chinois,  les  plus  habiles  de  Pékin;  il  nous  fera  entendre 
ses  plus  belles  compositions,  ainsi  que  celles  de  Fo-Hi,  leur 
premier  prince,  contemporain  deNoé,  et  celles  de  Pscheng-Fo- 
Tsi,  qui  est  le  Rossini  chinois,  et  vivait  il  y  a  environ  deux 
cent  vingt  ans. 

«  Voici  quelques  renseignements  sur  la  musique  chinoise 
que  nous  sommes  exposés  à  entendre  : 

«  La  gamme  chinoise  n'a  nulle  analogie  avec  la  nôtre,  qui 
n'a  aucun  charme  pour  les  oreilles  chinoises.  Lorsque  le  père 
Amyot,  missionnaire  et  assez  bon  musicien,  voulut  leur  faire 
entendre  des  airs  français  et  italiens,  les  Chinois  lui  dirent 
très-poliment  : 

«  —  Cher  mandarin  de  l'autre  monde,  tes  airs  ne  sont  pas 
faits  pour  nos  oreilles,  et  nos  oreilles  ne  sont  pas  faites  pour 
tes  airs.  Notre  musique  nous  entre  dans  le  cœur  et  remue  notre 
âme,  la  tienne  nous  paraît  un  vain  bruit. 

«  Les  Chinois  actuels  n'ont  pas  changé  de  manière  de  voir. 
Ce  qui  nous  surprend,  c'est  que  Lu-Ling  ne  comprenne  pas 
que  nos  oreilles  pourraient  bien  ne  pas  être  faites  pour  sa  mu- 
sique. 


78 


LE  MÉNESTREL 


«  Un  empereur  chinois,  grand  musicien,  nommé  Tsaï-Yu, 
eut  l'idée,  pour  conserver  les  proportions  mathématiques  des 
douze  sons  de  la  gamme,  de  faire  fondre  douze  cloches, dont  la 
réunion  formerait  une  gamme  modèle,  la  gamme  étalon.  Des 
collections  de  cloches  étalons  furent  fondues  et  placées  dans  les 
établissements  publics,  où  elles  servirent  à  régler  tous  les  ins- 
truments qui  se  fabriquaient  dans  l'Empire  du  Milieu.  Alors 
la  plus  suave  harmonie  régna  dans  toute  la  Chine. 

«  Vers  la  fin  de  la  dynastie  des  Tong,  lorsqu'eurenl  lieu 
les  révoltes  des  Nyou-Iou-cbaou  et  des  Che-fee-ming, l'empereur 
prit  la  fuite,  les  insurgés  pillèrent  son  palais,  brisèrent  les  ins- 
truments, arrachèrent  de  tous  les  lieux  où  elles  étaient  gardées 
les  cloches  étalons.  Tous  les  instruments  qui  se  fabriquent  au- 
jourd'hui sont,  à  cause  de  cela,  inférieurs  à  ceux  qu'on  fabri- 
quait avant  ces  révoltes.  Aussi  les  instruments  de  celte  époque 
sont-ils  recherchés  en  Chine  comme  les  Amati,  les  Guarnerius 
et  les  Stradivarius  en  Europe. 

«  Les  Chinois  ont  huit  corps  sonores  dont  ils  font  des  instru- 
ments :  le  métal,  la  pierre,  le  bois,  !a  soie,  la  calebasse,  le 
bambou,  la  terre  cuite  et  la  peau.  Ces  huit  matières  figurent 
dans  tous  les  orchestres  chinois  sous  forme  d'instruments  h  vent, 
à  cordes  et  à  percussion.  Il  y  a  des  tschah  ou  luths;  des  Isi  ou 
violons  à  sept  cordes,  des  niorg  leou,  sortes  de  harpes  à  cordes 
de  soie  filée;  des  bisen,  sorte  d'œuf  en  terre  cuite,  percé  de  cinq 
trous  et  d'une  embouchure;  des  cheug,  espèce  d'instrument  qui 
tient  à  la  fois  de  l'orgue  et  de  la  cornemuse,  elc. 

«  Dans  un  orchestre  chinois,  il  n'y  a  pas  de  chapeau  chinois.» 
Paul  dTvoy. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  L'exposition  publique  des  nombreux  avant-projets  de  construction 
d'une  salle  pour  recevoir  le  Grand-Opéra,  aura  lieu  au  palais  de  l'In- 
dustrie, dans  les  premiers  jours  de  février. —  On  s'occupe  des  prépa- 
ratifs. 

—  On  écrit  de  Berlin  que  la  librairie  Lassar  vient  de  mettre  au  con- 
cours un  prix  de  100  ihalers,  qui  sera  décerné  à  l'auteur  du  meilleur  mé- 
lodrame avec  lieder,  chœurs,  etc.,  en  trois  actes  au  moins  et  en  cinq  actes 
au  plus.  Le  terme  du  concours  est  fixé  au  31  mai  prochain.  Outre  la 
somme  énoncée  plus  haut,  l'auteur  de  l'ouvrage  couronné  aura  droit  aux 
trois  huitièmes  du  produit  de  la  pièce,  tous  frais  déduits.  —  S'agit-il  seu- 
lement d'unïibretlo  ou  d'une  partition?  Le  fondateur  du  concours  a 
oublié  d'éclairer  la  lanterne. 

—  On  annonce  la  publication  prochaine  d'une  nouvelle  biographie  de 
Weber  par  son  fils,  Max  de  Weber,  qui  a  eu  à  sa  disposition  des  rensei- 
gnements authentiques,  entre  autres  le  journal  où  l'illustre  composi- 
teur a  consigné  les  événements  de  sa  vie,  jour  par  jour,  à  partir  de  1816 
jusqu'à  sa  mort. . 

—  Huit  recueils  d'esquisses  manuscrits,  de  la  main  de  Beethoven,  sont 
en  vente  à  Vienne.  Ces  recueils  contiennent  des  esquisses  pour  les  2e,  3e, 
4e,  5e,  7e  et  9e  symphonies,  pour  Egmont  et  Fidelio, pour  les  quatuors  et 
trios,  les  sonates  pour  piano  et  violon,  les  concertos  pour  piano,  etc. 

—  L'original  do  la  partition  des  Nozze  di  Figaro  est  à  vendre.  La 
personne  chargée  d'opérer  cette  vente  est  M.  H.  Scheurig,  â  Presbourg. 

—  Une  Société  philharmonique  vient  de  s'organiser  à  Moscou  dans  le 
but  d'arriver  par  la  suite  à  la  fondation  d'un  Conservatoire  de  musique. 
La  partie  musicale  est  dirigée  par  M.  Nicolas  Rubinstein.  Aucune  fantaisie 
ne  pourra  être  exécutée;  les  concertos  avec  orchestre,  sont  seuls  permis. 
Dans  les  concerts  qui  ont  déjà  eu  lieu,  on  a  entendu  MM.  Rubinstein, 
Honoré,  Wehle  et  Mmc  Honoré.  La  Société  doit  donner  dix  concerts 
pendant  la  saison  d'hiver. 

—  On  écrit  de  Constantinople  que  la  musique  italienne  est  en  grande 
faveur  à  Péra.  On  a  ouvert  la  saison  avec  Victor  Pesant,  opéra  du  maestro 


Péri.  La  pièce  a  réussi  ;  puis  on  a  donné  les  Vêpres  Siciliennes,  sous,  le 
litre  de  :  Giovanna  da  Guzmann. 

—  Une  compagnie  d'opéra  italien  exploite  en  ce  moment  le  théâtre 
d'Hobarl-Town  en  Australie,  —  dans  l'espoir  sans  doute  de  prélever  sur 
les  chercheurs  d'or  une  dîme  au  nom  du  dilettantisme. 

—  Les  correspondances  de  Lisbonne  nous  apprennent  que  le  roi  Dom 
Fernando,  dont  le  talent  et  les  goûts  artistiques  sont  bien  connus,  réunit 
souvent  l'élite  de  la  société  et  des  artistes  qui  se  trouvent  à  Lisbonne, 
pour  donner  des  concerts  où  Sa  Majesté  ne  dédaigne  pas  de  montrer  sa 
science  musicale  et  do  faire  entendre  sa  belle  voix  de  basse. 

—  Le  dernier  télégramme  de  Rome  parle  d'un  tumulte  violent,  le  22, 
au  théâtre  Apollo.  A  la  suite  de  ce  tumulte,  attribué  à  des  allusions 
politiques,  II  Trovalore  aurait  été  interdit. 

—  Au  théâtre  d'Anvers  on  vient  de  représenter  les  Joyeuses  Com- 
mères de  Windsor,  opéra  inconnu  en  France,  mais  très-populaire  en 
Allemagne.  La  musique  est  d'Otto  Nicolaï,  de  Berlin,  mort  en  1849,  à 
l'âge  de  quarante  ans,  des  suites  d'une  maladie  de  cerveau. 

—  On  nous  écrit  de  Roanne  :  «  Mardi  dernier ,  22  janvier,  a  eu  lieu  en 
l'église  deSaint-Étienne  l'inauguration  des  nouvelles  orgues.  Ces  orgues 
figuraient  autrefois  comme  orgues  d'accompagnement  à  Notre-Dame-de- 
Paris;  puis,  reléguées  pour  cause  d'insuffisance,  elles  passèrent  dans  les 
ateliers  delà  maison  Merklin-Schutze,  d'où  elles  sortent  aujourd'hui  répa- 
rées, renouvelées  et  augmentées  de  plusieurs  registres,  qui  en  font  des 
orgues  complètes  et  très-suffisantes  pour  une  église  de  province.  Tous  les 
artistes  des  environs  avaient  été  convoqués  pour  cette  cérémonie.  M.  Vi- 
dor,  organiste  de  la  paroisse  de  Saint-François  de  Lyon,  et  M.  l'abbé  Ney- 
ral,  celui  de  la  paroisse  de  Saint-Bonavenlure,  de  la  même  ville,  se  sont 
fait  successivement  entendre  et  ont  étonné  leurs  nombreux  auditeurs 
par  les  effets  tour  à  tour  grandioses  et  gracieux  qu'ils  ont  su  produire 
avec  des  ressources  relativement  restreintes.  L'on  a  pu  apprécier  à  la 
fois  le  talent  de  ces  messieurs,  qui  sont  si  justement  estimés  à  Lyon,  et 
je  mérite  de  la  maison  Merklin-Schutze,  qui  est  d'ailleurs  au-dessus]  de 
tout  éloge.  » 

—  Aujourd'hui  dimanche  3  février,  à  une  heure  et  demie  très-précise, 
salle  des  concerts  du  lycée  Louis-le-Grand,  séance  d'expérimentation  de 
l'école  Galin-Paris-Chevé.  Il  a  été  fait  appel  à  l'Institut  (section  de  mu- 
sique| ,  au  Conservatoire,  aux  diverses  commissions  de  chant,  aux  com- 
positeurs, artistes,  et  à  toutes  les  personnes  dont  la  compétence  dans  cette 
question  ne  saurait  être  négligée.  La  presse  y  est  convoquée.  Dans  cette 
séance,  la  Société  chorale  essayera  de  résoudre  les  questions  de  fait  :. 
lecture  à  première  vue  ;  écriture  sous  dictée,  d'après  la  méthode  usuelle, 
avec  clefs  et  armures;  exercices....  M.  E.  Chevésera  prêt  à  répondre  aux 
questions  de  théorie  qui  pourront  être  posées, 

SOIRÉES  ET   CONCERTS- 

—  La  musique  n'a  pas  chômé  cette  semaine  chez  le  maestro  Rossini  : 
samedi  19,  Mme  la  vsse  de  Grandval  y  faisait  entendre  ses  mélodies  favo-  . 
rites  :  Ollivier  et  Ne  le  dis  pas  !  puis  la  romance  de  Guillaume  Tell  et  le 
boléro  des  Vêpres.  Badiali  interprétait  Mozart,  et  le  pianiste  Georges  Ma- 
thias,  Chopin,  —  grands  compositeurs ,  grands  interprètes  I  C'était  tout 
un  programme  de  bonne  et  belle  musique,  sur  lequel  Berthelier  est  venu 
broder  deux  chansonnettes  du  meilleur  goût. 

Le  jeudi  suivant,  Les  Rotes  de  M.  de  Malesherbes,  de  M.  Jules  Béer,  ont 
fait  acte 'd'apparition  avec  MUe  Mira,  MM.  Capoul  et  Gourdin.  Le  samedi 
suivant,  Duprez  y  présentait  M1Ie  Marimon,  quia  égrené  ses  plus  fraîches 
vocalises  en  l'honneur  du  grand  maître.  Comme  femme  distinguée,  comme 
cantalrice.de  la  bonne  école,  MUo  Marimon  a  partagé  les  félicitations  de 
l'assemblée  avec  Louis  Dienier,  qui  a  joué  la  Polonaise  de  Weber  et  le 
Mouvement  perpétuel  du  même  maître,  avec  autant  d'élégance  que  de 
vélocité.  Les  rires  de  cette  soirée  ont  été  accaparés  par  Brasseur  du  Palais- 
Royal.  Il  a  chanté  et  dansé  toutes  les  cocasseries  du  genre. 

—  Un  pianiste  qui  brillait,  —  il  y  a  quelques  années,  de  l'éclat  le  plus 
modeste,  —  vient  de  se  révéler  le  Paganini  du  piano.  Nous  voulons  parler 
deGennaroPerrelli,  qui  avait  convoqué,  la  semaine  dernière,  chez  Ërard, 
un  certain  nombre  d'amateurs  à  l'audition  de  ses  œuvres.  Il  n'y  avait 
point  foule,  mais  les  auditeurs  étaient  choisis.  On  remarquait  le  prince 
Ponialowski,  le  général  Mellinet,  le  célèbre  maître  Duprez,  donnant  le 
signal  des  applaudissements.  Impossible  d'atteindre  à  plus  de  perfection, 
de  souplesse  et  de  force  à  la  fois.  Les  octaves,  notamment,  sont  rendues 
par  M.  Perrelli,  avec  le  moelleux,  la  rapidité  et  l'élasticité  des  traits  à 


NOUVELLES   ET  ANNONCES. 


79 


simples  notes  les  plus  rapides.  Quant  à  la  main  gauche  du  virtuose,  elle 
défie  à  elle  seule  les  quatre  mains  de  deux  pianistes  brevetés.  Aussi  le 
petit  orchestre  appelé  à  accompagner  M.  Gennaro  Perrelli  a-l-il  manqué 
son  effet.  Le  piano  l'écrasait  de  toute  sa  splendeur. 

—  I.e  salon  de  notre  éminent  professeur  Harmonie!  s'ouvrait,  il  y  a 
quelques  jours,  en  l'honneur  de  Mmc  Clara  Pfeiffer,  qu'il  avait  invitée  à 
faire  entendre  une  nouvelle  sonate  de  sa  composition  ;  celte  œuvre  a  été 
accueillie  par  un  auditoire  d'artistes  et  d'amateurs  avec  de  vifs  applaudis- 
sements. M.  DamcUe  devait  aussi  faire  enlendre  un  trio,  auquel  l'absence 
d'un  des  exécutants  a  fait  substituer  une  remarquable  composition  pour 
piano  et  violoncelle,  exécutée  par  l'auteur  et  M.  Mullcr. 

—  Le  concert  annuel  de  MllG  Mira  réunissait  dimanche  dernier,  dans 
la  salle  Herz,  son  public  annuel.  La  partie  dramatique  était  formée  d'un 
proverbe  de  M.  Verconsin  ,  Le  tout  est  de  s'entendre,  joué  par  la  bénéfi- 
ciaire et  M.  Lourde!,  et  d'une  opérette  de  MM.  Galoppe  d'Onquaire  et 
Wékerlin,  Y  Amour  à  l'êpêe,  déjà  représentée  il  5'  a  deux  ans,  mais  offrant 
aujourd'hui  l'intérêt  d'une  nouvelle  distribution.  Sainte-Foy  y  remplissait 
un  rôle  auquel  il  a  donné  une  franche  gaieté  et  un  comique  de  bon  aloi. 
La  pièce,  apprécié?  depuis  longtemps  pour  son  dialogue  fin  et  spirituel  et 
pour  sa  musique  mélodieuse,  a  oblenu  le  plus  chaleureux  accueil.  L'inter- 
mède musical  était  défrayé  par  M.  Badiali,  dont  la  verve  magistrale  a 
remporté  les  honneurs  du  bis  dans  le  grand  air  an  Barbier,  et  par  M.  Paul 
Bernard,  qui,  de  simple  auditeur  qu'il  élait,  a  bien  voulu,  séance  tenante, 
remplacer  M.  Stanzieri,  empêché  par  indisposition.  Un  vrai  succès  a  re- 
mercié M.  Paul  Bernard  de  son  obligeance;  le  public  s'est  montré  très- 
heureux  de  faire  connaissance  avec  son  étude  ,  les  Brises  du  cœur  et 
son  Galop  de  concert,  morceau  des  plus  entraînants.  Quant  à  M,le  Mira, 
charmante  cornélienne  et  agréable  chanteuse,  elle  a  préludé  ainsi  aux 
succès  qui  l'ont  certainement  accueillie  vendredi  dernier  à  Nantes  au  con- 
cert de  la  Société  philharmonique,  dans  celle  mémo  pièce  de  Y  Amour  à 
l'épéeel  l'opérette  Loin  du  bruit,  de  Galoppe  d'Onquaire  et  Paul  Bernard. 

—  Miss  Alice  Mangold,  pianiste  de  Londres,  cl  élève  de  lieuse! t,  a  profité 
du  traité  du  libre  échange  pour  se  faire  entendre  à  Paris  le  31  de  ce  mois, 
salons  d'Érard,  avec  le  concours  de  MM.  Hammer,  Mas,  Lee,  Gouffé.  Celte 
exhibition  artistique  a  été  des  plus  attrayantes. 

—  Une  erreur  de  nom  s'est  glissée  dans  noire  compte  rendu  de  la 
matinée  de  M.  et  Mrae  Deloffre.  Le  morceau  qui  a  ouvert  le  roncert  du 
ciuple  artiste  élait  la  grande  sonate  pour  piano  et  violon,  de  Mayseder, 
et  non"de  Meyerbeer,  comme  nous  l'ont  fait  dire  nos  typographes. 

—  MM.  Armingaud,  Jacquard,  Lalo,  Mas,  donneront,  mercredi  pro- 
chain 6  février,  à  huit  heures  el  demie  du  soir,  avec  le  concours  de 
Mme  Massart,  leur  deuxième  séance  dans  les  salons  Pleyel,  Wolf  et  com- 
pagnie. On  y  exécutera  :  1°  3e  quatuor  (en  si  mineur)  de  Mendelsshon,  pour 
piano,  violon,  allô  el  violoncelle  ;  2°  7e  quatuor  (en  fa)  de  Beethoven, 
pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle;  3°  sonate  (en  la)  de  Mozart,  pour 
piano  et  violon;  4°  81e  quatuor  (en  sol)  do  Haydn,  pour  deux  violons, 
allô  et  violoncelle. 

—  Mlle  Corinne  de  Luigi,  élève  de  Rossini,  de  retour  de  l'étranger,  el 
avant  son  départ  pour  la  Russie, .annonce  un  concert  salle  Herz,  pour  le 
8  mars. 

—  Les  frères  Lionnet  ont  donné  un  concert  à  Nice,  lundi  dernier, 
avec  le  concours  de  MM.  rerny,  Belgrand,  et  de  MIle  Fanny  Darboville, 
qui  s'est  fait  applaudir  dans  plusieurs  oeuvres  de  Chopin,  Perny  et  Doin- 
browbki.  Quant  à  l'impression  produite  par  les  frères  Lionnet,  elle  a  élé 
sans  précédent  encore  dans  les  annales  des  concerts  donnés  jusqu'ici 
dans  le  comté  de  Nice.  La  musique  italienne  y  régnait  pour  ainsi  dire 
sans  partage  ;  les  artistes  français  auront  bientôt  conquis  leur  légitime 
place  au  soleil  de  l'annexion. 

—  A  la  dernière  soirée  de  M.  Bazzoni,  nous  avons  remarqué  une  de 
ses  élèves,  MUe  Caroline  Strauss,  dont  la  belle  voix  el  le  talent  promettent 
à  nos  scèues  lyriques  une  future  illustration.  Mlle  Strauss  a  été  très- 
applaudie,  surtout  dans  le  duo  de  la  Fille  du,  régiment,  qu'elle  a  chanté 
avec  Tagliafico. 

—  Le  granl  bal  annuel  au  profit  de  la  Caisse  de  secours  et  pensions 
de  l'Associaliun  des  Artistes  dramaliques  aura  lieu  sous  le  patronage  de 
LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice,  le  samedi  2  mars  prochain,  dans  la 
salle  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique.  Cette  fêle  toute  spéciale  est 
la  plus  belle  de  toutes  celles  qui  sont  données  pendant  la  saison  d'hiver. 
Pour  la  location  des  loges,  s'adresser  à  M.  Berthier,  membre  du  Comité, 
régisseur  de  la  danse  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra. 


NECROLOGIE. 

L'année  1861  ne  compte  qu'un  mois,  el  déjà  les  arts  et  la  littérature  ont 
de  nouvelles  pertes  à  déplorer.  Depuis  quinze  jours  le  bulletin  nécrologi- 
que n'a  pas  chômé,  et  voici  de  nouveaux  'noms  à  consigner  sur  la  liste 
funèbre. 

Le  30  janvier  dernier,  on  a  célébré  à  Saint-Roch  les  obsèques  de  Mm«  Le- 
sueur,  veuve  du  grand  compositeur.  Un  nombreux  concours  d'élèves  de  ce 
maître,  d'amis  et  d'artistes  se  pressait  à  ce  convoi.' A  l'église,  on  a  exécuté 
une  messe  en  musique  composée  d'un  Kyrie  et  d'un  Offertoire  de  Lesueur, 
d'un  PieJesud'A.  Elwarl,  el  d'un  Agnus  de  M.  Vervoitte,  maître  de  cha- 
pelle de  la  paroisse.  —  M.  A.  EIwart  a  prononcé  au  cimetière  du  Nord  un 
discours  d'adieux  au  nom  des  élèves  de  Lesueur. 

—  Une  autre  mort,  —  doublement  cruelle,  car  elle  est  des  plus  prématu- 
rées, —  est  venue  douloureusement  affecter  cette  semaine  le  monde  des 
littérateurs  el  des  artistes.  —  Henry  Murger,  le  charmant  écrivain,  l'auteur 
de  la  Vie  de  Bohème,  a  succombé  à  un  mal  qui  a  duré  dix  jours  à  peine. 
Pendant  cette  courte  maladie,  Murger  a  été  l'objet  des  plus  vives  et  des 
plus  hautes  sympathies.  M.  le  comte  Walewski,  à  la  première  nouvelle  de 
la  situation  où  se  trouvait  le  pauvre  malade,  s'est  montré  animé  de  la  plus 
digne  sollicitude,  et,  à  la  nouvelle  de  sa  mort,  il  a  exprimé  la  volonté  qu'il 
fût  fait  à  Murger  des  obsèques  dignes  de  lui. 

Indépendamment  des  Scènes  de  la  Vie  de  Bohême,  publiées  d'abord  en 
chapitres  dans  le  Corsaire,  puis  transformées  en  une  pièce  de  théâtre,  on 
doit  à  Henry  Murger  plusieurs  travaux  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  ; 
une  spirituelle  comédie  au  Théâtre-Français,  le  Bonhomme  Jadis  ;_  quelques 
romans,  enlr'aulres  les  Vacances  de  Camille,  et  un  petit  acte  joué  récem- 
ment avec  un  grand  succès  au  Palais -Royal,  le  Serment  d'Horace.  Le  Mé- 
nestrel a  eu  l'honneur  de  le  compter  également  parmi  ses  collaborateurs  : 
il  lui  doit  le  Dimanche  matin  ;  Musette,  empruntée,  à  la  Vie  de  Bohème,  et 
la  Chanson  du  capitaine,  pièce  recueillie  et  complétée  par  Henri  Murger 
pour  son  volume  des  Vacances  de  Camille. 

Les  obsèques  ont  eu  lieu  jeudi  dernier  à  la  chapelle  de  l'hospice  Dubois, 
en  présence  d'une  foule  considérable,  composée  d'écrivains,  d'artistes  et- 
d'étudiants.  Au  cimetière  Montmartre,  trois  discours  ont  été  prononcés: 
l'un  par  M.  Ed.  Thierry,  au  nom  de  la  Société  des  gens  de  lettres  ;  l'autre, 
par  M.  Raymond  Deslandes,  au  nom  des  auteurs  dramatiques  ;  et  le  troi- 
sième, par  M.  Vitu,  ami  intime  du  défunt. 

—  Nous  avons  aussi  à  enregistrer  la  mort  de  SI.  Libert,  deuxième  chef 
d'orchestre  et  chef  des  choeurs  au  Théâtre-Lyrique.  Sincèrement  regretté 
de  ses  camarades,  Simon  Libert,  bien  que  dans  une  modeste  position,  a  été 
l'objet  de  funérailles  de  premier  ordre.  —  L'orchestre  et  les  chœurs  de  son 
théâtre,  dirigés  par  M.  Deloffre,  s'étaient  spontanément,  réunis  dans  l'église 
Saint-Eugène.  Les  solos  ont  été  chantés  par  MM.  Batlaille,  Serène  et  Le- 
grand.  —  Cette  pieuse  solennité  est  tout  un  éloge  funéraire  de  l'honorable 
artiste,  dont  le  nom  vient  grossir  la  douloureuse  nécrologie  de  jan-  ' 
vier  1861. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  Tr 


rue  Jean-Jacques  Itoussenu,  I 


EN  VENTE   au  Ménestrel,   2  bis.  rue  Vivienne. 


LES  HARMONIEUSES 

2 S  NOUVELLES  ÉTUDES  DE 


Op.  5.  —  Prix  :  20  fr.,  (moyenne  force). 


u  \ion;  imi'lïu.w; 

de  musique. 


EN    VENTE  au   Ménestrel,  2  bis,  rue  Viviennc 


Du   nouveau    ballet 
de  I'Opéra  de 


1.  Marche  paysanne. 

2.  Chant  du  Papillon. 

3.  Andante-Bohémiana. 

4.  Valse  des  Rayons. 


LE  PAPILLON 

Mme  MARIE  TAGI.IOlil  cl  de  M.  5SE  SAINT-GEORGES. 

STRAUSS 

1"  Quadrille,  Valse  des  RA  YONS  el  Polka-Mazurka  la  LESGUINKA. 

Composés  pour  les  bals  de  la  Gour  et  de  l'Opéra. 


IIEIGEL  ET  Cie , 

éditeurs. 

Musique  de 

J.  OFFENBÂCH. 

5.  Marche  du  Palanquin. 

6.  Polonaise  des  Bohémiennes. 

7.  Valse  des  Fleurs. 

8.  Galop  des  Papillons. 


An  BAN  I  Polka  des  Métamorphoses .  La  fée  Hamza.  M1,e  Marquet. 
MUSARD  :  Les  arcassiennes,  Deuxième  quadrille. 


PH.  STUTZ  1  La  Fée  des  Moissons.  Polka-mazurka.  M1Ie  Se hlosser. 
H.    VALIQUET  ".  Quadrille  et  valse  faciles,  sans  octaves. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL 

de  l'Opéra-Comique. 


^GââT^r^  5»sii3ssï^  a 


HEUGEL  ET  C 

éditeurs. 


AIRS  DÉTACHÉS  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO,  PAR  M.  L.  SOUMIS. 


N?  1.  Introduction  :  Couplets  dialogues 

chantés  par  Mlles  Marimon  etBEUA. 

N°  2.  Air  de  Xuiloun,  chanté  par  M.  Ber- 

THEL1ER. 

N°  3.  Couplets  du  Grand  Mogol,  chan- 
tés par  M.  Nathan. 
N°  4.  Duo  chanté  par  Mllcs  Marimon  et 

BÉL1A. 

N°  S.  Couplets  de  Bababek  ,   chantés 

par  M.  Sainte-Foy. 
N°  6.  lre  romance  de  Saëb,  chantée  par 

M.  Warot. 


BARKOUF 


Musique  de 


N°  7.  Duo  chanté  par  Mlle  Marimon  et 

M.  Sainte-Foy. 
N°  8.  Chanson  du  Chien  ,  chantée  par 

M,le  Marimon. 
N°  8  bis.  La  même  transposée  en  fa. 
N°  9.  Valse-entracte  pour  piaDO  seul. 
N°  10.  Couplets  ch.  parM.BERTHELiER. 
N°  11.  2me  romance  de  Saëb ,  chantée 

par  M.  Warot. 
N°  12.  Chanson  à  boire  chantée  par 

Mlle  Marimon. 
N°  12  bis.  La  même  transposée  en  sol. 


BURGMULLER. 

Valse  de  salon  à  deux  et  quatre  mains. 


STRAUSS. 

Quadrille  à  deux  et  quatre  mains. 


EST  VESTE. 


—       nr^-rw    5Pi->r^ïy>r^rst   ^^^^^Ui  3      —  EX  VEIVTE. 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO 

Oitéra-comitiue  en  un  «etc,  naro!es  de  MM.  HECTOR  CRÉMIEÎJX  et  LUDOVIC  HA1ÉVÏ 

—  AIRS  DÉTACHÉS,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT.  — 

TABLE  DES  MORCEAUX  DE  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO. 

3.  Couplets  du  Petit  clerc  Friquet ,  chantés 
par  M.  Baohe 2  50 

4.  Autrefois,  Aujourd'hui,  ronde  des  clercs.    2  50 

5.  Toutes  les  femmes  sont  ci  nous ,  valse  des 


1.  Prenez  garde  à  vous,  couplets  chantés 

par  M1Ie  Chahert 2  50 

2.  La  belle  eau  claire ,  chanson  à  boire,  par 

Mllc  Pfotzer 2  50 

2  bis.  La  même,  transposée  pour  contralto 

ou  baryton 2  50 


6.  Duo  et  Chanson  de  Fortunio,  chantés  par 

MUes  Chabert  et  Pfotzer 6    » 

6  bis.    Chanson  de   Fortunio,  extraite  du 

duo  ,  pour  "soprano  ou  ténor 2  50 

6  ter.  La  même ,  transposée  pour  baryton 

ou  contralto 2  50 


FORTUNIO.       - 

jc.-t.  Bnttmann.  Fantaisie  variée 5    » 

p.  Biirgmuiicr.  Valse  de  salon 6    » 

—  La  même  à  4  mains 7  50 

—  La  même  en  feuille 2  50  I 


clercs,  à  une  ou  deux  voix 3  75  et  4  50 

Partition  in-8°  :  Texte ,  chant  et  piano.  Prix  net  :   7  francs. 

Morceaux  et  arrangements  pour  piano.       —         FORTUNIO. 

a.  Croisez.  Morceau  de  salon 6    »  1  Strauss.   Quadrille  de   Fortunio,   à    deux 

Paul  Bernard.  Barcarolle  et   Chanson  de  i         mains 4  50 

Fortunio,  transcriptions 6     »  .  , 

..  „         ,  /  „     «     _     .„•„.  —  A  quatre  mains 4  50 

h.  vuiMinct.  Concerts  des Bon/jes-Parisiens,  j  H 

petites  fantaisies  sans  octaves.  Chacune,    ,'i    »  |  Pli.  stutz.  Fortunio-Polku 4  50 


Opéra-Comique  en 
un  acte. 


LE  MARI  SANS  LE  SAVOIR 


De  MM.  LÉON  ci  LUDOVIC 
HftLÉVY. 


LE  BAC, 

Valse  chantée  par 
M llc  CHABERT. 

Prix  :  4  50. 


Musique  de 

M.  DE  SAINT-RÉMY. 


CHANSON  NÈGRE, 

chaulée  par 

M.  LÉONCE. 

1  et  2,  prix  :  2  fr.  50  c. 


VALSE  composée  par  STRAUSS  pour  les  Bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra.  —  Prix  :  6  fr. 
Partition  piano  et  chant  (avec  texte),  in-8°.  Prix  :  5  fr. 


732. 


-  28e  Année. 

N°   18. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanclie  10  Février 

1861. 


ILL.^ 


NESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédaclren  chef. 


LES  BUREAUX  ,  «  bis,  rue  Vi  vienne.  —  HEUGEL,  et  C>%  éditeurs. 

(Au\  Magasins  et  Abonnement  île  Musique  <ln  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  «le  Pianos  et  Orgues.) 

CHANT.  S®WIE>3I<2F3I@OT 

1er  Mode  d'abonnement  :  J(ournal-Texte,  tous  les  dimanches;  30  Morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  «  Albums 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


28  Mode  d'abonnement  :  Jtonrnol-Texte,  tous  les  dimanches;  20  Morceaux 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albiinn 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  : 

3«  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  Sî  Morceaux  de  chantet  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1"  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  le' décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  teste  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/toiflco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  HEIir.EI.  et  C1",  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  Titres,  (  Texte  seul':  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  001. 


SOMMAIRE.  —  TEXTE, 

I.  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  première  représentation  de  la  Circas- 
sienne,  de  MM.  Scribe  et  Auber.  J.-L.  Heogec.  —  II.  Théâtre-Lyrique  :  pre- 
mière représentation  de  Madame  Grégoire,  de  MM.  Scribe  et  Clapisson.  Paul 
Bernard.  —  III.  Semaine  théâtrale.  J.-L.  Heucel.  —  IV.  Nouvelles,  Soirées 
et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  1)1!  PIANO  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour  : 

LA  POLKA  DES  MÉTAMORPHOSES , 

Composée  par  Aman,  sur  les  motifs  du  Papillon,  de  J.  Offenbach.  — 
Suivra  immédiatement  après,  le  quadrille  de  Fortunio,  le  grand  succès 
des  Bouffes-Parisiens ,  composé  par  Stbauss  pour  les  bals  de  la  Cour 
et  de  l'Opéra. 

CHANT: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant: 

LA  CHANSON  DU  CHIEN  , 

Chantée  dans  Barhouf,  par  Mlle  Marimon,  paroles  de  MM.  Scribe  el  Bois- 
seaux, musique  de  J.  Offenbach.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
Adieu  les  Fées,  paroles  d'ARMAND  Liorat,  musique  d'HENRi  Potier. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 


LA  CIRCASSIENNE 

Opéra-comique  en  trois  actes,  paroles  de  M.  Scribe, 
musique  de  M.  Auber. 

A  propos  du  remarquable  buste  de  M.  Auber,  par  Dantau 
jeuue,  nous  disions  —  et  toute  la  presse  théâtrale  nous  a  fait 
l'honneur  d'un  écho  prolongé,  —  que  le  statuaire-anatomisle 
avait  fouillé  jusqu'aux  moindres  lignes  de  la  physionomie  — 
spirituelle  entre  toutes — de  l'auteur  du  Maçon,  Au  Domino, 
de  Fra-Diavolo,  de  V Ambassadrice,  du  Cheval  de  bronze,  de  la 
Sirène  et  de  tant  d'autres  chefs-d'œuvre  lyriques  devenus  popu- 
laires, non  par  la  vulgarité  de  leurs  mélodies,  mais  bien  par  le 
rhythme  naturel,  pétillant,  des  moindres  phrases  musicales,  par 


leur  cachet  de  finesse,  de  bon  goût  et  d'esprit  essentiellement 
français.  Tous  les  trésors  de  sa  musique,  ajoutions- nous, 
M.  Auber  les  a  sur  les  lèvres,  dans  les  yeux  ;  mieux  que  cela, 
dans  chacun  de  ses  traits,  qui  se  divisent  et  se  multiplient  à 
plaisir  sans  perdre  une  parcelle  de  leur  harmonie  si  caractéris- 
tique. Ce  tout  et  ces  mille  détails,  voilà  ce  que  le  ciseau  bien 
inspiré  de  Dantan  a  reproduit  avec  autant  de  talent  que  d'ad- 
miration pour  les  œuvres  et  la  personne  du  musicien  français 
par  excellence. 

La  Circassienne  n'a  pas  tardé  à  venir  conflrmer  une  fois  de 
plus  combien  M.  Auber  est,  en  effet,  le  musicien  français  par 
excellence.  C'est  là  un  modèle  inaltérable,  légué  par  la  Provi- 
dence à  deux  générations  de  compositeurs,  dans  le  but  évident 
de  sauvegarder  l'école  française  des  brouillards  de  la  musique 
de  l'avenir. 

Auber  ne  connaîtra  pas  les  noirs  frimats;  c'est  à  peine  si 
l'automne  l'aura  touché  de  son  aile.  Le  printemps  et  l'été,  — 
les  fleurs  et  les  fruits, —  voilà  les  seules  saisons  qui  lui  soient 
familières;  aussi  M.  Fiorentino  écrivait-il,  dans  l'un  de  ses  der- 
niers feuilletons  :  Auber  a  quatre  fois  vingt  ans,  —  mais  il  n'a 
pas  et  n'aura  jamais  quatre-vingts  ans. 

L'éternelle  jeunesse  de  M.  Auber  est  un  fait  acquis  à  l'his- 
toire, et ,  pour  nos  Scribe  futurs,  c'est  tout  un  poëme  d'opéra- 
comique  en  perspective.  Malheureusement  —  c'est  à  craindre 
du  moins,  — le  héros  de  la  pièce  ne  sera  plus  là  pour  écrire  la 
musique  de  sa  propre  histoire. 

Que  nos  jeunes  musiciens  se  hâtent  donc  de  s'inspirer  de  ce 
vivifiant  modèle.  C'est  tout  un  enseignement,  car  la  musique  de 
M.  Auber  prouve,  jusqu'à  l'évidence  la  moins  contestable, 
que  non-seulement  l'école  française  n'a  pas  vieilli,  mais  encore 
que  seule,  entre  toutes,  elle  sait  charmer  en  parlant  à  la  fois  à 
la  raison,  au  cœur  et  à  l'esprit,  par  sa  vérité  d'expression  et 
la  variété  de  ses  formes. 


82 


LE  MÉNESTREL. 


Pourquoi  donc  se  traîner  à  la  remorque  des  écules  alle- 
mande et  italienne,  quand  on  a  l'honneur  d'être  compositeur 
français? 

Laissons  aux  Allemands  leur  musique  de  l'avenir,  qui  va 
s'égarant  chaque  jour  dans  des  régions  inconnues,  perdues,  et 
abandonnons  a  l'Italie  les  stridentes  cabalettes,  les  formidables 
unissons  qui  engendrent  jusqu'à  des  révolutions. 

Respectons,  admirons  le  passé  de  ces  deux  grandes  .écoles, 
mais  laissons-les  suivre  à  leurs  risques  et  périls  les  voies  nou- 
velles qu'elles  ont  cru  devoir  s'ouvrir. 

Pour  nous,  musiciens  du  passé  et  du  présent,  restons  fidèles  à 
la  musique  française.  Recherchons  avant  tout  la  vérité  d'expres- 
sion, la  simplicité,  le  caractère,  l'élégance  et  le  charme  dans  la 
mélodie,  la  couleur  locale  dans  les  moindres  détails;  sachons 
rendre  notre  harmonie  intéressante,  mais  sans  prétendre  à  la 
découverte  d'horizons  impossibles;  bref,  suivons  le  chemin  tracé 
par  Dalayrac,  Grétry,  Méhul,  Roïeldieu,Hérold,  Adam,  Auber, 
Halévy  ;  et,  si  nous  voulons  atteindre  aux  grandes  sphères  de 
l'art  dramatique,  contemplons,  avec  un  juste  orgueil,  Gluck, 
Rossini  et  Meyerbeer,  car  ils  sont  bien  Français  les  musiciens  qui 
s'inspirent  du  génie  de  notre  langue  pour  créer  à  notre  inten- 
tion et  dans  nos  aptitudes  des  chefs-d'œuvre  tels  qa'Armide, 
Guillaume  Tell  et  Robert-le- Diable. 

Ceci  dit,  abordons  l'analyse  du  livret  de  la  Circassienne , — 
moins  les  détails  et  les  bons  mots  semés  à  pleines  mains  par 
M.  Scribe  dans  les  trois  actes  que  M.  Auber  vient  d'illustrer  de 
sa  musique  la  plus  jeune,  la  plus  spirituelle,  la  plus  fine  et  la 
plus  scénique  à  la  fois. 

* 
*  * 

Aux  deux  premiers  actes ,  l'action  se  passe  en  Circassie. 
Le  rideau  se  lève  sur  une  humble  forteresse  russe,  au  milieu 
des  neiges,  et  gardée  par  un  poste  avancé  de  hussards.  Pour 
tuer  le  temps  on  ne  peut  plus  glacial,  chacun  boit,  chacun 
fume  ;  on  se  conte  des  histoires,  on  va  même  jusqu'à  monter  un 
petit  opéra  français  :  Adolphe  et  Clara,  qu'apporte  à  point 
nommé,  dans  sa  valise,  un  voyageur  de  comédie,  un  ami  du  lieu- 
tenant Alexis  Zouboff,  le  peintre  Lanskoï,  chargé  par  le  czar 
d'une  exploration  artistique  dans  le  Caucase.  Zouboff  jouera  le 
rôle  de  Clara:  le  travestissement  lui  avait  déjà  réussi  en  cer- 
taine circonstance  a  la  villa  d'une  comtesse,  où  il  s'était  ménagé 
ses  petites  entrées,  sous  un  déguisement  de  camériste.  Il  paraî- 
trait même  que  le  beau-frère  de  ladite  comtesse,  le  général 
Orsakoff,  un  rustre,  un  sauvage,  bienqueprinceetgénéral,s'avisa 
à  cette  époque  et  dans  la  même  villa,  de  tomber  amoureux  de 
la  fausse  soubrette,  qui  dut  s'éclipser  du  château  pour  se  sous- 
traire à  la  passion  du  général  ;  c'était  le  premier  amour  de  ce 
tigre  de  Crimée,  qui,  jusque-là,  avait  ressenti  un  profond  éloigne- 
ment  pour  le  beau  sexe.  Or,  le  farouche  Orsakoff  commande 
précisément  les  troupes  du  Caucase,  et  le  voici  qui  se  présente 
à  la  forteresse  au  moment  où  commencent  les  répétitions  du 
spectacle  projeté,  au  moment  où  le  lieutenant  Zouboff  vient  d'en- 
dosser tant  bien  que  mal  son  costume  de  Circassienne.  Le 
général  crie,  tempête  tout  d'abord,  il  menace  du  knout,  soldats, 
officiers,  mais  tout  à  coup  il  reconnaît  sa  soubrette  adorée, 
la  belle  Frascovia.  Alors,  tout  s'arrange,  et  le  lieutenant  se 
donne  pour  la  sœur  d'Alexis  Zouboff. 

11  faut  vous  dire  que,  de  son  côté,  le  lieutenant  s'est  épris 
d'une  certaine  Olga,  jeune  et  riche  héritière,  nièce  et  pupille 
d'Orsakoff,  qu'il  a  connue  en  Crimée  dans  un  château  qu'elle 


habitait  avec  une  tante,  et  où  il  a  été  soigné  comme  blessé. — 
La  tante  morte;  Olga  restée  seule,  est  venue  rejoindre  son  oncle, 
qui  compte  la  mettre  au  couvent  jusqu'à  la  fin  de  la  campagne. 
En  voyant  la  Circassienne,  Olga  lui  trouve  une  ressemblance 
frappante  avec  Alexis.  Quoi  d'étonnant  ?  C'est  son  frère.  Et, 
pour  compliquer  l'action,  le  général  prie  sa  nièce  de  prendre 
en  qualité  de  clame  de  compagnie,  Frascovia,  qui  n'a  garde  de 
refuser  ;  mais  les  hasards  de  la  guerre  en  disposent  autrement  : 
Une  bande  de  Circassiens  envahit  le  fort  et  emmène  Frascovia. 

Celle-ci,  ou  plutôt  celui-ci,  est  annexé  au  harem  du  sultan 
Aboul-Kazim.  De  son  côté,  Olga,  également  prisonnière  par  la 
trahison  du  guide  chargé  de  la  mener  au  couvent,  charme  parti- 
culièrement les  yeux  d'Aboul-Kazim ,  qui  ne  la  cédera  pour 
aucune  rançon,  et  la  nomme  sa  première  sultane.  Mais  Olga  et 
Frascovia  ont  une  nouvelle  entrevue  ;  et  là,  notre  fausse  Circas- 
sienne tombe  aux  pieds  d'Olga,  en  lui  avouant  qu'elle  n'est  pas 
la  sœur  d'Alexis,  mais  Alexis  lui-même  1  Survient  une  petite 
conjuration  des  femmes  du  harem,  secondée  fort  à  propos  par 
l'arrivée  d'officiers  et  troupes  russes,  qui  s'emparent  du  harem 
et  du  bourg  circassien. 

Le  troisième  acte  nous  transporte  à  Moscou,  dans  le  palais  du 
général  Orsakoff.  Celui-ci  ne  rêve  qu'à  Frascovia,  qui  a  disparu 
après  la  prise  du  harem.  Le  peintre  Lanskoï,  ami  d'Alexis,  a 
inventé  une  lettre  dans  laquelle  la  Circassienne  avoue  au  général 
qu'elle  ne  l'a  fui  que  par  excès  d'amour,  et  que,  s'il  ne  lui  fait 
pas  l'honneur  de  la  prendre  pour  femme  avant  trois  mois,  elle 
s'enfermera  dans  un  couvent.  Comme  cette  lettre  ne  parvient 
au  général  qu'après  six  mois  de  date,  celui-ci  fait  chercher  le 
couvent  où  Frascovia  s'est  retirée;  et,  en  attendant,  il  comble 
d'honneurs  son  futur  beau-frère  Alexis,  le  fait  capitaine,  aide- 
de-camp,  colonel,  et  consent  même  à  lui  accorder  la  main  de  sa 
pupille  Olga,  à  la  condition  expresse,  qu'en  retour,  il  consentira 
lui-même  à  l'union  du  général  avec  la  belle  Frascovia. 

A  peine  le  premier  de  ces  mariages  est-il  consommé,  que,  par 
les  soins  de  Lanskoï,  une  nouvelle  lettre  arrive  au  général  : 
«  Votre  silence  me  réduit  au  désespoir  (écrit  Frascovia);  quand 
«  vous  lirez  ces  lignes,  j'aurai  cessé  de  vivre,  et  pour  preuve,  je 
«  vous  retourne  l'anneau  qui  devait  nous  unir  à  jamais.  » 

—  Au  fait,  il  n'y  avait  d'autre  moyen  que  la  mort  subite  de 
la  Circassienne,  pour  tirer  tout  le  monde  d'embarras.  Et  comme 
celle-ci  est  morte  d'amour,  la  vanité  du  général  Orsakoff  est 
au  moins  satisfaite:  il  a  été  aimé  une  fois  en  sa  vie...  et  on  ne 
l'y  reprendra  plus. 

*  * 

Autant  qu'il  est  permis  de  le  pressentir  par  cette  très-inco- 
lore esquisse  de  la  pièce,  le  premier  acte  est  le  mieux  rempli,  le 
plus  incidente.  Aussi,  le  musicien  y  a-t-il  prodigué  sa  verve. 
De  la  première  à  la  dernière  note,  tout  charme,  tout  séduit, 
tout  caresse  l'oreille:  soli,  chœurs,  orchestre,  se  marient  à  plai- 
sir, se  multiplient  et  pétillent  à  l'envi.  On  dirait  un  vrai  bou- 
quet de  feu  d'artifice. 

Après  l'ouverture,  —  quelque  peu  écourtée,  —  passons  sur 
l'introduction  des  buveurs  et  fumeurs  à  moitié  gelés,  et  sur  les 
couplets  du  lieutenant  : 

0  ma  maîtresse! 
auxquels  répond  le  brigadier  Perrot, 

0  ma  bouteille! 
pour  arriver  à  l'entrée  du  peintre  Lanskoï,  qui  projette  tout 
aussitôt  la  mise  en  répétition  d'Adolphe  et  Clara.  Il  faut  voir,  il 
faut  entendre  les  militaires,  s'épanchant  clans  un  chœur  de  bra- 


TABLETTES  DU  PIANISTE   ET   DU  CHANTEUR. 


83 


vos,  qui  a  été  acclamé  d'enlhousiasme  par  le  public.  M.  Scribe 
l'avait  bien  prévu,  en  plaçant  là  ces  paroles  de  circonstance  : 
Quel  bon  public  que  celui-là. 
Sans  nous  arrêter  à  l'air  héroïque  du  général  Orsakoff  ! 
Qu'on  m'abhorre  !  qu'on  me  déteste  I 
C'est  mon  plaisir,  à  moi  ! 

Signalons  le  trio  et  la  romance  de  la  Circassienne  : 

Si  vous  m'aimez! 
Nouvel  Orphée,  les  tendres  accents  de  Montaubry  ne  tardent 
pas  à  attendrir  le  farouche  Orsakoff  : 

Tant  de  charme  et  tant  de  grâce  I 
s'écrie   le  général  dans  un  duo   auquel  succède  le  délicieux 
quatuor    qui    nous    vaut  la   première   apparition   de  la  belle 

Olga: 

Au  milieu  de  la  Circassie! 

Avec  quel  charme  et  quel  naturel  Mlle  Monrose  exprime,  en 
chantant  sur  un  rhylhme  syllabique,  sa  surprise  de  trouver  son 
lieutenant  Alexis  sous  le  costume  d'une  Circassienne  1 

Après  ce  quatuor,  se  développe  un  final  aussi  tempéré  que 
brûlant,  aussi  simple  que  complexe,  tant  la  clarté,  l'art  des  so- 
norités, président  à  l'enchaînement  des  idées  mélodiques  et  des 
marches  harmoniques. 

Le  second  acte  est  plus  tranquille  :  nous  sommes  dans  le  sérail 
du  chef  circassien  Aboul-Kazim,  M.  Troy,  qui  chante  avec 
rondeur  et  sonorité  un  air  de  basse  d'une  grande  franchise  de 
rhythme. 

Cet  acte  s'ouvre  sur  un  chœur  d'odalisques,  en  forme  de 
gracieuse  et  poétique  introduction;  —  les  dames  rêvent  pa- 
rures nouvelles  ;  —  puis,  après  l'air  de  basse  déjà  nommé,  in- 
tervient la  Circassienne,  qui  chante  et  apaise  le  sérail  par  une 
mélodie  des  plus- suaves.  Ainsi  que  la  Circassienne  Fras- 
covia,  la  belle  Olga  fait  une  seconde  apparition  ;  —  nouvelle 
surprise,  qui  se  traduit  cette  fois  en  un  duo,  sur  lequel  se 
déroule  la  scène  de  la  toilette.  —  Il  y  a  ensuite  conjuration  des 
femmes,  et,  enfin,  rentrée  de  Lanskoï  et  du  général,  pour  les 
besoins  du  final  de  ce  second  acte,  qui  renferme,  entre  autres 
jolis  détails,  les  entrées  et  sorties  vocales  de  l'eunuque  Babel- 
Boudour,  M.  Laget,  qui  avaient  déjà  singulièrement  égayé  le 
final  du  premier  acte. 

Dans  le  second  acte,  j'ai  omis  le  pas  des  Aimées,  que  M.  Au- 
ber  fait  danser  sur  un  motif  de  valse  emprunté  à  son  ballet  de 
Marco  Spada.  La  couleur  locale  laisse  à  désirer;  mais  le  motif 
est  si  gracieux  et  deviendra  si  populaire,  que  la  cause  est  entendue. 
—  Arrivons  au  3e  acte  : 

M"e  Monrose  (Olga),  en  fait  les  honneurs.  Elle  est  chez  elle, 
ou  plutôt  chez  son  oncle  et  tuteur.  Il  lui  est  donc  permis  de  se 
donner  une  ballade  à  vocalises,  un  grand  air  également  fiori- 
ture, et  un  duo  d'amour  avec  Montaubry.  Ce  sont  là  des  tours 
de  force  que  la  prima  donna  assoluta  impose  le  plus  souvent  au 
compositeur.  Quand  la  cantatrice  est  de  force  à  magnétiser  son 
public,  les  auditeurs  se  laissent  faire,  et  attendent  galamment  la 
fin  d'un  air  de  bravoure,  pour  reprendre  le  fil  de  l'action;  mais 
lorsque  le  talent  faillit  à  la  tâche,  il  en  résulte  des  longueurs 
dont  chacun  souffre  :  auteurs,  artistes  et  public. 

Ceci  ne  s'applique  pas  absolument  à  Mlle  Monrose;  toutefois, 
sans  nuire  aux  gracieuses  et  déjà  brillantes  qualités  de  la  char- 
mante élève  de  Duprez ,  on  peut  craindre  qu'il  n'y  ait  point  là 
l'étoffe  d'une  Ciuti-Damoreau  ou  d'une  Miolan-Carvalho.  Cepen- 
dant, réservons  l'avenir  et  constatons  que  le  présent  ne  laisse  pas 


que  d'être  des  plus  agréables.  Mlle  Monrose  est  d'ailleurs 
éblouissante  de  grâce  et  de  beauté  sous  ses  trois  riches  costumes, 
sans  préjudice  des  qualités  scéniques  et  vocales  développées  par 
elle,  notamment  au  premier  acte,  où  son  entrée  a  ravi  specta- 
teurs et  auditeurs. 

Montaubry,  lui,  s'est  constamment  tenu  à  la  hauteur  de  son 
rôle.  S'il  chante  par  trop  dans  la  voix  mixte  et  la  voix  de  tête, 
cela  tient  au  personnage  qu'il  représente  aux  deux  premiers  actes. 
Montaubry  pose  d'ailleurs  si  facilement  pour  le  soprano,  qu'on 
se  laisse  aller  au  plaisir  d'applaudir,  tout  en  regrettant  le  ténor. 
C'est  un  Téel  succès  pour  lui  que  cette  Circassienne,  dont  la 
création  lui  fait  le  plus  grand  honneur  sous  tous  les  rapports. 

Barrielle ,  le  général  Orsakof,  n'a  pas  absolument  satisfait 
tout  le  monde.  On  a  condamné  son  air  au  troisième  acte  ;  c'est 
le  cas  d'en  rappeler.  Aussi  bien,  il  y  a  là  un  certain  pas  redoublé 
dans  la  coulisse,  — à  la  manière  italienne,  mais  au  cachet  fran- 
çais,—  qui  a  séduit  tout  l'auditoire.  On  ne  peut  en  dire  autant 
du  chœur  lointain  des  Fiançailles  ;  placé  dans  un  acoustique 
impossible,  il  n'a  pu  arriver  jusqu'à  la  rampe. 

Parlez-nous  des  couplets  de  Couderc,  au  troisième  acte  : 
le  peintre  Lanskoï  les  dit  en  poète  et  en  musicien;  on  ne  perd 
ni  un  mot,  ni  une  note,  ni  la  moindre  intention  du  parolier 
ou  du  compositeur.  Aussi  quel  bis  formidablet 

Mmes  Bousquet  et  Prost  ne  figurent  qu'à  l'état  de  dames  du 
sérail;  donc,  passons  et  arrivons  à  l'événement  capital  et  final 
de  la  soirée,  le  rappel  spontané,  unanime  de  M.  Auber,  dont 
le  nom  était  dans  toutes  les  bouches. 

Le  succès  était  franc,  l'assemblée  émue,  transportée;  pour 
tout  autre,  l'occasion  eût  été  tentante.  M.  Auber  s'est  empressé 
de  la  fuir,  et  il  n'y  a  là  de  sa  part  qu'un  nouvel  acte  de  parfaite 
convenance,  de  cette  exquise  modestie  que  chacun  lui  reconnaît. 

Quelque  temps  avant  la  première  représentation  de  la  Cir- 
cassienne, un  ami  surprit  le  cher  maestro  à  son  pupitre,  plumes 
et  papier  en  main.  Il  écrivait  tout  simplement ,  sans  le  moindre 
effort,  les  derniers  feuillets  de  sa  partition,  et,  loin  de  recevoir 
le  visiteur  avec  l'air  contraint  du  génie  qu'on  sépare  du  feu 
dévorant  de  l'inspiration,  il  le  remercia  de  l'agréable  repos  que 
sa  conversation  allait  lui  occasionner. 

Celui-ci  en  profita  pour  complimenter  le  maestro  de  tout  ce 
qui  se  disait  d'agréable  à  l'endroit  de  son  nouvel  opéra. — 
Puisse-t-il  l'être,  nouveau,!  lui  répondit  malicieusement  le 
maestro,  avec  le  sourire  d'un  homme  fort  heureux  d'avoir  trouvé 
le  moyen  d'échapper,  avant  la  lettre,  aux  éloges  que  la  Circas- 
sienne devait  si  peu  lui  ménager  après  la  première  épreuve. 

La  vraie  modestie  est  si  naturelle  à  M.  Auber,  qu'il  évite 
instinctivement  de  se  trouver  dans  la  salle,  au  milieu  des  spec- 
tateurs, le  jour  où  l'on  joue  l'un  de  ses  opéras,  fût-ce  à  la  trois 
centième  représentation.  C'est  à  peine  s'il  paraît  sur  le  théâtre,  et, 
quand  il  y  a  danger  de  rappel,  il  s'empresse  de  confier  au  régis- 
seur le  secret  de  la  fugue  la  plus  simple  et  du  meilleur  goût. 
Chacun  a  pu  en  juger  samedi  dernier,  lorsque  M.  Paliautia  dû 
dire,  d'une  voix  sinon  sonore,  du  moins  convaincue  :  «  Mes- 
sieurs, Mesdames,  j'ai  le  regret  de  vous  annoncer  que  M.  Auber 
a  quitté  le  théâtre.  » 

Le  regret  était  du  côté  du  public. 

J.-L.  Heugel. 


84 


LE  MÉNESTREL. 


THEATRE  LYRIQUE. 


Première  représentation  de  Madame  Grégoire ,  opéra-comique  en  trois 
actes,  paroles  de  MM.  Scribe  et  Boisseaux  ,  musique  de  M.  Louis 
Clapisson. 

Une  grande  douleur,  un  deuil  de  famille,  prive  pour  celte 
fois  le  Théâtre-Lyrique  de  son  chroniqueur  habituel.  Jules  Lovy, 
notre  excellent  ami ,  dont  nous  connaissons  tous  les  qualités 
pleines  de  cœur,  vient  d'être  frappé  bien  cruellement.  Qui  de 
nous  n'a  éprouvé  cette  immense  douleur  d'être  séparé  vio- 
lemment de  ceux  qu'on  aime  ?  Et  quand  la  séparation  nous 
enlève  pour  toujours  un  père,  une  mère  ,  c'est-à-dire  ceux  qui 
ont  entouré  de  soins  toute  notre  enfance,  qui  nous  ont  défendu 
contre  les  premiers  brisans  de  la  vie  et  nous  ont  fait  ce  que  nous 
sommes;  quand,  arrivé  à  la  seconde  période  de  l'existence,  on 
espère  à  son  tour  devenir  le  protecteur  de  qui  nous  a  protégé, 
et  que  ces  têtes  si  chères ,  —  si  âgées  qu'elles  soient ,  — 
échappent  à  notre  amour,  oh  1  alors,  le  désespoir  saisit  et 
oppresse,  et  l'on  se  réveille  meurtri  de  cette  terrible  épreuve 
que  les  indifférents  appellent  la  loi  de  nature. 

Mon  pauvre  ami,  permettez-moi  de  m'établir  ici  l'organe  de 
tous  ceux  qui  vous  aiment,  —  le  nombre  en  est  grand,  —  et 
de  vous  assurer  que  votre  deuil  est  le  nôtre. 

Ce  devoir  rempli,  disons  de  suite  à  nos  lecteurs  que,  séance 

tenante,  le  Ménestrel  nous  a  chargé  de  remplacer  auprès  d'eux 

son  rédacteur  absent.  Le  remplacer,  nous  n'osons  y  prétendre; 

aussi,  nous  bornerons-nous  à  vous  transmettre,  chers  lecteurs, 

nos  impressions  de  la  veille,   écrites  au  courant  de  la  plume, 

aujourd'hui  pour  le  lendemain,  sans  oublier,   bien  entendu, 

de  réclamer  toute  votre  indulgence ,   absolument  comme  cela  se 

pratique  au  théâtre  dans  les  occasions  analogues. 

* 
*  * 

Avant  toutes  choses,  il  est  juste  de  constater  les  efforts  inces- 
sants de  la  direction  du  Théâtre-Lyrique.  Toujours  sur  la 
brèche,  M.  Réty  fait  se  succéder  les  nouveautés  avec  une  infa- 
tigable ardeur.  La  reprise  du  Val  d'Andorre  a  été  une  preuve  de 
goût  et  d'intelligence.  Il  y  a  un  mois ,  c'étaient  les  Pêcheurs  de 
Calcine;  aujourd'hui  voici  la  joyeuse  Madame  Grégoire  présentée 
par  MM.  Scribe  et  Clapisson.  Nul  doute  qu'en  cherchant  ainsi 
et  en  créant  toujours,  M.  Réty  ne  trouve  bientôt  l'un  de  ces 
succès  qui  font  la  fortune  d'un  théâtre.  Peut-être  pourrait-il 
bien  n'aller  pas  si  loin  pour  cela ,  et  la  réussite  de  la  première 
soirée  laisse  espérer  pour  sa  nouvelle  pensionnaire  les  longs 
jours  que  sa  gaieté  proverbiale  lui  promet.  Rire,  c'est  vivre  ; 
et  Mme  Grégoire  rit  de  la  bonne  manière. 

Maintenant,  voulez-vous  savoir  en  deux  mots  ce  que  fait 
Mme  Grégoire,  tout  en  riant  ainsi?  Elle  conspire,  ne  vous  déplaise. 
Seulement,  sa  conspiration  ne  s'attaque  qu'à  Mme  de  Pompadour. 
On  parle  d'une  nouvelle  favorite.  Les  courtisans  ne  savent  de  quel 
côté  va  se  lever  le  nouvel  astre.  Le  lieutenant  de  police,  entre 
autres,  finit  par  surprendre  le  nœud  de  la  conspiration  dans  le 
cabaret  même  de  Mme  Grégoire.  Une  femme  masquée  s'y  trouve 
ayant  une  lettre  du  roi,  annonçant  que  son  règne  commence.  Ce 
brave  baron  d'Assonvillicrs ,  aussi  aveugle  dans  ses  propres 
affaires  que  tous  les  lieutenants  de  police  passés  et  futurs,  s'atta- 
che à  la  fortune  de  cette  reine  présumée,  l'héberge  chezlui,  veut 
à  toute  force  la  reconduire  près  du  roi,  tout  cela  sans  s'aperce- 
voir que  c'est  sa  propre  femme,  qui,  pour  porter  personnelle- 
ment son  refus,  a  été  forcée  de  quitter  la  maison  conjugale, 


une  nuit  de  mardi  gras.  Carnaval  sert  de  prétexte  à  bien 
des  choses.  Toute  la  famille  du  baron,  qu'il  a  mise  sous  clef 
avant  de  sortir,  court  la  prétentaine;  sa  femme,  pour  lui  rester 
fidèle  il  est  vrai;  sa  nièce  Lucette,  pour  accompagner  sa  tante  ; 
son  neveu  Gaston,  pour  se  consoler  des  dédains  de  sa  cousine, 
qui  cependant  l'aime  en  cachette.  Tous  ces  personnages  vont  et 
viennent,  s'échappent  de  la  maison,  —  grâce  à  Mme  Grégoire, 
filleule  de  la  baronne  et  intime  connaissance  du  secrétaire  du 
baron,  —  se  retrouvent  au  cabaret  du  Vert-Galant,  rentrent  en 
catimini  au  point  du  jour,  et  finissent  par  s'entendre  parfaite- 
ment après  avoir  frisé  la  Bastille,  menacé  la  Pompadour,  et,  il 
faut  en  convenir,  amusé  le  public  pendant  trois  actes;  ce  qui  n'est 
pas  aussi  facile  qu'on  pourrait  le  penser. 

Mêlez  à  cela  un  grand  seigneur  amoureux  de  la  baronne,  qui 
veille  sur  elle,  et  un  soldat  suisse  amoureux  de  la  cabaretière, 
qui  fait  ses  commissions  en  se  desséchant  de  jalousie,  et  vous 
aurez  tous  les  éléments  de  cetimbroglio,  qui  a  l'énorme  avantage, 
à  mon  avis,  d'être  du  franc  opéra  comique,  chose  bien  négligée 
depuis  quelque  temps,  et  pour  laquelle  nos  pères  cependant 
avaient  un  culte  sincère. 

La  musique  de  M.  Clapisson  est  aussi  du  véritable  opéra 
comique,  et  le  premier  acte  est  peut-être  le  plus  riche  de  la  par- 
tition. Une  mélodie  franche,  une  instrumentation  claire,  facile 
à  saisir  sans  cependant  négliger  les  recherches  de  l'art,  distin- 
guent cet  ouvrage,  et  nous  ont  fait  retrouver  l'heureux  auteur 
de  La  Fanchonnelte. . 

Citons,  parmi  les  morceaux  qui  nous  ont  le  plus  impres- 
sionné, l'ouverture,  digne  d'être  remarquée  pour  son  agréable 
sonorité  et  sa  couleur  joyeuse  sans  vulgarité  ;  le  grand  air  de 
Mme  d'Assonvilliers  (Mlle  Moreau);  un  très-joli  trio,  les  couplets 
de  Mme  Grégoire,  où  le  refrain  traditionnel  arrive  fort  ingé- 
nieusement, et  enfin  le  sextuor  du  bonsoir,  ravissant  morceau 
de  facture. 

Au  second  acte,  nous  sommes  au  cabaret  :  signalons  un 
chœur  de  masques;  la  ronde  sur  les  paroles  bien  connues  de 
l'époque,  Cotillon  deux,  Cotillon  trois;  les  couplets  tyroliens 
du  soldat,  bissés;  et  un  final,  trop  développé  peut-être,  mais 
dont  la  péroraison,  sur  les  motifs  de  l'ouverture,  est  des  mieux 
amenées. 

Le  troisième  acte,  assez  court  comme  poëme  et  comme  mu- 
sique, n'offre  guère  de  remarquable  qu'un  ravissant  petit  trio 
en  canon,  charmant  d'effet  et  d'arrangement.  Le  grand  air  de 
Mme  Grégoire,  difficile  d'interprétation,  sans  nous  plaire  beau- 
coup, a  cependant  valu  à  Mlle  Roziès  une  large  salve  d'applau- 
dissements. Disons  encore  que  cette  jeune  artiste  a  déployé  dans 
ce  rôle  de  l'intelligence  et  de  la  verve.  M1'0  Moreau  joint 
au  charme  de  sa  personne  celui  d'une  voix  remarquable  d'éten- 
due et  de  pureté.  Elle  nous  a  fait  constater  des  progrès  réels 
qui  méritent  les  plus  chaleureux  encouragements. 

M"0  Faivre,  MM.  Wartel,  Delaunay-Riquier,  Fromant,  Ga- 
briel et  Lesage,  ont  vaillamment  coopéré  à  la  réussite  de  l'ou- 
vrage, lequel,  espérons-le,  fera  durer  sa  nuit  de  mardi-gras  bien 
au  delà  du  carême. 

Paul  Bernard. 


Les  premières  représentations  de  la  semaine  nous  obligent  h 
renvoyer  au  dimanche  suivant,  nos  Tablettes  du  pianiste  et  du 
chanteur  consacrées  à  une  notice  biographique    du  virtuose 

J.    ScilULIIOFF. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


85 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 


L'événement  de  la  semaine ,  c'est  l'exposition  au  Palais  de 
l'Industrie,  des  projets  de  concours  pour  la  nouvelle  salle  de 
l'Opéra,  —  exposition  qui  a  déjà  eu  l'honneur  de  la  visite  de 
Leurs  Majestés. 

Cent  soixante-dix-sept  projets  ont  été  soumis  au  concours  en 
moins  d'un  mois.  Il  faudrait  des  années  pour  apprécier  les  dé- 
fauts et  les  mérites  de  tous  ces  projets.  C'est  l'affaire  du  jury, 
ainsi  composé  :  M.  Walewski,  ministre  d'État,  MM.  Caristie  , 
Hittorff,  De  Gisors,  Gilbert,  H.  Lebas,  Lefuel  et  Duban,  mem- 
bres de  l'Institut. 

Cette  commission  supérieure  fera  bien  de  s'adjoindre  une 
sous-commission,  non-seulement  pour  écarler  les  plans  médio- 
cres ou  inexécutables ,  mais  aussi  pour  apporter  dans  cet  examen 
les  lumières  pratiques  d'un  directeur  aussi  intelligent  et  aussi 
versé  à  l'endroit  des  exigences  de  la  scène,  que  M.  Alphonse 
Royer,  par  exemple.  Il  nous  semble  de  plus  qu'un  musicien 
comme  Berlioz,  un  chanteur  comme  Dupiez,  et  bien  d'autres 
notabilités  dans  chaque  spécialité,  n'eussent  pas  été  de  trop 
pour  mener  à  bien  les  travaux  d'une  pareille  commission;  car, 
en  définitive  ,  le  monument  n'est  pas  la  seule  chose  à  consi- 
dérer dans  la  construction  d'une  nouvelle  salle  de  l'Opéra. 
C'est  un  avis  que  nous  soumettons  humblement  à  qui  de  droit. 

A  propos  de  nouvelle  salle,  il  serait  aussi  question  d'élever 
un  petit  théâtre  au  palais  des  Tuileries,  pour  les  petits  ouvrages, 
entre  autres  ceux  des  Bouffes-Parisiens.  M.  Siraudin  serait  dé- 
signé comme  l'heureux  directeur  de  cette  bonbonnière  musicale 
ornée  de  peintures  à  la  "Watleau. 

Mais  revenons  à  I'Opéra  livré  aux  mains  de  M.  Richard 
Wagner,  qui  a  consenti  à  remanier  quelques  parties  de  son 
Tannhauser.  Ainsi  l'ouverture  se  relie  à  l'introduction  du  pre- 
mier acte,  et  le  musicien  intercale  à  cet  endroit  même  des  motifs 
nouveaux  pour  une  scène  à  spectacle,  où  le  corps  de  ballet  pa- 
raîtra, mais  seulement  pour  former  des  groupes  et  prendre  des 
poses.  Tout  le  premier  tableau  est  refait  dans  de  plus  grandes 
proportions,  et  le  rôle  de  Niemann  s'en  trouve  largement  aug- 
menté. —  Après  le  Tannhauser,  c'est  Gounod  qui  entrera  en 
répétitions.  Les  deux  écoles  opposées  seront  en  présence,  ou  tout 
au  moins  se  succéderont  à  courte  échéance. 

Le  Tiiéatre-Italien  vient  de  reprendre  Don  Juan,  qui  avait 
été  retardé  par  une  indisposition  de  Zuchini.  Ce  chef-d'œuvre, 
où  Mozart  a  déposé  toutes  les  merveilles  de  son  génie,  a  le  rare 
privilège  d'attirer  la  foule  ;  et  cependant ,  depuis  bien  des 
années,  l'exécution  de  ce  magnifique  ouvrage  est  loin  de  ré- 
pondre à  l'attente  des  véritables  dilettanti.  Sous  ce  rapport,  la 
représentation  de  jeudi  dernier  n'a  pas  été  une  exception  ,  bien 
queMmePenco,  —  plus  particulièrement,  —  et  Mllc  Battu, 
dans  les  rôles  de  donna  Anna  et  de  Zerlina,  aient  mérité  et 
obtenu  de  justes  applaudissements.  Quant  à  M"°  Dalmondi 
(donna  Elvira),  sa  voix  nous  a  paru  un  peu  fatiguée;  faut-il 
attribuer  cette  fatigue  à  l'émotion  d'un  premier  début  ?  Nous 
le  désirons.  Mario  a  été  gracieux,  élégant,  plein  de  séductions, 
dans  Don  Juan ,  rôle  qui  n'est  point  écrit  pour  sa  voix  , 
comme  chacun  sait.  Gardoni  a  été  convenable,  et  Zuchini  (Le- 
porello)  fort  amusant.  —  Le  trio  des  Masques  a  été  bissé, 
comme  toujours.  —  Quelle  musique  que  celle  de  Don  Juan  !  Ce 


n'est  pourtant  que  de  la  musique  du  passé.  —  Aujourd'hui 
dimanche,  la  Ccnercntola,  avec  MIle  Alboni. 

A  I'OpéraComique,  le  succès  de  la  Circassienne  n'a  fait  que 
grandir  aux  soirées  suivantes.  (Pour  la  première  représentation, 
voir  notre  compte  rendu).  —  M.  de  Saint-Georges  a  lu  aux  ar- 
tistes le  livret  de  Maître  Claude  ,  opéra-comique  en  un  acte  , 
dont  les  études  vont  commencer  immédiatement.  La  musique 
en  est  confiée  à  M.  Jules  Cohen,  qui  dirige  la  classe  d'ensemble 
au  Conservatoire,  et  s'est  déjà  fait  connaître  au  théâtre  par  ses 
beaux  chœurs  ÏÏAlhalie  exécutés  au  Théâtre-Français,  et  par 
diverses  cantates  très-remarquées  à  l'Opéra  et  à  I'Opéra-Co- 
mique. —  Les  interprètes  de  Maître  Claude  seront  :  M"e  Ma- 
rimon,  Mlle  Angèle  Cordier,  MM.  Berthelier,  Troy  et  Gourdin, 
premier  prix  d'opéra-comique  au  Conservatoire,  qui  fera  ses 
débuts  dans  cet  ouvrage. 

Le  Théâtre-Lyrique  a  changé  le  titre  provisoire  de  l'opéra 
de  M.  Clapisson,  en  celui  définitif  de  Madame  Grégoire.  La 
première  représentation  s'en  est  effectuée  avant-hier  vendredi 
(voir  notre  article).  Il  est  maintenant  question  d'un  certain 
nombre  de  représentations  de  Mme  Miolan-Carvalho  avant  son 
départ  pour  Londres,  ce  qui  n'empêcherait  pas  la  reprise  de 
Gil  Blas  par  M11»  Girard-. 


Le  Théatre-Fra.nçais  va  reprendre  le  Bourgeois  gentil- 
homme avec  des  intermèdes  de  chant,  que  M.  Pasdeloup  fait 
répéter  en  ce  moment  aux  élèves  du  Conservatoire.  Dimanche, 
on  a  repris  M.  de  Pourceaugnac  avec  moins  d'éclat,  c'est-à-dire 
moins  le  ballet  mêlé  de  danse  et  de  chant.  La  double  verve 
d'Augustino  Brohan  et  de  Got,  dans  le  personnage  principal, 
tient  lieu  de  tout  et  suffit  au  succès.  Les  autres  interprètes  sont 
Monrose,  Maubant,  Garraud,  E.  Provost,  Jouanni,  Coquelin 
et  Mmc  Bon  val. 

S.  M.  l'Empereur  a  honoré  de  sa  présence  la  34e  représen- 
tation des  Femmes  fortes,  au  Vaudeville.  On  remarque  de 
l'élévation  dans  les  recettes  de  cette  spirituelle  satire  des  mœurs 
américaines,  depuis  le  discours  du  R.  P.  Lacordaire  à  l'Aca- 
démie. —  Hier  samedi,  le  Vaudeville  a  représenté  sa  pièce  de 
carnaval  signée  Albert  Monnier  et  Edouard  Martin. 

La  pièce  carnavalesque  du  Palais-Royal  ,  ta  Mariée  de 
Mardi-Gras,  do  MM.  Grange  et  Lambert  Thiboust,  a  tenu  ses 
promesses.  Grand  succès  pour  Brasseur,  Hyacinthe,  Gil  Pérès 
et  MUe  Schneider,  qui  chante  le  couplet  à  la  façon  de  Déjazet. 

Aux  Variétés,  une  jeune  comédienne,  Mlle  Marie  Basta  , 
vient  d'être  engagée  par  M.  Hip.  Cogniard,  à  la  suite  d'un  bril- 
lant début  dans  la  revue  de  l'année.  M"e  Basta  est  venue  rem- 
placer, au  pied  levé,  M"e  Judith- Ferreyra,  indisposée,  et  elle 
s'est  tirée  de  cette  tâche  avec  un  rare  bonheur,  en  chantant 
les  jolis  couplets  de  son  rôle  avec  une  voix  fraîche,  beaucoup 
de  goût  et  pas  mal  d'esprit. 

Signalons,  pour  clore  cette  semaine  théâtrale,  la  nouveauté 
de  la  Gaîté  :  Us  Trente-deux  duels  de  Jean  Gigon,  dont  le 
sujet  a  été  emprunté  ,  par  Ferdinand  Dugué,  à  l'ouvrage  de 
M.  Antoine  Gaudon.  C'est  tout  une  pièce  militaire,  qui  reve- 
nait de  droit  au  théâtre  impérial  du  Cirque. 

J.-L.  Heugel. 


86 


LE  MÉNESTREL. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Le  lendemain  du  grand  succès  de  la  Circussienne,  dimanche  dernier, 
M.  Auber  a  fait  exécuter  pour  la  seconde  fois,  à  la  chapelle  de  S.  M.  l'Em- 
pereur, son  0  Salutaris,  morceau  de  musique  sacrée,  dans  lequel  on  re- 
trouve tout  le  charme  et  toute  l'élévation  de  style  que  nous  avions  admirés 
la  veille  dans  sa  musique  profane.  Le  talent  du  jeune  violoniste  Sara- 
sate  se  révèle  sons  un  nouveau  jour  dans  l'interprétation  de  cette  œuvre  : 
justesse  et  pureté  de  son,  égalité  et  fini  des  trilles,  largeur  de  style, 
font  apprécier  tout  le  mérite  de  cette  page,  où  la  voix  se  marie  de  la  ma- 
nière la  plus  heureuse  au  violon,  et  donne  à  M"e  Pannetrat  l'occasion  de 
produire  toute  la  sûreté  de  sa  vocalisation.  Un  délicieux  accompagnement 
d'orgue  et  de  harpe  complète  cet  heureux  ensemble. 

—  Mario  et  Mme  Grisi  ont  contracté  un  nouvel  engagement  avec  Lon- 
dres pour  la  prochaine  saison,  mais,  cette  fois,  dit-on,  pour  le  théâtre 
de  Sa  Majesté. 

—  On  annonce  l'engagement  de  Mlle  Emma  Livry  par  M.  Gye  pour  la 
prochaine  saison  de  Londres.  Le  Papillon  servirait  d'illustration  à  la 
sylphide  parisienne  sur  la  scène  de  Covent-Garden. 

—  Mme  Cabel,  avant  de  se  rendre  à  Saint-Pétersbourg,  s'est  fait  enten- 
dre au  théâtre  royal  de  Berlin,  qui  nous  a  rendu  Mlle  Brunetti  par  le  même 
courrier.  On  nous  annonce  aussi  le  retour  de  M110  Trebelli,  mais  seule- 
ment pour  le  mois  prochain.  M.  Calzado  aurait  engagé  cette  nouvelle 
étoile. 

—  Nous  lisons  dans  une  correspondance  de  Stuttgart  :  «  Enfin  la  voilà 
terminée,  notre  salle  de  concert  du  Palais-Royal,  ce  magnifique  bâtiment 
que  le  roi  a  fait  construire  par  notre  célèbre  architecte  Leins,  à  qui  la 
ville  doit  déjà  tant  de  belles  choses,  entre  autres  la  villa  du  prince  royal, 
véritable  chef-d'œuvre  unanimement  reconnu  comme  tel  par  tout  le 
monde.  Hier,  on  y  a  donné  le  premier  concert  d'abonnement,  auquel  le  roi 
et  toute  la  cour  ont  assisté.  Chacun  a  été  frappé  de  la  beauté  architectu- 
rale, de  la  pureté  de  style  des  décorations  et  de  la  magnificence  de  l'éclai- 
rage ;  mais  on  était  curieux  de  voir  si  le  but  réel  avait  été  atteint  sous  le 
rapport  de  l'acoustique.  On  craignait  que  la  grandeur  de  la  salle,  et  sur- 
tout la  manière  dont  l'orchestre  aété  disposé,  ne  nuisissent  à  l'effet. Tout  au 
contraire,  l'effet  a  été  immense,  merveilleux  même  dans  un  morceau  à 
huit  voix,  avec  accompagnement  d'orchestre.  » 

—  A  la  Seala  de  Milan  on  répète  en  ce  moment  un  nouvel  opéra  du 
maestro  Péri.  Cette  partition,  intitulée  :  l'Espiazone,  sera  interprétée  par 
Mme  Borghi-Mamo,  MM.  Tiberini  et  Beneventano. 

—  Le  Conservatoire  de  Bruxelles  vient  d'inaugurer  la  Salle  du  Palais  de 
la  rue  Ducale  par  un  grand  concert  et  par  la  distribution  des  prix  aux  lau- 
réats de  1860. 

—  Franz  Listz  est  à  Paris. 

•  —  MmeMiolanCarvalho,  de  retour  de  Bordeaux,  n'a  fait  que  poser  la  voix 
à  Paris.  D'autres  triomphes  l'attendent  dans  nos  villes  départementales, 
qui  se  disputent  l'honneur  de  sa  présence. 

—  Encore  un  accident  causé  par  les  lumières  de  la  rampe  de  nos 
théâtres.  Dans  une  représentation  du  Caïd,  à  Caen,  la  robe  de  Mme  Ugalde 
a  pris  feu.  On  est  heureusement  parvenu  à  l'éteindre  à  temps  ;  mais  de 
pareils  faits  devraient  amener  des  prescriptions  sévères.  Il  est  un  moyen 
bien  simple  d'isoler  les  rampes  de  théâtres  ;  pourquoi  ne  l'imposerait-on 
pas  d'une  manière  absolue  dans  les  départements  comme  à  Paris? 

—  Les  journaux  de  Nantes  et  Angers  félicitent  la  Société  des  Beaux- 
Arts  et  le  Cercle  philharmonique  de  leur  avoir  donné  l'occasion  d'ap- 
plaudir Mlle  Marie  Mira,  M.  Sainte-Foy  et  M.  Biéval,  dans  les  deux  jolies 
opérettes  de  MM.  J.-B.  Wekerlin  et  Paul  Bernard  :  l'Amour  à  l'épée  et 
Loin  du  bruit,  paroles  de  M.  Galoppe  d'Onquaire.  C'est  une  variété  de 
genre  qui  a  bien  son  charme  pour  nos  sociétés  philharmoniques. 

—  M.  et  Mme  Tagliafico,  engagés  pour  deux  concerts  à  Besançon,  en 
compagnie  du  pianiste  Browner,  sont  de  retour  à  Paris.  Ces  trois  artistes, 
dit  la  Franche-Comté,  ont  obtenu  les  plus  chaleureux  bravos. 

—  M1'8  François  a  été  appelée  à  Troyes,  en  compagnie  de  Félix  Gode- 
froid,  avec  qui  elle  a  eu  les  honneurs  de  partager  les  applaudissements. 
Le  public  a  pu  juger  des  progrès  réalisés  par  cette  remarquable  élève  de 
Piermarini,  qui  devient  tout  une  bonne  fortune  pour  nos  sociétés  phil- 
harmoniques. 


—  Les  concerts  ont  devancé  le  carême,  et  déjà  il  devient  difficile  d'en 
rendre  compte.  Nous  faisons  amende  honorable  pour  tous  les  programmes 
oubliés,  en  nous  excusant  sur  le  peu  de  place  laissé  à  notre  disposition 
par  les  premières  représentations.  Mlle  Marie  Darjou  la  première  nous 
pardonnera  de  ne  pouvoir  enregistrer  que  sommairement  sa  belle  séance 
salle  Herz.  Mcndelssotin,  Chopin  et  Prudent  ont  trouvé  en  elle  une  vail- 
lante interprète,  tout  comme  Beethoven  dans  M.  Reiehardt ,  un  chanteur 
qui  comprend  l'élévation  de  style  d' Adélaïde. 

—  M.  Nollet  nous  pardonnera  aussi  de  ne  pouvoir  nous  étendre  sur 
l'audition  de  ses  études  de  style,  salon  Érard.  Nous  nous  bornerons,  avec 
notre  confrère  du  Messager  des  Théâtres,  à  souhaiter  à  ses  études  de  plaire 
autant  sous  les  doigts  des  élèves  que  sous  ceux  de  l'auteur,  qui  les  a  dites 
avec  un  grand  charme  et  une  parfaite  entente  de  l'instrument.  Réussir  à 
intéresser  le  public  avec  un  ouvrage  d'enseignement  est  un  résultat  peu 
commun  de  nos  jours,  et  qui  fait  le  plus  grand  honneur  à  M.  Nollet. 

—  Le  second  concert  de  la  Société  philharmonique  d'Amiens  a  eu  lieu 
mercredi  dernier,  dans  la  salle  de  spectacle,  avec  le  concours  de  M1,e  Ba- 
retti,  première  chanteuse  au  Théâtre-Lyrique  ;  de  MM.  Hollebèke,  pre- 
mier trombone  au  Casino  ;  Printz,  premier  saxophone  à  l'Opéra,  et  Gar- 
nier,  violoniste.  Indépendamment  des  morceaux  chantés  ou  exécutés  par 
ces  artistes  distingués,  l'orchestre  de  la  Société  a  fait  entendre  la  Polo- 
naise de  Struensée,  de  Meyerbeer,  et  l'ouverture  de  la  Gazza-Ladra,  de 
Rossini.  Le  concert  de  bienfaisance,  donné  quelques  jours  avant  par  le 
57e  de  ligne,  a  produit  net  1,699  fr.  05  c,  qui  ont  été  répartis  entre  les 
divers  établissements  hospitaliers  de  notre  ville.  On  le  voit,  les  concerts 
ont  parfois  du  bon. 

—  Nous  empruntons  à  Y  Observateur  d'Avesnes  cet  extrait  de  tout  un 
feuilleton  spécial  :  «  La  ville  de  Landrecies  conservera  longtemps  le  sou- 
venir de  la  solennité  qui  s'est  accomplie  mardi  dernier  dans  son  église, 
à  l'occasion  de  l'inauguration  de  son  nouvel  orgue.  Ce  bel  instru- 
ment, destiné  à  animer ,  pendant  de  longues  années  sans  doute,  les 
voûtes  de  l'église  dans  laquelle  il  vient  de  faire  son  apparition,  offre  un 
aspect  monumental,  du  caractère  architectural  le  plus  imposant...  Sous  les 
doigts  de  M.  Ed.  Batiste,  organiste  de  Saint-Eustache,  le  clavier  s'est  bien- 
tôt animé  ;  une  ardente  prière  porte  au  delà  des  airs  avec  la  cloche  d'ai- 
rain, vers  l'empirée  de  Dieu,  cet  hosanna  sans  fin,  le  Sursum  Corda,  qui 
de  tous  les  temples  chrétiens  s'élève  incessamment  de  la  terre  au  ciel...  I 

«  MM.  Comtesse,  Monchicourt,  Damasse,  ont  ensuite  rivalisé  de  zèle 
et  déployé  chacun  les  ressources  de  leurs  voix  flexibles. 

«  La  musique  de  la  ville  a  exécuté,  sous  la  direction  de  son  chef, 
M.  Péchies,  plusieurs  morceaux. 

«  Il  était  midi  et  demi  lorsque  M.  Batiste  a  terminé  cette  fête  de  l'inau- 
guration de  l'orgue  par  la  marche-symphonie  de.  Mendelsshon.  A  la  der- 
nière note  qui  résonne,  l'assistance  se  lève  et  quitte  l'église  vivement 
impressionnée.  » 

—  M.  Missler,  compositeur  et  professeur  de  musique,  vient  de  recevoir 
de  son  souverain,  S.  A.  R.  le  grand  duc  de  Saxe,  la  décoration  du  Mérite. 

—  Neuville,  l'artiste  amateur  par  excellence,  qu'on  a  longtemps  applaudi 
aux  Variétés  et  au  Vaudeville,  est  revenu  de  Russie,  où  il  était  allé  faire 
sa  petite  moisson  de  roubles  et  de  bravos. 

—  Mme  Stéphanie  Fraissinet,  auteurde  plusieurs  recueils  de  poésies,  et 
que  nous  avons  vue,  il  y  a  quelques  années,  soutenir  des  luttes  d'improvi- 
sation avec  Eugène  de  Pradel,  vient  de  mourir  dans  un  âge  peu  avancé. 

—  Un  des  biographes  de  Gluck,  Antoine  Schmid,  avait  dit  que  la  parti- 
lion  de  l'opéra  Erio  était  perdue.  D'après  le  nouveau  biographe  du  célèbre 
compositeur,  Chrysander,  cette  partition  se  trouverait  complète  à  la  biblio- 
thèque du  British  Muséum,  à  Londres. 

—  M.  Lapret,  l'habile  violoniste,  a  donné  un  intéressant  concert,  dont 
il  a  fait  dignement  les  honneurs.  Près  de  lui  se  sont  fait  particulièrement 
distinguer  notre  gracieux  pianiste  Kruger,  Mlle  Cornet,  cantatrice  alle- 
mande, et  le  baryton  Marochetti. 

—  Au  nombre  des  jolis  morceaux  inspirés  à  nos  pianistes-compositeurs 
par  la  magistrale  partition  de  Sémiramis,  nous  mentionnerons  la  belle 
marche  transcrite  pour  piano  à  quatre  mains  par  M.  S.  Ponce  de  Léon.  Ce 
morceau,  court  et  simple,  s'adresse  aux  jeunes  pianistes  de  moyenne 
force. 

—  C'est  l'éditeur  Colombier  qui  est  resté  l'acquéreur  définitif  de  la 
Circassienne,  de  MM.  Auber  et  Scribe,  moyennant  le  prix  de  quinze  mille 
francs.  Il  y  avait  surenchère. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


87 


SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  Malgré  le  brouillard  de  dimanche  dernier,  qui  retenait  en  cage  les 
gosiers  délicats  de  Mme3  Miolan-Carvalho  et  Duprez-Vandenheuvel,  le 
programme  de  la  soirée  musicale  de  M.  et  Mrac  Crémieux  s'est  encore 
trouvé  splendide.  Mme  Viardot-Garcia  n'a  pas  craint  d'affronter  la  brunie, 
grâce  au  talisman  d'Orphée.  Elle  a  dit  aussi,  avec  Gardoni,  le  duetto  du 
Trovatore,  et,  seule,  ses  incomparables  chansons  espagnoles.  Gardoni  a 
chanté  une  romance  d'Alary  et  la  valse  de  Rigoletto.  Dnprez,  son  fils  et 
le  ténor  Lefrane,  ont  dit  la  fameuse  scène  des  Trois  ténors ,  et  le  fils 
Duprez  un  air  du  Mariage  secret.  M.  Perelli  tenait  le  piano  solo ,  et 
M.  Amédée  Vandenheuvel  le  piano  d'accompagnement.  On  le  voit,  nous 
avions  raison  de  le  dire,  c'était  encore  un  splendide  programme. 

—  La  troisième  soirée  de  M.  Félix  Godefroid,  dimanche  dernier,  a  été 
digne  des  précédentes.  M11»  Joséphine  Martin  a  fait  applaudir  plusieurs 
compositions  de  piano  du  célèbre  harpiste,  qui  s'est  ensuite  fait  entendre 
en  personne.  Dans  la  partie  vocale  on  a  remarqué  la  romance  de  Marta, 
chantée  par  M.  Dufrène  de  l'Opéra,  et  le  Plaisir  d'amour,  de  Martini, 
interprété  avec  autant  d'âme  que  de  style  par  Mme  Iweins-d'Hennin. 
Godefroid  accompagnait  de  sa  harpe  :  on  a  bissé.  Mme  Iweins,  qui  a 
aussi  chanté  d'une  manière  charmante  le  Nid  abandonné,  de  Nadaud , 
s'est  encore  fait  applaudir ,  comme  professeur  :  son  élève,  Mlle  Valen- 
tine  Breus ,  a  dit  très-agréablement  l'air  des  Mousquetaires  et  l'Ange 
exilé,  de  Félix  Godefroid. 

—  M.  et  Mmc  Charles  Sebault  ont  inauguré  leurs  salons  par  un  proverbe 
et  un  opéra-comique  de  Mme  Sebault  (Pauline  Thys),  sous  les  titres  déjà 
réputés  :  la  Perruque  du  bailli  et  Quand  Dieu  est  dans  le  mariage,  Dieu 
le  garde.  Mrae  Gaveaux-Sabatier  et  M.  Lourdel  chantaient  l'opéra,  M.  et 
MmeLyon  le  proverbe.  Les  entr'actes  étaient  défrayés  par  Mme  Pauline 
Thys,  qui  a  fait  entendre  ses  charmantes  fables  de  La  Fontaine,  la  France 
et  Tes  vingt  ans.  M.  Jules  Leforta  été  bissé  dans  la  Sirène,  autre  compo- 
sition de  la  spirituelle  et  aimable  maîtresse  de  maison,  qui  a  fait,  sous 
tous  les  rapports,  les  honneurs  de  sa  soirée  avec  une  grâce  parfaite.  Il  y 
avait  brillante  assemblée,  et  les  bravos,  les  bis,  n'ont  cessé  de  se  multi- 
plier du  premier  au  dernier  morceau. 

—  Les  bals  costumés  du  monde  ont  fait  diversion  aux  soirées  musicales 
de  la  semaine.  On  n'en  citait  pas  moins  de  trois,  qui  ont  révolutionné 
Paris  sur  toute  la  ligne.  Les  salons  de  Mme  Benazet,  ceux  de  M.  et 
Mme  Peigné  et  des  libraires  Goupil  en  étaient  les  théâtres  animés. 

—  Les  symphonies  en  fa  de  Beethoven,  trois  fragments  des  Saisons, 
de  J.  Haydn  ;  l'ouverture  du  Vampire,  deMarchner,  et  celle  de  la  Muette, 
d'Auber,  —  les  contrastes,  —  la  scène  des  fiançailles  de  Lohengrin,  de 
Richard  Wagner,  tels  étaient  les  éléments  substantiels  du  second  concert 
de  la  Société  des  jeunes  artistes.  Il  y  en  a  eu  pour  tous  les  appétits; 
et  la  séance  a  été  des  plus  chaudes.  L'archet  de  M.  Bazzini ,  comme 
violoniste ,  ne  pouvait  contribuer  à  refroidir  le  public  ;  aussi  peut-on 
affirmer  que  M.  Pasdeloup,  cette  fois ,  a  triomphé  sur  toute  la  ligne. 
Dimanche  prochain,  troisième  concert. 

—  La  deuxième  séance  de  musique  instrumentale,  donnée  à  la  salle 
Pleyelpar  MM.Maurin,  Chevillard,  Viguier,  Sabatier  et  Ritter,  a  été  non 
moins  remarquable  que  la  précédente.  M.  Ritter  a  fait  ressortir  toutes  les 
parties  de  la  fugue  de  Beethoven  avec  une  clarté  saisissante.  L'archet  de 
Maurin  s'est  montré  merveilleux  dans  le  quatuor  en  ut  de  Beethoven,  et 
l'allégro  fugué  qui  termine  cette  admirable  composition  a  été  enlevé  par 
les  quatre  instrumentistes  avec  une  netteté  et  une  chaleur  qui  ont  ravi 
l'auditoire. 

—  SI.  Bergson  a  organisé  une  soirée  dans  le  but  de  faire  entendre  au 
public  parisien  M.  Nabich,  qui  possède  un  talent  prodigieux  sur  le  trom- 
bone. Cet  artiste  a  interprété  l'Éloge  des  larmes,  de  Schubert;  l'air  de  la 
Somnambula  et  la  Romance  de  la  «  Bohemian  Girl  »  de  Balfe ,  avec 
une  expression  et  une  grande  suavité.  Il  chante  sur  son  instrument 
comme  la  voix  humaine  seule  pourrait  le  faire,  et  se  joue  des  difficultés 
avec  une  aisance  et  une  maestria  extraordinaires.  Depuis  le  contrebassiste 
Bottesini,  on  n'a  rien  entendu  de  pareil,  et  le  trombone  de  M.  Nabich 
nous  paraît  destiné  à  faire  sensation  dans  les  concerts.  —  La  partie  vocale 
de  cette  soirée  a  été  remplie  par  Mrae  Mancel,  très-agréable  cantatrice,  et 
M.  Lucehesi,  ténor.  Ils  ont  interprété  le  grand  duo  des  Masnadieri,  de 
Verdi,  et  plusieurs  autres  morceaux.  M.  Marochetti  a  en  outre  très-bien 
dit  l'air  de  la  Traviata  et  celui  du  Chasseur  du  Pardon  de  Ploërmel. 
Dans  les  intervalles,  M.  Bergson  a  fait  entendre  ses  dernières  publications 
pour  piano  :  la  Sicilienne,  Consolation  (rêverie),  et  la  Danse  havannaise. 


—  Le  violoncelliste  Ernest  Nalhan,  aux  soirées  qu'il  donne  chez  lui  et 
dans  les  salons  de  M.  Marmonlel ,  vient  de  faire  applaudir  plusieurs  de  ses 
nouvelles  productions,  dont  un  duo  concertant  composé  sur  Marta  en  col- 
laboration du  pianiste  Le  Somma,  nous  parait  destiné  à  un  grand  succès 
de  concert. 

—  La  première  des  trois  séances  de  musique  de  chambre  données  par 
MM.  Georges  Pfeiffer  et  Julien  Sauzay,  avec  le  concours  de  MM.  Fran- 
chomme  et  Mas,  aura  lieu  le  lundi  18  février,  à  huit  heures  du  soir,  sa- 
lons Pleyel,  Wolf  et  compagnie,  rue  Rochechouarl,  22. 

—  J.  Schulhoff  annonce  un  deuxième  concert ,  salle  Pleyel ,  pour  jeudi 
prochain  14  février. 

—  Joseph  Wieniawski  annonce  aussi  un  deuxième  concert,  salle  Pleyel, 
pour  le  jeudi  21  février,  avec  le  concours  de  Mme  Mancel,  de  MM.  Géraldi 
et  Lebouc.  M.  Wieniawski  fera  entendre,  entr'autres  morceaux  de  sa  com- 
position, sa  sonate  en  si  mineur,  une  fugue  de  Hœndel  et  le  nocturne  en 
fa  dièze  majeur  de  Chopin. 

—  Une  curieuse  solennité  musicale  a  lieu  aujourd'hui  dimanche,  à  la 
salle  Herz  :  C'est  le  concours  harmonique  annuel  de  M.  de  Bombes,  dont 
le  programme  annonce  plusieurs  fugues  et  divers  fragments  de  cantates 
et  d'opérettes,  composés  et  orchestrés  par  des  élèves  de  neuf  mois  seule- 
ment de  leçons.  L'exécution  est  confiée  à  des  artistes  de  premier  ordre  ; 
mais  le  programme  ne  dit  pas  si  le  terme  des  neuf  mois  est  obligatoire 
pour  l'éclosion  complète  des  élèves. 

—  Les  bals  de  l'Opéra  arrivent  à  la  fin  de  leur  saison,  avec  une  recru- 
descence de  succès  encore  inconnue.  Aussi  l'orchestre  de  Strauss  sem- 
ble-t-il  improviser  les  quadrilles  sur  les  nouveautés  du  jour.  Comment 
s'expliquer  autrement  l'exécution  du  quadrille  la  Circassienne,  au  bal 
d'hier  samedi  ?  N'en  a-t-il  pas  été  de  même  pour  la  valse  et  le  quadrille 
du  Papillon  ,  les  quadrilles  de  Fortunio  et  de  Barkouf? 

—  M.  Laurent  aîné,  l'un  des  chefs  d'orchestre  du  Jardin  d'Hiver,  a  eu 
l'idée  de  transplanter  à  l'hôtel  du  Louvre  les  délicieux  bals  d'enfants  qui 
se  donnaient  naguère  dans  l'Eldorado  si  regretté  des  Champs-Elysées. 
Demain  lundi-gras,  la  salle  des  fêtes  de  l'hôtel  du  Louvre  s'ouvrira  donc 
aux  familles  et  aux  enfants  parés  et  travestis  qui  ne  peuvent  manquer  de 
se  rendre  à  l'appel  de  M.  Laurent. 

—  Ce  même  lundi-gras,  le  Casino,  —  qui,  lui  aussi,  donne,  le  jour,  un 
bal  d'enfants,  —  annonce  pour  le  soir,  à  minuit,  une  fête  parée  et  tra- 
vestie, par  souscription,  à  laquelle  sont  invités  tous  nos  artistes  de  théâ- 
tres. Arban  conduira  l'orchestre. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


SCÈNES  ET  MÉLODIES  NOUVELLES. 

Lombard.  La  Danse  macabre. 

—  Le  Moka. 

—  Le  vrai  Prêtre. 
Marmontel.  Le  vide  du  cœur. 
Jtlasïiii.  Le  Lever  des  Etoiles. 
Poisot.  Les  Lilas. 

H.  Potier.  Adieu  les  Fées. 

—  Fais-toi  petit. 

—  Comire  ou  le  nouvel  ami  des  Enfants. 
P.  Thys.  Tes  vingt  ans. 

—  Harmonie  du  soir. 

CLÉMENTINE  BATTA. 

Amour  et  Prière.  —  Chant  d'une  Mère.  —  Prière  à  la  Vierge.  — 
La  Valse  de  Marguerite. 

CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADAUD. 

La  Promenade. . — ■  La  Bruyère.  —  La  Ferme  de  Beauvoir.  —  Le  Vent 
qui  pleure.  —  Florimond  l'enjôleur.  —  La  Mère  Françoise. 


NOUVELLE  MUSIQUE  DE  PIANO. 

EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 

LES  HARMONIEUSES 


Prix  :  20  francs. 


CH.-B    LYSBERG 

L'Absence ,  sonate  romanlique 10  >• 

Andante-Idylle 6  » 

Airs  savoisiens  variés 7  50 

LEFÉBURE-WÉLY. 

ARMIDE  de  GIXCK. 

Morceau  de  concert ,  varié "'  50 

Morceau  de  salon ,  varié 0  » 

CH.  DELIOUX 

Une  Fêle  à  Sëvitle ,  boléro 7  50 

Valse  brillante,  2e  édition "  «0 

Deux  Sérénades ,  nos  1  et  2 7  ,i0 


MARMONTEL 

Thème  varié  ,  ancien  style 5  » 

Musette  ,  pastorale 7  50 

Venezia  ,  barcarolle 7  50 

PAUL  BERNARD 

Barcarolle  et  Chanson  de  Fortunio 6  » 

Galop  de  concert 6  » 

Prima  Sera  ,  idylle 4  50 

L    DIÉMER 

Elégie  à  la  mémoire  de  sa  Mère 5  » 

lre  Mazurka  de  salon 5  » 

Polonaise  de  concert 6  » 


ÉCOLE  CHANTANTE  DU   PIANO 


par 


FELIX  GODEFROID 


1er  Livre.  Méthode  de  chant  appliquée  au  piino,  contenant  des  exercices  et  mélodies-types  sur  toutes  les  difficultés  du  chant. 

Texte  et  Musique  :  25  francs. 
*»  LIVRE.  S-  LIVRE 

QUINZE  ÉTUDES  MÉLODIQUES  POUR  LES  PETITES  MAINS.  !  DOUZE  ÉTUDES  CARACTÉRISTIQUES,  DEGRÉ  SUPÉRIi 

TRIX  :   12    FR.  I 


PRIX  :   12    FR. 


J    LEYBACH 

Album  de  salon. 


1.  Mes  solitudes,  4mc  nocturne 

2.  Souvenirs  d'Allemagne ,  3m0  valse. 

3.  Ronde  pastorale,  3me  idylle 

4.  Confidence,  romance  sans  paroles. . 

5.  Fête  aux  Champs,  galop  pastoral. . 

6.  La  Hongroise,  caprice-mazurka. . . 


CH    NEUSTEDT 

Transcriptions  variées  sur  DON  JUAW. 

La  ci  darem  la  mano 

/(  mio  tesoro 

Sérénade  et  Duo 


FERD    DE  CROZE 

-i™  Album  «le  concert. 

1.  Les  Ombres ,  caprice-valse. 


La  Derboula ,  chanson  orientale 5 

3.  Rêvez  toujours ,  cantabile 5 

4.  En  Aérostat ,  rêverie-étude 5 

5.  Ciel  et  Terre  ,  andante 5 

6.  La  Razzia ,  presto 6 

TH    LÉCUREUX 
Nouvelles  transcriptions  variées. 

i.  Fleuve  du  Tage 5 

2.  Mœris ,  de  Mme  G  ail 5 

3.  Valse  des  Pâtres  du  Valais 5 


Œuvres 
concertantes. 


^câ^oê*^ 


LE   JEUNE  PIANISTE  CLASSIQUE  A  QUATRE  MAINS, 


PAR 


JULES  WEISS 


Reproduction 
allemande. 


HAYDN 


7  50 
7  50 


1.  Finale  de  la  symphonie  en  ul 

2.  Finale  delà  4e  svmphonie  en  sol. . . 

3.  Andante  de  la  symphonie  en  sol 7  50 

4.  Finale  de  la  lrc  symphonie  en  sol 7  50 


BEETHOVEN 

5.  Sonate  en  sol  mineur,  op.  49,  n"  1 7  50 

(i.  Sonate  en  sol,  op.  49,  n°  2 7  50 

7.  Allegro  de  la  sonate  en  la,  op.  12,  n"  2. .  7  50 

8.  Allegro  de  la  sonate  en  fa,  op.  17 7  50 


MOZART 

9.  Allegro  de  la  sonate  facile 5 

10.  Andante  de  la  sonate    d°     5 

11.  Finale  de  la  sonate      d°     5 

12.  Marche  turque 5 


753.  —  28e  Année. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  M  Février 

1861. 


T"fcT.5~m 


TREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rne  Vivienne.  —  HEUGEL  et  C>%  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  de  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1"  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  :«  Morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  2  Album* 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


If  S  PIANO. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Journol-Tcxtc,  tous  les  dimanches  ;  ÏO  Morceaux  i 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  Z  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT  F.T  PIANO    IIECNIS  : 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  58  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums  -primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  l"de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  hei'Cei.  et  C'9,  éditeurs  du  Ménestrel  al  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  1069. 


SOMMAIRE.  —  TEXTE. 

I.  L'opéra-comique,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres: 
compositeurs  de  la  Piépublique  et  du  premier  Empire  :  Boieldieu  (255  article). 
L.  Meneau.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.-L.  Heugel.  —  111.  Tablettes  du  pia- 
niste et  du  chanteur  :  J.  Schulhoff,  notice  biographique  ,  deuxième  concert. 
J.-L.  Heugel.  —  IV.  Troisième  conotrtdu  Conservatoire.  Ed.  Viel.  —  V.  Nécro- 
logie. —  VI.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
LA  CHANSON  DU  CHIEN  , 

Chantée  dans  Barkouf,  parMlle  Marimon,  paroles  de  MM.  Scribe  et  Bois- 
seaux, musique  de  J.  Offenbach.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
Adieu  les  Fées,  paroles  d'ARMAND  Liorat,  musique  d'HENRi  Potier. 

PIAiNO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  ,  le  quadrille  de 

FORTUNIO, 

Le  grand  succès  des  Bouffes-Parisiens ,  composé  par  Strauss  pour  les 
bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra.  —  Suivra  immédiatement  après,  Juana, 
polka-mazurka  de  Pu.  Stutz. 


L'OPÊR  A  -COMIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES   PROGRES,  SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


COMPOSITEURS 

DE    LA    RÉPUBLIQUE    ET    DU   PREMIER.   EMPIRE. 
CHAPITRE   VIII. 

XXV. 

BoÏELDIEU. 

Boieldieu  I...  A  ce  nom,  les  vieux  habitués  de  l'orchestre  delà 
salle  Favart,  comme  ceux  de  nos  théâtres  des  quatre-vingt-dix  dé- 
partements, fredonnent  en  souriant  les  refrains  de  bonne  humeur 
de  Jean  de  Paris,  du  Nouveau  seigneur,  de  la  Fête  au  village,  de 
la  Dame  blanche.  Celui-ci  entonne,  en  entrant  dans  la  salle  à  man- 


ger :  Qu'on  me  serve  le  dîner!  Cet  autre,  endossant  son  uniforme 
d'officier  de  la  garde  nationale,  s'écrie  :  Pour  un  jour,  je  serai 
maître. . .  Un  souvenir  de  jeunesse  rappelle  à  celui-là  la  romance  : 
Simple,  innocente  eljolielte;  enfin,  n'entendez-vous  pas  le  sol- 
dat, le  touriste  se  chanter  à  eux-mêmes  :  Ah  !  quelplaisir  d'être 
soldai  1  Quel  plaisir  d'être  en  voyage!  ou  encore  l'un  et  l'autre 
s'endormir  près  du  feu,  le  soufflet  de  George  Brown  à  la  main, 
en  murmurant  :  Viens,  gentille  dame  /... 

Boieldieu,  c'est  le  compositeur  français  dans  toute  l'acception 
du  mot:  on  retrouve  dans  ses  partitions  celte  facilité,  cette  fran- 
chise d'allure,  qui  plaisaient  tant  à  nos  aînés.  Il  sut  modifier  son 
genre  selon  les  exigences  du  moment  ;  aussi  pourrait-on  presque 
dire  que,  comme  Beethoven,  il  eut  ses  trois  styles. 

L'homme  de  talent,  au  début  de  sa  carrière,  a  dans  son  esprit 
le  germe  de  sa  troisième  manière,  c'est-à-dire  de  la  forme  la 
plus  parfaite  de  son  génie  :  au  début,  il  suit  les  errements  du 
maîlre  qu'il  a  pris  pour  type  ;  il  le  copie  en  y  mêlant  timide- 
ment quelques-unes  de  ses  inspirations  personnelles.  Dans  son 
second  style,  le  génie  se  recueille  en  lui-même,  c'est  l'époque  où 
il  produit  le  moins;  il  cherche  sa  voie  :  ce  qu'il  écrit  est  déjà 
plus  ferme,  plus  en  dehors  des  sentiers  battus;  —  il  n'est  pas  en- 
core cependant  complètement  dégagé  de  ses  entraves,  mais  on 
pressent  ce  qu'il  deviendra.  C'est  ainsi  que  la  rentrée  du  cor  en 
mi  bémol  dans  l'allégro  de  la  sj'mphonie  héroïque  :  mi,  sol,  mi, 
si,  mi,  sol,  si. ..  sur  le  trémolo  si,  la  des  violons,  fait  pressen- 
tir les  originalités  des  derniers  quatuors  de  Beethoven.  —  Dans 
le  troisième  style,  le  génie  vole  de  ses  propres  ailes  :  le  papillon 
s'est  débarrassé  de  sa  chrysalide  ;  il  a  des  couleurs  qui  lui  sont 
particulières,  il  plane  au-dessus  de  ses  rivaux  et  la  foule  l'ad- 
mire, —  mais  non  sans  le  discuter  parfois.  Cette  dernière  re- 
marque ne  saurait  en  aucune  façon  s'attacher  à  Boieldieu,  qui  fut 
le  musicien  de  son  époque  le  mieux  compris  et  le  plus  admiré  de 
ses  contemporains. 


90 


LE  MÉNESTREL 


On  dit  que  les  peuples  heureux  n'ont  point  d'histoire  ;  cette 
maxime  peut  s'appliquer  à  la  biographie  de  l'auteur  de  la  Dame 
blanche . 

François-Adrien  Boïeldieu  naquit  dans  la  patrie  de  Cor- 
neille, à  Rouen,  le  15  décembre  1775. 

Il  prit  des  leçons  d'harmonie  d'un  organiste  de  cette  ville, 
qui,  à  ce  que  raconte  Ad.  Adam,  avait  encore  plus  de  goût 
pour  la  dive  bouteille  que  pour  la  musique.  La  première  œuvre 
importante  de  Boïeldieu  fut  un  opéra-comique  joué  à  Rouen. 
Le  jeune  auteur,  fier  de  l'encouragement  de  ses  compatriotes, 
se  rendit  à  Paris,  comptant  y  faire  exécuter  ses  compositions  ; 
mais  les  Parisiens  ne  tiennent  que  très-peu  compte  des  applau- 
dissements de  la  province.  Il  trouva  donc  les  portes  des  théâtres 
de  musique  fermées  pour  lui,  et,  afin  de  subvenir  à  son  exis- 
tence, il  dut  se  faire  accordeur  de  pianos,  ce  qui  lui  procura 
l'entrée  de  la  maison  Érard.  Il  s'y  fit  connaître  comme  com- 
positeur de  romances,  et  lia  connaissance  avec  Méhul  et  Chéru- 
bini,  dont  il  reçut  d'excellents  conseils.  11  parvint  ainsi  à  inspi- 
rer assez  de  confiance  pour  obtenir  de  Fiévée  la  Dot  deSuzetle, 
un  acte  qui  fut  représenté  avec  succès  au  Théâtre-Feydeau  en 
1795.  A  ce  premier  essai  succédèrent  :  la  Famille  Suisse,  1796: 
Monbreuil  et  Merville,  1797;  V Heureuse  nouvelle,  pièce  de 
circonstance,  composée  après  le  traité  de  Campo-Formio.  A  cette 
même  époque,  la  représentation  d'un  opéra  de  Méhul  ayant  subi 
du  retard,  le  Théâtre-Feydeau  consentit,  pour  faire  attendre  le 
public,  à  monter  Zoraïme  et  Zulnar,  partition  queBoïeldieu  avait 
écrite  peu  de  temps  après  son  arrivée  à  Paris  et  qu'on  n'avait 
point  encore  voulu  jouer.  Les  mélodies  agréables,  semées  à  pleines 
mains  par  le  jeune  compositeur  dans  les  trois  actes  de  ce 
drame,  plurent  aux  auditeurs,  qui  n'étaient  peut-être  point 
fâchés  de  se  reposer  des  œuvres  sérieuses  que  donnaient  alors 
Méhul-,  Chérubini  et  Berton. 

En  1798,  il  fit  jouer  les  Méprises  espagnoles;  en  1800. 
Beniowski,  qui  marqua  un  progrès  sérieux  chez  l'auteur.  11  y 
avait,  dans  cet  opéra,  des  chœurs  traités  de  main  de  maitre;  on 
applaudit  aussi  un  air  plein  de  sentiment  : 

De  l'amitié  daigne  entendre  la  voix. 
La  pièce,  cependant,  n'eut  pas,  dans  les  premiers  temps,  l'a 
réussite  qu'elle  obtint  lorsqu'on  la  reprit  une  vingtaine  d'années 
plus  tard.  Boïeldieu  donna  en  1800  le  Calife  de  Bagdad,  un 
acte  reçu  avec  enthousiasme,  dont  l'ouverture  est  restée  célèbre. 
11  avait  écrit  cette  pièce  au  milieu  de  ses  élèves  de  piano  au 
Conservatoire,  soumettant  à  leur  critique  ce  qu'il  composait 
sous  leurs  yeux. 

Le  succès  du  Calife  ne  l'aveugla  pas  ;  il  sentit  au  contraire 
qu'il  pouvait  faire  mieux  et  songea  à  soigner  davantage  son 
orchestration,  ce  à  quoi  il  parvint,  grâce  aux  conseils  de  Chéru- 
bini. Le  fruit  de  ses  études  fut  la  transformation  de  son  style  et 
l'inauguration  de  sa  seconde  manière  par  Ma  Tante  Aurore, 
charmant  opéra,  d'abord  en  trois  actes,  qui  ne  réussit  point  du 
premier  coup  ;  le  libretto  de  Longcbamps  nuisit  à  la  pièce;  le 
dernier  acte  surtout  était  d'une  platitude  peu  commune;  les 
auteurs  le  retranchèrent,  et  la  pièce  y  gagna  beaucoup. 

On  venait' applaudir  plusieurs  jolis  morceaux  :  un  quatuor 
bien  mieux  traité  que  ce  que  l'auteur  avait  fait  jusqu'alors,  le  joli 
duo  bouffe  que  chantaient  Julliet  et  Mmc  Gonlhier  :  Quoi  !  vous 
avez  connu  V amour!...  Et  les  couplets  :  Non,  ma  nièce,  vous 
n'aimez  pas.  ■ . . 


En  avril  1803,  Boïeldieu  se  rendit  en  Russie,  où  il  obtint  de 
l'Empereur  le  titre  de  maître  de  chapelle.  Il  était  convenu  qu'il 
composerait,  pour  les  théâtres  impériaux  de  Saint-Pétersbourg, 
trois  opéras-comiques  par  an;  leczar  devait  lui  fournir  leslibretti: 
mais,  comme  cet'.e  clause  était  difficile  à  remplir,  Boïeldieu  mit 
en  musique  des  vaudevilles  français,  qu'il  arrangeait  en  opéras- 
comiques;  parfois  même  il  écrivit  de  la  nouvelle  musique  sur 
des  opéras  qui  avaient  déjà  paru  en  France,  tels  que  :  Aline, 
reine  de  Golconde  ,  Télémaque  dans  Vile  de  Calypso,  elc. 

Après  une  absence  de  huit  années,  Boïeldieu  revint  à  Paris 
et  chercha  à  faire  représenter  ses  pièces  russes  :  la  seule  qui 
réussit  fut  celle  des  Voilures  versées  ,  paroles  de  Dupaty,  — 
complètement  retouchée  pour  le  public  parisien.  On  connaît 
l'air  devenu  classique  :  Apollon  toujours  préside.  ...  ;  le  duo  : 
Partons  pour  ce  charmant  voyage. . .;  les  variations  sur  :  Au 
clair  de  la  lune  (  0  liclo  momenlo  ) .'  et  le  remarquable  sex- 
tuor :  Les  belles  clioses  que  voilà! . .  . 

A  son  retour  de  Russie,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  Boïeldieu 
trouva  Nicolo  en  possession  de  la  faveur  du  public  de  Feydeau, 
et  vint  la  lui  ravir  par  des  partitions  telles  que  le  Nouveau  Sei- 
gneur, la  Fête  au  village  voisin,  qui  furent  le  commencement  de 
sa  troisième  manière,  dont  la  Dame  Blanche  est  la  plus  complète 
expression . 

Il  fut  secondé  par  les  étoiles  du  Théâtre-Feydeau  :  Martin, 
Elleviou,  Julliet,  Mrae  Gavaudan,  M"e  Regnault,  la  rivale  de 
Mme  Duret,  qui  créait  plus  particulièrement  les  opéras  de  Nicolo. 

Jean  de  Paris,  qu'il  avait  écrit  depuis  son  retour  en  France, 
fut  représenté  pour  la  première  fois  le  4  avril  1812.  Parmi  les 
bons  morceaux  de  la  partition,  on  doit  citer  l'air  chanlé  par 
Mlle  Regnault  :  Quel  plaisir  d'être  en  voyage  ! . .  .  que  Boïel- 
dieu avait,  tiré  de  Calypso,  une  de  ses  partitions  russes;  l'air  de 
Martin  :  Qu'à  mes  ordres  ici. ...  et  le  duo  :  L'époux  que  je 
choisis  est  jeune. 

En  1813  parut  le  Nouveau  Seigneur  de  village,  un  acte  que 
tout  le  monde  connaît  et  qui  se  joue  bien  souvent  de  nos  jours. 
Ce  fut  encore  un  triomphe  pour  Martin.  On  sait  combien  tous 
les  motifs  de  cette  petite  partition  brillent  par  la  facilité  et  la 
grâce  des  mélodies. 

Boïeldieu,  après  plusieurs  autres  collaborations,  fit  représenler 
la  Fête  au  village  voisin,  dont  la  musique  eut  tous  les  hon- 
neurs. Ou  entendit  avec  plaisir  dans  le  premier  acte  le  boléro  : 
Profitez  de  la  vie. . .  ;  le  rondo  :  La  gaîlé  sied  à  notre  âge; 
le  trio  final  :  Justine,  Perrette,  qu'entends- je!  Dans  le  second 
acte,  le  quintette  :  Ne  craignez  rien,  laissez-moi  faire;  dans 
le  troisième  acte,  la  romance  de  Martin  :  Simple,  innocente  et 
joliette.  . . ,  précédée  d'une  ritournelle  d'alto  des  plus  gracieuses 
et  le  charmant  duo  :  Attraits  divins,  simple  parure.  . . . 

Boïeldieu  venait  d'être  nommé  membre  de  l'Institut  à  la  place 
de  Méhul,  lorsqu'il  donna  le  Petit  Chaperon  rouge  (30  juin 
1818),  charmant  ouvrage  qui  inaugure  en  quelque  sorte  sa 
troisième  manière.  Son  style,  dans  cette  partition,  est  plus  large 
que  dans  ses  œuvres  précédentes  (1). 

(1]  On  raconte,  à  propos  du  Petit  Chaperon  rouge,  que  la  romance 
devenue  célèbre  :  Le  noble  éclat  du  diadème  ,  fut  éeiïle  en  secret  et  à 
contre  cœur  par  Boïeldieu ,  pour  Ponchard,  à  titre  d'obligeance  et  afin  de 
répondre  aux  justes  réclamations  du  ténor,  qui  se  plaignait  d'avoir  un 
rôle  sacrifié.  —  Ce  morceau  ne  fut  chanté  qu'à  la  dernière  répétition 
générale,  il  eut  un  tel  succès,  que  Boïeldieu  en  remercia  chaleureuse- 
ment Ponchard,  et  lui  dit  avec  effusion  :  «  Maintenant  je  tiens  essentiel- 
lement à  celte  lomance,  qui  vous  appartient  autant  qu'à  moi.  » 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


9J 


Après  cet  opéra,  qui  lui  avait  coûté  plus  de  peine  que  ceux 
qui  l'avaient  précédé,  il  se  retira  à  la  campagne,  dans  sa  pro- 
priété de  Villeneuve-Saint-Georges  :  là,  ses  élèves  de  haute  com- 
position venaient  recevoir  des  leçons  qu'il  donnait  sous  forme 
d'une  causerie  attachante. 

Léon  Meneau. 

{La  suite  à  un  prochain  numéro.) 


SEMAINE  THEATRALE. 


Les  projets  de  concours  pour  la  nouvelle  salle  de  l'Opéra  ont 
émotionné,  non-seulement  la  presse,  les  artistes,  mais  le  public 
en  général.  Une  nouvelle  exposition  publique  de  ces  projets  serait 
transportée  dans  le  centre  de  Paris,  que  la  foule  s'y  porterait, 
dût-il  en  coûter  un  prix  d'entrée  assez  élevé.  C'est  une  idée  que 
nous  soumettons  à  M.  le  baron  Taylor,  en  vue  de  ses  associa- 
tions de  bienfaisance.  L'hiver  a  été  rigoureux,  les  ressources 
ne  sauraient  trop  se  multiplier.  On  a  beaucoup  dit  et  écrit  sur 
la  construction  de  la  nouvelle  salle  de  l'Opéra;  mais,  en  défi- 
nitive, sans  signaler,  ni,  du  reste,  avoir  rencontré  rien  de  bien 
neuf.  On  a  généralement  regretté  que  M.  Davioud,  chargé  des 
nouveaux  théâtres  Lyrique  et  du  Cirque,  n'ait  point  soumis  de 
projet  ;  seul  peut-être,  entre  tous,  il  était  suffisamment  préparé 
pour  mener  à  bonne  fin  une  question  aussi  importante.  Mais 
prenons  patience,  la  commission  d'examen  va  délibérer,  nous 
n'avons  pas  le  dernier  mot. 

Les  répétitions  d'ensemble  du  Tannhauser,  se  poursuivent 
activement  au  théâtre  impérial  de  I'Opéra.  L'œuvre  prend  un 
corps,  et  dès  aujourd'hui  les  intimes  de  la  rue  Lepelletier  peuvent, 
sinon  saisir  tout  le  dessin  musical  de  la  partition,  du  moins  ap- 
précier la  forme  du  libretto  et  les  divers  détails  de  la  mise  en 
scène.  Cette  mise  en  scène  a  été  conçue  avec  ce  scrupuleux  res- 
pect historique  qui  a  ajouté  tant  d'éclat  aux  représentations  de 
Pierre  de  Médicis  et  de  Sémiramis.  Un  rédacteur  de  la  Presse, 
M.  Th.  Grasset,  nous  fournit  à  ce  sujet  quelques  renseignements 
qu'on  ne  lira  pas  sans  intérêt. 

«  Les  costumes  du  Tannhauser  sont  du  treizième  siècle  et  rap- 
pellent ceux  de  Robert  le  Diable.  Cette  pièce  nous  montrera 
quelle  était  l'existence  d'un  prince  souverain  d'Allemagne,  au 
lendemain  des  croisades.  La  chasse  étant  à  la  fois  le  privilège  et 
la  passion  de  tout  haut  et  puissant  seigneur  qui  se  respecte,  le 
margrave  fait  son  entrée,  escorté  de  ses  chevaliers,  de  ses  pages 
et  des  écuyers  caracolant,  suivi  de  piqueurs  qui  conduisent  une 
meute  haletante  et  bruyante.  A  ces  fatigues  succèdent  les 
prouesses  de  l'esprit,  et  le  digne  électeur  dépose  le  fouet  pour 
présider  une  cour  d'amour,  à  laquelle  il  a  convié  sa  noblesse. 

«  Les  décorations  du  Tannhauser  tiennent  tout  ce  que  pro- 
mettent les  noms  des  décorateurs  qui  les  ont  signées. 

«  Le  rideau  se  lève  sur  une  vue  de  la  grotte  de  Vénus,  —  le 
Venusberg.  —  Figurez-vous  un  amoncellement  d'énormes  ro- 
chers aux  formes  bizarres  et  fantastiques,  qui  donne  le  frisson. 
Les  parois  de  cet  entonnoir  surnaturel  sont  en  granit  rouge.  Çà 
et  là  pendent  des  stalactites  raides  comme  des  tuyaux  d'orgue,  aux 
arêtes  brillantes  de  reflets  aurifères.  Ailleurs,  des  cristallisations 
s'épanouissent  comme  des  végétaux  monstrueux  qu'aurait  pétri- 
fiés une  cascade  furieuse  qui  bondit  à  travers  les  anfractuosités 
et  se  précipite  dans  le  vide.  A  gauche,  l'œil  s'égare  dans  les  pro- 


fondeurs infinies  d'autres  souterrains  baignés  d'une  atmosphère 
bleue  comme  celle  de  la  grotte  d'Azur.  Des  voûtes,  tombe  un 
nombre  infini  de  colonnes  naturelles  qui  plongent  dans  une  eau 
claire  où  nagent  des  sirènes.  Au  premier  plan  est  le  trône  de  la 
divinité,  formé  de  conques  de  nacre  étincelant  et  de  fleurs  bril- 
lantes comme  le  diamant,  rouges  comme  le  sang,  fleurs  anony- 
mes dans  toutes  les  botaniques.  M.  Thierry  a  exécuté  celte  page 
magnifique. 

«  Tout  ce  tableau  sera  rempli  de  mirages,  d'apparitions  et  de 
fantasmagorie.  C'est  toute  une  féerie,  mais  une  féerie  comme 
l'Opéra  seul  est  capable  de  la  créer. 

«  Le  théâtre  change.  De  ces  profondeurs  étranges,  le  spectateur 
est,  sans  transition,  transporté  dans  le  frais  paysage  de  la  Wart- 
burg.  Il  y  a  là  un  contraste  très-saisissant,  et  qui  saisira  beau- 
coup, nous  n'en  doutons  pas.  M.  Despléchin  a  peint  ce  suave 
paysage  allemand  avec  un  bonheur  qui  fait  de  ce  décor  un  des 
plus  beaux  que  nous  ayons  vus  à  l'Opéra.  Dans  le  calme  d'une 
belle  matinée  de  printemps,  la  nature  est  parée  d'une  luxuriante 
verdure.  Sur  le  devant  du  théâtre  est  la  madone  de  pierre  dont 
le  chevalier  vient  d'invoquer  le  nom.  La  pelouse,  parsemée  de 
pâquerettes  et  de  fougères,  monte  en  talus  dans  un  bois  de  sa- 
pins aux  troncs  droits  comme  des  mâts  de  navires.  Parmi  les  ar- 
bres est  un  petit  sentier  sinueux,  qui  conduit  à  la  résidence  du 
margrave. 

«  Couronnant  tout  à  fait  les  hauteurs,  vous  voyez  les  donjons 
crénelés  et  les  fenêtres  à  ogives.de  la  Wartburg.  C'est  là  que,  trois 
siècles  plus  tard,  Martin  Luther  doit  traduire  la  Bible.  L'hérésie 
n'était  pas  logée  loin  du  paganisme.  En  effet,  à  l'horizon,  vous 
découvrez  la  silhouette  rose  de  la  montagne  de  Vénus,  de  cette 
demeure  enchantée  dont  vous  venez  de  pénétrer  les  mystères. 

«  Aux  pieds,  bien  bas,  du  manoir,  s'étale  la  paisible  vallée 
encore  baignée  des  transparentes  vapeurs  du  matin,  tandis  que 
le  soleil  illumine  déjà  les  cimes. 

«  Le  second  acte  nous  introduit  dans  la  grande  salle  d'honneur 
du  paiais.  Par  les  larges  arceaux  du  fond,  la  vue  s'étend  sans 
obstacle  sur  l'enceinte  du  bourg  et  sur  la  vallée.  Le  parti  pris 
du  décor  de  MM.  Nolau  et  Rubéest  très-heureusement  nouveau, 
et  produit  un  effet  fort  original.  Le  faîtage,  pris  en  perspective, 
est  supporté  par  un  enchevêtrement  pittoresque  d'ornements 
ciselés  et  sculptés,  rappelant  un  peu  ceux  de  la  chapelle  de  l'ordre 
de  la  Jarretière  à  Westminster,  ou  de  là  chapelle  royale  à 
Windsor.  Des  bannières  brodées  et  armoriées  sont  suspendues 
aux  murailles. 

«  Le  troisième  acte  nous  ramène  dans  la  vallée  de  la  Wartburg, 
déjà  vue  au  premier  acte.  Mais  quel  changement  !  L'automne  est 
arrivé  :  des  nuages  rayent  le  ciel;  les  feuilles  séchées  jonchent 
l'herbe  flétrie;  la  forêt  étend  tristement  ses  branches  déjà  bien 
dépouillées  ;  les  sapins  seuls  ont  conservé  leurs  aiguilles  me- 
nues; mais  de  verts  qu'ils  étaient,  ils  ont  pris  un  aspect  noir  et 
morose.  M.  Despléchin  a  été  naturellement  chargé  de  peindre 
cette  mélancolique  antithèse  de  sa  première  décoration.  » 

On  voit  que  la  direction  a  fait  les  choses  grandement  et  sans 
lésiner  sur  l'élément  romantique  et  pittoresque  du  Tannhauser. 
—  Le  petit  ballet  que  préparent  MM.  Nuitter,  Pelipa  et  Théo- 
dore Labarre,  ballet  qui  doit  accompagner  le  Tannhauser ,  sera 
intitulé  :  Marianna.  Plusieurs  pas  très-originaux  sont  déjà 
réglés.  On  cite,  entre  autres,  le  simulacre  d'une  course  de  tau- 
reaux, avec  des  quadrilles  de  toréadores,  des  piccadores  et  des 
matadores. 


92 


LE  MÉNESTREL. 


Le  directeur  du  Théâtre-Italien  vient  de  s'attacher  M"e  Tre- 
belli  par  un  engagement  de  cinq  ans.  Cette  artiste  touchera 
5,000  fr.  par  mois  pour  la  première  année,  7,000  fr.  pour  la 
seconde,  8,  9  et  10,000  fr.  pour  les  troisième,  quatrième  et 
cinquième  années.  M"e  Trebelli  débutera,  dit-on,  en  avril  pro- 
chain, dans  Tancredi.  Cet  engagement  est  lo  résultat  des  deux 
brillantes  saisons  que  vient  de  faire  MIle  Trebelli  à  Madrid  et  à 
Berlin. 

On  répète  les  Nozze  di  Figaro.  Mme  Penco,  dont  l'engage- 
ment vient  d'être  renouvelé ,  remplira  le  rôle  de  Suzanne  , 
MUe  Battu,  celui  de  la  comtesse,  et  Mlle  Dalmonti  continuera 
ses  débuts  par  le  gracieux  personnage  de  Chérubin.  — Ah! 
Mme  Carvalho,  que  n'ètes-vous  là  !  Vous  manquez  à  la  fois  sur 
chacune  de  nos  trois  scènes  lyriques;  aussi  lirons-nous  un  jour 
dans  les  annales  dramatiques  de  1861  :  «  La  première  canta- 
trice française  de  son  temps,  Mme  Carvalho,  ne  put  se  faire 
entendre  sur  aucune  des  scènes  lyriques  de  Paris,  bien  qu'elle 
fût,  ou  peut-être  bien,  parce  qu'elle  était  française  et  dans  tout 
l'éclat  de  son  talent.  » 

L'Opéra-Comiqde  peut  préparer  à  loisir  ses  partitions  en 
perspective  :  la  Circassienne  lui  garantit  plusieurs  mois  de 
prospérité.  Chaque  représentation  voit  croître  l'empressement 
de  la  foule  pour  le  nouvel  opéra  d'Auber.  De  son  côté,  la  presse 
s'est  montrée  unanime  à  constater  la  haute  valeur  de  l'œuvre  , 
et  n'a  été  en  ceci,  du  reste,  que  le  fidèle  écho  des  impressions 
publiques. 

On  annonce  un  Eamlet  de  M.  Ambroise  Thomas,  sujet  tiré 
de  Shakspeare,  qui,  on  le  sait,  lui  a  porté  bonheur  dans  le. 
Songe  d'une  nuit  d'été.  — Le  Salvator  Rosa  de  M.  Duprato, 
André  de  M.  Poise,  se  répètent  activement.  C'est  MI,e  Saint- 
Urbain  qui  tiendra  le  rôle  principal  de  l'important  ouvrage  en 
trois  actes  de  M.  Duprato. 

* 
*  * 

Le  Gymnase  nous  a  donné  deux  nouveautés;  l'une,  intitulée  : 
J'ai  compromis  ma  femme,  vaudeville  en  un  acte,  de  MM.  La- 
biche et  Delacour,  amusant  imbroglio  dont  les  auteurs  se  sont 
habilement  tirés  ;  l'autre,  ayant  pour  litre  :  le  Sacrifice  d'Iphi- 
génie,  comédie  en  un  acte,  de  M.  Adolphe  Dennery,  à  laquelle 
le  fécond  dramaturge  a  su  mêler  un  peu  d'esthétique  littéraire 
et  théâtrale,  avec  quelques  fines  allusions  à  sa  propre  carrière. 
Geoffroy,  Lesueur,  Gilbert,  Mlle  Albrecht,  Derval,  Berton  fils, 
M,les  Mélanie  et  Antonine  ont  coopéré  à  ce  double  succès. 

Nous  avons  enregistré  l'à-propos  de  carnaval  que  MM.  Albert 
Monnier  et  Ed.  Martin  ont  fait  représenter  au  Vaudeville. 
Cette  folie,  intitulée  :  Vingt  francs,  s.  v.  p.,  a  été  accompagnée 
d'une  comédie  en  un  acte,  Y  Écureuil,  dont  le  spirituel  auteur 
se  cache,  non  sans  raison,  sous  le  pseudonyme  de  Caries. 

Le  drame  que  répète  la  Porte-Saint-Martin,  et  dont  l'au- 
teur est  M.  Aug.  Vacquerie,  portera  définitivement  le  titre  des 
Funérailles  de  l'honneur,  —  une  réminiscence  de  Caldéron. 


L'Allemagne  a  rendu  M.  J.  Offenbach  à  son  théâtre  et  aux 
répétitions  du  Pont  des  Soupirs,  mélodrame  bouffe  de  MM.  Hec- 
tor Crémieux  et  Ludovic  Halévy,  les  heureux  auteurs  d'Orphée 
aux  enfers  et  de  Forlunio.  —  Les  journaux  d'outre-Rhin  nous 
apportent  le  compte  rendu  des  ovations  prodiguées  par  le  pu- 


blic à  M.  Offenbach  dans  tous  les  théâtres  d'Allemagne.  Nous 
l'avons  déjà  dit  :  ses  opérettes  y  jouissent  d'une  popularité  qui 
s'explique,  non-seulement  par  l'originalité  des  mélodies,  la 
franchise  des  rhythmes,  l'esprit  scénique  des  moindres  détails, 
mais  aussi  par  la  formidable  réaction  qui  s'élève  de  toute  part 
contre  la  musique  brumeuse,  prétentieuse,  indéfinissable,  inter- 
minable, mieux  que  cela  :  enfin...  ennuyeuse  au  premier  chef. 
Au  total,  pour  aimer  la  musique,  on  n'est  pas  tenu  de  se  mettre 
à  la  torture....  et  ma  foi,  va  pour  les  opérettes,  puisque  l'on 
s'entête  à  nous  servir  des  impossibilités  vocales  et  instrumentales. 
Voilà  le  cri  de  réaction  des  masses  populaires  de  la  vieille  Alle- 
magne musicale.  C'est  un  fait,  nous  le  constatons. 

J.-L.  Heugel: 


TABLETTES  OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


LES  HOMMES  DU  JOUR. 

JULES  SCHULHOFF. 

Notice  biographique. 

Nous  avons  publié,  dimanche  3  février,  dans  ces  Tablettes, 
l'appréciation  du  double  talent  de  Jules  Schulhoff  comme  pia- 
niste-compositeur; nous  venons  aujourd'hui  compléter  ce  travail 
de  M.  Marmontel  par  un  résumé  biographique  concernant  ce 
virtuose.  C'est  à  une  revue  littéraire  ayant  pour  titre  :  Les 
Hommes  du  jour,  et  publiée  à  Leipsick,  que  nous  empruntons 
textuellement  nos  renseignements. 


La  virtuosité,  dans  l'art  moderne  du  piano,  est  arrivée  à  une 
telle  hauteur,  qu'il  reste  à  peine  un  degré  de  perfection  à  fran- 
chir, et  cela  pour  ajouter  aux  conquêtes  du  mécanisme  poussées 
à  leurs  dernières  limites,  —  celles  du  beau  et  du  gracieux. 
C'est  vers  ce  but  que  semble  tendre  la  jeune  génération.  Or, 
dans  cette  catégorie  de  nouveaux  pianistes ,  nous  voyons  briller 
au  premier  rang  Jules  Schulhoff. 

Schulhoff  a  su  acquérir  le  renom  de  virtuose  dans  la  meilleure 
acception  du  mot,  et  celai  do  pianiste-compositeur  des  plus 
remarquables,  tant  par  l'attrayante  originalité  de  sa  pensée  que 
par  l'harmonieuse  forme  dont  il  l'a  revêtue. 

Jules  Schulhoff  naquit  à  Prague,  le  2  août  1825.  Le  profes- 
seur Kisch  lui  donna  les  premières  notions  musicales,  et  ses 
progrès  furent  tels ,  que  dès  l'âge  de  neuf  ans  il  put  se  faire 
entendre  en  public.  Il  poursuivit  l'étude  du  piano  sous  les  yeux 
de  Tedesco,  pendant  que  W.  Tomasckek  guida  ses  études  théo- 
riques. A  dix-sept  ans,  il  fit  un  voyage  à  Paris ,  après  avoir 
donné  des  concerts  publics  à  Dresde,  à  Leipsick  et  à  Weimar. 
A  Paris,  il  s'isola  pendant  plusieurs  années,  et  serait  resté  long- 
temps inconnu,  sans  une  circonstance  exceptionnelle. 

Schulhoff  se  trouvait  un  jour  chez  un  fabricant  de  piano 
pour  marchander  un  instrument,  quand  il  vit  entrer  dans  le 
magasin  deux  hommes,  dont  l'un  était  Chopin. 

Notre  pianiste  allemand  le  reconnut  sur-le-champ,  et  profita 
de  l'occasion  pour  lier  personnellement  connaissance  avec  lui. 
Il  demanda  la  permission  de  jouer  quelque  chose  devant  ce 
maître.  Chopin,  déjà  souffrant,  et  d'ailleurs  trop  accoutumé  à 
ces  sortes  de  sollicitations,  répondit  d'une  façon  apathique,  bien 
que  polie;  il  consentit  néanmoins  à  l'entendre. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


93 


Chopin  écouta  d'abord  le  jeune  virtuose  avec  assez  de  non- 
chalance, croyant  sans  doute  avoir  affaire  à  un  pianiste  d'un 
ordre  secondaire;  mais,  à  mesure  que  Schulhoff  jouait,  l'atten- 
tion de  Chopin  s'éveillait  et  devenait  plus  manifeste.  A  la  fin  du 
morceau,  il  témoigna  hautement  sa  joie,  salua  le  jeune  artiste 
du  nom  de  frère  et  l'engagea  vivement  à  se  faire  entendre  au 
public  parisien. 

Cet  encouragement  flatteur  ne  fut  pas  perdu  :  Schulhoff  donna 
plusieurs  concerts  à  Paris,  et  sa  réputation  se  fonda  rapidement. 

Il  voyagea  en  France,  en  Espagne,  en  Angleterre.  On  ne  se 
borna  pas  à  l'applaudir  comme  exécutant,  chacun  l'admirait 
encore  comme  compositeur;  et  ses  œuvres,  écrites  dans  le 
meilleur  style,  acquirent  une  grande  popularité  clans  le  monde 
des  pianistes. 

En  1849,  Schulhoff  se  rendit  à  Vienne,  où  ses  concerts  firent 
époque,  si  bien  qu'il  y  dut  revenir  après  une  tournée  dans  le 
nord  de  l'Allemagne  et  en  Russie.  Ce  fut  toute  une  série  de 
triomphes  pour  le  pianiste-compositeur,  désormais  classé  parmi 
les  célébrités  de  l'Allemagne. 

En  1852,  il  parcourut  la  Crimée,  et  enfin  fit  un  second  voyage 
à  Paris  en  1854,  où  de  nouveaux  succès  l'attendaient. 

Depuis  cette  époque  Schulhoff  se  produisit  rarement  en  public. 
Des  motifs  de  santé  le  forcèrent  à  interrompre  la  carrière  mili- 
tante pour  se  livrer  exclusivement  à  la  composition.  Dans  ces 
dernières  années,  il  vivait  retiré  à  Dresde,  où  le  retenaient  des 
liens  de  famille  et  le  repos  auquel  le  virtuose  avait  été  con- 
damné par  ordonnance  de  la  Faculté. 

Fort  heureusement,  l'ordonnance  a  pu  être  levée,  et  Schulhoff 
en  a  profité  pour  réaliser  un  troisième  voyage  à  Paris  ;  c'est  que 
Paris  est  et  sera  toujours  le  grand  foyer  artistique  dont  les 
rayons  donnent  la  vie  tout  en  la  consumant. 

*  * 
La  plume  toute  compétente  de  M.  Marmontel  a  enregistré 
dans  ces  Tablettes  du  pianiste  l'accueil  fait  à  Schulhoff  et  à 
ses  œuvres  au  premier  concert  de  son  troisième  voyage  à  Paris. 
Nous  assistions  vendredi  dernier  au  deuxième  concert  du  vir- 
tuose, soirée  qui  n'a  pas  été  moins  brillante  que  la  précédente  : 
même  empressement,  mêmes  applaudissements. 

Sans  nous  arrêter  à  l'estimable  sonate  en  si  bémol  de  Men- 
delssohn,  —  dont  le  bel  andante  a  particulièrement  fait  ressor- 
tir le  violoncelle  de  M.  Jacquard,  —  signalons  tout  de  suite  les 
morceaux  de  Schulhoff  qui  ont  causé  le  plus  d'impression  :  sa 
ballade  d'abord,  œuvre  du  style  le  plus  élevé  ;  une  polonaise  a  la 
manière  de  Chopin;  un  très-élégant  caprice,  et  une  mélodieuse 
aubade  comme  en  pourraient  rêver  nos  belles  châtelaines  sous 
les  fenêtres  de  leurs  donjons  dorés. 

La  marche  finale,  nonobstant  quelques  longueurs,  a  produit 
aussi  le  meilleur  effet;  un  autre  morceau  bien  écrit,  mais  qui 
justifie  peu  son  titre,  c'est  le  Toast  à  l'amitié.  L'idylle  Près  de 
la  fontaine  a  très-agréablement  ouvert  la  série  des  morceaux 
de  piano.  Schulhoff  en  a  joué  jusqu'à  huit,  —  plus  la  sonate, — 
et  le  concert  a  été  trouvé  trop  court. 

Deux  mots  encore  avant  de  quitter  Schulhoff  :  le  virtuose  a 
fidèlement  transcrit  un  andante  d'Haydn,  que  l'on  a  bissé  d'en- 
thousiasme. Quelle  sobriété  de  notes  !  quel  charme  dans  la  mé- 
lodie! comme  toutes  les  parties  d'harmonie  concertent,  s'isolent 
et  se  retrouvent  avec  cohésion,  avec  clarté  1  Décidément  le  bon- 
,  homme  Haydn  est  un  bien  adorable  musicien  du  passé. 

J.-L.    [ÏEUGEL. 


SOCIÉTÉ  DES  CONCERTS  DU  CONSERVATOIRE. 


TROISIEME  CONCERT. 

On  ne  saurait  méconnaître  le  zèle  que  déploie,  cette  saison, 
la  Société  des  Concerts,  pour  varier  le  programme  de  ses  séances 
et  offrir  à  ses  abonnés  de  nouveaux  et  intéressants  sujets  d'étude. 
Il  y  a  quinze  jours  elle  exécutait  la  cantate-symphonie  de  Men- 
delssohn,  œuvre  aussi  importante  que  consciencieuse  ;  dimanche 
dernier  elle  avait  inscrit,  à  côté  des  noms  d'Haydn,  de  Reethoven 
et  de  Gluck,  le  nom  d'un  compositeur  qui  fut  l'une  des  gloires 
de  l'école  française,  celui  d'Hérold.  L'ouverture  de  Zampa  a 
été  mieux  accueillie, —  il  faut  en  convenir, —  que  la  symphonie- 
cantate,  par  ce  public  d'élite  qu'on  ne  saurait  pourtant  accuser 
de  tendances  trop  françaises.  Ainsi,  même  dans  la  salle  des 
Menus-Plaisirs,  l'inspiration  prime  le  savoir-faire;  mais  aussi, — 
en  admettant  avec  certains  rigoristes  que  l'ouverture  de  Zampa 
ne  se  distingue  pas  précisément  par  le  plan,  la  cohésion,  la 
sobriété, — quel  splendide  pot-pourri,  quelle  délicieuse  mo- 
saïque de  charmants  motifs  1  L'orchestre  a  dit  cette  page  de 
notre  cher  Hérold  avec  une  énergie  et  un  entrain  irrésistibles. 

Il  eût  peut-être  été  à  souhaiter  que  ce  même  orchestre  voulût 
bien  modérer  un  peu  sa  verve  dans  l'accompagnement  des  scènes 
de  Vlphigénie  en  Tauride,  particulièrement  en  ce  qui  concerne 
les  parties  solos.  Toute  belle  que  soit  encore  la  voix  de  Massol, 
qui  réunit  l'ampleur  du  baryton  à  l'éclat  strident  du  ténor,  il 
y  avait  tels  passages  où  il  lui  était  impossible  de  dominer  la 
tempête  des  instruments.  Le  récitatif  et  l'air  de  Thoas,  l'air  de 
danse  et  le  chœur  des  Scythes  n'en  ont  pas  moins  produit  un 
effet  extraordinaire  et  n'en  ont  pas  moins  été  redemandés  avec 
frénésie. 

Que  dire  de  la  symphonie  de  la  Reine,  d'Haydn,  autre  mer- 
veille dans  un  genre  tout  différent  ? 

Et  du  concerto  en  mi  bémol  de  Reethoven,  gigantesque  sym- 
phonie avec  piano  principal?  La  dernière  fois  que  nous  enten- 
dîmes cette  composition,  d'un  intérêt  si  puissant  et  si  soutenu 
malgré  ses  développements,  la  partie  de  piano  était  tenue  par 
Liszt,  etRerlioz  dirigeait  l'orchestre.  L'exécution  de  dimanche 
a  été  moins  fougueuse,  moins  ardente,  moins  émotionnée 
peut-être,  mais  en  revanche  plus  mesurée,  plus  fine,  plus  cor- 
recte, plus  classique  en  un  mot,  sans  pour  cela  manquer  de 
coloris  et  de  chaleur.  M.  Francis  Planté  a  su  faire  applaudir, 
dans  cette  occasion  décisive,  la  pureté  de  son  style  et  la  perfec- 
tion de  son  mécanisme. 

Au  joli  chœur  de  Rameau,  que  la  Société  exécute  depuis 
plusieurs  années  déjà,  on  vient  d'adjoindre  un  premier  mor- 
ceau mouvementé;  tout  cela,  sous  le  titre  de  :  Scène  des  enfers 
et  des  Champs  -  Elysées,  de  Castor  et  Pollux,  de  Rameau, 
forme  un  ensemble  complet  et  offre  un  très-curieux  spécimen 
du  vieux  maître. 

Je  ne  parlerai  de  Marcello  que  quand  un  nouveau  psaume 
aura  pris  la  place  de  celui  dont  on  nous  gratifie  depuis  trop 
longtemps  :  il  y  en  a  tant  d'autres,  et,  j'ose  le  dire,  infiniment 
supérieurs  ! 

E.  Viel. 


94 


LE  MÉNESTREL, 


NECROLOGIE. 

Les  lettres  françaises  viennent  encore  de  faire  une  perte  dou- 
loureuse. Eugène  Guinot,  le  spirituel  chroniqueur,  est  mort  le 
samedi  9  de  ce  mois,  à  Saint-Germain-en-Laye.  Eugène  Guinot 
est  né  à  Marseille  en  1805.  A  l'âge  de  vingt-huit  ans  il  obtint 
au  grand  concours  le  prix  d'honneur.  Il  débuta  dans  sa  car- 
rière littéraire  au  Verl-Verl,  dirigé  par  Anténor  Joly.  Plus  tard, 
il  devint  chroniqueur  du  Courrier  de  Paris.  Il  travailla  suc- 
cessivement à  Y  Europe  littéraire,  au  Siècle,  à  l'Ordre,  et  en 
dernier  lieu  au  Pays,  où  ses  Revues  de  Paris  étaient  très- 
recherchées.  Il  collabora  à  plusieurs  pièces  de  théâtre,  entre 
autres  avec  Etienne  Arago,  avec  qui  il  'fit,  sous  le  nom  de 
Paul  Vermond,  les  Mémoires  du  Diable,  un  des  grands  succès 
du  Vaudeville. 

On  lui  doit  une  douzaine  d'autre;  pièces  sous  le  même  pseu- 
donyme. 

Ses  obsèques  ont  eu  lieu  lundi  dernier,  en  l'église  paroissiale 
de  Saint-Germain,  en  présence  d'un  grand  nombre  d'écrivains, 
de  journalistes,  d'auteurs  dramatiques ,  etc.  —  Le  deuil  était 
conduit  par  M.  Guinot,  frère  du  défunt,  et  par  M.  Martin,  son 
neveu.  La  Société  des  gens  de  lettres  y  était  officiellement  re- 
présentée par  M.  Francis  Wey,  son  président,  et  par  M.  Michel 
Masson;  la  Société  des  auteurs  dramatiques,  par  M.  E.  Grange. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

M.  Smith,  directeur  du  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres,  annonce 

que  sa  troupe  se  composera,  pour  la  saison  prochaine,  de  MM.  Mario,  Giu- 
glini,  Mongini,  Bélart,  Gassier,  Ëverardi,  Ciampi  et  Vialetli,  ainsi  que  de 
Mn,es  Titiens,  Grisi,  Borghi-Mamo,  Alboni,  Lotti  et  Gassier. 

—  M.  Matteo  Salvi  a  été  nommé  directeur  du  théâtre  de  l'Opéra  de  la 
Cour,  à  Vienne.  L'administration  financière  des  deux  théâtres  de  la  Cour 
a  été  confiée  au  chevalier  de  Steinhauser. 

—  L'académie  de  chant  de  Magdebourg  vient  d'exécuter,  pour  la  pre- 
mière fois,  l'opéra  inachevé  de  Mozart,  VOca  del  Cairo  (l'Oie  du  Caire), 
que  le  compositeur  écrivit  en  1783. 

Un  musicologue  distingué,  M.  Keferstein,   pasteur  du  village  de 

Wickeestaeds,  en  Thuringe,  est  mort  le  mois  dernier.  Il  fut  un  des  pre- 
miers collaborateurs  de  Robert  Schumann  pour  le  nouveau  journal  de 
musique  fondé  par  le  célèbre  compositeur  sous  le  pseudonyme  de  K.Stein; 
il  avait  acquis  une  certaine  réputation  comme  écrivain  et  journaliste.  On 
lui  doit  un  roman  fantastique,  le  Roi  Mys  [Koenirj  Mys),  qui  renferme 
une  foule  d'excellentes  idées  sur  l'art  musical. 

—  Le  célèbre  compositeur  Verdi  vient  d'être,  pour  la  seconde  fois,  élu 
député  au  Parlement  italien.  On  sait  que  sa  musique  a  joué  un  grand  rôle 
dans  les  affaires  d'Italie. 

—  A  Crémone,  on  vient  de  jouer  avec  succès  un  nouvel  opéra  du 
rnaëstro  Ponchielli,  intitulé  :  la  Savoïarda. 

—  Un  ténor,  —  que  l'on  dit  être  engagé  par  Lumley  pour  chanter  sur 
les  divers  théâtres  de  l'ancien  et  du  nouveau  monde,  — M.  Naudin,  avec 
lequel  les  dilettantes  parisiens  ont  fait  connaissance  chez  Rossini, 
vient  de  faire  fanatisme  (sic)'  à  Barcelonne,  dans  Un  Bullo  in  maschera  de 
Verdi.  Los  bis  et  les  rappels  ont  été  prodigués  au  nouveau  ténor,  dont 
les  correspondances  racontent  merveilles. 

—  Les  frères  Lionnet  sont  de  retour  à  Paris,  comblés  des  lauriers  et 
des  billets  de  banque  de  l'Annexion.  Le  comté  de  Nice  et  la  Savoie  leur  ont 
été  des  plus  hospitaliers. 

—  S.  Exe.  M.  le  comte Waleski  continue  adonner  une  vive  impulsion  à 
tout  ce  qui  concerne  les  arts.  On  assure  que  pour  conserver  à  la  France  les 
chanteurs  du  Conservatoire  qui  annoncent  des  dispositions  â  se  rendre  à 
l'étranger,  on  leur  fera  signer,  à  l'avenir,  un  engagement  de  quatre  ou 
cinq  ans  pour  un  des  théâtres  impériaux  de  Paris,  avec  jouissance  d'un 
traitement  convenable.  De  celte  manière  l'État  sera  récompensé  des  soins 
qu'il  donne  à  des  artistes  qui  souvent  disparaissent,  leur  éducation  à 
peine  achevée. 


—  S.  Exe.  le  ministre  de  l'Instruction  publique  a  décidé  que  le  diapa- 
son normal,  déterminé  par  l'arrêté  du  16  février  1859.  devra  être  adopté 
dès  aujourd'hui  pour  l'enseignement  de  la  musique  vocale  et  instrumen- 
tale dms  tous  les  établissements  publics  de  l'Empire. 

«  Liège.  —Cercle artistique.  — La  première  séance  musicale  donnée 
par  le  Cercle  artistique  était  de  nature  à  maintenir  la  réputation  qu'il  a 
su  acquérir  parmi  les  amis  des  arts.  Fidèle  à  la  mission  qu'il  s'est  impo- 
sée dès  son  origine,  de  contribuer  autant  que  possible  â  la  propagation 
d'oeuvres  élevées,  il  se  propose  d'ajouter  plusieurs  autres  soirées  à  cette 
première,  et  l'on  ne  peut  douter  que  le  choix  des  morceaux,  ainsi  que 
celui  des  exécutants,  ne  témoignent  du  goût  éclairé  de  la  Commission  or- 
ganisatrice. Parmi  les  morceaux  qui  ont  inauguré  cette  première  séance, 
nous  devons  particulièrement  mentionner  la  symphonie  en  ré  majeure, 
de  Haydn,  arrangée  pour  quintette,  piano  et  flûte,  et  exécutée  avec  autant 
de  finesse  que  de  verve  par  MM.  J.  et  R.  Massart,  violonistes;  Léon  Mas- 
sart  et  Lecortis,  violoncellistes;  Ed.  Tricot,  flûtiste,  tous  professeurs  au 
Conservatoire  royal  de  musique,  et  dirigée  avec  beaucoup  d'intelligence 
par  M.  Th.  Radoux,  professeur  de  cor  au  même  établissement.  Les  autres 
artistes  étaient  MM.  Malherbe,  Joanne,  etc.  Nous  devons  citer  ensuite  la 
grande  sonate  en  si  bémol,  pour  piano  et  violoncelle,  de  Mendelssohn, 
exécutée  par  MM.  Léon  Massart,  violoncelliste  du  roi,  et  J.  Van  den 
Boom,  pianiste,  en  véritables  artistes.  Aussi  ont-ils  obtenu  les  honneurs 
de  la  soirée,  et  c'était  justice.  M.  Redbœuf  a  dit  avec  distinction  l'air  de 
Jérusalem,  et  M.  Ilerbilon  s'est  montré  habile  corniste  dans  le  concerto 
de  Fuchs.  Une  mention  honorable  est  également  due  à  MUe  Douhard,  qui 
toutefois  a  été  plus  heureuse  dans  le  grand  air  du  Prophète  que  dans 
l'air  de  Grâce,  de  Robert.  Un  peu  plus  de  ménagement  dans  la  force  ne 
pourra  que  mettre  mieux  en  relief  les  qualités  qu'on  lui  reconnaît.  » 

—  La  ville  de  Nantes  prépare  en  ce  moment  une  solennité  du  caractère 
le  plus  élevé  :  c'est  une  exposition  qui  promet  d'être  l'une  des  plus  belles 
et  des  plus  complètes  dont  la  province  ait  donné  le  spectacle.  Celte  exposi- 
tion comprendra  les  produits  de  l'industrie,  de  l'agriculture,  des  beaux- 
arts  et  de  l'horticulture  de  tous  les  déparlements  de  la  France,  de  l'Algé- 
rie et  des  colonies.  Elle  ouvrira  le  1er  juillet  et  fermera  le  1er  octobre. 

A  la  fin  de  l'exposition,  en  séance  publique,  des  médailles  d'honneur, 
d'or,  d'argent  et  de  bronze,  seront  distribuées  aux  artistes  et  aux  indus- 
triels dont  les  travaux  auront  été  jugés  dignes  de  récompense. 

SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  Les  derniers  samedis  de  M.  et  Mme  Rossini  ont  été  splendides.  L'ar- 
chet magique  du  violoniste  Bazzini  a  eu  l'honneur  de  faire  sa  rentrée  à 
Paris  dans  les  salons  du  maître.  Les  sœurs  Marchisio  nous  ont  fait  enten- 
dre une  seconde  fois  l'admirable  duo  espagnol  de  Rossini,  ainsi  que  le 
trio  de  Gordigiani  avec  M.  Bonheur,  jeune  baryton  qui  a  ensuite  récolté 
seul  sa  bonne  part  de  bravos.  Un  jeune  ténor  napolitain,  M.  Montaro  ou 
Montanaro,  —  et  peut-être  ce  nom  n'est-il  encore  qu'un  à  peu  près,  —  s'est 
fait  entendre  pour  la  première  fois,  en  compagnie  de  Badiali,  dont  la  verve 
est  intarissable.  Le  jeune  ténor  a  dignement  répondu  à  l'entrain  de  son 
partenaire  dans  le  duo  àel'ltaliana  in  Algieri.  On  n'entend  pas  voix  plus 
fraîche,  vocalise  plus  nette  et  plus  fine,  phraser  plus  gracieux.  Dans  la  par- 
tie instrumentale, Mllc  Joséphine  Martin  a  fait  applaudir  un  très-joli  menuet 
de  sa  composition  et  sa  remarquable  Danse  syriaque,  à  laquelle  nous  pré- 
férons cependant  sa  Fanlarella.  Le  violoncelle  de  M.  Franco  Mendès  com- 
plétait ce  riche  programme. 

—  La  musique  de  chambre,  en  prenant  élection  de  domicile  dans  nos 
salles  de  concerts,  n'a  pas  absolument  renié  sa  modeste  origine.  11  est 
encore  dans  Paris  quelques  salons  privilégiés  où  la  sonate  concertante, 
les  trios  et  quatuors,  trouvent  une  noble  hospitalité,  des  exécutants  et  des 
auditeurs  d'élite.  Ce  sont  là  les  gourmets  de  l'art.  Nous  les  avons  trouvés 
réunis  dimanche  dernier  chez  M.  et  M"10  Dubois.  Armingaud  tenait  le 
violon,  et  chacun  sait  la  justesse,  la  pureté,  la  distinction  de  son  jeu  ; 
Franchomme  commandait  au  violoncelle  en  maître  qui  sait  devenir  esclave 
à  un  moment  donné,  et  Mme  Dubois  était  au  piano.  Or,  la  poétique  inter- 
prète de  Chopin  joue  Mozart,  Haydn  et  Beethoven  avec  une  égale  perfec- 
tion, avec  le  même  amour  du  beau  et  du  bon.  Dans  un  pareil  programme 

'  instrumental,  Schubert  seul  pouvait  tenir  une  place  légitime.  Mlle  Marie 
Brousse  s'est  chargée  de  ce  soin.  Elle  s'est  accompagnée  elle-même  avec 
autorité,  et  a  électrisé  les  assistants  dans  la  Jeune  religieuse,  Rosemonde 
et  le  Nautonier,  qu'elle  a  dramatisés,  peut-être  trop,  mais  avec  autant 
d'inspiration  que  de  talent. 


NOUVELLES   ET  ANNONCES. 


95 


—  A  peine  de  retour  à  Paris,  les  frères  Lionnet  se,  sont  fait  entendre 
mardi  à  l'ambassade  ottomane ,  dans  plusieurs  œuvres  nouvelles  de  Gou- 
nod,  parmi  lesquelles  nous  citerons  le  Soir,  do  Lamartine.  Notre  célè- 
bre compositeur  tenait  le  piano  et  a  chanté  le  Vieil  Habit ,  de  Bé- 
ranger.  Les  frères  Lionnet  ont  fait  entendre  la  Promenade  et  Florimond 
l'enjôleur,  de  Gustave.  Nadaud,  le  lendemain  mercredi,  au  Corps-Législatif, 
où  se  trouvaient  Félicien  David,  Edmond  Membrée,  Ernest  Lépine,  Ch. 
Delioux,  qui  ont  accompagné  plusieurs  de  leurs  œuvres.  Le  même  soir, 
les  deux  frères  chantaient  chez  M.  et  Mme  Ponchard,  en  compagnie  de 
Levasseur  et  de  Montaubry.  Ponchard  père  a  dit  une  nouvelle  ro- 
mance composée  pour  lui  et  intitulée  :  Je  n'ai  plus  vingt  ans.  Levasseur 
s'est  fait  entendre  dans  le  duo  de  la  Fausse  Magie,  avec  Ponchard. 

—  S.  Exe.  le  Ministre  d'État  vient  d'inaugurer  ses  nouveaux  salons  par 
un  magnifique  bal  travesti.  La  splendeur  de  ses  appartements  n'a  pu  être 
compensée  que  par  l'affluence  des  invités  et  l'incomparable  richesse  des 
costumes.  Au  nombre  des  danses  à  caractères  exécutées,  on  a  surtout  re- 
marqué une  mazurka  avec  éperons  et  costumes  à  la  polonaise ,  par  huit 
cavaliers  et  huit  dames  du  grand  monde.  Waldleufel  a  très-bien  saisi  le 
rhythme  de  cette  danse,  et  son  archet  n'a  pas  dû  être  médiocrement  flatté 
d'obtenir  les  honneurs  du  bis. 

—  MmeTardieu  de  Malleville  a  repris  ses  séances  de  musique  de  cham- 
bre avec  le  concours  de  MM.  Maurin ,  Chevillard  et  Casimir  Nêy,  Dans  ces 
intéressantes  séances  où  Mozart,  Mendelssohn,  Beethoven,  sont  inter- 
prétés avec  religion,  une  place  d'honneur  est  réservée  aux  anciens  cla- 
vecinistes, dont  MmeTardieude  Malleville  a  évoqué  les  traditions  avec  toute 
la  supériorité  de  son  remarquable  talent. 

—  M.  Michiels  a  donné,  chez  lui,  dimanche  dernier,  une  intéressante 
matinée  musicale,  dans  laquelle  il  a  fait  entendre  plusieurs  de  ses  œuvres, 
entre  autres  un  trio  en  mi  bémol  pour  piano,  violon  et  basse,  parfaite- 
ment exécuté  par  Mlk'  Langlumé,  M.  Jouet  et  l'auteur,  et  un  concerto 
pour  violon,  qui  lui  a  valu  de  nombreux  applaudissements. 

—  Le  virtuose  Perelli  annonce  un  grand  concert  au  Théâtre-Italien. 

—  Aujourd'hui  dimanche,  à  deux  heures,  salons  Pleyel-Wolf,  troi- 
sième séance  de  MM.  Alard  et  Franchomme.   En  voici  le  programme  : 

1.  Trio  en  mi  bémol  de  Schubert,  pour  piano,  violon  et  violoncelle.  — 

2.  Quatuor  de  Mozart,  pour  instruments  à  cordes.  —  3.  9e  sonate  en  si 
bémol,  de  Mozart,  pour  piano  et  violon,  exécutée  par  MM.  Diémer  et  Alard. 
—  4.  Quintette  de  Beethoven,  pour  deux  violons,  deux  altos  et  violoncelle. 

—  On  annonce,  pour  mardi  prochain,  salons  Pleyel-Wolf,  une  soirée 
musicale  donnée  par  M11'  Sabatier-Blot,  la  brillante  pianiste,  au  profit  des 
pauvres  de  l'œuvre  de  Sainte-Geneviève.  MIle  Sabatier-Blot  jouera  du  Bach, 
du  Beethoven,  du  Chopin,  du  Liszt,  de  l'Alkan  et  du  Wagner.  MM.  Alard, 
Casimir  Ney  et  Lée  lui  prêteront  appui.  M.  Jules  Lefort  et  Mme  Oscar 
Comettant  feront  les  honneurs  de  la  partie  vocale. 

—  Mercredi  prochain,  20  février,  aura  lieu  la  troisième  séance  de 
MM.  Armingaud,  Jacquart,  Lalo,  Mas,  avec  le  concours  de  M.  Lubeck, 
dans  la  salle  Pleyel,  Wolf  et  C'e,  à  huit  heures  et  demie  du  soir.  On  y 
entendra  :  1°  le  trio  en  mi  bémol,  op.  70,  n°  2,  de  Beethoven,  pour  piano, 
violon  et  violoncelle  ;  2°  le  oc  quatuor  de  Mozart,  pour  deux  violons,  alto 
et  violoncelle;  r°  la  sonate,  op.  33,  de  Beethoven,  pour  piano;  i°  le 
quintette  en  la,  op.  18,  de  Mendelssohn,  pour  deux  violons,  deux  altos 
et  violoncelle. 

—  Le  concert  déjà  annoncé  de  notre  pianiste-compositeur  Wieniawski 
reste  fixé  au  jeudi  21,  salons  Pleyel. 

—  Le  surlendemain  23,  audition  des  œuvres  de  D.  Magnus,  même  salle. 

—  Vendredi  prochain  ,  salle  Herz ,  concert  du  célèbre  tromboniste 
Nobich. 

—  Le  lundi  27,  encore  même  salle,  audition  des  œuvres  de  musique 
de  chambre  de  Léon  Kreutzer. 

—  Le  concert  de  notre  pianiste-compositeur  Krùger  est  Gxé  au  1er  mars, 
huit  heures  du  soir,  salons  d'Érard. 

—  La  plus  brillante  fêle  d'hiver  est,  sans  contredit,  le  grand  bal  des 
Artistes  dramatiques,  qui  se  donne  chaque  année  dans  la  salle  de  l'Opéra- 
Comique.  Placé  sous  le  haut  patronage  de  S.  M.  l'Empereur,  ce  bal  de 
bienfaisance  réunit  le  monde  le  plus  élégant  de  tous  les  pays.  Les  étran- 
gers de  distinction  s'y  donnent  rendez-vous.  Le  cabinet  de  M.  Berthier, 
membre  du  Comité,  régisseur  de  la  danse  au  théâtre  de  l'Opéra  ,  est  chaque 
jour  envahi  par  une  foule  désireuse  d'obtenir  des  coupons  de  loges  et  de 
stalles. 


—  Le  mardi  28,  concert  de  la  jeune  élève d'Alard,  M1'6  Julienne  André, 
salle  TIerz. 

—  Nos  lecteurs  apprendront  sans  doute  avec  plaisir  que  M.  Vincent 
Adler  donnera  définitivement  un  second  concert  le  25'  février,  dans  les 
salons  Ërard. 

—  Le  deuxième  concert  de  Hans  Seeliug  est  fixé  au  27  de  ce  mois,  dans 
les  salons  Érard. 

—  Vendredi  1er  mars,  à  deux  heures  précises,  salons  Pleyel,  Wolf  et 
compagnie,  une  matinée  musicale  donnée  au  bénéfice  de  Baudouin,  l'an- 
cien chef  d'orchestre  des  bals  de  la  Cour,  menacé  d'une  cécit;  complète. 
MM.  Levasseur,  Alard,  Diémer,  Lasserre,  Hubans,  Mmc  Sudre,  MUe  Rrou 
de  Lavayssière,  MM.  Capoul  et  Berthelier  prendront  part  au  programme. 

—  Le  concert  de  M.  Emile  Forgues  reste  fixé  au  samedi  23  février, 
dans  les  salons  Ërard.  M.  Forgues  fera  entendre  les  œuvres  suivantes, 
de  sa  composition  :  Grande  fantaisie  de  concert  sur  deux  motifs  du  Stabal 
mater  de  Rossini;  les  Flots,  Liéder,  le  Trémolo,  grandes  études  pathé- 
tiques inédiles;  la  Sérénade,  romance  élégiaque,  Mazeppa,  études  pathé- 
tiques extraites  du  deuxième  livre;  thème  varié  et  grand  boléro  espagnol. 
Mmo  Mancel  et  M.  Lucchesi  compléteront  le  programme. 

—  M.  A.  Bessems  vient  de  publier  trois  mélodies  pour  alto-viola,  dont 
voici  les  titres  :  l'Amélia,  Minuit  et  l'Étoile  du  soir.  M.  Bessems  a  égale- 
ment publié  un  menuet  de  Mozart,  transcrit  par  lui  pour  piano  seul. 

—  L'orchestre  de  M.  Laurent  s'est  distingué  au  bal  d'enfanls  de  l'hôtel 
du  Louvre.  On  a  remarqué,  entre  autres  productions  dansantes,  la  Polka 
du  clairon  des  zouaves  et  la  polka-mazurka;  Benito  la  magicienne,  de 
L.  Micheli.  Nous  citerons,  du  même  auteur,  la  grande  valse  de  la  Roche 
peu  élevée,  exécutée  avec  tant  de  succès  par  l'orchestre  d'Arban,  aux  bals 
du  Casino. 

—  M.  Johann.Sullermann,  l'auteur  des  six  brillantes  valses  intitulées  : 
le  Désir,  les  Cascatelles,  Feu  follet,  Valse  italienne.  Valse  espagnole, 
Souvenir  des  Vosges,  vient  de  faire  paraître  la  Nuit  d'été,  la  première  de 
six  mazurkas  nouvelles  qui  vont  défrayer  les  concerts  du  Casino  et  des 
Champs-Elysées. 

Erratum.  —  Nos  typographes  ont  non-seulement  défiguré  le  nom  de 
la  jeune  et  charmante  élève  de  Mrae  Iweins-d'Hennin  ,  Mlle  Valentine 
Brun,  et  non  Breus,  qui  s'est  fait  entendre  à  la  soirée  de  M.  Félix  Gode- 
froid,  mais  ils  nous  ont  fait  dire,  dimanche  dernier,  entre  autres  erreurs, 
en  parlant  du  retour  de  Neuville,  l'artis'e  amateur  par  excellence  au  lieu 
S  artiste  imitateur.  Nous  avons  aussi  à  rectifier  le  numéro  d'ordre  de  notre 
précédent  numéro  ;  c'est  le  numéro  onze  qu'il  faut  lire,  et  non  le  numéro 
douze. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Low,  réducteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  fr 


rue  Jean-Jacques Rous 


En  vente  chez  J.  MAHO,  25  ,  faubourg  Saint-Honoré. 


VINCENT  ADLER 

Op.  17.  Valse  villageoise 6    »    |    Op.  18.  N"e  Scène  de  Bal 

STÉPHEN  HELLER 

Op.  95.  Allegro  pastoral... .  9    »    |    Op.  96.  Gûe  Étude  de  concer 
Op.  97.  Douze  Landler  et  Vu'ses  eu  deux  livres,  chaque 

ERNEST  LUBECK 

Op.  13.  Berceuse 6    »    |    Op.  lï.  Grande  Polonaise. 

Op.  11.  Tarentelle 7  50 

HANS  SEELIMG 

Op.  1.  Deux  Impromptus.. .  6     »    |    Op.  3.  Nocturne 


t.  9     » 
.  tî    » 


—  2.  Loreley,  morceau  ca- 
ractéristique    6     »    j    —  6.  Idglle 

Op.  10.  Douze  grandes  Études  de  concert,  en  deux  livres,  chaque. 
(Chaque  Élude  se  vend  aussi  séparément). 


6    •> 
13    » 


fiCOIJE 


DU 


PIANISTE  CLASSIQUE  ET  MODERNE 


CAMILLE 


APPROUVÉE  et  ADOPTÉE 

POUR    IiES    CITASSES    BU    CONSERVATOIRE, 

PAR  MM. 

AUBER,  ROSSINI,  MEYERBEER,  HALÉVY,  CARAFA,  A.  THOMAS,  BERLIOZ,  REBER,  CLAPISSON, 

G.  KASTNER,  Emile  PERRIN,  VOGT,  GALLAY,  PRUMIER, 

Éd.  MONNAIS,  Alf.  de  BEAUCHESNE. 


CHANT    ET    MÉCANISME 


2«  LIVRE  (op.  38).  . 
SO   Études   de  moyenne   difficulté. 


lergLlVRE    (op.  37). 

35   Études   pour    les  petites   mains. 

1  et  2.  Coulés  et  détachés  (m.  d.,  m.  g.).  —3.  Etude  chantante.  —  4.  Solfège. 
5.  Les  cinq  Notes.  —  6.  Le  Violoncelle.  —  7.LesdeuxTrompettes.  —8.  La  Gamme. 
9.  Persuasion.  —  10.  Les  Révérences.  —  11.  Fanfare.  —  12.  Convalescence. 
13.  Oui  ou  Non.  —  14.  Montagnarde.  —  15.  Etude  à  4  parties.  — 16.  Le  Staccato. 
17.  Au  Village.  — 18.  Le  Fantôme.  — 19.  La  Sauterelle.  —  20.  Ballade.  —21.  Une 
Caresse.  -  22.  Risoluta.  —  23.  Pas  redoublé.  —  24.  L'Arpège.  —  25.  L'Enjouée. 

Prix  :  18  fr.  3e  LIVRE  (op.  39). 

SI  Études  de  perfectionnement. 

13.  Espère  encore!  —  14.  Simple  Histoire.  —  15.  Bacchanale.  —  16.  Lied 
17.  Etincelles.  — 18.  Souvenance.  —  19.  La  Tournoyante.  — 20.  Feuille  et  Zéphyr. 
21.  A  pleines  Voiles.  —  22.  Consolation.  —  23.  Abandonnée.  —  24.  L'Orgie. 


1.  Agilité.  —  2.  Air  de  Rallet.  —  3.  Pas  à  Pas.  —  4.  Si  j'osais!  —5.  Le 
Départ  des  Chevaliers.  —  6.  Sur  l'Eau.  —  7.  Le  Papillon.  —  8.  La  Poursuite. 
9.  La  Bergeronnette.  —  10.  La  Fuite.  —  11.  L'Angélus.  —  12.  Une  Course 
à  deux.  —  13.  Franchise.  —  14.  Hélas  !  —  15.  Le  Ramier.  —  16.  Le  Retour 
des  Chevaliers.  —  17.  Conûdence.  —  18.  En  Octaves.  —  19.  Grand'Mère  et 
Grand'Père  (canon).  —  20.  La  Chromatique. 

Prix  :  18  fr. 


1.  Le  Messager.  —  2.  Les  Caquets.  —  3.  Au  Bord  du  Ruisseau.  —  4.  Boute- 
Selle.  —  5.  Scherzetto.  —  6.  Ariette.  —  7.  Vieux  Style.  —  8.  Prestezza.—  9.  Redowa 
fantastique.  — 10.  Les  Masques.  — 11.  Sous  le  Charme.  — 12.  Colombine. 


Prix  :  18  fr. 


ÉTUDES    CARACTÉRISTIQUES  sur  OBERON,  de  WEBER. 


Vision.  —  6.  Séduction  et  Magie. 


1.  Chœur  des  Génies.  —  2.  Barcarolle.  —  3.  Ronde  de  Nuit.  —  4.  Ariette  de  Fatim 

lie  Recueil  :  SO  fr.    —    Chaque  Morceau  :  5  fr. 

SOUVENIRS    DU    CONSERVATOIRE 


Transcriptions. 


1.  Plaisir  d'Amour,  de  Martini,  méditation 5fr.  »c 

2.  Célèbre  Choeur  de  Castor  et  Pollux,  de  Rameau 6  '      » 

3.  18e  Psaume  de  Marcello,  paraphrasé J      ™ 

4.  Romance  et  Chanson  militaire  i'Egmont,  de  Beethoven.    .     •     .  7      50 

5.  Andante  de  Mozart 5       » 


6.  Allegretto-Scherzando  de  la  8e  Symphonie  de  Beethoven.     .    .  5f 

7.  Menuet  d'HAVDN 5 

8.  Air  d'Anacréon,  de  Grêtrv 5 

9.  Voi  che  sapete,  des  Noces  de  Figaro 5 

10.  Non  più  andrai  farfallone,  des  Noces  de  Figaro 6 


LE 


RHYTHME   DES  DOIGTS 

Exercices-Types,  à  l'aide  du  métronome, 

Pouvant  servir  à  l'étude  la  plus  élémentaire  comme  au  perfectionnement  le  plus  complet  du  mécanisme  du  piano. 

Ce  Recueil  se  divise  en  huit  séries  distinctes,  embrassant,  dans  leur  ensemble,  toutes  les  principales  difficultés  du  mécanisme  d'exécution. 


Première  série  :  exercices  en  notes  simples,  a  main  fixée,  sur  degrés  conjoints. 
Deuxième  série  :  suites  de  notes  simples,  exerçant  les  mains  à  parcourir  le 
clavier  sans  passer  le  pouce. 

Troisième  série  :  gammes  simples  diatoniques  et  chromatiques. 
Quatrième  série  :  arpèges  et  accords  brisés  résultant  de  l'accord  parfait. 
Cinquième  série  :  jeu  du  poignet,  —  étude  générale  du  staccato. 

Prix  du  Ilecueil  complet  :  15  fr 


Sixième  série  :  doubles  et  triples  notes  à  main  fixée,  —  trémolos  de  triples  et 
quadruples  notes,  —  suites  de  doubles  notes  parcourant  le  clavier,  —  gammes 
diatoniques  et  chromatiques  en  tierces  et  en  sixtes. 

Septième  série  :  extension  des  doigts,  —  exercices  à  main  fixée,  arpèges  et  ac- 
cords brisés  résultant  des  accords  de  cinq  doigts. 

Huitième  série  :  variétés  de  rhy  thmes  et  d'exercices  complétant  chaque  série. 


Paris,  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne, 
=HECGEL    et    C% 


Éditeurs,    Fournisseurs  du  Conservatoire. 


734.  —  28e  Année. 

K>   13. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  24  Février 

1861. 


LibOil 


NESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  che(. 


EES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Yi  vienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Ain  Magasin*  et  Abonnement  île  Musique  ilii  MÉNESTREL  —  Vente  et  location  tic  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1"  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  2(>  morceau 
Scènes,  Mélodies,  lîoinances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  2  Allum 
illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2e  Mode  d'abonnement  .  Jtournal-Teste,  tous  les  dimanches;  *6  Mo 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Allmnis- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


CHANT  II'  PIAtVO    llll  VIS  : 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  51  Morcenui  de  chant  et  de  piano,  les  4  i IbuniH  prîmes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Etranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  l"de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  le' décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/Vanco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  ci  i  l  il  I  et  CM,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau.  8.  —  1228 


SOMMAIRE. 


TEXTE. 


I.  L'opéra-comiijue  ,  ses  compositeurs ,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  : 
compositeurs  de  la  République  et  du  premier  Empire  :  Boieldieu  (26e  article), 
{suite  et  fin).  L.  Meneau.  —  II.  Semaine  théâtrale  :  Eugène  Scribe,  nécrologie. 
,J.  Loty.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  A  propos  d'une  sonate 
de  Henri  Herz.  Paul  Bernard.  —  IV.  Petite  chronique  :  Les  droits  d'auteurs 
d'autrefois.  — V.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Nécrologie,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  P1AM)  : 

Nos  abonnés  à  la  musiquede  Piano  recevront  avec  le  numérode  ce  jour  : 
le  quadrille  de 

FOR TU MO , 

Le  grand  succès  des  Bouffes-Parisiens ,  composé  par  Strauss  pour  les 
bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra.  —  Suivra  immédiatement  après,  Juana, 
polka-mazurka  de  Pu.  Stutz. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant, 

ADIEU  LES  FEES  I 

Paroles  d" Armand  Liorat,  musique  d'HENRi  Potier.  —  Suivra  immé- 
diatement après  :  le  Bal ,  valse  chantée  par  Mlle  Chabert  dans  le  Mari 
sans  le  savoir,  paroles  de  MM.  Léon  et  Ludovic  Halévï,  musique  de 
M.  de  Saint-Rémy. 


L'OPÉRA-COMIQllE 


SA  NAISSANCE,  SES   PltOCRES,  SA  TltOP  GRANDE  EXTENSION. 


COMPOSITEURS 

DE    LA    RÉPUBLIQUE    ET    DU    PREMIER    EMPIRE. 
CHAPITRE   VIII. 

XXVI. 

Boieldieu  (suite). 

Sapt  ans  de  repos  eurent  pour  résultat  la  Dame  Blanche  , 
le  10  décembre  1825.  Il  avait  mis  à  profit  ce  long  silence  pour 
enfanter  une  œuvre  qui  devint  la  base  du  répertoire  français. 


On  ne  saurait  citer  un  opéra-comique  qui  se  soit  joué  autant 
en  Europe  que  la  Dame  Blanche.  Boieldieu  avait  terminé  cet 
ouvrage  depuis  longtemps,  et  cependant  il  n'osait  pas  encore 
le  livrer  à  la  scène.  Resté  si  complètement  éloigné  du  théâtre, 
il  craignait  que  le  public  ne  l'eût  oublié.  Il  fallut  que  le  direc- 
teur de  l'Opéra-Comique ,  Pixéricourt ,  le  forçât  en  quelque 
sorte  à  lui  abandonner  sa  partition;  on  attendait  cette  œuvre 
comme  on  attend  aujourd'hui  les  opéras  de  Meyerbeer.  Le  suc- 
cès fut  immense,  et  l'ouvrage  terminé  ,  répété  et  joué  en  moins 
de  trente-cinq  jours,  —  exemple  bien  rare  de  célérité  pour  une 
partition  de  cette  importance.  Les  répétitions  commencèrent 
le  5  novembre  1825  et  chez  Boieldieu  même,  car  il  était  souf- 
frant et  ne  put  se  rendre  au  théâtre  que  dans  les  derniers  jours 
du  mois. 

Voici  quelle  était  la  distribution  de  la  pièce  :  Georges,  Pon- 
chard  père;  Gaveston,  Henry;  Dikson,  Féréol;  Mac-Irton,  Fir- 
min;  Anna,  MraeBigault;  Jenny,  Mme  Boulanger. 


C'est  ici  le  moment  d'ouvrir  une  large  parenthèse  et  de  men- 
tionner combien  l'Opéra-Comique  jouit,  pendant  longues  années, 
non-seulement  d'une  veine  intarissable  de  compositeurs  de  pre- 
mier ordre,  — se  succédant  comme  à  plaisir, — mais  aussi  d'une 
double  et  triple  génération  d'interprètes  du  plus  grand  mérite. 

Ainsi  MmesBigault,  Boulanger  et  M.  Féréol,  — qui  ont,  à  côté 
dePonchard,  attaché  leurs  noms  à  la  Dame  Blanche,  — avaient 
été  précédés,  accompagnés  et  suivis  de  talents  justement  répu- 
tés. En  remontant  à  nos  premiers  chapitres  de  cette  histoire  de 
l'Opéra-Comique,  nous  voyons,  en  effet,  se  succéder  sans  inter- 
ruption d'éclat  et  de  succès,  sur  les  divers  théâtres  consacrés  à 
ce  genre  spécial  de  musique,  des  artistes  tels  queM.etMme  Trial, 
M.  et  Mmo  Lamelle,  Clairval,  Caillot,  Mme  Dugazon,  Mlle  Clai- 
ron, Philippe,  MIle  Benault,  Mme  Saint-Aubin,  Gaveaux,  Solié, 
Valère,  Darboville,  Elleviou,    Martin,  M.  et   Mme  Gavaudan, 


98 


LE  MÉNESTKEL 


Mme  Philis,  Mmes  Scio,  Duret,  Gonthier,  Jenny  Bouvier,  Julliet, 
Chenard,  et  bien  d'autres  noms  qui  nous  échappent.  Puis  après, 
ou  avec  Mmes  Rigault,  Boulanger,  n'avons-nous  pas  eu,  entre 
autres  célébrités,  Mme  Pradher,  Mlle  Prévost,  Mmes  Casimir  et 
Ponchard,  qui  créèrent  les  rôles  d'Isabelle  et  de  Marguerite  dans 
le  Pré  aux  Clercs  ?  Ne  devrais-je  pas  encore  citer,  du  même 
temps,  M.  et  Mme  Huet,  M.  et  Mme  Paul,  M.  etMmc  Lemonnier, 
Lesage  et  Moreau,  qui  précédèrent  Féréol,  Henry  et  Moreau- 
Sainli,  plus  acteurs  que  chanteurs,  —  enfin  Chollet,  succédant 
d'abord  à  Martin  pour  se  transformer  ensuite  en  ténor,  —  témoins 
le  Fra-Diavolo  d'Auber,  le  Zampa  d'Hérold. 

Je  ne  vous  parlerai  pas  de  Couderc,  de  Roger,  ni  de  l'inimi- 
table Mme  Cinti-Damoreau ,  et  dont  le  nom  restera  éternel- 
lement attaché  au  répertoire  d'Auber;  je  vous  parlerai  encore 
moins  des  talents  qui  ont  défrayé  la  scène  de  l'Opéra-Comique 
dans  ces  dernières  années  :  ce  serait  faire  de  l'art  contemporain, 
et  je  me  dois  au  cadre  tout  rétrospectif  que  je  me  suis  tracé. 

Je  reviens  donc  à  l'époque  d'Elleviou,  à  Ponchard  qui  lui  suc- 
céda et  fut  le  digne  héros  de  la  Dame  Blanche,  a  Ponchard  qui  ne 
chanta  pas  moins  de  cinq  cents  fois  ce  chef-d'œuvre  de  l'école  fran- 
çaise :  il  est  vrai  que  cet  artiste  ne  criait  pas  et  savait  ménager 
sa  voix,  sans  manquer  cependant  de  puissance  et  d' expression 
dramatique  ;  mais  il  puisait  ces  précieuses  qualités  dans  l'am- 
pleur et  l'élévation  du  style,  dans  l'habile  emploi  des  res- 
sources vocales  qui  lui  étaient  dévolues  et  un  profond  senti- 
ment de  la  parole  chantée.  Aussi ,  non-seulement  Ponchard 
devint-il  la  bonne  fortune  des  opéras-comiques  composés  sous 
son  règne  à  Feydeau,  de  1812  à  1837,  mais  il  rendit  ou  maip- 
tint  au  répertoire,  avec  une  grande  supériorité,  tous  les  ouvrages 
des  prédécesseurs  de  Boïeldieu. 

Voici,  du  reste,  ce  qu'en  écrit  M.  Scudo  dans  son  volume 
de  l'Année  musicale  1859,  et  l'on  sait  que  le  savant  critique  de 
la  Revue  des  Deux-Mondes  n'est  pas  absolument  prodigue  d'é- 
loges à  l'endroit  de  l'école  française  et  des  chanteurs  français  : 
«  A  Elleviou,  dont  le  talent  facile  et  la  grâce  étaient  en  par- 
faite harmonie  avec  le  répertoire  qu'il  a  créé,  et  dans  lequel  la 
musique  n'est  guère  qu'un  élément  de  la  fable  dramatique,  suc- 
cède un  chanteur  proprement  dit,  d'un  ordre  plus  élevé  :  nous 
voulons  parler  de  M.  Ponchard.  Élève  du  Conservatoire,  et  par- 
ticulièrement de  Garât,  sans  contredit  le  plus  admirable  chan- 
teur que  la  France  ait  eu,  M.  Ponchard,  dont  le  physique  n'était 
pas  la  qualité  la  plus  brillante,  a  débuté,  en  1812,  dans  l'Ami 
de  la  maison  et  le  Tableau  parlant,  deGrétry.  Vocaliste  distin- 
gué, excellent  musicien,  homme  de  goût  et  de  style,  M.  Pon- 
chard est  le  meilleur  chanteur  qui  ait  encore  paru  sur  le  théâtre 
de  l'Opéra-Comique. Supérieur  à  Martin  parlegoût  et  la  sobriété 
du  style,  M.  Ponchard  nous  paraît  être  le  chanteur  français  qui 
représente  le  mieux,  avec  Mme  Damoreau  et  Mme  Carvalho,  la 
phase  de  l'Opéra-Comique  qui  a  suivi  l'impulsion  de  Rossini.  » 

*** 

Les  Italiens  reprochent  h  Rossini  d'avoir  abandonné  sa  vraie 
manière  dans  Guillaume  Tell,  que  nous  considérons  générale- 
ment, en  France,  comme  le  chef-d'œuvre  du  maître  :  c'est  tout 
au  moins  mon  opinion  et  je  la  crois  partagée. 

J'ai  entendu  de  même  des  amateurs  qui  ont  assisté  aux  dévelop- 
pements successifs  de  l'œuvre  de  Boïeldieu,  lui  reprocher  d'avoir 
perdu  de  son  originalité  dans  la  Dame  Blanche.  Cependant,  mal- 
gré la  facture  plus  rossinienne  de  ses  accompagnements  dans  cette 


partition,  on  y  reconnaît  toujours  la  facilité  mélodique  et  la  sim- 
plicité de  modulations  du  Nouveau  seigneur  et  de  la  Fête  au  vil- 
lage voisin  :  l'harmonie  n'y  est  point  recherchée,  mais  en  revanche 
la  mélodie  y  est  si  abondante  qu'on  n'y  entrevoit  aucune  mo- 
notonie. Les  différentes  parties,  dans  les  morceaux  d'ensemble, 
sont  admirablement  dialoguées  :  ce  n'est  pas  dans  le  duo  du 
premier  acte  :  Ils  s'en  vont  et  nous  laissent  ensemble...., ni  dans 
le  final  du  même  acte  :  Grand  Dieu!  que  viens-je  d'entendre  ! .., 
ni  dans  le  trio  du  second  acte  :  C'est  la  cloche  de  la  tourelle..., 
que  l'on  entend  de  ces  affreux  unissons  prolongés  dont  on  fait 
aujourd'hui  un  abus  si  anti-harmonique  (1).  J'aimerais  mieux 
moins  de  septièmes  diminuées  dans  l'orchestre,  et  un  peu  prus  de 
contre-point  sur  la  scène. 

Sans  avoir  recours  à  toute  cette  grosse  artillerie  moderne , 
Boïeldieu ,  dans  la  Dame  Blanche ,  sut  faire  quelque  chose 
d'essentiellement  intéressant,  au  point  de  vue  musical,  d'une 
scène  qui  n'avait  rien  de  poétique,    la  vente  du  second  acte  : 

Nous  quittons  nos  travaux  champêtres C'est  un  tour  de  force, 

accompli  sans  le  moindre  effort.  Il  conserva  dans  ce  morceau 
l'unité  musicale  ,  ce  critérium  qui  fait  reconnaître  les  grands 
compositeurs,  malgré  la  diversité  des  scènes  qui  se  succèdent  à 
chaque  instant.  On  ne  se  douterait  point,  en  entendant  cette 
scène,  que  Boïeldieu  trouvât  que  la  chose  la  plus  difficile  à  écrire 
pour  le  théâtre  était  le  chant  comique. 

Je  n'insisterai  pas  sur  l'analyse  de  la  pièce  la  plus  connue  en 
France.  Chacun'  sait  que  du  trémolo  par  lequel  débute  l'ou- 
verture, jusqu'au  chœur  final ,  tout  intéresse,  rien  ne  choque, 
rien  n'ennuie,  tout  charme  l'oreille,  l'esprit  et  le  cœur. 

Ce  fut  à  l'issue  du  succès  de  la  Dame  Blanche  que  Boïeldieu 

—  rentrant  avec  Rossini  dans  la  maison  qu'ils  occupaient  sur  le 
boulevard  Montmartre,  n°  10,  —  lui  dit  avec  autant  de  naïveté 
que  d'esprit  :  «  On  prétend  que  je  me  suis  placé  au-dessus  de 
toi  ....  Et  je  m'en  aperçois  quand  je  monte  mon  escalier.  » 
Il  logeait  au  quatrième  étage,  tandis  que  le  premier  étage  était 
occupé  par  Rossini,  qui  avait  aussi  près  de  lui  son  fidèle  Carafa. 

L'amitié  de  Boïeldieu  pour  Rossini  tenait  de  l'admiration. 
On  en  jugera  par  cette  anecdote,  que  je  tiens  de  M.  Ernest 
Boïeldieu ,  fils  de  l'éditeur  de  musique  chez  lequel  la  partition 
de  la  Dame  Blanche  fut  écrite  en  partie.  C'était  à  Cormeilles, 
près  d'Argenteuil',  et  lorsqu'y  arriva  notre  compositeur,  on 
discutait  le  genre  de  papier  dont  on  tapisserait  la  chambre  qui 
lui  était  réservée.  —  «  N'as-tu  pas  dans  ton  fonds  quelques 
exemplaires  de  la  partition  d'Othello,»  dit  Boïeldieu  à  son  frère? 

—  Sur  la  réponse  affirmative  de  l'éditeur,  les  partitions  furent 
requises,  et,  montant  lui-même  à  l'échelle,  il  eut  bientôt  collé 
et  placé  dans  leur  ordre  de  pagination  tous  les  feuillets  de  mu- 
sique :  a  Au  moins,  s'écria-t-il ,  de  mon  lit,  chaque  matin, 
j'étudierai  le  grand  maître.  » 

Cette  amitié  contemplative,  Rossini  la  lui  rendit  avec  effu- 
sion. Bien  mieux,  le  souvenir  de  Boïeldieu  est  resté  inalté- 
rable dans  le  cœur  du  grand  musicien,  qui  récemment  encore 
écrivait  de  sa  main  au  bas  d'un  exemplaire  de  sa  photographie, 
cette  touchante  épigraphe  testamentaire  : 

«  Offert  à  M.  Ernest  Boïeldieu,  neveu  de  l'auteur  de  la  Dame 


(1)  Tout  le  monde  connaît  et  applaudit ,  au  Théâtre-Italien,  ce  morceau 
d'un  opéra  en  vogue,  où  le  chant  de  la  prima  donna  est  doublé  par  le 
hautbois  et  l'ophicléide!  à  l'unisson  et  à  la  double  octave. 


TABLEURS  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUP.. 


99 


Blanche,  dont  je  fus  l'ami,  le  collègue  et  l'admirateur  le  plus 
sincère,  —  heureux  de  pouvoir  tester  aujourd'hui  que  ce  der- 
nier sentiment  ne  s'éteindra  qu'avec  moi. 

«  G.  Rossini.  » 


Après  la  Dame  blanche,  Boïeldieu  resta  quatre  ans  sans  rien 
produire,  et  enfin,  le  20  mai  1829,  il  fit  représenter  les  Deux 
Nuits,  trois  actes  dont  M.  Scribe  (l'auteur  du  libretto  de  la  Dame 
blanche) ,  avait  fait  les  paroles  en  collaboration  avec  Bouilly. 

Cet  opéra  n'eut  pas  un  sort  très-heureux  ;  malgré  l'incon- 
testable supériorité  de  la  partition  ,  elle  n'obtint  qu'un  succès 
d'estime. 

Boïeldieu  en  fut  si  profondément  attristé ,  que  la  maladie 
dont  il  souffrait  depuis  longtemps  s'en  aggrava.  Il  n'écrivit  plus 
rien  depuis,  et  le  8  octobre  1834 ,  il  mourut  à  sa  campagne  de 
Jarcy ,  laissant  un  fils,  homme  distingué,  musicien  de  talent, 
pour  lequel  on  aurait  pu,  on  aurait  dû  faire  davantage. 

Ses  compatriotes  lui  élevèrent  une  statue,  et  ils  donnèrent  le 
nom  de  Boïeldieu  au  cours  sur  lequel  elle  fut  placée,  devant  la 
Bourse  de  Rouen. 

L'inauguration  de  ce  monument  eut  lieu  le  20  juin  1839. 

Léon  Meneau. 


SEMAINE  THEATRALE. 


Notre  Semaine  Théâtrale  est  en  deuil  :  et  à  la  place  de 
notre  bulletin  hebdomadaire,  il  nous  faut  enregistrer  un  événe- 
ment funèbre,  dont  toutes  nos  scènes,  depuis  la  plus  élevée  jus- 
qu'à la  plus  infime,  ont  ressenti  le  douleureux  contre-coup. 

Certes,  les  lettres  et  les  arts  ont  été  cruellement  éprouvés 
depuis  deux  mois  ;  mais  nulle  perte  n'a  été  plus  sensible,  plus 
imprévue,  plus  profonde  que  celle  d'Edgène  Scribe. 

A  l'heure  qu'il  est,  tout  Paris  connaît  les  détails  de  cette 
mort  subite,  dont  la  nouvelle  est  venue  consterner  le  monde 
littéraire  et  dramatique. 

C'est  dans  une  voiture  de  remise,  en  se  rendant  rue  de 
Bruxelles,  chez  M.  Auguste  Maquet,  que  l'illustre  académicien 
a  été  frappé  d'apoplexie.  (Les  médecins  ont  constaté  la  rupture 
de  l'aorte). 

Le  matin  même,  Eugène  Scribe  avait  répondu  à  une  lettre  de 
M.  Crémieux,  qui  l'invitait  à  dîner  pour  le  lendemain  jeudi. 
Cette  réponse  était  une  acceptation.  Vains  projets  des  hommes  !.. 
Deux  heures  après,  le  signataire  avait  cessé  de  vivre.  Il  était  écrit 
que  M.  Crémieux  posséderait  le  dernier  autographe  du  défunt. 
C'est  une  relique  épistolaire,  que  l'éloquent  membre  du  bar- 
reau de  Paris  conservera  précieusement. 

Si  tous  les  peuples  de  l'Europe,  et  même  du  monde  entier, 
avaient  été  consultés  pour  nommer  l'écrivain  qui  personnifie  le 
plus  complètement  à  leurs  yeux  le  théâtre  français  et  l'art  dra- 
matique contemporain,  celui  dont  les  succès  durables,  l'inépui- 
sable fécondité,  la  clarté  parfaite,  la  variété  infinie,  ont  répandu 
la  renommée  dans  les  derniers  recoins  de  la  civilisation,  nul 
doute  qu  ils  n'eussent  unanimement  nommé  Eogène  Scribe. 
Partout  où  quelques. planches  ont  formé  un  théâtre,  où  quelques 
lampes  ont  fait  une  rampe,  on  connaît  le  nom  de  Scribe.  Aussi 
le  deuil  sera-t-il  immense,  universel.  Scribe  était  la  providence 
et  le  génie  du  théâtre  moderne. 


Cet  écrivain  privilégié,  qui  depuis  quarante  ans  alimente  nos 
répertoires  dramatiques,  en  laissant  partout  des  chefs-d'œuvre, 
a  eu,  de  plus,  cette  gloire  singulière  de  fournir  des  poèmes  aux 
plus  illustres  musiciens  de  ce  temps-ci.  Il  a  tour  à  tour  inspiré 
Boïeldieu,  Hérold,  Auber,  Halévy,  Adam.  Quelle  collaboration 
est  comparable  à  celle-là? 

Rien  que  pour  donner  la  nomenclature  de  ses  ouvrages,  il  fau- 
drait plusieurs  numéros  de  notre  journal,  et  la  liste  môme  de  ses 
plus  grands  succès  forme  un  long  catalogue.  Citons  seulement  : 

A  l'Opéra  :  la  Muette  de  Porlici,  Robert-le-Diable,  la  Juive, 
les  Huguenots,  le  Comte  Ory,  le  Prophète  ; 

A  la  Comédie-Française  :  Valérie,  la  Camaraderie,  une 
Chaîne,  le  Verre  d'eau,  Bertrand  et  Raton,  Âdrienne  Lecou- 
vreur,  les  Contes  de  la  reine  de  Navarre,  Bataille  de  dames  ; 

A  l'Opéra-Comique  :  la  Dame  blanche,  Fra-Diavolo,  le  Do- 
mino noir,  le  Maçon,  l'Ambassadrice,  le  Chalet,  Haydée,  les 
Diamans  de  la  couronne,  l'Étoile  du  Nord,  Giralda,  la  Circas- 
sienne. 

AuGymnase,  plus  de  cent  cinquante  comédies-vaudevilles.  Qui 
ne  se  rappelle  Michel  et  Christine,  la  Marraine,  la  Chanoi- 
nesse,  la  Mansarde  des  artistes,  le  Diplomate,  une  Visite  à 
Redlam,  le  Plus  beau  jour  de  la  vie,  le  Mariage  de  raison,  et 
tant  d'autres  charmantes  pièces  dont  raffola  la  Restauration? 

On  calcule  que  le  nombre  des  pièces  de  Scribe  approche  de 
cinq  cents. 

Jusqu'à  sa  dernière  heure,  M.  Scribe  a  tenu  celte  plume 
féconde  qu'il  avait  placée  sur  le  champ  des  armoiries  créées  par 
lui  avec  cette  devise  :  Inde  fortuna  et  libertas. 

Ce  travailleur  infatigable,  qui  est  mort  sur  la  brèche,  laisse 
encore  plusieurs  ouvrages  en  portefeuille  :  entre  autres  un  opéra- 
comique  en  trois  actes,  complètement  terminé  ;  la  Fiancée  du 
roi  de  Garbe,  destiné  à  Auber,  le  fidèle  collaborateur  de  l'illustre 
défunt. 


Les  obsèques  ont  eu  lieu  vendredi  dernier.  Comme  on  pou- 
vait s'y  attendre,  la  foule  était  immense. 

Auber,  consterné,  frappé  de  la  plus  profonde  douleur ,  appa- 
raissait le  premier  dans  la  nef  de  Saint-Roch,  tandis  que  le  fu- 
nèbre cortège  descendait  la  rue  Pigale,  M.  le  Ministre  d'État  en 
tête.  S.  Exe.  suivait  à  pied,  derrière  la  famille. 

Indépendamment  des  plus  hautes  notabilités  officielles  et 
politiques  qui  se  pressaient, à  ce  convoi,  on  remarquait  l'Ins- 
titut presque  tout  entier  ;  une  députation  de  MM.  les  membres 
du  Conseil  municipal  de  Paris;  la  Commission  des  auteurs 
dramatiques  ;  le  baron  Taylor ,  président  des  cinq  associations 
et  les  représentants  de  chacune  d'elles ,  les  directeurs  et  artistes 
de  tous  les  théâtres  de  Paris;  une  députation  d'élèves  de  Sainte- 
Barbe  et  de  Chaptal. 

C'est  dire  que  la  nef  même  de  Saint-Roch  s'est  trouvée 
trop  restreinte,  et  que  nombre  d'amis,  d'invités,  n'y  ont  pu 
pénétrer. 

Le  grand  orgue  a  été  touché  par  M.  Auguste  Durand,  et 
l'orgue  d'accompagnement  par  M.  Leprévost,  tous  deux  orga- 
nistes de  Saint-Roch.  Les  chœurs  de  l'Opéra-Comique,  du  Con- 
servatoire et  ceux  de  la  maîtrise  de  Saint-Roch,  ont  chanté 
Y  Introït  et  le  Kyrie  de  la  messe  de  Requiem  de  Cherubini. 
M.  Faure  a  dit  un  Pie  Jesu  de  M.  Jules  Cohen. 


100 


LE  MÉNESTREL. 


Après  la  messe,  M.  le  curé  a  dit  l'absoute,  et  le  cortège  s'est 
dirigé  au  Père-Lachaise. 

Au  cimetière,  six  discours  ont  été  prononcés  : 
M.  Vitet  a  parlé  au  nom  de  l'Académie-Française,  M.  Au- 
guste Maquet  au  nom  de  l'Association  des  auteurs  dramatiques, 
M.  Labrouste  pour  le  collège  Sainle-Barbe,  M.  Paillard  de  Vil- 
leneuve pour  le  Conseil  municipal,  M.  Thierry  pour  la  Société 
des  gens  de  lettres  et  la  Comédie-Française,  M.  Monligny  comme 
directeur  du  Gymnase. 

Le  soir,  la  Comédie-Française,  l'Opéra -Comique  et  le  Gym- 
nase seuls  ont  fait  relâche;  mais  le  deuil  était  daus  tous  les 
théâtres. 

Jules  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


A  propos  d'une  Sonate 


HENRI  HERZ. 

Sonate  !....  Ce  seul  mot  comporte  toute  une  histoire  ;  qui  sait 
même  si  les  éléments  d'une  carrière  si  bien  remplie  ne  fourni- 
raient pas  à  une  plume  habile  l'étoffe  d'un  véritable  roman?  La 
sonate  n'a-t-elle  pas  eu ,  comme  tous  les  grands  hommes  et 
toutes  les  grandes  choses,  ses  jours  de  triomphe  et  ses  moments 
de  lutte  ?  Ne  fut-elle  pas,  sinon  bannie,  du  moins  abandonnée? 
Le  trait  sanglant  :  Sonate,  que  me  veux-tu  ?  que  lui  décocha 
Fontenelle  dans  un  jour  de  colère,  ne  resta-t-il  pas  longtemps 
attaché  à  son  nom  comme  une  marque  ironique  et  répulsive  ! 

Et  cependant,  quoi  de  plus  réellement  beau,  de  plus  complet, 
que  la  sonate  en  elle-même  !  Sa  forme  définitive  est  celle  que 
l'expérience  des  maîtres  a  sanctifiée.  Cette  forme  se  prête  à 
toutes  les  recherches  de  la  science,  à  tous  les  élans  du  génie  et 
de  l'inspiration.  Les  sentiments  les  plus  multiples,  les  plus 
opposés,  y  trouvent  une  terre  généreuse  où  s'étendre,  où  germer, 
où  produire.  Large  épopée  musicale  formée  de  plusieurs  parties, 
on  peut  l'interpréter  dans  son  ensemble,  ou  n'en  détacher  qu'un 
chapitre  qui  devient  alors  à  lui  seul  un  petit  poème.  Du  reste, 
la  sonate  est  pour  le  piano  ce  que  la  symphonie  est  à  l'or- 
chestre, c'est-à-dire  un  grand  tout  où  chaque  atome  garde  son 
importance,  chaque  détail  sa  valeur,  où  la  pensée  la  plus  im- 
mense peut  toutefois  trouver  une  place  pour  s'étendre  et  un 
cadre  digne  de  sa  grandeur. 

démenti,  Haydn,  Mozart,  Hummel,  Beethoven  et  Weber 
comprenaient  si  bien  la  supériorité  de  ce  large  plan,  qu'ils 
l'employèrent  chaque  fois  qu'ils  voulurent  donner  à  leur  œuvre 
une  vitalité  plus  complète.  Comme  la  symphonie,  la  sonate  est 
formée  de  trois  ou  quatre  morceaux  séparés,  différents  d'al- 
lures et  de  sentiments,  mais  reliés  entre  eux  par  une  espèce 
d'homogénéité  de  facture,  par  des  tonalités  relatives  et  une  teinte 
générale  qui  les  font  se  ressembler  comme  les  enfants  d'une 
même  famille. 

Nous  écrivions  plus  haut  le  mot  d'épopée.  N'en  est-ce  pas 
une,  en  effet,  que  celle  dont  le  premier  chant,  Y  allegro,  est  un 
cri  de  force  et  de  jeunesse  ?  La  vie  s'ouvre,  l'horizon  s'agrandit, 


les  passions  naissent  et  se  heurtent;  puis,  viennent  les  pensées 
de  tendresse  et  d'amour  :  Y  adagio  les  berce  dans  une  douce 
sonorité.  La  joie,  l'enjouement,  la  coquetterie,  le  caprice,  trou- 
vent place  à  leur  tour  dans  le  menuet  ou  le  scherzo.  Enfin,  le 
rondo  vient  clore  dignement  cet  ensemble  grandiose.  L'inspira- 
tion s'arrête  sur  des  lignes  plus  accusées.  C'est  comme  la  pro- 
fession de  foi  de  l'homme  fait  après  les  premières  épreuves,  les 
premiers  rêves  et  les  premiers  combats.  Et  c'est  dans  ce  dernier 
morceau  surtout  que  la  personnalité  de  l'œuvre  se  fait  le  mieux 
sentir.  Tantôt  la  joie  déborde  et  l'emporte  ;  ailleurs  est  le  déses- 
poir avec  tous  ses  déchirements  et  ses  tortures  ;  ici  se  montre  la 
résignation,  là  les  aspirations  du  poète  vers  la  gloire,  ou  les 
élans  de  l'âme  vers  Dieu,  et  quelquefois  alors  la  pensée  s'élève 
dans  la  péroraison  jusqu'aux  accents  du  plus  chaleureux  en- 
thousiasme. 

Aussi,  que  de  chefs-d'œuvre  ne  trouve-t-on  pas  dans  ce 
genre,  depuis  la  symphonie,  qui  en  est  la  grande  expression, 
jusqu'à  la  sonate,  qui  en  reste  la  manifestation  intime  ! 

Les  trios,  les  quatuors,  les  concertos  font  eux-mêmes  partie  de 
cette  grande  famille  et  sont  établis  sur  le  même  plan,  lis  for- 
ment le  trait  d'union  qui  rapproche  les  extrêmes;  c'est  le  di- 
minutif des  unes,  l'extension  des  autres,  le  terrain  neutre,  le 
juste  milieu.  Qu'on  fasse  parler  l'orchestre,  le  quatuor  ou  le 
piano,  qu'on  habite  la  plaine,  le  coteau  ou  la  montagne,  le 
lyrisme  reste  toujours  le  même,  et  toutes  ces  œuvres  musicales 
doivent,  en  principe,  garder  la  même  forme  et  se  fondre  dans 
le  même  moule. 

Ce  fut  peut-être  en  raison  de  ce  parti  pris  dans  la  forme  que 
la  sonate  eut  tant  de  démêlés  avec  la  mode  qui  sème  ses  caprices 
un  peu  partout,  malheureusement  en  musique  comme  ailleurs. 
L'abus  du  même  plan  amena  la  fatigue,  le  besoin  du  nouveau  se 
réveilla,  le  mot  de  Fontenelle  fil  fortune  et  prit  force  de  pro- 
verbe. La  sonate,  comme  toute  chose  en  France,  succomba  sous 
un  bon  mot  et  tomba  en  défaveur,  non  pas  auprès  des  artistes 
qui  ne  pouvaient  que  lui  rester  fidèles,  mais  auprès  de  ce  public 
changeant  qu'une  expression  nouvelle  entraîne  et  que  le  même 
plaisir  lasse.  La  superbe  réprouvée,  comme  Achille,  se  relira 
sous  sa  tente,  attendant  que  le  feu  de  paille  qui  se  faisait  autour 
des  petites  œuvres  ne  jetât  plus  que  la  lueur  qui  lui  était  propre. 
Aujourd'hui  et  depuis  quelques  années  déjà  la  réaction  s'opère, 
le  classisme  reprend  faveur  et  la  sonate  en  tient  haut  et  ferme  le 
drapeau.  Certes  les  fantaisies,  les  nocturnes,  les  œuvres  légères 
ont  leur  charme;  mais  les  morceaux  sérieusement  conçus  et 
largement  traités  n'en  resteront  pas  moins ,  pour  les  gens  de 
goût,  les  véritables  titres  de  noblesse  de  l'art  musical. 


Telles  sont  les  réflexions  qui  me  revinrent  en  mémoire  en  sor- 
tant l'autre  jour  de  chez  M.  Henri  Herz,  après  l'audition  d'une 
grande  sonate  à  laquelle  il  vient  de  mettre  la  dernière  main  et 
qu'il  compte  faire  entendre  à  son  prochain  concert. 

Cette  nouvelle  œuvre,  digne  sous  tous  les  rapports  de  rappeler 
l'attention  sur  un  genre  trop  délaissé  par  les  compositeurs  mo- 
dernes, est  d'une  facture  très-élevée  et  d'un  grand  style.  A  la 
majesté  des  lignes,  à  la  distinction  des  idées,  elle  joint  les  qua- 
lités charmantes  dont  M.  Herz  a  donné  tant  de  fois  l'exemple 
dans  toutes  ses  productions.  Le  tour  frais  et  brillant,  le  trait  fin 
et  gracieux  dont  fourmillent  ses  œuvres  nous  l'ont  souvent  fiât 
surnommer  l'Auber  du  piano.  Comme  le  délicieux  auteur  du 
Domino  noir,  il  traite  avec  une  extrême  délicatesse  tout  ce  qui 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


101 


demande  du  tact,  du  goût  et  de  l'esprit.  Sa  musique  est  une 
broderie,  son  harmonie  une  ciselure,  ses  mélodies  sont  pleines 
de  sentiment,  et  ses  variations  éclatent  en  bouquets  d'artifices. 

Aujourd'hui,  c'était  sous  un  autre  point  de  vue  qu'il  nous 
apparaissait.  Sa  muse  facile,  après  s'être  recueillie.,  parlait  un 
langage  plus  élevé,  et  nous  avons  remarqué  avec  plaisir  que, 
pour  être  plus  sévère,  elle  n'en  était  pas  moins  aimable.  M.  Herz 
d'ailleurs  a  déjà  depuis  longtemps  montré  ce  qu'il  sait  faire  en 
ce  genre  ;  ses  concertos  sont  autant  de  preuves  à  l'appui.  La 
sonate  qu'il  vient  d'achever  ajoutera  certainement  une  nouvelle 
palme  à  son  nom.  On  peut  y  constater  une  couleur  classique 
très-prononcée,  une  consciencieuse  étude  des  maîtres,  une  cha- 
leur de  facture  assez  rare  et  une  sobriété  de  moyens  qui  font  le 
plus  grand  honneur  à  son  auteur. 

Au  dernier  des  trois  morceaux,  surtout,  l'inspiration  devient 
tellement  vivace  que  l'œuvre  semble  s'être  formée  d'un  seul  jet. 
Elle  appelle  cependant  à  son  aide  les  ressources  de  la  science. 
Le  contre-point  y  règne  en  souverain  presque  d'un  bout  à  l'autre 
sans  que  l'idée  mélodique  en  souffre,  et  une  parcelle  de  fugue 
y  trouve  place  sans  avoir  revêtu  le  costume  trop  rigide  du  maître 
d'école.  Un  artiste  ne  peut  écrire  que  quelques  pages  de  cette 
valeur  dans  sa  vie,  et  il  doit  être  fier  le  lendemain  d'une  sem- 
blable création. 

Paul  Bernard. 


PETITE  CHRONIQUE. 

Les  droits  d'auteurs  d'autrefois. 

Les  journaux  allemands  nous  apprennent  que  Castelli,  le 
vétéran  des  auteurs  autrichiens,  âgé  de  quatre-vingts  ans,  a  fait 
paraître  dernièrement  le  premier  volume  de  ses  Mémoires;  et, 
dans  ce  volume,  il  apprend  au  lecteur,  entre  autres  choses,  que 
son  poëme  de  la  Famille  suisse,  qui  a  été  traduit  dans  toutes  les 
langues  et  qui  a  été  représenté  à  Vienne  des  centaines  de  fois,  lui 
a  rapporté  pour  tout  droit  d'auteur  huit  florins. 

Ce  fait  n'étonnera  personne  :  les  annales  théâtrales  ne  nous 
fournissent  que  trop  d'exemples  de  ce  genre  ;  et,  pour  s'édifier 
sur  le  sort  des  compositeurs  d'autrefois,  il  n'est  pas  inutile  de 
parcourir  le  livre  de  M.  Jahn.  Grâce  à  ce  biographe  de  Mozart, 
nous  savons  positivement  ce  que  les  œuvres  de  l'illustre  compo- 
siteur allemand  ont  rapporté  à  leur  auteur. 

Dans  la  collection  des  Registres  de  comptes  du  Théâtre  de 
Vienne,  on  lit,  à  l'année  1788-1789,  page  45  : 

«  Payé  à  Ponte  Lorenzo,  pour  la  composition  du  poëme  de 
Don  Giovanni,  100  florins.  » 

Et  un  peu  plus  loin,  à  la  page  47  : 

«  Payé  à  Mozart  Wolfgang,  pour  la  composition  de  la  mu- 
sique de  Don  Giovanni,  225  florins.  » 

La  partition  de-la  Flûte  magique  (c'est  ainsi  qu'il  faut  dire, 
et  non  pas  la  Flûte  enchantée,  comme  l'usage  s'en  est  établi  par 
une  traduction  fautive  du  titre  de  la  partition  gravée  en  Alle- 
magne :  ce  n'est  pas  la  flûte  qui  est  enchantée,  c'est  elle  qui 
produit  les  enchantements  ;  aussi  les  Italiens  ont-ils  bien  intitulé 
cet  opéra  il  Flauto  magico,  et  non  pas  il  Flauto  incantato)  ;  la 
partition  de  la  Flûte  magique  fut  payée  100  ducats  par 
Schickaneder,  directeur  du  Théâtre-Impérial,  à  qui  elle  rap- 
porta des  sommes  énormes.  Aucun  opéra  de  Mozart  n'a  joui 


d'un  succès  aussi  populaire  dans  toute  l'Allemagne.  La  première 
représentation  eut  lieu  le  30  septembre  1791.  Dans  le  mois 
d'octobre,  cet  opéra  fut  joué  vingt-quatre  fois  ;  l'affiche  du 
23  novembre  1792  annonça  la  centième,  et  celle  du  22  octobre 
1795  la  deux-centième  représentation. 

Les  partitions  de  l'Enlèvement  au  sérail  et  des  Noces  de  Figaro 
ne  furent  non  plus  payées  que  100  ducats  chacune. 

Et  tous  les  ouvrages  de  Rossini  joués  en  Italie! . . .  témoin  le 
Barbier  de  Séville  qui  fut  livré  pour  une  obole,  et  non-seule- 
ment en  ce  qui  touchait  le  droit  de  reproduction ,  mais  aussi  le 
droit  de  représentation. 

Convenons  que  les  compositeurs  de  nos  jours  veillent  mieux 
à  leurs  intérêts. 


NOUVELLES  DIVERSES 


—  On  lit  dans  le  Moniteur  :  «  Le  jury  chargé  de  l'examen  du  concours 
d'Opéra  a  terminé  son  travail  sous  la  présidence  du  ministre  d'État. 

Après  avoir  consacré  plusieurs  séances  à  l'étude  des  projets  envoyés 
au  concours,  le  jury  a  été  d'avis  qu'aucun  de  ces  projets  n'était  suffisam- 
ment complet  pour  que  le  prix  d'exécution  put  lui  être  décerné. 

Mais,  en  présence  des  efforts  tentés  par  les  artistes  et  des  résultats  très- 
satisfaisants  qu'ont  présentés  certains  travaux,  le  ministre  a  accordé  une 
nouvelle  somme  de  5,000  fr.  pour  être  distribuée  selon  que  le  jury  le 
croirait  convenable . 

Cette  somme  a  été  partagée  en  trois  prix,  l'un  de  2,000  fr.,  et  les  deux 
autres  de  1,500  fr.  chacun. 

En  conséquence,  et  conformément  aux  dispositions  de  l'arrêté  du  29  dé- 
cembre dernier,  les  prix  ont  été  décernés  ainsi  qu'il  suit  : 

Projet  n°  6,  M.  Ginain,  1"  prix  de  6,000  fr. 

Projet  n°  34,  MM.  Crépinet  et  Botrel,  2e  prix,  4,000  fr. 

Projet  n°  17,  M.  Garnaud,  3e  prix,  2,000  fr. 

Projet  n°  29.  M.  Duc,  4e  prix,  1,500  fr. 

Projet  n°  38,  M.  Garnier,  oe  prix,  1,500  fr. 

Un  rapport  fera  connaître  ultérieurement  les  motifs  qui  ont  dicté  le 
choix  du  jury.  » 

—  Les  engagements  et  les  mutations  se  succèdent  au  Théâtre-Italien  de 
Paris.  En  voici  le  bulletin  :  d'abord  le  réengagement  de  Mmc  Penco  est 
un  fait  accompli.  Celte  artiste  se  sentant  à  peu  près  indispensable,  a  élevé 
ses  prétentions  en  conséquence,  et  M.  Calzado  s'est  exécuté  :  252,000  fr. 
pour  trois  saisons  de  sept  mois,  et  de  plus  une  loge  sur  scène,  avec  une 
multitude  de  grands  et  petits  privilèges,  voilà  le  résu'tat  des  négociations. 
—  Gardoni  sera  remplacé  par  un  ténor  léger  nommé  Montanaro,  dont  la 
voix  est,  dit-on,  d'une  rare  agilité  et  d'une  grande  fraîcheur.  —  Angelini, 
qui  était  engagé  pour  la  saison  prochaine,  a  demandé  à  résilier  pour  aller 
en  Russie  avec  Graziani  ;  M.  Calzado  y  a  consenti  de  bonne  grâce  et  sans 
aucune  condition.  Tagliaflco  a  été  aussitôt  engagé  comme  première  basse, 
en  remplacement  d'Angelini.  Mme  Tagliaflco  fera  également  partie  du 
personnel  en  qualité  de  comprimaria.  —  Pour  remplacer  Graziani  nous 
aurons  M.  Beneventano  (baron  délia  Piana).  Quoiqu'assez  jeune  encore, 
Beneventano  a  déjà  fait  son  tour  du  monde  et  chanté  à  Vienne,  à  Milan  , 
à  Turin,  à  Madrid,  à  Lisbonne,  au  Mexique,  à  la  Havan> ,  à  New- York, 
et  fourni  trois  saisons  au  théâtre  de  Sa  Majesté  à  Londres.  —  Quant  à 
M1Ie  Trebelli,  la  nouvelle  venue,  nous  avons  dit  les  termes  du  traité  qui 
vient  de  la  lier  au  Théâtre-Italien  de  Paris. 

—  On  écrit  de  Londres  que  les  compositeurs  anglais  s'occupent  sérieu- 
sement d'alimenter  le  répertoire  national.  Wallace  travaille  à  un  opéra  inti- 
tulé :  la  Fée  Ambre;  H.  Glover  prépare  un  Ruy-Blas;  Franck  Mori  lient 
deux  œuvres  lyriques  sur  le  métier  :  la  Fiancée  de  Florence  et  Lambert 
Simnel;  Bénédict  s'occupe  d'une  Esmèralda;  et  enfin  Mac  Farren,  le  com- 
positeur aveugle,  écrit  la  partition  d'un  Prince  de  Modène  et  d'un 
Hamlet. . .  Bravo  !  chers  voisins  ;  voilà  de  quoi  défrayer  plusieurs  saisons. 

—  Les  journaux  anglais  confirment  l'engagement  de  Mlle  Emma  Livry 
par  M.  Gye,  pour  la  prochaine  saison  de  Londres,  c'est-à-dire  que  le  Pa- 
pillon demande  son  acclimatation  sur  la  scène  de  Covent-Garden. 


102 


LE  MÉNESTREL. 


—  On  écrit  de  Saint-Pétersbourg  que  M.  Saint-Léon  a  été  nommé,  par 
l'Empereur,  premier  maître  de  ballets  de  tous  les  théâtres  impériaux  de 
Russie. 

—  Une  correspondance  de  Berlin  nous  apprend  que  quelques  chauds 
partisans  de  Richard  Wagner  ont  formé  le  projet  d'un  journal  de  musique 
intitulé  le  Tannhauser.  Le  premier  numéro  doit  paraître  le  15  mars  pro- 
chain, à  l'issue  de  la  première  représentation  du  Tannhauser  à  Paris. 

—  Le  théâtre  de  Leipzig  vient  de  reprendre  avec  beaucoup  d'éclat  la 
tragédie  de  Struensée,  musique  de  Meyerbeer,  qu'on  n'avait  pas  fait  re- 
présenter depuis  quatre  ans.  —  On  a  lieu  de  s'étonner  que  cette  remar- 
quable œuvre  n'ait  pas  encore  été  transportée  sur  la  scène  française. 

—  On  lit  dans  le  journal  français  de  Francfort  :  «  La  duchesse  d'Ost- 
gothland,  née  princesse  de  Nassau,  entendit  chanter  par  hasard,  en  voya- 
geant dans  la  province,  il  y  a  quelques  mois,  une  jeune  paysanne  suédoise. 
La  voix  de  la  jeune  fille  charma  tellement  la  noble  dame,  qu'elle  fit  venir 
la  paysanne  dans  la  capitale,  où  des  connaisseurs  lui  firent  passer  un 
examen.  Ces  derniers  ayant  rendu  un  jugement  favorable,  la  duchesse 
envoya  sa  protégée  à  Paris,  où  elle  devra  se  perfectionner.  Un  célèbre 
professeur  de  chant  vient  d'exprimer  à  la  duchesse,  dans  une  lettre  re- 
produite par  les  feuilles  suédoises,  les  grandes  espérances  qu'il  est  permis 
de  fonder  sur  le  développement  d'un  talent  que  le  hasard  a  fait  découvrir. 
Le  jeune  rossignol  suédois  s'appelle  Christine  Nilson.  » 

—  M.  Ed.  de  Hartog,  le  jeune  compositeur  hollandais  résidant  à  Paris, 
vient  d'être  nommé  chevalier  de  l'ordre  de  Léopold  par  S.  M.  le  roi  des 
Belges. 

—  Mllc  Bardoni  est  de  retour  de  Son  excursion  en  Hollande,  où  elle  a 
joué,  avecMme  Vestvali,  Roméo  et  Juliette,  ainsi  qu'Orphée  et  Eurydice. 
La  Haye,  Amsterdam  ,  Rotterdam,  ont  applaudi  les  deux  cantatrices,  non- 
seulement  au  théâtre,  mais  au  concert,  où  Mlle  Bardoni  a  brillé  dans  les 
airs  et  duos  de  Sèmiramis,  Mathilde  de  Shabran  et  la  Valse  de  Venzano. 

—  C'est  La  Rochelle  qui  recevra  cette  année  la  grande  association  mu- 
sicale de  l'Ouest  (27e  Congrès).  On  a  déjà  choisi  les  morceaux  d'ensemble 
qui  devront  être  exécutés  aux  deux  concerts.  Ce  sont,  pour  le  premier 
jour,  la  symphonie  cantate  Lobgesang,  de  Mendelssohn;  le  chœur  de  Gou- 
nod,  Près  du  fleuve  étranger,  et  les  Ruines  d'Athènes,  de  Beethoven.' 
Pour  le  second  jour,  la  symphonie  en  si  bémol  du  même  maître,  l'ouver- 
ture de  Robin  des  bois  el  celle  de  Guillaume  Tell;  l'introduction  du  pre- 
mier acte  du  Comte  Ory  et  le  finale  du  second  acte  de  la  Vestale.  Le  festi- 
val aura  lieu  dans  la  seconde  quinzaine  d'août. 

—  L'Académie  des  Beaux-Arts  (section  de  musique)  a  décerné,  dans  sa 
séance  du  13  de  ce  mois,  à  M.  Ch.  Dancla,  le  prix  annuel  de  composition 
de  quatuor  fondé  par  M.  Chartier.  M.  Dancla  a  été  proposé  par  M.  Auber. 
Ses  compétiteurs  étaient  MM.  Adolphe  Blanc  et  Ch.  Estienne,  présentés 
par  MM.  Halévy  et  Carafa. 

—  Voici  un  nouveau  petit  bulletin  de  la  décentralisation  :  un  opéra- 
comique  en  un  acte,  intitulé  Simonette ,  vient  d'être  présenté  au  Grand- 
Théâtre  de  Gand  ;  —  à  Douai,  représentation  de  David,  drame  lyrique  en 
un  acte,  de  M.  Charles  Duhot  ;  —  à  Nantes,  enfin,  on  annonce  la  Sca- 
bieuse,  encore  un  opéra. 

—  S.  Exe.  M.  le  ministre  d'Étal  vient  d'accorder  à  M.  Raignard  le  pri- 
vilège de  la  salle  Lacaze,  qui  était  devenue,  dans  ces  dernières  années,  la 
succursale  d'été  des  Bouffes-Parisiens.  Cette  salle  portera  à  l'avenir  le  nom 
de  Petit  théâtre  scénique  des  Champs-Elysées.  Le  répertoire  de  ce  théâtre 
se  composera  de  comédies-vaudevilles  et  d'opérettes,  en  un  ou  deux  actes, 
a\ec  cinq  personnages  parlant;  de  pièces  féeriques  en  un  acte  ou  deux 
actes,  avec  tableaux,  chants  et  danses.  M.  Raignard,  le  nouvel  imprésario, 
est  le  fameux  machiniste  de  Cricri,  dont  un  nouveau  jugement  l'a  déclaré 
collaborateur. 

—  Une  grande  soirée  a  eu  lieu  tout  récemment  à  la  Recette  générale 
de  Lille.  M.  Akerman  avait  convié  de  nombreux  auditeurs,  —  parmi  les- 
quels on  remarquait  AI.  le  maréchal  duc  de  Magenta — pour  leur  faire 
entendre  deux  de  nos  artistes  parisiens,  MM.  Faure  et  Lefébure-Wély. 
Cette  soirée  ne  s'est  terminée  qu'à  une  heure  du  malin  au  milieu  des  plus 
enlhousiastes  bravos.  M.  Lefébure-Wély  a  ôlé  obligé  de  jouer  jusqu'à  dix 
fois,  et  sous  ses  magiques  doigts  l'harmonicorde  de  M.  Debain  a  fait  mer- 
veille. Le  public  a  particulièrement  applaudi  la  belle  fantaisie  surVArmide 
de  Gluck.  De  son  côté,  M.  Faure  a  chanté  huit  morceaux,  entre  autres  une 
mélodie  de  sa  composition,  les  Rameaux.  Il  a  dit  tous  ces  morceaux  avec 
la  verve  et  le  style  qu'on  lui  connaît.  Enfin,  nos  deux  artistes  sont  revenus 
enchantés  de  l'accueil  princier  que  leur  ont  fait  les  dilettantes  lillois. 


—  M110  Delphine  Cbampon,  la  jeune  et  habile  interprète  de  l'orgue  de 
la  maison  Alexandre,  dont  elle  a  fait  sa  spécialité,  se  rend  à  Lyon  et  à 
Saint-Étienne,  où  elle  vient  d'être  appelée  pour  s'y  faire  entendre  dans  un 
grand  concert  donné  au  profit  des  pauvres. 

•    SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  Après -demain  mardi,  premier  concert  au  palais  des  Tuileries. 
L'Opéra-Comique  fera  les  honneurs  de  la  partie  vocale,  et  M.  Lefébure- 
Wély,  qui  représentera  la  partie  instrumentale,  fera  entendre  l'harmoni- 
corde de  M.  Debain. 

—  Lundi  dernier,  les  Poèmes  de  la  Mer  ont  été  chantés  dans  les  salons 
de  S.  A.  Lia  princesse  Mathilde.  Nos  plus  grandes  illustrations  du  barreau, 
de  la  peinture,  de  la  musique,  composaient  l'auditoire  ,  qui ,  par  ses  ap- 
plaudissements, a  confirmé  de  nouveau  le  chaleureux  accueil  fait  à  cet 
ouvrage  au  Théâtre-Italien,  le  19  décembre  dernier.  S.  A.  1.  a  redemandé 
plusieurs  morceaux  et  a  félicité  M.  Wekerlin  à  plusieurs  reprises. 

—  Le  programme  du  troisième  concert  des  jeunes  artistes  du  Conserva- 
toire a  été  fort  attrayant.  La  vaillante  armée,  dirigée  par  son  habile  chef, 
M.  Pasdeloup,  a  magistralement  exécuté  une  symphonie  de  Schumann, 
l'hymne  pour  instruments  à  cordes  de  Haydn,  et  l'ouverture  du  Barbier  de 
Séville.  La  partie  vocale  était  représentée  par  MUe  Balbi,  MM.  Capoul  et 
Gourdin.  Ces  artistes  se  sont  fait  justement  applaudir,  M.  Gourdin  dans 
une  mélodie  de  Richard  Wagner,  et  M.  Capoul,  dans  la  sérénade  du  Bar- 
bier. Quant  à  M110  Balbi,  elle  a  obtenu  le  plus  légitime  succès  dans  son  air 
de  Rosine  et  son  duo  avec  Figaro.  Comme  femme  et  comme  artiste, 
M1,e  Balbi  a  excité  les  sympathies  de  la  salle  entière.  Enfin,  constatons 
l'excellent  effet  qu'a  produit  le  chœur  deGounod  :  Près  du  fleuve  étranger. 

—  Dimanche  dernier  a  eu  lieu,  à  la  salle  Pleyel,  la  troisième  séance  de 
musique  de  chambre  donnée  par  MM.  Alard  et  Franchomme,  avec  le  con- 
cours de  M.  J..  Diemer.  Le  tria  en  si  bémol  de  Schubert,  pour  violon,  vio- 
loncelle et  piano,  a  été  rendu  par  les  trois  virtuoses  avec  une  finesse  et 
une  perfection  qui  ont  fait  ressortir  toute  la  délicatesse  de  l'œuvre.  L'exé- 
cution du  quatuor  en  ré,  de  Mozart,  et  du  quintette  en  mi  bémol,  de 
Beethoven,  s'est  également  montrée  à  la  hauteur  de  ces  compositions,  et 
l'on  a  pu  remarquer  le  charme  des  phrases  exprimées  tour  à  tour  par 
les  divers  inslruments,  notamment  par  le  violoncelle  de  Franchomme  et 
par  l'alto  de  Casimir  Ney.  Quant  à  la  sonate  en  si  bémol,  de  Mozart,  c'est 
l'œuvre  qui  a  le  plus  impressionné  l'auditoire  par  la  grâce  exquise  de 
l'interprétation,  véritable  triomphe  de  goût  pur  et  classique  :  c'est  nommer 
de  nouveau  Alard  et  Diemer. 

—  La  troisième  séance  de  la  Société  de  quatuors  de  MM.  Armingaud, 
Jacquard,  Lalo  et  Mas,  n'a  rien  laissé  à  désirer.  Les  honneurs  delà  soirée  ont 
été  pour  l'andante  Cou  variazioni  de  Mozart,  et  la  sonate  op.  33de  Beetho- 
ven, exécutée  par  M.  Ernest  Lubeck  avee  une  véritable  maestria.  Chaque 
séance  de  ces  excellents  artistes  est  un  véritable  progrès  qui  les  rapproche 
de  la  perfection.  Quoi  d'étonnant?  en  travaillant  chaque  jour  cette  belle 
musique  des  maîtres,  on  s'initie  de  plus  en  plus  à  leurs  idées  et  on  pénètre 
plus  avant  dans  leur  sentiment.  C'est  ainsi  que  la  musique  classique  trouve 
sa  récompense  en  elle-même. 

—  Notre  célèbre  harpiste,  Félix  Godefroid,  qui  annonce,  sa  rentrée  offi- 
cielle dans  le  monde  musical  pour  le  jeudi  14  mars,  salons  d'Érard,  a 
donné  chez  lui, dimanche  dernier,  une  brillante  soirée  musicale,  composée, 
entre  autres  éléments,  d'un  intermède  lyrique  :  la  Dernière  bataille,  pa- 
roles de  M.  Tourneux,  musique  du  maître  de  la  maison,  interprètes  : 
M.  et  Mme  Lyon.  Le  succès  a  été  complet  et  s'est  prononcé  dès  le  spirituel 
prologue  de  M.  Tourneux.  On  a  rappelé  les  auteurs,  et  M.  et  Mme  Lyon,  qui 
ont  aussi  bien  joué  que  chanté.  La  Société  du  Conservatoire,  dirigée  par 
M.  Ed.  Batiste,  avait  ouvert  la  soirée  par  les  fables  chorales  de  Godefroid. 
Les  chansonnettes  de  Paul  Malézieux,  et  notamment  la  grande  scène  bouffe 
Parodie  des  romances, a  couronné  le  programme.  Mais  ce  n'était  pas  tout; 
avant  de  se  séparer,  on  a  demandé  quelques  accords  à  Félix  Godefroid, 
el  il  a  fait  entendre  cette  merveilleuse  harpe  que  seuls ,  aujourd'hui,  ses 
doigts  savent  animer  d'une  façon  si  poétique  et  si  élevée.  Aussi,  quel  en- 
thousiasme et  avec  quel  plaisir  les  auditeurs  de  M.  et  Mme  Félix  Godefroid 
se  sont  donné  rendez-vous  le  14  mars,  chez  Ërard. 

—  Les  nouvelles  éludes  d'Henri  Ravina  :  les  Harmonieuses,  qui  viennent 
d'obtenir  un  si  grand  et  si  légitime  succès  dans  les  salons  de  M.  Mar- 
montel,  seront  exécutées  par  l'auteur ,  jeudi  prochain,  en  petit  comité, 
dans  les  salons  particuliers  de  MM.  Pleyel-Wolff. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


103 


—  Mercredi  dernier,  à  la  séance  hebdomadaire  de  M.  Goufîé,  un  audi- 
toire choisi  applaudissait  un  trio  de  M.  Ad.  Blanc  et  un  quintelle  de 
M.  Estienno,  parfaitement  interprétés  par  M1Ie  Ney,  et  par  MM.  Guerreau, 
Rignault,  Casimir  Ney,  Leboue  et  Gouffé.  Le  scherzo  du  trio,  l'adagio  et  le 
finale  du  quintette  ont  surtout  fait  le  plus  grand  plaisir. 

—  Le  deuxième  concert  de  Joseph  Wieniawski  a  tenu  toutes  ses  pro- 
messes, et  le  célèbre  virtuose  a  été  acclamé  de  nouveau.  On  lui  a  rede- 
mandé sa  valse,  qui  n'était  pas  sur  le  programme.  Dans  la  partie  vocale, 
on  a  beaucoup  applaudi ,  à  côté  de  Géraldy ,  la  voix  et  le  talent  de 
Mme  Mancel,  dont  le  nom  se  retrouve  depuis  quelque  temps  sur  tous  nos 
bons  programmes  de  concerts.  Le  public  ne  s'en  plaint  pas,  au  contraire. 

—  Schulhoff  annonce  un  troisième  et  dernier  concert,  salons  Pleyel- 
Wolff  et  compagnie,  pour  le  vendredi  1er  mars. 

— '  M.  et  Mme'Viguier  ont  donné,  dimanche  dernier ,  une  brillante  ma- 
tinée musicale  dans  les  salons  d'Érard.  Un  quatuor  de  Mozart ,  un  trio  de 
Mendelssohn  et  un  finale  de  Weber,  ont  été  supérieurement  interprétés 
par  MM.  Chevillard,  Adam,  M.  et  Mmc  Viguier.  Un  gracieux  menuet , 
composé  et  exécuté  par  Mme  Viguier,  nous  a  prouvé  que  celte  artiste 
était  aussi  bon  compositeur  qu'habile  virtuose.  Un  autre  attrait  de  cette 
matinée,  c'était  l'audition  d'une  sonate  pour  piano  et  alto,  composée  par 
M.  de  Vaucorbeil.  Cette  œuvre,  écrite  avec  talent  et  ce  soin  consciencieux 
que  les  vrais  artistes  mettent  à  tout  ce  qui  est  l'expression  vraie  de  leur 
sentiment,  a  obtenu  un  grand  succès.  L'interprétation  a  élé  excellente,  et 
chose  bien  rare,  le  public  a  redemandé  ,  par  acclamation  ,  la  Pavanne  , 
véritable  diamant  incrusté  dans  cette  délicieuse  symphonie  de  chambre. 

—  Le  concert  que  M.  Henri  Herz  donnera  chez  lui,  le  lundi  soir  4  mars, 
avec  orchestre  et  chœurs,  sera,  sans  contredit ,  l'un  des  plus  intéressants 
de  la  saison.  On  y  entendra  Mmc  Grisi  et  M.  Badiali,  ainsi  que  le  célèbre 
violoncelliste  Servais.  M.  H.  Herz  exécutera  son  sixième  concerto  ;  une 
grande  sonate  \di  bravoura)  ;  un  nocturne  suivi  d'une  tarentelle  nouvelle; 
Vandante  du  cinquième  concerto  et  la  Clochette,  rondo  russe. 

—  Parmi  les  récents  concerts,  n'oublions  pas  de  citer  celui  de  M.  Albert 
Lhôte,  lauréat  du  Conservatoire  et  élève  de  M.  Efwart.  Cette  soirée  était 
exclusivement  composée  des  œuvres  vocales  et  instrumentales  du  jeune 
musicien.  Trio,  quatuor,  sonate,  mélodies,  chansons,  cantilènes,  tout  a 
été  accueilli  avec  sympathie.  Espérons  que  l'avenir  justifiera  les  encoura- 
gements prodigués  au  compositeur. 

—  Vendredi  ier  mars ,  concert  de  M.  William  Kruger,  dans  les  salons 
d'Érard,  avec  le  concours  de  Mme  Mancel,  de  MM.  Lucchesi,  Hammer  et 
Rignault. 

—  Mercredi  6  mars,  concert  de  M.  A.  Bazzini  (salle  Herz).  Mme  Bockholz- 
Falconi  et  M.  Reichardt  coopéreront  au  programme  de  cette  soirée. 

—  Le  concert  de  M.  Vincent  Adler  est  remis  au  lundi  25  mars  pro- 
chain. 

—  M.  de  Casella,  violoncelliste  de  S.  M.  le  roi  de  Sardaigne,  donnera 
un  concert,  le  5  mars,  dans  les  salons  Pleyel,  avec  le  concours  de  MM.  Sau- 
zay,  Géraldy,  Lucchesi,  Wagner,  Mmes  Casella,  Mancel,  etc.  Une  opérette 
de  feu  Cotlin,  Pierre  et  Paul ,  servira  d'intermède  à  cette  soirée. 

—  Miss  Alice  Mangold  donnera  son  second  concert  le  dimanche  3  mars, 
à  une  heure,  dans  les  salons 'd'Érard.  ' 

—  Le  concert  de  Mile  Joséphine  Perrelli  aura  lieu  le  4  mars,  salle  Érard, 
avec  le  concours  de  Mllcs  Falconi,  Ronzi,  Noirot,  Poicet. 

—  MUe  Wilhelmine  Belin  de  Launay  donnera  son  concert  le  mardi 
5  mars,  à  8  heures  du  soir,  dans  les  salons  Érard,  avec  le  concours  de 
Mlle  Dorus  et  de  MM.  Herman,  J.  Lefort  et  Berthelier  de  l'Opéra-Comique. 

—  Le  lithophone,  ce  bizarre  instrument  de  pierres  dont  nous  avons 
déjà  entreténu  nos  lecteurs,  est  exposé  dans  les  magasins  de  pianos  de 
M.  A.  Bord,  boulevard  Poissonnière,  de  midi  à  cinq  heures. 

—  Sous  le  titre  :  Le  quatrième  Larron,  la  librairie  nouvelle  vient  d'en- 
richir sa  collection,  format  anglais ,  d'un  intéressant  volume  de  Charles 
Narrey,  l'auteur  de  nombre  de  jolies  pièces  de  théâtre,  et  collabora- 
teur, ehtr'autres  succès,  de  la  Dame  de  trèfle,  dont  il  est  question  de 
faire  un  opéra-comique.  Dans  son  volume  du  Quatrième  Larron  , 
M.  Charles  Narrey  prouve  aussi  quelques  velléités  musicales  :  à  côté  de  son 
héroïne ,  la  marquise  d'Herbelin  ,  une  célèbre  cantatrice  italienne  tient 
une  place  d'autant  plus  intéressante,  qu'elle  fut  la  dame  de  cœur  de 
notre  Quatrième  Larron,  un  certain  Stéphen  Servier  ,  marquis  de  Ro- 
sendal,  musicien  lui-même,  comme  Schubert.  C'est  donc  un  livre  qui  se 
recommande  à  plus  d'un  titre  aux  abonnés  du  Ménestrel. 


CONCOURS   DE   MUSIQUE  REI.IOIEUSE. 

La  commission  d'examen,  instituée  par  la  Maîtrise  et  le  Congrès  pour 
la  restauration  de  la  musique  d'église,  vase  réunir  prochainement  à  l'effet 
de  classer,  par  ordre  de  mérite,  les  messes  brèves  à  trois  voix,  les  motets 
à  une,  deux  et  trois  voix,  et  les  pièces  d'orgue  applicables  aux  offices, 
adressées  aux  éditeurs  de  la  Maîtrise  par  les  organistes  et  maîtres  de  cha- 
pelle français  et  étrangers,  dans  le  but  de  prendre  part  au  concours  de 
musique  religieuse  fondé  par  le  journal  la  Maîtrise.  Trois  médailles  en 
or,  trois  médailles  en  argent  et  douze  médailles  en  bronze,  d'une  valeur 
totale  de  1,250  francs,  sont  attribuéesaux  meilleurs  manuscrits  déjà  remis 
ou  qui  seront  soumis  à  l'examen  de  la  commission  pendant  toute  la  durée 
de  ses  séances,  qui  commenceront  le  20  février  et  se  prolongeront  jusqu'à 
la  fin  du  mois  de  mars.  Écrire  franco  à  MM.  Heugel  et  Ci0,  2  bis,  rue 
Vivienne,  à  Paris,  pour  recevoir  le  programme  du  concours. 


NECROLOGIE. 


Chaque  semaine  vient  apporter  son  funèbre  tribut  aux  tablelles 
mortuaires  de  l'année  naissante. 

On  écrit  de  Weimar  que  le  célèbre  compositeur  et  maître  de 
chapelle  Chelard,  l'auleur  de  Macbeth,  est  mort  dans  cette  ville 
à  l'âge  de  soixante-douze  ans. 

De  son  côté,  le  Conservatoire  de  musique  de  Liège  a  perdu 
Joseph  Dupont,  l'un  de  ses  professeurs  les  plus  distingués,  vio- 
loncelliste hors  ligne,  et  compositeur  de  mérite.  Il  venait  de 
terminer  un  opéra  intitulé  :  Ribeiro  Pinlo. 

Et  dans  la  même  semaine  mourait  à  Anvers,  à  l'âge  de 
soixante-dix-sept  ans,  le  dernier  représentant  de  l'école  de 
Lesueur  et  Catel,  M.  Henri  Simon,  auteur  d'un  grand  nombre 
de  compositions  estimées,  parmi  lesquelles  l'oratorio  de  Judith 
ou  le  Siège  de  Bélhulie ,  que  l'on  considère  comme  son  chef- 
d'œuvre. 

Enfin  à  Paris,  nous  avons  vu  s'éteindre  André  Hoffmann,  qui 
a  occupé  un  rang  distingué  parmi  les  artistes  dramatiques,  et 
dont  une  maladie  du  cerveau  avait  brisé  la  carrière  dans  un  âge 
peu  avancé.  Indépendamment  de  sa  verve  de  comédien,  André 
Hoffmann  excellait  dans  la  chansonnette. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


SCÈNES  ET  MÉLODIES  NOUVELLES. 


Lombard. 


Marmontel. 
Masini. 
Poisot. 
H.  Potier. 


P.  Thys. 


La  Danse  macabre. 

Le  Moka. 

Le  vrai  Prêtre. 

Le  vide  du  cœur. 

Le  Lever  des  Etoiles. 

Les  Lilas. 

Adieu  les  Fées. 

Fais-toi  petit. 

Comire  ou  le  nouvel  ami  des  Enfant. 

Tes  vingt  ans. 

Harmonie  du  soir. 


CLEMENTINE  BATTA. 

Amour  et  Prière.  —  Chant  d'une  Mère.  —  Prière  à  la  Vierge.  — 
La  Valse  de  Marguerite. 

CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADAUD. 

La  Promenade.  —  La  Bruyère.  —  La  Ferme  de  Beauvoir.  —  Le  Ven 
qui  pleure.  —  Florimond  Venjoleur.  —  La  Mère  Françoise. 


F=%t 


HAYDN      Jr- 


TRANSCRIPTIONS  CONCERTANTES 


D'CEUVRES    CELEBRES 


[JUHntiMI 


AMÉDÉE  MÈREAUX 


Op.  98. 


tsyoaKJûŒâo,  ^i^^sce»^  ^m^  c^>,v^r^^,ok'^rcii03.^ 


PIANO,  ORGUE,  VIOLON  ET  VIOLONCELLE. 


1.  Duo  de  La  Lettre,  des  Noces  de  Figaro,  de  Mozart. 

Piano  et  orgue Duo. 

2.  Mon  Cœur  soupire,  des  Noces  de  Figaro ,  de  Mozart. 

Piano,  violon  et  orgue Trio. 

3.  La  Prière,   adagio  varié  du  38  quatuor  d'HAYDN. 

Piano  et  orgue  ou  deux,  orgues Duo. 

4.  BattiBatti,  air  de  Don  Juan,  de  Mozart.  Orgue,  piano, 

violon,  violoncelle  et  contre-basse,  ad  lib.  Quatuor. 

5.  Adagio  et  polonaise  de  la  Sérénade  de  Beethoven. 

Piano  et  orgue Duo. 

6.  Andantino  de  la  grande  symphonie   en   mi  bémol 

d'HAYDN.  Piano,  violon  et  orgue Trio. 


Chœur  pastoral  et  gavotte  à'Armide,  de  Gluck.  Piano 

et  orgue Duo. 

Menuet  et  trio  des  Masques,  de  Don  Juan,  de  Mozart. 

Piano  et  orgue Duo. 

Air  de  basse  de  La  Flûte  enchantée,  de  Mozart.  Piano, 

violoncelle  etorgue Trio. 

Les   Soupirs  du   Berger ,   de    Weber.    Piano  et 

orgue Duo. 

Quatuor  de  Fidelio,  de  Beethoven.  Piano  à  4  mains 

et  orgue' Trio. 

Andante  du  quatrième  concerto  de  HjEndel.  Piano 

et  orgue Duo. 


DOUZE   ŒUVRES  CONCERTANTES  DE  DIVERS  AUTEURS 


ALEX..    B.1TT4. 

1.  Résignation,  méditation  pour  violon,  violoncelle,   piano  et 

orgue ,  ad.  lib 9     » 

A.  DELOFFRE. 

2.  Scène  SOrphée,  de  Gluck,  transcription  pour  violon  ou  violon- 

celle, piano  et  orgue,  ad.  lib 9    » 

CH.  GOENOD. 

3.  Méditation  sur  le  premier  prélude  de  Bach ,  pour  piano,  violon 

ou  violoncelle  et  orgue 7  50 

4.  La  Jeune  religieuse,  de  Schubert,  transcription  pour  violon, 

violoncelle,  ad  lib.,  orgue  et  piano 9    » 

V-"''  de   GRANDVAL. 

5.  Deuxième  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle. 9    » 

FÉLIX   eODEFBOI». 

6.  La  Prière  des  Burdes,  pour  piano,  orgue,  violon  ou  violoncelle.     9     » 


MOZART     Jj 


JT 


t* 


ll/ENDEL 


iUJr 


E.   DE   HARTOG. 

7.  Pensée  de  Crépuscule ,  méditation  pour  violon,  violoncelle, 

orgue  et  piano 9    „ 

8.  Souvenir  de  Pergolèse ,  andante  religioso ,  pour  violon,  vio- 

loncelle, piano  et  orgue 7  go 

LEFÉRERE-WÉLY. 

9.  Air  d'église  de  Stradella  (  xvie  siècle  ) ,  pour  piano ,  violon  ou 

violoncelle  et  orgue 7  go 

10.  Hymne  à  la  Vierge,  méditation  religieuse  pour  orgue-harmo- 

nicorde ,  violon,  violoncelle  et  piano,  ad  lib 7  50 

S.   THAERERG. 

11.  Op.  69.  1er  trio,  pour  piano,  violon  et  violoncelle 15    » 

A.-E.  DE  VAECORBEIL. 

12.  Trois  sonates  pour  piano  et  violon  ,  chacune 9    » 


Paris,  au  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  \iviennc,  HEUGEL  et  Ciu,  éditeurs-fournisseurs  du  CONSERVATOIRE 

(  Propriété  France  et  Étranger.  ] 

Abonnement  de  lecture  musicale.  —  Tente  et  location  de    PiunOH. 


(F 

:(l 


*% 


WEBER 


=jr 


753.  —  '28e  Année. 

N«   14. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  OU  CHANTEUR. 


Dimanche  3  Mars 


r~a^rra 


TREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


(An 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivicnne.  —  HEUGEL  et  C'°,  éditeurs. 

ivlasasins  et  Abonnement  de  Musique  «lu  IIIÉXËSTREL.  —  Vente  ot  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT.  S®ÎÎ1)25Î'2(SE?S  œ'îA\!S@EÎHISKiISH^ÏÏ,  S  PIANO. 

er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  8 G  morceaux:      i      2e  Mode  d'abonnement  :  Jïournol-Texte,  tous  les  dimanches  : 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  8  Albums-  Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quin; 

primes  illustrés.  -    Un  an  :  15  fr.;  Province  :18fr.  ;  Etranger:  21  fr.  I  primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.:  Province  :  18  fr.  ;  Étra 


20  Itlorcenux  i 
line;  z  Alliiinia- 

îger:  21  fr. 


CHANT  ET  riUO    IlEl'NIS 

Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Mis 

Un  an  :  25  fr.  —  Province 


■eaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés 

30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


tdu  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1=' décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/ranco 
un  bon  sur  la  poste,  a  MM.  IIEIIGFI,  et  c»,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
•      .  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


On  so 
Typ.  Charles  fie  Mourgues  frères 


rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  1367. 


SOMIMAIKE.  —  TEXTE. 

1.  L'opéra-comique,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  : 
compositeurs  de  la  République  et  du  premier  Empire  :  Adolphe  Adam  (27e  ar- 
ticle). L.  Meneau.  —  IL  Semaine  théâtrale.  J.-L.  Heugel.  —  III.  Tablettes  du 
pianiste  et  du  chanteur  :  Audition  des  Harmonieuses,  nouvelles  études  d'Henri 
Ravina.  Léon  Gatayes.  —  IV.  Quatrième  concert  du  Conservatoire  et  audition 
des  œuvres  de  Léon  Kreutzer.  Ed.  Viel.  —  V.  Les  oeuvres  posthumes  d'Eugène 
Scribe  et  le  Domino  noir  a  Londres.  —  VI.  Hommage  hongrois  à  Hector  Berlioz. 
VIL  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Nos  abonnés  à  la  musiq  ue  de  Cha.nt  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
ADIEU  LES  FEES  ! 

Paroles  d' Armand  Liorat,  musique  d'HENRi  Potier.  —  Suivra  immé- 
diatement après  :  le  Bal ,  valse  chantée  parMUe  Chabert  dans  le  Mari 
sans  le  savoir,  paroles  de  MM.  Léon  et  Ludovic  Halévy,  musique  de 
M.  de  Saint-Rémy. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche,  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  , 

JUANA, 

Polka-mazurka  de  Pu.  Stutz,  qui  a  été  envoyé,  par  erreur,  à  nos  abonnés 
de  Paris,  aux  lieu  et  place  du  Quadrille- Fortunio  qu'ils  recevront  diman- 
che prochain.  —  Suivra  immédiatement  après  :  Fleuve  du  Tage , 
transcription  par  Th.  Lécureux. 


I/OPËRA- COMIQUE 


SA   NAISSANTE,  SES    PROCHES,  SA  TRtOP  GRANDE   EXTENSION. 


COMPOSITEURS 

DE    LA    RÉPUBLIQUE    ET    DU    PREMIER   EMPIRE. 
CHAPITRE   IX. 

XXVII. 

ADOLPHE    ADAM. 

J'ai  dit  que  je  placerais  la  biographie  d'Adolphe  Adam 
aussitôt  après  celle  de  Boïeldieu,  parce  que  le  genre  du  disciple 
est  la  continuation  de  celui  du  maître.  En  effet,  on  trouve  beau- 


coup d'analogie  dans  le  style  de  ces  deux  musiciens.  L'élève  fut 
peut-être,  parfois,  plus  brillant,  mais  d'un  style  moins  élevé  ; 
les  couleurs  dont  il  chargea  sa  palette  furent  plus  éclatantes; 
mais,  en  revanche,  il  n'y  avait  pas  dans  la  mélodie  de  Boïeldieu 
le  laisser  aller  blâmable  que  l'on  retrouve  parfois  chez  Adam. 
L'auteur  de  la  Fêle  au  village  voisin  n'acceptait  point  sans 
contrôle,  sans  examen,  toutes  les  mélodies  qui  lui  venaient  à 
l'esprit.  Boïeldieu  n'eût  jamais  laissé,  dans  aucune  de  ses  parti- 
tions, la  ronde  des  Fraises,  du  Bijou  perdu.  Il  est  vrai  que  la 
popularité  fut  pour  l'auteur  du  Chalet  une  mauvaise  conseillère. 
En  veut-on  un  exemple  pris  au  hasard  dans  son  œuvre?  Ouvrons 
la  partition  du  Roi  d'Yvelot  et  celle  du  Brasseur  de  Preston, 
nous  y  voyons  deux  romances,  l'une  : 

Fi  des  honneurs, 

Des  grandeurs  ! 

Parlez-moi 

D'un  chez  soi 
Où  l'on  est  bien  à  l'aise. 

est  pleine  d'entrain  et  d'esprit,  franche  d'allure  et  facile  à  garder 
dans  la  mémoire  ;  elle  n'a  eu  cependant  que  le  modeste  sort 
d'une  jolie  bluette  d'album  ;  on  l'a  chantée  dans  les  salons. 

L'autre,  au  rhythme  commun,  à  la  tournure  Pont-Neuf,  fit  son 
tour  de  France,  colportée  par  les  orgues  de  Barbarie  ;  il  y  a 
une  vingtaine  d'années,  les  apprentis,  les  ouvriers  de  nos  usines 
et  manufactures,  comme  nos  conscrits,  marins  et  simples  mousses 
de  nos  ports  de  mer,  hurlaient  à  l'envi  dans  les  rues  : 


Et  si  j'ai  gagné  la  bataille , 

C'est  que  j'avais  un  bon  cheval. 
Adolphe  Adam  composait  ses  opéras  comme  on  écrit  à  un 
ami  intime.  La  musique  était  sa  langue  maternelle,  il  s'en  ser- 
vait avec  la  plus  heureuse  facilité.  Selon  l'expression  d'un  de  ses 
biographes,  il  était  né  en  pleine  musique.  Son  père,  Louis  Adam, 
était  un  professeur  de  piano  des  plus  distingués  ;  mais  si  le  père 
de  Beethoven  se  trouvait  dans  l'obligation  de  contraindre  son 


106 


LE  MÉNESTREL. 


fils  à  apprendre  les  éléments  de  son  art,  on  doit  constater  que 

le  contraire  eut  lieu  pour  le  musicien  dont  je  vais  esquisser  la 

biographie. 

# 
*  * 

Charles- Adolphe  Adam  naquit  à  Paris  le  24  juillet  1803. 11 
fut  très-rebelle  à  l'instruction  littéraire,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas 
d'écrire  plus  tard,  sur  la  musique,  des  feuilletons  aussi  goûtés 
qu'intéressants  ;  au  lieu  d'apprendre  à  lire,  il  passait  sa  journée 
à  tapoter  sur  un  piano  les  improvisations  qui,  dès  son  bas  âge, 
abondaient  à  sa  pensée.  On  le  plaça  d'abord  dans  la  pension 
où  Hérold  fit  également  son  éducation,  puis  on  le  fit  entrer  au 
lycée  Napoléon  ;  mais,  en  grandissant,  sa  passion  pour  la  mu- 
sique se  développa  si  bien,  qu'il  résolut  de  s'y.  abandonner  com- 
plètement ;  aussi,  pendant  sa  rhétorique  et  sa  philosophie,  au 
lieu  de  se  rendre  au  collège,  faisait-il ,  h  l'insu  de  son  père, 
l'école  buissonnière  au  profit  de  l'art  qu'il  chérissait.  Pendant 
que  Louis  Adam  croyait  son  fils  au  lycée,  celui-ci  passait  ses 
heures  de  classe  dans  l'atelier  d'une  aimable  Jenny  l'ouvrière  , 
se  réfugiant  pour  faire  de  la  musique  dans  l'asile  que  l'amour 
lui  avait  ouvert. 

Son  père  lui  permit  enfin  de  suivre  ,  comme  amateur,  les 
cours  du  Conservatoire,  à  la  condition  qu'il  ne  composerait 
jamais  d'opéras. 

Dans  ce  but,  on  soigna  si  peu  son  instruction  théorique,  qu'il 
était  déjà  assez  bon  pianiste  sans  savoir  solfier  couramment , 
car  il  raconte,  dans  son  autobiographie,  que  M.  Halévy  étant 
en  loge  à  l'Institut,  le  pria  de  tenir  sa  classe  de  solfège;  Adam 
accepta  avec  plus  d'aplomb  que  de  modestie,  et  ce  fut  ainsi 
qu'il  apprit  lui-même  à  lire  la  musique  en  l'enseignant  aux 
autres.  Plus  tard,  il  devint  professeur  titulaire  de  cette  classe. 

Adolphe  Adam  reçut  des  leçons  d'harmonie  d'un  composi- 
teur allemand  nommé  Eller,  auteur  d'un  opéra-comique  :  l'Ha- 
bit du  chevalier  de  Grammont,  qui  réussit;  grâce  au  scénario 
spirituel  et  au  jeu  de  Martin,  qui  soutint  la  pièce.  Des  mains 
d'Eller,  Adam  passa  dans  celles  de  Reicha  ;  mais  son  véritable 
maître  fut  Fauteur  de  la  Dame  blanche,  qui  avait  été  nommé 
professeur  de  composition  idéale,  au  Conservatoire,  non  sans  un 
peu  de  scandale  dans  cette  école,  parce  que  ses  œuvres  n'y 
étaient  pas  en  grande  réputation  de  contre-point.  A  cette  époque- 
là,  Adam  n'avait  d'estime  que  pour  les  harmonies  travaillées 
et  les  accompagnements  complexes;  Roïeldieu  le  ramena  à 
l'amour  de  la  simplicité  et  le  replaça  dans  cette  voie  où  il  devait 
trouver  les  mélodies  du  Chalet,  du  Postillon,  de  la  Reine  d'un 
jour,  de  Giralda,  de  Si  j'étais  Roi. 

Son  père  l'avait  consigné  à  la  porte  de  tous  les  théâtres  de 
musique  et  ne  lui  donnait  point  d'argent,  de  façon  à  l'empêcher 
d'y  pénétrer  d'aucune  façon.  Adolphe  Adam  parvint,  en  déses- 
poir de  cause,  à  occuper  la  place  de  triangle  au  théâtre  du 
Gymnase,  pour  devenir  ensuite  timbalier  et  copiste  dans  le 
même  orchestre. 

C'est  là  qu'il  fit  ses  premiers  pas  dans  la  carrière  de  compo- 
siteur dramatique.  Se  trouvant  en  relations  avec  les  auteurs  qui 
payaient  au  chef  d'orchestre  la  musique  de  leurs  couplets; 
Adam  leur  offrit  de  s'en  charger  sans  rien  leur  demander  pour 
son  travail. 

Son  premier  succès  fut  un  air  intercalé  dans  Pierre  et 
Marie,  vaudeville  joué  au  Gymnase  le  6  janvier  1824.  Toute 
sa  carrière  se  ressentit  un  peu  de  ce  début,  car  le  couplet  eut 
assez  souvent  dans  ses  partitions  le  pas  sur  les  morceaux  d'en- 
semble. 


Dans  un  voyage  qu'Adam  fit  en  Suisse,  il  rencontra  M.  Scribe, 
et  il  obtint  de  cet  habile  vaudevilliste  le  droit  d'écrire  la  mu- 
sique d'une  pièce  qu'il  destinait  au  Gymnase  :  La  Batelière  de 
Brientz.  La  pièce  fut  représentée  en  1827;  les  interprètes  étaient 
Mme  Déjazet,  et  Léontine  Fay;  Gonthier,  Paul,  Legrand  et  Fer- 
ville.  Bocldieu,  ayant  entendu  la  musique  de  cette  opérette,  en 
témoigna  sa  satisfaction  à  son  élève. 

Après  quelques  autres  succès  de  Vaudeville,-  il  débuta  à  la 
salle  Feydeau  par  Pierre  et  Catherine  en  1829,  un  acte  de 
M.  de  Saint-Georges.  Cet  opéra  servait  de  lever  de  rideau  à  la 
Fiancée  de  M.  Auber.  Ce  furent  les  deux  dernières  pièces  jouées 
à  Feydeau. 

A  l'exception  du  trial  Féréol,  qui  se  trouva  flatté  déjouer  un 
personnage  sérieux,  les  artistes  auxquels  les  rôles  avaient  été 
primitivement  distribués  les  refusèrent  :  on  eut  recours  à  des 
chanteurs  de  réputation  secondaire  à  cette  époque  ;  mais  la  pièce 
n'en  marcha  pas  moins  bien,  et  la  basse,  Henry,  entr'autres,  fut 
applaudi  dans  un  rôle  bouffe,  qu'il  remplissait  avec  esprit.  Il 
devait  plus  tard  se  distinguer  de  la  même  façon  dans  le  rôle  de 
Biju  du  Postillon  de  Longjumeau. 

L'ouverture  de  Pierre  et  Catherine,  est  une  charmante  pré- 
face symphonique  qui  n'a  guère  son  pendant  dans  l'œuvre  d'A- 
dam si  ce  n'est  celle  du  Brasseur. 

En  1830,  il  donna  à  l'Opéra-Comique  Danilowa,  3  actes  de 
Vial  et  Paul  Duport. 

Avant  que  cette  pièce  ne  fût  représentée,  il  écrivit  pour  le 
théâtre  des  Nouveautés;  mais  les  mélodies  semées  par  lui  à  pro- 
fusion sur  cette  scène  portèrent  ombrage  à  la  direction  de  l'Opéra- 
Comique,  qui  fit  défendre  d'y  chanter  des  airs  nouveaux,  sous 
prétexte  que  cela  portait  atteinte  à  son  privilège  :  «  les  Nouveautés 
étaient  alors  dirigées  par  Bohain  et  Nestor  Roqueplan,  proprié- 
taires du  journal  le  Figaro,  dit  Adam  dans  son  autobiographie.» 
On  venait  déjouer  à  l'Opéra-Comique  un  nouvel  opéra  :  ils  ré- 
pondirent par  une  contre-assignation  qu'ils  firent  signifier  par  un 
huissier  nommé  l'Écorché  :  ils  y  faisaient  défense  à  Ducis  de  re- 
présenter son  opéra,  prétendant  qu'il  n'y  avait  pas  un  seul  air 
nouveau,  que  tous  les  motifs  étaient  connus,  et  qu'il  empiétait 
sur  le  privilège  des  théâtres  de  vaudevilles.  Ils  publièrent  leur 
assignation  dans  le  Figaro  :  cette  facétie  obtint  un  succès  fou, 
les  rieurs  furent  de  leur  côté  et  le  procès  n'eut  pas  lieu  »  (1). 

Danilowa  montrait  chez  l'auteur  plus  d'habileté,  plus  de  faire 
que  Pierre  et  Catherine.  La  pièce  était  jouée  par  Mmes  Casimir, 
Pradher  et  Lemonnier,  et  par  Moreau-Sainti  et  Lemonnier. 
On  redemandait  chaque  soir  l'air:  Sous  le  beau  ciel...  Mais  les 
nuages  politiques  s'amoncelèrent,  et  la  révolution  de  juillet 
vint  arrêter  le  cours  des  représentations  de  Pierre  et  Catherine. 

Adam  donna  ensuite,  en  moins  d'un  an,  quatre  ouvrages  : 
Trois  jours  enune  heure,  un  acte;  Joséphine,  un  acte  ;  le  Mor- 
ceau d'ensemble,  un  acte  et  le  Grand  prix,  trois  actes  (  1831  ). 
Ces  pièces  n'eurentqu'un  succès  d'estime;  les  préoccupations  poli- 
tiques de  cette  époqne  en  furent  peut-être  cause.  Les  théâtres,  à 
la  fin  de  1830  et  au  commencement  de  1831,  étaient  peu  suivis. 
Adam  pensa  qu'il  fallait  chercher  fortune  ailleurs,  et  se  rendit 
à  Londres,  où  il  y  fit  jouer  en  1832  The  diamand,  trois  actes, 
The  first  compaign,  deux  actes  ;  en  1833,  un  ballet  en  trois 
actes,  intitulé  Faust. 

[La  suite  à  un  prochain  numéro,) 

LÉON    MENEAU. 

(1)  Souvenirs  d'un  musicien.  Notes  biographiques. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


107 


SEMAINE  THEATRALE. 

Le  Tannhauser  était  annoncé  pour  demain  lundi;  une  indis- 
position deVénus  (Mme  Tedesco),  fait  remettre  cette  solennité 
au  vendredi  suivant.  Ce  serait  le  moment  de  livrer  a  nos  lec- 
teurs les  impressions  des  répétitions  générales,  de  se  faire  l'écho 
des  bruits  de  coulisses,  des  mille  petites  misères  de  la  mise  en 
scène  de  l'ouvrage  de  M.  Wagner.  Mais  nous  attendrons  la 
semaine  des  premières  épreuves,  nous  laisserons  parler  le  vrai 
public.  Immédiatement  après  le  Tannhauser,  I'Opéra  se  livrera 
aux  études  de  la  Reine  de  Saba,  drame  lyrique  en  cinq  actes  de 
M.  Gounod.  Le  libretto  a  été  emprunté  par  MM.  Michel  Carré 
et  Barbier  a  un  roman  de  Gérard  de  Nerval.  Gueymard, 
Mme  Gueymard-Lauters  et  Belval  sont  chargés  des  principaux 
rôles. 

A  la  Reine  de  Saba  succédera  l'Africaine  de  Meyerbeer,  à 
moins  que  les  Troyens  d'Hector  Berlioz  ne  prennent  place  au 
soleil  de  l'Académie  impériale  de  musique.  On  en  parle,  ce 
ne  serait  que  justice. 

L'Opéra  nous  promet  pour  le  23  de  ce  mois  une  soirée  excep- 
tionnelle. Deux  cents  exécutants  feront  entendre,  sous  la  direc- 
tion de  Félicien  David,  une  partie  des  œuvres  symphoniques  de 
ce  compositeur.  Le  programme  comprendra  le  Désert,  la  qua- 
trième partie  de  Christophe  Colomb,  l'ouverture  de  la  Perle  du 
Brésil  et  le  finale  de  Moïse  au  Sinaï. 

Au  Théâtre-Italien,  M.  Calzado  prépare  une  brillante  fin 
de  saison.  Les  Noces  de  Figaro  seront  prochainement  données, 
et  l'on  annonce  les  débuts  de  Mlle  Trebelli  dans  Tancredi.  En 
attendant,  le  virtuose  Perelli  prend  place  sur  l'affiche  et  récolte 
nombre  d'ovations,  salle  Ventadour.  C'est  un  talent  de  haute  por- 
tée,un  véritable  engin  rayé  que  le  piano  de  M.  Perelli. On  se  de- 
mande pourquoi  il  appelle  l'orchestre  à  son  aide.  C'est  évidem- 
ment du  superflu  :  les  dix  doigts  du  virtuose  embrassent  toute 
la  partition  et  mieux  encore.  De  sa  seule  main  gauche,  dans  la 
Fille  du  régiment,  M.  Perelli  joue  une  variation  que  l'on  dirait 
écrite  à  quatre  mains.  Et  pour  produire  de  si  puissants  effets, 
pas  de  contorsions,  pas  de  grimaces,  mais  une  noble  et  placide 
aisance.  Aussi, pas  de  fausses  notes  et  une  grande  clarté  dans  les 
passages  les  plus  compliqués.  Quant  aux  octaves,  M.  Perelli  s'en 
sert  comme  de  simples  notes  et  leur  donne  le  tour  le  plus  facile, 
le  plus  gracieux  :  pour  lui,  c'est  Tab  c  du  piano. 

Une  indisposition  de  MIIe  Lemercier  a  dû  reculer  de  quelques 
jours,  à  l'OpÉRA-CoMiQUE,la  première  représentation  du  Jardi- 
nier galant ,  promise  pour  vendredi  dernier.  Cette  nouvelle 
œuvre  de  M.  Poise  est  définitivement  annoncée  pour  demain 
lundi. 

Le  Théâtre-Lyrique  annonce  aussi  pour  demain  lundi,  la 
première  représentation  des  Deux  Cadis,  opéra  bouffe  en  un  acte, 
de  MM.  Ph.  Gille  et  Furpille,  musique  de  M.  Imbert.  On  parle 
avec  éloge  de  la  partition  de  ce  jeune  compositeur,  qui,  pour  son 
coup  d'essai,  pourrait  bien,  dit-on,  se  révéler  par  un  coup  de 
maître. . .  au  petit-pied. 

La  semaine  prochaine  verra  la  reprise,  de  Gil  Blas,  par 
Mlle  Girard;  puis  suivra  la  Statue,  deReyer;  le  tout  sans  pré- 
judice de  Madame  Grégoire  et  du  Val  d'Andorre,  dont  les  re- 
cettes se  maintiennent  au  taux  le  plus  confortable. 

Une  importante  reprise  a  eu  lieu  cette  semaine  à  I'Odéon  ; 
Une  Fête  de  Néron,  tragédie  en  cinq  actes,  en  vers,  d'Alexandre 


Soumet  et  M.  Louis  Belmontet,  a  été  tirée  des  cartons  où  elle 
dormait  depuis  la  direction  Lireux.  Cette  œuvre  qui,  par  ses  si- 
tuations dramatiques,  la  pompo  du  spectacle  et  son  ballet,  sort 
de  l'ornière  de  la  tragédie  traditionnelle,  a  trouvé  un  regain  de 
succès,  devant  le  public  de  1861.  Sans  doute  M.  Gibeau,  chargé 
du  rôle  de  Néron,  ne  fait  pas  oublier  Ligier  ;  M"e  Karoly  (Agrip- 
pine)  ne  possède  ni  la  majesté  ni  la  puissance  dramatique  de 
M1,e  Georges;  en  revanche,  MUe  Tordens  remplit  parfaitement  le 
personnage  de  Poppée.  Le  divertissement  des  bacchantes  et  le 
décor  du  golfe  de  Baïa  ont  reçu  une  ovation  spéciale. 

Nous  sommes  en  retard  avec  le  Gentilhomme  pauvre,  comédie 
en  deux  actes,  de  MM.  Dumanoir  et  Lafargue,  donnée  ces 
jours-ci  au  Gymnase.  Cette  pièce,  tirée  des  Scènes  de  la  vie  fla- 
mande, d'Henri  Conscience,  renferme  des  situations  saisissantes 
dont  quelques-unes,  —  surtout  celles  du  deuxième  acte — ne 
doivent  rien  au  romancier  flamand.  Le  rôle  de  Lafresnaie 
comptera  parmi  les  meilleures  créations  de  Lafontaine.Mlle  Vic- 
toria joue  le  personnage  de  Madeleine  avec  beaucoup  de  natu- 
rel et  de  sensibilité  ;  M1!e  Mélanie  donne  du  relief  au  type  de 
Mme  Godard;  Derval,  Prislon,  Blaisot,  Pierre  Berton  et  Fran- 
cisque complètent  cet  excellent  ensemble. 

Le  théâtre  des  Variétés  a  renouvelé  son  affiche.  A  la  Revue 
ont  succédé  trois  pièces  nouvelles  :  les  Rameneurs,  vaudeville  en 
un  acte,  de  MM.  Siraudin  et  Choler;  la  Chasse  aux  papillons 
(Grange  et  de  Nayac);  Paris  quand  il  pleut,  deux  actes  de 
MM.  Clairville  et  Jules  Moinaux.  Ces  deux  actes  forment  une 
joyeuse  épopée  de  quiproquos  dont  Leclère,  Kopp,  Aurèle, 
Thierry,  Mlles  Bader  et  Henry  font  vaillamment  les  honneurs. 
Les  Rameneurs  —  sobriquet  inventé  à  l'honneur  des  chauves 
qui  veulent  dissimuler  leur  calvitie  en  ramenant  vers  les  tempes 
le  reliquat  de  leur  chevelure, —  ont  trouvé  d'amusants  inter- 
prètes en  Potier,  Alexandre  Michel,  Grenier,  Blondelet,  etc. 
Néanmoins,  le  succès  des  Rameneurs  est  quelque  peu  tiré  par  les 
cheveux....  disent  les  habitués  de  l'orchestre. 

*  * 

Nous  ne  terminerons  pas  cette  laborieuse  semaine  théâtrale 
sans  signaler  la  prise  de  possession,  par  Mlle  Lise  Tautin,  du 
rôle  de  Valentin  dans  Fortunio,  aux  Bodffes-Parisiens.  Par 
suite  d'une  indisposition  deMllePfotzér,  l'administration  a  sol- 
licité le  bon  office  deMlleTautin,qui  s'est  empressée  d'apprendre 
le  rôle  en  vingt-quatre  heures.  Prévenue  le  samedi,  elle  a  joué  le 
dimanche,  avec  autant  de  bonne  grâce  que  de  talent,  sans  la 
moindre  annonce,  sans  le  plus  petit  billet  d'ami  dans  la  salle.  « 

Il  y  avait  foule  :  bravos  et  rappels  ont  accueilli  l'Eurydice 
d'Orphée  sous  l'habit  du  jeune  clerc,  qu'elle  porte  à  ravir.  Le 
ramage,  de  son  côté,  n'a  rien  laissé  à  désirer. 

J.-L.  Heugel. 

P.  S.  Le  Théâtre  -Déjazet  a  donné  cette  semaine  un 
tableau  villageois  de  M.  Carmouche  :  Galuchon  ou  la  Parure 
normande,  avec  ariettes  de  M.  Oray,  le  chef  d'orchestre  des 
Folies-Dramatiques.  On  a  repris  en  même  temps  le  Mariage 
en  l'air,  opéra-comique  en  deux  tableaux,  de  MM.  de  Saint- 
Georges  et  Eugène  Déjazet,  joué  d'origine  en  1852  au  Théâtre- 
Lyrique,  alors  Opéra-National.  Il  y  a  dans  cette  petite  œuvre 
une  grande  abondance  de  musique,  avec  force  orchestralion,  et 
souvent  des  plus  élégantes.  Mlle  Géraldini,  MM.  Dupuis,  Tis- 
sier  et  Geoffroy  en  font  les  honneurs  à  la  satisfaction  générale... 
dans  la  mesure  de. leurs  moyens. 


108 


LE  MÉNESTREL. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
AUDITION 

Des  nouvelles  études  dlIErVRI  RAVINA. 

LES  HARMONIEUSES. 

Si  l'art  du  pianiste  virtuose  est  multiple,  ses  études  préa- 
lables—  même  en  ce  qui  touche  l'exécution  seulement  —  doivent 
nécessairement  l'être  plus  encore.  Ainsi,  sans  parler  du  style, 
de  l'expression,  de  tout  ce  qui  tient  à  la  manifestation  extérieure 
des  sentiments  de  l'âme,  le  mécanisme  seul  exige  déjà  tout  une 
suite — et  une  suite  logiquement  graduée  d'exercices  spéciaux; — 
car  c'est  par  la  combinaison  de  ces  exercices  physiques,  par  la 
progression  de  cette  gymnastique  sonore,  que  l'élève  acquiert 
peu  à  peu  l'agilité,  la  parfaite  indépendance  de  doigts,  l'égalité 
de  son  et  de  distances,  la  force,  la  légèreté,  l'énergie,  la  sou- 
plesse, et  enfin  l'exécution  irréprochable  du  maître. 

Pour  surmonter  un  vice  de  prononciation  qui  l'avait  fait  cou- 
vrir de  huées  à  l'assemblée  du  peuple,  on  sait  que  Démosthènes 
s'exerçait  à  parler  avec  des  cailloux  dans  la  bouche  et  au  bruit 
des  vagues  de  la  mer.  Il  parvint  ainsi  à  assouplir,  à  rendre  agile 
son  organe,  et  c'est  par  un  travail  analogue  sur  le  clavier  que  le 
pianiste  parvient  à  rendre  agiles,  à  assouplir  ses  doigts.  Mais  il 
ne  faut  pas  oublier  que  sans  son  génie,  sans  l'étude  approfondie 
des  grands  maîtres  —  et  particulièrement  le  Thucydide  qu'il 
avait  pris  pour  modèle  —  l'immortel  élève  d'Isée  et  de  Platon 
n'aurait  jamais  été  surnommé  le  prince  des  orateurs;  malgré- 
toute  sa  persévérance,  il  ne  serait  sans  doute  parvenu  qu'à  faire 
un  bavard  plus  ou  moins  loquace,  grâce  à  la  stérile  fécondité 
d'une  parole  rapide. ...  Et  je  ne  jurerais  pas  que  ce  ne  soit  pré- 
cisément le  cas  pour  certains  exécutants  de  première  force  en 
musique. 

Mais  cette  parenthèse, —  ouverte  au  reste  sans  la  moindre 
préméditation,  m'entraînerait  bien  loin  aujourd'hui  ;  je  la  ferme 
donc  pour  arriver  à  mon  sujet — c'est-à-dire  au  nouveau  recueil 
d'études —  les  Études  harmonieuses  de  Ravina. 

Pendant  longtemps  les  anciens  maîtres  ont  donné  le  titre 
d'Etude  (au  singulier)  à  des  séries  d'exercices  gradués  comme  ceux 
de  Cramer,  par  exemple.  Chacun  de  ces  exercices,  affectant  le 
retour  constant  d'un  même  doigté,  depuis  la  première  mesure 
jusqu'à  la  dernière,  avait  pour  but  spécial  de  faire  pratiquer 
séparément  tout  ce  qui  concourt  à  l'ensemble  de  l'exécution.  Il 
y  avait  des  exercices  entièrement  composés  d'oclaves, — d'autres 
de  sixtes  ou  de  tierces  seulement,  —  d'autres  encore  de  gammes, 
de  trilles,  d'arpèges,  etc.;  mais  on  ne  les  trouvait  jamais  réunis 
à  la  suite  l'un  de  l'autre  dans  la  même  page,  tandis  que,  pour 
apporter  plus  de  variété  dans  le  travail  de  l'élève,  les  composi- 
teurs modernes  ont  souvent  donné  le  nom  d'Études  à  de  véri- 
tables petites  fantaisies  où  les  traits  succèdent  aux  chants  et  les 
chants  aux  traits  ;  où  les  parties  s'agencent  de  mille  manières  ; 
où  la  mélodie  se  transforme  par  les  combinaisons  de  l'harmo- 
nie, etc. 

Rien  que  prenant  place  entre  ces  deux  genres,  les  Éludes 
harmonieuses  de  Ravina  se  rapprochent  plutôt  du  premier , 
chacune  visant  et  atteignant  un  but  spécial.  Cependant,  lorsque, 
jeudi  dernier,  l'auteur  les  a  fait  entendre  en  petit  comité,  disent 
les  lettres  d'invitation  (quoi  qu'en  réalité  devant  la  foule  com- 
pacte d'artistes,  —  de  pianistes  surtout,  —  et  de  gens  du  monde 


qui  encombraient  les  salons  de  MM.  Pleyel-Wolffj ,  on  aurait 
pu  croire  que  ce  but  était  surtout  de  charmer  l'oreille.  Mais, 
répétons-le,  elles  en  ont  un  autre  encore,  celui  de  faire  étudier 
une  à  une  et  séparément ,  les  formes  variées  de  toute  musique 
de  piano.  Bref,  c'est  l'utile  mêlé  à  l'agréable. 

Le  piano  n'a  pas  seul  fait  les  honneurs  des  Harmonieuses  de 
Ravina.  M,le  Marie  Brousse  nous  a  fait  entendre  du  Schu- 
bert, du  Cimarosa,  une  mélodie  dramatique  de  Mme  la  vsse  de 
Grandval  :  Ne  le  dispas,  et  une  Zingara  inédite  de  M.  Bergson, 
qu'elle  a  interprétée  avec  autant  de  verve  que  d'inspiration. 

Tous  ces  morceaux,  M"e  Brousse  se  les  accompagne  elle- 
même  en  musicienne  et  coloriste  de  premier  ordre,  imprimant 
à  chaque  genre  son  type  particulier,  son  caractère,  donnant  la 
vie  à  chaque  phrase  avec  cette  expansion  qui  captiverait  l'audi- 
toire le  plus  indifférent,  et  ici  ce  n'était  pas  le  cas. 

Les  auditeurs  de  M.  Henri  Ravina  ,  après  trente  mor- 
ceaux de  piano,  —  car  on  a  redemandé  nombre  d'études,  — 
ne  quittaient  point  le  salon  de  M.  Wolff,  mis  très-gracieu- 
sement à  la  disposition  des  Harmonieuses.  On  a  dû  prononcer 
les  mots  sacramentels  :  la  séance  est  levée,  pour  décider  les  in- 
vités à  la  retraite.  Encore  a-t-il  fallu  ,  en  guise  de  rafraîchisse- 
ment, que  Ravina  leur  servît  sa  délicieuse  chanson  à  boire. 


Je  ne  suivrai  pas  l'une  après  l'autre  les  vingtaines  harmo- 
nieuses mélodies  du  nouveau  recueil;  mais,  en  ouvrantle  cahier, 
si  nous  prenons  précisément  celle  du  milieu,  la  treizième  (par 
conséquent  nombre  pas  toujours  si  fatal,  à  ce  qu'il  paraît),  nous 
trouverons  un  gracieux  petit  quatuor,  où  le  dessin  des  parties, 

—  tout  en  exigeant  une  parfaite  indépendance  de  doigts,  — 
concourt  à  la  douce  harmonie  qui  accompagne  le  chant  prin- 
cipal :  c'est  un  charmant  croquis  de  musique  de  chambre. 

Dans  des  conditions  d'exécution  entièrement  différentes  , 
l'étude  précédente  .familiarise  avec  les  rhythmes  syncopés,  et 
celle  qui  suit,  avec  la  cadence  d'un  écho  de  ballet.  D'abord, 

—  et  dans  la  vive  allure  d'une  mélodie  allègre  et  coquette,  — 
le  premier  morceau  de  la  série  habitue  tantôt  un  même  doigt, 
tantôt  deux,  par  la  substitution  de  l'un  à  l'autre,  à  répéter  avec 
prestesse  une  note  rapide ,  et  cet  exercice  est  en  même  temps 
une  étude  de  style  léger.  Enfin,  sur  les  dernières  pages  de  celte 
œuvre  d'une  difficulté  accessible  au  plus  grand  nombre,  les 
capricieuses  arabesques  de  triples  croches  par  degrés  conjoints 
qui  se  succèdent  sans  interruption,  sont  d'avance  à  la  perfec- 
tion du  trille,  à  l'agilité  du  trait,  à  l'égalité  de  distance,  ce  qu'est 
le  bouton  au  futur  parfum  des  fleurs. 

Si  ce  rapide  coup  d'œil  esquisse  beaucoup  trop  imparfaite- 
ment la  première  et  la  dernière  page  des  Harmonieuses ,  une 
part,  même  aussi  minime  pour  chacune,  m'entraînerait  beau- 
coup trop  loin.  Il  me  suffira  donc  de  constater  ici  qu'en  feuil- 
letant ce  nouveau  cahier  d'études  (et  tout  en  les  pratiquant 
avec  fruit),  on  rencontrera  de  fraîches  mélodies,  de  style  et  de 
caractères  variés.  Aux  modulations  enharmoniques  d'un  grave  f, 
par  exemple,  on  pourra  faire  succéder  les  simples  accords  de 
tonique  et  de  septième  dominante  qui,  —  quelques  pages  plus 
loin,  —  accompagnent  comme  la  guitare  d'un  galant  cavaliero  , 
une  vive  et  gracieuse  sérénade  espagnole  (  sérénade  qui,  par 
parenthèse,  a  été  bissée,  même  trissée).  Et,  tournant  ensuite  le 
feuillet,  on  trouvera  le  chant  mystérieux  d'un  sombre  trémolo. 

Quant  aux  qualités  dominantes  de  ces  études,  — comme  com- 
position, —  dans  l'œuvre  nouvelle  de  Ravina,  il  y  a  encore  plus 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


109 


d'allégresse  que  de  profonde  mélancolie,  plus  d'élégance  que  de 
passion.  C'est  la  grâce  surtout  qui  domine,  car  il  ne  faut  pas  ou- 
blier que  ce  sont  là  de  véritables  études,  d'une  coupe  strictement 
uniforme  pour  chacune,  et  que,  contrairement  au  sentiment, 
la  grâce  et  l'élégance  peuvent  être  acquises  par  le  travail,  sans 
jamais  remplacer  cependant  les  dons  précieux  de  la  nature. 

Mais  cette  passion  entraînante,  pleine  de  feu  et  d'élan,  on  la 
retrouve  tout  entière  dans  le  caprice  dramatique  à  deux  pianos, 
composé  expressément  pour  cette  séance,  et  exécuté  par  M.  et 
Mme  Ravina,  avec  autant  d'énergie  que  d'expression.  Aussi  ce 
duo  a-t-il  été  la  grande  toile  dramatique  de  celte  exposition 
sonore,  près  des  ravissants  petits  tableaux  de  genre  qui  ont  fait 
le  charme  de  la  soirée. 

L.  Gâtâtes. 


SOCIÉTÉ  DES  CONCERTS  DU  CONSERVATOIRE. 

QUATRiÈME    CONCERT. 
Audition  des  œuvres  de  M.  Léon  Kreutzer. 

Nous  ne  pouvons  entendre  la  symphonie  héroïque  sans  son- 
ger qu'elle  fut  l'ingénieux  appât  au  moyen  duquel  Habeneck 
parvint  à  attirer  dans  les  filets  du  grand  maître  allemand  la  pha- 
lange jusqu'alors  récalcitrante  des  artistes  français.  Voici  en 
quels  termes  M.  Elwart  raconte  cette  curieuse  anecdote  dans 
son  excellente  histoire  de  la  Société  des  Concerts  du  Conserva- 
toire : 

«...  .En  novembre  1826,  à  l'occasion  de  la  fête  de  Sainte- 
Cécile,  Habeneck  invita  à  déjeuner  chez  lui  un  assez  grand 
nombre  de  ses  amis, la  plupart  attachés  à  l'orchestre  de  l'Opéra, 
et  connus  de  lui  pour  aimer  la  gloire  de  l'art,  en  les  priant 
d'apporter  avec  eux  leurs  instruments.  Ceux-ci,  croyant  qu'il 
s'agissait  d'une  aubade  à  donner  sans  doute  à  l'aimable  com- 
pagne de  leur  ami  et  chef  d'orchestre,  obtempérèrent  à  son 
désir.  La  Symphonie  héroïque  (sublime  aubade)  fut  essayée, 
mais  avec  tant  d'acharnement  que  l'heure  du  déjeuner  se  passa 
sans  qu'on  s'en  aperçut. 

«  Il  était  près  de  quatre  heures  du  soir  lorsque  Mme  Habeneck, 
ouvrant  la  porte  de  la  salle  à  manger  à  deux  battants,  dit  à  ses 
convives:  —  Au  nom  de  Beethoven  reconnaissant,  vous  êtes 
priés  de  vous  mettre  à  table  pour  dîner. —  Il  était  temps,  car 
les  instruments  à  vent  surtout  étaient  sur  les  dents,  et  la  contre- 
basse commençait  à  pousser  des  cris  de  cannibale. ...» 

Le  trait  n'est-il  pas  joli  et  le  berceau  de  la  Société  des  Con- 
certs ne  fut-il  pas  aussi  joyeusement  que  spirituellement 
inauguré  ? 

11  y  a  bien  longtemps,  d'ailleurs,  que  les  choses  ont  changé 
de  face  :  les  exécutants  n'essayent  plus  la  Symphonie  héroïque, 
ils  la  disent  avec  amour;  de  leur  côté,  les  auditeurs  n'ont  plus 
besoin  de  se  laisser  séduire,  ils  l'écoutent  avec  admiration  et 
l'applaudissent  avec  transport. 

Un  air  pour  baryton  et  un  chœur  du  Paulus  de  Mendelssohn, 
chantés  par  M.  Guglielmi,  ont  paru  un  peu  pâles  à  côté  de  l'œu- 
vre de  Beethoven;  nouveau  triomphe  pour  ce  dernier,  avec 
les  fragments  du  ballet  de  Prométhée,  qu'on  a  fait  bisser; 
quels  délicieux  pas  se  dansent  en  idée  sur  ces  mélodies  d'un 
tour  si  pur  et  si  charmant,  mais  aussi  comme  elles  sont  inter- 
prétées par  l'archet  de  Franchomme  et  la  flûte  de  Dorus  ! 

Du  monde  mythologique,  le  finale  du  premier  acte  A'Obéron 
nous  a  transportés  dans  les  harems  de  l'Orient  :  l'air,  le  duo 


des  femmes  et  le  chœur  turc  en  mouvement  de  marche  pro- 
duisent toujours  un  immense  effet,  grâce  à  leur  coloris  original 
et  puissant.  Mme  Vanden-Heuvel,  et  après  elle  Mme  Rey  ont  su 
forcer  les  bravos  dans  des  parties  de  chant  qui  ne  sont  pas 
médiocrement  difficiles.  Enfin,  l'ouverture  du  Jubilé,  si  belle 
encore  et  si  éclatante, — quoique  à  une  grande  distance  des  trois 
autres  grandes  ouvertures  de  Weber,  —  est  venue  clore  le  riche 
programme  de  cette  séance,  honorée  de  la  présence  de  S.  M. 
l'Impératrice. 

* 
*  * 

M.  Léon  Kreutzer,  dont  la  réputation  d'excellent  musicien 
comme  d'écrivain  distingué,  est  depuis  longtemps  faite,  avait 
convié,  mercredi,  un  public  d'élite  à  l'audition  de  quelques- 
unes  de  ses  œuvres;  son  succès  comme  compositeur  a  été  com- 
plet. Sa  symphonie  en  si  bémol,  qu'il  a  déjà  fait  exécuter  à 
Paris,  se  recommande  par  une  facture  habile,  par  des  thèmes 
heureusement  choisis  et  par  une  entente  parfaite  de  l'orchestre; 
le  patron  de  l'œuvre  n'est  pas  gigantesque,  mais  les  idées  en 
sont  charmantes,  très-bien  exposées,  travaillées  avec  un  art  infini, 
et  les  diverses  parties  en  sont  parfaitement  équilibrées. 

Le  grand  Concerto  à  quatre  parties  pour  piano  et  orchestre, 
qui  venait  ensuite,  n'est  peut-être  pas  d'un  style  aussi  égal  et 
aussi  soutenu  ;  il  nous  a  pareillement  semblé  moins  harmonieux 
dans  ses  proportions,  notamment  au  premier  allegro,  dont  les 
développements  sont  excessifs  ;  et  cependant  nos  préférences  sont 
acquises,  malgré  ces  légères  imperfections,  à  cette  large  et  belle 
page,  à  cause  de  ses  tendances  élevées  et  du  cachet  d'individua- 
lité qu'y  a  mis  l'auteur.  Quelques  morceaux  de  chant  et  des 
airs  de  ballet  ont  témoigné  des  diverses  aptitudes  de  M.  Kreutzer 
et  de  la  souplesse  de  son  talent.  N'oublions  pas  de  dire  que 
Mme  Massart  a  rendu  la  partie  du  piano,  dans  le  concerto,  avec 
autant  de  fermeté  et  de  correction  que  de  finesse,  de  grâce  et 
de  brio.  .  E.  Viel. 


ŒUVRES  POSTHUMES  DE  SCISilîE. 

11  est  du  plus  vif  intérêt,  pour  le  public,  de  connaître  ce  que 
Scribe  laisse  en  portefeuille.  Notre  confrère,  M.Gustave  Bertrand, 
de  ÏEntr'acle,  nous  donne  à  ce  sujet  les  renseignements  suivants  : 

Voici,  à  notre  connaissance,  les  ouvrages  qui  sont  complète- 
ment ou  à  peu  de  chose  près  achevés  : 

L'Ecrindu  roi  de  Garbe,  opéra-comique  en  trois  actes,  sujet 
tiré  du  conte  de  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe,  mais  avec  des 
modifications  telles  qu'elles  constituent  un  sujet  absolument 
nouveau.  Tout  le  monde  sait  que  Scribe  inventait  même  en  imi- 
tant ou  en  empruntant  les  sujets.  Le  livret  est  entre  les  mains 
de  M.  Auber; 

L'Ange  gardien,  opéra-comique  en  un  acte,  sujet  d'invention 
tout  à  fait  personnelle,  et  que  l'on  dit  des  plus  originaux,  ou- 
vrage écrit  en  collaboration  avec  M.  Hippolyte  Romand;  la 
musique  est  de  M.  Adolphe  Nibelle; 

La  Beauté  du  diable,  opéra-comique  en  un  acte;  la  musique 
est  de  M.  Giulio  Alary; 

Un  opéra-comique  en  trois  actes,  en  collaboration  avec  M.  Jules 
Adenis,  dont  le  titre  est,  croyons-nous,  la  Dame  des  bruyères  ; 

Une  comédie  en  cinq  actes,  avec  M.  Henri  Boisseaux. 

Quant  aux  projets  de  pièces,  quant  aux  idées  jetées  sur  le 
papier  à  l'état  de  titres  ou  de  plans,  d'enchaînements  de  scènes, 
de  résumés  d'actes,  de  canevas,  le  nombre  en  est  prodigieux  ;  il 
faudrait  compter  par  centaines.  Cela  peut  donner  l'idée,  plus  que 


110 


LE  MÉNESTREL. 


tout  ce  que  l'on  a  pu  dire,  des  habitudes  laborieuses  et  de  l'é- 
tonnante fécondité  de  l'auteur,  surtout  si  l'on  songe  que  la 
réalisation  de  ces  projets  suffirait  encore  à  remplir  une  autre 
carrière  dramatique. 


LE  DO»  NOIR  A  LONDRES. 

Un  fait  assez  digne  d'être  noté,  c'est  que  le  plus  heureux  ou- 
vrage dû  à  la  collaboration  de  Scribe  et  Auber.le  Domino  noir, 
a  été  joué  pour  la  première  fois  à  YEnglish  royal  Opéra  de 
Londres,  le  mercredi  20  février,  jour  môme  de  la  mort  de 
Scribe! 

La  traduction  du  libretto  [adaptation)  ,due  à  M.  H.  F.  Chor- 
ley,  est,  dit-on,  une  des  meilleures  qu'on  ait  faites  ;  —  (  On  sait 
quelles  difficultés  rencontre  souvent  la  langue  anglaise  à  s'assi- 
miler le  rhythme  des  couplets  français,  dont  les  vers  se  com- 
posent fréquemment   de  quatre  ou  cinq  syllabes.  ) 

Miss  Louisa  Pyne,  qui  remplissait  le  rôle  d'Angèle,  a  partagé 
le  succès  de  la  pièce. 

L'enthousiasme  de  la  salle  était  au  comble. 

«  Mais  l'émotion  du  public  eût  été  centuplée,  dit  le  Musical 
World,  si,  après  la  chute  du  rideau,  quelqu'un  se  fût  avancé 
vers  la  rampe,  et  eût  dit  : 

«  Un  télégramme  de  Paris  nous  apprend  à  l'instant  que,  le 
matin  même,  l'auteur  du  charmant  libretto  que  vous  venez 
d'applaudir,  a  été  frappé  de  mort  subite!   » 

On  sait  combien  nos  voisins  se  délectent  aux  fortes  émotions. 


HOMMAGE  HONGROIS  A  HECTOR  BERLIOZ. 

Une  couronne  il'argent. 

(  A  Hector  Berlioz,  la  jeunesse  de  Gior.  ) 
«  Très-honoré  Monsieur. 

«  Recevez  nos  remercîments  les  plus  sincères,  et  ce  léger  té- 
moignage de  notre  reconnaissance  pour  l'honneur  que  vous  avez 
fait  à  la  nation  hongroise  par  votre  transcription  de  la  Marche 
de  Racokzy  ;  pour  la  flatteuse  sympathie  que  vous  avez  montrée 
en  choisissant,  dans  toute  la  littérature  musicale,  notre  thème  na- 
tional comme  le  plus  digne  ;  en  accueillant  ce  bijou  abandonné 
et  en  l'honorant  de  vos  sublimes  développements;  pour  le  goût, 
l'enthousiasme,  le  caractère  guerrier  et  national  avec  lesquels 
vous  avez  élevé  au  rang  d'une  œuvre  d'art  notre  Marche  popu- 
laire, qui  nous  anime  au  combat  et  nous  conduit  à  la  vie  ou  à 
la  mort  pour  la  gloire  de  notre  pays. 

«  Recevez  les  souhaits  de  nos  sincères  cœurs  hongrois  :  que  le 
Seigneur  des  cieux  accorde  à  votre  vie,  qui  jette  tant  d'éclat  sur 
l'art  musical  de  l'Europe,  autant  de  félicité  que  votre  esprit  a 
montré  de  grandeur  dans  la  production  de  cet  ouvrage. 

«  Nous  sommes,  Monsieur,  vos  admirateurs  dévoués: 
«  La  jeunesse  de  Raab  (  Gior  ) . 

«  Jules  Tamassy,  secrétaire.  » 
«  31  janvier  1861.  » 

Voici  la  réponse  que  M.  Berlioz  a  adressée  à  la  Société  des 
jeunes  Hongrois  : 

«  Messiedus, 

«  J'ai  reçu  voire  beau  présent  et  la  lettre  flatteuse  qui  l'accom- 
pagnait. Ce  témoignage  de  sympathie,  venu  d'un  pays  dont  j'ai 


conservé  un  si  cher  souvenir,  m'a  vivement  touché.  L'effet  de 
mon  ouvrage  est  dû  sans  doute  aux  sentiments  que  réveille  votre 
thème  national  en  vous  qu'il  doiteonduire  à  la  vie  (  selon  votre 
poétique  expression),  en  vous  de  qui  l'on  peut  dire  avec  Virgile: 

a  Fur  or  traque  mentes 

«  Prœcipitant,  pulchrumque  mori  succurrit  in  armis. 

«  Mais,  si  vous  avez  trouvé  dans  ma  musique  une  étincelle 
seulement  de  l'enthousiasme  qui  brûle  les  nobles  âmes  hon- 
groises, je  dois  m'estimer  trop  heureux  et  considérer  ce  succès 
comme  l'un  des  plus  rares  qu'un  artiste  puisse  obtenir. 

«  Recevez,  messieurs,  avec  l'expression  de  ma  gratitude,  mes 
cordiales  salutations. 

«  Votre  tout  dévoué. 
«  Hector  BERLIOZ 
«  Paris,  24  février  1861.  » 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Oi)  a  fêté,  jeudi  dernier,  le  68me  anniversaire  de  Rossini.  C'était  tout 
un  pèlerinage  du  matin  au  soir,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin.  Autrefois  on 
ne  célébrait  cet  anniversaire  que  tous  les  quatre  ans,  le  grand  maître  ayant 
vu  le  jour  le  29  février,  —  année  bissextile  ;  —  mais  depuis  son  retour 
à  Paris,  ses  nombreux  amis  de  la  veille  ont  sollicité  la  commémoration 
annuelle,  le  28  février.  Voici,  à  ce  propos,  des  vers  improvisés  par  M.  Ga- 
loppe  d'Onquaire  dans  le  salon  de  M.  et  Mme  Rossini  : 

C'est  aujourd'hui  vingt-huit,  que  naquit  le  cher  Maître. 

—  Non  pas!.,  c'est  le  vingt-neuf,  à  la  pointe  du  jour, 
■    Alors  que  le  soleil,  comfrienoant  à  paraître, 

Versait  sur  Pesaro  tous  ses  rayons  d'amour. 

On  entendit  dans  l'air  passer  des  voix  étranges 

Dont  l'oreille  aspirait  les  bruits  mystérieux  ; 
On  eût  dit  le  concert  des  anges 
Qui  planait  dans  les  cieux. 

Le  souffle  du  Seigneur  créait  cette  harmonie 

Dont  jusque-là  le  monde  ignorait  la  douceur. . . 

Dieu  voulut  la  laisser  à  la  terre  bénie, 

Et  c'est  dans  ce  berceau  qu'il  plaça  le  génie 

En  l'embrasant  de  tous  les  feux  du  cœur. 

Ce  magique  berceau  fut  la  source  féconde 

D'où  jaillit  sur  la  terre  une  immense  lueur  ; 

Comme  un  autre  soleil,  elle  éblouit  le  monde, 

Et. . .  c'est  bien  le  vingt-neuf,  que  naquit  sa  splendeur. 

Alors,  — me  direz-vous, —  nos  soins  sont  inutiles  : 

Le  mois  de  février  n'ayant  que  vingt-huit  jours, 

C'est  donc  tous  les  quatre  ans  (dans les  ans  bissextiles), 

Que  nos  vœux  les  plus  chers  peuvent  prendre  leur  cours. 

Que  ce  soit  le  vingt-huit,  ou  vingt-neuf,  belle  avancel 

Soumettons-nous  la  gloire  aux  dates  d'ici-bas?. . 

C'est  ce  qui  doit  finir  qui  nait  et  qui  commence  ; 
Les  immortels  ne  naissent  pas  I 

—  M.  Mocquard,  chef  du  cabinet  de  S.  M.  l'Empereur,  et  l'auteur  des 
Fiancés  d'Albano,  de  la  Tireuse  de  cartes  et  des  Massacres  de  Syrie, 
vient  de  prendre  place  dans  la  Société  des  auteurs  dramatiques. 

—  Félicien  David  vient  de  terminer  un  ouvrage  en  deux  actes  qu'il 
destine  à  l'Opéra-Comique.  On  se  demande  comment  les  directions  succes- 
sives de  la  scène  de  Favart  n'ont  pas  encore  songé  à  enrichir  le  répertoire 
d'une  partition  de  l'auteur  du  Désert,  de  la  Perle  du  Brésil  et  à'Hercu- 
lanum. 

—  On  écrit  de  Londres  que  M.  Gye,  directeur  de  Covent-Garden,  a  pu 
décider  Jenny  Lind  à  sortir  de  la  vie  privée,  et  qu'il  l'a  engagée  comme 
prima-donna  pour  la  saison  prochaine  (?). 

—  On  écrit  de  Vienne  :  «  Les  directions  des  théâtres  des  faubourgs  ont 
reçu  l'ordre  de  faire,  pour  toutes  les  pièces  nouvelles,  et  avant  la  première 
représentation,  une  répétition  générale  en  costumes  devant  le  commis- 
saire de  police,  afin  que  ce  magistrat  puisse  faire  modifier  le  costume 
quand  il  le  jugera  convenable,  au  point  de  vue  des  mœurs  et  de  la  poli- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


111 


tique.  »  Il  faut  convenir  que  la  montre  de  la  police  autrichienne  est  un 
peu  en  retard. 

—  Encore  une  artiste  dramatique  qui  quitte  les  coulisses  pour  entrer 
dans  le  grand  monde  I  M,le  Grosseman,  actrice  renommée  en  Allemagne, 
épouse  le  toron  de  Prokesch  Osten,  frère  du  ministre  d'Autriche  à  Cons- 
tantino'ple. 

—  Les  correspondances  de  Bruxelles  nous  apprennent  qu'un  nombreux 
auditoire  assistait  à  la  première  représentation  du  Faust  de  Gounod,  au 
théâtre  royal  de  la  Monnaie.  La  partition  a  reçu,  comme  on  pouvait  s'y 
attendre,  un  accueil  splendide.  L'auteur  a  dû  paraître  deux  fois  sur  la 
scène  pour  recevoir  les  ovations  enthousiastes  du  public. 

—  Nous  recevons  aussi  d'excellentes  nouvelles  du  Faust  de  Gounod  en 
Allemagne  :  «  Le  lendemain  de  la  première  représentation  de  Faust,  à 
Darmstadt,  S.  A.  le  grand-duc  a  reçu  le  compositeur  et  lui  a  remis  la  mé- 
daille d'or  du  Mérite,  qui,  depuis  vingt  ans,  n'avait  été  accordée  à  aucun 
étranger.  Darmstadt  est  la  première  ville  d'Allemagne  où  le  Faust  de 
M.  Gounod  ait  été  représenté,  mais  on  annonce  que  Carlsruhe  se  hâte  de 
monter  cet  opéra. 

—  Le  comité  de  la  Société  de  Sainte-Cécile,  de  Bordeaux,  nous  prie 
d'annoncer  aux  personnes  qui  ont  pris  part  au  concours  d'opéra-comique 
ouvert  en  cette  ville,  que  le  terme  de  la  clôture  dudit  concours  est  prorogé 
au  31  mars  prochain. 

—  Félix  Godefroid  a  trouvé  le  moyen  d'être  à  la  fois  dans  Paris  et  dans 
nos  départements  ;  il  vient  de  donner  une  série  de  concerts  à  Langres  , 
Colmar,  Mulhouse,  Metz  et  Nancy,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'ouvrir  ses 
salons,  ce  soir  dimanche,  comme  d'usage,  le  tout  à  la  plus  grande  gloire 
de  la  harpe  d'Érard  et  du  chemin  de  fer  de  l'Est.  Le  succès  de  Félix  Go- 
defroid a  été  tel  sur  toute  la  ligne,  qu'à  Mulhouse  on  a  dû  refuser  du 
monde ,  non  pas  seulement  pour  le  train  express .  mais  aussi  pour  le 
concert.  Mieux  que  cela ,  la  police  a  dû  dissiper  les  attroupements. 
Certes,  voilà  les  merveilles  delà  harpe  antique  distancées  !  A  Colmar, 
autre  ovation  :  on  a  bissé  les  Fables  chorales  de  l'auteur  de  la  Danse  des 
Sylphes,  et  rappelé  sur  la  scène,  Félix  Godefoid  a  reçu,  en  public,  les 
insignes  d'honneur  du  président  de  la  Société,  aux  applaudissements  de 
tous. 

—  L'excellent  baryton  J.  Stockbausen  a  donné  tout  récemment  un 
concert  à  Colmar,  où  son  père  vit  dans  la  retraite,  après  avoir  quitté  la 
carrière  de  virtuose,  qu'il  avait  parcourue  avec  distinction  ;  son  instru- 
ment était  la  harpe,  et  le  digne  vétéran  l'a  reprise  pour  accompagner  son 
fils,  qui  chantait  le  Nachtsliicic  de  Franz  Schubert.  A  la  fin  du  morceau, 
un  tonnerre  d'applaudissements  a  éclaté  dans  la  salle. 

—  Mlle  Angèle  Cordier,  appelée  par  les  Sociétés  philharmoniques  de 
Rennes,  Vannes,  Laval  et  Le  Mans,  vient  d'être  redemandée  dans  celte 
dernière  ville  pour  le  prochain  concert  des  pauvres.  Ce  rappel  en  dit  plus 
que  les  meilleurs  éloges. 

—  La  Société  philharmonique  de  Troyes  vient  de  donner  son  deuxième 
concert  avec  le  concours  de  Mme  Barthe  (M1Ie  Banderali).  M.  Pesme  s'est 
fait  applaudir  en  compagnie  de  Mme  Barthe  dans  le  duo  du  Puits  d'amour 
et  un  duettino  de  Donizetti,  et  seul  dans  la  grande  scène  bouffe  de  Gus- 
tave Nadaud  :  Romance! . .  romance!. . 

—  M.  Eug.  Sauzay,  professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique, 
vient  de  publier  un  très-joli  volume  in-8°  de  170  pages  d'impression,  sous 
le  titre  :  Haydn,  Mozart,  Beethoven,  étude  des  plus  intéressantes  sur  le 
quatuor  de  ces  grands  maîtres. 

SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  Le  premier  concert  de  la  saison  1861,  donné  au  palais  des  Tuileries, 
a  eu  lieu  mercredi  dernier.  En  voici  le  programme  :  1°  Trio  du  Pré  aux 
Clercs,  par  Mlles  Marimon,  Monrose  et  M.  Montaubry  ;  2°  Duo  de  la  Chaste 
Suzanne  par  MM.  Crosti  et  Troy  ;  3°  les  Noces  basques,  sérénade  et  air  de 
danse ,  scène  pastorale  pour  l'harmonicorde-Debain  ,  par  M-  Lefébure- 
Wély  ;  4°  Air  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  par  M"6  Monrose  ;  ïï°  Chœur  et 
air  de  la  Circassienne,  par  M.  Troy  ;  6°  Quatuor  d'Alary,  par  MUe  Mari- 
mon, MM.  Montaubry,  Crosti  et  Troy;  7°  Duo  des  Voitures  versées,  par 
MUe  Marimon  et  M.  Crosti  ;  8°  Cantique  du  Domino  noir,  par  Mlle  Mon- 
rose, M.  Montaubry  et  les  chœurs  ;  9°  Variations  des  Diamants  de  la 
Couronne,  par  M1'6  Marimon  ;  10J  Scène  de  la  Circassienne,  par  M.  Mon- 
taubry, avec  chœur.  Le  piano  était  tenu  par  M.  Alary  ;  l'orchestre  dirigé 
par  M.  Tilmant.  —  LL.  MM.  ont,  à  plusieurs  reprises,  félicité  personnel- 
lement les  artistes  et  donné  le  signal  des  applaudissements. 


—  Dimanche  dernier,  une  assemblée  nombreuse,  composée  des  'plus 
hautes  notabilités,  applaudissait,  chez  Son  Excellence  M.  le  président  du 
Sénat,  les  principales  scènes  à'Armide  et  à'Orphe'e,  de  Gluck,  interpré- 
tées par  Mme  Viardot.  Puis  Mm6  Tardieu  de  Malevilllea  fait  entendre  plu- 
sieurs compositions  de  Mozart  et  de  Haydn,  avec  la  pureté  de  stylo  qu'on 
lui  connaît.  Il  est  impossible  de  fêter  plus  noblement  les  grands  maîtres 
de  l'art  musical. 

—  A  la  grande  soirée  organisée  par  Duprez,  chez  Rossini,  avec  le 
concours  de  ses  principaux  élèves  et  celui  de  M.  et  MmG  Vandcnheuvel, 
—  soirée  qui  avait  attiré  une  énorme  affluence  chez  M.  et  M"10  Rossini, — 
est  venu  succéder  un  samedi  plus  calme,  avec  un  auditoire  moins  com- 
pacte. Quatre  artistes  seulement  :  l'admirable  basse  chantante  Badiali,  le 
nouveau  ténor  Montanaro  ,  les  virtuoses  Perelli  et  Bazzini,  composaient, 
avec  Mme  la  vsse  de  Grandval,  un  vrai  programme  de  gourmets.  Le  grand 
duo  de  Semiramide  a  fait  fanatisme.  On  l'aurait  redemandé  tout  entier,  si, 
d'une  part,  Badiali  n'avait  chanté,  le  même  soir,  aux  Italiens,  et  si,  de 
l'autre,  Mme  de  Grandval  n'avait  prodigué  avec  la  meilleure  grâce,  pen- 
dant toute  la  soirée ,  les  trésors  d'un  talent  aussi  élevé  que  plein  d'inspi- 
ration. 

—  Nous  sommes  heureux  de  constater  que  M.  Tilmant  aîné,  chef  d'or- 
chestre de  la  Société  des  Concerts  du  Conservatoire,  a  retrouvé  tout  le 
prestige  de  son  talent  de  violoniste.  Ces  jours  passés,  il  a  exécuté,  dans 
les  salons  de  M.  le  baron  M***,  un  quintette  d'Onslow,  et  le  premier 
quintette  de  M.  C.  Estienne,  avee  toute  la  verve  de  la  jeunesse. 

—  Une  pianiste  di  primo  cartello,  qui  ne  se  fait  entendre  qu'à  de 
rares  intervalles,  à  l'occasion  de  grandes  fêtes  de  bienfaisance,  MUe  Clé- 
mentine Tinel  de  Kerolan,  avait  réuni  quelques  amis  chez  elle,  dimanche 
dernier,  pour  leur  faire  entendre  le  trio  en  si  bémol  de  Beethoven,  la 
sonate  op.  49  de  Weber,  la  sonate  de  Mendelssohrî,  en  si  bémol,  et  la 
Somnambula  de  Prudent.  Les  archets  de  MM.  Sighicelli  et  Emile  Rignault 
répondaient  aux  doigts  de  Mlle  Clémentine  Tinel  dans  les  œuvres  concer- 
tantes. Aussi  l'ensemble  a-t-il  été  parfait,  sans  nuire  cependant  à  la  sonate 
de  Weber  pour  piano  seul,  qui  a  fait  merveille. 

—  Un  ténor  allemand,  qui  s'est  fait  une  réputation  à  Londres  dans  les 
concerts,  M.  Alexandre  Reichardt,  que  M.  Emile  Perrin  avait  eu  le  désir  d'en- 
gager à  l'Opéra-Comique,  vient  de  se  faire  entendre  dans  les  salons  Érard, 
avec  un  nouveau  succès.  C'est  un  chanteur  distingué,  doué  d'une  voix  sym- 
pathique. M.  Tagliafico,  le  violoniste  Bazzini,  M.  Braga,  Mmc  Dreyfus  et 
jjmo  Anna  Berlini,  qui  s'est  placée  an  premier  rang  de  nos  cantatrices  de 
concerts,  prêtaient  le  concours  de  leur  talent  à  M.  Reichardt. 

—  La  jeune  et  brillante  violoniste,  MIIe  Julienne  André,  a  donné  son 
concert  jeudi  dernier,  salle  Herz,  avec  le  concours  de  Mlles  Joséphine  La- 
guesse,  pianiste,  et  Herminie  Toury,  organiste.  On  a  remarqué  dans  la 
partie  vocale  deux  nocturnes  et  le  Voyage  aérien  de  Gustave  Nadaud , 
chantés  avec  le  plus  grand  succès  par  les  frères  Guidon. 

—  M.  Damcke  annonce  une  séance  musicale  chez  Pleyol,  dont  le  pro- 
gramme comporte  un  hommage  à  Bach,  fugue  à  la  main,  exécutée  par  l'au- 
teur, M.  Damcke,  et  Louis  Diemer  ;  un  trio  par  Mme  Viardot,  Servais  et 
Bazzini  ;  deux  chœurs  d'église,  une  mélodie,  par  Servais;  une  pastorale, 
par  Bazzini,  et  une  sonate,  par  MM.  Servais  et  Diemer.  Certes,  voilà 
quelque  chose  d'intéressant;  aussi  est-ce  par  lettres  d'invitation,  jeudi 
7  mars. 

—  Aujourd'hui  dimanche,  quatrième  concert  de  la  Société  des  jeunes 
Artistes,  salle  Herz. 

—  Mercredi  13  mars,  grand  concert  avec  orchestre  et  chœurs,  donné 
par  M.  Henri  Herz.  Inutile  de  désigner  le  local  :  Lucullus  dînera  chez 
Lucullus.  En  tête  du  programme  brille  le  nom  de  Servais,  l'empereur  du. 
violoncelle.  Mme  Grisi  et  Badiali  représenteront  la  partie  vocale.  M.  Henri 
Herz  fera  richement  les  honneurs  de  sa  soirée  ;  il  exécutera,  entre  autres 
morceaux,  son  nouveau  concerto  (le  6me),  et  sa  grande  sonate  di  bravura. 

—  Le  pianiste  compositeur  Alfred  Jaell,  après  avoir  parcouru  une 
partie  de  l'Italie,  la  Suisse,  les  bords  du  Rhin,  est  attendu  à  Paris,  où  il 
doit  donner  un  concert  le  27  mars,  dans  les  salons  Érard. 

—  La  première  séance  de  musique  de  chambre  de  Georges  Pfeiffer 
aura  lieu  lundi  4  mars  1861,  avec  le  concours  de  MM.  Herman  et  Fràn- 
chomme,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff  et  compagnie. 

—  M.  A.  Gouffé,  contrebassiste-solo  de  l'Opéra  et  de  la  Société  des  Con- 
certs du  Conservatoire,  donnera  une  séance  de  musique  instrumentale, 
à  la  salle  [Pleyel,  le  mercredi  20  mars,  à  une  heure  et  demie,  avec  le 


112 


LE  MÉNESTREL. 


concours  de  Mme  Mattmann  et  de  MM.  Guerre'au,  Rignault,  Casimir  Ney, 
Lebouc,  Adam  et  Mohr. 

—  La  séance  musicale  deCh.  Bessems  aura  lieu  le  11  mars,  dans  les 
salons  d'Érard,  à  huit  heures  du  soir.  M.  Bessems  aura  pour  interprètes 
MM.  Lée,  Goufle,  Ancessy,  Léon  et  MUc  Fanny  Cornet  pour  le  chant. 

—  M.  et  Mme  Deloffre  donneront  leur  deuxième  concert  le  mercredi 
6  mars,  à  huit  heures  du  soir,  dans  les  saloïjs  Érard,  avec  le  concours  de 
Mme  Ugalde,  MM.  Bataille,  Ravina,  Ch.  Lebouc,  Pascal-Lamazou  et 
Malézieux. 

—  Le  pianiste-compositeur  Ascher,  de  retour  de  ses  pérégrinations  en 
Alsace,  annonce  un  prochain  concert  dans  les  salons  Érard. 

—  Mercredi  6  mars,  salle  Pleyel,  quatrième  séance  de  MM.  Armingaud, 
L.  Jacquart,  E.  Lalo,  avec  le  concours  de  Mrae  Massart.  On  exécutera  : 
1°  Trio  en  mi  majeur  (Mozart),  pour  piano,  violonfet  violoncelle;  2°  Qua- 
trième quatuor  en  ré  mineur  (Schubert),  pour  deux  violons,  alto  et  vio- 
loncelle; 3°  Sonate  en  la,  op.  69  (Beethoven),  pour  piano  et  violoncelle  ; 
4°  Quatuor  en  mi  bémol,  op.  12  (Mendelssohn),  pour  deux  violons,  alto 
et  violoncelle.  —  On  commencera  à  huit  heures  et  demie. 

—  Mercredi  5  mars,  salle  Herz,  concert  du  virtuose  Bazzini ,  avec  le 
concours  de  Mme  Bockholz-Falconi,  de  MM.  Reicbardt,  Gnomea,  Brandy  et 
Peruzzi. 

—  Vendredi  soir  1S  mars,  salons  d'Érard,  grand  concert  donné  par 
MUe  Marie  Marchand,  l'un  des  meilleurs  élèves  de  F.  LeCouppey.  Nos 
artistes  en  renom  concourront  à  cette  solennité,  heureux  de  pouvoir  don- 
ner cette  preuve  de  sympathie  à  la  jeune  et  intéressante  bénéficiaire. 

—  Mardi  5  mars,  salle  Érard,  concert  de  M"e  Wilhelmine  Belin  de  Lau- 
nay,  avec  le  concours  de  Mlle  Dorus,  de  MM.  Alard,  Jules  Lefort,  Berthe- 
lier,  etc. 

—  Mardi  12  mars,  concert  de  M.  S.  Castel,  salle  Herz.  Mmes  Gaveaux- 
Sabatier,  Balbi,  MM.  Jules  Lefort,  Sainte-Foy  de  l'Opéra-Comique ,  et  le 


bénéficiaire  ,  rempliront  la  partie  vocale.  L'élément  instrumental  sera 
défrayé  par  MM.  Le  Cieux,  Ernest  Nathan  et  Jules  Simon,  l'habile  flûtiste. 
Une  opérette  :  Au  fond  duverre,  chantée  par  MM.  Jules  Lefort  et  Castel, 
sera  l'appoint  de  ce  menu  musical. 

—  On  annonce  que  l'une  de  nos  notabilités  artistiques  de  la  province, 
qui  avait  pris  la  direction  d'une  importante  maison  du  commerce  de  mu- 
sique, pianos  et  orgues,  dans  le  Midi,  se  dispose  à  reprendre  complète- 
ment la  carrière  des  arts,  et  par  conséquent  à  céder  cette  maison,  actuelle- 
ment en  pleine  prospérité  commerciale. 


—  L'administration  des  Bals  d'enfants  de  l'hôtel  du  Louvre  a  pris  des 
mesures  afin  qu'au  prochain  bal  de  la  Mi-Carême  l'espace  soit  encore 
agrandi,  pour  que  les  enfants,  moins  restreints  dans  leur  cercle,  puissent 
danser  en  toute  liberté,  et  aussi  pour  qu'ils  soient  plus  particulièrement 
en  vue  des  parents. 

—  Les  Roses  de  Noël  de  M.  Edouard  d'Anglemont  obtiennent  toute  la 
vogue  que  mérite  ce  livre  qu'on  pourrait  appeler  la  légende  de  l'humanité, 
et  dont  M.  de  Lamartine  a  dit  :  «  C'est  le  lyrisme  dans  l'élégie.»  Ce  nouvel 
ouvrage  du  poète  des  Légendes  françaises  et  des  Euménides  ,  du  rhythme 
les  plus  harmonieux,  plein  de  tableaux  émouvants,  est  une  mine  féconde 
que  nos  peintres  et  nos  musiciens  ne  manqueront  pas  d'exploiter.  La 
peinture  et  la  musique  doivent  s'associer  à  des  œuvres  telles  que  l'Au- 
tomne, le  Baiser,  la  Prima  donna,  le  Pacha  de  Coron,  la  Fiancée  du 
Pêcheur,  la  Chanteuse  du  Carrousel,  la  Grotte  de  Biaritz,  les  Fiancés 
de  quinze  ans.   Un  vol.  in-8° ,  librairie  Dentu.) 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgu 


rue  Jean-Jacques  Uous 


En  vente  au  MÉNESTREL,  2' bis,  rue  Vivienne. 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO 

Opéra-coinique  en  hbs  acte,  paroles  de  MM.  H2EC"r©18  CKÉMIEUS  et  LUDOVIC  HAM5¥"Ï". 

—  AIRS  DÉTACHÉS,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT.  — 

'      TABLE  DES  MORCEAUX  DE  CHANT   AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO, 


1.  Prenez  garde  à  vous,  couplets  chantés 

par  Mlle  Chahert 2  50 

2.  La  belle  eau  claire ,  chanson  à  boire,  par 

Mlle  PfoTZER 2  50 

2  bis.  La  même,  transposée  pour  contralto 

ou  baryton ''  ' 


6.  Duo  et  Chanson  de  Fortunio,  chantés  par 

Mllos  Chabert  et  Pfotzer 6    » 

6  bis.    Chanson  de   Fortunio,  extraite  du 

duo  ,  pour  soprano  ou  ténor 2  50 

6  ter.  La  même  ,  transposée  pour  baryton 

ou  contralto 2  50 


FORTUNIO 

ji.-jl.  natiniaiin.  Fantaisie  variée] S !_» 

f.  BurgiuuiiiT.  Valse  de  [salon 6    » 

—  La  même  à  4  mains 7  50 

—  La  même  en  feuille 2  50 


3.  Couplets  du  Petit  clerc  Friquet ,  chantés 
par  M.  Bâche 2  50 

4.  Autrefois,  Aujourd'hui,  ronde  des  clercs.    2  50 

5.  Toutes  les  femmes  sont  à  nous ,  valse  des 
clercs,  à  une  ou  deux  voix 3  75  et  4  50 

Partition  in-8°  :  Texte ,  chant  et  piano.  Prix  net  :   7  francs. 
—       Morceaux  et  arrangements   pour  piano.       —         FORTUNIO. 

a.  Croise».  Morceau  de  salon 6    »  1  Strauss.   Quadrille  de   Fortunio,   à    deux 

riiiii  Bernard.  Barcarolle  et   Chanson   de  \         mains 4  50 

Fortunio,  transcriptions 6    » 

ia.  valiquei.  Concerts  des  Bouffes-Parisiens, 

petites  fantaisies  sans  octaves.  Chacune.    3    » 


—         A  quatre  mains 4  50 

rii.  stutz.  Fortunio-Poïka 4  50 


Opéra-Comique  en 
on  acte. 


LE  MARI  SANS  LE  SAVOIR 


De  MM.  LÉON  et  LUDOVIC 

HALÉVY. 


LE  BAL, 

Valse  chantée  par 

M1"  CHABERT. 

Prix  :  4  50. 


Musique  de 

L  DE  SAÎNT-RÉBÏÏY. 


CHANSON  NÈGRE, 

chantée  par 
M.  LÉONCE. 

1  et  2,  prix  :  2  fr.  50  c. 


VALSE  composée  par  STRAUSS  pour  les  Bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra.  —  Prix  :  6  fr. 

Partition  piano  et  chant  (avec  texte),  in-8°.  Prix  :  5  fr. 


756.  —  "28e  Aimée. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  10  Mars 


zszZM 


TREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JUL£S    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


LES  BOREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivïenne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Aux  magasins  et  Abonnement  de  Musique  ilu  MÉNESTREL.  —  Vente  et  location  <Ic  Pianos  et  Ors 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  3  8  Morceaux  : 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  ï  Alhunis- 
prinics  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


PIANO. 

2S  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  IO  Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  AHimim- 
prinies  illustrés.  — Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.;  Etranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  : 

3»  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  cliant  et  de  piano,  les  s  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/Vanco 
un  bon  surla  poste,  à  MM.  IIEVREI.  et  Ci8,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  nousseau,  8.  —  1198 


SOIvIItïAIRE. 


TEXTE. 


I.  L'opéra-comique,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  Adolphe 
Adam  {suite  et  fin,  28e  article).  L. Meneau.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  — 
III.  Théâtre  del'Opéra-Comique  :  première  représentation  du  Jardinier  galant. 
A.  Dureau.  —  IV.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  le  Laryngoscope,  ou 
Miroir  de  la  voix,  par  Manuel  Garcia.  J.-L.  Hedcel.  —  V.  Nouvelles,  Soirées 
et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour  ; 

JEAN A, 

Polka-mazurka  de  Ph.  Stutz,  qui  a  été  envoyé,  par  erreur,  à  nos  abonnés 
de  Paris,  aux  lieu  et  place  du  Quadrille-Fortunio  qu'ils  recevront  aujour- 
d'hui dimanche.  —  Suivra  immédiatement  après  :  Fleuve  du  Tage  , 
transcription  par  Th.  Lécureux. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant, 

LE  BAE , 

"Valse  chantée  par  Mlle  Chabert  dans  le  Mari  sans  le  savoir,  paroles  de 
MM.  Léon  et  Ludovic  Halévy,  musique  de  M.  de  Saint-Rémt.  — 
Suivra  immédiatement  après  :  Fais-toi  petit  I  paroles  de  Charles 
Potier,  musique  d'HENRi  Potier. 


L'Ol'ÊRA- COMIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES   PROGRES,   SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


COMPOSITEURS 

DE    LA    RÉPUBLIQUE    ET    DU    PREMIER    EMPIRE. 
CHAPITRE   IX. 

XXVIII. 

ADOLPHE    ADAM. 

Il  revint  à  Paris  en  1833  et  fit  représenter  le  Proscrit,  trois 
actes;  une  Bonne  fortune,  un  acte,  et  enfin  le  Chalet  (1834), 
un  acte  qui  lui  avait  été  promis  depuis  longtemps  par  M.  Scribe. 

Le  Chalet  est  celle  de  ses  partitions  qui  s'est  le  plus  chantée  : 
elle  fait  partie  du  répertoire  de  tous  les  théâtres  de  France  et 


de  l'étranger  :  cela  tient  non-seulement  au  mérite  de  la  mu- 
sique populaire ,  à  bon  droit,  mais  aussi  à  la  franche  gaieté  que 
MM.  Scribe  et  Mélesville  ont  répandue  dans  leur  libretto,  d'une 
mise  en  scène  facile,  car  il  ne  comporte  que  trois  rôles  :  ub 
soprano,  un  lénor,  une  basse,  ce  qui  suffit  pour  obtenir  une 
très-grande  variété  de  timbres.  Nous  trouvons  en  effet  dans  la 
partition,  outre  les  morceaux  seuls  pour  chacune  de  ces  trois 
voix,  un  duo  pour  soprano  et  ténor,  un  autre  pour  ténor  et  basse, 
et  enfin  un  trio.  C'est  donc  là  une  œuvre  très-simple  et  très- 
complète  à  la  fois. 

Adam  commença  par  appliquer  un  air  de  sa  partition  anglaise 
de  Faust  au  chœur  de  l'orgie.  A  partir  de  ce  début,  il  écrivit  au 
courant  de  la  plume,  de  façon  que  les  huit  morceaux  qui  com- 
posent le  Châlcl  et  l'ouverture  étaient  terminés  en  six  jours.  Ce  fut 
un  grand  succès.  «  Le  Chalet,  dès  son  apparition,  fut  classé  parmi 
les  meilleurs  ouvrages  du  genre,  dit  M.  Halévy  dans  sa  biographie 
d'Adolphe  Adam  (1).  Il  y  a  dans  le  domaine  de  la  musique  de 
rianles  et  fraîches  vallées  où  se  plait  la  muse  des  accords  lempérés. 
C'est  cette  muse  qui  inspirait  Adam  et  lui  dictait  des  chants  gra- 
cieux, de  joyeuses  mélodies  et  des  rhylhmes  légers.  Le  Chalet 
résume  celte  heureuse  inspiration.  Il  est  resté  le  type  du  génie 
d'Adolphe  Adam,  et,  si  l'on  dit  souvent  «  l'auteur  du  Chalet»,  ce 
n'est  pas  qu'on  soit  injusle,  ingrat,  peu  soucieux  de  ses  nombreux 
travaux,  mais  c'est  par  une  sorte  d'ellipse,  et  pour  concentrer 
en  un  seul  mot  le  charme,  la  grâce  ,  l'esprit  du  musicien.  C'est 
un  hommage  rendu  à  sa  mémoire,  et  l'éloge  du  Chalet  devient 
ainsi  l'éloge  de  l'œuvre  tout  entier.  » 

Le  nom  d'Adolphe  Adam  est  peut-être  aujourd'hui  le  plus 
connu  parmi  ceux  des  compositeurs  français  dans  ce  qu'on  ap- 
pelle le  gros  du  public  (2) . 

(1|  Souvenirs  et  portraits. 

(2)  C'est  à  ce  point  qu'on  lui  attribue  des  œuvres  beaucoup  au-dessus  de 
son  talent.  Un  jour,  à  une  table  d'hôte,  dans  une  petite  ville  de  Normandie, 
j'assistais  à  une  discussion  sur  le  mérite  de  Robert-le-Diable  ;  les  opinions 


114 


LE  MÉNESTREL. 


L'année  1835  vit  paraître  deux  opéras  en  un  acte,  qui  ont  eu 
un  nombre  restreint  de  représentations  :  la  Marquise  et  Mi- 
cheline. 

En  1836,  il  eut  un  nouveau  succès  populaire  avec  le  Pos- 
tillon de  Longjumeau.  Le  rôle  principal  fut  remarquablement 
créé  par  Cbollet,  qui  revint  le  chanter  à  Paris,  au  Théâtre- 
Lyrique,  en  1852;  celui  de  Madeleine  était  tenu,  dans  l'ori- 
gine, par  Mlu  Prévost.  Adam  prouva,  dans  cette  partition,  sa 
facilité  pour  la  musique  bouffe,  le  trio  :  Pendu!  pendu!....  est 
un  petit  chef-d'œuvre  de  genre. 

En  1838,  le  Fidèle  Berger  ne  réussit  pas  autant  qu'il  le 
méritait,  par  suite  d'une  cabale  de  confiseurs.  La  même  année 
parut  le  Brasseur  de  Pre'slon,  qui  obtint  assez  de  faveur. 

En  1840,  Bégine,  deux  actes,  et  la  Beine  d'un  jour,  trois 
actes,  eurent  un  bon  succès  d'estime  ;  la  dernière  de  ces  deux 
œuvres,  surtout,  qui  servit  de  début  de  création  au  ténor  J.-J. 
Masset,  et  de  retraite  à  la  gracieuse  Jenny  Colon,  Mme  Leplus. 

En  1841,  Adam  partit  pour  Saint-Pétersbourg,  afin  de  monter 
son  ballet  de  Giselle,  pour  Mme  Taglioni.  Le  czar  voulut  le 
retenir  dans  sa  capitale,  mais  le  mal  du  pays  força  l'artiste 
français  à  prendre  au  plus  vite  la  route  de  la  patrie  :  il  se  fit 
transporter  h  grands  frais  à  Berlin,  où  le  roi  de  Prusse  lui  de- 
manda un  opéra.  Par  suite  de  ce  désir,  Die  Hamadryaden, 
deux  actes,  furent  écrits,  répétés  et  exécutés  en  trois  semaines. 
«  Le  jour  de  la  première  représentation,  raconte  l'auteur,  le 
public  se  montra  si  froid,  que,  peu  habitué  au  flegme  germa- 
nique, je  crus  à  une  chute  et  je  me  retirai  désespéré  avant  la  fin 
de  la  pièce.  J'étais  seul,  jeté  sur  un  canapé,  dans  une  chambre 
sans  lumière,  lorsque  je  vis  tout  à  coup  la  rue  s'illuminer  de 
torches  et  de  flambeaux;  une  admirable  musique  militaire  exé- 
cute plusieurs  morceaux  de  mes  opéras,  et  mes  amis  montent 
en  foule  pour  me  féliciter  du  grand  succès  que  je  venais  d'ob- 
tenir et  dont  j'étais  loin  de  me  douter.  » 

A  son  retour  à  Paris,  il  donna  à  l'Opéra-Comique,  la  Bose  de 
Péronne;  cette  pièce,  spécialement  écrite  pour  Mrao  Damoreau, 
n'eut,  malgré  l'admirable  talent  de  l'interprète,  que  quinze 
représentations.  En  1841,  la  Main  de  fer  en  eut  cinq;  mais,  en 
1842,  le  Boi  d'Yvetot  fut  plus  heureux  :  Chollet  y  était  remar- 
quable et  M1Ie  Darcier  des  plus  séduisantes.  Il  écrivit  ensuite 
des  ballets  et  des  opéras  pour  l'Académie  royale  de  musique. 

Les  affaires  de  1848  lui  furent  aussi  nuisibles  que  celles  de  93 
l'avaient  été  pour  Berton.  Le  24  février  trouva  Adolphe  Adam 
directeur  du  troisième  Théâtre-Lyrique  (Opéra-National),  sa  créa- 
tion. Il  se  ruina  complètement  dans  cette  entreprise;  mais,  avec  une 
loyauté  trop  rare  à  notre  époque,  il  abandonna  à  ses  créanciers 
ses  droits  d'auteur,  jusqu'à  payement  intégral  de  ses  dettes  ,  se 
contentant,  pour  vivre,  d'un  revenu  à  peine  suffisant.  Une  nou- 
velle carrière  s'ouvrit  alors  devant  lui  :  le  docteur  Véron  le 
chargea  de  la  critique  musicale  du  Constitutionnel.  Il  faisait 
ainsi  à  peu  près  trois  feuilletons  par  mois,  quatre  au  plus ,  qui 
lui  étaient  payés....  50  fr.  l'un. 

A  ce  moment  là,  M.  Scribe  lui  offrit  le  libretto  de  Giralda, 
un  des  plus  spirituels  et  des  plus  amusants  qui  soient  sortis  de 
cette  plume  féconde.  Mais  le  succès  immense  et  si  mérité  du 


émises  par  mes  convives  m'amusaient  beaucoup,  et  j'étais  loin  de  les 
troubler  en  y  mêlant  les  miennes.  Je  restai  auditeur  muet  ;  un  des  assis- 
tants demanda  quel  était  l'auteur  de  la  musique,  et  Adam  fut  généralement 
nommé.  —  Souvent  aussi,  au  sortir  d'une  représentation  d'opéra-co- 
mique, j'ai  entendu  dire  à  des  amateurs  plus  ou  moins  érudits  :  La  musique 
que  nous  venons  d'entendre  est  jolie  ;  elle  doit  ôtre  d'Adam. 


Val  d'Andorre,  avait  donné  à  penser  à  l'administration  de 
l'Opéra-Comique  que  le  public  n'aimait  plus  que  les  pièces  mélo- 
dramatiques. On  ajourna  en  conséquence  la  première  repré- 
sentation de  Giralda. 

Pendant  que  ce  double  chef-d'œuvre  (1)  dormait  dans  les  car- 
tons de  M.  Perrin,  Adam  écrivit  en  moins  d'une  semaine  une 
charmante  bouffonnerie  en  deux  actes:  le  Toréador,  composée  à 
la  demande  de  Mocker,  pour  une  représentation  à  son  bénéfice. 
Elle  réussit  pleinement  :  Bataille,  préludant  à  ses  succès  du 
Songe  d'une  nuit  d'été,  s'y  montra  excellent  chanteur  comique, 
et  madame  Ugalde  déploya  une  agilité  surprenante  dans  les 
variations  sur:  Ah!  vous  dirai-je,  maman!...  Toutes  les  can- 
tatrices de  concert  voulurent  dire  ce  morceau  après  la  prima 
donna  de  l'Opéra-Comique.  Le  trio  :  Ugalde,  Mocker  et  Bataille, 
assura  à  cette  partition  un  nombre  considérable  de  représen- 
tations. Elle  fut  classée  dans  le  répertoire  courant  des  scènes 
d'opéra-comique. 

Enfin,  en  1850,  Giralda  fut  présentée  au  public  et  accueillie 
comme  elle  devait  l'être.  Cette  musique  est,  à  mes  yeux,  la  meil- 
leure de  tout  l'œuvre  d'Adam.  Il  n'a  jamais"  rien  fait  d'aussi  com- 
plet, surlout  d'aussi  distingué.  Je  ne  ferai  pas  ici  le  détail  des 
différents  numéros  de  la  partition  ;  je  citerai ,  dans  les  principaux 
morceaux,  le  duo  :  C'est  sous  l'église  du  village,  et  le  trio  :  Où 
donc  est-il,  mon  doux  seigneur  ?  puis  encore  les  couplels  que 
Sainte-Foy  disait  d'une  façon  si  plaisante  :  Ah  mon  habit! 
Mon  bel  habit  de  mariage  !  reliés  par  la  jolie  phrase  des  des- 
sus du  chœur  :  Ah  !  c'est  la  fiancée!....  à  la  cavatine:  Bêve 
heureux  du  jeune  âge  !....  dans  laquelle  MIIe  Félix  Miolan 
montrait  déjà  ce  qu'elle  devait  être  plus  tard,  une  cantatrice 
di  primo  carlello ,  la  Miolan-Carvalho  d'aujourd'hui.  Je  ci- 
terai encore  le  duo  bouffe  qu'elle  chantait  avec  Sainte-Foy: 
Faut-il  donc  vous  aider,  ma  chère?....  les  couplets  comiques 
de  la  Ginès  au  second  acte  :  Tant  que  j'étais  célibataire.  Le  reste 
de  la  partition  était  parfaitement  interprété  par  Bussine,  Audran, 
et  Mlle  Meyer  (2).  11  ne  faut  pas  oublier  non  plus  l'excellent 
Riquier,  dont  le  rôle  n'était  point  important  au  point  de  vue 
musical,  mais  qui  donnait  au  personnage  de  Don  Japhet  d'A- 
tocha  une  physionomie  des  plus  comiques. 

En  1852,  Adam  écrivit  sur  son  lit,  où  il  était  retenu  depuis 
quelque  temps  parla  maladie:  La  poupée  de  Nuremberg,  mu- 
sique gaie,  vive  et  spirituelle,  et  quelques  jours  après:  le  Far- 
fadet, un  acte  très  amusant,  de  M.  de  Planard,  dont  Bussine 
etMlle  Lemercier  créèrent  lesdeuxprincipauxrôles.  On  applaudit 
beaucoup  le  duo:  C'est  le  vent  qui  murmure...,  pendant  lequel 
l'orchestre  imite  le  bruifd'un  moulin  à  vent  en  mouvement,  mêlé 
à  celui  d'un  orage,  accompagné  des  hou  !  hou  !  du  prétendu  re- 
venant, et  enfin,  après  tout  ce  tumulte,  le  pianissimo  : 
Dans  les  airs  plus  de  bruit, 
Bonne  nuitl  bonne  nuit! 

La  verve  inépuisable  de  notre  charmant  compositeur  donnait 
encore,  dans  la  même  année  :  Si  j'étais  roi!  trois  acles  de 
M.  Dennery  (4  novembre  1852).  Ce  fut  un  succès  qui  grandit 
surtout  avec  le  temps,  et  nombre  d'amateurs  citent  aujourd'hni 
cet  ouvrage  comme  le  meilleur  d'Adolphe  Adam.  On  y  remarque 

(1)  J'appelle  Giralda  un  double  chef-d'œuvre,  parce  que  celte  pièce  me 
paraît  aussi  bien  réussie  pour  les  paroles  que  pour  la  musique. 

(2)  Cette  cantatrice,  comme  on  le  sait,  est  devenue  la  femme  de  M.  Meil- 
let,  l'un  des  bons  chanteurs  de  nos  jours,  l'un  des  dignes  successeurs  de 
Martin,  avec  lequel  il  a  plus  d'un  rapport. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


IIS 


l'air  très-mélodieux  de  Zéphoris:  Si  fêtais  roi!...,  le  duo  co- 
mique :  Oh!  l'étonnante  aventure!...,  l'air  de  Néméa...,' le  duo 
bouffe  entre  Zélide  et  Piféar...,  etc.,  etc.  Si  j'étais  roi,  comme 
ses  aînés  le  Postillon,  le  Chalet,  Giralda,  fit  victorieusement 
son  tour  de  France,  et  nous  révéla  un  chanteur  de  mérite,  le 
baryton  Laurent  {le  roi) ,  qu'un  douloureux  événemeut  enleva 
subitement  à  la  suite  d'un  bain  froid. 

L'année  suivante  parurent  trois  actes  sans  prétention,  mais 
non  sans  mérite,  arrangés  sur  l'amusante  comédie  de  Desforges  : 
le  Sourd  ou  V Auberge  pleine.  Riquier  était  excellent  dans  le 
rôle  du  papa  Doliban,  Sainte-Foy  étourdissant  dans  la  scène  du 
lit,  et  M"e  Lemercier  enlevait,  de  façon  à  les  faire  bisser  chaque 
soir,  les  couplets  du  Pont  d'Avignon. 

La  même  année  le  Théâtre-Lyrique  représentait  :  le  Roi  des 
Halles  et  le  Bijou  perdu,  début  et  triomphe  de  Mme  Cabel;  en 
1854,  le  Muletier  de  Tolède  et  A  Clichy;  en  1855,  le  Houzard 
de  Berchini;  en  1856,  Falslaff  et  Mam'zelle  Geneviève,  imitant 
ainsi  la  fécondité  des  Grétry,  des  Dalayrac  et  des  vieux  maîtres 
italiens,  pour  lesquels  une  partition  d'opéra  n'offrait  pas,  à  beau- 
coup près,  la  somme  de  travail  matériel  qui  existe  dans  les  œu- 
vres de  nos  jours,  l'orchestre  n'ayant  pas  à  cette  époque  le  luxe 
de  développement  actuel. 

Adam  avait  commencé  sa  carrière  par  le  vaudeville;  il  la 
termina  par  l'opérette.  Il  venait  de  donner  un  acte  aux  Bouffes- 
Parisiens,  un  délicieux  acte,  les  Pantins  de  Violette,  lorsque  la 
mort  vint  arrêter  le  cours  de  ses  succès. 

«  J'ai  payé  mes  dettes,  disait-il  en  terminant  son  auto- 
biographie ;  mais  mon  frère  vient  de  mourir,  me  laissant  des 
affaires  embarrassées  et  ayant  mangé  de  son  vivant  tout  le  bien 
de  ma  mère,  qui  pouvait  avoir  quelque  valeur;  je  n'ai  donc  nul 
espoir  de  retrouver  jamais,  non  pas  la  fortune,  mais  même  l'ai- 
sance. Je  mettrai  quelque  chose  de  coté  pour  ma  femme  et  ma 
fille,  mais  ce  sera  bien  peu. 

«  Le  travail  musical  est  ma  seule  passion  et  mon  seul  plaisir. 
Le  jour  où  le  public  repoussera  mes  œuvres,  l'ennui  me  tuera.  » 

Cette  heure  ne  sonna  pas  pour  lui  ;  car,  après  avoir  écrit  ces 
lignes,  qui  furent  en  quelque  sorte  son  testament,  il  s'en- 
dormit sans  souffrance  du  dernier  sommeil  (1),  laissant  la  répu- 
tation d'un  homme  de  cœur,  d'un  grand  artiste,  unanimement 
regretté  et  par  ceux  qui  l'avaient  connu  personnellement  et  par 
ceux  qui  l'appréciaient  dans  ses  œuvres. 

LÉON    MÉNEAB. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

Le  Tannhauser  a  fait  cette  semaine  ses  débuts au  palais 

de  justice. 

C'est,  du  reste,  le  sort  de  mainte  œuvre  à  grand  retentisse- 
ment ;  plus  d'un  drame,  plus  d'un  opéra  ont  eu  maille  à  partir 
avec  les  tribunaux  avant  de  descendre  sur  Ja  scène  ,  et  se 
trouvent  logés  à  l'entre-sol  des  feuilles  judiciaires,  avant  d'aller 
s'installer  au  rez-de-chaussée  du  feuilleton. 

Donc,  M.  Lindau,  un  des  traducteurs  du  poëme  de  M.  Ri- 
chard Wagner,  introduisait  une  instance  auprès  du  tribunal 

(1)  Le  2  mai  18o6  il  assistait  à  l'Opéra  au  début  d'une  cantatrice,  dans 
la  Reine  de  Chypre  ;  le  lendemain  malin  on  le  trouva  mort  dans  son  lit, 
sans  qu'il  eût  proféré  une  plainte.  s 


civil,  pour  voir  figurer  son  nom  sur  l'affiche  et  sur  le  libretto  du 
Tannhauser,  à  côté  de  ceux  de  MM.  Roche  et  de  Nuitter.  Le 
maestro  Wagner,  par  l'organe  de  M"  Emile  Olivier  (gendre  de 
Franz  Listz),  s'opposait  h  cette  prétention,  attendu  que  le  travail 
de  M.  Lindau  aurait  été  incomplet,  et  serait  devenu  la  source 
de  beaucoup  de  retards. 

Nonobstant  les  efforts  de  Me  Marie,  avocat  de  M.  Lindau,  ce- 
lui-ci n'a  pas  réusssi,  et  le  tribunal,  faisant  droit  aux  conclu- 
sions de  M.  l'avocat  impérial,  a  débouté  M.  Lindau  de  sa  de- 
mande, lui  réservant,  toutefois,  les  droits  pécuniaires  pour  son 
travail  de  traducteur. 

Et  pendant  ce  temps,  un  autre  conflit  s'était  élevé  dans  le  do- 
maine orchestral.  Le  compositeur  allemand  demandait  simple- 
ment à  remplacer  M.  Dietsch  au  pupitre,  et  à  diriger  l'orchestre  lui- 
même  selon  les  us  allemands  et  italiens,  pendant  au  moins  trois 
représentations.  Ce  débat,  que  l'on  croyait  terminé,  est  revenu 
sur  l'eau.  Les  musiciens  de  l'orchestre,  dit-on,  s'étaient  cepen- 
dant catégoriquement  prononcés  pour  le  maintien  pur  et  simple 
de  leur  chef  d'orchestre.  Ce  sont  tous  ces  tiraillements,  plus 
encore  que  l'enrouement  de  Mme  Tedesco,  qui  retardent  le  lever 
du  rideau.  On  annonce,  toutefois,  l'ouvrage  pour  mercredi,  et 
d'une  manière  définitive.  Mme  Tedesco  remplira  le  rôle  de 
Vénus,  que  Mlle  Rey  s'était  apprêtée  à  doubler.  — A  dimanche 
prochain  les  impressions  du  public. 

Le  Théâtre  Italien  a  repris  jeudi  dernier  Yltaliana  in 
Algeri  pour  les  débuts  du  ténor  Montanaro.  La  ravissante  œuvre 
bouffe  de  Rossini  a  été  revue  avec  joie.  Quant  au  débutant,  suc- 
cesseur de  Gardoni,  sa  voix  n'est  pas  forte,  mais  d'un  timbre  si 
agréable!  puis,  il  vocalise  et  phrase  avec  tant  de  goût  et  de  mé- 
thode !  Zucchini  est  ébouriffant  d'entrain  et  de  gaieté  ;  nous  n'en 
dirons  pas  autant  d'Angelini,  auquel  nous  eussions  préféré]  Ba- 
diali,  et  de  beaucoup. 

Le  trio  papataci  a  récolté  le  bis  de  rigueur.  —  Que  dirons- 
nous  de  Mme  Alboni?  Ce  rôle  d'Isabella  semble  son  élément 
vital;  elle  s'y  épanouit  à  plaisir,  et  le  public  avec  elle. 

Le  mardi  précédent,  le  virtuose  Perelli  reparaissait  sur  la 
scène  Ventadour  avec  ses  deux  grandes  fantaisies  de  la  Norma 
et  de  la  Fille  du  régiment.  —  Nouvelles  ovations,  nouveaux 
rappels. 

L'Opéra-Comique  nous  a  donné  cette  semaine  la  première 
représentation  du  Jardinier  galant,  musique  de  M.  Poise  (voir 
notre  article  de  ce  jour) . 

M.  de  Saint-Georges  revendique  sa  part  de  collaboration  dans 
l'œuvre  posthume  de  Scribe ,  la  Fiancée  du  roi  de  Garbes, 
musique  future  d'Auber.  Cette  revendication  a  été  accueilie  avec 
plaisir  par  la  presse.  C'est  un  attrait  de  plus  promis  à  nos 
plaisirs. 

Maître  Claude  de  M.  de  Leuven  et  Jules  Cohen,  prendra  l'af- 
fiche sous  peu  de  jours.  Ce  sera  peut-être  bien  la  dernière  créa- 
tion de  Mlle  Marimon,  délicieuse  fauvette  que  l'Opéra-Comique 
va  laisser  s'envoler  au  moment  d'en  recueillir  les  fruits. — 
M"e  Marimon  est  aujourd'hui  la  vraie  prima  donna  de  la  salle 
Favart.  Qui  donc  la  remplacera  ? 

Le  Théâtre  Lyrique  a  donné  avant  hier  vendredi,  les  Deux 
Cadis,  un  acte  de  M.  Imbert,  paroles  de  MM.  Gille  et  Fur- 
pille,  chanté  par  MM.  Grillon,  Wartel,  Girardot  etMUe  Faivre, 
—  A  dimanche  prochain  le  compte  rendu  de  cette  première  re- 
présentation, mais  dès  aujourd'hui  constatons  un  puëme  amu. 


116 


LE  MÉNESTREL. 


sant,  une  musique  bien  traitée ,  malgré  le  faiblesse  générale 
de  l'exécution.  C'est ,  du  reste  ,  le  sort  des  opéras-comiques 
en  un  acte,  et  c'est  un  fait  d'autant  plus  regrettable. 

Les  Bouffes  Parisiens  ont  célébré  lundi  dernier  la  rentrée 
de  M"e  Pfotzer,  dans  le  rôle  de  Valenlin  de  Fortunio.  On  a 
bissé  sa  chanson  à  boire  et  redemandé  le  petit  clerc  avec  force 
bravos.  La  voix  fraîche,  métallique,  pénétrante  de  MUe  Pfotzer, 
excite  toujours  les  mêmes  émotions  :  c'est  du  magnétisme  dans  la 
plus  agréable  acception  du  mot. 


Le  Théâtre  Français  a  repris  jeudi  dernier  le  Bourgeois 
Gentilhomme,  avec  la  musique  de  Lulli.  MUe  Nathalie  a  joué 
pour  la  première  fois  le  rôle  de  Mmo  Jourdain.  Jugez  de  l'attrait 
de  cette  soirée  de  mi-carême,  défrayée  par  Samson,  Provost, 
jjmes  Augustine  Brohan ,  Fix,  Figeac,  Nathalie  et  tutti  quanti, 
avec  la  Cérémonie  pour  bouquet,  et  les  Plaideurs  comme  ap- 
point !... —  On  poursuit  les  études  du  Jeune  homme  quine  fait 
rien,  comédie  en  un  acte  de  M.  Legouvé.  —  On  répète  également 
trois  tragédies  du  fonds  classique  :  Mithridate,  Bajazet  etNico- 
mède.  Beauvallet  fera  particulièrement  les  honneurs  de  ces  trois 
chefs-d'œuvre,  en  attendant  la  Rachel  promise. 

Le  Vaudeville  nous  a  offert  une  comédie  en  un  acte  de 
M.  Charles  Hugo,  intitulée:  Je  vous  aime.  C'est  une  spirituelle 
fantaisie,  que  les  acteurs,  notamment  Brindeau  et  Mlle  Germa 
(débutante),  se  sont  assimilée  avec  talent. 

On  a  joué,  le  même  soir,  les  Petits  moyens,  originaires  du 
Gymnase.  Nuraa  est  toujours  parfait  de  bonhomie. —  Ce  théâtre 
nous  tient  en  perspective  une  pièce  de  M.  Jaime  fils  :  Pour  bien 
marier  sa  fille,  comédie  en  un  acte  qui  avait  été  répétée  au 
Théâtre  Français,  et  même  annoncée  sur  l'affiche,  il  y  a  environ 
deux  ans,  sans  avoir  jamais  été  représentée. 

Le  théâtre  des  Variétés  prépare  une  grande  pièce  de 
MM.  Clairville,  Lambert,  Thiboust  et  Delacour,  intitulée  :  les 
Danses  nationales. 

De  son  côté,  le  Palais-Royal  nous  promet  un  Hector  et  un 
Ami  des  femmes  pour  succéder  à  la  Mariée  de  Mardi-Gras. 

MM.  Théodore  Barrière  et  Edouard  Plouvier  ont  doté  la  scène 
de  I'Ambigu  d'un  drame  fantastique  :  ÏAnge  de  minuit.  Cela 
sort  complètement  de  l'ornière  du  boulevard  ;  c'est  une  œuvre 
étrange,  idéale,  une  donnée  philosophiquement  conçue  et  poéti- 
quement formulée.  La  mise  en  scène  de  ce  drame  est  très-soignée; 
on  a  surtout  applaudi  l'acte  du  bal  masqué.  Trois  débuts  ont  eu 
lieu  dans  l'Ange  de  minuit  :  Paul  Bondois,  ancien  artiste  de  la 
Gaîté,  s'est  spécialement  distingué  ;  l'on  a  fêté  la  bienvenue 
de  Mlle  Méa,  la  belle  transfuge  del'Odéon.  Enfin,  la  troupe  or- 
dinaire du  théâtre  n'a  pas  démérité  de  l'œuvre  :  Castellano, 
M1Ie  Defodon,  Mme  Caroline  Gilbert  tiennent  fort  bien  leurs 
rôles. 

Une  troupe  de  danseurs  hongrois,  sous  la  direction  de  M.  Frie- 
drich Bekefy,  maître  de  ballet  du  théâtre  impérial  de  Pesth, 
donne  en  ce  moment  des  représentations  au  théâtre  Déjazet. 
Cette  chorégraphie  exotique,  assez  goûtée  au  boulevard  du 
Temple,  n'a  rien  d'inquiétant  pour  notre  Grand-Opéra. 

J.  Lovy. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  LOPÉRA-COMIQIE. 


Le  Jardinier  galant,  opéra-cormque  en  deux  actes,  trois  tableaux ,  de 
•     Mil.  de  Leuven  et  Siiuudin,  musique  de  M.  Perd.  Poise. 

Une  entente  cordiale  règn&en  ce  moment  entre  MM.  les  libret- 
tistes fournisseurs  brevetés  de  nos  principales  scènes  d'opéra- 
comique.  Au  Théâtre  Lyrique,  on  conspire  contre  Mme  de  Pom- 
padour  ;  à  la  salle  Favart,  on  la  chansonne.  Cette  reine  du  de- 
mi-monde d'autrefois,  que  S.  M.  le  roi  Louis  XV  daignait  com- 
bler de  ses  familiarités,  —  pour  parler  le  langage  de  M.  de 
Leuven,  —  a  grand  besoin  que  M.  Capefigue  lui  vienne  en 
aide. 

Donc,  le  chansonnier  Collé,  de  joyeuse  mémoire,  vient  de 
lancer  contre  la  Favorite ,  son  Jardinier  galant ,  petit  recueil 
de  chansons  satiriques  ;  la  marquise  a  frémi  de  colère,  le  roi  a 
froncé  le  sourcil,  le  lieutenant  de  police  a  blêmi  de  stupéfaction, 
son  greffier  maître  Tiphaine  a  pâli  de  crainte  et  d'effroi,  et  son 
exempt  Léveillé  n'est  guère  plus  rassuré;  car  il  faut  que  dans 
vingt-quatre  heures  le  Jardinier  galant  soit  détruit,  et  son  au- 
teur envoyé  à  la  Bastille.  A  défaut  de  l'auteur,  M.  le  lieutenant 
de  police  a  bien  voulu  promettre  à  son  greffier  qu'il  l'enverrait 
remplacer  le  coupable  jusqu'à  la  prise  de  celui-ci,  et  maître  Ti- 
phaine, en  homme  qui  connaît  son  monde,  a  fait  la  même  pro- 
messe à  son  subordonné  Léveillé. 

Léveillé,  qui  débute  dans  sa  profession,  commencera  par  un 
coup  de  maître:  en  arrêtant  le  premier  innocent  venu.  Justement 
Collé  vient  à  passer,  l'exempt  le  saisit  par  l'habit  pour  lui  donner 
tous  les  renseignements  que  le  chansonnier  ne  lui  demandait  pas, 
et  celui-ci,  désormais  bien  informé,  se  hâte  de  placer  les  quelques 
exemplaires  de  son  recueil  dans  une  hotte  de  fleurs  qu'un  jar- 
dinier du  nom  de  Galant  a  oublié  là,  comme  par  hasard  ;  puis, 
bonheur  extrême,  amour  suprême,  Collé  retrouve  dans  Mme  Ti- 
phaine, la  gentille  Ninette,  ses  premières  amours;  il  obtient 
aisément  delà  greffière  un  rendez-vous  nocturne.  En  même  temps 
le  guet,  dirigé  par  Léveillé,  s'empare  du  galant  jardinier,  et  le 
conduit  chez  maître  Tiphaine,  et  celui-ci  enchanté,  court  à  Ver- 
sailles annoncer  sa  capture,  pendant  que  Mme  Tiphaine,  qui,  moins 
heureuse  que  le  public,  ne  s'explique  pas  l'imbroglio, —  ordonne 
à  Léveillé  de  placer  le  recueil  dans  son  boudoir,  au  grand  éton- 
nement  de  l'agent.  L'ordre  est  exécuté;  Galant  apprend  qu'il  est 
chez  la  maîtresse  de  sa  fiancée  Clairette  ;  il  sait  qu'on  l'attend, 
et,  impatienté,  dérange  la  greffière  et  Collé,  au  milieu  d'un  souper 
improvisé.  Maître  Tiphaine  revient  à  l'improviste  de  Versailles; 
Collé  effrayé  s'enfuit  avec  Galant,  —  les  amoureux  ont  bon 
'  cœur,  —  plus  de  prisonnier  !  On  ira  à  la  Bastille  ou  au  Fort-l'E- 
vêque;  mais  Léveillé  rattrape  Galant  au  marché,  et  on  le  saisi- 
rait de  nouveau,  lui,  sa  hotte  et  le  livre  qu'il  n'a  pas  fait,  mais 
qu'il  colporte,  si  Collé,  son  recueil  à  la  main,  ne  venait  régaler 
M.  le  greffier  royal  lui-même,  de  la  fameuse  chanson  satirique. 
La  Pompadour  a  régné,  les  familiarités  du  roi  Louis  XV  sont 
acquises  à  sa  rivale,  on  peut  chanter  tout  à  l'aise. 

Le  poëme  de  MM.  Leuven  et  Siraudin  est  un  véritable  livret 
d'opéra-comique.  L'intrigue  n'y  est  pas  compliquée,  l'imbroglio 
n'est  point  difficile  à  saisir  ;  mais  l'œuvre  est  gaie  et,  pour  ma 
part,  j'ai  toujours  combattu,  salle  Favart,  le  genre  larmoyant. 
Une  pointe  de  sentiment  n'est  pas  toujours  une  superfétation,mais 
les  larmes  sont,  à  coup  sûr,  chose  maussade  et  fort  ennuyeuse. 
—  La  musique  de  M.  Poise  est  cherchée,  trop  cherchée  pour  un 
cadre  si  léger,  et  le  plus  grand  défaut  du  compositeur,  défaut  que 


MUSIQUE  ET  THÉATIÎILS. 


117 


partagent  comme  lui  les  nouveaux  musiciens,  c'est  de  vouloir 
écrire  quand  même,  de  la  graude  musique.  Le  dramatique  a  tout 
envahi,  le  théâtre  comme  la  littérature  ;  il  semble  que,  parce 
que  nos  aïeux  mouraient  de  gaieté,  nous,  leurs  petils  fils,  nous 
devions  finir  nos  jours  tragiquement. 

Disons,  pour  être  juste,  que  ce  défaut  s'adresse  autant  à  la  cri- 
tique qu'aux  producteurs  ;  elle  a  si  souvent  reproché  à  ces  derniers 
de  ne  donner  que  des  œuvres  légères,  que  ceux-ci  ont  dû  mettre 
un  crêpe  à  leur  jeunesse,  un  voile  funèbre  à  leur  imagination. 

Parmi  les  morceaux  accueillis  avec  plaisir,  je  citerai  la  chanson 
de  Collé:  Je  vais  vous  conter  le  tableau  d'une  guinguette  folle  ; 
Bon  agent,  montrons-nous  diligent,  chanté  par  Léveillé,  l'air 
d'entrée  du  jardinier,  un  duo  que  l'on  a  fait  bisser:  En  tout 
bien,  tout  honneur ,  une  romance,  l'Heureux  temps,  l'espérance, 
le  quatuor  Bonsoir  ma  toute  belle,  la  chansonnette  du  jar- 
dinier prisonnier,  il  a  raison  Bastien,  et  la  morale  est  sage,  un 
joli  duo  que  l'on  a  faitbisser  aussi  :  Ah  !  la  gentille  chanson,  etc. 
La  pièce  est  très-convenablement  interprétée  par  M"e  Lemercier 
(  Mme  Tiphaine  ),  M.  Crosti  (  Charles  Collé),  M.  Ponchard  (  Ga- 
lant ),  MM.  Prilleux  (  Mtre Tiphaine  )  et  Ambroise  (  Léveillé). 

Mais  je  crains  que  le  public  de  la  Circassienne  ne  soit  devenu 
bien  difficile. 

A.  Ddreau. 

NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Dans  la  séance  du  4  mars,  au  Sénat,  plusieurs  membres,  à  propos  du 
vote  de  l'Adresse,  ont  proposé  un  amendement  dans  l'intérêt  des  sciences, 
des  lettres  et  des  arts.  M.  le  prince  Poniatowski  s'est  surtout  rendu  l'or- 
gane des  besoins  de  l'art  musical.  Dans  un  discours  habilement  développé, 
le  prince-musicien  a  exprimé,  non  sans  autorité,  des  vœux  en  faveur  du 
Conservatoire,  du  Théâtre-Italien  et  du  Théâtre-Lyrique ,  et  le  monde 
musical  se  souviendra  de  cette  généreuse  sollicitude  qui  portera  ses  fruits 
tôt  ou  tard. 

—  Roger,  engagé  par  le  théâtre  italien  de  Berlin,  renouvelle,  dans  le 
Trovatore  et  la  Lucia  ,  les  succès  et  les  recettes  phénoménales  qu'il  ré- 
coltait naguère  dans  le  Prophète,  les  Huguenots  et  la  Dame  Manche,  en 
Allemagne.  C'est  le  même  enthousiasme. 

—  On  écrit  de  Berlin  qu'Ellinor  ou  le  Rêve  et  le  Réveil,  ballet  en  trois 
actes  de  Taglioni,  musique  de  Hertel,  a  réussi  au  théâtre  royal  de  Berlin. 
Les  deux  auteurs  ont  été  rappelés ,  en  compagnie  du  peintre  décorateur, 
M.  Gropius. 

—  Une  correspondance  de  Berlin  rend  ainsi  compte  d'une  œuvre  nou- 
velle du  crû,  représentée  sur  le  théâtre  royal  de  cette  ville  :  «  Après  les 
Dragons  de  Villars,  d'Aimé  Maillart,  et  la  Veuve  Grapin,  de  M.  de  Flotow, 
nous  avons  eu  Junker  Habàkuk  (monsieur  de  Habakuk),  opéra  comique 
en  trois  actes,  de  M.  A.  Schreffer.  C'est  de  la  musique  de  couplets;  la 
source  où  puise  l'auteur  n'est  pas  sans  doute  l'Hippocrène,  mais  elle  coule 
avec  une  abondance  continue,  et  ne  tarit  que  lorsqu'il  essaye  d'exprimer 
des  sentiments  vrais.  » 

—  L'opéra  nouveau  de  Rubinstein ,  les  Enfants  des  landes ,  a  été  re- 
présenté à  Vienne  le  23  février  dernier,  avec  un  succès  d'estime. 

—  Les  journaux  allemands  nous  apprennent  qu'on  doit  faire  entendre 
très-prochainement  à  Vienne,  dans  un  concert  public,  un  opéra-comique 
posthume  de  François  Schubert. 

—  Nous  lisons  dans  la  Gazette  musicale  de  Berlin  [Echo]  du  3  mars, 
sous  la  rubrique  de  Hambourg  :  «  La  Giralda,  de  Halévy,  n'a  pas  obtenu 
grand  succès  sur  notre  théâtre.  »  Est-ce  par  sympathie  pour  M.  Halévy 
que  ce  correspondant  de  Hambourg  lui  fait  endosser  l'insuccès  d'un  des 
plus  charmants  opéras  d'Adolphe  Adam  ? 

—  On  lit  dans  un  journal  de  Gand,  le  Nouvelliste:  «  Le  spectacle  de 
jeudi,  donné  au  bénéfice  de  M.  Singelée,  chef  d'orchestre  du  théâtre,  se 
composait  du  Mariage  aux  lanternes  et  de  la  reprise  de  la  Fille  du  régi- 
ment. La  salle  était  garnie  d'une  société  d'élite  désireuse  de  voir  et  d'en- 
tendre M1,e  Louisa  Singelée  dans  le  rôle  de  la  vivandière.  Le  beau  talent 
dont  cette  jeune  cantatrice  avait  fait  preuve  huit  jours  avant  au  concert  du 


Casino  devait  mettre  le  dilettantisme  en  émoi  ;  aussi,  tous  les  amateurs 
étaient-ils  exacts  au  rendez-vous  pour  encourager  les  premiers  pas  de  l'in- 
téressante élève  de  Duprez  dans  la  difficile  carrière  qu'elle  se  dispose  à 
embrasser.  Une  triple  salve  d'applaudissements  a  salué  Mlle  Singelée  à 
son  entrée  en  scène.  Nous  avions  raison  de  dire  que  l'actrice  ne  serait  point 
au-dessous  de  la  chanteuse  ;  M11"  Singelée  possède  un  jeu  naturel,  plein  de 
vivacité,  qui  lui  permet  de  donner  au  rôle  de  Marie  la  grâce,  la  franchise 
et  la  brusquerie  qui  lui  conviennent.  On  n'aurait  jamais  cru  que  l'artiste 
affronterait  pour  la  première  fois  le  feu  de  la  rampe.  Dès  que  les  études  de 
la  séduisante  élève  de  Duprez  seront  terminées,  les  premiers  théâtres  ne 
pourront  manquer  de  se  la  disputer.  » 

—  A  Varsovie,  un  opéra  nouveau  de  Dutscb,  la  Femme  Croate,  a  reçu 
bon  accueil,  nonobstant  les  circonstances  politiques. 

—  Les  journaux  italiens  nous  apprennent  que  le  théâtre  neuf,  situé 
dans  le  quartier  de  Montecalvario,  à  Naples,  a  été,  le  20  février  dernier, 
la  proie  des  flammes.  Les  pertes  sont  considérables.  On  ignore  la  cause 
de  ce  sinistre,  qui  a  failli  détruire  tout  ce  quartier. 

—  L'inauguration  de  la  nouvelle  salle  destinée  au  Conservatoire  de 
musique  de  Bruxelles,  s'est  faite,  le 24  du  mois  dernier,  par  le  premier 
concert  de  la  saison.  "Parmi  les  morceaux  du  programme,  figurait  une  ou- 
verture de  M.  de  Hartog,  sur  le  sujet  de  Pompée.  Cette  œuvre,  d'un  style 
grave  et  sévère,  a  été  très-goùtée  du  monde  artiste. 

—  M.  le  comte  Jules  de  Castellane  vient  de  mourir  à  Marseille.  C'était 
un  impressario  dilettante  bien  connu  à  Paris,  et  son  hôtel  du  faubourg 
Saint-Honoré,  où  il  avait  créé  un  théâtre,  était  le  rendez-vous  de  tous  les 
artistes  célèbres,  qui  s'y  trouvaient  mêlés  au  monde  le  plus  aristocratique. 
M.  le  comte  Jules  de  Castellane  avait  épousé  M1'6  de  Villoutreys  ;  il  ne 
laisse  que  deux  filles  ;  mais  ce  beau  nom  est  encore  représenté  par  trois  ra" 
meaux  différents,  l'un  ayant  pour  chef  le  maréchal. 

—  Levasseur  vient  [d'être  appelé  au  grand  théâtre  de  Lyon,  pour  une 
série  de  représentations. 

—  On  nous  écrit  d'Amiens:  «  Dimanche  dernier,  M11"*  Mira, 'MM.  Sainte- 
Foy  et  Lourdel  étaient  appelés  à  Amiens  pour  fournir  le  programme  d'une 
fête  offerte,  par  le  nouveau  préfet,  M.  Cornuau,  à  l'élite  de  la  société,  non- 
seulement  de  la  ville,  mais  du  département  et  de  Paris  même,  où  habi- 
baient  encore,  il  y  a  deux  mois,  M.  et  Mme  Cornuau.  Il  est  difficile  de  don- 
ner l'idée  du  coup  d'œil  de  la  longue  galerie  éblouissante  de  lumière  et 
de  charmantes  femmes  chargées  de  fleurs ,  de  dentelles  et  de  diamants, 
dans  laquelle  a  eu  lieu  cette  réception.  Un  petit  théâtre  formait  l'extrémité 
de  cette  salle  improvisée.  C'est  là  que  nos  artistes  parisiens  ont  joué  et 
chanté  les  deux  opérettes  à  succcès  :  l'Amour  à  l'èpèe,  de  Wékerlin,  et 
Loin  du  bruit,  de  Paul  Bernard,  tous  deux  pour  les  paroles  d'un  poète  de 
la  localité,  M.  Galoppe  d'Onquaire,  qui  se  retire  chaque  été  sous  ses  om- 
brages picards.  Aussi,  l'accueil  chaleureux  fait  à  ces  deux  amusantes 
pièces  a-t-il  été  doublé  d'un  entrain  de  rationalité  bien  motivé  du  reste. 
Sainte-Foy  s'est  montré  désopilant,  Mlle  Mira,  comme  toujours,  pleine  de 
charme  et  de  gentillesse,  et  Lourdel  les  a  parfaitement  secondés.  Loin  du 
bruit  a  enlevé  tous  les  suffrages,  d'autant  plus  que  l'auteur  en  personne, 
M.  Paul  Bernard,  tenait  le  piano.  Après  la  soirée,  il  y  a  eu  souper  et  réu- 
nion intime,  et  cette  dernière  partie  du  programme,  tout  improvisée,  a 
été  égayée  par  les  chansonnettes  de  Sainte-Foy  et  un  proverbe  de  Vercon- 
sin,  délicieusement  joué,  en  manière  d'adieu,  par  MIle  Mira  etM.  Lourdel.  » 

—  Dijon.  Une  imposante  solennité,  qui  offre  un  grand  intérêt  au  point 
de  vue  de  la  musique  religieuse,  aura  lieu  le  mardi  19  mars,  à  l'occasion 
de  la  réception  et  de  l'inauguration  du  grand  orgue  de  notre  cathédrale. 
Grâce  à  la  haute  initiative  de  Monseigneur  l'évêque,  aux  sacrifices  du 
conseil  de  fabrique,  notre  ville  va  être  dotée  d'un  des  instruments  les  plus 
grands  et  les  plus  complets  de  France,  et  enrichie  de  tous  les  perfectionne- 
ments de  la  facture  moderne.  Une  commission  spéciale  d'hommes  émi- 
nents  est  appelée  à  juger  les  travaux  confiés  à  l'établissement  Merklin 
Schutz  et  Cc  de  Paris  et  de  Bruxelles. 

M.  Edouard  Batiste,  professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique, 
organiste  de  Sain t-Eustache  à  Paris,  viandra  prêter  le  concours  de  son  talent 
et  faire  apprécier,  dans  cette  séance  d'audition,  la  richesse  et  la  variété  des 
ressources  de  ce  nouvel  et  magnifique  instrument. 

—  Le  journal  de  Rouen,  sous  la  signature  Méreaux,  rend  compte  de 
l'accueil  fait  parles  dilettantes  de  cette  ville  à  M.  Charles  Delioux  et  à  ses 
œuvres.  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  reproduire  ce  feuilleton,  qui  est 
tout  un  honneur  pour  le  virtuose  et  le  compositeur. 


118 


LE  MÉNESTREL. 


—  ACaen,  c'est  la  Sociélé  musicale  de  la  ville  qui  s'est  chargée  du 
soin  de  remettre  à  Mme  Anna  Bertini  des  lettres  de  noblesse  philharmo- 
nique, et  un  diplôme  d'honneur  à  son  nom.  Demandée  à  Valenciennes, 
Mme  Anna  Berlini  va  récolter  de  nouveaux  bravos,  de  nouveaux  bis. 
La  Société  philharmonique  de  Caen  lui  a  redemandé  deux  morceaux  dans 
la  même  soirée. 

—  Jeudi  prochain,  14  mars,  messe  solennelle  à  grand  orchestre,  avec 
chœurs,  de  Mme  de  Maislre ,  exécutée  à  Saint-Euslache.  Les  soli  seront 
chantés  par  les  sœurs  Marchisio,  MM.  Michot  et  Bonheur. 

—  M.  Ed.  Hocmelle,  l'habile  organiste  du  grand  orgue  de  Saint-Thomns- 
d'Aquin,  vient  d'être  appelé  en  la  même  qualité  à  l'église  Saint-Philippe- 
du-Roule.  » 

—  On  sait  que  M.  Clapisson  est  grand  amateur  de  curiosités  musicales. 
Depuis  longtemps  il  avait  collectionné  des  instruments  de  musique  de  tous 
les  temps  et  de  tous  les  pays.  Le  gouvernement  vient  de  décider,  assure 
l'Union,  que  celte  précieuse  collection  serait  placée  au  Conservatoire  sous 
la  garde  de  M.  Clapisson,  qui,  par  ses  soins  assidus,  augmentera  encore 
ce  musée  spécial,'  digne  de  cet  établissement  sans  rival. 

•  . —  Voici  la  lettre  que  M.  Halévy,  membre  de  l'Institut  et  secrétaire  per- 
pétuel de  l'Académie,  a  adressée  à  M.  Ch.  Dancla  :  «  Je  m'empresse  de 
vous  annoncer  que  l'Académie,  dans  sa  dernière  séance,  décernant  pour  la 
première  fois  le  prix  fondé  par  feu  M.  Chartier,  vous  aaccordéce  prix,  sur 
la  proposition  unanime  de  la  section  de  musique.  » 

—  M.  Piermarini  vient  de  publier  six  grandes  vocalises  dédiées  à  sa 
brillante  élève  Mme  Laborde ,  comme  complément  de  son  excellent  cours 
de  chant.  La  dédicace  seule  indique  le  but  de  ces  vocalises  écrites  pour 
soprano,  et  résument  les  plus  grandes  difficultés  de  l'art  du  chant. 

SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  Le  virtuose  Sarrasate,  le  jeune  chevalier  de  l'ordre  de  Charles  III ,  a 
été  appelé  à  l'honneur  de  représenter  la  partie  instrumentale  au  second 
concert  donné  au  palais  des  Tuileries,  avant-hier  vendredi.  Il  a  été  parti- 
culièrement félicité  par  LL.  MM.,  qui  ont  également  complimenté,  de  la  ma- 
nière la  plus  gracieuse,  les  artistes  du  Théâtre-Italien  appelés  à  faire  les 
honneurs  de  la  partie  vocale  :  MM.  Mario ,  Badiali ,  Graziani ,  Zuc- 
chini  ;  Mme  Alboni  et  Mme  Penco  qui  a  chanté .  entre  autres  morceaux,  la 
célèbre  valse  de  Venzano. 

—  Ce  sont  les  sœurs  Marchisio,  MM.  Gardoni  et  Tagliafico  qui  ont  pris 
part  au  concert  donné  dimanche  dernier  chez  M.  le  Président  du  Sénat. 
Dans  les  salons  de  S.  Exe.  le  Ministre  Delangler  ce  sont  encore  les  sœurs 
Marchisio,  Faure  et  Sarrasate  qui  ont  remporté  les  honneurs  du  pro- 
gramme. Ou  annonce  pour  la  prochaine  soirée  Mme  Wekerlin-Damoreau, 
qui  s'est  fait  entendre  avec  le  plus  grand  succès,  mercredi  dernier,  chez 
M.  le  directeur  général  de  la  Caisse  des  dépôts  et  consignations. 

■  —  Au  dernier  samedi  de  M.  et  MmD  Ro'ssini,  on  a  fort  applaudi  Mlle  Bi- 
deau,  jeune  violoniste,  élève  de  Mayseder,  qui  vient  de  nous  arriver  d'Alle- 
magne. Badiali  a  interprété  avec  un  goût  parfait  une  sérénade  composée 
par  C.  Estienne,  sur  des  airs  de  Métastase,  et  la  soirée  s'est  terminée  par 
un  impromptu  du  virtuose  Wieniawski,  et  la  cavatine  de  Tancredi,  inter- 
prétée par  MUe  Marie  Brousse,  telle  que  le  grand  maître  l'a  arrangée  pour 
elle,  avec  des  traits  écrits  de  sa  main  pour  cette  remarquable  cantatrice  de 
salon. 

—  Mme  Erard,  qui  possède  à  Passy,  pour  la  saison  d'été,  l'un  de  ces 
châteaux  enviés  par  les  tètes  couronnées ,  vient  de  se  donner,  à  Paris, 
un  palais  d'hiver,  adhérant  à  sa  royale  manufacture  de  pianos.  On  a  inau- 
guré, dans  une  soirée  toute  privée,  ces  apparlements  princiers,  dispo- 
sés au-dessus  de  la  salle  des  concerts.  A  partir  de  l'escalier  d'honneur, 
on  admire  le  bon  goût,  la  richesse  bien  entendue  des  moindres  détails 
d'ornementation  et  de  décoration.  Les  souvenirs  de  famille  tiennent  aussi, 
dans  les  salons  comme  dans  le  cœur  de  Mme  Érard,  une  digne  et  large 
place.  La  musique  de  chambre,  avec  MM.  Armingaud,  Jacquard  et  Ernest 
Lubeck  pour  interprètes ,  a  d'abord  présidé  au  baptême  musical  de  ces 
nouveaux  salons ,  baptême  qui  s'est  célébré  dimanche  dernier.  Les  voix 
aimées  de  Graziani,  du  ténor  Montanaro  et  de  Mme  Ida  Bertrand  y  ont 
ensuite  résonné  de  leurs  vibrations  tour  à  tour  suaves  et  pénétrantes,  au 
plus  grand  honneur  de  l'acoustique. 

—  Le  même  dimanche,  Mme'Orfila  et  Mosneron  de  Saint-Pierre  rou- 
vraient leurs  salons  momentanément  fermés  à  la  musique  par  un  deuil 
de  famille.  Le  programme  comptait  d'abord  le  ténor  Montanaro  et  Mllc  Ida 


Bertrand,  qu'on  a  bissés  et  qui  sont  allés  récolter  de  nouvelles  ovations, 
le  même  soir,  dans  les  salons  de  Mmc  Érard.  Quant  à  Badiali,  fidèle  au 
programme  de  Mme  Orfila,  il  en  a  fait  les  honneurs  en  grand  artiste  , 
avec  libéralité,  aux  acclamations  de  tous.  Ces  acclamations  se  sont  en- 
suite reportées  sur  la  toute  gracieuse  et  charmante  M,le  Marimon,  qui  a 
reçu ,  entre  autres  félicitations ,  celles  de  Mme  la  comtesse  de  Sparre 
et  de  Badiali,  qui  l'ont  félicitée  sur  la  manière  dont  elle  chantait  l'italien. 
Pour  une  cantatrice  française  c'est  tout  un  honneur.  Dans  la  partie  ins- 
trumentale ,  le  piano  de  M.  Gennaro  Perelli  a  fait  furore.  Son  exécution, 
à  la  fois  si  fougueuse  et  si  calme,  si  complexe  et  si  simple,  étonne  et 
saisit  autant  qu'elle  charme.  C'est  évidemment  le  Listz  de  la  saison. 

—  Les  salons  dillettantes  se  montrent  infiniment  plus  hospitaliers  que 
la  scène  Favart  pour  la  musique  de  Barkouf.  Partout  où  MUe  Marie  Mari- 
monl  est  appelée,  on  lui  demande  sa  Chanson  du  chien,  qu'elle  dit  du 
reste  à  ravir.  Cette  chanson  a  été  le  bouquet  de  la  soirée  deM.  et  MmePei- 
reire,  mercredi  dernier,  de  même  que  chez  M.  et  Mme  Ernest  André  le 
lundi  précédent.  MIle  Marimon  doit  également  chanter  Barkouf  cette  se- 
maine chez  S.  A.  I.  la  princesse  Mathilde  etdansles  salons  de  MmeOrfila. 

—  L'école  Duprez  a  tenu  sa  première  séance  d'examen  dimanche  der- 
nier. On  y  remarquait  les  sommités  de  tous  genres.  Les  élèves  ont  fait 
honneur  au  maître,  non-seulement  comme  soli,  mais  aussi  dans  les  mor- 
ceaux d'ensemble  qui  ont  été  merveillensement  exécutés.  Nous  y  revien- 
drons; mais  signalons  dès  aujourd'hui  les  progrès  réalisés  par  Mlle  Brunet, 
aujourd'hui  Brunelli,  qui  nous  revient  du  Théâtre-Italien'de  Berlin  avec 
un  talent  souple,  gracieux  en  même  temps  que  dramatique.  C'est  décidé- 
ment une  nouvelle  étoile  de  première  grandeur  qui  se  lève  à  l'horizon  de 
l'école  Duprez. 

—  Le  4e  concert  de  la  Société  des  jeunes  Artistes  a  eu  lieu  dimanche 
dernier,  au  milieu  de  I'affluence  habituelle  des  amateurs  de  bonne  mu- 
sique. Là  viennent  les  déshérités  du  Conservatoire,  que  l'orcheslre  Pas- 
deloup  se  charge  de  consoler  ;  là  viennent  aussi  les  élus  de  ces  concerts, 
qui  trouvent  qu'on  ne  saurait  trop  souvent  écouter  les  maîtres,  même 
exécutés  par  de  jeunes  artistes.  L'ouverture  des  Girondins,  de  Litolff,  a 
été  vivement  applaudie,  bien  qu'elle  ait  paru  mériter  mieux  le  litre  d'ou- 
verture des  Montagnards.  C'est  une  musique  révolutionnaire  ,  ou  quel- 
ques apaisements  viennent  parfois  interrompre  l'énergie  fiévreuse  de 
l'orchestre.  Que  dire  du  Songe  d'une  nuit  d'été  ,  de  Mendelssohn?  Quelle 
poésie!  quel  charme  mystérieux  !  quel  instinct  du  surnaturel!  quelle 
prodigieuse  traduction  de  Shakespeare  !  L'exéculion  a  été  parfaite  pour  la 
partie  instrumentale;  les  chœurs  ont  montré  quelque  indécision;  ces 
belles  et  piquantes  jeunes  filles  ne  sont-elles  pas  un  peu  trop  préoccupées 
de  leurs  robes  blanches  et  de  leurs  cheveux  bouclés  ?  Pourquoi  la  femme 
ne  s'oublie-t-elle  pas  davantage  devant  l'artiste  ?  Nous  avons  entendu  avec 
plaisir  le  chœur  des  Moissonneurs,  d' Auber  (Enfant  prodigue),  malgré 
le  voisinage  redoutable  de  Mendelssohn  ;  l'agrément  particulier  à  la  mu- 
sique du  plus  fécond  et  du  plus  élégant  de  nos  maîtres  vivants,  persiste 
même  après  les  merveilles  harmoniques  de  la  musique  allemande,  et  si 
les  sensations  sont  moins  complètes  et  moins  vives,  elles  ont  leur  valeur 
encore,  et  surtout  leur  mérite  propre.  Mlle  Gallino  a  intéressé  par  la 
timidité  gracieuse  avec  laquelle  elle  manie  une  voix  claire  et  limpide.  On 
a  fini  par  le  septuor  de  Beethoven,  par  MM.  Auroux,  Espeignet,  Paquis, 
et  tous  les  instruments  à  cordes.  N'oublions  pas  M.  Lancien,  dont  le 
violon  a  mérité  d'unanimes  applaudissements  dans  un  concerto  inédit 
d'AIard. 

—  A  la  dernière  séance  de  MM.  Alard  et  Franchomme,  on  a  remarqué 
Franchomme  dans  le  menuet  du  quatuor  de  Weber,  et  Diemer  dans  le 
finale  de  ce  même  morceau.  L'hymne  d'Haydn,  pour  instruments  à  cordes, 
a  été  parfait  d'exéeulion,  ainsi  que  le  trio  de  Mozart,  par  Alard,  Fran- 
chomme et  Diemer  qui  s'est  distingué  dans  les  variations  finales.  Alard 
s'est  élevé  à  la  hauteur  du  septuor  de  Beethoven  dans  les  fragments  de 
ce  chef-d'œuvre  réduit  en  quintette. 

'"—Jeudi  dernier,  salon  Pleyel-Wolf,  M.  B.  Damcke,  qui  jouit  en  Allema- 
d'une  certaine  notoriété  comme  critique,  conviait  une  partie  du  monde 
musical  parisien  à  l'audition  de  ses  propres  œuvres,  comme  producteur, 
et  cette  circonstance  avait  mis  en  émoi  tous  nos  pianistes  compositeurs. 
Ajoutons  que  Mme  Viardot  devait  se  faire  entendre  sur  le  piano,  l'instru- 
ment de  ses  premiers  succès,  et  que  le  violoncelle  du  virtuose  Servais  était 
également  sur  le  programme. 

La  musique  de  M.  Damcke  a  été  acclamée  sans  conteste  :  remarquable 
par  une  simplicité  de  forme  que  n'exclut  pas  la  grandeur,  elle  est  saisis- 
sante, elle  impressionne;  ses  mélodies  sont  douces  et  chastes,  elles  ont  hor- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


119 


reur  de  l'afféterie  autant  que  du  bruit.  M.  Damcke'est  un  musicien  de  la  grande 
école,  on  le  devine  à  ses  accompagnements;  il  possède  un  riche  clavier  de 
nuances  dont  il  se  sert  avec  une  habileté  fort  rare,  ou  plutôt  avec  une  heu- 
reuse inspiration.  Quant  aux  tours  de  force,  quant  aux  variations  àgrande 
vitesse,  quant  à  la  fureur  de  faire  de  l'effet  quand  même,  je  ne  sache  pas 
que  le  compositeur  sacrifie  à  de  pareils  autels. 

—  Nous  devons  mentionner  l'audition  intime  à  laquelle  M.  Hans 
de  Bulow  a  convié  ses  amis  et  quelques  organes  de  la  presse,  pendant 
son  court  séjour  à  Paris.  Cette  matinée  a  eu  lieu  dans  les  salons  de  Pleyel, 
le  6  de  ce  mois.  L'éminent  pianiste  a  vigoureusement  justifié,  dans  cette 
occasion,  la  haute  renommée  dont  il  jouit  et  le  rang  qu'il  occupe  dans  la 
pléiade  des  musiciens  romantiques  d'outre-Rhin. 

—  Mme  Oscar  Comettant  s'est  fait  entendre  au  dernier  samedi  de 
M.  Marmontel,  en  compagnie  de  Victor  Sarrasate,  de  MM.  Hammer,  Muller 
et  Rosenhain,  dont  M.  Marmontel  a  dit  deux  fois  la  Calabraise.  C'était  un 
riche  programme,  bien  qu'intime,  au  point  de  vue  de  la  réunion.  Un  trio 
de  Rosenhain,  le  finale  de  sa  sonate,  une  barcarolle  et  une  mazurka, 
représentaient,  avec  la  Calabraise,  la  musique  de  piano.  M.  Ed.  Lyon 
secondait  Mme  Oscar  Comettant  dans  la  partie  vocale,  et  les  applaudisse- 
ments ne  leur  ont  pas  manqué. 

—  Le  concert  de  M.  Bazzini,  avec  le  concours  de  MM.  Reicbardt, 
Gnone,  Brandt,  MUe  Bockholz-Falconi,  a  eu  lieu  mercredi  dernier,  salle 
Herz.  Le  bénéficiaire,  comme  d'habitude,  a  enlevé  son  auditoire  par  ses 
tours  de  force,  ses  feux  d'artifice  et  sa  manière  de  chanter,  qui  sait  si  bien 
impressionner  à  un  moment  donné.  Mais  pourquoi  des  variations  sur  la 
Marche  funèbre  de  Chopin  II! 

—  La  première  séance  de  musique  de  chambre  donnée  par  M.  Georges 
Pfeiffer,  avec  le  concours  de  MM.  Herman  et  Franchomme,  a  eu  lieu 
lundi  dans  les  salons  Pleyel-Wolf.  Mendelsshon,  Mozart  et  Beethoven 
défrayaient  le  programme  de  cette  soirée,  remarquable  par  le  nombre  et 
l'élégance  des  auditeurs  accourus,  non  plus,  comme  les  années  précédentes, 
pour  encourager  de  brillante?  espérances,  mais  pour  applaudir  à  de  réelles 
victoires. 

M.  Georges  Pfeiffer  est  un  de  ces  éloquents  convertisseurs  du  piano 
qui  considèrent  l'art  comme  une  sainte  mission  ;  il  est  de  ceux  qu'on  peut 
louer  sans  complaisance;  son  chaleureux  auditoire  le  lui  a  largement 
prouvé  :  Le  trio  en  ré  mineur  de  Mendelssohn  et  Ta  chasse  ont  valu  à 
l'artiste  une  double  ovation,  et  elle  était  méritée.  Avec  le  concours  de 
MM.  Herman  et  Franchomme ,  il  avait  triple  chance  de  succès,  et  l'on 
peut  dire  que  sous  ce  rapport  la  ire  séance  de  M.  Georges  Pfeiffer  n'a  rien 
laissé  à  désirer. 

Lundi  2o  mars,  seconde  séance,  dans  laquelle  nous  aurons  à  le  juger 
comme  compositeur  dans  un  trio  inédit  dont  il  est  l'auteur. 

—  Un  pianiste  qui  partage  avec  M.  Perelli  le  sceptre  de  la  grande 
exécution  sur  le  piano,  M.  Emile  Forgues,  vient  de  donner  un  premier 
concert  chez  Ërard,  dans  lequel  il  nous  a  fait  entendre  ses  études  pathé- 
tiques, composition  de  premier  ordre,  d'une  difficulté  peu  commune, 
mais  dont  l'auteur  se  joue  avec  autant  d'aisance  que  de  maestria.  Après 
neuf  morceaux  de  piano  accueillis  avec  les  plus  chaleureux  bravos ,  on 
a  demandé  à  M.  Emile  Forgues  sa  fameuse  tarentelle,  qui  lui  a  valu  une 
nouvelle  et  dernière  ovation. 

—  Nous  sommes  en  retard  avec  l'audition  et  le  concert  donnés  dans  les 
salons  de  Pleyel  par  M.  Magnus.  Ce  pianiste-compositeur  a  fait  en  grande 
partie  les  frais  de  son  double  programme  ,  soit  comme  exécutant,  soit 
comme  compositeur,  et  le  public  ne  s'en  est  pas  plaint,  au  contraire.  Il 
a  fait  connaissance  avec  de  jolies  productions  rendues  avec  tout  le  charme 
qu'un  habile  pianiste  peut  y  apporter. 

—  Nous  ne  pouvons  que  signaler,  comme  c'est  au  moins  notre  devoir, 
les  soirées  de  musique  de  chambre  de  M.  Charles  Lamoureux,  qui  suivent 
avec  bonheur  l'impulsion  donnée  depuis  quelque  années  à  l'art  classique. 

—  Le  virtuose  Servais,  qui  vient  de  se  faire  entendre  à  l'audition  des  t 
œuvres  de  M.  Damcke,  doit  également  prendre  part  au  beau  programme 
du  concert  de  Henri  Herz,  mercredi  prochain  13. 

—  Au  concert  donné  mardi  dernier,  salle  Pleyel,  par  le  violoncelliste 
M.  Casella,  le  programme  a  trouvé  d'excellents  interprètes  en  MM.  Sauzay, 
Géraldy,  Lucchesi,  Mme  Mancel,  sans  compter  — ou  plutôt  en  comptant  le 
bénéficiaire  et  Mme  Casella,  l'habile  pianiste.  La  fantaisie  il  canto  di  Ro- 
meo, sur  les  Capuletli,  a  valu  à  l'auteur  exécutant,  M.  Casella,  un  sucqès 
exceptionnel.  L'opérette  de  feu  Collin,  Pierre  et  Paul,  servait  d'inter- 
mède ;  M.  Gérézer  et  Mn°  Gallino  l'ont  joué  et  chanté.  —  Mentionnons 


aussi  un  des  principaux  accompagnateurs  de  cette  soirée,  M.  Magner,  et 
non  Wagner,  comme  disait  par  erreur  un  de  nos  précédents  numéros.  Ce 
jeune  élève  est  lauréat  de  l'École  religieuse  de  Niedermeyer.  Il  est  orga- 
niste aux  Carmes,  et  a,  pendant  plusieurs  mois,  remplacé  son  maître 
Schmilt,  organiste  du  grand  orgue  de  Saint-Sulpice. 

—  Le  concert  de  Félix  Godefroid  est  remis  au  13  avril  ;  toutefois,  le 
jeudi  14  mars,  jour  primitivement  fixé,  les  salons  d'Érard  s'ouvriront  à 
l'audition  des  éludes  de  Y  Ecole  chantante  de  Félix  Godefroid,  exécutées 
par  Louis  Diemer. 

■ —  Mardi  soir  12  mars,  concert  de  M.  et  Mme  Viguier,  salons  d'Érard. 

—  Le  18  mars,  salon  d'Érard,  concert  de  Mlle  Ida  Bertrand.  Nous  en 
donnerons  le  programme  dimanche  prochain.  ' 

—  Samedi  soir  16  mars,  concert  de  MM.  Léon  Le  Cieux  et  Nollet , 
salle  Herz. 

—  Le  concert  de  M.  etMme  Deloffre  prendra  place  parmi  les  plus  bril- 
lants de  la  saison.  On  a  bissé  Plaisir  d'amour,  chanté  par  M.  Battaille,  et 
Y  Ave  Maria  de  Gounod,  chanté  par  Mme  Ugalde,  avec  accompagnement  de 
violon  par  M.  Deloffre,  de  piano  par  Mme  Deloffre,  et  d'orgue  par  M.  d'Au- 
bel.  Le  duo  A'Euryanthe  ,  par  Henri  Ravina  et  Mme  Deloffre,  méritait  le 
même  honneur.  Entre  les  deux  parties  du  concert,  indépendamment  de 
vers  récités  par  M.  d'Herment,  Paul  Malézieux  a  redit  la  Parodie  des 
■romances,  de  Gustave  Nadaud,  spirituelle  scène  de  concert,  s'il  en  fut. 

—  Le  concert  du  bouffe  Salabert  aura  lieu  le  28  courant,  à  8  heures  du 
soir,  salle  Beethoven.  Le  bénéficiaire  sera  secondé,  pour  la  partie  vocale, 
par  Mme  Sofia  Marini,  Mme  Bailini,  MM.  Reichard,  Ronzi,  Orsini  et  Reuz, 
et  pour  la  partie  instrumentale,  par  Mlles  Sabatier,  Blot,  etc. 

—  Jeudi  prochain  16  mars,  salons  de  Pleyel,  concert  donné  par 
M.  et  Mme  Edouard  Lyon.  La  deuxième  partie  du  programme  se  compo- 
sera de  la  Dernière  Bataille,  opérette  de  Félix  Godefroid. 

—  Parmi  les  artistes  qui  se  recommandent  en  ce  moment  à  nos  salons 
parisiens  et  à  nos  sociétés  philharmoniques  de  la  province,  nous  nous  em- 
pressons de  signaler  une  jeune  personne-doublement  intéressante  au  point 
de  vue  du  talent  et  de  la  plus  cruelle  des  infirmités  :  Mlle  Zoé  Lecocq, 
aveugle  de  naissance,  n'est  pas  seulement  une  parfaite  musicienne,  elle 
est  encore  poète  et  chante  ses  inspirations  de  la  voix,  sur  le  piano  ou  sur 
Yharmoni-flùte. 

—  La  cantate  composée  par  Adrien  Boïeldieu  en  l'honneur  de  l'institu- 
tion de  bienfaisance  :  Notre-Dame  des  Arts,  vient  de  paraître  au  Mé- 
nestrel (voir  aux  Annonces). 

—  L'éditeur  Richault  vient  de  publier  un  0  Sulutaris  de  M.  Gouffé  , 
avec  accompagnement  de  contre-basse  ,  cor  anglais  ou  violoncelle,  ad  li- 
bitum. Cette  composition  est  mélodieuse  et  d'une  harmonie  bien  comprise 
et  bien  soutenue. 

—  Les  éditeurs  du  Ménestrel  viennent  de  publier  la  mélodie  inspirée  à 
Gustave  Héquet  par  la  délicieuse  poésie  de  Victor  Hugo,  intitulée  :  les 
Trois  Chansons. 

—  Le  Monde  parisien,  revue  d'actualités  artistiques,  littéraires  et  reli- 
gieuses, nouvelles  de  l'industrie  parisienne,  sous  la  direction  de  M.  le 
baron  de  Kentzinger,  paraissant'  les  1er  et  lo  de  chaque  mois.  Prix  d'a- 
bonnement: 12  fr.  par  an.  Bureaux  à  Paris,  rue  deMarengo,  6. 

—  Folie-Polka,  tel  est  le  titre  de  la  dernière  publication  dansante  de 
l'année,  due  à  M.  J.  Rousselot,  pianiste-accompagnateur  du  joyeux  réper- 
toire de  Berthelier. 


J.-L.  Heogel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ-  Charles  de  Mouryu 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


SCÈNES  ET  MÉLODIES  NOUVELLES. 

CLÉMENTINE  BATTA. 

Amour  et  Prière.  —  Chant  d'une  Mère.  — ■  Prière  à  la  Vierge.  — 
La  Valse  de  Marguerite. 

CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADAUD. 

La  Promenade.  —  La  Bruyère.  —  La  Ferme  de  Beauvoir.  —  Le  Vent 
qui  pleure.  — ■  Florimond  l'enjôleur.  —  La  Mère  Françoise. 


NOUVELLES  PUBLICATIONS  en  vente  au  MÉNESTREL ,  2  bis,  rue  Vivienne. 


TROIS  NOUVELLES  VALSES  DE  SALON 


VALSE 

du 

PAPILLON. 


LLER 

E5BSB  C^^B  msm  B    ■ 


VALSE 

de 

FORTUNIO. 


VALSE  DE  BARKOUF  , 
Sur  les  motifs  favoris  «lu  ballet  et  des  opéras  «le  .1-  OFFKSBACII. 


A.  CROIZEZ. 

Morceau  de  salon  sur  Fortimio. 

CAZALIS. 

Ronde  de  nuit. 

A.  GODARD. 

Pense  à  moi. 

L.  ROQUE. 

Guz-la-Hi,  valse  du  Talisman. 


Concerts 
des  BOUFFES-PARISIENS. 


PAUL  BERNARD. 

Barcarolle  et  Chanson  de  Fortunio. 

TRANSCRIPTIONS. 

LUCîiEN    LAMBERT. 

Le  Carnaval  de  Paris. 

EMILE    FORGUES 

Fête  des  Aimées. 

J.-L.  BATTMANN. 

Les  Soupirs  de  Félix  Godefroid,  fantaisie  concer- 
tante pour  orgue  et  piano. 


ALIQUET 


J.-L.  BATTMANN. 

Chanson  de  Fortunio. 

MOUGIN. 

Mazurka  et  Marche. 

C.-A.   MAYER. 

L'Heure  sainte. 

A.  IYIIOLAN. 

Sémiramis,  mosaïques  pour  orgue. 


Opéreltc 
de  J.  OFFENRACH. 


Dix-huit  petites  Fantaisies  sans  octaves. 


1.  Orphée  aux  enfers.  —  2.  Croquefer,  ballade.  —  3.  Croquefer,  galop.  —  4.  Dragonnette.  la  Canlinière.  —  5.  Petits  Prodiges,  valse  des  animaux.  —  6.  Orphée 
aux  enfers,  galop  infernal.  —  7.  Le  Savetier  et  le  Financier.  —  8.  Le  66,  tyrolienne.  —  9.  La  Chatte,  miaou.  — 10.  Orphée,  roi  de  Béotie.  —  11.  Orphée, 
couplets  à  Jupin.  —  12.  Geneviève,  chanson  de  l'enfant.  —  13.  Le  Mariage  aux  lanternes.  —  14.  Le  Mari  à  laporte,  valse.  —  1b.  La  Demoiselle  en  loterie. 
-ï-  16.  Les  Trois  baisers  du  Diable.  —  17 .  La  Bonne  d'enfant,  la  trompette.  —  18.  Le  Carnaval  des  Reeues. 

Chaque  morceau  :  3  fr. 


Ed.  Batiste.  Quadrille  des  Touches  blanches , 

sans  dièzes  ni  bémols  ;  à  2  et  4  mains. 
J.-L.  Hartmann.  Les  Petits  chasseurs,  qua- 

rille  facile. 
J.-Ch.  Hess.  Les  Platanes ,  quadrille. 
M.  Alkan.  Taise  des  Cygnes. 

—  2e  Mazurka  brillante  des  Alpes. 


MUSIQUE  DE  DANSE. 


STRAUSS. 

Valse ,  mazurka  et  quadrille  du  Papillon  ,  quadrille 

de  Fortunio. 

.Valse  et  quadrille  du  Mari  sans  le  savoir,  quadrilles 

de  Sémiramis  et  de  Barkouf. 


Arban.  Villa  Stéphanie,  valse. 

—  Polka  des  Souhaits. 

—  2e  Quadrille  de  Fortunio. 

—  Polka  des  Métamorphoses. 
Musard.  Quadrille  du  Papillon. 

Pli.  Stutz.  Valse  des  Bergers  de  Prague. 

—  Polka  de  Fortunio. 

—  La  Fée  des  Moissons,  polka. 


Cantate  : 

NOTRE-DAME  DES  ARTS. 


A.  BOIELDÏEU 


Poésie  de 

ROGER' DE  BEAUVOIR. 


Pour  voix  de  soprani,  avec  soli,  chœur,   violoncelle,  orgue,  piano  et  harpe,  adlib. 
K»  1.  Partition  complète  et  parties  séparées:  O  f .        |       N°  S.  Réduction  pour  chant  et  piano  :  4  f.  ?0  c. 


GUILLOT  DE  SAINBRIS. 

Isabelle.  ' 

Hiver  et  Printemps. 

H.  POTIER. 

Adieu  les  Fées. 

Fais-toi  petit. 

Comire  ou  le  Nouvel  ami  des  Enfants. 


CLEMENTINE  BATTA. 

Amour  et  Prière. 
Chant  d'une  Mère.      + 
Prière  à  la  Vierge. 
La  Valse  de  Marguerite. 

G.  HÉQUET. 

Les  trois  Chansons,  poésie  de  Victor  Hugo. 


PAULINE  THYS. 

Tes  Vingt  ans. 
Harmonies  du  soir. 

LOMBARD. 

La  Danse  Macabre. 

Le  Moka. 

Le  vrai  Prêtre,  pour  voix  de  basse. 


—        SIX  ROMANCES  :        — 

V    LARDINOIS.  Richesse  du  Cœur.  Hymne  à  l'Amour.  Il  estsi  doux  d'aimer.  Pensera-t-elle.àmoi.  Page  et  Châtelaine.  ALBUM  DE  SALON. 


757.  —  28e  Année. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  17  Mars 

1861. 


n^rra 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  cher. 


EES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  O,  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  de  Musique  <Iu  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHAUT. 

1er  Mode  d'abonnement  •  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  3G  Morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  2  Albums 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger;  21  fr. 


PIANO. 

2"  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  to  Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  t  Albunio- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 

CHANT  ET  PIANO    ItÉHNIS  : 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5S  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

i  Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  t«r  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  — forment  collection.  —  Adresser/Vanco 
un  bon  surla  poste,  a  MM.  eu  t  ci  i  et  Cie,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  lu  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charlesde  Mourgucs  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  1655. 


SOMMAIRE.  —  TEXTE. 

1.  Académie  impériale  de  Musique  :  Tannhauser  de  Richard  Wagner;  impression 
de  la  première  soirée.  J.-L.  Heugel.  —  11.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chan- 
teur :  le  Laryngoscope,  ou  Miroir  de  la  voix,  par  Manuel  Garcia.  J.-L.  Hedgel. 
—  111.  Troisième  et  quatrième  théâtre  lyrique  :  premières  représentations  des 
Deux  Cadis  et  de  la  Servante  à  Nicolas.  J.  Lovt.  —  IV.  Nouvelles,  Soirées  et 
Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

LE  BAL, 

Valse  chantée  par  MUc  Chabert  dans  le  Mari  sans  le  savoir,  paroles  de 
MM.  Léon  et  Ludovic  Halévt,  musique  de  M.  de  Saint-Rémy.  — 
Suivra  immédiatement  après  ;  Fais-toi  petit!  paroles  de  Charles 
Potier,  musique  d'HENRi  Potier. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  ,  la  transcription  de  Th.  Lécureux  ,  sur  la  romance  populaire  : 

FLEUVE  DU  TAGE , 

Suivra  immédiatement  après  :  Bella  sera,  idylle  de  Paul  Bernard. 


ACADEMIE  IMPÉRIALE  DE  MUSIQUE. 

TANNHAUSER 

Opéra  en  trois  actes,  de  Richard  Wagner. 

tes  impressions  de  la  première  soirée. 

Avant  tout,  lecteurs,  nous  devons  déclarer  qu'à  l'approche  de 
la  semaine  sainte ,  nous  nous  sommes  fait  un  devoir  de  nous 
mettre  en  état  de  grâce  devant  le  Tannhauser.  Nous  avons  de- 
mandé l'absolution  pour  tout  ce  que  nous  avions  pu,  dire,  écrire 
ou  penser  de  la  musique  de  l'avenir;  bref,  nous  nous  sommes 
recueilli  pour  signer  un  armistice  avec  nos  répugnances.  C'est 
dans  cette  disposition  d'esprit  que  le  Ménestrel  s'est  présenté  à 


la  première  représentation  de  l'ouvrage  de  M.  Richard  Wagner. 
Bien  plus  :  pour  mieux  traduire  les  impressions  générales  et 
les  nôtres  en  particulier,  nous  avons  cru  devoir  confier  l'analyse 
de  la  partition  à  une  plume  toute  musicale ,  qui  interrogera, 
scrutera  chaque  morceau  ou  plutôt  chaque  récitatif,  et  jusqu'aux 
moindres  détails  de  la  musique  du  Tannhauser.  Cette  analyse 
sera  le  sujet  d'un  second  article,  dont  notre  collaborateur  Paul 
Bernard  a  bien  voulu  accepter  la  délicate  et  laborieuse  mission . 

C'est  donc  dégagé  de  toutes  préoccupations  que  nous  avons 
pris  possession  de  notre  stalle,  décidé  à  nous  laisser  impression- 
ner ,  non-seulement  par  nos  sensations  propres ,  mais  aussi  par 
celles  de  nos  voisins,  fluide  communicalif  auquel  les  esprits  les  plus 
forts,  les  tempéraments  les  plus  énergiques  sont  rarement  rebelles. 
Nous  n'aimons  guère  à  nous  isoler  ;  nous  sommes  de  ceux  qui, 
en  fait  d'art,  n'excluent  point  l'entraînement,  et  sans  sacrifier 
absolument  à  la  popularité  qui  touche  souvent  à  la  vulgarité,  nous 
protestons  cependant,  et  de  toutes  nos  forces,  contre  la  musique 
spécialement  destinée  à  bercer  l'amour-propre  de  quelques  ima- 
ginations élhérées  ou  métaphysiques  qui  se  donnent  l'étrange 
prétention  de  voir,  d'apprécier,  un  demi-siècle  à  l'avance,  ce 
que,  dans  leur  pensée,  nos  petits-fils  devront  admirer  un  jour. 

A  notre  avis,  l'essence  divine  et  indestructible  de  la  musique 
réside  dans  le  charme  et  le  sentiment  de  la  mélodie,  intimement 
liée  à  l'harmonie,  l'une  inséparable  de  l'autre.  Si  l'auditeur 
n'est  ni  charmé,  ni  touché  au  cœur,  le  musicien  a  perdu  sa  cause  ; 
il  peut  éblouir,  surprendre,  intéresser  même,  mais  sans  avenir 
pour  sa  musique. 

Or,  interrogeons  le  public  de  mercredi  dernier,  à  l'Opéra. 
S'est-il  ému  une  seule  fois  durant  toute  la  soirée?  A  défaut  de 
cette  émotion  profonde  qui  enlève  une  salle  entière,  a-t-il  été 
charmé  par  des  mélodies  limpides,  des  harmonies  suaves,  onc- 
tueuses, des  effets  piquants,  des  rhythmes  nouveaux?  Non,  rien 
de  tout  cela. 


122 


LE  MÉNESTREL. 


Disons-le  hautement  :  il  a  été  énervé,  surexcité  par  une  or- 
chestration stridente,  insatiable  d'effets  et  de  dissonances,  par 
une  instrumentation  complexe  jusqu'à  l'abus  des  détails  et  de  la 
force  permanente,  par  le  paroxisme  de  la  chanterelle,  et  sur- 
tout par  une  intempérance  de  récitatifs  qui  porte  à  la  torpeur 
la  plus  prolongée  et  de  la  façon  la  plus  dangereuse  pour  la  santé 
des  auditeurs. 

«  J'y  ai  survécu,  »  s'écriait  un  robuste  feuilletoniste,  au  sorlir 
de  la  dernière  répétition  générale;  combien  de  dillettantes  intré- 
pides, de  femmes  fortes  dans  toute  l'acception  du  mot,  n'ont  pu 
en  dire  autant  à  la  première  représentation  !  Et  cependant,  com- 
bien le  spectacle  de  la  salle,  celui  des  loges  en  habits  de  fête, 
la  présence  de  S.  M.,  celle  des  personnages  de  la  Cour,  du 
corps  diplomatique  tout  entier,  combien  enfin  l'empressement 
des  notabilités  de  tout  genre  offraient  aux  yeux  une  compensa- 
tion dont  l'esprit,  le  cœur,  les  oreilles  avaient  grand  besoin.  Et 
quel  luxe  de  mise  en  scène,  que  de  merveilles  prodiguées  par 
l'art  contemporain  à  la  musique  de  l'avenir  ! 

Certes,  M.  Richard  Wagner  ne  se  plaindra  pas  de  la  noble 
hospitalité  qui  lui  a  été  faite  par  l'Académie  impériale  de  mu- 
sique, et  s'il  n'a  pas  à  se  louer  au  même  degré  du  public,  cela 
tient  à  des  causes  qui  sont  inhérentes  au  système  dont  il  se  croit 
le  Messie. 

Comme  le  lui  disait  un  grand  maître  de  notre  connaissance  : 
«  Vous  êtes  bien  heureux  de  pouvoir  faire  de  nouvelle  musique; 
que  le  public  soit  avec  tous!  S'il  vous  récuse,  soyez  martyr; 
à  bien  prendre  les  choses,  c'est  encore  la  mort  la  plus  enviable, 
la  plus  glorieuse!  » 

Eh  bien  !  dans  l'opinion  du  public,  l'auteur  du  Tannhauser 
vise  au  marlyrat.  Il  demeure  évident  pour  tous  que  le  talent, 
le  caractère  élevé,  l'ampleur  de  style  de  certaines  pages  de  l'œu- 
vre indiquent  un  grand  musicien  ;  que  la  donnée  générale  du 
poème  désigne  à  l'esprit  un  penseur,  un  poète  ;  mais  que  le 
musicien ,  le  penseur  et  le  poète  se  sont  entendus  pour  commettre 
en  définitive  une  interminable  homélie  musicale ,  sacrifiant  la 
forme  au  fond,  le  fond  à  la  forme,  s'évertuant  à  développer 
plus  que  surabondamment  les  récitatifs  de  Gluck  sans  le  génie 
concis  et  si  profondément  dramatique  du  créateur  !  voila  pour 
la  partie  chantée. 

Quant  à  l'orchestration,  nous  l'avons  dit  et  le  public  tout  en- 
tier le  répétait  de  loge  en  loge,  de  stalle  en  stalle,  c'est  la  néga- 
tion de  la  tempérance,  du  charme,  de  l'harmonieux;  mais,  en 
revanche,  une  désolante  avalanche  de  notes  qui  s'abat  sans  pitié 
sur  ce  désert  musical  dont  M.  Richard  Wagner  a  fait  sa  grande 
toile  de  fond.  Certes,  la  belle  marche  des  Chevaliers  au  premier 
acte,  le  remarquable  chœur  des  Pèlerins,  l'andanle  du  septuor 
et  la  première  partie  du  final  du  second  acte,  sont  de  belles  et 
grandes  pages  ;  mais  à  quels  titres  ces  grandes  inspirations 
sont-elles  là?  A  l'état  d'irréfragable  protestation  contre  l'œuvre 
dans  son  entier  ! 

C'est  là  ce  que  le  public  n'a  pas  suffisamment  compris,  en 
acclamant  d'une  manière  trop  contenue  la  condamnation  du 
coupable  par  le  coupable  lui-même.  En  effet,  cette  marche 
n'est-elle  pas  la  digne  sœur  de  celles  du  Prophète,  de  la  Juive, 
de  Sémiramis;  l'andante  du  septuor,  un  fragment  que  Bellini 
et  Donizetti  auraient  signé  des  deux  mains,  en  confiant  aux  voix 
ce  que  M.  Wagner  fait  chanter  aux  violons  ;  enfin,  le  chœur  des 
Pèlerins,  avec  son  caractéristique  dessin  d'accompagnement,  une 
page  empruntée  au  génie  de  Weber? 


Seulement  Weber  se  serait  arrêté  à  temps;  ce  n'est  pas  ce 
génie  sensé  et  pourtant  si  poétique  qui  aurait  développé  à  sa- 
tiété, sous  toutes  les  formes,  durant  trois  éternels  actes,  une 
formule  d'accompagnement,  —  si  belle  qu'elle  soit,  —  mais  qui, 
à  partir  de  l'ouverture,  se  prolonge  indéfiniment,  à  l'instar  du 
câble  transatlantique,  cet  immense  trait  d'union  entre  les  deux 
mondes. 

Résumons-nous,  ou  plutôt  résumons  les  appréciations  du 
public.  Tout  en  rendant,  souvent  in  petto,  il  est  vrai,  justice  au 
talent  incontestable  de  l'auteur  du  Tannhauser,  je  dirai  même 
au  cachet  de  génie  imprimé  à  certaines  pages,  il  a  condamné 
par  son  silence,  par  ses  chuts,  ses  rires  et  quelques  sifflets,  les 
excès  d'un  système  dont  le  Tannhauser  n'est  cependant  que 
l'expression  amoindrie,  ou  plutôt  naissante, — si  on  se  reporte 
à  la  création  de  l'ouvrage  en  Allemagne. 

Nous  eussions  préféré  le  silence  imposant  de  toute  l'assem- 
blée ;  c'eût  été  plus  digne,  et  c'est  ainsi  que  la  soirée,  du  reste, 
avait  commencé.  Mais  le  moyen  de  supporter  froidement  les 
bravos  d'une  claque,  dont,  disait-on,  l'appoint  traditionnel  avait 
été  noblement  repoussé  !  On  s'est  laissé  aller  à  des  excès  con- 
traires et  regrettables,  il  faut  l'avouer. 

Nous  devons  en  tirer  cette  leçon  que  Paris,  la  capitale  des 
arts,  quoi  qu'en  puissent  penser  l'Allemagne  et  l'Italie,  est  bien 
décidé  à  ne  point  suivre  les  rêveurs,  les  athées,  dans  la  décou- 
verte d'une  musique  nouvelle,  appréciable,  selon  eux,  un  siècle 
après;  qu'en  définitive,  tous  ceux  qui  portent  le  sentiment  de  la 
musique  dans  leur  cœur,  et  ils  sont  nombreux,  sans  se  refusera 
des  conquêtes  nouvelles,  inspirées  par  le  vrai  génie,  n'entendent 
en  aucune  façon  renier  le  passé,  briser  avec  des  chefs-d'œuvre 
qui  sont  leurs  toiles  de  Raphaël,  de  Michel-Ange,  de  Rubens, 
la  vie  réelle  de  la  musique,  et  son  immortalité  tout  à  la  fois. 


Parlerons-nous  maintenant  des  interprètes  du  Tannhauser  ? 
C'est  notre  devoir. 

D'ailleurs,  Mlle  Marie  Sax,  Mme  Tedesco,  MM.  Morelli,  Ca- 
zaux,  et  M.  Niemann,  le  complice  en  titre  de  M.  Richard  Wag- 
ner, peuvent  s'écrier  à  bon  droit  :  Tout  est  perdu,  fors  l'hon- 
neur! 

Impossible  de  remplir  avec  plus  de  conscience  et  de  résigna- 
tion la  tâche  ingrate  qui  leur  était  dévolue.  —  Il  fallait  voir  ces 
intrépides  nautoniers  esquivant  de  leur  mieux  les  écueils  semés 
comme  à  plaisir  dans  cet  océan  de  récitatifs ,  manœuvrant 
sans  boussole  dans  d'inextricables  ensembles,  bravant  les  raffa- 
les  imprévues  de  l'orchestration  qui  vient  vous  surprendre  jus- 
que dans  les  moindres  détails. 

Certes,  Mlle  Sax  mérite  une  belle  fiche  de  consolation.  C'est 
une  Elisabeth  sans  reproche,  digne  en  tous  points  d'un  meilleur 
sort.  — Mme  Tedesco  n'avait  à  prouver  qu'une  superbe  Vénus, 
bonne  à  voir;  les  yeux  ont  été  satisfaits,  mais  c'est  tout.  —  M.  Ca- 
zaux  a  donné  tout  essor  à  ses  notes  les  plus  paternelles,  dans  le 
Landgrave  Herman. 

Quant  à  M.  Morelli,  il  a  chanté  le  personnage  de  Wolfram 
en  Italien  de  bonne  maison,  et  M.  Niemann,  lui,  a  répondu  en 
digne  Allemand  qu'il  est,  animé,  on  le  sent,  du  mal  du  pays. 

C'est  qu'$  faut  bien  se  garder  de  dépayser  certains  artistes. 
L'acclimatation  leur  est  interdite,  et  M.  Niemann  nous  paraît  être 
dans  ces  conditions.  Sa  figure  est  expressive,  distinguée,  mais  d'un 
seul  ton  ;  sa  voix,  bien  que  certaines  notes  ne  manquent  pas  de 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


123 


portée  dramatique,  est  également  d'un  seul  timbre,  enfin  nous 
avons  eu  le  regret  de  ne  pouvoir  reconnaître  en  lui  un  artiste 
complet,  au  point  de  vue  de  notre  première  scène  lyrique.  Il 
paraît  nier  ou  ignorer  l'art  du  chant,  comme  M.  Wagner  nie 
la  forme  et  la  mélodie  en  musique. 

On  assure  cependant  que  M.  Niemann  a  une  grande  réputa- 
tion de  chanteur  au  delà  du  Rhin.  N'en  disait-on  pas  autant 
du  Tannhauser,  qui  est  cependant  contesté,  condamné  sur  plus 
d'un  théâtre  en  Allemagne? 

Restent  l'orchestre  et  les  chœurs.  A  ce  double  égard, 
MM.  Dietsch  et  Victor  Massé  méritent  des  éloges  en  partage  avec 
M.  Vauthrot,  qui  a  donné  tous  ses  soins,  avec  une  intelligente 
et  religieuse  conscience,  à  la  direction  du  chant. 

Si  M.  Dietsch  a  rencontré  parmi  ses  amis  des  opposants  à  sa 
détermination  de  conserver  quand  même  le  bâton  de  chef 
d'orchestre,  il  faut  dire  aussi  que  des  avis,  également  bien 
intentionnés,  reprochaient  à  M.  Wagner  de  vouloir  brûler  ses 
vaisseaux  en  ne  se  réservant  pas  le  moindre  parachute.  D'ail- 
leurs, l'auteur  pouvait  -  il  bien  risquer  'de  sa  personne  une 
déconvenue  qui  ne  devait  s'attacher  qu'à  l'œuvre ,  dans  ses 
infirmités ,  dans  ses  inacceptables  excès  ,  dans  les  éléments 
constitutifs  enfin  de  ce  que  chacun  appelle,  avec  raison,  le  sys- 
tème de  la  musique  de  l'avenir? 

Nous  savons  bien  que  M.  Richard  Wagner  décline  l'ensei- 
gne d'un  pareil  apostolat  ;  mais  comment  donc  désigner  une 
musique  placée  si  fort  au-dessus  de  l'intelligence  des  musiciens 
contemporains  français,  d'une  musique  destinée ,  selon  les 
adeptes  du  genre,  à  faire  époque. . .  plus  tard. . .  le  plus  tard 
possible,  nous  l'espérons  bien. 

Que  dit-on  aujourd'hui,  même  dans  certains  cercles  parisiens, 
et  que  dira-t-on  demain  en  Allemagne?  «Le  Tannhauser  n'a 
pas  été  compris  à  Paris.  Il  a  eu  le  sort  des  symphonies  de 
Beethoven!...  (1).  » 

Hé  bien  ,  c'est  contre  cette  énorme  prétention  que  Paris  pro- 
teste et  doit  protester.  Nous  avons  compris  ce  qui  était  com- 
préhensible dans  l'œuvre  du  Tannhauser;  ce  que  nous  avons 
condamné  sans  pitié,  dans  le  présent  et  l'avenir,  c'est  le  détes- 
table système  intronisé  dans  l'ensemble  de  la  partition,  au 
double  point  de  vue  du  chant  et  de  l'orchestre,  système  qui 
n'abourait  à  rien  moins  qu'à  la  négation  complète  de  la  vraie 
musique. 

J.-L.  Hedgel. 

P.  S.  Nous  apprenons  que  la  seconde  représentation  du 
Tannhauser  a  été  remise  à  demain  lundi,  pour  donner  le  temps 
à  l'orchestre  et  aux  artistes  de  prendre  connaissance  des  cou- 
pures et  modifications  projetées  par  M.  Richard  Wagner.  Quel 
que  soit  le  sentiment  qui  a  porté  l'auteur  à  faire  des  concessions, 
le  public  lui  en  saura  gré  et  n'en  appréciera  que  plus  à  l'aise 
les  réelles  beautés  de  l'œuvre. 


(I)  Relevons  à  ce  propos  toute  confusion  :  c'est  l'exécution  compliquée 
des  symphonies  de  Beethoven,  à  une  époque  où  l'orchestre  du  Conserva- 
toire était  loin  d'être  ce  qu'il  est  aujourd'hui ,  qui  a  demandé  du  temps 
pour  mettre  au  jour  ces  immortelles  œuvres.  Mais  leur  succès  d'audition 
s'est  décidé  et  consolidé  sans  avoir  à  compter  avec  les  brouillards  de  l'avenir 


Le  mardi  de  Pâques,  2  avril,  il  sera  exécuté,  à  midi  précis,  dans  l'église 
de  Sainte-Clolilde,  une  messe  en  musique  de  la  composition  de  M.  Auguste 
Franck.  M.  le  Cuvé  veut  bien  accorder  le  produit  des  chaises  et  la  quête, 
à  une  pauvre  famille  d'artistes  réduite  à  la  plus  grande  misère. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


LE  LARYNGOSCOPE 


IUIROIR  Dr  LARYNX. 

M.  Paulin  Richard,  musicien  lettré,  attaché  depuis  longues 
années  à  la  Bibliothèque  impériale ,  vient  de  publier  une  très- 
intéressante  notice  sur  le  larijngoscope  ou  miroir  du  larynx  , 
dont  la  première  idée,  due  à  Manuel  Garcia  fils,  paraît  lui  être 
disputée,  bien  à  tort,  si  on  en  juge  par  les  documents  publiés 
par  M.  Paulin  Richard,  et  dont  voici  quelques  extraits  : 


«  Il  y  a  quelques  mois  à  peine,  dit  M.  Richard,  les  mots 
laryngoscope  et  laryngoscopie,  complètement  ignorés  de  la  plu- 
part des  médecins,  étaient  connus  de  quelques  rares  adeptes  de 
la  science  physiologique  et  de  l'art  musical.  L'arrivée  à  Paris 
d'un  docteur  hongrois,  M.  Joh.  Czermak,  vint  tout  à  coup  ré- 
véler avec  un  certain  éclat  et  le  mot  et  la  chose.  Présenté  d'abord 
confidentiellement  dans  quelques  salons  comme  une  curiosité 
piquante  et  nouvelle,  puis  expérimenté  avec  apparat  en  présence 
d'un  grand  nombre  de  praticiens  dans  les  principaux  hôpitaux 
de  Paris,  enfin  officiellement  introduit  devant  les  corps  savants , 
le  laryngoscope  a  rencontré  partout  l'accueil  le  plus  sympa- 
thique. Est-il  besoin  de  dire  que  les  divers  organes  de  la  publi- 
cité, les  journaux  de  médecine  surtout,  toujours  prêts  à  favoriser 
tous  les  progrès,  remplirent  leurs  colonnes  des  faits  curieux  , 
des  remarques  ingénieuses  que  venaient  leur  offrir  et  la  dé- 
monstration publique  et  les  communications  officieuses  ? 

«  Cependant  l'idée  d'examiner  le  larynx  chez  l'homme  vi- 
vant, à  l'aide  de  deux  miroirs,  appartient  incontestablement  à 
M.  Garcia.  Cela  est  facile  à  démontrer  par  des  preuves  évi- 
dentes, par  des  documents  positifs.  On  ne  trouvera  donc  pas 
étrange,  au  milieu  de  tout  le  bruit  qui  s'est  fait  autour  du  nom 
de  M.  Czermak,  qu'un  vieil  ami  de  M.  Garcia  vienne  revendi- 
quer les  droits  du  premier  inventeur  de  ce  petit  instrument  et 
en  raconter  l'histoire  assez  laborieuse.  » 

Ici  M.  Richard  cite  nombre  de  pièces  officielles  du  plus  grand 
intérêt,  et  met  en  scène  tour  à  tour  les  docteurs  Czermak,  Turck, 
Dechambre,  Liston,  Mandi,  Follin,  Cloquet,  Gavarfet,  Second, 
Diday,  Sharpey  et  Larrey,  qui  a  pris  les  intérêts  et  la  défense 
de  Manuel  Garcia  devant  la  Société  de  chirurgie  tenant  séance 
le  4  avril  1860,  sous  la  présidence  de  M.  J.  Marjolin. 

Voici,  du  reste,  comment  Manuel  Garcia  développe  lui-même 
sa  manière  d'étudier  le  larynx  au  moyen  du  laryngoscope  : 

.  «  La  méthode  que  j'ai  suivie  consiste  à  placer,  au  sommet 
du  pharynx,  un  petit  miroir  fixé  à  une  longue  tige  convenable- 
ment recourbée.  Le  miroir  est  éclairé  au  moyen  d'un  second, 
destiné  à  recevoir  les  rayons  du  soleil.  L'image  du  larynx  se 
réfléchit  d'abord  sur  le  petit  miroir  ,  d'où  elle  est  renvoyée  au 
miroir  extérieur. 

«  A  l'aide  de  ce  simple  appareil,  j'ai  pu  étudier  le  mécanisme 
de  la  voix,  mieux  qu'on  avait  été  en  mesure  de  le  faire  jus- 
qu'alors ;  et  je  suis  arrivé  à  des  résultats  que  je  crois  intéres- 
sants et  nouveaux.  Je  demande  la  permission  de  rappeler  ,  en 
quelques  lignes,  les  plus  importants. 

«  Selon  moi,  les  cordes  vocales  supérieures  ne  sauraient  pro- 


124 


LE  MÉNESTREL. 


duire  des  sons.  En  effet,  les  cartilages  de  Wrisberg  et  les  liga- 
ments supérieurs  eux-mêmes  gardent  en  toute  circonstance  une 
position  écartée  ;  ils  ne  peuvent  entrer  en  contact  pour  donner 
lieu  à  Yexplosion  de  l'air,  et  ne  servent  qu'à  encadrer  l'espace 
elliptique  formé  par  les  ligaments  inférieurs.  A  l'appui  de  ce 
que  j'avance,  il  suffit  de  s'assurer  que  les  muscles,  d'ailleurs 
assez  faibles,  qui  correspondent  à  ces  ligaments,  recouvrent 
entièrement  à  l'extérieur  l'extrémité  supérieure  des  muscles 
thyro-aryténoïdiens.  Cette  remarque,  à  ma  connaissance,  n'avait 
pas  encore  été  faite,  et  je  la  crois  très-importante,  car  elle  per- 
met seule  de  refuser  aux  cordes  supérieures  une  part  active 
dans  la  formation  des  sons. 

«  De  ce  qui  précède,  il  résulte  que  la  voix  humaine  est  pro- 
duite uniquement  par  la  glotte  inférieure. 

«  Restait  à  déterminer  le  procédé  qui  lui  permet -de  produire 
des  sons  isolés,  et  celui  qui  la  met  à  même  de  les  réunir  en 
gamme.  Ces  deux  questions  sont  résolues  a  l'aide  des  miroirs  et 
de  quelques  observations  anatomiques. 

«  Détachées  du  larynx,  les  cordes  vocales  ne  ressemblent  aux 
cordes  et  aux  anches,  ni  par  la  forme,  ni  parles  dimensions , 
ni  par  aucune  de  leurs  conditions  matérielles;  ce  n'est  donc 
point  à  leurs  dimensions  que  les  cordes  vocales  doivent  la  fa- 
culté de  faire  naître  les  sons.  Elles  la  tiennent  uniquement  de 
leur  élasticité.  Lorsqu'en  vertu  de  cette  élasticité  merveilleuse, 
elles  s'agitent  l'une  contre  l'autre,  au  sommet  du  tuyau  vocal, 
elles  s'ouvrent  et  se  ferment  alternativement  avec  une  prompti- 
tude extrême  et  divisent  le  courant  d'air  qui  s'en  échappe  en  une 
série  d'explosions  rapides  et  isochrones  qui  constituent  le  son. 

«  Les  explosions  de  l'air,  disons-le,  sont  la  cause  primordiale 
du  son,  tout  aussi  bien  dans  les  instruments  que  dans  la  voix, 
et  il  est  facile  de  reconnaître  que  le  mouvement  de  va  et  vient 
des  cordes,  les  pulsations  de  l'air  dans  les  instruments  a  vent, 
les  chocs  de  la  sirène  de  M.  Cagnard-Latour,  etc.,  etc.  ;  en  un 
mot,  toutes  les  sources  de  vibrations,  quelque  variées  qu'elles 
puissent  être,  suscitent  uniquement  dans  l'air  une  série  de  dila- 
tations et  de  compressions  alternatives  qui  vont  enfin  réagir 
contre  notre  tympan. 

«  Par  conséquent  aussi,  tout  mécanisme  qui,  dans  un  mou- 
vement alternatif  et  rapide,  arrête  et  laisse  s'échapper  un  étroit 
courant  d'air,  doit  produire  des  vibrations  sonores. 

«  C'est,  en  effet,  ainsi  qu'agissent  les  anches  libres  et  bat- 
tantes dans  les  embouchures  des  hautbois ,  des  bassons,  des 
clarinettes:  c'est  encore  ainsi  que  vibrent  les  lèvres  de  l'instru- 
mentiste pour  faire  parler  le  cor;  c'est  de  même  également  que 
procèdent  les  lèvres  de  la  glotte  pour  créer  la  voix  humaine. 

«  Si  du  mécanisme  qui  sert  à  produire  les  sons  isolés  nous 
passons  à  celui  qui  les  réunit  en  gamme,  nous  distinguerons  un 
mouvement  progressif  extérieur,  visible  avec  le  secours  des 
miroirs,  et  une  cause  interne,  qui  détermine  ce  mouvement  et 
que  l'anatomie  seule  nous  fait  comprendre. 

«  Le  mouvement  visible  consiste  en  un  raccourcissement  pro- 
gressif d'arrière  en  avant  et  en  un  rétrécissement  correspondant 
de  la  partie  vibrante  de  la  glotte.  Dans  ce  double  phénomène, 
la  portion  fermée  gagne  tout  ce  que  perd  le  portion  ouverte,  et 
il  se  forme ,  pour  ainsi  dire,  une  nouvelle  glotte  plus  petite 
pour  chaque  nouveau  son. 

«  La  cause  interne  se  révèle  par  la  disposition  remarquable 
que  présentent  les  fibres  du  faisceau  musculaire  qui  prend  nais- 
sance dans  la  cavité  intérieure  de  l'aryténoïde.  Ces  fibres,  pla- 


cées horizontalement,  partent  toutes  de  la  face  antérieure  de 
l'aryténoïde  et  sont  superpostes  par  couches  d'inégale  longueur. 
«  Les  plus  internes  sont  les  plus  courtes  ;  au  fur  et  à  mesure 
qu'elles  se  rapprochent  de  l'extérieur,  elles  s'allongentet  étendent 
de  proche  en  proche  leur  action  sur  tout  le  tendon  vocal  auquel 
elles  vont  toutes  aboutir.  On  voit  déjà  comment,  les  contrac- 
tions se  propageant  des  couches  profondes  aux  couches  super- 
posées, les  fibres  distendent  progressivement  les  bords  de  la 
glotte,  en  amoindrissent  la  longueur  vibrante  et  en  rendent 
faciles  les  mouvements .  accélérés.  Divers  autres  muscles  con- 
courent nécessairement  à  compléter  ce  résultat  ;  mais  l'action 
principale  appartient  au  faisceau  dont  nous  venons  de  parler. 

«  Ces  caractères  différents  de  la  voix  tiennent  à  la  profondeur 
des  surfaces  mises  en  contact  pendant  les  vibrations.  Sous  l'em- 
pire du  registre  de  poitrine,  les  ligaments  vocaux  sont  tendus  et 
entrent  en  contact  dans  toute  la  profondeur  de  l'apophyse  an- 
térieure de  l'aryténoïde,  tandis  que  sous  l'influence  du  registre 
de  fausset-tête,  ce  sont  les  bords  seuls  des  ligaments  qui  se  ten- 
dent et  se  touchent. 

«  Comme  les  bords  de  la  glotte  consistent  à  la  fois  dans  les 
apophyses  antérieures  de  l'aryténoïde  et  dans  les  ligaments  vo- 
caux, chaque  registre  se  trouve  formé  de  deux  parties  assez 
marquées  :  l'une,  la  plus  basse,  résulte  des  vibrations  de  la  glotte 
bi-composée  ;  l'autre,  la  plus  haute,  de  celles  du  ligament  tout 
seul. 

«  Dans  une  dernière  observation  ,  nous  avons  constaté  que 
l'éclat  ou  le  voile  des  sons  dépend  de  ce  que  les  bords  de  la 
glotte  s'appliquent  plus  ou  moins  exactement  l'un  contre  l'autre 
après  chaque  explosion.  Si  le  contact  est  complet,  chacune  sera 
nettement  détachée  et  le  son  sera  pur  ;  si ,  au  contraire ,  les 
explosions  sont  réunies  entre  elles  par  un  filet  continu  d'air,  le 
son  sera  terne  et  voilé.  » 

Si  nos  lecteurs,  maintenant,  veulent  remonter  à  l'idée  pre- 
mière du  laryngoscope,  voici  comment  Manuel  Garcia  raconte 
l'historique  de  ses  premiers  essais.  Le  4  mai  1860,  il  écrivait  à 
son  savant  ami  M.  Larrey,  une  lettre  qui  a  passé  par  les  mains 
de  M.  Richard,  et  dont  voici  un  extrait,  aussi  piquant  par  sa 
spirituelle  conclusion  qu'intéressant  au  point  de  vue  de  la  science 
médicale  et  vocale  : 

«  Je  vous  suis  très  reconnaissant  de  la  bonne  amitié  que  vous 
me  conservez,  et  je  ne  puis  que  vous  remercier  de  vous  sous- 
traire à  vos  sérieuses  occupations  pour  soutenir  de  votre  main 
secourablela  vacillante  réputation  scientifique  du  maestro  di  bel 
canto. 

«  L'idée  de  me  servir  de  miroirs  pour  étudier  l'intérieur  du 
larynx,  pendant  l'acte  du  chant,  m'était  venue  depuis  longtemps 
et  à  différentes  époques;  mais  toujours  je  l'avais  repoussée,  la 
croyant  impraticable.  Ce  ne  fut  qu'en  1854  que,  me  trouvant 
en  vacance  à  Paris,  pendant  le  mois  de  septembre,  je  résolus  d'é- 
claircir  mes  doutes  et  de  voir  ce  que  mon  idée  avait  de  réalisable. 
J'allai  demander  à  Charrière  s'il  n'aurait  pas  un  petit  miroir 
qui,  attaché  à  un  long  manche,  pût  servir  à  examiner  le  gosier. 
Il  me  répondit  qu'il  avait  un  petit  miroir  de  dentiste,  qu'il  avait 
envoyé  à  l'exposition  de  Londres  en  1851,  et  dont  personne 
n'avait  voulu.  Je  l'achetai  (  je  crois  pour  6  fr.,  )  et,  muni  d'un 
second  miroir  à  main,  je  rentrai  chezmasœur,  très-impatient  de 
commencer  mes  essais.  Je  plaçai  contre  la  luette  le  petit  miroir 
préalablement  chauffé  dans  de  l'eau  chaude,  et  bien  essuyé.  Puis, 
l'ayant  éclairé  par  un  rayon  de  soleil  que  reflétait  le  miroir  à 
main,  je  vis  le  larynx  béant  et  tel  qu'il  est  décrit  dans  les  trois 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


125 


premières  pages  du  mémoire  que  vous  connaissez.  Bientôt  après 
mon  retour  à  Londres,  les  brouillards  vinrent  mettre  un  obstacle 
désespérant  à  mes  études.  Jem'adressai  alors  à  M.  Williamson, 
professeur  de  chimie  à  l'Université  de  Londres,  pour  qu'il  me 
fit  connaître  une  lumière  artificielle  vive  et  abondante,  ma  lampe 
à  huile  ne  donnant  qu'une  lumière  très-insuffisante.  11  m'indi- 
qua celle  que  fournit  la  chaux  en  combustion  dans  le  mélange 
connu  d'oxygène  et  d'hydrogène.  Malheureusement,  mes  appareils 
étaient  très-imparfaits,  et  mes  tentatives  échouèrent.  La  lumière 
électrique  ne  me  réussit  pas  mieux.  Je  fus  donc  réduit  h  ne  me 
servir  de  mes  miroirs  qu'aux  apparitions  assez  rares  du  soleil. 

«  Comme  le  but  principal  de  mes  recherches  était  de  déter- 
miner le  rôle  que  chaque  muscle  intrinsèque  du  larynx  joue 
dans  le  mécanisme  de  la  voix,  je  dus  me  remettre  à  disséquer. 
C'est  à  M.  Williamson  que  j'eus  encore  recours  pour  obtenirdes 
larynx.  Il  me  présenta  au  docteur  Sharpey,  professeur  de  physio- 
logie à  la  même  université  et  secrétaire  de  la  Société  royale.  Dès 
que  le  docteur  Sharpey  eut  appris  de  quoi  je  m'occupais,  il 
donna  ordre  au  garçon  d'amphithéâtre  de  me  fournir  autant  de 
larynx  que  j'en  demanderais.  Il  me  conseilla  en  outre  d'écrire 
un  mémoire  sur  ce  que  j'aurais  observé,  s'offrant  à  le  lire  à  la 
R.  S.  dès  qu'il  serait  terminé. 

«  La  brochure  du  professeur  Czermakn'a  paru  qu'en  1S58; 
encore  le  professeur  Czermaky  déclare-t-il  expressément  qu'il  a 
pris  l'idée  des  miroirs  dans  le  mémoire  que  je  viens  de  citer.  Il 
consacre  un  grand  nombre  de  pages  à  décrire  les  deux  mêmes 
miroirs,  et  a  confirmer  la  description  que  je  donne  des  mouve- 
ments intérieurs  du  larynx.  —  ...  Quant  au  trou  pratiqué  dans 
le  miroir  a  la  main,  je  l'ai  essayé  pour  que  MM.  Williamson  et 
Sharpey  y  pussent  regarder  pendant  que  j'expérimentais  sur  moi- 
même,  mais  sans  avantage  marqué;  ils  voyaient  tout  aussi  bien 
par-dessus  le  miroir.  (  Mon  miroir  percé  a  été  fabriqué  à  Londres, 
chez  Coxeter,  dont  il  porte  le  nom  el  la  marque.  ) 

«  Voilà,  mon  cher  Larrey,  toute  l'histoire  du  miroir  :  celle 
du  petit  Poucet  est  plus  amusante.  » 

Manuel   Garcia. 

«  J'ai  encore  tous  mes  outils;  si  vous  croyez  que  ce  soit  utile, 

je  vous  les  enverrai. . .  » 

* 
*  * 

Nous  nous  arrêterons  à  l'exhibition  des  outils ,  lecteurs,  vous 
priant  de  vous  contenter  de  la  reproduction  des  quelques  pièces 
qui  précèdent.  Elles  suffiront,  et  au-delà,  à  vous  prouver  que 
Manuel  Garcia  fils  est  bien  et  dûment  le  Christophe  Colomb, 
ou  plutôt  le  Leverrier  du  laryngoscope  ou  miroir  de  la  voix. 
C'est  là  un  fait  désormais  notoire. 

Puisse  le  laryngoscope  nous  valoir  des  Malibran,  des  Damo- 
reau,  des  Garcia ,  des  Rubini  !  Nous  le  souhaitons  sans  oser 
l'espérer. 

Les  miroirs  sont  trompeurs.  J.-L.  Heugel. 

Nous  publierons  dimanche  prochain,  dans  les  Tablettes  du 
pianiste  et  du  chanteur,  une  appréciation  de  notre  collaborateur 
Léon  Gatayes,  à  propos  de  l'audition  des  études  de  V École 
chantante  du  piano,  de  Félix  Godefroid,  études  exécutées  par 
M.  Louis  Diemer,  avec  intermèdes  de  chant  par  Mme  Pauline 
Thys,  MM.  Jules  Lefort  et  Guidon  frères.  A  dimanche  les  détails 
de  cette  soirée,  qui  s'est  terminée  par  la  Prière  des  Bardes,  de 
F.  Godefroid,  transcrite  pour  violon,  piano  et  orgue,  interprétée 
par  MM.  Magnien,  Diémer  et  Mlle  Virginie  Huet. 


TROISIÈME  ET  QUATRIÈME  THÉÂTRE  L\R10JE. 


THEATBE-LVRIQDE. 

Les  deux  Cadis,  opéra  bouffe  en  un  acte,  de  1IM.  Gille  et  Fubpjlle, 
musique  de  M.  Th.  Ymbert. 

Nous  avons  contracté  une  dette  envers  ces  deux  cadis,  dont 
nous  ne  vous  avons  entretenus  que  sommairement  dimanche 
dernier.  Cette  amusante  bouffonnerie  sert  de  lever  du  rideau  à 
Madame  Grégoire,  et  vous  ouvre  l'appétit  pour  toute  la  soirée. 

Figurez-vous  deux  cadis  —  deux  magistrats — qui  détroussent 
nuitamment  les  voyageurs!  Il  est  vrai  que  cela  se  passe  aux  envi- 
rons de  Bagdad —  par  une  belle  nuit,  —  des  Mille  et  une  nuits. 
Tenez  !  voici  justement  un  jeune  seigneur  occupé  à  flâner  sur  la 
grande  route  :  le  cadi  Badroulboudour  l'arrête,  et,  le  yatagan 
sur  la  gorge,  lui  emprunte  son  beau  manteau  de  velours,  semé 
de  perles.  Un  peu  plus  loin,  voici  le  cadi  Bakbarock  qui,  avec 
non  moins  de  courtoisie,  invite  le  jeune  seigneur  à  lui  céder  son 
magnifique  turban  orné  de  pierres  fines.  Mais,  cette  fois,  les 
deux  honnêtes  industriels  sont  fort  mal  tombés  :  ils  ont  détroussé 
le  propre  fils  du  grand-vizir!...  Ce  prince  voyageait  incognito, 
— les  uns  disent  pour  inspecter  l'isthme  de  Suez,  d'autres  affir- 
ment qu'il  rôdait  autour  du  logis  de  MUe  Bakbarock. 

Cette  dernière  version  est  la  seule  admissible  ;  car,  dès  le  len- 
demain, le  prince  se  présente  chez  Bakbarock  comme  un  pê- 
cheur ruiné,  et  se  propose  comme  esclave.  La  belle  Aminé  re- 
connaît Hassan,  elle  l'avait  déjà  remarqué  à  la  mosquée.  Aussi 
faut-il  voir  avec  quel  empressement  elle  refuse  le  Badroulbou- 
dour que  son  père  veut  lui  donner  pour  mari! 

Mais,  attention!  voici  l'imbroglio,  et  le  dénouement.  L'es- 
clave improvisé  remet  aux  cadis  deux  lettres  portant  le  sceau  im- 
périal :  Dans  ces  missives  officielles,  ordre  leur  est  donné  de  dé- 
couvrir immédiatement  les  bandits  qui  ont  détroussé  le  fils  de 
Son  Excellence.  Pour  sortir  de  ce  mauvais  pas,  nos  deux  cadis 
n'imaginent  rien  de  mieux  que  d'affubler  l'esclave,  par  manière 
de  cadeau,  des  deux  objets  accusateurs.  Hassan  se  laisse  arrêter, 
juger  et  condamner  à  mort  par  les  cadis;  puis  se  fait  recon- 
naître, à  un  signe  au  bras  gauche,  pour  l'héritier  du  grand-vizir. 
Vous  voyez  d'ici  la  terreur  de  nos  deux  coquins.  Heureusement, 
tout  s'arrange  par  le  mariage  du  prince  avec  M1Ie  Bakbarock. 
—  Peut-être  les  deux  cadis  seront-ils  pendus  plus  tard,  mais  c'est 
le  moindre  des  soucis  de  MM.  Giîle  et  Furpille;  l'essentiel  pour 
eux  était  de  fournir  un  divertissant  canevas  à  leur  musicien,  et 
ils  ont  complètement  réussi.  L'un  et  l'autre,  d'ailleurs,  avaient 
déjà  donné  des  preuves  d'esprit  sur  plusieurs  scènes;  M.  Fur- 
pille est,  en  outre,  et  à  ses  heures,  —  voyez  Brantôme ^  —  un 
des  tirailleurs  de  cette  presse  légère  où  il  se  dépense  tant  de  sève. 

La  partition  de  M.  Ymbert  constitue  un  début  lyrique  des 
plus  louables.  La  mélodie, — cet  élément  capital,  —  domine 
dans  l'œuvre,  et  l'orchestre,  de  son  côté,  accuse  un  musicien  dis- 
tingué, s'amoindrissant  sagement  en  vue  du  cadre  qui  lui  est  dé- 
volu. Le  public  a  vivement  applaudi  l'ouverture,  un  terzetto, 
les  couplets  d'Aminé,  un  duo  bachique,  un  quatuor  et  l'air  de 
Hassan  :  Choisissez,  etc. 

Une  exécution  plus  parfaite  pouvait  doubler  le  succès  ;  nous 
n'en  constaterons  pas  moins  le  zèle  et  le  bon  vouloir  de  MUe  A. 
Faivre,  de  MM.  Grillon,  Girardot,  et  nous  donnerons  un  satis- 
fecit à  M.  Wartel,  tout  en  regrettant  de  voir  celte  jeune  indivi- 
dualité se  vieillir  à  plaisir  et  à  perpétuité. 


12G 


LE  MÉNESTREL. 


BOOFFES-PARISrENS. 

La  Servante  à  Nicolas,  opérette  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Desarbres 
et  Nuitter  ,  musique  de  M.  Erlanger. 

Voici  un  petit  tableau  villageois  pour  faire  pendant  au  char- 
mant pastel  de  Forlunio. 

Le  paysan  Nicolas  vient  d'hériter  de  son  oncle  ;  aussi  les 
bouquets  pleuvent-ils  sous  son  chaume,  et  toutes  les  jeunes  villa- 
geoises le  choient  comme  on  choie  une  espérance.  Mais  tout  à 
coup  le  bruit  se  répand  que  le  testament  de  l'oncle  est  grevé 
d'un  codicille.  Ce  codicille,  —  remis  au  magister  Grinchu,  — 
porte  que  le  neveu  Nicolas  est  déshérité....  s'il  se  marie.  —  A 
qui  échoira  l'héritage,  alors"?  A  Grinchu,  sans  doute;  c'est  du 
moins  la  pensée  de  cet  excellent  magister,  et  le  voilà  qui  ma- 
nœuvre pour  induire  Nicolas  en  mariage.  Mais,  grâce  au  fafal 
codicille,  le  vide  se  fait  autour  du  jeune  campagnard.  Furieux 
de  l'abandon  général,  Nicolas  jette  les  yeux  sur  sa  servante,  la 
trouve  jolie  et  jure  de  l'épouser.  Là-dessus  Grinchu  ouvre  le 
codicille,  lequel  porte  ces  mots  :  «  La  femme  qui  épousera  mon 
neveu  sera  mon  héritière,  car  l'amour  seul  aura  fixé  son  choix.» 
—  Ainsi  le  codicille  corrige  et  rectifie  la  clause  excentrique  du 
testament  ;  la  morale  est  sauve. 

Sur  cette  donnée,  M.  Erlanger,  —  un  jeune  compositeur  du 
cru,  qui  manie  l'orchestre  avec  autant  de  goût  que  de  distinc- 
tion, —  a  écrit  quelques  pages  de  musique  pleines  d'entrain  , 
et  dans  lesquelles  percent,  par  moments,  plus  d'une  lueur  d'ori- 
'  ginalilé.  Les  couplets  de  MUe  Chabert ,  ceux  de  Desmonts,  la 
scène  des  crêpes  :  Ah!  quel  plaisir ,  tout  cela  est  mélodique- 
ment  conçu,  sans  tomber  dans  la  trivialité.  La  ronde  normande 
est  habilement  arrangée.  Citons  aussi,  dans  le  trio  des  femmes, 
le  joli  motif  de  valse,  un  des  thèmes  de  l'ouverture. 

Enfin,  la  réussite  de  la  Servante  à  Nicolas  a  pour  coopéra- 
teurs  MM.  Desmonts,  Caillât  et  MUe  Chabert,  une  des  plus 
gracieuses  pensionnaires  de  M.  Jacques  Offenbach.  Quelle  ser- 
vante accomplie  que  cette  jeune  Berthe  !  cela  vous  repose  l'âme, 
à  une  époque  où  tout  le  monde  se  plaint  des  domestiques.... 

J.  Lovy. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  M.  Hittorf,  membre  de  l'Institut,  a  fait  connaître,  dans  un  rapport 
publié  au  Moniteur,  le  résultat  des  travaux  du  jury  chargé  de  juger  le 
concours  pour  le  projet  d'une  nouvelle  salle  d'Opéra.  M.  le  rapporteur 
conclut  ainsi  :  «  Arrivé  au  terme  de  sa  mission,  le  jury  regrette  que  le 
désir  de  décerner  le  grand  prix  n'ait  pu  se  réaliser;  il  émet  le  vœu  qu'un 
nouveau  concours,  qui  aurait  pour  récompense  l'exécution  de  l'édifice, 
ait  lieu  entre  les  auteurs  des  cinq  projets  jugés  les  meilleurs.  La  commis- 
sion, en  émettant  ce  vœu,  croit  assurer  l'équité  du  choix  définitif,  et  réa- 
liser ainsi  l'espoir  de  voir  s'élever  dans  Paris  une  salle  d'Opéra  digne  de 
la  capitale  et  de  la  France.  » 

—  Nous  avons  reproduit  l'arrêt  de  la  première  chambre  qui  déboulait 
M.  Richard  Lindau  de  sa  demande,  relativement  à  la  collaboration  du  livret 
de  Tannhauser.  Il  a  été  décidé,'  en  dernier  lieu ,  que  l'affiche  ne  porterait 
le  nom  d'aucun  des  traducteurs.  M.  Wagner  sera  reconnu,  comme  en  Al- 
lemagne, seul  auteur  du  Tannhauser,  pour  le  poëme  et  pour  la  musique. 

—  On  écrit  dé  Londres  que  le  nouvel  opéra  de  Wallace,  Amber  Witch 
[la Sorcière  à  l'ambre),  poëme  de  M.  Chorley,  a  reçu  un  brillant  accueil., 
Les  principaux  interprètes,  Sims  Reeves,  Santley,  Miss  Huddard,  Mmc  Sher- 
rington,  ont  été  rappelés.  Le  directeur  lui-même,  M.  Smith,  a  été  obligé 
de  paraître  devant  la  rampe.  A  Paris,  nous  n'en  sommes  pas  encore  là. 

—  La  mortalité  ne  sévit  pas  seulement  dans  le  camp  des  artistes  fran- 
çais et  allemands  :  l'Angleterre  paye  également  son  tribut  funèbre.  Londres 
vient  de  perdre  un  de  ses  plus  anciens  et  plus  habiles  directeurs  de  théâ- 


tre, M.  John  Maddox.  Il  est  mort  dans  sa  résidence  de  Brompton,  à 
l'âge  de  soixante-treize  ans ,  après  une  longue  et  cruelle  maladie.  Fonda- 
teur du  Princess's  Théâtre,  M.  Maddox  a  conservé  jusqu'à  sa  mort  la 
direction  de  cette  scène,  témoin  des  derniers  triomphes  de  Macready  et 
terre  d'adoption  d'une  foule  d'opéras  français. 

—  La  Gazette  musicale  de  Berlin  [Écho],  nous  apprend  la  réussite,  sur 
le  théâtre  de  Kœnigsberg,  d'un  opéra-comique  en  un  acte  de  Louis  Schu- 
bert, intitulé  les  Rosières  :  «  Le  compositeur  et  les  artistes  ont  été  rap- 
pelés. Le  sujet  de  la  pièce  repose  sur  un  gracieux  épisode  villageois 
(serait-ce  une  imitation  du  libretto  de  Théaulon,  musique  d'Hérold?|  la 
partition  a  du  caractère,  elle  est  généralement  mélodique,  sans  tomber 
dans  le  genre  polka,  comme  certaines  œuvres  qui  nous  arrivent  de  Paris 
depuis  quelques  années.  » 

—  Les  journaux  allemands  nous  apprennent  que  le  comte  Jean  Harrach 
a  mis  au  concours  deux  prix  de  600  florins  chaque,  pour  deux  opéras  en 
deux  actes,  et  deux  prix  (chacun  de  la  valeur  de  200  florins),  pour  le 
texte  en  langue  tchèque.  L'un  de  ces  opéras  doit  reposer  sur  une  base 
historique;  le  sujet  de  l'autre  sera  emprunté  de  la  vie  ordinaire  des  Slaves 
dans  la  Bohême,  la  Moravie  ou  la  Silésie. 

—  On  annonce  la  publication  prochaine  de  la  correspondance  de  Félix 
Mendelssohn.  Le  premier  volume  (de  1830  à  1832) ,  contiendra  ses  lettres 
datées  de  France,  d'Italie  et  d'Angleterre. 

—  Un  ballo  in  maschera,  de  Verdi,  fait  son  tour  du  monde .  A  Madrid, 
ce  sont  Mmes  Julienne  Dejean,  de  Méric  Lablache,  Sarolta,  MM.  Fraschini  et 
Giraldoni  qui  ont  été  choisis  par  Verdi  lui-même  pour  tenir  les  principaux 
rôles.  Voici  ce  que  disent  de  notre  compatriote  italianisée,  par  le  talent  du 
moins,  les  journaux  espagnols  :  «  Les  premières  louanges  reviennent  de 
droit  à  Mme  Dejean,  à  Fraschini  et  à  Giraldoni,  qui  ont  littéralement  fasciné 
le  public,  et  qui,  à  diverses  reprises,  ont  porté  les  impressions  de  l'audi- 
toire à  un  rare  degré  d'élévation.  Le  trio  du  second  acte  a  été  rendu  avec 
des  accents  de  la  plus  grande  énergie.  Mme  Dejean  a  déployé  un  admirable 
talent  dramatique,  et  elle  est  entrée  profondément  dans  le  caractère  du  per- 
sonnage d'Amélie  en  rendant,  d'une  façon  saisissante,  les  sentiments  de 
tendresse,  de  passion  ardente,  de  crainte  et  de  terreur  qui  animent  tour  à 
tour  la  femme  de  l'ami  de  Ricardo.  »  —  On  le  voit,  40  degrés  de  chaleur. 

—  Lundi,  à  l'Opéra,  le  Trouvère,  annoncé  depuis  deux  jours,  a  été 
remplacé,  pour  cause  d'indisposition,  parla  Favorite.  Mlle  Lapommeraye, 
qui  jouait  ce  rôle  pour  la  première  fois,  a  donné  au  personnage  de  Léonor 
un  cachet  tout  particulier.  On  a  apprécié  la  méthode,  la  diction,  et  l'ex- 
pression à  la  fois  sage  et  passionnée  de  la  jeune  cantatrice. 

—  Le  Théâtre  Lyrique  donnera  incessamment  la  première  représenta- 
tation  de  la  Statue,  opéra  en  trois  actes  et  six  tableaux,  de  M.  Reyer.  La 
semaine  prochaine  aura  lieu  la  reprise  de  Gil  Blas,  opéra-comique  en  cinq 
actes,  dans  lequel  MUe  Girard  fera  sa  rentrée  par  le  rôle  principal.  On 
annonce  aussi  quelques  représentations  d'Orphée,  qui  seraient  données 
par  Mmc  Pauline  Viardot,  d'ici  à  la  fin  du  mois.  Le  Val  d'Andorre  n'aura 
plus  que  quelques  représentations,  des  engagements  contraclés  depuis 
longtemps  forçant  l'administration  à  interrompre  l'immense  succès  de 
l'ouvrage  de  MM.  Halévy  et  de  Saint-Georges. 

—  On  répète  actuellement  aux  Bouffes-Parisiens,  le  Pont  des  Soupirs  , 
opéra  bouffe  en  deux  actes  et  quatre  tableaux,  de  MM.  N.  Crémieux,  L.  Ha- 
lévy et  J.  Offenbach.  Cette  pièce,  montée  avec  un  grand  luxe  de  décors  et 
de  costumes,  jouée  par  l'élite  de  la  troupe  comique  et  chantante,  doit  rap- 
peler les  beaux  jours  d'Orphée.  Le  Pont  des  Soupirs  sera  incessamment 
livré  au  public.  La  Chanson  de  Fortunio  n'aura  donc  plus  qu'un  petit 
nombre  de  représentations. 

—  On  lit  dans  l'Indépendance  Belge  :  «  Les  frères  Lyonnet  ont  fait  hier 
leur  première  apparition,  et  leur  succès  a  été  complet;  on  les  a  applaudis, 
rappelés  et  bissés  avec  une  véhémence  extraordinaire.  Il  est  vrai  que  le 
talent  des  frères  Lyonnet  est  des  plus  sympathiques  et  des  plus  distingués  ; 
ils  disent  et  ils  chantent  avec  une  finesse,  un  sentiment,  une  variété  de 
tons  et  de  couleurs  qu'on  ne  saurait  trop  louer.  Nous  reviendrons,  du  reste, 
sur  ces  artistes  qui  vont,  sans  nul  doute,  attirer  la  foule  au  théâtre  des 
Galeries-Sainl-Hubert.  » 

—  L'Observateur  Belge  ajoute  :  «  Comment  pourrions-nous,  alors, vous 
faire  seulement  entrevoir  la  nature  du  talent  de  ces  Siamois  de  la  chan- 
sonnette ?  Allez  entendre  un  des  petits  poèmes  de  Nadaud,  ou  seulement 
une  des  naïves  mélodies  populaires  recueillies  par  Champlleury  et  Weker- 
lin,  et  vous  reviendrez,  comme  nous,  émerveillés  de  ce  qu'on  peut  mettre 
d'esprit  et  de  musique  dans  un  couplet  de  chanson.  » 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


127 


SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  Le  troisième  concert  donné  au  palais  des  Tuileries,  mardi  dernier  , 
réunissait  les  principaux  artistes  de  l'Opéra  :  les  sœurs  Marchisio,  M.  et 
Mmc  Gueymard,  MM.  Bonnehée  et  Belval,  qui  ont  tous  pris  part  au  final 
àeMoïse,ce  digne  bouquet  du  programme  dont  voici,  du  reste,  le  détail  : 
impartie.  1°  Air  des  Vêpres,  M.  Bonnehée  (Verdi)  ;  2°  Rondo  des  Hugue- 
nots, Mlle  Barbara  Marchisio  (Meyerbeer)  :  3"  Solo  de  violon  {Trouvère) 
W Marie  Boulay  (Alard)  ;  4"  Quatuor  des  ftjpres,  Mlle  Carlotta  Marchisio, 
MM.  Gueymard,  Bonnehée  et  Belval  (Verdi)  ;  5°  Air  de  Robin  des  Bois  , 
Mme  Gueymard-Lauters  (Weber).  —  2e  partie:  6°  Boléro  des  Vêpres, 
Mlle  Carlotta  Marchisio  (Verdi)  ;  7°  Duo  de  la  Reine  de  Chypre,  MM.  Guey- 
mard et  Bonnehée  (Halévy)  ;  8°  Air  de  Pierre  de  Mêdicis,  Mnle  Gueymard- 
Lauters  (Prince  Poniatowski)  ;  9°  Duo  de  Sémiramis,  Mlles  Marchisio 

(  Rossini  )  ;    10°  Final  de  Moïse  ,  Mmes  Gueymard-Lauters  ,  Marchisio  ,  - 
MM.  Gueymard,  Bonnehée,  Belval  et  les  chœurs  (Rossini). 

—  Décidément,  le  Tannhauser  n'a  pas  causé  grand  préjudice,  mercredi 
dernier,  au  concert  de  M.  Henri  Herz.  Unj  auditoire  fidèle  et  compacte 
est  venu  s'installer  dans  la  salle  de  la  rue  de  la  Victoire.  Le  Théâtre-Ita- 
lien, représenté  par  son  orchestre  et  ses  chœurs,  par  Mme  Grisi, 
M.  Badiali,  puis  Servais,  l'empereur  du  violoncelle,  ont  fait  cortège  au 
bénéficiaire  et  partagé  ses  triomphes.  Servais  ne  fait  que  de  rares 
apparitions  à  Paris  ;  mais  quand  il  se  présente ,  son  archet  magislral 
s'impose  et  parle  en  maître.  Badiali  (bissé)  et  Mme  Grisi  ont  obtenu  les 
honneurs  qui  leur  sont  dus;  mais  la  charmante  romance  de  Mariha  a  été 
plus  favorable  à  Mmc  Grisi,  —  et  cela  se  comprend,  —  que  toute  espèce 
d'air  de  bravoure.  Quant  à  M.  Henri  Herz,  il  a  princièrement  défrayé  sa 
soirée  :  grâce,  agilité,  énergie,  netteté,  tout  ce  qui  forme  le  cachet  de  son 
individualité  artistique,  a  été  déployé  par  lui  ;  et  son  grand  concerto  avec 
orchestre  et  chœur,  et  sa  rêverie  nocturne,  et  sa  nouvelle  Tarentelle,  et 
sa  grande  sonate,  et  sa  Clochette,  ont  été  chaleureusement  accueillis. 
Enfin,  pour  compléter  le  bulletin  de  la  séance,  citons  l'ouverture  de  Don 
Giovanni,  cet  impérissable  chef-d'œuvre  de  la  musique  du  passé. 

—  Emile Forgues  fera  entendre,  jeudi  prochain,  au  Théâtre  impérial 
Italien,  son  grand  Allegro  maesloso,  un  fragment  de  ses  Etudes  pathé- 
tiques et  sa  grande  Tarentelle  de  concert. 

—  Notre  professeur  Le  Couppey  vient  de  suspendre  ses  réunions  du 
samedi.  Il  serait  trop  long  de  nommer  tous  les  artistes  éminents  qui  se 
sont  fait  entendre  dans  ces  charmantes  soirées,  auxquelles  le  maître  et  la 
maîtresse  de  la  maison  avaient  su  conserver  le  caractère  de  l'intimité, 
malgré  l'affluence  toujours  croissante  qui,  chaque  semaine,  encombrait 
leurs  salons  de  la  rue  Laffitte.  En  dehors  du  piano  qui,  là,  devait  avoir, 
comme  de  raison,  ses  plus  habiles  représentants,  on  a  tour  à  tour  applaudi 
Battaille,  Jules Lefort,  Berthelier,  Godefroid,  Ilammer  et  MUe  Boulay,  la 
jeune  violoniste  appelée  cette  semaine  aux  Tuileries.  Parmi  les  œuvres 
nouvelles  qui  ont  fait  sensation,  nous  citerons  particulièrement  la  sonate 
de  Mme  Pfeiffer  et  le  beau  trio  de  M.  Damcke. 

—  Deux  concertos  de  piano  dans  la  même  soirée,  c'est  là  un  fait  d'autant 
plus  curieux  qu'ils  ont  complètement  charmé  les  auditeurs,  sans  leur  lais- 
ser une  minute  d'ennui  ou  de  fatigue.  Il  est  vrai  que  les  auteurs  de  ces 
concertos  étaient  Mozart  et  Chopin,  que  les  doigts  de  Mme  Dubois  animaient 
le  clavier,  et  qu'enfin  les  archets  de  MM.  Franchomme ,  Ai  mingaud  et 
Lalo  leur  répondaient  avec  un  merveilleux  ensemble.  N'importe,  le  fait 
mérite  d'être  enregistré  pour  le  plus  grand  honneur  du  piano. 

—  Nous  sommes  en  retard  avec  le  concert  donné  par  M"c  Sabatier-Blot, 
pianiste  de  talent  et  de  style,  qui  a  exécuté  avec  autorité  la  sonate  à  Kreut- 
zer, de  Beethoven,  avec  Alard  ;  un  quatuor  du  même  maître,  la  Polonaise, 
de  Chopin,  avec  violoncelle  (M.  Lée),  la  Berceuse,  la  Saltarelle,  d'Alkan,  et 
une  gavotte  de  Bach.  Mme  Oscar-Comettant  et  M.  Jules  Lefort,  défrayaient 
la  partie  vocale. 

—  En  revenant  sur  nos  pas ,  constatons  les;  applaudissements  qui  ont 
accueilli,  au  concert  classique  de  M.  Damcke,  sa  belle  sonate  exécutée  par 
Servais  et  Louis  Diemer,  le  jeune  virtuose  de  la  grande  école,  dontle  nom 
s'attache  aujourd'hui  à  des  artistes  tels  qu' Alard,  Franchomme  et  Servais. 

—  Au  concert  donné  par  M.  et  Mrae  Viguier,  mardi  dernier,  salle  Érard, 
Mme  Viguier  a  exécuté  d'une  manière  remarquable  le  concerto  en  sol  mi- 
neur de  Mendelssohn ,  et  l'op.  22  de  Chopin,  avec  orchestre.  On  a  aussi 
remarqué  un  menuet  inédit  de  sa  composition,  qui,  avec  le  final  en  ut  de 
Weber,  a  terminé  la  séance.  Ce  menuet  est  aussi  bien  écrit  qu'il  a  été 
exécuté,  et  de  manière  à  faire  ressortir  la  sonorité  onctueuse  et  le  précieux 
mécanisme  à  double  échappement  des  pianos  d'Érard.  M.  Viguier  a  joué 


sur  l'alto  un  andante  en  fa  et  un  allegretto  de  sa  composition,  qui  ont 
également  obtenu  le  plus  grand  succès.  On  sait  que  cet  artiste  joue  l'alto 
d'une  manière  exceptionnelle.  M.  Michot  a  prêté  son  concours  à  cette 
soirée,  et  il  y  a  été  fêté,  comme  partout. 

—  Mardi  19  mars  1861,  à  8  heures  du  soir,  salle  Pleyel,  troisième 
concert  de  Joseph  Wieniawski,  avec,  le  concours  de  Mme  Oscar  Comet- 
tant et  de  MM.  Archainbaud,  Dupuis  et  Millier.  Programme  :  lre  partie. 
1.  Trio  (en  ut  mineur)  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  exécuté  par 
MM.  Wieniawski,  Dupuis  et  Millier.  —2.  Cavatine  de  Roméo  et  Juliette, 
de  Donizetti,  chantée  par  Mme  Oscar  Comettant.  —  3.  (a)  Pensée  fugitive  ; 
(6)  (à  la  demande)  Polonaise  triomphale,  pour  le  piano,  composées  et 
exécutées  par  Joseph  Wieniawski.  —  4.  Cavatine  de  l'opéra  Zaïre,  de 
Mercadante,  chantée  par  M.  Archainbaud.  —  2e  partie  :  5.  Air  de  la 
Muette  de  Portici,  d'Auber,  chanté  par  Mrae  Oscar  Comettant.  —  6.  Adagio 
elegiaco  e  Rondo  giocoso  (inédit),  pour  piano,  composé  et  exécuté  par. 
Joseph  Wieniawski.  —  7.  (a)  Vieille  chanson  du  jeune  temps,  paroles 
de  Victor  Hugo,  musique  de  J.-O.  Kelly  (inédit)  ;  (6)  Un  regard  au  Ciel, 
(inédit),  musique  de  H.  Potier,  chantés  par  M.  Archainbaud.  —8.  Rarca- 
rolle-Caprice  (grand  morceau  de  concert),  pour  piano,  composée  et  exé- 
cutée par  Joseph  Wieniawski.—  Le  piano  sera  tenu  par  M.  Bernardel. 

—  Mercredi  prochain,  20  mars,  à  huit  heures  et  demie,  dans  les  salons 
Pleyel,  Wolff  et  C8,  aura  lieu  la  5e  séance  de  AIM.  Armingaud,  Jacquart, 

■  Lalo,  Mas,  avec  le  concours  de  M.  Lubeck.  On  y  entendra  :  1°  quatuor  de. 
Schumann  (op.  47),  pour  piano,  violon,  alto  et  violoncelle;  2°  2e quatuor, 
(en  si ■bémol),  de  Mozart,  pour  2  violons,'  alto  et  violoncelle  ;  3°  sonate  dé-' 
diée  à  Kreutzer  (op.  47),  de  Beethoven,  pour  piano  ef  violon;  4°  variations 
sûr  4in  liy.mne  autrichien,  de  Haydn,  pour  2  violons,  alto  et  violoncelle. 

—  C'est  jeudi  soir,  21  mars,  qu'aura  lieu  à  la  salle  Érard  le  concert 
donné  par  l'éminent  violoncelliste  Alexandre  Batta,  qui  s'est  assuré  le 
concours  de  célèbres  exécutants  réunis  à  Paris  en  ce  moment  :  Herman, 
Lefébure  etRitter.  La  partie  vocale  sera  défrayée  par  Mme  Bertini,  Jules 
Lefort,  et  Berthelier  terminera  la  soirée  par  ses  chansonnettes.  Voilà, 
certes,  de  beaux  éléments.  Aussi  les  nombreux  admirateurs  de  Batta,  et 
ceux  des  artistes  renommés  qui  se  joignent  à  lui,  s'empresserorit-ils  de 
leur  porter  le  tribut  de  leurs  applaudissements. 

—  Le  beau  concert  du  guitariste  Huerta,  dans  lequel  on  entendra 
Mmes  Penco,  Graziani,  Badiali,  Zucchini  et  M.  Casella,  aura  lieu  mercredi 
20  mars,  au  foyer  du  Théâtre-Italien.  On  trouve  des  billets  au  bureau  de 
location  du  théâtre  et  au  Ménestrel. 

—  Le  célèbre  pianiste  Jaell  est  arrivé  à  Paris.  Il  donnera  un  concert  le 
mardi  26  mars,  dans  les  salons  Érard. 

—  Jeudi  prochain  21  mars ,  salle  Herz,  concert  de  Mlle  Angèle  Tail- 
hardet. 

—  Le  concert  du  bouffe  Salabert,  annoncé  par  erreur  dans  notre  dernier 
numéro  pour  le  28  mars,  a  lieu  le  20,  c'est-à-dire  mercredi  prochain,  dans 
la  salle  Beethoven,  passage  de  l'Opéra.  M.  Salabert  sera  assisté  de  Mme  Sofia 
Marini,MlleDevençay,  MUe  Sabatier-Blot,  MM.  Reichard,  Ronzi,  Reuz,  etc. 

—  Nous  empruntons  à  la  Revue  et  Gazette  des  théâtres,  l'état  des  re- 
cettes brutes  qui  ont  été  faites  pendant  le  mois  de  février  1861,  dans  les 
établissements  soumis  à  la  perception  du  droit  des  indigents  : 

Théâtres  impériaux  subventionnés. 493,363  fr.  72 

Théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles   964,048      95 

Concerts,  spectacles-concerts,  cafés-concerts,  bals.  277,868      95 

Curiosités  diverses 15,880        » 

Total 1,751,361      62 

—  Le  jeudi  de  la  mi-carême,  à  l'Opéra-Comique,  la  représentation  de 
la  Circassienne  a  produit  6,700  francs,  —  chiffre  bien  éloquent! 

—  La  location  s'annonce  sur  une  grande  échelle  pour  le  concert-sym- 
phoniquede  Félicien  David  à  l'Opéra.  Tout  Paris  dillettante  voudra  assister 
à  cette  solennité  musicale. 

—  Mlle  Joséphine  Laguesse  annonce  son  concert  annuel  pour  samedi 
prochain,  dans  les  salons  d'Érard.  Comme  de  coutume,  les  premiers  artistes 
concourront  à  cette  fête  musicale. 


J.-L.  Heugel,  directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Moui| 


;  Jean-Jacques Rou 


NOUVELLES  PUBLICATIONS  en  vente  au  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne. 


TROIS  NOUVELLES  VALSES  DE  SALON 


VALSE 

du 

PAPILLON 


F.  BURGMULLER 


VALSE 

de 

FORTUNIO. 


VALSE  DE  BARKOUF, 
Sur  les  motifs  favoris  du  ballet  et  des  opéras  de  .T.  OFFEXBACH. 


A.  CROIZEZ. 

Morceau  de  salon  sur  Fortunio. 

CAZALIS. 

Ronde  de  nuit. 

A.  GODARD. 

Pense  à  moi. 

L.  ROQUE. 

Gnz-la-Hi,  valse  du  Talisman. 


Concerts 
des  BOUFFES-PARISIENS. 


PAUL  BERNARD. 

Barcarolle  et  Chanson  de  Fortunio. 

TRANSCRIPTIONS. 

LUCIEN    LAMBERT. 

Le  Carnaval  de  Paris. 

EMILE    FORGUES 

Fête  des  Aimées. 

J.-L.  BATTMANN. 

Les  Soupirs  de  Félix  Godefroid,  fantaisie  concer- 
tante pour  orgue  et  piano. 


H.  VALIQUET 

Dix-huit  petites  Fantaisies  sans  octaves. 


J.-L.  BATTMANN. 

Chanson  de  Fortunio. 

MOUGIN. 

Mazurka  et  Marche. 

C.-A.  MAYER. 

L'Heure  sainte. 

A.  MIOLAN. 

Sémiramis ,  mosaïques  pour  orgue. 


Opérette 

de  J.  OlFEMUdl. 


1.  Orphée  aux  enfers.  —  2.  Croquefer,  ballade.  —  3.  Croquefer,  galop.  —  4.  Dragonnette,  la  Cantinière.  —  S.  Petits  Prodiges,  valse  des  animaux.  —  6.  Orphée 
aux  enfers,  galop  infernal.  —  7.  Le  Savetier  et  le  Financier.  —  8.  Le  66,  tyrolienne.  —  9.  La  Chatte,  miaou.  — 10.  Orphée,  roi  de  Béotie.  —  11.  Orphée, 
couplets  à  Jupin.  —  12.  Geneviève,  chanson  de  l'enfant.  —  13.  Le  Mariage  aux  lanternes.  —  14.  Le  Mari  à  la  porte,  valse.  —  15.  La  Demoiselle  en  loterie. 

16.  Les  Trois  baisers  du  Diab'e.  —  17.  La  Bonne  d'enfant,  la  trompette.  —  18.  Le  Carnaval  des  Revues. 

Chaque  morceau  :  3  fr. 


Ed.  Batiste.  Quadrille  des  Touches  blanches , 
sansdièzes  ni  bémols;  à  2  et  4  mains. 

J.-L.  Battmann.  Les  Petits  chasseurs,  qua- 

rille  facile. 
«f.-Ch.  Hess.  Les  Platanes ,  quadrille. 
M.  Alkan.  Valse  des  Cygnes. 

—  2e  Mazurka  brillante  des  AÎpes. 


MUSIQUE  DE  DANSE. 


STRAUSS. 

Valse ,  mazurka  et  quadrille  du  Papillon  ,  quadrille 

de  Fortunio. 

Valse  et  quadrille  du  Mari  sans  le  savoir,  quadrilles 

de  Sémiramis  et  de  Barkouf. 


Arban.  Villa  Stéphanie,  valse. 

—  Polka  des  Souhaits. 

—  2°  Quadrille  de  Fortunio. 

—  Polka  des  Métamorphoses. 
Musard.  Quadrille  du  Papillon. 

Ph.  Stutz.  Valse  des  Bergers  de  Prague. 

—  Polka  de  Fortunio. 

—  La  Fée  des  Moissons,  polka. 


JCantate  : 
NOTRE-DAME  DES  ARTS. 


A.  BOIELDIEU 


Poésie  de 

ROGER  DE  BEAUVOIR. 


Pour  voix  de  soprani,  avec  soli,  chœur,   violoncelle,  orgue,  piano  et  harpe,  adlib. 
W»  t.  Partition  complète  et  parties  séparées;  9  f .        |       W«  S.  Réduction  pour  chant  et  piano  :  4  f.  ÏO  c. 


GUILLOT  DE  SAINBRIS. 

Isabelle. 

Hiver  et  Printemps. 

H.  POTIER. 

Adieu  les  Fées. 

Fais-toi  petit. 

Comire  ou  le  Nouvel  ami  des  Enfants. 


CLEMENTINE  BATTA. 

Amour  et  Prière. 
Chant  d'une  Mère. 
Prière  à  la  Vierge. 
La  Valse  de  Marguerite. 

G.  HÉQUET. 

Les  trois  Chansons,  poésie  de  Victor  Hugo. 


PAULINE  THYS. 

Tes  Vingt  ans. 
Harmonies  du  soir. 

LOMBARD. 

La  Danse  Macabre. 

Le  Moka. 

Le  vrai  Prêtre,  pour  voix  de  basse. 


—        SIX  ROMANCES  :        — 

V    LARDINOIS.  Richesse  du  Cœur.  Hymne  à  l'Amour.  Il  est  si  doux  d'aimer.  Pensera-t-elle  à  moi.  Page  et  Châtelaine.  ALBUM  DE  SALON. 


738.  —  28e  Année. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  t'i  Mars 

18C1. 


jt^Oîi 


JOUKNAL 


J.-L:    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  TUEATRES. 


JULES    LOVY, 

nédactrenchef. 


(4., 


EES  BUREAUX  ,  S  l»ïs,  rue  Vîvicnne.  —  IIEU«EL  et  C'%  éditeurs. 

■»ïnsi"in«  e!  abonnement  de  Musique  iln  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  «le  Pianos  et  Orgues.) 


CIIilWT. 

1"  Mode  d'abonnement  •  Jlonrnnl-Tcxto,  tous  les  dimanches;  au  m  or  cent 
Scènes,  Mélodies.  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  a  Alliiui 
prime»  illustré*.  -    On  an  :  15fr.j  Province  :  1S  IV.  ;  Etranger  :  21  fr. 


PIANO. 

28  Mode  d'abonnement  .  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  m  Morceau* 
Fantaisies  Valses.  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  «  Alliunu 
primes  illustrés.—  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  1S  fr.  ;  Etranger  :  21  fr. 


<  El  t\  I    ET  riAIVO     lit  I  \IH  S 

3«  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet',  les  5î  Morceaux  do  cliant  et  de  piano,  les  i  Albums-primes  illustrés. 

Un  au  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Etranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1"  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre,  et  tes  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/i-aiico 
un  bon  sur  lu  poste,  à  MM.  aiiîlit.ait.  et  t'»,  éditeurs  du  Ménestrel  et  delà  Maîtrise,  2  his,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  île  Monrgues  Itères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacqncs  Rousseau,  8.— 1800. 


SOJUMAlItE. 


TEXTE. 


1.  Tannhauier.  Le  système  et  la  partition  de  M.  Richard  Wagner.  Paoi.  BEniwnn. 
—  II.  Théâtre  de  i'.lpéra-Comique  :  première  rcpréscnlation  de  Maître  Claude. 
S.  Lovï.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Audition  de  l'Ecole 
'hantante  de  Féli\  Golefroid.  Léon  Gataves.  —IV.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy. 
V.  Nécrologie  :  L.  Nicdermeyer.  i.  d'0i\tigoe.  —  VI.  Nouvelles,  Soirées  et 
Concerts,  Annonces. 

jiusinn;  de  iu.vno: 

Nos  abonnés  à  la  musiquedo  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  co  jour  : 
la  transcription  dp  Tu.  Lécureux  ,  sur  la  romance  populaire 

FLEUVE  RU  TAGE  , 

Suivra  immédiatement  après  :  Be'.ln  s?ra,  idylle  de  Paul  Bernard. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

FAIS  TOI    B'ETIT, 

Paroles  de  Charles  Potier,  musique  d'HENiu  Potier.  — Suivra  immé- 
diatement après  ;  l'Hiver,  poésie  d' Armand  Bartiiet  ,  musique  de 
J.  Offenbach. 


TÂNNHAUSER. 

I,a   partition   et  le   système  do 
RICII4IC»  WAGNER. 

L'arl  veut  qu'on  le  discute,  disions-nous  l'année  dernière  à 
cette  même  place  et  à  propos  des  concerts  de  M.  Richard  Wag- 
ner, au  Théâtre-Italien. 

Nous  partirons  du  même  principe  cette  fois  encore,  et  nous 
ajouterons  que ,  bien  que  les  partisans  du  nouveau  système 
musical  semblent  vouloir  attendre  la  décision  du  public  et  des 
artistes  de  Paris,  avec  un  parti  pris  d'ironie  amère  et  de  dédain 
bien  mal  placé,  nous  conserverons  notre  principe  en  redisant  : 
,  i'arl  veut  qu'on  le  discute,  et  cela  sans  parti  pris,  sans  passion, 
sans  arrière  pensée,  d'où  qu'il  vienne,  quoi  qu'il  produise,  mais 
avec  conviction  et  liberté  de  conscience. 

Cette  profession  de  foi  établie  ,  nous  nous  trouvons  plus  à 
l'aise  pour  blâmer  de  toutes  nos  forces  d'artiste  ce  que  nous 


reconnaissons  de  déplorable  dans  l'œuvre  de  M.  Wagner,  tout 
en  lui  accordant,  plus  que  d'autres  peut-être,  les  éloges  que 
certaines  parties  de  son  Tannhauser  et  certaines  qualités  de  son 
talenl  doivent  en  toute  justice  lui  faire  adresser. 

Seulement,  comment  réclamer  cette  justice  de  gens  qui,  moins 
que  nous,  auront  étudié  la  partition  pour  y  découvrir  ses  beau- 
tés.... trop  cachées,  d'oreilles  délicates  qui  se  seront  révoltées 
devant  les  fouillis  et  les  dissonances  de  l'exécution,  sans  cher- 
cher à  les  analyser.  Comment  espérer  que  des  organisations  ner- 
veuses et  délicates  puissent  pardonner  trois  heures  d'ennui  à 
l'auteur  qui  vient  d'Allemagne  ,  imposé  par  des  circonstances 
plus  ou  moins  véridiques,  et  qui  arrive  enfin  à  l'épreuve  déci- 
sive, après  avoir  fait  suer  sang  et  eau  au  premier-  théâtre  mu- 
sical du  monde,  pendant  trois  ou  quatre  mois  do  répétitions 
consécutives,  pour  prouver  quoi?  —  que  tout  ce  qui  s'est  écrit 
en  musique,  jusqu'à  ce  jour,  tout  ce  qui  est  signé  Mozart,  Ros- 
sini,  Weber,  Meyerbeor,  Halévy,  Verdi,  —  je  ne  parle  que  du 
genre  dramatique,  —  est  l'enfance  de  l'art,  et  que  si  l'on  marche 
longtemps  sur  cette  voie,  c'est  tout  au  plus  si  les  nourrices  de 
nos  pelits-fils  daigneront  bercer  leurs  nourrissons  avec  le  ser- 
ment de  Guillaume  Tell  ou  la  bénédiction  des  poignards  des 
Huguenots! 

Etonnez-vous  donc,  après  cela,  de  l'espèce  de  révolte  occa- 
sionnée dans  la  pléiade  artistique  et  critique  de  Paris,  à  l'audi- 
'tion  d'une  œuvre  qui  pose  pour  le  renversement  des  idées  con- 
sacrées, pour  le  mépris  do  la  forme  ;  qui  veut  établir  un  système 
néo-musical,  et  qui  briserait  volontiers  les  idoles  do  la  veille, 
pour  dire  :  la  vérité,  c'est  moi  !  Etonnez-vous  donc  surtout  de 
l'espèce  de  colère  ironique  attachée  à  cette  manifestation  con- 
traire, quand  on  voit  l'extension  que  prend  cette  tendance  de 
l'autre  côté  du  Rhin,  et  qu'on  se  sent  envahir  par  un  brouillard 
froid  qui  vous  pénètre  de  torpeur.  L'hospitalité  est  une  noble  et 
belle  chose;  mais  la  fable  do  ta  Lice  et  sa  compagne  rappelle 
qu'il  ne  faut  pas  l'étendre  trop  loin.  Derrière  M.  Wagner,  sans 


130 


LE  MÉNESTKLI. 


parler  de  toutes  ses  autres  œuvres,  la  nouvelle  école  compte  une 
foule  d'adeptes  tout  disposés  à  le  suivre.  Serrons  les  rangs  chez 
nous,  nous  autres  vrais  croyants  de  la  vieille  foi,  et  fermons 
notre  porte,  après  l'avoir  entr'ouverte  un  instant  ;  oui,  fermons- 
la  à  ces  rénovateurs,  à  ces  iconoclastes,  à  ces  utopistes  insensés 
qui  cherchent  l'Icarie  musicale,  mais  qui  ne  la  trouveront  pas 
à  Paris,  Dieu  merci  ! 

Et  maintenant  que  notre  mauvaise  humeur  s'est  un  peu 
épanchée  ,  entreprenons  l'analyse  du  Tannhauscr.  Nous  avons 
promis  à  M.  Wagner  d'être  impartial.  Nous  allons  lui  montrer 
que  le  culte  du  vrai  beau  est  notre  seule  religion,  et  que  nous 
l'admirons  partout  où  il  se  présente. 

M.  Wagner  est  le  poëte  de  ses  propres  œuvres.  Sous  ce  rap- 
port, nous  le  laisserons  juger  par  ses  pairs,  nous  réservant  plus 
spécialement  la  partie  musicale  ,  car  ces  lignes  n'ont  point  une 
appréciation  littéraire  pour  but ,  mais  bien  une  simple  analyse 
de  la  partition. 

Il  faut  cependant,  lecteurs,  avant  de  parler  musique,  arriver 
à  vous  dire  que  le  chevalier  Tannhauscr  est  tombé  dans  les 
enchantements  du  Vénusberg.  Comment  vous  expliquer  cela 
sans  vous  transcrire  ici  ce  renseignement  placé  en  tète  du  livret  : 
«  En  Thuringe,  près  d'Eisenach,  se  trouve  une  de  ces  mon- 
tagnes que  l'on  croyait  servir  de  refuge  à  la  déesse  Vénus.  » 
C'est  là  que ,  toujours  d'après  la  même  note,  cette  déesse  restait 
enfermée  pendant  l'hiver,  emportant  toutes  les  joies  de  la  terre 
et  s'en  fais'ant  un  entourage  magique,  afin  d'attirer  les  mortels 
dans  sa  retraite  et  de  les  y  retenir  captifs  dans  les  égarements 
d'une  volupté  impie. 

Le  premier  tableau  nous  représente  le  chevalier  commençant 
lui-même  à  s'ennuyer  dans  les  délices  de  cette  Capoue  infernale. 
La  belle  déesse  est  impuissante  h  le  retenir,  car  il  a  entendu  en 
rêve  les  cloches  de  sa  patrie,  et  quand  après  une  scène  de  ménage 
un  peu  longue,  elle  lui  fait  le  reproche  de  n'être  plus  aimée,  il 
lui  répond  : 

Reine  de  volupté,  non,  je  n'attends  de  toi 

Ni  repos,  ni  salut!...  Ma  foi  n'est  qu'en  Marie! 

Ce  nom  sacré  rompt  le  charme.  On  se  trouve  alors  dans  un 
paysage  frais  et  charmant,  où  Tannhauser  est  rencontré  par  ses 
anciens  camarades  et  compétiteurs,  les  chevaliers  chanteurs  qui 
chassent  en  compagnie  du  landgrave  Hermann ,  dont  la  nièce, 
nouvelle  Calypso,  ne  pouvait  se  consoler  du  départ  de  son  che- 
valier. Reconnaissance,  oubli  des  torts  passés  ,  promesse  de  ne 
plus  recommencer  ;  tous  se  réunissent  et  partent  pour  le  Wart- 
burg,  où  se  donne  un  grand  tournoi  poétique  dont  le  prix  sera  la 
main  d'Elisabeth. 

Le  second  acte  est  consacré  à  ce  tournoi.  On  y  chante  l'amour. 
L'un  prétend  que  ce  sentiment  est  le  plus  pur  de  la  terre,  et 
veut  y  voir  un  parfum  divin;  un  autre  dit  que  c'est  lui  qui 
fait  naître  toutes  les  grandes  choses,  qu'il  exalte  le  courage  et 
ranime  les  faibles;  enfin,  l'inguérissable  Tannhauser,  encore 
sous  le  charme  des  enchantements  du  Vénusberg ,  s'écrie  à  son 
tour,  en  s'adressant  à  Vénus  : 

Heureux  celui  dont  tu  comblas  les  vœux  I 
Qui  près  de  toi ,  sublime  enchanteresse, 
A  partagé  la  volupté  des  dieux! 

Grande  stupéfaction  de  tous,  fureur  des  chevaliers,  désespoir 
d'Elisabeth  et  renvoi  de  Tannhauser  dans  une  compagnie  de 
pèlerins  se  rendant  à  Rome,  à  cette  fin  d'obtenir  du  Saint-Père 
la  rémission  de  ses  fautes. 


Le  troisième  acte  nous  ramène  les  pèlerins.  Tannhauser  n'est 
pas  au  milieu  d'eux.  Elisabeth,  qui  aimait  toujours  le  coupable, 
s'adresse  alors  à  la  Vierge  et  lui  demande  de  la  rappeler  près 
d'elle.  Sous  l'empire  d'une  foi  profonde,  elle  retourne_au  châ- 
'teau  pour  y  mourir.  Cependant  Tannhauser  n'était  qu'en  relard. 
Il  arrive  a  son  tour,  mais  non  pas  pardonné.  Le  malheureux, 
repoussé  par  le  pape,  ne  rêve  plus  que  de  retrouver  le  chemin  du 
Vénusberg.  Ce  troisième  acte  aurait  pu  se  nommer  le  pécheur 
endurci,  et  il  est  vraiment  pénible,  au  point  de  vue  moral, 
de  trouver  si  peu  de  charité  dans  la  religion  et  tant  d'impudeur 
dans  la  faute.  Vénus ,  qui  revient  là  comme  les  épices  après 
dîner,  répond  à  l'appel  du  malheureux  maudit  ;  mais  ,  fort 
heureusement  pour  le  salut  de  son  âme,  un  convoi  descend  du 
Wartburg.  C'est  celui  d'Elisabeth  qui,  par  sa  mort,  a  racheté 
les  péchés  de  celui  qu'elle  aimait.  Tannhauser  meurt  à  son 
tour,  purifié  par  une  espèce  de  miracle  que  je  renonce  à  vous 
expliquer,  et  la  pièce  pourrait  bien  faire  comme  Tannhauser, 
mais  sans  avoir  trouvé  la  jeune  néophyte  qui  doit  lui  ouvrir  les 
portes  de  l'éternité,  toute  musique  d'avenir  qu'elle  soit. 


Nous  voici  enfin  arrivé  à  l'analyse  musicale;  or  j'ai  entendu 
trois  fois  la  partition,  je  l'ai  sous  les  yeux  en  ce  moment,  et 
j'avoue  en  toute  humilité  que  je  suis  aussi  embarrassé  que  si 
j'avais  à  dessiner  nettement  les  contours  de  la  statue  de  Napoléon 
au  plus  haut  de  la  colonne  Vendôme  par  un  jour  de  brouillard. 

Essayons  cependant,  lecteurs,  de  vous  servir  de  pilote  sur  cet 
océan  plein  d'écueils.  Je  vous  promets  à  l'avance  de  diriger  votre 
course  vers  les  îles  fleuries  de  cet  archipel  ingrat.  Et  tout  d'a- 
bord saluons  l'une  des  terres  les  plus  fécondes  que  nous  ayons  à 
rencontrer:  l'ouverture.  La  prière  des  pèlerins,  qui  plane  sur 
toute  la  pièce  comme  une  idée  mère  ,  commence  dès  la  première 
mesure  et  sert  de  canevas  à  ce  long  morceau  symphonique,  dans 
lequel  on  remarque  un  grand  style  et  une  pompeuse  manière  de 
traiter  l'orchestre.  Un  milieu  diffus  vient  pourtant  assombrir 
cette  page.  C'est  la  couleur  de  Weber,  moins  l'élan,  moins  la 
distinction,  moins  la  clarté.  Puis  la  prière  revient,  accompagnée, 
cette  fois,  d'un  caractéristique  mais  interminable  trait  de  vio- 
lons poussant  jusqu'au  paroxysme  le  grincement  de  la  corde. 
A  dire  vrai,  l'effet  est  saisissant,  mais  il  vous  prend  à  la  gorge 
comme  si  l'on  mordait  dans  un  citron. 

Le  premier  acte  s'ouvre  alors  par  un  ballet  voluptueux  dont 
la  musique  n'est  que  tressaillements,  que  sifflements;  la  petite 
flûte  se  jette  sur  le  hautbois,  qui  lance  une  ruade  à  la  clarinette. 
Le  basson  s'interpose,  mais  il  est  bousculé  par  la  masse  des  vio- 
lons, et  tout  cela  sert  de  cadre  aux  danses  des  bacchantes  et  des 
nymphes.  Si  c'est  là  de  la  couleur  locale,  je  suis  loin  d'envier  le 
sort  de  Tannhauser,  et  je  le  plains  sincèrement  d'entendre  tous 
les  jours  une  semblable. cacophonie. 

Du  reste,  le  pocte-musicien  le  fait  dormir  pendant  celte  bac- 
chanale, et,  sitôt  le  réveil,  Tanuhauserdemande  à  s'en  aller.  C'est 
alors  que  commence  ce  système  de  longs  récitatifs  coupés  par 
des  fragments  sans  rhylhme  et  sans  tonalité.  Dans  la  grande 
scène  entre  Vénus  et  le  chevalier,  une  phrase,  dite  trois  fois  par 
le  ténor,  se  présente  à  peu  près  carrée,  dans  une  couleur  alle- 
mande très-prononcée,  mais  vulgaire  et  mal  écrite  pour  la  voix. 
C'est  ici  le  cas  de  remarquer  que  M.  Wagner  traite  les  voix  comme 
les  instruments,  leur  faisant  franchir  des  sauts  impossibles  et 
attaquer  des  intervalles  barbares.  Cependant,  dans  de  certains 
ensembles  ce  défaut  disparaît,  et  les  voix  se  marient  alors  avec 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


131 


un  rare  bonheur.  Le  musicien  de  l'avenir  arrive,  sous  ce  rapport, 
ii  des  effets  que  Verdi,  le  sonorisle  coloré,  pourrait  à  bon  droit 
lui  envier.  Dans  cet  ordre  de  choses  nous  citerons  le  septuor  du 
premier  acte,  l'andante  du  final  du  second  et  le  chœur  sans  ac- 
compagnement des  pèlerins,  où  l'agencement  des  parties  produit 
un  résultat  d'une  grande  richesse  harmonique.  On  sent  que 
l'auteur  manie  ses  masses  comme  un  pianiste  habile  son  clavier, 
cl  l'on  se  demande  pourquoi  se  priver  de  la  lumière  quand  il  fait 
jour  et  qu'on  n'est  pas  absolument  aveugle. 

Le  premier  tableau  présente  encore  une  phrase  chantée  par 
Vénus,  et  devant  laquelle  les  Wagneristes  tombent  en  adoration. 
Cette  phrase  de  Venus,  le  tournoi  soi-disant  poétique  et  le  grand 
.récit  du  voyage  à  Rome,  voilà  quels  sont  les  signes  principaux 
auxquels  se  rallient  les  initiés  du  nouveau  monde  musical.  Si 
nous  n'apprécions  pas  ces  beautés  poétiques ,  comme  ils  les  ap- 
pellent, nous  ne  sommes  pas  dignes  deles  comprendre,  et  ils  nous 
prennent  en  pitié.  Eh  bien!  soit!  pitié  pour  pitié!  car  le  jour 
où  votre  nouveau  sens  auditif  se  délectera  complètement  à  cette 
torpeur  musicale,  vous  ne  comprendrez  plus  nos  chefs-d'œuvre 
à  nous,  notre  Guillaume  Tell,  notre  Don  Juan,  notre  Lucie, 
notre  Juive,  nos  Huguenots,  et  sincèrement  nous  vous  plain- 
drons. 

Oui,  certes  ;  nous  nous  plaisons  à  reconnaître  que  cette  phrase 
de  Vénus  est  fort  belle,  mais  elle  porte  à  nos  yeux  la  tache  origi- 
nelle de  votre  système  ;  elle  module  sans  besoin,  elle  se  heurte 
sans  nécessité  à  toutes  les  septièmes  diminuées  du  Vénusberg, 
où  celte  plante  parasite  croît  à  profusion  ;  elle  est  enclavée  dans 
vos  récitatifs  impossibles,  et  il  faut  une  oreille  de  lièvre  pour  la 
comprendre  et  l'apprécier  quand  elle  arrive  inattendue  au  mi- 
lieu de  son  chaos  inextricable. 

Parlerai-je  de  la  chanson  du  pâtre?  Non,  j'aime  mieux  la 
passer  sous  silence,  ne  la  considérant  que  comme  une  erreur. 
Je  préfère  arriver  de  suite  aux  belles  parties  du  deuxième  ta- 
bleau. Il  y  a  là  une  certaine  couleur  chevaleresque  qui  domine 
toute  la  scène  et  un  septuor,  à  l'italienne  il  est  vrai,  touché  de 
main  de  maître.  La  mélodie  n'en  est  pas  neuve,  mais  elle  est 
consolante.  A  cet  endroit,  nous  avons  applaudi  de  grand  cœur 
une  musique  qu'on  sent  vivre.  Jusque-là,  tous  les  personnages 
semblaient  animés  d'une  existence  factice,  et,  en  les  entendant 
chanter  comme  tout  le  monde,  je  me  suis  pris  à  fredonner  tout 
bas,  heureux  de  retrouver  la  vie,  moi  qui  ne  suis  pas  né  pour  les 
rêves  creux  et  la  solitude  ascétique. 

Hélas  !  cela  ne  devait  pas  durer  longtemps.  L'allégro  désor- 
donné suivait  le  calme,  et  la  toile  tombait  après  un  fouillis 
qui  ne  trouve  son  équivalent  que  dans  le  final  du  troisième  ta-j 
bleau. 

Après  cet  aperçu  déjà  bien  long  du  premier  acte,  j'éprouve 
le  désir  d'esquiver  les  parties  obscures  de  l'œuvre,  qui,  du 
reste,  se  ressemblent  toutes,  pour  ne  m'arrêter  que  sur  les  mor- 
ceaux en  relief.  C'est  ainsi  que  nous  trouverons  la  marche  de 
l'entrée  au  Warlburg.  Là,  l'auteur  arrive  à  des  effets  d'un  gran- 
diose magique.  Les  voix  s'unissent  à  l'orchestre  dans  les  meil- 
leures conditions,  les  cuivres  sonnent  sans  écorcher  l'oreille  ;  on 
se  sent  pris  d'un  enthousiasme  véritablement  moyen  âge,  on 
met  la  main  sur  la  garde  de  son  épée,  et  l'on  porte  plein  d'ar- 
deur les  couleurs  de  sa  belle.  Vivat!  M.  Wagner.  Nous  som- 
mes heureux  de  pouvoir  louanger  un  homme  de  votre  talent,  et 
nous  désirerions  pouvoir  le  faire  sans  limites  ;  —  mais  non,  vous 
ne  le  voulez  pas,  car  vous  nous  dites  dans  votre  théorie  de  la 
grande  mélodie,  que  vous  n'avez  mis  là  celte  marche,  que  pour 


sacrifier  au  goût  vulgaire  et  aux  habitudes  du  public.  Pardon- 
nez-nous donc  nos  éloges,  puisqu'ils  sont  une  protestation  de 
votre  système. 

Nous  ne  parlerons  pas  du  tournoi  poétique,  sujet  éminemment 
musical,  traité  sans  enthousiasme  ef  sans  inspiration,  pierre  de 
touche  de  la  partition  devant  laquelle  M.  Wagner  a  complète- 
ment failli,  il  faut  le  reconnaîlre.  Nous  arriverons  à  l'ensemble 
qui  suit  et  qui  présente  encore  un  andante,  genre  septuor  de 
Lucie,  malheureusement  gâté  par  une  interminable  scène  dont 
l'auteur  semble  ne  pas  savoir  sortir,  lui  et  son  pauvre  Tann- 
hauser,  qui  resle  à  bouder  dans  un  coin,  et  le  public  avec  lui. 
La,  le  désordre  arrive  à  son  comble  et  le  rideau  baisse  sur  un 
Irait  de  violons  qu'on  pourrait  appeler  le  trapèze  de  la  chante- 
relle  sans  son  Léotard. 

Le  troisième  acte  ne  nous  offrira  guère  qu'une  romance, 
adressée  à  l'étoile  du  soir  par  le  chevalier  Wolfram.  Voilà  de 
la  véritable  couleur  poétique,  et  nous  suivrons  volontiers  la  nou- 
velle école  sur  ce  terrain,  tant  qu'elle  voudra  bien  nous  offrir 
une  mélodie  claire  et  harmonieuse  comme  celle-ci.  En  l'écoutant, 
on  se  sent  enveloppe  d'une  mélancolie  douce  et  crépusculaire. 
C'est  beau,  c'est  pur,  c'est  frais  comme  une  belle  nuit  d'été.*  La 
voix  trouve  où  se  poser,  où  s'étendre,  et  l'auditeur  ému  se  laisse 
aller  à  des  impressions  d'autant  plus  complètes  que  ce  sont  vé- 
ritablement les  premières,  les  seules  qui  se  présentent.  Car,  il 
faut  bien  le  dire,  l'auteur  semble  au  désespoir  quand  un  lam- 
beau de  mélodie  se  fourvoie  sous  sa  plume. 

Ce  dernier  acte  présente  encore  une  prière  d'Elisabeth,  le 
rappel  du  Chœur  des  Pèlerins  et  un  récitatif  de  quinze  minutes, 
dans  lequel  Tannhauser  raconte  son  excursion  à  Rome.  Ceci  est 
sans  doute  ce  que  les  admirateurs  appellent  de  la  musique  pro- 
fonde? Profonde  d'où,  profonde  comment,  profonde  de  quoi? 
Un  puits  aussi  est  profond,  mais  il  est  obscur,  et  le  système  de 
M.  Wagner  ne  l'est  pas  moins. 

Résumons-nous  ;  M.  Wagner  est  un  profond  musicien,  puis- 
que profond  il  y  a,  mais  un  chercheur  dans  la  mauvaise  acceplion 
du  mot,  un  rêveur,  un  ulopisle.  L'harmonie  n'a  pas  assez  de 
secrets  pour  lui,  mais  la  mélodie  lui  a  fermé  sa  porte,  et  M.  Wag- 
ner, en  exposant  sa  théorie,  ressemble  fort  au  renard  devant  les 
raisins.  11  nie  la  forme  en  musique,  parce  qu'il  veut  que  la  mu- 
sique soit  l'esclave  absolue  de  l'expression  parlée.  Seulement  il 
oublie  que  l'expression,  que  la  pensée  elle-même  a  une  forme 
précise,  qui  est  en  quelque  sorte  la  statuaire  de  l'intelligence,  et 
qui,  en  poésie,  a  pris  pour  draperie  la  rime,  le  rhythme  et  la  cé- 
sure. Pourquoi  donc  la  musique  serait-elle  plus  informe  que  sa 
sœur  la  poésie,  quand  au  contraire  son  caractère  particulier  est 
de  charmer  l'oreille  comme  la  forme  physique  charme  les  3'eux? 
M.  Wagner  appelle  à  son  aide  pour  nous  convaincre  la  méta- 
physique et  l'esthétique  la  plus  impalpable  de  la  philosophie 
allemande.  Ah!  grand  Dieu!  loin  de  nous  ce  fatras,  quand  il  ne 
s'agit  que  de  plaire  et  d'émouvoir. 

Au  point  de  vue  de  l'orchestre,  M.  Wagner  arrive  parfois  à 
des  effets  nouveaux  qu'il  doit  surtout  à  sa  manière  de  séparer, 
de  tripler,  de  quadrupler  les  parties  plus  que  les  compositeurs 
ne  le  font  d'habitude.  Weber  le  faisait  cependant  pour  les 
violons.  L'auteur  du  Tannhauser  pousse  cela  infiniment  loin, 
écrivant  presque  toujours  pour  trois  flûtes,  trois  hautbois,  trois 
clarinettes,  etc.,  etc.  Un  de  ses  grands  moyens  consiste  dans 
l'emploi  des  harmonies  suraiguës;  sa  musique  est  vinaigrée. 
Grétry  disait  à  une  représentation  d'un  certain  opéra  de  Méhul, 
qu'il  donnerait  volontiers  un  louis  pour  une  chanterelle;  à  ce 


132 


Ui  MÈNESTI'Iil. 


compte,  les  caves  de  la  Banque  de  Franco  seraient  insuffisantes  à 
solder  toules  celles  dont  M.  Wagner  a  illustré  son  œuvre. 

Le  Tannhauser  dans  son  ensemble  est  d'une  monotonie  qu'on 
pourrait  attribuer  à  l'abus  de  certaines  formules.  La  mesure  h 
quatre  temps  y  est  presque  perpétuelle;  le  chromatique  y  détruit 
le  sentiment  de  la  tonalité;  la  septième  diminuée  y  jette  partout 
sa  teinte  neutre;  enfin  le*  récitatif  y  tient  la  première  place,  non 
pas  le  récitatif  dramatique  à  la  manière  de  Gluck,  mais  une  cspôco 
de  mélopée  antique,  lente,  traînante,  le  plus  souvent  sans  accent 
et  sans  but.  Qu'on  s'étonne  après  cela  de  l'accueil  fait  à  la  parti- 
tion de  M.  Wagner,  accueil,  hélas I  qui  n'a  pu  qu'augmenter  à  la 
seconde  représentation.  On  ne  saurait  frapper  un  ennemi  abattu. 
A  plus  forleraison,  nousqui  nesommes  pas  l'ennemi  de  M.  Wag- 
ner, mais  simplement  le  contradicteur  de  son  œuvre,  nous  sen- 
tons-nous tout  disposé  à  le  considérer,  depuis  la  sévérité  de  ce 
jugementpublic,  comme  un  antagoniste  sérieux  que  nous  serions 
bien  aise,  à  cause  de  sa  valeur  personnelle,  do  ramener  vers  les 
sentiers  do  la  musique  mélodieuse  et  dramatique;  mais  nous  le 
savons,  c'est  prêcher  dans  le  désert,  et  nos  observations  seront 
encore  moins  goûtées  de  M.  Wagner  que  sa  musique  ne  l'a  été 
du  publie. 

Paul  Bernard. 

THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L  OPÉRA-COMIQUE. 

lla'dre  Claude,  opéra-comique  en  un  aclu,  de  MM.  de  Saint-Georges  et 
de  Leuven,  musique  du  M.  Jules  Cohen. 

Uneplume  gracieuse  vientdovous  faire  planer  dans  les  nuages 
de  l'avenir.  Je  viens, —  avec  moins  de  grâce,  —  vous  faire  retom- 
ber sur  laterre. —  Salut,  terreferme!  Salut,  mô\od)c  intcrmillenle 
et  musique  du  temps  présent!.. .Nous  sommesen  plein  Opéra-Co- 
mique :  voici  des  chants  humains  et  de  l'air  respirable.  M.  Jules 
Cohen  nous  a  fait  ces  loisirs.  Nourri  à  l'école  du  passé,  loin  des 
brouillards  du  Vénusberg  et  de  l'esthétique  du  Wartbourg, 
M.  Jules  Cohen  vient  de  se  signaler  par  un  début  lyrique  dont 
la  génération  actuelle  conçoit  les  meilleures  espérances.  Du 
reste,  ce  jeune  compositeur  n'est  point  un  étranger  pour  le 
monde  artiste.  Indépendamment  de  l'honorable  poste  qu'il  oc- 
cupe au  Conservatoire,  il  s'est  fait  connaître  par  des  œuvres 
symphoniques,  religieuses,  des  cantates,  et  surtout  par  ses  chœurs 
d'Alhalie.  La  clarté  et  le  sentiment  mélodique  sont  ses  qualités 
dominantes  ;  aussi  pouvait-on  prévoir  que,  tôt  ou  lard,  la  maison 
Favart  lui  ouvrirait  un  compte  ;  cela  n'a  pas  manqué. 

Mais,  en  parlant  de  compte,  réglons  d'abord  le  nôtre  avec 
les  librettistes. 

Ce  maître  Claude  n'est  point  un  tabellion  exaspéré  comme 
maître  Fortunio,  ni  un  avocat  famélique  comme  maître  Pa- 
thelin.  C'est  tout  simplement  Claude  Lorrain  ,  le  grand 
paysagiste.  MM.  de  Saint-Georges  et  Leuven  se  sont  emparés 
de  ce  nom  illustre  pour  en  faire  le  héros  d'un  petit  épisode 
romanesque,  —  ainsi  que  cela  se  pratique  au  théâtre  depuis 
un  temps  immémorial,  —  et  je  ne  leur  en  fais  pas  un  crime. 

Maître  Claude  a  découvert  un  beau  jour,  en  revenant  d'Italie, 
un  site  lorrain  des  plus  coquets,  une  auberge  appétissante,  et 
une  jeune  aubergiste  plus  appétissante  encore.  Il  s'installe  dans 
l'une,  épouse  l'autre,  et  partage  sa  vie  entre  ses  fourneaux,  son 
art  et  sa  femme,  dont  il  est  très-jaloux.  —  Or,  Pcrrinc,  la  jolie 
aubergiste,  a  une  sœur,  M"e  Suzelte,  qui  s'est  fiancée  au  sergent 
Bouton  de  Bose,  lequel  appartient  au  régiment  de  Boyal-Cravato, 
dont  le  duc  d'Aiguillon  est  le  colonel.  Tout  à  l'heure  le  duc, 


au  retour  de  la  chasse,  va  s'arrêter  à  l'auberge  de  maître 
Claude.  Le  peintre-aubergiste  craint  beaucoup  cette  visite,  car 
mon  seigneur  d'Aiguillon  est  une  espèce  de  Don  Juan,  avec  qui 

•  les  maris  n'ont  pas  beau  jeu.  Que  fait  maître  Claude?  Afin  de 
soustraire  sa  Perrine  aux  obsessions  du  duc,  il  imagine  de  faire 
passer  Suzelte  pour  sa  femme,  et  de  présenter  celle-ci  pour  la 
fiancée  de  Bouton  de  Bose.  Mais  le  sergent,  inquiet  pour  lui- 
même,  dénonce  le  stratagème  à  son  colonel.  Le  colonel,  qui 
apprend  en  même  temps  à  .quel  aubergiste  il  voulait  s'attaquer, 
se  borne,  pour  toute  vengeance,  h  donner  une  petite  leçon  5  la 
jalousie  du  peintre  :  il  invile  Claude  Lorrain  à  prendre  ses  pin- 
ceaux et  à  reproduire  le  paysage  qui  s'étend  devant  la  maison. 
—  Voilà  maître  Claude  devant  son  chevalet,  et  en  devoir  d'es. 
quisser  un  soleil  couchant.  Les  lointains  ne  laissent  rien  à  dé- 
sirer, et  voici  au  premier  plan  un  cerisier  qui  fera  bon  effet. 
Seulement,  il  faudrait  quelques  personnages  pour  animer  le 
tableau.  Arrivent  à  point  les  personnages  demandés.  Uu  couple 
amoureux  descend  la  colline  et  vient  réaliser  le  fameux  tableau 
de  Boucher,  la  scène  du  cerisier  (scène  concertée  entre  le  duc, 
Perrine  et  Bouton  de  Bose).  Maître  Claude  reconnaît  sa  femme 
et  le  sergent.  Son  anxiété  est  au  comble,  il  fait  mille  efforts  pour 
ne  pas  se  trahir  ;  mais  la  jalousie  l'emporte,  et. . .  la  leçon  est 
complète. 

M.  Jules  Cohen  s'est  inspiré  de  ce  gracieux  canevas  avec  un 
bonheur  qui  a  justifié  et  même  dépassé  toutcsles  espérances.  Son 
organisation  mélodique,  secondée  par  de  bonnes  éludes,  s'est 
merveilleusement  assimilé  le  terrain  sur  lequel  il  a  posé  pied. 
Sa  partition  est  écrite  dans  les  conditions  voulues;  la  coupe  des 
morceaux  est  seénique,  les  motifs  sont  avenants  ;  aussi  le  public 
a-l-il  presque  tout  acclamé  avec  entrain,  car  il  y  a  là  tout  à  la 
fois  un  opéra-comique  de  la  bonne  venue  et  surtout  un  trésor  de 
promesses  pour  Pavenir. 

L'ouverture  de  Maître  Claude  —  un  peu  trop  développée, — 
résume  les  plus  jolies  mélodies  de  la  partition.  Nous  y  trouvons 
notamment  un  solo  do  cor,  suivi  d'arabesques  de  flûte  auxquelles 
on  a  fait  une  ovation  spéciale.  Le  chœur  des  soldats  a  de  la 
verve,  et  les  couplets  de  Berlhelier,  Dans  le  Royal-Cravate ,  ont 
été  fêtés  ave3  justice.  Trois  morceaux  sont  venus  remporter  le 
grand  prix  de  la  soirée,  c'est-à-dire  les  honneurs  du  bis  :  l'air 
d'entrée  du  débutant  Gourdin  (maître  Claude);  l'air  de  Troy, 
Allons  au  franc  chasseur,  etc.,  et  la  chanson  de  Perrine,  Ah! 
que  dira  grand'  mère?  —  Mais  n'oublions  pas  le.  quatuor  Très- 
bien,  fort  bien,  et  citons  aussi  le  duo  de  MM.  Troy  et  Gourdin, 
morceau  d'une  excellente  facture. 

»  Certes,  M.  Jules  Cohen  n'a  point  à  se  plaindre  des  interprètes 
de  son  œuvre.  Ils  se  sont  vocalement  cotisés  pour  la  mener  à  bon 
port.  Mile  Marimon  (Perrine)  est  une  aubergiste  comme  on  en 
voit  peu,  comme  on  n'en  trouve  pas.  Elle  joue  et  chante  à  ravir  el 
détaille  sa  chanson,  entre  autres  choses,  avec  une  finesse  exquise; 
Troy  a  donné  un  véritable  cachet  de  distinction  au  rôle  du 
colonel-duc,  dans  lequel  cependant  on  préférerait  un  ténor;  Ber- 
lhelier est  un  Bouton  de  Bose  des  plus  désopilants,  et  M"0  Cor- 
dier  une  agréable  Suzelte.  Quant  au  débutant,  M.  Gourdin,  c'est 
une  véritable  trouvaille,  et  son  succès  a  été  prononcé  d'emblée. 
Lauréat  du  Conservatoire,  M.  Gourdin  possède  un  baryton- 
basse  au  timbre  sonore  et  sympathique;  il  phrase  déjà  avec  goût 
et  atteint  sans  effurt  les  notes  les  plus  élevées.  Comme  acteur,  son 
inexpérience  est  plus  visible;  mare  M.  Gourdin  n'a  pas  vingt 
•ans,  et  nous  pouvons  lui  ouvrir  un  largo  crédit.  Nous  conseil- 
lons surtout  à  l'Opéra-Comiquo  de  s'attacher  très-sérieusement 


TAIiLETTES  DU   PIANISTE   ET   DU  CîlA.MKl  i! 


133 


co  chanteur,  comme  il  devrait  le  faire  pour  M,leMarimon.  On  ne 
retrouve  pas  facilement  des  artistes  de  cette  jeunesse  et  de  ce 
mérite.  • 

Finalement  Maître  Claude  a  satisfait  tout  le  monde,  malgré — 
disons-le  pour  l'acquit  de  noire  conscience, —  un  flux  et  reflux 
de_  trilles  plus  ou  moins  réussis,  tous  places  sur  la  note  sensible 
de  chaque  fin  de  phrase,  de  manière  à  vous  agacer  désagréable- 
ment le  sens  auditif.  Ce  sont  là  des  exagérations  vocales  avec  les- 
quelles un  composileurdnit  savoir  compter  dans  l'intérêt  de  tous. 

J.  Lovv. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


AUDITION  DE  L'ÉCOLE  CHANTANTE  DU  PIWO 


FELIX  GODEFROID. 

Tout  neutre  qu'il  se  fait  sournoisement  appeler,  le  verbe 
médire  n'est  pcut-èlre  pas  beaucoup  moins  actif  que  ses  con- 
frères calomnier  et  diffamer  ;  aus^i  je  ne  sais  pas  trop  si  la  cri- 
tique a  toujours  calomnié  les  pianistes  modernes,  lorsqu'elle  leur 
a  reproché  de  faire  trop  de  notes  et  de  bruit;  — mais  il  est 
certain  que  le  contre-coup  a  été  de  diffamer  le  piano,  et  pour 
mon  compte  je  reconnais  en  avoir  très-humblement,  mais  très- 
souvent  médit. 

Cependant,  semblable  à  la  lance  d'Achille,  qui  avait  le  pou- 
voir de  guérir  les  blessures  qu'elle  avait  faites  ,  la  critique  vrai- 
ment musicale,  la  critique  éclairée  a  toujours  reconnu  dans  le 
piano,  non-seulement  un  instrument  parfait  pour  la  musique 
qui  lui  est  spécialement  destinée,  —  mais  aussi  l'instrument  par 

excellence  pour  remplacer  à  la  fois  l'orchestre  et  les  voix ; 

car  le  piano  peut  chanter,  et  même  très-bien  chanter  ,  d'autant 
plus,  —  ou  plutôt  d'autant  mieux,  —  qu'il  prèle  à  la  mélodie 
tout  le  charme  de  l'harmonie.  Et  la  mélodie  sans  l'harmonie, 
c'est  une  belle  statue  dont  on  aurait  retranché  les  membres  et  le 
buste  pour  ne  conserver  que  la  tète,  —  et  encore,  en  mutilant 
presque  toujours  et  dénaturant  cette  tête. 

Les  exécutants  do  première  force  sur  le  piano  abondent  ; 
mais,  —  à  côté  d'un  très-grand  nombre  de  virtuoses  célèbres, 
on  compte  à  peine  quelques  célèbres  accompagnateurs.  Cela 
tient  à  ce  que,  pour  être  accompagnateur  parfait,  —  et  sans 
même  chanter  soi-même,  il  faut  cependant  êire  assez  initié  à  l'art 
du  chdnt  pour  pouvoir  former  et  diriger  des  chanteurs.  Il  n'est 
donc  pas. étonnant  que  lorsque  l'art  d'accompagner  est  si  rare, 
celui  de  faire  chanter  l'instrument  en  même  temps  qu'il  accom- 
pagne, le  soit  bien  plus  encore;  aussi,  on  ne  chante  pas,  ou  l'on 
chante  à  peine  sur  le  piano,  —  l'instrument  le  plus  répandu 
du  monde,  —  et  cependant  la  musique,  sans  mélodie,  c'est  le 
plat  dont  parle  Alphonse  Karr,  plat  de  perdrix  aux  choux,  qui 
ne  se  composerait  que  de  choux. 

Il  appartenait  à  un  prince  des  virtuoses,  au  grand  musicien 
qui,  pendant  des  années,  a  étudié  le  chant  sous  la  direction 
d'un  des  plus  célèbres  professeurs  de  l'école  italienne,  —  il 
appartenait  au  puissant  dominateur  du  clavier  qu'il  a  su  dompter 
et  asservir,  —  il  appartenait  à  S.  Thalberg  enfin,  de  protester 
avec  toute  l'autorité  de  sa  splendidc  exécution  contre  les  stériles 
tours  de  force  des  exécutants et  il  a  fait  l'Art  du  chant  ap- 
pliqué au  piano. 

liais,  pour  appliquer  un  art,  il  faut  le  posséder;  — pour  le 


posséder,  il  faut  s'y  vouer  et  l'étudier,  —  et  pour  l'étudier  il  faut 
une  école.  Celle  école  ne  manquait-elle  pas?  —  En  tous  cas, 
voici  YEcole  chantante  du  piano  de  Félix  Godefroid,  cet  autre 
prince  des  virtuoses  —  le  roi  de  la  harpe — le  barde  inspiré; 
car  si  on  trouve  des  chants  toujours  pleins  de  charmes  dans  ses 
productions  écrites,  on  les  retrouve  encore  dans  les  prodiges  de 
son  exécution, —  même  au  milieu  d'inextricables  difficultés,  où 
le  cours  limpide  et  pur  de  la  mélodie  murmure  doucement 
comme  l'eau  de  la  source  à  travers  les  roches  de  la  montagne. 

Voilà  donc  deux  grands  maîtres  —  Thalberg,  Godefroid, — 
maîtres  souverains  d'instruments  dont  leurs  doigts  de  virtuoses 
pourraient  faire  jaillir  en  toute  sécurité  mille  cascades  de  notes 
éblouissantes, —  voilà  deux  exécutants  hors  ligne  enfin  s'appli- 
quanl  à  propager  l'art  de  chanter  !  —  N'y  a-t-il  pas  déjà  là  tout 
un  enseignement? 

Quant  à  ceux  que  l'on  puisera  dans  l'Ecole  chantante  du 
piano,  je  n'entreprendrai  pas  de  les  énumérer,  il  reviendrait 
une  trop  large  part  à  chaque  mélodie-type,  — à  chaque  exercice- 
type  dont  l'étude  générale  a  pour  but  tantôt  (et  tout  en  accom- 
pagnant) de  faire  chanter  le  piano  cemme  une  ou  plusieurs 
voix, —  tantôt  d'interpréter  tout  un  orchestre  en  en  faisant 
ressortir  les  divers  timbres.  Pour  un  simple  trémolo,  par  exem- 
ple, Godefroid  recommande  de  se  reporter  aux  effets  d'orchestre, 

—  de  les  écouter  en  soi-même  et  de  rendre  autant  que  possible 
les  différentes  variétés  d'instruments  qui  le  composent.  Alors 
(après  l'étude  de  l' exercice-type  pour  familiariser  avec  le  méca- 
nisme du  trémolo)  commence  un  sombre  tutti  qu'illumine  le 
timbre  clair  do  la  petite  flûte;  bientôt,  sous  le  frémissant  mur- 
mure des  violons,  la  mélodie  se  dessine  en  sons  liés  par  l'entrée 
des  cors  auxquels  viennent  se  joindre  les  violoncelles  d'abord, 

—  les  contre-basses  ensuite;  — et  peu  à  peu  chaque  instrument 
ajoutant  à  la  sonorité  de  la  symphonie,  celle  sonorité  éclate 
dans  toute  sa  puissance,  pour  s'éteindre  progressivement  ensuite 
sur  les  timbres  graves  dans  le  mystérieux  diminuendo  d'un 
perdendosi  qui  va  toujours  ralentissant. 

J'ai  choisi  avec  intention  le  trémolo,  —  une  banalité  pour 
nombre  de  pianistes  qui  se  contenant  d'en  faire  une  espèce 
de  roulement  pâteux,  inégal,  intermittent,  dont  la  sonorité  flas- 
que et  cotonneuse  n'appartient  ni  à  la  musique  ni  au  tambour. 

—  Je  l'ai  choisi  pour  donner  une  idée  du  soin  apporté  par  Go- 
defroid—  non-seulement  à  faire  chanter  le  piano,  mais  aussi  à 
le  rendre  l'interprète  le  plus  fidèle  des  divers  timbres  de  l'or- 
chestre. Quant  au  chant,  au  style,  à  l'art  de  phraser,  l'auteur, 
consacrant  d'abord  le  premier  exercice  et  la  première  mélodie 
à  la  sonorité,  suit  une  à  une  toutes  les  transformations  de  celte 
sonorité  en  noies  tenues  enflées  et  diminuées,  —  en  notes  liées, 
répétées,  détachées,  rebattues,  piquées,  syncopées,  etc.,  —  en 
traits,  en  arpèges,  fioritures  et  ornements,  —  en  portamenti, 
gruppctli,  —  en  tout  ce  qui  constitue  la  phrase  musicale 
enfin.  A  chacune  de  ces  choses  il  consacre  une  mélodie 
spéciale,  précédée  d'un  exercice-lype,  où  la  main  gauche  est 
toujours  appelée  à  reproduire  ce  qu'a  fait  entendre  la  main 
droite;  et  quelques  lignes  de'savante  théorie,  aussi  claire  que 
concise  ,  quelques  exemples  tirés  des  plus  grands  maîtres  ou 
empruntés  aux  plus  grands  virtuoses  ,  n'indiquent  pas  seule- 
ment, mais  enseignent  à  fond  l'art  d'obtenir  et  d'utiliser  tous  ces 
effets. 

Enfin,  pour  faire  suite  à  ce  premier  livre  d'études,  Godefroid 
en  a  écrit  deux  aulres,  dont  l'un  est  spécialement  destiné  aux 
petites  mains  ;  ce  qui  fait  de  ['École  chantante  du  piano  un  en- 


13V 


LE  MÉNESTREL. 


seignemenl  semblable  à  celui  des  grands  établissements  univer- 
sitaires, où  sont  appelés,  à  la  fois,  des  élèves  plus  ou  moins  avan- 
cés. Dans  le  premier  livre, Vexercice-lype  est  la  leçon  à  apprendre, 
.le  devoir  à  faire,  et  la  mélodie  qui  suit  l'application  immédiate 
et  raisonnée  de  la  chose  apprise. 

Maintenant,  en  parlant  de  ces  mélodies  —  et  sans  oublier 
celles  du  second  et  du  troisième  livre  —  je  ne  leur  ai  certes  pas 
prodigué  d'adjectifs  louangeurs ,  puisque  je  n'ai  encore  eu 
recours  à  aucun;  il  me  sera  donc  permis  de  dire  en  finissant  — 
et  tout  en  mettant  une  sourdine  à  la  vivacité  de  mes  souvenirs, — 
.  qu'en  dehors  de  leur  utilité  comme  travail,  chacune  de  ces  études 
est  un  charmant  morceau  do  salon. 

C'est  pour  les  entendre  à  ce  double  titre,  —  et  par  invita- 
tion particulière  des  éditeurs  que  jeudi  de  la  semaine  dernière 
une  nombreuse  réunion  d'artistes  et  de  professeurs  s'était 
rendue  dans  les  salons  Erard,  où  les  pianos  ne  demandent 
qu'à  chanter,  lorsqu'on  no  les  force  pas  h  faire  autre  chose.  On 
en  a  eu  la  preuve,  ce  soir  là,  en  écoutant  ce  jeune  chanteur 
accompli,  qui  a  nom  Louis  Diémer,  et  dont  la  voix  splendide, 
expressive,  éblouissante  de  puissance,  d'agilité,  ou  touchante  de 
douceur,  et  toujours  pleine  de  charme,  —  dont  la  voix  à  sept 
octaves,  enfin,  est  un  piano  à  queue.  Destinée  d'abord  à  la  seule 
audition  des  études  de  l'Ecole  chantante,  cette  soirée  est  cepen- 
dant devenue  un  véritable  concert,  auquel  reviendrait  à  juste 
titre  un  compte  rendu,  aussi  spécial  qu'élogieux,  si  le  nombre 
de  ces  lignes  trop  accumulées  ne  dépassait  déjà,  je  le  crains,  la 
place  blanche  qui  m'est  réservée  à  l'imprimerie.  Sans  pouvoir 
suivre  l'admirable  talent  du  jeune  Louis  Diémer,  qui  semblait 
un  Protée  mélodieux  pendant  l'interprétation  do  ces  études 
dont  plusieurs  ont  été  bissées  avec  insistance,  je  dois  donc  pour 
ainsi  dire  me  borner  à  nommer  des  artistes  qui  tous  ont  recueilli 
des  applaudissements  aussi  chaleureux  qu'éclairés.     : 

L'audition  s'est  terminée  par  une  sorte  d'apothéose  sonore, 
c'est-à-dire  par  le  splendide  épanouissement  de  la  Prière  des 
Bardes  de  Félix  Godefroid,  transcrite  pour  violon,  piano  et  orgue, 
et  chantée  en  véritables  bardes  plutôt  qu'exécutée  par  MM.  Ma- 
gnien,  L.  Diémer  et  Mlle  Virginie  Huet.  C'était  la  fin,  et  pour 
commencer,  MM.  Guidon,  qui  sous  plus  d'un  rapport  rappellent 
les  frères  Lionnet,  ont  dit  avec  un  grand  charme  la  Veillée  de 
Gaveaux,  et  Bonsoir,  Bonne  nuit,  Bonjour,  très-joli  duo  accom- 
pagné par  l'auteur  H.  Potier.  Puis  est  venu  le  tour  de  Jules  Le- 
fort,  dont  la  voix  sympathique,  au  timbre  vibrant  et  sonore,  a 
raconté  d'abord  Le  Nid  abandonné  de  M.  Nadaud,  pour  inter- 
préter ensuite  le  chant  dramatique  de  la  Sirène.  Pour  cette  der- 
nière composition,  il  a  été  également  accompagné  par  l'auteur, 
mais  cette  fois  par  l'auteur  des  paroles  et  de  la  musique,  Mme  Pau- 
line Thys.  Enfin  Mme  P.  Thys  a  chanté  elle-même  de  sa  voix 
de  salon  et  de  musicienne  quatre  autres  de  ces  productions  qui 
l'avaient  révélée  déjà  comme  poète  et  compositeur,  et  ne  pou- 
vaient manquer  de  la  faire  comparer  à  Corinne,  cette  rivale  de 
Pindare  qui  fut  surnommée  la  Muse  lyrique. 

Mais  Corinne  était  disciple  de  Myrtis  (  femme  savante,  mais 
pas  de  celles  dont  Molière  devait  tant  se  moquer  deux  mille 
ans  plus  tard);  —  tandis  que,  si  je  ne  me  trompe,  MmeP.  Thys 
est  élève  de  son  père.  Enfin  Corinne  était  Béotienne,  tandis  que 
Mme  P.  Thys  est  Française  par  le  cœur,  (  entendez-lui  plutôt 
chanter  Vive  la  France,  )  Française  par  la  grâce,  Française  par 
l'esprit,  et  de  tous  les  pays  par  le  talent. 

Léon  Gatayes. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 


Aujourd'hui  dimanche,  I'Opéra  donnera  la  troisième  repré- 
sentation du  Tannhauscr,  à  la  demande  des  abonnés  du  lundi 
et  du  mercredi,  qui  se  sont  déclarés  satisfaits.  Ceux  du  vendredi 
réclament  une  audition,  et  raison  leur  sera  faite,  après  les  nou- 
velles coupures  actuellement  réalisées.  A  la  seconde  représenta- 
tion, un  certain  nombre  de  belles  dames  ont  sacrifié  leurs  oreilles 
et  battu  des  mains  avec  le  cœur.  C'est  une  compensation  aux 
infortunes  du  Tannhauser.  Malheureusement,  comme  nous 
venons  de  le  dire,  messieurs  les  abonnés  se  sont  montrés  moins 
compatissants,  et  l'on  a  pu  voir  les  plus  nobles  d'entre  eux 
armés  de  ces  sifflets,  dont  l'humble  parterre  de  l'Opéra  lui-même 
n'avait  plus  souvenance.  —  Demain,  lundi,  première  représen- 
tation du  ballet  Graziosa,  créé  par  Mme  Ferraris,  musique  de 
Théodore  Labarre.  L'administration  adjoindra  à  ce  ballet  l'ode- 
•  symphonie  du  Désert,  à  laquelle  le  concert  de  Félicien  David 
vient  de  donner  un  regain  d'éclat  et  de  vogue.  Depuis  longtemps 
on  n'avait  vu  pareil  empressement  au  bureau  de  location. 

Il  serait  question  de  remonter  le  Freyschulz,  avec  Niemann, 
Mlle  Marie  Sax,  Mmo  Duprez-Vandenheuvel  et  Belval.  Ce  chef- 
d'œuvre  serait  exécuté  sans  mutilations.  —  A  la  bonne  heure  ! 

L'Opéra  nous  promet  aussi  les  débuts  de  MIIe  F*"  de  Nantes, 
cantatrice  de  concerts,  élève  de  M.  Piermarini.  Elle  nous  appa- 
raîtrait d'abord,  dit-on,  dans  le  rôle  de  Lucie,  sous  le  nom  de 
Mlle  de  Taisy. 


Le  TnÉATRE-lTALiiiN  adonné,  lundi,  une  représentation  extra- 
ordinaire de  Semiramidc.  MMmes  Grisi  et  Alboni  chantaient  les 
rôles  de  Sémiramis  et  d'Arsace.  On  sait  que  ces  deux  grandes 
cantatrices  ont,  toutes  deux,  fait  leur  premier  début,  à  Paris, 
dans  ces  deux  rôles,  la  première  le  1C  octobre  1832,  la  seconde 
au  mois  d'octobre  1847.  C'est  assez  dire  quel  intérêt  s'attachait  à 
cette  représentation.  Près  do  trente  années  séparaient  MmB  Grisi 
de  son  premier  triomphe.  Le  public  n'a  pas  été  ingrat;  et,  fidèle 
au  souvenir  de  ses  jouissances  passées,  il  a  su  donner  à  Mme  Grisi 
les  plus  sympathiques  témoignages,  et  applaudir  un  talent  qui  se 
survit  à  lui-même,  et  que  soutient  d'ailleurs  le  sentiment  dra- 
matique le  plus  admirable.  Quant  à  Mme  Alboni,  qui  ne  compte 
encore,  à  Paris,  que  quatorze  années  de  succès  non  interrompus, 
elle  a  soulevé,  comme  toujours,  dans  ce  rôle,  l'un  des  plus  heu- 
reux de  son  répertoire,  les  bravos  unanimes  de  la  salle.  Que 
pourrait-on  dire  encore  sur  ce  timbre  de  voix  unique,  sur  celte 
facilité,  celte  sûrelé  merveilleuse!  0  rare  privilège  de  la  jeunesse 
et  de  la  maturité  du  talent!  Goûtons  bien  ces  exquises  satisfac- 
tions, sur  lesquelles  le  temps  aussi  aura  prise  un  jour  !  L'âge  est 
une  justice  dernière  qui  efface  les  inégalités  présentes.  —  Badiali 
d'abord,  et  puis  Angelini  ont  dignement  secondé  MMmes  Grisi 
et  Alboni  ;  et  la  musique  du  maître,  aux  Italiens  comme  à  l'Opéra, 
n'a  pas  cessé  de  charmer  tous  ceux  qui  aiment  encore  la  mé- 
lodie, la  clarté,  l'inspiration  continue,  le  développement  régu- 
lier de  l'idée  musicale,  la  sérénité  du  génie. 

Quelques  jours  avant  la  représentation  de  Semiramide,  le 
Théâtre-Italien  reprenait  le  Nozze  di  Figaro,  dont  il  nous  avait 
sevrés  depuis  une  vingtaine  d'années;  il  est  vrai  que  le  Théâlre- 
Lyrique  a  richement  comblé  cette  lacune.  Ce  chef-d'œuvre  de 
grâce  et  d'esprit  n'a  malheureusement  pas  rencontré  une  distri- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


135 


bution  suffisante  sur  la  scène  de  Ventadour;  mais  Mozart  n'en 
a  pas  inouïs  retrouvé  dans  la  salle  ses  fidèles  et  fervents  adora- 
teurs. Le  duo  de  la  lettre  a  été  détaillé  avec  beaucoup  de  goût 
par  Mme  Penco  et  Mllc  Battu. 

—  Aujourd'hui  dimanche,  au  Théâtre  Impérial  Italien,  re- 
présentation au  bénéfice  de  Mrae  Alboni,  avec  intermède  musical  : 
1°  Grande  fantaisie  héroïque,  composée  et  exécutée  parM.  Emile 
Forgues;  2°  Air  chanté  par  M.  Graziani;  3°  A.  Thème  varié, 
B.  Mazcppa,  grandes  études  pathétiques,  composées  et  exécutées 
par  M.  Emile  Forgues;  4°  Air  chanté  par  Mmc  Alboni. 

L'Opéra-Comique  nous  a- donné  cette  semaine  Maître  Claude 
(voir  notre  article).  * 

Le  Théâtre-Lyrique  donnera  demain  lundi  la  reprise  de 
Gil-Blas,  opéra-comique  en  cinq  actes.  Le  grand  succès  de 
l'œuvre  de  M.  Semet,  interrompu  l'année  dernière  par  la  clôture 
de  la  saison,  va  trouver  de  nouveaux  éléments  dans  les  soins 
dont  l'administration  a  entouré  cette  importante  reprise. 
M"e  Girard  remplira  le  rôle  de  Gil-Blas,  et  va,  dit-on,  révéler 
des  qualités  qui  la  placent  à  la  fois  au  premier  rang  de  nos 
meilleures  cantatrices  et  de  nos  plus  excellentes  comédiennes. 
Les  autres  rôles  do  la  pièce  seront  joués  par  des  artistes  égale- 
lement  aimés  du  public:  MM.  Meillet,  Wartel,  Lesage,  Gabriel, 
Leroy,  Girardot,  M"cs  Faivre  et  Vadé. 

Hier  samedi,  les  Bouffes-Parisiens  ont  donné  la  première 
représentation  du  Pont  des  Soupirs,  leur  grande  et  tardive  pièce 
d'hiver.  —  A  dimanche  les  détails;  constatons  seulement,  dès 
aujourd'hui,  que  le  bureau  de  location  est  assiégé. 

L'Odéon  nous  a  offert  un  agréable  marivaudage  en  vers,  le 
Portrait  d'une  jolie  femme,  deux  actes  dont  le  maréchal  de 
Richelieu  et  le  peintre  Boucher  sont  les  principaux  héros. 
Auteur  :  M.  Rochefort. 

Au  Gymnase,  on  annonce  quatre  actes  d'un  auteur  en  vogue  : 
les  Ménages  parisiens. 

Le  Vaudeville  vient  de  jouer  coup  sur  coup  deux  pièces 
nouvelles:  Ma  Femme  est  troublée,  comédie  en  un  acte,  de 
MM.  Dumanoir  et  Decourcelles,  parfaitement  interprétée  par 
Félix  et  M"e  Pierson;  puis  les  Vivacités  du  capitaine  Tic,  trois 
actes  fort  humoristiques  de  MM.  Labiche  et  Edouard  Martin. 
Félix,  Boisselot,  Munie,  une  débutante,  MUe  Manvoy,  et 
Mme  Alexis,  complètent  l'excellent  ensemble  de  ce  succès. 

Le  théâtre  des  Variétés  annonce  la  reprise  de  La  fille  du 
Diable. 

La  Porte  Saint-Martin  nous  promet  son  drame  nouveau, 
les  Funérailles  de  l'honneur,  pour  le  30  de  ce  mois. 

Et  enfin  la  Gaité  a  renouvelé  son  affiche  vendredi  dernier, 
avec  un  drame  en  cinq  actes ,  huit  tableaux  :  La  Fille  des 
Chiffonniers.  Nous  en  dirons  le  résultat. 

J.  Lovy. 

NÉCROLOGIE. 

L.  NIEDERMEYER 

C'est  le  coeur  navré  de  douleur  que  nous  annonçons  à  nos 
lecteurs  la  mort  de  notre  ancien  ami  et  collaborateur,  M.  L. 
Niedermeyer,  enlevé  subitement,  dans  la  soirée  du  jeudi  14  de 
ce  mois,  5  sa  famille,  à  ses  amis,  à  l'art  musical,  à  sa  chère  École 


de  musique  religieuse,  au  moment  où  il  venait  de  diriger  la  répé- 
tition d'une  messe  de  M.  Gastincl.  Huit  jours  auparavant,  nous 
avions  eu  le  bonheur  de  le  rencontrer  et  de  passer  quelques 
heures  avec  lui.  Les  premiers  mots  qu'il  nous  dit  furent  ceux-ci  : 
«  J'ai  été  bien  malade  depuis  que  je  vous  ai  vu  ;  j'ai  pensé  mou- 
rir. »  Le  jeudi  suivant,  M.  Niedermeyer  n'était  plus!  Comment 
peindre  la  douleur  de  ses  deux  filles,  de  son  fils,  de  tous  ses 
élèves,  qui  le  respectaient  et  l'aimaient  comme  un  père,  des  pro- 
fesseurs et  des  ecclésiastiques  chargés  de  l'éducation  religieuse 
et  littéraire  dans  le  grand  et  utile  établissement  qu'il  avait  fondé, 
et  auquel  il  s'était  uniquement  consacré? 

En  attendant  que  nous  puissions  donner  une  biographie  com- 
plète de  celui  à  qui  l'École  de  musique  religieuse  de  Paris  et  la 
Maîtrise  doivent  leur  existence,  nous  empruntons  à  un  journal 
quelques  détails  sur  ses  œuvres  : 

«  M.  Louis  Niedermeyer  était  âgé  de  cinquante-huit  ans.  Fils 
d'un  professeur  de  musique  de  Genève,  il  était  allé  achever  ses 
études  à  Naples,  et  y  avait  donné  son  premier  opéra:  il  Reo per 
amore. 

«  En  1826,  le  jeune  maestro  vint  à  Paris  et  eut  le  bonheur 
d'y  obtenir  tout  d'abord  le  précieux  patronage  et  l'amitié  de 
Rossini;  et,  grâce  à  lui,  il  eut  un  acte  joué  au  Théâtre-Italien  : 
la  Casadel  bosc.o.  Après  un  séjour  de  deux  ans  à  Bruxelles,  il 
revint  s'établir  définitivement  à  Paris,  en  1835.  Il  a  donné 
successivement  trois  grands  ouvrages  à  l'Opéra  :  Siradella,  Ma- 
rie Sluart,  dont  plusieurs  morceaux  sont  restés  célèbres,  et  la 
Fronde. 

«  Mais  ce  que  Niedermeyer  a  écrit  de  plus  beau,  ce  sont  les 
quatre  ou  cinq  Méditations  de  Lamartine  qu'il  a  mises  en  mu- 
sique, l'Lsolement  et  surtout  le  Lac,  romance  incomparable,  où 
l'inspiration  musicale  s'est  élevée  à  la  hauteur  de  l'inspiration 
du  poëte.  » 

Ajoutons  sa  belle  messe  en  si  mineur  pour  chœurs  et  orchestre, 
exécutée  pour  la  première  fois,  en  1849,  à  Saint-Eustache,  pour 
la  fête  de  Sainte-Cécile,  sous  la  direction  de  M.  Dietsch,  et, 
quelques  années  plus  tard,  à  Saint-Eugène ,  sous  la  direction  de 
M.  H.  Berlioz,  ainsi  qu'une  quantité  de  remarquables  morceaux 
religieux  pour  voix  et  pour  orgue,  dont  la  plupart  ont  été  pu- 
bliés par  la  Maîtrise. 

Les  obsèquesdeM.  Niedermeyeronteu  lieudimanche  17mars, 
au  milieu  d'un  concours  considérable  où  l'on  remarquait  M.  le 
prince  Ponialowski,  sénateur,  M.  Plichon,  député,  MM.  Am- 
broise  Thomas,  H.  Berlioz,  Gaslinel,  Dietsch,  Denne  Baron, 
Scudo,  Duprez,  Elwart,  A.  Bùïeldieu,  Émilien  Pacini,  et  une 
foule  d'artistes  et  de  gens  de  lettres. 

M.  Niedermeyer  était  protestant;  la  cérémonie  religieuse  a 
eulicuau'cimelière,  où  M.  le  pasteur  Coquerel  a  pris  la  parole,  en 
présence  des  ecclésiastiques  attachés  à  l'École,  qui  avaient  ob- 
tenu de  M.  le  Cardinal-Archevêque  la  permission  de  rendre  ce 
dernier  devoir  à  l'illustre  Directeur. 

L'art  musical  religieux  fait  une  perte  irréparable  dans  la  per' 
sonne  de  M.  Niedermeyer,  qui  avait  si  profondément  étudié  et 
la  théorie  de  l'harmonie  du  xvie  siècle,  et  le  style  de  l'orgue, 
et  la  tonalité  du  plain-chant.  Son  école  survivra,  nous  en  sommes 
certains,  et  nous  sommes  persuadés  qu'en  changeant  de  mains, 
elle  restera  fidèle  aux  traditions  du  fondateur. 

Au  moment  où  nous  livrons  ces  lignes  h  l'impression,  un  de 
nos  plus  aimables  et  de  nos  plus  brillants  poètes,  M.  Emile 
Deschamps,  veut  bien  nous  envoyer  les  vers  suivants  que  lui  a 
inspirés  la  mort  de  M.  Niedermeyer,  son  ami  et  le  nôtre.  Ce 


1SG 


LE  MÉNESTREL 


quatrain  nous  arrive   fort  à  propos   p.mr  terminer  cet  article 
d'une  manière  digne  de  celui  que  nous  pleurons. 

J.  d'Ortigue. 
NIEDERMEYER. 

Il  fut  modeste  et  franc],  plus  que  tout  autre,  il  laisse 
Au  cœur  de  ses  amis  un  vivant  souvenir , 

Comme,  à  ses  enfants,  la  noblesse    ;    , 

D'un  nom  qu'adopte  l'avenir. 

Emile  Desciiamps. 


NOUVELLES  MYEKSES. 

—  Les  théâtres  de  Londres  sont  fermés  jusqu'à  nouvel  ordre,  à  cause 
de  la  mort  de  S.  A.  R.  Mmc  la  duchesse  de  Kent,  mère  de  la  reine  d'An- 
glet 'rre. 

—  Le  directeur  du  Théâtre-Italien  de  Covent-Garden,  à  Londres,  M.Gyc, 
vient  dé  publier  son  programme.  Le  théâtre  sera  ou  vert  le  mardi  2  avril  1801. 
La  compagnie  se  compose  de  :  Mmes  Penco,  Rosa  Csillag,  MMan-Carvalho, 
Didiée,  Corbari,  Rudersdorff,  Taglialico,  Levai,  Orlolani-Tihej'ini,  MM.Tam- 
berlick,  Lucchesi,  Neri-Baraldi,  Rossi,  Jourdan,  Tiberini,  Ronconi,  Taglia- 
fico,  Polonini,Palriossi,  Zelger,  Faure,  Graziani,  Formes.  Pi incipales  dan- 
seuses :  MUes  Zina  Richard,  Salvioni.  Maître  de  ballet  :  M.  Desplaces.  Chef 
d'orchestre  :  M.  Costa.  Administrateur  :  M.  A.  Harris.  Les  opéras  suivants 
seront  exécutés  pendant  la  saison ,  savoir  :  les  Huguenots,  Dinorah,  le 
Prophète,  Meyerber;  Don  Giovanni,  Mozart;  un  Bat  bière  di  Siciglia, 
Otello,  lu  Guzza  Ladra,  Rossini;  Lucreziu  Borgia,  Maria  di  Ilolmn,  lu 
Favorita,  Donizelti  ;  Norma,  la  Sonnambula,  i  Purituni,  Bellini  ;  la  Tra- 
viata,  il  Trovalore,  Rigoletto,  Verdi;  Marlha,  I'iotow;  Zampa,  Hérold; 
Fra  Dinvolo,  Auber  ;  il  Giuramento,  Mercadante  ;  Fidelio.  Beethoven  ; 
Orfet),  Gluck,  et  le  nouvel  opéra  de  Verdi,  il  Ballo  in  mnsclicra.  Comme 
on  le  voit,  il  y  en  aura  pour  tous  les  goûts  et  pour  toutes  les  écoles.  Le 
Tannhauser  seul  manque  à  ce  plantureux  approvisionnement.  —  De  plus, 
le  premier  ouvrage  nouveau  pour  Covent-Garden,  joué  cette  saison  1801, 
sera  îe.GuiitaJneTéM  de  Rossini,  avec  celte  distribution  pour  les  trois  prin- 
cipaux rôles:  Arnold,  Tambeiïick;  Guillaume,  Faure;  Malhilde,  Mmc  Mio- 
land  Carvalho.  Dans  le  Don  Juan,  le  rôle  principal  sera  joué  par  Faure,  et 
Mme  Carvalho  chantera  Zerline.  C'est  aussi  Mme  Carvalho  qui  prendra  le 
rôle  du  page  dans  un  Ballo  in  maschera.  Enfin,  on  annonce  l'Étoile  du 
Nord,  par  Faure  etMrae  Carvalho.  Bref,  on  le  voit,  si  les  Italiens  envahis- 
sent l'opéra  français,  les  chanteurs  français  ne  se  privent  pas  de  briller  à 
leur  tour  sur  la  scène  italienne. 

—  Le  Théâtre  royal  de  la  Monnaie,  à  Bruxelles,  adonné  cette  semaine  la 
première  représentation  de  Y  Enchanteresse,  ballet  en  deux  actes.  Les  cor- 
respondants belges  ne  nous  disent  pas  si  le  public  en  a  été  enchanté. 


—  Après  un  court  séjour  en  Suisse,  le  baryton  Slockhausen  est  retourné 
en  Allemagne  (on  revient  toujours  à  ses  premières,  etc.).  Le  7  de  ce  moi*, 
ilachantéà  Francfort;  le  24  (aujourd'hui  dimanche),  il  chantera  à  Cologne 
dans  la  Passion,  de  Sébastien  Bach  ;  et  vers  Pâques  il  se  rendra  à  Leipzig 
pour  y  donner  un  concert.  Paris  ne  l'attend  plus....  qu'à  la  Trinité. 

—  Une  correspondance  de  Bordeaux  nous  apprend  que  Mmc  Duprez- 
Vandenheuvel  vient  de  débuter  dans  celte  ville  par  le  rôle  de  Lucie.  Le 
succès  a  été  immense  et  s'est  formulé  par  trois  rappels.  Après  Lucie  est 
venu  li  Barbier.  Le  boléro  dos  Vêpres,  dans  la  leçon  de  chant,  a  été 
bissé;  puis  le  Songe  d'une  nuit  d'été',  même  enthousiasme.  On  attend 
Mrae  Vandenhouvcl  dans  les  Huguenots  et  dans  Je  Freyschutz. 

—  A  la  messe  en  musique  de  Mrac  la  baronne  de  Maistre,  église  Saint- 
Rocb,  on  a  remarqué  un  motet  de  Cherubini,  chanté  par  les  sœurs  Mar- 
chisio,  et  l'air  de Stràdellti.  par  le  baryton  Bonheur,  — sans  préjudice  des 
morceaux  d'ensemble  de  la  composition  do  Mme  de  Maistre,  qui  ont  produit 
leur  effet,  ■ —  malgré  ce  dangereux  voisinage. 

—  Aujourd'hui,  dimanche  des  Rameaux ,  M.  Mullot  fera  exécuter,  à 
trois  heures  et  demie,  un  nouveau  Stabat  de  sa  composition.  C'est  à  Saint- 
Yincent-dc-Paul  que  cette  exécution  aura  lieu.  L'auteur  a  eu  l'heureuse 
idée  d'illustrer  sa  composition  pour  le  chant  lilhurgique,  dont  il  a  conservé 
intégralement  la  mélopée  pour  strophes,  prières. 

—  Aujourd'hui  dimanche,  à  quatre  heures,  autre  solennité  musicale 
en  l'église  Saint-Eustache.  M.  Léonce  Cohen  fera  exécuter  un  0  salutaris 
(à trois  voix,  avec  orchestre)  de  sa  composition. 

—  Aujourd'hui  dim  niche,  2't  mars,  à  une  heure  précise,  matinée  mu- 
sicale donnée  par  le  comité  du  Progrès  artistique,  dans  la  salle  des  concerts 
du  lycée  Louis-le-Grand  (entrée  par  la  rue  Saint-Ëtienne-des-Grès). 

—  Un  jeune  pianiste  compositeur,  M.  Auguste  Thurner,  nous  promet 
pour  U  7  avril,  salle  Herz,  une  matinée  musicale  et  dramatique.  M.  Ham. 
mer,  M.  Dufrène,  de  l'Opéra,  et  quelques  autres  artistes  aimés,  prendront 
part  au  programme.  Le  bénéficiaire  fera  entendre  plusieurs  de  ses  com- 
positions. La  partie  dramatique  so  composera  d'une  scène  à'Horace,  par 
Mllu  Tordeus,  la  jeune  tragédienne  de  l'Odéon,  et  de  Risette,  avec  M110  Au- 
tomne, du  Gymnase. 

SOIRÉES  ET   CONCERTS 

IL'anondancc  îles  matières  nous  oblige  à  ren- 
voyer sV  dimanche  prochain  le  compte-rendu  des 
Soirées  et  Concerts  de  la  semaine. 


J.-L.  IltsucEL,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Tjp   Charles  île  Mou 


rue  Jean-Jacques  ltous: 


En  vente  au  MENESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne. 

MORCEAUX  DE  CHANT  — 

SÉPARÉS  : 

1.  Chœur  :  Allah I  Allah! _     _  jr 

2.  Marche  de  la  Caravane,  piano.  4  50  [j  B  ^  I  \  Tjn 

3.  Avec  chœur.  La  tempête  au  |J 

désert.  Le  Simoun I     i    B  1  I 

4.  Hymne  à  la  nuit,  air  pr  ténor.  3  75  M^Â  .  B  A 
4  bis.  Le  même,  pour  baryton ...  375 

4  ter.  Le  même,  pour  basse 3  75  ODE-SYMPHONIE    DE 

4  quat.  Le  même,  en  italien £  75 

5.  Fantasia  et  danse  des  Aimées, 

pour  piano  solo 4  .r>0    WŒESfâ  I 

G   Chœur.  La  liberté  au  désert  .  Lq 

7.  Rêverie  du  soir,  mélodie  pour  E 

ténor 3  73 

7  bis.  La  même,  pourbaryton. . .  3  75  PoëSÎC  fte   COOÏ. 

7  ter.  La  même,  pour  basse 3  75 

7  quat.  La  même,  en  italien 3  75  

8.  Le  lever  du  soleil • 

9."chanfdu  Muezzim.V  ténor. "§  50  Partition  in-8°,  piano  et  chant,  net  :  7  fr.  —  Grand  format,  piano  et  chant  :  15  fr. 

10.  Chœur.  Départ  de  la  Cara- 
vane   Partition  orchestre  :  150  fr. 

Chaque  partie  de  chœur  séparée.  0  »                                  .                                        '.,,,., 

N.  B.  Voix  de  soprano  et  de  con-  Parties  séparées  :  150  fr.  -  Chaqu j  parl.e  3  parée  :  lo  fr. 

trallo,  ad  libitum,  chaque  . 

partie  séparée 6  »        Partition  piano  solo,  net  :  10  fr.  —  Partition  à  qua'ro  m  uns,  net  :  1  i  rr. 


MORCEAUX  DE  PIANO 

TRANSCRITS  : 

a.  de  Kimt.i.i  improvisata  sur 

le  Désert  Aies  Hirondelles.    8     » 

Btriiii.  nieller.  Caprice  brillant. 

Op.  51 9    » 

e.  Prudent.  Le  lever  du  Soleil. 

Op.  22 9    » 

m.  Kosciicn.  Marche  de  la  Ca- 
ravane      9    » 

j.  n.  ntivcrnoy.  Souvenir.  Op. 

51 :.... ..  s  » 

a.  tccarpcniicr.  Fantaisie  bril- 
lante. Op.  102 0    » 

MoichiorMocker.  Fantaisie. . .     9    » 

t.  David.  Rêverie  du  soir 4  50 

iieuri  lier*.  Grand  duo  concer- 
tant, à  4  mains 9    » 

ii.  iio.wiien.  Marche  de  la  Ca- 
ravane,  à  4  mains 10    » 

a.  ngusavd.  Danse  des  Aimées, 

quadrille  à  2  et  4  mains. . .     4  50 

a.  Durand.  Marche  pour  piano 
et  orgue 6 


759.  —  %288  Année. 

I\'°   18. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  31 

18G1. 


££>Oâ 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vi  vienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  de  Musique  du  MÉIVESTREÏ,.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 

IEOT  S  PIANO. 

2»  Mode  d'abonnement  .  Journol-Teitc,  tous  les  dimanches  ;  au  morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  ï  Aluunia- 
pi-inics  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 

CHANT  ET  PIANO    RÉUNIS  : 

3=  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  *  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/rarcco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  HEIIKEI.  ct.Cie,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  1965. 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  •  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  30  Morceau 
Scènes,  Mélodies,  Komances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  a  Albun 
istrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr'.  ;  Etranger:  21  fr. 


SOMMAI  KE.  —  TEXTE. 

I.  Académie  impériale  de  musique  :  Concert  de  Félicien  David  ;  troisième  soirée 
du  Tannhauser;  première  représentation  de  Graziosa.  Paul  Bernard.  — 
II.  Troisième  et  quatrième  théâtre  lyrique  :  Reprise  de  Gil  Bios;  première 
représentation  du  Pont  des  Soupirs.  J.  Lovï.  —  III.  Nouvelles  ,  Soirées  et 
Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

FAIS-TOI    PETIT, 

Paroles  de  Charles  Potier,  musique  d'HENRi  Potier.  —  Suivra  immé- 
diatement après  :  l'Hiver,  poésie  d' Armand  Barthet  ,  musique  de 
J.  Offenbach,  mélodie  extraite  du  recueil  des  Voix  mystérieuses  , 
auxquelles  nous  avons  déjà  emprunté  la  Barcarolle  et  Chanson  de 
Fortunio. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

BE1.1.A    SERA, 

Idylle  de  Paul  Bernard.  —  Suivra  immédiatement  après  :  la  Belle  Ni- 
çoise, polka-mazurka  d1  Auguste  Durand. 


ACADEMIE  IMPÉRIALE  DE  MUSIQUE. 

Concert  de  Félicien  David.  —  Troisième  représentation  du  Tannhauser. 
—  Première  représentation  de  Graziosa  :  Mmc  Ferraris. 

Le  domaine  musical  est  plein  de  contrastes,  de  caprices,  de 
revirements,  de  compensations. 

C'est  ainsi  que  du  lundi  au  samedi  de  l'autre  semaine,  dans 
la  salle  de  la  rue  Le  Pelletier,  le  Désert  succédait  au  Tannhauser, 
c'est-à-dire  le  grand  jour  aux  ténèbres,  la  forme  au  chaos,  la 
vérité  à  l'erreur. 

Les  jours  se  suivent  sans  se  ressembler,  et  les  soirées  de 
l'Opéra  aussi.  Les  bravos  prolongés  renversaient  les  sifflets  de 
la  veille,  et  semblaient  puiser  une  nouvelle  force  dans  l'espèce 
de  protestation  qui  naissait  du  rapprochement  immédiat  de  deux 


œuvres  aussi  opposées  de  nature  que  le  sont  l'ode-symphonie 
de  Félicien  David  et  la  partition  de  M.  Richard  Wagner. 

Il  fallait  voir  ce  public  enthousiaste,  le  même,  du  reste,  que 
celui  de  la  première  représentation  du  Tannhauser,  les  mêmes 
célébrités  officielles ,  les  mêmes  sommités  artistiques  et  litté- 
raires, les  mêmes  princes  de  la  critique  et  du  feuilleton,  réunis, 
comme  quelques  jours  auparavant,  mais  cette  fois  répondant  à 
l'appel  d'un  compositeur  modeste,  trop  modeste,  dont  le  talent 
réveille  les  sympathies,  et  dont  les  œuvres  comptent  des  succès 
nombreux  et  incontestés. 

Aussi  quel  triomphe  et  quelle  recette  !  —  Il  n'y  avait  pas 
une  main  inactive  de  l'orchestre  aux  loges  du  cintre,  pas  une 
voix  qui  ne  criât  bravo,  et  cependant  pas  un  claqueur.  Mettez 
le  public,  le  public  de  bon  aloi,  vis-à-vis  d'une  œuvre  vraie  au 
point  de  vue  de  l'art,  laissez-le  tout  entier  à  ses  impressions,  et 
vous  jugerez  alors  s'il  a  besoin  d'être  stimulé  pour  applaudir. 
Établissez,  au  contraire,  une  claque  formidable,  doublée  d'une 
imposante  phalange  de  maladroits  amis,  et  cela  devant  un  ou- 
vrage contestable  et  révolutionnaire  au  point  de  vue  musical,  et 
l'on  aura  le  déplorable  spectacle  d'une  chute  proportionnelle  au 
succès  imposé.  On  verra  s'établir  une  lutte  indécente  entre  les 
applaudisseurs  quand  même  et  les  siffleurs  surexcités.  L'amour- 
propre,  l'antagonisme,  viendront  se  mettre  de  la  partie.  Chacun" 
s'égarera  dans  ce  combat  de  l'intelligence;  les  plus  patients  pour- 
ront s'y  oublier,  et  les  natures  expansives  y  deviendront  sans 
retenue.  C'est  alors  que  les  questions  d'art  seront  entachées  d'un 
jugement  sans  dignité  :  toute  pudeur  sera  mise  au  vestiaire  ;  on 
sifflera,  on  rira,  on  chantera,  on  sera  sans  pitié  pour  les  pauvres 
interprètes,  on  n'écoutera  même  plus ,  on  troublera  le  public 
sérieux  qui  désire  se  rendre  compte,  et  l'on  donnera,  dans  la 
salle  la  plus  aristocratique  de  l'Europe,  le  triste  exemple  d'un 
charivari  indigne  du  plus  petit  théâtre  des  boulevards. 

Voilà  pourtant  ce  qui  s'est  passé  à  l'Opéra  dimanche  der- 
nier, et  ce  qu'il  faut  déplorer  sincèrement.  Comme  artiste,  je 


138 


LE  MÉNESTUE!. 


proteste;  comme  homme,  je  le  regrette;  comme  critique,  j'en 
suis  navré;  car  l'auteur  du  Tannhauser,  que  nous  avons  battu 
en  brèche  il  y  a  huit  jours,  pourra  s'appuyer  et  s'appuiera 
certainement  sur  ce  jugement  tumultueux  pour  crier  au 
parti  pris,  à  l'injustice,  au  scandale.  Nous  parlions  tout  à 
l'heure  de  maladroits  amis  ;  disons  maintenant  que  les  ennemis 
maladroits  de  M.  Wagner  lui  ont  ainsi  préparé  une  porte  de 
sortie  dont  il  profitera,  et  il  fera  bien.  Le  martyrologe  s'aug- 
mentera d'une  victime.  La  question  pouvait  être  jugée  en  der- 
nier ressort  ;  mais  M.  Wagner  s'armera  de  ce  vice  de  forme 
pour  en  appeler  à  la  postérité.  Voilà  ce  qu'une  impatience  mal 
comprise  aura  produit  :  elle  remet  tout  en  question.  Loin  de 
nous  l'idée  de  contester  au  public  le  droit  de  protestation.  Ce- 
pendant, il  faut  le  faire  dans  une  certaine  mesure.  L'œuvre 
repoussée  dignement  ne  saurait  se  relever,  tandis  qu'on  plaint, 
au  contraire,  l'auteur  endolori  qu'une  chute  trop  cruelle  rend 
plus  intéressant.  Cela  est  vrai,  surtout  en  France,  d'où  est 
sortie  cette  noble  et  mémorable  parole  :  Honneur  au  courage 
malheureux! 

Qu'on  nous  pardonne  cette  digression,  écrite  moins  en  faveur 
de  M.  Wagner  que  pour  déplorer  un  scandale  indigne  du  peuple 
qu'on  cite  comme  le  plus  aimable  et  le  plus  poli  de  la  terre. 
Sans  celte  soirée  néfaste,  le  pauvre  Tannhauser  était  bien  et 
dûment  enterré ,  et  l'on  aurait  pu  dire  sans  regret  :  Laissez 
passer  la  justice....  de  Paris,  ce  roi  du  goût,  de  l'intelligence  et 
des  arts. 

Cet  événement  n'est  pas  le  seul,  du  reste,  qui  se  soit  accompli 
à  l'Opéra  ;  la  semaine  au  contraire  a  été  des  plus  fécondes.  En 
voici  le  relevé  :  Évanouissement  complet  du  Tannhauser  dans 
les  brouillards  les  plus  épais  de  l'avenir;  concert  de  Félicien 
David  et  succès  traditionnel  de  ses  œuvres;  enfin,  rentrée  triom- 
phale de  Mme  Ferraris  par  la  première  représentation  de 
Graziosa,  ballet-pantomime  en  un  acte  de  MM.  Derley  et 
Petipa,  musique  de  M.  Théodore  Labarre. 

Pour  régler  tout  d'abord  notre  compte  avec  M.  Félicien 
David,  ajoutons  qu'à  son  concert,  des  fragments  de  Christophe 
Colomb  ont  rivalisé  noblement  avec  le  Désert.  Pourtant,  il  faut 
le  dire,  ce  dernier  ouvrage  laissait  un  peu  à  désirer  comme  exé- 
cution. Les  chœurs  étaient  insuffisants,  et  l'ensemble  aurait  pu 
être  meilleur.  La  marche  de  la  caravane,  la  danse  des  Aimées, 
ont  été  enlevées  comme  sait  le  faire  l'orchestre  de  l'Opéra. 
M.  Dufrêne  s'est  fait  remarquer  dans  le  chant  du  Muezzin. 
Mme  Gueymard-Lauters  et  M.  Cazeaux  ont  parfaitement  inter- 
prété les  soli  de  Christophe  Colomb.  Enfin,  le  final  de  Moïse 
au  Sinaï  et  le  bel  allegro  de  la  symphonie  en  mi  bémol  com- 
plétaient le  programme  de  cette  soirée,  qui  marquera  dans  les 
fastes  de  la  rue  Le  Pelletier. 

Deux  jours  après,  le  Désert  reparaissait  sur  l'affiche  et  accom- 
pagnait, cette  fois,  la  première  représentation  de  Graziosa.  L'or- 
chestre n'était  plus ,  comme  l'avant-veille,  en  amphithéâtre,  et 
avait  gardé  sa  place  habituelle.  Celte  position,  fort  bonne  pour 
accompagner  les  voix  dans  une  action  dramatique,  est  moins 
favorable  pour  une  œuvre  symphonique.  Les  détails  d'instru- 
mentation sont  moins  indiqués  ;  le  Désert,  dans  cette  nouvelle 
sonorité,  nous  a  fait  l'effet  d'un  tableau  posé  à  plat,  et  cepen- 
dant l'exécution  offrait  plus  d'ensemble  que  le  premier  soir. 


Mais  arrivons  à  Graziosa.  Voilà  un  ballet  comme  nous  les 
comprenons  et  les  aimons  ;  un  ballet  où  l'action  vient  agréable- 


ment couper  les  pas  et  les  danses  ;  un  ballet  eu  un  acte,  c'est-à- 
dire  pas  trop  long,  dans  une  juste  mesure  ;  un  ballet  discret, 
coquet,  vif,  alerte,  amusant.  Nous  lui  prédisons  un  succès  qu'il 
faudra  reporter,  en  partie,  sur  la  gracieuse  ballerine  si  aimée, 
si  choyée  du  public  parisien,  mais  dont,  cependant,  les  auteurs 
du  livret  et  de  la  musique,  et  aussi  les  décorateurs,  pourront,  à 
juste  titre,  réclamer  leur  bonne  part. 

Une  jeune  fille  des  environs  de  Naples  est  fiancée  à  un  mule- 
tier ;  rien  de  plus  simple,  et  cette  histoire  aurait  pu  rester  fort 
ignorée  si  une  jeune  dame  masquée  ne  passait  en  ce  moment  au 
fond  du  théâtre,  au  bras  d'un  cavalier.  Bien  encore  de  plus  na- 
turel. Cependant,  un  autre  cavalier  leur  barre  le  passage  et  veut 
forcer  la  dame  à  se  démasquer.  Un  duel  s'ensuit.  Le  muletier 
Pietro  va  chercher  main-forte,  et  Graziosa,  attirant  la  dame  dans 
un  coin,  se  substitue  adroitement  à  elle  et  sépare  les  combat- 
tants. Le  provocateur  dépisté,  reconnaît  sa  méprise  et  tout  rentre 
dans  l'ordre.  Cependant,  la  garde  arrive,  sous  la  forme  tradi- 
tionnelle de  quatre  hommes  et  un  caporal.  Le  podestat,  ne  trou- 
vant plus  sur  qui  sévir,  s'en  prend  à  Pietro  et  le  laisse  prison- 
nier sous  la  surveillance  des  soldats. 

Ici,  une  scène  charmante  :  Graziosa,  par  sa  grâce  et  sabeauté, 
captive  le  caporal,  fait  tourner  la  tète  aux  quatre  hommes  et 
finit  par  les  faire  tous  danser  avec  elle.  Je  n'ai  rien  vu  déplus 
délicieusement  comique  que  cette  ravissante  créature  au  milieu 
de  ces  soldats  ridicules,  tournant,  haletant,  se  poussant  et  tom- 
bant. L'un  d'eux  est  plus  sec  et  plus  long  que  l'obélisque.  Pietro 
se  sauve  à  la  faveur  de  ce  manège;  mais  il  est  repris  bientôt,  et 
tout  cela  pourrait  fort  mal  tourner,  si  le  jeune  seigneur,  l'obligé 
de  Graziosa,  n'était  le  vice-roi  lui-même.  Celui-ci  obtient  leur 
grâce  du  podestat,  ce  qui  produit  un  tableau  final  pouvant 
porter  pour  exergue  :  Un  bienfait  nest  jamais  perdu. 

Tout  cela  est  mêlé  d'un  combat  de  taureaux...  sans  taureaux; 
erreur  espagnole  de  ce  charmant  petit  acte,  et  ce  qui  ferait  vo- 
lontiers dire  :  si  vous  voulez  faire  un  civet,  ne  prenez  pas  de 
lièvre;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  qu'ici  le  lièvre  serait  un  tau- 
reau, et  que  le  public  français  aime  infiniment  mieux  s'en  tenir 
aux  torréros,  aux  picadors,  tels  que  nous  les  poétise  l'Opéra, 
sous  la  forme  et  les  délicieux  visages  de  M1IesMarquet,Schlosser, 
Parent,  Moncelet,  Simon,  Sloïkoff,  Barette  et  lutte  quante. 

Après  ce  piquant  épisode  d'invisibles  taureaux,  arrive  le  pas 
de  la  fiancée,  par  Mme  Ferraris,  plus  vaporeuse,  plus  sympa- 
thique que  jamais.  Aussi,  le  public  l'a-t-il  acclamée  et  littérale- 
ment couverte  de  bouquets.  Au  milieu  d'eux  fleurissait  ce  qua- 
train : 

Sa  danse  est  un  sourire , 
Et,  quand  elle  bondit, 
Nul  ne  saurait  traduire 
Tout  ce  que  le  cœur  dit. 

La  musique,  nous  l'avons  dit,  est  de  M.  Théodore  Labarre, 
encore  un  musicien  trop  modeste,  et  dont  la  place  n'est  pas 
assez  marquée.  On  se  sent  à  l'aise  en  l'écoutant.  Elle  est  parfois 
italienne,  parfois  espaguole,  toujours  mélodique,  ce  qui  ne  nuit 
pas,  et  sans  cesse  de  bonne  maison.  Le  décor,  de  MM.  Cambon 
et  Thierry,  représente  un  splendide  paysage  napolitain;  la  mise 
en  scène  est  pleine  de  fraîcheur.  Somme  toute,  la  réussite  n'a 
pas  été  douteuse  un  seul  instant. 

Paul  Bernard. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


139 


TROISIÈME  ET  QUATRIÈME  THEATRE  LYRIQUE. 

Reprise  de  Gil  Blas. 

La  reprise  de  Gil  Blas  a  eu  lieu  mardi  dernier  avec  éclat  au 
Théâtre-Lyrique.  L'agréable  et  spirituelle  musique  de  M.  Th.- 
Semet  avait  laissé  des  souvenirs  vivaces  dans  le  public  et  parmi 
les  amateurs  de  la  bonne  et  franche  musique  française  ;  il  y 
avait  donc  toule  justice  à  reprendre  cet  opéra,  qu'une  complainte 
a  d'ailleurs  rendu  populaire  sur  tous  nos  théâtres  de  vaude- 
villes. 

Meillet,  Legrand,.  Wartel,  Leroy,  ont  conservé  les  rôles  qu'ils 
ont  créés  l'année  dernière.  Meillet  joue  avec  un  goût  parfait 
celui  de  Melchior  Zapata  ;  Legrand  a  montré  sa  verve  accou- 
tumée, et  Wartel  est  d'un  comique  achevé  dans  le  personnage 
du  docteur  Sangrado. 

Mais  tout  l'intérêt  de  la  représentation  était  dans  la  tentative 
de  M"e  Girard,  qui  acceptait,  ou  plutôt  réclamait  l'héritage  bien 
lourd  deMme  Ugalde.  On  sait  avec  quelle  aisance,  quelle  spiri- 
tuelle malice,  quel  aplomb  de  bon  aloi,  Mme  Ugalde  avait  joué 
le  rôle  de  Gil  Blas.  MIle  Girard  ne  manque  pas  d'aplomb,  ni 
même  d'esprit,  et  son  audace  a  été  couronnée  de  succès.  Sa  voix 
franche  et  d'un  timbre  agréable  ,  sa  vocalisation  facile,  son  jeu, 
qui  ne  pèche  peut-être  que  par  excès ,  devaient  lui  assurer  les 
applaudissements.  Dès  l'air  du  premier  acte  :  Me  voici  votre 
camarade,  on  pouvait  prévoir  l'heureuse  issue  de  cette  soirée. 
Cependant  on  semblait  attendre  avec  une  certaine  curiosité  la 
complainte  du  quatrième  acte,  où  Mme  Ugalde  semblait  inimi- 
table, malgré  tant  d'imitations.  —  M"e  Girard,  elle-même,  était 
visiblement  préoccupée  à  l'approche  de  ce  morceau,  et,  soit  que 
son  assurance  l'ait  un  peu  abandonnée,  soit  qu'elle  ait  voulu, 
par  bon  goût,  modifier  le  cachet  d'ironie  gamine  que  Mme  Ugalde 
avait  donné  à  cette  chanson,  elle  l'a  dite  d'un  ton  plus  sérieux 
et  avec  plus  de  conviction.  Du  reste  ,  on  l'a  lissée  deux  fois  : 
que  pouvait-elle  souhaiter  de  plus  ? 

MIle  Girard  avait  laissé  son  rôle  de  Laure  à  Mlle  A.  Faivre, 
et  M1Ie  M.  Faivre  a  gardé  celui  de  Pierrette,  où  elle  met  si  peu 
de  voix  et  tant  de  gentillesse. 

En  somme,  chacun  a  aidé  au  succès  de  cette  reprise,  qui  , 
entre  autres  mérites,  a  celui  de  nous  montrer  M"8  Girard  dans 
un  rôle  de  primo  carlello,  honneur  qui  lui  était  dû  depuis  long- 
temps. 

BOUFFES-PARISIENS. 

Le  Pont  des  Soupirs ,  opéra  bouffon  en  deux  actes ,  quatre  tableaux , 

paroles  de  MM.  Hector  Chémieux  et  Ludovic  Halévy, 

muoique  de  J.  Offenbach. 

La  veine  musicale  ne  tarit  pas  chez  le  maestro  Offenbach. 
C'est  une  source  de  mélodies  claires,  intermittentes  et  rhythmées 
qui  jaillit  suir  et  matin,  depuis  le  1er  janvier  jusqu'à  la  Saint- 
Sylvestre,  à  la  barbe  de  tous  les  l'annhauser  de  France  et  d'Al- 
lemagne. 

Voici  un  pendant  à  Orphée  aux  enfers  et  à  toutes  les  joyeu- 
setés  lyriques  que  nous  devons  à  cette  verve  sans  frein.  Mais  par- 
lons d'abord  des  deux  compères, — j'allais  dire  des  deux  com- 
plices, —  les  librettistes  du  Pont  des  Soupirs. 

Je  n'ai  plus  à  exprimer  mon  opinion  sur  les  ébouriffantes  piè- 
ces qui  se  commettent  à  cet  heureux  théâtre.  Aux  Bouffes  on  en- 
tend de  charmante  musique,  mais  on  se  croit  à  Charenton  :  l'é- 
lément plaisant  et  l'élément  bouffon,  le  rire  et  le  fou  rire,  s'y 


entassent  par  couches  superposées,  et,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  on 
y  greffe  l'extravagance  sur  la  folie,  on  y  parfume  la  rose.  Voilà 
le  seul  défaut  que  je  reconnaisse  aux  libretti  de  la  maison.  «  La 
mariée  est  trop  belle,  »  me  répondra-t-on.  —  Non ,  mais  sa 
beauté  est  trop  chargée;  voilà  tout.  Par  bonheur,  cette  fois,  ce 
sont  MM.  Crémieux  et  Halévy  qui  tiennent  la  corde,  et  leur  es- 
prit est  tout  un  dédommagement. 

Quoi  qu'il  en  soit,  je  vous  présente  un  mélodrame  burlesque 
dans  toute  l'acception  de  l'adjectif.  Si,  après  cela,  nos  modernes 
Pixcrécourt,  les  Dennery,  Bouchardy,  Dugué,  e  tutti  quanti, 
vous  donnent  le  moindre  frisson  avec  leurs  productions  terri- 
fiantes, c'est  que  vous  aurez  la  superstition  chevillée  dans  le 
corps. 

Le  Pont  des  Soupirs  est  une  prodigieuse  combinaison  des  in- 
grédients les  moins  historiques  et  les  plus  émouvants,  et  les  hé- 
ros de  cette  histoire  ou  de  cette  légende  vous  jettent  dans  une 
étrange  perplexité  :  on  ne  sait  si  l'on  a  devant  les  yeux  Angelo, 
tyran  de  Padoue,  Binaldo  Rinaldini,  Marino  Falieri  ou  Croqui- 
gnolle  XXXVI.  Jugez  vous-mêmes. 


Premier  tableau.  Une  rue  de  Venise.  Il  fait  nuit.  Arrivée 
clandestine  et  sournoise  de  l'amiral-doge  Cornaro  Cornarini, 
suivi  de  son  valet  Baptiste,  tous  deux  déguenillés  comme  feu 
Chodruc-Duclos.  Cornaro  (Désiré)  raconte,  dans  une  langue  qui 
n'appartient  qu'à  lui,  comme  quoi  il  a  pris  la  fuite,  au  moment 
d'une  bataille  décisive,  pour  rentrer  au  logis  faire  une  surprise 
à  sa  femme  Calarina,  qu'il  adore.  —  Première  invraisemblance. 
—  Là  dessus,  Cornaro  et  son  valet  entonnent  une  sérénade  sous 
les  fenêtres  de  Catarina,  en  s'accompagnant  de  mandolines  qui 
sortent  du  musée-Clapisson.  Bientôt  l'on  voit  se  glisser  dans 
l'ombre  le  podestat  Fabiano  Fabiani  Malalromba,  cousin  du 
doge;  lui  aussi  donne  une  sérénade  à  Catarina,  en  s'accompa- 
gnant d'une  autre  mandoline-Clapisson.  Puis  arrive  le  page 
Amoroso.  Quatrième  -mandoline,  quatrième  sérénade.  —  Ces 
quatre  soupirants  chantent  leur  martyre  sur  les  plus  suaves  ins- 
pirations de  M.  Jacques  Offenbach.  —  Catarina  apparaît  sur  son 
balcon,  lance  des  œillades  au  page  Amoroso,  se  lamente,  et  af- 
fecte des  poses  de  Guignol  aussi  renversé  que  renversant.  Mais 
le  traître  Fabiano,  furieux  d'avoir  tant  de  rivaux,  ordonne  à  ses 
sbires  de  les  précipiter  du  haut  du  pont  des  Soupirs,  —  ce  que 
les  sbires  exécutent  très-imparfaitement,  comme  vous  verrez  plus 
tard.  —  Pendant  ce  temps,  un  crieur  public  distribue  à  la  popu- 
lace une  complainte  sur  la  mort  de  l'amiral-doge,  —  une  des  plus 
populaires  conceptions  d'Offenbach  :  —  Je  parle  de  la  com- 
plainte. 


Deuxième  tableau.  Salon  de  Catarina.  Au  fond,  une  horloge 
et  un  baromètre.  Cornaro  et  son  valet  s'introduisent  nocturne- 
ment  par  la  fenêtre.  Les  sbires  de  Fabiano  sortent  par  des  trap- 
pes. Combat  à  coups  de  poignard.  L'horloge  et  le  baromètre 
servent  de  cachette  aux  cadavres.  Arrivée  de  Fabiano  Mala- 
tromba,  qui  déploie  toutes  ses  séductions  pour  fléchir  Catarina. 
Celle-ci  fait  la  folle  pour  se  tirer  d'affaire. —  De  son  côté,  Cornaro 
demande  à  paraître  devant  le  Conseil  des  Dix  pour  lui  annoncer 
sa  propre  mort  :  — joie  secrète  do  Malatromba,  qui  espère  être 
nommé  doge.  —  La  musique  de  ce  tableau  est  particulièrement 
réussie.  Le  chœur  des  femmes,  le  quatuor  des  poignards,  la  ro- 
mance de  Fabiano  (le  Rêve),  le  boléro  de  Catarina,  le  Doge  et 


140 


LE  MÉNESTREL 


V Adriatique,  et  le  final,  sont  des  morceaux  pleins  de  couleur  et 
d'originalité. 

*  "#  . 

Troisième  tableau.  Séance  du  Conseil  des  Dix,  présidé  par 
M.  Tacova.  Réflexions  philosophiques  du  président,  auxquelles 
les  aphorismes  de  Jocrisse  ne  vont  pas  à  la  cheville.  Familia- 
rités scandaleuses  du  Conseil  des  Dix  avec  les  gondoliôres. 
Cornaro  vient  apporter  ses  preuves,  mais  il  est  démasqué. 
Heureusement  on  apprend  que  la  désertion  de  son  poste  n'était 
qu'une  ruse  de  guerre.  —  Un  délicieux  duetto  de  femmes  et 
une  gracieuse  barcarolle  :  Je  suis  la  gondolière,  chantée  par 
MIle  Pfotzer,  forment  les  éléments  de  ce  tableau.  La  barcarolle 
a  été  bissée  et  le  sera  tous  les  soirs. 

*, 

*  * 

Quatrième  tableau.  Joute  sur  l'eau  et  combat  à  coups  d'avi- 
ron, entre  Cornaro  et  Fabiano.  C'est  à  qui  restera  sur  l'eau  , 
c'est-à-dire  doge  de  Venise.  Fabiano  fait  le  suprême  plongeon  : 
juste  châtiment  d'un  traître  de  cette  espèce.  —  Nouveau  car- 
naval de  Venise ,  exécuté  par  Mmes  Catarina  (Tautin) ,  Fia- 
mella  (Pfotzer),  Amoroso  (Tostée),  et  Florina  (Taffanel). 

Ici  Mlles  Tautin  et  Pfotzer  se  livrent  un  sérieux  combat  vocal, 
elles  se  portent  les  coups  de  gosier  les  plus  gracieux  et  les  plus 
étourdissants.  Et  le  rideau  tombe  sur  les  Fantoccini,  ballet 
dansé  par  toute  la  troupe  sur  une  tarentelle-galop  qui  se  pré- 
lassera avec  orgueil  sur  tous  les  pupitres  de  bal. 

*** 

Désiré,  Potel,  Bâche,  Tacova,  Desmonts,  Guyot,  Duvernoy  ; 
jyjmes  Tautin,  Pfotzer  et  Tostée,  sont  les  héros  les  plus  saillants 
de  ce  mélodrame  burlesque.  Désiré  joue  l'amiral-doge  en  marin 
diplômé  par  les  Bouffes-Parisiens.  Bâche  ,  l'écuyer  Batiste,  est 
digne  de  son  maître.  Potel  a  fort  bien  chanté  et  joué  son  rôle 
de  traître  :  il  a  composé  ce  type  de  Fabiano-Fabiani  de  la  façon 
la  plus  sérieuse,  et  il  n'en  est  que  plus  comique.  —  Tacova, 
détestable  financier  ,  est  un  excellent  président  du  Conseil  des 
Dix  :  —  ce  que  c'est  que  les  vocations  !  —  ses  a  parte  philoso- 
phiques sont  merveilleux.  —  MUe  Tautin  est  incomparable  dans 
sa  scène  de  folie,  et  la  lutte  vocale  du  carnaval,  entre  elle  et 
Mlle  Pfotzer,  leur  mérite  un  premier  prix  partagé.  Mlle  Tostée 
porte  à  ravir  le  costume  du  page  Amoroso,  qu'elle  personnifie  de 
la  façon  la  plus  piquante. 

C'est  vous  dire  que  le  Pont  des  Soupirs  ouvre  une  nouvelle 
ère  de  fortune  pour  les  Bouffes;  car  vous  verrez  que  cette  pièce 
attardée  vivra  encore  au  carnaval  de  l'an  prochain.  Ainsi  soit-il  ! 

J.  Lovy. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Le  Stabul  de  Rossini  aura  dignement  fait  les  honneurs  de  la  semaine 
sainte.  Chanté  jeudi  dernier  à  la  chapelle  impériale  des  Tuileries,  par  les 
artistes  de  l'Opéra,  il  l'était  le  même  soir  au  Théâtre-Italien  par  l'élite  de 
la  troupe.  Le  lendemain,  vendredi  saint,  les  sœurs  Marçhisio,  MM.  Badiali, 
Solieri,  des  artistes  et  des  amateurs  du  plus  grand  talent  ,  du  plus  grand 
monde,  l'interprétaient  chez  l'illustre  maestro  lui-même.  Cette  solennité, 
mémorable  entre  toutes,  restera  sans  égale.  Enfin,  hier  samedi,  la  salle 
Ventadour  retentissait  de  nouveau  des  mêmes  et  sublimes  accents  dont 
la  maîtrise  de  Saint-Euslache  s'était  également  enparée  la  veille 

—  Nous  rendrons  compte,  dimanche  prochain,  de  toutes  ces  fêtes  mu- 
sicales religieuses,  ainsi  que  des  concerts  spirituels  du  Conservatoire  et 
delà  Société  des  jeunes  artistes,  qui  ont  eu  lieu  concurremment  le  ven- 
dredi saint,  sous  les  auspices  de  Haydn,  Mozart,  Beethoven  ,  Cherubini, 
Rossini,  Spohret  Gounod. 


—  C'est  mardi  prochain,  2  avril,  qu'aura  lieu  la  réouverture  du  théâtre 
italien  de  Covent-Garden,  à  Londres.  Le  Prophète,  avec  Tamberlick,  inau- 
gurera la  saison. 

—  Mario  et  Mme  Grisi  doivent  donner  quelques  soirées  au  Palais  de 
cristal  de  Sydenheim,  dans  une  série  d'opéras  italiens  de  leur  répertoire. 
Mme  Grisi  veut  se  retirer  définitivement  (?) . .  l'année  prochaine. 

—  Nous  avons  le  très-vif,  très-profond  regret  d'annoncer  le  départ  des 
sœurs  Marçhisio,  qui  se  rendent  d'abord  à  Bruxelles  pour  le  mois  d'avril; 
elles  devront  ensuite  se  diriger  sur  Londres,  où  les  lie  un  engagement  avec 
M.  Beale  :  c'est  enfin  le  Théâtre  Italien  de  Berlin  qui  possédera  les  sœurs 
Marçhisio  l'hiver  prochain.  Ainsi,  les  deux  premières  scènes  lyriques  de 
Paris,  l'Opéra  et  Ventadour,  laissent  s'envoler  cette  incomparable  dualité 
que  nous  ne  retrouverons  pas  d'ici  longtemps.  Le  public  a  constaté  ses  re- 
grets en  se  portant  en  foule  à  la  dernière  représentation  des  sœurs  Mar- 
çhisio, malgré  les  austérités  du  mercredi-saint.  Sainte  Cécile  se  chargera 
des  indulgences. 

—  Le  Tannhauser  ne  sera  plus  représenté  à  l'Opéra.Voici  la  lettre  adres- 
sée à  ce  sujet  par  M.  Richard  "Wagner  à  M.  Alphonse  Royer,  directeur  de 
l'Opéra  : 

«  Monsieur  le  directeur, 

«  L'opposition  qui  s'est  manifestée  contre  le  Tannhauser  me  prouve 
combien  vous  aviez  raison  quand,  au  début  de  cette  affaire,  vous  me  fai- 
siez des  observations  sur  l'absence  du  ballet  et  d'autres  conventions  scé- 
niques  auxquelles  les  abonnés  de  l'Opéra  sont  habitués. 

«  Je  regrette  que  la  nature  de  mon  ouvrage  m'ait  empêché  de  le  con- 
former à  ces  exigences.  Maintenant  que  la  vivacité  de  l'opposition  qui  lui 
est  faite  ne  permet  même  pas  à  ceux  des  spectateurs  qui  voudraient  l'en- 
tendre d'y  donner  l'attention  nécessaire  pour  l'apprécier,  je  n'ai  d'autre 
ressource  honorable  que  de  le  retirer. 

«  Je  vous  prie  de  faire  connaître  cette  décision  à  S.  Exe.  M.  le  ministre 
d'État. 

«  Agréez,  etc.  richard  wagnbr.  » 

Les  termes  calmes  et  mesurés  de  cette  lettre  n'ont  évidemment  point 
servi  de  mot  d'ordre  aux  journaux  allemands  qui  maltraitent  le  public  et  les 
artistes  de  l'Opéra  d'une  façon  aussi  hostile  qu'imméritée. . .  au  moins  à  l'é- 
gard de  ces  derniers.  Nous  en  donnerons  un  échantillon  dimanche  prochain. 

—  La  saison  italienne  de  Berlin  a  clôturé  le  20  de  ce  mois  avec  le  Tro- 
vatore  et  le  bénéfice  de  M"e  Artot.  Le  lion  do  ces  dernières  soirées  se 
nomme  Roger,  qui  a  jeté  le  plus  vif  éclat  sur  nos  solennités  musicales  et 
théâtrales.  On  lui  a  redemandé  chaque  fois  le  Miserere.  Avant-hier, 
22  mars,  il  a  été  invité  à  chanter  devant  leurs  majestés.  C'était  la  fête  du  roi, 
et  un  concert  avait  été  organisé  au  château.  Roger  et  Mlle  Artot  en  faisaient 
les  honneurs;  Meyerbeer  tenait  le  piano,  et,  chose  curieuse,  Meyerbeer 
n'a  pas  voulu  qu'un  seul  morceau  de  lui  figurât  sur  le  programme.  Voyez- 
vous  d'ici  l'auteur  de  Robert  et  des  Huguenots  accompagnant  du  Rossini, 
du  Verdi  et  du  Ricci  1  Ce  trait  d'abnégation  mérite  certainement  d'être  en- 
registré. La  reine  a  fait  bisser  le  duo  espagnol  d'Iradier,  chanté  par  Roger 
et  Mlle  Artot.  Le  prince  Charles,  le  grand-duc  de  Nassau,  le  duc  de  Meck- 
lembourg-Strelitz,  assistaient  à  ce  concert  et  prodiguaient  leurs  compli- 
ments à  nos  deux  artistes  français.  Après  le  concert,  et  en  félicitant  Roger, 
le  roi  lui  a  dit  avec  sollicitude  :  «  Je  suis  votre  aîné  dans  la  famille  des  vic- 
times de  la  chasse,  »  et  il  lui  a  montré  un  doigt  de  la  main  droite  toutmu- 
tilé.  —  Roger  sera  de  retour  à  Paris  dans  les  premiers  jours  de  mai.  Son  in- 
tention est  d'ouvrir  un  cours  de  chant  et  de  déclamation,  chez  lui,  à  la 
campagne.  Là ,  une  demi-douzaine  d'élèves  logés ,  nourris,  suivront  un 
cours  de  six  mois  au  milieu  des  fleurs  et  des  arbres,  du  lait  et  des  œufs,  — 
préparation  aux  scènes  françaises,  allemandes  et  italiennes.  Ce  sera  l'en- 
seignement musical  et  dramatique  mis  au  vert. 

—  On  annonce  l'arrivée  de  M"0  Trebelli,  et  son  début,  salle  Ventadour, 
mardi  prochain,  dans  l'Arsace  de  Semiramide.  —  Tout  Paris  y  sera. 

—  Le  baryton  Délie  Sedié,  l'un  des  plus  grands  chanteurs  de  notre  épo- 
que, est  également  arrivé  à  Paris,  après  une  série  de  nouveaux  succès  au 
Théâtre-Italien  de  Berlin.  On  assure  que  M.  Délie  Sedié  se  fera  entendre 
dans  quelques  soirées  et  concerts  ;  nous  en  félicitons  les  dilettantes  pari- 
siens. 

—  Le  nouvel  opéra  de  Rubinstein,  les  Enfants  des  Landes,  qu'on  vient 
de  représenter  à  Vienne,  paraît  obtenir  plus  de  succès  que  les  premières 
nouvelles  ne  l'avaient  fait  espérer.  Une  correspondance  de  Vienne  s'ex- 
prime ainsi  à  ce  sujet  :  «  L'opéra  nouveau  se  soutient  et  promet  de  four- 
nir une  assez  longue  carrière.  Ce  qu'il  y  a  surtout  de  remarquable  dans 


TABLETTES  DU   PIANISTE  ET   DU  ClIANTEUIt. 


l'tl 


la  partition  de  Rubinstein,  c'est  l'élément  caractéristique  que  l'on  trouve 
dans  ses  lieder,  et  qui  assigne  au  compositeur  une  place  à  part.  Il  excelle 
à  donner  à  ses  motifs  un  coloris  qu'on  pourrait  appeler  oriental.  Rubins- 
tein a  su  peindre  avec  un  grand  talent  la. vie  sauvage  des  Landes,  qui  se 
révèle  tantôt  par  une  mélancolie  profonde,  tantôt  par  l'exaltation  d'un 
courage  héroïque.  Il  est  toujours  original,  sans  jamais  tomber  dans 
l'exagération.  Parmi  les  meilleurs  morceaux  de  son  opéra,  nous  citerons, 
le  premier  duo  entre  Wanja  et  Isbrana  ,  le  chœur  des  compagnes  de  la 
fiancée,  l'air  de  danse  des  Rohémiens  ;  mais  l'air  d'Isbram  :  Zedenko  par- 
courait les  Landes,  est  la  perle  de  la  partition. 

—  A  Nuremberg ,  on  construit  pour  le  grand  festival  de  chant  du 
22  juillet  une  salle  de  concerts  spéciale,  qui  pourra  contenir  quinze 
mille  personnes. 

—  APesth  (Hongrie),  on  vient  de  représenter,  pour  la  première  fois, 
l'opéra  de  Bank  ban,  par  Erkel.  Cette  œuvre  nouvelle  ,  dans  laquelle  a 
été  employé  pour  la  première  fois  l'instrument  national,  le  zimbal,  a 
obtenu  le  meilleur  accueil. 

—  On  écrit  de  Constantinople  :  «  Nedgib-Pacha,  surintendantdu Conser- 
vatoire impérial  de  musique,  a  été  destitué,  et  cette  charge  a  été  remise  à 
S.  Ex.  Ahmet-Rey,  premier  chambellan  de  Sa  Majesté  impériale.  Nedgib- 
Pacha,  ajoute  le  correspondant,  connaît  bien  la  musique  et  compose  des 
airs  populaires  qui  sont  considérés  comme  autant  de  chefs-d'œuvre  par  les 
connaisseurs  et  les  appréciateurs  de  la  musique  turque.  »  Est-ce  pour  cela 
qu'il  aurait  été  destitué? 

—  On  écrit  de  New-York  :  «  La  ville  de  Rrooklyn ,  qui  est  notre  très- 
proche  voisine,  a  construit  une  salle  d'Opéra.  La  société  des  artistes  ita- 
liens a  loué  cette  salle  et  celle  de  New-York  ;  elle  donnera  deux  repré- 
sentations dans  l'une  et  cinq  dans  l'autre.  Mmc  Colson,  notre  compatriote, 
fait  partie  de  cette  troupe. 

—  Il  nous  arrive  de  Lisbonne  une  triste  nouvelle.  M.  Corradini,  direc- 
teur du  théâtre  de  San- Carlos,  est  mort  subitement.  L'entreprise,  jus- 
qu'à nouvel  ordre,  continue  sous  la  garantie  du  gouvernement. 

—  On  annonce  une  nouvelle  série  de  représentations  et  concerts ,  par 
Mme  Vestvali  et  Mlle  Bardoni,  en  France  et  en  Angleterre,  pour  faire  suite 
aux  succès  recueillis  par  ces  deux  cantatrices  en  Hollande  et  en  Belgique. 

—  La  commission  nommée  par  M.  le  ministre  de  la  guerre  pour  l'exa- 
men des  candidats  aux  grades  de  chef  et  sous-chef  de  musique  dans  l'ar- 
mée vient  de  terminer  ses  travaux.  Cette  commission  se  composait  de 
MM.  le  général  de  division  Mellinet,  président;  le  général  d'artillerie  Guiod, 
Berlioz,  Ambroise  Thomas,  Clapisson  et  Georges  Kastner,  membres  de 
l'Institut. 

Comme  dans  les  années  précédentes,  M.  Georges  Kastner  a  rempli,  cette 
fois  encore,  les  fonctions  de  secrétaire-rapporteur. 

—  Vendredi  Saint,  onaexécuté,àSaint-Roch,les  Sept  paroles  d'Haydn. 
On  exécutera,  aujourd'hui  dimanche,  dans  la  même  église,  la  Messe  du 
sacre,  de  Chérubini,  à  grand  orchestre,  sous  la  direction  de  M.  Ch.Vervoitte 
maître  de  chapelle. 

—  Le  comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens  célébrera,  selon  sa 
coutume  annuelle,  la  fête  de  l'Annonciation,  en  faisant  exécuter  le  lundi 
8  avril,  à  midi  précis,  dans  l'église  de  Notre-Dame,  par  quatre  cents  ar- 
tistes, une  messe  en  musique  de  la  composition  de  M.  Gastinel,  précédée 
de  la  Marche  religieuse,  avec  accompagnement  de  harpes,  d'Adolphe  Adam. 
A  l'Offertoire,  M.  Alard  exécutera,  sur  le  violon,  YAndante  de  Mozart. 

—  M.  Gerdebat,  ancien  professeur  de  l'école  de  musique  religieuse  fon- 
dée et  dirigée  par  Louis  Niedermeyer,  a  prononcé,  au  nom  des  élèves, 
quelques  paroles  sur  la  tombe  de  leur  si  regrettable  et  si  regretté  direc- 
teur :  «  Excellent  autant  que  célèbre,  a  dit  M.  Gerdebat,  Niedermeyer, 
comme  vous  l'avez  entendu  proclamer,  fut  grand  comme  citoyen ,  grand 
comme  artiste,  grand  comme  administrateur!  Mais,  qui  peut  mieux  que 
vous,  proclamer  qu'il  fut  le  meilleur,  le  plus  noble,  comme  le  plus  géné- 
reux des  modèles  et  des  amis?  »  Ce  touchant  et  dernier  adieu  a  produit  sur 
les  assistants  la  plus  profonde  impression. 

—  Notre  grand  chanteur  Duprez,  dont  l'école  lyrique  a  déjà  rendu  tant 
de  services  à  l'art,  vient  de  choisir  quelques-uns  de  ses  élèves,  qui  sont 
déjà  des  artistes  de  premier  ordre,  et,  le  mois  prochain,  il  doit  aller,  avec 
eux,  donner  dans  les  principales  villes  du  midi  de  la  France,  une  série  de 
séances  vocales  et  dramatiques  de  musique  française  et  italienne.  Il  parti- 
cipera lui-même  à  ces  séances,  qui  seront  de  véritables  représentations, 
puisqu'elles  auront  lieu  sur  la  scène,  avec  décorations  et  costumes. 


—  Faust  vient  d'être  représenté  à  Nantes  avec  un  luxe  de  mise  en  scène 
qu'un  théâtre  départemental,  régi  par  la  ville  elle-même,  peut  seul  offrira 
ses  habitants.  Les  artistes  chargés  des  principaux  rôles  ont  répondu  aux 
efforts  du  conseil  municipal,  pour  dignement  fêter  l'œuvre  de  Charles 
Gounod.  Mme  Raynau  (Marguerite)  aété  couverte  de  bouquets,  qui  s'adres- 
saient autant  à  l'artiste  qu'à  la  cantatrice.  Cette  création  lui  fait  le  plus  grand 
honneur.  M.  Castel-Marie  (remarquable  Méphistophélès)  et  M.  Comte-Bor- 
chard,  l'habile  baryton,  ont  partagé,  avec  Mme  Raynau,  les  honneurs  de 
la  soirée. 

—  On  nous  écrit  de  La  Rochelle  :  Pendant  que  le  passé  et  l'avenir  se 
livrent  un  combat  à  outrance  dans  le  champ-clos  de  la  rue  Lepelletier,  nous 
avons  en  province  des  tournois  à  armes  courtoises.  Les  ténors  sont  chers 
et  le  prix  des  places  dans  nos  petits  théâtres  peu  élevé;  de  là,  impossibilité 
pour  les  directeurs  des  scènes  départementales  de  monter  les  nouveaux 
opéras,  qui  exigent,  comme  vous  savez,  de  grandes  ressources  vocales  et 
des  décors  somptueux.  Cependant,  il  nous  faut  de  la  musique  dramatique 
quand  même  ;  au  point  de  développement  musical  où  nous  sommes  arrivés 
en  France,  cet  art  est  devenu  une  nécessité  de  premier  ordre.  Il  nous  faut 
donc  avoir  des  opérettes  chantables  pour  des  comédiens  dont  la  voix  suffit 
à  défrayer  les  couplets  de  vaudeville,  mais  qui  n'ont  pas  de  prétentions 
musicales  plus  élevées;  de  là,  l'éclosion  sur  les  théâtres  de.  province  de 
petites  partitions  qui  sont  accueillies  avecindulgence  par  le  public  pourlequel 
elles  ont  été  écrites.  Cependant,  nous  n'avons  pas  eu  besoin  de  celte  indul- 
gence pour  applaudir,  l'autre  semaine,  le  Cabaret  de  Lusiucru,  charmante 
partition  que  M.  Lemanissier  a  écrite  sur  un  vaudeville  de  MM.  Jaime  et 
Arago,  métamorphosé  en  opéra-comique  par  un  de  nos  compatriotes. 

Cette  partition  abonde  en  mélodies  gracieuses  et  franches  d'allures, 
comme  doivent  être  les  morceaux  d'un  opéra-comique  bien  fait.  Il  est  à  re- 
gretter que  quelques-uns  de  nos  impressari  n'aient  pas  fait  connaissance 
avec  cette  musique  gaie  sans  trivialité,  qui  réussirait  aussi  bien  à  l'Opéra- 
Comique  ou  au  Théâtre-Lyrique  qu'aux  Bouffes  et  au  Théàtre-Déjazet.  Il  y 
a  des  duos,  un  trio,  des  quintettes,  des  airs,  une  romance,  qui  feraient 
leur  chemin  partout.  Mais  il  est  toujours  difficile  à  un  provincial  de  sortir 
de  son  obscurité.  Il  doit  se  contenter  de  faire  de  l'art  pour  l'art,  sans  autre 
ambition  que  celle  d'avoir,  par  à  peu  près,  une  idée  de  ce  que  pourrait 
être  son  œuvre,  convenablement  rendue.  Il  doit,  de  plus,  s'estimer  heu- 
reux, si  ces  modestes  succès  n'ont  pas  excité  la  jalousie  des  impuissants 
qui  ne  peuvent  pardonner  leur  talent  à  ceux  qui  ont  plus  de  mérite  qu'eux. 

L.  M. 

—  Mllc  Balbi  continue  à  récoller  plus  que  des  succès,  dans  nos  sociétés 
philharmoniques  des  départements.  Voici  ce  qu'en  dit,  entre  autres  choses, 
le  Journal  de  Rennes  :  «  MUe  Balbi  est  proclamée  par  tous  une  des  plus 
gracieuses  cantatrices  que  nous  ayons  entendues  dans  nos  concerts.  La 
délicieuse  pureté  de  sa  voix,  aussi  limpide,  aussi  fraîche  que  brillante  et 
sûre  dans  ses  intonations,  devait  lui  assurer  le  nouveau  triomphe  que  lui 
réservait  sa  seconde  visite  à  Rennes.  Du  reste,  à  l'heure  qu'il  est,  n'entend 
pas  qui  veut  Mlle  Balbi  :  les  sociétés  musicales  se  l'arrachent.  Elle  vient 
de  chanter  avec  le  plus  grand  succès  à  Orléans,  à  Lille,  à  Arras,  à  Nantes  ; 
elle  chantait  mercredi  à  Saint-Malo;  samedi,  elle  est  attendue  à  Cambrai. 
Vous  le  voyez,  dans  le  choix  des  artistes  qu'elle  engage,  la  commission  de 
notre  Société  ne  s'adresse  pas  à  l'aventure.  » 

—  On  nous  écrit  que  dans  une  de  ses  excursions  professionnelles  au 
Havre,  où  MUe  Marie  Brousse  dirige  de  nombreuses  élèves  sans  abandon- 
ner Paris,  et  cela  grâce  au  chemin  de  fer,  qui  lui  permet  cette  double  élec- 
tion de  domicile,  la  cantatrice  professeur  a  fait  entendre,  avec  le  plus 
grand  succès,  la  remarquable  mélodie  écrite  par  G.  Héquet,  sur  les  trois 
chansons  de  Victor  Hugo.  MIIe  Brousse  s'accompagnait  elle-même,  ce  qui 
est  un  double  attrait ,  car  elle  manie  le  clavier  d'ivoire  avec  non  moins 
d'habileté  que  le  clavier  de  la  voix. 

—  On  annonce  l'engagement  au  Théâtre-Lyrique,  et  à  de  fort  belles 
conditions,  du  baryton  Jules  Lefort ,  l'un  des  chanteurs  les  plus  aimés 
de  nos  salons  de  Paris  et  de  Londres.  Nous  ne  saurions  trop  féliciter 
M.  Rély  de  cette  précieuse  acquisition. 

—  Parmi  les  nouvelles  qui  intéressent  l'art  musical,  nous  pouvons 
mentionner  l'acquisition  faite,  par  M.  le  baron  de  Rothschild,  du  fameux 
clavecin  du  xvie  siècle  que  possédait  un  architecte  de  la  ville  de  Paris, 
fondateur  de  la  Revue  des  Beaux-Arts.  Cet  instrument ,  fort  précieux 
au  point  de  vue  archéologique,  a  été  inauguré  cette  semaine  dans  les  sa- 
lons du  roi  de  la  banque,  et  c'est  encore  M.  Georges  Pfeiffer  qui  a  été  prié 
de  ressusciter  sa  voix  endormie  depuis  trois  cents  ans.  Rameau,  Grétry, 
Mozart,  Haydn,  ont  été  interprétés  sur  ce  léger  clavier,  l'aïeul  du  piano,  et 


1 42 


LE  MÉNESTREL. 


l'on  a  pu  faire  une  étude  doublement  intéressante  de  l'exécution  et  de  la 
fabrication  de  l'instrument  qu'une  plume,  spirituelle  a  nommé  l'orchestre 
des  boudoirs. 

—  On  écrit  de  Bordeaux  :  «  Le  Cercle  philharmonique  ,  présidé  par 
l'honorable  M.  Brochon  père,  a  donné  ,  le  23 ,  un  très-beau  concert 
dans  lequel  le  tromboniste  Nabich  a  eu  les  honneurs  de  la  partie  instru- 
mentale. Cet  artiste  doit  se  faire  entendre  à  Toulouse,  à  Carcassonne  et  à 
Angoulême,  avant  de  rentrer  à  Paris. 

—  Alfred  Musard  est  de  retour  à  Paris,  après  avoir  terminé  la  série  des 
concerts  pour  lesquels  il  avait  été  engagé  à  Londres.  Dans  ses  soirées, 
Musard  a  cru  devoir  essayer  de  quelques-unes  de  ces  combinaisons  extra- 
musicales qui  fondèrent  la  popularité  de  Jullien.  Nous  ne  savons  si  cette 
tentative  locale  a  réussi  à  consoler  nos  voisins  de  la  perte  de  leur  maestro 
de  prédilection  ;  mais  ce  que  nous  pouvons  affirmer,  c'est  la  satisfaction 
des  Parisiens,  qui  s'apprêtent  à  envahir  les  concerts-Musard  des  Champs- 
Elysées,  sitôt  leur  réouverture,  très-impatiemment  attendue. 

SOIRÉES  ET    CONCERTS 

5e    ET    6e    COîsCERTS    DU    CONSERVATOIRE. 

L'événement  du  5e  concert  a  été  l'exécution  des  fragments  empruntés 
à  VAlceste  française  et  à  YAlceste  italienne  de  Gluck.  Mmc  Viardot  a  . 
excité  des  transports  d'enthousiasme  en  interprétant  avec  un  style  incom- 
parable la  musique  du  grand  maître,  dont  elle  a  su  approfondir  le  carac- 
tère et  les  secrets;  l'air  :  Divinités  du  Styx....  a  été  pour  elle  un  véritable 
triomphe,  et  nous  ne  craignons  pas  d'affirmer  que,  chantée  ainsi,  la  par- 
tition entière  n'obtiendrait  pas  un  moindre  succès  que  celle  d'Orphée. 
Cazaux,  dans  le  grand-prêtre,  a  fait  preuve  d'une  belle  voix  et  d'une  bonne 
méthode.  Nous  aurions  désiré  que  les  fragments  italiens  fussent  dits  dans 
cette  langue,  et  nous  ne  voyons  pas  pour  quel  motif  on  a  pris  la  peine 
d'en  faire  la  traduction. 

Il  y  a  un  monde  entre  la  fougue  de  Gluck  et  la  sérénité  d'Haydn,  séré- 
nité qui  ne  se  dément  pas  plus  dans  sa  symphonie,  dite  militaire,  que 
dans  ses  autres  œuvres  symphoniques.  Rien  en  effet,  si  ce  n'est  son  titre, 
ne  différencie  cette  charmante  composition ,  dont  le  gracieux  andante  a 
été  particulièrement  remarqué  et  applaudi. 

Méhul,  dans,  son  ouverture  du  Jeune  Henri,  est  autrement  militaire 
que  Haydn,  et  cependant  il  ne  s'agit  ici  de  faire  la  guerre  qu'aux  hôtes 
des  forêls  ;  celte  belle  page  de  musique  imitative  a  été  rendue  par  l'or- 
chestre avec  une  verve  étourdissante. 

La  séance  s'est  terminée  par  des  chœurs  du  Judas  Machabée  deHaen- 
del.  Ces  morceaux  élant  les  mêmes  que  le  Conservatoire  a  l'habitude  de- 
nous  faire  entendre,  il  n'y  a  rien  à  en  dire,  sinon  qu'ils  frappent  toujours 
par  leur  tour  grandiose  et  vigoureux. 

Beethoven,  qui  n'était  pas  représenté  à  la  précédente  séance  ,  figurait 
au  concert  de  dimanche,  avec  sa  symphonie  en  si  bémol,  dont  le  second 
morceau  (l'andante)  est  assurément  l'une  des  plus  merveilleuses  choses 
qui  soient  sorties  de  cette  plume  si  féconde  en  merveilles. 

Puis  venait  le  duo  A'Armide  de  Gluck  :  Esprits  de  haine  et  de  rage..., 
chanté  par  Mlle  Rey  et  M.  Massol,  à  qui  l'orchestre  a  fait  un  accompagne- 
ment trop  formidable,  même  pour  une  magicienne  et  un  enchanteur. 

Entre  ces  accents  d'une  énergie  presque  sauvage  et  l'éclatante  introduc- 
tion du  Siège  de  Corinthe,  le  morceau  de  Viotti  et  l'exécution  du  vio- 
loniste Allés  ont  semblé  un  peu  petits.  Dans  un  autre  cadre,  il  est  à  croire 
ipie  l'un  portant  l'autre  eussent  produit  plus  d'effet  et  fussent  arrivés  à 
un  meilleur  résultat. 

Mais  quelles  acclamations  pour  Rossini,  et  comme  ces  mâles  récitatifs, 
ce  bel  air,  ce  magnifique  trio  et  ces  chœurs  d'un  rhythme  si  entraînant, 
d'une  mélodie  si  communicalive,  ont  enflammé  la  salle  du  Conservatoire  I 
Si  jamais  la  Grèce  a  besoin  de  nouveaux  défenseurs,  faites  exécuter  le 
Siège  de  Corinthe  aux  portes  d'un  bureau  d'enrôlement,  et  vous  verrez  les 
signatures  pleuvoir  à  la  suite  des  applaudissements. 

La  splendide  ouverture  d'Euryanthe,  de  Weber,  d'un  caractère  entiè- 
rement opposé,  pouvait  seule  supporter  sans  inconvénient  le  voisinage 
du  maestro  italien  ;  et,  en  effet,  les  bravos  ne  lui  ont  pas  fait  défaut. 

Dimanche,  nous  rendrons  compte  des  concerts  spirituels  de  la  semaine 
sainte.  E.  Viel. 

—  Quatre  grands  artistes  :  Félix  Godefroid,  Ravina  ,  Servais  et  Lefé- 
bure-Wély,  se  sont  fait  entendre  aux  derniers  samedis  de  M.  et  Mmo  Ros- 
sini. Ces  noms  seuls  suffisent  à  tout  éloge,  surloutquand  nous  aurons  dit 
que  ces  virtuoses  hors  ligne  se  sont  inspirés  de  la  présence  du  grand 


maître,  pour  le  plus  grand  honneur  de  la  harpe,  du  piano,  du  violoncelle 
et  de  l'harmonicorde.  Dans  la  partie  vocale  de  ces  deux  dernières  soirées, 
on  a  entendu  Mllc  Barbara  Marchisio,MraoIweins-d'Hennin,M.  Badialiavec 
M110  Mira,  M.  Solieri,  les  frères  Castellani  et  M.  Berthelier,  dont  les  chan- 
sonnettes fines  et  spirituelles  couronnent  toujours  si  agréablement  un 
programme  de  bonne  musique. 

—  La  Société  des  jeunes  artistes  nous  a  fait  enlendre  dimanche  dernier, 
à  son  cinquième  concert,  les  fragments  du  Slruensée,  de  Meyerbeer  :  l'Ou- 
verture, la  Révolte  des  gardes  à  pied,  la  scène  du  bal  et  de  V arrestation. 
Le  succès  a  été  grand  et  digne  de  cette  belle  musique  trop  peu  connue, 
Irop  rarement  entendue.  On  a  surtout  applaudi  l'ouverture,  la  marche  mi- 
litaire, et  celte  ravissante  Polonaise,  l'une  des  plus  suaves  et  des  plus  en- 
traînantes inspirations  du  musicien  qui  a  écrit  les  ballets  du  Prophète  et 
la  Marche  aux  flambeaux.  Une  symphonie  de  Gouvy,  l'introduction  d'O- 
béron,  la  symphonie  en  si  bémol  majeur,  de  Haydn,  complétaient  ce  pro- 
gramme d'amateurs  ou  d'initiés.  L'exécution,  de  plus  en  plus  sûre  et  déli- 
cate, a  été  excellente  pour  la  partie  d'orchestre.  Les  chœurs  restent  un  peu 
faibles.  Ce  ne  sont  pas  les  bons  instrumentistes,  ce  sont  les  chanteurs  qui 
font  défaut.  11  faut  en  prendre  son  parti. 

—  Les  perturbalions  météorologiques  qui  se  sont  produites  depuis  l'ap- 
parition du  Tannhauser  n'ont  porté  aucun  trouble  à  nos  sociétés  de  mu- 
sique classique.  La  cinquième  séance  des  quatuors  de  MM.  Armingaud, 
Jacquard,  etc.,  en  compagnie  de  M.  Lubeek,  a  été  des  plus  brillantes.  Le 
2e  quatuor  en  si  bémol,  de  Mozart ,  et  la  grande  sonate  œuv.  47  de  Bee- 
thoven, ont  eu  les  honneurs  du  rappel.  On  a  fait  un  accueil  chaleureux  à 
l'hymne  autrichien  varié  par  Haydn  ;  mais  le  quatuor  de  Schuman,  bien 
que  supérieurement  exécuté,  n'a  obtenu  qu'un  demi-succès.  A  mercredi 
3  avril,  sixième  et  dernière  séance,  avec  le  concours  de  Mme  Massart. 

—  Mercredi  20,  a  eu  lieu  la  séance  annuelle  de  M.  Gouffé,  contrebas- 
siste solo  de  l'Opéra.  A  côté  de  la  musique  magistrale  d'Hummel,  de 
Mozart  et  de  G.  Onslow,  on  applaudissait  de  gracieuses  composi- 
tions de  MM.  Walekiers  et  Ad.  Blanc,  parfaitement  interprétées  par 
Mme  Mattmann ,  [MM.  Guerreau ,  A.  Rignault ,  Casimir  Ney ,  Adam , 
Lebouc,  Gouffé  et  Mohr.  M.  Lebouc  a  exécuté,  ayee  une  grande  pureté  de 
slyle,  la  Marche  funèbre  de  Chopin,  transcrite  pour  le  violoncelle,  et 
M.  Gouffé  s'est  fort  distingué  dans  une  fantaisie  de  sa  composition.  Enfin 
M.  Guerreau,  dans  les  variations  de  Rode,  s'est  montré,  comme  toujours, 
l'un  des  formes  soutiens  de  l'école  de  Baillot,  et  Mmo  Mattmann  a  digne- 
ment terminé  la  séance  par  une  fantaisie  de  Mendelssohn  et  un  finale 
d'Haydn. 

—  Le  dernier  concert  du  lycée  Louis-le-Grand  a  été  splendide.  MM.  Gar- 
doai,  Faure,  Sair.te-Foy,  le  pianiste  Perelli,  et  le  jeune  virtuose  Sarrasate 
composaient  le  programme.  On  ne  saurait  se  figurer  l'accueil  fail  au  violon 
de  Sarrasale,  qui  a  été  traité  en  camarade  par  les  lycéens  enthousiasmés. 

—  M.  Emile  Forgue  s'est  fait  entendre  dimanche  dernier  dans  l'inter- 
mède musical  donné  au  Théàlre-Italien.  Ce  virtuose  a  renouvelé  les  mer- 
veilles de  sa  prodigieuse  exécution.  Sa  Grande  fantaisie  héroïque  a 
littéralement  ébloui  le  public.  Mazeppa,  grande  étude,  et  la  Tarentelle  de 
concert ,  ont  eu  un  égal  succès.  Acclamations  et  rappels,  rien  n'a  manqué 
au  célèbre  pianisle,  qui  a  prouvé  dans  celte  circonstance  que  les  immenses 
ressources  d'exécution  qu'il  met  au  service  de  ses  compositions,  deman- 
dent de  grandes  scènes,  telles  que  celle  du  Théâtre-Italien. 

—  Le  concert  d'Alexandre  Batta,  salons  Érard,  n'aura  pas  été  l'un  des 
moins  attrayants  de  la  saison.  Indépendamment  du  bénéficiaire,  elde  Le- 
fébure-Wély,  qui  ont  charmé  les  auditeurs  par  la  qualité  et  l'ampleur  du 
son,  l'élégance  et  l'expression  du  phraser,  nous  avons  surtout  applaudi 
aux  progrès  de  Mme  Anna  Bertini,  qui  doit  aux  leçons  de  notre  excellent 
professeur  Piermarini,  non-seulement  le  développement  et  la  rondeur  des 
notes  aiguës,  mais  aussi  une  parfaite  égalité  et  une  grande  agilité  de  la 
voix;  aussi  Mme  Bertini  a-t-elle  partagé,  avec  M.  Jules  Lefort,  les  hon- 
neurs de  la  partie  vocale. 

—  L'audiloire  d'élite  qui  s'était  donné  rendez-vous  le  lundi  23  mars  dans 
les  salons  de  Pleyel,  pour  assister  à  la  deuxième  séance  de  musique  de 
chambre  donnée  par  M.  Georges  Pfeiffer,  n'a  pas  eu  seulement  à  applau- 
dir, cette  fois,  la  brillante  exécution  du  virtuose.  Beethoven,  Mozart  et 
Mendelssohn  ne  figuraient  pas  seuls  au  programme;  le  Rondo  pastoral  ex- 
trait du  concerto  adopté  au  Conservatoire,  et  que  son  auteur,  M.  Georges 
Pfeiffer,  a  transcrit  pour  piano  seul,  a  enlevé  l'assentiment  général.  Mais 
le  morceau  capital  du  bénéficiaire  était  le  trio  inédit ,  composé  récem- 
ment par  lui  pour  piano,  violon  el  violoncelle,  exécuté  par  l'auteur  et 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


143 


MM.  Franchomme  et  Herman,  —  œuvre  remarquable  sur  laquelle  nous 
reviendrons. 

—  Notre  pianiste  compositeur  Charles  Delioux,  dont  les  productions 
sont  devenues  à  la  mode ,  ne^  se  borne  pas  à  doter  nos  salons  d'œuvres 
piquantes  et  pleines  de  distinction  ;  il  a  également  pris  nang  parmi  nos 
bons  professeurs.  Sa  matinée  du  dimanche  17,  dans  laquelle  nous  avons 
entendu  une  partie  de  ses  élèves,  nous  a  révélé  les  excellentes  qua- 
lités du  maître.  Les  œuvres  de  Chopin,  de  Félix  Godefroid  et  do  l'amphi- 
tryon de  ce  menu  musical,  ont  fait  tour  à  tour  les  frais  du  programme  ; 
et  nonobstant  vingt  morceaux  servis  coup  sur  coup,  les  assistants  ne  se 
sont  pas  donné  la  moindre  indigestion  de  piano. 

—  MmeGaveaux-Sabatier,  qui  ne  se  borne  pas  à  faire  les  honneurs  de  nos 
soirées  musicales,  trouve  le  moyen,  entre  ses  soirées  et  pérégrinations  à 
travers  les  sociétés  philharmoniques  de  France  et  de  Belgique,  de  former 
d'excellentes  élèves  qu'elle  fait  entendre  chez  elle ,  le  dimanche,  en  pré- 
sence des  familles  et  d'artistes  heureux  d'applaudir  à  ses  succès  de  profes- 
seur. Là,  les  jeunes  filles  du  monde  le  plus  distingué  viennent  prouver  de 
la  grâce  et  de  la  distinction  de  la  méthode  de  Mme  Gaveaux-Sabatier,  aussi 
parfaite  musicienne  que  cantatrice  du  meilleur  goût. 

—  Nous  devons  enregistrer  le  concert  donné  par  MM.  Léon  Le  Cieux  et 
Nollet,  parmi  les  plus  intéressants  de  la  saison.  M.  Le  Cieux  a  exécuté,  avec 
sa  supériorité  habituelle,  sa  fantaisie-ballet  et  ses  souvenirs  de  Gibby,]>ms 
un  trio  de  Beethoven  et  le  Stradella,  de  Lefébure-Wély,  avec  MM.  Lée, 
Maton  et  Nollet,  qui  s'est  fait  applaudir  seul  sur  la  harpe  et  sur  le  piano, 
dans  une  Rêverie,  Fantaisie  villageoise,  deux  études  de  style,  et  le  Réveil 
du  chasseur.  Deux  élèves  de  M.  Révial,  M.  Lulz  et  Mlle  Marie  Cico,  ont 
très-agréablement  défrayé  la  partie  vocale  de  ce  concert. 

—  Nous  sommes  en  retard  avec  bien  des  concerts  ;  mais  le  moyen  d'y 
suffire!  Nous  ne  pouvons,  cependant,  passer  sous  silence  celui  de  Géraldy, 
qui  avait  mis  en  fête  la  salle  Pleyel.  Le  bénéficiaire  y  a  brillé  dans  tous  les 
genres:  le  bouffe,  le  sérieux,  le  baryton,  le  ténor.  Il  se  faisait  applaudir  de 
de  nouveau,  dans  la  même  salle,  quelques  jours  après,  au  concert  de 
Mme  Mancel,  au  double  titre  de  chanteur  et  de  compositeur.  Géraldy  ren- 
dait à  Mme  Mancel  le  concours  que  cette  cantatrice,  si  recherchée  dans  nos 
salons  et  concerts,  lui  avait  prèle  la  semaine  précédente.  C'était  un  assaut 
de  bonne  obligeance  et  de  talent.  Le  public  a  redemandé  les  deux  com- 
battants, c'est-à-dire  les  deux  vainqueurs. 

—  Un  artiste  nomade  que  toute  l'Europe  a  entendu  et  applaudi  cent 
fois,  —  le  célèbre  Huerta,  guitariste  de  la  reine  d'Espagne,  chevalier  de 
l'ordre  de  Grégoire-le-Grand  et  d'une  foule  d'autres  ordres,  —  a  donné,  le 
20  mars,  un  concert  dans  le  foyer  du  Théâtre-Italien,  avec  le  concours 
de  Mme  Penco,  MM.  Graziani,  Badiali,  M.  et  Mme  Caseila.  Inutile  de  dire 
que  la  soirée  a  été  fort  intéressante.  Le  bénéficiaire  qui,  entre  autres  mor- 
ceaux, a  fait  entendre  son  Hymne  de  Riégo,  varié  en  imitation  d'instru- 
ments militaires,  a  reçu  les  plus  chaleureux  témoignages  de  sympathie. 

—  M.  LéonDufils,  pianiste  compositeur,  après  un  petit  voyage  artistique 
à  Tours,  en  compagnie  de  M.  et  Mme  Riquier-Delaunay,  nous  a  donné  le 
vendredi  22  un  intéressant  concert  dans  les  salons  d'Ërard;  le  Réveil  des 
Bacchantes,  le  scherzo-valse,  de  sa  composition,  et  la  Berceuse,  de  Chopin, 
lui  ont  valu  des  bravos  de  fort  bon  aloi. 

—  Le  concert  de  M"e  Angèle  Tailhardat,  qui  s'était  entourée  de  plu- 
sieurs artistes  aimés,  tels  que  MM.  Portheaut,  Leboue,  M.  et  Mme  Riquier- 
Delaunay,  Castel,  Boulard,  a  été  des  plus  satisfaisants.  On  a  particuliè- 
rement fêté  la  bénéficiaire,  dont  le  talent  de  pianiste  s'est  formé  à  l'école 
des  meilleurs  maîtres.  Sa  sœur,  MUe  Laure  Tailhardat,  également  douée 
d'une  bonne  organisation  musicale,  a  partagé  ses  bravos  dans  le  duo  des 
frères  Herz.  Ajoutons  que  Mlie  Angèle  a  aussi  apporté  son  concours  à  la 
partie  vocale,  en  disant  la  Jision  de  sainte  Cécile,  accompagnée  sur  le 
violoncelle  par  l'auteur,  M.  Leboue.  Tout  le  monde  a  été  rappelé. 

—  M.  Salabert,  le  chanteur  bouffe,  a  donné,  le  20  mars,  salle  Beethoven, 
un  fort  agréable  concert,  dont  la  musique  pour  rire  a  fait  très-discrète- 
ment les  frais.  Le  trio  bouffe  de  Martini,  dit  par  Mme  S.  Marini,  M.  Ronzi 
et  le  bénéficiaire,  a  été  bissé  à  outrance.  MUcs  Mathilde  Devançay  et  Saba- 
tier-Blot,  MM.  Bauerkeller,  Ruiz,  ont  habilement  coopéré  à  cette  soirée. 

—  M.  et  Mme  Ernest  Alvarès-Lévi  ont  donné,  le  samedi  16  mars,  leur 
dernière  soirée  de  la  saison,  au  grand  regret  des  assistants  et  surtout  des 
jolies  assistantes.  M.  Guyot,  le  baryton  des  Bouffes-Parisiens,  a  été  le  hé- 
ros de  cette  séance  de  clôture.  On  sait  que  Guyot  est  un  chanteur  sérieux 
que  nos  théâtres  sérieux  revendiqueront  tôt  ou  tard.  Il  a  dit,  de  sa  voix 


pure  et  sonore,  le  Credo  des  quatre  saisons,  David  devant  Saiil,  le  Maître 
chanteur,  de  Limnander,  etc.,  et  l'auditoire  lui  a  prodigué  les  plus  chaleu- 
reux applaudissements.  Quelques  dames  amateurs  ont  également  fait  les 
honneurs  de  la  partie  vocale;  puis  le  programme  a  été  complété  par  les 
nouvelles  études  de  Henri  Ravina,  les  Harmonieuses,  exécutées  par  ma- 
dame Ernest  Lévi-Alvarès,  avec  beaucoup  de  charme  et  de  brio. 

—  Au  concert  de  M1Ie  Marie  Delanoue,  pianiste  de  bonne  école,  qui 
s'est  fait  applaudir  dans  le  classique  et  le  moderne,  nous  avons  remarqué 
une  partie  vocale  richement  défrayée  par  MM.  Géraldy ,  Sainte-Foy,  et 
M110  Tilmont,  de  l'Opéra-Comique,  qui  faisait  sa  rentrée  dans  le  monde 
musical.  Sa  cavaline  du  Barbier  et  ses  deux  romances  ont  reçu  le 
meilleur  accueil. 

—  Un  nombreux  et  chaleureux  auditoire  assistait  au  concert  donné 
par  MM.  Anthiome  et  Lacroix,  dans  les  salons  du  Cercle  des  Sociétés 
savantes.  Ces  deux  artistes  se  sont  fait  applaudir  dans  plusieurs  mor- 
ceaux de  chant.  M.  Lacroix  qui  joint,  à  une  belle  voix  de  basse,  le 
talent  de  compositeur,  a  fort  bien  chanté  l'air  du  Chalet ,  puis  une  scène 
lyrique  de  sa  composition,  intitulée  Repentir,  scène  d'un  style  élevé  et 
mélodieux.  M.  Anthiome  fils,  élève  du  Conservatoire,  a  fort  bien  exécuté 
sur  le  piano  plusieurs  de  ses  compositions,  d'une  facture  élégante,  et 
M11*  Adèle  Anthiome,  son  élève,  s'est  fait  agréablement  entendre  avec 
lui,  dans  un  morceau  à  quatre  mains.  Somme  toute,  la  soirée  de  MM.  An- 
thiome et  Lacroix  a  été  fort  agréable,  et  le  public  leur  a  témoigné  sa 
satisfaction  par  des  applaudissements  mérités. 

—  Mlle  Lascabanne,  élève  du  MM.  Mozin  et  Marmontel,  a  donné,  samedi 
dernier,  un  concert  dans  la  salle  Pleyel,  avec  le  concours  de  MM.  Ar- 
mingaud,  Maurin,  Chevillard  et  Jules  Lefort.  Nous  signalerons  le  grand 
trio  de  Mendelssohn  ,  dans  lequel  la  jeune  pianiste  s'est  fait  remar- 
quer. Mlle  Lascabanne  a  déployé  beaucoup  de  grâce  dans  le  rondo  élégant 
de  Ries.  Quant  à  Jules  Lefort,  toujours  la  même  voix  fraîche  et  sonore 
dans  la  Chanson  d'Amour,  de  Membrée,  et  le  Nid  abandonné,  de  Nadaud. 

—  Le  concert  exceptionnel  donné  jeudi  soir  par  M.  Arban,  dans  les 
salons  du  Casino,  a  exercé  une  great  attraction  (voir  l'affiche)  sur  le 
inonde  artistique,  — et  même  sur  les  représentants  de  la  critique  musicale; 
aussi  la  salle  était-elle  comble,  —  ce  qui,  du  reste,  rentre  assez  dans  ses 
habitudes.  Arban ,  le  héros  de  céans  et  le  prince  de  la  soirée,  a  été  digne- 
ment choyé.  Il  a  fait  entendre  trois  nouvelles  compositions  :  sa  valse  la 
Villa  Stéphanie,  son  quadrille  sur  Fortunio,  et  la  Diva,  polka-mazourque; 
plusieurs  salves  de  bravos  ont  accueilli  ces  morceaux.  Arban  n'a  pas  moins 
charmé  l'auditoire  avec  son  solo-caprice  pour  le  cornet  à  piston.  Près  de  lui 
se  sont  spécialement  distingués  le  violoniste  Tayau,  le  pensionnaire  des 
Bouffes,  et  l'habile  flûtiste  de  la  localité,  M.  Demerssman.  Tayau  a  été  su- 
perbe dans  la  symphonie  et  tyrolienne  de  X Avenir,  de  Jacques  ûffenbach. 
Les  frères  Guidon  ont  également  coopéré  à  cette  soirée,  en  disant,  de  leur 
voix|la  plus  fraternelle,  les  Pêcheurs  de  Sorrente  et  les  Gardes  françaises. 
L'orchestre  enfin  a  fort  bien  exécuté  les  ouvertures  à'Euryanthe  et  de  la 
Circassienne.  La  grande  Symphonie  chinoise  de  M.  Gênée  n'a  obtenu  qu'un 
demi-succès:  elle  a  semblé  ou  trop  européenne  ou  trop  chinoise  :  les 
portes  de  la  Chine  devraient  être  ouvertes  ou  fermées. 

Concerts  annoncés. 

—  Dans  le  septième  concert  de  la  Société  des  concerts  du  Conservatoire, 
on  doit  exécuter  la  magnifique  symphonie  de  Berlioz,  la  Damnation  de 
Faust. 

—  MM.  Armingaud,  Jacquart,  Lalo,  Mas,  donneront,  mercredi  3  avril, 
chez  Pleyel,  à  8  heures  et  demie,  avec  le  concours  de  Mme  Massart,  leur 
sixième  et  dernière  séance.  Voici  le  programme  :  1°  76e  quatuor  de 
Haydn,  pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle  ;  2°  variations  de  Mendelssohn, 
pour  piano  et  violoncelle;  3"  9e  quatuor  de  Beethoven  (op.  59),  pour  deux 
violons,  alto  et  violoncelle  ;  4°  adagio  et  rondo  de  Schubert,  pour  piano  et 
violon. 

—  Le  virtuose  Perelli,  le  Liszt-Paganisé  de  la  saison,  annonce  son  con- 
cert chez  Érard  pour  le  10  avril. 

—  Le  11  avril,  salon  Érard,  concert  de  notre  célèbre  harpiste  Félix  Go- 
defroid, avec  le  concours  de  Mlle  Marie  Sax  et  de  M.  Dufrêne,  de  l'Opéra, 
de  MM.  Baillot,  Sauset,  Mas,  etc. 

—  Le  pianiste-compositeur  Bernhard  Rie  donnera  un  concert,  le  mardi 
9  avril,  à  8  heures  du  soir,  à  la  salle  Herz.  Indépendamment  du  bénéfi- 
ciaire et  de  ses  remarquables  compositions,  on  entendra  :  Mllc  Vaneri,  du 
théâtre  de  la  Reine,  à  Londres;  M.  Crosti,  de  l'Opéra-Comique;  M.  Léopold 


m 


LE  MÉNESTREL. 


Dancla,  MM.  RoseJBruneau,  Jancourt,  Mohr  et  Gouffé,  qui  joueront  avec 
M.  Rie  un  quintette  pour  piano,  flûte,  clarinette  et  basson,  de  la  com- 
position de  M.  Ad.  Blanc. 

Le  violoncelliste  Ernest  Nathan  annonce  son  concert  annuel  pour  le 

8  avril,  salle  Herz,  avec  le  concours  de  MmM  Gaveaux-Sabalier,  de  Lapom- 
raeraie,  et  de  MM.  Grazziani,  Félix,  Charles  Poisot,  Alfred  Lebeau,  et 
Brasseur,  du  Palais-Royal. 

—  M1Ie  Maria  Boulay,  la  jeune  et  remarquable  élève  d'Alard,  qui  s'est 
fait  applaudir  au  dernier  concert  des  Tuileries,  annonce  un  concert  pour  les 
derniers  jours  d'avril,  salle  Herz.  Il  y  aura  foule,  car  non-seulement  cette 
nouvelle  Milanollo  est  délicieuse  à  entendre,  mais  aussi  des  plus  agréables 
à  voir.  C'est  tout  un  charmant  type  que  cette  jeune  Maria  Boulay. 

—  Le  11  avril  prochain,  salle  Herz,  concert  avec  orchestre  donné  par  le 
violoniste  Joseph  White. 

—  L'Association  de  fabricants  et  artisans  pour  le  patronage  d'orphelins 
des  deux  sexes,  présidée  par  M.  le  baron  Ch.  Dupin,  donnera,  le  dimanche 
7  avril,  à  8  heures  du  soir,  salle  Herz,  son  concert  annuel,  dans  lequel  on 
entendra  :  pour  la  partie  vocale,  Mmes  Dubois,  Genest  et  Pellegrin, 
MM.  Félix  Lévy  et  Marochetti  ;  pour  la  partie  instrumentale,  Mmes  Dreyfus 
et  de  Prelle,  MM.  Barthélémy,  Ch.  et  H.  deKontski  et  Nathan.  Chanson- 
nettes par  M.  Bellery.  On  trouve  des  billets  :  chez  MM.  Lambert,  trésoriers, 
boulevard  Beaumarchais,  n°2;  Hadamard,  rue  Bleue,  n°  14;  Dufourman- 
telle,  quai  de  la  Grève,  n°  26  ;  à  l'agence  de  l'Association,  rue  Neuve- 
Saint-Méry,  n°  9,  et  à  la  salle  Herz. 

—  Voici  toute  une  série  de  concerts  annoncés  pour  la  première  semaine 
d'avril  :  —  Le  1er,  Mme  Barthe,  salon  Érard,  avec  le  concours  de  MM.  Alard, 
Lacombe,  A.  Durand.  On  y  entendra  le  Feu  sous  la  neige,  opéra-comi- 
que en  un  acte,  interprété  par  Mme  Gaveaux - Sabatier,  Anna  Barthe, 


M.  Capou  et  Adam;  — le  2,  salle  Érard,  concert  de,  M.  et  Mme  Henri 
Fournier,  avec  le  concours  de  Mlle  Cordier,  de  l'Opéra -Comique,  de 
MM.  Grignon  et  Hartmann;  —le  3,Mlle  F.  de  LaMorliôre,  salon  Érard, 
avec  le  concours  de  MM.  J.  Lefort,  Hayet,  Malezieux,  [Hamel,  Diemer  et 
H.  Binfleld;  —le  5,  le  pianiste  Seltsch,  salons  Érard;  même  jour,  le  vio- 
loncelliste Sighicelh,  salle  Herz,  avec  le  concours  de  Mm6  Gulia  Grisi,  de 
MM.  Badiali,  Zuccliini;de  MM.  Leroy,  Paquis,  Maryoli,  Rignault  et  Mayer 
de  Bailly;  — le  6,  M.  Bentayoux,  salle  Herz, avec  leconcours  de  MmeCazat, 
de  MM.  E.  Norblin,  Chaine,  Dihau,  Grisez,  Peron,  Fauvre,  et  la  Société 
chorale  du  Conservatoire,  sous  la  direction  de  M.  Batiste  ;  —  le  7,  Mlle  Léonie 
Tonnel,  salons  Érard,  avec  MllB  F.  de  laMorlière,  Sophie  Lacout,  MM.Nol- 
let,  Dobbels  et  Malezieux. 

—  €n  jeune  chanteur  comique  de  dix  ans  —  (on  dit  que  c'est  une  vo- 
cation),—  M.  Ed.  Singer,  donnera,  demain  lundi  1er  avril,  dans  la  salle  du 
palais  Bonne-Nouvelle,  une  matinée  musicale  à  grand  orchestre.  On  enten- 
dra, outre  le  bénéficiaire  lilliputien,  MUe  Marie  Cico,  M.  Ambroselli, 
Mme  Battaille,  et  quelques  autres  artistes  de  mérite. 

—  Les  éditeurs  Gambogi  frères  viennent  d'acquérir  la  partition  de 
Jules  Cohen,  Maître  Claude,  paroles  de  MM.  de  Saint-Georges  et  de  Leu- 
ven.  C'est  un  acte  qui  fera  son  chemin  entre  les  plus  heureux  du  réper- 
toire de  l'Opéra-Comique. 

—  Le  jeune  chef  d'orchestre  des  bals  de  l'hôtel  du  Louvre  va  faire  en- 
tendre son  orchestre,  le  vendredi  12  avril  1861,  dans  la  salle  Valentino, 
au  bal  donné  par  M.  Boizot  père,  professeur  de  danse,  au  bénéfice  d'un 
conscrit.  M.  Henri  Boizot  exécutera  le  quadrille  de  la  Paix,  le  galop  Léo- 
tard,  morceau  de  sa  composition. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frér 


-Jacques  Hous 


PARIS.  —  COLOMBIER,  ÉDITEUR,  6,  RUE  VIVIENNE. 


EN  VENTE 


LA  CIRGASSIENNE 


Partition  Piano  et  Chant,  net  :  18  fr. 


OPÉRA  D'AUBER. 


Partition  Piano  et  Chant,  net  :  18  fr. 


En  vente  les  Morceaux  de  Chant  détachés  avec  accompagnement  de  Piano. 

Strauss  :  Quadrille  et  valse  pour  piano  à  deux  et  quatre  mains.  —  P.  Henrion  :  Polka.  —  E.  Etling  :  Polka-mazurka.  —  F.  Burgmuller  . 

Valse  brillante.  —  Neustedt  :  Trois  transcriptions  variées.  —  E.  Ketterer  :  Fantaisie  brillante.  —  A.  Lecarpentier  :  Petite  fantaisie. 


En  vente  au  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne. 

MORCEAUX  DE  CHANT  

SÉPARÉS  : 

i.  Chœur:  Allah!  Allah! _^  r^     _   .^  __      ^ 

2.  Marche  de  la  Caravane,  piano.  4  SO  M  I   i^  I    1    I  J  ■    W'     I  J  '    Il    '  I' 

3-  ^serfïe^n6^.!"  L  Ji  I    fi  N    fi    K      I 

4.  Hymne  à  la  nuit,  air  p'  ténor.  3  75  -■--*  -»-*  -1-7  -■-*  *<-S  -M_-J  J.  1.    M. 
4  bis.  Le  même,  pour  baryton. . .  3  75 

4  ter.  Le  même,  pour  basse 3  75  ODE-SYMPHONIE    DE 

4  quat.  Le  même,  en  italien 3  75 

5.  Fantasia  et  danse  des  Aimées,       _  M 

6.  Chœur.  La  liberté  au  désert. .  Eu  |l  I       I  fjl  I  |m   WA  j  |  J  EX  \Ê  g  j  !  J 

7.  Rêverie  du  soir,  mélodie  pour  I       ha  ESfflE  I  \J  I  bi  I  m  WÊ0  ^^k  H   I  M0 

ténor 3  75 

7  bis.  La  même,  pour  baryton ...  3  75  JPoësie  de  COMiY. 

7  ter.  La  même,  pour  basse i  75 

7  quat.  La  même,  en  italien 3  75  ■ 

8.  Le  lever  du  soleil 

9.  Chant  du  Muezzim,  pr  ténor. .  2  50  Partition in-8°,  piano  et  chant,  net  :  7  fr.—  Grand  format,  piano  et  chant  :  15  fr. 

10.  Chœur.  Départ  de  la  Cara- 

vane   Partition  orchestre  :  150  fr. 

Chaque  partie  de  chœur  séparée.  6    »  „      t 

N.  B.  Voix  de  soprano  et  de  con-  Partles  seParees  :  1S0  fr-  -  cha5ue  Parlie  3eParee  :  15  fr- 

tralto,  ad  libitum,  chaque  . 

partie  séparée 6    »       Partition  piano  solo,  net  :  10  fr.  —  Partition  à  quatre  mains,  net  :  15  fr. 


MORCEAUX  DE  PIANO 

TRANSCRITS  : 

a.  de  Kontsbi.  Improvisata  sur 

le  Désert  elles  Hirondelles.    8    » 

stpph.  Hciier:  Caprice  brillant.    - 
Op. 51 9    » 

e.  Prudent.  Le  lever  du  Soleil. 

Op.  22 9    » 

h.  Rosciicn.  Marche  de  la  Ca- 
ravane      9    » 

j.  b.  Duvernoy.  Souvenir.  Op. 

51 5    » 

a.  Lecarpentier.  Fantaisie  bril- 
lante. Op.  102 6    » 

iticicbior  niockcr.  Fantaisie ...  9    » 

f.  David.  Rêverie  du  soir 4  50 

Henri  Herz.  Grand  duo  concer- 
tant, à  4  mains 9    » 

h.  Bosciien.  Marche  de  la  Ca- 
ravane,  à  4  mains 10    » 

a.  Musard.  Danse  des  Aimées, 

quadrille  à  2  et  4  mains. . .    4  50 

a.  Durand.  Marche  pour  piano 

et  orgue 6    » 


7(50.   —  '28°  Année. 

M«   19. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  7  Avril 

1861. 


3~JS,5~^>> 


STREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédactren  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Yi vienne.  —  HEUGEL.  et  O,  éditeurs. 

(lui  Magasins  et  Abonnement  do  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Vente  ot  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

*'  Mode  d'abonnement  :  .Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  90  Morceaux; 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  z  Albunis 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger  :  21  fr. 


PIANO. 

2«  Mode  d'abonnement  .  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  16  Morceoiix 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albunii 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  : 

3»  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5ï  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés- 
Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

Od  souscrit  du  l«rde  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  teite  et  musique, —  forment  collection.  —  Adresser/Vanco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  HEUGEL  et  C'o,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  -.  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  2117 


SOMMAIRE.  —  TEXTE- 

I.  L'opéra-comique,  ses  compositeurs,  ses  chanteurs  et  ses  divers  théâtres  :  Hérold 
(29«  article).  L.  Mémuo.  —  II.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur:  La 
Semaine  Sainte  et  le  Stabat  Mater  de  Rossini.  J.-L.  Heogel.  —  III.  Concerts 
spirituels  du  Conservatoire.  E.  Viel.  —  IV.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  — 
V.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  nu  nié  rode  ce  jour: 

BELLA   SERA, 

Idylle  de  Paul  Bernard.  —  Suivra  immédiatement  après  :  la  Belle  Ni- 
çoise, polka-mazurka  d'AucusTE  Durand. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

L'HIVER , 

Poésie  d'AJtMAND  Barthet ,  'musique  de  J.  Offenhach,  mélodie  ex- 
traite du  recueil  des  Voix  mystérieuses  ,  auxquelles  nous  avons  déjà 
emprunté  la  Barcarolle  et  Chanson  de  Fortunio.  ■ — Suivra  immédia- 
tement après  :  les  Lilas ,  paroles  d'EDMOND  Roche  ,  musique  de 
Charles  Poisot. 


L'OPÈRA-COMIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES  PROGRES,   SA  TROP  GRANDE  EXTENSION. 


COMPOSITEURS 

DE    LA    RÉPUBLIQUE    ET    DU    PREMIER   EMPIRE. 
CHAPITRE    X. 

XXIX. 

HÉROLD. 

Je  nie  suis  souvent  demandé ,  en  considérant  certains  chefs- 
d'œuvre  des  plus  grands  artistes  :  Raphaël,  Mozart,  Hérold.... 
si,  dans  le  cas  où  ils  eussent  vécu  le  double  des  années  que 
Dieu  leur  compta,  leur  génie  eût  produit  plusieurs  Transfigura- 
tions, plusieurs  Don  Juan,  plusieurs  Zampa.  Question  forcé- 


ment insoluble  Nous  avons  cependant  sous  les  yeux  les  œuvres 
de  Titans  de  l'art  humain,  tels  que  Michel-Ange  et  Reethoven, 
morts  dans  un  âge  avancé,  et  qui,  jusqu'à  leur  dernière  heure, 
ont  produit  des  choses  éminemment  remarquables.  Il  est  donc 
à  croire  que  l'imagination  des  trois  artistes  dont  j'ai  parlé  plus 
haut,  loin  d'être  épuisée  et  loin  d'avoir  donné  au  monde ,  pen- 
dant leur  courte  apparition  sur  terre,  tout  ce  qu'elle  aurait  pu 
enfanter,  eût  doté  la  postérité  de  quelque  nouveau  monument 
impérissable. 

Quant  au  musicien  français  dont  je  vais  entretenir  le  lecteur, 
il  me  paraît  bien  facile  de  démontrer  que  Zampa  n'était  que  le 
prélude,  la  préparation,  le  premier  pas  vers  les  triomphes  qui 
attendaient  Hérold  sur  la  grande  scène  des  Gluck,  des  Spon- 
tini,  des  Rossini,  des  Meyerbeer. 

Il  est  aisé  de  reconnaître  l'affinité  qui  existe  entre  la  muse 
d'Hérold  et  celle  du  chantre  de  Saltzbourg.  L'auteur  du  Pré 
aux  Clercs,  après  avoir  entendu  le  Don  Giovanni  du  maître, 
dut  se  dire  :  Anch'io  son  pittore  !  et  moi  aussi  je  ferai  un  Don 
Juan  !  C'est  alors  qu'il  demanda  à  M.  Mélesville  ce  Zampa,  qui 
n'était  autre  qu'une  sorte  de  Don  Juan  maritime.  Il  voulait 
travailler  sur  le  scénario  du  maître  espagnol  (1)  qu'illustrèrent 
Molière  et  Mozart. 

Je  vais  essayer  de  faire  voir  comment  Hérold  arriva  de  pro- 
grès en  progrès  au  degré  de  perfection  qui  éclate  dans  ses  der- 
niers ouvrages. 

Louis-Joseph- Ferdinand  Hérold  était  né  à  Paris  le  28  jan- 
vier 1791  :  il  élait  fils  d'un  pianisle  de  Hambourg,  Joseph 
Hérold,  élève  de  Charles-Philippe-Emmanuel  Rach ,  le  fils  de 
Sébastien. 

Joseph  Hérold  était  établi  à  Paris  en  1781,  où  il  resta  jusqu'à 
sa  mort,  1806. 

(1)  Gabriel  Tellez,  plus  connu  sous  le  pseudonyme  de  Tirso  de  Molina, 
est  le  premier  qui  ait  fait  une  pièce  de  théâtre  de  la  légende  de  Don  Juan 
Tenorio,  sous  le  titre  Sel  Burlador  de  Sevilla. 


146 


LE  MÉNESTREL. 


Ferdinand  fit  son  éducation  littéraire  avec  beaucoup  de  rapi- 
dité. Son  père  ne  songeait  point  à  en  faire  un  musicien;  mais 
cette  vocation  se  déclara  de  fort  bonne  heure. 

Devenu  orphelin,  il  songea  à  mettre  à  profit  la  réputation 
musicale  dont  jouissait  le  nom  que  lui  léguait  son  père. 

Placé  au  Conservatoire,  dans  la  classe  de  Louis  Adam,  pour 
apprendre  le  piano,  il  fit  sur  cet  instrument  de  si  rapides  pro- 
grès, qu'au  mois  de  juillet  1810  il  méritait  le  premier  prix. 
R.  Kreutzer  voulut  aussi  qu'Hérold  fût  son  élève,  et  il  lui  donna 
des  leçons  de  violon.  Catel  lui  enseigna  l'harmonie,  et  Méhul 
lui  transmit  la  science  de  la  haute  composition,  qu'il  tenait 
lui-même  de  Gluck,  comme  je  l'ai  dit  a  propos  de  l'auteur  de 
Joseph. 

Le  génie  d'Hérold  fut,  comme  on  le  voit,  trempé  à  de  fortes 
sources  :  fils  spirituel  des  Bach  et  des  Gluck,  il  eut  pour  père 
nourricier  le  premier  de  nos  théoriciens  français,  Catel. 

En  1812,  il  entra  en  loge  à  l'Institut  ;  on  lui  donna  trois 
semaines  pour  écrire  la  musique  d'une  cantate  dont  la  scène 
était  Mademoiselle  Lavallière,  que  Louis  XIV  veut  enlever  du 
couvent  où  elle  s'est  retirée.  En  sis  jours  le  travail  était  ter- 
miné; Hérold  ne  veut  plus  y  retoucher  et  remporte  cependant 
le  premier  pris  de  composition. 

Le  voilà  installé  à  Rome;  mais  Naples  l'attirait.  Il  gagna 
bientôt  la  patrie  deCimarosa  et  parvint,  avec. ses  recommanda- 
tions parisiennes,  à  devenir  le  maître  de  piano  des  princesses 
Murât.  11  obtint  ensuite  un  libretto,  la  Gioventu  d'Henrico  V, 
qui  eut  un  grand  succès.  Forcé  de  laisser  Naples  en  1814,  il 
passa  par  Vienne  et  revint  enfin  à  Paris  «  rapportant  à  ses  sou- 
liers un  peu  de  la  terre  de  Beethoven  »,  selon  l'heureuse  expres- 
sion de  M.  Xavier  Aubryet. 

C'est  à  Naples  qu'Hérold  fit  la  connaissance  de  Rossini ,  qui 
lui  prédit  l'avenir  d'un  grand  compositeur,  et  y  aida  pour  sa 
part,  en  l'appelant  aux  fonctions  de  maître  de  chant  au  Théâtre- 
Italien,  fonctions  qu'Hérold  remplit  ensuite  à  l'Académie  impé- 
riale de  Musique. 

De  retour  à  Paris,  Boïeldieu  admit  Hérold  à  collaborer  à  la  par- 
tition d'un  petit  opéra  de  circonstance,  Charles  de  France  (1816), 
dont  l'auteur  de  la  Dame  Blanche  avait  été  chargé.  Cette  colla- 
boration le  désigna  à  l'attention  du  directeur  de  l'Opéra- 
Comique,  qui  consentit  à  monter  les  Rosières,  trois  actes  de 
Théaulon.  La  première  représentation  en  eut  lieu  le  27  jan- 
vier 1817. 

On  s'aperçut  du  premier  coup,  en  entendant  cette  partition, 
que  l'Académie  de  Rome  renvoyait  à  la  France  un  grand  com- 
positeur, selon  l'heureuse  prédiction  de  Rossini. 

On  put  saluer  l'aurore  du  génie  d'Hérold  dans  certaines  mé- 
lodies franches  et  concises,  frappées  au  bon  coin,  telles  que  les 
couplets  de  Florelle  au  premier  acte  : 
De  ce  village 
Tous  les  garçons. .. 
la  marche  des  gardes-chasses  au  second  ;  le  duo  de  Bastien  et 
Florette  :  Laisse-moi,  Bastien,  laisse  -  moi .... ,  au  troisième 
acte. 

Peu  de  temps  après  les  Rosières  vint  la  Clochette,  autre  opéra 
en  trois  actes,  qui  marquait  un  progrès  dans  la  manière  de 
l'auteur.  Ici  l'orchestre  devient  plus  hardi.  L'ouverture  est  un 
bon  morceau  symphonique  qui  fait  pressentir  celles  de  Marie 
et  de  Zampa.  On  applaudit  ensuite  l'air  charmant  :  Me  voilà! 
me  voilà! . . .  devenu  populaire,  le  final  du  premier  acte,  l'air 
d'Azolin  au  second,  et  le  chœur  des  Kalenders  au  troisième  acte. 


Après  la  Clochette  parut,  à  la  fin  de  l'année  1818,  le  Pre- 
mier venu,  trois  actes  de  M.  Vial,  qui  n'eurent  pas  le  nombre 
de  représentations  qu'ils  méritaient,  car  celte  partition  avait 
certainement  bien  la  valeur  musicale  de  ses  deux  aînées;  elle 
contient  notamment  un  excellent  morceau  au  second  acte,  le 
trio  des  Dormeurs.  Mais  le  scénario  était  trop  connu,  et  c'est 
évidemment  ce  qui  émoussa  la  curiosité  du  public;  on  représen- 
tait déjà  ce  sujet  depuis  longtemps  en  comédie  au  théâtre 
Louvois. 

Hérold  eut  alors  à  lutter  contre  le  peu  d'empressement  que 
les  auteurs  mirent  à  lui  confier  un  poème  ;  on  méconnaissait 
son  immense  talent.  Il  se  vit  forcé  de  remettre  en  musique 
l'ancienne  pièce  de  Dauvergne,  les  Troqueurs,  quelque  peu 
remaniée.  Plusieurs  jolis  airs,  tels  que  :  Rien  ne  me  semble  aussi 
joli  qu'un  mari,  et  un  trio  en  canon,  furent  généralement 
appréciés. 

Il  travailla  en  1819  sur  un  libretto  intitulée  ;  l'Amour  pla- 
tonique, de  complexion  si  chétive  que,  malgré  ce  que  la  mu- 
sique pouvait  avoir 'de  bon,  l'insuffisance  du  poëme  apparut  si 
clairement  aux  yeux  des  auteurs  qu'ils  le  retirèrent  avant  son 
exhibition  au  public. 

En  1820,  Hérold  ne  fut  guère  plus  heureux  en  écrivant  la 
musique  de  l'Auteur  mort,  comédie  de  Planard,  peu  propre  à 
développer  les  qualités  éminemment  dramatiques  du  composi- 
teur, de  façon  que  l'accueil  très-froid  fait  à  cette  partilion  le  dé- 
couragea si  complètement,  qu'il  renonça  jusqu'à  écrire  pour  le 
théâtre.  Il  en  vint  à  douter  de  son  génie,  et  ce  ne  fut  que  trois 
ans  plus  tard  qu'Hérold  donna  le  Muletier,  un  acte  dont  M.  Paul 
de  Koclc  avait  emprunté  le  sujet  à  Boccace  et  à  Lafontaine. 

On  put  reconnaître  une  partie  des  qualités  du  musicien  dans 
cette  partition  :  l'ouverture,  dont  le  motif  principal  est  le  fan- 
dango, prévient  l'auditeur  qu'il  va  assister  à  une  scène  espa- 
gnole. Le  morceau  le  plus  original  est  celui  dans  lequel  les  notes 
saccadées  du  cor  peignent  les  battements  du  cœur  d'Henriquez. 
«  N'est-ce  pas,  dit  M.  Aubryet,  le  miracle  de  la  circulation  du 
sang  passant  dans  la  symphonie?  »  Le  succès  de  cette  pièce  ne  se 
décida  pas  franchement  lors  des  premières  représentations;  mais 
peu  à  peu  on  l'apprécia  à  sa  juste  valeur,  et  dans  la  suite  elle  est 
restée  au  répertoire,  comme  cesactesdeBoieldieu,deMonsigny, 
de  Grétry,  que  l'on  voit  souvent  reparaître  sur  l'affiche  et  dont 
le  public  ne  se  lasse  jamais. 

Entre  cette  pièce  et  Marie ,  Hérold  écrivit  deux  actes ,  deux 
nouvelles  chutes  :  le  premier,  Lasthénie,  à  l'Opéra,  qu'il  dota, 
par  compensation,  de  ravissante  musique  de  ballet  ;  le  second, 
le  Lapin  blanc,  à  FOpéra-Comique. 

Il  fit  aussi  pendant  ce  temps  la  musique  de  deux  pièces  de  cir- 
constance :  le  Roi  René  et  Vendôme  en  Espagne,  après  la  prise' 
du  Trocadéro,  en  collaboration  avec  M.  Auber. 

Enfin,  en  août  1826,  Marie,  libretto  d'un  caractère  très- 
simple,  lui  permit  néanmoins  de  mettre  à  profit  l'exquise  sensi- 
bilité dont  la  nature  l'avait  doué.  Cette  œuvre  n'eut  pas  d'abord 
tout  le  succès  qu'on  était  en  droit  d'attendre;  mais  peu  à  peu  le 
public  finit  par  en  comprendre  toute  la  valeur.  Les  paroles 
étaient  de  Planard.  C'est  dans  la  romance  que  chantait  Chollet  : 
Une  robe  légère  d'une  entière  blancheur...,  que  se  trouvent  ces 
vers  assez  singuliers  : 

Et  toujours  la  nature 
Embellit  la  beauté. 

Le  rôle  de  Marie  fut  une  des  créations  les  plus  heureuses  de 
M"e  Prévost.  C'esl,  du  reste,  une  pièce,  d'ensemble  sans  rôles 


MlSIOl'E  ET  THEATRES. 


147 


particulièrement  saillants  :  outre  les  deux  artistes  que  je  viens 
de  citer,  Mmcs  Boulanger  et  Rigault ,  Féréol  et  Lafcuilladc, 
concoururent  à  la  première  exécution. 

Hérold  écrivit  ensuite  la  musique  d'un  mélodrame,  le  Siège 
de  Missolonghi ,  joué  à  l'Odéon,  et  qui  lui  fournit  l'occasion 
d'écrire  une  de  ces  belles  préfaces  symphoniques  dont  il  avait  le 
secret. 

En  1829,  l'Illusion  ,  un  acte  dans  lequel  on  remarque  un 
beau  final,  et  enfin  Emmeline,  trois  actes  reçus  assez  froidement 
par  le  public,  qui  fut  convié  le  3  mai  1831  à  la  première  repré- 
sentation de  l'ouvrage  que  je  considère  comme  le  point  culmi- 
nant de  l' opéra-comique  français,  Zampa.  C'est  à  ce  titre  que  je 
tiens  à  donner  une  analyse  détaillée  de  cette  admirable  partition. 


L'ouverture  de  Zampa  est  tout  un  poëme  :  s'inspirant  du 
procédé  inauguré,  d'une  façon  si  remarquable,  par  l'auteur  du 
Freyschiilz,  Hérold,  si  justement  appelé  le  Weber  français,  prit 
pour  les  principaux  sujets  de  son  prologue  les  thèmes. saillants 
de  son  opéra,  non  point  en  les  cousant  les  uns  aux  autres,  sous 
la  forme  de  pot-pourri,  comme  on  le  fait  trop  généralement  au- 
jourd'hui, mais  en  les  discutant  à  la  manière  des  symphonies 
des  maîtres  allemands.  C'est  d'abord  le  chœur  bachique  du  pre- 
mier acte,  interrompu  brusquement  par  les  accords  des  instru- 
ments à  vent  entrecoupés  eux-mêmes  des  trémolos  du  quatuor, 
qui  préviennent  l'auditeur  qu'il  va  assister  à  un  drame  où  le 
monde  surnaturel  aura  son  rôle  ;  puis  le  motif  de  début  reprend 
peu  à  peu,  après  cette  interruption  infernale,  et  nous  ramène  in- 
sensiblement au  premier  mouvement  allegro,  interrompu  de 
nouveau  par  le  chant  de  la  clarinette,  exhalant  la  plainte  sen- 
timentale de  l'âme  d'Alice  Manfredi.  A  ce  ravissant  andantino 
succède  la  chanson  de  bonne  fortune  du  pirate  Don  Juan,  va- 
riée et  développée  au  moyen  de  savantes  modulations  qui  nous 
conduisent  à  la  péroraison  brillante  de  cette  symphonie  d'un 
style  si  pathétique  et  si  élevé. 

Le  premier  acte  se  compose  de  l'introduction  gracieuse  :  Dans 
ses  présents  que  de  munificence  !  chœur  de  voix  de  femmes;  de 
la  ballade  de  Camille,  devenue  populaire;  du  trio  de  la  peur  : 
Qu'as-tu  donc?..,  accompagné  par  un  charmant  badinage  d'or- 
chestre; du  quatuor  plein  d'un  sombre  mystère  dans  lequel 
Zampa  entre  en  scène,  et  enfin  de  l'admirable  final,  chef-d'œuvre 
de  premier  ordre.  Rien  ,  il  me  semble,  ne  le  surpasse  dans  les 
compositions  les  plus  élevées  de  grand  opéra.  Trouve-t-on  quel- 
que chose  de  plus  majestueux  que  les  couplets  :  Que  la  vague 
écumante!...  Mais  voici  un  trait  de  génie  :  Hérold  avait  à  peindre 
la  terreur  des  compagnons  de  Zampa,  lorsque  la  statue  d'Alice 
vient  de  serrer  contre  son  sein  la  main-  à  laquelle  il  a  confié 
l'anneau  de  fiançailles  qu'il  destinait  à  Camille.  Il  leur  com- 
mande de  continuer  leur  chanson  bachique  :  ils  chantent  alors 
par  saccades,  la  voix  reste  parfois  dans  le  gosier,  la  mélodie  est 
entrecoupée  de  trémolos  sur  le  si  bémol  pianissimo  de  l'effet  le 
plus  funèbre. 

L'air  de  bravoure  du  second  acte  offre  une  situation  analogue 
à  celle  de  Leporello  additionnant  les  bonnes  fortunes  de  son 
maître,  avec  cette  différence  qu'ici  c'est  Zampa  lui-même  qui 
chante  ses  conquêtes.  C'est  un  des  morceaux  les  plus  connus  de 
l'opéra;  tous  les  ténors  de  concert  veulent  redire  l'andante  plein 
de  charmes  :  Toi  dont  la  grâce  séduisante.  . .  et.  l'allégretto  : 
//  faut  céder  âmes  lois. . . 

Le  duo,  terminé  en  trio,  Juste  ciel  !...  est  un  morceau  bouffe 


qui  égale  ce  que  Cimarosa  a  fait  de  mieux  dans  ce  genre;  au 
milieu  de  tous  ces  mouvements  passionnés,  cette  scène  comique 
de  la  reconnaissance  de  Dandolo  et  de  Ritta  repose  des  émotions 
violentes  delà  fin  du  premier  acte.  Mais  le  génie  du  composi- 
teur a  déployé  ses  ailes  toutes  grandes  dans  le  final  du  second 
acte,  après  la  tendre  inspiration  qui  lui  dicta  cette  ronde  pleine 
de  morbidezza  : 

Douce  jouvencelle, 

Viens  dans  ma  nacelle... 

L'importance  musicale  va  grandir  avec  le  dramatique  de  la 
situation,  et  cette  fois  encore  l'orchestre  dépeindra  le  trouble 
qui  s'empare  de  l'esprit  de  Zampa,  lorsqu'au  moment  de  s'unir 
à  Camille  se  dressera  devant  lui  l'ombre  de  la  fiancée  de  mar- 
bre. Il  veut  paraître  un  fanfaron  de  vices,  comme  le  héros  de 
Molière;  mais  les  événements  surnatmels  qui  l'environnent  le 
dominent,  le  terrifient. 

Dans  cette  admirable  partition,  l'intérêt  musical  va  toujours 
croissant;  la  barcarolle  du  troisième  acte  : 
Où  vas  lu,  pauvre  gondolier?. . 
dont  les  paroles  sont  pourtant  bien  mal  disposées  pour  le  chant, 
est  un  bijou  mélodique  d'un  cachet  essentiellement  original.  La 
phrase  est  simple,  mais  l'accompagnement  la  modifie  à  chaque 
mesure  par  des  modulations  de  l'effet  le  plus  inattendu  ;  rien  de 
heurté  cependant  •:  chant  et  accompagnement,  tout  cela  est  si 
bien  sorti  du  même  moule  qu'il  semble  qu'il  eût  été  impossible 
de  trouver  l'un  sans  l'autre  ;  c'était  là  le  secret  du  maître  ;  rien 
ne  paraît  cherché  dans  son  œuvre,  et  rien  cependant  ne  ressemble 
à  ce  qu'avaient  fait  les  devanciers. 

Quant  au  dernier  final,  c'est  Mozart  et  Weber  fondus  en  un 
seul  génie.  Un  passage  enharmonique,  de  l'effet  le  plus  heu- 
reux, sur  ces  mots  : 

Camille,  revenez  à  vous. . . 
amène  la  cavatine  : 

Pourquoi  trembler! . . . 
Ici  le  parolier  s'efface,  son  esquisse  a  disparu  sous  les  chaudes 
inspirations  du  musicien  ;  l'orchestre  palpite  par  ses  syncopes 
comme  le  cœur  de  la  jeune  mariée,  ses  prières  sont  vaines;  c'est 
la  colombe  cherchant  à  attendrir  l'aigle  qui  la  magnétise  :  cet 
œil,  habitué  à  braver  le  rayon  du  soleil,  darde  un  regard  cruel 
sur  sa  proie.  Camille  implore  sa  grâce;  elle  demande  au  parjure 
de  l'épargner  encore,  ses  yeux  sont  voilés  de  larmes';  mais  ses 
pleurs,  au  lieu  de  fléchir  Zampa,  ne  font  qu'aiguillonner  son 
ardeur  :  aussi,  quelle  passion  le  musicien  a  mise  dans  cet  élan 
de  l'âme  : 

Que  d'attraits  !  que  de  charmes  ! 

Sa  douleur  et  ses  larmes 

Ont  redoublé  mes  feux. 

La  mélodie  s'assimile  intimement  au  drame  pour  l'élever  à  la 
hauteur  des  plus  belles  conceptions  de  l'esprit  humain. 
* 

Zampa  fut  joué  primitivement  par  Chollel,  pour  lequel  le 
rôle  avait  été  fait  ;  par  Mmes  Bjulanger  et  Casimir  ;  par  Mo- 
reau-Sainti,  Jullict,  Féréol,  elc —  La  Fiancée  de  marbre  n'eut 
point  tout  le  succès  de  Marie,  bien  qu'elle  lui  fût  infiniment  su- 
périeure. Depuis  le  départ  de  Chollet,  Zampa  ne  s'est  joué  que 
rarement  à  Paris  (1),  plus   rarement  encore  en  province;  cjla 

(1)  Zampa  a  eu  environ  200  représentations  ;  Marie,  300  ;  |le  Pré  aux 
clercs  près  de  800,  rien  qu'à  Paris. 


148 


LE  MÉNESTREL. 


tient  à  ce  qu'il  a  toujours  été  difficile  de  trouver  un  chanteur 
d'une  voix  assez  étendue  pour  se  charger  convenablement  du 
rôle  principal.  Aussi,  le  principal  succès  d'Hérold  fut-il  le  Pré 
aux  Clercs,  partition  qui  partage  la  popularité,  j'allais  dire  la 
royauté  de  la  Dame  blanche. 

Avant  le  Pré  aux  Clercs,  il  avait  donné  la  Médecine  sans 
médecin,  un  acte  très-simple,  une  sorte  d'intermède  entre  ses 
deux  triomphes,  et  dans  lequel  on  reconnaît  la  délicatesse  de 
touche  du  maître. 

Le  poëme  du  Pré  aux  Clercs  est  de  M.  Planard  ;  il  a  le  mé- 
rite d'être  intéressant,  et  d'offrir  des  situations  variées  et  très- 
vraisemblables.  Le  musicien  en  profita  pour  écrire  une  partition 
pleine  d'esprit,  de  cœur,  de  verve  et  de  netteté,  dans  laquelle  il 
n'y  a  pas  une  note  de  trop  depuis  l'ouverture  jusqu'au  quatuor 
final  :  V Heure  vous  appelle. 

Je  ne  ferai  pas  l'analyse  de  cette  partition;  tout  le  monde  a 
chanté  le  duo  du  premier  acte  :  les  Rendez -vous  de  noble 
compagnie....  la  romance  et  l'air  d'Isabelle  :  Jours  de  mon  en- 
fance  le  trio  bouffe  :  Vous  me  disiez  sans  cesse ,  une  des 

choses  les  plus  fines  que  je  connaisse,  et- cet  autre  bijou  :  C'en 
est  fait,  le  ciel  même,  auquel  je  ne  vois  de  pendant  que  le  trio 
des  masques  de  Don  Juan. 

Mmes  Casimir,  Ponchard,Mlle  Massi,  MM.  Thénard,  Fargueil 
et  Féréol,  furent  les  premiers  interprèles  du  Pré  aux  Clercs. 

Hérold  souffrait  déjà  beaucoup  de  la  maladie  de  poitrine  qui 
nous  le  ravit  à  la  fleur  de  l'âge!  11  avait  surveillé  avec  ardeur  la 
répétition  de  son  œuvre  ;  l'émotion  du  succès  l'acheva,  car  moins 
d'un  mois  après  la  première  représentation,  le  19  janvier  1833, 
il  succombait,  en  regrettant  de  mourir  si  jeune  et  au  moment  où 
il  sentait  que  son  génie  avait  enfin  trouvé  sa  voie. 

Ludovic,  opéra  en  deux  actes,  qu'il  laissait  inachevé,  fut  ter- 
miné par  M.  Halévy,  l'auteur  de  l'Éclair,  et  joué  en  1834.  Ce 
fut  l'adieu  de  notre  Hérold,  si  regretté  et  si  regrettable. 

«  Il  avait  l'habitude  de  composer  en  se  promenant  (1),  et  les 
Champs-Elysées  lui  ont  souvent  servi  de  cabinet  de  travail.  Que 
de  gens  qui  le  connaissaient  peu,  se  sont  formalisés  de  le  voir 
passer  près  d'eux  sans  avoir  l'air  de  les  apercevoir,  et  continuer 
sa  route  en  chantonnant  ! 

«  Hérold  rendait  justice  à  tous  ses  confrères,  et  ne  connut 
jamais  l'envie.  »  Léon  Meneau. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
LA  SEMAINE  SAINTE 

et 
LE  STABAT  MATER  DE  G.  ROSSIM. 

Chacun  sait  que  ce  fut  aux  instanccsde  son  intime  ami  Aguado, 
que  Rossini  se  décida,  bon  gré  mal  gré,  à  écrire  un  5(a6a(pour 
Son  Excellence  Emmanuel-Fernandez  Varela,  grand  maître  en 
religion  des  Étals  d'Espagne. 

Rossini  s'en  défendit  longtemps.  Il  n'existe  et  n'existera  ja- 
mais, disait-il,  qu'un  seul  Stabat,  celui  de  Pergolèse. .  . .  qui 
n'y  a  pas  survécu.  —  Ce  n'était  pas  encourageant. 

Aussi,  ajoutait  le  maître,  la  musique  d'église  me  fait  peur  ! 
Je  crains  bien  de  n'être  pas  fait  pour  chanter  le  ciel.  J'appré- 
hende surtout  les  austères  douleurs  de  la  semaine  sainte.  Ma 
plume  s'y  brisera. 

(1)  Adolphe  Adam,  Souvenirs  d'un  musicien. 


Rossini  ne  savait  pas  si  bien  dire  :  c'était  en  1827;  il  était 
dans  toute  la  force,  dans  toute  la  vigueur  de  son  génie ,  et  ce- 
pendant, après  avoir  écrit  six  morceaux  de  son  Stabat,  Iesnos  1, 
4,  5,  6,  7  et  10,  il  s'inspira  du  n°  8,  le  célèbre  inflammatus, 
page  sublime  entre  toutes,  mais  dut  s'arrêter  après  ce  suprême 
effort!...  Les  nos  2,  3  et  9  furent  confiés  par  lui  a  Tadolini, 
maître  de  chant  du  Théâtre-Italien,  qui  se  chargea  de  compléter 
la  partition  ,  et  le  manuscrit  fut  livré  tel  quel  à  Son  Excel- 
lence Emmanuel-Fernandez.  Varela ,  qui  dota  l'Espagne  d'un 
Stabat  de  Rossini-Tadolinisé. 

Rossini  reçut  unsplendide  cadeau,  comme  cela  se  pratiquait 
alors  entre  musiciens  et  grands  seigneurs,  puis  il  oublia  com- 
plètement son  Stabat,  dont  la  France  et  l'Italie  ne  soupçonnaient 
même  pas  l'existence.  En  Espagne ,  une  fois  l'an  seulement, 
pendant  la  semaine  sainte,  Son  Excellence  Varela  sortait  le 
précieux  manuscrit  de  son  portefeuille,  puis  il  y  rentrait ,  et 
le  silence  se  faisait  de  nouveau. 

Mais  il  arriva  qu'un  jour,  —  c'est  la  destinée  commune,  — 
Son  Excellence  Varela  fut  appelé  là-haut  sans  avoir  le  temps  de 
sauver  son  Stabat  qui  tomba,  fort  heureusement,  entre  les  mains 
de  ce  qu'en  matière  d'immeubles  nous  appelons,  en  France, 
la  bande  noire.  Le  manuscrit  fut  misérablement  vendu  à  l'encan, 
et  un  éditeur  français  se  crut  le  droit  de  publier  l'œuvre  inédite 
de  Rossini. 

Un  procès  s'ensuivit  :  M.  Troupenas ,  l'éditeur  breveté  de 
Guillaume  Tell,  de  Moïse  et  du  Comte  Ory ,  s'opposa  à  cette 
publication  au  nom  de  Rossini,  qui,  piqué  au  vif,  retoucha 
l'œuvre  dans  son  entier  et  renvoya  la  partition  complète  à  son 
ami  Troupenas,  avec  les  nos  2,  3  et  9  écrits  de  la  main  même  du 
maître  :  c'étaient  l'air  du  ténor,  le  duo  des  deux  femmes  et  le 
quatuor  sans  accompagnement. 

L'heureux  possesseur  de  l'œuvre  ainsi  rectifiée  et  complétée 
s'empressa  de  réunir  les  chanteurs  du  Théâtre-Italien  pour  es- 
sayer l'exécution  de  ce  Stabat,  absolument  inconnu  en  France. 
Lablacbe  fut  des  premiers  au  rendez-vous,  et  Tadolini,  en  se 
mettant  au  piano,  lui  dit  avec  mystère  et  un  certain  orgueil  bien 
légitime  :  «  Tu  vas  entendre  trois  morceaux  de  moi.  »  Et  il  lui 
confia  comment  Rossini  lui  avait  demandé  ce  bon  office.  —  «  Tu 
m'indiqueras  chacun  de  ces  trois  morceaux,  »  reprit  Lablache. 
Ce  fut  chose  convenue. 

La  répétition  commence  :  les  premiers  comme  les  derniers  nu- 
méros sont  chantés  aux  applaudissements  enthousiastes  des  ar- 
tistes.  Lablache  ne  quitte  pas  des  yeux  Tadolini; mais  rien, 

pas  le  moindre  signe,  si  ce  n'est  une  stupéfaction  mêlé  d'admi- 
ration. —  «  Eh  bien  !  s'écrie  enfin  Lablache  de  sa  voix  la  plus 
profonde  et  la  plus  sonore,  que  me  disais-tu  donc  ?  Et  tes  trois 
morceaux?  —  Eh  !  que  veux-tu,  je  ne  les  ai  pas  reconnus,  » 
reprit  Tadolini. 

Voilà  à  quelle  série  de  circonstances  la  France  doit  l'honneur 
de  posséder  un  immortel  Stabat,  tout  comme  la  chapelle  Sixtine, 
àRome,  possède  le  sien.  Là,  c'est  Pergolèse  avec  ses  graves  accents 
consacrés;  ici,  c'est  Rossini  avec  ses  vivantes  et  radieuses  harmo- 
nies. On  disait  déjà  du  Stabat  de  Pergolèse,  que  le  genre  drama- 
tique menaçait  l'église.  Les  apôtres  du  plain-chant  pardonneront- 
ils  au  Slabatde  Rossini  d'émouvoir  les  âmes  les  moins  chrétiennes? 
Nous  n'entreprendrons  pas  celte  délicate  dissertation  de  fond  et 
de  forme  ;  nous  ne  constaterons  qu'un  fait  :  c'est  que  le  Stabat 
de  Rossini  est  bien  certainement  une  inspiration  d'en  haut; 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


149 


car  c'est,  dans  toute  l'acception  du  mot,  delà  vraie  musique  du 
bon  Dieu. 

On  a  pu  en  juger  cette  année  plus  encore  que  les  précédentes: 
Rossini  a  fait  les  honneurs  delà  semaine  sainte,  non-seulement 
au  Théâtre-Italien,  où  son  Stabat  a  été  exécuté  deux  fois,  mais 
à  l'église,  qui  s'est  incarné  cette  magnifique  œuvre. 

Transportons-nous,  le  Jeudi  Saint,  à  la  chapelle  impériale  des 
Tuileries,  nous  y  trouverons  la  cour  en  deuil  :  partout  les  den- 
telles noires,  les  fleurs  emblématiques,  les  résilles  cachant  les  che- 
veux à  la  manière  de  l'impératrice.  Plus  de  brillants  uniformes  : 
les  épées,  les  petits  et  grands  cordons,  toutes  les  choses  de  l'orgueil 
humain,  ont  fait  place  à  la  tenue  officiellement  rigide.  Les  vases 
sacrés  se  cachent  sous  un  voile,  le#  tabernacle  est  ouvert,  le  sen- 
timent chrétien  vous  envahit  de  toutes  parts.  Tous  ces  grands  de 
la  terre,  modestement  recueillis,  ces  deux  augustes  personnes 
prosternées,  cette  teinte  générale  de  deuil,  cet  imposant  silence, 
le  lieu  même,  tout  cela  prend  le  cœur  des  plus  indifférents,  et 
les  accents  du  maître  trouvent  là  des  éléments  nouveaux  qui  dou- 
bleraient parfois  la  portée  d'une  oeuvre,  si  le  Stabat  de  Rossini 
pouvait  s'élever  encore.  —  Les  soli  étaient  chantés  par  M.  et 
Mme  Gueymard,  M.  Bonnehée,  Mlles  Rey  et  Panetrat. 

Le  lendemain,  Vendredi  Saint,  ce  sont  les  voûtes  de  Saint- 
Eustache  qui  résonnent  des  accents  du  Stabat  de  Rossini.  —  Ici 
on  attendait,  ou  espérait  Tamberlick  ;  mais,  sur  un  télégramme 
de  Londres,  l'illustre  ut  dièze  traversait  la  Manche  pendant  que 
jjiie  ]viarie  Cruvelli,  sœur  de  M™6  la  baronne  Vigier,  chan- 
tait YInflammatus.  . 

Au  théâtre  Italien,  Mme  Penco,  Mlle  Battu,  Mme  Ida  Bertrand, 
MM.  Badiali,  Mario,  Montanaro  et  Lorens  ont  fait,  le  jeudi  et  le 
samedi,  les  honneurs  du  Stabat  de  Rossini,  devant  un  religieux 
auditoire,  tout  comme  à  l'église. 


Mais  où  le  Stabat  de  Rossini  s'est  montré  le  plus  digne  dé 
l'œuvre,  c'est  chez  le  grand  maître  lui-même  ;  là  des  artistes  di 
primo  cartello,  des  amateurs  du  grand  monde,  avaient  entrepris 
de  l'interpréter  le  Vendredi  Saint. 

Les  sœurs  Marchisio,  MM.  Badiali  et  Solieri  tenaient  les  soli. 
On  remarquait  dans  les  chœurs,  non-seulement  ces  quatre  so- 
listes eux-mêmes,  mais,  parmi  les  soprani  et  contralti,  la  baronne 
deLaborde,  Mme9Conneau,  Chabrié,  Aubry,  à  côté  de  Mme  Fo- 
dor  et  de  sa  nièce,  Mme  Donadieu.  Parmi  les  tenori  et  bassi,  le 
prince  Poniatowski,  et,  près  du  prince-compositeur,  des  choristes 
tels  que  Ronzi,  Zucchini,  Montanaro,  Castellani,  Perrelli,  le 
Listz-Paganisé  et  tant  d'autres  qui  échappent  à  notre  souvenir. 

Au  premier  pupitre  du  double  quatuor,  nous  signalerons 
MM.  Bazzini,  Blanc,  un  amateur  réputé,  M.  David.  Braga  bril- 
lait au  violoncelle;  le  piano  était  tenu  par  M.  Peruzzi,  les  chœurs 
dirigés  par  M.  Sarli,  et  l'ensemble  par  M.Lucantoni. 

Rossini  inspirait  l'œuvre  de  sa  présence.  L'exécution  a  été 
splendide  et  YInflammatus  redemandé  à  Carlotta  Marchisio,  qui 
l'a  traduit  avec  autant  d'âme  que  de  voix,  l'une  et  l'autre  ne 
faisant  qu'un.  Aussi  y  avait-il  unanimité  pour  applaudir. 

L'assistance  était  des  plus  nombreuses,  des  plus  brillantes. 

Le  monde  officiel,  les  sciences,  les  lettres,  la  finance  et  le  fau- 
bourg Saint-Germain,  étaient  représentés  par  leurs  plus  illustres 
notabilités  :  Mmes  Achille  Fould  et  Rothschild  avaient  pour 
voisines   la   duchesse   d'Esclignac,   la  baronne  Talleyrand  et 


Mme  l'ambassadrice  de  Saxe,  fille  de  M.  de  Nesselrode,  le  dilet- 
tante du  Nord,  si  dévoué  à  la  musique  italienne. 

Le  théâtre  n'avait  point  oublié  ses  étoiles  :  nous  en  signale- 
rons la  constellation  :  Alboni  et  Ferrnris. 

Quant  aux  habits  noirs  couverts  de  décorations,  c'est  à  y  re- 
noncer. Il  serait  infiniment  plus  facile  de  désigner  les  ombres  du 
tableau. 

Est-il  aussi  besoin  d'ajouter  que  M.  et  Mrae  Rossini  ont  fait 
les  honneurs  de  leur  vendredi  saint  de  la  manière  la  plus 
gracieuse.  Cela  se  dit  mais  ne  s'écrit  pas. 

Bref,  l'audition  du  Stabat  de  Rossini  chez  Rossini  restera 
dans  tous  les  souvenirs  comme  une  profonde  émotion  musicalr. 
On  a  redemandé  l'auteur  à  grands  cris;  le  maestro  se  gardait  de 

paraître mais,  un  peu  plus  tard,  ^mené  au  milieu  de  ses  in-  ' 

vités  par  la  puérile  et  honnête  civilité  des  adieux,  l'ovation 
concentrée  s'est  échappée  tout  à  coup  et  ('e  toutes  les  bouches  à 
la  fois  :  Vive  Rossini!  chacun  s'est-il  écrié...  et,  alors  seule- 
ment, on  s'est  séparé  le  cœur  content  et  satisfait. 

Les  sœurs  Marchisio,  en  quittant  le  grand  maître,  se  sont 
excusées  d'être  arrivées  un  peu  tard.  Elles  chantaient  au  Con- 
servatoire le  même  soir,  et  «  à  notre  grand  regret,  dirent-elles, 
on  nous  a  bissées.  » 

C'est  certainement  la  première  fois  qu'un  artiste  italien  ;e 
plaint  d'avoir  été  bissé. 

J.-L.  Hecgel. 


SOCIÉTÉ  DES  COMERTS  DU  CONSERVATOIRE. 

Concerts  spirituels  du  Vendredi  Saint  et  du  dimanche  de  Pàqnes. 

Nous  avons  eu  à  subir  vendredi  un  léger  désappointement  : 
les  premières  affiches  nous  avaient  promis  le  Christ  aux  Oli- 
viers, de  Beethoven,  avec  Mlle  Marimon;  la  dernière  est  venue 
changer  complètement  cet  attrayant  programme  :  l'homme  pro- 
pose et  les  événements  disposent.  Il  y  a  si  longtemps  que  l'ora- 
torio de  Beethoven  n'a  été  donné  en  entier,  qu'une  plus  longue 
étude  de  cette  œuvre  importante  a  été  jugée  indispensable  pour 
se  produire  dignement  devant  le  public,  et  le  temps  manquait... 
En  présence  de  cette  difficulté  inattendue,  on  a  renoncé  au 
Christ  aux  Oliviers,  et  on  a  bien  fait.  Le  programme  qui  a  été 
substitué  aux  premières  annonces  était  d'ailleurs  de  nature  à 
satisfaire  comme  à  dédommager  les  plus  difficiles. 

La  séance  s'ouvrait  par  la  sublime  Symphonie  héroïque  du 
même  maître,  qu'on  avait  entendue  peu  de  temps  auparavant, 
mais  que  chacun  a  été  charmé  de  réentendre  et  de  réapplaudir 
vendredi.  Au  magnifique  Benediclus  de  la  messe  en  si  bémol 
d'Haydn  succédait  le  motet  à  deux  voix  de  Cherubini  :  Lauda 
Sion...  Mon  impartialité  d'historien  m'oblige  à  reconnaître  que 
l'ingénieuse  composition  de  Cherubini,  si  claire,  si  habilement 
écrite,  il  est  vrai,  mais  en  même  temps  un  peu  froide  et 
un  peu  sèche,  a  obtenu  infiniment  plus  de  succès  que  le 
Benediclus  d'Haydn,  l'une  des  pages  religieuses  les  plus  belles 
qui  existent  sans  contredit.  J'aime  à  croire  cependant  que  l'exé- 
cution merveilleuse  des  sœurs  Marchisio  a  été  pour  beaucoup 
dans  le  triomphe  de  Cherubini,  et  que  l'honneur  doit  leur  en 
être  principalement  rapporté.  La  dernière  partie  du  concert 
avec  le  Psaume  (double-chœur)  de  Mendelssohn,  voire  malgré 
la  belle  symphonie  en  ut  de  Mozart,  n'a  pas  eu  tout  l'éclat  des 
premiers  morceaux. 

La  partie  essentiellement  religieuse  de  la  séance  du  dimanche 


150 


LE  MÉNESTREL 


de  Pâques  était  représentée  par  l'admirable  chœur  sans  accom- 
pagnement de  Lessring  :  0  filii...  Quelle  foi,  quelle  naïveté, 
quelle  onction  dans  ces  divins  accents!  Voilà  pourtant  de  la 
musique  bien  vieille,  bien  éloignée  par  sa  facture  des  procédés 
actuellement  en  usage;  tant  il  est  vrai  que  le  génie  trouve  tou- 
jours moyen  de  traduire  sa  pensée  ;  tant  il  est  vrai  en  même 
temps  que  le  beau  absolu  en  musique  est  une  chimère,  qu'il 
y  a  cent  façons  de  l'atteindre,  et  que  les  gens  qui  prétendent  le 
circonscrire  dans  telle  école  ou  tel  système,  envisagent  la  ques- 
tion à  un  bien  pauvre  point  de  vue. 

On  a  écouté  avec  un  vif  plaisir  la  symphonie  en  ut  majeur 
de  Beethoven,  cette  intéressante  étude  dans  laquelle,  déjà  supé- 
rieur à  tant  d'autres  œuvres,  le  jeune  maître  cherchait  encore 
sa  voie.  Trop  longtemps  éloignée  des  salons  et  des  concerts  par 
une  sérieuse  indisposition,  Mlle  Dorus  reparaissait  dimanche 
sur  le  théâtre  de  ses  premiers  succès,  dans  un  air  de  la  Flûte 
enchantée  ;  la  voix  de  la  jeune  cantatrice  a  plus  de  vigueur,  son 
style  plus  de  fermeté;  c'est  aujourd'hui  un  talent  plus  formé, 
plus  complet.  La  symphonie  en  ut  mineur  de  Mozart,  les  airs 
de  danse  de  Ylphygénie  en  Aulide  de  Gluck,  dits  par  l'or- 
chestre avec  une  délicatesse  ravissante  ;  enfin ,  quelques  frag- 
ments de  l'automne  des  Saisons  de  Haydn,  entre  autres  le 
chœur  des  Chasseurs  et  celui  des  Vendangeurs,  —  les  deux 
morceaux  assurément  les  plus  vivants  de  cette  belle  composi- 
tion,—  ont  splendidement  complété  ce  programme  aussi  riche 


que  varie. 

A.  dimanche  le  Faust  de  Berlioz. 


E.    VlEL. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 


Lundi  dernier  le  théâtre  impérial  de  I'Opéra  a  célébré  di- 
gnement la  435me  représentation  de  Robert -le -Diable.  Les 
interprètes  étaient  Gueymard,  Belval,  Dufrêne,  Mlle  Marie 
Sax  et  Mme  Vandenheuvel-Duprez,  de  retour  de  Bordeaux. 
MIle  Zina  Richard  représentait  l'abbesse  ;  or,  on  le  sait,  il  y  a 
peu  d'abbesses  qui  dansent  avec  autant  de  charme...  depuis 
Taglioni,  la  reine  de  l'emploi.  —  Le  Papillon,  avec  Mlle  Emma 
Livry,  Graziosa,  avec  Mme  Ferraris,  et  la  Favorite  (Mme  Te- 
desco),  ont  défrayé  les  deux  autres  soirées  de  la  semaine. — 
LL.  MM.  assistaient  à  la  représentation  de  vendredi.  —  A 
bientôt  la  349mB  représentation  des  Huguenots,  avec  Mme  Guey- 
mard dans  le  rôle  de  Valehline.  —  On  promettait  pour  aujour- 
d'hui dimanche  les  débuts  de  MUe  deTaisy  dansZo  Lucie. 

Au  Théâtre-Italien,' indépendamment  de  la  rentrée  du 
ténor  Pancani,  qui  reparaît  aujourd'hui  dimanche  dans  la  re- 
prise fïErnani  pour  les  débuts  de  Mmc  Mariani,  nous  avons  à 
enregistrer  la  bienvenue  de  Mlle  Trebelli  dans  le  rôle  de  Bosine 
du  Barbiere.  Comme  Mllc  Battu,  Mlle  Trebelli  est  Française;  la 
première  n'a  point  italianisé  son  nom  ;  la  seconde  a  cru  indis- 
pensable de  faire  autrement.  Allez  donc  chanter  Rosine  à 
Madrid,  à  Berlin,  sous  le  nom  de  Gillebert!  Va  donc  pour  Tre- 
belli ,  nom  d'ailleurs  bien  porté  par  un  très-gracieux  visage. 
Élève  de  Wartel,  la  nouvelle  Alboni  —  car  elle  en  doit  partager 
le  répertoire  —  nous  a  paru  douée  d'une  vocalise  nette,  facile  et 
brillante  dans  la  force  comme  dans  le  demi-teinte.  La  voix,  d'un 
timbre  naturel,  est  peu  eu  dehors  ;  c'est  ce  qu'un  peintre  appel- 
lerait une  voix  d'un  horizon  étendu,  mais  de  second  plan.  Nous 
ne  savons  si  Mllc  Trebelli  procède  du  nouveau  système  d'aspi- 
ration et  de  respiration  de  l'École  Wartel;  mais  on  serait  porté  à 


le  croire  par  l'émission  même  de  la  voix  et  la  manière  dont  elle 
sait  ménager  ses  forces.  On  ne  l'entend  point  respirer,  et  ses 
notes  tenues  —  un  certain  trille  entre  autres  —  se  prolongent 
indéfiniment. 

Nous  attendrons  la  Sémiramidc  pour  juger  définitivement 
cette  nouvelle  pensionnaire  de  M.  Calzado.  Il  nous  semble  que 
le  rôle  d'Arsace  lui  sera  plus  favorable  encore,  et  nous  désirons 
beaucoup  ne  point  nous  tromper.  Celte  deuxième  épreuve  était 
annoncée  pour  hier  soir  samedi. 

Le  Théâtre-Français  a  donné,  mercredi  dernier,  la  pre- 
mière représentation  d'une  comédie  de  M.  Ernest  Lcgouvé  : 
Un  jeune  homme  qui  ne  fait  rien.  Ce  petit  acte  en  vers  était 
déjà  connu  du  public  :  l'auteur,  après  l'avoir  lu  dans  la  séance 
des  cinq  académies,  l'avait  publié  en  feuilletons  dans  le  Moni- 
teur. Bressant  joue  avec  sa  distinction  accoutumée  le  rôle  de 
Maurice  de  Verdière,  et,  bien  que  souffrant,  il  a  dit  d'une  voix 
agréable  la  mélodie  de  Chopin,  à  laquelle  M.  Legouvé  a  su 
adapter  les  Adieux  à  la  vie,  traduits  du  poète  allemand 
Koerner.  Monrose,  M"e  Emilie  Dubois,  Worms  et  Mme  Lamb- 
quin  complètent  le  personnel  de  la  pièce.  LL.  MM.  l'Empereur 
et  l'Impératrice,  ainsi  que  LL.  AA.  le  prince  Napoléon  et  la 
princesse  Clolilde,  assistaient  à  cette  première  représentation, 
suivie  de  l'École  des  vieillards,  qu'interprétaient  les  chefs 
d'emploi. 

A  I'Opéra-Comiqi'e,  la  Circassienne  poursuit  sa  fructueuse 
carrière.  La  direction  de  Favart  a  profité  des  trois  relâches  de 
la  semaine  sainte  pour  renouveler  les  costumes  de  cet  opéra. 
Le  Jardinier  galant  et  Maître  Claude  font  de  brillants  lende- 
mains à  la  charmante  œuvre  d'Auber. —  Mercredi  prochain, 
10  avril,  grande  représentation  au  bénéfice  et  pour  la  retraite 
de  Mme  Guillemin,  l'excellente  duègne  du  Vaudeville,  après 
cinquante  années  de  service.  L'Opéra,  les  Français,  l'Opéra- 
Comique,  le  Vaudeville  et  le  Palais-Royal  se  feront  représenter 
à  cette  soirée  par  leurs  premiers  sujets. 

Le  Théâtre-Lyrique  annonce,  pour  demain  lundi  ou  après- 
demain  mardi  au  plus  tard,  la  première  représentation  de  la 
Statue.  On  compte  sur  un  grand  succès  que  semble  faire  pré- 
voir la  sensation  produite  aux  répétitions  générales,  par  l'intérêt 
du  poème  et  la  valeur  de  la  partition.  La  mise  en  scène  est,  dit- 
on,  magnifique,  et  l'on  parle  surtout  d'une  décoration  splendide 
de  M.  Cambon,  au  dernier  acte.  L'ouvrage  a  trois  actes  et  six 
tableaux;  il  sera  chanté  par  MM.  Monjauze,  Balanqué,  Wartel, 
Girardot  et  M110  Baretti. 

*  * 

Mme  Bislori,  la  célèbre  tragédienne,  a  effectué  sa  rentrée  à 
I'Obéon,  dans  Béatrix,  drame  en  cinq  actes  de  M.  Legouvé.  La 
tragédienne  italienne  a  été  très-remarquable,  et  cette  tentative 
l'a  naturalisée  française.  Le  peu  qui  lui  reste  encore  d'accent 
italien  est  effacé  et  sauvé  par  son  éloquence  naturelle  et  par  la 
profonde  expression  de  sa  voix.  —  Réglons  aussi  nos  comples 
avec  un  spirituel  proverbe  de  M.  Aurélien  Scholl,  joué  sous  le 
litre  :  Jaloux  du  passé.  Celte  petite  pièce  a  réussi  et  restera  au 
répertoire....  pendant  quelque  temps. 

Le  Gymnase  ne  se  refuse  rien.  Il  vient  d'offrir  au  public  une 
pièce  de  circonstance,  qui  rappelle  les  terreurs  politiques  de 
M.  Cagnard  (Odry  en  1831).  Les  Trembleurs,  tel  est  le  titre  de 
cette  amusante  nouveauté,  due  à  MM.  Dumanoir  et  Clairville. 
C'est  un  véritable  vaudeville  garni  de  ses  couplets  comme  au  bon 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


151 


vieux  lemps.  Le  Tannhauser  n'est  point  oublié.  Geoffroy  est 
magnifique  de  verve  et  d'ahurissement. 

Aux  Variétés,  on  ajoué  une  désopilante  paysannerie  :  VA- 
mour  en  sabots;  auteurs,  MM.  Labiche  et  Delacour.  Kopp  et 
et  M"e  Alphonsine  jouent  les  principaux  personnages  de  ce  pe- 
tit acte  et  lui  donneront  un  peu  de  vitalité.  —  L'affiche  d'hier 
annonçait  une  parodie  du  Tannhauser  :  Ya  meïn  herr.  C'est  un 
peu  tard  sans  doute;  mais  comme  il  s'agissait  de  la  musique  de 
l'avenir,  messieurs  les  parodisles  pensaient  qu'ils  arriveraient 
toujours  h  temps. 

A  la  Gaîté,  la  Fille  des  chiffonniers  excite  h  la  fois  le  rire  et 
les  larmes  ;  mais  le  rire  domine.  Charles  Perey  remplit  le  rôle 
capital  de  Bamboche  avec  beaucoup  de  naturel.  Alexandre  est 
très-divertissant  dans  le  type  de  la  mère  Moscou.  A  MIles  Mon- 
geal  et  Duverger  une  mention  honorable. 

La  Porte-Saint-Martin  vient  de  faire  ressusciter  l'école  ro- 
mantique de  1831,  avec  ses  allures  shakspeariennes  et  ses  ex- 
centricités littéraires.  Le  sujet  des  Funérailles  de  l'honneur , 
drame  en  sept  actes,  de  M.  Auguste  Vacquerie  (auteur  de 
Tragaldabas  )  ,  est  emprunté  aux  annales  castillanes  du 
xive  siècle,  et  a  pour  héros  Pierre  le  justicier.  On  ne  sait  si  le 
fond  et  la  forme  de  ce  drame  sont  tout  à  fait  du  goût  de  la  géné- 
ration actuelle;  quoi  qu'il  en  soit,  Mme  Marie  Laurent  est  fort 
applaudie,  et  Mme  Vigne  s'acquitte  du  rôle  de  Dona  Florinde 
avec  une  rare  énergie.  Rouvière  a  des  silence*terribles,  au  dire 
de  tous  nos  confrères  ;  la  mise  en  scène  est  splendide.  Hier  le 
Pied  de  Mouton,  aujourd'hui  les  Funérailles  de  l'honneur  :  Il 
n'y  a  que  la  Porte-Saint-Martin  pour  nous  offrir  de  ces  con- 
trastes. 

Le  Théâtre  Déjazet  nous  a  donné  Panne  aux  Airs,  paro- 
die du  Tannhauser,  poème  de  M.  Clairville,  musique  de  M.  Fré- 
déric Barbier.  La  pièce  renferme  les  mille  quolibets  de  rigueur 
dont  la  petite  presse  avait  déjà  escompté  une  partie.  La  musique 
de  M.  Barbier  est  non-seulement  une  imitation  comique  de  la 
musique  de  l'avenir,  mais  une  charge  réussie  de  la  musique  du 
présent.  Nous  avons  remarqué  une  ouverture  précédée  d'un  ré- 
citatif pour  trombone  et  petite  flûte  d'un  effet  excentrique  et 
nouveau,  une  romance  bouffonne  que  Dupuis  détaille  avec  beau- 
coup d'originalité,  et  un  chœur  avec  aboiements  de  chiens  qui  a 
fortement  diverti  l'auditoire. 

En  fin  de  compte,  le  Tannhauser  ne  peut  pas  se  plaindre 
de  l'accueil  qu'on  lui  a  fait  à  Paris  :  on  l'a  traité  comme  une 
pièce  à  succès.  N'est  pas  parodié  qui  veut.  J.  Lovy. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Le  nouvel  opéra  de  Benvenuti,  Shakspeare,  qui  a  réussi  à  Parme  , 
doit  être  exécuté  à  Reggio,  la  saison  prochaine. 

—  La  compagnie  de  M.  Lumley  a  débuté  au  théâtre  Carlo-Félice ,  de 
Gênes,  avec  le  Trovatore. 

—  Voyez  jusqu'où  va  l'excentricité  de  quelques  compositeurs  :  le  jour- 
nal la  Gazette  musicale  de  Milan  annonce  :  Les  Sept  péchés  capitaux,  danses 
caractéristiques  pour  piano,  par  M.  Bernardi.  —  L'Orgueil,  scholisch.  — 
V Avarice,  polka-mazurka.  —  La  Luxure,  valse.  —  La  Colère,  galop.  — 
La  Gourmandise,  quadrille.  —  L'Envie,  polka.  —  La  Paresse,  polka- 
mazurka.  —  Si  c'est  comme  pénitence  que  l'auteur  inflige  ces  danses,  il  n'y 
a  pas  d'objections  à  faire. 

—  A  Nuremberg,  quatre  maisons  ont  souscrit,  à  jilles  seules,  pour  plus 
de  20,000  florins,  pour  couvrir  les  frais  de  la  prochaine  fête  de  chant. 

—  Les  journaux  allemands  nous  apprennent  qu'une  parente  de  Mozart 
habite  Feld-Kirchen,  dans  le  Tyrol.  Cette  femme  exerce  une  humble  pro- 
fession manuelle  ;  elle  est  mère  de  cinq  enfants  et  se  trouve  dans  le  dé- 


nùment  le  plus  complet.  Anna-Maria  Pumpel ,  —  tel  est  son  nom,  —  est 
la  petite  nièce  de  Léopold  Mozart,  père  du  grand  compositeur. 

—  La  commission  nommée  par  S.  Exe.  le  maréchal  Randon,  ministre 
de  la  guerre,  pour  l'examen  des  candidats  aux  grades  de  chef  et  sous- 
chef  de  musique  dans  l'armée,  vient  de  terminer  ses  séances.  Les  mem- 
bres de  cette  commission,  qui  se  réunit  au  Conservatoire,  sous  la  prési- 
dence de  M.  le  général  de  division  Mellinet,  sont  MM.  le  général  d'artillerie 
Guiod,  H.  Berlioz,  Clapisson,  Georges  Kastner,  Ambroise  Thomas,  mem- 
bres de  l'Institut.  Cette  année,  comme  les  années  précédentes,  M.Georges 
Kastner  remplit  les  fonctions  de  secrétaire-rapporteur. 

—  Une  messe  solennelle  de  M.  Leprévost,  organiste-accompagnateur  de 
Saint-Roch,  sera  exécutée  dimanche  prochain,  14  avril,  à  l'église  Notre- 
Dame-Bonne-Nouvelle,  à  l'occasion  de  la  fête  patronale  de  cette  paroisse. 
La  messe  commencera  à  dix  heures  précises.  Les  solos  seront  chantés  par 
MM.  Warot  et  Gourdin  (du  théâtre  de TOpéra-Comique].  M.  Burelle,  orga- 
niste de  la  paroisse,  tiendra  l'orgue.  L'exécution  sera  dirigée  par  M.  Le- 
prévost. 

—  L'Union  bourguignonne  de  Dijon,  en  rendant  compte  de  la  séance 
d'inauguration  du  grand  orgue  de  la  cathédrale  de  cette  ville,  paye  son 
tribut  d'éloges  à  M.  Batiste,  à  son  talent  d'organiste-improvisateur  et 
d'harmoniste  à  la  fois  élégant  et  sobre.  M.  Batiste,  dit  l'Union,  a  fait  mer- 
veilleusement ressortir  les  divers  perfectionnements  apportés  à  l'orgue. 

—  Dans  la  messe  de  la  composition  de  M.  Gastinel,  que  le  Comité  des 
Artistes  musiciens  doit  faire  exécuter  lundi  8  avril,  à  midi,  à  Notre- 
Dame,  et  qui  doit  être  dirigée  par  M.  Deloffre,  MM.  Dufresne  et  Balanqué 
chanteront  les  soli. 

—  C'est  l'éditeur  Gérard,  successeur  de  Boisselot-Meissonnier,  qui  a 
acheté  la  partition  du  nouveau  succès  des  Bouffes-Parisiens,  le  Pont  des 
soupirs,  musique  de  J.  Offenbach,  paroles  de  MM.  Hector  Crémieux  et 
Ludovic  Halévy. 

SOIRÉES  ET   COMCEF1TS 

—  La  Société  des  Jeunes  Artistes,  dirigée  par  M.  Pasdeloup,  a  dignement 
célébré  le  Vendredi  Saint.  Le  programme  était  aussi  nourri  que  varié  ; 
mais  les  éléments  religieux  s'y  trouvaient  en  majorité  et  avaient  la  place 
d'honneur:  citons  les  fragments  du /tegiu'm  de  Mozart,  l'Hymne  ù'Rayân  par 
tous  les  instruments  à  cordes,  le  chœur  de  la  Charitéde  Rossini,  le  Sanc- 
tus  de  Gounod  (solo  par  M.  Capoul) ,  et  Jésus  de  NazaretlC,  chante  (Gounod) , 
solo  par  M.  Battaille.  Le  Juif-Errant,  de  Gounod,  a  été  également  dit  par 
Baltaille  en  guise  de  hors-d'œuvre.  Mentionnons  aussi  un  concerto  de 
Spohr,  habilement  exécuté  par  le  jeune  Léopold  Auer,  violoniste  du  Con- 
servatoire de  Vienne.  Enfin,  n'oublions  pas  la  Symphonie  pastorale  de 
Beethoven,  qui  appartient  aux  solennités  saintes,  de  parje  génie. 

—  La  sixième  et  dernière  séance  de  MM.  Armingaud,  Léon  Jacquard  , 
Ed.  Lalo  et  Mas,  avec  le  concours  de  Mme  Massart,  a  été  des  plus  brillantes. 
Le  quatuor  en  ré  mineur,  de  Haydn,  les  variations  pour  piano  et  violon- 
celle de  Mendelssohn,  le  quatuor  en  ut  de  Beethoven,  et  l'adagio  et  rondo 
de  Schubert,  ont  trouvé  des  interprètes  parfaits  ;  et  c'est  avec  de  vifs 
regrets  au  milieu  des  plus  sincères  bravos  ,  que  l'auditoire  a  pris  congé 
de  celte  société  de  quatuors. 

—  De  retour  d'un  concert  à  Moulins,  où  Félix  Godefroid  a  eu  l'hon- 
neur de  compter  parmi  ses  nombreux  admirateurs  Monseigneur  l'évêque 
du  diocèse,  notre  célèbre  harpiste  annonce  son  concert  annuel,  salons 
Érard,  pour  le  jeudi  H,  avec  le  concours  de  MUe  Marie  Cruvelli,  de  la  basse 
Dobbels,  du  quatuor  Baillot,  Sauzet,  Lasserre  et  Colonne,  et  enfin  de  l'un 
des  plus  grands  chanteurs  de  l'école  italienne,  du  baryton  Délie  Sedie, 
qui  nous  arrive  du  Théâtre-Italien  de  Berlin. 

—  Avant  son  départ  pour  Londres,  le  jeune  violoniste  Sarasate  donnera 
un  concert  dans  les  salons  Pleyel,  le  19  avril  au  soir.  Les  premiers  artistes 
se  sont  groupés  autour  du  jeune  virtuose  pour  rendre  cette  séance  plus 
attrayante.  Alard  exécutera,  avec  son  élève  passé  maître,  un  de  ses  meil- 
leurs duos  concertants.  Mlle  Dorus,  MM.  Leroy,  Veroust,  Lévy  et  Sainte- 
Foy,  en  lui  prêtant  le  concours  de  leur  talent,  prouvent  l'estime  qu'ils 
font  du  sien. 

—  Le  troisième  et  dernier  concert  de  la  Société  philharmonique  a  eu 
lieu  à  .Reims,  avec  le  concours  de  MIle  Aimée  Tillemont  et  M.  A.  Reichardt. 
«  M1Ie  Tillemont,  dit  le  Courrier  de  la  Champagne,  a  chanté  la  cavatine  du 
Barbier  en  italien;  et,  malgré  les  préventions  de  notre  public  pour  cette 
langue  brevetée,  elle  a  forcé  les  applaudissements,  qui,  une  fois  partis, 
n'ont  plus  voulu  s'arrêter  pendant  ses  variations  sur  les  Diamants  de  la 
Couronne ,  et  .deux  délicieuses  chansonnettes  :  les  Deux  cœurs,  d'EI.  Ar- 
naud, et  la  Chose  impossible,  d'Ed.  Lhuillier.  » 


152 


LE  MÉNESTREL. 


—  MUe  Joséphine  Martin,  qu'on  n'a  pas  assez  entendue  cet  hiver, 
donne  son  concert  le  samedi  13  avril,  salle  Herz.  La  brillante  virtuose  ne 
se  contente  pas  d'être  un  des  plus  habiles  professeurs  et  compositeurs 
pour  le  piano,  elle  nous  annonce  l'audition  d'une  opérette  de  sa  composi- 
tion dont  on  dit  la  musique  et  le  poëme  charmants.  M.  Henri  d'Alleder 
est  l'auteur  des  paroles,  c'est  dire  que  le  poème  est  spirituel  et  plein  d'en- 
train. Dans  le  concert  qui  précédera  la  pièce,  on  entendra  le  beau  duo  que 
M.  Chaîne,  l'habile  violoniste,  et  Mllc  Joséphine  Martin,  viennent  de  compo- 
ser sur  le  Faust  de  Gounod.  M.  Franco  Mendôs,  M"e  Cordier  et  les  chœurs 
de  l'Odéon  prêtent  aussi  leur  concours  à  la  bénéficiaire. 

— '  L'hiver  n'aura  pas  été  seulement  fertile  en  concerts  et  soirées  musi- 
cales ;  les  séances  d'élèves  de  nos  principaux  professeurs  sont  elles-mêmes 
des  concerts  spéciaux,  dans  lesquels  la  musique  de  piano  trône  à  plaisir. 
M.  Camille  Stamaty  a  d'abord  donné  plusieurs  séances  de  ce  genre,  salons 
Pleyel.M.  Félix  Lecouppey  vient  d'endonner  deux,  le  1er  et  le  2  avril,  chez 
lui  :  nombre  de  ses  meilleurs  élèves  du  monde  et  artistes  formés  à  son 
école  ont  fait  entendre  plus  de  quarante  morceaux  à  deux  et  à  quatre 
mains.  Nous  avons  à  signaler  dans  le  même  genre  les  intéressantes  réu- 
nions de  Mlle  Jenny  Jousselin,  professeur  distingué  attaché  au  Conserva- 
toire, qui  forme  nombre  d'élèves  aux  traditions  de  la  bonne  musique. 

—  Parmi  les  nombreux  concerts  donnés  cette  semaine,  nous  ne  devons 
pas  oublier  celui  de  MUe  Joséphine  Laguesse  ,  qui  avait  réuni,  dans  les 
salons  d'Érard,  le  samedi  23  mars,  une  foule  élégante  et  nombreuse.  Les 
noms  de  nos  premiers  artistes  figuraient  sur  le  programme  :  Mm8  Mancel, 
MM.  Luchesi,  Géraldy,  Lebouc,  Hammer  et  Berthelier,  ont  partagé  tour 
à  tour,  avec  la  bénéficiaire,  les  applaudissements  du  public. 

—  A  son  concert,  qui  reste  fixé  au  mardi  9  avril,  à  8  heures  du  soir,  à 
la  salle  Herz,  M.  Bernard  Rie  nous  fera  entendre  un  quintette  pour  piano, 
flûte,  clarinette,  cor  et  basson,  de  M.  Ad.  Blanc,  et  de  ses  compositions ,  sa 
valse,  le  Rouet,  un  nocturne  (lre  fois),  une  tarentelle  (lre  fois)  et  une 
étude. 

—  Mercredi  prochain,  10  avril,  salle  de  M.  Herz,  nous  aurons  la  soirée  mu- 
sicale annuelle  de  notre  habile  professeur  de  chant,  Boulanger-Kunzé.  Les 
noms  des  artistes  éminents  qui  doivent  coopérer  à  cette  solennité,  le  soin 
avec  lequel  le  bénéficiaire  a  coutume  d'organiser  et  de  diriger  cette  intéres- 
sante soirée,  lui  assurent  à  l'avance  une  réunion  nombreuse  et  choisie. 

—  Demain  8  avril,  M.  Jules  Faubert  fera  exécuter,  salle  Barthélémy  , 
une  scène  lyrique  à  trois  personnages.  Cette  soirée  est  placée  sous  les 
auspices  de  la  Société  municipale  de  secours  mutuels  du  quartier  Saint- 
Thomas-d'Aquin. 

—  Vendredi  prochain  ,  12  avril,  salle  Érard,  concert  donné  par  M.  Al- 
fred Jaell,  pianiste  du  roi  de  Hanovre,  avec  le  concours  de  Mlle  Teresa 
Andrini,  MM.  Dupuis,  Jacquard  et  Marchesi. 

—  MUc  J.-M.  de  Lalanne  fait  applaudir,  dans  nos  soirées  musicales, 


deux  de  ses  nouvelles  productions  :  Absence  et  Retour,  romances  sans 
paroles,  dédiées  à  Mme  F.  Lyon.  Ce  sont  deux  mélodies  d'un  très-bon 
style,  parfaitement  appropriées  au  piano. 

—  Le  concert  donné  lundi  dernier,  salle  du  Palais  Bonne-Nouvelle ,  par 
le  petit  Edouard  Singer,  chanteur  de  chansonnettes,  âgé  de  dix  ans,  avait 
attiré  plus  de  monde  que  la  salle  n'en  pouvait  contenir.  Cette  précoce  et 
singulière  vocation  excitait  yivement  la  curiosité,  et,  défait,  le  bénéfi- 
ciaire lilliputien  a  été  très-choyé.  Son  âge  et  sa  taille  rendaient  la  chose 
piquante.  Plusieurs  artistes  :  MUe  Marie  Cico,  le  violoncelliste  Ghys , 
M.  Ambroselli,  etc.,  coopéraient  avec  bonheur  à  cette  matinée. 
Concerts  annoncés. 

Aujourd'hui  7  avril,  matinée  de  M.  Thurner,  salle  Herz;  deMn°  Hum- 
bert,  salle  Pleyel ,  et  soirée  musicale  de  Mlle  Léonce  Tonnel,  salle  Herz, 
avec  le  concours  de  Mlle  Sophie  Lecout,  MM.  Nollet,  Dobbels  et  Malézieux. 

Le  lundi  8  :  concert  du  violoncelliste  Nathan,  salle  Herz,  avec  le  con- 
cours de  Mmes  Gaveaux-Sabatier,  de  la  Pommeraye,  MM.  Graziani,  Charles 
Poisot,  Lebeau,  etc.  • 

Le  9  :  concert  de  V.  Boulart,  salons  Érard  ;  et  de  M.  Bernard  Rie,  salle 
Herz. 

Le  10  :  le  virtuose  Perelli,  avec  le  concours  de  M11"  Marie  Cruvelli,  de 
MM.  Zucchini  et  Montanaro  ;  M.  Michiels  ,  salle  Pleyel,  et  M.  Boulanger- 
Kunzé,  salle  Herz. 

Le  11  :  Mlle  Adrienne  Picard,  salle  Pleyel,  avec  le  concours  de  MM.  Le- 
roy, Triebert,  Rousselot,  Jaucourt,  Magnien,  Casimir  Ney  et  Rabaud;  du 
violoniste  J.  White,  salle  Herz,  et  de  Félix  Godefroid,  salons  Érard,  avec 
le  concours  de  Mlle  Marie  Cruvelli,  de  M.  Dello  Sedie,  du  théâtre  italien  de 
Berlin,  de  M.  Dobbels  ,  du  théâtre  de  Bruxelles,  et  du  quatuor  de 
MM.  Baillot  et  Sauzet. 

Le  12  :  le  pianisteJUfred  Jaell,  salons  Érard. 

Le  13  :  soirée  musicale  de  notre  pianiste-compositeur  Camille  Stamaty, 
salle  Pleyel  ;  concert  de  M"e  Joséphine  Martin,  salle  Herz. 

Le  15  :  M.  A.  Mansour ,  pianiste-compositeur ,  salle  Pleyel,  avec  le 
concours  de  Mlle  Balbi  et  du  violoniste  White  ;  et  MIle  de  la  Morlière , 
salons  Érard,  avec  le  concours  de  MM.  Jules  Lefort,  Hayet,  Malézieux, 
Hocmelle,  Diemer  et  Benfield. 

Le  16  :  le  virtuose  Hermann,  salle  Pleyel. 

Le  17  :  Louis  Lacombe,  salons  Érard. 

Le  18  :  M.  et  Mme  Henri  Potier ,  salon  des  Arts  unis  ;  et  M118  Ida 
Boulé,  salle  Herz,  avec  le  concours  de  Mrae  Riquier-Delaunay,  MM.  Léon, 
Lafond,  Lebrun. 

Le  19  :  MUe  Virginie  Huet,  salle  Herz,  et  concert  du  jeune  virtuose 
Sarasate,  salle  Pleyel. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rèdacteuren  chef. 


Typ-  Charles  de  Mourgues  frèr 


',  Jean-Jacques  Ho 


En  vente  au  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne. 


MORCEAUX  DE  CHANT 

SÉPARÉS  : 

1.  Chœur  :  Allah I  Allah! 

2.  Marche  de  la  Caravane,  piano.  4  50 

3.  Avec  chœur.  La  tempête  au 

désert.  Le  Simoun 

4.  Hymne  à  la  nuit,  air  pr  ténor.  3  75 
4  bis.  Le  même,  pour  baryton. . .  3  75 

4  ter.  Le  même,  pour  basse 3  75 

4  anal.  Le  même,  en  italien 3  75 

5.  Fantasia  et  danse  des  Aimées, 

pour  piano  solo 4  50 

6.  Chœur.  La  liberté  au  désert. . 

7.  Rêverie  du  soir,  mélodie  pour 

ténor 3  75 

7  bis.  La  même,  pour  baryton. . .  3  75 

7  ter.  La  même,  pour  basse 3  75 

7  quat.  La  même,  en  italien 3  75 

8.  Le  lever  du  soleil 

9.  Chant  du  Muezzim,  pr  ténor. .  2  50 

10.  Chœur.  Départ  de  la  Cara- 

vane  

Chaque  partie  de  chœur  séparée .  6    >> 
N.  B.  Voix  de  soprano  et  de  con- 
tralto, ad  libitum,  chaque 
partie  séparée 6    » 


LE  DÉSERT 


ODE-SYMPHONIE   DE 


FÉLICIEN  DAVID 


Poësie  de  COLIrV. 


Partition  in-8",  piano  et  chant,  net  :  7  fr. —  Grand  format,  piano  et  chant  :  15  fr. 

Partition  orchestre  :  150  fr. 

Parties  séparées  :  150  fr.  —  Chaque  partie  séparée  :  15  fr. 

Partition  piano  solo,  net  :  10  fr.  —  Partition  â  quatre  mains,  net  :  15  fr. 


MORCEAUX  DE  PIANO 

TRANSCRITS  ." 

a.  de  Kontski.  Improvisata  sur 

le  Désert  H  les  Hirondelles.    8    » 

stcpii.  Heiicr.  Caprice  brillant. 

Op.  51 9    » 

e.  Prudent.  Le  lever  du  Soleil. 

Op.  22 9    » 

h.  Roseiien.  Marche  de  la  Ca- 
ravane       9    » 

j.  b.  Durera»)    Souvenir.  Op. 

51 5    » 

a.  tecarpentier.  Fantaisie  bril- 
lante. Op.  102 6    » 

Mcicuior  niocker.  Fantaisie. . .  9    » 

f.  David.  Rêverie  du  soir 4  50' 

Henri  Herz.  Grand  duo  concer- 
tant, à  4  mains 9    « 

h.  Roseii.cn.  Marche  de  la  Ca- 
ravane ,  à  4  mains 10    » 

a.  wusnrd.  Danse  des  Aimées, 

quadrille  à  2  et  4  mains. . .     4  50 

a.  Durand.  Marche  pour  piano 

et  orgue 6    » 


701.   —  '28"  Année. 
w«  so. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  OU  CHANTEUR. 


Dimaitclie  14  Avril 

1861. 


L£»i_sa 


TREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  C<°,  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  de  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1"  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  3«  Itloreca 

Scènes,  Mélodies.  Homances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  «  Albu 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15fr.;  Province  :  18fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2°  Mode  d 'abonnement  .  Jtournal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  ««  m 
Fantaisies,  Valses.  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  a  Alli 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.:  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


(lui 'T  ET  piano    ni.i  \-i»  : 
3a  Mode  d'abonnement  contenant  te  Texte  complet,  les  .ï«  îlBoreeaux  de  chant  et  de  piano,  les  1  AlbuinM- 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1«'  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  - 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  HF.ur.EI,  et  C">,  éditeurs  du  Ménestrel  et  delà  Maîtrise,  2  bis,  rue  Viv 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


nent  collection.  —  Adresser/Vauco 
rue  Jean-Jacques  IVousseau,  8.  —  2329 


SOMMAI  UE. 


TEXTE. 


1.  L'opéra-comique,  sa  naissance',  ses  progrès  et  sa  trop  grande  extension: 
Conclusion  (30  et  dernier  article;.  L.  Hêkead.  —  IL  Théâtre-Lyrique  :  pre- 
mière représentation  de  la  Statue,  opéra  en  trois  actes  de  M.  Ernest  Rêver. 
J.  Lovy.  —  III.  Semaine  théâtrale.  J.-L.  Heogel.'—  IV.  Opéra-Cumique  : 
première  représentation  de  Roi/al-Crovate.  J.  Lovy.  —  V.  La  Société  des  con- 
certs et  Hector  Berlioz.  E.  Viel.  —  VI.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  An- 
nonces. 

musique  o:;  chant  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
L'HIVER , 

Poésie  d' Armand  Barthet ,  îmusique  de  J.  Uffenrach ,  mélodie  ex- 
traite du  recueil  des  Voix  mystérieuses  ,  auxquelles  nous  avons  déjà 
emprunté  la  Barcarolle  et  Chanson  de  Fortunio.  — Suivra  immédia- 
tement après  :  les  Lilas ,  paroles  d'EDMOND  Roche,  musique  de 
Charles  Poisot. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  :    ' 

LA  BELLE  NIÇOISE , 

Polka-mazurka  d'AuGUSTE  Durand.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
Musette,  souvenirs  du  Mont-Dore,  rondo  pastoral  de  Marmo.ntel. 


L'OPÉRA   COMIQUE 


SA  NAISSANCE,  SES   PROGRES,  SA  TltOP  GRANDE  EXTENSION. 


CONCLUSION. 


XXXme   ET    DERNIER    ARTICLE. 


Avec  Hérold,  je  termine  la  biographie  générale  des  musiciens 
qui  ont  illustré  l'Opéra-Comique,  ne  voulant  point  parler  des 
auteurs  qui  militent  encore  devant  le  public. 

Je  dirai  au  lecteur  qui  a  bien  voulu  me  suivre  jusqu'ici  de 
me  pardonner  les  longueurs  d'une  étude  Irop  souvent  mono- 
tone, en  faveur  du  but  pour  lequel  je  l'ai  entreprise. 

J'ai  voulu  démontrer  que  si  l'Italie  avait  doté  le  monde  des 
œuvres  des  Léo,  des  Durante,  des  Scarlatti,   des  Pergolèse,  des 


Paisiello,  des  Cimarosa,  desRossini...;  que  si  l'Allemagne  avait 
vu  naître  les  Bach,  les  Mozart,  les  Gluck,  les  Weber,  lesMeyer- 
beer...,  la  France  pouvait  aussi  s'enorgueillir  d'avoir  donné  le 
jour  à  des  compositeurs  nombreux  et  d'un  mérite  inconlesté. 

Nous  avons  vu  l'opéra-comique  prendre  naissance  sur  un 
théâlre  d'occasion,  avec  le  nom  modeste  de  comédie  à  ariettes. 
En  principe,  la  musique  fut  donc  tolérée  seulement  dans  le 
drame,  puiselle  arriva  rapidement  au  degré  d'importance  qu'elle 
devait  avoir  dans  les  ouvrages  de  Méhul,  de  Chérubini,  de 
Boïeldieu,  d'Hérold.  Mais  s'il  est  heureux  pour  l'art  dramatique 
qu'il  en  soit  ainsi,  par  contre,  il  me  semble  dangereux  de  se 
jeter  dans  un  excès  contraire  et  de  ne  pas  se  montrer  plus  sé- 
vère dans  le  choix  des  pièces  qui  doivent  être  jouées  devant  un 
public  dont  il  faut  intéresser  l'esprit. 

Ce  public  est  un  grand  enfant  chez  lequel  le  rire  est  souvent 
près  des  larmes;  il  veut  qu'on  lui  serve  un  breuvage  dans  lequel 
soient  mêlées,  à  dose  égale,  la  sensibilité  et  la  plaisanterie  de  bon 
aloi.  Voilà  le  secret  de  ces  collaborations  si  heureuses.  Favart 
et  Monsigny,  Sedaine  et  Grétry,  Etienne  et  Nicolo,  Scribe  et 
Auber,  de  Saint-Georges  et  Halévy.  Mais  on  a  rabaissé  au  nom 
de  libretto  ce  qui  s'appelait  autrefois  poëme,  parce  que  la  valeur 
littéraire  de  l'opéra-comique  n'est  plus  celle  qu'avait  la  comé- 
die a  ariettes  ;  aussi  ne  voyons-nous  guère  se  renouveler,  pour 
la  plupart  des  pièces  nouvelles  données  à  notre  seconde  scène 
musicale,  l'enthousiasme  durable  qui  accueillait  les  chefs-d'œu- 
vre des  maîtres  dont  je  viens  de  parler. 

Quelque  optimiste  que  l'on  soit,  et  tout  en  rendant  hommage 
aux  œuvres  récentes,  on  ne  peut  nier  que  nous  ne  soyons  plus 
au  temps  où,  en  peu  d'années,  avaient  lieu  coup  sur  coup  les  re- 
présentations de/a  Dame  Blanche,  de  Zampa,  du  Pré  aux  Clercs, 
du  Maçon,  de  la  Fiancée,  de  Fra  Diavolo,  du  Domino  noir,  de 
l'Ambassadrice,  de  l'Éclair,  âaChalet,  du  Postillon,  des  Mous- 
quetaires et  du  Val  d'Andorre,  et  de  tant  d'autres  œuvres  qui 
ont  obtenu  une  popularité  européenne. 


154 


LE  MÉNESTREL 


Je  crois  que  là  raison  n'en  peut  être  imputée  à  l'absence  de 
compositeurs  de  talent  dans  un  pays  qui  possède  tant  de  musi- 
ciens illustres;  mais  que  l'on  compare  les  derniers  libretti  sur 
lesquels  ces  grands  artistes  ont  travaillé  avec  ceux  que  je  viens 
de  citer,  et  l'on  trouvera  là,  je  crois,  la  raison  du  moins  d'ori- 
ginalité et  dit  peu  de  mérite  musical  des  opéras-comiques  de  Ces 
dernières  années. 

Il  faut,  pour  faire  jaillir  la  verve  des  compositeurs  français,  — 
nous  l'avons  vu  dans  la  biographie  d'Hérold  en  particulier,  — 
des  libretti  intéressants,  des  comédies  à  arietles  spirituelles,  gaies 
ou  émouvantes. 

Aujourd'hui,  l'Opéra-Comique  est  devenu  une  succursale  du 
grand  Opéra.  On  est  parfois  étonné,  à  l'audition  de  certaines 
des  partitions  qui  ont  été  le  plus  jouées  dans  ces  temps  derniers, 
d'entendre  l'orchestre  s'interrompre  pour  laisser  le  dialogue 
prendre  la  place  du  chant;  car  si  on  remplaçait  ce  dialogue  par 
un  récitatif,  on  aurait  bel  et  bien  un  grand  opéra  dans  lequel 
personne  ne  reconnaîtrait  le  genre  primitif.  Il  semble  que  nos 
compatriotes  se  dédommagent  sur  l'opéra-comique  de  ce  que 
notre  première  scène  lyrique,  —  qui  devrait  être  nationale  par 
excellence,  puisque  la  nation  tout  entière  contribue  de  ses  deniers 
à  sa  splendeur, — serve  de  piédestal  aux  compositeurs  étrangers. 

Il  en  résulte  que  les  hommes  de  lettres  qui  écrivent  pour 
l'Opéra-Comique  ne  donnent  plus  à  leurs  productions  le  soin 
qu'y  apportaient  leurs  devanciers.  Trop  souvent  ils  laissent  au 
musicien  et  au  machiniste  la  responsabilité  du  succès.  Je  le  ré- 
pèle, la  musique  et  la  parole,  dans  l'opéra-comique,  doivent  se 
partager  équitablement  l'intérêt  du  public. 

En  copiant  l'Opéra,  le  théâtre  de  Favart  et  de  Sedaine  s'est 
cru  obligé  de  donuer  une  extension  très-grande  à  la  mise  en 
scène,  de  façon  que  la  plupart  des  derniers  opéras-comiques  ne 
peuvent  plus  être  représentés  en  province. 

Cela  est  plus  fâcheux  pour  les  auteurs  qu'on  ne  pense,  parce 
que  les  grandes  et  petites  villes  de  France,  en  confirmant  le  juge- 
ment de  Paris,  donnaient  à  leurs  œuvres  le  dernier  degré  de  la 
publicité.  La  pièce  ainsi  popularisée,  quoique  dépourvue  du 
charme  que  les  acteurs  de  talent  et  les  décorations  luxueuses 
ajoutent  aux  représentations  parisiennes,  était  à  peu  près  sûre  de 
passer  à  la  postérité. 

La  province  se  trouve  forcée  de  travailler  pour  elle-même,  et 
nous  avons  eu,  dans  ces  derniers  temps,  des  œuvres  originaires 
du  cru,  représentées  dans  plusieurs  villes  des  déparlements:  Mar- 
seille, Lyon,  Rouen,  Bordeaux,  Nantes,  le  Havre ,  Strasbourg,  La 
Rochelle,  etc.  Du  reste,  il  n'y  a  là  rien  que  de  très-heureux  pour 
l'art  musical,  car  il  peut  surgir  de  ces  essais  quelques  artistes  de 
talent.  En  Italie  et  en  Allemagne,  où  il  n'y  a  pas,  comme  en 
France,  une  capitale  unique,  les  compositeurs  écrivent  indiffé- 
remment pour  telle  ou  telle  ville  ;  c'est  ainsi  qu'on  a  vu  un  opéra 
tomber  à  Rome  ou  à  Vienne,  se  relever  à  Naples  ou  à  Berlin. 

Il  arrive  souvent  que  des  pièces  d'une  valeur  incontestée  n'at- 
teignent pas  au  succès  obtenu  par  des  œuvres  moins  remarqua- 
bles. Il  me  semble,  pour  citer  un  exemple  pris  parmi  les  opéras 
de  M.  Auber,  que  Leslocq  doit  être  considéré  comme  une  des 
meilleures  partitions  de  ce  fécond  musicien.  Elle  est  loin  cepen- 
dant d'avoir  acquis  la  popularité  de  celle  de  F  Ambassadrice,  du 
Domino  noir,  des  Diamants  de  la  couronne. 

Que,  par  suite  d'un  de  ces  accidents  complètement  étrangers  à 
la  valeur  de  l'œuvre,  une  pièce  de  mérite  tombe  à  Paris  à  la  pre- 
mière représentation,  il  est  à  croire  qu'elle  ne  reverra  plus  le 
jour,  et  c'est  regrettable. 


Je  le  répète  donc,  l'art  musical,  et  l'opéra-comique  en  parti- 
culier, pourront  peut-être  gagner  à  ces  efforts  de  décentralisation 
artistique  des  départements,  sans  que  cela  porte  la  moindre  at- 
teinte à  la  suprématie  incontestable  de  la  capitale. 


On  a  cherché  dans  ces  derniers  temps  à  piquer  la  curiosité  du 
public  en  donnant  des  rôles  de  basse  à  chanter  à  des  contraltes  ; 
ceci  nuit  à  la  vraisemblance,  une  des  qualités  françaises  indis- 
pensables au  succès  de  la  salle  Favart.  Il  serait  précieux,  cepen- 
dant, au  point  de  vue  musical,  d'employer  dans  nos  opéras-co- 
miques ce  genre  de  voix,  d'un  effet  si  puissant,  mais  en  ayant 
soin  d'écrire  à  cette  intention  des  morceaux  spéciaux  :  on  choi- 
sirait pour  ces  parties-là  des  rôles  de  femme  d'un  caractère  scé- 
nique  plus  grave  que  ceux  écrits  pour  les  soprani  sfogati;  des 
rôles,  en  un  mot,  analogues  à  celui  de  Fidès,  ce  qu'on  appelle 
dans  le  drame  des  mères  nobles. 

En  donnant  à  une  cantatrice  des  airs  de  basse,  il  résulte  des 
effets  peu  agréables  à  l'oreille  dans  les  morceaux  d'ensemble, 
l'harmonie  étant  parfois  renversée  sans  raison. 

Pour  copier  en  tout  le  grand  Opéra,  on  a  eu  recours,  dans  ces 
derniers  temps,  aux  grands  effets  d'orchestre.  On  a  voulu  agir 
par  tous  les  moyens  imaginables  sur  les  nerfs.  L'exemple  donné 
par  certains  compositeurs  d'ensembles  créés  à  l'unisson  a  été 
suivi  par  les  auteurs  d'opéras-comiques. 

Que  penseraient  de  nous  les  Dalayrac,  les  Nicolo,  les  Boïel- 
dieu,  s'ils  entendaient  des  duos  dans  lesquels  les  voix  ne  font 
entendre  un  accord  qu'à  de  très-rares  intervalles,  et  comme  par 
accident?  Ils  ne  comprendraient  pas  le  charme  que  le  public 
trouve  à  applaudir  ces  morceaux  à  l'unisson, ou,  pour  mieux  dire, 
à  l'octave,  par  un  soprano  et  un  ténor.  Je  ne  sais  si  c'est  une 
erreur  de  mon  goût,  mais  je  ne  trouve  rien  de  moins  musical, 
de  moins  élevé...  en  dépit  du  diapason  extra-normal  employé 
pour  ces  exagérations  vocales. 

Si  ce  genre  là  est  le  bon,  pourquoi  applaudit-on  encore  des 
opéras  tels  qui/  Malrimonio  segreto,  le  Nozze  di  Figaro, 
laGazza  ladra?  Je  ne  vois  rien  de  semblable  dans  ces  parti- 
tions. Peut-être  celte  innovation  est-elle  un  progrès"?  Je  demande 
alors  qu'on  me  ramène  au  Devin  du  village.  L'harmonie  est 
une  précieuse  découverte  moderne  :  pourquoi  donc  y  renoncer? 

Ce  n'est  cependant  point  par  paresse  ou  par  ignorance  que 
nos  contemporains  adoptent  ce  système  :  l'abus  des  gros  orches- 
tres et  des  accompagnements  recherchés  prouve  que  îe  siècle 
n'est  ni  paresseux,  ni  ignorant  ;  il  s'en  faut  même  de  beaucoup.  • 
Il  y  a  plus  de  travail  matériel  dans  les  partitions  contempo- 
raines que  dans  celle  du  siècle  dernier  ;  c'est  une  affaire  de 
mode  :  eh  bien,  je  ne  serais  pas  fâché,  pour  mon  compte  per- 
sonnel, que  cette  mode  passât  et  qu'on  revint,  en  ce  qui  touche 
l'opéra-comique,  à  celle  qui  avait  mérité  et  fixé  la  vogue  du 
temps  de  Joconde,  de  VIrato,  de  Jean  de  Paris,  du  Maître  de 
chapelle... 

On  a  abusé  de  tous  les  effets,  surtout  de  ceux  qui  ont  réussi 
quelquefois.  Il  en  est  de  même  des  musiciens  contemporains 
actuels,  qui,  pour  éviter  le  banal,  abusent,  entre  autres  choses, 
par  exemple,  de  la  septième  diminuée,  dont  Hérold  avait  tiré 
des  effets  si  puissants  en  l'employant  avec  ménagement  et  tou- 
jours à  propos.  Il  résulte  de  l'usage  exagéré  des  accords  sus- 
pensifs que  la  tonalité  n'est  pas  nettement  accusée,  et  que  les 
mélodies  n'ont  plus  cette  franchise  d'allure  qui  assure  le  succès 
de  l'ancien  répertoire.  Les  chants  sont  trop  tourmentés,  et  Tau- 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


155 


diteur,  dérouté  par  ces  altérations  perpétuelles,  se  fatigue  et  ne 
s'attache  plus  à  rien. 

Un  rhythme  franc,  une  mélodie  naturelle,  sans  trivialité,  de 
la  gaieté,  de  la  verve,  de  l'esprit,  par-ci,  par-là  un  élan  de  sensi- 
bilité, tels  sont,  selon  moi,  les  éléments  constitutifs  du  genre  de 
l'opéra-comique. 

En  un  mot,  il  me  semble  que  l'on  doit  s'efforcer  d'atteindre  à 
la  hauteur  de  Zampa,  sans  jamais  chercher  à  faire  plus  grand. 
Comme  nous  l'avons  dit  en  commençant  cette  notice  de  l'opéra- 
comique,  Zampa  est  et  restera  l'oméga  du  genre. 

Léon  Meneau. 


THEATRE  LYRIQUE. 

La  Statue,  opéra-comique  en  trois  actes ,  cinq  tableaux,  de  MM.  Jules 
Barbier  et  Michel  Carré,  musique  de  M.  Ernest  Reyer. 

Le  musicien  fantaisiste  qui  nous  a  donné  le  Selam,  Maître 
Wolfram  elSacountala,  vient  de  faire  un  pas  en  avant;  mais 
un  de  ces  pas  qui  laissent  des  empreintes.  Voici  venir  un  heu- 
reux compromis  entre  la  mélopée  vague  et  les  mâles  accents 
de  la  symphonie.  Cette  partition  de  M.  Reyer,  disons-le  tout  de 
suite,  a  su  gagner  à  la  fois  les  sympathies  publiques  et  le  suf- 
frage des  connaisseurs;  on  y  reconnaît  les  symptômes  d'un  ta- 
lent qui  cherche  sa  voie,  —  et  qui  l'a  trouvée.  M.  Ernest  Reyer 
dédaigne  les  formules  connues,  il  évite  la  coupe  usuelle  des 
morceaux  et  leur  allure  carrée  ;  mais  l'instinct  mélodique,  le 
sentiment  du  rhythme,  l'abandonnent  rarement  :  tantôt  rêveuse, 
tantôt  simple  et  naïve,  sa  cantilène  s'adresse  à  l'âme  et  captive 
l'esprit.  Il  est  vrai  que  parfois  ce  dédain  du  banal  enfante  la 
bizarrerie  du  contour  et  l'uniformité  de  la  teinle;  en  fuyant  le 
terre-à-terre  on  se  jette  par  instants  dans  des  mélopées  diffuses 
et  sans  fin  ;  mais  ne  faut-il  pas  que  chaque  tentative  nouvelle 
ait  ses  écueils  et  ses  scories? 

Hâtons-nous  aussi  de  dire  que  l'instrumentation  joue  dans 
l'œuvre  présente  un  rôle  des  plus  intéressants;  presque  tous  les 
morceaux  sont  revêtus  d'un  tissu  orchestral  des  mieux  soignés, 
trop  recherché  parfois,  mais  qui  souvent  vient  masquer  avec 
bonheur  l'insuffisance  de  la  partie  vocale,  quand  il  n'en  rehausse 
pas  le  caractère.  Une  des  habitudes  de  M.  Reyer,  c'est  d'accom- 
pagner son  chant  d'un  simple  dessin  de  cor  anglais  ou  de  flûte; 
c'est  un  procédé  dont  il  ne  faudrait  pas  abuser  :  une  mélodie 
aux  allures  franches,  soutenue  d'une  harmonie  nette  et  précise, 
a  bien  son  prix.  Au  surplus,  nous  reviendrons  tout  à  l'heure 
sur  celte  partition;  essayons  d'abord  de  donner  l'analyse  du 
libretto  de  MM.  J.  Rarbier  et  Michel  Carré,  libretto  taillé  en 
plein  drap  dans  l'étoffe  des  Mille  et  une  Nuits. 

Le  jeune  Selim, —  un  gandin  oriental,  —  gaspille  sa  jeu- 
nesse dans  les  cafés  de  Damas,  entre  l'opium  et  le  hatschich. 
Heureusement  quelqu'un  veille  sur  lui;  c'est  le  génie  Amgyad. 
Use  présente  au  jeune  homme  sous  les  traits  d'un  vieux  der- 
viche. —  «  Selim,  lui  dit-il,  tu  es  blasé,  rassasié,  saturé  de 
richesse  et  de  puissance  ;  ce  n'est  pas  le  bonheur  :  suis-moi  dans 
les  ruines  de  Ralbek  ;  là  je  te  ferai  découvrir  des  montagnes 
de  rubis  et  d'émeraudes;  tu  seras  plus  riche  et  plus  puissant 
que  jamais...  » 

La  méthode  curative  ne  me  semble  pas  très-logique,  mais 
c'est  de  l'homéopathie  orientale. 

Selim  se  met  en  route.  Arrivé  au  désert,  il  meurt  de  soif. 
Une  jeune  fille  se  détache  d'une  caravane  pour  puiser  de  l'eau 


dans  une  citerne  :  c'est  la  belle  Margyane  ;  elle  offre  une  cruche 
pleine  d'eau  au  voyageur  altéré.  Selim  s'apprête  à  lui  exprimer 
sa  reconnaissance,  quand  le  derviche  vient  lui  rappeler  le  but 
de  son  voyage.  Margyane  s'enfuit.  —  «  Maintenant  je  suis  à 
toi,  »  dit  Sélim  au  derviche,  et  celui-ci,  d'un  coup  de  son  bâton 
magique,  fait  ouvrir,  dans  les  ruines,  la  porte  d'un  souterrain, 
où  Selim  s'engage  résolument. 

Là  s'élève  un  palais  étincelant,  orné  de  douze  statues  ;  un 
treizième  piédestal  est  vide  :  —  «  Cette  statue  absente,  il  faut 
la  conquérir  ;  c'est  la  seule  qui  comblera  tes  vœux  ;  mais,  pour 
cela,  il  est  urgent  que  tu  épouses  préalablement  une  des  plus 
pures  jeunes  filles  de  la  Mecque,  et  me  la  livres  en  toute  pro- 
priété :  alors  la  statue  est  à  toi.  »  —  Telles  sont,  ou  à  peu 
près,  les  paroles  de  ce  génie,  aussi  capricieux. . .  qu'immoral. 

Selim  jure  de  remplir  celle  condition.  Le  derviche  le  mène  à 
la  Mecque.  C'est  là  qu'est  momentanément  domiciliée  la  belle 
Margyane,  auprès  du  vieux  Kaloum-Barouch,  son  oncle  et  son 
seul  parent.  Or,  ce  vieux  marchand  d'olives  s'apprête  à  épouser 
sa  nièce;  mais  le  derviche — c'est-à-dire  le  génie  Amgyad  —  lui 
emprunte  son  visage  et  sa  forme,  s'installe  dans  la  maison 
comme  îeuJupiter-Amphilryon,  etKaloum-Barouch  est  forcé  de 
céder  la  place  à  son  sosie.  Selim  épouse  sa  belle  Margyane;  et 
quand  le  vrai  Kaloum-Barouch  revient  avec  main-forte  pour  re- 
conquérir sa  maison,  lui  et  ses  acolytes  sont  métamorphosés  en 
musiciens  tout  de  jaune  habillés,  raides  comme  des  automates, 
et  mêlant  un  refrain  grolesque  aux  chants  de  la  noce. 

Au  troisième  acte,  nous  nous  retrouvons  dans  le  désert,  près 
des  ruines  de  Ralbek.  L'heure  est  venue  pour  Selim  de  tenir 
son  serment;  mais  il  est  trop  épris  de  Margyane,  et  ne  peut  se 
résoudre  à  la  livrer  au  génie.  Alors  un  sommeil  magique  l'en- 
vahit, et  Margyane,  pour  le  dégager  de  sa  parole,  se  laisse  en- 
traîner dans  la  caverne.  Selim  se  réveille  et  se  précipite  vers  la 
porte  du  souterrain  ;  le  théâtre  change,  et  nous  voici  en  plein 
palais  des  Mille  et  une  Nuits.  Une  troupe  d'aimées  danse  au 
bruit  des  chansons.  Les  douze  statues  apparaissent  dans  le  fond, 
et  une  treizième  statue  voilée  est  en  train  de  s'élever  sur  le  pié- 
destal vide. . . .  Selim  s'élance  pour  la  briser,  car  elle  est  la 
cause  première  de  son  malheur. . . .  mais  le  voile  tombe,  et  Se- 
lim reconnaît  sa  chère  Margyane!...  Les  épreuves  sont  finies; 
et  tout  le  monde  est  satisfait. 

Vous  voyez  que  ce  canevas  réunit  la  fantaisie  la  plus  orien- 
tale à  la  morale  la  plus  élémentaire,  nonobstant  quelques  détails 
illogiques;  mais  Ralbek  est  trop  loin  pour  que  nous  y  regardions 
de  si  près. 


Nous  avons  donné  un  aperçu  du  caractère  général  de  la  par- 
tition. Pour  énumérer  tous  les  morceaux  applaudis,  il  faudrait 
plus  de  temps  et  d'espace  que  nous  n'en  avons.  Citons  sommai- 
rement l'introduction  et  le  chœur  du  prologue ,  chœur  des  man- 
geurs d'haschisch,  morceau  suave  et  mystérieux  qui  vous  met  en 
appétit;  les  couplets  de  Margyane  (Mlle  Raretti),  au  premier 
acte;  son  grand  duo  avec  Selim  (Monljauze),  et  surtout  les  stan- 
ces du  derviche  (Ralanqué)  :  C'est  un  doux  mystère,  stances 
pleines  d'onction,  que  la  situation  ramène  au  dénoûment  de  la 
pièce.  La  cantilène  de  Margyane  et  le  récit  de  Selim,  enrichis 
d'un  beau  travail  orchestral,  terminent  ce  premier  acte. 

L'entr'acte  du  deuxième  est  un  vrai  fragment  de  symphonie, 
très-réussi,  auquel  succède  un  chœur  ingénieusement  illustré 
d'un  dessin  de  petite  flûte.  Puis  viennent  de  nouveaux  couplets 


156 


LE  MÉNESTREL. 


de  Margyane  :  Ce  n'élail  pas  vous,  qu'on  a  vivement  applaudis. 
Mentionnons  aussi  le  duo  des  vieillards-sosies,  écrit  dans  le 
style  fugué,  et  le  petit  motif  des  musiciens  automates.  Ce  deuxiè- 
me acte  se  complète  par  le  récit  de  Margyane  et  un  chœur  d'a- 
dieu vigoureusement  dessiné. 

Le  troisième  acte  brille  par  le  duo  entre  Selim  et  Margyane, 
leur  grande  scène  avec  le  derviche,  entrecoupée  de  chœurs  loin- 
tains, et  surtout  par  un  scherzo  charmant,  accompagnant  la 
danse  des  aimées.  Mentionnons  enfin  un  petit  final  plein  d'é- 
clat, et  nous  aurons  indiqué  très-incomplètement  tous  les  élé- 
ments de  cette  œuvre,  dont  le  succès  a  été  acclamé  d'emblée. 

Montjauze  a  rencontré  une  excellente  création  dans  le  rôle  de 
Selim.  Il  s'est  spécialement  distingué  au  troisième  acte  :  là, 
quelques  élans  passionnés  et  deux  ou  trois  puissantes  notes  de 
poitrine,  des  si,  voire  des  ut,  lui  ont  valu  des  bravos  électri- 
ques. Mlle  Baretti,  bien  que  souffrante,  a  chanté  et  joué  avec 
grâce  le  personnage  de  Margyane.  Balanqué  (le  derviche),  War- 
tel  et  Girardot,  ont  récolté  de  justes  parts  dans  les  applaudisse- 
ments de  la  salle. 

La  mise  en  scène  a  des  splendeurs  qui  attestent  l'importance 
que  la  direction  du  Théâtre-Lyrique  attachait  à  cet  ouvrage.  Le 
décor  des  ruines  de  Balbek  et  celui  du  palais  souterrain  sont 
prestigieux. 

En  somme,  le  poëme  de  la  Statue  est  attachant,  et  la  musique 
est  de.  celles  qui  fondent  une  réputation. 

J.  Lovy. 


SEMAINE  THEATRALE. 


L'Opéra    et   les  Ilali> 


Les  Huguenots  ont  reparu  sur  l'affiche  de  I'Opéra,  cette  se- 
maine, à  la  grande  et  légitime  satisfaction  du  public.  Celte  ad- 
mirable musique  dramatique  a  d'autant  plus  intéressé  et  ému- 
tionné  les  auditeurs,  qu'à  la  demande  de  notre  illustre  maestro 
Meyerbeer,  dit-on,  Mme  Gueymard  prenait  possession  du  rôle  de 
Valentine;  c'est  une  tentative,  ajoutait-t-on,  destinée  à  lui  assurer 
la  création  de  l'Africaine  en  partage  avec  Mme  Tedesco.  Le  pu- 
blic et  Meyerbeer  n'avaient  nul  besoin  de  cette  expérience  pour 
souhaiter  Mmc  Gueymard  dans  l'œuvre  nouvelle  qui  doit  succé- 
der au  Prophète.  Où  trouver  une  voix  aussi  vibrante,  aussi 
sympathique,  une  physionomie  plus  intéressante,  plus  naturel- 
lement vraie?  S'emparer  de  Mmc  Gueymard  pour  l'Africaine, 
c'est  aller  si  évidemment  au-devant  du  vœu  général,  que  l'hési- 
tation ne  nous  paraissait  permise  ni  avant  ni  après  l'heureuse 
apparition  de  la  nouvelle  Valentine.  Le  quatrième  acte  des 
Huguenots  lui  a  été  parliculiôremenl  favorable,  et  chacun  a  pu 
remarquer  combien  M.  Gueymard  s'est  inspiré  des  bravos  dé- 
cernés à  sa  femme  pour  les  partager  à  tous  les  titres  Et 
quand  on  pense  que  celle  Valentine,  née  d'hier,  —  la  Léo- 
nore  du  Trouvère ,  et  la  Laura  de  Pierre  de  Médicis ,  — 
avait  été  refusée  d'emblée  par  M.  Crosnier,  comme  insuffi- 
sante au  double  point  de  vue  de  la  voix  et  de  la  personne  sur 
la  scène  de  l'Opéra; qu'elle  avait  été  déclarée,  sans  audition, 
indigne  de  la  plus  modeste  place,  des  plus  maigres  appointe- 
ments, on  doit  vraiment  bien  de  la  reconnaissance  à  MM.  Al- 
phonse Royer  et  Verdi  d'en  avoir  pensé  tout  autrement.  Si 
M.  Crosnier  était  resté  directeur  de  l'Opéra,  notre  première 
scène  lyrique  n'aurait  probablement  jamais  connu  l'une  de  ses 
plus  radieuses  illustrations. 


Du  reste,  ces  partis  pris,  ces  opinions  préconçues  de  tels  ou 
administrateurs  contre  tels  et  tels  artistes,  portent  parfois  leurs 
fruits.  N'est-ce  pas  à  M.  Nestor  Roqueplan  que  M.  Cazaux  doit 
d'être  aujourd'hui  l'une  des  premières  basses  de  l'Opéra?  Ce 
chanteur,  rivé  pendant  plusieurs  années  aux  chœurs  de  l'Opéra, 
sentait  bien  qu'il  pouvait  infiniment  mieux.  Il  sollicitait,  mais 
erivain,  l'emploi  des  coryphées;  les  fins  de  non-recevoir  de  son 
directeur  le  décidèrent  à  quitter  le  personnel  des  chœurs  pour 
aborder  les  basses  chantantes  d'opéra-comique.  Il  prit  congé 
de  son  protecteur  sans  le  savoir,  M.  Roqueplan,  et  il  se 
rendit  à  Orléans,  de  là  à  Genève,  puisa  Toulouse,  où  les  leçons 
de  M.  Laget  lui  indiquèrent  la  vraie  route  à  suivre  :  les  premiè- 
res basses  de  grand  opéra.  Quelques  années  plus  tard,  M.  Laget 
était  appelé  au  Conservatoire  de  Paris,  et  M.  Cazaux  ne  tardait 
pas  à  l'y  suivre.  Sur  une  audition  qui  lui  fut  ménagée  par 
M.  Vauthrot,  un  engagement  immédiat  s'en  suivit.  M.  Alphonse 
Royer  avait  compris  tout  le  parti  qu'il  pouvait  tirer  de  la  belle  et 
largo  voix  de  M.  Cazaux,  qui  vient  d'en  donner  une  nouvelle 
preuve  dansle  rôle  de  Saint-Bris,  des  Huguenots.  Depuis  Alizard, 
nous  n'avions  rien  entendu  d'aussi  complet.  Il  a  partagé  les  hon- 
neurs de  la  soirée  avec  M.  et  Mme  Gueymard. 

Si  de  l'Opéra  vous  passez  au  Théâtre-Italien,  vous  vous  re- 
trouvez en  présence  de  M"e  Trebelli;  mais  cette  fois  dans  Senii- 
ramide,  au  lieu  d'»7  Barbiere.  Nous  avions  prédit  que  Rosine 
serait  encore  mieux  sous  le  costume  d'Arsace.  Au  point  de  vue 
delà  personnification,  nous  nenous  étions  point  trompé,  mais  sous 
lerapport  du  chant,  nous  avions  auguré  sans  bien  peser  l'immen- 
sité de  ce  rôle  d'Arsace.  En  femme  adroite,  en  Parisienne  ita- 
lianisée, M"e  Trebelli  a  fait  une  très-intéressante  miniature  de  son 
personnage;  elle  n'épargne  ni  les  charmes  de  la  femme  ni  les  sé- 
ductions de  la  voix,  pour  faire  oublier  le  caractère  énergique  d'Ar- 
sace. Elle  avait  peut-être  abusé  des  effets  complètement  opposés 
dans  le  rôle  si  gracieux,  si  coquet  de  Rosine.  C'est  ce  qui  nous 
avait  dérouté.  Mais  en  avons-nous  fini  avec  les  surprises  que 
nous, ménage  MUe  Trebelli,  surprises  d'ailleurs  agréables  sous 
plus  d'un  aspect?  Nous  ne  le  pensons  pas,  car  la  débutante 
nous  paraît  prendre  grande  faveur  dans  le  public  du  Théâtre- 
Italien,  qui  la  rappelle  chaque  soir. 

En  est-il  de  même  de  Mme  Mariani  Lorini?  Nous  n'oserions 
l'affirmer. 

Mme  Lorini,  visiblement  émue  tout  d'abord,  a  été  si  faible  au 
début  du  premier  acte,  que  ses  qualités  en  ont  naturellement 
doublé  aux  actes  suivants.  On  lui  a  su  gré  de  sa  modestie,  de 
son  émotion,  et  il  faut  le  dire,  de  certains  traits  assez  réussis, 
dans  une  voix  étendue,  mais  d'un  timbre  trop  clair,  trop  froid, 
pour  le  genre  italien.  Bref,  ce  n'est  pas  la  Semiramidc  rêvée, 
bien  qu'à  un  certain  point  de  vue  la  taille  delà  débutante  et  la 
richesse  des  formes  puissent  accuser  une  reine  de  Babylone. 

Somme  toute,  la  Sémiramide,  qui  a  royalement  défrayé  l'au- 
tomne et  l'hiver  1860-186T  à  notre  grand  Opéra-Français,  vient 
de  jeter  un  nouvel  éclat  sur  les  dernières  soirées  du  Théâtre- 
Italien,  où  déjà  Mmes  Al  boni  et  Penco  avaient  répondu  aux  ac- 
cents harmonieux  des  sœurs  Marchisio. 

Tel  est  le  privilège  des  vrais  chefs-d'œuvre  lyriques  :  ils 
peuvent  prodiguer  à  pleines  mains  leurs  trésors  aux  célébrités 
chantantes  de  tous  les  pays  et  de  toutes  les  écoles.  Leur  noble 
hospitalité  est  intarissable. 

J.-L.  Heugel. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


157 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  LOPÉRA-COMIQEE. 

Royal-Cravate ,  opéra-comique  en  deux  actes,  de  M.  de  Mesgrigny  , 
musique  de  M.  le  duc  de  Massa. 

M.  de  Massa  a  voulu  1âter  un  peu  du  métier  de  composi- 
teur, —  désir  de  duc  est  un  feu  qui  dévore;  —  il  s'est  entendu, 
à  cet  effet,  avec  un  autre  gentilhomme,  M.  de  Mesgrigny,  et 
voici  le  canevas  de  Royal-Cravate. 

Le  jeune  officier  Gaston,  un  coureur  d'aventures,  et  son  bras- 
seur Champagne,  deux  royal-cravates,  s'installent  de  force  dans 
une  auberge,  et  relèguent  l'aubergiste  dans  une  cave;  car  Gaston 
guette  un  joli  minois  qu'il  a  vu  monter  en  chaise  de  poste,  et 
dont  il  espère  faire  sa  proie.  Arrivent  M.  le  marquis  *",  sa  nièce 
Henriette  et  une  soubrette  ;  tous  trois  meurent  de  faim.  Voyant 
Champagne  affublé  du  bonnet  de  coton  et  du  tablier,  ils  deman- 
dent 5  souper.  Gaston  leur  offre  de  partager  son  modeste  repas; 
MUe  Henriette  paraît  sensible  aux  attentions  galantes  de  M.  Gas- 
ton ;  puis,  le  souper  fini,  chacun  va  se  coucher. 

Nous  voyons  successivement  reparaître  sur  la  scène,  restée 
vide  et  obscure,  Gaston,  qui  vient  roucouler  à  mi-voix  devant 
la  porte  d'Henriette;  Champagne, 'qui  a  donné  rendez-vous  à 
la  soubrette;  puis  la  soubrette,  et  même  la  noble  demoiselle, 
sortant  de  leurs  chambres.  L'affaire  s'embrouille  et  deviendrait 
scabreuse,  si  l'oncle,  qui  entend  du  bruit,  ne  sortait,  lui  aussi, 
avec  un  flambeau,  pendant  que  l'aubergiste  se  dresse  effaré,  sou- 
levant la  trappe  de  la  cave.  Le  pauvre  aubergiste  devait  une 
explication  au  marquis,  il  la  lui  donne;  les  royal-cravates, 
démasqués  et  confus,  n'ont  plus  qu'à  battre  en  retraite. 

Au  deuxième  acte  nous  voici  chez  le  marquis.  Celui-ci  avait  un 
fils  naturel  ;  il  a  su  qu'après  la  mort  de  la  mère,  cet  enfant  s'était 
fait  soldat.  Il  l'a  fait  vivement  recommander  au  colonel;  le  jeune 
volontaire  a  gagné  l'épaulette  à  Fontenoy,  et  le  marquis  a  écrit 
enfin  qu'il  voulait  le  voir.  Gaston  arrive  au  château  de**®  avec 
une  lettre  de  son  colonel,  dont  il  ignore  le  contenu,  et  qu'il 
envoie  remettre  au  marquis  par  Champagne.  Le  marquis  prend 
d'abord  ce  dernier  pour  son  fils,  l'accable  de  caresses  et  lui 
donne  la  main  de  sa  nièce;  mais  comme  cette  erreur, —  déjà 
fort  invraisemblable,  —  ne  saurait  durer,  Gaston  finit  par  ré- 
clamer ses  droits  et  épouse  sa  cousine. 

M.  do  Massa  a  orné  ce  canevas  d'une  agréable  musique  d'a- 
mateur. Rien  de  bien  saillant,  mais  abondance  de  motifs  qui 
ne  vous  fatiguent  pas  les  nerfs.  Le  public  a  redemandé  les  cou- 
plets de  :  Tant  pis!  chantés  avec,  verve  par  'aiiu  Lemercier, 
qui,  avec  Gourdin,  Nathan,  Sainle-Foy  et  Prilleux,  défrayent 
avec  ensemble  le  personnel  de  Royal-Cravate. 

J.  Lovr. 


SEPTIEME  COMERT  DE  CONSERVATOIRE. 

Cinq  fragments  de  la  belle  symphonie  de  Berlioz  :  la  Dam- 
nation de  Faust,  occupaient  une  place  importante  dans  le 
programme  de  dimanche  dernier.  Hâtons-nous  de  dire  qu'ils 
ont  produit  un  grand  effet,  et  que  le  public  du  Conservatoire, — 
public  si  attaché  à  ses  admirations  rétrospectives,  —  les  a  ac- 
cueillis avec  une  faveur  marquée;  le  choix  des  morceaux  avait 
d'ailleurs  été  fait  avec  prudence,  de  façon  à  ne  blesser  aucune 
conviction,  à  n'éveiller  aucune  susceptibilité  ;  car,  on  le  sait, 
en  musique  comme  en  toute  autre  chose,  —  plus  peut-être, — 
il  y  a  les.  routiniers  et  les  orthodoxes  systématiquement  hos- 
tiles h  toute  nouveauté  comme  à  toute  hardiesse. 


L'orchestre  a  d'abord  dit  la  petite  pièce  instrumentale  qui 
fait  suite  à  la  scène  des  buveurs  :  Après  V orgie  de  la  cave  de 
Leipzig,  Méphislophélès  conduit  Faust  au  travers  des  airs  dans 
un  bosquet  du  bord  de  l'Elbe,  où  il  l'endort  et  lui  fait  voir 

en  songe  l'image  de  3Iarguerite Rien  de  poétique,  rien  de 

suave  comme  la  peinture  instrumentale  de  ce  voyage  et  de  ce 
rêve;  l'air  que  chante  ensuite  Méphistophélès, —  par  l'organe 
de  Cazaux —  se  distingue  par  une  sombre  énergie.  Il  y  a,  dans 
le  chœur  des  Gnomes,  des  intentions  aussi  expressives  que  va- 
riées, et  rendues  avec  un  faire  d'une  originalité  suprême:  ce  n'est 
pas  ainsi  que  chantent  de  simples  mortels.  Même  observation  à 
l'égard  du  ballet,  en  mouvement  de  valse,  des  Sylphes,  sortes  de 
libellules  incorporels,  qui,  dans  leurs  ébats,  rasent  la  pointe  des 
herbes  et  la  cime  des  fleurs  comme  le  vol  de  Tilania  dans 
le  Songe  d'une  nuit  d'été.  L'étrange  sonorité  des  violons  en 
sourdines,  les  notes  détachées  de  la  harpe  et  de  la  flûte,  et  par- 
dessus tout  l'ingénieuse  combinaison  des  timbres, font  de  cette 
danse  une  dentelle  de  sons  aussi  délicate  que  capricieusement 
travaillée  ;  de  nombreux  bravos  en  ont  acclamé  l'exécution. 
Le  double  chœur  d'étudiants  et  de  soldats,  dont  les  caractères 
contrastés  se  marient  si  bien,  grâce  aux  artifices  d'un  contre- 
point habile,  a  également  obtenu  un  succès  des  plus  francs. 
Bref,  le  résultat  de  cette  nouvelle  épreuve  peut  être  considéré 
comme  un  véritable  triomphe  pour  un  maître  jadis  aussi  con- 
testé que  Berlioz,  dans  la  salle  de  la  rue  Bergère.  Nous  espérons 
donc  que  la  Société  ne  s'en  tiendra  pas  là,  et  qu'elle  nous  fera 
entendre  plus  tard  d'autres  pages  de  l'illustre  compositeur  fran- 
çais, d'Harold,  par  exemple,  ou  mieux  encore,  de  Roméo  et 
Juliette,  en  attendant  qu'elle  inscrive  sur  son  programme  une 
de  ses  œuvres,  dans  toute  son  intégrité. 

La  ravissante  symphonie  en  si  bémol  d'Haydn  avait  ouvert 
le  concert,  qui  comptait  encore  le  beau  concerto  en  ré  mineur 
de  Mozart,  parfaitement  dit  par  Mme  Mattmann,  un  chœur  du 
Paulusde  Mendelssohn,  et  enfin  l'ouverture  de  Léonore  (la  troi- 
sième) de  Beethoven,  cet  infatigable  chercheur,  toujours  à  la 
poursuite  du  mieux  et  du  plus  parfait. 

E.  Viel. 


NECROLOGIE. 

Une  artiste,  qui  brilla  longtemps  au  théâtre  de  l' Opéra- 
Comique,  Mme  Zoé  Prévost,  dont  la  fille  a  épousé  le  ténor  Mon- 
taubr#,  vient  de  mourir  dans  sa  cinquante-neuvième  année. 
Elle  a  laissé  son  nom  à  tout  un  répertoire,  et  ses  créations  ont 
été  nombreuses.  Chollet  était  son  partenaire  habituel.  Le  Maçon, 
le  Postillon  de  Lonjumeau,  le  Rrasseur,  le  Panier  fleuri,  et  une 
foule  d'autres  ouvrages  trouvèrent  en  elle  une  interprète  pleine 
de  verve  et  d'éclat.  Ses  obsèques  ont  eu  lieu  jeudi  dernier  en 
l'église  Saint-Étienne-du-Mont,  au  milieu  d'un  grand  concours 
d'artistes,  de  musiciens  littérateurs  et  d'amis. 

—  Une  perte  plus  prématurée  nousa  été  annoncée  ces  jours-ci  : 
Mlle  Sophie  Noël,  devenue  Mme  Boëyé,  qui  fut,  il  y  a  quelques 
années,  l'une  des  illustrations  du  Théâtre-Lyrique,  et  qu'un 
riche  mariage  avait  éloignée  du  théâtre,  au  regret  de  ses  admi- 
rateurs, vient  de  mourir  âgée  de  trente-sept  ans,  dans  sa  pro- 
priété de  Neuilly,  après  une  longue  et  bien  douloureuse  maladie. 

Personne  n'ignore  avec  quel  succès  elle  créa  le  rôle  de  Phœbé 
dans  les  Amours  du  diable,  et,  conjointement  avec  Mme  Colson, 
celui  de  Néméa  dans  Si  j'étais  roi.  —  Sa  mort  est  aujourd'hui 
un  deuil  sincère  pour  ses  nombreux  amis. 


158 


LE  MÊNESTKEL. 


NOIJVKLLES  IHVEKSKS. 

—  Au  momen»  même  où  le  Stabat  de  Rossini  défrayait  les  saintes  soi- 
rées parisiennes,  Milan  fêtait  cette  belle  composition  dans  un  grand  concert 
vocal  et  instrumental  donné  au  théâtre  philo-dramatique.  Quatre-vingts 
élèves  du  Conservatoire,  l'orchestre  de  la  Scala,  les  célèbres  chanteurs 
Beneventano  et  Tiberini,  associés  fondateurs  de  la  Société  de  secours  mu- 
tuels pour  les  artistes,  au  bénéfice  de  laquelle  le  concert  avait  été  organisé, 
ont  pris  part  à  cette  grande  solennité. 

—  ie  célèbre  contrebassiste  Bottesini  est  en  ce  moment  à  Livoume,  où 
il  cumule  les  honneurs  du  virtuose  et  les  soucis  du  compositeur  lyrique. 
Il  est  en  train  d'écrire  un  nouvel  opéra  :  Marion  Delorme,  sur  les  paroles 
du  librettiste  italien  Ghislanzoni. 

—  Les  nouvelles  d'Espagne  nous  apprennent  que  le  fameux  théâtre  du 
Lycée  de  Barcelone,  —  le  plus  grand  des  théâtres  de  l'Europe,  après  la 
Scala  de  Milan,  —  est  devenu  la  proie  des  flammes.  Il  est  déplorable  de 
voir  de  pareils  sinistres  se  succéder  si  fréquemment. 

—  Le  concours  pour  le  plan  de  construction  du  nouvel  opéra  de  Vienne, 
vient  d'être  clos.  Le  premier  prix  a  été  décerné  à  MM.  Van  der  Null  et 
Sicardsburg.  On  compte  poser  les  fondements  de  l'édifice  vers  l'automne 
prochain. 

— ■  Les  journaux  allemands  annoncent  la  mort  du  célèbre  chanteur 
Staudigl,  qui,  frappé  d'aliénation  mentale,  avait  été  transporté,  il  y  a  sept 
ans,  dans  l'hospice  des  aliénés  à  Vienne.  On  sait  que  c'était  une  des  plus 
belles  voix  de  basse  qui  se  soient  fait  entendre  en  Europe.  A  l'hospice 
des  aliénés,  Staudigl  avait  la  manie  de  forcer  sa  voix  pour  atteindre  aux 
notes  les  plus  élevées.  Quand  on  lui  faisait  des  observations  à  cet  égard, 
il  disait  :  «  Sachez  que  j'ai  douze  octaves ,  et  que  je  puis  encore  aller  au- 
delà.  »  Staudigl  n'avait  que  cinquante-trois  ans. 

—  Les  oratorios  choisis  pour  être  exécutés  aux  fêtes  du  mois  d'août 
prochain,  à  Birmingham,  sont  YElie  de  Mendelssohn  ,  le  Messie  de  Haen- 
del,  la  grande  messe  en  ré  de  Beethoven,  des  fragments  à'Israël  en 
Egypte,  la  Création  d'Haydn,  Judas  Machabée  et  Samson  de  Haendel. 

—  On  sait  que  Donizetti,  le  célèbre  compositeur,  avait  été  frappé  d'alié- 
nation mentale.  Un  journal  de  Constantinople  nous  annonce  que  son 
neveu,  fils  de  l'ex-direeteur  des  musiques  impériales,  vient  d'être  atteint, 
dans  cette  ville,  d'une  semblable  affection. 

—  On  écrit  de  Bruxelles,  que  M.  Ch.  Hanssens  met  la  dernière  main  à 
son  opéra,  le  Siège  de  Calais,  dont  la  répétition  générale  a  eu  lieu  la 
semaine  dernière. 

—  Le  Cercle  duJNord,  de  Lille,  vient  de  donner  un  nouveau  concert  avec 
le  concours  de  MUe  Marie  Sax,  de  l'Opéra,  du  ténor  Warot,  de  l'Opéra-Co- 
mique,  et  du  jeune  virtuose  Sarasate  pour  la  partie  instrumentale.  Comme 
on  le  voit,  grâce  aux  chemins  de  fer,  les  départements  le  disputent  à  Paris 
pour  la  composition  de  leurs  concerts. 

—  Amiens.  L'inauguration  solennelle  du  grand  orgue  de  l'église  Saint- 
Jacques  aura  lieu  lundi  prochain  dans  notre  ville.  M.  Edouard  Batiste, 
professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique,  organiste  de  Saint- 
Eustache,  viendra  faire  entendre  les  ressources  de  ce  nouvel  instrument, 
que  l'on  dit  des  plus  remarquables. 

—  La  deuxième  messe  solennelle  de  M.  Léon  Gastinel,  qui  a  été  choisie 
par  le  comité  do  l'Association  des  artistes  musiciens,  pour  la  fête  de  l'An- 
nonciation, célébrée  le  8  avril  à  Notre-Dame,  est  une  œuvre  de  la  plus 
grande  valeur.  Le  Kyrie,  le  Gloria,  le  Credo,  sont  des  morceaux  large- 
ment r'crits  et  d'un  style  pur  et  religieux.  Le  Sanctus  commence  par  un 
effet  nouveau  :  la  cloche,  qui  ordinairement  est  au  maître-autel,  et  appelle 
les  fidèles  à  l'adoration,  celte  fois  est  placée  comme  partie  importante  dans 
la  composition  ;  cette  pensée,  tout  à  fait  liturgique,  n'avait  pas  encore  été 
employée.  M.  Gastinel,  pour  terminer  sa  partition,  s'est  servi  du  Domine 
sulvum  traditionnel,  et  l'a  instrumenté  pour  toutes  les  ressources  mises  à 
sa  disposition  (400  artistes],  c'est  un  travail  bien  fait  et  dont  la  sonorité  est' 
excellente.  Cette  audition,  une  des  plus  importantes  de  Paris,  place  M. Gas- 
tinel parmi  les  compositeurs  les  plus  éminents  en  ce  genre. 

—  M.  A.  dePellaert  a  mis  en  musique  des  Prières  quotidiennes  spé- 
cialement destinées  aux  mères  de  famille  et  aux  institutions  religieuses. 
Constatons  aussi,  tout  en  annonçant  celte  publication,  que  M.  Pellaert  est 
auteur  d'une  grande  quantité  de  dessins  (vues  d'après  nature,  etc.]  expo- 
sés en  ce  moment  dans  la  salle  des  Sociétés  savantes,  rue  Bonaparte,  44,  et 
qui  viennent  de  lui  mériter  une  médaille  d'honneur. 


—  Le  journal  de  Bar-le-Duc  consacre  tout  un  feuilleton  à  la  messe  de 
Pâques,  composée  par  M.  Alfred  Yung  pour  l'église  Notre-Dame  de  Bar, 
dont  il  est  l'organiste  et  le  maître  de  chapelle.  Nous  regrettons  de  ne  pou- 
voir reproduire  l'intéressant  compte  rendu  de  M.  J.-J.  Duchemin,  qui 
rend  pleine  et  entière  justice  à  l'habile  élève  de  l'école  Niedermeyer.  ■ 

—  Aujourd'hui  dimanche,  en  l'église  de  Noire-Dame-Bonne-Nouvelle, 
exécution  d'une  messe  solennelle  de  A.  Leprévost,  composée  à  l'occasion 
de  la  fête  patronale  de  cette  paroisse.  La  messe  commencera  à  dix  heures 
très-précises.  Les  solos  seront  chantés  par  MM.  Warot,  Gourdin  (de  l'Opéra- 
Comique),  et  M.  Paquis,  premier  cor  solo  du  Théâtre  impérial  Italien. 

—  Il  sera  également  célébré,  aujourd'hui  dimanche ,  à  l'occasion  de  la 
fête  patronale,  à  dix  heures  précises,  à  l'église  des  Blancs-Manteaux,  une 
messe  à  grand  orchestre,  de  la  composition  de  M.  Peny,  organiste  et  pro- 
fesseur de  chant  dans  les  écoles  communales  de  la  ville  de  Paris.  L'or- 
chestre et  les  chœurs  seront  sous  la  direction  de  M.  Delahaye,  maître  de 
chapelle,  et  le  grand  orgue  sera  louché  par  M.  d'Ingrande. 

—  On  nous  écrit  de  Perpignan  :  «  Nous  venons  d'assister  à  une  inté- 
ressante séance  musicale  ;  M.  Lomagne  faisait  sa  rentrée  dans  le  monde 
artiste,  après  une  longue  absence.  L'excellent  violoniste  a  exécuté  plu- 
sieurs morceaux  de  sa  composition,  qu'on  a  chaleureusement  accueillis  ; 
quelques  artistes  et  amateurs  ont  également  coopéré  au  succès  de  cette 
soirée,  dont  M.  Lomagne  élait  le  héros.  » 

—  Nous  signalons  aux  amateurs  de  publications  nouvelles  et  piquantes 
le  duo  de  concert  pour  un  seul  violon,  écrit  par  M.  Joseph  Lomagne  pour 
Mmc  Teresa  Milanollo  Parmentier,  sous  le  titre  du  Romanesque  moderne. 
—  Editeur  A.  Colellc. 

—  Mlle  Delphine  Champon  vient  de  rentrer  à  Paris,  après  une  tournée 
dans  les  principales  villes  des  départements ,  qui  a  été ,  pour  l'ha- 
bile organiste ,  une  série  non  interrompue  de  succès.  Le  Mémorial 
de  la  Loire,  de  Saint-Étienne,  mentionne  l'effet  produit,  dans  un  des  der- 
niers concerts  donnés  en  celte  ville  par  la  jeune  artiste,  qui  a  ravi  l'audi- 
toire par  la  suavité  des  sons  qu'elle  tire  de  l'orgue-Alexandre,  dont  elle  a 
fait  une  spécialité  hors  ligne.  Ses  divers  morceaux  ont  tour  à  tour  tenu 
le  public  sous  le  charme ,  et  le  Miserere  del  Trovatore  (piano,  orgue  et 
violon)  de  J8  Cohen,  auquel  M.  Lefebvre  a  très-habilement  concouru,  a  été 
pour  Mlle  Champon  et  ses  partenaires  comme  le  bouquet  de  la  fête. 

—  M.  Gozora,  le  gracieux  ténor,  est  de  retourà  Paris  après  une  fructueuse 
tournée  dans  quelques  départements.  Il  a  été  particulièrement  goûté 
à  Lyon,  dans  plusieurs  soirées  du  monde  dilettante,  ainsi  qu'au  concert 
de  M.  Ferdinand  de  Croze.  La  Pluie,  de  Nadaud,  et  le  Charmant  Oracle,  de 
Mme  Pauline  Thys,  lui  ont  valu,  dit-on,  une  véritable  ovation. 

—  Za[Revue  des  théâtres  nous  donne  l'état  des  recettes  qui  ont  été  faites, 
pendant  le  mois  de  mars  dernier,  dans  les  établissements  soumis  à  la  per- 
ception du  droit  des  indigents  : 

Théâtres  impériaux  subventionnés 464,092  fr.  45  c. 

Théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles         876,496      30 

Concerts,  spectacles-concerts,  cafés-concerls,  bals.        246,057      25 
Curiosités  diverses 20,222      50 

Total 1,606,868      50 


SOIREES  ET   CONCERTS 

11  faut  renoncer  à  rendre  compte  des  soirées  et  concerts  de  cette  fin  de 
saison.  Les  indiquer  à  vol  d'oiseau,  les  signaler  aux  dilettantes,  c'est  déjà 
tout  un  travail  qui  exigerait  une  administration  télégraphique,  avec  chef 
de  bureau,  sous-chef,  et  pas  mal  de  commis  rédacteurs.  El  tout  cela  pour 
aboutir  à  redire  que  : 

Félix  Godefroid  est  et  demeure  le  premier  harpiste  des  temps  antiques 
et  modernes  ; 

Qu'il  signor  Perelli  possède  un  poignet  dont  la  souplesse  et  l'élasticité 
défient  celui  du  général  Franz  Lislz; 

Que  M.  Alfred  Jael ,  sous  sa  large  el  puissante  enveloppe,  cache  le  jeu 
le  plus  fin,  le  plus  délié  qu'on  puisse  imaginer  ; 

Que  M.  Bernard  Rie  marche  sur  ses  traces,  ce  qui  n'est  pas  une  mince 
affaire  (100  notes  à  la  seconde  I  )  ; 

Que  M.  Boulanger-Kunzé ,  l'habile  professeur  de  chant,  a  toujours 
chambrée  complète  à  ses  élégantes  soirées,  salle  Herz,  et  qu'il  a  trouvé  de 
charmantes  partenaires  en  Mu,!  Balbi  et  Mm0  Oscar  ^omettant  ,  la  double 
providence  de  nos  concerts  1801  ; 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


(59 


Que  M.  Charles  Ieltsch  est  un  pianiste  de  la  bonne  roche,  plus  agréable 
à  entendre  qu'à  nommer  ; 

Que  M.  Wliite  est  un  violoniste  plein  de  couleur  et  de  la  plus  haute 
température,  à  l'instar  du  climat  de  Cuba,  l'heureux  pays  qui  lui  donna 
le  jour; 

Que  la  belle  Mlle  Marie  Cruvelli,  —  l'Italie  greffée  sur  l'Allemagne,  — 
n'est  pas  faite  pour  la  musique  française  ; 

Que  les  deux  voix  des  frères  Guidon  sont  sur  le  chemin  ,  —  train 
express,  —  de  celles  des  frères  Lionnet  ; 

Qu'enfin  nous  n'avons  pu  assister  à  la  scène  lyrique  de  M.  Jules  Fau- 
bert ,  salle  Barthélémy  ;  que  nous  avons  de  même  manqué  la  séance  de 
MUe  Advienne  Picard,  et  la  matinée  de  M.  Thurner,  et  que  nous  serons 
dans  l'obligation  de  faire  défaut,  demain  lundi,  aux  concerts  de  51.  Man- 
sour  et  de  MlIe  de  Lamorlière ,  comme  à  beaucoup  d'autres  qui  vont 
croître  et  multiplier  en  dépit  du  soleil  d'avril  ;  mais  nous  en  avons  pris 
notre  parti,  nous  ne  rougissons  pas  de  notre  abstinence  :  libre  aux  bénéfi- 
ciaires de  s'incruster  dans  nos  salles  de  concerts ,  depuis  Pâques  jusqu'à 
'a  Trinité. 

■ —  M.  Délie  Sedie,  à  peine  arrivé,  s'est  vu  recherché  de  nos  plus  célè- 
bres artistes  et  par  nos  premières  solennités.  Mercredi  dernier,  c'était  à 
l'Opéra-Comique  (représentation  de  Mme  Guillemin)  ;  jeudi,  au  concert  de 
FélixGodefroid;  le  lendemain,  auLouvre,  chezM.  le  comte  de  Nieuwerkerke, 
et  partout  ce  grand  chanteur  a  justifié  la  légitime  réputation  qu'il  s'est 
acquise  en  Italie  et  en  Allemagne.  —  Chacun  se  demande  comment  les 
Théâtres  Italiens  de  Paris  et  de  Londres  ne  s'emparent  pas  d'un  artiste 
aussi  hors  ligne.  Où  sont  donc  parmi  nous  les  chanteurs  de  cet  ordre? 

—  Le  mardi  de  chaque  semaine,  M.  Lefébure-Wély  donne  des  séances 
d'orgue  et  d'harmonicorde  dans  les  salons  de  M.  Debain.  Là ,  les  orga- 
nistes de  Paris,  des  départements,  nos  artistes  et  dames  du  monde,  se  font 
un  vrai  plaisir  de  se  réunir  sans  aucun  des  apprêts  d'un  concert.  Lefébure 
ouvre  son  orgue  et  son  imagination  :  le  clavier  parle,  et  si  bien  qu'on  y 
revient  toujours  avec  un  nouvel  empressement.  Mardi  dernier  il  nous  mé- 
nageait uns  surprise  :  à  côté  de  l'orgue  un  piano  se  trouvait  placé,  et  près 
de  l'organiste,  une  charmante  jeune  fille,  la  sienne,  couronnée  aux  exa- 
mens de  l'Hôtel  de  Ville,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'être  déjà  une  délicieuse 
pianiste,  M"c  Lefébure  nous  l'a  du  moins  prouvé  en  se  jouant  avec  autant 
de  bon  goût  que  d'aisance  de  tout  un  concerto  de  la  composition  de  son 
père.  Le  piano  tenait  les  solos,  l'orgue  remplissait  les  fonctions  d'orchestre. 
Cette  œuvre,  capitale  en  plus  d'un  point,  a  ravi  tous  les  spectateurs,  et 
moitié  des  applaudissements  reviennent  de  droit  à  la  jeune  interprète, 
élève,  nous  a-t-on  dit,  de  Mu°  Remaury,  disciple  elle-même  de  l'école  Le 
Couppey. 

—  Le  concert  du  virtuose  Sighicelli  n'aura  pas  été  l'un  des  moins 
attrayants  de  la  soirée.  Indépendamment  de  l'attrait  de  son  violon,  qui 
s'est  multiplié  avec  la  même  supériorité  dans  Beethoven,  Rossini,  Reber 
et  deBériot,  le  programme  réunissait  les  noms  de  MM.  Badiali,  Zucchini, 
et  de  Mme  Grisi  pour  la  partie  vocale  ;  de  MM.  Leroy,  Paquis,  Marzoli,  Emile 
Rignault,  Mayer,  du  Bailly,  Peruzzi  et  Bernardel,  pour  la  partie  instru- 
mentale. Aussi  la  salle  était-elle  comble  et  du  plus  beau  monde. 

—  Voici  le  programme  du  concert  donné  par  Louis  Lacombe,  mer- 
credi prochain,  17  avril,  dans  les  salons  Érard.  Première  partie  :  1°  Les 
Veilleurs  de  nuit,  chœur  sans  accompagnement.  L.  Lacombe.  2°  Duo  pour 
piano  et  clarinette,  C.-M.  de  Weber  (allegro,  andante,  rondo),  exécuté  par 
MM.  Ad.  Leroy  et  Lacombe.  3°  Cavatine  et  ensemble  de  la  Madone,  L.  La- 
combe, chantés  par  Mme  Anna  Barthe  et  M.  J.  Lefort.  4°  a.  Étude  en  la 
bémol,  F.  Chopin  ;  b.  Marche  turque,  L.  Lacombe;  c.  Étude  eu  si  bémol 
mineur,  L.  Lacombe.  3°  a.  Ressouvenir,  poésie  de  Turquety,  L.  Lacombe; 
6.  Barcarolle  de  laMudone,L.  Lacombe,  chantée  par  M.  J.  Lefort.  6°  Ou- 
verture de  la  Madone,  L.  Lacombe,  arrangée  pour  deux  pianos  par  l'au- 
teur, et  exécutée  par  MM.  Joseph  Wieniawsky  et  Lacombe.  —  Intermède  : 
Une  Femme  qui  joue  de  V orgue,  A.  de  Gaspérini  ;  La  Vierge  au  rameau 
d'olivier,  Barillot,  poésies  déclamées  par  M.  Boccage.  —  Deuxième  par- 
tie :  1°  Cimbres  et  Teutons,  poésie  de  Barillet,  L.  Lacombe,  chœur  avec 
accompagnement  d'orgue  et  de  deux  pianos,  exécuté  'par  MUE  Delphine 
Champon,  M.  Joseph  Wieniawski  et  l'auteur;  le  solo  sera  chanté  par 
M.  J.  Lefort.  2°  a.  Nuits  de  Juin  (redemandées),  L.  Lacombe  ;  b.  Le  Rêve 
de  l'enfant,  L.  Lacombe,  chantés  par  Mme  Anna  Barthe.  3°  Mélodies  hon- 
groises, F.  Listz.  4°  Chœur  de  Quentin  Durward,  Gevaert.  —  Les  chœurs 
seront  chantés  par  les.Sociélés  réunies  de  l'Harmonie  de  Paris  (directeur, 
M.  Phillips),  et  de  l'Union  musicale  (directeur,  M.  Chérêt).  —  L'orgue, 
joué  par  MUe  D.  Champon,  sort  des  ateliers  de  M.  Alexandre. 


—  A  la  prochaine  soirée  musicale  donnée  par  M™  Gaveaux-Sabatier, 
dans  les  salons  d'Érard  (mardi  23  avril),  le  programme  se  composera  de  : 
1°  A  la  porte,  opérette  de  M.  Hignard,  paroles  de  M.  Varconsin,  jouée  et 
chantée  par  Mmc  Gaveaux-Sabatier  et  M.  Biéval;  2°  un  intermède  instru- 
mental par  MM.  L.  Diemer  et  Sarrasate;  3°  Du  feu  sous  la  neige,  opéra- 
comique  en  un  acte  de  M.  le  comte  d'Indy,  paroles  de  MM.  A  Lefranc  et 
Alichel  Masson,  joué  et  chanté  par  Mmes  Gaveaux-Sabatier,  Anna  Barthe, 
MM.  Capoul  et  Adam;  4°  de  chansonnettes  par  M.  Castel.  Voilà  un  pro- 
gramme qui  ne  demande  pas  de  commentaire. 

—  Des  artistes  coutumiers  du  succès  ont  coopéré  au  concert  du  violon- 
celliste Ernest  Nathan.  Nommer  Mmc  Gaveaux-Sabatier,  le  baryton  Gra- 
ziani,  M11"  Laure  Durand,  fort  mezzo-soprano,  et  M.  Félix  Lé....  (voix 
d'amateur  très-goùtée),  c'est  faire  l'éloge  de  la  partie  vocale.  MM.  Ch. 
Poisot  (piano)  et  M.  Lebeau  (orgue-Alexandre),  se  joignaient  avec  bonheur 
au  bénéficiaire  pour  la  partie  instrumentale.  Tout  le  monde  a  été  vigou- 
reusement applaudi ,  même  le  jeune  B....,  qui  remplaçait  le  comique 
Brasseur. 

—  Jeudi  prochain  18  avril,  à  deux  heures,  salle  Herz,  matinée  musi- 
cale et  dramatique,  donnée  par  M.  Auguste  Durand,  organiste  du  grand 
orgue  de  Saint-Roch.  Partie  musicale  :  Mmc  Anna  Barthe,  MM.  Coulon, 
Magni;  partie  dramatique  :  Il  ne  faut  pas  jouer  avec  le  feu,  comédie- 
proverbe,  jouée  par  Mlle  Delaporte,  MM.  Luguet  et  Priston,  du  Gymnase. 
M.  Auguste  Durand  se  fera  entendre  sur  un  instrument  d'Alexandre. 

—  Samedi  20  avril,  salons  Érard,  dernier  concert  de  Jules  Lefort,  engagé 
au  Théâtre-Lyrique,  à  de  superbes  conditions ,  pour  l'inauguration  de  la 
nouvelle  salle.  MM.  Lefébure-Wély,  Hermann  et  Alexandre  Batta,  pren- 
dront part,  avec  Mme  Wékerlin-Damoreau,  au  beau  programme  de  celte 
soirée  musicale. 

—  Samedi  prochain  20  avril,  salle  Herz,  soirée  musicale  de  M11"  Virginie 
Huet,  pianiste  et  organiste,  qui  exécutera  :  1°  sur  le  piano,  le  Jour  de 
printemps,  de  A.  Goria,  la  Marche  turque,  de  Mozart,  et  la  valse  favorite 
d'Ambroise  Thomas;  2°  sur  l'orgue,  trois  pièces  de  Lefébure-Wély  et 
l'Appel  des  pâtres,  de  Lebeau;  3° pour  piano  et  orgue,  l'adagio  et  polonaise 
de  la  sérénade  de  Beethoven,  et  pour  piano,  violon  et  orgue,  avec  MM.  Die- 
mer et  Magnien,  la  Prière  des  bardes,  de  Félix  Godefroid.  M"°  Balbi,  la 
nouvelle  fauvette  de  nos  concerts,  et  M.  Delle-Sedie,  du  Théâtre-Italien  de 
Berlin,  feront,  avec  les  duetti  des  frères  Guidon  et  la  musique  de  l'avenir 
de  M.  Tayau,  les  honneurs  de  la  partie  vocale. 

—  Le  concert  de  V.  Boulart  a  été  des  plus  intéressants  :  il  a  fait  en- 
tendre un  quatuor  d'Haydn,  un  trio  de  Beethoven,  l'adagio  et  le  finale  du 
premier^  concerto  de  Vieuxtemps,  dans  lequel  il  s'est  fort  distingué. 
M11"  Dorus  s'est  fait  applaudir  dans  l'air  du  Préaux  Clercs  et  dans  le  duo 
de  Don  Juan.  Enfin,  M.  Nollet,  avec  sa  harpe,  a  heureusement  impres- 
sionné l'auditoire  ;  MM.  Alex.  Tilmant,  Adam,  Bernardt,  Dumeslre  et  Ber- 
thelier,  ont  également  contribué  au  succès  de  celte  agréable  soirée. 

—  Dimanche  dernier,  Mllc  Humbert  avait  convié  ses  élèves  et  ses  amis  à 
venir  entendre  de  la  musique  dans  les  salons  Pleyel.  La  sonate  de  Beetho- 
ven, op.  17,  pour  piano  et  violoncelle,  a  ouvert  la  matinée  et  a  été  dite  avec 
un  ensemble  parfait;  le  rondo  surtout,  brillamment  enlevé,  a  valu  à 
M11"  Humberl  et  à  M.  Alard  de  nombreux  applaudissements.  Le  concerto 
en  ré  mineur  de  Mozart,  avec  accompagnement  de  quintette,  a  fourni  à 
l'exécutante  l'occasion  de  prouver  une  fois  de  plus  que  le  piano,  si  souvent 
et  si  injustement  décrié,  peut  émouvoir  et  impressionner  quand  il  est  en 
bonnes  mains.  Une  bagatelle  de  Beethoven  et  les  Moissonneurs,  de  Coupe- 
rin,  ont  été  rendus  avec  non  moins  de  perfection;  et  la  Valse  des  oiseaux, 
de  Stamaty,  demandée  et  couverte  d'applaudissements,  a  terminé  cette 
séance.  Parmi  les  artistes  qui  ont  prêté  leur  concours  à  M110  Humbert,  ci- 
tons M.  Léon  Lafont,  qui  a  chanté  avec  beaucoup  de  goût  deux  mélodies. 
Mme  Alard-Guérette,  mariant  sa  voix  au  violoncelle  de  son  mari,  en  faisant 
résonner  le  Cor  des  Alpes  de  Proch,  et  M"e  Gallino,  une  toute  charmante 
élève  de  Mrae  Labadie. 

—  Apres  de  beaux  succès  dans  plusieurs  salons  ,  Mme  Scotl-Morel  s'est 
fait  entendre  tout  récemment  au  concert  que  M.  H.  de  Kontski  a  donné 
salle  Érard.  Mmc  Scott-Morel  a  partagé  avec  le  bénéficiaire  les  honneurs 
de  la  soirée.  Elle  avait  choisi  des  morceaux  de  genres  bien  opposés,  la 
romance  de  Robert  le  Diable  et  l'air  de  Santa  Lucia. 

—  Mlle  Corinne  de  Luigi  annonce  son  second  concert,  salle  Herz,  pour 
le  vendredi  soir  26  avril. 

—  concerts  beaulieu.—  M.  Beaulieu,  de  Niort,  l'un  des  plus  anciens 


JGO 


LE  MÉNESTREL. 


lauréats  de  Rome,  et  correspondant  de  l'Institut,  a  fondé  l'an  dernier,  à 
Paris,  des  concerts  de  chants  classiques  destinés  à  remettre  en  lumière  des 
chefs-d'œuvre  ignorés  de  la  génération  actuelle,  et  dont  le  produit  e«t  versé 
dans  la  caisse  de  secours  de  l'Association  des  Artistes  musiciens.  C'est  donc 
une  double  satisfaction  offerte  aux  amateurs  qui  recherchent  le  beau  et 
qui  aiment  à  faire  le  bien.  On  annonce,  pour  le  25  de  ce  mois,  la  seconde 
séance  des  concerts  de   Beaulieu;  elle  sera  de  nature  à  exciter  au  plus 
haut  degré  l'intérêt  et  la  curiosité  des  véritables  amateurs,  par  le  choix 
des  compositions  et  le  talent  des  interprètes. 

—  M.  Pajni,  pianiste-compositeur,  s'est  fait  entendre  à  la  salle  Herz,  au 
concert  annuel  de  M.  Scherek,  violoniste.  Le  public  de  cette  soirée  a  été 
prodigue  d'applaudissements  et  de  rappels.  Quoique  M.  Pajni  ne  soit  d'au- 
cune école,  — et  peut-être  à  cause  de  cela,  —  il  a  retrouvé,  salle  Herz,  les 
succès  qu'avaient  ses  compositions  dans  les  salons  où  il  les  avait  précé- 
demment fait  entendre. 

—  Nous  appelons  toute  l'attention  de  ceux  de  nos  lecteurs  qui  s'occu- 
pent de  musique  d'église  sur  l'important  volume  d'histoire  de  musique 
religieuse  publié  par  M.  Eélix  Clément,  à  la  librairie  Adrien  Leclerc.  Le 
temps  et  l'espace  ne  nous  permettent  pas  de  consacrer  un  article  spécial  à 
cette  intéressante  publication,  composée  d'ailleurs  d'une  si  grande  quan- 
tité de  documents,  que  la  lecture  seule  peut  arriver  à  en  donner  une  idée 

On  peut  dire  que  ces  deux  volumes  résument,  sous  le  double  point  de  vue 
littéraire  et  musical,  tout  un  travail  de  bénédictin. 

—  La  librairie  Hachette  vient  de  publier  en  peu  de  pages  un  livre 
intéressant  à  plus  d'un  titre.  Olivier  l'orphéoniste  est  l'œuvre  d'un  com- 
positeur distingué,  M.  Laurent  de  Rillé;  c'est  un  roman  qui  contient  des 
scènes  touchantes,  des  tableaux  de  mœurs  curieux  et  vrais,  des  silhouettes 
d'artistes  célèbres,    des  légendes  fort  originales,  des  théories  musicales 
complètes,  et  par-dessus  tout,  un  bon  grain  de  moralité.  Olivier  l'orphéo- 
niste fait  partie  de  la  Bibliothèque  des  chemins  de  fer.  — Prix  :  1  franc. 

—  Les  Hymnes  et  chants  nationaux  de  tous  les  pays  viennent  d'être 
•  traduits  en  français  par  le  comte  Eugène  de  Lonlay,  qui  termine  en  ce 

moment  un  semblable  travail  pour  les  Mélodies  et  Chansons  populaires 
étrangères.  P,ar  leur  charme  et  leur  originalité ,  ces  nouvelles  traductions 
ne  peuvent  manquer  d'être  fort  recherchées. 

—  L'éditeur  Richault  vient  de  publier  le  quatuor  en  ut  de  M.  C.  Es- 
tienne,  qui  a  été  exécuté  par  Camille  Sivori,  lors  de  son  dernier  séjour 
à  Paris. 

—  Sous  le  titre  :  Les  Noces,  l'éditeur  Choudens  vient  de  publier  une 
marche  et  une  schotlischde  salon  de  M.  Octave  Poix,  l'un  de  nos  pianistes- 
compositeurs  de  mérite. 

exacte.  M.  Félix  Clément  a  également  publié,  à  la  librairie  Leclerc,  un 
choix  des  principales  séquences  du  moyen  âge,  tirées  des  manuscrits  du 

J.-L.  Heugel,  directeur 

3.  Lovt,  rédacteur  en  chef. 

temps,  traduites  et  mises  en  parties  par  lui,  avec  accompagnement  d'orgue. 

Tjp.  Charles  de  Mourgues  frères, rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 

Librairie  ADRIEN  LECLERC  et  C%  29,  rue  Cassette. 


HISTOIRE  GÉNÉRALE  DE  LA  MUSIQUE  RELIGIEUSE 


1™  PARTIE  : 
Il    CHANT   GRÉGORIEN. 


FÉLIX  CLÉMENT. 


2«  PARTIE  : 

LE   I-I,  U.1-CMA  vr   ET  LA  MUSIQUE. 


Maître  de  chapelle  et  organiste  de  la  Sorbonne  et  du  collège  Stanislas ,  membre  de  la  Commission  des  arts  et  édifices  religieux 
au  Ministère  de  l'Instruction  publique  et  des  Cultes. 

DU  MÊME  AUTEUR  : 

Choix  des  principales  Séquences  du  moyen-âge,  tirées  des  manuscrits,  traduites  en  musique  et  mises  en  parties, 

avec  accompagnement  d'orgue. 


En  vente  chez  GAMBOGI  frères,   éditeurs,  15,  boulevard  Montmartre. 


OPÉRA-COMIQUE 


MAITRE  CLAUDE 


MUSIQUE 

de 


JULES  COHEN. 


Les  airs  détachés  avec  accompagnement  de  piano,  par  A.  BAZ1LL.E. 


Ouverture  pour  le  piano 7  50 

1.  Couplets  chantés  par  M.   Berthelier  :  Dans  le   Royal- 

Cravatte 6  » 

1  bis.  Les  mômes,  transposés  pour  baryton 6  » 

2.  Romance  chantée  nar  M.  Gourdin  :  Je  rêvais  un  peu  de 

gloire '. 3  50 

3.  Couplets  chantés  par  Mllc  Cordier  :  Dans  notre  auberge, 

Monseigneur 3  50 

4.  Couplets  chantés  par  M.  Troy  :  Allons  au  FrancChnsseur.  4  » 


5.  Clianson  chantée  parM"e  Marimon  :  L'autre  jour,  sur  le 

bord  de  l'eau 3    50 

5  bis.  La  même ,  transposée  pour  mezzo-soprano 3    50 

G.  Mélodie  chantée  par  M.  Gourdin  :  Ah  I  c'est  peut-être  du 

délire 5      » 

7.  Couplets  chantés  par  Mlle  Marimon  :  Tous  les  deux  au 

bois,  allons  cueillir  la  noisette 3    50 


7  bis.  Les  mêmes,  transposés  pour  mezzo-soprano. 
POUR  PARAITRE  TRÈS-PROCHAINEMENT  : 


Partition  piano  et  chant , Net.    8 

[Arrangée  pour  la  conduite  de  l'orchestre.) 
Parties  d'orchestre Net.  50 


MUSARD.  Quadrille  pour  piano 4    50 

ETTLING.  Polka  pour  piano »      •> 

CR AMER.  Fantaisie  facile  pour  piano 6      » 


762.  —  28e  Année. 

N«  SI. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  21  Avril 

1861. 


3~*>vr"g* 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'encher. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  tle  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

«  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  (lima 
Scènes,  Mélodies,  Homances,  paraissant  fie  quinzaine  en 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr. 


elles;  su  Morceau 
quinzaine;  l  Albnn 
Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

«  Mode  d'abonnement  .  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  to  morceoiii 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Alliuiin 
primes  illustres.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province:  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    ItEUNIS  t 

3»  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5ï  Morceaux  de  cliantet  de  piano,  les  ê  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1«'  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  — forment  collection.  —  Adresser/Vanco 
un  hon  sur  la  poste,  a  MM.  HElinri.  et  C"",  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  M  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  'réres, 


rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


SOMMAIRE.  —  TEXTE. 

I.  Méhul  et  ses  œuvres  (1«  article).  P.-A.  Vieillard.  —  II.  Semaine  théâtrale. 
J.-L.  Heucel  et  i.  Lovv.  —  III.  La  Société  des  jeunes  artistes  et  M.  Pasdeloup. 
J.  Lovv.  —  IV.  Petite  chronique  :  Un  Musée  d'instruments  de  musique  au 
Conservatoire.  —  V.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  W  I'IA1\0: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  nu  méro  de  ce  jour  : 
LA  BELLE  NIÇOISE, 

Polka-mazurka  d'AuGusTE  Durand.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
Musette,  souvenirs  du  Mont-Dore,  rondo  pastoral  de  Marmontel. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

LES  LILAS , 

Paroles  û'Edmond  Roche,  musique  de  Charles  Poisot  ,  production 
chantée  par  M.  Archaimbaud.  — Suivra  immédiatement  après  :  la 
Chanson  à  boire,  chantée  par  Mlle  Marimon  dans  Barlcouf,  paroles  de 
MM.  Scribe  et  Boisseaux,  musique  de  J.  Offenbach. 


MEHUL 

Nous  avons  terminé  la  publication  du  travail  de  M.  Léon  Me- 
neau sur  la  naissance,  les  progrès  et  la  trop  grande  extension  de 
V opéra-comique.  Nous  avons  vu  passer  un  à  un  les  créateurs  et 
propagateurs  du  genre,  depuis  Dauvergne  jusqu'à  Hérold.  Mais 
dans  ce  travail  d'ensemble  et  tout  spécial  à  l' opéra-comique,  il 
est  arrivé  que  certaines  grandes  figures  n'ont  pas  rencontré  là  tout 
le  développement  qui  leur  était  dû.  De  ce  nombre  nous  citerons 
entre  autres  Méhul  et  Chérubini,  qui  ont  illustré  à  la  fois  les 
scènes  de  l'Opéra  et  de  l'Opéra-Comique. 

Nos  lecteurs  nous  sauront  donc  gré  de  revenir  sur  ceux  de  nos 
grands  musiciens  dont  on  ne  se  lasse  d'ailleurs  jamais  de  relire 
les  moindres  détails  biographiques.  Ils  salueront  avec  un  nou- 
veau plaisir  les  épisodes  tombés  dans  le  domaine  et  seront  heu- 
reux de  faire  connaissance  avec  de  nouveaux  incidents,  de  nou- 
velles appréciations. 


Ceci  dit,  nous  donnerons  d'abord  la  parole  à  l'intéressante 
notice  de  M.  P.-A.  Vieillard,  sur  Méhul  et  ses  œuvres. 

MÉHUL  ET  SES  ŒUVRES. 

Et  me  meminisse  juvabit. 

Virgile,  Enéide 

On  ne  saurait  le  méconnaître  :  en  ce  moment,  et  même  depuis 
plusieurs  années,  il  se  produit  en  Europe,  surtout  en  France , 
un  mouvement  remarquable  en  faveur  de  la  musique.  Simple 
amateur,  mais  amateur  passionné,  je  n'ai  pu  reconnaître  ce 
mouvement  sans  désirer  m'y  associer,  dans  la  mesure,  très- 
bornée,  de  mes  connaissances,  mais  très-étendue,  de  mon  en- 
thousiasme. Sans  examiner  ici  la  question  sur  laquelle  anciens 
et  modernes  ne  tomberont  jamais  d'accord,  de  savoir  si,  aujour- 
d'hui, l'art  de  la  composition  dramalico-lyrique  est  en  progrès 
ou  en  décadence,  je  signalerai  ce  fait,  que  les  dernières  années 
ont  vu  se  produire  au  jour  des  travaux  multipliés  et  d'un  haut 
intérêt,  soit  comme  étude  et  analyse  théorique  des  chefs-d'œuvre 
de  la  scène  du  chant,  soit  comme  étude  historique  et  critique 
des  principaux  faits  dont  se  compose  la  biographie  de  ces  grands 
maîtres. 

Mozart  a  déjà  fréquemment  été  l'objet  d'études  et  de  publi- 
cations à  la  fois  scientifiques  et  biographiques.  Rossini,  peut- 
être  son  plus  digne  émule,  a  obtenu  le  même  honneur,  et  Gluck, 
leur  immortel  devancier ,  vient  de  voir  son  nom  et  sa  gloire 
rajeunis  par  un  admirable  travail  de  M.  le  premier  président 
Troplong,  président  du  Sénat;  travail  qui  a  passé  des  pages  de 
la  Bévue  contemporaine  dans  les  colonnes  du  Moniteur,  où,  le 
3  janvier,  on  a  pu  voir  avec  quelle  sûreté  de  goût,  avec  quelle 
puissance  d'érudition,  avec  quelle  justesse  d'analyse  et  quelle 
grâce  de  détails,  une  nature  d'élite  sait  allier  le  culte  et  la  pra- 
tique des  arts  qui  font  le  charme  de  la  vie,  aux  lumières  qui 
président  à  la  conservation  des  lois  et  à  la  défense  de  la  société. 


162 


LE  MÉNESTREL. 


Si  aucune  autre  contrée  de  l'Europe  ne  saurait  disputer  à  la 
France  le  prix  du  poëme  dramatique,  nous  devons  reconnaître 
la  supériorité  de  l'Italie  et  celle  de  l'Allemagne  dans  tous  les 
genres  de  composition  dont  la  musique  forme  la  base.  Cepen- 
dant, telle  est  notre  aptitude  pour  l'étude  et  pour  la  pratique  de 
tous  les  arts,  telle  est  la  perfection  de  notre  intelligence  et  l'ex- 
cellence de  notre  goût,  qu'il  faut,  je  crois,  mettre  sur  le  cnmpte 
de  circonstances  purement  accidentelles  le  faible  degré  d'infé- 
riorité qui  sépare  l'école  française  musicale  de  l'école  de  Cima- 
rosa  et  de  Rossini  chez  nos  voisins  du  sud,  de  celle  de  Mozart 
et  de  Beethoven  chez  nos  voisins  de  l'est  et  du  nord. 

Le  premier,  Rameau,  au  milieu  du  siècle  dernier,  introduisit 
sur  la  scène  de  l'Opéra  la  vraie  musique  dramatique,  qui  rem- 
plaça, pendant  près  d'un  demi-siècle,  l'insipide  mélopée  de  Lulli 
et  de  ses  premiers  successeurs.  En  1753,  J.-J.  Rousseau  fit  ré- 
volution dans  la  musique  française  par  le  petit  acte  du  Devin 
du  village,  de  nos  jours  banni  de  la  scène,  à  la  suite  d'une 
insulte  aussi  slupide  que  brutale.  Après  Rousseau,  on  vit  suc- 
cessivement Philidor,  Gossec,  Monsigny  et  enfin  Grétry  apporter 
au  drame  lyrique  et  à  la  comédie  à  ariettes  de  nouveaux  moyens 
de  succès  et  des  perfectionnements  qui  avaient  déjà  élevé  l'art  à 
un  haut  degré  de  splendeur,  lorsque,  vingt-cinq  ans  avant  la  fin 
du  siècle  dernier,  la  rivalité  de  Gluck  et  de  Piccini,  en  mettant 
aux  prises  sur  la  scène  de  notre  Opéra  les  deux  grandes  écoles 
allemande  et  italienne,  occasionna  cette  lutte  si  mémorable  dont 
le  passé  n'avait  point  offert  d'exemple,  mais  qui  devait  si  large- 
ment tourner  au  profit  de  l'avenir. 

Oui,  je  n'hésite  point  à  le  dire,  c'est  à  la  guerre  des  Gluckistes 
et  des  Piccinistes,  aux  idées  qu'elle  remua,  aux  systèmes  qu'elle 
fit  éclore,  aux  exemples  qu'elle  offrit,  en  un  mot,  à  l'émulation 
enthousiaste  qu'elle  excita  de  tous  côtés,  qu'il  faut  rapporter 
l'amour  des  Français  pour  la  grande  musique  du  théâtre,  et 
l'origine  réelle  de  notre  école  française  du  drame  lyrique.  Ceci 
est  une  vérité  de  sentiment;  mais  pour  l'établir  sur  les  faits,  je 
n'aurais  que  l'embarras  du  choix. 

Eh  bien,  je  ne  balance  pas  à  l'affirmer  :  le  nom  de  Méhul 
offre  la  plus  complète  expression  de  ce  grand  mouvement  artis- 
tique et  de  l'école,  à  jamais  célèbre,  à  laquelle  il  donna  nais- 
sance. L'âge  de  Méhul,  la  date  de  ses  débuts,  le  nombre  et  l'éclat 
de  ses  succès  placent  incontestablement  ce  maître  à  la  tête  de 
cette  brillante  pléiade  de  compositeurs  français,  dans  laquelle 
marchent  à  ses  côtés,  et  plus  ou  moins  près  de  lui,  Lesueur, 
Berton,  Boieldieu,  Hérold,  Catel,  Kreutzer,  Nicolo  Isoard,  et 
enfin,  M.  Auber.  J'ai  placé  ici  le  nom  de  Nicolo,  parce  que  , 
quoique  né  h  Malte,  complètement  inconnu  en  France  à  son 
arrivée,  il  y  a  remporté  au  théâtre  uno  longue  suite  de  succès 
qui  ont  fait  de  lui  le  plus  digne  héritier  du  charmant  Dalayrac. 
Méhul  vint  au  jour  le  24  juin  1763,  à  Givet,  petite  ville  de 
la  Flandre  française,  où  son  père  exerçait  les  fonctions  de  garde 
du  génie.  Enfant  précoce,  sinon  déjà  enfant  sublime,  dès  l'âge 
de  dix  ans  il  touchait  l'orgue  au  couvent  des  Récollets,  et  pour 
l'entendre,  la  foule  désertait  l'office  paroissial.  Bientôt  appelé  à 
la  célèbre  abbaye  de  la  Valdieu ,  située  dans  la  forêt  des  Ar- 
dennes,  il  y  fortifia  tellement  son  talent  et  accrut  sa  réputation, 
que,  lorsqu'il  eut  atteint  l'âge  de  quinze  ans,  un  riche  protec- 
teur, enthousiaste  des  arts,  se  chargea  de  pourvoir,  à  Paris,  aux 
frais  de  son  éducation  musicale  et  d'assurer  son  avenir. 

Il  arriva  à  Paris  en  1778  :  l'année  suivante  eut  lieu  la  pre- 
mière représentation  i'Iphigénie  en  Tauride,  ce  chef-d'œuvre 
immortel  de  Gluck.  On  a  raconté  à  cette  occasion  un  fait  qui 


aurait  eu  lieu  entre  le  maître  et  l'élève  encore  inconnu.  Je  ne 
redirai  point  ici  celte  anecdote,  à  laquelle  j'ai  d'excellentes  rai- 
sons pour  ne  pas  croire,  et  que,  plus  tard,  on  a  mise  sur  le 
compte  do  Boieldieu  (1);  mais  je  dirai  qu'en  effet  Méhul  eut 
accès  près  de  Gluck,  qui,  frappé  de  ses  dispositions,  lui  accorda 
libéralement  d'excellents  conseils,  dont  on  sait  comment  Méhul 
sut  profiter  par  la  suite.  Plusieurs  essais,  tous  dans  le  genre  du 
grand  opéra,  furent  le  produit  de  ces  rapports,  trop  tôt  inter- 
rompus par  le  départ  do  Gluck,  qui  quitta  en  1780  la  France, 
où  il  ne  revint  que  pour  y  faire,  en  1787,  une  courte  apparition, 
à  l'époque  de  la  représentation  des  Danaïdes,  opéra  dont  la  mu- 
sique, ébauchée  par  Gluck,  fut  terminée  avec  le  plus  grand  suc- 
cès par  Salieri. 

Sous  l'autorité  du  patronage  de  Gluck,  un  des  opéras  mis  en 
musique  par  Méhul,  Cora,  avait  été  reçu  à  l'Académie  royale; 
mais  vis-à-vis  do  rivalités  comme  celles  de  Piccini,  Sacchini  et 
Salieri,  à  quoi  pouvait  prétendre  un  jeune  homme  de  vingt  ans, 
non  certes  dépourvu  de  talent,  mais  dénué  de  toute  protection  à 
la  Cour,  et  trop  fier,  comme  trop  loyal,  pour  chercher  à  s'en 
procurer  par  l'intrigue?  Méhul  vit  donc  qu'il  fallait  attendre, 
et  il  attendit. 

P. -A.  Vieillard. 
(  Lu  suite  au  prochain  numéro.  ) 


Pour  répondre  aux  nombreuses  réclamations  qui  nous  par- 
viennent ,  nous  nous  empressons  d'annoncer  à  nos  lecteurs 
qu'avec  le  mois  de  mai  nous  reprendrons  le  cours  régulier  de 
nos  Tablelles  du  pianiste  et  du  chanteur  ,  trop  souvent  inter- 
rompues par  les  premières  représentations  et  les  concerts  de 
cette  fin  de  saison  1861.  Un  remarquable  travail  littéraire  et 
musical  sur  Chopin  et  ses  œuvres,  ouvrira  cette  nouvelle  série 
d'articles  spéciaux  si  recherchés  par  nos  professeurs  et  leurs 
élèves.  C'est  M.  H.  Barbedette,  l'auteur  de  l'importante  notice 
sur  Beetïioven,  précédemment  publiée  par  le  Ménestrel,  qui 
a  bien  voulu  écrire  spécialement  pour  nous  un  nouvel  essai 
de  critique  musicale  sur  Chopin,  le  poêle  du  piano. 


SEMAINE  THEATRALE. 

l'opéra  et  les  italiens. 

Plusieurs  belles  cl  fructueuses  représentations  ont  confirmé 

la  prise  de  possession  du  rôle  de  Valenline  des  Huguenots,  par 

Mme  Gueymard.  Bien   mieux,  on  affirme  que  non-seulement 

Meyerbeer  s'est  empressé  de  lui  assjirer  l'Africaine,  mais  que 

(1|  Presque  toutes  les  biographies  racontent  que  Méhul,  alors  âgé  de 
quinze  ans,  s'était  faii  enfermer  dans  la  salle  de  l'Opéra,  la  veille  de  la 
première  représentation  â'Jphigênie  en  Tauride,  dans  l'espoir  d'acheter, 
au  prix  de  vingt-quatre  heures  de  séquestration  et  d'abstinence,  la  jouis- 
sance gratuite  de  l'audition  de  l'œuvre  magistrale.  On  ajoute  qu'ayant  été 
découvert  quand  Gluck  se  trouvait  encore  dans  la  salle,  celui-ci,  ému  de 
ce  trait  de  naïf  enthousiasme,  non-seulement  accorda  un  billet  à  Méhul , 
mais  lui  donna  un  accès  facile  dans  sa  maison  et  le  dirigea  dans  ses  pre- 
miers travaux. 

On  a  dit  aussi  que  Boieldieu,  à  l'âge  de  douze  ans,  s'était  fait  enfermer 
dans  la  salle  de  spectacle  de  Rouen,  afin  de  jouir  gratis  de  la  représenta- 
tion du  lendemain.  J'ignore  tout  à  fait  s'il  y  a  quelque  chose  de  réel  dans 
ces  anecdotes  jumelles  ;  mais  je  sais  que  Méhul  n'a  jamais  Tait  allusion  de- 
vant moi  à  celle  qui  le  concerne,  quoiqu'il  revint  volontiers  et  très-fré- 
quemment sur  les  souvenirs  de  sa  pieinière  jeunesse  ,  souvenirs  dans  le 
récit  desquels  il  trouvait  autant  de  plaisir  qu'il  savait  y  mettre  de  charme. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


103 


de  plus,  l'illustre  maestro  s'est  enfin  décidé  à  livrer  sa  parti- 
tion, et  que  les  répétitions  commenceront  avec  la  fin  de  cet  été. 
Voilà  une  grosse  nouvelle,  et  qui,  cette  fois,  paraît  être  défini- 
tive. On  reparle  aussi,  et  probablement  dans  le  môme  but,  de 
rengagement  de  M.  Faure,  qui  débuterait  préalablement  dans 
Guillaume  Tell,  dès  son  retour  de  Londres.  Nous  avons. encore  à 
enregistrer,  en  ce  qui  concerne  les  nouvelles  du  jour  h  I'Opéra, 
les  débuis  de  M"e  de  Taisy,  connue  dans  nos  concerts  et  so- 
ciétés philharmoniques  sous  le  nom  deM"e  François.  Filled'un 
négociant  de  Nantes,  celte  jeune  cantatrice  n'avait  travaillé 
jusqu'ici  qu'en  prévision  des  concerts.  Les  conseils  de  ses  amis 
et  les  leçons  de  Piermarini  l'ont  fait  aspirer  au  théâtre,  et  voilà 
comment,  lundi  dernier,  M"e  de  Taisy  se  présentait  pour  la  pre- 
mière fois  sur  la  scène;  et  quelle  scène,  celle  de  l'Académie 
impériale  de  musique!  Cet  immense  public,  l'orchestre,  la 
rampe,  l'inquiétaient  autant  que  son  personnage,  son  costume, 
el  tout  ce  qui  touche  au  théâtre,  choses  absolument  neuves 
pour  elle.  Malgré  une  émotion  visible,  une  inexpérience  incon- 
testable, MMe  de  Taisy  a  su  faire  applaudir  une  voix  faite  pour 
l'opéra;  et  bref,  la  nouvelle  Lucie  promet  une  bonne  canta- 
trice, —  le  travail  et  le  temps  aidant. 

Au  Théâtre-Italien,  une  autre  débutante,  maisqui,  celle-ci, 
arrive  précédée  de  trophées  recueillis  à  Madrid  et  à  Berlin, 
M"e  Trebelli,  continue  d'exciter  l'intérêt  public  au  triple  point 
de  vue  de  la  personne,  de  la  voix  el  du  talent.  Une  représenta- 
tion extraordinaire  nous  a  donné  celle  semaine  un  spécimen 
de  M"c  Trebelli  dans  le  Brindisi  de  Lucrezia  Borgia.  Rien 
déplus  séduisant  à  voir  que  cette  gracieuse  et  élégante  Pari- 
sienne italianisée.  . .  au  vocal  seulement.  Mlle  Trebelli  porte  à 
ravir  le  costume  d'Orsini.  Elle  a  redit  le  même  soir,  deux  scè- 
nes d'il  Barbicre,  entre  autres  celle  de  la  Leçon  de  chant,  dans 
laquelle,  celte  fois,  elle  nous  a  fait  entendre  le  rondo  de  la 
Cenercntola.  A  ce  propos,  M.  Gustave  Bertrand,  de  l'Entracte, 
dresse  une  assez  curieuse  statistique  des  airs  intercalés  depuis 
près  d'un  demi-siècle  dans  le  Barbier  de  Séville  de  Rossini. 

Voici  ce  qu'écrit  à  ce  sujet  M.  G.  Bertrand  : 

«  Avec  l'aide  de  quelques  vieux  dilettantes,  nous  avons  fait 
un  relevé  assez  curieux,  croyons-nous,  des  airs  favoris  qui  ont 
été  intercalés  à  la  leçon  de  chant  ù'il  Barbierc  par  les  plus  il- 
luslres  Rosines.  Mme  Mainvielle-Fodor,  par  qui  le  Barbier  a  été 
chanté  d'origine,  à  Paris,  en  18J9,  avait  une  prédilection  pour 
l'air  de  Tancredi  :  Di  lanli  palpili;  M"c  Giulia  Grisi,  pour  une 
cavatine  de  la  Donna  del  lago.  D'autres  préféraient  le  rondo  de 
la  Cenercntola  ou  celui  de  VItaliana.  L'air  do  \aMolinara,  que 
vient  de  redire  M"e  Trebelli,  a  été  chanlé  non-seulement  par  la 
Malibran,  mais  par  Mme  Catalani  el  par  M"1"  Peisiani,  La  tyro- 
lienne de  Pixis,  célèbre  sous  la  Restauration,  fut  choisie  quel- 
quefois par  M'nc  Malibran  ctMUc  Cinli. 

«  Le  répertoire  vocal  n'offrant  plus  d'assez  grandes  difficultés 
aux  virtuoses,  on  arrangea  pour  Rosine  les  airs  de  violon  ou  de 
piano  les  plus  impossibles  qu'on  put  trouver.  C'est  ainsi  que  les 
variations  de  Rodde  et  les  variations  de  Hummcl,  tour  à  tour 
chantées  par  Mme  Alboni,  ont  été  arrangées,  celles  de  Rodde 
pour  MUc  Sonlag,  et  celles  de  Hummel,  pour  la  Malibran. 

«  Nous  avons  entendu  là  mazourka  do  Schuloff  par  Mme  de 
La  Grange,  la  célèbre  valse  de  Venza.no  par  Mrae  Gassier. 

«  Mme  Viardot-Garcia  aimait  à  chanter  quelqu'un  de  ces 
beaux  airs  espagnols  qu'elle  dit  souvent  encore  dans  les  concerts  : 
elle  a  surtout  illustré  un  jota  uraijonesa  et  un  air  d'Y  radier.  La 


charmante  et  si  regrettable  Mme  Bosio  transportait  le  public  de 
Pélersbourg  en  lui  chantant  un  air  russe.  A  une  des  dernières 
saisons  de  Londres,  Mme  Aliolan-Carvalho  a  placé  dans  le  Bar- 
bier les  merveilleuses  variations  du  Carnaval  de  Venise  que 
M-  Victor  Massé  a  brodées  à  son  intention  dans  la  Beine,  To- 
paze. L'hiver  dernier.  Mme  Rorghi-Mamo,  en  prenant  le  rote  de 
Bosine,  inaugurait  la  Santa  Lucia,  une  chanson  napolitaine 
arrangée  par  Gaetano  Braga.  Le  maestro  Alary  a  varié  de  même 
une  chanson  vénitienne,  la  Biondina,  que  Mlle  Trebelli  a  chan- 
tée avec  succès  à  Madrid  et  à  Berlin,  et  qu'elle  nous  chantera 
sans  doute  une  fois  ou  deux  à  Paris.  Pour  clore  cetle  litanie,  on 
nous  permettra  de  recommander  aux  Rosines  présentes  et  à  ve- 
nir l'air  de  la  Leçon  du  Barbier  de  Paisiello,  qui  est  une  chose 
adorable,  une  perle  oubliée,  et  dont  Rossini  tout  le  premier 
aime  à  proclamer  la  valeur.  » 

De  Rossini  passons  à  Donizelti,  c'est-à-dire  à  la  reprise  de 
Poliuto,  pour  la  continuation  des  débuts  du  ténor  Pancani, 
qui  a  été  au-dessus  de  sa  réputation,  jeudi  dernier.  Un  peu 
moins  d'effort  dans  la  force,  et  M.  Pancani  doublait  son  succès. 
—  Il  faut  se  garder  d'exagérer  tous  les  genres  d'effets;  ainsi 
MmePenco,  qui  est  bien  certainement  une  grande  artiste,  abuse 
d'une  manière  si  permanente  de  l'expression,  qu'elle  trouve  le 
moyen  de  chanter  avec  ses  nerfs  la  moindre  phrase  vocale.  La 
voix  vraie  disparaît  sous  cette  expression  de  convention,  el  c'est 
grand  dommage. 

Sous  tous  ces  rapports,  Graziani  a  réalisé  de  bien  grands  pro- 
grès depuis  quelque  temps.  Sans  altérer  la  franchise  et  l'éclat 
de  son  organe,  il  est  parvenu  à  réaliser  les  oppositions  dramati- 
ques les  plus  ardues,  el  l'on  peut  dire  qu'il  ne  cesse  de  charmer 
dans  la  force  et  le  dramatique,  comme  dans  la  douceur  et  la 
placidité.  Aussi,  que  de  regrets  le  suivent  à  Saint-Pétersbourg  I 

Nous  ne  quitterons  pas  le  Tuéatre-Italien  sans  signaler  les 
beaux  élans  de  Mario,  aux  3e  et  4e  acte  d'il  Trovatore.  Lundi 
dernier,  on  l'a  rappelé  avec  enthousiasme,  ainsi  que  Graziani  et 
Mme  Penco,  qui  avait  introduit  un  référé  le  matin  même  pour 
conserver  le  rôle  de  Léonora,  auquel  elle  a  droit  exclusif  par 
son  engagement  avec  Calzado.  Par  suite,  Mme  Lorini  a  dû  se  re- 
tirer sous  sa  tente.  Le  public,  en  cette  circonstance,  n'a  pas  té- 
moigné de  son  regret;  mais  un  fait  semblable  peut  se  renouveler  et 
dans  un  sens  contraire,  en  l'indisposant  contre  le  monopole  de  tels 
ou  tels  engagements.  Nous  savons  bien  que  c'est  là  une  question 
délicate,  mais  le  bon  goût  des  parties  engagées  n'y  devrait-il  pas 
obvier?  Plus  heureuse, —  ou  plutôt  moins  heureuse  que  Mme  Lo- 
rini, —  Mlle  Trebelli  n'a  pas  rencontré  sur  la  route  de  la  bohé- 
mienne Azucena  le  moindre  référé,  si  bien  qu'elle  a  dû  s'exé- 
cuter avec  une  voix  complètement  insuffisante  pour  le  person- 
nage. —  Si  elle  devait  s'y  reproduire,  c'est  le  public  qui  proteste- 
rait dans  l'intérêt  même  de  la  jeune  et  charmante  Rosine. 

J.-L.  Heugel. 

A  I'Opéisa-Comique  on  a  commencé  les  répétitions  de  Salva- 
tor  Rosa,  opéra  en  trois  actes  de  M.  Duprato.  On  répèle  aussi 
Marianne,  musique  du  pianiste-compositeur  Théodore  Ritler, 
paroles  de  M.  J.  Prôvel.  M.  Rilter  a  déjà  fait  entendre  dans 
plusieurs  concerts  un  des  morceaux  de  sa  partition,  la  Chanson 
du  braconnier,  dont  l'interprétation  sera  confiée  à  Troy.  — 
On  a  lu,  ces  jours-ci,  une  pièce  en  trois  actes  de  MM.  de  Saint- 
Georges  et  de  Leuven,  musique  de  Grisar,  dont  les  augures  des 
coulisses  font  grand  bruit. 

Le  Tuéatre-Lyrique  réalise  de  brillantes  chambrées  avec  la 


16't 


LE  MÈNESTHEI. 


Statue.  Les  plus  chaleureux  applaudissements  accueillent 
chaque  fois  la  parlition  de  M.  Reyer,  sur  les  mérites  de  laquelle 
le  feuilleton  n'a  eu  qu'une  voix.  On  a  même  vu  rarement,  — 
soit  dit  en  passant,  —  une  aussi  complète  unanimité  d'opinions 
dans  le  camp  de  la  critique  musicale.  Du  reste,  il  était  utile, 
il  était  important,  après  l'échec  du  Tannhauser,  de  constater 
qu'on  ne  repoussait  pas,  à  Paris,  la  nouveauté  des  formes  ni  la 
recherche  de  l'inconnu  ,  mais  qu'on  protestait  seulement  contre 
les  systèmes  à  outrance,  contre  les  mélopées  indéfinies  et  sans 
frein,  et  peut-être  encore  davantage  contre  le  parti  pris  de  nier 
le  passé  avec  autant  de  folie  que  d'irrévérence. 

Le  Gymnase  nous  promet,  pour  le  1er  mai  au  plus  tard,  la 
première  représentation  de  la  Vertu  de  Célimène,  comédie  nou- 
velle en  cinq  actes,  de  M.  Henry  Meilhae.  C'est  dans  celle  pièce 
que  reparaîtra  Lafont  et  que  débutera  Mlle  Bressant. 

Le  Vaudeville  nous  a  donné,  ces  jours-ci,  une  comédie  en 
un  acte,  intitulée  :  Il  le  faut ,  primitivement  reçue  au  Théâtre- 
Français  sous  le  titre  :  Pour  bien  marier  sa  fille ,  puis  rendue 
à  l'auteur,  M.  Jaime  fils.  Cette  petite  pièce  a  pour  interprètes 
MM.  Parade  ,  Saint-Germain,  Munie  et  Mlle  Manvoy.  —  Une 
autre  nouveauté  a  été  représentée  jeudi  dernier  :  la  Poule  et 
ses  Poussins,  deux  ac.tes  de  M.  Emile  de  Najac.  C'est  un  amu- 
sant tableau  de  famille,  que  nous  recommandons  à  toutes  les 
mères  qui  marient  leurs  filles. 

La  parodie  de  Tannhauser,  Yame'm  herr  (auteurs,  MM.  Lam- 
bert Thiboust  et  Delacour),  a  obtenu  un  demi-succès  de  r ire  au 
théâtre  des  Variétés.  M,le  Alphonsine  est  une  Vénus  des  plus 
fantastiques;  Grenier,  Charles  Potier,  Aurèle ,  lui  donnent 
spirituellement  la  réplique.  —  A  cetle  pochade  sont  venus  s'ad- 
joindre deux  vaudevilles  nouveaux  :  Un  Hercule  et  une  Jolie 
Femme,  pour  la  rentrée  de  Mlle  Gennetier,et  le  Menuet  de  Danaê. 
Nons  reviendrons  sur  ces  deux  nouveautés. 

A  la  Porte-Saint-Martin  ,  les  Funérailles  de  l'honneur 
n'ont  été  célébrées  que  pendant  une  huitaine  de  jours  ,  ce  qui 
n'empêche  pas  ce  théâtre  d'évoquer  les  fantômes  du  passé,  no- 
tamment les  grands  drames  du  cycle  romantique.  On  nous  pro- 
met la  reprise  de  la  Tour  de  Nesle,  et,  en  attendant,  l'on  nous 
a  rendu  Richard  Darlinglon  ;  mais  cette  fois  ce  n'est  pas  La- 
ferrière,  et  moins  encore  Frederick  Lemaître,  que  nous  avons 
retrouvé  dans  le  rôle  principal  ;  c'est  M.  Taillade  qui  s'est 
chargé  de  cette  tâche.  La  tentative  a  été  assez  heureuse.  Seuls, 
ceux  qui  se  souviennent  de  Frederick  Lemaître  ont  le  droit  de 
penser  autrement. 

Une  autre  preuve  de  la  résurrection  des  drames  noirs,  la 
voici  : 

MM.  Théophile  Deschamps  et  Ernest  Gebauër  viennent  de 
présenter  à  un  des  grands  théâtres  du  boulevard  un  drame  en 
cinq  actes  intitulé  :  le  Portefeuille  d'un  suicidé.  —  Vous  voyez 
que  l'avenir  des  boulevards  est  gros  de  frissons  ! .... 

Et  pendant  ce  lemps,  le  Tiiéatre-Déjazet  a  eu  l'honneur 
d'être  appelé  au  palais  des  Tuileries.  La  spirituelle  impressaria 
de  cetle  scène  a  joué  devant  LL.  MM.  les  Trois  Gamins.  La 
même  bonne  fortune  est  promise,  dit-on,  à  Garât,  le  dernier 
triomphe  de  M"e  Déjazet.  —  Constatons  aussi  la  réussite,  à  ce 
théâtre,  de  Monsieur  Coquardeau  et  compagnie,  vaudeville  en 
un  acte  de  M.  E.  Thierry,  musique  de M.  Eugène  Moniot. 

J.Lovv. 


SOCIÉTÉ'  DES  JEIMS  ARTISTES. 

CLOTURE  DE  LA  9e   ANNÉE- 
M.    Pasdeloup. 

Nous  avons  assisté  dimanche  au  sixième  et  dernier  concert  de 
cette  jeune  phalange  placée  sous  le  commandement  de  M.  Pasde- 
loup. 

Cette  fois  encore  le  programme  était  radieux;  mais  au  dehors, 
l'azur  du  ciel  ne  l'était  pas  moins.  Entre  la  salle  Herz  et  le  soleil 
d'avril  s'élevait  une  lutte  sérieuse,  inquiétante.  Disons-le,  pour 
l'honneur  du  dilettantisme,  le  soleil  a  été  vaincu.  Si  c'est  un 
blasphème,  le  seigneur  Apollon  nous  le  pardonnera,  car  s'il 
conduit  le  char  doré,  n'esl-il  pas  aussi  le  dieu  de  la  musique? 

Deux  œuvres  inédites  figuraient  au  programme  de  cette  der- 
nière matinée: une  ouverture  de  M.  Constantin,  —  harmonieuse 
composition  procédant  de  la  bonne  école,  —  et  un  chœur  de 
chasseurs  de  M.  Gounod,  morceau  de  belle  facture  et  fidèle  à 
son  enseigne.  Venait  ensuite  la  symphonie  en  ut  majeur  de 
Beethoven,  page  magistrale  que  le  public  a  accueillie  comme  on 
accueille  un  chef-d'œuvre.  Puis  l'orchestre  nous  a  fait  entendre, 
pour  la  deuxième  fois  de  la  saison,  la  marche  et  le  chœur  des 
Fiançailles  de  Lohengrin.  Cetle  composition  de  Richard  Wa- 
gner —  une  de  celles  qui  méritent  un  bon  point  dans  l'œuvre 
de  l'apôtre  allemand,  — est  d'une  puissance  irrésistible,  nonobs- 
tant la  façon  brutale  et  agaçante  dont  le  compositeur  fait  rentrer 
le  trait  dominant,  après  le  chœur  des  femmes.  Une  portion  du 
public  a  crié  bis,  mais  l'orchestre  avait  besoin  de  ménager  ses 
forces,  et  M.  Pasdeloup,  en  chef  sensé,  a  passé  outre. 

Après  cetle  marche  de  Lohengrin,  on  nous  a  servi  le  chœur  de 
Castor  et  Polluas,  de  Rameau.  Figurez-vous  une  calme  et  douce 
idylle  après  un  drame  de  cape  et  d'épée.  Ce  mélodieux  chapelet 
de  notes,  qui  s'égrène  palriarcalement,  serpente  mollement,  re- 
vient sur  lui-même,  sans  efforts  et  sans  sutures,  a  été  fort  ap- 
plaudi; et  les  bravos  eussent  redoublé  si  les  dames  choristes 
avaient  un  peu  mieux  saisi  les  nuances. 

Quatre  fragments  iln  Songe  d'une  Nuit  d'été,  de  Mendelssohn, 
terminaient  la  séance.  L'auditoire,  qui  les  avait  déjà  entendus 
cette  année,  a  pu  apprécier  de  nouveau  la  puissante  con texture 
de  l'allégro  et  l'originalité  du  scherzo.  Le  nocturne  a  été  moins 
goûté;  mais  la  marche  finale  a  dignement  couronné  celte  der- 
nière séance,  une  des  plus  complètes  de  la  saison. 

La  récapitulation  de  cette  neuvième  année  nous  fournirait, 
s'il  en  était  besoin,  de  nouvelles  preuves  des  services  rendus  à 
l'art  musical  par  la  société  Pasdeloup.  Indépendamment  des  maî- 
tres anciens  et  des  illustrations  consacrées,  nous  avons  vu  figurer 
successivement,  sur  les  programmes,  les  noms  de  Schumann,  de 
Marchner,  de  Richard  Wagner.  Notre  éminent  compositeur  Gou- 
nod a  occupé  une  large  part  dans  les  menus  de  la  cession,  et 
d'autres  symphonistes,  tels  que  MM.  Gouvy,  Gade,  Constantin, 
ont  également  été  admis  à  faire  valoir  leurs  litres.  Quant  à  Mo- 
zart, Haydn,  Weber,  Beethoven,  Mendelsohn,  Rossini,  Meyer- 
beer,  etc.,  l'exposition  permanente  de  leurs  œuvres  est  un  devoir, 
et  la  jeune  Sociélé  n'y  a  pas  failli. 

Au  point  de  vue  pratique,  l'armée  symphonique  de  M.  Pasde- 
loup réalise  des  progrès  de  plus  en  plus  appréciables.  L'exécu- 
lion  acquiert  la  fermeté,  la  délicatesse  nécessaires  à  la  traduction 
des  maîtres  ;  l'orchestre  se  les  assimile,  se  pénètre  de  leur  esprit; 
les  jeunes  artistes  deviennent  hommes;  la  phalange  mûrit  et  se 
transforme  en  une  pépinière  où  le  Conservatoire  va  recruter  cha- 
que année  de  vaillants  soldats. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CUANTILUK. 


1G5 


La  presse,  —  et  c'est  un  tort,  —  rie  s'occupe  pas  assez  de  la 
Société  de  M.  Pasdeloup.  Les  feuilles  musicales  elles-mêmes, 
—  quorum  pars,  —  souvent  envahies  par  les  primeurs  lyriques, 
ont  donné  cette  année  une  place  très-restreinte  à  ces  importantes 
séances  bimensuelles.  Heureusement  l'instinct  des  vrais  dilet- 
tantes est  là  pour  suppléer  au  silence  du  feuilleton  :  la  foule  reste 
fidèle  à  la  Société  Pasdeloup,  et  elle  fait  bien.  Neuf  années  de 
succès  ont  consacré  l'utilité  de  ce  groupe  musical,  les  incontesta- 
bles services  qu'il  rend,  et  la  sérieuse  influence  qu'il  exerce  au- 
tour de  lui.  Chaque  année  il  nous  initie  à  de  nouveaux  chefs- 
d'œuvre  ;  sans  parti  pris,  il  s'adresse  à  toutes  les  écoles,  donne 
l'hospitalité  à  toutes  les  tentatives,  abrite  en  ses  programmes 
toutes  les  nationalités  musicales.  Nous  félicitons  les  jeunes  ar- 
tistes de  ce  sentiment  d'éclectisme  :  ils  sont  dans  leur  rôle,  et  le 
public  reste  juge  en  dernier  ressort. 

Quant  à  leur  infatigable  chef,  M.  Pasdeloup,  indépendamment 
de  la  large  part  qui  lui  revient  dans  la  viabilité  de  cette  Société 
dont  il  est  à  la  fois  le  fondateur,  le  directeur,  le  secrétaire,  le 
bibliothécaire,  en  un  mot  toute  la  cheville  ouvrière,  n'oublions 
pas  que  c'est  à  lui  aussi  que  l'Hôtel  de  Ville  doit  l'organisation 
de  ces  concerts  à  grand  orchestre  qui,  sous  la  haute  impulsion  de 
M.  Haussmann,  ont  pris  chaque  hiver  un  développement  si  ca- 
ractéristique. 

Et  notez  que  M.  Pasdeloup  trouve  encore  moyen  de  diriger 
son  Orphéon,  sa  classe  d'ensemble  du  Conservatoire,  et  ces  belles 
soirées  musicales  dont  M.  le  comte  de  Nieuwerkerque  est  le  digne 
amphitryon. 

N'est-ce  point,  en  effet,  à  M.  Pasdeloup  que  la  musique  doit 
ses  grandes  entrées  au  Louvre  ? 

Il  ne  manquait  à  ce  musicien  promoteur  par  excellence  que 
des  jaloux  et  des  détracteurs.  Il  a  eu  la  chance  de  créer  les  uns, 
de  rencontrer  les  autres. 

C'est  désormais  un  chef  d'orchestre  classé. 

J.  Lovï. 


PETITE  CHRONIQUE. 

Un  Musée  d'instruments  de   musique 
au  Conservatoire. 

Comme  nous  l'avons  déjà  annoncé,  S.  Ex.  le  ministre  d'État 
vient  d'acquérir,  pour  le  Conservatoire  impérial  de  musique  et 
de  déclamation,  la  précieuse  collection  d'instruments  de  mu- 
sique de  M.  Clapisson,  membre  de  l'Institut. 

Unique  dans  son  genre  et  très-intéressante  pour  l'histoire  de 
l'art,  cette  collection  contient  un  très-grand  nombre  d'instru- 
ments de  haute  curiosité,  remarquables  par  la  richesse  du  tra- 
vail et  par  la  beauté  des  sculptures  ;  en  cite,  entre  autres,  un 
clavecin  à  deux  claviers,  portant  la  date  de  1612  et  dont  l'en- 
semble est  l'œuvre  de  plusieurs  artistes  et  de  plusieurs  époques. 
La  forme  de  l'instrument  est  de  style  Louis  XIII  ;  le  support  et 
les  peintures  qui  l'entourent  sont  du  temps  de  Louis  XIV;  sur 
le  devant,  on  admire  un  panneau  peint  par  Téniers,  et  l'inté- 
rieur est  orné  de  grandes  et  belles  peintures  de  Paul  Baille. 

A  côté  de  ce  magnifique  instrument  figurent  plusieurs  épi- 
nettes  très-précieuses,  notamment  une  épinette  italienne  du 
temps  de  Louis  XIV,  fond  or,  richement  sculptée,  avec  orne- 
mentation en  ambre  gravé,  entourée  de  guirlandes  de  fleurs  et 
d'amours  attribués  au  Poussin;  une  autre  de  l'époque  de  Fran- 
çois 1er,  en  ébène,  avec  riches  incrustations  d'ivoire,  portant 


l'inscription  :  Francisi  di  Porlalopis  Veronen  opus,  1523;  une 
épinette  du  xvic  siècle  en  marqueterie,  ayant  les  coins  du  cla- 
vier ornés  de  cariatides  de  buis  sculpté  d'une  grande  finesse. 

On  remarque  encore  un  petit  piano  de  Vienne,  époque 
Louis  XVI,  en  forme  de  harpe;  les  tympanons  en  bois  dorés  et 
en  vieux  laque  de  Chine,  ornés  de  glaces  en  verre  de  Venise, 
sculptés  et  enrichis  de  charmantes  peintures,  vernis  Martin, 
dont  un  avec  rosaces  richement  ornementées  de  turquoises; 
plusieurs  harpes,  dont  une  du  temps  de  Louis  XVI,  vernis  Mar- 
tin, ayant  appartenu  à  la  princesse  de  Lamballe  et  portant  son 
nom  à  l'intérieur;  une  lyre  peinte  par  Prudhon,  ayant  appar- 
tenu à  Carat  et  portant  ses  initiales;  des  théorbes  en  ébène  et  en 
ivoire;  plusieurs  guitares  en  ébène,  ivoire  et  marqueterie;  des 
mandolines  et  des  mandores  de  toutes  les  nations;  des  instru- 
ments à  rouet  très-origfnaiix,  des  violons  de  toutes  les  époques 
et  de  tous  les  pays,  dont  plusieurs  en  écaille,  ornés  de  précieuses 
incrustations;  un  échantillon  de  tous  les  instruments  à  archet 
et  à  vent,  famille  très-complète,  dans  laquelle  on  retrouve  le 
point  de  départ  et  les  modèles  primitifs  des  instruments  qui 
composent  les  orchestres  ;  enfin  un  grand  nombre  d'instruments 
portatifs  de  formes  étranges,  qui  ont  été  réunis  à  force  de  recher- 
ches patientes,  et  qu'il  serait  peut-être  impossible  de  retrouver 
ailleurs. 

Cette  intéressante  collection  sera  déposée  au  Conservatoire, 
dans  les  nouveaux  bâtiments  destinés  à  la  bibliothèque,  déjà 
si  précieuse,  de  cet  établissement,  et  formera  un  musée  instru- 
mental doublement  utile  à  l'histoire  de  l'art  et  aux  progrès  de 
l'industrie. 

Ainsi  se  trouveront  désormais  réalisés  les  vœux  des  fondateurs 
du  Conservatoire  de  musique  elles  prescriptions  de  la  loi  du 
16  thermidor  an  III,  qui  porte,  art.  10  : 

«  Une  bibliothèque  nationale  est  formée  dans  le  Conserva- 
toire; elle  est  composée  d'une  collection  complète  des  partitions 
et  ouvrages  traitant  de  cet  art,  des  instruments  antiques  ou 
étrangers,  et  de  ceux  à  nos  usages  qui  peuvent,  par  leur  per- 
fection, servir  de  modèles.  »  (Moniteur). 


NOUVELLES  U1VEUSES. 

—  Tous  les  bruits  qui  ont  couru  sur  un  changement  d'emplacement 
pour  la  salle  de  l'Opéra  tombent  devant  les  faits.  Le  jury  continue  de  sta- 
tuer sur  les  indemnités  à  payer  aux  propriétaires  et  aux  locataires  des 
maisons  qui  doivent  disparaître  entre  les  rues  de  la  Chaussée-d'Antin  et 
Caumartin  pour  la  formation  de  l'emplacement  et  le  dégagement  de  ses 
abords.  La  vente  des  matériaux  à  provenir  de  la  démolition  d'une  partie 
de  ces  maisons  est  affichée  pour  le  24  de  ce  mois. 

—  Une  nouvelle  correspondance  de  Vienne  nous  apprend  que  c'est  par 
erreur  que  MM.  Sicardsburg  et  Von  der  Null  ont  été  désignés  comme  ayant 
remporté  le  premier  prix  au  concours  du  projet  d'un  nouvel  Opéra.  Ces 
architectes  n'ont  eu  que  le  deuxième  prix  ;  le  premier  a  été  obtenu  par 
M.  Ehrig,  de  Leipzig. 

—  Nous  avons  parlé  de  l'exécution  du  Stabat  mater  à  Milan.  Naples  a 
voulu  suivre  l'exemple  de  la  Scala,  et  la  belle  composition  de  Rossini  a 
été  solennellement  exécutée  au  théâtre  San  Carlo,  sous  la  direction  de 
Mercadante.  Les  artistes  étaient  :  Mmcs  Sleffenone,  Paganini,  Valenza, 
les  ténors  Negrini  et  Limberti,  le  baryton  Coletti.  Les  choeurs  se  compo- 
saient de  trois  cents  amateurs  des  deux  sexes.  Tous  les  morceaux  ont  été 
Couverts  d'applaudissements.  Mercadante  en  avait  introduit  deux  de  sa 
composition;  les  critiques  l'ont  blâmé;  mais  ce  qu'il  y  a  de  certain,  disent 
les  correspondances,  c'est  que  le  premier,  sur  les  thèmes  du  Stabat,  a  fait 
fureur,  et  que  le  second,  sur  des  motifs  de  Bellini,  a  excité  le  même 
enthousiasme.  —  On  se  demande,  si  le  maestro  Mercadante,  en  intro- 
duisant deux  nouveaux  morceaux  dans  le  Stabat  de  Rossini ,  en  a  sup- 


1(50 


LE  MÊNESTIŒI. 


primé  d'autres  de  la  partition  originale.  Ce  serait  évidemment  le  cis  d'ap- 
pliquer une  double  pénalité  à  l'irrévérencieux  directeur  du  Conservatoire 
de  Naples. 

—  Une  nouvelle  à  laquelle  on  ne  s'attendait  pas  nous  arrive  de  Lon-^ 
dres.  Le  théâtre  de  Sa  Majesté  n'ouvrira  pas  cette  année.  Le  directeur, 
M.  Smith,  a  publié  une  annonce  dans  laquelle  il  dit,  qu'après  avoir  perdu 
une  somme  énorme,  il  voit  que  ses  frais  sont  tels  que,  dans  le  meilleur 
cas,  il  ne  pourrait  pas  remplir  ses  engagements.  On  espère  que  les  artistes 
ouvriront  pour  leur  propre  compte. 

—  Au  théâtre  d'Anvers,  on  a  représenté  avec  succès  un  opéra-comique, 
le  Moulin  de  Souci,  musique  de  M.  Bryon  d'Orgeval,  baryton  de  ce 
théâtre. 

—  Nous  recevons  des  nouvelles  du  grand  succès  des  Marchisio  à 
Bruxelles.  La  Somnambula,  lu  Norma,  la  Sémiramide,  Il  Tromtore, 
sont,  pour  les  deux  sœurs,  une  source  inépuisable  d'ovations.  Les  rappels 
et  les  bouquets  les  accueillent  chaque  soir.  Si  nous  sommes  hien  informé, 
à  leur  relour  de  Bruxelles  les  sœurs  Marchisio  demeureraient  quelque 
temps  à  Paris,  leur  engagement  avec  M.  Beale  ayant  été  reporté  à  la  sai- 
son de  Londres  1862.  Paris  et  nos  Sociétés  philharmoniques  pourront 
donc  encore  utiliser  le  séjour  en  France  de  ces  deux  grandes  cantatrices, 
en  attendant  que  le  Théâtre-Italien  de  Berlin  nous  eidève  notre  Arsace  et, 
notre  Sémiramis. 

—  Mme  Borghi-Mamo ,  de  retour  d'Italie,  vient  de  se  faire  entendre  à 
Toulouse,  où  elle  a  joué  le  Prophète  devant  une  salle  comble  et  avec  des 
rappels  sans  fin. 

—  C'est  par  surenchère  que  l'éditeur  des  œuvres  de  Charles  Gounod, 
M.  Choudens,  est  devenu  l'acquéreur  de  la  remarquable  partition  d'Er- 
nest Reyer,  la  Statue.  Le  prochain  grand  opéra  de  Charles  Gounod,  bien 
qu'encore  en  portefeuille,  vientd'êlre  également  l'objet  d'une  surenchère, 
dont  la  Circassienne  de  M.  Auber  a  ouvert  la  marche.  Décidément,  on  le 
voit,  les  éditeurs  recherchent  et  se  disputent  les  bons  opéras,  et  nous  de- 
vons ajouter  à  l'honneur  de  MM.  Auber  et  Guunod  qu'ils  ont  refusé  des 
offres  importantes  en  faveur  des  éditeurs  avec  lesquels  les  premiers  pour- 
parlers s'étaient  établis.  Ceci  nous  remet  en  mémoire  les  refus  successifs 
de  Meyerbeer  pour  tous  les  ouvrages  de  sa  composition  publiés  en  France 
depuis  Robert-le-Diable.  On  a  été  jusqu'à  lui  offrir  le  double  du  prix  sti- 
pulé d'usage  pour  les  gi\mds  opéras  et  opéras-comiques. 

—  La  mort  vient  de  faire  un  nouveau  vide  dans  les  rangs  de  la  presse. 
M.  Ch.  Deleutre,  chroniqueur  des  plus  amiables  et  des  plus  estimés,  et 
connu  sous  le  pseudonyme  de  Paul  d'Ivoy,  a  succombé  cetie  semaine  à 
une  péritonite  aiguë.  Une  allluence  considérable  do  journalistes,  d'artistes 
et  d'hommes  de  lettres  assistaient  mercredi  dernier  à  son  convoi.  J.Janin 
a  prononcé  quelques  touchantes  paroles  sur  la  tombe  de  l'honorable  et 
regretté  défunt. 

—  On  lit  dans  le  Mémorial  d'Amiens.  «  A  M.  Edouard  Batiste,  pro- 
fesseur du  Conservatoire  impérial  de  musique  et  organiste  du  grand  orgue 
de  Sainl-Eustache,  de  Paris,  était  dévolue  la  mission  de  nous  faire  appré- 
cier le  mérite  du  bel  et  sonore  instrument  dont  notre  ville  vient  d'être 
dotée.  Ci4te  solennité  a  eu  lieu  Hier  à  deux  heures,  en  présence  d'une 
réunion  tellement  nombreuse,  que  la  vaste  enceinte  de  l'église  était  com- 
plètement remplie.  Hàlons-nous  de  dire  que  le  talent  de  M.  Batiste  est 
extrêmement  remarquable,  et  nous  a  paru  èlre  au-dessus  de  la  réputation 
que  s'est  acquise  cet  artiste  si  distingué  dans  le  monde  musical.  Il  charme 
au  plus  haut  point  son  auditoire,  soit  qu'il  joue  dos  morceaux  de  sa  com- 
position, soit  qu'il  exécute  les  œuvres  des  grands  maîtres  tels  que  Bach, 
Meudelssohn,  etc.  M.  Batiste  a  improvisé  tout  d'abord  une  introduction, 
d'une  suavité  extrême  et  d'un  caractère  de  douceur  vraiment  céleste.  Le 
hautbois,  le  cor  anglais,  la  flûte,  se  répondaient  tour  à  tour,  puis  se  con- 
fondaient en  accords  mélodieux.  Dans  l'Offertoire  de  sainte  Cécile,  ainsi 
que  dans  tous  les  autres  morceaux,  M.  Batiste  a  su  produire  les  cffels  les 
plus  puissants  et  empreints  d'une  harmonie  exemple  de  toute  confusion 
quoique  très-compliquée.  Les  traits  les  plus  rapides  se  détachaient  avec 
une  netteté  inouïe  sur  un  instrument  qui  présente  des  difû  ultés  énormes. 
Les  jeux  spéciaux  de  cet  orgue,  les  hautbois,  cor  anglais,  flûte,  voix  hu- 
maines, violoncelle,  contrebasse,  imitent  ces  instruments  à  s'y  méprendre. 
Nous  ne  saurions  en  outre  citer  trop  avantageusement  les  jeux  de  fond.  » 

—  Le  7  avril  dernier,  la  Société  chorale  de  Niort  a  donné  son  deuxième 
concert,  avec  le  concours  d'un  jeune  violoniste  du  plus  grand  talent, 
M.  Emile  Lévêque.'  Il  a  fait  entendre  deux  morceaux  d'un  genre  tout 
différent,  la  Muette  d'Abrd,  et  un  niôrcoau  du  Bouquet' américain  de 


Vieuxtemps,  lu  Fêle  de  saint  Patrice.  Notre  jeune  artiste  a  été  couvert 
d'applaudissements. 

—  M.  de  Bailly,  élève  de  M.  Gouffé,  vient  d'obtenir,  au  concours,  un 
emploi  de  contre-bassiste  à  l'Académie  impériale  de  musique. 

SOIREES  ET   CONCERTS 

—  Dans  une  de  nos  soirées  musicales  du  grand  monde,  mardi  dernier, 
on  a  vu  au  piano  la  maîtresse  de  maison,  Mme  Alphonse  de  Rothschild,  et 
à  l'orgue  M.  le  prince  de  Metternich,  exécutant,  avec  le  violoncelle  d'Er- 
nest Nathan,  la  méditation  de  Gounod  sur  le  prélude  de  Bach,  et  un  mor- 
ceau de  la  composition  du  prince,  pour  chant,  orgue,  piano  et  violoncelle. 
Ces  faits-là  deviennent  si  rares  eri  France,  qu'on  se  fait  à  la  fois  un  plaisir  et 
un  regret  d'avoir  à  les  signaler.  Quand  reviendra  le  temps  où  les  amateurs 
de  musique  faisaient  eux-mêmes,  en  partie  du  moins,  les  honneurs  de 
leur  programme? On  aimait  la  musique  alors;  aujourd'hui  on  se  contente 
de  la  payer,. et  tout  est  dit. 

—  Vendredi  dernier,  une  assemblée  nombreuse,  composée  de  notabi- 
lités du  monde  officiel  et  de  femmes  élégantes,  applaudissait  les  chanteurs, 
italiens  dans  les  salons  de  M.  Schneider,  vice-président  du  Corps  législa- 
tif. Badiali,  Gardoni  et  Zucchini  se  sont  fort  distingués  dans  plusieurs  mor- 
ceaux du  Malrimonio  segreto,  des  Nozze  di  Figaro,  de  Yltaliana  in 
Algieri,  et  l'on  doit  aussi  des  éloges  à  Mmes  Trebelli  et  Lorini,  qui  ont  été 
l'objet  des  attentions  les  plus  flatteuses. 

—  Les  compositions  vocales  et  instrumentales  de  Louis  Lacombe,  —  à" 
part  les  morceaux  italiens  de  M.  Délie  Siede  et  un  duo  de  Weber,  exécuté 
par  l'habile  clarinettiste  Leroy,  —  ont  fait  les  honneurs  de  son  pro- 
gramme de  concert,  mercredi  dernier,  chez  Érard.  Non-seulement  le  piano 
tenait  là  sa  bplle  et  large  place,  mais  MllG  Anna  Barthe,  dans  te  Rêve  de 
l'enfant,  et  deux  autres  mélodies  du  bénéficiaire,  les  Sociétés  chorales  de 
MM.  Phillips  et  Chcrct,  dans  diverses  œuvres  vocales,  entre  autres  celle 
des  Cimbres  et  Teutons,  ont  prouvé  de  nouveau  que  Louis  Lacombe  n'est 
pas  seulement  un  grand  exécutant,  mais  aussi  un  compositeur  sérieux  au 
double  point  de  vue  vocal  et  instrumental.  Il  y  avait  foule  à  ce  concert, 
que  M.  Bocage  a  honoré  d'un  intermède  des  plus  intéressants,  en  décla- 
mant des  poésies  de  MM.  Barillot  et  Hégésippe  Moreau. 

— ■  Le  lendemain  jeudi,  M.  Henri  Potier  faisait  également  applaudir  ses 
compositions  dans  les  salons  des  Arts-Unis,  rue  de  Provence.  Là,  l'auditeur 
est  assuré  d'une  douce  compensation  :  si  le  musicien  laisse  à  désirer,  si 
l'oreille  chôme,  l'auditeur  lève  les  yeux,  et  tout  autour  de  lui  des  galeries  de 
tableaux  se  succèdent  et  se  chargent  de  le  récréer.  Ce  n'était  pas  le  cas  pour 
leconcertdeM.  etMme  Henri  Potier,  quiaétél'unedes  plus  chaudes  séances 
de  l'hiver.  On  a  rappelé,  applaudi  et  bissé  presque  tous  les  artistes,  entre 
autres  M.  Capoul  dans  Un  regard  au  ciel,  M.  Peront  dans  Noé,  M.  Men- 
diorez  dans  Minuit,  les  frères  Guidon  avec  leurs  duelti,  Mme  Henri  Potier 
dans  le  Rappel  des  glaneuses,  et  M.  Tayau  dans  sa  scène  bouffe  de  la 
Romance  sans  paroles.  Le  violoncelle  de  M.  Lasserre  était  de  la  fête,  ainsi 
que  le  violon  de  Sarrasate,  qui  a  été  irrésistible  :  les  tableaux  eux-mêmes 
en  tressaillaient  d'aise. 

—  Au  prochain  concert  de  notre  excellent  violoniste  Armingaud ,  sa 
musique  fera  presque  à  elle  seule  les  honneurs,  du  programme.  Dans  le 
domaine  du  chant,  Mlle  Balbi  et  M.  Archainbaud  feront  entendre  des  mé- 
lodies du  bénéficiaire,  dont  on  dit  le  plus  grand  bien. 

—  Beaucoup  de  concerts  donnent,  du  reste,  lieu  aujourd'hui  à  de  pe- 
reilles  tentatives  :  le  virtuose  veut  se  révéler  compositeur,  non-seulement 
dans  l'instrument  de  sa  spécialité,  mais  encore  au  point  de  vue  général 
en  musique.  C'est  ainsi  que  Mllu  Joséphine  Martin,  lassée  de  s'entendre 
dire  qu'elle  joue  délicieusement  ses  compositions  sur  le  piano,  avait  écrit 
un  opéra  de  salon  pour  son  dernier  concert.  Par  malheur  le  chapitre  des 
indisposilions  nous  a  privé  de  celte  piquante  nouveauté.  Ce  n'est  que 
partie  remise. 

—  Jeudi  dernier,  la  salle  Herz  ouvrait  ses  portes  au  concert  de  notre 
organiste  Durand,  le  Lefébure-Wély  des  orgues  de  la  maison  Alexandre. 
Mme  Anna  Barthe,  M.  Coulon  et.  le  violon  do  M.  Magnien  formaient  le  con- 
tingent de  cette  solennité,  qui  était  aussi  une  séance  dramatique.  Un  pro- 
verbe de  M.  le  comte  Murât,  joué  par  MUo  Delaporte,  MM.  Luguet  et  Pris- 
ton,  comptait  pour  auditeurs  une  foui?  de  grands  personnages,  en  tète 
desquels  M.  etMmc  la  comtesse  de  Morny.  Programme  et  recette  n'ont  rien 
laissé  à  désirer. 

—  Au  concert  de  MUc  Caroline  Remanry,  salle  Herz,  indépendamment 
du  rappel  que  lui  a  mérité  la  façon  brillante  et  musicale  dont  elle  a  inter- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


167 


prêté  le  beau  concerto  en  sol  mineur  de  Mendelssohn,  le  public  l'a  rede- 
mani'ée  après  le  morceau  de  roncerl  de  Lefébure-Wély  sur  VArmide  de 
Glyck,  morceau  remarquablement  écrit,  et  non  moins  remarquablement 
compris  et  exécuté- par  M"0  Caroline  Remaury,  dont  le  talent  fait  si  grand 
honneur  à  l'école  Le  Couppey. 

—  Les  chanteurs  des  deux  Théâtres-Italiens  de  Berlin  nous  arrivent  à 
l'envi.  Voici  venir  le  ténor  Allavilla,  qui  s'est  fait  applaudir  et  rappeler, 
salons  Pleyel  et  salle  Herz,  aux  concerts  de  M.  Rhein  et  de  11"0  Contamin, 
dans  la  ballade  de  Rigolelto,  la  romance  de  Luisa  Huiler,  la  barcarolle 
d'C/ji  Ballo  in  maschera,  les  duos  AI  Masnadieri  et  de  la  Ti  (muta,  avec 
M110  Duçrest  et  Mmo  Oscar  Comettant. 

—  A  la  matinée  musicale  donnée  par  le  virtuose  violoniste  Herwyn,  on 
a  eu  l'occasion  d'apprécier  Mllc  Angéle  Tailhàrdat  comme  pianiste  habile  et 
cantatrice  distinguée.  Ce  fait  n'est  point  rare  :  Hme  Viardot  en  fournil  un 
remarquable  spécimen;  Mmcs  Gavcaux-îabaticr  et  Marie  Rrousse  élaient 
d'excellentes  pianistes  avant  de  briller  comme  cantatrices,  et  voici  venir  au 
Théâtre-Italien  MUeTrebeli,  qui  a  suivi  le  même  chemin,  et  ne  s'en  t'oove 
que  mieux.  Se  faire  d'abord  musicien  pour  chanter  ensuite,  c'est  évidem- 
ment le  moyen  d'arriver  plus  sûrement  au  succès. 

—  Nous  avons  entendu  cette  semaine,  chez  Ërard,  un  jeune  pianiste- 
compositeur  dont  les  premières  œuvres  ont  été  accueillies  avec  une  grande 
faveur.  M.  Edmond  Guion  nous  a  fait  entendre  une  marche  intitulée: 
Victoire,  et  une  valse  :  Espaanza,  qui  toutes  deux  ont  charmé  l'audi- 
toire par  la  fraîcheur  originale  des  idées.  Ce  jeune  auteur,  qui  est  arrivé 
récemment  de  l'Amérique  du  Sud,  a  rapporté  de  ces  contrées  des  mélodies 
pleines  do  sentiment,  qui  ne  peuvent  manquer  d'obtenir  beaucoup  de 
vogue. 

—  Une  do  nos  bonnes  pianistes,  Mlle  Louise  Contamin,  que  nous  re- 
trouvons chaque  année  sur  la  brèche,  a  donné  un  concert  salle  Herz,  avec 
la  coopération  de  Mme  Oscar  Comettant,  le  ténor  Allavilla  et  le  violonisle 
Lebrun.  La  bénéficiaire  a  particulièrement  brillé  dans  la  nouvelle  taren- 
telle de  Henri  Herz,  qu'on  a  redemandée.  Les  chansonneltos  de  Lincelle 
et  l'opérette  de  feu  Coltin,  Pierre  et  Paul,  ont  gaiement  terminé  cette 
soirée. 

—  Une  petite  cousine  d'Adolphe  Adam,  — Anna  Meyer,  —  toute  jeune 
et  intéressante  pianiste  qui  a  récolté  nombre  de  succès  l'été  dernier  à 
Bade  et  à  Ems,  vient  les  faire  consacrer  à  Paris,  dans  un  concert  annoncé 
pour  le  vendredi  20  avril,  salon  Erard.  Mme  Adolphe  Adam  s'est  chargée  de 
la  composition  du  programme  de  ce  concert,  qui  éveillera  les  sympathies  à 
plus  d'un  titre. 

—  Une  jeune  aveugle  des  plus  intéressantes,  Ml,c  Zoé  Lecocq,  vient  d'ar- 
river à  Paris  dans  le  but  de  s'y  faire  entendre  et  de  faire  entendre  ses  com- 
positions. Celte  toute  jeune  artiste,  très-appréciée  dans  le  Nord,  où  elle  a 


donné  plusieurs  concerts,  chante  elle-même  ou  exécute  sur  le  piano  et  l'har- 
monie-flûte  ses  compositions  vocales  et  instrumentales  dont  on  dit  le  plus 
grand  bien. 

Concerts  annoncés. 

—  Nous  nous  empressons  d'annoncer  que  la  grande  salle  du  Conser- 
vatoire va  être  mise  à  la  d  sposilion  de  M.  Léon  Kreutzer  pour  un  con- 
cert où  il  doit  faire  entendre  plusieurs  fragments  de  ses  œuvres  sympho- 
niques  et  dramatiques.  Ces  compositions  ont  déjà  élé  appréciées  l'année 
dernière  dans  une  matinée  par  invitation,  et  cet  hiver  dans  un  concert 
chez  Pleyel,  devant  un  auditoire  d'élite.  Nul  doute  que  le  public  du  Con- 
servatoire ne  tienne  à  cœur  de  ratifier  d'honorables  succès  escomptés  en 
petit  comité. 

—  Succès  oblige  :M.  Alfred  Jaell,. sollicité  par  les  nombreux  admira- 
teurs de  son  talent,  donnera  un  second  et  dernier  concert  samedi  27  avril, 
dans  les  salons  Érard,  avec  le  concours  de  MUeCruvelli,  MM.  Armingaud 
et  Marchesi. 

—  Par  la  même  raison,  M.  Camille  Statnaty  annonce  un  second  concert, 
salon  Pleyel-Wolff,  pour  le  lundi  29.  Cette  fois,  le  programme  se  compo- 
sera plus  particulièrement  d'œuvres  de  la  composition  du  bénéficiaire. 
Après  avoir  rendu  hommage  à  Beethovin  et  à  Weber,  Camille  Slamaty 
fera  entendre  exclusivement  ses  nouvelles  éludes  de  chant  et  inclusivement 
ses  souvenirs  du  Conservatoire,  et  quelques  unes  de  ses  dernières  œuvres 
originales. 

—  Lundi  22  avril.  Conceit  de  M.  S.  Ruiz,  salons  Pleyel,  avec  le  concours 
des  frères  Braga  et  de  nos  principaux  chanteurs  italiens. 

—  Mardi  23.  S.  Armingaud  ,  salle  Herz,  avec  le  concours  de  Mllc'  Balbi, 
MM.  Archainb.-ud,  Lubeck,  Léon  Jacquard.  — Mnle  Gaveaux-Sabatier,  salle 
Ërard. 

—  Jeudi  23.  Deuxième  sémee  des  concerts  historiques  de  M.  deBeaulieu, 
au  bénéfice  de  la  caisse  de  l'Association  des  artistes  musiciens  ;  salle  Herz. 

—  MUe  Julie  de  Wocher,  pianiste,  annonce  son  concert  pour  le  samedi 
soir  27  avril,  salons  Pleyel,  avec  le  concours  de  Mme  Lagier,  MM.  Brisson, 
Norblin,  Perrier  et  Husmann. 

—  Dimanche  28.  Grand  festival. des  Sociétés  chorales,  au  Cirque  Na- 
poléon. 

—  Lundi  29.  Concert  de  la  jeune  virluose  Maria  Boulay,  avec  orchestre, 
salle  Herz. 

—  Samedi  4  mai,  au  Conservatoire.  Audition  des  œuvres  de  Léon  Kreut- 
zer, au  profit  de  l'Association  des  artistes  musiciens. 


J.-L.  HriUGEL,  directeur 


1.  Lovy,  rêdacteuren  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  f.eres,  rue  Jean-Jacques  Re. 


En  vente  Ali  MAGASIN  M  MUSIQUE  M  CONSERVATOIRE,  rne  daFaubonrg-Poissonnière,  11,  E.  SAINT-HILAÎRE ,  éditeur. 


L'opéra-comique 
en  deux  acles 


,EJA! 


Musique  de 

F°.  POISE. 

AIRS    DÉTACHÉS    AVEC    ACCOMPAGNEMENT    DE    PIANO,    PAR    L'AUTEUR. 


Ouverture  pour  le  piano ,  in-8" 5 

N03 1.  Couplets  chanlés  par  M.  Cnos-ri  :  Je  vais  vous  croquer 4 

2.  Couplets  chaînés  par  M.  Ponchard  :  Quand  de  notre  village. . .  4 

3.  Couplets  chantés  par  MM.  Ponchard  et  Crosti  :/.«  Rossignol  et  la 

l'a  uvette 4 

SOtiS    l'inssi:.   Partition  pour  |i 


i°3  4.  Air  chanté  par  M.  Ponchard  :  Il  a  raison,  Bastien 

5.  Ariette  chantée  par  M"e  Lemercier  :  Je  redeviens  Ninette 

6.  Brunelle  chantée  par  M,1bI.emercieb  et  M.  Crosti:  Assis  auprès 
de  Babel 

7.  Romance  chantée  par  M.  Crosti  :  Comme  autrefois 

t  chant,  in-8°,   net  :  is  Ci-.  —  Quadrille  pur  H.   iUAItx  :     i    Ir.  50  c. 


DOUZE  MELODIES  NOUVELLES  DE  VICTOR  MASSE. 


N°s  1.  Le  Baiser  donné 4 

2.  Tristesse  d'Olympio 6 

3.  Le  Matin 5 

4.  Pourquoi  ne  m'aimez-vous? 4 


Nos  5.  Bergerie 4 

6.  Regrets 4 

7.  Attente 5 

8.  Rozetto 4 


Nos  9.  Aurore 

10.  La  Plainte  du  Pécheur 

il.  Voyage 

12.  Chanson  des  Lavandières,  duo  pour 
deux  voix  égales 


4    » 

3  « 

4  » 
2  50 


2  m 

4     » 


Michel  Bergson.  Sérénate  mauresque  pour  voix  de   lénor,  chantée  par  M.  Morini  du  Théâtre-Italien 3    » 

Op.  44.  Un  orage  dans  les  lagunes,  caprice  pour  le  piano 7  50 

—  —     Sérénade  vénitienne  extraite  de  l'œuvre  44,  pour  le  piano 5    » 

—  Op.  50.  La  Zingara,  morceau  de  concert  pour  le  piano 7  50 

Léonie  Tonel.    Échos  du  bal,  impromptu-mazurka  pour  le  piano 6    » 

—  Astre  des  nuits,  berceuse  pour  le  piano 7  50 


Pour  paraître  le  1er  Mai  1861 ,  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  HEUGEL  et  Cc,  éditeurs. 

COLLECTION  COMPLÈTE 


CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADMID 

Publiées  en  sept  volumes  grand  in-8°,  et  une  collection  de  chansons  légères , 

Paroles  et  musique  avec  accompagnement  de  piano. 

Prix  net.  Chaque  volume  :  6  fr.  —  Collection  des  30  chansons  légères  :  8  fr.  —  Souscription  aux  huit  volumes  :  40  fr. 


i  Vieille  histoire. 

2  L'inconnu. 

3  L'automne. 

4  Une  fée. 

5  Trompette. 

21  Le  quartier  latin. 

22  Les  dieux. 

23  Le  vieux  tilleul. 

24  Le  château  et  la  chaumière. 

25  La  ligue  des  maris. 

41  Les  pauvres  d'esprit. 

42  Est-ce  tout? 

43  La  Kermesse. 

44  La  meunière  et  le  moulin. 

45  May. 

61  Le  voyage  aérien. 

62  Rose-Claire-Marie. 

63  Mon  héritage. 

64  Paris. 

65  Jaloux,  jaloux. 

81  La  forêt. 

82  Lanlaire. 

83  Pécheur  silencieux. 

84  L'aveu. 

85  Des  bêtises. 

101  Les  heureux  voyageurs. 

102  L'aimable  voleur. 

103  La  vie  moderne. 

104  Le  pot  de  vin. 

105  La  vigne  vendangée. 

121  L'histoire  de  mon  chien. 

122  Libre  1  stances  à  l'Italie. 

123  Bernique. 

124  Nuit  d'été. 

125  Mon  oncle  Gaspard. 


1  Les  amants  d'Adèle. 

2  Le  souper  de  Manon. 

3  Satan  marié. 

4  Toinelte  etToinon. 

5  Ursule. 

6  Les  gros  mots. 
'7  Quitte  à  quitte. 
8  Le  coucher. 


6  Voilà  pourquoi  je  suis  garçon 

7  Les  mois. 

8  Un  propriétaire. 

9  Le  melon. 
10  Je  pêche  à  la  ligne. 

26  Bonhomme. 

27  La  ballade  au  moulin. 

28  Perrelte  et  le  sorcier. 

29  Les  cerises  de  Montmorency 
|  30  Je  n'aime  pas. 


46  La  solution. 

47  Pa-lorale. 

48  Fantaisie. 

49  Je  grelotte. 

50  Jean  qui  pleure  et  Jean  qui  rit 


66  Mes  mémoires. 
67)L'été  de  la  Saint-Martin. 

68  La  bayadère  voilée. 

69  Le  jardin  deTéhadja. 

70  Souvenirs  de  voyage. 

86 'Le  fou  Guilleau. 
87îLa  nacelle. 

88  Père  capucin. 

89  La  pluie. 

90  Les  plaintes  de  Glycère. 


106  Le  cigare. 

107  Les  lamentations  d'un  réverbère 

108  La  confidence. 

109  Les  pêcheuses  du  Loiret. 

110  La  chanson  de  gros  Pierre. 


126  L'attente, 

127  L'oubli. 

128  Le  roi  boiteux. 

129  L'improvisateur  de  Sorrente 

130  Les  cotes  d'Angleterre. 


VOLUME. 

H  Au  coin  du  feu. 

12  Les  grands-pères. 

13  Les  rats. 

14  Je  m'embête. 

15  Ma  femme  n'est  pas  la. 
S»  "VOLUME. 

31  Rêves  et  réalités. 

32  Les  étrennes  de  Julie. 

33  M.  Bourgeois. 

34  Louise. 

35  Le  docteur  Grégoire. 
3e  VOLUME. 

51  Les  écus. 

52  Pierrette  et  Pierrot. 

53  Le  phalanstère. 

54  Les  impôts. 

55  Les  réformes. 
4°  VOLUME. 

71  Insomnie. 

72  La  vieille  servante. 

73  II  faut  aimer. 

74  Ma  philosophie. 

75  Les  deux  notaires. 
Se  VOLUME. 

I  91  Le  vieux  télégraphe. 

92  Ma  sœur. 

93  Les  ruines. 

94  La  mèreGodichon. 
I  95  M.  de  la  Chance. 

6=  VOLUME. 

111  Le  puits  de  Ponlkerlo. 

112  Les  projets  de  jeunesse. 

113  Le  sultan. 

114  La  cuisine  du  château, 

115  Chanson  napolitaine. 
<S'  VOLUME. 

131  A  propos  d'annexion. 

132  M'aimez-vous? 

133  Le  mandarin. 

134  Elle. 

135  Une  histoire  de  voleur. 


16  Je  ris. 

17  Nous  sommes  gris. 

18  Ivresse. 

19  Aujourd'hui  et  demain. 
|  20  Chauvin. 

36  Chut. 

37  Les  hommes  utiles. 

38  Le  Champagne. 

39  Le  carnaval  à  1  assemblée. 

40  Beauté. 

56  Le  message. 

57  Pandore. 

58  L'histoire  du  mendiant. 

59  La  valse  des  adieux. 

60  La  première  maîtresse. 

76  Le  bonsoir. 

77  La  petite  ville. 

78  Le  chevalier  à  boire. 

79  Flora  cruelle.  ■ 

80  Cheval  et  cavalier. 

96  Ma  voisine 

97  Le  vallon  de  la  jeunesse. 

98  La  fille  de  l'amour. 

99  Lettre  d'un  étudiant  à  une  étudiante. 
100  Réponse  de  l'étudiante  à  l'étudiant^ 

116  La  bûche  de  Noél. 

117  Macadam. 

118  Le  pays  natal. 

119  La  lecture  du  roman. 

120  Le  nid  abandonné. 


136  La  promenade. 

137  La  bruyère. 

138  La  ferme  de  Beauvoir. 

139  Le  vent  qui  pleure. 

140  Florimond  l'enjôleur. 


COLLECTION  DES  30  CHANSONS  LÉGÈRES 


9  Les  boutons. 

10  Auguste,  étudiant  de  10e  année. 

11  Boisenlier. 

12  La  gaîté  française, 

13  Les  poissons." 

14  La  chanson  de  trente  ans. 

15  Adèle. 

16  La  lorette. 


17  La  lorette  du  lendemain. 

18  La  chaumière. 

19  Les  reines  de  Mabille. 

20  Palinodie. 

21  Les  confessions. 

22  Les  deux. 

23  Mes  enfants. 

24  Madeleine. 


25  Les  plaisirs  sont  trop  courts. 

26  Un  mari  malheureux. 

27  Thérèse. 

28  Le  lion  d'or. 

29  Le  dix-cors. 

30  La  toilette. 

HUITIÈME  VOLUME. 

Prix  net  :  8  fr. 


Paraissant  de  mois  en 


s  au  Ménestrel,  2  l)is,  rue  Vivienne,  sous  le  titre  :  Une  Chanson  par  mois  ;  12  chansons  par  an,  paroles,  musique  et  accompagnement  de  piano. 
Paris  et  province,  abonnement  d'un  an,  net  :  afr.  (L'abonnement  part  dut"  septembre  (le  chaque  année .) 
Chaque  rliunsoii  séparée,  en  grand  format,  prix  marqué  :  î  fr.  50  c. 


OPERAS    DE    SALON 

Partitions  in-S»,  texte,  chant  eUpiano. 

LA    VOLIÈRE  i  PORTE  ET  FENETRE 

Pour  ténor,  basse,  trial  et  soprano.  -  Prix  net  :  S  fr.  Pour  ténor,  baryton,  basse  et  soprano.  —  Prix  net  :  S  fr. 


LE  DOCTEUR  VIEUXTEMPS 

Pour  deux   ténors }   basse  et  deux   soprani.    —    Prix   :   9  francs. 

PARODIE  DE  IA  ROMANCE  —  Prix  marqué  :  5  fr. 

A'    jB  —  Les  trois  premiers  volumes,  la  collection  des. Chansons. légères  et  les  Opéras  de  salon  seront  en  vente  le  1*  mai  1861,  les  autres  volumes  suivront  de  mois  en  mois. 
—  Ou  souscrit  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  en  adressant  un  bou  sur  la  posle  à  MM.  Heugel  et  C».  —  Les  volumes  sont  expédies  franco. 


763.  —  28°  Aimée. 

N°   88. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU 


Dimanche  28  Avril 

1SG1. 


ÎSaOa 


JOURNAL 


J.-L    HEUGEL, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédacfenchef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  ÏÏEUGEE  et  C'\  éditeurs. 

(lus  Magasins  ot  Abonnement  tic  Musique  du  rJÏEIÏESTKEI,.  —  Vente  et  location  «le  Pianos  et  Orgues.) 


CIIAiVT. 

1er  Mode  d'abonnement  ;  Joiii-nut-Tcxtc,  tous  les  dimanches;  a«  irfloi-ccnuic 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  eu  quinzaine;  2  Album* 
primo»  illustrés.  —  Un  an  :  -15  fr.;  Province  :  18  fï.  ;  Etranger:  21  fr. 


2e  Mode  d'abonnement  :  journal-Texte,  tous  les  dimanches;  ZO  Morceaux  t 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  eu  quinzaine;  1  Albuiiis- 
nrinics  illustrés.—  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


3e  Mode  d'abonn 


<E1  VT.T  ET  PIANO    IlIilXIS  : 

nt  contenant  le  Texte  cogiiale.t,  les  52  Itfloi-ccnux  de  chant  et  de  piano,  les  £  Aliiim 
Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  30  fr. 


•primes  illustrés. 


On  souscrit  du  l«  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  le' décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  teste  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/Va«co 
un  bon  sur  la  poste,  à  hjm.  UEiIRiil,  et  C'»,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  his,  rue  Vivienne. 
Tjp.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  — Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  2604 


SOMMAI  KG. 


TEXTE. 


I.  Méhul  et  ses  œuvres  (2e  article).  P. -A.  Vieiixabd.  —  II.  Semaine  théâtrale. 
J.  Lovy.  —  III.  Recherches  sur  les  premiers  concerts  donnés  à  Paris.  Gustave 
Bektrakd.  —  IV.  Nouvelles,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

LES  EIXAS , 

Paroles  d'EmioND  Roche  ,  musique  de  Charles  Poisot  ,  productioa 
chantée  par  M.  Archaimbaud.  — Suivra  immédiatement  après  :  la 
Chanson  à  boire,  chantée  par  MUe  Marimon*  dans  Barkouf,  paroles  de 
MM.  Scribe  et  Boisseaux,  musique  de  J.  Offe.nbach. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

MUSETTE , 

Souvenirs  du  Mont-Dore ,  rondo  pastoral  de   Marmoxtel.  —  Suivra 
immédiatement  après  :  Guipures  et  Dentelles,  de  A.  Croisez. 


MÉHUL  ET   SES  ŒUVRES. 

(  2e    ARTICLE.  ) 

Enfin,  en  1790,  Méhul  fit  représenter,  à  l'Opéra-Comique  de 
la  rueFavart  un  drame  lyrique  en  trois  actes,  Euphrosine  et  Co- 
radin  ou  le  Tyran  corrigé,  dont  Hoffmann  avait  composé  les 
paroles.  Ce  début  fut  un  triomphe,  et,  du  premier  bond,  le 
jeune  auteur  s'éleva  à  l'apogée  du  succès,  et,  depuis,  il  n'est 
guère  allé  plus  loin.  On  reconnut  dans  cet  ouvrage  d'un  auteur 
de  vingt-huit  ans  une  facture  magistrale.  L'ouverture  est  de  la 
plus  grande  richesse  d'harmonie  ;  le  sujet  de  la  pièce,  qui  réunit 
les  situations  et  les  caractères  le  plus  fortement  contrastés  , 
prêtait  aux  effets  les  plus  pathétiques,  comme  5  ceux  qui  se 
rapprochaient  avec  bonheur  du  genre  de  la  comédie.  Tels  sont 
le  quatuor  de  l'introduction,  l'air  du  docteur,  celui  de  la  vieille  ; 
le  premier  final,  où  toutes  les  passions  sont  en  jeu,  remplit  le 


public  d'étonnement  et  d'admiration  ;  mais,  au  second  acte,  ces 
sentiments  furent  portés  jusqu'à  l'enthousiasme  le  plus  exalté 
par  le  duo  aujourd'hui  encore  appelé  le  duo  de  la  Jalousie  , 
morceau  unique  au  théâtre. 

Dans  ce  duo  prodigieux,  où  Méhul  a  porté  jusqu'au  plus 
sublime  délire  l'expression  des  sentiments  qui  remplissent  l'âme 
des  deux  interlocuteurs,  il  a  donné  toute  la  mélodie  à  l'accom- 
pagnement, en  ne  laissant  a  la  voix  qu'une  sorte  de  basse  sourde 
et  menaçante  que  viennent,  de  temps  à  autre,  dominer  des  cris 
féroces,  des  interjections  infernales  qui  traduisent  ces  paroles  : 

LA  COMTESSE  D'ARLES. 

Gardez-vous  de  la  jalousie; 
Redoutez  son  affreux  transport. 
Ce  monstre  empoisonne  la  vie  , 
Et  finit  par  donner  la  mort. 

COIUDIN. 

Je  ne  puis  déguiser  ma  rage  ; 
Je  la  sens  croître  et  redoubler. . . . 
Ah  !  s'il  est  vrai  que  l'on  m'outrage , 
Leur  sang,  tout  leur  sang  va  couler! 

Après  cette  préparation,  vient  l'ensemble  formidable  où,  à  côté 
de  Coradin  éperdu  de  rage  et  de  jalousie,  et  s'écriant  : 

Faible  rival!...  perfide  femme  , 

Je  saurai  bien  vous  séparer! 

la  comtesse  murmure,  en  des  accents  dignes  de  Tisiphone  : 

Ingrat,  ingrat,  j'ai  soufflé  dans  ton  âme 

Un  poison  dont  le  feu  ne  s'éteint  qu"à  la  mort!... 

Alors,  dans  ce  conflit  de  passion  et  de  fureurs,  tandis  que  les 
violons  exécutent  des  traits  dont  la  rapidité  et  l'emportement, 
relevés  par  les  plus  terribles  effets  des  instruments  de  cuivre , 
semblent  faire  voler  tous  les  bruits  de  la  tempête,  les  langues  de 
feu  de  la  foudre,  d'autres  masses  harmoniques  font  entendre  les 
sifflements  aigus  des  serpents  qui  vibrent  et  se  tordent,  en  dar- 
dant de  tous  côtés  leurs  poisons. 


170 


LE  MÉNESTKEL. 


Enfin,  vient  le  dernier  effet,  dont  Grétry  a  dit  avec  autant  de 
justesse  que  d'énergie  bienveillante  :  «  L'explosion  qui  est  à  la 
«  fin  semble  ouvrir  le  crâne  des  spectateurs,  avec  la  voûle  du 
«  théâtre.  Dans  ce  chef-d'œuvre,  Méhul  est  Gluck  à  trente 
«  ans  (1).  »  Qu'ajouter  à  ces  paroles  de  l'auteur  de  Zémire  et 
Azor,  de  Richard  Cœur-de-Lion ,  et  de  Raoul  Rarbe-bleue  ? 

Hoffmann  fut  le  premier  et  le  plus  constant  partenaire  de 
Méhul,  et  il  n'eut  guère  moins  d'influence,  comme  poète  que 
l'autre  comme  musicien,  sur  le  succès  à'Euyhrosine.  Nous  les 
retrouverons  maintes  fois  ensemble  dans  les  plus  heureuses  con- 
ditions. La  nature  de  ces  deux  talents  présentait  plus  d'une  ana- 
logie: l'originalité,  la  force,  et  une  verve  aussi  abondante  que 
spirituelle,  se  rencontraient  chez  l'un  et  chez  l'autre;  mais  Hoff- 
mann, qui  ne  manquait  jamais  d'esprit,  perdait  quelquefois  la 
conscience  du  goût,  et  ne  restait  pas  toujours  fidèle  aux  lois  de 
la  bienséance.  Son  style  alors  se  ressentait  des  caprices  de  sa 
pensée,  tandis  que  celui  de  Méhul  était  toujours  de  la  plus  ex- 
quise distinction,  quelquefois  pourtant  avec  un  soin  qui  accusait 
trop  le  travail,  dans  le  dessein  de  paraître  toujours  neuf.  Ce 
même  désir  l'amenait  aussi  à  introduire  des  contrastes  trop 
heurtés  et  qui  nuisaient  à  l'unité  de  la  couleur  ainsi  qu'à  l'har- 
monie de  l'ensemble.  Mais  je  ne  saurais  trop  me  hâter  de  dire 
que  ces  défectuosités  sont  extrêmement  rares,  et  que  l'œuvre  en- 
tière de  Méhul  n'en  offre  peut-être  pas  plus  d'exemples  que  celle 
de  Gluck  qu'il  a  suivi  de  si  près.  Pour  dernière  observation  cri- 
tique, je  dirai  que,  dans  quelques-uns  de  ses  premiers  ouvrages, 
il  a  peut-être  trop  recouru  au  mélodrame,  c'est-à-dire  à  l'em- 
ploi des  accompagnements  pour  le  dialogue  récité. 

Le  grand  succès  d'Euphrosine  mit  en  vogue  le  talent  de  Mé- 
hul, et  la  représentation  de  cette  pièce  fut  promplement  suivie 
de  celle  de  Cora,  qui,  reçue  depuis  plus  de  dix  ans  à  l'Opéra, 
y  parut  enfin  au  mois  de  février  1791.  Le  l'ut  une  espèce  de  pas 
en  arrière  :  la  pièce  ne  réussit  que  très-peu,  et  il  n'y  a  pas  à  s'en 
étonner,  si  l'on  considère  que  c'était  le  premier  ouvrage  de  l'au- 
teur, et  que  l'éclat  de  son  début  avait  donné  le  droit  d'attendre 
de  lui  un  nouveau  chef-d'œuvre.  Je  n'ai  pu  découvrir  dans  au- 
cune chronique  du  temps  le  nom  de  l'auteur  du  poème  de  Cora. 
Le  troisième  essai  de  Méhul  surpassa  la  fortune  du  premier. 
En  Stratonice,  Hoffmann  mit  à  sa  disposition  un  petit  drame 
lyrique  en  un  acte,  vrai  type  de  grâce  et  de  délicatesse,  élégie 
passionnée  où  l'amourle  plus  exalté  parle  un  langage  aussi  chasie 
que  tendre,  où  les  combats  de  l'amour  et  du  devoir  agitent  le 
cœur  d'un  roi,  d'un  fils  rival  de  son  père,  d'une  maîtresse 
promise  à  l'un,  éprise  de  l'autre,  et  dont  un  heureux  stratagème 
de  l'amitié  assure  le  bonheur,  en  égalant  la  générosité  du  père 
à  la  résignation  du  fils.  Voilà  tout  l'ouvrage  ;  et,  sur  un  thème 
aussi  simple,  Méhul  a  fait  le  chef-d'œuvre  des  chefs-d'œuvre, 
une  partition  où  l'on  ne  compte,  à  bien  dire,  que  quatre  mor- 
ceaux, cinq  y  compris  l'ouverture  et  l'introduction.  Ajoutez 
deux  airs  admirables  et  un  morceau  d'ensemble  colossal  et  au- 
dessus  duquel  il  n'y  a  rien  dans  tout  le  répertoire  lyrique  de  la 
scène.  J'attends  avec  toute  confiance  que  l'on  vienne  me  démen- 
tir sur  ce  point,  et  je  dirai  que,  seuls  peut-être,  Orphée  et  OEdipe 
à  Colonne  offrent,  dans  des  dimensions  à  peu  près  aussi  mo- 
destes, les  modèles  d'une  aussi  désespérante  perfection. 

Ici,  je  ne  puis  me  défendre  de  hasarder  une  observation. 
«  L'art,  dit-on,  est  toujours  en  progrès,  et  depuis  le  commen- 
«  cernent  du  siècle,  il  en  a  fait  d'immenses.  »  Dieu  me  garde  de 

(1)  Essais  sur  la  musique,  tome  II,  page  59. 


méconnaître  les  progrès  et  de  nier  les  succès  dont  le  siècle  a  élé 
témoin  !  l'écoled'Italie,  surtout,  nous  en  a  offert  les  plus  illustres 
exemples,  et,  sans  que  j'aie  à  citer  le  nom  d'aucun  homme  ou 
le  titre  d'aucun  ouvrage,  ils  sont  présents  à  la  pensée  de  tout  le 
monde  ;  qu'on  me  permetle  cependant  de  recourir  à  un  certain 
moyen  d'appréciation  sur  le  système  en  général.  Des  trois  ou- 
vrages que  j'ai  cités,  un,  Orphée,  a  trois  personnages;  les  deux 
autres,  OEdipe  et  Stratonice,  en  ont  chacun  quatre;  aucun  ne 
comporle  beaucoup  d'appareil  ni  d'éclat  de  mise  en  scène...  Eh 
bien,  croit-on  qu'aujourd'hui,  avec  des  moyens  égaux,  il  fût 
possible  d'obtenir  des  succès  d'aussi  bon  aloi  et  d'une  aussi  lon- 
gue durée  que  ceux  d'Orphée,  d'OEdipeei  de  Stratonice? 

Stratonice,  cette  délicieuse  élégie  dramatique,  ce  diamant  sans 
la  moindre  tache,  avait  rencontré,  en  1792,  au  théâtre  de  l'O- 
péra-Comique,  des  metteurs  en  œuvre  dignes  de  le  faire  briller 
de  tout  son  éclat.  La  beauté  et  la  perfection  de  formes  deMichu 
faisaient  de  lui  le  type  idéal  du  jeune  Antiochus;  Philippe  disait 
d'une  manière  inimitable  l'admirable  prière  :  Versez  tous  vos 
chagrins  dans  le  sein  paternel  ;  Solié  avait  fait  du  rôle  du  méde- 
cin Érasistrate  une  création  de  premier  ordre.  Force,  grâce,  di- 
gnité, tels  étaient  les  caractères  de  son  jeu  et  de  son  chant  dans 
le  prodigieux  quatuor  qui  résume  l'action  de  toute  la  pièce.  C'est 
d'après  mes  souvenirs  personnels  que  je  parle  ici  de  ces  trois  ar- 
tistes. 

Je  n'ai  point  vu  Mmo  Dugazon  dans  le  rôle  de  Stratonice,  et, 
malgré  l'auréole  de- gloire  et  de  sucrés  qui,  aujourd'hui  encore, 
entoure  le  nom  de  celte  actrice  célèbre  ,  j'ai  peine  à  me  persua- 
der qu'elle  fût  parfaitement  à  sa  place  dans  ce  rôle,  qui  n'admet 
point  les  mouvements  déréglés  de  la  passion,  genre  où  elle  ex- 
cellait, et  qui,  au  contraire,  exige  autant  de  tenue  que  de  dignité. 
D'ailleurs,  un  grasseyement  très-p.ononcé  et  un  excessif  em- 
bonpoint devaient  nuire  essentiellement  à  l'effet  du  rôle,  supé- 
rieurement rendu  à  l'Opéra-Comique,  dix  ans  après  Mme  Duga- 
1  zon ,  par  M"8  Pingenet  aînée,  aussi  recommandable  par  son 
extrême  distinction  que  par  la  perfection  de  ses  traits. 

Mais,  il  faut  l'avouer,  par  la  nature  du  sujet  et  par  le  carac- 
tère de  la  composition  musicale,  Stratonice  n'était  point  dans  son 
cadre  à  l'Opéra-Comique.  Aussi,  plusieurs  fois,  Picard,  lors- 
qu'il était  directeur  du  grand  Opéra,  a-l-il  dit  devant  moi  à 
Méhul  :  ce  Souvenez-vous  que  vous  nous  devez  Stratonice,  et  que 
«  tôt  ou  lard  il  faudra  que  vous  nous  la  donniez.  »  Ce  pronostic 
s'est  réalisé,  mais  seulement  à  la  fin  du  mois  de  mars  1821, 
c'est-à-dire  près  de  quatre  ans  après  la  mort  de  Méhul,  et  lors- 
que, depuis  longtemps,  Picard  n'était  plus  à  la  tête  de  l'Opéra. 
A  ce  théâtre,  Lays,  Nourrit  père,  Lafeuillade  et  Mlle  Grassari 
remplacèrent  Sulie,  Philippe,  iVlicbu  et  M",e  Dugazon.  Si  les 
nouveaux  venus  ne  furent  pas  écrasés  par  le  :>ou\enir  de  leurs 
prédécesseurs,  peut-être  les  laissèrent-ils  un  peu  regretter,  et, 
je  dois  le  dire,  malgré  son  immense  talent,  Lays,  à  son  déclin,  ne 
me  parut  pas  avoir  rendu  le  rôle  d'Eras. strate  avec  la  grâce  et 
l'ampleur  magistrale  que  Solié  lui  avait  données. 

Dans  ce  passage  d'une  scène  à  une  autre  plus  élevée,  la  pièce 
dut  subir  une  légère  transformation,  et  la  substitution  du  réci- 
tatif à  la  partie  déclamée  fut  confiée  à  M.  Daussoigne  (1),  élève 


(1)  Plus  tard,  à  la  fin  de  novembre  1821,  M.  Daussoigne  associa  encore 
ses  etfoits  au  nom  de  son  illustre  parent,  et,  cette  fois,  dans  un  travail 
plus  considérable  et  avec  plus  de  retentissement.  Il  compléta  la  partition 
de  Yalenline  de  Milan,  drame  lyrique  en  trois  actes  de  Bouilly,  et  dont 


MUSIQUE  ET  TIIÉATIŒS. 


171 


et  neveu  de  Méhul.  Ce  jeune  compositeur,  qui  ne  se  permit  pas 
d'ajouter  une  seule  phrase  de  chant  aux  délicieuses  mélodies  de 
son  oncle,  s'acquitta  de  la  manière  la  plus  digne  de  la  lâche 
modeste,  mais  essentielle,  qui  lui  était  confiée. 

l'.-A.  Vieillard. 
;  (  La  suite  au  prochnin  numéro.  ] 


semaine  ï  ni: \ i  iï  va  s:. 

La  vigie  théâtrale  de  la  semaine  nous  signale  comme  un  (ait 
accompli  l'engagement  de  Faure  au  théâtre  impérial  de  I'Opéra. 
Les  appointements  de  cet  artiste  sont  fixés,  dit-on,  à  5,000  fr. 
par  mois  pour  la  première  année,  6,000  fr.  pour  la  seconde, 
7,000  fr.  pour  la  troisième.  M.  Faure  prendra,  chaque  année, 
un  congé  pendant  les  mois  d'avril,  mai,  juin  et  juillet  :  ces 
quatre  mois  appartiennent  (pour  trois  années)  à  la  saison  de 
Londres.  Son  déhut  aura  lieu  dans  Vasco  de  Gama  :  c'est  le 
titre  provisoire,  —  ou  définitif,  —  de  celte  fameuse  Africaine  , 
que  notre  maestro  Meyerbeer  s'est  décidé  enfin  à  donner  sur 
noire  première  scène  lyrique.  —  La  rentrée  d'Obin  s'est  effec- 
tuée celte  semaine  dans  les  Huguenots,  et  Mlle  de  Taisy  a  con- 
tinué ses  débuts  par  Lucie,  accompagnée  du  ballet  Graziosa.  — 
On  répète  toujours  le  Freyschiilz,  mais  ce  n'est  plus  M.  Nie- 
mann  qui  chantera  Tony,  ce  soin  est  laissé  à  M.  Michol,  qui 
s'en  est  acquitté  avec  honneur  au  Théâtre-Lyrique.  Quant  à 
M.  Niemann,  il  regagne  l'Allemagne,  que  le  Tannhauscr  n'au- 
rait pas  dû  lui  faire  quitter. 

Norma,  la  belle  partition  de  Bellini,  qui  est  de  toutes  les 
saisons,  a  été  enfin  rendue  ,  celle  semaine,  aux  habitués  du 
Théâtre-Italien.  M"10  Penco,  sur  qui  pèse  toujours  un  peu  le 
souvenir  de  ses  célèbres  devancières,  s'est  néanmoins  montrée  à 
la  hauteur  du  rôle;  elle  a  été  fort  émouvante  .dans  la  scène 
du  berceau,  le  duo  et  l'air  de  Caste  diva.  Le  personnage  d'Adal- 
gise  était  rempli  par  une  débutante,  Mlle  Biondini,  —  une  Sué- 
doise ayant  nom  Mlle  Enequist,  —  deuxième  prix  d'opéra  du 
Conservatoire,  qui  a  cru  devoir  se  baptiser  Italienne,  selon  les 
us  traditionnels ,  mais  dans  un  but  tout  euphonique.  Celle 
débutante,  élève  de  J.-J.  Masset,  a  réussi,  et  son  fameux  duo 
avec  Norma  a  surloul  déterminé  le  succès.  Pancani  tenait  le  rôle 
de  Pollione  ,  et  un  débutant,  M.  Capponi ,  celui  du  grand 
prêtre.  —  L'affiche  annonce  la  clôture  pour  le  mardi  30  avril, 
ce  qui  laissera  un  grand  vide  dans  le  monde  dilettante,  car  le 
Théâtre-Italien  a  complètement  repris  faveur  celte  saison  1861, 
aussi  M.  Calzado  nous  promet-il  les  meilleures  choses  pour  l'an 
prochain.  —  Demain  lundi,  bénéfice  de  Mario. 

L'Opéra-Comique  nous  annonce,  pour  mardi  prochain,  la 
première  représentation  de  Salvator  Rosa,  pour  la  continuation 
des  débuts  de  Mlle  Saint-Urbain.  La  partition  de  Salvator  Rosa 
est  due  à  M.  Duprato,  qui  débuta  si  heureusement  dans  les  Tro- 
valelles.  MM.  Crosli,  Warot,  Nathan  et  M"e  Lemercier,  inter- 
préteront, avec  MUe  Saint-Urbain,  la  nouvelle  œuvre  de  M.  Du- 
prato, poëme  de  MM.  Eugène  Grange  et  Trianon. 

Parmi  les  ouvrages  reçus  au  Théâtre-Lyrique,  on  cite   le 

Méhul  avait  à  peine  fait  la  moitié  de  la  musique.  Son  neveu  soutint  à 
merveille  la  comparaison,  et,  comme  le  public,  la  critique  reconnut  qu'il 
était  presque  impossible  d'assigner  à  cliacun  des  deux  compositeurs  les 
morceaux  qui  lui  appartenaient. 


Roi  des  Aulnes,  paroles  de  M.  Turpin  de  Sansay,  musique  de 
M.  Pierre  Benoît,  compositeur  belge. 

Les  Bouffes-Parisiens  se  disposent  à  franchir  le  Bhin  , 
leur  impressario-compositeur  en  tête.  Celle  invasion  française 
dans  les  Élats  allemands  est  attendue  avec  impatience,  quoi 
qu'on  puisse  dire  des  sentiments  de  nos  voisins  pour  la  France. 
Le  succès  du  Pont  des  Soupirs  retardera  de  quelques  jours 
Tenlrée  en  campagne  des  artistes  du  passage  Choiseul. 

On  assure  que  Meyerbeer  s'occupe  de  la  musique  de  Goethe, 
drame  avec  chœurs  de  M.  Henry  Blaze,  destiné  à  être  représenté 
à  I'Odéon. 

Au  Gymnase,  la  nouvelle  comédie  de  M.  Henri  Meilhae,  la 
Vertu  de  Célimènc,  est  toujours  promise  pour  le  1er  mai,  avec 
M1""  Rose  Chéri,  Bressant,  MM.  Lafont,  Lafontaine,  Dcrval , 
Lesueur,  clc. 

Le  Vaudeville  nous  lient  deux  nouveautés  en  perspective  : 
la  Maison  du  numéro  4,  de  MM.  Lebiche  et  Marc  Michel,  et 
Onze  Jours  de  siège  ,  trois  actes  pour  les  débuts  de  Mme  Brin- 
deau.  —  LL.  MM.  ont  honoré  le  Vaudeville  de  leur  présence, 
mercredi  dernier. 

Les  deux  dernières  pièces  nouvelles  du  théâtre  des  Variétés 
complètent  un  spectacle  assez  récréatif.  Le  Menuet  de  Danaé, 
de  MM.  Meilhae  et  Ludovic  Halévy  ,  est  un  petit  drame  moitié 
comique,  moitié  sentimental,  h' Hercule  et  la  jolie  femme,  de 
MM.  Varin  et  Delaporlc  ,  appartient  à  un  genre  plus  local,  et 
forme  une  divertissante  pochade. 

Le  Palais-Royal  annonce  une  parodie  de  Réalrix,  sous  le 
titre  :  la  Matrone  de  Vart. 

La  Porte-Saint -Martin  vienl  de  reprendre  le  drame  de  la 
Tour  de  Nesle.  Le  rôle  important  deBuridan,  qui  devait  échoir 
àBerton,a  eu,  en  définitive,  pour  interprète  Mélingue,  qui 
touchera  un  droit  californien  de  15  p.  °/o  sur  les  recettes,  pen- 
dant toute  la  durée  des  représentations.  Taillade,  Mrae  Marie 
Laurent  (Marguerite),  Vannoy,  Volnay,  etc.,  tiennent  les  autres 
rôles.  Quelques  jours  suffiront  pour  fixer  l'opinion  sur  la  via- 
bilité de  cette  reprise. 

L'Ambigu  arepris4/or  Gu/i,  drame  en  six  actes,  de  MM.  Ani- 
cel  Bourgeois  et  Michel  Masson.  Encore  un  souvenir  de  la  pé- 
riode romantique  de  1830-1832!  Atar  Gull  est,  comme  on 
le  sait,  une  imitation  du  roman  d'Eugène  Sue.  De  l'interpréta- 
tion primitive  il  ne  reste  qu'Albert,  qui  joue  le  rôle  de  l'esclave 
d'une  façon  très-dramatique.  —  Un  vaudeville  en  un  acte,  de 
Mme  Mélanie  Waldor,  la  Mère  Grippelout  (titre  de  la  pièce), 
sert  de  lever  de  rideau,  et  laisse  à  quelques  familles  le  temps  de 

dîner 

J.  Lovy. 


RECHERCHES  SIR  LES  PREMIERS  CONCERTS 

DONNÉS   A   PARIS. 

Avant  de  clore  la  saison-1861  des  concerts,  il  n'est  pas  sans 
intérêt  de  reproduire  les  premières  recherches  de  M.  Gustave 
Bertrand  sur  l'origine  des  concerts  en  France,  avec  l'espoir  que 
l'Entracte  ne  nous  privera  point  de  la  suite  de  cet  intéressant 
travail.  M.  Gustave  Bertrand  est  un  chercheur,  et  sa  qualité 
d'élève  distingué  des  Chartes  ajoute  singulièrement  au  mérite 


172 


LE  MÉNESTREL. 


et  à  l'exactitude  des  faits  recherchés  et  groupés  par  lui  avec  au- 
tant de  goût  que  d'érudition. 


Les  concerts,  qui  ont  pris  tant  de  place  dans  notre  existence 
parisienne,  mériteraient  bien  qu'on  eût  la  curiosité  de  faire 
leur  histoire,  de  rechercher  leur  première  origine...  prima  malt 
labes  !  M.  Elwart,  dans  la  préface  de  son  Histoire  de  la  Société 
des  concerts  du  Conservatoire,  remonte  jusqu'à  ces  concerts 
spirituels  qui  se  donnaient  aux  Tuileries  au  siècle  dernier,  et 
qui  eurent  tant  de  réputation.  Mais  il  faudrait  remonter  beau- 
coup plus  haut,  par  exemple  jusqu'aux  lettres  patentes  octroyées 
par  Charles  IX  au  poète  Baïf  pour  la  fondation  d'une  Acadé- 
mie de  musique,  où  se  firent  les  premiers  essais  un  peu  sérieux, 
en  France,  d'appropriation  de  la  musique  à  la  poésie  régulière. 
Cette  Académie  se  tenait  chez  Baïf,  et  l'auditoire  se  composait 
d'un  certain  nombre  d'abonnés  choisis. 

Le  père  Mersenne  parle  beaucoup  de  cette  Académie  de  Baïf, 
ainsi  que  de  Jacques  Mauduit,  qui  a  le  premier  introduit  les 
concerts  de  violes  en  France.  Ce  Mauduit  était  excellent  chef 
d'orchestre  :  «  Lui  seul,  ajoute  le  révérend  musicographe,  a 
comme  engendré  la  belle  musique  en  France,  par  l'excellence 
de  plusieurs  ouvrages  et  des  concerts  composés  de  voix  et  de 
toutes  sortes  d'instruments  harmoniques,  ce  qui  n'y  avait  point 
été  pratiqué  avant  lui,  du  moins  si  parfaitement.  C'est  là  que 
l'on  a  vu  des  gens  de  toute  qualité  qui  s'exerçaient  très-volon- 
tiers sous  la  justesse  de  sa  mesure...  » 

Ce  Mauduit  mourut  en  1627.  Le  père  Mersenne,  qui  impri- 
mait son  livre  en  1736,  nous  parle  avec  éloge  des  concerts  de 
cinq  ou  six  luths  que  dirigeait  Robert  Ballard,  des  concerts  de 
Maugars,  de  Lazarin,  de  la  Barre,  du  Buisson,  «et  d'autres, 
qui  touchent  les  violes  et  les  clavecins  ensemble,  ou  du  sieur 
Moulinié  (maître  de  la  musique  de  la  chambre  du  roi),  quand 
il  a  les  meilleures  voix  de  la  cour.  » 

Ces  concerts,  composés  tout  de  luths  ou  tout  de  violes,  ne  sont 
pas  sans  analogie  avec  notre  musique  de  quatuors. 

Vers  le  milieu  du  xvne  siècle,  la  manie  d'écrire  des  mé- 
moires s'étant  généralement  déclarée,  et  les  feuilles  périodi- 
ques, telles  que  la  Gazette  de  Renaudot,  les  Chroniques  ri- 
mées  de  Loret,  le  Mercure  galant,  ayant  commencé  à  paraître, 
nous  pouvons  y  trouver  à  chaque  instant  des  mentions  de  con- 
certs, des  récits  de  cadeaux,  des  fêles  galantes...  Mais  nous  n'a- 
vons pas  à  parler  ici  des  concerts  qui  étaient  donnés  à  la  cour 
par  les  musiciens  de  la  chambre  du  roi,  ou  dans  les  hôtels  de 
l'aristocratie  ;  nous  nous  bornerons  à.  signaler  les  concerts  don- 
nés par  les  artistes  eux-mêmes. 

En  1652,  le  gazetier  Loret  nous  parle  d'une  dame  Payen,  cla- 
veciniste, qui  donnait  concert  chez  elle  tous  les  quinze  jours, 
avec  le  concours  de  deux  violistes  et  de  deux  chanteurs.  Il  nous 
parle  encore  des  concerts  du  claveciniste  Coutel,  du  guitariste 
Siffredi  et  de  sa  charmante  nièce,  Mmc  Requiem.  —  Cette  dame 
eut  une  aventure  assez  piquante,  que  les  chroniques  du  temps 
ont  eu  l'indiscrétion  de  nous  transmettre. 

Mme  Requiem  était  jeune,  aimable,  jolie  :  aussi  les  adorateurs 
affluaient-ils  autour  d'elle. — Mais  Mmo  Requiem  était  vertueuse, 
et  jamais  ni  les  beaux  plaisants  de  ruelles,  ni  les  petites  gazettes 
n'avaient  trouvé  à  gloser  sur  son  compte. 

Or,  écoutez  ce  qu'il  advint  le  28  avril  1652  (car  le  véridique 
Loret  nous  a  transmis  jusqu'à  la  date  de  la  fâcheuse  aventure)  : 
— M.  Requiem  avait  une  campagne  à  deux  pas  de  Paris,  àAu- 


teuil,  je  suppose,  ou  à  Puleaux,  où  il  y  avait  alors  beaucoup  de 
maisons  de  campagne.  Par  une  belle  soirée  de  printemps,  la 
belle  Requiem  se  promenant  au  fond  de  son  jardin,  fut  enlevée 
par  des  soldats  maraudeurs. 

— Oh  oh!  direz- vous;  à  deux  pas  de  Paris!  est-ce  possible  ? — 
Assurément,  il  arrivait  de  ces  choses-là  sous  le  grand  roi.  Notre 
ami  Loret  rapporte  qu'en  1661,  au  mois  de  juin,  douze  car- 
rosses de  seigneurs  et  de  dames  de  la  cour  furent  arrêtés  et  dé- 
troussés du  côté  du  Cours-la-Reine. 

La  belle  Requiem  fut  donc  enlevée,  Loret  le  dit,  et  rien  n'est 
plus  vraisemblable.  —  Quant  au  fait  de  ces  soldats  vagabonds  et 
brigands,  il  est  caractéristique  et  très-naturel,  à  une  époque  où 
nos  troupes  étaient  faites,  en  grande  partie,  de  gens  sans  aveu, 
racolés  dans  tous  les  cabarets  de  France  et  de  Navarre,  et  qu'on 
licenciait  à  la  fin  des  campagnes,  sitôt  qu'on  n'en  avait  plus  be- 
soin :  ils  vivaient  alors  comme  ils  pouvaient.  Voyez  les  Misères 
de  la  guerre,  de  Callot,pa.ssim, — ou  encore,  dans  la  Gazette  de 
France,  à  la  date  du  25  janvier  1640,  cet  entrefilet  édifiant  à 
plus  d'un  titre  :  «Huit  femmes  de  soldais,  du  nombre  de  celles 
qui  détroussent  avec  eux  les  marchands,  furent  rasées  et  fouet- 
tées par  tous  les  carrefours  du  faubourg  Saint-Germain,  et, 
pour  le  même  fait,  neuf  soldats  conduits  aux  galères.  » 

J'ajouterai  qu'au  printemps  de  1652,  on  était  en  pleine 
Fronde,  et  que  les  environs  de  Paris  étaient  infestés  de  bandes 
errantes  des  deux  partis.  —  Quelqu'un  de  ces  soudards,  à  jeun, 
en  quête  de  poules  et  de  victuailles,  aperçut  la  belle  Requiem, 
et  fit  main  basse  sur  elle. 

Là-dessus,  au  fond  des  forêts, 
Le  loup  l'emporta,  et  puis... 

Je  veux  croire  que  La  Ramée,  ne  sachant  comment  accom- 
moder lui-même  les  volailles  qu'il  avait  cueillies  dans  son  expé- 
dition, avait  eu  l'idée  de  cueillir  aussi  la  jolie  promeneuse  en 
qualité  de  cuisinière. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  passons  aussitôt  au  dénoûment;  — 
car  il  ne  paraît,  pas  que  Mme  Requiem  ait  donné  des  renseigne- 
ments très-précis  sur  ce  qui  lui  arriva  durant  sa  courte  cam- 
pagne. Il  n'est  si  fine  et  si  appétissante  cuisinière  dont  on  ne  se 
lasse  :  au  bout  de  quinze  jours,  les  maraudeurs  remirent,  à  l'en- 
droit où  ils  l'avaient  pris,  le  bel  objet  perdu,  sans  réclamer 
rançon  ni  récompense  honnête.  Et  la  pauvrette  fut  ainsi  rendue, 
—  saine  et  sauve,  —  à  l'amour  de  son  époux  et  aux  madrigaux 
respectueux  de  ses  adorateurs. 

J'imagine  qu'après  cette  aventure  elle  se  tint  quelque  temps 
cachée  en  famille,  et  qu'elle  ne  reparut  dans  le  monde  que  lors- 
qu'elle sesenlit  assez  forte  pour  affronter  les  interrogations  ma- 
lignes et  les  sourires  ambigus,  et  y  répondre,  comme  Mn;e  La- 
horie  des  Femmes  fortes  :  «  Eh  bien  ! . . .  non,  mon  cher.  » 

Deux  ans  plus  tard,  le  mercredi  12  août  1654,  nous  la 
voyons  avec  son  oncle  Siffredi  donner  un  concert,  que  Loret 
nous  relate  ainsi  qu'il  suit,  en  son  mirifique  patois  : 

Ce  jour  même,  l'après-dînée, 

Par  une  heureuse  destinée, 

J'ouïs  les  sons  mélodieux 

D'une  guitare,  et  même  encore 

D'une  merveilleuse  mandore, 

Dont  j'ai  le  cœur  tout  ébaudi. 

Au  logis  du  sieur  Siffredi, 

Et,  de  plus,  sa  charmante  nièce 

Joua  mainte  excellente  pièce 

Sur  sa  viole,  et  puis  enfin 

Sur  son  ravissant  clavecin... 

Des  beaux  airs,  par  elle  animés, 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


173 


Les  auditeurs  furent  charmés, 
Et  cela  leur  chatouilloit  l'âme 
Jusques  à  dire  :  Ah  !  Dieu  I  je  pûmel 
Tant  ses  fredons,  au  gré  de  tous, 
Etoient  harmonieux  et  doux. 
Trois  duchesses  là  se  trouvèrent 
Qui  cent  et  cent  fois  l'admirèrent  : 
Chaulnes,  Villeroy,  Ventadour. 

Nous  nous  sommes  amusé  trop  longtemps  à  l'histoire  de  la 
belle  Requiem.  Il  faut  remettre  à  un  autre  jour  ce  que  j'avais  à 
dire  de  divers  autres  concerts,  et,  en  particulier,  des  concerts 
payants,  qui  commencèrent,  le  2  octobre  1655,  dans  une  salle 
du  Palais-Royal. 

Gustave  Bertrand. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Roger  vient  de  paraître  avec  éclat  au  théâtre  de  Magdebourg.  Le 
rôle  d'Edgardo,  de  Lucia  de  Lammermoor,  lui  a  valu  la  plus  enthousiaste 
réception.  Mme  Seiler  Blumenthal,  sa  partenaire  dans  le  personnage  de 
Lucie,  s'est  également  distinguée. 

—  Nous  avons  annoncé  que  le  festival  helvétique  aurait  lieu  cette 
année  à  Zurich,  les  23,  26  et  27  juin.  Le  programme  des  deux  grands 
concerts  a  été  arrêté  provisoirement  comme  suit:  F  est-Ouverture;  Ave 
verum,  de  Mozart;  Adoremus,  de  Palestrina;  la  Chute  de  Babylone,  ora- 
torio de  Spohr;  symphonie  héroïque  de  Beethoven  ;  chœur  d'Orphée,  de 
Gluck  ;  quatuor  d'Idoménée,  Mozart  ;  114e  psaume  de  Mendelssohn,  etc. 

—  On  écrit  de  Madrid  que  la  saison  italienne  du  théâtre  Oriente,  est 
prorogée  jusqu'à  la  fin  de  mai.  Les  artistes  qui  restent  sont  :  Mmes  Anna 
de  Lagrange,  Deméric-Lablache,  Julienne  Dejean,  Sarolla,  MM.  Fras- 
chini,  Morini,  Giraldoni,  Carion,  Padovani,  Bouché,  Roveri.  De  plus , 
nous  apprenons  que  Mmo  Anna  de  Lagrange  est  déjà  réengagée  pour  la 
prochaine  saison,  et  que  des  offres  ont  été  faites,  par  son  entremise,  au 
baryton  Délie  Sedie,  actuellement  à  Paris,  qui  n'est  pas  seulement  un 
grand  chanteur,  mais  encore  un  excellent  comédien.  Paris  regrettera 
doublement  de  voir  s'éloigner  M.  Dello  Sedie,  qui  eût  si  bien  fait  salle 
Ventadour. 

—  Le  Moniteur  belge  nous  transmet  de  nouvelles  nouvelles  sur  les 
sœurs  Marchisio.  On  y  lit,  sous  la  rubrique  :  «  Théâtre-Italien.  —  Que 
ceux  qui  aiment  la  belle  et  grande  musique  admirablement  inteprélée  se 
rendent  ce  soir  au  Théâtre-Italien;  c'est  la  dernière,  et  irrévocablement, 
la  dernière  représentation  de  Norma  par  les  sœurs  Marchisio,  et  il  ne  faut 
pas  manquer  à  une  telle  fêle.  Eminentes  cantatrices  et  déployant  à  l'envi 
les  plus  brillantes  et  les  plus  solides  qualités  vocales,  les  sœurs  Marchisio 
sont  aussi  des  tragédiennes  de  première  force. 

«  Leur  chant  est  tour  à  tour  d'une  douceur.exquise  ou  d'une  énergique 
puissance;  tout  se  détache  en  nuances  d'une  délicatesse  infinie  ou  en 
traits  d'une  merveilleuse  hardiesse,  que  le  succès  couronne  toujours;  mais 
c'est  peut-être  par  l'expression,  par  la  sensibilité,  par  un  je  ne  sais  quoi 
de  magnétique,  que  le  talent  de  MIIes  Marchisio  se  manifeste  avec  le  plus 
d'éclat.  Elles  chantent  divinement  ;  mais  ce  n'est  pas  seulement  l'oreille 
qui  est  dignement  flattée,  c'est  l'âme  qui  est  émue,  enivrée,  et  qui  recueille 
les  jouissances  les  plus  vives  par  cette  magnifique  expression  dramatique, 
dont  les  deux  sœurs  ont  le  secret.  » 

—  Nous  recevons  encore  de  Belgique  une  dernière  nouvelle,  mais 
celle-ci  des  plus  tristes  :  il  ne  reste  plus  que  les  quatre  murs  du  Théâtre 
des  Nouveautés  de  Bruxelles.  Le  feu  s'y  est  déclaré  avec  une  telle  inten- 
sité, —  une  demi-heure  seulement  après  la>fin  du  spectacle,  —  qu'il  a  été 
impossible  de  songer  à  sauver  le  théâtre.  On  a  dû  se  borner  à  concentrer 
le  feu,  en  préservant  les  maisons  voisines.  Par  un  rare  bonheur  en  pareille 
circonstance,  il  n'y  a  pas  de  malheur  à  déplorer  en  dehors  du  dommage 
matériel. 

—  La  Société  philharmonique  d'Amiens  a  donné  son  concert  de  clôture 
lo  17  avril,  avec  le  concours  de  MmeViardot,  de  Graziani,  Félix  Godefroid 
etBerthelier.  Dans  cette  solennité,  une  des  plus  complètes  de  la  saison,  les 
excellents  artistes  que  nous  venons  de  citer  ont  été  salués  et  acclamés  de 
la  façon  la  plus  enthousiaste.  Mme  Viardot,  avec  le  grand  air  de  YOrphée 
de  Gluck,  les  variations  de  la  Cenerentola,  l'air  final  de  la  Sonmmbulu,  a 


littéralement  éleclrisé  l'auditoire.  Graziani  a  chanté  quatre  fois  et  a  récolté 
quatre  salves  de  bravos.  Godefroid  enfin  a  ravi  les  assistants  avec  sa  harpe 
d'or,  dont  on  a  joué  l'ouverture.  Mais  n'oublions  pas  les  compositions  de 
M.  Jules  Deneux,  président  de  la  Société,  notamment  sa  belle  fantaisie  sur 
les  Huguenots.  L'orchestre,  dirigé  par  M.  Ch.  Lacoste,  a  partagé  le  succès 
du  compositeur.  Certes,  la  Société  philharmonique  d'Amiens  ne  pouvait 
terminer  son  année  d'une  façon  plus  digne  et  plus  brillante,  sans  compter 
que  les  chansonnettes  de  Berthelier  couronnaient  le  programme. 

—  Mlle  Marie  Marimon,  que  les  habitués  de  l'Opéra-Comiquc regrettent 
et  redemandent  à  tous  les  titres,  vient  d'obtenir  à  Bordeaux ,  au  concert  de 
la  Société  philharmonique,  un  tel  succès,  que  des  représentations  lui  ont  été 
immédiatement  demandées.  Un  engagement  appelait  M110  Marimon  à  An- 
gers ;  elle  n'a  pu  se  rendre  à  ce  désir.  Voici  les  morceaux  chantés  par 
cette  charmante  cantatrice  au  concert  de  Bordeaux,  et  qui  lui  ont  valu 
force  acclamations  et  rappels  :  un  air  italien,  le  boléro  de  la  Fanchonnette, 
les  variations  des  Diamants,  et  les  couplets  du  chien  de  Barkouff. 

—  Le  mardi  2  avril  on  célébrait,  à  Sainte-Clolilde,  une  messe  solen- 
nelle de  la  composition  de  M.  César  Franck  aîné,  organiste  et  maître  de 
chapelle  de  cette  église.  Quelqu'un  se  présente  à  l'une  des  portes,  et  est 
aussitôt  arrêté  par  une  loueuse  de  chaises  :  «  Monsieur,  c'est  HO  cen- 
times.—  Je  ne  veux  pas  donner  50  centimes.  —  Alors,  vous  ne  pouvez 
pas  entrer.  —  J'entrerai,  et  ne  donnerai  pas  50  centimes.  »  La  loueuse  de 
chaises  allait  se  fâcher,  lorsqu'il  lui  tomba  dans  la  main  une  pièce  de 
vingt  francs. «  Monsieur  se* trompe  probablement,  dit  la  bonne  femme 
radoucie.  — Est-ce  que  la  messe  n'est  pas  au  profit  de  la  Caisse  de  secours 
des  artistes  musiciens?  —  Si  fait!  Monsieur.  —  Eh  bien I  alors,  je  suis 
libre  de  ne  pas  donner  50  centimes.  »  Le  même  esprit  de  charité  animait 
toutes  les  dames  qui  avaient  bien  voulu  se  charger  de  la  quête  :  Mme  la 
princesse  Etienne  de  Beauveau,  Mme  la  comtesse  Raoul  de  Bellebœuf, 
jjmes  Ancclot  et  Walwehi  Taylor.  La  messe,  parfaitement  exécutée  parles 
chanteurs  solistes  MM.  Chapron  etLeter,  par  l'orchestre  et  par  les  chœurs, 
fait  honneur  au  talent  de  M.  Franck  aîné.  Nous  ajouterons  que  M.  Dubois, 
lauréat  du  Conservatoire,  chargé  ordinairement  de  l'orgue  d'accompagne- 
ment, a  tenu  le  grand  orgue  de  manière  à  mériter  le  suffrage  de  tous  les 
connaisseurs.  [Revue  et  Gazette  musicale.} 

—  M.  Pierre  Benoît,  grand  prix  du  Conservatoire  de  Belgique,  dont 
les  compositions  musicales  sont  justement  appréciées  en  ce  moment,  à 
Paris  comme  à  Bruxelles,  vient  d'envoyer  au  gouvernement  belge  une- 
messe  solennelle  à  deux  chœurs,  sur  laquelle  l'Académie  de  musique  a  été 
unanimement  d'accord.  Voici  en  quels  termes  le  savant  musicien,  M.  Fé- 
tis,  s'exprime  sur  cette  œuvre  d'art  :  «  La  messe  de  M.  Pierre  Benoît  estune 
grande  composition,  digne  de  fixer  l'attention  sous  les  deux  points  de  vue 
qui  embrassent  tout  la  valeur  d'une  œuvre  d'art,  à  savoir  :  la  pensée  et  sa 
réalisation.  Dans  la  musique  instrumentale,  la  pensée,  le  sentiment,  jouis- 
sent d'une  indépendance,  d'une  liberté  illimitées,  qui  vont  jusqu'à  l'idéal 
pur;  mais  lorsque  l'art  a  un  objet  déterminé,  comme  celui  de  la  musique 
religieuse  ou  de  la  musique  dramatique,  le  sentiment,  la  pensée,  se  subor- 
donnent aux  exigences  du  sujet,  et  l'inspiration  est  d'autant  meilleure , 
que  son  caractère  est  plus  conforme  à  ce  sujet. 

«  Ce  qui  frappe  au  premier  abord,  dans  l'examen  de  la  partition  de 
M.  Pierre  Benoît,  c'est  précisément  l'accord  du  style  avec  l'objet  religieux 
de  son  œuvre.  Ce  style  est  grave,  mais  ce  n'est  pas  à  dire  que  ce  soit  celui 
de  la  musique  d'église  des  maîtres  qui  ont  écrit  dans  la  seconde  moitié 
du  xvme  siècle,  ni  dans  la  première  du  xixe  ;  car  le  jeune  artiste  marche 
dans  une  voie  qui  est  la  sienne.  Il  use  des  ressources  de  l'instrumenta- 
tion, mais  il  n'en  abuse  pas.  Il  en  fait  un  accompagnement  des  voix  et 
non  une  symphonie  luttant  avec  celles-ci.  Il  ne  craint  pas  de  faire  taire  tout 
son  oicheslre  pour  laisser  à  découvert  l'intérêt  sentimental  qu'il  a  su 
mettre  dans  l'expression  du  texte  sacré  par  les  ressources  vocales,  etc.,  etc. 

«  En  terminant  mon  rapport,  je  crois  devoir  dire  que  le  progrès  de 
M.  Pierre  Benoît  dans  ses  compositions,  le  sentiment  intime  qu'on  y  re- 
marque, l'originalité  de  sa  pensée  et  son  habileté  dans  l'art  d'écrire,  me 
font  espérer  que  la  Belgique  comptera  parmi  ses  enfants  un  grand  musi- 
cien de  plus.  » 

Un  pareil  langage  dans  la  bouche  d'un  homme  de  la  valeur  de  M.  Fétis, 
pour  M.  Pierre  Benoît  est  la  garantie  d'un  brillant  avenir.  Dans  un  article 
plus  étendu,  nous  reviendrons  prochainement  sur  les  œuvres  de  ce  jeune 
compositeur,  dont  le  talent,  qui  s'annonce  sous  d'aussi  heureux  auspices, 
mérite  de  fixer  l'attention  de  toutes  les  personnes  qui  s'intéressent  à  l'art. 

A.  Hehnette. 


17  ï 


LE  MENESTREL 


—  L'autre  soir,  M.  Delofïrea  trouvé  sur  son  pupitre  un  bâton  de  chef 
d'orchestre,  d'un  fort  beau  travail,  portant  cette  inscription  :  Théâtre- 
Lyrique  :  les  auteurs  de  la  Statue,  à  M.  Deloffre.  M.  Ernest  Reyer  et  ses 
collaborateurs  ne  pouvaient  témoigner  d'une  façon  plus  délicate,  à  l'excel- 
lent chef  d'orchestre  du  Théâtre-Lyrique,  leur  reconnaissance  pour  le  zèle 
et  l'inteUgence  qu'il  a  apportés  à  la  direction  musicale  de  leur  œuvre. 

—  A  la  demande  de  ses  nombreux  amis,  M1""  Cinli-Damoreau,  qui 
depuis  son  retour  de  Chantilly  habitait  dans  le  faubourg  Saint-Germain, 
à  l'une  des  extrémités  de  Paris,  vient  de  se  rapprocher  des  artistes  et  du 
monde  des  arts.  La  célèbre  cantatrice  a  pris  possession  d'un  vaste  apparte- 
ment rue  de  Laval,  22,  où  l'on  espère  bien  lui  voir  ouvrir  de  nouveaux 
cours  de  chant  avec  l'aide  de  sa  fille,  Mme  Damoreau-Wekerlin.  Ce  serait 
toute  une  bonne  fortune  pour  les  gens  du  monde  et  les  artistes  qui  veulent 
acquérir  ou  compléter  un  talent  à  l'école  de  chant  la  plus  pure,  la  plus 
élevée,  qui  se  soit  produite  dansées  derniers  temps. 

—  La  seconde  réunion  des  orphéonistes  de  France  aura  lieu  à  Paris, 
vers  la  fin  de  septembre  prochain,  au  Palais  de  l'Industrie.  Les  journaux 
de  musique  qui  annoncent  ce  festival  ne  seront  certainement  pas  accusés 
de  donner  leurs  nouvelles  trop  tardivement. 

—  Nous  avons  le  regret  d'annoncer  la  mort  d'un  ancien  et  excellent 
artiste  de  l'Opéra-Comique,  M.  Achille  Riquier,  retiré  depuis  quelques 
années  etdécédé  ces  jours-ci  à  la  suite  d'un  accès  de  goutte. 

SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  Le  huitième  concert  de  la  Société  du  Conservatoire  se  composait  de 
la  symphonie  en  fa  de  Beethoven,  de  l'ouverture  â'Oberon  et  de  la  béné- 
diction des  drapeaux  du  Siège  de  Corinthe,  —  remplaçant  le  final  de  la 
Vestale,  —  tous  chefs-d'œuvre  au  courant  du  répertoire.  En  fait  de  p;èces 
nouvelles,  le  programme  nous  offrait  un  bel  air  de  Haendel,  une  eanzo- 
netta  de  Mozart,  charmante  inspiration  qui  n'a  pas  besoin  de  signature  ; 
enfin;  un  magnifique  concerto  pour  violon,  de  Mendelssohn  ,  exécuté  par 
A'ard,  avec  celte  pureté,  cette  délicatesse  et  cette  maestria  qui  en  font  le 
cher  actuel  de  l'école  française.  MM.  Battaille  et  Cazaux,  qui  tenaient  la 
partie  vocale,  se  sont  fait  chaleureusement  applaudir.  Aujourd'hui  di- 
manche, le  dernier  concert. 

—  Jeudi  dernier  avait  lieu,  salle  Herz,  la  seconde  séance  des  concerts 
de  chant  classique  de  la  foniation  Beaulieu,  au  bénéfice  de  la  Caisse  des 
pensions  et  secours  de  l'Association  des  artistes  musiciens.  On  y  a  exécuté 
les  morceaux  suivants.  Première  partie  :  1.  Le  Retour  de  Tobie,  oratorio, 
Haydn,  chœur  et  s  dos  chantés  par  M.  Marié  et  M11"  Irma  Marié.  2.  Orphée, 
cantate  (1730),  Pergolèse,  chantée  par  M.  Lucien.  3.  Sixième  Madrigal , 
Orlando  Gibbon,  maître  de  chapelle  de  Jacques  Ier,  roi  d'Angleterre,  chœur 
sans  accompagn 'ment  (1612).  4.  Quando  miro  il  tuo  bel  ciglio,  canzo- 
netla,  Mozart,  chantée  par  M.  Baltaille.  5.  Acisel  Galalée,  pastorale  (1710), 
Haendel,  air,  duo  et  chœur,  soli  chantés  par  Mllc  Balbi  et  M.  Lucien.  — 
Deuxième  parlie  :  1.  plisa,  ou  le  Mont  Saint-Bernard,  opéra,  Chérubini, 
introduction,  chœur  avec  solos,  chanlés  par  MM.  Lyon  et  Marié.  2.  Air 
d'Agrippine  dans Britannicus  (1752),  Graun,  maître  de  chapelle  de  Fré- 
déric le  Grand,  chanté  par  MmLÉ  Viardot.  3.  Angélus,  chœur  sans  accom- 
pagnement (1594) ,  Felice  Anerio,  compositeur  de  la  chapelle  pontificale. 

4.  Psaume '60  (1726),  Marcello,  chœur  avec  solo,  chanté  par  M.  Battaille. 

5.  Le  Retour  de  Tobie,  oratorio,  Haydn,  air  et  chœur,  chanté  par  Mmc  Viar- 
dol.  _  L'orchestre  était  dirigé  par  M.  Deloffre  ;  les  chœurs  conduils  par 
M.  Marié;  M.  Soumis  tenait  l'orgue  de  Debain.  —  Celle  solennité  a  été 
digne  de  son  beau  programme  et  des  grands  artistes  chargés  de  le  dé- 
frayer. Le  morceau  qui  a  produit  le  plus  d'effet,  —  il  faut  le  dire  parce 
que  cela  est,  —  est  le  madrigal  d'Orlando  Gibbon  (1612) ,  un  simple  chœur 
sans  soli,  sans  orchestre  ,  qui  a  eu  pour  pendant  Y  Angélus  de  Félice 
Anerio  [1594). 

—  M.  J.  Armiugaud  a  donné,  mercredi  dernier,  salle  Herz,  un  concerl 
dont  les  compositions  du  bénéficiaire  faisaient  en  grande  partie  jes  frais. 
Ces  compositions,  qui,  de  même  que  celles  de  M.  Lalo,  appartiennent  au 
genre  sévère,  élevé,  mais  quelque  peu  cherché,  ont  trouvé  un  auditoire 
attentif,  éclairé  et  sympathique.  Toutefois,  la  Prière  de  l'enfant,  mélo- 
die d'un  moindre  mérite,  mais  d'un  cachet  plus  naïf,  a  été  spécia- 
lement goùt;o,  et  M110  Balbi  en  a  partagé  les  honneurs.  L'habile  pianiste 
Lubeck  et  le  baryton  Archainbaud  ont  eu  leur  bonne  part  du  programme 
de  M.  Armingaud,  qui  a  voulu  se  révéler  compositeur  en  môme  temps  que 
violoniste  de  la  meilleure  école.  Celte  première  tentative  est  faite  pour 
nous  en  valoir  une  seconde,  et  personne  ne  s'en  plaindra.  Les  musiciens 


de  la  valeur  de  M.  Armaingaud  ne  se  'rencontrent  pas  souvent  sous  les 
plus  habiles  archets. 

—  Avant  M.  Armingaud,  son  digne  partenaire  de  musique  de  chambre, 
le  violoncelliste  Jacquard  avait  donné  concert  salon  Pleyel,  avec  le  con- 
cours de  Mme  Massart  et  de  trois  élèves  de  M.  Révial,  MM.  Luiz,  Hayel  et 
Mlle  Marie  Cico,  qui  a  chanté  l'air  du  Serment  de  manière  à  surprendre 
des  plus  agréablement  ceux  qui  ne  l'ont  point  entendue  depuis  quelque 
temps.  A  propos  de  chant,  nous  dirons  que  le  violoncelle  de  M.  Jacquard 
chante  dans  un  stylo  élevé;  les  cordes  ne  grincent  ni  ne  tremblotent  on 
guise  d'expression  ;  c'est  pur  et  noble  comme  l'instrument  même  de 
sainte  Cë.àle.  Seulement  M.  Servais  nous  paraît  avoir  abusé  de  ce  noble 

•  instrument  dans  la  fantaisie  caractéristique  dont  M.  Jacquard  s'est  fait 
l'interprète.  Il  y  a  là  ce  qu'on  appelle  dos  tours  de  force  de  mécanisme 
d'un  goût  contestable,  d'un  effet  absolument  stérile,  aujourd'hui  surtout 
que  le  public,  plus  éclairé,  veut  avant  tout  de  la  musique,  même  sous 
l'exhibition  d'un  soliste  de  concert. 

—  La  veille  du  concerl  de  M.  Léon  Jacquard,  les  salons  rleyel  fêlaient 
le  virtuose  Sarasate,  le  jeune  et  fougueux  élève  d'Alard.  C'esl  que  Sara- 
sale  en  est  déjà  à  sa  seconde  manière  :  on  sent  que  l'enfant  rêveur  se  fait 
homme.  Son  archet  mélancolique  et  expressif  prend  un  caractère,  une 
énergie  digues  d'un  chevalier  de  l'ordre  de  Charles  III.  La  reine  Isabelle, 
en  plaçant  la  décoration  sur  cette  jeune  poitrine,  a  ouvert  de  nouveaux 
horizons  an  talent  déjà  si  précoce  du  virtuose  franco-espagnol.  Le  sang 
castillan  bouillonne  sous  ce  talent  français,  qui  par  cela  même  offre 
quelque  rhose  de  plus  complet,  de  plus  saisissant  :  aussi  combien  le 
maître  est  fier  de  l'élève,  et  avec  quelle  verve  Alard  défiait  Sarasale  dans 
leur  symphonie  concertante  1  Que  de  bravos  en  une  seule  soirée  1...  11  est 
vrai  que  l'une  de  nos  meilleures  canlalrices,  M"e  Dorus ,  que  MM.  Leroy 
etVerrousl,  un  amateur  distingué,  M.  I.évy,  et  les  chansonneltes  de 
Sainte-Foy,en  ont  pris  leur  bonne  pari. 

—  Mardi  dernier,  les  salons  Érard  se  transformaient  en  théâtre  lyrique  : 
décors  et  rampe,  acteurs  et  souffleur,  tout  annonçait  des  opéras  de  salon, 
au  lieu  et  place  du  programme  habituel  de  nos  concerls.  C'était  Mmc  Ga- 
veaux-Sabalier,  secondée  de  Mn,cAnna  Barlhe,  de  MM.  Adam,  Biéval  et 
Capoul.  On  a  d'abord  joué  une  très  jolie  opérette  de  M.  Hignard,  paroles 
de  M.  Verconsin,  sous  le  litre:  A  la  porte  ;  après  quoi,  M.  le  comte  W. 
d'Indy  a  pris  possession  de  la  scène  avec  son  Feu  sous  la  neige,  par  qua- 
ran'e  degrés  de  chaleur  Réaumur.  Les  deux  parlilions  de  salon  ont  clé 
reçues  par  des  bravos  sans  fin,  s'adressant  autant  aux  auteurs  qu'aux 
interprèles.  Il  y  a  eu  des  rappels  pour  les  uns  et  pour  les  autres;  et  bref, 
Mme  Gaveaux-Sabaticr  a  dû  être  fière  du  succès  de  sa  soirée,  de  la  bril- 
lante et  chaleureuse  composition  de- son  public.  Entre  les  deux  pièces,  il 
y  avait  le  Serpent  de  M.  Castel  et  un  intermède  dont  le  piano  de  Diémer 
et  le  violon  de  Sarasate  ont  fait  les  honneurs.  Ce  dernier  a  joué  une  fan- 
taisie sur  le  Trouvère,  qui  a  éleclrisé  les  assistants  ;  le  premier,  dans  ses 
variations  de  Weber  sur  un  thème  italien  ,  s'est  contenté  de  les  intéresser 
et  de  les  charmer.  El,  à  propos  des  variations  de  Weber,  nous  nous  di- 
sions :  A  la  bonne  heure  I  voilà  des  variations  qui  ne  prêchent  pas  dans  le 
désert.  C'esl  on  ne  peut  plus  inléressanl  à  suivre  que  celte  iransformalion 
et  le  développement  des  thèmes  sous  les  formes  et  les  harmonies  les  plus 
variées,  les  plus  musicales.  Le  trait  n'y  est  pas  négligé ,  mais  dans  une 
forme  mélodique,  caractéristique,  et  amené  au  moyen  de  transitions, 
d'épisodes  harmoniques,  qui  ajoutent  singulièrement  à  l'attrait  des  varia- 
tions, lorsque  le  rclour  obligé  s'en  fait  sentir.  A  la  bonne  heure,  voilà 
de  la  musique,  bien  qu'écrile  en  vue  de  faire  briller  l'instrument  et 
l'exécutant. 

—  C'est  dans  le  salons  des  Arts  unis,  au  milieu  des  toiles  et  sculptures 
■  des  maîtres,  que  le  baryton  Jules  Lefort  à  donné  sa  soirée  d'adieu  aux 

concerts.  Il  y  avait  foule  :  la  meilleure  société  de  Paris  venait  là  souhaiter 
bonne  chance  au  bénéficiaire ,  .  pour  ses  débuts  au  Théâtre-Lyrique. 
MM.  Lefébure,  Hermann  et  Balla  brillaient  au  programme  de  leur  ca- 
marade de  concert.  M™°  Damoreau-Wekerlin,  empêchée  par  une  regret- 
table et  sérieuse  indisposition,  a  été  remplacée  à  l'improvisle  par  Mme  Nnma 
Blanc,  qui  est  à  la  fois  une  charmante  femme  et  une  agréable  cantatrice 
de  l'école  Picrmarini.  Bref,  la  soirée  a  été  des  meilleures,  et  le  public 
triplement  charmé  :  la  musique,  la  peinture  et  la  sculpture  semblaient  se 
marier  à  l'envi  pour  le  mieux  de  ses  menus  plaisirs. 

—  limes  Qju]a  Grisi,  Marie  Battu,  MM.  Mario,  Graziani,  Braga  et  Roméo 
Accursy,  se  réunissaient  la  semaine  dernière  salons  Érard,  pour  composer 
le  programme  du  beau  concert  du  virtuosc-3ompos;leur  Slanzieri,  qui  a 


NOUVF.l.LES  ET  ANNONCES. 


175 


fuit  entendre  et  applaudir  une  belle  sonate  et  diverses  œuvres  de  sa  compo- 
sition. Le  plus  beau  monde  de  Paris  assistait  à  cette  soirée  italienne,  dont 
une  Française,  Mlle  Marie  Battu,  a  remporté  les  honneurs  dans  la  Seviliana 
de  Stanzieri. 

—  Mme  Borghi-Mamo  n'aura  fait  qu'une  courte  apparition  à  Paris,  mais 
dont  M.  Luizi  Ruizi  s'est  empressé  de  profiter  pour  son  concert.  Mmc  Bor- 
ghi  a  chanté  par  trois  fois,  et  rappelée  chaque  fois,  dans  une  légende 
valaque  de  Braga,  pour  chant  et  violoncelle,  le  quatuor  de  la  Mandicante 
de  Braga,  avec  MM.  Graziani,  Solieri  et  Reuz,  et  le  Brindisi  de  Lucrezia 
Borgia.  On  le  voit,  comme  violoncelliste  et  comme  compositeur,  Braga 
a  pris  sa  grande  part  du  programme  de  cette  soirée,  et  son  frère,  le 
pianiste  Joseph  Braga,  y  a  trouvé  l'occasion  de  faire  applaudir  un  noc- 
turne inédit  et  sa  jolie  mazurka. te  Carillon. 

—  Mme  Borghi-Mamo  se  rend  à  Naples.  ' 

—  Tous  nos  pianistes  compositeurs,  MM.  Ascher,  Coheu,  Delioux, 
Godard ,  Ketterer ,  Kruger ,  Lefébure ,  Leybach ,  Marmontel ,  Magnus, 
Okelly  et  George  Pfeiffer  ont  eu  l'heureuse  idée  de  composer  un  album 
à  la  mémoire  de  leur  ami  A.  Goria,  et  dont  ils  ont  fait  hommage  à  sa 
digne  veuve.  Dimanche  dernier,  dans  les  salons  Pleyel,  qui  furent  le  ber- 
ceau et  le  toit  hospitalier  de  Goria,  une  audition  des  œuvres  de  cet  album 
a  eu  lieu,  et  chaque  pianiste  est  venu  jouer  son  morceau.  C'était  piquant, 
et  le  succès  ne  pouvait  être  douteux.  Il  a  été  complet.  C'est  le  jeune  Lavi- 
gnacqui  a  exécuté,  et  d'une  manière  délicieuse,  la  Sérénade  de  son  pro- 
fesseur Marmontel.  MUe  Balbi  et  M.  Gourdin  faisaient  les  honneurs  de  la 
partie  vocale.  Le  piano  était  tenu  par  M.  Mangin. 

—  Décidément  MUc  Balbi  devient  la  jeune  reine  de  celte  fin  de  saison.  Nous 
l'avons  relrouvée  mercredi  soir  chez  Érard,  au  concert  de  MM.  Lasserre 
et  Diémer.  L'air  du  Concert  à  la  Cour,  avec,  ses  notes  piquées,  lui  a  été 
spécialement  favorable;  mais  elle  n'a  pas  été  moins  applaudie  dans  le 
duo  de  la  Dams  blanche,  avec  M.  Victor  Capoul.  Le  violoncelliste  Lasserre 
a  captivé  l'auditoire  par  la  pureté  et  la  délicatesse  de  son  jeu.  Le  violon  de 
M.  Jules  Sauzai  et  le  lauréat  Capoul,  ont  récollé  de  nombreux  bravos. 
Quant  à  M.  Diémer,  un  des  jeunes  inaîties  de  l'école  Marmontel,  il  a  été 
prodigieux  de  netteté,  d'agilité,  de  goût  et  de  sentiment  musical  :  sous  ses 
doigts  de  velours  et  d'acier,  sa  Polonaise  de  concert  et  les  délicieux  petits 
chefs-d'œuvre  deMendelssohn,  le  Printemps,  la  Fileuse  et  tu  Citasse,  ont 
fait  merveille  ;  la  Chassé  a  eu  les  honneurs  du  bis.  Enfin,  le  Prélude  de 
Bach  (Gounod|,  et  une  romance  sans  paroles,  de  Mendelssohn ,  arrangée 
par  M.  L.  Rocques,  pour  piano,  violoncelle  et  orgue,  ont  terminé  la  soirée. 
Le  public  a  rappelé  tous  les  artistes. 

—  La  belle  Mlle  Virginie  lluet,  qui  passe  du  piano  à  l'orgueet  de  l'orgue 
au  piano  avecautantdecharme  que  de  facilité,  nous  a  fait  applaudir  à  son 
concert,  salle  Herz,  diverses  pièces  de  Lefébure-Wély  et  de  Lebeau,  à 
côté  du/oitr  du  printemps  deGoria,dela  valse  favorite  d'AmbroiseThomas, 
et  de  la  Marche  turque  de  Mozart,  qu'elle  a  jouée  dans  un  mouvement 
trop  précipité.  Aussi  a-t-on  trouvé  le  concert  trop  court,  fait  assez  rare 
pour  mériter  d'être  signalé.  M"L'  Balbi  a  chanté  comme  une  délicieuse 
fauvette;  M.  Délie  Sedie  comme  un  grand  chanteur  qu'il  est,  et  M.  Tayau 
en  Levassor  des  Bouffes-Parisiens.  Il  serait  impossible  de  mieux  rendre  la 
musique  et  la  tyrolienne  de  l'Avenir.  Le  public  le  lui  a  prouvé  par  un  bis 
formidable.  Les  frères  Guidon,  avec  leurs  charmants  duos,  ont  largement 
partagé  le  succès  de  cette  soirée.  Quant  à  M.  Diémer,  il  n'a  fait  que  pa- 
raître dans  le  premier  duo  pour  piano  et  orgue  ;  mais  celte  courte  appa- 
rition a  suffi  pour  lui  assigner  une  place  d'honneur  dans  le  programme 
de  Mlle  Virginie  Huet. 

—  Une  de  nos  jeunes  cantatrices  qui  ne  se  prodiguent  pas ,  Mmc  Sudre 
(Joséphine  Hugot),  a  donné,  le  lo  de  ce  mois,  salle  Herz,  un  concert  des 
plus  attrayants,  dont  elle  a  eu  particulièrement  les  honneurs.  La  bénéfi- 
ciaire surtout  a  charmé  l'auditoire  p.r  l'expressive  pureté  de  sa  diction. 
Verse,  encore,  de  Galalhée,  et  On  a  beau  dire,  de  Mmc  Loï;a  Puget,  lui  ont 
valu  de  chaleureux  rappels. 

—  Samedi  dernier,  20  avril,  nous  avons  assislé ,  salle  Herz ,  au  concert 
de  M.  Edouard  Colonne,  premier  violoniste  de  l'Opéra.  L'a  excellent  coup 
d'archet,  une  grande  fermeté  d'exécution  et  un  bon  sentiment  musical, 
telles  sont  les  qualités  du  bénéficiaire,  qui  a  particulièrement  brillé  dans 
un  concerto  de  Viotli  et  une  fantaisie  de  Ch.  de  Bériol.  M1Ic*  Balbi  et 
le  jeune  Pugni ,  pianiste  âgé  de  8  ans,  ont  contribué  à  l'attrait  de  cette 
soirée.  N'oublions  pas  le  morceau  magistral  qui  a  ouvert  le  programme, 
la  Sérénade  de  Beethoven,  foit  bien  traduite  par  MM.  Colonne,  Adam 
et  Lasserre. 


Concerts  annoncés. 

—  Voici  le  programme  du  concert  donné  dans  la  salle  du  Conserva- 
toire, le  samedi  soir  4  mai,  par  M.  Léon  Kreutzer,  programme  composé 
de  ses  œuvres  :  1°  Symphonie  en  si  bémol  ;  2°  Les  Matelots  ,  chœur  pour 
voix  d'homme;  3°  Mélancolie  et  l'Ondine,  mélodies  pour  soprano,  chan- 
tées par  M"1'  Marie  Cico  ;  4"  La  Mer,  scène  pour  orchestre  ;  S0  La  Fiancée 
du  Marin,  scène  pour  soprano,  chœur  et  orchestre,  chaînée  par  Mlle  Ma- 
rie Cruvelli;  6"  Grand  concerto  symphoniquo,  pour  piano,  exécuté  par 
Mme  Massart  ;  7°  Jennij  ht  blonde,  scène  pour  soprano,  chœur  et  orchestre, 
chantée  par  M"e  Marie  Cruvelli;  8°  Airs  de  ballet  des  Filles  d'azur,  frag- 
ments pour  orchestre  d'un  opéra  inédit  —  L'orchestre  et  les  chœurs  seront 
composés  de  160  exécutants.  Le  produit  de  ce  conceil  est  destiné  à  l'Asso- 
ciation des  artistes  musiciens. 

—  Aujourd'hui  dimanche,  à  deux  heures,  au  Cirque  Napoléon,  boule- 
vard des  Filles-du-Calvaire,  grand  festival  donné  par  l'Association  des 
Sociétés  chorales  du  département  de  la  Seine,  sous  la  direction  de  M.  Dela- 
fontaine,  son  président,  aveclo  concours  de  M.  Carré,  del'Opéra-Comique, 
et  de  la  belle  musique  de  la  garde  de  Paris  :  800  exécutants. 

—  Demain  soir  lundi,  salle  Herz,  concert  de  la  jeune  Maria  Boula  y,  élève 
d'Alard,  appelée  au  dernier  concert  des  Tuileries.  Celte  nouvelle  Slilanolla 
jouera  avec  son  maître  et  accompagnement  d'orchestre  la  symphonie  con- 
certante exécutée  par  Alard  et  Sarasate,  vendredi  dernier,  salons  Pleyel, 
Ce  seul  morceau  suffirait  au  programme,  si  par  ailleurs  nos  premiers  ar- 
tistes ne  s'étaient  empressés  de  donner  une  marque  toute  particulière  de 
sympathie  à  la  jeune  virtuose.  A  dimanche  prochain  les  détails. 

—  Demain  soir,  lundi,  salons  Pleyel,  deuxième  concert  de  notre  pià- 
niste-composiieur  Camille  Siamaty,  avec  le  concours  de  M""5  Mancel,  de 
MM.  Délie  Sedie  et  Frizzi,  chanteurs  du  théâtre  italien  de  Berlin.  M.  Sta- 
maty  exécutera,  entre  autres  œuvres,  sa  Sicilienne,  sa  Marche  hongroise, 
ses  transcriptions  des  Noces  de  Figaro,  Plaisir  d'amour,  et  sa  Valse  des 
Oiseaux  (redemandée). 

—  Un  concert  religieux  et  historique  au  profit  de  l'œuvre  de  Notre- 
Dame  de  Mainte-Espérance  aura  lieu  jeudi  2  mai,  à  la  salle  Herz,  sous  la 
direction  de  M.  Charles  Vervoîtte,  maître  de  chapelle  de  Saint-Rocb,  avec 
le  concours  de  MM.  Barthélémy,  Leprevost,  Lebrun,  Prumier  et  Goidner.  La 
maîtrise  de  Saint-Roch  exécutera  plusieurs  morceaux  de  M.  Vervoitte  et 
un  ceriain  nombre  de  chœurs  religieux  publiés  par  le  journal  La  Maîtrise, 
Les  soli  seront  chantés  par  M.  Hayet,  premier  ténor  solo  à  Saint-Roch 
et  par  MIle  Orwill. 

—  M.  Jacq.  Franco-Mendès,  l'habile  violoncelliste-compositeur,  donnera, 
le  mercredi  8  mai,  une  matinée  musicale  dans  les  salons  Bains  Tivoli. 

—  Concerts  Musard.  —  Mercredi  Ier  mai ,  réouverture  des  Concerts 
Musard.  La  bonne  société  parisienne  a  pris,  on  le  sait,  cet  établissement 
sous  son  patronage.  C'est  qu'aussi,  il  est  impossible  d'entendre  ailleurs 
une  musique  comparable  à  celle  que  fait  exécuter  dans  ce  jardin  délicieux, 
par  un  orchestre  tout  à  fait  d'élile,  le  maestro  Musard  II. 

—  Parmi  les  innombrables  recueils  de  cantiques  qui  se  publient  tous 
les  jours,  nous  avons  remarqué  les  Cantiques  faciles  pour  toutes  les 
fêtes  de  l'année,  de  M.  Alexandre  Lemoine.  Les  mélodies  de  ces  cantiques 
sont  généralement  d'un  style  simple  et  bien  appropriées  aux  paroles. 


J.-L.  Heugel,  dire 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgnos  fïi 


-Jacqu 


En  vente  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne. 


PRIÈRES  QUOTIDIENNES. 

Mises  en  musique  par 

A.  DE  PEELLAERT. 

A  une  ou    deux   voix* 

LesignedelaCroix. 
1.  Notre  père.  —    2.  Je  vous  salue  Marie. 

3.  Credo.  —    4.  Acte  de  foi  et  d'espérance. 

5.  Acte  do  charité.  —    6.  Acte  de  contrition. 

Chaque  moreeau  .-  1  fr.  —  Le  recueil,  net  :  3  fr. 


Paris.  CHOUDENS,  éditeur  des  œuvres  de  GOUNOD,  rue  Saint-Honoré ,  265. 


EN  VENTE. 


LA  STATU 

péra  en  li-ois  actes  de  MM.  J.  BÀBBIEË  et  If.  CABRÉ , 

Musique  de 


(  EN  VENTE. 


Airs,  Duos  ,  pour  toutes  les  voix  ,  avec  accompagnement  de  piano. 
Pour  paraître  demain  lundi. 


Transcriptions  ,  Fantaisies,  Danses,  pour  piano. 
Partition,  chant  et  piano,  in-8°,  prix  :  15  fr.  net. 


En  vente  Al  MAGASIN  DE  MUSIQUE  DU  CONSERVATOIRE,  rue  du  Faubourg-Poissonnière,  11,  E.  SA1NT-ÎIILAIRE ,  éditeur. 


L'opera-comique 
en  deux  actes 


LE  JARDINIER  GAL 


Musique  de 


AIRS    DÉTACHÉS    AVEC    ACCOMPAGNEMENT    DE    PIANO,    PAR    L'AUTEUR. 


Ouverture  pour  le  piano ,  in-8° 5 

Nos  1.  Couplets  chantés  par  M.  Crosti  :  Je  vais  vous  croquer 4 

2.  Couplets  chantés  par  M.  Ponchard  :  Quand  de  notre  village. . .  4 

3.  Couplets  chantés  par  MM.  Ponchard  et  Crosti  :  Le  Rossignol  et  la 

Fauvette * 


s  4.  Air  chanté  par  M.  Ponchard  :  II  a  raison,  Bastien 

5.  Ariette  chantée  par  M"e  Lemercier  :  Je  redeviens  Ninette 

6.  Brunette  chantée  par  Mlle  Lemercier  et  M.  Crosti:  Assis  auprès 


SOUS    PRESSE.    Fnrlitii 


de  Babet. 

7.  Romance  chantée  par  AI.  Crosti  :  Comme  autrefois. 

net  :   aï   fr.  —  Quadrille  par  18.   MARX  :    4    fr.   5©  c. 


DOUZE  MÉLODIES  NOUVELLES  DE  VICTOR   MASSÉ. 


N°s  1.  Le  Baiser  donné 4 

2.  Tristesse  d'Olympio 6 

3.  Le  Matin S 

4.  Pourquoi  ne  m'aimez-vous? 4 


Nos  5.  Bergerie 4 

6.  Regrets 4 

7.  Attente S 

8.  Rozette 4 


Nos   9.  Aurore 

10.  La  Plainte  du  Pêcheur 

11.  Voyage 

12.  Chanson  des  Lavandières,  duo  pour 

deux  voix  égales 


Michel  Bergson.  Sérénade  mauresque  pour  voix  de  ténor,  chantée  par  M.  Morini,  du  Théâtre-Italien 3    » 

Op.  44.  Un  orage  dans  les  lagunes,  caprice  pour  le  piano 7  50 

—     Sérénade  vénitienne  extraite  de  l'œuvre  44,  pour  le  piano 5    » 

—  Op.  50.  La  Zingara,  morceau  de  concert  pour  le  piano 7  50 

Lconie  Tonel.    Échos  du  bal,  impromptu-mazurka  pour  le  piano 6    » 

Astre  des  nuits,  berceuse  pour  le  piano 7  50 


En  vente  chez  GAMBOGI  frères,  éditeurs,  15,  boulevard  Montmartre. 


OPÉRA-COMIQUE 


MAITRE  CLAUDE 


MUSIQUE 

de 


JULES  COHEN. 


Ees  airs  détachés  avec  accompagnement  de  piano,  par  A.  BAZ1L.LE. 


Ouverture  pour  le  piano 7    50 

1.  Couplets  chantés  par  M.   Berthelier  :  Dans  le   Royal- 

Cravate "      " 

1  bis.  Les  mêmes,  transposés  pour  baryton 6      » 

2.  Romance  chantée  par  M.  Gourdin  :  Je  rêvais  un  peu  de 

gloire 3    50 

3.  Couplets  chantés  par  Mlle  Cordier  :  Dans  notre  auberge, 
Moi 


Monseigneur 3    50 

4.  Couplets  chantés  par  M.  Trov  :  Allons  au  Franc-Chasseur.    4      » 


5.  Chansoai  chantée  par  MIIe  Marimon  :  L'autre  jour,  sur  le 

bord  de  l'eau 

5  bis.  La  même ,  transposée  pour  mezzo-soprauo 

6.  Mélodie  chantée  par  M.  Gourdin  :  Ah  !  c'est  peut-être  du 


délire . 


7.  Couplets  chantés  par  Mlle  Marimon  :  Tous  les  deux  au 
bois,  allons  cueillir  la  noisette 


7  bis.  Les  mêmes,  transposes  pour  mezzo-soprano . 
POUR  PARAITRE  TRÈS-PROCHAINEMENT  : 


Partition  piano  et  chant , —  Net.    8 

(Arrangée  pour  la  conduite  de  l'orchestre.) 
Parties  d'orchestre Net.  50 


MCSARD.  Quadrille  pour  piano 

ETTLING.  Polka  pour  piano 

CRAMER.  Fantaisie  facile  pour  piano. 


3    50 
3    50 


4    50 
6      » 


764.  —  28e  Année. 

IV  33. 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


5~»>yr~g* 


NESTR 


JOURNAL 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


Dimanche  S  liai 

1SG1. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


EES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  O,  éditeurs. 

(lu  magasins  et ;  Abonnement  «le  Musique  «lu  MÉNESTREL  —  Vente  et  location  île  pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  JTournnl-Texte,  tous  les  dimanches  ;  2©  Mo 
Scènes,  Mélodies.  Itomances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  a  Albums- 
primes  illustres.  —  Un  an  :  15  fr.:  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2e  Mode  d'abonnement  :  Journnl-Tcite,  tous  les  dimanches  ;  ZO  Morceuui 
Fantaisies,  Valses.  Quadrilles,  paraissant  de  quinznine  en  quinzaine;  «  Alliimu 
prinic*  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger  :  21  fr. 


38  Mode  d'abonnement  contenant  le  Test 

Un  an  :  25  fr 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  : 

l»lct,  les  5«  Morcenux  de  chant  et  de  piano,  les  -a  Albn 


Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/ranco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  Bll.ir.il,  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  ta  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


!  Jean-Jncques  Rousseau ,  8.  —  2785 


SOMMAIRE. 


TEXTE. 


I.  Méhul  et  ses  œuvres  (3e  article).  P. -A.  Vieillard.  —  II.  Théâtre  impérial  de 
l'Opéra-Comique  :  première  représentation  de  Salvator  Bosa,  opéra  en  trois 
actes  de  M.  Duprato.  J.  Lovy.  —  III.  Dernier  concert  du  Conservatoire.  Ed. 
Viel.  —  IV.  Petite  chronique  :  une  vente  d'autographes.  A.  Dureao.  — V.  Nou- 
velles, Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  Je  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour  : 

MUSETTE, 

Souvenirs  du  Mont-Dore  ,  rondo  pastoral  de   Marmontel.  —  Suivra 
immédiatement  après  :  Guipures  et  Dentelles,  de  A.  Croisez. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  :  la 

CHANSON   A   BOIRE  , 

Chantée  par  Mlle  Marimon  dans  Barlcouf,  paroles  de  MM.  Scribe  et 
Boisseaux,  musique  de  J.  Offenbach.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Sœur  Mélanie,  scène-mélodie  de  A.  de  Villebichot  ,  paroles 
de  Mme  la  Csse  Olympe  M.  de  Lernay. 


MÉHUL  ET   SES  ŒUVRES. 

(  3e  article.  ) 

Le  grand  succès  de  Stralonice  avait  eu  lieu  au  commencement 
de  1792.  A  la  même  époque,  Méhul  fit  recevoir  au  grand  Opéra 
Adrien,  dont  Hoffmann  avait  fait  les  paroles.  Cetle  pièce  eut  la 
plus  étrange  destinée,  destinée  qui  ne  fut  pas  sans  influence  sur 
celle  des  deux  auteurs.  Ni  Hoffmann  ni  Méhul  ne  jouèrent 
jamais  le  rôle  d'hommes  politiques  ;  mais  le  premier,  doué  d'in- 
finiment d'esprit  et  d'une  inflexibilité  de  caractère  à  toute 
épreuve,  au  lieu  de  donner  aucun  gage  à  la  Révolution  qui 
s'avançait  plus  menaçante  de  jour  en  jour,  ne  lui  fit  jamais  les 
moindres  concessions.  Adrien  n'était  rien  moins  que  ce  qu'il 
fallait  à  la  veille  du  10  août.  On  savait  que  le  héros  devait  y 
paraître  sur  un  char  traîné  par  quatre  chevaux  blancs,  dressés 


par  l'écuyer  Franconi  ;  sujet  d'attenle  et  d'impatience  pour  la 
curiosité  du  public,  mais  sujet  de  scandale  ou  plutôt  d'indigna- 
tion parmi  les  hommes  tout-puissants  qui  se  disposaient  à  faire 
feu  sur  la  monarchie.  On  sent  bien  surtout  qu'après  le  10  août 
le  char  d'Adrien  entra  sous  la  remise.  Il  n'en  devait  sortir  qu'en 
1799,  dans  les  derniers  jours  du  Directoire. 

Ce  fut  avec  Arnault,  jusqu'alors  monarchiste  très-prononcé  et 
qui  le  redevint  sous  l'empire,  que  Méhul,  en  1793,  mit  en  scène 
à  l'Opéra  Horalius  Coclès,  sujet  républicain.  L'ouvrage  n'était 
qu'en  un  acte  et  fit  peu  de  sensation  ;  mais  lié  avec  M.-J.  Ché- 
nier,  Méhul  obtint  un  succès  très-réel  dans  le  Chant  du  départ, 
le  seul  de  tous  les  hymnes  enfantés  par  la  Révolution  qui  ait  pu 
se  soutenir  à  côté  de  la  Marseillaise  et  presque  à  sa  hauteur. 
Méhul  mit  encore  en  musique  le  Chant  de  victoire,  le  Chant  du 
retour  et  les  chœurs  de  la  tragédie  de  Timoléon,  par  Chénier. 

Dans  les  années  néfastes  de  1793  et  1794,  le  Jeune  Sage  et  le 
Vieux  Fou,  bouffonnerie  sans  gaieté  d'Hoffmann,  mais  où  l'on 
applaudissait  avec  transport  un  air  charmant  chanté  par  Solié, 
Phros'me  et  Mélidore,  sont  les  seules  traces  du  passage  de  Méhul 
sur  la  scène  lyrique.  Le  sujet  de  Phros'me  et  Mélidore  est,  sous 
d'autres  noms,  celui  de  Héro  et  Léandre,  et  Arnault  avait  fait 
ressortir  jusqu'au  dégoût  l'inconvenance  d'un  pareil  sujet,  en  y 
ajoutant  encore  le  scandale  de  l'amour  d'un  frère  pour  sa  sœur. 
Ces  taches  durent  faire  proscrire  à  la  scène  un  ouvrage  que  de 
nombreuses  beautés  musicales  auraient  dû  y  maintenir  ;  mais  on 
sait  que  la  pruderie  révolutionnaire  n'entendait  pas  raison  en 
fait  de  mœurs. 

Enfin,  lorsque  vint,  après  le  9  thermidor,  le  premier  apai- 
sement de  la  tourmente;  lorsque  la  société,  échappée  à  la  des- 
truction, put  en  venir  a  compter  ses  plaies  et  à  essayer  de  les 
cicatriser,  elle  appela  presque  tout  d'abord  les  beaux-arts  à  son 
secours,  et  le  mois  d'août  1795  vit  l'organisation  du  Conserva- 
toire national  de  musique,  dont  le  premier  directeur  fut  le  res- 
pectable Sarrette,  mort  tout  récemment,  et  qui,  sous  divers  chefs 


178 


LE  MÉNESTREL. 


et  sous  divers  régimes,  dirigea  pendant  plus  de  soixante  ans  avec 
éclat,  en  France,  les  destinées  de  l'art  musical.  Dès  l'origine  du 
Conservatoire,  Méhul  y  fut  attaché  comme  l'un  des  trois  inspec- 
teurs généraux  de  l'enseignement.  Il  fit  aussi  partie  de  l'Institut 
national  dès  l'époque  de  sa  création,  en  1796  (an  IX). 

Méhul  se  trompa  lorsqu'en  1795  il  fit  représenter  à  l'Opéra- 
Comique  une  pièce  dont  le  sujet  était  emprunté  à  l'épisode  de  la 
Caverne  des  voleurs,  dans  le  roman  de  Gil  Dlas,  épisode  déjà 
mis  en  scène  en  1793,  an  théâtre  de  la  rue  Feydeau,  et  auquel 
le  mérite  éminent  de  la  partition  de  Lesueur  et  l'admirable  talent 
de  madame  Scio  avaient  valu  le  succès  le  plus  éclatant  et  le  mieux 
justifié.  De  quelques  moyens  que  soit  doué  un  auteur,  il  réussit 
bien  rarement  en  venant  établir  une  concurrence  avec  l'ouvrage 
depuis  longtemps  en  possession  de  la  faveur  du  public.  Je  ne 
vois  guère  que  l'incomparable  Rossini  qui  ait  résolu  cette  ques- 
tion tout  à  son  avantage  contre  Paesiello,  dans  le  Bailler  de 
Se'viUe,  et  encore  ne  fut-ce  pas  d'abord  sans  contestation. 

Un  fait  presque  sans  analogue  dans  les  fastes  lyriques  vint,  en 
1797,  s'attacher  au  nom  de  Méhul.  On  sait  où  en  était  en  France 
l'opinion  publique  aux  approches  du  18  fructidor.  On  ne  chan- 
tait point  alors  tout  haut  Vive  Henri  Quatre!  mais  beaucoup 
de  cœurs  murmuraient  tout  bas  ce  dicton  encore  populaire.  Le 
Jeune  Henri,  où  Bouilly  le  dramaturge  avait  mis  à  la  scène  une 
aventure  galante  des  premières  années  du  Réarnais,  fut-il  une 
des  manifestations  de  cette  disposition  des  esprits?  Je  l'ignore 
absolument  :  je  n'étais  pas  alors  à  Paris,  et  je  n'ai  jamais  lu  la 
pièce,  qui,  je  crois  même,  n'a  pas  été  imprimée.  Ce  que  je  puis 
dire,  c'est  que  l'épreuve  ne  fut  pas  heureuse  et  qu'elle  aboutit  à 
une  chute  complète.  Il  me  paraît  au  reste  très-vraisemblable  que 
les  partisans  du  Directoire  durent  faire  à  cette  œuvre,  bonne 
ou  mauvaise,  une  rude  guerre. 

Mais,  bien  différent  fut  le  sort  du  librettiste  et  celui  du  musi- 
cien. Si  le  premier  tomba  lourdement,  le  second  fut  porté  aux. 
nues,  et  l'ouverture  du  Jeune  Henri,  symphonie  où  étaient  re- 
tracées sous  les  formes  les  plus  grandioses  et  les  plus  pittoresques 
la  marche,  les  développements  et  toutes  les  péripéties  d'une 
chasse  royale,  électrisa  tellement  l'auditoire,  qu'il  voulut  l'en- 
tendre deux  fois  de  suite  avant  le  lever  du  rideau.  Ce  n'est  pas 
tout  :  après  l'avoir  fait  baisser  sur  l'ouvrage,  le  public,  insatia- 
ble de  la  musique,  voulut  avoir  une  troisième  audition  de  l'ou- 
verture et  la  fit  recommencer  pour  clore  le  spectacle.  Elle  resta 
depuis  au  courant  du  répertoire,  reparut  souvent  sur  l'affiche,  et 
toujours  son  exécution  excita  les  transports  les  plus  vifs.  Combien 
de  fois  n'ai-je  pas  pris  ma  part  de  cet  enthousiasme,  poussé  pres- 
que jusqu'au  délire! 

J'aime  à  dire  qu'en  1800,  Bouilly  prit  avec  Chérubini  la  re- 
vanche la  plus  éclatante  du  fâcheux  échec  dont  tout  le  talent  de 
Méhul  n'avait  pu  le  garantir.  Les  paroles  eurent  peut-être  autant 
de  part  que  la  musique  au  succès  des  Deux  Journées,  et  ce  suc- 
cès, le  plus  grand  et  le  plus  prolongé  que  le  compositeur  ait  ob- 
tenu au  théâtre,  aurait  suffi  pour  consacrer  son  nom. 

Revenons  à  Méhul.  Enfin,  en  1799,  l'Opéra,  qui  se  mourait 
d'inanition,  parvint  a  arracher  l'autorisation  du  Directoire  pour 
la  mise  en  scène  à' Adrien;  mais  les  pentarques,  qui,  d'ailleurs, 
tiraient  sur  leur  fin,  peu  attachés  aux  pompes  monarchiques,  ne 
voulurent  pas  faire  les  frais  de  l'attelage  annoncé  depuis  huit  ans, 
suppression  qui  nuisit  beaucoup  au  prestige  de  la  scène.  Aussi 
l'ouvrage,  quoique  fort  applaudi,  et  qui  méritait  de  l'être  parle 
grandiose  des  tableaux,  sinon  par  l'intérêt  du  sujet,  par  le  ca- 
ractère élevé  de  la  composition  plutôt  que  par  la  variété  des 


effets;  qui,  en  un  mot,  n'offrait  qu'à  trop  petite  dose  ce  qu'on 
va  surtout  cherchera  l'Opéra,  le  prestige  des  tableaux  qui  char- 
ment les  yeux,  n'obtint  qu'un  grand  succès  d'estime,  attrait  in- 
suffisant pour  attirer  et  surtout  pour  retenir  la  foule.  Adrien  ne 
put  se  maintenir  au  répertoire. 

Un  autre  grand  ouvrage,  Ariodant,  drame  héroïque  en  trois 
actes,  joué  à  l'Opéra-Comique,  et  dont  Hoffmann  avait  fabriqué 
le  canevas,  eut  un  destin  beaucoup  plus  heureux.  Ici,  il  y  eut 
de  prime  abord  succès,  et  succès  d'enthousiasme.  Je  n'hésite 
point  à  en  rapporter  presque  exclusivement  l'honneur  à  Méhul  : 
la  partition  d' Ariodant  est  de  la  plus  grande  richesse.  Le  final 
du  premier  acte  est  l'un  des  plus  beaux  qu'il  y  ait  au  théâtre  : 
au  second  acte,  la  fête  nocturne  où  est  encadrée  cette  délicieuse 
romance  qui  vivra  autant  que  la  musique, 

Femme  sensible,  entends-tu  le  ramage, 
le  grand  monologue  d'Ina,  qui  renferme  un  cantabile  et  un  air 
de  développement  du  caractère  le  plus  pathétique  et  le  plus 
élevé;  les  élégantes  mélodies  de  l'air  de  Dalinde,  Calmez  cette 
colère,  enfin,  l'harmonie  terrifiante  de  la  marche  qui,  au  troi- 
sième acte,  précède  le  jugement  de  Dalinde,  prise  pour  Ina,  tout 
cela  révèle  la  touche  du  grand  maître  et  constitue  l'ensemble 
d'une  composition  du  plus  grand  mérite. 

Quant  au  poume,  il  offre  sans  doute  de  l'intérêt  et  des  parties 
de  dialogue  bien  traitées;  mais  l'action  est  embarrassée  et  par- 
fois se  traîne  au  lieu  de  marcher.  Il  y  a  aussi  dans  le  style  de  la 
boursouflure,  ce  qui  n'empêche  pas  qu'il  n'y  ait  en  même 
temps  de  la  trivialité.  Je  ne  sais  si  c'est  un  reste  d'impression 
causée  par  le  travail  que  j'ai  fait  jadis  sur  cette  pièce,  en  essayant 
de  la  parodier  ;  mais  il  me  semble  qu'Hoffmann,  d'ordinair  si 
vif  et  si  spirituel,  a  plus  d'une  fois  sommeillé  sur  le  manuscrit 
d' Ariodant. 

Delà,  je  crois,  le  principe  de  la  préférence  que  le  public  a 
toujours  donnée  à  Monlano  et  Stéphanie  sur  Ariodant,  plus  lar- 
gement traité  dans  la  même  donnée,  mais  d'une  allure  bien  plus 
lente  et  moins  saisissante  dans  ses  résultats. 

En  1800,  Méhul  fit,  en  société  avec  Chérubini,  la  musique 
d'Êpicure,  opéra-comique  de  Demoustiers,  en  trois  actes  et  en 
vers.  Le  public  ne  prit  aucun  goût  à  cet  ouvrage,  d'un  caractère 
équivoque  et  d'une  froideur  glaciale.  Il  fallait  tout  le  charme  et 
la  passion  de  Slratonice  pour  sauver  ce  que  la  gravité  historique 
du  costume  et  du  style  grec  avait  de  trop  sévère  pour  les  habi- 
tués de  l'Opéra-Comique.  Ce  fut  aussi  ce  qui  arrêta  le  succès  de 
Blon,  après  un  très-petit  nombre  de  représentations,  quoique 
cette  espèce  de  pastorale  héroïque  d'Hoffmann  et  Méhul,  inter- 
prétée par  l'élite  des  chanteurs  du  théâtre,  eût  fait  d'abord  ap- 
plaudir, à  côté  d'un  dialogue  semé  de  traits  brillants,  de  ravis- 
santes mélodies. 

Quelques  jours  seulement  après  Blon,  Ylralo  vint  substituer 
la  parodie  italienne  aux  gracieux  tableaux  de  la  Grèce.  Le  petit 
théâtre  de  la  rue  Chantereine,  à  peine  baptisé  du  nom  glorieux 
de  théâtre  de  la  Victoire,  venait  de  faire  exhibition  d'une 
troupe  de  virtuoses  italiens,  parmi  lesquels  brillaient  plusieurs 
talents  de  premier  ordre  et  qui  excitaient  fortement  l'attention  et 
les  sympathies  du  public  parisien.  Un  essai  de  parodie  de  la 
grande  école  allemande,  signé  de  mon  nom,  avait  été  accueilli 
le  dernier  jour  de  l'année  1800,  au  théâtre  Favart,  par  un  im- 
mense éclat  de  rire  des  spectateurs.  Que  le  goût  et  la  mémoire 
d'Haydn  et  de  Garât  veuillent  bien  le  pardonner  à  ce  public, 
et  à  moi  aussi  1  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  goguette  de  quelques 
jours  mit  le  théâtre  en  belle  humeur,  et  le  19  février  1801, 


MUSIQUE  ET  TFIÉATRES. 


179 


VIrato  ou  l'Emporté,  opéra-comique,  transplanté,  disait  l'affi- 
che,  du  sol  d'Italie  sur  notre  terroir  français,  y  prenait  racine  à 
In  place  du  Premier  homme  du  monde,  ou  la  Création  du  som- 
me)'/, parodie  du  grand  chef-d'œuvre  d'Haydn,  intitulé  la  Créa- 
don. 

L'affiche  du  théâtre  indiquait  comme  auteur  de  la  musique 
de  l'Iralo  un  signor  Fiorelli,  dont  le  nom  n'était  pas  connu  en 
France,  mais  que  tous  les  échos  de  l'Opéra-Comique  proclamaient 
à  l'avance  le  type  du  genre  italien  le  plus  à  la  mode.  Le  fait  est 
que  sous  le  nom  de  Fiorelli  se  cachait  Méhul,  et  que  l'amorce 
présentée  au  public  avait  pour  but  de  tourner  son  plaisir  exoti- 
que en  ridicule,  en  l'amenant  à  bafouer  quelques  étrangetés 
scéniques  qui  déparaient  le  merveilleux  effet  des  mélodies  de 
Sarti,  de  Paesiello  et  deCimarosa. 

Marsollier,  qui  ne  traitait  guère  avec  succès  que  le  genre  élé- 
giatique,  fut  le  complice  de  Méhul,  dans  la  parade  qu'ils  lancè- 
rent au  public  comme  une  production  italienne  du  meilleur  aloi. 
Le  public  y  fut-il  pris?  Je  n'en  sais  rien,  et  mémo,  je  n'y  crois 
guère  ;  cela  n'empêcha  pas  que  le  succès  ne  fût  immense,  et  long- 
temps soutenu.  C'est  là  tout  ce  qu'il  faut  au  théâtre. 

Il  faut  pourtant  en  convenir,  VIrato,  bouffonnerie  très-spiri- 
tuelle, manquait  de  franche  gaieté.  Talents  ingénieux  et  remplis 
de  grâce,  Méhul  et  Marsollier  étaient  des  esprits  sérieux,  et  qui 
connaissaient  peu  le  rire.  L'élément  comique  était  bien  plus  vi- 
vace  chez  Hoffmann  que  chez  Marsollier.  Voyez  les  Rendez  vous 
bourgeois  à  côté  de  VIrato,  et  comparez  aussi  cette  parade  guin- 
dée à  l'exhilarant  Tableau  parlant. 

Cependant,  un  admirable  quatuor,  resté  comme  un  type  de 
coupe  musicale,  et  conduit,  à  la  scène,  par  Martin  avec  une  in- 
telligence et  une  verve  merveilleuses,  cinq  ou  six  morceaux  d'une 
originalité  brillante  sans  avoir  nullement  le  cachet  italien,  la  ca- 
ricature ultra-plaisante  d'Elleviou,  dans  le  personnage  de  Lysàn- 
dre,  et  de  Dozainville  dans  celui  du  docteur  Balouard,  la 
perfection  du  chant  de  Martin,  Solié  et  Philis-Andrieux,  ne  per- 
mirent pas  d'apercevoir  les  défectuosités  de  composition,  et 
surtout  la  méprise  sur  la  question  musicale  à  laquelle  on  avait 
attaché  l'effet  de  l'ouvrage.  J'ai  déjà  dit  que,  jugé  en  dehors  de 
cette  question,  il  n'en  réussit  pas  moins. 

P. -A.  Vieillard. 

(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

Salvator  Rosa,  opéra-comique  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Eugène 
,Grangé  et  Henri  Trianon,  musique  de  M.  Duprato. 

Voici  venir  un  homme  du  métier ,  un  des  jeunes  et  bons  mu- 
siciens de  l'école  française.  Avec  M.  Duprato  (l'auteur  des 
Trovalelles) ,  nous  tournons  le  dos  à  l'avenir ,  à  la  fantaisie,  à 
la  mélopée  vague  et  flottante;  avec  lui  nous  rentrons  dans  les 
formules  usitées ,  nous  faisons  même,  s'il  vous  plaît,  une  petite 
incursion  dans  l'école  italienne  ,  nous  côtoyons  Verdi  et  Doni- 
zelli,  avec  leur  chaude  canlilène  et. . .  leur  grosse  caisse. 

Le  librelto  dont  s'est  inspiré  cette  fois  M.  Duprato  appartient 
un  tant  soit  peu  au  genre  bouffe.  La  pièce  n'est  pas  précisément 
un  chef-d'œuvre,  et  l'on  ne  se  trouve  pas  saisi  d'un  bien  vif  in- 
térêt pour  les  divers  personnages  qui  concourent  à  l'action  ; 
mais  le.  tout  s'agence  avec  assez  d'animation  pour  fournir  pré- 
texte à  des  mélodies,  à  des  chansons,  à  des  duos,  à  des  morceaux 
d'ensemble  des  mieux  réussis. 


Au  lever  du  rideau  une  troupe  de  bateleurs  fait  rage  sur  une 
place  publique  de  Borne;  mais  les  badauds  n'affluent  pas.  L'art 
est  dans  le  marasme,  comme  dit  Bilboquet.  Nos  saltimbanques 
n'ont  pas  fait  leurs  frais,  et  leur  aubergiste  les  menace  de  la  pri- 
son s'ils  ne  payent  pas  son  mémoire.  Survient  Salvator  Rosa,  le 
peintre  aventurier;  il  s'intéresse  aux  bateleurs  et  répond  pour 
eux.  Il  n'engage  pas  sa  signature,  mais,  séance  tenante,  il  fait  le 
portrait  de  l'aubergiste,  qui  l'accepte  avec  joie  pour  solde  de 
son  mémoire. 

Salvator  Rosa  se  met  ensuite  à  fraterniser  le  verre  en  main 
avec  cette  honorable  troupe  nomade.  Il  raconte  qu'il  revient 
d'une  grande  tournée  à  Venise,  à  Milan,  à  Florence,  et  qu'il  a 
hâte  de  revoir  Antonio,  son  élève  chéri.  Antonio  est  le  fils  d'un 
homme  que  Salvator  a  eu  le  malheur  de  tuer  en  duel  ;  il  a 
adopté  l'orphelin  en  prenant  l'engagement  de  le  protéger  et 
d'assurer  son  avenir. 

A  point  nommé  voici  Antonio  qui  traverse  la  place ,  l'œil 
morne,  l'air  désespéré.  Le  jeune  homme  est  éperdument  amou- 
reux de  Lorenza  ;  mais  un  féroce  tuteur,  il  signor  Capuzzi,  vient 
chaque  fois  contrecarrer  ses  sérénades  et  déjouer  ses  espérances. 
—  Il  faut  enlever  la  belle  !  dit  Salvator  :  laisse-moi  faire!  — 
Et  il  donne  ses  instructions  à  sa  troupe  de  bateleurs. 

Ceux-ci  vont  tambouriner  et  annoncer  par  la  ville  que  l'illustre 
Formica,  l'émule  des  Pulcinella,  n'est  pas  mort,  et  qu'il  va  faire 
son  apparition  sur  la  place.  La  foule  accourt,  et  Salvator,  af- 
fublé du  costume  de  Formica  ,  se  livre  à  une  grande  parade. 
Lorenza  et  son  tuteur,  attirés  par  la  parade,  se  mêlent  aux  ba- 
dauds. Salvator  y  comptait  bien  :  il  prend  à  partie  le  vieux 
Bartholo;  celui-ci  se  fâche,  et,  profitant  de  la  bagarre,  les  bate- 
leurs enlèvent  Lorenza  cl  la  transportent  chez  Salvator. 

Il  faut  vous  dire  ici  que  Salvator  a  eu  occasion  de  voir  Lorenza 
dans  un  couvent  de  Florence.  Déjà  même  la  jeune  pupille  de 
Capuzzi  s'était  senti  un  faible  pour  le  peintre  aventurier;  mais 
la  donna  e  mobile  :  aujourd'hui  Antonio  a  remplacé  Salvator 
dans  le  cœur  de  notre  belle. 

En  retrouvant  Lorenza,  Salvator  sent  se  ranimer  sa  flamme 
(vieux  style).  Antonio  le  surprend  en  pleine  déclaration,  l'ap- 
pelle traître,  et  le  provoque  en  duel.  De  son  côté,  Capuzzi,  à  qui 
sa  pupille  est  rendue,  se  montre  très-disposé  à  la  donner  à  Sal- 
vator Rosa,  devenu  un  artiste  célèbre  et  nommé  peintre  ordinaire 
du  Vatican.  Le  vieux  tuteur  stipule,  pour  condition  essentielle 
du  mariage,  le  don  que  lui  fera  Salvator  de  sa  galerie  de  ta- 
bleaux, car  le  Barlholo  sait  qu'elle  vaut  son  pesant  d'or. 

La  noce  se  préparc  ;  mais  l'heure  fixée  pour  le  duel  approche 
aussi,  et  le  souvenir  du  père  d'Antonio  assiège  l'esprit  de  Sal- 
vator. L'épée  lui  tombe  des  mains  dès  qu'Antonio  croise  le  fer 
avec  lui.  La  cloche  de  V Angélus  achève  l'œuvre  de  sacrifice  en 
rappelant  au  peintre  l'heure  fatale  où  le  père  d'Antonio  fut 
frappé  à  mort.  Salvator  prend  une  de  ces  résolutions  héroïques 
déjà  exploitées  au  théâtre  :  il  trinque  avec  les  bateleurs,  entonne 
des  refrains  bachiques,  et,  simulant  l'ivresse,  il  se  fait  compléle- 
.tent  désaimer  par  Lorenza,  ce  qui  lui  permet  de  rendre  à  son 
jeune  protégé  la  main  et  le  cœur  de  la  belle.  —  Le  tuieur  n'en 
aura  pas  moins  sa  galerie  de  tableaux. 

Comme  vous  voyez ,  les  éléments  bouffes  dominent  dans  ce 
canevas.  Le  cœur  de  Lorenza  est  trop  flottant  pour  captiver 
l'intérêt.  Antonio  seul  accuse  quelques  lueurs  de  passion.  L'ac- 
tion est  donc  essentiellement  comique,  avec  une  légère  intermit- 
tence de  drame  ;  mais  il  n'en  faut  pas  davantage  pour  motiver 
une  très-agréable  musique  franco-italienne. 


180 


LE  MÉNESTREL. 


Le  premier  acte  de  la  partition  est  le  moins  riche.  Pourtant 
nous  y  avons  remarqué  plusieurs  morceaux  clignes  d'Être  signa- 
lés :  entre  autres  le  boléro  de  M"e  Lemercier  :  La  recelte  est  un 
problème  ;  le  chœur  fugué  :  En  prison  !  et  la  ronde  des  bate- 
leurs, chantée  par  Crosti  (Salvalor) ,  couplels  d'une  facture  ori- 
ginale que  le  public  a  redemandés.  Quant  à  la  parade  de  Formica, 
elle  brille  beaucoup  plus  par  son  caractère  bouffe  que  par  sa 
valeur  intrinsèque.  —  Au  deuxième  acte  nous  avons  le  grand 
air  de  Lorenza  :  Par  le  sommeil  j'étais  bercée,  que  termine  un 
brillant  allegro  en  mouvement  de  valse  ;  un  trio  d'une  excel- 
lente coupe,  le  grand  duo  de  la  provocation  et  le  final  ;  ces  deux 
dernières  pages  portent  les  empreintes  de  l'école  italienne  d'une 
façon  frappante ,  y  compris  la  grosse  caisse.  —  Le  troisième 
acte ,  qui  nous  semble  le  mieux  réussi ,  nous  offre  d'abord  un 
joyeux  divertissement  de  noces  :  les  chants  et  les  danses  s'y  com- 
binent avec  une  vive  tarentelle,  ornée  d'un  rapide  et  coquet 
accompagnement  de  flûte,  —  tarentelle  que  l'ouverture  avait  déjà 
escomptée.  Dans  ce  ballet  se  trouve  intercalée  la  chanson  de  l'Er- 
mite, avec  refrain  en  chœur.  Ces  couplets,  d'un  tour  piquant,  dits 
par  M1  Ie  Lemercier,  ont  été  bissés,  et  des  salves  de  bravos  ont  éclaté 
à  la  reprise  du  divertissement.  —  Vient  ensuite  un  duo  entre 
Antonio  et  Lorenza  :  Quand  de  vos  yeux  sur  moi  tombe  la  (lammc, 
morceau  assez  passionné,  dont  Warot  et  M"0  Saint-Urbain  ont 
fait  vaillamment  les  honneurs.  —  Mentionnons  enfin  la  cava- 
tine  de  Salvator  :  Rêves  de  joie  et  de  bonheur,  morceau  d'un 
beau  caractère;  et  le  rideau  tombe  sur  la  reprise  de  la  ronde  des 
bateleurs,  qu'on  avait  applaudie  au  début  de  la  pièce. 

Voilà  donc,  tout  compte  fait,  sauf  quelques  défaillances  ou 
réminiscences,  un  opéra-comique  sainement  constitué,  et  que 
les  augures  déclarent  viable. 

Crosti  tient  le  rôle  principal  d'une  façon  très-satisfaisante.  Il 
a  exécuté  sa  grande  parade  avec  entrain,  donné  un  bon  cachet 
de  mélancolie  à  sa  cantilène  du  dernier  acte,  et  peut  aussi  re- 
vendiquer sa  part  du  succès  de  la  ronde  des  bateleurs.  Warot 
(Antonio)  a  recueilli  de  légitimes  applaudissements,  surtout  dans 
les  deux  duos.  M1Ie  Saint-Urbain  (Lorenza)  s'est  spécialement 
distinguée  dans  son  grand  air,  dont  la  couleur  italienne  semble 
appropriée  à  son  organisation.  Bamboccio,  le  gracieux  pitre  de 
la  troupe  des  bateleurs,  trouve  en  Mlle  Lemercier  une  interprète 
pleine  de  verve,  comme  on  pouvait  s'y  attendre.  Lemaire,  Na- 
than etPalianti  complètent  l'ensemble  de  la  pièce.  Lemaire, 
qui  représentait  le  tuteur,  a  lutté,  — avec  un  courage  héroïque 
et  souvent  malheureux,  — contre  un  des  plus  formidables  en- 
rouements qui  se  soient  jamais  épanouis  devant  la  rampe,  —  ce 
qui  donnait  je  ne  sais  quel  prestige  de  férocité  tragi-comique  à 
ce  Bartholo  de  la  décadence. 

J.  Lovy. 


DERNIER  CONCERT  DU  CONSERVATOIRE. 

La  belle  symphonie  en  la  mineur  de  Mendelssohn  ouvrait  la 
séance  de  dimanche  dernier  ;  aujourd'hui  mieux  comprise,  et 
par  conséquent  mieux  appréciée,  cette  remarquable  composition 
a  reçu  un  accueil  des  plus  sympathiques.  Quant  aux  fragments 
d'Alcesle,  déjà  exécutés  il  y  a  quelques  semaines,  ils  ont  vu  se 
renouveler  avec  un  égal  enthousiasme  le  double  triomphe  et  du 
maître  et  de  l'interprète  ;  Mme  Viardot  a  notamment  soulevé 
toute  la  salle  dans  ses  deux  airs  :  Non,  ce  n'est  point  un  sacri- 
fice.... et  :  Divinités  du  Slyx La  grande  artiste  n'a  pas  ob- 


tenu, un  moindre  succès  dans  l'air  d'Electre  de  ['Idoménée  de 
Mozart  :  sans  être  à  la  hauteur  surhumaine  de  la  grande  scène 
de  ténor  avec  chœurs,  cette  page  a  beaucoup  de  force  et  de  cha- 
leur. Mozart  n'avait  guère  plus  de  vingt  ans  quand  il  écrivit 
Idoménée  ! 

On  a  fait  bisser  les  fragments  de  Promélhée  de  Beethoven, 
ce  qui,  —  sauf  erreur,  —  nous  a  procuré  le  plaisir  d'entendre 
six  fois,  celte  saison,  ces  divines  mélodies  dansantes. 

N'oublions  pas  la  berceuse  (chœur)  de  Blanche  de  Provence 
et  la  magnifique  ouverture  du  Freyschiitz,  enlevée  de  verve. 

11  y  a  eu  en  tout  onze  concerts,  y  compris  les  deux  soirées  de 
la  semaine  sainte  ;  les  travaux  de  la  société  ont  donc  été  relati- 
vement considérables,  et  on  peut  ajouter  que  d'heureuses  ten- 
dances se  sont  révélées  dans  la  composition  des  programmes. 
Une  part  plus  large  a  été  faite  à  Rossini  et  à  Mendelssohn.; 
enfin  Berlioz  a  été  admis  aux  honneurs  de  l'exécution  dans  l'en- 
ceinte des  Menus-Plaisirs. 

A  ces  éloges,  que  nous  donnons  avec  une  satisfaction  si  vive, 
nous  avons  le  regret  de  joindre  quelques  petits  semblants  de 
critique  :  Beethoven  a  été,  nous  paraît-il,  un  peu  négligé  cette 
année  ;  plusieurs  de  ses  œuvres  capitales,  entre  autres  Egmont, 
n'ont  pas  été  exécutées,  et,  ce  qui  est  plus  grave,  son  œuvre 
symphonique  n'a  pas  été  dit  en  entier. 

Mais,  nous  dira-t-on,  comment  concilier  ces  exigences  avec 
votre  désir  de  voir  s'agrandir  le  répertoire?  Nous  répondrons  : 
en  ne  recourant  aux  répétitions  qu'avec  une  extrême  réserve  ; 
or,  il  y  a  un  assez  grand  nombre  de  morceaux  qui  ont  paru  deux 
fois,  et  même  plus,  sur  l'affiche.  Le  système  recommandé  exige 
infiniment  plus  de  soins  et  de  peines,  nous  ne  l'ignorons  pas, 
mais  nous  savons  en  mémo  temps  que  les  membres  de  la  société 
no.reculent  devant  aucun  sacrifice,  dès  qu'il  s'agit  do  l'éclat  ou 
de  l'amélioration  de  l'institution  exceptionnelle  dont  ils  ont 
l'honneur  de  faire  partie. 

Terminons  en  accordant  un  juste  tribut  de  louanges  à  la  per- 
fection, d'ailleurs  proverbiale  et  accoutumée  de  l'orchestre,  à 
l'excellence  des  chœurs  ,  aux  soins  dévoués  de  leur  chef , 
M.  Vautrot,  et,  finalement,  à  M.  Tilmant,  l'habile  et  infatigable 
directeur  de  la  Société. 

E.  Viel. 


PETITE  CHRONIQUE. 

Une  vente  «S'ï»Mt©grapSaes. 

J'ai  plusieurs  fois  appelé  l'attention  des  lecteurs  de  ce  journal 
sur  l'importance  des  autographes  pour  ce  qui  touche  l'histoire 
de  l'art  et  de  ses  interprètes.  Je  ne  puis  donc  que  me  répéter 
en  annonçant  la  vente  qui  va  avoir  lieu  ces  jours-ci  (1),  et  tout 
en  exprimant  une  fois  de  plus  l'étonnement  de  voir  certaines 
lettres,  certains  détails  particuliers,  adressés  à  des  personnages 
vivants,  se  trouver,  à  peu  de  temps  de  leur  date,  offerts  à  des 
enchères  publiques. 

Voici,  au  hasard,  quelques-unes  des  pièces  de  celte  intéres- 
sante collection  en  ce  qui  concerne  la  musique  et  le  théâtre. 

Outre  un  certain  nombre  de  lettres  et  de  billets  relatifs  à  la' 
musique  et  signés  :  Adam,  Auber,  Beethoven,  Boïeldieu,  Ber- 
lioz, Carafa,  Chérubini,  Donizetti,  Elwart,  Gounod,  Halévy, 
Meyerbecr,  etc.,  etc.,  je  lis  une  lettre  fort  intéressante  de  Paga- 


(1]  Le  11  et  jours  suivants  :  M.  Laverdet,  expert. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


(81 


nini. ...  Le  beau  climat  de  Nice  lui  permet  d'espérer  quelque 
amélioration....  Au  milieu  de  ses  souffrances,  il  attend  des 
nouvelles  de  son  ami  et  de  celles  de  son  violon  d'Amati  :  il  de- 
mande quelques  violons  d'auleur,  de  Stradivarius,  de  Guarne- 
rius,  sains,  de  vernis  rouge  et  sonores... — Un  autre  violo- 
niste, Joseph  Ghys,  écrit  à  M.  Compans  au  sujet  d'un  concert 
qu'il  vient  de  donner  à  Paris, .. .  que  son  amour-propro  avait 
de  quoi  être  pleinement  satisfait  :  ce. . .  Baillot  m'accompagnait 
(j'en  étais  presque  honteux),  avec  Tulou,  Franchomme,  Galay, 
Habeneck;  l'illustre  Paër  était  au  piano  :  notez  que  le  premier 
coup  d'archet  solo  qui  ait  été  donné  aux  Tuileries  cet  hiver  est 
de  voire  serviteur;  LL.  MU.  n'aiment  que  le  chant. .  .  » 

Blasius,  l'ex-chef  d'orchestre  de  l'Opéra-Comique,  apprend 
avec  étonnement  que  Mme  Davrigny  veut  jouer  le  rôle  de  Délia 
dans  les  Trois  Sultanes.  «  Est-ce  qu'elle  veut  rire,  ou  espaire 
d'être  melleur  que  mademoisselle  Armand.  Celle-ci  a  regréez  le 
rôle. . .  A  la  vérité,  elle  ne  chanta  rien  de  ma  musique  la  pre- 
mière fois;  mais  la  seconde,  elle  chanta  un  air;  la  troisième, 
elle  chantera  deux. . .  Vous  voyez  qu'il  n'y  a  pas  de  doutte  que 
je  préfaire  une  femme  qui  chante  ma  musique  à  une  femme  qui 
m'écrit  des  sotisses  ».. .  —  Le  compositeur  Candeille  est  tout 
près  pour  la  représentation  de  son  Brulus,  que  le  Comilé  de 
salut  public  vient  d'ordonner  à  l'Opéra...»  Jean  Darius,  ancien 
chanteur  de  l'Opéra,  mort  centenaire  à  Rouen  il  y  a  deux  ans, 
écrit  à  son  cher  bienfaiteur  que...«  dans  ce  jour  solemnel,  un 
devoir  sacré,  dicté  par  la  reconnaissance,  il  vient  le  remercier 
d'avoir  soulagé  son  extrême  vieillesse. . .  «  Dans  mon  malheu- 
reux désastre,  en  perdant  simultanément  et  la  sueur  de  trente 
ans  de  sueur,  et  ma  famille  entière,  MM.  les  Francs-Maçons  de 
Rouen  vinrent  à  mon  secours;  par  bonheur,  j'avais  rempli  le 
devoir  sacré  que  la  nature  impose  aux  enfants  bien  nés,  en 
faisant  aux  auteurs  de  mes  joufs  une  pension  de  1200  fr. 
par  an;  voilà  ce  qui  fait  la  tranquillité  de  mon  âme  et  me  fait 
attendre  la  mort  sans  la  craindre.  » 

Voici  une  lettre  assez  comique  du  chef  d'orchestre  Jullien  ; 
c'est  une  véritable  esquisse  de  mœurs. ...  «  Si  ton  amiX. . . 
peut  écrire  un  article  sur  l'ouverture  du  Théâtre-Italien,  ou  la 
réouverture  de  l'Opéra,  leurs  perspectives  pour  l'hiver,  il 
pourra  le  faire  insérer. . .  Si  tu  peux  dire  un  bien  énorme,  exa- 
géré d'Alboni,  cela  facilitera  la  chose!!!  Prends  un  modèle, 
c'est-à-dire  copie,  ou  imite,  ou  arrange,  ou  dérange  un  article 
de  T.  Gautier  ou  de  J.  Janin  ou  de  Berlioz,  ou  même  un  mé- 
lange des  trois ,  ce  qui  est  encore  moins  reconnaissait  ;  2°  sois 
sobre  d'adjectifs,  c'est  le  genre  anglais;  ne  cherche  pas  à  être 
drôle,  ne  crains  pas  de  l'être,  écris  comme  cela  vient,  sois  sur- 
tout long,  c'est  encore  le  genre  anglais. . .  » 

Un  autre  chef  d'orchestre  compositeur,  qui  a  dirigé  les  bals 
de  la  salle  Valenlino,  Antony  Lamotte,  nous  apprend  quelles 
ont  élé  ses  études  musicales,  effectuées  dans  la  froide  austérité 
des  maîtrises  et  des  séminaires...  l'avenir  qui  lui  était  ré- 
servé sous  l'exploitation  de  confrères  ineptes,  les  nécessités  de 
la  vie,  etc. . .  Il  a  eu,  dans  son  orchestre  de  bals ,  sous  ses  or- 
dres et  en  qualité  de  simples  contre-bassiers,  deux  maîtres  de 
chapelle  d'églises  importantes  de  Paris.  Ces  deux  admirables 
industriels  vivaient  de  l'aulel  le  malin  et  du  bal  le  soir.  . . 
«  C'était  bien  la  peine,  en  vérité ,  de  porter  autrefois  toutes 
mes  aspirations  artistiques  vers  la  noble  profession  des  Pales- 
trina  et  des  Allegri,  quand  je  devais,  quelques  années  après, 
avoir,  sous  ma  baguette  de  ménétrier,  avec  la  faculté  de  les 


renvoyer  à  ma  fantaisie,  deux  adeptes  de  cet  ordre  musical... 
La  vie  est  parfois  une  amère  dérision!. .  » 

Un  certain  nombre  de  pièces  relatives  à  Talma  ne  manquent 
pas  d'intérêt;  le  billet  suivant,  par  exemple  :  «  Le  comte  de 
Rémusat, surintendant  des  spectacles,  a  bien  du  plaisir  à  annon- 
cer à  M.  Talma  que  l'empereur  Napoléon  le  recevra  quelquefois 
le  matin  à  son  déjeuner.  Il  n'aura  pour  cela  qu'à  se  présenter  à 
l'appartement  de  S.  M.  vers  neuf  heures  et  demie  du  matin...» 
Et  aussi  deux  lettres  d'Hippolyte  Ris,  contenant  la  relation  des 
duels  qui  eurent  lieu  à  Lille,  par  suite  du  séjour  de  Talma, 
entre  les  officiers  de  la  garnison  et  les  Lillois  :  «  Le  colonel 
voulait  faire  charger;  les  cartouches  étaient  distribuées;  mais 
les  canonniers  bourgeois  annoncèrent  qu'au  moindre  signe 
hostile,  ils  manœuvreraient  les  pièces  qui  se  trouvaient  sur  les 
remparts,  et  les  invincibles  Vendéens  défilèrent  piteusement 
entre  une  haie  de  gendarmes,  etc.,  etc.  » 

Citons,  pour  finir,  un  billet  piquant  de  M"e  Clara  Margue- 
ron,  de  Y  Opéra- Comique,  à  un  journaliste. . .  «  Un  vieux  pro- 
verbe dit  qu'on  prend  les  mouches  avec  du  miel,  et  non  avec  du 
vinaigre  ;  comme  vous  avez  cru  devoir  employer  avec  moi  ce 
dernier  moyen,  je  vous  prie  de  vouloir  bien  garder  voire  jour- 
nal...-» Et  celte  lettre  de  Martainville,  l'auteur  du  Pied  de 
mouton  :  «  Il  est  malade,  goutteux  et  non  en  disposition  de  bal, 
ni  de  fêle.  Il  n'a  pas  pourtant  voulu  que  sa  femme  se  privât  du 
plaisir  qui  lui  est  interdit  :  il  est  bon  malade  et  bon  mari.  Elle 
ira  donc  à  la  fêle,  accompagnée  du  général  Guilleminot,  leur 
ami.  Il  se  consolera  en  rendant  compte  du  plaisir  de  celte  char- 
mante nuit,  de  n'avoir  pu  la  partager  ;  il  ressemblera  à  cet  eu- 
nuque persan  qui  a  fait  un  poëme  sur  les  délices  de  l'amour.  » 

Je  ne  mentionne  pas,  et  pour  cause,  les  billets  intimes  ;  on 
frémit  en  songeant  que  rieu  ne  se  perd. . .  et  qu'il  n'y  a  pas  de 
grand  homme  pour  un  amateur  d'autographes. 

A.   DCBEAU. 

NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Le  théâtre  avait  une  large  part  dans  le  programme  de  la  soirée 
donnée  dimanche  aux  Tuileries.  L'intermède  se  composait  des  Suites  d'un 
bal  masqué,  jouées  par  Delaunay ,,  Leroux,  Delphine  Fix  et  Madeleine 
Brohan;  et  de  la  Pluie  et  leBeau  Temps,  proverbe  inédit  de  SI.  Léon  Gozlan, 
interprété  par  Mme  Arnould-Plessy,  Bressant  et  Coquelin.  Cetle  petite 
comédie  avait  élé  jouée  pour  la  première  fois  deux  jours  auparavant  chez 
M.  Jules  Sandeau,  l'académicien.  Artistes  et  auteurs  ont  reçu  les  plus  vives 
félicitations  de  la  part  de  LL.  MM. 

—  L'exposition  de  1861,  des  beaux-arts,  s'est  ouverte  mercredi  der- 
nier, 1er  mai,  à  la  foule  des  Parisiens  et  étrangers  avides  chaque  année 
d'un  spectacle  toujours  le  même,  et  cependant  toujours  nouveau.  On  re- 
marque cette  année  de  belles  toiles  et  un  ensemble  de  sculpture  presque 
somptueux.  La  veille,  le  mardi,  LL.  MM.  avaient  honoré  de  leur  présence 
les  artistiques  galeries  du  Palais  de  l'Industrie,  qui,  sans  être  de  notre^ spé- 
cialité, nous  offriront  toutefois  le  sujet  d'une  modeste  revue  théâtrale  et 
musicale.  Les  bustes  et  portraits  d'artistes  notamment  n'y  brillent  point 
par  leur  absence. 

—  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  donnera  samedi  prochain,  11  mai, 
une  représentation  extraordinaire  an  bénéfice  de  la  petite-fille  de  Rameau. 
Pour  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'art  lyrique,  cette  soirée  offrira  un 
double  aurait,  celui  d'une  bonne  œuvre  associée  à  l'hommage  rendu  à 
l'une  de  nos  illustrations  musicales. 

—  On  sait  que  la  convention  internationale  pour  la  reconnaissance  de  la 
propriété  littéraire  et  artistique  entre  la  France  et  la  Russie,  dont  M.  le 
comte  de  Morny  avait  posé  les  bases,  est  restée  à  l'état  d'élaboration.  Les 
journaux  étrangers  annoncent  aujourd'hui  que  l'heureuse  initiative  prise 
par  M.  de  Morny  vient  d'aboutir,  et  que  M.  de  Courtois,  secrétaire  de 
la  légation  de  France  à  Saint-Pétersbourg,  est  arrivé  à  Paris,  porteur  du 
traité  dont  les  ratifications  ne  tarderont  pas  à  être  échangées. 


182 


LE  MÉNESTREL. 


—  A  Leipzig  on  a  représente  avec  quelque  succès  un  opéra  nouveau 
intitulé  :  le  Comte  de  Santarem,  musique  de  M.  Schliebner.  Le  livret  est 
imité  du  français. 

—  De  retour  d'Allemagne ,  Roger  s'est  installé  dans  son  beau  château 
de  Villiers,  dont  une  partie  s'est  transformée  en  Conservatoire  interna- 
tional. Déjà  l'Allemagne  envoie  ses  pensionnaires,  et  les  cours  vont 
commencer  avec  la  première  quinzaine  de  mai.  On  sait  que  l'art  drama- 
tique lyrique  est  l'objet  spécial  de  ces  cours. 

—  L'énigme  suivante,  insérée  dans  la  Gazette  musicale  de  l'Allemagne 
du  Sud,  prouve  avec  quelle  exactitude  et  quelle  sagacité  les  correspon- 
dants allemands  mettent  leur  pays  au  courant  de  ce  qui  se  passe  à  Paris  : 
«  Ponsard,  le  célèbre  professeur  de  chant  au  Conservatoire  de  Paris  (  ??), 
avait  une  remarquable  collection  d'instruments  de  musique  de  toutes  les 
époques.  La  ville  de  Paris  vient  d'acheter  cette  collection  pour  en  doter 
le  Conservatoire.»  Ainsi,  non -seulement  le  correspondant  confond 
M.  Clapisson  avec  l'académicien  Ponsard,  il  en  fait  encore  un  professeur 
de  chaut  ! 

—  Les  théâtres  de  Bruxelles  se  disposent  à  donner  des  représentations 
au  bénéfice  des  victimes  de  l'incendie  du  théâtre  des  Nouveautés. 

—  S.  M.  le  roi  des  Belges  vient  de  faire  remettre,  par  son  ambassadeur 
à  Paris,  les  insignes  de  Tordre  de  Léopoldà  noire  pianiste-compositeur  et 
excellent  professeur  du  Conservatoire,  F.  Le  Couppey. 

—  Tous  les  artistes  ou  employés  du  grand  théâtre  de  Gand  se  sont  r  ''unis 
pour  offrir  à  M.  Vizentini,  directeur-artiste,  qui  est  à  la  veille  de  quitter 
la  troupe,  une  couronne  d'argent  massif ,  comme  témoignage  d'estime  et 
d'affection.  M.  Audran,  le  ténor,  a  prononcé  à  cette  occasion  quelques 
chaleureuses  paroles,  et  s'est  rendu  l'interprète  des  regrets  de  tous  ses 
camarades,  au  moment  de  cette  prochaine  séparation. 

—  On  l.t  dans  la  Maîtrise  :  «  Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  ras- 
surer les  personnes  qui  avaient  pu  concevoir  des  inquiétudes  sur  l'exis- 
tence et  l'avenir  de  l'École  de  musique  religieuse  de  Paris ,  fondée  et 
dirigée  par  notre  regrettable  ami,  M.  Niedermeyer.  Malgré  le  vide  que 
laisse  dans  l'établissement  la  perte  aussi  imprévue  qu'irréparable  de  son 
chef,  le  train  des  études  n'a  pas  subi  la  moindre  interruption,  et,  grâce 
au  concours  et  au  dévouement  des  professeurs  de  l'École,  toutes  les  parties 
de  l'enseignement  ont  marché  et  continueront  â  marcher  avec  la  plus 
parfaite  régularité.  M.  Niedermeyer  n'était  pas  seulement  un  directeur 
vigilant  et  un  administrateur  éclairé;  il  était  chargé  encore  de  trois  cours, 
le  cours  de  plain-chant  et  d'harmonie  appliquée  au  plain-chant,  le  cours 
de  composition  instrumentale,  et  le  cours  d'enseignement  supérieur  de 
piano.  Il  fallait  suppléer  M.  Niedermeyer  dans  ces  diverses  fonctions,  et 
ce  n'était  pas  chose  facile.  Voici  comment  les  rôles  ont  été  distribués.  Le 
savant  maître  de  chapelle  de  la  Madeleine,  M.  Dietsch,  déjà  inspecteur 
des  études  musicales  et  professeur  de  l'établissement,  exerce  les  fonctions 
de  directeur,  en  môme  temps  qu'il  enseigne  l'harmonie,  le  contre-point, 
la  fugue  et  la  composition  instrumentale.  Toutefois,  M.  Dietsch  n'a  consenti 
à  assumer  une  pareille  responsabilité  qu'autant  que  M.  le  prince  Ponia- 
towski,  déjà  président  de  la  commission  d'examen,  voudrait  bien  prendre 
le  titre  d'inspecteur  général  des  études,  titre  que  ce  dernier  a  accepté. 
M.  Loret  joint  à  la  classe  d'orgue  dont  il  était  professeur  la  classe  de  plain- 
chant  et  d'accompagnement  de  plain-chant.  M.  Camille  Saint-Saëns,  l'ha- 
bile organiste  de  la  Madeleine,  l'un  de  nos  premiers  pianistes-composi- 
teurs, et  qui  possède  son  Sébastien  Bach  (on  peut  le  dire  sans  figure,  sur 
le  bout  du  doigt) ,  est  entré  en  qualité  de  professeur  de  la  classe  supérieure 
de  piano  (première  division).  M.  Allairc  reste  chargé  de  la  classe  de  piano 
(seconde  division).  De  leur  côté,  M.  l'abbé  Ritouret  et  M.  l'abbé  Laurier 
restent  chargés  de  l'enseignement  religieux  et  littéraire.  La  comptabilité 
et  l'administration  sont  confiées  aux  soins  de  M.  Alfred  Niedermeyer  fils. 
Voilà  donc  l'École  de  musique  religieuse  de  Paris,  l'école-Niedermeyer, 
car  c'est  là  son  vrai  nom,  constituée  aussi  solidement  qu'elle  l'était  na- 
guère, et  aussi  digne  que  par  le  passé  de  l'intérêt  des  artistes,  de  la  con- 
fiance du  clergé  et  des  familles.  J.  d'Or... 

—  Nous  avons  le  regret  d'annoncer  que  M.  et  Mme  Meillet  viennent  de 
signer  un  engagement  avec  le  grand  théâtre  de  Marseille,  qui  a  l'ait  d'énor- 
mes sacrifices  pour  s'attacher  ces  deux  artistes.  C'est  une  perte  réelle  pour 
le  Théâtre-Lyrique. 

—  Le  20  avril  dernier,  la  Concordia  de  Mulhouse  a  donné  son  premier 
concert  dans  la  salle  de  la  Bourse,  sous  la  direction  de  l'habile  professeur 
et  compositeur  Joseph  Ueyberger.  Cette  fête  musicale,  défrayée  par  les 


œuvres  de  Beethoven,  Rossini,  Mendelssohn,  Meyerbeer,  Richard  Wagner, 
a  élé  fort  intéressante  et  promet  les  plus  heureux  résultats  pour  l'avenir. 

—  Voici  comment  s'exprime  f  Album  Angevin  au  sujet  du  talent  de 
M"c  Marimon,  de  l'Opéra-Comique,  actuellement  en  représentations  à 
Ange:s  :  «  Comme  chanteuse,  Mllc  Marimon  aconquis  les  suffrages  unani- 
mes. Sa  voix  n'a  pas  de  puissance,  mais  elle  est  très-fraîche,  et  réglée  par 
une  excellente  méthode.  Quelle  articulation  mordante  et  précise!  Quelle 
prononciation  nette  et  française!  Chez  Celte  jolie  artiste,  l'art  est  parfait; 
elle  vocalise  à  ravir.  On  ne  perd  pas  une  note  de  son  trait,  quelque  rapide 
et  audacieux  qu'il  soit!  C'est  d'une  pureté,  d'une  douceur  nuancée  dont 
on  connaît  peu  d'exemples.  Bien  que  Mlle  Marimon  accomplisse  des  pro- 
diges de  gosier,  elle  ne  trahit  aucun  de  ces  efforts  qui  causent  une  im- 
pression pénible.  Elle  est  toujours  souriante,  toujours  gracieuse,  la  char- 
mante artiste  ;  surpris  et  charmé,  l'on  se  demande  : 

«  Quel  oiseau  brillant  chante  dans  sa  voix  !  » 

—  M.  Eugène  Déjazet  a  obtenu  de  S.  Exe.  le  Ministre  d'État  l'autorisa- 
tion de  représenter  ses  productions  sur  son  théâtre.  Cette  autorisation, 
toute  spéciale,  a  des  limites.  Une  partie  de  chaque  représentation  et  la 
moitié  des  droits  de  chaque  soirée  devront  être  réservés  aux  autres 
auteurs. 

—  La  Société  chorale  et  la  Société  des  fanfares  de  la  ville  d'Autun  ont 
eu  l'heureuse  idée  d'appeler  le  concours  de  notre  professeur-chanteur  Gé- 
raldy  pour  un  concert  donné  au  profit  des  pauvres.  Inutile  de  dire  que  notre 
excellent  baryton  a  eu  les  honneurs  du  programme  ;  — sans  préjudice  des 
justes  applaudissements  récoltés  p  ir  les  chœurs  et  fanfares  d'Autun,  ainsi 
que  par  M.  Vény,  le  hautbois,  par  M"le  Charvot,  pianiste,  et  parMllBM.R.., 
pianiste,  qui  désire  garder  l'anonyme. 

—  Décidément  la  musique  adoucit  les  mœurs....  des  sauvages;  là  où 
le  voyageur  rencontrait  autrefois  des  anthropophages,  il  trouve  aujourd'hui 
des  virtuoses.  Les  feuilles  transatlantiques  nous  parlent  d'un  grand  con- 
cert donné  dans  une  des  îles  Hervey,  de  l'archipel  de  Cook,  par  les  Alle- 
ghaniens,  troupe  de  chanteurs  nomades  bien  connus  dans  toute  l'Amé- 
rique. Le  roi  Makea  assista  à  ce  concert  en  personne.  Prés  de  2,000  billets 
furent  vendus,  et  la  recette  s'éleva  à  79  porcs,  98  dindons ,  116  poules, 
16,000  noix  de  coco,  5,700  ananas,  418  boisseaux  de  bananes,  600  ci- 
trouilles et  2,700  oranges,  dont  l'embarquement  employa  ensuite  un  jour 
et  demi.  Le  concert  commença  par  un  quatuor  de  musique  vocale  ;  puis 
suivirent  plusieurs  morceaux  de  musique  avec  cloches  et  clochettes  har- 
monieusement combinées.  Les  sauvages  ,  en  proie  à  la  plus  vive  admi- 
ration, ouvrirent  des  bouches  démesurées  quand  les  exécutants  firent 
entendre  la  grande  marche  de  Norma.  Un  des  assistants  s'avança  à  la 
fin  du  concert,  —  dans  son  costume  national,  —  et  s'écria  avec  enthou- 
siasme :  «  Nous  ne  vous  oublierons  jamais!  » 

SOIRÉES  ET    CONCERTS 

—  Les  soirées  et  concerts  touchent  à  leur  fin.  Déjà  nous  avons  dit 
que  M.  et  Mme  Bossini  avaient  fermé  leurs  salons  d'hiver  pour  s'apprêter 
à  reprendre  possession  de  leur  villa  d'été  à  Passy.  Or,  voici  queMmcËrard 
dit  adieu  à  ses  nouveaux  salons  de  la  ruedu  Mail,  pour  rejoindre  son  royal 
château  de  la  Muelte,  et  que  Mraoa  Orfila  et  Mosneron  de  Saint-Preux 
viennent  de  nous  gratifier  de  leur  dernier  dimanche  de  musique.. .  d'hiver, 
bien  entendu.  Le  programme  était  des  plus  riches;  et  d'abord  M.  Délie  Sedie 
qui,  avant  de  partir  pour  Londres,  a  chanté,  en  compagnie  de  M.  Frizzi, 
son  digne  partenaire  du  Théâtre-Italien  de  Berlin:  leurs  duos  et  mélodies 
ont  électrisé  l'assemblée,  si  bien  qu'on  a  bissé  le  duo  tout  entier  de  la 
Reine  de  Golconde  de  Donizetti.  Ce  sont  là  deux  grands  chanteurs,  dmt 
le  premier  a  en  partage  l'âme,  la  suavité  et  la  distinction  ;  le  second, 
l'esprit,  la  rondeur  et  la  verve.  Il  est  regrettable  que  le  Théâtre-Italien 
de  Paris  ne  possède  pas  deux  artistes  do  cette  valeur.  A  côté  d'eux  s'est 
fait  entendre  M.  Altavilla,  ténor  également  attaché  à  l'un  des  théâtres  ita- 
liens de  Berlin,  qui  en  compte  jusqu'à  deux.  M.  Altavilla  possède  une 
jolie  voix,  claire  et  timbrée  cependant;  il  en  fait  ressortir  toutes  les  qua- 
lités dans  la  barcarolle  de  Un  ballo  in  musellera,  que  Mario  a  popularisée  à 
Paris.  Une  seule  voix  de  femme,  un  simple  soprano  de  jeune  fille  tenait 
tête  à  ce  trio  d'hommes  :  c'est  par  la  grâce,  par  la  fraîcheur  de  sa  voix, 
de  son  talent  et  de  sa  personne,  que  M110  Balbi  a  soutenu  l'honneur 
de  l'école  française.  L'air  du  Concert  à  la  cour,  —  fréquemment 
interrompu  par  les  applaudissemeuts, —  lui  a  été  particulièrement  favo- 
rable. Une  autre  jeune  fille,  —  un  enfant,  par  l'âge  du  moins,  —  Mlle  Maria 
Boulay,  faisait,  avec  Ravina,  les  honneurs  de  la  partie  instrumentale.  Son 
talent  es!  déjà  plein  de  sève,  de  sentiment  et  d'éclat;  c'est  Theresa  Mila- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


183 


nollo  sous  la  figure  d'une  piquante  brime,  à  l'œil  vif,  à  la  riche  cheve- 
lure d'ébéne.  Quant  à  Ravina,  non-seulement  il  a  fait  entendre  son  noc- 
turne favori  et  sa  valse  la  Mahôura,  mais  encore  jusqu'à  six  études  de  ses 
Harmonieuses,  dont  on  aurait  voulu  voir  défiler  le  cahier  entier.  C'est 
qu'aussi  ces  petits  tableaux  de  genre  sont  si  frais,  si  colorés  et  si  délicieu- 
sement exécutés,  qu'on  ne  se  lasse  point  de  les  redemander  à  l'auteur. 
Nous  ne  quitterons  pas  cette  dernière  soirée  de  Mme  Orfila  sans  mention- 
ner le  succès  fou,  c'est  le  mot,  du  comique  Tayau  dans  la  Musique  sans 
paroles  de  MM.  Potier  et  de  Courcy  et  la  Tyrolienne  de  l'avenir  de 
J.  Offenbach  :  on  n'est  pas  plus  ébouriffant.  Un  dernier  mot  :  le  piano 
d'accompagnement  était  tenu  par  MM.  Mangin  et  Canoby,  deux  vaillants 
artistes  de  la  jeune  garde  du  Conservatoire, 

—  La  salle  Herz,  aussi,  nous  fait  ses  adieux.  Les  derniers  concerts  s'y 
pressent,  et  leurs  derniers  feux  ne  sont  pas  les  moins  brûlants.  Celui  de  la 
jeune  virtuose  Maria  Boulay  comptera  parmi  les  plus  chauds,  sous  tous 
les  rapports.  Les  applaudissements  l'ont  disputé  à  la  température  delà 
salle.  Le  gaz  a  beau  briller,  chauffer  et  se  permettre  même  de  chanter 
dans  ses  appareils  acoustiques  ,  le  violon  de  la  nouvelle  Milanollo  défie 
tout.  La  fantaisie  du  Trovatore  et  la  symphonie  concertante,  avec  Alard, 
ont  fait  furore.  Les  deux  archets  n'en  faisaient  qu'un,  aussi  l'orchestre 
d'Arban  s'est-il  plaint  d'avoir  une  besogne  trop  facile.  Le  maître  et  l'élève 
ont  du  s'incliner  indéfiniment  sous  les  bravos  de  l'orchestre  et  du  public. 
Il  en  a  été  de  même  pour  Jules  Lefort  et  Mlle  Balbi,  qui  est  venue  au  der- 
nier moment,  en  bonne  et  dévouée  camarade,  remplacer  Mlle  Maria  Saxe. 
En  voyant  près  de  lui  celte  jeune  et  brillante  reine  de  la  rue  Bergère,  en 
applaudissant  l'archet  de  Maria  Boulay,  son  royal  premier  prix,  et  les  dix 
doigts  de  Duvernoy ,  lui  aussi  digne  lauréat  du  Conservatoire  (classe 
Marmoutel),  Alard  disait,  au  foyer  des  artistes  :  «  Moi  seul,  je  fais  tache 
parmi  ces  jeunes  tètes  couronnées.  » 

—  Nous  avons  dit  qu'à  l'instar  de  M.  Alfred  Jaell,  —  qui  avait  du 
donner  un  second  concert ,  salons  Êrard,  tant  le  succès  de  sa  première 
soirée  avait  eu  de  retentissement  et  d'éclat,  notre  pianiste-compositeur 
Camille  Stamaty  promettait  un  second  concert,  salons  Pleyel,  dans  le  but 
spécial,  cette  fuis,  de  faire  entendre  ses  œuvres  nouvelles  et  anciennes, 
ainsi  que  les  études  de  son  troisième  cahier  :  Chant  et  Mécanisme.  C'est 
lundi  dernier  que  le  nouveau  programme  de  Camille  Stamaty  s'est  effec- 
tué, à  la  grande  satisfaction  de  ses  nombreuses  élèves  et  des  pianistes  du 
monde,  qui  attachent  toujours  beaucoup  de  prix,  et  cela  se  comprend,  à 
entendre  l'auteur  lui-même  dans  l'interprétation  de  ses  œuvres.  Une 
vingtaine  d'études  et  de  morceaux  de  piano  se  suivaient  et  ont  été  goûtés 
sans  la  moindre  fatigue,  tant  le  bon  goût  et  la  variété  des  genres  prési- 
daient à  leur  enchaînement.  Le  succès  a  été  complet  et  très-légitimement 
partagé  par  Mme  Mancel,  MM.  Délie  Sedie  et  Frizzi.  La  partie  vocale  ne 
pouvait  être  confiée  à  de  meilleures  voix,  plus  habilement  conduites. 

—  Au  nombre  des  dernières  soirées  musicales  données  dans  les  salons 
Pleyel,  nous  devons  une  mention  toute  spéciale  à  l'audition  des  œuvres 
de  M.  Adolphe  Fétis,  fils  du  savant  musicien  de  ce  nom.  M.  Adolphe  Fétis, 
en  sa  qualité  d'organiste,  affectionne  la  musique  religieuse  ;  aussi  avons- 
nous  entendu,  entre  autres  choses,  à  sa  soirée,  une  fort  belle  et  large 
mélodie,  avec  accompagnement  d'orgue,  sous  le  titre  :  Dieul  C'est 
Mme  Bockoltz-Falconi  qui  s'en  est  fait  l'interprète.  Au  nombre  des  pièces 
d'orgue  jouées  par  M.  Fétis,  sur  un  excellent  instrument  de  la  maison 
Alexandre,  nous  citerons  les  Veillées  bretonnes,  chants  sans  paroles,  qui 
ont  produit  un  charmant  effet.  Le  programme  était,  du  reste,  des  plus 
agréables,  des  plus  variés  :  il  se  terminait  de  la  façon  la  plus  comique  par 
les  spirituelles  chansonnettes  do  Berlhelier.  Le  sévère  et  le  plaisant  y 
cheminaient  de  compagnie. 

—  Un  jeune  violoniste  que  nous  adresse  l'Allemagne,  et  dont  M.  Pasde- 
Ioup  nous  adonné  la  primeur,  M.  Léopold  Auer, s'est  aussi  fait  entendre  à 
la  soirée  de  M.  Adolphe  Fétis,  sans  préjudice  du  concert  qu'il  a  person- 
nellement donné  à  Paris.  C'est  un  jeune  virtuose  qui  fait  le  plus  grand 
honneur  au  Conservatoire  de  Vienne.  Son  exécution  des  plus  larges,  des 
mieux  senties,  respire  la  bonne  école  et  une  maturité  de  talent  bien  lare 
chez  les  prodiges.  C'est  un  jeune  prodige  qui  n'en  est  pas  un  dans  l'accep- 
tion ironique  du  mot. 

—  Samedi  dernier,  M.  Lenepveu,  toujours  si  dévoué  à  l'art  musical, 
réunissait  l'élite  des  artistis  et  des  amateurs.  Son  programme  se  com- 
posait de  YOttetto  de  Mendelssohn,  du  septuor  en  mi  bémol  de  L.  Onslow, 
et  du  deuxième  quintette  de  M.  C.  Estienne.  On  remarquait  parmi  les 
exécutants  MM.  Lenepveu,  Dancla,  Casimir  Ney,  LéeetGouffé. 


—  L'association  des  Sociétés  chorales  du  département  de  la  Seine,  sous 
la  direction  de  M.  Delafonlaine,  a  donné  dimanche  dernier  un  grand  fes- 
tival au  Cirque  Napoléon.  Les  Sociétés  et  orphéons,  au  nombre  de  huit 
cents  exécutants,  la  musique  de  la  garde  de  Paris,  sous  la  direction  de 
M.  Paulus,  et  M.  Carré,  artiste  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra  Comique  , 
formaient  le  personnel  de  cette  fête.  La  foule  emplissait,  comme  de  cou- 
tume, toute  l'étendue  circulaire  de  la  salle,  et  offrait  un  coup  d'œil  des 
plus  imposants.  Comme  toujours,  les  compositions  de  M.  Laurent  de  Rillé 
envahissaient  le  programme.  Ses  Moissonneurs ,  sa  Noce  de  village  et  la 
Retruite,  ont  été  fort  applaudis;  on  a  bissé  ces  deux  derniers  morceaux, 
ainsi  que  les  strophes  des  Hirondelles,  chantées  par  M.  Carré.  Les  Enfants 
de  Paris,  d'Adolphe  Adam,  ont  été  également  redemandés;  c'est  leur 
destinée  habituelle.  Enfin,  les  ouvertures  des  Diamants  de  la  Couronne 
et  de  la  Muette  de  Portici,  brillamment  exécutées  par  la  garde  de  Paris, 
ont  partagé  le  succès  de  cette  matinée. 

—  MIIe  Anna  Meyer,  qui  a  donné,  le  26  avril,  un  concert  salle  Érard, 
appartient  à  la  catégorie  des  petits  prodiges.  Celte  enfant,  âgée  de  dix  ans, 
a  joué  deux  études  de  concert  de  M.  Guttmann,  un  concerto  de  Weber, 
la  sérénade  de  Don  Pasquale,  de  Thalberg,  le  chant  de  la  Pileuse,  de 
Litolff,  et  une  fantaisie  sur  Oberon,  pour  piano  et  violon,  avec  M.  Singer, 
l'auteur  de  ce  morceau.  Les  doigts  enfantins  de  la  jeune  bénéficiaire  se 
jouaient  avec  une  hardiesse  étonnante  de  toutes  les  difficultés  accumulées 
dans  ces  diverses  .œuvres  ;  aussi  lui  a-t-on  fait  l'accueil  le  plus  sympa- 
thique. MUe  Marie  Ducrest  et  le  ténor  Altavilla  ont  coopéré  avec  bonheur 
au  programme  de  cette  soirée. 

—  La  matinée  musicale  de  M.  Jacq.  Franco -Mendès  aura  lieu  le  mer- 
credi 8  mai,  dans  les  salons  des  Bains  Tivoli,  rue  Saint-Lazare,  à  une 
heure  et  demie.  Le  bénéficiaire  sera  secondé  par  MUe  Ducrest,  MM.  Capoul 
et  Lafont  pour  la  parlie  vocale,  et  par  MUe  Joséphine  Martin  et  M.  Ham- 
mer  pour  la  parlie  instrumentale. 

—  C'est  mercredi,  1er  mai,  qu'a  eu  lieu  la  réouverture  des  concerts  des 
Champs-Elysées.  Un  auditoire  nombreux  et  choisi  est  venu  prouver'  à 
Musard  combien  il  était  heureux  de  le  retrouver  à  la  tète  de  son  excellent 
orchestre,  renforcé  par  les  solistes  les  plus  distingués  de  Paris.  Le  pro- 
gramme, qui  était  des  plus  attrayants,  portait  en  tête  l'ouverture  de  Semi- 
ramide,  magistralement  enlevée,  ainsi,  du  reste,  que  l'ouverture  de  Rienzi, 
de  Richard  Wagner.  Nous  devons  citer  encore  un  air  varié  pour  cornet 
à  pistons,  composé  et  exécuté  par  M.  Duhem,  artiste  belge,  dit-on,  récem- 
ment venu  à  Paris,  et  qui  possède  un  talent  des  plus  remarquables.  Bref, 
il  y  a  eu  succès  complet,  sur  toute  la  ligne,  et  nous  pouvons  prédire  dès 
aujourd'hui  une  véritable  vogue  aux  nouvelles  productions  que  Musard 
nous  a  fait  entendre  à  la  séance  d'inauguration  de  la  saison  d'été  de 
M.  de  Besselièvre,  aux  Champs-Elysées. 

—  Avec  l'ouverture  des  concerts  des  Champs-Elysées,  il  nous  faut  si- 
gnaler la  réouverture  de  l'Hippodrome,  dont  voici  le  programme.  Pre- 
mière partie  :1e  Monde  hippique  au  xixc  siècle;  —Polichinelle  au  bal 
du  Casino;  — une  Chasse  aux  daims;— les  Petits  Cochinchinois;  —  courses 
en  char;—  les  jockeys  nains  et  les  grotesques.  —  Deuxième  partie  :  les 
Phrygiennes; —  les  Grenouilles  en  goguette,  grand  ballet  fantastique  ;  — 
Souvenirs  d'Afrique,  épisode  de  guerre. 


—  EnnATUii.  Nous  croyons  devoir  rectifier  une  erreur  de  nom  commise 
dans  notre  dernier  numéro.  C'est  le  jeune  pianiste  Pugno,  âgé  de  huit  ans, 
et  non  Pugni,  qui  s'est  fait  entendre  au  concert  de  M.  Edouard  Colonne. 
—  Si  jeune,  et  déjà  défiguré  !....  par  les  typographes. 

—  Voici  le  Mois  de  Marie.  A  nos  abonnés  qui  s'occupent  de  musique 
religieuse  nous  signalerons  les  Trente-deux  nouveaux  Cantiques  pour 
les  exercices  du  mois  de  mai,  ou  les  fêtes  de  la  sainte  Vierge,  de  M.  Aloys 
Kunc,  maître  de  chapelle  de  la  métropole  Sainte-Marie  d'Auch.  Ces  can- 
tiques se  recommandent  par  la  distinction,  la  simplicité  des  mélodies,  et 
1  incpiratien  relieuse  qui  ont  presids  a  leur  composition  La  2e  édition 
est  en  vente  à  la  librairie  religieuse  de  H.  Casterman  ,  rue  Bonaparte,  66, 
à  Paris. 

—  L'éditeur  Richault  vient  de  publier  un  Gloria  in  excelsis  (chœur  et 
soli)  avec  accompagnement  d'orchestre,  réduit  pour  le  piano  ou  l'orgue, 
suivi  d'un  Ave  Regina,  composés  et  dédiés  à  Mme  la  comtesse  de  Sparre 
par  E.  Estienne.  —Prix  net  :  2  fr.  50c. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  fieres,  rue  Jean-Jacques  Ito 


Pour  paraître  le  1er  Mai  1861 ,  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  HEUGEL  et  Ce,  éditeurs. 

COLLECTION  COMPLÈTE 


CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADAUD 

Publiées  en  sept  volumes  grand  in-8°,  et  une  collection  de  chansons  légères , 

Paroles  et  musique  avec  accompagnement  «le  piano. 

Prix  net.  Chaque  volume  :  6  fr.  —  Colleclion  des  30  chansons  légères  :  8  fr.  —  Souscriplion  aux  huit  volumes  :  40  fr. 


1  Vieille  histoire. 

2  L'inconnu. 

3  L'automne. 

4  Une  fée. 

5  Trompette. 

21  Le  quartier  latin. 

22  Les  dieux. 

23  Le  vieux  tilleul. 

24  Le  château  et  la  chaumière. 

25  La  ligue  des  maris. 

41  Les  pauvres  d'esprit. 

42  Est-ce  tout? 

43  La  Kermesse. 

44  La  meunière  et  le  moulin. 

45  May. 

61  Le  voyage  aérien. 

62  Rose-Claire-Marie. 

63  Mon  héritage. 

64  Paris. 

65  Jaloux,  jaloux. 

f 

81  La  forêt. 

82  Lanlaire. 

83  Pêcheur  silencieux. 
.  84  L'aveu. 

S5  Des  bêtises. 

101  Les  heureux  voyageurs. 

102  L'aimable  voleur. 

103  La  vie  moderne. 

104  Le  pot  devin. 

105  La  vigne  vendangée. 

121  L'histoire  de  mon  chien. 

122  Libre  I  stances  à  l'Italie. 

123  Bernique. 
.124  Nuit  d'été. 

125  Mon  oncle  Gaspard. 


1  Les  amants  d'Adèle. 

2  Le  souper  de  Manon. 

3  Satan  marié. 

4  Toinette  et  Toinon. 

5  Ursule. 

6  Les  gros  mots. 

7  Quitte  à  quitte. 

8  Le  coucher. 


6  Voilà  pourquoi  je  suis  garçon 

7  Les  mois. 

8  Un  propriétaire. 

9  Le  melon. 
10  Je  pèche  à  la  ligne. 

26  Bonhomme. 

27  La  ballade  au  moulin. 

28  Perrelte  et  le  sorcier. 

29  Les  cerises  de  Montmorency 

30  Je  n'aime  pas. 


46  La  solution. 

47  Panorale. 

48  Fantai>ie. 

49  Je  grelotte. 

50  Jean  qui  pleure  et  Jean  qui  rit 


66TMes  mémoires. 
67vL'été  de  la  Saint-Martin. 
68iLa  bayadère  voilée. 

69  Le  jardin  deTéhadja. 

70  Souvenirs  de  voyage. 

86"Le  fou  Guilleau. 

87  ^La  nacelle. 

88  Père  capucin. 
89. La  pluie. 

90^Les  plaintes  de  Glycère. 


106  Le  cigare. 

107  Les  lamentations  d'un  réverbère 

108  La  confidence. 

109  Les  pêcheuses  du  Loiret. 

110  La  chanson  de  gros  .Pierre. 


126  L'attente, 

127  L'oubli. 

128  Le  roi  boiteux. 

129  L'improvisateur  de  Sorrente 

130  Les  côtes  d'Angleterre. 


VOLUME. 

11  Au  coin  du  feu. 

12  Les  grands-pères. 

13  Les  rats. 

14  Je  m'embête. 

15  Ma  femme  n'est  pas  là. 
S»  VOLUME. 

31  Rêves  et  réalités. 

32  Les  étrennes  de  Julie. 

33  M.  Bourgeois. 

34  Louise. 

35  Le  docteur  Grégoire. 
3e  VOLUME. 

51  Les  écus. 

52  Pierrette  et  Pierrot. 

53  Le  phalanstère. 

54  Les  impôts. 

55  Les  réformes. 
4"  VOLUME. 

71  Insomnie. 

72  La  vieille  servante. 

73  II  faut  aimer. 

74  Ma  philosophie. 

75  Les  deux  notaires. 
5e  VOLUME. 

91  Le  vieux  télégraphe. 

92  Ma  sœur. 

93  Les  ruines. 

94  La  mèreGodichon. 

95  M.  de  la  Chance. 
6«  VOLUME. 

111  Le  puits  de  Pontkerlo. 

112  Les  projets  de  jeunesse. 

113  Le  sultan. 

114  La  cuisine  du  château, 

115  Chanson  napolitaine. 
ï°  VOLUME. 

131  A  propos  d'annexion. 

132  M'aimez-vous? 

133  Le  mandarin. 

134  Elle. 

135  Une  histoire  de  voleur. 


16  Je  ris. 

17  Nous  sommes  gris. 

18  Ivresse. 

19  Aujourd'hui  et  demain. 

20  Chauvin. 

36  Chut. 

37  Les  hommes  utiles. 

38  Le  Champagne. 

39  Le  carnaval  à  l'assemblée. 

40  Beauté. 

56  Le  message. 

57  Pandore. 

58  L'histoire  du  mendiant. 

59  La  valse  des  adieux. 

60  La  première  maîtresse. 

76  Le  bonsoir. 

77  La  petite  ville. 

78  Le  chevalier  à  boire. 

79  Flora  cruelle. 

80  Cheval  et  cavalier. 

96  Ma  voisine 

97  Le  vallon  de  la  jeunesse. 

98  La  fille  de  l'amour. 

99  Lettre  d'un  étudiant  à  une  étudiante 
100  Réponse  de  l'étudiante  à  l'étudiant] 

I  116  La  bûche  de  Noël. 

117  Macadam. 

118  Le  pays  natal. 

119  La  lecture  du  roman. 
I  120  Le  nid  abandonné. 


136  La  promenade. 

137  La  bruyère. 

138  La  ferme  de  Beauvoir. 

139  Le  vent  qui  pleure. 

140  Florimond  l'enjôleur. 


COLLECTION  DES  30  CHANSONS  LEGERES 


9  Les  boutons. 

10  Auguste,  étudiant  de  10e  année. 

11  Boisentier. 

12  La  gaîlé  française, 

13  Les  poissons. 

14  La  chanson  de  trente  ans. 

15  Adèle. 

16  La  lorette. 


17  La  lorette  du  lendemain. 

18  La  chaumière. 

19  Les  reines  de  Mabille. 

20  Palinodie. 

21  Les  confessions. 

22  Les  deux. 

23  Mes  enfants. 

24  Madeleine. 


25  Les  plaisirs  sont  trop  courts. 

26  Un  mari  malheureux. 

27  Thérèse. 

28  Le  lion  d'or. 

29  Le  dix-cors. 

30  La  toilette. 

HUITIÈME  V0L0ME. 

Prix  net  :  8  fr. 


ceij^î^^s^r^cTis^r^  asarsaaiasjttptasa 


Paraissant  de  mois  en  mois  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  sous  le  titre  :  Une  Chanson  par  mois  ;  12  chansons  par  an,  paroles,  musique  et  accompagnement  de  piano. 

Paris  et  province,  abonnement  d'un  an,  net  :  Ofr.  (L'abonnement  part  du  l"  septembre  de  chaque  année.) 

Chaque  chanson  séparée,  en  grand  format,  prix  marqué  :  X  fr.  50  c. 


OPERAS    DE    SALON 

Partitions  in-80,  texte,  chant  et  piano, 

LA    VOLIERE  i 

Pour  ténor,  basse,  trial  et  soprano.  —  Prix  net  :  S  fr. 


PORTE  ET  FENETRE 

Pour  ténor,  baryton,  basse  et  soprano.  —  Prix  net  :  S  fr. 


LE  DOCTEUR  VIEUXTEMPS 

Pour  deux,  ténors  ,   basse  et  deux  soprani.    —    Prix   :   3  francs. 

PARODIE  DE  liA  R09UIVCE  —  Prix  marque  :  5  fr. 

JV.  B.  —  Les  trois  premiers  volumes,  la  collection  des  Chansons  légères  et  les  Opéras  de  salon  seront  en  vente  le  l°r  mai  1861,  les  autres  volumes  suivront  de  mois  en  mois. 
—  On  souscrit  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  en  adressant  un  bon  sur  la  poste  à  MM.  Heogel  et  O.  —  Les  volumes  sont  expédiés  franco. 


763.  —  28e  Année. 

N»  »4. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  12  Mai 

1SG1. 


ES>£a 


STEEL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

,  Rédact'enchef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivïenne.  —  IIEUGEE  et  C'%  éditeurs. 

(Aui  Magasins  et  Abonnement  de  Musique  «lu  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

l8r  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  26  Morce» 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  a  Almi 
primes  illustrés.  —  Un  an  ;  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


SOT  5  PIANO. 

Mode  d'abonnement  :  Journal-Tcite,  tous  les  dimanches  ;  IO  Morceaux  i 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Album» 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger  :  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  t 

3'  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5a  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Allni 
Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Etranger  :  36  fr. 


i-primcs  illustrés. 


On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre^etles  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/Varico 
un  bon  sur  la  poste,  a  MM.  IIEtir.EL  et  c1",  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgu 


n-Jacques  Rousseau ,  8.  —  2887 


SU.YI.YIAIEIE.    —    TEXTE- 

I.  Théâtre-Lyrique.  Bénéfice  de  M.  Batlaille  :  première  représentation  de  l'opéra 
boutfe  de  M.  le  prince  Poniatowski  :  Au  travers  du  mur  ;  les  troisièmes  actes 
A'Armide  et  de  la  Sonnanbula.  J.-L.  Hecgel.  —  II.  Semaine  théâtrale. 
J.  Lovt.  —  III.  Collection  complète  des  chansons  de  Gustave  Nadaud.  Paul 
Bernard.  —  IV.  Nouvelle?,  Soirées  et  Concerts,  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
la 

CHANSON    A   BOIRE, 

Chantée  par  Mlle  Marimon  dans  Barkouf,  paroles  de  MM.  Scrire  et 
Boisseaux  ,  musique  de  J.  Offe.nbach.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Sœur  Mélanie,  scène-mélodie  de  A.  de  Villebichot  ,  paroles 
de  Mme  la  Csse  Olympe  M.  de  Lernay. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

GUIPURES   ET  DENTELEES, 

N°  1 ,  polka-mazurka  de  A.  Croisez.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
le  N°  2 ,  valse. 


Nous  publierons  dimanche  prochain  la  suite  de  l'intéressant 
travail  de  M.  P. -A.  Vieillard,  sur  Méhul  et  ses  œuvres 
(  4me  article  1 . 


THEATRE  LYRIQUE. 

BÉNÉFICE  DE  M.  BATTAILLE. 

Première  représentation  de  l'opéra-bouffe  :  Au  travers  du  mur,  paroles 

de  M.  de  Saint-Georges,  musique  du  prince  Poniatowski. 

Troisième  acte  à'Armide,  par  Mme  Viardot  ,  et  troisième  acte  de  la 

Sonnanbula,  par  Mme  Vandenheuvel-Duprez. 

Autrefois,  les  princes  commandaient  des  pièces  inédites  pour 
leurs  fêtes  de  gala  ;  aujourd'hui  ce  sont  nos  bénéficiaires  et  di- 
recteurs qui  frappent  aux  portes  princières  et  illustrent  leur 
affiche  d'un  opéra  nouveau  de. ...  M.  le  comte  de  Saint-Rérny, 


de  M.  le  duc  de  Massa,  voire  de  M.  le  prince  Poniatowski,  — 
faveur  qui  vient  d'échoir  à  M.  Battaille. 

Avant  de  quitter  le  Théâtre-Lyrique  pour  rentrer  au  bercail 
de  la  salle  Favart,  M.  Battaille  s'est  donné  une  représentation  à 
bénéfice,  dont  le  programme  offrait,  entre  autres  éléments  du 
contraste  le  plus  piquant,  le  troisième  acte  de  VArmide  de 
Gluck,  par  Mme  Viardot;  le  troisième  acte  de  la  Sonnanbula  de 
Bellini,  par  Mme  Vandenheuvel-Duprez,  et  la  première  repré- 
sentation d'un  opéra-bouffe  en  un  acte,  de  M.  le  prince  Ponia- 
towski, paroles  de  M.  de  Saint-Georges,  sous  le  titre  :  Au  tra- 
vers du  mur. 

Ce  qu'on  entendait  au  travers  des  murs,  en  Italie,  dans  le 
duché  de  Modène,  il  y  a  tantôt  quelque  trois  ou  quatre  ans, 
c'était....  de  délicieuse  musique,  quand  les  conspirateurs  ne 
s'en  mêlaient  pas.  Le  soprano  répondait  au  baryton,  si  bien 
qu'à  travers  le  mur,  l'un  s'éprenait  de  l'autre ,  non  sans  donner 
lieu  parfois  à  des  confusions  sans  lesquelles  il  n'y  aurait  point  de 
canevas  possible  d'opéra-comique.  Nos  lecteurs  vont  en  juger. 

M.  de  Saint-Georges  nous  transporte  en  l'auberge  du  sieur 
Gambetto,  heureux  possesseur  d'une  brune  Thérésine  et  d'un 
humoristique  trombone  qui  du  premier  son  a  mis  la  salle  en 
bonne  humeur.  Ce  n'est  point  à  la  baguette  que  Gambetto 
mène  sa  femme,  c'est  au  trombone.  Les  scènes  de  ménage 
se  couronnent  quotidiennement  par  un  évanouissement  de  Thé- 
résine  ,  dont  le  trombone  est  à  la  fois  la  cause  et  l'effet. 
Demandez  plutôt  à  M.  Wartel,  qui  s'en  sert  à  la  manière  de 
Bertramdans  Roberl-le-Diable.  Seulement,  celui-ci  cache  son 
jeu;  il  n'a  pas  l'instrument  en  mains,  tandis  que  l'implaca- 
ble Gambetto  ne  le  quitte  ni  jour  ni  nuit  :  c'est  l'épée  de  Da- 
moclès  du  ménage.  Il  faut  que  Mlle  Amélie  Faivre,  je  veux  dire 
Mme  Thérésine  marche  droit...  ou  gare  au  trombone  ! 

Dans  cette  auberge,  qui  doit  avoir  pour  enseigne  :  Au 
maître  trombone,  —  car  M.  Gambetto  prend  des  élèves  en 
sevrage, — se  trouve  loger   un  baryton  célèbre,  un  Français 


186 


LE  MÉNESTREL. 


du  nom  de  Thomas. .  .sini,  —  pour  les  besoins  de  la  déclinaison 
italienne.  Ce  baryton  abuse  de  sa  réputation  en  prélevant  des 
appointements  fabuleux  sur  les  théâtres  d'Italie;  aussi  se  fait-il 
accompagner  d'un  sien  neveu  pour  l'aider  à  les  manger.  Ce  qui 
vient  au  son  de  la  flûte  s'en  retourne  au  bruit  du  trombone,  car 
notre  neveu  Léon  (M.  Legrand)  est  élève  de  Gambette  Toutefois, 
comme  les  feux  du  trombone  ne  sauraient  suffire  à  ce  jeune 
cœur,  il  s'éprend  d'une  jolie  voisine  qui  le  lui  rend  sans  mesure, 
croyant  voir  en  lui  le  baryton  dont  la  voix  vient  la  charmer 
chaque  matin  au  travers  du  mur.  Cette  voisine  chante 
aussi,  nous  l'avons  dit  ;  c'est  M"e  Blanche,  le  soprano,  qui  ré- 
pond si  tendrement  au  baryton;  or,  celui-ci  en  est  également 
épris.  Seulement  la  fauvette,  de  l'autre  côté  du  mur ,  par  un 
hasard  d'opéra-comique  bien  naturel,  n'a  jamais  été  vue  que 
du  neveu,  qui,  par  compensation,  ne  l'a  jamais  entendue  chan- 
ter, ce  dont  il  se  console  avec  le  trombone  de  Gambetto. 

Mais  si  Thomassini  n'a  point  entrevu  la  vraie  fauvette,  en  re- 
vanche,il  a  cru  la  deviner  sous  les  traits  mignons  de  M"e  Marie 
Faivre,  la  jolie  compagne  de  M11"  Blanche.  En  mettant  la  voix 
de  l'une  sous  la  figure  de  l'autre,  le  voila,  sans  le  savoir, 
amoureux  en  partie  double...  ce  qui  est  beaucoup  pour  un 
oncle. . .  même  de  comédie.  Fort  heureusement  le  neveu  est  là, 
qui  prendra  Blanche,  malgré  son  soprano,  et  laissera  Juliette, 
la  fauvette  sans  voix,  à  son  oncle,  le  baryton,  qui  en  a  du  reste 
pour  deux.  M.  Battaille  nous  l'a  surabondamment  prouvé  tout 
le  long  de  ce  petit  ouvrage,  écrit  spécialement  pour  lui. 

Un  seul  personnage  manque  au  tableau  que  nous  venons  d'es- 
quisser tant  bien  que  mal;  c'est  le  Richard  Wagner  de  la  pièce,  un 
sieur  Pascal,  premier  prix  de  Rome,  qui  a  noyé  son  diplôme 
dans  les  eaux  vives  de  la  nouvelle  école  allemande,  et  nous  fait 
de  la  symphonie  descriptive,  imitative,  philosophique  et  con- 
templative, en  plein  opéra-comique.  On  le  lui  pardonne,  car 
Mlle  Blanche,  sa  sœur,  chante  de  manière  à  faire  aimer  le  frère, 
qui  est  d'ailleurs  un  ancien  camarade  de  Thomas. .  .sini.  Tout 
se  termine  donc  pour  le  mieux  et  sur  une  mélodieuse  barca- 
rolle  que  nous  avions  déjà  entendue ...  à  travers  le  mur. 

C'est  un  privilège  de  Mlle  Moreau  (Blanche),  de  séduire  l'o- 
reille à  travers  le  mur.  11  semble  que  sa  voix  soit  plus  sonore, 
plus  étendue,  son  talent  plus  souple,  plus  à  l'aise.  M"e  Moreau 
ne  saurait  cependant  se  condamner  au  voile  ;  les  yeux  du  public 
y  perdraient  plus  que  l'oreille  n'y  gagnerait.  M.  de  Saint-Geor- 
ges a  vaincu  la  difficulté  :  Mn°  Moreau  est  d'abord  entendue, 
au  second  plan,  au  travers  d'un  mur,  puis  elle  apparaît  sur  la 
scène  au  premier  plan,  —  résultat  :  double  effet. 

Les  honneurs  du  premier  effet  reviennent  à  -M.  le  prince 
Poniatowski,  qui  a  mis  dans  le  gosier  de  M"8  Moreau  de  char- 
mantes phrases  illustrées  d'ornements  vraiment  princiers. 
M.  Battaille  accepte  le  défi  vocal  à  travers  le  mur,  et  les  bravos 
pleuvent  à  plaisir.  Ils  ne  se  sont  point  fait  désirer  non  plus 
dans  le  morceau  d'ensemble,  défrayé  par  M.  Wartel,  l'ébou- 
riffant Gambetto.  On  n'encadre  pas  plus  ingénieusement  un 
effet  de  trombone  :  orchestre  et  voix  sont  traités  là  avec  au- 
tant d'esprit  que  d'habileté.  Un  autre  morceau  de  facture,  qui  a 
son  mérite,  c'est  l'esquisse  symphonique  de  la  nouvelle  école 
allemande,  très-bien  comprise  par  M.  Grillon,  le  Pascal  déjà 
nommé.  Signalons  encore  l'ouverture  à  sonnettes. 

Quant  aux  mélodies  et  couplets,  sans  compter  l'air  d'entrée 
de  basse ,  il  y  en  a  de  quoi  défrayer  trois  actes.  On  sent  que 
le  prince  Poniatowski  a  largement  ouvert  son  portefeuille  à 
M.  Battaille.  Celui-ci  a  eu  le  bon  goût  de  lui  réserver  ses  meil- 


leures loges  et  de  ne  prendre  que  des  mélodies  improvisées,  d'un 
caractère  léger,  pouvant  s'approprier  à  un  scénario  bouffe.  11  en 
résulte  une  musique  sans  prétention,  écrite  au  courant  de  la 
plume,  musique  de  la  meilleure  compagnie,  musique  de  prince, 
mais  d'un  prince  nourri  dans  le  sérail  et  qui,  sans  en  abuser, 
connaît  toutes  les  finesses  des  voix,  de  l'orchestre  et  du  contre- 
point. 

* 
*  * 

Notre  compte  réglé  avec  la  première  représentation  de  l'opéra 
bouffe  de  M.  le  prince  Poniatowski,  recueillons-nous,  car  sur 
cette  même  scène,  quelques  instants  avant,  Armide  causait  les 
plus  profondes  émotions.  C'est  que  Mme  Viardot,  notre  Rachel 
lyrique,  renaît  sublime  de  par  Gluck,  ce  Corneille  de  la  musique. 
Non-seulement  la  voix  altérée  de  Fidès  retrouve  des  éclairs  de 
jeunesse  dans  Armide,  mais  la  mère  du  Prophète  se  drape  avec 
éclat  et  beauté  même  dans  la  robe  de  l'enchanteresse.  Il  faut 
chercher  la  raison  de  ce  double  prodige  dans  les  poses  les  plus 
nobles,  les  plus  harmonieuses,  une  expression  de  physionomie 
incomparable ,  et  enfin  une  telle  conception  de  la  musique  et 
du  personnage,  que  l'illusion  devient  complète. 

Mme  Viardot  avait  près  d'elle  son  élève,  Mlle  Orwil,  qui  a  eu 
de  fort  beaux  élans  dans  la  Haine.  Les  chœurs,  incomplets  ou 
insuffisamment  préparés  ,  -n'étaient  point  à  la  hauteur  d'un 
pareil  sujet  ;  mais  si  le  Théâtre-Lyrique  ,  encouragé  par  cet 
essai,  remet  Armide  à  la  scène,  comme  il  a  fait  d'Orphée,  rien 
ne  sera  négligé  pour  seconder  Mme  Viardot,  qui,  nous  le  répé- 
tons, renaît  sublime  de  par  Gluck. 

Après  Armide  et  le  déchaînement  des  passions ,  telles  que  les 
comprenait  Gluck,  Mme  Vandenheuvel-Duprez  a  évoqué  Bellini 
et  les  poétiques  accents  de  la  Sonnanbula.  C'est  un  tout  autre 
tableau,  des  émotions  infiniment  plus  douces,  auxquelles  cepen- 
dant l'héritière  de  Duprez  sait  imprimer  un  grand  caractère.  — 
Elle  a  partagé  avec  Mme  Viardot  et  Battaille  les  honneurs  de  la 
soirée,  qui  aurait  pu  être  plus  productive  si  on  avait  moins 
exagéré  le  prix  des  places. 

J.-L.  Heugel. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

L'Opéra  nous  a  rendu  enfin  cette  belle  œuvre  d'Herculanum, 
si  impatiemment  attendue ,  et  qu'une  fatale  accumulation  de 
circonstances  avait  depuis  si  longtemps  éloignée  du  répertoire. 
Aussi  tout  le  dilettantisme  était-il  à  son  poste  pour  se  délecter 
de  nouveau,  après  ce  long  sevrage,  de  cette  musique  empreinte  de 
poésie,  de  grandeur  et  de  vérité.  Dès  la  première  soirée  de  celte 
reprise,  tous  les  splendides  éléments  du  poëme  et  de  la  partition 
ont  retrouvé  les  sincères  bravos  qui  les  avaient  accueillis  dans  la 
primeur  ;  et  Mmo  Gueymard-Lauters ,  la  ravissante  Lilia,  et 
Obin  (Nicanor),  ainsi  que  la  nouvelle  interprète,  Mme  Fortunata 
de  Franco,  née  Tedesco  (Olympia),  et  Gueymard  (Ilelios),  ont 
été  chaleureusement  associés  à  l'ovation.  Nous  n'établirons 
aucun  parallèle  entre  M,M  Tedesco  et  sa  devancière,  Mmo  Bor- 
ghi-Mamo  :  notre  nouvelle  Olympia  est  une  reine  pleine  de 
grâce  et  de  séduction  ;  son  chant  magistral  et  ses  pénétrantes 
notes  de  mezzo-soprano  ont  fait  merveille  ;  son  succès  a  été 
incontesté  ;  toutefois,  dans  certains  moments,  un  peu  plus  de 
fougue  et  de  chaleur  eût  rendu  son  triomphe  plus  complet.  — 
Quant  à  Mmc  Gueymard-Lauters,  aucune  expression  ne  saurait 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


187 


traduire  l'ampleur  de  son  chant,  son  accentuation  dramatique 
et  sa  mimique  émouvante.  Ce  type  de  Lilia  restera  sa  plus  ad- 
mirable créalion.  Mme  Gueymard  a  été  bruyamment  rappelée 
après  son  duo  du  deuxième  acte  avec  Obin,  qui  lui  donnait 
puissamment  la  réplique,  et  la  fête  s'est  renouvelée  au  dernier 
acte.  —  M"6  Emma  Livry,  la  délicieuse  reine  du  divertisse- 
ment, a  également  eu  son  rappel  obligé.  Une  indisposition  de 
Mme  Gueymard  a  fait  remettre  à  demain  lundi  la  seconde  soirée 
de  l'opéra  de  Félicien  David.  —  La  reprise  du  Freyschùtz  est 
poussée  avec  vigueur.  On  s'occupe  d'adapter  à  la  scène  française 
un  divertissement. dansé  en  Russie  par  Mme  Petitpa  :  le  Marché 
des  Innocents.  Notre  habile  chorégraphe  Petitpa,  le  beau-frère 
de  la  susdite  ballerine,  se  chargera  de  cet  arrangement. 

Le  Théâtre-Italien  a  clos  sa  saison  depuis  le  1er  mai.  Déjà 
la  troupe  s'est  dispersée  à  tous  les  points  de  l'horizon.  Ténors , 
soprani,  barytons,  bassi  canlanti,  contr'altes,  ont  pris  leur  volée, 
qui  à  l'est  ou  au  nord,  qui  vers  l'ouest  ou  le  midi.  Zucchini  est 
parti  pour  Bologne,  sa  patrie.  Mme  Penco  etGraziani  sont  allés 
à  Londres.  Mario  reste  encore  quelque  temps  à  Paris,  ainsi  que 
Mme  Grisi  et  M.  Badiali. 

M.  Gustave  Bertrand  dresse,  dans  YEntfacle,  le  bilan  du 
Théâtre-Italien,  dont  la  saison  vient  de  finir  : 

Il  y  avait  eu  l'an  dernier  116  représentations  de  TOpéra-Ita- 
lien,  et  ce  chiffre  avait  été  signalé  comme  dépassant  de  beau- 
coup ce  qui  s'était  fait  jusque-là,  à  Ventadour.  Cette  année,  le 
nombre  des  représentations  s'est  élevé  à  121. 

Rossini  peut  en  réclamer  31  pour  sa  part  ;  Verdi,  49  ;  Rel- 
lini,  11  ;  Donizetli,  5;  de  Flotow,  5;  Mozart,  8,  et  Cimarosa, 
8  aussi.  Il  y  a  eu  dix-neuf  opéras  représentés. 

Les  121  représentations  ont  produit  une  recette  totale  de 
809,819  fr.  05  c. ,  ce  qui  porte  la  moyenne,  pour  chaque  repré- 
sentation, à  6,692  fr.  72  c. 

A  I'Opéra-Comique,  M1Ie  Relia  a  pris  le  rôle  de  M"e  Lemer- 
cier  dans  Salvator  Rosa,  et  s'en  est  acquittée  de  façon  à  ne 
laisser  éprouver  aucun  préjudice  au  nouvel  opéra  deM.Duprato. 
—  M.  Reaumont  vient  de  traiter  avec  le  ténor  Jourdan,  qui  don- 
nera des  représentations  pendant  les  mois  d'été. — La  rentrée 
de  Ratlaille  aura  lieu,  dit-on,  dans  la  Fée  aux  Roses,  une  des 
belles  partitions  de  notre  maestro  Halévy.  — L'Opéra-Comique 
nous  tient  en  perspective  un  ouvrage  de  MM.  Rosier  et  Limnan- 
der,  dont  le  rôle  principal  est  destiné  à  Montaubry. 

Le  Théâtre-Lyrique  annonce,  pour  mercredi  prochain,  une 
représentation  extraordinaire  au  bénéfice  de  Mme  Pauline  Viar- 
dot.  Le  programme  de  cette  soirée  réunira  les  noms  de  nos  plus 
grands  artistes  et  les  titres  de  nos  plus  grands  chefs-d'œuvre  : 
1°  les  fragments  des  deuxième,  troisième  et  quatrième  actes 
à'Alceste ,  qui  ont  excité  un  si  grand  enthousiasme  au  dernier 
concert  du  Conservatoire;  2°  le  troisième  acte  d'Otello,  chanté 
par  Duprez  et  Mm6  Viardot;  3°  Mme  Ristori  dans  le  premier 
acte  de  Maria  Sluarda  ;  4°  la  première  représentation  du 
Ruisson  vert,  paroles  de  M.  Michel  Carré,  musique  de  M.  Gas- 
tinel  (M.  Jules  Petit,  prix  de  chant  et  d'opéra-comique  du  Con- 
servatoire, doit  débuter  dans  le  principal  rôle);  5°  les  Rendez- 
vous  bourgeois,  pour  finir. 


C'est  une  grande  et  importante  comédie  que  celle  que 
M.  Meilhac  vient  de  faire  jouer  au  Gymnase,  sous  le  titre  : 
la  Vertu  de  Célimène.  L'œuvre,  un  peu  austère  pour  la  scène 


du  boulevard  Bonne-Nouvelle,  brille  surtout  par  la  distinction 
du  style  et  la  peinture  des  caractères.  Lafontaine,  Lafont,  Le- 
sueur,  Derval,  Mmcs  Rose-Chéri,  Pressant,  interprètent  cette 
comédie  de  la  façon  la  plus  remarquable,  et  la  salle  entière  les 
met  chaque  soir  de  moitié  dans  les  marques  de  sympathie  qu'elle 
témoigne  à  l'auteur. 

Le  Vaudeville  a  grossi  son  répertoire  d'une  pièce  des  plus 
humoristiques.  Les  Mystères  de  la  rue  Rousselet,  tel  est  le  titre 
de  cette  petite  comédie,  qui  porte  la  signature  et  l'estampille  de 
MM.  Labiche  et  Marc  Michel,  deux  joyeux  compères.  Numa  et 
Parade  font  spécialement  les  honneurs  de  cet  éclat  de  rire,  dont 
les  échos  du  Palais-Royal  ont  le  droit  d'être  jaloux. 

M"0  Milla,  transfuge  de  l'Ambigu,  nous  est  apparue  cette 
semaine,  au  Palais-Royal,  dans  le  rôle  de  Rérénice  de  la 
Mariée  du  mardi  gras,  rôle  dont  la  création  lui  avait  été  primi- 
tivement destinée.  La  débutante  a  complètement  réussi,  et  ce 
n'était  pas  un  mince  mérite  après  M"e  Schneider,  qui  venait  de 
lancer  ce  type  de  Bérénice  avec  tant  de  hardiesse  et  de  bonheur. 
Mlle Milla,  dont  on  vante  le  talent  d'imitatrice,  va  maintenant 
faire  son  véritable  début  dans  Rébé  actrice,  parodie  de  Réatrix. 

L'Ambigu  a  repris  Angèle,  drame  en  cinq  actes  de  M.  Alexan- 
dre Dumas.  Vous  voyez  que  l'on  continue  d'évoquer  dans  ces 
parages  tous  les  drames  de  la  grande  époque.  Peut-être  fau- 
drait-il aussi  évoquer  les  anciennes  émotions;  mais  c'est  plus 
difficile. 

Le  Théâtre  -  Déjazet  nous  a  donné  une  petite  pièce  de 
MM.  Commerson  et  Normand  :  Double  deux,  musique  de  M.  Eu- 
gène Déjazet,  pour  les  débuts  de  M"e  Mareschal,  ex-pension- 
naire de  M.  J.  Offenbach.  Celte  belle  actrice  a  pris  beaucoup  plus 
de  corps,  ce  qui  n'a  point  empêché  sa  réussite  :  le  boulevard  du 
Temple  a  les  goûts  orientaux. 

Lundi  dernier  a  eu  lieu  l'ouverture  du  Théâtre  Féerique 
des  Champs-Elysées,  dans  l'ancienne  salle  d'été  des  Bouffes- 
Parisiens.  Cette  soirée  d'inauguration  s'est  signalée  par  une 
opérette  de  MM.  Lefebvre  et  Gérard,  musique  de  M.  Debille- 
rnont,  intitulée  :  Un  Éclat  de  trompette.  Nous  avons  retrouvé 
parmi  les  interprètes  de  ce  petit  ouvrage,  une  ancienne  connais- , 
sance  du  théâtre  du  Palais-Royal ,  MUe  Désirée,  la  piquante 
soubrette.  La  créalion  du  rôle  de  Nanon  lui  a  fait  grand  hon- 
neur et  révélé  une  jolie  voix  que  nous  ne  lui  connaissions  pasi 
A  côté  d'elle,  nous  devons  mentionner  M.  Gustave  Vienne , 
jeune  baryton  d'avenir.  MUe  Jenny  Kid  et  M.  Touroul  ont 
complété  un  ensemble  satisfaisant.  Le  spectacle  se  terminait 
par  une  de  ces  féeries-prologues  qui  ne  brillent  malheureuse- 
ment que  sur  l'affiche. 

J.  Lovy. 

GUSTAVE  NADAID. 

Collection  complète  tle  ses  Chansons ,  en  liait  volumes  in-8°. 
—  Une  Idylle,  un  Tolumc-Hacliettc.  — 

Ce  n'est  point  d'œuvres  nouvelles  que  j'ai  à  vous  entretenir 
aujourd'hui,  chers  lecteurs.  Tous,  vous  connaissez  Nadaud,  le 
chansonnier  philosophe,  le  poète  musicien,  le  rêveur  original 
aimable  et  spirituel.  Tous ,  vous  l'avez  entendu  ,  vous  l'avez 
applaudi  ou  chanté.  Ses  refrains  ont  eu  ce  double  privilège 
d'égayer  l'atelier  et  de  charmer  les  salons.  Du  petit  au  grand, 
nul  ne  l'ignore  ;  son  nom  et  ses  chansons  parcourent  non-seu- 


188 


LE  MÉNESTREL. 


lement  Paris,  mais  la  France,  mais  l'Europe,  mais  les  deux 
mondes.  Le  soldat  au  bivouac,  en  Afrique,  en  Italie,  en  Chine; 
l'officier  sous  la  tenle,  le  marin  sur  son  vaisseau,  l'arliste  en 
voyage  ont  jeté  sa  poésie  éminemment  française  à  la  face  de 
tous  les  cieux,  aux  échos  de  tous  les  pays.  Le  succès  a  été  une 
traînée  de  poudre. 

Mais  ce  que  vous  ne  savez  pas,  c'est  qu'au  milieu  de  ce  succès 
l'homme  et  le  chansonnier  sont  restés  simplement  modestes. 
Beaucoup  d'autres  eussent  enfourché  le  coursier  de  la  gloire  et 
ceint  avec  dignité  l'auréole  du  génie.  Nadaud  n'a  changé  ni  ses 
habitudes,  ni  l'air  de  son  visage.  Une  promenade  sur  les  quais 
brumeux,  avec  un  cigare  pour  compagnon,  une  partie  de  wisth 
prenant  la  nuit  par  les  deux  bouts,  une  réunion  d'intimes,  une 
chambre  d'étudiant  et  la  côtelette  de  l'amitié  ;  un  dévouement 
serviable  jusqu'à  l'oubli  de  soi-même;  une  franche  bonhommie, 
une  gaieté  tranquille,  un  abord  toujours  souriant,  une  insou- 
ciance proverbiale,  voilà  Nadaud  aujourd'hui  comme  il  y  a 
douze  ans,  et  demain  comme  aujourd'hui. 

Il  est  donc  bien  entendu  que  je  ne  viens  pas  analyser  des 
œuvres  que  chacun  connaît  aussi  bien  que  moi.  Le  fait  qui  se 
présente  est  tout  bonnement  une  édition  nouvelle  ,  nouvelle 
d'étendue,  nouvelle  de  forme  ;  une  édition  réunissant  en  un 
seul  tout,  l'œuvre  complète  du  poète,  ce  qui  permet  d'apprécier 
dans  son  ensemble  la  muse  facile  et  féconde  qui  nous  a  fait  passer 
de  si  doux  instants. 

Est-il,  en  effet,  un  talent  plus  souple  que  celui  de  Gustave 
Nadaud?  Sa  palette  comporte  tous  les  tons,  sa  lyre  toutes  les 
gammes,  son  cœur  tous  les  échos....  Tour  à  tour  satirique  et 
tendre,  badin  et  profond,  spirituel  et  naïf,  son  vers  vous  câline, 
vous  égratigne,  vous  berce  ou  vous  émeut.  Participant  de  Désau- 
giers  par  la  gaieté,  deBérangerpar  le  trait  incisif  et  prophétique, 
Nadaud  est  de  nos  jours  le  dépositaire  de  cette  vieille  chanson 
essentiellement  nationale,  à  laquelle  toutefois  il  a  su  imprimer 
un  cachet  particulier  de  distinction,  d'amabilité  et  de  franchise 
d'expression. 

Aussi  que  de  succès  en  tous  genres,  depuis  les  Reines  de  Ma- 
bille  eila  Lorette,  négligemment  écrites  pour  ses  amis,  mais 
qui  n'en  furent  pas  moins  le  point  de  départ  de  sa  réputation! 

Ce  qui  surprend  surtout  en  Nadaud,  c'est  l'espèce  de  don 
musical  dispensé  par  la  nature  à  son  âme  de  poète.  Sans  avoir 
étudié  la  musique,  un  beau  jour  il  se  réveille  musicien  et  crée 
d'un  seul  coup,  poésie  et  mélodie,  de  petits  chefs-d'œuvre  tels 
que  les  Dieux,  le  Message,  le  Voyage  aérien,  l'Insomnie.  Là, 
plus  que  jamais,  la  pensée  poétique  et  la  pensée  musicale  sont 
sœurs,  et  l'on  s'aperçoit  bien  vite,  en  les  trouvant  si  bien  unies, 
qu'une  seule  inspiration  a  fait  naître  ces  fleurs  jumelles. 

Il  faut  donc  s'applaudir  de  voir  se  former  une  édition  musi- 
cale et  complète  de  toutes  les  œuvres  de  Nadaud.  Cela  existait 
bien  en  librairie,  et  les  véritables  amateurs  avaient  ouvert  avec 
joie  leur  bibliothèque.  Cependant,  sans  la  musique,  Nadaud 
n'existe  pas  tout  entier ,  et  il  était  réservé  aux  éditeurs  du  Mé- 
nestrel d'offrir  au  public,  dans  sa  double  personnalité,  le  poète- 
musicien  qu'on  aime  lire,  mais  qu'on  préfère  encore  chanter. 
En  feuilletant  cette  édition  charmante  à  tous  les  points  de  vue, 
. —  car  le  fini  de  la  gravure  égale  la  pureté  d'impression,  —  on 
s'expliquera  le  succès  si  étendu  des  œuvres  de  Nadaud  par  la 
délicatesse  des  sentiments,  la  finesse  de  touche,  le  charme  et  la 
grâce  des  pensées  qui  s'y  rencontrent  à  chaque  page.  Sa  plume 
est  multiple  comme  un  diamant  à  mille  facettes,  et  souvent  son 


vers  se  décoche  comme  un  trait  en  prenant  l'importance  du  pro- 
verbe ou  de  la  maxime.  Le  fameux  : 

Brigadier,  vous  avez  raison, 

de  Pandore,  vivra  tant  qu'il  y  aura  des  inférieurs  et  des  supé- 
rieurs. Et  la  profession  de  foi  de  Bonhomme  : 

J'ai  du  vin  et  du  pain  tendre  , 
Et  le  soleil  du  bon  Dieu. 

ne  voilà-t-il  pas  la  résignation  chrétienne  dans  tout  ce  qu'elle  a 
de  plus  simple  et  de  plus  vrai  !  Et  les  Dieux,  ce  cri  du  cœur  ! 
et  le  Voyage  aérien,  ce  poème  philosophique  qui  ramène  si 
justement  l'homme  sur  la  terre  avec  ces  deux  vers  : 

Je  sens  bien  que  l'humanité 

Frémit  encore  en  ma  poitrine. 

et  l'Insomnie ,  cette  contemplative  rêverie  si  bien  résumée  ici  : 
Espérer  et  se  souvenir 
N'est-ce  pas  toute  l'existence  ? 

Et  le  Vieux  Télégraphe  !  et  les  Deux  Notaires,  si  comiques  !  et 
la  Vie  moderne  : 

Nous  vivons  plus  en  un  seul  jour 

Que  nos  aïeux  dans  une  année  ! 

et  les  deux  lettres  de  l'étudiante  et  de  l'étudiant,  celui-ci  lui 
écrivant  : 

Que  te  dirai-je  ?  que  je  t'aime.... 

Méchante,  vous  le  savez  bien. 

celle-ci  répondant  : 

Si  tu  passes  par  Saint-Ëtienne , 
Apporte-moi  quelques  rubans  ! 

et  l'Aimable  Voleur!  et  le  Nid  abandonné,  si  délicieusement 
sentimental,  avec  sa  pensée  de  la  dernière  strophe  : 

Vous  n'aimerez  jamais  vos  mères 

Autant  qu'elles  vous  ont  aimés. 

et  la  Pluie,  et  le  Sultan,  et  Chauvin,  et  Paris,  et  la  Vigne 
vendangée,  et  le  Quartier  latin,  et  les  Souvenirs  de  voyage,  et 
la  Ferme  de  Beauvoir,  et  le  Mandarin,  et  toutes  celles  que  je 
ne  puis  nommer,  puisqu'il  faudrait  les  nommer  toutes  ! 

Il  n'y  a  pas  là  moins  de  cent  quarante  chansons,  sans  compter 
le  volume  des  Chansons  légères,  qui  en  contient  trente  à  lui  seul. 
Bref,  c'est  un  véritable  écrin  de  cent  soixante-dix  joyaux  ;  écrin 
connu,  il  est  vrai,  mais  auquel  on  ne  peut  reprocher  sa  popula- 
rité, —  titre  de  noblesse  le  plus  difficile  à  acquérir. 


Quitterons-nous  Nadaud  le  chansonnier  sans  saluer  Nadaud 
le  romancier  ?  Voici  venir,  en  effet,  un  livre  tout  nouveau,  un 
roman,  ne  vous  déplaise  ;  une  idylle  signée  Nadaud  ,  à  laquelle 
l'éditeur  Hachette  ,  a  fait  les  honneurs  de  sa  Bibliothèque  des 
Chemins  de  fer.  Nous  ne  lui  souhaitons  qu'une  chose,  à  ce 
livre  nouveau-né,  c'est  que  tous  ceux  qui  chantent  son  auteur 
le  lisent  ;  le  succès  se  traduirait  tout  simplement  par  quelques 
centaines  de  mille,  et  cela  ne  nous  étonnerait  pas. 

Maintenant  faut-il  vous  dire  le  sujet  de  ce  roman  ?  C'est  un 
château  bâti  sur  un  grain  de  sable,  une  perle  posée  sur  une 
pointe  d'aiguille,  un  coin  de  la  vie  réelle  et  champêtre,  esquissé 
par  une  âme  de  poète.  Décidément  je  ne  saurais  vous  le  raconter, 
et  j'aime  mieux  vous  en  laisser  la  surprise. 

Ce  n'est  rien  au  point  de  vue  de  l'action,  c'est  beaucoup  pour 
les  observateurs.  Il  y  a  là  des  caractères  pris  sur  le  vif  et  tou- 
chés de  main  de  maître.  Vous  reconnaîtrez  pour  les  avoir  déjà 
rencontrés,  le  joyeux  compère  Bourguignol,  le  vieux  général 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


189 


aux  soldats  de  plomb,  le  notaire  de  village,  le  curé  Sans-Cloche 
et  le  sentencieux  garde-chasse.  Si  vous  connaissez  la  campagne, 
vous  verrez  l'année  s'y  dérouler,  depuis  le  printemps  jusqu'à  la 
fin  de  l'automne,  avec  une  vérité  de  description  saisissante;  vous 
sentirez  le  parfum  des  fleurs  et  les  émanations  enivrantes  de  la 
fenaison.  Les  moissons,  les  vendanges  prendront  pour  vous  leur 
air  de  fête.  Vous  aurez  chaud  sous  le  soleil  d'été  ;  vous  frisson- 
nerez au  contact  des  premiers  brouillards.  C'est  le  roman  intime 
et  descriptif,  la  vie  au  jour  le  jour  ;  c'est  vous,  c'est  elle,  c'est 
moi,  c'est  nous  ;  enfin,  c'est  le  Parisien  à  la  campagne,  et  pour 
vous  qui  ne  pouvez  voyager,  c'est  la  campagne  dans  un  livre. 

Quant  à  la  forme  de  cette  charmante  fantaisie,  elle  est  ori- 
ginale et  sans  façon  ,  comme  Nadaud  lui-même,  moitié  vers  et 
moitié  prose.  On  marche  sur  un  terrain  neutre,  où  le  poëte  sem- 
ble n'avoir  d'autre  règle  que  sa  fantaisie,  s'arrêtant  pour  cueillir 
une  fleur,  pour  regarder  le  soleil,  pour  dire  un  mot  d'amour. 
C'est  du  moins  ce  qu'il  nous  explique  lui-même. 

J'aime  mon  allure  franche  ; 

Je  chemine  à  pas  inégaux  ; 

De  l'arbre  du  sentier  je  détache  une  branche  ; 
Je  m'assieds  au  bord  des  ruisseaux. 

Je  m'amuse  parfois  au  détail  de  la  route  ; 

Si  je  Vois,  je  regarde,  et  si  j'entends,  j'écoute. 

Si  vous  voulez  maintenant  avoir  un  échantillon  du  côté  plus 
réel,  c'est-à-dire  de  la  prose,  écoulez  le  héros  du  roman  ,  c'est 
lui  qui  parle  par  une  belle  nuit  d'été  : 

«  Comme  on  respire  à  pleine  poitrine!  comme  on  sent  le  prix 
de  la  vie  !  0  les  malheureux  qui  regardent  avec  indifférence 
passer  les  jours  et  les  nuits,  l'hiver  et  l'été,  les  fleurs  et  la  jeu- 
nesse ! 

«  Nous,  nous  apprenons  le  peu  que  nous  connaissons  de 
toutes  ces  merveilles  qui  sont  suspendues  sur  nos  têtes. 

«  A  peine  savons-nous  le  nom  de  quelques  constellations  ;  nous 
mettons  notre  ignorance  en  commun.  Nous  étudions  cet  aslre 
bizarre  qui  change  de  forme  toutes  les  nuits,  et  qui  semble  dans 
le  ciel  un  voyageur  errant  au  hasard,  se  levant  tôt,  se  levant 
tard,  se  montrant,  se  cachant,  selon  son  caprice  ou  la  saison. 

«  Il  y  a  pourtant  des  gens  faibles  et  mortels  comme  nous, 
qui  vivent  dans  le  commerce  du  ciel,  traitent  avec  la  lune  et 
ont  un  compte  ouvert  avec  toutes  les  étoiles.  Et  ces  gens-là 
mangent  et  boivent  comme  nous.  Quoi  1  avoir  les  yeux  fixés  sur 
cette  immense  machine,  pénétrer  les  mystères  de  l'infini,  me- 
surer et  compter  les  mondes,  vivre  face  a  face  avec  l'éternité  , 
et  descendre  de  ces  hauteurs  aux  besoins  vulgaires  de  la  vie, 
s'occuper  de  son  dîner,  aller  au  spectacle,  lire  un  roman,  porter 
un  habit  noir,  souffler  son  potage,  toucher  ses  émoluments , 
intriguer  auprès  des  ministres  et  dormir  en  bonnet  de  coton  1 
0  hommes! je  veux  dire  :  ô  astronomes!  » 

Il  y  aurait  quantité  de  passages  à  citer  dans  le  livre  de  Na- 
daud, si  l'on  ne  consultait  que  leur  mérite  ou  leur  charme; 
mais  notre  cadre  est  trop  restreint,  et  même  il  faut  avouer  que 
nous  sommes  sortis  de  notre  spécialité  musicale,  en  attaquant 
une  question  de  simple  littérature.  Seulement  nous  sommes 
absous  d'avance  par  nos  lecteurs,  car  il  s'agit  de  Nadaud,  de 
Nadaud  qu'ils  aiment,  et  qui  d'ailleurs  sera  toujours  chez  lui 
dans  les  colonnes  du  Ménestrel,  quoi  qu'il  écrive,  et  sous  quelque 
forme  qu'il  se  présente. 

Du  reste,  pour  finir  cet  aperçu  d'une  façon  toute  musicale, 
nous  reviendrons  à  la  nouvelle  édition  des  chansons  de  Nadaud, 
pour  vous  dire  qu'on  y  a  joint,  en  format  semblable,  les  trois  opé- 


ras de  salon  du  même  auteur  :  la  Volière,  Porte  et  Fenêtre  et  le 
Docteur  Vieuxtemps.  C'est  donc  tout  l'œuvre  de  ce  charmant 
esprit  qui  se  trouve  ainsi  réuni.  Avis  à  ses  amis ,  à  ses  lecteurs, 
à  ses  partisans,  à  ses  chanteurs,  toutes  qualités  qui  se  confondent 
pour  ceux  qui  connaissent  l'homme,  qui  ont  fait  parler  le  poëte, 
et  qui,  dans  l'intimité,  ont  eu  le  bonheur  d'écouter  le  musicien. 

Paul  Bernard. 


Voici  le  beau  programme  du  concert  que  doit  donner,  mardi 
prochain,  le  Cercle  de  VlJnion  artistique,  au  Théâtre-Italien  : 

PREMIÈRE    PARTIE. 

1°  Ouverture  (Mer  calme,  heureuse  traversée) ,  de  Men- 
delssohn  ; 

2°  Bencdiclus  de  la  messe  en  ré,  de  Beethoven  ;  les  solos 
seront  chantés  par  Boger,  Cazaux  et  Mlle  Bey  ; 

3°  Concerto  en  ré  mineur  (orchestre  et  piano),  de  Bach,  exé- 
cuté par  Mme  Massart  ; 

4°  Aveverum, inédit  (orchestre et  chœurs), de Ch.Gounod; — 
solo  par  Mlle  Bey; 

5°  Symphonie  en  la  (andante  et  final),  de  Beethoven; 

6°  Le  Jugement  dernier,  inédit  (orchestre  et  chœurs)  de 
Félicien  David. 

DEUXIÈME    PARTIE. 

Fingal,  opéra  de  concert  (inédit),  imité  d'Ossian,  de  M.  A. 
Flobert,  musique  de  M.  Edmond  Membrée,  chanté  par  Boger, 
Cazaux,  Gourdin,  Mlle  Bey. 

L'orchestre  sera  dirigé  par  MM.  Félicien  David  ,  Ch.  Gounod 
et  Tilmant,  chef  d'orchestre  de  la  Société  des  concerts  du  Con- 
servatoire. 

Les  chœurs  seront  dirigés  par  M.  Vauthrot,  chef  du  chant  à 
l'Opéra. 

Le  concert  commencera  à  neuf  heures  précises. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Londres  aura,  pendant  cette  saison  d'été,  un  théâtre  français  dans  la 
salle  Saint-James.  C'est  M.  Lambert  Dennery  qui  en  aura  la  direction. 
L'ouverture  est  fixée  au  20  mai. 

—  Le  théâtre  de  Covent-Garden,  à  Londres,  après  avoir  successivement 
représenté  le  Prophète,  Rigoletto,  la  Favorite,  les  Puritains,  vient  d'of- 
frir à  ses  habitués  Guillaume  Tell,  le  chef-d'œuvre  de  Rossini,  et  cela  sous 
les  auspices  deMme  Miolan-Carvalho,  de  MM.  Tamberlick,  Faure,  Formés, 
Tagliafico  et  Néri-Baraldi.  Toutes  les  correspondances  sont  d'accord  sur 
l'enthousiaste  réception  faite  aux  interprètes.  Inutile  de  dire  aussi  la  puis- 
sante impression  que  l'œuvre  a  produite  sur  le  public  anglais.  Seul,  le 
Musical  World  croit  devoir  lancer  quelques  flèches  (pour  le  moins  tar- 
dives) contre  un  ouvrage  universellement  acclamé;  mais  le  bulletin  de 
Covent-Garden  lui  réplique  suffisamment  :  les  trois  premières  représenta- 
tions ont  produit  une  moyenne  de  35,000  fr.  par  soirée.  Il  parait. que  la 
mise  en  scène  répond  à  l'exécution  du  chef-d'œuvre  de  Rossini. 

—  Il  avait  été  question  d'organiser  à  Londres,  pour  le  mois  de  juin 
prochain,  un  second  festival  d'orphéonistes  français,  auxquels  devaient  se 
joindre  les  sociétés  chorales  anglaises.  Ce  feslival  n'aura  pas  lieu  ;  il  sera 
remplacé  par  celui  annoncé  à  Paris,  au  Palais  de  l'Industrie,  pour  la  fin  de 
septembre.  Ce  sera  la  seconde  réunion  des  orphéonistes  de  France. 

—  A  Leipzig,  on  a  représenté  un  nouvel  opéra  :  Maître  Martin  et  ses 
compagnons,  poème  imité  de  Hoffmann,  par  Moriz  Horn,  musique  de  Wil- 
helm  Tschirch.  Les  journaux  allemands  en  font  un  grand  éloge. 


190 


LE  MÉNESTREL. 


—  Le  23  avril  a  eu  lieu,  à  Vienne,  le  mariage  du  due  Léopold  de  Saxe- 
Cobourg,  colonel  d'infanterie,  avec  MIlc  Constance  Geiger.  La  duchesse  ac- 
tuelle était  une  artiste  universelle  :  elle  composait,  chantait,  dansait,  tou- 
chait du  piano  ,  jouait  la  comédie ,  et  donnait  des  représentations  dans  la 
plupart  des  villes  allemandes  ;  pourtant  son  nom  ne  parvenait  pas  à  franchir 
les  frontières  de  son  pays. 

—  A  Gratz  (Bohême),  on  vient  de  publier  une  nouveauté  intéressante  : 
c'est  l'adagio  d'un  concerto  de  Mozart,  pour  trois  pianos,  avec  accompa- 
gnement d'orchestre.  Cette  curiosité  musicale,  qui  date  de  1777,  se  trou- 
vait entre  les  mains  de  MmeBaroni  Cavalcado,  née  comtesse  de  Castiglione, 
héritière  de  la  succession  du  fils  de  Mozart. 

—  Voici  une  revendication  qui  arrive  un  peu  tard.  Sur  la  foi  d'un  jour- 
nal allemand,  la  Gazette  de  Cologne  cherche  à  nous  démontrer  que  l'hymne 
de  la  Marseillaise  est  dû  à  un  compositeur  allemand  nommé  Holtzmann  , 
maître  de  chapelle  du  Palatinat.  Le  poète  Rouget  de  l'Isle  aurait  simple- 
ment copié  le  Credo  d'une  messe  (Hissa  solemuis) ,  composée  par  ce 
M.  Holtzmann,  ets'en  serait  servi  pour  ses  strophes  1  — Ainsi,  pendant  un 
demi-siècle,  l'Europe  entière  a  sincèrement  cru  que  la  Révolution  fran- 
çaise s'est  accomplie  aux  accents  d'un  chant  uniquement  français,  et 
voilà  qu'un  journal  allemand  vient  dire  :  Votre  Rouget  de  l'Isle  n'est  qu'un 
copiste,  c'est  un  vil  plagiaire  qui  s'est  approprié  le  manuscrit  de  notre 
Holtzmann.  De  pareilles  accusations  veulent  des  preuves,  des  preuves 
irrécusables.  «  Il  importe,  dit  la  Presse  théâtrale,  que  la  lumière  se  fasse, 
et,  pour  cela,  il  faut  que  la  presse  française  demande  la  production  du 
manuscrit  de  Holtzmann.  Quand  cette  Missa  solemnis  aura  été  rigoureu- 
sement examinée  par  des  hommes  compétents,  quand  l'investigation  la 
plus  minutieuse  aura  constaté  la  date  de  ce  Credo,  alors,  mais  alors  seu- 
lement, nos  confrères  allemands  auront  le  'droit  de  dire  :  la  Marseillaise 
n'est  pas  de  Rouget  de  l'Isle. 

—  La  France  musicale  publie  une  correspondance  de  Constantinople, 
dans  laquelle  on  donne  quelques  détails  sur  les  progrès  accomplis  dans 
l'art  musical  en  Turquie,  et  sur  le  développement  de  l'enseignement  dra- 
matique parmi  la  jeunesse  musulmane.  Le  sultan  aime  la  musique  euro- 
péenne, surtout  le  chant.  Dans  son  palais  même,  Sa  Majesté  a  établi  une 
école  de  musique,  où  s'instruisent  trois  cents  jeunes  gens.  Celte  école  se 
trouve  sous  la  direction  de  deux  habiles  maîtres,  secondés  par  plusieurs 
professeurs  européens.  La  musique  de  chambre  de  Sa  Majesté  et  la  direc- 
tion de  son  orchestre  sont  confiées  au  maestro»  Pisani,  un  des  élèves  favo- 
ris du  célèbre  Mercadante,  et  les  bandes  militaires  se  trouvent  sous  la  di- 
rection du  maestro  Guetelli.  Le  sultan, comme  on  le  sait,  a  fait  construire, 
tout  près  de  son  palais,  un  théâtre  qui  est  un  véritable  bijou,  et  qui, 
assure- 1- on,  n'a  pas  son  pendant  en  Europe,  Quelquefois  c'est  la 
troupe  théâtrale  de  la  ville  qui  est  appelée  à  donner  des  représentations, 
et  quelquefois  ce  sont  les  élèves  eux-mêmes  qui  exécutent  des  scènes 
entières  d'opéra,  en  italien,  dès  chœurs,  des  ballets,  etc.,  etc.  Chanteurs, 
choristes,  orchestre,  tout  est  turc. 

—  S.  Exe.  le  ministre  d'Etat  vient  de  commander  à  Dantan  jeune,  pour 
le  Conservatoire,  la  reproduction  en  marbre  du  beau  buste  d'Auber,  actuel- 
lement exposé  au  Palais  de  l'Industrie ,  dans  la  galerie  des  bustes  au  pre- 
mier étage. 

—  Une  vaporeuse  statuette  ,  due  à  l'habile  ciseau  de  M.  Barre ,  vient 
d'illustrer  sous  une  nouvelle  forme  la  personnification  du  Papillon  par 
MUe  Emma  Livry.  La  légère  sylphide  bat  des  ailes  et  bondit  de  son  piédestal 
de  fleurs  pour  voltiger  incessamment.  Où  placer  une  pareille  statuette? 
A  peine  sera-t-elle  fixée  sur  votre  étagère,  qu'elle  s'envolera  bien  loin. 

—  Voici  l'état  des  recettes  brutes  qui  ont  été  faites  pendant  le  mois 
d'avril  dernier,  dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit  des 
indigents  : 

Théâtres  impériaux  subventionnés 560,723  fr.  63  c. 

Théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles         849,639      90 

Concerts,  spectacles-concerts, cafés-concerts,  bals.        194,965      90 
Curiosités  diverses 30,130      50 

Total 1,635,459      93 

—  Un  concert  des  plus  brillants  a  été  donné  le  6  mai  à  l'Institut  musi- 
cal d'Orléans,  à  l'occasion  du  concours  régional.  Mlle  Marie  Battu,  Alard, 
Jules  Lefort,  Berthelier  défrayaient  le  programme  de  cette  solennité  mu- 
sicale. Il  n'est  pas  besoin  de  dire  le  grand  succès  qu'ils  ont  obtenu,  et 
auquel  ils  sont  du  reste  accoutumés.  Jules  Lefort  a  .été  particulièrement 


fêlé  dans  le  Credo  des  quatre  Saisons  et  l' Insomnie  de  Nadaud;  on  lui  a 
redemandé  le  Nid  abandonné,  déjà  bissé  dans  une  précédente  soirée. 

—  Nous  empruntons  ce  qui  suit  à  la  Vigie  de  Dieppe  :  «  Le  public  diep- 
pois  a  répondu  avec  empressement  à  l'appel  qui  lui  avait  été  adressé  par 
les  amateurs  qui  composent  notre  Société  philharmonique.  Les  honorables 
membres  composant  le  comité  ont  dû  être  satisfaits  de  ce  résultat  ;  il  té- 
moigne des  sympathies  que  l'institution  orphéonique  rencontre  toujours 
parmi  notre  population.  Les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour  MM.  Klein 
et  Caron.  M.  Aloys  Klein  a  exécuté  sur  l'orgue-harmonium  différents  mor- 
ceaux avec  un  talent  remarquable ,  qui  justifie  bien  le  poste  qu'il  occupe 
comme  organiste  du  grand  orgue  de  la  métropole  de  Rouen.  —  C'étaient  : 
une  Berceuse,  de  la  composition  de  M.  Amédée  Méreaux ,  d'un  charme  et 
d'une  expression  admirables  ;  puis  les  Veilleurs  de  Nuit ,  de  Lefébure- 
Wély  ;  Mon  cœur  soupire,  romance  des  Noces  de  Figaro,  de  Mozart  ;  VAn- 
dantino  de  la  grande  Symphonie  en  mi  bémol,  d'Haydn ,  transcriptions 
concertantes  pour  piano,  violon  et  orgue  expressif,  par  M.  A.  Méreaux. 
M.  Klein  a  fait  aussi  le  plus  grand  plaisir  et  a  été  vivement  applaudi  dans 
une  brillante  fantaisie  de  sa  composition  sur  Robin  des  Bois.  Il  a  été,  du 
reste,  vaillamment  secondé  par  MM.  Payen  et  Pavie,  dans  l'exécution  des 
deux  transcriptions.  M.  Payen ,  chef  d'orchestre  de  notre  Société  philhar- 
monique, chargé  comme  violon,  dans  l'exécution  de  ces  morceaux,  du  rôle 
principal,  s'est  tiré  avec  honneur  de  cette  mission  difficile.  Il  était  allé  s'in- 
spirer auprès  du  maître,  et  il  a  interprété  l'œuvre  de  M.  Méreaux  avec  la 
plus  rigoureuse  exactitude.  Parmi  les  morceaux  chantés  par  M.  L.  Caron, 
ceux  qui  ont  fait  le  plus  de  plaisir  sont  :  le  Chevrierdit  Val  d'Andore,  le 
Clocheteur  de  nuit,  la  Chanson  du  passé  et  les  Tambours,  chansonnette 
qui  a  eu  les  honneurs  du  bis.  »  —  F.  Lebaron. 

—  Le  Courrier  de  Marseille  fait  le  plus  grand  éloge  d'un  concert  de 
charité  dû  à  l'initiative  ide  M.  Normann,  et  dans  lequel  l'éditeur  Roussel, 
excellent  professeur  de  chant,  a  interprété  une  mélodie  religieuse  intitulée 
la  Colline  sainte,  paroles  de  M.  Louis  Méry,  musique  de  M.  Auguste 
Morel.  Cette  inspiration  mélodique  est  déjà  populaire  dans  le  Midi,  et  la 
manière  remarquable  avec  laquelle  elle  est  interprétée  par  M.  Roussel  ne 
peut  qu'en  généraliser  le  succès. 

—  A  l'occasion  de  la  fête  de  la  Pentecôte,  la  maîtrise  de  l'église  Saint  - 
Roch,  sous  la  direction  de  M.  Vervoitte,  maître  de  chapelle  de  la  paroisse, 
exécutera  dimanche  prochain,  19  mai,  à  dix  heures  et  demie,  la  messe 
solennelle  en  la  majeur,  et  à  grand  orchestre,  de  M.  Leprévost,  organiste- 
accompagnateur  de  Saint-Roch.  Les  solos  seront  chantés  par  MM.  Hayet  et 
Cazaux  (du  théâtre  impérial  de  l'Opéra).  Le  grand  orgue  sera  tenu  par 
M.  Auguste  Durand. 

—  Mercredi  prochain,  à  une  heure,  inauguration  d'un  grand  orgue  en 
l'église  Saint-Philippe-du-Roule  ;  cet  instrument  sort  des  ateliers  de  la 
maison  Merklin-Schutz.  M.  Lemmens,  le  célèbre  organiste  belge,  se  joindra 
à  ses  collègues  de  Paris,  MM.  Batiste,  Renaud  de  Wilbac  et  Hocmelle,  pour 
faire  apprécier  cet  orgue,  qu'on  dit  de  toute  beauté. 

SOIRÉES  ET   CONCERTS 

—  La  saison  des  concerts  s'est  close  par  la  belle  soirée  que  nous  don- 
nait samedi  dernier,  dans  la  salle  du  Conservatoire,  M.  Léon  Kreutzer,  — 
un  grand  et  modeste  musicien,  qui  cultive  l'art  dans  son  acception  la  plus 
élevée.  Tous  les  vrais  connaisseurs  se  sont  rendus  à  l'appel  de  M.  Kreutzer, 
et  pas  un  n'a  regretté  sa  soirée.  Sa  symphonie  en  si  bémol  est  une  com- 
position magistrale  que  la  salle  entière  a  saluée  de  ses  bravos.  Un  accueil 
plus  enthousiaste  encore  a  été  fait  au  grand  concerto  exécuté  par  Mm8  Mas- 
sart,  et  ici  l'interprète  a  partagé  l'ovation  décernée  au  musicien.  Les  autres 
morceaux  du  programme,  notamment  les  mélodies  dites  avec  beaucoup  de 
grâce  par  MUe  Marie  Cico,  et  les  airs  des  Filles  d'Azur,  ont  également 
récolté  leur  succès.  Beaucoup  de  simplicité,  une  grande  distinction  de 
forme,  et  une  certaine  dose  d'originalité,  mais  sans  bizarrerie  ni  violence, 
telles  sont  les  qualités  que  le  publie  a  remarquées  dans  les  œuvres  de 
M.  Kreutzer;  et  celte  soirée  restera  comme  la  consécration  d'un  génie  mu- 
sical que  nombre  d'artistes  avaient  déjà  proclamé. 

—  Le  salon  des  Arts-Réunis  a  clôturé  mardi  la  série  de  ses  fêtes  musi- 
cales de  l'hiver.  Mme  Bochkoltz-Falconi ,  dit  la  Gazette  musicale ,  après 
avoir  admirablement  chanté  un  air  de  Weber ,  s'est  fait  applaudir  dans  la 
grande  scène  du  Prophète ,  où  elle  a  déployé  autant  d'expression  drama- 
tique que  d'agilité  et  de  légèreté  ;  elle  n'a  pas  eu  moins  de  succès  dans  les 
variations  de  l'air  suisse  de  Hummel.  Jules  Lefort  a  été  fort  apprécié  dans 
une  de  ses  romances  favorites  ,  que  M.  Engel  a  bien  voulu  accompagner. 
Dans  la  partie  instrumentale  de  ce  concert ,  Mm0  Joséphine  Martin  a  pro- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


191 


voqué  de  nombreux  et  justes  applaudissements,  qui  s'adressaient  autant  à  la 
pianiste  qu'à  l'auteur  des  charmantes  compositions  qu'elle  jouait.  Enfin,  l'in- 
téressant programme  de  la  soirée  s'est  complété  par  une  fantaisie  d'Alard, 
fort  remarquablement  exécutée  par  l'excellent  violoniste  Lebrun. 

—  Aux  dernières  séances  hebdomadaires  de  M.  Gouffé,  on  a  entendu  le 
quintette  en  ut  mineur  de  M.  Ad.  Blanc,  et  le  quatuor  en  "ut  de  M.  C.  Es- 
tienne.  Ces  compositions,  parfaitement  exécutées  par  MM.  Guerreau, 
Rignault,  Casimir  Ney,  Lebouc  et  Gouffé,  ont  été  accueillies  avec  faveur. 

—  Mme  Augusta  de  Hennezel,  sœur  de  M118  Stella  Colas,  l'ex-pension- 
naire  du  Théâtre-Français,  aujourd'hui  à  Saint-Pétersbourg,  a  donné,  mer- 
credi dernier,  salle  Pleyel,  une  soirée  musicale  et  dramatique  qui  nous 
a  permis  d'apprécier  le  double  mérite  de  cantatrice  et  de  comédienne  de  la 
jeune  et  jolie  bénéficiaire,  avantageusement  connue  sur  la  scène  lyrique 
de  Marseille.  La  partie  musicale  de  cette  soirée  était  représentée  par 
Mme  Augusta  de  Hennezel,  M.  Lafont,  M.  Mangin,  pianiste-compositeur, 
et  la  jeune  Maria  Boulay,  la  nouvelle  Milanollo,  qui  est  venue  obligeam- 
ment prêter  le  concours  de  son  talent  à  cette  fête  musicale  et  dramatique. 
Son  gracieux  et  énergique  coup  d'archet  a  enthousiasmé  la  salle  entière. 
La  partie  lyrique  et  dramatique  se  composait  d'abord  des  Doublons  de  ma 
ceinture,  de  Darder,  opérette  dont  la  bonne  interprétation  par  Mme  de  Hen- 
nezel, l'auteur,  et  M.  Nourrit,  a  ému  et  fait  rire  jusqu'aux  larmes;  puis  de 
V Amoureux  de  Berthe,  comédie  de  salon,  de  Mme  Berton,  fort  bien  jouée 
par  M.  Berton,  MUeOclavie  Colas  et  M***.  M1Ie  Octavie  Colas,  qui  jusqu'a- 
lors ne  s'était  occupée  que  de  peinture,  nous  a  révélé  une  réelle  vocation 
pour  le  théâtre. 

—  Aujourd'hui  dimanche  12  mai,  à  une  heure  précise,  salle  Herz  , 
concert  donné  par  la  société  chorale  et  musicale  des  Enfants  de  la  Bel- 
gique, dirigée  par  M.  Pierre  Benoît.  Les  artistes  belges  les  plus  distingués 
prendront  une  part  active  à  cette  fête  de  famille. 

CONCERTS  DES  CHAMPS-ELYSÉES. 

Les  salons  d'Érard,  de  Pleyel,  de  Herz  (trinité  vocale  et  instrumentale), 
sont  fermés  ;  il  a  suffi  pour  cela  d'un  rayon  du  soleil,  de  quelques  lilas  en 
fleur,  ou  de  l'apparition  d'une  hirondelle.  Bien  que  le  mois  de  mai  ne 
commence  guère,  â  Paris,  qu'à  la  fin  de  juin,  chacun,  — dès  que  les  der- 
niers jours  d'avril  arrivent,  —  songe  déjà  à  prendre  son  vol,  à  quitter  la 
ville;  nos  chanteurs,  plus  particulièrement,  donnent  le  signal  de  l'émi- 
gration, et  vont  se  reposer  en  province  ou  à  l'étranger,  dans  de  nouveaux 
travaux,  dans  de  nouveaux  triomphes.  Seuls,  hélas  I  les  oisifs  privilégiés 
qui  habitent  la  campagne  en  sont  réduits  au  chant  du  rossignol  I  Système 
des  compensations,  aurait  dit,  peut-être  malicieusement,  le  bon  M.  Azaïs. 

Mais  si  nos  salles  de  concerts,  ces  élégantes  prisons  d'un  hiver  toujours 
trop  long,  sont  closes,  il  en  est  une  qui  s'ouvre  au  premier  souffle  du 
printemps  et  s'emplit  tout  aussitôt.  Celle-ci ,  du  moins,  est  en  plein  air  ; 
la  brise  y  circule  en  toute  liberté  ;  les  fleurs  y  réjouissent  les  yeux  ;  et 
tout  en  s'y  livrant  au  plaisir  de  la  promenade,  au  milieu  d'allées  mysté- 
rieuses bien  qu'éclairées  a  giorno,  on  peut  y  régler  sa  marche  aux  mou- 
vements d'une  excellente  musique.  Vous  devinez  que  nous  voulons  parler 
des  Concerts-Musard,  de  cet  heureux  établissement  dont  les  entrepre- 
neurs, en  gens  de  goût  et  de  prévision,  ont  trouvé  le  secret  de  faire  le 
rendez-vous  de  l'honnête  et  bonne  compagnie  ;  aussi  la  foule  y  abonde- 
t-elle  tous  les  soirs,  tant  il  est  vrai  qu'on  va  toujours  où  on  est  sûr  d'être 
écrasé  :  le  monde  est  ainsi  fait,  surtout  à  Paris  ;  c'est  l'éternelle  histoire 
des  moutons  de  Panurge.  Le  Concert-Musard  est  un  immense  salon  de 
verdure  subdivisé  en  fractions  distinctes,  en  groupes  particuliers,  en  réu- 
nions de  famille  ;  rien  de  charmant  comme  ces  a  parte,  où  l'on  cause  et 
rit  tour  à  tour.  —  Pour  peu  qu'il  y  soit  aidé  d'un  cicérone,  l'étranger  y 
sera  bientôt  au  courant  des  individualités  de  nos  célébrités  parisiennes  ; 
tout  ce  qui  a  un  nom  dans  les  lettres,  dans  les  arts,  est  là  ;  les  hommes 
politiques  y  coudoient  les  hommes  de  la  magistrature  ;  le  grave  académi- 
cien y  est  assis  à  côté  de  Clairville,  et  Halévy  y  serre  la  main  d'Offenbach  : 
le  Concert-Musard  est  une  photographie  vivante,  une  sorte  de  musée,  où 
nous  laissons  dans  l'ombre  les  plus  gracieux  tableaux. 

Ce  qu'il  faut  aux  Concerts-Musard,  ce  sont  de  belles  nuits,  des  nuits 
étoilées.  A  ce  prix,  il  nous  sera  doux  d'enrichir  ceux  qui  ont  si  bien  com- 
pris le  moyen  d'attirer  et  de  retenir  la  foule,  —  de  l'amuser,  de  lui  plaire, 
enfin  I  E.  B. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  réducteur  en  chef. 


Tj-p.  Charles  de  Mourgu 


i  Jean-Jacques  Itou 


En  vente  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne. 


Hommage  à  Mme  SAGERET,  née  CLAPEYRON. 

TROIS  CHANTS  RELIGIEUX 


D.  RUBINI. 


N°  1. 
O  SALUT A RI  S, 

Pour  soprano  solo. 
prix  :  1  f.  50  c. 


N°  2. 

AGNUS  DEI, 

Duo  pour  soprano  et  basse. 

prix  :  i  f.  50  c. 


N°  3. 
AVE  MARIA,  pour  soprano  solo.  —  prix  :  2  fr. 

morceaux  exécutés  à  la  Madeleine. 

VINGT-CINQ  MOTETS  OU  CANTIQUES  EN  SOLOS  ,  DUOS  ET  TRIOS, 

PAR 

A.  PANSERON. 

(Prix  net:  12  fr.) 

N°  1.  Douze  antiennes  pour  l'orgue  de  la  maison  Alexandre 5  » 

2.  Ave  verum,  solo  pour  soprano  ou  ténor 3  » 

3.  Magnificat,  solo  pour  soprano  ou  ténor 3  » 

4.  Notre  Père,  cantique  pour  soprano  ou  ténor 5  « 

5.  O  Salutaris  ,  solo  pour  mezzo-soprano ,  avec  solo  de  vio- 

loncelle    5  » 

6.  Le  même,  sans  l'accompagnement  de  violoncelle 4  » 

7.  Ave  Maria,  solo  pour  mezzo-soprano  ou  ténor 3  » 

8.  Pour  vos  bienfaits,  cantique  pour  mezzo-soprano 3  » 

9.  Ecce  Panis ,  solo  pour  contralto  ou  baryton 3  » 

10.  Agnus,  solo  pour  contralto  ou  baryton 3  » 

11.  O  Salutaris,  solo  pour  ténor  ou  soprano,  avec  solo  de  vio- 

loncelle   5  >' 

12.  Le  même,  sans  l'accompagnement  de  violoncelle 4  » 

13.  O  Salutaris ,  solo  composé  pour  Tamburini 3  » 

14.  Pange  lingua  et  Tantum  ergo,  solo  pour  basse-taille 3  » 

15.  Le  Roi  des  Saints,  cantique  pour  basse-taille 6  » 

16.  Adoremus,  duo  pour  deux  soprani 4  » 

17.  Ave,  maris  Stella,  duo  pour  deux  soprani 4  » 

18.  O  Salutaris,  duo  pour  deux  soprani 3  » 

19.  Cœur  sacré,  cantique,  duo  pour  deux  soprani 4  » 

20.  Vierge  modeste,  cantique,  duo  pour  deux  soprani 4  » 

21.  Regina  cœli,  duo  pour  soprano  et  ténor 4  » 

22.  Benedictus  et  Prière,  duo  pour  soprano  et  baryton 6  » 

23.  Le  Cœur  de  Marie,  cantique  à  troisvoix,  pour  trois  soprani..  4  » 

24.  Prière  de  trois  sœurs ,  cantique  pour  trois  soprani 4  a 

25.  Ave  Maria,  trio  pour  deux  soprani  et  ténor 3  » 

En  vente  chez  l'éditeur  REUK,  boulevard  de  Strasbourg,  37. 


LES  CARACTERISTIQUES 

12  Morceaux  pour  piano,  soigneusement  doigtes, 

PAR 

PAUL  WAGNER. 


1.  Les  Éléments. 

2.  La  Danse. 

3.  Les  Déguisements. 

4.  Le  Poisson  d'avril. 

5.  Le  Réveil  du  Coucou. 

6.  Chant  de  la  Caille. 


7.  La  Chanson  des  Moissonneurs. 

8.  Fête  champêtre. 

9.  La  Chasse. 

10.  Les  Vendanges. 

11.  La  Veillée. 

12.  La  Noël. 


Chaque  morceau  :  3  fr.  75 


Pour  paraître  le  1er  Mai  1861 ,  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  HEUGEL  et  Ce,  éditeurs. 

COLLECTION  COMPLÈTE 

DES 

CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADAUD 

Publiées  en  sept  volumes  grand  in-8°,  et  une  collection  de  chansons  légères , 

Paroles  et  musique  avec  accompagnement  de  piano. 

Souscription  aux  huit  volumes  :  40  fr. 


Prix  net.  Chaque  volume  :  6  fr.  —  Collection  des  30  chansons  légères  :  8  fr. 

1"  VOLUME. 

1  Vieille  histoire.  6  Voilà  pourquoi  je  suis  garçon.          11  Au  coin  du  feu 

2  L'inconnu.  7  Les  mois.                                         12  Les  grands-pères 

3  L'automne.  8  Un  propriétaire.                                13  Les  rats 

4  Une  fée.  9  Le  melon. 

5  Trompette.  10  Je  pèche  à  la  ligne. 


21  Le  quartier  latin. 

22  Les  dieux. 

23  Le  vieux  tilleul. 

24  Le  château  et  la  chaumière. 

25  La  ligue  des  maris. 

41  Les  pauvres  d'esprit. 

42  Est-ce  tout? 

43  La  Kermesse. 

44  La  meunière  et  le  moulin. 

45  May. 

61  Le  voyage  aérien. 

62  Rose-Claire-Marie. 

63  Mon  héritage. 

64  Paris. 

65  Jaloux,  jaloux. 

81  La  forêt. 

82  Lanlaire..    . 

83  Pêcheur  silencieux. 

84  L'aveu. 

85  Des  bêtises. 

101  Les  heureux  voyageurs. 

102  L'aimable  voleur. 

103  La  vie  moderne. 

104  Le  pot  de  vin. 

105  La  vigne  vendangée. 

121  L'histoire  de  mon  chien. 

122  Libre  1  stances  à  l'Italie.    - 

123  Bernique. 

124  Nuit  d'été. 

125  Mon  oncle  Gaspard. 


1  Les  amants  d'Adèle. 

2  Le  souper  de  Manon. 

3  Satan  marié. 

4  Toinette  etToinon. 

5  Ursule. 

6  Les  gros  mots. 

7  Quille  à  quitte. 

8  Le  coucher. 


26  Bonhomme. 

27  La  ballade  au  moulin. 

28  Perrette  et  le  sorcier. 

29  Les  cerises  de  Montmorency. 

30  Je  n'aime  pas. 


46  La  solution. 

47  Pa-lorale. 

48  Fantaisie. 

49  Je  grelotte. 

50  Jean  qui  pleure  et  Jean  qui  rit 


66  Mes  mémoires. 

67  L'été  de  la  Saint-Martin. 

68  La  bavadère  voilée. 

69  Le  jardin  deTéhadja. 

70  Souvenirs  de  voyage. 


86  Le  fou  Guilleau. 

87  La  nacelle. 

88  Père  capucin. 

89  La  pluie. 

90  Les  plaintes  de  Glycère. 

106  Le  cigare. 

107  Les  lamentations  d'un  réverbère 

108  La  confidence. 

109  Les  pêcheuses  du  Loiret. 

110  La  chanson  de  gros  Pierre. 


126  L'attente, 

127  L'oubli. 

128  Le  roi  boiteux. 

129  L'improvisateur  de  Sarrente. 

130  Les  cotes  d'Angleterre. 


14  Je  m'embête. 

15  Ma  femme  n'est  pas  là. 
S»  VOLUME. 

31  Rêves  et  réalités. 

32  Les  étrennes  de  Julie. 

33  M.  Bourgeois. 

34  Louise. 

35  Le  docteur  Grégoire. 
3e  VOLUME. 

51  Les  écus. 

52  Pierrette  et  Pierrot. 

53  Le  phalanstère. 

54  Les  impôts. 

55  Les  réformes. 
4°  VOLUME. 

71  Insomnie. 

72  La  vieille  servante. 

73  II  faut  aimer. 

74  Ma  philosophie. 

75  Les  deux  notaires. 
VOLUME. 

91  Le  vieux  télégraphe. 

92  Ma  sœur. 

93  Les  ruines. 

94  La  mèreGbdiehon. 

95  M.  de  la  Chance. 
VOLUME. 

111  Le  puits  de  Pontkerlo. 

112  Les  projets  de  jeunesse. 

113  Le  sultan. 

114  La  cuisine  du  château, 

115  Chanson  napolitaine. 

te  VOLUME. 

131  A  propos  d'annexion. 

132  M'aimez-vous  ? 

133  Le  mandarin. 

134  Elle. 

135  Une  histoire  de  voleur. 


S 


16  Je  ris. 

17  Nous  sommes  gris. 

18  Ivresse. 

19  Aujourd'hui  et  demain. 

20  Chauvin. 

36  Chut. 

37  Les  hommes  utiles. 

38  Le  Champagne. 

39  Le  carnaval  à  l'assemblée. 

40  Beauté. 

56  Le  message. 

57  Pandore. 

58  L'histoire  du  mendiant. 

59  La  valse  des  adieux. 

60  La  première  maîtresse. 

76  Le  bonsoir. 

77  La  petite  ville. 

78  Le  chevalier  à  boire. 

79  Flora  cruelle. 

80  Cheval  et  cavalier. 

96  Ma  voisine 

97  Le  vallon  de  la  jeunesse. 

98  La  fille  de  l'amour. 

99  Lettre  d'un  étudiant  à  une  étudiante. 
100  Réponse  de  l'étudiante  à  l'étudiant. 

116  La  bûche  de  Noël. 

117  Macadam. 

118  Le  pays  natal. 

119  La  lecture  du  roman. 

120  Le  nid  abandonné. 


136  La  promenade. 

137  La  bruyère. 

138  La  ferme  de  Reauvoir. 

139  Le  vent  qui  pleure. 

140  Florimond  l'enjôleur. 


COLLECTION  DES  30  CHANSONS  LÉGÈRES 


9  Les  boutons. 

10  Auguste,  étudiant  de  10e  année. 

11  Boisentier. 

12  La  gaîlé  française, 

13  Les  poissons. 

14  La  chanson  de  trente  ans. 

15  Adèle. 

16  La  lorette. 


17  La  lorette  du  lendemain. 

18  La  chaumière. 

19  Les  reines  de  Mabille. 

20  Palinodie. 

21  Les  confessions. 

22  Les  deux. 

23  Mes  enfants. 
2't  Madeleine. 


25  Les  plaisirs  sont  trop  courts. 

26  Un  mari  malheureux. 

27  Thérèse. 

28  Le  lion  d'or. 

29  Le  dix-cors. 

30  La  toilette. 

HUITIÈME  VOLUME. 

Prix  net  :  8  fr. 


Paraissant  de  mois  en  mois  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  sous  le  titre  :  Une  Cbanson  par  mois  ;  12  chansons  par  an,  paroles,  musique  et  accompagnement  de  piano. 

Paris  et  province,  abonnement  d'un  an,  net  :  Ofr.  {L'abonnement  part  du  1er  septembre  de  chaque  année.) 

Chaque  enanson  séparée,  en  grand  format,  prix  marqué  :  3  fr.  50  e. 


OPERAS    DE    SALON 

Partitions  in-8»,  texte,  cliant  et  piano, 

LA    VOLIERE 

Pour  ténor,  basse,  trial  et  soprano.  —  Prix  oet  :  8  fr. 


PORTE  ET  FENETRE 

Pour  ténor,  baryton,  basse  et  soprano.  —  Prix  net  :  S  fr. 


LE  DOCTEUR  VIEUXTEMPS 

Pour  deux  ténors  ,   basse  et  deux  soprani.    —    Prix   :   9  francs. 

PARODIE  »JE  JLA  ROMAÏtfCE  —  Prix  marqué  :  5  fr. 


jv".  J5.  —  Les  trois  premiers  volumes,  la  collection  des  Chansons  légères  et  les  Opéras  de  salon  seront  en  vente  le  l"r  mai  1861,  les  autres  volumes  suivront  de  mois  en  mois. 
—  On  souscrit  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  en  adressant  un  bon  sur  ta  posle  à  MM.  Heogel  et  O.  —  Les  volumes  sont  expédiés  franco. 


766.  —  -28e  Année. 
iv>  as. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  19  Mai 

1861. 


l-j^TS\ 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

,  Rédact'enchef. 


(lin    Mi 


LES  ISURE  VU.V  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  IIEUGEE  et  C>%  éditeurs. 

ïiKin»  et  Abonnement  <l>-  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Tcnlo  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT.  ffl©MIBJIÏÏ,2@ÎTS  E'&ffitSSfKrSMHSMÏÏ'  :  PIAIÏÔ. 

1er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  SO  Morceaux  :      i      2°  Mode  d'abonnement  :  Jlournnl-Toxte,  tous  les  dimanches  ;  20  Morceaux  t 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albums-      I  Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  l  Albunia- 

primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr.  I  primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 

CHANT  ET  PIANO    lillMH  : 
3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5«  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Etranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  l«rde  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/ianco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  IIEUGEL  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charlesde  Mourgues  frères.  (  Texte  seul  :  8  fr.  ■ —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  3080 


SOnMAIHE.  —  TEXTE. 

I.  Méhul  et  ses  œuvres  (4U  article).  P. -A.  Vieillaro.  —  II.  Semaine  théâtrale  : 
l'Opéra  et  le  Théâtre-Italien.  J.-L.  Heoçei.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du 
chanteur  :  Mme  Pauline  Viardot  et  son  École  classique  de  Chant.  J.-L.  Heogel. 

—  IV.  Théâtre  de  l'Opéra-Comique  :  première  représentation  de  Sylvio-Sylvia. 

—  Théâtre-Lyrique  :  première  représentation   du  Buisson  vert.    J.  Lovy.   — 
V.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour  : 

GUIPURES   ET  DENTELLES, 

N°  1 ,  polka-mazurka  de  A.  Croisez.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
le  N°  2 ,  valse. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

S(EUR  BIÉLANIE  , 

Scène-mélodie  de  A.  de  Viixebichot,  paroles  de  Mme  la  Csse  Olympe 
M.  de  Lernay.  —  Suivra  immédiatement  après  :  Comire  ou  le  Nouvel 
ami  des  Enfants,  paroles  de  Frédéric  de  Courcy  ,  musique  d'HENRi 
Potier. 


MÉflUL  ET   SES  ŒUVRES. 


Deux  ans  après  Ylrato  vint  Une  Folie.  Cet  ouvrage,  joué  par 
les  mêmes  acteurs,  réussit  autant  que  VIrato,  et  de  la  même  ma- 
nière. Ici,  cependant,  les  auteurs  n'étaient  pas  sur  le  terrain  de 
la  parade.  Mais  ils  étaient  en  plein  dans  la  charge,  et  Bouilly, 
d'habitude  encore  plus  grave  que  Marsollier  dans  ses  composi- 
tions dramatiques,  sous  des  noms  et  des  costumes  français,  ne 
nous  montre  pas  dans  Une  Folie  des  personnages  plus  réels  et 
plus  raisonnables  que  les  grotesques  de  Ylrato.  La  pièce  avait 
un  faux  air  de  parenté  avec  le  Barbier  de  Séville,  à  qui  j'en  de- 
mande pardon  ;  mais  ce  en  quoi  elle  ne  lui  ressemblait  guère, 
c'était  le  dialogue.  Au  reste,  la  musique  de  Méhul  couvrit  du 
vernis  le  plus  brillant  les  misères  d'un  dialogue  qui  visait  a  être 
vif,  et  qui  ne  réussissait  qu'à  être  lourd  et  trivial. 


La  romance  Je  suis  encor  dans  mon  printemps,  chantée  par 
Philis  comme  ce  qu'elle  avait  jamais  chanté  de  mieux,  eut  une 
fortune  prodigieuse.  Dix  autres  morceaux  furent  applaudis  à  faire 
crouler  la  salle.  Méhul  fit,  pour  cette  œuvre,  une  dépense  pro- 
digieuse de  talent  et  d'efforts,  car,  je  dois  le  dire,  on  sentait, 
tout  en  l'admirant,  qu'il  n'était  pas  là  sur  son  terrain  véritable, 
et  que  son  génie  nous  devait  autre  chose.  Vive,  ingénieuse,  aga- 
çante, mutine  même,  sa  musique  n'était  pas  franchement  gaie; 
pour  s'en  convaincre,  il  suffirait  d'écouter  le  duo  des  vieillards 
dans  la  Fausse  Magie,  ou  l'air  Je  ne  déserterai  jamais  de  Mon- 
tauciel,  dans  le  Déserteur. 

Cependant,  dans  celle  notice  déjà  longue,  j'ai  passé  en  revue 
assez  de  productions,  et  noté  assez  d'œuvres  capitales  et  merveil- 
leusement réussies,  pour  avoir  pu  faire  apprécier  la  richesse  et 
la  variété  dont  la  nature  et  l'étude  avaient  doué  le  grand  artiste 
auquel  je  voudrais  pouvoir  rendre  un  hommage  plus  digne  de 
lui,  et  du  culte  d'admiration  et  de  tendre  reconnaissance  que  je 
garde  à  sa  mémoire. 

L'établissement  de  l'Empire  marque  la  date  où  nous  sommes 
arrivés.  A  cette  époque,  où  le  dominateur  éleva  si  haut  la  for- 
tune de  la  France,  la  gloire  des  arts  suivit  la  gloire  des  armes, 
et  la  fortune  des  artistes  fut  aussi  à  son  apogée.  L'Empereur 
avait  une  affection  particulière  pour  la  personne  de  Méhul,  dont 
il  prisait  beaucoup  le  talent.  Il  le  fit  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur  de  la  première  promotion,  et  voulut  lui  donner  la 
maîtrise  de  la  chapelle  des  Tuileries. 

Méhul,  qui  voyait  son  maître  dans  la  science  en  Chérubini, 
d'ailleurs  plus  âgé  que  lui  de  trois  ans,  déclina  un  honneur 
qu'il  eût  regardé  comme  une  usurpation,  et  proposa  qu'au 
moins  son  émule  entrât  en  partage  de  la  faveur  qui  lui  était  of- 
ferte. Napoléon  s'y  refusa,  ne  voulant  pas  scinder  la  maîtrise,  et 
appela  Lesueur  à  en  remplir  les  fonctions.  La  partition  de  Joseph 
permet  de  penser  que  Méhul  aurait  soutenu  la  lutte  avec  Le- 
sueur ;  cependant,  il  est  à  remarquer  que  Méhul,  presque  exclu- 


194 


LE  MÉNESTREL. 


sivement  voué  au  théâtre,  n'a  point  composé  de  messes,  ni  même 
d'oratorios  (1). 

Euphrosine  et  Coradin,  Slralonice  et  Àriodant,  avaient,  à  la 
fin  du  siècle  dernier,  placé  au  premier  rang  le  nom  de  Méhul 
parmi  les  compositeurs  lyriques.  Au  début  du  siècle  actuel,  le 
succès  de  VIrato  et  celui  d'Une  Folie  lui  firent,  auprès  de  Gré- 
try,  une  place  presque  aussi  belle  que  celle  qu'il  avait  conquise 
auprès  de  Gluck  par  ses  trois  drames.  L'ouverture  du  Jeune 
Henri  avait  prouvé,  par  les  plus  merveilleux  développements,  à 
quel  point  il  possédait  toutes  les  ressources  de  l'harmonie  imita- 
tive.  Enfin,  quand  vint  l'Empire,  la  Polymnie  dramatique  fran- 
çaise ne  comptait  pas  un  seul  nom  qui  fût  plus  grand  que  celui 
de  Méhul,  l'un  des  chefs  du  Conservatoire,  membre  de  l'Insti- 
tut, chevalier  de  la  Légion  d'honneur;  j'ai  déjà  dit  qu'il  avait, 
par  le  motif  le  plus  honorable,  refusé  la  place  de  maître  de  cha- 
pelle à  laquelle  le  choix  de  Napoléon  avait  voulu  l'appeler. 
Comme  dédommagement,  l'Empereur  lui  accorda  bientôt  une 
pension  de  deux  mille  francs.  Ainsi,  à  l'âge  de  quarante  ans, 
il  s'était  élevé  à  une  position  qui  pouvait,  alors  surtout,  être  re- 
gardée comme  l'apogée  de  la  fortune  et  de  la  gloire  de  l'artiste 
le  plus  heureux  et  le  plus  exigeant. 

Tel  n'était  point  cependant  le  partage  de  Méhul.  Fatalement 
doué  de  cette  disposition  mélancolique  qui  est  la  couronne  d'é- 
pines du  génie,  il  voyait  des  ennemis  dans  ses  rivaux  et  trans- 
formait en  complots  de  la  haine  les  brigues  de  la  concurrence. 
La  finesse  de  son  tact,  la  délicatesse  de  son  goût,  n'empêchaient 
pas  qu'il  ne  se  méprît  très-souvent  au  choix  des  ouvrages  qu'on 
venait  lui  proposer  pour  la  scène,  et,  soit  que  la  faiblesse  du 
poëme  glaçât  l'imagination  du  compositeur,  soit  qu'elle  enchaî- 
nât l'applaudissement  aux  mains  des  spectateurs,  un  demi- 
succès  faisait  vibrer  au  cœur  de  Méhul  une  note  aussi  doulou- 
reuse qu'aurait  pu  le  faire  la  chute  la  plus  complète.  Alors,  il 
souffrait  en  silence  ;  mais  loin  d'en  moins  souffrir,  la  contrainte 
qu'il  s'imposait  pour  dissimuler  sa  blessure  ne  servait  qu'à 
l'envenimer  encore. 

Chez  Méhul,  la  force  morale  et  l'énergie  du  sentiment  con- 
trastaient de  la  manière  la  plus  frappante  avec  la  faiblesse  de 
l'organisation  physique.  La  droiture  était  la  base  de  son  carac- 
tère comme  la  règle  de  sa  conduite.  L'injustice  le  révoltait,  et  il 
ne  souffrait  pas  moins  de  ses  procédés  appliqués  aux  autres  qu'à 
lui-même.  Si  un  peu  d'exagération  se  mêlait  alors  à  ses  impres- 
sions, c'était  à  coup  sûr  l'exagération  du  bien,  et  si  quelqu'un 
eut  à  s'en  plaindre,  ce  fut  celui  sur  lequel  elle  agissait.  Plus 
que  personne  peut-être,  j'ai  le  droit  de  lui  rendre  ce  témoi- 
gnage et  de  dire  que  tels  furent  les  mobiles  qui  agirent  le  plus 
péniblement  sur  lui  pendant  les  dix  dernières  années  de  sa  vie. 
Ces  temps,  qui  rencontrèrent  de  grandes  amertumes,  ame- 
nèrent aussi  de  vives  jouissances.  D'un  souvenir  emprunté  par 


(1)  Outre  ses  compositions  seéniques,  au  nombre  de  plus  de  trente,  et 
parmi  lesquelles  je  ne  dois  pas  oublier  trois  ballets,  Paris,  1793,  la  Dan- 
somanie  eu  1800,  et  Persëe  et  Andromède,  en  1810;  Méhul  a  encore  donné, 
en  1794,  les  chœurs  de  Timoléon,  tragédie  de  M.-J.  Chénier,  et  l'air  de 
la  Ronde  de  Roland  pour  Guillaume  le  Conquérant,  drame  d'Alexandre 
Duval,  joué  en  1804,  au  Théâtre-Français,  et  qui,  par  des  considérations 
politiques,  ne  fut  représenté  qu'une  seule  fois.  Six  symphonies  exécutées 
dans  les  exercices  du  Conservatoire  et  quelques  sonates ,  complètent  le 
bagage  musical  de  cet  homme  qui  sera  à  jamais  l'honneur  de  l'école 
française.  Enfin  deux  morceaux  de  prose  lus  à  l'Institut,  l'un  sur  VÊlat 
futur  de  la  musique  en  France,  l'autre  sur  les  Travaux  des  élèves  du  Con- 
servatoire à  Rome,  prouvent  qu'il  y  avait  en  Méhul  l'étoffe  d'un  excellent 
écrivain. 


Marsollier  'a  Lazarille  de  Tonnes  sortirent,  en  1806,  les  Deux 
Aveugles  de  Tolède,  bouffonnerie  spirituelle,  mais,  après 
tout,  un  peu  triste;  car  le  spectacle  prolongé  d'une  infirmité  ne 
saurait  être  une  vraie  source  de  comique  ni  longtemps  exciter 
le  rire;  mais  l'espèce  de  fatigue  qui  en  résulta  ne  pût  empê- 
cher que  l'on  n'admirât  l'art  avec  lequel  Méhul  avait  su  mettre 
à  profit  les  thèmes  charmants  que  lui  offraient  les  mélodies  es- 
pagnoles les  plus  populaires;  aussi  plusieurs  morceaux  de  cet 
ouvrage  sont-ils  restés  et  toujours  applaudis  avec  transport. 

Ulhal,  drame  par  M.  de  Saint-Victor,  suivit  de  près  les  Deux 
Aveugles  et  fut  donné  le  16  mai  1806.  Cet  opéra  en  un  acte,  du 
genre  le  plus  sévère,  fut  très-loué,  très-applaudi,  mais  ne  put 
retenir  la  faveur  du  public,  qui,  lorsqu'on  ne  le  fait  pas  rire, 
veut  au  moins  qu'on  le  fasse  pleurer,  ce  que  ne  pourra  jamais 
faire  un  ouvrage  du  genre  purement  admiratif.  Ulhal,  sujet 
ossia nique,  est  emprunté  à  l'histoire  grecque;  la  situation  de 
Malvina,  épouse  d'Uthal  et  fille  de  Larmor,  chef  de  Dunthalmo, 
est  exactement  la  même  que  celle  de  Chélonis,  fille  de  Léoni- 
das  II,  roi  de  Sparte,  épouse  de  Cléombrole,  son  compéti- 
teur, et  s'attachant  successivement  à  la  fortune  de  celui  des 
deux  qui  est  détrôné  par  l'autre.  Cette  situation,  admirable- 
ment résumée  en  ce  vers, 

J'appartiens  au  plus  malheureux, 
est  aussi  noble  que  simple;  mais,  par  malheur,  elle  n'admet 
point  la  moindre  mobilité  ni  la  moindre  incertitude,  et  l'action 
est,  pour  ainsi  dire,  pétrifiée  dans  les  beaux  vers  du  dialogue. 
La  couleur  locale,  l'enluminure  ossianique  n'était  pas  d'ailleurs 
de  nature  à  animer  la  scène;  la  solennité  du  chant  des  bardes 
ajoutait  encore  à  la  monotonie  de  l'action.  Ces  inconvénients 
avaient  disparu  dans  la  pièce  donnée  en  1805  à  l'Opéra, 
sous  la  profusion  des  incidents  et  dans  la.  variété  des  effets  de 
tout  genre  que  présentait  l'ouvrage  de  Lesueur;  aussi  l'effet 
avait-il  été  immense;  il  y  avait  dans  l'ensemble  de  la  composi- 
tion du  maître  une  certaine  âprelé  sauvage  et  grandiose  qui 
rendait,  pour  ainsi  dire,  palpable  le  merveilleux  des  mytholo- 
gies  Scandinaves.  Les  mélodies  d'Uthal  étaient  d'une  admirable 
pureté  et  d'une  grâce  sans  pareille;  plusieurs  romances,  et  sur- 
tout le  chant  du  sommeil,  sont' des  morceaux  qui  doivent  vivre 
à  jamais.  Dans  Ossian,  certains  effets  pouvaient  donner  prise 
à  la  critique  et  elle  ne  leur  fut  pas  épargnée  ;  mais  la  vogue  ne 
pouvait  manquer  de  s'attacher  à  celui  des  deux  ouvrages  qui, 
.  le  moins  uniformément  beau,  était,  en  revanche,  de  beaucoup 
le  plus  riche  en  effets  variés. 

Ce  fut  en  l'année  suivante,  1807,  le  17  février,  que  parut  au 
théâtre  Favart  Joseph,  opéra  en  trois  actes  et  le  chef-d'œuvre 
de  Méhul.  Le  poëme  était  d'Alexandre  Duval,  et  dans  cette  belle 
composition  littéraire,  d'une  couleur  toute  biblique,  on  n'au- 
rait certes  pas  deviné  l'auteur  des  Héritiers,  de  Maison  à  ven- 
dre, du  Prisonnier,  de  la  Jeunesse  de  Henri  V  et  de  tant  d'au- 
tres charmantes  productions  aussi  spirituelles  qu'amusantes. 

Méhul  retrouva  avec  Joseph  le  même  avantage  qu'il  avait 
déjà  trouvé  avec  Slralonice;  il  eut  à  travailler  sur  une  œuvre 
excellente.  Duval,  à  qui  souvent  et  trop  souvent,  avec  injustice, 
on  a  reproché  de  n'avoir  point  de  style,  avait,  dans  Joseph, 
calqué  avec  une  admirable  intelligence  sa  phrase  sur  celle  des 
saintes  Écritures.  Plus  austère  que  Baour-Lormian  dans  sa 
tragédie  d'Omasis,  il  avait  banni  de  son  sujet  tout  profane  ac- 
cessoire et  sa  pièce  n'offrait  aucun  rôle  de  femme.  Si  Mme  Ga- 
vaudan  y  faisait  applaudir  le  charme  de  son  jeu  et  la  grâce  de 
sa  diction,  c'était,  comme  MUo  Mars  au  Théâtre-Français,  dans 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


19S 


le  rôle  de  Benjamin.  Elleviou,  dans  le  rôle  de  Joseph,  était 
éblouissant  de  splendeur  théâtrale;  Gavaudan,  dans  celui  de 
Siméon,  justifia  par  une  sombre  énergie  le  surnom  de  Talma 
de  l'Opéra-Comique  qui  lui  avait  été  décerné  par  Napoléon  lui- 
même,  et  Solié  donnait  au  personnage  de  Jacob  toute  l'ampleur 
et  la  dignité  du  patriarche  le  plus  vénérable. 

On  peut  juger  combien,  avec  un  pareil  ensemble  d'instru- 
ments d'exécution,  l'œuvre  musicale  la  plus  parfaite  de  toutes 
celles  de  Méhul  dut  ajouter  à  la  gloire  de  son  nom  et  assurer 
sa  place  au  premier  rang.  L'air  : 

Champs  paternels,  Hébron,  douce  vallée, 
qui  serait  peut-être  le  plus  beau  qu'il  y  eût  au  théâtre,  sans 
celui  de  Stratonice  : 

Versez  tous  vos  chagrins  dans  le  sein  paternel, 
la  romance  :  A  peine  au  sortir  de  l'enfance,  le  final  du  premier 
acte,  où  éclatent  les  remords  de  Siméon,  le  chant  religieux  des 
Israélites  au  lever  du  jour,  la  marche  triomphale  de  Joseph  ayant 
à  ses  côtés  Jacob  et  Benjamin,  le  chœur  des  jeunes  filles  pendant 
le  banquet  des  enfants  d'Israël  qui  sert  d'introduction  au  troi- 
sième acte,  et  enfin  le  magnifique  final  qui  couronne  cette  suite 
de  morceaux  admirables,  constituent  une  création  musicale  dont 
les  diverses  parties  retracent  tour  à  tour,  avec  la  même  noblesse, 
avec  la  même  vérité,  la  simple  grandeur  des  scènes  delà  Bible, 
les  pompes  de  l'Egypte  et  le  grandiose  sans  limites  du  désert, 
image  de  l'immensité. 

Aucune  voix  n'osa  protester  contre  ce  succès.  De  prime 
abord,  la  partition  de  Joseph  fut  classée  au  nombre  des  quatre 
qui  devaient  concourir  pour  le  prix  décennal,  prix  qui,  si  on  se 
le  rappelle,  ne  fut  pas  décerné.  Mais,  parmi  le  nombreux  tribut 
d'éloges  qu'obtint  cette  composition,  un  surtout  mérite  d'être 
rappelé.  Le  26  février  1807,  on  lut  dans  le  feuilleton  du  Journal 
des  Débals  une  pièce  de  vers  adressée  à  Méhul  à  l'occasion  du 
succès  de  Joseph,  et  ces  vers  étaient  signés  Guizot.  Le  signa- 
taire avait  alors  vingt  ans,  et  c'était  par  cet  hommage  rendu  au 
génie  des  arts  que  se  révélait  le  nom  de  l'homme  de  génie  qui 
devait  s'élever  si  haut  dans  la  politique  et  la  science  du  gouver- 
nement. 

Pour  résumer  mon  opinion  sur  Joseph,  je  dirai  que,  depuis 
plus  de  cinquante  ans,  aucune  composition  dramatique  dans  le 
style  religieux  ne  s'est  élevée  à  la  même  hauteur  de  succès,  si  ce 
n'est  le  Moïse  de  Bossini  dans  la  forme  perfectionnée  que  l'Or- 
phée moderne  a  imprimée  à  ce  chef-d'œuvre,  pour  l'adapter  à  la 
scène  de  notre  grand  Opéra. 

P. -A.  Vieillard. 
(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 


I. 'OPLIt.l   ET    LK  THE A Tltr.-IT.IMI  !IV. 

Nous  ne  parlerons  pas  de  la  représentation  affichée  pour  hier 
soir,  samedi,  au  bénéfice  d'une  petite  fille  de  Bameau;  et  re- 
mise à  jeudi  prochain,  23.  Nous  ne  dirons  rien  non  plus  du 
bénéfice  de  Mme  Pauline  Viardol  au  Théâtre-Lyrique,  si  ce  n'est 
que  la  sensation  produite  par  la  grande  artiste  dans  VAlceste  de 
Gluck  a  enfin  donné  l'éveil  à  I'Opéiu,  et  qu'il  est  question  d'y 
remonter  ce  chef-d'œuvre  de  Gluck,  avec  Mme  Viardot  pour 
héroïne.  Ce  sera,  certes,  tout  un  événement,  surtout  si,  pour 
retrouver  les  traditions  des  ouvrages  de  Gluck,  on  sait  appeler 


à  soi  l'expérience  d'artistes  tels  que  Levasseur  et  Ponchard,  qui 
ont,  dans  leur  jeunesse,  étudié  ces  chefs-d'œuvre  sous  la  direc- 
tion de  Garât,  dont  Mme  Branchu  et  les  grands  chanteurs  du 
temps  s'inspiraient  à  l'envi. 

Un  événement  qui  a  bien  son  importance  relative,  et  dont  la 
musique  de  Gluck,  d'ailleurs,  pourrait  tirer  les  plus  grands 
avantages,  c'est  le  début  de  MHe  Marie  Sax  dans  le  Trouvère. 
Userait  difficile  de  trouver  pour  notre  première  scène  lyrique 
une  voix  plus  complète  et  se  prêtant  avec  autant  d'éclat  et 
de  naturel  aux  effets  dramatiques.  La  personne  de  Mlle  Sax 
semble  également  taillée  pour  les  grandes  figures  de  nos  drames 
lyriques,  et  l'on  peut  prédire  aujourd'hui  une  héritière  à  Falcon. 
C'est  avec  M.  Cabel ,  dit-on,  que  la- nouvelle  Éléonore  a  ré- 
pété son  rôle  du  Trouvère.  Elle  a  eu  de  fort  beaux  élans,  et, 
au  simple  point  de  vue  de  la  scène ,  nous  avons  remarqué  un 
certain  art  dans  sa  manière  d' écouter,  ce  qui  est  toute  une  étude 
au  théâtre.  Assez  généralement  nos  artistes  lyriques  se  préoccu- 
pent peu  de  la  scène  lorsque  leur  voix  est  au  repos.  C'est  un 
tort  :  le  chanteur  ne  doit  point  perdre  de  vue  le  personnage. 

Ce  nouveau  succès  de  Mlle  Sax  dans  le  Trouvère,  succès  par- 
tagé par  le  ténor  Michot,  nous  inspire  cette  réflexion  :  qu'en  défi- 
nitive le  Théâtre-Lyrique  devient  la  pépinière  vocale  de  l'Aca- 
démie impériale  de  Musique,  et  qu'à  ce  seul  titre  la  subvention 
sollicitée  lui  devrait  être  acquise  de  droit  et  portée  au  budget  de 
l'Opéra.  En  somme,  la  rue  Lepelletier  doit  nu  boulevard  du 
Temple  Mme  Lauters-Gueymard,  d'abord,  Mlle  Marie  Sax  et 
M.  Michot,  pour  ne  citer  que  trois  étoiles  fixes  et  acquises.  Le 
Théâtre-Lyrique  pourrait  bien  aussi  revendiquer  une  petite  part 
de  la  présence  de  Mme  Vandenheuvel  à  l'Opéra,  oùMrae  Viardot 
ne  paraîtrait,  dit-on,  qu'en  vertu  d'une  cession  temporaire  de 
M.  Béty.  Mme  Miolan-Carvalho  n'était-elle  pas  non  plus  desti- 
née à  briller  du  plus  grand  éclat  sur  notre  première  scène,  et 
M.  Montjauze,  qui  vient  de  se  révéler  fort  ténor  dans-Za  Statue, 
n'y  sera-t-il  pas  appelé  tôt  ou  tard?  On  ne  saurait  nier  l'in- 
fluence du  Théâtre-Lyrique  sur  les  destinées  de  l'Opéra  et  de 
l'Opéra-Comique.  Non-seulement  nos  premières  scènes  y  puisent 
des  chanteurs,  des  cantatrices  de  premier  ordre,  —  témoin 
Mme  Cabel  et  tout  récemment  MUc  Marimon,  que  la  salle  Favart 
a  laissée  s'envoler,  —  mais  maints  compositeurs  de  mérite  y  font 
leurs  premières  armes  ou  viennent  prouver  là  ce  qu'il  ne  leur 
a  pas  été  permis  de  démontrer  ailleurs.  La  Statue  de  M.  Reyer 
en  est  une  preuve  toute  récente.  On  doit  certainement  à  la  Perle 
du  Brésil  la  bienvenue  d'Herculanum  à  l'Opéra  ;  et  pour  finir  par 
où  nous  aurions  dû  commencer,  n'est-ce  pas  le  Faust  de  Gou- 
nod  qui  a  révélé  d'une  manière  complète,  définitive,  ce  grand 
compositeur  français,  et  qui  nous  vaudra,  l'hiver  prochain, 
la  Reine  du  Sabbat  sur  la  scène  de  la  rue  Lepelletier?  Allons, 
encore  une  fois,  l'Académie  impériale  de  Musique  est  double- 
ment débitrice  envers  le  Théâtre-Lyrique  de  la  plus  honorable 
subvention. 

On  croyait  le  Théâtre-Italien  fermé  jusqu'à  l'automne  pro- 
chain, mais  il  rouvre  ses  portes,  assure-t-on,  en  l'honneur  d'une 
troupe  lyrique  allemande.  En  attendant,  le  cercle  de  l'Union 
artistique  de  la  rue  de  Choiseul  vient  d'y  donner  son  premier 
concert,  en  présence  d'une  splendide  assemblée. 

Qu'est-ce  que  le  cercle  de  l'Union  artistique? 

C'est  un  cercle  fondé  rue  de  Choiseul, — dans  les  bâtiments 
autrefois  occupés  par  la  maison  Delisle,  —  avec  l'intention  de 
seconder  le  mouvement  et  le  progrès  des  arts.  La  musique  tient 


196 


LE  MÉNESTREL. 


une  large  place  dans  le  programme  de  ce  cercle,  dont  M .  le  prince 
Ponialowski  est  président.  Nous  en  avons  eu  la  preuve  par  le 
premier  concert  de  VUnion  artistique,  donné  lundi  dernier  au 
Théâtre-Italien.  Un  pur  et  harmonieux  Ave  verum  inédit  do 
Charles  Gounod,  une  belle' scène  symphonique,  également  iné- 
dite, pour  orchestre  et  chœurs,  le  Jugement  dernier,  de  Félicien 
David ,  un  remarquable  opéra  inédit  de  concert ,  d'Edmond 
Membrée,  Fingal  (sur  un  poëme  imité  d'Ossian,  par  M.  An- 
toine Flobert),  se  partageaient  le  programme  avec  l'andante  et 
final  de  la  symphonie  en  la  de  Beethoven,  le  Benedictus  de  la 
messe  en  ré  du  même  maître,  un  allégro  de  concerto  de 
J.-S.  Bach,  et  une  ouverture  qui  pourrait  bien  être  prise  pour 
le  premier  feuillet  de  la  musique  de  l'avenir,  si  le  programme  ne 
nous  rassurait  à  l'avance  en  nous  prévenant  que  cette  ouverture 
est  de  Mendelssohn  et  qu'elle  a  tout  simplement  pour  but  de 
représenter  :  Une  mer  calme  avec  la  plus  heureuse  traversée, 
—  non  sans  un  grain  d'orage. 

Le  programme  n'en  annonçait  point»  autant  du  Benedictus  de 
la  messe  en  ré  de  Beethoven,  et  il  agissait  prudemment.  Le 
violon  d'Alard  excepté,  les  soli  ont  été  d'une  insuffisance  qu'on 
ne  saurait  dissimuler.  Il  faut  dire  aussi  que  le  choix  do  ce  mor- 
ceau n'était  pas  heureux  dans  la  circonstance.  Nous  ne  saurions 
non  plus  approuver  l'ordre  du  programme,  qui  n'a  point  su 
ménager  ses  effets.  C'est  encore  un  art  que  celui  de  la  gradation 
des  effets  dans  une  succession  de  pièces  de  musique  vocale  et 
instrumentale.  Le  comité  du  cercle  de  VUnion  artistique  se 
servira  infiniment  mieux  de  ses  richesses  la  prochaine  fois,  — 
n'en  doutons  pas,  et  remercions-le ,  dès  aujourd'hui ,  de  ses 
nobles  et  louables  efforts,  —  en  remerciant  aussi  MM.  Tilmant 
et  Vauthrot  qui  brillaient  l'a,  comme  de  vaillants  capitaines,  en 
tête  de  leur  orchestre  et  de  leurs  chœurs  de  la  Société  des 
Concerts  du  Conservatoire. 

Roger,  à  peine  de  retour  d'Allemagne,  —  où  il  vient  de  don- 
ner un  nombre  indéfini  de  fructueuses  et  glorieuses  représen- 
tations, —  faisait  sa  rentrée  dans  Paris,  par  le  Fingal  d'Edmond 
Membrée.  Malgré  les  fatigues  de  ses  laborieuses  pérégrinations 
d'outre-Rhin,  Roger  s'est  montré  plein  d'âme  et  de  verve  dans 
certaines  parties  de  cette  œuvre,  remarquable  à  plus  d'un  titre. 
De  son  côté,  Mlle  Amélie  Rey  a  fait  les  honneurs  de  Fingal, 
et  aussi  ceux  du  bel  Ave  verum  de  Gounod,  dont  le  maître  diri- 
geait l'exécution  en  personne.  On  reproche  a  Mlle  Rey  de  gâter 
sa  belle  voix  par  des  vibrations  qui  arrivent  au  trille  permanent. 
Ce  chevrotement  est  d'autant  plus  regrettable,  qu'il  fait  école  ; 
les  coupables,  c'est-à-dire  les  adeptes,  en  sont  nombreux. 

MM.  Cazaux  et  Gourdin  ont  prouvé  une  fois  de  plus  la 
puissance  de  leur  voix,  tandis  que  la  charmante  MUe  Pfotzer 
venait  brûler  la  sienne  aux  feux  de  la  rampe  Ventadour,  dans 
le  Benedictus  de  Beethoven. 

M.  Félicien  David,  enfin,  doit  prendre  place  parmi  les  solistes, 
puisqu'à  l'instar  de  Gounod,  il  dirigeait  lui-même  son  Juge- 
ment dernier.  C'est  là  une  belle  et  grande  œuvre,  dont  la  pre- 
mière partie  surtout  a  émotionné  l'auditoire. 

Quant  à  l'admirable  allegro  de  concerto  de  J.-S.  Bach,  ce  sont 
les  doigts  d'une  jeune  et  jolie  femme,  Mme  Massarl,  qui  l'ont 
interprété  avec  la  placidité  et  l'austérité  des  anciens  maîtres.  Un 
son  tempéré ,  une  mesure  contenue  et  toujours  égale,  peu  ou 
point  d'expression,  beaucoup  declarté,  de  tenue  et  de  netteté  dans 
le  jeu,  voilà  les  qualités  inhérentes  à  ce  genre  de  musique.  Aussi 
peut-on  dire  que  cet  allegro  de  Bach  prend  à  peine  l'allure  d'un 
andantedeYerdi.  J-L.  Heugel. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


WP"  PAULINE  VIARDOÏ 


Son  Ecole  classique  du  Chant. 


Depuis  quelques  années,  un  retour  vers  l'ancienne  musique, 
la  musique  dite  classique,  s'est  fait  sentir  et  s'est  développé  au 
delà  de  toute  espérance.  11  ne  faut  pas  s'en  plaindre  et  chercher 
dans  le  goût  du  beau,  du  simple  et  du  sévère  la  négation  de 
l'école  moderne,  mais  bien  un  temps  d'arrêt  à  la  vulgarité  des 
idées,  au  déplorable  excès  du  bruit  et  du  fouillis  musical  qui 
avait  fini  par  prédominer,  dans  l'espoir  d'arriver  à  produire  des 
effets  quand  même. 

Nos  compositeurs  actuels  profiteront  de  ce  temps  d'arrêt  pour 
épurer  leur  style,  pour  donner  à  leurs  mélodies,  comme  à  leurs 
harmonies,  plus  de  clarté,  plus  de  noblesse,  plus  de  concision; 
et  l'inspiration,  ainsi  dégagée  du  fatras  des  exagérations  mo- 
dernes,'n'en  tiendra  pas  moins  compte  de  la  nouveauté  et  de  la 
variété  de  formes,  ainsi  que  des  progrès  de  l'instrumentation. 

Selon  nous,  loin  de  condamner  ce  retour  vers  l'ancienne  mu- 
sique, les  vrais  amateurs  doivent  donc  y  aider  et  chercher  tous 
les  moyens  de  la  répandre  dans  les  meilleures  conditions  d'in- 
terprétation et  de  reproduction. 

En  ce  qui  touche  l'interprétation,  nous  avons  la  Société  des 
concerts  du  Conservatoire,  celle  des  jeunes  artistes  du  même 
établissement,  nos  nombreuses  sociétés  de  musique  de  cham- 
bre, si  glorieusement  ressuscitées,  et  enfin,  dans  le  domaine 
de  la  musique  spéciale  de  piano,  des  professeurs  tels  que  M.  M'ar- 
montel,  qui,  sans  méconnaître  les  qualités  brillantes  de  la  mu- 
sique moderne  ,  recherchent  avec  une  véritable  religion  à 
inspirer  d'abord  à  leurs  élèves  l'amour  du  beau  par  la  sérieuse 
pratique  des  chefs-d'œuvre  des  anciens- maîtres  qui  ont  tant 
et  si  admirablement  écrit  pour  le  piano. 

En  ce  qui  concerne  la  reproduction ,  jusqu'ici  les  moyens 
d'action  étaient,  pour  ainsi  dire,  négatifs.  On  vivait  sur  d'an- 
ciennes éditions  incorrectes,  illisibles,  tronquées  pour  les  besoins 
du  commerce  musical,  et  sans  désignation  de  mouvements,  d'ac- 
cents, d'articulations,  de  nuances,  de  doigters,  de  tous  ces  riens 
indispensables  qui ,  réunis  ,  sont  en  définitive  comme  le  phare 
protecteur  destiné  à  éclairer  des  milliers  de  musiciens  disséminés 
dans  nos  départements ,  loin  du  foyer  où  s'épanouissent  nos 
sociétés  orchestrales  du  Conservatoire  et  nos  multiples  séances 
de  musique  de  chambre. 

Mais  comment  oser  indiquer  un  mouvement,  un  accent,  une 
nuance,  un  détaché,  un  lié,  et  même  un  doigter,  sur  une  œuvre 
ancienne,  sans  encourir  le  blâme  de  maints  docteurs  en  mu- 
sique, qui  se  font  les  oracles  jaloux  et  intraitables  de  nos  an- 
ciens maîtres  ?  Seuls,  selon  eux,  ces  oracles  égoïstes  ont  le  secret 
des  traditions,  et  ils  vont  jusqu'à  les  enfouir  mystérieusement 
dans  leur  modeste  cerveau.  Vous  les  voyez  condamner  toute 
tentative  de  lumière,  et  crier  bien  haut  contre  le  sacrilège, 
si  une  main  habile  et  discrète  interroge  chaque  œuvre,  s'en 
rend  un  compte  exact,  non-seulement  par  son  propre  sentiment, 
par  ses  études  dans  le  genre  classique ,  mais  aussi  par  les  ré- 
sultats comparés  des  diverses  sources  actives  auxquelles,  en 
France,  dans  Paris  seulement,  il  est  permis  de  puiser  des  tra- 
ditions. 

Eh  bien  !  c'est  contre  cette  absurde  prétention  que  nous  ve- 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


197 


nons  protester  de  rechef,  et  cette  fois  avec  un  nouvel  appui, 
une  nouvelle  force,  un  nouveau  drapeau  :  VÊcole  classique  du 
Chant,  de  Mme  Pauline  Yiardot. 

Comment!  Mrae  Viardot  aurait  été  bercée  dans  la  famille  des 
Garcia,  en  pleine  grande  musique,  aspirant  l'air  des  Haendel , 
des  Gluck,  des  Pergolèse,  des  Mozart,  des  Beethoven,  desBossini; 
Dieu  lui  aurait  dispensé  le  génie  de  l'inspiration  qui  fait  les 
grands  artistes  ;  il  lui  aurait  donné  le  secret  des  accents  qui  tou- 
chent le  cœur  en  parlant  à  l'esprit ,  et  toutes  ces  nobles  facultés 
seraient  condamnées  à  s'éteindre  avec  elle,  pour  complaire  à 
quelques  stoïques  érudits  qui  se  drapent  dans  leur  stérile  infail- 
libilité ! 

Les  musiciens  ne  doivent-ils  pas,  au  contraire,  appeler  à  eux 
le  secours  des  traditions  écrites,  commentées,  comme  la  seule 
arche  de  salut  de  nos  anciens  chefs-d'œuvre,  et  cela  au  moyen 
d'éditions  correctes,  complètes,  sans  la  moindre  altération  mélo- 
dique et  harmonique,  mais  enrichies  de  toutes  les  indications  qui 
peuvent  concourir  à  la  meilleure  interprétation  possible  d'œu- 
vres  que  les  auteurs  du  temps  écrivaient  spécialement  pour  eux 
ou  pour  les  grands  personnages  qui  les  leur  commandaient ,  et 
fort  peu  en  vue  des  musiciens  à  venir. 

Ces  indications  n'enchaînent  pas  l'artiste  assez  sur  de  lui-même 
pour  suivre  sa  propre  inspiration,  tandis  qu'elles  éclairent  des 
milliers  d'élèves  et  de  professeurs  pour  lesquels  la  musique 
ancienne,  sans  ce  puissant  auxiliaire,  resterait  à  l'état  de  lettre 
morte.  L'édition-Marmontel  des  Classiques  du  piano  nous  en 
fournit  une  preuve  irrécusable.  Il  y  a  quelques  années  encore, 
Beethoven,  Mozart,  Haydn,  Bach,  Scarlatti,  Dussek,  Clementi, 
Field,  Hummel,  étaient  parfaitement  inconnus  en  France,  — 
j'en  excepte  Paris,  —  et  voici  qu'aujourd'hui  nos  plus  petites  villes 
musicales  ont  pris  l'amour  de  celle  grande  et  belle  musique. 

Ce  que  M.  Marmontel  a  fait  pour  la  musique  de  piano, 
MmB  Viardot-Garcia  le  veut  tenter  pour  la  musique  de  chant , 
et  déjà  le  plus  éclatant  succès  accueille  les  premières  livraisons 
de  son  École  classique  du  Chant.  Mme  Viardot  ne  sollicite  pas 
un  brevet  d'invention  ;  elle  sait  bien  qu'avant  elle  divers  essais 
en  ce  genre  ont  été  faits,  et  notamment  par  Duprez  dans  la 
troisième  partie  de  sa  Méthode,  traitant  de  la  diction  lyrique. 

Mme  Viardot  sait  bien  aussi,  qu'indépendamment  du  Ré- 
pertoire des  concerts  du  prince  de  la  Moskowa  ,  M.  Fran- 
çois Delsarte ,  dans  ses  Archives,  a  réalisé  celte  idée  d' 'École 
classique  du  Chant,  mais  en  oubliant  d'éclairer  la  lanterne, 
c'est-à-dire  en  se  faisant  un  faux  scrupule,  ou  plutôt  un  parti 
pris  de  publier  dans  l'obscurité  la  plus  complète  les  œuvres 
des  anciens  maîtres.  On  a  soigneusement  étudié  la  reproduction 
des  caractères  typographiques  ou  types  de  gravure  du  temps  , 
mais  en  leur  sacrifiant  complètement  les  indicalions  de  mouve- 
vement  ,  les  genres  d'expression,  le  phrasé,  les  accents,  les 
nuances,  etc.  Pour  le  lecteur,  une  pareille  musique,  c'est  une 
vaste  nappe  d'eau  avec  ses  multiples  écueils,  sans  pilote ,  sans 
compas,  sans  boussole,  sans  la  moindre  carte  marine. 

Ne  touchons  pas  aux  choses  sacrées!  s'écrie  M.  Delsarte,  qui 
semble  se  contenter  de  pouvoir  dire  :  Je  m'y  retrouve,  cela  doit 
suffire. 

Mon  Dieu,  n'exagérons  rien  :  nous  comprenons  cette  austère 
religion  pour  un  tableau  qui  nous  arrive  quelque  peu  meurtri  à 
travées  les  siècles.  Respectons  tout  dans  celte  pieuse  toile,  jus- 
qu'aux souillures  du  temps  :  pour  essayer  de  les  faire  disparaître, 
nous  pourrions  être  réellement  sacrilèges.  Notre  main,  ou  s'éten- 


drait au  delà  du  mal,  ou  laisserait  une  empreinte  trop  profonde. 
Mais,  en  bonne  conscience,  de  pareils  scrupules  sont-ils  admissi- 
bles en  musique?  Que  reproduit-on?  l'œuvre  telle  que  le  maître  l'a 
écrite  :  ce  sont  bien  les  mêmes  notes,  les  mêmes  valeurs,  les 
mêmes  phrases,  les  mêmes  harmonies,  moins  les  fautes  d'im- 
pression ,  moins  les  passages  tronqués  ou  écourtés  des  éditions 
barbares  d'un  autre  temps.  Et  si  l'auteur  a  omis  d'indiquer  le 
mouvement  de  son  morceau,  son  genre  d'expression,  les  accents, 
le  phrasé,  les  nuances,  etc.,  etc.,  pourquoi  M.  François  Delsarte, 
apôtre  éclairé  des  anciens  chefs-d'œuvre,  se  refuserait-il  systé- 
matiquement à  transmettre  le  fruit  de  son  expérience ,  de  ses 
études  ?  Qu'en  certains  cas,  M.  François  Delsarte  appréhende 
l'erreur  pour  lui-même,  —  ce  qui  a  dû  arriver  à  M.  Marmontel 
dans  ses  Classiques  du  Piano,  ce  qui  arrivera  probablement  à 
Mme  Pauline  Viardot  dans  ses  Classiques  du  Chant,  —  est-ce 
une  raison  pour  demeurer  absolument  muet  sous  la  crainte  de 
faillibilités  passagères?  Et  d'ailleurs,  est-ce  donc  un  si  grand 
péril  que  de  se  tromper  avec  Mme  Viardot,  avec  M.  Delsarte, 
avec  M.  Marmontel?  La  foule  des  musiciens  de  nos  quatre-vingt- 
dix  départements  ne  courent-ils  pas  de  bien  plus  graves  dan- 
gers, livrés  à  eux-mêmes? 

M.  L.  Niedermeyer,  dont  nous  déplorions  la  perle  tout  ré- 
cemment, lui  aussi,  avait  le  plus  profond  respect  pour  l'ancienne 
musique,  et  une  grande  partie  de  sa  vie  s'est  écoulée  à  traduire, 
à  interroger  le  texte  vrai  des  anciens  chants  sacrés.  Il  en  a  re- 
produit un  grand  nombre  dans  la  Maîtrise,  et  loin  de  décliner  la 
responsabilité  de  ses  recherches,  il  a  enrichi  l'édition  de  la  Maî- 
trise de  notices,  de  notes ,  d'indications  et  d'accents  de  nature 
à  éclairer  le  lecteur.  Nous  l'avons  vu  chercher,  un  mois  entier, 
le  mouvement  le  plus  favorable  à  un  morceau  de  Palestrina. 
11  a  pu  se  tromper,  mais  on  peut  se  tromper  avec  M.  Nieder- 
meyer ,  tout  comme  ,  nous  le  répétons,  on  aurait  parfaitement 
risqué  de  se  tromper  avec  M.  Delsarte  dans  mainte  pérégrination 
à  travers  ses  archives  du  chant. 

Nous  avons  essayé  de  convaincre  M.  Delsarte  au  départ  de  sa 
publication,  publication  que  nous  désirions  nous  attacher; 
M.  Delsarte  ne  nous  a  pas  compris,  un  autre  éditeur  a  été  plus 
heureux  près  de  Mme  Pauline  Viardot. 

«  C'est  sans  hésitation,  c'est  avec  empressement,  —  disent 
les  éditeurs  dans  leur  préface,  —  que  Mme  Pauline  Viardot  a 
accepté  l'offre  que  nous  lui  avons  faite  de  s'associer  à  une  publi- 
cation qui  doit  embrasser  les  chefs-d'œuvre  des  plus  grands 
compositeurs.  Chargée  de  retrouver  et  d'indiquer  la  pensée  de 
ces  maîtres,  elle  se  sentait  portée  vers  ce  travail  par  les  études 
de  toute  sa  vie,  par  ses  réflexions  et  ses  goûts,  par  sa  pratique 
journalière  de  l'art  du  chant,  soit  sur  la  scène,  soit  dans  l'ensei- 
gnement. 

«  Elle  s'est  attachée  à  respecter,  et  par  conséquent  à  rétablir 
la  pensée  originale  des  maîtres,  trop  souvent  altérée  dans  les 
accompagnements  écrits  de  nos  jours  pour  le  piano ,  et  trop 
souvent  défigurée  jusque  dans  la  phrase  mélodique.  Pour  cela, 
elle  a  eu  soin  de  remonter  aux  éditions  primitives  et  aux  parti- 
tions d'orchestre.  Enfin,  en  revoyant  l'inépuisable  collection  des 
œuvres  de  plusieurs  maîtres  trop  peu  connus  en  France,  tels  que 
Haendel,  Bach,  Marcello  et  leurs  contemporains,  elle  a  trouvé 
l'occasion  d'enrichir  cette  publication  de  morceaux  que  l'on 
peut  appeler  inédits.  » 

Et  voilà  comment,  avec  le  concours  de  Mme  Pauline  Viardot, 
s'est  constituée,  à  la  plus  grande  satisfaction  des  chanteurs,  une 


198 


LE  MÉNESTREL 


École  classique  du  Chant,  qui  sera  le  digne  pendant  de  Y  École 
classique  du  Piano,  que  nous  avons  fondée  avec  le  concours  de 
M.  Marmontel. 

J.-L.  Heugel. 

P.  S.  Dimanche  prochain  nous  ferons  connaître  les  mor- 
ceaux publiés  dans  les  premières  séries,  et  nous  citerons  quel- 
ques-unes des  intéressantes  notices  de  Mrae  Pauline  Viardot , 
après  quoi  nous  publierons  le  premier  chapitre  de  l'étude  litté- 
raire et  musicale  de  M.  H.  Barbedette,  sur  Chopin  et  ses 
œuvres. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

Silvio  Siloia,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  M.  Brésil, 
musique  de  M.  Destribaud. 

M.  Brésil  est  un  des  auteurs  de  :  Si  j'étais  roi.  Il  lui  sera 
beaucoup  pardonné,  parce  qu'il  a  fourni  à  feu  Adolphe  Adam 
(M.  d'Ennery  aidant)  le  texte  d'une  charmante  partition.  Nous 
lui  pardonnons  donc  Silvio  Silvia  :  puisse-t-il  se  le  pardonner 
lui-même;  car  un  poëme  pareil,  sur  une  scène  impériale,  doit 
enfanter  quelques  remords.  Nous  ne  croyons  pas  devoir  donner 
l'analyse  d'une  fiction  qui  nous  représente  un  chef  de  brigands, 
peintre  à  ses  heures,  son  compère  Coco  (ci-devant  perruquier) 
costumé  en  Diane  chasseresse  ;  un  jouvenceau  déguisé  en  femme 
de  chambre,  et  un  fauteuil  mécanique  servant  de  dénoûment. 
Vainement  Silvio  devient  Silvia,  la  pièce  n'est  d'aucun  sexe. 

Ce  que  nous  disons  du  libretto  ne  pourrait  s'appliquer  à  la  parti- 
tion ;  ce  serait  condamner  sans  appel  un  fragment  d'agent  de 
change,  qui  a  des  aspirations  d'artiste.  M.  Destribaud  a  d'ailleurs 
fait  ses  études  au  Conservatoire,  mais  il  avait,  depuis  quelques 
années,  déserté  la  musique.  Un  exemple  récent  l'a  tenté  —  on  se 
rappelle  que  nous  avons  eu  l'an  dernier  un  opéra  d'agent  de 
change —  et  il  a  voulu  cumuler  la  prime  et  le  report  avec  les 
expansions  musicales  à  grand  orchestre.  Nous  ne  saurions  le 
blâmer;  la  tendance  est  même  louable,  et  c'est  assez  déjà  que  ce 
maestro  du  lendemain  ait  à  passer  au  tourniquet  de  la  critique, 
sans  que  nous  lui  ravissions,  dès  à  présent,  la  perspective  de 
monter  au  parquet  musical.  Il  y  a  d'ailleurs  d'agréables  élé- 
ments dans  ce  premier  essai.  Le  chœur  ,  qu'on  pourrait  appeler 
la  Berceuse  des  brigands,  n'a  que  le  tort  d'être  chanté  par  ces 
féroces  personnages.  Une  historiette  comique,  débitée  par  Sainte- 
Foy,  un  quintetle  harmonieusement  orchestré,  une  prière  h  la 
madone,  et  le  duo  des  femmes,  sont  des  morceaux  estimables, 
et  qui,  dans  un  milieu  différent,  eussent  encore  été  mieux  appré- 
ciés. 

Nathan  et  Sainte-Foy  s'acquittent  avec  talent  de  deux  rôles 
dont  la  contexture  n'est  certainement  pas  digne  d'eux.  M"esHen- 
rion  et  Bousquet  manquent  de  voix  au  milieu  de  tous  ces  bri- 
gands. Mmi!  Casimir  fait  rêver  au  passé,  et,  par  les  souvenirs 
qu 'elle  évoque,  semble  un  remords  vivant  pour  l'art  lyrique 
contemporain. 

THÉÂTRE  LYRIQUE. 

Le  Buisson  vert ,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  M.  Fontaine, 
musique  de  M.  Gastinel. 

Ne  vous  creusez  pas  le  cerveau  pour  percer  les  mystérieuses 
profondeurs  de  ce  Buisson  vert  et  saisir  la  trame  de  quelque 
imbroglio  champêtre.  Le  librettiste  a  mis  Buisson  vert,  comme 
il  aurait  mis  Cheval  blanc,  Aigle  noir,  Lion  d'or,  Grand-Cerf. 


Le  Buisson  vert  est  le  nom  d'une  auberge  de  Stockholm,  dans 
laquelle  se  passe  l'anodine  action  dont  nous  allons  vous  donner 
la  substance.  La  scène  aurait  été  placée  à  l'hôtel  de  la  Boule 
noire,  que  c'eût  été  absolument  la  même  chose. 

Or,  dans  cette  auberge  du  Buisson  vert  on  voit  arriver  mys- 
térieusement le  roi  Gustave  III  :  —  Rassurez-vous,  nous  n'avons 
ni  complot,  ni  bal  masqué,  ni  assassinat. — Alors  pourquoi 
Gustave  III?  —  Je  ne  vous  dis  pas  le  contraire  :  Frédéric  II, 
Joseph  Ier  ou  Henri  IV,  atteignaient  parfaitement  le  but  de  l'au- 
teur, pour  peu  qu'il  eût  voulu  placer  la  scène  à  Berlin,  à 
Vienne  ou  sur  le  Pont-Neuf  à  Paris,  car  la  ville  de  Stockholm 
n'est  nullement  indispensable  à  l'historiette  en  question.  — : 
Enfin  n'importe,  et  va  pour  Stockholm! 

Donc  Guslave  III  arrive  incognito  dans  ladite  auberge  pour 
y  entendre  un  célèbre  troubadour  nommé  Belmann,  et  contem- 
pler la  jeune  et  belle  Louisa,  la  fille  adoptive  de  l'aubergiste 
Cornélius. 

C'est  le  chanteur  Belmann  qui  a  recueilli  cette  jeune  fille  sur 
les  grands  chemins.  L'aubergiste  la  loge,  la  nourrit,  et  le  trou- 
vère Belmann  se  charge  des  sérénades.  —  Sérénades  en  pure 
perte,  hélas  !  car  toutes  les  pensées  de  Louisa  se  reportent  en  ce 
moment  sur  un  autre;  elle  s'intéresse  à  un  absent,  — à  un  dé- 
serteur. Jugez  de  la  jalousie  de  Belmann!  En  effet,  il  se  désole, 
il  arpente  l'auberge  à  grands  pas,  il  sort,  et  jure  de  ne  plus 
revenir.  —  Serment  d'amoureux,  et  fausse  sortie. 

—  Ah!  si  Belmann  savait  que  ce  déserteur  est  mon  père! 
dit  Louisa  dans  un  monologue. . .  (Feu Scribe  nous  aurait  intri- 
gués plus  longtemps.) 

Bientôt  le  troubadour  revient.  Au  moment  de  faire  sa  ren- 
trée, il  surprend  un  entretien  secret  de  Gustave  III  avec  son 
chambellan.  En  Othello  généreux,  Belmann  profite  de  cette 
aubaine  pour  implorer  la  grâce  du  déserteur,  tout  en  res- 
pectant l'incognito  du  roi.  Il  est  vrai  que  cette  abnégation  du 
trouvère  est  à  courte  échéance;  car  Louisa  se  trahit,  et  Bel- 
mann apprend  que  ce  déserteur  n'est  autre  que  le  père  de  la 
jeune  fille.  Dans  cette  auberge  du  Buisson  vert  les  inquiétudes 
et  les  chagrins  de  cœur  n'ont  pas  le  temps  de  jeter  des  racines. 
—  Le  roi  accorde  la  grâce  avec  d'autant  plus  d'empressement, 
que  le  condamné  lui  a  rendu  je  ne  sais  plus  quel  service. 

M.  Gaslinel,  l'auteur  de  la  partition,  a  déjà  été  joué  à  l'Opéra- 
Comique  et  aux  Bouffes-Parisiens.  Le  théâtre  Favart,  si  notre 
mémoire  est  fidèle,  lui  doit  le  Miroir,  et  la  scène  du  passage 
Choiseul  l'Opéra  aux  fenêtres.  —  La  musique  du  Buisson  vert 
est  écrite  avec  talent  et  conscience,  les  deux  qualités  dominantes 
de  l'auteur.  C'est  l'œuvre  d'un  artiste  qui  compte  avec  le  libretto 
et  ne  se  jette  point  inconsidéremment  dans  les  rhythmes  vulgaires 
du  quadrille  et  de  la  polka.  Mais  ces  qualités  ont  leur  danger  ; 
et  à  force  de  se  préoccuper  de  l'expression  dramatique  et  de  la 
peinture  vraie  des  situations,  les  plaisirs  de  l'oreille  sont  sou- 
vent sacrifiés,  la  mélopée  vague  et  languissante  se  substitue  à  la 
netteté  du  contour.  Il  se  fait  en  ce  moment  une  tentative  de 
rénovation  musicale  dont  nous  avons  signalé  les  mérites  et  les 
écueils.  M.  Gastinel  semble  se  mouvoir  dans  ce  courant.  Le 
Buisson  vert  renferme  quelques  morceaux  de  franche  allure, 
quelques  motifs  agréables,  mais  ils  sont  de  courte  haleine,  et 
nous  les  achetons  à  grand  prix  d'intermittences,  de  phrases 
tourmentées  et  de  temps  d'arrêt. 

Ces  défectuosités  générales  constatées,  nous  sommes  tout  à 
fait  a  l'aise  pour  rendre  justice  aux  morceaux  que  le  public  a 
sympathiquement  accueillis.  Citons  d'abord  le  premier  chœur 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


199 


et  son  pelit  refrain  obstiné  (une  fanfare  de  chasse  chantée,  dont 
l'ouverture  nous  avait  donné  un  avant-goûl)  ;  puis  les  couplets 
de  Belmann  :  Ma  guitare  et  mes  chansons;  un  trio ,  dont  le 
principal  motif  a  été  également  escompté  par  l'ouverture  ;  et 
enfin  le  récit  de  Belmann,  qui,  sous  le  rapport  de  l'étendue, 
dépasse  les  proportions  raisonnables.  Le  rideau  tombe  sur  la 
petite  fanfare  de  chasse,  qui  nous  fait  l'effet  d'un  joyeux  refrain 
après  un  oratorio. 

M.  Jules  Petit,  lauréat  de  l'an  dernier,  a  effectué  un  heureux 
début  dans  le  rôle  de  Belmann,  le  rôle  capital  de  la  pièce  ;  il 
possède  une  bonne  voix  de  baryton  et  ne  manqueras  de  style. 
Son  dernier  récit,  nonobstant  sa  longueur,  lui  a  valu  de  cha- 
leureux applaudissements;  mais  le  succès  qu'il  a  obtenu  ici  est 
peut-être,  en  grande  partie,  imputable  sur  la  responsabilité  de 
sa  tâche.  Mlle  Moreau  (Louisa)  mérite  des  éloges.  Legrand 
(Gustave  III),  qui  s'est  discrètement  effacé  sous  l'incognito,  a 
repris  ensuite  sa  dignité  souveraine  avec  une  certaine  grâce. 
Serène  et  Leroy  ont  apporté  leur  modeste  et  utile  contingent. 

Puisse  le  Buisson  vert  fleurir  longtemps  dans  le  parc  lyrique 
de  M.  Rétyl 

J.  Lovy. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Le  théâtre  italien  de  Covent-Garden,  à  Londres,  a  donné  lundi  der- 
nier une  très-brillante  représentation  de  Don  Giovanni.  Les  rôles  étaient 
ainsi  distribués  :  donna  Anna,  Mme  Penco  ;  Zerlina,  Mm8  Carvalho  ;  Elvira, 
Mme  Czillac;  Don  Giovanni,  Faure;  Ottavio ,  Tamberlick;  Leporello, 
Formés;  Mazetto,  Ronconi;  le  Commandeur,  Tagliafieo.  Celte  soirée  avait, 
du  reste,  un  attrait  spécial  :  le  chef-d'œuvre  de  Mozart  était  exécuté  sans 
le  moindre  changement,  sans  annexe  ni  mutilation;  et  les  interprètes  ont 
si  bien  fait,  que  tout  a  été  bissé,  e'est-à-dire  que  Don  Juan  a  été  exécuté 
deux  fois  dans  la  même  soirée.  —  Quant  à  Guillaume  Tell,  l'empresse- 
ment de  la  foule  ne  faiblit  pas  ;  l'œuvre  de  Rossini  se  joue  par  abonne- 
ments suspendus  ;  la  salle  est  comble  et  les  recettes  atteignent  chaque  fois 
35,000  francs. 

—  On  nous  écrit  aussi  de  Londres  que  les  concerts  commencent  à 
briller.  Le  Palais  de  Cristal  ne  chôme  pas  :  Mme  Carvalho  vient  d'y  être 
détachée  par  M.  Ghye ,  et  elle  en  a  profité  pour  chanter  VÂve  Maria  de 
Gounod,  avec  solo  de  violon  par  le  jeune  virtuose  Sarasate ,  qui  obtient 
déjà  de  fort  beaux  succès  à  Londres.  Nous  en  dirons  autant  du  baryton 
Délie  Sedie,  qui,  à  peine  arrivé,  s'est  fait  entendre  au  cinquième  grand 
concert  de  la  Royale  philharmonique,  et  de  façon  à  se  faire  réengager, 
séance  tenante,  pour  le  septième  concert.  On  lui  a  redemandé  la  sérénade 
de  Don  Juan  et  la  romance  de  Maria  Padilla. 

—  A  Vienne ,  on  a  représenté  un  nouveau  ballet  intitulé  Rosine,  dont 
le  sujet  reproduit  tout  simplement  celui  du.  Earbier  de  Séville.  La  musique 
est  de  M.  Doppler,  —  voilà  le  revers  de  la  médaille.  Néanmoins,  cette 
musique  (disent  les  correspondants)  est  assez  agréable.  Les  décors  sont 
fort  beaux  ;  malheureusement  le  peintre  a  placé  Séville  aux  bords  de  la 
Méditerranée  ! 

—  Les  anciens  camarades  de  Staudigl  s'étaient  proposé,  à  Vienne,  de 
lui  faire  ériger  un  monument;  mais  la  famille,  tout  en  les  remerciant  de 
leur  intention  amicale,  a  revendiqué  pour  elle-même  le  droit  d'honorer  la 
mémoire  du  défunt  chanteur.  Tout  porte  à  croire  que  les  choses  seront 
faites  avec  moins  de  somptuosité 

—  Les  unions  entre  artistes  et  grands  seigneurs  continuent  à  se  multi- 
plier dans  la  capitale  de  l' Autriche ,  autrefois  si  hautement  retranchée 
derrière  ses  prérogatives  nobiliaires.  Nous  avons  annoncé  le  mariage  de 
MUe  Constance  Geiger  avec  le  duc  Léopold  de  Saxe-Cobourg  ;  mais  voici 
une  demi-douzaine  de  bulletins  matrimoniaux  qui  nous  arrivent  de  Vienne. 
M"e  Neumann,  actrice  du  Théâtre-Impérial,  s'est  mariée,  il  y  a  déjà  quelque 
temps,  avec  le  comte  Schœnborn  ;  Mlle  Gossmann,  actrice  du  même  théâtre, 
épouse  le  baron  de  Prokesch  ;  Mlle  Marie  Czernak ,   actrice  d'un  petit 


théâtre,  épouse  le  prince  Czartoriski,  et  Mlle  Bossier,  du  Théâtre-Impérial, 
doit  épouser,  cette  année,  le  baron  de  Bruck,  un  fils  du  ministre  défunt. 
.  —  Le  Société  philharmonique  de  Vienne  a  résolu  de  mettre  chaque 
année  un  prix  de  deux  symphonies  au  concours.  Le  jury  se  composera 
de  MM:  Liszt,  à  Woimar;  Laehner,  à  Munich;  Volkmann,  à  Peslh;  Rictz, 
à  Dresde,  et  Moscbelès,  à  Leipzig.  «  La  compétence  de  ce  jury  est  hors 
de  doute  (dit  la  Gazette  musicale  de  l'Allemagne  du  Sud  );  mais  la  ville 
de  Vienne  ne  possède  donc  pas  un  seul  artiste  qu'on  croie  capable  de  juger 
une  symphonie? 

—  Les  correspondances  de  Berlin  nous  mandent  que  Mlle  Lagrua  est 
très-fêtée  au  Théâtre-Royal,  et  qu'elle  acquiert  chaque  jour  plus  de  sym- 
pathie. Ces  mêmes  correspondances  nous  parlent  d'un  concert  qui  a  eu 
lieu  à  la  Cour,  sous  la  direction  du  maestro  Meyerbeer,  et  dans  lequel  se 
sont  fait  entendre  Mmes  Lagrua,  Laborde  et  M.  Formés. 

—  On  écrit  aussi  de  Berlin  que  la  célèbre  cantatrice,  Mme  Wagner,  qui 
avait  déjà  manifesté  l'intention  de  renoncer  à  sa  carrière,  vient  d'adopter 
un  mezzo  termine  assez  bizarre  :  elle  a  demandé  au  roi  l'autorisation  de 
paraître  sur  le  théâtre  seulement  comme  actrice;  et  il  paraîtrait  que  sa 
demande,  appuyée  par  l'intendant  des  théâtres,  le  baron  de  Hulsen,  a  élé 
favorablement  accueillie  par  Sa  Majesté. 

—  Mme  Rosati  est  rengagée,  pour  l'année  prochaine,  au  Théâtre-Impé- 
rial de  Saint-Pétersbourg.  Ce  sera  sa  troisième  saison  de  Russie  depuis 
qu'elle  est  sortie  de  notre  grand  Opéra. 

—  Le  théâtre  de  la  Cour,  à  Stultgard,  vient  d'éprouver  deux  malheurs 
qui  seront  ressentis  par  le  monde  musical  tout  entier.  Le  célèbre  baryton 
Pischek  a  été  frappé  d'apoplexie ,  et  le  ténor  Sontheim  est  atteint  d'alié- 
nation mentale.  —  Une  autre  correspondance  de  Stutlgard  nous  apprend 
que  les  deux  chanteurs  ont  fait  leur  rentrée  dans  les  rôles  d'Ashton  et 
et  d'Edgard  de  Lucie  de  Lammermoor  (?). 

—  Le  trente-huitième  festival  rhénan  aura  lieu  à  Aix-la-Chapelle  ,  au- 
jourd'hui dimanche  19,  demain  lundi  20  et  mardi  21,  sous  la  direclion  de 
M.  Franz  Laehner,  de  Munich,  ainsi  que  nous  l'avons  annoncé.  Voici  le 
programme  de  celte  fêle  :  1er  jour,  19  mai  :  Symphonie  n°  3  [héroïque]  ; 
Messe  solennelle  en  sol  majeur,  Beethoven.  —  2e  jour,  20  mai  :  Sympho- 
nie en  ut  majeur,  avec  la  fugue  de  Mozart;  Josuè,  oratorio  de  Haendel  ; 
les  chœurs  et  l'orchestre  formeront  un  ensemble  de  plus  500  exécutants. 
—  3e  jour,  21  mai  :  Ouverture  (manuscrite)  de  Franz  Laehner  ;  Concerto 
pour  piano  de  R.  Schuman ,  exécuté  par  M™10  Schuman  ;  Concerto  pour 
violon  de  Beethoven,  exécuté  par  M.  Joachim  ;  Benedictus  de  la  messe 
de  Beethoven  ;  Final  de  la  première  partie  de  la  Création,  de  Haydn. 

—  Deux  concurrents  ont  remporté  les  prix  mis  au  concours  par  le 
MusickVerein  de  Stockholm.  Ce  sont  MM.  Ivar  Hall  Strom  et  A.  Sorder- 
mann;  l'un  pour  une  idylle  pour  solos  et  chœur,  intitulée  tes  Fleurs; 
l'autre,  pour  une  ballade  pour  baryton  et  orchestre. 

—  Les  concours  préparatoires  de  la  section  de  musique  de  l'Institut  ont 
été  clos  samedi  dernier,  11  mai.  Les  élèves  admis  au  grand  concours  pour 
le  prix  de  Rome  sont  MM.  Dubois,  Constantin,  Salomé,  élèves  de  M.  Am- 
broise  Thomas;  Dcslandres ,  élève  de  M.  Leborne;  Danhauser,  élève  de 
M.  Halévy  ;  Anlhiôme,  élève  de  M.   Carafa. 

—  Franz  Liszt  est  arrivé  à  Paris.  Le  veille  de  son  arrivée,  il  assistait,  à 
Bruxelles,  à  une  représentation  du  Faust  de  M.  Gounod.  Le  grand  lama 
du  cénacle  de  Weimar  applaudissait  avec  ardeur,  dit-on,  les  principaux 
morceaux  de  cette  belle  partition. 

—  M.  Lefébure-Wély,  récemment  appelé  aux  Tuileries,  où  il  s'est  fait 
entendre  sur  l'harmonicordc-Debain,  vient  de  recevoir  de  LL.  MM.  deux 
beaux  vases  de  Sèvres,  en  lémoignage  de  haute  satisfaction. 

—  L'opéra  en  Irois  actes,  les  Recruteurs,  musique  de  M.  Lefébure- 
Wély,  aélé  lu  cette  semaine  aux  artisles  de  l'Opéra-Comique. 

—  Le  ténor  Audran,  de  retour  de  Belgique,  s'est  fait  entendre  ces 
jours-ci  au  concert  de  la  Société  philharmonique  d'Angoulême,  en  com- 
pagnie de  Mme  Pauline  Viardot.  Il  a  récolté  un  franc  succès  dans  l'air  de 
la  Dame  blanche  :  Ah  I  quel  plaisir  d'être  soldat  !  et  dans  quelques  mé- 
lodies de  nos  auteurs  en  vogue.  Plusieurs  autres  sociétés  philharmoniques 
de  province  se  disposent  à  foire  un  appel  à  son  talent. 

—  Ainsi  que  nous  l'avions  annoncé,  la  séance  d'inauguration  du  grand 
orgue  de  l'église  Saint-Philippe-du-Roule  a  eu  lieu  mercredi  dernier. 
MM.  Batiste,  Renaud  de  Vilbac,  Hocmelle  et  Lemmens,  le  célèbre  orga- 
niste belge,  ont  tour  à  tour,  et  chacun  dans  son  genre,  fait  supérieure- 
ment valoir  toutes  les  ressources  de  l'instrument.  Au  dire  de  tous  les 


200 


LE  MÉNESTREL. 


assistants,  cet  orgue  peut  être  classé  parmi  les  meilleurs  de  Paris,  et  fait 
le  plus  grand  honneur  à  la  maison  Merklin  et  Schullz. 

—  Nous  extrayons  du  Siècle  les  lignes  suivantes  :  <■  Notre-Dame-des- 
Arts  est  une  institution  religieuse  fondée  dans  le  noble  but  d'assurer , 
pour  le  prix  d'une  pension  très-modique,  aux  filles  d'artistes,  d'hommes 
de  lettres,  en  un  mot  de  tous  ceux  qui  exercent  une  profession  libérale, 
les  bénéfices  d'une  instruction  sérieuse,  en  même  temps  que  de  les  doter 
d'un  art  professionnel  dont  elles  pourront  se  servir  un  .jour,  au  besoin, 
comme  d'un  moyen  d'existence.  A  l'occasion  de  la  fête  patronale  de  Notre- 
Dame-des-Arts,  les  élèves  de  cette  maison  ont  exécuté  différents  morceaux 
de  musique  vocale  et  instrumentale,  de  la  façon  la  plus  satisfaisante; 
entre  autres  une  cantate  de  M.  Adrien  Boïeldieu,  pour  deux  voix  de 
femmes,  piano,  orgue,  violoncelle  et  harpe.  On  a  vivement  applaudi  une 
charmante  enfant  de  sept  ans,  la  jeune  Mathilde,  qui  joue  du  violoncelle 
(un  violoncelle  grand  comme  un  alto]  avec  un  goût  parfait  et  un  aplomb 
de  virtuose  accompli.  Les  honneurs  de  cette  séance,  tout  intime,  ont  été, 
et  cela  devait  être,  pour  Mme  Oscar  Comeltant  et  M.  Ernest  Saenger,  tous 
deux  professeurs  de  la  maison.  Mme  Comettant,  dont  la  réputation  n'est 
plus  à  faire  dans  le  monde  musical,  a  chanté  de  sa  belle  voix  sympathique, 
dirigée  par  une  méthode  excellente,  un  AveMaria  de  son  mari,  qui  manie 
avec  le  même  succès  la  plume  du  compositeur  et  celle  de  l'écrivain,  et  un 
air  de  l'oratorio  de  Paulus  de  Mendelssohn ,  arrangé  par  M.  de  Hartog , 
avec  accompagnement  de  violon,  violoncelle,  piano  et  orgue.  M.  Saenger, 
qui  a  tenu  en  maître  le  violon  dans  les  morceaux  d'ensemble,  a.  joué  un 
solo  de  sa  composition.  Ainsi  s'est  terminée  cette  petite  fête,  à  laquelle 
assistaient  bon  nombre  d'hommes  de  lettres  et  d'artistes  dont  les  filles 
sont  élevées  à  Notre-Dame-des-Arts.  A.  Husson.  » 

—  De  retour  d'Italie  depuis  fort  peu  de  temps,  M.  Karl  Hermann,  un 
de  nos  bons  pianistes  compositeurs,  a  donné  jeudi  dernier,  salle  Beetho- 
ven, une  petite  soirée  intime;  —  petite  en  raison  du  local,  aussi  bien 
qu'au  point  de  vue  des  modestes  dimensions  du  programme,.  —  une 
heure  de  musique  tout  au  plusl  —  phénomène  de  discrétion  que  nous 
signalons  à  nos  donneurs  de  concerts  comme  exemple  à  suivre.  — 
M.  Hermann  a  été  très-bien  accueilli ,  et  Berthelier,  qui  s'était  chargé 
d'égayer  le  menu  musical,  a  recueilli  sa  grande  part  de  bravos. 

—  Au  nombre  des  derniers  concerts  de  la  saison ,  signalons  celui  d,e 
Mme  Marie  Brian,  avec  le  concours  de  Mlle  Dubois,  de  MU.  Marochetli, 
Alfred  Lebeau,  Lasserre,  Pascal  Lamazou  et  des  frères  Guidon.  Mme  Marie 
Brian  a  chanté  du  français  et  de  l'italien,  du  léger  et  du  sévère,  avec  goût, 
avec  méthode,  et  en  présence  d'un  public  d'élite,  en  tête  duquel  on  remar- 
quait Mme  la  maréchale  Hegnault  Saint-Jean-d'Angely. 

—  Avec  l'approbation  du  Ministre  d'État,  le  Préfet  de  la  Seine  vient 
d'accorder  à  M.  Charles  Bridault  l'autorisation  d'exploiter,  dans  le  Chalet 
des  Iles,  au  bois  de  Boulogne,  un  théâtre  d'opérettes  et  de  ballets.  C'est 
M.  Frédéric  Barbier  qui  en  dirigera  l'orchestre. 


—  On  connaît  le  livre  publié  par  M.  Oscar  Comettant  au  retour  de  son 
voyage  d'Amérique  :  Trois  ans  aux  États-Unis.  Voici  venir  un  pendant,  ou 
une  annexe  à  cette  première  publication.  C'est  un  volume  intitulé  : 
Le  Nouveau  Monde,  scènes  de  la  vie  américaine.  Mais  cette  fois  ce  n'est 
plus  une  série  d'esquisses,  de  silhouettes  dessinées  sur  un  album  de 
voyage  ;  ce  sont  des  tableaux  plus  étudiés,  composés  avec  soin  et  desti- 
nés à  mettre  en  relief  les  caractères  généraux  des  fractions  si  diverses  de 
la  société  américaine.  Ce  livre  est  précédé  d'une  préface  due  à  la  plume 
de  M.  Louis  Jourdan,  du  Siècle,  qui  saisit  cette  occasion  pour  signaler  la 
crise  actuelle  de  l'Amérique  du  Nord,  et  y  puiser  des  considérations  d'un 
ordre  élevé  :  «  Les  lecteurs  superficiels,  dit  M.  Louis  Jourdan,  trouveront 
dans  ce  volume  de  M.  Comettant  le  charme  du  récit,  le  piquant  des  situa- 
tions, un  style  sans  prétention,  spirituel  et  facile  ;  les  penseurs,  les  esprits 
sérieux,  y  trouveront  matière  à  de  graves  réflexions. . .  » 


EES  DEUX  DERNIERS  JARDINS  DE  PARIS. 

—  HABILLE  ET  LE  CHATEAU  DES  FLEURS.  — 

La  génération  actuelle  n'a  pas  connu  Tivoli,  un  vaste  parc,  situé  tout  au 
haut  de  la  rue  de  Clichy,  une  sorte  d'Ëden  qui ,  à  une  époque  disparue, 
où  nous  avions  bien  réellement  un  élé ,  défiait  victorieusement ,  par  la 
fraîcheur  de  ses  ombrages,  l'ardeur  brûlante  du  soleil.  Ce  délicieux  séjour, 
ouvert  à  tous  les  rangs  de  la  société,  à  toutes  les  fortunes,  jouit  longtemps 
d'une  juste  renommée,  d'une  grande  célébrité  ;  chacun  venait  chercher  là, 


par  une  belle  nuit,  les  distractions  les  plus  variées ,  les  jeux  de  toute 
espèce  ;  son  jardin  étincelait  de  feux  aux  mille  couleurs  ;  dans  ses  vastes 
allées,  on  se  promenait  aux  sons  d'une  enivrante  musique,  et  l'on  mar- 
chait, pour  ainsi  parler,  de  surprise  en  surprise  ;  la  danse  (car  on  dansait 
alors  )  ne  cessait  qu'au  retour  de  l'aurore.  —  Tout  cela  ressemblait  à  un 
pays  enchanté,  à  un  pays  créé  par  l'imagination  fantastique  d'Hoffmann. 

Hélas!  Tivoli  n'est  plus  I  la  bande  noire  a  passé  par  là;  les  marchands 
de  pierres  sont  venus;  —  et  maintenant,  à  la  place  de  ces  arbres  cente- 
naires, sous  lesquels  nos  enfants  ont  joué,  à  la  place  de  ces  méandres 
bordés  de  fleurs,  où  nous  avons  rêvé,  on  n'aperçoit  que  des  maisons  à 
cinq  et  six  étages;  —  pas  le  moindre  brin  d'herbe  pour  reposer  nos  yeux  I 

Eh  bien  I  ce  qui  est  arrivé  pour  Tivoli  arrivera  inévitablement  pour 
le  peu  de  jardins  publics  qui  nous  restent.  Paris,  grâce  à  une  volonté 
puissante,  s'est  agrandi,  s'est  embelli  ;  nos  quartiers,  privés  d'air,  se  sont 
élargis,  assainis;  le  pauvre  a  du  moins,  aujourd'hui,  sa  part  de  soleil! 
Mais  si  un  jardin  se  trouve  sur  notre  passage,  si  la  spéculation  (cette  reine 
du  moment)  l'aperçoit,  — adieu  ces  beaux  arbres,  ces  fleurs,  ces  fontaines, 
ces  gazons  I  ils  deviendront,  en  un  instant,  la  conquête  ou  la  proie  facile 
d'une  armée  d'entrepreneurs  et  de  maçons  :  «  Paris  se  peuple  chaque  jour 
davantage,  diront-ils....  bâtissons.  »  Voilà  pourquoi  je  ne  passe  jamais 
devant  Mabille  et  le  Château  des  Fleurs  sans  trembler  pour  eux,  sans 
les  regarder  avec  tristesse,  sans  leur  envoyer  un  mélancolique  adieu.  — 
Et,  pendant  ce  temps,  la  foule  insouciante  et  rieuse  est  là,  ne  se  doutant 
pas  qu'elle  danse  sur  des  décombres,  au  bruit  joyeux  de  l'orchestre  si 
vaillamment  conduit  par  Olivier  Métra,  un  digne  élève  plein  de  verve  et 
d'entrain,  du  pauvre  et  bien  regretté  Adolphe  Adam,  pour  qui  la  vie  fut 
si  rapide  I  —  ne  se  doutant  pas  que  ces  vieux  arbres,  si  verts  pour  leur 
âge,  disparaîtront  peut-être  bientôt  ;  —  ne  se  doutant  pas  que  ces  fleurs 
se  flétriront  sans  espoir  d'un  autre  printemps,  et  que  ces  allées  (bruyam- 
ment mystérieuses)  n'entendront  plus  de  doux  propos menteursl 

En  d'autres  termes,  ceci  veut  dire  :  Si  vous  ne  connaissez  pas  Mabille 
et  le  Château  des  Fleurs,  —  ces  deux  derniers  jardins  de  Paris,  —  allez 
bien  vite  faire  leur  connaissance ,  et  vous  serez  enchantés  de  votre  course. 
Tivoli  a  disparu  ;  Mabille  et  le  Château  des  Fleurs  peuvent  disparaître  ; 
—  je  vous  en  avertis  I  E.  B. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Ilo 


En  vente  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne. 


VINGT-CINQ  MOTETS  OU  CANTIQUES  EN  SOLOS  ,  DUOS  ET  TRIOS, 

PAR 

A.  PANSERON. 

(Prix  net:  12  fr.) 

N°  1.  Douze  antiennes  pour  l'orgue  de  la  maison  Alexandre . .  5 

2.  Ave  verum,  solo  pour  soprano  ou  ténor 3 

3.  Magnificat,  solo  pour  soprano  ou  ténor 3 

4.  Notre  Père,  cantique  pour  soprano  ou  ténor 5 

5.  0  Salutaris,  solo  pour  mezzo -soprano ,  avec  solo  de  vio- 

loncelle    5 

6.  Le  même,  sans  l'accompagnement  de  violoncelle 4 

7.  Ave  Maria,  solo  pour  mezzo-soprano  ou  ténor 3 

8.  Pour  vos  bienfaits,  cantique  pour  mezzo-soprano 3 

9.  Ecce  Panis ,  solo  pour  contralto  ou  baryton 3 

10.  Agnits,  solo  pour  contralto  ou  baryton 3 

il.  0  Salutaris,  solo  pour  ténor  ou  soprano,  avec  solo  de  vio- 
loncelle   5 

12.  Le  même,  sans  l'accompagnement  de  violoncelle 4 

13.  0  Salutaris ,  solo  composé  pour  Tamburini 3 

14.  Pange  lingua  et  Tantmn  eryo,  solo  pour  basse-taille 3 

15.  Le  itoi  des  Saints,  cantique  pour  basse-taille 6 

16.  Adoremus,  duo  pour  deux  soprani 4 

.  17.  Ave,  maris  Stella,  duo  pour  deux  soprani 4 

18.  0  Salutaris,  duo  pour  deux  soprani 3 

19.  Cœur  sacré,  cantique,  duo  pour  deux  soprani 4 

20.  Vierge  modeste,  cantique,  duo  pour  deux  soprani 4 

21 .  Regirià  cœli,  duo  pour  soprano  et  ténor 4 

22.  Benedictus  et  Prière,  duo  pour  soprano  et  baryton 6 

23.  Le  Cœur  de  Marie,  cantique  à  trois  voix,  pour  trois  soprani. .  4 

24.  Prière  de  trois  sœurs ,  cantique  pour  trois  soprani 4 

25.  Ave  Maria,  trio  pour  deux  soprani  et  ténor 3 


767.  —  28°  Année. 

M»  SG. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  26  Mai 

18G1. 


T~8s,5~£>^ 


NESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

,  Rédact'enchef. 


EES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  YHienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  de  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  JTournal-Texte,  tous  les  dimanches;  XO  morceaux: 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  Z  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


PIANO. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  XO  Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albuma- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    RÉUNIS  t 

3°  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5Z  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/ranco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  HEUGEI.  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  M  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  3182 


SOMMAIRE.  —  TEXTE. 

I.  Méhul  et  ses  œuvres  (5e  article).  P. -A.  Vieuxaud.  —  H.  Semaine  théâtrale. 
J.  LovY;  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Mme  Pauline  Viardot 
et  son  École  classique  du  citant  (2=  article).  J.-L .  Heïïgel.  —  IV.  Petite  chro- 
nique :  Le  diapason  normal  anglais.  —  Les  appointements  de  l'ancien  Opéra. 
—  V.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numérode  ce  jour: 

SŒUR  MÉLAXIK  , 

Scène-mélodie  de  A.  de  Villebichot  ,  paroles  de  Mme  la  Csse  Olympe 
M.  de  Lernay.  —  Suivra  immédiatement  après  :  Comire  ou  le  Nouvel 
ami  des  Enfants,  paroles  de  Frédéric  de  Courcy  ,  musique  d'HENRi 
Potier. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

GUIPURES   ET  DENTELEES, 

N°  2 ,  valse  de  A.  Croisez.  —  Suivra  immédiatement  après  :  les  Eme- 
raudes,  polka  de  L.  de  Pitray. 


MÉHUL  ET   SES  ŒUVRES. 

(  5e  article.  ) 

En  1807,  Méhul  avait  atteint  le  point  culminant  de  sa  car- 
rière d'artiste  et  de  compositeur  inspiré.  Il  avait  parcouru  tous 
les  genres  et  réuni  sur  son  front  toutes  les  couronnes.  Une  sorte 
de  temps  d'arrêt  succéda  à  celte  période  de  rapides  triomphes. 
Je  ne  crois  pas  qu'il  soit  jamais  à  propos  de  se  livrer  à  l'examen 
détaillé  de  tous  les  travaux  d'un  artiste  de  premier  ordre.  Le  gé- 
nie n'est  pas  comme  le  caractère,  qui  doit  toujours  être  fidèle  à 
soi-même;  il  a  ses  inégalités  et  ses  jours  de  faiblesse.  Corneille  a 
poussé  au  plus  haut  degré  d'évidence  la  démonstration  de  cette 
vérité,  qu'aujourd'hui  trop  d'esprits  semblent  méconnaître,  et  on 
ne  saurait  trop  s'étonner  de  voir  l'empressement  et  l'obstination 
que  mettent  certains  fureteurs  en  littérature  à  ne  pas  faire  grâce 
aux  hommes  les  plus  illustres  de  leurs  moindres  erreurs,  et  à 


mettre  dans  un  jour  égal  ce  qui  doit  faire  à  jamais  la  gloire  de 
leur  nom  et  ce  qui  risquerait  le  plus  de  la  compromeltre. 

Avant  tout,  dira-t-on  peut-être,  il  faut  être  fidèle  à  la  vérité 
historique.  La  vérité  historique,  en  fait  d'art  comme  en  fait  de 
morale,  ne  consiste  pas  à  tout  dire,  mais  à  dire  tout  ce  qu'il  est 
bon  de  faire  savoir,  ce  dont  surtout  on  peut  faire  sortir  un 
exemple  ou  tirer  une  leçon.  En  jugeant  un  ouvrage  dont  la 
composition  exige  le  concours  de  deux  intelligences,  il  est  assez 
difficile  d'établir  d'une  manière  exacte  la  part  relative  d'éloge 
ou  de  blâme  qui  revient  à  chacune  d'elles.  Ainsi,  dans  un 
opéra,  le  musicien  peut  embellir  ou  gâter  le  travail  du  poète, 
comme  le  poète  peut  couvrir  les  fautes  du  musicien,  ou  faire 
tort  à  ses  plus  heureuses  inspirations.  En  général,  pourtant, 
c'est  de  la  musique  que  dépend  le  succès.  Cela  n'empêche  pas 
que  le  plus  ou  moins  de  valeur  des  paroles  n'exerce  sur  l'effet 
de  l'ensemble  une  action  considérable  ;  les  compositeurs  le  sa- 
vent bien. 

Comment  donc  se  trompent-ils  si  souvent  et  si  lourdement  au 
choix  des  ouvrages  qu'ils  se  chargent  de  mettre  en  musique, 
soit  pour  s'engouer  des  mauvais,  soit  pour  rebuter  les  bons  ?  Par 
exemple,  rien  n'est  plus  connu  dans  les  annales  du  théâtre  que 
les  rebuts  éprouvés  par  M.  de  Jouy,  au  sujet  du  poème  de  la 
Vestale,  successivement  dédaigné  par  Méhul,  Chérubini,  Paer, 
Boïeldieu,  quels  autres  encore?  et  qu'en  désespoir  de  cause  il 
abandonna  à  Spontini,  le  lendemain  de  la  chute  que  celui-ci  fit, 
en  1804,  avec  la  Petite  Maison,  sur  la  scène  de  l'Opéra-Co- 
mique;  chute  telle  que  les  gens  du  parterre  arrachèrent  les 
banquettes  pour  les  jeter  en  guise  de  projectiles  sur  la  scène. 

Eh  bien  !...  ce  fut  après  que  le  public  eut  donné  un  si  vigou- 
reux démenti  à  l'élite  des  compositeurs  de  France,  en  portant 
aux  nues  l'œuvre  qu'ils  avaient  jugée  indigne  de  lui  être  pré- 
sentée, que  Méhul  et  Chérubini  acceptèrent  avec  empressement 
de  M.  de  Jouy,  le  premier,  l'Opéra  des  Amazones  et,  le  second, 
celui  des  Abencerages;  tous  deux  ne  se  méprirent  pas  moins 


202 


LE  MÉNESTREL. 


dans  leur  chois  qu'ils  s'étaient  mépris  dans  leurs  répugnances. 
Je  ne  crois  pas  que  jamais  auteur  de  musique  dramatique  soit 
tombé  sur  d'aussi  mauvais  poëmes  que  Chérubini.  Il  en  a 
bien  mis  une  vingtaine  au  théâtre,  et,  à  part  le  drame  de 
Lodoïska  en  1790,  la  belle  tragédie  lyrique  de  Médée  en  1796, 
et  les  Deux  Journées  de  Bouilly  en  1800,  je  ne  sais  si  on  en 
pourrait  citer  un  autre  qui,  sans  le  renom  du  maître,  eût  échappé 
aux  tristes  destinées  d'une  chute. 

Mais  Chérubini  n'était  pas  Français,  et  ses  mécomptes,  en 
fait  de  goût,  doivent  moins  étonner  que  ceux  de  Méhul,  chez 
qui,  à  la  vérité,  ils  furent  moins  fréquents;  il  en  fit  une  déplo- 
rable, cependant,  lorsqu'il  crut  voir  dans  la  ridicule  fable  des 
Amazones  les  éléments  d'un  succès  sur  notre  grande  scène  lyri- 
que. En  1807,  le  succès  immense  de  la  Vestale  livra,  pour 
ainsi  dire,  l'Opéra  a  la  discrétion  de  ses  auteurs,  et  tous  les  mu- 
siciens qui  avaient  dédaigné  le  chef-d'œuvre  de  M.  de  Jouy  se 
disputèrent  alors  les  miettes  qui  tombaient  de  la  table  du  poète. 
Ce  fut  encore  un  faux  calcul.  Fernand  Cor  lez,  soutenu  aussi 
par  les  accents  de  la  lyre  de  Spontini,  eut,  à  son  tour,  un  très- 
beau  et  durable  succès,  et  le  charme  pénétrant  des  mélodies  de 
Catel  fît  valoir  de  la  manière  la  plus  heureuse  l'originalité  réello 
de  l'action  et  l'intérêt  pressant  de  plusieurs  situations  des  Baya- 
dères. 

Rien  de  semblable  pour  les  A  mazones,  lieu  commun  emprunté 
à  la  vieille  mythologie  de  la  Grèce.  Un  premier  acte,  où  ne  pa- 
raissaient que  des  hommes;  un  second  acte,  où  deux  hommes 
seulement  se  mêlaient  à  une  troupe  de  femmes;  un  troisième 
acte  où  hommes  et  femmes  en  venaient  aux  mains  et  où  les 
femmes  mettaient  les  hommes  en  fuite.  La  réunion  des  premiers 
talents  de  l'Opéra,  Nourrit  père,  Dérivis,  Mmcs  Branchu  et 
Albert-Imm,  le  spectacle  ravissant  des  exercices  du  camp  des 
Amazones,  motif  d'un  ballet  qui  ouvrait  le  second  acte,  enfin,  le 
mérite  éminent  d'une  composition  remplie  de  grâce  et  même  de 
chaleur,  rien  ne  put  couvrir  la  pauvreté  et  le  ridicule  d'une  pa- 
reille action.  Le  public  montra  les  plus  grands  égards  pour  lo 
nom  et  les  efforts  de  Méhul.  De  nombreux  et  justes  applaudisse- 
ments attestèrent  les  dispositions  bénévoles  des  spectateurs; 
mais,  au  théâtre,  ce  n'est  pas  assez  de  la  bienveillance  pour 
vaincre  l'ennui,  et,  au  bout  de  quelques  représentations  des 
Amazones,  l'ennui  avait  fait  un  désert  de  la  salle  de  l'Opéra. 

Une  circonstance  bizarre  vint  ajouter  encore  aux  malheurs  de 
ce  triste  ouvrage.  Rien  n'était  plus  défectueux  que  le  dénoûment 
qui,  on  peut  bien  le  dire,  tombait  des  nues,  puisque  Jupiter  lui- 
même  apparaissait  au  haut  des  airs,  pour  reconnaître  comme 
ses  fils  Amphion  et  Zéthus.  Au  moment  où  cette  révélation  de- 
vait arrêter  les  traits  des  Amazones  prêts  à  frapper  les  fils  in- 
connus de  leur  reine,  on  vit  en  effet  se  détacher  du  cintre  le 
char  de  nuages,  mais  point  de  Jupiter  ;  le  deus  ex  machina  fai- 
sait défaut.  Engagé  dans  une  causerie,  l'acteur  Berlin  n'avait 
point  entendu  le  sifflet  du  machiniste,  et  le  char  partit  sans  le 
dieu.  On  fut  obligé  de  retenir  celui-ci,  qui  voulait  se  précipiter 
des  combles  du  théâtre.  Ce  qui  rendait  l'accident  plus  poignant 
pour  lui,  c'est  que  l'empereur  Napoléon  assistait  avec  Marie- 
Louise  à  cette  désastreuse  représentation.  J'étais  à  l'orchestre,  et 
je  puis  rendre  témoignage  de  l'hilarité  que  cet  épisode  excita 
chez  les  Majestés  Impériales.  Je  doute  que  jamais  le  grand  Na- 
poléon ait  ri  d'aussi  bon  cœur. 

Mes  premières  relations  avec  Méhul  remontaient  déjà  à  plus 
de  dix  ans,  mais  elles  n'avaient  été  encore  que  peu  suivies,  lors- 


que, vers  la  fin  de  1811,  je  le  retrouvai  chez  Kreutzer  l'aîné, 
avec  lequel  il  était  lié  par  le  talent  moins  encore  que  par  l'ami- 
tié. La  maison  de  Kreutzer  était  un  vrai  sanctuaire  de  l'art. 
A  l'Opéra-Comique,  les  deux  grands  succès  de  Lodoïsha  et  de 
Paul  et  Virginie  ;  à  l'Opéra,  Aslyanax,  la  Mort  d'Abel  et  Aris- 
tippe,  avaient  donné  à  Kreutzer  un  rang  très-distingué  parmi 
les  compositeurs  français.  Premier  violon  à  l'Opéra,  parmi  ses 
contemporains,  Rode  et  Baillot  pouvaient  seuls  être  placés  sur 
la  même  ligne  que  lui.  Son  frère  et  son  élève,  Auguste,  pro- 
mettait d'être  son  digne  successeur.  Ces  titres  divers  à  la  vogue 
et  à  la  célébrité  avaient  procuré  à  Kreutzer  une  des  plus  grandes 
existences  d'artiste  dont  il  y  ait  eu  d'exemple  en  France.  Par  le 
talent,  il  était  arrivé  à  la  fortune;  et  la  spirituelle  intelligence 
d'une  femme  du  plus  haut  mérite  avait  fait  de  sa  maison  le  cen- 
tre de  réunion  d'un  petit  nombre  d'auteurs  et  d'artistes  d'élite 
qu'il  rassemblait  toutes  les  semaines  à  sa  table.  La  place  de 
Méhul  y  était  toujours  marquée  la  première;  heureux  et  fier  de 
m'y  voir  admis,  je  dois  dire  que,  de  toutes  les  relations  de  cette 
nature  dont  j'ai  joui  dans  une  carrière  déjà  prolongée  au  delà  du 
terme  commun,  je  n'en  ai  pas  rencontré  qui  m'ait  procuré  de 
plus  douces  jouissances,  ni  laissé  de  meilleurs  souvenirs.  Ce  qui 
faisait  surtout  le  charme  de  ces  réunions,  c'était  la  franchise  de 
ton,  l'absence  de  toute  prétention  guindée,  la  bonhomie  enfin 
qui  y  régnait  constamment.  Le  moyen  de  ne  pas  réussir  dans  le 
cercle  ou  à  la  table  que  les  deux  belles-sœurs,  Mmes  Adèle  et 
Alphonsine  Kreutzer,  animaient  de  leur  esprit  si  ingénieux,  si 
naturel,  c'était  d'y  apporter  l'intention  de  briller,  de  dire  des 
mots,  de  lancer  des  traits.  J'ai  vu  Vigée,  longtemps  cité  à  Paris 
comme  un  causeur  d'élite,  y  échouer  complètement.  Quel  con- 
traste formaitsa  pétulance,  son  brio  prétentieux,  avec  l'aménité, 
la  finesse  si  discrète  et  si  mesurée  que  Méhul  apportait  dans  la 
conversation,  et  qui  donnait  du  prix  à  la  plus  simple  parole! 
Un  artiste,  lui-même  homme  de  beaucoup  d'esprit,  le  jeune 
Pradher,  disait  avec  raison  que  Méhul  savait  faire  un  mot  char- 
mant d'un  simple  bonjour! 

Il  faut  ajouter  que,  dans  cette  maison,  où  l'art  et  le- talent 
avaient  élu  domicile,  si  l'on  parlait  souvent  de  théâtre  et  de  lit- 
térature, ce  sujet  de  conversation  n'avait  rien  d'exclusif  et  sur- 
tout ne  tournait  jamais  à  la  dissertation,  encore  moins  à  la 
pédanterie.  La  politesse  n'eût  pas  permis  de  siffler  celui  qui  eût 
voulu  y  introduire  l'esprit  de  coterie  et  les  pratiques  de  la  cabale  ; 
mais,  à  la  froideur  répulsive  qui  eût  accueilli  ses  premiers  essais, 
il  eût  bientôt  reconnu  qu'il  ne  se  trouvait  pas  là  sur  son  terrain. 
J'y  ai  été  témoin  de  plus  d'un  mécompte  de  cette  nature. 

Cependant,  l'époque  où  je  me  mêlai  à  ces  charmantes  rela- 
tions n'était  pas  exempte  de  préoccupations  alarmantes.  On  était 
en  1812,  et  l'horizon  politique  se  chargeait  déjà  de  sombres 
brouillards.  La  tempête  qu'ils  précédaient  grondait  dans  le  loin- 
tain ;  1813  escomptait  péniblement  les  charges  que  lui  avait  lé- 
guées l'année  précédente  ;  la  société  était  inquiète  et  les  arts  en 
émoi.  Tous  les  jours,  l'avenir  du  théâtre  semblait  devenir  plus 
incertain.  Toutefois,  le  caractère  de  nos  réunions  de  la  rue 
Saint-Georges  n'en  était  point  altéré.  Il  semblait,  au  contraire, 
que  les  désastres  publics  nous  rendissent  plus  précieux  ces  té- 
moignages de  bienveillance  et  de  sympathie  qui  ne  nous  faisaient 
jamais  faute.  Méhul  m'en  donna  un  dont  je  fus  vivement 
flatté.  Il  me  fit,  en  quelque  sorte,  investir  du  privilège  de 
fournir  les  paroles  de  la  cantate  du  concours  musical  pour  le 
grand  prix  de  Rome,  et,  en  octobre  1813,  M.  Panseron  emporta 
ce  prix,  avec  le  thème  d'Hcrminie,  fourni  par  moi.  Depuis,  j'ai 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


203 


souvent  reparu  dans  la  lice,  où  l'Académie  des  Beaux-Arts  a 
bien  voulu  me  rappeler,  tant  qu'elle  s'est  contentée  d'un  con- 
cours gratuit. 

En  cette  année  de  1813,  Méhul,  qui  n'avait  donné  aucun 
ouvrage  nouveau  depuis  la  représentation  des  Amazones,  repa- 
rut au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  par  le  Prince  troubadour, 
pièce  d'Alexandre  Duval.  Celait  un  fort  joli  ouvrage,  et  qui  fut 
très-bien  reçu  ;  mais,  pour  l'auteur  de  la  musique  comme  pour 
celui  des  paroles,  après  Joseph,  ce  n'était  peut-être  pas  assez  que 
le  Prince  troubadour. 

P. -A.  Vieillard. 
(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


SEMAINE  THEATRALE. 

Un  lauréat  du  Conservatoire,  M.  Hayet,  que  nous  avons  en- 
tendu cet  hiver  dans  nos  concerts,  a  débuté  vendredi  dernier 
au  théâtre  impérial  de  I'Opéra  dans  le  premier  acte  du  Comte 
Ory.  Le  débutant  est  élève  de  M.  Révial  :  c'est  un  ténor  léger  ; 
par  conséquent,  la  grâce  et  la  souplesse  sont  les  qualités  nor- 
males du  jeune  chanteur;  mais  il  n'en  faut  pas  davantage  pour 
l'emploi  semi-dramatique  auquel  il  est  destiné,  et  le  public  lui 
a  fait  un  accueil  honorable. 

On  pousse  activement  les  répétitions  de  la  Muette  de  Portici. 
Le  chef-d'œuvre  de  M.  Auber  sera  représenté  dans  six  semaines, 
au  plus  tard  dans  deux  mois.  On  ne  sait  encore  si  le  rôle  de 
Fénella  aura  pour  interprète  Mme  Ferraris  ou  M"e  Emma 
Livry  ,  mais  il  est  certain  qu'il  sera  tenu  par  une  artiste  de  pre- 
mier rang.  La  distribution  du  chant  est  ainsi  arrêté  :  Mme  Van- 
denheuvel-Duprez,  Elvire;  Michot,  Mazaniello  ;  Cazaux,  Pietro; 
le  ténor  Hayet,  qui  a  débuté  vendredi,  sera  chargé  du  rôle  d'Al- 
phonse. 

A  propos  de  YAlcesle  de  Gluck,  que  l'Opéra  nous  lient  va- 
guement en  perspective,  voici  ce  que  nous  lisons  dans  la  chro- 
nique théâtrale  de  notre  confrère  Gustave  Bertrand  [l'Entracte): 

«  VAlceste  de  Gluck,  qu'on  va  remonter  à  l'Opéra  pour 
jjrae  Yiardot,  a  été  représenté  pour  la  première  fois  le  16  avril 
1776,  et  c'est  le  20  septembre  1826  qu'en  a  été  donnée  la  der- 
nière représentation.  Dans  cet  espace  de  temps,  le  chef-d'œuvre 
avait  été  joué  283  fois. 

«  M.  Berlioz,  qui  a  dirigé  toutes  les  études  d'Orphée  au 
Théâtre-Lyrique,  sera  très-probablement  chargé  de  faire  les 
répétitions  de  Y Alceste  ;  personne  aujourd'hui  ne  possède  mieux 
que  lui  la  tradition  musicale  et  scénique  des  œuvres  de  Gluck. 
C'est  lui  aussi  qui  fait  répéter  le  Freyschulz,  dont  la  reprise 
viendra  après  celle  de  la  Muette.  » 

Le  Théâtre-Français  a  repris  cette  semaine  Un  Mariage 
sous  Louis  XV,  de  M.  Alexandre  Dumas.  Ce  spirituel  ouvrage, 
joué  dimanche  dernier  au  palais  des  Tuileries,  au  milieu  des 
témoignages  de  satisfaction  de  l'impérial  auditoire,  n'a  pas  été 
moins  bien  accueilli  dans  la  maison  de  Molière,  à  laquelle  il 
dut  son  baptême  de  succès.  Grâce  à  une  habile  fusion  du  troi- 
sième et  du  quatrième  acte,  Un  Mariage  sous  Louis  XV,  primi- 
tivement représenté  en  cinq  actes,  n'en  a  plus  que  quatre.  Ainsi 
modifiée,  la  pièce  a  pris  une  allure  plus  rapide  et  offre  aussi  un 
dénouaient  plus  naturel.  Mme  Madeleine  Brohan,  Mlle  Ponsin, 
MM.  Bressant,  Leroux,  Monroseet  Eugène  Provost,  ont  fait  les 
honneurs  de  cette  reprise  avec  la  perfection  dramatique  dont 
ils  ont  le  secret.  . .  et  le  diplôme. 


L'Opéra-Comique  nous  promet  pour  ces  jours-ci  la  première 
représentation  d'un  petit  acte,  paroles  de-  Scribe,  musique  de 
M.  Alary,  qu'on  répète  sous  le  titre  de  :  Fidès.  Cet  opéra  était 
primitivement  intitulé  :  la  Beauté  du  Diable,  litre  infiniment 
plus  attractif. 

La  nouvelle  salle  du  Théâtre-Lyrique  devait  être  ouverte 
pour  la  saison  d'octobre  à  la  place  du  Châtelet;  mais  comme  sa 
voisinera  salle  du  Cirque,  ne  sera  terminée  qu'au  mois  de  jan- 
vier, on  ajourne  à  la  nouvelle  année  l'inauguration  simultanée 
des  deux  salles. 

Un  musicien  belge,  M.  Ch.  Leblicq,  a  fait  recevoir  au 
Théâtre-Lyrique  un  opéra  en  un  acte,  paroles  de  M.  de  Saint- 
Georges.  Cet  ouvrage,  dont  on  dit  beaucoup  de  bien,  était  en 
répétitions  et  devait  être  représenté  avant  la  fin  de  la  saison. 
Cette  première  représentation  a  été  retardée  par  la  clôture  an- 
nuelle de  ce  théâtre.  Elle  aura  lieu  ,  dit-on ,  à  la  réouverture 
de  celte  scène,  fixée  au  mois  de  septembre  prochain. 

Au  Vaudeville,  la  pièce  de  MM.  Edmond  About  et  Emile 
de  Najac  a  pour  titre  provisoire  :  le  Buste;  elle  est  tirée  des 
Mariages  de  Paris,  publiés  par  M.  About  dans  le  Moniteur. 

Le  théâtre  des  Variétés  a  servi  à  sa  clientèle  un  vaudeville  en 
un  acte  de  M.  Pélissier,  l'Homme  aux  pigeons,  et  une  pièce  en 
deux  actes,  le  Sylphe,  de  MM.  Rochefort,  Varin  et  Desvergers, 
jouée  d'origine  au  Palais-Royal.  Dans  le  Sylphe,  nous  avons  vu 
débuter  le  comique  Dupuis  et  Mme  Fromentin,  piquante  comé- 
dienne dont  Rouen  a  fait  longtemps  ses  délices.  Les  deux  débu- 
tants ont  été  très-choyés.  Dupuis  et  Mme  Fromentin  trouveront 
leur  place  dans  les  Bibelots  du  Diable,  dont  la  reprise  est  à 
l'horison. 

Le  Palais-Royal  nous  a  offert  également  ses  deux  nouveau- 
tés :  la  Poularde  de  Caux,  pastorale  en  un  acte,  de  M. de  Leuven, 
avec  illustration  de  musique  signée':  Clapisson,  Gevaert, 
Gautier,  Poize,  Bazille,  Mangeant,  et  chantée  par  le  mezzo- 
soprano  Mme  Schneider,  le  ténor  René  Luguet,  le  baryton  Pra- 
deau  et  le  basso  contante  Lassouche  ! . . .  Joignez  à  ces  jouis- 
sances extra-musicales  Bébé  actrice, —  c'est-à-dire  Mme  Ristori 
et  le  comédien  Ribes.très-drôlatiquement  parodiés  par  M"9Milla 
et  Brasseur;  ajoutez  à  ces  éclats  de  rire  ceux  de  la  Mariée  du 
mardi  gras;  puis  osez  nous  dire  que  la  gaieté  est  morte  en 
France  ! 

Rien  de  nouveau  sur  nos  scènes  du  boulevard  :  on  y  pleure, 
on  y  frissonne,  —  en  attendant  les  démolitions. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 

Mme  PAULINE  VIARDOT 

et 
Son    École    classique  du  Chant. 

Nous  avons  promis  à  nos  lecteurs  le  catalogue  des  œuvres 
publiées  par  Mme  Pauline  Viardot  dans  les  deux  premières  séries 
de  son  École  classique  du  Chant,  nous  venons  tenir  cette  pro- 
messe. Voici  les  titres  des  vingt  morceaux  qui  ouvrent  la  pre- 
mière série,  composée  de  cinquante  morceaux,  airs,  duos  et 
quelques  trios  pour  toutes  les  voix  : 

1.  Air  de  Méduse Contralto J.-B.  Lulli. 

2.  Air  de  Lucifer Basse Haendel. 


204 


LE  MÉNESTREL. 


3.  Duo  des  Sirènes Deux  soprani Haendel. 

4.  Sicilienne Ténor Pergolèse. 

5.  Air  à'Orphée Ténor  ou  mez.-sopr.  Gluck. 

6.  Air  de  Cosi  fan  tutte.. .  Ténor Mozart. 

7.  Adélaïde Ténor Beethoven. 

8.  Romance  du  Saule Mezzo-soprano .  ...  Rossini. 

9.  Air  du  Freyschiitz. ....  Soprano C.-M.  de  Weber. 

10.  Air  de  Paulus Ténor Mendelssohn-Bartholdy 

il.  Couplets  de  Suzannah..  Soprano Haendel. 

12.  Cantate  de  la  Pentecôte. .  Soprano  ou  ténor.  .  Sébastien  Bach. 

13.  Plaisir  d'Amour Ténor Martini. 

14.  Trio  de  Don  Juan Ténor  et  2  soprani.  Mozart. 

15.  Air  delà  Flûte  enchantée.  Basse Mozart. 

16.  Airde  Didon Soprano Piecini. 

17.  Air  A' OEdipe  à  Colonne.  Basse  ou  baryton..  Sacchini. 

18.  Air  de  Médée Soprano Cherubini. 

19.  Air  de  Stratonice Ténor Méhul. 

20.  Duo  du  Freyschiitz Deux  soprani C.-M.  de  Weber. 

Chacune  de  ces  œuvres  est  accompagnée  d'une  notice  de 
quelques  lignes  indiquant  l'origine,  le  caractère  et  le  style  du 
morceau.  De  plus,  le  texte  musical  donne  le  mouvement,  l'ex- 
pression de  chaque  phrase,  l'accentuation  de  chaque  note,  de 
façon  à  ne  laisser  l'élève  s'égarer  nulle  part,  ce  qui  ne  l'em- 
pêchera pas,  devenu  maître  à  son  tour,  de  substituer  à  l'occasion 
son  propre  sentiment  à  celui  de  la  lettre  écrite,  s'il  croit  avoir 
mieux  trouvé ,  mieux  compris  que  Mme  Viardot.  Il  ne  faut  donc 
pas  reprocher  à  Y  École  classique  du  Chant ,  —  pas  plus  qu'à 
l'École  classique  du  Piano  de  M.  Marmontel,  —  l'abondance  des 
indications,  la  multiplicité  des  renseignements,  qui  ne  sont  pas 
obligatoires  pour  tous ,  mais  indispensables  aux  élèves  et  même 
aux  professeurs  éloignés  du  centre  des  arts ,  où  se  peuvent 
puiser  les  traditions  des  anciennes  œuvres  classiques.  —  Bref, 
il  faut  savoir  se  mettre  au  point  de  vue  de  celui  qui  ne  sait  pas 
et  qui,  sans  modèle,  sans  exemple  pratique,  cherche  à  inter- 
préter les  grands  maîtres  d'après  un  texte  expliqué. 

Il  est  clair  que  pour  le  Parisien  qui  a  pu  aller  maintes  fois 
au  Théâtre-Lyrique  entendre  chanter  l'air  d'Orphée  à  Mme  Viar- 
dot elle-même  ,  les  indications  de  l'éminente  cantatrice  de- 
viennent secondaires,  parfois  même  superflues;  mais  pour  l'ama- 
teur déshérité,  privé  des  théâtres  de  la  capitale,  ces  indications 
seront  de  précieux  trésors  qu'il  consultera  cent  fois.  Nous  sachions 
d'ailleurs  peu  de  professeurs  et  d'érudits  en  mesure  de  faire  fi 
des  notes  suivantes  : 

AIR  ©'ORPHÉE. 

(GLUCK.  ) 

«  En  général,  pour  bien  accentuer  un  morceau  de  chant  dra- 
matique pris  dans  un  opéra,  il  faut  se  représenter  la  scène  où  il 
est  placé  ,  la  situation  qu'il  exprime.  Ici  Eurydice  vient  d'être 
comme  foudroyée  par  le  regard  de  son  époux,  qui  n'avait  obtenu 
des  dieux  le  pouvoir  de  la  tirer  des  enfers  qu'à  la  condition  qu'il 
ne  la  regarderait  point;  elle  est  étendue  sans  vie  aux  pieds  d'Or- 
phée. Le  récitatif  doit  donc  exprimer  d'abord  la  stupeur  dont  le 
frappe  ce  coup  terrible  et  soudain  ;  il  est  dit  d'une  voix  sourde, 
concentrée,  qui  prononce  à  peine.  Dans  le  motif  de  l'air  éclate 
la  douleur  d'Orphée.  Ce  motif  doit  être  chanté  d'un  bout  à  l'au- 
tre mezzo  forte,  sans  nuances.  Mais  lorsqu'aprôs  le  cri  déchi- 
rant :  Entends  ma  voix  qui  t'appelle  !  vient  la  reprise  du 
motif,  cette  première  reprise,  pour  exprimer  l'accablement  de 
la  douleur,  doit  se  dire  très-bas,  d'une  voix  brisée,  avec  de 
continuels  sanglots.  Puis,  après  l'autre  appel  à  Eurydice  ,  suivi 

des  mots  :  Mortel  silence  1 quel  tourment  déchire  mon 

cœur  !  Orphée,  qui  était  agenouillé,  se  relève  dans  un  trans- 


port de  remords  et  de  douleur,  et  la  dernière  reprise,  plus  ani- 
mée de  mouvement,  plus  forte  de  voix,  plus  énergique  d'expres- 
sion, n'est  plus  qu'un  long  cri  de  désespoir.  » 

Après  ces  lignes  d'introduction,  on  remarque  au-dessus  de  la 
musique  les  moindres  indications  do  nuances,  de  mouvement, 
d'accentuation,  d'expression,  et  la  plupart  en  français,  telles 

que,  par  exemple  :  «Récit,  lentement  et  d'une  voix  étouffée 

à  pleine  voix pressez...,  vite ff Chant  :  moderato 

P....  Presqu'à  pleine  voix  et  très-soutenu....  retardez  un  peu.... 
adagio....  retardez....   pp.  1°  tempo....   voix  entrecoupée  de 

sanglots pp.  cres avec  toute  la  force,  tout  l'élan  possibles , 

pressant  et  animant  par  degré  jusqu'à  la  fin.  » 

A  côté  de  ces  observations  du  détail  le  plus  élémentaire,  si  nous 
voulons  des  considérations  de  l'ordre  le  plus  élevé,  faisons  place 
à  Weber,  à  Bach,  à  Haendel,  à  Rossini  et  à  Lulli,  en  renvoyant 
nos  lecteurs  à  Pergolèse,  Martini,  Piecini,  Sacchini,  Cherubini, 
Méhul,  Beethoven,  Mozart  et  Mendelssohn.  Us  trouyeront  là, 
en  peu  de  lignes,  tout  un  cours  de  littérature  musicale  à  l'usage 
des  artistes  et  des  gens  du  monde. 

AIR  ©E  FREYSCHIITZ. 

(  WEBEll.  ) 

«  Jusqu'au  commencement  de  ce  siècle,  tous  les  grands  com- 
positeurs allemands,  Haendel,  Hasse,  Graun,  Gluck,  Mozart , 
s'étaient  bornés  à  écrire  des  opéras  italiens,  et  si  Mozart  avait 
ajouté  sa  musique  aux  paroles  allemandes  de  Y  Enlèvement  au 
Sérail  et  de  la  Flûte  enchantée ,  c'était  dans  des  formes  aussi 
purement  italiennes  que  celles  des  Nozze  di  Figaro  ou  de  Don 
Giovanni.  Beethoven,  en  faisant  de  Fidelio  une  symphonie 
vocale,  et  surtout  Weber,  en  introduisant  dans  le  Freyschiitz  et 
Oberon  un  élément  nouveau,  le  fantastique,  ont  créé  l'opéra 
allemand.  11  faut  donc  bien  se  garder,  en  chantant  la  musique 
de  Weber,  de  lui  donner  le  style  italien ,  celui  des  élégances , 
des  traits,  des  fioritures  ;  il  faut  lui  conserver  le  style  allemand, 
qui  doit  être,  comme  le  style  français,  plus  sobre  d'enjolive- 
ments et  plus  accentué  d'expression.  —  Cet  air  célèbre  d'Agathe 
est  composé  de  trois  parties,  que  l'on  doit  savoir  diversifier.  Le 
récitatif  sera  dit  avec  une^simplicité  naïve  ;  l'andante,  qui  est  une 
prière,  avec  ferveur  sans  doute,  mais  avec  une  ferveur  contenue; 
enfin,  dès  le  début  de  l'allégro,  doit  éclater  et  se  soutenir  jusqu'à 
la  fin  un  élan  passionné,  un  élan  de  joie  et  de  bonheur.  » 

CANTATE  ©E  LA  PENTECOTE. 

(  J.-S.   BACH.) 

«  Le  grand  Sébastien  Bach  n'est  point  encore  connu  en  France 
comme  il  mérite  de  l'être.  On  admire  ses  fugues  et  ses  préludes; 
on  le  tient  pour  un  très-savant  harmoniste  ;  mais  on  semble  ignorer 
que  l'auteur  des  deux  célèbres  Passions,  de  lâNativilé  de  Jésus, 
de  plusieurs  messes  et  d'une  foule  de  cantates  (il  en  a  composé 
pour  tous  les  dimanches  de  l'année  ) ,  a  plus  écrit  pour  les  voix 
que  pour  l'orgue  ou  le  clavecin.  Nous  devons  lui  rendre  sa 
place  parmi  les  compositeurs  de  chants  classiques.  Voici  d'abord 
un  fragment  de  cantate  choisi  parmi  les  plus  simples,  les  plus 
clairs,  les  plus  mélodieux.  Le  sens  des  paroles  indique  assez 
quelle  doit  être  l'expression  musicale.  C'est  une  prière  joyeuse, 
une  sorte  d'hosanna.  Si  la  tessiture  de  cet  air  semble  un  peu 
haute  pour  une  voix  ordinaire  de  soprano,  il  faut  se  rappeler 
combien,  depuis  l'époque  de  Bach  ,  depuis  plus  d'un  siècle,  le 
diapason  s'est  élevé.  On  peut  donc,  pour  lui  rendre  à  peu  près 
sa  tonalité  primitive,  transposer  cet  air  en  mi  bémol.  » 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


205 


AIR  DE  LUCIFER. 

(  HAENDEL.  ) 

«  Il  faut,  pour  donner  à  ce  morceau  son  expression  véritable, 
se  rappeler  le  Satan  de  Milton  «  levant  son  front  cicatrisé  par 
la  foudre.  »  C'est  l'ange  déchu,  mais  toujours  fier,  indomptable, 
prêt  à  braver  le  ciel.  Lorsque  ce  roi  de  l'abîme  appelle  au 
combat  les  anges  de  ténèbres,  on  ne  peut  donner  à  son  chant 
un  accent  trop  plein  de  haine  jalouse  et  de  sauvage  énergie.  » 

ROMANCE  DU  SAEEE. 

(  ROSSIM.  ) 

«  Si,  dans  le  Barbier  de  Séville,  Rossini  surpasse  Beaumar- 
chais par  la  verve  et  l'esprit,  dans  plusieurs  scènes  d'Otello  il 
égale  Shakspeare  par  l'énergie  et  le  pathétique  de  la  passion. 
Ici,  dans  la  partition  italienne  ainsi  que  dans  le  drame  anglais, 
la  Romance  du  Saule  est  comme  le  point  culminant  du  rôle  de 
Desdemona.  Il  faut  qu'elle  y  fasse  sentir,  avec  le  regret  de 
l'amie  perdue,  le  pressentiment  d'un  sort  pareil  et  le  regret  de 
soi-même  ;  il  faut  qu'elle  y  exprime  une  tristesse  profonde  et 
désolée.  Et  la  prière  qui  suit,  loin  d'avoir  le  calme  de  celle  que 
fait  chaque  soir  la  jeune  fille  avant  de  s'endormir,  doit  exprimer 
aussi,  par  la  ferveur  des  vœux  qu'elle  adresse  au  ciel,  toute  l'an- 
goisse, tout  le  désespoir  de  sa  situation.  » 

AIR  DE  MÉDUSE. 

(  LILLI.  ) 

«  Lorsque  Lulli  faisait  jouer  à  Versailles,  devant  Louis  XIV, 
son  opéra  de  Persée ,  Méduse  devait  porter  sur  le  visage  un 
masque  hideux,  et  sur  la  tête  une  couronne  de  serpents.  Il  est 
donc  probable  (et  même  c'est  une  tradition  reçue)  que  ce  rôle 
de  Méduse  était  fait  par  un  homme,  et  chanté  dès  lors  en  voix 
de  basse-taille.  Cependant,  puisque  le  personnage  est  celui  d'une 
femme,  il  est  préférable,  dans  les  concerts  et  les  salons,  que  ce 
bel  air  de  Méduse  soit  chanté  en  voix  de  contralto.  —  Si  l'on 
se  rappelle  que  les  sculpteurs  anciens  donnaient  au  visage  de 
Méduse,  non  point  la  laideur  physique,  mais  seulement  la 
froide  et  mortelle  insensibilité  du  dédain  ;  si  l'on  se  pénètre 
bien  du  sens  des  paroles  qu'un  vrai  poète,  Quinault,  lui  prête 
dans  l'opéra  de  Persée ,  on  se  convaincra  que  cet  air  doit  être 
dit  avec  une  expression  de  féroce  impassibilité,  et  que  Méduse, 
toujours  fiôre,  doit  y  montrer  une  sorte  de  satisfaction  maligne 
d'avoir  été  défigurée  par  Minerve,  puisque  la  vengeance  de  cette 
déesse  lui  donne  le  moyen  de  se  venger  elle-même  sur  tout  ce 
que  son  regard  peut  atteindre.  » 


Nous  croyons  avoir  mis  nos  lecteurs  au  courant  de  l'inté- 
ressante et  utile  publication  de  Y  École  classique  du  Chant,  sur 
laquelle  nous  aurons,  du  reste,  plus  d'une  fois  occasion  de  re- 
venir. De  pareilles  publications  méritent  une  place  d'honneur 
dans  nos  Tablettes  du  Pianiste  et  du  Chanteur,  et  nous  nous 
sommes  empressés  de  l'offrir  à  Mme  Pauline  Viardot,  qu'on  ne 
saurait  trop  encourager  dans  sa  noble  entreprise. 

Nous  devons  aussi  des  éloges  relatifs  au  traducteur,  M.  Syl- 
vain Saint-Etienne,  qui  réalise  avec  conscience  une  tâche  in- 
grate et  difficile,  celle  de  mettre  le  texte  français  d'accord  avec 
une  musique  allemande  ou  italienne.  Ce  n'est  pas  une  mince 
responsabilité. 

J.-L.  Heugel. 


PETITE  CHRONIQUE. 

Ec  Diapason  normal  anglais. 

La  question  du  diapason  normal  vient  de  recevoir  en  Angle- 
terre une  solution  qui  s'éloigne  de  dix-huit  vibrations  du  nou- 
veau diapason  français.  La  Society  of  arts  et  la  Royal  So- 
ciety of  musicians  ont  récemment  adopté  pour  diapason  normal 
l'ut  3  de  528  vibrations  par  seconde,  ayant  pour  base  l'ut  de 
32  pieds  égal  à  33  vibrations,  et  dont  le  la  du  diapason  tempéré 
correspond  à  888  vibrations.  Ce  diapason ,  déjà  proposé  par 
M.  A.  Cavaillé-Coll ,  dans  un  savant  article  publié  dans  l'Ami 
de  la  Religion,  le  5  février  1859,  tient  le  milieu  entre  les  divers 
diapasons  de  l'Europe ,  et  a  l'avantage  de  régulariser ,  sans 
aucune  perturbation,  la  tonalité  des  voix  et  des  instruments. 

Nous  ne  savons  si  F  amour-propre  national  est  pour  quelque 
chose  dans  cette  divergence  de  vibrations  ;  dans  tous  les  cas  , 
nous  sommes  heureux  de  constater  que  l'idée  première  de  cette 
mesure  appartient  à  notre  habile  facteur  d'orgues.  On  nous  saura 
gré  de  rappeler  ici  les  conclusions  de  son  article  pour  l'adop- 
tion du  ton  moyen  proposé  de  888  v.  par  seconde.  «  Ce  nombre, 
dit  M.  Cavaillé-Coll,  qui  se  trouve  de  8  vibrations  plus  élevé 
que  le  la  normal  du  congrès  de  Stuttgard  et  de  8  vibrations  plus 
bas  que  le  diapason  de  l'Opéra  de  Paris,  aurait,  suivant  nous,  le 
mérite,  s'il  était  adopté,  de  concilier  les  exigences  de  la  science 
physique  et  les  besoins  de  l'art  musical.  Le  rapport  du  la  tem- 
péré de  888  v.  correspond  au  la  géométrique  de  880  v.,  et 
donne  à  l'ut  grave  de  32  pieds  33  v.  par  seconde,  au  lieu  de 
32  v.  proposé  par  le  physicien  Chladni  au  commencement  de 
ce  siècle  ;  de  cette  manière,  la  progression  des  nombres  de  vi- 
brations relatifs  aux  sons  des  différentes  octaves  s'établirait  ainsi . 

ÛT  :  ÛT  :  UT  1  :  UT  2  :  UT  3  :  LA.  |  :  LA  \/W 

33  :  66  :  132  :  264  :  528  :  880  :  888  =  Diapason. 

«  Ces  nombres  entiers  ,  qui  sont  faciles  à  retenir  ,  et  qui  ont 
déjà  été  adoptés  par  M.  Pouillet  dans  ses  derniers  ouvrages  et 
par  d'autres  physiciens,  auraient  le  double  avantage  de  consa- 
crer la  tonalité  moderne  et  de  faire  cesser  la  différence  notable 
qui  existe  entre  le  ton  des  physiciens  et  celui  des  musiciens. 

«  Ce  rapprochement  de  l'art  et  de  la  science  serait,  suivant 
nous,  la  plus  sûre  garantie  pour  l'adoption  de  la  mesure  et 
pour  la  conservation  du  diapason  du  dix-neuvième  siècle.  » 


Ees  anciens  appointements  de  l'Opéra. 

Nous  avons  dressé  naguère  une  petite  statistique  des  droits 
d'auteurs  d'autrefois.  Voici,  comme  pendant,  un  aperçu  de 
l'ancien  personnel  de  notre  Grand-Opéra,  et  du  traitement  des 
artistes.  C'est  dans  une  vente  d'autographes  qu'on  a  trouvé  ce 
curieux  document  qui  s'est  attardé  dans  nos  cartons  : 

«  État  du  nombre  de  personnes,  tant  hommes  que  femmes, 
dont  le  roi  veut  et  entend  que  l'Académie  royale  de  musique 
soit  toujours  composée,  sans  qu'il  puisse  être  augmenté  ni  dimi- 
nué. » 

Dans  ce  règlement  officiel,  portant  la  date  de  1713,  les  basses- 
tailles  pour  les  rôles  reçoivent  de  1,000  à  1,500  livres;  les 
hautes-contre  ont  le  même  traitement.  Parmi  les  actrices  pour 
les  rôles,  la  première  reçoit  1,500  livres,  et,  en  suivant  une 
proportion  décroissante,  la  sixième  touche  700  livres. 

Pour  les  chœurs,  les  hommes  reçoivent  400  livres  ainsi  que 
les  femmes. 


206 


LE  MÉNESTP.EL. 


Les  deux  premiers  danseurs  sont  à  1,000  livres  chacun,  les 
autres,  a  800,  600  et  400  livres.  Les  deux  premières  danseuses 
sont  h  900  livres,  les  autres  à  500 ou  a  400. 

Le  batteur  de  mesure  (  chef  d'orchestre)  a  1,000  livres. 

En  résumé,  le  personnel  de  l'Opéra  est  fixé  à  126  artistes  ou 
employés,  le  tout  coûtant  chaque  année  67,050  livres. 

Proposez  donc  aujourd'hui  à  Mraes  Ferraris,  Emma  Livry,  un 
engagement  de  900  livres  par  an  !... 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Depuis  que  Rossini  s'est  voué  au  piano,  c'est  un  pèlerinage  de  pia- 
nistes de  toutes  les  parties  du  monde....  à  la  rue  de  la  Chaussée-d'Antin, 
l'hiver,  —  à  sa  villa  de  Passy,  l'été.  Il  y  a  quelques  mois,  Thalberg,  se 
rendant  d'Italie  en  Allemagne ,  prit  le  chemin  de  Paris  pour  rendre  ses 
hommages  au  grand  maître.  La  semaine  dernière  c'était  le  général  Franz 
Listz  traversant  le  Rhin,  armé  de  ses  vingt  doigts,  et  venant  traduire  à 
Rossini  son  ouverture  de  Guillaume  Tell  et  cette  célèbre  tarentelle  des 
Soirées  musicales,  que  Mme  Pleyel  exécutait  de  façon  à  faire  danser  les 
ennemis  les  plus  irréconciliables  du  piano. 

—  Camillo  Sivori,  en  ce  moment  à  Paris,  s'est  également  fait  entendre 
cette  semaine  chez  M.  etMme  Rossini,  puis  à  la  salle  Reethoven.  Il  a  exé- 
cuté, d'une  façon  magistrale  et  séduisante  à  la  fois,  la  sonate  de  Reetho- 
ven dédiée  à  Kreutzer,  et  un  quatuor  de  C.  Estienne,  avec  le  concours 
de  MM.  Ritter,  Romeo  Accursi,  Casimir  Ney  et  Ch.  Lebouc.  Dans  la  prière 
de  Moïse  et  dans  les  variations  de  Paganini,  l'éminent  virtuose  a  déve- 
loppé ce  que  l'art  du  violon  peut  produire  do  plus  étonnant  ;  il  a  rendu 
la  belle  inspiration  de  Rossini  à  la  manière  des  plus  grands  chanteurs  de 
l'Italie.  Sivori  va  se  rendre  à  Gênes,  son  pays  natal,  où  il  compte  passer 
quelque  temps  ;  puis  il  séjournera  à  Rade,  au  mois  d'août,  à  l'occasion 
du  festival  qui  doit  s'organiser  à  cette  époque  sous  la  direction  d'Hector 
Rerlioz. 

—  Unejeune  canlatrice  inédite  produit  en  ce  moment  une  vive  sensa- 
tion à  Londres.  C'est  Mlle  Adeline  Patti,  qui,  le  14  de  ce  mois,  débutait  au 
théâtre  italien  de  Covent-Garden,  dans  la  Sonnambula.  Déjà  Mlle  Patti 
avait  récolté  à  la  Nouvelle-Orléans  et  à  Philadelphie  des  ovations  améri- 
caines de  première  classe  ;  mais  en  matière  d'art,  les  certificats  trans- 
atlantiques réclament  le  visa  de  l'Europe.  —  «  La  jeune  artiste,  dit  le 
Musical  World,  n'est  âgée  que  de  dix-huit  ans  ;  sa  voix  de  soprano  est 
fort  belle,  d'une  grande  flexibilité,  d'un  timbre  égal  et  pur  dans  toute 
l'étendue  du  registre,  sans  la  moindre  tendance  au  trémolo,  et  atteignant 
le  fa  d'en  haut  avec  une  merveilleuse  facilité.  Depuis  bien  des  années,  le 

rôle  d'Amina  n'avait  été  traduit  d'une  façon  aussi  remarquable » 

Encore  une  étoile  dans  le  firmament,  et  signalée  par  une  vigie  britan- 
nique, en  dépit  des  brouillards.  Notre  avenir  lyrique  n'est  donc  pas  en 
péril. 

—  Le  Musical  World  s'exprime  en  termes  chaleureux  sur  la  belle 
interprétation  de  Don  Giovanni  à  Covent-Garden,  dont  nous  avons  parlé 
sommairement.  Le  journal  anglais  fait  spécialement  l'éloge  de  Faure. 
«  Depuis  Tamburini,  dit-il,  le  type  de  Don  Juan  ne  s'était  incarné  avec 
autant  de  perfection.  » 

—  L'immense  succès  de  VAve  Maria  de  Gounod,  chanté  parMme  Miolan- 
Carvalho  au  Palais  de  Cristal  à  Londres,  a  fait  réengager,  séance  tenante, 
le  jeune  virtuose  Sarasate  pour  le  concert  du  31.  Son  archet  expressif  et 
déjà  magistral  a  partagé  les  honneurs  du  bis  décerné  à  Mmc  Carvalho,  et 
reçu  une  ovation  spéciale  de  l'orchestre.  Dans  une  matinée  intime  consa- 
crée à  la  musique  de  Reethoven,  Vieuxtemps  est  venu  complimenter  le 
jeune  violoniste  classique. 

—  On  écrit  de  Vienne  qu'il  s'est  révélé  à  Pesth  (  Hongrie)  un  artiste  de 
premier  ordre,  le  ténor  Théodore  Wachtel.  Il  a  chanté  sur  le  théâtre  de 
Pesth  dans  onze  opéras  français  et  italiens ,  en  tout  cinquante-quatre  re- 
présentations ,  et  aurait  obtenu  un  succès  d'enthousiasme.  Théodore 
Wachtel  vient  d'être  engagé  pour  deux  mois  au  théâtre  An  der  Wien,  à 
Vienne,  au  prix  de  40,000  florins  d'Autriche,  et,  à  son  intention,  le 
directeur,  M.  Pokorny,  a  formé  un  personnel  chantant  complet. 

—  Le  théâtre  Treumann,  à  Vienne,  s'est  entièrement  voué  au  culte  de 
la  musique  d'Offenbach.  La  Chanson  de  Fortunio  y  fait  fureur  ;  mais  il 


paraît  que,  pour  les  besoins  des  familles  autrichiennes,  on  a  dû  modifier 
le  texte  de  MM.  Crémieux  et  Halévy  :  le  dénoûment  amène  une  récon- 
ciliation complète  entre  le  tabellion  et  sa  femme.  C'est  plus  évangélique, 
mais  infiniment  moins  parisien. 

— ■  Le  correspondant  autrichien  de  l'Écho  musical  de  Berlin  nous 
apprend  que  le  docteur  Radier,  qui  a  beaucoup  écrit  sur  la  musique , 
notamment  une  histoire  du  théâtre  impérial  de  la  Cour,  a  été  frappé 
d'aliénation  mentale. 

—  Le  même  correspondant  annonce  que  la  société  des  arts,  Vile  verte, 
dont  trois  membres  sont  devenus  conseillers  d'Etat  (Grillparzer ,  Tscha- 
buschurg  et  Schindler  ) ,  a  nommé  un  comité  chargé  de  rédiger  un  mé- 
moire sur  les  besoins  de  l'art  en  Autriche. 

—  On  écrit  de  Rerlin  que  le  maître  de  chapelle  Neswadba,  qui  conduisit 
pendant  deux  ans  l'opéra  italien  au  théâtre  Victoria,  et  tout  récemment 
l'orchestre  italien  dans  la  salle  Kroll,  est  nommé  maître  de  chapelle  au 
théâtre  de  Hambourg.  Ses  fondions  ne  commenceront  que  le  15  août. 
11  est,  dit-on,  occupé  en  ce  moment  à  écrire  un  opéra. 

—  La  semaine  dernière,  l'Opéra  de  Rerlin  a  offert  à  son  public  une 
succession  de  soirées  comme  nous  en  voyons  rarement  à  Paris.  Elle  a 
débuté  par  la  Flûte  enchantée,  de  Mozart,  laquelle  a  été  suivie  de  Don 
Juan,  du  Frezschiitz,  du  Prophète  et  de  Norma  :  cinq  chefs-d'œuvre  !... 
C'est  dans  Don  Juan  que  Mlle  Lagrua  a  terminé  ses  représentations. 

—  On  écrit  encore  de  Rerlin  :  «  Les  répétitions  de  Nurmahal  ont  com- 
mencé; cet  opéra  de  Spontini,  qu'on  n'avait  pas  entendu  depuis  long- 
temps, sera  joué  avec  une  mise  en  scène  entièrement  nouvelle.  —  Les 
représentations  de  l'opéra  allemand  à  la  salle  Kroll  ont  ouvert  ,  le 
15  mai,  sous  la  direction  du  maître  de  chapelle  Witt.  Pour  ses  débuts,  la 
Société  a  choisi  la  partition  de  Martha,  deFlotow.  » 

—  Nous  lisons  dans  une  correspondance  de  Moscou,  publiée  par  la 
Gazette  musicale  de  Berlin,  que  jamais  l'ancienne  capitale  russe  n'avait 
eu  de  plus  déplorable  saison  musicale  que  celle  qui  vient  de  se  terminer, 
et  les  événements  politiques  sont  pour  beaucoup  dans  ce  marasme  artis- 
tique. A  peine  si  deux  ou  trois  intrépides  donneurs  de  concerts  ont  osé 
se  montrer  vers  la  fin  de  l'hiver  1 

—  La  nouvelle  salle  du  théâtre  de  la  Cour,  à  Rrunswick,  est  presque  ter- 
minée. Elle  sera  inaugurée,  dit-on,  le  1er  octobre  prochain,  par  Don  Gio- 
vanni. 

—  Au  dernier  concert  du  Conservatoire  de  Rruxelles,  on  a  exécuté  une 
symphonie  de  la  composition  de  M.  Fétis,  après  laquelle  l'auteur  a  été 
rappelé,  ovation  très-rare  en  Relgique. 

—  Le  Guide  musical  de  Rruxelles,  à  propos  de  l'opéra  bouffe  en  un 
acte,  Au  travers  du  mur,  joué  sur  notre  Théâtre-Lyrique,  nous  donne 
quelques  intéressantes  particularités  sur  le  prince  Poniatowski  : 

«  Polonais  d'origine,  Italien  de  naissance  et  d'éducation,  Français  par 
les  antécédents  de  sa  famille  et  par  la  position  officielle  qu'il  occupe  ac- 
tuellement, le  prince  Joseph  Poniatowski,  sénateur  de  l'empire,  a  été  mi- 
nistre de  Toscane  en  France.  Dilettante  passionné,  comme  tous  les  mem- 
bres de  sa  famille,  il  est  l'auteur  d'une  douzaine  d'opéras,  dont  la  plupart 
ont  été  accueillis  avec  faveur  sur  les  théâtres  de  la  péninsule  italienne. 

«  Le  prince  Poniatowski  est  tellement  fanatique  de  l'art,  qu'il  a  consenti 
un  jour,  à  Vienne,  à  se  faire  le  chef  d'orchestre  d'un  de  ses  opéras.  On  sait 
que  dans  cette  ville  fameuse,  l'auteur  d'une  œuvre  musicale  devait,  le 
premier  soir,  en  diriger  lui-même  l'exécution.  Sa  présence  était  réclamée 
comme  une  garantie  par  le  public,  qui  tenait  à  avoir  là  son  homme  pour 
le  siffler  ou  l'applaudir. 

«  On  se  rappelle  en  Italie  la  célèbre  soirée  où  le  prince  Poniatowski  se 
prêta  de  bonne  grâce  à  la  double  et  bruyante  alternative  de  la  défaite  et  du 
triomphe . 

k  A  Florence,  lors  des  inondations,  toute  la  famille  Poniatowski  donna, 
au  bénéfice  des  inondés,  des  représentations  et  des  concerts  qu'on  r£a  pas 
encore  oubliés.  » 

Nous  lisons  également  dans  le  Guide  musical  :  «  Voici  un  violoniste 

qui  aurait  été  digne  d'inspirer  à  Hoffmann  un  conte  fantastique,  dont  les 
principaux  traits,  pris  dans  la  réalité,  auraient  fait  pâmer  d'aise  l'illustre 
auteur  du  Violon  de  Crémone.  M.  Charles  Wynen,  de  Tongres,  en  Rel- 
gique, est  un  virtuose  compositeur  de  beaucoup  de  talent,  qui  a  fait  le 
serment  de  ne  jamais  donner  concert  en  Europe.  Jusqu'ici  il  a  tenu  pa- 
role. Voilà  la  troisième  fois  qu'il  fait  le  tour  du  monde;  il  donne  ses 
séances  musicales  à  Taïti,  dans  les  salons  de  la  reine  Pomaré,  à  Mada- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


207 


gascar,  dans  l'Amérique  du  Sud,  chez  les  Sioux  et  les  Apaches,  qui  l'ont 
accablé  de  bosses  de  bisons  et  de  tatouages  d'honneur  ruisselants  d'inouis- 
mes.  Ce  Juif  errant  de  l'art  des  Vieuxtemps  et  des  Paganini  arrive  main- 
tenant de  la  Chine  et  se  propose  d'aller  avant  peu  porter  la  gamme  moderne 
au  fin  fond  de  la  Cochinchine  où  l'attendent  sans  doute  de  nouveaux 
triomphes.  Que  les  nids  d'hirondelles  et  les  sauces  à  l'huile  de  ricin  lui 
soient  légères  ! 

—  On  peut  annoncer  avec  certitude,  dit  le  journal  de  Milan,  II  Trova- 
tore,  que  Verdi  reprendra  la  plume  et  composera  un  nouvel  opéra  pour 
le  théâtre  ilalien  de  Saint-Pétersbourg.  Cédant  aux  sollicitations  du  comte 
de  Cavour  et  au  désir  de  l'empereur  de  Russie,  Verdi  a  déjà  fait  appeler 
le  poète,  51.  Piave,  pour  s'entendre  sur  le  sujet  à  traiter. 

—  C'est  à  M.  Sanguinetli ,  l'ancien  directeur  du  théâtre  Carlo-Felice, 
de  Gènes,  qu'a  été  confiée  la  direction  du  théâtre  Saint-Charles  de  Naples. 

—  La  nouvelle  Biographie  générale  publiée  par  MM.  Firmin  Didot,  vient 
de  s'enrichir  d'une  nouvelle  notice  musicale  consacrée  à  Mozart,  par 
M.  Denne-Baron.  Cet  écrivain  consciencieux  a  multiplié  les  soins  et  les 
recherches  pour  concentrer  dans  un  cadre  relativement  restreint,  tout 
ce  qui  se  rattache  à  Mozart  et  à  ses  œuvres.  C'est  un  travail  littéraire  et 
musical  qui  fait  le  plus  grand  honneur  à  son  auteur.  On  sent,  qu'écrivain 
et  musicien  à  la  fois,  M.  Denne-Baron  s'est  doublement  inspiré  de  son 
sujet. 

—  J.  Schulhoff  est  de  retour  à  Paris  de  la  tournée  qu'il  vient  de  faire 
dans  le  midi  de  la  France,  et  dont  voici  le  bilan  :  deux  concerts  à  Lyon, 
un  à  Avignon,  trois  à  Marseille,  un  à  Montpellier,  cinq  à  Toulouse  et  deux 
à  Bordeaux. 

—  Le  texte  de  la  cantate  choisi  cette  année  par  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  pour  le  concours  de  composition  musicale ,  est  intitulé  Atala. 
L'auteur  est  M.  Roussy. 

—  Au  dernier  banquet  des  Associations  fondées  par  M.  le  baron  Taylor, 
M.  Edouard  Monnais  a  porté  un  toast  contenant  une  biographie  '  musi- 
cale tout  à  fait  inédite  ;  c'est  celle  de  M"e  Octavie  Pillore,  musicienne,  et 
auteur  d'une  partition  intitulée  Protogène,  paroles  de  Scribe  !..  Cet  ou-- 
vrage,  reçu  au  grand  Opéra  sous  la  direction  de  M.  delà  Ferlé,  est  resté 
dans  les  cartons,  entouré  d'une  foule  d'autres  victimes.  Mlle  Octavie  Pillore, 
décédée  tout  récemment  dans  un  âge  très-avancé,  recevait  de  l'Association 
une  pension  de  300  francs.  Voici  la  péroraison  de  ce  spirituel  toast  de 
M.  Edouard  Monnais,  que  nous  regrettons  de  ne  pouvoir  publier  intégrale- 
ment : 

«  Oui,  Messieurs,  l'auteur  de  Protogène  s'appelait  Scribe  I  c'était  le  gé- 
nie universel,  immortel,  qui  vient  de  succomber  aussi,  et  dont  la  collabo- 
ration avec  Mlle  Octavie  Pillorre  ne  vous  était  pas  connue.  Quoique  plus 
âgée  de  dix  ans,  la  musicienne  survécut  au  poète,  mais  de  si  peu — de 
quelques  semaines] . . .  Et  quel  rapprochement  singulier  dans  des  situa- 
tions si  diverses  1  Ce  poète,  cet  auteur  qui  a  fait  jouer  plus  de  qualre  cents 
pièces  I  Cette  musicienne,  qui  n'a  pu  faire  exécuter  son  unique  opéra  ! 
L'un  comblé  de  gloire  et  de  fortune,  l'autre  obscure  et  n'ayant  pour 
tout  bien  que  la  petite  pension  que  vous  lui  faisiez,  mais  cette  pension 
suffisait  à  ses  besoins,  à  son  juste  amour-propre.  Elle  la  devait  à  la  mu- 
sique, à  son  art  chéri  ;  elle  la  recevait  de  la  main  de  ses  généreux  con- 
frères. » 

—  Dimanche  dernier,  au  concours  de  chant  d'ensemble  qui  a  eu  lieu 
à  Vernon,  la  section  chorale  de  la  Société  des  Enfants  de  la  Belgique, 
som  la  direction  de  M.  Pierre  Benoît,  a  obtenu  le  premier  prix ,  et  la  so- 
ciété Y  Ensemble  de  Paris,  le  second  prix. 

—  M.  Auguste  Durand,  organiste  de  Saint  -  Roch  ,  vient  d'épouser 
Mlle  Adélia  Goemaere,  fille  d'un  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Gand  (Bel- 
gique). 

—  Nous  nous  empressons  d'annoncer  aux  artistes  et  amaleurs  de  fidèle 
mémoire  qu'il  vient  de  paraître  un  petit  portrait  (  carte  de  visite  )  du 
pianiste  célèbre,  et  toujours  justement  regretté,  Adolphe  Fumagalli.  Ce 
portrait  se  vend  au  bénéfice  des  orphelins  de  cet  émineut  artiste,  chez 
Mme  veuve  Fumagalli,  13,  rue  Taitbout. 

—  Indépendamment  du  jeu  de  paume  de  la  terrasse  des  Tuileries,  ce 
jardin  vient  de  s'enrichir  d'un  théâtre  de  marionnettes  qui  fait  la  joie  des 
enfants,  grands  et  petits.  Ce  nouveau  Guignol,  infiniment  plus  luxueux  et 
mieux  organisé  que  ses  voisins  des  Champs-Elysées  ,  a  inauguré  ses 
séances  par  un  prologue  en  vers  dont  l'auteur  a  gardé  l'anonyme. 


—  Il  y  aura  prochainement  un  concours  au  Théâtre  impérial  Italien , 
pour  diverses  places  vacantes  à  l'orchestre.  Les  artistes  qui  voudront  y 
prendre  part  devront  se  faire  inscrire,  avant  le  1er  juin,  à  l'administration 
dudit  théâtre,  de  10  heures  à  4. 

—  MM.  les  directeurs  des  théâtres  de  la  province  et  de  l'étranger,  en  ce 
moment  à  Paris,  sont  prévenus  que  l'Agence  générale  des  Directions 
théâtrales  organisera,  dans  le  cours  des  mois  de  juin  et  de  juillet,  plu- 
sieurs représentations  dramatiques,  dites  d'audition.  Elles  seront  gratuites 
et  non  publiques,  étant  exclusivement  destinées  à  MM.  les  directeurs  de 
théâtre.  Ceux  d'entre  eux  qui  désireront  recevoir  des  lettres  d'invitation 
pour  ces  représentations  sont  priés  de  vouloir  bien  faire  connaître  leur 
domicile  au  siège  de  l'Agence  générale  des  Directions  théâtrales,  rue  de 
la  Victoire,  15,  dont  les  bureaux  sont  ouverts  tous  les  jours,  de  10  à 
5  heures.  M.  Henrichs  «,  directeur,  visible  de  midi  à  2  heures. 

—  Nous  sommes  priés  d'insérer  la  lettre  suivante  : 

«  Veuillez  bien  faire  connaître,  par  la  voie  du  Ménestrel,  que  je  suis 
aujourd'hui  complètement  étranger  aux  intérêts  de  la  Société  des  auteurs, 
compositeurs  et  éditeurs  de  musique,  dont  j'étais  précédemment  agent 
général  ;  que  l'Agence  générale  des  directions  théâtrales  ne  s'occupe  nul- 
lement et  ne  pourrait  même  s'occuper  de  la  perception  des  droits  d'au- 
teur, de  quelque  nature  qu'ils  soient.  Vous  m'obligerez  en  insérant,  dans 
le  plus  prochain  numéro  du  Ménestrel  celle  déclaration  ,  que  je  fais 
d'ailleurs  volontairement,  et  sans  autre  initiative  que  la  mienne. 

«  P.  Henrichs.  » 
NÉCROLOGIE. 

—  Notre  numéro  de  dimanche  dernier  était  sous  presse  quand  on  est 
venu  nous  annoncer  l'affligeante  nouvelle  de  la  mortdeMme  Mocker,  femme 
de  notre  excellent  artiste  et  régisseur  général  de  l'Opéra  -  Comique. 
Mm8  Mocker,  professeur  de  piano  distingué,  était  fille  de  Moreau,  auteur 
d'une  foule  de  charmants  vaudevilles,  dont  beaucoup  sont  restés  popu- 
laires, et  de  Mme  Hervey,  artiste  du  théâtre  du  Vaudeville,  et  ensuite  so- 
ciétaire de  la  Comédie-Française.  Les  obsèques  ont  eu  lieu  lundi  dernier 
en  l'église  de  la  Madeleine.  Tout  le  personnel  de  l'Opéra-Comique  assistait 
à  cette  triste  cérémonie.  Parmi  les  assistants  on  remarquait  MM.  Ambroise 
Thomas,  Edouard  Monnais,  Emile  Perrin,  Gevaert,  F.  Bazin,  Ernest  Bou- 
langer, Jules  Cohen,  E.  Gautier,  Théodore  Ritter,  etc. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  fri 


En  vente  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne. 


Hommage  à  M™  SAGERET,  née  CLAPEYRON. 

TROIS  CHANTS  RELIGIEUX 


D.  RUBINI. 


N°  1. 
0  SALUTARIS, 

Pour  soprano  solo. 
prix  :  I  f.  50  c. 


N°  2. 

AGNUS  DEI, 

Duo  pour  soprano  et  basse. 

prix  :  1  f.  50  c. 


N°  3. 
AVE  MARIA,  pour  soprano  solo.  —  prix  :  2  fr. 

Morceaux  exécutés  à  la  Madeleine. 


En  vente  chez  l'éditeur  RECK,  boulevard  de  Strasbourg,  37. 

LES  CARACTERISTIQUES 

12  Morceaux  pour  piano,  soigneusement  doigtés, 

PAUL  WAGNER. 


1.  Les  Éléments. 

2.  La  Danse. 

3.  Les  Déguisements. 

4.  Le  Poisson  d'avril. 

5.  Le  Réveil  du  Coucou. 

6.  Chaut  de  la  Caille. 


7.  La  Chanson  des  Moissonneurs 

8.  Fête  champêtre. 

9.  La  Chasse. 

10.  Les  Vendanges. 
ii.  La  Veillée. 
12.  La  Noël. 


Chaque  morceau  :  3  fr.  95  c. 


NOUVELLE  MUSIQUE  DE  PIANO. 

EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 

lARMOMEUSES 

Vingt-cinq  nouvelles  études,  Op.  S05  de 


Prix  :  20  francs. 


CH.-B    LYSBERG 

L'Absence ,  sonate  romantique 10  » 

Andante-ldylle 6  » 

Airs  savoisiens  variés 7  50 

LEFÉBURE-WÉLY. 

ARMIDE  de  GLUCK. 

Morceau  de  concert ,  varié 7  30 

Morceau  de  salon ,  varié 6  » 

CH.  DELIOUX 

Une  Fête  à  Séville ,  boléro • .. 7  50 

Valse  brillante ,  2e  édition 7  50 

Deux  Sérénades ,  nos  1  et  2. . 7  50 


MARMONTEL 

Thème  varié ,  ancien  style 5  » 

Musette ,  pastorale 7  50 

Yenezia ,  barcarolle 7  50 

PAUL  BERNARD 

Barcarolle  et  Chanson  de  Fortunio 6  » 

Galop  de  concert 6  » 

Prima  Sera ,  idylle 4  50 

L    DIÉMER 

Elégie  à  la  mémoire  de  sa  Mère 5  » 

lre  Mazurka  de  salon 5  » 

Polonaise  de  concert 6  » 


ÉCOLE  CHANTANTE  DU  PIANO 


par 


FELIX  QODEFROID 


1er  Livre.  Méthode  de  chant  appliquée  au  piano,  contenant  des  exercices  et  mélodies-types  sur  toutes  les  difficultés  du  chant. 

Texte  et  Musique  :  25  francs. 
«■»<=  LIVRE.  S  S™  LIVRE. 

QUINZE  ÉTUDES  MÉLODIQUES  POUR  LES  PETITES  MAINS.  j  DOUZE  ÉTUDES  CARACTÉRISTIQUES ,  DEGRÉ  SUPÉRIEUR. 

prix  :  12  fr.  !  prix  :  12  fr. 


J    LEYBACH 
Album  de  salon. 

1.  Mes  solitudes,  4™  nocturne 5 

2.  Souvenirs  d'Allemagne ,  3me  valse 7 

3.  Ronde  pastorale,  3mc  idylle 5 

4.  Confidence ,  romance  sans  paroles 7 

5.  Fête  aux  Champs,  galop  pastoral 7 

6.  La  Hongroise ,  caprice-mazurka 6 

CH   NEUSTEDT- 
Transcriptions  variées  sur  DON  JUAN. 

1.  La  ci  darem  la  mano 5 

2.  Tl  mio  tesoro S 

3.  Sérénade  et  Duo S 


FERD    DE  CROZE. 
4me  Albuni  de  concert. 

1.  Les  Ombres ,  caprice-valse 5 

2.  La  Derbouka ,  chanson  orientale 5 

3.  Rêvez  toujours,  cantabile 5 

4.  En  Aérostat ,  rêverie-étude 5 

5.  Ciel  et  Terre ,  andante 5 

6.  La  Razzia ,  presto 6 

TH    LÉCUREUX 
Nouvelles  transcriptions  -variées. 

1.  Fleuve  du  T âge 5 

2.  Mœris ,  de  M""-'  G  ail 5 

3.  Valse  des  Patres  du  Valais 5 


LE  JEUNE  PIANISTE  CLASSIQUE  A  QUATRE  MAINS, 


PAR 


Œuvres 
concertantes. 


JULES  WEISS 


Reproduction 
aUemande. 


HAYDN 


1.  Finale  de  la  symphonie  ou  ut 7  50 

2.  Finale  de  la  4e  symphonie  en  sol 7  50 

3.  Andante  de  la  symphonie  en  sol 7  50 

4.  Finale  de  la  lre  symphonie  en  sol 7  50 


BEETHOVEN 

5.  Sonate  en  sol  mineur,  op.  49,  n°  1 7  50 

6.  Sonate  en  sol,  op.  49,  n°  2 7  50 

7.  Allegro  de  la  sonate  en  la,  op.  12,  n"  2. .  7  50 

8.  Allegro  de  la  sonate  en  fa ,  op.  17 7  50 


MOZART 

9.  Allegro  de  la  sonate  facile  . .  ; 5 

10.  Andante  de  la  sonate    d°     .'. 5 

11.  Finale  de  la  sonate      d°     5 

12.  Marche  turque S 


768.  —  28e  Année. 

IV  87. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  2  Juin 

ISlil. 


Qi£2> 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  £  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  do  Musique  «lu  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

*r  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  2  0  Morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  2  Album» 
primes  illiiMtrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2°  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  *0  Morceaux 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  «  Album» 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


C.IIATVT  ET  PIAN©    REUNIS  : 

3a  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5ï  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l<=r  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresse  r/j'anco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  iieitgei.  et  cie,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de/«  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


SOUMAIIIE. 


TEXTE. 


I.  Méfaul  et  ses  œuvres  (6e  et  dernier  article).  P.-A.  Vieillaud.  —  II.  Semaine 
théâtrale  :  premières  représentations  du  Marché  des  Innocents  et  de  la  Beauté 
du  Diable.  J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Chopin  et 
ses  œuvres  (1er  article).  H.  Barbedette.  —  IV.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour  : 

GUIPURES   ET  DENTELEES, 

N°  2,  valse  de  A.  Croisez.  —  Suivra  immédiatement  après  :  les  Eme- 
raudes,  polka  de  L.  de  Pitray. 

CHANT: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

connus 

ou  le  Nouvel  Ami  «les  Enfants  , 

Paroles  de  Frédéric  deCourct,  musique  d'HENRi  Potier.  — Suivra 
immédiatement  après  :  la  Danse  macabre,  paroles  d' Armant  Livrât, 
musique  de  E.  Lomhard. 


MÉIIEL  ET   SES  ŒUVRES. 

(  6e  ET  dernier  article.  ) 

On  a  vu  plus  haut  que  Méhul  avait  été  de  tout  temps  nu  nom- 
bre des  artistes  les  plus  favorisés  par  la  munificence  impériale. 
Il  avait  cerles  le  cœur  trop  bien  placé  pour  ne  pas  voir  avec  un 
vif  regret  la  chute  du  souverain  dans  lequel  il  avait  constamment 
trouvé  un  zélé  protecteur;  aussi,  tandis  que  tant  d'autres  insul- 
taient lâchement,  dans  ses  revers,  l'idole  que,  la  veille,  ils  fati- 
gaient  de  leurs  flatteries,  Méhul  honora-t-il  constamment  le  nom 
et  le  souvenir  du  grand  homme  tombé  du  pouvoir,  sans  faire 
une  opposition  indécente  et  hargneuse  au  pouvoir  qui  l'avait 
remplacé. 

Celui-ci  cependant,  inauguré  lorsque  les  dépenses  sans  limites 
d'une  guerre  nationale  venaient  d'épuiser  les  ressources  de  l'État, 
et  d'ailleurs  par  lui-même  assez  indifférent  aux  choses  d'agré- 


ment et  de  goût,  fit  porter  sur  les  arts  une  grande  partie  des  ré- 
ductions dont  le  malheur  des  temps  lui  faisait  une  rigoureuse 
nécessité.  Le  Conservatoire  fut  le  premier  atteint  par  ces  réfor- 
mes. Ce  titre,  jugé  trop  fastueux,  fut  remplacé  par  le  nom  plus 
modeste  d'École  de  musique  et  de  déclamation;  on  réduisit  le 
nombre  des  professeurs  et  des  élèves,  ainsi  que  la  rétribution  des 
fonctions  maintenues. 

Un  homme  qui,  sans  être  artiste  lui-même,  a  écrit  sur  la  mu- 
sique, en  France,  avec  une  rare  sagacité,  M.  Miel,  s'exprime 
ainsi  sur  la  révolution  que  subit,  en  1815,  le  Conservatoire  : 
«  L'Institut  musical  le  plus  complet  qui  eût  jamais  existé,  mutilé 
dans  ses  développements,  fut  placé  secondairement  dans  les  attri- 
butions de  l'intendant  des  menus-plaisirs  (M.  Papillon  de  la 
Ferté).  Sans  administrateur  spécial,  régi  par  un  inspecteur  qui, 
sans  doute,  voulait  le  bien,  mais  qui  n'eut  pas  le  pouvoir  de  le 
faire,  plus  d'exercices  publics,  sources  de  nobles  rivalités,  occa- 
sions d'utiles  conseils,  l'Ecole  languissait;  professeurs  et  élèves 
étaient  livrés  au  découragement.  »  (Encyclopédie  des  gens  du 
monde,  t.  XIII,  p.  600.) 

Méhul,  je  l'ai  déjà  dit,  était  l'un  des  trois  inspecteurs  du  Con- 
servatoire. Ce  grade  ayant  été  supprimé,  il  devint,  ainsi  que 
Chérubini  et  Berton,  simple  professeur  à  l'École  de  musique  et 
de  déclamation.  Il  supporta  avec  un  calme  plein  de  dignité  cet 
échec  qui,  d'ailleurs,  n'avait  rien  d'une  disgrâce,  mais  il  vit, 
avec  un  regret  plein  d'amertume,  la  déchéance  du  grand  éta- 
blissement à  la  prospérité  duquel  il  avait,  pour  ainsi  dire,  lié 
son  existence. 

L'année  1816  vit  pourtant  luire  pour  Méhul  un  rayon  de 
consolation.  La  Journée  aux  aventures,  opéra-comique  en  trois 
actes,  fut  représentée  au  mois  de  février.  Le  succès  fut  complet. 
La  pièce,  de  deux  auteurs  peu  connus,  faible  de  style,  avait  au 
moins  le  mérite  du  naturel  dans  le  dialogue  et  delà  gaieté  dans 
les  situations.  Oserai-je  dire  aussi  que  si  Méhul  s'était  souvent 
élevé  bien  plus  haut,  jamais  il  n'avait  été  plus  franchement  gai 


210 


LE  MÉNESTREL. 


et  libre  d'allure?  Le  public  d'ailleurs  connaissait  ses  sujets  de 
tristesse,  et,  en  l'applaudissant  peut-être  avec  un  peu  d'excès,  on 
semblait  vouloir  lui  donner  une  juste  revanche  de  chagrins  si 
peu  mérités. 

Cependant,  l'année  1816  avait  porté  les  atteintes  les  plus 
cruelles  à  la  santé  de  ce  grand  artiste,  de  cet  homme  excellent. 
Aux  désastres  civils  qui  avaient  suivi  la  seconde  invasion  se  joi- 
gnirent les  calamités  de  l'une  des  années  les  plus  néfastes  dont 
la  France  ait  jamais  eu  à  souffrir.  Dépouillés  par  l'étranger,  me- 
nacés d'une  famine,  travaillés  par  l'esprit  de  faction,  les  Fran- 
çais avaient  mis  les  intérêts  de  l'art  et  la  prospérité  du  théâtre 
au  rang  de  leurs  dernières  préoccupations.  La  scène,  délaissée, 
végétait  avec  peine,  et,  quand  tout  le  monde  s'inquiétait  des 
moyens  de  vivre,  ce  n'était  guère  le  temps  de  chercher  comment 
on  pourrait  s'amuser. 

Il  n'en  fallait  pas. tant  pour  achever  de  ruiner  les  forces  d'un 
homme  depuis  longtemps  miné  par  le  chagrin  et  l'ennui,  et  qui, 
à  des  sujets  de  mélancolie  dont  autrefois  il  s'était  peut-être  trop 
exagéré  les  motifs  personnels,  voyait  s'ajouter  aujourd'hui  des 
causes  trop  réelles  et  d'autant  plus  pénibles  pour  un  cœur  comme 
le  sien  qu'elles  allaient  à  la  perte  de  ce  qu'il  avait  chéri  et  glori- 
fié toute  sa  vie.  La  décadence  présente  du  Conservatoire,  où  l'on 
retrouvait  à  peine  quelques  traditions  effacées  de  ce  qu'il  avait 
été  pendant  vingt  ans,  était,  pour  Méhul,  une  cause  imminente 
de  sa  fin.  Ses  amis,  effrayés  de  voir  apparaître  chez  lui  tous  les 
symptômes  d'une  dangereuse  affection  de  poitrine,  se  réunirent 
pour  le  conjurer  d'aller  chercher,  dans  le  midi  de  la  France,  un 
ciel  plus  riant  et  un*  plus  doux  climat. 

Découragé  et  n'osant  plus  rien  attendre  de  l'avenir,  Méhul 
résista  longtemps  à  ces  instances.  Cependant,  touché  de  l'intérêt 
qu'on  lui  témoignait  de  toutes  parts,  avec  une  vivacité  qui  sui- 
vait les  progrès  de  la  maladie,  il  finit  par  se  rendre.  Il  quitta 
Paris  le  18  janvier  1817,  et,  accompagné  de  son  neveu  Daussoi- 
gne,  il  partit  pour  la  ville  d'Hyères  en  Provence.  Sur  la  route,  il 
obtint  les  plus  honorables  témoignages  de  la  sympathie  d'un  pu- 
blic ami  des  arts.  Il  trouva,  au  théâtre  de  Marseille,  une  bril- 
lante ovation. 

Mais  le  coup  fatal  était  porté,  et  déjà  rien  ne  pouvait  combat- 
tre les  impressions  qui  présageaient  sa  triste  fin.  La  lettre  qu'on 
ya  lire  ne  laisse  lieu  de  conserver  aucun  doute  h  cet  égard.  La 
veille  du  départ  de  Méhul,  je  lui  avais  adressé  mes  adieux,  en 
une  pièce  de  vers,  imitation  du  Sic  te  diva  potens  Cypri  d'Ho- 
race. Le  ton  de  cette  pièce  prouvait  que  j'étais  loin  d'avoir 
perdu  tout  espoir  de  rétablissement,  et,  trois  jours  après 
ce  départ,  je  m'entretenais  avec  Kreutzer  l'aîné  du  plaisir 
que  nous  aurions  a  fêter  le  retour  de  notre  Méhul,  lorsque 
nous  le  reverrions  bien  portant.  C'était  la  ville  d'Hyères  qu'on 
lui  avait  indiquée  comme  le  séjour  le  plus  propice  à  son  rétablis- 
sement; ce  fut  de  là  que,  le  20  février  1817,  il  m'écrivit  la  lettre 
suivante  : 

«  Mon  cher  Vieillard, 
«  Ne  m'accusez  pas  d'ingratitude,  vous  seriez  dans  l'erreur. 
Je  n'ai  point  oublié  les  vers  élégants  que  vous  avez  eu  la  bonté 
de  m'adresser  la  veille  de  mon  départ.  Les  vœux  si  bien  exprimés 
dans  votre  poésie  n'ont  point  été  exaucés,  mais  j'ai  opposé  à 
l'indifférence  des  dieux,  vainement  invoqués  par  votre  muse 
amie,  de  la  patience,  du  courage  et  le  reste  de  mes  forces.  C'est 
ainsi  que  je  suis  arrivé  à  Montpellier  et  que  je  me  suis  traîné  à 
Hyères.  Le  climat  y  est  fort  tempéré,  puisque  les  orangers  y 


viennent  en  pleine  terre  ;  mais  il  y  règne  des  vents  si  aigres  que 
je  ne  puis  sortir  de  ma  chambre.  Elle  est  heureusement  au  midi, 
de  manière  que  je  jouis  de  la  chaleur  du  soleil,  qui  ne  manque 
jamais  de  se  montrer.  C'est  cela  de  plus  qu'à  Paris  ;  mais  qu'il 
faut  aller  le  chercher  loin  1 

«  Pour  un  peu  de  soleil,  j'ai  rompu  toutes  mes  habitudes,  je 
me  suis  privé  de  tous  mes  amis,  et  je  me  trouve  seul,  au  bout  du 
monde,  dans  une  auberge,  entouré  de  gens  dont  je  puis  à  peine 
comprendre  le  langage. 

«  Vous  qui  comprenez  si  bien  celui  de  l'amitié,  mon  cher 
Vieillard,  rendez-moi  à  ceux  qui  me  sont  chers,  en  me  parlant 
de  leurs  sentiments.  Dites  aux  dames  Kreutzer  combien  je  les 
aime,  et  combien  elles  me  font  trouver  les  lieues  longues 
et  le  temps  long.  Dites  à  Kreutzer  et  à  Auguste  que  je  suis 
souvent  auprès  d'eux  à  l'Opéra,  où  je  vais  exprès  pour  les 
voir;  dites  à  Pradher  que  je  l'aime  bien;  rappelez-moi  au 
souvenir  de  Sewrin,  de  Delrieu,  de  Piranesi,  et  dites  à  Vieil- 
lard que  je  lui  souhaite  tout  le  bonheur  qu'il  mérite,  comme  au- 
teur et  comme  homme.  Montez  un  instant  chez  les  dames  Tour- 
rette,  pour  leur  faire  mes  tendres  compliments,  et  venez  que  je 
vous  embrasse  de  tout  mon  cœur,  et  que  je  vous  assure  de  mon 
amitié.  Méhul.  » 

J'espère  qu'on  voudra  bien  ne  pas  attribuer  à  un  puéril  motif 
d'amour-propre  la  citation  de  cette  lettre.  Je  ne  nierai  nullement 
qu'en  la  recevant  je  n'aie  été  autant  flatté  que  touché;  mais  je 
dirai  que  ce  qui  m'a  surtout  engagé  à  la  reproduire,  c'est  que, 
dans  sa  brièveté,  elle  justifie  complètement  ce  que  j'ai  dit,  dans 
cette  notice,  du  caractère  et  de  l'esprit  de  mon  héros.  Elle  dé- 
montre aussi,  je  crois,  que  je  n'ai  pas  surfait,  en  exposant  les 
rapports  d'amitié  qui  existaient  entre  nous. 

A  son  retour  à  Paris,  au  mois  de  mai,  Méhul  nous  parut  avoir 
éprouvé  peu  de  changement  dans  son  état  de  maladie  ;  nous  re- 
connûmes surtout  avec  douleur  que  la  maigreur  et  la  toux  avaient 
augmenté  d'une  manière  sensible.  On  était  au  plus  beau  moment 
de  la  saison,  et  le  valétudinaire  se  hâta  de  se  réinstaller  à  sa 
très-modeste  villa  de  Pantin,  assez  mauvais  séjour  pour  un 
homme  attaqué  d'une  maladie  de  poitrine.  Mais  les  bruits  de 
la  ville  l'importunaient  ;  les  théâtres  lui  étaient  interdits  ;  son 
jardin  lui  restait  encore,  et,  après  la  musique,  les  fleurs  avaient 
été  la  passion  de  toute  sa  vie. 

Quelques  amis  venaient  le  visiter.  J'y  allais  aussi  souvent  que 
me  le  permettaient  de  tristes  et  impérieux  devoirs.  Nous  évitions 
de  le  fatiguer.  Il  ne  nous  laissa  jamais  apercevoir  que  tel  fût  l'ef- 
fet de  nos  visites.  Sa  conversation  était  moins  vive,  sans  doute  ; 
elle  avait  perdu  cette  légère  teinte  de  causticité  qui  donnait  chez 
lui  plus  de  jeu  à  la  conversation,  sans  que  ce  fût  jamais  aux  dé- 
pens du  cœur.  Au  contraire,  à  toutes  les  qualités  du  sien  s'ajou- 
taient encore  des  nuances  plus  douces  et  une  grâce  plus  atten- 
drie; sans  illusion  aucune  sur  un  état  désespéré,  il  semblait  à 
peine  s'en  occuper,  et  surtout  il  n'en  occupait  jamais  les  autres. 

L'été  tout  entier  se  passa  ainsi  dans  une  période  d'affaiblisse- 
ment graduel  ;  mais,  à  la  chute  des  feuilles,  il  ne  fut  plus  possi- 
ble de  s'abuser  sur  l'imminence  d'une  désolante  catastrophe.  Le 
séjour  de  la  campagne,  qui  n'avait  apporté  qu'un  court  soula- 
gement à  Méhul,  en  automne,  lui  devenait  à  chaque  instant  plus 
pernicieux;  et,  pour  le  conserver  quelques  jours  de  plus,  il  fal- 
lut se  hâter  de  le  ramener  à  Paris;  ce  fut,  je  crois,  dans  les  der- 
niers jours  de  septembre  que  ce  retour  s'effectua.  J'étais  encore 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


211 


allé  le  voir  à  Pantin  au  commencement  du  mois.  Les  exigeantes 
fonctions  de  la  bureaucratie  ne  devaient  plus  me  permettre  de  le 
revoir  à  Paris;  il  me  fut  même  interdit  de  lui  rendre  les  derniers 
devoirs. 

M.  de  Saint- Victor  voulait  bien  me  donner  les  derniers  dé- 
tails du  rapide  déclin  de  notre  ami.  Ce  fut  lui  qui,  vers  la  mi- 
octobre,  m'apporta  une  nouvelle  qui  me  fit  juger  que  tout  était 
près  de  finir.  Je  n'ai  pas  dit  encore  que,  depuis  longtemps, 
Méhul  était  marié.  Sa  femme,  fille  du  célèbre  docteur  Gaslaldy, 
vivait  en  province,  éloignée  de  son  mari.  J'ai  peu  vu  cette 
dame,  et  je  ne  l'ai  connue  que  sous  les  rapports  les  plus  honora- 
bles; j'ignore  tout  à  fait  les  motifs  qui  amenèrent  une  sépara- 
tion exempte  de  tout  scandale,  qui  n'eut  jamais  de  caractère 
officiel,  et  dont  le  public  ne  s'occupa  que  pour  plaindre  les  deux 
époux,  en  leur  conservant  toute  son  estime.  Peut-être  Mme  Méhul 
se  méprit-elle  sur  le  caractère  d'une  liaison  qu'autorisaient  assez, 
dans  celte  mesure,  des  rapports  de  bon  voisinage. 

Mme  Méhul  accourut  auprès  du  lit  de  mort  de  son  mari,  au- 
quel elle  devait  survivre  près  de  quarante  ans.  Il  mourut  le 
18  octobre  1817. 

Aux  obsèques  de  Méhul,  cent  quarante  symphonistes  exécu- 
tèrent une  messe  de  Requiem  de  Jomelli.  Quelques  mois  plus 
tard,  un  certain  nombre  des  élèves  du  chant,  au  Conservatoire, 
se  rendirent  au  cimetière  du  Père-Lachaise.  Là  ils  offrirent  un 
touchant  hommage  à  la  mémoire  de  l'illustre  maître,  en  exécu- 
tant, sur  sa  tombe,  l'un  de  ses  chefs-d'œuvre  dramatiques,  le 
chœur  du  Sommeil  des  Bardes,  dans  Uthal,  digne  tribut  à  l'ar- 
tiste éminent  qui  avait  réuni  en  lui  les  deux  grandes  conditions 
de  la  nature  humaine  :  le  génie  et  la  souffrance  I 

P. -A.  Vieillard. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

Le  Marché  des  Innocents,  ballet-pantomime  en  un  acte,  de  M.  Petipa  , 
musique  de  M.  Pugni. 

LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  honoraient,  mercredi 
dernier,  de  leur  présence  la  première  représentation  de  ce  bal- 
let,—  que  précédait  le  Trouvère  (où,  par  parenthèse,  Mlle  Sax 
récoltait  une  ovation  spéciale  dans  le  rôle  de  Léonore). 

Tout  l'attrait  de  la  nouvelle  œuvre  chorégraphique  se  con- 
centrait sur  Mme  Marie  Petipa,  la  débutante,  que  la  Russie  veut 
bien  nous  prêter  pour  deux  mois  ;  —  on  ne  prête  qu'aux  riches  : 
ce  vieux  dicton  est  toujours  bien  porté. 

Mme  Pelipa,  belle-sœur  de  notre  maître  de  ballets,  et  femme 
du  chorégraphe  de  Saint-Pétersbourg,  est  Russe  de  naissance 
(comme  M"B  Zina  Richard),  et  le  ballet  parisien  qu'elle  nous 
apporte  est  éclos  sur  les  bords  de  la  Neva. 

Gloriette,la  jolie  couturière  dont  vous  voyez  la  boutique — je 
veux  dire  le  tonneau  —  sur  le  marché  des  Innocents,  reçoit  tous 
les  jours  des  bouquets,  des  billets  doux,  et  l'hommage  d'une 
foule  de  galants.  Mais  elle  n'aime  que  Simon  et. . .  les  beaux 
paniers  de  cerises  qu'il  dépose  chaque  matin  devant  son  ton- 
neau. En  vain  Lindor,  un  incroyable  du  Directoire,  lui  adresse 
mille  déclarations  et  étale  à  ses  yeux  l'or  et  les  bijoux  ;  Glo- 
rietlele  repousse  et  le  menace  de  son  aiguille.  Mais  le  ridicule 
personnage  continue  à  la  luliner ,  et,  en  se  jetant  à  genoux,  il 
déchire  son  bas.  Gloriette  le  lui  reprise,  non  sans  lui  planter  un 


petit  drapeau  dans  son  faux  mollet.  Tout  à  coup,  en  pirouettant 
autour  de  la  couturière,  voilà  notre  Lindor  surpris  par  la  belle 
Denise,  —  une  dame  du  demi-monde  —  qui  décoche  des  coups 
d'éventail  à  l'incroyable,  et  affecte  envers  Gloriette  les  airs  les 
plus  dédaigneux.  Celle-ci,  pour  toute  réponse,  lui  montre  un 
paquet  de  lettres  :  —  Reconnaissez-vous  ceci,  ma  belle?  —  Mes 
lettres!  dit  Denise  avec  effroi;  par  pitié,  sois  généreuse!  ne  me 
perds  pas  !  (Gloriette  et  la  dame  du  demi-monde  étaient  tout 
simplement  deux  anciennes  camarades.)  —  Tiens!  voilà  tes  let- 
tres!.. Denise  l'embrasse  avec  effusion.  —  Que  puis-je  faire 
pour  toi? —  Me  marier  à  ce  brave  garçon,  dit  Gloriette  en  dé- 
signant Simon;  il  n'est  pas  riche,  et  je  suis  sans  dot.  —  Lindor, 
approchez,  dit  Denise  ;  réjouissez-vous  du  plaisir  que  vous  me 
procurez  ;  je  retrouve  une  amie  d'enfance  ;  donnez-moi  votre 
portefeuille  ! . . .  — Tiens,  chère  Gloriette,  voilà  ta  dot!. . .  — 
Danse  générale. 

Dès  ses  premiers  pas,  —  avec  ou  sans  jeu  de  mots,  — 
jjme  Marie  Petipa  avait  gagné  la  bataille  sur  ces  planches, 
témoin  de  tant  de  victoires  chorégraphiques.  La  débutante  a  la 
jambe  fine,  la  taille  bien  prise,  un  minois  fort  avenant  ;  joignez 
à  cela  une  vivacité  pleine  de  fantaisie  et  une  mimique  des  plus 
piquantes.  Elle  danse  avec  les  bras,  avec  la  têle,  avec  les  yeux, 
avec  les  hanches,  sans  préjudice  de  la  perfection  chorégraphique 
de  ses  pieds  mignons  et  de  la  supériorité  de  ses  pointes.  Tous 
ses  mouvements  sont  imprévus,  rien  de  choquant  néanmoins 
dans  cette  multiple  gymnastique;  c'est  souvent  étrange,  mais 
toujours  coquet  et  gracieux.  Elle  n'a  ni  le  grand  style  de  la 
Ferraris  ,  ni  les  bonds  aériens ,  ni  l'harmonieuse  flexibilité 
d'Emma  Livry,  mais  sa  danse  étonne,  charme  et  captive. 

Son  pas  du  panier  de  cerises,  avec  Mérante,  est  ravissant. 
Le  pas  de  la  Ziganka  est  plus  merveilleux  encore.  Enfin,  la 
nouvelle  ballerine,  qu'on  peut  surnommer  la  Déjazet  ou  la 
Marton  de  la  danse,  a  été  applaudie  avec  chaleur  et  rappelée 
deux  fois  après  la  chute  du  rideau. 

Mais  le  succès  de  la  débutante  ne  doit  pas  nous  rendre  injuste 
envers  MUes  Schlosser  et  Fiocre,  qui  se  sont  acquittées  d'une 
façon  délicieuse,  la  première  ,  du  pas  des  dames  de  la  Halle, 
la  seconde,  de  celui  de  la  chaîne  des  fleurs,  avec  Mérante. 

Mlle  Marquet  personnifiait  la  belle  Denise  dans  une  toilette 
du  Directoire,  d'une  rigoureuse  fidélité,  et  Rerthier  fait  vail- 
lamment son  œuvre  dans  une  scène  de  bateleurs. 

M.  Pugni,  l'auteur  de  la  musique,  a  recueilli  sa  part  de  bra- 
vos. Plusieurs  agréables  mazourques  et  le  rondo  final  ont  été 
remarqués,  et  ce  n'est  pas  peu  dire  par  les  banalités  musicales 
qui  se  dansent. 


THÉÂTRE   IMPÉRIAL  DE   L'OPÉRA-COMIQLE. 

La  Beauté  du  diable,  opéra-comique  en  un  acte ,  de  M.  de  Najac  , 
musique  de  M.  Alary. 

Le  nom  de  Scribe  avait  été  accolé  au  libretto  de  cet  acte. . . 
avant  la  représentation;  mais  il  a  promptement  disparu  aux  pre- 
miers feux  de  la  rampe,  ce  qui  prouve  que  le  culte  des  morts 
n'est  pas  éteint  en  France. 

Notre  confrère  le  Figaro-Programme,  en  rendant  compte  de 
la  Beauté  du  diable, propose  comme  sous-titre  :  ou  la  Réhabilita- 
tion du  linge  blanc.  Quelques  mots  d'analyse  vous  feront  appré- 
cier la  justesse  de  cette  maligne  proposition. 

La  noble  damoiselle  Léopoldine  de  Rohnsberg  ne  possède 
pour  toute  fortune  qu'un  vieux,  château,  perdu  dans  les  mon- 


212 


LE  MÉNESTREL. 


tagnes  du  Harz,  ce  quartier  général  des  légendes  germaniques. 
Elle  se  décide  à  le  mettre  en  vente  pour  se  constituer  une  dot. 
Mais  les  acquéreurs  et  les  prétendants  se  font  attendre,  car  le 
manoir  est,  dit-on,  hanté  par  le  démon,  et  la  châtelaine  ne 
possède  que  la  beauté  du  diable.  Pourtant  voici  venir  un 
amateur  :  c'est  Jean  Lenoir,  montagnard  farouche,  espèce 
d'ouvrier  enrichi,  privé  de  politesse. ...  et  de  linge  blanc. 
Ce  Jean  Lenoir  est  fiancé  à  Fidès,  jeune  compagne  de  la  châte- 
laine; au  fond,  elle  ne  se  soucie  pas  plus  d'elle  qu'elle  ne  sou- 
cie de  lui,  et  la  preuve,  c'est  qu'elle  échange  de  tendres  aveux 
avec  le  villageois  Max.  En  apprenant  le  prochain  mariage  de 
Fidès  avec  Jean  Lenoir,  Max  veut  se  faire  soldat  ;  il  a  même 
déjà  signé  son  engagement.  Fidès  se  désole,  mais  pas  plus  qu'il 
ne  faut  (on  aime  singulièrement  dans  ces  montagnes  du  Harz!). 
Comme  souvenir,  elle  donne  au  jeune  villageois  une  chaîne 
bénie  qui  doit  lui  porter  bonheur. 

Revenons  au  farouche  montagnard.  Ce  Jean  Lenoir  est  telle- 
ment dépourvu  de  qualités  physiques. . .  et  de  linge  blanc,  qu'il  ne 
trouve  pas  un  cœur,  pas  une  crinoline  qui  veuille  accepter  ses 
hommages.  Il  passe  même  dans  le  pays  pour  un  filleul  de  Satan, 
et  ce  paria  de  la  civilisation  partage  le  préjugé  général  :  aussi  se 
rend-il  acquéreur  du  vieux  château,  afin  d'y  évoquer  son  in- 
fernal parrain,  et  se  faire  aimer  subsidiairement  de  la  châte- 
laine, pour  laquelle  il  s'est  enflammé  d'une  façon  insensée. 

Or,  pendant  que  le  farouche  montagnard  confie  tous  ces  pro- 
jets au  public  de  la  salle  Favart,  notre  espiègle  Fidès ,  cachée 
derrière  une  porte,  entend  le  monologue,  et ,  preste  !  elle  éteint 
la  lampe,  s'affuble  d'un  manteau  mystérieux,  et  contrefait 
Satan  de  sa  plus  grosse  voix. 

Et  la  maligne  jeune  fille  exploite  si  bien  la  superstition  de 
Jean  Lenoir,  qu'il  renonce  à  épouser  Fidès,  qu'il  achète  au  prix 
de  6,000  florins  la  chaîne  que  possède  Max,  —  plus  qu'il  ne 
faut  à  celui-ci  pour  trouver  un  remplaçant  militaire,  —  et  enfin 
qu'il  met  du  linge  blanc,  coupe  sa  barbe  et  se  montre  à  la  noble 
damoiselle  Léopoldine  comme  un  soupirant  présentable. 

Sur  cette  donnée  semi-fantastique,  M.  Alary,  l'auteur  des 
Tre  Noèze,  de  l'oratorio  la  Rédemption,  et  de  beaucoup  d'œu- 
vres  non  moins  goûtées,  a  étendu  une  mélodieuse  couche  de  mu- 
sique franco-italienne.  Plusieurs  morceaux  portent  un  cachet 
fort  bien  approprié  au  cadre  ;  d'autres  le  dépassent  par  leur 
agencement  et  par  leur  pléthore  instrumentale.  On  sent  que 
M.  Alary  est  apte  à  traiter  des  sujets  infiniment  plus  déve- 
loppés. Parmi  les  morceaux  qui  ont  obtenu  le  meilleur  accueil, 
citons  les  couplets  de  Max  (Warot),  et  son  duo  avec  Fidès 
(Mlle  Bélia),  et  le  grand  duo  de  Troy  (Jean  Lenoir)  avec  Fidès- 
Belzébut.  Mentionnons  surtout  le  duo  de  la  chaîne,  entre  Jean 
Lenoir  et  Max,  une  jolie  phrase  chantée  par  Jean  Lenoir,  et  un 
trio  allègre,  motif  de  galop  tout  confectionné  pour  nos  orchestres 
de  bals. 

Troy  a  été  fort  applaudi  dans  le  rôle  de  Jean  Lenoir:  peut- 
être  y  péche-t-il  par  trop  d'expression  dramatique,  —  défaut  de 
beaucoup  de  nos  chanteurs  actuels,  qui  prennent  au  sérieux  des 
situations  qui  n'ont  rien  de  grave.  Chez  Warot  (Max)  ce  pa- 
roxisme  du  chant  expressif  n'a  rien  d'insolite  :  il  est  justifié  par 
le  personnage  même  et  voile  du  reste  les  anomalies  de  l'organe. 
M"e  Bélia  est  très-gracieuse,  et  contrefait  Satan  avec  une  verve 
des  plus  piquantes.  Quant  à  Mlle  Bousquet  (Léopoldine),  nous 
relrouvons  chez  elle  toute  la  série  des  vocalises  qu'on  enseigne 
au  Conservatoire  :  rien  de  moins,  rien  de  plus.  L'art,  le  feu  sacré 
viendront-ils  plus  tard?  Espérons-le.  J-  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


F.  CHOPIN  ET  SES  ŒUVRES. 

A  mon  maître  et  ami. 
L.  d'Adbicnt. 

AVERTISSEMENT. 

En  publiant  une  notice  sur  Chopin,  nous  continuons  la  tâche 
que  nous  nous  sommes  proposée,  de  mettre  en  relief  quelques- 
unes  des  grandes  figures  artistiques  de  ce  siècle. 

Comme  dans  notre  étude  sur  Beethoven ,  nous  avons  tenté 
d'expliquer  l'œuvre  par  le  tempérament  de  l'artiste,  et,  aussi , 
par  l'influence  du  milieu  où  il  a  vécu. 

Dans  Chopin,  nous  avons,  avant  tout,  étudié  le  pianiste;  — 
car  à  l'encontre  de  Beethoven ,  qui  était  un  grand  musicien , 
sans  être,  à  proprement  parler,  un  pianiste,  —  Chopin,  renon- 
çant de  bonne  heure  à  l'emploi  des  forces  orchestrales,  s'était 
exclusivement  voué  à  un  instrument  qui  lui  suffisait  comme  in- 
terprèle de  sa  pensée,  et  dont  il  devint,  en  quelque  sorte,  le  poète. 

Indépendamment  des  notes  particulières  qui  nous  ont  été 
communiquées,  nous  avons  trouvé  des  renseignements  précieux 
dans  le  livre  de  Franz  Liszt,  sur  Chopin,  dans  les  Musiciens 
contemporains,  de  M.  Henri  Blaze,  et  aussi ,  dans  les  annota- 
tions de  M.  Marmontel,  placées  en  tête  de  la  remarquable  édi- 
tion de  pièces  choisies  du  maître.,  publiée  par  les  éditeurs  du 

Ménestrel. 

,* 

Ach!  die  kûhnste  Harmonie 
Wirft  das  Saitenspiel  zu  Trummer 
Und  der  lobe  œllierstrald  Génie 
Nàhrt  sich  nur  von  Lebenslampenschimmer. 
(Schiller.) 

I. 

Frédéric  Chopin  est  né  à  Zelazowa-Wola ,  près  de  Varsovie  , 
le  1er  mars  1809  ;  ce  fut  un  enfant  frêle,  maladif,  remarqué 
pour  la  douceur,  l'affabilité  de  son  caractère ,  en  même  temps 
que  pour  son  intelligence.  A  neuf  ans,  il  commença  à  apprendre 
la  musique  sous  la  direction  d'un  disciple  passionné  de  Sébas- 
tien Bach,  le  Hongrois  Ziwna ,  qui  dirigea  ses  études  dans  le 
sens  de  l'enseignement  le  plus  classique. 

Les  biographes  ajoutent  que,  placé  assez  jeune  dans  un  des 
premiers  collèges  de  Varsovie,  par  les  soins  du  prince  Antoine 
Radziwill,  protecteur  éclairé  des  arts,  artiste  lui-même  et  auteur 
d'une  belle  partition  de  Faust,  Chopin  put  joindre  à  la  culture 
artistique  la  culture  littéraire,  complément  nécessaire  d'une 
belle  éducation. 

Ici,  au  risque  d'être  moins  légendaire,  nous  croyons  devoir 
faire  une  première  rectification  puisée  à  bonne  source  :  aucun 
prince  ne  fit  les  frais  des  études  du  jeune  Chopin.  Celui  qui 
devait  si  poétiquement  chanter  le  deuil  et  les  larmes  de  la  Po- 
logne grandit  tout  modestement  entre  un  père  intelligent,  plein 
de  sollicitude,  et  une  mère  bénie,  animée  du  même  dévouement. 
C'est  à  eux  seuls  que  revient  tout  l'honneur  de  l'éducation  litté- 
raire et  musicale  de  Chopin. 

Charmant  d'esprit,  de  grâces  naturelles,  il  exerça  de  bonne 
heure  une  attraction  invincible  sur  ceux  qui  l'approchaient.  Lui- 
même  ressentit,  dès  les  premiers  temps  de  sa  jeunesse,  un  vif 
attachement  pour  une  jeune  fille  qui  ne  cessa  jamais  de  lui  porter 
un  pieux  hommage.  «  La  tempête,  a  dit  Franz  Liszt,  la  tempête 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


213 


qui,  dans  un  pli  de  ses  rafales,  emporta  Chopin  loin  de  son 
pays,  comme  un  oiseau  rêveur  et  distrait,  surpris  par  elle  sur  la 
branche  d'un  arbre  étranger,  rompit  ce  premier  amour  et  deshé- 
rita l'exilé  d'une  épouse  dévouée  et  fidèle,  en  même  temps  que 
d'une  patrie.  Il  ne  rencontra  plus  le  bonheur  qu'il  avait  rêvé 
avec  elle,  en  rencontrant  la  gloire  à  laquelle  il  n'avait  peut-être 
pas  songé.  » 

Inopinément  séparée  de  Chopin ,  cette  jeune  fille  fut  fidèle  à 
sa  mémoire,  à  tout  ce  qui  restait  de  lui.  De  son  côté,  Chopin 
ressentit,  de  cette  première  et  pure  passion,  une  impression  qui 
jamais  ne  s'effaça,  et  contribua  puissamment  à  donner  à  ses  chanls 
une  empreinte  de  douloureuse  tendresse. 

Ses  progrès  artistiques  avaient  été  extraordinaires  :  à  douze 
ans,  abandonné  à  ses  propres  inspirations,  il  étonnait  déjà  par 
des  improvisations  d'une  nature  singulière  ;  il  cherchait  évi- 
demment à  saisir  l'idéal  vague  qui  se  révélait  en  lui.  Quand  il 
crut  l'avoir  atteint,  il  écrivit,  et  il  le  fit  avec  tant  de  facilité,  sa 
précocité  fut  si  grande,  qu'en  1829,  à  vingt  ans,  il  composa  ses 
variations  sur  La  ci  darem  la  mano  ,  son  grand  rondo  Kraka- 
wiak,  ses  airs  polonais,  ses  deux  admirables  concertos,  toutes 
œuvres  de  longue  haleine  écrites  avec  orchestre,  et  son  trio  pour 
piano,  violon  et  violoncelle. 

Comme  il  s'est  vu  maintes  fois  qu'un  poëte  ou  un  artiste 
arrive  qui  résume  en  lui  le  sens  poétique  d'un  peuple  ou  d'une 
époque,  Chopin  fut  ce  poêle  pour  son  pays  et  pour  l'époque  où 
il  naquit.  Il  n'a  pas  voulu,  a  dit  encore  Franz  Liszt,  il  n'a  pas 
cherché  ce  résultat,  il  ne  se  créa  pas  d'idéal  à  priori  ;  il  com- 
prit et  chanta  les  amours  et  les  larmes  contemporaines  sans  les 
analyser  par  avance.  Il  ne  s'étudia  pas  à  être  un  musicien  na- 
tional ;  il  est  possible  qu'il  se  fût  étonné  de  s'entendre  ainsi 
appeler.  Comme  les  vrais  poètes  nationaux,  il  chanta  sans  des- 
sein arrêté,  sans  choix  préconçu,  ce  que  l'inspiration  lui  dictait 
le  plus  spontanément ,  et  c'est  de  la  sorte  que  surgit  dans  ses 
chants,  sans  soins  et  sans  efforts,  la  forme  la  plus  idéalisée 
du  génie  national. 

Chopin  n'aimait  pas,  dans'les  arts,  ce  qui  pouvait  ressembler 
à  de  la  rudesse  ;  —  des  génies  de  la  trempe  de  Michel-Ange,  de 
Shakspeare ,  de  Beethoven,  n'allaient  pas  à  sa  nature  ;  il  les  trou- 
vait violents.  —  A  Schubert  lui-même,  il  trouvait  des  aspérités. 
Son  idéal  était  Mozart.  11  aimait  aussi  beaucoup  Ilurnmel,  pour 
sa  pureté  et  l'élégance  avec  laquelle  il  écrivait  ;  mais  Bach  était 
son  livre  sacré.  On  remarquait  toujours  sur  le  pupitre  du  piano 
de  Chopin  un  cahier  de  Bach,  qu'il  relisait  dans  les  moments  de 
trêve  que  lui  laissait  sa  triste  santé. 

Chopin  termina  ses  études  d'harmonie  avec  Joseph  Elsner. 
En  1830,  nous  le  trouvons  à  Vienne,  où  il  fait  peu  de  sensation. 
Chassé  de  Pologne  par  la  révolution,  il  prend  des  passeports 
pour  Londres,  passant  par  Paris;  ce  mot  renfermait  sa  destinée. 
Ce  fut  à  Paris  que  désormais  s'écoula  sa  vie.  A  son  arrivée,  il 
donna  plusieurs  concerls  dans  lesquels  il  fut  généralement  ad- 
miré. L'émigration  polonaise,  si  riche  en  personnalités  de  la  plus 
haute  distinction,  lui  fit  l'accueil  le  plus  empressé  et  le  plus 
affectueux.  Devenu  Parisien,  Chopin  ne  cessa  néanmoins  d'avoir 
des  relations  avec  sa  patrie  absente.  On  en  suit  la  trace  dans  les 
nombreuses  mélodies  qui  circulent  encore  sous  son  nom  en  Po- 
logne ,  mélodies  qu'il  adaptait  à  certains  chanls  patriotiques  de 
son  pays,  et  qu'il  lui  envoyait  comme  gages  de  son  souvenir. 

En  1836,  il  connut  Mme  Sand.  Longtemps  il  avait  évité, 
retardé  sa  rencontre  :  il  redoutait  l'approche  de  ce  génie  inquiet 


et  tourmenté.  Elle  vint  au-devant  de  lui.  En  1837,  Chopin,  at- 
teint déjà  du  mal  qui  devait  le  consumer,  dut  faire  un  voyage 
dans  le  Midi.  Mrac  Sand  l'accompagna  pendant  le  séjour  qu'il  fit 
à  Mayorque,  et  ses  soins  affectueux  contribuèrent  puissamment 
à  le  rendre  à  la  vie.  Le  grand  artiste  conserva  toujours  un  vif 
souvenir  de  ce  voyage  ;  son  âme  avait  été  fortement  émue  par 
le  spectacle  de  la  nature,  en  même  temps  qu'elle  s'était  échauffée 
au  contact  d'un  puissant  esprit.  Bien  d'admirables  productions 
datent  de  ce  temps  et  de  ce  souvenir. 

En  1840,  le  mal  revint,  et  la  santé  de  Chopin,  à  travers  des 
alternatives  diverses,  déclina  constamment.  De  1846  à  1847,  il 
ne  marchait  presque  plus,  ne  vivait  qu'à  force  de  précautions 
et  de  soins. 

En  1847  eut  lieu  sa  rupture  avec  Mme  Sand;  ce  fut  un  déchi- 
rement mortel  auquel  il  ne  devait  pas  survivre.  11  répétait  sou- 
vent que  ce  lien,  en  se  brisant,  avait  brisé  sa  vie.  Il  en  parlait 
néanmoins  sans  aigreur  et  sans  récriminations. 

En  1848,  il  eut  encore  la  force  de  faire  un  voyage  à  Lon- 
dres, où  il  fut  très-apprécié.  Il  joua  à  un  concert  donné  pour 
les  Polonais,  dernier  signe  d'amour  envoyé  à  sa  patrie.  De  re- 
tour à  Paris,  le  mal  augmenta  visiblement.  Sa  sœur,  arrivée 
de  Varsovie  à  cette  nouvelle,  s'établit  à  son  chevet  et  ne  s'en 
éloigna  plus. 

Le  17  octobre  1849,  — fête  de  sainte  Hedwige,  patronne  de 
la  Pologne,  —  il  mourut  entre  les  bras  de  ses  amis.  Bien  n'est 
plus  dramatique  que  l'émouvant  récit  que  fait  Franz  Liszt  de 
ses  derniers  moments  : 

«  Le  dimanche  15  octobre,  des  crises,  plus  douloureuses  en- 
core que  les  précédentes,  durèrent  plusieurs  heures  de  suite. 
Il  les  supportait  avec  patience  et  grande  force  d'âme.  La  com- 
tesse Delphine  Potocka,  présente  à  cet  instant,  était  vivement 
émue,  ses  larmes  coulaient  ;  il  l'aperçut  debout  au  pied  de  son 
lit,  grande,  svelte,  vêtue  de  blanc,  ressemblant  aux  plus  belles 
figures  d'ange  qu'imagina  jamais  le  plus  pieux  des  peintres.  Il 
lui  demanda  de  chanter  :  le  piano  du  salon  fut  roulé  jusqu'à 
la  porte  de  sa  chambre  et  la  comtesse  chanta  avec  de  vrais  san- 
glots dans  la  voix  ;  les  pleurs  ruisselaient  le  long  de  ses  joues, 
et  jamais  certes  ce  beau  talent  et  cette  voix  admirable  n'avaient 
atteint  une  si  pathétique  expression.  Chopin  sembla  moins  souf- 
frir pendant  qu'il  l'écoutait.  Elle  chanta  le  fameux  cantique  à  la 
Vierge,  qui  avait  sauvé  la  vie,  dit-on,  a  Stradella.  «  Que  c'est 
beau!  mon  Dieu,  que  c'est  beau!  dit-il  ;  encore  ..  encore!» 
La  comtesse  se  remit  au  piano,  et  chanta  un  psaume  de  Mar- 
cello, Chopin  se  trouva  plus  mal,  tout  le  monde  fut  saisi  d'ef- 
froi; par  un  mouvement  spontané,  tous  se  jetèrent  à  genoux; 
personne  n'osa  parler,  et  l'on  n'entendit  plus  que  la  voix  delà 
comtesse  planant  comme  une  céleste  mélodie  au-dessus  des  sou- 
pirs et  des  sanglots  qui  en  formaient  le  sourd  et  lugubre  accom- 
pagnement. La  sœur  de  Chopin,  prosternée  près  de  son  lit, 
pleurait  et  priait. 

«  Pendant  la  nuit,  l'état  du  malade  empira  :  il  fut  mieux  au 
lundi  matin,  et  demanda  à  recevoir  les  derniers  sacrements. 
Puis  il  fit  approcher  ses  amis  pour  leur  donner  à  chacun  une 
dernière  bénédiction.  Dans  la  nuit,  il  ne  recouvra  la  parole  que 
pouf  réciter  à  haute  voix,  en  latin,  les  prières  des  agonisants. 
A  partir  de  ce  moment,  il  tint  sa  tête  constamment  appuyée  sur 
l'épaule  de  M.  Gutmann.  Une  convulsive  somnolence  dura  jus- 
qu'au 17  octobre  1849  :  vers  deux  heures  du  malin,  l'agonie 
commença  ;  la  sueur  froide  coulait  abondamment  de  son  front; 
après  un  court  assoupissement,  il  demanda  d'une  voix  à  peine 


214 


LE  MÉNESTREL. 


perceptible  :  —  Qui  est  près  de  moi  ?  —  Il  pencha  sa  tète  pour 
baiser  la  main  de  M.  Gutmann,  qui  le  soutenait,  et  rendit 
l'âme  dans  ce  dernier  témoignage  d'amitié  et  de  reconnais- 
sance.'» 

Nous  trouvons  aussi,  dans  une  lettre  de  l'abbé  Alexandre 
Jelowicki,  l'ami  d'enfance  de  Chopin,  qui  accourut  de  Rome 
pour  l'assister  dans  ses  derniers  moments,  des  détails  précis  et 
intéressants  sur  la  fin  toute  chrétienne  du  grand  artiste  : 

«  Depuis  longues  années,  écrivait  M.  l'abbé  Jelowicki,  la  vie 
de  Chopin  n'était  à  la  lettre  qu'un  souffle.  Evidemment  son 
corps  frêle  et  débile  ne  suffisait  pas  à  la  force  et  à  la  vigueur 
de  son  génie.  On  s'étonnait  comment  il  pouvait  vivre  et  agir 
avec  une  si  grande  énergie.  Son  corps  avait  une  transparence 
vraiment  diaphane  ;  ses  yeux  étaient  presque  toujours  recouverts 
d'un  nuage  du  fond  duquel  il  lançait  de  temps  à  autre  les 
éclairs  de  son  regard.  Doux,  affable,  pétillant  d'esprit,  et  surtout 
sensible,  il  avait  l'air  de  ne  plus  appartenir  a'ceUe  terre  ;  malheu- 
reusement il  ne  pensait  pas  encore  au  ciel!  Les  enseignements  de 
la  plus  tendre  et  la  plus  pieuse  mère  n'étaient  plus  pour  lui  qu'un 
souvenir  de  tendresse  filiale:  C'est  dans  cet  état  moral  qu'est  ve- 
nue le  surprendre  la  maladie  de  poitrine  qui  devait  bientôt  nous 
le  ravir.  J'accourus  tout  palpitant  pour  embrasser  cet  ami  d'en- 
fance, dont  l'âme  m'était  infiniment  plus  chère  que  l'amitié  et  le 
talent.  11  m'embrassa  tendrement  et  les  larmes  aux  yeux,  pen- 
sant à  ma  douleur  et  non  à  la  sienne,  donnant  un  souvenir  à 
mon  pauvre  frère  que  je  venais  de  perdre,  mort  en  martyr 
de  la  liberté,  fusillé  à  Vienne  le  10  novembre  1848. 

«  Je  profitai  de  sa  tendresse  pour  lui  parler  de  son  âme. 
J'avais  éveillé  dans  son  cœur  le  souvenir  de  sa  piélé  d'enfance 
et  de  sa  mère  chérie.  «  Je  me  confesserai  à  vous,  si  vous  le  vou- 
lez, parce  que  je  vous  aime  et  que  je  ne  veux  point  faire  de 
peine  à  ma  mère.  » 


Plus  tard  l'esprit  de  Chopin,  éclairé  par  la  sainte  amitié  de 
l'abbé  Jelowicki,  se  confondit  en  paroles  les  plus  touchantes, 
en  expressions  d'amour  et  de  reconnaissance  envers  Dieu.  «  Sa 
foi  était  ressuscitée,  écrit  M.  l'abbé  Jelowicki  ;  il  reçut  les  sacre- 
ments avec  une  piété  indicible.  Ce  n'étaient  que  des  extases  de 
joie  au  milieu  des  plus  vives  souffrances. 

«  Il  bénissait  ses  amis,  et  lorsque,  revenu  d'une  crise  qui 
semblait  être  la  dernière,  il  se  vit  entouré  de  la  multitude  de 
tous  ceux  qui  nuit  et  jour  remplissaient  ses  salons,  il  me  dit  : 
—  Pourquoi  ne  prient-ils  pas? — A  ces  mots  tous  se  jetèrent  à 
genoux,  et  les  protestants  eux-mêmes  répondaient  aux  litanies 
des  saints. 

a  Une  autre  fois  il  disait  :  —  Oh!  la  belle  science,  science  de 
faire  souffrir  plus  longtemps  1  Si  c'était  pour  me  redonner  la 
force,  pour  me  rendre  propre  à  quelque  bien,  à  quelque  sacri- 
fice ;  mais  prolonger  ma  vie  pour  l'impuissance,  pour  les  an- 
goisses et  le  tourment  de  ceux  qui  m'aiment!  oh!  la  belle 
science  ! 

«  Enfin  Chopin,  toujours  si  exquis,  si  fin  dans  son  langage, 
pour  m' exprimer  toute  sa  reconnaissance,  se  prit  à  me  dire, 
dans  des  termes  que  je  ne  puis  traduire  fidèlement  :  «  Sans  vous, 
je  serais  mort  comme  la  première  bête  venue.  »  Puis  il  baisa 
le  crucifix ,  en  s' écriant  :  «  Me  voilà  donc  a  la  source  du 
bonheur  1  » 

La  prédilection  de  Chopin  pour  les  fleurs  étant  bien  connue, 


le  lendemain  il  en  fut  apporté  une  telle  quantité ,  que  le  lit  et 
la  chambre  entière  disparurent  sous  leurs  couleurs  variées. 

Ses  obsèques  eurent  lieu  le  30  octobre  1849,  à  la  Madeleine, 
où  Lefébure  fit  résonner  sur  l'orgue  les  préludes  élégiaques  du 
musicien-poëte,  dont  la  marche  funèbre  fut  orchestrée  pour  la 
triste  circonstance,  par  Henri  Reber.  On  y  dit  le  Requiem  de 
Mozart,  et  Lablache  chanta  le  Tuba  mirum,  qu'il  avait  déjà 
chanté  en  1827  aux  funérailles  de  Beethoven. 

Chopin  repose  au  cimetière  du  Père-Lachaise,  entre  Bellini 
et  Cherubini,  conformément  à  un  souhait  qu'il  avait  exprimé 
durant  sa  vie  (1). 

H.  Barbedette. 

(  La  suite  au  prochain  numéro.) 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Le  mercredi  de  l'autre  semaine,  sur  la  présentation  de  M.  et  de 
Mme  de  Metternich,  Franz  Liszt  a  eu  l'honneur  de  dîner  au  palais  des 
Tuileries,  par  invitation  de  l'Empereur.  Dans  la  soirée,  le  grand  pianiste 
s'est  mis  au  piano.  S.  M.  l'Impératrice,  le  cœur  toujours  en  deuil,  ayant 
désiré  entendre  la  Marche  funèbre  de  Chopin,  Liszt  a  exécuté  pe  navrant 
chef-d' œuvre.  L'Impératrice,  dit-on,  suffoquée  par  les  larmes,  a  dû  se 
retirer. 

—  Une  grande  soirée  musicale  et  dramatique  a  eu  lieu  chez  M.  le  mi- 
nistre d'État.  On  a  joué  les  deux  premiers  actes  du  Misanthrope ,  avec 
Samson  (Oronte) ,  Geffroy  (Alceste),  Mme  Arnould-Plessy  (Célimène), 
Mlle  Fix  (Eliante),  etc.  Les  artistes  jouaient  de  plain-pied  avec  l'auditoire, 
au  fond  du  magnifique  salon  Louis  XIV,  dont  la  décoration  encadrait  à 
merveille  et  la  comédie  et  les  costumes.  Liszt  a  improvisé  deux  variations  ; 
il  a  aussi  accompagné  le  Roi  des  Aulnes  de  Schubert,  que  Mmc  Pauline 
Viardot  a  dit  avec  un  profond  sentiment  de  la  légende.  La  grande  artiste  a 
chanté  en  outre,  s'accompagnant  elle-même  au  piano,  quelques-uns  de  ces 
beaux  airs  espagnols  qu'on  ne  se  lasse  pas  d'entendre.  Puis,  pour  le  con- 
traste, elle  a  passé  à  la  tendre  et  plaintive  musique  de  Bellini  ;  elle  a  redit 
l'air  final  de  la  Sonnambula.  On  s'entretenait  dans  les  salons  de  S.  Exe. 
le  ministre  d'État  du  retour  définitif  de  Mme  Pauline  Viardot  à  l'Opéra. 
Cette  rentrée  s'effectuerait  par  V Alceste  de  Gluck,  dont  les  répétitions  vont 
commencer.  C'est  aujourd'hui  un  fait  officiel. 

—  Si  la  représentation  au  bénéfice  de  la  petite-fille  de  Rameau  a  été 
peu  fructueuse,  en  revanche  celle  de  Mme  Pauline  Viardot  n'a  rien  laissé 
à  désirer.  La  recette  a  égalé  le  succès  du  programme  tout  entier.  Duprez 
y  a  tenu  une  belle  et  grande  place  dans  Othello  ,  aussi  a-t-il  été  l'objet 
d'une  ovation  toute  spéciale.  Sa  voix  n'a  pas  failli  un  seul  instant.  Il  est 
vrai  qu'avant  d'entrer  en  scène,  en  descendant  de  sa  loge,  le  célèbre  ténor 
avisa  une  fenêtre,  puis  un  toit,  et  fit  très-spirituellement  sa  petite  invo- 
cation au  dieu  des  chats....  qui  lui  en  a  prouvé  toute  sa  reconnaissance. 

—  On  écrit  de  Prague  que  le  Faust,  de  Gounod,  sera  monté  sur  le  théâtre 
de  cette  ville  avec  une  splendide  mise  en  scène.  L'œuvre  doit  être  repré- 
sentée dans  les  premiers  jours  de  l'automne. 

—  Trois  mille  chanteurs  se  sont  fait  inscrire  jusqu'à  ce  jour  pour  le 
grand  festival  de  Nuremberg.  Une  dépulation  spéciale  se  rendra  à  Munich 
pour  inviter  le  roi  et  la  reine  de  Bavière  à  prendre  part  à  cette  fête  musi- 
cale. —  La  Transylvanie  déléguera  également  ses  sociétés  de  chant. 

—  Nous  empruntons  au  Journal  de  Francfort  quelques  éphémérides 
mnsicales  du  mois  de  mai  : 

Le  3  mai.  Mort  de  Paër,  à  Paris 1839 

6.  Mort  de  l'abbé  Vogler,  à  Darmstadt 1814 

7.  Mort  de  Piccini,  à  Passy 1800 

9.  Naissance  de  Paisiello ,  à  Tarente 1741 

10.  Mortde  Gavaudan 1840 

12.  Mort  de  Salieri 1825 

13.  Naissance  de  Mlle  Sontag ,  à  Coblentz 1805 

15.  Mort  du  compositeur  Zeller 1832 

(1|  Voyez,  pour  la  biographie  de  Chopin,  les  belles  pages  de  Franz 
Liszt  :  Chopin,  pages  131  à  200. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


215 


23.  Naissance  de  Viotti 1753 

27.  Mort  de  Paganini ,  à  Nice 1840 

28.  Mort  de  Reicha 1836 

31.  Mort  de  Haydn,  à  Vienne 1809 

—  Les  correspondances  de  Bade  nous  transmettent  la  liste  de  l'imposant 
personnel  engagé  pour  cette  saison  par  M.  Bénazet.  On  en  jugera  par  la 
nomenclature  que  voici  :  Brèssant,  Faure,  Graziani,  Montaubry,  Sainte- 
Foy,  Lagrange,  Lafont,  Prilleux,  Berton,  Régnier,  Sivorï,  Vieuxtemps, 
Emile  Prudent,  Laub,  Herman,  Sigbicelli,  J.  Dupuis,  J.  Lefort,  Balanqué, 
Batta,  Nathan,  Cossmann,  Jael,  Réitérer,  Arban,Jourdan,  Grillon,  Renard, 
Servais,  Lebouc,  Grodvolle,  Wuille,  Steenbruggen ,  Oudshorn,  Rucquoy. 
—  Mmes  Carvalho,  Battu,  Marimon,  Baretti,  Monrose,  Borghèse,  de  la  Pom- 
meraye,  Tilmant,  Amélie  et  Marie  Faivre,  Escudier-Kastner,  Devaneay, 
Octavie  Caussemille,  Amélie  Bido,  de  Froidefond,  Maria  Boulay,  Béren- 
gère,  Defodon,  Jouassain,  Lagrange,  etc.,  etc. 

—  Rien  de  certain  encore,  à  Londres,  sur  la  réouverture  du  théâtre  de 
Sa  Majesté,  que  M.  Smith  a  laissé  en  souffrance.  En  revanche,  on  annonce 
l'ouverture  d'un  autre  théâtre  italien  au  Lyceum.  Mmes  Alboni,  Gassier, 
Titiens,  MM.  Gassier  et  Giuglini,  feraient  partie  de  la  troupe. 

Le  nouveau  théâtre  italien  de  Londres  ouvrirait  avec  il  Trovatore, 
le  8  juin.  MM.  Mario,  Gassier,  MmB  Alboni,  MUe  Titiens  en  seraient  les 
interprètes.  Le  baryton  Délie  Sedie,  que  ses  beaux  succès  de  concert  ont 
fait  engager,  débuterait  par  le  comte  de  Luna. 

—  La  compagnie  nouvelle  du  théâtre  français  à  Londres,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Lambert  Dennery ,  a  ouvert  le  20  de  ce  mois  les  portes  de 
Saint-James.  La  représentation  était  composée  du  Voyage  de  M.  Perri- 
ckon  et  du  Serment  d'Horace.  Geoffroy  etMlle  Théric  ont  eu  les  honneurs 
de  cette  soirée  d'inauguration. 

—  Mme  Csillag,  qui  fait  en  ce  moment  partie  de  la  troupe  du  théâtre 
italien  de  Covent-Garden,  à  Londres,  a  été  engagée  au  théâtre  de  la  Scala, 
de  Milan,  pour  le  carnaval  prochain. 

—  Les  journaux  italiens  nous  apprennent  que  la  nomination  de  M.  San- 
guinetti,  comme  directeur  des  théâtres  royaux  de  Naples,  n'a  pas  été 
acceptée. 

—  Le  théâtre  italien  de  Moscou  complète  sa  troupe  en  ce  moment.  On 
cite  parmi  les  artistes  engagés  :  Mme  Gassier  et  Mlle  F.  Ricci,  soprani  ; 
MM.  Neri-Baraldi,  Agnesti,  tenori;  MM.  Gassier  etVialetti,  basso  can- 
tante  et  basso;  M.  Frizzi,  basso  comico.  Ce  dernier  chanteur  vient  du 
théâtre  italien  de  Berlin,  où  il  partageait  avec  M.  Délie  Sedie  la  faveur  du 
public. 

—  Fraschini,  le  ténor  de  Madrid,  a  signé  un  engagement  pour  la  saison 
prochaine  avec  la  direction  du  théâtre  San-Carlo,  à  Lisbonne. 

—  Les  grandes  ovations  théâtrales,  compliquées  de  couronnes  monstres, 
de  massifs  de  fleurs,  de  projections  de  bijoux,  de  vol  de  pigeons,  viennent  de 
s'enrichir  d'un  nouvel  élément  emprunté  à  la  photographie,  cette  fièvre  du 
jour.  On  écrit  de  Lisbonne  :  «M1Ie  Fritsche,  originaire  de  Vienne,  est  engagée 
sous  le  nom  doFricci  au  théàtrede  cette  ville,  où  elle  obtient  degrands  succès. 
A  la  représentation  à  son  bénéfice,  qui  eut  lieu  dernièrement,  elle  a  été 
l'objet  d'une  ovation  :  suivant  la  coutume  du  pays,  on  lâcha  des  pigeons 
dans  la  salle  et  l'on  distribua  le  portrait  photographié  de  la  prima  donna 
dans  les  loges.  Après  la  représentation,  elle  retourna  chez  elle  dans  une 
voiture  de  la  cour,  accompagnée  de  deux  corps  de  musique.  »  —  Conve- 
nons que  les  succès  de  la  salle  Ventadour  et  de  la  rue  Lepelletier  sont 
bien  froids  à  côté  de  ces  démonstrations.  Chez  nous,  on  entend  quelque- 
fois des  merles  dans  la  salle ,  mais  on  n'a  pas  encore  vu  lâcher  le  moindre 
pigeon. 

—  On  sait  que  le  compositeur  allemand,  M.  Marschner,  qui  réside  à 
Paris  depuis  l'hiver  dernier,  a  écrit  la  musique  de  l'opéra  le  Vampire,  qui 
a  obtenu  un  grand  succès  en  Allemagne.  Or,  un  auteur  belge  s'était  avisé 
d'ajouter  des  récitatifs  à  cette  œuvre,  et  un  éditeur  parisien  acquit  de  cet 
auteur,  il  y  a  plusieurs  années,  le  manuscrit  ainsi  modifié  et  grava  la  par- 
tition. Marschner,  ayant  eu  connaissance  de  ce  fait,  a  intenté  un  procès  et 
réclamé  la  destruction  de  la  partition  ainsi  défigurée.  Le  tribunal  de  pre- 
mière instance  lui  a  donné  gain  de  cause,  en  condamnant  l'éditeur  à  la 
suppression  des  récitatifs  ajoutés  et  à  500  francs  de  dommages-intérêts. 
Ce  dernier  a. interjeté  appel  du  jugement. 

—  Lyon.  L'inauguration  solennelle  de  l'orgue  de  l'église  Saint-Bona- 
venture,  reconstruit  entièrement  par  les  habiles  facteurs  Merklin-Schùtze, 
de  Paris  et  de  Bruxelles,  aura  lieu  lundi  prochain  3  juin.  M.  l'abbé  S.  Ney- 


rat,  maître  de  chapelle  et  organiste  de  la  paroisse,  M.  C.  Widor,  organiste 
de  Saint-François-de-Sales,  et  M.  Edouard  Batiste,  professeur  au  Conser- 
vatoire impérial  de  musique  à  Paris  et  organiste  de  Saint-Eustache,  feront 
entendre  l'instrument.  Entre  les  différentes  pièces  d'orgue,  la  maîtrise  de 
Saint-Bonaventure  exécutera  divers  morceaux. 

—  Une  solennité  musicale  du  plus  vif  intérêt  a  eu  lieu  mercredi  der- 
nier en  l'église  Saint-Denis-du-Saint-Sacrement.  Grâce  aux  privilèges  du 
mois  de  Marie,  deux  femmes  du  monde  ont  interprété  avec  un  de  nos 
maîtres  dans  l'art  de  chanter  un  0  Salutaris  de  M.  Auguste  Durand.  Cette 
œuvre  nouvelle  de  l'habile  organiste  de  Saint-Roch  n'est  pas  seulement 
un  trio  d'une  excellente  facture ,  c'est  encore  et  surtout  une  mélodieuse 
prière  d'une  expression  vraie,  élégante  même  dans  sa  sévérité  relative. 

—  On  nous  écrit  de  Boulogne-sur-Mer  :  «  A  l'occasion  de  la  fête  de  la 
Pentecôte,  a  été  exécutée,  pour  la  deuxième  fois,  dans  l'église  de  Saint- 
Nicolas,  par  la  maîtrise  de  cette  paroisse  et  l'orphéon  de  notre  ville,  diri- 
gés par  M.  Alex.  Guilmant,  la  messe  .Eterna  Christi  mimera,  de  Palestrina. 
L'exécution  de  cette  belle  œuvre  a  répondu  à  ce  que  nous  attendions 
du  talent  éprouvé  de  notre  jeune  maître  de  chapelle  :  de  la  précision  et  de 
la  fermeté  dans  les  attaques,  beaucoup  d'ensemble  et  surtout  une  intelli- 
gente observation  de  nuances.  Nous  ne  pouvons  qu'encourager  M.  Alex. 
Guilmant  à  continuer  de  nous  initier  aux  beaux  morceaux  religieux  des 
grands  siècles. 

—  Samedi  soir  a  eu  lieu  à  Boulogne-sur-Mer  le  concert  des  orphéo- 
nistes sous  la  direction  de  M.  Girard.  Les  chœurs  ont  été  exécutés,  comme 
toujours,  avec  un  ensemble  parfait.  MM.  Edmond  Guion,  Muller,  Viollet, 
Calandini  et  Adrien,  défrayaient  la  partie  instrumentale  et  vocale.  Plu- 
sieurs morceaux  ont  été  bissés ,  entre  autres  la  Berceuse  de  Reber,  par 
M.  Viollet,  et  la  marche  intitulée  Victoire,  exécutée  par  l'auteur,  M.  Ed- 
mond Guion. 

—  L'Association  des  Artistes  musiciens  se  réunira  le  jeudi  6  juin,  à 
midi  précis,  dans  la  salle  des  concerts  du  Conservatoire  impérial  de  Musi- 
que, pour  y  entendre  le  rapport  des  travaux  de  l'année,  et  procéder  au 
renouvellement  des  membres  sortants  du  Comité. 

—  Tous  les  jours,  de  cinq  à  six  heures  du  soir,  dans  le  jardin  du  Palais 
des  Tuileries,  le  dimanche  excepté,  musique  d'harmonie  par  les  orchestres 
des  régiments  de  la  garde  impériale  stationnés  à  Paris.  Avis  aux  prome- 
neurs et  aux  dilettantes. 

—  La  vogue  du  Concert  des  Champs-Elysées  prend  des  proportions 
fabuleuses.  Toute  la  haute  société,  ce  qu'on  peut  appeler  le  beau  monde, 
vient  chaque  soir  jouir  de  cette  musique  si  délicieusement  exécutée.  Tous 
les  instrumentistes  sont  des  artistes  hors  ligne,  qui  possèdent  le  senti- 
ment des  grandes  compositions.  Les  solistes,  qui  sont  tour  à  tour  mis  en 
évidence,  se  font  écouter  et  applaudir  avec  enthousiasme.  Le  nouveau 
cornet  à  pistons,  M.  Duhem ,  surpasse  tout  ce  qu'on  a  entendu  jusqu'à 
présent.  C'est  Musard  qui  conduit  l'orchestre ,  et  M.  de  Besselièvre  ne 
pouvait  engager  un  chef  d'orchestre  plus  capable. 

NÉCROLOGIE. 

—  L'art  musical  vient  de  perdre  un  violoniste  distingué,  qui  résidait  à 
Lyon  depuis  longues  années.  C'est  Louis  Baumann.  Né  à  Lille  en  1789, 
Baumann  avait  d'abord  été  soldat.  En  1815  il  entra  dans  la  classe  de  Baillot, 
et  en  1818  il  obtin^le  premier  prix  de  violon.  C'est  alors  qu'il  vint  se 
fixer  à  Lyon,  qu'il  n'a  plus  quitté  jusqu'au  jour  de  sa  mort.  Condisciple  et 
ami  de  Girard,  de  Robberechts,  nul  plus  que  lui  ne  conservait  religieuse- 
ment la  tradition  du  maître  ;  il  a  écrit  pour  son  instrument  un  concerto 
dédié  à  Baillot,  et  des  études  remarquables. 

—  M.  Alphonse  Massart,  qui  avait  longtemps  fait  partie  de  l'orchestre 
de  l'Opéra-Comique  en  qualité  de  premier  cor,  est  mort  ces  jours-ci  à 
Paris,  âgé  de  38  ans.  Il  était  cousin  de  M.  Massart,  notre  habile  professeur 
de  violon  au  Conservatoire. 

—  Les  correspondances  de  Boulogne-sur-Mer  nous  annoncent  aussi 
un  événement  qui  a  eu  son  douloureux  écho  à  Paris.  L'excellent  et  hono- 
rable professeur  de  musique  Godefroid,  frère  de  notre  célèbre  harpiste,  a 
été  frappé  d'une'congestion  cérébrale  qui  l'a  enlevé  en  moins  de  quelques 
heures  à  sa  famille  et  aux  nombreux  amis  qu'il  avait  su  se  faire  depuis  lon- 
gues années  dans  la  ville  de  Boulogne,  où_il  jouissait  de  l'estime  générale. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Ro 


EN  VENTE  AU  MENESTREL,  2  bis,  RUE  YIVIENNE. 


J.  OFFENBACH. 
Le  Financier  et  le  Savetier. . 

te  66 

La  Bonne  d'enfant 

Les  Trois  Baisers  du  Diable. 

Croqueffer 

La  Demoiselle  en  loterie 

Dragonnette 

Le  Mariage  aux  lanternes. . . 
La  Chatte  métamorphosée  . . 


PARTITIONS  IN-8°,  PIANO   ET  CHANT 

Orpliée  aux  Enfers 8 

Un  .lia ri  à  la  porte 5 

Geneviève  «le  Brabant 8 

Chanson  de  Fortunio 7 

A.  VARNEY 

Polka  des  Sabots 5 

ERNEST  L'ÉPINE. 

Croquignolc  XXXVI S 

LÉO  DELIBES. 

Six  Demoiselles  à  marier 5 


GUSTAVE  HECQUET. 
Clarinette  et  Gros-Réné 


EMILE  JONAS. 
Les  Petits  prodiges 5 

CH.  LAFORESTRIE. 
Simonne g 

PAULINE  THYS. 
La  Pomme  de  Turquie S 

DE  SAINT-RÉIYIY. 
Le  Mari  sans  le  savoir g 


MORCEAUX  DÉTACHÉS  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO. 


LE  FINANCIER  ET  LE  SAVETIER. 

Ronde. 


N°  1,  en  feuille... 
N°  2,  en  morceau. 


Tyrolienne.  N°  1,  à  une  voix 2  50 

N°  2,  à  deux  voix 4  50 

LES  TROIS   BAISERS  DU  DIABLE. 

Couplets.      N°  1.  Quand  les  amoureux 2  50 

N°  2.  Ah!  si  j'étais 2  50 

Duo  bouffe.  N°  3.  Une  Oie! 7  50 

Couplets.      N°  4.  Ça  reluit 3    » 

N°  5.  Chanson  à  boire 3    » 

GENEVIEVE  DE  BRABANT. 

1.  Ronde  de  Mathieu-Laensberg 4  50 

2.  Cocorico,  couplets  de  la  Poule 2  50 

3.  Couplets  de  la  fdle  à  Matliurin,  1  et  2.. . .  2  50 

4.  Ballade  du  Cœur  perdu,  1-2 2  50 

5.  Boléro  de  Charles-Martel 2  50 

6.  Quatuor  de  la  Fanfare 2  50 

7.  Chanson  de  l'Enfant  ,1-2 2  50 

8.  Ronde  des  Jeux 5    » 

9.  Couplets  du  retour  de  la  Palestine 2  50 

Livret,  texte  seul »  50 


CROQUEFER 

Ballade  de  Croquefer 2  50 

Galop.    Le  bal  de  l'Opéra,  à  une  voix 2  50 

d»  à  deux  voix 3  75 

LE  MARIAGE  AUX  LANTERNES. 

Chanson  à  boire 2  50 

LA  CHATTE  METAMORPHOSEE 

Couplets  de  Miaou.  N°  1.  en  feuille 2  50 

D°  N°  2.  en  morceau 3  75 

CROQUIGNOLE  XXXVI. 

Ronde  du  pont  de  Nantes ,  1  et  2 

Rondo  du  magicien  Tarabisco 


2  50 
2  50 


CARNAVAL  DES  REVUES. 

Tyrolienne  de  l'Avenir,  1  et  2 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO. 

N°  1.  Prenez  garde  à  vous,  couplets 

2  et  2  bis.  Chanson  à  boire 

3.  Couplets  du  petit  clerc 

4.  Ronde  des  clercs , 

5.  Valse  des  clercs ,  à  2  voix 

5  bis-.  La  même  à  une  voix 

6.  Duo  et  chanson  de  Fortunio 

6  bis  et  6  ter.  Chanson  de  Fortunio 


2  50 
2  50 
2  50 

2  50 
4  50 

3  75 
6  » 
2  50 


N°  1. 
2 
3^ 
4 
5. 
6 


ORPHÉE  AUX  ENFERS. 

Couplets  du  berger  joli 

Duo  du  concerto 

Chanson  pastorale 

Évocation  à  la  mort 

Duettino  de  l'Honneur  et  de  l'Amour. 

Couplets  de  Cupidon  et  de  Vénus 

Bonde  de  Diane  et  Acléon 

Chœur  de  la  révolte 

Couplets  à  Jupin 

Final,  choeur  et  galop 

Couplets  du  roi  de  Béotie 

Duo  de  la  Mouche 

Chœur  infernal 

Hymne  à  Bacchus 


LE  MARI   SANS  LE   SAVOIR 

Le  Bal,  valse  chantée 

Chanson  nègre 


UN  MARI  A   LA  PORTE. 

Valse  tyrolienne,  1  et  2 

Couplets.  Tu  l'as  voulu,  Georges  Dandin. . 
LES  PETITS  PRODIGES. 

Couplets.  Tur  lu  tu  tu 

Valse  de  la  basse-cour , 


LA  DEMOISELLE  EN   LOTERIE. 

Chanson  bohémiana 


MORCEAUX,  VALSES,  POLKAS,  MAZURKAS  ET  QUADRILLES,  POUR  PIANO. 


LE  FINANCIER  ET  LE  SAVETIER. 

♦Strauss.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50' 

Cari  Merz.   Mosaïque  dansante 

N°  1.  Polka 2  50 

N»  2.  Valse 2  50 

N°  3.  Polka-Mazurka 2  50 

LE  66. 

Salomon.  Valse-Tyrolienne 4  50 

LES  TROIS  BAISERS  DU   DIABLE. 

*Musard.  Quadrille 4  50 

CROQUEFER. 

♦Strauss.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50 

J.  Ch.  Hess.  Mosaïque  dansante  [recueil)  4  50 

N°  1.  Valse 2  50 

N°  2.  Polka 2  50 

N°  3.  Galop 2  50 

GENEVIÈVE  DE  BRABANT. 
J-L.  Battmann.  Chanson  de  l'Enfant..  5    » 

♦Arban.  Quadrille,  un  Bal  chez  Golo 4  50 

♦Strauss.      Id.        2  et  4  mains 4  50 

♦       Id.         Polka  du  départ,  2  et  4  mains. .  4  50 

E.  Desgranges.  Polka  des  Jeux 4  50 

Philippe  Stutz.  Cocorico,  polka 4  50 

L.  Micheli.  Polka-maz. des  Baigneuses..  4  50 
♦Musard.  Valse  sur  les  couplets  de  l'Enfant.  5    » 

Id.        La  même  en  feuille 2  50 

LA   DEMOISELLE   EN   LOTERIE. 

♦Strauss.  La  Bohémiana.  Polka 3  75 

J.-L.  Battmann.  La  Bohémiana,  fan- 
taisie-polka   4  50 

DRAGONNETTE. 
J.  Ch.  Hess.  Valse 4  50 


LE    MARIAGE   AUX   LANTERNES. 
♦Strauss.   Quadrille,  2  et  4  mains 4  50 

*  Id.  Polka 3  75 

J.-L.  Battmann.  Mosaïque 5    » 

LES  SIX  DEMOISELLES    A   MARIER. 

♦Musard.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50 

LES   PETITS   PRODIGES. 

♦Strauss.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50 

H.  Valiquet.  Quadrille  facile 4  50 

J.  Offenbach.  Valse  de  la  basse-cour. . .  4  50 

CROQUIGNOLLE   XXXVI. 

♦Strauss.  Quadrille 4  50 

♦  Arban. PolkasurlarondeduPontdeNantes  4  50 
Philippe  Stutz.  Polka-mazurka  sur  la 

ronde  de  Tarabisco 4  50 

POLKA    DES  SABOTS. 

♦Wagner.  Quadrille 4  50 

♦Strauss.   Polka 4  50 

ORPHÉE  AUX   ENFERS. 

♦Strauss.  1er  Quadrille  à  2  et  4  mains. . . .  4  50 

Adhémar  de  Foucault.  2°  quadrille.  4  50 

♦Arban.  Quadrille '■  •  •  4  50 

♦Strauss.  Polka ,  à  2  et  4  mains 4  50 

♦Musard.  Valse 5    » 

A.  Talexy.    Polka-mazurka 5    » 

H.  Valiquet.  Quadrille  facile 4  50 

J.-L.  Battmann  Fantaisie  facile 5    » 

A.Longueville.ChansonduroideBéotie  6    » 

II.  B  ose  lien.  Fantaisie 6    » 

F.-L.  Schubert.  Grand  galop 4  50 

A.  Thadewaldt.  Jupiter,  polka 3  75 

F.  Brïssler.  2e  grande  valse 5    » 

Ph.  Stutz.  JohnSiyx,  polka-mazurka. ..  4  50 
J.-L.  Battmann.  Menuet  et  galop 5    " 


UN  MARI   A   LA   PORTE. 

♦Musard.  Valse-tyrolienne 

J.  Offenbach.  Valse  de  l'ouverture 

MARINETTE  ET  GROSRÉNÉ. 
J.  Ch.  Hess.  Mazurka 


2  50 
5  » 
2  50 

2  50 
4  50 

3  » 
2  50 

2  50 

2  50 


4  50 
2  50 


4  50 
2  50 


2  50 
4  50 


5    » 
5    » 


LA  POMME  DE  TURQUIE. 
H.  Valiquet.  Rosette 


CARNAVAL  DES  REVUES. 

♦Musard.  Quadrille ,  2  et  4  mains 4  50 

♦      Id.  Polka-mazurka  de  l'Avenir 4  50 

♦Offenbach.  Polka  des  Timbres 4  50 

.1.-8..  Battmann.  Tyrolienne  de  l'Ave- 


nir. 


♦Offenbach.  Symphonie  de  l'Avenir, 
4  mains 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO. 
J.-L.  Battmann.  Petite  fantaisie  variée. 

F.  Burgmuller.  Valse  de  salon 

La  même  à  4  mains. . 
d°      en  feuille. . 

Paul  Bernard.  Transcription 

A.  Croisez.  Morceau  de  salon 

♦Strauss.  Quadrille 

Le  même,  à  4  mains 

Ph.  Stutz.  Polka 

LE  MARI  SANS  LE  SAVOIR. 
♦Strauss.  Le  Bal,  valse 


5  » 
7  50 
7  50 
2  50 

6  » 
6  » 
4  50 
4  50 
4  50 


Quadrille. 


6    » 
4  50 


H.  Valiquet.  Concerts  des  Bouffes-Pari- 
siens, 18  petites  fantaisies,  chacune 


N.  B.   Les  Morceaux  marqués  d'une  ♦  sont  publiés  pour  orchestre  et  septuor. 


769.  —  28e  Année. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  9  Juiu 

1861. 


3~a^.5~5^ 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

,  Rédactren  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Yivienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  <Ic  Musique  <■■■  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


er  Mode  d' 'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  2G  morceaux: 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  2  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Jlournal-Textc,  tous  les  dimanches  ;  IO  Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  %  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    ItEVNIS  t 

3=  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  a  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  le' de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l«r  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/i'anco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  IIEITGEI,  et  os,  éditeurs  du  Ménestrel  et  delà  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  — Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau*  8.  —  3d78 


SOMMAIRE.  —  TEXTE. 

I.  Méhul  et  ses  œuvres  :  bibliographie.  Dense-Baron.  —  1T.  Semaine  théâtrale. 
J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Chopin  et  ses  œuvTes 
(2e  article).  H.  Barreuette.  —  IV.  Festival  rhénan.  — V.  Un  quatuor  d'amateurs 
(1«  article).  J.  d'Ortieue.  —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
COMIRE 

ou  le  Nouvel  Ami  «les  Enfants  , 

Paroles  de  Frédéric  de  Courcï  ,  musique  d'HENRi  Potier.  —  Suivra 
immédiatement  après  :  la  Danse  macabre ,  paroles  d'ARMANT  Livrât  , 
musique  de  E.  Lomhard. 

PIANO: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

LES  E9IERAUDES, 

Polka  de  L.  de  Pitray.  — Suivra  immédiatement  après:  la  Valse  de 
F.  Chopin,  Op.  64,  N°  1 ,  dédiée  à  Mmo  la  Csse  Potocka. 


MÉHUL  ET  SES  (EUVRES. 

BIBLIOGRAPHIE. 

Pour  compléter  l'intéressant  travail  de  M.  P. -A.  Vieillard  sur 
Méhul  et  ses  œuvres,  nous  empruntons  à  la  nouvelle  Biographie 
générale  de  MM.  Firmin  Didot,  la  liste  complète  et  par  ordre 
chronologique,  des  ouvrages  que  Méhul  a  fait  représenter  au 
théâtre.  Nos  lecteurs  pourront  ainsi,  d'un  seul  coup  d'œil,  em- 
brasser les  titres  de  noblesse  de  l'un  des  plus  illustres  et  dignes 
chefs  de  l'école  française  lyrique.  Ce  résumé  est  dû  aux  recher- 
ches de  M.  Denne-Baron,  qui  termine  en  ce  moment  une  bio- 
graphie complète  de  l'illustre  maître  Cherubini  ,  destinée  aux 
lecteurs  du  Ménestrel. 

*** 

Euphrosine  et  Coradin,  trois  actes,  à  l'Opéra-Comique  (1790) . 
Cora,  quatre  actes,  à  l'Opéra  (1791).  —  Slratonice,  un  acte,  à 


l'Opéra-Comique  (1792).  —  Le  Jugement  de  Paris,  ballet  en 
trois  actes,  à  l'Opéra  (1793).  —  Le  jeune  Sage  et  le  vieux  Fou, 
un  acte,  à  l'Opéra-Comique  (1793).  —  Eoratius  Coclès ,  un 
acte,  à  l'Opéra  (1794).  —  Phrosine  et  Mélidor,  trois  actes,  à 
l'Opéra-Comique  (1794).  —  Ouverture  et  chœurs  de  Timoléon, 
tragédie  fleChénier,  représentée  au  Théâtre-Français   (1794). 

—  La  Caverne,  trois  actes,  à  l'Opéra-Comique  (1795) .  —  Doria, 
trois  actes,  au  môme  théâtre  (1796).  —  Le  Jeune  Henri,  deux 
actes,  idem  (1797),  — Le  Pont  de  Lodi,  opéra  de  circonstance 
(1797).  —  La  Toupie  et  le  Papillon,  au  théâtre  Montansier 
(1797).  —  Adrien,  trois  actes,  à  l'Opéra  (1799).  —  Ariodant, 
trois  actes,  à  l'Opéra-Comique  (1799).  —  Bion,  un  acte,  au 
même  théâtre  (1800).  —  Êpicure,  un  acte,  idem  (1800),  en 
collaboration  avec  Cherubini.  —  La  Dansomanie,  ballet  en  deux 
actes,  à  l'Opéra  (1800).  —  LIrato,  un  acte,  k  l'Opéra-Comique 
(1801). —  Le  Trésor  supposé,  un  acte,  idem  (1802).  —  Joanna, 
deux  actes,  idem  (1802).  —  L'Heureux  malgré  lui,  un  acte, 
idem  (1802).  —  Une  Folie,  un  acte,  idem  (1803).  —  Héléna, 
trois  actes,  idem  (1803).  —  Le  Baiser  et  la  Quittance,  idem 
(1803),  en  société  avec  Kreutzer,  Boiëldieu  et  Nicolo.  —  Les 
Hussites,  mélodrame  représenté  au  théâtre  de  la  Porte-Saint- 
Martin  (1804).  —  Gabrielle  d'Estrée,  à  l'Opéra-Comique  (1806). 

—  Les  Deux  Aveugles  de  Tolède,  un  acte,  idem  (1806).  — 
Uthal,  un  acte,  idem  (1806).  — Joseph,  trois  actes,  idem  (1807). 

—  Persée  et  Andromède,  ballet,  à  l'Opéra  (1810).  —  Les  Ama- 
zones, trois  actes,  au  même  théâtre  (1811).  —  Le  Prince  trou- 
oadour,  un  acte,  à  l'Opéra-Comique  (1813).  —  L'Oriflamme , 
pièce  de  circonstance,  à  l'Opéra  (1814),  en  collaboration  avec 
Berton,  Kreutzer  et  Paër.  —  La  Journée  aux  Aventures,  trois 
actes,  à  l'Opéra-Comique  (1816).  —  Valenline  de  Milan,  trois 
actes,  ouvrage  terminé  par  M.  Daussoigne,  et  représenté  au 
même  théâtre  en  1822,  cinq  ans  après  la  mort  de  Méhul. 

Quatre  autres  ouvrages,   reçus  à  l'Opéra,  n'ont  pas  été  repré- 


218 


LE  MÉNESTREL. 


sentes,  ce  sont  :  Hypsile  (1787),  Armenius  (1794),  Scipion 
(1795),  et  Tancrède  et  Clorinde. 

Méhul  a  laissé  aussi  en  manuscrit  les  partitions  des  opéras 
de  Sésostris  et  à'Agar,  ainsi  que  l'ouverture,  les  entr'actes  et 
les  chœurs  d'une  tragédie  d'OEdipe-Roi. 

Ce  compositeur  a  écrit  en  outre  une  multitude  d'hymnes,  de 
cantates  et  de  chants  patriotiques  pour  les  fêtes  républicaines  , 
entre  autres  le  Chant  du  Départ,  le  Chant  de  Victoire,  le  Chant 
du  Retour,  la  Chanson  de  Roland,  pour  la  pièce  de  circons- 
tance intitulée  Guillaume  le  Conquérant,  jouée  au  Théâtre- 
Français,  en  1804,  et  une  grande  canlale,  avec  orchestre,  pour 
Pinaugur&tion-de  la-statue  de  Napoléon  dans  la  salle  des  séances 
publiques  de  l'Institut. 

On  a  aussi  de  lui  six  symphonies  qui  ont  été  exécutées  dans 
les  exercices  du  Conservatoire,  et  plusieurs  sonates  de  piano.  On 
trouve  des  leçons  de  lui  dans  le  solfège  du  Conservatoire. 

Cet  artiste  célèbre  a  lu  à  l'Institut  deux  rapports  dont  il  était 
l'auteur,  l'un  Sur  l'État  futur  de  la  musique  en  France,  l'autre 
Sur  les  Travaux  des  élèves  du  Conservatoire,  à  Rome.  Ces 
deux  rapports  ont  paru  dans  le  Magasin  encyclopédique,  tome  V, 
Paris,  1808. 

DlEUDONNÉ   DëNNE-RaRON. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

Non-seulement  les  répétitions  de  YAlceste  à  I'Opéra  auront 
le  concours  de  M.  Berlioz,  ainsi  que  nous  l'avons  annoncé, 
mais  elles  seront  également  suivies  par  M.  Auber,  qui,  dans  sa 
jeunesse,  a  très-souvent  entendu  ce  chef-d'œuvre  de  Gluck. 
Notre  éminent  maestro  français  s'est  offert  gracieusement  à  indi- 
quer tous  les  mouvements  de  la  partition  ;  il  en  fera  revivre  les 
traditions,  dont  il  a  conservé  le  souvenir.  —  Vendredi  dernier, 
l'Opéra  a  donné  les  deux  actes  du  Comte  Ory:  depuis  fort 
longtemps  on  ne  jouait  que  le  premier  acte  de  cet  ouvrage,  au 
grand  désappointement  des  admirateurs  de  Rossini.  Les  deux 
ballets  nouveaux,  le  Marché  des  Innocents  et  Graziosa,  ont  été 
réunis  dans  cette  soirée,  une  des  plus  complètes  auxquelles  nous 
ayons  assisté  dans  ces  derniers  temps.  Cette  combinaison  de 
spectacle  alternera  avec  Herculanum.  —  11  est  question  de  l'en- 
gagement de  MUe  Pocchini,  danseuse  italienne,  inédite  pour  nous, 
mais  très- appréciée  sur  les  principales  scènes  de  l'Europe. 

Le  Théâtre -Français  a  célébré  jeudi  dernier  le  255me 
anniversaire  de  la  naissance  de  Corneille.  Le  spectacle  se  com- 
posait de  Nicomède  et  de  l'Illusion  comique,  comédie  modifiée 
et  enrichie  d'un  fragment  de  Don  Sanche  d'Aragon.  Ces  chan- 
gements ont  été  expliqués  et  justifiés  par  l'administrateur  du 
Théâtre-Français,  M.  Ed.  Thierry,  dans  l'excellent  article  qu'il 
a  donné  mardi  dernier  au  Moniteur.  Beauvallet,  Mmcs  Guyon, 
Devoyod;  MM.  Gol,  Delaunay  et  Mlle  Fix,  ont  accompli  leur 
tâche  avec  une  grande  supériorité.  Delaunay  et  Mllc  Fix  se  sont 
particulièrement  distingués  dans  Don  Sanche,  et  Got  est  étour- 
dissant dans  le  capitan  Matamore.  Une  cérémonie  nouvelle 
terminait  la  soirée  :  le  doyen  des  sociétaires,  M.  Samson,  a  lu 
l'éloge  de  Pierre  Corneille  prononcé  par  Racine,  en  qualité  de 
directeur  de  l'Académie,  le  jour  de  la  réception  de  Thomas 
Corneille.  Cette  lecture  a  été  faite  auprès  du  buste  couronné  du 
grand  tragique,  et  au  milieu  de  tous  les  artistes  du  théâtre. 

M™0  Rislori  donne  depuis  plusieurs  jours  des  représentations 
salle  "Venladour.  La  grande  tragédienne  passe  en  revue  son  ré- 


pertoire italien,  dans  l'idiome  natal,  qui  ne  lui  fait  craindre 
aucune  concurrence.  Jeudi  dernier,  l'affiche  annonçait  Medea; 
mais  à  la  nouvelle  de  la  mort  de  M.  de  Cavour,  Mme  Ristori  a 
demandé  au  ministre  d'État  l'autorisation  de  ne  pas  jouer,  et  le 
théâtre,  s'associant  au  deuil  de  l'Italie,  a  fait  relâche. 

L'Opéra-Comique  a  signalé  sa  semaine  par  deux  événements: 
la  rentrée  de  Jourdan  et  le  début  de  M"e  Listchner.  Après  avoir 
repris  le'rôlede  Lorédan  d'Eaydée,  qu'il  avait  déjà  chanté  l'an 
dernier,  Jourdan  est  venu  aborder  le  personnage  d'Olivier  d'En- 
tragues  dans  les  Mousquetaires  de  la  Reine.  Le  chaleureux  té- 
nor a  reçu  l'accueil  le  plus  sympathique,  et  il  s'en  est  montré 
digne  sous  bien  des  rapports.  M"e  Lischtner,  premier  prix  de 
chant  de  1859,  a  déjà  fait  ses  preuves  au  grand  théâtre  de  Mar- 
seille. Le  rôle  d'Athénaïs,  des  Mousquetaires,  lui  a  valu  des 
bravos.  Une  voix  étoffée,  un  timbre  pur  dans  le  registre  aigu, 
une  bonne  vocalisation,  telles  sont  les  qualités  de  la  jeune  débu- 
tante, en  attendant  celles  que  l'étude  de  son  art  et  l'expérience 
du  théâtre  pourront  lui  faire  acquérir.  M"e  Belia,  qui  progresse 
constamment,  a  parfaitement  réussi  dans  le  personnage  de  Ber- 
the  de  Simiane,  nonobstant  le  souvenir  de  ses  devancières, 
MmesDarcier,  Lefebvre,  etc. —  Barrielle,  et  surtout  Ponchard, 
qui  s'est  fait  particulièrement  applaudir,  complétaient  le  succès 
de  cette  reprise,  qui  promet  et  réalise  déjà  de  fructueuses  re- 
cettes.—  Enregistrons  aussi,  pour  mémoire,  l'apparition  d'un 
débutant,  M.  Simon,  dans  le  rôle  de  Max,  du  Chalet,  —  petit 
événement  de  l'autre  semaine. 

Le  Vaudeville  nous  a  donné  une  comédie  en  trois  actes, 
intitulée  :  Onze  jours  de  siège.  Un  sujet  neuf  et  piquant,  des 
situations  délicates,  sauvées  avec  beaucoup  de  tact,  une  action 
vive  et  un  dialogue  naturel,  voilà  plus  qu'il  n'en  faut  pour  as- 
surer la  réussite  d'une  œuvre.  Les  auteurs  sont,  l'un,  M.  Verne, 
qui  jouit  déjà  de  quelque  réputation;  l'autre,  M.  Wallut,  qui  fait 
ses  premières  armes  :  félicitons-les  tous  deux.  Félix,  Mlle  Marie 
Brindeau,  Mlle  Courtais,  MM.  Nertann,  Munie,  sont  les  princi- 
paux interprètes.  Félix  emporte  littéralement  la  pièce.  • 

Aux  Variétés,  la  Tour  de  Ncsle  à  Ponl-à-M ousson,  parodie 
à  six  tableaux,  excite  la  plus  vive  hilarité.  M"e  Alphonsine, 
cette  comédienne  fantaisiste,  est  l'héroïne  de  la  soirée;  ce  qui 
n'empêche  pas  Christian,  ce  sosie  de  Mélingue,  et  Charles  Po- 
tier, l'excellent  comédien,  de  récolter  un  franc  et  légitime 
succès. 

Au  Palais-Royal,  deux  pièces  nouvelles  ont  été  fort  bien  ac- 
cueillies :  l'Ami  des  femmes  (auteur  M.  Siraudin)  est  une  agréa- 
ble petite  comédie,  un  peu  dépaysée  sur  cette  scène.  Deux  Nez 
sur  une  piste,  de  MM.  Marc  Michel  et  Choller',  se  trouvent 
parfaitement  sur  leur  terrain.  Ravel  (qui  est  à  la  veille  de  se 
rendre  à  Saint-Pétersbourg),  fait  les  honneurs  de  ces  deux  pièces 
avec  sa  verve  habituelle. 

Le  nouveau  drame  de  la  Gaité,  le  Crétin  de  la  montagne, 
sans  présenter  des  situations  bien  neuves  ni  une  intrigue  bien 
compliquée,  a  été  fort  goûté  du  public  de  ce  théâtre.  Disons  que 
la  pièce,  en  général  bien  jouée,  donne  à  MUeClarence  l'occasion 
de  montrer  les  qualités  dramatiques  qui  la  distinguent.  Paulin 
Ménier  rend  avec  une  touchante  vérité  le  personnage  d'un 
idiot.  Les  applaudissements  et  les  rappels  n'ont  pas  manqué  aux 
artistes. 

Le  Théâtre  féerique  des  Champs-Elysées  a  représenté  deux 
petits  ouvrages  :  le  Docteur  Fronlin,  opérette  en  un  acte,  pa- 


MUSIQUE  ET  THÉATUES. 


219 


rôles  de  M.  Marc  Constantin,  et  los  Conlrabandislas,  bouffon- 
nerie lyrique ,  paroles  de  M.  E.  Thierry.  La  musique  de  ces 
deux  ouvrages  est  de  M.  Nargeot ,  l'ex-chef  d'orchestre  du 
théâtre  des  Variétés.  Texte  et  musique,  —  l'un  portant  l'autre, 
—  ont  délecté  l'auditoire. 

Le  Docteur  Frontin  a  fourni  à  M"e  Désirée  Andrieux  une 
nouvelle  occasion  de  se  faire  applaudir  et  de  mettre  en  relief 
ses  qualités  de  comédienne  et  de  chanteuse.  Un  air  surtout  a 
été  dit  par  elle  avec  charme  et  esprit.  Avant  peu,  MM.  Beau- 
mont  et  Réty  pourraient  bien  se  disputer  cette  nouvelle  sou- 
brette lyrique. 

J.Lovv. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


F.  CHOPIN  ET  SES  ŒUVRES, 
il. 

Ainsi  vécut,  ainsi  mourut  Chopin.  Sans  doute,  on  doit  re- 
gretter le  trépas  prématuré  de  cet  éminent  arliste.  Comme  Schu- 
bert, comme  Bellini,  il  ne  fournit  qu'une  courte  carrière.  Il  fut 
de  bonne  heure  consumé  par  le  feu  intérieur  qui  faisait  son 
génie,  et  c'est  surtout  à  lui  qu'on  peut  appliquer  les'  vers  de 
Schiller,  que  nous  citions  au  début  de  cette  étude  :  «  L'instru- 
ment dont  on  tire  les  accords  les  plus  hardis  est  celui  qui  se 
brise  le  plus  vite,  et  le  feu  du  génie  ne  s'entretient  qu'aux  dépens 
de  la  lampe  de  la  vie.  » 

Mais  il  est  à  croire  que  si  Chopin  eût  vécu,  le  cercle  de  ses 
idées  ne  se  fût  pas  élargi.  Il  était  fermé  depuis  longtemps.  Son 
œuvre  était  complète  quand  il  mourut,  et  sa  mort  si  prompte, 
sans  laisser  de  regrets  au  point  de  vue  des  chefs-d'œuvre  à  venir 
qu'il  eût  pu  produire,  ne  fait  qu'ajouter  un  charme  poétique  de 
plus  à  cette  touchante  figure. 

C'est  que  le  génie  de  Chopin  était  depuis  longtemps  circons- 
crit dans  les  limites  étroites  d'un  seul  et  unique  sentiment.  Sa 
lyre  n'avait  qu'une  corde  ;  mais  cette  corde  vibrait  admirable- 
ment. C'était  celle  de  la  mélancolie,  mélancolie  douce  et  triste 
qui  n'eût  pas  manqué  de  devenir  monotone  si,  en  même  temps, 
Chopin  n'avait  eu  en  lui  un  sentiment  très-vif  des  choses  de  la 
patrie.  Ce  ressouvenir  était  tout  puissant.  Quand  Chopin  s'y 
plongeait,  il  le  faisait  avec  une  vivacité  passionnée.  Il  invoquait 
le  souvenir  de  sa  chère  Pologne  ;  il  la  faisait  revivre  dans  ses 
chants,  qui  alors,  par  une  transfiguration  magique,  devenaient 
presque  guerriers,  épiques.  Il  se  développait  chez  lui  une  sorte 
de  sensibilité  nerveuse  analogue  à  celle  que  l'on  remarque  chez 
Weber. 

«  Le  caractère  saillant  du  génie  de  Chopin  est  donc  une  mé- 
lancolie profonde,  vivifiée  parfois  par  le  souvenir  de  l'amour 
passionné  de  la  patrie  et  de  la  race.  » 

C'est  ce  qui  nous  a  fait  dire,  dans  notre  étude  sur  Beethoven, 
que  Chopin  n'était  qu'un  genre. 

Beethoven  est  une  universalité.  Son  génie  est  complet;  il  ré- 
pond à  toutes  les  passions  qui  peuvent  solliciter  le  cœur  de 
l'homme.  La  mélancolie  n'est  que  passagère  chez  Beethoven  ; 
elle  a  son  tour  comme  les  autres  affections  de  l'âme,  dont  pas 
une  n'est  étrangère  à  cet  immense  génie  pouvant  dire  avec  le 
poëte  latin  : 

Homo  sum,  humani  nil  a  me  alienum  puto. 

La  mélancolie  de  Beethoven  va  se  noyer,  à  la  fin  de  sa  car- 


rière, dans  une  immense  aspiration  vers  l'idéal.  Quant  à  l'idée 
de  patrie,  elle  n'existe  guère  pour  lui  ;  sa  musique  est  univer- 
selle ;  elle  ne  porte  pas  l'empreinte  d'une  race  ni  celle  d'une 
époque  déterminée. 

III  (1). 

La  première  publication  de  Chopin,  avec  orchestre,  est  l'air 
varié  de  Mozart  :  La  ci  darem  la  mano.  Notre  admiration  pour 
cette  œuvre  n'est  pas  sans  restrictions  :  elle  abonde  sans  doute 
en  détails  d'une  finesse  extrême ,  elle  est  habilement  construite, 
mais  elle  appartient  à  un  genre  stérile  et  faux  ;  elle  rentre  dans 
le  cadre  trop  uniforme  des  grands  airs  variés  de  piano,  mor- 
ceaux d'une  infinie  longueur,  invariablement  composés  d'une 
introduction  adagio  avec  force  broderies  et  points  d'orgue,  d'un 
thème  suivi  de  cinq  ou  six  variations,  plus  ou  moins  de  bra- 
voure, ayant  pour  conclusion  une  ritournelle  inévitable  à  grand 
orchestre,  puis  un  adagio  reproduisant  le  même  thème  déna- 
turé, alangui,  noyé  dans  un  tissu  d'arpèges,  enfin,  comme 
final,  du  même  thème  traité  en  mouvement  de  valse,  de  polo- 
naise ou  de  galop.  On  sait  quelle  immense  réputation  s'était 
acquis,  dans  ce  genre,  Henri  Herz,  qui  en  fut  un  des  derniers 
et  plus  dignes  représentants. 

Pendant  longues  années ,  les  pianistes  ne  firent  pas  autre 
chose  :  prendre  une- mélodie,  une  cavatine,  un  air  d'opéra  quel- 
conque, les  varier  suivant  une  formule  convenue.  Combien  en 
avons-nous  vu ,  pendant  toute  leur  vie,  user  des  facultés  pré- 
cieuses à  cette  œuvre  de  patience  qui  consiste  à  disposer  d'une 
certaine  façon  des  idées  étrangères,  et  combien  devons-nous 
applaudir  à  la  tendance  prédominante  enfin  qui  pousse  les  ar- 
tistes à  vivre.de  leur  propre  fonds. 

Chopin,  heureusement,  ne  resta  pas  dans  cette  voie;  à  part 
de  jolies  variations  sur  un  air  de  Ludovic  (2),  variations  qu'à 
raison  de  leur  simplicité,  de  leur  facture  sobre  et  élégante , 
nous  préferons  à  celles  de  La  ci  darem,  et  qui  sont  pour  piano 
seul;  à  part  ses  morceaux  sur  des  airs  polonais,  sur  lesquels 
nous  reviendrons  et  qu'on  ne  peut  guère  appeler  des  airs  variés, 
Chopin  ne  chercha  plus  jamais  ailleurs  qu'en  lui-même  les 
sources  de  son  inspiration. 

Nous  arrivons  à  ses  deux  admirables  concertos,  l'un  en  mi, 
l'autre  en  fa  mineur.  Les  concertos  de  Chopin  ne  sont  pas 
symphoniques  comme  ceux  de  Beethoven  et  de  Mendelssohn  ; 
l'orchestre  n'y  paraît  en  émule  du  piano  que  dans  les  tutti.  Ces 
tutti,  il  faut  le  dire  aussi,  sont  développés  et  traités  de  main  de 
maître  ;  mais  partout  ailleurs  que  dans  les  tulti,  l'orchestre  ne 
fait  jamais  qu'accompagner  le  piano,  auquel  il  reste  subordonné. 
Le  concerto  en  mi  mineur  est  le  plus  goûté  des  artistes,  celui 
qu'on  exécute  le  plus  souvent  :  on  y  remarque  des  chants  d'une 
suavité  enchanteresse.  Rien  de  pareil  n'avait  été  rêvé  jusqu'alors: 
ce  ne  sont  pas  de  ces  accents  vigoureux  qui  saisissent  et  trans- 
portent, ce  n'est  pas  non  plus  une  musique  efféminée  qui  vous 
endorme  en  vous  berçant  ;  —  ce  sont  des  accents  d'une  origi- 
nalité qui  tient  sans  cesse  en  éveil  ;  le  chant  s'égare  dans  dos 

(1)  Op.    2.  —  Variations  sur  La  ci  darem  la  mano,  avec  orchestre  ,  à 
M.  Titus  Voyciechowski. 
Op.  11.  —  Concerto  en  mi  mineur,  à  Kalkbrenner. 
Op.  12.  —  Concerto  en  fa  mineur,  à  la  comtesse  Potocka. 
Op.  13.  —  Fantaisie  sur  des  airs  polonais,  à  Pixis. 
Op.  14.  —  Krakowiack,  grand  rondo  de  concert ,  à  la  princesse 

Czartoryska. 
Op.  22.  —  Grande  Polonaise,  à  Mrae  d'Est. 
|2)  Op.  12.  —  Variations  sur  Ludevic. 


220 


LE  MÉNESTREL. 


modulations  étranges,  inattendues,  sans  qu'il  y  ait  rien  de 
heurté.  On  assiste  à  une  suite  de  surprises  délicieuses,  et  tou- 
jours le  maître  revient  sans  effort  au  ton  primitif.  Quant  au 
trait  de  Chopin,  il  est  bien  a  lui  seul  ;  son  génie  d'invention,  de 
construction,  est  incroyable.  Jamais  il  ne  rentre  dans  les  for- 
mules convenues,  c'est  un  enchevêtrement  inouï,  une  trame 
tissée  de  mille  substances ,  des  complications  sans  nom  ,  et 
cependant,  chose  étrange,  toute  cette  complication  apparente  se 
résout  sans  effort,  l'oreille  de  l'auditeur  ne  perçoit  qu'un  résul- 
tat parfaitement  clair  et  limpide. 

Et,  en  effet,  le  trait  de  Chopin  a  cela  de  particulier,  qu'au 
milieu  de  celte  accumulation  exubérante,,  de  ce  réseau  inextri- 
cable en  apparence,  on  ne  tarde  pas  à  discerner  un  ordre  parfait, 
une  symétrie  prodigieuse.  Tout  s'explique  scientifiquement.  Ce 
n'est  pas  sans  raison  que,  dans  ces  traits  immenses ,  les  deux 
mains  se  poursuivent,  se  croisent  au  travers  de  méandres  et  de 
sinuosités  sans  fin;  tout  a  sa  raison  d'être,  tout  est  logique  et 
régulièrement  combiné. 

Liszt  a  parfaitement  fait  ressortir  ce  caractère  étrange  et 
pourtant  scientifique  de  la  musique  de  Chopin,  lorsqu'il  dit  : 
«  Chez  lui  la  hardiesse  se  justifie  toujours  ;  la  richesse,  l'exu- 
bérance même  n'excluent  pas  la  clarté  ;  —  la  singularité  ne  dé- 
génère pas  en  bizarrerie  ;  —  les  ciselures  ne  sont  pas  désor- 
données ,  et  le  luxe  de  l'ornementation  ne  surcharge  pas 
l'élégance  des  lignes  principales.  Ses  ouvrages  abondent  en 
combinaisons  qui  font  époque  dans  le  style  musical.  Elles  dé- 
guisent leur  profondeur  sous  tant  de  charme,  qu'il  est  difficile 
de  se  soustraire  à  leur  attrait ,  pour  les  apprécier  froidement  au 
point  de  vue  théorique.  » 

Ce  n'est  pas  seulement  dans  le  trait  que  Chopin  a  innové,  il  a 
profondément  modifié  le  tissu  mélodique.  —  «  C'est  à  lui,  dit 
encore  Franz  Liszt,  que  nous  devons  cette  extension  des  accords 
soit  plaqués,  soit  en  arpèges,  soit  en  batterie,  ces  sinuosités  chro- 
matiques et  enharmoniques,  ces  groupes  de  notes  surajoutées , 
tombant  comme  des  gouttelettes  de  rosée  sur  la  figure  mélodique, 
ces  admirables  progressions  harmoniques  qui  ont  doté  d'un 
caractère  sérieux  môme  ses  pages  les  plus  légères. 

Un  grand  mérite  qu'il  faut  encore  reconnaître  à  Chopin ,  au 
point  de  vue  de  l'exécution  matérielle,  c'est  que  sa  musique  est 
parfaitement  doigtée.  La  main  se  pose  sans  effort.  Il  y  a  tant  de 
symétrie  dans  la  composition  du  trait,  qu'une  fois  qu'on  en  a 
saisi  l'élément  constitutif,  le  reste  vient  de  soi,  et  comme  à  la 
pureté,  à  l'élégance  mécanique,  vient  se  joindre  un  immense 
intérêt  artistique,  on  aime  bien  vite  cette  musique;  on  l'étudié, 
on  se  passionne  pour  elle.  Un  pianiste  exercé  en  pénètre  vite  le 
le  secret;  et  si,  au  mécanisme  qui  exécute,  il  joint  la  pensée  qui 
comprend  et  vivifie,  il  rendra  Chopin  d'une  manière  suffisante. 
Le  concerlo  en  mi  mineur  est  dédié  à  Kalkbrenner,  grand 
pianiste,  mais  froid,  qui,  lui  aussi,  a  laissé  des  concertos  dignes 
de  lui  survivre  ;  un  surtout  a  de  la  valeur,  le  premier  (en  ré 
mineur).  Le  chant  principal  de  la  première  partie  n'est  pas  sans 
analogie  avec  le  chant  principal  de  la  première  partie  du  con- 
certo de  Chopin.  C'est  la  seule  ressemblance  qu'il  y  ait  entre  les 
deux  œuvres  et  les  deux  artistes.  L'un,  compositeur  habile, 
mais  pompeux,  académique,  alignait,  avec  la  régularité  d'un 
géomètre,  des  périodes  majestueuses,  des  traits  d'une  contex- 
ture  irréprochable.  Sa  musique  faisait  briller  le  pianiste,  mais 
ne  produisait  pas  d'émotion.  Chopin,  au  contraire,  ne  visait 
jamais  à  l'effet  ;  aussi  en  l'entendant  on  oubliait  le  pianiste  pour 
se  livrer  tout  entier  à  l'émotion  puissante,  irrésistible,   qu'il 


communiquait.  Kalkbrenner  manquait  d'originalité;  —  il  n'é- 
tait, après  tout,  qu'une  édition  amoindrie  de  Hummel  ;  — Cho- 
pin puisait  tout  en  lui-même.  L'émotion  qu'il  causait  à  son 
auditoire,  il  commençait  par  l'éprouver.  Son  âme  vibrait  tout 
d'abord,  et  les  vibrations  se  communiquaient  à  l'âme  de  ses 
auditeurs. 

Parmi  les  maîtres  du  concerto,  il  en  est  un  qui  ressemble 
assez  à  Chopin,  c'est  Field.  Field  avait  une  originalité  très- 
grande;  il  ne  procédait  de  personne;  il  avait  su  trouver  en  lui- 
même  un  foyer  de  douces  émotions.  Son  talent  était  sympathique 
comme  celui  de  Chopin.  Quand  on  passe  des  concertos  de  Kalk- 
brenner à  ceux  de  Field,  on  croit  descendre  d'un  théâtre  pom- 
peusement paré  d'ornements  factices  dans  une  fraîche  prairie, 
au  bord  d'un  russeau  limpide.  Field  ne  s'élève  jamais  à  de 
grandes  hauteurs,  mais  sa  muse  est  si  vraie,  si  simple,  si  dis- 
crète, qu'on  se  prend  vite  à  l'aimer. 

Un  grand  homme  excella  aussi  dans  le  concerto ,  Weber  ; 
mais  celui-là  ne  connut  jamais  la  douce  mélancolie  de  Field  et 
de  Chopin  ;  il  n'eût  de  commun  avec  eux  que  la  sincérité.  Son 
âme  troublée,  véhémente,  se  révèle  dans  ses  trois  admirables 
concertos.  C'est  un  torrent,  une  lave;  nous  ne  connaissons  rien 
de  plus  émouvant  que  ces  deux  drames  musicaux. 

Revenons  au  concerto  en  mi  de  Chopin.  Le  caractère  spécial 
des  deux- premières  parties  est  une  douce  tristesse.  Par  une» 
exception  assez  rare  chez  l'artiste  polonais,  le  rondo  final  est 
remarquable  de  gaieté  et  de  brio.  Songeons,  après  tout,  que 
Chopin  n'a  que  vingt  ans,  et  que  son  âme  n'a  pas  encore  été 
brisée  par  la  douleur. 

Nous  préférons  le  concerto  en  fa  mineur,  qui  est  beaucoup 
moins  célèbre.  C'est  la  même  suavité,  la  même  abondance  iné- 
puisable de  traits,  de  modulations.  Mais  le  caractère  national 
commence  à  s'y  dessiner  plus  nettement.  Le  final  revêt  déjà  ce 
cachet  particulier  de  la  race  slave,  tour  à  tour  martial  et  mélan- 
colique, rêveur  et  passionné.  Quant  à  l'adagio,  il  est  d'une 
idéale  perfection.  Chopin  aimait  à  le  redire  fréquemment.  Les 
dessins  appartiennent  à  la  plus  belle  manière  de  l'auteur,  et 
la  phrase  principale  en  est  d'une  largeur  admirable  ;  elle  al- 
terne avec  un  récitatif  qui  pose  le  ton  mineur  et  «  en  est  l'an- 
tistrophe.  »  (1)  H.  Barbedette. 

(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


FESTIVAL  RHÉNAN. 

Nous  sommes  en  retard  avec  le  trente-huitième  festival  des 
provinces  rhénanes  qui  a  été  célébré  à  Aix-la-Chapelle,  confor- 
mément au  programme,  les  19,  20  et  21  de  ce  mois.  La  messe 
solennelle  en  ré,  de  Beethoven,  exécutée  le  premier  jour,  a 
reçu  un  accueil  assez  froid.  Voici  ce  que  dit  à  ce  sujet  un  cor- 
respondant de  la  Gazelle  musicale  : 

«  Celle  messe  de  Beethoven,  œuvre  128,  est  fort  peu  connue 
en  France  :  il  est  même  plus  exact  de  dire  qu'elle  ne  l'est  pas 
du  tout,  à  l'exception,  peut-être,  d'un  très-petit  nombre  de  per- 
sonnes qui  font  une  étude  sérieuse  des  parlitions  des  maîtres; 
car  cet  ouvrage  immense,  qui  appartient  à  la  dernière  époque 
des  travaux  du  grand  artiste,  est  absolument  inapplicable  au 
service  divin,  et  inexécutable  dans  une  église.  Son  étendue  dé- 
mesurée, l'abus  des  cordes  aiguës  dans  lesquelles  sont  jetées  les 
parties  vocales,  particulièrement  le  soprano,  les  écarts  fréquents 
de  la  pensée,  en  opposition  formelle  avec  le  sens  des  paroles 

(1)  Franz  Liszt. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


221 


liturgiques,  enfin,  le  vague  de  cette  pensée  en  plusieurs  parties 
de  l'œuvre,  et  le  caractère  trop  dramatique  de  quelques  autres, 
ne  permettront  jamais  de  donner  à  cette  musique  la  destination 
que  le  titre  indique.  On  ne  l'a  point  essayé  jusqu'à  ce  jour, 
quoique  la  première  exécution  de  l'ouvrage,  dans  un  concert 
donné  à  Vienne  au  bénéfice  de  Beethoven,  remonte  au  mois  de 
mai  1824,  et  que  les  partitions  aient  été  publiées  dans  la  même 
année  :  on  ne  l'essaiera  pas  davantage  dans  l'avenir.  Si  l'on 
veut  l'entendre  à  Paris,  il  faudra  considérer  cette  messe  comme 
un  oratorio  sur  le  texte  de  la  messe,  et  en  faire  l'objet  d'une 
audition  toute  spéciale,  ainsi  qu'on  le  fait  en  Allemagne. 

«  Le  grand  succès  du  festival  a  été  pour  les  deux  autres  jour- 
nées. La  symphonie  de  Jupiter  (Mozart),  le  Josué  de  Haendel, 
ont  produit  une  vive  impression  ;  et  la  troisième  séance,  espèce 
de  concert  mêlé  de  grande  musique  et  de  solos,  a  dignement 
couronné  la  fête. 

«  Le  concerto  de  Schumann,  exécuté  par  sa  veuve  avec  autant 
de  clarté  et  de  correction  que  d'aplomb  imperturbable,  a  de  la 
réputation  parmi  les  pianistes  allemands  de  l'époque  actuelle. 
Il  y  a  dans  cette  composition ,  comme  dans  la  plupart  des  ou- 
vrages de  Schumann,  une  certaine  rêverie  mélancolique  et 
d'assez  jolis  effets  d'instrumentation,  mais  l'ensemble  est  mono- 
tone, et  les  traits  de  l'instrument  principal  manquent  autant  de 
brillant  que  de  variété. 

«  M.  Krause,  qui,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  appartient  au 
théâtre  de  Berlin,  a  régalé  (!)  l'auditoire  d'un  air  des  Nozze  di 
Figaro,  d'abord  en  allemand,  puis  en  italien  [non  piu  andrai). 
Si  cet  air  n'avait  pas  été  connu,  on  aurait  pu  croire  que  le  chan- 
teur avait  à  exprimer  quelque  chose  d'analogue  à  la  fureur,  et 
l'on  ne  se  serait  pas  douté  qu'il  s'agissait  de  :  Mon  enfant, 
plus  de  tendres  fleurettes.  Il  est  vrai  que  les  paroles  chantées 
par  M.  Krause  ne  sont  pas  douces  :  Dort  vergiss,  leises  Flehn, 
susses  Wimmern!  Plein  de  courtoisie,  l'auditoire  a  beaucoup 
applaudi  M.  Krause  de  Berlin,  et  il  en  a  été  récompensé  par 
une  seconde  audition  de  l'air  en  italien.  Le  Benedictus  de  la 
messe  de  Beethoven  a  terminé  la  première  partie  du  concert. 
La  deuxième  partie  a  eu  pour  ouverture  le  prélude  et  la  fugue 
pour  orchestre  de  M.  Lachner.  Le  thème  du  prélude  n'est  pas 
heureux,  mais  la  fugue  est  fort  bien  faite  et  bien  instrumentée. 
Le  concerto  pour  violon  de  Beethoven,  l'une  des  plus  belles 
créations  de  ce  grand  homme,  joué  par  Joachim,  a  fait  éprouver 
aux  artistes  et  au  public  une  des  plus  vives  et  des  plus  délicieu- 
ses impressions  qui  se  puissent  imaginer.  » 


M  QUATUOR  D'AMATEIRS. 

Notre  savant  et  spirituel  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie, 
M.  F.  Halévy,  a  fait  connaître  récemment  à  nos  lecteurs,  ce 
qu'on  entendait  par  musique  de  chambre. 

Aujourd'hui,  nous  faisons  place  au  quatuor  patriarcal  de 
notre  collaborateur  J.  d'Ortigue,  anecdote  musicale  écrite  spé- 
cialement pour  le  journal  des  Jeunes  Personnes  (1). 

On  trouvera,  dans  ce  petit  tableau  provençal,  sous  la  forme 
d'une  conversation  de  famille ,  le  sérieux  mêlé  au  plaisant , 
et  de  la  façon  la  plus  naïve  et  la  plus  pittoresque  à  la  fois. 

«  Je  vous  préviens,  mesdemoiselles,  que  ma   petite  histoire 
commence  absolument  comme  un  roman  sombre  et  plein  d'a- 
il) Charmante  publication  dirigée  par  le  spirituel  auteur  des  Mémoires 
d'une  Poupée,  M1'0  Julie  Gouraud. 


ventures  fantastiques.  Ce  n'est  pas  ma  faute,  mais  cela  est  ainsi. 
Elle  n'a  pourtant  rien  d'effrayant,  ma  petite  histoire. 

*** 

Ce  fut  par  une  soirée  froide  et  pluvieuse  du  mois  de 

décembre,  le  24,  veille  de  Noël,  que  le  jeune  Stéphen  gravit  la 
côte  escarpée  du  Luberon,  au  haut  de  laquelle  est  situé  le  vil- 
lage d'Oppède.  Sa  marche  était  précipitée  et  saccadée,  non- 
seulement  à  cause  d'une  brume  aiguë  qui  l'incommodait  beau- 
coup, mais  parce  que  le  voyageur  touchait  à  un  de  ces  moments 
qu'on  n'affronte  pas  sans  quelque  embarras.  Use  rendait  chez  le 
comte  de  G***,  conseiller  à  la  cour  d'Aix,  où  Stéphen  était 
étudiant  de  l'université.  Le  comte,  plus  âgé  que  lui  de  dix  ans, 
était  très-fort  son  ami  et  un  peu  son  mentor.  La  vue  du  comte 
n'avait  donc  rien  de  gênant  pour  lui;  mais  Stéphen  allait  être 
présenté  à  la  comtesse  de  G***,  mère  de  son  ami,  sans  doute 
une  antique  douairière,  bien  solennelle,  bien  arriérée,  bien 
froide,  bien  raide,  et  bien  méticuleuse  sur  l'étiquette;  donc  il 
avait  l'inconnu  devant  soi.  De  plus,  à  ne  vous  rien  cacher,  il 
avait  derrière  lui  une  mauvaise  action.  Oui,  Stéphen,  en  partant, 
avait  désobéi  à  sa  mère,  ou  plutôt,  il  l'avait  quittée  sans  lui  en 
demander  la  permission.  Quitter  sa  mère  la  veille  de  Noël  !  une 
fête  où  les  membres  d'une  famille  font  jusqu'à  des  vingt  lieues 
pour  se  rapprocher  et  resserrer  les  liens  de  l'intimité  !  C'était 
bien  mal  à  lui;  aussi  sa  conscience  était-elle  un  peu  troublée. 
Si  Stéphen  avait  voyagé  à  cheval,  on  aurait  pu  dire  de  lui  : 

Le  remords  monte  en  croupe  et  galope  avec  lui  ; 
mais,  pour  le  malheur  de  notre  citation,  Stéphen  allait  à  pied. 

Ce  n'était  pourtant  pas  par  indifférence  ni  par  sécheresse  de 
cœur  que  Stéphen  avait  déserté  à  la  sourdine  le  logis  maternel; 
il  avait  reçu  du  comte  la  lettre  suivante  : 

«  Mon  cher  Stéphen, 

«  Bien  que  vous  ayez  juré  de  ne  pas  entendre  de  musique 
hors  de  la  ville  d'Aix,  où  je  conviens  que  l'on  en  fait  de  très- 
bonne,  vorls  ne  me  refuserez  pas  de  venir  assister  à  notre  col- 
lation de  la  veille  de  Noël,  dans  mon  village  d'Oppède  ;  nous 
chanterons  des  noëls  de  Saboly,  suivant  la  tradition.  Ma  bonne 
mère  vous  attend  avec  du  nougat  de  sa  façon  et  une  castagnade 
de  nos  délicieuses  châtaignes  du  vallon  de  Maubec,  et  moi  avec 
une  bouteille  de  Nerthe,  très-passable. 
«  Votre  bien  dévoué, 

«  Comte  de  G***.  » 

Qu'auriez-vous  fait,  mesdemoiselles,  à  la  place  de  Stéphen? 
Il  n'en  est  pas  une  de  vous  qui,  à  la  réception  de  cette  lettre,  ne 
l'eût  montrée  à  sa  mère,  en  lui  disant  :  —  Ma  chère  maman, 
voilà  le  comte  de  G***  qui  m'invite  à  aller  passer  la  veille  et 

le  jour  de  Noël    chez   lui  ,   pour  entendre et  cœtera.... 

Quelque  plaisir  que  j'eusse  à  rester  auprès  de  vous  pendant  ces 
fêtes,  souffrez  que cœtera,  et  cœtera. 

La  mère  aurait  bien  fait  quelques  difficultés  ;  mais  enfin  elle 
aurait  cédé  comme  font  ces  pauvres  mamans,  qui  se  sacrifient  à 
chaque  instant  pour  leurs  scélérats  d'enfants. 

Or,  c'était  pour  éviter  ces  difficultés  et  une  petite  contes- 
tation entre  sa  mère  et  lui,  que  Stéphen  s'était  décidé  à  partir 
sans  la  prévenir.  Faiblesse!  faiblesse  de  caractère!  défaut,  non 
de  franchise,  mais  d'humeur  communicative  !  C'est  ainsi  que, 
pour  épargner  à  sa  mère  un  léger  chagrin,  Stéphen  lui  en  cau- 
sait un  très-grand. 

Pour  être  juste  néanmoins,  il  faut  dire  que  Stéphen,  en  quit- 


LE  MÉNESTREL. 


tant  le  logis,  avait  laissé,  à  l'adresse  de  sa  mère,  un  mot  d'écrit 
dans  lequel  il  avait  inséré  la  lettre  du  comte.  C'est  aussi  le  pro- 
pre des  caractères  faibles  de  se  contenter  d'un  moyen  terme. 

Mais  il  est  temps  de  rejoindre  Stéphen,  qui,  après  avoir  pié- 
tiné dans  les  rues  tortueuses  du  village,  monté,  descendu,  pour 
remonter  encore,  et  revenu  vingt  fois  sur  ses  pas,  a  pu,  à  force 
de  questionner  les  naturels  de  l'endroit,  arriver  au  manoir  du 
comte.  Dieu  soit  loué!  s'écrie-t-il,  et  en  même  temps  il  donne 
un  vigoureux  coup  de  sonnette.  Une  grande  minute  s'écoule: 
personne  ne  répond.  —  Un  second  coup  de  sonnette,  même  si- 
lence. Après  le  troisième  coup,  qu'il  a  prolongé  de  façon  à  se 
démettre  le  poignet,  il  croit  entendre  le  bruit  d'une  porte  s'ouvrir 
à  l'intérieur  ;  il  prête  l'oreille,  il  entend  des  pas  ,  bientôt  la  clarté 
d'une  lumière  apparaît  à  travers  les  interstices  de  la  porte.  Plus 
de  doute  !  on  va  ouvrir  ;  une  voix  du  dedans,  une  voix  de 
femme,  crie  :  quaou  sias  ?  on  dit:  chi  è  !  en  italien;  en  fran- 
çais: qui  est  là?  —Ami,  répond  Stéphen,  —  Sias  beleou  l'es- 
trangier  quesperoun  aquest  soir  (vous  êtes  peut-être  l'étranger 
qu'on  attend  ce  soir)  ?  Oui,  ouvrez. —  Vosle  noun  ? — Monsieur 
Stéphen...  Et  la  porte  ne  s'ouvre  pas.  —  Espéras  un  moumen 
(attendez  un  moment).  Et  la  voix,  la  personne,  la  clarté  dispa- 
raissent. 

Stéphen  grelottait ,  se  morfondait  a  cette  porte  redevenue 
muette,  d'autant  mieux  que  la  bruine  de  tout  à  l'heure  s'était 
transformée  en  une  neige  épaisse  qui,  chassée  par  une  bise  gla- 
ciale, lui  fouettait  le  visage.  Il  comprit  cependant  que  la  ser- 
vante était  allée  porter  son  nom  aux  maîtres  du  logis  pour  bien 
s'assurer  qu'elle  n'allait  pas  introduire  un  malfaiteur.  Encore 
une  minute  d'attente  et  quelle  minute  !  notre  voyageur  jurait, 
pestait,  maugréait;  cependant  il  entend  les  pas,  il  revoit  la 
clarté.  Es  lenvous,  moussu  (c'est  bien  vous,  monsieur)  ? — Oui, 
je  suis  Stéphen,  ouvrez-moi.  —  Sias  soulet;  verai  !  Vrai!  vous 
êtes  seul? —  Oui,  je  suis  seul.  —  Alors,  dit  la  servante  en 
se  décidant  à  ouvrir,  mais  lentement  et  avec  précaution,  iniras 
leou,  dooumassi  que  fay  marri  tem  (entrez  vite,  d'autant  plus 
qu'il  fait  mauvais  temps) .  —  J'ai  eu,  reprit  Stéphen  en  grom- 
melant, celui  de  m'en  apercevoir.1 

Le  plus  fort  était  fait,  car  voilà  comme  on  pratique  l'hospita- 
lité dans  le  midi  :  les  maisons  sont  très-hospitalières,  à  l'inté- 
rieur, s'entend;  mais  la  porte  d'entrée  est  féroce. 

Stéphen  traversa  une  petite  cour  carrée,  ombragée  d'un  grand 
micocoulier  couvert  de  givre.  Ensuite,  s'étant  engagé  dans  un  long 
corridor  voûté,  il  futsurpris  d'entendre  une  espèce  de  grognement 
musical  ;  les  sons  augmentaient  d'intensité  à  mesure  qu'il  avan- 
çait. Du  corridor,  il  entra  dans  un  vestibule  ;  du  vestibule  dans 
une  cuisine  spacieuse,  propre,  aux  murs  blanchis,  magnifique- 
ment éclairée  par  un  feu  brillant  et  plusieurs  chandelles.  C'était 
au  centre  de  cette  cuisine  que  les  instrumentistes  étaient  installés. 
Assis  auprès  d'un  pupitre  à  deux  faces,  le  comte  jouait  du 
basson  ,  ayant  devant  lui  deux  hommes ,  dont  l'un  souillait 
dans  une  clarinette  et  l'autre  raclait  du  violon.  Stéphen  alla 
droit  au  comte,  qui,  sans  se  déranger,  mais  en  avalant  une 
mesure  de  la  partie  qu'il  jouait,  lui  dit  :  Allez  saluer  ma  mère. 
Stéphen  se  dirigea  alors  vers  la  cheminée,  dont  le  vaste  manteau 
eût  pu  abriter  tout  un  orchestre.  C'était  une  vraie  cheminée  de 
famille,  la  mère  Gigogne  des  cheminées.  Là,  on  voyait  la  mère 
du  comte,  âgée,  mais  droite,  leste,  l'air  distingué,  malgré  la 
simplicité  de  son  costume,  l'œil  vif,  la  physionomie  avenante, 
tenant  d'une  main  la  queue  d'une  poêle  à  frire  dans  laquelle  rôtis- 
saient des  châtaignes  d'un  parfum  exquis  et  d'une  couleur  jaune 


des  plus  appétissantes.  Elle  tendit  l'autre  main  au  jeune  voya- 
geur en  lui  disant  :  —  Soyez  le  bien  venu,  mon  cher  monsieur 
Stéphen  ;  nous  vous  avons  fait  attendre  bien  longtemps  à  la 
porte,  et  par  un  bien  vilain  temps  ;  mais  le  concert  de  ces  mes- 
sieurs nous  a  empêchés  d'entendre  vos  coups  de  sonnette  ; 
ensuite,  cette  poltronne  de  Rosalie  s'est  crue  obligée  de  vous 
faire  subir  un  interrogatoire  à  travers  la  serrure,  et  de  venir  nous 
demander  si  c'était  bien  M.  Stéphen  que  nous  attendions.  Jugez 
un  peu  si  nous  ne  connaissons  pas  M.  Stéphen  !...  Eh  bien, 
Rosalie,  que  fais-tu  là,  plantée  comme  un  terme  !  Ne  vas-tu  pas 
te  figurer  que  je  tiendrai  ta  poêle  à  frire  pendant  toute  la  soirée  ? 
Et  ne  va  pas  brûler  tes  châtaignes...  Oh!  je  vous  ai  vu  bien 
petit,  monsieur  Stéphen.  Et  donnez-moi  donc  des  nouvelles  de 
votre  excellente  mère,  que  je  voyais  si  souvent  chez  Mme  de  R... 
ainsi  que  votre  tante  la  chanoinesse  et  votre  grand-oncle  le  che- 
valier  

Et  voilà  la  comtesse  de  G*®*  ressuscitant  un  à  un  tous  les 
membres  de  la  parenté  de  Stéphen,  citant  des  mots  de  celui-ci, 
des  anecdotes  de  celui-là  ;  au  demeurant  la  meilleure  des  femmes, 
sans  affectation  et  sans  morgue,  et  faisant  très-libéralement  les 
frais  de  la  conversation,  ce  dont  Stéphen  s'accommodait  fort. 

J.  d'Ortigue. 
[La  suite  au  numéro  prochain.) 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  S.  M.  l'Empereur  vient  de  nommer  M.  Franz  Liszt  commandeur  de 
l'ordre  impérial  de  la  Légion  d'honneur. 

—  Le  rapporteur  de  la  Commission  pour  le  concours  d'un  projet  de 
salle  d'Opéra  à  construire  à  Paris  avait  émis  le  vœu  d'un  nouveau  con- 
cours, dont  le  prix  serait  l'exécution  de  l'édifice,  entre  les  cinq  auteurs 
des  projets  jugés  les  meilleurs  :  MM.  Gimain,  Crépinetel  Botrel,  Garnaud, 
Duc,  Garnier.  Ce  vœu  a  été  mis  à  exécution  par  ordre  du  Ministre  d'État. 
Un  nouveau  concours  a  eu  lieu  :  M.  Duc  s'était  abstenu,  et  MM.  Crépinet 
et  Botrel  avaient  divisé  leurs  travaux.  M.  Garnier,  architecte  sectionnaire 
de  la  ville  de  Paris,  a  été,  à  l'unanimité,  proclamé  lauréat,  et  désigné 
comme  directeur  des  travaux  de  l'édifice  à  élever.  M.  Charles  Garnier , 
prix  de  Rome,  est  le  gendre  de  M.  Barry,  professeur  de  physique  distin- 
gué de  l'Université  de  Paris.  Certes,  le  jury  de  l'Opéra  ne  pouvait  faire 
un  meilleur  choix  :  aux  brillantes  qualités  de  sa  profession,  ce  jeune  ar- 
tiste joint  une  rare  modestie,  vertu  peu  commune  par  le  temps  qui  court. 

—  Le  Moniteur  du  31  mai  a  publié  le  texte  de  la  convention  conclue 
entre  la  Russie  et  la  France  pour  la  garantie  réciproque  de  la  propriété 
littéraire  et  artistique;  cette  convention  ,  due  à  M.  le  comte  de  Morny,  sera 
exécutoire  à  partir  du  15  juillet  prochain,  et  valable  pendant  six  années.  Il  n'y 
est  point  question  des  représentations  des  œuvres  lyriques  ou  dramatiques. 

—  M.  et  Mme  la  comtesse  de  Morny  ont  donné,  la  semaine  dernière, 
une  soirée  musicale  et  dramatique  dont  le  programme  contenait  deux 
ouvrages  inédits  de  M.  de  Saint-Rémy  :  Sur  la  grande  route,  proverbe 
en  un  acte,  joué  par  MM.  Bressant,  Barré  et  Mme  Madeleine  Brohan  ; 
Monsieur  Choufleury  restera  chez  lui  le  24  janvier,  opérette  bouffe  en 
un  acte,  chanté  par  MM.  Désiré,  Potel,  Marchand,  Bâche,  MUc  Taulin  et 
M.  Léonce  dans  le  rôle  de  madame  Balandard.  On  a  demandé,  acclamé 
l'auteur  :  mais  M.  le  comte  de  Morny  a  dû  témoigner  tout  son  embarras 
de  ne  pouvoir  présenter  à  ses  invités  M.  de  Saint-Rémy  en  personne,  dont 
il  était  du  reste  le  fondé  de  pouvoir.  On  a  compris  sa  discrétion,  et  les 
applaudissements  n'ont  fait  que  redoubler,  en  attendant  que  du  salon  les 
bravos  passent  au  théâtre;  car  il  est  impossible  que  M.  Offenbach  ne  s'em- 
pare point  de  l'opérette,  jouée  du  reste  à  merveille  par  ses  artistes,  sous 
l'œil  de  l'impressario,  avec  un  orchestre  de  vingt-deux  musiciens,  dirigé 
par  M.  Varney.  Poëme  et  musique  de  Monsieur  Choufleurij,  dès  la  pre- 
mière audition,  ont  conquis  une  place  d'honneur  au  répertoire  des  Bouffes- 
rarisiens.  C'est  franchement  gai,  et  la  musique  d'une  allure  aussi  distin- 
guée que  populaire,  deux  qualités  assez  difficiles  à  réunir.  Quant  au  pro- 
verbe, il  a  été  dit  à  ravir,  et  méritait  de  l'être.  Bref,  la  soirée  a  été  excep- 
tionnelle sous  tous  les  rapports.  L'ouverture  ci  grand  orchestre  du  Mari 
sans  le  savoir  ouvrait  le  programme. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


223 


—  Mmes  Orflla  et  Mosneron  de  Saint-Preux  ont  inauguré  leurs  salons 
d'été  à  Passy  par  une  grande  fête  musicale  et  dramatique,  car  aujourd'hui 
on  ne  peut  plus  se  passer  de  théâtre  au  salon.  Le  programme  ouvrait  par 
l'opéra  deM.  Aristide  Hignard,  poème  deM.Verconsin,  sous  le  titre:  A  la  porte! 
opéra  si  recherché  dans  nos  salons  au  triple  point  de  vue  de  la  musique,  des 
paroles  et  des  interprètes,  qui  étaient,  comme  toujours,  Mme  Gaveaux- 
Sabatier  et  M.  Biéval,  les  créateurs  du  genre.  Après  l'opéra,  qui  a  obtenu 
un  grand  et  légitime  succès,  on  a  servi  la  Tusse  de  thé,  charmante  comé- 
die de  MM.  Nuitter  et  Derley,  empruntée  au  répertoire  du  Vaudeville. 
MM.  Saint-Germain,  Nertann,  Hamburger,  en  faisaient  les  honneurs  avec 
MUe  Édile  RiquerduThéâire-Français,  qui  avait  appris  le  rôle  de  la  Ba- 
ronne en  quelques  heures  et  pour  la  circonstance.  On  ne  s'en  serait  pas 
douté  ;  la  pièce  a  été  enlevée  avec  autant  de  verve  que  d'esprit  par  ses 
quatre  excellents  interprètes.  On  a  redemandé  tous  les  artistes.  Entre  les 
deux  pièces,  Mme  Arnoud-Plessy  a  dit  une  scène  de  Molière  au  milieu  des 
applaudissements,  et  Mme  Ugalde  a  fait  entendre  l'une  de  ses  élèves,  d'un 
grand  avenir.  Après  le  spectacle,  Gourdin,  de  l'Opéra-Comique,  a  chanté 
de  sa  belle  et  sympathique  voix  la  mélodie  des  Vingt  ans,  de  M.  Durand, 
et  les  chansonnettes  de  Berthelier  ont  couronné  le  programme.  On  a  dansé 
jusqu'au  jour  au  son  de  l'excellent  petit  orchestre  dirigé  par  M.  Philippe 
Stutz. 

—  L'impressario  Merelli  est  en  ce  moment  à  Paris,  où  il  vient  de  signer 
un  engagement  avec  le  compositeur  Braga  pour  un  nouvel  opéra  en  trois 
actes,  destiné  à  la  Scala  de  Milan,  carnaval  de  1862. 

—  Mme  Borghi-Mamo,  qui  n'a  fait  qu'apparaître  à  Paris,  vient  de  chan- 
ter Otello  et  il  Barbiere,  avec  le  plus  grand  succès,  à  San-Carlo  de  Naples. 

—  Au  théâtre  royal  de  Berlin  on  va  monter  un  nouvel  opéra  en  quatre 
actes,  du  compositeur  Aber. 

—  Le  théâtre  Victoria  de  Berlin  prépare,  pour  les  premiers  jours  de 
l'automne,  la  Tempête,  de  Shakspeare,  arrangée  par  M.  Dingelstedt,  avec 
musique  du  comte  Redern. 

—  A  son  retour  de  Paris,  Niemann  a  fait  sa  rentrée  au  théâtre  de  la 
cour  de  Hanovre,  dans  le  rôle  de  Raoul,  des  Huguenots. 

—  Parmi  les  publications  de  mariage  affichées  à  l'Hôtel  de  Ville  de 
Bruxelles  se  trouve  celle  de  Mlle  Sophie-Ferdinande-Dorothée  Boulard , 
artiste  dramatique,  et  de  M.  Adolphe  Dubois,  dit  Mayer,  régisseur  du  théâ- 
tre royal  de  la  Monnaie. 

—  Les  journaux  de  Metz  s'étendent  à  plaisir  sur  les  représentations  de 
Roger,  qui  vient  de  rentrer  dans  son  château  de  Villiers-sur-Marne  ,  cou- 
vert des  lauriers  de  la  Moselle. 

—  Un  public  nombreux  et  distingué  assistait,  le  31  mai ,  à  la  classe 
d'ensemble  de  M.  Duprez.  Cette  réunion  avait  pour  principal  but  l'audi- 
dion  d'une  jeune  élève  de  la  classe,  Mlle  Alice  Vois.  Elle  s'est  fait  entendre 
successivement  dans  quatre  morceaux,  entre  autres  le  duo  de  la  peur,  de 
la  Dame  blanche,  avec  M.  Léon  Duprez.  Sa  voix  est  d'une  grande  fraî- 
cheur et  d'une  pureté  de  timbre  remarquable  ;  elle  dit  avec  netteté,  avec 
expression,  et  son  jeu  scénique  est  sans  reproche.  Joignez  à  ces  qualités 
une  physionomie  des  plus  vives,  des  plus  avenantes,  une  tenue  d'une  dis- 
tinction rare,  et  jugez  de  l'accueil  qu'on  lui  a  fait.  Bien  plus,  toutes  les 
élèves  de  M.  Duprez  ont  associé  leurs  bravos  aux  bravos  de  l'auditoire. 

—  Berthelier  ne  s'en  tient  pas  aux  succès  qu'il  obtient  à  l'Opéra-Co- 
mique dans  les  différentes  créations  qui  lui  ont  été  confiées.  Les  réunions 
aristocratiques  parisiennes,  les  concerts,  les  sociétés  philharmoniques  se  le 
disputent,  car  il  n'est  pas  de  fête  musicale  complète  sans  les  chansonnettes 
de  Berthelier.  Tout  récemment  il  a  été  appelé  à  Sens,  Amiens,  Caen, 
Nantes,  Orléans,  Reims,  Reauvais  et  au  Mans.  Partout  il  a  recueilli  les 
applaudissements,  partout  on  lui  a  fait  promettre  de  revenir,  et  il  tiendra 
parole,  car  Rerthelier  pousse  l'amabilité  jusqu'à  la  reconnaissance  du 
plaisir  qu'il  cause  à  son  public. 

—  Les  séances  de  musique  vocale  d'ensemble,  qui  depuis  le  mois  de 
novembre  ont  eu  lieu  régulièrement  une  fois  par  semaine  chez  le  profes- 
seur Bouoldi,  ont  été  closes  jeudi  dernier,  au  grand  regret  des  élèves  qui 
les  suivaient  avec  un  vif  intérèl. 


—  La  sonate  que  M.  Krûger  nous  avait  fait  entendre  à  son  dernier 
concert,  avec  un  succès  si  mérité,  vient  enfin  de  paraître  chez  l'éditeur 
Maho.  Les  artistes  vont  donc  pouvoir  apprécier  à  la  lecture  l'œuvre  sé- 
rieuse qu'ils  avaient  si  justement  applaudie.  Grandeur  de  facture ,  am- 
pleur de  style,  recherches  harmoniques,  facilité  mélodique,  tout  cela  se 


rencontre  dans  la  nouvelle  sonate  de  M.  Krûger.  Déjà  le  pianiste-compo- 
siteur avait  illustré  les  remarquables  transcriptions  qu'il  fait  paraître 
chaque  année  d'un  de  ces  jalons  sérieux  qui  font  époque  dans  l'œuvre 
d'un  artiste.  Nous  voulons  parler  de  son  concerto,  auquel  la  sonate  nou- 
velle va  faire  un  digne  pendant.  Une  couleur  classique  très-prononcée 
préside  à  sa  conception.  On  y  sent  l'étude  et  le  culte  des  maîtres.  Comme 
plan  général,  la  sonate  de  M.  Kriiger  participe  de  la  manière  consacrée,  et 
est  divisée  en  quatre  morceaux  de  caractères  différents  ;  mais  dans  la  forme 
particulière  de  chacun  de  ces  morceaux  l'auteur  n'a  pas  craint  de  suivre 
les  élans  de  sa  personnalité  en  quittant  un  peu  les  traditions  réglemen- 
taires, ce  dont  nous  le  louons  infiniment.  L'art  vrai  veut  qu'on  cherche 
dans  certaines  limites,  et  savoir  rester  sage,  tout  en  innovant,  est  un  don 
assez  rare  pour  qu'on  l'encourage  lorsqu'il  se  rencontre. 

—  M.  Albert  Sowinski  vient  de  publier  un  quintette  pour  piano,  vio- 
lon, alto,  violoncelle  et  contrebasse,  dont  les  salons  dé  M™  Éra'rd  ont  eu 
la  primeur,  Il  se  compose  de  quatre  morceaux  :  1°  Allegro  con  moto; 
2"  Scherzo;  3°  Larghetto  espressivo  ;  k°  Final. —  Œuvre  87  ;  chez  les 
principaux  éditeurs  de  musique.  Cette  publication  s'adresse  aux  fidèles 
desservants  de  la  musique  de  chambre. 

—  L'orchestre  du  Concert  des  Champs-Elysées,  si  habilement  dirigé 
par  Musard,  vient  de  répéter  trois  morceaux  de  la  composition  de  M.  Sa- 
cré, chef  d'orchestre  de  S.  M.  le  roi  des  Belges.  La  musique  de  danse  de 
M.  Sacré  n'est  pas  connue  en  France  comme  elle  mérite  de  l'être,  et 
comme  elle  l'est  en  Belgique  et  en  Allemagne.  L'élégance,  la  distinction 
de  ses  idées  et  de  sa  facture,  le  placent  à  côté  des  Strauss.  Ses  valses,  ses 
polkas,  sont  dansantes,  entraînantes,  mais  toujours  musicales.  Les  artistes 
prennent  à  les  écouter  autant  de  plaisir  que  les  danseurs  à  les  danser.  Il 
évite  la  banalité  dans  ses  plus  légères  Muettes.  La  polka-mazurka  Bra- 
bant  et  la  redowa  Flandre,  dont  les  augustes  fils  du  roi  des  Belges  ont 
accepté  la  dédicace,  sont  deux  bijoux  artistement  ciselés.  La  valse  des  Gon- 
doliers est  charmante  ;  le  chœur,  qui  joue  là  un  rôle  tout  à  fait  nouveau, 
produit  un  excellent  effet.  Nous  sommes  persuadés  que  le  public  parisien 
ratifiera  le  jugement  des  dilleltantes  belges. 

—  Les  Hymnes  et  Chants  nationaux  de  tous  les  pays  ,  traduits  par  le 
comte  Eugène  de  Lonlay  et  publiés  avec  le  texte  musical  original,  et  de 
nouveaux  accompagnements  de  Max  Dapreval,  résument  une  œuvre  fort 
intéressante  qui  sera  sans  aucun  doute  fort  recherchée  par  tous  les  compo- 
siteurs. Prix  net  :  12  fr.,  édition  de  luxe  :  20  fr. 

—  Sous  le  titre  :  le  Siège  de  Gaëte,  M.  Stéphane  Carpentier  vient  de 
faire  paraître  chez  l'éditeur  Choudens  un  quadrille  militaire  des  plus 
brillants,  quadrille  dédié  à  Mme  Jules  Massy. 


—  Il  y  a  deux  ans,  M.  Debain,  facteur  de  pianos  et  d'harmoniums,  eut 
à  soutenir  un  procès  contre  divers  éditeurs  pour  la  reproduction  de  leurs 
propriétés  musicales,  au  moyen  du  pointage  sur  les  planchettes  affectées 
aux  pianos  mécaniques.  Le  Tribunal  et  la  Cour  ayant  jugé  que  ce  mode 
de  reproduction  rentrait  sous  le  coup  de  la  loi  de  1793,  M.  Debain  se 
soumit  à  la  chose  jugée,  et  traita  avec  les  principaux  éditeurs  de  musique 
du  droit  exclusif,  pendant  dix  ans,  de  reproduire  par  les  instruments 
mécaniques  les  œuvres  qui  leur  appartiennent.  Après  avoir  payé  à  cet 
effet  une  somme  qui  dépasse  60,000  fr.,  M.  Debain  offrit  à  ses  concurrents 
départager  avec  lui,  moyennant  un  droit  de  2  p.  °/0  sur  les  ventes  annuelles, 
le  droit  qu'il  tenait  des  éditeurs.  Plusieurs  acceptèrent;  mais  d'autres  refu- 
sèrent toutes  propositions  amiables.  Se  fondant  alors  sur  les  pouvoirs  qu'il 
avait  reçus,  comme  concessionnaire,  de  MM.  Escudier,  Lemoine,  Brandus 
et  C'e,  Boisselot  etCie,  A.  Leduc,  Colombier,  Grus,  Strauss,  Gambogi  frères, 
C.Philippe,  A.  Catelin,  Richault,  de  Choudens,  Pâté,  Heugel  et  C'e, 
Schonenberger,  etc.,  tous  éditeurs  de  musique,  M.  Debain  fit  saisir  chez 
douze  fabricants  ou  marchands  d'instruments  mécaniques  un  grand  nombre 
de  pièces  à  musique  représentant,  selon  leur  déclaration,  une  valeur  d'en- 
viron 32,000  fr.  Par  suite  de  cette  saisie,  les  sieurs  Lépée,  Masnata  ,  Remy 
et  Grosbert,  Bohviller,  Guillet,  Borel,  Marti,  Wurtel  etPieffort,  Hoffmann, 
Paillard,  Bissen,  Schwab  et  Marx,  ont  comparu  devant  de  Tribunal  correc- 
tionnel de  la  Seine  (6e  Chambre),  qui,  dans  son  audience  du  jeudi  30  mai, 
faisant  application  de  la  loi  du  19  juillet  1793,  les  a  condamnés  à  l'amende 
et  à  la  confiscation,  au  profit  des  éditeurs  et  de  M.  Debain,  des  instruments 
à  musique  saisis,  à  l'insertion  du  jugement  dans  deux  journaux  à  leurs 
frais,  et  aux  dépens. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  fié 


:  Jean-Jacques  Itou 


ÉCOLE  CLASSIQUE 


APPROUVEE  PAR  MM. 

AUBER,     A.    ADAM,     BERLIOZ,     BENOIST, 

BESOZZI,    PAUL   BERNARD,   CARAFA ,  CLAPISSON, 

F.  DAVID,  C.-A.  FRANCK,  GEVAERT,  GOUNOD, 

GODEFROID,  GORIA,  HALÉVY,  H.  HERZ,  KASTNER, 

KRUGER, LIMNANDER,  LACOMBE, 

LEFÉBURE-WÉLY,    LAURENT, 


DD 


APPROUVÉE  PAR  IBM. 

MEYERBEER,  MASSÉ,  MAILLART,  MATHIAS, 

NIEDERMEYER,   ONSLOW ,    PHILIPOT,    PRUDENT, 

PLANTÉ,  G.  ROSSINI,  REBER,  ROSENHAIN, 

STAMATY,  THALBERG,  THOMAS,  ZIMMERMANN, 

B/pes  COCHE,  MASSART,  MARTIN, 

T.    de    MALLEviLLE,    TORRAMORELL. 


ACCOMPAGNÉE  D'OBSERVATIONS  TRADITIONNELLES  SUR  LE  STYLE  DES  OEUVRES  CLASSIQUES  ET  LA  MANIERE  DE  LES  EXÉCUTER, 

REVUE,    DOIGTÉE         E@i&159P     A.     Wfàk  QS£Bi^^fekQ&HPlIIIIBIilllUl2llll W  PROFESSEUR 

ET 
ACCENTUÉE  PAR 


MARMONTEI* 


CATALOGUE. 

1.  Op.  1.  Rondo  en  ul  mineur  (pièce  élégante, 

originale),  dédié  à  M»»  de-Lindé.  (4.  D.)....    6    » 

2.  Op.  2.  La  ci  darem  la  mano,  de  Don  Juan, 

variations  pour   le  piano  (beau  morceau  de 
concert)  (F.  d.) 9    o 

3.  1"  Polonaise  brillante,  en  ul  majeur,  avec 

introduction  (morceau  à  effet)  (D.) 7  50 

U.    Op.  6.  Cinq  mazurkas,  dédiées^à  Mmc  la  com- 
tesse Pauline  Plater  (M.  D.) 6    d 

5.  Op.  7.  Quatre  mazurkas,  dédiées  à  M.  Johns, 

(M.D.) 6     0 

6.  Op.  9.  Trois  nocturnes,  dédiés  à  Mmc  Pleyel 

(très-mélodieux)  (M.D.) 7  50 

7.  Op.  10.  Premier  livre  d'études  (beau style) 

(t.  d.) 18    » 

8.  Op.  11.  Premier  concerto  en  mi  nat.  mineur 

(belle  œuvre)  (t.  d.) 15    » 

9.  Op.  15.  Trois  nocturnes,  dédiés  à  F.  Hiller  (d.)    6    » 

10.  Op.  16.  Rondo  en  mi  bémol,  dédié  à  M"c  Ca- 

roline Hartmann  (morceau  brillant)  (d.) 7  50 

11.  Op.  18.  Grande  valse  en  mi  bémol  (m.  d.).    6    » 

12.  Op.  19.  Boléro    (œuvre  gracieuse  et  rhyth- 

mique  (a.  d.) '  50 

13.  Op.  20.  Premier  scherzo,  dédié  à  M.  T.  Al- 

brecht  (d.) 7  50 

la.    Op.  21.  Deuxième  concerto  en   fa    naturel 

mineur  (belle  œuvre)  (T.  D.) 15    » 

15.  Op.  22.  Grande  polonaise,  précédée  d'un  an- 

dante  d'un  beau  style,    dédiée  à  Mme  d'Est 
(morceau  àeuet)  (t.  d.) 9    » 

16.  Op.  23.  Ballade  (très-poétique) ,  dédiée  à  M.  le 

baron  Stockhausen  (T.  D.) 7  50 

17.  Op.  25.  Deuxième  livre  d'études  (méineordre 

de  difïïcultéque  le  premier  livre)  (t.  d.)..  . .  18    » 

18.  Op.  20.  Deux  polonaises,  dédiées  a  M.  Des- 

sauer  (d.) 7  50 

19.  Op.  27.  Deux  nocturnes,  dédiés  à  Mmc  la  com- 

tesse d'Appony  ;mélodieux  et  expressifs)  (d.).    6    d 

20.  Op.  29.  Premier  impromptu  en  la  bémol  (ori- 

ginal et  très-joli  morceau),  dédié  a  Mllc  Caro- 
line de  Lobau  (D.) 6    D 

21.  Op.  31.  Deuxième  scherzo  en  si  bémol  mi- 

neur (beau  morceaua  effet)  dédié  à  MUe  Adèle 

de  Furstenstein  (D.) 9    » 

22.  Op.  32.  Deux  nocturnes  (très-remarquables), 

dédiés  à  Mmc  la  baronne  de  Billing  (A.  D.)  ..t    6    d* 
Op.  3Û.  Trois  valses  (délicieux  morceaux  de 
salon)  : 

23.  N"  1.  En  la  bémol,  dédiée  a  M""  de  Tliuu 

Hoheinstein  (a.  D.) G  » 

2ït.  N"  2.  En  la  mineur,  à  Mac  la  baronne  d'Ivry 

(A.  D) 6  » 

23.  N°  3.  En/anat.in3j.,aM"cd'Eichtlial(A.D.)  6  d 


<3"E  3â» 


OEUVRES  CHOISIES 


F.  CHOPIN. 


En  consacrant  toute  notre  4e  série  de  Y  Ecole  classique  du  Piano  à  une  nouvelle 
édition  des  œuvres  choisies  de  F.Chopin,  nous  devons  dire  dans  quelles  conditions 
cette  reproduction  a  été  faite  :  Chopin  écrivait  avec  soin  ses  indications  de 
nuances  et  d'expression,  nous  avons  donc  scrupuleusement  respecté  la  lettre 
écrite  dans  tous  ses  détails ,  nous  bornant  à  rectifier  nombre  de  fautes  de  gravure, 
à  rétablir  les  accents  et  les  accidents  oubliés ,  à  compléter  les  trop  rares  doigters 
des  éditions  primitives ,  en  indiquant,  de  plus ,  d'après  les  traditions  du  maître, 
le  caractère  d'exécution  qu'il  importe  de  donner  à  chaque  morceau. 

Les  recherches  harmoniques  de  F.  Chopin  ont  à  coup  sûr  leur  raison  d'être  et 
sont  d'une  orthographe  irréprochable  ;  mais  elles  exigent  une  correction  de  gra- 
vure d'autant  plus  rigoureuse  :  l'omission  du  moindre  accident  change  complète- 
ment le  sens  musical,  et  comme  les  retards  et  les  appogiatures  abondent  dans 
l'œuvre  de  ce  maître,  on  comprendra  facilement  combien  les  plus  légères 
inexactitudes  créent  des  impossibilités  d'exécution. 

D'autre  part,  la  forme  originale  et  les  contours  inusités  des  traits  de  la  musique 
de  Chopin  offrent  le  plus  souvent  des  doigters  exceptionnels  que  nous  avons  cru 
indispensable  d'indiquer ,  en  les  présentant  même  quelquefois  sous  des  aspects 
différents. 

Tel  a  été  le  travail  du  professeur,  complété  par  celui  de  l'éditeur  qui  a  reproduit 
chaque  œuvre  dans  une  nouvelle  disposition,  avec  une  gravure  plus  large ,  plus 
claire,  de  manière  à  faciliter  le  plus  possible  la  lecture  de  cette  musique,  difficile 
à  comprendre,  difficile  à  exécuter,  mais  dont  les  qualités  classiques  et  roman- 
tiques à  la  fois,  ne  peuvent  manquer  d'intéresser  et  d'attacher  les  amateurs  de 
l'école  ancienne  comme  ceux  de  l'école  moderne. 


CONSERVATOIRE: 

CATALOGUE. 

26.  Op.  35.  Sonate  en  si  bémol  mineur  (belle  mar- 

che funèbre)  (D.) 

27.  Op.  36.  Deuxième  impromptu  en  fa  dièse  ma- 

jeur (très-joli  morceau)  (d.) 

28.  Op.  37.  Deux  nocturnes  (le  premier  surtout 

est  remarquable  (A .  d.  ) 

29.  Op.  38.  Deuxtème  dallade  en  fa  majeur,  dé- 

diée à  M.  Robert  Scllumann  (D.) 

30.  Op.  40.  Deux  polonaises  (caractéristiques) 

dédiées  à  M.  Jules  Fontana  (D.) 

31.  Op.  ti3.  Tarentelle  originale  (d.) 

32.  Op.  Wi.  Polonaise  en  fa  dièse  mineur,  dédiée 

àMme  la  princesse  Charles  de  Beauveau  (d.).. 

33.  Op.  £i5.  Prélude,  dédié  à  Mmc  la  princesse  Tcher- 

niscbeff  (d.) .-;-. 

34.  Op.  G6.  Allégro  de  concert  (  belle  facture), 

dédié  Ul1»  Muller  (T.  D.) 

35.  Op.  Ul.  Troisième  ballade  en  fa  bémol  ma- 

jeur, dédiée  à  Mlle  de  Noailles  (T.  D.) 

Op.  a8.  Deux  nocturnes  (xiiic  et  xit"  siè- 
cles) ,  dédiées  à  Mlle  Duperré  : 

36.  N°  I.  En  ut  naturel  mineur 

37.  N"  2.  En  fa  dièse  mineur.... 

38.  Op.  50.  Trois  mazurkas,  dédiées  à  M.  Léon 

Szmitkowski  (A.  d.).... 

39.  Op.  51.  Troisième  impromptu  en  sol  bémol, 

dédié  à  M"16  la  comtesse  Eslerhazy  (d.) 

t»0.  Op.  53.  Huitième  polonaise  en  la  bémol  ma- 
jeur, dédiée  à  M.  Aug.  Léo  (t.  d.) 

Gl.  Op.  55.  Deux  nocturnes  (d'un  sentiment  de 
profonde  tristesse  ),  dédiés  à  MIle  SUrling 
(A.    D.) 

U2.    Op.  57.  Berceuse  (très-jolie  rêverie)  (D.) 

Ù3.    Op.  58.  Grande  sonate  en  si  mineur  (T.  D.).. 

ùft.    Op.  60.  Barcarolle  originale,  dédiéeàMmc  la 

baronne  de  Stockhausen  (T .  d  .) 

Û5.  Op.  61.  Polonaise,  fantaisie  en  la  bémol  ma- 
jeur, dédiée  à  M"10  Veyret  (t.  d  ,) 

1(6.  Op.  63.  Trois  mazurkas  dédiées  a  Mlle  Laure 
Crosnowska  (a.  d.) 

Op.  6&.  Trois  valses  (célèbres)  : 
!i7.  N"  1.  En  ré  bémol,  dédiée  a  M™  la  com- 

fesse  Potocka  (A.  d)  , 

Ii8.  N"  2.  En  «(dièse  mineur,  dédiée  à  M""  Na- 

thaniel  de  Rotschild  (A.  D.) 

tl9.            N°  3.  En  la  bémol,  dédiée  5   Mme  la  com- 
tesse Catherine  Branicka  (a.  d.) 

Vingt-quatre  préludes  : 

50.  Premier  livre  (M.  D.) 

51.  Deuxième  livre  (M.  d.) 

52.  Trois  études  (A.  D.) 


7  50 
7  50 


7  50 
5  » 
15    » 

7  50 

7  50 


(Signes  d'abréviations  :  F.,  facile.  — M.  D.,  moyenne  difficulté.  —  D.,  Difficile.  —  P.  D.,  peu  difficile. —  A.  D.,  assez  difficile.  —  T.  D.,  très-difficile.) 

N.  B.  Chaque  école,  chaque  maître,  ayant  ses  doigters,  ses  mouvements,  ses  nuances,  toutes  choses  privées  de  règles  absolues,  I'Édition-Marmontel  ne  prétend 

point  imposer  ses  indications  :  elle  se  borne  à  les  recommander  comme  étant  élaborées  avec  soin  d'après  les  traditions  et  les  autorités  les  plus  compétentes. 

Les  1",  2°"  et  S™""  Séries  de  cette  nouvelle  Édition,  se  composant  chacune  de  5S  Morceaux,  et  embrassant  toute  I'École  classique  du  Piano, 

depuis  BACH,   HAENDEl,,  SC4RLATTI  jusqu'à  nos  jours,  sont  publiées,  et  en  vente  au  Ménestrel. 

Les  4m0,  5rae  et  G""'  séries  sont  sous  presse  et  paraîtront  successivement. 

Paris,  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Yivienne,  HEUGEL  et  C",  Éditeurs  pour  la  France  et  l'Étranger. 

ABONNEMENT   A    LA    LECTURE  MUSICALE.  —  (FOURNISSEURS   DU    CONSERVATOIRE.)  VENTE   ET   LOCATION   DE   PIANOS. 

Toute  reproduction,  même  partielle,  des  doigtera,  accentuations  et  annotations  de  SB.lUHO.VrivL.,  est  rigoureusement  Interdite. 


770.  —  28e  Année. 

IV  39. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  16  Juin 

1861. 


3~*^5~g>> 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES   LOVY, 

i  Rédact'en  cher. 


LES  BUREAUX  ,  »  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL,  et  C'%  édileurs. 

(Ahy  Magasin?  et  Abonnement  do  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Vente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


1"  Mode  d'abonnement  :  JU>urnnl-Tcxto,  tous  les  dimanches;  to  Morceaux: 

Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  1  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2»  Mode  d'abonnement  :  Journol-Texte,  tous  les  dimanches  ;  16  Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Album*- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  : 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5«  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  l«rde  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1»' décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  teste  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser/Vanco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  iieukei.  et  C'«,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


rue  Jean-Jacques  Rousseau ,  8.  —  3627 


SWJOI.HKE. 


TEXTE. 


I.  Histoire  de  la  musique  en  France,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jnsqu'à  nos 
jours,  par  Ch.  Poisot.  Paul  Bernaro.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  — 
III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Chopin  et  ses  œuvres  (3«  article). 
H.  Barbedette.  —  IV.  Un  quatuor  d'amateurs  (2e  article).  J.  d'Ortigue.  — 
V.  Petite  chronique  :  Les  derniers  moments  de  Haydn.  —  VI.  Nouvelles  et 
Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour  : 

LES  ÉMERAUDES, 

Polka  de  L.  de  Pitray.  —Suivra  immédiatement  après:  la  Valse  de 
F.  Chopin,  Op.  64,  N°  1 ,  dédiée  à  Mme  la  CS9e  Potocka. 

CHANT: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant: 

LA  DANSE  MACABRE , 

Paroles  d'ARMANT  Livrât,  musique  de  E.  Lombard.  —  Suivra  immé- 
diatement après  :  Absent  !  poésie  de  M.  Léon  Halévy  ,  musique  de 
M.  de  Saint-Réjit,  mélodie  dédiée  à  Madame  la  Csse  de  Morny. 


HISTOIRE  DE  LA  MUSIQUE  M  FRANCE 

DEPUIS    LES   TEMPS   LES    PLUS   RECULÉS  JUSQU'A   NOS   JOURS, 
PAR 

CHARLES  POISOT  (1). 

Voici  un  livre  nouveau,  dont  l'idée  surtout  est  fort  nouvelle. 
Bien  des  choses  déjà  ont  été  dites  sur  la  musique,  bien  des  essais 
se  sont  tentés  en  ce  genre,  bien  des  recherches  ont  été  faites  , 
jamais  encore  une  histoire  spéciale  de  la  musique  en  France 
n'avait  été  écrite,  et  c'est  à  M.  Ch.  Poisot  qu'appartiendra  désor- 
mais l'honneur  de  l'initiative  pour  une  idée  aussi  éminemment 
nationale. 

Que  des  écrivains ,  que  des  artistes  de  chaque  pays  suivent 

(1)  Un  volume,  chez  Dentu,  libraire. 


maintenant  l'exemple  qui  vient  de  leur  être  donné  chez  nous  ; 
qu'en  Italie ,  qu'en  Allemagne,  qu'en  Angleterre  même,  on 
écrive  des  histoires  particulières  de  la  musique,  et  de  toutes  ces 
recherches  spéciales,  de  tous  ces  travaux  disséminés,  mais  ten- 
dant vers  le  même  but  et  inspirés  par  le  même  amour  de  l'art, 
sortira  nécessairement  une  histoire  générale  de  la  musique  , 
c'est-à-dire  une  arche  sainte  et  impérissable,  dépositaire  de  tous 
les  secrets,  de  toutes  les  traditions  ,  de  toutes  les  phases  musi- 
cales, monument  cher  aux  artistes,  précieux  pour  l'avenir,  et 
dont  M.  Ch.  Poisot  aura  posé  l'une  des  premières  pierres. 

L'auteur,  comme  il  le  dit  lui-même  dans  sa  préface,  n'a 
guère  fait  que  compulser,  relever,  réunir  des  matériaux  épars 
de  mille  côtés;  mais  là,  plus  qu'ailleurs  peut-être,  l'union  fait 
la  force;  le  fait  égaré  et  sans  portée  s'appuie  sur  un  fait  solidaire, 
et  il  résulte  de  cet  ensemble  de  recherches  un  ouvrage  sérieu- 
sement conçu,  sagement  traité,  de  la  lecture  duquel  on  gardera 
un  enseignement  clair  et  précis ,  et  qu'on  pourra  toujours  con- 
sulter, certain  d'y  rencontrer  de  précieux  documents  et  de  cu- 
rieuses observations. 

Le  plan  de  l'ouvrage  indique  qu'il  passe  en  revue  tous  les 
genres  de  musique,  depuis  la  chanson  qui  en  est  le  rire,  jusqu'à 
la  musique  religieuse  qui  en  est  l'âme  ;  toutes  les  époques, 
depuis  le  bardisme  qui  en  est  le  berceau,  jusqu'au  xixe  siècle 
qui  en  est  la  vie  moderne.  Le  lecteur  y  trouvera  la  transforma- 
tion successive  du  chant  druidique,  que  le  christianisme  dégagera 
de  sa  barbarie  primitive  pour  le  rendre  plus  poétique,  plus 
immense,  plus  divin.  De  la  musique  ecclésiastique  ou  liturgique 
sortiront  à  leur  tour  les  mystères,  drames  sacrés,  qui  seront  le 
premier  mot  du  genre  dramatique.  La  Renaissance  viendra  alors 
séparer  les  styles,  dessiner  les  écoles ,  créer  les  formes  et  les 
allures  distinctes.  L'auteur,  suivant  une  à  une  toutes  ces  transi- 
tions, analyse  tour  à  tour  la  musique  religieuse,  l'opéra,  la 
musique  instrumentale,  la  chanson  et  le  vaudeville ,  vérita- 
ble point  de  départ  de  notre  opéra-comique ,  que  nous  pou- 


226 


LE  MÉNESTREL. 


vons  revendiquer  comme  genre  national.  Dans  celte  analyse 
détaillée,  quoique  rapide,  tous  les  auteurs,  tous  les  innovateurs 
sont  nommés  ainsi  que  leurs  ouvrages.  On  voit  éclore  tous 
les  genres,  s'ouvrir  et  se  succéder  tous  les  théâtres ,  naître  et 
s'amener  l'un  par  l'autre,  comme  les  perles  d'un  collier,  tous  les 
maîtres,  tous  les  chefs-d'œuvre.  Arrivé  à  nos  jours,  M.  Poisot 
esquisse  vivement  et  d'une  manière  délicate  tous  nos  compo- 
siteurs contemporains,  leur  vie,  leurs  tendances  et  leurs  œu- 
vres. Puis  il  termine  en  émettant  des  vœux  pour  l'avenir,  et  en 
proposant  certaines  réformes  où  l'on  sent  les  réflexions  sérieuses 
du  penseur,  de  l'artiste  et  de  l'homme  de  bien.  Mentionnons 
encore  un  appendice  contenant  le  répertoire  choisi  de  l'Opéra 
(152  partitions  avec  les  noms  des  auteurs,  depuis  1581  jusqu'à 
1860  ) ,  et  celui  de  l'Opéra-Comique  (  825  ouvrages ,  depuis 
1285  jusqu'à  1860). 

On  le  voit,  le  livre  de  M.  Poisot  est  multiple  dans  ses  détails, 
quoique  unitaire  dans  sa  forme.  On  y  rencontre  une  masse  de 
renseignements  qui  se  trouvaient  noyés  dans  des  documents 
trop  nombreux  pour  qu'on  pût  les  consulter.  C'est  donc  un  véri- 
table service  que  cet  artiste  consciencieux  vient  de  rendre  à  ses 
confrères.  Toute  bibliothèque  musicale  ou  historique  devra 
s'enrichir  de  ce  nouvel  ouvrage,  et  nous  sommes  heureux  d'a- 
dresser ici  nos  félicitations  à  M.  Ch.  Poisot,  que  nous  ne  con- 
naissions jusqu'ici  que  comme  un  musicien  de  talent,  et  qui 
vient  de  se  révéler  écrivain  érudit  et  penseur  plein  de  charme. 
M.  Poisot  est  un  travailleur  opiniâtre,  un  de  ces  chercheurs 
comme  il  en  faut  sur  les  terres  avancées  de  la  science  et  du 
nouveau  monde.  Arrachant  à  l'art  ses  secrets,  au  passé  ses  en- 
seignements, au  sol  vierge  le  métal  précieux,  ils  consacrent  leurs 
travaux  au  bien-être  de  tous  et  recueillent  rarement  le  fruit  de 
leurs  fatigues  et  de  leurs  veilles.  Mais  la  société  est  là  qui  reçoit 
tous  ces  bienfaits  ;  l'or  circule,  et  avec  lui  l'aisance  et  le  bonheur; 
la  science  s'enrichit ,  l'art  se  répand ,  et  par  eux  les  mœurs 
s'épurent,  les  nations  se  rapprochent,  l'homme  devient  meilleur 
et  s'élève  vers  Dieu.  Encore  une  fois,  encourageons  les  heureux 
travaux  de  M.  Ch.  Poisot,  que  dans  sa  modestie  il  nous  présente 
comme  des  essais,  mais  qui  n'en  sont  pas  moins,  comme  nous 
l'avons  déjà  dit,  les  premiers  éléments  d'une  histoire  générale 
de  la  musique,  éléments  sérieux  et  souvent  ingrats,  auxquels  il 
a  su  donner  l'attrait  de  la  nouveauté  et  le  charme  d'un  aimable 
enseignement. 

Paul  Bernard. 


SEMAINE  THEATRALE. 

Nous  avions  annoncé,  avec  plusieurs  de  nos  confrères,  que 
M.  Berlioz  était  chargé  de  diriger  les  études  de  YAlceste  a 
I'Opéra  ;  mais  il  paraîtrait  que  le  symphoniste  a  décliné  l'hon- 
neur que  M.  Alphonse  Boyer  voulait  lui  faire.  En  revanche, 
on  nous  assure  que  l'opéra  de  M.  Berlioz,  les  Troyens,  vient 
d'être  définitivement  reçu  par  l'administration  de  l'Académie 
impériale  de  Musique.  On  sait  que  cette  œuvre  inédite  était 
destinée  au  Théâtre-Lyrique;  mais  d'autres  considérations  ont 
prévalu.  En  s'adjugeant  les  Troyens,  l'Opéra  croit  accomplir  un 
acte  de  justice  ;  en  effet,  il  eût  été  véritablement  injuste  que 
notre  première  scène  lyrique,  si  hospitalière  envers  certains 
compositeurs  étrangers,  —  dont  quelques-uns  ont  si  étrange- 
ment répondu  à  ce  qu'on  attendait  de  leur  quasi-célébrité, — 
restât  fermée  à  une  gloire  française.  L'Indépendance  Belge  nous 


donnait  l'autre  jour,  par  la  plume  de  son  correspondant  Eraste 
(pseudonyme  de  notre  feuilletoniste  J.-J.)  un  aperçu  très-dé-  . 
veloppé  de  l'opéra  de  M.  Berlioz,  avec  citations  de  quelques 
fragments  du  poème.  A  en  juger  par  ces  extraits,  les  Troyens 
constitueraient  un  libretto  très-remarquable,  et  l'auteur  se  se- 
rait également  distingué  et  comme'poëte  et  comme  musicien. — 
On  prépare  un  grand  ballet  pour  Mme  Ferraris,  l'Étoile  de 
Séville,  composé  par  un  chorégraphe  italien,  il  signor  Borri. — 
La  Reine  de  Saba,  de  Gounod,  ne  sera  toujours  représenté  que 
l'hiver  prochain. 

Au  Théâtre-Français  on  répète  les  Comédiens,  de  Casimir 
Delavigne,  qui  n'ont  pas  été  représentés  depuis  quatre  ans.  Les 
principaux  interprètes  seront  Monrose,  Maillart ,  Mlles  Fix, 
Bonval  et  Figeac.  —  La  spirituelle  comédie  de  M.  Legouvé, 
Un  Jeune  Homme  qui  ne  fait  rien,  a  vu  croître  son  importance 
par  la  façon  distinguée  dont  Bressant  remplit  le  principal  rôle. 
Cette  pièce  renferme  en  outre  toute  une  scène  de  chant  avec  ac- 
compagnement de  piano  :  là,  de  fort  belles  stances  françaises, 
reproduisant  les  Adieux  à  la  vie,  du  poète  allemand  Koerner, 
sont  adaptées  à  un  fragment  de  l'émouvante  Marche  funèbre  de 
Chopin.  Or  Bressant,  en  chantant  ce  morceau,  lui  imprime  un 
cachet  de  grâce,  d'expression  et  de  pureté,  que  lui  envierait  à 
juste  titre  maint  ténor  de  nos  théâtres  lyriques  :  c'est  un  véri- 
table succès  musical,  et  le  morceau  est  bissé  à  chaque  représen- 
tation :  on  se  croirait  dans  la  salle  Herz. 

A  I'Opéra-Comique,  Bataille  devait  effectuer  cette  semaine  sa 
rentrée  dans  l'Étoile  du  Nord;  mais  c'est  Troy  qui  l'a  remplacé. 
Mme  Cabel  rentrait  dans  le  rôle  de  Catherine,  qu'elle  n'a  pu 
chanter  que  deux  fois  :  la  gracieuse  fauvette  n'a  pas  encore  tout 
à  fait  accompli  la  période  de  ses  pérégrinations.  —  On  pré- 
pare, pour  la  rentrée  de  Montaubry,  une  reprise  du  Postillon 
deLongjumeau.  —  Mercredi  dernier,  M.  Crosli  jouait  pour  la 
première  fois  le  rôle  du  duc  d'Aiguillon  dans  Maître  Claude;  sa 
réussite  a  été  complète. 

Le  Vaudeville,  qui  continue  à  chercher  sa  voie,  nous  a  donné 
une  comédie  en  trois  actes  de  MM.  Devicque  et  Crisafulli.  Cette 
pièce,  qui  a  toutes  les  allures  d'un  drame,  est  fort  bien  jouée 
par  Mmes  Fargueil,  Pierson,  MM.  Munie,  Parade,  fAubrée, 
Chaumont,  Hamburger. 

L'Ambigu  répète  activement  le  Monstre  et  le  Magicien,  drame 
fantastique  de  M.  Ferdinand  Dugué.  L'auteur,  en  l'honneur  de 
cette  reprise,  a  augmenté  son  œuvre  de  quatre  tableaux.  Ce 
drame  servira  de  début  au  mime  américain  F.  Ravel. 

L'ouverture  du  théâtre  du  Chalet  des  Iles  a  eu  lieu  jeudi 
dernier.  Un  temps  magnifique  avait  favorisé  l'inauguration  de 
cette  scène  foraine,  champêtre  et  presque  nautique  ,  car  il  faut 
passer  l'eau  pour  s'y  rendre.  L'inauguration  s'est  faite  par  un 
prologue  de  circonstance  :  le  Spectacle  en  plein  air,  musique  de 
M.  Mangeant,  prologue  suivi  d'une  opérette  :  les  Amours  a"un 
Schah....  de  Perse,  musique  de  M.  Barbier,  qui  a  dirigé  l'or- 
chestre en  personne.  Les  deux  compositeurs  méritent  des  éloges, 
ainsi  que  leur  prima  donna,  M"e  Chrétienno,  douée  d'une  jolie 
voix  et  d'un  extérieur  fort  agréable.  MM.  Dubois  et  Marchand 
ont  également  plu  au  public.  On  a  nommé  M.  Perée,  —  lisez 
M.  Gerlpré  pour  les  paroles  du  schah,  et  l'on  assurait  que 
M.  Ch.  Bridault,  le  directeur  de  ce  nouveau  théâtre,  n'était 
étranger  ni  à  l'une  ni  à  l'autre  des  deux  pièces. 

J.  Lovy. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


227 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
F.  CHOPIN  ET  SES  ŒUVRES. 

IV  (1). 

Parlons  maintenant  des  compositions  secondaires  de  Chopin, 
avec  orchestre,  ce  sont  : 

1°  Sa  Fantaisie  sur  des  airs  polonais  ;  intéressante  composi- 
tion dans  laquelle  sont  présentés,  avec  beaucoup  d'art,  certains 
airs  nationaux  bien  enchaînés,  bien  traités  et  soutenus  par  une 
remarquable  instrumentation  ; 

2°  Krokowiack ,  grand  rondo  de  concert,  énergique,  fou- 
gueux, sauvage,  riche  de  traits,  une  œuvre  grande  et  magistrale; 

3°  Enfin  une  grande  Polonaise,  précédée  d'une  poétique  in- 
troduction. Dans  la  Polonaise  proprement  dite,  qui  est  très- 
vigoureuse,  Chopin  a  trop  sacrifié  au  brillant,  à  la  bravoure. 

De  tous  les  instruments  autres  que  le  piano,  celui  que  Chopin 
préférait  était  le  violoncelle;  ses  sons  voilés  et  mélancoliques 
convenaient  à  la  nature  de  son  talent.  Plusieurs  fois  il  eut  re- 
cours à  cet  auxiliaire  :  le  violon  lui  semblait  trop  éclatant.  La 
Polonaise  dédiée  à  Merk  est  une  œuvre  de  jeunesse,  pleine  d'en- 
train, de  verve.  Elle  appartient  à  la  première  manière  de  l'au- 
teur ;  —  elle  a  été  arrangée  pour  piano  seul  à  deux  et  à  quatre 
mains. 

Le  duo  avec  Franchomme  sur  Robert  est  d'une  bonne  facture. 
Ce  morceau  produisait  toujours  grand  effet  quand  Franchomme 
le  jouait  avec  Chopin.  Toutefois,  on  sent  que  ce  dernier  est  mal 
à  l'aise  lorsqu'il  s'exerce  sur  un  fonds  qui  n'est  pas  le  sien  ; 
aussi  l'aimons-nous  mieux  dans  sa  belle  sonate  avec  violon- 
celle (op.  65),  page  remarquablement  écrite  au  point  de  vue 
scientifique,  appropriée  au  génie  des  deux  instruments,  remplie 
de  détails  d'une  exquise  délicatesse,  ne  s'élevant  peut-être  pas 
à  des  proportions  très-élevées,  mais  tenant  constamment  sous 
le  charme  des  qualités  propres  à  Chopin,  la  sensibilité  et  la  grâce 
touchante. 

Nous  sommes  amené  à  parler  du  trio  pour  piano,  violon  et 
violoncelle.  Ce  n'est  évidemment  pas  une  œuvre  parfaite,  clas- 
sique, régulièrement  construite.  La  partie  de  piano  est  trop 
compliquée  ;  le  final  surtout  contient  trop  de  notes,  et  le  rhylhme 
en  est  défectueux.  Il  y  a  loin,  en  un  mot,  de  ce  morceau  aux 
chefs-d'œuvre  du  genre,  —  nous  voulons  dire  aux  trios  de  Bee- 
thoven, de  Schubert  et  de  Mendelssohn;  —  mais  ce  n'est  pas 
une  composition  dépourvue  de  charme;  elle  renferme  parfois 
de  si  beaux  chants,  de  si  heureuses  transitions  ,  des  effets  si 
inattendus  et  si  saisissants,  qu'on  ne  peut  s'empêcher  de  la  jouer 
avec  un  plaisir  véritable.  L'adagio  seul  suffirait  à  classer  ce 
trio  parmi  les  œuvres  importantes  de  Chopin.  L'exécution  en 
est  difficile,  mais  l'ensemble  des  instruments  une  fois  obtenu, 
rien  ne  saurait  décrire  l'effet  émouvant  de  cette  belle  page. 

Telles  sont  les  œuvres  pour  lesquelles  Chopin  a  demandé  un 
auxiliaire  à  son  instrument  favori.  Nous  allons  maintenant,  en 
passant  sur  quelques  arrangements  d'importance  secondaire  et 

(1)  Op.    3.  —  Polonaise  pour  piano  et  violoncelle,  à  Joseph  Merck. 

—  Duo  sur  Robert  le  Diable  (avec  Franchomme) ,  à  Mlle  Adèle 

Forest,  pour  piano  et  violoncelle. 
Op.  65.  —  Sonate  pour  piano  et  violoncelle,  à  Franchomme. 
Op.    8.  —  Trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  au  prince  Antoine 

Radziwill. 

—  Rondo  à  deux  pianos  (poslhume  1828). 


sur  un  rondo  à  deux  pianos  (posthume),  court  et  d'assez  bel 
effet,  composé  en  1828,  aborder  Chopin  dans  son  véritable  do- 
maine, la  musique  de  piano  seul. 


Chopin  était  un  talent  tout  intime  :  —  il  détestait  le  bruit,  la 
publicité;  il  ne  se  livrait  qu'à  son  corps  défendant,  et  quand  il 
se  livrait,  on  peut  dire  qu'il  n'était  pas  véritablement  lui-même. 
Sa  propre  nature  ne  se  révélait  que  dans  l'intimité  la  plus  res- 
treinte, dans  une  demi-solitude  et  presque  dans  l'obscurité. 
Alors  il  était  admirable.  Tous  ses  amis  l'attestent  :  le  souffle 
poétique  s'emparait  de  lui  et  lui  inspirait  les  plus  merveilleux 
accents.  Ses  improvisations  avaient  quelque  chose  de  profondé- 
ment sympathique,  qui  suscitait  l'émotion  et  provoquait  les 
larmes.  —  Cette  âme  délicate  et  tendre  souffrait.  Pour  échapper 
à  cette  poignante  douleur,  qui  sans  cesse  la  poursuivait,  elle 
s'enfuyait  dans  le  monde  des  rêves,  tout  peuplé  de  lutins  et  de 
fées;  à  ce  peuple  charmant ,  fils  de  la  poésie  et  de  l'espérance, 
Chopin  disait  sa  peine  et  il  la  disait  en  accents  qui  déjà  n'étaient 
plus  de  ce  monde.  Puis,  quand  il  se  réveillait  de  cette  extase, 
qu'il  lui  fallait  lourdement  tomber  sur  le  terrain  de  la  réalité, 
un  déchirement  se  faisait  en  lui.  Voulait-il  fixer  sur  le  papier 
les  merveilles  qu'il  venait  de  produire,  il  ne  les  retrouvait  plus, 
ou  tout  au  moins,  ne  pouvait-il  les  ressaisir  que  par  précieux 
lambeaux  ;  aussi  doit-on  craindre  que  ses  compositions  écrites, 
si  admirables  qu'elles  soient,  n'atteignent  pas  à  la  hauteur  de  ses 
improvisations. 

Chopin  avait  parfois,  dans  son  jeu,  de  sourdes  colères  et  des 
rages  étouffées.  «  Ces  sombres  apostrophes  de  sa  muse  ,  a  dit 
F.  Liszl,  ont  passé  plus  inaperçues  que  ses  poèmes  d'un  plus 
tendre  coloris.  »  C'est  que  Chopin  était  en  proie  à  une  de  ces 
maladies  qui  empirent  d'année  en  année,  et,  dans  maintes  pro- 
ductions, il  a  mis  la  trace  des  souffrances  aiguës  qui  le  dévo- 
raient ;  il  faut  aussi  tenir  compte  du  caractère  particulier  de  sa 
race.  —  «  Les  Slaves,  a  dit  Henri  Blaze  (1),  ont  dans  leurs 
instincts  quelque  chose  de  saccadé  et  de  sauvage.  Quiconque  a 
connu  Chopin  a  pu  observer  à  loisir  comment,  chez  lui,  cette 
rudesse  du  sol  natal  avait  été  modifiée  par  des  conditions  toutes 
personnelles  d'élégance  et  de  distinction,  et  pourtant,  ajoute 
M.  Blaze,  cette  physionomie  languissante  avait  des  éclairs  d'im- 
patience et  de  colère;  cette  nalure  douce  et  fine  avait  ses  em- 
portements, sa  brusquerie  et  ses  soubresauts,  empreintes  origi- 
naires, souvenirs  du  sol  barbare  dont  la  trace  énergique  et  pro- 
fonde se  révèle  en  plus  d'une  de  ces  mazourkes  si  peu  comprises 
de  la  foule,  qui  n'en  saisit  que  le  côté  frivole.  Telle  note  que 
vous  trouvez  originale  n'est  peut-être  que  le  réveil  d'une  dou- 
leur atroce,  et  l'âme  d'un  grand  poète  a  saigné  à  ce  cri  de 
désespoir.  »  —  Chopin  évitait  du  reste  de  jouer  en  public  et 
même  dans  le  cercle  de  son  intimité  les  productions  de  cette 
nature;  il  n'aimait  qu'à  livrer  le  côté  doux  et  affectueux  de  son 
talent.  Disons  aussi  que  son  organisation  débile  ne  lui  permet- 
tait pas  l'expression  énergique  de  la  passion.  Les  moyens  d'exé- 
cution lui  ont  manqué.  Se  révéler  au  public  dans  tout  ce  que  sa 
pensée  avait  de  force  et  d'étendue,  il  ne  le  pouvait  pas.  Selon 
l'expression  de  M.  Blaze,  «  sa  main  trahissait  son  génie.  » 

Chopin  négligea  de  bonne  heure  le  secours  de  l'orchestre 
pour  se  renfermer  dans  le  cadre  exclusif  du  piano.  Aussi  cet 
instrument  était-il  devenu  comme  un  organe  de  lui-même,  au 

(1)  Musiciens  contemporains,  p.  114  à  US. 


228 


LE  MÉNESTREL. 


travers  duquel  il  pensait  ;  il  se  l'identifiait,  il  en  tirait  sans  effort 
le  langage  au  moyen  duquel  il  exprimait  ses  souvenirs,  ses  re- 
grets et  ses  espérances  (1). 

Nous  aurons  plus  d'une  fois  à  revenir  sur  le  caractère  de  la 
musique  de  Chopin.  Disons  tout  de  suite  que,  comme  pianiste, 
Chopin  n'appartient  à  aucune  époque  ;  —  il  ne  procède  d'au- 
cun maître  ;  c'est  un  penseur  solitaire  qui  se  crée  à,  lui-même  sa 
langue  et  ses  formules.  Il  ne  laissera  pas  d'école  après  lui  ;  il 
mourra  tout  entier.  Il  connaît,  de  plus,  toutes  les  ressources 
de  la'science  ;  il  s'en  sert  avec  une  habileté  sans  égale  ;  mais 
cette  habileté  n'est  pas  de  la  recherche  ;  sa  pensée  sort  de  son 
cerveau  comme  une  Minerve  tout  armée. 

Nous  allons  étudier  tout  d'abord  les  œuvres  classiques  de 
Chopin,  les  sonates  (2). 

La  première  sonate  de  Chopin  est  son  œuvre  4,  en  ut  mineur; 
elle  est  intéressante  comme  travail  scientifique  ,  mais  peu  heu- 
reuse comme  mélodie.  Le  larghetto  est  à  cinq  temps.  Nous  pour- 
rions signaler,  en  ce  genre,  plusieurs  tentatives  faites  de  nos 
jours  par  des  artistes  de  talent  (3).  Il  sera  toujours  difficile  de 
populariser  des  rhythmes  inusités  ;  l'oreille  est  faite  aux  rhyth- 
mes  anciens,  et  rien  n'indique  qu'elle  puisse  se  plier  sitôt  à  de 
nouvelles  habitudes.  La  partie  la  plus  brillante  de  la  sonate  est 
le  final,  qui  n'est  pas  dépourvu  d'animation  et  de  couleur. 

L'œuvre  35  est  une  page  émouvante,  peut-être  la  manifestation 
artistique  la  plus  douloureuse  qui  se  soit  jamais  produite.  On 
pourrait  comparer  le  premier  morceau  à  une  suite  de  sanglots, 
deux  fois  interrompus  par  un  chant  religieux  d'une  inspiration 
vraiment  sublime.  Le  style  haletant,  entrecoupé  de  cette  pièce, 
cause  une  émotion  réelle  et  oppresse  jusqu'aux  larmes.  Le 
scherzo,  dramatique,  mouvementé  à  l'excès,  est  d'un  caractère 
moins  douloureux.  Léchant  du  trio  est  d'une  poésie  et  d'une 
pureté  radieuses.  Vient  ensuite  cette  merveilleuse  marche  funè- 
bre instrumentée  par  Reber,  qui  fut  dite  aux  funérailles  de  Cho- 
pin, et  qui  résume  en  elle  toutes  les  douleurs  humaines.  On  ne 
saurait  dire  le  malaise  que  vous  cause  la  première  partie  de  cette 
pièce:  on  se  croit  au  fond  d'un  cachot;  pendant  le  trio,  il  vous 
semble  bien  que  la  lumière  pénètre  un  instant,  mais  la  nuit  se 
fait  vite,  et  cette  lumière  du  ciel  ne  fait  que  rendre  plus  lourde 
la  pierre  qui  vous  enferme  vivant  au  fond  du  sépulcre  (4) .  — 
Qui  saurait  peindre  maintenant  le  caractère  étrange  du  final  ? 
ce  trait  identique  aux  deux  mains,  à  un  octave  d'intervalle,  sans 
repos,  presque  sans  nuances,  à  demi-voix  ;  c'est  Lazare  grattant 
de  ses  ongles  la  pierre  de  son  tombeau  et  tombant  épuisé  de  fa- 
tigue, de  faim  et  de  désespoir.  En  vérité,  cette  sonate  n'est-elle 
pas  l'oraison  funèbre  de  l'héroïque  Polognel 

La  sonate,  op.  58,  est  plus  régulièrement  construite,  plus 
pure  et  plus  classique  dans  la  forme;  mais  elle  n'est  pas  émou- 
vante comme  son  aînée,  et  perd  à  être  rapprochée  d'elle.  L'ex- 


il) Quand  je  suis  mal  disposé,  disait  Chopin,  je  joue  sur  un  piano 
d'Ërard  et  j'y  trouve  facilement  un  son  fait.  Mais,  quand  je  me  sens  en 
verve  et  assez  fort  pour  trouver  mon  propre  son,  à  moi,  il  me  faut  un 
piano  de  Pleyel. 

(2)  Op.    4.  —  Première  sonate  en  ut  mineur . 
Op.  3o-  —  Deuxième  sonate. 

0p_  58.  —  Troisième  sonate,  à  la  comtesse  de  Pcrthuis. 

(3)  Ces  tentatives  ne  sont  pas  nouvelles  ;  —  l'introduction  du  deuxième 
caprice  de  Clementi  (op.  47)  est  écrite  en  cinq  temps.  — Un  essai  bien 
réussi  est  celui  de  Boïeldieu.dans  un  passage  célèbre  de  la  Dame  Blanche. 

(4)  Chopin  a  composé  une  deuxième  marche  funèbre  (posthume— 1829) 
très-remarquable  aussi,  mais  sans  comparaison  possible  avec  la  première. 


pression  en  est  toujours  neuve  cependant,  et  si  la  fantaisie  sem- 
ble parfois  entraîner  l'auteur,  elle  conserve  du  moins  tout  son 
charme,  toute  sa  pureté,  toute  sa  distinction,  dans  l'exubérance 
même  de  ses  développements.  Nous  signalerons  particulièrement 
le  premier  morceau,  l'adagio  et  le  scherzo  de  cette  sonate,  op.  58. 

Telles  sont  les  sonates  de  Chopin;  elles  sont  au  nombre  de 
quatre,  en  y  comprenant  la  sonate  avec  violoncelle.  —  A  part 
l'œuvre  35,  qui  se  rapproche  beaucoup  de  la  fantaisie,  on  peut 
dire  que  ce  sont  plutôt  des  œuvres  bien  faites  que  des  œuvres 
émouvantes. —  On  a  fait  remarquer  avec  raison  que  l'inspira- 
tion de  Chopin  était  fantasque,  irréfléchie.  Ses  allures  ne  pou- 
vaient être  que  libres.  Il  semble  qu'il  ait  violenté  son  génie 
chaque  fois  qu'il  a  cherché  à  l'astreindre  aux  règles,  à  la  classi- 
fication, à  une  ordonnance  enfin  qui  ne  pouvait  concorder  avec 
les  exigences  de  son  esprit. 

Parmi  les  pièces  classiques  de  Chopin,  on  doit  citer,  après  ses 
sonates,  deux  rondos  et  un  allegro  (5). 

Le  premier  rondo  serait,  d'après  le  numéro  sous  lequel  il  est 
classé,  la  première  composition  écrite  de  Chopin.  C'est  un  mor- 
ceau remarquable  d'entrain,  de  jeunesse  et  d'ardeur,  cachet 
assez  rare  dans  les  œuvres  du  maître,  et  qu'on  ne  peut  signaler 
que  dans  les  productions  de  ses  plus  jeunes  années.  L'arrange- 
ment à  quatre  mains  est  très-bien  fait  et  préférable  à  la  pièce 
originale. 

Le  deuxième  rondo  (op.  16)  est  bien  supérieur.  L'introduc- 
tion est  très-belle  et  très-poétique.  Le  rondo  proprement  dit, 
dans  son  début,  rappelle  prodigieusement  le  style  de  Field;  — 
signalons  le  beau  chant  que  renferme  ce  rondo,  chant  d'une 
martiale  et  fière  allure. 

L'allégro  de  concert  (op.  46)  est  magistral.  Il  appartient  à 
cette  époque  de  la  carrière  de  Chopin  où  son  style  est  fixé,  et  à 
l'un  de  ces  rares  moments  où  il  a  su  lui  donner  de  l'énergie,  de 
la  fougue  et  de  la  précision.  Il  n'y  a  rien  de  nuageux  dans  cette 
œuvre.  Les  chants  sont  grandioses  ;  on  regrette  même  que  ce 
bel  allegro  ne  soit  pas  soutenu  par  un  orchestre  puissant,  dont 
la  place  est  du  reste  indiquée  par-  la  coupe  du  morceau  et  les 
vigoureux  tutti  qui  interviennent. 

H.  Rarbedette. 

.(  La  suite  au  prochain  numéro.} 


m  QUATUOR  D'AMATEURS. 

IL 

Tout  en  prêtant  une  oreille  aux  révélations  rétrospectives  de  la 
comtesse,  Stéphen  réservait  l'autre  à  la  musique  du  comte,  qui 
allait  toujours  son  train.  L'association  de  ces  trois  instruments 
l'avait  d'abord  déroulé  ;  néanmoins,  il  finit  par  se  rendre  compte 
de  ce  qu'il  entendait  et  sut  fort  bien  reconnaître,  dans  le  mor- 
ceau exécuté,  un  quatuor  d'Ignace  Pleyel,  pour  deux  violons, 
alto  et  basse. —  Mais  pourquoi  ce  ba,sson,  se  disait-il?  pourquoi 
cette  clarinette?  Et  la  partie  d'alto,  qu'est-elle  devenue?  serait-ce 
une  réduction?  serait-ce  un  arrangement?  Stéphen  n'y  com- 
prenait rien. 

Pardon,  mesdemoiselles;  mais  permettez-moi  d'interrompre 
un  instant  les  réflexions  des  Stéphen  pour  vous  adresser  une 
question  que  je  serais  désolé  que  vous  trouvassiez  incivile  ou  in- 

(5)  Op.    t.  —  Premier  rondo,  à  M.  de  Linde, 
Op.  16.  —  Deuxième  rondo,  à  MUe  Hartmann. 
Op.  46.  —  Allegro  de  concert,  à  Mlle  Muller. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


229 


discrète.  Je  voudrais  vous  demander  si  vous  savez  ce  que  c'est 
qu'un  quatuor,  non  pas  un  quatuor  vocal,  comme  celui  de  Ma 
tante  Aurore,  de  Ylrato,  de  Bianca  e  Faîiero,  mais  un  qua- 
tuor d'instruments  à  cordes,  comme  les  plus  grands  maîtres  en 
ont  écrit.  Si  vous  ne  le  savez  pas,  ce  qui,  après  tout,  n'est  pas  un 
crime,  je  vous  supplie  en  grâce  de  suspendre  la  lecture  de  mon 
récit,  et  de  commencer  par  aller  assister  aux  matinées  et  aux  soi- 
rées de  quatuors  de  MM.  Maurin  et  Chevillard,  dans  la  salle 
Pleyel  ;  de  MM.  Armingaud  et  Jacquard,  dans  la  môme  salle  ; 
de  MM.  Alard  et  Franchomme,  même  salle  encore  ;  de  MM.  Dien 
et  Batta,  dans  le  local  des  sociétés  savantes;  de  MM.  Gouffé, 
chez  MM.  Gouffé  eux-mêmes,  rue  de  La  Bruyère.  Les  séances 
de  ces  diverses  sociétés  de  quatuors  vont  s'ouvrir  dans  le  courant 
de  ce  mois  de  janvier  de  l'an  de  grâce  1861 ,  et  je  ne  saurais 
trop  vous  engager,  dans  l'intérêt  de  votre  instruction  musicale, 
comme  dans  l'intérêt  de  votre  plaisir,  un  plaisir  bien  délicat 
et  bien  exquis  !  à  assister,  sinon  à  toutes,  du  moins  à  quelques- 
unes  ,  vous  reprendrez  ensuite  le  fil  de  cette  histoire ,  dont  il 
est  impossible,  sans  cela,  que  vous  puissiez  apprécier  le  charme. 
Mon  Dieu ,  mesdemoiselles ,  vous  devez  me  trouver  un  étrange 
personnage.  Je  vous  fais  ici  l'éloge  du  quatuor,  et  je  ne  vous 
dis  rien  de  vos  quadrilles,  de  vos  valses,  de  vos  polkas,  pas 
même  de  vos  airs  variés,  caprices  et  fantaisies  sur  des  motifs 
d'opéras.  Je  ne  veux  pas  médire  de  toutes  ces  choses,  qui  sont 
bonnes  à  leur  place  ;  mais  si  vous  prétendiez  que  ces  bagatelles 
ont  le  droit  d'être  mises  au  rang  des  compositions  musicales  au 
même  titre  que  les  œuvres  dont  je  parle  ,  eh  bien!  je  vous  dé- 
clare que  nous  ne  nous  entendrions  pas,  et  que,  pour  tous  les 
trésors  du  monde,  pour  le  plus  beau  piano  à  queue,  pour  le  plus 
beau  Stradivarius,  pour  la  plus  riche  collection  de  partitions, 
vous  ne  me  feriez  prononcer  une  hérésie  semblable.  Un  homme 
de  mon  âge  respecte  trop  le  vôtre  pour  consentir  à  inculquer  dans 
vos  jeunes  esprits  d'aussi  pernicieuses  maximes. 

Le  quatuor  d'instruments  à  cordes  constitue  un  des  genres  les 
plus  parfaits  en  musique,  et  que  tous  les  grands  maîtres  ont  af- 
fectionné :  Haydn,  Mozart,  Beethoven,  pour  ne  parler  que  des 
plus  illustres,  se  seraient  immortalisés  par  leurs  quatuors,  alors 
même  que  le  premier  n'eût  pas  fait  les  oratorios  de  la  Création 
et  des  Saisons,  que  le  second  n'eût  pas  écrit  Don  Giovanni,  le 
Nozse,  il  Flauto  magico,  que  le  troisième  n'eût  pas  composé 
Fidelio,  ses  sonates  et  ses  symphonies  sublimes.  Les  timbres  des 
violons,  de  l'alto,  du  violoncelle,  quoique  de  même  nature  et  se 
mariant  merveilleusement  entre  eux,  offrent  des  accents  si  par- 
ticuliers et  des  nuances  si  différentes,  qu'il  en  résulte  un  ensem- 
ble plein  de  charmes  et  les  combinaisons  les  plus  variées.  C'est 
tantôt  une  conversation  de  famille,  où  la  parole  passe  successi- 
vement de  l'un  à  l'autre,  où  ceux  qui  écoutent  se  contentent 
d'approuver  à  voix  basse  ;  c'est  tantôt  un  dialogue  vif  et  animé, 
tantôt  une  discussion  serrée,  où  les  répliques  partent,  se  croi- 
sent avec  une  verve  intarissable.  A  entendre  le  premier  et  le  se- 
cond violon,  je  me  figure  voir  deux  époux,  beaux,  tendres, 
brillants  de  jeunesse,  heureux  de  s'appuyer  l'un  sur  l'autre,  tou- 
jours inséparables,  ne  se  contrariant  jamais,  si  ce  n'est  pour  se 
faire  mille  agaceries  charmantes  ;  l'alto  me  représente  un  oncle 
entre  deux  âges,  affectueux,  rêveur,  mélancolique,  un  peu  mo- 
rose, un  peu  taquin,  un  peu  original.  La  basse  est  l'aïeule, 
bonne,  indulgente,  grave,'  sententieuse,  qui  a  su  conserverie 
don  de  plaire  par  la.  grâce,  par  l'esprit,  par  une  imagination 
riante  et  sereine 

Que  de  choses  n'aurais-je  pas  à  vous  dire  sur  le  quatuor  ! 


Heureusement  pour  vous,  mesdemoiselles,  le  comte  et  ses  aco- 
lytes ont  terminé  le  leur.  Le  comte  se  lève,  tend  la  main  a 
Stéphen,  et  lui  dit  : 

—  Mon  cher  Stéphen,  je  vous  présente  M.  André,  notre 
maître  d'école,  qui,  comme  vous  voyez,  est  un  clarinettiste  dis- 
tingué (M.  André  s'incline  devant  M.  Stéphen),  et  M.  Sarnète, 
mon  barbier,  que  l'on  pourrait  surnommer  le  Figaro  du  village, 
car  il  joue  du  violon  beaucoup  mieux  sans  doute  que  Figaro  ne 
joue  de  la  guitare  (M.  Sarnète  s'incline  à  son  tour). 

Dans  le  pays  des  aveugles,  dit  doctoralement  le  maître  d'école, 
les  borgnes . . . 

—  Très-bien,  messieurs,  interrompit  Stéphen.  Mais,  mon 
cher  comte,  c'est,  si  je  ne  me  trompe,  un  quatuor  de  Pleyel 
que  vous  venez  de  jouer. 

—  Ah!  vous  reconnaissez?  fit  le  comte;  en  effet,  c'est  un 
quatuor  de  Pleyel. 

—  Et  vous  le  jouez  à  trois?  et  la  partie  d'alto? 

—  Ah  !  vous  avez  raison,  mille  fois  raison,  mon  cher  ;  mais, 
entre  nous,  cette  partie  d'alto  est  bien  insignifiante,  pour  ne 
pas  dire  inutile. . . 

—  Je  ne  suis  pas  de  votre  avis,  reprit  vivement  Stéphen. 
Les  quatuors  de  Pleyel  ne  sont  pas  concertants  comme  ceux 
des  grands-maîtres ,  mais  l'alto  y  est  nécessaire  pour  compléter 
l'harmonie; et  d'ailleurs  l'alto  chante  de  temps  en  temps;  il  a 
des  traits  mis  à  dessein  pour  faire  briller  l'instrument.  Dans  les 
divers  morceaux  que  vous  venez  d'exécuter ,  il  y  a  des  passages 
où  vos  trois  instruments,  c'est-à-dire  les  deux  violons  et  la  basse, 
se  contentent  d'accords  plaqués,  ou  de  batteries  qui  ne  sont 
autre  chose  qu'un  accompagnement  d'un  chant  ou  d'un  trait 
d'alto. 

—  Cela  peut  bien  être,  mais  baste  !  nous  n'y  regardons  pas 
de  si  près,  nous.  Au  surplus,  continua  le  comte,  il  y  a  de  bonnes 
raisons  pour  que  nous  nous  soyons  passés  de  celte  partie  d'alto  ; 
elle  nous  manque,  en  effet  ;  je  l'ai  oubliée  à  Aix.  Et  quand  bien 
même  nous  eussions  cette  partie,  il  n'y  a  personne  dans  le  vil- 
lage ou  clans  les  environs  qui  fût  capable  de  la  jouer. 

—  Ces  deux  raisons  sont  péremptoires,  répliqua  imperturba- 
blement Stéphen,  et  dispensent  des  autres.  Mais  alors,  pourquoi 
ne  pas  exécuter  un  trio? 

—  Un  trio,  et  pourquoi?  un  trio,  quand  nous  avons  un  qua- 
tuor? mais  cela  revient  absolument  au  même,  puisque,  parle 
fait,  ce  quatuor  devient  un  trio. 

Stéphen  sourit  imperceptiblement. 

—  Veuillez  bien ,  poursuivit-il ,  me  permettre  encore  une 
question. 

—  Dites,  fit  le  comte. 

—  Pensez-vous  qu'une  clarinette  substituée  à  un  premier 
violon,  qu'un  basson  substitué  à  un  violoncelle  n'altèrent  pas 
un  peu  la  physionomie  de  l'œuvre?.  .  . 

—  Mais,  répliqua  le  comte  avec  une  impatience  visible,  vous 
nous  faites  là,  mon  cher,  des  distinctions  d'une  subtilité. . .  En 
résumé,  voici  mon  fait.  J'adore  la  musique,  je  l'aime  passion- 
nément, à  tel  point  que  j'aime  mieux  en  faire  de  médiocre,  de 
mauvaise  même,  que  de  n'en  pas  faire  du  tout. 

—  Et  moi,  dit  Stéphen,  je  suis  également  si  passionné. .  .  Et 
il  s'arrêta  court. 

Madame  de  G***  prit  la  parole,  et  s'adressant  à  son  fils  :  — 
Monsieur  Stéphen,  mon  ami,  veut  dire  peut-être  que  lui  aussi 
est  tellement  passionné  pour  la  musique,  qu'il  aime  mieux  n'en 
pas  entendre  du  tout  que  d'en  entendre  de  mauvaise. 


230 


LE  MÉNESTREL. 


Stéphen  ne  s'attendait  pas  à  être  si  bien  deviné.  Il  s'écria 
néanmoins  :  —  Souffrez,  madame,  que  je  proteste  contre  une 
pareille  interprétation  de  mes  paroles. 

—  Mais  vous  auriez  parfaitement  raison,  mon  cher  monsieur 
Stéphen,  de  penser  ainsi.  C'est  ce  que  je  ferais  moi-même  si 
j'étais  à  votre  place.  Je  dis  :  si  j'étais  à  votre  place,  car,  pour 
moi,  voyez- vous,  lorsque  j'entends  de  la  musique,  je  puis  dire 
comme  Bertrand  des  Rendez-vous  bourgeois  :  Cela  m'entre  par 
une  oreille,  et  cela  me  sort  par  Vautre. 

—  Allons,  bonne  mère,  s'écria  gaiement  le  comte  :  Caleno 
ven,  tout  ben  ven.  Faites-nous  servir  la  collation  ;  ce  pauvre 
Stéphen  doit  avoir  un  appétit  du  diable.  » 

En  un  clin-d'œil  le  pupitre  disparut  et  fit  place  à  une  table 
ornée  d'une  belle  nappe  blanche,  où  furent  servies  deux  tartes, 
l'une  aux  pommes  et  l'autre  aux  épinards,  des  poids  chiches,  une 
salade  de  céleri,  du  nougat,  des  fruits  secs,  des  clairettes  dorées, 
et  la  castagnado,  sans  oublier  les  deux  chandelles  classiques  ; 
des  chandelles  et  non  des  bougies  :  c'eût  été  une  faute  énorme. 

La  comtesse,  le  comte,  Stéphen,  le  maître  d'école  et  le  bar- 
bier prirent  place  à  la  table,  tandis  que  Rosalie,  la  servante, 
grignotait  sa  portion  sous  le  manteau  de  la  cheminée.  Bientôt 
on  chanta  des  noëls  ;  le  comte  et  M.  André  chantèrent  le  noël 
de  saint  Joseph  et  de  l'hôtellier  :  Hou!  de  Voustaou  !  Le  comte 
fit  saint  Joseph,  André  fit  l'hôtellier.  Ce  fut  une  vraie  scène 
chantée,  jouée  et  mimée  en  perfection;  il  en  fut  de  même  du 
noël  du  chrétien  et  du  juif  :  Reviho  te,  nanan,  représentée  par 
M.  André  et  M.  Sarnèle  ;  on  chanta  encore  le  noël  des  Oiseaux, 
celui  des  Boumians,  Turelurelure,  etc.  Puis  on  se  rendit  à  la 
messe  de  minuit,  à  laquelle  assistèrent  tous  les  habitants  valides 
du  village. 


[La  suite  au  numéro  prochain.) 


J.  d'Ortigue. 


PETITE  CHRONIQUE. 

L.es  derniers  moments  de  Haydn. 

Le  Journal  de  Francfort,  qui  se  voue  depuis  quelque  temps 
aux  éphémérides  musicales,  saisit  l'occasion  du  31  mai,  jour 
anniversaire  de  la  mort  de  Haydn,  pour  donner  quelques  détails 
rétrospectifs  sur  les  dernières  heures  du  grand  compositeur.  Ces 
intéressants  détails  sont  connus  de  la  plupart  des  musiciens  ; 
mais,  comme  disait  Rivarol,  il  n'y  a  de  nouveau  que  ce  qui  est 
oublié. 

«  Dans  la  matinée  du  10  mai  1809,  un  corps  d'armée  fran- 
çais s'avançait  contre  les  lignes  de  Mariahilf,  à  Vienne,  peu 
distantes  de  la  maison  de  Haydn.  On  était  précisément  occupé 
à  le  sortir  du  lit  et  à  l'habiller,  quand  quatre  coups  de  canon 
vinrent  ébranler  violemment  les  portes  et  les  fenêtres  de  sa 
maison. 

«  —  Enfants,  s'écria  Haydn  d'uQe  voix  sonore,  en  s' adres- 
sant à  ses  gens  consternés,  ne  craignez  rien,  aucun  malheur  ne 
saurait  vous  atteindre  quand  Haydn  est  avec  vous. 

«  Mais  le  corps  était  plus  faible  que  l'esprit,  car  il  eut  à  peine 
prononcé  ces  paroles  qu'il  se  prit  a  trembler  de  tous  ses  mem- 
bres. 

«  A  partir  de  ce  moment,  ses  forces  physiques  allèrent  sans 
cesse  s'affaiblissant.  Cependant  il  continua  à  jouer  tous  les  jours 
son  Kaiserlied,  et  le  26  mai  il  le  joua  trois  fois  de  suite,  avec 
une  expression  dont  il  s'étonna  lui-même.  Le  soir  du  même 


jour,  il  fut  pris  de  migraine  et  eut  des  frissons  ;  on  le  coucha 
de  bonne  heure  et  l'on  fit  venir  les  médecins.  Tous  leurs  soins 
furent  vains  :  le  malade  tomba  dans  un  état  d'abattement  com- 
plet et  de  prostration  ;  il  n'en  sortit  que  peu  d'instants  avant  sa 
mort,  qui  suivit  le  31  mai,  à  une  heure  du  malin,  pour  donner 
encore  quelques  signes  de  vie  et  de  sensibilité. 

«  Haydn  avait  atteint  l'âge  de  soixante-dix-sept  ans  et  deux 
mois.  Ses  restes  mortels  reposent  dans  une  tombe  spéciale,  au 
cimetière  de  sa  paroisse,  devant  les  lignes  dites  Hundstharmer, 
à  Vienne.  L'autorité  française  annonça  en  termes  très-dignes 
la  mort  du  compositeur,  et  le  13  juin  le  Requiem  de  Mozart 
fut  exécuté  pour  le  repos  de  l'âme  du  mort  dans  la  Schotten- 
kirch.  » 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Le  nouvel  opéra  italien  du  Lyceum ,  à  Londres,  a  inauguré  ses  re- 
présentations le  8  de  ce  mois,  sous  la  direction  de  M.  Mapleson.  Comme 
nous  l'avons  annoncé,  Mmes  Alboni,  Titiens,  MM.  Délie  Sedie,  Giuglini  et 
Gassier,  sont  les  principaux  artistes  de  la  troupe. /(  Trovalore  faisait  les 
honneurs  de  l'inauguration.  Plusieurs  morceaux  ont  été  bissés ,  notam- 
ment l'adagio  de  M.  Délie  Sedie,  il  balen  del  suo  sorriso  et  le  Miserere 
chanté  par  Mmc  Titiens  et  M.  Giuglini.  —  Le  11  juin,  on  a  donné  Lucre- 
zia  Borgia  ,  et  le  13,  deuxième  représentation  du  Trovatore,  en  atten- 
dant il  Ballo  in  maschera. 

—  A  l'heure  où  je  vous  écris  ces  quelques  lignes ,  la  salle  de  concert 
du  Royal  Surrey  Gardens  n'est  plus  qu'un  monceau  de  cendres  encore 
fumantes.  L'incendie  occasionné  ,  dit-on  ,  par  l'imprudence  de  quelques 
ouvriers,  s'est  déclaré  aujourd'hui  mardi,  vers  midi.  Quelques  heures  après 
il  se  transforma  en  un  véritable  et  gigantesque  brasier,  qui  dévora  tout  le 
matériel  de  la  salle  avec  une  rapidité  prodigieuse.  Puis  le  dôme  finit  par 
s'embraser  aussi  et  s'écroula  avec  fracas  en  lançant  dans  les  airs  une  gerbe 
effrayante  de  flammes  et  de  fumée.  Tous  les  efforts,  tous  les  secours  furent 
impuissants  à  dompter  le  redoutable  fléau.  Comme  dans  l'incendie  de 
Saint-Martin's  Hall,  l'an  passé,  l'orgue,  les  instruments  de  musique,  le 
répertoire  des  concerts,  tout  devint  la  proie  des  flammes.  De  cette  magni- 
fique salle  de  concert  de  Surrey,  fondée  en  1835  par  Jullien  ,  et  qui  avait 
coûté  plus  de  vingt  mille  livres  sterling  (un  demi-million),  de  cette  salle 
enfin,  toute  resplendissante  de  dorures  et  de  décorations,  dont  la  vaste 
enceinte  pouvait  contenir  près  de  sept  mille  personnes,  et  qui  fut  le  théâ- 
tre des  plus  brillantes  fêtes  artistiques ,  il  ne  reste  plus  aujourd'hui 
que  les  quatre  murailles  noircies ,  lézardées  et  menaçant  ruine  1  «  Sic 
transit  gloria  mundi.  »  Le  prince  Galitzin  devait  donner  là  une  série  de 
soixante  concerts  à  grand  orchestre,  sous  sa  direction  et  avec  le  concours 
des  célébrités  chantantes  de  Londres  :  le  premier  de  ces  soixante  concerts 
a  eu  lieu  la  semaine  dernière  au  milieu  d'une  affluence  considérable  de 
monde,  il  devait  être  aussi  malheureusement  le  dernier....    A.  Lamotte. 

—  Dans  la  dernière  séance  du  conseil  communal,  à  Londres,  il  a  été 
adopté  une  motion  tendantà  ce  qu'une  somme  de  350  liv.  sterl.,  dépensée 
par  les  orphéonistes  français  à  l'occasion  de  leur  dernier  voyage  au  Palais 
de  cristal,  pour  les  frais  de  leur  séjour  dans  les  deux  hôtels  appartenant  à 
la  corporation  du  marché  métropolitain,  leur  fût  intégralement  rendue. 

—  Pour  le  prochain  festival  de  chant  qui  aura  lieu  à  Nuremberg,  le 
duc  de  Saxe-Cobourg  a  mis  en  musique  une  Ode  aux  trois  couleurs  de 
l'Allemagne. 

—  Un  nouveau  journal  de  musique  vient  de  paraître  à  Berlin  :  Deutsche 
maenner-gesang-Zeitung  (Gazette  allemande  pour  chant  d'hommes),  rédac- 
teur en  chef,  M.  Tschirits. 

—  Nous  empruntons  au  Journal  de  Francfort  les  éphémérides  musi- 
cales du  mois  de  juin. 

2.  Mort  de  Garcia 1832 

3.  Mort  de  Roland  de  Lassus,  à  Munich 1595 

5.  Mort  de  Weber,  à  Londres 1826 

11.  Mort  de  Duni,  un  des  fondateurs  de  l'Opéra  français 1775 

13.  Naissance  de  Dalayrac,  à  Muret 1753 

14.  Naissance  d'EUeviou,  à  Rennes 1769 

18.  Première  représentation  du  Freyschiitz  ,  à  Berlin 1821 


iNOUVELLES  ET  ANNONCES. 


231 


24.  Naissnnce  de  Méhul,  à  Givet 1763 

27.  Mort  de  Lebrun 1829 

28.  Naissance  de  Jean-Jacques  Rousseau,  à  Genève 1712 

29.  Mort  de  Choron 1834 

30.  Mort  de  Rouget  de  l'isle,  à  Choisy-le-Roi 1836 

—  Un  nouvel  opéra  bouffe  du  maestro  Pedrotti ,  ayant  pour  titre  : 
Giterra  in  qualtro,  a  été  représenté  avec  succès  au  théâtre  de  la  Cano- 
biana,  à  Milan. 

—  Mme  Anna  Rertini,  qui  a  fait  depuis  quelques  années  des  études 
sérieuses  dans  le  chant  italien,  avec  le  professeur  Piermarini,  vient  d'être 
engagée,  après  audition,  pour  la  Scalade  Milan,  par  PimpressarioMerelli, 
de  passage  à  Paris. 

—  Les  journaux  américains  nous  apprennent  la  mort  du  compositeur 
et  professeur  Heinrichs.  Né  en  Rohème,  il  quitta  prématurément  sa  patrie 
pour  traverser-  l'Atlantique,  et  passa  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  en 
Amérique,  où  il  habita  tour  à  tour  Boston,  Philadelphie,  Baltimore.  Le 
•père  Heinrichs,  ainsi  qu'on  l'appelait  généralement,  a  écrit  plus  de  cent 
compositions,  oratorios,  symphonies,  ouvertures,  lieders,  concertos,  dont 
un  grand  nombre  se  distinguait  par  l'originalité  de  la  musique,  et  plus 
encore  par  les  titres  singuliers  qu'il  choisissait.  Beaucoup  de  voyageurs 
se  rappellent  sans  doute  encore  ses  Mammouth-concerts  donnés,  il  y  a 
quelques  années,  à  New- York,  et  pour  lesquels  les  musiciens  des  princi- 
pales villes  des  États  lui  ont  prêté  gratuitement  l'appui  de  leur  talent.  En 
1857,  il  visita  pour  la  dernière  fois  l'Europe,  et  il  eut  le  plaisir  d'assister  à 
l'exécution  de  plusieurs  de  ses  principaux  ouvrages  à  Vienne  et  à  Prague. 

—  On  nous  écrit  de  Lille  :  «  Un  festival  de  chant  d'ensemble  vient 
d'avoir  lieu  dans  notre  ville.  Un  grand  nombre  de  sociétés,  tant  do  l'étran- 
ger que  des  départements,  avait  pris  part  à  ce  tournoi  musical.  Les  or- 
phéons qui  se  sont  le  plus  distingués  sont  :  les  Chœurs  de  Roubaix,  qui 
ont  fait  preuve  de  goût  dans  l'exécution  de  deux  chœurs  de  Billi,  et  les 
Amis  réunis,  de  Tournai,  qui  ont  chanté  de  manière  à  électriser  l'audi- 
toire. Cette  fête  musicale  s'est  terminée  par  un  ensemble  vraiment  im- 
posant. Les  sociétés  de  la  localité,  réunies  sous  l'habile  direction  de 
M.  F.  Lavainne,  ont  obtenu  un  succès  digne  d'être  enregistré.  Applaudisse- 
ments, rappels,  bis,  rien  n'a  manqué  à  leur  triomphe. 

—  Nous  empruntons  au  Salut  public  de  Lyon  un  extrait  de  tout  un 
article  spécial  :  «  Lundi  soir  a  eu  lieu  l'inauguration  de  l'orgue  de  Saint- 
Bonavenlure.  L'immense  église  ne  pouvait  contenir  la  multitude  intelli- 
gente de  vrais  connaisseurs  accourue  de  toutes  parts,  et  dont  les  flots 
débordaient  jusqu'au  milieu  de  la  place  des  Cordeliers.  Le  concours  d'émi- 
nents  artistes  qui  ont  tous  fait  leurs  preuves,  et  parmi  lesquels  brille  de 
tout  l'éclat  d'un  maître  M.  Batiste,  professeur  au  Conservatoire  impérial 
de  musique,  à  Paris,  et  organiste  du  grand  orgue  de  Saint-Eustache , 
semblait  assurer  d'avance  le  succès  de  la  séance.  Tour  à  tour  se  sont  fait 
entendre,  au  clavier  de  l'orgue,  M.  l'abbé  Neyrat,  M.  Widor  et  M.  Batiste. 
La  brillante  improvisation  de  M.  Widor  semblait  déjouer  les  grandes  dif- 
ficultés, et  la  hardiesse  de  son  jeu,  la  fécondité  de  sa  verve,  faisaient  suc- 
céder des  émotions  nouvelles  aux  émotions  premières.  Et  quand  le  cla- 
vier s'est  senti  dans  les  mains  de  M.  Batiste,  comme  il  vivait!  comme  il 
frémissait  !  C'est  bien  sous  l'influence  de  ce  grand  artiste  que  l'on  com- 
prend le  vrai  caractère  de  l'orgue  et  toutes  ses  harmonies  avec  la  religion 
qui  l'inspire.  C'est  l'épanchement  suave  de  la  religion,  de  l'amour  infini, 
et  l'orgue  de  Saint-Bonaventure  s'est  merveilleusement  prêté  à  cette  révé- 
lation nouvelle  de  l'art.  Il  était  difficile  de  paraître  en  présence  de  tels 
artistes.  M.  l'abbé  Neyrat  devait  le  tenter.  Mais  l'attention  profonde  des 
auditeurs,  les  félicitations  des  artistes,  et,  par-dessus  tout,  les  sincères 
éloges  de  M.  Batiste,  éloges  qui  sont  moins  un  encouragement  que  la 
consécration  d'un  talent  véritable,  ont  assez  prouvé  le  bonheur  de  son 
exécution.  Ajoutons  qu'il  y  aurait  de  l'injustice  à  ne  pas  rappeler  les 
chants  de  la  maîtrise  de  cette  église,  qui  se  sont  mêlés  avec  tant  d'har- 
monie aux  compositions  de  la  séance.  » 

—  La  jeune  et  charmante  virtuose,  Maria  Boulay,  se  trouvant  de  séjour 
à  Metz  au  moment  du  grand  festival  de  cette  ville,  l'invitation  lui  a  été 
faite  de  vouloir  bien  prendre  part  au  programme  en  compagnie  de  son 
maître  Alard.  Elle  a  accepté  cet  honneur  avec  le  plus  grand  empressement, 
et  l'effet  a  été  tel  que  les  salons  de  la  préfecture  ont  été  mis  immédia- 
tement à  sa  disposition  pour  un  concert  dans  lequel  la  nouvelle  Millanollo 
a  été  couverte  de  fleurs. 

—  MM.  Demerseman,  flûtiste,  et  Lalliet,  hautbois,  ont  obtenu,  le  8  juin, 
au  quatrième  concert  de  la  Société  philharmonique  d'Angers ,  un  grand 


et  légitime  succès.  Chacun  d'eux  possède  un  talent  aussi  sûr  que  distin- 
gué, et  garde  fidèlement  à  son  instrument  le  caractère  qui  lui  convient  ; 
mais  c'est  surtout  dans  l'exécution  de  deux  duos  concertants  qu'ils  ont 
porté  au  comble  la  satisfaction  de  l'auditoire,  à  l'exemple  des  morceaux 
de  ce  genre  que  disent  avec  tant  de  succès  MM.  Triebert  et  Jancourt , 
Adolphe  Leroy  et  Dorus.  Ils  ont  mérité,  parleur  fantaisie  sur  des  thèmes 
de  Guillaume  Tell,  un  rappel  unanime,  chose  assez  exceptionnelle  dans  la 
ville  où  ils  se  faisaient  entendre. 

—  Le  maëslro  du  Casino-Cadet,  M.  Arban,  délecte  en  ce  moment  les 
habitants  de  Nantes.  «  Au  concert  donné  hier  au  Sport,  dit  l'Union  bre- 
tonne, M.  Arban  a  montré  de  nouveau  qu'il  est  un  chef  d'orchestre  d'une 
grande  habileté  et  d'une  énergie  rare,  sachant  communiquer  sa  verve  à 
son  entourage,  et  trouvant  dans  la  chaleur  qui  l'anime  des  éléments  pro- 
pres à  donner  de  la  vie  et  du  mouvement  à  tout  ce  qu'il  interprète.  Il  a 
été,  d'ailleurs,  chaleureusement  applaudi  et  très-apprécié  comme  artiste 
exécutant.  Faisant  des  prouesses  sur  le  cornet  à  piston,  il  tire  de  cet  ins- 
trument assez  vulgaire,  des  sons  tour  à  tour  d'une  tendresse  infinie  et 
d'une  extrême  puissance.  C'a  été,  en  vérité,  une  heureuse  idée  au  Sport, 
d'installer  des  concerts  d'été  et  d'y  faire  participerM.  Arban.  La  dernière  des 
réunions  dirigées  par  cet  habile  musicien  aura  lieu  mardi  prochain.  On 
parle  pour  samedi  d'un  grand  bal  par  souscription,  au  profit  des  pauvres, 
qui  aurait  lieu  dans  la  salle  de  concert  et  dans  le  jardin  du  Cercle.  » 

—  On  lit  dans  le  Mémorial  bordelais  :  «  Le  spectacle -concert  donné 
sous  les  auspices  de  M.  Louis  Bentayoux  (pianiste-compositeur,  élève  de 
l'école  Marmontel)  n'a  pas  manqué  d'attrait,  bien  que  la  chambrée  ne  fût 
pas  complète.  On  a  applaudi  à  plusieurs  reprises  le  jeune  bénéficiaire,  et 
notamment  à  l'avant-deroier  morceau  (Anges  et  Démons).  Quant  à  la 
musique  de  Vavenir,  représentée  dans  cette  soirée  par  un  air  du  Tann- 
hauser,  nous  croyons  celui  du  lauréat  du  Conservatoire,  —  son  avenir, — 
établi  sur  des  bases  plus  sûres  que  celles  où  repose  la  musique  de  M.  Wag- 
ner. Indépendamment  du  spectacle  et  des  exercices  chorégraphiques  où 
M116  Pitteri  a  déployé  les  grâces  de  sa  personne,  l'on  a  également  fort  ap- 
plaudi M110  Bellonie,  qui  a  chanté  deux  morceaux  avec  grâce,  et  M.  Cram- 
bade,  l'un  de  nos  derniers  barytons,  lequel  a  donné  une  expression  toute 
dramatique  à  la  chanson  de  Béranger  :  «  Mon  habit.  »  M.  Bentayaux  ren- 
trera sans  aucun  doute  dans  la  capitale  heureux  des  encouragements  donnés 
par  nos  compatriotes  à  son  jeune  talent.  » 

—  Le  2  de  ce  mois,  les  artistes  et  amateurs  de  Castelnaudary  ont  donné 
un  concert  au  profit  des  pauvres  de  cette  ville,  auquel  ont  concouru  plu- 
sieurs artistes  de  Toulouse.  M.  Lomagne,  également  appelé  à  cette  fête,  a 
exécuté  quatre  morceaux  de  sa  composition  qu'on  a  vivement  applaudis , 
notamment  son  Carnaval  de  Venise,  qui  lui  a  valu  une  couronne  et  un 
rappel.  Pour  que  rien  ne  manquât  au  succès,  une  sérénade  des  orphéo- 
nistes et  un  speech  de  leur  directeur,  M.  Froment,  attendaient  Al.  Lomagne 
à  son  domicile.  Comme  on  le  voit,  le  dilettantisme  de  Castelnaudary  est 
beaucoup  moins  tiède  que  son  climat. 

—  M.  Michiels,  un  de  nos  compositeurs  et  violonistes  distingués,  a 
engagé  cette  année  pour  Néris-les-Bains  (Allier)  ,  M11?  Moreau,  du  Théâ- 
tre-Lyrique, le  ténor  Legrand,  Mme  Marx,  pianiste,  enfin  MM.  Cassaing, 
Marx  etLegenisel,  instrumentistes.  Néris  n'aura  donc  rien  à  envier,  cette 
année,  aux  autres  établissements  thermaux,  et  on  ne  peut  que  féliciter 
M.  Michiels  de  la  bonne  organisation  de  ses  concerts. 

—  Voici  l'état  des  receltes  brutes  qui  ont  été  faites  pendant  le  mois 
de  mai  dernier,  dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit  des 
indigents  : 

Théâtres  impériaux  subventionnés 361,160  fr.  56c. 

Théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles   816,816      25 

Concerts,  spectacles-concerts,  cafés-concerls,  bals.  185,340      65 

Curiosités  diverses 21,840       » 

Total 1,385,157      46~ 

—  Le  premier  concours  pour  les  places  vacantes  à  l'orchestre  du  Théâ- 
tre impérial  Italien,  est  définitivement  fixé  à  mercredi  19  juin,  à  une  ' 
heure. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères  ,  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


ÉCOLE  CLASSIQUE 


APPROUVÉE  PAR  MM. 

AUBER,     A.    ADAM,     BERLIOZ,     BENOIST, 

BESOZZI,    PAUL   BERNARD,   CARAFA ,  CLAPISSON, 

F.  DAVID,  C.-A.  FRANCK,  GEVAERT,  GOUNOD, 

GODEFROID,  GOR1A,  HALÉVY,  H.  HERZ,  KASTNER, 

KRUGER, LIMNANDER,  LACON1BE, 

LEFÉBURE-WÉLY,    LAURENT, 


DD 


APPROUVEE  PAR  MM. 


MEYERBEER,  MASSE,  MAILLART,  MATHIAS, 

NIEDERMEYER,   ONSLOW ,    PHILIPOT,    PRUDENT, 

PLANTÉ,  G.  ROSSINI,  REBER,  ROSENHAIN, 

STAMATY,  THALBERG,  THOMAS,  ZIMMERMANN, 

M™  COCHE,  MASSART,  MARTIN, 

T.   de    MALLEVILLE,    TORRAMORELL. 


ACCOMPAGNÉE  D'OBSERVATIONS  TRADITIONNELLES  SUR  LE  STYLE  DES  OEUVRES  CLASSIQUES  ET  LA  MANIERE  DE  LES  EXÉCUTER, 
REVUE,  ^DOIGTÉE         |||     J&      ||g  H||Hi|«|JV|  PROFESSEUR 

ACCENTUÉE  PAR  JLwJLéEMiSA AWA^^JWI     Mi    SSâMji        CONSERVATOIRE. 


CATAIOGUE. 

Op.  1.  Rondo  en  ul  mineur  (pièce  élégante, 
originale),  dédié  à  M°"=  de  Lindé.  (A.  D.).. ..    6    » 

Op.   2.  Li  CI  DAREM  LA   MANO,    de  Don  JlMB, 

Tariations  pour  le  piano  (beau  morceau  de 
concert)  (F.  D.) 9    " 

1"  Polonaise  brillante,  en  ut  majeur,  avec 
introduction  (morceau  à  effet)  (d.) 7  50 

Op.  6.  Cinq  mazurkas,  dédiées  à  M»'  la  com- 
tesse Pauline  Plaler  (M.  D.) 6    »■ 

Op.  7.  Quatre  mazorkas,  dédiées  à  M.  Johns. 

(H.  D.) 6     ■ 

Op.  9.  Trois  nocturnes,  dédiés  a  M»c  Pleyel 

(très-mélodieux)  (M.  D.) '50 

Op.  10.  Premier  livre  d'études  (  beau  style  ) 

(T.   D.) 1S     " 

Op.  11.  Premier  concerto  en  mi  nat.  mineur 

(belle  œuvre)  (t.  D.) 15    » 

Op.  15.  Trois  nocturnes,  dédiés  a  F.  Hiller(D.)    C    » 

Op.  16.  Rondo  en  mi  bémol,  dédié  à  W"  Ca- 
roline Hartmann  (morceau  brillant)  (d.) 7  50 

Op.  18.  Grande  valse  en  nu  bémol  (m.  d.).    6    o 

Op.  19.  Boléro  (œuvre  gracieuse  et  rhyth- 
mique  (A.  D.)....  ?  50 

Op.  20.  Premier  scherzo,  dédié  a  M.  T.  Al- 
nrecht  (d.) 7  50 

Op.  21.  Deuxième  concerto  en  fa  naturel 
mineur  (belle  œuvre)  (r.  D.) -•  15    » 

Op.  22.  Grande  polonaise,  précédée  d'un  an- 
dante  d'un  beau  style,  dédiée  à  M™  d'Est 
(morceau  à  effet)  (T.  D.) 9    D 

Op.  23.  BALLADE(trés-poétique),dédiéeàM.  le 
baron  Stockhausen  (T.  d.) 

Op.  25.  Deuxième  livre  d'études  (même  ordre 
de  difficulté  que  le  premier  livre)  (T.  D.) 

Op.  26.  Deux  polonaises,  dédiées  a  M.  Des- 
sauer  (d.) 

Op.  27.  Deux  nocturnes,  dédiés  à  Mmc  la  com- 
tesse d'Appony  (mélodieux  et  expressifs)  (D.). 

Op.  29.  Premier  impromptu  en  la  bémol  (ori- 
ginal et  très-joli  morceau),  dédié  a  M"c  Caro- 
line de  Lobau  (d.) 

Op.  31.  Deuxième  scherzo  en  si  bémol  mi- 
neur (beau  morceaua  effet)  dédié  a  M11"  Adèle 

de  Furstenstein  (D .) 

,  Op.  32.  Deux  nocturnes  (très-remarquables), 
dédiés  à  M"  la  baronne  de  Billing  (A.  D.) ... 

Op.  34.  Trois  valses  (délicieux  morceaux  de 
salon)  : 

N"  1.  En  la  bémol,  dédiée  a  Allle  de  Tliun 

Hoheinslein  (a.  d.) 

N"  2.  En  la  mineur,  à  M™"  la  baronne  d'Ivry 

(A.   D) ■'•■ 

N«  3.  En/onat.maj.,àM"cd'Eichlhal(A.D.) 


7  50 


7  50 


a"E  su» 


DE 


F.  CHOPIN. 


En  consacrant  toute  notre  4e  série  de  l'École  classique  du  Piano  à  une  nouvelle 
édition  des  œuvres  choisies  de  F .  Chopin  ,  nous  devons  dire  dans  quelles  conditions 
cette  reproduction  a  été  faite  :  Chopin  écrivait  avec  soin  ses  indications  de 
nuances  et  d'expression ,  nous  avons  donc  scrupuleusement  respecté  la  lettre 
écrite  dans  tous  ses  détails ,  nous  bornant  à  rectifier  nombre  de  fautes  de  gravure, 
à  rétablir  les  accents  et  les  accidents  oubliés ,  à  compléter  les  trop  rares  doigters 
des  éditions  primitives,  en  indiquant,  de  plus,  d'après  les  traditions  du  maître, 
le  caractère  d'exécution  qu'il  importe  de  donner  à  ebaque  morceau. 

Les  recherches  harmoniques  de  F.  Chopin  ont  à  coup  sûr  leur  raison  d'être  et 
sont  d'une  orthographe  irréprochable  ;  mais  elles  exigent  une  correction  de  gra- 
vure d'autant  plus  rigoureuse  :  l'omission  du  moindre  accident  change  complète- 
ment le  sens  musical,  et  comme  les  retards  et  les  appocjiatures  abondent  dans 
l'œuvre  de  ce  maître,  on  comprendra  facilement  combien  les  plus  légères 
inexactitudes  créent  des  impossibilités  d'exécution. 

D'autre  part,  la  forme  originale  et  les  contours  inusités  des  traits  de  la  musique 
de  Chopin  offrent  le  plus  souvent  des  doigters  exceptionnels  que  nous  avons  cru 
indispensable  d'indiquer ,  en  les  présentant  même  quelquefois  sous  des  aspects 
différents. 

Tel  a  été  le  travail  du  professeur,  complété  par  celui  de  l'éditeur  qui  a  reproduit 
chaque  œuvre  dans  une  nouvelle  disposition,  avec  une  gravure  plus  large ,  plus 
claire,  de  manière  à  faciliter  le  plus  possible  la  lecture  de  cette  musique,  difficile 
à  comprendre,  difficile  à  exécuter,  mais  dont  les  qualités  classiques  et  roman- 
tiques à  la  fois,  ne  peuvent  manquer  d'intéresser  et  d'attacher  les  amateurs  de 
l'école  ancienne  comme  ceux  de  l'école  moderne. 


(;tT.ii.9«.['i:. 

26.  Op.  35.  Sonate  en  si  bémol  mineur  (belle  mar- 

che funèbre)  (D.) 

27.  Op.  36.  Deuxième  impromptu  en  fa  dièse  ma- 

jeur (très-joli  morceau)  (D.) 

28.  Op.  37.  Deux  nocturnes  (le  premier  surtout 

est  remarquable  (A.  D.) 

29.  Op.  38.  Deuxième  ballade  en  fa  majeur,  dé- 

diée à  M.  Robert  Schumann  (D .) 

30.  Op.  00.  Deux  polonaises   (caractéristiques) 

dédiées  à  M.  Jules  Fontana  (D.) 

31.  Op.  63.  Tarentelle  originale  (d.) 

32.  Op.  Mi.  Polonaise  en  fa  dièse  mineur,  dédiée 

àMme  la  princesse  Charles  de  Eeauveau  (D.).. 

33.  Op.  05.  Prélude, déuiéaM'"laprince5seTcher- 

nischeff  (d.) 

30.    Op.  06.  Allégro  de  concert  (  belle  facture), 
dédié  à  M1"  Muller  (T.  D.) 

35.  Op.  07.  Troisième  ballade  en  la  bémol  ma- 

jeur, dédiée  à  M1,c  de  Noailles  (T.  D.) 

Op.  08.  Deux  nocturnes  (xim  et  xrve  siè- 
cles) ,  dédiées  à  M!lc  Duperré  : 

36.  N°I.  En  ut  naturel  mineur 

37.  N"  2.  En  fa  dièse  mineur 

38.  Op.  50.  Trois  mazurkas,  dédiées  à  M.  Léon 

Szmitkowski  (A.  d.).... 

39.  Op.  51.  Troisième  impromptu  en  sol  bémol, 

dédié  à  Mme  la  comtesse  Eslerhazy  (D.) 

00.  Op.  53.  Huitième  polonaise  en  la  bémol  ma- 

jeur, dédiée  à  M.  Aug.  Léo  (T.  D.) 

01.  Op.  55.  Deux  nocturnes   (d'un  sentiment  de 

profonde   tristesse  ),  dédiés   à  MI,e   Stirling 

(A.   D.) 

02.  Op.  57.  Berceuse  (très-jolie  rêverie)  (d.) 

03.  Op.  58.  Grande  sonate  en  si  mineur  (t.  d.).. 

où.    Op.  60.  Barcarolle  originale,  dédiéeàMme  la 
baronne  de  Stockhausen  (T .  d  .) 

05.  Op.  61.  Polonaise,  fantaisie  en  la  bémol  ma- 

jeur, dédiée  a  Mme  Veyret  (t.  d  ) 

06.  Op.  63.  Trois  mazurkas  dédiées  a  W"  Laure 

Crosnowska  (A.  D.) 

Op.  6o.  Trots  valses  (célèbres)  : 
47.           K«  1.  En  ri  bémol,  dédiée  a  M™  la  com- 
fesse  Potocka  (A.  D)  - 

08.  N°  2 .  En  ul  dièse  mineur,  dédiée  à  M"'  Na- 

thaniel  de  Rotschild  (a.  d.) 

09.  N°  3.  En  la  bémol,  dédiée  a  M™  la  com- 

tesse Catherine  Rranicka  (A.  D.) 

Vingt-quatre 

50.  Premier  livre  (M.  D.).., 

51.  Deuxième  livre  (M.  D.). 

52.  Trois  études  (A.  D.) 


D.,  Difficile.  —  P.  D.,  peu  difficile. —  A.  D.,  assez  difficile.  —  T.  D.,  très-difficile.) 


(Signes  d'abréviations  :  F.,  facile.  —M.  D.,  moyenne  difficulté. 

If.  B.  Chaque  école,  chaque  maître,  ayant  ses  doigters,  ses  mouvements,  ses  nuances,  toutes  choses  privées  dérègles  absolues,  I'Édition-Marmontel  ne  prétend 

point  imposer  ses  indications  :  elle  se  borne  à  les  recommander  comme  étant  élaborées  avec  soin  d'après  les  traditions  et  les  autorités  les  plus  compétentes. 

Les  1"   """  et  3""  Séries  de  cette  nouvelle  Édition,  se  composant  chacune  de  53  Morceaux,  et  embrassant  toute  I'École  classique  du  Piano, 

depuis  BACH,   HAEIMWEt,   SCABLATTI  jusqu'à  nos  jours,  sont  publiées,  et  en  vente  au  Ménestrel. 

Les  4m0,  5ra0  et  6mc  séries  sont  sous  presse  et  paraîtront  successivement. 

.  Paris,  411  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne,  HEUGEL  el  C",  Éditeurs  pour  la  France  et  l'Étranger. 


ABONNEMENT    A    LA    LECTURE   MUSICALE. 
Toute  reproduction,  même  partielle,  «les  doigter* 


(FOURNISSEURS   DU    CONSERVATOIRE.)  —  VENTE   ET   LOCATION    DE    PIANOS, 
ccculuutions  et  annotations  de  30.4  StïîOV2'KB.i,  est  rigoureusement  interdite 


771.  —  28e  Année. 

N°  30. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  23  Juin 

1861. 


££»Oil 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


JULES    LOVY, 

t  Rédact'en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  "Vivienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(ini  Magasins  et  Abonnement  do  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Teolc  et  location   de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

e*  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  «O  Morccuux: 
Scènes,  Mélodies,  Komances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  itlbtiins- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15 fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  to  Morceaux 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albiimi 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger  ;  21  fr. 


CHANT  ET   PIANO    ItEUNIS  i 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morccnux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  'franco 
un  bon  surla  poste,  à  MM.  HEÙtJEfc  et  C»",  éditeur»  du  Ménestrel  et  de  là  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  S.  —  3774 


SOMMAIRE. 


TEXTE. 


I.  Le  Théâtre  et  la  Musique  au  Salon  de  1861  (1er  article).  Gustave  Bertrand.  — 
IL  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  première  représentation  de  Marianne. 
J.  Loty.  —  III.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  — IV.  Tablettes  du  pianiste  et  du 
chanteur  :  Chopin  et  ses  œuvres  (4-  article).  H.  Barbedette.  —  V.  Nouvelles. 
—  Nécrologie.  —  Publications  musicales.  L.  d'Aubigny. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

LA  DANSE  MACABRE , 

Paroles  d' Armant  Livrât,  musique  de  E.  Lomrard.  —  Suivra  immé- 
diatement après  :  Absent  !  poésie  de  M.  Léon  Halévy  ,  musique  de 
M.  de  Saint-Rémï,  mélodie  dédiée  à  Madame  la  Csse  de  Morny. 

PIANO: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  :  la 

VALSE  DE  CHOPIN, 

Op.  64,  N°  1 ,  dédiée  à  Mmc  la  Csso  Potocka.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  V Absence,  romance  sans  paroles,  de  J.-M.  Delalanne. 


LE  THEATRE  ET  LA  MUSIQUE  Al  SALON  DE  1861. 


LES  PORTRAITS. 

Le  Ménestrel  a  voulu  avoir,  lui  aussi,  sa  revue  du  salon,  et, 
sans  sortir  des  limites  naturelles  de  celte  feuille  spéciale,  la 
moisson  sera  encore  assez  riche.  Voici  ce  que  nous  avons  noté 
pour  la  musique  et  le  théâtre,  en  parcourant  un  peu  en  hâte, 
et  haletant,  les  galeries  du  palais  de  l'Exposition,  transformé 
depuis  un  mois  en  serre  chaude,  en  étuve. 

Dans  le  remaniement  général  qui  s'est  opéré  au  commence- 
ment de  ce  mois,  la  belle  exposition  de  portraits  d'Hippolyte 
Flandrin  s'est  augmentée  d'une  toile  nouvelle,  qui  a  tous  droits 
d'ouvrir  notre  défilé  des  portraits  :  ab  Jove  principium.  Cette 
toile  est  placée  dans  le  grand  salon  carré,  au  fond  ,  près  de  la 
porte  de  droite.  Elle  n'a  pas  de  numéro,  de  mention  au  cata- 


logue, mais  elle  n'en  a  pas  besoin  ;  vous  reconnaîtrez  sans  peine 
la  figure  bienveillante  du  personnage  qui  est,  après  l'Empereur, 
le  premier  patron  officiel  des  beaux-arts  et  des  théâtres,  S.  Exe. 
M.  le  comte  Walewski,  ministre  d'État.  C'est  le  digne  pendant 
du  portrait  tant  célébré  du  prince  Napoléon  ;  Flandrin  y  a  mis 
tout  son  art.  Vrai  portrait  de  ministre  :  on  y  voit  respirer  le 
calme  et  l'assurance  profonde  que  donne  l'exercice  du  pouvoir. 

Maintenant,  nous  suivrons  simplement  l'ordre  du  classement 
alphabétique. 

Dès  notre  premier  pas  dans  le  salon  A,  Mlle  Emma  Fleury 
nous  arrête,  non  pas  que  la  ressemblance  soit  merveilleuse , 
la  charmante  pensionnaire  de  la  Comédie-Française  est  plus 
svelte  et  plus  piquante.  Je  crois  que  l'œil  gauche  fait  un  peu 
trop  de  zèle,  pure  calomnie ,  calomnie  odieuse  pour  les  beaux 
grands  yeux  de  M"0  Fleury  !  La  ressemblance  est  surtout  dans 
un  sentiment  général  de  pudeur  et  de  pureté  que  M.  Amaury- 
Duval  a  parfaitement  rendu,  et  dans  le  mouvement  plein  de 
grâce  mutine  de  cette  tête  qui  nous  regarde  par-dessus  l'épaule 
et  le  torse  à  demi-retourné.  La  pose  de  la  main  est  excellente,  et, 
ne  l'oublions  pas,  cette  main  est  pianiste,  elle  a  fait  ses  preuves 
dans  le  Feu  au  Couvent. 

Voici  Mme  Madeleine  Brohan,  par  Baudry.  Toutes  les  figures 
de  M.  Baudry  se  ressemblent  :  la  paternité  artistique  s'y  trahit. 
Ne  vous  étonnez  pas  trop  si  la  belle  Madeleine  paraît  un  peu 
sœur  de  sa  voisine  Charlotte  Corday.  La  figure  est  plus  longue 
que  nature,  le  cou  manqué;  je  proteste  contre  la  grosse  main 
rouge  qui  lient  le  livre  ;  mais  l'ensemble  est  d'une  distinction 
parfaite  et  le  sourire  charmant. 

Arrêtons-nous  devant  le  n°  356.  — C'est  une  scène  antique... 
—  Justement.  Cet  atrium  a  été  copié  dans  une  maison  de 
l'avenue  Montaigne  ;  ces  personnages,  vêtus  à  l'antique,  sont  au- 
tant de  contemporains  fort  connus  ;  ils  répètent  deux  comédies 
en  vers  :  le  Joueur  de  Flûte  et  la  Femme  de  Diomède ,  pour 
cette  représentation  qui  fut  donnée  l'an  dernier  dans  la  maison 


23  i 


LE  MÉNESTREL. 


romaineduprinceNapoléonetquifitlantdebruit.  — Le  costume 
antique  sied  à  merveille  à  la  chevelure  et  à  la  barbe  olympiennes 
de  M.  Théophile  Gautier,  que  vous  voyez  debout  au  dernier 
plan.  Pourquoi  cette  main  tendue  avec  trois  doigts  ouverts  ? 
le  grand  fantaisiste  joue-t-il  à  la  morra  avec  son  interlocutrice 
Mlle  Favart,  qui,  adossée  à  une  colonne,  nous  livre  son  gracieux 
profil?  —  A  droite,  Madeleine  Brohan,  accoudée  à  une  autre 
colonne,  fait  les  beaux  bras  en  souriant.  —  DevantelleM.  Emile 
Augier  lit  un  manuscrit.  —  Vous  ne  reconnaîtrez  pas  facile- 
ment Gelfroy  qui  est  étendu  sur  un  lit  tout  auprès  ;  mais  la  pose 
et  le  raccourci  sont  excellents.  —  On  n'a  jamais  pu  savoir  ce 
que  cherchent  des  yeux  Samson  et  Got,  qui  font  groupe  a  part 
à  gauche  ;  Got  est  maladroit,  c'est  à  ne  pas  le  reconnaître  ; 
quant  à  Samson,  que  l'éminent  comédien  me  le  pardonne,  il  a 
l'air  d'un  bon  cordonnier  avec  cette  espèce  de  grand  tablier  vert 
qui  lui  serre  la  taille  :  il  ne  lui  manque  que  des  bretelles. 

Nous  n'avons  pas  fini  avec  la  Comédie-Française.  Voici 
M.  Empis  ,  ancien  administrateur  de  ce  théâtre.  Si  le  nom  ne 
m'abuse  pas,  M.  Ad.  B. . . . ,  l'auteur  de  ce  portrait,  est  le  frère 
ou  le  cousin  du  gendre  de  l'honorable  académicien. 

Y  a-t-il  une  parenté  plus  étroite  entre  l'auteur  et  l'original 
du  n°  142 ?  Charles  Baltaille,  le  chanteur,  a  fait  faire  son  por- 
trait par  son  homonyme,  Eugène  Baltaille.  Il  est  représenté  clans 
son  costume  de  Pierre  le  Grand  [VÊtoile  du  Nord,  3e  acte)  , 
debout,  dans  une  fière  altitude,  avec  le  geste  du  commandement. 

M.  Théophile  Gautier  nous  appartient  comme  critique  et  au- 
teur dramatique.  Son  portrait ,  peint  par  M.  Bonnegrâce,  est 
excellent.  Le  peintre  n'a  pas  cherché  à  idéaliser  ce  qu'il  y  a  de 
naturellement  majestueux  dans  la  mine  du  poète  ;  en  revanche 
il  semble  avoir  pris  à  tâche  de  bien  rendre  le  côté  gaulois,  cor- 
dial, un  peu  rabelaisien  qui  est  aussi  dans  le  caractère  de 
l'homme  et  du  fantaisiste.  Cette  petite  observation  faite,  il  faut 
dire  que  cette  peinture  est  pleine  d'intelligence  et  de  vie ,  et 
que  les  tons  en  sont  d'une  chaleur  admirable. 

Bevenons  au  Théâtre-Français.  Le  portrait  n°  1206  est  in- 
sensé :  d'abord  ce  n'est  pas  Mme  Guyon,  il  doit  y  avoir  méprise. 
Au  lieu  des  attributs  de  Melpomène  ou  tout  au  moins  d'un  fond 
sérieux,  la  célèbre  tragédienne  aurait-elle  jamais  eu  l'idée  de 
choisir  ces  accessoires  de  salle  à  manger,  ce  dressoir  chargé 
d'assiettes?  Le  tapis  à  fleurs  qui  décore  cette  salle  à  manger 
est  aussi  très-malheureux.  Le  peintre  a  eu  la  malchance  d'ob- 
tenir un  effet  auquel  beaucoup  de  ses  confrères,  et  lui-même 
peut-être,  voudraient  toujours  être  sûrs  d'arriver.  Les  bouquets 
de  ce  tapis  ont  un  relief  superbe  :  on  dirait  d'une  avalanche  de 
fleurs  qu'un  public  idolâtre  vient  de  jeter  aux  pieds  de  l'actrice 
inspirée.  Mais  non  I  il  n'y  a  pas  de  ces  ovations  à  domicile  ; 
d'ailleurs  c'est  bien  un  intérieur  de  famille  que  nous  avons  sous 
les  yeux.  Encore  une  fois,  ce  n'est  pas  possible:  l'auteur  est  jeune, 
on  aura  abusé  de  sa  crédulité. 

N'oublions  pas  le  n°  391,  qui  contient  plusieurs  jolies  minia- 
tures. Par  voie  d'élimination  je  suis  arrivé  à  trouver  celle  que 
le  livret  m'annonce  comme  devant  être  le  portrait  de  M"e  Marie 
Koyer,  pensionnaire  de  la  Comédie-Française.  Je  le  veux  bien, 
mais  je  crois  que  c'est  Mlle  Ferreyra  qui  a  posé  ;  il  y  a  un  peu 
de  sa  physionomie. 

Gustave  Bertrand, 

{Lu  suite  au  numéro  prochain.) 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA-COMIQIE. 


Marianne,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  M.  Jules  Pbével  , 
musique  de  M.  Théodore  Ritteh. 

Le  théâtre  Favart  nous  égrène  le  chapelet  de  ses  pièces 
d'été  ;  et,  dans  cette  qualification  de  pièces  d'été,  n'allez  pas 
voir,  je  vous  prie,  quelque  arrière-pensée  de  dédain;  je  serais 
désolé  qu'on  m'accusât  de  porter  atteinte  à  la  considération  du 
répertoire  de  la  belle  saison;  il  a  des  mœurs  paisibles;  il  est 
calme,  inoffensif,  et  n'affiche  pas  la  moindre  tendance  h  l'école 
de  l'avenir.  On  assiste  h  l'innocent  fredonnement  de  ses  chan- 
sons, tout  en  songeant  à  ses  affaires  privées,  et  c'est  là  un  avan- 
tage immense,  dont  il  ne  faudrait  pas  faire  litière  au  milieu  des 
mille  préoccupations  que  nous  causent  la  cherté  des  loyers  et  la 
dégérescence  des  domestiques. 

La  musique  du  petit  opéra  qui  vient  de  se  produire  devant  la 
rampe  est  signée  Théodore  Bitter,  un  virtuose  du  clavier,  dans 
toute  l'acception  du  mot;  un  véritable  artiste  enfin.  Aussi 
M.  Bitter  s'est-il  demandé  :  Pourquoi  n'écrirai-je  pas  des  opé- 
ras tout  aussi  bien  que  MM.  Thalberg,  Bubinstein,  Liltolff, 
Lacombe,  et  autres  princes  du  piano? 

Et  voici  le  prétexte,  —  je  veux  dire  le  texte,  —  sur  lequel 
s'est  appuyée  sa  muse  lyrique. 

Un  seigneur  breton,  le  comte  de  Keronec,  quitte  chaque 
matin  sa  jeune  femme  pour  courir  les  aventures.  Son  occupa- 
tion favorite  est  la  chasse,  mais  ses  mœurs  sont  un  peu  celles 
de  Joconde,  car  il  fait  de  fréquentes  visites  à  sa  gentille  fer- 
mière Marianne.  La  comtesse  a  eu  vent  de  la  chose,  et  la  voilà 
qui  se  dirige  clandestinement  vers  la  ferme,  où  elle  rencontre 
Jean-Pierre,  le  cousin  de  la  fermière.  Ce  paysan  se  laisse  arra- 
cher tous  les  aveux  désirables,  et  la  comtesse  acquiert  la  certi- 
tude que  son  noble  époux  poursuit  Marianne  de  ses  galantes 
assiduités. —  Jean-Pierre,  il  faut  que  vous  épousiez  voire  cou- 
sine !  —  Moi,  madame  la  comtesse  ?  je  ne  demande  pas  mieux, 
mais  je  suis  trop  pauvre. — Tenez,  voici  un  acte  de  donation; 
la  métairie  est  à  vous;  maintenant  tâchez  d'être  aimable  et 
d'obtenir  les  bonnes  grâces  de  Marianne.  —  Qu'est-ce  qu'il  faut 
faire  pour  cela,  madame  la  comtesse? —  Je  reviendrai  tantôt 
vous  donner  une  leçon  de  galanterie. . .  —  Je  vous  laisse  à  pen- 
ser la  joie  du  benêt. 

Le  comte  arrive  à  son  tour.  Ici  nouvel  acte  de  donation  de  la 
ferme,  mais  cetle  fois  au  profit  de  la  fermière,  et  dans  l'espoir 
de  fléchir  ses  rigueurs  :  Marianne  accepte,  —  ce  qui  me  semble 
passablement  léger  quand  on  ne  veut  rien  donner  en  échange. — 
«  Je  reviendrai,  dans  une  heure,  chercher  votre  réponse  défini- 
tive, dit  le  comte.  » 

Jean-Pierre,  caché  derrière  une  porte, a  tout  entendu. Il  vient 
chercher  querelle  à  Marianne;  mais  des  confidences  réciproques 
les  mettent  bientôt  d'accord  :  ils  garderont  la  ferme,  mais  ils 
éconduiront  le  donateur;  et  d'abord  M.  le  comte  va  recevoir 
une  petite  leçon  qui  l'éloignera  à  tout  jamais,  —  ou  du  moins 
pour  longtemps.  En  effet,  voici  venir  la  comtesse  pour  donner 
au  jeune  paysan  sa  leçon  d'amour,  et  voici  le  comte  aux  pieds 
de  Marianne;  le  lout  au  milieu  des  ténèbres,  comme  la  fameuse 
scène  du  Mariage  de  Figaro  et  autres  imbroglios  traditionnels. 
Bientôt  un  garçon  de  ferme  entre  avec  une  lanterne.  Coup  de 
théâtre.  La  leçon  est  complète,  et  la  comtesse  emmène  son  vo- 
lage époux. 

Si  nous  abordons  la  parution  de  M.  Bitter,  c'est  pour  consta- 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


235 


1er  d'abord  un  certain  désappointement  dans  l'esprit  de  maint 
auditeur.  Sans  rester  précisément  au-dessous  de  ce  qu'on  espé- 
rait, cette  musique  semble  différente  de  ce  qu'on  attendait  d'un 
pianiste-compositeur  nourri  de  la  moelle  instrumentale  do  Beetho- 
ven, d'un  virtuose  bercé  par  les  accents  vigoureux  et  les  canti- 
lènes  heurtées  de  l'école  romantique  allemande.  M.  Ritter  com- 
prenait sans  doute  les  modestes  proportions  du  canevas  qu'on  lui 
a  présenté,  puisqu'il  s'est  borné  à  de  gracieuses  broderies,  à  une 
trame  simple  et  légère,  à  un  tissu  nuancé  de  tons  italiens. 

Toutefois,  le  savoir-faire  de  l'harmoniste  perce  dans  les  accom- 
pagnements d'orchestre.  On  remarque  çà  et  là  des  dessins  de 
violons  qui  serpentent  à  travers  une  phrase  chantée,  s'entrela- 
cent dans  un  duo,  ou  grimpent  le  long  d'une  cavatine,  de  façon 
à  captiver  l'attention  du  connaisseur.  Plusieurs  morceaux  ont  été 
justement  applaudis,  mais  le  public  a  fait  une  ovation  spéciale  au 
Chant  dubraconnier  et  aux  couplets  de  Jean-Pierre,  couplets 
d'une  facture  originale,  chantés,  mimés  et  dansés  avec  une 
verve  incomparable  par  notre  comique  Berthelier. 

Troy  et  M"e  Bélia  semblaient  en  proie  à  quelque  émotion, 
car  on  les  a  trouvés  moins  satisfaisants  que  d'habitude;  pourtant 
MUe  Bélia  a  bien  détaillé  l'andante  de  son  duo  avec  Berthelier, 
et  Troy  a  su  imprimer  une  certaine  vigueur  au  Chant  du  bra- 
connier; Mlle  Tuai  remplit  gentiment  le  rôle  de  la  comtesse. 

En  somme,  un  succès  d'été. 

J.  Lovy. 


SEMAINE  THEATRALE. 

L'ambassade  siamoise  a  fait,  cette  semaine,  une  apparition  à 
FQpéra.  On  avait  réservé  pour  l'ambassadeur  Phra  Ya  Eri- 
bibadhu  Batié  l'avant  -  scène  contiguë  à  la  loge  impériale, 
ainsi  qu'une  loge  de  face  au  deuxième  étage  pour  les  offi- 
ciers de-  sa  suite  ;  mais  l'ambassadeur  a  tenu  absolument  à 
figurer  à  l'étage  supérieur.  La  représentation  a  paru  les  amuser 
infiniment.  Pendant  un  entr'acte,  on  les  a  menés  sur  la  scène. 
Les  petits  négrillons  du  cortège  d'Olympia  les  intriguaient  sur- 
tout. Un  officier  siamois  a  pris  un  de  ces  négrillons  et  lui  a 
frotté  le  front  avec  le  bout  du  doigt,  pour  s'assurer  que  la  cou- 
leur était  fausse.  Tout  les  étonnait  et  les  mettait  en  gaîté. 

On  a  inauguré  l'autre  soir  à  l'Opéra,  une  nouvelle  rampe  à 
réflecteur  dont  voici  une  succincte  description,  avec  l'énuméra- 
tion  de  ses  avantages. 

Dans  ce  système,  la  rangée  des  becs  de  gaz  n'est  plus  visible 
pour  les  artistes  ;  elle  est  inférieure  au  parquet,  et  c'est  un  long 
réflecteur  argenté  qui  en  renvoie  la  lumière  sur  la  scène,  à  tra- 
vers des  plaques  de  verre  dépoli,  semblable  à  celui  des  globes 
de  lampes.  Les  yeux  des  acteurs  sont  un  peu  plus  ménagés 
ainsi. 

D'un  autre  côté,  la  petite  cloison  qui  servait  à. cacher  aux 
spectateurs  la  flamme  et  les  hautes  cheminées  de  verre  des  becs 
de  gaz  est  devenue  inutile.  L'avanlage  de  celte  suppression  sera 
très-appréciée  surtout  des  spectateurs  des  premiers  fauteuils  de 
l'orchestre,  qui  ne  pouvaient  voir  les  artistes  qu'à  mi-jambes  ou 
même  à  mi-corps,  pour  peu  qu'ils  fussent  au  deuxième  plan. 

Un  troisième  avantage  encore  plus  grand,  c'est  que  ce  système 
va  supprimer  tout  danger  d'incendie  sur  la  personne  des 
artistes. 

Le  mot  avantage  est  trop  faible  pour  désigner  ce  côté  salutaire 
de  l'amélioration. 


L'Opéra-Comique  nous  a  donné  cette  semaine  la  première 
représentation  de  Marianne,  paroles  de  M.  Jules  Prével,  musi- 
que de  M.  Th.  Ritter.  (Voir  notre  article  de  ce  jour.)  — 
Mme  Faure-Lefebvre  et  M.  Battaille  effectuent  leur  rentrée,  la 
première  dans  Joconde,  le  second  dans  V Étoile  du  Nord,  qui 
va  servir  de  début  à  MUe  Boziès,  du  Théâtre-Lyrique. 

Une  nouvelle  comédie  en  quatre  actes,  la  Vie  indépendante, 
de  MM.  Fournier  et  Alphonse,  a  obtenu  une  brillante  réussite 
au  Gymnase.  La  pièce  est  habilement  faite  et  supérieurement 
jouée.  Il  y  a  là  des  situations  vraies,  des  scènes  touchantes,  des 
détails  pleins  de  délicatesse.  Lafont  déploie  sa  distinction  habi- 
tuelle et  devient  même  dramatique  au  troisième  acte.  M"0  Mé- 
lanie  s'assimile  l'accent  marseillais  dans  la  perfection.  Lesueur 
est  fort  plaisant,  Mlle  Delaporte,  très-gracieuse;  et  enfin  Kime, 
le  débutant,-  joue  avec  rondeur  et  bonhomie. 

Le  théâtre  des  Variétés,  qui  nous  avait  déjà  donné  la  pho- 
tographie des  Portiers,  vient  d'éditer  celle  des  Domestiques. 

Les  auteurs,  MM.  Grange  et  R.  Deslandes,  ont  esquissé  les 
principaux  traits  de  cette  misère  de  notre  temps:  ils  ont  même 
mêlé  à  leurs  types  celui  de  la  servante  de  Molière  (moins  le  dé- 
vouement). La  pièce,  sans  précisément  nous  offrir  des  situations 
neuves,  contient  des  éléments  d'hilarité,  et  trouve  en  outre  de 
joyeux  auxiliaires  en  Kopp,  Charles  Potier,  Grenier,  Thierry, 
jjmes  Aline  Duval  et  Dupuis,  deux  transfuges  du  Palais-Royal. 

Le  Théatre-Déjazet  a  également  sa  parodie  de  la  Tour  de 
Nesle.  Elle  est  signée  Léon  Beauvallet  et  Marc  Leprevost,  et 
renferme  quelques  désopilants  tableaux.  Tissier  en  Marguerite 
de  Bourgogne,  Baynard-Mors-aux-Dents  (Buridan),  et  Paul  Le- 
grand,  fout  assez  bien  valoir  cette  excentricité. 

Puisque  les  chaleurs  autorisent  les  théâtres  à  nous  jouer 
toutes  sorles  de  tours,  la  scène  Féerique  des  Champs-Elysées  se 
met  aussi  sur  les  rangs.  Voici  la  Tour  de  Bondij,  folie  musicale 
en  un  acte,  paroles  de  M.  Francis  Tourte,  musique  de  M.  Maxime 
Leblond.  Cette  joyeuseté  est  vivement  menée  par  Octave  Tes- 
sier,  Seguin,  Frascisque  et  MIle  Jenny  Kid,  la  reine  de  l'en- 
droit. 

Le  principal  mérite  de  ce  théâtre,  et  de  celui  du  Chalet  des 
Iles,  c'est  qu'ils  ont  la  vraie  verdure  pour  toile  de  fond. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
F.  CHOPIN  ET  SES  ŒUVRES. 

VI.   (1) 

Chopin  a  écrit  deux  livres  d'études  et  des  préludes  justement 
estimés. 

Le  premier  livre  d'études  (op.  12)  est  dédié  à  Liszt.  Il  con- 
tient douze  pièces  toutes  remarquables  par  l'originalité  du  trait, 
des  modulations,  en  même  temps  que  par  la  construction  scienti- 

(1)  Op.  12.  —  Premier  livre  d'études,  dédié  à  Liszt. 
Op.  25.  —  Deuxième  livre,  à  la  comtesse  d'Agout. 

—  Trois  éludes  pour  la  Méthode  des  Méthodes. 
Op.  28.  —  Vingt-quatre  préludes,  à  Camille  Pleyel. 
Op.  45.  —  Prélude,  à  la  comtesse  Tchernischoff. 


236 


LE  MÉNESTREL. 


fique.  Les  études  de  Chopin  comptent  au  nombre  de  ce  qui  a  été 
produit  de  plus  parfait  en  ce  genre.  —  On  a  étrangement  abusé 
du  mot  études  dans  ces  derniers  temps.  Sous  le  nom  d'études 
mélodiques  surtout,  que  de  motifs  sans  caractère,  que  de  bana- 
lités, que  de  ponts-neufs  n'a-t-on  pas  fait  passer  dans  le  domaine 
de  la  publicité,  au  moyen  d'un  procédé  bien  connu,  celui  qui 
consiste  à  entourer  un  chant  quelconque  d'un  système  d'arpèges 
et  d'accompagnement  continuellement  identique!  —  Telles  ne 
sont  pas  les  études  de  Chopin  ;  la  mélodie  est  toujours  distin- 
guée, limpide  comme  un  pur  diamant,  généralement  triste  (c'est 
le  cachet  de  la  belle  musique).  —  Le  trait  est  construit  avec 
l'habileté  particulière  au  maître,  habileté  sur  laquelle  nous  nous 
sommes  expliqué  et  sur  laquelle  nous  n'avons  plus  à  revenir. 
L'harmonie  est  écrite  à  un  nombre  inusité  de  parties,  mais  tou- 
jours sans  effort  et  avec  une  clarté  parfaite.  Il  faudrait  tout  citer 
dans  le  recueil.  Notons  le  chant  si  exquis  du  n°  3;  —  le  carac- 
tère profondément  triste  des  nos  6  et  9  ;  —  le  n°  12  est  drama- 
tique. Les  études  2,  4,  5,  7,  8,  10  et  11  sont  presque  gaies 
(  n'oublions  pas  que  ce  premier  livre  d'études  appartient  à  la 
première  période  delà  vie  de  Chopin).  La  5e  est  charmante, 
quoique  basée  sur  une  combinaison  bizarre  :  la  main  droite  ne 
joue  que  sur  les  touches  noires  de  l'instrument.  Dans  la  10e, 
on  remarque  un  de  ces  jeux  de  rhythme  auxquels  se  plaisait 
Chopin  :  les  deux  mains  jouent  simultanément  dans  des  mou- 
vements dissemblables.  Enfin  la  première  étude,  d'une  exécu- 
tion difficile,  se  fait  remarquer  par  des  accords  arpégés  dont  les 
harmonies  sont  grandioses  et  dignes  de  Bach. 

Le  second  livre  d'études  est  moins  classique  que  le  précédent. 
—  C'est  moins  l'étude  proprement  dite  que  ce  qu'au  temps  de 
Mozart,  de  Bach,  on  eût  appelé  pièce  de  piano.  Il  est  aussi  plus 
original  ;  le  caractère  propre  de  Chopin  s'y  développe.  —  La 
lre  est  très-mélodique,  c'est  un  beau  chant,  suave,  poétique  , 
soutenu  par  des  arpèges;  la  2%  à  deux  rhythmes,  est  une  étude 
de  vélocité  d'une  grâce  exquise.  Chaque  étude  varie  de  carac- 
tère :  —  ainsi,  après  la  3e  qui  est  assez  vive,  la  4e  paraît 
sombre,  agitée  ;  dans  la  5e  on  remarque  un  beau  chant  reli- 
gieux ;  la  6e  semble  une  page  détachée  d'Ossian  ;  —  la  7e  est 
formée  de  deux  chants  simultanés ,  l'un  dit  par  la  main  droite 
dans  le  registre  supérieur  de  l'instrument  ;  le  second,  par  la 
main  gauche,  dans  le  médium  et  les  parties  profondes  ;  le  tout 
soutenu  par  une  harmonie  exquise.  Chopin  a  plus  d'une  fois 
reproduit  cet  effet,  et  Schuloff  s'en  est  inspiré  dans  l'adagio  de 
sa  belle  sonate.  —  La  8e  étude  brille  par  le  sentiment  poétique  ; 
la  9e  est  une  délicieuse  canzonetla italienne;  la  10e  un  ouragan; 
la  11e  intéresse  malgré  sa  bizarrerie;  la  12e  enfin  brille  par 
d'ingénieuses  combinaisons  harmoniques. 

En  dehors  de  ces  deux  livres ,  Chopin  a  écrit  trois  études 
pour  la  Méthode  des  Méthodes  ;  elles  sont  toutes  les  trois  fort 
belles.  La  lre  et  la  3e  sont  écrites  en  rhythmes  divers  et  simul- 
tanés ;  —  l'une,  très-sombre  comme  pensée,  l'autre,  poétique 
et  d'un  enchaînement  harmonique  remarquable.  La  2e  a  cela 
de  singulier  qu'à  la  même  main  (la  main  droite),  les  notes  supé- 
rieures sont  liées,  les  notes  inférieures  détachées.  —  Dans  ces 
trois  études,  Chopin  s'est  proposé  des  difficultés  très-réelles  à 
résoudre,  et  il  l'a  fait  avec  un  rare  bonheur  et  une  rare  élégance. 

Les  préludes  de  Chopin  ont,  selon  nous,  une  valeur  artistique 
supérieure  à  celle  des  études.  L'individualité  de  l'artiste  s'y 
dessine  plus  nettement  encore.  Il  est  difficile  de  donner  une 
analyse  de  ces  pièces  charmantes,  en  général  peu  développées, 


dont  quelques-unes  ne  comptent  que  peu  de  lignes,  les  plus 
longues  deux  ou  trois  pages.  Ce  sont  des  effusions  musicales 
toutes  spontanées.  On  peut  dire  que  Chopin  est  tout  entier  dans 
ses  préludes,  une  de  ses  œuvres  les  plus  intimes  et  les  plus  ori- 
ginales, un  écrin  de  pierres  précieuses.  —  Un  pianiste  fantai- 
siste n'eût  pas  manqué  d'intituler  le  Ruisseau,  la  Cascade,  les 
préludes  3  et  23  ;  ne  sont-ce  pas  en  effet  de  véritables  ruis- 
seaux de  perles  limpides?  —  Que  le  n°  4  est  sombre  et  désolé  ! 
(comparez-le  à  la  Mort  et  la  Jeune  Fille,  de  Schubert,  au  can- 
tique la  Mort,  de  Beethoven) .  —  Notez  le  beau  chant  de  basse 
du  n°  6,  rappelant  assez  celui  de  l'étude  7e  du  huitième  livre. 
—  Quel  poëme  en  quatre  lignes  que  le  n°  7  !  —  Le  n°  9  est  une 
évocation  d'une  majesté  souveraine  ;  —  Le  n°  12,  au  contraire, 
est  surtout  passionné.  — Le  n°  14  est  un  germe  que  Chopin 
semble  avoir  fécondé  dans  le  premier  morceau  de  sa  sonate , 
op.  35.  —  Le  n°  15,  peut-être  le  plus  beau  de  tous,  se  fait  re- 
marquer par  un  chant  céleste,  interrompu  par  une  inspiration 
dramatique  à  donner  le  frisson.  — Le  n°  20  est  un  magnifique 
choral  qui  serait  d'un  grand  effet  sur  l'orgue.  —  Le  n°  21  est 
vaporeux,  féerique.  —  Le  n°  22  fait  involontairement  songer  au 
Moine  de  Meyerbeer.  Nous  n'avons  cité  ici  que  les  plus  remar- 
quables d'entre  les  préludes  dédiés  à  Camille  Pleyel. 

Chopin  a  écrit  un  prélude  isolé  (op.  45)  qui  n'a  pas  la  valeur 
des  précédents  ;  c'est  une  inspiration  d'un  caractère  un  peu 
incolore. 

Qu'il  nous  soit  permis  de  faire  une  remarque  :  peu  de  pia- 
nistes modernes  ont,  autant  que  Chopin,  réussi  dans  le  prélude. 
Ce  genre  n'est  pas  fait  pour  captiver  la  foule  :  il  est  trop  intime; 
il  ne  permet  pas  d'aspirer  à  une  renommée  bruyante  ;  mais  il 
est  cher  à  tous  ceux  qui  préfèrent  à  l'éclat,  une  lueur  plus  pâle  , 
mais  plus  douce,  plus  touchante,  qui  apprécient,  avant  tout, 
l'effusion  de  l'âme  et  la  spontanéité. 

VII.  (1) 

On  peut  rapprocher  des  préludes  Y  impromptu,  pièce  dont 
la  création  semble  appartenir  à  Chopin  (2).  L'impromptu  dé- 
bute par  un  trait  brillant  et  développé  qui,  au  moyen  d'une 
reproduction  presque  identique  ,  servira  aussi  de  péroraison. 
La  partie  intermédiaire  est  réservée  à  l'exposition  d'une  mélodie 
large  et  puissante.  Le  plus  célèbre  des  impromptus  de  Chopin 
est  le  premier,  dédié  à  Mlle  Lobau.  Il  est  plein  de  suavité  et  de 
sentiment.  Le  second  (op.  36)  est  écrit  en  demi-teinte,  il  est 
vaporeux  et  presque  insaisissable;  sa  construction  s'éloigne  aussi 
du  plan  que  nous  avons  indiqué.  M.  Fortoul  (3)  a  écrit  une 
page  qui  s'applique  merveilleusement  à  ce  spécimen  du  talent 
de  Chopin. 

«  Chopin,  dit  M.  Fortoul,  se  plaît  dans  de  fines  broderies  , 
dont  le  contenu  même  est  quelquefois  si  fugitif  qu'il  paraît  in- 
décis. Il  procède  cependant  carrément  avec  une  sorte  de  naïveté 
qui  dédaigne  de  se  donner  les  formes  de  la  souplesse  et  qui  est 
comme  la  bonhomie   de  la  délicatesse.  Il  travaille  avec  une 


(1)  Op.  29.  —  Premier  impromptu,  à  Mlle  de  Lobau. 
Op.  36.  —  Deuxième  impromptu. 

Op.  51.  —  Troisième  impromptu,  à  la  comtesse  Esterhazy. 
—  Quatrième  impromptu  posthume  (1834). 

(2)  Nous  devons  dire  cependant  qu'avant  Chopin ,  F.  Schubert  avait 
écrit  de  ravissantes  pièces  sous  le  nom  ^'impromptus.  Mais  le  plan  diffère 
sensiblement  de  celui  des  pièces  dont  nous  faisons  ici  l'analyse. 

(3)  VArt  en  Allemagne,  t.  I,  p.  7. 


TAHLETTES  DU   PIANISTE  ET   DU  CHANTEUR. 


237 


science  extrême,  un  thème  ordinairement  simple  ;  mais  il  ne 
lui  enlève  jamais  par  le  travail,  même  excessif,  son  caractère 
de  simplicité.  La  pure  fantaisie  semble  conduire  ses  mélodies  ; 
elle  les  accompagne  même  lorsqu'on  cesse  de  les  entendre.  Elle 
les  prolonge,  si  l'on  peut  parler  ainsi,  jusque  dans  le  silence  où 
elle  aime  à  les  voir  se  perdre.  C'est  la  musique  des  fées,,  des 
esprits,  des  lutins ,  au  milieu  desquels  de  plus  sombres  figures 
n'apparaissent  que  pour  mieux  faire  ressortir  leur  légèreté,  et 
comme  pour  ajouter  à  toutes  les  grâces  celles  de  la  mélancolie.  » 

Le  3e  impromptu  (op.  51)  est  d'un  style  noble  et  soutenu  ; 
on  y  remarque  un  de  ces  chants  de  la  main  gauche  qu'affec- 
tionnait Chopin,  et  dont  nous  avons  déjà  signalé  des  exemples 
dans  l'étude  7  du  premier  livre  et  le  6e  prélude. 

S'il  nous  fallait  choisir  parmi  les  impromptus  de  Chopin  , 
nous  donnerions  nos  préférences  au  4e  impromptu  (posthume), 
écrit  en  1834.  —  Tout  est  à  noter  dans  ce  petit  chef-d'œuvre. 
Le  trait  est  d'une  pureté  classique  ;  le  chant  est  d'une  largeur 
presque  grandiose,  émouvant  jusqu'aux  larmes.  On  ne  com- 
prend guère  quel  motif  a  pu  porter  Chopin  à  oublier  dans  ses 
cartons  ce  morceau  si  digne  de  la  publicité. 

VIII  (1). 

Chopin  a  abordé  presque  tous  les  genres  de  musique  légère, 
et  à  tous  il  a  imprimé  le  cachet  de  sa  nature  rêveuse  et  triste. 
Qui  croirait  qu'une  tarentelle,  un  boléro,  pussent  laisser  dans 
l'esprit,  après  l'audition,  un  sentiment  douloureux?  Ces  vives 
et  sémillantes  formules  de  la  gaieté  méridionale,  Chopin  les  a 
transformées  ;  il  n'en  a  conservé  que  le  cadre,  et  à  la  place  des 
figures  joyeuses  qu'on  était  accoutumé  à  y  voir,  il  a  mis  le- 
pâles  beautés  du  Nord.  On  pourra  vérifier  la  justesse  de  cette 
observation  en  parcourant  sa  délicieuse  tarentelle  (op.  43)  et 
son  boléro. 

Du  reste,  Chopin  n'a  usé  que  sobrement  de  ces  formules  qui 
ne  convenaient  pas  à  la  nature  de  son  tempérament  de  poète, 
sans  avoir  pour  lui  la  valeur  toute  patriotique  et  nationale  des 
mazourkes  et  des  polonaises. 

Il  est  bien  plus  lui-même  dans  la  herceu.se  (op.  57).  Cette 
pièce  est  construite  sur  une  basse  uniforme  avec  une  modulation 
unique  et  sans  cesse  répétée  (la  plus  simple  de  toutes).  Le  chant 
n'a  que  quatre  mesures.  Mais  quel  écrin  le  maître  a  versé  sur 
cette  mélodie  presque  tronquée  !  Qui  saurait  dire  le  charme 
incomparable  de  cette  poétique  composition?  La  voyez-vous, 
l'entendez-vous ,  la  blonde  mère,  berçant  de  sa  voix  encore 
juvénile,  le  nouveau-né  endormi  sur  ses  genoux  : 

Cher  enfantelet,  vray  pourtraicl  de  ton  père , 
Dors  sur  le  seyn  que  ta  bouche  a  pressé  ! 
Dors,  petiot  ;  cloz,  aray,  sur  le  seyn  de  ta  mère , 
Tien  doulx  œillet  par  le  somme  oppressé  I  (2) 

La  barcarolle  (op.  60)  est  aussi  très-poétique.  Elle  est  peut- 
être  trop  développée  et  un  peu  vague,  mais  elle  plaît  par  le 
cachet  de  rêverie  qui  y  est  imprimé. 

Chopin  n'a  écrit  qu'une  fantaisie  (op.  49).  C'est  une  fantaisie 
comme  la  comprenaient  les  vieux  maîtres ,  toute  puisée  aux 

(1)  Op.  43.  —  Tarentelle. 

Op.  19.  —  Boléro,  à  la  comtesse  de  Flahaut. 
Op.  57.  —  Berceuse,  à  Mlle  Gavard. 
Op.  60.  —  Barcarolle,  à  la  baronne  Stockausen. 
Op.  49.  —  Fantaisie,  à  la  princesse  Souzzo. 

(2)  Clotilde  de  Surville  :  Yerselets  à  mon  premier  né. 


sources  personnelles  de  l'inspiration,  pure  d'alliage  étranger. 
Chopin  était  trop  riche  de  son  propre  fonds  pour  recourir  à  des 
idées  qui  ne  fussent  pas  siennes.  Nous  engageons  à  étudier  cette 
belle  composition. 

IX  (2). 

Nous  devons  a  Chopin,  sous  le  nom  de  hallades,  quatre  pièces 
dont  il  est  assez  difficile  de  donner  l'analyse  et  le  plan.  Ce  sont 
des  compositions  généralement  assez  vagues.  —  Pourquoi  bal- 
lades? —  Cette  appellation  singulière  nous  ferait  supposer 
Chopin  sous  l'impression  de  quelque  poétique  légende  de  son 
pays,  essayant  de  la  traduire  dans  la  langue  musicale.  —  Le 
langage  musical  n'équivaut  pas  au  langage  articulé;  —  aussi 
ne  résulte-t-il  de  l'audition  de  ces  pièces  qu'un  sentiment  de 
rêverie  très-prononcé.  Le  première  (op.  23)  est  la  plus  régu- 
lièrement construite;  le  chant  est  sombre,  dramatique,  d'un 
grand  effet,  largement  et  scientifiquement  traité.  La  deuxième 
(op.  28),  dédiée  à  Schumann,  est  une  sorte  de  pastorale.  Il  y  a 
de  la  naïveté  et  de  la  tristesse  à  la  fois  dans  le  motif  ;  mais  ce 
chant,  qui  berce  délicieusement,  est  coupé,  avec  une  brusquerie 
évidemment  exagérée,  par  un  presto  agitalo  beau,  mais  trop 
court  ;  —  le  morceau  finit  par  la  reprise  du  molif. 

La  troisième  ballade  (op.  47)  n'offre  pas  de  contrastes  :  elle 
brille  au  contraire  par  l'unité  ;  le  style  en  est  placide  et  presque 
souriant. 

La  quatrième  (op.  52)  est  trop  développée  ;  c'est  une  œuvre 
anxieuse,  d'une  teinte  de  tristesse  uniforme,  mais  ricbe  en  dé- 
tails d'une  extrême  distinction  et  en  combinaisons  qui  en  rendent 
l'élude  pleine  d'intérêt. 

La  ballade  semble  une  création  propre  à  Chopin. 

H.  Barbedette. 

(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  On  a  déjà  recueilli  à  Londres,  pour  l'Exposition  universelle  de  1862, 
dix  millions,  et  l'on  va  construire,  contigu  à  l'édifice,  une  énorme  salle 
de  concerts  qui  contiendra  vingt  mille  personnes.  On  y  jouera  de  grands 
oratorios,  que  Bénédict  dirigera;  l'Orphéon  y  chantera.  La  direction  a 
adressé  à  Auber,  Meyerbeer,  Bossini,  et  à  l'un  des  meilleurs  compositeurs 
de  l'Angleterre,  la  demande  d'écrire  exprès,  chacun,  un  morceau  pour  cette 
solennité. 

—  Le  théâtre  Lyceum  de  Londres  vient  de  donner  Un  Ballo  in  maschera, 
de  Verdi,  avec  un  éclatant  succès.  Mmes  Titiens,  Gassier,  Lemaire,  JIM.  Délie 
Sedie,  Giuglini,  Gassier  et  Petey  ont  été  rappelés  après  chaque  acte.  On  a 
bissé  plusieurs  morceaux ,  entre  autres  l'aria  :  Tri  ta  che  macchiavi , 
admirablement  chantée  par  le  baryton  Délie  Sedie,  qui  a  été  de  plus  l'objet 
d'ovations  spéciales  comme  comédien.  M.  Calzado,  ainsi  que  Mmes  Penco, 
Grisi,  MM.  Tamberlick,  Graziani  et  Gardoni,  brillaient  parmi  les  auditeurs 
de  cette  belle  représentation.  L'orchestre  était  dirigé  par  M.  Ardili. 

■ —  Notre  confrère  l'Entr'acte  nous  escompte  déjà,  un  peu  prématurément, 
la  prochaine  saison  du  Théâtre-Italien  de  Paris.  Voici  le  bulletin  qu'il  vient 
de  publier  ;  c'est  presque  de  la  musique  de  l'avenir,  dans  son  acception 
réelle  :  «  Mario,  en  ce  moment  à  Londres,  vient  de  signer  avec  M.  Cal- 
zado un  nouvel  engagement  qui  courra  à  partir  du  15  octobre  jusqu'au 
31  mars  ;  c'est  presque  toute  la  saison.  Tamberlick,  qui  est  encore  lié 
pour  l'hiver  prochain  au  théâtre  de  Saint-Pétersbourg,  arrivera  à  Paris  et 

(2)  Op.  23.  —  Première  ballade,  à  la  baronne  de  Stockausen. 
Op.  28.  —  Deuxième  ballade,  à  Bobert  Schumann. 
Op.  47.  —  Troisième  ballade,  à  Mlle  de  Noailles. 
Op.  52.  —  Quatrième  ballade,  à  M.  de  Bothschild. 


238 


LE  MÉNESTItEI.'. 


commencera  à  chanter,  le  8  mars:  mais  il  n'y  a  pas  espérance  de  pouvoir 
le  garder  jusqu'à  la  fin  d'avril,  car  l'Exposition  universelle  de  1862,  à 
Londres,  fera  sans  doute  avancer  l'ouverture  de  la  saison  de  Covenl- 
Garden,  où  il  est  engagé  pour  plusieurs  années.  Notre  prochaine  saison 
italienne  sera  aussi  riche  en  ténors  qu'en  prime  donne,  car  nous  aurons, 
outre  Mario  et  Tamberlick,  la  rentrée  de  Belart,  très-agréable  tenorino 
qu'on  a  déjà  entendu  à  Paris,  et  les  débuts  d'un  jeune  ténor  allemand 
nommé  Graun ,  sur  qui  l'on  fonde  les  plus  grandes  espérances,  et  que 
M.  Calzado  s'est  attaché  pour  plusieurs  années.  » 

—  L'entreprise  lyrique  du  Theater  an  der  Wien,  à  Vienne ,  est  défini- 
vement  dissoute,  la  direction  n'ayant  pu  lutter  contre  les  difficultés  sans 
nombre  qui  entravaient  sa  marche  administrative. 

—  On  construit  à  Naples  un  théâtre  diurne  qui  doit  contenir  plus  de 
cinq  mille  personnes. 

—  Junca,  la  basse-taille  qui  faisait  naguère  partie  de  la  troupe  du 
Théâtre-Lyrique,  vient  d'être  engagé  au  théâtre  Carlo-Félice,  de  Gênes. 

—  S'il  faut  en  croire  le  journal  de  musique  de  Boston  ,  l'art  musical 
commencerait  à  s'acclimater  dans  les  îles  Sandwich.  A  Honolulu,  il  s'est 
formé  une  société  philharmonique  qui  donne  des  concerts,  dont  le  pro- 
gramme se  compose  en  grande  partie  de  musique  classique,  et  qui  donne 
aussi  des  représentations  théâtrales  d'opéras.  Ainsi  S.  M.  Kamehameha 
chantait,  il  y  a  quelque  temps,  le  rôle  de  Manrico,  et  sa  royale  épouse 
celui  d'Azucena,  dans  Trovatare.  —  Se  non  èvero,  etc. 

—  On  sait  que  le  compositeur  Spohr  a  laissé  ses  mémoires,  qu'on  a 
publiés  tout  récemment  en  Allemagne  sous  le  titre  :  Autobiographie  de 
Spohr.  Il  paraîtrait  qu'au  point  de  vue  de  la  charité  chrétienne,  cette 
publication  posthume  a  quelque  analogie  avec  les  Mémoires  d'outre- 
tombe  de  Chateaubriand.  Voici  ce  que  nous  lisons  dans  cette  autobiogra- 
phie de  Spohr  (chapitre  de  son  voyage  en  Italie!  :  «  Dans  une  conversa- 
tion avec  le  directeur  du  Conservatoire  de  Naples ,  Zingarelli,  il  fut  beau- 
coup question  de  Haydn.  Spohr  ayant  prononcé  le  nom  de  Mozart,  Zin- 
garelli, tout  en  convenant  que  Mozart,  lui  aussi,  avait  eu  quelques  dispo- 
sitions pour  l'art  musical ,  ajoute  «  qu'il  était  fort  à  regretter  que  ce 
«  maître  n'eût  pas  eu  le  temps  de  continuer  ses  études  encore  pendant  une 
«  disaine  d'années;  qu'alors  il  eût  pu  mettre  au  jour  quelques  bons 
a  ouvrages.  »  Ce  passage  est  accompagné  d'une  vignette  représentant  une 
tête  d'âne.  » 

—  On  écrit  de  Spa  :  «  La  saison  promet  d'être  brillante.  On  va  d'abord 
offrir  à  nos  baigneurs  un  opéra  inédit  de  M.  Jules  Béer,  qu'on  a  applaudi 
l'hiver  dernier  à  Paris  :  les  Roses  de  M.  de  Malesherbes.  Puis  nous  en- 
tendrons successivement  Mmes  Schumann  ,  Kastner-Escudier  ,  de  Taisy , 
MM.  Servais,  Brassin,  etc. 

—  Notre  maestro  Halévy  travaille  en  ce  moment,  dit-on,  à  un  opéra 
intitulé  Noé.  Cet  ouvrage  est  destiné  au  Théâtre- Lyrique. 

—  Nous  avons  annoncé  l'engagement  de  Mme  Anna  Berlini,  par  M.  Me- 
relli,  pour  le  théâtre  de  la  Scala  de  Milan.  On  nous  apprend  que  Mme  Colson, 
l'ancienne  cantatrice  de  notre  Théâtre-Lyrique,  a  également  été  engagée 
par  M.  Merelli  pour  l'hiver  prochain. 

—  Nous  avons  publié  il  y  a  quelque  temps  une  partie  du  rapport  fait 
par  M.  Fétis,  du  Conservatoire  de  Bruxelles  ,  sur  la  messe  solennelle  à 
deux  chœurs  de  M.  Pierre  Benoist,  ce  jeune  compositeur  belge,  dont  le 
nom  commence  à  devenir  populaire  à  Paris.  Nous  apprenons  que  S.  M.  le 
roi  Léopold  vient  d'ordonner  que  cette  messe  sera  chantée  le  21  juillet 
prochain  à  Sainte-Gudule,  pour  l'inauguration  du  31°  anniversaire  de  son 
rèTie.  Plus  de  deux  cents  artistes,  chanteurs  et  instrumentistes,  la  ré- 
pètent en  ce  moment.  Tous  les  frais  de  cette  grande  exécution  seront 
imputés  sur  la  cassette  particulière  de  Sa  Majesté. 

—  Les  morceaux  qu'on  a  choisis  cette  année  pour  le  concours  de  piano 
des  élèves  du  Conservatoire  sont  :  Classes  d'hommes,  un  fragment  du 
quatrième  concert  de  Kalkbrenner  ;  Classes  de  femmes,  un  fragment  du 
concerto  de  Chopin  en  mi  mineur. 

—  Un  arrêté  du  ministre  de  la  guerre  vient  de  créer,  dans  chaque  régi- 
ment, une  école  destinée  à  former  des  élèves  musiciens.  Le  nombre  des 
élèves  est  fixé  à  quinze  pour  les  régiments  do  troupes  à  pied,  et  à  dix 
pour  ceux  de  troupes  à  cheval.  Les  élèves  continuent  à  compter  dans  leur 
compagnie ,  escadron  et  batterie  ;  ils  continuent  à  y  faire  leur  service, 
et,  à  toute  prise  d'armes,  ils  rentrent  dans  le  rang  pour  marcher,  manoeu- 
vrer ou  combattre.  Ils  sont  instruits  à  solfier,  à  vocaliser  et  à  jouer  d'un 
instrument  de  musique  militaire.  A  cet  effet,  les  instruments  réformés 


sont  mis  à  la  disposition  du  chef,  sur  un  bon  signé  de  lui.  Toute  vacance 
qui  se  produit  dans  la  musique  peut  être  remplie  par  un  élève  ayant 
acquis  l'instruction  nécessaire.  Il  est  admis  comme  musicien  de  qua- 
trième classe  et  aussitôt  remplacé  à  l'école  par  un  autre  élève,  de  manière 
que  le  nombre  des  élèves  soit  toujours  au  complet  dans  chaque  régiment. 

—  On  lit  dans  le  Courrier  de  Nantes  :  «  Le  Sport  a  donné  hier  soir  une 
fête  de  bienfaisance  tout  à  fait  splendide.  Dès  huit  heures,  la  foule  la  plus 
élégante  se  pressait  dans  les  salons  et  dans  le  jardin  de  la  Société.  L'hôtel 
était  brillamment  illuminé;  les  jardins  resplendissaient  de  becs  de  gaz,  de 
verres  de  couleur  et  de  lanternes  vénitiennes  pendant  aux  branches  des 
arbres  comme  des  fleurs  lumineuses.  L'orchestre  avait  été  installé  sur  une 
estrade' au  milieu  du  jardin,  et  était  entouré  de  plus  de  deux  mille  audi- 
teurs. M.  Arban  a  donné  le  signal,  et  sous  sa  baguette  nos  artistes  ont 
exécuté  les  morceaux  les  plus  difficiles  du  programme,  aux  applaudisse- 
ments de  la  foule,  applaudissements  dont  les  solistes  ont  eu  leur  bonne 
part.  M.  Arban  a  ensuite  mérité  une  véritable  ovation.  Il  a  charmé  et 
étonné  surtout  dans  sa  cavatinede  Béatrice  et  dans  son  solo  du  Trovatore. 
Une  riche  couronne  lui  a  été  offerte  au  nom  de  l'assemblée  enthousiasmée. 

—  Le  Nouvelliste  de  Bouen  nous  parle  d'un  intéressant  concert  donné 
au  foyer  du  Théâtre  des  Arts,  à  Rouen,  par  M.  Voiron,  chef  d'orches- 
tre des  ballets  de  ce  théâtre.  Des  artistes  aimés  figuraient  au  pro- 
gramme, notamment  M.  et  Mme  Ceret  (M118  Voiron),  M.  Klein,  organiste 
de  la  métropole,  M.  Moulin,  premier  ténor,  etc.,  etc.  L'orgue  expressif  de 
M.  Klein  a  supérieurement  interprété  diverses  compositions  de  M.  A.  Mé- 
reaux  :  la  Neige  des  Alpes,  la  Berceuse  et  la  transcription  Mon  cœur  sou- 
pire. M.  Klein  s'est  fait  également  applaudir  comme  compositeur  :  son 
Joyeux  Tambour  et  sa  fantaisie  sur  Oberon  ont  été  très-fêtés.  M.  Félix 
Ceret  est  toujours  un  excellent  trial,  et  Mme  Ceret-Voiron  a  eu  les  hon- 
neurs d'un  rappel  après  les  couplets  de  Galathée. 

—  Nous  empruntons  au  Nouvelliste  de  Marseille  ,  les  lignes  sui- 
vantes sur  une  jeune  virtuose  qui  marche  sur  les  traces  de  Mlle  Maria 
Boulay  :  «  Malgré  les  préoccupations  et  les  fatigues  du  concours  régional, 
il  n'y  avait  pas  assez  de  place,  mardi,  dans  sa  salle  Boubaud,  pour  conte- 
nir tous  les  dilettanti.  C'est  qu'ils  y  étaient  conviés  par  M"8  Coraly 
Mugnier,  une  gracieuse  jeune  fille  ,  que  nous  nous  enorgueillissons  de 
compter  parmi  nos  compatriotes ,  et  qui ,  à  peine  entrée  dans  sa  quin- 
zième année,  va  bientôt  rivaliser  avec  les  vétérans  du  manche  et  de  l'ar- 
chet. Elle  a,  en  effet,  l'âge  d'une  élève,  mais  presque  le  savoir  d'un 
maître.  Elle  promettait  sans  doute  beaucoup  quand  nous  l'entendîmes 
pour  la  première  fois  il  y  a  trois  ans  ;  elle  tient  plus  encore  aujourd'hui, 
et  le  labor  improbus  n'est  plus  un  précepte  à  lui  appliquer.  Dans  l'Élégie 
de  Ernst,  le  Caprice  de  Vieuxtemps  et  la  Fantaisie  d'Alard  sur  le  motif 
de  la  Fille  du  régiment,  cette  précoce  artiste  a  montré  les  qualités  de 
style  et  de  mécanisme  qui  distinguent  les  successeurs  de  Paganini.  Elle 
a  le  coup  d'archet  audacieux  et  brillant,  une  netteté  que  rien  n'altère, 
une  phrase  dont  la  simplicité,  le  charme  et  l'élégance  sont  véritablement 
enchanteurs.  » 

—  On  lit  dans  la  Presse  de  Londres  :  «  Nous  avons  entendu  cette  se- 
maine, à  Argyll  Rooms,  une  nouvelle  et  délicieuse  valse  d'Antony  La- 
motte,  intitulée  :  The  witherai  leaves  (les  Feuilles  mortes).  Le  motif 
principal  qui  sert  d'introduction  est  la  fameuse  romance  de  L.  Abadie  : 
les  Feuilles  mortes,  que  chacun  de  nos  lecteurs  connaît  par  coeur.  L'ha- 
bile chef  d'orchestre  d' Argyll  Rooms  a  traduit  pour  l'orchestre  cette 
plaintive  et  touchante  élégie  avec  un  charme  et  un  fini  de  détails  qui  ne 
laissent  rien  à  désirer.  La  belle  mélodie  d' Abadie  soupirée  par  les  altos,  vio- 
loncelles, clarinettes  et  bassons,  rend  admirablement  toute  la  tristesse 
navrante,  le  suprême  adieu  du  pauvre  poitrinaire  à  celle  qu'il  aime  et  qu'il 
va  quitter  ici-bas.  » 

—  L'Angleterre  seule  a  le  courage  de  placer  sa  saison  musicale  au  cœur 
de  l'été.  On  ferait  en  ce  moment  deux  lieues  dans  Paris  sans  rencontrer 
un  concert,  et  pourtant  un  phénomène  de  ce  genre  s'est  déclaré  dimanche 
dernier,  salle  Herz,  où  MUe  Eugénie  Benel  donnait  une  matinée  musicale 
et  dramatique.  On  a  commencé  par  la  Joie  fait  peur,  pour  égrener  en- 
suite un  chapelet  vocal  et  instrumental  défrayé  par  Mm8S  Benel,  Ovazza, 
Freret,  Maubant,  Thalgrun,  Pezzani  et  Berlhelier,  qui  est  de  toutes  les 
fêtes. 

—  Les  nombreux  habitués  du  Concert  des  Champs-Elysées  applau- 
dissent, depuis  quelques  jours,  une  jolie  valse  composée  par  Musard  sur 
les  motifs  de  la  Se.rounte  à  Nicolas,  opéra  de  M.  J.  Erlanger,  joué  ce 
hiver  au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens. 


NOUVELLES   ET  ANNONCES. 


239 


NÉCROLOGIE. 

Encore  un  artiste  qui  vient  de  quitter  ce  bas-monde,  en  emportant  les 
regrets  et  les  sympathies  de  tous  ! 

Giuseppe  Concone  est  mort  presque  subitement  a  Turin,  à  l'âge  de 
cinquante  et  un  ans. 

Né  à  Turin  vers  1810,  Giuseppe  Concone  avait  essayé,  dès  ses  plus 
jeunes  années,  à  se  faire  connaître  au  théâtre  ;  mais  son  Episodio  de  san 
Michèle  (paroles  de  Romani)  n'obtint  que  quelques  représentations. 

Peu  encouragé  par  le  résultat  de  ce  premier  essai  tenté  dans  la  voie  du 
théâtre,  Concone  quitta  l'Ilalie;  il  vint,  en  1837,  s'établir  en  France,  où  il 
habila  tantôt  Paris,  tantôt  la  province,  et  où  il  publia,  soit  pour  le  chant, 
soit  pour  le  piano,  un  grand  nombre  de  compositions.  Il  écrivit  particu- 
lièrement une  certaine  quantité  de  pièces  dramatiques  qui  avaient  parfois 
tous  les  développements  exigés  pour  les  morceaux  d'opéra.  Il  en  est  une 
entre  autres,  intitulée  Jeanne  Hachette,  qui  obtint  beaucoup  de  succès. 
Plusieurs  situations  dramatiques  puisées  dans  les  romans  si  passionnés 
de  Walter  Scott,  modifiées  selon  la  nécessité  et  mises  en  vers  par  son  col- 
laborateur, lui  inspirèrent  des  mélodies  heureuses  et  souvent  fort  origi- 
nales. Sa  fécondité  du  reste  était  extrême,  et,  outre  un  nombre  considé- 
rable de  morceaux  et  de  suites  d'études  pour  le  piano  devenues  popu- 
laires, il  reste  de  lui  des  compositions  religieuses  qui  décèlent  un  véritable 
talent. 

Rentré  dans  sa  patrie  à  l'issue  de  la  révolution  de  1848,  Concone  y  resta 
désormais  fixé,  et,  le  démon  du  théâtre  le  tentant  de  nouveau,  il  écrivit 
un  opéra  intitulé  Graziella,  que,  malgré  toutes  ses  démarches,  il  ne  put 
réussir  à  faire  représenter  sur  aucun  théâtre. 

Peu  de  temps  après  son  retour  de  Turin,  Concone  s'était  vu  confier  la 
charge  d'organiste  de  la  chapelle  royale,  et,  dans  ces  derniers  temps ,  il 
avait  été  nommé  chevalier  de  l'ordre  de  Saint-llaurice  et  Saint-Lazare. 


G.  STANZIERI. 

Un  jeune  pianiste  compositeur,  dont  les  œuvres  et  le  talent  avaient  fait 
sensation  à  Paris  dans  ces  derniers  temps,  vient  d'être  enlevé  bien  pré- 
maturément à  ses  amis  et  à  ses  admirateurs.  Le  jeune  Stanzieri  était  sur- 
tout affectionné  de  Rossini,  dont  il  interprétait  les  œuvres  de  piano  avec 
cette  âme,  ce  sens  musical  et  cette  vérité  d'expression  qui  n'appartiennent 
qu'à  l'auteur  même.  Reaucoup  de  virtuoses  se  disputeront  l'honneur  de 
jouer  la  fameuse  tarentelle,  spécialement  composée  par  Rossini  pour  le 
piano  ;  mais,  on  peut  le  dire,  aucun  n'arrivera  à  lui  donner  la  vie  et  le 
mouvementé  un  égal  degré,  et  cette  variété  de  nuances  qui,  sous  les  doigts 
de  Stanzieri,  faisait  tout  un  poème  de  cette  incomparable  tarentelle. 

Rossini  non-seulement  voyait  dans  Stanzieri,  un  second  lui-même  pour 
l'interprétation  de  ses  œuvres ,  mais  il  lui  reconnaissait  tous  les  dons 
de  l'imagination  individuelle.  C'est  à  sa  recommandation  expresse  que  les 
éditeurs  du  Ménestrel  publièrent  les  Brises  d'Italie ,  recueil  de  pensées 
musicales  exécutées  par  l'auteur  dans  les  salons  du  grand  maestro,  qui 
daigna  illustrer  de  sa  signature  la  dédicace  du  jeune  musicien. 

Dans  ses  pensées  musicales,  Stanzieri  chantait  Florence,  Venise,  Polo- 
gne, Naples,  Sorrente  et  Rome,  la  ville  éternelle.  Il  chantait  sa  patrie 
comme  un  autre  Rellini ,  non-seulement  sur  le  clavier  d'ivoire  où  la  mort 
est  venue  le  surprendre  à  sa  vingt-cinquième  année,  mais  il  la  chantait 
aussi  de  la  voix,  du  cœur  !  Mario,  Graziani,  Grisi,  ont  redit  plus  d'une 
fois  ses  chants,  qui  lui  survivront. 

Pour  l'art  italien,  Stanzieri  est  une  grande  perte.  Avec  de  la  santé  et 
plus  de  maturité  dans  le  talent,  il  y  avait  en  lui,  nous  le  répétons,  l'étoffe 
d'un  autre  Bellini. 


PUBLICATIONS  MUSICALES. 

Nous  nous  empressons  d'ouvrir  nos  colonnes  à  l'excellente  apprécia- 
tion du  Journal  de  la  Vienne  sur  les  ouvrages  de  S.  Thalberg,  Félix 
Godefroid,  Henri  Ravina,  Ch.  Lysberg  et  L.  Diemer,  publiés  par  le  Mé- 
nestrel, en  remerciant,  au  nom  des  auteurs  et  des  éditeurs,  la  plume 
compétente  de  M.  d'Aubigny,  l'un  de  nos  professeurs  les  plus  éclairés  : 


Tous  les  pianistes  qui  veulent  faire  de  leur  instrument  autre  chose 
qu'une  machine  à  produire  le  plus  de  notes  possible  dans  le  moins  de 


temps  donné  connaissent  et  pratiquent  l'excellent  ouvrage  de  Thalberq 
ayant  pour  titre  :  l'Art  du  chant  appliqué  au  piano. 

Les  règles  que  le  célèbre  virtuose  a  posées  en  tête  de  son  œuvre,  les 
indications  précises  qui  accompaguent  chacun  des  morceaux  des  deux  séries 
qui  la  composent,  pouvaient,  jusqu'à  un  certain  point  suffire  aux  amateurs 
et  aux  artistes  très-intelligents  pour  arriver  à  une  exécution  parfaite  des 
pièces  extrêmement  difficiles  que  contient  cette  remarquable  collection. 

Toutefois,  on  trouvait  généralement  que  Thalberg,  en  écrivant  son  ou- 
vrage, avait  plus  songé  aux  pianistes  d'une  force  supérieure  qu'à  ceux 
d'un  talent  secondaire,  auxquels  pourtant  ce  même  ouvrage  pourrait  être 
de  la  plus  grande  utilité,  et  on  désirait  quelque  chose  qui  servît  d'intro- 
duction, d'acheminement,  de  préparation  à  l'élude  de  l'Art  du  chant  ap- 
pliqué au,  piano. 

Notre  grand  harpiste  Félix  Godefroid,  qui  est  aussi  un  pianiste  distin- 
gué, vient  de  donner  satisfaction  à  ce  désir,  en  publiant,  sous  le  titre 
à'Ècole  chantante  du  piano,  une  méthode  en  trois  parties  contenant,  en 
outre  des  observations  et  des  préceptes  les  plus  judicieux,  les  plus  clairs, 
les  plus  détaillés  et  les  plus  rationnels ,  des  exercices  et  des  mélodies- 
types  sur  toutes  les  difficultés  du  chant,  avec  la  manière  de  les  rendre  sur 
le  piano. 

A  l'aide  de  cette  méthode  et  en  la  travaillant  avec  soin  et  avec  intelli- 
gence, on  arrivera  plus  facilement  à  interpréter  convenablement  les  ma- 
gnifiques transcriptions  de  Thalberg,  qui  ne  seront  plus  désormais,  grâce 
à  Félix  Godefroid,  lettres  closes  ou  énigmes  indéchiffrables  pour  tant 
d'exécutants,  estimables  mais  timides,  qui'n'osaient  pas  même  en  entre- 
prendre l'étude. 

Une  autre  de  nos  célébrités  musicales,  Henri  Ravina,  vient  de  faire 
paraître  un  nouveau  livre  d'études  dédiées  à  sa  fille,  qui  se  recommandent 
à  juste  titre  aux  professeurs  de  piano  pour  les  élèves  de  moyenne  force, 
et  qui  méritent  parfaitement  la  qualification  d'harmonieuses  que  le  public 
leur  a  donnée. 

Rien  en  effet  de  plus  gracieux,  de  plus  suave,  de  plus  attachant  que  la 
partie  mélodique  de  ces  études  ;  rien,  en  même  temps,  de  plus  correct  et 
de  plus  propre  à  former  la  main  que  leur  partie  mécanique.  Ce  sont  les 
dignes  sœurs  des  études  caractéristiques  du  même  auteur  et  de  ses  grandes 
études  de  concert. 

Dans  le  genre  moins  sérieux  et  moins  classique,  je  dois  signaler  encore 
un  recueil  A' Airs  savoisiens  transcrits  et  variés  d'une  manière  charmante 
par  Lysberg,  dont  les  œuvres  précédentes  sont  depuis  longtemps  en  pos- 
session de  l'estime  de  tous  les  professeurs ,  et  que  les  élèves  affection- 
nent beaucoup.  Les  Airs  savoisiens  ne  peuveat  qu'augmenter  cette  af- 
fection. 

Enfin ,  et  pour  en  finir  aujourd'hui  avec  les  œuvres  de  piano  qui 
viennent  de  m'être  adressées,  je  recommanderai  aux  personnes  mélanco- 
liques, et  à  celles  surtout  qui  ont  malheureusement  quelque  grave  sujet 
de  tristesse,  une  Élégie  de  Diéjier  sur  la  mort  de  sa  mère.  C'est  bien  là 
véritablement  un  chant  de  regrets  et  d'adieux  écrit  avec  le  cœur.  La 
mélodie  en  est  aussi  distinguée  que  sincèrement  douloureuse,  et  l'harmo- 
nie qui  la  soutient  ne  laisse  rien  à  désirer  sous  le  triple  rapport  de  la 
richesse,  de  la  pureté  et  de  la  correction.  d'Aubigny. 


J.-L.  Hevgel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  fie 


ue  Jean-Jacques  Itou 


En  vente  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne. 

Hommage  à  Mme  SAGERET,  née  CLAPEl'ROIi 


D.  RUB1NI 


N»  1. 
0  SALUTAMS, 

Pour  soprano  solo. 
prix  :  1  f .  50  c. 


N°  2. 

AGNUS  BEI, 

Duo  pour  soprano  et  basse. 

prix  :  1  f.  50  c. 


N°  3. 

AVE  MARIA,  pour  soprano  solo.  —  prix  :  2  fr. 

Morceaux  exécutés  ù  la  madeleine. 


école: 


DU 


PIANISTE  CLASSIQUE  ET  MODERNE 


CAMILLE 


STAHATY 

APPROUVÉE  et  ADOPTÉE 

POUR    MES    CLASSES    BIT    €OW§ER¥ATOIRE, 

PAR  MM. 

AUBER,  RQSSINI,  MEYERBEER,  HALÉVY,  CARAFA,  A.  THOMAS,  BERLIOZ,  REBER,  CLAPISSON, 

G.  KASTNER,  Emile  PERRIN,  VOGT,  GALLAY,  PRUMIER, 

Éd.  MONNAIS,  Alf.  de  BEAUCHESNE. 


CHANT    ET    MÉCANISME 


le^LlYRE   (op.  37). 

85    Études    pour    les  petites   mains. 

1  et  2.  Coulés  et  détachés  (M.  d.,  m.  g.).  — 3.Etude  chantante.  —  4.  Solfège. 
5.  Les  cinq  Notes.  —  6.  Le  Violoncelle.  —  7.  LesdeuxTrompettes.  —S.  La  Gamme. 
9.  Persuasion.  —  10.  Les  Révérences.  —  11.  Fanfare.  —  12.  Convalescence. 
13.  Oui  ou  Non.  —  14.  Montagnarde.  —  15.  Etude  à  4  parties.  — 16.  Le  Staccato. 
17.  Au  Village.  — 18.  Le  Fantôme.  —  19.  La  Sauterelle.  —  20.  Ballade.  —21.  Une 
Caresse.  —  22.  Risoluta.  —  23.  Pas  redoublé.  —  24.  L'Arpège.  —  25.  L'Enjouée. 


2"  LIVRE  (op.  38). 

20    Études   de   moyenne    difficulté. 

1.  Agilité.  —  2.  Air  de  Ballet.  —  3.  Pas  à  Pas.  —  4.  Si  j'osais!  —  5.  Le 
Départ  des  Chevaliers.  —  6.  Sur  l'Eau.  —  7.  Le  Papillon.  —  8.  La  Poursuite. 
9.  La  Bergeronnette.  —  10.  La  Fuite.  —  11.  L'Angélus.  —  12.  Une  Course 
à  deux.  —  13.  Franchise.  —  14.  Hélas!  —  15.  Le  Ramier.  —  16.  Le  Retour 
des  Chevaliers.  —  17.  Confidence.  —  18.  En  Octaves.  —  19.  Grand'JIère  et 
Grand'Père  (canon).  —  20.  La  Chromatique. 


Prix  :   19  fr. 


3b  LIVRE  (op.  39). 
S  4  Études  de  perfectionnement. 


Prix 


fr. 


1.  Le  Messaser.  —  2.  Les  Caquets.  —  3.  Au  Bord  du  Ruisseau.  —  4.  Boute- 
Selle.  —  5.  Scherzetto.  —  6:  Ariette.  —  7.  Vieux  Style.  —  8.  Prestezza.—  9.  Redowa 
fantastique.  —  10.  Les  Masques. —11.  Sous  le  Charme.  — 12.  Colombine. 


13.  Espère  encore!  —  14.  Simple  Histoire.  —  15.  Bacchanale.  —  16.  Lied. 
17.  Etincelles. —  18.  Souvenance.  —  19.  La  Tournoyante.  —  20.  Feuille  et  Zéphyr. 
21.  A  pleines  Voiles.  —22.  Consolation.  —  23.  Abandonnée.  —  24.  L'Orgie. 


ÉTUDES    CARACTÉRISTIQUES  sur  OBERON,  de  WEBER. 


1.  Chœur  des  Génie 


2.  Barcarolle.  —  3.  Ronde  de  Nuit.  —  4.  Arietle  de  Fatime.  —  5.  Vision.  —  6.  Séduction  et  Magie. 
lie  Kecueil  :  SO  tfr.     —     Chaque  Eurcrcii  :   5  fr. 


SOUVENIRS    OU    CONSERVATOIRE 


Transcriptions. 


1.  Plaisir  d'Amour,  de  Martini,  méditation 5  fr. 

2.  Célèbre  Chœur  de  Castor  et  Pollux,  de  Rameau 6 

3.  18°  Psaume  de  Marcello,  paraphrasé 7      ! 

4.  Romance  et  Chanson  militaire  i'Egmoni,  de  Beethoven.    .     •     .  7      ! 

5.  Andante  de  Mozart 5 


6.  Allegretto-Scherzando  de  la  8e  Symphonie  de  Beethoven. 

7.  Menuet  d'HAYDN 

8.  Air  A'Anocréon,  de  Grétry 

9.  Voi  che  sapete,  des  Noces  de  Figaro 

10.  Non  più  andrai  farfallone,  des  Noces  de  Figaro.      .     .     . 


5fr. 
5 


RHYTHME   DES  DOIGTS 

Exercices-Types,  à  l'aide  du  Métronome, 

Pouvant  servir  à  Vélude  la  plus  élémentaire  comme  au  perfectionnement  le  plus  complet  du  mécanisme  du  piano. 

Ce  Recueil  se  divise  en  huit  séries  distinctes,  embrassant,  dans  leur  ensemble,  toutes  les  principales  difficultés  du  mécanisme  d'exécution. 


Première  série  :  exercices  en  notes  simples,  à  main  fixée,  sur  degrés  conjoints. 
Deuxième  série  :  suites  de  notes  simples,  exerçant  les  mains  à  parcourir  le 
clavier  sans  passer  le  pouce. 

Troisième  série  :  gammes  simples  diatoniques  et  chromatiques. 
Quatrième  série  :  arpèges  et  accords  luises  résultant  de  l'accord  parfait. 
Cinquième  série  :  jeu  du  poignet,  —  étude  générale  du  staccato. 

Prix    «lu    Itecucil    complet  :  15  fr.   —   Abrégé 


Sixième  série  :  doubles  et  triples  notes  à  main  fixée,  —  trémolos  de 
quadruples  notes,  —  suites  de  doubles  notes  parcourant  le  clavier,  — 
diatoniques  et  chromatiques  en  tierces  et  en  sixtes. 

Septième  série  :  extension  des  doigts,  —  exercices  à  main  fixée,  arpég 
corils  brisés  résultant  des  accords  de  cinq  doigts. 

Huitième  série  :  variétés  de  rhythmes  et  d'exercices  complétant  chaque 
ÎO    fr. 


triples  et 
gammes 


Paris,  AU  MÉNESTREL,  2  62s,  rue  Vivienne, 
=  HEUGEL    et    Cic,  = 


Éditeurs,    Fournisseurs  du  Conservatoire. 


772.  —  28e  Année. 
rv»  31. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  30  Juin 


aa^a 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  chef. 


EES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  IflEEGEE  et  C'%  éditeurs. 

(An*  Magasins  et  Abonnement  de  Musique  du  IHÉXESTREI..  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Org 


1"  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  ta  morceaux  :      i      2*  Mode  d'abonnement  :  Jotirnal-Tcite,  tous  les  dimanches;  tO  Morceaux  i 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  ï  Albums-  Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine-  «  Albums- 

primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr.  |  primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 

«HIT  ET  FIA1VO    ItF.t'IVIS  t 

3"  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  «  Albunts-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1"  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  — forment  collection  —Adresser  franc, 
un  bon  surla  poste,  à  MM.  IIEUGBI.  et  C",  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 


Tj  p.  Charles  île  Mourgues  frères, 


(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr. 


!  Jean-JacquesRousseau,  8.  —  3901 


SOMMAIRE.   —  TEXTE. 

I.  Le  Théâtre  et  la  Musique  au  Salon  de  1861  (2e  article).   Gustave  Bertraxd. 

—  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovt.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chan- 
teur :  Chopin  et  ses  œuvres  (5e  article).  H.  Barredette.  —  IV.  Les  diapasons, 
de  1680  à.  1859.  —  V.  Un  quatuor  d'amateurs  (3e  article,  fin).  J.  d'Ortigoe. 

—  VI.  Nouvelles.  —  Vil.  Etudes  pratiques  de  style.  Léon  Gataïes. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour  : 

VAESE  DE  CHOPIN , 

Op.  64,  N°  1 ,  dédiée  à  Mme  la  Csse  Potocka.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  l Absence,  romance  sans  paroles,  de  J.-M.  Delalanne. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanebe  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant,  la  mélodie  : 

ABSENT  ! 

Poésie  de  M.  Léon  Halévt  ,  musique  de  M.  de  Saint-Rémy,  mélodie 
dédiée  à  Madame  la  Csse  de  Mornt.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
Ma  mie  Annette,  poésie  d' Henry  Murger,  musique  de  Félix  Godefroid. 


LE  THEATRE  ET  LA  HUSIQtE  Al  SALON  DE  1861. 


LES  PORTRAITS. 

II. 

M.  Gérôme  expose,  entre  autres  choses,  une  Rachel.  C'est 
plutôt,  à  proprement  parler,  une  figure  symbolique  de  la  tra- 
gédie. Le  socle  de  la  colonne  cannelée  où  elle  s'adosse  porte  les 
noms  des  principaux  rôles  du  répertoire  de  l'artiste.  Derrière 
elle  on  aperçoit  un  trépied  :  la  main  caresse  vaguement  la  poi- 
gnée d'un  glaive  ;  le  regard  oblique  et  farouche ,  torva  tuens, 
paraît  suivre  un  projet  terrible. ...  En  somme,  c'est  un  tableau 
d'un  grand  caractère. 

Mais,  ce  qui  est  plus  beau  encore,  c'est  le  portrait  de  Rachel 


après  sa  mort,  dessin  au  crayon  noir  par  Mme  O'Connell.  On 
sait  l'histoire  de  ce  dessin  :  l'excellente  artiste  l'avait  exécuté 
d'après  une  photographie  faite  au  Cannet,  peu  d'instants  après 
la  mort  de  Rachel  ;  il  fut  exposé  quelque  temps  aux  vitrines  de 
l'éditeur  Goupil.  La  famille  Félix  porta  plainte  en  justice,  pré- 
tendant qu'on  n'avait  pas  droit,  sans  sa  permission ,  d'exposer 
en  vente  ce  portrait  ni  aucun  autre  de  Rachel  ;  et  les  tribunaux 
reconnurent  la  légitimité  de  cette  réclamation.  —  Quoi  qu'il  en 
soit,  ce  dessin  est  admirable,  et  je  me  le  représente  ,  aux  ventes 
de  l'an  1900,  poussé  à  des  enchères  fabuleuses  et  humiliantes 
pour  la  peinture. 

Le  portrait  de  Mlle  Trebelli,  du  Théâtre-Italien  (n°  1808) , 
est  une  charmante  miniature  à  l'huile.  Cela  ne  ressemble  pas 
trop,  mais  c'est  encore  une  jolie  figure  ,  et  on  y  retrouve  bien, 
en  effet,  quelque  chose  de  ce  clignement  gracieux,  de  ce  sourire 
piquant  qui  relèvent  la  beauté  de  la  jeune  prima  donna. 

Le  portrait  de  Pierre  Dupont,  le  chantre  populaire  ,  le  mu- 
sicien-poêle, fait  beaucoup  d'honneur  au  jeune  talent  de  M.  Lay- 
raud.  Le  mouvement  de  la  tête,  qui  se  détourne,  est  plein 
d'inspiration  et  de  poésie. 

Quant  au  n°  1948,  que  le  livret  nous  donne  pour  un  Tam- 
berlick  dans  le  rôle  de  Poliuto,  je  jurerais  que  c'est  un  Christ 
manqué,  dont  on  a  fait,  au  pis-aller,  un  saint  Polyeucte,  voulant 
utiliser  ainsi  un  faux  air  de  Tamberlick  qu'avait  cette  figure  de 
sainteté. 

Le  livret  nous  signale  le  portrait  de  Mlle  Ceronetli ,  jeune 
chanteuse  qu'on  a  entendue  dans  quelques  concerts.  J'avoue 
que  je  n'ai  pas  su  le  découvrir. 

Vous  trouverez  sous  le  n°  2407,  un  tableau  de  Mme  Elise 
Orliac,  représentant  Iphigénie  plaintive  et  solitaire  au  milieu 
des  portiques  traditionnels  de  la  tragédie.  Regardez  bien  la 
figure,  et  peut-être  reconnaîtrez-vous  M"e  Anna  Debonne,  la 
gracieuse  pensionnaire  de  l'Odéon. 


242 


LE  MÉNESTREL. 


Voici  (n°  2398)  Eugène  Provost,  de  la  Comédie-Française, 
en  costume  de  Crispin,  et  au-dessous  de  lui,  de  la  main  du 
môme  peintre,  M.  Adrien  Gros,  maître  de  chapelle  à  Saint- 
Germain-des-Prés.  C'est  d'une  bonne  peinture. 

Par  sympathie  et  admiration  pour  Mmc  Viardot,  je  voudrais 
louer  son  portrait  (n°  2531 ,  rôle  d'Orphée)  ;  mais,  en  vérité,  c'est 
trop  faiblement  peint.  Cette  toile  appartient  au  Musée  de  Melun; 
elle  ne  dispensera  pas  les  Mélodunois  de  venir  admirer  la  grande 
tragédienne  lyrique  dans  sa  création  (l'Alceste,  au  mois  d'août 
prochain. 

Encore  une  tragédienne,  et  ce  sera  fini  pour  la  peinture.  Le 
portrait  de  Mlle  Jeanne  Tordeus,  de  TOdéon,  serait  excellent,  si 
les  tons  de  la  figure  n'étaient  pas  d'une  blancheur  aussi  criarde. 
La  ressemblance  y  est  du  reste;  les  bras  sont  admirablement 
modelés;  quant  à  la  draperie,  elle  est  d'un  rendu  merveilleux, 
qui  va  presque  jusqu'au  trompe-l'œil  :  à  quatre  pas,  on  peut 
dire  que  la  sculpture  n'a  pas  plus  de  relief  pour  le  regard. 

Avant  de  passer  a  la  statuaire,  mentionnons  quelques  dessins, 
et  d'abord  les  deux  beaux  portraits  de  Rossini,  que  les  éditeurs 
du  Ménestrel  ont  placés  en  tête  de  la  partition  de  Sémiramis  : 
Rossini  à  Naples,  en  1820,  d'après  le  peintre  viennois  Mayer  ; 
Rossini  à  Paris,  en  1860 ,  d'après  la  photographie  de  Numa 
Rlanc.  Le  jeune  artiste  qui  expose  ces  dessins,  M.  Lemoine, 
avait  déjà  obtenu  la  médaille  d'or  pour  ses  reproductions  au 
crayon. 

Le  portrait  de  Paulin  Ménier  dans  le  Courrier  de  Lyon  (rôle 
de  Chopart),  est  un  véritable  tour  de  force  de  M.  Eugène  Giraud. 
Qui  eût  jamais  songé  à  demander  au  délicat  et  tendre  pastel  de 
tels  effets  de  vigueur  brutale  et  de  crânerie  ! 

Nous  sera-t-il  permis  d'assimiler  h  un  portrait  cet  épisode  de 
la  bataille  de  Magenta  où  figure,  à  la  tête  de  sa  division  des 
grenadiers  de  la  garde,  le  brave  général  Mellinet  "?  Ce  dessin  au 
pastel  lui  est  dédié  par  l'auteur,  M.  Bellangé.  Nous  tenions  à 
saluer  en  passant  l'illustre  militaire  qui  s'honore  d'être  un  de 
nos  premiers  dilettantes.  On  sait  que  ses  connaissances  sérieuses 
en  musique  ont  fait  créer  pour  lui  la  position  de  directeur  gé- 
néral des  musiques  militaires  de  France. 

Les  lecteurs  du  Ménestrel  ont  déjà  entendu  parler  du  buste 
de  M.  Auber,  qui  va  être  exécuté  en  marbre,  par  Dantan  jeune, 
pour  le  Conservatoire.  Les  petits  modèles  en  plâtre  sont  déjà 
répandus  partout.  C'est  une  œuvre  exquise  de  finesse,  de 
vérité.  Tout,  jusqu'aux  moindres  plis  du  visage,  y  est  plein  de 
sens  et  de  jeunesse  ;  pas  une  ride  où  l'on  ne  sente  rire  une 
mélodie  ou  un  trait  d'esprit. 

Nous  ne  pouvons  omettre  la  belle  exposition  de  M.  le  comte 
de  Nieuwerkerke.  Son  salon  du  Louvre  est  si  hospitalier  chaque 
hiver  pour  la  musique  et  pour  nos  artistes  !  D'ailleurs,  nous 
apercevons  parmi  ses  œuvres  un  buste  en  marbre  de  Mme  Con- 
neau,  —  une  femme  du  monde  qui  chante  en  grande  artiste, 
et  à  qui  personne  né  dispute  le  rang  de  prima  donna  dans  les 
salons,  non  pas  même  chez  Rossini. 

Oublierons-nous  davantage  le  buste  de  S.  Exe.  M.  de  Morny? 
Tout  le  monde  sait  que  M.  de  Morny  n'est  point  compositeur  ; 
mais  personne  -.n'ignore  qu'il  a  un  fondé  de  pouvoirs  pour  la 
musique,  M.  de  Saint-Rémy,  dont  les  opérettes  sont  applaudies 
par  la  cour  et  par  la  ville. 

Le  buste  de  M.  Clapisson  de  l'Institut  par  M.  Lequesne'est 
ressemblant.  —  Méry  n'était  pas  facile  à  sculpter;  on  conçoit 


que  le  pinceau,  ou  plutôt  la  brosse,  puisse  attraper  un  jour  par 
bonheur  ce  galbe  si  pittoresquement  ridé,  ravagé,  hérissé,  au- 
quel les  grâces  du  sourire  et  les  pétillements  du  regard  donnent 
une  vie  charmante  et  fantastique.  Maisle  marbre,  mais  le  bronze 
en  seraient-ils  capables  ?  M.  Ludovic  Durand  a  résolu  triom- 
phalement le  problème.  Son  Méry  en  bronze  est  vivant. 

M.  Etex  expose  un  buste  de  M.  Emile  Chevé,  belle  et  dou- 
loureuse tête  d'apôtre  ;  lé  beau-père  et  précurseur  de  Chevé, 
M.  Aimé  Paris,  s'est  confié  au  ciseau  habile  de  M.  Durst. 

Le  buste  en  marbre  que  le  livret  signale  comme  celui  de 
Mlle  X. . . .  de  l'Opéra  ,  ne  pouvait  nous  échapper.  La  figure 
nous  a  dit  le  nom  ;  ce  nom  est  celui  d'une  des  plus  jolies  cory- 
phées du  corps  de  ballet,  aucuns  disent  la  plus  jolie  :  Mlle  Schlos- 
ser.  Ce  buste,  commencé,  dit-on,  pour  l'exposition  de  1859, 
n'a  pu  être  terminé  d'après  nature,  les  yeux  n'en  sont  qu'ébau- 
chés. Tel  qu'il  est,  il  plaît  déjà  ;  on  y  remarque  le  fini  des 
détails,  et  si  vous  vouliez  d'autres  preuves  du  talent  de  l'auteur, 
je  vous  renverrais  à  la  Lesbie,  grande  figure  en  marbre  de 
M.  H.  Chevalier,  exposée  sous  le  n°  3239. 

M.  Baury  expose  un  buste  très-ressemblant  de  Faure.  Les 
portraits  de  Mme  Marie  Laurent  et  de  Fechler,  par  M.  Carrier- 
Relieuse,  sont  en  terre  cuite  :  ils  sont  tous  deux  bien  réussis  ; 
peut-être  l'artiste  a-t-il  un  peu  trop  affiné  la  figure  de  Mme  Lau- 
rent. 

La  caractéristique  beauté  de  Mlle  de  la  Pommeraye,  con- 
tralto de  l'Opéra  ,  méritait  le  marbre  ;  si  vous  en  doutez , 
allez  voir  le  buste  n°  3582.  — Non  loin  de  là,  vous  trouverez 
aussi  celui  de  la  baronne  Vigier,  que  le  théâtre  regrette  et  in- 
voque encore  sous  le  nom  de  la  Cruvelli. 

Maintenant,  citons  un  portrait  de  M.  Dejean,  directeur  des 
deux  Cirques  ;  deux  bustes  excellents  de  M.  et  de  Mme  Edouard 
Rénazet ,  les  hôtes  somptueux  de  Raden-Baden.  —  Mention- 
nons, en  bons  confrères,  quelques  illustrations  du  journalisme 
(MM.  Havin,  Proudhon ,  P.  Limayrac,  Charles-Edmond,  de 
Pêne,  Léon  Plée,  Jourdan,  etc.).  —  Ajoutons,  pour  faire  une  fin 
noble,  quelques  noms  de  l'Institut  (le R.  P.  Lacordaire,  Etienne, 
Ampère,  François  Arago,  etc.)  ;  et  ajournons  nos  bienveillants 
lecteurs  à  dimanche  prochain  ,  pour  passer  en  revue  les  œuvres 
qui  sont,  par  le  sujet,  relatives  au  théâtre  et  à  la  musique. 
Gustave  Bertrand. 
(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 


Les  répétitions  de  l'Alceste,  de  Gluck,  se  poursuivent  avec 
activité.  On  se  préoccupe  aussi  du  ballet  et  des  décors,  qui  se- 
ront dignes  de  cette  importante  reprise.  Dans  l'orchestre,  le  per- 
sonnel des  instruments  à  cordés  sera  augmenté.  Cet  événement 
est  promis  pour  le  mois  d'avril  ;  toutefois,  sur  sa  demande, 
Mme  Viardot  paraîtra  avant  celte  époque  dans  le  Prophète. 
L'œuvre  de  Gounod  se  répète  aussi,  mais  au  piano,  chez  les 
principaux  interprètes  seulement.  Entre  l'Alceste  de  Gluck  et 
la  Reine  de  Saba  de  Gounod,  nous  aurons  le  ballet  de  Mme  Fer- 
raris,  sousle  titre  :  l'Étoile  de  Messine,  chorégraphe  M.  Rorri. 

Relval,  dont  le  congé  est  expiré,  a  effectué  lundi  dernier  sa 
rentrée  à  I'Opéra  dans  le  rôle  de  Bertram  de  Robcrt-le-Diable. 
On  sait  que  le  type  de  Bertram  est  celui  qui  est  le  mieux  appro- 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


243 


prié  à  sa  nature  d'artiste.  Gueymard  a  partagé  avec  lui  les 
honneurs  de  la  soirée.  Mme  Duprez-Vandenheuvel,  et  M1'0  Sax 
(Alice),  de  leur  côté,  n'ont  rien  laissé  à  désirer.  Malheureuse- 
ment, une  indisposition  subile  de  Mlle  Sax  a  privé  l'adminis- 
tration d'une  seconde  soirée  de  Robert.  La  première  avait  atteint 
le  maximum  de  la  recette.  — Mercredi  dernier,  Mme  Tedesco  a 
reparu  dans  le  rôle  de  Léonor  de  la  Favorite,  qu'elle  chante 
toujours  avec  supériorité  ;  et,  dans  la  même  soirée,  le  Marché 
des  Innocents  a  valu  les  bravos  habituels  à  la  piquante  ballerine 
russe  Mme  Petipa,  qui  a  gagné  toutes  les  faveurs  du  public. 
Enfin,  vendredi  dernier,  les  amateurs  se  sont  délectés  de  la 
belle  partition  d'Herculanum. 

Un  fâcheux  désaccord  règne  depuis  quelque  temps  entre  l'ad- 
ministration et  les  artistes  de  l'orchestre  du  Théâtre-Italien. 
Espérons  que,  mieux  inspirés  de  part  et  d'autre  sur  leurs  inté- 
rêts respectifs,  ils  arriveront  à  un  rapprochement  qui  conciliera 
toutes  choses  en  nous  rendant  l'orchestre  des  Italiens  tel  qu'il 
était  l'an  dernier. 

M1Ie  Marimon  a  fait  sa  rentrée  à  I'Opéra-Comique  dans 
les  Diamants  de  la  Couronne.  Inutile  de  dire  que  la  jeune  can- 
tatrice a  été  chaleureusement  fêtée.  Ses  brillantes  variations  du 
deuxième  acte  ont  littéralement  enlevé  la  salle.  Chacun  se  féli- 
cite du  rengagement  de  cette  prima  donna,  dont  le  départ  avait 
été  universellement  regretté. —  Trois  pièces  en  trois  actes  sont 
à  l'étude  :  la  Belle  au  bois  dormant,  de  M.  F.  Bazin  ;  les  Re- 
cruteurs, de  M.  Lefébure-Wély,  et  le  Joaillier,  de  Grisar. 
MUe  Marimon  aura,  dit-on,  un  rôle  important  dans  l'opéra  de 
M.  Lefébure  ;  mais  elle  ^paraîtra  préalablement  dans  l'opéra- 
comique  du  prince  Poniatowski,  Au  travers  d'un  mur,  joué  il 
y  a  quelques  semaines  au  Théâtre-Lyrique  pour  le  bénéfice  de 
M.  Baltaille.  Cette  très-agréable  partition  est  acquise  à  I'Opéra- 
Comique. 

Le  Gymnase  a  donné  cette  semaine  quelques  représentations 
du  Gentilhomme  pauvre ,  pour  profiter  des  derniers  jours  dont 
Lafont  peut  disposer  avant  l'époque  de  son  congé.  —  La  Vie 
indépendante  est  toujours  en  grande  faveur. 

Aux  Variétés  on  répète  activement  les  Danses  nationales, 
vaudeville  en  trois  actes,  de  MM.  Clairville,  Delacourt  et  Lam- 
bert Thiboust,  dont  les  principaux  rôles  sont  confiés  à  Mlle  Al- 
phonsine  et  à  Dupuis. 

Le  Palais-Royal  annonce  une  nouveauté  en  deux  actes  : 
le  Songe  d'une  Nuit  d'avril.  Ce  titre,  au  reflet  shakspearien, 
est  déjà  gros  de  joyeuses  promesses. 

L'Ambigu-Comique  a  repris  le  Monstre  et  le  Magicien , 
drame  qui  a  trente-cinq  ans  de  bouteille.  Créé  pour  les  be- 
soins d'un  clown  anglais,  cet  ouvrage  fantastisque  est  ressuscité 
sous  les  traits  d'un  mime  américain,  François  Ravel,  qui  s'est 
acquitté  de  sa  tâche  de  monstre  à  la  satisfaction  générale.  Cas- 
tellano  joue  avec  talent  le  rôle  du  magicien  Zametti,  et  Shey  se 
distingue  particulièrement  dans  le  personnage  comique  de  Pie- 
tro.  Enfin,  la  pièce  de  MM.  Merle  et  Antony  Béraud,  complète- 
ment remaniée  par  M.  Ferdinand  Dugué,  a  été  remontée  avec 
un  grand  luxe  de  décors  et  de  costumes.  L'étrangeté  de  ce 
drame  pourrait  bien  lui  valoir  un  regain  de  vogue. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


F.  CHOPIN  ET  SES  ŒUVRES. 

X  (1). 

Les  nocturnes  de  Chopin  sont  peut-être  son  plus  grand  titre 
de  gloire,  ses  œuvres  les  plus  parfaites.  Dans  ces  pièces,  d'une 
distinction  sans  égale,  la  nature  de  son  talent  se  déploie  avec 
toutes  les  qualités  qui  lui  sont  propres,  l'élévation  de  la  pensée, 
la  pureté  delà  forme,  et,  presque  toujours  ce  cachet  de  mélan- 
colie rêveuse  qui  donne  tant  de  charme  à  tout  ce  qu'il  a  écrit. 

Il  est  assez  difficile  de  définir  cet  état  de  l'âme  qu'on  appelle 
la  mélancolie.  Est-ce  l'indice  d'une  faculté  supérieure  ou  celui 
d'une  maladie  intellectuelle  et  morale?  —  Ceux  qui  en  sont 
atteints  inspirent  généralement  un  vif  intérêt;  ils  touchent  les 
plus  indifférents.  Cette  tristesse  douce  et  charmante,  que  l'on 
voit  presque  toujours  survivre  aux  grands  déchirements ,  cette 
résignation  placide  qui  ne  connaît  plus  les  cris  effrénés  du  dé- 
sespoir, les  forts  élans  de  la  passion,  qui,  désabusée  aussi  des 
grandes  espérances,  se  retranche  dans  un  vague  idéal,  se  repaît, 
pour  toute  consolation,  d'un  spiritualisme  mal  défini;  cette  af- 
fection de  l'âme,  disons-nous,  rend  profondément  sympathiques 
ceux  chez  lesquels  on  l'observe.  On  les  croit  volontiers  des 
poètes  :  ce  sont,  dit-on,  des  âmes  qui,  lasses  de  la  terre,  cher- 
chent au  ciel  une  patrie  perdue  ;  et,  de  fait,  la  mélancolie  pré- 
dispose merveilleusement  à  la  poésie,  non  pas  à  la  poésie  vio- 
lente du  drame,  au  fracas  de  l'épopée,  ni  même  au  lyrisme , 
mais  à  celte  poésie  intime,  rêveuse,  qui  aime  à  cueillir  au  bord 
des  ruisseaux  les  bleus  aimez-moi,  qui  suit  dans  la  nue  le  vol 
des  Elfes  et  des  Willis,  qui,  sous  les  flots  profonds,  entend  le 
chant  des  Nixes  marines,  qui  se  laisse  aller  au  charme  de  toutes 
les  légendes  enfanlées  par  l'imagination  des  peuples  du  nord  (2). 

Que  d'artistes  se  sont  révélés,  dans  ce  siècle,  sous  l'influence  de 
cette  poétique  affection  !  que  de  plaintes  charmantes  ont  retenti  ! 
Tous  n'étaient  pas  également  sincères;  mais  leur  langage  était  si 
séduisant ,  ils  parlaient  si  bien  à  notre  cœur  et  à  notre  imagina- 
tion !  Ce  que  nous  admirions  surtout  en  eux,  était  une  aspiration 
immense  vers  la  nature.  C'était  aux  forêts,  aux  lacs,  aux  gla- 
ciers, que  ces  âmes  altérées  confiaient  leur  douleur;  ils  appe- 
laient la  nature  comme  une  mère  bien-aiinée,  une  consolatrice 


(1)  Op.    9.  —  lre,  2e,  3e  nocturnes,  à  Camille  Pleyel. 
Op.  15.  —  4e,  5e,  6e  nocturnes,  à  Ferdinand  Hitler. 
Op.  27.  —  7e,  8e  nocturnes,  à  la  comtesse  d'Appony. 
Op.  32.  —  9e,  20e  nocturnes,  à  la  baronne  de  Billing. 
Op.  37.  —  11e,  12e  nocturnes. 
Op.  18.  —  13°,  11e  nocturnes,  àMraeLaureDuperré. 
Op.  53.  —  15e,  16e  nocturnes,  à  M1Ie  Stirling. 
Op.  62.  —  17e,  18e  nocturnes,  à  il"e  de  Konnaritz. 
—  19e  nocturne  (posthume — 1837). 

(2)  Je  connais  une  Vierge,  une  Vierge  du  Nord  ; 

Son  front  est  pâle ,  hélas!  mais  douce  est  son  image  ; 

Elle  aime  à  visiter,  le  soir,  les  champs  de  mort , 

A  planer  sur  les  hois,  à  rêver  sur  la  plage. 

Oli  !  fuis-la,  si  tu  veux  garder  la  paix  du  cœur  : 

Cette  Vierge  du  Nord,  c'est  la  Mélancolie , 

Et,  quand  on  a  connu  son  doux  regard  rêveur 

Et  son  baiser  d'amour,  jamais  on  ne  l'oublie. 

(  Traduit  du  Suédois  par  X.  Maemier  ,  Ckants  du 
Nord,  p.  315.) 


244 


LE  MÉNESTREL. 


suprême  :  tels,  Saint-Preux  sur  les  rochers  de  la  Meilleraye  , 
Rousseau  dans  l'île  de  Bienne,  Werther'dans  les  forêts  de  l'Al- 
lemagne. 

La  mélancolie,  affeclion  relativement  moderne,  semble  née 
en  effet  de  ce  grand  divorce  qui,  sous  l'influence  du  catholicisme, 
s'est  fait,  au  moyen  âge,  entre  l'homme  et  la  nature.  Elle  fut 
ignorée  des  peuples  qui,  nés  au  soleil  d'Orient  ou  sur  les  côtes 
verdoyantes  de  la  Méditerranée ,  représentent ,  aux  yeux  de 
l'histoire,  la  civilisation  antique.  L'homme  des  anciens  jours 
est  un  peu  comme  l'enfant  :  il  aime  la  vie;  la  terre  est  pour  lui 
un  lieu  de  délices ,  où  partout  il  y  a  des  dieux  cachés.  Il  s'agite 
sans  cesse,  sans  songer  au  lendemain  ;  s'il  triomphe,  la  belle 
nature  ne  sourit-elle  pas  à  ses  succès?  s'il  succombe,  n'ira-t-il 
pas  rejoindre  ses  dieux,  qui,  du  haut  de  leur  Olympe,  lui  tendent 
la  coupe  joyeuse  du  festin  éternel  ?  Que  lui  importe  donc  de 
mourir  les  armes  à  la  main  sur  un  champ  de  bataille,  ou,  le 
front  couronné  de  roses,  au  milieu  d'un  festin?  Si  parfois  le 
spectacle  de  l'injustice  humaine  le  révolte  par  trop,  il  fera 
comme  Socrate,  il  boira  froidement  la  ciguë  en  disant  de  sacri- 
fier un  coq  à  Esculape,  ou  bien,  comme  Caton,  il  se  plongera 
son  épée  au  cœur.  Mais  les  lamentations  stériles,  les  poétiques 
rêveries,  les  mélancoliques  invocations,  il  ne  les  connaîtra  pas. 

Rappelez- vous,  a  dit  le  poëte  : 

Rappelez-vous  ce  temps  où  le  ciel  sur  la  terre 
Marchait  et  respirait  dans  un  peuple  de  dieux  ! 
Où  Vénus  Astarté,  fille  de  l'onde  amère  , 
Secouait,  vierge  encor,  les  larmes  de  sa  mère , 
Et  fécondait  le  monde  en  tordant  ses  cheveux  1 
Où  les  Sylvains  moqueurs,  dans  l'écorce  des  chênes, 
Avec  les  rameaux  verts  se  balançaient  au  vent , 
Et  sifflaient,  dans  l'écho,  la  chanson  du  passant  ; 
Où  tout  était  divin,  jusqu'aux  douleurs  humaines, 
Où  le  monde  adorait  ce  qu'il  tue  aujourd'hui , 
Où  quatre  mille  dieux  n'avaient  pas  un  athée, 
Où  tout  était  heureux ,  excepté  Prométhée  , 
Frère  aîné  de  Satan  qui  tomba  comme  lui.  (1) 

Aussi,  un  historien  philosophe  a  pu  le  dire  :  la  société  an- 
tique arrive-t-elle  à  son  dernier  moment  sans  le  savoir  ;  elle  va 
mourir  et  elle  ne  le  pressent  pas.  Nulle  part  vous  ne  trouvez 
chez  elle  le  deuil,  la  plainte  qui  précèdent  la  chute.  Réunissez 
tous  les  poètes  qui  assistent  à  ce  moment  suprême  d'une  civili- 
sation :  ce  n'est  qu'image  de  paix,  satisfaction  du  présent.  Dans 
Théocrite,  Bion,  Moschus,  Lucien,  Longus,  le  monde  grec 
meurt  en  souriant.  Déjà  la  société  antique  a  disparu  ;  ils  chantent 
encore  l'âge  de  Saturne  (2). 

Le  christianisme  modifia  profondément  l'organisation  des 
sociétés  en  y  introduisant  l'idée  du  renoncement.  Cette  idée  eut 
sa  raison  d'être  ;  —  lorsque  périrent  les  civilisations  antiques  , 
il  se  fit  tant  de  ruines  ;  une  telle  somme  de  douleurs  s'appesantit 
sur  les  peuples,  que  l'homme  put  croire  un  moment  que  le 
monde  était  mauvais,  qu'il  fallait  s'en  détourner  avec  horreur 
pour  ne  songer  qu'au  monde  surnaturel,  à  la  Jérusalem  céleste. 
Dès-lors,  le  divorce  fut  consommé.  En  vain  l'éternelle  nature 
renaissait  plus  riante  et  plus  belle;  en  vain  les  sociétés  tendaient 
au  calme  des  anciens  jours;  l'idée  restait,  la  malédiction  planait 
sur  le  monde,  et,  depuis,  l'homme  n'a  plus  jamais  trouvé  le 
repos.  En  vain  cherche-t-il  la  nature,  elle  semble  le  fuir.  Les 


(1)  Alfred  de  Musset.  —  Rolla. 

(2)  Edgard  Quinet.  —  Christianisme  et  Révolution,  p.  97. 


dieux  n'habitent  plus  sous  l'écorce  des  chênes,  ni  sous  les  flots 
profonds,  le  grand  Pan  est  mort  !  (1). 

Ajoutez  a  cela  l'influence  de  ces  peuples  du  Nord  descendus 
de  leurs  glaciers  et  de  leurs  forêts  brumeuses,  venant  implanter 
en  plein  soleil,  en  pleine  nature,  leurs  superstitions  indécises, 
les  légendes  nuageuses  de  leurs  races,  apportant  l'ombre  où  tout 
était  lumière ,  substituant  leurs  dieux  informes  aux  belles  divi- 
nités de  l'Olympe;  —  à  toutes  les  lignes  nettes,  pures,  éminem- 
ment plastiques  du  monde  grec  et  romain  ,  les  contours  indé- 
terminés et  insaisissables  de  leur  monde  glacé  ;  —  combinez 
toute  cette  tristesse  avec  la  malédiction  jetée  par  le  christia- 
nisme sur  le  monde,  et  vous  vous  expliquerez  comment  la  mé- 
lancolie a  pu  naître  ;  —  comment  trois  fois,  lors  de  la  Re- 
naissance, lors  de  la  Réforme,  lors  de  la  Révolution  française, 
l'homme  a  cherché  en  vain  à  secouer  le  suaire  qui  l'oppressait, 
et  vous  comprendrez  ces  grandes  voix  attristées  de  notre  époque, 
Werther,  Manfred,  René,  Oberraann,  jetant  à  tous  les  échos  le 
cri  de  leur  douleur. 

En  vain  la  science  cherche-t-elle,  à  son  tour,  à  renouer  le  lien 
brisé  ;  —  en  vain  l' homme  reconnaît-il  tous  les  jours  davantage, 
selon  la  belle  expression  de  Spinosa  ,  «  qu'il  n'est  plus ,  au 
milieu  de  la  nature,  comme  un  empire  dans  un  autre  empire;  » 
le  pacte  de  réconciliation  n'est  pas  scellé,  et  longtemps  encore 
nous  entendrons  ces  voix  plaintives  qu'ignorèrent  les  anciens 
iemps. 

Chopin  appartient  à  cette  catégorie  d'esprits  maladifs,  attristés, 
écrasés  sous  le  poids  d'une  éternelle  mélancolie  ;  —  il  est,  en 
outre,  parfaitement  sincère;  —  Chopin  souffrait  réellement; 
—  d'esprit,  ceci  tenait  ou  temps  où  il  était  né  et  à  ses  tendances 
personnelles;  —  de  corps,  on  s'en  convainc  en  jetant  lesyeux 
sur  les  trois  portraits  publiés  en  tête  de  ses  œuvres  posthumes. 
Le  premier  (1830)  est  d'un  beau  jeune  homme  au  regard  assuré  , 
au  front  pur  et  sans  rides,  à  la  taille  droite  et  élancée  ;  le  se- 
cond (1839)  est  d'un  homme  fait  :  la  physionomie  s'est  assom- 
brie ;  il  y  a  plus  de  tristesse  et  aussi  plus  de  poésie  dans  l'en- 
semble ;  le  troisième  (1847)  est  presque  d'un  vieillard  :  l'œil  est 
cave  et  incline  vers  la  tombe,  les  joues  sont  creuses,  la  physio- 
nomie désolée.  A  ces  trois  portraits  correspondent  comme  trois 
manières  de  Chopin  :  les  premières  œuvres,  dans  lesquelles  on 
remarque  bien  une  tendance  à  la  mélancolie,  mais  qui  brillent 
souvent  par  le  mouvement  et  l'éclat  ;  — les  œuvres  de  sa  matu- 
rité, nées  de  l'exil,  toujours  tristes  et  ne  s'échauffant  qu'au  sou- 
venir du  sol  natal  ;  —  ses  dernières  œuvres  enfin,  navrantes 
de  tristesse  et  d'amertume. 

Tous  les  grands  désespérés  de  notre  siècle  n'ont  pas  eu  au 
même  degré  le  cachet  de  la  sincérité.  —  Werther  fut-il  bien 
l'expression  complète  et  sincère  du  génie  de  Goethe?  —  Ne 
doit-on  pas  y  voir  un  simple  accident  dans  la  vie  du  sublime 
païen?  Une  aventure  personnelle,  la  mort  d'un  ami,  les  souf- 
frances morales  du  siècle,  voilà  les  éléments  dont  il  fit  un  chef- 
d'œuvre;  —  après  quoi,  le  trouble  jeté  pour  longtemps  dans  les 
esprits  contemporains,  il  remonta  bien  vite  dans  l'Olympe  serein 
dont  il  était  bien  véritablement  le  dieu  et  le  roi.  —Et  René! 
qui  lui  accorderait  aujourd'hui  le  mérite  de  la  sincérité?  Pleu- 
reur au  cœur  vide,  au  cerveau  pétri  d'orgueil,  que  n'a-t-il  pas 
inondé  de  ses  larmes,  et  laquelle  de  ses  larmes  fut  vraie?  , 

(1)  Cette  substitution  d'un  monde  moral  à  un  autre  et  le  déchirement 
qui  s'en  est  suivi  ont  été  admirablement  décrits  par  Goethe.  —  Voyez  la 
Fiancée  de  Corinlhe.  —  Voyez  aussi  la  légende  du  Tannhauser,  dans  les 
Dieux  en  exil,  de  H.  Heine,  et  Isis,  de  Gérard  de  Nerval. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


245 


Mais  tous,  quelle  que  fût  leur  sincérité  personnelle,  avaient 
compris  et  exprimé  des  souffrances  morales  qui  agitaient  réelle- 
ment la  masse  des  esprits  et  les  agitent  encore;  souffrances  fu- 
nestes qui,  après  tout,  loin  de  grandir  l'homme,  l'amoindrissent. 
Car  l'homme  véritablement  grand  et  méritant  devant  Dieu,  ce 
n'est  pas  l'homme  partiel,  le  pleureur,  l'ascète,  c'est  l'homme 
complet,  l'homme  d'action  agissant  dans  la  plénitude  de  ses 
facultés  multiples,  réconcilié  avec  la  vie  et  le  monde,  cherchant 
alors  même  qu'il  n'est  pas  sûr  de  trouver,  luttant  alors  qu'il 
n'est  pas  sûr  de  vaincre,  mourant  en  paix  alors  qu'il  n'est  pas 
sûr  de  revivre,  l'homme  que  furent  Goethe,  Humboldt,  Bee- 
thoven et  Napoléon. 


Revenons  maintenant  aux  nocturnes  de  Chopin,  qui  ont  été 
pour  nous  l'occasion  de  cette  trop  longue  digression. 

Les  trois  premiers  (op.  9)  sont  extrêmement  célèbres.  Ils  sont 
en  effet  remarquables,  à  l'exception  du  dernier,  qui  nous  sem- 
ble d'un  style  un  peu  cherché. 

Les  trois  suivants  (op.  15)  sont  dédiés  à  Ferdinand  Hiller. 
Le  premier  commence  par  un  chant  d'une  placidité  exquise  ; 
on  dirait  un  beau  lac.  —  Survient  un  trait  agilato  qui  simule 
la  tempête  ;  —  le  calme  renaît  ensuite.  Le  deuxième  est  plein 
de  détails  ravissants.  Le  troisième  est  solennel  et  triste. 

Les  deux  nocturnes  suivants  (op.  27)  forment  contraste  entre 
eux.  Autant  le  premier  est  sombre  et  douloureux,  autant  le 
second  est  élégant  et  finement  brodé. 

Les  deux  nocturnes  à  la  baronne  de  Billing  (op.  32)  sont 
deux  œuvres  de  mélancolie  douce  et  calme.  Le  second  a  été 
imité  par  Lacombe,  dans  une  production  de  même  nature  (1). 

L'œuvre  37  se  compose  également  de  deux  pièces  :  la  pre- 
mière, d'un  style  anxieux,  entrecoupé,  religieux  par  moment; 
la  seconde  plus  calme,  plus  placide,  mais  moins  remarquable. 

On  peut  citer  comme  deux  chefs-d'œuvre  les  deux  nocturnes 
(op.  48)  dédiés  à  Mme  Laure  Duperré.  Le  premier  est  épique  ; 
son  style  véritablement  grandiose  dépasse  les  proportions  habi- 
tuelles du  nocturne.  Chopin  y  trouve  ces  accents  guerriers  qui 
naissent  sous  ses  doigts  toutes  les  fois  qu'il  évoque  le  souvenir 
magique  de  la  patrie.  —  Le  second  est  d'une  tristesse  navrante; 
il  est  admirablement  beau. 

Autant  l'impression  que  l'on  éprouve  en  entendant  ces  deux 
pièces  est  forte  et  émouvante,  autant  l'âme  éprouve  de  repos 
avec  les  deux  charmants  nocturnes  (op.  58)  dédiés  à  Mlle  Stir- 
ling.  Le  style  du  second  est  peut-être  un  peu  tourmenté  ;  mais 
le  premier  brille  par  le  sentiment,  la  grâce  enchanteresse  et 
l'unité. 

Les  deux  nocturnes  (op.  62)  offrent  le  même  caractère  dou- 
cement mélancolique  ;  tous  deux  sont  pleins  de  charme.  Le 
deuxième  offre  un  intérêt  infini  au  point  de  vue  de  l'agence- 
ment harmonique  et  du  contre-point. 


(1)  Il  ne  faut  pas  se  hâter  de  condamner  les  réminiscences  chez  les 
maîtres  :  elles  ne  sont  souvent  qu'apparentes,  en  ce  sens  que,  par  un  hasard 
involontaire,  la  même  idée  a  pu  se  présenter  à  deux  esprits.  —  Ilummel 
savait-il  que  le  thème  de  son  premier  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle 
se  retrouvait  dans  un  quatuor  de  Mozart ,  et  Beethoven  se  doutait- il  que 
la  phrase  qui  termine  le  dessin  de  sa  sonate,  op.  102,  était  déjà  le  sujet 
d'une  belle  fugue  d'Emmanuel  Bach? 


Un  nocturne  posthume,  le  19e  (écrit  en  1837),  est  moins 
remarquable  que  les  précédents  et  manque  de  cachet. 

Le  nocturne  n'est  pas  une  création  propre  à  Chopin,  comme 
ses  ballades  et  ses  impromptus.  Avant  lui,  Field  avait  créé,  en 
ce  genre,  d'impérissables  chefs-d'œuvre,  et,  tout  près  de  nous, 
des  artistes  moins  éminents  l'ont  cultivé  avec  succès. 


H.  Barbedette. 


|  La  suite  au  prochain  numéro.) 


LES  DIAPASONS,  DE  1680  A  i8a9. 


Nos  lecteurs  trouveront  peut-être  quelque  intérêt  à  suivre  les 
différentes  phases  de  la  marche  ascensionelle  du  diapason  de- 
puis deux  siècles  ,  —  marche  ascensionelle  qui  vient  de  se 
résumer  dans  un  ingénieux  travail  de  M.  Emile  Pfeiffer,  de  la 
Maison  Pleyel,  Wolff  et  Ce. 

Sous  la  forme  d'un  instrument  vertical,  sur  le  devant  duquel 
sont  placées  neuf  touches  correspondant  à  neuf  diapasons,  ce 
travail  expose,  dans  quatre  tableaux  synoptiques,  les  principaux 
ouvrages  lyriques  représentés  sur  la  scène  française,  de  1680 
à  1859. 

Le  premier  commence  par  YArmide  de  Lully,  chantée  avec 
un  diapason  donnant  810  vibrations,  d'après  la  première  cons- 
tatation scientifique  faite  par  Sauveur,  et  citée  par  M.  Lissa- 
jous  (1)  dans  la  note  qu'il  a  lue  à  la  Société  d'encouragement. 

Puis,  en  frappant  successivement  les  touches,  se  déroule  dans 
la  progression  ascendante  huit  époques  principales  correspon- 
dantes aux  premières  représentations  des  Danaïdes  (1784  — 
818  vibr.),  Richard  Cœur-de-Lion  (1785  —  820  vibr.),  Adol- 
phe et  Clara  (1799—838  vibr.),  la  Vestale  (1807  —  848  vib.), 
Guillaume  Tell  (1829  —  860  vibr.),  Robert  le  Diable  (1831 
—  865  vibr.),  le  Pré-aux-Clercs  (1833  —  868  vibr.),  et  enfin 
Faust  (1859  —  898  vibr.). 

Dans  l'intervalle  de  ces  époques  sont  désignés  les  autres 
chefs-d'œuvre  qui  ont  illustré  l'Opéra  français,  et  créés  par  les 
Rameau,  Gluck,  Piccini,  Berlon,  Lesueur ,  Méhul ,  Cherubini, 
Della-Maria,  Nicolo,  Boïeldieu,Rossini,  Carafa,  Auber,  Hérold, 
Halévy,  Ambroise  Thomas,  Verdi,  Félicien  David  et  Gounod, 
dans  l'ordre  chronologique  de  leur  apparition. 

De  1807  à  1859,  on  voit  que  l'ascension  a  été  la  plus  forte, 
ce  qui  devait  inévitablement  amener  la  nécessité  d'une  réforme 
que  la  commission  française  a  justement  adoptée,  en  ramenant 
le  diapason  à  l'élévation  qu'il  avait,  à  quelques  vibrations  près, 
lors  de  la  création  de  Guillaume  Tell  et  de  Robert  le  Diable. 
Cette  considération  est  en  effet  ce  qui  justifie  le  mieux  la  sagesse 
de  sa  détermination. 

Nous  croyons  savoir  que  M.  Pfeiffer  destine  son  travail  à 
S.  Exe.  M.  Lvoff,  maître  de  la  cour  de  Russie  et  directeur  de  la 
chapelle  impériale,  compositeur  et  musicien  éminent,  auquel 
on  doit  l'adoption  du  diapason  normal  en  Russie,  avant  même 
qu'elle  n'eût  été  généralisée  en  France. 


(1)  C'est  encore  à  ce  savant  physicien  que  l'Opéra  devra  l'amélioration 
si  importante  qui  vient  d'avoir  lieu  dans  l'éclairage  de  la  rampe. 


246 


LE  MÉNESTREL. 


UN  QUATUOR  D'AMATEURS, 
m. 

Maintenant,  mesdemoiselles,  comme  pendant  a  mon  anecdote 
du  quatuor  patriarcal ,  il  me  reste  encore  à  vous  raconter  un 
autre  fait,  et  c'est  encore  M.  Stéphen  qui  nous  le  fournira.  Vous 
venez  de  voir  un  quatuor  à  trois;  il  va  être  question  d'un  qua- 
tuor à.  cinq. 

M.  Stéphen,  après  l'excursion  d'Oppède,  était  allé  àParis;  il 
s'y  était  perfectionné  dans  l'art  musical.  Il  touchait  un  peu  l'or- 
gue et  jouait  passablement  du  violon.  Il  avait  acquis  une  cer- 
taine habitude  de  l'exécution  et  de  son  style,  quand  tout  à  coup 
on  l'envoya  à  X. . .,  une  ville  de  dixième  ordre,  où  il  y  avait 
un  tribunal  de  première  instance,  un  sous-préfet  et  un  lieute- 
nant de  gendarmerie.  Ce  brave  lieutenant,  M.  P.. .  .,1e  meilleur 
des  humains,  avait  une  passion  terrible,  insurmontable,  et  bien 
malheureuse  pour  la  musique.  Deux  fois  par  semaine,  il  réunis- 
sait des  amateurs  qui  écorchaient  à  la  lettre  les  opéras  deRossini, 
arrangés  en  quatuors.  Il  y  avait  de  plus  des  chanteurs,  des  solis- 
tes, des  guitaristes.  La  veille  du  jour  de  l'arrivée  de  M.  Stéphen, 
le  lieutenant  P.  . .  avait  dit  à  ses  partners  :  «  Messieurs,  il  nous 
arrive  demain  un  petit  juge-auditeur  qu'on  dit  assez  musicien. 
Attention,  messieurs!  on  le  dit  très-partisan  des  compositions 
dévergondées  et  nébuleuses  de  Beethoven  (qu'il  prononçait: 
Bête  au  vin).  Il  faut  lui  montrer  que  nous  aussi,  nous  en  déta- 
chons, quand  il  le  faut.  Demain  matin,  j'irai  l'attendre  à  l'arri- 
vée de  la  diligence  et  je  l'inviterai  pour  la  soirée.  Prenez  le 
quatuor  en  la  de  l'oeuvre  première  (de  Bêle  au  vin)  et  en  avant, 
marche  !  » 

Le  lendemain  M.  Stéphen  fit  son  entrée  dans  le  salon  du 
lieutenant  P...  Après  les  premiers  compliments,  on  offrit  au 
nouveau  venu  la  partie  de  premier  violon  ;  il  la  refusa  et  se 
plaça  au  pupitre  du  second  violon.  Le  premier  morceau  mar- 
cha vaille  que  vaille.  Ce  n'étaient  pas  des  coups  d'archet,  c'é- 
taient des  coups  de  sabre  que  les  exécutants  portaieut  à  leurs 
instruments.  M.  Stéphen  s'étudiait  à  observer  les  nuances,  à 
faire  forte  les  FF,  et  piano,  les  PP.  Vint  l'andante  en  ré,  avec 
variations.  Les  coups  de  sabre  allaient  leur  train  ;  M.  Stéphen 
s'obstinait  à  jouer  piano  et  à  couler  ses  notes. — Hum!  dit  tout  bas 
le  lieutenant  en  s' adressant  à  un  docteur,  fameux  guitariste,  ce 
jeune  homme  ne  joue  pas  mal;  mais  il  n'a  pas  de  son.  On  ne 
l'entend  pas.  Prenez  votre  guitare,  et  venez  doubler  sa  partie  ; 
cela  fera  bien.  —  A  merveille  !  dit  l'autre,  et  il  se  mit  en 
devoir  de  décrocher  la  guitare  suspendue  au  mur.  Il  s'approche 
des  pupitres,  s'appuie  sur  le  genou  gauche  et  accorde  sa  gui- 
tare comme  si  de  rien  n'était.  L'instrument  accordé,  il  prend 
une  chaise,  s'assied  auprès  de  M.  Stéphen  en  le  priant  poliment 
de  se  reculer  un  peu.  M.  Stéphen  alors  se  lève,  offre  son  violon 
au  guitariste  et  le  prie  de  prendre  sa  place.  Le  quatuor  est 
arrêté;  le  lieutenant  voyant  que  M.  Stéphen  veut  quitter  la  par- 
tie :  —  Mais  pas  du  tout,  monsieur,  mais  pas  du  tout,  reprenez 
votre  siège;  vous  allez  fort  bien;  seulement,  comme  votre  vio- 
len  est  sourd  et  n'a  pas  de  son,  j'ai  prié  naturellement  monsieur 
de  doubler  votre  parlie  avec  sa  guitare.  —  Puis,  se  penchant  à. 
l'oreille  du  docteur  :  — Est-il  susceptible,  ce  jeune  homme,  fit 
le  lieutenant  !  »  M.  Stéphen  considéra  attentivement  le  lieutenant 
et  le  guitariste,  et  voyant  une  telle  bonne  foi,  une  candeur  si 
honnête  sur  le  visage  de  l'un  et  de  l'autre,  il  prit  son  parti  en 
brave.  Il  se  rassit,  l'andante  fut  recommencé,  et  chaque  note  de 
la  partie  du  second  violon  fut  surmontée  d'un  tick,  tak,  tok, 


touk,  tronk  de  l'affreuse  guitare.  Vous  imaginez  bien  que 
M.  Stéphen  ne  remit  plus  les  pieds  aux  soirées  musicales  du  bon 
lieutenant  de  gendarmerie. 

Que  dites-vous  de  mes  anecdotes,  mesdemoiselles?  ne  sont- 
elles  pas  jolies  ? 

Et  à  présent,  il  me  passe  par  la  tête  une  idée  bizarre,  un 
soupçon. 

Je  soupçonne  fort  que  ce  M.  Stéphen  vous  intrigue  quelque 
peu,  car,  ne  vous  en  déplaise,  mesdemoiselles,  vous  êtes  passa- 
blement curieuses;  on  me  l'a  dit,  je  le  sais.  Quelques  confé- 
rences que  j'ai  pu  avoir  avec  l'aimable  et  spirituelle  directrice 
de  ce  journal,  m'ont  révélé  bien  des  choses.  Je  suis  même  sûr 
que  vous  grillez  de  savoir  ce  que  peut  être  ce  M.  Stéphen.  Si 
nous  remettions  cette  confidence  au  prochain  numéro,  qu'en 
dites-vous?  —  Ma  foi,  non;  vous  voulez  le  savoir  tout  de  suite; 
dam,  que  vous  dirai-je!  il  y  a  bien  longtemps  de  cela;  cela  date 
de  mil  huit  cent...  Tout  ça  ne  me  rajeunit  pas,  et  il  serait  bien 
possible  que  ce  monsieur  Stéphen  fût .  assez  proche  parent  de 
votre  très-humble  et  très-dévoué 

J.  d'Ortigde. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Ainsi  que  nous  l'avions  annoncé,  MM.  les  commissaires  de  Sa  Majesté 
pour  l'Exposition  universelle  de  1862,  à  Londres,  se  sont  adressés  à  MM.  Au 
ber,  Meyerbeer  et  Rossini,  dans  le  but  d'obtenir  trois  nouvelles  composi- 
tions musicales  destinées  à  représenter  la  France,  l'Allemagne  et  t'Ilalie,  en 
compagnie  de  l'Angleterre,  dont  le  représentant  nous  est  encore  inconnu. 

Les  commissaires  ne  demandent  pas  le  droit  de  propriété  des  œu- 
vres, mais  seulement  la  permission  de  les  faire  exécuter  à  l'ouverture  de 
l'Exposition,  dans  des  conditions  dignes  de  la  solennité. 

Quant  au  genre  de  musique,  voici  les  quatre  morceaux  proposés  : 

1°  Un  anlhème  qui  ait  à  peu  près  le  développement  de  celui  du  Cou- 
ronnement, de  Haendel  ; 

2°  Un  choral  (sans  accompagnement  d'instruments)  ; 

3°  Une  marche  triomphale  ; 

4°  Une  marche  pour  instruments  à  vent. 

Si  nous  sommes  bien  informés,  la  Marche  triomphale  aurait  été  de- 
mandée à  Rossini,  qui  s'en  serait  excusé  en  ces  termes,  près  de  M.  le  Se- 
crétaire de  la  Commission  : 

«  J'ai  le  regret  de  ne  pouvoir  accepter  l'honneur  que  veulent  bien  me 
faire  Messieurs  les  Commissaires  de  Sa  Majesté  pour  l'Exposition  de  1862. 

«  Si  j'étais  encore  de  ce  monde  musical,  je  me  serais  fait  un  devoir  et 
un  plaisir  de  prouver  en  cette  circonstance  que  je  ne  suis  point  oublieux 
de  la  noble  hospitalité  de  l'Angleterre. 

«  Laissez-moi  espérer,  Monsieur,  que  vous  voudrez  bien  recevoir  et 
faire  agréer  tous  mes  regrets  à  Messieurs  vos  collègues,  avec  l'expression 
de  ma  haute  considération.  G.  Rossini.  » 

—  Au  mois  d'août  prochain,  la  ville  d'Anvers  aura  un  grand  congrès 
artistique.  Une  importante  fête  musicale  sera  organisée  à  cette  occasion  : 
on  exécutera,  entre  autres  œuvres,  la  Symphonie  héroïque  de  Beethoven, 
la  Nuit  de  Walpurgis  de  Mendelssohn  et  Y  Alléluia  de  Haendel. 

—  Les  journaux  de  Berlin  contiennent  l'annonce  suivante,  qui  intéresse 
les  jeunes  auteurs  :  «  Société  pour  l'exécution  d'opéras  nouveaux  et  inédits. 
Cette  société  a  pour  but  de  faire  représenter  d'une  manière  convenable  les 
opéras  des  compositeurs  vivants  qui  n'ont  pu  se  faire  jouer  jusqu'à  pré- 
sent. La  Société  dispose  des  fonds  et  forces  artistiques  nécessaires  à  cet 
effet.  Les  compositeurs  qui  voudraient  bien  soumettre  leurs  œuvres  à 
ladite  Société  sont  priés  de  les  adresser,  franc  de  port,  à  l'archiviste  de  la 
Société,  M.  le  docteur  Alsleben,  Aslcanischen-Platz,  4,  à  Berlin.  Le  librello 
doit  être  ajouté  à  la  partition.  La  Société  a  le  droit  de  faire  exécuter  trois 
fois  chaque  œuvre  ;  la  propriété  reste  à  l'auteur.  La  Société  garantit  un 
prompt  renvoi  des  œuvres  soumises  ou  représentées.  »  — ■  Ajoutons  à  ces 
renseignements  qu'à  Taris,  M.  Hurand,  maître  de  chapelle  à  Saint-Eus- 
tache,  se  propose  de  réaliser  prochainement  un  plan  analogue  qu'il  a  en 
portefeuille  depuis  bien  des  années. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


247 


—  On  écrit  de  Berlin  :  «  Le  théâtre  Kroll  a  donné  pour  la  première  fois 
la  Dame  blanche.  Un  fait  oublié  aujourd'hui,  c'est  que  le  chef-d'œuvre 
de  Boïeldieu  eut  peu  de  succès  ici  à  son  début  il  y  a  une  quarantaine  d'an- 
nées; on  ne  l'apprécia  que  plus  tard,  quand  les  principaux  rôles  furent 
chantés  par  la  Sontag  et  Franz  Jeager.  Depuis,  ces  ravissantes  mélodies 
sont  devenues  populaires,  et,  même  avec  des  exécutants  médiocres ,  la 
Dame  blanche  attire  toujours  da  monde,  et  on  l'entend  toujours  avec 
plaisir.  » 

—  On  vient  de  publier  à  Berlin,  sous  le  titre  de  Charles-Frédéric  Zelter, 
un  livre  curieux  écrit  en  partie  d'après  des  notes  autobiographiques  (on 
sait  que  Zelter  est  le  fondateur  des  Liedertufel).  Ces  notes,  qui  racontent 
l'histoire  de  la  jeunesse  de  Zelter,  ont  été  trouvées  en  Poméranie ,  dans 
le  grenier  d'une  maison  dont  il  avait  été  propriétaire. 

—  Le  festival  de  chant  de  l'Allemagne  du  Nord  aura  lieu  les  26,  27  et 
28  juillet,  sur  le  Johannisberg,  près  de  Bielefeld,  en  Westphalie. 

—  On  nous  écrit  de  Bade  que  les  concerts  du  Salon  Louis  XIV  ont 
commencé  sous  les  meilleurs  auspices,  avec  le  concours  de  MM.  Laub, 
Cossmann,  Alfred  Jael  et  M,Ie  Juliette  Borghèsc.  Les  quatre  virtuoses  ont 
obtenu  leur  succès  accoutumé  dans  des  morceaux  empruntés  à  Beethoven, 
Mendelssohn,  Spohr,  Schubert,  Bach,  Liszt,  Chopin,  Meyerbeer,  Halévy, 
Weber,  etc.  Quant  à  Mlle  Borghèse,  elle  se  faisait  entendre  à  Bade  pour  la 
première  fois;  sa  belle  voix,  sa  puissante  organisation  dramatique  l'ont 
tout  d'abord  posée  en  grande  artiste.  L'air  :  Ohl  mon  fils,  du  Prophète, 
la  ballade  de  Charles  VI,  la  romance  du  Val  d'Andorre,  la  sérénade  de 
Schubert  et  la  ballade  â'Oberon,  lui  ont  donné  tous  les  suffrages  des  deux 
brillantes  soirées  dans  lesquelles  elle  a  chanté.  Ceux  qui  n'ont  pas  oublié 
son  passage  au  Théâtre-Lyrique  où  elle  a  créé  les  Dragons  de  Villars,  ceux 
qui  tout  récemment  l'ont  applaudie  à  Bordeaux  dans  les  Noces  de  Figaro 
(Suzanne),  le  Val  d'Andorre,  la  Favorite  et  le  Trouvère,  ne  s'expliquent 
pas  qu'une  artiste  de  cette  valeur  ne  soit  pas  appelée  à  faire  partie  d'un 
des  trois  théâtres  lyriques  de  la  capitale.  » 

—  Dimanche  dernier  23  juin  ,  a  eu  lieu  au  Cirque  Napoléon  la 
première  des  deux  séances  annuelles  de  l'Orphéon  de  Paris.  Nonobs- 
tant la  chaleur ,  et  en  dépit  de  deux  orages  et  d'une  douzaine  d'a- 
verses, la  salle  était  comble.  Le  Préfet  de  la  Seine  et  son  nouveau  secré- 
taire général,  M.  Segaud,  assistaient  à  cette  fête  municipale.  Le  bâton  de 
commandement  était  tenu  par  les  deux  directeurs  du  chant,  M.  Pasdeloup 
pour  la  première  partie,  et  M.  F.  Bazin  pour  la  seconde.  Douze  mor- 
ceaux ont  été  exécutés  par  1,400  chanteurs,  avec  un  ensemble  des  plus 
louables.  On  a  particulièrement  applaudi  le  chœur  de  la  Muette,  les  Chas- 
seurs noirs,  de  Weber,  et  les  Matelots  de  l'Adriatique,  de  M.  François 
Bazin  [bissés],  la  Prière  à  la  Madone,  de  M.  Jules  Cohen,  et  le  chœur  de 
M.  Ambroise  Thomas,  France I  France!  lequel  a  valu,  séance  tenante, 
une  ovation  personnelle  à  son  auteur.  —  Aujourd'hui  dimanche  30  , 
deuxième  et  dernière  séance. 

—  De  retour  de  Londres,  le  jeune  virtuose  Sarrasate  doit  se  faire  en- 
tendre à  Maisons-Laffitte,  au  château  de  M.  Thomas ,  au  bénéfice  des 
pauvres,  en  compagnie  des  dames  patronesses  de  la  commune,  entre  autres 
Mme  de  Caters,  Mme  Méric-Lablache  et  Mme  Camille  Dubois'.  Il  est  aussi 
question  de  Tamberlick  pour  couronner  le  programme. 

—  L'inauguration  d'un  excellent  orgue,  qui  fait  honneur  à  l'établisse- 
ment de  MM.  Merklin  et  Schùtze ,  a  eu  lieu  au  collège  Stanislas  le 
jeudi  27  juin,  avec  le  concours  d'artistes  distingués  :  MM.  Renaud  de 
Vilbac,  Populus,  Léon  Reynier,  Dufour.  La  partie  vocale  avait  pour  inter- 
prètes MM.  Lalande,  Noir  et  Bailly.  Les  élèves  ont  chanté  avec  un  véri- 
table succès  un  oratorio  composé  par  M.  Félix  Clément,  organisateur  de 
la  séance  en  sa  qualité  de  maître  de  chapelle  du  collège.  Cette  composi- 
tion importante,  à  trois  parties  avec  choeurs,  est  publiée  au  Ménestrel,  et 
peut  être  recommandée  aux  maîtrises  pour  les  grandes  solennités.  Quant 
à  l'orgue,  qui  se  compose  de  deux  claviers  avec  pédales  séparées,  il  a 
séduit  l'auditoire  par  le  timbre  agréable  de  ses  jeux  et  sa  belle  sonorité. 

—  Pendant  que  le  Vaudeville  de  la  place  de  la  Bourse  fermait  ses  portes 
pour  cause  de  trop  grande  chaleur,  le  Vaudeville  d'été  ouvrait  les  siennes 
dimanche  dernier  dans  la  délicieuse  propriété  d'un  de  ses  directeurs , 
M.  Benou,  maire  de  Villeneuve-Saint-Georges  ;  propriété  remplie  de  sou- 
venirs de  musique,  puisque  Boïeldieu  l'a  longtemps  habitée  :  il  y  a  même, 
dit-on,  composé  la  Dame  Blanche.  La  fête  était  charmante  :  concert, 
buffet,  danses,  rien  n'y  manquait;  on  se  serait  cru  en  pleine  Chaussée- 
d'Anlin.  Mais  le  principal  attrait  de  la  soirée  était  un  vaudeville  de  l'am- 


phitryon, appelé  En  Wagon,  et  dont  toutes  les  scènes,  remplies  de  gaieté, 
d'esprit  et  d'originalité,  se  passent  dans  le  coupé  d'un  chemin  de  fer. 
Cette  pièce,  qui  serait  une  bonne  fortune  pour  le  Vaudeville,  s'il  n'était 
défendu  aux  directeurs  de  faire  jouer  leurs  œuvres  sur  leur  théâtre,  offre 
le  curieux  tableau  d'un  voyage  de  Paris  à  Lyon,  avec  toutes  ses  péripé- 
ties et  ses  tribulations;  aussi  a-t-elle  été  enlevée  d'une  manière  irrésis- 
tible par  MM.  Saint-Germain  et  Boisselot  du  Vaudeville ,  dans  un  petit 
décor  dont  l'illusion  était  parfaite,  et  au  milieu  des  rires  et  des  applaudis- 
sements les  plus  mérités.  Le  jour  seul  a  pu  faire  songer  à  la  retraite. 
Heureusement  l'amende  de  minuit  n'était  pas  ici  applicable,  et  d'ailleurs 
n'avait-on  pas. . .  la  permission  de  M.  le  maire? 

—  L'orchestre  du  parc  d'Asnières  continue  à  attirer  la  foule  sous  l'ha- 
bile direction  de  son  chef,  M.  Laurent.  Plusieurs  morceaux  de  sa  compo- 
sition y  sont  exécutés  avec  un  grand  succès,  notamment  sa  Valse  infer- 
nale, la  Solforina,  polka  militaire,  les  Soirées  d'Asnières,  quadrille.  Le 
public  y  a  également  entendu  avec  plaisir  plusieurs  des  œuvres  de  L.  Mi- 
cheli,  entre  autres  :  les  Viveurs,  quadrille  qui  a  eu  les  honneurs  du  bis , 
la  Roche  qui  pleure,  valse,  Qui  vive  I  quadrille,  et  Bénita,  polka-ma- 
zurka. 


ÉTUDES  PRATIQUES  DE  STYLE. 

LEÇONS  SUR  UN  AIR   DU  FREYSCHUTZ , 

par 

HI.  STÉPIIEIV  DE  1,.\  IHADELAIfti:. 

Il  vient  de  paraître  à  la  Librairie  Nouvelle  un  ouvrage  non  pas  seule- 
ment nouveau  parce  qu'il  sort  de  sous  presse,  mais  aussi,  mais  surtout 
par  la  nouvelle  lumière  qu'il  vient  jeter  sur  la  partie  esthétique  de  l'art 
dans  l'enseignement  du  chant  :  ce  sont  les  Études  pratiques  de  style,  de 
M.  Stéphen  de  la  Madelaine. 

Lorsque  parurent,  il  y  a  quelques  années,  les  Théories  complètes  du 
chant  au  même  auteur,  l'autorité  de  son  nom  comme  professeur,  virtuose 
et  critique,  assuraient  d'avance  à  ce  traité  un  succès  que  le  temps  devait 
nécessairement  augmenter.  Aussi,  comme  conséquence  naturelle  de  ces 
théories,  M.  de  la  Madelaine  annonce-t-il  aujourd'hui  un  nouveau  travail 
destiné  à  lui  servir  d'appendice;  et  c'est  de  ce  travail  qu'il  a  d'abord 
cru  détacher  une  petite  brochure  sous  le  titre  d'Études  pratiques  de  style, 
une  simple  leçon  sur  un  air  de  Freyschiltz  ;  mais  que  de  détails  dans 
cette  seule  leçon  I  Elle  réunit,  en  près  de  quatre-vingts  pages  il  est  vrai,  les 
mille  nuances  du  style  pathétique,  car  cet  air,  c'est  l'air  d'Annette ,  c'est 
la  touchante  mélodie  où  se  reflètent  l'amour,  les  craintives  espérances , 
mais  aussi  les  sombres  pressentiments,  les  terreurs  dont  le  cœur  de  la 
jeune  fille  est  agité. 

Pour  donner  une  idée  de  ces  enseignements,  il  ne  suffit  pas  d'en  parler, 
il  faudrait  les  citer,  et  les  citer  fidèlement.  En  lisant,  il  semble  que  l'on 
assiste  à  une  leçon  orale  appuyée  d'exemples  chantés ,  et  j'aime  bien 
mieux  renvoyer  à  la  leçon  complète.  Ces  curieux  détails  ne  portent  pas 
seulement  sur  les  phrases  musicales,  sur  la  valeur  à  donner  aux  paroles, 
mais  sur  chaque  note,  chaque  mot,  chaque  lettre. 

Or  :  «  Tout  est  dans  tout  »  a  dit  un  célèbre  praticien  en  matière  d'en- 
seignement ;  cette  leçon  sur  un  seul  récitatif,  une  seule  mélodie,  c'est 
la  clef  de  ce  sanctuaire  dont  il  est  question  dans  le  Temple  du  Goust, 
vieux  livre  où  l'on  apprend  que  «  ce  temple  estoit  environné  d'une  foule 
de  Virtuoses,  d'Artistes  et  de  Juges  de  toutes  espèces  qui  s'efforçoient 
d'entrer,  mais  qui  n'entraient  pas.  »  C'est  la  révélation  du  style  pathé- 
tique, lequel  participe  à  la  fois  du  tragique  et  du  dramatique  ;  et  en 
ajoutant  une  leçon  sur  le  style  bouffe,  l'enseignement  sera  complet. 

En  effet,  dans  ces  premières  instructions  sur  le  Freyschùtz,  M.  de  la 
Madelaine  s'explique  catégoriquement  sur  la  langue  française  qu'il  a  la 
faiblesse  de  respecter  en  érudil  :  il  n'entend  pas  qu'il  y  en  ait  une  pour 
parler  et  une  autre  pour  chanter.  Ainsi ,  contrairement  aux  élèves  de 
certains  professeurs,  ceux  de  M.  de  la  Madelaine  devront  se  contenter  de 
la  langue  de  Corneille,  celle  où  l'on  ne  dit  pas ,  entre  autres  choses  : 
Novel  pour  Noël,  —  et  mon  Icér  ou  mon  kair  pour  mon  cœur. 

Léon  Gataïes. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  <lc  Mourgues  fit 


rue  Jean-Jacques  Itou 


INTRODUCTION 


AUX 


CLASSIOUES-MARMONTEL 


PIANISTE  CLASSIQUE 

TRANSCRIPTIONS  ET   RÉDUCTIONS 

Des  célèbres  œuvres  concertantes,    symphoniqucs  et  pour]  piano  seul 

PAR 

JULES  WEISS 


BEETHOVEN. 


1er  Cahier.  —  Sans  octaves. 

1.  Finale  du'trio  en  ut 5 

2.  Finale  du  trio  en  fa 5 

3.  Minuetto  du  trio  en  fa 5 

4.  Allegro  du  trio  en  sol 5 

5.  Allegro  du  trio  en  fa 6 

G.  Allegro  du  trio  en  sol 6 

7.  Finale  du  trio  en  la 5 

8.  Allegro  de  la  symphonie  en  mi  bémol 5 


Sme  Cahier.  —  Sans  octaves. 

9.  Allegro  de  la  sonate  en  sol,  op.  14,  n°  2 6 

10.  Finale  de  la  sonate  en  ré,  op.  12,  n°  1. . . .  6 

11.  Finale  de  la  sonate  en  fa,  op.  17 5 

12.  Adagio  et  allegro  de  la  symphonie  en  ut. . .  6 

13.  Finale  du  quatuor  en  fa,  op.  18,  n°  4 5 

14.  Minuetto  et  scherzo  du  septuor 5 

la.  Finale  de  la  sonate  en  mi  bémol,  op.  12. . .  5 

16.  Allegro  du  trio  en  mi  bémol,  op.  3 6 

Chaque  cahier  complet  :  25  fr. 


3m0  Cahier.  —  lue  le  d'octaves. 

1 7.  Allegro  de  la  sonate  en  fa 5    » 

18.  Trois  menuets  extraits  de  symphonies 6    » 

19.  Finale  de  la  symphonie  en  ré 5    » 

20.  Finale  du  quatuor  en  sol  mineur 7  50 

21.  Presto  de  la  sonate  en  si  bémol 5    » 

22.  Allegro  de  la  sonate  en  la 5    » 

23.  Adagio  et  allegro  de  la  sonate  ensof  mineur.  6    » 

24.  Allegro  de  la  symphonie  eitif 7  50 


(  ^^  çQ,vair-.£V£skÊ^.£a  sxî<£^£2S3^=»  ) 


(■1»°   Cahier.  ) 


1.  Finale  de  la  symphonie  en  ut 7  50 

2.  Finale  de  la  4e  symphonie  en  sol 7  50 

3.  Andante  de  la  symphonie  en  sol 7  50 

4.  Finale  de  la  lre  symphonie  en  sol 7  50 


5.  Sonate  en  sol  mineur,  op.  49,  n°  1 7  50 

6.  Sonate  en  sol,  op.  49 ,  n°  2 7  50 

7.  Allegro  de  la  sonate  en  la,  op.  12,  n°  2 7  50 

8.  Allegro  de  la  sonate  en  la,  op.  17 7  50 


9.  Allegro  de  la  sonate  facile. 

10.  Andante  de  la  sonate  d°    . 

11.  Finale  de  la  sonate     d°    . 

12.  Marche  turque 


REPRODUCTION   ALLEMANDE. 


PROPRIETE  DES   EDITEURS. 


Paris,  au  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivicnnc,  HEUGEL  et  Cic,  éditeurs,  fournisseurs  du  CONSERVATOIRE. 

BOTE  et  BOCK  ,  à  Berlin. 


761  —  Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  J.-J.  Rousseau,  8.  —  1995. 


773.  —  28e  Année. 

X"  38. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  7  Juillet 


n^g-st 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


JULES    LOVY, 

Rédactfenchef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Aux  MngiiMins  et  Abonnement  de  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  Journitl-Teitc,  tous  les  dimanches;  £«  Morceaux: 
Scènes,  Mélodies,  Komances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  1  Aluunis- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  *0  Morceaux  i 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Aluuma. 
primes  illustrés.  — Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    II!, HAIS  : 

3°  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  sa  Moroeoux  de  chant  et  de  piano,  les  «  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  l«r  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l°r  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  surla  poste,  à  MM.  m. ■<:■:■.  et  tio,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  — 4028 


SOJIIfïAIKE.   —  TEXTE. 

I.  Le  théâtre  et  la  musique  au  salon  de  1861  (3e  et  dernier  article).  Gustave  Ber- 
trand. —  II.  Séances  annuelles  de  l'Orphéon.  J.  D'Ortigue.  —  III.  Tablettes 
du  pianiste  et  du  chanteur:  Chopin  et  ses  œuvres  (6e  article).  H.  Barbedette. 
—  IV.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  V.  Nouvelles. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  nhnnnésà  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
la  mélodie 

ABSENT  ! 

Poésie  de  M.  Léon  Halévy  -,  musique  de  M.  de  Saint-Rémy  ,  mélodie 
dédiée  à  Madame  la  Csse  de  Morny.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
Ma  mie  Annette,  poésie  d'HENRY  Murger,  musique  de  Félix  Godefroid. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

L'ABSENCE  , 

Romance  sans  paroles,  de  J.-M.  Delalanne.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Première  Mazurka  de  salon,  de  Louis  Diemer. 


LE  TI1ÉATRE  ET  LA  MUSIQUE  AU  SALON  DE  1861. 

m. 

Notre  troisième  et  dernier  article  est  un  traînard  honteux  qui 
arrive  quand  tout  est  fini,  quand  l'Exposition  est  close  et  quand 
les  récompenses  sont  distribuées.  Tout  le  monde  a  lu  jeudi  dans 
h  Moniteur,  ou  le  lendemain  dans  les  autres  journaux,  les  noms 
des  artistes  décorés,  rappelés,  médaillés  ou  mentionnés,  et  le  très- 
beau  discours  de  S.  Exe.  M.  le  ministre  d'État. 

Il  ne  nous  reste  qu'à  nous  exécuter  le  plus  brièvement  possible. 
Aussi  bien  le  plus  fort  de  la  tâche  est  expédié  :  nous  avons  parlé 
des  portraits  d'artistes.  Voici  les  œuvres  dont  le  théâtre  et  la  mu- 
sique ont  fourni  les  motifs. 

On  sait  que  Sedaine,  avant  d'écrire  le  Philosophe  sans  le  savoir, 
chef-d'œuvre  de  sentiment  et  de  naturel,  la  Gageure  imprévue, 


et  d'excellents  livrets  tels  que  ceux  du  Déserteur  pour  Monsigny, 
et  pour  Grétry  ceux  de  Richard-Cœur-de-Lion,  de  Guillaume- 
Tell  et  d'Aline,  avait  été  réduit,  pour  vivre,  à  se  faire  tailleur  de 
pierres.  Le  n°  76  nous  le  montrait  assis  au  milieu  d'un  chantier, 
sur  une  grosse  pierre,  dans  une  attitude  mélancolique  et  pensive, 
rêvant  sans  doute  à  quelque  poëme  dramatique.  Applaudissons  à 
l'intention  du  peintre,  et  n'insistons  pas  sur  les  faiblesses  de 
l'œuvre. 

En  voyant  le  n°  1345,  qui  représente  une  jeune  dame  en  robe 
de  soie,  avec  une  figure  quelconque,  vous  eussiez  pensé  avoir 
affaire  au  portrait  de  M"e  X.  ou  de  M1Ie  W.  Erreur!  Ecoutez  le 
livret  :  Desdémone  [Othello,  acte  Ier,  scène  ix)  !  —  Au  moins  la 
Desdémone  de  M.  Bohn  se  laisse-t-elle  reconnaître  au  regard 
éploré  qu'elle  élève  vers  le  ciel  et  à  la  lampe  que  sa  main  laisse 
échapper  ;  la  dernière  note  de  la  romance  du  Saule  expire  sur  sa 
lèvre  entr'ouverte. 

La  Sonate,  petit  tableau  de  M.  Brillouin,  est  une  chose  char- 
mante. Meissonnier  eût  peut-être  mieux  achevé  les  accessoires; 
mais  il  ne  pourrait  qu'applaudir  à  l'exquise  exécution  de  ce  bon- 
homme qui  dévore  de  si  grand  cœur  sa  partie  de  violon.  Le  voilà 
tout  courbé  sur  le  pupitre  ;  le  nez  et  les  lunettes  serrent  de  près 
la  note  ;  le  bonnet  de  coton  se  hérisse  de  jubilation  et  découvre  à 
demi  le  crâne  chauve  du  vieil  amateur.  Mais  il  va  être  troublé 
par  son  chien  qui,  le  cou  tendu,  entame  un  puissant  contre-sujet. 
—  M.  Brillouin  expose  aussi  une  Partie  de  musique  au  XVIe 
fiècle,  où  figurent  un  luth,  une  viola  da  Gamba  et  une  chanteuse. 

Nous  venons  de  nommer  Meissonnier  ;  il  faut  citer  son  Flûtiste; 
c'est  ce  qu'il  a  exposé  de  meilleur  cette  année,  à  notre  avis;  tout 
le  mouvement  de  la  figure  principale,  depuis  le  pied  qui  bat  la 
mesure  jusqu'aux  lèvres  qui  soufflent,  est  excellent  ;  et  tous  les 
accessoires,  le  pupitre,  la  table,  le  livre,  sont  d'un  rendu  mer- 
veilleux. 

Un  des  plus  heureux  imitateurs  de  Meissonnier,  c'est  M.  Fau- 
velet.  Il  finit  moins  précieusement  les  détails,  mais  il  campe  et 


250 


LE  MÉNESTREL. 


anime  toujours  bien  ses  figures.  Rien  de  plus  vif  que  l'attitude 
de  son  Joueur  de  guitare  (n°  1070),  qui  raccorde  à  la  hâte  son 
instrument,  sans  qui'tter  des  yeux  sa  partie. 

Nous  n'en  finirions  pas  si  nous  voulions  citer  tous  lesjoueurs  de 
flûte  et  de  guitare,  de  violon,  les  pifferari,  les  moines  au  lutrin, 
les  musiciens  ambulants,  etc.,  etc.,  qui  pullulent  toujours  dans 
la  peinture  de  genre.  Mais  comment  omettre  la  délicieuse  scène 
de  harem,  de  Mme  Henriette  Browne  (n°  463)?  Trois  odalisques 
écoutent  en  extase  la  joueuse  de  flûte  qui  se  tient  debout  devant 
elles  dans  une  pose  détournée  des  plus  gracieuses  ;  sa  petite  sœur, 
accroupie,  a  posé  sa  guzla  pour  agacer  une  tortue  qui  se  traîne 
à  terre. 

N°  1158.  La  sonate  en  la  bémol.  —  Est-elle  bien  en  la  bé- 
mol? voilà  la  question.  Ce  n'est  pas  impossible.  J'aperçois  qua- 
tre femmes  à  la  clef,  quatre  blancs  fantômes  qui  voltigent  dans 
la  pénombre  autour  de  la  tète  inspirée  du  pianiste.  Ne  se- 
rait-ce pas  Beethoven  composant  sa  sublime  sonate  en  la  bémol? 
Voici  un  virtuose  qui  n'y  va  pas  de  main  morte.  C'est  un 
singe,  cousin  germain  des  fameux  singes  de  Decamps.  Il  a 
brisé  sa  chaîne,  et,  profitant  de  l'absence  du  maestro,  il  s'est 
juché  sur  une  pile  de  partitions,  devant  un  pupitre  qui  porte  une 
partie  de  violino  primo  à  l'envers.  N'importe  !  il  déchiffre  avec 
fureur,  les  dents  serrés,  et  tape  à  tour  de  bras  sur  une  grosse 
caisse  qui  n'en  peut  mais.  Ce  tableau,  intitulé  :  Musique  de 
chambre,  est  un  des  meilleurs  qu'ait  jamais  signés  M.  Philippe 
Rousseau;  il  a  été  acheté  par  la  Commission  de  la  loterie. 

Le  n°  2215  nous  présente  un  concert  plus  sérieux  comme 
sujet,  sinon  comme  peinture.  M..  Hugue  Merle  est  trop  soi- 
gneux, trop  amoureux  du  propre  et  du  joli.  Son  Concert  del 
Palestrina  est  un  concert  de  chant,  comme  bien  vous  pensez  ; 
il  eût  pu  y  mettre  six  parties,  et  même  huit  :  Palestrina  compo- 
sait ainsi  volontiers  ;  mais  il  s'est  contenté  de  quatre  voix,  deux 
femmes  qui  font  le  soprano  et  l'alto,  un  jeune  homme  qui 
est  vraisemblablement  ténor,  et  un  homme  mùr  qui  tient  la 
basse. 

Puisque  nous  en  sommes  à  Palestrina,  parlons  du  n°  2068. 
M.  Magaud  expose  quatre  grandes  toiles  destinées  à  la  décora- 
tion de  la  galerie  historique  du  Cercle  religieux  de  Marseille  ; 
ce  sont  quatre  allégories  :  la  Philosophie,  le  Courage  civil, 
l'Agriculture  et  la  Musique,  traités  en  sujets  historiques.  La 
Musique  est  figurée  par  Palestrina  offrant  à  Pie  IV  sa  messe  dite 
du  pape  Marcel.  On  sait  que  la  musique,  livrée  alors  au  mau- 
vais goût  le  plus  déplorable,  allait  être  condamnée  par  le  con- 
seil de  Constance  et  expulsée  de  l'Église,  quand  Palestrina  pré- 
senta ses  compositions,  aussi  sublimes  par  la  convenance  que 
par  l'inspiration.  Le  tableau  de  M.  Magaud  est  très-correcte- 
ment, très-sagement  fait  :  il  n'y  a  rien  à  dire. 

Un  graveur  allemand,  M.  Léopold  Schmidt,  a  fait  une  Apo- 
théose de  Mozart.  —  On  nous  permettra  de  passer  vite  sur  le 
n°  2558  :  Mozart  enfant  jouant  du  clavecin  chez  le  prince  de 
Conli;  ce  n'est  qu'une  image,  et  une  image  assez  faible. 

11  faut  en  dire  autant  du  tableau  de  M.  Honze,  de  Bruxelles  :  , 
Les  derniers  moments  de  la  fille  de  Grélry  (laquelle  est-ce  d'a- 
bord? elles  étaient  trois  qui  toutes  moururent  jeunes;  il  s'agit 
sans  doute  ici  de  cette  pauvre  et  charmante  Lucile,  en  qui  le 
génie  paternel  avait  passé,  et  qui  composait,  à  seize  ans,  un 
opéra-comique  applaudi).  Rien  ne  manque  à  la  petits  scène  tra- 
ditionnelle :  la  jeune  fille  est  étendue,  pâle  et  fiévreuse,  sur  une 
chaise  longue  ;  à  droite  le  médecin  obligé;  à  gauche  la  mère  qui 
le  consulte  d'un  œil  inquiet  ;  la  fidèle  servante  au  dernier  plan; 


enfin  le  bon  Grétry  au  clavecin.  Tout  cela  est  plein  de  bonnes 
intentions,  mais  l'intention  ne  suffit  qu'en  morale.  J'aime  mieux 
vous  renvoyer  au  chapitre  que  M.  Arsène  Houssaye  a  consacré 
aux  trois  filles  de  Grétry,  dans  son  livre  sur  V Art  au  dix-hui- 
tième siècle  ;  il  s'en  faut  que  tout  soit  exact  dans  le  récit  de 
l'historien  —  marivaudeur ,  —  mais  la  lecture  en  est  fort  tou- 
chante. 

Je  renverrais  aussi  aux  Princesses  de  comédie  de  M.  Houssaye, 
pour  les  deux  épisodes  de  la  vie  de  Mlle  Clairon,  exposés  sous  les 
nos  1551  et  1098.  L Enfance  de  Mn°  Clairon  nous  représente 
une  petite  fille  de  douze  ans,  qui  déclame  dans  une  mansarde  , 
au  grand  ébahissement  de  sa  mère  et  des  voisines.  Image  ! 
simple  image  !  — Le  Baptême  de  MUe  Clairon  est  de  M.  Eugène 
Fichel,  un  vrai  peintre  :  «  Mlle  Clairon,  dit  le  livret,  d'après  les 
mémoires  de  la  célèbre  tragédienne,  étant  née  avant  terme, 
pendant  le  carnaval  de  1723,  dans  la  ville  de  Condé  (Hainaut), 
est  baptisée  dans  une  réunion  où  se  trouvaient  le  curé  et  son 
vicaire  travestis,  lui  en  arlequin,  l'autre  en  pierrot.  »  Le  bap- 
tême était-il  valable  ?  Il  était  assez  bon  peut-être  pour  une 
'  excommuniée  de  théâtre,  qui  n'était  pas  sûre  d'avoir  les  prières 
de  l'église  à  sa  mort.  Toute  la  Comédie  italienne  est  là,  Pierrot, 
Arlequin,  un  Crispin  superbe,  un  joli  Cupidon,  pour  doter,  comme 
une  assemblée  de  fées,  l'enfant  à  sa  naissance  ;  mais  on  cherche 
Mlle  Clairon;  on  veut  voir  Mlle  Clairon,  et  l'on  n'en  aperçoit 
que  la  tête  et  le  béguin,  qui  franchement,  l'un  dans  l'autre, 
ont  l'air  d'un  œuf  sur  un  coquetier.  Cette  scène  travestie  est 
d'ailleurs  habilement  composée  et  pleine  de  charmants  détails. 

Citerai-je  un  Molière  consultant  sa  servante  Laforcst ,  gra- 
vure de  Ledoux,  d'après  le  tableau  de  Ullemacher?  —  Le  Mo- 
lière posant  chez  Mignard,  fait  honneur  au  pinceau  de  M.  Lé- 
man. Molière  est  mal  assis ,  mais  les  connaisseurs  qui  l'en-  ' 
tourent  sont  très-bien  groupés  et  posés.  Voyez  ce  joli  marquis 
vêtu  de  rose  et  de  blanc,  qui  s'apprête  à  critiquer,  à  pousser 
des  oh  !  et  des  ah  !  Quelle  élégance  de  fatuité  !  Molière  l'observe 
du  coin  de  l'œil  ;  il  en  fera  ce  type  de  Blondi n  décrit  par  Sga- 
narelle  dans  l'École  des  3Iaris.  —  Je  ne  m'aventurerai  pas  dans 
le  Jeu  du  Roi,  du  même  peintre,  bien  que  Racine  y  figure  avec 
Boileau  ;  il  y  a  trop  de  monde. 

Nous  avons  retrouvé  sous  le  n°  3806  vingt-quatre  figures  qui 
ornent  le  beau  livre  de  la  Comédie  italienne,  de  M.  Maurice 
Sand. 

M.  Monfallet  met  la  Comédie  italienne  en  action,  dans  un 
tableau  dont  le  titre  est  trop  ambitieux  pour  le  sujet  :  le  Théâtre 
au  XVIIIe  siècle!  Ce  sont  tout  simplement  et  tout  gentiment  les 
amours  de  Pierrot  et,  de  Colombine,  joués  sur  une  scène  impro- 
visée dans  une  grange  et  devant  une  société  de  dames  et  de 
seigneurs  en  villégiature;  tout  ce  petit  monde  a  l'air  de  s'amuser 
et  papillotte  très-agréablement  à  l'œil. 

Ce  n'est  pas  seulement  par  le  sujet  que  ce  tableau  nous  inté- 
resse. Sachez  que  l'auteur  est  artiste  à  l'Opéra  :  vous  l'avez  vu 
dans  le  ballet  de  Graziosa  ;  c'est  lui  qui  fait  le  greffier.  Cédant 
à  une  vocation  irrésistible,  il  a  fréquenté  les  ateliers  de  Drolling, 
de  Picot  et  d'Yvon,  et  il  arrive  aujourd'hui  à  faire  des  choses 
fort  jolies  dans  le  genre  Pompadour.  Sa  Comédie  au  XVIIIe 
siècle  est  achetée  par  la  Commission.de  la  loterie. 

Nous  ne  pouvons  oublier  M.  Emile  Perrin,  qui  a  dirigé  avec 
tant  d'éclat  et  d'habileté  l'Opéra-Comique  avant  M.  Roqueplan. 
Il  tient  encore  au  théâtre  par  la  chronique  musicale  qu'il  ré- 
dige à  la  Revue  européenne ,  mais  il  retourne  aussi  de  temps  à 
autre  à  ses  pinceaux  ;  le  tableau  qu'il  vient  d'exposer  dans  le 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


2?J1 


salon  officiel  prouve  que  la  pratique  des  affaires  théâtrales  ne 
lui  a  pas  gâté  la  main.  L'allée  des  Dames,  souvenir  de  Plom- 
bières: fin  de  la  messe  célébrée  en  présence  de  l'Empereur  ,  le 
4  juillet  1858,  telle  est  la  donnée  qu'il  a  choisie.  C'est  un  sujet 
où  il  était  à  peu  près  impossible  de  faire  du  style  ;  mais  il  en  a 
sauvé  les  difficultés  par  la  coquetterie  des  motifs  secondaires  , 
l'art  avec  lequel  il  chiffonne  les  robes  de  soie,  et  la  variété  des 
mouvements  qu'il  a  su  jeter  dans  cette  foule  compacte  de  dames 
en  toilette,  assises  ou  agenouillées  pour  l'office  divin. 

A  part  les  bustes  d'artistes,  la  sculpture  ne  nous  offre  plus 
grand'chose  :  il  y  a  un  certain  nombre  de  joueurs  de  flûte  ou  de 
lyre,  une  Harmonie,  un  Apollon  disputant  le  prix  de  musique 
avec  Marsyas  (sujet  ciselé  sur  un  vase). 

Mentionnons  l'Histrion  de  M.  Clerc,  qui  est  un  morceau 
vraiment  remarquable,  et  les  trois  bas-reliefs  de  la  Musique,  de 
la  Danse  et  de  la  Causerie,  exécutés  en  dessus  de  porte  au  nou- 
veau Ministère  d'État,  et  reproduits  à  l'Exposition  en  plâtre  et 
en  photographie.  Ils  sont  dus  aune  spirituelle  artiste,  Mme  Noé- 
mie  Constant,  qui  dépose  souvent  l'ébauchoir  pour  écrire  d'une 
plume  alerte  et  aimable  des  romans  ou  des  articles  de  bibliogra- 
phie signés  Claude  Vignan. 

M.  Couteau  expose  les  plans  du  théâtre  de  Baden-Baden.  Les 
lecteurs  savent  que  ce  joli  théâtre  doit  ouvrir  l'an  prochain  par 
un  opéra-comique  de  Berlioz.  —  MM.  Dutrou,  Duval,  Etes, 
Faullin,  de  Banville,  Hénard,  Labille,  Rampant  et  Triquet,  ont 
rapporté  des  plans  d'opéra  que  le  public  avait  déjà  vus  à  l'expo- 
sition particulière  ouverte  il  y  a  quelques  mois  lors  du  concours. 
M.  Pariset  n'a  pas  exposé  son  projet,  et  c'était  le  seul  qui  pût 
nous  intéresser  maintenant,  puisque  c'est  celui  que  la  Commis- 
sion et  l'État  ont  adopté.  On  en  jugera  sur  place. 

Gustave  Bertrand. 


SÉANCES  ANNUELLES  M  L'ORPHÉON. 

Les  deux  séances  annuelles  de  l'Orphéon  ont  eu  lieu  le  di- 
manche 23  et  le  dimanche  30  juin,  dans  le  Cirque-Napoléon, 
sous  la  présidence  de  M.  le  sénateur,  préfet  de  la  Seine.  La  salle, 
pleine  le  premier  jour,  était  comble  huit  jours  après,  et 
l'exécution  a  été  cette  seconde  fois  de  beaucoup  supérieure.  Les 
personnes  qui  ne  peuvent  assister  qu'à  une  seule  de  ces  séances 
annuelles  feront  bien  à  l'avenir  de  donner  la  préférence  à  la 
deuxième,  laquelle  (sans  vouloir  jouer  sur  les  mots)  étant  l'exacte 
répétition  de  la  première,  a  l'immense  avantage  d'être  précédée 
ainsi  de"  la  meilleure  des  répétitions,  d'une  répétition  faite  devant 
le  public,  où  les  exécutants,  non-seulement  s'écoutent  eux-mê- 
mes, mais  encore  s'écoutent,  pour  ainsi  parler,  à  travers  le  pu- 
blic écoutant.  Il  n'y  a  pas  de  danger  qu'une  jolie  femme,  qui 
veut  plaire,  fasse  sa  toilette  sans  consulter  son  miroir.  Le  public, 
c'est  la  psyché  des  exécutants  :  toute  exécution  musicale  ne  met 
la  dernière  main  à  sa  toilette  qu'en  présence  du  public.  Si,  le 
premier  jour,  il  échappe  quelques  fautes  (et  comment  n'en 
échapperait-il  pas?),  si  tel  effet  a  été  manqué  par  une  attaque 
incertaine,  par  un  mouvement  pris  trop  mollement  ou  trop  vite, 
par  l'inobservation  de  quelque  nuance, le  public  est  là  qui,  sans 
mot  dire,  vous  avertit,  et  l'on  a  huit  jours  pour  réfléchir  sur  la 
leçon  et  pour  en  profiter. 

C'est  ce  que  l'on  a  pu  observer  aux  deux  séances  de  l'Orphéon, 
séances  que  nous  voyons  se  renouveler  chaque  année  avec  un 
intérêt  toujours  croissant.  Car  ce  qui  nous  attire,  ce  qui  attire, 
dans  l'enceinte  du  Cirque-Napoléon,  ces  quatre  mille  auditeurs 


de  tout  rang,  de  tout  sexe,  de  tout  âge,  ne  croyez  pas  que  ce 
soit  une  simple  exécution  musicale  plus  ou  moins  imposante 
ou  parfaite;  c'est  quelque  chose  de  plus,  c'est  un  sentiment.  Il 
y  a  dans  la  réunion  de  ces  quatorze  ou  quinze  cents  chanteurs, 
où  non-seulement  les  deux  sexes,  mais  où  encore,  à  l'exception 
de  la  vieillesse,  se  réunissent  tous  les  âges,  l'enfance,  l'adoles- 
cence, la  jeunesse,  la  virilité,  il  y  a  là,  disons-nous,  un  fait  mo- 
ral très-curieux  et  qui  attache  vivement.  Sans  doute,  il  ne  serait 
pas  impossible  d'admettre  qu'un  jeune  enfant  de  la  classe  des 
soprani  eût  son  père  parmi  les  ténors,  et  son  aïeul  parmi  les 
basses  ;  et  voilà  ces  trois  générations  qui  se  confondent  dans  les 
mêmes  accents,  dans  les  mêmes  paroles,  dans  les  mêmes  pen- 
sées et  les  mêmes  émotions.  Cela  est  réellement  beau  et  tou- 
chant. Tantôt  c'est  Dieu  qu'on  invoque,  tantôt  c'est  la  Madone; 
tantôt  on  chante  la  gloire  de  nos  armées,  tantôt  les  bienfaits 
de  la  paix.  Ainsi,  toutes  les  saintes  et  bonnes  choses,  la  re- 
ligion, la  morale,  le  dévouement,  le  sacrifice,  le  sentiment  de 
la  nature,  l'honneur  dû  au  travail,  le  culte  des  arts,  s'impriment 
tour  à  tour  dans  les  cœurs  par  le  moyen  de  la  musique,  de 
la  musique,  le  plus  social  de  tous  les  arts,  parce  qu'elle  associe 
au  lieu  d'isoler,  parce  que,  de  tous  les  arts,  elle  entend  le  mieux 
le  noble  sentiment  delà  fraternité.  Voilà  pourquoi  l'Orphéon  est 
de  nos  jours  l'institution  populaire  par  excellence  ;  voilà  pour- 
quoi de  toutes  parts,  sur  tous  les  points  de  notre  France,  s'é- 
lèvent des  sociétés  d'Orphéon,  comme  pour  entretenir  la  con- 
corde, l'harmonie  et  l'émulation  aussi  entre  les  populations  de 
nos  cités,  devenues  rivales  sans  cesser  d'être  sœurs,  et  comme 
pour  rendre  un  éclatant  hommage  à  ce  sentiment  pacifique  et 
serein  delà  fraternité  universelle.  Quand,  dans  un  pays,  on  peut 
lever  en  un  clin  d'œil  des  bataillons  de  chanteurs,  comme  on 
lève  une  armée  de  soldats,  soldats  et  chanteurs  également  bien 
disciplinés,  on  peut  dire  que  ce  pays  a  fait  un  pas  immense  dans 
la  civilisation. 

Suivons  maintenant  le  programme  de  nos  deux  séances. 

Après  le  couronnement  d'usage  du  buste  de  Wilhem,  le  fon- 
dateur de  l'Orphéon,  la  prière  :  Domine,  salvimi  fac  imper  ato- 
rem,  a  élevé  son  puissant  unisson,  suivi  de  la  reprise  en  chœur. 
Je  ne  sais  si  cet  unisson  n'a  pas  un  caractère  plus  saisissant  et 
plus  majestueux  que  le  chœur,  et  s'il  n'exprime  pas  mieux,  dans 
sa  grandiose  simplicité,  la  tendance  directe  de  la  prière  à  la 
Divinité.  La  Prière  à  la  Madone  (chœur  général),  de  M.  Jules 
Cohen,  a  du  mérite  sans  doute,  puisqu'elle  a  obtenu  une  mé- 
daille d'or  au  concours  ouvert  l'année  dernière  pour  les  compo- 
sitions destinées  à  l'Orphéon.  C'est  un  morceau  élégant  et  gra- 
cieux, mais  d'une  grâce  et  d'une  élégance  qui  sentent  un  peu 
trop  l'opéra-comique.  Je  parlais  tout  à  l'heure  de  la  toilette  de 
l'exécution  ;  il  ne  serait  pas  hors  de  propos  de  parler  aussi  de  la 
toilette  de  certaines  compositions,  c'est-à-dire  de  leur  style.  Vous 
jugez  d'une  femme  sur  sa  toilette  ;  un  rien,  un  je  ne  sais  quoi 
nous  révèle  ce  qu'elle  est;  ce  quelque  chose,  c'est  le  style. 
Buffon  l'a  dit  :  «  Le  style,  c'est...  la  femme.  »  Tout  cela  pour 
insinuer  à  M.  Jules  Cohen,  qui  est  un  jeune  homme  de  talent  et 
qui  l'a  prouvé,  qu'il  n'y  a  aucun  rapport  entre  l'afféterie  et  la 
fadeur,  un  peu  trop  en  vogue  à  l'Opéra-Comique,  et  le  caractère 
qui  convient  au  style  vraiment  populaire,  et  surtout  à  une  prière 
à  la  Vierge.  Cette  observation  faite,  son  morceau,  je  le  répète, 
est  agréable  et  bien  écrit. 

Le  Réveil  du  jcœur  (chœur  à  quatre  voix  d'hommes),  est  évi- 
demment une  erreur  de  M'.  Th.  Gouvy,  un  compositeur  d'un 
grand  talent,  qui  a  écrit  de  belles  symphonies,  mais  qui  se  sera 


252 


LE  MÉNESTREL. 


tout  à  coup  trouvé  dépaysé  quand,  au  lieu  de  violon,  de  cors 
et  de  bassons,  il  n'a  eu  à  sa  disposition  que  des  voix  d'homme. 
Inexpérience!  inexpérience  chezM. Gouvy  du  maniement  des  voix; 
inexpérience  de  l'art,  plus  difficile  qu'on  ne  croit,  de  mettre  un 
chant  sur  des  paroles.  M.  Gouvy  sait  toute  l'estime  que  j'ai  pour 
lui  ;  je  le  prie  de  réfléchir  un  instant  à  la  terminaison  de  chaque 
couplet  sur  le  mot  cœur,  et  de  me  dire  ce  qu'il  pense  de  l'effet 
de  cette  rime  masculine,  cœur,  sur  une  terminaison  (musicale) 
féminine.  Le  morceau  le  Réveil  du  cœur  est  non-avenu.  Vous 
allez  voir  que  M.  Gouvy  va  prendre  sa  revanche  :  uno  avulso, 
non  déficit  aller. 

Au  contraire,  la  Prière  à  Marie  (chœur  général),  deM.Gou- 
nod,  est  la  bien  venue.  La  mélodie  en  est  douce  et  calme,  l'har- 
monie pleine  et  riche,  et  l'une  et  l'autre  se  meuvent  dans  une 
période  large  et  flottante.  Le  morceau  néanmoins  est  long  et  dif- 
ficile, et  il  est  difficile  en  pure  perte  ;  je  veux  dire  que  cette 
difficulté  est  loin  d'être  une  occasion  de  triomphe  pour  les  exé- 
cutants. Celte  observation  s'applique  à  la  transition  en  ré  bémol 
(je  suppose  que  le  ton  de  la  prière  est  en  fa).  Cette  transition  est 
fort  bien  amenée;  mais  les  exécutants,  n'ayant  pas  encore  la  to- 
nalité de  ré  bémol  clans  la  tète,  n'attaquent  qu'avec  hésitation 
les  deux  bouts  de  phrase  qui  doivent  préparer  la  modulation. 
Pourquoi,  de  plus,  faire  monter  les  voix  de  femme  jusqu'au  la 
aigu,  comme  l'ont  fait  M.Gounod  dans  sa  Prière  à  Marie,  et 
M.  Cohen  dans  sa  Prière  à  la  Madone  ?  Je  sais  bien  que  ce 
la  ne  serait  rien  pour  les  choristes  de  l'Opéra  et  de  l'Opéra-Comi- 
que  ;  mais  les  voix  de  soprani  de  l'Orphéon  sont  certainement 
d'une  qualité  inférieure  à  celles  de  nos  soprani  de  théâtre; 
je  n'en  veux  d'autre  preuve  que  l'effort  désagréable  que  les 
jeunes  filles  de  l'Orphéon  sont  obligées  de  faire  pour  atteindre, 
d'emblée,  à  cette  note,  qui  sort  du  cadre  restreint  de  leur  voix. 

Encore  une  observation.  Je  m'étonne  que  M.  Gounod,  qui  est 
homme  d'esprit,  et  un  esprit  très-lettré,  ait  laissé  passer  des  vers 
tels  que  ceux-ci.  Le  poète  s'adresse  à  la  vierge  Marie  : 
Du  séjour  de  lumière 
Descends  sur  moi. 
A  ma  raison  rebelle, 
A  mon  cœur  qui  chancelle, 
Flamme  immortelle, 
Montre  le  flambeau  de  la  foi. 
M.  Gounod  aurait  bien  dû  faire  remarquer  à  son  poète  que 
c'est  ordinairement  le  flambeau  qui  montre  la  flamme,  et  non 
la  flamme  qui  montre  le  flambeau. 

Les  Noirs  Chasseurs  (chœur  à  quatre  voix  d'hommes),  de 
Weber.  A  la  bonne  heure!  voilà  qui  est  franc,  voilà  qui  est 
neuf  et  pittoresque,  et  inattendu  dans  sa  brusque  résolution. 

Comptez  les  mesures;  il  y  en  a  vingt  à  peu  près.  Il  y  a  plus  de 

génie  dans  ces  vingt  mesures  que  dans  de  grosses  partitions. 

Voilà  le  vrai  style  populaire  qui  sait  fort  bien  allier  la  simplicité 

avec  la  distinction. 

C'est  une  œuvre  aussi  bien  distinguée  que  le  Chanteur  des 

bois  (chœur  général)  de  Mendelhsson.  Les  parties  vocales  s'y 

entrelacent  avec  une  grâce  adorable,  bien  qu'un  peu  étudiée. 

Malheureusement,  les  voix  de  soprani  sont  encore  obligées  de 

grimper  jusqu'au  la  aigu. 

Ici  se  termine  la  première  partie  de  la  séance.  M.  Pasdeloup 

quitte  le  sceptre  du  commandement  et  le  passe  à  M.  F.  Bazin. 

La  Fêle  des  fleurs  (chœur  général)  de  Constantio  Fesca 
(xvie  siècle)  est  un  morceau  plein  de  naïveté  et  de  charme; 
mais  il  est  plein  aussi  de  finesses  d'école  avec  lesquelles  les  or- 


phéonistes sont  peu  familiarisés.  Leurs  études  ne  sont  pas  et  ne 
doivent  pas  être  dirigées  vers  ce  style-là  ;  ils  doivent  donc  n'a- 
border de  pareils  morceaux  qu'avec  une  grande  réserve. 

Je  voudrais  n'avoir  que  des  éloges  à  donner  aux  Matelots  de 
V Adriatique  (chœur  d'hommes),  de  M.  Bazin.  Mais  je  n'ai  nul- 
lement dissimulé  ma  pensée  à  M.  Gouvy,  pourquoi  ne  parle- 
rai-je  pas  à  M.  Bazin  avec  la  même  franchise?  Je  sais  bien  que 
le  public  a  vigoureusement  applaudi  son  morceau  et  l'a  rede- 
mandé; je  sais  bien  que  le  succès  en  est  incontestable;  mais  je 
me  permets  quelquefois  de  n'être  pas  de  l'avis  du  public. 
«  Messieurs,  dit  un  personnage  de  GilBlas,  laissons  là,  je  vous 
prie,  les  applaudissements  du  parterre;  il  en  donne  souvent  fort 
mal  à  propos.  »  Sur  cela,  je  dirai  à  M.  Bazin  que  ses  matelots 
chantent  sur  un  rhythme  bien  marqué,  sur  une  harmonie  cor- 
recte et  bien  entendue;  mais  cela  ne  suffit  pas.  Ah  !  Messieurs, 
parce  qu'on  fait  chanter  le  peuple,  il  ne  faut  pas  s'imaginer 
qu'on  doit  mettre  dans  sa  bouche  tout  ce  qui  vous  passe  sous  les 
doigts,  au  piano.  Non.  Je  l'ai  dit  :  la  simplicité,  le  naturel  n'ex- 
cluent pas  la  distinction.  J'en  appelle  à  Patlielin.  Et  savez- vous, 
monsieur  Bazin,  ce  que  j'ai  fait  le  soir  même  de  la  séance  du 
30  juin,  pour  me  réconcilier  avec  vous?  Eh!  mon  Dieu,  pour 
me  réconcilier  avec  vous,  je  n'avais  qu'à  vous  retrouver,  et, 
pour  vous  retrouver,  je  suis  allé  à  l'Opéra-Comique,  où  l'on 
donnait  ce  charmant  Pathelin,  et  là  je  me  suis  délecté  à  en- 
tendre vos  motifs  si  pleins  de  verve,  vos  cantilènes  si  mordantes, 
vos  refrains  si  joyeux  et  si  gaulois. 

La  Briganline  (chœur  général),  de  M.  E.  Savary,  est  un  des 
morceaux  qui  ont  obtenu  une  médaille  d'or  au  concours  de  l'Or- 
phéon de  l'année  dernière.  C'est  une  composition  fort  agréable 
et  fort  mélodique,  où  le  balancement  harmonieux  des  rames  est 
heureusement  exprimé  par  le  rhythme  des  basses.  Ce  morceau 
fait  partie  d'un  recueil  du  même  auteur,  qui  a  dû  paraître  la 
semaine  dernière. 

Le  chœur  à  quatre  voix  d'homme,  France!  France!  de 
M.  Ambroise  Thomas,  est  un  morceau  de  maître.  C'est  ferme, 
c'est  franc,  c'est  saisissant!  Il  y  a  sur  le  vers  : 

Dieu  protège  la  France  ! 
une  période  cadencée  du  plus  bel  effet.  Puisse  le  grand  succès 
de  ce  beau  chœur  engager  M.  A.  Thomas  à  mettre  à  l'étude  le 
Te  Deum  qu'il  a  composé  pour  les  sociétés  de  l'Orphéon.  Une 
pareille  œuvre  doit  certainement  contribuer  à  l'éducation  musi- 
cale des  exécutants. 

Le  beau  chœur  de  la  Muette  de  Portici  :  O  Dieu  puissant 
(chœur  général)  est  un  de  ceux  que  l'on  peut  ranger  parmi  ceux 
qui  présentent  trop  de  difficultés,  à  cause  du  grand  nombre  des 
rentrées  et  de  l'élévation  de  la  partie  de  soprano. 

Chaque  séance  commencée  par  le  Domine  salvum  fac  s'est 
terminée  par  le  chœur  plein  d'entrain  Vive  l'Empereur  !  (chœur 
général)  de  M.  Gounod,  l'éminent  prédécesseur  de  MM.  Bazin 
et  Pasdeloup. 

Un  mot  maintenant  sur  l'exécution  de  ces  séances.  Je  l'ai 
déjà  fait  entendre,  il  est  des  choses  dont  les  orphéonistes  ne  sont 
pas  responsables  :  si  l'on  écrit  pour  leurs  soprani  dans  un  dia- 
pason trop  élevé,  si  les  parties  harmoniques  s'enchevêtrent  entre 
elles  d'une  manière  pénible  ou  compliquée,  l'effet  général  en 
souffrira  ;  ce  ne  sera  pas  assurément  la  faute  des  exécutants,  ni 
celle  de  ceux  qui  les  dirigent.  Ce  que  l'on  doit  admirer,  c'est 
l'exécution  des  chœurs  d'hommes;  c'est  un  ensemble,  un  relief, 
un  sentiment  des  nuances,  une  verve  dignes  des  plus  grands  élo- 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


253 


ges.  Le  chœur  général  laisse  à  désirer  pour  la  précision  ;  il  y  a 
toujours,  sans  doute  à  cause  de  l'immensité  du  local,  des  groupes 
d'enfants  ou  de  petites  filles  qui  anticipent  sur  les  autres,  ou  qui 
traînent.  Et  puis,  qu'en  me  permette  de  le  demander,  une  double 
direction  n'est-elle  pas  un  inconvénient?  Je  me  rappelle  avec 
quelle  merveilleuse  spontanéité,  avec  quel  aplomb  et  quelle  me- 
sure les  chœurs  marchaient  sous  l'unique  direction  de  M.  Hubert. 
Des  hommes  tels  que  MM.  Pasdeloup  et  Bazin  sont  à  coup 
sûrs  des  directeurs  excellents  ;  ils  ont  dix  fois  ce  qu'il  faut  pour 
s'emparer  des  masses  et  les  gouverner.  Ce  n'est  pas  leur  direc- 
tion qu'il  faut  accuser,  c'est  la  division  de  cette  direction.  Cet 
inconvénient  tient  sans  aucun  doute  aux  développements  tou- 
jours croissants  de  cette  belle  institution,  et,  par  la  force  des 
choses,  il  est  venu  un  moment  où  il  a  fallu  avoir  un  directeur  pour 
la  rive  gauche  et  un  autre  pour  la  rive  droite.  C'est  là  une  né- 
cessité ;  et  quand  la  commission  chargée  de  surveiller  l'ensei- 
gnement du  chant  dans  les  écoles  communales  de  Paris,  est 
présidée  par  un  homme  aussi  éclairé,  aussi  expérimenté  et  dé- 
voué que  M.  Victor  Foucher,  on  peut  croire  que  cette  nécessité 
est  la  seule  chose  praticable. 

J'ai  nommé  tout  à  l'heure  M.  Hubert,  quia  été  pendant  long- 
temps le  bras  droit  et  l'aller  ego  du  vénérable  Wilhem.  Je  dois 
nommer  aussi  M.  Foulon,  dont  le  nom  ne  figure  pas  sur  les 
programmes,  mais  dont  les  services,  dans  le  sein  des  écoles, 
sont  inappréciables. 

Quoi  qu'il  en  soit,  les  résultats  de  l'Orphéon  sont  aussi  satis- 
faisants que  possible.  Les  résultats  moraux  se  développent 
chaque  jour  davantage,  et  quant  aux  résultats  de  l'ordre  pure- 
ment musical,  il  s'agit  bien  moins  de  perfectionner  et  de  mul- 
tiplier les  procédés  d'exécution  que  de  former  l'intelligence  des 
masses  et  de  les  élever  au  goût  des  choses  simples,  naturelles  et 
vraies. 

J.  d'Ortigue. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  OU  CHANTEUR. 
F.  CHOPIN  ET  SES  ŒUVRES. 

XI  (1). 

Chopin  a  écrit  une  certaine  quantité  de  valses.  La  première 
(op.  18)  est  du  premier  temps  de  Chopin,  très-gaie  et  très-bril- 
lante. —  L'œuvre  34,  composée  de  trois  valses,  n'a  plus  le  même 
caractère.  La  première  de  ces  trois  valses,  à  MUe  de  Thùn,  est 
longuement  développée.  Elle  renferme  des  chants  d'une  suavité 
et  d'une  élévation  sans  pareilles.  —  La  seconde,  à  la  baronne 
d'Ivry,  n'a  de  la  valse  que  le  nom.  Son  mouvement  est  lent, 
c'est  une  élégie.  —  La  troisième,  à  Mlle  d'Eichtal,  est  sauvage, 
fantasque,  une  véritable  inspiration  à  la  Weber.  —  La  grande 
valse  nouvelle  (op.  42)  est  fort  jolie,  mais  a  le  tort  de  trop  res- 
sembler, pour  la  facture  et  les  traits,  àla  première  de  l'œuvre  34. 

(1)  Op.  18.  —  Première  valse,  à  MIle  Horsford. 

Op.  34.  —  Deuxième  valse ,  à  Mlle  de  Thiin-Hohenstein. 

—  Troisième  valse,  à  la  baronne  d'Ivry. 

—  Quatrième  valse,  à  MUe  d'Eichtal. 

Op.  42.  —  Cinquième  valse  (grande  valse  nouvelle]. 
Op.  64.  —  Sixième  valse,  à  la  comtesse  Potocka. 

—  Septième  valse,  à  la  baronne  de  Rotsehild. 

—  Huitième  valse,  à  la  comtesse  Branicka. 
Cinq  valses  posthumes  (1829,  1830,  1835,  1836,  1843). 
Trois  écossaises  (1830). 


Les  trois  valses  qui  composent  l'œuvre  64  valent  infiniment 
mieux  :  la  première  est  très-courte  et  très-brillante.  —  Les  deux 
dernières  sont  écrites  dans  un  mouvement  extrêmement  modéré. 
Elles  sont  mélancoliques,  rêveuses.  —  Les  chants  sont  d'une 
pureté  et  d'une  tendresse  indicibles. 

Nous  avons  de  Chopin  cinq  valses  posthumes  :  elles  sont  loin 
de  valoir  les  précédentes.  La  meilleure  est  celle  qui  fut  composée 
en  1836  ;  elle  se  dit  lentement.  Les  quatre  autres,  composées 
en  1829,  1830,  1835  et  1843,  sont  relativement  faibles. 

De  tous  les  rhythmes  de  danse,  la  valse  est  le  plus  poétique  ; 
aussi  Chopin  en  a-t-il  tiré  un  parti  infini.  Mais  gardons-nous 
bien  de  prendre  ses  valses,  pas  plus  que  ses  mazourques  et  ses 
polonaises,  pour  des  airs  de  danse.  Il  n'a  absolument  gardé  que 
le  cadre  ;  son  génie  a  créé  le  reste. 

XII  (1). 

Chopin  a  fait  du  scherzo  un  morceau  séparé  auquel  il  a  donné 
un  grand  développement.  Les -quatre  scherzi  qu'il  a  composés 
sont  des  œuvres  éminentes. 

Le  premier  (op.  20)  manque  un  peu  de  mélodie.  Schuloff 
semble  avoir  pris,  pour  motif  du  final  de  sa  belle  sonate,  les 
deux  premières  mesures  qui  suivent  les  huit  mesures  d'intro- 
duction. —  Signalons,  au  milieu,  un  poco  piu  lento,  malheu- 
reusement trop  court,  mais  radieux  de  poésie. 

Le  deuxième  (op.  31)  abonde  en  motifs  d'une  beauté  peu 
commune.  On  pourrait  lui  reprocher  le  manque  d'unité.  Il  y  a 
aussi  abus  de  modulations.  Mais,  somme  toute,  c'est  un  morceau 
supérieur  au  précédent. 

Le  troisième  scherzo  (op.  39)  est  une  pièce  achevée,  rhylhmée 
admirablement.  Le  trio  forme  une  sorte  de  choral  en  accords 
plaqués,  combiné  avec  des  traits  en  arpèges  du  plus  grand  effet. 
C'est  le  meilleur  des  scherzi. 

Le  quatrième  (op.  54)  est  écrit  dans  un  style  contemplatif; 
il  est  poétique,  mais  un  peu  long.  Les  redites  ne  sont  pas  suffi- 
samment déguisées  par  la  fréquence  des  modulations.  Ce  que 
l'on  doit  surtout  admirer  dans  les  scherzi  de  Chopin,  indépen- 
damment des  autres  qualités  qui  lui  sont  propres,  c'est  le  talent 
avec  lequel  il  a  manié  le  rhythme.  11  tire  un  parti  étonnant  du 
mouvement  extrêmement  rapide  du  scherzo  ;  au  moyen  de 
pauses,  de  silences  qui  coupent  ou  complètent  la  phrase  musi- 
cale, de  combinaisons  à  quatre,  à  trois  temps,  où  chaque  mesure 
correspond  à  un  temps,  il  tient  constamment  l'esprit  en  éveil 
par  la  nouveauté  et  l'imprévu.  —  Nous  devons  dire,  cependant, 
que  les  scherzi  isolés  de  Chopin  ne  sont  pas  à  la  hauteur  du 
scherzo  de  la  sonate  op.  35.  —  Isolément,  quelques  parties  sont  ' 
aussi  belles,  plus  belles  peut-être  ;  mais  l'ensemble  est  moins 
correct  et  moins  harmonieux. 

XII. 

Nous  arrivons  aux  compositions  nationales  de  Chopin,  celles 
où  le  sentiment  patriotique  vibre  en  lui  et  lui  arrache  les  accents 
les  plus  vigoureux,  ceux  aussi  où  l'amour  de  la  patrie  absente 
lui  inspire  les  plus  douces  plaintes  :  nous  voulons  parler  de  ses 
polonaises  et  de  ses  mazourques.  Plus  que  tous  les  autres  peuples, 
les  Slaves,  et  surtout  les  Slaves  polonais,  ont  su,  au  milieu  des 
malheurs  de  l'oppression,  de  l'exil,  garder  un  caractère  propre , 

(1)  Op.  20.  —  Premier  scherzo,  à  M.  Albrecht. 

Op.  31.  —  Deuxième  scherzo,  à  MUe  de  Furstenstein. 
Op.  39.  —  Troisième  scherzo,  à  M.  Gutmann. 
Op.  54.  —  Quatrième  scherzo,  à  M1Ie  de  Caraman. 


LE  MÉNESTREL. 


un  cachet  indélébile  de  nationalité  ;  —  on  les  reconnaît  entre 
mille.  Leurs  accents  ont  quelque  chose  d'étrange,  de  saccadé, 
d'énergique,  qui  accuse  la  rudesse  du  sol  natal  et  les  habitudes 
d'un  peuple  guerrier  et  malheureux.  Ils  savent  aussi  faire  vibrer 
merveilleusement  les  cordes  tendres  et  mélancoliques.  De  ce 
mélange  de  fierté  et  de  tendresse,  d'énergie  et  de  douceur,  s'est 
formée  chez  eux,  pour  ne  parler  que  de  l'art  musical,  une  langue 
pleine  d'attraits. 

De  même  qu'entre  tous  les  peuples,  les  Slaves  ont  su  garder 
une  individualité  forte  et  persistante,  de  même  aussi,  éloignés 
du  sol  natal,  ils  en  conservent  au  plus  haut  degré  l'amour  et  le 
souvenir. 

Ces  deux  réflexions  s'appliquent  à  Chopin  :  on  l'étudié  avec 
intérêt  comme  représentant  d'une  race  dont  il  conserve  la  vive 
empreinte;  on  s'attendrit  avec  lui  quand  son  âme  se  reporte 
douloureusement  vers  le  coin  de  terre  où  il  est  né  et  où  il  n'est 
jamais  revenu. 

Le  sentiment  national,  sentiment  qui  influe  puissamment  sur 
les  manifestations  artistiques  et  qui  se  révèle  au  plus  haut  point 
dans  Chopin,  est  un  sentiment  complexe  ;  il  se  forme  de  deux 
éléments,  l'amour  du  sol  natal,  puis,  par  extension,  l'amour  de 
la  race.  —  L'amour  du  sol  est  l'élément  primitif,  primordial. 
A  l'aurore  des  sociétés,  le  mot  pairie  ne  renfermait  pas  d'autre 
signification  que  celle  de  toit  paternel.  C'est  ainsi  que,  dans 
leur  cœur,  l'entendent  encore  le  vieillard  et  l'enfant.  N'allez 
pas  demander  ce  qu'est  la  patrie  au  mystique  perdu  dans  ses 
rêves  ;  —  il  vous  répondrait  que  c'est  le  lieu  de  lumière,  la  cité 
céleste  où  il  tend.  Ne  le  demandez  pas  non  plus  au  philanthrope 
combinant,  dans  sa  cervelle  creuse,  je  ne  sais  quel  plan  de 
félicité  universelle  ;  —  il  vous  dirait  que  c'est  l'humanité  en- 
tière. Le  politique  vous  dira  que  la  patrie,  c'est  l'agrégation 
sociale  à  laquelle  il  appartient,  que  symbolisent  pour  lui  le  prince 
et  le  drapeau.  L'enfant  et  le  vieillard  seuls  vous  diront  ce 
qu'est  la  véritable  patrie  :  c'est  le  toit  paternel  où  ils  ont  dormi, 
le  jardin  où  ils  ont  joué  dans  leurs  jeunes  années.  —  Merveil- 
leuse affinité  de  l'âme  avec  le  sol  qui  nous  a  vu  naître  ,  qui 
pourra  jamais  dire  la  puissance  de  ton  empire  ?  Qui  de  nous  ne 
se  rappelle  avec  bonheur  les  premiers  ans  passés  sous  l'aile  pro- 
tectrice des  aïeux  dont  le  front  inclinait  déjà  vers  la  tombe,  mais 
dont  les  vieux  cœurs  se  rajeunissaient  à  notre  contact  enfantin. 
C'était  le  temps  des  ravissements  infinis  ;  —  la  bonne  et  belle 
nature  se  révélait  à  nos  cœurs  jeunes  et  non  flétris.  —  Là,  sous 
le  marronnier,  était  le  banc  où  s'asseyait  notre  aïeul  ;  plus  loin, 
le  massif  de  buis  où  nous  allions  jouer,  et  les  vertes  allées  du 
parc,  et  les  longues  galeries  de  la  vieille  maison.  —  Que  de 
souvenirs!  que  de  joies  !  —  Puis  il  a  fallu  quitter  la  nature  pour 
les  livres  ;  —  puis  sont  venus  les  soucis,  les  tracas  de  la  vie.  Les 
ancêtres  sont  morts  ;  la  famille  s'est  dispersée.  Demain,  peut- 
être,  la  vieille  maison  qui  a  abrité  la  famille  passera  dans  des 
mains  étrangères. . . .  Mais  ce  coin  de  terre  n'en  restera  pas  moins 
toujours  pour  nous  la  véritable  patrie.  Quand  les  soucis  du 
monde  nous  permettront  de  nous  recueillir  un  instant,  c'est  là 
que  nos  souvenirs  nous  porteront  comme  d'eux-mêmes.  Notre 
âme  se  réfugiera  dans  ce  coin  béni  et  y  conversera  avec  les  âmes 
de  ceux  qui  sont  partis.  —  Nous  sortirons  de  cette  méditation 
plus  forts,  et,  quand  la  vieillesse  se  sera  appesautie  sur  nos 
têtes,  c'est  là  que  nous  désirerons  mourir,  afin  de  reposer  auprès 
de  ceux  que  nous  aurons  aimés. 

Ce  n'est  que  par  généralisation  que  l'idée  de  patrie  a  été 
étendue  et  s'est  confondue  avec  un  autre  sentiment ,  l'amour 


de  la  race.  Il  y  a  entre  les  hommes  de  même  race  une  solidarité 
créée  par  l'origine,  la  langue,  la  communauté  de  vie  sociale, 
et  souvent  aussi  de  malheur.  Car  on  doit  noter  ceci,  que  les  races 
les  plus  héroïques,  les  plus  malheureuses,  sont  celles  qui  con- 
servent avec  le  plus  d'énergie  le  sentiment  national  :  —  qu'il 
suffise  de  citer  la  Hongrie,  l'Italie,  la  Pologne.  Les  Slaves  ont 
au  plus  haut  degré  cet  amour  de  leur  race  et,  sur  la  terre  d'exil, 
ils  conservent  entre  eux  cette  union  et  cette  solidarité  qu'ils 
méconnaissent,  hélas!  trop  souvent  dans  leur  pays.  L'amour  du 
sol  peut  donc  s'allier  avec  l'amour  de  la  race,  et  de  ces  deux 
éléments  se  forme  l'idée  moderne  de  patrie,  qui  ne  s'étend  plus 
seulement  au  lieu  natal ,  mais  encore  à  la  région  entière  qu'ha- 
bitent les  hommes  de  même  langue  et  de  même  origine. 

Mais  là  doit  s'arrêter  toute  généralisation  :  l'abstraction  phi- 
losophique qui  tenterait  d'étendre  au  delà  de  ces  limites  l'idée 
de  patrie  l'amoindrirait,  la  détruirait,  et,  à  ce  moment-là, 
apparaîtrait  le  sceptique,  disant,  non  sans  raison  : 
Ibi  bene,  ibi  pairia  (1). 

D'autres  peuples  que  les  Slaves  ont  un  cachet  musical  indi- 
viduel. —  Les  Italiens,  quoique  bien  déchus  au  point  de  vue 
artistique,  se  reconnaissent  encore  à  la  sensualité  de  leur  mu- 
sique et  parfois  à  sa  violence,  musique  qui ,  le  plus  souvent 
aujourd'hui,  trouble  les  sens  sans  élever  l'âme. 

Les  Allemands  .ont  moins  d'individualité.  Peuple  enclin  aux 
spéculations  métaphysiques,  aux  notions  abstraites  et  univer- 
selles de  la  philosophie,  ils  se  sont  de  bonne  heure  habitués  à 
embrasser  dans  leurs  conceptions  un  horizon  sans  limites.  Us 
franchissent  volontiers  celles  de  la  patrie,  de  la  race;  leur  mu- 
sique est  universelle.  Si  jamais  les  races  humaines  doivent  se 
fondre  en  un  peuple  unique,  la  musique  allemande  sera  bien  et 
réellement  la  musique  de  l'avenir. 

M.  Henri  Blaze,  dans  son  livre  si  intéressant  des  Musiciens 
contemporains,  affirme  que  les  Scandinaves  sont  sur  le  point  de 
se  créer  une  musique  nationale.  S'ils  réussissent,  ils  seront  plus 
heureux  que  certains  peuples,  qui  non-seulement  n'eurent  pas 
de  musique  nationale,  mais  n'eurent  jamais  de  musique.  Telle 
l'Angleterre  ;  telle  aussi  l'Espagne  —  car  nous  n'appellerons 
pas  musique  ses  boléros,  ses  séguidilles  éternelles  qui,  en 
France,  eurent  un  jour  leur  vogue  et  risquèrent  de  nous  faire 
prendre  un  grand  peuple  pour  un  peuple  de  danseurs. 

Les  Polonaises  de  Chopin  sont,  sans  contredit,  les  œuvres 
où  il  a  mis  le  plus  d'énergie  et  où  son  talent  se  révèle  avec  une 
empreinte  qu'on  ne  remarque  que  par  rares  éclairs  dans  ses 
autres  compositions.  On  sait  que  la  polonaise  était  une  des 
anciennes  danses  nationales  des  Slaves,  la  danse  guerrière  par 
excellence.  Le  rhythme  en  est  imposant;  les  mélodies  sont  mar- 
tiales, valeureuses. —  On  peut  proposer,  comme  le  type  le  plus 
accompli  de  la  polonaise,  celles  que  composa  W'eber,  et  la 
Grande-Polonaise  de  Beethoven,  dédiée  à  l'impératrice  Elisa- 
beth de  Russie.  —  Dans  ces  magnifiques  compositions,  qui 
n'ont  rien  de  commun  avec  les  polonaises  affadies  de  Mayseder, 
revit  l'esprit  guerrier  des  anciens  temps.  Beethoven  et  Weber, 
quoique  allemands,  s'étaient,  avec  la  divination  du  génie,  ap- 
proprié cette  antique  formule  et  avaient  su,  comme  dit  Franz 
Liszt,  y  faire  circuler,  aussi  bien  que  de  vrais  Slaves,  la  vie,  la 

(i)  Chopin  n'est  pas  le  seul  qui,  sur  la  terre  française,  représente  l'art 
polonais.  M.  Albert  Sowinski,  âme  patriote,  esprit  cullivé,  a  élevé  aux 
musiciens  de  son  pays  un  monument  digne  d'eux,  par  son  grand  travail 
sur  la  musique  polonaise  et  slave  (Dictionnaire  biographique  des  musi- 
ciens polonais  et  slaves,  grand  in-8",  1837,  Paris,  600  pages). 


NOUVELLES  ET  ANNONCES» 


235 


chaleur,  la  passion,  sans  s'écarter  de  l'allure  hautaine,  de  la 
dignité  cérémonieusement  magistrale,  de  la  majesté  naturelle  et 
apprêtée  à  la  fois  qui  lui  sont  inhérentes.  —  Après  ces  grands 
maîtres,  on  peut  dire  que  c'est  Chopin  qui  a  le  mieux  exprimé, 
dans  ses  polonaises,  les  passions  guerrières  de  son  pays. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  ses  deux  premières  polonaises, 
l'œuvre  3  av£c  violoncelle  et  l'œuvre  22  avec  orchestre.  Nous 
n'avons  à  parler  ici  que  de  ses  polonaises  pour  piano  seul  (1). 

L'œuvre  26  se  compose  de  deux  polonaises,  dédiées  à  Dessauer. 
Elles  brillent  par  l'originalité.  —  La  première  renferme  un 
admirable  chant  de  basse  qui  rappelle  ceux  de  l'étude  7  du 
2me  livre  et  du  6me  prélude.  —  La  seconde  débute  comme  le 
Miserere  du  Trovatore  :  elle  est  dramatique,  et  fait  songer  aux 
héros  tombés  sur  les  champs  de  leur  héroïque  patrie. 

Les  deux  Polonaises  op.  40  sont  très-célèbres.  La  première 
est  pleine  de  mouvement,  de  fierté,  d'énergie.  Comme  inspira- 
tion, elle  se  rapproche  de  la  belle  marche  du  Prophète  de 
Meyerbeer.  —  La  seconde  est  plus  sombre.  Elle  renferme  un 
chant  d!une  sensibilité  touchante. 

La  grande  polonaise  en  fa  dieze  mineur  (op.  44)  est  une  des 
plus  énergiques  conceptions  de  Chopin.  Il  y  a  dans  le  livre  de 
Lislz  une  belle  analyse  de  cette  pièce.  —  «  Le  motif  principal 
est  sinistre  comme  l'heure  qui  précède  l'ouragan.  —  Le  retour 
prolongé  d'une  tonique,  au  commencement  de  chaque  mesure, 
fait  entendre  comme  des  coups  de  canon  répétés.  A  la  suite  de 
celte  note  se  déroulent,  mesure  par  mesure,  des  accords  inac- 
coutumés.—  Nous  ne  connaissons  rien  d'analogue,  dans  les 
plus  grands  auteurs,  au  saisissement  que  produit  cet  endroit, 
qui  est  brusquement  interrompu  par  une  scène  champêtre,  par 
une  mazourque  vaporeuse.  On  dirait,  aux  premiers  rayons  d'une 
aube  terne  et  grise,  le  récit  d'un  rêve  fait  après  une  nuit  d'in- 
somnie.— Comme  un  rêve,  cette  improvisation  se  termine  sans 
autre  conclusion  qu'un  morne  frémissement  qui  laisse,  l'àme 
sous  l'empire  d'une  impression  uuique  et  dominante.  » 

La  polonaise  op.  54  est  moins  sombre  et  se  rapproche  da- 
vantage du  caractère  guerrier  de  l'œuvre  40.  Signalons  un  chant 
superbe,  accompagné  par  la  main  gauche  d'un  trait  en  octaves. 

Le  polonaise-fantaisie  (op.  61)  manque  d'unité.  Celte  pièce 
abonde,  il  esi  vrai ,  en  motifs  remarquables,  mais  qui  ne  sont 
pas  suffisamment  reliés  ensemble  par  l'unité  du  plan. 

Les  trois  polonaises  posthumes,  composées  en  1827,  182S  et 
1829,  ne  sont  pas  à  la  hauteur  des  précédentes;  elles  nous  sem- 
blent assez  ternes. 

H.  Barbedette. 
(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


SEMAINE  THEATRALE. 

Guillaume  Tell,  qui  n'avait  pas  été  donné  depuis  le  départ 
des  sœurs  Marchisio,  a  été  repris  celte  semaine  à  I'Opéra. 
Mœe  Yandenheuvel-Duprez  paraissait  pour  la  première  fois  dans 
le  personnage  de  Mathilde.  Cette  prise  de  possession  d'un  rôle  qui 
lui  était  acquis  depuis  longtemps,  donnait  un  certain  attrait  à  la 
soirée.  L'éminente  artiste  a  chanté  avec  une  grande  perfection 

|1)  Op.  26.  —  Deux  polonaises,  à  Dessauer. 
Op.  40.  —  Deux  polonaises ,  à  Jules  Fontana. 
Op.  44.  —  Polonaise,  à  la  princesse  de  Beauveau. 
Op.  33.  —  Polonaise,  à  iï.  Auguste  Léo. 
Op.  61.  —  Polonaise-fantaisie,  à  M.  Veyret. 

—  Trois  polonaises  posthumes  (1827,  182S,  1839). 


le  duo  avec  Arnold,  et  surtout  l'air  :  Sombres  forêts,  une  des 
pierres  de  louche  de  nos  cantatrices.  Morelli  a  reparu  dans  le 
rôle  de  Guillaume,  Belval  dans  celui  de  Walter,  et  Gueymard 
s'est  montré  de  nouveau  dans  le  type  d'Arnold.  Enfin,  la  belle 
partition  de  Rossini —  à  quelques  défaillances  près — a  trouvé 
une  interprétation  convenable.  —  Le  chorégraphe  italien  Pas- 
cal Borri  est  arrivé  à  Paris  pour  monter  le  ballet  nouveau, 
l'Étoile  de  Messine,  dont  nous  avons  parlé.  Le  livret  est  de 
M.  Paul  Foucher,  l'auteur  de  Paquita;  la  musique,  de  M.  le 
comte  Gabrielli. 

Le  Théatre-Frasçais  a  repris  les  Comédiens,  de  Casimir 
Delavigne.  Bien  que  les  années  aient  un  peu  amorti  ses  piquan- 
tes allusions,  cette  pièce,  grâce  au  mérite  de  sa  versification  et  à 
l'esprit  de  ses  tirades,  a  reçu  le  meilleur  accueil.  Maillard  a  été 
fort  applaudi  dans  le  rôle  de  Victor.  Monrose,  Maubant,  Tal- 
bot,  Mirecour,  Eugène  Provost,  Barré,  Mlles  Fix,  Bonval  et 
Figeac,  ont,  chacun  pour  sa  part,  contribué  au  succès  de  cette 
reprise.  —  Samedi  dernier,  29  juin,  a  été  donnée  la  dernière 
représentation  des  Effrontés. La.  comédie  de  M. Emile  Augier  sera 
reprise  l'hiver  prochain.  Pour  l'instant,  Mme  Arnould  Plessy  est 
allé  passé  son  congé  dans  ses  terres  en  Bourgogne,  où  doit  se 
célébrer  le  mariage  de  son  frère  avec  Mme  Emilie  Guyon.  —  On 
annonce  la  retraite  définitive  de  Samson,  l'honorable  doyen  de 
la  Comédie-Française.  Ce  sera  un  regret  universel. 

Dans  les  Recruteurs,  de  M.  Lefébure-Wély,  qui  vont  entrer 
en  répétition  à  rOpÉRA-CoiiiorE,  nous  aurons,  assure-t-on,  les 
débuts  de  il.  Capoul,  jeune  ténor,  déjà  lauréat,  qui  aspire  à  de 
nouvelles  couronnes,  et  auquel  l'Opéra  avait  sérieusement  songé. 

Mme  Faure-Lefebvre  et  MUe  Marinion,  dans  Joconde  et  les  Dia- 
mants, se  partagent  les  honneurs  de  l'affiche  avec  les  dernières 
représentations  de  Jourdan. 

Au  milieu  des  loisirs  de  ses  vacances,  le  Théatre-Lyriq.i:e 
élabore  le  programme  de  son  avenir  et  de  ses  travaux  d'hiver. 
On  parle,  pour  le  dernier  trimestre  de  cette  année,  d'un  ouvrage 
entrais  actes  de  M.  Semet,  et  d'un  opéra  en  trois  actes  de  Gri- 
sar.  Puis  viendrait  le  grand  ouvrage  de  MM.  de  Saint-Georges 
et  Halévy.  Noé.  Cette  pièce,  dit-on,  avait  été  primitivement 
destinée  à  l'Opéra  et  portait  pour  litre  le  Déluge.  Mme  Pauline 
Viardot  serait  chargée  du  principal  rôle  :  c'est-à-dire  tout  un 
événement  théâtral  en  perspective. 

Un  vaudeville  en  deux  actes,  de  MM.  Varin  et  Michel  Dela- 
porte,  Ma  Sœur  Mirctte.  s'est  glissé  dimanche  sur  l'affiche  et 
dans  le  répertoire  du  Vaudeville,  La  clientèle  dominicale  a  fait 
une  réception  honorable  à  cette  pièce. — Vendredi  dernier  a  été 
donnée  la  première  représentation  d'un  Mariage  de  Paris,  co- 
médie en  trois  actes  de  MM.  ALout  et  de  Najac.  Cette  pièce  a 
obtenu  un  grand  succès  de  gaité,  succès  parlagé  avec  les  trois 
débutants  :  M.  Febvre,  Mme  Lambquin  et  MUe  Paurelle.  Can- 
deilh  s'est  fait  également  remarquer  dans  un  rôle  garçon.  Nous 
reviendrons  sur  cette  amusante  comédie. 

AuPalais-Botal,/c  Songed'une  Nuit  d'avril  n'a  pas  répondu 
aux  promesses  du  titre,  et  le  dénoûment  final  de  cet  imbroglio 
fait  regretter  que  la  pièce  n'ait  pas  été  conduite  avec  plus  de 
soin.  René  Luguet,  Pradeau,  Lassouche,  Fizelier,  se  cotisent 
néanmoins  pour  donner  à  ces  deux  actes  quelques  éléments  de 
vitalité. 

Le  théâtre  du  Chalet-des-Lles  répète  avec  ardeur  une  nou- 
velle opérette  iutitulée  :   Flamberge  au  vent,  de  MM.  Charles 


256 


LE  MÉNESTREL. 


Nuitter  et  notre  confrère  Georges  Stenne,  une  des  plus  vaillantes 
plumes  du  Messager  des  Théâtres.  La  musique  est  de  M.  Fré- 
déric Barbier,  chef  d'orcbetre  de  l'endroit.  M1Ie  Chrétienno,  la 
charmante  étoile  lyrique  du  Châlel-des-Iles,  y  jouera  un  rôle 
travesti. 

Nous  ne  saurions  mieux  terminer  notre  Semaine  Théâtrale 
qu'en  signalant  un  acte  de  munificence  ministérielle  envers  une 
des  nobles  filles  du  baron  Taylor.  S.  Ex.  M.  le  Ministre  de  l'In- 
térieur vient  d'accorder  une  subvention  annuelle  de  6,000  fr. 
à  l'Association  des  Artistes  dramatiques. 

J.  Lovï. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Le  projet  de  loi  relatif  à  la  construction  de  la  nouvelle  salle  de 
l'Opéra  a  été  adopté 'par  le  Corps  législatif,  dans  la  séance  de  jeudi  27  juin 
à  la  majorité  de  179  voix  contre  39,  sur  218  votants. 

—  Au  milieu  de  l'été,  Berlin  célèbre  sa  saison  d'opéra  dans  quatre 
théâtres  à  la  fois  :  au  théâtre  royal  Frédérie-Wilhelm  Stadt,  aux  théâtres 
Wallner,  Kroll  et  Victoria. 

—  On  écrit  de  Berlin  que  la  première  représentation  de  l'opéra  de 
Spontini,  Nurmahal,  si  laborieusement  étudié  au  théâtre  de  l'Opéra,  a  été 
remise  au  mois  d'octobre. 

—  Voici  le  programme  des  chœurs  adoptés  par  le  Comité  central  du 
festival  de  Nuremberg,  qui  reste  fixé  au  12  juillet  : 

A  la  Patrie,  de  Hitler;  Vive  l'Allemagne  lie  Met  ;  le  Chant  de  la  Fête, 
de  Methfessel  ;  le  23e  Psaume,  de  Otto  ;  Chant  de  Grâce,  de  Kalliwoda, 
de  Lachner  ;  la  Milice  allemande,  de  Kucken  ;  Hymne,  de  Neele  ;  Aux 
Allemands,  de  Penirch  ;  Relève-toi,  Allemagne,  de  Storch;  Chœur  des 
chanteurs,  de  Emmeling  ;  enfin,  les  Trois  Couleurs  de  V Allemagne,  par 
le  duc  de  Saxe-Cobourg. 

—  Le  gouvernement  belge  a  chargé  M.  Félis,  directeur  du  Conserva- 
toire royal  de  Bruxelles,  d'organiser,  pour  les  prochaines  fêtes  de  septem- 
bre, un  festival  qui  aura  lieu  dans  la  grande  salle  du  Palais  ducal.  Ce  fes- 
tival sera  composé  de  deux  séances  :  dans  la  première  on  entendra  une 
symphonie  de  Beethoven  et  des  fragments  des  principaux  oratorios  de 
Haendel.  La  seconde  séance  sera  surtout  consacrée  à  des  morceaux  de 
solo,  par  MM.  Vieuxtemps,  Servais,  M.  et  Mmo  Lemmens.  Le  grand  orgue 
pour  la  construction  duquel  des  fonds  ont  été  votés  par  l'État,  la  province 
et  la  commune,  sera  inauguré  à  cette  occasion,  et  le  jeu  de  M.  Lemmens 
sur  cet  instrument  ne  sera  pas  un  des  moindres  attraits  du  festival,  qui 
réunira  un  chœur  de  cent  quatre-vingts  chanteurs  et.un  orchestre  de  cent 
vingt  exécutants. 

—  L'association  des  artistes  musiciens  de  Bruxelles  a  tenu  dernière- 
ment son  assemblée  générale  annuelle.  Le  rapport  fait  à  cette  occasion 
par  M.  Delabarre,  secrétaire  du  comité,  constate  la  situation  prospère  de 
cette  utile  institution  qui,  en  peu  de  temps,  est  arrivée  à  posséder  un  ca- 
pital de  104,136  fr. 

—  Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé,  un  festival  qui  réunira  les  députa- 
tions  de  l'Orphéon  français,  aura  lieu  au  mois  de  septembre  prochain,  au 
Palais  de  l'Industrie,  sous  la  direction  de  M.  E.  Delapoi  te.  Les  listes  d'adhé- 
sion donnent  déjà  un  chiffre  de  plus  de  six  mille  chanteurs  représentant 
les  Orphéons  de  cinquante  départements.  Le  Comité  général  du  patronage 
des  Orphéons  etSociétés  chorales  de  France,  présidé  par  M.  Larabit,  séna- 
teur, a  pris  sous  ses  auspices  la  partie  artistique  de  cette  grande  solennité, 
pour  laquelle  MM.  Meyerbeer,  Auber,  Halévy,  Ambroise  Thomas,  Richard 
Wagner  etltiicken,  ont  écrit  spécialement  des  chœurs. 

—  Le  maire  de  Lille  vient  d'adresser  à  M.  Ferdinand  Lavainne  la  lettre 
1   suivante,  que  nous  nous  empressons  de  reproduire  : 

«  Monsieur, 

«  Répondant  au  désir  exprimé  par  MM.  les  Directeurs  des  Sociétés  cho- 
rales de  Lille,  et  cédant  à  la  demande  de  l'Administration  municipale, 
vous  avez  bien  voulu  vous  charger  de  conduire  les  chœurs  composant  la 
troisième  partie  du  programme  au  festival  de  chant  d'ensemble  qui  a  eu 
lieu  le  9  juin  dernier,  à  l'occasion  de  la  fête  communale. 

«  Grâce  à  votre  talent,  à  votre  habile  direction  et  aux  soins  assidus  que 


vous  yavez  apportés,  l'exécution  de  ces  chœurs  a  réussi  au  delà  de  toute 
espérance, 

«  L'Administration  municipale  vous  remercie  donc,  Monsieur,  du  bon 
concours  que  vous  lui  avez  prêté  en  cette  circonstance.  Elle  vous  prie 
d'accepter,  comme  un  témoignage  de  sa  reconnaissance,  une  bague  por- 
tant cette  inscription  : 

LILLE 

FESTIVAL   DE   1861, 
A  M.  FERDINAND   LAVAINNE. 

—  Les  correspondances  transatlantiques  nous  parlent  d'un  concert- 
monstre  donné  à  la  Havane  par  le  célèbre  Américain  Gottschalk.  Quarante 
pianistes  et  quatre  cent  cinquante  autres  instrumentistes  y  ont  pris  parti... 
On  a  exécuté  entre  autres  œuvres  une  symphonie  romantique  avec  tam- 
bourins et  harmoniflùtes;  une  marche  triomphale  pour  quatre-vingts 
trompettes  et  tambours  ;  enfin,  pour  bouquet,  une  fantaisie  de  Gottschalk 
pour  quarante  pianos  [sic). 

—  La  petite  fête  de  chant  de  Saint-Gall  (Lichtenberg)  a  été  troublée  par 
un  accident.  La  tribune  sur  laquelle  se  tenaient  les  chanteurs  s'est  écroulée 
pendant  l'exécution  d'un  morceau.  Par  un  hasard  providentiel,  malgré  la 
foule  qui  se  trouvait  là,  une  seule  personne,  un  jeune  homme,  a  été 
blessé. 

—  Les  concerts  de  l'établissement  des  Eaux  de  Salins  (Jura)  viennent 
d'ouvrir  de  la  manière  la  plus  brillante,  avec  MM.  Balanqué,  Fromant, 
Wartel,  et  Mme  Balanqué,  qui  vient  également  d'être  engagée  au  Théâtre- 
Lyrique.  M.  Brouwer,  jeune  pianiste  hollandais,  est  chargé  de  tenir  le 
piano,  ce  dont  il  s'acquitte  à  merveille.  La  richesse  des  vastes  salons  éclai- 
rés à  giorno  par  une  masse  de  bougies,  en  font  un  lieu  féerique,  et  la 
plus  ravissante  salle  de  concert  que  l'on  puisse  rencontrer.  Honneur  à  la 
direction  intelligente  qui  a  su  créer  en  si  peu  d'années  un  si  bel  établisse- 
ment ! 

—  On  lit  dans  Journal  de  la  Vienne  que.  le  premier  concert  du  violo- 
niste Bazini  et  de  Mlne  Sanchioli  a  si  complètement  réussi,  qu'ils  ont  dû  en 
promettre  un  second,  séance  tenante.  11  faut  dire  aussi  que  Potiers  est 
l'une  des  villes  les  plus  musicales  de  France. 

—  Samedi  dernier,  29  juin,  un  exercice  lyrique  a  eu  lieu  au  Conserva- 
toire de  musique  et  de  déclamation.  Les  élèves  ont  exécuté  Marie,  opéra- 
comique  en  trois  actes,  de  Planard,  musique  d'Hérold.  Mlle  Marie  Cico, 
élève  de  MM.  Revial  et  Mocker,  a  eu  les  honneurs  de  la  représentation. 
MM.  Capoul,  Dervieux,  Mlks  Reboux,  Gallino,  ont  chanté  et  joué  avec  assez 
d'intelligence.  Les  chœurs  étaient  confiés  aux  élèves  des  classes  de  chant. 
(Nous  retrouverons  la  plupart  de  ces  jeunes  artistes  aux  prochains  con- 
cours )  L'orchestre  de  la  Société  Pasdeloup  a  été  fort  applaudi  après  l'ou- 
verture. 

—  Le  Comité  des  Études  musicales  vient  d'adopter,  pour  servir  à  l'en- 
seignement dans  les  classes  du  Conservatoire,  six  ouvrages  de  F.  LeCoup- 
pey,  réunis  par  l'auteur  sous  ce  titre  général  :  Cours  de  inano  élémen- 
taire et  progressif.  Nous  empruntons  les  lignes  suivantes  au  procès- 
verbal  des  séances  du  Comité  :  « Le  Comité  des  Études  musicales  a 

examiné  les  six  ouvrages  réunis  sous  le  titre  général  de  :  Cours  de  piano 
élémentaire  et  progressif,  que  lui  a  soumis  M.  Félix  Le  Couppey,  l'un  des 
professeurs  qui,  par  la  bonté  de  sa  méthode  et  le  succès  de  son  enseigne- 
ment, s'est  toujours  distingué  au  Conservatoire.  Ce  que  le  Comité  a  parti- 
culièrement remarqué  dans  ces  diverses  études,  c'est  l'ordre  logique  dans 
lequel  elles  s'enchaînent,  leur  savante  progression  et  leur  caractère  essen- 
tiellement mélodique.  L'auteur  s'est  attaché  surtout  à  développer  l'intel- 
ligence musicale  des  élèves,  et  notamment  dans  la  préface  du  livre  inti- 
tulé: l'École  du  mécanisme,  il  a  donné  des  aperçus  complètement  nou- 
veaux sur  les  procédés  par  lesquels  les  pianistes  peuvent  obtenir  une 
belle  sonorité.  —  Le  Comité  est  donc  unanimement  d'avis  qu'il  y  a  lieu 
d'adopter  ces  ouvrages  pour  les  classes  du  Conservatoire.  » 

Signé  :  Auber ,  président  ;  Ed.  Monnais ,  commissaire  impérial  ; 

F.  Halévy,  Amb.  Thomas,  Caraffa,  G.  Kastner,  Vogt,  Gallay, 

Prumier,  Dancla,  Em.  Perrin,  A.  de  Beauchesnes,  secrétaires. 

—  L'une  de  nos  bonnes  pianistes,  M"e  Langlumé,  vient  d'être  demandée 

dans  les  Pyrénées  pour  une  série  de  concerts.  La  maison  Pleyel-Wolf  s'est 

empressée  de  mettre  un  piano  de  choix  à  sa  disposition. 


J.-L.  IIeugel,  directeur 


3.  Lovï,  rédacteur  en  chef. 


i  Jean-Jacques  Itou 


774.  —  28e  Année. 

N»  33. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  14  Juillet 

18G1. 


i^iia 


MENESTR 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  cher. 


EES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Yî  vienne.  —  HEUGEL,  et  C'°,  éditeurs. 

(Aux:  magasins  et  Abonnement  tic  musique  du  MÉNESTREL.  —  Tente  et  locution  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  96  morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Alliuni! 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  20  morceaux  t 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albunia- 
prinics  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


3«  Mode  d'abonnement  conten 


r.HANT  ET  PIANO    IlEUNIS  : 

:  Texte  complet,  les  5î  morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  A  Albums-primes  illustrés 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


On  souscrit  du  l"de  chaque  mois.  —  L'annéecommence  du  l=r  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection Adresser  franco 

un  bon  surlaposte,  à  mm.  IIEUKEI,  et  Créditeurs  du  Ménestrel  et  delà  Maîtrise,  2bis,rue  Vivienne. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr. 


rue  Jean-JacquesRousseau,8.—  Û171 


SOMMAIRE.   —  TEXTE. 

I.  Le  Tannhauser  désavoué  par  l'esthétique  allemande.  — II.  Semaine  théâtrale. 
J.  Lovy.  —  111.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Chopin  et  ses  œuvres 
(7e  et  dernier  article).  H.  Barbedette.  —  IV.  La  salle  d'asile  de  Maisons-Laffiite, 
concert  au  château.  J.-L.  Heugel. — ■  V.  Petite  chronique  :  Haydn,  cùlé  comique 
de  l'artiste.  — VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 
Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numérode  ce  jour  : 

l'aiïse\<'i:  , 

Romance  sans  paroles,  de  J.-M.  Delalanne.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Première  Mazurka  de  salon,  de  Louis  Diemer. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant: 

MA  MIE  ANNETTE, 

Poésie  d'HENRY  Mcbger,  musique  de  Félix  Godefroid.  —  Suivra  immé- 
diatement après  :  Être  deux  ,  poésie  de  M.  le  baron  de  C***,  mu- 
sique de  L.  de  Saint-Gervais. 


LE  TANNHAUSER 

désavoué  par  l'esthétique  allemande. 

Nous  trouvons  ce  petit  manifeste  dans  la  Niederrheinische 
Musick-Zeitung  (Gazette  musicale  du  Bas-Bhin),  qui  l'a  em- 
prunté a  l'un  de  ses  confrères,  le  Vatcrland  [la  Patrie)  : 

«  On  s'est  laissé  étrangement  abuser  par  l'élément  fantastique 
des  opéras  de  Richard  Wagner  et  leurs  légendes  tirées  du  moyen 
âge.  Nombre  de  gens  ont  pris  tout  cela  pour  de  la  vraie  poésie  ; 
mais  le  public  français,  public  intelligent  et  sensé,  ne  s'est  pas 
laissé  jeter  de  la  poudre  aux  yeux;  il  a  trouvé  la  légende  du 
Tannhauser  complètement  impoétique,  voire  comique.  Quoi 
d'étonnant,  si  l'ouvrage  est  devenu  pour  le  Parisien  un  sujet 
d'hilarité? 

«  Nous  n'envisagerons  donc  pas  l'échec  du  Tannhauser  au 


grand  Opéra  de  Paris  comme  la  défaite  de  l'art  allemand  ;  nous 
y  voyons  au  contraire  le  triomphe  du  bon  sens  et  du  bon  goût. 
Au  point  de  vue  de  l'art  et  de  l'esthétique  pure,  Wagner  n'est 
pas  l'expression  du  génie  allemand.  Ce  qui  caractérise  l'art  alle- 
mand, c'est  la  profondeur,  c'est  le  sentiment  intime,  c'est  l'âme 
enfin  :  or,  Wagner  ne  possède  rien  de  tout  cela.  Si  les  Français 
n'embrassent  pas  toujours  le  génie  allemand  dans  toute  sa  plé- 
nitude, ils  le  reconnaissent  et'  l'apprécient  quand  il  s'offre  à  eux 
dans  sa  noblesse  et  sa  dignité.  Ainsi  ils  comprennent  et  res- 
pectent, dans  la  sphère  de  leur  aptitude,  nos  grands  poêles,  nos 
grands  penseurs  et  nos  grands  artistes  ;  ils  vénèrent  et  admirent 
Schiller,  Goethe,  Hegel,  Kant,  Mozart,  Beethoven ,  Weber,  etc.; 
et  c'est  précisément  cette  vénération  qu'ils  ont  pour  eux  qui  les 
autorise  à  ne  pas  sympathiser  avec  Wagner. 

«  Encore  une  fois,  ce  n'est  pas  l'art  allemand  qui  a  été  vaincu 
dans  la  chute  du  Tannhauser. ...» 

Nous  lisions  précédemment  dans  la  même  Gazette  du  Bas- 
Rhin,  publiée  à  Cologne,  les  très-judicieuses  réflexions  que 
voici  : 

«  On  se  figure  que  le  public  parisien  a  fait  une  opposition 
systématique  au  Tannhauser.  Erreur.  On  peut  fabriquer  un 
succès  à  Paris,  et  les  concerts  donnés  l'an  dernier  par  Richard 
Wagner  en  fournissent  un  exemple  jusqu'à  un  certain  point  ; 
mais  commander  un  fiasco  malgré  le  public,  cela  n'est  pas  pos- 
sible. La  seule  puissance  qui  ait  fait  tomber  le  Tannhauser,  c'est 
le  goût  français,  et  ce  qui  est  venu  aggraver  sa  chute,  ce  sont  les 
prétentions  personnelles  de  Wagner  ;  c'est  le  rôle  de  Messie  qu'il 
a  voulu  jouer,  c'est  le  mépris  qu'il  manifeste  pour  les  grands 
compositeurs  que  nous  admirons,  etc.,  etc.  » 

M.  Frédéric  Szarvady  ,  correspondant  parisien  des  Signale  , 
journal  de  Leipzig,  écrivait  également  à  la  même  époque,  lors 
des  premières  et  dernières  représentations  du  Tannhauser  à 
Paris  : 


258 


LE  MÉNESTREL. 


«  Richard  Wagner  aurait  un  excellent  moyen  de  se  venger  de 
ses  adversaires.  Puisque,  selon  lui,  les  morceaux  de  son  opéra 
qui  ont  obtenu  du  succès  sont  les  plus  faciles  à  faire,  eh  bienl 
qu'il  se  mette  à  son  piano  et  nous  écrive  un  opéra  que  les 
perruques  du  passésoient  forcées  de  proclamer  comme  un  chef- 
d'œuvre  ;  et  s'il  ne  croit  pas  de  sa  dignité  d'écrire  sous  son  nom 
des  partitions  qui  ne  valent  pas  mieux  que  celles  de  Gluck,  Mo- 
zart, Weber,  Rossini,  qu'il  fasse  représenter  l'œuvre  sous  un 
pseudonyme,  et  ne  fasse  connaître  son  vrai  nom  que  lorsque 
toute  l'Europe  sera  tombée  dans  le  piège.  Ce  sera  pour  l'école 
de  l'avenir  et  ses  adhérents  une  leçon  qui  portera  ses  fruits.  » 

En  revanche,  V Allemagne  du  Sud  publiée  à  Mayence,  lançait 
toutes  ses  foudres  sur  le  public  parisien,  la  presse  et  les  musi- 
ciens français,  sur  les  chanteurs  de  l'Opéra,  l'orchestre  et  son 
chef,  M.  Dietsch,  et  plus  particulièrement  encore  sur  le  Jockey- 
Club. — Mais  nous  voilà  bien  loin  de  cet  anathème  germanique, 
et  si  nous  y  revenons  aujourd'hui,  c'est  que  la  Gazette  du  Bas- 
Rhin  nous  en  fournit  l'occasion. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

Une  représentation  d'un  genre  nouveau  a  été  offerte  vendredi 
dernier  au  public  de  I'Opéra.  La  scène,  livrée  a  une  mimique 
agitée,  est  restée  muette  pendant  toute  la  soirée  ;  l'orchestre  seul 
a  retenti,  et  le  chant  a  complètement  chômé.  En  d'autres  ter- 
mes, la  représentation  se  composait  de  trois  ballets  en  un  acte  : 
Graziosa,  la  Vivandière,  et  le  Marché  des  Innocents;  c'est-à- 
dire  Mmes  Ferraris,  Zina  Richard  et  Marie  Petipa.  Aussi  tous 
les  amis  de  la  chorégraphie  à  outrance  étaient-ils  à  leur  poste,  et 
les  trois  ballerines  les  ont  plongés  dans  le  ravissement.  Mais 
quelques  dilettantes  auraient  donné  un  louis  pour  une  cavatine. 
—  Le  Prophète  sera  repris  cette  semaine,  avec  Mme  Viardot 
dans  sa  création  de  Fidès.  Mme  Viardot  chantera  ce  rôle  cinq 
ou  six  fois  avant  d'aborder  Alceste,  dont  la  première  représen- 
tation se  trouve  retardée  jusqu'au  15  août.  —  Un  fort  ténor, 
que  nous  avons  connu  ténor  léger  au  Théâtre-Lyrique ,  M.  Du- 
laurens,  va  débuter  dans  Robert-le-Diablc .  Ecarlat,  ténor  di 
mezso  caratlere,  paraîtra  d'abord  dans  la  Favorite.  Ces  deux 
débuts  viennent  à  propos,  car  M.  et  Mme  Gueymard  prennent 
leur  congé  au  mois  d'août. 

Mllc  Tordeus,  la  jeune  et  déjà  remarquable  tragédienne  de 
I'Odéon  (et  la  protégée  de  Rachel)  vient  d'être  engagée  au  Théâ- 
tre-Français.—  On  annonce  à  ce  théâtre  la  reprise  d'une 
comédie  de  Dancourt,  le  Moulin  de  Javel,  qui  n'a  pas  été  re- 
présentée depuis  le  commencement  du  siècle. 

Roger,  ayant  traité  pour  une  série  de  représentations  avec  la 
direction  de  I'Opéra-Comique,  nous  est  apparu  cette  semaine 
dans  son  rôle  de  George  de  la  Dame  Blanche.  Pas  n'est  besoin 
de  dire  qu'il  a  été  accueilli  delà  façon  la  plus  cordiale  et  la  plus 
brillante.  Trois  salves  d'applaudissements  l'ont  salué  à  son  en- 
trée en  scène.  Redemandé  après  le  premier  acte,  il  a  eu  un  nou- 
veau rappel  à  la  fin  du  spectacle.  —  Ce  succès  va  se  renouveler 
dans  Haydée,  la  Part  du  Diable  et  le  Domino  noir. 

MUe  Marimon  répète  les  Noces  de  Jeannette,  qui  seront  reprises 
cette  semaine  avec  Couderc.  Il  y  a  peu  de  rôles  qui  conviennent 
autant  que  celui  de  Jeannette  au  chant  et  au  jeu  délicat  de  la 


gracieuse  pensionnaire  de  I'Opéra-Comique.  L'acte  de  M.  le 
prince  Poniatowski,  Au  travers  du  mur,  que  répète  également 
jjiie  Marimon,  passera  après  les  Noces  de  Jeannette. 

Après  son  opéra  d'ouverture,  dont  la  musique  est  due  à 
M.  Grisar,  le  Théâtre-Lyrique  montera  les  Templiers,  de 
M.  Marschner,  le  célèbre  compositeur  allemand,  l'auteur  du 
Vampire. 

C'est  dans  un  rôle  de  gascon  (et  non  dans  un  rôle  do  garçon, 
comme  nos  typographes  nous  l'ont  fait  dire)  que  Candeilh  trouve 
moyen  de  partager  le  succès  de  ses  partenaires  au  Vaudeville. 
La  presse  théâtrale  n'a  pas  épargné  ses  critiques  à  Un  Mariage 
de  Paris;  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  rendre  justice  aux  élé- 
ments comiques  de  la  nouvelle  pièce  de  M.  About,  au  jeu  plein 
d'entrain  de  Mrae  Lambquin,  au  talent  du  débutant  Febvre,  au 
débit  gracieux  de  M110  Manvoy. 

Un  début  heureux  a  eu  lieu  dernièrement  dans  Croque-Poule. 
Un  jeune  homme,  M.  Alexis  Colleuille,  fils  d'un  homme  fort 
connu  au  théâtre,  a  fait  preuve,  dans  le  rôle  créé  par  Arnal,  de 
beaucoup  d'intelligence  et  d'acquit.  Il  dit  avec  esprit,  détaille  et 
chante  le  couplet  d'une  manière  remarquable,  qualité  bien  rare 
aujourd'hui. 

Le  théâtre  de  la  Gaîté  nous  annonce  pour  cette  semaine  un 
drame  nouveau  de  M.  Desvignes,  intitulé  :  Loin  du  paijs.  Le 
sujet  philosophique  de  cette  pièce  a,  dit-on,  beaucoup  de  rapport 
avec  une  comédie  en  cinq  actes,  le  Mal  de  Paris,  dont  le  Messa- 
ger des  Théâtres  nous  a  parlé  au  mois  de  janvier  dernier,  et  que 
nous  croyons  appelée  à  être  représentée  sur  un  de  nos  théâtres 
impériaux.  Le  bénéfice  de  l'antériorité  est  donc  acquis  à  l'auteur 
Au  Mal  de  Paris,  et,  en  prenant  date,  il  va  naturellement  au 
devant  de  toute  accusation  de  plagiat. 

Les  soirées  du  Théâtre-Molière  et  de  la  Salle-Lyrique 
méritent  de  fixer  quelquefois  l'attention  de  la  presse  théâtrale. 
Là,  devant  un  jury  d'encouragement,  des  artistes  en  germe  es- 
sayent leurs  premiers  pas  avant  d'aller  affronter  le  jugement 
d'un  public  plus  sérieux  ;  là,  des  professeurs  émérites  produisent 
leurs  élèves,  et  parfois  ne  dédaignent  pas  de  se  faire  leurs  part- 
ners, afin  de  prêcher  d'exemple.  Ainsi, nousavons  retrouvé  tout 
récemment  sur  la  scène  du  Théâtre-Molière  une  ancienne  célé- 
brité, le  comédien  Aristippe,  l'élève  de  Talma,  l'excellent  pro- 
fesseur, qui  a  tracé  de  si  parfaites  théories  de  son  art.  Les  an- 
nées n'ont  pas  glacé  sa  verve  ;  il  faut  le  voir  jouer  Oreste,  Ham- 
let,  Manlius  ! . .  .  Aristippe  est  resté  le  fidèle  desservant  d'un 
autel  écroulé;  il  possède  Yut  tragique,  comme  dit  fort  spirituel- 
lement notre  confrère  le  Messager  des  Théâtres.  La  comédie  a 
également  trouvé  dans  Aristippe  un  interprète  remarquable;  il 
a  représenté  Crispin  et  Gros-René  en  artiste  de  bonne  maison 
qui  a  gardé  le  secret  des  traditions  perdues.  Ils  sont  rares  les 
légataires  d'un  art  qui  s'en  va  dégénérant  un  peu  chaque  jour  ; 
aussi  croyons-nous  devoir  signaler  à  la  sollicitude  de  l'autorité 
cet  ancien  comédien,  à  qui  l'art  théâtral  doit  trois  ouvrages 
remplis  d'excellents  préceptes,  et  qui,  pendant  sa  carrière  de 
professeur,  a  formé  cinquante-quatre  élèves  dont  nos  théâtres 
ont  successivement  bénéficié. 

J.  Lovy. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


259 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  OU  CHANTEUR. 


F.  CHOPIN  ET  SES  ŒUVRES. 

XIV  (1). 

Le  caractère  des  mazourques  de  Chopin  diffère  beaucoup  de 
celui  des  polonaises.  —  Autant  les  unes  sont  énergiques,  puis- 
santes, autant  les  secondes  sont  délicates  et  chatoyantes.  — 
L'élément  féminin  y  prédomine.  Les  lignes  y  sont  moiQS  accen- 
tuées. Il  y  a  un  certain  vague  dans  la  contexture  de  la  phrase. 
On  ne  sait  pas  toujours  où  elle  commence  ni  où  elle  finit,  et  cet 
effet  est  plein  de  charme.  Ces  pièces  doivent  être  jouées  avec 
une  sorte  de  balancement  accentué  et  prosodie  dont  il  est  diffi- 
cile de  saisir  le  secret,  si  l'on  n'a  pas  entendu  Chopin.  —  Dans 
son  exécution,  il  rendait  ravissamment  cette  trépidation  par 
laquelle  il  faisait  toujours  onduler  la  mélodie  «  comme  un  esquif 
sur  le  sein  de  la  vague  puissante  (2).  » 

Il  serait  trop  long  d'analyser  les  cinquante-deux  mazourques  de 
Chopin.  Elles  sont  toutes  charmantes.  S'il  nous  fallait  faire  un 
choix,  nous  indiquerions  les  trois  mazurkas  op.  6,  à  la  comtesse 
Plaler,  le  numéro  3  de  l'œuvre  33,  à  la  comtesse  Mostowska,  et  les 
trois  mazurkas  (op.  50),  à  Léon  Smitkowski,  qui  sont  des  pièces 
d'un  fini  achevé  et  d'un  effet  irrésistible. 

XV. 

Nous  avons  terminé  l'analyse  des  œuvres  de  Chopin.  C'est 
surtout  par  le  sentiment  qui  respire  dans  ces  œuvres  qu'elles  se 
sont  répandues, popularisées,  et  qu'elles  vivront.  Rien  de  théâtral, 
de  cherché,  ne  se  fait  sentir  en  elles.  Elles  brillent,  au  contraire, 
par  la  spontanéité,  la  sincérité,  le  cachet  purement  individuel. 
Ce  n'est  pas  la  musique  d'une  époque  donnée,  c'est  surtout,  et 
avant  tout,  la  musique  d'un  homme,  d'un  homme  profondément 
imbu,  sans  doute,  des  souvenirs,  des  mœurs,  du  langage  artis- 
tique de  ceux  de  sa  race,  mais  qui,  en  ne  cherchant  pas  à  renier 
cet  héritage  de  ses  pères,  en  l'acceptant  au  contraire  avec  amour, 
a  su  mettre  dans  ses  œuvres  l'expression  de  ses  souffrances  per- 
sonnelles, à  tel  point  qu'il  paraît  impossible  de  séparer  l'œuvre 
do  Chopin  de  sa  personnalité.  Aussi  Chopin  n'a-t-il  pas  laissé, ne 
devait-il  pas  laisser  d'école  après  lui. 

Ces  œuvres  brillent,  en  outre,  par  la  distinction,  parla  pureté 
de  la  forme,  et  cela  tenait  au  respect,  au  culte  religieux  de  Cho- 
pin pour  l'art. 

On  ne  lui  saurait  comparer,  en  ceci,  que  les  premiers  maîtres 


Op.    5.  —  Mazurka  (rondo  alla) . 

Op.    6.  —  Cinq  mazurkas,  à  la  comtesse  Plater. 

Op.    7.  —  Quatre  mazurkas,  à  M.  Johns. 

Op.  17.  —  Quatre  mazurkas,  à  M.  Freppa. 

Op.  24.  —  Quatre  mazurkas,  au  comte  de  Perthuis. 

Op.  30.  —  Quatre  mazurkas,  à  la  princesse  de  Wurtemberg 

Op.  33.  —  Quatre  mazurkas ,  à  la  comtesse  Mostowska. 

Op.  41.  —  Quatre  mazurkas,  à  Etienne  Wilwicki. 

Op.  50.  —  Trois  mazurkas,  à  Léon  Szmitkowski. 

Op.  56.  —  Trois  mazurkas,  à  Mlle  Maberly. 

Op.  59.  —  Trois  mazurkas. 

Op.  63.  —  Trois  mazurkas,  à  la  comtesse  Czosnowska. 

—  Mazurka  élégante. 

—  Mazurka  des  salons,  à  Emile  Gaillard. 

—  Huit  mazurkas  posthumes. 
Franz  Liszt,  p.  69. 


du  moyen  âge.  L'art  était  pour  lui,  est-il  dit  dans  un  livre  que 
nous  avons  cité  bien  des  fois,  une  belle,  une  sainte  vocation. — 
L'heure  de  sa  mort  l'a  révélé  dans  un  détail  dont  les  mœurs  de 
la  Pologne  nous  expliquent  mieux  encore  la  signification.  Par  un 
usage  moins  répandu  de  notre  temps,  mais  qui  toutefois  y  sub- 
siste encore,  on  y  voyait  souvent  des  mourants  choisir  les  vête- 
ments dans  lesquels  ils  se  faisaient  ensevelir.  Chopin  qui,  parmi 
les  premiers  artistes  contemporains,  donna  le  moins  de  concerts, 
Chopin  voulut  pourtant  être  mis  au  tombeau  dans  les  habits 
qu'il  y  avait  portés.  —  Longtemps  avant  l'approche  de  la  mort, 
il  avait  rattaché  à  l'immortalité  son  amour  et  sa  foi  en  l'art,  et  il 
s'est  couché  dans  le  cercueil,  témoignant  par  un  muet  symbole 
de  la  conviction  qu'il  avait  gardée  intacte  pendant  toute  sa  vie. 
Il  est  mort  fidèle  à  lui-même,  adorant  dans  l'art  ses  mystiques 
grandeurs  et  ses  plus  mystiques  révélations. 

Ce  qui  intéresse  dans  Chopin,  c'est  encore  ,  outre  sa  tristesse 
profonde  et  sincère,  la  part  qu'il  prend  aux  malheurs  de  son 
pays.  Chopin  pleure,  non-seulement  sur  lui-même,  mais  encore 
sur  ceux  de  sa  race.  Rien  souvent  ses  accents  ressemblent  à  l'o- 
raison funèbre  de  tout  un  peuple.  Mais  on  sent  qu'il  se  roidit 
contre  cette  idée  d'une  tombe  à  jamais  scellée.  Il  proteste  et 
meurt  en  protestant.  Aujourd'hui  que  les  nationalités,  comme 
Lazare,  essayent  de  soulever  la  pierre  de  leur  sépulcre,  n'y  a-t-il 
pas  un  attrait  infini  à  contempler  ce  témoin  d'une  race  qui  ne 
veut  pas  périr? 

XVI. 

Quelle  a  été  l'influence  de  Chopin  sur  les  artistes  de  son  temps? 

Nous  avons  en  partie  répondu  à  cette  question  quand  nous 
avons  dit  que  Chopin  n'avait  pas  créé  d'école  et  qu'il  ne  pou- 
vait pas  en  produire,  de  même  qu'il  ne  procédait  d'aucune.  C'é- 
tait un  talent  trop  intime  et  trop  personnel. —  Il  puisait  tout  en 
lui,  n'empruntait  rien  à  personne  ;  on  pourrait  même  ajouter 
qu'il  n'écrivait  que  pour  lui.  Il  ne  tenait  pas  à  être  compris;  la 
publicité  l'offusquait,  le  gênait  ;  il  la  fuyait,  pour  ainsi  dire. 
Avec  de  semblables  tendances,  il  était  impossible  qu'il  ne  restât 
pas  un  artiste  unique,  inimitable.  Il  n'a  donc  pas  créé  d'école 
proprement  dite,  il  ne  pouvait  en  créer  (1). 

Doit-on  dire  pour  cela  que  son  influence  ait  été  nulle  ou  sté- 
rile?—  Non,  certes  :  de  semblables  personnalités  ne  surgissent 

(1)  Chopin  a  bien  laissé  quelques  disciples  qui  portent  haut  et  ferme  le 
drapeau  de  la  musique  de  leur  maître  ;  mais  cela  ne  constitue  pas  une 
école  :  lui-même  ne  reconnaissait  que  bien  peu  d'élèves  dignes  de  ce  nom, 
car  on  ne  peut  donner  ce  titre  aux  amateurs  du  grand  monde,  plus  curieux 
que  studieux,  qui  encombraient  son  salon.  Quant  à  l'interprétation  exacte 
et  incomparable  de  ses  œuvres,  il  ne  citait  invariablement  qu'une  seule 
de  ses  élèves,  Mlle  Camille  O'Meara  (aujourd'hui  Mm°  Dubois),  dont  le 
talent  et  la  beauté  surent  inspirera  Mme  de  Girardin  l'une  des  plus  poé- 
tiques correspondances  du  vicomte  de  Launay.  C'est  que  sous  les  doigts 
de  Mme  Camille  Dubois  le  piano  se  transforme  et  nous  révèle  ces  sonorite's 
mystérieuses  et  pénétrantes  à  la  fois,  que  savait  si  bien  lui  imprimer  Cho- 
pin. Il  appréciait  aussi  beaucoup  le  caractère  éminemment  national  que 
la  princesse  Marceline  Czartoryska  donnait  à  ses  polonaises  et  à  ses 
mazourques.  MM.  Guntsberg  et  Guttmann  ont  complété  leur  éducation 
musicale  sous  sa  direction.  M.  Télefsen  n'a  pas  eu  cette  bonne  fortune 
aussi  longtemps,  mais  la  semence  est  tombée  sur  une  excellente  terre.  On 
cite  encore  M.  Georges  Mathias  comme  s'étant  inspiré  à  la  même  source. 
MM.  Ferdinand  Hiller,  Marmontel  et  Jules  Fontana  se  sont  aussi  faits  les 
disciples  de  Chopin  :  le  premier  en  fondant  en  Allemagne  des  cours  spé- 
ciaux pour  l'interprétation  de  sa  musique  ;  le  second,  en  la  popularisant 
en  France  (autant  par  ses  remarquables  élèves  que  par  une  édition  modèle 
des  pièces  choisies  du  maître)  ;  le  troisième,  enfin,  en  se  faisant  le  digne 
parrain  de  ses  œuvres  posthumes. 


260 


LE  MÉNESTREL. 


pas  sans  produire  autour  d'elles  un  certain  rayonnement.  Quand 
Chopin  parut  sur  la  scène,  il  n'y  avait  plus  guère  de  grands 
pianistes  vraiment  originaux.  Il  régnait  une  certaine  école,  qui 
n'est  pas  sans  analogie  avec  la  littérature  de  l'Empire.  De  même 
qu'à  cette  époque,  comme  l'a  dit  M.  Taine  (1),  «  les  vers  sor- 
taient du  cerveau  de  Delille  aussi  parfaits  et  aussi  vides  que  s'ils 
eussent  été  frappés  par  le  balancier  d'une  machine,  »  de  même, 
à  l'époque  où  parut  Chopin,  on  peut  dire  que  les  concertos  de 
Kalkbrenner,  les  airs  variés  de  Herz,  sortaient  du  cerveau 
de  ces  artistes,  parfaits  de  forme,  mais  généralement  vides 
d'idées.  —  Chopin  introduisit  dans  la  musique  de  piano  un 
élément  qui,  depuis  longtemps,  en  était  absent  :  la  sensibilité. 
—  Il  transforma  le  piano;  il  lui  donna  une  âme.  Il  faut  l'avoir 
entendu  pour  savoir  quelle  était,  sous  ses  doigts,  la  transfigura- 
tion de  cet  instrument.  C'était  un  charme  sans  pareil,  une  sorte 
de  magnétisme  auquel  il  était  impossible  de  se  soustraire.  Cho- 
pin avait  su  faire  du  piano  un  instrument  solo,  c'est-à-dire  un 
chanteur. 

Sous  ce  rapport,  il  a  eu  une  grande  influence  sur  l'école  mo- 
derne. Quelques-uns  comprirent  enfin  que  le  temps  était  venu  de 
ne  plus  assourdir  les  oreilles;  qu'un  pianiste  avait  un  but  plus 
digne  à  remplir  que  celui  d'étonner  ses  auditeurs  par  les  mer- 
veilles d'une  voltige  transcendante. 

Les  artilleurs  du  piano  disparurent  donc  en  partie,  et  l'on  vit 
apparaître  un  groupe  charmant  de  pianistes,  procédant  de  Cho- 
pin sous  le  rapport  de  la  sobriété  et  du  sentiment,  jouant  ses 
œuvres  et  s'en  inspirant  avec  amour. 

Il  subsista  néanmoins,  à  côté  de  l'école  du  sentiment ,une  école 
du  Iruit,  dont,  sans  le  savoir,  un  homme  du  plus  remarquable 
talent,  M.  Thalberg,  se  trouva  le  chef.  Il  y  aurait  plus  que  de 
l'injustice  à  méconnaître  les  éminentes  qualités  de  ce  célèbre  ar- 
tiste :  ce  sont  des  malhabiles  imitateurs  qui  ont  réussi  à  jeter  du 
discrédit  sur  sa  musique,  en  abusant  sans  intelligence  des  pro- 
cédés qu'il  avait  inventés.  M.  Thalberg  fait  admirablement  chan- 
ter le  piano  dans  le  médium  ;  —  il  prend  une  mélodie  et  l'enserre 
dans  un  réseau  d'arpèges  et  de  broderies  qui   l'accompagnent 
sans  l'affaiblir.  —  Malheureusement,  on  peut  lui  reprocher  d'a- 
voir abusé  de  ce  procédé,  et  surtout  de  l'avoir  trop  souvent  ap- 
pliqué à  des  motifs  d'opéras,  — ce  qui  nous  valut  bientôt,  de  la 
part  de  ses  imitateurs,  —  une  avalanche   de  fantaisies,  toutes 
construites  sur  le  même  moule,  presque  avec  les  mêmes  traits.  Le 
chef  d'école  avait  pour  lui  le  goût,la  science,  la  distinction,  qua- 
lités qui  échappent  toujours  à  l'imitation  servile.  On  sait  quelle 
originalité  brille  dans  quelques-uns  de  ses  traits;  celui  par  exem- 
ple dont  il  accompagne  si  délicieusement  l'air  du  Sommeil,  de  la 
Muette.  —  Quand  il  voulait  tirer  partie  de  son  propre  fonds,  il 
savait,  sans  efforts,  trouver  de  belles  choses,  témoin  les  remar- 
quables introductions  qui  précédent   ses  fantaisies  sur  Norma, 
sur  Straniera,  sur  Y  Air  national  anglais,  son  Andante,  son 
Étude  en  la  mineur,  sa  Marche  funèbre. . .  —  Mais,  je  le  ré- 
pète, ses  imitateurs  n'eurent  ni  le  goût,  ni  la  science,  ni  l'origina- 
lité;—  ils  ne  produisirent,   pour  la  plupart,  que  de  plates  et 
fades  copies  (2). 


(t)  Philosophes  du  xixc  siècle. 

(2)  Ce  fut  à  ce  point  que  Thalberg,  en  arrêtant  prématurément  sa  car- 
rière d'artiste,  sentit  la  nécessité  de  ramener  les  pianistes  au  goût  du  simple, 
du  vrai,  du  beau.  C'est  dans  ce  but  qu'il  a  publié  son  Art  du  chant,  col- 
lection des  plus  belles  et  des  plus  pures  transcriptions  qui  se  soient  pro- 


Tel  ne  fut  pas  Franz  Liszt  :  —  génie  emporté  ,  intempérant, 
il  eut  au  moins  le  mérite  de  tenter  des  voies  nouvelles. 
Il  chercha,  dans  les  limites  de  la  musique  de  piano,  ce  que  Hec- 
tor Berlioz  a  cherché  dans  le  domaine  delà  musique  d'orchestre; 
—  dans  les  compositions  de  Liszt  on  trouve,  à  chaque  pas,  des 
éclairs  de  génie,  des  beautés  de  premier  ordre.  Mais,  il  faut  le 
dire  aussi,  dans  ces  compositions,  dépourvues  de  charme,  de  plan, 
sans  formes  arrêtées,  il  se  joue,  avec  trop  d'audace  et  trop  de 
mépris,  du  véritable  but  de  la  musique  et  des  formules  conve- 
nues. L'oreille  se  fatigue,  se  décourage.  On  se  prend,  enfin,  à 
regretter  qu'un  tel  génie  n'ait  pas  voulu  se  plier  à  des  règles  qui 
ont  toujours  été  celles  du  bon  goût  et  du  vrai  savoir. 

XVII. 

Nous  venons  de  dire  l'influence  générale  de  Chopin  sur  les 
pianistes  modernes.  —  Quelle  pourrait  être  maintenant  l'in- 
fluence particulière  de  sa  musique  sur  celui  qui  en  ferait  une 
étude  exclusive?  et  c'est  par  là  que  nous  terminerons. 

Nous  n'hésitons  pas  à  le  dire  :  elle  serait  dangereuse.  Chopin 
est  un  malade,  un  malade  qui  se  complaît  dans  sa  souffrance,  et 
ne  veut  pas  être  guéri.  Il  épanche  sa  douleur  en  accents  ado- 
rables; —  cette  langue  si  douce,  si  mélancolique  qu'il  a  su  créer 
pour  l'expression  de  sa  tristesse,  on  la  sent  irrésistible;  on  en 
subit  involontairement  le  charme,  et  comme  la  musique  est, 
avant  tout,  une  langue  vague  et  indéterminée,  celui  qui  joue  la 
musique  de  Chopin,  pour  peu  qu'il  soit  sous  l'impression  do 
quelque  mélancolique  pensée,  finira  inévitablement  par  se  figu- 
rer que  c'est  sa  propre  pensée  qu'elle  exprime,  et  il  pleurera, 
croyant  réellement  souffrir,  avec  celui  qui  sait  si  bien  pleurer. — 
Sans  doute  Chopin  ne  fut  pas  toujours  le  mélancolique  pleureur 
dont  nous  parlons.  Nous  avons  vu  qu'au  souvenir  de  la  patrie,  il 
vibrait  parfois;  que  sa  muse  fut  souvent  épique;  mais  quand  il 
s'élève  ainsi,  —  et  ce  n'est  pas  pour  longtemps,  —  ne  doit-on 
pasvoir  là  le  produit  d'une  surexcitation  nerveuse? Ne  sént-on  pas 
que  ce  n'est  pas  une  nature  forte,  complète,  qui  se  révèle,  mais 
bien  un  malade  exalté  par  la  fièvre  du  moment,  qui  retombera 
bientôt  plus  triste  et  plus  abattu  que  jamais? 

Il  y  a  donc  danger  à  s'abandonner  au  charme  do  la  musique 
de  Chopin,  if  faut  se  soustraire  à  temps  à  la  tristesse  stérile 
qu'elle  ne  manquerait  pas  de  provoquer.  «  Assez  longtemps,  a 
dit  un  philosophe,  assez  longtemps  l'esprit  de  notre  temps  a  in- 
cliné à  l'extrême  ;  assez  longtemps  il  a  affecté  de  porter  d'avance 
le  deuil  et  tiré  vanité  de  ses  propres  funérailles.  »  —  Chopin 
aura,  sans  doute,  une  belle  page  dans  l'histoire  de  l'art,  mais  il 
ne  rayonnera  jamais  du  même  éclat  que  les  grandes  et  fortes  na- 
tures. Il  aura  un  tort  devant  la  postérité,  celui  d'avoir  trop 
pleuré. 

H.  Barbedette. 


duites  de  nos  jours.  Là ,  les  chefs-d'œuvre  de  nos  grands  maîtres  sont 
scrupuleusement  transcrits,  avec  leurs  moindres  effets  d'orchestre  :  mé- 
lodie, harmonie,  eljusqu'aux  plus  petits  détails  des  voix  et  des  instruments, 
trouvent  place  sur  le  clavier  de  Thalberg.  Chaque  phrase  comporte  cepen- 
dant peu  de  notes,  mais  chacune  joue  son  rôle  et  contribue  à  l'ensemble. 
Le  chant  est  gravé  en  gros  caractères;  l'œil  le  suit  à  l'aise  au  milieu  des 
dessins  d'accompagnement  et  d'orchestration.  Bref,  l'Art  du  chant  de 
Thalberg  est  tout  un  cours  de  belle  et  grande  littérature  musicale  appli- 
quée au  piano. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


261 


LA  SALLE  D'ASILE  DE  HIAISONS-LAFFITTE. 


—  Concert 


Dimanche  dernier,  à  une  heure  quinze  minutes  de  relevée, 
par  une  pluie  diluvienne,  le  train  du  chemin  de  fer  de  Rouen 
emportait  vers  Maisons-Laflîtte  tout  un  auditoire  de  concert, 
en  habit  de  gala.  Il  s'agissait  de  répondre  à  l'invitation  des 
dames  patronnesses  de  la  salle  d'asile  de  Maisons ,  c'est-à- 
dire  à  l'appel  des  plus  charmantes  femmes  de  Paris.  Aussi, 
malgré  l'inclémence  du  ciel,  le  convoi  se  trouvait-il  complet  en 
moins  de  quelques  minutes.  On  devait  d'ailleurs  entendre 
d'excellente  musique  :  un  concert  était  le  prétexte  de  la  bonne 
œuvre  à  laquelle  nous  étions  conviés.  Et  quel  concert  !  nous 
allons  vous  le  dire,  lecteurs. 

Pour  salle  de  concert  d'abord,  le  royal  château  de  Maisons, 
passé  aux  mains  des  princes  de  la  finance.  C'est  aujourd'hui 
M.  Thomas  (deColmar),  qui  habite  avec  sa  famille  cette  splen- 
dide  demeure,  le  chef-d'œuvre,  dit-on,  de  Mansard.  Le  fait  est 
que  l'harmonie  architecturale  des  lignes,  à  l'extérieur  comme 
à  l'intérieur,  est  d'un  goût  exquis;  la  richesse  s'y  marie  à  la 
simplicité  avec  un  art  qui  semble  être  ignoré  de  nos  jours. 

C'est  dans  le  salon  d'honneur  du  château  de  Maisons,  que 
nous  avons  été  introduits  de  la  manière  la  plus  cordiale,  la  plus 
affable,  par  les  maîtres  du  royal  logis,  et  c'est  là  que  le  pro- 
gramme du  concert  nous  a  été  remis  en  main,  au  son  d'une 
fanfare  militaire  qui  avait  bien  son  charme.  Mais  ce  n'était 
que  le  prélude  des  surprises  de  la  fête.  Le  fait  est  que  les  sur- 
prises se  sont  succédé  comme  à  plaisir ,  car  dans  ce  programme 
rien  de  banal,  rien  de  connu,  rien  de  prévu;  qu'on  en  juge 
plutôt. 

Pour  la  partie  vocale  d'abord  :  deux  femmes  qui  portent  le 
nom  si  justement  aimé  de  Lablache,  l'une  par  droit  héréditaire  : 
Mme  de  Caters ,  fille  du  célèbre  basso  cantante  ;  l'autre  par 
alliance,  Mme  Lablache  de  Méric,  sa  belle-fille.  La  première, 
grâce  à  l'œuvre  dont  elle  était  évidemment  l'âme  et  la  provi- 
dence, nous  a  multiplié  les  trésors  de  sa  voix  et  de  sa  personne. 
On  reconnaît  bien  vile,  dans  l'élégante  femme  du  monde,  là 
fille  d'un  artiste  élevée  en  pleine  grande  musique.  Quant  à 
Mme  Lablache  de  Méric,  cantatrice  dans  toute  l'acception  du 
mot,  c'est  comme  artiste  que  nous  sommes  appelés  à  la  pro- 
clamer l'une  de  nos  illustrations  chantantes.  On  n'a  pas  un  style 
plus  élevé,  une  voix  plus  expressive,  un  talent  plus  dramatique. 
Mme  de  Méric,  clans  la  Fidès  du  Prophète  ,  la  Léonor  de  la  Fa- 
vorite ou  l'Arsace  de  Sémiramis,  produirait  sensation  à  l'Opéra; 
mais  devant  les  Français  de  la  rue  Lepelletier ,  Mœe  de  Méric 
n'a-t-elle  pas  le  tort  d'être  française?  N'est-ce  point  aussi  le  tort 
de  Mœes  de  La  Grange  et  Charton-Demeure,  qu'il  ne  nous  est 
pas  donné  d'entendre  à  Paris. 

M.  Alphonse  Royer  était  annoncé  à  Maisons  :  une  indis- 
position l'a  privé  d'assister  au  triomphe  de  Mm°  Lablache  de 
Méric.  Un  illustre  témoin,  entre  mille,  l'auteur  de  Pierre  de 
Médicis,  le  prince-compositeur  Poniatowski,  lui  redira  combien 
ce  succès  était  légitime,  mérité. 

Deux  chanteurs  donnaient  la  réplique  à  Mmes  de  Méric  et 
de  Caters  :  le  ténor  Morini,  du  Théâtre-Italien  de  Madrid,  et 
M.  Nicole  Lablache,  mari  de  Mme  de  Méric.  La  voix  de  M.  Morini 
a  pris  du  corps  et  son  chant  de  la  largeur.  Nous  n'en  saurions 
dire  autant  de  M.  Nicole  Lablache,  qui  n'a  définitivement  hérité 


qne  des  qualités  de  style  et  de  bon  goût  de  son  père.  Il  avait 
tout  pour  faire  un  excellent chanteur  :  le  lièvre  fit  faute. 

Si  de  la  partie  vocale  nous  passons  à  la  partie  instrumentale, 
nouvelle  surprise  :  une  femme,  que  l'on  entend  plus  rarement 
encore  que  Mmes  de  Caters  et  de  Méric-Lablache,  une  pianiste 
connue  et  appréciée  dans  quelques  salons  privilégiés  ,  une 
élève  de  prédilection  de  Chopin,  nous  est  apparue  au  clavier 
de  l'excellent  piano  que  s'était  empressé  de  lui  envoyer  la  mai- 
son Pleyel-Wolff.  Ce  n'était  en  effet  qu'une  apparition;  car,  au 
grand  regret  de  tous,  Mme  Camille  Dubois  n'a  point  reparu  dans 
la  seconde  partie  du  concert.  N'importe,  l'ombre  de  Chopin  a  dû 
tressaillir.  Trois  de  ses  œuvres  ont  été  entendues  avec  un  recueil- 
lement bien  rare  à  l'époque  où  nous  vivons.  La  moindre  sono- 
rité trouvait  son  fluide  conducteur  ;  la  plus  douce  note  vous 
frappait  à  l'oreille,  si  elle  ne  vous  frappait  au  cœur;  et  quand 
les  doigts  voltigeaient  à  perdre  haleine  sur  le  clavier  d'ivoire, 
cela  ne  cessait  pas  d'être  de  la  musique.  N'est-ce  pas  le  cas,  de 
redire  avec  Mme  de  Girardin,  en  parlant  de  cette  inimitable  élève 
de  Chopin  :  «  Frappez  bravement  votre  piano ,  messieurs  les 
pianistes,  si  vous  ne  voulez  pas  qu'on  entende  l'harmonie  du 
sien.  »  N'est-ce  point  aussi  Mme  de  Girardin  qui  écrivait  dans 
sa  correspondance  parisienne  :  «  Ce  que  je  puis  vous  dire  du 
jeu  de  M1'0  Meara  (aujourd'hui  Mme  Camille  Dubois),  c'est  qu'il 
y  a  dans  son  talent  tout  ce  qu'il  y  a  dans  son  regard.  Les 
jeunes  femmes,  celles  qui  sont  musiciennes,  ajoutait  ce  spirituel 
vicomte  de  Launay,  lui  pardonnent  d'être  jolie.  » 

Ce  qu'on  n'a  pu  pardonner  dimanche  à  la  séduisante  pianiste, 
c'est  de  s'être  trop  peu  fait  entendre.  Il  est  vrai  qu'en  femme 
du  monde ,  en  femme  d'esprit,  elle  avait  modestement  ouvert 
le  concert  par  des  variations  concertantes  de  Mozart,  pour  piano 
et  violon.  Et  c'est  ici  le  moment  de  parler  de  l'archet  magique 
de  Sarasate,  qui  a  littéralement  fanatisé  son  auditoire,  surtout 
dans  la  grande  fantaisie  d'Alard  sur  la  Muette  d'Auber.  On  a 
tellement  applaudi,  si  fort  crié  bravo,  que  Louis  XIV,  en  per- 
sonne, a  failli  se  détacher  de  son  lambris  doré.  Cet  hommage  du 
grand  roi  n'aurait  point  surpris  le  jeune  chevalier  de  l'ordre  de 
Charles  III,  habitué  aux  ovations  de  nos  têtes  couronnées. 

Sarasate  revient  de  Londres,  où  le  Palais  de  Cristal,  les  sa- 
lons et  salles  de  concerts  l'ont  reçu  et  fêté  en  grand  virtuose 
qu'il  est,  bien  avant  le  temps.  La  bonne  œuvre  de  Maisons- 
Laffitte  aura  joui  de  son  premier  coup  d'archet,  —  retour  d'An- 
gleterre. 

Nous  devons  une  mention  particulière  à  M.  Barthe,  qui  a 

tenu  le  piano  et  l'orgue  avec  la  supériorité  d'un  grand  prix  de 

Rome,  qui  attend,  pour  faire  mieux,  que  le  théâtre  veuille  bien 

lui  ouvrir  ses  portes. 

* 

Deux  mots  encore  : 

Si  le  programme  de  concert  offrait  les  noms  réunis  de  Mozart, 
Rossini,  Meyerbeer,  Auber,  Donizetti,  Verdi,  Gounod,  Chopin, 
de  Feltre,  de  Flotow,  avec  un  hors-d'œuvre  d'airs  espagnols  , 
on  peut  dire  que  de  son  côté  le  programme  des  quêtes  ne  lais- 
sait rien  à  désirer. 

Les  plus  belles  dames  présidaient  à  son  exécution  :  les  plais 
d'argent  brillaient  au  vestiaire  d'abord ,  à  l'entrée  du  salon 
d'honneur  ensuite,  puis  au  milieu  du  concert  et  enfin  à  la  sortie. 

Les  irrésistibles  quêteuses  offraient  à  prix  d'or  des  fleurs  aux 
dames ,  des  cigares  aux  cavaliers,  des  objets  de  fantaisie  aux 
deux  sexes,  —  voire  des  porte-monnaie.  «  A  quoi  bon?  aurait 
dit  M.  Charles  Laffitte,  voici  ma  dernière  pièce  d'or.  » 


262 


LE  MÉNESTREL. 


Aussi  peul-on  assurer  que  la  quête,  je  veux  dire  les  quêtes, 
ont  été  productives,  et  d'autant  plus  que  les  maîtres  du  château, 
ainsi  que  M.  Charles  Laffitle,  avaient  préalablement  souscrit 
jusqu'à  des  sommes  de  3,000  fr. 

Pour  peu  que  cela  continue,  —  sous  les  doubles  auspices  de 
la  finance  et  de  la  musique,  —  ce  seront  des  rentiers  dilettantes 
qu'on  élèvera  dans  cette  fortunée  salle  d'asile  de  Maisons.  Dieu 
la  bénisse  et  lui  prête  longue  vie. 

J.-L.  Heugel. 


PETITE  CHRONIQUE. 

HAYDN. 

CÔTÉ    COMIQUE    DE    l'aRTISTE. 

Explorer  la  vie  des  musiciens  célèbres  est  pour  nous  une 
mine  féconde  d'où  nous  pouvons  extraire  une  foule  de  leçons 
utiles  et  de  traits  propres  à  satisfaire  notre  curiosité  musicale. 

Devant  nous  se  dresse  la  figure  du  bon  Haydn,  de  ce  patriar- 
che de  la  musique.  Voyez-le  dans  le  palais  du  prince  Esterhazy  ; 
il  s'est  levé  de  grand  matin,  il  s'est  fait  coiffer,  il  a  mis  une 
chemise  à  jabot,  un  habit  superbe,  une  épingle  de  diamants  à  sa 
cravate  ;  au  doigt  il  a  la  magnifique  bague  que  Frédéric  II  lui 
a  donnée  ,  des  souliers  à  boucles  d'argent  ornent  ses  pieds  ,  il 
s'est  armé  de  son  épée  ;  dans  ce  costume  d'étiquette  il  s'est  mis 
au  clavecin.  Voyez-le  se  livrer  à  toute  la  fougue  de  son  génie  ; 
il  compose  cette  symphonie  si  connue  pendant  laquelle  tous  les 
instruments  disparaissent  successivement,  de  sorte  qu'à  la  fin  le 
premier  violon  se  trouve  jouer  tout  seul.  Cette  pièce  singulière 
a  fourni  trois  anecdotes ,  qui  toutes  sont  attestées  à  Vienne  par 
des  témoins  oculaires.  Les  uns  disent  que  Haydn,  s'apercevant 
que  ses  innovations  déplaisaient  aux  musiciens  du  prince,  voulut 
se  moquer  d'eux.  11  fit  jouer  sa  symphonie,  sans  répétition  pré- 
liminaire, devant  Son  Altesse,  qui  avait  le  mot  de  l'énigme  : 
l'embarras  des  musiciens,  qui  croyaient  s'être  trompés,  et  sur- 
tout la  confusion  du  premier  violon,  qui  à  la  fin  s'entendait 
jouer  tout  seul,  divertit  la  cour  d'Eisenstadt. 

D'autres  assurent  que  le  prince,  voulant  congédier  tout  son 
orchestre,  à  l'exception  de  Haydn,  celui-ci  trouva  ce  moyen 
ingénieux  de  figurer  le  départ  général  et  la  tristesse  qui  en  serait 
la  suite.  Chaque  musicien  sortait  de  la  salle  lorsqu'il  ne  lui 
restait  plus  rien  à  faire. 

Une  autre  version  porte  que  dans  la  chapelle  du  prince  Ester- 
hazy se  trouvaient  plusieurs  jeunes  musiciens,  qui,  l'été,  lorsque 
le  prince  habitait  le  château  d'Esterhazy,  étaient  obligés  de 
laisser  leurs  épouses  à  Eisenstadt.  Il  plut  une  fois  au  prince , 
contre  sa  coutume,  de  prolonger  son  séjour  dans  le  château  de 
quelques  semaines.  Les  tendres  époux,  que  cette  nouvelle  alarma, 
prièrent  Haydn  de  les  tirer  d'embarras.  C'est  alors  que  notre 
compositeur  eut  l'idée  d'écrire  cette  symphonie,  dans  laquelle 
chacun  des  instruments  se  tait  l'un  après  l'autre.  Elle  fut  exé- 
cutée à  la  première  occasion  devant  le  prince,  qui,  heureuse- 
ment, sentit  l'application  de  la  pantomime.  Le  lendemain  on 
reçut  l'ordre  de  quitter  Esterhazy. 

Avec  une  physionomie  un  peu  bourrue  et  une  espèce  de 
laconisme  dans  le  discours  qui  semblait  indiquer  un  homme 
brusque,  Haydn  était  gai,  d'une  humeur  ouverte  et  plaisait  par 
caractère.  Cette  vivacité  était,  il  est  vrai,  facilement  comprimée 
par  la  présence  de  personnes  étrangères  ou  de  gens  d'un  rang 


supérieur.  Rien  ne  rapproche  les  rangs  en  Allemagne  :  c'est  le 
pays  du  respect.  En  Autriche,  Haydn  ne  vécut  jamais  qu'avec 
les  musiciens  ses  collègues.  Cet  isolement  sans  doute  lui  fut 
nuisible,  et  la  société,  de  son  côté,  perdit  un  de  ses  charmes  les 
plus  précieux.  Sa  gaieté  et  l'abondance  de  ses  idées  le  rendaient 
très-propre  à  porter  l'expression  du  comique  dans  la  musique 
instrumentale,  genre  alors  nouveau  et  où  il  eût  infailliblement 
excellé,  mais  pour  lequel  il  est  indispensable,  comme  pour  tout 
ce  qui  tient  à  la  comédie,  que  l'auteur  vive  au  milieu  do  la 
société  la  plus  élégante.  Haydn  ne  vit  le  grand  monde  que  dans 
sa  vieillesse,  pendant  ses  voyages  à  Londres. 

Son  génie  le  portait  naturellement  à  employer  ses  instru- 
ments à  faire  naître  le  rire.  Un  jour,  cherchant  à  amuser  la 
société  du  prince  Esterhazy,  il  alla  acheter  dans  une  foire  d'un 
bourg  de  Hongrie  voisin  d'Eisenstadt,  un  panier  plein  de  sif- 
flets, de  petits  violons,  de  coucous,  de  trompettes  de  bois  et  de 
tous  les  instruments  qui  font  le  bonheur  des  enfants.  Il  prit  la 
peine  d'en  étudier  la  portée  et  le  caractère,  et  composa  avec 
ces  seuls  instruments  la  symphonie  la  plus  plaisante  qu'on  puisse 
imaginer. 

{Guide  musical  de  Bruxelles.) 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  L'Académie  des  beaux-arts  a  procédé,  dans  sa  séance  du  samedi 
6  juillet,  au  jugement  du  concours  de  composition  musicale. 

Le  premier  grand  prix  a  été  remporté  par  M.  Dubois  (Clément-François- 
Théodore),  élève  de  MM.  A.  Thomas  et  Bazin. 

M.  Salomë  (Théodore-César),  élève  de  MM.  Thomas  et  Bazin,  a  obtenu 
le  1er  second  grand  prix. 

M.  Anlhiome  (Eugène-Jean-Baptiste),  élève  de  MM.  Carafa  et  Elwart,  a 
remporté  le  2e  second  prix. 

Une  mention  a  été  accordée  à  M.  Constantin  (Titus-Charles),  élève  de 
M-  A.  Thomas. 

La  cantate  de  M.  Dubois  avait  pour  interprètes  :  MUe  Monrose,  Warot 
et  Battaille.  —  Il  faut  ajouter  que  M.  Dubois,  qui  a  remporté  le  premier 
prix,  était  tombe  malade  de  la  petite  vérole  peu  de  temps  après  son  entrée 
en  loge,  et  qu'un  sursis  de  quelques  jours  avait  dû  lui  être  accordé. 

—  Les  concours  publics  du  Conservatoire  ouvriront  le  lundi  22  juillet, 
par  les  élèves  des  classes  de  déclamation.  Ceux  à  huis-clos,  déjà  commen- 
cés, seront  terminés  cette  semaine. 

—  L'engagement  de  Tamberlick  pour  la  prochaine  saison  des  Italiens 
sera  plus  long  qu'on  ne  l'avait  espéré.  Il  est  signé  pour  deux  mois,  du 
1er  mars  au  26  avril  ;  mais  on  assure  que  M.  Calzado  compte  garder  l'émi- 
nent  chanteur  jusqu'au  dernier  jour  de  la  saisou. 

— ■  On  écrit  de  Vienne  que  le  prince  Czartoryski,  président  de  la  Société 
philharmonique,  a  été  obligé,  pour  des  raisons  de  santé,  de  se  démettre  de 
ses  fonctions. 

—  Ferdinand  lliller,  le  maître  de  chapelle  de  Cologne,  a  été  nommé 
membre  honoraire  de  la  Société  philharmonique  de  Laibach,  laquelle  a 
cent  cinquante-neuf  ans  d'existence. 

—  Robert  Franz,  directeur  de  musique  de  l'Université  de  Halle,  a  reçu  de 
l'Université  de  celte  ville  le  diplôme  de  docteur  en  philosophie,  en  consi- 
dération de  son  talent  de  compositeur,  et  du  zèle  avec  lequel  il  propage  la 
musique  de  Bach.  —  Cet  étrange  diplôme  nous  fait  comprendre  le  sabre 
d'honneur  que  reçut  naguère  le  pianiste  Franz  Liszt. 

—  Dix-sept  Sociétés  chantantes  ont  pris  part  au  festival  de  Thuringe. 
C'est  la  Liederlafel  académique  (Société  chantante  des  étudiants  d'Iéna) 
qui  a  remporté  le  premier  prix.  Le  deuxième  a  été  donné  à  la  Société  de 
Mulhouse. 

—  Quatre  cents  compositions  avaient  été  envoyées  au  concours  ouvert 
à  Heidclberg  pour  les  prix  à  décerner  aux  meilleurs  lieder  destinés  au 
recueil  connu  sous  le  nom  de  Commersbuch.  Les  lauréats  sont  V.  E.  Bec- 
ker,  directeur  de  musique  de  Wurzbourg;  Appel,  maître  de  concerts  à 
Dcssau  ;  Stéphan  Gruive  et  C.  Héring,  directeur  de  musique. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


263 


—  On  écrit  de  Constantinoplo  que  le  professeur  de  musique  du  nou- 
veau Sultan  a  été  élevé  à  la  dignité  de  pacha.  Comme  on  le  voit,  sa  Hau- 
tesse  prépare  une  nouvelle  ère  à  la  musique,  qui  compte  un  grand  digni- 
taire de  plus. 

—  En  France  la  musique  n'a  pas  de  pachas ,  mais  elle  a  des  che 
valiers,  des  officiers  ,  des  commandeurs,  et  à  ce  propos  M.  F.  Ilérold 
vient  d'adresser  la  lettre  suivante  à  la  France  Musicale  : 

«  Monsieur, 

«  Dans  la  France  Musicale  in  30  juin,  je  lis  :  «  Boïeldieu,  l'auteur  de 
«  la  Dame  Blanche,  est  mort  simple  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  et 
«  Hérold,  l'auteur  de  Zampa  et  du  Pré-aux-Clercs,  n'était  pas  même 
«  décoré.  » 

«  Permeltez-moi  de  rectifier  la  très-légère  erreur  historique  que  con- 
tiennent ces  lignes  en  ce  qui  touche  mon  père. 

«  Mon  père  a  été  décoré  en  1828,  après  Marie,  avant  Zampa.  Mais 
comme  Boïeldieu,  et  aussi  comme  Méhul  et  comme  Grétry,  il  estmort  sim- 
ple chevalier  de  la  Légion  d'honneur.  Tarmi  les  Français  il  n'y  a,  je  crois, 
qu'un  seul  compositeur  auquel  votre  observation  pût  s'appliquer,  c'est 
l'auteur  de  Joconde,  qui,  lui,  n'a  jamais  été  décoré.  Parmi  les  étrangers, 
la  liste  serait  longue  :  Beethoven,  Weber,  etc. 

«  Veuillez  agréer,  Monsieur,  l'assurance  de  mes  sentiments  les  plus 
distingués.  «  F.  Hérold.  » 

—  La  fête  musicale  organisée  par  M.  Berlioz  pour  le  26  août  prochain, 
àBade,  sera,  comme  de  coutume,  une  des  plus  remarquables  de  la  saison. 
En  voici  le  programme  : 

1°  Harold  en  Italie,  symphonie  avec  allô  principal,  de  H.  Berlioz, 
joué  par  M.  Grodvolle;  —  2°  Air  de  la  Traviata,  de  Verdi,  chanté  par 
MUe  Monrose;  —  3°  Adagio  et  final  du  concerto  de  violon  de  Mendellshon, 
exécutés  par  Sivori  ;  —  4°  Dies  irœ  et  Tuba  mirum  du  Requiem  d'H.  Ber- 
lioz; —  5°  Air  de  la  Juive,  <le  F.  Halévy,  chanté  par  Renard  ;  —  6°  Fantai- 
sie, de  Beethoven,  pour  chœur,  orchestre  et  piano.  (La  partie  de  piano 
sera  exécutée  par  Mme  Escudier-Kastner.) — 7°  Offertoire  du  Requiem 
d'Hector  Berlioz  ;  — 8°  Duo  de  Lucie,  de  Donizetti,  chanté  par  Renard  et 
Mlle  Monrose;  —  9°  Ouverture  de  la  chasse  du  Jeune  Henri,  de  Méhul. 
L'orchestre  et  les  chœurs  seront  composés  des  artistes  réunis  de  Bade, 
Carlsruhe  et  Strasbourg. 

—  Le  virtuose  Herman  est  de  retour  de  Bade  où  il  avait  été  appelé  pour 
deux  des  premiers  concerts  de  la  saison.  Ses  fantaisies  sur  Robert-le- 
Diable  et  il  Trovatore  l'ont  fait  acclamer  et  redemander  plusieurs  fois. 
Noire  excellent  violoniste  se  dispose  maintenant  à  se  rendre  à  l'appel  de 
nos  sociétés  philharmoniques  et  des  Casinos  de  bains  de  mer. 

—  Le  grand  théâtre  de  Bordeaux  vient  de  rouvrir  brillamment  par  une 
représenlation  des  Mousquetaires  de  la  Reine.  Dufrône,  l'ex-premier  lënor 
léger  de  l'Opéra,  y  faisait  son  début,  ou  plutôt  sa  rentrée.  —  On  a  remarqué 
plusieurs  améliorations  apportées  à  la  salle  :  l'avant-scène  a  été  suppri- 
mée, le  trou  du  souffleur  n'est  qu'à  une  légère  dislance  du  rideau  ;  le  sol 
de  l'orchestre,  élevé  sur  un  double  fond  de  quarante-cinq  centimètres,  se 
trouve  dans  les  meilleures  conditions  de  sonorilé.Le  parterre  a  gagné,  par 
la  suppression  de  l'avant-scène,  un  rang,  et  le  parquet  deux  rangs  de 
slalles. 

—  Poultier ,  après  une  série  de  brillantes  représentations  au  grand 
théâtre  de  Rouen,  a  été  appelé  au  Havre  pour  deux  soirées  à  bénéfice. 
Les  mêmes  succès  l'y  attendaient.  On  sait  qu'indépendamment  de  ses  opé- 
ras de  prédilection,  la  Juive,  la  Favorite  ,  la  Dame  blanche,  Poultier  a 
l'habitude  de  dire  une  romance  comme  intermède.  Jennij  l'ouvrière  et 
les  Quatre  âges  du  cœur ,  ont  été  pour  lui  le  sujet  de  bien  des  triomphes 
populaires  en  ce  genre.  Cette  année,  il  les  renouvelle  avec  l'une  des  der- 
nières mélodies  de  ce  pauvre  Abadie  :  le  Coin  du  cœur,  quatre  petits  cou- 
plets bien  simples,  mais  bien  sentis ,  paroles  de  M.  le  vicomte  de  Ri- 
chemont. 

—  Nos  artistes  partent  pour  les  bains  de  mer  :  Félix  Godefroid  est 
installé  à  Dieppe,  où  des  colonies  d'anglaises  viennent  le  retrouver  chaque 
saison  ;  les  concerts  et  opéras  de  salon  sont  déjà  en  permanence  au  Croisic, 
et  voici  qu'on  annonce  le  départ  de  Mme  Eugénie  Garcia  pour  Beuzeval, 
près  Trouville,  et  Cabourg,  avec  l'intention  d'y  poursuivre,  l'été,  les  leçons 
de  chant  qu'elle  donne  à  Paris,  l'hiver.  M.  L.  d'Aubel  s'est  fixé  à  Trou- 
ville  dans  les  mêmes  intentions,  pour  le  piano  et  l'orgue.  Voilà  donc  nos 
belles  baigneuses  assurées  de  pouvoir  continuer  leurs  études  musicales 
tout  comme  à  Paris. 


—  Deux  artistes  de  beaucoup  de  talent,  et  qui  ont  obtenu  cet  hiver  à 
Paris  de  nombreux  succès  ,  Mme  Oscar  Commettant  et  W  Joséphine 
Martin,  ont  eu  l'heureuse  idée  de  se  réunir  pour  aller  donner  des  con- 
certs dans  quelques-uns  de  nos  casinos  les  plus  en  vogue.  Elles  se  feront 
successivement  entendre  à  Villers,  à  Trouville,  au  Havre,  à  Dieppe ,  à 
Cabourg,  à  Boulogne,  à  Saint-Malo,  etc.  Pour  le  concert  qu'elles  donne- 
ront à  Villiers,  ces  dames  se  sont  assuré  le  concours  de  M.  et  Mme  Edouard 
Lyon.  A  Trouville  ,  le  pianiste-compositeur  Rhein  exécutera  ,  avec 
M"*  Joséphine  Martin,  sa  dernière  œuvre  pour  deux  pianos. 

—  Un  concours  a  eu  lieu  ces  jours-ci  à  Belleville,  entre  les  musiques 
des  régiments  de  la  garnison  de  Paris  et  des  forts.  Onze  corps  de  musique 
ont  pris  part  à  ce  concours.  La  musique  du  7e  régiment  de  chasseurs  à 
cheval  a  obtenu  le  prix  d'honneur,  et  celle  du  37e  de  ligne  a  remporté  le 
premier  prix. 

—  Tous  les  corps  de  musique  militaire  de  la  garnison  de  Paris  et  des 
forts  environnants  avaient  été  invités  au  concours  d'harmonie  qui  a  eu 
lieu  dimanche  à  Charenton,  à  l'issue  de  celui  de  Belleville.  Les  récom- 
penses ont  été  ainsi  réparties  : 

1er  prix,  ex  œquo  (médaille  d'or  grand  module),  au  2e  régiment  d'artil- 
lerie et  au  33e  régiment  d'infanterie  ; 

2e  prix  (médaille  d'or),  au  18e  régiment  d'artillerie  ; 

3e  prix  (médaille  d'argent),  au  56e  régiment  d'infanterie  ; 

4e  prix  (médaille  de  bronze),  au  34e  régiment  d'infanterie. 

Le  baron  Taylor,  président,  a  proclamé  le  nom  des  vainqueurs,  et  a 
remis  à  chaque  chef  de  musique  la  médaille  et  le  diplôme  qu'il  avait  si 
bien  mérités.  Après  le  concours,  un  banquet  de  quarante  couverts,  pré- 
sidé par  M.  E.  Domergue,  maire  de  Charenton,  a  eu  lieu  à  l'hôtel  de  la 
Mairie,  dans  l'ancien  pavillon  de  Gahrielle  d'Estrée.  Pendant  le  dîner,  un 
des  corps  de  musique  couronnés  faisait  entendre  les  meilleurs  morceaux 
de  son  répertoire.  Au  dessert,  M.  Domergue,  a  porté  en  termes  très-chaleu- 
reux, au  président  et  aux  membres  du  jury  du  concours,  un  toast  qui  a 
provoqué  de  vifs  applaudissements,  et  auquel  le  baron  Taylor  a  répondu  de 
la  manière  la  plus  touchante. 

La  fête  s'est  continuée  lundi  et  se  terminera  aujourd'hui  dimanche,  par 
des  régates,  une  fête  vénitienne,  feu  d'artifice,  illumination,  etc. 

—  L'orchestre  dirigé  par  Musard,  au  Concert  des  Champs-Elysées ,  fait 
chaque  jour  de  notables  progrès ,  grâce  à  l'habileté  du  chef  et  à  l'intelli- 
gence des  artistes.  Les  chefs-d'œuvre  de  Beethoven,  de  Rossini,  de  Weber, 
de  Meyerbeer,  sont  aujourd'hui  l'attrait  le  plus  sérieux  des  concerts  des 
Champs-Elysées,  et  Musard,  qui  a  l'esprit  de  ne  pas  être  exclusif,  admet 
sur  son  programme  les  compositions  nouvelles  qui  peuvent  présenter 
quelque  intérêt.  C'est  ainsi  qu'il  faisait  entendre,  jeudi  dernier,  une  ou- 
verture-symphonie de  M.  C.  Estienne,  et  dans  le  genre  léger,  une  mazurka 
de  M.  Lucanloni. 

—  Voici  l'état  des  recettes  brutes  qui  ont  été  faites  pendant  le  mois 
de  juin  dernier,  dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit  des 
indigents  : 

Théâtres  impériaux  subventionnés. 210,564  fr.  70  c. 

Théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles         461,835        » 

Concerts,  speclacles-concerts,  cafés-concerts,  bals.        183,230        » 
Curiosités  diverses 21,831        » 

Total 877,460      70 

—  Château  d'Asnières.  La  vogue  est  décidément  au  Parc  d'Asnières, 
qui  rivalise  de  magnificences,  de  fraîcheur  et  de  plaisirs  avec  le  fameux 
Cremorne  Garden  et  le  Green  Parck  de  Londres.  Ses  arbres  séculaires,  ses 
verdoyantes  pelouses  marbrées  de  fleurs,  les  vases,  les  statues,  les  orches- 
tres, le  bal  illuminé  féeriquement  sous  un  dôme  de  feuillage,  les  jeux,  le 
restaurant,  le  café,  tout  concourt  à  faire  de  ce  délicieux  endroit  le  rendez- 
vous  fashionable  des  Parisiens  et  des  étrangers. —  Fêtes  musicales  et  dan- 
santes tous  les  dimanches  et  lundis. 

—  Erratum.  —  Au  nombre  des  fautes  typographiques  qui  se  sont 
glissées  dans  notre  dernier  article  sur  le  Salon,  nous  avons  particulière- 
ment à  signaler  une  importante  erreur  de  nom  :  celle  de  M.  Parisetk  la 
place  de  M.  Garnier,  l'auteur  du  projet  d'Opéra  accepté  par  l'administration 
supérieure. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Tjp.  Charles  de  Mourgues  frèr 


-Jacqu 


Librairie  G  AU  ME  frères  et  J.  DU  PRE  Y ,  rue  Cassette,  A,  à  Paris, 
(et  au  MÉNESTREL  ,  2  bis,  rue  Vivienne.  ) 


EN  VENTE 


DES  PRINCIPAUX  OFFICES  DE  L'ÉGLISE  SELON  LE  RITE  ROMAIN 

COMPRENANT  LES  OFFICES  DE  TOUS  LES  DIMANCHES  ET  DES  PRINCIPALES  FÊTES  DE  L'ANNÉE,  LE  CHANT  DU  TE  DEUH, 

LES  SALUTS  DU  SAINT-SACREMENT  ET  LA  MESSE  DES  MORTS , 

PAR 

L.  NIEDERMEYER, 

Fondateur  de  l'École  de  Musique  religieuse  de  Paris. 
S  vol.  grand  ïn-4",  ensemble  S«Op.  ;  prix  net,  broché  :  28  fr.  —  Envoi  franco  en  échange  d'un  mandat  sur  la  poste. 

ALBUM  POUR  DISTRIBUTIONS  DE  PRIX 

(  Dédié  aux  Pensionnats  et  Institutions  religieuses  ). 

Collection  de   morceaux  à  trois  voix  égales ,  avec   strophes    déclamées,  récitatifs,    chœurs   et  soli. 

PAROLES  ET   MUSIQUE  DE 

L'ABBÉ  JOUVE, 


Chanoine  de    Valence. 


lre  partie.  Chœur  d'introduction  et  prière 2    » 

2e      —       Hymne  de  joie  (avant  la  distribution  des  prix) 2    » 

3e      —        Hymne  de  joie  (après  la  distribution  des  prix) 3    » 


4e  partie.  Le  Foyer  domestique,  la  Campagne,  chœur  fr 
5e      —      Les  Voyages,  le  Rhin,  les  Alpes,  id. 

6B      —      Hymne  final,  Dieu  ,  l'Homme,  la  Création. . 


tsoli.    2 

id..    3 

3 


L'Album  complet,  net  :  5  fr. ,  volume  in-8". 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


LES  HARMONIEUSES 

Vingt-cinq  nouvelles  études,  Op.  50,  de 


RAVINA 


Prix  :  20  francs. 


CH.-B    LYSBERG 

L'Absence ,  sonate  romantique 10  » 

Andante-ldylle fi  » 

Airs  savoisiens  variés 7  50 

LEFÉBURE-WÉLY. 

AIïMIDE  de  GLUCK. 

Morceau  de  concert ,  varié , 7  50 

Morceau  de  salon ,  varié 6  » 

CH.  DEIIOUX 

Une  Fête  à  Séville ,  boléro ■ .  •- 7  50 

Valse  brillante,  2e  édition 7  50 

Deux  Sérénades ,  nM  1  et  2 7  50 


MARMONTEL 

Thème  varié ,  ancien  style 5  » 

Musette  ,  pastorale 7  50 

Venezia ,  barcarollc 7  50 

PAUL  BERNARD- 

Barcarolle  et  Chanson  de  Fortunio 6  » 

Galop  de  concert 0  » 

Prima  Sera ,  idylle 4  50 

L-  DIÉWÎER. 

Elégie  à  la  mémoire  de  sa  Mère 5  » 

lre  Mazurka  de  salon 5  » 

Polonaise  de  concert 6  » 


775.  —  28e  Aimée. 

N«  34. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  21  Juillet 

1861. 


3~a^5~Bt 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES   LOVY, 

Rédact'enchef. 


LES  BUREAUX  ,  8  bis,  rue  Vi vienne.  —  HEUGEL  et  Ci",  éditeurs. 

(lui  magasins  et  Abonnement  do  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

l»r  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  «O  morceaux: 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  1  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2»  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  te  morceaux  t 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  S 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5ï  morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  mm.  iit:ri;i',i.  et  C'e,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  M  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.) 


rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


SOMMAIRE.   —  TEXTE. 

I.  La  nouvelle  salle  de  l'Opéra  (1er  article).  Th.  Grasset.  —  II.  Semaine  théâ- 
trale. J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Encore  Frédéric 
Chopin.  J.  d'Ortigue.  —  IV.  Concours  du  Conservatoire.  —  V.  Nouvelles  et 
Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
MA  MIE  ANNETTE, 

Poésie  d'HENBY  Murger,  musique  lie  Félix  Godefroid.  —  Suivra  immé- 
diatement après  :  Être  deux  ,  poésie  de  M.  le  baron  de  C***,  mu- 
sique de  L.  de  Saint-Gervais. 

PIANO: 

Nous  publierons,  dimanebe  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano: 

t"  MAZURKA  DE  SALON  : 

Par  Louis  Diemer.  —  Suivra  immédiatement  après  :  Mosaïque-Polka 
sur  les  opérettes  de  J.  Offenbach,  par  J.-C.  Engel. 


LA  FUTURE  SALLE  DE  L  OPÉRA. 

Nous  empruntons  à  la  Presse  la  description  complète  de  la 
nouvelle  salle  de  l'Opéra,  par  M.  Théodore  Grasset,  travail  qui 
ne  peut  manquer  d'intéresser  nos  lecteurs. 

Pourquoi  le  projet  de  M.  Garnier  a-t-il  été  peu  remarqué  de 
la  masse  du  public  à  l'exposition  des  plans  d'Opéra  qui  fut  faite 
il  y  a  quelques  mois  au  Palais  de  l'Industrie?  La  raison  en  est 
bien  simple  :  c'est  que  le  jeune  architecte,  plus  soucieux  de  pro- 
duire un  projet  très-sérieux  et  très-étudié  qu'une  brillante  aqua- 
relle, avait  dédaigné  les  artifices  du  pinceau  et  du  crayon,  —  les 
ficelles,  pour  employer  le  mot  consacré  chez  les  artistes,  —  qui 
procurent  ces  faciles  succès  que  les  connaisseurs  ne  ratifient  pas 
toujours. 

Les  dépenses  nécessitées  par  l'édification  du  nouveau  théâtre 
sont  évaluées,  par  la  loi,  à  12  millions.  On  espère  que  les  re- 


présentations pourront  commencer  avant  trois  années.  En  trou- 
vant cette  prévision  de  12  millions,  que  quelques  députés  ont 
portée  beaucoup  plus  haut,  nous  avons  été  curieux  de  recher- 
cher, dans  les  archives  de  l'Opéra,  l'état  des  dépenses  qu'avait 
nécessitées  la  salle  actuelle  de  la  rue  Le  Pelletier.  L'arrêté  défi- 
nitif des  comptes  nous  a  donné  le  chiffre  de  2,287,495  fr.  14  c. 

Il  n'est  pas  permis,  toutefois,  de  faire  de  parallèle  entre  les 
deux  dépenses.  L'ancienne  salle  est  uniquement  bâtie  en  bois  et 
en  plâtre  ;  et  encore  ces  2,287,495  fr.  portent  uniquement  sur 
le  théâtre  et  la  salle,  les  anciens  bâtiments  de  l'hôtel  de  Choiseul 
ayant  été  appropriés  au  service  de  l'administration  et  des  dé- 
pendances de  l'Opéra. 

On  doit  commencer  les  travaux  le  1er  août  prochain,  et  les 
promeneurs  peuvent  se  convaincre  de  l'activité  qui  se  déploie  en 
ce  moment  pour  opérer  les  nivellements. 

Le  plan  de  M.  Garnier  est  renfermé  dans  le  périmètre  qui 
résulte  des  alignements  tracés  parla  voirie  municipale.  Les  bâti- 
ments projetés  couvriront  une  superficie  de  11,226  mètres  carrés. 
Le  projet  de  loi  leur  ayant  affecté  14,000  mètres,  2,774  mètres 
pourront  être  utilisés  en  squares  et  en  plantations.  Cela  repré- 
sente à  peu  près  le  double  de  la  surface  de  l'Opéra  actuel,  qui 
comprend  6,550  mètres,  en  comptant  les  cours  et  les  passages 
oubliés. 

La  forme  du  plan  est  un  parallélogramme  à  angles  émoussés. 
Celui-ci  est  flanqué  de  deux  pavillons  formant,  vers  le  milieu  des 
façades  latérales,  deux  saillies  correspondant  aux  axes  des  rues 
qui  doivent  s'ouvrir,  d'un  côté  sur  la  rue  de  la  Chaussée-d'Anlin, 
et  de  l'autre  dans  ladirection  de  la  Madeleine. 

L'un  de  ces  pavillons,  celui  de  l'Ouest,  est  destiné  à  l'entrée 
particulière  de  l'Empereur;  l'autre  donnera  accès  à  toutes  les 
personnes  qui  viendront  en  voiture. 

Toutes  les  voitures  —  quatre  à  cinq  cents  environ,  —  devront 
passer  par  ce  pavillon,  la  façade  principale  élant  réservée  aux 
piétons.  D'un  vestibule  où  l'on  descendra  de  voiture,  à  couvert, 


2CG 


LE  MÉNESTREL. 


une  galerie  (un  peu  longue)  conduira  à  un  salon  d'attente  de 
forme  circulaire  et  d'une  coupe  très-heureuse,  placée  exactement 
au-dessous  de  la  salle.  La  forme  de  ce  local  rappelle  beaucoup  le 
gracieux  vestibule  du  Théâtre-Français.  Son  principal  usage  sera 
d'abriter,  à  la  sortie  du  spectacle,  les  personnes  qui  attendront 
leurs  voitures. 

Autour  du  salon  d'attente  se  développe  une  galerie  circulaire 
qui  conduit  dans  le  grand  vestibule  au  pied  du  grand  escalier. 

Les  femmes  trouveront  bien  longues  ces  galeries,  si  richement 
décorées  qu'elles  soient,  qui  les  contraindront  de  faire  le  tour  de 
la  salle  avant  de  pouvoir  monter  à  leurs  loges.  Le  grand  escalier 
ne  conduira  en  effet  qu'aux  premières  loges  et  aux  places  d'élite, 
c'est-à-dire  qu'il  ne  servira  guère  aux  piétons. 

Le  grand  escalier,  qui  rappelle  par  les  lignes  principales  l'es- 
calier du  théâtre  de  Bordeaux,  sera  l'une  des  merveilles  du  futur 
Opéra.  Il  surpasse,  par  la  grandeur  et  l'élégance  de  sa  composi- 
tion, l'escalier  du  palais  Doria  de  Gênes,  avec  lequel  il  n'est  pas 
d'ailleurs  sans  analogie. 

A  côté  de  ce  grand  escalier  d'apparat,  se  développeront,  aux 
extrémités  d'un  magnifique  vestibule,  deux  escaliers  secondaires, 
de  proportions  monumentales  toutefois,  qui  desserviront  tous  les 
étages  de  la  salle.  La  disposition  fondamentale,  le  système  de  ces 
escaliers  dont  le  plan  est  un  demi-cercle  ouvert  du  côté  du  dia- 
mètre, consiste  en  une  succession  de  rampes  en  hélice  à  jour, 
supportées  par  d'élégantes  arcades  superposées.  Cela  est  plein 
d'originalité  et  produira  certainement  un  très-grand  effet. 

Tous  les  dégagements  communiquent  avec  le  salon  d'attente. 
Ils  sont  larges,  faciles  et  conduisent  bien  à  toutes  les  places.  Leur 
combinaison  favorise  ingénieusement  la  circulation  à  l'intérieur 
du  théâtre  et  la  sortie  après  le  spectacle. 

On  arrive  au  grand  escalier  par  un  vestibule  central,  et  aux 
deux  autres  par  des  galeries  latérales,  ouvertes  à  leur  extrémité 
sur  un  large  péristyle  qui  occupe  toute  l'étendue  de  la  façade  du 
côté  du  boulevard. 

Ce  péristyle,  sorte  de  salle  des  Pas-Perdus,  réunit  les  bureaux 
de  location  et  de  distribution  des  billets,  les  postes  de  la  garde  et 
de  la  police,  les  vestiaires  et  les  diverses  autres  dépendances  à 
l'usage  du  public.  Il  se  réunit  a  des  galeries  qui  permettent  de 
circuler  à  couvert  dans  presque  la  totalité  du  pourtour  du  monu- 
ment. 

A  part  le  style  et  l'élévation  que  M.  Garder  a  su  donner  à  son 
projet  de  façade,  on  retrouve  la  pensée  primordiale  de  celle-ci 
dans  les  planches  d'un  vieil  ouvrage,  intitulé  :  Trailé  de  la  cons- 
truction des  théâtres  et  des  machines  théâtrales,  par  Roubo  fils, 
maître  menuisier.  Le  frontispice,  qui  a  une  certaine  analogie 
avec  la  colonnade  du  Garde-Meuble,  et  qui  rappelle  la  colonnade 
du  Louvre  par  l'accouplement  des  colonnes,  sera  aperçu  du  bou- 
levard par  une  percée  de  soixante  mètres  d'ouverture,  c'est-à- 
dire  deux  fois  plus  large  que  la  rue  de  la  Paix. 

L'architecture  de  cette  façade  a  bien  ce  caractère  de  grandeur 
et  de  richesse  qui  convient  au  premier  théâtre  d'une  grande  ca- 
pitale. Accusée  par  de  grandes  lignes  heureusement  contrastées, 
elle  sera  un  remarquable  point  de  vue  pour  la  grande  voie  qui 
doit  plus  tard  s'ouvrir,  dans  la  direction  de  son  axe,  entre  le 
boulevard  et  le  Louvre. 

Sur  un  soubassement  percé  d'arcades  entre  lesquelles  des  sta- 
tues colossales  symbolisent  les  arts  lyriques,  s'élève  une  riche 
colonnade  d'ordre  corinthien ,  dont  les  colonnes  accouplées , 
comme  dans  l'œuvre  de  Perrault  au  Louvre,  supportent  des  ar- 
chitraves à  plates-bandes. 


Au-dessus,  un  riche  entablement  sert  de  base  à  un  atlique  à 
pilastres  décorés  de  statues  en  demi-relief.  Cet  attique,  dont  on 
trouve  le  modèle  dans  l'antiquité  grecque  et  qui  a  été  produit 
dans  plusieurs  édifices  de  la  Renaissance,  sera  du  plus  pittoresque 
et  du  plus  monumental  effet. 

Deux  avant-corps,  peu  saillants,  surmontés  de  frontons  trian- 
gulaires et  percés  chacun  d'une  grande  arcade  centrale  arrêtent 
et  encadrent  celte  ordonnance  de  la  manière  la  plus  splendide. 

Un  comble  d'une  déclivité  moyenne  surmonte  et  couronne  cet 
ensemble  architectural.  L'artiste  a  aussi  réussi  à  établir  une  heu- 
reuse transition  entre  les  parties  rectilignes  de  la  façade  et  la  cou- 
pole de  la  salle  qui  s'élève  au-dessus. 

Cette  coupole,  magistralement  posée  sur  le  mur  circulaire  qui 
accuse  à  l'extérieur  la  forme  de  la  salle,  peut  compter  comme 
une  des  plus  heureuses  conceptions  de  M.  Garnier. 

Le  tambour  de  la  coupole  présente  une  disposition  caractéris-  . 
tique  :  c'est  une  série  de  fenêtres  en  œil-de-bœuf,  percées  au  pied 
delà  courbure  de  la  coupole  et  par  lesquelles  l'air  pourra  large- 
ment pénétrer  dans  la  salle.  On  ne  saurait  trop  approuver  ce 
moyen  de  ventilation  naturelle,  analogue  à  celui  qui  réussit  si 
bien  dans  la  salle  du  Cirque  des  Champs-Elysées. 

Plus  loin,  le  regard  s'arrête  sur  le  grand  pignon  qui  clôt  la 
partie  antérieure  de  la  scène.  Sa  décoration  sérieuse  contraste 
heureusement  avec  la  riche  architecture  du  frontispice  et  en  fait 
ressortir  tout  l'éclat. 

Nous  n'approuvons  pas  moins  la  division  en  trois  étages  adop- 
tée par  M.  Garnier.  Elle  donne  la  variété  dans  l'unité,  et  elle  se 
trouve  tout  à  fait  conforme  pour  l'édifice  dont  il  s'agit  à  la  lo- 
gique de  l'architecture. 

Dans  le  soubassement,  ferme  de  lignes,  sobre  d'ornements, 
sont  compris  les  vestibules,  les  galeries  de  circulation  et  toutes 
les  dépendances  du  service  extérieur. 

L'étage  d'honneur  accusé  par  l'ordre  d'architecture  d'où  le 
frontispice  reçoit  son  expression,  renferme  le  grand  foyer  public 
(au-devant  duquel  la  colonnade  forme  une  grande  loge  ouverte  à 
l'italienne),  les  galeries  intérieures,  la  loge  impériale  et  ses  an- 
nexes, les  deux  premiers  rangs  des  loges  de  la  salle,  toute  la 
partie  monumentale  et  élégante  du  théâtre. 

L'attique,  ordre  secondaire,  correspond  aux  places  des  étages 
supérieurs  et  renferme  un  second  foyer,  d'ordonnance  plus  sim- 
ple que  celui  du  premier  étage,  où  les  spectateurs  des  petites 
places,  aux  toilettes  modestes,  trouveront  à  leur  proximité  une 
promenade  qui  leur  manque  dans  la  salle  actuelle. 

La  salle  reproduit,  avec  plus  de  légèreté  et  d'élégance  dans 
la  courbure  des  voussures,  la  belle  disposition  de  la  salle  ac- 
tuelle. Ce  chef-d'œuvre  de  l'architecte  Louis ,  successivement 
transporté,  avec  des  améliorations,  de  la  salle  de  Bordeaux  à  la 
salle  delà  place  Louvois,  et  littéralement  de  là  à  la  rue  Lepelle- 
tier,  constitue  en  réalité  la  plus  belle  et  la  plus  complète  ordon- 
nance d'une  salle  de  spectacle,  telle  que  l'exigent  les  goûts  et 
les  habitudes  élégantes  du  public  parisien. 

Celte  magnifique  disposition  satisfait,  autant  que  les  données 
contradictoires  du  programme  le  permettaient ,  aux  lois  de 
l'acoustique  et  aux  légitimes  exigences  des  habitués  du  théâtre. 
On  a  sagement  pensé  que  le  but  étant  atteint,  toute  aulre  com- 
binaison ne  ferait  que  s'en  écarler  plus  ou  moins  et  substituer 
un  effet  problématique  à  un  effet  éprouvé. 

La  coupole  de  la  nouvelle  salle  sera  ,  si  l'exécution  est  con- 
forme au  projet,  plus  élevée  que  celle  de  la  salle  actuelle.  Nous 
approuvons  cette  modification  au  point  de  vue  de  l'aspect,  et 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


2G7 


nous  n'en  sommes  pas  trop  effrayés  sous  le  rapport  de  l'acous- 
tique. La  sonorité  des  églises  et  en  général  des  édifices  à  voûtes 
élevées  nous  rassure.  Toutefois  ,  la  question  est  délicate  et 
mérite  d'être  étudiée.  Il  faut  se  souvenir  que  pour  obvier  à 
l'inconvénient  des  résonnances  intempestives,  on  a  été  obligé 
d'abaisser  plusieurs  fois  le  plafond  du  Théâtre-Français ,  et 
qu'il  en  a  été  do  même  de  la  salle  Venladour. 

Il  y  aura  environ  deux  mille  places  ;  la  salle  actuelle  en  pos- 
sède dix-sept  cent  cinquante.  Les  loges  et  les  diverses  catégories 
de  places  seront  distribuées  de  la  même  façon  que  rue  Lepel- 
letier,  mais  avec  plus  d'espace  pour  chaque  spectateur.  Chaque 
loge  aura  un  salon,  non  un  réduit  où  deux  personnes  à  peine 
peuvent  se  réfugier,  comme  dans  les  salles  parisiennes  exis- 
tantes, mais  un  véritable  salon  avec  son  ameublement  complet. 

Nous  espérons  encore  que  M.  Garnier  modifiera  partielle- 
ment le  plan  de  la  salle  en  ajoutant  un  rang  de  loges  décou- 
vertes devant  la  première  ligne  des  loges  a  salon.  Nous  avons 
eu  l'occasion  de  dire  plusieurs  fois  dans  la  Presse  les  motifs 
sur  lesquels  se  basait  notre  opinion.  Ils  sont  d'une  importance 
si  capitale  et  intéressent  à  un  si  haut  point  l'avenir  de  notre 
première  scène  lyrique,  que  nous  croyons  devoir  répéter  ce  que 
nous  disions  dans  le  numéro  du  27  juin. 

La  nouvelle  salle  ne  doit  pas  être  seulement  magnifique,  elle 
doit  être  construite  de  façon  à  accroître  notamment  le  chiffre 
des  recettes.  Les  subventions  sont  limitées;  les  crédits  supplé- 
mentaires ne  peuvent  pas  sortir  d'une  certaine  mesure,  et  pour- 
tant les  frais  généraux  se  sont  accrus  dans  une  proportion  con- 
sidérable depuis  quelques  années.  Les  appointements  des  artistes. 
par  exemple,  sont  devenus  pour  ainsi  dire  fabuleux,  par  suite 
de  la  concurrence  des  théâtres  de  Londres  et  de  Saint-Péters- 
bourg. La  salle  actuelle  peut  faire  tout  au  plus  10,000  francs 
de  recette  par  représentation ,  il  faut  désormais  pouvoir  attein- 
dre 15,000  francs.  C'est  là  une  affaire  d'avenir,  nous  dirons 
même  de  salut,  que  l'architecte  chargé  de  l'édification  du  mo- 
nument, ne  doit  pas  oublier  un  seul  instant.  Alors  seulement  on 
pourra  exécuter  sans  contrainte  les  plus  brillantes  mises  en 
scène  et  accepter  la  concurrence  qui  nous  attachera  les  artistes 
les  plus  en  renom. 

Pour  ce  faire,  il  n'est  pas  nécessaire  de  construire  une  salle 
infiniment  plus  spacieuse  :  il  suffit  d'augmenter  le  nombre  des 
grandes  places.  A  l'objection  que  peut-être  leur  placement  serait 
difficile,  nous  répondrons  que  si  l'Opéra  possédait  le  double  de 
loges  de  premier  rang,  elles  seraient  à  l'instant  toutes  louées  à 
l'année.  Pourquoi  donc  ne  pas  faire  comme  aux  Italiens? 
Théodore  Grasset. 
I  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


SEMAINE  THEATRALE. 

Toutes  les  émotions  musicales  n'ont  pas  franchi  le  Rhin,  ou 
traversé  le  détroit,  selon  le  programme  traditionnel  de  l'été.  Pa- 
ris s'en  est  réservé  quelques-unes  en  plein  juillet.  Deux  événe- 
ments lyriques  priment  la  huitaine  qui  vient  de  s'écouler  :  les 
représentations  de  Roger  sur  la  scène  de  Favart,  et  la  reprise  du 
Prophète  à  l'Opéra,  par  Mme  Viardot. 

La  réapparition  de  Mme  Viardot,  dans  le  rôle  de  Fidès,  est 
mieux  qu'une  reprise,  c'est  une  nouvelle  prise  de  possession  : 
on  sent  que  l'empreinte  du  génie  de  Gluck  et  l'incarnation  d'Or- 
phée ont  passé  par  là  ;  et  le  grand  style  et  les  qualités  plastiques 


de  l'éminente  artiste  ne  pouvaient  que  gagner  à  ce  sublime  con- 
tact ;  aussi  Fidès  a-t-elle  enthousiasmé  l'auditoire.  Jamais  l'acte 
de  l'église  n'a  été  rendu  avec  plus  de  verve  et  de  puissance  ;  ja- 
mais l'air  :  Mon  fils,  sois  béni,  n'a  été  phrasé  avec  un  sentiment 
plus  biblique  ;  et  les  trois  grandes  scènes  de  la  prison  au  cin- 
quième acte,  et  la  foudroyante  cavaline,  Comme  un  éclair,  ont 
fait  vibrer  à  l'unisson  tous  les  cœurs  et  tous  les  bravos.  —  Guey- 
mard,  électrisé  par  sa  partenaire,  a  fort  bien  joué  et  chanté  le 
rôle  de  Jean  de  Leyde.  Il  a  été  rappelé  après  l'hymne  triomphal 
du  troisième  acte,  et  après  les  deux  derniers  avec  Mmc  Viardot. 
Relval  (Zacharie)  et  M"e  Rey  (Berthe),  ont  vaillamment  rempli 
leur  lâche.  Le  charmant  ballet  des  patineurs  a  eu  sa  part  de  l'o- 
vation. —  Il  est  question  d'une  solennité  au  bénéfice  de  Mme  Pe- 
tipas,  la  piquante  ballerine  russe.  Tambcrlick  s'y  ferait  enten- 
dre, ce  qui  permettrait  de  réaliser  une  ample  moisson  de  roubles. 
—  Une  solennité  plus  intime  vient  de  s'accomplir  dans  le  monde 
chorégraphique:  celle  du  mariage  de  M.  Mérante  avecMlle  Zina 
Richard. 

A  l'Opéra-Comique  Roger  a  joué,  vendredi,  la  Dame  Blanche 
pour  la  cinquième  fois,  preuve  irréfragable  de  l'immense  succès 
qu'il  obtiendra  toujours  dans  cet  immortel  chef-d'œuvre  de  Boïel- 
dieu  :  salle  comble  à  chaque  représentation  et,  chaque  fois,  ce 
sont  des  applaudissements  et  des  rappels  sans  fin. 

La  huitaine  s'est  encore  signalée  à  ce  théâtre  par  une  nouvelle 
tentative  de  M"e  Marimon  dans  un  rôle  important  du  répertoire. 
Cette  gracieuse  artiste  est  venue  aborder  les  Noces  de  Jeannette, 
et  a  remporté  une  nouvelle  victoire.  Le  timbre  sympathique  do 
sa  voix  se  prêle,  du  reste,  parfaitement  à  la  nature  élégiaque  du 
personnage  de  Jeannette.  Elle  à  dit  avec  une  expression  bien 
sentie  l'air  :  Parmi  tant  d'amoureux;  elle  a  été  touchante  dans 
la  romance  de  V Aiguille,  excellente  dans  son  duo  avec  Couderc  : 
Rapprochons-nous  un  peu  ;  enfin,  l'air:  Au  bord  du  chemin, 
avec  ses  vocalises  et  son  point  d'orgue  final,  ont  complété  le  suc- 
cès. Couderc  s'est  montré,  comme  toujours,  comédien  parfait 
dans  ce  type  villageois  de  Jean,  une  de  ses  meilleures  créations. 

Nous  avons  vu  dans  la  même  soirée  Mlle  Henrion  dans  Gala- 
thée.  Enregistrons  pour  mémoire  cet  acte  de  bonne  volonté, 
en  attendant  la  rentrée  de  Mmo  Ugalde. 

Les  journaux  de  théâtre  annoncent  que  M.  Réty  vient  enfin 
de  s'entendre  avec  la  ville,  et  qu'il  accepte  les  conditions  de  son 
nouveau  bail.  Selon  toute  prévision,  le  Théâtre  Lyrique  sera 
transféré  place  du  Châtelet  à  la  fin  de  cette  année. 

La  Comédie-Française  a  repris  successivement,  cette  semaine, 
le  Joueur  de  Regnard,  et  la  Critique  de  VÊcole  des  Femmes  de 
Molière.  Le  Joueur  nous  est  revenu  avec  les  principaux  inter- 
prètes que  nous  connaissons  :  Leroux,  Samson,  Maubant,  Mon- 
rose,  Mirecour,  Mmes  Augustine  Brohan,  Riquer,  Jouassin,  fion- 
val.  Aussi  la  joyeuse  comédie  de  Regnard  a-t-elle  charmé  la  salle 
entière.  De  leur  côté ,  VÊcole  des  Femmes  et  sa  Critique  ont 
réalisé  une  piquaute  soirée. 

M.  Sardou,  l'auteur  heureux,  vient  de  remporter  un  nouveau 
succès  au  Gymnase.  Piccolino,  comédie  en  trois  actes  avec  chants, 
a  été  joué  jeudi  soir  au  bruit  des  plus  sincères  et  des  plus  légitimes 
applaudissements.  Une  petite  histoire  intéressante  encadrée  avec 
art,  de  la  gaieté,  du  mouvement,  de  la  danse,  des  chants  et  de 
piquants  tableaux,  tel  est  le  bulletin  de  ce  nouveau  succès  dont 
nos  confrères  du  grand  format  vous  donneront  le  procès-verbal 


268 


LE  MÉNESTREL. 


détaillé.  Voilà  de  quoi  défrayer  trois  ou  quatre  mois  ;  mais  men- 
tionnons surtout  M"e  Victoria,  l'héroïne  de  la  pièce,  sans  oublier 
MM.  Desrieux,  Landrol,  Lesueur,  Mmes  Blocli  et  Mélanie. 

Le  Vaudeville  vient  de  mettre  à  l'étude  l'Enfant  trouvé, 
comédie  en  trois  actes,  de  Picard  et  de  M .  Mazères.  Cette  pièce,  qui 
appartient  au  répertoire  du  Théâtre-Français,  a  été  jouée,  pour 
la  première  fois,  le  13  décembre  1824,  par  Samson,  Provost, 
Perrier,  Mlle  Anaïs,  etc.  Vous  voyez  que  le  triumvirat  de  la 
place  de  la  Bourse  ne  se  refuse  rien.  — -  On  répète,  au  même 
théâtre,  les  Roueries  d'une  ingénue,  trois  actes  de  M.  Rochefort. 

M.  Victor  Séjour  vient  de  lire  aux  artistes  de  la  Pokte- 
Saint-Martin  un  drame  qui  a  produit  un  grand  effet.  On  va  le 
répéter  sous  le  titre  provisoire  de  YInvasion.  Le  rôle  le  plus 
important  de  la  pièce  est  confié  à  Mlle  Lia  Félix. 

Les  ambassadeurs  de  Siam,  après  avoir  visité  nos  principaux 
monuments  et  établissements  publics,  commencent  à  se  montrer 
dans  nos  théâtres.  11  va  sans  dire  que  nos  drames  à  spectacle  les 
impressionnent  particulièrement.  Le  Monstre  et  le  magicien  re- 
présenté à  I'Ambigu  les  a  si  vivement  captivés  cette  semaine, 
qu'ils  ont  fait  prévenir  l'administration  d'une  seconde  visite. 

Au  théâtre  de  la  Gaîté,  le  drame  de  M.  Maurice  Desvignes, 
Loin  du  Pays,  n'a  pas  tout  à  fait  répondu  aux  promesses  de 
haute  portée  philosophique  et  humanitaire  qu'on  avait  fait  mi- 
roiter dans  les  réclames.  C'est  un  bel  et  bon  mélodrame  dans 
l'usuelle  acception  du  mot  ;  Manuel,  Perrin,  Sully,  Mme  Lacroix, 
etc.,  en  traduisent  les  principaux  rôles  avec  intelligence. 

Voici  enfin  une  nouvelle  que  nous  enregistrons  avec  déplaisir  : 
M.  Sylvain  Mangeant,  engagé  comme  chef  d'orchestre  au 
Théâtre  impérial  français  de  Saint-Pétersbourg,  quittera,  le  pre- 
mier octobre  prochain,  le  théâtre  du  Palais-Royal,  où  il  sera  très- 
vivement  regretté.  M.  Sylvain  Mangeant  aura  probablement  pour 
successeur  M.  Robillard,  connu  par  diverses  compositions  po- 
pulaires. En  revanche ,  le  chef  d'orchestre  Josse,  qui  a  fait  son 
temps  et  sa  fortune  à  Saint-Pétersbourg,  nous  revient  à  Paris  : 
c'est  un  chassé-croisé  orchestral. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
ENCORE  FRÉDÉRIC  CHOPIÎN. 

Nous  avons  eu  le  regret  de  terminer,  dimanche  dernier,  l'étude 
si  attachante  de  M.  H.  Barbedette  sur  F.  Chopin  et  ses  œuvres. 
Cette  esquisse  littéraire  et  musicale  a  été  lue  par  nos  abonnés  avec 
une  faveur  marquée.  Aujourd'hui  nous  publionsdans  ces  Tablettes 
un  dernier  écho  des  souvenirs  biographiques  du  Bellini  du  piano. 
C'est  à  notre  excellent  ami  et  collaborateur  J.  d'Ortigue  que  nous 
devons  le  plaisir  de  causer  une  heure  de  plus  avec  notre  bien- 
aimé  Chopin.  Dimanche  prochain,  nous  passerons  la  plume  à 
l'honorable  bibliothécaire  du  Sénat,  M.  P.-A.  Vieillard,  qui 
a  bien  voulu  doter  nos  Tablettes  du  chanteur  d'un  pendant  a  son 
remarquable  travail  sur  Méhul.  Ce  sont  les  chanteurs  lyriques 
de  la  fin  du  xviue  siècle  a  1830,  et  notamment  Mme  Scio,  qui 
feront  les  honneurs  de  ces  souvenirs  du  théâtre.  Déjà,  il  y  a 
quelques  années,  le  Ménestrel,  grâce  à  M.  Pierre  Hôdouin, 
a  fait  faire  l'agréable  connaissance  de  Mmo  Scio  à  ses  lecteurs. 
Mme  Scio  sera  donc  la  bienvenue.  En  attendant,  voici  la  lettre 


de  notre  collaborateur  J.  d'Ortigue,  adressée  au  directeur  du 
Ménestrel. 

Mon  cher  Directeur, 

J'ai  lu  avec  un  bien  vif  intérêt  les  articles  que  |M.  Barbe- 
dette  a  consacrés  à  Chopin  et  à  ses  œuvres.  Les  traits  saillants  de 
l'homme  et  du  musicien  y  sont  parfaitement  saisis.  M.  Barbe- 
dette  admire  Chopin,  et,  de  plus,  il  l'aime  :  avec  ces  deux  senti- 
ments-là, il  a  dû  faire  un  bon  travail  et  il  l'a  fait.  Ses  articles 
seront  certainement  appréciés  par  les  professeurs  de  piano  et  les 
élèves  qui  lisent  habituellement  le  Ménestrel,  et  qui  y  puisent 
d'excellents  enseignements.  Et  ce  n'était  pas  chose  facile  que 
d'analyser  la  musique  de  Chopin,  car  toute  œuvre  de  Chopin  est 
toujours  une  œuvre  complexe,  d'un  style  composite,  où  le  dessin 
et  la  ligne  sont  très-peu  apparents.  Je  ne  veux  pas  dire  par  ces 
mots  que  l'inspiration  manque  dans  les  œuvres  de  Chopin,  que 
son  style  soit  travaillé,  tourmenté,  que  sa  nature  ne  soit  pas 
vraie  et  primesautière;  mais  il  y  a  tant  de  choses  dans  cette  na- 
ture !  Un  sentiment  de  l'élégance  et  de  la  distinction  qui  va  jus- 
qu'à la  coquetterie,  une  naïveté  pleine  d'abandon,  des  caprices 
de  gaieté  et  de  folie,  des  accents  profonds  et  douloureux,  une 
âme  élevée  et  croyante,  une  complexion  débile  et  voluptueuse, 
une  sensibilité  maladive,  Tin  esprit  fin  et  exquis,  tout  cela  se  mêle 
et  se  confond  chez  Chopin  dans  une  unité  à  la  fois  admirable  et  bi- 
zarre. C'est  ce  que  M.  Barbedette  a  fort  bien  compris,  et  il  a  fait 
entrer  dans  son  analyse  des  considérations  fort  remarquables  par 
leur  justesse. 

Vous  voyez,  mon  cher  Directeur,  que  je  ne  prends  pas  la 
plume  pour  faire  la  critique  d'une  critique.  Cela  m'appartiendrait 
d'autant  moins  que  je  suis  aussi  du  métier,  et  qu'il  serait  bien 
facile  d'exercer  sur  moi  de  justes  représailles.  Je  ne  veux,  avec 
votre  permission  et  celle  de  M.  Barbedette,  que  signaler  une  la- 
cune dans  le  travail  de  ce  dernier,  et  encore  ce  n'est  pas  précisé- 
ment une  lacune,  car  le  fait  que  je  veux  mettre  en  relief  s'y 
trouve  ;  seulement  il  n'est  pas  assez  nettement  accusé.  A  propos 
de  Chopin,  M.  Barbedette  a  longuement  parlé  de  l'amour  de  la 
patrie.  Ce  noble  sentiment  lui  a  inspiré  deux  pages  belles  et  tou- 
chantes, qui  sont  présentes  à  l'esprit  de  tous  vos  lecteurs.  Recher- 
chant à  quel  point  ce  sentiment  avait  dû  aussi  inspirer  Chopin  : 
«  Il  ne  s'étudia  pas,  dit  M.  Rarbedette,  à  être  un  musicien  na- 
tional . . .  Comme  les  vrais  poètes  nationaux,  il  chanta  sans  dessein 
arrêté,  sans  choix  préconçu  ce  que  l'inspiration  lui  dictait  le  plus 
spontanément,  et  c'est  de  la  sorte  que  surgit  dans  ses  chants,  sans 
soins  et  sans  efforts,  la  forme  la  plus  idéalisée  du  génie  national.  » 
Quelques  lignes  plus  loin,  M.  Rarbedette  ajoute  :  «Devenu  Pari- 
sien, Chopin  ne  cessa  pas  néanmoins  d'avoir  des  relations  avec  sa 
patrie  absente.  On  en  suit  la  trace  dans  les  nombreuses  mélodies 
qui  circulent  sous  son  nom  en  Pologne,  mélodies  qu'il  adaptait  à 
certains  chants  patriotiques  de  son  pays,  et  qu'il  lui  envoyait 
comme  gages  de  son  souvenir.  » 

Je  m'arrête  à  cette  dernière  phrase.  La  partie  que  j'en  ai  sou- 
lignée exprime  un  fait  vrai  ;  quant  à  la  seconde  partie,  j'ai  de  la 
peine,  je  l'avoue,  à  saisir  le  sens  qu'y  attache  M.  Barbedette. 
Pour  moi,  je  sais  (et  je  vais  dire  comment  je  le  sais)  que  Cho- 
pin a  composé  une  foule  de  chansons,  non  des  mélodies  adaptées 
à  des  chants  patriotiques,  mais  des  chansons  originales,  les- 
quelles sont  devenues  populaires  en  Pologne  ;  et,  chose  singu- 
lière, sa  patrie  qui  les  chante  ignore  qu'il  en  est  l'auteur,  ou  du 
moins  elle  l'ignorait  avant  la  mort  du  musicien.  Je  sais  que,  dans 
les  dernières  années  de  sa  vie,  Cuopin  caressait  le  projet  de  réunir 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


269 


ses  chansons  et  de  les  publier,  ainsi  qu'une  collection  d'airs  na- 
tionaux. Voilà  ce  que  je  peux  certifier.  Hélas!  ce  projet,  ainsi 
que  tant  de  projets  que  font  les  hommes  ici-bas,  les  hommes  de 
génie  comme  les  simples  mortels,  ne  se  réalisa  pas. 

M.  Barbedette  sait  bien  son  Chopin  ;  il  le  possède,  il  le  tient; 
qu'il  me  permette  seulement  de  l'édifier  complètement,  quant  au 
fait  que  j'ai  avancé  plus  haut. 

J'étais  pour  Chopin  une  vieille  connaissance  lorsqu'il  vint  ha- 
biter, pendant  plusieurs  années  le  square  d'Orléans,  où  j'ai 
demeuré  vingt  ans.  Nous  nous  rencontrions  souvent  et  ce  n'é- 
tait pas  sans  échanger  d'affectueuses  paroles,  quelquefois  des 
jugements,  des  opinions  sur  l'art  et  les  artistes.  Chopjn  était  trop 
homme  du  monde,  il  avait  trop  de  bon  goût  pour  heurter  dans 
leur  manière  de  voir  les  personnes  qui  avaient  d'autres  sympa- 
thies musicales  que  les  siennes.  Il  établissait  d'abord  les  points  de 
contact,  puis,  avec  un  esprit  infini,  assaisonné  d'une  légère  pointe 
épigrammatique,  il  faisait  ses  réserves  sur  les  points  litigieux. 
Souvent,  au  moment  où  l'on  croyait  le  tenir,  il  vous  échappait,  il 
vous  glissait  des  mains  avec  une  adresse,  je  dirai  même  avec  une 
grâce  sans  pareille.  Chopin  était  comme  sa  musique.  Il  fallait  le 
connaître  intimement  pour  l'apprécier,  comme  aussi  pour  appré- 
cier toute  la  valeur  de  sa  musique  il  fallait  en  faire  une  profonde 
étude.  Et  sa  personne,  comme  sa  musique,  ne  se  laissait  pas  aisé- 
ment approcher.  Il  y  avait  de  la  sensitive  dans  l'un  et  dans  l'au- 
tre. Je  parle  d'après  mes  propres  impressions. 

Un  soir,  Chopin  et  moi,  nous  nous  rencontrâmes  au  foyer  du 
Théâtre-Italien.  Ce  pouvait  être  vers  1847  ou  1848.  Il  me  dit 
qu'il  y  avait  à  l'orchestre  un  fauteuil  vide  à  côté  du  sien,  et  il 
m'engagea  à  le  prendre,  ce  que  je  fis.  On  donnait  //  Malrimonio. 
Je  ne  sais  pourquoi  je  m'étais  figuré  que  Chopin  ne  pouvait  aimer 
cette  musique ,  parce  qu'elle  était  italienne  d'abord ,  ensuite 
parce  qu'elle  était  d'un  jet  si  facile,  si  simple,  d'un  style  si  cou- 
lant, si  limpide,  si  naturel,  qu'elle  me  semblait  en  parfaite  op- 
position avec  la  sienne.  Lui,  de  son  côté,  s'était  imaginé  que  je 
ne  devais  pas  la  goûter  non  plus.  Jugez,  mon  cher  Directeur, 
de  notre  surprise  à  tous  les  deux  lorsque  nous  nous  fûmes  aper- 
çus que  nous  avions  pour  cette  musique  un  égal  enthousiasme  ! 
Ce  soupçon  réciproque  nous  amusa  beaucoup.  «  Ah!  quel  chef- 
d'œuvre!  me  disait  Chopin.  Quel  adorable  compositeur  que  ce 
Cimarosa!  Comme  il  sait  donner  du  prix  aux  moindres  choses, 
aux  plus  simples  modulations  !  Quelle  grâce  !  quelle  fécondité  ! 
quelle  richesse  I  Avez-vous  remarqué,  dans  la  finale  du  premier 
acte,  cette  phrase  mineure  ?  C'est  la  seule  de  tout  cet  acte.  Quelle 
est  pleine  de  charme,  cette  phrase  en  la  mineur  !  » 

—  Que  vous  me  faites  plaisir,  lui  dis-je,  de  parler  ainsi  !  je 
croyais . . . 

—  Et  vous  aussi,  me  répondit-il,  que  j'ai  de  plaisir  à  vous 
voir  sentir  et  admirer  de  pareilles  œuvres  ! 

Le  spectacle  terminé,  nous  nous  acheminâmes  tous  les  deux 
vers  notre  logis  de  la  rue  Saint-Lazare.  Nous  marchions  lente- 
ment ;  il  s'appuyait  sur  mon  bras  ;  nous  causions  avec  effusion. 
La  glace  était  rompue  entre  nous.  Il  me  dit  le  fond  de  sa  pen- 
sée sur  les  vieux  maîtres,  et  sur  certains  compositeurs  du  jour 
aussi. 

—  Que  vous  avez  raison,  me  dit-il,  de  prendre  en  main  la 
défense  d'un  tel  !  mais. ...  — 

Il  y  avait  ud  mais;  si  ce  mais  était  une  critique,  il  impli- 
quait aussi  un  éloge. 

—  Chopin,  lui  dis-je ,  me  permettez-vous  de  vous  exprimer 
un  désir,  peut-être  bien  indiscret  ? 


—  Lequel  ? 

—  Seriez-vous  homme  à  me  donner  votre  biographie?  Nous 
demeurons  dans  la  même  maison  ;  j'irais  chez  vous  deux  ou 
trois  matinées  de  suite  ;  j'écrirais  sous  votre  dictée  tout  ce  que 
vous  me  direz  sur  vos  maîtres,  vos  études,  vos  compositions, 
vos  voyages. . . . 

—  Mes  voyages?  reprit-il,  je  suis  toujours  en  voyage.  Je  ne 
suis  à  Paris  qu'en  passant.  — 

Alors  il  me  raconta  l'anecdote  de  son  passe-port ,  et  que 
voici.  Quelques  semaines  avant  la  Révolution  de  1830,  Chopin 
était  en  Pologne,  où  depuis  longtemps  il  charmait  les  Russes  et 
ses  compatriotes  par  son  double  talent  de  compositeur  et  de  vir- 
tuose; il  lui  prit  tout  à  coup  l'envie  de  voyager.  Il  voulait  par- 
courir l'Italie;  mais,  une  fois  à  Vienne,  la  nouvelle  de  l'insurrec- 
tion de  plusieurs  provinces  de  la  Péninsule  le  fit  changer,  sinon 
de  résolution,  du  moins  d'itinéraire.  Il  demanda  un  passe-port 
pour  Londres.  Cependant  le  désir  de  voir  Paris,  le  désir  plus 
grand  d'y  voir  nos  illustrations  musicales,  Cherubini  en  pre- 
mière ligne,  le  détermina  à  entrer  en  France,  et  il  fit  ajouter 
ces  mots  sur  son  passe-port  :  Passcmt  pa?-  Paris. 

— Vous  voyez  bien,  poursuivit-il,  que  je  ne  suis  ici  que  comme 
un  oiseau  de  passage.  N'importe;  je  serai  charmé  de  vous  donner 
ma  biographie,  et  vous  pouvez  bien  être  assuré  d'une  chose, 
c'est  que  plusieurs  personnes  m'ont  fait  la  même  demande,  et 
que  je  la  leur  ai  toujours  refusée.  — 

Nous  primes  jour  pour  le  surlendemain  ;  dès  mon  entrée 
dans  son  appartement,  il  me  dit  : 

—  Puisque  vous  allez  être  mon  historiographe,  je  dois  vous 
dire  qu'on  ne  connaît  pas  la  moitié  des  œuvres  que  j'ai  compo- 
sées. —  Et  il  me  parla  aussitôt  de  cette  quantité  de  chansons 
et  d'airs  nationaux  qu'il  avait  faits  et  que  ses  compatriotes 
chantaient  sans  savoir  qu'ils  étaient  de  lui.  Vous  pensez  bien, 
mon  cher  Directeur,  qu'un  semblable  détail  dut  me  frapper , 
et  que  je  l'enregistrai  soigneusement  dans  mes  notes. 

A  l'époque  dont  je  parle,  Chopin  ne  connaissait  pas  exacte- 
ment son  âge;  car  je  trouve  dans  mes  notes  qu'il  était  né  à 
Zelazowo-Wala,  vers  1810.  «  Il  nous  est  impossible,  disais-je, 
de  donner  une  date  plus  précise  de  sa  naissance.  Lui-même  ne 
connut  approximativement  l'année  où  il  vit  le  jour  que  par  une 
montre  que  lui  envoya  Mme  Catalani,  en  1820,  sur  laquelle 
étaient  gravés  ces  mots  :  Donnée  par  Mme  Catalani  au  jeune 
Frédéric  Chopin,  âgé  de  dix  ans.  »  —  Ce  qui  fait  supposer  , 
pour  le  dire  en  passant,  que  Chopin  fut  dans  son  enfance  un 
petit  prodige,  ce  dont  il  ne  se  vantait  pas.  —  Pour  revenir  à 
l'âge  de  Chopin,  M.  Barbedette  dit  qu'il  est  né  le  1er  mars  1810. 
M.  Fétis,  dans  la  nouvelle  édition  de  sa  Biographie  universelle 
des  Mitsiciens  ,  donne  la  date  du  8  mars  de  la  même  année. 

Quoi  qu'il  en  soit,  j'écrivis  la  biographie  de  Chopin ,  sous  sa 
dictée.  Je  l'avais  gardée  en  portefeuille  ,  lorsque,  après  la  mort 
de  Chopin,  arrivée  le  17  octobre  1849  ,  M.  de  Lamennais,  de- 
venu rédacteur  en  chef  d'un  journal  républicain,  la  Tribune, 
autant  qu'il  m'en  souvient,  me  la  demanda  pour  le  journal 
qu'il  dirigeait.  Je  la  lui  donnai  ;  mais  ce  journal  ayant  tout  à 
coup  cessé  de  paraître,  je  portai  cette  biographie  à  l'Opinion 
publique,  qui  la  publia  le  23  novembre  suivant,  sans  nom 
d'auteur.  Que  M.  Barbedette  veuille  bien  m'excuser  si  la  sup- 
position que  je  vais  faire  manque  d'exactitude,  mais  j'ai  lieu 
de  penser  que  cette  esquisse  sur  Chopin  a  passé  sous  ses  yeux, 
car,  indépendamment  de  la  mention  un  peu  vague  des  chansons 
populaires,  je  retrouve  dans  les  articles  duMénestrel  la  mention 


270 


LE  MÉNEST1ŒI. 


de  certains  détails,  notamment  de  celui  du  passe-port,  dont  les 
autres  biographes  n'ont  pas  parlé. 

M.  Barbedelte  a  bien  jugé  Chopin.  C'était  une  nature  des 
plus  rares  et  des  plus  exquises  ;  mais  elle  s'est  mue  dans  une 
sphère  bornée.  Déjà  dans  les  œuvres  de  Weber,  on  sent  que 
l'horizon  s'est  rétréci  ;  on  sent  un  peu  de  celte  oppression  qu'on 
éprouve  à  l'aspect  des  hautes  montagnes  où  les  grands  éblouis- 
sements  succèdent  aux  grandes  ombres  et  aux  apparitions  fantas- 
tiques. Il  n'y  a  guère  que  Beethoven  et  Rossini ,  malgré  les 
nuances  particulières  de  leur  génie,  qui  respirent  et  rayonnent 
en  plein  soleil.  Chopin  nous  conduit  dans  une  région  pleine 
de  mélancolie  et  de  mystère  ;  mais  on  n'y  tient  pas  longtemps; 
on  y  étouffe  un  peu  ;  on  manque  d'air.  Certains  malades  recher- 
chent les  sentiers  couverts  et  solitaires  :  les  grands  horizons 
leur  donnent  des  vertiges.  J.  d'Ortigue. 


Dimanche  et  lundi  dernier,  les  élèves  du  Conservatoire,  de 
classe  de  contre-point  et  fugue  et  d'harmonie,  sont  entrés  en  lo- 
ges. Cette  semaine  ces  divers  concours  ont  été  jugés  à  huis  clos, 
ainsi  que  ceux  d'orgue  et  d'improvisation ,  de  clavier,  de  solfège 
et  de  contre-basse.  En  voici  les  résultais  : 

Concours  d'orgue  et  d'improvisation.  —  1er  grand  prix, 
M.  Péron;  2e  grand  prix,  M.  Diémer;  1er  accessit,  M.  Jacob; 
2e  accessit,  M.  Roques;  3e  accessit,  M.  Sieg.  Tous  élèves  de 
M.  F.  Benoist. 

Concours  de  contre-point  et  fugue.  —  1er  prix,  M.  Diémer, 
élève  de  M.  Bazin  et  de  M.  Amb.  Thomas;  deuxième  1er  prix, 
M.  Emile  Girard,  élève  de  M.  Amb.  Thomas  et  de  M.  A.  Elwart; 
2e  prix,  M.  Rembielinski,  élève  de  M.  F.  Halévy;  1er  accessit, 
M.  Ducoudray-Bourgault,  élève  de  M.  Amb.  Thomas;  2e  ac- 
cessit, Mlle  Charlotte  Jacques,  élève  de  M.  Leborne. 

Comme  toujours,  les  élèves  de  la  classe  Marmontel, —  M.  Dié- 
mer en  tête,  —  brillent  au  premier  rang  parmi  les  lauréats  d'or- 
gue, de  fugue  et  de  contra-point.  M.  Rembielinski,  2me  prix 
de  conlre-point  et  fugue,  est  élève  de  M.  Laurent.  Bref,  ce  sont 
là  des  pianistes  dont  on  fait  des  grands  prix  de  Rome  ,  — 
témoin  M.  Dubois,  lui  aussi  de  la  classe  Marmontel. 

Voici  les  noms  des  lauréats  pour  les  concours  de  solfège  qui 
ont  eu  lieu  avant-hier  au  Conservatoire  impérial  de  Musique  et 
de  Déclamation  : 

Solfège.  —  Hommes. 

lre  médaille.  — MM.  Chafîet,  Suisle,  Arnould. 

2e  médaille.  —  MM.  Carben,  A.  Bourgeois,  Touzot,  Corbaz, 
Wenner. 

3e  médaille.  —  MM.  Bonnange,  Barbaraz,  Hammerel,  Laf- 
fage,  Hess. 

Solfège.  —  Femmes. 

lre  médaille.  —  Mllcs  Picard,  Drevet,  Riester,  Girardot,  Tis- 
sot,  Cavailhès,  Bouloille,  Patin,  Davis,  Laviolette. 

2e  médaille.  —  Mlles  Mangot,  Wilden,  de  Biéville,  Anspa- 
cher,  Baute. 

3e  médaille.  —  Mlles  Mairargue,  Rambaud,  Picamelot,  Cay- 
rol, Beaumont,  Nortmann,  Courtois,  Bœffer,  Larcena, 
Leprévost,  Lovalo. 

Clavier.  —  Femmes. 

lre  médaille.  — M1Ics  Noël,  Imbault  et  Teudefer. 

2e  médaille.  —  Mllcs  Adcock,  Tissot  et  Canlin. 


Voici,  en  outre,  le  résultat  du  concours  d'harmonie  et  d'ac- 
compagnement pratique  : 

1er  prix,  M.  Delahaye;  2e  prix,  M.  Pessard;  1er  accessit, 
M.  Kleczinski  ;  2e  accessit,  M.  Pradeau;  3e  accessit,  M.  Colomer. 

Ces  lauréats  sont  tous  les  cinq  élèves  de  M.  François  Bazin. 

Harmonie.  —  Femmes. 
1er  prix,  Mlle  Mongin  ;  2e  premier  prix,  Mlle  Rouget  de  Lille  ; 
2e  prix,  Mlle  Bessaignet  ;  1er  accessit,  Mlle  Remanry  ;  2e  accessit, 
MlleRoulle;  3e  accessit,  Courmaire.  Professeurs,  M.  Bienaimé 
et  Mme  Dufresne. 

Voici  l'ordre  des  concours  publics  de  la  semaine  :  Demain, 
lundi,  tragédie  et  comédie;  mardi,  chant;  mercredi,  piano; 
jeudi,  opéra-comique;  vendredi,  violoncelle  et  violon;  samedi, 
opéra.  Les  concours  d'instruments  à  vent  auront  lieu  les  lundi  et 
mardi  29  et  30  juillet.  —  Le  concours  de  contre-basse  a  devancé 
les  concours  publics.  On  cite  M.  Bernard  comme  1er  prix, 
et  M.  Baute  comme  2°  prix,  élèves  de  M.  Labro. 


Les  cours  d'artistes  de  notre  pianiste-compositeur  Camille 
Stamaty  ont  fait  brillamment  la  clôture  de  leur  première  année, 
mardi  dernier,  dans  les  salons  de  la  succursale  de  la  maison 
Pleyel  et  Wolff,  où  ils  avaient  élu  domicile  depuis  le  mois  de  no- 
vembre dernier.  —  Déjà  deux  fois,  en  mars  et  en  mai,  un  public 
d'élite  avait  été  appelé  à  constater  l'existence  de  ces  nouveaux 
cours,  dont  le  succès  ne  pouvait  èlre  douteux  avec  le  nom  et  les 
précédents  de  M.  Stamaty.  —  Celte  troisième  séance  offrait, 
comme  les  deux  autres,  le  programme  le  plus  intéressant  et  le 
plus  varié.  Les  auteurs  anciens  et  modernes  y  étaient  représentés 
par  Haendel,  Beethoven,  Mozart, Weber,  Hummel,Field, Chopin, 
Thalberg,  et  nous  avons  été  frappés  du  cachet  de  distinction  et 
d'individualité  qui  se  faisait  remarquer  dans  le  jeu  de  chaque 
élève.  —  MM.  Peyrellade  et  Lamanière,  dans  le  cours  de  jeunes 
gens,  Mlles  Elie,  Crespy,  Lepierre  et  Prévost,  dans  celui  des  jeu- 
nes personnes,  peuvent  être  considérés  déjà  comme  des  artistes, 
et  ce  sera  avec  un  véritable  intérêt  que  nous  suivrons  à  l'avenir 
leurs  travaux  et  leurs  progrès.  —  Les  récompenses  décernées  aux 
élèves  ont  été  de  charmants  volumes  reliés,  renfermant  les  œuvres 
les  plus  importantes  de  leur  maître,  telles  que  ses  Souvenirs  du 
Conservatoire,  ses  Transcriptions  d'Oberon,  ses  Etudes  pitto- 
resques, celles  de  chant  et  mécanisme  et  ses  Esquisses. — Les  cours 
d'artistes  vont  être  fermés  pendant  trois  mois  ;  mais  M. Stamaty, 
qu'aucune  fatigue  n'arrête  lorsqu'il  s'agit  de  propager  ses  doc- 
trines professorales,  ne  prend  plus  lui-même  de  vacances  ;  cette 
année  encore  il  restera  à  la  disposition  de  ceux  qui  travaillent 
pendant  que  d'autres  se  reposent.  C'est  un  avis  que  nous  nous 
empressons  de  transmettre  aux  professeurs  de  la  province  qui 
viennent  utiliser  leurs  vacances  à  Paris. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Les  journaux  anglais  annoncent  que  MM.  Meyerbeer  et  Àuber  ont  dé- 
féré au  désir  que  leur  avaient  exprimé  les  commissaires  de  l'Exposition  de 
Londres,  et  qu'ils  composeront  le  morceau  de  musique  demandé  à  chacun 
d'eux  pour  l'ouverture  de  cette  solennité. 

—  On  écrit  de  Berlin  :  «  Dans  l'exposition  Goethe,  qui  est  ouverte  en 
ce  moment ,  la  partie  musicale  n'est  pas  la  moins  intéressante  ;  on  y  a 
recueilli  toutes  les  poésies  de  Goethe  qui  ont  été  mises  en  musique  :  on 
y  trouve  les  noms  des  maîtres  les  plus  célèbres  en  Allemagne  :  Mozart, 
Beethoven,  Reichardt,  Zelter,  Mendelssohn ,  Schubert,  Schumann,  etc. 
Il  y  a  un  bon  nombre  de  manuscrits  originaux.  » 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


271 


—  On  avait  annoncé  que  Franz  Lachner  était  chargé  de  la  direction 
supérieure  du  festival  de  Nuremberg.  Cette  nouvelle  est  inexacte.  Chaque 
compositeur  dirigera  l'exécution  de  ses  œuvres. 

—  Les  journaux  allemands  nous  apprennent  que  le  poëte  populaire 
Muller  Van  der  Werra  vient  de  créer  un  organe  central  pour  toutes  les 
Liedertafel  (réunions  de  chant)  de T Allemagne.  Cette  publication,  calquée 
sui  VOrphéon  français,  est  intitulée  :  Halle  des  Chanteurs  [Saengerhalk). 

—  Une  nouvelle  symphonie  intitulée  :  l'Empereur  Charles-Quint , 
produit  en  ce  moment  une  assez  vive  sensation  en  Hollande.  L'auteur  est 
M.  Thooft.  Cette  œuvre  a  remporté  le  prix  proposé  par  la  Société  pour 
l'encouragement  de  l'art  musical.  D'après  le  programme,  il  y  avait  obli- 
gation de  réunir  constamment  les  voix  aux  instruments,  au  lieu  de  n'in- 
troduire le  chant  que  dans  une  certaine  partie,  comme  l'a  fait  Beethoven 
dans  sa  symphonie  avec  chœurs. 

—  Plus  de  cent  dames  et  deux  cents  chanteurs  ont  répondu  à  l'appel 
qui  leur  a  été  fait  pour  le  festival  d'Anvers,  fixé  au  19  août.  Soixante 
enfants  de  chœur  leur  seront  adjoints;  de  sorte  qu'avec  l'orchestre,  la 
masse  des  exécutants  sera  de  quatre  cent  cinquante.  Au  nombre  des  so- 
listes, nous  voyons  figurer  Mlle  Artot  et  le  violoniste  Joachim. 

—  Un  opéra  nouveau  en  quatre  actes ,  il  Diavolo,  musique  de  Traver- 
sari,  a  obtenu  un  demi-succès  au  théâtre  Carcano,  à  Milan.  Le  libretto 
est  dû  à  la  plume  de  M.  Peruzzini.  C'est  une  imitation  d'un  drame  fran- 
çais, le  Comte  de  Saint-Germain. 

—  M.  Nicofle  Lablache,  à  l'issue  du  beau  concert  de  bienfaisance  qu'il 
vient  d'organiser  pour  la  salle  d'asile  de  Maisons  Laffitte ,  —  et  dont  il  a 
personnellement  fait  les  honneurs  avec  autant  de  goût  que  de  dévoue- 
ment, —  s'est  dirigé  sur  Boulogne,  où  sa  femme,  Mmode  Méric- Lablache, 
va  prendre  les  bains  de  mer.  Nous  souhaitons  à  la  Société  philharmonique 
de  Boulogne  l'honneur  et  le  plaisir  d'entendre  cette  grande  cantatrice  que 
notre  Académie  impériale  de  musique  devrait  bien  enlever  au  théâtre 
italien  de  Madrid. 

—  MmesAnnade  Lagrange  et  de  Méric-Lablache  sont  réengagées  pour  la 
prochaine  saison  de  Madrid.  Mme  Charton-Demeure  se  rend  en  Amérique 
à  des  conditions  californiennes. 

—  Mmes  Alboni  et  Carvalho  sont  de  retour  de  leursaison  de  Londres.  La 
première  se  repose  dans  son  bel  hôtel  du  Cours-la-Rcine,  la  seconde  va 
se  rendre  aux  bains  de  mer  de  Dieppe,  avant  son  départ  pour  Bade. 

—  On  nous  écrit  de  Bade  :  «  Deux  concerts  viennent  encore  d'être 
donnés  dans  le  magnifique  salon  Louis  XIV.  Herman,  Nathan,  Kelterer, 
Mlle  Virginie  Huet  et  MUe  de  la  Pommeraye  y  ont  été  appréciées  par  un 
public  aristocratique  et  nombreux.  Hermann  ,  dans  ses  souvenirs  de  Bo- 
berl-le-D table  et  du  Trovalore  ,  a  montré  le  sentiment,  l'élégance  ,  le 
brio  qui  ont  depuis  longtemps  assuré  sa  position  artistique.  Nathan  a  été' 
applaudi  dans  un  caprice  composé  sur  des  chansons  napolitaines  et  une 
fantaisie  sur  des  airs  de  Bellini.  Le  quatuor  de  Rigolello  et  la  romance  de 
la  princesse  Kotschoubey  ont  été  très  favorables  à  Ketterer.  MUo  Huet  a 
su  faire  valoir  sur  l'orgue-Alexandre  divers  morceaux  très-heureusement 
choisis  dans  l'œuvre  de  M.  Lefébure-Wely.  La  méditation  sur  un  prélude 
de  Bach,  par  Charles  Gounod,  un  fragment  du  trio  en  ré  mineur  de  Men- 
delssohn  et  un  trio  de  Maysader  ont  trouvé  leurs  meilleurs  interprètes; 
Enfin ,  Mlle  de  la  Pommeraye  a  débuté  avec  éclat  devant  le  grand  public 
de  Bade,  et  a  obtenu  tout  d'abord  un  double  succès  de  jolie  femme  et  d'ha- 
bile cantatrice.  L'air  d'Azucena  du  Trovatore,  la  sérénade  de  Gounod , 
l'air  d'Orphée,  l'air  d'J  Puritani,  ont  mérité  à  la  jeune  artiste  de  l'Aca- 
démie impériale  l'unanimité  des  suffrages.  LL.  MM.  le  Roi  et  la  Reine  de 
Prusse  assistaient  jeudi  dernier  au  concert  du  kiosque,  exécuté  par  l'ad- 
mirable musique  du  34e  régiment  de  ligne  prussien  en  garnison  à  Rastodt. 
D'autres  princes  royaux  et  impériaux  sont  à  Bade  en  ce  moment  ou  y  sont 
attendus.  » 

—  Une  école  gratuite  de  musique  vient  d'être  fondée  à  Besançon  ,  en 
vertu  d'une  délibération  du  conseil  municipal. 

—  La  ville  de  Rambouillet  avait  pris  dimanche  dernier  un  air  de  fête  inac- 
coutumé :  La  société  chorale,  le  Louvre,  avait  eu  la  généreuse  pensée  d'y 
donner  un  concert  pour  les  pauvres.  Les  habitants  ont  répondu  avec  un  em- 
pressement tel  que  la  salle  choisie  pour  la  solennité  s'est  trouvée  beaucoup 
trop  petite.  Les  pauvres  ont  dû  être  contents  ;  l'auditoire,  du  reste,  n'a  pas  été 
moins  satisfait.  Les  chants,  habilement  dirigés  par  M.  B.  Darnault,  ont  été 
chantés  avec  un  profond  sentiment  de  la  mesure  et  des  nuances,  qui  prouve 
une  fois  de  plus  les  immenses  progrès  qui  se  font  chaque  jour  dans  cette 


intéressante  branche  de  la  grande  famille  musicale.  Les  frères  Guidon,  qui 
avaient  bien  voulu  s'associer  à  cette  bonne  œuvre,  ont  retrouvé  là,  avec 
leurs  duetti,  le  succès  auquel  ils  sont  habitués.  Quelques  chansonnettes 
complétaient  le  programme,  dont  les  dilettantes  de  Rambouillet  garderont 
le  souvenir. 

—  Le  poêle  du  Livre  du  bon  Dieu,  notre  ami  Edouard  Plouvier,  vient 
de  publier,  à  la  librairie  Michel  Lévy  frères,  un  nouvel  ouvrage  sous  ce 
litre  :  La  Belle  aux  cheveux  bleus.  Un  grand  succès  paraît  certain  pour  ce 
charmant  volume.  Sous  ce  titre  fantasque  il  offre  un  sujet  du  plus  vif  in- 
térêt, et,  dans  la  forme  élégante  et  sympathique  qui  est  celle  de  l'auteur, 
des  histoires  sentimentales,  des  caractères,  des  détails  d'une  saveur  essen- 
tiellement parisienne.  La  Belle  aux  cheveux  bleus  ira  cet  été  dans  toutes 
les  campagnes,  et  reviendra  prendre  place  cet  hiver  dans  toutes  les  biblio- 
thèques, à  côté  des  Contes  pour  les  jours  de  pluie,  du  même  auteur. 


Au  moment  de  mettre  sous  presse  nous  apprenons  une  bien  triste 
nouvelle  :  un  incendie  vient  de  dévorer  le  magasin  des  décors  de  l'Opéra, 
rue  du  Faubourg-roissonnière.  Le  feu  s'est  déclaré  vendredi  à  minuit  et 
demi,  et  malgré  les  plus  prompts  secours,  il  a  fait  de  si  grands  progrès, 
qu'en  moins  d'une  heure  l'œuvre  de  destruction  était  accomplie.  Heureu- 
sement tous  les  décors  du  répertoire  se  trouvant  rue  Lepelletier,  les  re- 
présentations de  l'Opéra  ne  subiront  aucune  entrave  ;  mais  la  perte  maté- 
rielle et  artistique  du  magasin  n'en  est  pas  moins  considérable ,  et  c'est  là 
un  très-regrettable  événement.  On  ignore  les  causes  du  sinistre. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


3.  Lovy,  réducteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgnes  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


COURS  DE  CHANT.  —  RÉPERTOIRE  ITALIEN. 


OUVEET   PAR 


L'AGENCE  CENTRALE   DE  L'EUROPE  ARTISTE 


ET    DIRIGE   PAR 


(du  Conservatoire  <le  lïnpHes). 

Chaque  année,  un  certain  nombre  d'artistes,  déjà  renommés  dans  leur 
art,  quittent  la  carrière  lyrique  française  pour  entrer  dans  la  carrière 
italienne. 

Il  est  certain  qu'après  avoir ,  pendant  quatre  ou  cinq  saisons,  chanté 
sur  les  principales  scènes  de  France  et  de  Belgique,  les  chanteurs  et  les 
cantatrices  qui  ont  un  nom  fait  déjà  ont  tout  intérêt  à  se  produire  dans  le 
répertoire  italien,  qui  compte  des  théâtres  ouverts  sur  tous  les  points  du 
globe. 

L'exemple  a  été  donné  successivement  par  Mmes  Anna  de  Lagrange , 
Lagrua,  Artôt,  Tedesco,  Julienne  Dejean,  Lafon,  Poinsot,  Laborde ,  etc., 
par  MM.  Vialetli,  Bouché,  Didot,  Gassier,  Colson,  Junca,  etc.,  et  les  ré- 
sultats auxquels  ces  artistes  sont  arrivés  démontrent  suffisamment  la 
logique  de  la  résolution  qu'ils  ont  prise. 

L'Agence  centrale  de  l'Europe  artiste  a  ouvert  un  Cours  de  Chant 
italien  et  d'Étude  du  répertoire,  spécialement  affecté  aux  artistes  français 
et  étrangers  qui  veulent  suivre  la  carrière  italienne  et  se  mettre  en  mesure 
de  débuter. 

Le  Cours  est  quotidien  ;  il  a  lieu  de  deux  à  quatre  heures  de  l'après- 
midi. 

Le  prix  est  de  200  francs  par  mois,  payables  par  quinzaine  et  d'avance. 

M.  Mayer  TEDESCO,  qui  a  été  longtemps  attaché  au  Conservatoire  de 
Naples  en  qualité  de  répétiteur,  a  consenti  à  diriger  le  Cours.  M.  Tedesco 
est  un  excellent  musicien,  familier  avec  toutes  les  œuvres  classiques  et 
modernes,  un  homme  distingué  par  son  éducation,  et  qui  porte  honora- 
blement par  lui-même  le  nom  que  sa  sœur,  Mme  Fortuna  TEDESCO  ,  de 
l'Académie  impériale  de  musique,  a  rendu  si  justement  célèbre. 

Les  demandes  d' inscription  doivent  être  adressées  aux  bureaux  de 

VEVBOPE  ABTLSTE, 

57,  rue  du  Faubourg-Montmartre. 


JjïtjîoiiJiï  -  — 

DU 

PIANISTE  CLASSIQUE  ET  MODERNE 

PAR 

CAMILLE 

STAMATY 

APPROUVÉE  et  ADOPTÉE 
POUR    MES    CLASSES    DU    CONSERVATOIRE, 

PAR  MM. 

AUBER,  ROSSINI,  MEYERBEER,  KALÉVY,  CARAFA,  A.  THOMAS,  BERLIOZ,  REBER,  CLAPISSON, 
G.  KASTNER,  Emile  PERRIN,  VOGT,  GALLAY,  PRUMIER, 

Éd.  MONNAIS,  Alf.  de  BEAUCHESNE. 


CHANT    ET    MÉCANISME 


1er  LIVRE   (op.  37). 

31»    Études    pour    les  petites   mains. 

1  et  2.  Coulés  et  détachés  (M.  D.,  M.  G.).  —3.  Etude  chantante.  —  4.  Solfège. 
5.  Les  cinq  Notes.  —  6.  Le  Violoncelle.  —  7.  Les  deux  Trompettes.  —8.  La  Gamme. 
9.  Persuasion.  —  10.  Les  Révérences.  —  11.  Fanfare.  —  12.  Convalescence. 
13.  Oui  ou  Non.  —  14.  Montagnarde.  —  15.  Etude  à  4  parties.  — 16.  Le  Staccato. 
17.  Au  Village.  — 18.  Le  Fantôme.  — 19.  La  Sauterelle.  —  20.  Ballade.  —21.  Une 
Caresse.  -  22.  Risoluta.  — 23.  Pas  redoublé.  —  24.  L'Arpège.  —  25.  L'Enjouée. 


2e  LIVRE  (op.  38).] 

2©   Études   de  moyenne   difficulté. 

1.  Agilité.  —  2.  Air  de  Ballet.  —  3.  Pas  à  Pas.  —  4.  Si  j'osais!  -  5.  Le 
Départ  des  Chevaliers.  —  6.  Sur  l'Eau.  —  7.  Le  Papillon.  —  S.  La  Poursuite. 
9.  La  Bergeronnette.  —  10.  La  Fuite.  —  11.  L'Angélus.  —  12.  Une  Course 
à  deux.  —  13.  Franchise.  —  14.  Hélas  !  —  15.  Le  Ramier.  —  16.  Le  Retour 
des  Chevaliers.  —  17.  Confidence.  —  18.  En  Octaves.  —  19.  Grand'Mère  et 
Grand'Père  (canon).  —  20.  La  Chromatique. 

Prix  :   19   fr.  3e  LIVRE  (op.  39).  Prix  :  12  fr. 

S  8  Études  de  perfectionnement. 

1.  Le  Messager.  —  2.  Les  Caquets.  —  3.  Au  Bord  du  Ruisseau.  —  4.  Boute-  j  13.    Espère  encore!  —  14.  Simple  Histoire.  —  15.  Bacchanale.    —  16.  Lied. 

Selle.  —  5.  Scherzetto.  —  6.  Ariette.  —  7.  Vieux  Style.  —  8.  Prestezza.—  9.  Redowa  17.  Etincelles.  — 18.  Souvenance.  —  19.  La  Tournoyante.  — 20.  Feuille  et  Zéphyr. 

fantastique.  — 10.  Les  Masques.  — 11.  Sous  le  Charme.  — 12.  Colombine.  I  21.  A  pleines  Voiles.  —  22.  Consolation.  —  23.  Abandonnée.  —  24.  L'Orgie. 

Prix  :  18  fr. 

ÉTUDES    CARACTÉRISTIQUES  sur  OBERON,  de  WEBER. 

1.  Chœur  des  Génies.  —  2.  Barcarolle.  —  3.  Ronde  de  Nuit.  —  4.  Ariette  de  Fatime.  —  5.  Vision.  —  6.  Séduction  et  Magie. 
lie  Kecucil  :  30  fr.     —     Chaque  IBorcean  :  5  fr. 

SOUVENIRS    DU    CONSERVATOIRE 


1.  Plaisir  d'Amour,  de  Martini,  méditation 5  fr.  » 

2.  Célèbre  Chœur  de  Castor  et  Pollux,  de  Rameau 6        » 

3.  18e  Psaume  de  Marcello,  paraphrasé 7      50 

4.  Romance  et  Chanson  militaire  d'Egmont,  de  Beethoven.    .     •    .  7      50 

5.  Andante  de  Mozart 5       » 


Transcriptions. 

6.  AUearetto-Scherzando  de  la  Se  Symphonie  de  Beethoven.     .    .  5fr. 

7.  Menuet  d'HAïDN 5 

8.  Air  d'Anacréon,  de  Grêtrt 5 

9.  Voi  che  sapete,  des  Noces  de  Figaro 5 

10.  Non  più  andrai  farfallone,  des  Noces  de  Figaro 6 

LE 


RHYTHME   DES  DOIGTS 

Exercices-Types,  à.  l'aide  du  Métronome, 

Pouvant  servir  à  l'étude  la  plus  élémentaire  comme  au  perfectionnement  le  plus  complet  du  mécanisme  du  piano. 

Ce  Recueil  se  divise  en  huit  séries  distinctes,  embrassant,  dans  leur  ensemble,  toutes  les  principales  difficultés  du  me'canisme  d'exécution. 


Première  série  :  exercices  en  notes  simples,  à  main  fixée,  sur  degrés  conjoints. 
Deuxième  série:  suites  de  notes  simples,  exerçant  les  mains  à  parcourir  le 
clavier  sans  passer  le  pouce. 

Troisième  série  :  gammes  simples  diatoniques  et  chromatiques. 
Quatrième  série  :  arpèges  et  accords  brisés  résultant  de  l'accord  parfait. 
Cinquième  série  :  jeu  du  poignet,  —  étude  générale  du  staccato. 

Prix    du    Kfcucil    complet  :  15  fr.   —   Abrégé  :  ÎO    fr. 


Sixième  série  :  doubles  et  triples  notes  k  main  fixée,  —  trémolos  de  triples  et 
quadruples  notes,  —  suites  de  doubles  notes  parcourant  le  clavier,  —  gammes 
diatoniques  et  chromatiques  en  tierces  et  en  sixtes. 

Septième  série  :  extension  des  doig's,  —  exercices  à  main  fixée,  arpèges  et  ac- 
cords brisés  résultant  des  accords  de  cinq  doigts. 

Huitième  série  :  variétés  de  rhy  thmes  et  d'exercices  complétant  chaque  série.  _ 


Paris,  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne, 
_  HEUGEL    et    C%  == 


Éditeurs,    Fournisseurs  du  Conservatoire. 


776.  —  28"  Année. 

W  3S. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  28  Juillet 


r~a>w5~s> 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'en  cher. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vi  vienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

l  \u\   Magasins  et  Abonnement  de  Musique  du  5loi:>>  ultl'.a..  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  £U  Morccc 
Scènes,  Mélodies,  Itomances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  s  Albii 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  to  Morceaux  i 
■'  Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  t  Album.* 
primes  illustrés.—  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    IIIIMH  : 

3«  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5a  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustres. 

Un  an  :  25  ff.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  le' de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l°r  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection. Adresser  franco 

un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  IIEÙfilSI.  et  c>,  éditeurs  du  Ménestrel  et  delà  Maîtrise, 2  bis,  rue  Vivienne. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


'  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


:  Jean-JacquesRousseau,8.  —  ÙJ69 


SOHIrlAIIlE.   —  TEXTE. 

I.  La  nouvelle  salle  de  l'Opéra  (suite  et  fin).  Th.  Grasset.  —  II.  Semaine  théâ- 
trale. J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Mozart  et  ses  œu- 
vres (1er  article).  Denne-Baron.  —  IV.  Concours  du  Conservatoire.  — V.  Con- 
cours de  musique  religieuse.  —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DEPIANQ: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  nu  nié  rode  ce  jour: 

1"  MAZURKA  DE  SALON  : 

Par  Louis  Diemer.  —  Suivra  immédiatement  après  :  Mosaïque-Polka 
sur  les  opérettes  de  J.  Offenbach,  par  J.-C.  Engel. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

ÊTRE  DEUX, 

Poésie  de  M.  le  baron  de  C***,  musique  de  L.  de  Saint-Gervais.  — 
Suivra  immédiatement  après  :  le  Bonhomme  Séraphin,  paroles  et  mu- 
sique de  Gustave  Nadaud. 


LA  FUTURE  SALLE  DE  L  OPÉRA. 

(  Suite  et  fin.  ) 

Mais  revenons  à  la  description  du  projet  tel  qu'il  a  été  adopté. 
La  scène  aura  la  même  ouverture  que  celle  du  théâtre  de  la  Scala  : 
quinze  mètres.  Cela  fait  deux  mètres  de  plus  qu'au  théâtre  de  la 
rue  Le  Pelletier.  C'est  un  agrandissement  considérable,  et  qui, 
se  reproduisant  dans  toutes  les  grandes  dispositions  de  la  salle, 
en  accroîtra  très-notablement  l'effet. 

La  scène  sera  également  plus  large  et  plus  profonde.  Elle  se 
prolongera  de  chaque  côté  de  manière  à  favoriser  l'application 
si  désirable  des  moyens  mécaniques  aux  mouvements  des  déco- 
rations, et  à  permettre  la  substitution  du  travail  des  machines  au 
travail  manuel  que  l'on  emploie  presque  exclusivement  aujour- 
d'hui dans  la  manœuvre  des  décorations  scéniques. 

Ces  prolongements  de  la  scène  sur  les  ailes  ont  été  les  deside- 


rata de  tous  les  rédacteurs  de  programmes  depuis  Noverre  jus- 
qu'à l'administration  actuelle  de  l'Opéra,  qui  a  insisté  sur  ce 
point  avec  une  persévérance  que,  dans  l'intérêt  des  arts  décora- 
tifs, nous  sommes  heureux  de  voir  couronnée  de  succès. 

Dans  celte  sujétion,  si  énergiquement  réclamée  dans  l'intérêt 
du  service  de  la  scène,  l'architecte  a  trouvé  le  point  de  départ 
d'un  des  plus  beaux  effets  de  son  projet  :  la  division  bien  tran- 
chée de  la  scène  et  de  la  salle. 

Ces  prolongements  des  ailes  de  la  scène,  où  trouveront  place 
seulement  les  décors  des  ouvrages  au  répertoire,  ne  sont  point 
des  magasins,  mais  des  espaces  indispensables  pour  l'emploi  des 
machines.  Il  est  à  regretter  seulement,  à  ce  point  de  vue,  qu'ils  ne 
s'étendent  pas  tout  à  fait  jusqu'aux  limites  du  terrain. 

Les  magasins  et  les  ateliers  de  décors  ont  été  sagement  exclus 
du  projet  dont  nous  nous  occupons.  Ils  n'eussent  été  qu'un  dan- 
ger et  qu'un  embarras,  dont  les  inconvénients  avaient  été  d'a- 
vance signalés  par  l'administration. 

Les  foyers  des  études,  les  salles  de  répétition,  le  foyer  de  la 
danse  (dont  les  belles  proportions  et  la  décoration  élégante  feront 
une  des  beautés  du  nouveau  théâtre),  sont  reportés  avec  les  loges 
des  artistes  dans  la  partie  postérieure  de  l'édifice,  tout  en  restant 
contigus  à  la  scène.  On  remarque,  dans  l'aménagement  de  ces 
diverses  dépendances,  plusieurs  améliorations  qui  seront  fort  ap- 
préciées. 

Plus  loin,  et  du  côté  de  la  rue  Neuve-des-Mathurins,  sont  très- 
habilement  distribués  les  bureaux  de  l'administration,  le  conser- 
vatoire de  danse  et  les  logements  des  principaux  fonctionnaires 
et  employés  de  l'Opéra.  On  regrette  néanmoins  de  ne  pas  trouver, 
comme  dans  les  dépendances  de  la  salle  actuelle,  une  cour  qui 
dispense  largement  la  lumière  et  l'air  dans  celte  agglomération 
de  services  divers. 

Pour  qui  connaît  les  besoins  et  les  habitudes  de  la  population 
d'artistes,  d'ouvriers  et  d'employés  de  tout  rang  qui  vivent  à  l'O- 
péra, —  700  personnes  au  moins, — la  grande  cour  de  service  est 


274 


LE  MÉNESTREL. 


indispensable.  Elle  est  aussi  appréciée  du  comparse  à  un  franc  la 
séance,  qui  s'y  promène  et  respire  pendant  les  entr' actes,  que  du 
premier  sujet,  qui  y  fait  stationner  sa  voiture,  dans  la  crainte 
d'un  rhume  qui  tombant  au  milieu  du  succès  d'un  ouvrage,  peut 
couler  cent  mille  francs  au  théâtre. 

Il  est  fâcheux  que  l'emplacement  livré  à  M.  Garnier,  ou  plutôt 
la  distribution  du  terrain  qui  lui  a  été  imposée,  ne  lui  ait  pas 
permis  de  comprendre  cette  cour  dans  l'ensemble  des  construc- 
tions. Les  artistes  lui  sauront  mauvais  gré  de  leur  avoir  bâti  une 
belle  cage  de  pierre,  mais  privée  d'air. 

Ce  défaut  n'est  pas  sans  remède.  Qu'on  prolonge  un  peu  l'édi- 
fice du  côté  de  la  rue  Neuve-des-Mathurins,  quitte  à  en  retran- 
cher un  peu  du  côté  du  boulevard.  Cette  amélioration  donnerait 
à  la  façade  tout  son  effet,  qu'elle  perdra  si  la  place  est  aussi 
étroite  qu'on  le  projette;  et  les  artiste  de  l'Opéra  auront  leur 
square.  On  en  fait  bien  trente-deux  sur  le  canal  Saint-Martin. 
Ainsi  tombera  le  reproche  de  n'avoir  pu  trouver,  dans  un  terrain 
de  11,000  mètres,  une  cour  qui  existait  dans  un  terrain  de 
6,500  mètres. 

Nous  pensons  que  cet  aperçu  suffira  pour  donner  une  idée  de 
ce  que  doit  être  la  future  salle  de  l'Opéra.  A  part  quelques  défauts 
que  nous  avons  signalés  et  qui,  nous  l'espérons,  disparaîtront 
lors  de  la  mise  en  œuvre  définitive,  on  voit  que  le  monument 
sera  magnifique  et  réussi  avec  beaucoup  de  bonheur.  On  va  po- 
ser la  première  pierre  du  théâtre  conçu  par  M.  Garnier;  trois 
années  de  patience,  et  il  nous  sera  permis  de  l'admirer  dans  toute 
sa  splendeur. 

TUÉODORE  GKASSET. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 


Au  moment  où  Paris  se  préoccupe  de  la  future  salle  de  l'O- 
péra, un  sinistre  imprévu  a  failli  nécessiter  la  fermeture  de  la 
salle  actuelle.  Heureusement,  ces  craintes  ne  se  sont  pasjustifiées. 
Non-seulement  tous  les  décors  servant  au  répertoire  courant  se 
trouvaient  rue  Lepelletier  quand  l'incendie  a  éclaté  au  magasin 
du  faubourg  Poissonnière;  mais  le  théâtre  est  en  pleine  posses- 
sion de  tout  son  matériel  pour  marcher  sans  encombre  jusqu'à 
l'inauguration  de  la  salle  nouvelle.  Plusieurs  importantes  toiles, 
notamment  celles  de  la  Juive  qu'on  avait  cru  comprises  dans  le 
sinistre,  sont  sauvées  :  nous  ne  serons  donc  pas  privés,  —  même 
momentanément,  —  de  ce  chef-d'œuvre  de  Halévy,  une  des  plus 
vivaces  pages  du  répertoire  actuel.  Le  Papillon,  non  plus,  ne 
s'est  point  laissé  incendier  comme  on  l'avait  annoncé;  les  ailes  de 
M1IeEmma  Livry  nous  le  prouveront  bientôt.  On  assure,  —  et 
c'est  une  chose  à  constater,  —  que  la  future  salle  n'aura  pas  de 
magasin  de  décors  séparé;  grâce  à  une  ingénieuse  combinaison  : 
tout  le  faisceau  des  décors  sera  attenant  au  théâtre,  et  les  toiles 
appropriées  à  chaque  ouvrage  apparaîtront  comme  par  enchante- 
ment, en  vertu  d'un  mécanisme  spécial.  Nous  voilà  donc  rassu- 
rés pour  l'avenir,  à  moins  que  la  salle  elle-même  ne  soit  incen- 
diée. Fort  heureusement,  ces  malheurs-là  n'arrivent  qu'à  de 
longues  échéances,  toujours  trop  rapprochées,  il  est  vrai. 

Le  Prophète  avec  Mme  Viardot  et  Gueymard,  Herculanum 
avec  Mmes  Tedesco  et  G.  Lauters,  ont  encore  réalisé  cette  se- 
maine deux  brillantes  soirées  à  I'Opéra.  Le  spectacle  de  mer- 
credi était  voué  à  la  chorégraphie,  ou  à  peu  près;  car  le  Comte 
Ory,  qui  précédait  les  deux  ballets,  Graziosa  et  le  Marché  des 


Innocents,  ne  compte  plus,  grâce  à  sa  mutilation  acceptée,  que 
comme  un  agréable  appoint  sur  le  contingent  de  la  soirée. MmeFer- 
raris  est  toujours  la  reine  des  sylphides,  et  de  son  côté  Mme  Pe- 
titpa,  la  piquante  Gloriette  du  Marché  des  Innocents,  ne  perd  pas 
une  parcelle  de  la  faveur  publique.  Comme  nous  l'avons  an- 
noncé, cette  aimable  ballerine,  avant  de  reprendre  le  chemin  de 
Saint-Pétersbourg,  va  obtenir  son  bénéfice,  auquel  prendront 
part  plusieurs  célébrités  théâtrales,  notamment  Tamberlick,  le 
lion  de  Yutdièzc.  Cette  représentation  extraordinaire  est  fixée  au 
mardi  6  août. 

Voici  le  programme  de  cette  solennité  :  3e  acte  et  duo  du  2e 
acte  d'Otello,  par  Mme  Pauline  Viardot  et  M.  Tamberlick  ;  trio  de 
Guillaume  Tell,  par  MM.  Tamberlick,  Belval  et  Cazaux  ;  le 
Marché  des  Innocents,  Mme  Petitpa  jouera  Gloriette;  la  Cos- 
mopolite, pas  nouveau  dansé  par  MmB  Petitpa,  MM.  Mérante, 
Berthier,  Dauty,  Estienne,  Cornet,  Millot,  Mmes  Marquet,  Mo- 
rando,  Rousseau,  Scblosser,  Pilvois,  Mercier,  Fiocre;  1er  acte 
des  Huguenots  (Mlle  Sax  et  M .  Michot  joueront  pour  la  première 
fois  les  rôles  de  Valentine  et  de  Raoul)  ;  les  Trembleurs,  par 
Geoffroy  et  les  artistes  du  Gymnase;  enfin  un  divertissement 
composé  d'un  pas  nouveau  dansé  par  Mme Marie  Petipa  et  M.  Cha- 
puy;  un  autre  pas  dansé  par  Mllc  Zina  et  M.  Mérante,  et  les 
Niniviennes  de  Sémiramis. 

A  I'Opéra-Comique,  les  ovations  recueillies  par  Roger  dans 
la  Dame  Blanche  se  sont  renouvelées  cette  semaine  dans  Hay- 
dée.  On  sait  comme  il  joue  et  chante  le  rôle  de  Loredan,  une  de 
ses  plus  belles  créations.  Or,  par  un  de  ces  prodiges  de  l'art  dont 
il  possède  si  bien  le  secret,  Roger  nous  a  rajeunis  de  vingt  ans; 
et  cette  mélancolique  et  suave  légende  vénitienne  s'est  déroulée  à 
Favart  comme  aux  jours  de  sa  primeur  musicale.  —  Mme  Faure- 
Lefebvre  a  déployé  toutes  ses  séductions  dans  le  rôle  d'Haydée; 
et  Prilleux,  Troy,  Laget,  M1Ie  Relia,  ont  contribué  au  succès  de 
cette  reprise.  —  Roger  n'a  plus  que  quelques  soirées  à  nous 
donner  :  un  engagement  qui  ne  doit  pas  durer  moins  de  cinq 
années  l'appelle  à  Saint-Pétersbourg.  Il  faut  donc  renoncer  à  le 
voir  aborder  les  autres  rôles  favoris  de  son  répertoire.  —  Mon- 
taubry  va  reparaître  sous  peu  de  jours  ;  sa  rentrée  s'effectuera 
dans  le  Postillon  de  Lonjumeau,  son  triomphe  de  province. 

Dans  le  programme  d'hiver  que  le  Théâtre-Lyrique  nous 
tient  en  perspective,  figure  l'engagement,  ou  plutôt  le  rengage- 
ment de  Mme  Marie  Cabel.  M.  Réty  s'est  assuré  la  possession  de 
cette  gracieuse  fauvette  pour  toute  la  saison.  Mmo  Cabel  fera  d'a- 
bord sa  rentrée  dans  le  Bijou  perdu,  un  de  ses  opéras  de  prédi- 
lection. 

Tous  nos  confrères  de  la  presse  théâtrale  ont  enregistré  la  bril- 
lante réussite  de  Piccolino  au  Gymnase,  tout  en  signalant  le 
décousu  de  la  contexture  et  les  défaillances  du  fond,  car  la  fé- 
rule du  critique  ne  perd  jamais  ses  droits.  Somme  toute,  la  pièce 
de  M.  Sardou  amuse  et  captive  le  public;  le  but  théâtral  est  at- 
teint :  la  maison  de  Molière  seule  est  brevetée  pour  nous  don- 
ner des  œuvres  d'art  dans  la  rigoureuse  acception  du  mot,  et 
l'on  sait  qu'elle  n'abuse  pas  de  son  brevet. 

C'est  au  même  titre  que  la  pièce  de  M.  About,  Un  Mariage  de 
Paris,  défraie  les  soirées  du  Vaudeville. 

Le  théâtre  des  Variétés  a  profilé  de  la  hausse  du  thermomè- 
tre, pour  fermer  ses  portes  et  procéder  à  de  grandes  réparations. 
Cette  fermeture  doit  nécessiter  deux  ou  trois  semaines  de  relâche 
qui,  du  reste,  ne  sera  pas  complet,  car  le  ministre  d'Elat  a  auto- 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


275 


risé  M.  Cogniard  à  transporter  son  répertoire  sur  la  scène  du 
Théâtre  Déjazet,  et  la  direction  des  Variétés  usera  de  cette  au- 
torisation de  temps  en  temps.  Ces  représentations  au  boulevard 
du  Temple  seront  subordonnées  aux  degrés  Réaumur  ou  centi- 
grades. —  Les  danses  nationales  feront  les  frais  de  la  réouver- 
ture du  théâtre. 

Rien  de  nouveau  sous  la  zone  des  drames.  Ce  soir,  à  la  Porte- 
Saint-Martin,  la  94e  représentation  de  la  Tour  de  Nesle,  qui 
consomme  les  restes  de  son  glorieux  passé,  pendant  que  son  voisin 
I'Ambigu,  avec  le  Monstre  et  le  Magicien,  excite  chaque  fois  les 
frémissements  de  la  foule. 

On  annonçait  pour  hier  soir,  samedi,  au  Théâtre  Impérial 
du  Cirque,  la  première  représentation  de  Pékin,  grande  pièce 
d'actualité. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
MOZART 

(  jean-chrysostome- wolfgang- amédée  ). 

Le  travail  de  M.  Denne-Baron  sur  Cdercbini  et  ses  œuvres, 
travail  revu  et  complété  d'après  les  notes  laissées  par  l'illustre 
défunt,  n'étant  point  encore  terminé,  nous  empruntons  au  même 
écrivain  la  biographie  de  Mozart,  extraite  de  la  Nouvelle  Bio- 
graphie générale  des  éditeurs  FirminDidot.  Nos  lecteurs  y  trou- 
veront résumés  en  quelques  pages  les  principaux  documents 
publiés  en  Allemagne  et  en  France  sur  le  célèbre  musicien  que 
Rossini  proclame  le  maître  des  maîtres,  et  qui  fut  en  même  temps 
le  plus  grand  pianiste  de  son  temps.  Cette  biographie  de  Mozart 
sera  immédiatement  suivie  du  travail  de  M.  P. -A.  Vieillard 
sur  les  chanteurs  de  la  fin  du  xvme  siècle  à  1830,  souvenirs 
lyriques  dont  Mme  Scio  fera  particulièrement  les  honneurs. 


Mozart  (Jean-Chrysostome-Wolfgang- Amédée)  ,  célèbre 
compositeur  allemand,  naquit  à  Salzbourg  le  27  janvier  1756, 
et  mourut  à  Vienne  le  5  décembre  1791.  Il  n'est  pas  d'exemple,  à 
quelque  époque  que  ce  soit,  d'une  organisation  musicale  plus 
heureuse  que  la  sienne,  et  qui  se  soit  manifestée  avec  plus  de 
précocité  et  par  des  signes  plus  certains.  Mais,  avant  de  tracer 
l'historique  des  jeunes  années  de  Mozart,  il  est  nécessaire  de 
faire  connaître  la  famille  au  milieu  de  laquelle  il  vit  le  jour  , 
famille  toute  chrétienne,  résignée,  où  régnaient  l'ordre  et  le 
goût  des  belles  choses,  digne  et  radieux  berceau  où  le  génie 
naissant  du  grand  artiste  se  développa  sous  l'aile  paternelle. 

Son  père,  Léopold  Mozart,  né  à  Augsbourg  en  1719,  était 
fils  d'un  relieur  de  livres.  Après  avoir  fait  ses  études,  particu- 
lièrement un  cours  de  jurisprudence,  à  Salzbourg,  il  s'était  vai- 
nement efforcé  de  se  créer  une  position.  Comme  il  jouait  très- 
bien  du  violon,  le  comte  de  Thun  le  prit  à  son  service  en  qua- 
lité de  valet-musicien,  dénomination  qui  indique  quelle  était 
alors  en  Allemagne  la  condition  des  artistes.  A  partir  de  ce 
moment,  Léopold  Mozart  se  livra  tout  entier  à  l'étude  de  la 
musique,  et  obtint,  en  1743,  une  place  de  premier  violoniste 
de  la  chapelle  du  prince-archevêque  de  Salzbourg.  Deux  ans 
plus  tard,  il  épousa  Anna  Bertlina,  femme  aussi  pieuse  qu'elle 
était  belle.  Léopold  Mozart  ne  tarda  pas,  par  son  talent  comme 


violoniste  et  comme  compositeur,  à  se  faire  une  réputation  qui 
lui  valut  d'être  élevé  au  rang  de  second  maître  de  chapelle  de 
la  cour  de  Salzbourg  (1).  Mais  son  plus  beau  titre  à  la  recon- 
naissance de  la  postérité  est  d'avoir  su  deviner  et  diriger  le  gé- 
nie de  son  fils.  Rien  de  plus  intéressant,  en  effet,  que  les  soins 
qu'il  donne  à  l'éducation  de  son  enfant  ;  rien  de  plus  admirable 
que  cette  tendresse  paternelle,  celte  abnégation  personnelle  ,  se 
confondant  avec  la  foi  du  chrétien  et  l'enthousiasme  de  l'artiste. 

Des  sept  enfants  que  Léopold  Mozart  avait  eus  de  son  ma- 
riage avec  Anna  Bertlina ,  il  ne  lui  restait  plus  qu'une  fille , 
Marie-Anne  ,  qu'on  appelait  familièrement  Naennerle,  dimi- 
nutif d'Anna,  née  en  1751  (2),  et  le  petit  Wolfgang,  qui  était 
venu  au  monde  quatre  ans  plus  tard.  Celui-ci  avait  à  peine  trois 
ans  lorsque  son  père  commença  a  donner  des  leçons  de  clavecin 
à  Naennerle.  Dès  ce  moment,  toute  l'attention  de  Wolfgang  se 
concentra  sur  cet  instrument  ;  il  posait  ses  mains  sur  le  clavier, 
y  cherchait  des  successions  de  tierces,  et  s'il  venait  à  rencontrer 
quelque  nouvelle  combinaison,  ses  yeux  rayonnaient  de  joie. 
C'est  ainsi  qu'il  apprit,  presque  en  jouant,  les  éléments  de  la 
musique  et  les  principes  du  doigter.  A  quatre  ans,  il  exécutait 
avec  un  goût  et  une  expression  remarquables  de  petites  pièces 
qui  ne  lui  coûtaient  qu'une  demi-heure  d'étude,  et  il  composait 
déjà  quelques  petits  morceaux  que  .son  père  écrivait  sous  sa 
dictée.  A  mesure  que  son  talent  se  développait,  le  jeune  Wolf- 
gang perdait  peu  à  peu  le  goût  des  jeux  bruyants  de  son  âge. 
Doué  d'une  exquise  sensibilité,  il  recherchait  l'affection  de 
toutes  les  personnes  qui  fréquentaient  la  maison  paternelle  ; 
«  M'aimez-vous  bien  ?  »  leur  demandait-il  souvent  avec  une 
naïveté  charmante  ;  et  si  l'on  tardait  à  lui  répondre,  ses  yeux 
se  remplissaient  aussitôt  de  larmes.  Il  avait  pour  son  père  un 
profond  amour  et  un  grand  respect.  «  Après  Dieu,  disait-il, 
c'est  tout  de  suite  papa.  »  Sa  piété  en  effet  s'était  manifestée  de 
très-bonne  heure  ;  jamais  il  ne  se  .couchait  sans  avoir  chanté 
une  espèce  de  cantique  dont  il  avait  lui-même  composé  la  mu- 
sique, et  que  son  père  chantait  avec  lui  ;  puis,  après  avoir  em- 
brassé sa  famille ,  l'enfant  s'endormait,  paisible  et  souriant, 
doucement  bercé  dans  ses  rêves  par  la  voix  des  anges,  dont  les 
concerts  préludaient  à  sa  destinée. 

Le  petit  Wolfgang,  à  peine  âgé  de  six  ans,  possédait  déjà,  un 
merveilleux  talent  d'exécution  sur  le  clavecin.  Son  génie  pré- 
coce, rayonnant  de  toutes  parts,  n'attendait  plus  que  le  moment 
favorable  pour  prendre  son  essor.  Son  père,  qui  depuis  quelque 
temps  avait  cessé  de  donner  des  leçons  pour  se  vouer  tout  en- 
tier à  l'éducation  musicale  de  ses  enfants,  se  décida  alors  à  les 
faire  entendre  en  public,  et  entreprit  cette  longue  série  de 


(1)  Léopold  Mozart  a  laissé  en  manuscrit  beaucoup  de  musique  d'église, 
composée  pour  la  chapelle  de  Salzbourg.  On  connaît  de  lui  douze  oratorios. 
Il  a  écrit  pour  le  théâtre  Sémiramis,  la  Jardinière  supposée  (en  allemand), 
un  intermède  italien,  à  deux  personnages,  intitulé  la  Cantatrice  ed  il 
Poeta,  et  un  divertissement  ayant  pour  titre  Musikalische  Schlitlenfarht 
(Promenade  musicale).  Ses  oeuvres  de  musique  instrumentale  consistent 
en  six  trios  pourdeux  violons  et  basse,  douze  pièces  de  clavecin,  des  pièces 
d'orgue,  trente  grandes  sérénades  pour  plusieurs  instruments,  des  con- 
certos pour  divers  instruments  à  vent ,  et  beaucoup  de  symphonies  pour 
orchestre.  II  a  donné  une  méthode  de  violon,  qui,  pendant  plus  de  cinquante 
ans,  a  été  considérée  comme  le  meilleur  ouvrage  de  ce  genre.  Léopold 
Mozart  mourut  à  Salzbourg,  le  28  mai  1787. 

(2)  Marie-Anne  Mozart  posséda  un  talent  remarquable  sur  le  piano , 
mais  elle  fut  bientôt  éclipsée  par  la  renommée  de  son  frère  Wolfgang. 
Elle  se  maria,  en  1781,  au  conseiller  Certhold,  baron  de  Sonnenbourg,  et 
mourut  à  Salzbourg  en  1830,  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans. 


276 


LE  MÉNESTREL. 


voyages  aventureux  dans  lesquels  on  voit  toute  une  famille 
d'artistes  allant  chercher  fortune  à  travers  l'Europe. 

Au  mois  de  janvier  1762 ,  Léopold  Mozart  et  ses  deux  en- 
fants firent  un  premier  voyage  à  Munich,  el  revinrent  ensuite 
tout  joyeux  à  Salzbourg,  après  avoir  fait  pendant  trois  semaines 
l'admiralion  de  la  cour  de  l'électeur  de  Bavière.  Dans  l'automne 
de  la  même  année,  toute  la  famille  se  rendit  à  Vienne.  Ce 
second  voyage  fut  un  véritable  triomphe  pour  le  petit  Wolfgang. 
L'évêque  de  Lintzle  retient  pendant  quatre  jours  chez  lui.  A  son 
passage  à  Ips,  il  touche  de  l'orgue  dans  un  couvent  de  francis- 
cains, et  laisse  les  révérends  pères  émerveillés  de  ce  qu'ils  vien- 
nent d'entendre.  Aux  portes  de  Vienne,  il  adoucit  la  rigueur 
des  douaniers  en  exécutant  un  menuet  devant  le  receveur,  au- 
quel il  fait  ses  invitations  pour  l'avenir.  Dès  l'arrivée  de  la  fa- 
mille Mozart  dans  la  capitale  de  l'Autriche  ,  les  deux  enfants  , 
particulièrement  Wolfgang,  fixèrent  sur  eux  l'attention  géné- 
rale. Recherchés  et  fêtés  avec  empressement  par  les  plus  hauts 
personnages,  c'était  à  qui  serait  assez  heureux  pour  pouvoir  les 
posséder  à  sa  table.  L'empereur  François  Ier  les  fît  appeler  à  sa 
résidence  de  Schœnbrunn;  la  veille  il  avait  envoyé  à  Naennerle 
une  magnifique  robe  de  taffetas  blanc  broché,  ornée  de  toutes 
sortes  de  garnitures,  et  à  Wolfgang  un  habit  lilas,  du  drap  le 
plus  fin,  et  une  veste  en  moire  de  couleur,  rehaussés  d'une 
double  bordure  en  or.  Lorsqu'ils  se  présentèrent,  il  alla  au- 
devant  d'eux,  et  les  conduisit  avec  bonté  dans  le  salon  où  se 
tenait  Marie-Thérèse,  entourée  de  sa  belle  et  nombreuse  famille. 
Le  petit  Wolfgang,  que  rien  n'intimide,  se  laisse  asseoir  sur  les 
genoux  de  l'impératrice,  qui  le  comble  de  caresses.  Peu  d'ins- 
tants après,  il  glisse  et  tombe  sur  le  parquet.  La  jeune  archidu- 
chesse Marie-Antoinette,  future  et  infortunée  reine  de  France  , 
s'empresse  de  venir  à  son  secours  en  lui  adressant  quelques 
douces  paroles  :  «  Je  vous  remercie,  lui  dit  l'enfant,  je  veux  me 
marier  avec  vous.  »  —  «  Vraiment?  Et  pourquoi  avec  elle  plutôt 
qu'avec  une  de  mes  autres  filles,  lui  demanda  Marie-Thérèse  , 
qui  l'avait  entendu?  »  —  «  Par  reconnaissance,  répondit  aussitôt 
Wolfgang  :  elle  a  été  bien  bonne  pour  moi ,  tandis  que  ses 
sœurs  me  regardaient  sans  bouger.  »  Un  charmant  sourire,  ac- 
compagné d'un  baiser  sur  le  front  de  l'enfant,  fut  la  réponse  de 
la  princesse  à  laquelle  le  compliment  s'adressait.  Le  virtuose  de 
six  ans  exécuta  plusieurs  morceaux,  et  laissa  l'assemblée  clans  le 
ravissement  d'un  talent  aussi  extraordinaire  ;  mais  sa  bonne  na- 
ture devait  le  préserver  de  l'orgueil  et  de  la  suffisance  que  les 
louanges  et  les  distinctions  des  grands  auraient  pu  lui  inspirer. 
Ainsi,  il  ne  jouait  qu'à  contre-cœur  devant  les  personnes  qu'il 
savait  ignorantes  en  fait  de  musique.  Le  sentiment  intime  de  l'art 
prévalait  déjà  en  lui,  et  ce  n'était  que  lorsqu'il  se  savait  écouté 
par  des  connaisseurs  qu'il  jouait  avec  ardeur  et  avec  passion.  Un 
soir  qu'il  était  à  la  cour  et  qu'il  allait  se  mettre  au  clavecin,  ne 
voyant  autour  de  lui  que  des  courtisans,  il  s'adressa  tout  à  coup 
à  l'empereur  :  «  Est-ce  que  M.  Wagensel,  votre  maître  de  cha- 
pelle, n'est  pas  là?  Faites-le  donc  venir.  »  Et  lorque  celui-ci  fut 
arrivé  :  «  Monsieur,  lui  dit-il,  je  joue  un  de  vos  concertos,  ayez 
la  bonté  de  me  tourner  les  feuillets.  »  Cette  assurance  en  lui- 
même  est  un  des  traits  du  caractère  de  Mozart  en  toutes  les  cir- 
constances de  sa  vie  d'artiste. 

Dans  les  premiers  jours  du  mois  de  janvier  1763,  la  famille 
Mozart  retourna  à  Salzbourg  chargée  de  lauriers,  mais  presque 
aussi  pauvre  qu'auparavant.  Chacun  reprit  ses  travaux  ordinai- 
res. Le  jeune  Wolfgang  avait  rapporté  devienne  un  petit  violon 
dont  on  lui  avait  fait  cadeau,  et  sur  lequel  il  s'exerçait  tout  seul 


en  s'amusant.  Un  jour  Wengl,  habile  violoniste  de  la  chapelle 
du  prince,  étant  venu  avec  un  autre  musicien,  nommé  Schacht- 
ner,  chez  Léopold  Mozart  pour  y  essayer  l'effet  de  quelques 
nouveaux  trios  qu'il  venait  d'écrire  pour  deux  violons  et  basse, 
Wolfgang  voulut  aussi  faire  sa  partie.  Son  père  s'y  opposa,  pré- 
tendant que,  n'ayant  pas  étudié  le  violon  par  principes,  il  ne 
pourrait  les  suivre.  L'enfant  se  mit  à  pleurer.  «  Eh  bien  !  voyons, 
lui  dit  son  père,  mets-toi  à  côté  de  M.  Schachtner  et  double  la 
seconde  partie  avec  lui,  mais  joue  tout  doucement,  car  si  on 
t'entend,  je  te  renvoie.  »  A  peine  eut-on  joué  quelques  mesures 
que  les  trois  artistes  se  regardèrent  avec  étonnement  en  enten- 
dant l'enfant  exécuter  sa  partie  avec  une  remarquable  précision. 
Schachtner  cessa  déjouer,  et  le  jeune  Mozart  continua  jusqu'au 
bout  sans  la  moindre  hésitation.  Ce  fut  avec  la  même  facilité 
qu'il  s'initia  au  mécanisme  des  autres  instruments  et  qu'il  de- 
vina les  secrets  de  l'harmonie. 

Au  mois  de  juin  1763,  Léopold  Mozart,  sa  femme  et  ses  deux 
enfants,  entreprirent  un  long  voyage  à  l'étranger.  Ils  traversèrent 
toute  l'Allemagne  et  visitèrent  successivement  Augsbourg,  Mann- 
heim,  Mayence,  Francfort,  Coblentz,  Cologne,  Aix-la-Chapelle. 
Partout  le  jeune  Wolfgang,  dont  le  talent  grandissait  chaque 
jour,  excita  l'admiration  générale  par  l'habileté  de  son  exécu- 
tion et  par  la  fécondité  de  ses  inspirations,  en  improvisant  tour 
à  tour  sur  le  clavecin,  sur  le  violon  et  sur  l'orgue,  dont  il  faisait 
mouvoir  les  pédales  avec  une  agilité  surprenante.  Après  avoir 
donné  à  Bruxelles  un  concert  auquel  assistait  le  prince  Charles, 
la  famille  Mozart  se  dirigea  sur  Paris,  où  elle  arriva  le  18  no- 
vembre, avec  des  lettres  de  recommandation  pour  le  baron 
de  Grimm.  Celui-ci,  comme  on  le  voit  dans  sa  Correspondance 
littéraire,  devina  le  génie  de  Wolfgang ,  et  usa  de  son  crédit 
pour  le  mettre  en  évidence. 

Léopold  Mozart  et  ses  enfants  furent  présentés  au  baron  d'Hol- 
bach, au  comte  deTessé,  au  duc  de  Chartres,  à  la  comtesse  de 
Clermont,  et  reçurent  une  invitation  pour  se  rendre  à  la  cour  de 
Versailles,  où  Wolfgang  se  fit  entendre  devant  la  famille  royale 
et  recueillit  de  vifs  applaudissements.  Admis  à  l'honneur  d'assis- 
ter au  grand  couvert  du  roi,  il  est  placé  à  côté  de  la  reine  Lec- 
zinska,  et  lui  parle  avec  une  familiarité  charmante.  Il  fut  aussi 
présenté  à  la  marquise  de  Pompadour;  mais  l'orgueilleuse  favo- 
rite eut  le  mauvais  goût  de  se  refuser  à  ses  gracieuses  caresses  : 
«  Qui  est-ce  donc  que  celle-là  qui  ne  veut  pas  m'embrasser?  s'é- 
cria l'enfant;  l'impératrice  Marie-Thérèse  m'a  bien  embrassé?  » 
Pendant  le  séjour  de  quelques  mois  qu'il  fit  à  Paris,  le  jeune 
virtuose  publia  deux  œuvres  de  sonates  pour  le  clavecin  avec  ac- 
compagnement de  violon,  qu'il  dédia,  le  premier  à  la  princesse 
Victoire,  seconde  fille  du  roi,  l'autre  à  la  comtesse  de  Tessé.  Ces 
charmantes  productions  d'un  enfant  de  sept  ans,  qui  auraient  fait 
honneur  aux  artistes  les  plus  renommés  de  cette  époque,  font 
partie  de  la  collection  de  ses  œuvres. 

Le  10  avril  1764,  la  famille  Mozart  quitta  la  France  pour  aller 
en  Angleterre.  Wolfgang  ne  produisit  pas  moins  de  sensation  à 
Londres  qu'à  Paris.  Il  touche  de  l'orgue  devant  le  roi,  qu'il 
étonne  par  la  facilité  prodigieuse  avec  laquelle  il  exécute  à  pre- 
mière vue  la  musique  de  Haendel  et  de  Bach  ;  il  écrit  six  sonates 
de  clavecin,  qu'il  dédie  à  la  reine,  compose  une  symphonie  à 
grand  orchestre  et  donne  des  concerts  où  le  public  se  rend  en 
foule.  Après  être  restés  environ  quinze  mois  à  Londres,  Léopold 
et  sa  famille  s'éloignèrent  de  cette  ville,  suivis  d'une  renommée 
qu'attestent  tous  les  journaux  de  l'époque.  Ils  débarquèrent  le 
1er  août  1765  à  Calais,  et  se  rendirent  en  Hollande  en  traversant 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


■277 


le  nord  de  la  France  et  de  la  Belgique.  Partout  Wolfgang  joue 
de  l'orgue  dans  les  cathédrales  et  dans  les  collégiales  qu'il  ren- 
contre sur  son  passage.  Arrivés  à  La  Haye,  les  deux  enfants  se 
font  entendre  devant  le  prince  d'Orange;  mais  peu  de  jours 
après  ils  tombent  dangereusement  malades.  Rien  n'est  plus  tou- 
chant que  les  lettres  que,  dans  son  désespoir,  le  bon  Léopold  Mo- 
zart écrivit  alors  à  son  ami  Hagenauer,  propriétaire  de  la  maison 
qu'il  habitait  à  Salzbourg,  en  lui  recommandant  de  faire  dire 
des  messes  à  presque  tous  les  saints  du  paradis  pour  que  Dieu 
rende  la  santé  à  ses  chers  enfants.  Ses  vœux  furent  exaucés. 

Après  avoir  donné  deux  concerts  à  la  Haye,  et  dédié  six  nou- 
velles sonates  de  clavecin  à  la  princesse  de  Nassau- Weilbourg, 
Wolfgang  avec  sa  famille  se  rendit  à  Amsterdam,  où  il  composa 
des  symphonies  et  d'autres  morceaux  pour  les  fêtes  d'installation 
du  stalhouder,  et  reprit  ensuite  le  chemin  de  l'Allemagne  en 
passant  par  Paris,  Dijon,  Lyon  et  la  Suisse.  A  la  fin  de  novem- 
bre 1766,  après  trois  années  d'absence,  ils  étaient  de  retour  à 
Salzbourg.  Wolfgang  y  reprit  paisiblement  ses  études  de  compo- 
sition sous  la  direction  de  son  père.  Prenant  pour  modèles  clas- 
siques les  ouvrages  de  Handel  et  d'Emmanuel  Bach,  il  méditait 
en  même  les  temps  les  œuvres  de  Scarlatti,  de  Léo,  de  Durante  et 
des  autres  maîtres  de  l'école  italienne.  C'est  ainsi  qu'en  péné- 
trant les  mystères  de  la  science  et  en  s'appliquant  à  faire  chanter 
les  parties  d'une  manière  facile,  élégante  et  naturelle,  il  se  pré- 
parait à  devenir  le  suprême  conciliateur  entre  le  génie  profon- 
dément harmonique  de  l'Allemagne  et  le  génie  plein  de  charme 
mélodique  de  l'Italie. 

Les  études  du  jeune  Wolfgang  furent  interrompues  par  une 
nouvelle  tournée  artistique  que  Léopold  Mozart  entreprit  au 
mois  de  septembre  1767.  Toute  la  famille  partit  pour  Vienne. 
L'empereur  François  Ier  était  mort  depuis  deux  ans;  son  fils 
Joseph  II  lui  avait  succédé.  Wolfgang  fut  admis  à  se  faire  en- 
tendre devant  ce  prince,  qui,  étonné  de  la  perfection  de  son  jeu 
et  du  mérite  de  ses  improvisations,  chargea  le  virtuose  de  douze 
ans  de  composer  la  musique  d'un  petit  opéra  bouffe  intitulé  :  La 
finta  Semplice.  Wolfgang  eut  bientôt  terminé  la  partition  de 
cette  pièce  ;  mais  il  avait  compté  sans  la  jalousie  que  sa  renom- 
mée déjà  européenne  et  le  prodigieux  développement  de  son  ta- 
lent avaient  excitée  parmi  ses  rivaux,  et,  bien  que  son  œuvre 
eût  mérité  l'approbation  de  Hasse  et  de  Métastase,  la  finta  Sem- 
plice ne  fut  pas  représentée.  Il  composa  aussi  à  la  même  époque 
un  petit  opéra-comique,  traduit  du  français  en  allemand,  Bas- 
tien  et  Baslienne,  qui  fut  joué  à  la  maison  de  campagne  du  fa- 
meux docteur  Mesmer,  ami  de  son  père,  ainsi  qu'une  messe  à 
quatre  voix  et  orchestre,  dont  il  dirigea  lui-même  l'exécution. 

Après  une  excursion  à  Olmutz,  où  il  échappa  à  une  très-grave 
maladie,  qui  le  priva  de  la  vue  pendant  neuf  jours,  Wolfgang 
revint  à  Vienne  et  y  séjourna  jusqu'au  mois  de  décembre  1768, 
occupé  à  écrire  de  la  musique  d'église  et  de  piano,  et  à  terminer 
un  opéra.  De  retour  a  Salzbourg,  il  y  passa  l'année  suivante  à 
se  familiariser  avec  la  langue  italienne,  et,  dans  les  derniers  jours 
de  1769,  il  partit  pour  l'Italie,  accompagné  seulement  de  son 
père.  Mozart  trouva  dans  ce  voyage  une  compensation  aux  dé- 
boires qu'il  avait  eu  à  supporter  en  dernier  lieu  à  Vienne.  Il 
passe  par  Vérone,  par  Mantoue,  et  arrive  à  Milan,  dont  la  popu- 
lation l'accueille  avec  enthousiasme.  Il  visite  les  autres  princi- 
pales villes  de  la  péninsule,  et  partout  son  talent  d'exécution  et 
sa  science  excitent  les  mêmes  transports  d'admiration.  A  Bolo- 
gne, le  savant  P.  Martini  demeure  stupéfait  en  le  voyant  donner 
la  riposta  in  rigore  modi  à  chaque  sujet  de  fugue  qu'il  lui  pro- 


pose, et  exécuter  immédiatement  après  la  fugue  elle-même.  A 
Rome,  pendant  la  semaine  sainte,  il  entend  exécuter  à  la  chapelle 
Sixtine  le  célèbre  Miserere  d'Allegri,  et  deux  auditions  lui  suffi- 
sent pour  écrire  de  mémoire  ce  morceau  compliqué,  dont  il  était 
défendu  de  communiquer  des  copies.  Peu  de  jours  après,  il  fait 
entendre  cette  œuvre  dans  une  assemblée.  Le  pape  Clément  XIV 
a  connaissance  du  fait.  Loin  d'en  vouloir  au  jeune  artiste,  il  veut 
même  qu'on  le  lui  présente,  et  lui  fait  remettre  ensuite  la  croix 
et  le  brevet  de  chevalier  de  l'Éperon  d'or  (1).  A  Naples ,  en 
jouant  une  sonate  au  conservatoire  délia  Pielà ,  devant  Jo- 
melli  et  une  foule  immense,  il  est  obligé  d'ôter  une  bague  qu'il 
portait  à  l'un  de  ses  doigts,  et  à  laquelle  le  public  superstitieux 
attribuait,  comme  à  un  talisman,  une  exécution  merveilleuse. 

Denne-Baron. 
(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


CONCOURS  DU  CONSERVATOIRE. 

C'était,  suivant  l'usage,  la  tragédie  et  la  comédie  qui  ouvraient 
lundi  dernier  la  série  des  concours  publics.  En  voici  les  résultats  : 

TRAGÉDIE. 

Hommes.  —  1er  prix  :  Laroche,  élève  de  M.  Provost.  — 
1er  accessit  :  Hucherard,  élève  de  M.  Beauvallet.  —  2e  accessit  : 
Bonnaventure,  élève  de  M.  Beauvallet.  —  3e  accessit  :  Beauvallet, 
élève  de  M.  Beauvallet. 

Femmes.  —  1er  prix  :  Mlle  Eousseil,  élève  de  M.  Régnier. 

—  2e  prix  :  M1Ie  Bernart,  élève  de  M.  Provost.  —  1er  accessit  : 
Mlle  Nancy,  élève  de  MUe  Brohan. 

COMÉDIE. 

Hommes.  —  1er  prix  :  Laroche,  élève  de  M.  Provost.  — 
1er  accessit  :  Andrieu,  élève  de  M.  Provost. 

Femmes.  —  1er  prix  :  MUe  Dambricourt,  élève  de  M.  Régnier. 

—  2e  prix  :  MUe  Rousseil,  élève  de  M.  Régnier.  —  1er  accessit  : 
Mlle  Bernart,  élève  de  M.  Provost,  et  M"e  Petitet,  élève  de 
Mlle  Brohan.  —  2e  accessit  :  MUes  Roussel  et  Lloyd,  toute  deux 
élèves  de  M.  Régnier.  —  3e  accessit  :  Mlles  Nancy  et  Surand, 
toutes  deux  élèves  de  Mlle  Brohan. 

CHANT. 

Hommes.  —  1er  prix  :  Caron,  élève  de  M.  Laget,  et  Morère, 
élève  de  M.  Révial.  —  2e  prix  :  Lédérac,  élève  de  M.  Grosset. 

—  1er  accessit  :  Péront,  élève  de  M.  Laget.  —  2e  accessit  : 
Vidal,  élève  de  M.  Laget.  —  3e  accessit  :  Rougé,  élève  de 
M.  Grosset. 

Femmes.  —  1er  prix,  à  l'unanimité  :  Mlle  Marie  Cico,  élève 
de  M.  Révial.  —  2e  prix  :  Mlle  Enequist,  élève  de  M.  Masset , 
et  Mlle  Brou,  élève  de  M.  Révial.  —  1er  accessit  :  MlleReboux, 
élève  de  M.  Grosset,  et  Mlle  Simon,  élève  de  M.  Battaille.  — 
2e  accessit  :  Mlle  Chaudouet  et  Mlle  Rey ,  toutes  deux  élèves  de 
M.  Révial.  —  3e  accessit  :  Mlle  Rolin,  élève  de  M.  Masset  ,  et 
M1Ie  Ebrard,  élève  de  M.  Laget. 

PIANO. 

Hommes.  —  1er  prix  :  Bernard,  élève  de  M.  Laurent,  et 
Lavignac,  élève  de  M.  Marmontel.  —  2e  prix  :  Emmanuel, 
élève  de  M.  Marmontel.  —  1er  accessit  :  Veigand,  élève  de 
M.  Marmontel.  —  2e  accessit  :  Lepol-Delahaye,  élève  de  M.  Mar- 

(1]  Mozart  ne  porta  cette  croix  que  dans  sa  jeunesse,  dans  les  villes  im- 
périales et  dans  son  voyage  à  Paris,  d'après  les  ordres  formels  de  son  père. 


278 


LE  MÉNESTKEL. 


montel.  —  3e  accessit  :  Martin,  élève  de  M.  Marmontel ,  et 
Suiste,  élève  de  M.  Laurent. 

Femmes.  —  1er  pris  :  Mlles  Lechesne  et  Blanc,  élèves  de 
M.  Lecouppey  ,  et  Mlle  Peschel,  élève  de  M.  Herz.  —  2e  prix  : 
Mlle  Bessaignet,  élève  de  Mme  Farrenc,  et  Mlle  Deshays,  élève 
de  Mme  Coche.  —  1er  accessit  :  Mlle  Bernard,  élève  de  M.  Herz. 

—  2e  accessit  :  MIIe  de  Biéville,  élève  de  Mme  Coche,  etM,le  Cel- 
lier, élève  de  M.  Lecouppey.  —  3e  accessit  :  Mlles  Mérargue  et 
Fetitjean,  élèves  de  M.  Lecouppey. 

OPÉRA-COMIQUE. 

Hommes.  —  1er  prix,  à  l'unanimité  :  Capoul,  élève  de  M.  Bé- 
vial pour  le  chant,  et,  pour  l'opéra-comique  ,   de  M.  Mocker. 

—  2e  prix  :  Geraizer,  élève  de  M.  Laget  pour  le  chant,  et,  pour 
l'opéra-comique,  de  M.  Morin.  —  1er  accessit  :  Péront,  élève 
de  MM.  Laget  et  Mocker,  et  Dervieux,  élève  de  MM.  Bévial  et 
Mocker. 

Femmes.  —  1er  prix,  à  l'unanimité  :  Mlle  Balbi,  élève  de 
MM.  Grosset  et  Mocker,  et  M118  Marie  Cico,  élève  de  MM.  Bé- 
vial et  Mocker.  —  2e  prix  :  MUe  Simon,  élève  de  MM.  Battaille 
et  Mocker;  MIle  Beboux,  élève  de  MM.  Grosset  et  Mocker,  et 
Mlle  Bolin,  élève  de  MM.  Masset  et  Mocker.  —  1er  accessit  : 
M1Ie  Saint- Aguet,  élève  de  M.  Morin,  et  Mlle  Dupin,  élève  de 
MM.  Bévial  et  Mocker.  —  2e  accessit  :  M"e  Bosez,  élève  de 
MM.  Lagez  et  Morin.  —  3e  accessit  :  Mlle  Ceronetti,  élève  de 
MM.  Giuliani  et  Mocker,  et  Mlle  Gallino,  élève  de  MM.  Giu- 
liani  et  Morin. 

VIOLONCELLE    ET    VIOLON. 

Violoncelle.  —  1er  prix  :  Babaud,  élève  de  M.  Franchomme. 

—  2e  prix  :  Loys,  élève  de  M.  Franchomme.  —  1er  accessit: 
Thalgrùn,  élève  de  M.  Franchomme.  — 2e  accessit  :  Pfotzer,  élève 
de  M.  Chevillard. 

Violon.  —  1er  prix  :  Willaume  et  Jacobi,  tous  deux  élèves  de 
M.  Massart;  Mlle  Castellan ,  élève  de  M.  Alard.  —  2e  prix  : 
Lelong,  élève  deM.  Sauzay.—  1er  accessit:  Muratet,  et 2e accessit: 
Labatut,  élèves  de  M.  Dancla.  —  3e  accessit  :  Binck,  élève  de 
M.  Sauzay. 

GRAND    OPÉRA. 

Dimanche  prochain,  en  signalant  les  lauréats  qui  se  sont  distin- 
gués d'une  manière  particulière,  nous  ferons  connaître  les  élèves 
qui  ont  remporté  les  prix  de  grand  opéra,  dont  le  concours  a  eu 
lieu  hier  samedi.  —  Nous  donnerons  en  même  temps  les  noms 
des  lauréats  des  concours  de  harpe  et  d'instruments  à  vent,  fixés 
pour  demain  et  après-demain,  mardi  29  et  lundi  30  juillet. 


CONCOURS  DE  MUSIQUE  RELIGIEUSE. 

Le  concours  de  musique  sacrée,  fondé  par  les  éditeurs  de  la  Maîtrise, 
sous  le  patronage  du  Congrès  de  musique  religieuse,  n'ayant  pas  tenu  ce 
qu'il  pouvait  promettre  (au  point  de  vue  surtout  du  mérite  des  œuvres 
adressées  à  la  Commission  d'examen) ,  ce  concours  vient  d'être  l'objet 
d'une  nouvelle  prorogation,  motivée  d'ailleurs  par  la  haute  sollicitude  de 
S.  M.  l'Empereur,  qui  a  bien  voulu  attribuer  une  médaille  en  or  aux 
pièces  couronnées.  Une  autre  médaille  d'honneur  est  également  sollicilée 
auprès  de  S.  Exe.  le  ministre  des  cultes,  par  MM.  les  membres  du  Congrès 
de  musique  religieuse,  ce  qui  portera  les  médailles  en  or  au  nombre  de 
cinq,  sans  préjudice  des  médailles  en  argent  et  en  bronze.  La  Commission 
d'examen  est  définitivement  formée  :  M.  le  prince  Poniatowski,  M.  le  gé- 
néral Mellinet,  M.  l'abbé  Pelletier,  président  du  Congrès,  M.  Dietsch,  direc- 
teur de  l'école  de  musique  religieuse,  ont  bien  voulu  se  joindre  à  la  Com- 
mission de  la  Maîtrise,  composée  de  MM.  Ambroise  Thomas,  Gounod, 
F.  Benoist  et  J.  d'Ortigue.  La  présidence  sera  offerte  à  M.  Auber,  l'illustre 
directeur  du  Conservatoire  et  de  la  chapelle  impériale,  qui  a  déjà  accepté 
la  qualité  de  membre  de  la  Commission.  M.  de  Vaucorbeil  remplira  les 
fonctions  de  secrétaire.  La  nouvelle  prorogation  accordée  pour  l'envoi  des 


manuscrits  (écrits  spécialement  pour  les  offices  des  petites  et  grandes  pa- 
roisses, orgue  et  chant),  est  de  trois  mois,  à  partir  du  1er  août  1861.  Tous 
les  compositeurs,  organistes  et  maîtres  de  chapelle,  français  et  étrangers, 
sont  admis  à  concourir.  Écrire  franco,  à  M.  J.-L.  Heugtl ,  directeur  du 
Ménestrel  et  éditeur  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne,  pour  recevoir  le 
programme  du  concours. 

NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Voici  le  bulletin  du  désastre  causé  par  l'incendie  du  magasin  des  dé- 
cors de  l'Opéra  : 

Cent  trpnte-trois  décors  ont  été  brûlés.  On  doit  ajouter  à  cette  première 
perte  la  destruction  de  1,000  mètres  de  toile  neuve  et  de  3,000  mètres  de 
vieille  toile,  celle  des  cjiariots  de  transports,  de  la  provision  de  bois  et  des 
outils  employés  à  la  confection  des  châssis.  Ce  dommage  peut  déjà  èlre  éva- 
lué de  700  à  750,000  francs. 

Les  bâtiments  des  magasins  représenlaient,  en  outre,  une  valeur  de  cons- 
truction de  150,000  francs.  Ce  n'est  plus  en  ce  moment  qu'un  monceau 
de  cendres  noires.  En  ajoutant  ces  chiffres  de  la  perte  matérielle  à  celui  des 
dommages  causés  aux  maisons  voisines,  on  verra  que  le  sinistre  de  celte 
nuit  a  coûté  environ  un  million. 

Parmi  les  ouvrages  dont  les  décorations  sont  détruites  en  totalité  ou  en 
partie,  nous  mentionnerons  :  Sémiramis,  Tannhauser,  la  Sylphide,  Orfa, 
la  Reine  de  Chypre ,  la  Magicienne ,  etc. 

Par  bonheur,  tout  le  répertoire  courant  se  trouvait  rue  Lepelletier.  Le 
matériel  des  pièces  qui  se  jouent  ordinairement  est  par  conséquent  intact, 
et  le  service  ne  subira  aucune  interruption.  Lès  décors  à'Alceste,  qui  ve- 
naient d'être  terminés,  ont  aussi  échappé;  ils  avaient  été  transportés  la 
veille  au  théâtre  pour  être  réglés. 

La  perte  résultant  de  la  deslrution  du  matériel  scénique  est  considérable, 
si  on  l'évalue  en  se  reportant  au  prix  d'acquisition  ;  elle  est  relativement  peu 
importante,  si  l'on  ne  tient  compte  que  de  sa  valeur  actuelle.  Le  matériel 
détruit  était  en  partie  vieux,  usé,  et  généralement  en  assez  mauvais  état. 
De  plus,  ses  proportions  trop  étroites  n'auraient  plus  été  en  rapport  avec 
celle  de  la  salle  que  l'on  va  construire  et  qui  sera  achevée  dans  trois  ans. 

—  La  Gazette  de  Vienne  publie  un  rapport  en  faveur  des  artistes  des  théâ- 
tres allemands,  en  Hongrie,  qui  ont  été  fermés  pour  la  plupart  (quarante- 
deux),  laissant  dans  la  plus  triste  position  le  personnel  attaché  à  tous  ces 
établissements. 

—  Un  musicien  de  la  Chambre  grand  ducale  de  Saxe-Weimar  est  mort 
tout  récemment,  à  l'âge  de  quatre-vingt-six  ans.  F.  Schloemich,  c'est^le 
nom  du  défunt,  avait  assisté  à  toutes  les  premières  représentations  des 
chefs-d'œuvre  de  Schiller  et  de  Goethe  ;  de  plus,  il  a  donné  des  leçons  de 
clavecin  aux  enfants  de  Schiller. 

—  On  lit  dans  le  Musical-World,  à  propos  de  l'opéra  de  Noé  ou  le  Dé- 
luge (musique  de  Halévy),  ouvrage  projeté  au  Théâtre-Lyrique  : 

«  Ce  sujet  n'est  pas  trop  ambitieux  pour  le  génie  d'un  Français.  La  chute 
des  empires,  le  craquement  des  mondes,  les  cataclysmes  de  toute  nature, 
composent  le  régime  quotidien  des  muses  parisiennes  :  Heureuse  nation  ! 
Être  si  magnifiquement  douée  I . . .  ou  croire  l'être  ! . . .  » 

Vous  voyez  que  notre  cher  confrère  le  Musical-World,  pour  le  ton  aigre- 
doux,  est  un  Times  au  petit  pied. 

—  On  écrit  de  Londres  que  le  Comité  du  festival  de  Birmingham  ac- 
corde à  la  jeune  cantatrice,  M1Ie  Piatti,  pour  quatre  concerts,  la  somme  de 
500  guinées  (12,500  fr.) 

Parmi  les  dernières  créations  de  Mlle  Piatti,  au  théâtre  de  Covent-Garden, 
il  faut  citer  particulièrement  le  rôle  de  Zerlina  de  Don  Giovanni,  que  la 
jeune  artiste  a  joué  et  chanté  d'une  façon  merveilleuse.  —  Faure,  de  son 
côté,  remplit  avec  beaucoup  de  distinction  le  personnage  de  don  Juan. 

—  Les  journaux  de  Turin  nous  apprennent  que  la  direction  du  Théâtre- 
Tloyal  vient  d'être  accordée  à  M.  Merelli,  auquel  ont  déjà  été  confiées  les 
destinées  des  théâtres  royaux  de  Milan.  On  lui  donne  une  subvention  de 
80,000  francs,  et  l'école  de  ballet  sera  payée  par  le  gouvernement. 

—  On  nous  écrit  de  Bade  :  «  Les  concerts  du  salon  Louis  XIV  soutien- 
nent leur  renommée  ;  les  deux  derniers  ont  été  des  plus  brillants.  Honorés 
de  la  présence  de  LL.  MM.  le  roi  et  la  reine  de  Prusse,  de  LL.  AA.  RR.  le 
grand  duc  et  la  grande  duchesse  do  Bade ,  ils  réunissaient  en  outre  la  fine 
fleur  de  la  société  qui  afflue  en  ce  moment  dans  celte  incomparable  rési- 
dence. M110  Baretti  a  très-heureusement  débuté  dans  l'air  des  Mousque- 
taires, la  romance  de  l'Abeille,  la  valse  du  Pardon,  l'air  des  Hugue- 
nots, etc.  Mllc  Oclavie  Caussemille  a  réussi  comme  les  années  précédentes, 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


279 


non-seulement  dans  la  musique  consacrée,  mais  dans  ses  propres  compo- 
sitions, notamment  dans  sa  fantaisie  sur  divers  motifs  de  la  Traviata.  Une 
autre  de  ses  productions ,  la  Polka  chinoise,  s'exécute  aujourd'hui  au 
kiosque  de  la  Conversation  et  y  obtient  un  grand  succès.  Sighicelli  aussi 
s'est  posé  comme  compositeur  dans  ses  souvenirs  de  Rigoletto,  pour  violon 
seul,  et  dans  un  duo  de  Rigoletto,  pour  piano  et  violon.  Il  a  mérité  de  vifs 
applaudissements  dans  ces  deux  morceaux  et  le  Trémolo  de  De  Bériot , 
qu'aucun  artiste  n'exécute  mieux  que  lui.  11  est  inutile  d'insister  sur  la 
manière  dont  il  a  été  secondé  par  Mlle  Caussemille  dans  le  duo  de  Rigo- 
letto. Balla  a  soutenu  sa  renommée  dans  ses  Souvenirs  de  Gluck,  sa  fan- 
taisie sur  Norma  et  Passiflore,  etc.  Deux  grands  morceaux  classiques , 
un  quintetto  et  un  septuor  de  Hummel  ont  été  magistralement  exécutés 
par  Mllc  Octavie  Caussemille,  MM.  Sighicelli ,  Batta,  Oudshorn,  Kretsch- 
mar,  Schlufter ,  Rucquoy ,  Doerschel  et  Steenebruggen.  —  On  annonce 
pour  le  31  de  ce  mois,  la  première  représentation  de  l'opéra  inédit  de 
M.  Gevaërt  (paroles  de  MM.  Cormon  et  Amédée  Achard).  D'ici  là,  deux 

autres  concerts  avec  M"e  Battu,  Jules  Lefort,  etc.,  et  puis  après 

n'anticipons  pas.  Bornons-nous  à  suivre  cette  série  non  interrompue  des 
fêtes  artistiques  de  Bade  ;  nous  aurons  assez  à  faire  comme  cela,  u 

—  Le  jury  du  grand  concours  de  composition  musicale,  institué  par  le 
gouvernement  belge,  s'est  réuni  le  samedi  20  juillet  dans  la  grande  salle 
académique  du  Palais  du  Musée,  à  Bruxelles,  pour  entendre  l'exécution  de 
la  cantate  de  chacun  des  sept  concurrents  qui  ont  pris  part  à  la  lutte.  Après 
cette  exécution,  le  jury,  procédant  au  jugement  quant  au  mérite  de  ses 
œuvres,  a  décidé  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  à  décerner  un  premier  prix.  Le 
2e  prix  est  décerné  en  partage  à  MSI.  Dupont  jeune,  de  Liège,  et  Vander- 
velpen,  de  Malines.  La  mention  honorable  est  accordée  à  M.  Van  Hoye, 
de  Malines.  Le  1er  prix  n'étant  pas  décerné,  c'est  10,000  fr.  qui  resteront 
disponibles  au  budget  de  l'État  cette  année. 

■ —  On  nous  écrit  de  Vichy  que  la  présence  de  l'Empereur  communique 
à  cette  ville  thermale  un  mouvement  extraordinaire.  Les  concerts  et  les 
fêtes  se  succèdent  sans  interruption.  Tous  nos  virtuoses  affluent  ou  sont 
successivement  attendus.  L'orchestre  du  Casino  ,  sous  le  direction  de 
Bernardin,  —  depuis  l'abdication  de  Strauss,  —  se  fait  applaudir  au  bal 
comme  au  concert.  Parmi  les  solistes,  on  cite  le  hautbois  Garimond,  le 
flûtiste  Miramontetle  violoncelliste  Alard,  dont  la  jeune  femme,  cantatrice 
distinguée,  vient  d'être  engagée  pour  plusieurs  concerts.  Le  théâtre  a  fait 
élection  de  domicile  à  Vichy  :  les  artistes  du  Palais-Royal,  —  Ravel  en 
tète,  —  s'y  sont  transportés,  sur  un  ordre  impérial.  On  porte  à  un  chiffre 
considérable  le  nombre  des  étrangers  accourus  vers  Vichy  pendant  le  mois 
de  juillet. 

—  Un  beau  concert  vient  d'être  donné  à  Sens,  pour  l'inauguration  de  la 
statue  érigée  à  la  mémoire  du  baron  Thénard.  M.  Alard,  Mme  Pauline  Viar- 
dot  et  Mlle  Balbi,  —  qui  vient  de  remporter  à  l'unanimité  le  premier  prix 
partagé  d'opéra-comique,  —  ont  fait  les  honneurs  de  ce  concert.  De  nom- 
breux discours  ont  été  prononcés  à  l'occasion  de  celte  solennité,  par  M.  le 
sénateur  Dumas,  d'abord,  puis  par  MM.  Camille  Doucet  et  Arsène  Hous- 
saye,  chargés  de  représenter  S.  Exe.  le  ministre  d'État. 

—  La  ville  de  Caen  prépare  de  grandes  fêtes  pour  la  fin  de  juillet  et  le 
commencement  d'août.  Le  lundi  5,  aura  lieu  un  festival  composé  de  six 
cents  musiciens  (orchestre  et  chœur).  On  exécutera  la  symphonie  en  ut 
mineur  de  Beethoven,  des  fragments  de  Moïse,  de  Jérusalem,  l'ouverture 
de  Freyschutz,  etc.  M.  Pasdeloup  est  chargé  de  la  direction  de  cette  so- 
lennité. 

—  Il  s'est  formé,  à  Orléans,  une  nouvelle  société  musicale  sous  l'invo- 
cation de  Sainte-Cécile.  Le  directeur  est  M.  Salesses. 

—  Dans  un  concert  donné  à  Chalon-sur-Saône ,  par  MM.  Géraldy  et 
Georgis,  violoniste  distingué ,  on  a  eu  occasion  d'entendre  les  meilleures 
pages  classiques  et  légèresdu  répertoire  de  Géraldy.  Le  Courrier  de  Saône- 
et-Loire  s'étend  longuement  sur  l'accueil  fait  à  ce  chanteur  multiple,  passant 
avec  une  merveilleuse  facilité  du  pathétique  au  bouffe,  de  la  basse  au  ba- 
ryton, du  ténor  au  soprano,  par  le  brillant  et  la  netteté  de  ses  vocalises  de 
voix  de  tête.  Qu'on  eu  juge  plutôt  par  le  programme  défrayé  par  Géraldy. 
Dans  la  même  soirée  :  les  airs  de  Joseph  et  du  Toréador,  la  romance  de 
Joconde,  la  sérénade  de  Gounod,  le  Fils  du  Corse,  d'Auguste  Morel  ;  la 
Chanson  d'Amour,  de  Membrée;  le  Nid  abandonné,  de  Gustave  Nadaud; 
Comme  à  vingt  ans,  de  Durand,  et  la  mélodie  de  soprano  d'Edmond  Hoc- 
melle  ;  Rien,  chantée,  il  y  a  quelques  années,  dans  nos  concerts  de  la  salle 
Herz,  par  Mme  Charles  Ponchard. 


—  Mlle  Laguesse,  et  le  violoncelliste  Nathan,  de  retour  d'Allemagne  où  il 
avait  été  appelé  pour  plusieurs  concerts,  se  disposent  à  partir  pour  une 
tournée  aux  bains  de  mer  ;  ils  sont  attendus  à  Boulogne,  et  de  là  ils  con- 
tinueront leur  pérégrination  sur  toute  la  côte  de  Normandie. 

—  L'exposition  universelle  de  Metz  a  fait  connaître  d'une  manière  plus 
complète  les  excellents  pianos  de  MM.  Mangeot  frères  et  Ce,  de  Nancy,  qui 
fabriquent  toutes  pièces  sur  place.  Ces  pianos  rivalisent  avec  les  bons 
pianos  de  Paris.  Nous  en  dirons  autant  de  ceux  exposés  par  la  maison 
Lelë,  à  l'exposition  universelle  de  Nantes.  On  reconnaît  là  les  instruments 
d'un  habile  facteur. 

—  Une  partie  de  la  division  de  l'Orphéon  de  Paris,  dont  M.  F.  Bazin  est  di- 
recteur, a  pris  part  à  la  quarante-sixième  assemblée  générale  de  la  Société, 
pour  l'instruction  élémentaire.  M.  Foulon  conduisait  les  orphéonistes.  La 
Prière  de  lu  Muette,  d'Auber;  le  chœur  des  Matelots  de  l'Adriatique,  de 
M.  François  Bazin  ;  celui  de  M.  Ambroise  Thomas,  France I  France!  ont 
été  vivement  applaudis  par  le  public.  La  fable  du  Loup  et  de  l'Agneau, 
composition  de  M.  François  Bazin,  a  produit  un  grand  effet  et  a  terminé 
très-heureusement  le  concert. 

—  VAlceste,  de  Gluck,  que  l'on  va  représenter  incessamment  à  l'Opéra, 
est  en  vente  au  Ménestrel,  chez  l'éditeur  Girod,  16,  boulevart  Montmartre. 
Édition  soigneusement  revue.  Un  beau  vol.  in-8°,  net  7  fr. 

NÉCROLOGIE. 

Encore  un  deuil  prématuré  qui  vient  frapper  de  consternation  les  artistes 
et  les  habitués  de  nos  théâtres  :  Mme  Raphaël  Félix  (Amédine  Luther),  que 
le  public  avait  suivie  de  ses  sympathies,  de  la  Comédie-Française  au  Gym- 
nase, et  du  Vaudeville  à  la  Porte-Saint-Martin,  vient  d'être  enlevée  bien 
cruellement  à  sa  famille  et  à  ses  nombreux  amis.  Mme  Félix- Luther  n'avait 
que  trente-un  ans!. . .  Son  service  a  été  célébré  hier,  samedi,  à  l'église 
Notre-Dame-de-Lorette.  Les  regrets  universels  ont  accompagné  la  femme 
et  l'artiste  à  sa  dernière  demeure. 


J 

-L. 

Heugel, 

directeur 

J 

Lovy, 

rèdacleurei 

chef. 

Typ. 

Ch 

ries  de  Mo 

rgnes  hères 

ru 

e  Jean- 

acquesRouss 

eau,  8. 

E.  GIROD,   éditeur,  boulevard  Montmartre ,  16. 


DOUZE  CHŒURS 

PRIX  NET  :   7  FR. 


1.  La  Brigantine »  80  i 

2.  La  Chasse  de  Lutzow »  80 

3.  La  Ronde  des  Archers  d'Alelh >•  80 

4.  Les  Mystères  d'Isis 1  » 

5.  Les  Braconniers I  » 

6.  Dors  ,  ô  mes  amours  I »  80 

7.  Le  Retour  des  Cloches I  » 

8.  L'Aube  du  jour »  80 

9.  Garde  à  vous  1 1  » 

10.  Huit  heures  du  soir »  80 

11.  Les  Paysans »  80 

12.  Les  Travailleurs »  80 

Chaque  partie  séparée  :  15  ou  20  c.  net. 


EN  VENTE  chez  le  même  éditeur.  —  THÉÂTRE-LYRIQUE. 

ASTAROTH 

OPÉRA-COMIQUE  en  un  acte  ,  paroles  de  H.   BOISSEAUX  , 

musique  de 

J.-J.  DE  BIILEMONT. 

Partition  in-8° ,  chant  et  piano ,  net  :  7  francs. 


Librairie  G AU  ME  frères  et  J.  DU  PRE  Y ,  rue  Cassette,  k,  à   Paris, 
{ et  au  MÉNESTREL  ,  2  bis,  rue  Vivienne.  } 


EN   VENTE 


ACCOMPAGNEMENT  POUR  ORGUE 

DES  PRINCIPAUX  OFFICES  BE  L'ÉGLISE  SELON  LE  BSTE  R0SVÎÂSN 

COMPRENANT  LES  OFFICES  DE  TOUS  LES  DIMANCHES  ET  DES  PRINCIPALES  FÊTES  DE  L'ANNÉE,  LE  CHANT  DU  TE  OEU9I, 
LES  SALUTS  DU  SAINT-SACREMENT  ET  LA  MESSE  DES  MORTS , 

PAR 

L.  MEDERMEYER, 

Fondateur  de  l'École  de  Musique  religieuse  de  Paris. 
S  vol.  grand  iii-4%  ensemble  530  p.  ;  prix  net,  broché  :  38  fr.  —  Envoi  franco  en  échange  d'un  mandat  sur  la  poste. 

GRANDE  MANUFACTURE  D'ORGUES  D'ÉGLISE  EN  TOUS  GENRES 

Ancienne  Maison  DAUALAINE-CALLHET,  successeur  M.  DUCROQl'ET,  fadeur  de  S.  H.  l'Empereur. 

ACTUELLEMENT  SOCIÉTÉ  ANONYME  POUR  LA  FABRICATION  DE  GRANDES  ORGUES,  ETC. 

ÉTABLISSEMENT  MERKLIN-SCHUTZ 

ROULEVART  MONTPARNASSE,  49,  PARIS.  —  CHAUSSÉE  DE  WaVRE,  49,  RRUXELLES. 
Récompenses  nationales  iuix  Expositionstde  Paris,   Bruxelles  et  Londres  184-4 .  S8-B3.    I8EO.   A858  et 3853. 

Les  ateliers  de  ces  établissements  ont  produit  les  grandes  orgues  de  Sainl-Eustache,  à  Paris  ;  de  la  cathédrale  de  Murcie  (Espagne)  ;  de  Saint-Eugène,  à  Paris  ; 
de  Saint-Philippe  du  Roule ,  à  Paris  ;  du  chœur  de  la  cathédrale ,  à  Paris  ;  le  grand  orgue  de  l'église  Sainl-Barthélem  y,  à  Liège  [Belgique]  ;  de  la  cathédrab  de 
Rouen,  de  la  cathédrale  de  Bourges,  du  collège  des  Jésuites,  à  Namur  (Belgique)  ;  de  la  cathédrale  de  Viviers,  de  la  cathédrale  de  Dijon,  de  la  cathédrale  deLyon, 
de  la  cathédrale  de  Tournay  (Belgique),  de  la  cathédrale  de  Boulogne-sur-.Mer,  de  l'église  du  Haut-Pont,  à  Saint-Omer,  de  Brienne-Napoléon,  etc.,  etc.  —  Grand 
assortiment  d'Harmoniums  pour  salons  et  églises. 

ALBUM  POUR  DISTRIBUTIONS  DE  PRIX 

(  Dédié  aux  Pensionnats  et  Institutions  religieuses  ). 

Collection  de  morceaux  à  trois  voix  égales  ,  avec   strophes    déclamées,  récitatifs,    chœurs   et  soli. 

PAROLES   ET   MUSIQUE  DE 

L'ABBÉ  JOUVE, 


Chanoine  de    Valence. 


I'"  partie.  Chœur  d'introduction  et  prière 

2e      —       Hymne  de  joie  (avant  la  distribution  des  prix) 
3°      —        Hymne  de  joie  (après  la  distribution  des  prix) 


4e  partie.  Le  Foyer  domestique,  la  Campagne,  chœur  et  soli.  2 
5e  —  Les  Voyages,  le  Rhin,  les  Alpes,  id.  id..  3 
6e      —      Hymne  final,  Dieu ,  l'Homme,  la  Création 3 


L'Album  complet,  net  :  o  fr. ,  volume  in-8°. 


Cantate  : 

NOTRE-DAME  DES  ARTS. 


A.  BOIELDIEU 


Poésie  de 

ROGER  DE  BEAUVOIR. 


Pour  voix  de  soprani,  avec  soli,  chœur,   violoncelle,  orgue,  piano  et  harpe,  adlib. 
i\"  1.  Partition  complète  et  parties  séparées:  O  f .        |        T\°  3.  Réduction  pour  chant  et  piano  :   4  f .  70  c. 


GUILLOT  DE  SAINBRIS. 

Isabelle. 

Hiver  et  Printemps. 

H.  POTIER. 

Adieu  les  Fées. 

Fais-toi  petit. 

Comire  ou  le  Nouvel  ami  des  Enfants. 


CLEMENTINE  BATTA. 

Amour  et  Prière. 
Chant  d'une  Mère. 
Prière  à  la  Vierge. 
La  Valse  de  Marguerite. 

G.  HÉQUET. 

Les  trois  Chansons,  poésie  de  Victor  Hugo. 


PAULINE  THYS. 

Tes  Vingt  ans. 
Harmonies  du,  soir. 

LOMBARD. 

La  Danse  Macabre. 

Le  Moka. 

Le  vrai  Prêtre,  pour  voix  de  basse. 


—        SIX  ROMANCES  :        — 

Y    LARDINOIS.  Richesse  du  Cœur.  Hymne  à  l'Amour.  Il  est  si  doux  d'aimer.  Pensera-t-elle  à  moi.  Page  et  Châtelaine.  ALBUM  DESALON 


777.  —  28e  Année. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  4  Août 

1861. 


r*^5~5t 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES   LOVY, 

Rédact'en  chef. 


EES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vi vienne.  —  HEUGEL  et  C'e,  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  do  Musique  du  MÉNESTREL  —  Vente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  20  Morceaux: 

Scènes,  Mélodies,  Bomances,  paraissantde  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  *0  Morceaux  i 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  »  Album*, 
primes  illustrés. —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  : 

3»  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  «  Albums-primes  illustrés. 

■  Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1=' décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection. Adresser  franco 

un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  IIEIICEI.  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de/rc  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  — Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-JacquesRousseau,8.  —  $617 


SOJOIAIUE.  —  TEXTE. 

I.  Concours  du  Conservatoire  et  distribution  des  prix  de  l'École  de  musique  reli- 
gieuse de  Paris.  J.-L.  Helgel.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Loty.  —  III.  Ta- 
blettes du  pianiste  et  du  chanteur  :  Mozart  et  ses  œuvres  {2e  article).  Denne- 
Baron.  —  IV.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numérode  ce  jour: 

ÊTRE  DEUX, 

Poésie  de  M.  le  baron  de  C***,  musique  de  L.  de  Saint-Gervais.  — 
Suivra  immédiatement  après  :  le  Bonhomme  Séraphin,  paroles  et  mu- 
sique de  Gustave  Nadaud. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

MOSAÏQUE-POLKA.  , 

Composée  sur  les  opérettes  de  J.  Offenbach,  par  J.-C.  Engel.  —Suivra 
immédiatement  après  :  Carillon,  polka-mazurka  de  Joseph  Braga. 


CONCOURS  DU  CONSERVATOIRE. 

GRAND    OPÉRA. 

Ainsi  que  nous  l'avions  annoncé  dimanche  dernier,  le  con- 
cours de  grand  opéra  s'est  effectué  le  samedi  27.  Commencé  dès 
neuf  heures  du  matin,  ce  concours  s'est  prolongé  jusqu'à  près 
de  cinq  heures  de  l'après-midi.  Il  est  vrai  que  vingt  élèves  se 
sont  fait  entendre  dans  dix-huit  grandes  scènes  accompagnés 
successivement  au  piano  par  M.  Henri  Potier,  qui  a  réalisé  le 
même  tour  de  force  pour  les  dix-sept  élèves  d'Opéra-Comique, 
—  température  de  trente  à  quarante  degrés  Réaumur  ;  — 
parlez-nous,  après  cela,  des  travaux  d'Hercule. 

Dans  le  concours  de  grand  opéra,  on  a  surtout  remarqué 
M.  Morère,  qui  promet  un  fort  agréable  ténor  à  l'Académie  im- 
périale de  musique.  11  a  remporté  son  premier  prix  à  l'unanimité 
dans  la  grande  scène  des  Huguenots  du  4e  acte,  dont  MUe  Ro- 
zès  (2e  prix  partagé),  a  tenu  le  personnage  de  Valentine. 


Parmi  les  femmes,  MIIes  Cico  et  Enequist  ont  bien  mérité  du 
grand  opéra.  N'est-ce  point  le  moment  de  rappeler  que  Mlle  Marie 
Cico  a  partagé  les  trois  premiers  prix,  de  chant,  d'opéra-co- 
mique et  de  grand  opéra.  C'est  tout  un  triomphe  pour  cette 
Dugazon  des  Rouffes-Parisiens,  que  nous  ne  tarderons  pas  à  sa- 
luer prima-donna  de  la  rue  Lepelletier. 

Voici,  du  reste,  les  nominations  du  concours  du  Grand-Opéra, 
avec  les  noms  des  professeurs  qui  ont  bravement  conduit  leurs 
élèves  à  la  victoire,  car  de  semblables  journées  ne  sont  rien 
moins  que  de  véritables  batailles  : 

Hommes.  —  1er  prix,  à  l'unanimité  :  Morère,  élève  de  M.  Ré- 
vial  pour  le  chant,  et,  pour  l'opéra,  de  M.  Duvernoy.  —  2e  prix, 
à  l'unanimité  :  Capoul,  élève  de  M.  Révial  et  de  M.  Duvernoy. 
—  1er  accessit,  à  l'unanimité  :  Lédérac,  élève  de  M.  Grosset  et 
de  M.  Duvernoy.  —  2es  accessits  :  Mendioroz,  élève  de  M.  Fon- 
tana  et  de  M.  Levasseur,  et  Péront,  élève  de  M.  Laget  et  de 
M.  Levasseur.  —  3e  accessit:  Feitlinger,  élève  de  M.  Levasseur. 

Femmes.  —  1ers  prix  :  Mlle  Marie  Cico,  élève  de  M.  Révial 
et  de  M.  Duvernoy,  et  M"e  Enequist,  élève  M.  Masset  et  de 
M.  Levasseur.  —  2es  prix,  à  l'unanimité  :  MUe  Rosez,  élève  de 
M.  Laget  et  de  M.  Duvernoy,  et  Mlle  Simon,  élève  de  M.  Ba- 
taille et  de  M.  Levasseur.  — 1ers  accessits  à  l'unanimité  :  Mlle  Du- 
pin,  élève  de  M.  Révial  et  de  M.  Duvernoy,  et  MUe  Reboux, 
élève  de  M.  Grosset  et  de  M.  Duvernoy.  —  2es  accessits,  à  l'una- 
mité  :  MUe  Walliang,  élève  de  M.  Duvernoy,  et  Mlle  Garraud, 
élève  de  M.  Masset  et  de  M.  Levasseur. — 3es  accessits  :  MUeSaint- 
Aguet,  élève  de  M.  Levasseur,  et  M"e  Grenier,  élève  de  M.  Pau- 
lin et  de  M.  Levasseur. 

Le  jury  se  composait  cette  fois  de  M.  Auber,  directeur-prési- 
dent, assisté  de  M.  Edouard  Monnais,  commissaire  impérial 
près  le  Conservatoire,  et  de  MM.  Camille  Doucet,  chef  de  la  di- 
vision des  théâtres  au  ministère  d'État  ;  Halévy,  secrétaire  per- 


282 


LE  MÉNESTREL. 


pétuel  de  l'Académie  des  Beaux-Arts  ;  Ambroise  Thomas,  de 
l'Institut  ;  Leborne,  archiviste  de  l'Opéra  et  professeur  de  compo- 
sition; de  Saint-Georges,  auteur  dramatique,  Plantade  et  notre 
ténor  Roger,  l'incarnation  d'un  jury  vocal  et  dramatique. 

Nous  parlions  tout  à  l'heure  des  travaux  d'Hercule  ;  que  dire 
de  ceux  de  notre  illustre  et  infatigable  directeur  du  Conserva- 
toire? Chacun  de  ces  laborieux  concours  a  été  présidé  par 
M.  Auber  en  personne,  sans  une  minute  de  répit,  sans,  même 
la  douceur  réglementaire  du  déjeuner,  qui  accorde  une  demi- 
heure  d'entr'acte  à  MM.  les  membres  du  jury.  Secondé  par  son 
honorable  et  fidèle  secrétaire,  M.  de  Beauchesne,  chargé  de- 
puis trente-quatre  ans  de  la  rédaction  des  procès-verbaux,  on 
peut  dire  que  durant  cette  quinzaine  de  concours,  M.  Auber  a 
consommé  plusieurs  séries  de  jurés.  Nous  devons  signaler  à  ses 
côtés  M.  Edouard  Monnais,  commissaire  impérial,  que  nous 
avons  constamment  vu  sur  la  brèche.  M.  Camille  Doucet  assis- 
tait aux  concours  de  tragédie,  de  comédie  et  d'opéra  ;  M.  Ca- 
banis, à  celui  d'opéra  comique. 

MM.  Ambroise  Thomas,  Georges  Kastner  et  F.  Benoist  ont 
aussi  très-largement  payé  leur  tribut  de  fidélité  aux  travaux  du 
jury,  et  enfin,  l'on  a  remarqué  avec  plaisir,  MM.  Alphonse 
Royer,  Edouard  ThierryetEmile  Terrin,  MM.  Germain  Delavi- 
gne,  Jules  Sandeau  ,  de  Saint-Georges,  parmi  les  juges  des 
concours  spéciaux  du  théâtre. 

M.  F.  Halévy  brillait  modestement  dans  la  loge  directoriale 
pour  les  concours  de  chant,  d'opéra  comique  et  de  grand  opéra. 
Le  général  Mellinet  lui  a  succédé  pour  les  concours  d'instru- 
ments. 

Du  grand  opéra,  jetons  un  coup  d'ceil  rétrospectif  sur  l'opéra 
comique. Là,  s'est  révélénon-seulemenlM.Cupoul,  que  M.  Beau- 
mont  vient  de  s'attacher,  mais  encore  une  de  nos  charmantes 
cantatrices  de  concerts,  M"e  Balbi,  à  qui  l'on  ne  soupçonnait  pas 
les  qualités  scéniques  qu'elle  a  si  brillamment  développées  dans 
la  scène  du  Caïd.  Aussi  le  Grand-Théâtre  de  Marseille,  qui  suit 
de  près  notre  Conservatoire,  a-t-il  fait  des  propositions  califor- 
niennes à  Mlle  Balbi,  qui  lésa  tout  simplement....  refusées.  C'est 
l'Opéra-Comique  qui  seul  tente  la  nouvelle  prima-donna,  et 
M.  Eeaumont  n'est  pas  homme  à  s'y  opposer,  bien  au  contraire. 
L'engagement  est  comme  signé. 

Puisque  nous  avons  nommé  M.  Capoul,  premier  prix  d'opéra 
comique  et  deuxième  prix  de  grand  opéra,  racontons  comment 
le  prix  de  chant  lui  est  échappé  de  la  voix,  — je  veux  dire  des 
mains,  —  au  moment  où  le  jury  le  lui  réservait  comme  légitime 
conséquence  de  son  second  prix  de  l'an  dernier  et  d'études  cons- 
ciencieusement terminées: 

C'est' un  nouveau  venu,  tout  récemment  envoyé  au  Conserva- 
toire par  la  ville  de  Rouen,  M.  Caron,  élève  de  M.  Laget,  qui 
s'est  produit  sans  bruit,  sans  précédents,  et  a  enlevé  d'assaut  ce 
premier  prix  en  véritable  zouave.  Ce  fait  d'armes  est  tout  un  évé- 
nement. 

Quelques  jours  avant,  M.  Delahaye  (classe  Marmonlel),  était 
moins  heureux.  Il  concourait  également  pour  la  première  fois; 
le  public  lui  décernait  un  premier  prix  on  tout  au  moins  le  se- 
cond; mais  le  jury  des  pianistes,  —  MM.  Ravina,  Lefébure, 
Wolff,  Cohen, —  ne  lui  a  reconnu  qu'un  deuxième  accessit.  Plu- 
sieurs salves  d'applaudissements  ont  dédommagé  M.  Delahaye. 

Le  jury  des  pianistes  ne  s'est-il  pas  aussi  montré  bien  sévère 
pour  M.  David  (classe  Laurent)  qui  possède  une  main  gauche  re- 
marquable? On  lui  reproche  peu  de  style  et  une  certaine  exagé- 


ration d'effets.  Il  faut  avouer  que  le  concerto  dé  Kalkbrenner, 
choisi  pour  les  classes  d'hommes,  n'est  pas  fait  pour  donner  le 
goût  de  la  bonne  musique.. —  Où  chercher,  où  prendre  le  style 
dans  cette  longue  page  incolore? 

Parlez-nous  du  concerto  des  femmes.  —  Il  a  été  joué  vingt-six 
fois  et  n'a  causé  aucune  lassitude  ;  aussi  Chopin  a-t-il  mérité 
trois  premiers  prix  à  ces  dames  :  M"es  Lachaîne  et  Blanc  de  la 
classe  Leeoupey,  et  M"e  Peichel,  élève  de  Herz.  Les  seconds  prix 
ont  touché  de  bien  près  aux  premiers  :  citons  M"e  Bessaignet  et 
M1Ie  Dehays-Meifred,  nièce  de  notre  excellent  professeur  Meifred, 
et  remarquable  élève  de  Mme  Coche.  Il  n'est  pas  jusqu'aux  ac- 
cessits qui  n'aient  partagé  les  ovations  de  l'auditoire.  Bravo, 
Mllts  Bernard,  de  Biéville  et  Cellier. 

Pour  en  revenir  au  concerto  de  Kalkbrenner,  on  comprendra 
que  nous  devions  de  doubles  éloges  à  M.  Bernard,  au  jeune  Lavi- 
gnac  (1ers  prix),  à  MM.  Emmanuel  et  Veigand  (2e  prix  et  1er  ac- 
cessit), classes  Marmonlel  et  Laurent. 

Du  piano  à  l'orgue  il  n'est  qu'un  pas, -si  bien  que  les  lauréats 
de  piano  le  deviennent  presque  tous  l'année  suivante  de  la  classe 
de  M.  F.  Benoist,  auquel  il  est  donné  de  produire  dans  le  mo- 
deste silence  du  huis-clos  des  organistes-eonlrapoinlistes ,  fu- 
guistes  et  improvisateurs. 

Parlerons-nous  des  instruments  à  cordes,  des  instruments  à 
vent?  Certes  ce  serait  notre  devoir.  Mais  la  distribution  des  prix 
de  V École  de  musique  religieuse  de  Paris  nous  réclame.  —  Bé- 
sumons  donc  nos  impressions  de  ces  derniers  concours  en  un 
hommage  aux  professeurs  qui  assurent  l'avenir  de  nos  orchestres 
par  un  aussi  grand  nombre  d'habiles  instrumentistes. 

Un  dernier  mot.  —  Encore  une  femme  qui  vient  de  se  pro- 
duire avec  un  certain  éclat  au  concours  des  violonistes.  M"e  Cas- 
tellan  a  succédé,  comme  1er  prix,  à  Mlle  Maria  Boulay.  En  re- 
vanche la  harpe  est  de  plus  en  plus  délaissée;  un  seul  accessit  a 
été  décerné  à  M1,e  Laudoux. 

On  peut  affirmer  que  ce  concours  a  été  le  seul  réellement  fai- 
ble de  l'année  scolaire.  Tous  les  autres  témoignent  d'une  noble 
émulation  et  de  soins  consciencieux.  Et  quand  nous  aurons  dit 
que  plus  de  quatre  cents  élèves  y  ont  pris  part  avec  plus  ou  moins 
de  supériorité,  nous  aurons  constaté  un  fait  :  c'est  que  le  Conser- 
vatoire impérial  de  musique  et  de  déclamation  produit  aussi  bien 
que  possible,  dans  les  humbles  conditions  budgétaires  qui  lui 
sont  imposées. 

CONCOURS  DES  INSTRUMENTS  A  VENT. 

Les  concours  de  harpe,  de  flûte,  de  hautbois,  de  clarinette, 
de  basson,  de  cor,  de  cor  à  pistons  et  de  trompette  ont  eu  lieu 
lundi.  En  voici  le  résultat. 

Le  jury  se  composait  de  M.  Auber,  directeur,  assisté  de 
M.  Éd.  Monnais,  commissaire  impérial;  de  M.  le  général  de  di- 
vision Mellinet,  inspecteur  des  musiques  militaires  de  l'Empire; 
de  M.  Georges  Kastner,  de  l'Institut;  de  MM.  Benoist,  Pasde- 
loup,  Emile  Jonas,  professeurs  du  Conservatoire  ;  de  M.  Paulus, 
chef  de  musique  de  la  garde  de  Paris;  et  de  M.  Frédéric  Du- 
vernoy,  artiste  de  l'Opéra. 

HARPE. 

Professeur,  M.  Prumier  père.  —  1er  accessit  :  MUc  Laudoux. 

FLDTE. 

Professeur,  M.  Dorus.  —  1ers  prix  :  Thorpe  et  Génin.  — 
2e  prix  .  Bicîiard.  —  1er  accessit  :  Conlié.  —  2e  accessit  :  Donat. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


283 


IIAUTBOIS. 

Professeur,  M.  Verronst.  —  1er  pris  :  Fourcade-Cancellé.  — 
2e  prix  :  Magnien.  —  1er  accessit  :  Nicolleau.  —  2e  accessit  : 
Bonnet. 

CLARINETTE. 

Professeur,  M.  Klosé.  —  1er  prix  :  Raimond.  —  2e  prix  : 
Pesqueur  (1er). —  1er  accessit  :  Lardeur. —  2e  accessit  :  Her- 
nandez.  —  3e  accessit  :  Faivret. 

COR    A    PISTONS. 

Professeur,  M.  Meifred.  —  1er  accessit  :  Dourthe.  — 2e  ac- 
cessit :  Lelong. 

TROMPETTE. 

Professeur,  M.  Dauverné.  —  1er  prix  :  Mignot.  —  2e  prix  : 
Laurent.  —  1er  accessit  :  Dossunet;  2e  accessit  :  Leroy. 

BASSON. 

Professeur,  M.  Cokken.  —  1ers  prix  :  Bourdeau.  —  2es  prix  : 
Schubert.  —  1er  accessit  :  Beruau.  —  2e  accessit  :  Baussart. 

COR. 

Professeur,  M.  Gallay.  —  1er  prix  :  Wibo.  —  1er  accessit  : 
Riche. 

Les  concours  de  trombonne,  de  cornet  à  pistons,  da  saxophone 
et  de  saxhorn  avaient  lieu  le  lendemain  mardi. 

Le  jury  se  composait  de  MM.  Auber,  Ed.  Monnais,  le  général 
Mellinel,  G.  Kastner,  Bcnoist,  Benaud  de  Vilbac,  Emile  Jonas, 
Cokken  et  Frédéric  Duvernoy. 

TROMBONNE    A    COULISSE. 

Professeur,  M.  Dieppo.  —  1er  prix  :  Lautier.  —  2e  prix  : 
Carro.  —  1er  accessit  :  Blancard. 

TROMBONNE    A    PISTON. 

Professeur,  M.  Dieppo.  —  1ers  prix  :  Noël  et  Fave.  —  2e  prix  : 
Pochon.  —  1er  accessit  :  Beboul.  —  2e  accessit  :  Hautecœur. 

SAXOPHONE. 

Professeur,  M,  Adolphe  Sax.  —  1ers  prix  :  Bévérand,  Daynès 
et  Lapasset.  —  2es  prix  :  Eyckermanns  et  Decalonne.  —  1er  ac- 
cessit :  Guérin.  —  2e  accessit  :  Bonnange  aîné.  —  30S  accessits  : 
Certain  et  Molle. 

SAXHORN. 

Professeur,  M.  Arban.  —  1ers  prix  Dimier,  Ponché  et  Mû- 
rier. —  2es  prix  :  Flahant,  Asloin  et  Amann.  —  Accessits  : 
Mullot  et  Voiluret. 

Ces  deux  derniers  concours  (saxophone  et  saxhorn)  ont  été 
des  plus  remarquables. 


DISTRIBUTION  DES  PRIX 

de  l'Ecole  «le  SEusique  religieuse  tic  Paris. 

Lundi  dernier  a  eu  lieu  h  VÊcole  de  musique  religieuse  de 
Paris,  la  dislribulion  des  prix  sous  la  double  présidence  de 
M.  Hamille,  chef  de  divison  au  ministère  des  cultes,  de  M.  le 
prince  J.  Poniatowski,  président  du  jury  d'examen  de  l'École. 
Yoici  les  noms  des  lauréats. 

COMPOSITION  MUSICALE. 

Prix  donné  par  S.  Exe.  le  ministre  des  cultes  : 
Eugène  Gigout,  boursier  de  Mgr  l'évêque  de  Nancy. 
Accessit  :  Gabriel  Taure,  boursier  de  Mgr  l'évêque  de  Pa- 
miers. 


nARMOME. 

Prix  :  Emile  Lehmann,  boursier  de  Mgr  l'évêque  de  Stras- 
bourg. 

1"  accessit  :  Ernest  Legrand,  boursier  de  Mgr  l'évêque  de 
Nantes. 

ORGUE.  1™  DIVISION. 

Rappel  du  1er  prix  :  E.  Gigout,  déjà  nommé. 

1er  prix  donné  par  S.  Exe.  le  ministre  des  cultes  :  Adolphe  Die- 
trich,  boursier  de  Mgr  de  Strasbourg. 

2e  prix  :  E.  Lehmann,  déjà  nommé. 

Accessit  :  Edmond  Audran,  boursier  de  S.  Em.  le  cardinal 
archevêque  de  Paris. 

2e  DIVISION. 

Prix  :  Laurent  Giroux,  boursier  de  Mgr  l'évêque  de  Relley. 
Mention  honorable  :  Ernest  Legrand,  boursr  de  Mgr  de  Nantes. 

PLAIN-CriANT. 

Rappel  du  1"  prix  :  E.  Gigout,  déjà  nommé. 
1er  prix  donné  par  S.  Exe.  le  ministre  des  cultes. 
Emile  Lehmann,  déjà  nommé. 

PIANO.  —  lre  DIVISION. 

Rappel  du  1er  prix  :  G.  Pauré,  déjà  nommé. 

Rappel  du  second  1er  prix  :  Adam  Laussel,  boursier  de  Mgr  de 
Paris. 

1er  prix  :  E.  Gigout,  déjà  nommé. 

2e  prix  :  A.  Dietrich,  déjà  nommé. 

2e  second  prix  :  Albert  Périlhon,  boursier  de  Mgr  de  Car- 
cassonne. 

1er  accessit  :  E.  Lehmann,  déjà  nommé. 

2e  accessit  :  E.  Legrand,  déjà  nommé. 

2e  DIVISION. 

Prix  :  Eugène  Marlois,  boursier  de  Mgr  d'Arras. 

1er  accessit  :  Eugène  Wintzweiller,  boursier  de  Mgr  de  Stras- 
bourg. 

2e  accessit  :  Fidèle  Kocnig,  boursier  de  Mgr  de  Paris. 

Mention  honorable  :  Donat  Schuler,  boursier  de  Mgr  de 
Strasbourg. 

Celle  distribution  des  prix  aura  précédé  de  quelques  pas  celle 
du  Conservatoire  fixée,  à  jeudi  prochain,  et  qui,  dit-on,  sera  pré- 
sidée par  S.  Exe.  le  ministre  d'État  en  personne.  Comme  on  l'a 
vu  plus  haut,  non-seulement  M.  le  sénaleur  prince  Poniatowski 
présidait  la  distribution  de  l'Ecole  de  musique  religieuse  de  Pa- 
ris, mais  M.  Hamille,  chef  de  division  des  cultes,  avait  été  délégué 
par  S.  Exe.  M.  le  ministre  de  l'instruclion  publique  et  des  cultes 
dans  le  même  but.  Au  nom  du  ministre,  M.  Hamille  a  fait  enten- 
dre de  bonnes  paroles  sur  l'avenir  de  celle  institution  un  inslant 
menacée  par  la  perle  si  regreltable  de  son  éminent  fondaleur, 
M.  Louis  Niedermeyer.  Il  a  rendu  justice  au  dévouement  de 
chacun,  et  assuré  les  professeurs  comme  les  élèves  de  la  haute 
sollicitude  du  gouvernement,  qui  continuera  de  patronner  l'É- 
cole de  musique  religieuse  de  Paris,  destinée  à  régénérer  la  mu- 
sique sacrée  en  France. 

J.-L.  Heugel. 

Voici  les  noms  des  professeurs  chargés  des  études  musicales 
à  l'École  de  musique  religieuse  de  Paris  : 

Harmonie  et  Composition.  —  M.  Dielsch,  maître  de  chapelle 
de  la  Madeleine. 

Orgue  et  Plain-chant.  —  M.  Clément  Loret,  organiste  de 
Saint-Louis  d'Anlin. 

Piano.  —  M.  Camille  Saint-Saens,  organiste  de  la  Madeleine. 


234 


LE  MÉNESTREL. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 

On  nous  annonce  le  retour  de  Faure,  qui  devait  débuter  sur 
la  scène  de  notre  Grand-Opéra  dans  Guillaume  Tell  ;  mais  le 
départ  de  Gueymard  ajourne  forcément  ce  projet.  Faure  paraîtra 
d'abord,  dit-on,  dans  le  Trouvère  ou  la  Favorite,  mais  rien  de 
positif  n'est  encore  décidé  à  ce  sujet  ;  ce  qui  est  certain,  c'est  la 
reprise  très-prochaine  de  Pierre  de  Médias,  avec  Faure  dans  le 
rôle  de  Julien  de  Médicis.  — Vendredi  dernier,  on  nous  a  offert 
une  deuxième  édition  de  la  fameuse  soirée  des  Trois-ballets  • 
l'humoristique  manifeste  de  notre  critique  Jules  Janin  n'a  dé- 
couragé ni  la  direction,  ni  Mme  Ferraris,  ni  Mme  Zina-Mérante, 
ni  Mme  Marie  Petipa.  Il  est  très-probable  que  cette  combinaison 
de  spectacle  restera  au  répertoire;  le  pli  est  pris:  c'est  sur- 
tout en  fait  de  chorégraphie  qu'il  n'y  a  que  le  premier  pas  qui 
coûte.  — La  représentation  au  bénéfice  de  Mme  Petipa  tient 
toujours  pour  après-demain  mardi  6  août. 

Le  Théâtre-Français  a  repris  vendredi  dernier  Œdipe  roi, 
tragédie  de  Sophocle,  traduite  en  vers  par  M.  Jules  Lacroix.  La 
pièce  a  été  représentée  cette  fois  comme  elle  devait  l'être  dans 
l'origine,  sans  autre  musique  qu'un  peu  d'orchestre  pour  diviser 
les  chœurs  de  l'action  et  pour  accompagner  l'entrée  ou  la  sortie 
desprincipaux  personnages.  Les  amateurs  de  musique  regretteront 
la  partition  que  M.  Edmond  Membrée  avait  ajoutée  au  travail 
de  M.  Jules  Lacroix  ;  mais  le  public  du  Théâtre-Français,  qui 
est  plus  lettré  que  dilettante,  a  retrouvé  avec  plaisir  les  strophes 
de  Sophocle  qu'on  avait  supprimées  au  profit  de  la  symphonie. 
—  Geffroy  a  imprimé  au  rôle  principal  (une  de  ses  belles 
créations)  ce  cachet  de  simplicité  et  de  profondeur  qui  caracté- 
rise si  bien  le  type  de  Sophocle  ;  Mlle  Devoyod  a  traduit  avec 
une  intelligente  énergie  le  personnage  de  Jocaste.  —  Samson  et 
Provost  sont  partis  en  congé  ;  Provost  s'en  est  allé  aux  bains  de 
mer;  son  camarade  Samson  va  s'installer  sous  les  grands  om- 
brages et  près  des  ruines  de  Pierrefonds,  sa  retraite  d'été. 
Mlle  Augustine  Brohan,  elle  aussi,  dit  la  Gazette  des  théâtres, 
a  pris  congé  du  public.  Notre  spirituelle  comédienne  est  toujours 
inquiète  de  ses  yeux.  Ses  devoirs  de  sociétaire  et  plus  encore 
l'amour  de  son  art  la  ramènent  toujours  à  la  scène,  et  ce  sont 
les  feux  impitoyables  de  la  rampe  qui  l'en  chassent.  Il  est  ques- 
tion pour  elle  d'aller  chercher  au  fond  de  l'Allemagne,  à  Pra- 
gue, un  médecin  que  des  cures  merveilleuses  en  ce  genre  ont 
rendu  très-célèbre  de  l'autre  côté  du 'Rhin,  et  qui  se  nomme  le 
docteur  With.  —  Pour  nous  consoler  de  l'absence  de  notre  in- 
comparable soubrette,  M.  Ed.  Thierry  vient  défaire  signer  un 
nouvel  engagement  à  Mllc  Pauline  Granger. 

En  attendant  les  nouveautés  que  I'Opéra-Comique  nous  pré- 
pare,—notamment  les  opéras  de  MM.  Bazin  et  Lefébure-Wély, 
le  public  se  délecte  aux  représentations  de  Roger.  Cette  semaine, 
le  capitaine  Lorédan  a  de  nouveau  cédé  le  pas  à  George  d'Ave- 
nel ,  en  d'autres  termes,  la  Dame  blanche  a  reparu  sur  l'affi- 
che. Baydée  et  la  Dame  blanche  sont  à  bon  droit  les  deux  œu- 
vres de  prédilection  de  Roger,  elles  triomphes  qu'il  y  obtient  de- 
vraient bien  le  faire  renoncer  à  Saint-Pétersbourg  et  à  ses  pompes, 
pour  rentrer  au  bercail  de  l'Opéra-Comique,  sa  véritable  patrie. 
L'ornementation  des  deux  théâtres  de  la  place  du  Châtelet  a 
été  enfin  entreprise  des  deux  côtés  en  môme  temps,  et  s'exécute 
avec  une  grande  rapidité.  L'ornementation  du  théâtre  Lyrique 
est  déjà  terminée  h  l'extérieur,  sauf  quelques  motifs  à  l'acrostôre, 
et  le  grand  sujet  du  fronton,  qui  n'est  pas  encore  déterminé. 


Ce  fronton  a  dû  représenter  la  ville  de  Paris,  protectrice  des 
beaux-arts,  ayant  autour  d'elle  les  figures  allégoriques  de  la 
Musique  et  les  plus  illustres  représentants  de  l'harmonie.  On  y 
devait  voir  et  les  compositeurs  qui  ont  fait  la  gloire  de  la  France 
et  ceux  qui  ont  reçu  l'hospitalité  sur  quelqu'une  des  scènes  ly- 
riques de  notre  capitale.  Mais  cette  idée  donnée  par  Hector  Ber- 
lioz  a  fourni  le  sujet  du  plafond  qui  sera  une  merveille  de  bon 
goût.  On  espère  toujours  livrer  les  deux  théâtres  au  public  avec 
la  fin  de  cette  année  1861. 

Rien  de  nouveau  sur  nos  scènes  secondaires,  si  ce  n'est 
l'apparition  de  la  Prise  de  Pékin  au  théâtre  impérial  du  Cirque. 
Auteur  M.  d'Ennery  (son  honorable  collaborateur  a  désiré  garder 
l'anonyme).  Ce  drame-comédie  en  cinq  actes  et  onze  tableaux 
est  prestigieux  de  mise  en  scène  ;  il  abonde  en  mots  plaisants 
et  brille  en  outre  par  un  ballet  comme  on  en  voit  peu,  dansé 
par  quatre  ballerines  comme  on  n'en  voit  guère.  Aussi  la  Prise 
de  Pékin  a-t-elle  remporté  l'un  de  ces  succès  qui  absorbent  une 
saison  et  stéréotypent  une  affiche. 

Pendant  que  le  théâtre  impérial  du  Cirque  reprend  Pékin  en 
effigie,  son  voisin  le  théâtre  de  la  Gaité  accompagne  son  drame 
Loin  du  pays,  d'un  agréable  vaudeville  en  un  acte,  de  MM.  Ar- 
sène et  Eugène  Trouvé,  sous  le  titre  :  Une  Ombrelle  compro- 
mise par  un  parapluie.  MM.  Derville,  Gaspard,  Thierry,  Hya- 
cinthe ;  Mlle  Adolphine  et  Mme  Jault  enlèvent  avec  beaucoup 
d'ensemble  ce  petit  acte ,  premier  coup  de  pinceau  dramatique 
d'un  peintre  de  talent. 

J.  Lovt. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


MOZART 


JEAN-CIIRYSOSTOME-WOLFGANG-AMEDEE 


De  retour  à  Milan,  vers  la  fin  d'octobre  1770,  il  y  compose 
son  premier  opéra,  Milridate,  re  di  Ponte,  qui  est  représenté  le 
26  décembre  suivant,  avec  un  succès  décidé,  et  obtient  vingt- 
deux  représentations  consécutives.  Mozart  n'avait  pas  encore 
quinze  ans.  Quelque  temps  auparavant,  l'Académie  philharmo- 
nique de  Bologne  l'avait  admis  au  nombre  de  ses  membres  sur 
une  antienne  a  quatre  parties  qu'il  avait  écrite  comme  pièce  de 
concours,  et  qui  était  digne  des  beaux  jours  de  Palestriua. 

Après  ces  triomphes,  Mozart  et  son  père  reprirent  le  chemin  de 
leur  patrie.  L'année  suivante,  ils  retournèrent  en  Italie,  où  Wolf- 
gang  fit  représenter  à  Milan,  une  grande  scène  dramatique,  Âs- 
canio  in  Alba,  qu'il  avait  été  chargé  d'écrire  pour  le  mariage  de 
l'archiduc  Ferdinand.  En  entendant  cet  ouvrage,  le  vieux  com- 
positeur Hass,  que  les  Italiens  avaient  surnommé  le  divin  Saxon, 
ne  put  se  contenir,  et  s'écria  :  «  Cet  enfant  nous  fera  tous  ou- 
blier. » 

Revenu  â  Salzbourg  pour  y  écrire  une  sérénade  dramatique, 
//  Sogno  di  Scipione,  à  l'occasion  de  l'installation  du  nouvel  ar- 
chevêque, Mozart  retourna  à  Milan  au  mois  d'octobre  1772,  et 
y  composa  un  opéra  sérieux,  Lucio  Scilla,  qui  fut  accueilli  du 
public  avec  la  même  faveur  que  ses  précédents  ouvrages.  Avant 
de  quitter  définitivement  l'Italie,  Léopold  Mozart  et  son  fils  allè- 
rent passer  le  carnaval  de  1773  à  Venise,  qu'ils  avaient  déjà 
visitée. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


285 


De  retour  en  Allemagne,  ils  firent  encore  deux  excursions, 
l'une  à  Vienne,  l'autre  à  Munich,  où  Wolfgang  composa  La 
finta  Giardiniera,  opéra-bouffe,  qui  fut  représenté  au  mois  de 
janvier  1775  sur  le  théâtre  de  cette  ville,  et  y  obtint  un  succès 
éclatant.  Au  mois  de  mars  suivant,  toute  la  famille  Mozart  se 
trouvait  de  nouveau  réunie  à  Salzbourg. 

Mozart  avait  alors  dix-neuf  ans.  En  revenant  à  Salzbourg  pré- 
cédé d'une  renommée  qui  égalait  déjà  celle  des  meilleurs  com- 
positeurs, il  avait  espéré  que  le  nouvel  archevêque  récompense- 
rait ses  brillants  succès  en  lui  accordant  la  place  de  rnajtre  de  sa 
chapelle.  Il  attendit  vainement  cette  place  pendant  trois  années, 
qu'il  employa  à  de  fécondes  études,  s'essayant  dans  tous  les 
genres,  en  composant  des  messes,  des  symphonies,  des  sonates 
et  des  cantates,  parmi  lesquelles  on  remarque  surtout  celle  qui  a. 
pour  litre  II  Re  pastore,  qu'il  écrivit  en  1775,  pour  l'archiduc 
Maximilien. 

Ses  voyages  lui  avaient  rapporté  plus  de  gloire  que  d'argent, 
et  les  économies  qu'il  avait  pu  faire  avaient  été  promptement  ab- 
sorbées par  les  besoins  d'une  famille  composée  du  père,  de  la 
mère,  de  deux  enfants  et  d'une  vieille  grand'mère.  Léopold  Mozart 
ne  recevait  du  prince-archevêque  qu'un  traitement  mensuel  de 
"25  florins  (53  fr.  50  c,  soit  642  fr.  par  an),  et  avait  été  obligé 
de  recommencer  à  donner  des  leçons.  Pressé  par  la  nécessité, 
Wolfgang  se  décida  à  entreprendre  un  second  voyage  en  France, 
comptant  sur  la  faveur  qui  l'y  avait  accueilli  quatorze  ans  aupa- 
ravant, et  le  23  septembre  1777  il  quitta  Salzbourg,  accompagné 
cette  fois  seulement  de  sa  mère.  P.ien  de  plus  touchant  que  les 
adieux  de  ce  père  ouvrant  sa  fenêtre,  après  la  séparation,  pour 
suivre  encore  au  loin  des  yeux  sa  femme  bien-aimée,  qu'il  ne  de- 
vait plus  revoir,  et  donnant  sa  bénédiction  à  son  enfant,  qu'il 
abandonnait  aux  soins  de  la  Providence. 

Les  deux  voyageurs  se  rendent  d'abord  à  Munich.  Mozart  est 
présenté  à  l'électeur;  il  lui  demande  d'entrer  à  son  service, 
offrant  de  composer  quatre  opéras  par  an  et  de  jouer  tous 
les  jours  dans  les  concerts  de  la  cour,  moyennant  un  modique 
traitement  de  500  florins  (1,050  francs  environ).  Le  prince  ré- 
pond à  ceux  qui  s'intéressent  à  l'artiste  :  «  Je  n'ai  rien  à  lui  re- 
fuser; mais  il  est  encore  trop  jeune,  nous  verrons  plus  tard.  » 

A  Augsbourg,  Mozart  est  obligé  de  donner  un  concert  pour 
subvenir  aux  frais  de  son  voyage.  Il  s'arrête  pendant  quelque 
temps  à  Mannheim.  L'électeur  palatin  l'accueille  avec  distinc- 
tion, mais  ne  peut  lui  donner  aucun  emploi  :  il  n'y  avait  pas  de 
place  vacante  à  sa  cour  ;  Cannebich  et  l'abbé  Vogler  les  occu- 
paient. Mozart  se  dirigea  alors  sur  Paris,  où  il  arriva  le  23  mars 
1778.  Son  premier  soin  est  d'aller  voir  le  baron  de  Grimm;  il 
est  présenté  à  Mmo  d'Épinay,  à  Legros,  directeur  du  Concert  spi- 
rituel, à  Noverre,  maître  des  ballets  de  Y  Académie  royale  de  mu- 
sique. Il  espère  dans  les  promesses  qui  lui  sont  faites  ;  mais  bien- 
tôt il  rencontre  partout  les  obstacles  qu'on  oppose  parmi  nous  à 
une  gloire  nouvelle.  Il  attend  vainement  pendant  six  mois  le  li- 
vret d'un  opéra  qu'on  devait  lui  fournir.  Le  directeur  du  Con- 
cert spirituel  ne  daigne  pas  même  faire  copier  les  parties  d'une 
symphonie  concertante  que  Mozart  avait  composée  pour  les  plus 
célèbres  instrumentistes,  et  ne  l'emploie  qu'à  arranger  la  partie 
vocale  du  Miserere  d'Holzbauer.  Sa  mère  enfin  se  félicitait  qu'il 
eût  trouvé  un  élève  qui  lui  payât  trois  louis  pour  douze  leçons. 

Du  fond  de  sa  retraite,  Léopold  Mozart  entretenait  une  active 
correspondance  avec  son  fils,  qu'il  suivait  pas  à  pas  dans  ses  ac- 
tions eu  le  guidant  de  ses  sages  conseils.  Les  lettres  du  fils,  pleines 
de  respect  et  de  tendresse,  révèlent  la  noble  fierté  de  son  caractère 


et  la  conscience  qu'il  avait  déjà  de  son  génie  :  «  Je  suis  composi- 
teur et  fils  de  maître  de  chapelle,  écrivait  le  futur  auteur  de  Don 
Juan,  et  je  ne  consentirai  certainement  pas  à  enfouir  dans  l'en- 
seignement le  talent  que  Dieu  m'a  si  libéralement  départi  pour  la 
composition,  soit  dit  sans  orgueil,  car  je  le  sens  en  moi  plus  que 
jamais.  »  Et  dans  une  autre  lettre  datée  de  Paris  :  «  Ah  !  s'écriait- 
il,  si  au  moins  il  y  avait  ici  quelqu'un  qui  eût  des  oreilles  pour 
entendre  et  un  cœur  pour  sentir!  » 

Toute  l'attention  publique  se  concentrait  à  cette  époque  sur 
les  querelles  des  gluckisles  et  des  piccinistes.  Partout  on  agitait  la 
question  de  savoir  si  la  musique  devait  ou  non  être  l'élément 
prédominant  du  drame  lyrique.  Les  écrivains  prenaient  fait  et 
cause  pour  ou  contre  dans  des  dicussions  bruyantes  ou  confuses, 
dont  le  plus  gand  nombre  ne  comprenaient  pas  la  portée,  et  per- 
sonne ne  se  doutait,  qu'heureusement  pour  l'avenir  de  l'art,  il  y 
avait  alors  dans  un  coin  de  Paris  un  jeune  homme  de  vingt-deux 
ans,  dont  les  œuvres  impérissables  allaient  bientôt  trancher  la 
question  en  réconciliant  les  deux  principes  exclusifs.  Mais  l'àme 
profondément  sensible  de  Mozart  avait  besoin,  pour  s'épanouir, 
d'un  champ  plus  vaste  que  celui  où  la  peinture  des  passions  se 
trouvait  circonscrite  dans  le  cercle  de  la  réalité.  Musicien  de  l'i- 
déal, le  grand  artiste  ne  comprenait  pas  que  les  créations  de  son 
génie  franchissaient  tout  à  coup  un  trop  grand  espace  pour  être 
appréciées  d'une  nation  à  peine  sortie  des  voies  du  mauvais  goût 
et  encore  indécise  sur  la  révolution  opérée  par  Gluck  dans  la 
musique  dramatique.  L'Allemagne  elle-même,  quoique  plus 
avancée,  n'était  pas  mûre  pour  tant  de  nouveautés. 

Au  milieu  des  obstacles  qu'il  rencontrait  de  toutes  parts,  Mo- 
zart eut  le  malheur  de  perdre  sa  mère,  qui  expira  dans  ses  bras, 
le  3  juillet  1778,  après  quelques  jours  de  maladie.  Le  séjour  de 
Paris  lui  devint  dès  lors  insupportable,  et  le  20  septembre  de  la 
même  année  il  quitta  cette  ville  après  avoir  refusé  la  place  d'or- 
ganiste de  la  chapelle  de  Versailles.  Il  passa  par  Lunéville,  s'ar- 
rêta quelques  jours  à  Strasbourg,  où  on  lui  fit  un  accueil  plus  ho- 
norable que  fructueux,  visita  de  nouveau  Mannheim  et  Munich, 
et,  vers  le  milieu  du  mois  de  janvier  1779,  il  était  de  retour  à 
Salzbourg.  Fatigué  d'efforts  infructueux,  il  se  vit  contraint  d'ac- 
cepter la  place  d'organiste  de  la  cour,  que  le  prince-archevêque 
consentit  à  lui  offrir  avec  500  florins  d'appointements,  et  l'année 
suivante  celle  d'organiste  de  la  cathédrale. 

Une  circonstance  vint  heureusement  ranimer  le  courage  abattu 
du  jeune  compositeur  et  témoigner  que  la  renommée  européenne 
dont  il  jouissait  déjà  n'était  encore  que  le  prélude  de  sa  gloire 
future.  Au  commencement  du  mois  de  novembre  1780,  Mozart 
reçut  de  l'électeur  de  Bavière,  Charles-Théodore,  l'invitation  de 
se  rendre  à  Munich  pour  y  écrire  la  musique  d'un  grand  opéra 
destiné  au  théâtre  italien  de  la  cour.  Il  partit  aussitôt  pour  cette 
ville.  Après  s'être  entendu  avec  l'abbé  Varesco,  auteur  du  poëme, 
et  avoir  pris  connaissance  du  personnel  dramatique  dont  il  pou- 
vait disposer,  Mozart  se  mit  immédiatement  à  l'œuvre,  et  le 
29  janvier  suivant,  jour  anniversaire  de  la  naissance  de  l'élec- 
teur, Idomeneo,  re  di  Cret,  opéra  sérieux  en  trois  actes,  fut  re- 
présenté pour  la  première  fois.  Cet  ouvage  n'était  rien  moins 
qu'une  transformation  complète  de  l'art.  Le  caractère  mélodique 
ne  rappelait,  comme  le  fait  observer  M.  Fétis  dans  le  jugement 
éclairé  qu'il  a  porté  sur  cet  opéra,  ni  la  musique  purement  ita- 
lienne, ni  la  musique  allemande,  formée  sous  l'influence  de 
celle-ci  par  Graun,  Hasse  et  Benda,  ni  le  style  français,  ni  la 
modification  de  ce  style  par  Gluck.  Mozart  tirait  tout  de  son 
propre  fonds,  et  créait  une  musique  aussi  nouvelle  par  l'exprès- 


286 


LE  MÉNESTREL. 


sion  et  le  développement  de  l'idée  mélodique  que  par  la  forme 
des  accompagnements  et  la  richesse  des  combinaisons  harmoni- 
ques et  instrumentales.  L'ouverture,  l'air  Padre  gcrniani,  celui 
d'Electre,  au  premier  acte,  celui  d'Ilia,  accompagné  de  quatre 
instruments  obligés,  le  chœur  Placido  è  il  mar,  andiamo,  ceux 
de  Picta,  Numi!  et  Corriamo,  fuggiamo,  tout  révélait  un  génie 
puissant  qui  prend  possession  de  sa  personnalité.  L'apparition 
de  VIdomeneo  fut  le  véritable  événement  de  Mozart  sur  la  scène 
dramatique.  Le  succès  de  cet  opéra  fut  immense. 

Le  jour  de  la  première  représentation,  un  vieillard,  caché  au 
fond  d'une  loge  obscure,  pleurait  à  chaudes  larmes  :  c'était  Léo- 
pold  Mozart  arrivé  la  veille  de  Salzbourg  avec  sa  fille,  et  assis- 
tant enfin  à  la  glorification  de  son  fils  chéri,  qui  avait  été  son  dis- 
ciple et  qu'une  assemblée,  transportée  d'enthousiasme,  saluait  de 
ses  applaudissements.  Mozart  venait  d'atteindre  sa  vingt-cin- 
quième année. 

Après  l'éclatant  succès  de  VIdomeneo,  le  prince-archevêque 
de  Salzbourg,  homme  grossier  et  avare,  qui  jusque-là  avait  mé- 
connu l'artiste  extraordinaire  qu'il  avait  l'honneur  de  posséder 
à  sa  cour,  se  trouva  flatté  d'avoir  à  son  service  le  jeune  composi- 
teur dont  s'entretenait  une  partie  de  l'Allemagne,  et  s'en  fit  sui- 
vre dans  un  voyage  qu'il  fit  h  Vienne  au  mois  de  mars  1781.  Il 
le  logea  dans  son  hôtel,  mais  voulut  le  contraindre  à  manger 
à  l'office  avec  la  basse  domesticité  de  sa  maison.  Mozart,  à  qui  le 
sentiment  de  sa  dignité  d'artiste  n'avait  jamais  failli,  supporta 
d'abord  avec  patience  la  tyrannie  du  prélat,  qui  no  lui  permettait 
pas  même  de  se  faire  entendre  sans  son  autorisation  dans  les 
concerts  où  il  était  souvent  invité.  La  crainte  de  faire  du  tort  à  son 
père  et  de  lui  faire  perdre  la  place  qu'il  occupait  à  Salzbourg  le 
retenait  dans  celle  situation.  Mais  un  beau  jour,  ne  pouvant  plus 
résister  aux  humiliations  dont  il  était  abreuvé,  il  rompit  le  joug 
et  quitta  pour  toujours  le  service  de  l'archevêque. 

Nous  voici  arrivés  à  celte  période  de  la  vie  de  Mozart  où  son 
génie  tendre  et  passionné,  fécondé  par  l'amour,  qui  en  fait  la 
force,  et  triomphant  des  luttes  de  la  misère  et  de  l'envie,  va  s'é- 
lever au  plus  haut  degré  du  sublime. 

Après  s'être  séparé  de  l'archevêque,  Mozart,  libre  désormais 
de  ses  actions,  ne  chercha  pas  de  place,  et  vécut  près  d'une  année 
du  faible  produit  de  son  travail  et  des  leçons  qu'il  donnait. 

L'empereur  Joseph  II  n'aimait  que  l'opéra  bouffe  italien  ;  la 
musique  de  Mozart  était  trop  forte  pour  ses  oreilles.  Cependant,  il 
chargea  le  compositeur  d'écrire  pour  le  théâtre  de  sa  cour  la  par- 
tition d'un  opéra  allemand  intitule  :  Die  Enlfûhrung  aus  dem 
Sérail  (l'Enlèvement  au  sérail).  Ce  charmant  ouvrage  en  deux 
actes,  dont  )e  livret  était  du  poêle  Stephani,  fut  représenté  le 
12  juillet  1782,  et  obtint  bientôt  un  succès  populaire.  L'empe- 
reur, en  adressant  au  musicien  des  éloges  sur  son  œuvre,  ne  put 
s'empêcher  d'y  mettre  une  certaine  restriction  :  «  Bravo,  mon  cher 
Mozart,  lui  dit-il  ;  mais  il  y  a  peut-être  dans  tout  cela  un  peu  trop 
de  notes.  »  —  «  Juste  autant  qu'il  en  faut,  Sire,  »  répondit  l'ar- 
tiste. Mozart  ne  reçut  de  Joseph  II  que  cinquante  ducats  pour  la 
composition  de  cet  opéra. 

Les  circonstances  dans  lesquelles  Mozart  se  trouvait  lorsqu'il 
écrivit  son  opéra  de  l'Enlèvement  au  sérail,  ne  furent  pas  étran- 
gères, sans  doute,  à  l'ardeur  des  sentiments  et  à  l'entrain  éton- 
nant qui  règne  dans  toute  cette  pièce.  Depuis  longtemps  il  aimait 
une  jeune  pianiste,  Conslance  Weber  (1),  dont  il  désirait  faire  la 


(I]  Sœur  cadette  de  la  cantatrice  Aloïse  Weber,  qui  se  fit  entendre  plus 
tard  à  Paris  sous  le  nom  de  11"»  Lange. 


compagne  de  sa  vie.  «  Je  vous  supplie  par  tout  ce  qu'il  y  a  de 
saint.au  monde,  écrivait-il  à  son  père,  de  donner  votre  consente- 
ment 'a  mon  mariage Vous  ne  pouvez  rien  avoir,  et  vous  n'a- 
vez rien  en  effet  à  me  reprocher,  ce  que  me  prouvent  vos  lettres  ; 
car  Conslance  est  une  brave  et  honnête  fille,  née  de  bons  pa- 
rents, et  je  suis  en  état  de  lui  procurer  du  pain.  Nous  nous  ai- 
mons, nous  désirons  être  unis.  Que  resle-t-il  à  objecter?  »  Lco- 
pold  Mozart  aurait  bien  eu  des  objections  à  faire;  mais  c'était 
un  homme  d'autrefois.  Il  pensait  que  s'il  n'est  pas  sage  de  ma- 
rier, comme  on  dit,  la  soif  avec  la  faim,  il  n'est  pas  chrétien  de 
vouloir  être  trop  prévoyant,  et  qu'un  artiste  jeune,  de  talent  cl  d'a- 
venir, a  raison  d'épouser,  même  sans  dot,  la  jeune  fille  qu'il  aime, 
en  se  fianl  à  son  travail  et  à  la  Providence.  Malheureusement,  la 
mère  de  Constance  s'opposait  à  cette  union.  Mozart  enleva  sa 
fiancée,  et  la  conduisit  chez  la  baronne  de  Waldstelten,  où,  lors- 
que toutes  les  difficultés  eurent  été  levées,  la  noce  eut  lieu,  le 
4  août  1782.  Trois  jours  après  la  cérémonie,  Mozart  écrivait  à 
son  père  :  «  Ma  chère  Constance,  désormais,  grâce  à  Dieu,  ma 
véritable  femme,  savait  l'état  de  mes  affaires  et  tout  ce  que  j'ai 
à  attendre  de  vous;  je  lui  en  avais  depuis  parlé  longtemps. 
Mais  son  amitié  et  son  amour  pour  moi  étaient  tels  qu'elle  n'hé- 
sita pas  un  instant  à  sacrifier  tout  son  avenir  à  ma  destinée.  Je 
vous  remercie,  avec  la  plus  vive  tendresse  qu'un  fils  ait  jamais 
éprouvée  pour  son  père,  de  votre  bienveillant  consentement  et 
de  votre  paternelle  bénédiction...  Lorsque  notre  union  fut  pro- 
noncée, ma  femme  et  moi  nous  nous  mîmes  à  fondre  en  lar- 
mes ;  tous,  même  le  prêtre,  partagèrent  l'émotion  de  nos  cœurs. 
La  fête  de  la  noce  consista  en  un  souper  princier,  que  nous  donna 
la  baronne  de  Waldstelten,  et  pendant  lequel  on  me  fit  la  sur- 
prise d'une  musique  de  ma  composition  pour  seize  instruments 
à  vent.  —  Maintenant  plus  que  jamais,  ma  chère  Constance  se 
réjouit  de  partir  pour  Salzbourg,  et  je  parie  que  vous  serez  heu- 
reux de  mon  bonheur  quand  vous  la  connaîtrez,  si  d'ailleurs  à 
vos  yeux  comme  aux  miens  c'est  un  bonheur  pour  un  homme 
d'avoir  une  femme  sensée,  honnête,  vertueuse  et  agréable.  » 

Denne-B.vrox. 

(  La  suite  au  prochain  numéro.) 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  La  clôture  du  Théâtre  royal  italien  de  Covent-G:\rden  était  annoncée 
à  Londres  pour  le  3  août  (hier  samedi).  Mercredi  a  eu  lieu  le  bénéfice  de 
Mme  Grisi,-  qui  ce  soir-là  faisait,  dit-on,  ses  adieux  définitifs  à  la  scène  (?)...; 
à  la  scène  de  Covent-Garden  ,  car  la  célèbre  artiste  s'est  laissé  engager 
dans  les  prov  nces  d'Angleterre  et  fera  sa  tournée  d'automne  sous  les 
auspices  de  W.  Beale,  le  prince  des  entrepreneurs. 

—  Dans  les  salons  de  Londres  on  organise  en  ce  moment  une  société 
par  actions  de  2  livres,  ou  de  50  fr.,  au  capital  de  50,000  livres,  ou  de 
1,230,000  fr.  Cette  entreprise,  qui  compte  parmi  ses  principaux  promo- 
teurs MM.  Balfe,  Wallace,  Barnelt,  Smart,  Cooper,  Weis,  Wilbye,  «  a  pour 
but,  dit  le  prospectus,  d'imprimer  à  l'opéra  anglais  un  progrès  en  rapport 
avec  le  talent  des  artistes  anglais,  les  exigences  du  public  et  la  dignité 
du  pays.  » 

—  Le  directeur  de  la  chapelle  impériale  de  Russie,  M.  Alexis  de  Lvoff, 
ayant  demandé  à  quitler  cette  place  à  cause  de  son  âge  avancé  et  de  ses  in- 
firmités, vient  d'être  remplacé  par  M  Rachmétéff,  conseiller  d'État  et  ama- 
teur de  musique  très-disiingué.  L'Empereur,  désirant  témoigner  sa  bien- 
vi  illance  à  M.  de  LvotT.  qui  a  occupé  ces  fonctions  prés  de  vingt-cinq  ans,  avec 
une  grande  utilité  pour  le  chœur  delà  chapelle  impériale  (dont  la  réputation 
est  européenne),  a  bien  voulu  lui  conserver  ses  titres  honorifiques  de  sé- 
nateur et  de.  maître  delà  cour,  ainsi  que  tous  ses  émoluments.  La  chapelle 
doit  à  M  de  Lvoff  :  1°  la  réunion  et  la  mise  on  harmonie  des  Chants  de 
VÉnls' giecque.  ouvrage  consdérable  qui  forme  treize  grands  volumes; 
2°  l'instruction  musicale  de  trois  cents  élèves  (maîtres  de  chapelle)  pour 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


287 


l'exécution  de  ces  chants  d' église;  3°  la  (crmation  d'un  capital  de  près  de 
50,00i)  rour  les  veuves  et  les  orphelins  des  chantres;  4"  M.  de  Lvoff  a  en- 
richi la  bibliothèque  de  la  chapelle  d'une  cenlaine  de  morceaux  de  musique 
d'église  de  sa  composition. 

—  Les  journaux  allemands  sont  remplis  de  détails  sur  le  festival  de  Nu- 
remberg. L'aflfluence  du  public  était  immense,  non-seulement  dans  la 
salle,  mais  au  dehors,  où  l'on  ne  comptait  guère  mo:ns  de  80,0^0  per- 
sonnes venues  de  tous  les  points  voisins  Les  chants  d'ensemble  de  la  pre- 
mière journée,  notamment  les  chœurs  de  Marschner  et  de  Hiïïer,"  ont  été 
fort  applaudis. — Dans  la  soirée,  le  chant  de  YÉpée,  de  Weber,  a  remporté  les 
honneurs  du  programme.  La  seconde  journée  n'a  pas  été  moins  brillante  : 
on  a  particulièrement  fêté  les  morceaux  de  Storeh,  de  Neeb  et  de  Franc- 
fort. Le  célèbre  poète  Mùller  Von  der  Werra,  qui  avait  conçu  le  projet  de 
cette  grande  solennité  musicale,  propose  de  créer  une  confédération  géné- 
rale de  chant  en  Allemagne  et  de  construire  une  Walhalla  de  chant  au 
centre  du  pnys,  à  Cobourg,  Nuremberg  ou  à  Francfort-sur- Mein. 

—  On  répète  activement  à  Cassel  un  opéra  intitulé  Otton  le  Chasseur, 
musique  de  Karl  Reiss.  La  première  représentation  sera  donnfe  pour 
l'anniversaire  de  la  naissance  de  S.  A.  R.  le  prince  héritier. 

—  Le  célèbre  romancier  allemand,  conseiller  aulique  Hacklaender,  vient 
d'être  nommé  intendant  général  du  théâtre  de  Stuttgart,  en  remplacement 
du  baron  Gall. 

—  Les  journaux  suisses  nous  apprennent  qu'Ant  'ine  Rubinstein  a  été  dé- 
valisé pendant  son  séjour  à  Lucerne.  On  lui  aurait  pris  2,000  roubles  d'ar- 
gent et  sa  montre  d'or.  Rubinstein  qui,  sans  ce  fâcheux  événement,  serait 
resté  plus  longtemps  en  Suisse,  s'est  hâté  de  quitter  les  vallons  hospita- 
liers de  l'Helvétie  pour  se  rendre  à  Ostende,  et  de  là  à  Vienne,  pour  assis- 
ter à  la  représentation  de  son  opéra  qu'il  n'a  pas  encore  entendu. 

—  On  écrit  d'Ems  que  la  première  représentation  du  Brasseur  d'Ams- 
terdam, paroles  de  M.  de  Najac ,  musique  du  maestro  Alary,  aura  lieu 
dans  cette  ville  le  13  de  ce  mois.- — Le  Baron  G onesse,  dont  le  titre  définitif 
sera  le  Café  du  Roi,  paroles  de  M.  Heilhac ,  musique  de  51.  Deffôs,  sera 
représenté  le  17. 

—  Alexandre  Ratta,  après  avoir  été  entendu  à  quatre  reprises  diffé- 
rentes par  LL.  MM.  le  Rni  et  la  Reine  de  Prus-e,  à  Baden,  vient  d'être 
décoré  parle  Roi  Guillaume  Ier,  de  l'ordre  de  l'Aigle  rouge  de  Prusse. 
S.  M. ,  en-remettanl  la  croix  au  célèbre  violoncelliste,  lui  a  exprimé  tout 
le  plaisir  qu'elle  avait  à  décerner  cette  haute  distinction  à  un  artiste  pour 
lequel  elle  éprouve  une  si  grande  sympathie. 

—  Cent-  vingt  six  sociétés  chorales  participeront  au  festival  des  Or- 
phéons, au  mois  de  septembre  prochain. 

—  Aujourd'hui  dimanche,  à  Saint-Eustache,  messe  de  M.  Laurent  de 
Rillé,  chantée  par  la  Société  chorale  du  Conservatoire,  sous  la  direction  de 
MM.  Edouard  Batiste  et  Hurand. 

—  Mme  Damoreau-Wekerlin  s'est  fait  entendre  dimanche  dernier  dans 
les  sidons  de  Mme3  Orfila  et  Mosneron  de  Saint-rreux.  Elle  s'accompa- 
gnait elle-même  avec  celte  supériorité  qu'on  lui  connaît.  L'auditoire  est 
resté  sous  le  charme  toute  la  soirée.  Quel  style,  quel  goût!  On  ne  se  las- 
sait point  d'entendre,  ni  Mme  Wtkerlin  de  chanter.  —  C'est  que  l'école 
Damoreau  a  cela  de  particulier  qu'elle  ne  fatigue  ni  le  chanteur,  ni  l'audi- 
teur. Après  et  avec  Mme  Damoreau-Wekerlin,  la  voix  toujours  splendidè  de 
Levasseur  a  ému  tout  l'auditoire  ainsi  que  celle  de  Ponchard,  qui  a  laissé 
son  vristh  pour  dire  le  trio  do  l'Auberge  de  Bagnère,  le  duo  de  la  Soixan- 
taine et  le  quatuor  de  l'Irato,  avec  Levasseur,  Mrae  Charles  Ponchard  et 
Mme  Peigné  la  fille  de  Mc  Crémieux.  Dans  le  salon  de  Mmo  Orfila,  on  le 
sait,  les  amateurs  partagent  souvent  les  honneurs  des  programmes  avec 
les  artistes.  M.  Canoby  tenait  le  piano  et  nous  a  fait  applaudir  de  l'Haydn, 
du  Lysberg  et  du  Goria. 

—  Lejeudi  23,  dans  une  réunion  intime,  l'éminent  violoniste  Maurin 
exécutait  le  sixième  quatuor  de  M.  C.  Estienne,  qui  lui  est  dédié.  Rien  ne 
peut  donner  l'idée  de  la  précision  du  style  de  M.  Maurin  et  de  l'élégance 
de  son  archet-;  on  doit  aussi  ajouter  qu'il  a  fait  ressortir  toutes  les  nuances 
du  quatuor  de  M.  EsLienne  avec  l'intuition  d'un  grand  artiste,  maître  do 
lui-même  et  de  son  sujtt.  Il  y  a  été  parfaitement  secondé  d'ailleurs  par 
MM.  Mas,  Noirot  et  Lée. 

—  Nous  avons  eu  occasion  d'entendre,  cette  semaine,  vingt-quatre  études 
concertantes  inédites,  composées  par  Camille  Stamaty  pour  le  piano  ,  à 
quatre  mains.  Ces  études,  exécutées  par  l'auteur  et  son  élève,  M"0  Picard, 
elle-même  professeur  de  beaucoup  de  talent,  nous  paraissent  destinées  au 
succès  des  trois  livres  d'études  de  chant  et  de  mécanisme  du  même  maître. 


Les  douze  premières,  écrites  en  vue  des  élèves  peu  avancés,  n'en  sont  pas 
moins  d'une  mélodie  aussi  distinguée  qu'attachante.  Les  dernières  s'a- 
dressent aux  jeunes  pianistes  du  monde,  d'une  certaine  force  déjà,  et  là  le 
mécanisme  joue  son  rôle  le  plus  intéressant.  Les  vingt  quatre  études  sont 
concertantes  dans  l'acception  du  mot,  ce  qui  ajoute  beaucoup  à  leur  mé- 
rite. Celte  intéressante  publication  ne  peut  tarder  à  paraître  ;  elle  sera  la 
bienvenue,  car  les  bonnes  études  à  quatre  mains  n'abondent  pas. 

—  Nantes  et  le  Mans  redemandent  Rertbelicr,  que  les  villes  de  Reims 
et  Sens  viennent  de  rendre  à  Paris.  Le  théâtre  de  Lyon  voudrait  bien 
aussi  avoir  ce  spirituel  coméJien-chanteur,  mais  pour  un  long  mois.  C'est 
là  toute  une  affaire  diplomatique  à  suivre  entre  MM.  Carpier  et  Bcaumont. 

—  On  nous  écrit  de  Perpignan  que  M.  Lomagne  a  réuni  dans  ses  salons 
quelques  artistes  et  amateurs  compétents,  dans  le  but  de  leur  donner  la 
primeur  de  trois  quatuors  pour  instruments  à  cordes,  écrits  par  lui  dans 
la  forme  classique  et  dont  il  compte  offrir  la  dédicace  au  maestro  Rossini. 
Mélodie,  harmonie,  dialogue  et  enchaînement  des  quatre  parties,  tout  a 
plu  dans  cette  première  expérience  qui  fait  le  plus  grand  honneur  à 
M.  Lomagne. 

—  On  nous  écrit  de  Londres  :  «  Une  vente  d'objets  précieux  ayant  ap- 
partenu à  lord  Byron  a  eu  lieu  ces  jours  passés  à  Neivslad-Abbey,  aux 
enchères  publiques.  Outre  les  livres,  les  autographes,  les  bustes  en  mar- 
bre de  personnages  illustres,  les  tableaux,  les  bronzes,  les  porcelaines  de 
Saxe,  les  meubles  en  laque,  plusieurs  lots  de  vins  du  Rhin  de  1818  et 
toute  sorte  d'articles  dont  la  plupart  atteignirent  des  prix  fabuleux,  on 
procéda  aussi  à  la  vente  d'instruments  et  d'albums  de  musique  qui  avaient 
servi  à  l'usage  du  grand  poète.  Il  y  avait  là  des  flûtes,  des  guitares,  des 
clavecins ,  des  harpes,  ainsi  que  des  partitions  dis  meilleurs  opéras  et 
une  collection  de  musique  classique  de  premier  choix  [Standard  Music)  , 
dont  la  vente  réalisa  aussi  des  bénéfices  énormes.  Un  bol  de  punch  doi.t 
s'était  servi  lord  Byron  et  qui  avait  coûté  la  b-igatelle  d'un  shilling 
|i  fr.  23  c),  fut  vendu,  quoique  brisé,  pour  la  somme  de  3  livres  o  shil- 
lings (81  fr.).  Jugez  du  reste.  Antony  Lamotte.  » 

—  Le  Concert  des  Champs-Elysées  continue  à  attirer  une  grande  af- 
fluence  de  visiteurs;  chaque  soirée  que  le  temps  ne  vient  pas  contrarier 
compte  de  trois  à  quatre  mille  personnes ,  qui  n'y  cherchent  pas  moins 
le  contact  de  la  bonne  compagnie  que  l'excellente  musique  qu'on  est  sûr  d'y 
entendre.  M.  de  Besselièvre,  qui  dirige  avec  tant  d'intelligence  et  d'habileté 
cetétablissement,  ne  saurait  trop  faire  connaître  au  public  le  soin  qu'il  a  pris 
de  consigner  à  la  porte  tout  visiteur  dont  la  tenue  et  les  manières  ne  sont 
pas  celles  du  meilleur  monde.  Ce  n'était  pas  cho?e  facile,  certes;  mais  les 
résultats  obtenus  doivent  amplement  récompenser  M.  de  Besselièvre  de  sa 
persistance  et  de  sa  fermeté. 

—  Jeudi  dernier  l'orchestre  Musard  a  fait  entendre  pour  la  première  fois 
à  ses  nombreux  habitués  l'ouverture  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  l'un  des 
chefs-d'œuvre  du  célèbre  maître  Mendelssohn.  Le  même  jour,  M.  Duhem 
a  exécuté  la  valse  Prima-Donna,  dernière  production  de  feu  Jullien,  et  la 
polka  -mazurka  composée  par  Musard  sur  les  motifs  de  Fortunio. 

NÉCROLOGIE. 

M.  Antonin  Riche  ,  deuxième  régisseur  au  théâtre  du  Gymnase,  est 
mort  dimanche  dernier  après  une  maladie  qui  n'a  pas  duré  moins  de 
deux  années.  [Antonin  comptait  parmi  les  célébrités  de  la  banlieue,  au 
temps  des  frères  Sevestre.) 

Sa  mort,  bien  que  prévue,  a  causé  une  véritable  affliction  parmi  ses 
camarades,  qui  tous  l'aimaient  et  l'estimaient.  M.  Montigny  a  prononcé 
sur  la  tombe  qui  allait  se  fermer  un  discours  plein  d'expansion  et  de 
cœur. 

Antonin  Riche  laisse  une  veuve  et  deux  fils,  tous  deux  musiciens  dans 
la  garde  impériale.  Le  cadet,  M.  Edmond  Riche,  est  l'un  des  deux  lauréals 
du  concours  de  cor  qui  a  eu  lieu  lundi  au  Conservatoire.  C'est  sous  le 
coup  de  la  mort  de  son  père  que  ce  jeune  homme  a  dû  se  présenter  au 
concours.  Dans  les  conditions  où.  il  se  trouvait,  l'abstention  ou  l'insuccès 
pouvait  lui  fermer  les  portes  du  Conservatoire.  Il  a  compris  que  ce  n'était 
pas  le  moment  de  manquer  de  courage.  Il  s'est  présenté,  il  a  obtenu 
l'une  des  deux  seules  récompenses  décernées  par  le  jury.  Après  avoir 
achevé  son  morceau  il  a  failli  se  trouver  mal;  ses  forces  étaient  à  bout, 
mais  son  avenir  d'artiste  était  sauvegardé. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  hère 


:  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


ENSEIGNEMENT  DU  CONSERVATOIRE. 


LE 


ÉTUDES  DE  STYLE  ET  DE  MÉCANISME  ,  AVEC  PRÉLUDES  ET  ANNOTATIONS 


A 


PAR 


Op.    99. 

Approuvées  par  MM.  les  Professeurs  et  Membres  du  Comité  des  Études  pour  renseignement  du  Conservatoire  : 

AUBER,  MEYERBEER,  HALÉVY,  AMBROISE  THOMAS,  A.  ADAM,  CARAFA,  REBER,  membres  de  l'Institut; 

BATTON,  LEBORNE,  G.  BOUSQUET,  ALARD,  MASSART,  VOGT,  HENRI  HERZ, 

MARMONTEL,  LE  COUPPEY,  LAURENT,  MME  A.  COCHE; 

EDOUARD  MONNAIS,  Commissaire  impérial;     ALFRED   DE   BEAUCHESNE  ,  Secrétaire. 


!"■    «l'Stll.. 

1.  Rêverie .}r:- 5  » 

2.  Danse  villageoise 5  » 

3.  Mélodie  expressive 5  " 

4.  Idylle 6  » 

5.  Cantilène 6  » 

6.  Marche  Tcherkess 5  » 


8«  SERIE. 

Nos   7.    Élégie S    » 


9.    Rbmanza 5    » 

10.    Toccata 6    » 

il.    Le  Trille 6    » 

12.    Les  Arpèges 7  50 


Chaque  série   complète,    prix  :    S©  fr. 


IX  GRANDES  ÉTUDES  ARTISTIQUES 


D£  STYI.E  ET  HE  MECAWIS 

Op.  63. 
1.    Jour  de  Printemps ,  étude  canlabilc 6    » 


2.  Le  Tournoi ,  étude  bravoure 7  50 

3.  Gondoline,  étude  barcarolle 6    » 

te  recueil  complet 


La  Jeune  garde ,  étude  marziale 7  50 

La  Rêveuse ,  étude  nocturne 7  50 

La  Fuite ,  étude  vélocité 6    » 


-t^cï^^c^cs^- 


MORCEAUX  DE  SALON  ET  DE  CONCERT 


DU  MÊME  AUTEUR 


Op.  49.  Les  Monténégrins,  grande  fantaisie 9  » 

62.  La  Pavane,  air  de  danse  du  xvi°  siècle,  transcrit  et  varié.  7  50 

64.  Final  de  Lucrezia  Borgia,  morceau  de  concert 9  » 

65.  Prima  sera,  rêverie  italienne 7  50 

66.  Allegrezza,  caprice-étude  de  concert 9  » 

67.  Chanson  mauresque • 7  50 


Op.  69.  Sorrente ,  napolitaine 7  50 

—  Barcarola ,  (petit  morceau) 4  50 

82.  Marguerite  au  rouet ,  transcription  de  F.  Schubert 7  50 

84.  Pervenche,  rêverie 5  » 

89.  Mazurka  styrienne 6  » 

—  Les  Adieux  ,  dernière  pensée 9  » 


Paris,  AU  MÉNESTREL,  2  bis,  rue  Vivienne,   IIEUGEE  et  Ce,  éditeurs. 


(  Fournisseurs  du  Conservatoire.  ) 


Vente  et  location  île  Pianos  et  Orgues. 


Grand  Abonnement  de  Musique. 


778.  —  28e  Année. 

N«  3V. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  11  Août 

1861. 


n^,3~5t 


STRE 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL 

Directeur, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'enchef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Aîvienne.  —  HEUGEL  et  C<%  éditeurs. 

(Ahï  Magasins  et  Abonnement  «le  Musique  du  MÉ^CSTnEL.  —  Tente  et  location   <le  Pianos  et  Orgues.) 


CKAI\T. 

I*1  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  20  morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  eu  quinzaine;  s  Albums 
primes  illustres.  —  Un  an  :  15  fr.:  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  ÏO Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Allium.- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


CHANT  ET  i-ha-vo    Bill  "vit*  : 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Alliums-prinics  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  l«r  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1"  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection. Adresser  franco 

un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  m.)  m.I.  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


rue  Jean-Jacques  Ro 


SOMMAIRE.   —  TEXTE. 

I.  Distribution  des  prix  du  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation. 
J.-L.  Heogel.  —  II.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Mozart  et  ses 
œuvres  (3e  article).  Denne-Baron.  —  III.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy,  — 
IV.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piaxo  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

MOSAÏQUE-POLKA  , 

Composée  sur  les  opérettes  de  J.  Offenbach,  par  J.-C.  Engel.  —Suivra 
immédiatement  après  :  Carillon,  polka-mazurka  de  Joseph  Beaga. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

LE   BOJVHOMME   SÉRAPHIN  , 

Paroles  et  musique  de  Gustave  Nadaud.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Un  regard ,  paroles  et  musique  du  même  auteur. 


CONSERVATOIRE  IMPÉRIAL  DE  MUSIQUE 

ET   DE     DÉCLAMATION. 


DISTRIBUTION   DES  PRIX.  —  ANNÉE    1860-1861. 

La  distribution  des  pris  du  Conservatoire  de  musique  et  de 
déclamation,  année  1860-1861,  aura  été  solennelle  dans  toute 
l'acception  du  mot. 

S.  Exe.  le  comte  Walewski,  ministre  d'État,  présidait  en  per- 
sonne, assisté  de  M.  Eugène  Marchand,  conseiller  d'État,  secré- 
taire général  du  ministère,  et  de  M.  Camille  Doucet,  chef  de  la 
division  des  théâtres,  revêtus  de  leurs  costumes  officiels. 

M.  Auber  avait  à  ses  côtés  MM.  Halévy  et  Ambroise  Thomas, 
tous  les  trois  aussi  en  costume  officiel,  celui  de  l'Institut. 

Au  milieu  de  ce  somptueux  état-major,  brillait  le  digne  prési- 
dent du  comité  des  musiques  militaires  de  France,  M.  le  général 
de  division  Mellinet,  en  grand  uniforme.  Puis  se  groupaient 


en  habit  noir  et  cravate  blanche,  le  commissaire  impérial, 
M.  Edouard  Monnais,  M.  Lassabathie,  administrateur,  M.  de 
Beauchesne,  secrétaire,  MM.  les  membres  de  l'Institut  et  profes- 
seurs du  Conservatoire. 

La  séance ,  annoncée  pour  une  heure ,  s'est  ouverte  par  un 
discours  de  M.  le  ministre  d'État,  que  nous  nous  empressons 
de  reproduire  tout  entier.  Ce  discours  remet  en  honneur  les  tra- 
ditions un  instant  méconnues,  l'an  dernier,  à  pareille  époque, 
au  grand  regret  de  tous.  Il  trace  aux  professeurs  comme  aux 
élèves  la  voie  à  suivre,  et  cela  en  des  termes  aussi  simples  qu'éle- 
vés, avec  la  double  autorité  du  bon  goût  et  des  saines  doctrines. 

Aussi  combien  d'applaudissements  ont  accueilli  le  discours  de 
M.  le  ministre  d'État,  qui  ne  s'est  pas  borné  à  témoigner  de  tout 
son  amour  de  l'art  par  sa  présence  et  par  ses  paroles.  S.  Exe.  a 
fait  plus  :  Au  nom  de  l'Empereur,  Elle  a  honoré  la  musique,  le 
Conservatoire  et  le  théâtre  en  la  personne  de  M.  Auber,  élevé  à  la 
dignité  de  grand-officier  de  la  Légion  d'honneur.  Cet  hommage, 
rendu  au  premier  musicien  français  de  notre  temps,  a  été  reçu 
par  des  acclamations  sans  fin  et  sera  salué  de  la  France  entière, 
car  il  n'est  pas  de  village  sur  le  sol  français  où  la  musique  d' Auber 
ne  se  soit  infiltrée  en  passant  des  théâtres  les  plus  élevés  aux 
scènes  les  plus  infimes. 

Cet  éclatant  témoignage  de  sympathie,  donné  aux  arts-,  fait  le 
plus  grand  honneur  au  gouvernement  de  l'Empereur.  C'est  la 
première  fois,  en  France,  qu'un  musicien  aura  été  élevé  à  la  di- 
gnité de  grand-officier.  Jusqu'ici,  sous  le  rapport  honorifique,  nous 
nous  étions  montré  quelque  peu  sobre  à  l'endroit  de  la  musique 
et  des  musiciens  infiniment  mieux  traités  à  l'étranger  ;  —  l'Angle- 
terre exceptée,  pays  industriel  et  manufacturier  avant  tout. 

Mais  voilà  un  premier  pas  de  fait  qui  ne  sera  pas  sans  lende- 
main. Cette  haute  initiative  honore  h  la  fois  et  le  digne  ministre 
des  beaux-arts  auquel  on  la  doit,  et  l'illustre  compositeur  qui 
en  est  l'objet.  Cet  illustre  compositeur  le  disait  lui-même  de  la 
manière  la  plus  simple  et  la  plus  modeste,  en  réponse  aux  nom- 


290 


LE  MÉNESTREL. 


breuses  félicitations  qui  lui  étaient  adressées  :  «  C'est  la  musique, 
messieurs,  qu'on  vient  d'honorer,  et  c'est  à  ce  titre  que  je  m'en 
félicite  avec  vous.  » 

Ce  n'est  pas  tout  :  le  Conservatoire  possède  en  son  sein  des 
serviteurs  dévoués,  intègres,  qui  font  depuis  un  demi-siècle  ce 
que  l'on  appelle  de  l'administration  de  famille  dans  les  condi- 
tions patriarcales  d'un  budget  qui  date  de  l'âge  d'or,  bien  avant 
la  découverte  de  la  moderne  Californie.  Or,  ces  modestes  fonc- 
tionnaires étaient  oubliés,  n'ayant  pour  toute  récompense  que  la 
satisfaction  du  devoir  rempli.  L'un  d'eux,  M.  Alfred  de  Beau- 
cbesne,  vient  d'être  nommé,  dans  cette  même  séance,  chevalier 
de  l'ordre  de  la  Légion  d'honneur.  L'assemblée  entière  ne  pou- 
vait manquer  d'applaudir  à  une  distinction  si  bien  placée,  tout 
en  appelant  de  ses  vœux  le  même  honneur  pour  M.  Réty,  qui 
ne  compte  pas  moins  de  cinquante-quatre  années  de  bons  et 
loyaux  services  au  Conservatoire ,  accomplis  avec  l'austérité  et 
la  persévérance  d'un  bénédictin. 

Mais  faisons  place  au  discours  officiel,  que  tous  les  journaux 
d'art  doivent  s'empresser  de  consigner  dans  leur  colonnes. 

«  Messieurs, 

«  En  venant  présider  cette  solennité,  le  premier  sentiment 
que  j'éprouve  est  le  besoin  de  remercier  les  professeurs  émi- 
nents  dont  je  suis  entouré,  et  par-dessus  tout  l'illustre  directeur 
du  Conservatoire,  cette  gloire  de  la  musique  française,  ce  gra- 
cieux esprit  qui  ne  compte  avec  les  années  que  par  le  nombre 
de  ses  succès,  ce  charmant  octogénaire  qui  n'aura  jamais  été  un 
vieillard,  et  dont  le  dernier  chef-d'œuvre,  la  Circassienne,  est 
encore  une  œuvre  de  jeunesse. 

«  L'Empereur,  messieurs,  qui  sait  élever  la  récompense  à  la 
hauteur  du  mérite,  a  voulu  distinguer,  par  un  témoignage  écla- 
tant de  sa  haute  bienveillance,  une  illustration  aussi  sympa- 
thique et  aussi  populaire.  Sa  Majesté  a  daigné  nommer  M.  Au- 
ber  grand  officier  de  son  ordre  impérial  de  la  Légion  d'hon- 
neur, de  cet  ordre  qui,  dans  la  pensée  de  son  immortel  fonda- 
teur, a  été  institué  pour  récompenser  tous  les  genres  de  mérite. 
Je  m'estime  heureux  d'être  l'intermédiaire  d'une  faveur  si  bien 
justifiée.  » 

(Le  ministre  remet  à  M.  Auber  les  insignes  de  grand  officier 
au  milieu  des  plus  vives  acclamations  et  de  nombreuses  salves 
d'applaudissements). 

«  Je  remercie  tous  les  professeurs  du  zèle  éclairé  qu'ils  dé- 
ploient dans  l'accomplissement  de  leur  tâche  ;  je  les  remercie  de 
tant  de  talents  divers  formés  par  leurs  soins. 

«  Oui,  le  Conservatoire  a  droit  d'être  fier  des  résultats  qu'il  a 
obtenus  dans  tous  les  genres.  . .  Nous  dénigrons  volontiers  ce 
qui  nous  appartient  :  c'est  en  quelque  sorte  la  coquetterie  de 
notre  hospitalité;  mais,  en  présence  de  certaines  critiques  mal 
fondées,  quoique  inspirées  par  un  sentiment  très-louable,  il  faut 
avoir  le  courage  de  reconnaître  ce  qui  est  bien  et  de  le  procla- 
mer hautement. 

«  Les  fonctions  diplomatiques  que  j'ai  eu  l'honneur  de  rem- 
plir m'ont  fourni  l'occasion  de  visiter  presque  toutes  les  capitales 
de  l'Europe,  et  je  n'hésite  pas  à  affirmer  que  dans  aucun  pays 
du  monde  l'État  ne  prête  aux  arts  un  concours  plus  généreux  et 
plus  efficace.  Je  me  félicite,  pour  ma  part,  d'avoir  pu  enrichir 
le  Conservatoire  d'une  précieuse  collection,  celle  des  instruments 
de  toutes  les  époques,  réunie  par  les  soins  de  M.  Clapisson;  cette 
collection  prendra  place  utilement  dans  la  bibliothèque,  qui  sera 
complètement  terminée  avant  la  fin  de  l'année. 


«  Nul  autre  établissement  en  Europe  ne  rivalise  avec  le  Con- 
servatoire de  Paris  pour  l'ensemble  et  l'organisation  complète 
des  études,  pour  l'unité  d'enseignement  et  do  méthode;  enfin, 
pour  cette  émulation  générale  qui  a  produit  410  élèves  jugés 
dignes  d'être  admis  au  concours  de  cette  année.  Remarquons,  au 
surplus,  avec  satisfaction,  que  nous  sommes  en  progrès,  car 
jamais  un  chiffre  aussi  élevé  n'avait  été  atteint. 

«  Celte  salle  même  où  nous  sommes  réunis  aujourd'hui,  la 
plus  modeste  et  en  même  temps  la  plus  illustre  salle  de  concerts 
que  connaisse  le  monde  musical,  celle  où  un  orchestre  sans  rival 
a  réalisé  la  merveille  de  l'exécution  accomplie,  témoigne  bien  élo- 
quemment  en  faveur  de  la  prééminence  du  Conservatoire  de  Paris. 

«  Je  ne  voudrais  pas  cependant  forcer  la  mesure,  et,  dans  le 
dessein  d'être  équitable,  manquer  de  justice  envers  les  autres  : 
l'Italie  est  restée  la  reine  du  chant;  la  nature  a  tout  donné  à  ses 
enfants  pour  en  faire  une  race  mélodieuse.  La  voix  de  ses  chan- 
teurs a  la  limpidité  de  l'air  natal  ;  la  langue  même  qu'ils  ont 
apprise  dès  le  berceau  a  été  leur  première  leçon  de  mélodie. 
Mais,  enfin,  si  l'Italie  nous  a  longtemps  prêté,  si  elle  nous  prête 
encore  d'admirables  chanteurs,  n'avons-nous  pas  fini  par  lui 
rendre  un  peu  de  ce  que  nous  lui  empruntons?  Le  Conservatoire 
de  Paris  a  fourni  a  ses  théâtres  bien  des  artistes  de  premier 
ordre  ;  qu'elle  nous  laisse  retrouver  leurs  vrais  noms  sous  la  tra- 
duction qui  les  déguise,  et  vous  verrez  que  l'école  française  peut 
réclamer  une  certaine  part  dans  la  fortune  du  chant  italien. 

«  La  symphonie  est  allemande  :  rêverie  et  science  profonde, 
l'Allemagne  y  a  mis  son  génie  tout  entier,  et  ce  n'est  pas  en  vain 
qu'elle  a  produit  Haydn  et  Mozart,  Weber  et  Beethoven;  — 
mais  ce  n'est  pas  non  plus  en  vain  que  la  France  a  compris  et 
interprété  avec  une  intelligence  supérieure  ces  grands  poètes  de 
la  musique  instrumentale  ;  nos  compositeurs  ont  su  combiner  les 
voix  mystérieuses  de  la  symphonie  avec  l'expression  brillante  et 
perfectionnée  du  chant  pour  en  faire  l'opéra  français  moderne, 
dont  un  esprit  véritablement  créateur,  Eugène  Scribe,  a  esquissé 
le  cadre. —  C'est  à  cette  création  toute  nationale  que  doit 'être 
vouée  exclusivement  notre  première  scène  lyrique,  de  même  que 
le  Théâtre-Français,  gardien  des  traditions,  véritable  école  du 
goût,  doit  naturellement  se  consacrer  aux  chefs-d'œuvre  de 
notre  littérature,  soit  à  ceux  de  l'ancien  répertoire,  soit  aux 
productions  sérieuses  des  auteurs  contemporains.  —  En  combi- 
nant leur  travail  si  délicat  avec  le  mouvement  et  la  rapidité  de  la 
comédie  d'intrigue,  les  créateurs  de  l'opéra  français  moderne 
ont  fait  l'opéra- comique  nouveau,  ce  mélange  heureux  de 
science  déguisée  à  dessein,  de  distinction  et  de  grâce,  dont  les 
chefs-d'œuvre  sont  entrés  même  dans  le  répertoire  de  l'Aile-  ■ 
magne  classique. 

«  Puisque  j'ai  prononcé  le  nom  d'Eugène  Scribe,  qu'il  me 
soit  permis  d'exprimer  le  sentiment  de  profonde  tristesse  que 
j'éprouve  de  ne  pas  le  voir  siéger  aujourd'hui  à  côté  de  son  il- 
lustre collaborateur.  Vous  partagez  tous,  messieurs,  j'en  suis 
certain,  cette  pénible  impression  :  depuis  vingt  ans  il  était  mem- 
bre du  comité  des  éludes  dramatiques,  et  là  aussi  il  a  laissé  un 
vide  à  combler.  Le  Conservatoire  a  le  droit  de  prendre  sa  part  du 
deuil  profond  dans  lequel  la  perte  de  cet  esprit  si  fécond,  si  bril- 
lant, a  plongé  l'art  dramatique  dans  le  monde  entier  ;  car  on 
ne  saurait  contester  que  l'art  français  (tragédie,  comédie  ou 
opéra,  drame  ou  opéra-comique)  est,  pour  ainsi  dire,  en  pos- 
session du  théâtre  universel.  C'est  à  vous,  messieurs,  qu'il  appar- 
tient de  conserver  ces  conquêtes  qui,  depuis  Louis  XIV,  ne  sont 
jamais  sorties  des  mains  de  France. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


291 


«  Et  pour  cela,  éludiez,  travaillez  sans  cesse  !  Si  une  ardeur 
impatiente  murmurait  à  vos  oreilles  :  «  L'imagination  vaut  mieux 
que  la  règle;  —  l'inspiration  trouve  tout  ce  qu'il  faut  dans  une 
soudaine  intuition,  et  le  génie  n'a  pas  besoin  de  la  tradition,  » 
repoussez  ces  fausses  théories  :  l'imagination  s'égare  et  ne  va  pas 
loin  sans  la  règle  qui  la  dirige; — l'inspiration  a  quelquefois 
rencontré  le  sublime,  mais  elle  est  capricieuse  et  ne  vient  qu'à 
l'heure  qui  lui  plaît.  Quant  au  génie. . .  le  don  est  rare. . .  Nous 
l'avons  vu  cependant  :  au  commencement  du  siècle  il  s'est  ap- 
pelé Talma,  il  s'est  appelé  Malibran  et  Mars  ;  de  nos  jours  en- 
core, il  s'appelait  MUe  Rachel.  Moins  superbe  et  moins  dédai- 
gneux qu'on  ne  le  suppose,  il  n'attendait  pas  tout  de  lui-même; 
il  regardait  la  tradition  comme  son  héritage  naturel  et  ne  répu- 
diait pas  ce  trésor  d'expérience  acquise,  celte  succession  riche  de 
taDt  d'études,  de  tant  de  souvenirs,  qu'il  devait  léguer  à  son 
tour  plus  riche  de  ses  propres  études  et  de  ses  propres  souve- 
nirs. Toujours  préoccupé  de  son  art,  cherchant  le  mieux,  allant 
au-devant  des  conseils,  il  semblait  s'ignorer  et  ne  pas  croire 
qu'il  fût  le  génie;  mais  il  savait  que  le  goût  est  le  génie  même 
de  la  France. 

«  Le  goût,  messieurs,  j'en  ai  parlé  dans  une  autre  enceinte, 
et  vous  ne  serez  pas  surpris  que  j'en  parle  encore  avec  vous;  le 
goût  était  l'instinct,  la  nature  et  le  besoin  de  ces  grands  artis- 
tes. Il  réglait  sans  effort  leurs  gestes,  leur  démarche  et  toute 
leur  attitude.  —  Quelle  dignité!  quelle  élégance!  quelle  conve- 
nance! je  ne  dis  pas  seulement  dans  la  comédie  délicate  et  en- 
jouée, mais  jusque  dans  les  mouvements  les  plus  hardis  de  la 
passion  tragique!  quelle  grâce  mêlée  à  la  terreur!  quelle  me- 
sure dans  la  force  !  quelle  force  dans  la  mesure  !  Et  cette  me- 
sure, se  trouvant  en  harmonie  avec  le  sentiment  du  public,  élevé 
par  l'art  pur  devenait  la  commune  intelligence  de  l'artiste  et  du 
parterre,  la  condition  indispensable  du  succès,  la  base,  enfin,  de 
ces  grandes  renommées  dont  notre  pays  se  glorifie. 

«  Et  cela  est  si  vrai  que  quand  leur  public  habituel  manquait 
à  ces  grands  talents,  ils  sentaient  aussi  que  la  mesure  leur  échap- 
pait. En  vain,  dans  leurs  excursions  triomphales,  essayaient-ils 
de  résister  aux  applaudissements  qui  les  entraînaient  par-delà  le 
but;  l'enthousiasme  du  parterre  ne  les  laissait  plus  maîtres 
d'eux-mêmes  ;  ils  cédaient,  et  la  limite  était  dépassée.  Plus  ad- 
mirés, plus  applaudis ,  ils  étaient  moins  satisfaits.  Ils  avaient 
besoin  de  revenir  ici  pour  se  retrouver,  pour  recevoir  en  quelque 
sorte  la  leçon  du  silence...  pour  être  moins  applaudis,  mais 
mieux  jugés. 

«  Je  me  résume  :  l'étude,  —  la  tradition,  la  mesure.  —  Ne 
perdez  pas  de  vue  surtout  que,  si  l'art  est  un  plaisir,  un  charme, 
et  le  premier  de  tous  pour  le  public  qu'il  enchante,  il  est  pour 
l'artiste  un  effort  persévérant,  un  travail,  souvent  même  une 
douleur...  Aussi,  à  toutes  les  vocations  incertaines  qui  se 
portent  vers  l'art  comme  vers  un  plaisir,  je  dirai  :  «  Arrêtez- 
vous  . . .  choisissez  une  autre  carrière . . .  vous  vous  êtes  trom- 
pés. . .  »  Mais  à  ceux  qui,  doués  de  la  nature,  sont  animés  du 
feu  sacré,  je  dirai  :  «  Persévérez  avec  courage;  ne  craignez  pas 
le  labeur,  car  il  vous  offre  en  perspective  la  fortune  et  la  gloire.  » 


Après  les  émotions  du  discours  officiel  sont  venues  celles  des 
récompenses  accordées  aux  élèves.  Les  diplômes  ont  été  succes- 
sivement délivrés  par  S.  Exe.  le  Ministre  d'État  en  personne, 
avec  quelques  mots  de  félicitation  à  l'adresse  des  premiers  prix. 
Les  jeunes  gens  étaient  d'abord  appelés,  puis  les  jeunes  filles. 


On  a  remarqué  des  enfants  escomptant  les  premières  couronnes 
pendant  que  des  adultes  se  disputaient  de  laborieux  accessits. 
C'est  que  l'intelligence  précoce  défie  comme  à  plaisir  le  solennel 
calendrier.  Mais  celui-ci  laisse  passer  paisiblement  les  petits  pro- 
diges qui,  pour  arriver  les  premiers,  n'en  sont  que  plus  sou- 
vent les  derniers  au  jour  de  la  vraie  maturité. 

Les  diplômes  remis  aux  élèves  ,  la  séance  a  été  suspendue 
pour  livrer  le  théâtre  aux  exercices  de  musique  vocale  et  instru- 
mentale qui  couronnent  chaque  année  la  distribution  des  prix. 

Le  programme  se  composait,  cette  fois  :  1°  d'un  fragment  de 
concerto  de  Kreutzer  ,  littéralement  enlevé  par  l'archet  de 
M.  Willaume,  premier  prix  de  la  classe  Massart;  2°  d'un  air 
du  Trouvère ,  très-purement  chanté  par  M.  Caron ,  premier 
prix  de  la  classe  Laget  ;  3°  d'un  fragment  de  concerto  de  Chopin, 
rendu  avec  sentiment  par  Mlle  Lechesne ,  premier  prix  de  la 
classe  Le  Couppey.  Voilà  pour  la  première  partie  du  programme. 
Les  autres  lauréats  des  classes  instrumentales  ont  dû  se  con- 
tentsr  de  paraître  en  tout  ou  partie  dans  l'orchestre  dirigé 
par  M.  Pasdeloup,  et  qui  accompagne  chaque  année  les  scènes 
lyriques  de  la  séance. 

Ces  scènes  lyriques  étaient  celles  de  la  Part  du  Diable  ,  des 
Huguenots  et  du  Caïd.  La  première  faisait  applaudir  MUeCico, 
trois  fois  nommée  comme  premier  prix  de  chant,  d'opéra-co- 
mique et  d'opéra.  Le  rôle  de  Carlo  lui  sied  à  ravir,  et  M.  Ca- 
poul,  appelé  deux  fois  comme  premier  et  second  prix  d'opéra- 
comique  et  d'opéra,  a  partagé  le  succès  de  Carlo  dans  le  per- 
sonnage de  Raphaël. 

La  seconde  scène  lyrique,  le  quatrième  acte  des  Huguenots, 
a  produit  sous  les  traits  expressifs  de  M"e  Roses,  une  Valentine 
qui  promet  de  chanter  juste  un  jour,  et  en  M.  Morère  un  Raoul 
qui  tient  déjà  beaucoup,  —  trop  même  parfois.  M.  Morère 
a  été  rappelé  avec  insistance,  et  c'était  justice. 

La  troisième  scène  enfin  ,  celle  du  Caïd,  couronnait  le  pro- 
gramme et  personne  ne  s'est  levé  avant  la  dernière  note.  Il  est 
vrai  que  MUe  Balbi  y  avait  obtenu  un  très-grand  succès  au 
concours,  et  que  chacun  voulait  entendre  et  revoir  la  nouvelle 
Virginie  qui  a  autant  de  grâce  que  de  naturel,  au  double  point 
de  vue  du  jeu  et  du  chant.  Puis  M.  Gourdin  représentait  le  tam- 
bour-major Michel ,  et  M.  Capoul  l'amoureux  Biroteau,  l'un 
avec  la  légitime  assurance  d'un  premier  prix  de  l'an  dernier, 
qui  a  fait  consacrer  son  diplôme  par  les  bravos  du  public  de 
la  salle  Favart  ;  l'autre  avec  cette  aisance  de  l'élève  fait  ar- 
tiste, qui  semble  dire  :  «  Voyez  en  moi  un  pensionnaire  de 
l'Opéra-Comique  disputé  par  le  Grand-Opéra.  »  Nous  ajouterons 
que  l'Académie  impériale  de  Musique  a  rendu  le  service  à 
M.  Capoul  de  le  laisser  à  la  scène  secondaire  pour  laquelle  sa 
voix  et  sa  personne  ont  été,  créées  et  mises  au  monde  lyrique. 

Ces  trois  fragments  de  musique  dramatique  étaient  précédés 
de  scènes  empruntées  au  premier  acte  des  Femmes  savantes, 
avec  Mlles  Roussel,  Dambricourt  et  M.  Laroche,  pour  Armande, 
Henriette  et  Clitandre.  Elles  ont  causé  une  très-agréable  diver- 
sion qu'un  peu  de  tragédie  aurait  complétée;  mais  le  soleil  d'août 
commandait  un  programme  tempéré  qui  pût  s'effectuer  en 
moins  de  deux  heures. 

Ce  difficile  problème  a  été  résolu,  et  l'on  peut  dire  qu'à  tous 
égards  celte  solennité  de  distribution  de  prix  du  Conservatoire  a 
été  courte  et  bonne. 

L'année  1861  marquera  dans  les  annales  de  la  rue  Rergère. 
J.-L.  Heugel. 


292 


LE  MENESTREL. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


MOZART 


JEAN-CHItYSOSTOME-WOLFGANG-AMEDEE 


III. 


Dans  sa  nouvelle  situation,  Mozart  redoubla  d'énergie.  Oc- 
cupé dans  la  matinée  à  donner  des  leçons,  presque  toutes  ses 
soirées  étaient  prises  par  les  concerts.  Dévoré  par  une  prodi- 
gieuse activité  d'esprit,  il  trouvait  encore  le  temps  de  composer 
toute  sorte  de  musique,  et  jusqu'à  des  contredanses  et  des  valses 
pour  les  bals  publics.  C'est  a  partir  de  cette  époque  qu'il  écrivit  ses 
plus  belles  œuvres  instrumentales,  entre  autres  les  six  quatuors 
pour  deux  violons,  alto  et  basse,  qu'il  dédia  à  Haydn,  précédés 
d'une  épître  remplie  d'admiration  et  de  respect  filial  pour  le  père 
de  la  symphonie.  Il  travaillait  au  second  de  ces  quatuors  lorsque 
sa  femme  était  en  couches  de  son  premier  enfant.  Il  restait  dans 
la  chambre  de  la  jeune  more,  et  chaque  fois  qu'elle  se  plaignait  il 
courait  à  son  chevet  pour  la  consoler  et  l'égayer,  et  regagnait  sa 
table  dès  qu'il  la  voyait  tranquille.  L'heureux  caractère  de  Mo- 
zart, sa  confiance  en  lui-même  lui  faisaient  surmonter  toutes  les 
difficultés.  Cependant,  le  produit  de  son  travail  était  loin  de  suffire 
aux  besoins  de  son  ménage.  11  désirait  ardemment  pouvoir  con- 
duire sa  femme  à  Salzbourg  pour  la  présenter  à  son  vieux  père  ; . 
mais  il  avait  été  obligé,  faute  d'argent,  de  reculer  ce  voyage.  En- 
fin, dans  les  derniers  jours  du  mois  d'août  1783,  il  se  décida.  Au 
moment  de  monter  en  voiture,  il  fut  arrêté  par  un  créancier, 
qui  exigea  impérieusement  le  payement  de  trente  florins  (60  francs 
environ)  que  l'artiste  lui  devait. 

Après  un  séjour  de  près  de  trois  mois  à  Salzbourg,  Mozart  re- 
vint a  Vienne.  Ces  trois  mois  n'avaient  pas  été  perdus  pour  l'art, 
puisque  pendant  ce  temps  il  avait  produit  son  Davidde  pénitente, 
oratorio  qui  renferme  des  beautés  du  premier  ordre,  et  deux 
duos  pour  violon  et  alto,  qu'il  composa  sous  le  nom  de  Michel 
Haydn,  frère  du  grand  Haydn.  Michel  Haydn  étant  malade  et  ne 
pouvant  remplir  un  engagement  pris  envers  l'archevêque  de  Salz- 
bourg, au  service  duquel  il  était  attaché,  se  trouvait  menacé 
d'être  privé  de  son  traitement.  Mozart  vint  a  son  secours  et  sa 
bonne  œuvre  fut  un  chef-d'œuvre. 

Plein  de  courage  et  de  foi  dans  l'avenir,  Mozart  reprit  le  cours 
de  ses  travaux.  Les  applaudissements  qu'il  recueillait  dans  les 
concerts  et  surtout  l'approbation  des  maîtres  de  l'art  devaient  le 
consoler  des  intrigues  de  ses  rivaux,  qui  cherchaient  à  amoindrir 
sa  gloire  :  «  Sur  mon  honneur  et  devant  Dieu,  répondait  Haydn 
à  Léopold  Mozart,  qui,  étant  venu  à  Vienne  en  1785,  demandait 
à  ce  grand  musicien  de  lui  dire  avec  sincérité  ce  qu'il  pensait  du 
mérite  de  son  fils,  je  liens  votre  fils  pour  le  premier  des  compo- 
siteurs de  nos  jours.  »  L'empereur  Joseph  II,  qui  aimait  la  per- 
sonne de  Mozart  autant  qu'il  estimait  son  talent,  chargea  le  com- 
positeur d'écrire  la  musique  d'un  petit  opéra-comique  en  un  acte, 
intitulé  :  Der  Schauspiel  director  (le  Directeur  de  spectacle),  qui 
fut  joué,  au  mois  de  février  1786,  au  palais  de  Schœnbrunn. 
Bientôt  après  avois  donné  cette  bluelte,  Mozart  reparut  sur  la 
scène  lyrique  avec  Le  Nozze  di  Figaro,  opéra-bouffe  en  quatre 
actes.  Rien  de  ce  qu'on  avait  entendu  jusqu'alors  ne  pouvait 
donner  l'idée  de  cette  partition  colossale  par  l'abondance  des 
airs,  des  duos,  et  par  la  grandeur  et  le  développement  des  mor- 
ceaux d'ensemble  de  caractères  différents.  Le  charme  et  la  nou- 


veauté des  mélodies,  la  richesse  et  la  variété  des  accompagne- 
ments, tout  concourait  à  la  perfection  do  l'œuvre  qui  allait  faire 
époque  dans  la  vie  de  l'artiste  comme  dans  l'histoire  de  la  musique 
dramatique.  Une  cabale  formidable,  montée  par  les  compositeurs 
et  les  virtuoses  italiens,  faillit  arrêter  les  répétitions  de  l'ouvrage, 
et  il  ne  fallut  rien  moins  qu'un  ordre  de  l'empereur  pour  qu'au 
mois  de  mai  1786  Le  Nozze  di  Figaro  fussent  représentées  sur 
le  théâtre  italien  de  la  cour,  où,  malgré  l'opposition  de  ses  ad- 
versaires, Mozort  obtint  un  nouveau  triomphe.  Le  succès  de  cette 
admirable  partition  fut  général  en  Allemagne  dès  son  appa- 
rition . 

Au  mois  de  février  1787,  Mozart  se  rendit  àPrague,  et  y  jouit 
en  personne  de  l'enthousiasme  qu'excitait  son  dernier  ouvrage, 
interprété  sur  le  théâtre  de  celte  ville  par  une  excellente  troupe 
de  virtuoses  italiens,  dirigée  par  un  nommé  Bondini.  A  son  en- 
trée dans  la  salle  de  spectacle,  le  célèbre  artiste  fut  salué  par  de 
bruyantes  acclamations,  qui  se  renouvelèrent  chaque  fois  qu'il 
assista  à  une  représentation.  Ému  d'un  pareil  accueil  et  voulant 
témoigner  sa  reconnaissance  aux  habitants  de  Prague  en  com- 
posant un  opéra  tout  exprès  pour  eux,  il  promit  à  Bondini  de 
revenir  l'hiver  suivant  et  d'écrire  une  partition  pour  sa  troupe. 

A  son  retour  à  Vienne,  Mozart,  préoccupé  de  l'engagement 
qu'il  venait  de  contracter,  en  parla  au  poète  italien  Lorenzo  da 
Ponte.  Celui-ci  avait  déjà  jeté  sur  le  papier  le  plan  d'un  librelto, 
ayant  pour  sujet  Don  Juan,  dont  il  avait  puisé  les  éléments  dans 
Tirso  de  Molina  et  dans  Molière  ;  il  le  montra  à  Mozart,  qui 
l'accepta.  Lorenzo  da  Ponte  se  mit  aussitôt  à  l'ouvrage,  et,  à  me- 
sure qu'il  terminait  une  scène,  il  la  communiquait  au  composi- 
teur, dont  il  recevait  les  conseils  avec  beaucoup  de  déférence.  Au 
moment  où  Mozart  se  disposait  à  écrire  la  musique  de  Don  Juan, 
il  eut  le  malheur  de  perdre  son  père.  Frappé  dans  la  plus  chère 
de  ses  affections,  il  se  sentit  défaillir.  Il  avait  alors  trente  et  un 
ans,  et  déjà  le  pressentiment  de  sa  fin  prochaine  envahissait  son 
âme.  Une  voix  semblait  lui  dire  :  «  Hâle-toi  d'accomplir  ton 
œuvre,  il  est  temps.  »  —  «  La  mort,  quand  on  y  réfléchit,  écri- 
vait-il dans  une  de  ses  lettres,  paraît  être  le  véritable  but  de  la 
vie.  Je  me  suis  tellement  familiarisé  avec  cette  idée,  qu'elle  n'a 
rien  d'effrayant  pour  moi,  et  que  je  me  couche  sans  penser  que 
le  lendemain  je  puis  ne  pas  me  réveiller.  »  Mais  une  douce  tris- 
tesse voilait  le  regard  de  l'artiste  et  annonçait  le  regret  de  quitter 
la  vie  dans  la  force  de  l'âge  et  du  talent.  Ce  fut  clans  ces  dispo- 
sitions d'esprit  que  Mozart,  accompagné  de  sa  femme,  partit  pour 
Prague,  emportant  le  librelto  de  son  opéra,  dont  il  avait  seule- 
ment esquissé  quelques  morceaux. 

Dès  son  arrivée  dans  celte  ville ,  son  ami  Dussek  s'empressa 
de  lui  offrir  un  logement  dans  sa  maison.  C'est  là  que  Mozart, 
puisant  ses  plus  heureuses  inspirations  au  milieu  des  heures  pai- 
sibles de  la  nuit,  composa  la  musique  de  ce  drame  terrible,  où 
tous  les  sentiments  du  cœur  humain  se  trouvent  exprimés  avec 
une  variété  incessante  qui  fait  succéder  l'image  la  plus  riante  au 
tableau  le  plus  sombre;  et,  chose  inouïe,  le  mois  d'octobre  1787 
lui  suffit  pour  écrire  celle  immense  partition,  création  originale 
du  genre  de  musique  que  depuis  lors  on  a  appelé  romantique. 
On  commença  aussitôt  les  répétitions  de  l'ouvrage,  qui  fut  repré- 
senté dans  la  même  année  sous  le  titre  de  :  Il  dissoluto  punito, 
ossia  don  Giovanni.  La  rapidité  avec  laquelle  l'ouverture  fut 
écrite  témoigne  de  la  prodigieuse  facilité  du  compositeur.  La 
veille  de  là  première  représentation,  cette  admirable  préface  de 
son  œuvre  n'était  encore,  dit-on,  que  dans  son  imagination  ;  rien 
n'existait  sur  le  papier.  Après  avoir  passé  gaiement  la  soirée  avec 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


293 


quelques  amis,  Mozart  se  mit  au  travail  à  deux  heures  du  malin, 
ayant  à  ses  côtés  sa  femme,  qui  lui  avait  préparé  un  grand  verre  de 
punch.  Les  copistes  avaient  été  prévenus,  et  le  lendemain  à  sept 
heures  du  soir,  un  peu  avant  le  lever  du  rideau,  les  feuilles  en- 
core humides  étaient  placées  sur  les  pupitres  de  l'orchestre.  Quoi- 
qu'on n'ait  pas  eu  le  temps  de  répéter  ce  morceau,  les  musiciens, 
dirigés  par  Strohbacli,  leur  habile  chef,  l'exécutèrent  avec  tant 
de  chaleur  et  de  précision  que  l'auditoire  put  à  peine  contenir 
jusqu'à  la  fin  les  transports  de  son  enthousiasme.  Don  Juan  eut 
un  immense  succès  à  Prague. 

Denne-Bakon. 
I  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


SEMAINE  THEATRALE. 

LL.  MM.  l'Empereur  et  le  roi  de  Suède  honoraient ,  mer- 
credi dernier,  de  leur  présence  la  représentation  de  I'Opéra. 
Le  spectacle  se  composait  du  quatrième  acte  des  Huguenots, 
de  Graziosa  et  du  Marché  des  Innocents.  —  La  veille,  mardi, 
avait  eu  lieu  une  solennité,  sinon  aussi  officielle,  du  moins 
aussi  piquante  et  productive.  C'était  la  soirée  du  bénéfice  de 
Mme  Marie  Petipa ,  annoncée  depuis  quelques  jours.  Une  comé- 
die du  Gymnase,  les  Tremblcurs, étaiiehargée  d'ouvrir  le  spectacle. 
Puis  venait  le  quatrième  acte  des  Huguenots,  avec  Mme  Viardo't, 
et  Michot.  Tamberlick,  Belval  et  Cazaux  ont  ensuite  dit  le  trio 
de  Guillaume  Tell,  auquel  ont  succédé  les  divers  pas  et  divertis- 
sements chorégraphiques  défrayés  par  Mmes  Petipa,  Zina-Mé- 
rante  et  Chapuy.  Dans  le  troisième  acte  et  dans  le  duo  du 
deuxième  à'Otcllo,  Tamberlick  et  Mme  Viardot  ont  électrisé 
l'auditoire  comme  chanteurs  et  comme  tragédiens;  ils  ont  été 
rappelés  à  plusieurs  reprises.  La  soirée  s'est  terminée  par  le  Mar- 
ché des  Innocents,  dont  la  bénéficiaire  fait  si  bien  les  honneurs. 

L'wf  dièze  de  Tamberlick  a  de  nouveau  justifié  sa  réputation. 
Cet  incomparable  ut  dièze  est  d'ailleurs  greffé  sur  une  voix  com- 
plète, mais  essentiellement  italienne,  sur  une  voix  enfin  qu'il  faut 
se  garder  de  diriger  vers  le  chant  français.  Mme  Pauline  Viardot 
continue  de  chanter  avec  tout  l'art  qu'on  lui  connaît.  C'est  une 
grande  cantatrice  d'école  de  sentiment.  Toutefois,  le  rôle  de  Va- 
lentine  ne  peut  plus  être  de  son  répertoire  ;  aussi  ne  l'a-t-elle 
rempli  qu'à  titre  d'obligeance,  Mlle  Sax  se  trouvant  empêchée  de 
prendre  possession  de  ce  rôle,  qui  lui  était  destiné  pendant  le 
congé  de  Mme  Gueymard-Lauters. 

Vendredi  dernier,  ont  eu  lieu,  dans  Itobert-lc-Diable,  les  dé- 
buts de  Mme  Rey-Balba  et  de  Dulaurens  :  un  double  petit  événe- 
ment précipité  par  l'indisposition  de  M"e  Sax,  dont  nous  serons 
privé  quelque  temps  encore.  Mme  Rey-Balba  ne  doit  chanter  à 
l'opéra  que  pendant  quelques  soirées. 

M.  Dulaurens,  que  nous  avions  déjà  applaudi  au  Théâtre-Ly- 
rique, a  fait  des  progrès  comme  chanteur  et  comme  comédien; 
il  a  travaillé  son  instrument  et  s'est  appliqué  à  lui  donner  une 
certaine  ampleur  ;  parfois  ses  inflexions  de  voix  rappellent  celles 
de  Duprez,  avec  des  sons  plus  cuivrés.  Il  a  joué  avec  chaleur  et 
s'est  abandonné  à  des  élans  passionnés  qui,  par  30  degrés  Réau- 
mur,  n'étaient  pas  dépourvus  de  mérite,  au  point  de  vue  de  l'ab- 
négation hygénique.  —  Quant  à  Mme  Rey-Balba,  elle  nous  a 
semblé  insuffisante  dans  le  personnage  d'Alice.  Le  public  n'a  pu 
lui  voter  que  des  eucouragements.  Mme  Vandenheuvel-Duprez  a 
fait  des  prodiges  de  vocalisation  dans  son  rôle  d'Isabelle.  — 


Le  ténor  Morère,  premier  prix  de  chant  et  d'opéra,  vient  d'être 
engagé  sur  notre  première  scène  lyrique. 

Mlles  Ralbi,  Cico  et  M.  Capoul,  tous  trois  premiers  prix  des 
derniers  concours  du  Conservatoire,  viennent  d'être  engagés  à 
I'Opéra-Comique.  Tout  le  monde  s'y  attendait;  ce  qui  ne  nous 
empêche  pas  d'applaudir  à  cette  triple  acquisition.  —  Montaubry 
a  effectué  sa  rentrée  sur  la  scène  de  Favart.  Fra  Diavolo  et  le 
Petit  Chaperon  Rouge  ont  retrouvé  leur  interprète,  en  attendant 
l'apparition  du  Postillon  de  Longjumcau.  Mme  Faure-Lefebvre, 
la  séduisante  Rose  d'amour  du  Chaperon  Rouge,  et  MUe  Relia 
(Nanette),  ont  partagé  avec  Montaubry  la  meilleure  réception. 
—  Mme  Cabel  a  paru  mardi  dans  la  Part  du  Diable,  et  jeudi 
dans  l'Étoile  du  Nord.  —  Voilà  donc  une  semaine  bien  rem- 
plie ;  et  cette  activité  administrative  cessera  d'être  une  énigme 
quand  on  vous  apprendra  que  Mocker  vient  d'être  nommé  ré- 
gisseur général  de  I'Opéra-Comique.  En  investissant  cet  excellent 
artiste  des  pouvoirs  les  plus  étendus,  M.  Reaumont  a  su  accom- 
plir un  acte  de  bonne  administration,  —  dût-il  s'effacer  quelque 
peu  lui-même. 

Deux  mots  encore  sur  l'Opéra-Comique  :  M.  Caste],  qui  s'est 
fait  une  réputation  de  chanteur  comique  dans  nos  salons  et  con- 
certs, a  débuté  dans  Giraud,  du  Pré  aux  Clercs.  Le  rôle  n'est 
évidemment  pas  dans  ses  cordes;  aussi  l'insuccès  n'a-t-il  pas 
été  douteux.  Toutefois,  la  troisième  épreuve  lui  a  été  moins  défa- 
vorable, et  nous  attendons  une  meilleure  occasion  pour  justifier 
son  engagement.  M.  Castel  succède,  dit-on,  à  M.  Davoust. 

Le  Vaudeville  a  donné  cette  semaine  une  comédie  en  trois 
actes  de  M.  Henri  Rochefort,  un  des  rédacteurs  du  Charivari. 
Cette  pièce,  dont  le  sujet  a  été  emprunté  à  une  nouvelle  de 
M.  Louis  Ulbach,  est  intitulée  :  les  Roueries  d'une  ingénue.  La 
reprise  d'une  comédie  de  Picard  et  M.  Mazères,  l'Enfant  trouvé 
(né  àl'Odéon  en  1824),  a  été  chargé  de  compléter  le  spectacle. 
Saint-Germain  joue  le  rôle  de  Delbar  avec  beaucoup  de  verve  et 
d'esprit.  —  Grande  nouvelle  !  On  monte  au  Vaudeville  une 
pièce  posthume  de  Scribe,  avec  Febvre  et  Mme  Lambquin  dans 
les  principaux  rôles. 

La  troupe  du  théâtre  des  Variétés  va  rentrer  dans  le  bercail. 
Les  planches  neuves  seront  élrennées  et  inaugurées  par  les  Danses 
nationales.  Cette  fantaisie  chorégraphique  sera  accompagnée  de 
deux  autres  pièces  nouvelles  :  Rrouillés  depuis  Wagram,  dont 
Leclerc  jouera  le  principal  rôle,  et  Un  dîner  de  famille,  avec 
Alexandre  dans  trois  types  différents. 

Au  théâtre  du  Chalet  des  Iles  nous  avons  applaudi  l'autre 
soir  une  amusante  opérette,  Flambcrge  au  vent ,  de  MM.  Ch. 
Nuitter  et  Georges  Stenne,  musique  de  M.  Frédéric  Rarbier. 
Les  scènes  de  cette  jolie  pièce  sont  habilement  amenées,  et  les 
saillies  et  les  mots  spirituels  ne  font  pas  défaut.  La  musique  est 
à  l'avenant;  il  faut  surtout  mentionner  une  sérénade  à  deux 
voix  avec  solo  de  violon,  les  couplets  du  tuteur,  le  trio  de  la 
déclaration  avec  un  motif  syllabique  d'un  effet  original ,  les 
couplets  de  Flamberge  au  vent,  que  Mlle  Chrétienuo  a  rendu 
avec  un  merveilleux  entrain,  et  enfin  un  duo  de  peur,  d'un  style 
fugué  de  la  bonne  école  ;  malheureusement  une  grave  indispo- 
sition de  MUe  Chrétienno  a  interrompu  les  représentations  de 
cette  opérette  au  milieu  de  son  succès. 

J.  Lovy. 


291 


LE  MÉNESTREL. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Les  correspondances  de  Bade  constatent  le  succès  qu'a  obtenu  l'opéra 
de  MM.  Améde'e  Achard  et  Cormon,  les  Deux  amours,  musique  de  M.  Ge- 
vaert.  On  cite  particulièrement  l'ouverture,  une  romance,  un  trio,  une 
barcarolle  et  un  duo  de  provocation.  Prilleux  a  joué  avec  rondeur  le  rôle 
d'un  juge  de  canton.  Il110  Faivre,  dans  le  personnage  d'un  jeune  pêcheur, 
et  Mlle  Monrose,  se  sont  partagé  les  applaudissements  d'un  parterre  de 
rois  et  de  la  haute  aristocratie  européenne.  Les  fêtes  musicales  et  les  pri- 
meurs théâtrales  vont  maintenant  se  succéder  à  Bade  sans  interruption. 
En  effet,  voici  le  programme  annoncé  par  les  correspondances  : 

Pour  le  mois  d'août  :  quelques  représentations  des  Deux  amours,  le 
Tableau  parlant  et  Bonsoir,  voisin  ;  le  festival  de  Berlioz,  plusieurs  con- 
certs avec  les  premiers  artistes  de  nos  premiers  théâtres  et  les  meilleurs 
instrumentistes  du  monde.  ■ —  Pour  le  mois  de  septembre  :  le  Diamant  et 
le  Verre,  comédie  inédite  de  M.  Léon  Gozlan  ;  le  Village,  de  M.  Octave 
Feuillet;  Adieu  paniers,  vendanges  sont  faites,  comédie  inédite  en  deux 
actes,  de  M.  Théodore  Barrière;  les  Deux  ménages;  Simple  histoire;  le 
Feu  au  Couvent;  le  Dernier  couplet,  comédie  inédite  de  M.  Albert  Wolff  ; 
un  opéra  inédit  de  M.  Schwab,  poème  de  MM.  Carré  et  Jules  Barbier.  — 
Et  on  ne  parle  ni  des  concerts  au  kiosque,  ni  des  bals  de  réunion,  ni  des 
réjouissances  à  l'occasion  de  la  fête  du  Grand-Duc,  ni  des  courses  qui 
attirent  à  Bade  en  septembre  et  en  octobre  tous  les  sporlmen  de  Paris  et 
de  Londres. 

—  C'est  le  Maenner  Cesang-Verein  (Société  de  chant  d'hommes  |  de 
Vienne,  qui  a  remporté  le  premier  prix  au  festival  de  Nuremberg.  Il 
consiste  en  une  coupe  magnifique  offerte  par  la  ville  de  Berne. 

—  La  statue  qu'on  élève  à  Vienne  à  la  mémoire  du  chanteur  Staudigl 
est  déjà  très-avancée.  Le  statuaire,  M.  Pilz,  a  modelé  la  tête  du  défunt 
d'après  un  portrait  à  l'huile  qui  a  été  peint  quelque  temps  avant  la  mort 
de  Staudigl.  La  statue  est  colossale  ;  elle  sera  soutenue  par  quatre  anges, 
et  posée  sur  un  piédestal  de  granit. 

—  A  Ischl  (Autriche)  vient  de  mourir  la  veuve  de  l'ancien  directeur  du 
théâtre  Karl.  Fille  du  musicien  Martin  Hang,  à  Munich,  elle  était  née  dans 
cette  capitale  en  1788,  et  parut  pour  la  première  fois  sur  la  scène  en  1812. 
Par  suite  elle  fut  attachée  comme  cantatrice  au  théâtre  de  la  Cour.  Après 
avoir  épousé  M.  Karl,  elle  s'établit  avec  lui  à  Vienne  en  1826.  On  doit  à 
jfme  j£ari  ia  traduction  de  plusieurs  œuvres  dramatiques  françaises. 

—  A  Cologne,  on  va  s'occuper  très-prochainement  de  construire  un 
nouveau  théâtre.  La  salle  aura  quinze  portes  de  sortie  donnant  sur  la  rue 
la  Comédie  et  rues  adjacentes.  Tous  les  corridors  seront  voûtés. 

—  Le  monde  théâtral  de  Londres  a  vu  s'éteindre  une  célèbre  coryphée, 
connue  de  tous  pour  son  talent  à  conduire,  comme  soprano,  les  chœurs 
des  festivals  et  des  sociétés  chantantes  du  pays:  Mme  Susannah  Byers,  vient 
de  mourir  à  l'âge  de  soixante-onze  ans.  C'était  une  des  huit  que  les  chan- 
teurs de  la  chapelle  royale  appelaient  depuis  plus  de  cinquante  ans  «  les 
sorcières  du  Lancashire  »,  et  qui  vinrent  à  Londres  pour  chanter  dans  les 
anciens  concerts  dirigés  par  M.  Greatorex.  On  a  compté  qu'elle  avait  chanté 
plus  de  quatre  cents  fois  pour  la  Sacred  Harmonie  Society,  sous  la  direc- 
tion de  MM.  Surman  et  de  Costa,  depuis  sa  fondation  jusqu'à  la  saison 
actuelle. 

—  On  nous  écrit  de  Bruxelles  :  «  La  messe  solennelle  à  deux  chœurs,  de 
M.  Pierre  Benoît,  vient  d'être  chantée  à  Bruxelles  par  plus  de  deux  cents 
exécutants.  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  le  mérite  de  cette  œuvre.  Nos 
lecteurs  se  rappellent  avoir  lu,  dans  un  de  nos  derniers  numéros,  le  rap- 
port de  M.  Fétis,  et  notre  appréciation,  quelque  minutieuse  et  étudiée  qu'elle 
fût,  serait  de  bien  peu  d'importance,  comparée  à  celle  du  savant  direc- 
teur du  Conservatoire  de  Bruxelles.  Cependant,  M.  Fétis,  en  examinant 
la  nouvelle  composition  musica'e  de  M.  Pierre  Benoît,  au  point  de  vue 
de  l'art,  a  laissé  trop  dans  l'ombre  l'esprit,  l'idée,  qui  ont  présidé  à  la 
composition  de  celte  œuvre.  Il  lui  était  pourtant  facile,  et  nul  autre  que 
lui  n'en  était  plus  capable,  de  faire  ressortir  les  sentiments  mystiques, 
mais  pleins  de  grandeur,  et  conformes  en  tous  points  aux  idées  religieuses 
de  notre  époque  dont  s'est  inspiré  M.  Pierre  Benoît. 

o  Nous  n'entreprendrons  point  aujourd'hui  l'analyse  de  chacune  des  par- 
ties de  celte  messe  ;  nous  nous  réservons  de  le  faire  dans  quelques  mois,  à 
son  exécution  à  Paris.  Nous  nous  contenterons  de  constater  son  succès  et 
sa  parfaite  exécution,  qui  fait  honneur  à  M.  Fischer,  qui  dirigeait  l'orches- 


tre. Nous  lui  adressons,  à  ce  sujet,  au  nom  de  tous  les  artistes,  nos  sin- 
cères félicitations. 

«  Sous  peu  paraîtront  de  nouvelles  compositions  de  M.  Pierre  Benoit, 
pour  le  piano  :  ce  sont  des  ballades,  des  récits  fantastiques,  dans  lesquels 
l'artiste  raconte  l'histoire  légendaire  de  la  Flandre.  Nous  reviendrons  bien- 
tôt sur  chacune  de  ces  études  qui  n'auront  pas  moins  de  vogue,  nous  en 
sommes  certain,  que  les  premières  du  même  compositeur.    A.  Hernette.» 

—  En  quittant  sa  résidence  de  Vichy ,  l'Empereur  a  laissé  à  diverses 
personnes  des  marques  de  sa  munificence.  Mme  Strauss  a  reçu  un  délicieux 
bracelet  en  filigrane  d'or  ,  avec  boucle  et  agrafe  ornées  de  diamants. 
M.  Bernardin,  chef  d'orchestre  du  Casino,  a  reçu  une  médaille  en  or  à 
l'effigie  de  Napoléon  III. 

—  On  lit  dans  le  Moniteur  des  Arts  ;  «  La  foule  abonde  cette  année 
à  Néris,  où  toutes  les  aristocraties  nerveuses  se  sont  donné  rendez-vous. 
Le  Puits  de  César,  un  puits  quelque  peu  déclassé,  trouve  un  puissant 
auxiliaire  dans  les  nombreuses  soirées  musicales  que  dirige  M.  Michiels,  un 
des  plus  habiles  artistes  du  Théâtre-Italien  et  de  la  Société  des  concerts  du 
Conservatoire.  Les  meilleurs  morceaux  de  l'ancien  et  du  nouveau  réper- 
toire y  sont  tour  à  tour  exécutés.  Au  nombre  des  artistes  engagés  pour  la 
saison,  figure  en  première  ligne  Mlle  Moréau,  du  Théâtre-Lyrique;  puis 
Mmc  Legrand,  du  même  théâtre,  et  une  excellente  pianiste,  Mme  Marx. 
Mardi  dernier,  c'était  grande  fête  :  le  concert  donné  au  bénéfice  de  MUo  Mo- 
réau réunissait,  dans  le  beau  salon  de  l'établissement  thermal,  toute  l'élé- 
gante société  de  Néris,  jalouse  de  témoigner  ses  sympathies  à  cette  char- 
mante actrice.  Le  programme,  du  reste,  était  des  mieux  choisis.  On  y  a 
non-seulement  entendu  plusieurs  morceaux  composés  et  remarquablement 
exécutés  par  M.  Michiels,  mais  encore  un  duo  sur  Guido  et  Ginevra,  pour 
piano  et  violon,  et  surtout  la  tyrolienne  de  Donizelti ,  puis  un  air  des 
Noces  de  Figaro,  qui  ont  valu  à  Mlle  Moreau  les  applaudissements  et  les 
bravos  de  la  salle  entière.  » 

—  Les  baigneurs  de  Dieppe  n'ont  pas  à  se  plaindre  des  récréations  mu- 
sicales qu'on  leur  a  ménagées  cet  été.  Parmi  les  menus  de  la  saison,  il 
faut  particulièrement  citer  la  soirée  toute  récente  à  laquelle  ont  pris  part 
Mme  Rieder,  M.  deWroye,  première  flûte  du  Théâtre-Italien  de  Londres,  et 
Mlle  Delphine  Champon.  Mn,e  Rieder  a  charmé  l'auditoire  par  l'agilité  de 
ses  doigts  et  la  pureté  de  son  jeu.  M.  de  Wroye  s'est  fait  vivement  applau- 
dir dans  une  fantaisie  sur  la  Juive,  et  un  duo  sur  la  flûte  et  soprano. 
Quant  à  MUe  Champon,  on  sait  avec  quel  sentiment  parfait  elle  fait  chanter 
l'orgue  d'Alexandre. 

—  Toute  la  presse  a  retenti  cette  semaine  du  sinistre  qui  a  éclaté  à  Étre- 
tat,  dans  la  soirée  du  3,  et  dévoré  en  quelques  heures  la  maison  de  Jacques 
Offenbach,  le  directeur  des  Bouffes-Parisiens.  Toute  la  ville  a  été  émue  et 
consternée  de  ce  triste  événement,  et  les  preuves  de  sympathie,  de  dévoue- 
ment n'ont  pas  fait  défaut  au  maître  du  logis  et  à  son  intéressante  famille. 
Artistes,  littérateurs,  journalistes,  touristes  de  tous  les  pays,  ont  brave- 
ment fait  la  chaîne  et  secondé  les  efforts  des  pompiers  de  la  localité.  On 
n'a  pu  sauver,  dit-on,  que  la  musique  et  le  violoncelle  d'Offenbach.  Meu- 
bles, linge,  bijoux,  tout  est  devenu  la  proie  des  flammes.  Il  est  d'autant 
plus  heureux  qu'au  milieu  de  ce  désastre  on  n'ait  aucune  victime  à  re- 
gretter ,  que  les  enfants  de  M.  et  Mme  Offenbach  dormaient  déjà  lorsqu'à 
éclaté  l'incendie  :  les  parents  et  quelques  amis  causaient  au  salon,  et  à  la 
première  alerte  donnée  on  a  pu  juger  du  courage  et  de  la  présence  d'esprit 
de  Mme  Offenbach ,  qui  s'est  multipliée  pour  les  siens  dans  cette  cruelle 
épreuve.  Son  éloge  était  dans  toutes  les  bouches. 

—  A  Saint-Malo  on  a  eu  occasion  d'applaudir  Géraldy  et  Mme  Mancel , 
qui  ont  donné  un  très-brillant  concert  au  Casino.  Ces  deux  excellents  artistes 
ont  retrouvé  là  tous  leurs  succès  de  l'hiver  dernier  à  Paris.  —  On  attend 
maintenant  Mlle  Joséphine  Martin,  et  Mme  Oscar  Comettant  qui  viennent  de 
se  faire  entendre  à  Dieppe  devant  un  public  aussi  nombreux  qu'empressé. 

—  On  nous  écrit  de  Saint-Omer  :  «  Le  30  juillet  dernier  a  eu  lieu,  à 
l'église  du  Haut-Pont,  l'inauguration  du  nouvel  orgue,  en  présence  d'un 
grand  nombre  d'artistes  et  d'amateurs  accourus  de  Lille,  Boulogne,  Rou- 
baix,  etc.  L'instrument  a  été  touché  par  MM.  V.  Dubois,  professeur  au 
Conservatoire  royal  de  musique  de  Bruxelles,  et  Guilmant,  l'un  des  meil- 
leurs élèves  de  Lemmens.  Ces  deux  artistes  ont  tour  à  tour  fait  ressortir 
toutes  les  qualités  de  ce  bel  instrument.  M.  V.  Dubois  s'est  montré  aussi 
bon  improvisateur  qu'habile  exécutant.  La  maîtrise  de  Notre-Dame  a  exé- 
cuté plusieurs  morceaux  de  chant  avec  beaucoup  de  goût  et  de  précision. 
L'églisedu  Haut-Pont  peut  se  vanter  de  posséder  un  des  plus  remarquables 
instruments  sortis  des  ateliers  de  Merklin  Schulz.  » 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


29S 


—  Voici  le  programme  des  chœurs  qui  seront  exécutés  au  prochain 
festival  des  Orphéonistes  de  France  au  Palais  de  l'Industrie  :  les  Enfants  de 
Paris,  Ad.  Adam;  —  la  Nouvelle  alliance,  F.  Halévy;  —  le  Temple  uni- 
versel, H.  Berlioz;  — Y  Appel  aux  armes  (du  Prophète),  Meyerbeer;  — 
France!  France I  Ambroise  Thomas;  le  Chœur  des  Soldats  (de  Faust), 
Gounod;  —  A  la  grande  Cité  !  Limnander;  —  Pater  noster,  Besozzi;  — 
Chœur  des  Matelots  (du  Vaisseau-Fantôme),  R.  Wagner;  —  Chant  du 
Bivouac,  Kucken  ;  —  Aux  bords  du  Rhin,  Kucken  ;  —  Chant  des  Ban- 
nières, Laurent  de  Rillé  ;  —  Hymne  à  la  Nuit,  Chwatal.  —  Parmi  les 
chœurs  spécialement  composés  pour  le  festival ,  nous  citerons  le  Temple 
universel,  paroles  de  J.-F.  Vaudin,  musique  de  H.  Berlioz.  —  Après  le 
festival,  un  concours  aura  lieu  entre  les  sociétés  chorales. 

—  Les  recettes  brutes  qui  ont  été  faites  pendant  le  mois  de  juillet 
dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit  des  indigents,  se 
sont  ainsi  réparties  : 

Théâtres  impériaux  subventionnés 221,275  fr.  52c. 

Théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles         452,637      15 

Concerts,  spectacles-concerts,  cafés-concerts,  bals.        173,152      25 
Curiosités  diverses 25,853      50 

Total 872,918      42 


—  Aux  termes  d'une  circulaire  ministérielle,  il  est  désormais  interdit 
au  comité  de  lecture  du  Théâtre-Français  de  recevoir  des  pièces  faites  en 
vue  du  Vaudeville  et  du  Gymnase.  Le  Ministre  d'État  vient  en  même  temps 
d'inviter  les  théâtres  de  vaudevilles  à  revenir  aux  couplets.  Il  est  fâcheux 
que  l'autorité  ne  puisse  pas  intimer  aux  auteurs  l'ordre  de  rendre  leurs 
couplets  aussi  spirituels  que  possible.  Le  théâtre  y  gagnerait. 

—  En  citant  les  divers  jurys  des  derniers  concours  du  Conservatoire, 
nous  avons  fait  une  omission  que  nous  nous  empressons  de  réparer. 
M.  J.-B.  Wekerlin  ne  faisait  pas  seulement  partie  des  jurys  à  huis-clos, 
—  notamment  de  celui  d'harmonie,  —  il  siégeait  encore  parmi  les  jurés 
du  chant.  M.  "Wekerlin  remplit  ces  fonctions  depuis  quatre  ans,  et  il  s'en 
faut  que  ce  soient  des  sinécures. 

—  M.  Henri  Stiehl,  organiste  et  compositeur  de  Saint-Pétersbourg,  est 
arrivé  à  Paris  ;  il  a  l'intention  d'y  rester  quelque  temps  pour  nous  faire  en- 
tendre, sur  l'orgue  d'une  des  principales  églises  de  Paris,  plusieurs  de  ses 
compositions.  On  se  rappelle  que  l'an  dernier,  M.  Stiehl  a  remporté  le  prix 
de  la  Tonhalle,  à  Manheim,  pour  une  sonate,  piano  et  violoncelle. 

—  On  nous  écrit  de  Rouen  :  «  Dans  deux  concerts  donnés  la  semaine 
dernière,  on  a  eu  occasion  d'applaudir  deux  productions  de  l'excellent 
professeur-compositeur  Malliot.  L'une,  la  belle  mélodie  de  Charles-Quint 
contrastait  par  l'ampleur  du  style  avec  l'autre,  les  Vrais  plaisirs  ,  très- 
agréable  mélodie.  Poultier,  de  séjour  à  Rouen,  a  fait  entendre  dans  ces 
deux  concerts  le  Nid  abandonné,  de  Gustave  Nadaud,  dont  il  tire  les  effets 
les  plus  suaves.  C'est  tout  un  nouveau  succès  pour  lui.  » 

—  La  grande  marche,  Victoire  !  composée  pour  piano  par  Edmond 
Guion,  sera  exécutée  au  camp  de  Châlons  par  une  musique  militaire  ,  à 
l'occasion  des  grandes  fêtes  qui  se  préparent.  C'est  M.  Guimbal,  sous-chef 
de  musique  de  la  gendarmerie,  qui  s'est  chargé  de  l'orchestration  de 
cette  belle  marche  dédiée  à  S.  M.  l'Empereur  Napoléon  III. 


Nous  ne  pourrons  rendre  compte  que  dimanche  prochain  du  grand 
concours  d'orphéon  et  de  musiques  militaires  qui  vient  d'avoir  lieu  à 
Caen.  Nous  parlerons  aussi  du  concert  organisé  pour  la  circonstance  par 
M.  Pasdeloup,  et  dans  lequel  Mlle  Balbi  et  51.  Capoul  ont  recuelli  de  nom- 
breux applaudissements. 


—  Voici  une  réclame  qui,  pour  être  véridique,  n'en  distance  pas  moins 
toutes  ses  aînées.  Nous  la  livrons  telle  quelle  à  nos  lecteurs  :  «  Au  sein  des 
mille  et  un  enchantements  qui  font  du  Chàteau-d'Asnières  l'endroit  le  plus 
merveilleux  et  le  plus  recherché  autour  de  Paris,  le  public  assiste  en  fré- 
missant à  la  représentation  de  l'Homme  Salamandre,  qui  résiste  à  une 
intensité  de  chaleur  de  260  degrés  ;  —  la  chaleur  qui  fait  fondre  le  plomb. 
Un  morceau  de  soufre  entre  en  fusion  à  dix  pas  d'un  bûcher;  c'est  une  cha- 
leur de  190  degrés.  Les  sapeurs-pompiers,  à  une  distance  de  dix  mètres, 
ont  peine  à  garder  leur  poste  ;  le  hermomèlre  marque  tout  près  de  38  de- 
grés. VHomme  Salamandre  est  le  plus  étonnant  et  le  plus  émouvant 
spectacle  que  l'on  puisse  voir,  et  il  déroute  toutes  les  observations  de  la 


science.  Aujoud'hui ,  dimanche  ,  l'un  de  nos  plus  célèbres  médecins  doit 
constater  les  phénomènes  particuliers  de  la  pulsation  des  artères  chez 
l'Homme  incombustible,  qui  réalise  ainsi  tout  ce  que  l'on  a  dit  de  fabu- 
leux de  la  Salamandre.  » 

C'est,  du  reste,  la  semaine  aux  excentricités  :  On  a  pu  lire  dans  tous  les 
journaux  que  le  professeur  de  danse  Markowski  avait  établi,  dans  sa  salle 
de  bal,  une  sorte  de  fontaine-Moët,  d'où  le  Champagne  coulait  à  pleins-bords. 
Autrefois  le  Ranelagh  se  contentait  d'une  modeste  rosée  de  l'eau  de  Cologne- 
Prosper.  —  Est-ce  un  progrès? 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  lïi 


Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


OFFICE  CENTRAL  DES  VENTES, 

rue  oe  Rivoli,  140  (5e  année]. 

A  céder,  fonds  de  marchand  de  musique,  instruments  et  abonnements. 
Résidence  agréable  en  province,  loyer  400  fr.,  bail  douze  ans,  location  de 
musique  et  pianos,  2,000  fr.  ;  vente,  2,500  fr.  ;  accords,  2,000  fr.  Total 
garanti,  6,500  fr.  ;  prix  du  tout,  avec  les  marchandises,  12,000  fr. 

E.  GIROD,  éditeur,  boulevard  Montmartre ,  16. 


ALCESTE 

OPÉRA    EN   TROIS   ACTES    DE 

GLUCK 

Partition  originale  telle  qu'elle  a  été  composée  par  l'auteur  pour  le 

grand  Opéra. 

TJn  beau  vol.  in-8°,  prix  :  7  fr. 


PARIS 

E.  SAVARY 

ire  SÉRIE 

DOUZE  CHŒURS 

PRIX  NET  :   7  FR. 

Autorisés  pour  les  Ecoles  de  la  ville  de  Paris  par  la  Commission 
de   cliant. 

Pri\  net. 

1 .  La  Brigantine »  80  c 

2.  La  Chasse  de  Lutzow »  80 

3.  La  Ronde  des  Archers  d'Alelh >,  80 

4.  Les  Mystères  d'Isis 1  » 

5.  Les  Braconniers 1  » 

6.  Dors  ,  ô  mes  amours  I-. »  80 

7.  Le  Retour  des  Cloches 1  » 

8.  L'Aube  du  jour »  80 

9.  Garde  à  vous  ! 1  » 

10.  Huit  heures  du  soir »  80 

11.  Les  Paysans »  80 

12.  Les  Travailleurs >,  80 

Chaque  partie  séparée  :  15  ou  20  c.  net. 


EN  VENTE  chez  le  même  éditeur.  —  THEATRE-LYRIQUE. 

ASTAROTH 

OPÉRA-COMIQUE  en  un  acte  ,  paroles  de  H.   BOISSEAUX , 

musique  de 

J.-J.  DE  BILLEMONT. 

Partition   in-8° ,  chant  et  piano ,  net  :  7  francs. 


ENSEIGNEMENT  DU  CONSERVATOIRE. 


LE  PIA 


ERNE 


ÉTUDES  DE  STYLE  ET  DE  MÉCANISME  ,  AVEC  PRÉLUDES  ET  ANNOTATIONS 


» 


PAR 


Op.    *». 

Approuvées  par  MM.  les  Professeurs  et  Membres  do  Comité  des  Études  pour  renseignement  du  Conservatoire  : 

AUBER,  MEYERBEER,  HALÉVY,  &MBR0ISE  THOMAS,  A.  ADAM,  CARÂFA,  REBER,  membres  de  l'Institut; 

BATTON,  LEBORNE,  G.  BOUSQUET,  ALARD,  MASSART,  VOGT,  HENRI  HERZ, 

MARiONTEL,  LE  COUPPEY,  LAURENT,  TE  A.  COCHE; 

EDOUARD  MONNAIS  ,  Commissaire  impérial  ;     ALFRED   DE    BEAUCHESNE  ,  Secrétaire. 


1"   SERIE. 

Nos  1.  Rêverie  (m.  d.) 5 

2.  Danse  villageoise  (a.  d.) 5 

3.  Mélodie  expressive  (m.  d.) 5 

4.  Idylle  (m.  d.) 6 

5.  Canlilène  (m.  d.) 6 

6.  Marche  Tcherkess  (p.  d.) 5 


S=  SERIE. 

Nos  7.  Élégie  (a.  d.) 5 

8.  Agilité  (d.) 6 

9.  Romanza  (m.  d.) 5 

10.  Toccata  (m.  d.) 6 

11.  Le  Trille  (d.) 6 

12.  Les  Arpèges  (a.  d.) 7  50 


Chaque  série  complète,    prix:   SO   fr. 


ES  ÉTUDES 


DE  NTY&E  ET  DE  MECAWISME 

Op.    63. 


N03 1.  Jour  de  Printemps ,  étude  cantabile  (m.  d.) 6     » 

2.  Le  Tournoi,  étude  bravoure  (m.  d.) 7  50 

3.  Gondoline,  étude  barcarolle  (m.  d.) 6     » 


Nos4.  La  Jeune  garde,  étude  marziale  (a.  d.) 7  50 

5.  La  Rêveuse ,  étude  nocturne  (m.  d.) 7  50 

6.  La  Fuite ,  étude  vélocité  (a.  d.) 6     » 


Le  recueil  complet  :  SS  fr. 


Si 


Op.  49.  Les  Monténégrins,  grande  fantaisie  (d.) 9  » 

62.  La  Pavane  ,  air  de  danse  du  xvie  siècle,  transcrit 

et  varié  (a.  d.) 7  50 

64.  Final  de  Lucrezia  Borgia,  morceau  de  concert  (d.)  9  » 

65.  Prima  sera,  rêverie  italienne  (m.  d.) 7  50 

66.  Allegrezza  ,  caprice-étude  de  concert  (d.) 9  » 

67.  Chanson  mauresque  (a.  d.) 7  50 


(DU  MÊME  AUTEUR). 

Op.  69.  Sorrente,  napolitaine  (m.  d.) , 7  50 

—  Barcarola  (petit  morceau)  (f.) 4  50 

82.  Marguerite  au  rouet ,  transcription  de  F.  Schu- 
bert (d.) 7  50 

84.  Pervenche ,  rêverie  (m.  d.) 5     » 

89.  Mazurka  styrienne  (f.) 6     » 

—  Les  Adieux,  dernière  pensée  (m.  d.) 9     » 


(Signes  d'abréviations  :  (F.)  Facile.  —  (M.  D.)  Moyenne  difficulté.  —  (D.)  Difficile.  —  (P.  D.)  Peu  difficile.  —  (A.  D.)  Assez  difficile. 

Paris,  AU  MÉNESTREL,  2  lus,  rue  Vivienne,   HEUGEL  et  C",  éditeurs. 

(Fournisseurs   du  Conservatoire.) 


Vente  et  location  de  Piano»  et  Orgue». 


ftraml  Abonnement  clc  ïu~iisifiuc. 


m.  —  -28e  Année. 

K»  38. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  18  Aoùl 


T~*ïlT~5\ 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'  en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Yivienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(An*  Magasins  et  llioancmcnt  do  Musique  (lu  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  8«  Morcçs 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  AIIÂi 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  ««  Morceaux  t 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  «  Alfouni»- 
priiiics  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger  :  21  fr. 


3e  Mode  d'abonnement  contenant  h 


t'.BJAliT  ET  PIANO    REUNIS 
Texte  complet',  les  5î  Morceaux  de  chant  et  d 


Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr. 


piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Étranger  :  36  fr. 


On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  surla  poste,  a  MM.  HEITGEL  et  C'»,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


rue  Jean-Jacques  Rousseau 


SOMMAUtE.    —  TEXTE. 

I.  Exposition  de  l'industrie  à  Marseille  ;  les  pianos  (1er  article).  G.  Bénédit.  — 
II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovr.  —  111 .  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur: 
Mozart  et  ses  œuvres  (4e  article).  Denne-Baron.  —  IV.  Festival  de  Caeu  : 
Concours  d'orphéons  et  de  musiques  militaires.  J.  Lovy.  —  V.  Petite  chro- 
nique :  Matrimoniomanie.  — VI.  Concert  de  bienfaisance  du  16°  arrondisse- 
ment.—  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  nu  mérode  ce  jour: 

LE   BONHOMME  SÉRAPHIN, 

Paroles  et  musique  de  Gustave  Nadaud.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Un  regard  ,  paroles  et  musique  du  même  auteur. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

CARILLON , 

Polka-mazurka  de  Joseph  Braga.  —  Suivra  immédiatement  après  : 
Cosmopolite-polka,  par  Alfred  Godard. 


FEUILLETON  DU  SEMAPHORE. 


CONCOURS  RËGIOM. 


EXPOSITION   DE   L'INDUSTRIE  A   MARSEILLE. 


ILES  INSTRUMENTS  DE  MUSIQUE.   —    LES  PIANOS. 

Les  clavecins.  —  Les  épinettes.  —  Enfin  Malherbe  vint.  —  Ërard ,  ses 
inventions.  —  Pape.  —  Petzold.  —  Pleyel.  —  Meissonnier.  —  Henri 
Herz.  —  Maury  etDtvmas.deNimes.  —  Martin,  de  Toulouse.  — Aucher, 
de  Paris.  —  Bideler-Schultz.  —  Utilité  du  piano.  — Ses  adversaires,  ses 
destinées. 

(  1er  Article.  ) 

Les  instruments  de  musique  occupent  à  notre  Exposition  une 
assez  grande  place,  et  s'y  font  remarquer  par  les  plus  beaux 
spécimens  de  nos  premiers  facteurs  ;  il  va  sans  dire  que  le  piano, 


à  cause  sans  doute  de  son  immense  popularité,  s'y  étale  en  sou- 
verain sur  une  large  surface  et  attire  plus  particulièrement  l'at- 
tention, joué,  comme  il  l'est  chaque  jour,  par  des  mains  habiles 
et  quelquefois  savantes. 

Cependant,  parmi  les  facteurs  assez  nombreux  qui  figurent 
à  l'Exposition,  nous  avons  été  surpris  de  ne  pas  y  rencontrer 
celui  qui  aurait  eu  le  droit  de  s'y  montrer  au  premier  rang, 
entouré  d'une  réputation  justement  acquise  et  soutenu  par  plus 
d'un  demi-siècle  de  succès.  Nous  voulons  parler  d'Érard.  C'est 
sa  maison,  en  effet,  qui,  en  1780,  détrôna  le  clavecin  et  l'épi- 
nette,  alors  très-répandus  dans  nos  salons  et  fort  en  vogue  chez 
nos  grand'mères,  malgré  la  monotonie  de  leurs  sons,  résultant 
d'un  mécanisme  qui  pinçait  les  cordes  au  moyen  d'un  bec  de 
plume  ou  de  cuir.  Quelle  différence  entre  ces  guimbardes  asth- 
matiques et  le  piano  véritable  où  les  marteaux,  moelleusement 
revêtus  et  mis  en  jeu  par  les  touches  et  divers  échappements 
qui  venant  les  attaquer,  amenèrent  une  si  grande  modification 
dans  les  sonorités  de  toutes  ses  octaves!  Les  nuances  obtenues 
par  les  facteurs,  à  la  fin  du  siècle  dernier,  en  permettant  de  faire 
surgir  de  l'instrument  nouveau  des  moyens  d'expression  jus- 
qu'alors inconnus  dans  les  instruments  à  clavier,  et  modulant 
les  sons  du  grave  au  doux  par  degrés  imperceptibles,  firent 
donner  au  piano  le  nom  de  forte  piano  ou  de  piano  forte, 
comme  exprimant  les  deux  qualités  qui  le  distinguaient. 

L'inventeur  du  piano,  s'il  faut  en  croire  certaines  notabilités 
musicales,  est  un  nommé  Cristofori,  florentin,  qui  en  fit  un  en 
1718.  Après  lui,  on  cite  Silbermann ,  dont  le  premier  piano 
existe  encore  h  Strasbourg,  où  il  est  conservé  précieusement 
comme  une  curiosité  des  plus  rares  ;  dans  cette  catégorie  on 
pourrait  peut-être  encore  exhiber  chez  nous  des  clavecins  échap- 
pés à  la  proscription,  non  pas  précisément  à  cause  de  leurs  qua- 
lités musicales,  mais  grâce  à  leurs  peintures,  dont  la  plupart  sont 
signées  Boucher  ou  Watteau. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  l'invention  du  piano,  dans  la  première 


298 


LE  MÉNESTREL. 


partie  du  xvme  siècle,  il  est  notoire  que  cet  instrument,  encore 
à  l'état  d'ébauche  au  sortir  des  mains  de  Silbermann  et  de  Cris- 
tofori,  n'a  pris  une  forme  régulière  et  offert  une  perfection  in- 
contestable, du  côté  du  mécanisme,  qu'à  l'époque  où  les  frères 
Érard  vinrent  fonder  à  Paris  cet  établissement  de  la  rue  du  Mail, 
où  se  sont  accomplies  tant  d'améliorations  au  profit  du  forte, 
notamment  celle  de  1823  qui  consiste  dans  le  mécanisme  à 
double  échappement,  au  moyen  duquel  on  peut  modifier  le  son 
sans  que  le  doigt  abandonne  la  louche. 

Aujourd'hui  ces  instruments  sont  aussi  recherchés  qu'aux 
premiers  jours  de  leur  apparition,  avantage  qu'ils  justifient  du 
reste  par  leur  éclat  et  leur  qualité  de  son  d'un  volume  très- 
considérable.  Dans  ses  voyages,  Lislz  joue  toujours  les  pianos 
d'Érard,  dont  le  représentant  à  Marseille  est  M.  Roubaud. 

Moins  heureux  que  ces  facteurs  célèbres,  M.  Pape,  longtemps 
leur  égal  dans  la  sphère  des  pianos  carrés  surtout,  auxquels  il 
avait  apporté  de  véritables  perfectionnements,  s'est  éclipsé  un 
beau  jour,  si  bien  qu'à  cette  heure  notre  génération  aurait  de 
la  peine  à  découvrir,  dans  les  plus  ignorés  de  nos  salons,  un 
piano  de  ce  fabricant  dont  nous  nous  rappelons  avoir  visité  les 
ateliers  en  1830,  c'est-à-dire  à  l'époque  de  leur  plus  grande 
vogue.  On  pourrait  en  dire  autant  de  Petzold,  autre  facteur 
très-estimé  jadis  et  tombé  complètement  dans  l'oubli. 

Mais  la  maison  qui,  à  l'égal  de  celle  d'Érard,  s"est  maintenue 
sans  faiblir,  et  rivalise  avec  elle,  c'est  la  maison  Pleyel.  Avec 
moins  de  force  peut-être  que  les  pianos  d'Érard,  ceux  de  Pleyel 
soutiennent  vaillamment  les  plus  dangereuses  comparaisons , 
témoin  le  spécimen-modèle  qui  figure  à  noire  exposilion  du 
Chapitre.  Ce  piano  à  queue  ,  grand  format,  à  sept  octaves  avec 
barrages  en  fer,  sillet  cuivre,  meuble  en  palissandre,  a  été  fa- 
briqué spécialement  pour  Marseille  à  l'occasion  du  concours 
régional,  et  l'on  peut  ajouter  que  c'est  un  vrai  chef-d'œuvre  du 
genre,  si  après  l'avoir  admiré  comme  aspect,  on  pose  les  doigts 
sur  ses  touches,  d'où  s'échappent  des  sons  dont  l'ampleur  unie 
à  l'égalité  la  plus  parfaite  acquièrent  un  nouveau  charme  de  la 
légèreté  du  clavier,  qui  se  prête  admirablement  à  toutes  les  im- 
pressions du  jeu  de  l'exécutant. 

Les  pianos  droits  de  Pleyel  ont  aussi  leur  place.  C'est  d'abord 
un  pianino,  un  petit  oblique,  et  enfin  un  grand  modèle  forme 
riche  :  ce  dernier  fait  pour  remplacer  en  beaucoup  de  cas  le 
piano  à  queue  dont  il  a  presque  la  puissance. 

M.  Meissonnier,  qui  est  le  représentant  de  la  maison  Pleyel, 
a  voulu  prendre  part,  lui  aussi,  à  l'Exposition  marseillaise.  A 
force  de  vendre  des  pianos,  M.  Meissonnier  s'est  dit  :  Pourquoi 
n'en  ferais-je  pas  ?  El  bien  lui  en  a  pris  d'avoir  cette  pensée,  car 
les  instruments  qui  sortent  de  ses  ateliers  de  Paris  sont  fort 
estimés  et  se  vendent  en  très  grand  nombre ,  ce  dont  nul  ne 
s'étonne,  si  l'on  remarque  qu'à  l'aide  d'un  mécanisme  perfec- 
tionné, réglé  avec  une  irréprochable  précision,  M.  Meissonnier 
est  parvenu  à  obtenir  des  sons  d'une  rondeur  remarquable  en 
même  temps  que  d'une  grande  douceur. 

Pour  être  venu  le  dernier  dans  la  fabrication  des  pianos  , 
M.  Henri  Herz  n'en  occupe  pas  moins,  parmi  ses  confrères  de 
Paris,  une  des  premières  places.  Le  rapport  officiel  du  jury  de 
l'Exposition  universelle  de  1855  en  fait  foi. 

«  Produire  dans  toute  l'étendue  du  clavier,  dit  M.  Fétis,  un 
son  à  la  fois  nourri,  large,  plein,  moelleux  et  clair,  qui,  dans 
quelque  condition  que  ce  soit,  de  près  comme  de  loin,  dans  un 


salon  comme  dans  une  vaste  salle,  ait  de  la  puissance  sans  bour- 
donnement, de  la  douceur  sans  mollesse  et  de  l'éclat  sans  sé- 
cheresse, tel  étail  le  problème,  et  M.  Henri  Herz  l'a  résolu  de 
la  manière  la  plus  complète  et  la  plus  heureuse.  »  Du  reste,  les 
amateurs  qui  ont  assisté,  il  y  a  deux  ans,  au  concert  du  facteur 
célèbre  où  il  joua  lui-même  un  de  ses  plus  beaux  instruments  , 
doivent  rendre  justice  à  la  sincérité  de  l'éminent  rapporteur  ,  et 
peuvent  encore  aujourd'hui,  plus  que  jamais,  s'en  convaincre 
en  examinant  les  cinq  pianos  de  M.  Herz  exposés  :  1°  un  grande 
queue;  2°  un  demi-queue;  3°  un  oblique  grande  modèle;  4°  un 
demi-oblique,  et  5°  un  petit  vertical. 

Nous  avons  encore  les  pianos  de  MM.  Maury  et  Dumas,  de 
Nîmes;  Martin,  de  Toulouse;  Aucher,  de  Paris;  Bideler  et 
Schultz,  instruments  établis  dans  d'excellentes  conditions,  et  qui 
font  le  plus  grand  honneur  à  ces  fabricants,  dont  les  noms  trou- 
vent encore  une  place  honorable  à  côté  de  ceux  des  maîtres  de 
la  facture. 

Quant  à  M.  Boisselot,  que  pourrions-nous  en  dire  après  les 
récompenses  obtenues  par  cet  honorable  industriel  à  toutes  les 
Expositions  de  Paris  et  de  Londres  ?  Ce  ne  sont  pas  les  éloges  non 
plus  qui  ont  manqué  à  M.  Boisselot  ;  pour  notre  compte,  nous 
nous  félicitons  d'y  avoir  pris  une  large  part,  et  si  quelque  chose 
nous  restait  à  dire  à  cet  endroit,  nous  n'aurions  qu'à  donner  le 
chiffre  des  instruments  fabriqués  dans  les  ateliers  de  Notre-Dame- 
du-Mont  dans  le  courant  de  chaque  année.  L'an  dernier  M.  Bois- 
selot a  confectionné  plus  de  qualre  cents  pianos. 

Maintenant,  si  vous  ajoutez  à  ce  chiffre  celui  de  tous  les 
établissements  identiques  connus  en  France,  vous  aurez  une 
idée  du  nombre  prodigieux  de  pianos  absorbés  par  le  dilettan- 
tisme de  nos  quatre-vingt-six  départements  ;  et  l'on  veut  après 
cela  que  le  piano  disparaisse  de  la  surface  du  monde  musical. 
Rêve  insensé!  espoir  chimérique!  Le  piano  n'est  pas  un  ins- 
trument agréable  sous  des  doigts  inhabiles,  nous  en  convenons 
sans  peine.  Nous  trouvons  très-naturel  aussi  que.  l'on  fuie  son 
conlact  en  bien  des  occasions;  mais  lorsqu'il  est  maîtrisé  par 
des  virtuoses  lelsqueListz,  Thalberg  et  Schuloff,  pourrait-on  nier 
son  charme  attractif  et  son  énergie  entraînante?  Et  puis,  en  met- 
tant de  côté  môme  l'exécution  proprement  dite,  quel  instrument 
pourrait  être  comparé  au  piano  sous  le  rapport  de  l'utilité?  Au 
salon  ou  dans  un  concert  ne  tient-il  pas  une  place  indispensable 
lorsqu'il  accompagne  la  voix  ou  quelque  savant  instrumentiste? 
Si  le  violon  est  le  souverain  des  orchestres,  a  dit  un  éminent  cri- 
tique, le  piano  est  le  trésor  de  l'harmoniste  et  du  chanteur.  A  la 
ville,  à  la  campagne  surtout,  que  de  soirées  dérobées  à  l'ennui  et 
embellies  des  charmes  de  la  musique  !  On  chercherait  en  vain  à 
former  un  quatuor  :  le  piano  est  là,  c'est  le  point  de  ralliement; 
deux  on  trois  voix  exercées,  une  partition  de  Rossini,  de  Meyer- 
beer,  d'Hérold  ou  d'Auber,  et  voilà  tout  de  suite  un  concert  dé- 
licieux. Ainsi,  on  aura  beau  faire,  on  aura  beau  diriger  contre 
le  piano  les  railleries  les  plus  incisives,  les  épigrammes  les  plus 
mordantes,  on  aura  beau  vouloir  le  frapper  du  même  ridicule 
que  la  crinoline,  ce  sera  peine  perdue  ;  la  crinoline  passera  et  le 
piano  ne  passera  point. 

G.    BÉNÉD1T. 

(  La  suite  au  prochain  numéro.) 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


299 


SEMAINE  TI1ÉAT1IALL 

Jeudi  dernier,  les  théâtres  se  sont  associés  à  la  fêle  de  l'Em- 
pereur par  des  représentations  gratuites  et  des  chants  de  circon- 
stance. 

L'Opéra  donnait  Robert-le-Diàble.  Morère,  le  premier  prix 
de  celte  année,  le  nouveau  pensionnaire  de  l'Académie  impé- 
riale, et  M"e  de  la  Pommeraye,  ont  chanté  le  Quinze  août,  can- 
tate de  M.  Émilien  Pacini ,  musique  de  M.  Eugène  Gautier.  Il  y 
a  eu  succès  et  rappel. 

La  cantate  de  I'Opéra-Comique,  paroles  du  directeur,  musi- 
que dé  M.  Duprato,  a  été  chantée  par  Troy,  Crosti  et  Jourdan. 
Le  spectacle  commençait  par  la  Dame  blanche  et  se  terminait  par 
les  Rendez-vous  bourgeois. 

Le  Vaudeville  reprenait,  un  Mariage  de  Paris.  La  comédie 
de  MM.  About  et  de  Najac,  élait  accompagnée  de  l'Enfant  trouvé 
et  d'une  cantate  de  M.  H.  Lefebvre,  musique  de  M.  Sillevestre 
chef  d'orchestre  du  théâtre.  Cette  cantate,  intitulée  le  Quinze 
août  comme  celle  de  l'Opéra,  était  exécutée  par  les  principaux 
artistes  du  Vaudeville  et  par  la  Société  chorale  du  Conservatoire 
sous  la  direction  de  M.  Batiste. 

Au  théâtre  des  Variétés,  M.  Alexandre  Michel,  le  seul  chan- 
teur de  la  troupe  dans  l'acception  musicale  du  mot,  a  interprété 
une  cantate  de  M.  Léon  Beauvallet,  musique  de  M.  Victor 
Chéri,  le  nouveau  chef  d'orchestre. 

Le  Gymnase  a  eu  sa  cautate,  intitulée  Napoléon;  paroles  de 
M.  Trianon,  musique  de  M.  Mangin. 

A  la  Porte-Saint-Martin,  le  public  du  15  août  a  eu  la  bonne 
aubaine  de  la  reprise  du  Picd-de-Mouton,  avec  une  cantate  de 
circonstance ,  paroles  de  M.  Hector  Crérnieux ,  musique  de 
M.  Caspers. 

La  cantate  de  la  Gaîié  a  eu  pour  auteurs  MM.  Dutertre  et 
Vulpian,  musique  de  M.  Fossey. 

L'Amrigu-Comique  célébrait  la  fête  par  un  à-propos  militaire 
en  un  acte  intitulé  Anciens  et  Nouveaux. 

Le  Chalet  des  îles  n'a  pas  donné  de  représentations  gratuites, 
mais  il  a  ajouté  à  son  spectacle  une  cantate  de  M.  Voisin,  Na- 
poléon, musique  de  M,  Frédéric  Barbier.  —  Francastor ,  amu- 
sante opérette  du  répertoire  des  Folies-Nouvelles,  Flamberge  au 
vent,  dont  le  succès  avait  été  interrompu  pendant  quelques  jours, 
et  les  Bonshommes  de  plâtre  avec  Paul  Legrand,  appellent  la 
foule  au  lac  du  Bois  do   Boulogne.  J.  Lovy. 

P.  S.  Un  de  nos  correspondants  de  Bâle  nous  mande  ce  qui  suit  : 

«  Après  le  grand  succès  des  Deux  Amours  de  Gevaert,  il  était  difficile 
de  trouver  un  spectacle  plus  attrayant  que  celui  du  14  août,  composé  de  : 
Bonsoir,  voisin,  et  h  Tableau  parlant.  Le  petit  opéra  de  F.  Toise  a  beau- 
coup plu.  La  pièce  a  amusé,  la  musique  a  été  trouvée  charmante.  Sainte- 
Foy  s'est  montré  ravissant  dans  le  rôle  de  Chariot,  et  Mlle  Tillemont  une 
Louisette  fort  agréable.  Le  Tableau  parlant  a  réussi  au  delà  de  tout  ce  qu'on 
peut  imaginer.  Jourdan  (Pierrot),  Sainte-Foy  (Cassandre),  Grillon  (Léandre), 
MUe  Monrose  (Colombine),  Mllc  Marie  Faivre  (Isabelle),  ont  été  fort  goûtés 
et  applaudis.  Le  duo  célèbre  :  Je  t'aime  d'une  ardeur  éternelle,  a  été 
comme  une  révélation  pour  la  plupart  des  spectateurs.  LL.  MM.  le  roi  et  la 
reine  de  Prusse,  LL.  AA.  RR.  le  grand  duc  de  Saxe-Weymar,  le  prince 
Guillaume  de  Bade,  la  princesse  Marie,  duchesse  d'Hamilton,  et  d'autres 
très-illustres  personnages  ont  plusieurs  fois  témoigné  qu'ils  savaient  ap- 
précier l'impérissable  chef-d'œuvre  de  Grétry  et  ses  excellents  interprètes. 
Le  même  spectacle  se  répète  le  17.  Un  concert  à  orchestre  où  ûgurent 
Jourdan,  Mlle  Monrose,  Vieuxlemps,  Servais  et  Emile  Prudent,  est  annoncé 
pour  le  20.  Le  26,  a  lieu  la  grande  solennité  musicale  dirigée  par  Hector 
Berlioz,  et  le  mois  d'août  se  terminera  au  bruit  des  applaudissements  dé- 
cernés à  Graziani,  Mme  Carvalho,  Servais,  Billet,  MllE  Maria  Boulay.  «  Éton- 
nez-vous donc,  disait  hier  le  comte  de  Z...,  que  M.  Bénazet  ait  fait  de 
Bade  le  premier  bain  de  l'Europe,  la  capitale  d'été  des  deux  mondes  I  » 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


MOZART 

(    JEAN-CHRYS0STOME-WOLFGANG-AMÉDÉE    ). 

IV. 

A  son  retour  à  Vienne,  au  commencement  de  1788,  Mozart 
y  fit  représenter  son  dernier  opéra.  Mais,  à  l'exceplion  de  quel- 
ques connaisseurs,  le  public  viennois  resta  presque  indifférent 
devant  ce  chef-d'œuvre  de  l'art,  auquel  il  préférait  alors  le  Ta- 
rare de  Salieri.  Trop  de  beautés  d'un  genre  nouveau  étaient 
accumulées  dans  la  partition  de  Mozart  pour  que  celte  œuvre 
immortelle  pût  encore  être  appréciée  à  sa  juste  valeur.  L'illustre 
auteur  de  Don  Juan,  qui  eut  toujours  la  conscience  de  son  gé- 
nie, se  consolait  en  disant  :  «  Don  Juan  a  été  composé  pour  les 
habitants  de  la  ville  de  Prague,  pour  quelques  amis,  et  surtout 
pour  moi.  »  Rien  ne  pouvait  abattre  son  courage.  L'empereur 
Joseph  II  lui  avait  accordé  le  titre  de  compositeur  de  la  cour  avec 
une  modique  pension  annuelle  de  800  florins.  Toutes  les  res- 
sources pécuniaires  de  Mozart  consistaient  dans  ce  revenu  et  dans 
le  faible  produit  de  ses  travaux.  Comme  son  talent  de  pianiste 
était  universellement  goûté,  il  faisait  quelques  excursions  en  Al- 
lemagne et  donnait  des  concerts.  Cependant,  malgré  sa  réputa- 
tion, il  lui  arriva  de  jouer,  à  Leipsick,  devant  les  banquettes  à 
moitié  vides.  A  Vienne,  il  se  trouvait  souvent  réduit  à  un  état  de 
gêne  extrême.  Pendant  un  voyage  que  Mozart  fit  à  Berlin,  où 
son  élève,  le  prince  Lichnowski,  l'avait  conduit,  le  roi  de  Prusse, 
Frédéric-Guillaume,  s'efforça  de  le  retenir  à  sa  cour  en  lui  offrant 
un  traitement  de  3,000  écus  (11,250  francs).  A  cette  proposi- 
tion inattendue,  Mozart  devint  tout  pensif  :  «  Mais,  sire,  répon- 
dit-il, il  me  faudrait  alors  quitter  mon  empereur.  »  —  «  Réflé- 
chissez, répliqua  le  roi,  non  sans  une  certaine  émotion,  car  il 
connaissait  sa  position  précaire,  réfléchissez,  je  vous  donne  un  an 
pour  vous  décider.  »  Mozart  revint  à  Vienne  tout  préoccupé  de 
cette  offre.  Ses  amis  lui  conseillèrent  de  l'accepter,  et  finirent 
par  le  déterminer  à  aller  demander  sa  liberté  h  Joseph  IL  «  Com- 
ment, mon  Mozart,  lui  dit  l'empereur,  vous  voudriez  ra'aban- 
donner!  »  Mozart  demeura  interdit,  et  regardant  l'Empereur 
avec  attendrissement  :  «  Majesté,  répondit-il,  je  reste  à  votre 
service.  »  Un  pareil  acte  de  dévouement  et  de  désintéresssement 
méritait  d'être  récompensé;  cependant  aucune  amélioration  ne 
fut  apportée  dans  le  sort  de  l'artiste. 

Mozart  commençait  à  ressentir  les  premières  atteintes  d'une 
maladie  de  poitrine  compliquée  d'une  affection  nerveuse,  qui  le 
jetait  souvent  dans  des  accès  de  sombre  mélancolie.  Le  travail 
seul  parvenait  à  le  distraire  de  ses  tristes  pensées.  Parmi  les  nom- 
breuses œuvres  de  musique  instrumentale  et  vocale  qu'il  pro- 
duisit pendant  les  années  1788  et  1789,  se  trouvent  ses  trois 
dernières  symphonies.  On  remarque  aussi  la  nouvelle  instru- 
mentation du  Messie,  de  Haendel;  le  soin  qu'il  apporta  dans  cet 
arrangement  et  dans  celui  de  quelques  autres  ouvrages  du  même  . 
maître,  témoignent  de  l'admiration  qu'il  avait  pour  son  talent. 

Chaque  jour  le  mal  qui  consumait  Mozart  prenait  un  carac- 
tère plus  alarmant.  On  voyait  à  l'énergie  fébrile  que  l'artiste 
déployait  qu'il  sentait  approcher  sa  dernière  heure.  La  rapidité 
avec  laquelle  il  écrivait  était  telle  qu'il  semblait  plutôt  improviser 
que  composer,  et  néanmoins  c'était  toujours  le  même  perfection 
de  style,  la  même  richesse  d'invention.  Souvent  il  arrivait  à  un 


300 


I.K  MÉNESTREL. 


état  d'épuisement  qui  l'obligeait  de  se  jeter  sur  un  lit  de  repos; 
mais  bientôt  il  reprenait  son  travail.  Legrand  musicien  ne  croyait 
pas  encore  avoir  assez  fait  pour  sa  gloire. 

C'est  en  cet  état  qu'il  écrivit,  au  mois  de  janvier  1790,  son 
charmant  opéra  en  deux  actes,  intitulé  :  Cosi  fan  lutte,  qui  eut 
à  Vienne  un  brillant  succès.  L'année  suivante,  à  la  demande  de 
Schikaneder,  directeur  du  théâtre  de  cette  ville,  il  entreprit  la 
composition  d'un  autre  opéra  en  deux  actes,  Die  Zauberftœte  (la 
Flûte  enchantée),  qui  fut  terminé  au  mois  de  juillet.  Cet  ouvrage, 
remarquable  par  la  grâce  et  la  fraîcheur  des  idées,  et  d'un  genre 
complètement  différent  de  ceux  que  Mozart  avait  écrits  jusqu'a- 
lors, fut  joué  au  mois  d'août,  et  son  apparition  excita  un  tel  en- 
thousiasme, que  cent  vingt  représentations  successives  purent  à 
peine  fatiguer  l'attention  du  public.  Partout  on  chantait  les  mo- 
tifs de  cet  opéra.  Jamais,  à  Vienne,  on  n'avait  eu  d'exemple  d'un 
pareil  succès. 

Exténué  par  l'excès  de  travail,  Mozart  ne  put  assister  qu'aux 
dix  premières  représentations,  et  fut  obligé  de  garder  la  cham- 
bre. Là,  au  moment  où  le  spectacle  devait  commencer,  il  posait 
sa  montre  sur  sa  table,  il  suivait  le  mouvement  des  aiguilles  pour 
savoir  les  morceaux  qu'on  exécutait. 

Un  soir  qu'il  était  plongé  dans  les  lugubres  pensées  qui  l'as- 
saillaient, une  voiture  s'arrêta  à  la  porte  de  sa  maison.  Un  per- 
sonnage inconnu  se  présente  et  demande  à  parler  à  l'artiste.  On 
l'introduit  auprès  de  Mozart  :  «  Monsieur,  dit-il  au  compositeur, 
une  personne  de  distinction  m'envoie  vers  vous...  —  Quel  est 
son  nom!  interrompit  Mozart.  — Elle  désire  rester  inconnue.  — 
Et  que  veut-elle  de  moi?  —  Cette  personne  a  perdu  un  de  ses 
plus  chers  amis,  et  elle  voudrait  rendre  hommage  à  sa  mémoire 
en  faisant  célébrer  un  service  annuel  pour  lequel  elle  vous  prie 
de  vouloir  bien  composer  un  Requiem.  »  Au  milieu  de  ses  som- 
bres idées  qui  le  dominaient,  Mozart  se  sentait  porté  à  traiter  un 
semblable  sujet;  il  consentit  sur-le-champ  à  la  demande  qui  lui 
était  faite.  «  Dans  combien  de  temps  croyez-vous  pouvoir  livrer 
votre  travail?  reprit  l'inconnu.  —  Dans  un  mois.  —  Et  quelle 
somme  fixez-vous  pour  vos  honoraires?  —  Cent  ducats.  —  Les 
voici.  —  Et  l'étranger  disparut. 

Malgré  les  sollicitations  de  sa  femme,  Mozart  se  mit  aussitôt  à 
l'œuvre  avec  une  ardeur  qui  aurait  bientôt  épuisé  le  reste  de  ses 
forces,  si  une  circonstance  ne  fût  venue  le  distraire  de  ce  travail. 
Dans  les  premiers  jours  du  mois  d'août  1791,  le  compositeur  fut 
chargé,  par  l'administration  du  théâtre  de  Prague,  d'écrire  pour 
les  fêtes  du  couronnement  de  l'empereur  Léopold  II,  comme  roi 
de  Bohême,  la  musique  de  l'opéra  de  Métastase,  intitulé  :  La 
Clemensa  di  Tito.  Mozart  accepta,  et  partit  pourPrague.  Le  délai 
qui  lui  avait  été  fixé  était  tellement  court  qu'il  fut  obligé  de  ré- 
duire l'ouvrage  en  deux  actes,  de  n'écrire  que  les  principaux 
morceaux,  et  de  confier  à  un  de  ses  élèves  le  soin  de  faire  les 
récitatifs.  Dix-huit  jours  lui  suffirent  pour  terminer  son  travail, 
et  le  15  septembre  suivant  La  Clemenza  di  Tito  fut  représentée. 

Malgré  l'incroyable  rapidité  avec  laquelle  cette  partition  fut 

écrite,  la  plupart  des  morceaux  qu'elle  renferme,  entre  autres  le 
finale  du  premier  acte  et  le  trio  du  second  n'en  sont  pas  moins 
encore  des  modèles  de  grâce  et  de  perfection  de  style. 

La  voyage  de  Mozart  à  Prague  avait  fait  diversion  à  ses  idées 
habituelles,  et  lorsque  l'artiste  revint  à  Vienne  l'état  de  sa  santé 
semblait  s'être  amélioré.  Il  reprit  son  Requiem;  mais,  à  peine  s'é- 
tait-il remis  a  ce  travail,  que  le  mystérieux  personnage  qui  le  lui 
avait  demandé  se  présenta  de  nouveau  :  «  11  m'a  été  impossible, 
lui  dit  Mozart,  d'accomplir  ma  promesse.  —  Je  le  sais,  répartit 


l'inconnu.  Mais  combien  de  temps  vous  faut-il  encore  pour  ter- 
miner votre  œuvre?  —  Un  mois.  —  Eh  bien,  voici  cent  autres 
ducats.  Adieu,  dans  un  mois.  » 

La  visite  de  l'étrange  messager  laissa  Mozart  dans  la  persua- 
sion qu'il  venait  de  recevoir  du  ciel  l'avertissement  de  sa  fin  pro- 
chaine. «  Non,  disait-il  à  sa  femme,  je  ne  le  sens  que  trop,  je  n'ai 
plus  longtemps  à  vivre.  C'est  à  mon  hymne  funèbre  que  je 
travaille.  » 

Ces  paroles  brisaient  le  cœur  de  sa  femme,  qui  ne  pouvait 
parvenir  à  le  distraire  de  celte  sombre  pensée.  —  Persuadée  que 
l'attention  continue  de  son  mari  pour  la  composition  de  son  Re- 
quiem était  la  principale  cause  de  son  exaltation  maladive,  la 
pauvre  Constance  lui  confisqua  sa  partition.  Il  y  eut  en  effet  un 
peu  de  mieux  dans  l'état  de  l'artiste  dès  qu'il  interrompit  l'œuvre 
qui  absorbait  tout  son  être. 

Le  15  novembre  il  écrivit,  pour  un  cercle  d'amis,  une  petite 
cantate  ayant  pour  titre  :  la  Louange  de  l'amitié.  Les  applaudis- 
sements prodigués  à  cette  composition  donnèrent  un  nouvel  élan 
à  son  esprit.  Il  réclama  à  plusieurs  reprises  la  partition  de  son 
Requiem  pour  la  continuer  et  l'achever.  Sa  femme  fut  obligée 
de  céder  à  ses  instances  ;  mais  peu  de  jours  après  Mozart  retomba 
dans  son  abattement  précédent.  Ses  forces  étaient  complètement 
épuisées,  et  il  fut  contraint  de  prendre  le  lit  dont  il  ne  devait 
plus  se  relever. 

Le  5  décembre  1791,  quelques  instants  avant  sa  mort,  il  se 
fit  donner  sa  partition,  qu'il  examina.  C'était  le  dernier  et  dou- 
loureux regard  d'adieu  qu'il  adressait  à  Fart  qu'il  avait  tant 
aimé;  puis,  serrant  convulsivement  la  main  de  sa  femme,  ses 
yeux  humides  se  tournèrent  vers  le  ciel  :  il  avait  cesser  d'exister. 

Mozart  n'avait  pas  encore  atteint  sa  trente-sixième  année. 
Ainsi  s'éteignit,  entre  les  bras  de  sa  femme  (1)  et  de  ses  deux 
enfants  (2),  le  grand  artiste  dont  la  belle  âme  se  reflète  tout  en- 
tière dans  ses  œuvres.  Partout  en  effet  dans  ses  ouvrages  on  re- 
trouve celte  ardente  sensibilité  qui  fit  de  Mozart  un  fils  pieux  et 
tendre,  un  frère  plein  de  dévouement,  et  qui  lui  inspira  l'amour 
passionné  pour  celle  dont  il  fit  la  compagne  de  son  existence. 
Sous  l'humble  toit  de  la  famille,  sa  confiance  inaltérable  en  la 
Providence,  son  noble  et  courageux  désintéressement  lui  font 
rêver  le  bonheur  suprême,  non  dans  la  fortune  et  les  hon- 
neurs, mais  dans  une  vie  de  travail  et  d'affection  toute  dévouée 
à  l'art  et  couronnée  par  la  gloire.  Tous  ses  sentiments  sont  autant 
de  rayons  divins  qui  lui  font  battre  le  cœur,  fécondent  sa  pensée, 
et  forment  un  ensemble  merveilleux  de  sublimité  et  de  grâce,  de 
simplicité  et  de  magnificence,  de  gaieté  douce  et  de  mélancolie, 
d'exquise  distinction  et  de  naturel  charmant.  Dans  Mozart  on 
aime  et  on  estime  l'homme  autant  qu'on  admire  l'artiste,  et  si, 


(1)  La  veuve  de  Mozart  se  remaria,  en  1809,  à  Georges -Nicolas  de  Nissen, 
conseiller  d'État  du  roi  de  Danemark.  Après  la  mort  de  son  second  mari, 
arrivée  en  1826,  elle  publia  en  1828  un  gros  volume  sur  la  vie  et  les  ou- 
vrages de  Mozart.  Ce  livre  renferme  toute  la  correspondance  de  la  famille 
de  l'artiste,  des  articles  de  journaux,  des  portraits,  des  morceaux  de  mu- 
sique, etc.,  et  forme  un  recueil  de  documents  authentiques  confusément 
entassés  par  M.  de  Nissen. 

(2)  Des  six  enfants  que  Mozart  avait  eus  de  sa  femme,  deux  seuls  sur- 
vécurent. L'aîné,  Charles  Mozart,  naquit  à  Vienne,  en  1784.  Le  second, 
"Wolfram-Amédée  Mozart,  vint  au  monde  dans  la  même  ville,  le  26  juil- 
let 1791,  quatre  mois  et  quelques  jours  avant  la  mort  de  son  père.  Tous 
deux  ont  embrassé  la  profession  d'artiste,  et  se  sont  fait  remarquer  par 
un  talent  distingué  sur  le  piano. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


301 


dans  les  derniers  temps  de  sa  vie  il  tomba,  par  désespoir,  dans 
quelques  écarts  passagers,  on  ne  saurait  se  montrer  plus  sévère 
que  Constance,  qui  les  lui  pardonna  et  l'aima  toujours  avec  ten- 
dresse, parce  qu'elle  savait  que,  malgré  ces  écarts,  elle  était  elle- 
même  tendrement  aimée. 

Denne-Baron. 
(  La  suite  au  prochain  numéro.  ) 


FESTIVAL  DE  CAEN. 


Concours  d'orphéons  et  de  musique»  d'harmonie. 

La  journée  du  4  août  restera  gravée  dans  les  souvenirs  du 
Calvados.  Depuis  longtemps  la  cité  normande  n'avait  assisté  à  un 
spectacle  aussi  animé,  aussi  imposant  que  celui  de  cette  fête,  fa- 
vorisée du  reste  par  un  soleil  splendide. 

Trente-deux  sociétés  chorales  avaient  répondu  à  l'appel  ; 
vingt  mille  étrangers  étaient  accourus  de  toutes  les  villes  envi- 
ronnantes, et  des  pavillons  aux  couleurs  nationales  garnissaient 
une  grande  partie  des  maisons. 

Les  quatre  côtés  de  la  place  Royale,  encombrés  par  la  foule 
des  concurrents,  ne  laissaient  d'espace  libre  que  pour  M.  le 
maire  (M.  Bertrand),  président  de  la  Société  des  Beaux-Arts, 
MM.  les  adjoints,  MM.  Abel-Vautier  et  Olivier,  vice-présidents, 
les  membres  du  bureau  d'administration  et  le  jury,  ainsi  composé  : 

Pour  les  concours  d'Orphéons  : 

Président  :  M.  Elwart,  professeur  au  Conservatoire  de  mu- 
sique. 

Membres  du  jury  :  MM.  Pasdeloup,  directeur  de  l'Orphéon  de 
la  ville  de  Paris  ;  Pickaërt,  professeur  de  l'Orphéon  de  la  ville  de 
Paris;  Vialon,  compositeur  de  musique;  Oscar  Comettant,  com- 
positeur de  musique,  secrétaire  du  jury. 

Pour  les  concours  des  musiques  d'harmonie  et  de  fanfares  : 

Président  du  jury  :  M.  Brunot,  lre  flûte  solo  du  théâtre  impé- 
rial de  l'Opéra-Comique. 

Membres  du  jury  :  MM.  Auroux,  clarinette  solo  au  même 
théâtre; 

Castegnier,  1er  hautbois,  même  théâtre; 

Gillette,  professeur  au  Conservatoire  ; 

Pasquet  ; 

Sax  Junior,  inventeur  des  instruments  saxomnitiques. 

Parmi  les  sociétés  chorales  qui  ont  produit  une  vive  sensation, 
il  faut  citer  l'Orphéon  de  Bayeux,  qui  chante,  non  comme  des 
ouvriers,  non  comme  des  amateurs,  mais  comme  de  vrais  artistes. 
Le  prix  du  vainqueur  pour  ce  tournoi  choral  devait  être  une  mé- 
daille d'argent;  le  jury,  à  l'unanimité,  a  voté  pour  l'Orphéon 
bayeusain  une  médaille  d'or  avec  une  mention  très-honorable. 
Le  maire  de  la  ville  de  Caen  a  voulu  se  donner  le  plaisir  d'offrir 
cette  médaille  à  ses  frais,  ainsi  qu'une  autre  médaille  d'or,  dé- 
cernée extraordinairement  aussi  par  le  jury  a  une  des  musiques 
militaires  (Gisors). 

L' Enseignement  mutuel  de  Bayeux  a  fait  remporter  à  celte 
ville  un  deuxième  triomphe,  et  cela  dans  l'incarnation  d'un 
chœur  de  trente  petits  garçons,  dont  les  voix,  d'une  justesse  par- 
faite, offraient  un  ensemble  de  nuances  délicates  et  bien  senties. 
Ici  encore  le  jury,  voulant  donner  à  ces  enfants,  véritables  ché- 
rubins, une  marque  toute  spéciale  de  sa  satisfaction,  au  lieu 
d'une  médaille  en  argent,  lui  a  voté  une  médaille  en  vermeil,  ac- 
compagnée d'une  mention  honorable.  Cette  mention  revient  sur- 


tout de  droit  an  directeur  de  la  petite  bande  harmonieuse,  à 
M.  Lilmann,  qui  dirige  aussi  les  Vénitiens  de  Bayeux. 

Mais  avant  tout,  pour  rester  l'écho  fidèle  du  Calvados,  notre 
tribut  d'éloge  spéciale  l'organisateur  du  festival,  àM.Pasdeloup, 
vaillant  chef  d'orchestre,  qui  a  fait  de  vrais  miracles.  Sous  sa  ba- 
guette magique  on  a  vu,  en  quelques  heures,  se  discipliner,  s'har- 
moniser, s'inspirer  d'une  volonté  unique,  les  artistes,  les  ama- 
teurs appartenant  aux  cinq  départements  de  la  Normandie.  Cet 
orchestre,  quoique  formé  de  pièces  et  de  morceaux,  a  fort  bien 
marché,  et  il  s'est  particulièrement  distingué  dans  la  deuxième 
partie  de  la  symphonie  en  ut  mineur  de  Beethoven. 

Deux  lauréats  du  Conservatoire  de  Paris,  Mlle  Balbi  et  M.  Ca- 
poul,  prêtaient  leur  sympathique  concours.  M"e  Balbi,  si  jolie 
avec  la  simple  robe  de  soie  rose  dont  elle  était  parée,  a  tout  d'a- 
bord excité  des  murmures  de  plaisir.  Sa  cause  était  gagnée 
avant  même  qu'on  l'eût  entendue  :  Jugez  des  sensations  de  l'au- 
ditoire quand  a  résonné  la  voix  de  la  charmante  fauvette. 
M.  Capoul  n'a  pas  eu  moins  de  succès  que  M1Ie  Balbi,  et  le  duo 
du  Comte  Ory  leur  a  valu  une  ovation  de  compte  à  demi. 

Entre  les  deux  parties  du  festival  a  eulieu  la  distribution  des  mé- 
dailles, précédéed'un  excellent  discours  prononcé  par  M.  le  maire. 

Voici  le  résultat  du  concours  d'Orphéons  : 

1.  —  Division  spéciale,  hommes  et  enfants.  Prix,  médaille 
d'argent,  à  la  Chorale  d'Harcourt  ;  directeur,  M.  Martin. 

2.  —  4e  Division.  Prix,  médaille  de  vermeil  (demandée  par 
le  jury),  avec  mention  honorable.  Enseignement  mutuel  de 
Bayeux;  directeur,  M.  Lilmann. 

3.  — 3e  Division,  3e  section.  Prix,  médaille  d'argent,  Société 
de  Beuville-Biéville  ;  directeur,  M.  Vimard. 

4.  —  3e  Division,  2e  section.  1er  prix,  médaille  en  vermeil, 
Cécilienne  de  Dozulé;  directeur,  M.  Lecarpentier. 

5.  —  3°  Division,  2e section.  2e  prix,  médaille  d'argent,  l'Or- 
phéon de  Condé-sur-Noireau  ;  directeur,  M.  Levatois. 

6.  —  3e  Division,  Ve  section.  1er  prix,  médaille  en  or  (de- 
mandée par  le  jury),  avec  mention  très-honorable,  l'Orphéon 
bayeusain;  directeur,  M.  Réquier. 

7.  —  3e  Division,  lre  section.  2e  prix,  médaille  d'argent,  le 
Cercle  choral  de  Falaise;  directeur,  M.  Alix. 

8.  —  2e  Division.  Prix,  médaille  d'or,  les  Vénitiens  de 
Bayeux  ;  directeur,  M.  Lilmann. 

Les  fanfares  et  les  musiques  d'harmonie  ont  également  eu 
leurs  médailles  et  leurs  mentions  honorables. 

Une  médaille  d'or,  prix  exceptionnel,  a  été  remportée  par  la 
Fanfare  de  Gisors  :  chef  de  musique,  M.  Bardel. 

Une  autre  médaille  d'or,  par  l'Harmonie  d'Alençon  :  chef  de 
musique,  M.  Barrière. 

Et  enfin  une  troisième  médaille  d'or,  par  l'Harmonie  d'Ê- 
vreux  :  chef  de  musique,  M.  Monvoisin. 

On  a  aussi  remarqué  la  musique  de  Beaumont  :  chef  M.  Dé- 
hail,  également  médaillée. 

La  fête  s'est  terminée  par  le  chœur  de  Jérusalem,  de  Verdi, 
chanté  avec  accompagnement  d'orchestre  par  tous  les  orphéons 
réunis. 

Le  soir,  une  représentation  gratuite  au  théâtre  a  été  offerte  à 
toutes  les  sociétés  orphéoniques. 

Quant  aux  membres  du  jury,  un  dîner  confortable  les  atten- 
dait chez  M.  le  maire,  et  une  autre  invitation  les  conviait  pour 
le  lendemain  chez  M.  le  préfet  du  Calvados. 

Notre  jury  parisien  a  fait  bravement  honneur  h  ce  double  pro- 
gramme qui  avait  bien,  lui  aussi,  son  genre  de  mérite. 


302 


LE  MÉNESTREL. 


PETITE  CHRONIQUE. 

Matirimoniomanîe. 

Miss  Rochford,  chanteuse,  âgée  de  24  ans,  vient  d'intenter 
un  procès  à  M.  H.  R.  Hughes,  négociant  à  Liverpool,  à.  l'effet 
de  lui  réclamer  la  somme  de  5,000  livres  sterling  (125,000  fr.) 
à  titre  de  dommages  et  intérêts  pour  rupture  de  la  promesse 
de  l'épouser  qu'il  lui  avait  faite.  Ce  brave  négociant  s'était  laissé 
captiver  par  cette  sirène  enchanteresse  à  son  dernier  concert  à 
Harrogale  :  il  lui  envoya  un  chèque  de  50  liv.  (1,250  fr.)  et, 
après  l'avoir  engagée  à  abandonner  sa  profession,  il  lui  fit  des 
j  -  présents  s'élevanl  à  200  liv.  (5,000  fr.);  puis  lui  offrit,  après  que 
ses  amis  se  furent  opposés  à  son  mariage,  une  rente  annuelle  de 
150  liv.  sterling  ou  2,500  liv.  (12,500  fr.)  d'indemnité.  —  En 
Angleterre,  on  le  voit,  les  questions  artistiques  ou  matrimoniales 
se  résolvent  toutes  par  des  livres  sterling. 


cirque  de  l'impératrice  [Champs-Elysées,  carré  Marigny.) 
Fête  de  bienfaisance.  —  Aujourd'hui  dimanche  18  août  1861,  à  deux 
heures  précises,  Grand  Festival  donné  sous  le  haut  patronage  de  IX.  MM. 
l'Empereur  et  l'Impératrice,  au  profit  des  indigents,  par  la  mairie  et  le  bu- 
reau de  bienfaisance  du  16G  arrondissement,  avec  le  concours  de  la  musi- 
que de  la  garde  de  Paris,  sous  l'habile  direction  de  M.  Paulus,  son  chef,  de 
M.  Carré,  artiste  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  et  de  l'association 
des  Sociétés  chorales  du  département  de  la  Seine,  sous  la  direction  de 
M.  Delafontaine,  son  président,  soli,  orchestre  et  chœurs,  douze  cents  exé- 
cutants. —  LL.  EExc.  les  ambassadeurs  du  roi  de  Siam  veulent  bien  ho- 
norer de  leur  présence  cette  fête  de  bienfaisance.  —  On  peut  se  procurer 
des  billets  à  l'avance  chez  les  dames  pationnesses,  à  la  mairie  et  au  bureau 
de  bienfaisance  du  16e  arrondissement  (Passy)  ;  chez  les  éditeurs  de  musi- 
que :  MM.  Chaillot,  rue  Saint-Honoré,  334;  Gambogi  frères,  boulevard 
Montmartre,  15;  Heugel,  au  Ménestrel,  rue  Vivienne;  Heu,  rue  de  la 
Chaussée-d'Antin.lO;  Lemoine,  rue  Saint-Honoré,  256;  Prilipp,  boule- 
vard des  Italiens,  19;  Richault,  boulevard  Poissonnière,  26;  et  au  bureau 
de  location  du  Cirque  de  l'Impératrice.  —  Prix  des  places  :  parquet  et  pre- 
mières stalles,  10  fr.  ;  —  stalles,  5  fr.  ;  —  galerie,  3  f.  —  Les  portes  se- 
ront ouvertes  à  une  heure  et  irrévocablement  fermées  à  deux  heures. 

L'ordonnateur  du  bureau  de  bienfaisance,  Deshayes. 
Les  Adjoints,  P.  Klein  et  T.  Polak.      Le  Maire,  Baron  de  Bonnemains. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  A  l'occasion  du  15  août ,  nous  avons  à  enregistrer  quatre  nouvelles 
décorations  décernées  à  des  musiciens  :  Mil.  Tilmant,  chef  d'orchestre  de 
la  Société  des  Concerts  ;  J.  Offeubach,  compositeur  dramatique  ;  Henri 
Ravina,  pianiste  compositeur,  et  J.-J.  Masset,  professeur  au  Conservatoire 
et  directeur  de  la  musique  à  la  maison  impériale  de  Saint-Denis,  ont  été 
promus  chevaliers  de  l'ordre  de  la  Légion  d'honneur.  Gustave  Nadaud,  le 
chansonnier  populaire,  l'est  également,  au  double  titre  de  poëte  et  de 
musicien.  Tout  le  monde  applaudira  à  ces  nominations,  mais  chacun  re- 
grettera de  voir  briller  par  son  absence,  dans  cette  série  de  décorations,  le 
nom  de  notre  éminent  professeur  Marmontel.  Déjà ,  l'an  dernier ,  on 
espérait  celte  juste  distinction  pour  un  professeur  dont  l'honorabilité  et 
les  droits  acquis  sont  incontestables.  Cette  année  le  public  et  les  élèves  du 
Conservatoire  l'appelaient  de  tous  leurs  vœux  à  la  solennité  de  la  distribu- 
tion des  prix,  et  en  définitive,  c'est  un  nouvel  et  regrettable  ajournement. 

—  Dans  le  théâtre  et  les  lettres,  le  Moniteur  annonce  que  M.  Auguste 
Maquet,  président  de  la  Société  des  auteurs  dramatiques ,  est  promu  offi- 
cier de  la  Légion  d'Honneur  ;  MM.  Edouard  Poussier,  Eugène  Labiche,  Car- 
mouche,  Charles  Polron  et  Léon  Guillard,  auteurs  dramatiques,  ainsi  que 
MM.  Louis  Enault  et  E.  Gonzalès,  littérateurs,  sont  nommés  chevaliers  de 
la  Légion  d'honneur.  La  même  distinction  est  accordée  à  M.  Emilien 
Pacini,  membre  de  la  commission  d'examen  des  ouvrages  dramatiques. 

—  Le  Moniteur  publie  ce  qui  suit  dans  son  Bulletin  : 

«  A  l'occasion  du  discours  que  le  Ministre  d'État  a  prononcé  jeudi  der- 
nier au  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation,  plusieurs 
journaux  font  allusion  à  une  circulaire  que  Son  Excellence  aurait  adres- 


sée, de  Vichy,  aux  directeurs  des  théâtres  de  Paris,  pour  prendre  à  leur 
égard  diverses  mesures  restrictives.  Cette  prétendue  circulaire  n'a  jamais 
existé,  et  le  Ministre  d'État  n'a  pris  aucune  des  dispositions  qu'on  a  eu  le 
tort  de  lui  prêter.  » 

—  Voici  un  petit  programme  de  la  prochaine  saison  théâtrale  de  Saint- 
Pétersbourg,  laquelle  s'ouvrira  le  1er  septembre. 

Deux  nouveaux  opéras  russes,  librettos  et  partitions  originales,  seront 
montés  au  Théâtre-Marie.  L'un  est  Natacha  de  Villebois,  et  l'autre  Judith, 
de  Sero,  adepte  de  l'école  de  Wagner,  Liszt  et  consorts,  plus  connu  jusqu'à 
ce  jour  par  ses  critiques  que  par  ses  compositions,  toujours  à  l'instar  de 
Listz  et  consorts.  —  Les  abonnés  italiens  auront  la  primeur  d'une  œuvre 
inédite  de  Verdi,  dont  le  rôle  principal  a  été  écrit  pour  Tamberlick.  De  plus, 
on  entendra  pour  la  première  fois,  à  Pétersbourg,  l'illustre  baryton  Gra- 
ziani.  Le  bruit  a  couru  que  M.  de  Sabourow  a  conclu  un  engagement  avec 
la  signora  Palti,  la  nouvelle  étoile  de  la  dernière  saison  de  Londres. 

—  Nous  croyons  connaître,  dit  la  Gazette  musicale  de  Milan,  le  titre  du 
nouvel  opéra  que  Verdi  écrit  pour  le  théâtre  italien  de  Saint-Pétersbourg. 
Le  sujet  est  tiré  d'un  des  drames  les  plus  émouvants  du  théâtre  espagnol 
moderne,  intitulé  la  Force  du  Destin  [la  Forza  del  Destina),  qui  est  sorti, 
delà  plume,  si  notre  mémoire  ne  nous  trompe  ,  du  célèbre  Martinez  de  la 
Rosa. 

—  Le  23  juillet  a  eu  lieu,  au  théâtre  San  Carlo,  à  Naples,  la  première  re- 
présentation du  nouvel  opéra  de  Petrella,  Virginia.  Les  journaux  italiens 
ne  sont  pas  d'accord  sur  l'accueil  qui  a  été  fait  à  cet  opéra.  Si  nous  en 
croyons  la  Gazette  de  Milan,  le  succès  a  été  indécis.  Le  chœur  d'introduc- 
tion, morceau  d'un  grand  effet,  a  été  applaudi  unanimement;  les  applau- 
dissements donnés  aux  autres  morceaux  ont  été  plus  ou  moins  contestés. 
La  deuxième  et  la  troisième  représentation  n'ont  pas  été  plus  heureuses 
que  la  première.  77  Pirata  au  contraire  résume  son  compte  rendu,  en  di- 
sant que  cette  partition  renferme  de  grandes  beautés  ;  que  les  chœurs  sont 
sublimes,  et  plus  on  entendra  cette  musique,  plus  elle  sera  goûtée.  — 
Nous  voilà  bien  avancés. 

—  Nous  lisons  dans  une  correspondance  de  Gênes,  publiée  par  la  Ga- 
zette Musicale  : 

Il  Meneslrello,  opéra  nouveau  de  M.  de  Ferrari,  a  fait,  le  23  juillet,  son 
apparition  au  théâtre  Paganini,  et  a  été  bien  accueilli.  En  général  la  mu- 
sique a  de  l'animation  et  de  la  gaieté;  mais  elle  tombe  quelquefois  dans 
le  trivial;  cependant  on  y  remarque  cinq  ou  six  morceaux  vraiment  beaux, 
à  effet,  et  qui  feraient  honneur  à  quelque  compositeur  que  ce  fût  :  ce  sont 
la  cabalette  du  duo  entre  la  prima  donna  et  le  ténor,  une  scène  militaire 
particulièrement  applaudie,  un  trio  pour  basse  et  soprano,  le  finale  du 
deuxième  acte  et  la  romance  du  ténor  au  troisième  acte.  Les  autres  mor- 
ceaux ont  été  applaudis  avec  moins  de  chaleur,  mais  ils  gagneront  à  être 
entendus  plusieurs  fois.  L'exécution  a  été  fort  bonne. 

—  Le  conseil  municipal  de  Trieste  a  voté  une  subvention  pour  le  fils 
de  l'infortuné  compositeur  Ricci,  mort  dernièrement  à  Prague.  Ce  secours 
est  destiné  à  subvenir  à  l'éducation  musicale  de  cet  enfant,  âgé  de  sept  ans. 

—  On  écrit  de  Darmstadt  :  «  La  société  de  chant  de  la  vallée  du  Mein 
célébrera  le  17  août  (aujourd'hui  dimanche),  le  deuxième  anniversaire  de 
sa  création.  Il  y  aura  sept  cents  chanteurs  et  deux  cents  voix  d'enfants 
des  deux  sexes.  » 

—  Les  journaux  allemands  nous  apprennent  que  le  pianiste-composi- 
teur William  Kruger  vient  de  recevoir  du  duc  de  Gotha  la  croix  de 
Mérite  pour  arts  et  sciences. 

—  Les  coi  respondances  de  Vienne  nous  annoncent  que  Mmo  Marchcsi, 
jusqu'ici  professeur  de  chant  au  Conservatoire  de  cette  ville,  quitte  cette 
position  pour  aller  s'établir  à  Paris. 

—  On  enregistre  à  Londres  la  mort  de  la  célèbre  cantatrice  irlandaise 
Catherine  Hayes.  Élève  de  Sapio,  de  Garcia  et  de  Ronconi,  sa  belle  voix 
de  contralto  lui  valut  de  grands  succès  sur  les  scènes  de  Marseille,  de 
Milan,  de  Vienne.  En  18'i9,  après  avoir  chanté  à  Londres,  elle  fit  une 
grande  excursion  artistique  aux  Élats-Unis,  en  Australie,  dans  l'Inde. 
Elle  était  âgée  de  quaranie-un  ans. 

—  Les  concours  du  Conservatoire  de  Bruxelles  ont  donné  les  résultats 
suivants  : 

Au  concours  de  violoncelle,  classe  de  M.  Servais,  il  a  été  décerné  un  pre- 
mier prix  à  M.  G.  Libolton,  un  second  prix  à  M.  G.  Kungely. 

Concours  de  violon  :  les  récompenses  décernées  ont  élé,  dans  la  classe  de 
M.  De  Cornillon,  un  second  prix  à  M.  P.  Vanderborg,  des  accessits  à 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


303 


MM.  Bertrand  et  Pelgrim  ;  dans  la  classe  de  31.  Meerts,  un  second  prix  à 
M.  Kefîer,  des  accessits  à  MM.  Van  Remoerter  et  Veldtman  ;  dans  la  classe 
de  M.  Léonard,  un  premier  prix  à  M.  Firket,  un  second  prix  à  M.  Balk. 
L'enseignement  du  piano,  pour  les  jeunes  gens,  est  divisé  en  deux 
classes  :  dans  la  classe  de  M.  L.  Godineau,  il  y  a  eu  un  premier  prix  par- 
tagé entre  MM.  T.  Desmarès  et  A.  Massage,  un  second  prix  à  M.  Mat.  Bal- 
dayer  et  un  accessit  à  M.  H.  Natis.  Dans  la  classe  de  M.  Dupont,  les  dis- 
tinctions accordées  par  le  jury  ont  été  un  premier  prix  à  M.  C.  Holtcamp 
et  des  accessits  à  MM.  F.  Chassing  et  P.  Dhooghe. 

Au  concours  de  piano  de  la  classe  des  demoiselles,  professeur  Mme  Pleyel, 
le  premier  prix  a  été  partagé  entre  M1,es  A.  Bienaimé,  E.  Gérard  et  M.  Tor- 
deuse;  un  deuxième  prix  a  été  décerné  à  MUe  Mac  Blanchard  ;  des  accessits 
ont  été  accordés  à  Mlks  Quarten  et  A.  Hais. 

Le  concours  de  musique  classique  pour  le  piano  a  produit  les  résultats 
suivants  :  Dans  la  classe  des  demoiselles,  un  second  prix  partagé  entre 
M"C3  Deliége  et  Degavre;  deux  accessits  à  Mllos  Bosselet  et  Groethaers. 
Dans  la  classe  des  jeunes  gens,  un  premier  prix  partagé  entre  MM.  Holt- 
kamps,  Massage  et  Baldazar. 

Concours  de  chant  :  dans  la  classe  de  M.  Cornélis  il  a  été  décerné  un 
second  prix  à  M.  Huet  et  un  accessit  à  M.  Deeré  ;  un  second  partagé  entre 
Mllcs  Mainone  et  Senault  et  un  accessit  à  MUe  Gilbert.  Dans  la  classe  de  M.  Goos- 
sens,  le  jury  a  accordé  un  premier  prix  à  M.  Vanzwieten  et  un  accessit  à 
M.  Ebingre;  un  premier  prix  à  Mllc  Wilks  et  un  accessit  à  MUe  Caïman. 

Le  premier  prix  de  déclamation  lyrique  (pour  les  demoiselles)  aétédécerné 
par  le  jury  à  Mlle  Zeis;  un  second  prix  a  été  donné  à  MUe  Wilzs.  Dans  la 
classe  des  jeunes  gens,  le  second  prix  a  été  partagé  entre  MM.  Vanzwieten 
et  Huet. 

Dans  la  classe  de  composition  de  M.  Fétis,  le  premier  prix  a  été  partagé 
entre  MM.  Bosselet  fils,  de  Bruxelles  ;  Navone,  de  Gibraltar,  et  Barech,  de 
Saint-Sébastien. 
Accessit  :  M.  Lust. 

—  Spa  vient  d'avoir  sa  soirée  musicale  ni  plus  ni  moins  que  Bade.  Le 
programme  ouvrait  par  le  spectacle  proverbe  de  M.  Verconsin  :  Le  tout 
est  de  s'entendre,  joué  par  M,IeMira  et  M.  Biéval,  qui  chantaient  pour  ter- 
miner les  Travestissements  d'Albert  Grisar.  Les  chansonnettes  de  Paul 
Malézieux  avaient  aussi  pris  place  sur  ce  programme,  le  plus  intéressant  de 
la  saison. 

—  Les  frères  Lionnet  viennent  de  donner  neuf  concerts  successifs  dans 
les  établissements  thermaux  des  Pyrénées.  Ils  sont  en  ce  moment  à  Lu- 
chon,  qu'ils  vont  quitter  pour  Biarritz  où  ils  sont  attendus.  Partout,  le  plus 
grand  succès  accueille  leurs  programmes  de  scènes  déclamées,  de  duos,  de 
chansons  et  d'imitation.  Nadaud  et  son  répertoire  sont  partout  redeman- 
dés aux  frères  Lionnet,  qui  comptent  aussi  se  faire  entendre  à  Bilbao  et 
Saint-Sébastien,  avant  leur  retour  à  Paris. 

—  A  Passy,  la  musique  ne  chôme  jamais  ;  bien  mieux,  elle  a  sa  saison 
de  Londres,  commençant  avec  le  printemps  et  finissant  avec  l'automne. 
Tous  les  samedis,  d'abord,  le  piano  de  Rossini  s'ouvre  aux  visiteurs  d'été 
qui  abondent  à  sa  villa  du  bois  de  Boulogne.  Parmi  ces  visiteurs,  nos  plus 
grands  artistes  s'empressent  à  l'envi.  D'ailleurs,  on  a  parfois  la  bonne  for- 
tune d'entendre  une  œuvre  nouvelle  du  grand  maître.  Nous  citerons  entre 
autres  choses  écloses  cet  été ,  un  ravissant  Noël  qui,  du  piano  est  passé 
aux  voix,  et  une  Orpheline  du  Tyrol ,  comme  on  n'en  voit  pas.  Cette 
orpheline  chante  à  vous  fendre  l'âme  tout  en  vous  charmant  l'oreille. 
C'est  là  le  secret  de  la  musique  de  Rossini.  M"°  Mira,  qui  interprète  à  ravir 
cette  page  du  maître,  a  bien  compris  ce  double  prestige  de  l'art  drama- 
tique. Les  grands  chanteurs  formés  par  Garât  atteignaient  toujours  ce  but. 
Ponchard  et  Levasseur  nous  en  ont  fourni  une  nouvelle  preuve  samedi 
dernier  chez  Rossini.  Invités  à  faire  entendre  du  Boïeldieu,  du  Grétry,  ils 
ont  prouvé  que  la  véritable  expression  s'appuie  toujours  sur  le  charme  et 
le  bon  goût,  et  qu'en  somme  l'esprit  et  le  cœur  y  trouvent  leur  entière 
satisfaction  sans  blesser  l'oreille,  ce  qui  est  bien  quelque  chose  en  musique. 
Nous  ajouterons  que  M.  Canoby  les  a  dignement  accompagnés,  —  sachant 
s'oublier  ou  briller  à  propos. 

—  Indépendamment  des  salons  de  M.  et  Mmc  Rossini,  Passy  possède 
depuis  bien  des  années  le  salon  Orfila,  qui  ne  saurait  vivre  sans  musique. 
De  temps  à  autre  le  théâtre  y  fait  élection  de  domicile.  C'est  ainsi  que,  l'un 
de  ces  derniers  dimanches,  nous  y  applaudissions  M1Ie  Stella  Collas,  qui 
nous  revient  de  Saint-Pétersbourg  comblée  de  couronnes.  Elle  jouait  le 
Cheveu  blanc  avec  Saint-Germain  du  Vaudeville.  Tous  les  deux  ont  été 
parfaits,  quoique  bien  trop  jeunes  l'un  et  l'autre  pour  la  vraisemblance 
des  personnages  mis  en  scène.  Saint-Germain  s'en  est  excusé  en  quelques 


vers  d'avaut-propos.  Tant  d'autres  jouent  les  amoureux  en  cheveux  blancs, 
qu'on  ne  s'est  fait  aucun  scrupule  de  leur  pardonner  leur  jeunesse.  La 
sœur  de  MIIe  Stella  Colas,  Mmo  de  Hennezel,  s'est  aussi  fait  entendre,  mais 
comme  cantatrice  à  la  voix  fraîche,  au  visage  charmant.  Elle  était  accom- 
pagnée, à  livre  ouvert,  par  M"0  Orfila  de  Madrid,  qui  a  exécuté  de  même 
quelques  morceaux  concertants  avec  Sighicelli.  C'est  une  véritable  artiste 
que  cette  charmante  jeune  fille  du  monde  dilettante.  A  côte  de  MUc  Orfila, 
nous  avons  aussi  fort  applaudi  un  tout  jeune  organiste  qui  ne  peut  man- 
quer de  devenir  un  maître.  Nous  voulons  parler  du  jeune  Monchet,  fils 
de  l'honorable  notaire  de  ce  nom,  poussé  vers  la  musique  par  une  vraie 
vocation. 

—  Mercredi  dernier  le  lieutenant-colonel  Achille  Lafon  et  M.  A.  Elwart 
ont  fait  exécuter  dans  une  soirée  donnée  au  casino  de  la  gendarmerie,  ca- 
sernéeau  Louvre,  une  cantate,  La  Saint-Napoléon,  dont  l'effet  a  été  tel  que 
M.  Melchisech,  baryton  à  l'organe  puissant,  au  chant  plein  de  chaleur,  a 
dû  la  répéter  trois  fois.  —  L'orchestre,  parfaitement  dirigé  par  AI.  Diedel, 
était  fourni,  ainsi  que  les  chœurs,  par  kv,musique  de  la  gendarmerie  impé- 
riale. —  Plus  de  trois  cents  militaires  artistes  et  hommes  du  monde  assis- 
taient à  celte  belle  fête  militaire. 

—  La  ville  de  Tours,  qui  jusqu'alors  n'avait  fait  aucun  sacrifice  pour  le 
théâtre,  pas  même  celui  du  droit  des  pauvres,  vient  de  voter,  par  l'organe 
de  ses  conseillers  municipaux,  une  somme  de  700,000  fr.  qui  devra  être 
affectée  à  la  construction  d'une  salle  de  spectacle  monumentale  sur  une 
de  ses  places  publiques.  Voilà  certes  un  beau  début. 

—  On  fait  force  réclames  à  de  petites  gens  ;  pourquoi  n'en  ferait-on  pas 
en  l'honneur  des  petites  villes?  La  Revue  des  Théâtres  nous  recommande 
Pézénas,  à  propos  d'une  représentation  théâtrale  donnée  dans  cette  localité. 

«  Pézénas,  dit-elle,  a  conservé  le  fauteuil  sur  lequel  s'est  fait  poudrer  et 
raser  l'immortel  auteur  de  Tartufe,  pendant  qu'il  était  en  représentation 
sur  ce  joli  théâtre. 

n  Pézénas  a  donné  le  jour  à  M.  Nestor  Roqueplan. 

«  Ingrat  Nestor  !  Que  de  fois  j'ai  entendu  cependant  tes  pensionnaires, 
aux  Variétés,  bafouer  ta  ville  natale...  pardon  et  oubli...  Si  tu  viens 
jamais  te  faire  raser  parmi  nous,  je  revendiquerai  ton  plat  à  barbe  afin 
d'assurer  la  fortune  de  mes  enfants. 

«  Pézénas,  enfin,  possède  un  Orpliéon  et  une  Société  chorale  qui  vien- 
nent d'être  couronnés  en  pleine  foire  de  Beaucaire.  » 

Vous  le  voyez,  Pézénas,  tout  Pézénas  qu'il  est ,  a  bien  le  droit  d'avoir 
une  petite  place  dans  la  presse. 

—  Nous  parlions  dimanche  dernier  de  réclames  excentriques,  en  voici 
un  nouvel  échantillon  à  dédier  aux  éleveurs  de  Poissy  : 

Château  n'AsNiÈREs.  Aujourd'hui  dimanche,  .Foire  aux  Plaisirs  dans 
l'immense  parc  d'Asnières.  Un  bœuf-monstre  sera,  tout  entier,  rôti  et 
servi  au  public,  seigneur.Gargantua.  Le  sport  élégant  s'est  donné  rendez- 
vous  pour  assister  au  divertissement  steeplechase  ardennièn.  L'ascension 
d'un  ballon,  les  décorations  lumineuses,  le  feu  d'artifice,  la  pluie  de  bon- 
bons, Yhotnme  Salamandre,  les  deux  orchestres,  le  bal  et  ses  jolies  dan- 
seuses coquettement  costumées,  distribuant  des  mirlitons  et  des  pains 
d'épices;  —  tout  concourt  à  faire  de  cette  folle  journée  la  plus  merveil- 
leuse, la  plus  aimable  des  fêtes.  Les  grilles  ouvriront  à  dix  heures  du 
matin. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovt,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  «le  Mourgues  fieres,  rue  Jean-Jacques  Itou 


E.  GIROD ,  éditeur,  boulevard  Montmartre,  16. 


ALCESTE 

OPÉRA    EN   TROIS  ACTES   DE 

GLUCK 

Partition  originale  telle  qu'elle  a  été  composée  par  l'auteur  pour  le 

grand  Opéra. 

Un  beau  vol.  in-8°,  prix  :  7  fr. 


Librairie  G  AU  ME  frères  :el  J.  DU  PRE  Y,  rue  Cassette  ,  k,  à  Paris, 
(  et  au  MÉNESTREL  ,  2  bis,  rue  Vivienne.  ) 


EN  VENTE 


ACCOMPAGNEMENT  POUR  ORGUE 

DES  PRINCIPAUX  OFFICES  M  L'ÉGLISE  SELON  LE  RITE  ROIVSASN 

COMPRENANT  LES  OFFICES  DE  TOUS  LES  DIMANCHES  ET  DES  PRINCIPALES  FÊTES  DE  L'ANNÉE,  LE  CHANT  DU  TE  «EU  M, 

LES  SALUTS  DU  SAINT-SACREMENT  ET  LA  MESSE  DES  MORTS, 


L.  NIEDERMEYER, 

Fondateur  do  l'Lcok'  de  Musique  religieuse  de  Paris. 
S  vol.  grand  în-ï°,  ensemble  520  p.  ;  pa-Sx  net,  broché  :  SS  ffr.  —  Envoi  franco  en  échange  d'un  mandat  sur  l:i  poste. 

GRANDE  MANUFACTURE  D'ORGUES  D'ÉGLISE  EN  TOUS  GENRES 
Ancienne  Maison  DAUALAffiE-CtLLIRET,  successeur  M.  DUCROQIET,  facteur  de  S.  H.  l'Empereur. 

[ACTUELLEMENT  SOCIÉTÉ  ANONYME  POUR  LA  FABRICATION  DE  GRANDES  ORGUES,  ETC. 

ÉTABLISSEMENT  MERKLIN-SCHUTZE 

BOULEVART  MONTPARNASSE,  49,  PARIS.  —CHAUSSÉE  DE  WaVRE,  49,  RRUXELLES. 
Ri;c«mtpesises  nationales  aux  ExpositÊons  d'e'Farïs,  Bruxelles  et  tendres  ss.fl<8 ,  isjs  ,  BSifO,  sssi  et  r 855. 

Les  ateliers  de  ces  établissements  ont  produit  les  grandes  orgues  de  Saini-Eustache,  à  Paris  ;  de  la  cathédrale  de  Murcie  (Espagne)  ;  de  Saint-Eugène,  à  Paris  ; 
de  Saint-Philippe  du  Roule ,  à  Paris  ;  du  chœur  de  la  cathédrale,  à  Paris  ;  le  grand  orgue  de  l'église  Saint-Barthélémy,  à  Liège  (Belgique!  ;  de  la  cathédrale  de 
Rouen,  de  la  cathédrale  de  Bourges,  du  collège  des  Jésuites,  à  Namur  (Belgique)  ;  de  la  cathédrale  de  Viviers,  de  la  cathédrale  de  Dijon,  de  la  cathédrale  de  Lyon, 
de  la  cathédrale  de  Tournay  (Belgique),  de  la  cathédrale  de  Boulogne-sur-\Jer,  de  l'église  du  Haut-Pont,  à  Saint-Omer,  de  Brienne-Napoléon,  etc.,  etc.  —  Grand 
assortiment  d'Harmoniums  pour  salons  et  églises. 


ALBUM  POUR  DISTRIBUTIONS  DE  PRIX 

(  Dédié  aux  Pensionnats  et  Institutions  religieuses  ). 

CoUectiacn  de   morceaux  à  traies  -vois  égales,   avec   strophes    «ïéelamsées,   récitatifs,    chœurs    et  solï. 

PAROLES  ET   MUSIQUE  DE 


L'ABBE  JOUVE, 


Chanoine  de    Valen 


lre  partie.  Chœur  d'introduction  et  prière 2    » 

2e     —       Hymne  de  joie  (avant  la  distribution  des  prix) ....     2    » 
3e      —       Hymne  de  joie  (après  la  distribution  des  prix)....     3    » 

L'Album  complet,  net 


ce. 

4e  partie.  Le  Foyer  domestique,  la  Campagne,  chœur  et  soli.  2 

5e      —      Les  Voyages,  le  Rhin,  les  Alpes,  id.  id..  3 

6e      —      Hymne  final,  Dieu  ,  l'Homme,  la  Création 3 

5  fr. ,  volume  in-8°. 


Cantate  : 

NOTRE-DAME  DES  ARTS. 


ff^o      BP^^I  EglnflE^I  Eh %J 


Poésie  de 

ROGER  DE  BEAUVOIR. 


Pour  v idx  de  soprani,  avec  soli,  chœur,   violoncelle,  orgue,  piano  et  harpe,  adlib. 
M"  1.  Partition  complète  et  parties  séparées:  »  f.        |       M»  S.  Réduction  pour  chant  et  piano  :  4  f.  ÏO  c. 


GUILLOT  DE  SAÎNBRIS. 

Isabelle. 

Hiver  et  Printemps. 

H.  POTIER. 

Adieu  les  Fées. 

Fais-toi  petit. 

Comire  ou  le  Nouvel  ami  des  Enfants. 


CLEMENTINE  BATTA. 
Amour  et  Prière. 
Chant  d'une  Mère. 
Prière  à  la  Vierge. 
La  Valse  de  Marguerite. 

G.  HÉQUET. 
Les  trois  Chansons,  poésie  de  Victor  Hugo. 

-        SIX  ROMANCES  : 


PAULINE  THYS. 

Tes  Vingt  ans. 
Harmonies  du  soir. 

LOMBARD. 
La  Danse  Macabre. 
Le  Moka. 
Le  vrai  Prêtre,  pour  voix  de  basse. 


V.    LÂROI  NOIS.  Richesse  du  Cœur.  Hymne  à  l'Amour.  H  est  si  doux  d'aimer.  Pensera-t-elle  à  moi.  Page  et  Châtelaine.  ALBUM  DE  SALON 


780.  —  28°  Année. 

N>  39. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  25  Août 


r^r-st 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur, 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


JULES    LOVY, 

Ré(1actr  en  che'. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vi vionne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(4ui  magasins  et  Abonnement  de  Musique  du  m;\i ;STB  1:1,    —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


chut. 

6r  Mode  d'abonnement  :  JTournal-Textc-,  tous  les  dimanches;  S6  morceaux: 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  ï  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15fr.;  Province  :  18fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2»  Mode  d'abonnement  :  Jlôiirnul-Teite,  tous  les  dimanches;  «e  Morceaux  t 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  »  Albuma- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


CHANT  r.T  PIANO    REUNIS  t 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5ï  morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1"  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l"  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à,  MM.  m:i  IfiEI,  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  %  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charlesde  Mourgues  Crt-res, 


rue  Jean-JacquesRousseau,8. 


SOJIJIAIBE.  —  TEXTE. 

1.  Exposition  de  l'industrie  à  Marseille  :  les  orgues,  violons  et  violoncelles  (2e 
article).  G.  Bênédit.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lorr.  —  III  Tablettes  du 
pianiste  et  du  chanteur  :  Mozart  et  ses  œuvres  (5e  et  dernier  article).  Denne- 
Barok.  —  IV.  Petite  chronique  :  l'Angleterre,  pays  musical.  —  V.  Nouvelles 
et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  j  our: 
CARILLON , 

Polka-mazurka  de  salon  de  Joseph  Braga.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Cosmopolite-polka,  par  Alfred  Godard. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

UN  REGARD  , 

Paroles  et  musique  de  Gustave  Nadaud.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Hiver  et   Printemps ,   paroles  d'EuGÈNE   Scribe  ,   musique 

d'ANTONIN  GUILLOT  DE   SAINBRIS. 


FEUILLETON  DU  SEMAPHORE. 


CONCOURS  RÉGION  L. 


EXPOSITION   DE  L'INDUSTRIE  A   MARSEILLE. 

EES  l\STRHIi:\]S  DE  MUSIQUE. 

(  2e  Article.  ) 

Orgues.  —  Symphonista.  —  Harmoniums.  —  Harmonicordes.  —  Annexe- 
piano.  —  Violons-Violoncelles.  —  Cordes  pour  ces  inslrumenls.  —  Cors, 
Trombones,  Cornets  à  pistons.  —  MM.  Alexandre  père  et  fils.  —  Gui- 
chenet-Debain.  —  Beaucourt.  —  Luthiers  anciens.  —  Luthiers  mo- 
dernes. —  M.  Charles  Simonin,  de  Toulouse.  —  M.  Coviaux  et  sa  vi- 
trine. —  Charles  IV,  roi  d'Espagne. 

En  quittant  le  milieu  de  la  salle,  mais  tout  près  de  ce  vaste 
rayon,  est  placé  côte  à  côte  d'un  orgue  Alexandre  à  quatre  jeux, 


un  instrument  de  même  famille,  avec  cette  différence  qu'au  cla- 
vier ordinaire  à  l'usage  des  organistes  de  profession,  est  super- 
posé un  autre  clavier  d'une  nature  toute  particulière  ;  ce  clavier, 
fait  pour  accompagner  de  préférence  le  plain-chant,  s'adresse 
exclusivement  à  ceux  qui  ne  connaissent  pas  très-bien  la  musi- 
que et  encore  moins  l'harmonie,  car  chaque  touche  sur  laquelle 
se  trouve  écrit  le  nom  de  la  note  fondamentale  qu'elle  repré- 
sente, constitue  à  elle  seule  un  accord.  Néanmoins,  comme  cette 
invention  a  besoin  d'être  expliquée  aux  apprentis  organistes, 
l'auteur  a  eu  soin  d'annexer  (employons  ce  mot,  puisqu'il  est 
aujourd'hui  en  vogue)  ses  observations  à  droite  et  à  gauche  du 
nouvel  instrument  qui  s'appelle  Symphonista  et  dont  l'inventeur 
est  M.  Guichené. 

Nous  avons  parlé  d'Alexandre  père  et  fils,  et  nous  ne  pouvons 
que  confirmer  ici  les  éloges  accordés  à  ces  habiles  facteurs  par 
la  presse  parisienne.  Voulez-vous  connaître  à  fond  le  mérite  de 
leurs  instruments?  Priez  M.  Mazoulier,  organiste  à  l'Exposition, 
de  vous  improviser  quelque  mélodie  de  sa  façon  sur  l'orgue  à 
cinq  jeux  à  percussion  avec  prolongement,  et  si  vous  n'êtes  pas 
ravi  des  sons  doux  et  harmonieux  qu'il  fera  surgir  de  ce  clavier 
enchanté,  c'est  que  probablement  vous  serez  difficile.  Au  moyen 
d'un  mécanisme  que  le  genou  de  l'exécutant  fait  mouvoir,  tel 
ou  tel  accord  plaqué  par  la  main  gauche  se  perpétue  indéfini- 
ment comme  si  les  doigts  opéraient  cette  tenue. 

MM.  Alexandre  père  et  fils  ont  exposé  également  des  orgues 
et  des  mélodiums  de  toutes  dimensions,  chez  lesquels  on  remar- 
que les  qualités  excellentes  qui  ont  valu  à  leurs  auteurs  une 
grande  réputation  et  une  vogue  permanente. 

Et  M.  Debain,  que  nous  aurions  dû  placer  le  premier  à  cause 
de  son  ancienneté  et  de  son  droit  d'initiative,  n'est-il  pas  digne 
aussi  des  éloges  et  des  récompenses  qui,  tant  de  fois,  sont  venus 
couronner  ses  travaux?  N'est-ce  pas  à  lui  que  nous  devons  les 
premiers  harmoniums  et  les  premières  orgues  portatives?  Avant 
M.  Debain,  les  vastes  cathédrales  pouvaient  seules  faire  résonner 


306 


LE  MÉNESTREL. 


sous  leurs  voûtes  les  accents  religieux  de  cet  instrument,  dont 
la  voix  pénétrante  s'accorde  si  bien  avec  les  cérémonies  du  culte  ; 
aujourd'hui,  il  n'est  pas  de  chapelle,  si  modeste  qu'elle  soit,  qui 
ne  puisse  avoir  un  orgue  muni  de  tous  ses  jeux,  sans  parler  de 
l'expression,  avantage  qui  manquait  aux  orgues  d'autrefois,  mo- 
notones le  plus  souvent  malgré  les  puissantes  ressources  de  leur 
constitution  colossale. 

Ce  n'est  pas  tout;  M.  Debain  est  aussi  l'inventeur  de  Yhar- 
monicorde,  cet  instrument  complexe  sur  lequel  M.  Lefébure- 
Wély  vint,  il  y  a  quelques  années,  prodiguer  parmi  nous  les 
trésors  de  son  incomparable  exécution.  Nous  en  appelons  a  ceux 
qui  ont  assisté  au  concert  de  l'éminent  virtuose,  et  nous  les  prions 
de  nous  dire  si,  avant  l'harmonicorde,  ils  avaient  entendu  rien 
de  pareil  à  cette  réunion  du  piano  et  de  l'orgue,  sous  les  mêmes 
doigts,  dans  les  morceaux  dont  les  noms  sont  encore  présents  à 
notre  souvenir,  tels  que  :  le  Pèlerinage,  les  Noces  basques,  la 
Montagnarde  et  la  Marche  des  gardes. 

Parlons  pour  mémoire  du  piano  à  manivelle,  ce  cousin  ger- 
main de  l'orgue  de  Barbarie,  lequel  ne  demande  à  l'exécutant 
aucune  espèce  d'étude  et  d'initiation  pour  jouer  les  plus  jolis  airs 
modernes,  et  félicitons  enfin  M.  Beaucourt,  de  Lyon,  sur  les  har- 
moniums exposés  par  lui  à  Marseille.  Dans  ces  spécimens  d'une 
facture  irréprochable,  M.  Beaucourt  a  suivi  de  près  MM.  De- 
bain  et  Alexandre,  et,  sous  certains  rapports,  les  a  peut-être 
égalés. 

Bien  différent  du  piano  et  de  l'orgue  qui,  depuis  leur  exis- 
tence, ont  subi  de  si  nombreuses  et  de  si  notables  améliorations, 
le  violon,  au  contraire,  a  dégénéré;  l'on  peut  s'en  convaincre 
aisément  si  l'on  compare  les  beaux  modèles  d'Amati  et  de  Stradi- 
varius aux  meilleurs  instruments  de  nos  luthiers  modernes,  fût- 
ce  MM.  Bernardel,  Thibout,  Gand  et  Villaume.  Comment  cela 
se  fait- il,  dira-t-on?  La  facture  n'est-elle  pas  un  art  précis,  ma- 
thématique, et  le  problème  de  l'assimilialion  est-il  si  difficile  à 
résoudre  qu'on  ne  puisse,  en  décollant  un  violon  de  maître,  en 
étudiant  sa  forme  et  ses  épaisseurs,  fabriquer  un  instrument  de 
tout  point  semblable?  Au  premier  abord  la  chose  semble  ne  ren- 
contrer aucun  obstacle,  et  pourtant  qui  pourrait  dire  l'avoir  vue 
se  réaliser?  Jusqu'ici  il  a  été  tout  aussi  impossible  aux  facteurs 
de  violon  d'égaler  Amati,  Guarnerius  et  Stradivarius,  qu'aux 
facteurs  de  pianos  modernes  de  surpasser  Erard  et  Pleyel,  qui 
datent  de  la  fin  du  dernier  siècle.  Le  fait  est  singulier,  nous  en 
convenons  ;  mais  comme  on  ne  saurait  l'expliquer  autrement,  il 
faut  le  constater  et  passer  outre. 

C'est  sous  le  règne  de  Charles  IX  que  le  violon  apparut  en 
France  pour  remplacer  le  rebec,  espèce  de  viole  à  trois  cordes 
pourvue  d'un  certain  charme  néanmoins,  si  l'on  s'en  rapporte 
au  poète  Régnier,  qui,  en  parlant  des  épousées  que  l'on  menait 
à  l'église  avec  rebec  et  tambourin,  disait  : 

Bref,  vos  paroles  non  pareilles, 
Résonnent  doux  à  vos  oreilles, 
Comme  les  cordes  d'un  rebec. 

Tartini,  Gavinius,  Corelli,  Pugnani  furent  les  premiers  violo- 
nistes célèbres  ;  Paganini  vint  ensuite,  qui  éclipsa  tous  les  vir- 
tuoses par  la  puissance  de  son  mécanisme  et  le  génie  de  son 
exécution.  Violti,  talent  classique  des  plus  élevés,  auteur  d'une 
série  d'admirables  concertos,  exerça  une  influence  très-grande 
sur  l'école  française,  où  nous  avons  vu  se  produire  successive- 
ment Rode,  Kreutzer,  Baillot,  Habeneck,  de  Beriot,  Artot,  etc. 
Nous  ne  parlons  pas  de  Haumann,  Ernst,  Vieuxtemps,  des 


sœurs  Milanollo  et  Ferni,  qui  appartiennent  plus  ou  moins  h  l'é- 
cole de  Paganini,  dont  Sivori  est  le  seul  élève  et  le  plus  célèbre 
représentant. 

Le  violoncelle,  bien  qu'inventé  à  l'époque  du  violon,  ou  à  peu 
près,  par  le  P.  Tarascon,  ne  fut  introduit  à  l'Opéra  que  vers  les 
dernières  années  du  règne  de  Lulli,  par  un  musicien  nommé  Ba- 
tistini,  de  Florence.  Jusque-là  on  ne  s'était  servi  que  de  la  basse 
de  viole  qui  était  montée  de  sept  cordes;  elle  accompagnait  le 
chant  et  la  musique  instrumentale.  Berthaud,  né  à  Valenciennes, 
doit  être  considéré  comme  le  chef  de  l'école  française  pour  le 
violoncelle.  Parmi  ses  élèves  on  compte  les  deux  frères  Janson 
et  les  deux  Duport.  L'école  allemande  a  Bomberg,  Bohrer,  Daut- 
zaer;  la  Belgique  s'enorgueillit  à  juste  titre  de  Servais  etBatta, 
tandis  que  nous  pouvons  citer  à  notre  tour  Levasseur,  Breval, 
Lamare,  Baudiot,  Muntz,  Berger,  Norblin,  Benazet,  Valsin  et 
Franchomme. 

Pour  les  violons  et  les  violoncelles,  M.  C.  Simonin,  de  Tou- 
louse, est  le  seul  luthier  qui  ait  exposé  des  instruments  sortis  de 
ses  ateliers.  Les  violons  et  les  violoncelles  de  M.  Simonin  sont 
parfaits  de  proportions,  leur  forme  est  à  la  fois  élégante  et  cor- 
recte; mais  comme  la  vitrine  qui  les  renferme  ne  s'ouvre  pas  aux 
profanes  mortels,  nous  ne  pouvons  rien  dire  par  nous-même  du 
mérite  de  ces  instruments  qui,  du  reste,  avouons-le,  sont  fort 
estimés  des  artistes. 

La  vitrine  de  M.  Coviaux  est  dans  les  mêmes  conditions;  seu- 
lement, l'amateur  n'a  pas  besoin  détenir  en  main  les  violons  et 
violoncelles  exposés  par  ce  luthier,  pour  savoir  à  qui  il  a  affaire. 
Les  instruments  de  M.  Coviaux  portent  tous  un  nom  célèbre,  et 
parlent  aux  yeux  du  connaisseur,  qui  les  admire  et  se  découvre 
devant  eux  en  passant. 

D'abord,  c'est  une  basse  de  Jiofredi  Cappa,  élève  d'Arnati 
(1650),  puis  un  Guarnerius  (1690),  un  Ruggerius  (1691),  un 
Geovanni  Grancino  (1721),  un  magnifique  Stradivarius  du  prix 
de  5,000  fr.  (1699),  qu'on  ne  peut  méconnaître  à  sa  forme  ap- 
platie,  si  différente  de  celle  des  amatis  bombées  et  voûtées.  Quel 
dommage  que  les  plus  beaux  instruments  de  ces  maîtres  répan- 
dus en  France  et  à  l'étranger  aient  été  soumis  à  des  altérations 
sensibles,  par  suite  de  l'exhaussement  progressif  du  diapason,  et 
qu'il  ait  fallu  les  rembarrer  pour  résister  à  la  tension  des  cordes, 
ce  qui  nécessairement  a  dû  efféminer  leur  son  bien  plus  mâle  et 
bien  plus  nourri  quand  ils  étaient  accordés  un  ton  plus  bas  avec 
des  cordes  plus  fortes. 

Mais  voici  la  pièce  curieuse  de  l'exposition  de  M.  Coviaux. 
Voyez-vous  tout  au  bas  de  la  vitrine  ce  demi-violon  si  délicate- 
ment orné?  C'est  un  Gugliano,  direz-vous;  oui,  sans  doute;  seu- 
lement, vous  ignorez  l'histoire  de  ce  violon;  eh  bien!  sachez 
qu'il  a  appartenu  au  roi  d'Espagne  Charles  IV,  et  que  Pelrucci, 
professeur  du  monarque  mélomane,  lui  enseigna  les  premiers 
principes  de  la  musique  sur  ce  patron  réduit.  Pendant  son  séjour 
à  Marseille,  où  il  était  venu  s'établir  après  la  perle  de  son  trône, 
et  pour  rendre  plus  courtes  les  heures  de  l'exil,  Charles  IV,  dont 
]a  bonté  est  restée  proverbiale  dans  notre  ville,  réunissait  auprès 
de  lui,  quatre  fois  par  semaine,  dans  ses  salons  de  la  rue  Pelit- 
Saint-Giniez  où  demeure  actuellement  M.  Andiol,  plusieurs  ar- 
tistes et  amateurs  (1)  pour  exécuter  les  quatuors  d'Haydn  et  de 


(1)  Parmi  les  exécutants  du  royal  quatuor,  on  comptait  M.  Boucher, 
surnommé  l'Alexandre  du  violon  ;  M.  Hardisson,  amateur  distingué,  et 
M.  Berleaut,  père  de  M.  S.  Berteaut,  de  la  chambre  de  commerce. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


307 


Mozart.  Comme  bien  on  suppose,  Charles  IV  faisait  sa  partie 
dans  ces  concertos  intimes;  mais  comme  avec  la  souveraineté 
royale  le  ciel  ne  l'avait  pas  doté  d'une  organisation  des  plus  ex- 
quises, il  s'en  suivait  que  l'auguste  exécutent  restait  parfois  une 
mesure  en  arrière,  ce  dont  il  ne  se  doutait  guère,  attendu  que, 
par  déférence,  ses  partenaires  s'étaient  fait  une  loi  de  ne  jamais 
l'en  avertir.  Pour  ramener  l'ordre  dans  l'harmonie  un  instant 
troublée,  on  reprenait  une  mesure  en  arrière  et  l'équilibre  était 
parfaitement  rétabli.  Or,  quand  vint  le  moment  de  quitter  Mar- 
seille, Charles  IV  manda  son  luthier,  M.  Lippi,  beau-père  de 
M.  Coviaux,  et  lui  dit  :  «  Mon  cher  Lippi,  vous  avez  longtemps 
soigné  mon  quatuor;  grâce  à  vous,  mes  instruments  ont  subi 
des  réparations  intelligentes,  les  cordes  sorties  de  votre  magasin 
n'en  ont  peut-être  pas  de  pareilles;  bref,  au  moyen  des  ressources 
de  votre  profession  utile,  vous  avez  contribué  pour  une  large 
part  à  charmer  mes  ennuis,  sans  compter  votre  dévouement  à  ma 
personne;  je  veux  donc  vous  laisser  un  gage  de  mon  estime  :  te- 
nez, voici  un  petit  Gugliano  avec  lequel  j'ai  commencé  mes  étu- 
des musicales;  prenez-le,  je  vous  le  donne,  et  vous  prie  de  le 
conserver  en  souvenir  de  moi.  »  L'an  dernier,  lors  du  passage 
de  l'Empereur  à  Marseille,  M.  Coviaux,  avait  eu  l'heureuse  idée 
d'offrir  ce  petit  violon  au  prince  impérial,  par  l'intermédiaire  de 
M.  Besson,  alors  préfet  des  Bouches-du-Rhône;  mais  ce  magis- 
trat, probablement  occupé  de  choses  plus  importantes,  oublia 
M.  Coviaux  et  son  charmant  Gugliano,  et  l'affaire  tomba  dans 
l'eau. 

G.  Bénédit. 
(  La  suite  au  prochain  numéro.) 


SEMA1M  THÉATIÎVLE. 


Lundi  dernier,  I'Opéra  nous  a  rendu  les  Huguenots.  Mme  Rey- 
Balla  était  chargée  du  personnage  de  Valentine,  et  Michot  pre- 
nait possession  du  rôle  de  Raoul  (il  n'avait  chanté  jusqu'alors 
que  le  quatrième  acte).  La  débutante,  moins  émue  que  dans 
Robert-le-Diable,  s'est  très-honorablement  tirée  de  sa  tâche.  Mi- 
chot a  eu  des  accents  chaleureux,  et  de  leur  côté  Mme  Vanden- 
heuvel-Duprez,  Belval  et  Cazaux  ont  récolté,  comme  toujours,  les 
bravos  les  plus  sympathiques.  — Nous  avons  annoncé  la  récep- 
tion d'un  petit  opéra  en  deux  actes,  musique  de  M.  Alary.  Cette 
pièce,  dont  le  poëme  est  de  M.  Mélesville,  va  être  prochainement 
mise  à  l'étude  :  elle  doit  accompagner  le  ballet  nouveau.  Michot 
y  créera  le  rôle  capital,  celui  d'un  jeune  organiste.  Mn°  Amé- 
lie Rey  y  tiendra  le  principal  rôle  féminin.  On  raconte  aussi 
qu'on  a  engagé  pour  cet  ouvrage  une  cantatrice  de  musique  reli- 
gieuse qui  se  fera  entendre  seulement  dans  la  coulisse,  et  qui 
possède,  dit-on,  des  notes  extraordinaires. 

Vendredi  dernier,  Mme  Viardot  chantait  pour  la  première 
fois  le  rôle  d'Azucena  du  Trouvère.  Ce  type  de  la  bohémienne, 
dont  la  sombre  énergie  formait  le  trait  principal,  s'est  révélé  sous 
des  aspects  nouveaux.  Les  accents  de  la  grande  école  classique 
semblaient,  en  le  tempérant,  ennoblir  ce  rôle  passionné.  Aussi 
la  nouvelle  Azucena  a  élé  fêtée  avec  enthousiasme.  Michot,  Bon- 
nehée  et  Mlle  Rey-Balla  (Léonore),  ont  eu  leur  part  d'applau- 
disssements. 

—  Il  est  question  de  l'engagement  de  Dulaurens,  que  nous 


avons  vu  débuter  récemment  :  «  Dulaurens,  dit  assez  plaisamment 
notre  confrère  Fiorenlino,  est  bon  enfant,  et  se  laissera  faire  î  il 
n'a  pas  de  préjugés.  » 

Au  Théâtre-Français  nous  avons  eu  la  rentrée  de  M1Ie  Pau- 
line Granger  et  les  débuts  de  M.  Laroche.  MIIe  Pauline  Granger 
a  repris  son  rang  et  son  importance  dans  le  répertoire  :  après 
les  rôles  de  Dorine  du  Tartufe,  et  de  Lisette  du  Jeu  de  l'Amour 
-et  du  Hasard,  nous  l'avons  retrouvée  dans  Toinette  du  Malade 
imaginaire ,  continuant  son  succès  et  faisant  applaudir  cette 
gaieté-franche  et  cette  verve  nettement  accusée  qui  n'excluent  ni 
la  grâce  ni  l'esprit.  —  C'est  dans  la  tragédie  que  M.  Laroche  a 
paru,  remplissant,  pour  son  coup  d'essai,  le  rôle  de  Britannicus. 
11  y  a  été  assez  faible,  et  tout  en  louant  certaines  parties  de  son 
jeu,  notamment  la  sagesse  de  son  débit,  nous  signalerons  une 
fréquence  de  gestes  et  un  mouvement  de  tête  trop  répété.  Il  a 
joué  de  nouveau  Valère  dans  Tartufe,  et,  mieux  familiarisé  avec 
ce  terrain  nouveau,  il  a  mis  plus  d'aisance  et  de  chaleur  dans 
son  jeu. 

On  parle  généralement,  à  I'Opéra-Comique,  de  l'engagement 
de  Roger.  Un  contrat  de  trois  années  lierait  l'excellent  artiste  au 
premier  berceau  de  sa  gloire.  Il  reparaîtrait  d'abord,  dit-on, 
dans  la  Sirène.  Le  principal  rôle  serait  chanté  par  Mlle  Marimon. 
—  En  attendant,  la  reprise  du  Postillon  de  Longjumeau,  pour 
Montaubry,  est  toujours  à  l'ordre  du  jour. 

L'Odéon  fera  sa  réouverture,  le  dimanche  1er  septembre, 
par  une  pièce  en  cinq  actes,  de  M.  Paul  Foucher,  intitulée  : 
V Institutrice,  et  par  un  acte  en  vers  de  M.  Henri  Rlaze  de 
Rury,  intitulée  :  le  Décaméron.  V Institutrice  sera  jouée  par 
Tisserant,  Ribes,  Pierron,  Riga;  Mmes  Ramelli,  Delahaye, 
Roussell  (lauréat  du  Conservatoire),  et  Anaïs  Mollon  (pour  ses 
débuts) . 

Le  Décaméron  sera  joué  par  Saint-Léon,  Marck,  MUe  Dela- 
haye etM"e  Dambricourt  (premier  prix  du  Conservatoire). 

Nous  avons  annoncé  que  le  Vaudeville  allait  répéter  une 
pièce  de  Scribe  (dont  le  manuscrit  lui  aurait  été  remis,  dit-on, 
par  M.  Haussmann,  préfet  de  la  Seine).  On  hésite  sur  le  titre  : 
les  uns  veulent  la  Frileuse  ;  d'autres  préféreraient  la  Duchesse 
Honesta.  Pour  peu  que  la  pièce  se  joue  cet  été,  la  Frileuse 
serait  un  titre  piquant.  —  Alexis  Colleuille,  dont  nous  avons 
constaté  les  heureux  débuts  au  Vaudeville ,  vient  d'être  engagé 
pour  trois  ans  à  ce  théâtre. 

Le  théâtre  des  Variétés  a  réouvert  ses  portes  avec  trois 
pièces  nouvelles.  Un  Dîner  de  famille,  qui  avait  été  trouvé  un 
peu  long  le  jour  de  la  première  représentation,  produit  main- 
tenant beaucoup  d'effet,  grâce  à  d'intelligentes  coupures.  C'est 
un  tableau  original,  pris  sur  nature  et  dans  lequel  l'auteur, 
M.  Eugène  Moreau,  a  jeté  à  profusion  l'esprit  d'observation  et 
son  esprit  naturel.  Brouillés  depuis  Wagram  soulève  de  cha- 
leureux applaudissements  qui  s'adressent  et  à  la  pièce  et  à 
Leclère,  si  parfait  dans  le  rôle  d'un  vieux  grognard.  Quant  aux 
Danses  nationales,  c'est  un  de  ces  spectacles  pleins  d'entrain  et 
d'animation  dont  certains  habitués  de  l'orchestre  sont  si  friands. 
Dupuis  y  est  parfait,  et  M"°  Alphonsine  étourdissante  de  verve 
et  de  gaieté. 

Le  Palais-Royal  a  également  sa  grande  pièce  à  spectacle. 


308 


LE  MÉNESTREL. 


La  Beauté  du  Diable,  trois  actes  et  un  prologue  de  MM.  Grange 
et  Lambert  Thiboust,  est  une  œuvre  plus  fantastique  que  lo- 
gique. Les  désopilantes  transformations  de  Brasseur,  le  brio  de 
MUe  Schneider,  la  musique  de  M.  Sylvain  Mangeant  et  celle  du 
répertoire  de  Jacques  Offenback  ont  enlevé  le  succès  de  cette 
fantaisie.  Les  airs  de  la  Chanson  de  Forlunio  y  sont  largement 
misa  contribution,  et  le  public  ne  s'en  plaint  pas.  Le  soir  de  la 
première  représentation,  le  directeur  des  Bouffes-Parisiens  as- 
sistait personnellement  à  son  triomphe  :  les  regards  de  la  salle 
entière  semblaient  fêter  le  spirituel  compositeur  et  le  ruban  qui 
ornait  sa  boutonnière. 

La  Porte-Saint -Martin  nous  tient  en  perspective  la  reprise, 
ou  plutôt  la  prise  de  possession  des  Pilules  du  Diable,  l'inépui- 
sable féerie  du  Cirque.  M.  Anicet  Bourgeois  doit  augmenter 
cette  féerie  de  deux  nouveaux  tableaux.  La  musique  sera  entiè- 
rement nouvelle,  et  signée  :  Offenbach  et  Delibes.  Il  y  aura  là 
de  quoi  délecter  les  enfants...  et  les  dilettantes. 

L' Ambigu-Comique  a  renouvelé  sou  affiche  avec  un  drame 
et  un  vaudeville.  Cora  ou  l'Esclavage,  cinq  actes  et  sept  ta- 
bleaux, de  M.  Jules  Barbier,  est  une  œuvre  habilement  conçue  ; 
chaque  acte  contient  des  scènes  émouvantes,  qui  ont  vivement 
impressionné  ;  de  plus,  comme  style,  ce  drame  est  plus  soigné 
que  ne  le  sont  ordinairement  les  pièces  du  boulevard.  —  Quant 
au  vaudeville,  Un  Bourgeois  qui  s'amuse,  il  a  pour  auteurs 
MM.  Clairville  et  Charles  Desolme,  notre  confrère  de  TEurope 
Artiste  ;  c'est  un  fort  amusant  lever  du  rideau. 

Le  petit  Théâtre  féerique  des  Champs-Elysées  est  fermé 
depuis  quelque  temps.  L'administration  Raignard  a  vécu.  Mais 
S.  Exe.  le  ministre  d'État  s'est  ému  de  la  position  des  artistes 
et  a  bien  voulu  leur  accorder  l'autorisation  de  donner  à  leur 
bénéfice  une  série  de  représentations  jusqu'à  la  fin  de  septem- 
bre. —  Décidément  la  salle  Lacaze  ne  porte  pas  bonheur  à  ses 
locataires.  Les  Bouffes-Parisiens  même  n'y  ont  jamais  puisé 

que  le  regain  de  leur  fortune  du  passage  Choiseul Hélas  !  les 

moellons,  comme  les  livres,  ont  leur  destinée. 

J.  Lôvy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  OU  CHANTEUR. 


MOZART 


jean-chrysostome-wolfgang-amedee 


Mozart  occupe  une  place  unique  dans  l'histoire  de  la  musi- 
que par  l'universalité  de  son  génie  :  enfant,  il  étonne  par  les 
prodiges  de  son  exécution  ;  homme  mûr,  il  surpasse  tout  ce  qu'a- 
vait promis  sa  jeunesse  ;  il  excelle  dans  tous  les  genres,  et  les  pro- 
duits de  sa  radieuse  imagination  font  progresser  l'art  dans  toutes 
ses  parties. 

Comme  pianiste,  Mozart  fut  le  plus  grand  virtuose  de  son 
temps  en  Allemagne.  Une  lutte  s'engagea  entre  lui  et  Clémenti, 
lors  du  premier  voyage  que  celui-ci  fit  à  Vienne,  en  1781.  Dans 
cette  lutte,  ni  l'un  ni  l'autre  des  deux  artistes  rivaux  ne  fut 
vaincu,  parce  que  tous  deux  brillaient  par  des  qualités  diffé- 


rentes.. Si  Clémenti  se  distinguait  par  l'excellence  de  son  doigté, 
par  la  précision,  le  goût  et  le  fini  de  son  exécution,  Mozart  se 
faisait  remarquer  par  la  perfection  de  son  jeu,  l'élégance  et  l'ex- 
pression de  son  style.  Sa  manière,  plus  colorée,  plus  énergique, 
donna  naissance  à  l'école  de  piano  désignée  sous  le  nom  d'école 
de  Vienne,  et  qui  fut  continuée  par  Beethoven  et  Hummel.  Lors- 
qu'il improvisait  sur  le  piano  ou  sur  l'orgue,  la  profondeur  de 
ses  idées,  l'art  avec  lequel  il  les  développait,  la  richesse  de  son 
harmonie,  tout  aurait  pu  faire  supposer  qu'il  exécutait  un  mor- 
ceau soigneusement  préparé  d'avance. 

Comme  compositeur  de  musique  instrumentale  ,  son  génie 
créateur  se  révèle  jusque  dans  ses  moindres  productions.  Ses 
concertos  de  piano  firent  bientôt  oublier  tout  ce  qu'on  avait  écrit, 
précédemment  pour  cet  instrument.  Ses  quatuors  des  œuvres 

10  et  18,  ses  quintettes  en  ut  mineur,  en  ré,  en  mi  bémol  et  en 
sol  mineur,  sont  des  chefs-d'œuvre  du  genre.  Dans  ses  sympho- 
nies, Mozart  ne  change  rien  aux  proportions  tracées  par  Haydn, 
son  illustre  prédécesseur.  Mais  si  l'œuvre  de  Haydn  présente  la 
savante  et  admirable  peinture  d'une  réalité  paisible  et  bien  or- 
donnée, Mozart  donne  à  la  sienne  un  charme  plus  pénétrant.  Il 
domine  par  sa  passion  entraînante,  et  sa  symphonie  en  sol  mi- 
neur ouvre  une  voie  nouvelle  dans  laquelle  Beethoven  devait 
ensuite  s'élancer  avec  toute  la  fougue  et  l'énergie  de  sa  rêveuse 
imagination. 

Dans  la  musique  dramatique,  Mozart  n'eut  point  de  rival.  II 
prenait  une  très-grande  part  àl'ordonnance  générale  des  libretti  sur 
lesquels  il  travaillait.  Selon  son  opinion,  clans  un  opéra,  la  poésie 
devait  être  la  fille  obéissante  de  la  musique.  Son  esprit  éclairé,  son 
exquise  sensibilité  lui  faisaient  saisir  avec  autant  de  tact  que  de 
sagacité  les  nuances  et  les  vraies  conditions  du  drame  lyrique. 
«  Les  passions  violentes,  dit-il  dans  une  de  ses  lettres  à  son  père, 
ne  doivent  jamais  être  exprimées  jusqu'à  provoquer  le  dégoût. 
Même  dans  les  situations  les  {dus  horribles,  la  musique  ne  doit 
jamais  blesser  et  cesser  d'être  la  musique.  »  Mozart  avait  étudié 
avec  ferveur  les  œuvres  des  grands  maîtres  et  s'était  familiarisé 
avec  toutes  les  écoles  sans  avoir  de  prédilection  exclusive  pour 
aucune.  Son  génie  conciliateur  féconde  la  science  harmonique 
par  le  charme  de  la  mélodie.  Si  Gluck,  qui  voulait  que  la  mu- 
sique fût  la  traduction  littérale  de  la  parole,  lui  apprit  le  langage 
élevé  des  passions  et  lui  inspira  le  goût  des  grandes  péripéties  tra- 
duites par  des  masses  chorales,  Mozart  lui  est  supérieur  par  la 
variété  des  idées,  par  la  souplesse  du  style,  par  le  développement 
des  morceaux  d'ensemble,  par  la  richesse  de  l'instrumentation. 

11  crée  un  art  nouveau  ou  plutôt  il  transforme  complètement  l'art 
qui  l'avait  précédé.  Dans  cette  transformation  qui  commence  à 
YIdoménée,  Mozart  se  montre  aussi  grand  poêle  que  grand  mu- 
sicien. Ses  opéras  de  V Enlèvement  au  sérail,  des  Noces  de  Fi- 
garo, de  Don  Juan,  de  La  Flûte  enchantée,  de  La  Clémence  de 
Titus,  sont  autant  de  chefs-d'œuvre  de  genres  différents,  qui 
semblent  n'appartenir  au  même  auteur  que  par  la  perfection 
qu'on  y  trouve,  et  sur  lesquels  sont  venus  se  modeler  tous  les 
compositeurs  qui  ont  succédé  à  l'illustre  maître. 

De  tous  les  compositeurs  allemands  de  son  temps,  Mozart  est 
peut-être  celui  qui  a  le  mieux  compris  le  but  de  la  musique 
d'église  et  qui  a  donné  à  ses  œuvres  le  véritable  caractère  reli- 
gieux. Si  Haydn  se  fait  de  la  bonté  divine  une  idée  qui  le  porte 
par-dessus  tout  à  la  confiance  et  lui  inspire  une  piété  tendre  et 
gracieuse,  Mozart  se  sent  plus  profondément  ému  de  la  puissance 
de  Dieu.  Son  grand  I{yrie,  eu  ré,  ses  messes  nos  2,  4  et  5,  son 
Misericordias  Domini,  à  quatre  voix,  son  Ave  verum  corpus,  à 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


;joo 


quatre  voix,  ses  hymnes  et  ses  cantates  d'église  sont  des  produc- 
tions qui,  par  la  pureté  du  style  et  par  l'élévation  de  la  pensée, 
rappellent  la  plus  belle  époque  de  l'école  italienne.  Son  Re- 
quiem (1)  exprime  en  de  sublimes  accents  la  terreur  du  chrétien 
qui  va  paraître  devant  le  Juge  suprême. 

Exploité  par  des  éditeurs  de  musique  et  par  des  directeurs  de 
théâtre,  qui  abusèrent  étrangement  de  son  insouciance  pour  ce 
qui  était  de  sa  fortune,  Mozart  ne  laissa  pas  même  de  quoi  mettre 
une  pierre  sur  sa  tombe.  Le  jour  de  son  enterrement  les  fos- 
soyeurs s'étaient  pressés,  car  il  faisait  un  temps  affreux,  et  il  ne 
s'agissait  d'ailleurs  que  d'une  inhumation  pour  laquelle  on  n'a- 
vait pu  faire  que  les  dépenses  strictement  nécessaires.  Les  traces 
de  sa  sépulture  disparurent  bientôt.  Les  recherches  que  l'on  fit 
plus  tard  pour  les  découvrir  n'amenèrent  aucun  résultat  certain. 
Cependant  l'Allemagne,  dans  sa  tardive  reconnaissance  pour 
l'artiste  qui  avait  fait  la  gloire  de  son  pays  et  charmé  le  monde 
par  la  grandeur  et  la  fécondité  de  son  incomparable  génie,  voulut 
réparer  cet  outrage  du  temps,  et  en  1859,  c'est-à-dire  soixante^ 
huit  ans  après  la  mort  de  Mozart,  un  monument,  consistant  en 
un  socle  surmonté  de  la  statue  de  la  Musique,  fut  érigé  à  Vienne, 
dans  le  cimetière  et  à  la  place  où  il  y  a  lieu  de  supposer  que  re- 
posent les  restes  mortels  de  l'illustre  auteur  de  Don  Juan. 

Catalogue  des  œuvres  de  Mozart.  — La  fécondité  de  Mozart 
tient  du  prodige.  On  ne  peut  se  faire  d'idée  de  tout  ce  qu'il  a  écrit 
depuis  l'âge  de  sept  ans  jusqu'à  sa  mort.  Il  a  laissé,  tracé  de  sa 
main,  le  catalogue  de  ses  compositions  depuis  le  9  février  1784 
jusqu'au  15  novembre  1791  ;  le  détail  en  est  presque  fabuleux. 
Cependant,  malgré  tout  ce  que  l'on  connaît  de.lui,  on  retrouve 
encore  de  temps  en  temps  de  nouveaux  manuscrits.  Nous  nous 
bornerons  à  donner  ici  l'indication  sommaire  des  ouvrages  de 
Mozart  d'après  les  renseignements  que  fournit  le  supplément  de 
la  biographie  de  ce  musicien  publiée  par  sa  famille,  et  d'après  les 
divers  autres  catalogues  qui  ont  été  faits  de  ses  productions.  Mu- 
sique d'église  :  trente-six  compositions  religieuses,  renfermant 
des  messes,  Te  Deum,  litanies,  offertoires,  motets  et  cantates 
d'église.  Un  Slabat  mater  et  le  fameux  Requiem  terminé  par 
Siissmayer.  —  Oratorios  :  trois  oratorios  ;  deux,  datent  de  la 
jeunesse  du  compositeur;  le  troisième,  intitulé  :  Davidde péni- 
tente, pour  trois  voix  et  orchestre,  fut  écrit  à  Salzbourg,  en  1783  ; 
cette  œuvre,  remarquable  par  l'expression  mélancolique,  est  plu- 
tôt une  cantate  développée  qu'un  véritable  oratorio.  —  Opéras  : 
musique  pour  une  comédie  latine  intitulée  :  Apollon  et  Hyacin- 
the, composée  en  1767,  à  l'âge  de  onze  ans,  pour  l'université  de 
Salzbourg;  —  Rastien  et  Rastienne,  opéra  allemand;  Vienne 
(1768)  ;  —  La  finta  Simplice,  opéra-bouffe  composé,  à  Vienne, 
pour  l'empereur  Joseph  II  (1768)  ;  —  Mitridate,  opéra  sérieux 
italien,  en  trois  actes,  représenté  à  Milan  (1770);  Ascanio  in 
Alba,  cantate  dramatique,  en  deux  parties,  à  Milan  (1771)  ;  — 
Il  Sogno  di  Scipione,  sérénade  écrite  pour  l'installation  de  l'ar- 
chevêque de  Salzbourg  (1772)  ;  Lucio  Silla,  opéra  sérieux,  à 


(1)  Mozart  avait  laissé  inachevé  son  Requiem,  qui  fut  terminé  par  Siiss- 
mayer, son  élève  et  depuis  maître  de  chapelle  à  Vienne.  Une  vive  polémi- 
que s'engagea  plus  tard  sur  la  question  de  savoir  quelle  était  la  part  que  ce 
dernier  avait  prise  à  l'ouvrage.  Parmi  ceux  qui  intervinrent  dans  cette 
discussion,  l'ahbé  Stadler,  maître  de  chapelle  à  Vienne,  est  celui  qui  paraît 
avoir  jeté  le  plus  de  lumière  sur  la  question.  D"après  les  renseignements 
qu'il  a  fournis,  le  travail  de  Mozart  finirait  avec  le  verset  Hoslias,  et  le 
reste,  y  compris  la  plus  grande  partie  du  Lacrymosa,  serait  l'œuvre  de 
Siissmayer. 


Milan  (1773);  —  laide,  opéra  vraisemblablement  écrit,  dans  la 
même  année,  pour  Venise  ; — La  finta  Giardiniera,  opéra-bouffe, 
à  Munich  (1774)  ;  —  Il  Re  pastore,  pastorale  en  deux  actes,  à 
Salzbourg  (1775);  —  chœurs  et  entr'actes  pour  un  drame  inti- 
tulé :  Thomas  d'Êgyle,  pour  quatre  voix  et  orchestre;  —  Ido- 
meneo,  re  di  Creta,  opéra  sérieux,  en  trois  actes,  à  Munich 
(1780)  ;  —  Die  Entfùhurung  aus  dem  Sérail  (l'Enlèvement  au 
sérail),  opéra-comjque,  en  deux  actes,  à  Vienne  (1782);  —  trio 
et  quatuor  pour  La  Villanella  rapita,  à  Vienne  (1785);  —  Der 
Schauspiel-director  (le  Directeur  de  spectacle),  opéra-comique  en 
un  acte,  à  Vienne  (1786)  ;  —  Le  Nozze  di  Figaro  (les  Noces  de 
Figaro),  opéra-bouffe  en  quatre  actes,  à  Vienne  (1786).  Cet  ad- 
mirable chef-d'œuvre,  ridiculement  traduit  en  français,  fut  re- 
présenté sans  succès  à  Paris,  sur  le  théâtre  de  la  Nation  (l'Opéra) 
en  1793;  —  //  Dissolulo  punilo,  ossia  Don  Giovanni',  drame 
lyrique,  en  deux  actes,  à  Prague  (1787).  Ce  ne  fut  qu'en  1811 
que  l'opéra  de  Don  Juan  fit  son  apparition  sur  le  Théâtre-Italien 
de  Paris;  il  ne  pénétra  en  Italie  que  vers  1814;  —  Cosi  fan 
lutte,  opéra-bouffe,  en  deux  actes,  à  Vienne  (1790)  ;  —  Die  Zau- 
berfloete  (la  Flûte  enchantée),  opéra  romantique  en  deux  actes,  à 
Vienne  (1791).  Quelques  années  plus  tard,  en  1791,  cet  ouvrage, 
indignement  mutilé  par  un  arrangeur,  fut  représenté  à  l'Opéra 
de  Paris,  sous  le  titre  de  Mystères  d'Isis;  —  La  Clemenza 
di  Tito  (la  Clémence  de  Titus),  opéra  sérieux  en  deux  actes,  à 
Prague  (1791)  ;  —  quatre  ballets  et  pantomimes.  — Mdsiqde  de 
chant  :  quatre  chœurs,  à  quatre  voix  et  orchestre  ;  —  neuf  can- 
tates de  francs-maçons,  avec  orchestre;  —  quarante-trois  airs, 
duos  et  trios  italiens,  avec  ou  sans  récitatifs,  et  avec  orchestre  ; 

—  seize  canons  à  trois  et  quatre  voix;  —  trente-quatre  chansons 
allemandes;  quelques  solfèges  pour  exercice  de  chant.  Musiqde 
instrumentale,  symphonies,  quintettes,  quatuors,  etc.  : 
trente-trois  symphonies  pour  l'orchestre  :  on  n'en  connaît  que 
dix-sept,  mais  on  trouve  les  thèmes  de  plusieurs  autres  dans  le 
catalogue  thématique  de  Breilkopf  ;  —  quinze  ouvertures  à  grand 
orchestre  ;  —  quatorze  divertissements  pour  plusieurs  instru- 
ments, parmi  lesquels  on  trouve  plusieurs  suites  d'harmonies  ;  — 
Plaisanterie  musicale  pour  deux  violons,  alto,  deux  cors  et  basse  ; 
huit  quintettes  pour  deux  violons,  deux  violes  et  basse;  —  quin- 
tette pour  harmonica,  flûte,  hautbois,  violon,  alto  et  vioncelle  ; 

—  vingt-six  quatuors  pour  deux  violons,  alto  et  basse  ;  —  un 
quatuor  pour  hautbois,  violon,  alto  et  basse,  et  un  quatuor  pour 
flûte  ;  —  neuf  trios  pour  deux  violons  et  basse,  et  un  trio  pour 
violon,  alto  et  violoncelle.  Ce  dernier  seul  a  été  publié;  —  cinq 
concertos  pour  le  violon  ;  un  seul  a  été  gravé; — six  concertos  pour 
le  cor  ;  on  n'en  a  publié  qu'un  seul  ;  —  un  concerto  pour  le 
basson  ;  —  un  concerto  pour  la  trompette;  —  un  concerto  pour 
la  clarinette;  —  plus  de  cent  danses,  menuets  et  valses  pour  l'or- 
chestre ;  —  marches  pour  musique  militaire.  —  Musique  de 
piano  :  vingt-trois  concertos  pour  le  piano  :  on  en  a  publié  vingt 
et  un  ; — vingt-trois  trios  pour  piano,  violon  et  violoncelle;  — un 
quintette  pour  piano,  hautbois,  clarinette,  cor  et  basson;  — 
trente  et  une  sonates  pour  piano  ;  —  quatre  sonates  pour  piano  à 
quatre  mains;  —  fantaisie,  idem  ;  —  Sonate  et  fugue  pour  deux 
pianos  ;  —  fantaisie  pour  deux  pianos  ;  —  quatre  rondos  pour 
piano  seul;  —  une  multitude  de  thèmes  variés  pour  le  piano  à 
deux  et  à  quatre  mains  ;  —  un  concerto  pour  trois  pianos  et  or- 
chestre, composé  en  1777.  Mozart  a  fait  une  nouvelle  instru- 
mentation des  quatre  ouvrages  suivants  de  Hasndel  :  Acis  et  Ga- 

'   lathée,  le  Messie,  la  Fête  d'Alexandre  et  la  Sainte-Cécile.  On  a 
de  lui  une  Méthode  abrégée  de  basse  générale,  ou  fondements  de 


310 


LE  MÉNESTREL 


basse  générale,  dont  l'authenticité  n'est  pas  douteuse,  quoiqu'il 
ne  l'ait  pas  composée  pour  la  rendre  publique.  Outre  les  ouvrages 
que  nous  venons  de  citer,  Mozart  a  jeté  sur  le  papier  une  quan- 
tité prodigieuse  d'idées  dans  des  morceaux  qu'il  n'a  point  ache- 
vés. La  plupart  de  ces  fragments,  dont  on  trouve  l'indication  dé- 
taillée dans  le  supplément  de  la  biographie  de  Mozart  par  le 
conseiller  de  Nissen,  ont  été  possédés  par  l'abbé  Stadler,  maître 
de  chapelle  à  Vienne.  Parmi  ces  fragments,  .on  remarque  les 
commencements  d'une  symphonie  concertante  pour  piano  et  vio- 
lon avec  orchestre  ;  de  trois  rondos  pour  piano  et  orchestre  ;  d'un 
quintette  pour  piano,  hautbois,  clarinette,  cor  anglais  et  basson  ; 
de  différents  morceaux  avec  ou  sans  accompagnements,  sonates, 
fugues,  préludes,  fantaisies,  etc.;  de  plusieurs  symphonies,  ou- 
vertures, quintettes,  quatuors,  trios  pour  divers  instruments  à 
cordes  et  à  vent;  de  sept  Kyrie,  pour  quatre  voix  et  orchestre; 
d'un  Gloria;  du  psaume  Mémento  Domine  David,  à  quatre  voix; 
d'une  cantate  allemande  Die  Secle  des  Weltalh,  6  Sonne  (Ame 
du  monde,  ô  Soleil  1),  pour  deux  ténors  et  basse,  avec  chœur  et 
orchestre;  et  enfin  de  deux  petits  opéras,  l'un  italien,  et  l'autre 
allemand. 

Denne-Baron. 

Correspondance  littéraire  de  Grimm  et  de  Diderot.  —  Mozart's  Leben 
(vie  de  Mozart),  par  de  Niemtschek,  Prague,  1708.  —  Anecdotes  sur  Mo- 
zart, traduites  de  Rœchlitlz,  par  Cramer;  Paris,  1801.  —  Mozart's  Geist 
(Esprit  de  Mozart)  ;  Erfurlh,  1803.  —  Godefroi  Weber,  Ergebnisss  der  bis- 
herigen  Forschungen  iiber  die  Echthieit  des  Mozartschen  Requiem  (Ré- 
sultat des  recherches  faites  jusqu'à  ce  jour  sur  l'authenticité  du  Requiem 
de  Mozart)  ;  Mayence,  1826.  —  Stadler,  Verteidigung  der  Echlheit  des  Mo- 
zartschen  Requiem,  etc.  (Défense  de  Y  Authenticité  du  Requiem  de  Mo- 
zart, etc.);  Vienne,  1826.  — Stadler,  Nachtrag  zur  Yertheidigung  der 
Echlheit  des  Mozartschen  Requiem  (Suppléaient  à  la  Défense  de  l'Authen- 
ticité du  Requiem  d?.  Mozart)  ;  Vienne,  1827.  —  Biographie  W.  A.  Mo- 
zart's, von  Georg.  Nikolaus  von  Nissen;  Leipsick,  1828.  —  Anhang  zu 
Wolfgang  Amedeus  Mozart's  Biographie  (  Supplément  de  l'ouvrage  précé- 
dent) ;  Leipsick,  1828.  —  Fétis,  Biographie  universelle  des  Musiciens.  — 
Mozart  et  son  Don  Juan,  dans  le  recueil  intitulé  :  Critique  et  littérature 
musicales,  par  P.  Scudo;  Paris,  185U.  — Mozart,  fils  d'un  artiste  chrétien 
au  dix-huitième  siècle,  extraite  de  sa  correspondance  authentique,  traduite 
de  l'allemand,  par  l'abbé  Goschler;  Paris,  1857.  —  W.-A.  Mozart,  par  le 
docteur  Henri  Doering,  traduit  de  l'allemand,  par  C.  Viel;  Paris,  1860. 


PETITE  CHRONIQUE. 

L'Angleterre ,  pays  musical. 

(  Correspondance  particulière.  ) 

Londres,  ce 5  août  1861. 

Essayez  de  dire  à  un  Anglais  mélomane  que  son  pays  est 
anti-musical  et  qu'il  n'a  jamais  rien  produit  de  remarquable  en 
musique  ,  et  alors  tant  pis  pour  vous  si  vous  ne  possédez  à 
fond  le  noble  exercice  de  la  boxe,  car  John  Bull,  froissé  dans  son 
amour-propre  national  outragé,  est  capable  de  vous  gratifier 
subito  d'un  black-eye  (œil  au  beurre  noir)  en  retour  d'une  telle 
opinion  émise  sur  le  compte  de  son  pays. 

Voici  ce  que  dit  un  journal  anglais,  The  Robin  Good  fellow, 
au  sujet  des  mélodies  nationales  de  la  Grande-Bretagne.  «  A  l'é- 
«  poque  où  les  chants  populaires  de  l'Angleterre  n'étaient  pas 
«  encore  mis  en  recueil,  comme  ceux  de  l'Irlande  l'ont  été  par 
«  sir  John  Stevenson  et  Thomas  Moore,  ou  ceux  d'Ecosse,  par 


«  Johnson,  dans  son  ouvrage  bien  connu,  le  Musical  Muséum, 
«.  et  ensuite  par  George  Thomson  et  Robert  Burns,  on  pouvait 
«  pardonner  aux  Anglais  de  ne  pas  connaître  leurs  propres  ri- 
«  chessesà  cet  égard.  Mais  aujourd'hui  que  leurs  mélodies  ont 
«  été  réunies  en  recueil  par  M.  Chappell  et  qu'on  a  pu  se  con- 
«  vaincre  qu'elles  égalaient  en  beauté  celles  des  autres  pays  de 
«  l'Europe,  il  n'y  a  plus  d'excuse  pour  ceux  qui  les  ignorent.  — 
«  —  Quelle  belle  mélodie,  disait  Rossini  à  un  Anglais  qui  avait 
«  été  admis  devant  lui,  que  the  girl  y  left  behind  me  !  Elle  fait 
«  honneur  à  l'Irlande!  —  Mais  Rossini  était  dans  l'erreur.  Cette 
«  belle  mélodie  est  purement  anglaise, —  publiée  en  Angleterre 
«  longtemps  avant  d'avoir  été  jouée  pour  la  première  fois  par  les 
«  soldats  de  Guillaume  III.  —  Comme  il  est  suave,  disait  une 
«  dame  anglaise,  l'air  de  :  31  y  lodging  is  on  the  cold  ground  ! 
«  L  Angleterre  n'a  pas  d'aussi  tendre  ni  d'aussi  touchante  mé- 
«  lodie. —  Dans  celte  circonstance,  la  jolie  critique  était  aussi 
«  en  défaut  que  le  grand  Napoléon.  Cet  air  est  un  ancien  air 
«  anglais,  et  l'Irlande  n'a  pas  d'autre  prétention  h  cet  égard  que 
«  l'assertion  de  Thomas  Moore,  laquelle  n'est  justifiée  par  aucun 
«  titre  d'évidence.  Ainsi,  il  résulterait  clairement  que,  loin 
«  d'être  une  nation  anti-musicale,  l'Angleterre  est  au  contraire 
«  un  pays  musical  à  un  suprême  degré.  » 

Croyons-le  donc,  puisque  ce  bon  John  Bull  nous  le  prouve 
d'une  manière  si  péremptoire,  —  et  un  peu  aussi  dans  la  crainte  de 
ses  black-eycs.  Toutefois,  si  vous  voulez  être  édifié  sur  cette  ques- 
tion, consultez  a  cet  égard  l'excellent  dictionnaire  de  musique  du 
docteur  Pierre  Lichtental.  Son  article  sur  l'état  de  la  musique  en 
Angleterre  est  toujours  aussi  vrai  que  lorsqu'il  l'écrivit  il  y  a  une 
trentaine  d'années  ;  il  le  sera  longtemps  encore,  il  le  sera  toujours 
peut-être.  Car,  ainsi  que  le  fait  observer  judicieusement  le  savant 
docteur,  l'abus  incroyable  que  l'on  fait  en  Angleterre  de  ces 
mêmes  mélodies  populaires,  —  dont  un  certain  nombre  à  la  vérité 
est  remarquable  et  empreint  d'un  délicieux  cachet  d'originalité, 
mais  dont  un  grand  nombre  aussi  est  loin  de  posséder  ces  quali- 
tés;— l'abus  incessant,  disons- nous,  que  l'on  fait  ici  de  ces  natio- 
nal songs  paralysera  toujours  lesefforls  que  tenteront  les  compo- 
siteurs indigènes  et  étrangers  résidant  dans  ce  pays  pour  créer  des 
nouveautés  et  faire  sortir  l'Angleterre  de  l'ornière  de  la  routine 
musicale. 

A.  Lamotte. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Voici  une  coïncidence  digne  d'êlre  notée  dans  les  archives  musicales. 
Au  moment  où  M.  le  ministre  d'Etat,  au  nom  de  l'Empereur,  honorait  la 
musique  française  en  élevant  notre  illustre  maître  Auber  à  la  dignité  de 
grand-officier  de  la  Légion  d'honneur,  lo  roi  d'Italie  rendait  un  hommage 
identique  au  plus  glorieux  représentant  de  la  musique  italienne.  Notre 
maestro  Rossini  vient  d'être  décoré  de  I'Ordre  du  Mérite,  la  plus  haute 
dislinction  dans  les  États  cisalpins.  M.  le  comte  de  Nigra,  ambassadeur 
du  roi  Victor-Emmanuel,  s'est  rendu  jeudi  soir  chez  le  maestro,  et  lui  a 
remis,  au  nom  du  roi,  les  insignes  de  cet  ordre.  —  Ces  nobles  démons- 
trations en  l'honneur  de  nos  gloires  contemporaines  consolant  et  réjouis- 
sent l'àme  au  milieu  des  tendances  matérialistes  de  notre  époque. 

—  La  loge  d'avant-scène  qui  fait  face  à  la  loge  impériale ,  au  théâtre 
des  Italiens,  ne  sera  pas  louée  cotte  année,  M.  Calzado  ayant  reçu  l'invi- 
tation de  la  laisser  à  la  disposition  du  ministère  d'État.  Cette  loge  sera 
probablement  occupée  par  un  membre  de  la  famille  impériale. 

—  Les  journaux  italiens  parlent  d'un  nouvel  opéra  qui  sera  bientôt 
représenté  à  Anchi.  La  partition  est  de  M.  Persiani,  l'opéra  est  intitulé  : 
le  Prisonnier  de  Paterme. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


311 


—  A  Milan,  voici  la  composition  définitive  de  la  belle  troupe  d'opéra 
qui  chantera  cet  automne  au  théâtre  de  la  Scala,  sous  la  direction  de  Mc- 
relli.  Prime  donne  :  Mmcs  Colson,  Carrozzi,  Zucchi,  Casimir  Ney.  Primi 
tenori  :  MM  RSvisi,  Sirchia,  Vidal.  Primi  buritoni -."  Marra  el  Padilla. 
Primi  bassi  :  Atri  et  Tasti.  Primo  basso  com ico  :  Napoleone  Rossi.  —  Le 
ballet  se  composera  de  Mmo  Priera  Olimpia,  Walpot,  Ferdinando  ;  de 
MM.  Efiisio  Catte  et  Domenica  Perotti.  —  Le  premier  opéra  représenté 
sera  Roberto  il  Diavolo  ;  le  premier  ballet,  Benvenuto  Cellini. 

—  Un  nouveau  théâtre  va  s'élever  à  Smyrne.  La  première  pierre  a  été 
posée  devant  une  foule  immense,  par  M.  L.-G.  Pinna,  consul  général 
d'Italie. 

—  Pendant  que  Smyrne  s'apprête  à  inaugurer  une  nouvelle  salle  de 
spectacle,  on  écrit  de  Constantinople  que  le  magnifique  théâtre  construit 
sous  le  règne  d'Abdul-Medjid ,  va  changer  de  destination.  Le  nouveau 

sultan  en  a  fait  une  fabrique  de  canons  rayés S.  H.  parait  avoir  des 

goûts  tout  à  fait  austères. 

—  Les  correspondances  de  Prague  nous  apprennent  qu'à  la  représenta- 
tion d'adieux  de  Mlle  Trebelli,  la  foule  était  si  considérable  et  si  impa- 
tiente, que  toutes  les  vitres  du  bureau  ont  été  brisées.  —  C'est  aussi  flatteur 
pour  Mlle  Trebelli  que  lucratif  pour  MM.  les  vitriers. 

— ■  A  Berlin,  l'impressario  Lorini  a  passé  un  nouveau  traité  avec  le 
théâtre  Victoria,  pour  y  donner  des  représentations  avec  sa  troupe  italienne. 

—  A  Francfort-sur-Mein,  le  directeur  de  musique  Ignace  Lachner  vient 
d'être  nommé  chef  d'orchestre  au  théâtre  de  la  ville,  en  remplacement  de 
feu  Messer.  —  Les  deux  sœurs  Marchisio  ont  donné  des  représentations 
très-suivies.  Un  autre  engagement  les  appelle  à  Berlin. 

—  Nos  lecteurs  ont  vu  de  quelle  façon  on  nous  a  défiguré  Bade,  dans 
notre  dernier  numéro  [post-scriptum  de  la  Semaine  théâtrale).  Cette  char- 
mante ville  a  été  naturalisée  suisse,  et  est  devenue  Bdle  sous  la  main  de 
nos  typographes. 

Nous  disons  ceci,  moins  pour  relever  une  erreur  que  tout  le  monde  a 
pu  redresser ,  que  pour  compléter  notre  correspondance  de  dimanche 
dernier  : 

«  On  nous  écrit  de  Bade  que  Mlle  Aimée  Tillemont  a  été  personnelle- 
ment complimentée  par  LL.  MM.  le  roi  et  la  reine  de  Prusse,  après  son 
succès  théâtral  dans  Bonsoir  Voisin.  —  Ce  suffrage  royal  a  bien  son  prix, 
et  nous  en  félicitons  la  jeune  artiste. 

—  La  chronique  d'Ems  nous  parle  du  bon  accueil  qu'a  reçu  l'opéra 
inédit  le  Brasseur  d'Amsterdam,  paroles  de  M.  de  Najac,  musique  de 
M.  Alary.  L'Été,  journal  d'Ems,  consacre  deux  colonnes  à  cette  œuvre 
thermale,  — je  veux  dire  musicale.  —  Nous  en  extrayons  les  lignes  sui- 
vantes :  «  Le  théâtre  d'Ems  est  un  parterre  émaillé  de  femmes,  et  enca- 
dré par  quatre  colonnades  de  porphyre  ;  il  n'y  a  point  d'avant-scènes,  point 
de  baignoires,  point  de  loges  de  lions  ;  chacun  est  libre  d'applaudir,  et 
chacun  abusé  rarement  de  sa  liberté.  En  général,  les  hommes  sont  des 
claqueurs  paresseux,  en  été  surtout.  Aussi  les  applaudissements  ont  une 
valeur  énorme,  au  parterre  d'Ems.  Dire  que  les  trois  artistes  et  presque 
tous  les  morceaux  du  Brasseur  d'Amsterdam  ont  été  chaudement  ap- 
plaudis, c'est  proclamer  en  d'autres  termes  un  très-légitime  succès.  Ainsi 
mes  éloges  ne  seront  que  les  échos  des  applaudissements  de  ce  public 
économe.  Je  louerai,  avec  ma  conviction  supplémentaire ,  la  canlilène  : 
De  chagrin  je  me  meure,  que  Mmc  Cambardi  détaille  avec  un  sentiment 
exquis  ;  un  trio,  qui  me  semble  un  peu  cousin-germain  de  l'entrée  de 
Zampa  ;  mais  cette  parenté  existe  plutôt  dans  les  paroles  et  la  situation 
que  dans  la  mélodie  ;  les  couplets  en  mi  bémol,  /(  est  parti,  qui  sont  de 
la  meilleure  facture,  un  grand  air  scénique,  le  morceau  capital  de  l'œuvre; 
il  y  a  un  bel  allegro  en  si  bémol,  qui  se  fond  dans  un  rhythme  de  valse 
plein  d'éclat  et  de  gracieuse  légèreté  ;  un  duo  martial  d'un  grand  effet,  et 
chaudement  enlevé  par  MM.  Buet  et  Caussade  ;  une  très-a?réable  romance  : 
Ecoute  bien,  je  t'aime  I  et  le  rondo  final  avec  une  coda  en  triolet.  M'ne  Cam- 
bardi s'est  lancée,  tête  première,  dans  cet  archipel  d'écueils,  et  elle  en 
est  sortie  victorieuse,  après  avoir  épuisé  tous  les  points  d'orgue  impos- 
sibles, et  toutes  les  trilles  de  la  valse  de  Venzano.  C'était  le  bouquet  de 
fusées  qui  couronne  un  feu  d'artifice,  et  oblige  les  plus  rebelles  à  donner 
leur  appoint  dans  l'unanimité  des  applaudissements.  » 

—  Après  le  Brasseur  d'Amsterdam,  on  a  représenté  à  Ems  un  autre 
opéra  inédit  :  le  Café  du  Roi,  paroles  de  M.  Meilhac,  musique  de  M.  Deffès. 
Cette  œuvre  parait  avoir  également  réussi. 

—  L'Association  des  Sociétés  chorales  de  l'Alsace  a  eu  son  concours  à 
Guebwiller  (Haut-Rhin) ,  sous  la  présidence  de  M.  Georges  Kastner.  MU.  Am- 


broise  Thomas,  Elwart,  J-B.  Wekerlin,  Laurent  de  Rillé,  Schwab,  Hassel- 
mans,  J.  Stockhausen,  remplissaient  les  fonctions  de  jurés.  Parmi  les 
sociétés  couronnées  nous  citerons  Wittenheim,  Dornach,  Sainte-Marie-aux- 
Mines,  Schelestadt,  Mulhouse,  Than  et  Colmar.  C'est  V  Union  musicale  de 
Strasbourg  qui  a  remporté  le  prix  du  concours  extraordinaire,  consistant 
en  une  grande  médaille  d'or  donnée  par  l'Empereur.  Cefe  Société  a 
exécuté  avec  vigueur  un  grand  chœur  du  jeune  Baesch,  Strasbourgeois, 
qui  marchera  un  jour  sur  les  traces  des  maîtres  du  genre.  Après  le  con- 
cours le  préfet,  en  remettant  la  médaille  donnée  par  l'Empereur,  a  fait 
une  spirituelle  allusion  à  la  récente  promotion  de  M.  Auber,  et  ce  nom 
illustre  a  été  couvert  d'applaudissements.  —  Celui  de  Georges  Kastner,  do- 
nateur d'une  médaille  d'or,  a  été  également  l'objet  de  broyants  vivat. 

—  Tircis  el  Margoton,  tel  est  le  titre  d'une  opérette  inédite  de  MM.  Brun 
Lavainne  et  Ferdinand  Lavainne,  représentée  récemment  avec  un  grand 
succès  sur  le  théâtre  du  Pré-Cutelan  de  Lille.  La  musique  a  été  parfaite- 
ment goûtée  :  on  y  a  remarqué  une  foule  de  jolies  mélodies  rehaussées 
d'une  savante  instrumentation.  La  pièce  avait  pour  interprètes  Mlle  Stei- 
vender  [Margoton]  et  M.  Gourdon  [Tircis].  Les  bravos  les  plus  chaleureux 
les  ont  accueillis  à  chaque  représentation. 

—  Samedi  dernier  on  a  fêté  à  Passy  le  73e  anniversaire  de  Ponchard, 
qui  a  pris  part  en  personne  au  programme  improvisé  de  la  soirée.  Eu  sou- 
venir de  ses  plus  belles  années  il  a  chanté  Méhul  avec  une  suavité  d'expres- 
sion et  une  fraîcheur  de  voix  à  faire  illusion.  On  croyait  entendre  Ponchard 
à  trente  ans.  Après  le  maître  de  la  maison,  Levasseur  a  dit  l'air  des  Nozze 
di  Figaro  dans  un  style  et  une  maestria  qui  ont  électrisé  les  assistants. 
Puis  Mme  Wekerlin-Damoreau  s'est  mise  au  piano  et  s'est  accompagnée 
Y  Ave  Maria  de  Gounod  et  la  romance  du  Bouffe  et  le  Tailleur,  qu'elle  a 
chantés  avec  l'immortelle  méthode  de  sa  mère.  Nous  avons  de  nouveau, 
retrouvé  Mme  Cinti-Damoreau  dans  le  trio  du  Comte  Ory  ,  délicieusement 
interprété  par  Mme  Wekerlin ,  M.  et  Mme  Charles  Ponchard.  Le  pro- 
gramme vocal  brillait  encore  des  duos  des  frèresGuidon,  des  chansonnettes 
de  Berthelier  et  du  duo  du  Ca'id,  par  Charles  Ponchard  et  M"e  Balbi 
(la  jeune  et  gracieuse  artiste  doit,  prochainement,  débuter  dans  cet  ou- 
vrage, à  l'Opéra-Comique) .  La  partie  instrumentale  nous  a  fait  applaudir 
Mlle  Roulle,  qui  s'est  très-heureusement  essayée  dans  un  solo  de  piano, 
et  la  nouvelle  Milanollo,  Mlle  Maria  Boulay,  dont  l'archet  victorieux  mar- 
che de  succès  en  succès.  C'est  MUe  Laure  Orfila  qui  accompagnait  MIle  Ma- 
ria Boulay,  et  à  l'aisance  du  soliste  et  de  l'accompagnateur,  on  ne  se  serait 
jamais  douté  que  ces  deux  charmantes  jeunes  filles  se  rencontraient  pour 
la  première  fois  au  piano.  —  N'oublions  pas  'de  mentionner  qu'entre  les 
deux  parties  de  ce  véritable  concert,  M1"12  Charles  Ponchard  a  dit  du  cœur 
et  de  la  voix  des  couplets  de  circonstance  dus,  paroles  et  musique,  à 
M"e  Peyronnet.  Les  couplets  ont  été  d'autant  mieux  accueillis  qu'ils  étaient 
l'expression  des  sentiments  de  tous  les  amis  des  maîtres  du  logis. 

—  Un  concours  d'Orphéons  auquel  ont  pris  part  deux  sociétés  chorales 
et  sept  cents  orphéonistes,  a  eu  lieu  le  16  août  à  Carcassonne,  sous  la 
présidence  de  M.  Camille  de  Vos,  membre  du  comité  de  patronage  des 
Orphéons  de  France.  Le  prix  de  l'Empereur,  consistant  en  une  grande 
médaille  d'or,  a  été  décerné  à  l'Orphéon  de  Carcassonne,  dirigé  par 
M.  Teysseyre.  Ont  remporté  aussi  des  prix  :  les  Orphéons  de  Castelnau- 
dary,  de  Narbonne,  de  Sainte-Cécile  d'Azile,  de  Capendu,  de  Sigean,  de 
Lesignan,  l'Union  chorale  de  Carcassonne;  les  Orphéons  de  Bize,  de  Fa- 
brezan,  de  Trôbes,  la  Lyre  d'Azille. 

—  Un  bruit  que  nous  espérons  voir  démenti,  a  couru  cette  semaine  à 
propos  de  l'un  des  deux  nouveaux  théâtres  de  la  place  du  Châtelet.  On 
rapporte  que  l'architecte  n'ayant  pas  tenu  compte  des  besoins  du  machi- 
niste, la  scène  manque  environ  de  deux  mètres  de  largeur  pour  la  ma- 
nœuvre des  décors  !... 

—  Mlle  Peschel,  qui  a  remporté  cette  année ,  au  Conservatoire,  un  des 
trois  premiers  prix  de  piano,  vient  de  partir  pour  l'Allemagne ,  où  l'ap- 
pellent plusieurs  engagements. 


—  Aujourd'hui  dimanche  2o  août ,  à  Enghien-les-Bains,  sous  le  pa- 
tronage de  l'autorité  municipale,  grande  fête  vénitienne  et  grandes  régates 
sur  le  lac.  Les  chœurs  seront  chantés  par  les  Tyroliens  de  Montmartre. 
Feu  d'artifice,  lumière  électrique,  etc. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovï,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mour 


rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8. 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  HEUGEL  et  Ce,  éditeurs. 

COLLECTION  COMPLÈTE 


CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADADD 

Publiées  en  sept  volumes  grand  in-8°,  et  une  collection  de  chansons  légères , 

Paroles  et  musique  avec  accompagnement  «le  piano. 

Prix  net.  Chaque  volume  :  6  iï.  —  Collection  des  30  chansons  légères  :  8  fr.  —  Souscription  aux  huit  volumes  :  40  fr. 

1"  VOLUME. 

11  Au  coin  du  feu. 

12  Les  grands-pères. 

13  Les  rats. 


1  Vieille  histoire. 

2  L'inconnu. 

3  L'automne. 

4  Une  fée. 

5  Trompette. 


6  Voilà  pourquoi  je  suis  garçon. 

7  Les  mois. 

8  Un  propriétaire. 

9  Le  melon. 
10  Je  pèche  à  la  ligne. 


21  Le  quartier  latin. 

22  Les  dieux. 

23  Le  vieux  tilleul. 

2'4  Le  château  et  la  chaumière. 

25  La  ligue  des  maris. 

41  Les  pauvres  d'esprit. 

42  Est-ce  tout? 

43  La  Kermesse. 

44  La  meunière  et  le  moulin. 

45  May. 

61  Le  voyage  aérien. 

62  Rose-Claire-Marie. 

63  Mon  héritage. 

64  Paris. 

65  Jaloux,  jaloux. 

81  Xa  forêt. 

82  Lanlaire. 

83  Pêcheur  silencieux. 

84  L'aveu. 

85  Des  hêtises. 

101  Les  heureux  voyageurs. 

102  L'aimable  voleur. 

103  La  vie  moderne. 

104  Le  pot  de  vin. 

105  La  vigne  vendangée. 

121  L'histoire  de  mon  chien. 

122  Libre  !  stances  à  l'Italie. 

123  Bernique. 

124  Nuit  d'été. 

125  Mon  oncle  Gaspard. 


1  Les  amants  d'Adèle. 

2  Le  souper  de  Manon. 

3  Satan  marié. 

4  Toinette  etToinon. 

5  Ursule. 

6  Les  gros  mots. 

7  Quilte  à  quitte. 

8  Le  coucher. 


26  Bonhomme. 

27  La  ballade  au  moulin. 

28  Perrelte  et  le  sorcier. 

29  Les  cerises  de  Montmorency 

30  Je  n'aime  pas. 


46  La  solution. 

47  Pastorale. 

48  Fantaisie. 

49  Je  grelotte. 

50  Jean  qui  pleure  et  Jean  qui  rit 


66  Mes  mémoires. 

67  L'été  de  la  Saint-Martin. 

68  La  bayadère  voilée. 

69  Le  jardin  deTéhadja. 

70  Souvenirs  de  voyage. 

86  Le  fou  Guilleau. 

87  La  nacelle. 

88  Père  capucin. 

89  La  pluie. 

90  Les  plaintes  de  Glycêre. 


106  Le  cigare. 

107  Les  lamentations  d'un  réverbère 

108  La  confidence. 

109  Les  pêcheuses  du  Loiret. 

110  La  chanson  de  gros  Pierre. 


126  L'attente, 

127  L'oubli. 

128  Le  roi  boiteux. 

129  L'improvisateur  de  Sorrente. 

130  Les  côtes  d'Angleterre. 


14  Je  m'embête. 

15  Ma  femme  n'est  pas  là. 
8e  VOLUME. 

31  Rêves  et  réalités. 

32  Les  étrennes  de  Julie. 

33  M.  Bourgeois. 

34  Louise. 

35  Le  docteur  Grégoire. 
3e  VOLUME. 

51  Les  écus. 

52  Pierrette  et  Pierrot. 

53  Le  phalanstère. 

54  Les  impôts. 

55  Les  réformes. 
■    'VOLUME. 

71  Insomnie. 

72  La  vieille  servante. 

73  II  faut  aimer. 

74  Ma  philosophie. 

75  Les  deux  notaires. 
Se  VOLUME. 

91  Le  vieux  télégraphe. 

92  Ma  sœur. 

93  Les  ruines. 

94  La  mèreGodiehon. 

95  M.  de  la  Chance. 
VOLUME. 

111  Le  puits  de  Ponlkerlo. 

112  Les  projets  de  jeunesse. 

113  Le  sultan. 

114  La  cuisine  du  château, 

115  Chanson  napolitaine. 

<S«  VOLUME. 

131  A  propos  d'annexion. 

132  M'aimez-vous  ? 

133  Le  mandarin. 

134  Elle. 

135  Une  histoire  de  voleur. 


16  Je  ris. 

17  Nous  sommes  gris. 

18  Ivresse. 

19  Aujourd'hui  et  demain. 

20  Chauvin. 


C 


36  Chut. 

37  Les  hommes  utiles. 

38  Le  Champagne. 

39  Le  carnaval  à  l'assemblée . 

40  Beauté. 


56  Le  message. 

57  Pandore. 

58  L'histoire  du  mendiant. 

59  La  valse  des  adieux. 

60  La  première  maîtresse. 

76  Le  bonsoir. 

77  La  petite  ville. 

78  Le  chevalier  à  boire. 

79  Flora  cruelle. 

80  Cheval  et  cavalier. 

96  Ma  voisine 

97  Le  vallon  delà  jeunesse. 

98  La  fdle  de  l'amour. 

99  Lettre  d'un  étudiant  à  une  étudiante. 
100  Réponse  de  l'étudiante  à  l'étudiant. 

116  La  bûche  de  Noël. 

117  Macadam. 

118  Le  pays  natal. 

119  La  lecture  du  roman. 

120  Le  nid  abandonné. 


136  La  promenade. 

137  La  bruyère. 

138  La  ferme  de  Beauvoir. 

139  Le  vent  qui  pleure. 

140  Florimond  l'enjôleur. 


COLLECTION  DES  30  CHANSONS  LÉGÈRES 


9  Les  boutons. 

10  Auguste,  étudiant  de  10e  année. 

11  Boisentier. 

12  La  gaîté  française, 

13  Les  poissons. 

14  La  chanson  de  trente  ans. 

15  Adèle. 

16  La  lorette. 


17  La  lorette  rlu  lendemain. 

18  La  chaumière. 

19  Les  reines  de  Manille. 

20  Palinodie. 

21  Les  confessions. 

22  Les  lieux. 

23  Mes  enfants. 

24  Madeleine. 


25  Les  plaisirs  sont  trop  courts. 

26  Un  mari  malheureux. 

27  Thérèse. 

28  Le  lion  d'or. 

29  Le  dix-cors. 

30  La  toilette. 

HUITIÈME  VOLUME. 

Prix  net  :  8  fr. 


(?{raj>i  5s^i-f?=*<T> vr?*  ast^s)àip^@ 


Paraissant  de  mois  en  mois  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  sous  le  titre  :  Une  Cbanson  par  niois  ;  12  chansons  par  an,  paroles,  musique  et  accompagnement  de  piano. 

Paris  et  province,  abonnement  d'un  a»,  net:  a  fr.  {L'abonnement  part  du  l"  septembre  de  chaque  année.) 

Chaque  cbanson  séparée;  en  grand  forma»,  prix  marqué  :  S  fr.  5®  e. 


OPERAS    DE    SALON 

Partitions  in-8»,  texte,  chant  et  p 
LA    VOLIÈRE 
Pour  ténor,  basse,  Irial  et  soprano.  —  Prix  net  :  S  fr.  i 


PORTE  ET  FENETRE 

Pour  ténor,  baryton,  basse  et  soprano.  —  Prix  net  :  S  fr. 


LE  DOCTEUR  VIEUXTEMPS 

Pour  deux  ténors,  basse  et  deux  soprani.    —    Prix   :    9  francs. 

PARODIE  DE  IiA  ROÏHLAUTCE  —  Prix  marqué  :  5  fr. 

JV    D  —  Les  trois  premiers  volumes,  la  collection  dos  Chansons  léijires  et  les  Opéras  de  salon  seront  en  vente  le  l«r  mai  1861,  les  autres  volumes  suivront  de  mois  en  mois. 
—  On  souscrit  au  Ménestrel,  ï  bis,  rue  Vivienne,  en  adressant  un  bon  sur  la  poste  à  MM.  Heogel  et  C».  —  Les  volumes  sont  expédiés  franco. 


781.  —  28e  Année. 

w«  40. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  Ier  Septembre 

1861. 


MEN 


r*T.T&i 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'  en  chtt. 


LES  BUREAUX  ,  «  fois,  rue  Vivïenne.  —  HEUGEL  et  Ci",  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  «le  Musique  «lu  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  «le  Pianos  et  Orgues.) 

CHANT.  (S®SÏÏBEït'ïï®KS  K) 

or  Mode  d'abonnement  :  Journal-Tcitc,  tous  les  dimanches;  za  Morcenux  : 
Scènes,  Mélodies,  Komances,  paraissant  rie  quinzaine  en  quinzaine;  ï  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2»  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  to  Morceaux  1 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;. z  Albnnia- 
-  ■-••—•-••  —  il-  •>■■  •  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger  :  21  fr. 


■  Un 


CHANT  ET  PIANO    ItEUNIS  : 

Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  cliantet  de  piano,  les  1  Albums-prii 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


illustrés 


uscrit  du  1er  fie  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  lll'.IC'.l.l.  et  cie,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  l'a  Maîtrise,^  bis,  rue  Vivienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères. 


:  Jean-Jacques  nousseau,  8.  —  5270 


S03IIVIAIHE. 


TEXTE. 


I.  Exposition  de  l'industrie  à  Marseille  ;  encore  les  violons  et  les  instruments  de 
cuivre  (3e  et  dernier  article).  G.  Bénédit.  —  11.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy. 
—  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Souvenirs  du  théâtre  (de  la  fin 
du  xviii»  siècle  jusqu'en  1830).  Mme  Scio.  P. -A.  Vieillard.  —  IV.  Petite  chro- 
nique :  Plaisanteries  musicales  de  Porpora.  —  V.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 
UN  REGARD , 

Paroles  et  musique  de  Gustave  Nadaud.  —  Suivra  immédiatement 
après:  Hiver  et   Printemps,   paroles  d'EuGÈNE   Scribe,   musique 

d'ANTONIN  GUILLOT  DE    SAINBRIS. 

l'IAKO: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

COSMOPOLITE-POLKA , 

Par  Alfred  Godard.  —  Suivra  immédiatement  après  :  la  transcription 
de  Ch.  Neustedt  sur  VAIcesle  de  Gluck. 


FEUILLETON  DU  SEMAPHORE. 

CONCOURS  RÉGIONAL. 

EXPOSITION  DE  L'INDUSTRIE  A   MARSEILLE. 

LES  INSTRUMENTS  DE  MUSIQUE. 

[3e  Article.) 

M.  Bonnet.  —  MM.  Pascal  et  Paganini.  — M.  Baudassé-Cazottes.  — M.  Da- 
niel et  ses  inventions.  —  Les  Flûtes ,  les  Hautbois,  les  Bassons  et  les 
Clarinettes.  —  Disparition  do  la  Guitare.  —  Les  Cloches.  — M.  Mazoulier, 
pianiste  et  organiste  à  l'Exposition. 

Après  les  maîtres,  les  élèves  :  et  en  voici  un,  ma  foi,  digne 
de  figurer  avec  avantage  sur  la  liste  des  luthiers  nouveaux,  bien 


que  cet  amateur  ne  fasse  pas  métier  de  la  facture,  vers  laquelle  il 
semble  avoir  été  poussé  cependant  par  une  irrésistible  vocation. 

L'amateur  dont  il  s'agit  est  M.  Bonnet,  notre  compatriote. 
Arrivé  dans  le  périmètre  musical  de  l'Exposition ,  regardez  à 
droite  et  vous  verrez  dans  une  vitrine  des  violons  et  des  basses 
d'une  forme  et  d'un  aspect  charmants.  Nous  n'avons  jamais 
entendu  les  instruments  de  M.  Bonnet,  mais  s'il  faut  en  croire 
M.  Million,  dont  l'autorité  en  pareille  matière  nous  paraît  irré- 
cusable, M.  Bonnet  est  un  maître  dans  l'art  de  la  lutherie,  où  il 
se  serait  fait  un  nom  célèbre  si,  au  lieu  de  rester  modestement 
à  Marseille,  il  eût  exercé  son  talent  à  Paris. 

Et  M.  Pascal,  premier  grand  violon  au  Grand-Théâtre,  n'a-t-il 
pas  également  acquis  une  réputation  parmi  les  luthiers  en  pro- 
vince?Commentse  fait-il  que  M.  Pascal  n'ait  exposé  aucun  de  ces 
instruments  qu'il  fabrique  si  bien,  et  dont  nous  avons  entendu 
souvent  sous  son  archet  les  sons  harmonieux?  Est-ce  insouciance 
ou  modestie?  A  ce  que  l'on  peut  voir,  M.  Pascal  se  contente  de  la 
renommée  qui  lui  a  valu  le  titre  de  connaisseur  en  fait  d'instru- 
ments anciens,  etquenul  nejustifie  aussi  bien  que  lui  en  France. 
Connaissez-vous  son  histoire  avec  Paganini  ?  Elle  est  assez  cu- 
rieuse pour  être  racontée. 

L'illustre  virtuose  voulant  éprouver  un  jour  le  mérite  de 
M.  Pascal,  que  nul  n'avait  pu  mettre  en  défaut  lorsqu'il  s'agis- 
sait de  désigner  le  nom  de  quelque  facteur  célèbre,  fit  venir  de 
Gênes  à  Marseille,  où  il  était  établi,  sa  magnifique  collection 
d'instruments  à  cordes,  composée  de  quatorze  violons,  un  alto 
et  trois  basses.  Dans  ce  nombre  de  quatorze,  il  y  avait  cinq  Stra- 
divarius, deux  Guarnarius,  deux  Amati,  un  Tonini,  un  Guidantus 
de  Buloniae  et  un  Buggieri.  Ces  auteurs  ,  qu'est-il  besoin  de  le 
dire,  n'embarrassèrent  nullement  M.  Pascal  ;  pour  lui  c'était  le 
B  à  BA  de  la  science,  aussi  les  nomma-t-il  à  tour  de  rôle  avec  un 
aplomb  et  une  précision  à  déconcerter  un  peu  Paganini.  Cepen- 
dant, au  milieu  de  sa  surprise,  Paganini  souriait  et  semblait  mar- 


314 


LE  MÉNESTREL. 


motter  entre  ses  dents  ces  deux  vers  d'un  ancien  opéra-comique  : 

Huila ,  ce  n'esl  pas  encor  tout , 
Ah  !  vraiment,  tu  n'es  pas  au  bout  ! 

car,  tirant  d'une  boîte  soigneusement  recouverte  un  charmant 
violon  de  facture  élégante,  il  le  présenta  à  M.  Pascal  en  forme 
de  défi... 

«  A  la  bonne  heure  !  s'écria  M.  Pascal,  s'adressant  aux  per- 
sonnes présentes  à  cette  singulière  épreuve,  voilà  qui  se  com- 
plique... Et  pourtant,  si  l'on  examine  avec  soin  les  différentes 
parties  de  cette  pièce  précieuse,  on  ne  saurait  la  méconnaître.  Oui, 
voilà  bien  les  signes  caractérisliques  du  maître,  la  table  d'har- 
monie, les  éclisses,  la  volute,  les  /'évasés:  allons  !-allons!  l'hési- 
tation n'est  plus  permise,  ce  violon  est  un  Séraphin  !  »  Et  comme 
Paganini  désappointé  se  disposait  à  faire  une  remarque  :  «  Je  sais 
ce  que  vous  allez  m'objecter,  interrompit  M.  Pascal.  Il  y  a  deux 
Séraphin  dans  la  lutherie,  un  de  Turin  et  l'autre  de  Venise  ; 
aussi  le  dernier  est  celui  dont  je  parle.  »  Il  n'y  avait  rien  à  ré- 
pondre, c'était  juste  de  tout  point. 

Mais  voici  le  dénoûment. 

Retranché  derrière  une  boîte  en  acajou  qu'il  considérait 
comme  son  rempart  inexpugnable,  l'illustre  virtuose  résolut  fer- 
mement de  prendre  sa  revanche  en  frappant  un  coup  décisif.  Sans 
prononcer  un  mot  il  tira  de  son  étui  le  dernier  violon  de  la  col- 
lection et  le  remit  à  notre  compatriote. 

Ici,  faut-il  l'avouer  pour  être  véridique?  la  perspicacité  du 
connaisseur,  jusqu'à  ce  moment  inébranlable,  faillit  être  en  dé- 
faut. En  présence  de  ce  violon  énigmatique,  nouveau  sphinx 
égyptien  qui,  placé  devant  lui,  semblait  dire  :  «  Devine  ou  suc- 
combe, »  M.  Pascal  levait  les  yeux  au  plafond,  comme  pour 
fixer  une  idée  fugitive,  et  retombait  ensuite  dans  la  méditation. 
Enfin,  à  bout  d'efforts,  il  allait  s'avouer  vaincu,  lorsqu'un  éclair 
illumina  sa  pensée  et  ramena  ses  souvenirs.  «  Ah!  par  ma  foi  !» 
dit-il  alors,  reprenant  son  sang-froid  habituel,  et  jetant  sur  le 
violon  un  de  ces  regards  amoureux  si  familiers  aux  antiquaires 
«  ceci  est  une  espèce  rare.  » 

—  Très-rare  en  effet,  observe  Paganini,  avec  un  sourire  malin 
et  presque  triomphant. 

—  Et  connaissez-vous  beaucoup  d'amateurs  qui  aient  pu  vous 
préciser  son  origine? 

—  Jusqu'à  ce  jour,  personne. 

—  Eh  bien!  alors,  je  suis  donc  plus  fort  que  tout  le  monde, 
car  l'instrument  que  voilà  est  de  Stagliani,  mort  très-jeune  à 
Naples,  en  1677,  après  avoir  fait  trois  violons  seulement  dans  sa 
vie.  Celui  que  je  tiens  est  le  second  ;  il  date  de  1673.  Quant  aux 
deux  autres,  je  pourrai  dire  où  ils  sont  en  ce  moment,  si  mon 
maître  le  désire.  » 

Nous  laissons  à  penser  quelle  fut  la  stupéfaction  de  Paganini. 
A  cette  époque,  il  était  malade  et  parlait  très-peu;  aussi  dans 
l'impossibilité  de  répondre  comme  il  aurait  voulu  à  ce  tour  de 
force  incroyable,  il  fut  pris  d'une  quinte  de  toux  si  violente  qu'il 
tomba  dans  son  fauteuil,  d'où  il  se  releva  l'instant  d'après  pour 
embrasser  M.  Pascal  et  le  proclamer  le  plus  grand  connaisseur 
du  monde. 

Ajoutons  que  pendant  le  séjour  de  Paganini  dans  notre  ville, 
M.  Pascal  a  fait  avec  lui  trente-trois  séances  de  quatuors  ;  qu'il 
possède  de  cet  étonnant  musicien  plusieurs  autographes  et  un 
portrait  de  Beethoven,  gravé  à  Vienne  en  1814,  avec  ces^mots 
écrits  de  la  main  du  grand  auteur  des  symphonies  :  L.  V.  Bee- 
thoven, à  M.  Pascal,  de  Marseille. 


Si  l'on  admet  que  l'on  ne  peut  parler  du  violon  sans  dire  un 
mot  de  ses  cordes,  nous  devons  mentionner  celles  exposées  par 
M.  Baudassé-Cazotte,  de  Montpellier,  et  qui  ont  valu  à  cet  ho- 
norable industriel  une  lettre  des  plus  flatteuses  de  Sivori,  où  nous 
lisons  ces  mots  :  «  J'ai  reçu  les  cordes  que  vous  m'avez  en- 
voyées, et  je  m'empresse  de  vous  déclarer  que  j'en  suis  satisfait 
au  suprême  degré.  Les  chanterelles  notamment  sont  d'une  pu- 
reté merveilleuse;  elles  ont  à  la  fois  la  puissance,  l'éclat  et  la 
clarté.  » 

Enfin,  que  dites-vous  de  l'exposition  de  M.  Daniel?  L'élé- 
gante vitrine  !  et  comme  tous  ces  instruments  à  souffle  sont  dis- 
posés avec  art  et  jettent  d'éclatants  reflets  !  Il  y  a  là  des  cors,  des 
trombones  et  des  pistons  qui  se  recommandent  par  des  qualités 
rares.  Le  cornet  surtout  est  l'instrument  privilégié  de  M.  Daniel; 
il  y  a  consacré  tous  ses  soins  et  obtenu  avec  lui  des  résultats 
inappréciables. 

En  1855,  M.  Daniel  a  inventé  les  cornets  à  perce  cylindrique, 
dont  l'avantage  est  de  conserver  autant  de  sonorité  à  ce  genre 
d'instrument  avec  les  pistons  baissés  qu'avec  la  colonne  d'air  à 
vide,  ce  qui  donne  une  grande  égalité  de  son,  en  diminuant  la 
course  des  pistons. 

Plus  tard,  en  1859,  M.  Daniel  a  doté  l'harmonie  du  cornet 
imitant  le  coup  de  langue  de  trompette  que  tous  les  instrumen- 
tistes ne  possèdent  pas,  et  dont  on  se  sert  pourexécuter  le  trémolo, 
effet  introduit  dans  plusieurs  ouvrages,  entre  autres  dans  la 
Marche  aux  (lambeaux  de  Meyerbeer,  où  il  se  soutient  pen- 
dant plusieurs  mesures. 

Puis,  la  dernière  invention  de  M.  Daniel  est  le  cornet  trans- 
positeur  à  perce  droite,  avec  lequel  on  peut  jouer  dans  tous  les 
tons  au  moyen  d'un  cadran  indicateur.  Disons,  à  la  louange  de 
notre  compatriote,  que  tous  les  perfectionnements  dus  à  son 
génie  inventif  lui  ont  valu  plusieurs  brevets  et  un  rapport  des 
plus  flatteurs  signé  de  MM.  Forestier,  Baneux,  Chertier,  Dau- 
verné,  Dantonnet  et  Carafa,  c'est-à-dire,  des  premières  notabi- 
lités du  Gymnase  musical  militaire. 

Les  flûtes,  les  hautbois,  les  bassons  et  les  clarinettes  brillent 
par  leur  absence  à  l'Exposition  de  l'industrie,  ainsi  que  la  gui- 
tare. Oui,  la  guitare  n'existe  plus  aujourd'hui  qu'à  l'état  de 
souvenir,  et  c'est  là,  convenons-en,  un  sujet  de  lamentation  lé- 
gitime pour  bien  des  amateurs  qui  nous  ont  précédés  dans  la  car- 
rière musicale.  A  quoi  sert  d'avoir  eu  pour  compositeurs  et  pour 
exécutants  Gatayes,  Curilli,  Sorr  et  Huerta,  d'avoir  pris  part  à 
tant  de  sérénades,  entre  autres  celle  du  Barbier  de  Séville, 
d'avoir  charmé  trois  générations  de  grisettes  en  accompagnant 
Fleuve  du  l'âge  et  Portrait  charmant,  portrait  de  mon  amie, 
pour  se  voir  délaissée  un  beau  jour  et  ensevelie  à  jamais  sans 
autre  oraison  funèbre  que  cette  légende  banale:  Sic  transit 
gloria  mundi  ! 

Remercions  maintenant  les  personnes  qui  par  leur  obligeance 
dévouée  nous  ont  rendu  facile  notre  tâche  à  l'Exposition  de 
l'industrie,  dont  l'administration  polie  et  bienveillante  compte  un 
si  grand  nombre  d'employés  intelligents.  Merci  à  ces  Messieurs  , 
merci  à  ces  surveillants  zélés,  qui  tant  de  fois,  sur  une  simple 
invitation  de  notre  part,  lorsqu'il  nous  fallait  entendre  un  orgue 
ou  un  piano,  s'empressaient  défaire  tairelevacarme  assourdissant 
d'une  multitude  de  cloches  mises  en  branle  avec  fureur  à  l'aspect 
du  tricorne  du  plus  chétif  curé  de  village.  On  nous  pardonnera 
sans  doute  de  n'avoir  pas  classé  tous  ces  bourdons  parmi  les  ins- 
truments de  musique,  comme  aussi  de  n'avoir  pas  mis  au  rang 
des  virtuoses  les  robustes  sonneurs  délégués  par  MM.  Baudouin  et 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


315 


Maurel.  Mais,  en  revanche,  qu'on  nous  permette  d'adresser  nos 
derniers  éloges  à  M.  Mazoulier,  chargé  de  faire  entendre  les 
pianos  de  Herz,  les  orgues  de  Debain  et  d'Alexandre,  dont 
M.  Roussel  est  le  représentant.  Grâce  à  M.  Mazoulier,  jeune  ar- 
tiste aussi  modeste  qu'expérimenté,  nous  avons  pu  juger  ces 
instruments  divers  dans  une  foule  de  morceaux  et  d'improvisa- 
tions remarquables  dignes  de  nos  meilleurs  concerts,  et  dont  le 
charme  attire  encore  chaque  jour,  dans  le  périmètre  musical  de 
l'Exposition  une  société  des  plus  choisies. 

G.    RÉNÉDIT. 


SEMAINE  THEATRALE. 


Le  ténor Dulaurens  est  venu  aborder  cette  semaine  à  I'Opéra  le 
rôle  d'Arnold  de  Guillaume  Tell  ;  et  deux  fois  (mercredi  et  ven- 
dredi) le  débutant  s'est  tiré  de  cette  nouvelle  tâche  de  la  façon  la 
plus  heureuse.  Sa  voix  a  de  la  vigueur,  avec  un  timbre  métallique 
etstrident  quilui  permet  d'obtenir  de  grands  effets  de  force  dans 
les  passages  dramatiques,  tels  que  la  fin  du  trio  ou  la  fameuse 
strelte  de  l'air  du  quatrième  acte  :  Suivez-moi  !  Toutefois,  par 
instants  on  reconnaît  l'agréable  ténor  di  mezo  carattere,  que 
nous  avions  connu  au  Théâtre-Lyrique  il  y  a  quelques  années. 
C'est  ainsi  qu'il  a  dit  avec  beaucoup  de  légèreté  le  duo  avec 
Mathilde.  Dulaurens  serait  doublement  utile  à  l'Opéra  ;  vocali- 
sant très-bien,  il  pourrait  tenir  l'emploi  de  ténor  léger  et  dou- 
bler Gueymard  dans  le  répertoire  de  fort  ténor.  Il  n'est  pas  im- 
possible que  Dulaurens  revienne  ici  avec  un  engagement;  mais, 
quant  à  présent,  et  pour  neuf  mois  encore,  il  est  lié  avec  la 
direction  du  théâtre  de  Strasbourg.  —  M"e  de  Taisy  abordait 
pour  la  première  fois,  presque  sans  répétitions,  au  pied  levé,  le 
rôle  de  Mathilde  :  elle  y  a  été  très-applaudie.  Elle  a  de  l'accent 
et  de  la  mesure,  deux  qualités  assez  rares  aujourd'hui;  et  il 
faut  lui  faire  compliment  d'avoir  chanté  l'air  :  Sombres  forêts, 
avec  une  pureté  et  une  sobriété  de  style  irréprochables,  sans  y 
ajouter  de  ces  broderies  prétentieuses  qui  altèrent  une  des  plus 
belles  inspirations  mélodiques  de  Rossini.  — La  représentation 
extraordinaire  que  l'Opéra  devait  donner  hier  samedi  au  béné- 
fice de  la  Caisse  des  pensions  est  ajournée  par  indisposition  de 
Tamberlick. —  M"e  Marie  Sax,  dont  la  vie  a  été  un  instant 
mise  en  péril  par  la  fièvre  typhoïde,  est  complètement  rétablie 
et  va  prendre  un  petit  congé  de  convalescence  à  la  campagne. 
Elle  ne  tardera  guère  à  reparaître  sur  la  scène.  — A  bientôt 
aussi  le  début  de  Faure.il  étudie  en  ce  moment,  chez  le  prince 
Poniatowski,  le  rôle  de  Julien  de  Médicis.  C'est  en  effet  dans 
l'opéra  du  prince  qu'il  fera  sa  première  apparition  ,  dans 
les  premiers  jours  de  ce  mois.  —  Sur  la  volonté  expresse  de 
S.  Exe.  M.  le  ministre  d'État,  un  livret  d'opéra  en  deux  actes, 
de  M.  Dumanoir,  vient  d'être  confié  à  M.  Victor  Massé,  chef 
des  chœurs  à  l'Opéra.  Voilà  une  heureuse  nouvelle  pour  le 
monde  musical  :  il  y  a  si  longtemps  qu'on  n'a  pu  entendre  un 
ouvrage  nouveau  de  l'auteur  de  Galathée,  des  Noces  de  Jean- 
nette, de  la  Chanteuse  voilée,  des  Saisons,  de  la  Reine  Topaze! 

MUe  Ralbi  a  débuté  mardi  dernier  à  I'Opéra-Comique  dans 
le  rôle  important  et  si  difficile  (surtout  après  Mme  Ugalde)  de 
Virginie,  du  Caïd  d'Ambroise  Thomas.  Nous  nous  empressons 
de  constater  combien  ce  début  a  élé  heureux  pour  elle  sous  le 
double  rapport  du  chant  et  du  jeu.  Elle  a  attaqué, non  sans  émo- 


tion, son  premier  couplet:  Comme  la  fauvette;  mais  ceci  n'é- 
tait qu'un  jeu  pour  sa  voix  agile  et  légère.  Le  duo  avec  Rirot- 
teau  a  été  dit  avec  beaucoup  d'intelligence,  et  tout  enfin,  jus- 
qu'à la  grande  épreuve  de  l'air  du  deuxième  acte  :  Plaignez  la 
pauvre  demoiselle.'. . .  tout  lui  a  réussi.  Aussi  les  applaudisse- 
ments les  plus  sympathiques  ont  accueilli  cette  nouvelle  et  jeune 
étoile,  qui  déjà  brille  d'un  éclat  tout  particulier,  et  nous  félici- 
tons le  directeur  de  l'Opéra-Comique  de  s'être  attaché  cette  jeune 
et  gracieuse  artiste.  Nous  ne  devons  pas  oublier  d'adresser  de 
sincères  éloges  à  MM.  Ponchard  et  Gourdin  :  ils  ont  supérieu- 
rement interprété  les  rôles  de  Rirotteau  et  du  tambour-major. 
Rerthelier,  qui  ce  soir  remplaçait  Sainte -Foy  dans  le  rôle 
d'Aboulifar,  a  égayé  la  salle  entière  par  sa  verve  comique. 

Le  même  soir  M.  Capoul,  artiste  débutant,  paraissait  pour  la 
première  fois  dans  le  Chalet  et  y  a  obtenu  un  succès  des  plus 
légitimes.  Il  était  secondé  par  MUe  Lemercier,  l'incomparable 
soubrette,  etTroy.qui  aussi  chante  fort  bien,  mais  qui,  selon 
nous,  a  le  tort  de  trop  abuser  des  vocalisations. 

Le  lendemain,  un  autre  événement  appelait  la  presse  et  le 
public  à  ce  même  théâtre  Favart.  C'était  la  rentrée  de  Rat- 
taille  et  les  débuts  de  M"e  Roziès  dans  l'Étoile  du  Nord. 
Rattaille  est  toujours  un  grand  et  émouvant  chanteur.  Le  rôle  de 
Péters,  l'une  de  ses  plus  brillantes  créations,  et  qui  lui  a  valu 
de  si  légitimes  triomphes,  a  été  joué  avec  plus  d'entrain  encore 
que  par  le  passé.  La  voix  de  Rattaille  néanmoins  n'a  pas  encore 
recouvré  toute  sa  vigueur.  Souhaitons  à  cet  artiste  un  prompt 
rétablissement  :  lui  qui  connaît  si  bien  le  mécanisme  de  la  pho- 
nation, espérons  qu'il  découvrira  aussi  les  agents  thérapeuti- 
ques du  larynx.  —  Mlle  Roziès,  que  les  bravos  récoltés  au 
Théâtre-Lyrique  auraient  dû  aguerrir,  semblait  éprouver  une 
forte  émotion;  mais  elle  n'en  a  pas  moins  réussi,  et  les  plus 
vifs  applaudissements  l'ont  accueillie  dans  le  rôle  si  ardu  de 
Catherine.  La  jeune  artiste  a  été  surtout  remarquable  dans  le 
quintette  du  second  acte  et  dans  la  grande  scène  du  troisième. 

Voici  un  aperçu  général  de  la  campagne  musicale  qui  va 
s'ouvrir  au  Théâtre-Lyrique  : 

Aujourd'hui  dimanche,  1er  septembre,  pour  la  réouverture, 
Richard  Cœur-de-L'wn  (continuation  des  débuts  de  Peschard 
dans  le  rôle  de  Rlondel),  et  les  Dragons  de  Villars,  avec 
Mlle  Girard  jouant  pour  la  première  fois  Rose  Friquet,  et  le 
début  du  ténor  Ronnet,  qui  arrive  du  théâtre  de  Ratavia  avec 
une  bonne  réputation.  Lundi,  reprise  du  beau  succès  de  la  Sta- 
tue, que  la  clôture  annuelle  avait  interrompu  en  son  premier 
élan.  L'opéra  de  M.  Ernest  Reyer  conserve  tous  les  interprètes 
de  la  création  :  Monjauze,  Ralanqué,  Mlle  Raretti,  etc.  Mardi, 
rentrée  de  Mme  Marie  Cabel,  qui  est  engagée  pour  trois  ans. 
C'est  une  heureuse  idée  que  la  reprise  du  Rijou  perdu,  qui 
ramène  la  célèbre  artiste  au  premier  et  peut-être  au  plus  popu- 
laire de  ses  succès.  Un  bon  ténor  de  province,  Mathieu  (qui  par 
parenthèse  a  épousé  Mlu  Caye,  une  ancienne  pensionnaire  du 
Théâtre-Lyrique),  débutera  dans  le  rôle  d'Angennes.  Le  baryton 
Petit,  premier  prix  de  chant  et  d'opéra-comique  de  1861  au 
Conservatoire,  continuera  ses  débuts  par  le  rôle  de  Rellepointe  ; 
celui  de  Pacôme  est  confié  à  Lesage ,  très-intelligent  et  très- 
sympathique  artiste,  qu'il  est  bien  temps  de  mettre  aux  premiers 
rôles. 

Le  premier  ouvrage  nouveau  de  cette  saison  sera  le  Neveu  de 
Gulliver,  poëme  en  trois  actes,  de  M.  Henri  Ruisseaux,  musique 


316 


LE  MÉNESTREL. 


de  M.  de  Lajarte.  Cet  opéra  taillé  en  pleine  fantaisie  (le  deuxième 
tableau  se  passe  dans  la  Lune),  a  nécessité  l'engagement  d'une 
étoile  chorégraphique,  MIle  Clavelle  ,  ex-sujette  du  corps  de 
ballet  de  l'Opéra.  Le  Neveu  de  Gulliver  viendra  à  la  fin  de  sep- 
tembre et  servira  aux  débuis  importants  et  impatiemment  at- 
tendus du  baryton  Jules  Lefort,  le  chanteur  favori  des  salons 
et  des  concerts  du  grand  monde. 

Les  grands  ouvrages  représentés  cette  année  seront  VOndine, 
de  M.  Théodore  Semet,  poëme  en  trois  actes,  de  M.  Lockroy  ; 
—  l'opéra-comique  en  trois  actes  de  MM.  Dumanoir  et  d'En- 
nery,  musique  de  M.  Grisar  (le  principal  rôle  est  destiné  à 
Mme  Cabel)  ;  —  enfin  dans  la  seconde  partie  de  la  saison,  la 
grande  partition  de  Noé,  de  M.  Halévy,  poème  de  M.  de  Saint- 
Georges.  —  Monjauze  et  Mme  Marie  Cabel  reprendront  Jagua- 
rita,  un  triomphe  assuré  pour  tous  deux. 

M.  Charles  Réty  n'oublie  pas  les  jeunes  compositeurs  ,  tant 
s'en  faut  !  Nous  pouvons  annoncer  trois  actes  de  M.  Imbert  sur 
un  poëme  de  M.  de  La  Rounat,  directeur  de  l'Odéon,  —  deux 
actes  de  M.  Ernest  Dubreuil,  musique  de  M.  Debillemont;  — 
deux  actes  de  M.  Dufresne,  le  Voyage  de  Catherine;  —  deux 
actes  de  M.  Prosper  Pascal;  —  un  acte  de  M.  Delibes,  etc.,  etc. 

A  en  juger  par  le  programme  que  nous  venons  d'esquisser,  la 
saison  18G1-1862  sera  brillante  et  bien  remplie.  —  Ajoutons 
que  M.  Ch.  Réty  a  renforcé  l'orchestre,  porté  le  nombre  des  cho- 
ristes à  soixante,  et  mis  sur  pied  un  corps  de  ballet  très-confor- 
table de  dix-huit  danseuses. 

Les  travaux  de  la  nouvelle  salle  de  la  place  du  Châtelet  sont 
tellement  avancés  aujourd'hui,  que  l'inauguration  pourra  rester 
fixée  au  1er  janvier.  Ce  qui  est  hors  de  doute,  c'est  que  la  saison 
commencée  boulevard  du  Temple  s'achèvera  place  du  Châtelet. 

Rien  de  nouveau  sur  nos  scènes  secondaires.  La  Gaité  seule 
nous  a  donné  un  drame  nouveau,  annoncé  depuis  longtemps. 
Christophe  Colomb ,  cinq  actes  et  huit  tableaux.  A  dimanche 
prochain  les  détails. 

La  salle  du  Théâtre  -  Déjazet  ayant  été  louée  pour  des 
distributions  de  prix  et  devant  subir  d'importants  changements, 
la  réouverture  de  ce  théâtre  ne  pourra  avoir  lieu  que  du  12  au 
15  septembre.  Le  principal  de  ces  changements  consiste  dans 
l'établissement  d'une  rangée  de  loges  de  face. 

J.  Lovv. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
SOUVENIRS  Dl  THEATRE 

(DE    U     FIIÏ    DU     WHle    SIECLE    JUSQU'EN    iSIO  ). 


MADAME  SCiO 

(Opéra-Comique,  1791-1801). 
I. 

«  Qui  n'aime  à  remonter  le  fleuve  de  la  vie?  »  a  dit  Legouvô 
père,  dans  son  aimable  poëme  des  Souvenirs.  Cet  adage,  si  gra- 
cieusement exprimé,  rend  à  merveille  la  situation  des  vieux 
amateurs  dont  la  jeunesse  consacra  à  l'art  dramatique  un  .culte 
d'amour  et  d'enthousiasme ,  et  qui,  arrivés  à  l'époque  du  désen- 
chantement et  de  la  satiété,  croient  non-seulement  remonter  le 
fleuve  de  la  vie,  mais  retremper  leur  âme  et  leurs  sens  dans  ses 


eaux  bienfaisantes,  en  revenant  par  la  mémoire  aux  jouissances 
dont  les  arts  ont  doté  leur  âge  printanier. 

Telles  sont  les  impressions,  tels  sont  les  plaisirs  que,  depuis  ma 
vingtième  année  jusqu'à  mon  dixième  lustre,  je  suis  allé  sans  cesse 
demander  à  nos  divers  théâtres  lyriques,  qui  ne  me  les  ont 
jamais  refusés.  Étranger  moi-même  aux  secrets  de  la  composi- 
tion musicale,  mais  doué  de  la  mémoire  la  plus  sûre,  de  l'orga- 
nisation la  plus  sensible  à  la  magie  des  sons,  ma  tête  est  deve- 
nue une  espèce  de  sanctuaire  harmonique ,  où  s'est  trouvé 
conservé  vivant  le  dépôt  de  toutes  les  grandes  compositions  qui, 
de  Grétry  et  de  Gluck  jusqu'à  Roïeldieu  et  Rossini,  ont  enrichi 
le  répertoire  de  notre  grand  Opéra  et  de  notre  Opéra-Comique. 

Ace  culte  rendu  aux  maîtres  qui,  à  leur  insu,  ontsi  libéralement 
épanchésur  moi  des  faveurs  dont  ma  jeunesse  était  avide,  j'ai  dû 
naturellement  ajouter  un  vif  sentiment  d'admiration  pour  le  la- 
lent  des  plus  dignes  interprètes  des  chefs-d'œuvre  de  ces  maîtres 
illustres.  Il  serait  assez  difficile  de  répartir  d'une  manière  vrai- 
ment équitable  entre  le  poëte  (versificateur  ou  musicien)  et  l'ac- 
teur chargé  de  traduire,  par  sa  voix  et  par  ses  gestes,  les  inspira- 
tions de  l'un  et  de  l'autre,  la  part  qui  revient  à  chacun  d'eux 
dans  le  succès  d'une  œuvre  dramatique;  mais  si  la  part  de  l'artiste 
ne  doit  jamais  être  égale  à  celle  de  l'auteur,  nul  doute  qu'elle  ne 
doive  conserver  une  haute  importance,  et  que,  de  la  plus  ou 
moins  bonne  exécution  de  tout  ouvrage  scénique  ne  dépende 
presque  toujours  l'effet  définitif  qu'il  produit  sur  le  spectateur. 
Je  n'entreprendrai  à  cet  égard  aucune  démonstration  :  il  n'est 
pas,  j'en  suis  convaincu,  un  seul  habitué  de  théâtre  dont  j'aie  à 
redouter  la  contradiction. 

Et  qui  pourrait  être  tenté  de  refuser  aux  grands  talents  de  la 
scène,  à  l'artiste  inspiré,  quel  que  soit  le  genre  dramatique  qu'il 
anime  de  son  inspiration,  le  tribut  d'estime  et  d'éloges  achetés 
au  prix  de  tant  de  pénibles  efforts,  et  auquel  un  si  petit  nombre 
a  des  droits  incontestables,  sanctionnés  par  l'aveu  de  tous  !  La 
gloire  de  Facteur,  quelque  brillante  qu'elle  soit,  est  purement 
viagère;  rien  de  plus  faux,  relativement  à  lui  du  moins,  que 
l'adage  : 

La  mémoire  est  reconnaissante , 
Les  yeux  sont  ingrats  et  jaloux  ; 

c'est,  au  contraire,  une  règle  presque  sans  exception,  que  la  mé- 
moire est  souverainement  ingrate  pour  l'acteur  que  les  yeux  ont 
cessé  de  voir.  Cherchez  combien  il  est  de  ces  favoris  du  public 
dont  le  nom  survive  à  leur  retraite,  et  qui ,  applaudis  avec 
transport,  et  souvent  même  avec  excès,  par  la  génération  qui  a 
joui  de  leurs  talents,  ne  soient  pas  complètement  ignorés  de  la 
génération  suivante.  Quels  autres  noms  que  ceux  de  Raronet 
de  la  Champmeslë  ont  survécu  au  siècle  de  Corneille  et  de  Ra- 
cine ?  Dans  le  siècle  suivant,  pour  arriver  de  M"e  Lecouvreur  à 
Lekain,  on  rencontre  à  peine  sur  la  route  Mlles  Gaussin,  Clai- 
ron et  Dumesnil,  car  qui  se  souvient  de  Grandval  et  de  Relie- 
cour?  Après  ceux-ci,  la  comédie  nous  montre  avec  orgueil  Pré- 
ville et  Mole,  puis  Fleury  et  M"e  Contât  dont  le  xixe  siècle,  à  sa 
naissance,  a  vu  les  derniers  succès.  C'est  à  ce  siècle  qu'appar- 
tiennent les  deux  noms  de  Talma  et  de  Mars,  honneur  sans  pareil 
du  Théâtre-Français  tant  qu'au  Théâtre -Français  on  admit  la 
distinction  des  genres.  Les  convenances  ne  me  permettent  pas 
d'aller  plus  loin.  Si  on  ne  doit  aux  morts  que  la  vérité,  on  doit 
des  égards  aux  vivants;  et  d'ailleurs,  parmi  ceux-ci  : 
Il  en  est  jusqu'à  trois  que  je  pourrais  citer. 
C'est  cependant  aux  seules  annales  de  la  scène  française  que 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


317 


j'ai  demandé  le  pelit  nombre  de  noms  d'artistes  dramatiques 
échappés  à  l'oubli;  je  n'en  ai  emprunté  aucun  aux  fastes  de  la 
scône  lyrique.  Les  destinées  de  notre  grand  Opéra  remontent 
pourtant  à  près  de  deux  siècles,  depuis  sa  fondation  réelle  par 
Lulli  etQuinault;  mais,  de  tous  les  interprètes  des  chefs-d'œuvre 
de  ces  deux  maîtres  et  de  quelques-uns  de  leurs  successeurs,  de 
tous  ces  artistes  applaudis  et  choyés  de  leur  vivant  par  un  public 
idolâtre,  quels  sont  ceux  dont  la  renommée  de  circonstance  n'ait 
pas  abouti,  après  leur  disparition,  à  l'oubli  le  plus  profond"?  Re- 
trouver aujourd'hui  leurs  noms  est  une  affaire  d'archéologie  dra- 
matique, d'érudition  de  coulisses. 

MIle  Arnould,  contemporaine  de  Louis  XV,  a  conservé  une 
sorte  de  renommée  auprès  de  laquelle  se  place,  dans  un  jour  plus 
doux,  celle  de  Mme  Favart.  Mais  le  renom  de  Mlle  Arnould  se 
fonde  bien  plus  aujourd'hui  sur  les  succès  de  son  esprit  satirique 
et  sur  ses  méchants  bons  mots  que  sur  ses  triomphes  scéniques. 
Quant  à  Mme Favart,  la  passion  violente  qu'elle  avait  inspirée  au 
maréchal  de  Saxe,  et  qu'elle  ne  partagea  jamais,  à  laquelle 
même  il  paraît  qu'elle  sut  courageusement  résister,  a  servi  de 
piédestal  à  son  honorable  réputation. 

Poursuivant  notre  revue  de  notabilités  dans  le  genre  lyrique, 
allons  donc,  pour  le  grand  Opéra,  de  Mlle  Arnould  à  Mmc  Saini- 
Huberti,  et  pour  l'Opéra-Comique,  de  Mme  Favart  à  Mme  Du- 
gazon.  C'est  à  Piccini  et  à  Gluck,  c'est  à  Didon,  Alcesle,  Iphigc- 
nie  et  Ârmide,  que  Mme  Saint-Huberti,  si  fatalement  célèbre 
sous  le  nom  de  comtesse  d'Antraigues,  dut  le  renom  de  tragé- 
dienne, qui,  indépendamment  de  son  talent  comme  cantatrice, 
l'éleva  sur  la  scène  de  Melpomène,  au  niveau  de  ses  émules, 
jjiies  Raucourt  et  Sainval  aînée.  Mme  Dugazon  n'obtint  pas  de 
moindres  faveurs  de  la  Thalie  lyrique.  Grétry  et  Dalayrac  lui 
fournirentles  plus  dramatiques  inspirations  ;  ses  succès  produi- 
sirent l'enthousiasme,  et,  par  un  honneur  tout  a  fait  exception- 
nel, Laharpe  consacra  ces  mêmes  succès  dans  son  Cours  de  litté- 
rature. 

Mme  Saint-Huberti  avait  légué,  depuis  quatre  ans,  le  sceptre 
de  la  tragédie  lyrique  à  M"e  Maillard.  Mme  Dugazon  voyait 
s'élever  auprès  d'elle,  dans  le  double  genre  du  drame  et  de  la 
comédie  à  ariettes,  le  jeune  talent  et  la  concurrence  prochaine 
de  Mme  Saint-Aubin,  lorsqu'apparut  sur  une  scène  voisine,  ber- 
ceau en  France,  du  Théâtre-Italien,  une  virtuose  venue  à  Paris 
de  ces  heureuses  contrées  du  Midi,  où  le  talent  musical  semble 
être  un  don  de  nature  et  comme  un  produit  du  sol  :  Mme  Scio, dont 
le  nom  de  famille  était  Legrand,  débuta  en  1787  à  Montpel- 
lier. Elle  avait  alors  dix-sept  ans,  et  parut  au  théâtre  sous  le  pseu- 
donyme de  Mlle  Crécy.  Les  succès  qu'elle  obtint  successivement 
à  Montpellier,  à  Avignon  et  à  Marseille,  l'appelèrent  à  Paris 
■  en  1791.  Elle  avait  épousé  depuis  peu,  en  Provence,  Etienne 
Scio,  musicien  d'orchestre  et  compositeur  dramatique  :  on  doit 
à  celui-ci  la  musique  de  cinq  ou  six  opéras  qui,  dans  la  nou- 
veauté, obtinrent  quelque  succès,  mais  dont  aucun  n'a  survécu 
à  l'auteur,  mort  en  1796,  avant  l'âge  de  trente  ans.  Il  était  alors 
attaché  à  l'orchestre  du  théâtre  de  la  rue  Feydeau,  en  qualité 
de  chef  des  seconds  violons. 

Mme  Scio  était  entrée  en  1792  à  ce  théâtre,  qui  jusqu'à  cette 
époque  avait  porté  le  nom  de  Théâtre  de  Monsieur,  et  où 
s'était  .établie  l'excellente  troupe  de  chanteurs  italiens  qui  firent 
les  délices  de  Paris,  jusqu'au  moment  où  les-orages  de  la  révo- 
lution eurent  mis  en  fuite  cette  inoffensive  et  mélodieuse  colo- 
nie. Quelques    chanteurs  français,   au  nombre  desquels  était 


Martin,  encore  inconnu,  essayèrent  de  continuer  la  tradition 
des  maîtres  d'Italie.  Plusieurs  des  chefs-d'œuvre  de  Paesiello, 
de  Sarti  et  de  Cimarosa,  traduits  de  l'italien  en  français, 
furent  offerts  au  public  sous  ce  déguisement,  et,  auprès  de 
Martin  et  de  Gavaudan  à  leur  aurore,  on  vit  apparaîre  et  on 
applaudit  Mme  Scio  dans  le  Roi  Théodore,  le  Marquis  de  Tu- 
lipano  et  les  Noces  deDorine.  La  suavité  du  chant  de  la  jeune 
cantatrice,  la  justesse  irréprochable  et  le  charme  sympathique 
de  sa  voix,  enfin  la  sûreté  de  son  exécution  musicale,  faisaient 
dès  lors  do  Mrae  Scio  l'une  des  plus  dignes  interprètes  de  ces 
ravissantes  mélodies. 

P. -A.  Vieillard. 
(  La  suite  au  prochain  numéro.) 


PETITE  CHRONIQUE. 


PlaisanSeries  musicales  de  Porpora. 

Du  temps  de  Charles  VI  vivait  à  Vienne  le  célèbre  Porpora. 
Pauvre  et  sans  travail,  il  avait  été  admis  à  faire  exécuter  quel- 
ques morceaux  de  sa  composition  devant  l'empereur;  mais  le 
prince  qui  n'aimait  pas  les  ornements  du  chant  italien,  et  qui 
avait  particulièrement  en  aversion  les  trilles  et  les  mordants  que 
Porpora  prodiguait  dans  ses  œuvres,  n'avait  pas  goûté  sa  mu- 
sique. En  1728,  il  fut  invité  à  se  rendre  à  Dresde  pour  ensei- 
gner le  chant  à  la  princesse  électorale  de  Saxe  Marie-Antoinette. 
Passant  à  Vienne  dans  ce  but,  il  s'y  arrêta  quelque  temps,  dans 
l'espoir  de  faire  revenir  l'empereur  de  ses  préventions  contre 
lui  et  d'en  recevoir  quelque  récompense  dont  il  avait  besoin, 
car  il  était  parti  de  Venise  avec  une  bourse  fort  légère;  mais  ce 
fut  longtemps  en  vain  qu'il  chercha  l'occasion  de  faire  exécuter 
quelque  ouvrage  de  lui  dans  la  chapelle  impériale:  il  se  serait 
même  trouvé  dans  le  plus  grand  embarras,  si  l'ambassadeur  de 
Venise  ne  l'eût  retiré  chez  lui  et  ne  lui  eût  enfin  fait  obtenir 
la  faveur  d'écrire  un  oratorio  pour  le  service  de  Charles  VI. 
Porpora  composa  le  morceau,  'pour  lequel  on  lui  avait  recom- 
mandé d'être  plus  ménager  de  ses  trilles  et  de  ses  mordants. 
L'empereur,  assistant  à  la  répétition  de  l'ouvrage,  fut  charmé 
d'y  trouver  un  style  simple  où  ne  paraissait  pas  un  seul  de  ces 
ornements  qu'il  n'aimait  pas.  Surpris  et  étonné,  il  répétait  sans 
cesse  :  C'est  un  autre  homme;  plus  de  trilles .'  Cependant  le 
compositeur  avait  préparé  pour  la  fin  une  plaisanterie  à  laquelle 
le  monarque  ne  s'attendait  pas,  et  qui  eut  le  succès  qu'il  s'était 
promis.  Le  thème  de  la  fugue  qui  terminait  la  composition  sa- 
crée commençait  par  quatre  notes  ascendantes  sur  lesquelles  il 
avait  mis  un  trille.  Or,  l'on  sait  que  dans  les  fugues  le  sujet 
passe  d'une  partie  à  une  autre,  mais  ne  change  pas.  Cette  séria 
de  trilles  répétés  à  toutes  les  entrées  des  différentes  voix  devint 
une  bouffonnerie  des  plus  plaisantes,  et  quand  l'empereur,  qui 
avait  le  privilège  de  ne  rire  jamais,  entendit  dans  le  stretto  de  la 
fugue  ce  déluge  de  trilles  qui  semblaient  une  musique  de  para- 
lytiques enragés,  il  n'y  put  tenir,  et  rit  peut-être  pour  la  pre- 
mière fois  de  sa  vie.  Ce  morceau  grotesque  lui  plut,  il  pardonna 
à  l'auteur  sa  plaisanterie,  et  lui  fit  remettre  une  récompense 
pour  son  travail. 

Porpora  était,  du  reste,  un  homme  de  beaucoup  d'esprit  :  il 
avait  la  répartie  fort  piquante.  Passant  un  jour  dans  une  abbaye 
d'Allemagne,  les  religieux  le  prièrent  d'assister  à  l'office  pour 


3)8 


LE  MÉNESTREL 


entendre  leur  organiste,  dont  ils  exaltaient  singulièrement  le  ta- 
lent. L'office  terminé  :  —  Eh  bien  !  comment  trouvez-vous  notre 
organiste?  dit  le  prieur.  —  Mais,  répondit  Porpora,  mais...  — 
C'est  un  habile  homme,  continua  le  prieur,  et  même  un  homme 
de  bien,  un  homme  plein  de  charité  et  dune  simplicité  vraiment 
évangélique.  — Oh!  pour  la  simplicité  ;  je  m'en  suis  aperçu, 
reprit  Porpora,  car  sa  main  gauche  ne  se  doute  pas  de  ce  que 

fait  sa  main  droite. 

(Guide  musical  belge.) 

NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Nous  avons,  d'après  la  Gazette  de  Milan ,  indique'  comme  étant  de 
Martinez  de  la  Rosa  le  sujet  du  libretto  sur  lequel  Verdi  compose  son  nou- 
vel opéra  pour  Saint-Pétersbourg;  mais  ce  journal  rectifie  son  assertion. 
Don  Alvaro  o  la  força  del  Destino  est  un  drame  écrit  par  Angelo  de 
Saavedra,  duc  de  Rivas,  l'un  des  plus  remarquables  écrivains  espagnols 
du  dix-huitième  siècle. 

—  A  Turin  on  vient  d'inaugurer  le  théâtre  Victor-Emmanuel.  La  pièce 
d'ouverture  était  l'Elisir  d'amore.  Les  artistes  ont  chanté  la  partition  de 
Donizetti  avec  toute  la  perfection  désirable.  —  Le  théâtre  Gerbino  a  choisi 
pour  pièce  d'ouverture  Lucrezia  Borgia.  Mme  Gavetti-Reggiani  et  le  ténor 
Zenneri  ont  eu  beaucoup  de  succès. 

—  Le  nouveau  théâtre  de  Carpi  a  également  fait  son  ouverture.  On  cite 
parmi  les  héroïnes  de  la  troupe  Mlle  Elena  Pioretti,  fort  habile  cantatrice. 
Mlle  Beretta  remporte  les  honneurs  du  ballet. 

—  On  annonce  à  Nice  la  mort  de  M.  Vincent  Novello,  compositeur  de 
musique,  père  de  la  cantatrice  Clara  Novello  et  de  l'éditeur  de  musique 
John  Alfred  Novello.  M.  Vincent  Novello  avait  été  longtemps  attaché  à  la 
chapelle  de  l'ambassade  d'Espagne,  à  Londres,  et  membre  du  conseil  de 
la  Société  philharmonique  ;  il  était  âgé  de  quatre-vingts  ans. 

—  Le  Conservatoire  de  Vienne  vient  d'adopter  le  diapason  normal  de 
Paris.  L'orchestre  du  théâtre  de  la  Cour  va  également  adopter  ce  diapason. 

—  Le  prince  d'Oldembourg  est  arrivé  à  Wiesbade  pour  assister  à  la  re- 
présentation d'un  opéra  de  sa  composition,  qui  a  pour  litre  Kœthchen  von 
Eeilbronn.  Cette  représentation  aura  lieu  au  théâtre  de  la  Cour,  à  "Wies- 
bade, dans  une  matinée  musicale  donnée  à  cet  effet.  On  dit  beaucoup  de 
bien  de  la  partition;  il  paraîtrait  même  que  le  duc  de  Saxe-Cobourg  aurait 
trouvé  dans  l'auteur  un  dangereux  rival. 

—  Il  a  été  question,  ces  jours-ci ,  en  Allemagne,  d'une  Union  vocale 
ayant  pour  but  la  propagation  et  concentration  des  sociétés  chorales.  Voici, 
à  ce  sujet,  les  principales  propositions  soumises  au  comité  de  la  fête  par 
le  compositeur  thuringien  M.  Muller  von  der  Warra  :  —  I.  Les  chanteurs 
de  l'Allemagne  prennent,  par  l'intermédiaire  de  leurs  représentants,  la 
résolution  de  fonder  une  Union  vocale  de  toute  l'Allemagne,  association 
qui  aura  pour  objet  :  If  La  propagation  des  chants  nationaux  allemands, 
par  tous  les  moyens  possibles,  tant  à  l'intérieur  que  dans  les  pays  étran- 
gers; 2»  l'introduction  d'importantes  réformes  ;  P la  fondationd'un  Amdt- 
Zeller-Fund,  dans  le  but  d'aider  les  familles  des  chanteurs  décédés  et  les 
compositeurs  de  chant  d'un  mérite  reconnu  ;  4°  l'extension  des  relations 
intellectuelles  et  sociales  au  moyen  d'un  journal  déjà  fondé,  et  quia 
pour  titre  Die  Saengerlwlle;  5"  l'adoption  d'une  décoration  universelle  poul- 
ies chanteurs  allemands,  décoration  qui  sera  portée  en  outre  des  insignes 
déjà  existants  pour  les  diverses  Sociétés  ;  6°  l'édification  d'un  Walhalla 
vocal  dans  une  des  grandes  villes  situées  au  cœur  de  l'Allemagne,  comme 
Nuremberg,  Cobourg  ou  Francfort-sur-le-Mein.  —  IL  Les  représentants 
du  chant  allemand,  réunis  à  Nuremberg,  décident  :  Un  festival  vocal  alle- 
mand aura  lieu  tous  les  deux  ans.  Le  prochain  festival  sera  donné  à 
Francfort-sur-le-Mein  où  à  Heidelberg. 

—  Les  Signale  de  Leipzig  nous  apprennent  que  Franz  Liszt  a  quitté 
Weimar,— pour  ne  plus  y  retourner,  ajoute  la  feuille  allemande  (?) .  Le  cé- 
lèbre pianiste  va  passer  quelques  semaines  en  Silésie,  près  du  prince  de 
Hohenzollern. 

Le  26  a  eu  lieu,  à  Bade,  le  grand  concert  donné  en  faveur  de  l'hô- 
pital de  la  ville,  sous  la  direction  de  Berlioz.  A  huit  heures  le  grand 
salon  de  Conversation  était  envahi  par  une  foule  élégante  ,  à  la  tête  de 
laquelle  on  remarquait  S.  M.  la  reine  de  Prusse.  Le  programme  offrait  le 
plus  piquant  attrait  :  la  symphonie  d'Hurold  et  le  Requiem  de  Berlioz 


ont  été  accueillis  avec  une  faveur  marquée,  et  l'orchestre,  ainsi  que  les 
chœurs,  composés  en  partie  des  artistes  de  la  chapelle  de  Carlsrhue,  ont 
dignement  interprété  les  diverses  parties  de  cette  oeuvre  toute  palpitante 
d'intérêt  et  d'effets  neufs  et  saisissants.  Mlles  Monrose  et  Renard  se  sont 
fort  distinguées  dans  plusieurs  morceaux  d'Halévy,  de  Verdi  et  de  Doni- 
zetti. Quant  à  Sivori,  il  a  exécuté  en  grand  maître  le  concerto  de  Men- 
delssohn,  et  il  s'est  montré,  dans  l'adagio,  ravissant  chanteur.  Que  dire 
de  la  fantaisie  de  Beethoven  pour  piano  ,  orchestre  et  chœurs  ,  de  cette 
harmonie  enchanteresse  d'où  jaillissent  à  chaque  instant  les  plus  suaves 
mélodies  !  En  écoutant  cette  musique  on  passe  successivement  de  l'extase 
à  l'attendrissement.  Les  instruments  de  l'orchestre ,  les  cors  surtout,  s'y 
trouvent  mariés  au  piano  d'une  façon  délicieuse,  et  les  chœurs  sont  d'une 
beauté  pleine  et  sonore  encore  relevée  par  la  fraîcheur  et  \ecorsi  des  voix 
allemandes.  Éloge  aussi  à  Mme  Kastner,  qui  a  tenu  la  partie  de  piano  à 
merveille.  Somme  toute,  celte  soirée  a  été  la  perle  de  la  saison,  et  ceux 
qui  y  ont  assisté  en  garderont  un  vif  et  émouvant  souvenir.  Berlioz  diri- 
geant tout ,  s'occupant  des  moindres  détails ,  s'est  conduit  comme  un 
habile  général  un  jour  de  bataille.  C.  Estienne. 

—  Un  touriste  de  nos  amis  nous  écrit  d'Ems  :  «  La  saison  n'a  jamais 
été  plus  brillante  que  cette  année,  aussi  bien  par  le  nombre  et  la  distinc- 
tion des  étrangers  que  par  le  choix  heureux  des  artistes  que  l'habile  direc- 
teur du  Kursal  a  su  réunir  dans  les  concerts.  Dans  une  des  dernières 
soirées,  nous  avons  entendu  Henri  Herz  et  le  violoniste  Roméo  Accursi. 
Vous  connaissez  le  premier ,  il  est  toujours  le  brillant  pianiste  qui  a 
rempli  le  monde  musical  de  sa  célébrité;  les  belles  compositions  qu'il  a 
jouées  ont  été  couvertes  d'applaudissements.  Jeune  et  nouveau ,  le  se- 
cond mérite  déjà  d'être  placé  au  premier  rang  de  la  nouvelle  génération 
d'instrumentistes.  Le  charme,  l'élégance,  la  justesse  du  jeu,  le  goût, 
l'ampleur  du  style,  et  la  facilité  merveilleuse  avec  laquelle  il  sait  sur- 
monter les  grandes  difficultés ,  lui  ont  conquis  tous  les  suffrages;  aussi 
son  succès  ne  pouvait  être  ni  plus  éclatant,  ni  plus  mérité. 

—  Les  correspondances  de  Londres  nous  apprennent  que  l'excellent 
baryton  Henri  Delle-Sedie  a  été  engagé  par  M.  Gye  pour  la  prochaine 
saison  de  Covent-Garden,  et  cela  à  des  conditions  très -avantageuses. 
M.  Calzado  lui  a  également  fait  souscrire  un  engagement  pour  la  saison 
de  Paris,  à  partir  du  10  octobre,  époque  à  laquelle  doit  expirer  le  traité 
de  M.  Delle-Sedie  avec  le  théâtre  de  Dublin. 

—  Le  gouvernement  belge  avait  ouvert  un  concours  pour  la  meilleure 
cantate.  Le  premier  prix  (10,000  fr.)  a  été  réservé  ;  le  deuxième  prix 
(5,000  fr.)  a  été  partagé  entre  M.  Duport,  de  Liège,  et  M.  Vandervelpen,  de 
Matines. 

—  On  lit  dans  r  Universel,  journal  de  Bruxelles  ;  «  Hier,  Anvers  don- 
nait à  ses  hôtes  une  délicieuse  fête  champêtre  dans  les  jardins  de  la  So- 
ciété d'harmonie.  Aujourd'hui,  c'est  par  le  concert  du  théâtre  que  la  cité 
des  arts  couronne  l'ouverture  du  Congrès.  De  mémoire  de  dilettante,  il  n'y 
a  pas  eu  assurément  de  fête  musicale  aussi  remarquable  que  celle  qui 
vient  de  se  terminer.  L'élite  de  la  population  anversoise  y  assistait  et  faisait 
elle-même  les  honneurs  de  la  soirée  [aux  nombreuses  célébrités  musicales 
arrivées  pour  prendre  part  aux  travaux  du  Congrès.  Le  fond  du  vaisseau 
de  la  salle  du  théâtre  était  occupé  par  les  chœurs  et  l'orchestre.  Le  chiffre 
de  ces  masses  musicales  suffira  pour  donner  une  idée  de  la  puissance  et 
de  la  grandeur  d'exécution  des  compositions  figurant  au  programme.  Il 
atteignait  424  :  80  sopranos,  72  contraltos,  72  ténors,  8o  basses  et  115  exé- 
cutants d'orchestre.  Rappelant  les  imposantes  solennités  de  l'Allemagne 
par  le  nombre  énorme  d'exécutants,  le  concert  de  ce  soir  les  a  aussi  rap- 
pelées par  le  talent  et  les  qualités  admirables  révélés  par  les  artistes. 
MUc  Artot  est  restée  digne  de  sa  belle  et  légitime  renommée.  » 

—  Les  établissements  thermaux  ne  peuvent  plus  marcher  sans  la  pri- 
meur de  quelque  opéra.  Spa  devait  nécessairement  suivre  le  courant. 
Spa  vient  d'avoir  son  œuvre  lyrique  inédite ,  et  c'est  à  la  Muse  de  Grisar 
que  l'on  a  eu  recours.  Cet  opéra,  qui  a  pour  titre  les  Travestissements , 
faisait  partie  de  la  grande  fête  musicale  qui  a  eu  lieu  le  12  août,  devant 
une  nombreuse  et  brillante  assemblée,  dans  la  vaste  salle  du  Waux-IIall- 
Levoz,  tout  étincelante  de  fleurs,  de  lumière  et  de  jolies  femmes.  La 
musique  pétille  d'esprit ,  et  Mllc  Mira  ,  secondée  par  M.  Biéval ,  l'a  inter- 
prétée avec  autant  de  grâce  que  d'intelligence.  Outre  M1Ie  Mira  et  M.  Bié- 
val, quatre  autres  artistes  ont  vu  consacrer  leur  talent  par  les  bravos  et 
les  rappels  du  public  — Le  concert  qui  a  suivi  n'a  pas  moins  bien  réussi. 

—  M.  Letcllier,  le  nouveau  directeur  du  Théâtre  de  la  Monnaie  à 
Bruxelles,  a  complété  le  personnel  de  sa  troupe;  en  voici  le  tableau: 


NOUVELLES  ET  ANNONCES 


:ii9 


Grand  opéra  :  ténor,  Bertrand;  baryton,  Ismaél;  basse,  l'érié;  conlre- 
allo,  Mmc  Elmire;  mezzo  soprano,  Rey-Balla  ;  soprani,  d'Haene'n  et  Bon- 
nefoy.  Opéra-comique  :  Jourdan,  Aujac  et  Train,  ténors  :  Ismaël,  baryton  ; 
Bonnofoy  et  Berry,  basses  ;  Lemaître,  laruette  ;  Charles,  trial  ;  Borsary, 
basse  comique  (grande  utilité)  ;  Mmcs  Boulart,  d'Haenen  et  Bonnefoy, 
chanteuses;  Dupuy,  Michel  et  Gombauld,  dugazons;  Meuriot,  duègne. 
Chef  d'orchestre:  Hanssens. 

—  On  nous  écrit  d'Ostende  qu'une  grande  solennité  musicale  vient  d'y 
avoir  lieu,  grâce  au  bienveillant  concours  de  MUe  Trebelli  et  de  M.  Pamès, 
le  premier  ténor  du  théâtre  de  Berlin.  Le  concert  organisé  le  24  août  par 
M.  Deglimes  a  eu  tant  de  succès,  qu'une  seconde  soirée  a  dû  être  annon- 
cée pour  le  lundi  26,  afin  de  désintéresser  les  nombreux  amateurs  qui 
n'avaient  pu  trouver  place  le  24.  Il  faut  dire  que  la  société  d'Ostende  est 
brillante  à  l'excès.  Le  roi  de  Prusse  ,  le  prince  Guillaume  de  Bade  et  le 
prince  Georges  de  Prusse  avaient  honoré  le  concert  de  leur  présence,  et 
le  public  artiste  a  pour  représentants  MM.  Rubinstein  de  Pétersbourg, 
les  violonistes  Joachim  et  Léonard ,  MM.  Panofkà  et  Auguste  Durand  de 
Paris,  le  chevalier  van  Elewyck  de  Louvain,  un  des  membres  les  plus 
érudits  du  Congrès  de  la  musique  religieuse,  etc. 

—  Les  sœurs  Marcbisio  sont  de  retour  à  Paris  après  avoir  charmé  l'Al- 
lemagne ,  et  déjà  les  fêtes  musicales  de  France  la  réclament  de  tous  côtés. 
Voici  ce  qu'on  écrit  de  Boulogne-sur-Mer  :  «  Hier,  l'élite  de  la  population 
française  et  étrangère  de  Boulogne  se  pressait  dans  la  salle  des  concerts 
pour  entendre  les  sœurs  Marchisio,  M.  Perelli  et  M.  Lamoury.  Les  célè- 
bres cantatrices ,  à  leur  retour  d'Allemagne,  inauguraient  leur  rentrée  en 
France  par  des  prodiges,  en  chantant  les  duos  de  Sémiramis,  de  Norma, 
de  Z ingare,  de  Gabutti,  la  cavatine  du  Barbier  et  une  romance  de  Guil- 
laume Tell.  Chacun  de  ces  morceaux  leur  a  valu  une  véritable  ovation. 
Même  accueil  a  été  fait  à  M.  Perelli ,  pianiste  d'un  ordre  supérieur,  réu- 
nissant toutes  les  quaUtés  des  grands  maîtres.  Le  piano  sur  lequel  a  joué 
M.  Perelli  est  un  des  meilleurs  instruments  d'Erard.  Les  applaudissements 
les  plus  chaleureux  ont  été  prodigués  également  à  M.  Lamoury,  jeune 
violoncelliste,  marchant  sur  les  traces  de  Servais,  dont  il  est  un  des  plus 
dignes  interprètes.  L'orchestre  a  fort  bien  rendu  les  ouvertures  de  la 
Muette  et  de  Leslocq,  sous  la  direction  de  M.  Chardard,  et  M.  Alexandre 
Guilmaut  a  soutenu  sa  réputation  d'excellent  accompagnateur.  » 

—  La  Rochelle  vient  de  célébrer  le  27e  anniversaire  de  la  fondation  de 
la  grande  association  musicale  de  l'Ouest,  par  l'exécution  de  deux  beaux 
concerts.  Le  programme  de  celui  du  21  août ,  plus  spécialement  consacré 
aux  morceaux  d'ensemble  et  à  la  musique  religieuse,  comprenait  le  Chant 
d'action  de  grâce,  symphonie-cantate  de  Mendelssohn ,  exécutée  l'hiver 
dernier  au  Conservatoire,  l'ouverture  du  Freyschiitz  de  Weber,  le  joli 
chœur  de  Gounod  :  Près  du  fleuve  étranger,  le  quintetto  de  Mozart  pour 
piano  et  instruments  à  vent,  délicieusement  exécuté  par  MM.  Schelling  , 
Triébert,  Barbet,  Mohr  et  Jancourt,  et  les  Ruines  d'Athènes  de  Beethoven. 
—  Dans  le  concert  du  lendemain,  à  côté  de  la  symphonie  en  si  bémol  de 
Beethoven,  de  l'introduction  du  premier  acte  du  Comte  Ory  de  Rossini, 
de  l'ouverture  de  Zampa  d'Hérold  et  du  final  du  deuxième  acte  de  la 
Vestale  de  Spontini,  se  sont  fait  entendre  les  solistes.  Mlle  Simon,  lauréat 
du  Conservatoire;  Paulin,  l'excellent  ténor  de  la  Société  des  Concerts, 
Batlaille,  de  l'Opéra-Comique  ,  Brunot,  le  flûtiste,  Triébert,  le  hautbois, 
Mohr,  le  cor  de  l'Opéra  ,  Jancourt,  le  basson ,  Schelling,  le  pianiste,  ont 
successivement  captivé  et  ému  l'auditoire.  —  L'exécution  de  tous  les 
morceaux  d'ensemble,  à  l'exception  de  celle  de  la  symphonie  de  Beetho- 
ven, à  laquelle  cependant  on  a  peu  de  chose  à  reprocher,  a  été  des  plus 
satisfaisantes,  et  fait  le  plus  grand  honneur  au  zèle  et  au  dévoûment 
des  membres  de  l'association,  qui,  en  se  séparant,  se  sont  donné  pour 
l'année  prochaine  rendez-vous  à  Limoges.  Après  les  fêtes  musicales  du 
congrès,  il  y  a  eu  des  régates  pendant  plusieurs  jours,  des  bals  et  une 
foule  d'autres  occasions  de  plaisir  pour  les  nombreux  étrangers  que  la 
musique  et  la  mer  avaient  attirés  dans  nos  murs. 

—  Le  20  août  a  été  un  jour  de  fête  pour  le  couvent  de  la  Toussaint  à 
Strasbourg.  Ce  jour-là  on  inaugurait  un  orgue  remarquable  sorti  des 
ateliers  Merklin-Schuize.  Cette  séance  solennelle  a  été  présidée  par 
Mgr  l'évêque  de  Strasbourg,  entouré  de  ses  vicaires  généraux,  d'un  grand 
nombre  de  prêtres  et  d'amateurs  distingués.  Le  prélat  a  béni  lui-même  le 
nouvel  orgue  ;  et  M.  Wackenthaler,  organiste  de  la  cathédrale,  M.  Stern, 
organiste  du  Temple-Neuf,  à  Strasbourg,  MM.  Sieg  et  Vogt,  organistes  à 
Colmar,  M.  Andlauer,  organiste  de  Haguenau,  M.  Jungnikel,  de  Mulhouse, 
le  jeune  Wackenthaler ,  de  Schlestodt ,  et  M.  Dubois,  professeur  au  Con- 
servatoire de  Bruxelles,  ont  fait  tour  à  tour  entendre  et  apprécier,  avec 


beaucoup  de  talent  et  de  goût,  les  qualités  et  les  effets  de  cet  instrument, 
sorti  de  l'établissement  Merklin-Schutze,  lequel  a  déjà  fourni  les  grandes 
orgues  de  Saint-Eustache  de  Paris,  l'orgue  de  chœur  de  Notre-Dame  à 
Paris,  et  des  cathédralesde Rouen,  de  Bourges,  de  Dijon,  etc.  Mgr  l'évêque 
a  assisté  au  salut,  pendant  lequel  les  dames  de  l'établissement  ont  chanté 
plusieurs  motets  avec  beaucoup  de  goût  et  d'ensemble.  M.  Klem,  l'habile 
sculpteur  de  Colmar ,  mérite  des  éloges  pour  la  façon  dont  il  a  exécuté  le 
buffet  de  l'orgue  de  la  Toussaint.  » 

—  Nous  avons  annoncé  l'arrivée  de  M.  Henri  Stiehl,  habile  organiste  de 
Saint-Pétersbourg.  M.  Stiehl  nous  a  donné  l'autre  semaine  une  séance  mu- 
sicale à  l'église  de  la  Madeleine.  Il  a  fait  entendre  sur  l'orgue  plusieurs 
morceaux  de  S.  Bach,  Mendelssohn-Bartholdy,  Tœpfer,  Freyer  et  une  im- 
provisation. Les  assistants  ont  vivement  apprécié  son  beau  style,  sa  vigueur 
et  son  expression,  qualités  qu'il  a  surtout  fait  remarquer  dans  son  improvi- 
sation, et  il  a  reçu  de  son  auditoire  compétent  des  félicitations  méritées. 

—  Nous  avions  bien  raison  de  n'accepter  que  sous  bénéfice  d'inventaire 
les  bruits  que  la  malveillance  fait  courir  sur  nos  théâtres  de  la  place  du 
Châtelet.  Nous  saisissons  cette  occasion  de  mettre  le  public  en  garde  contre 
les  renseignements  donnés  à  l'égard  de  ces  deux  théâtres.  Il  n'en  est  fourni 
aucun,  ni  par  l'administration,  ni  par  l'architecte,  M.  Davioud,  qui  n'est 
pas  homme  à  rechercher  les  louanges  avant  la  lettre.  Par  cette  raison,  il 
nous  paraîtrait  de  bon  goût,  sinon  équitable,  d'attendre  la  complète  édifi- 
cation de  ces  nouvelles  scènes  dramatiques,  pour  émettre  son  opinion,  même 
sur  les  moindres  détails. 

—  Le  beau  salon  des  Arts-Unis  de  la  rue  de  Provence,  qui  n'était  connu 
jusqu'alors  que  par  sonexposition  de  tableaux,  s'est  ouvert  mardi  soir  à  un 
élégant  bal  donné  à  l'occasion  du  mariage  de  Mlle  G...  L...  Celte  salle  est 
parfaitement  appropriée  à  ces  sortes  de  réunions,  et  placé  dans  d'excellentes 
conditions  d'acoustique;  aussi  l'orchestre,  dirigé  par  M.Philippe  Stutz,  a-til 
fait  merveille.  Le  salon  des  Arts-Unis  renouvellera  très-probablement 
ces  fêtes  de  nuit. 

—  Mercredi  soir,  au  jardin  des  Tuileries,  la  musique  de  la  gendarmerie 
de  la  garde,  dirigée  par  M.  Riedel,  a  exécuté  pour  la  première  fois  la 
marche  intitulée  Victoire]  composée  et  dédiée  par  l'auteur,  Edmond  Guion, 
à  Sa  Majesté  l'Empereur,  et  orchestrée  par  M.  Guimbal.  Nous  avons  ap- 
plaudi cette  œuvre  dont  les  mélodies  pleines  de  sentiment  et  d'élan  pro- 
mettent à  leur  auteur  une  honorable  carrière  artistique. 


—  Concerts  des  Champs-Elysées.  —  L'a  saison  s'avance  et  la  vogue  du 
concert  de  M.  de  Besselièvre  ne  fait  que  s'accroître.  Au  milieu  des  quel- 
ques nouveautés  exécutées  par  son  orchestre  la  semaine  dernière,  nous 
avons  remarqué  une  fantaisie  sur  le  Pardon  de  Ploërmel,  composée  par 
M.  Singelée,  qui  est  d'un  effet  saisissant.  Les  solistes  Demersseman,  Lalliet, 
Genin,  Gobin,  Riehir,  Quentin,  Gobert,  Calendini,  etc.,  sont  toujours  les 
artistes  aimés  du  public 

—  Nous  sommes  heureux  de  recommander  à  nos  lecteurs  d'une  ma- 
nière toute  spéciale  le  Miroir  Parisien,  charmant  journal  des  dames  et 
des  demoiselles,  qui  va  commencer  sa  deuxième  année.  Ce  joli  recueil 
s'occupe  de  modes,  littérature,  théâtres,  poésie,  etc.  ;  c'est  le  plus  com- 
plet qu'on  ait  publié  jusqu'à  ce  jour.  Il  est  imprimé  en  caractères  neufs, 
sur  très-beau  papier  glacé  et  satiné,  format  grand  in~8°  jésus  ;  il  parait 
le  1er  de  chaque  mois.  Les  abonnements  se  font  pour  un  an  et  commen- 
cent du  1er  octobre  1861.  Prix  des  abonnements  :  Paris,  10  fr. ,  déparle- 
ments, 12  fr.  On  s'abonne  boulevard  Sébastopol  (rive  gauche),  n.  13,  à 
Paris. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frère 


:  Jean-Jacques  Ito 


PUBLICATIONS  [NOUVELLES  DE  LA  MAISON  GIROD, 

Éditeur ,  boulevard  Montmartre ,  16. 


Charles  Dnpart.  Ecole  moderne  du  piano  : 

N°51.  Op.  33.  —  25  Études  primaires  très-faciles 12 f. 

2.  Op.  34.  —  25  Études  élémentaires  et  progressives..  12 

3.  Op.  35.  —  25  Études  chantantes  et  progressives 12 

A.  nianscmi-.  Op.  20.  —  10  Études  d'expression 20 

E.  rVollet.         Op.  25.  —  15  Études  de  style 20 


ENSEIGNEMENT  DU  CONSERVATOIRE. 


LE  PIANISTE  MODERNE 


ÉTUDES  DE  STYLE  ET  DE  MECANISME  ,  AVEC  PRELUDES  ET  INNOTATIONS 


A. 


PAR 


Op.    79. 

Approuves  pir  MM.  les  Professeurs  et  Membres  <ln  Comité  des  Éludes  pour  renseignement  du  Conservatoire  : 

AUBER,  MEYERBEER,  HALÉVY,  &MBR0ISE  THOMAS,  A.  ADAM,  CARAFA,  REBER,  membres  de  l'Institut; 

BATTQN,  LEBORNE,  G.  BOUSQUET,  ALARD,  MASSART,  VOGT,  HENRI  HERZ, 

MARMONTEL,  LE  COUPPEY,  LAURENT,  MME  A.  COCHE; 

EDOUARD  MONNAIS  ,  Commissaire  impérial  ;     ALFRED   DE   BEAUCHESNE ,  Secrétaire. 


I™   SERIE. 

Nos  1 .  Rêverie  (m.  d.) 5 

2.  Danse  villageoise  (a.  d.) 5 

3.  Mélodie  expressive  (m.  d.) 5 

4.  Idylle  (m.  d.) 6 

5.  Canlilène  (m.  d.) 6 

6.  Marche  Tcherkess  (p.  d.) 5 


S"  SERIE. 

Nos  7.  Élégie  (a.  d.) 5 

8.  Agilité  (d.) 6 

9.  Rornanza  (m.  d.) 5 

10.  Toccata  (m.  d.) 6 

11.  Le  Trille  (d.) 6 

12.  Les  Arpèges  (a.  d.) 7 


50 


Chaque  série  complète ,   prix  :  20  fr. 


IX  GRANDES  ÉTUDES  ARTISTIQUE! 

DE  STYEE  ET  DE  MÉCANISME 

Op.   63. 


N0'  1.  Jour  de  Printemps ,  étude  canlabile  (m.  d.) 6    » 

2.  Le  Tournoi,  étude  bravoure  (m.  d.) 7  50 

3.  Gondoline,  étude  barcarolle  (m.  d.) 6     » 


Nos4.  La  Jeune  garde,  étude  marziale  (a.  d.) 7  50 

5.  La  Rêveuse ,  étude  nocturne  (m.  d.) 7  50 

6.  La  Fuite,  étude  vélocité  (a.  d.) 6     » 


Le  recueil  complet  :  23  fr. 

C**Ç*?CS<&Ck* 


MORCEAUX  DE  SALON  ET  DE  CONCERT 


Op.  49.  Les  Monténégrins,  grande  fantaisie  (d.) 9     » 

62.  La  Pavane,  air  de  danse  du  xvie  siècle,  transcrit 

et  varié  (a.  d.) 7  50 

64.  Final  de  Lucrezia Borgia,  morceau  de  concert  (d.)  9     » 

65.  Prima  sera ,  rêverie  italienne  (m.  d.) 7  50 

66.  Allegrezza  ,  caprice-étude  de  concert  (d.) 9     » 

67.  Chanson  mauresque  (a.  d.) 7  50 


{DU  MEME  AUTEUR). 

Op.  69.  Sorrente,  napolitaine  (m.  d.) 7  50 

—  Barcarola  (petit  morceau)  (f.) 4  50 

82.  Marguerite  au  rouet ,  transcription  de  F.  Schu- 
bert (d.) 7  50 

84.  Pervenche ,  rêverie  (m.  d.) 5     » 

89.  Mazurka  styrienne  (f.) 6     » 

—  Les  Adieux,  dernière  pensée  (m.  d.) 9     » 


|  Signes  d'abréviations  :  (F.)  Facile.  —  (M.  D.)  Moyenne  difficulté.  —  (D.)  Difficile.  —  (P.  D.)  Peu  difficile.  —  (A.  D.)  Assez  difficile. } 

Paris,  AU  MÉNESTREL,  2  lus,  rue  Vivienne,   IIEUGEE  Ct  Ce,  éditeurs. 


Vente  et  location  «le  Pianos  et  Orgues. 


(  Fournisseurs  du  Conservatoire.  ) 


Crnntl  Abonnement  de  Musique. 


—  28e  Année. 

N°  4t. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  8  Septembre 

1861. 


££i£a 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'  en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL.  et  Ci",  éditeurs. 

gasins  et  Abonnement  île  Musique  du  MÉWESTREt.  —  Vente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  JTournul-Tcxtc,  tous  les  ilimanches;  S«  NBorcer 
Scènes,  Mélodies,  lïomances,  paraissant  rie  quinzaine  en  quinzaine;  a  aïImi 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  1 5  fr.  ;  Province  :  1R  fr.  ;  l'.tranger:  21  fr. 


PIANO. 

2"  Mode  d'abonnement  :  Jloiirnal-Tcïte,  tous  les  dimanches;  «O  Morceaux  t 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  t  Allmma- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT  ET  riAIÏO    ItI'.l'.\IN  t 

3«  Mode  d'abonnement  contenant  le  Teifn  complet,  les  52  Morceau*  de  chant  et  de  piano,  les  a  Albums  primo»  illustré.. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

tdu  l"de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l«r  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.—  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  mil.  Bjmic.BÎÏ,  et  C»,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  M  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 

(  Texte  seul  :  8  fr.  — Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  — 5373 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


SOIMAIRE.   —  TF.XTE. 

I.  Les  Métaux  chanteurs.  —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovï.  —  III.  La  prochaine 
saison  du  Théâtre-Italien.  —  IV.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  ;  Sou- 
venirs du  théâtre  (de  la  fin  du  xvmc  siècle  jusqu'en  1830),  Mme  Scio  (2e  article). 
P. -A.  Vieillard.  —  V.  Concert  d'exposition  à  Nantes.  —  VI.  Petite  chronique: 
Le  Boulevart  des  Italiens.  —  VII.  Nouvelles,  Nécrologie  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE' PIANO: 

Nos  a  bonnes  à  la  m  usirjne  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

COSMOPOLITE-POLKA , 

Par  Alfred  Godard.  —  Suivra  immédiatement  après  :  la  transcription 
de  Ch.  Neustedt  sur  VAlceste  de  Gluck. 

CHANT: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

HIVER  ET  PRINTEMPS. 

Paroles  et  musique  (PEugène  Scribe,  musique  d'ANTONiN  Guillot  de 
Sainbris.  —  Suivra  immédiatement  après  :  Le  Chant  du  Marin,  paro- 
les de  Mlle  Clara  Reïnard,  musique  de  Mlle  Robert  Mazel. 


LES  MÉTAUX  CHANTEURS. 

Il  y  a  cinquante  ans  environ ,  —  nous  raconte  la  presse  alle- 
mande, —  un  inspecteur  des  fonderies,  en  Saxe,  M.  Schwartz, 
ayant  par  hasard  versé  sur  une  enclume ,  pour  l'y  faire  refroidir 
promptement,  une  masse  d'argent  fondu,  entendit  sortir  de  cette 
masse  métallique  des  sons  mélodieux  analogues  à  ceux  de  l'orgue 
d'église.  Saisi  d'étonnement  et  d'admiration,  il  appela  des  per- 
sonnes voisines,  qui  écoutèrent  avec  la  même  surprise  la  joyeuse 
chanson  de  l'argent. 

Un  physicien,  appelé  pour  donner  son  avis  sur  la  nature  de 
ce  phénomène,  déclara,  après  expérience  faite,  que  les  tons  étaient 
produits  par  des  vibrations  intérieures  du  métal. 


Cette  explication,  qui  n'était  qu'à  moitié  satisfaisante ,  con- 
tenta les  savants  jusqu'au  jour  où  un  autre  observateur,  M.  Ar- 
thur Trevelyan,  renouvela,  de  son  côté,  la  même  découverte. 
Il  venait  de  retirer  une  barre  de  fer  d'un  bain  de  poix  bouil- 
lante, et  il  appuya  par  hasard  l'extrémité  de  cette  barre,  encore 
très-chaude,  sur  un  bloc  de  plomb  qui  se  trouvait  par  terre. 
Tout  aussitôt  des  sons  aigus  comme  ceux  du  clairon  se  firent 
entendre.  Fort  surpris,  M.  Trevelyan  regarda  autour  de  lui  et 
au  dehors  sans  voir  personne.  Il  parcourut  toute  la  maison  pour 
découvrir  l'origine  de  ces  sons  mystérieux,  et  il  fut  bien  forcé 
de  reconnaître  que  le  musicien  cherché  n'était  autre  que  la  barre 
de  fer  qui ,  en  se  refroidissant,  appuyée  sur  un  bloc  de  plomb, 
chantait  elle-même  ce  mélodieux  solo. 

Comme  M.  Trevelyan  avait  étudié  la  physique,  il  savait  que 
tout  effet  a  une  cause  en  ce  monde.  Il  conjectura  donc,  avec 
sagacité,  que  la  barre  de  fer  dont  il  s'agit  avait  eu  de  bonnes 
raisons  pour  faire  entendre  son  talent  musical.  Avec  le  concours 
d'un  autre  physicien,  le  docteur  Reid,  d'Edimbourg,  il  entre- 
prit une  série  d'expériences  qui  établirent  que  les  différents  mé- 
taux, portés  à  une  certaine  température,  et  placés  sur  un  corps 
froid ,  font  entendre  pendant  leur  refroidissement  différents 
sons  musicaux. 

Le  célèbre  physicien  de  Londres,  M.  Faraday,  ardent  ama- 
teur de  toute  nouveauté  scientifique,  s'empara  bientôt  de  cette 
curieuse  question,  et  en  fît  l'objet  de  plusieurs  lectures,  dans 
ces  intéressantes  réunions  si  fréquentes  à  Londres,  où  les  gens 
du  monde  s'empressent  d'aller  recueillir  dans  les  leçons  des  pro- 
fesseurs célèbres,  la  révélation  de  nouvelles  découvertes  en  phy- 
sique, en  astronomie  et  en  chimie. 

M.  Faraday  ne  s'est  pas  borné  à  dire,  comme  le  professeur 
d'Allemagne,  que  les  sons  provoqués  par  le  calorique  tiennent 
aux  vibrations  intérieures  du  métal  ;  il  a  expliqué  comment 
peut  se  produire  cet  effet  curieux.  Quand  deux  métaux,  l'un 
chaud  et  l'autre  froid ,  sont  mis  en  contact,  ils  tendent  à  se 


322 


LE  MÉNESTREL. 


mettre  à  la  même  température.  La  contraction  de  l'un  par  son 
refroidissement,  la  dilatation  de  l'autre  par  l'afflux  du  calorique, 
produisent,  dans  l'intimité  de  la  substance  de. ces  deux  corps, 
de  brusques  variations  de  la  distance  des  molécules  ;  ces  mou- 
vements rapides  et  répétés  produisent  un  son  musical,  car  le  son 
est  toujours  produit,  comme  on  le  sait,  par  des  vibrations  mo- 
léculaires qui  ont  reçu  le  nom  de  vibrations  sonores. 

De  tous  les  appareils  qui  ont  été  employés  dans  ce  but  par  le 
docteur  Reid  ou  par  M.  Faraday,  celui  qui  a  donné  les  sons 
les  plus  suaves,  c'est  le  berceur  [roclccr).  Mais  qu'est-ce  que  ce 
berceur  ?  allez-vous  demander.  Apprenez  donc  que  le  berceur 
est  un  morceau  de  cuivre  de  quatre  pouces  de  long,  d'une  gros- 
seur inégale  à  chacune  de  ses  extrémités,  muni  d'un  manche 
métallique,  et  terminé  par  un  bouton  à  sa  petite  extrémité.  Dès 
que  l'on  pose  cet  instrument,  préalablement  chauffé,  sur  un  bloc 
d'étain,  il  commence  à  vibrer,  c'est-à-dire  à  soulever  et  à 
abaisser  alternativement  ses  deux  extrémités  opposées,  tandis 
que  le  bloc  d'étain,  s'échauffant  à  sa  partie  supérieure,  se  dilate 
ou  se  gonfle,  et  se  dégonfle  bientôt  après  la  rapide  transmission 
du  calorique  dans  ses  couches  inférieures.  L'alternance  et  la 
succession  de  ces  mouvements  dans  les  deux  masses  métalliques 
superposées  expliquent  les  vibrations,  et  par  conséquent  la  so- 
norité de  cet  instrument.  Les  vibrations  musicales  des  deux 
métaux  continuent  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  arrivés  à  une  tem- 
pérature commune  ;  alors  elles  s'affaiblissent  peu  à  peu  dans  un 
doux  murmure,  et  s'éteignent  enfin  dans  un  silence  amoureux. 

Un  professeur  de  Londres,  M.  Tyndall,  a  étudié  cet  intéres- 
sant phénomène  sur  plusieurs  substances  conductrices  do  la 
chaleur.  Il  a  trouvé  que  l'argent  appliqué  sur  l'argent,  le  cuivre 
sur  le  cuivre,  produisent  des  sons  musicaux.  Disposés  de  la 
même  manière,  l'agate,  le  cristal  de  roche,  les  poteries,  la  por- 
celaine et  le  verre  donnent  aussi  de  très-beaux  effets  ;  une  masse 
de  sel  gemme,  quand  on  y  place  le  berceur,  fait  entendre  un  son 
d'une  superbe  gravité. 

Chacun  peut  se  donner  le  plaisir  de  reproduire  ce  singulier 
phénomène.  11  suffit  de  prendre  une  plaque  d'un  métal  quel- 
conque, et  celte  petite  lige  de  fer  pointue  qui  sert  à  remuer  le 
coke  ou  la  houille  dans  la  grille  d'une  cheminée  de  salon  ;  on 
peut  fixer  la  plaque  contre  une  table  à  l'aide  d'une  de  ces  petites 
vis  de  pression  pourvues  de  deux  mâchoires,  qui  servent  dans 
les  ateliers  où  l'on  travaille  le  bois  et  les  métaux.  La  tige  de  fer 
chauffée  au  rouge,  étant  posée  par  sa  pointe  sur  la  plaque  mé- 
tallique, cette  dernière  commence  aussitôt  à  résonner.  Dès  que 
le  métal  entre  en  vibration,  on  peut  lui  faire  exécuter  des  octaves 
en  le  pressant  avec  une  épingle.  Selon  qu'elle  est  forte  ou  légère, 
celte  pression  détermine  des  octaves  plus  ou  moins  élevés. 

Le  phénomène  physique  que  nous  venons  de  faire  connaître 
n'a  encore  reçu  aucune  application,  mais  rien  ne  dit  qu'elle  ne 
puisse  se  réaliser  un  jour.  Les  sons  puissants  des  instruments  de 
cuivre  de  nos  orchestres  sont  dus  aux  vibrations  de  tubes  mé- 
talliques, provoquées  à  grand  renfort  de  poumons  et  d'haleine. 
Peut-être  parviendra-t-on,  parce  nouveau  moyen,  à  faire  vibrer 
spontanément  les  métaux  sonores  par  l'action  douce  et  commode 
du  calorique  substituée  à  la  dépense  et  à  l'effort  musculaires  de 
l'homme.  Et  qui  nous  dit  que  ce  n'est  pas  dans  ce  nouveau 
syslème  d'orcheslration  que  s'exercera  le  génie  des  Mozart  et 
des  Beethoven  de  l'avenir  ? 

(Traduit  de  l'allemand  par  le  Guide  musical  de  Bruxelles.) 


SEMAINE  TIIÉATKALE. 

Reprises  et  rentrées  sur  toute  la  ligne  dans  la  huitaine  qui  vient 
de  s'écouler.  Lundi  dernier,  à  l'Opéra,  nous  avons  revu  dans 
Herculanum,  M.  et  Mrae  Gueymard,  M.  Obin  et  MIle  Emma 
Livry.  Le  retour  de  ces  quatre  artistes  a  été  dignement  fêté,  et 
chacun  d'eux  a  justifié  la  faveur  publique.  Mme  Gueymard  a 
déployé  un  élan  merveilleux  dans  le  rôle  de  Lilia.  Gueymard 
s'est  distingué  dans  celui  d'Hélios,  et  Obin  (Nicanoi)  s'est  mon- 
tré aussi  remarquable  chanteur  que  comédien  de  premier  ordre. 
N'oublions  pas  Mme  Tedesco,  cette  nouvelle  incarnation  du  type 
d'Olympia.  De  son  côlé,  M"e  Emma  Livry  a  retrouvé  ses  triom- 
phes chorégraphiques  dans  le  pas  de  la  Bacchante. —  Mercredi, 
on  donnait  le  Prophète,  avec  Mme  Viardot,  MM.  Gueymard, 
Belval,  Coulon,  Kœnig.  Encore  une  brillante  soirée;  et  enfin, 
vendredi,  l'heureuse  reprise  d' Herculanum  a  eu  sa  seconde  édi- 
tion. —  On  nous  annonce  que  l'engagement  de  Caiaux  va  être 
prolongé  de  cinq  années.  Nous  ne  pouvons  que  féliciter  la  direc- 
tion de  s'attacher  pour  longtemps  un  artiste  de  celte  voix  et  de 
cette  valeur. —  Par  ordre  du  minisire  d'Élat,  l'affiche  du  théâtre 
de  l'Opéra  n'annoncera  plus  désormais  les  dernières  représenta- 
lions  d'un  chanteur,  prenant  son  congé,  que  trois  fois  avant  son 
départ;  et  il  en  sera  de  même  pour  sa  rentrée.  Celle  annonce 
n'aura  lieu  que  deux  fois  si  le  congé  est  de  moins  de  (rois  mois. 

A  I'Opér.v-Co.mique,  Mlle  Balli  est  l'objet  du  plus  charmant 
accueil  :  c'est  une  très-sympathique  Virginie  ;  le  Cdid  ne  pouvait 
être  dolô  d'une  plus  gracieuse  inlerprète  ;  et  nolez  que  chaque 
jour  qui  s'écoule  complète  l'œuvre  en  ajoulant  ce  qui  manque  à 
M"0  Balbi  du  côté  de  la  vigueur.  M"e  Balbi,  qui  a  préludé  par 
le  concert  à  ses  succès  de  théâtre,  à  l'instar  de  Mmes  Ugalde  et 
Carvalho,  va  continuer  ses  débuts  par  le  rôle  de  Perrine  de  Mai- 
Ire  Claude,  et  nous  espérons  bien  l'entendre  prochainement 
dans  les  Noces  de  Jeannette.  Capoul  et  Gourdin  sont  également 
applaudis  dans  le  Caïd,  et  Sainle-Foy  a  reparu  cette  semaine  dans 
le  rôle  d'Ali-Bojou,  une  de  ses  plus  originales  créations.  —  La 
.reprise  du  Postillon  de  Longjumeau  est  toujours  retardée  par 
l'indisposition  de  Mme  Faure-Lefebvre. —  M.  Beaumont  vient  de 
recevoir  un  ouvrage  en  trois  actes  de  MM.  de  Leuven  et  Cormon, 
dont  la  musique  est  confiée  à  M.  Jules  Cohen.  Cet  opéra-comique 
sera  intitulé  :  José  Maria.  —  M"e  Cordier  quitte  l'Opéra-Co- 
mique.  Celle  artiste  embrasse  la  carrière  italienne  et  vient  d'être 
engagée  à  Berlin.  M"e  Prost  quitte  également  ce  théâtre. 

Dimanche  dernier,  1er  septembre,  le  Théâtre-Lyrique  a  rou- 
vert ses  portes  par  la  reprise  des  Dragons  de  Villars,  avec 
M"e  Girard  dans  le  rôle  de  Rose  Friquet.  Le  lendemain  lundi, 
le  théâtre  nous  a  rendu  la  partition  de  M.  Ernest  Reyer,  la 
Statue,  œuvre  vers  laquelle  on  se  sent  attiré  comme  par  un 
charme  secret.  Montjauze,  toujours  excellent  dans  le  personnage 
de  Sélim,  a  dit  supérieurement  son  récitatif  :  J'ai  vu  ce  qu'en  un 
songe,  etc.  Balanqué,  Warlel,  Girardot,  M"e  Barelti,  ont  partagé 
le  succès  de  Monljauze.  Enfin,  mardi,  réapparition  de  Mme  Ma- 
rie Cabel  dans  le  Bijou  perdu,  et  ce  n'était  pas  un  mince  événe- 
ment, je  vous  jure.  La  brillante  fauvette  a  retrouvé  à  ce  rendez- 
vous  tous  ses  enthousiastes  admirateurs.  L'auditoire  semblait 
électriser  la  cantatrice,  et  vice  versa.  La  romance  du  rêve,  l'air 
des  Fraises  et  tout  le  troisième  acte  ont  valu  à  Mm°  Cabel  de 
bruyantes  salves  et  des  rappels  sans  fin.  Lesage,  le  baryton 
Petit,  M"c  Marie  Faivre  ont  récollé  leur  part  d'applaudisse- 
men'.s. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


323 


Le  théâtre  des  Bouffes-Pauisiens,  après  une  tournée  fruc- 
tueuse en  Autriche,  Hongrie,  Prusse  et  Belgique,  va  faire  sa 
réouverture  demain  hindi,  9  courant,  par  la  première  repré- 
sentation de  Monsieur  Choufleury  sera  chez  lui  le...,  opérette 
en  un  acte,  de  MM.  de  Saint-Bémy  et  Offenbach,  jouée  par 
jjmes  Xautin,  Tostée  ;  MM.  Désiré,  Léonce,  Bâche,  Marchand  et 
Polel.  ■ —  Reprise  de  la  Chanson  de  Forlunio,  ce  grand  succès 
de  l'hiver  passé,  avec  Mmcs  Pfotzer,  Baudouin,  Hélène,  Malhia, 
Taiïouil,  Lecuyer;  MM.  Désiré  et  Bâche. 


Deux  pièces  nouvelles  et  trois  débuts  ont  signalé  la  réouver- 
ture de  I'Odéon.  L Institutrice ,  drame  en  quatre  actes  de 
M.  Paul  Foucher,  se  recommande  par  le  ton  soutenu  du  style, 
par  un  dialogue  spirituel  ou  passionné,  et  par  de  bons  traits 
d'observation.  Le  rôle  principal  sert  aux  débuts  de  Mlle  Rous- 
seil,  lauréate  du  Conservatoire.  Cette  jeune  artiste  douée  d'un 
tempérament  de  comédienne,  a  été  rappelée'  avec  Bibes  et  Tis- 
serant.  Le  personnel  de  la  pièce  se  complète  par  M.  Pierron, 
M"es  Ramelli,  Delahaye  et  Anaïs  Mollo  (transfuge  du  théâtre 
de  Bordeaux).  —  Le  Décaméron.  comédie  en  un  acte,  en  vers,  de 
M.  Henri  Blaze  do  Bury,  est  une  petite  œuvre  assez  bien  ins- 
pirée, et  surtout  richement  rimée,  une  des  qualités  de  l'école 
moderne.  On  sait  que  M.  Henri  Blaze  est  un  des  bons  traduc- 
teurs du  grand  Gœlhe.  Il  porte,  du  reste,  un  nom  connu  dans  les 
arts  et  la  littérature,  étant  le  fils  de  Caslil-Blaze,  et  touchant  à  la 
Revue  des  Deux-Mondes  par  M.  Buloz,  son  parent.  Le  Déca- 
méron est  fort  bien  joué  par  Saint-Léon,  Marnk,  M"es  Dambri- 
court  et  Delahaye.  M"e  Dambricourt,  la  débutante,  est  très- 
jeune  encore,  mais  elle  dit  avec  une  intelligence  qui  promet. 

Le  Gymnase  nous  tient  en  perspective  une  comédie  de 
M.  Alexandre  Dumas  fils,  intitulée  :  les  Brins  de  paille. 

Le  Vaudeville  a  fait  relâche  pendant  quelques  jours  pour  les 
répétitions  générales  de  la  Frileuse.  Le  théâtre  a  profité  aussi  de 
ce  relâche  pour  faire  exécuter  d'importants  travaux  sur  la  scène 
et  dans  la  salle.  Enfin,  vendredi  dernier  a  eu  lieu  la  première 
représentation  de  la  comédie  tant  désirée.  Bien  qu'on  ait  procla- 
mé comme  auteur  de  la  pièce  M.  Augustin  de  Bercy,  le  public 
y  a  reconnu  cette  expérience  scénique  et  cette  science  de  l'im- 
broglio dont  Scribe  possédait  si  bien  le  secret.  Nous  reviendrons 
dimanche  sur  ce  succès,  ainsi  que  sur  M"e  Cellier,  la  débutante. 

La  fameuse  féerie  du  Pied  de  Mouton,  à  la  Porte-Saint  - 
Martin,  s'est  enrichie  d'un  nouveau  divertissement  défrayé  par 
deux  petites  merveilles  chorégraphiques.  —  Montrouge  a  émigré 
du  théâtre  des  Variétés  pour  s'essayer  dans  le  personnage  de  La- 
zarille.  John  Blick  a  repris  son  rôle  du  notaire. 

Le  drame  joué  à  la  Gaité,  Christophe  Colomb,  dû  à  la  col- 
laboration de  MM.  Mestepès  et  Barré,  reçoit  chaque  soir  le 
meilleur  accueil;  el'Dumaine,  M"c  Lacroix,  e  tutti  quanti,  con- 
tribuent à  la  réussite  de  l'œuvre. 

Le  théâtre  du  Chalet  s'est  installé  aux  Champs-Elysées,  salle 
Lacaze.  Nous  lui  souhaitons  d'y  être  plus  heureux  que  ses  prédé- 
cesseurs. Flamberge  au  vent  et  Francastor  sont  toujours  tiès- 
goûtés. 

J.  Lovy. 


LA  PROCHAINE  SAISON  DI  THÉÂTRE-ITALIEN. 

Constatons  avant  tout  que  le  différend  soulevé  entre  M.  Calzado 
et  les  musiciens  de  l'orchestre  du  Théâtre-Italien  s'est  apaisé 
selon  les  désirs  universels  et  grâce  a  l'intervention  de  S.  Exe.  le 
ministre  d'État.  Toutes  les  difficultés  sont  aplanies,  et  le  public 
ne  sera  pas  privé  du  talent  de  tant  d'éminents  artistes. 

Quant  au  personnel  de  la  scène,  voici  la  composition  de  la 
troupe  pour  la  saison  1861-1862  : 

Primedonne  soprani  :  M"'-  Marie  Battu,  Mme  Rosina  Penco, 
Mmc  Volpini. 

Prime  donne  contralti  :  Mme  Alboni,  Mlle  Trebelli. 

Prime  donne  comprimarie  :  Mme  Tagliafico,  Mlle  Vestri. 

Primi  lenori  :  Mario,  Tambcrlick,  Relart,  Brini. 

Tenorc  comprimario  :  Cappello. 

Primi  bariloni  :  Badiali,  Renevenlano,  Délie  Sedie. 

Primi  bassi  :  Tagliafico,  Capponi. 

Primo  buffo  :  Zucchini. 

Seconde  partie  :  Castelli,  MmeGrimaldi,  etc.,  etc. 

Direllore  d'orclicslra  :  M.  Bonelti. 

Dircltore  dcl  canto  e  maestro  al  cembalo  :  M.  Fontana. 

Maestro  dei  cori  :  M.  Chiaromonte. 

Jamais  peut-être  le  personnel  du  Théâtre-Italien  n'aura  pré- 
senté un  ensemble  aussi  riche  et  aussi  distingué  :  quatre  ténors, 
deux  contralti  de  premier  ordre,  Mme  Alboni  etMllc  Trebelli,  un 
soprano  dramatique  tel  que  Mme  Penco,  une  chanteuse  légère  de 
la  plus  grande  école,  M1Ie  Battu,  etc.  Tamberlick,  engagé  à  Pé- 
tersbourg,  ne  peut  faire  la  saison,  mais  on  est  sûr  au  moins  de 
l'avoir  pendant  les  deux  derniers  mois,  mars  et  avril. 

Quelques-uns  des  noms  de  ce  programme  sont  inconnus  pour 
le  public  parisien.  —  Le  ténor  Brini  n'est  autre  que  ce  jeune 
artiste  de  Vienne,  nommé  Graun,  que  M.  Calzado  a  engagé  pour 
plusieurs  années.  —  M.  Beneventano,  baryton  d'une  voix  éten- 
due, également  capable  de  chanter  le  répertoire  de  Verdi  et  le 
répertoire  à  vocalises  do  Rossini ,  s'est  fait  connaître  à  peu  près 
sur  tous  les  théâtres  de  l'ancien  et  du  nouveaumonde,  ctil  ne  lui 
restait  qu'à  faire  consacrer  ici  sa  réputation.  Il  va  partager  la 
succession  de  Graziani  avec  Délie  Sedie,  délicieux  chanteur  dont 
les  plus  récents  succès  datent  de  Berlin  et  de  Londres,  et  qui  ne 
s'est  fait  encore  applaudir  à  Paris  que  dans  .divers  salons,  chez 
Bossini,  chez  Mme  Orfila.  On  assure  qu'il  est  aussi  bon  acteur 
que  remarquable  virtuose. 

Voici  la  liste  des  principaux  ouvrages  composant  le  réper- 
toire du  Théâtre  impérial  Italien  pour  la  saison  1861-1862  : 

Tancrcdi,  Scmiramidc,  il  Barbiere,  Cenerenlola,  Otello,  de 
Bossini. 

Norma,  i  Purilani,  la  Sonnambula,  Capuletli  e  Monlecchi, 
de  Bellini. 

Poliuto,  l'Elisire  d'amore,  I.ucrczia  Borgia,  Anna  Bolcna, 
de  Donizetti. 

IlGiuramento,  Eleonora,  do  Murcadanle. 

Chiara  di  Roscmberg,  de  Luigi  Bicci. 

Un  Balloin  maschera,  il  Trovatore,  Rigohtto,  un  autre  ou- 
vrage non  encore  joué  à  Paris. 

Maria,  de  Flotow. 

La  Serva  padrona,  de  Pergolèse. 

Il  Matrimonio  segrelo,  de  Cimarosa. 

Don  Giovanni,  le  Nozze  di  Figaro,  Cosi  fan  tulle,  de  Mozart. 


324 


LE  MÉNESTREL. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 

SOUVENIRS  DU  THEATRE 

(  DE    JLA     FIHT    DU     ÏVIIIt    SIÈCJLE    JT»I80l"ESî    183©  ). 


MADAME  SCIO 

(Opéra-Comique,  1791-1S07). 
II. 

C'était  cependant  dans  un  cadre  plus  étendu  que  le  rare  et 
merveilleux  talent  de  Mme  Scio  devait  acquérir  tous  ses  déve- 
loppements.  Si  sa  voix,  qui  était  un  mezzo-soprano  du  timbre 
le  plus  flatteur,  ne  laissait  rien  à  désirer  du  côté  de  l'ampleur 
et  de  l'expression  dramatique,  il  lui  manquait  un  degré  de  force 
pour  lutter  avec  avantage  contre  les  puissances,  dès  lors  formi- 
dables, de  l'orchestre  de  l'Opéra.  Il  ne  fut  donc  pas  permis  à 
la  cantatrice  modèle  d'aborder  le  grand  répertoire  de  Gluck,  de 
Piccini,  de  Sacchini,  de  Mozart  et  de  Salieri. 

Mais,  à  la  suite  de  ces  grands  génies,  il  s'était  formé  une  pléiade 
de  jeunes  talents  bien  dignes,  à  plus  d'un  égard,  de  continuer 
les  triomphes  de  leurs  davanciers  :  Chérubini,  Méhul,  Lesueur, 
Berton,  étaient  à  l'avant-garde  ;  Kreutzer,  Catel,  Boïeldieu,  ve- 
naient après  plutôt  qu'en  arrière  de  ceux-ci.  Celte  école,  dont  les 
premiers  succès  datent  de  la  fin  du  xvme  siècle,  doit  tenir  une 
place  immense  dans  l'histoire  de  l'art.  Le  Théâtre-Feydeau  fut 
le  berceau  de  la  gloire  de  presque  tous  ceux  que  je  viens  de 
nommer  ;  et  Mme  Scio,  également  bien  douée  pour  le  drame  et 
la  comédie  à  ariettes,  associa,  pendant  dix  ans,  de  la  manière 
la  plus  bri  liante,  son  nom  à  celui  des  œuvres  mémorables  dont 
les  jeunes  successeurs  de  Gluck  et  de  Sacchini,  les  jeunes  émules 
de  Grétry  et  de  Dalayrac,  enrichirent  la  scène  lyrique  du 
Théâtre-Feydeau. 

J'ai  dit  quelle  fut  l'origine  de  cette  scène  lorsque  les  chanteurs 
italiens,  cygnes  effarouchés  par  l'ouragan  révolutionnaire,  eurent 
déserté  nos  tristes  parages  pour  se  réfugier  dans  les  bosquets 
embaumés  de  l'heureuse  Italie.  Les  chanteurs  français  qui  leur 
succédèrent  immédiatement  ne  firent ,  pour  ainsi  dire ,  que  pa- 
raître et  disparaître.  Martin  et  Gavaudan  entrèrent  bientôt  au' 
théâtre  de  l'Opéra-Comique,  dit  alors  des  Italiens,  et  qui,  de- 
puis plus  d'un  demi-siècle  et  à  travers  diverses  transformations, 
avait  constamment  joui  des  faveurs  du  public.  Là,  aux  compo- 
sitions de  Duni,  de  Philidor  et  de  Gossec,  avaient  succédé  celles 
de  Monsigny,  de  Grétry,  de  Dalayrac  et  de  Champein;  un  per- 
sonnel d'acteurs  et  de  chanteurs,  du  mérite  le  plus  éminent,  et 
qui,  en  1789,  en  était  déjà  à  sa  seconde  génération,  semblait 
assurer,  sur  la  scène  de  l'Opéra-Comique,  une  vogue  exclusive 
à  ce  genre  de  prédilection  du  public  parisien.  Aucune  chance 
probable  de  succès  n'existait  donc  pour  un  théâtre  rival,  dé- 
pourvu de  répertoire,  temple  lyrique  desservi  par  un  petit  nom- 
bre de  ministres  qui  se  présentaient  avec  des  talents  encore 
ignorés  et  une  réputation  à  faire. 

Le  parallèle  des  deux  théâtres  de  la  rue  Favart  et  de  la  rue 
Feydeau,  les  péripéties  de  leur  existence  et  l'histoire  de  leur 
antagonisme,  n'entrent  pas  dans  le  cadre  de  cette  notice.  Je 
veux,  s'il  est  possible,  sauver  de  l'oubli  une  mémoire  faite  pour 
demeurer  célèbre,  et  non  me  faire  l'annaliste  de  deux  entreprises 
dramatiques  qui,  à  travers  de  nombreuses  vicissitudes,  eurent 
chacune  et  leurs  succès  de  bon  aloi  et  leurs  jours  de  splendeur. 


Mais  la  partie  n'était  pas  égale  entre  elles,  et  le  plus  ancien 
théâtre  devait  finir  par  faire  disparaître  celui  qui,  avec 
des  moyens  trop  inégaux,  n'avait  pas  craint  de  venir  lui 
faire  concurrence.  La  lutte  n'en  fut  pas  moins  glorieuse  pour 
ce  dernier,  puisqu'il  sut  le  soutenir  pendant  dix  années;  et,  il 
faut  le  dire,  presque  tout  l'honneur  de  cette  lutte  appartient  à 
une  seule  personne,  à  Mme  Scio,  toujours  secondée  d'une  manière 
insuffisante  par  les  faibles  auxiliaires  dont  elle  était  entourée,  et 
en  laquelle  se  concentrait  toute  la  force  d'existence  du  théâtre 
Feydeau . 

Trois  talents  de  premier  ordre  cependant  se  groupaient  au- 
tour du  sien,  mais  tous  trois  étaient  du  genre  comique  : 
Mme  Vcrteuil-Auvray,  duègne  excellente  ;  Juliet,  d'un  naturel, 
d'un  entrain  sans  pareil  dans  les  paysans  et  les  rôles  de  haute 
charge  comique;  et  Lesage,  le  plus  fin,  le  plus  rusé  et  le  plus 
spirituel  des  niais.  Mllc  Augustine  Lesage,  belle-fille  de  ce  der- 
nier, tenait,  clans  le  grand  emploi,  le  second  rang  après 
Mme  Scio,  dont  elle  resta  toujours  à  une  grande  distance,  mais 
qu'elle  doubla  pourtant,  sans  trop  de  désavantage,  dans  presque 
tous  ses  rôles.  Elle  en  établit  aussi  quelques-uns  pour  son  pro- 
pre compte,  d'une  manière  fort  distinguée,  entre  autres  celui  de 
Sophie  dans  Sophie  et  Moncars,  ou  l'Intrigue  portugaise,  char- 
mant ouvrage  de  Gaveaux,  et  celui  d'Amalic  dans  le  Major 
P aimer,  de  Bruni  ;  mais  enfin  elle  n'eut  jamais  qu'un  talent  do 
second  ordre ,  et  elle  dut  surtout  beaucoup  a  la  faveur  du 
public. 

Une  autre  cantatrice  parut  auprès  de  Mme  Scio,  avec  des 
moyens  d'une  réalité  plus  prononcée  et  plus  personnelle  que 
ceux  de  M1Ie  Lesage  :  c'était  Mlle  Rolandeau,  chanteuse  h  rou- 
lades, douée  d'une  facilité  et  d'une  puissance  d'exécution  pres- 
que incroyables;  mais,  en  l'écoutant,  si  l'oreille  était  toujours 
étonnée,  flattée  même  souvent  par  une  justesse  irréprochable 
d'intonations  et  un  brio  éblouissant  d'effets  un  peu  hasardés, 
jamais  le  cœur  n'était  touché,  attendu  que  l'expression  était 
toujours  absente.  Le  talent  beaucoup  moins  tapageur  de 
Mme  Rosine  Quesnay,  double  de  Mlle  Bolandeau,  était  d'une 
meilleure  école;  mais  sa  gaucherie  comme  actrice  enlevait  à 
Rosine  Quesnay.  presque  tout  le  prix  des  plus  heureux 
moyens  de  chant  et  d'une  exécution  musicale  qui,  je  le  répète, 
ne  laissait  rien  à  désirer. 

Cependant  les  deux  hommes  et  les  quatre  femmes  que  je1 
viens  de  nommer  composaient  un  ensemble  qui  pouvait  concou- 
rir d'une  manière  efficace  au  succès  de  l'entreprise  lyrique  du 
Théâtre-Feydeau,  s'il  ne  suffisait  pas  à  assurer  ce  succès.  Mais 
un  talent  hors  ligne,  demi-contralto,  deux  brillants  soprani,  ne 
constituent  pas  un  corps  d'exécution  capable  de  faire  va- 
loir, dans  toutes  ses  parties,  une  grande  composition  musicale. 
A  côté  d'un  soprano  il  faut  un  ténor;  auprès  d'un  con- 
tralto, on  veut  entendre  un  baryton,  une  basse  au  moins 
doit  compléter  l'ensemble  harmonique;  en  un  mot,  les  gosiers 
féminins  appellent  les  voix  d'homme  ;  or,  au  théâtre  de  la 
rue  Feydeau,  à  une  exception  près,  que  je  mentionnerai  tout  à 
l'heure,  les  chanteurs  étaient  absents.  Deux  musiciens  émi- 
nents,  tous  deux  également  recommandables  comme  théoriciens 
et  comme  compositeurs,  tenaient,  en  chef  et  en  double,  l'em- 
ploi des  premiers  rôles,  haute-contre,  ou  ténor.  Gaveaux,  chan- 
teur très-adroit,  avait  un  organe  détestable  ;  ses  accents  étaient 
lamentables,  dans  la  joie  comme  dans  la  douleur  ;  sa  taille  était 
lourde,  tous  ses  traits  disgracieux,  et  son  jeu  d'une  froideur 
glaciale.  Lebrun,  que  nous  avons  tous  estimé,  et  que  nous  re- 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


325 


grettons  tous  comme  confrère,  avait  un  chant  correct,  mais  triste, 
monotone  et  sans  expression.  Comme  acteur,  son  jeu  était  lent 
et  péniblement  compassé;  en  scène,  Lebrun  paraissait  toujours 
ennuyé  et  en  proie  à  une  sorte  de  somnolence,  ce  qui  n'était 
guère  propre  à  éveiller  l'attention  et  la  sympathie  du  public.  L'un 
et  l'autre,  toujours  sur  le  premier  plan  avec  M""  Scio,  Gaveaux 
et  Lebrun,  ne  servaient  que  de  repoussoir  à  son  jeu  brûlant  et 
aux  élans  expansifs  qui,  de  son  âme,  passaient  dans  sa  voix  pour 
arriver  à  l'âme  du  spectateur.  Je  m'empresse  de  dire  que  Gaveaux 
et  Lebrun  exercèrent  cependant,  comme  compositeurs,  la  plus 
heureuse  influence  sur  les  destinées  du  Théâtre-Feydeau.  Le 
premier  l'enrichit,  surtout  dès  l'origine,  de  plusieurs  produc- 
tions qui  obtinrent  le  succès  le  plus  brillant  et  le  mieus  mérité, 
et  qu'on  ne  saurait  trop  regretter  d'avoir  vu  toutes  disparaître  du 
répertoire  de  l'Opéra-Comique. 

Jausserand,  ténor  léger,  doué  d'une  voix  charmante  et  d'un 
goût  parfait,  fut  le  seul  chanteur  de  ce  théâtre;  mais  la  nature 
de  ses  moyens  ne  lui  permettait  pas  d'aborder  le  genre  drama- 
tique, et  il  fut,  à  Feydeau,  le  partner  de  Mlle  Rolandeau,  bien 
plus  que  celui  de  Mme  Scio.  Quant  aux  rôles  de  basse  et  de  bary- 
ton, ils  étaient  remplis  d'une  manière  tellement  insuffisante,  que 
je  ne  nommerai  pas  les  sujets  qui  en  étaient  chargés.  Je  ne  puis 
me  dispenser  cependant  de  mentionner,  dans  les  rôles  de  valet 
et  de  grime,  l'acteur  Résicourt,  dont  les  moyens  de  chant  étaient 
nuls,  mais  le  jeu  excellent. 

Ce  fut  par  Lodohka,  de  Chérubini,  opéra  donné  en  1791  au 
théâtre  delà  rue  Feydeau,  que  Mme  Scio  débuta,  l'année  sui- 
vante, sur  la  même  scène,  avec  un  succès  non  équivoque.  Le 
premier  rôle  créé  par  elle  fut,  je  crois,  celui  de  Loujse,  dans 
l'Amour-  filial,  ou  te  Jambe  de  bois, charmant  opéra-comique  en 
un  acte,  de  Gaveaux.  L'admirable  partition  des  Visitandines, 
délicieuse  bouffonnerie  de  Picard  pour  les  paroles,  et  de  De- 
vienne pour  la  musique,  offrit  à  Mme  Scio  une  nouvelle  occa- 
sion de  mettre  au  jour  toutes  les  richesses  de  son  organisation 
musicale;  la  romance  :  Dans  Vasile  de  l'innocence,  l'air  de  mou- 
vement :  0  toi,  dont  ma  mémoire  a  conservé  les  traits,  trans- 
portèrent tous  les  auditeurs,  et  le  triomphe  du  musicien  fut 
égal  h  celui  de  la  cantatrice  ;  mais  tout  le  rôle  d'Euphémie 
était  dans  ces  deux  morceaux  :  l'opéra  de  te  Caverne,  de  Lesueur, 
celui  de  Roméo  et  Juliette,  de  Sleibelt;  tous  deux,' donnés  en 
l'année  néfaste  1793,  permirent  à  Mme  Scio  de  montrer  que  ses 
moyens  comme  actrice  étaient  au  niveau  de  ceux  qu'elle  dé- 
ployait dans  l'art  du  chant  :  noblesse,  sensibilité,  énergie,  dic- 
tion d'une  netteté,  d'un  charme  inexprimables,  telle  est  la  réu- 
nion de  qualités  qu'elle  fit  admirer,  qu'elle  fit  applaudir  avec 
transport  dans  ces  deux  grands  rôles,  et  dont  elle  offrit  cons- 
tamment le  modèle  dans  tous  les  rôles  qui  vinrent  à  la  suite. 

Ces  premiers  succès  furent  d'autant  plus  remarquables,  que 
te  Caverne  et  Roméo  et  Juliette  inaugurèrent  au  théâtre  un 
genre  de  composition  musicale  dont  jusqu'alors  on  n'avait  eu 
guère  d'idée,  et  dont  le  public  parut  d'abord  plus  surpris  que 
flatté.  Quedis-je?les  exécutants  de  l'orchestre  partagèrent  eux- 
mêmes  celte  prévention;  et,  le  jour  de  la  répétition  générale  de 
Roméo  et  Juliette,  ils  déclarèrent  d'un  commun  accord  qu'une 
pareille  partition  était  inexécutable,  et  que  le  public  n'y  com- 
prendrait jamais  rien.  Quinze  ans  après,  on  en  a  dit  autant  de 
te  Vestale  avant  la  représentation. 

Voilà  de  vos  arrêts,  messieurs  les  gens  de  goût  ! 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  hors  de  doute  que  Lesueur  et  Steibelt 


djrentà  la  supériorité  du  talent  d'exécution  de  Mmc  Scio  une 
grande  partie  de  leur  succès  primitif.  La  scène  lyrique  lui 
dut  aussi  l'appropriation  du  cadre  du  drame  dialogué,  du  genre 
qui,  jusque-là,  avait  paru  être  l'apanage  exclusif  du  grand  opéra. 
La  Médée  de  Chérubini,  le  Télémaque  de  Lesueur,  qui  évidem- 
ment avaient  été  destinés  d'abord  à  celte  dernière  scène,  n'y 
trouvant  sans  doute  qu'un  trop  difficile  accès,  vinrent  chercher 
au  théâtre  Feydeau  l'appui  du  talent  de  Mrae  Scio.  Presque 
seule  elle  soutint  le  fardeau  de  ces  deux  grandes  partitions,  et 
des  rôles  sublimes,  mais  écrasants,  de  Médée  et  de  Calypso.  Il 
n'est  pas  possible  de  pousser  la  perfection  plus  loin  qu'elle  ne 
le  fit,  dans  ces  deux  rôles,  du  genre  tragique  le  plus  élevé.  A 
cette  époque,  aucun  théâtre  de  Paris  n'eût  offert  d'aussi  digne 
interprète  de  ces  admirables  créations  de  deux  hommes  du 
génie  le  plus  vigoureux  (1).  Mais  la  santé  de  la  grande  vir- 
tuose se  ressentit  cruellement  du  travail  et  des  efforts  qu'elle 
dut  faire  pour  atteindre  à  la  majesté  souveraine ,  aux  effets 
prodigieux  qu'elle  obtint  dans  ces  rôles  ;  sa  santé  en  fut  évi- 
demment compromise,  et  il  n'y  a  pas  lieu  de  douter  que  ses 
jours  n'en  aient  été  abrégés. L'illustre  maître  Chérubini  semblait 
avoir  mis  son  génie  à  la  disposition  du  talent  de  Mme  Scio.  Dans 
Élisa,  ou  le  Voyage  au  Mont  Saint- Bernard,  dans  les  Deux 
Journées,  Chérubini  obtint,  avecMme  Scio,  des  succès  qui,  pour 
la  cantatrice,  ne  furent  guère  moins  brillants  que  ceux  de  Médée 
et  de  Calypso,  et  qui  ne  furent  pas  achetés  au  prix  des  mêmes 
fatigues.  Il  en  fut  de  même  du  joli  rôle  de  Palma,  gracieuse 
création  de  Lemontey  et  de  Plantade,  où  elle  descendit  des  hau- 
teurs de  la  tragédie  pour  entrer  clans  les  sentiers  fleuris  de 
l'idylle. 

Une  autre  face  du  talent  de  Mme  Scio,  c'était  la  grâce  qu'elle 
déployait  dans  les  rôles  de  travestissement.  L'élégance  de  sa 
taille,  l'aisance  de  ses  manières,  la  rendaient  tout  à  fait  propre  à 
ce  genre  d'emploi,  et  la  rondeur  de  son  organe,  sa  physionomie 
accentuée,  ajoutaient  à  l'illusion  que  produisaient  ses  formes, 
un  peu  grêles  pour  une  femme,  mais  qui  retraçaient,  dans  toute 
leur  harmonie,  celle  de  l'âge  viril.  Ceux  qui  ont  pu  admirer 
l'eutrain  et  la  mutinerie  de  son  jeu  dans  le  Petit  Matelot,  sa 
verve  et  sa  puissance  dramatique  dans  le  Fidelio,  de  Gaveaux, 
type  scénique  du  Fidelio  de  Beethoven,  peuvent  seuls  avoir  une 
idée  complète  de  ce  talent  si  fort,  si  souple,  si  varié  dans  ses 
ressources  et  dans  ses  effets. 


P. -A.  Vieillard. 


|  La  fin  au  prochain  numéro.) 


CONCERT  D  EXPOSITION  A  NANTES. 


enchères  tics  loges. 


Toutes  nos  grandes  villes  départementales  se  dotent  successive- 
ment d'expositions  industrielles  et  artistiques  qui  deviennent  une 
source  de  progrès  et  de  richesse  pourla  France  entière.  La  musique 
trouve  son  compte  à  ces  grandes  manifestations  de  l'intelligence, 


(1)  Indépendamment  de  l'immense  richesse  musicale  de  la  partition, 
Médée,  dont  Hoffmann  avait.fait  les  paroles,  était  une  tragédie  du  mérite 
le  plus  distingué,  et  qui,  à  coup  sûr,  sans  le  secours  de  la  musique,  eût 
pleinement  réussi  au  Théâtre-Français. 


32G 


LE  MÉNESTREL. 


car  elles  sont  l'objet  de  fêtes  théâtrales  ou  autres  dont  le  pro- 
gramme est  défrayé  par  nos  premiers  artistes.  Le  concert  d'ex- 
position donné  au  théâtre  de  Nantes,  le  28  août,  a  donné  lieu  à 
une  innovation  dont  nous  empruntons  le  récit  au  Phare  de  la 
Loire  : 

«  Conformément  à  une  décision  mentionnée  dans  nos  co- 
lonnes, le  système  de  la  vente  à  la  criée  des  places  réservées  au 
théâtre  pour  le  concert  du  28  a  été  inauguré  aujourd'hui,  sous 
le  péristyle  de  la  salle  Graslin.  Jusqu'ici  on  n'avait  vendu  ainsi 
à  Nantes  que  le  poisson,  mais  il  y  a  commencement  à  tout  et 
une  invention  due  au  fameux  Barnum  vient  d'être  francisée,  au 
détriment  des  bourses  modestes.  Puisse-t-elle  ne  pas  s'implanter 
dans  nos  mœurs  !  Les  loges  des  premières  et  des  baignoires  seules 
ont  trouvé  des  enchérisseurs.  Les  loges  des  secondes  galeries, 
sauf  une  exception,  les  stalles  et  fauteuils,  sont  restés  délaissés, 
et  il  est  impossible  d'en  établir  le  cours.  Voici,  en  revanche,  le  ré- 
sultat des  adjudications  effectuées  : 

PREMIÈRES    LOGES    DE    FACE. 


N° 

1. 

3  places 

61 

fr. 

à  M. 

Grosbon . 

N° 

2. 

4 

— 

51 

fr. 

à  M. 

Marchand. 

N° 

3. 

4 

— 

60 

fr. 

à  M. 

Guibert. 

N° 

4. 

4 

— 

55  fr. 

à  M. 

Abat. 

N° 

5. 

4 

— 

61 

fr. 

à  M. 

Garnier. 

N° 

6. 

4 

— 

60  fr. 

à  M. 

Etienne. 

N° 

7. 

4 

— 

60 

fr. 

à  M. 

Bardot. 

N° 

8. 

5 

— 

61 

fr. 

à  M. 

Parage. 

N° 

9. 

6 

— 

81 

fr. 

à  M. 

Poidras. 

N° 

10. 

6 

— 

80 

fr. 

à  M. 

Marchand. 

N° 

11. 

6 

— 

80 

fr. 

à  M. 

La  Giraudais. 

N» 

12. 

6 

— 

73 

fr. 

à  M. 

De  Mieul. 

N» 

13. 

6 

— 

73 

fr. 

à  M. 

Rousseau. 

N° 

11. 

6 

— 

72 

fr. 

non  couverte. 

N° 

15. 

6 

— 

61 

fr. 

à  M. 

Pellerin. 

N» 

16. 

4 

— 

55 

fr. 

à  M. 

Langlais. 

N° 

17. 

4 

— 

52 

fr. 

à  M. 

Grosbon  jeune 

N" 

18. 

4 

— 

52 

fr. 

à  M. 

Lavigne. 

N° 

19. 

4 

— 

50 

fr. 

à  M. 

Lauriol. 

N" 

•21). 

4 

— 

49 

fr. 

h  M. 

Lecuyer. 

LOGE    DE    COTE. 

3  places  36  fr.  à  M.  Ducoudray-Bourgault. 

BAIGNOIRES. 


N° 

1. 

2     — 

51  fr. 

à  M. 

Ducoudray-Bourgault 

N° 

2. 

3     — 

66  fr. 

à  M. 

Guesdon. 

N» 

3. 

4    — 

55  fr. 

à  M. 

Roux. 

N° 

4. 

4    — 

58  fr. 

à  M. 

Hervé. 

N° 

5. 

4     — 

49  fr. 

à  M. 

Cesard. 

Les  enchères  sur  le  pied  de  12  fr.  par  place  n'ont  pas  été  cou- 
vertes jusqu'au  n°  18. 


N»  19.  4 

N°  20.  4 

N"  21.  3 

N°  22.  2 

N°  23.  2 


48  fr.  à  M.  Guesdon. 
48  fr.  non  couverte. 
51  fr.  à  M.  Bardot. 
31  fr.  à  M.  Grosbon. 
31  fr.  a  M.  Lavergne. 


Par  suite  de  cette  mise  aux  enchères,  on  est  arrivé  à  tripler  le 


prix  des  loges.  Ce  résultat  témoigne  de  l'amour  de  la  musique 
des  dilettantes  nantais  en  même  temps  que  de  l'affluence  toujours 
croissante  des  visiteurs  de  l'Exposition.  Cette  afflucnce  est  telle 
qu'à  la  seconde  fête-promenade  donnée  au  jardin  des  Plantes, 
avec  illuminations,  feu  d'artifice  et  le  seul  concours  de  trois  mu- 
siques militaires,  on  a  réalisé  une  recette  de  30,000  fr. 

«  Les  chœurs  du  Conservatoire,  dit  le  Phare  de  la  Loire,  ont 
aussi  contribué  de  leur  mieux  h  l'éclat  de  la  fête;  malheureuse- 
ment le  bruit  de  la  foule  immense  couvrait  les  voix  des  chanteurs. 
Pour  dominer  cette  rumeur  des  milliers  d'assistants  marchant 
avec  trop  peu  de  respect,  hélas!  pour  les  fleurs  du  jardin,  en 
échangeant  l'expression  de  leurs  impressions  rapides,  il  eût  fallu 
quelques  centaines  de  Tamberlick  poussant  quelques  centaines 
d'ul  dièze.  >> 

C'est  facile  à  dire,  mais  les  Tamberlicli  ne  courent  pas  les  jar- 
dins, même  en  Italie. 


PETITE  CHRONIQUE. 


LE   BOULEVART   DES    ITALIENS. 

M.  Lefeuve  poursuit  avec  bonheur  son  intéressante  publica- 
tion des  Anciennes  Biaisons  de  Paris.  La  dernière  livraison  con- 
tient une  notice  sur  le  boulevard  des  Italiens,  dans  laquelle  sont 
évoqués  les  souvenirs  que  voici  : 

«  L'enseigne  d'un  café  nous  rappelle  le  séjour  de  l'illustre 
Grélry,  boulevard  des  Italiens,  n°  7,  vis-à-vis  l'établissement 
qui  s'est  placé  sous  son  invocation.  L'auteur  de  Richard  Cœur- 
de-Lion  mourut  dans  sa  maison  de  Montmorency,  l'ermitage  de 
Jean-Jacques  Rousseau  :  à  ses  dépouilles  mortelles,  rapportées 
à  Paris,  de  pompeuses  funérailles  ne  firent  pas  défaut.  Sa  fa- 
mille et  sa  ville  natale  se  disputèrent  le  cœur  du  grand  musicien. 
Toutes  les  pièces  de  son  mobilier  furent  vendues  beaucoup  plus 
cher  qu'elles  ne  lui  avaient  coûté ;NicoIo  Isouard  acheta  son 
clavecin;  Boieldieu,  sacarlelle;  Berton,  la  canr.eavec  laquelle 
il  marquait  la  mesure  aux  répétitions. 

«  Une  quinzaine  d'années  plus  lard,  Hérold  occupait  un  ap- 
partement n°  3,  et  Panseron,  maison  du  Grand-Balcon. 

«  D'autres  maisons  du  boulevard  servirent  d'habitation  à  des 
actrices  de  la  Comédie-Italienne.  Mmc  Laruetlc,  qui,  dans  sa  jeu- 
nesse, avait  reçu  de  brillants  hommages,  et  chez  laquelle  s'é- 
taient rencontrés  le  duc  de  Nivernais,  51.  de  Vaugremont  et  le 
marquis  de  Brancas  ,  trois  cordons-bleus,  avait  eu  des  relations 
de  plus  longue  haleine  avec  le  marquis  de  Fiamarons  ;  elle  de- 
meurait au  coin  de  la  rue  Marivaux  avant  la  mort  de  son  mari, 
acteur  qui  a  laissé  son  nom  à  un  emploi,  et  qui  était  aussi  com- 
positeur. M"e  Riggieri,  dite  Colombe,  qui  était  réellement  Ita- 
lienne do  naissance,  bien  qu'elle  jouât  l'opéra-comique  en  fran- 
çais, habitait  le  boulevard  d'Antin,du  même  côté  que  son  théâtre. 
Mmes  Laruette  et  Trial  avaient  réussi  plus  vile  qu'elle  à  la  Comé- 
die-Italienne; le  succès  ne  l'empêcha  pas  de  prendre  sa  retraite 
cinq  ans  après  la  translation  de  son  théâtre  dans  la  salle  Favart. 
La  Révolution  la  fit  pauvre;  l'âge  et  la  pauvreté  rendirent  mé- 
connaissable celle  Colombe,  que  milord  Mazarin  avait  enlevée  à 
ses  parents  en  1767,  et  que  le  marquis  de  Ligncrac  avait  enlevée 
pour  plusieurs  années  au  théâtre,  peu  de  temps  après  ses  débuts. 
Mlle.  de  Saiiit-Hubcrti,  de  l'Opéra,   qui  s'appelait  réellement 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


327 


Antoinette-Cécile  Clavel,  était  locataire  do  Salmon.  Bien  flatteur 
qui  la  trouvait  belle  !  Elle  était  assez  grande  et  blonde,  mais  assez 
maigre  et  de  manières  provinciales.  Celte  grande  artiste  lyrique 
passionnait  son  auditoire  à  force  de  s'identifier  avec  son  rôle.  Quel- 
qu'un lui  faisait  compliment  du  frisson  qu'elle  avait  donné  aux 
speclaleurs  à  la  fin  du  troisième  acte  de  Didon  :  —  Cette  scène, 
répondit-elle,  m'a  encore  plus  émue  que  toute  la  salle  ;  dès  la 
dixiè'me  mesure,  je  me  suis  sentie  morte...  M"0  de  Saint-Huberii 
assistait  un  soir  au  spectacle  de  la  Comédie-Italienne,  et  elle 
venait  de  réconcilier  Gluck  avec  Piccini  :  le  public  s'y  montra 
sensible  par  des  acclamations  reconnaissantes  et  fit  descendre 
l'actrice  de  sa  loge  pour  la  couronner  sur  la  scène.  » 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Par  décision  de  l'administration  supérieure,  les  fauteuils  d'orchestre 
du  Théâtre-Italien  seront  désormais  exclusivement  réservés  aux  hommes. 

—  S.  Exe.  M.  de  Sabouroiï,  directeur  des  théâtres  imp'riaux  de  Russie, 
quitte  Paris  celle  semaine  pour  retournera  Saint-Pétersbourg;  de  leur  côté, 
les  artistes  du  Théâtre-Italien,  qui  se  trouvent  ici,  s'apprêtent  à  retourner 
à  leur  poste. 

—  Au  nombre  des  artistes  engagés  pour  la  prochaine  saison  de  Moscou, 
on  cite  M.  et  Mrae  Gassier  et  l'excellent  buffo  Ffizzi. 

—  Les  journaux  américains  nous  apportent  les  détails  d'une  nouvelle 
excentricité.  Il  s'agit  cette  fois  d'une  fabrique  de  ténors,  de  basses,  de  so- 
prani  et  de  barytons.  La  formation  de  ces  voix  humaines  s'accomplit  (dit 
le  prospectus  de  l'entreprise),  au  moyen  d'une  très-légère  opération  chi- 
rurgicale dans  l'intérieur  du  larynx.  Cette  belle  invention  est  due  au  génie 
du  docteur  Poztdoll.  Nous  lui  souhaitons  bonne  chance. 

—  Encore  un  enfant  prodige  I...  Le  jeune  Ricci,  fils  du  défunt  maestro 
Ricci  (un  enfant  de  8  ans,  dont  nous  avons  parlé  tout  récemment),  vient  de 
faire  exécuter  à  l'église  de  Saint-Just,  à  Trieste,  une  messe  de  sa  composi- 
tion. Le  jeune  auteur  conduisait  lui-même  l'orchestre. 

—  Les  impressarii  composent  leurs  troupes  pour  l'Espagne.  On  nous 
annonce  l'engagement  contracté  par  M"°  Léonie  Bardoni  avec  le  directeur 
de  Bilbao,  Burgos,  Valadolid  et  Santander,  pour  la  saison  d'automne  et  du 
carnaval.  M"e  Bardoni  débutera  dans  /  Puritani  et  la  Sonnambula. 

—  On  nous  écrit  de  Bade  :  «  Après  le  grand  concert  de  Berlioz ,  la  mu- 
sique a  repris  son  cours  habituel,  et  les  noms  de  Rossini ,  de  Weber  et  de 
Mozart  ont  reparu  sur  le  programme.  L'excellent  orchestre,  que  dirige  si 
bien  M.  Kœneman,  a  fait  entendre  plusieurs  fois  cette  semaine  l'ouverture 
de  Jeanne  d'Arc,  de  C.  Estiennc,  composition  qui  a  été  très-bien  ac- 
cueillie par  les  auditeurs  d'élite  qui  composent  la  sociélé  de  Bade,  et 
parmi  lesquels  on  a  remarqué  S.  Exe.  VéliPacha,  et  le  célèbre  violoncelliste 
Servais.  » 

—  Samedi  dernier  a  eu  lieu,  en  présence  d'une  foule  énorme,  l'inaugu- 
ration du  théâtre  des  Galeries-Saint-Hubert ,  à  Bruxelles,  complètement 
restauré  et  mis  à  neuf.  Le  nouveau  directeur,  M.  Mengal,  avait  invité  à 
cette  solennité  la  presse  et  un  certain  nombre  de  notabilités.  Tout  le  monde 
a  applaudi  à  la  transformation  que  la  salle  a  subie,  et  plusieurs  des  artistes 
qui  paraissaient  pour  la  première  fois  devant  le  public  de  Bruxelles  ont 
reçu  un  accueil  qui  fait  bien  augurer  pour  l'avenir  de  l'entreprise  de 
M.  Mengal. 

—  On  travaille  activement  à  l'édification  du  théâtre  du  Prince-Impérial, 
qui  sera'  situé  dans  le  voisinage  du  square  des  Arts-et-Métiers.  La  façade 
donnera  sur  la  rue  Béaumur,  l'entrée  des  artistes  sur  la  rue  de  Turbigo. 

—  Les  journaux  de  Saint-Malo  font  grand  bruit  des  succès  qu'obtiennent 
dans  cette  ville  deux  de  nos  virtuoses,  Mlle  Joséphine  Martin  et  Mme  Qsrar 
f.ometlant. 

«  Tarions  d'abord,  dit  le  Journal  des  bains,  de  MUe  Joséphine  Martin, 
dont  la  réputation  n'est  plus  à  faire,  et  qui  joint  aux  qualités  aimables  et 
éminemment  féminines  de  Mme  Pleyel,  le  style  magistral  el  l'ampleur  de 


sonorité  de  Thalberg;  sans  roinpter  que  MUe  Martin  compose  des  morceaux 
frappés  au  coin  de  la  science  et  du  goût  le  plus  pur. 

«  Mmt  Oscar  Comettant,  continue  la  même  feuille,  M™  Comellant,  donl 
les  journaux  de  la  capitale  ont  tant  do  fois,  l'hiver  dernier,  vanté  le  talent 
distingué,  la  voix  étendue,  vibrante  et  sympathique,  justifie  tous  les  élo- 
ges dont  elle  a  été  l'objet.  C'est  l'art  du  chant  dans  son  expression  la  plus 
élevée,  et,  pour  ainsi  dire,  la  plus  chaste.  Aucune  concession  au  goùl 
douteux,  pas  de  ces  éclats  de  voix  que  le  public,  surpris,  accueille  quel- 
quefois avec  faveur,  mais  que  la  méthode  bannit  ;  un  style  soutenu,  con- 
stamment élevé,  toujours  dans  la  vérité  d'expression,  une  bonne  pro- 
nonciation et  une  voix  pénétrante,  facile  et  d'une  justesse  irréprochable, 
telle  est,  en  quelques  mots,  l'analyse  du  talent  de  Mmc  Oscar  Comettant.  » 

—  Les  correspondances  thermales  nous  entretiennent  des  succès  qu'ob- 
tient dans  les  salons  de  Vichy  Mrae  Alard,  la  femme  du  violoncelliste.  Aux 
derniers  concerts,  la  jeune  cantatrice  s'est  particulièrement  distinguée  dans 
le  Billet  de  Marguerite  et  la  cavatine  du  Trouvère,  qu'elle  a  chantés  avec 
beaucoup  de  finesse  et  de  méthode. 

—  Sous  le  titre  de  l'Enfant  du  Mont-Dore,  de  Mme  la  comtesse  Du  Pont, 
pour  la  musique,  et  de  M110  Camille  d'Albe,pour  les  paroles,  l'éditeur  Pacini 
vient  de  faire  paraître  uue  romance  que  le  ténor  Gardoni  a  prise  sous  son 
patronage.  Nous  lui  souhaitons  tout  le  succès  qu'elle  mérite. 

—  Nous  avons  sous  les  yeux  un  nouvel  ouvrage  de  M.  S.  Ponce  de 
Léon,  il  porte  pour  litre  :  «  Vingt-quatre  Etudes  pour  piano,  divisées  en 
quatre  livres.  Chaque  livre  est  précédé  d'une  préface,  en  français  et  eu 
espagnol,  renfermant  des  indications  et  des  conseils  extraits  des  méthodes 
les  plus  ren.ommées.  »  M.  S.  Ponce  dé  Léon  nous  était  déjà  connu  par  de 
nombreuses  et  élégantes  productions  pour  le  piano,  par  un  recueil  fort 
estimé  d'hymnes  et  cantiques,  et  par  ces  brillants  succès  obtenus  dans 
différents  concours  de  compositions  musicales;  mais  la  publication  que 
nous  annonçons  aujourd'hui,  fruit  du  travail  et  de  l'expériencs,  révèle 
en  son  auleur  un  mérite  tout  particulier,  celui  de  réunir  le  charme  à  la 
difficulté  dans  un  ouvrage  purement  didactique  :  aussi,  nous  sommes  heu- 
reux de- le  recommander  à  ceux  de  nos  abonnés  qui  se  livrent  sérieuse- 
ment à  l'étude  du  piano.  Ajoutons  que  cet  ouvrage  important  vient  d'être 
approuvé  par  un  rapport  du  Comité  des  études  du  Conservatoire,  signé  par 
MM.  Auber,  Carafa,  Halévy,  Ambroise  Thomas,  Emile  Perrin,  Gallais, 
Ed.  Monnais,  Vogt,  Prumier,  C.  Dancla,  et  A.  de  Beauchesne,  secrétaire. 
Ont  également  donné  leur  approbation  :  MM.  G.  Rosssini,  Henri  Herz, 
Marmontel,  L.  Lacombe,  E.  Prudent,  Ed.  Wolff,  etc.,  etc. 

—  Concerts  des  Champs-Elysées.  —  La  clôture  aura  lieu  le  15  courant. 
Par  extraordinaire,  les  dimanches  22  et  29  septembre,  les  6,  13,  20  el 
27  octobre,  il  y  aura  concert  de  2  à  5  heures  du  soir. 


NÉCROLOGIE. 


Nous  avons  le  regret  d'annoncer  la  mort  deM.  Alexandre  Ro- 
picquet,  artiste  attaché  à  l'orchestre  de  l'Opéra  et  professeur  de 
violon  au  lycée  Louis-le-Grand. 

Il  y  a  une  trentaine  d'années,  M.  Ropicquet  faisait  partie  du 
personnel  dansant,  et  il  acquit  une  espèce  de  notoriété  par  ses 
scènes  d'imitation  de  Paganini.  Plus  tard  il  se  voua  exclusive- 
ment à  la  musique,  composa  même  un  grand  nombre  de  mor- 
ceaux pour  violon,  et  ne  laissait  pas  passer  une  saison  sans 
donner  son  concert  annuel. 

A.  Ropicquet  n'avait  que  53  ans  ;  il  était  généralement  aimé, 
et  cette  mort  prématurée  n'a  fait  que  doubler  le  regret  général. 

Ses  obsèques  ont  eu  lieu  mercredi  dernier  en  l'église  d'Arnou- 
ville,  en  présence  d'un  grand  concours  d'amis  et  d'artistes.   - 


J.-L.  IIeugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frère 


rue  Jean-Jacques  Hou 


IMITIUI 


II1H1IISIM 


EN  VENTE  AU  MENESTREL,  2  bis,  RUE  VIVIENNE. 


J.  OFFENBACH. 

Le  Financier  et  ïe  Savetier 

Le  G6 

La  Bonne  d'enfant 

Les  Trois  Baisers  «In  Diable. . . 

Croquefer 

La  Demoiselle  en  loterie 

Dragonnctte 

Le  Mariage  aux  lanternes 

La  Chatte  métamorphosée 


PARTITIONS  IN-8",  PIANO   ET  CHANT. 

Orphée  aux  Enfers 8 

Un  Mari  à  la  porte 5 

Geneviève  de  Braisant 8 

Chanson  de  Fortunio 7 

A.  VARSŒY- 

Polka  des  Sabots 5 

ERNEST  L'ÉPÎNE. 

Croquignole  XXXVI 5 

LÉO  DELIEES. 

Six  Demoiselles  à  marier 5 


GUSTAVE  HECQUET. 
Sïarinette  et  Gros-Réné 


EMILE  JONAS. 
Les  Petits  prodiges '5 

CH.  LAFORESTRIE. 
Simonne 5 

PAULINE  THYS. 

La  Pomme  de  Turquie 5 

CE  SA1NT-RÉMY. 
Le  Mari  sans  le  savoir 5 


MORCEAUX  DÉTACHÉS  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO. 


LE  FINANCIER  ET  LE  SAVETIER. 

Ronde.         N°  1,  en  feuille 2  50 

N°  2,  en  morceau 4  50 


Tyrolienne.  N°  1,  à  une  voix 2  50 

N°  2,  à  deux  voix 4  50 

LES  TROIS   BAISERS  DU  DIABLE. 

Couplets.      N°  1.  Quand  les  amoureux 2  50 

N°  2.  Ah!  si  j'étais 2  50 

Duo  bouffe.  N°3.  Une  Oie! 7  50 

Couplets.      N°  4.  Ça  reluit 3    » 

N°  5.  Chanson  à  boire 3    « 

GENEVIÈVE  DE  BRABANT. 

1.  Ronde  de  Mathieu-Laensberg 4  50 

2.  Cocorico,  couplets  de  la  Poule 2  50 

3.  Couplets  de  la  fille  à  Mathurin,  1  et  2. . . .  2  50 

4.  Ballade  du  Cœur  perdu,  1-2 2  50 

5.  Boléro  de  Charles-Martel 2  50 

6.  Quatuor  de  la  Fanfare 2  30 

7.  Chanson  de  l'Enfant  ,1-2 2  50 

8.  Ronde  des  Jeux 5    » 

9.  Couplets  du  retour  de  la  Palestine 2  50 

Livret  ,  texte  seul »  50 


CROQUEFER 

Ballade  de  Croquefer 2  50 

Galop.    Le  bal  de  l'Opéra,  à  une  voix 2  50 

d°  à  deux  voix 3  75 

LE  MARIAGE  AUX  LANTERNES. 

Chanson  à  boire 2  50 

LA  CHATTE  MÉTAMORPHOSÉE 

Couplets  de  Miaou.  N°  1.  en  feuille 2  50 

D°  N°  2.  en  morceau 3  75 


CROQUIGNOLE  XXXVI. 

Ronde  du  pont  de  Nantes ,  1  et  2 

Rondo  du  magicien  Tarabisco 


CARNAVAL  DES  REVUES. 
Tyrolienne  de  l'Avenir,  1  et  2 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO. 

N°  1.  Prenez  garde  à  vous,  couplets 


bis.  Chanson  à  boire. 

3.  Couplets  du  petit  clerc 

4.  Ronde  des  clercs 

5.  Valse  des  clercs ,  à  2  voix 

5  bis.  La  même  à  une  voix 

6.  Duo  et  chanson  de  Fortunio 

6  bis  et  6  ter.  Chanson  de  Fortunio. 


2  50 
2  50 


2  50 
2  50 
2  50 

2  50 
4  50 

3  75 
6  » 
2  50 


ORPHEE  AUX  ENFERS. 

Couplets  du  berger  joli 

Duo  du  concerto 

Chanson  pastorale 

Évocation  à  la  mort 

Duettino  de  l'Honneur  et  de  l'Amour. 

Couplets  de  Cupidon  et  de  Vénus 

Ronde  de  Diane  et  Actéon 

Chœur  de  la  révolte 

Couplets  à  Jupin 

Final,  chœur  et  galop 

Couplets  du  roi  de  Béotie 

Duo  de  la  Mouche 

Chœur  infernal 

Hymne  à  Bacchus 


LE  MARI   SANS  LE  SAVOIR 

Le  Bal,  valse  chantée 

Chanson  nègre 


UN  MARI  A   LA  PORTE. 

Valse  tyrolienne,  1  et  2 

Couplets.  Tu  l'as  voulu,  Georges  Dandin. . 

LES  PETITS  PRODIGES 

Couplets.  Tur  lu  tu  tu 

Valse  de  la  basse-cour 


2  50 

5  .. 
2  50 

2  50 
4  50 

3  » 
■  2  50 

2  50 

2  50 

6  » 

2  50 

4  50 
2  50 

4  50 
2  50 

2  50 

4  50 


LA  DEMOISELLE  EN   LOTERIE. 

Chanson  bohémiana 


MORCEAUX,  VALSES,  POLKAS,  MAZURKAS  ET  QUADRILLES, 


'  LE  FINANCIER  ET  LE  SAVETIER. 

♦Strauss.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50 

Cari  Merz.   Mosaïque  dansante 

N°  1.  Polka 2  50 

N°  2.  Valse 2  50 

N°  3.  Polka-Mazurka 2  50 

LE  66. 

Salomon.  Valse-Tyrolienne 4  50 

LES  TROSS  BAISERS   DU    DIABLE. 

♦Musard.  Quadrille 4  50 

CROQUEFER. 

♦Strauss.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50 

J.  Ch.  Hess.  Mosaïque  dansante  [recueil]  4  50 

N°  1.  Valse 2  50 

N"  2.  Polka 2  50 

N°  3.  Galop 2  50 

GENEVIÈVE  DE  BRABANT. 
J-L.  Battmann.  Chanson  de  l'Enfant..  5    » 

♦Arban.  Quadrille,  un  Bal  chez  Golo 4  50 

♦Strauss.     Id.        2  et  4  mains 4  50 

*       Id.         Polka  du  départ,  2  et  4  mains..  4  50 

E.  Desgranges.  Polka  des  Jeux 4  50 

Philippe  Stutz.  Cocorico,  polka 4  50 

L.  Miehelï.  Polka-maz. des  Baigneuses..  4  50 
♦Musard.  Valse  sur  lescouplets  de  l'Enfant.  5    » 

Id.        La  même  en  feuille 2  50 

LA   DEMOISELLE   EN   LOTERIE. 

♦Strauss.  La  Bohémiana.  Polka 3  75 

«l.-L.  Battmann.  La  Bohémiana,  fan- 
taisie-polka   4  50 

DRAGONNETTE. 

J.  Ch.  Hess.  Valse 4  50 

JV.  B.    Les 


LE    MARÎAGE   AUX    LANTERNES. 

♦Strauss.   Quadrille,  2  et  4  mains 4  50 

♦        Id.  Polka 3  75 

J.-L.  Battmann.  Mosaïque 5    » 

LES  SIX  DEMOISELLES    A   MARIER. 

♦Musard.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50 

LES   PETITS   PRODIGES. 

♦Strauss.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50 

H.  Aaliquet.  Quadrille  facile 4  50 

J.  ©lïenbaeh.  Valse  de  la  basse-cour. . .  4  50 
CROQUIGNOLLE    XXXVI. 

♦Strauss.  Quadrille 4  50 

♦Arban. PolkasurlarondeduPontdeNantes  4  50 
Philippe  Stutz.  Polka-mazurka  sur  la 


roi n lu 


4  50 


4  50 
4  50 


4  50 


POUR  PIANO. 

UN  MARI   A   LA   PORTE. 


♦Musard.  Valse-tyrolienne 

J.  Offentoach.  Valse  de  l'ouverture. . 

MARIETTE  ET  GROS-RÉNÉ. 
<J.  Ch.  Hess.  Mazurka 


5    » 
5    » 


LA  POMME  DE  TURQUIE. 
H.  'Vaïiquet.  Rosette 


CARNAVAL  DES  REVUES. 

♦Musard.  Quadrille ,  2  et  4  mains 

♦      Id.  Polka-mazurka  de  l'Avenir. .. . 

♦OlTenbach.  Polka  des  Timbies 

J.-1L.  Battmann.  Tyrolienne  de  l'Ave- 


de  Tarabisco 

POLKA   DES  SABOTS. 

♦Wagner.  Quadrille 

♦Strauss.  Polka 

ORPHÉE  AUX    ENFERS. 
♦Strauss.  1er  Quadrille  à  2  et  4  mains 
'  Adhêraiar  de  Foucault.  2e  quadrille.  4  50 

♦Arban.  Quadrille 4  50 

♦Strauss.  Polka,  à  2  et  4  mains 4  50 

♦Musard.  Valse 5    » 

A.  Talcxy.    Polka-mazurka 5    » 

H.  Aaliquetf.  Quadrille  facile 4  50 

«F.-L.  Battmann  Fantaisie  facile 5    » 

A.LonguevïlSe.ChansonduroideBéûtie  6    » 

H.  Kosellcn.  Fantaisie 6    » 

F.-L.  Schubert.  Grand  galop 4  50 

A.  Thadcwaldt.  Jupiter,  polka 3  75 

F.  Brissler.  21' grande  valse 5     » 

Pli.  Stutz.  John Slyx,  polka-mazurka. . .  4  50 
|     J.-L.  Battmann.  Menuet  et  galop 5    » 

Morceaux  marqués  d'une  ♦  sont  publiés  pour  orchestre  et  septuor 


♦Olïenbaeh.  Symphonie  de  l'Avenir, 
4  mains 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO. 

J.-L.  Battfnsann.  Petite  fantaisie  variée. 

F.  Burgmuller.  Valse  de  salon 

La  même  à  4  mains. . 
d°       en  feuille.. 

Paul  Bernard.  Transcription 

A.  Croisez.  Morceau  de  salon 

StE"auss.  Quadrille 

Le  même,  à  4  mains 

PI».  Stutz.  Polka 

LE  MARI  SANS  LE  SAVOIR. 

Strauss.  Le  Bal,  valse. 


4  50 
4  50 

4  50 


5  » 
7  50 
7  50 
2  50 

6  » 
6  » 
4  50 
4  50 
4  50 


Id. 


Quadrille. 


6    » 
4  50 


H.  Valïquet.  Concerts  des  Bouffes-Pari- 
siens, 18  petites  fantaisies,  chacune 


783.  —  28e  Année. 

M»  4S. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  \  5  Septembre 

18G1. 


;-*>.,  ys» 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédacl*  en  chef. 


JLES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Yivienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Au*  Magasins  et  Abonnement  de  Musique  élu  MÉIYESTREI,.  —  Vente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHAUT. 

et  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  S«  Morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Uomances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  2  Albûnn 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :18fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  ïO  Morceaux  : 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albuniiv- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  1S  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT   HT   PIANO    ItEl'NIS  ! 

3«  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  5î  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  x  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  l"de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection. —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  iieiirci.  et  c'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
reSj  (  Teste  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mou 


:  Jean-Jacques  Rousseau ,  8.  —  bliOk 


sa^a^AissE.  —  TEXTE. 

I.  Première  Lettre  d'un  bibliophile  musicien.  J.  u'Orticue.  —  II.  Semaine  théâ- 
trale. J.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur  :  Souvenirs  du  théâtre 
(de  la  fin  du  xvui'  siècle  jusqu'en  1830),  Mme  Scio  (3e  et  dernier  article).  P. -A. 
Vieillard.  —  IV.  Le  quartier  du  nouvel  Opéra.  —  V.  Nouvelles,  Nécrologie  et 
Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  C  il  a  nt  recevront  avec  le  numérode  ce  jour: 

HIVER  ET  PRINTEMPS. 

Paroles  d'EuGÈNE  Scribe,  musique  d'ANTONiN  Guillot  de  Sainbris. 
—  Suivra  immédiatement  après  :  Le  Chant  du  Marin,  paroles  de 
MUe  Clara  Reïnard,  musique  de  MUe  Robert  Mazel. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

La  transcription  de  Cvt.  Neustedt  sur  l'ALCESTE  de   GLUCK. 

Suivra  immédiatement  après  :  La  Polka-mazurka  des  Clercs,  composée 
par  Mosard,  sur  la  Chanson  de  Fortunio,  opéra  de  J.  Offenbach. 


LETTRES  D'UN  BIBLIOPHILE  MUSICIEN 

AU  DIRECTEUR  DU  MÉNESTREL. 


I. 
Un  feuilleton  musical  de  l'année  A033. 

Puisque  vous  aimez  les  recherches  faites  dans  les  vieux  bou- 
quins, mon  cher  Directeur,  je  pense  avoir,  pour  le  moment  du 
moins,  de  quoi  vous  satisfaire.  En  mettant  en  ordre  certaines 
pièces  curieuses  qui  doivent  figurer  dans  l'Appendice  du  volume 
que  je  vais  publier  bientôt  sous  le  titre  de  la  Musique  à  VÊ- 
glise,  j'ai  eu  l'idée  d'en  détacher  pour  vous  le  compte  rendu 


d'une  solennité  musicale,  un  feuilleton  en  règle,  mais  un  feuil- 
leton comme  ni  vous,  ni  moi,  ni  Berlioz,  ni  Fiorentino,  ni  Jules 
Janin,  ni  Théophile  Gautier,  n'avons  songé  et  n'ont  songé  à  en 
écrire.  Je  ne  connais  rien  de  plus  triomphant,  de  plus  ébou- 
riffant. Ce  n'est  point  ici  cet  enthousiasme  décommande,  ces 
éloges  pompeux  dont  plusieurs  d'entre  nous  possèdent  si  bien  le 
secret.  C'est  du  vrai  et  pur  enthousiasme,  puisé  a  la  source  de  la 
plus  naïve  conviction.  Et  ce  feuilleton  a  été  écrit  en  1622  !  et  il  n'a 
pas  été  écrit  à  Paris,  ni  à  Rouen,  ni  à  Naples,  ni  à  Vienne,  ni  à 
Berlin,  ni  à  Londres;  mais  à  Avignon,  en-Avignon,  comme  au- 
rait dit  Castil-Blaze!  Et  ce  feuilleton  est  écrit  en  français,  en  bon 
français  du  temps,  bien  que  ce  vieux  français  soit  un  peu  trop 
chargé  de  pointes  et  de  jeux  de  mots;  et  celui  qui  l'a  écrit  et 
qui  a  gardé  l'anonyme,  sait  son  affaire,  il  sait  ce  dont  il  parle  : 
non-seulement  il  décrit  à  merveille  le  jeu  des  parties  harmoni- 
ques dans  un  contre-point  rempli  d'artifices,  mais  encore  il  donne 
des  détails  intéressants  sur  les  instruments  qui  figuraient  dans 
l'exécution  !  J'ajoute  que  ce  feuilleton  est  tiré  d'un  livre  où  vous 
ne  vous  seriez  jamais  avisé  d'aller  chercher  des  renseignements 
sur  l'art  musical.  Voici  tout  au  long  l'intitulé  de  ce  livre  : 

«  La  Voye  de  laict  ou  le  Chemin  des  Héros  au  Palais  de  la 
Gloire,  ouuert  à  l'entrée  triomphante  de  Louys  XIII,  roy  de 
France  et  de  Navarre,  en  la  cité  d'Avignon,  le  16  novembre  1622. 
En  Auignon,  de  l'Imprimerie  de  I.  Bramereav,  imprimeur  de 
Sa  Saincteté,  de  la  Ville  et  Vniuersité,  MDCXXHI.  » 

Vous  voyez  qu'il  s'agit  de  la  musique  exécutée  en  Avignon,  lors 
de  l'entrée  solennelle  de  Louis  XIII  dans  cette  cité,  le  22  no- 
vembre de  ladite  année. 

Gardez-vous  bien,  mon  cher  Directeur,  d'imiter  ces  Parisiens 
qui  se  moquent  perpétuellement  des  provinces.  —  Avignon  1  di- 
ront-ils, que  peut-il  y  avoir  à  Avignon  ?  Il  y  a  le  Palais  des  Papes, 
et  puis,  quoi?  Rien. 

—  Bien.  C'est  bientôt  dit.  Eh  bien  !  soit  ;  il  y  a  le  Palais  des 
papes.  Mais  ce  Palais  des  papes   suppose  que  les  papes  ont 


330 


LE  MÉNESTREL. 


habité  Avignon  ;  ce  séjour  des  papes  à  Avignon  suppose  qu'ils  y 
ont  amené  les  arts  et  les  artistes  d'Italie,  et  une  chapelle-musique  ; 
celte  chapelle-musique  fait  supposer  que  notre  art  de  prédilection 
a  été  cultivé  avec  succès  dans  le  comtat  d'Avignon,  et  même  long- 
temps après  que  les  papes  eurent  abandonné  celte  ville.  Effecti- 
vement, des  documents  irrécusables  attestent  que,  tandis  que  la 
musique  religieuse  était  négligée  à  Paris  et  dans  le  nord  de  la 
France,  elle  jetait  un  vif  éclat  à  Avignon  et  dans  le  Comtat-Ye- 
naissin. 

Je  ne  vous  parlerai  ni  d'EIzéar  Genêt,  dit  il  Çarpentrasso 
(on  l'appelait  ainsi  à  cause  de  sa  ville  natale,  Carpentras,  dont 
les  bons  Parisiens  font  des  gorges  chaudes,  comme  Palestrina 
et  Pergolèse  tirent  leurs  noms  de  la  ville  qui  leur  a  donné  le 
jour),  ni  d'Antoine  du  Sujet  [Antonius  de  Siïbjecto),  ni  de 
Lœthbert,  abbé  de  Saint-Ruf,  auteur  d'un  manuscrit  des  Fleurs 
des  Psaumes,  ni  de  Franciscus  Brocardus  Campanino,  tou- 
cheur  d'orgues  de  Pavie,  venu  à  Avignon  à  la  suite  des  papes, 
ni  de  Barthélémy  Prepositi,  argentier  et  facteur  d'orgues,  ni 
d'une  foule  d'autres  dont  vous  verrez  les  noms  dans  les  pitres 
justificatives  de  mon  volume  (je  puis  déclarer  que  la  plupart  de 
ces  noms  ne  figurent  pas  clans  la  Biographie  universelle  des  mu- 
siciens de  notre  maître  à  tous,  le  savant  M.  Félis).  Je  neveux 
vous  parler  que  d'un  musicien,  Intermet,  chanoine  et  maître  de 
musique  de  Saint-Agricol,  celui-là  même  qui  florissait  dans  nos 
contrées  sous  Louis  XIII,  et  dont  «  les  airs  ravirent  tellement 
le  roy  et  toute  sa  cour  (à  leur  entrée  à  Avignon),  que  toutes  les 
parties  (de  musique)  furent  tirées  des  mains  des  musiciens,  et  que 
Sa  Majesté  en  voulut  une  coppie.  »  Cependant,  puisque  me  voilà 
en  train,  je  ne  puis  résister  au  plaisir  de  vous  faire  part  d'un  fait 
plus  récent  dont  je  dois  la  communication  à  mon  ami  et  compa- 
triote M.  P.  Achard,  le  savant  archiviste  du  département  de 
Vaueluse.  Ce  fait,  je  l'ignorais,  lorsque  au  mois  de  juin  dernier, 
je  donnais,  dans  le  Journal  des  Débals,  une  lettre  si  curieuse 
et  à  peu  près  inédile  de  Rameau  à  Lamothe  Houdard.  Qui 
m'aurait  dit  alors  que  le  célèbre  auteur  de  Castor  et  Pollux  avait 
élé  maître  de  musique  à  la  métropole  d'Avignon,  m'aurait  bien 
surpris.  Vous  comprendrez  le  sentiment  de  gratitude  avec  lequel 
j'ai  accueilli  la  note  suivante,  copiée  pour  moi  par  M.  Achard,  dans 
les  Chroniques  de  la  ville  d'Avignon,  par  le  chanoine  Arnavon: 

«  Le  20  octobre  1764,  on  a  célébré  à  la  métropole  une  grande  messe 
de  Requiem  pour  le  repos  de  l'âme  de  M.  Rameau,  célèbre  musicien,  père 
de  l'harmonie,  mort  à  Paris,  ayant  laissé  à  sa  fille  unique  un  bien  de 
500,000  livres  et  beaucoup  d'ouvrages  qui  n'ont  pas  encore  paru. 

«  Le  catafalque  qu'on  avait  dressé  dans  l'église  était  fort  beau  et  d'en- 
viron une  canne  et  demie  de  hauteur.  Un  violon  couvert  d'une  gc.:e  noire, 
sur  un  coussin,  était  posé  sur  le  haut  du  catafalque,  et  sur  la  porte  de 
l'église;. en  haut,  était  tendu  un  tapis  noir  sur  lequel  élait  cloué,  ouvert, 
un  cahier  de  musique.  On  a  chanté  la  messe  composée  par  Gilles,  et  après 
on  a  chanté  le  De  profanais  de  Pergolèse.  Ce  qui  a  excité  les  musiciens 
du  concert  de  cette  ville  à  donner  aux  mânes  de  M.  Rameau  celte  marque 
de  leur  affection  et  qui  a  engagé  MM.  de  la  métropole  à  y  contribuer  , 
c'est  que  Rameau  a  été  autrefois  maître  de  musique  à  la  métropole.  • 

Venons  mainlenant  à  notre  feuilleton  musical  de  1622. 

Notre  ami,  M.  F.  Séguin,  dans  son  Recueil  des  Noëls  de  Sa- 
boly,  avec  les  airs  notés,  a  emprunté  plusieurs  passages  à  la  Voye 
de  laid,  relatifs  aux  préparatifs  que  la  ville  d'Avignon  fit  pour 
recevoir  dignement  le  roi  Louis  XIII.  11  nous  a  raconté  que  les 
consuls  ne  s'étaient  donné  de  repos,  ni  iour,  ni  nuict  pour  exco- 
giter  les  moyens  d'illustrer  la  mémoire  des  hauts  [ails  du  prince, 
et  qu'ils  étaient  parvenus  à  rendre  toute  la  représentation  si  vive 
qu  elle  revivifiait  les  esprits. 


Mais  M.  Séguin  a  passé  le  meilleur  sous  silence,  je  veux  dire 
la  description  de  l'exécution  vocale  et  instrumentale,  dirigée  par 
Intermet.  Je  sais  gré  à  M.  Séguin  d'avoir  oublié  de  citer  ce  pas- 
sage de  la  Voye  de  laid  et  de  m'avoir  laissé  la  bonne  fortune  de 
le  remettre  en  lumière.  Sans  doute,  on  y  trouve  le  fatras  de  l'é- 
poque sur  les  transports  et  l'ivresse  qui  s'emparent  des  dieux  de 
l'Olympe,  lorsque  Apollon  fait  résonner  sur  les  cordes  de  son 
luth  les  louanges  de  Jupiter,  etc.  ;  mais  on  peut  dégager  le  compte 
rendu  de  ces  superfluités  mythologiques. 

Il  faut  savoir  qu'on  avait  élevé  sur  la  place  du  Change  d'Avi- 
gnon un  superbe  théâtre  triomphal,  ayant  cinquante-deux  pieds 
d'élévation  et  soixante-deux  pieds  de  largeur.  Au  milieu  s'élevait 
une  estrade  de  cinq  pieds  où  l'on  voyait  le  chanoine  Intermet 
entouré  d'un  orchestre  de  six  vingts  musiciens.  Ecoutons  : 

«  Parmy  toutes  ces  beautez,  le  plus  beau  spectacle  que  puissent  auoir 
les  sujets,  c'est  de  voir  leur  Prince;  et  la  plus  douce  musique,  c'est  d'ouïr 
sa  voix,  comme  dit  Themistius.  Ce  fut  ce  qui  releua  plus  particulièrement 
la  beauté  de  ce  théâtre,  de  ce  que  Sa  Majesté  s'arrestant  en  ceste  place 
pour  le  contempler,  donna  loisir  à  la  Noblesse  qui  tenoist  les  fenestres,  et 
au  peuple  qui  estoit  en  bas  de  voir  ses  délices  à  plaisir,  et  à  six  vingt 
Musiciens,  qui  oceupoyent  tout  cet  eschaffaut,  soubs  la  conduitte  de  Mr  In- 
termet, Chanoine  de  Saint-Agricol,  l'vn  des  Orphées  de  nostre  temps,  de 
faire  ouuerture  en  son  ame  royale  et  la  charmer  par  les  oreilles  d'une  si 
louable  et  rauissante  volupté....  Tous  ces  Héros  qui  accompagnoient  S.  M. 
avoient  quitté  leur  fierté  Martiale,  et  leur  âme  ayant  abandonné  les  autres 
sens  s'estoit  toute  retirée  sur  le  bord  des  oreilles  ;  le  Roy  mesme  ayant 
colé  sa  veùe  sur  Mr  Intermet  qu'il  desiroit  surtout  d'ouïr,  esmeu  de  la  ré- 
putation que  son  esprit  qui  se  voit  dans  ses  pièces  de  Musique,  luy  a  acquis 
par  toute  la  France....  y  demeura  tellement  englué,  qu'il  tesmoigna  de 
parole  que  si  la  nuict  qui  s'approchoit  ne  l'eût  arraché  de  là,  il  s'y  fust 
arresté  beaucoup  dauantage ,  tant  cet  air  donnoit  de  l'air  à  son  ame  et 
sympathisait  à  son  humeur....  Aussi  estoit-ce  vn  beau  spectacle  de  voir  ce 
Musée  (Intermet|  en  la  présence  de  tant  de  grands  Héros,  au  milieu  de  tant 
de  chœurs  diuers,  et  de  plus  de  cent  Musiciens  ramener  la  Musique  à  vne 
rauissante  mélodie  avec  vn  baston  d'argent  qu'il  manioit  comme  la  verge 
de  Mercure,  auec  laquelle  il  tiroit  l'ame  à  tant  d'hommes  et  d'enfants  de 
chœur,  qui  ne  ehantoient  que  de  cœur  et  rouloient  leurs  affections  enflam- 
mées au  service  de  S.  M.  sur  leur  voix  qui  estoit  le  char  de  leur  âme  ; 
tantost  il  l'enfonçoit,  tantost  il  la  rappeloit  du  creux  de  leurs  poictrines, 
ils  montoient  au  mouuement  de  sa  baguette ,  ils  baissoient,  ils  fendoient , 
ils  perçoient,  ils  se  plomboient  parfois  comme  vne  fusée  Jusqu'à  terre  ; 
puis  remontoieut  par  bricolles,  contours  et  vireuoltes  en  l'air,  et  frappoient 
d'une  douce  atteinte  ces  esprits  espris  d'vne  si  douce  variété  de  sons,  de 
tons,  de  muances,  d'issues  inespérées,  de  tremblemens  hardis,  de  saillies 
heureuses,  qui  faisoient  en  vn  si  grand  meslange  vne  si  mélodieuse  har- 
monie ;  ores  ils  respiraient,  ores  ils  expiroient  ensemble  et  sembloient 
rendre  l'ame;  leurs  poictrines  s'estrecissoient  et  s'estendoient  en  ca- 
dence; ils  obscurcissoient  leur  voix,  ils  l'offusquoient,  et  tout  à  coupla 
rendoient  claire  ;  ils  allaient  à  mez-air ,  et  s'enuoloient  au  Ciel ,  ils  se 
raualoient,  ils  se  fuyoient ,  ils  se  suivoient,  ils  se  poursuiuoient  et  sur- 
uoloient  eux  mêmes,  bruyants,  eselattants,  murmurants  de  leurs  grom- 
melements,  tonnerres  et  bourdons ,  pirouettants  et  tourne-virants  leurs 
voix  en  tant  de  façons,  et  la  desguisant  si  dru  et  menu,  qu'on  s'estonnoit 
de  voir  qu'en  si  peu  d'air  que  nous  humons  il  y  eut  tant  de  mcrueilles 
encloses,  ou  que  l'esprit  d'vn  homme  le  sçeut  si  bien  decoupper,  et  luy 
donner  tant  de  faces  et  d'airs  si  différents.  Icy  vn  Maistre  ioeùr  de  violon 
vous  hachoit  quatre  chordes  soubs  ses  doigts  en  mille  voix  différentes  et 
les  faisoit  discourir  parfaitement;  là,  vn  autre  faisoit  haranguer  gratte- 
ment sa  viole  ;  ceux-là  cannonoient  les  oreilles  avec  leurs  serpents  suiuis 
d'une  grosse  armée  de  voix  humaines,  qui  venoient  liurer  vn  assaut  gê- 
nerai du  costé  qu'ils  auoient  fait  la  bresche  ;  quelques  autres  faisoient 
parler  leurs  doigts  sur  leurs  cornets  et  s'estonnoient  que  leur  ame  s'en- 
fuioit  par  tant  de  portes,  qu'ils  tâchoient  habilement  de  fermer  de  tous 
costez  ;  tout  cela,  en  vn  mot,  sembloit  vn  effect  de  la  Magie  blanche  ou  de 
la  noire,  marquée  en  ces  notes  noires  et  blanches  sur  leur  papier  où  ils 
apprenoient  à  enchanter  ainsi  les  esprits  et  donner  droit  au  centre  et  au 
vif  de  l'ame  par  l'oreille;  et  ceste  baguette  argentée  entre  les  mains  du 
Maistre  du  chœur  paroissoit  comme  une  verge  de  Circé  qui  faisoit  tous 
ces  miracles.  Mais  c'estoit  l'amour  de  V.  M.,  Sibe,  qui  avoit  inventé  cette 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


331 


Magie  licite,  en  enfioit  les  poulmons  à  tous  ces  musiciens,  lesquels  failli— 
renl  seulement  en  ce  qu'ils  chantoient  p:ir  mesure  vos  louanges  qui  n'ont 
autre  mesure  ny  borne  que  l'éternité  de  voslre  Gloire.  » 

Que  vous  semble  ,  mon  cher  directeur,  de  Vâme  de  ces  héros 
qui  s'esloit  toule  retirée  sur  le  bord  des  oreilles,  de  ces  voix  qui 
remontent  par  bricolles,  contours  et  virevoltes  en  Voir,  de  ce 
maislre  joueur  de  violon  qui  vous  hachoit  quatre  chordes  soubs 
ses  doigts,  de  cet  autre  qui  faisoil  haranguer  gravement  sa  viole, 
de  ceux  qui  cannonoienl  les  oreilles  avec  leurs  serpents,  de  ces 
notes  noires  et  blanches  sur  le  papier,  qui  sembloient  un  effect 
de  la  magie  blanche  et  noire,  etc.,  etc.?  Sauf  les  pointes  et  les  jeux 
de  mots,  ne  diriez-vous  pas  Montaigne  décrivant  un  concert  de 
musique? 

Puis  «  quand  il  fut  temps  de  partir,  tout  le  peuple  fit  retentir 
•  si  haut  son  Vive  le  Roy,  qu'on  ne  sçavoit  si  c'étoit  un  nouveau 
tourbillon  de  musique,  ou  un  renfort  de  voix  qui  vint  concerter 
avec  les  premiers  pour  la  gloire  et  les  louanges  de  S.  M.  » 

Adieu,  mon     cher  Directeur,  imprimez  ce  discours  dans  le 
Ménestrel  et  adressez-le  à  tous  nos  confrères.  Il  n'en  est  pas  un 
qui  ne  baisse  pavillon  et  qui  ne  salue  son  maître. 
Votre  tout  dévoué, 

J.  d'Ortigue. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 


Un  de  ces  spectacles  dont  I'Opéra  n'est  point  avare,  —  deux 
ballets  et  un  opéra  fragmenté  ,  —  composait  l'affiche  de  lundi 
dernier.  Dans  le  premier  acte  du  Philtre,  le  ténor  Hayet  rem- 
plissait, pour  la  première  fois  ,  le  rôle  de  Guillaume,  et  le  bary- 
ton Roudil  abordait  celui  du  sergent  Jolicceur.  Les  deux  tenta- 
tives ont  réussi.  Roudil,  surtout,  s'est  fort  honorablement  tiré  de 
sa  lâche.  Grazioza  et  la  Vivandière  défrayaient  le  programme 
chorégraphique  ;  c'est  dire  que  Mme  Ferraris  et  Mme  Zina  Mê- 
lante se  partageaient  les  honneurs  de  la  soirée.  —  Mercredi, 
l'opéra  i'Herculanum,  annoncé  sur  l'affiche,  a  dû  être  (pour 
cause  d'indisposition  d'un  artiste) ,  remplacé  subitement  par  le 
Prophète,  et  vendredi  soir  le  public  a  revu  Guillaume  Tell  avec 
Mme  Vanden'neuvel-Duprez,  MM.  Gueymard,  Obin  et  Cazaux. 

Voici  quelques  nouveaux  détails  sur  l'opéra  en  deux  actes  du 
maestro  Alary,  qu'on  prépare  pour  le  mois  prochain  :  Le  livret 
est  de  M.  Mélesville,  et  le  titre  (provisoire ,  sans  doute),  est  la 
Voix  humaine.  Il  s'agit  (l'affiche  aurait  besoin  de  le  dire),  du  jeu 
d'orgue  qui  porte  le  nom  de  Voix  humaine  ou  Voix  angélique. 
Si  nous  sommes  bien  informé,  ce  jeu  d'orgue  aurait  un  rôle 
important  dans  la  légende  naïve  du  moyen  âge,  arrangée  par 
M.  Mélesville,  et  il  serait  imité  dans  la  coulisse  par  une  femme 
qui  n'appartient  pas  au  théâtre,  et  n'a  pas  fait  d'études  pour  y 
figurer,  mais  dont  la  voix,  très-bornée  d'ailleurs,  a  une  sonorité 
singulière  et  magnétique,  que  les  fidèles  d'une  certaine  église  de 
Paris  ont  pu  apprécier.  Il  est  question  de  confier  le  premier  rôle 
de  cet  opéra  au  jeune  ténor  Morère,  premier  prix  du  Conserva- 
toire. L'opéra  de  M.  Alary  sera  donné  à  peu  près  en  même  temps 
que  le  grand  ballet  en  six  tableaux  de  l'Etoile  de  Messine,  com- 
posé pour  Mme  Ferraris.  Les  études  s'en  poursuivent  avec  activité 
et  les  décors  seront  bientôt  terminés.  —  Depuis  l'incendie  de  la 
rue  Richer,  l'atelier  de  décors  de  l'Opéra  est  installé  provisoire- 
ment dans  une  salle  du  Palais  de  l'Industrie. 


Le  programme  de  la  prochaine  saison  du  Théâtre-Italien  at- 
tire déjà  la  foule  vers  le  bureau  de  location.  Les  dames  parais- 
sent regretter  leurs  stalles  d'orchestre,  qui  permettaient  la  demi- 
toilelte,  inadmissible  dans  les  loges.  A  propos  du  nouveau  pro- 
gramme-Ventadour,  nous  avons  omis  de  citer,  dimanche  dernier, 
parmi  les  sopr-ani,  le  nom  de  Mme  Numa,  élève  de  Piermarini, 
placé  à  côté  de  ceux  de  Mmes  Penco,  Raltu  et  Volpini. 

L'Opéra-Comique  va  remettre  à  la  scène  les  Mousquetaires  de 
la  Reine,  dans  des  conditions  exceptionnelles.  Roger,  dont  nous 
avons  déjà  annoncé  la  rentrée  définitive  sur  le  théâtre  de  ses 
premiers  succès,  reparaîtra  dans  le  rôle  d'Olivier,  qu'il  a  créé  ; 
Baltaille  chantera,  pour  la  première  fois,  celui  du  capitaine  Ro- 
land ;  Mlle  Marie  Cico,  triple  lauréat  du  Conservatoire,  fera  son 
début  dans  Athénaïs  de  Solanges  ;  enfin,  pour  compléter  un  en- 
semble aussi  attrayant,  Mme  Faure-Lefebvre  et  Ponchard  se  char- 
geront des  rôles  de  Berlhe  de  Simiane  et  de  Biron.  Toutefois, 
Roger,  avant  de  chanter  les  Mousquetaires ,  va  donner  trois  re- 
présentations extraordinaires,  dans  lesquelles  il  chantera  divers 
morceaux  italiens,  anglais,  allemands,  espagnols  et  français: 
des  concerts  pur  sang,  et  polyglottes!...  Malgré  le  côté  piquant 
de  ces  soirées  musicales  cosmopolites,  nous  pensons  qu'il  eût 
fallu  laisser  à  la  rentrée  de  Roger  toute  son  importance  et  n'en 
atténuer  l'intérêt  sous  aucun  prétexte.  C'est  le  Roger  français,  le 
Roger  d'opéra-comiqne,  dont  le  public  aurait  aimé  à  saluer  le 
retour,  sans  le  moindre  panaché  anglo-italien,  sans  réminiscen- 
ces allemandes  ou  espagnoles. 

Au  Théâtre-Lyrique  on  répète,  entre  autres  nouveautés,  un 
opéra  de  MM.  Boisseaux  et  Lajarte.  C'est  dans  cette  partition 
que  débutera  notre  baryton  Jules  Lefort. 

M.  Réty  vient  d'engager  M.  Bonnesœur,  excellente  basse  qui 
fait  en  ce  moment  partie  du  théâtre  des  Arts  à  Rouen,  mais  ce 
chanteur  ne  sera  disponible  que  l'année  prochaine. 

Hier  soir  samedi,  les  Bouffes-Parisiens  ont  dû  effectuer  leur 
réouverture  par  la  première  représentation  de  M.  Choufleury 
restera  chez  lui  le...,  opérette  en  un  acte  de  MM.  de  Saint- 
Remy  et  Offenbach,  et  la  reprise  de  la  Chanson  de  Fortunio,  le 
grand  succès  de  l'hiver  dernier,  avec  Mlle  Pfotzer. 


Le  Gymnase  vient  d'adjoindre  à  son  Piccolino  une  comédie- 
vaudeville  en  un  acte  de  MM.  Siraudin  et  Victor  Rernard. 
L'Argent  fait  peur  est  une  désopilante  bouffonnerie  jouée  par  les 
artistes  avec  beaucoup  d'entrain.  Geoffroy  est  comme  toujours 
plein  de  bonhomie  et  de  naturel.  De  son  côté,  Landrol  donne  un 
cachet  plaisant  au  rôle  d'un  inventeur  bordelais. 

La  Revue  des  Théâtres  nous  fournit  la  particularité  suivante 
sur  la  nouvelle  pièce  du  Vaudeville  :  la  Frileuse  : 

«  La  F«7et;se  était  primitivement  un  livret  d'opéra-comique; 
ce  livret  avait  été  présenté,  il  y  a  cinq  ans,  parM.  Scribe  à  M.  Ge- 
vaërt,  qui  ne  crut  pas  devoir  l'accepter,  M.  Gevaërt  fut  peut- 
être  mal  inspiré;  mais  là  n'est  pas  la  question.  Un  musicien  ha- 
bile aurait  pu  tirer  parti  des  situations  qui  se  trouvent  dans 
l'œuvre  posthume  du  maître.  Sans  musique  la  pièce  est  froide, 
malgré  le  mouvement  que  l'auteur  s'est  efforcé  d'y  mettre,  Il 
n'est  pas  toujours  aussi  facile  qu'on  le  pense  de  transformer  un 
opéra-comique  en  comédie.  La  place  réservée  au  compositeur 
n'étant  pas  occupée  laisse  des  vides  pénibles  dont  le  spectateur 


332 


LE  MÉNESTREL. 


supporte  mal  l'ennui,  et  que  le  talent  des  acteurs  est  impuissant  à 
dissimuler.  » 

Nonobstant  ces  observations  de  notre  confrère  Achille  Denis, 
la  Frileuse  s'acclimate  au  Vaudeville  et  ne  manque  pas  d'élé- 
ments récréatifs  :  le  troisième  acte  est  fort  amusant.  La  pièce  est, 
du  reste,  jouée  avec  talent  par  Febvre,  Mlle  Cellier,  et  surtout  par 
Boisselot ,  auquel  le  feuilleton  du  lundi  n'a  pas  suffisamment 
rendu  justice.  Boisselot  remplit  le  rôle  du  marquis  de  Galaor 
d'une  façon  très-comique.  La  jolie  M1Ie  Léonie  Leblanc  a  besoin 
de  travailler.  Quant  à  Mme  Lambquin,  l'excellente  duègne,  elle 
ne  nous  semble  pas  absolument  à  sa  place  dans  le  personnage  de 
la  grande  duchesse. 

Le  théâtre  des  Variétés  a  reçu  une  étude  de  mœurs  parisien- 
nes en  trois  actes  portant  pour  titre  :  les  Cochers.  —  Ce  théâtre 
s'occupe  déjà  de  sa  Revue  de  fin  d'année;  elle  sera  intitulée, 
dit-on,  le  Pays  des  Mirlitons,  et  a  pour  auteurs,  comme  d'habi- 
tude, MM.  Théodore  Cogniard  etClairville.  Mlle  Judith  Ferreyra 
y  fera  ses  adieux  au  public  des  Variétés.  On  sait  que  cette  jolie... 
fille  du  diable  émigrera  l'an  prochain  vers  le  boulevard  du 
crime,  pour  aborder  le  drame  —  dans  François  les  bas  bleus. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 
SOUVENIRS  Dl)  THEATRE 

(  DE    LA    FIIÏ    DU     XVIII°    SIÈCLE    JUSQU'EX    183©  ). 


MADAME  SCIO 

(Opéra-Comique,  179I-1S07). 

ni. 

Je  ne  ferai  point  ici  l'énumération  de  tous  les  rôles  établis  par 
Mme  Scio  depuis  l'époque  de  son  début  au  théâtre  de  la  rue 
Feydeau,  en  1792,  jusqu'à  la  clôture  de  cette  salle,  qui  eut  lieu 
au  printemps,  en  1801.  J'ai  déjà  dit  quelles  causes  devaient,  à 
la  longue,  assurer  la  victoire  du  théâtre  de  la  rue  Favart  sur 
son  voisin,  de  plus  jeune  âge  et  de  moins  forte  complexion. 
Tous  les  efforts  de  Mme  Scio  ne  purent  suppléer  à  la  faiblesse  de 
son  entourage,  ni  à  l'insuffisance  d'un  répertoire  que  n'alimen- 
taient, dans  ses  dernières  années,  que  d'insignifiantes  produc- 
tions. Mais  le  théâtre  vaincu  conservait  un  avantage  sur  son  heu- 
reux rival;  il  avait  de  bien  meilleures  cantatrices;  aussi,  à  l'é- 
poque de  la  fusion  des  deux  troupes,  réunies  d'abord  sur  la 
scène  de  la  rue  Feydeau,  le  16  septembre  1801,  Mmes  Scio, 
Rolandeau,  Haubert,  Lesage,  se  joignirent  à  la  troupe  de  Favart; 
Lesage  et  Juliet  vinrent  compléter  cet  ensemble  de  talents,  dont 
les  annales  du  théâtre  n'avaient  pas  jusqu'alors  offert  un  exemple 
pareil. 

Mmc  Scio,  fatiguée  par  un  long  travail,  n'apporta  à  sa  nou- 
velle tâche  que  des  moyens  affaiblis.  Heureusement,  le  nouveau 
répertoire  qu'elle  était  appelée  à  faire  valoir  ne  demandait  pas 
d'elle  des  efforts  aussi  soutenus  que  ceux  auxquels  elle  avait  dû 
ses  grands  succès  dans  les  rôles  passionnés  de  Lodoïska,  Ju- 
liette, Médée  et  Calypso.  Camille  ou  le  Souterrain,  Raoul 
Barbe-Bleue,  Zordime  et  Zulnar,  et  Ariodant  furent  les  seules 
pièces  de  son  nouveau  répertoire  où  elle  trouva  à  rappeler  les 


traditions  de  l'ancien .  Dans  ces  divers  ouvrages,  le  rôle  de  prima- 
donna  avait  été  établi  par  d'autres  actrices  ;  mais,  de  chacun  d'eux 
elle  sut  faire  une  création  nouvelle  par  les  nouveaux  effets 
qu'elle  y  introduisit';  elle  fut  sublime  surtout  dans  la  terrible 
scène  de  Barbe-Bleue,  lorsque  la  belle  Isaure  vient  tomber 
inanimée  aux  pieds  de  Vergy,  en  sortant  du  fatal  cabinet  où 
Raoul  entassait  ses  victimes.  Le  cri  déchirant  qu'elle  jetait  alors 
trouvait  un  écho  dans  toute  la  salle. 

Qu'elle  était  touchante  aussi  de  simplicité  et  de  grâce  dans 
Louise,  du  Déserteur,  et  dans  Thérèse,  de  Félix  !  De  quelle  fa- 
çon inimitable  elle  disait,  dans  l'admirable  trio  de  ce  dernier 
ouvrage  : 

Entendez- vous  Félix  ? 

Mon  père  dit  :  Félix, 
Que  n'êtes-vous  l'un  de  mes  fils  ! 

De  1801  à  1806,  Mme  Scio  établit  un  assez  grand  nombre  de 
rôles,  dont  la  moindre  partie  parut  digne  de  son  talent  et  de  sa 
renommée,  mais  qu'elle  accepta,  avec  autant  de  zèle  pour  la 
prospérité  de  son  théâtre  que  de  désintéressement  pour  sa  gloire 
personnelle.  Elle  fut  ravissante  pourtant  dans  la  Fausse  prude 
ou  les  Femmes  entre  elles,  joli  opéra-comique  de  Dupaty  et 
Dalayrac;  elle  y  jouait  le  rôle  d'une  femme  travestie  en  homme; 
et,  à  dix  ans  de  distance,  le  public  crut  revoir  l'aimable  Sarpe- 
jeu,  du  Petit  Matelot. 

Enfin,  le  17  mai  1806,  la  grande  actrice,  interprète  des  chants 
de  Méhul,  reparut  dans  le  drame  lyrique,  genre  où  elle  s'était 
élevée  si  haut  au  début  de  sa  carrière.  En  jouant  le  rôle  de 
Malvina,  de  l'opéra  d'Ulhal,  elle  retrouva  l'ampleur  de  sa  belle 
diction  tragique;  et  ce  rôle,  qui  demandait  moins  de  dépense 
d'organe  et  d'action  scénique  que  ceux  de  Médée  et  Calypso, 
parut  empreint  du  même  charme  que  ceux  de  Juliette  et  de 
Léonore.  Mais  cet  ouvrage,  où  Mme  Scio  était  secondée  à  mer- 
veille par  Solié  et  par  Gavaudan,  n'obtint  qu'un  succès  d'estime 
très-prononcé.  Le  poëme,  parfaitement  écrit  par  M.  Saint- 
Victor,  était  d'une  teinte  trop  sombre  et  trop  uniforme,  et  l'im- 
mense mérite  de  la  partition  de  Méhul  ne  put  racheter  ce  même 
vice  d'uniformité.  Uthal,  dont  le  sujet  était  ossianique,  eut  d'ail- 
leurs le  malheur  et  le  tort  de  se  présenter  en  concurrence  avec 
les  Bardes, de Lesueur,  qui  venaient  d'obtenir, àl'Opéra,  un  suc- 
cès colossal,  succès  qui  s'est  soutenu  pendant  de  longues  an- 
nées. C'est  bien  à  tort  sans  doute  qu'il  n'est  resté  d'Ulhal  que 
le  chœur  du  Sommeil  des  bardes. 

Les  mélodies  de  Méhul  furent,  pour  Mme  Scio,  le  chant  du 
cygne.  Le  dépérissement  de  sa  santé  produisit  chez  elle  le  dégoût 
d'une  profession  à  laquelle  elle  avait  dû  tant  de  succès  et  tant 
de  renommée.  Au  commencement  de  1807,  elle  renonça  à  l'exer- 
cice de  son  art,  autant  par  ennui  que  par  lassitude.  Le  14  juillet 
suivant,  elle  fut  emportée  par  une  phthisie  pulmonaire  dont  les 
progrès  avaient  été  d'une  rapidité  foudroyante. 

Quelques  journalistes  ou  biographes  ont  parlé  avec  peu  de 
eonvenance  des  causes  de  la  mort  prématurée  de  Mme  Scio.  Si 
l'oubli,  qui  s'attache  au  talent  comme  au  nom  de  l'acteur  le 
mieux  aimé,  est  une  des  plus  tristes  conditions  de  cet  état,  l'un 
des  plus  difficiles  de  tous ,  il  en  est  une  plus  triste  encore  : 
c'est  cette  curiosité  indiscrète  qui,  pendant  l'existence  des  per- 
sonnes de  théâtre,  s'applique  à  pénétrer  les  mystères  de  leur  vie 
privée.  Quand  elle  n'offre  point  de  scandale  extérieur,  cette  vie 
n'appartient  pas  plus  au  public  que  celle  des  individus  de  toute 
autre  profession. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


333 


En  m'arrêtant  ici,  je  dois  déclarer  que  je  n'ai  pas  eu  pour  but 
de  donner  la  biographie  complète  d'une  actrice  jadis  célèbre; 
j'ai  voulu  seulement  payer  à  sa  mémoire,  devant  un  auditoire 
fait  pour  me  comprendre,  le  tribut  d'admiration  et  de  reconnais- 
sance que  lui  devaient  mes  souvenirs,  pour  les  grandes  jouis- 
sances d'art  que  son  talent  avait  prodiguées  a  ma  jeunesse.  Au- 
jourd'hui ce  talent  est  quasi  ignoré.  C'est  le  sort  d'un  grand 
nombre  de  noms,  d'un  grand  nombre  d'ouvrages,  qui  n'auraient 
dû  jamais  être  atteints  par  l'oubli.  Mais  cet  oubli  même,  si 
injuste  dans  son  principe  et  si  regrettable  dans  ses  effets,  n'est-il 
pas  moins  fâcheux  encore  pour  les  talents  qui  en  sont  frappés 
que  pour  les  écrivains  qui,  par  ignorance  ou  par  inattention, 
manquent  aux  premiers  devoirs  de  la  critique  littéraire,  dont  ils 
prétendent  être  les  interprètes  et  dont  trop  souvent  ils  ne  sont 
que  les  parodistes? 

P. -A.  Vieillard. 


LE  QUARTIER  DU  NOUVEL  OPERA. 

Voici  quelques  détails,  —  empruntés  à  la  vigie  parisienne  de 
Y  Indépendance  helge,  —  sur  la  planimétrie  du  quartier  de  notre 
nouvel  opéra  et  sur  les  dispositions  générales  de  l'édifice  qui  va 
s'élever  boulevard  des  Capucines.  Ce  n'est  point  une  affaire  in- 
différente ni  pour  la  France,  ni  même  pour  l'Europe,  que  la 
construction  d'une  Académie  impériale  de  Musique  à  Paris. 
Aussi  s'en  est-on  beaucoup  occupé.  Cependant  je  ne  crois  pas 
que  nulle  part  ailleurs  que  dans  les  journaux  spéciaux  peut- 
être  on  ait  donné  des  renseignements  précis. 

Le  monument  aura  la  forme  d'un  carré  long  augmenté  de  ■ 
péristyles  d'entrée  et  de  sortie  en  avant,  en  arrière  et  sur  les 
côtés,  qui  lui  donneront  un  ensemble  qui  pourrait  s'inscrire 
dans  un  ovale  régulier.  Les  lignes  des  quatre  rues  qui  enserrent 
l'Opéra  forment  comme  un  losange  dans  lequel  s'inscrirait  à 
son  tour  l'ovale.  Cet  ovale,  bien  entendu ,  est  purement  idéal. 
Toutefois,  sa  forme  sera  donnée,  je  crois,  par  ces  squares  de 
verdure  qui  accompagneront  désormais  tous  nos  édifices. 

Le  péristyle  de  façade  de  l'Opéra  donne,  comme  on  sait,  sur 
le  boulevard  :  sur  la  façade  latérale  de  droite,  une  vaste  mar- 
quise et  un  élégant  perron  forment  une  descente  à  couvert  pour 
les  abonnés,  et  un  embarcadère  pour  les  voitures  ;  sur  la  façade 
latérale  de  gauche,  au  pendant,  est  l'entrée  particulière  de  l'Em- 
pereur. A  l'arrière  du  monument,  et  comme  répétition  du  péris- 
tyle de  façade,  se  trouvent  la  scène  et  le  bâtiment  affecté  à  l'ad- 
ministration. La  salle  conservera  la  forme  et  la  disposition 
actuelles  qui  ont  été  reconnues  bonnes,  et  prendra  seulement  un 
peu  plus  de  grandeur.  Derrière  toutes  les  loges  il  y  aura  un 
petit  salon.  Au-dessus  du  péristyle  de  façade  seront  les  foyers; 
au-dessus  de  l'entrée  particulière  de  l'Empereur,  ses  salons;  et 
au-dessus  de  la  sortie  des  abonnés,  une  buvette. 

Rien  de  plus  simple,  comme  vous  voyez,  que  le  plan  général 
de  notre  nouvel  Opéra,  et  on  dit  ce  plan  très-réussi,  comme  tout 
ce  qui  arrive  au  simple. 

Mais  quelque  chose  de  tout  à  fait  nouveau  dans  les  principes 
de  notre  édilité,  c'est  l'emploi  presque  exclusif  de  la  ligne  dia- 
gonale pour  toutes  les  avenues  qui  entourent  le  nouvel  Opéra  et 
en  feront  le  centre  du  Paris  fashionable  comme  l'Arc  de  Triom- 


phe de  l'Étoile  sera  le  centre  du  Paris  aristocratique.  Sauf  la 
ligne  horizontale  du  boulevard,  et  la  ligne  verticale  qui,  sera 
donnée  par  la  rue  projetée  qui  va  s'ouvrir  de  la  place  du  Théâ- 
tre-Français au  boulevard,  en  face  de  l'Opéra,  toutes  les  lignes 
sont  fuyantes  : 

Ainsi  la  rue  Lafayette,  qui  va  venir  du  chemin  de  fer  du 
Nord  déboucher  au  côté  droit  de  l'Opéra  ;  ainsi  la  rue  de  Rouen, 
au  coin  de  laquelle  s'élève  déjà  ce  splendide  hôtel  de  la  Paix, 
que  construit  M.  Armand  pour  MM.  Pereire,  et  qui,  venant  des 
chemins  de  fer  de  l'Ouest,  confinera  l'Opéra  sur  la  gauche;  ainsi 
la  rue  de  la  Paix  qui,  de  l'autre  côté  du  boulevard,  semble  conti- 
nuer la  rue  Lafayette  ;  ainsi  une  rue  projetée  qui  partira  de  la 
place  de  la  Bourse  pour  converger  au  boulevard  avec  la  rue  de 
la  Paix  et  continuer  la  rue  de  Rouen  ;  ainsi  encore  la  rue  Moga- 
dor  prolongée,  qui  forme  avec  le  boulevard  et  la  rue  de  Rouen 
le  triangle  occupé  par  l'hôtel  de  la  Paix,  coupe  a  angle  obtus  la 
rue  de  Rouen  devant  l'entrée  de  la  loge  impériale,  longe  à  l'ar- 
rière le  côté  gauche  de  l'Opéra  et  monte  vers  le  nord  de  Paris; 
enfin  une  autre  rue  projetée, qui  commencera  au  boulevard  entre 
la  rue  du  Helder  et  la  rue  Taitbout,  je  crois,  et,  en  montant 
vers  l'Ouest,  viendra  couper  d'abord  la  rue  Lafayette  en  face  le 
perron  de  sortie  des  abonnés  de  l'Opéra,  longer  l'Opéra  sur  la 
droite,  à  l'arrière,  puis  croiser  la  rue  Mogadur,  formant  ainsi 
le  losange  de  la  place. 

Ces  combinaisons  d'effets  obtenus  par  l'entrecroisement  des 
lignes  fuyantes  sont  une  inspiration  de  M.  Haussmann,  qui, dans 
toutes  les  constructions  nouvelles  et  dans  tous  les  tracés  des 
voies  de  communication,  se  préoccupe  beaucoup  de  la  perspec- 
tive et  des  points  de  vue,  ne  bornant  point  son  attention  au 
monument  qu'il  élève  et  à  ses  entours  seulement  comme  on  le 
faisait  trop  souvent  jusqu'alors,  mais  l'étendant  au  dessin  géné- 
ral de  la  ville,  au  rapport  des  monuments  entre  eux,  à  la  ma- 
jesté, à  l'élégance,  au  pittoresque  des  avenues  qui  les  relient. 

On  pourrait  trouver  une  analogie  entre  les  effets  de  l'entre- 
croisement des  lignes  fuyantes  autour  d'une  place  et  ceux  du  jeu 
des  glaces  dans  les  appartements.  Les  perspectives  sont  multi- 
pliées et  s'ouvrent  à  la  fois  dans  les  directions  les  plus  diver- 
gentes. En  tous  cas,  par  l'idée  qu'on  peut  se  faire  des  projets 
d'après  leurs  plans,  je  crois  que  cette  nouvelle  combinaison  des 
lignes  sera  ici  d'un  résultat  bien  plus  heureux  que  n'eût  été  la 
combinaison  ordinaire  des  lignes  verticales  et  horizontales  qui 
forment  l'éternel  carré  de  nos  places  publiques. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  On  écrit  de  Saint-Pétersbourg  que  le  personnel  de  la  troupe  italienne 
est  presque  le  même  cet  hiver  que  celui  de  la  dernière  saison.  11  est  com- 
posé de  Mraes  Emy  Lagrua,  Nantier-Didiée,  Fioretti,  Bernardi,  Dottiniet  La- 
gramenti,  prime  done,  des  ténors  Tamberlick,  Calzolari,  Mongini  et  Bettini- 
Junior,  des  barytons  Graziani,  Everardi,  Debassini,  et  des  bassi  Angelini 
et  Mariani.— MmeRosati  retourne  également  à  Saint-Pétersbourg  et  depuis 
quelques  jours  elle  a  quitté  Paris. 

—  La  saison  des  théâtres  d'opéra  italien  à  Londres  est  à  peine  terminée 
qu'on  s'occupe  déjà  des  représentations  d'opéras  anglais  qu'on  a  l'habitude 
de  donner  en  hiver.  Miss  Pyne  et  51.  Harryson  ouvriront  leur  théâtre  le 
mois  prochain  (salle  Covent-Garden|.  Leur  programme  serait  fort  intéres- 
sant et  se  composerait  entre  autres  de  l'opéra  de  Glover,  Ruy-Blas,  d'un 
ouvrage  que  Balte  achève  en  ce  moment,  ainsi  que  des  opéras  nouveaux 
de  Bénédict  et  de  Schira.  Il  est  également  question  d'une  œuvre  nouvelle 


334 


LE  MÉNESTREL. 


de  Macfarren  et  de  John  Barnett,  et  l'on  aurait  l'intention  de  reprendre  les 
principaux  opéras  à  grands  succès  des  années  précédentes,  notamment  le 
Domino  noir  et  le  Pardon  de  Ploërmel,  les  deux  grands  triomphes  de  miss 
Pyne. 

—  Les  applaudissements  de  la  foule  ont  un  enivrement  dont  les  artistes 
ont  de  la  peine  à  se  sevrer.  On  annonce,  à  Londres ,  la  prochaine  réappa- 
rition en  public  de  Mme  Jenny  Lind  (Mme  Goldschinds).  On  sait,  du  reste, 
que  la  retraite  du  rossignol  suédois  n'a  jamais  été  bien  complète,  nonobstant 
son  mariage  ;  mais  cette  fois  Jenny  Lind  chantera  dans  VÊlie  de  Men- 
delsohn,  qui  sera  exécuté  au  bénéfice  des  pauvres ,  et  ensuite  dans  la 
Création,  de  Haydn,  que  la  Société  philharmonique  se  propose  de  faire  en- 
tendre. 

—  Les  journaux  italiens  parlent  de  l'accueil  enthousiaste  qu'a  reçu 
Mme  Borghi-Mamo  à  l'inauguration  du  nouveau  théâtre  de  Carpi.  La  Fa- 
vorita  a  été  pour  elle  l'objet  d'un  véritable  triomphe.  Le  ténor  Mongini  et 
le  baryton  Cotogni  l'ont,  du  reste,  fort  bien  secondée. 

—  Karl  Eckart,  ex-directeur  du  théâtre  de  la  Porte  de  Carinthie,  à 
Vienne,  est  nommé  maître  de  chapelle  à  Stuttgardt.  On  ne  sait  encore  quel 
rang  il  occupera  à  côté  de  Kucken  ;  on  est  même  assez  étonné  de  cette 
nomination,  vu  la  grande  faveur  et  la  haute  protection  dont  M.  Kucken 
jouissait  dans  cette  ville. 

—  Le  théâtre  de  la  cour  de  Hesse-Cassel  a  joué  un  opéra  nouveau'  de 
Charles  Reiss ,  chef  d'orchestre  à  ce  théâtre.  Cet  ouvrage,  intitulé  Othon 
V archer,  a  été  fort  bien  accueilli. 

—  Nous  avons  annoncé  le  départ  de  Franz  Liszt  pour  la  Silésie,  et  son 
intention  de  quitter  définitivement  Weimar.  La  Gazette  musicale  de  l'Alle- 
magne du  Sud  nous  apprend  aujourd'hui  qu'après  avoir  séjourné  quelque 
temps  en  Silésie  auprès  de  la  princesse  Hohenzollern  ,  le  célèbre  pianiste 
aurait  le  projet  de  se  rendre  en  Grèce  et  de  se  fixer  à  Athènes  pour  une 
année.  Son  absence  de  Weimar  ne  serait  donc  que  temporaire  ;  c'est  du 
moins,  dit  la  Gazette,  l'espoir  de  toute  la  population  artistique  de  Saxe- 
Weimar. 

—  L'année  186!  verra  s'achever  le  nouveau  théâtre  de  Bade.  Les  grands 
travaux  de  construction  sont  terminés,  et  l'on  devine  déjà,  sous  les  écha- 
faudages, les  proportions  élégantes  et  le  caractère  de  la  nouvelle  construc- 
tion. Comme  situation,  le  nouveau  théâtre  ne  laisse  rien  à  désirer  :  il  oc- 
cupe le  centre  de  ce  boulevard  de  verdure  qui  joint  la  Conversation  à 
l'allée  de  Lichtenlhal.  Il  est  désigné  à  l'avance  comme  devant  être  une  aca- 
démie cosmopolite  où  l'art  allemand,  français,  italien,  anglais,  se  rencon- 
treront comme  sur  un  terrain  neutre. 

—  Mme  Carvalho  vient  d'arriver  â  Bade,  et  s'y  est  fait  entendre  en  com- 
pagnie de  Servais,  Sivori  et  Graziani.  On  a  aussi  beaucoup  applaudi,  près 
de  la  grande  artiste,  la  jeune  et  expressive  Maria  Boulay,  aussi  agréable  à 
voir  qu'à  entendre.  Cette  nouvelle  Milanollo  a  fait  une  double  impression 
sur  l'élégant  public  de  Bade.  Elle  est  aujourd'hui  l'objet  de  tous  les  regards 
et  de  toutes  les  conversations. 

—  Le  Moniteur  belge  annonce  qu'une  solennité  d'un  vif  intérêt  se  pré- 
pare à  Bruxelles,  à  l'occasion  de  l'inauguration  d'un  orgue  monumental 
qui  vient  d'être  construit,  par  ordre  du  gouvernement,  dans  les  ateliers 
de  la  Société  anonyme  pour  la  fabrication  des  grandes  orgues,  etc.,  (éta- 
blissement Merklin-Schùtz),  et  qui  est  placé  dans  la  salle  du  palais  des 
Beaux-Arts,  où  se  donneront  désormais  tous  les  concerts  et  concours  du 
Conservatoire.  Le  23  courant,  le  nouvel  instrument  sera  inauguré  dans 
une  séance  solennelle,  où  les  principaux  organistes  belges,  tels  que 
MM.  Callaerts,  organistes  de  la  cathédrale  d'Anvers,  Duguet,  organiste  de 
la  cathédrale  de  Liège,  Lebon,  organiste  de  Lierre,  Mailly  et  Dubois,  orga- 
nistes à  Bruxelles,  Tilbourgs,  professeur  à  l'école  normale  de  Lierre,  et 
enfin  le  célèbre  Lemmens,  feront  entendre  l'instrument.  Cette  séance  sera 
suivie  d'un  concours  d'orgue  pour  les  organistes  du  royaume,  et  des  ré- 
compenses distinguées  seront  accordées  par  le  gouvernement  aux  vain- 
queurs. 

Le  grand  concours  qui  devait  avoir  lieu  aux  prochaines  fêtes  de  sep- 
tembre, à  Bruxelles,  entre  les  différentes  sociétés  d'harmonie  et  de  fanfares 
du  pays  n'aura  pas  lieu.  De  Liège,  l'harmonie  Grétry  était  la  seule  qui  eût 
répondu  à  l'appel  du  gouvernement.  [Meuse.) 

—  Le  grand  festival  des  orphéons  qui  devait  avoir  lieu  à  Paris  dans  le 
courant  de  septembre  a  dû  être  retardé.  Cet  ajournement  est  motivé  dans 


une  lettre  très-explicite  adressée  par  M.  Delaporte  aux  directeurs  des  Or- 
phéons et  Sociétés  chorales  qui  ont  adhéré  au  festival.  L'époque  en  demeure 
aujourd'hui  fixée  au  17-22  octobre  prochain. 

—  Les  artistes  musiciens  de  Marseille  viennent  de  fonder  une  société  de 
prévoyance  et  de  secours  mutuels.  Elle  a  pris  la  dénomination  de  Société 
de  Sainte-Cécile.  M.  Xavier  Boisselot  fait  partie  du  conseil  d'administra- 
tion, et  M.  Auguste  Morel  figure  parmi  les  administrateurs. 

—  Un  fort  beau  concert  a  été  donné  le  6  de  ce  mois  à  Dieppe,  au  béné- 
fice des  artistes  de  l'orchestre,  sous  la  direction  de  leur  digne  chef,  M.  Pla- 
cet.  En  voici  quelques  détails,  empruntés  au  Journal  des  Baigneurs  : 

«  Ainsi  que  nous  l'avions  pensé,  la  société  de  nos  baigneurs  n'est  pas  res- 
tée indifférente  à  l'appel  des  artistes  deM.  Placet.  Un  auditoire  d'élite  et 
des  plus  nombreux  se  pressait  avant-hier  soir  dans  les  salons  du  Casino  au 
concert  qu'ils  donnaient  à  leur  bénéfice. 

«  Les  artistes  de  M.  Placet  ont  fait  tous  leurs  efforts  pour  répondre  aux 
bonnes  dispositions  de  leur  auditoire,  et,  redoublant  de  verve,  ils  se  sont 
surpassés  dans  cette  soirée.  Ils  ont  exécuté  l'ouverture  de  l'Etoile  du  Nord 
avec  un  ensemble  parfait,  et  ont  fait  ressortir  avec  habileté  tous  les  char- 
mes de  ce  morceau. 

«  L'exécution  du  Grand  Septuor  de  Beethoven  est  encore  une  preuve 
de  la  perfection  avec  laquelle  les  artistes  d'élite  qui  composent,  cet  orches- 
tre peuvent  interpréter  les  œuvres  les  plus  difficiles  des  grands  maîtres. 
L'allégro,  l'adagio  et  l'andante  de  cette  composition  du  divin  maestro,  exé- 
cutés par  MM.  Grisez,  Kuschnick  et  Pothin,  et  tous  les  instruments  à  cor- 
des, ont  produit  un  merveilleux  eifet. 

«  La  salle  entière,  se  soulevant  dans  un  élan  d'enthousiasme,  a  salué 
d'applaudissements  pro'ongés  l'œuvre  inspirée  de  Beethoven  et  les  artistes 
qui  l'avaient  si  bien  interprétée.  C'est  la  première  fois  que  ce  morceau, 
qui  fait  les  délices  des  amateurs  d'élite,  a  été  exécuté  à  Dieppe ,  et  le  suc- 
cès qu'il  a  obtenu  nous  fait  espérer  que  ce  ne  sera  pas  la  dernière. 

«  La  Scène  d'Orphée,  exécutée  pour  violon,  orgue  et  piano  ,  par 
Mrae  Mackenzie,  MM.  Coblain  et  Gantier,  a  fait  aussi  le  plus  grand  plaisir. 
Les  apphudissemenls  qui  ont  accueilli  Mme  Mackenzie  (Cathinka  de  Dietz), 
dès  son  apparition ,  témoignent  des  sympathies  que  le  talent  de  l'illustre 
pianiste  conserve  toujours  parmi  les  amateurs  de  bonne  musique. 

«  Dans  l'ensemble  du  trio,  MM.  Coblain  et  Garnier  ont  exécuté  leur  par- 
tie à  la  satisfaction  générale,  et  ont  été  vivement  applaudis. 

«  M.  Saint-Jacome,  l'un  des  solistes  les  plus  remarquables  de  l'orchestre 
des  bains,  a  obtenu  de  son  côté  le  plus  grand  succès,  en  faisant  entendre 
sur  le  cornet  à  pistons  une  fantaisie  sur  le  Barbier  de  Séville,  remarqua- 
blement exécutée. 

«  Dans  l'a  partie  vocale,  M.  Rebsomen,  et  les  chansonnettes  de  M.  Fauvre 
ont  complété  l'attrait  de  cette  soirée,  dont  le  produit  s'est  élevé  à  près  de 
2,000  fr.  » 

—  Quelques  jours  après,  le  violoniste  Accursy  et  sa  femme,  Mme  Accur- 
sy,  pianiste  distinguée,  donnaient  concert  à  Dieppe,  et  appelaient  à  eux 
l'une  de  nos  étoiles  du  Théâtre-Italien,  Mlle  Battu.  La  réussite  ne  pouvait 
être  douteuse,  elle  a  dépassé  toutes  les  prévisions. 

—  Bagnères-de-Bigorre  a  eu,  le  2  de  ce  mois,  un  festival  défrayé  par  un 
personnel  d'artistes  renommés.  Nous  nous  bornerons  à  citer  les  frères  et 
sœur  Dancla,  MM.  Deschamps,  Jules  Lasserre,  Evariste  Dussert,  Adam, 
Haunlz,  chef  d'orchestre  allemand,  Lucien  Dussert,  de  la  société  philhar- 
monique de  Bagnères ,  qui  avait  cédé  ce  jour-là  sa  baguette  de  comman- 
dant à  M.  Soubiès,  président  de  cette  société  et  organisateur  de  la  fête. . 

«  Nous  n'analyserons  pas  un  à  un,  dit  VÈcho  des  vallées,  tous  les  mor- 
ceaux de  ce  concert,  qui  a  tenu  captive  l'attention  de  cette  grande  et  belle 
réunion,  malgré  l'attente  du  bal  ;  mais  nous  ne  saurions  passer  sous  si- 
lence le  beau  chœur  d'Arnaud  Dancla,  si  bien  chanté  par  les  choristes- 
amateurs  de  Tarbes  ;  la  ballade  Page,  Ecuyer  et  Capitaine,  dite  par  une 
fort  belle  voix  de  baryton,  celle  de  M.  D...,  amateur  étranger,  qui  a 
gracieusement  apporté  à  cette  fête  musicale  le  tribut  de  son  talent  ;  le  pré- 
lude de  Bach,  où  le  beau  soprano  de  M110  Evarista  Dussert  s'est  marié  avec 
tant  de  charme  aux  violon  et  violoncelle  des  frères  Dancla,  et  à  l'excellent 
harmonium  tenu  par  M.  Lucien  Dussert,  l'habile  organiste  ;  et  enfin  la  pièce 
la  plus  remarquable,  le  duo  de  Thalberg  pour  deux  pianos,  dans  lequel 
Mllcs  Dancla  et  Dussert  ont  marié  leurs  merveilleux  talents  pour  en  faire 
naître  des  effets  admirables.  »  Enfin,  pour  que  rien  ne  manquât  à  ce  festi- 
val, le  concert  a  été  suivi  d'un  proverbe  d'Octave  Feuillet  et  d'un  bal  des 
plus  animés. 

—  Le  8  de  ce  mois,  la  société  de  secours  mutuels  de  Colombes  a  donné 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


335 


un  concert  avec  la  précieuse  coopération  de  M.  et  Mme  Delolïre,  de  H110  Tre- 
belli,  de  MM.  Jules  Lefort,  Léo  Delibes,  Samary  et  Caneva,  pianiste,  et 
Bretzen,  harpiste.  Parmi  les  morceaux  le  plus  chaleureusement  applaudis, 
nous  citerons  les  fragments  du  Songe  d'une  Nuit  d'été,  la  cavatine  à'Il 
Giuramento  (MUo  Trebelli),  le  duo  concertant  sur  la  Statue  (M.  et  Mme  De- 
loffre),  et  le  Nid  abandonné,  de  Nadaud,  chanté  par  J.  Lefort.  Tous  les  ar- 
tistes ont  été  bruyamment  rappelés. 

—  L'un  de  nos  professeurs  de  chant  les  plus  distingués,  Mme  Eugénie 
Garcia,  est  de  retour  à  Paris,  où  elle  a  déjà  repris  le  cours  de  ses  leçons. 

—  Voici  l'état  des  receues  brutes  qui  ont  été  faites  pendant  le  mois 
d'août  dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit  des  indi- 
gents : 

Théâtres  impériaux  subventionnés 164,224  fr.  49  c. 

Théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles  ' 426,712      60 

Concerts,  spectacles-concerts,  cafés-concerts,  bals.  201,036        » 

Curiosités  diverses 28,471        » 

Total 820,464      09 

—  Ce  soir,  Dimanche,  clôture  du  Concert  des  Champs-Elysées  (dit  Con- 
cert-Musard).  Dimanche  prochain,  22  courant,  premier  concert  de  jour,  de 
deux  à  cinq  heures  du  soir. 


NÉCROLOGIE. 


Mme  Sophie-Gertrude  Goria,  mère  du  pianiste-compositeur 
de  ce  nom,  A.  Goria,  est  décédée  le  3  de  ce  mois,  à  l'âge  de 
76  ans,  au  momeut  où  l'on  venait  de  célébrer  la  messe  du  bout 
de  l'an  de  son  fils,  si  regretté  de  tous  parmi  nous. 

Mme  Goria  avait  elle-même  appartenu  au  monde  musical  et 
y  tenait,  comme  son  fils,  un  rang  très-distingué.  Après  avoir  été 
attachée  à  la  chapelle  de  l'empereur  Napoléon  Ier,  comme  pre- 
mière chanteuse,  elle  faisait  partie  de  la  troupe  du  Théâtre- 


Italien  ;  c'est  elle  qui  eut  l'honneur  de  créer  à  Paris  Don  Juan 
et  les  Noces  de  Figaro. . . .  Elle-même  avait  donné  à  son  fils, 
Alexandre  Goria,  les  premiers  éléments  de  la  musique,  du  sol- 
fège et  du  piano,  jusqu'à  son  entrée  au  Conservatoire,  où  il 
remporta  les  premiers  prix  à  l'âge  de  treize  ans. 

Les  obsèques  de  cette  digne  femme  ont  eu  lieu  à  Neuilly,  sans 
bruit  et  sans  faste,  comme  il  convenait  en  celte  circonstance. 

En  vente  AU  MÉNESTREL ,  2  bis,  rue  Vivienne. 


Hommage  à  Mme  SAGERET,  née  CLAPEYRON. 


N°  1. 

0  SALUT A  RIS, 

Pour  soprano  solo. 

prix  :  1  f.  50  c. 


N°  2. 

AGNUS  DEI, 

Duo  pour  soprano  et  basse. 

prix  :  1  f .  50  c. 


N°  3. 
AVE  MARIA,  pour  soprano  solo.  —  prix  :  2  fr. 

BfloreeaHs:  exéeaités  ù.  la  ISîaiIeleÎBBe. 

PUBLICATIONS  NOUVELLES  DE  LA  MAISON  GIROD, 

Editeur ,  boulevard  Montmartre ,  16. 

Charles  Dupart.  Ecole  moderne  du  piano  : 

Nosl.  Op.  33.  —  25  Études  primaires  très-faciles 12 f . 

2.  Op.  34.  —  25  Études  élémentaires  et  progressives..  12 

3.  Op.  35.  —  25  Études  chantantes  et  progressives 12 

A.  Mansour.  Op.  20.  —  10  Études  d'expression 20 

E.  rVoïlet.         Op.  25.  —  13  Études  de  style 20 

J.-L.  Heugel,  directeur 

J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 

Tvp.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau  ,  8. 


EN  VENTE  AU  MENESTREL,  2  BIS,  RUE  VIVIENNE. 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO 


Opéra-comique  eus  un  acte,  paroles  «le  MU.  If  E©T©ït  €KÉMSEUS.  et  ÏLUIf  ®"¥ï€  SI AïLÉWïT. 

—  AIRS  DÉTACHÉS,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT.  — 

TABLE  DES  MORCEAUX  DE  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO. 


1.  Prenez  garde  à  vous,  couplets  chantés 

par  M118  Chabert 2  50 

2.  La  belle  eau  claire  ,  chanson  à  boire,  par 

Mlle  Pfotzer 2  50 

2  bis.  La  même,  transposée  pour  contralto 

ou  baryton 2  50 


3.  Couplets  du  Petit  clerc  Friquet ,  chantés 

par  M.  Bâche 2  50 

4.  Autrefois,  Aujourd'hui,  ronde  des  clercs.    2  50 

5.  Toutes  les  femmes  sont  à  nous ,  valse  des 

clercs,  à  une  ou  deux  voix 3  75  et  4  50 


6.  Duo  et  Chanson  de  Fortunio,  chantés  par 

ll"es  Chabert  et  Pfotzer 6    » 

6  bis.    Chanson  de   Fortunio,  extraite  du 

duo  ,  pour  soprano  ou  ténor 2  50 

6  ter.  La  même ,  transposée  pour  baryton 

ou  contralto 2  50 


Partition  in-8°  :  Texte ,  chant  et  piano.  Prix  net  :  7  francs 
FORTUNIO.         —       Morceaux  et  arrstsigeissents  pour  piano. 

6 
6 


FORTUmO. 


-t.  Battmann.  Fantaisie  variée 5    » 

Burgmniicr.  Valse  de  salon 6    » 

—  La  même  à  4  mains 7  50 

—  La  même  en  feuille 2  50 


a.  Croisez.  Morceau  de  salon 

Paul  Bernard.  Barcarolle  et   Chanson   de 

Fortunio ,  transcriptions 

m.  Taliquet.  Concerts  des  Bouffes-Parisiens, 

petites  fantaisies  sans  octaves.  Chacune.    3    » 

Musard. —  Polka-mazurka  des  Clercs....  5  fr. 


Strauss.   Quadrille  de   Fortunio,  à   deux 

mains 4  50 

—         A  quatre  mains 4  50 

Pli.  stutz.  Fortunio-Polka 4  50 


Le  Financier  et  He  Savetier 

Le  GG 

La  Bonne  d'enfant 

Les  Trois  Baisers  du  lîïafoSe . . . 

Croqueffer 

La  BenioïseBle  en  loterie 

Dragonnette 

Le  Mariage  aux  lanternes 

La  Chatte  métamorphosée 


PARTITIONS  IN-8\  PIANO   ET  CHANT 

Orphée  ans  Enfers 8 

Un  Mari  à  la  porte 5 

Geneviève  de  Brabant 8 

Chanson  de  Fortunîo 7 

A.  VARNEYi 

PoSSsa  des  Sahots 5 

ERNEST  L'ÉPINE. 

Croqu  Dg'iaoBe  XXXVI 5 

LÉO  DELIEES. 

Six  ©emoiseBBes  à  niaricr '.  S 


GUSTAVE  HECQUET. 
Clarinette  et  Gros-Réné. . . . 


EMILE  JOUAS. 

Les  Petits  prodiges -S 

CH.  LAFORESTRIE. 
Simiomne S 

PAULINE  THYS. 
La  Pomme  de  Turquie 5 

DE  SAINT-RÉIVIY. 
Le  Mari  sans  le  saioïr 5 


MORCEAUX  DÉTACHÉS  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO. 


LE  FINANCIER  ET  LE  SAVETIER. 

Ronde.         N°  1,  en  feuille 2  50 

N°  2,  en  morceau 4  50 

LE  66. 

Tyrolienne.  N°  1 ,  à  une  voix 2  SO 

N°  2,  à  deux  voix 4  50 

LES  TROIS   BAISERS  DU  DIABLE. 

Couplets.      N°  1.  Quand  les  amoureux 2  50 

N°  2.  Ah!  si  j'étais ■ 2  50 

Duo  bouffe.  N°  3.  Une  Oie! 7  30 

Couplets.      N°  4.  Ça  reluit 3    » 

N°  5.  Chanson  à  boire 3    » 

GENEVIÈVE  DE  BRABANT. 

i.  Ronde  de  Mathieu-Laensberg 4  50 

2.  Cocorico,  couplets  de  la  Poule 2  50 

3.  Couplets  de  la  fille  à  Mathurin,  1  et  2. . . .  2  50 

4.  Ballade  du  Cœur  perdu,  1-2 2  50 

5.  Boléro  de  Charles-Martel 2  50 

6.  Quatuor  de  la  Fanfare 2  50 

7.  Chanson  de  l'Enfant  ,1-2 2  50 

8.  Ronde  des  Jeux 5    » 

9.  Couplets  du  retour  de  la  Palestine .  2  50 

Livret,  texte  seul »  50 

MORCEAUX,  VALSES, 

F  LE  FINANCIER  ET  LE  SAVETIER. 

♦Strauss.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50 

Cari  Men.   Mosaïque  dansante 

N°  1.  Polka 2  50 

N°  2.  Valse 2  50 

N°  3..  Polka-Mazurka 2  50 

LE  66. 

Saïomion.  Valse-Tyrolienne,... 450. 

LES  TROIS  BAISERS   DU    DIABLE. 

♦Musard.  Quadrille 4  50 

CROQUEFER. 

♦Strauss.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50 

d.  Ch.  Hess.  Mosaïque  dansante  [recueil)  4  50 

N°  1.  Valse 2  50 

N°  2.  Polka 2  50 

N»  3.  Galop 2  50 

GENEVIÈVE  DE  BRABANT. 
J-L.  Battmann.  Chanson  de  l'Enfant..  5    » 

♦Arban.  Quadrille,  un  Bal  chez  Golo 4  50 

*Strauss.     Id.        2  et  4  mains 4  50 

*       Id.         Polka  du  départ,  2  et  4  mains..  4  50 

E.  Besgranges.  Polka  des  Jeux 4  50 

Philippe  Stutz.  Cocorico,  polka 4  50 

L.  MicBieBi.  Polka-maz. des  Baigneuses..  4  50 
*Musard.  Valse  sur  les  couplets  de  l'Enfant.  5    » 

Id.        La  même  en  feuille 2  50 

LA   DEMOISELLE   EN   LOTERIE. 

♦Strauss.  La  Bohémiana.  Polka 3  75 

d.-L.  Battmann.  La  Bohémiana,  fan- 
taisie-polka   4  50 

DRAGONNETTE. 

d.  Ch.  Hess.  Valse 4  50 

N.  B,    Les 


CROQUEFER 

Ballade  de  Croquefer 2  50 

Galop.    Le  bal  de  l'Opéra,  à  une  voix 2  50 

d"  à  deux  voix 3  75 

LE  MARIAGE  AUX  LANTERNES. 

Chanson  à  boire 2  50 

LA  CHATTE  MÉTAMORPHOSÉE 

Couplets  de  Miaou.  N°  1.  en  feuille 2  50 

D°  N°  2.  en  morceau. 3  75 

CROQUIGNOLE  XXXVI. 

Ronde  du  pont  de  Nantes ,  1  et  2 

Rondo  du  magicien  Tarabisco 


2  50 
2  50 


CARNAVAL  DES  REVUES. 
Tyrolienne  de  l'Avenir ,  1  et  2 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO. 

N°  1.  Prenez  garde  à  vous,  couplets 

2  et  2  bis.  Chanson  à  boire 

3.  Couplets  du  petit  clerc 

4.  Ronde  des  clercs 

5.  Valse  des  clercs ,  à  2  voix 

5  bis.  La  même  à  une  voix 

6.  Duo  et  chanson  de  Fortunio 

6  bis  et  6  ter.  Chanson  de  Fortunio 


2  50 


2  50 
2  50 
2  50 

2  50 
4  50 

3  75 
6  » 
2  50 


ORPHEE  AUX  ENFERS. 


Couplets  du  berger  joli 

Duo  du  concerto 

Chanson  paslorale 

Évocation  à  la  mort 

Duettino  de  l'Honneur  et  de  l'Amour. 
Couplets  de  Cupidùn  et  de  Vénus. . . . 

Ronde  de  Diane  et  Actéon 

Chœur  de  la  révolte 

Couplets  à  Jupin 

Final,  chœur  et  galop 

Couplets  du  roi  de  Béotie 

Duo  de  la  Mouche 

Chœur  infernal 

Hymne  à  Bacchus 


LE  MARI   SANS  LE  SAVOIR 

Le  Bal,  valse  chantée 

Chanson  nègre 


UN  MARI  A   LA  PORTE. 

Valse  tyrolienne,  1  et  2 

Couplets.  Tu  l'as  voulu,  Georges  Dandin. . 

LES  PETITS  PRODIGES 

Couplets.  Tur  lu  tu  tu 

Valse  de  la  basse-cour 


LA  DEMOISELLE  EN    LOTERIE. 
Chanson  bohémiana 


POLKAS,  MAZURKAS  ET  QUADRILLES,  POUR  PIANO. 

UN  MARI   A   LA   PORTE. 

♦Musard.  Valse-tyrolienne 


4  50 
3  75 


LE    MARIAGE   AUX    LANTERNES. 
♦Strauss.   Quadrille,  2  et  4  mains 

♦  Id.  Polka 

d.-L.  Battmann.  Mosaïque 5    >> 

LES  SIX  DEMOISELLES    A   MARIER. 

♦Musard.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4,  50 

LES  PETITS   PRODIGES. 

♦Strauss.  Quadrille  à  2  et  4  mains 4  50- 

H.  Valiquet.  Quadrille  facile 4  50 

d.  Offlfenfoach.  Valse  de  la  basse-cour. . .  4  50 

CROQUIGNOLLE    XXXVI. 

♦Strauss.  Quadrille 4  50 

♦  Arban. PolkasurlarondeduPontdeNanles  4  50 
Philippe  Stutz.  Polka-mazurka  sur  la 

ronde  de  Tarabisco 4  50 

POLKA    DES  SABOTS. 

♦Wagner.  Quadrille 4  50 

♦Strauss.   Polka 4  50 

ORPHÉE  AUX    ENFERS. 

♦Strauss.  1er  Quadrille  à  2  et  4  mains —  4  50 

Adhémar  «le  Foucault.  2°  quadrille.  4  50 

♦Arban.  Quadrille 4  50 

♦Strauss.  Polka,  à  2  et  4  mains 4  50 

♦Musard.  Valse 5    » 

A.  Talexy.    Polka-mazurka 5     » 

lï.  Valiquet.  Quadrille  facile 4  50 

d.-L.  Battmann  Fantaisie  facile 5    » 

A.Long'ueviBBe.ChansonduroideBéolie  6     >> 

H.  RoselBcn.  Fantaisie .6    » 

F.-L.  Srhultcrt.  Grand  galop 4  50 

A.  Thadeivaldt.  Jupiter,  polka 3  75 

F.  BrïssBer.  2e  grande  valse 5     » 

Ph.  Stutz.  John Slyx,  polka-mazurka. ..  4  50 
d.-L.  Battmann.  Menuet  et  galop. .. .  5     » 


d.  OiFenbach.  Valse  de  l'ouverture. . 
MARINETTE  ET  GROS-RÉNÉ. 

d.  Ch.  Mess.  Mazurka 

LA  POMME  DE  TURQUIE. 
11.  VaBiqoae*.  Rosette 


2  50 

5  » 
2  50 

2  50 
4  50 

3  » 
2  50 

2  50 

2  50 

6  » 


4  50 
2  50 


4  50 
2  50 


2  50 
4  50 


5    » 
5    » 


CARNAVAL  DES  REVUES. 

'Musard.  Quadrille,  2  et  4  mains. . . 


Id.  Polka-mazurka  de  l'Avenir 

♦OBTeBuBsaelB.  Polka  des  Timbres 

d.-L.  Battmann.  Tyrolienne  de  l'Ave- 
nir  ■ 

♦OfflfenbacBt.  Symphonie  de  l'Avenir,   : 
4  mains 

LA  CHANSON  DE  FORTUNIO. 
d.-L.  Battmann.  Petite  fantaisie  variée. 

F.  Burgmuller.  Valse  de  salon 

La  même  à  4  mains. . 
d°      en  feuille. . 

Paul  Bernard.  Transcription , 

A.  Croisez.  Morceau  de  salon 

♦Strauss.  Quadrille 

Le  même,  à  4  mains 

Ph.  Stutz.  Polka 

LE  MARI  SANS  LE  SAVOIR. 

♦Strauss.  Le  Bal,  valse 

Id.  Quadrille 


4  50 
h  50 

4  50 


4  50 


5  » 
7  50 
7  50 
2  50 

6  » 
6  » 
4  50 
4  50 
4  50 


6    » 
4  50 


H.  Valiquet.  Concerts  des  Bouffes-Pari- 
siens, 18  petites  fantaisies,  chacune 


Morceaux  marqués  d'une  ♦  sont  publiés  pour  orchestre  et  septuor. 


784.  —  28e  Année. 

MP  43. 


TABLETTES 
PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  22  Septembre 

1861. 


L£i£S 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédacl'  en  cht-f. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  O,  éditeurs. 

(Au  Magasins  et  Abonnement  île  Musique  du  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  île  Pianos  et  Org 


CHANT. 

1"  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  JO  Ilorcei 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  1  Aliin 
primes très.  —  Un  an  :  15fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2°  J!/o(/e  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  «O  Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albiinm- 
nrïincs  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


3«  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  i 


CHANT  ET  PIANO    KEt'NIS  I 

nplct,  les  52  Morceaux  de  citant  et  de  piano,  les  t  Album 


i-primes  illustrés 


ouscril  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  UEIir.EI.  et  t.'",  éditeurs  du  Ménestrel  et  de/i  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vi  vienne. 
(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères, 


u-Jacques Rousseau,  8.  —  562a 


SOMMAIRE. 


TEXTI 


I.  Deuxième  Lettre  d'un  bibliophile  musicien.  J.  d'Ortigde.  —  II.  Tablettes  du 
pianiste  et  du  chanteur:  De  l'Origine  du  piano.  A.  Cngebet  et  J.-L.  Heugel. 
—  111.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  — IV.  Théâtre  des  Bouffes-Parisieus  :  1"  re- 
présentation de  M .  Choufleury  restera  chez  lui  le.. .  J.  Lovy.  —  V.  lre  repré- 
présentation  de  la  Lionne  de  Trouville.  Le  marquis  de  Lassay.  —  VI.  Nou- 
velles, nécrologie  et  annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

La  transcription  de  Ch.  Neustedt  sur  l'ALCESTE  de  GLUCK. 

Suivra  immédiatement  après  :  La  Polka-mazurka  des  Clercs,  composée 
par  Musard,  sur  la  Chanson  de  Fortunio,  opéra  de  J.  Offenbach. 

CHANT: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

LE   CHANT  BU  MARIN 

Paroles  de  5Ple  Clara  Reïnard,  musique  de  M1Ie  Robert  Mazel.  —  Sui- 
vra immédiatement  après  :  Charmants  Tyrans  du  cœur,  paroles  et 
musique  de  Dorval  Valentiko. 


LETTRES  D'UN  BIBLIOPHILE  MUSICIEN 

AU  DIRECTEUR  DU  MÉNESTREL. 

II. 
UN    SERPENT. 

Mon  cher  directeur , 

Vous  avez  bien  voulu  reproduire,  il  y  a  quelques  mois,  dans 
le  Ménestrel,  une  ou  deux  anecdotes  musicales  que  j'avais  pu- 
bliées dans  le  Journal  des  jeunes  personnes,  sous  le  titre  de  : 
Un  Quatuor  patriarcal.  Je  suis  sensible  à  l'honneur  que  vous 
avez  fait  à  ma  prose,  en  la  faisant  ainsi  passer  sous  les  yeux  de 


vos  abonnés.  Je  croyais  n'avoir  à  parler  que  devant  un  cercle  de 
petites  rieuses,  plus  rapprochées  de  l'enfance  que  de  l'adoles- 
cence, et,  tout  à  coup,  vous  me  donnez  pour  auditoire  ce  qu'il 
y  a  de  plus  distingué  parmi  les  artistes  et  les  amateurs  de  musique 
de  Paris  et  des  départements. 

Je  ne  sais  pourtant  si  je  dois  pousseT  plus  loin  l'expression  de 
ma  reconnaissance,  car,  très-involontairement  sans  doute,  mais 
très-positivement  aussi,  vous  avez  mis,  sous  ma  plume,  une  grosse 
injure  à  l'adresse  de  ces  mêmes  amateurs.  Oh!  ne  vous  ré- 
criez pas!  Cela  est  ainsi.  Quand  je  dis  vous,  ce  n'est  peut-être 
pas  vous,  monsieur  l'Éditeur,  mais  c'est  alors  vous,  monsieur 
l'Imprimeur,  qui  êtes  le  premier  coupable;  mais  c'est  toujours 
vous,  monsieur  l'Éditeur,  qui  devez  corriger  les  fautes  de  votre 
imprimeur,  sous  peine  de  les  endosser,  a  moins  que  vous  ne  les 
fassiez  endosser  au  pauvre  auteur,  ce  qui  est,  en  effet,  plus  com- 
mode. 

Or,  voici  en  quoi  consiste  cette  grosse  injure.  Ainsi  que  je  l'ai 
dit,  mon  article  était  intitulé  :  Un  Quatuor  patriarcal.  Ces 
mots  étaient  imprimés  en  grosses  capitales  dans  le  numéro  de  dé- 
cembre 1860,  du  Journal  des  jeunes  personnes.  Vous,  — vous, 
Éditeur,  vous,  Imprimeur,  peu  importe,  — me  faites  dire:  Un 
Quatuor  d'amateurs.  Ma  foi,  cher  directeur,  ceci  est  grave!  Moi, 
qui  professe  une  haute  estime  pour  les  amateurs  en  général,  et 
en  particulier  pour  les  Cap,  les  David,  les  de  Trémont,  les  Qui- 
nefault,  les  Raoul,  les  de  Sayve,  les  de  Bèze,  les  Brochant  de 

.Villiers,  les  de  Rémusat,  les  Lecourt,  les  de  Sauzay,  les et 

cœtera,  et  coetera,  car  la  liste  est  longue  ;  moi,  qui  connais  des 
quatuors  d'amateurs  presque  aussi  parfaits  que  des  quatuors 
d'artistes,  vous  voulez  que  j'enveloppe  tous  ces  amateurs  dans  la 
même  réprobation,  et  que  je  les  suppose  tous  capables  de  jouer 
un  quatuor  de  Pleyel  à  trois,  en  supprimant  la  partie  d'alto,  et 
un  quatuor  de  Beethoven  à  cinq,  en  doublant,  par  une  guitare, 
la  partie  de  second  violon  !  Non,  mon  cher  directeur,  je  proteste, 
je  me  révolte,  je  m'insurge  contre  une  aussi  calomnieuse  suppo- 


338 


LE  MÉNESTREL. 


silion,  non  moins  insultante  pour  moi  que  pour  lesdits  ama- 
teurs, et,  puisque  j'ai  la  plume  en  main,  souffrez  que  j'en  profile 
pour  écrire  au  beau  milieu  de  votre  journal,  ces  mots  : 

ERRATA. 

Voir  les  numéros  du  Ménestrel  qui  contiennent  un  article 
intitulé  :  Un  Quatoor  d'amateurs;  effacez  et  lisez  :  Un  Quatuoii 

PATRIARCAL. 

Voilà  qui  est  dit.  Je  me  tiens  pour  satisfait. 

Quoi  qu'il  en  soit,  mon  cher  directeur,  cet  article  me  valut 
une  jolie  lettre  d'un  amateur  distingué,  homme  de  trop  d'esprit 
pour  se  formaliser  de  mon  titre  malencontreux,  et  qui  voulut 
bien  ajouter  une  nouvelle  anecdote  aux  deux  que  j'avais  racon- 
tées. Cet  amateur  est  M.  Carlier  aîné,  ancien  agent  de  change  à 
Dunkerque.  Je  ne  saurais  mieux  faire  que  de  copier  littéralement 
sa  lettre.  Je  me  trouve  néanmoins  embarrassé  dès  les  premiers 
mots,  à  cause  d'une  épilhète  flatteuse  dont  mon  aimable  corres- 
pondant m'a  gratifié,  et  que  j'aurais  peut-être  l'air  de  m' attri- 
buer à  moi-même  en  la  répétant.  Je  ne  doute  pas  que  si  je  vous 
consulte  sur  ce  point,  vous  n'hésitiez  pas  à  me  dire  qu'il  faut 
savoir  me  mettre  au-dessus  de  ces  petites  affectations  de  modestie, 
et  que,  puisque  M.  Carlier  est  un  homme  excessivement  poli,  je 
dois  lui  laisser  tout  le  mérite  de  sa  courtoisie. 

Je  transcris  donc  la  lettre  de  M.  Carlier,  sans  aucun  scrupule 
pour  le  spirituel  récit  que  je  lui  renvoie  à  bon  droit. 

Paris,  Il  juillet  1861. 

A  m.  d'ortigue,  au  Ménestrel. 

Monsieur, 
Votre  spirituel  récit  du  Quatuor  d'amateurs  (sic),  m'a  fort  réjoui,  en  me 
rappelant  une  scène  du  même  genre  qui  m'est  arrivée  à  moi-même,  et  que 
je  suis  tenté  de  vous  raconter. 

C'était  en  1808;  j'avais  alors  14  ans,  et  je  jouais  passablement  du  violon, 
à  preuve  que  nous  exécutions  tout  Haydn ,  Boccherini ,  que  les  anciens 
appelaient  h  femme  de  Haydn,  Mozart,  les  premiers  quatuors  de  Beetho- 
ven, même  les  trois  grands  dédiés  au  prince  Radoumowski.  Vous  voyez 
déjà  que  je  n'habitais  pas  Paris,  et  que  je  suis  d"un  département  qui,  en 
fait  de  musique,  a  devancé  de  beaucoup  la  capitale.  Il  y  a  plus  de  trente 
ans  que  nous  y  chantions  l'Oberon,  de  Weber,  Jessonda,  de  Spohr,  Can- 
temir,  de  Fesca,  que  Paris  connaît  à  peine.  Bref,  j'étais  Flamand,  du  dé- 
partement du  Nord.  Ami  intime,  dès  ce  temps-là,  de  de  Coussemaker,  au- 
teur de  V Histoire  de  l'harmonie  au  moyen  âge,  j'ai  été  fort  lié  avec  le  bon 
Niedermeyer,  que  nous  venons  de  perdre,  et  je  le  suis  encore  avec  Char- 
reire,  l'aveugle,  organiste  de  Limoges. 

Je  vous  cite  tout  cela,  Monsieur,  pour  vous  persuader  que  j'ai  connu,  et 
que  je  connais  mieux  en  musique  que  ce  que  je  vais  vous  raconter. 

Donc,  je  jouais  assez  proprement  du  violon  en  1808  ;  j'avais  entendu 
Rode  et  Lafont,  tour  à  tour  de  passage  à  Dunkerque,  et,  en  outre  de  la 
bonne  musique  que  nous  faisions  avec  un  groupe  d'assez  bons  amateurs, 
mon  maître,  qui  était  glorieux  de  son  élève,  me  mettait  volontiers,  comme 
on  dit,  à  toute  sauce. 

Or,  un  jour  il  arriva,  dans  la  localité,  un  nouveau  musicien  qui  s'offrit 
pour'jouer  la  partie  de  cor  à  l'orchestre  du  théâtre  ;  mais,  vous  savez  qu'eu 
province,  tout  en  jouant  d'un  instrument  à  vent,  on  a  besoin  de  plusieurs 
cordes  à  son  arc  pour  faire  flèche,  c'est-à-dire  pour  gagner  sa  vie.  Après 
avoir  soupe  du  théâtre,  notre  musicien  avisa  qu'il  pourrait  bien,  le  lende- 
main ,  déjeuner  de  l'autel.  Il  se  présenta  donc,  en  qualité  de  serpent,  au 
voyal  de  la  paroisse.  Pour  être  agréé  à  cet  emploi,  il  lui  fallait  prouver 
qu'il  était  capable  de  le  remplir,  et  mon  maître  de  violon,  qui  le  patronait, 
ne  trouva  rien  de  plus  décisif  que  d'annoncer  une  séance  solennelle,  où 
l'on  entendrait  un  serpent,  mais  un  serpent  des  plus  agréables,  comme 
dit  Molière ,  descendant  en  droite  ligne  de  celui  qui  séduisit  notre  grand"- 
mère  Eve.  Au  jour  fixé,  ce  fut  moi,  Monsieur,  qui  fus  choisi  pour  lui  don- 
ner la  réplique,  et  voici  dans  quel  morceau.  Nous  jouâmes  un  quatuor  de 
Haydn,  de  l'œuvre  33,  s'il  m'en  souvient,  dans  lequel  ce  fut  un  serpent  qui 
fit  la  partie  de  violoncelle  t.. .  et  cela,  Monsieur,  devant  un  auditoire  de 


soixante  personnes,  venues  de  toutes  parts  pour  entendre  celle  merveille  ! 

Depuis  lors,  grâce  à  ma  complaisante  entremise,  j'ai  eu  le  plaisir  de  voir, 
pendant  plus  de  25  ans,  ce  serpent  dessiner  sa  noire  silhouette  sur  le  blanc 
surplis  de  son  maître,  et  d'entendre  ses  mugissements  accompagner  les 
chantres  aux  processions  de  la  paroisse.  Aujourd'hui,  il  y  a  53  ans  de  cela, 
j'en  frémis  encore,  et  je  bénis  le  ciel  qui  nous  a  délivré  du  Serpent,  ce 
monstre  odieux,  au  dire  de  Boileau. 

Agréez,  Monsieur,  mes  salutations  les  plus  cordiales, 

CARUEH. 

Voilà  une  anecdote  piquante ,  mou  cher  rédacteur  ;  de  plus, 
gentiment  narrée,  et  je  suis  bien  aise  d'èlre  pour  quelque  chose 
dans  sa  publicité.  Mais,  avez-vous  remarqué  la  phrase  où  mon 
honorable  correspondant  dit  avec  beaucoup  de  finesse  :  «  Vous 
voyez  déjà  que  je  n'habitais  pas  Paris  »?  Eh  bien!  mon  cher 
directeur,  ce  que  M.  Carlier  dit  de  certaines  villes  du  Nord,  qui, 
en  fait  de  musique,  avaient  devancé  la  capitale,  je  le  puis  dire 
avec  autant  de  raison  de  certaines  villes  du  Midi.  Oui,  à  Nismes, 
il  y  avait  une  société  d'amateurs  qui  exécutaient  les  derniers  qua- 
tuors de  Beethoven  ,  alors  qu'ils  étaient  inconnus  à  Paris.  Rossi, 
le  fameux  dentiste  de  la  place  des  Victoires,  que  plusieurs 
d'entre  nous  ont  connu  ,  qui  avait  chez  lui  deux  séances  de  qua- 
tuors par  semaine,  m'a  affirmé  le  fait.  J'ai  entendu  moi-même 
à  Marseille  ces  mêmes  quatuors  de  Beethoven,  et  quatre  ou 
cinq  symphonies  du  maître ,  la  première  en  ut,  la  deuxième  en 
ré,  la  troisième  (l'Héroïque),  la  Pastorale,  exécutées  cinq  ou  six 
ans  avant  la  fondation  de  la  Société  des  concerts. 

Maintenant,  mon  cher  directeur,  je  vous  devine,  vous  vous 
adressez  au  bibliophile,  et  vous  désirez,  puisque  nous  voilà  à 
peu  près  délivré  du  Serpent  dans  les  églises,  qu'avant  de  termi- 
ner ma  lettre,  je  vous  donne  quelques  renseignements  sur  l'ori- 
gine du  rauque  et  énorme  reptile  qui  enlaçait  jadis  le  lutrin  de 
ses  replis  ; 

Sa  croupe  se  recourbe  en  replis  tortueux. 

Voici  ce  qu'en  dit  l'abbé  Lebeuf  dans  le  Mercure  de  France 
de  juillet  1725,  p.  1602  :  «  Si  l'on  pouvoit  juger  des  siècles  pas- 
sés par  ce  qui  se  voit  aujourd'hui,  on  pourroit  dire  que  du  temps 
de  saint  Germain,  on  jouoit  du  Serpent  dans  l'église  de  Notre- 
Dame  (de  Paris)  :  Inde  senex  largam  ructat  ab  ore  tubam.  Y 
a-t-il  un  instrument  de  l'église  qui  mérite  mieux  le  nom  de  lar- 
ga  tuba  qu'un  serpent?  Néanmoins,  on  ne  peut  pas  traduire 
ainsi  la  pensée  de  saint  Fortunat,  parce  qu'il  est  certain  qu'il  n'y 
a  guère  que  six  vingt  ans  que  cet  instrument  a  été  inventé  en 
France,  ainsi  qu'il  est  marqué  dans  un  des  Mercure.  » 

Celte  dernière  indication  est  précieuse,  en  ce  qu'elle  fait  re- 
monter l'usage  du  serpent  parmi  nous,  environ  à  l'année  1605. 
Vous  avez  vu,  dans  ma  précédente  lettre,  les  Serpents  d'Avignon, 
canonner  les  oreilles  du  bon  Louis  XIII,  à  son  entrée  dans  la 
ville  des  papes,  en  l'an  de  grâce  1622. 

Mais  ce  que  beaucoup  de  gens  ignorent,  c'est  qu'un  professeur 
de  serpent  'a  Paris,  nommé  Imbert,  de  Sens,  a  publié  un  livre 
dont  le  titre  est  fort  curieux.  Je  le  donne  tout  au  long  : 

«  Nouvelle  méthode  ou  principes  raisonnes  du  plain-chant 
dans  sa  perfection,  tirés  des  éléments  de  la  musique,  contenant 
aussi  une  Méthode  de  Serpent  pour  ceux  qui  en  veulent  jouer 
avec  goût,  où  l'on  trouve  des  cartes  pour  apprendre  à  connoi- 
tre  le  doigter,  etc.  On  y  trouvera  aussi  des  pièces  de  basses,  des 
variations  et  des  accompagnements  pour  ledit  instrument.  — 
Sans  avoir  recours  à  d'autres  livres,  les  maîtres  trouveront  dans 
ladite  méthode  toutes  sortes  de  pièces  de  chant  choisies,  comme 
duo,  trio,  quatuors,  messes,  proses,  hymnes,  antiennes,  répons, 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


339 


et  autres  pièces  de  composition  en  parties,  pour  enseigner  à 
leurs  élèves.  Paris,  chez  la  ve  Ballard,  1780,  268  pp.  in-12.  (La 
maison  même  de  l'imprimerie  du  Ménestrel.) 

Des  variations!  avez-vous  entendu?  Des  variations  pour  le 
serpent  ! 

Quand  vous  aurez  bien  savouré  tous  les  charmes  de  ce  titre, 
adressez-vous,  mon  cher  directeur,  au  bibliophile  par  excellence, 
le  savant  M.  Anders.  Il  vous  en  dira  bien  d'autres  sur  l'histoire 
de  ce  désastreux  engin,  comme  l'appelait  M.  F.  Danjou. 

J.  d'Ortigce. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


DE  L'ORIGINE  DE  PIANO. 


Nous  avons  publié,  il  y  a  quelques  semaines,  plusieurs  articles 
de  M.  G.  Bénédit  sur  l'Exposition  universelle  de  Marseille  dans 
laquelle  les  instruments  de  musique  occupaient  une  assez  large 
place.  M.  Bénédit  ne  s'était  point  borné  à  une  simple  nomencla- 
ture des  instruments  exposés.  Pour  donner  de  l'intérêt  à  son  tra- 
vail, il  avait  traité  en  musicien  littérateur,  non-seulement  l'ori- 
gine des  instruments,  mais  aussi  leur  transformation,  en  parlant 
des  grands  artistes  dont  le  nom  se  rattache  de  loin  ou  de  près  à 
cette  transformation.  Le  piano  ne  pouvait  être  et  n'était  point 
oublié  dans  cet  aperçu  historique,  et  c'est  à  ce  sujet  que  nous 
avons  reçu,  en  son  temps,  la  lettre  suivante,  que  nous  insérons 
un  peu  tard  dans  ces  Tablettes  du  pianiste,  la  place  nous  ayant 
manqué  jusqu'ici.  Il  va  sans  dire  que  nous  publions  ce  docu- 
ment sous  toutes  réserves,  nous  tenant  prêt  à  accueillir  toute  rec- 
tification de  nature  à  éclairer  la  question. 


a  monsieur  le  directeur  du  Ménestrel. 
Monsieur , 

Je  viens  faire  quelques  observations  relativement  a  l'article 
publié  par  le  Ménestrel,  le  18  août  1861,  et  signé  :  G.  Bé- 
nédit. Cet  article,  excellent  quant  au  fond,  contient  quelques  er- 
reurs que  je  vais  essayer  de  relever. 

Je  ne  vous  présenterai  pas  mes  données  comme  certaines  ;  je 
n'ai  d'autre  prétention  que  de  faire  profiter  vos  lecteurs  du  fruit 
de  mes  recherches. 

M.  Bénédit  attribue  l'invention  du  piano  à  Cristofari,  en  l'an- 
née 1718.  Nos  dates  ne  sont  pas  très-éloignées  l'une  de  l'autre, 
puisque  je  donne,  comme  date  de  l'invention,  1717,  seulement 
nous  ne  sommes  pas  d'accord  sur  les  noms  propres.  D'après  mes 
éludes,  l'inventeur  du  piano  est  Emmanuel  Schrceder  de  Hohen- 
stein,  dans  la  Saxe,  élève  de  l'école  de  la  Croix  de  Dresde,  plus 
lard  organiste  à  Nordhausen. 

J'ai  trouvé,  comme  M.  Bénédit,  l'histoire  du  piano  de  Silber- 
mann;  mes  souvenirs  d'enfance  me  la  redisaient  aussi.  Toute- 
fois, le  premier  piano  construit  par  Silbermann  n'est  venu  que 
cinquante  ans  après  celui  de  Schrceder,  et  alors  que  l'usage  du 
piano  était  déjà  fort  répandu  en  Allemagne. 

Lors  de  l'invention  de  Schrceder,  on  se  servait  de  pianos  à 
queue,  dont  les  cordes  étaient  mises  en  vibration  par  des  becs 


déplume,  comme  le  dit,  au  reste,  fort  bien  M.  Bénédit,  ce  sys- 
tème défectueux,  qui  ne  permettait  pas  au  pianiste  de  varier  la 
couleur  de  son  jeu ,  qui  ne  lui  permettait  pas  de  faire  les  piano 
et  les  forte,  et  donnait  par  conséquent  à  l'instrument  une  ef- 
frayante monotonie.  Ce  système  défectueux  donna  fort  à  penser  à 
Schrceder;  il  chercha  un  moyen  de  perfectionnement  et  imagina 
de  se  servir  de  marteaux  pour  produire  les  vibrations. 

Au  moyen  de  cette  invention ,  le  pianiste  devint  le  maître  de 
l'instrument  dont  il  avait  été  jusqu'alors  l'esclave  ;  il  pouvait 
désormais  produire  les  sons  forts  et  les  sons  faibles. 

Schrceder  comprit  si  bien  la  portée  de  sa  découverte,  qu'il  crut 
ne  pouvoir  mieux  la  caractériser  qu'en  appelant  l'instrument 
transformé  :  Forte-piano  ou  Piano-forte. 

Le  peu  de  Forte-pianos  construits  par  Schrceder  et  d'autres, 
étaient  encore  très-imparfaits,  et  les  pianos  existant  alors  préva- 
lurent encore  pendant  quelque  temps. 

Le  premier  perfectionnement  est  dû  à  Gollûed  Silbermann, 
facteur  d'orgues  de  la  cour  de  Freiberg,  dans  la  Saxe.  Comme 
son  père,  de  Strasbourg,  il  construisait  d'assez  bons  Piano-forte. 
Le  mécanicien  et  organiste  Jean-André  Stein,  d'Augsbourg,  fit 
des  améliorations  dans  le  mécanisme,  et  son  système  a  été  géné- 
ralement suivi  en  Allemagne. 

Il  se  rendit  à  Vienne,  où  il  établit  une  fabrique.  Tous  les  fac- 
teurs l'ont  fidèlement  copié  jusqu'à  une  certaine  époque  ;  ses  suc- 
cesseurs ont  conservé  le  fond  de  son  invention  et  ne  peuvent  se 
vanter  que  de  quelques  petits  perfectionnements. 

En  Angleterre,  on  n'a  pas  manqué  de  prendre  à  l'Allemagne 
son  idée,  et  ce  fut  celle  de  Silbermann,  car  le  mécanisme  sur- 
nommé V anglais,  n'est  qu'un  perfectionnement  de  Silbermann. 

En  Allemagne,  l'idée  de  Silbermann  sévit  remplacée  par  celle 
de  Stein.  D'un  autre  côté,  celle  de  Silbermann  fut  transportée 
d'Angleterre  en  France,  et  d'abord  à  Paris, 

La  fabrique  Erard,  la  première  établie  à  Paris,  fit  long- 
temps seule  époque.  Enfin ,  plusieurs  Allemands  de  talent  réus- 
sirent à  leur  tour  à  se  faire  jour  dans  cette  ville,  et  en  firent  la 
première  école  pour  la  construction  du  piano.  Le  plus  célèbre, 
parmi  ces  derniers  fut  Petzold. 

En  Allemagne,  on  vit  de  temps  en  temps  quelques  efforts  vers 
la  perfection,  mais  les  fabriques  de  Vienne  firent  tant  et  si  bien, 
qu'elles  inondèrent  de  leurs  produits  tous  les  pays,  ce  qui  eut  un 
déplorable  résultat  :  les  tendances  vers  le  mieux  furent  étouffées. 

Grunneberg  de  Halle  construisit,  en  l'année  1821,  le  premier 
piano  droit.  Quoique  l'essai  qu'il  fit  laissât  encore  beaucoup  à 
désirer ,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  c'est  à  lui  que  nous  devons 
cette  excellente  invention. 

En  1827,  Roller  construisit  aussi  des  pianos  droits,  mais  éga- 
lement très-imparfaits. 

A  Paris  surtout ,  on  goûta  beaucoup  cette  nouvelle  forme  à 
cause  de  sa  commodité.  Tous  les  facteurs  ont  concouru  au  per- 
fectionnement du  piano  droit,  particulièrement  Dietz. 

C'est  donc  aux  Allemands  que  nous  devons  l'invention  du  pia- 
no ,  la  plus  grande  partie  de  ses  perfectionnements,  et  enfin,  le 
piano  droit ,  qui  reste  comme  la  forme  la  plus  gracieuse  et  la 
plus  commode  connue  jusqu'à  nos  jours,  comme  aussi  l'expres- 
sion la  plus  pure  de  leur  génie  mécanique  pour  cet  art  qui  va  si 
bien  à  leur  caractère  tnélancolique  et  rêveur. 

Alfred  Ungeret, 
Organiste  à  Craon  (Mayenne). 

28  août  1861. 


3ïO 


LE  MÉNESTREL 


En  ce  qui  nous  concerne,  nous  aurons  garde  de  discuter  les 
dates  et  les  noms  de  M.  Ungeret,  qui  ne  les  fournit  du  reste 
qu'à  l'état  de  simples  renseignements,  appelant  comme  nous  la 
lumière  sur  les  faits.  Mais  ce  que  nous  constaterons  dès  aujour- 
d'hui, c'est  que  dans  tous  les  cas,  si  la  France  doit  à  l'Allemagne 
l'origine  des  mauvais  forte-pianos,  en  revanche  l'Allemagne 
doit  à  la  France  la  fabrication  perfectionnée  des  bons  et  véritables 
pianos,  ceux  sur  lesquels  les  virtuoses  de  tous  les  pays  aiment  à 
faire  eonsacrer  leur  talent.  Ce  dernier  point,  aussi  incontestable 
pour  l'Allemagne  que  pour  l'Angleterre,  rattache  d'une  manière 
indissoluble  le  nom  d'Erard  à  l'invention  du  piano,  comme  s'y 
rattacheront  longtemps  encore  les  noms  de  Pleyel,  Pape  elRoller, 
grâce  à  l'excellence  de  leurs  instruments  et  aux  progrès  mécani- 
ques dont  les  pianos  carrés  et  les  pianos  droits  sont  redevables 
à  ces  deux  derniers  facteurs. 

Comme  on  le  voit,  l'histoire  du  piano  diffère  essentiellement 
des  hauts  faits  du  violon  et  du  violoncelle.  En  Italie,  les  Stradi- 
varius, les  Guarnérius,  les  Amati,  restent  les  Benvenuto  Cellini 
de  la  lutherie,  malgré  les  efforts  et  les  succès  deM.Wuil- 
haume  en  France,  tandis  que  les  Christophe  Colomb  du  piano 
demeurent  ensevelis,  outre-Rhin,  dans  l'oubli  le  plus  complet. 
Les  Erard,  les  Pleyel,  les  Pape,  les  Roller,  voilà  les  Stradi- 
varius, les  Guarnérius,  les  Amati  du  piano,  sans  compter 
que,  de  leur  côté,  MM.  Henri  Herz  et  Woelfel  assurent,  pour  le 
présent  et  l'avenir,  à  la  fabrication  de  ce  genre  d'instruments 
en  France,  une  continuation  de  supériorité  telle  que  les  facteurs 
allemands  et  anglais  ont  dû  renoncer  à  nous  suivre.  Il  est  vrai  que 
ces  messieurs  se  dédommagent  sur  la  quantité,  et  sans  y  perdre, 
bien  entendu,  au  point  de  vue  commercial. 

Puisque  nous  nous  sommes  laissé  entraîner  à  ces  quelques 
lignes  sur  les  mérites  incontestables  et  incontestés  des  pianos  nés 
français  (1),  et  que  nous  avons  prononcé,  au  passage,  le  nom  cte 
Woelfel ,  saisissons  cette  occasion  de  rendre  hommage  à  ce  fac- 
teur célèbre  entre  tous.  Non-seulement  il  se  signale  par  sa  supé- 
riorité toute  personnelle  dans  l'industrio  du  piano  vertical,  dont 
il  a  fait  un  instrument  plein  de  perfections  et  d'enchantements, 
mais  il  se  distingue  aussi  par  une  sorte  de  puritanisme  condam- 
nable qui  le  porte  a  s'isoler  et  à  s'éloigner  de  nos  expositions  pu- 
bliques, où  il  sait  bien  que  la  première  place  lui  serait  acquise  de 
droit. 

De  la  part  d'une  jolie  femme,  cet  excès  de  modestie  ou  plutôt 
cette  renonciation  préméditée  aux  hommages  d'ici-bas,  s'appel- 
lerait de  la  coquetterie,  et  de  la  plus  raffinée  ;  chez  M.  Woelfel, 
c'est  tout  simplement,  croyez-le  bien  ,  l'austérité  d'un  ermite 
qui  s'est  fait  facteur  de  pianos. 

J.-L.  Heugel. 


SEMAINE  THÉÂTRALE. 


Le  ballet  du  Papillon,  de  Mlle  Taglioni  et  de  M.  de  Saint- 
Georges,  musique  de  M.  J.  Offenbach,  a  repris  sa  place  sur 
l'affiche  de  I'Opéra,  etFarfalla,  sous  les  traits  deMlle  Emma 
Livry,  a  retrouvé  ses  bonds  aériens  et  ses    chauds  admirateurs. 


(1)  Nous  disons  pianos  nés  français,  parce  qu'en  définitive,  bien  que 
maints  célèbres  facteurs  de  pianos  soient  d'origine  allemande,  leurs  pro- 
duits n'en  sont  pas  moins  essentiellement  français. 


Il  y  a  foule  à  chaque  représentation  de  ce  gracieux  ballet.  — 
On  nous  annonce  VAlcesle,  de  Gluck,  pour  le  2  octobre.  Une 
indisposition  de  Michot  avait  retardé  les  études  de  l'ouvrage;  cet 
artiste  étant  complètement  rétabli,  les  répétitions  générales 
viennent  de  commencer  à  l'orchestre.  —  M"e  Marie  Sax,  dont 
la  santé  a  été  plus  cruellement  éprouvée,  est  venue  également 
se  mettre  à  la  disposition  de  l'administration;  elle  va  reprendre 
son  service,  et  ce  sera  sans  doute  dans  Robert-le-Diable. —  Nous 
aurons  dans  une  quinzaine  de  jours,  dit  notre  confrère  l'En- 
Ir'acte,  le  début  impatiemment  attendu  de  Faure,  dans  Pierre 
de  Médias.  On  attend  le  retour  du  prince  Poniatowski,  qui  est 
en  ce  moment  en  Italie;  on  a  besoin  de  l'œil  du  maestro  pour 
surveiller  l'effet,  à  la  scène,  des  changements  qui  ont  été  appor- 
tés à  la  partition  :  il  y  a  un  air  ajouté  à  la  fin  pour  Mme  Guey- 
mard;les  dernières  scènes  ont  été  complètement  modifiées;  au 
lieu  du  dénoûment  si  triste  que  nous  connaissons,  on  verra  dé- 
sormais le  duc  Pierre  de  Médicis  unir  son  frère  à  Laura.  —  Les 
répétitions  du  petit  opéra  de  M.  Alary  et  du  ballet  de  V Étoile  de 
Messine  se  poursuivent  aussi  avec  une  grande  activité.  Ces  deux 
ouvrages  seront  donnés  à  la  même  époque,  en  novembre. — Nous 
aurons  donc,  dans  l'espace  de  deux  mois,  trois  premières  repré- 
sentations à  l'Opéra  :  une  œuvre  de  Gluck,  un  opéra  en  deux 
actes  et  un  ballet  en  six  tableaux.  —  La  Reine  de  Saba,  de 
M.  Gounod,  ne  doit  venir  qu'un  peu  plus  tard  cet  hiver  :  cepen- 
dant Gueymard,  Belval  et  Mme  -Gueymard,  ont  déjà  commencé 
l'étude  de  leurs  rôles. 

Un  des  premiers  ouvrages  représentés  celte  année  au  Théâtre- 
Italien  sera  l'Anna  Bolena  de  Donizetti,  qui  n'a  pas  été  donnée 
depuis  plusieurs  saisons.  Cette  reprise  aura  lieu  vers  la  fin  d'oc- 
tobre, avec  Mmc  Alboni  dans  le  principal  rôle.  Le  personnage 
d'Henri  VIII  aura  pour  interprèle  Beneventano,  le  baryton,  dont 
la  magnifique  voix  est  appelée  à  la  succession  de  celle  deGraziani. 

L'ouverture,  fixée  au  mardi  1er  octobre,  aura  lieu  par  II  Ma- 
trimonio.  Mmc  Alboni,  Penco  et  MUe  Battu  s'y  feront  entendre 
en  compagnie  de  MM.  Bélart,  Badiali  et  Zucchini. 

Les  soirées  extraordinaires  données  cette  semaine  par  Roger 
ont  exercé  une  vive  attraction  sur  la  foule,  et  I'Opéra-Comique 
a  réalisé  deux  bonnes  recettes;  on  s'y  attendait.  Mais  nous  avons 
déjà  exprimé  notre  opinion  sur  ces  intermèdes  de  chant  poly- 
glotte, et  nous  donnons  rendez-vous  à  Roger  dans  les  Mousque- 
taires. L'affiche  annonce  Haydée  pour  mardi. — C'est  à  tort, 
dit  un  journal  des  théâtres,  qu'on  avait  annoncé  qu'une  indis- 
position de  Mrae  Faure  retardait  la  reprise  du  Postillon  de  Lon- 
jumeau.  Mme  Faure  se  porte  à  merveille.  Le  retard  est  dû  à  un 
congé  de  M.  Monlaubry,  lequel  congé  finit  le  28  de  ce  mois, 
(Voir  aux  nouvelles  diverses.) 

Le  Théâtre-Lyrique  s'occupe  de  l'opéra  de  M.  Semet. 
Ondine,  —  tel  est  le  litre  de  cet  ouvrage,  —  aura  pour  principa- 
les interprètes  MllesBaretti  et  Girard.  Don  Quichotte,  de  M.  E. 
Boulanger,  va  être  également  mis  à  l'étude.  On  parle  aussi  d'un 
opéra  intitulé  :  le  Puits  de  la  Madone. 

*  * 
Le  Vaudeville  vient  de  reprendre  une  des  plus  spirituelles 
comédies  de  son  répertoire,  les  Femmes  terribles,  trois  actes 
de  M.  Dumanoir.  Mlle  Fargueil  la  parfaite  comédienne,  Félix, 
Parade,  Munie,  etc.,  font  toujours  supérieurement  valoir  toutes 
les  piquantes  situations  de  celte  pièce.  —  M.  Sardou  a  lu  ces 
jours-ci  aux  artistes  du  Vaudeville  une  comédie  en  quatre  actes 
ayant  pour  titre  :  Nos  Intimes. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


341 


Le  Palais-Royal  prépare  plusieurs  nouveautés,  entre  autres 
une  opérette  de  MM.  Lefebvre  et  Théodore  Blangini  :  la  Ven- 
geance de  Pierrot.  On  dit  le  plus  grand  bien  de  la  musique. 

Le  drame  de  l'Invasion,  annoncé  à  la  Porte-Saint-Martin, 
a  été  décidément  interdit.  C'est  l'éternelle  féerie  du  Pied  de 
Mouton  qui  va  s'enrichir  des  épaves  de  cette  interdiction.  Douze 
poneys  avaient  été  'dressés  pour  prendre  part  aux  charges  de 
V Invasion,  etles  valeureux  coursiers  vont  être,  nous  assure-t-on,- 
utilisés  dans  une  sorte  de  carrousel  qui  sera  annexé  à  l'épopée 
de  Gusman,  Lazarille  et  Nigaudinos. 

Le  Tiiéatre-Déjazet,  restauré  et  embelli,  vient  de  r'ouvrir 
avec  les  Chevaliers  du  Pince-nez,  empruntés  au  répertoire  des 
Variétés,  et  deux  vaudevilles  nouveaux.  Dans  les  Pince-nez,  les 
honneurs  ont  été  pour  Raynard,  qui  a  gardé  le  type  créé  par  lui 
d'une  façon  si  originale  sur  la  scène  de  M.  Cogniard.  Mn,e  Bois- 
gontier  joue  aussi  dans  cette  pièce  le  rôle  qu'elle  a  créé  et  s'en 
acquitte  avec  sa  rondeur  habituelle.  —  Les  deux  vaudevilles, 
Tricornot,  de  M.  Boy,  et  le  Nabab  de  la  rue  Chapon,  de 
M.  Pervillié,  ont  été  fort  bien  accueillis  :  —  le  tout  sans  préju- 
dice des  autres  nouveautés  promises.  On  parle  d'un  riche  pro- 
gramme d'hiver  :  nous  y  croyons,  —  Déjazet  aidant. 

J.  Lovy. 


BOUFFES-PARISIENS. 

RÉOUVERTURE. 

M.   Choufleury  restera  chez  lui   le...,   opéra -bouffe  en  un  acte,  de 
MM.  Saint-Rémï  et  Jacques  Offenbach.  —  La  Chanson  de  Fortunio. 

Les  oiseaux  moqueurs  sont  rentrés  dans  leur  cage  du  passage 
Choiseul.  Septembre  nous  a  rendu  ce  désopilant  répertoire  et 
ces  vives  chansons,  et  cette  joyeuse  troupe  dont  l'Allemagne  s'est 
encore  délectée  cet  été  à  la  barbe  des  puritains  et  des  rigoristes. 

Avec  la  reprise  de  la  Chanson  de  Fortunio,  nous  avons  eu 
la  première  représentation  d'une  opérette  des  plus  humoristiques 
et  parfaitement  appropriée  au  terroirdes  Bouffes  :  M.  Choufleury 
restera  chez  lui  le. . . 

Ce  n'était  pas  précisément  une  première  représentation  pour 
tout  le  monde  :  on  se  rappelle  que  les  salons  de  M.  le  comte  de 
Morny  avaient  eu,  l'hiver  dernier,  la  primeur  de  cette  opérette, 
car  S.  Exe.  le  président  du  Corps  législatif,  est  inséparable  de 
M.  Saint-Rémy,  l'un  des  auteurs. 

Ce  M.  Saint-Rémy  nous  avait  déjà  fourni  un  échantillon  de  sa 
verve  et  de  son  savoir-faire  dans  le  Mari  sans  le  savoir.  Sa  nou- 
velle partitionnette  achève  de  le  classer  parmi  les  maestri  du 
genre,  de  droit  et  de  fait,  puisqu'il  y  a  collaboration  avec  M.  J. 
Offenbach. 

Quant  au  libretto,  il  n'a  provoqué,  tout  au  plus,  qu'un  seul 
accès  d'hilarité,  mais  cet  accès  a  duré  toute  la  soirée.  C'est  du 
comique  de  haute  pression.  Jugez-en. 

M.  Choufleury  s'est  retiré  des  affaires  après  avoir  amassé  une 
assez  belle  fortune  dans  le  commerce  des  matelas.  Il  lui  est  donc 
enfin  permis  de  réaliser  le  rêve  de  toute  sa  vie  :  avoir  son  jour 
de  réception!  et  voilà  notre  homme  qui  expédie  à  tous  les  hori- 
zons de  Paris,  par  milliers  d'exemplaires,  une  lettre  d'invitation 
ainsi  conçue  :  M .  Choufleury  restera  chez  lui  le  24  janvier  1833. 
On  fera  de  la  musique  avec  le  concours  de  Tamburini,  de  Ru- 
Uni  et  de  Mme  Sontag. 


Le  grand  jour  est  arrivé.  Choufleury  ressent  la  plus  vive  émo- 
tion :  c'est  la  première  fois  qu'il  ouvre  ses  salons,  mais  comme 
il  a  l'instinct  des  choses  du  monde,  il  transforme  son  domestique 
belge  en  groom,  anglais,  lui  enseigne  les  devoirs  d'un  laquais  de 
bonne  maison,  lui  montre  à  présenter  les  rafraîchissements,  etc., 
etc.  — Mais,  ô  contre-temps  !  ô  désappointement  !  Tamburini, 
Rubini  et  la  Sontàg,  écrivent  que,  «  se  trouvant  enrhumés,  d'un 
«  commun  accord,  ils  regrettent  de  ne  pouvoir  accepter  l'invita- 
«  tion  de  Choufleury.  » — Que  faire?  que  résoudre?  Les  invités 
vont  arriver,  et  on  leur  a  promis  les  chanteurs  italiens  !  —  Heu- 
reusement voici  M"e  Ernestine  Choufleury,  qui,  en  fille  dévouée, 
tire  son  père  de  son  affreuse  perplexité.  Rabylas,  l'amoureux  de 
Mlle  Ernestine,  jouera  le  rôle  de  Rubini  ;  M1'6  Ernestine  (que  les 
invités  ne  connaissent  pas),  se  présentera  sous  le  nom  de  Son- 
tag, et  Choufleury,  lui-même,  remplacera  Tamburini. 

L'heure  du  concert  a  sonné.  Ce  concert  est  indescriptible. 
La  musique  vous  offre  le  paroxysme  de  l'école  italienne  avec  ses 
finales-poncifs,  ses  unissons  à  outrance,  ses  crescendo  et  le  coup 
de  grosse  caisse  obligé.  Quant  au  texte  chanté,  c'est  un  mélange 
d'auvergnat  et  de  termes  culinaires  :  macaroni,  ravioli,  etc. 

L'auditoire  est  dans  le  ravissement  ;  et  quand  Choufleury,  qui 
est  allé  ôter  son  costume,  reparaît  dans  son  salon,  on  l'entoure 
pour  lui  prodiguer  les  félicitations  et  les  remercîments. 

Il  faut  que  tous  ces  invités  soient  de  grands  connaisseurs  en 
musique,  car  tous  ils  croient  sincèrement  avoir  entendu  Rubini, 
Tamburini  et  la  Sontag. 

Une  seule  personne  pourrait  leur  révéler  le  stratagème  dont  on 
a  usé:  c'estM.  Babylas;  mais  pour  payer  son  silence,  Choufleury 
lui  accorde  sa  fille  en  mariage,  comme  cela  se  pratique  dans  tous 
les  dénoùments  de  pièces. 

Joignez  au  texte  de  cette  pochade,  à  ses  franches  saillies,  une 
musique  des  plus  piquantes,  et  vous  ne  vous  étonnerez  pas  du 
succès  de  M .  Choufleury.  On  a  particulièrement  applaudi  les 
couplets  avec  accompagnement  de  guitare  et  ceux  du  domesti- 
que :  Je  ri  -peux  pas  tout  faire  à  la  foaaa;  puis  le  trio  :  C'est  Ba- 
bylas, et  enfin  la  grande  scène  du  concert. 

Les  acteurs  ont  généralement  aidé  à  la  réussite,  surtout  Désiré 
(Choufleury),  Potel  (Babylas),  la  débutante  Mlle  Auciair  (Ernes- 
tine), et  Marchand,  qui  donne  au  rôle  du  domestique  une  phy- 
sionomie des  plus  divertissantes. 


Que  dire  de  la  Chanson  de  Fortunio  qu'on  n'ait  répété  cent 
fois?  Cette  mélodieuse  partition  a  de  nouveau  charmé  la  salle 
entière  et  la  charmera  bien  longtemps  encore.  Une  demoiselle 
Hélène  a  remplacé  M"e  Chabert,  dont  on  regrette  le  départ. 
Mais  M,le  Pfotzer  est  toujours  la  reine  de  cette  fête  de  chaque 
soir,  comme  le  colossal  Rache  est  le  roi  des  petits  clercs. 

J.   Lovy. 


LA  LIONNE  DE  TR0UVIL1E. 

COMÉDIE  -  PROVERBE. 
(lre  représentation.) 

Le  Musée  des  Familles  vient  de  recevoir  un  honneur  insigne 
et  de  conquérir  un  gracieux  chevron. 

Il  y  a  quelques  jours,  son  rédacteur  en  chef  m'écrit  de  sa  re- 
traite maritime  de  Villers-sur-mer  :  «  Prenez  le  chemin  de  fer 
de  l'Ouest  à  onze  heures,  après  avoir  déjeuné  à  Paris,  et  venez 


342 


LE  MÉNESTREL 


dîner  avec  moi  à  Trouville.  Je  vous  ménage  une  surprise  au 
sortir  de  table.  » 

J'obéis,  je  pars  et  j'arrive.  Ce  n'est  pas  plus  difficile  que  cela. 
Je  vois  Trouville  en  fête;  j'y  trouve  tout  Paris  ;  et  de  grandes 
afficbes  m'annoncent  ma  surprise  :  «  Ce  soir,  au  théâtre,  pre- 
mière représentation  :  la  Lionne  de  Trouville,  ou  la  Fleur  des 
Pyrénées,  comédie-proverbe,  de  M.  Pitre-Chevalier,  tirée  du 
Musée  des  Familles  (1),  jouée  par  des  artistes  du  théâtre  impé- 
rial de  l'Odéon,  des  Variétés,  du  Vaudeville  et  du  Gymnase.  » 
Je  remarque  au  Casino,  sur  la  plage  ,  dans  les  rues,  devant  les 
hôtels,  un  mouvement,  un  brio,  une  curiosité  extraordinaire.  Je 
reconnais,  à  leurs  toilettes,  dans  leurs  équipages,  à  leurs  insignes 
ou  à  leurs  parures,  une  foule  de  sommités  et  d'éloiles  parisiennes, 
c'est-à-dire  européennes  :  les  Gabriac,  les  Pasquier,  les  Barban- 
tane,  les  de  Boigne,  les  Magnan,  Octave  Feuillet,  Louis  Enaull 
sur  son  cheval  arabe,  les  princes  Murât,  Dolgorouky,  Esterhazy, 
Ghyka,  Meyendorf,  Bariatinsky,  les  La  Guéronnière,  les  Barrot, 
les  Maillé,  les  Pourtalès,  MM.  Rolle,  Flandin,  Adam-Salomon, 
Crémieux,  Panckoucke,  Belly,  Firmin  Didot,  les  belles  marquises 
et  comtesses  de  Galiffet  et  Erlanger,  les  Gavai,  les  Rothschild, 
les  Menessier-Nodier,  les  Hély-d'Hoissel,  les  d'Assonville,  les 
Bourgouin,  les  Soubeyran,  la  princesse  de  Metternich,  lord  et 
lady  Cowley;  —  les  comtes  de  Maistre,  Alard,  Hermann,  Go- 

(1)  Tome  XXI,  page  369.  L'auteur  n'a  fait  qu'ajouter  pour  Trouville  un 
premier  titre  et  une  scène  de  circonstance ,  dont  voici  le  morceau  essentiel 
et  local  : 

(Première  scène.  —  Fragment. | 

WILHEM. 

Mme  de  Tassis  a  aussi  sa  victoire  et  son  ruban  !  Vous  ne  savez  pas  ce 
qu'elle  vient  de  faire  en  Normandie,  et  pourquoi  on  l'a  surnommée  la 
Lionne  de  Trouville? 

SIR  CHARLES. 

Quelque  nouvelle  folie  !  Je  veux  l'ignorer  !  —  Qu'a-t-elle  donc  fait  à  ce 
Trouville,  où  je  n'ai  pu  la  rejoindre? 

WILHEM. 

Une  folie  qui  lui  vaudrait  la  croix,  vous  dis-je,  si  on  décorait  les  che- 
mises rouges.  Vous  savez  que  Trouville  est  la  perle  de  la  Manche,  le  Bade 
maritime  de  l'Europe. 

SIR  CHARLES. 

Certes  !  je  connais  ce  lieu  de  délices,  où  la  roulette  s'appelle  honnêtement 
l'écarté,  où  l'argent  va  au  trot,  où  le  plaisir  vient  au  galop,  où  la  morale  va 
et  vient  sans  se  gêner  ;  où  se  font  les  mariages  d'inclination  et  se  défont 
les  mariages  de  convenance  ;  où  le  sexe  faible  bat  à  la  nage  le  sexe  laid,  où 
Guillaume  Ier  a  inventé  l'Angleterre,  et  Laborde  le  quadrille  des  Lanciers  ; 
où  l'on  couche  en  août  sur  des  canapés  normands  à  10  francs  par  nuit;  où 
les  princes  en  disponibilité  vont  chercher  l'équille,  et  les  ambassadrices  en 
vacances  pêcher  la  crevette;  mascarade  élégante  où  les  hommes  se  dégui- 
sent en  canotiers  et  les  femmes  en  soldats  de  Garibaldi  ;  Eden  plantureux 
découvert  par  Mauzin  et  Isabey,  par  Alphonse  Karr  et  Alexandre  Dumas  ; 
chef-lieu  de  l'art,  du  confort  et  de  la  mode,  créé  par  MM.  Vallée,  de  Gisors, 
d'Hautpoul ,  Cordier ,  le  docteur  Olliffe  et  le  baron  Clary ,  entre  une  mer 
d'azur,  une  plage  d'or  et  des  prés  bois  d'émeraude;  futur  Havre-de-Gràce, 
quand  il  aura  son  chemin  de  fer,  ses  bassins  de  refuge  et  son  boulevard  de 
Caen,  qui  se  prononce  déjà  boulevard  de  Gand;  rendez-vous  des  lions  fa- 
tigués, des  Parisiennes  sur  les  dents,  des  malades  qui  se  portent  bien,  des 
oisifs  qui  tuent  le  temps,  des  demoiselles  à  pourvoir,  des  veuves  à  consoler, 
des  chasseurs  de  dot  aux  abois  ;  salle  de  bal  et  de  concert  qui  a  l'Océan 
pour  orchestre,  —  où  les  danseurs  se  délassent  en  valsant  à  corps  perdu  ; 
où  les  tritons,  hélas  !  sombrent  parfois  entre  deux  quadrilles  en  faisant  la 
planche  à  marée  basse . . .  Mais  dis-moi  donc  l'aventure  de  la  comtesse. 

WILHEM. 

C'était  précisément  le  jour  fatal. . .  que  vous  savez,  etc. 

L'eflet  de  cette  apologie  au  sel  attique  a  été  curieux  au  théâtre  :  d'abord 
une  moue  coquette  des  lionnes,  un  sourd  grognement  des  tigres;  puis  un 
sourire  de  bonne  humeur,  un  éclat  de  rire  général,  et  enfin  un  tonnerre 
d'applaudissements. 


defroid,  Decaën,  Vanmarck,  etc.,  accourus  de  Villers  ;  le  duc  de 
Padoue,  Hébert  (de  La  Malaria),  Violet-Leduc,  les  Garcia, 
M.  Palin  (des  Quarante),  Géraldy,  etc.,  débarqués  de  Reuze- 
val  ;  les  Byron-Gontaut,  les  Quélus,  les  Casa-Mayor  et  les  Fitz- 
James  arrivés  de  Cabourg-Dives,  etc.,  etc.,  que  sais-je  encore? 
Le  tourbillon  élincelant  de  toutes  les  aristocraties  du  trône,  delà 
grandeur,  de  la  fortune,  de  la  mode  et  du  plaisir  ;  le  boulevard 
Italien  par  un  beau  soir  de  première  représentation  au  grand 
Opéra  ! 

Je  me  rends  au  théâtre  avant  la  soirée.  Autre  surprise  !  Une 
page  exquise  et  amusante  du  Roman  comique  de  Scarron  ;  un 
chapitre  frappant  de  l'histoire  de  notre  siècle  improvisateur!  Un 
grand  édifice  tout  neuf,  à  peine  achevé  !  Une  ébauche  de  salle, 
de  scène  et  de  coulisses;  des  escaliers  de  bois  blanc  et  des  ara- 
besques charmantes  ;  de  vastes  loges  avec  des  chaises  de  paille, 
ça  et  là  quelques  fauteuils  d'abonnés;  un  amphithéâtre  comme 
celui  de  l'Opéra,  et  des  bancs  comme  les  tréteaux  de  la  foire.  Un 
piano  d'Erard  pour  tout  orchestre.  Là  des  murailles  sans  en- 
duit, ici  des  marines  et  des  panneaux  dorés.  Dans  la  coulisse,  le 
bureau  de  la  douane  près  du  magasin  de  décors.  Un  pêle-mêle 
artistique  d'accessoires ,  de  meubles,  de  manteaux  d'Arlequin, 
de  paravents,  de  caisses  d'emballage,  etc.  Un  établi  de  menui- 
sier, des  soupières  à  fleurs  rouges,  des  outils,  des  bouquets;  des 
dîners  de  carton,  des  journaux  et  des  brochures;  le  baril  de 
cidre  du  concierge  à  cheval  sur  la  malle  du  premier  rôle.  (Un 
Normand  n'oublie  jamais  son  cidre!)  Deux  loges  d'habillement, 
en  châssis  de  toile  :  côté  des  hommes,  côté  des  dames.  Là,  des 
épées,  des  moustaches,  des  valises,  des  rapières,  des  pistolets, 
des  costumes  de  ville  et  de  théâtre.  Sur  la  porte  des  dames,  des 
croquis  malins,  l'inscription  :  Les  femmes  n'entrent  pas  ici. 
C'était  hier  la  loge  des  messieurs  :  les  deux  sexes  ont  permuté 
pour  monter  la  Lionne  de  Trouville  !  'ici,  des  falbalas,  des 
bouteilles  de  Champagne,  des  pots  de  rouge,  des  savons  anglais, 
des  fleurs  et  des  miroirs  surtout,  ce  double  fond  de  l'art  théâtral. 
Avec  des  fleurs  et  des  miroirs,  on  trouve  des  Mars  et  desRachel 
à  discrétion.  Point  de  valets  ni  caméristes  ;  ces  messieurs  et  ces 
dames  s'habillent  et  ces  dames  s'habillent  entre  eux  et  entre  elles. 
Mlles  Heymann  et  Solanges  lacent  M1,e  Lefresne,  M.  Demarcy 
coiffe  M.  Linge.  0  soif  de  l'art  et  du  plaisir ,  quels  miracles  ne 
faites-vous  pas  ! 

Mais  le  moment  solennel  arrive.  La  salle  est  allumée.  La 
voilà  pleine'!  Tout  ce  beau  monde  éblouissant  l'envahit  comme 
une  avalanche.  Quelques  parents  de  l'Empereur  ont  des  fauteuils 
d'étoffe  apportés  du  dehors.  Les  princesses  installent  leurs  den- 
telles et  leurs  diamants  sur  les  chaises  de  paille.  Les  marquis,  les 
ambassadeurs,  les  ministres,  les  artistes,  les  savants  et  les  écri- 
vains illustres  se  perchent  sur  les  bancs  de  sapin.  Les  pierreries, 
les  beaux  yeux  remplacent  les  luslres  absents.  On  commeuce,  on 
joue,  on  applaudit.  Je  n'ai  jamais  vu  d'entrain  pareil,  de  bravos 
plus  spontanés,  de  battements  de  mains  plus  unanimes.  M.  De- 
marcy enlève  avec  un  double  talent  le  double  rôle  de  sir  Charles. 
MUe  Lefresne  gagne,  en  maniant  l'éventail  de  Mme  de  Tassis,  un 
magnifique  engagement  pour  la  Russie,  qu'elle  signe  dans  sa 
loge  entre  deux  scènes...  M.  Linge  fait  mourir  de  rire  dans  la 
peau  de  César  d'Orillac.  MM.  Tony,  Giovanni,  Bonck,  l'habile 
directeur,  représentent  le  guide  matois  "VVilhem  et  les  gandins  de 
Trouville  et  des  Pyrénées. 

Le  marquis  de  LASSAY. 
[La  fin  au  prochain  numéro.) 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


343 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Les  journaux  anglais  consacrent  plusieurs  colonnes  au  festival  de 
Birmingham  qui  vient  d'être  célébré  avec  un  éclat  extraordinaire.  La  soirée 
du  29  a  été  défrayée  par  les  noms  de  Mozart,  Mendelssohn,  Beethoven, 
Donizetti,  Adam,  Auber,  Balfe,  Meyerbeer,  Rossini,  Verdi.  Le  plus  grand 
succès  de  la  semaine  a  été  pour  la  matinée  du  30  (vendredi),  pendant  la- 
quelle on  a  entendu  un  motet  de  Hummel,  la  messe  en  D  de  Beethoven, 
et  Israël  en  Egypte,  interprétés  comme  ils  n'ont  jamais  pu  l'être  en  An- 
gleterre.— Le  festival  a  été  clos  par  l'oratorio  de  Haendel, /urfas  Machabée, 
après  l'exécution  duquel  a  été  entonné  l'hymne  national.  Ainsi  s'est  termi- 
née cette  immense  solennité  musicale,  qui,  au  point  de  vue  artistique 
comme  au  point  de  vue  financier,  peut  être  regardée  dans  ses  résullats 
comme  la  plus  considérable  qui  ait  été  donnée  à  Birmingham.  L'addition 
des  receltes  de  chaque  journée,  supérieures  de  500  liv.  st.  (12,500  francs] 
à  celles  de  1838,  produit  un  total  de  11,000  liv.  st.  (273,000  francs). 

—  M.  de  Saint-Georges  vient  d'écrire  pour  le  Théâtre-Impérial  de  Saint- 
Pétersbourg  un  grand  ouvrage  chorégraphique  en  quatre  actes,  qui  lui 
avait  été  demandé  par  le  général  Sabourof ,  maître  de  la  cour  de  Russie. 
Cet  ouvrage,  destiné  à  Mrae  Rosati,  doit  être  mis  en  scène  par  M.  Petipa, 
avec  une  rare  magnificence,  et  représenté  au  mois  de  décembre  prochain 
sur  le  Théâtre-Impérial  de  Saint-Pétersbourg. 

—  Les  correspondances  de  Berlin  annoncent  que  l'intendant  général  des 
théâtres  royaux,  M.  de  Hulsen;  a  été  nommé  premier  chambellan  du  roi 
de  Prusse.  On  dit  qu'il  sera  remplacé,  dans  ses  fonctions  théâtrales,  par 
M.  de  Dachroeden. 

—  On  écrit  de  Vienne  au  Signale  de  Leipzick,  qu'Antoine  Rubinstein  se 
voit  forcé  de  quitter  cette  ville  sans  avoir  vu  représenter  son  opéra,  attendu 
que  l'indisposition  du  chanteur  Ander  paraît  devoir  se  prolonger.  La  re- 
présentation de  Tristan  et  Isefult,  est  ajournée  pour  le  même  motif,  e: 
Richard  Wagner  reprend  la  route  de  Carlsruhe. 

—  Le  succès  des  Bouffes-Parisiens  a  paru  tenter  dans  ces  derniers  temps 
les  compositeurs  d'Allemagne.  Plusieurs  d'entre  eux  se  sont  essayés  dans 
le  genre  opérette  ;  mais  on  n'en  cite  guère  qui  aient  franchement  réussi. 
Pourtant  l'on  parle  d'une  jolie  partitionnette  de  Fr.  Schubert,  la  Guerre 
domestique,  qui  doit  être  jouée  à  Vienne  immédiatement  après  la  Clochette 
de  l'ermite  [Dragons  de  Villars). 

—  Au  théâtre  de  Victor-Emmannel,  à  Turin,  on  a  représenté,  pour  la 
première  fois,  l'œuvre  d'un  jeune  maestro,  Emilio  Usiglio,  la  Locandiera, 
opéra-bouffe  en  quatre  actes.  Le  public  a  fait  bon  accueil  à  ce  début  lyri- 
que. 

—  Bade  a  offert  cette  année  à  ses  très-nombreux  hôtes  une  série  de 
grands  concerts  qui  laissent  de  beaucoup  en  arrière,  comme  nombre  et 
comme  supériorité  d'exécution ,  les  solennités  musicales  des  années  précé- 
dentes. La  loi  du  progrès  n'est  jamais  mieux  observée  qu'à  Rade.  La  pyro- 
technie, elle-même,  l'a  subie  d'une  manière  remarquable.  Le  feu  d'artifice, 
tiré  à  l'occasion  de  la  fête  de  S.  A.  R.  le  grand-duc,  a  été  merveilleuse- 
ment beau.  Le  concert,  donné  à  la  même  occasion,  réunissait  Mme  Miolan- 
Carvalho,  Mlle  Octavie  Caussemille,  Faure  et  Sivori.  Les  quatre  éminents 
artistes  ont  été  acclamés,  rappelés,  félicités  par  le  public  tout  entier. 
Mlne  Carvalho  dans  l'air  à'Actéon,  et  la  romance  des  Noces;  Faure  dans  l'air 
de  la  Favorite,  l'air  des  Rameaux[Ae  sa  composition),  et  la  romance  de 
Joconde;  tous  deux  dans  les  duos  de  Don  Juan  et  du  Barbier  ont  fait 

fanatisme.  Sivori  a  été lui-même,  c'est-à-dire  que  l'enthousiasme  ne 

lui  a  fait  défaut  ni  dans  sa  fantaisie  sur  la  Norma ,  ni  dans  le  Nel  cor  più 
non  mi  sento,  de  Paganini.  MUe  Caussemille  a  été  non  moins  appréciée  dans 
le  fameux  concerto  en  sol  de  Mendelssohn,  dans  la  Sonnambula  de  Leibach 
et  le  Sans-Souci  d'Ascher.  Cette  soirée  laissera  les  plus  charmants  souve- 
nirs dans  la  mémoire  de  ceux  qui  ont  eu  le  bonheur  d'y  assister.  Trois 
comédies  inédites,  le  Diamant  et  le  verre  de  Léon  Gozlan,  Adieu  paniers, 
vendanges  sont  faites,  de  Théodore  Barrière,  et  le  Dernier  couplet,  d'Al- 
bert Wolff ,  ont  été  représentées  avec  un  grand  succès,  et  mieux  encore, 
avec  un  succès  mérité.  Le  théâtre,  le  bal,  les  fêtes  de  toute  espèce  occupent 
sans  désemparer  les  soirées  des  heureux  touristes  que  les  plus  délicieuses 
excursions  ont  dispersés,  pendant  la  journée,  à  quelques  lieues  de  cette  terre 
privilégiée. 

P.  S.  Nous  sommes  heureux  de  terminer  notre  chronique  badoise  par 


une  bonne  nouvelle.  Mm0  Damoreau-Wékerlin  vient  d'être  engagée  par 
M.  Benazet  pour  les  deux  concerts  projetés  les  2  et  9  octobre. 

—  Montaubry  part  pour  Bade,  où  il  doit  chanter,  le  25  et  le  28,  un 
opéra-comique  en  un  acte,  inédit,  de  MM.  Carré  et  Barbier,  musique  de 
M.  F.  Schwab,  avec  Sainle-Foy,  Balanqué,  MUesMarimon  et  Amélie  Faivre. 
—  La  reprise  du  Postillon  de  Loujumeau ,  à  l'Opéra-Comique,  se  trouve 
donc  ainsi  retardée  forcément  jusqu'aux  premiers  jours  d'octobre. 

—  La  baronne  de  Vigier,  née  Cruvelli,  qui  n'avait  pas  été  entendue  à 
Paris  depuis  son  mariage,  vient  de  chanter  dimanche  dernier  à  l'église  de 
Viry-Chàtillon  une  messe  au  profit  des  pauvres  de  la  commune.  Elle  a 
dit  l'air  de  Stradella,  un  air  d'Haendel  (transformé  en  une  invocation  à  la 
charité),  un  Sanctus  benedictus  de  Beethoven  (celui  en  si  bémol,  qui  a  fait 
ressortir  l'ampleur  de  sa  belle  voix) ,  un  Saluturis  de  Mendelssohn ,  tiré 
d'une  romance  sans  paroles,  un  Agnus  Dei  de  Mozart,  qu'elle  a  chanté  avec 
une  onction  admirable,  et  enfin  la  belle  prière  finale  du  Freyschiilz  de 
Weber,  où  elle  s'est  surpassée.  L'orgue  d'accompagnement,  de  la  maison 
Alexandre,  a  été  tenu  par  Mlle  Millier,  qui  a  joué  une  marche  religieuse, 
pour  entrée  de  messe,  et  un  offertoire  d'un  caractère  doux  et  onctueux. 

Mrae  la  baronne  de  Vigier,  définitivement  fixée  à  Nice  dans  sa  propriété, 
admirablement  située,  s'y  fait  entendre  chez  elle,  et  parfois  en  public,  au 
profit  des  pauvres,  ce  qui  est  toute  une  bonne  fortune  pour  le  pays. 

—  Notre  excellent  pianiste-compositeur  Alexandre  Billet,  que  nous  avons 
vu  fêté  tout  récemment  à  Bade,  en  compagnie  de  Servais,  de  Mme  Miolan  et 
de  Gra2iani,  se  trouve  en  ce  moment  à  Genève,  où  il  s'est  fait  entendre 
dans  un  concert  donné  par  Tamburini,  au  profit  des  pauvres.  Alexandre 
Billet  a  joué  le  grand  trio  en  ré  majeur  de  Beethoven,  ainsi  que  trois 
morceaux  de  sa  composition.  Tamburini  a  chanté  cinq  fois,  notamment  le 
Non  piu  andrai,  des  Nozze  de  Figaro,  et  le  grand  air  du  Barbier.  Ces 
deux  artistes,  qui  défrayaient  à  eux  seuls  tout  le  programme ,  ont  récolté 
des  ovations  chaleureuses,  et  les  pauvres  ont  fait  également  une  très- 
bonne  récolte. 

—  Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé  dans  notre  dernier  numéro,  le  festi- 
val national  des  Orphéons  et  Société  chorales  de  France  aura  lieu  les  17-22 
octobre  prochain,  au  Palais  de  l'Industrie.  Huit  mille  chanteurs  représen- 
tant cinquante  départements,  et  plus  de  deux  cents  villes,  prendront  part, 
sous  la  direction  de  M.  Eugène  Delaporte,  à  cette  solennité,  dont  nous  pu- 
blierons prochainement  le  programme,  et  pour  laquelle  de  grands  prépara- 
tifs se  font  en  ce  moment. 

—  Aujourd'hui,  dimanche,  séance  musicale  au  palais  de  l'Industrie, 
Champs-Elysées,  à  l'occasion  de  la  nouvelle  Exposition.  Il  sera  exécuté  un 
solo  de  baryton,  avec  chœur  et  refrain,  composé  expressément  pour  la  cir- 
constance et  ayant  pour  titre  :  VIndustriel.  Les  paroles  sont  de  M.  Labou- 
rieu,  rédacteur  en  chef  de  Y  Art  au  XIXe  siècle,  la  musique  est  de  M.  L. 
Schlosser,  déjà  connu  par  des  compositions  musicales  devenues  populaires. 

Ces  séances  musicales  se  prolongeront  pendant  toute  la  durée  de  l'Expo- 
sition d'art  industriel. 

Concerts  des  Champs-Elysées.  —  Dimanche,  22  courant,  M.  de  Besse- 
lièvre  donnera  son  premier  concert  de  jour,  de  2  heures  à  5  heures  du 
soir.  Les  portes  ouvriront  à  1  heure. 


NÉCROLOGIE. 


—  Edouard  Rosenhain,  frère  de  notre  pianiste-compositeur  Jacques 
Rosenhain,  vient  de  succomber  à  une  longue  et  cruelle  maladie.  C'é'ait  un 
des  meilleurs  exécutants  et  professeurs  de  piano,  à  Francfort.  Edouard  Ro- 
senhain n'avait  que  43  ans. 

—  Les  correspondances  de  Bruxelles  nous  apprennent  la  mort  de 
M.  Léopold  Godineau,  musicien  distingué,  professeur  depuis  vingt-cinq  ans 
au  Conservatoire  de  celte  ville.  ' 

—  M.  T.-R.  Poisson,  lauréat  de  l'Institut ,  professeur  au  Conservatoire, 
compositeur  de  musique  et  auteur  de  plusieurs  ouvrages  de  théorie  mu- 
sicale, est  mort  le  13  septembre  à  l'âge  de  64  ans,  à  la  suite  d'une  longue 
et  cruelle  maladie. 


J.-L.  Hel'gel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  fier 


i  Jean-Jacques  Rousse 


EN  VENTE  AU  MENESTREL,  2  BÏS,  RUE  VIVÏENNE. 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO 

€>uéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  MM.  HECTOR  CBÉilIIEVl.  et  SiUUOVIC  HALÉVY 

— :  AIRS  DÉTACHÉS,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT.  — 

TABLE  DES  MORCEAUX  DE  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO. 

3.  Couplets  du  Petit  clerc  Friquet ,  chantés 
par  M.  Bâche 2  50 

4.  Autrefois,  Aujourd'hui,  ronde  des  clercs.    2  30 

5.  Toutes  les  femmes  sont  à  nous ,  valse  des 
clercs,  à  une  ou  deux  voix 3  75  et  4  50 

Partition  in-8°  :  Texte ,  chant  et  piano.  TTix  net  :   7  francs 
Morceaux  et  arrangements   pour  piano. 


1.  Prenez  garde  à  vous,  couplets  chantés 

par  MUe  Chabert 2  50 

2.  La  telle  eau  claire  ,  chanson  à  boire,  par 

Mlle  PfoTZER 2  50 

2  lis.  La  même,  transposée  pour  contralto 

ou  baryton 2  50 


6.  Duo  et  Chanson  de  Fortunio,  chantés  par 

Mlles  Chabert  et  Pfotzer 6    » 

6  bis.    Chanson  de   Fortunio,  extraite  du 

duo  ,  pour  soprano  ou  ténor 2  50' 

6  ter.  La  même ,  transposée  pour  baryton 

ou  contralto 2  50 


FORTUNIO. 

j. -t.  Batttnuura.  Fantaisie  variée 5    » 

f.  BurgmnUçr.  Valse  de  salon 6    » 

—  La  même  à  4  mains 7  50 

—  La  même  en  feuille 2  50 


a.  Croisez.  Morceau  de  salon G    » 

Paul  csi'j-iiiio-ii.  Earcarolle  et   Chanson  de 

Fortunio ,  transcriptions 6    » 

in.  Tnii<iuet.  Concerts  des  Bouffes-Parisiens, 

petites  fantaisies  sans  octaves.  Chacune.    3    » 

DIusard. —  Polka-mazurka  des  Clercs....  5  fr. 


FORTUNIO. 

Strauss.   Quadrille  de   Fortunio,  à   deux 

mains 4  50 

—         A  quatre  mains 4  50 

ru.  stutz.  Fortunio-Polka 4  50 


Eîtf  VEWTE. 

ACADÉMIE  IMPÉRIALE 

de  musique. 

Du  nou\eau    ballet 
de  I'Opéra  de 

1.  Marche  paysanne. 

2.  Chant  du  Papillon. 

3.  Andante-Bohémiana. 

4.  Valse  des  Rayons. 


EN   VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivicnne. 


Mme  MARIE  TAGEIONI  et  de  M.  DE  SAINT-GEORGES. 


~EK  VE]VTJE. 
HEtGEL  ET  Cie , 


Musique  de 

J.  OFFENBÂCH. 

5.  Marche  du  Palanquin. 

6.  Polonaise  des  Bohémiennes 

7.  Valse  des  Fleurs. 

8.  Galop  des  Papillons. 


1"  Quadrille,  Valse  des  RAYONS  et  Polka-Mazurka  la  LESGUINKA. 

Composés  pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 

ARBAN  I  Polka  des  Métamorphoses.  La  fée  Hamza.  Mlle  Marquet.  |         PH.  STUTZ  '.  La  Féedes  Moissons.  Polka-mazurka.  Mlle  Schlosser 

MUSARD  I  I«s  Cî'rmssi'pwwcs.  Deuxième  quadrille.         |         H.    VALIQUET  '.  Quadrille  et  valse  faciles,  sans  octaves. 


VALSE 

du 

PAPILLON 


TROIS  NOUVELLES  VALSES  DE  SALON 

PAR 

F.  BURGMULLER 


VALSE 

de 

FORTUNIO. 


VALSE  DE  BARKOUF , 
Sur  les  motifs  favoris  «lu  ballet  et  «les  opéras  «le  J.  OFFEMB1ACH. 


Concerts 
des  COIFFES-PARISIENS. 


H.  VALIQUET 

Dix-huit  petites  Fantaisies  sans  octaves. 


Opérelle 
de  J.  OFFENBACH. 


1 .  Orphée  aux  enfers.  —  2.  Croquefer,  ballade.  —  3.  Croquefer,  galop.  —  4.  Dragonnelte,  la  Cantinière.  —  5.  Petits  Prodiges,  valse  des  animaux.  —  6.  Orphé 
aux  enfers,  galop  infernal.  —  7.  Le  Savetier  et  le  Financier.  —  8.  Le  66,  tyrolienne.  —  9.  La  Chatte,  miaou.  —  10.  Orphée,  roi  de  Béotie.  —  il.  Orphée, 
couplets  à  .lupin.  —  12.  Geneviève,  chanson  de  l'enfant.  —  13.  Le  Mariage  aux  lanternes.  —  14.  Le  Mari  à  laporte,  valse.  —  15.  La  Demoiselle  en  loterie. 
—  16.  Les  Trois  baisers  du  Diable.  —  17.  La  Bonne  d'enfant,  la  trompette.  —  18.  Le  Carnaval  des  Revues. 

Chaque  morceau  :  3  fr. 


783.  —  28°  Année. 

S»  44. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  29  Septembre 


jri^rs» 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


JULES    LOVY, 

Réuactp  en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  C<>,  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  do  Musique  du  MÉnrESTltEK..  — Vente  et  locntion  de  Pianos  et  Org 


CHANT. 

J.er  Mode  d'abonnement  :  J(oiirnnl-Tcxtc,  tous  les  dimanches;  20  Morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  t  Album* 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

»  Mode  d'abonnement  :  Jlournn.l-Tcxte,  tous  les  dimanches  ;  *0  Morceaux  i 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Alinim«- 
primes  illustres.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    Itl:l  \1S  t 

3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  52  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  A  Unir 
Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


i-primes  illustré.. 


On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décemhre,etles  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  HI2tir.I!I,  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacquesrtousseau,8.  — 5773 


SOMMAIRE.   —  TEXTE. 

I.  La  nouvelle  salle  de  l'Opéra.  E.  — II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lovy.  —  ÏIÎ.  La 
Lionne  de  Trouville  (suite  et  lin).  Marquis  de  Lassay.  —  IV.  Tablettes  du  pia- 
niste et  du  chanteur:  Perfectionnements  apportés  dans  le  mécanisme  du  piano 
par  les  Éraiïd.  —  V.  Inauguration  de  l'orgue  d'accompagnement  de  la  cathé- 
drale de  Bayeux.  — VI.  Nouvelles,  nécrologie  et  annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  mimé  rode  ce  jour  : 

LE  CHANT   DU  MARIN 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

POLKA-MAZURKA  DES  CLERCS, 

Composée  par  Mosard,  sur  la  Chanson  de  Fortunio,  opéra  de 
J.  Offenbach. 

Suivra  immédiatement  après  :  La  Polka  des  Colombes,  parL.  Dessane. 


LA  NOUVELLE  SALLE  DE  L'OPÉRA. 


La  construction  de  la  nouvelle  salle  de  l'Opéra  préoccupe  non 
seulement  Paris,  mais  la  France  tout  entière;  nous  pourrions 
même  dire  les  deux  -mondes.  C'est  que  notre  Académie  impériale 
de  Musique  est  le  temple  lyrique  où  se  rendent  en  pèlerinage  les 
étrangers  de  tous  pays ,  en  compagnie  des  dilettantes  de  nos 
quatre-vingt-dix  départements.  C'est  donc  un  monument  émi- 
nemment national  que  celui-là,  et  c'est  sans  surprise  que  nous 
voyons  les  journaux  de  la  province  disserter  à  l'avance  sur  sa 
construction,  sa  sonorité,  ses  avantages  et  ses  désavantages  pos- 
sibles. Le  Journal  de  Maine-et-Loire,  qui  s'occupe  volontiers  de 
musique  et  de  théâtre,  publie  h  ce  sujet  le  document  suivant, 
qui,  sans  manquer  d'intérêt  au  point  de  vue  de  la  construction 
du  nouvel  Opéra,  nous  fournit  d'excellentes  appréciations  sur 
l'art  du  chant  dramatique.  C'est  à  ce  double  titre  que  nous  nous 
empressons  de  le  reproduire,  en  regrettant  de  ne  pouvoir  donner 


que  l'initiale  du  nom  de  l'auteur,  l'un  de  nos  jurisconsultes  les 
plus  distingués. 

«  Je  lis  dans  un  journal  :  «  Ce  n'est  point  une  affaire  indiffé- 
«  rente  ni  pour  la  France ,  ni  même  pour  l'Europe,  que  la 
«  construction  d'une  Académie  impériale  de  Musique  a  Paris.  » 
Pour  bien  comprendre  une  telle  assertion,  il  est  évident  qu'on 
ne  doit  pas  s'arrêter  aux  12  millions  que  coûtera  la  construction 
de  la  salle  nouvelle,  et  aux  40  millions  que,  selon  M.  de  Las- 
teyrie,  la  ville  de  Paris  consacre  à  son  emplacement  et  à  la  for- 
mation de  ses  abords,  mais  qu'il  faut  songer  à  l'importance 
artistique  de  cette  scène  deux  fois  séculaire,  et  devenue  si  célèbre, 
de  ce  type,  offert  au  monde  musical  tout  entier,  du  chant  lyrique 
français.  Or,  si  le  caractère  de  ceux  qui  commencent  toujours 
par  blâmer,  des  mécontents  quand  même,  de  ces  dessécheurs 
d'idées,  que  les  Italiens  appellent  si  justement  des  seccalori,  me 
semble  avant  tous  autres  maussade  et  bon  à  fuir;  je  n'en  re- 
garde pas  moins  comme  très-permis  d'émettre  certaines  appré- 
hensions en  présence  d'un  abus  possible,  ou  plutôt  de  l'accrois- 
sement d'un  abus  existant  déjà. 

«  Dans  les  détails  donnés  sur  les  proportions  de  l'Opéra  nou- 
veau, j'ai  vu  que  la  scène  serait  plus  large  que  celle  de  la  salle 
actuellement  en  exercice.  Ce  mot,  je  vous  l'avoue,  me  fait  un  peu 
peur.  Je  crains  qu'à  force  de  songer  à  la  solennité  de  l'édifice, 
à  la  splendeur  de  ses  loges  étincelantes,  à  l'accroissement  du 
nombre  des  auditeurs,  on  n'ait  mis  en  oubli  cette  vérité,  mal- 
heureusement immuable,  que  les  forces  humaines  sont  limitées, 
et  que,  dans  une  salle  destinée  au  chant,  il  faut,  avant  tout, 
penser  aux  chanteurs.  La  difficulté,  pour  la  plupart  des  voix,  de 
soutenir,  sur  la  scène  de  l'Opéra  actuel,  la  diction  d'une  œuvre 
développée,  n'a-t-elle  pas  frappé  chacun  de  nous?  Que  sera-ce 
si  on  agrandit  encore  le  théâtre,  ce  qui,  d'ailleurs,  entraînera 
probablement  l'augmentation  du  nombre  des  exécutants  de  l'or- 
chestre? Il  est,  on  le  sait,  en  Italie,  des  scènes  d'une  considé- 


346 


LE  MÉNESTREL. 


rable  étendue.  Mais  en  supposant  que,  chez  nos  voisins,  cet 
excessif  développement  ne  nuise  à  personne,  il  faut  remarquer 
que  chanter  à  Milan  ou  chanter  à  Paris  sont  deux  choses  fort 
différentes.  En  Italie,  si  l'on  écoute  avec  soin  certains  morceaux 
d'un  opéra,  on  en  néglige  beaucoup  d'autres  dont  l'exécution 
peut  dès  lors  être  moins  bien  soutenue.  Mais  en  France,  depuis 
Gluck  surtout,  nous  voulons ,  comme  le  dit  Métastase,  «  cette 
«  expression  vraie,  sage,  naturelle,  marchant  de  front  avec  le 
«  naïf  sentiment  des  paroles.  »  Si  ce  sentiment  est  énergique, 
comme  dans  Guillaume  Tell  ou  le  Prophète,  de  quels  efforts  et 
de  quelle  fatigue  ne  sera-t-on  pas  témoin  ?  Or,  l'inconvénient  est 
d'autant  plus  à  signaler  que  déjà  il  existe,  et  qu'en  attendant  le 
jour  heureux  où  l'on  pourra  détruire  le  mal,  je  ne  viens  ici  que 
combattre  son  aggravation. 

«  Personne  ne  peut  nier,  en  effet ,  que  chez  la  plupart  des 
chanteurs,  de  l'Opéra  notamment,  l'émission  de  la  voix  arrive 
souvent  à  un  déplorable  excès.  Sans  rechercher  si  la  faute  en  est 
à  telle  ou  telle  école,  cet  excès  est  certain  et  va  se  propageant. 
Les  feuilletonistes  de  Paris,  trop  vite,  sans  doute,  las  d'en  parler, 
n'en  disent  plus  rien,  et  donnent  aux  exécutants  des  éloges  mé- 
rités par  mainte  et  mainte  brillante  qualité,  mais  qui  n'empê- 
chent pas  de  singuliers  désenchantements  quand  ces  artistes  se 
présentent  devant  un  auditoire  encore  habitué  à  une  voix  posée 
et  non  chevrotante,  à  une  diction  mesurée  et  de  bon  goût.  En 
augmentant  les  proportions  de  la  scène,  ne  donnera-t-on  pas 
une  impulsion  nouvelle  à  ces  entraînements  fâcheux  ?  Le  spec- 
tacle, dit-on,  sera  plus  splendide  ;  les  chœurs  pourront  mieux  se 

déployer  et  être  plus  nombreux Mais  l'Académie  impériale 

de  Musique  doit,  tout  en  s' occupant  des  grands  effets  du  chant  en 
masse,  ne  rien  faire  qui  entrave  la  diction  des  premiers  sujets, 
des  acteurs  chargés  des  récils.  C'est  là  que  se  trouve  réellement  le 
but  à  atteindre,  c'est  là  que  l'école  se  juge,  et,  s'il  ne  s'agissait 
que  d'effets  d'ensemble,  on  aurait  à  peine  raison  de  regretter 
Duprez  et  Nourrit. 

«  Cet  inconvénient  sera  évité  peut-être...  on  doit  le  souhaiter 
sincèrement.  L'augmentation  possible  de  l'orchestre  est  ici  une 
chose  bien  moins  inquiétante  ;  car  des  instrumentistes  d'un  tel 
mérite  savent,  quand  le  chanteur  le  veut,  proportionner  leur 
accompagnement  à  sa  voix  :  Mme  Vanden-Heuvel  et  le  ténor 
Michot  pourraient  en  porter  témoignage.  Qu'il  surgisse  donc  un 
artiste  qui,  sans  faire  comme  une  exhibition  de  ces  ut  naturel 
et  ut  dièze  si  maladroitement  vantés,  s'occupe  uniquement  de 
dire,  d'exprimer  mélodieusement,  de  chanter  en  un  mot.  La 
solennité  dont  on  veut  entourer  la  lice  rendra  plus  glorieuses  que 
jamais  les  palmes  à  conquérir,  et  nous  aimons  à  croire  que  le 
jour  où  devra  s'ouvrir  la  scène  nouvelle,  des  talents  dignes  de  sa 
splendeur  viendront  nous  livrer  leurs  noms,  et  s'attacheront  à 
maintenir  l'art  du  chant  dans  des  limites  que  depuis  quelque 
temps  il  semble  ouvertement  abandonner.  » 

E. 


SEMAINE  THÉATKALE. 


Le  début  de  M.  Faure  dans  Pierre  de  Médicis  est  annoncé  à 
I'Opéea  pour  demain  lundi.  A  part  l'attrait  de  ce  début,  la  re- 
prise de  la  partition  ne  manquera  pas  d'un  certain  intérêt;  nous 
avons  déjà  dit  que  l'auteur,  M.  le  prince  Poniatowski,  d'accord 
avec_MM.  de  Saint-Georges  et  Émilien  Pacini,  a  introduit  d'im- 


portantes modifications  à  son  œuvre,  et  en  a  changé  le  dénoû- 
ment.  Or,  voici  ces  changements  :  la  cérémonie  lugubre  de  la 
coupe  des  cheveux  est  supprimée  ;  désormais  le  duc  Pierre  arri- 
vera à  temps  pour  arracher  Laura  au  ciseau  fatal  et  l'unir  à  son 
frère.  L'ancien  final  est  remplacé  par  un  grand  morceau  d'en- 
semble avec  chœurs  et  partie  principale  de  ténor.  Ce  morceau 
est  inédit  ;  il  avait  été  écrit  par  le  prince  Poniatowski  pour  Fras- 
chini,  lequel  devait  chanter  Pierre  de  Médicis  à  Madrid. 

Voici  quel  sera  définitivement  l'ordre  du  répertoire  du  Théâ- 
tre-Italien pendant  le  premier  mois  de  la  saison  : 

Mardi  prochain,  2  octobre,  réouverture  avec  //  Matrimonio 
segrelo  ;  —  puis  la  Sonnambula;  —  Semiramide,  —  et  à  la 
fin  du  mois  Marta,  pour  la  rentrée  de  Mario  et  le  début  de 
Mme  Solpini.  La  Sonnambula  servira  à  la  rentrée  de  notre  basso 
cantante  Tagliafico;  M1Ie  Marie  Battu  et  Belart  chanteront  les 
autres  rôles. 

Cosi  fan  lutte,  un  chef-d'œuvre  de  Mozart  absolument  ignoré 
de  la  génération  actuelle,  sera  donné  dans  la  première  moitié  de 
la  saison.  On  fait  venir  les  parties  d'orchestre  de  Milan. 

A  I'Opéra-Comique,  Mme  Ugalde  a  effectué  sa  rentrée  dans 
V Étoile  du  Nord.  L'organisation  de  l'artiste  et  son  brio  musical 
se  prêtent  toujours  à  merveille  à  toutes  les  difficultés  de  la  par- 
tition. Le  rôle  de  Danilowitch,  confié  à  Ponchard  par  suite  du 
départ  de  Delaunay-Riquier,  est  rempli  avec  talent  et  intelli- 
gence. Mme  Revilly  remplace  MUe  Prost  dans  le  rôle  de  l'une  des 
cantinières,  et  communique  à  ce  type  une  nuance  de  gravité  qui 
n'est  pas  précisément  dans  le  programme.  —  C'est  dans  les  pre- 
miers jours  de  cette  semaine  que  Couderc  doit  reprendre  sa  belle 
création  de  Shakespeare  du  Songe  d'une  nuit  d'été.  —  La  Cir- 
cassienne  sera  reprise  le  15  octobre. 

Roger,  qui  avait  attiré  la  foule  dans  Haydce,  lundi  dernier, 
n'a  pu  se  faire  entendre  mercredi  et  vendredi  dans  la  Dame 
Blanche,  selon  les  promesses  de  l'affiche.  Une  indisposition  sans 
gravité  a  fait  remettre  les  deux  représentations.  Celle  de  vendredi 
a  été  remplacée  par  le  Caïd,  avec  sa  nouvelle  Virginie,  M"e  Balbi, 
qui  est  aussi  devenue  la  nouvelle  Perrine  de  Maître  Claude,  aux 
applaudissements  du  public. 

La  Statue  et  le  Bijou  perdu  alternent  avec  bonheur   au 

Théâtre-Lyrique,  en  attendant  les  nouveautés  promises.  Parmi 

les  pièces  en  répétition,  on  cite  un  opéra-comique  de  M.  Prosper 

Pascal.  Mme  Cabel  reparaîtra  très-prochainement  dans  Jaguarita. 

* 
*  * 

Le  Théâtre-Français  a  repris  samedi  le  Duc  Job,  ce  grand 
succès  de  l'année  dernière.  La  spirituelle  pièce  de  M.  Laya  pro- 
met encore  une  série  de  bonnes  soirées. — La  veille,  notre  excel- 
lent comédien  Provost  nous  revenait  dans  le  personnage  de  Chri- 
salde,  des  Femmes  savantes,  un  des  meilleurs  rôles  de  son  ré- 
pertoire classique.  C'était  une  véritable  fête  pour  les  habitués  de 
la  maison. 

L'Odéon  nous  a  donné  mardi  une  pièce  nouvelle  :  le  Revers 
de  la  médaille,  comédie  en  trois  actes,  en  prose,  de  MM.  Léonce 
et  Moléri,  deux  auteurs  dont  la  collaboration  nous  a  déjà  valu 
quelques  ouvrages  estimés.  Leur  nouvelle  œuvre  a  parfaitement 
réussi  ;  elle  renferme  des  traits  d'un  bon  comique,  et  l'esprit  y 
est  toujours  subordonné  aux  idées  saines  et  aux  sentiments  les 
plus  honnêtes.  Mme  Beuzeville  se  distingue  par  la  franchise  de  son 
jeu  ;  Rey,  Delillo,  Jouanni,  Mlles  Debay,  Anaïs  Mollo  et  Rrache 
complètent  l'ensemble  de  l'interprétation. 

Rien  de  nouveau  sur  nos  scènes  secondaires. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


347 


Quelques  théâtres  s'occupent  déjà  de  leurs  revues  de  fin  d'an- 
née. Celle  du  Palais^Royal  se  placera  sous  les  auspices  du  Roi 
d'Araucanie,  l'ex-avoué  du  Périgord,  —  type  nouveau  que  vient 
de  nous  expédier  l'Amérique  pour  alimenter  la  gaieté  française. 

J.  Low. 


LA  LIONNE  DE  TROUYILLE , 

COMÉDIE-  PROVERBE. 

(lre  représentation,  suite  et  fin.) 

Embellissements  de  Troiivïlle  et  Villers. 

La  pièce  achevée,  on  réclame  l'auteur,  on  le  nomme.  On 
l'applaudit  à  outrance.  On  veut  le  voir.  11  s'y  refuse.  Il  s'en  re- 
tourne à  Villers;  et  le  lendemain,  les  journaux,  revues  et  feuil- 
letons de  Normandie  pleuvent  dans  son  refuge,  où  j'en  extrais 
au  hasard  les  lignes  suivantes  : 

«  Vous  savez  que  dans  toute  grande  fête  il  y  a  un  bouquet  ; 
j'en  ai  un,  moi  aussi,  à  vous  offrir,  celui  de  notre  brillante  sai- 
son de  1861. 

«  Une  soirée  exceptionnelle  vient  de  consacrer  notre  théâtre  : 
la  première  représentation  de  la  Lionne  de  TrouviUe  ou  la  Fleur 
des  Pyrénées,  comédie  de  M.  Pitre-Chevalier,  écrite  par  lui 
pour  Mme  Arnould-Plessy,  du  Théâtre-Français,  et  qui  n'avait 
encore  été  jouée  qu'à  l'Ecole  d'Athènes,  dans  les  châteaux  et 
dans  quelques  grands  salons  de  Paris.  C'est  une  pièce  de  cape 
et  d'épée,  alerte  et  cavalière,  un  bijou  dramatique,  littéraire  et 
mondain,  qui  rappelle  les  plus  fines  pages  d'Alfred  de  Musset. 
Tout  le  Trouville  élégant  s'y  était  donné  rendez-vous,  et  a  recon- 
nu, applaudi,  fêté  la  délicieuse  leçon  donnée  par  l'auteur  aux 
lionnes  de  notre  plage. 

«  Ne  pouvant  venir  de  Villers  à  toutes  les  répétitions,  M.  Pitre- 
Chevalier  avait  adressé  ses  instructions  à  Mlle  Lefresne  pour  le 
rôle  de  la  comtesse  de  Tassis,  sous  une  forme  charmante  et  inat- 
tendue, sous  la  forme  d'un  bouquet  mêlé  de  fleurs  de  serre  et  de 
plantes  sauvages  cueillies  dans  son  jardin  de  Villers  et  dans  les 
précipices  des  Vaches-Noires,  accompagnées  des  vers  suivants, 
si  bien  mérités  par  notre  grande  coquette  et  notre  jeune  pre- 
mière : 

Ce  bouquet  vous  peint  la  comtesse  : 

Fleurs  de  serre  avec  fleurs  des  bois  ; 

Plantes  que  le  soleil  caresse 

Et  que  le  vent  met  aux  abois. 

Ricbes  couleurs,  parfums  sauvages  ; 

Cœur  de  femme  battu  d'orages, 

Caprice  en  lutte  avec  nos  lois  ; 

Courage  ardent,  pudeur  craintive, 

Luxe  affolé,  beauté  naïve. . . 

Trouville  et  Villers  à  la  fois. 

En  bon  français,  cela  veut  dire  : 

Les  langue  ars  de  votre  sourire 

Tempérant  l'éclat  de  vos  yeux  ; 

Un  peu  de  fougue  et  de  délire 

Dompté  par  un  frein  gracieux. . . 

Votre  port  et  vos  airs  de  reine, 

Votre  jeu  brillant  et  précis  ; 

Voilà  la  vaillante  LEFRESNE, 

Voilà  madame  de  Tassis  !  » 

(Journal  la  Plage.) 
«  Enfin,  on  a  vu  et  salué  de  bravos  la  Lionne  de  Trouville. 
Le  théâtre  était  trop  étroit  pour  une  telle  solennité,  à  l'apogée 
d'une  saison  qui  réunit  à  Trouville  tant  d'illustrations  et  d'étoi- 
les, entre  autres    la  famille  du  prince  Murât ,  arrivée  hier  chez 


M.  le  baron  Clary,  cousin  de  Sa  Majesté.  Heureusement,  nous 
l'espérons,  la  pièce  sera  donnée  plusieurs  fois.  Mais  rien  ne 
pourra  remplacer  le  charme,  l'émotion,  les  surprises,  le  triom- 
phe de  la  première  représentation.. .  La  Lionne  de  Trouville  est  à 
la  fois  un  petit  drame  vif  et  passionné,  un  proverbe  joyeux,  avec 
travestissements  et  doubles  rôles,  —  et  une  moralité  malicieuse 
et  douce,  pleine  de  verve  et  d'à- propos,  mais  aussi  de  convenance 
et  de  galanterie.  Les  lionnes  de  Trouville  se  sont  d'abord  mordu 
la  lèvre,  dans  une  moue  coquette,  et  du  bout  de  leurs  dents 
blanches;  mais,  après  écouté  la  gracieuse  leçon  jusqu'au  bout, 
elles  ont  applaudi  le  portrait  inspiré  en  même  temps  par  leur 
grâce  et  par  leur  fantaisie,  par  leur  courage  et  par  leur  charité. 
«  Notre  spirituelle  et  charmante  Célimène,  M"0  Lefresne,  a 
trouvé  là  un  rôle  à  sa  noble  mesure,  un  rôle  taillé  par  l'auteur, 
on  le  sait,  pour  Mme  Arnould-Plessy,  de  la  Comédie-Française. 
(Pendant  les  répétitions  do  la  Lionne  de  TrouviUe,  M"e  Lefresne 
a  conclu  un  engagement  des  plus  brillants  pour  la  Russie,  d'où 
elle  nous  reviendra  sans  doute,  après  avoir  été  la  Lionne  de 
Saint-Pétersbourg .)  » 

(Journal  de  Trouville.) 

«  La  veille  même  de  la  représentation  du  joli  proverbe 
du  Musée  des  Familles,  son  rédacteur  en  chef  avait  fait  faire  un 
pas  décisif  à  une  affaire  qui  intéresse  non-seulement  le  pays, 
mais  tous  les  baigneurs  de  Paris  et  de  la  France,  emportés  vers 
les  plages  verdoyantes  de  la  Normandie. 

«  Dans  un  dîner  qui  réunissait  M.  le  baron  Clary,  cousin  de 
l'Empereur  et  maire  de  Trouville ,  M.  de  La  Guéronnière, 
M.  Oliffe,  M.  Paris  d'Illius,  M.  le  baron  de  Razac,  M.  Louis 
Enault,  etc.,  on  a  étudié  chez  M.  Pitre-Chevalier  la  grande 
question  du  chemin  de  la  plage  de  Trouville  à  Villers,  par  l'éta- 
blissement de  Deauville.  Cette  route,  qui  sera  la  vie  de  toutes 
les  communes  du  Midi,  qu'elle  réunira  à  leur  centre,  va  s'exé- 
cuter avec  tous  les  concours  possibles,  et,  mettra  bientôt  Villers 
à  cinq  minutes  de  Trouville;  Reuzeval  et  Dives  à  une  heure. 
Elle  entraînera  une  jetée  et  un  petit  port  à  Villers.  Sic  itur  ad 
astra. 

«  Après  le  dîner,  un  concert  charmant  a  retenu  jusqu'à  onze 
heures  les  nobles  convives  et  toutes  les  sommités  de  la  colonie. 
M.  Lyon  a  transporté  l'auditoire  avec  le  Fou  Guillau,  deNadaud. 
M.  du  Tillet  et  MUe  Céronetti  ont  préludé  à  leurs  succès  de 
lundi  prochain,  au  théâtre  de  Trouville,  dans  le  délicieux  opéra 
des  Noces  de  Jeannetle;  c'est  le  rôle  de  bravoure  de  M.  du  Tillet. 
Quant  àMlle  Céronetti,  lauréate  du  dernier  concours  au  Conser- 
vatoire, c'est  la  jeunesse,  la  beauté  et  le  talent  dans  leur  première 
fleur.  On  ne  parlait  plus  le  lendemain,  sur  les  deux  plages,  que 
des  grâces,' de  la  voix,  du  jeu  de  M"e  Céronetti  ;...  Et  surtout 
de  la  route  admirable  qui  sera  le  chemin  de  la  corniche  nor- 
mande, et  qui  ne  fera  qu'un  seul  groupe  de  Trouville,  de  Villers, 
et  du  nouveau  Rade  qu'élèvent  entre  les  deux  plages  MM.de 
Morny,  Donon,  Oliffe,  Ch.  Ladite  et  Rrennay. 

«  M.  Pitre-Chevalier  avait  prédit  ces  merveilles,  il  y  a  cinq 
ans,  dans  la  lettre  suivante,  publiée  en  1856  : 

«  J'ai  trouvé  un  vieux  projet  de  port  de  refuge  à  la  côte  de 
«  Trouville,  qui  date  de  quatre  cents  ans,  et  que  réclamaient 
«  alors  tous  les  marins  du  monde.  L'État  dénichera  ce  projet. 
«  Il  fera  ce  port  et  des  bassins  à  Trouville.  Des  gens  avisés  y 
«  joindront  une  route  le  long  de  la  plage,  une  ville  peut-être  et 
«  des  palais  à  Deauville,  —  et  alors  Tiouville  deviendra  le 
«  Rade  maritime  de  France  ;  et  le  plus  magnifique  boulevard  de 


348 


LE  MÉNESTKEL. 


«  l'Europe  sera  ce  boulevard  fleuri  qui  longera  la  mer  de  Hon- 
«  fleur  à  Dives,  en  passant  par  "Villerville,  Villers,  Beuzeval,  et 
«  en  se  prolongeant  peut-èlre  ensuite  jusqu'à  Cherbourg.  » 

«  C'est  ce  qui  s'exécute  aujourd'hui  à  la  lettre,  avec  le  con- 
cours du  gouvernement.  Le  pont  de  Trouville  est  déjà  fait.  Le 
chemin  de  fer  le  joindra  dans  huit  mois.  Le  fameux  boulevard 
est  tracé,  ainsi  que  la  cité  de  Deauville.  Le  palais  du  comte  de 
Morny  est  bâti  jusqu'au  premier  étage.  Son  jardin  sera  planté  et 
fleuri  à  la  saison  prochaine.  Quatre  villas  splendides  vont  l'en- 
tourer dignement.  Un  hippodrome  immense  et  un  club,  avec  des 
yacks,  réuniront  tous  Jes  sportsmen  de  France  et  d'Angleterre. 
M.  de  Morny  vient  d'acheter  pour  l'inauguration  un  étalon  de 
80,000  fr.,  etc. 

«  Alors  Mme  Arnould-Plessy  viendra  jouer  elle-même,  sur  un 
théâtre  digne  de  sa  renommée,  les  proverbes  écrits  pour  elle  par 
M.  Pitre-Chevalier.  » 

[Journal  de  Trouville,  Moniteur  du 
Calvados,  etc.,  etc.) 

En  attendant  cette  fortune  qui  tombe  à  Villers  endormi  sous 
ses  ombrages,  il  lutte  déjà  avec  les  audaces  de  Trouville,  car 
Villers  a  joué,  lui  aussi,  son  proverbe  du  Musée  des  Familles, 
et  de  son  rédacteur  en  chef  :  La  fumée  d'un  cigare  (livraison  de 
septembre  1860),  interprété  d'une  façon  exquise  par  M.  et 
Mme  Lyon... 

Le  marquis  de  Lassay. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


PERFECTIONNEMENTS  APPORTÉS  DANS  LE  MÉCANISME  DU  PIANO 


LES  ERARD 

Depuis    l'origine,   de    cet   instrument    jusqu'à   l'exposition    île    IS3« 

Nous  avons  été  amenés,  dimanche  dernier,  par  la  lettre  de 
M.  Ungeret  et  les  renseignements  qu'il  a  bien  voulu  nous  com- 
muniquer, à  parler  de  l'origine  du  piano,  c'est-à-dire  de  la  trans- 
formation de  l'antique  clavecin,  et  des  perfectionnements  dus 
sous  ce  rapport  à  la  maison  Erard,  qui  s'est  placée  si  haut  dans 
cette  grande  industrie  de  l'instrument  devenu  universel.  Nous 
revenons  aujourd'hui  sur  cette  intéressante  question  en  repro- 
duisant dans  ces  Tablettes  du  Pianiste  l'histoire  des  perfection- 
nements apportés  dans  le  mécanisme  du  piano  par  les  Erard 
depuis  l'origine  de  cet  instrument  jusqu'à  l'Exposition  de  1834. 
Nous  publierons  ensuite  la  notice  publiée  en  1855  par  MM.  Fir- 
minDidot  frères,  sur  MM.  Erard  et  leurs  travaux,' et  nous 
croyons  pouvoir  affirmer  à  nos  lecteurs  qu'ils  trouveront  là  de 
précieux  documents.  D'ailleurs  n'est-ce  déjà  point  une  bonne 
fortune  que  d'apprendre  à  bien  connaître,  au  point  de  vue  mé- 
canique, l'instrument  dont  nos  doigts  recherchent  les  effets  d'art? 
C'est  là  une  question  négligée  jusqu'ici,  même  par  les  artistes,  et 
c'est  regrettable  à  plus  d'un  titre.  Aussi  sommes-nous  heureux 
de  livrer  ce  nouveau  sujet  d'investigations  à  la  sollicitude  des 
professeurs,  qui  ne  manqueront  pas  d'en  faire  part  à  leurs  élèves. 

* 

«  *  * 

Le  mécanisme  a  suîtout  attiré  l'attention  des  facteurs,  puisque 
c'est,  dans  les  instruments  à  touches,  le  point  le  plus  important. 


Comme  dans  l'admirable  disposition  du  gosier  le  mécanisme  se 
prête  à  moduler  les  inflexions  de  la  voix  pour  parler  à  l'âme, 
de  même  c'est  lui  qui  sert  à  tirer  du  corps  sonore  les  différentes 
nuances  de  son  qu'exige  l'expression;  et  sans  l'expression,  que 
serait  la  musique? 

Aussi,  quelle  peine  ne  s'est-on  pas  donnée  pour  rendre  les 
instruments  à  clavier  susceptibles  d'expression  !  Peu  de  gens,  en 
voyant  la  perfection  actuelle  du  piano,  peuvent  s'imaginer  les 
nombreux  essais  tentés  ,  les  difficultés  vaincues,  les  heureux 
changements  introduits  pour  y  parvenir,  depuis  l'année  1775 
environ  qui  a  vu  les  premières  améliorations  importantes. 


Croirait-on  aujourd'hui  que  dans  le  clavecin,  l'instrument  à 
peu  près  le  plus  parfait  de  son  temps,  la  corde  était  pincée  par 
un  petit  morceau  de  plume  attaché  au  sautereau  qui  repose  sur 
la  touche?  Aussi,  peu  importait  qu'on  appuyât  sur  celle-ci  avec 
ou  sans  force,' la  nuance  du  son  était  toujours  à  peu  près  la  même. 
Frappé  de  ce  défaut,  Sébastien  Erard  se  mit  à  la  recherche  des 
moyens  propres  à  modifier  la  qualité  du  son;  et,  par  l'applica- 
tion de  registres  nouveaux,  il  établit  lui-même,  en  1779,  son 
clavecin-mécanique. 

Sur  chaque  note  de  ce  clavecin  perfectionné  se  trouvaient 
placés  quatre  sautereaux  différents,  trois  de  plume  et  un  de 
buffle.  Par  l'emploi  des  registres  séparés  ou  réunis,  on  modifiait 
la  qualité  et  la  force  du  son;  ce  qui  détruisait  en  quelque  sorte 
la  monotonie  du  clavecin  ordinaire. 

Cet  instrument  fit  sensation.  Tout  Paris  courut  le  voir  dans  le 
cabinet  de  curiosités  de  M.  de  la  Blancherie,  où  il  était  déposé. 
Le  journal  que  rédigeait  alors  l'abbé  Roussier  rapporte  l'enthou- 
siasme qu'il  produisit. 


Ce  fut  à  peu  près  à  cette  époque  que  parurent  les  premiers 
pianos.  Dans  ce  genre  d'instrument,  la  corde  n'était  plus  pincée, 
mais  mise  en  vibration  par  le  marteau,  qui  frappe  plus  ou  moins 
fort,  suivant  l'impulsion  que  lui  donne  la  touche. 

PIANOS  A  2  CORDES  ET  5  OCTAVES. 

Plus  tard  ,  dans  le  mécanisme  des  pianos  tels  qu'Erard  les 
fabriquait  à  Paris  vers  1780,  on  remarque  le  pilote  qui  sert  de 
correspondant  entre  la  touche  et  le  marteau;  un  autre  pilote, 
passant  à  travers  le  sommier  auquel  les  cordes  sont  attachées,  fait 
lever  l'étouffoir  lorsqu'on  a  frappé  la  corde,  et  en  arrête  la  vibra- 
tion dès  qu'on  laisse  remonter  la  touche  au  niveau  du  clavier. 
L'étouffoir  est  maintenu  sur  la  corde  par  le  ressort  en  fil  de  cui- 
vre dont  se  servent  encore  aujourd'hui  la  plupart  des  facteurs. 
Erard  l'avait  substitué  aux  ressorts  en  baleine,  qui  manquaient 
de  précision  et  qu'employaient  les  facteurs  anglais  de  cette  époque. 

On  y  voit  aussi  le  jeu  de  pédale,  qui,  agissant  sur  un  registre, 
lève  à  volonté  tous  les  étouffoirs,  et  permet  dans  de  certains  pas- 
sages de  laisser  entièrement  vibrer  toutes  les  cordes  dont  on  a  fait 
jouer  les  marteaux.  Celte  pédale,  appelée  grande  pédale  ou  forte, 
n'a  subi  aucun  changement,  et  c'est  celle  dont  on  fait  encore  le  plus 
d'usage. 

Le  même  effet  avait  été  produit  dans  les  pianos  fabriqués  en 
Angleterre,  mais  au  moyen  de  registres  qu'il  fallait  tirer  avec  la 
main.  11  n'est  pas  besoin  de  faire  remarquer  l'inconvénient  d'un 
pareil  procédé,  qui  forçait  à  s'arrêter  et  qui  occupait  ailleurs  une 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


349 


main  que  réclamait  probablement  sur  le  clavier  la  musique 
qu'on  exécutait. 

PIANOS  UNICORDES   ET   A  PLUSIEURS  CORDES. 

Les  premiers  pianos  n'eurent,  comme  leur  devancier  le  cla- 
vecin, qu'une  seule  corde  à  chaque  note;  peu  après  on  en  mit 
deux  pour  obtenir  plus  de  son  ;  plus  tard  on  se  servit  de  trois,  on 
alla  même  jusqu'à  quatre.  Mais  l'expérience  a  prouvé  que  trois 
donnent  le  meilleur  résultat.  C'est  en  vain  qu'un  facteur  de 
Paris  a  voulu  renouveler  ce  qui  s'était  vu  dans  l'enfance  de 
l'instrument,  en  ne  mettant  de  jnouveau  qu'une  seule  corde.  Cet 
essai,  dont  on  avait  d'abord  fait  grand  bruit,  n'a  pas  réussi,  et 
on  devait  s'y  attendre;  car  il  y  avait  longtemps  que  les  facteurs 
expérimentés  en  avaient  reconnu  l'inconvénient.  Il  n'entre  pas 
dans  notre  sujet  de  les  énumérer  ici  :  disons  seulement  qu'une 
fois  celte  corde  unique  cassée,  il  n'y  a  plus  d'autre  son  que  celui 
du  bois. 

Tout  simple  que  paraît  aujourd'hui  ce  système  des  premiers 
pianos,  il  a  fallu  bien  du  temps  et  de  la  persévérance  pour 
l'établir.  Les  frères  Erard  fabriquèrent  eux-mêmes  les  premiers 
instruments  de  ce  genre  sur  leurs  propres  dessins  et  modèles. 
Mais  à  mesure  que  le  goût  du  piano  se  répandit,  ils  se  trouvèrent 
dans  la  nécessité  de  former  des  ouvriers  pour  les  aider,  et  d'in- 
venter des  outils,  des  machines  pour  assurer  l'exécution  bien 
précise  des  différentes  pièces  qu'ils  réunissaient  eux-mêmes  pour 
en  former  un  tout  parfait.  C'est  ainsi  que  peu  à  peu  la  fabrica- 
tion des  pianos  s'est  établie  ;  et  de  cette  école  sont  sortis  presque 
tous  les  facteurs  répandus  depuis  dans  la  capitale  et  dans  les  pro- 
vinces. 

PREMIERS    PIANOS    A    3    CORDES. 

Les  premiers  pianos  à  trois  cordes  furent  fabriqués  vers  1790 
par  les  frères  Erard.  C'était  un  perfectionnement  du  mécanisme 
des  pianos  à  deux  cordes.  Les  frères  Erard  y  avaient  ajouté  le 
faux  marteau,  ou  double  pilote,  placé  entre  la  louche  et  le  mar- 
teau. 

Dès  celte  époque  aussi,  pour  satisfaire  les  désirs  pressants 
des  pianistes,  dont  les  immenses  progrès,  comme  compositeurs  et 
exécutants,  rendaient  les  cinq  octaves  insuffisantes,  les  frères 
Erard  établirent  successivement  des  pianos  à  cinq  oclaves  et 
demie,  à  six,  à  six  et  demie,  et  même  en  sept.  Mais  il  en  a  été 
pour  le  nombre  des  octaves  comme  pour  celui  des  cordes  :  après 
s'être  jeté  dans  les  extrêmes,  dans  le  louable  mais  vain  espoir  de 
faire  mieux  ,  on  a  fini  par  s'en  tenir  à  un  terme  raisonnable,  et 
six  oclaves  et  demie,  de  l'ut  au  fa,  sont  aujourd'hui  reconnues 
pour  être  ce  qu'il  y  a  de  plus  satisfaisant  (1).  En  effet,  le  peu  de 
longueur  que  doivent  avoir  les  dernières  cordes  avec  six  octaves 
et  demie,  rend  déjà  les  vibrations  presque  imperceptibles,  et  ne 
produit  bien  souvent  que  de  la  sécheresse  dans  la  qualité  du  son. 
11  est  évident  que  plus  on  monte,  et  plus  ces  défauts  se  font 
sentir. 

MÉCANISME    A    PILOTES. 

Ce  mécanisme  des  pianos  à  trois  cordes  fut  nommé  méca- 
nisme à  pilotes,  et  c'est  ainsi  qu'on  le  distingue  du  mécanisme 
à   échappement,  que  nous  allons  décrire. 

MÉCANISME    A    ÉCHAPPEMENT. 

Celui-ci  fut  également  établi  par  les  frères  Erard,  vers  179G, 

(1)  Il  ne  faut  pas  oublier  que  ce  travail  remonte  à  l'année  1831.  On  sait 
aujourd'hui  que  le  piano  au  la,  c'est-à-dire  à  6  oclaves  3/4,  et  même  celui 
à  7  octaves  pleins,  sont  généralement  adoptés. 


dans  les  pianos  à  queue  ou  en  forme  de  clavecin,  qu'ils  fabri- 
quèrent les  premiers  en  France.  L'un  d'eux,  Sébastien,  avait, 
quelques  années  auparavant,  jeté  les  fondements  de  sa  maison  de 
Londres,  où  il  débuta  par  obtenir  un  brevet  ou  patent  qui  con- 
tient les  perfectionnements  de  la  harpe  à  simple  mouvement 
à  fourchettes,  et  du  mécanisme  à  échappement  également  adopté 
dans  ses  premiers  pianos  à  queue  fabriqués  en  Angleterre. 

11  avait,  dès  celle  époque,  apporté  dans  ce  mécanisme  des 
améliorations  importantes,  qui,  par  la  suile,  ont  été  suivies  et  le 
sont  encore  aujourd'hui  par  les  meilleurs  facteurs. 

La  première  consiste  dans  l'application  de  la  pièce  qui,  par  sa 
construction,  permet  d'élever  davantage  du  centre  de  la  touche  le 
plan  incliné  qui  opère  l'échappement,  ce  qui  le  rend  plus  facile 
au  toucher,  avantage  reconnu  dans  les  grands  pianos  d'Erard, 
dès  leur  origine. 

Une  autre,  non  moins  utile,  consistait  en  l'ouverture  de  la 
branche  du  marteau  à  l'endroit  où  le  pilote  fonctionne,  de  ma- 
nière à  ce  que  celui-ci  altaque  plus  directement  le  marteau  au 
niveau  de  son  centre.  Enfin  les  charnières  des  marteaux  furent 
séparées  en  autant  de  fourches  indépendantes  l'une  de  l'autre 
que  l'on  peut  régler  à  volonté,  tandis  que  dans  l'ancienne  mé- 
thode il  faut  enlever  tout  une  octave  de  marteaux  pour  en  visiter 
un  seul  quand  il  est  défectueux. 

Dans  les  pianos  à  queue,  ainsi  que  dans  les  clavecins,  les 
cordes,  au  lieu  de  faire  un  angle  sur  la  ligne  de  la  louche, 
comme  dans  les  pianos  carrés  ,  sont  tendues  sur  l'instru- 
ment, suivant  la  ligne  des  touches.  De  cette  position,  il  résulte  des 
avantages  incontestables  pour  la  qualité  et  la  quantité  du  son,  la 
solidité  et  la  précision  du  mécanisme  ;  avantages  si  bien  et  forte- 
ment reconnus,  que  les  grands  pianos  ont  toujours  été  et  seront 
toujours  les  vrais  instruments  de  concert. 

En  effet,  par  la  nature  du  plan,  les  trois  cordes  peuvent 
être  suffisamment  espacées  pour  ne  pas  se  gêner  dans  leurs  vibra- 
tions, et  l'intervalle  qui  se  trouve  entre  les  cordes  des  différentes 
notes  rend  impossible  toute  confusion  dans  les  sons.  L'étendue 
de  table  sur  laquelle  elles  sont  placées  étant  plus  considérable, 
celle-ci  se  trouve  proportionnellement  moins  chargée,  vibre  plus 
librement,  et  produit  des  sons  plus  ronds  et  plus  moelleux.  Dans 
l'application  du  mécanisme,  aucune  pièce  n'est  biaisée  :  rangées 
toutes  parallèlement  sur  des  lignes  formant  un  angle  droit  avec  le 
devant  du  clavier,  elles  fonctionnent  naturellement  et  avec  ai- 
sance. 

Le  pilote,  qui  prend  une  autre  forme  qu'au  mécanisme  à  pi- 
lote fixe,  est  mobile  sur  son  centre  dans  la  touche;  il  altaque  le 
marteau  près  de  son  centre.  Lorsqu'on  abaisse  la  touche  avec  le 
doigt,  le  pilote  suit  ce  mouvement,  et  fait  monter  le  marteau, 
auquel  il  communique  le  mouvement  de  la  touche  vers  la  corde. 
Pendant  celle  marche,  le  plan  incliné  du  pilote  glissant  contre  le 
point  de  contact,  le  pilote  est  forcé  de  faire  un  léger  mouvement 
rétrograde  sur  son  centre.  Les  proportions  et  les  positions  des 
différentes  pièces  sont  tellement  bien  combinées,  qu'au  moment 
où  le  marteau  est  arrivé  à  la  corde,  la  tête  du  pilote  s'éloigne  de 
manière  à  laisser  le  marteau  sans  appui  à  ce  point;  il  retombe 
alors  par  son  propre  poids  sur  la  pièce  qui  a  suivi  le  mouvement  de 
la  touche  sur  laquelle  elle  est  montée,  et  s'y  trouve  tellement  fixé 
qu'il  ne  peut  rebondir. 

L'étouffoir  est  gouverné  par  la  touche,  qui,  dans  son  mouve- 
ment, vient  le  soulever.  Abaisse-t-on  celle-ci;  il  s'élève  et  laisse 
vibrer  librement  la  corde.  La  laisse-t-on  remonter;  il  reprend  sa 
place  et  fait  cesser  toute  vibration. 


350 


LE  MÉNESTREL. 


La  précision  du  coup  du  marteau  fait  tout  l'avantage  de  cet 
échappement  sur  le  pilote  fixe.  Mais  le  pilote,  à  son  tour,  en  pos- 
sède un  grand  dans  la  légèreté  et  la  facilité  de  répétition;  car, 
avec  lui,  le  marteau  étant  toujours  sur  la  touche,  et  par  conséquent 
aux  ordres  de  l'exécutant,  est  aussi  toujours  prêt  à  répondre  au 
plus  léger  mouvement  du  doigt  ;  ce  qui  serait  un  grand  élément 
de  supériorité,  s'il  n'était  contre-balancé  parle  manque  de  fixité 
après  le  coup  à  la  corde,  ce  qui  l'expose  à  rebondir  lorsqu'on  a 
frappé  avec  force. 

Cette  différence  dans  la  manière  d'opérer  de  deux  mécanismes 
présentant  chacun  des  avantages  et  des  inconvénients,  a,  pendant 
longtemps,  partagé  les  opinoins  sur  la  préférence  qu'on  devait 
leur  accorder.  Cette  raison  engagea  les  frères  Erard  à  fabriquer 
des  instruments  sur  les  deux  principes,  pour  satisfaire  les  diffé- 
rents goûts. 

Cependant,  les  amateurs  et  les  professeurs  ,  accoutumés  aux 
claviers  à  pilotes,  ne  pouvaient  que  difficilement  s'habituer  aux 
claviers  à  échappement;  ils  trouvaient  ceux-ci  lourds,  empâtés, 
lents  et  difficiles  pour  répéter  ;  et  ce  ne  fut  qu'à  force  d'art  et  de 
soins,  et  par  la  suite  d'une  longue  habitude,  que  plusieurs  d'entre 
eux  parvinrent,  non  à  vaincre  les  difficultés,  ce  quittait  impos- 
sible, mais  à  en  pallier  les  défauts.  11  faut  dire  aussi  qu'ils  y 
étaient  encouragés  par  la  pureté  et  la  force  du  son  que  produi- 
saient les  grands  pianos  à  queue,  adoptés  dans  les  concerts  pu- 
blics et  dans  les  réunions  musicales,  à  la  place  des  pianos  carrés 
à  trois  cordes.  Aussi  Sleibelt  ,  Dussek ,  et  tous  les  grands  ar- 
tistes du  temps,  Unirent-ils  par  ne  se  faire  entendre  que  sur  les 
grands  pianos  à  queue  des  frères  Erard. 
[La  suite  au  prochain  ; 


INAUGURATION 
de   l'orgue  de  chœur  de    la  cathédrale  de  Bayeiix. 

La  cathédrale  de  Bayeux  n'avait  depuis  longtemps,  en  fait 
d'orgue,  qu'un  maigre  assemblage  de  tuyaux,  groupés  dans  une 
boiserie  provisoire,  au  bas-côté  gauche  de  l'église,  et  dont  les 
sons  désagréables  ne  contribuaient  que  médiocrement  à  l'em- 
bellissement des  offices. 

A  son  arrivée  dans  le  diocèse,  Mgr  Didiot,  dont  le  goût  et  les 
connaissances  artistiques  ne  sauraient  être  mis  en  doute,  fut 
frappé  de  cette  discordance  entre  la  majestueuse  cathédrale  et  le 
pauvre  instrument,  et  il  se  promit  d'y  porter  remède. 

Grâce  aux  efforts  de  l'éminent  prélat,  grâce  a  la  sollicitude 
du  gouvernement  et  à  la  générosité  des  fidèles,  le  mal  est  main- 
tenant en  partie  réparé,  et  il  le  sera  bientôt  complètement. 
Tandis  que  les  travaux  pour  l'installation  du  grand  orgue  se 
poursuivent  avec  activité,  voici  qu'un  orgue  d'accompagnement 
vient  d'être  établi  dans  le  chœur. 

Cet  instrument  a  12  jeux,  2  claviers  à  la  main  et  un  clavier 
de  pédales-tirasses.  La  composition  des  jeux  est  bien  entendue  ; 
leur  timbre  est  d'une  douceur  et  d'une  égalité  parfaites  ;  peut- 
être  pourrait-on  désirer  plus  de  puissance  dans  le  grand  chœur, 
mais  peut-être  aussi  ce  défaut  de  puissance ,  que  plusieurs  per- 
sonnes ont  remarqué,  ne  tient-il  qu'à  l'emplacement.  Cet  instru- 
ment n'en  est  pas  moins  un  charmant  échantillon  des  produits 
de  la  maison  Cavaillé-Coll. 

Le  buffet,  sculpté  dans  le  style  du  xvne  siècle,  est  assez  élé- 
gant, mais  il  s'harmonise  peu  avec  les  magnifiques  détails  archi- 
tecturaux qui  l'environnent. 

L'inauguration  solennelle  de  cetorgue  a  eu  lieu  le  dimanche  22, 


en  présence  d'une  nombreuse  assemblée.  C'est  qu'il  ne  s'agissait 
pas  seulement  déjuger  des  effets  du  nouvel  instrument  :  un  ar- 
tiste d'un  grand  talent,  jouissant  depuis  longtemps  de  la  répu- 
tation la  plus  méritée,  allait  se  faire  entendre.  Nommer  Lefé- 
bure-Wély,  c'est  tout  simplement  expliquer  l'intérêt  qui  amenait 
cette  foule  dans  la  basilique. 

L'éloge  de  M.  Lefébure  n'est  plus  à  faire  ;  chacun  sait  qu'à 
la  Madeleine,  où  le  charme  de  ses  improvisations  attirait  toujours 
un  auditoire  compacte,  son  absence  est  encore  regrettée.  On  peut 
résumer  son  talent  en  quelques  mots  :  la  science  tempérée  par  la 
grâce.  Ce  que  nous  avons  surtout  admiré  dans  les  quatre  mor- 
ceaux qu'il  a  fait  entendre,  c'est  le  parti  extraordinaire  qu'il  a 
su  tirer  de  ces  douze  jeux.  C'est  dans  l'originalité  et  la  profon- 
deur de  ses  inspirations  que  M.  Lefébure  trouve  celte  variété 
d'effets.  Sa  musique  convient  parfaitement,  du  reste,  aux  jeux 
de  la  facture  moderne,  qui  s'accommoderait  peu  de  l'emploi 
exclusif  des  formules  d'autrefois. 

Entre  les  morceaux  d'orgue,  divers  motets  ont  été  chantés  par 
la  maîtrise  de  la  cathédrale  et  les  sociétés  chorales  de  la  ville, 
sous  la  direction  de  M.  l'abbé  Cappard,  qui,  paraît-il,  est  l'au- 
teur de  ces  compositions.  Nous  le  félicitons  principalement  pour 
son  Ave  Maria,  qui  nous  a  paru  sobre  de  développements  et 
religieux  de  caractère. 

La  bénédiction  du  Saint- Sacrement  a  terminé  cette  cérémonie, 
que  nous  espérons  voir  se  renouveler  l'année  prochaine ,  avec 
plus  d'éclat  encore,  car  il  s'agira  cette  fois  du  grand  orgue. 
[Moniteur  du  Calvados.)  J.  C. 


NOUVELLES  DIVERSES. 

—  On  prépare  à  Berlin,  pour  les  fêtes  du  couronnement,  l'opéra  de 
Spontini,  Nurmahal.  La  mise  en  scène,  les  décors  entièrement  neufs,  les 
costumes,  tout  doit  surpasser  en  splendeur  ce  qui  a  été  fait  jusqu'ici  au 
Théâtre-Royal. 

—  On  écrit  encore  de  Berlin  que  le  dom-chor  (le  chœur  de  la  chapelle) 
doit  assister  au  couronnement  du  roi  à  Kœnigsberg.  Les  artistes  porteront 
à  cette  fête  un  costume  spécial  :  lévite  écarlate,  culotte  noire  avec  jarre- 
tières à  boucles,  souliers  à  boucles,  toque  en  velours  noir.  —  Le  Comte  de 
Santarem,  opéra  nouveau,  de  Schliebener,  a  été  joué  pour  la  première  fois 
à  la  salle  Kroll  :  c'est  l'œuvre  d'un  jeune  homme  qui  a  de  l'avenir. 

—  Au  théâtre  de  Francfort-sur-Mein  on  a  représenté  pour  la  première 
fois  la  Guerre  domestique,  de  Fr.  Schubert.  Le  théâtre  de  cette  ville  est  le 
premier  en  Allemagne  qui  ait  fait  entendre  cette  musique  «  si  fine  et  si 
doucement  colorée,  »  dit  un  correspondant.  D'où  vient  qu'une  partition  de 
cette  valeur  ait  tant  tardé  à  se  faire  jour  sur  la  scène  allemande? 

—  En  tête  de  la  liste  de  souscription  ouverte  pour  le  monument  qui 
s'élève  à  Florence  à  la  mémoire  de  Cherubini  figurent  le  roi  Victor-Em- 
manuel, le  prince  de  Carignan  et  les  membres  de  la  municipalité  de  cette 
ville.  Les  sommes  recueillies  jusqu'à  présent  s'élèvent  à  5,000  louis.  On 
sait  qu'un  comité  a  été  institué  à  Paris,  et  qu'une  liste  de  souscription  dans 
le  même  but  est  déposée  au  Conservatoire  impérial  de  Musique. 

—  Au  moment  où  la  Chine  est  ouverte,  les  amateurs  de  musique  ne 
seront  peut-être  pas  fâchés  de  savoir  les  noms  que  portent,  en  Chine,  les 
sept  notes  de  la  gamme.  Les  voici  dans  leur  ordre  de  corrélation  avec  la 
gamme  européenne  :  ce  (do),  yu  (ré),  pien-lcung (mi), Içung  (h),  scang  [sol], 
Icio  (la)  et  pence  (si).  —  On  voit  que  les  mélodies  chinoises  doivent  être 
bien  agréables  à  solfier. 

—  Notre  Théâtre-Lyrique,  nous  l'avons  annoncé,  a  eu  le  grand  regret 
de  perdre  M.  et  Mmo  Meillet ,  que  le  Grand-Théâtre  de  Marseille  nous  dis- 
putait à  prix  d'or  et  de  couronnes.  Déjà  Mmc  Meillet  y  avait  défrayé  une 
saison  des  plus  brillantes;  aussi  vient-elle  d'être  reçue  du  public  marseillais 
avec  accompagnement  de  fleurs  et  de  rappels.  Quant  à  M.  Meillet,  voici  ce 
qu'en  dit  le  Sémaphore,  sous  la  signature  G.  Bénédit  : 

«  Mais  voici  M.  Meillet,  un  artiste  de  choix  celui-là,  un  des  enfants  gâtés 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


351 


de  ce  Théâtre-Lyrique,  où  depuis  quelques  années  on  a  pu  revoir  les  plus 
grands  chefs-d'œuvre  de  l'école  classique.  Nous  aurons  fait  en  deux  mots 
l'éloge  de  M.  Meillet  en  lui  appliquant  les  dernières  paroles  de  son  air  du 

Barbier  espagnol  qu'il  représente  à  merveille  :  Ahl  bravo  Figaro! 

Bravo,  pour  la  voix  mordante  et  flexible  ;  bravo,  pour  le  goût,  l'esprit,  la 
verve  et  la  gaité;  bravo,  enfin,  pour  ce  jeu  vif,  intelligent,  plein  de  relief 
et  de  franchise,  qui  anime  la  scène,  et  enlève  d'autorité  les  applaudisse- 
ments de  l'auditoire. 

«  Quand  on  nous  annonça  l'engagement  de  M.  Meillet ,  nous  savions 
d'avance  l'effet  qu'il  produirait  sur  le  public  marseillais,  toujours  si  sym- 
pathique aux  talents  vrais  et  communicatifs.  Pourtant ,  le  succès  de 
M.  Meillet  a  surpassé  tellement  l'attente  générale,  que  nous  ne  croyons  pas 
que  notre  excellent  baryton,  habitué  partout  aux  réceptions  flatteuses,  ait 
été  nulle  part  mieux  apprécié  et  plus  chaleureusement  applaudi.  Au  pre- 
mier acte,  lors  de  sa  cavatine  et  du  grand  duo  avec  Almaviva;  au  deuxième 
acte,  dans  la  scène  avec  Rosine,  comme  aussi  dans  toutes  les  parties  du 
final  dont  il  fait  ressortir  les  moindres  intentions  à  force  de  talent  et  d'ex- 
pression comique,  il  a  remporté  le  suffrage  de  la  salle  entière. 

«  Regrettons  que  la  direction,  par  la  faute  de  certains  artistes,  n'ait  pu 
offrir  cette  fois  au  public  que  les  trois  premiers  actes  du  Barbier  deSéville, 
sans  cela  nous  aurions  vu  M.  Meillet  dans  ce  trio  modèle,  où  le  rôle  de 
Figaro  se  résume  avec  tant  de  brio  sous  le  double  rapport  du  chant  et  de 
l'action  scénique ,  pour  amener  sur  une  strette  étincelanle  le  plus  ingé- 
nieux de  tous  les  dénoûments.  Toutefois,  que  les  amateurs  se  rassurent; 
après  les  débuts,  M.  Halanzier,  dont  le  respect  pour  nos  grands  auteurs  est 
notoire,  s'empressera  de  rétablir  le  Barbier  en  quatre  actes,  et  donnera  par 
là  un  témoignage  public  de  son  admiration  pour  le  chef-d'œuvre  de  Ros- 
sini.  » 

—  On  lit  dans  le  Journal  des  Baigneurs,  de  Dieppe  : 

«  On  se  rappelle  que,  cette  année,  notre  saison  de  bains  a  été  inaugurée, 
vers  la  fin  du  mois  de  juin,  par  un  concert  au  profit  des  pauvres,  organisé 
par  M.  Garnier  et  les  amateurs  d'élite  que  renferme  notre  société  dieppoise. 
L'un  des  charmes  les  plus  puissants  de  cette  délicieuse  soirée  était  la  pré- 
sence de  notre  célèbre  harpiste  Félix  Godefroid,  qui,  avec  un  généreux  dé- 
sintéressement, avait  voulu  prendre  part  à  cette  bonne  œuvre  en  apportant 
gratuitement  le  concours  de  son  merveilleux  talent.  Cette  soirée  délicieuse 
a  laissé  les  plus  agréables  souvenirs ,  et  augmenté ,  s'il  est  possible ,  les 
sympathies  de  nos  concitoyens  pour  l'éminent  artiste  qui  a  choisi  entre 
toutes  notre  ville  pour  sa  résidence  d'été,  et,  Dieppois  par  le  cœur,  s'est 
acquis  parmi  nous  droit  de  bourgeoisie. 

«  Aussi  nos  lecteurs  apprendront  avec  plaisir  que  les  ordonnateurs  de  ce 
concert  de  bienfaisance,  voulant  offrir  à  M.  Félix  Godefroid  un  témoignage 
de  reconnaissance  qui  reste  pour  lui  comme  un  bon  souvenir  d'une  bonne 
action  et  du  gracieux  concours  qu'il  a  prêté  à  une  œuvre  philanthropique, 
viennent  de  lui  remettre  un  magnifique  couteau  à  papier  en  ivoire  riche- 
ment sculpté.  Le  manche  de  ce  couteau ,  œuvre  véritablement  artistique, 
représente  David,  le  roi-prophète,  appuyé  sur  sa  harpe.  M.  Mélicourt,  notre 
artiste  dieppois,  que  l'on  trouve  toujours  prêt  à  seconder  une  bonne  inspi- 
ration, a  bien  voulu  se  charger  de  dessiner  ce  sujet  allégorique.  La  sculp- 
ture a  été  remarquablement  bien  traitée  par  M.  Brunel,  ivoirier,  qui,  en 
cette  circonstance,  a  même  sacrifié  son  intérêt  à  ceux  de  l'art. 

«  Félix  Godefroid  heureux  et  fier  de  ce  témoignage  d'estime  et  de  gra- 
titude, se  propose  d'exposer  l'œuvre  de  M.  Brunel  et  de  la  faire  reproduire 
par  la  photographie.  Le  Musée  des  Familles,  dont  M.  Pitre-Chevalier  est  le 
spirituel  directeur,  reproduira,  nous  assure-t-on,  le  dessin  de  ce  beau  spé- 
cimen de  l'industrie  dieppoise,  en  indiquant  le  motif  de  cet  hommage 
rendu  par  nos  concitoyens  à  l'artiste  de  talent  et  de  cœur  qui  en  est  aujour- 
d'hui le  possesseur.  » 

—  Une  intéressante  solennité  musicale  a  eu  lieu  le  lo  de  ce  mois  dans 
le  bourg  de  Tillières-sur-Avre  (Eure).  Nous  en  empruntons  quelques  détails 
au  Courrier  de  VEtire  et  aux  correspondances  de  Verneuil  : 

«  Dimanche  dernier,  lo  septembre  ,  le  bourg  de  Tillières  présentait  un 
aspect  inaccoutumé.  Il  s'agissait  d'une  fête  musicale  organisée  par  le  pré- 
sident-fondateur de  la  Société  philharmonique  de  l'Eure,  de  l'Orne  et  d'Eure- 
et-Loir,  M.  Aubery  du  Boulley.  Cette  fête,  à  laquelle  assistait  M.  le  comte 
de  Barrey,  maire  de  la  ville  de  Verneuil,  membre  du  conseil  général  de 
l'Eure,  sous  le  patronage  duquel  elle  avait  lieu  ,  M.  Notramy,  maire  de  la 
commune  de  Tillières ,  divers  membres  des  corps  municipaux  de  ces  deux 
communes,  et  un  grand  nombre  de  notabilités  des  villes  voisines,  comptera 
parmi  les  plus  belles  et  les  plus  animées  qui  se  soient  vues  depuis  long- 
temps dans  notre  département.  Seize  musiques  y  ont  pris  part.  Ce  sont 


celles  de  la  Couture,  Ivry,  Anet  (d'Eure-et-Loir),  Bois-Leroi,  Brcteuil,  Ezy, 
Saint-Jean  (de  l'Aigle),  Rugles,  Tillières,  Champigny,  Francheville,  Ga- 
rennes, Marcilly,  Mousseaux,  Nonancourt  et  Sorel. 

«  Les  corps  de  musique  ont  tour  à  tour  exécuté  divers  morceaux  com- 
posés par  M.  Aubery  du  Boulley.  On  a  surtout  applaudi  le  Chevalier  Er- 
rant, joué  avec  ensemble  par  la  musique  d'Ivry;  les  Visions,  morceau 
rendu  par  les  musiciens  d'Anet;  le  Rossignol,  mélodie  nuancée  avec  un 
goût  parfait  par  le  corps  de  musique  de  la  Couture  ;  enfin,  le  morceau  final, 
le  Rappel  des  Musiciens,  exécuté  par  toutes  les  musiques  formant  un  en- 
semble de  400  musiciens. 

«  Les  pauvres  n'ont  pas  été  oubliés.  Pendant  le  concert,  une  quête  très- 
fructueuse  a  été  faite  pour  eux  par  deux  jeunes  filles  de  Tillières. 

«  Un  bal  champêtre  a  terminé  cette  fête,  qui  avait  attiré  plus  de 
6,000  étrangers  dans  le  petit  bourg  de  Tillières.  » 

—  S.  M.  l'Empereur  vient  de  faire  remettre  une  médaille  en  argent  à 
M.  Mangin,  pour  la  cantate  que  cet  artiste  a  fait  exécuter  au  théâtre  du 
Gyninasele  1S  août  dernier. 


NÉCROLOGIE. 


Mme  ROSE  CHERI. 

La  mort,  —  qui  vient  de  faire  de  nombreuses  victimes  dans  le  monde 
théâtral,  —  a  frappé  de  nouveau  cette  semaine  un  de  ses  coups  les  plus 
terribles.  Mme  Rose  Chéri,  l'éminente  artiste,  la  femme  honorable  n'est 
plus!  Elle  meurt  martyre  de  son  dévouement  maternel. 

En  prodiguant  ses  soins  à  l'un  de  ses  enfants  atteint  d'une  angine  couen- 
neuse,  Mme  Montigny-Lemoine  a  gagné  ce  mal  terrible  au  moment  même 
où  l'enfant  était  sauvé!  Quelques  heures  après,  le  théâtre  perdait  une  de 
ses  gloires,  et  la  société  une  femme  universellement  respectée. 

Mm6  Rose  Chéri  n'était  âgée  que  de  trente-sept  ans;  elle  était  née  le 
24  octobre  1824,  à  Étampes.  Fille  d'artistes  dramatiques  (M.  et  Mme  Cizos), 
elle  se  fit  dans  le  midi  de  la  France  une  réputation  précoce  en  jouant  les 
rôles  de  Léontine  Fay. 

Mlle  Cizos,  —  plus  lard  Mmc  Lemoine-Montigny,  et  au  théâtre  Mme  Rose 
Chéri,  —  fit  d'abord  au  Gymnase,  dans  Estelle,  une  apparition  insignifiante  ; 
mais  un  mois  après ,  en  juillet  1842,  le  hasard  aidant,  elle  effectua  un 
deuxième  début,  et  celui-ci  fut  décisif. 

Le  nom  de  Rose  Chéri  ne  tarda  pas  à  devenir  célèbre;  chacun  des  rôles 
qu'elle  créa  au  Gymnase  fut  pour  elle  un  bulletin  de  victoire.  De  plus,  le 
public,  qui  s'initie  volontiers  à  l'existence  privée  des  artistes  qu'il  applaudit, 
estimait  Mme  Rose  Chéri  pour  sa  personne,  autant  qu'il  l'aimait  pour  son 
talent;  et  si  la  profonde  et  légitime  douleur  de  M.  Montigny  pouvait  avoir 
quelque  adoucissement,  elle  le  trouverait  dans  les  regrets  unanimes  causés 
par  cette  mort  si,  cruelle,  si  prématurée  et  si  inattendue. 

Les  obsèques  de  Mme  Montigny-Lemoine  ont  eu  lieu  lundi  dernier  à 
Passy.  Dés  deux  heures  et  demie ,  l'affiuence  était  considérable  dans  la 
maison  mortuaire  et  à  ses  abords.  L'émotion  était  peinte  sur  tous  les 
visages. 

Une  couronne  a  été  placée  sur  le  cercueil  par  M.  Edouard  Thierry,  au 
nom  de  la  Comédie-Française. 

Le  deuil  était  conduit  par  MM.  Victor  Chéri,  Edouard  Lemoine  et  Gustave 
Lemoine,  qui,  récemment  arrivé  des  Pyrénées,  devait  fatalement  assistera 
ce  grand  malheur. 

A  trois  heures,  le  convoi  s'est  dirigé  vers  l'église  de  Passy.  Tout  Paris 
avait  envoyé  ses  représentants  dans  les  arts  et  dans  les  lettres.  Plusieurs 
discours  ont  été  prononcés  :  par  M.  le  baron  Taylor,  M.  Samson  et  M.  Laya  ; 
mais  aucunes  paroles  ne  sauraient  rendre,  nous  le  répétons,  l'émotion  peinte 
sur  tous  les  visages,  et  dont  le  souvenir  ne  s'effacera  de  longtemps. 

—Le  théâtre  a  eu  également  à  déplorer  cette  semaine  la  mort  de  Mme  Thé- 
nard,  artiste  du  Vaudeville,  et  veuve  du  chanteur  Thénard ,  qui  a  laissé 
d'excellents  souvenirs  à  l'Opéra-Comique.  De  son  côté,  Mme  Thénard,  par 
la  distinction  de  sa  personne  et  de  son  talent,  s'était  fait  une  réputation 
méritée  et  acquis  des  sympathies  qui  l'avaient  suivie  dans  sa  retraite. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


1.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mour 


rue  Jean-Jacques  Rousseau  ,  i 


EN  VENTE  AU  MENESTREL,  2  BIS,  RUE  VIVIENNE. 


LA  CHANSON  DE  FORTUNIO 

Opéra-comique  en  un  acte,  paroles  «le  MIS.  HECTOB  CKÉÎUÏEUX  et  ÏLUÏMrO<L  WAJLÉW 

—  AIRS  DÉTACHÉS,  ARRANGEMENTS  ET  PARTITION  PIANO  ET  CHANT.  — 

TABLE  DES  MORCEAUX  DE  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO. 

3.  Couplets  du  Petit  clerc  Friquet ,  chantés 
par  M.  Bâche 2  50 

4.  Autrefois,  Aujourd'hui,  ronde  des  clercs.    2  50 

5.  Toutes  les  femmes  sont  à  nous ,  valse  des 
clercs,  à  une  ou  deux  voix 3  75  et  4  50 

Partition  in-8°  :  Texte ,  chant  et  piano.  Prix  net  :   7  francs. 
Morceaux  et  arrangements  pour  piano. 


1.  Prenez  garde  à  vous,  couplets  chantés 

par  MUe  Chaiiert 2  50 

2.  La  belle  eau  claire ,  chanson  à  boire,  par 

M"e  Pfotzer 2  50 

2  bis.  La  même,  transposée  pour  contralto 

ou  baryton 2  50 


6.  Duo  et  Chanson  de  Fortunio,  chantés  par 

M"es  Chabert  et  Pfotzer 0    » 

&  bis.    Chanson  de   Fortunio,  extraite  du 

duo ,  pour  soprano  ou  ténor 2  50 

6  ter.  La  même ,  transposée  pour  baryton 

ou  contralto 2  50 


FORTUNIO. 

jt.-i.  Battmunn.  Fantaisie  variée] 5    » 

F.  Biirsiiiuiicr.  Valse  de  salon 6    » 

—  La  même  à  4  mains 7  50 

—  La  même  en  feuille 2  50 


FORTUNIO. 


a.  Croisez.  Morceau  de  salon •. . . .    6    »  I  strnuss.  1er  Quadrille  à  deux  et  à  quatre 

Paul  Bernard.  Barcarolle  et  Chanson  de  \         mains 4  50 

Fortunio ,  transcriptions ....... 6    » 

m.  Talïquct.  Concerts  des  Bouffes-Parisiens, 

petites  fantaisies  sans  octaves.  Chacune.    3    »  |  ru.  stutz.  Fortunio-Polka 4  50 

Dlusard. —  Polka-mazurlca  des  Clercs....  5  fr. 


Arban.  2e  Quadrille  à  deux  et  à  quatre  mains.    4  50 


sur  ieite. 
ACADÉMIE  IMPERIALE 

de  musique. 

Du  nouveau   ballet 
de  I'Opéra  de 


1.  Marche  paysanne. 

2.  Chant  du  Papillon. 

3.  Andante-Bohémiana. 

4.  Valse  des  Rayons. 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


PAPILLÛI 

H™  MARIE  TAGEIONI  et  de  M.  DE  SAINT-GEORGES. 

STRAUSS 

1e'  Quadrille,  Valse  des  RAYONS  et  Polka-Mazurka  la  LESGUINKA. 


E1V  VERTTE. 
HEUGEL  ET  Cie , 

éditeurs. 

Musique  de 

J.  OFFENBÂCH. 

5.  Marche  du  Palanquin. 

6.  Polonaise  des  Bohémiennes 

7.  Valse  des  Fleurs. 

8.  Galop  des  Papillons. 


Composés  pour  les  bals  de  la  Cour  et  de  l'Opéra. 
;  Polka  des  Métamorphoses.  La  fée  Hamza.  M"»  Marquët.  |         PH.  STUTZ  :  La  Fée  des  Moissons.  Polka-mazurka.  M1Ie  Scblossbr. 

MUSARD  :  Les  Circassiennes.  Deuxième  quadrille.        |         H.    VALIQUET  :  Quadrille  et  valse  faciles,  sans  octaves. 


VALSE 

du 

PAPILLON 


TROIS  NOUVELLES  VALSES  DE  SALON 

PAR 

F.  BURGMULLER 


VALSE 


FORTUNIO. 


VALSE  DE  RARKOUF, 
Sur  les  motifs  favoris  «lu  ballet  et  des  opéras  «le  «F-  OFFENBACH. 


Concerts 
des  BOUFFES-PARISIENS. 


H.  VALIQUET 

Dix-huit  petites  Fantaisies  sans  octaves. 


Opérette 
de  J.  OFFENBACH. 


1.  Orphée  aux  enfers.  —  2.  Crorjuefer,  ballade.  —  3.  Croqucfer,  galop.  —  4.  Dragonnette,  la  Cantinière.  —  5.  Petits  Prodiges,  valse  des  animaux.  —  6.  Orphée 
aux  enfers,  galop  infernal.  —  7.  Le  Savetier  et  le  Financier.  —  8.  Le  66,  tyrolienne.  —  9.  La  Chatte,  miaou.  —  10.  Orphée,  roi  de  Béotie.  —  11.  Orphée, 
couplets  à  Jupin.  —  12.  Geneviève,  chanson  de  l'enfant.  —  13.  Le  Mariage  aux  lanternes.  —  14.  Le  Mari  à  laporte,  valse.  —  15.  La  Demoiselle  en  lolcrie. 
—  16.  Les  Trois  baisers  du  Diable.  —  17.  La  Bonne  d'enfant,  la  trompette.  —  18.  Le  Carnaval  des  Revues. 

Chaque  morceau  :  3  fr. 


786.  —  28e  Année. 

N»  4S. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  6  Octobre 

1861. 


NESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'  en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  «  bis,  rue  Yi  vienne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(Aux  magasins  et  Abonnement  de  musique  du  ni:.\i:«  Tin»:!..  —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  2G  Morceaux  : 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  AUjums- 
primes  illustres.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


sisM'jr  :  i>ia\-o. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  *©  morceaux 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Alliumi 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    lllIMi)  : 
3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  53  morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  a  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Etranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  \"  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection. Adresser  franco 

un  bon  sur  la  poste,  à  mm.  il!  llill,  et  cis,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  M  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.CliarlesdeMourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volunre  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacques  Itousseau,  8.— 5910 


SOMMAIRE.   —  TEXTE. 

I.  Réouverture  du  Théâtre-Italien  :  Il  matrimonio  segreto.  Paul  Bernard.  — 
II.  Rentrée  de  Roger  a  l'Opéra-Comique  et  débuts  de  Mllc  Cico  dans  les  Mousque- 
taires de  la  Reine,  i.  Lovy.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur:  Per- 
fectionnements apportés  dans  le  mécanisme  des  pianos  par  les  Érard  (2e  article); 
—  IV.  Les  orgues  du  Palais-Ducal  de  Bruxelles.  —  V.  Petite  chronique  :  Lafont 
et  Paganini.  —  Etonnants  effets  de  quelques  instruments.  —  VI.  Le  monument 
de  Cherubini. —  VU.  Nouvelles,  Nécrologie  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  mimé  rode  ce  jour  : 

POLKA-MAZURKA  DES  CLERCS, 

Composée  par  Musard,  sur  la  Chanson  de  Fortunio,  opéra  de 
J.  Offenbach. 

Suivra  immédiatement  après  :  La  Polka  des  Colombes,  parL.  Dessane. 
CHANT: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant  : 

CHARMANTS  TYRANS  DU  CŒUR, 

Paroles  et  musique  de  Dorval  Valentino.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  la  Prise  de  Voile,  scène  du  même  auteur. 


RÉOUVERTURE  DU  THÉÂTRE-ITALIEN. 


IL  MATRIMONIO  SEGRETO. 

Descendre  du  sommet  des  Alpes  il  y  a  quinze  jours  à  peine  ; 
revenir  en  ligne  directe  d'une  mer  équinoxiale,  c'est-à-dire 
furieuse,  et  rentrer  à  Paris  pour  assister  à  la  réouverture  du 
Théâtre-Italien,  juste  comme  si  l'on  s'était  donné  rendez-vous 
avec  M.  Calzado  ;  voila  ce  que  les  chemins  de  fer  ont  amené 
dans  nos  mœurs,  malgré  et  peut-être  à  cause  de  leurs  accidents 


fort  à  l'ordre  du  jour  en  ce  moment  ;  car  l'esprit  de  l'homme  est 
ainsi  fait,  qu'il  ne  dédaigne  pas  le  danger  et  brave  volontiers  les 
hasards  de  l'existence  pour  arriver  à  l'imprévu  et  éviter  la  mo- 
notonie. 

Voilà  donc  ce  que  j'accomplissais  mardi  dernier  pour  pouvoir 
me  dire  un  peu  fils  de  mon  siècle,  et  j'inscrivais  sur  mes  tablettes, 
non  pas  jour  par  jour,  cela  viendra,  mais  semaine  par  semaine  : 
Ascension  des  Alpes  ;  tempête  en  mer  ;  ouverture  des  Italiens. 

Avouez  que  ce  programme  est  au  moins  pittoresque,  et  que 
l'ouverture  des  Italiens  vient  clore  avec  une  certaine  grâce  cette 
série  d'événements. 

C'en  est  toujours  un,  à  Paris,  que  la  réouverture  de  ce  théâtre, 
dont  l'existence  remonte  si  haut,  puisque  la  Comédie-Italienne 
fut  en  quelque  sorte  le  point  de  départ  de  notre  Opéra,  et  dont  la 
carrière  brillante  et  dorée  s'est  toujours  si  bien  alliée  aux  épo- 
ques luxueuses  et  intelligentes  de  notre  histoire  parisienne. 

Quel  théâtre,  en  effet,  que  celui  qui  compte  parmi  ses  direc- 
teurs, Rossini  !  —  dans  ses  acteurs,  Garcia,  Donzelli,  Galli, 
Pellegrini,  Bordogni,  Rubini,  Lablache,  Tamburini,  Levasseur, 
Mario,  Ronconi  ;  —  dans  ses  cantatrices,  Mmes  Pisaroni,  Mali- 
bran,  Damoreau,  Sontag,  Grisi,  Persiani,  Alboni;  —  et  qui  nous 
fit  connaître  le  premier  les  œuvres  de  Mozart,  Cimarosa,  Rossini, 
Meyerbeer,  Bellini,  Donizetti,  Mercadente,  Verdi  ! 

Voilà,  certes,  un  livre  d'or  s'il  en  fut  jamais,  et  une  suite  de 
grandeurs  comme  il  en  existe  peu,  —  comme  il  n'en  existe  pas, 
ajouterait  certainement  Lagingeole. 

H  1848  vint  pourtant  mettre  en  péril  cette  institution  vraiment 
nationale,  en  ce  qu'elle  participe  si  bien  du  caractère  hospitalier 
de  la  France.  Tout  ce  qui  est  chevaleresque,  tout  ce  qui  est  ar- 
tistique n'est- il  pas  chez  lui  parmi  nous?  A  ce  dernier  titre,  le 
Théâtre-Italien  avait  droit  de  noblesse ,  et  il  le  tenait  haut  et 
ferme.  De  tristes  événements  vinrent  ébranler    son  existence 


354 


LE  MÉNESTREL 


jusque  dans  ses  fondements.  Les  choses  d'art  demandent  avant 
tout  le  calme  et  le  bien-être.  Les  tourmentes  politiques  les  minent 
et  les  anéantissent,  d'abord  parce  que  des  préoccupations  plus 
graves  viennent  remplacer  les  questions  artistiques,  qui  sont  le 
luxe  de  la  vie  ;  ensuite  parce  que  les  transactions  deviennent  plus 
rares  et  l'argent  plus  caché.  La  location  à  l'année,  qui  est  le  prin- 
cipal élément  vital  du  Théâtre-Italien,  disparut  complètement 
vers  cette  malheureuse  époque,  et  ce  n'est  qu'avec  une  persévé- 
rance digne  d'éloges  que  les  directeurs  de  cette  courageuse  entre- 
prise furent  moins  malheureux  d'abord  ,  dédommagés  ensuite, 
et  enfin  brillamment  récompensés.  Aujourd'hui,  la  salle  Venta- 
dour  voit  reparaître  ses  beaux  jours,  ou  plutôt  ses  belles  soirées. 
La  location  est  plus  complète  que  jamais.  Toutes  les  classes  riches 
s'y  disputent  les  loges.  La  Chaussée-d'Antin  et  le  faubourg  Saint- 
Germain  y  fraternisent  sous  l'œil  cosmopolite  des  Champs-Ely- 
sées et  du  faubourg  Saint-Honoré.  Mardi  dernier,  quoique  la 
capitale  soit  encore  bien  veuve  ,  bien  qu'une  masse  de  touristes 
manque  h  l'appel,  et  malgré  l'automne,  qui,  par  ses  chasses  et 
ses  derniers  beaux  jours,  retient  au  loin  les  amateurs  de  cam- 
pagne, la  réunion  était  complète  dans  la  salle  des  Italiens. 

On  jouait  II  Matrimonio  segrcto ,  ce  chef-d'œuvre  toujours 
jeune,  cette  musique  toujours  vivace  et  délicieuse.  Gimarosa  est 
bien  le  père  de  Yopera-buffa.  Quel  naturel,  quelle  verve,  quel 
esprit  de  bon  aloi  !  et  quelle  grâce  dans  la  mélodie,  quelle  finesse 
dans  les  détails  !  Le  Mariage  secret  restera  le  type  de  cette  co- 
médie italienne  dont  Goldoni  avait  si  bien  le  privilège  dans  les 
lettres,  et  dont  Gimarosa  et  Rossini  seuls  ont  été  les  traducteurs 
en  musique. 

L'exécution  a  été  ce  qu'elle  doit  être  quand  une  troupe  aussi 
convenablement  composée  que  celle  des  Italiens  inaugure  sa  sai- 
son d'hiver.  MmesAlboni,  Penco  etMUo  Marie  Battu  en  formaient 
le  personnel  féminin.  Chacune,  dans  l'étendue  de  son  rôle,  y  a 
fait  valoir  ses  qualités  particulières.  Mme  Alboni  a  dit  avec  une 
grâce  incomparable  son  air  du  second  acte.  Mme  Penco  s'est 
montrée  dramatique,  comme  elle  sait  le  faire  quand  l'occasion 
s'en  présente.  M"e  Battu  a  déployé  beaucoup  de  tact  et  de  bon 
goût  dans  son  rôle  difficile,  et  toutes  trois  ont  enlevé  le  trio  du 
premier  acte  avec  une  maestria,  une  verve  et  un  fini  dont  depuis 
longtemps  déjà  les  frises  de  la  salle  Ventadour  ont  monopolisé 
l'écho. 

Les  hommes  ont  fait  ce  qu'ils  ont  pu.  Pourquoi  faut-il  que  le 
souvenir  de  Lablache,  de  Rubini  et  de  Tamburini  soit  insépa- 
rable de  ce  chef-d'œuvre?  Toutefois,  Zucchini  est  un  chanteur 
rempli  d'intelligence,  et  Badiali  rajeunit  tous  les  ans  de  douze 
mois.  C'est  l'eau  de  Jouvence  adaptée  à  la  musique.  M.  Belart, 
qu'on  a  déjà  eu  l'occasion  d'applaudir  l'année  dernière,  parais- 
sait ému  et  quelque  peu  gêné  dans  le  rôle  de  Paolino.  Nous  l'at- 
tendrons à  une  meilleure  épreuve. 

L'orchestre  s'est  montré  gracieux  et  délicat,  comme  le  réclame 
le  maître  qu'il  interprétait  ce  soir-là,  et  M.  Beletti,  le  clari- 
nettiste, a  trouvé  moyen  de  soulever  quelques  bravos  bien  sentis 
dans  une  modeste  ritournelle.  Il  n'est  pas  de  petits  succès  qui  ne 
prouvent  la  valeur  d'un  homme,  et  les  simples  combats  sont  quel- 
quefois plus  difficiles  à  gagner  qu' une  bataille. 

Paul  Bernard. 


OPÉRA-COMIQIE. 


Reprise  des  Mousquetaires  de  la  Reine. 
Mlle  Marie  Cico. 


■  Roger.  —  Débuts  de 


La  reprise  des  Mousquetaires  de  la  Reine,  un  des  chefs- 
d'œuvre  d'Halévy,  vient  de  consacrer  la  rentrée  définitive  de 
Roger  sur  la  scène  de  Favart.  On  se  rappelle  avec  quel  cachet 
d'élégance  et  de  distinction,  avec  quelle  maestria  dramatique  et 
vocale,  Roger  créa,  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  ce  rôle  d'Oli- 
vier d'Entragues.  Bien  des  ténors  s'y  sont  succédé  depuis,  avec 
plus  ou  moins  de  bonheur,  mais  aucun  d'eux  n'a  pu  effacer  le 
souvenir  de  Roger.  Il  a  repris  possession  de  son  bien  ;  et  telle 
est  la  puissance  de  l'artiste  inspiré,  tel  est  le  prestige  du  senti- 
ment profond,  que  le  public  s'est  à  peine  souvenu  de  ces  quinze 
années  d'intervalle.  Quelle  diction  chaleureuse  !  Quel  accent  pas- 
sionné !  Quel  style  ample  et  magistral!  Avec  quelle  vigueur  celle 
voix,  qu'on  disait  fatiguée,  éteinte,  domine  encore  les  en- 
sembles ! 

Les  bravos  ont  éclaté  dès  son  air  d'entrée,  et  se  sont  renouvelés 
dans  le  cours  de  la  parution  pour  ne  plus  cesser.  Le  deuxième  acte 
a  élé  le  signal  d'un  enthousiaste  rappel.  Mais  Roger  a  surtout  char- 
mé la  salle  entière  dans  sa  romance  du  troisième  acte,  et  dans  le 
duo  qui  suit  :  A  toi  ma  vie  entière.  Un  nouveau  rappel  à  la  chute 
du  rideau,  et  des  applaudissements  réitérés,  ont  salué  le  retour 
de  l'enfant  prodigue. 

Salut  aussi  à  la  débutante,  MUe  Marie  Cico,  cette  nouvelle  fau- 
vette, chargée  des  triples  lauriers  de  la  rue  Bergère.  Le  rôle  im- 
portant d'Athénaïs  de  Solange  n'a  pas  été  jugé  trop  lourd  pour 
celte  jeune  artiste.  Une  émotion  visible  semblait  cependant  para- 
lyser d'abord  cet  organe  frais  et  sonore;  mais  la  débutante  n'a 
pas  tardé  à  vaincre  cette  crainte,  et  bientôt  le  public  a  pu  appré- 
cier celte  voix  si  bien  timbrée,  cette  limpide  vocalisation  et  la 
parfaite  diction  qui  lui  ont  mérité  sa  triple  palme  de  chant,  d'o- 
péra et  d'opéra-comique. 

Mlle  Marie  Cico  est  sortie  presque  victorieuse  de  cet  air  :  Bo- 
cage épais,  la  pierre  de  louche  de  nos  cantatrices  françaises. 
Aussi  l'auditoire  n'a-t-il  cessé,  pendant  toute  la  soirée,  de  lui 
témoigner  ses  sympathies. 

Un  peu  plus  de  rhythme  et  d'assurance  dans  son  chant,  un  peu 
plus  d'abandon  scénique,  et  M"e  Cico,  sans  perdre  de  sa  distinc- 
tion, prendra  rang  parmi  les  étoiles  de  Favart.  Le  public  a  foi 
en  son  avenir,  et  celte  première  épreuve  ne  fait  que  justifier  ses 
pressentimenls  et  ses  espérances. 

Troy,  chargé  pour  la  première  fois  du  personnage  du  capitaine 
Roland,  a  été  bruyamment  applaudi,  bien  qu'à  notre  sens  il  ait 
parfois  laissé  à  désirer,  ce  qui  ne  nous  empêche  pas  de  constater 
le  succès.  Ponchard  et  MHe  Bélia  ont  conservé  leurs  rôles,  et  ils 
ont  eu  largement  leur  part  du  satisfecit  général. 

Yoilà  donc  une  bonne  soirée.  Maintenant  la  parole  est  au  Pos- 
tillon de  Lonjumeau  ,  que  l'affiche  annonçait  pour  hier  soir 
samedi.  Ce  postillon  ne  sera  que  l'avant-coureur  de  Manon,  l'o- 
péra de  M.  Lefébure-Wély,  dont  les  répétitions  générales  com- 
mencent, et  font  augurer  un  succès  de  bon  aloi. 

J.  Lovy. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


355 


TABLETTES  DU.  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


PERFECTIONNEMENTS  APPORTÉS  DANS  LE  MÉCANISME  DU  PIANO 


LES  ERARD 

Depuis  l'origine  de   eet  instrument  jusqu'à  l'exposition   de  SS3G. 


PIANOS    DE    VIENNE. 

Quelques  années  après  parurent  aussi,  à  Paris,  des  pianos  de 
Vienne,  principalement  importés  par  les  officiers  français  à  la 
suite  des  guerres  d'Allemagne.  Ils  servirent  de  modèles  a  quel- 
ques facteurs;  mais  ils  n'eurent  point  de  succès.  Le  point  défec- 
tueux de  ce  mécanisme  est  le  manque  de  fixité  dans  le  centre  du 
marteau,  qui,  monté  sur  la  touche  elle-même,  a  une  certaine 
distance  de  son  centre,  au  moyen  d'une  fourche,  devient  vacillant 
dès  que  le  centre  de  la  touche  s'use  un  peu,  et,  par  là,  ne  con- 
serve plus  la  précision  qui  lui  est  nécessaire  pour  donner  à  la 
corde  un  coup  sûr  et  net. 

Ce  mécanisme,  du  reste  à  peu  près  semblable  dans  son  effet 
au  dernier  que  nous  venons  de  décrire,  a  le  même  défaut  de  ne 
pouvoir  reprendre  le  marteau  qu'en  laissant  remonter  la  touche 
au  niveau  des  autres  ;  défaut  certainement  moins  sensible  que 
dans  le  mécanisme  anglais,  la  touche  ayant  très-peu  d'enfonce- 
ment; mais,  par  cela  même,  offrant  un  autre  inconvénient,  celui 
de  rendre  des  sons  moins  forts,  de  ne  pouvoir  les  nuancer,  et  de 
faire  par  conséquent  de  la  répétition  des  notes  un  martelage  sac- 
cadé et  sans  moelleux. 

En  effet,  la  fourche  qui  sert  de  centre  au  marteau  est  montée 
sur  la  touche  elle-même;  l'extrémité  du  marteau  opposée  à  sa 
tête  est  construite  et  pratiquée  de  manière  à  s'engrener  sous  le 
levier  ou  pilote,  mobile  sur  son  centre,  et  maintenu  dans  sa 
place  par  un  ressort.  Si  on  abaisse  la  touche,  le  marteau,  trou- 
vant une  résistance,  est  lancé  à  la  corde,  et  par  ce  mouvement 
s'échappe  et  retombe  jusqu'à  ce  que  la  touche  remonte  au  niveau 
des  autres.  Alors  le  marteau  vient  se  replacer  pour  recommencer 
l'opération  par  un  nouvel  abaissement  de  la  touche. 

Nous  voyons  donc  deux  principes  de  mécanisme  se  partageant 
le  monde  musical  des  pianistes. 

D'un  côté,  facilité  du  toucher  et  célérité  dans  la  répétition. 

De  l'autre,  précision  et  beauté  du  chant. 

La  perfection  devait  naturellement  consister  dans  un  nouveau 
mécanisme  qui,  sans  en  avoir  les  inconvénients,  réunît  les  avan- 
tages de  ces  deux  principes.  Cette  perfection,  on  devait  l'attendre 
de  Sébastien  Érard,  qui  avait  déjà  fait  faire  de  si  grands  progrès 
à  l'instrument.  Il  se  remit  à  l'œuvre  avec  une  ardeur  nouvelle, 
et,  après  un  travail  assidu,  beaucoup  de  recherches  et  des  essais 
sans  nombre,  il  fit  paraître  un  nouveau  genre  de  pianos  à  queue, 
d'un  format  plus  petit  et  plus  gracieux,  le  devant  du  clavier  lais- 
sant les  mains  à  découvert,  au  lieu  de  former,  comme  dans  les 
pianos  anglais,  un  coffre  où  elles  étaient  enfermées.  Ces  nou- 
veaux pianos  eurent  beaucoup  de  succès  à  celte  époque,  et  furent 
choisis  pour  décorer  les  palais  des  Tuileries,  de  Saint-Cloud,  de 
la  Malmaison  ;  et  ce  fut  sur  ces  instruments  que  débutèrent,  d'une 
manière  si  brillante,  nos  premiers  pianistes  modernes,  Henri 
Herz,  Hérold,  etc. 


Ce  mécanisme  se  dislingue  particulièrement  des  deux  derniers 
par  un  levier  intermédiaire  entre  le  marteau  et  la  touche.  Ce  le- 
vier permet  d'augmenter  à  volonté  la  marche  du  marteau  à  la 
corde,  sans  augmenter  l'enfoncement  de  la  touche.  Lorsque 
celle-ci  est  abaissée,  il  fait  descendre  avec  lui  la  pièce  en  forme 
d'étrier  qui  pose  sur  le  marteau  ;  le  marteau,  guidé  par  ce  mou- 
vement, va  frapper  la  corde  ;  mais  aussitôt  après  les  points  de 
l'étrier  glissent  sur  les  deux  gorges  ou  plans  inclinés  formés 
dans  la  contre-queue  du  marteau,  et  le  laissent  ainsi  retomber  à 
une  certaine  distance  de  la  corde  ;  mais  les  étriers  ne  perdent 
pas  pour  cela  leur  action  sur  lui  :  de  manière  que  l'on  continue 
toujours  l'action  du  marteau  sous  le  doigt,  comme  au  pilote  fixe, 
et  qu'avec  la  plus  légère  élévation  de  la  touche  à  partir  du  fond 
du  clavier,  on  peut  répéter  les  coups  sans  que  l'étouffoir  soit  re- 
venu à  la  corde.  On  a  donc,  comme  avec  le  pilote,  le  pouvoir  de 
moduler  les  sons  par  le  mouvement  donné  à  la  touche. 

Ce  perfectionnement  était  grand  sans  doute,  mais  il  laissait 
encore  à  désirer  sous  le  rapport  de  la  précision.  Cette  idée  pré- 
occupait Érard,  dont  le  génie  ne  pouvait  souffrir  la  moindre  im- 
perfection. En  Angleterre,  où  le  retenait  alors  le  travail  de  sa 
harpe  à  double  mouvement,  il  s'occupait  aussi  du  mécanisme  du 
piano.  Les  patentes  qu'il  prit  à  Londres  à  cette  époque  contien- 
nent toutes  des  perfectionnements  paur  le  piano  aussi  bien  que 
pour  la  harpe  :  et  l'on  peut  dire  que  s'il  a  fait  de  la  harpe  un 
nouvel  instrument,  il  a  aussi  porté  le  piano  à  son  plus  haut  degré 
de  perfection  par  le  mécanisme  actuel,  dont  nous  soumettons 
aujourd'hui  au  public  et  le  détail  et  l'explication. 

Il  faut  être  familier  avec  ce  genre  de  travail  pour  en  sentir 
toute  la  difficulté,  car  il  ne  s'agissait  pas  de  simples  innovations 
de  déplacement  ou  d'arrangement  de  pièces;  il  ne  s'agissait  pas 
d'appliquer  les  principes  d'un  mécanisme  connu  à  telle  ou  telle 
forme  de  piano,  de  faire  frapper  le  marteau,  en  dessus  ou  en 
dessous,  il  fallait  trouver  ce  qui  avait  rebuté  les  plus  habiles  mé- 
caniciens de  Londres,  de  Paris  et  de  Vienne,  et  c'était  un  écueil 
sur  lequel  ils  avaient  tous  échoué,  malgré  les  plus  constants  et 
les  plus  louables  efforts.  Ceux  de  Londres,  par  exemple,  avaient 
produit  des  pianos  de  différentes  formes,  carrées  et  verticales, 
où  les  marteaux  frappaient  en  dessus  ou  en  dessous  des  cordes, 
avec  un  pilote  mobile  nommé  par  eux  grass  hopper,  qui  répétait 
bien,  mais  qui  avait  l'inconvénient  de  laisser  rebondir  les  mar- 
teaux dans  les  uns,  et  d'étouffer  la  vibration  dans  les  autres. 
Lorsque,  pour  faire  disparaître  ce  défaut,  ils  y  appliquèrent  un 
arrête-marteau  ou  clieck,  ces  claviers,  comme  ceux  de  leurs 
grands  pianos  à  queue,  devinrent  incertains  et  d'une  répétition 
difficile  :  ne  remédiant  ainsi  à  un  défaut  que  par  un  autre. 

Voici  l'invention  que  nous  a  laissée  Sébastien  Érard  pour  vo- 
guer entre  ces  deux  écueils.  Elle  consiste  dans  quatre  points  sé- 
parés, qui  se  combinent  ensuite  ensemble. 

Le  premier  est  un  point  de  contact  entre  le  marteau  et  un  res- 
sort qui  lui  sert  de  support  après  qu'il  a  frappé  la  corde. 

Le  second  consiste  dans  un  autre  point  de  contact  entre  le 
ressort  et  le  marteau,  plus  près  du  centre  de  celui-ci,  pour  pré- 
parer la  chute  du  marteau  au  moment  de  l'échappement. 

Le  troisième  est'  un  point  d'arrêt  du  mouvement  du  pilote, 
monté  sur  le  levier  intermédiaire  pour  opérer  l'échappament. 

Le  quatrième  est  un  point  de  contact  entre  le  marteau  et  le 
levier  intermédiaire,  pour  fixer  le  premier  après  qu'il  a  frappé 
la  corde,  de  manière  qu'il  ne  peut  ni  ressauter  à  la  corde,  ni  s'en 
éloigner. 

On  peut  se  représenter  a  nouveau  mécanisme  ou  échappement 


35G 


LE  MÉNESTREL. 


d'Érard  au  moment  où  les  quatre  points  viennent  de  fonctionner 
tous  ensemble,  par  l'abaissement  de  la  touche  sur  laquelle  on  a 
laissé  le  doigt  qui  la  tient  au  fond  du  clavier. 

Supposons,  pour  faire  sentir  toute  la  perfection  de  ce  méca- 
nisme, qu'on  laisse  la  touche  remonter  et  quitter  le  fond  du  cla- 
vier de  l'épaisseur  seulement  d'une  carte  :  aussitôt  le  point  de 
contact  entre  le  marteau  et  le  levier  intermédiaire  cessera.  Le 
ressort,  au  moyen  du  levier  oblique,  relèvera  le  marteau  au  ni- 
veau du  point  de  contact  ;  mais  le  levier  oblique  venant  toucher 
le  second  point  de  contact  plus  près  du  centre  du  marteau,  celui- 
ci,  plus  lourd  à  ce  point,  contre-balancera  l'action  du  ressort,  et 
se  trouvera  ainsi  soutenu  au  niveau  de  la  tête  du  pilote;  le  pilote 
rentrera  au-dessous  du  marteau  et  sera  prêt  à  le  renvoyer  à  la 
corde,  dont  il  est  resté  rapproché.  Il  suffit  donc,  pour  faire  parler 
le  marteau  faiblement,  de  lever  le  doigt  de  dessus  la  touche  d'une 
manière  que  nous  pouvons  appeler  imperceptible.  Veut-on  aug- 
menter sa  force,  on  n'a  qu'à  laisser  à  chaque  coup  la  touche  se 
lever  un  peu  plus,  et  par  degré,  jusqu'à  ce  qu'on  emploie  la  pro- 
fondeur entière  du  clavier.  Ainsi,  l'enfoncement  de  la  touche, 
qui  est  un  obstacle  aux  exécutants  dans  un  échappement  ordi- 
naire, devient  avec  nous  un  véritable  avantage,  car  on  peut  ob- 
tenir beaucoup  de  force  en  faisant  enfoncer  le  clavier,  et  cela 
sans  produire  cet  empâtement  que  l'on  trouve  dans  les  claviers  à 
échappement  ordinaire. 

Ce  mécanisme  est  si  merveilleusement  combiné,  qu'il  ne  laisse 
rien  à  désirer  aux  pianistes.  Avec  un  enfoncement  convenable, 
de  trois  lignes,  par  exemple,  on  obtient  un  coup  plus  fort  que 
dans  l'échappement  ordinaire.  Le  levier  intermédiaire  est  là 
comme  puissant  auxiliaire  ;  on  en  tire  tout  le  secours  possible 
sans  alourdir  le  clavier. 

Ce  poids,  dont  on  se  plaint  dans  les  claviers  ordinaires,  vient 
surtout  de  la  position  de  l'étouffoir  posé  sur  la  touche  à  une 
grande  distance  de  son  centre  ;  il  pèse  naturellement  en  propor- 
tion de'cette  distance  ;  et  pour  faire  étouffer  convenablement  dans 
les  octaves  de  la  basse,  on  est  forcé  d'augmenter  sa  pesanteur,  et 
d'ajouter  par  là  à  celle  du  clavier. 

Dans  l'échappement  d'Érard,  au  contraire,  l'étouffoir  est  atta- 
qué par  le  levier,  près  de  son  centre,  qui  maîtrise  l'étouffoir  sans 
que  le  doigt  en  sente  le  poids. 

La  supériorité  de  cet  échappement,  fruit  des  recherches  con- 
stantes de  l'homme  le  plus  capable  dans  cette  application  de  la 
mécanique,  est  une  chose  positive  qu'on  ne  peut  pas  plus  nier 
que  son  existence.  On  y  trouve  enfin  pour  le  clavier  du  piano 
la  perfection  si  longtemps  désirée  par  les  pianistes.  Aussi  pou- 
vons-nous dire  avec  un  juste  orgueil  que  ce  perfectionnement 
fit  une  révolution  dans  la  construction  du  piano  ;  et  comme  le 
piano  a  fait  oublier  le  clavecin,  la  harpe  à  double  mouvement 
d'Érard,  celle  à  simple  mouvement,  le  nouvel  échappement 
d'Érard  est  destiné  à  faire  oublier  l'échappement  ordinaire. 
En  Angleterre,  le  succès  de  ces  nouveaux  pianos  fut  tel  que  les 
grands  pianistes  Hummel,  Moschelès,  Mcndelsohn,  Ilcrz,  les 
choisirent  pour  se  faire  entendre,  et  qu'à  Windsor  et  à  Saint- 
James,  comme  aux  Tuileries,  ce  furent  les  instruments  préférés. 
A  Paris,  ces  instruments ,  exclusivement  adoptés  par  Listz,  sont 
recherchés  par  tous  les  pianistes  quine  sont  pas  facteurs.  Et  quel 
autre  instrument  pourrait  répondre  avec  le  même  effet  aux  inspi- 
rations de  nos  pianisles  modernes? 

Nous  présentons  donc  avec  assurance  notre  nouveau  système 
aux  imitateurs  du  système  anglais.  Les  copies  de  ce  système,  dont 
on  a  tant  parlé  en  1827,  étaient  seulement  une  répétition  de  ce 


que  nous  avions  produit  nous-mêmes  trente  ans  auparavant.  Et 
ici  nous  ne  pouvons  nous  empêcher,  nous  nous  devons  à  nous- 
mêmes,  de  faire  remarquer  que  la  plupart  de  ces  inventions  qu'on 
annonce  comme  nouvelles  ne  sont  que  des  inventions  d'Érard, 
pour  ainsi  dire,  ressuscitées.  Le  barrage  métallique,  par  exemple, 
qui  donne  plus  de  solidité  à  l'instrument  et  lui  fait  mieux  tenir 
l'accord,  avait  été  exposé  par  lui  en  1823;  importé  en  Angleterre 
en  1824,  il  en  a  été  réimporté  en  grande  pompe  en  1827. 

L'application  de  ce  principe  dans  les  pianos  d'Érard  offre  des 
résultais  bien  plus  satisfaisants  que  dans  les  pianos  anglais  ordi- 
naires, où  le  barrage  métallique  n'avait  été  employé  d'abord  que 
pour  remplacer  le  barrage  intérieur  en  bois,  tandis  que  dans  les 
pianos  d'Érard  ,  les  barres  appliquées  au-dessus  du  plan  des 
cordes  dans  toute  l'étendue  de  l'instrument,  établissent  la  résis- 
tance presque  sur  le  même  plan  que  le  tirage.  Il  sert  en  même 
temps  à  soutenir  les  sommiers  et  à  en  assurer  la  solidité  au  moyen 
des  boulons  qui,  passant  à  travers  la  table,  lient  le  barrage  en 
dessus  à  celui  en  dessous,  de  manière  que  les  cordes  se  trouvent 
tendues  entre  deux  plans  de  résistance  qui  donnent  une  solidité 
à  l'instrument,  qu'on  ne  pourrait  obtenir  en  suivant  un  principe 
différent  de  construction. 

Au  reste,  tous  ces  systèmes,  fussent-ils  véritablement  anglais, 
fussent-ils  cent  fois  meilleurs,  les  Érard  peuvent  se  flatter  qu'en 
France  on  ne  viendra  pas  les  leur  opposer,  les  comparer  même 
au  leur,  puisque  ,  en  Angleterre  même  ,  la  supériorité  de  leurs 
pianos  y  est  généralement  reconnue.  Les  Érard  peuvent  donc 
hardiment  répondre  aux  admirateurs  nés  de  tout  ce  qui  vient  de 
l'étranger  :  Vous  pouvez  avoir  imité  avec  un  rare  bonheur, 
mais  nous  avons  surpassé  même  les  modèles  que  vous  avez 
imités. 


LORGUE  DU   PALAIS-DUCAL   DE  BRUXELLES. 

L'Indépendance  belge  consacre  tout  un  intéressant  feuilleton 
à  l'inauguration  de  l'orgue  du  Palais-Ducal,  à  Bruxelles. 

«  Bruxelles,  dit  l'Indépendance,  a  l'honneur  d'être  la  première 
ville  du  continent  qui  possède  un  orgue  dans  une  salle  de  con- 
cert. Il  y  a  longtemps  que  Londres  et  les  grandes  cités  de  l'An- 
gleterre jouissent  de  cet  avantage;  mais  la  Franco  et  la  musicale 
Allemagne  ont  négligé  jusqu'à  ce  jour  de  l'acquérir.  Il  était  ré- 
servé à  la  Belgique  de  leur  donner  l'exemple. 

«  C'est  à  l'initiative  et  aux  efforts  persévérants  de  M.  Félis  que 
le  Conservatoire  est  redevable  d'avoir  obtenu  pour  la  salle  de  ses 
exercices  publics  l'adjonction  de  cotte  puissante  voix  à  son  or- 
chestre. L'art  musical  reçoit  là  du  chef  illustre  de  notre  floris- 
sante école  un  service  ajouté  à  tant  d'autres.  Enfin,  c'est  par  le 
concours  simultané  du  gouvernement,  du  conseil  communal  de 
Bruxelles  et  du  conseil  provincial  qu'ont  été  donnés  les  moyens 
de  convertir  l'idée  en  une  mesure  réalisée. 

«  Il  y  a  une  dizaine  d'années,  M.  Fétis  lisait  à  l'Académie  une 
notice  sur  la  facture  des  orgues,  dans  laquelle  il  appelait  l'atten- 
tion des  fabricants  belges  sur  l'infériorité  de  leurs  produits  rela- 
tivement à  ceux  des  ateliers  de  l'Allemagne  et  de  l'Angleterre,  en 
indiquant  les  perfectionnements  introduits  chez  nos  voisins  dans 
diverses  parties  essentielles  du  mécanisme,  et  négligés  chez  nous. 
Cette  communication  a  porté  ses  fruits,  car  ces  mêmes  perfec- 
tionnements ont  été  introduits  dans  les  ateliers  de  la  Société 
anonyme  pour  la  fabrication  des  grandes  orgues,  par  M.  Mercklin, 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


357 


qui  était  allé  les  étudier  à  l'étranger,  et  ils  ont  reçu  leur  application 
dans  le  magnifique  instrument  qui  vient  d'être  inauguré  au  Pa- 
lais-Ducal. » 

Quatre  organistes,  désignés  par  leur  talent  et  par  leur  position, 
avaient  été  conviés  à  prendre  part  à  cette  séance  d'inauguration 
dans  la  salle  du  Conservatoire:  M.  Lemmens  tout  d'abord, 
MM.  Mailly  (organiste  du  Finistère  et  de  Saint-Joseph),  J.  Cal- 
laerls  (cathédrale  d'Anvers),  etDuguet  (cathédrale  de  Liège).  Ces 
quatre  éminents  artistes  ont  fait  puissamment  valoir  les  qualités 
du  bel  instrument  sorti  des  ateliers  de  la  maison  Mercklin,  de 
Bruxelles  et  Paris.  Aussi  ï 'Indépendance  belge  ajoute-t-elle  dans 
son  compte  rendu  que  la  construction  des  orgues  du  Palais-Ducal 
met,  pour  cette  partie  de  la  culture  de  l'art  musical,  la  Belgique 
sur  le  pied  des  nations  les  plus  favorisées,  comme  on  dit  dans 
les  traités  de  commerce.  Il  peut  y  en  avoir  d'autres  bonnes  ail- 
leurs, mais  à  coup  sûr  il  n'y  en  a  pas  de  meilleures. 


PETITE  CHRONIQUE. 

PAGAN1NI    &   LAFONT. 

M.  de  Rovray  publie  dans  le  Moniteur  de  très-intéressants 
feuilletons  sur  la  vie  de  Paganini,  le  plus  grand  virtuose  des 
temps  modernes.  Déjà  nous  avons  emprunté  plus  d'un  trait  sail- 
lant à  cette  fantastique  figure.  Voici  une  anecdote  qui  plaira 
doublement  à  nos  lecteurs,  car  elle  donne  en  même  temps  un 
souvenir  à  l'un  de  nos  plus  grands  violonistes  français. 

Paganini  passa  une  partie  de  l'année  1816  à  Gênes,  dans  sa 
famille.  Il  y  prenait  quelque  repos  nécessaire  à  sa  santé,  lors- 
qu'on lui  manda  que  Lafont,  le  grand  violoniste  français,  venaij 
d'arriver  à  Milan  pour  y  donner  des  concerts.  Paganini  accourut, 
très-curieux  de  l'entendre  ;  il  l'admire,  il  l'applaudit;  puis,  dans 
l'espoir  que  Lafont  ne  sera  pas  moins  désireux  que  lui  de  le  con- 
naître, il  donne  lui-même  un  concert  à  la  Scala.  Ici,  les  bio- 
graphes ouvrent  de  grands  débats  pour  savoir  qui  des  deux  artistes 
a  été  voir  l'autre  le  premier  ;  j'imagine  qu'ils  ont  cherché  à  se 
rencontrer  avec  un  égal  empressement,  mais  enfin  mettons  que 
Paganini  faisait  les  avances.  Il  était  chez  lui  et  il  devait  des 
égards  a  un  illustre  étranger.  Le  voilà  donc  chez  Lafont...  La 
conversation  s'engage  ;  des  compliments  sont  échangés.  Le  fait 
positif  est  que  Lafont,  le  premier,  offrit  à  Paganini  de  donner 
un  concert  où  ils  joueraient  ensemble. 

Paganini  s'excusa  d'abord  ;  était-ce  crainte  ?  Je  crois  que 
c'était  courtoisie.  Lafont  sans  doute  avait  beaucoup  de  talent; 
mais  le  prestige  de  son  rival  était  immense,  et  on  pouvait  douter 
de  l'impartialité  d'un  public  italien,  juge  dans  sa  propre  cause, 
puisqu'il  regardait  avec  raison  Paganini  comme  une  gloire  natio- 
nale. Il  y  eut  de  la  part  de  Lafont  témérité  chevaleresque,  pour 
ne  pas  dire  présomption,  dans  un  tel  défi  ;  et  dans  le  refus  de 
Paganini  fierté  généreuse  et  une  sorte  de  scrupule  qu'on  ne  pût 
lui  reprocher  d'abuser  de  ses  avantages.  Lafont  redoubla  d'ins- 
tances, de  flatteries,  de  prières  ;  l'autre  ne  se  laissait  pas  entamer, 
lorsqu'une  intervention  qu'il  n'avait  point  prévue  mit  fin,  d'un 
seul  mot,  à  toutes  ses  résistances. 

Mme  Lafont  vint  en  aide  à  son  mari.  Ceux  qui  ont  l'honneur 
de  connaître  et  d'approcher  cette  charmante  femme  et  qui  sont 
à  portée  d'apprécier  son  esprit  délicat,  ses  attraits,  sa  grâce,  peu- 
vent juger  encore  aujourd'hui  de  ce  qu'elle  devait  être  à  vingt 


ans.  Belle,  grande,  bien  faite,  un  port  de  reine,  une  démarche 
de  déesse,  la  voix  d'une  douceur  infinie,  le  teint,  les  yeux,  les 
bras  admirables,  elle  n'eut  qu'à  se  montrer  pour  éblouir  et  con- 
vaincre. Paganini  s'inclina,  trop  heureux  d'obéir  à  ses  ordres,  et  il 
pria  Lafont  de  vouloir  bien  régler  le  programme. 

Tout  ce  que  Milan  possédait  de  personnages  et  d'amateurs  dis- 
tingués assistait  à  ce  concert.  Le  silence  était  si  grand,  la  curiosité 
si  vive,  qu'on  eût  pu  entendre  le  battement  des  cœurs  et  le  bruit 
des  respirations.  Deux  nations,  pour  ainsi  dire,  deux  écoles  étaient 
en  présence,  et  les  deux  lutteurs  paraissaient  d'une  force  égale. 
Paganini  joua  d'abord  un  concerto  de  sa  composition,  puis  La- 
font un  des  siens.  Quand  les  deux  artistes  s'avancèrent  devant  la 
rampe  pour  exécuter  la  symphonie  concertante  de  Kreutzer,  ils 
furent  accueillis  par  des  applaudissements  frénétiques.  Lafont 
salue,  accorde  longuement  son  violon,  se  tourne  ensuite  vers 
Paganini  et  veut  lui  donner  le  la.  Celui-ci  sourit,  lève  légère- 
ment les  épaules,  et  attaque  le  morceau.  Dans  tous  les  ensembles 
il  joua  exactement  ce  qui  était  écrit,  mais  dans  les  solos  il  s'aban- 
donna librement  à  sa  fantaisie;  ce  qui  ne  parut  pas  être  du  goût 
de  son  illustre  adversaire.  Un  point  d'orgue  prodigieux  fit  crouler 
la  salle,  et  si  l'on  avait  admiré  la  qualité  du  son,  la  beauté  du 
style,  la  régularité  et  la  pureté  du  jeu  de  Lafont,  on  fut  trans- 
porté par  l'originalité  puissante,  les  traits  merveilleux,  la  poésie, 
la  fougue,  l'ardeur  et  l'éclat  du  grand  violoniste  italien.  A  qui, 
en  définitive,  demeura  la  victoire?  Lafont  disait  souvent  qu'il  ne 
croyait  pas  avoir  été  vaincu.  Paganini  ne  disait  rien  ;  mais  il  y 
avait  beaucoup  de  modestie  dans  son  silence. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  lutte  ouverte  et  loyale,  cette  noble 
émulation  entre  les  deux  grands  artistes  n'a  jamais  altéré  du  plus 
léger  nuage  l'amitié  qui  s'établit  entre  eux  dès  qu'ils  se  connu- 
rent et  qui  a  duré  tant  qu'ils  ont  vécu. 

A.  de  Rovray. 


ÉTONNANTS    EFFETS    DE    QUELQUES    INSTRUMENTS. 
LES    OISEAUX    VIRTUOSES. 


L'Allemagne  nous  entretenait  dernièrement  des  Métaux  chan- 
teurs, au  seul  point  de  vue  acoustique.  Aujourd'hui,  le  Guide 
musical  belge  nous  traduit  les  effets  saisissants  de  ces  métaux 
mis  en  œuvre  sous  le  double  rapport  de  la  facture  et  de  l'exécu- 
tion. Nos  lecteurs  remarqueront  en  particulier  les  sensations  pro- 
duites par  les  orgues  gigantesques  d'Haarlem  et  de  Westminster, 
sans  regretter  toutefois  que  nos  grandes  orgues  paroissiales  de 
France  n'atteignent  pas  de  semblables  effets. 
■  Si  de  l'Eglise,  —  pour  suivre  le  récit  du  Guide  musical  belge, 
—  nous  passons  à  la  gent  volatile,  déclarons  aussi,  toujours  sans 
regret,  qu'en  France  le  canard,  le  coq  et  le  perroquet  n'ont  ja- 
mais produit  les  effets  qu'on  leur  prête  en  Allemagne  et  en  An- 
gleterre. 

*  * 

La  trompette ,  instrument  dont  peu  de  personnes  savent  tirer 
parti,  est  devenue  chez  les  Russes  un  instrument  de  concert.  Le 
célèbre  Baillot,  se  trouvant  à  Moscou,  fut  conduit  par  le  prince 
Potemkin  dans  une  galerie  obscure,  où  devait  avoir  lieu  un  con- 
cert de  trompettes. 

Que  pensez-vous  de  cela?  demanda  le  prince  au  virtuose,  après 
l'exécution  du  morceau. 

Cela  ne  ressemble  à  rien  de  ce  que  j'ai  jamais  entendu  :  c'est 


358 


LE  MÉNESTREL. 


la  musique  d'un  autre  monde,  et  il  m'est  impossible  de  deviner 
par  quels  moyens  de  tels  effets  sont  produits. 

On  apporta  des  torches.  Baillot  aperçut,  rangés  sur  une  seule 
ligne,  deux  cents  soldats,  tenant  chacun  une  trompette  dont  la 
forme  était  à  peu  près  celle  d'un  éteignoir,  et  dont  la  dimension 
variait  de  vingt  pieds  à  un  pouce  de  longueur.  Chaque  trompette 
ne  donnait  qu'une  seule  note  ;  il  en  fallait  deux  cents  pour  exé- 
cuter le  concerto  de  Haydn,  et  les  deux  cents  instruments  avaient 
si  bien  joué  leur  note,  si  bien  respecté  la  mesure,  que  l'exécution 
avait  été  parfaite,  supérieure  même  à  ce  qu'on  pouvait  attendre 
de  musiciens  consommés. 


L'instrument  des  cathédrales,  le  roi  des  instruments,  c'est 
l'orgue.  Nul  ne  l'égale  en  variété ,  en  puissance,  en  étendue. 
C'est  le  fils  du  moyen  âge,  l'organe  de  la  musique  chrétienne  ;  il 
est  profoud  et  sévère  comme  la  foi,  inimitable  dans  ses  effets 
grandioses. 

Il  existe  dans  la  cathédrale  d'Haarlem  un  orgue  auprès  duquel 
tous  ceux  de  France  et  d'Angleterre  sont  des  pygmées  et  des 
jouets.  L'église  est  d'une  étendue  et  d'une  hauteur  prodigieuse  ; 
du  sol  jusqu'aux  architraves  s'élèvent  d'immenses  tuyaux  blancs 
et  polis,  que  l'on  prendrait  pour  des  colonnes  d'argent,  et  qui 
remplissent  toute  l'aile  inférieure  de  la  cathédrale.  Ce  sont  les  pou- 
mons du  géant  ;  c'est  de  là  que  sortent  les  tonnerres  qui  dirigent 
la  psalmodie  puritaine  de  trois  mille  voix  réunies.  Un  des  jeux, 
celui  de  la  voix  humaine,  plus  brillant  et  plus  hardi  que  les 
autres,  se  fait  entendre  au-dessus  des  doubles  diapasons  et  plane 
sur  cet  abîme  d'harmonie.  Les  ornements  que  l'organiste  intro- 
duit entre  les  psaumes  semblent  les  jeux  d'un  monstre  sur  les  ri- 
vages, ou  le  battement  des  flots  dont  l'Océan  frappe  les  rocs. 

L'orgue  de  Westminster  est  aussi  un  des  plus  gigantesques  qui 
existent  en  Europe.  En  1824,  le  roi  et  la  reine  des  îles  Sandwich, 
sauvages  que  l'on  venait  de  conduire  en  Angleterre  et  q'ue  le 
christianisme  avait  à  peine  civilisés,  entendirent  pour  la  première 
fois  les  sons  de  cet  orgue.  On  apercevait  auprès  du  doyen,  dans 
le  chœur,  un  petit  nègre,  en  habit  noir,  gilet  blanc,  gants  vert- 
d'eau,  et  les  yeux  stupidement  fixés  sur  la  voûte  et  ses  encorbelle- 
ments :  c'était  le  roi.  Plus  loin  se  trouvait  une  femme  colossale, 
dont  les  traits  étaient  nobles  et  dont  la  physionomie  était  fière  : 
c'était  la  reine.  Au  premier  son  de  l'orgue  elle  s'élança  de  sa 
stalle,  et  la  dame  anglaise  qui  l'accompagnait  eut  beaucoup  de 
peine  à.  calmer  la  violente  agitation  de  la  pauvre  femme.  Toutes 
les  fois  que  les  tuyaux  de  l'orgue  exhalaient  leurs  mélodies  et 
leurs  accords,  même  frénésie,  même  étonnement,  mêmes  excla- 
mations de  la  part  de  la  reine,  qui  semblait  prête  à  entrer  en  con- 
vulsions. On  fut  obligé  de  l'emporter  ;  tant  cette  musique  pro- 
duisait sur  elle  d'impression. 

*** 

Les  instruments  à  vent,  à  la  tête  desquels  se  trouvé  le  colosse 
harmonique  dont  nous  venons  de  parler,  imitent  dans  leurs  pro- 
cédés la  voix  des  oiseaux  et  celle  de  l'homme.  Parmi  les  oiseaux, 
quelques-uns,  comme  le  canard,  ont  dans  leur  organisme  le  type 
de  la  clarinette  et  celui  du  hautbois.  D'autres,  le  coq,  par 
exemple,  jettent  leurs  fanfares  comme  la  trompette  et  le  clairon. 

Mais  de  tous  les  oiseaux  chantants,  le  plus  remarquable,  en  ce 
qu'il  imite  la  prononciation  humaine  avec  talent  et  exactitude, 
c'est  le  perroquet.  Ses  notes  se  forment  au  fond  de  son  gosier. 
Lord  Kellis  avait  un  perroquet  qui  chantait  le  God  save  the  hing 
tout  entier  sans  une  seule  faute. 


Le  perroquet  du  chanteur  anglais  Braham  n'était  pas  moins 
élonnant.  Une  dame  qui  admirait  beaucoup  le  talent  de  cet  ar- 
tiste, avait  coutume  de  porter  avec  elle  son  perroquet  dans  sa  loge 
au  théâtre.  Le  perroquet ,  à  force  d'entendre  le  chanteur,  était 
parvenu  à  imiter  complètement  sa  manière.  Un  jour  que  Braham 
dînait  avec  cette  dame,  un  domestique  apporta  l'oiseau,  qui,  per- 
ché sur  son  bâton,  commença  la  conversation  en  ces  mots  : 

—  Chantez-nous  un  air,  Braham. 

Comme  on  ne  répondait  pas,  le  perroquet  entonna  \eRule  Bri- 
tannia  d'une  voix  claire,  sonore,  avec  des  appogiatures  et  des  ca- 
dences perlées,  à  l'imitation  de  Braham,  qui  ne  pouvait  revenir 
de  sa  surprise.  Depuis,  l'oiseau  formé  à  son  école,  devint  son  pen- 
sionnaire. C'est  le  même  perroquet  virtuose,  devant  lequel  Mme  Ca- 
talani  se  précipita  un  jour-à  genoux,  étonnée  de  son  talent  et  du 
volume  de  sa  voix  (!!!) 


LE   MONUMENT    DE  CHERUBINI. 

Dimanche  dernier  nous  annoncions  que  le  roi  Victor-Emma- 
nuel et  le  prince  de  Carignan  avaient  donné  un  noble  exemple 
en  s'inscrivant  en  tête  de  la  souscription  ouverte  en  Italie  pour  la 
fondation  d'un  monument  à  la  mémoire  de  Chérubini.  Bien  que 
ce  monument  soit  destiné  à  Florence,  la  ville  natale  du  grand 
musicien ,  nous  dirons  dès  aujourd'hui  que  non-seulement  une 
liste  de  souscription  a  été  ouverte  à  notre  Conservatoire  impérial 
de  musique ,  mais  que ,  de  plus  ,  la  Société  des  concerts  a  décidé 
de  donner,  en  novembre  prochain,  une  séance  en  dehors  de 
l'abonnement,  et  dont  le  produit  serait  consacré  à  la  même  fon- 
dation. 

Le  programme  de  ce  concert  se  composera  des  plus  belles 
pages  de  l'illustre  directeur  du  Conservatoire,  de  celles  des  grands 
maîtres  du  sanctuaire,  et  enfin  d'une  œuvre  nouvelle  de  Rossini, 
orchestrée  expressément  pour  cette  solennité.  Le  comité  de  la 
Société  des  concerts  a  reçu  à  ce  sujet  une  supplique  par  laquelle 
le  célèbre  ami  et  compatriote  de  Chérubini  sollicite  en  cette 
mémorable  circonstance  l'honneur  de  faire  entendre  79  mesures 
inédites,  sous  le  titre:  Les  Titans.  Il  demande  pour  interprètes 
l'orchestre  du  Conservatoire  et  quatre  basses  de  haute-taille  de 
l'Opéra. 

Depuis  trente-deux  ans,  Rossini  n'avait  rien  orchestré  et  ma- 
nifestait son  embarras  au  moment  de  mettre  ses  instruments  en 
partition.  Les  cors  l'inquiétaient,  et  même  le  tam-tam  qu'il  qua- 
lifiait de  petite  flûte  des  Titans. 

Cet  hommage  de  Rossini  à  la  mémoire  de  Chérubini  nous  rap- 
pelle l'envoi  récent,  fait  par  lui,  d'un  portrait  de  Chérubini  jeune, 
à  sa  digne  et  honorable  veuve.  Il  lui  écrivait  :  «  Voici,  chère  ma- 
dame Chérubini,  le  portrait  de  ce  grand  homme  resté  aussi  jeune 
dans  votre  cœur  que  dans  mon  esprit.  »  On  le  voit,  il  est  de  ces 
amitiés  que  le  temps  ne  saurait  altérer. 

NOUVELLES  DIVERSES. 

—  Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé,  Meyerbeer  se  rendra  à  Kœnigsberg 
pour  les  fêles  du  couronnement.  Il  dirigera  l'orchestre  au  grand  concert 
qui  sera  donné  dans  la  salle  moscovite  du  château.  L'illustre  maître  a  com- 
posé pour  cetle  circonstance  un  hymne  et  une  marche  de  couronnement, 
qui  sera  jouée  pendant  que  le  roi  se  rendra  du  château  à  l'église  et  à  son 
retour.  D'après  le  désir  manifesté  par  Meyerbeer,  la  chapelle  royale  de 
Berlin  ellcDomclior  se  trouveront  avec  lui  à  Kœnigsberg. 

—  C'est  par  erreur  qu'on  avait  annoncé  le  soixante-dixième  anniversaire 
de  la  naissance  de  Meyerbeer.  Le  chantre  de  Robert,  des  Huguenots  el  du 
Prophète  est  né  le  !i  septembre  1796  ;  il  est  par  conséquent  âgé  de  soixante- 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


359 


cinq  ans.  Pour  la  vigueur  du  talent  et  l'âpreté  au  travail,  Meyerbeer  n'a 
pas  la  cinquantaine. 

—  Les.  sœurs  Marchisio  ont  fait  une  entrée  royale  au  Théâtre-Italien  de 
Berlin,  dans  el  Trovatore,  en  compagnie  du  ténor  Pcnsani,  du  baryton 
Squarcia  et  dubassb  Cosselli,  qui  tous  trois  ont  été  accueillis  avec  la  plus 
grande  faveur.  On  annonce  Norma  et  Sémiramis  par  les  sœurs  Marchisio, 
ainsi  que  la  rentrée  de  M1Ie  Trebelli  dans  il  Barbiere,  avec  les  débuts  du 
ténor  Montanaro. 

—  On  écrit  de  Naples  : 

«  L 'imprésario  Montelli,  n'ayant  pu  fournir  son  cautionnement,  a  été 
finalement  déchu,  avec  perte  de  2,300  ducats  déposés  par  lui  d'avance. 
L'administration  provisoire  doit  cesser  à  la  findu  mois,  et  laissera  le  théâtre 
San-Carlo  dans  un  état  déplorable,  presque  tous  les  bons  artistes  étant  déjà 
partis.  » 

■ —  On  lit  dans  le  Trovatore,  de  Milan,  que  le  ministère  de  l'instruction 
publique  a  nommé  une  commission  pour  la  réforme  du  règlement  du  Con- 
servatoire royal  de  musique  de  Milan.     ■ 

—  Les  journaux  italiens  parlent  avec  éloge  des  représentations  du  théâtre 
de  la  Scala,  sous  la  nouvelle  direction  de  M.  Merelli.  Le  public  milanais  a 
fort  bien  accueilli  Benvenuto  Cellini,  ballet  du  chorégraphe  Monplaisir,  mu- 
sique du  maestro  Venzano.  Dans  Poliuto,  de  Donizetti,  Mmo  Colson  a  obtenu 
un  succès  d'enthousiasme,  mais  les  hommes  sont  faibles  ;  les  chœurs  et 
l'orchestre  laissent  également  à  désirer.  Heureusement  le  vent  soufflait  à 
la  clémence.  On  sait  d'ailleurs  que  le  public  est  peu  sévère  dans  cette  sai- 
son. 

—  Une  autre  cantatrice  française,  MUe  Casimir  Key,  vient  de  débuter  avec 
éclat  sur  le  théâtre  de  la  Scala  ;  elle  avait  choisi  le  rôle  d'Isabelle,  dans 
Robert  le  Diable.  Mlle  Casimir  Ney  a  été  rappelée  sept  ou  huit  fois,  et 
inondée  de  bouquets. 

—  Un  autre  journal  de  Milan  nous  apprend  que  le  théâtre  de  la  Scala  a 
l'intention  d'abaisser  son  diapason  au  niveau  de  celui  de  France. 

■ —  Suivant  les  correspondances  de  Saint-Pétersbourg,  la  mort  du  régis- 
seur général  de.l'Opéra-Italien,  M.  Cavos,  aurait  retardé  l'ouverture  de  ce 
théâtre.  —  On  dit  que  le  maestro  Verdi  se  fait  payer  80,000  fr.  pour  la 
partition  la  Forza  d'il  destina. 

—  On  écrit  de  Londres  : 

«  L'éditeur  de  musique  Robert  Cocks  s'est  signalé  par  un  acte  de  philan- 
tropie  en  faisant  construire  un  certain  nombre  de  maisons  destinées  à  être 
habitées  par  des  pauvres  de  Old  Ruckenham,  auxquels  il  en  fera  don.  Cha- 
que habitation  se  compose  de  trois  pièces,  dans  lesquelles  se  trouveront  les 
meubles  nécessaires  et  une  tonne  de  charbon  qui  sera  renouvelée  tous  les  ans; 
deux  shillings  seront,  en  outre,  donnés  chaque  semaine  aux  locataires.  » 

—  L'habile  compositeur  anglais  Vincent  Wallace  est  arrivé  à  Paris,  et  se 
propose  d'y  passer  l'hiver. 

— Voici  une  nouvelle  qui  donne  raison  aux  observations  que  nous  avions 
précédemment  faites,  et  que  nous  nous  empressons  de  porter  à  la  connais- 
sance de  toutes  les  dames  amateurs  du  Théâtre-Italien  : 

«  Nous  sommes  heureux  d'annoncer,  dit  l'Entr'acle,  que  Son  Exe.  M.  le 
Minisire  d'Élat  a  bien  voulu  revenir  sur  la  décision  qui  avait  été  prise  au 
sujet  des  fauteuils  d'orchestre  du  Théâtre- Italien.  Les  dames  continueront 
à  être  admises  à  ces  places  comme  par  le  passé. 

«  Pour  notre  part,  nous  n'avons  jamais  douté  de  ce  dénotaient.  Il  y  a 
trente  ans  et  plus,  que  l'orchestre,  à  Ventadour,  est  accessible  aux  femmes. 
Ces  places  sont  le  refuge  des  personnes  qui,  pour  une  raison  ou  une  autre, 
veulent  se  dispenser  des  grandes  toilettes  exigées  par  les  places  d'apparat, 
et  de  celles  aussi  qui  n'ont  besoin  que  de  deux  places  (on  ne  louerait  pas 
volontiers  des  moitiés  de  loges;  et  d'ailleurs  les  loges  sont  facilement  louées 
entières  par  l'administration  ;  il  n'y  en  a  même  jamais  assez;  on  ne  peut 
satisfaire  à  toutes  les  demandes  d'abonnements).  —  Plus  de  soixante-dix 
abonnés,  habitués  à  retrouver  chaque  année  leurs  stalles,  attendaient  avec 
une  véritable  anxiété  le  résultat  de  cette  démarche.  » 

—  M.  et  Mn;e  Ernest  Lévi-Alvarès,  rue  Saint-Louis,  au  Marais,  ont 
donné  jeudi  dernier  leur  séance  musicale  annuelle  à  l'occasion  de  la 
réouverture  de  leurs  cours.  Cette  année  leur  programme  offrait  un  attrait 
tout  particulier,  car  les  dilettantes  du  Marais  ont  eu  la  bonne  fortune  d'en- 
tendre la  jeune  et  gracieuse  pensionnaire  de  l'Opéra-Comique,  M1'0  Balbi. 
Inutile  de  dire  que  la  suavité  de  sa  voix  et  la  douce  flexibilité  de  son 
gosier  ont  fait  merveille.  Un  autre  artiste  de  l'Opéra-Comique,  notre 
joyeux  chanteur  Berlhelier,  dont  l'obligeance  est  inépuisable,*  ajoutait  à 
l'intérêt  de  la  partie  vocale.  Il  a  singulièrement  égayé  l'auditoire  avec  ses 


chansonnettes,  notamment  les  Proverbes  (musique  de  M.  Rousselet).  Un 
habile  baryton,  M.  Lafont,  complétait  le  personnel  chantant.  La  partie  ins- 
trumentale était  représentée  par  Mme  Ernest  Lévi-Alvarès  (piano)  et  M.  E. 
Colonne,  un  des  premiers  violonistes  de  l'Opéra,  excellent  musicien  et  vir- 
tuose procédantde  la  bonne  école.  De  son  côté,  Mm8  Lévi-Alvarès  a  traduit, 
avec  le  sentiment  de  l'artiste  et  du  professeur,  un  nocturne  de  Chopin,  et 
la  Sicilienne  de  Ravina.  Bref,  les  assistants  n'ont  eu  qu'à  se  féliciter  de 
cette  matinée. 

—  La  nouvelle  composition  de  M.  L.  Schlosser,  l'Industriel,  a  été 
exécutée  au  Palais  de  l'Industrie,  ainsi  que  nous  l'avons  annoncé.  Les  or- 
phéonistes dessociélés  la  Germania,  X 'Harmonie  maçonnique,  Y  Harmonie 
de  Paris,  ont  montré  dans  cette  circonstance  leur  bon  vouloir  et  leur  ap- 
titude progressive.  M.  Ferdinand  Schlosser,  le  frère  du  compositeur,  a 
chanté  le  solo  avec  une  voix  sonore  et  sympathique.  Le  chœur  de  M.  L. 
Schlosser  est  une  musique  à  la  fois  large  et  facile,  et  les  paroles  de  M.  La- 
bourieu  sont  fort  bien  appropriées  à  la  solennité.  Nous  recommandons  ce 
ehantaux  Sociétés  orphéoniques  de  nos  départements. 

—  Notre  excellent  comédien  Arnal,  qui  est  poète  à  ses  heures,  vient  de 
réunir  en  un  volume,  sous  le  titre  de  Boutades,  en  vers,  tous  les  produits 
de  samuse  éparpillés  depuis  trente  ans  dans  les  journaux,  almanachs,  revues 
théâtrales  et  littéraires.  Nous  avons  parcouru  ce  volume  avec  un  vif  plaisir. 
Beaucoup  de  bon  sens,  assaisonné  de  satire,  une  bonne  dose  de  philosophie 
pratique,  même  un  grain  d'érudition,  une  versification  facile  et  correcte, 
telles  sont  les  qualités  qui  recommandent  le  livre  de  notre  comédien-poëte. 
Nous  signalons  aussi  les  notes,  en  prose,  qui  accompagnent  ce  recueil  de 
poésies,  surtout  celles  qui  suivent  la  spirituelle  Êpître  à  Bouffé,  la  pièce 
capitale  du  volume. 

—  SI.  A.  Elwart,  professeur  au  Conservatoire,  reprendra  ses  cours  par- 
ticuliers d'harmonie  le  7  octobre,  —  et  le  3  novembre  il  recommencera  les 
cours  préparatoires  aux  examens  de  la  commission  pour  ceux  de  messieurs 
les  militaires  aspirant  aux  emplois  de  chefs  et  sous-chefs  de  musique  de 
l'armée.  — On  s'inscrit  chez  M.  A.  Elwart,  43,  rue  Laffltte. 

—  Cours  complet  de  musique  applique  au  piano  ,  par  M.  Victor 
Tirpenne.  —  Cet  ouvrage  didactique,  approuvé  par  l'Institut  de  France,  se 
compose:  1°  d'une  méthode  de  piano;  2°  d'un  solfège  élémentaire;  3°  de 
cent  études  graduées;  4°  d'une  grammaire  musicale.  —  Prix  de  la  sous- 
cription :  40  fr.,  divisés  en  quatre  payements  de  10  fr. 

On  souscrit  au  Ménestrel. 

—  Mlle  Marie  Beaumetz  reprendra  ses  cours  de  piano,  à  partir  du  15  oc- 
tobre, rue  du  Bac,  37. 

—  Langue  italienne.  —  Mme  Morelli,  de  Rome,  enseigne  l'italien  dans 
toute  sa  pureté.  —  3,  rue  du  Dauphin. 

—  Concert  des  Champs-Elysées.  —  Aujourd'hui  dimanche,  6  octobre, 
concert  de  jour  de  2  à  4  heures  du  soir  dans  le  beau  jardin  de  M.  de  Besse- 
lièvre.  Arban  conduira  l'orchestre,  et  exécutera  sur  le  Cornet  à  pistons  une 
cavaline  et  des  variations  sur  Béatrice  di  Tenda. 


M"*=  Louise  MATTMANN. 

Encore  une  mort  prématurée,  et  celle-ci  atteint  directement  le  monde 
musical.  Une  de  nos  pianistes  les  plus  célèbres,  Mme  Louise  Mattmann, 
vient  de  succomber,  dans  sa  trente-quatrième  année,  après  une  doulou- 
reuse maladie.  Non-seulement  elle  excellait  dans  la  musique  classique, 
mais  elle  élait  de  ce  petit  nombre  d'artistes  que  le  public  de  la  Société  des 
Concerts  a  honorés  de  ses  suffrages. 

Mme  Louise  Mattmann  qui,  malgré  un  talent  de  premier  ordre,  n'a  cessé 
de  supporter  bien  des  vicissitudes,  et  comme  femme,  et  comme  artiste,  s'est 
vu  mourir  au  sein  des  privations,  et  à  l'insu  de  ceux  qui,  ayant  tant  de 
fois  en  elle  admiré  l'artiste,  se  seraient  empressés  de  venir  adoucir  les  der- 
niers moments  de  la  pauvre  malade.  Cette  triste  fin  double  le  regret  de  ceux 
qui  ont  connu  et  apprécié  cette  pianiste  classique  entre  toutes,  l'un  des 
ornements  de  notre  école  de  musique  de  chambre.  N'est-ce  pas  en  même 
temps  tout  un  remords  pour  nos  artistes  et  dilettantes  ! 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Low,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Cliarles  de  Mourgues  frères ,  rue  Jean- Jacques  Ito 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  HEUGEL  et  Ce,  éditeurs. 

COLLECTION  COMPLÈTE 

DES 

CHANSONS  DE  GUSTAVE  NÀDAUD 

Publiées  en  sept  volumes  grand  in-8°,  et  une  collection  de  chansons  légères , 

Paroles  et  musique  avec  accompagnement  de  piano. 

Prix  net.  Chaque  volume  :  6  fr.  —  Collection  des  30  chansons  légères  :  8  fr.  —  Souscription  aux  huit  volumes  :  40  fr. 


i  Vieille  histoire. 

2  L'inconnu. 

3  L'automne. 

4  Une  fée. 

5  Trompette. 

21  Le  quartier  latin. 

22  Les  dieux. 

23  Le  vieux  tilleul. 

24  Le  château  et  la  chaumière. 

25  La  ligue  des  maris. 

41  Les  pauvres  d'esprit. 

42  Est-ce  tout? 

43  La  Kermesse. 

44  La  meunière  et  le  moulin. 

45  May. 

61  Le  voyage  aérien. 

62  Rose-Claire-Marie. 

63  Mon  héritage. 

64  Paris. 

65  Jaloux,  jaloux. 

81  La  forêt. 

82  Lanlaire. 

83  Pêcheur  silencieux. 

84  L'aveu. 

85  Des  bêtises. 

101  Les  heureux  voyageurs. 

102  L'aimable  voleur. 

103  La  vie  moderne. 

104  Le  pot  de  vin. 

105  La  vigne  vendangée. 


121  L'histoire  de  mon  chien. 

122  Libre!  stances  à  l'Italie. 

123  Bernique. 

124  Nuit  d'été. 

125  Mon  oncle  Gaspard. 


1  Les  amants  d'Adèle. 

2  Le  souper  de  Manon. 

3  Satan  marié. 

4  Toinette  etToinon. 

5  Ursule. 

6  Les  gros  mots. 

7  Quitte  à  quitte. 

8  Le  coucher. 


6  Voilà  pourquoi  je  suis  garçon 

7  Les  mois. 

8  Un  propriétaire. 

9  Le  melon. 
10  Je  pêche  à  la  ligne. 

26  Bonhomme. 

27  La  ballade  au  moulin. 

28  Perrette  et  le  sorcier. 

29  Les  cerises  de  Montmorency 

30  Je  n'aime  pas. 


46  La  solution. 

47  Pa-torale. 

48  Fantai.-ie. 

49  Je  grelotte. 

50  Jean  qui  pleure  et  Jean  qui  rit 


66  Mes  mémoires. 

67  L'été  de  la  Saint-Martin. 

68  La  bayadère  voilée. 

69  Le  jardin  deTéhadja. 

70  Souvenirs  de  voyage. 


86  Le  fou  Guilleau. 

87  La  nacelle. 

88  Père  capucin. 

89  La  pluie. 

90  Les  plaintes  de  Glycère. 


106  Le  cigare. 

107  Les  lamentations  'd'un  réverbère 

108  La  confidence. 

109  Les  pêcheuses  du  Loiret. 

110  La  chanson  de  gros  Pierre. 


126  L'attente, 

127  L'oubli. 

128  Le  roi  boiteux. 

129  L'improvisateur  de  Sorrente. 

130  Les  côtes  d'Angleterre. 


VOLUME. 

11  Au  coin  du  feu. 

12  Les  grands-pères. 

13  Les  rats. 

14  Je  m'embête. 

15  Ma  femme  n'est  pas  là. 
8°  VOLUME, 

31  Rêves  et  réalités. 

32  Les  étrennes  de  Julie. 

33  M.  Bourgeois. 

34  Louise. 

35  Le  docteur  Grégoire. 
3e  VOLUME. 

51  Les  écus. 

52  Pierrette  et  Pierrot. 

53  Le  phalanstère. 

54  Les  impôts. 

55  Les  réformes. 
4e  VOLUME. 

71  Insomnie. 

72  La  vieille  servante. 

73  II  faut  aimer. 

74  Ma  philosophie. 

75  Les  deux  notaires. 
VOLUME. 

91  Le  vieux  télégraphe. 

92  Ma  sœur. 

93  Les  ruines. 

94  La  mèreGodichon. 

95  M.  de  la  Chance. 
G8  VOLUME. 

111  Le  puits  de  Ponlkerlo. 

112  Les  projets  de  jeunesse. 

113  Le  sultan. 

114  La  cuisine  du  château, 

115  Chanson  napolitaine. 
VOLUME. 

131  A  propos  d'annexion. 

132  M'aimez-vous? 

133  Le  mandarin. 

134  Elle. 

135  Une  histoire  de  voleur. 


S 


16  Je  ris. 

17  Nous  sommes  gris.      • 

18  Ivresse. 

19  Aujourd'hui  et  demain. 

20  Chauvin. 

36  Chut. 

37  Les  hommes  utiles. 

38  Le  Champagne. 

39  Le  carnaval  à  l'assemblée . 

40  Beauté. 

56  Le  message. 

57  Pandore. 

58  L'histoire  du  mendiant. 

59  La  valse  des  adieux. 

60  La  première  maîtresse. 

76  Le  bonsoir. 

77  La  petite  ville. 

78  Le  chevalier  à  boire. 

79  Flora  cruelle. 

80  Cheval  et  cavalier. 

96  Ma  voisine 

97  Le  vallon  de  la  jeunesse. 

98  La  fille  de  l'amour. 

99  Lettre  d'un  étudiant  à  une  étudiante. 
100  Réponse  de  l'étudiante  à  l'étudiant. 

116  La  bûche  de  Noël. 

117  Macadam. 

118  Le  pays  natal. 

119  La  lecture  du  roman. 

120  Le  nid  abandonné. 


136  La  promenade. 

137  La  bruyère. 

138  La  ferme  de  Beauvoir. 

139  Le  vent  qui  pleure. 

140  Florimond  l'enjôleur. 


COLLECTION  DES  30  CHANSONS  LEGERES 


9  Les  boutons. 

10  Auguste,  étudiant  de  10e  année. 

11  Boisentier.  • 

12  La  gaîté  française, 

13  Les  poissons." 

14  La  chanson  de  trente  ans. 

15  Adèle. 

16  La  lorette. 


17  La  lorette  du  lendemain. 

18  La  chaumière. 

19  Les  reines  de  Habille. 

20  Palinodie. 

21  Les  confessions. 

22  Les  deux. 

23  Mes  enfants. 

24  Madeleine. 


25  Les  plaisirs  sont  trop  courts. 

26  Un  mari  malheureux. 

27  Thérèse. 

28  Le  lion  d'or. 

29  Le  dix-cors. 

30  La  toilette. 

HUITIÈME  VOLUME. 

Prix  net  :  8  fr. 


t  de  mois  en  mois  au  Ménestrel,  2  l)is,  rue  Vivienne,  sous  le  titre  :  Une  Chanson  par  mois  ;  12  chansons  par  an,  paroles,  musique  et  accompagnement  de  piano. 
Paris  et  province,  abonnement  d'un  an,  net  :  Gfr.  (L'abonnement  part  du  1er  septembre  de  chaque  année.) 
Chaque  chanson  séparée,  en  grand  formai,  prix  marqué  :   2  fr.  50  e. 


LA    VOLIERE 

Pour  ténor,  basse,  trial  et  soprano.  —  Prix  net  :  8  fr. 


OPERAS    DE    SALON 

Partitions  in-8°,  texte,  client  et  piano. 


PORTE   ET  FENETRE 

Pour  ténor,  baryton,  basse  et  soprano.  —  Prix  net  :  5  fr. 


LE  DOCTEUR  VIEUXTEMPS 

Pour  deux  ténors  3   basse  et  deux  soprani.    —    Prix  :   9  francs. 


PARODIE  11E  tiA  lt€»JVI A NCK 


Prix  marqué  :  5  fr. 


•  Les  trois  premiers  volumes,  la  collection  des  Chanson  s  légères  et  les  Opéras  de  salon  seront  en  vente  le  l»r  mai  1861,  les  autres  volumes  suivront  de  mois  en  mois. 
—  On  souscrit  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  en  adressant  un  bon  sur  la  poste  a  MM.  Heugel  et  O.  —  Les  Yolumes  sont  expédiés  franco. 


787.  —  28"  Année. 

N»  46. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  13  Octobre 


1861. 


Tt^TS\ 


MENESTREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeurs 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédaci'  en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Titienne.  —  HEUGEL.  et  Ci»,  éditeurs. 

(Aux  Magasins  et  Abonnement  do  Musique  du  MÉNESTItEL.  —  Vente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

ltT  Mode  d'abonnement  :  Journn\-TG\t<s ,  tous  les  dimanches;  to  Morceaux: 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  a  Albums- 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  lO  Morceaux  t 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  t  Albums, 
primes  illustres.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


CHANT   l'.T   PIAIYO    REUNIS   : 

3°  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  comjvict,  les  5*  Morceaux  de  chant  et  de  piano,  les  4  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  iii.tliF.I,  et  C'a,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.CharlesdeMourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —Volume  annuel,  relié:  10  fr.  )  me  Jean-Jacques  Rousseau,  8.  —  6035 


SOMMAIRE.  —  TEXTE, 

I.  Troisième  Lettre  d'un  bibliophile  musicien.  J.  b'Ortigde.  —  II.  Théâtres  lyri- 
ques. J.  Low.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur:  Notice  sur  les  tra- 
vaux de  MM.  Erard  (3e  article).  —  IV.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

NosabonnésàlamusiquedeCHANTrecevrontaveclenumérodecejour  : 

CHARMANTS  TYRANS  DU  CŒUR, 

Paroles  et  musique  de  Dorval  Valentino.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  la  Prise  de  Voile,  scène  du  même  auteur. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

La  POLKA  DES  COLOMBES, 

ParL.  Dessane.  —  Suivra  immédiatement  après  :  La  Calabraise,  de  J. 

ROSENHAIN. 


LETTRES  D'UN  BIBLIOPHILE  MUSICIEN 


A  M.  LE  DIRECTEUR  DU  MENESTREL. 


III. 
UN   CANON    RAYÉ. 

Rassurez-vous ,  mon  cher  Directeur.  Si  ce  canon  a  fait  du 
bruit,  il  n'a  fait  de  mal  à  personne;  au  contraire,  il  a  mis  en 
gaieté  tout  un  grand  séminaire  ;  il  a  réjoui  tout  un  évêché,  et  Sa 
Grandeur  elle-même  a  daigné  en  rire  aux  éclats. 

Vous  devinez  bien  qu'il  s'agit  d'une  de  ces  compositions  mu- 
sicales auxquelles  on  a  donné  le  nom  de  canon:  or  comme  j'ai 
reçu  ce  canon  très-correctement  noté  sur  du  papier  réglé,  il  n'est 


pas  étonnant  qu'on  me  l'ait  envoyé  sous  le  titre  de  canon  rayé, 
d'autant  plus,  je  le  répète,  qu'il  a  retenti  dans  tout  un  diocèse. 
La  chose  est  pourtant  assez  extraordinaire,  car  on  peut  dire  que 
ce  canon  a  fait  du  bruit  sans  avoir  été  chargé.  Ne  cherchez  pas 
à  en  savoir  davantage  pour  l'instant  ;  l'explication  de  ce  mot 
viendra  plus  tard.  Contentez-vous  jusqu'alors  de  ranger  ce  canon 
dans  la  catégorie  de  ceux  que  nous  autres  professeurs  appelons 
canons  énigmatiques. 

C'est  donc  l'histoire  d'un  canon  musical  que  j'ai  à  vous  faire 
aujourd'hui.  A  vous  dire  vrai,  mon  cher  Directeur,  la  chose  est 
un  peu  difficile  à  raconter,  attendu  que,  par  une  de  ces  habi- 
letés de  langage,  par  un  de  ces  tours  de  force  de  la  plume,  dont 
je  voudrais  avoir  le  secret,  il  faut  escamoter  certains  détails  un 
peu  trop  réels,  en  même  temps  qu'il  faut  s'arranger  de  manière 
à  faire  arriver  ces  détails  sous  les  yeux  et  les  sens  du  lecteur. 
Sans  y  toucher!  L'outil  léger! comme  disait  un  jour  J.  Janin. 
C'est  là  le  mérite  et  la  grâce  de  ces  difficultés  vaincues.  Deman- 
dez à  Sévigné,  à  Lesage ,  à  Gresset  ;  je  ne  nomme  que  ces  trois 
là.  Ce  sont  véritablement,  sous  ce  rapport,  les  Robert-Houdin 
de  la  littérature.  Au  seizième  siècle,  on  n'y  aurait  pas  fait  tant 
de  façons.  Il  y  avait  alors  un  vocabulaire  ad  hoc,  où  tout  le 
monde  pouvait  puiser.  Aujourd'hui,  si  je  venais  à  tremper  le 
bout  de  ma  plume  dans  l'encre  un  peu  bourbeuse  de  Rabelais 
et  de  Molière,  vous  seriez  le  premier  à  m'interdire  les  colonnes 
du  Ménestrel,  du  Ménestrel  qui  est  façonné  à  toutes  les  délica- 
tesses de  notre  belle  langue,  qui  se  pique  de  la  courtoisie  la  plus 
parfaite ,  de  l'urbanité  la  plus  exquise,  et  dont  l'oreille  est  aussi 
chatouilleuse  sur  les  licences  du  langage  qu'elle  se  montre  sévère 
sur  les  «  liaisons  dangereuses  »  des  notes  et  des  accords. 

Vous  ne  trouverez  donc  pas  mauvais,  mon  cher  Directeur,  que 
je  cherche  un  peu  mes  termes  avant  d'aborder  mon  histoire  du 
canon  rayé  de  M.  Sigismond  Neukomm  (car  il  s'agit  d'une 
anecdote  de  M.  Neukomm,  dont  aucun  biographe  n'a  encore 
parlé),  et  que  je  prenne  le  chemin  de  l'école  pour  dire  à  vos  lec- 


362 


LE  MÉNESTREL. 


teurs  quelques  mots  sur  l'origine  du  canon,  et  sur  ses  diverses 
espèces. 

Le  canon,  appelé  repetitio  diverses  vocis  par  Jean  de  Gar- 
lande,  est  une  composition  musicale  qui  repose  sur  une  imitation 
rigoureuse  de  deux  ou  plusieurs  parties  les  unes  à  l'égard  des 
autres,  de  -telle  sorte  que  la  mélodie  de  la  première  partie  se 
trouve  exactement  répétée  dans  les  suivantes;  chacune  de  ces 
parties  commence  l'imitation  peu  après  l'entrée  de  la  mélodie 
précédente,  et  l'harmonie  la  plus  piquante  naît  du  concours  de 
ces  diverses  mélodies,  la  même  au  fond,  et  parfaitement  distincte 
à  chaque  voix. 

M.  Fétis  fait  remonter  le  canon  à  la  seconde  moitié  du  qua- 
torzième siècle.  Il  en  cite  un  exemple  assez  grossier  dans  le 
Traité  anonyme  de  musique,  de  1375,  dont  le  manuscrit  a  ap- 
partenu à  Roquefort,  et  un  essai  plus  régulier  dans  le  Benedic- 
lus  de  la  messe  Ecce  ancilla  dommi ,  de  Dufay,  publiée  par 
M.  Kieseweter. 

SuivantM.  Th.  Nisard,  et  peut-être  aussi  M.  de  Coussemaker, 
le  canon  serait  beaucoup  plus  ancien.  M.  Nisard  signale  un 
exemple  d'imitation  canonique  donné  par  Jean  de  Garlande,  et 
dont  M.  de  Coussemaker  a  publié  un  fac-similé  avec  la  traduc- 
tion dans  son  Histoire  de  l'harmonie  au  moyenuge  (Paris,  in-4°, 
1852,  p.  53).  De  plus,  le  Ms.  H,  196,  de  la  bibliothèque  de  la 
Faculté  de  médecine  de  Montpellier,  que  M.  Nisard  a  recom- 
mandé le  premier  à  l'attention  des  savants,  contient  environ  trois 
cents  motets-chansons  des  xie,  xme  et  xive  siècles,  à  deux,  trois 
et  quatre  voix,  parmi  lesquels,  nous  affirme  ce  musicologue,  il 
en  est  un  certain  nombre  où  l'artifice  du  canon  musical  est  mis 
en  œuvre  avec  une  certaine  élégance. 

Il  est  bien  peu  de  nos  lecteurs  qui  n'aient  parcouru  les  savants 
traités  de  contre-point  et  de  fugue  de  nos  maîtres  en  harmonie. 
Je  ne  leur  apprendrai  donc  rien  de  nouveau  en  leur  énumérant 
les  diverses  espèces  de  canon,  les  canons  dits  circulaires,  perpé- 
tuels (le  canon  circulaire  est  nécessairement  perpétuel),  les  ca- 
nons par  augmentation  ou  par  diminution,  les  canons  appelés 
polymorphos.  Quelques-uns  de  ces  canons  sont  à  un  très-grand 
nombre  de  voix  et  tout  à  fait  dépourvus  de  chant,  et  ils  ne 
roulent  que  sur  l'accord  parfait.  On  cite  deux  canons  de  Valen- 
tini,  dit  M.  Félis  :  le  premier  à  trente-six  voix,  divisés  en  neuf 
choeurs;  le  second  à  quatre-vingt-seize  parties  en  vingt-quatre 
chœurs.  Dans  ces  canons,  deux  voix  entrent  toujours  ensemble, 
par  un  mouvement  contraire  à  la  quinte  et  à  l'octave  supérieure. 
Il  faut  ajouter  que  Valentini  a  écrit  deux  gros  volumes  in-folio 
sur  ces  puérilités,  l'un  et  l'autre  publiés  à  Rome  :  le  premier  en 
1631,  et  le  second  en  1655. 

Mais  je  dirai  quelques  mots  du  canon  enigmalique,  parce 
qu'il  y  a  ici  certains  détails  que  ceux  qui  les  ignorent  seront  bien 
aises  d'apprendre,  et  que  ceux  qui  les  ont  oubliés  seront  en- 
chantés de  retrouver. 

Intlocti  discant,  et  ament  meminisse  perili. 

Le  canon  énigmatique,  dit  toujours  M.  Fétis,  est  «  un  canon 
dont  on  n'écrit  souvent  que  le  sujet  ou  antécédent,  en  indiquant, 
par  quelque  signe  ou  devise,  le  nombre  de  voix  dont  le  canon  se 
compose,  et  la  manière  de  le  résoudre.  Un  canon  écrit  ainsi  s'ap- 
pelle canon  fermé  ou  énirjmalique .  Lorsqu'il  est  résolu  et  mis  en 
partition,  on  lui  donne  le  nom  de  canon  ouvert.  » 

Voici  deux  de  ces  énigmes  -.Clama,  ne  cesses. — Otiadantvilia. 
L'une  et  l'autre  faisaient  connaître  que  le  conséquent  devait  ré- 
pondre à  toutes  les  notes  de  ['antécédent,  en  supprimant  les  silences. 


Les  deux  suivants  sont  remarquables  en  ce  que  les  mêmes 
lettres  retournées  forment  les  mêmes  mots ,  soit  qu'on  lise  de 
gauche  à  droite,  soit  qu'on  lise  de  droite  à  gauche.  C'est  le  canon 
rétrograde,  qu'on  exécutait  à  rebours  en  retournant  le  livre  ; 

Signa  te  signa  temere  me  tangis  et  angis. 
'siShb  j9  siSue]  gui  ajaiuai  enSjs  @]  eaSis 

Roma  tibi  subito  molibus  ibit  amor. 
•jouib  )iqi  snqjioui  ojiqns  jqii  Biuoa 

J'en  passe  et  des  meilleurs.  Cherubini  s'était  amusé  à  résoudre 
tous  les  canons  qui  servent  de  vignettes  h  Ylstoria  délia  Musica 
du  Padre  Martini.  On  en  trouve  de  fort  curieux  dans  le  Traité  du 
contre-point  et  de  la  fugue,  de  M.  Félis,  et  dans  le  Dictionnaire 
de  musique  de  \' Encyclopédie  méthodique. 

Tout  cela  est-il  de  l'art,  mon  cher  Directeur?  J'en  doute,  ou 
plutôt  je  ne  doute  nullement  que  l'art  n'a  rien  a  démêler  avec  ces 
subtilités  et  ces  jeux  d'esprit.  Ni  vous  non  plus.  Exercices  utiles 
néanmoins,  puisque  l'élève  y  apprend  à  se  familiariser  avec  les 
combinaisons  de  la  science,  et  qui,  comme  dit  M.  Félis,  devraient 
être  comparés  à  ces  semelles  de  plomb  que  les  anciens  attachaient 
aux  pieds  des  coureurs,  afin  que  ceux-ci  fussent  plus  agiles  lors- 
qu'ils se  trouvaient  tout  à  coup  débarrassés  de  ce  poids  incom- 
mode. La  forme  canonique  peut  être  fort  belle  en  elle-même, 
pourvu  qu'elle  serve  d'encadrement  à  une  belle  idée.  On  sait 
le  parti  que  Rossini  a  tiré  de  cette  forme,  si  ce  n'est  au  point  de 
vue  de  la  vérilé  dramatique,  du  moins  au  point  de  vue  musical. 
Il  est  vrai  que  l'illustre  maître  a  usé  d'une  grande  liberté  de 
style.  Le  P.  Martini,  Cherubini,  et  plusieurs  autres,  ont  écrit  des 
canons  dans  un  style  plus  rigoureux.  Reste  à  savoir  si  ce  mérite 
de  difficulté  vaincue,  que  j'admire  tout  le  premier,  peut  valoir 
une  belle  idée  mélodique  traitée  avec  plus  de  négligence  et  de 
laisser-aller. 

Les  plus  grands  compositeurs  anciens  ont  fait  des  canons,  des 
énigmes,  comme  de  grands  poètes  ont  fait  des  bouts-rimés  et  des 
logogriphes  ;  et  il  est  arrivé  souvent  qu'on  a  plus  parlé  d'un 
homme  à  cause  de  ses  énigmes  et  de  ses  bouts-rimés,  qu'à 
cause  de  ses  œuvres  sérieuses.  Tel  littérateur,  dit-on,  a  du  5 
un  qualrain  son  entrée  à  l'Académie,  et,  ce  qui  vaut  mieux,  l'im- 
mortalité de  son  nom  ;  car  il  arrive  fréquemment  que  l'immor- 
talité de  plusieurs  d'entre  les  quarante  immortels  se  borne  à  la 
durée  de  leur  vie.  Je  me  trompe  :  elle  peut  aller  jusqu'au  jour 
de  l'éloge;  mais  ce  jour-là  elle  est  bien  et  dûment  embaumée  et 
enterrée". 

Ockenheim,  parmi  les  grands  musiciens  allemands  (voir  ce 
nom  dans  la  Biographie  universelle  des  musiciens,  do  M.  Fétis, 
que  pour  le  moment  je  n'ai  pas  sous  la  main),  Ockenheim  a  été 
victime  d'une  de  ces  erreurs  de  renommée.  Je  veux  dire  que  la 
renommée  s'est  jouée  à  tel  point  de  la  gloire  de  ce  maître,  qu'elle 
a  laissé  dans  l'ombre  la  plupart  de  ses  meilleures  compositions, 
et  qu'elle  s'est  contentée  de  lui  infliger  l'honneur  de  ses  logo- 
griphes. Puisqu'il  est  décidé  que  cette  lettre  doit  avoir  un  côté 
sérieux,  laissez-moi,  mon  cher  Directeur,  vous  transcrire  à  ce 
sujet  un  passage  curieux  que  j'emprunte  à  Y  Histoire  de  la  mu- 
sique occidentale,  de  Kiesewetter  : 

«  Je  crois  devoir,  dit  cet  historien,  justifier  ces  grands  maîtres 
d'un  mérite  si  réel,  Otkcnheim  entre  autres,  du  reproche  qu'où 
leur  adresse  de  n'avoir  produit  que  des  canons  et  des  énigmes. 
Cette  inculpation,  qui  semble  d'abord  assez  foudée,  vient  de  ce 
qu'on  les  juge  uniquement  d'après  les  livres  élémentaires,  les 


MUSIQUE  ET  THÉATKES. 


363 


compilations,  et  môme  d'après  les  grands  et  savants  traités  des 
théorididactitiens  qui  les  ont  suivis,  ceux  des  Allemands  surtout. 
Ceux-ci  n'ont  cherché  à  recueillir,  dans  les  œuvres  de  ces  maîtres, 
que  des  amphigouris  harmoniques,  si  bien  qu'on  a  fini  par  s'i- 
maginer, à  tort,  qu'ils  n'avaient  jamais  fait  autre  chose.  En 
effet,  on  n'a  connu  l'inimitable  Ockenheim,  comme  l'appelle 
Baini,  que  par  un  canon  d'une  exécution  impossible,  portant  le 
titre,  de  Fuga  Irium  vocum  in  Epidia  tessarum,  ou  par  la  messe 
ad  omnem  luum,  fort  ridicule  du  reste,  et  dans  la  notation  de 
laquelle  il  n'y  a  pas  de  clef.  Ce  sont  là  les  seuls  échantillons  que 
Glaréan,  dans  son  Dodecachordon,  nous  a  donnés  de  ce  maître. 
Le  même  Glaréan  ne  nous  allègue  autre  chose,  en  faveur  du  génie 
d'Otkenbeirn,  si  ce  n'est  qu'il  a  pris  plaisir  à  faire  dériver  plu- 
sieurs parties  d'une  seule  ;  il  cite  même  à  sa  louange  un  Gar- 
ritum  quemdam  Iriginla  six  vocum,  qu'il  déclare  no  pas  avoir 
vu.  Sous  celte  dénomination,  il  ne  faut  pas  entendre  un  motet  à 
trente-six  voix  effectives,  mais  bien  un  canon  circulaire  comme 
ceux  qui  ont  été  déterrés  depuis  lors  par  les  amateurs  de  ces  sortes 
décompositions.  On  n'a,  il  est  vrai,  conservé  de  ce  maître  qu'un 
petit  nombre  d'œuvres,  et  très-peu  de  bibliothèques  peuvent  se 
vanter  d'en  posséder.  » 

Pour  réhabiliter  la  mémoire  d'Ockenheim,  Kiesewetter  renvoie 
aux  planches  de  son  livre,  où  il  a  donné  des  morceaux  de  ce 
musicien,  lesquels  attestent  la  supériorité  de  ce  compositeur  sur 
son  prédécesseur  Dufay. 

Voilà,  mon  très-aimable  Directeur,  une  introduction  bien 
longue  et  bien  pédante  pour  en  venir  à  une  histoire  plaisante  et 
bouffonne,  qu'il  faut  enfin  que  je  me  décide  à  vous  narrer.  Pre- 
ucz-en  votre  parti. 

Il  s'agit,  je  vous  l'ai  déjà  dit,  du  chevalier  Sigisraond  Neu- 
komm.  Le  bon  et  l'excellent  homme!  Il  avait  été  l'ami  et  le 
disciple  de  Joseph  Haydn  et  de  Michel  Haydn,  et  très-certai- 
nement il  devait  avoir  de  la  bonhomie  et  de  la  finesse  de  l'au- 
teur de  la  Création  et  des  Saisons.  M.  Neukomm  était  un  vrai 
patriarche  :  c'est  quelque  chose  d'être  un  patriarche,  mais  c'est 
beaucoup  de  l'être,  dans  un  siècle  où  l'on  n'en  fait  plus. 

M.  Neukomm  a  été  l'artiste  le  plus  laborieux  que  j'aie  connu, 
et  cela  est  d'autant  plus  surprenant  que  M.  Neukomm  a  presque 
toujours  voyagé.  Il  n'est  pas  une  cour  en  Europe,  il  n'est  pas  un 
point  du  monde  civilisé  qu'il  n'ait  visités  et  parcourus;  mais 
M .  Neukomm  savait  merveilleusement  combiner  la  vie  active  et  la 
vie  sédentaire.  Il  travaillait,  il  crayonnait  du  moins  en  wagon, dans 
sa  chaise  de  poste,  comme  dans  sa  chambre.  Arrivé  au  lieu  de  sa 
destination,  il  déployait  son  bagage,  et  il  avait  aussitôt  la  plume 
à  la  main.  Dès  cinq  heures  du  matin,  en  toute  saison,  il  était  au 
•travail;  à  quelque  heure  de  la  journée  qu'on  se  présentât  chez 
lui,  on  était  reçu.  Sa  porte  était  toujours  ouverte.  Quelle  que 
fût  son  occupation,  on  ne  le  dérangeait  jamais;  il  causait 
avec  une  liberté  entière  d'esprit,  une  sérénité  parfaite,  une 
exquise  bienveillante,  sans  paraître  préoccupé  de  la  besogne 
interrompue  ;  la  visite  finie ,  il  reprenait  sa  lâche  sans  efforts, 
comme  si  elle  n'avait  pas  été  disconlinuée.  Je  crois  pouvoir  dire 
que  M.  Neukomm  n'a  jamais  perdu  un  seul  instant  de  sa  longue 
existence;  et  M.  Neukomm  était  en  même  temps  un  homme  du 
monde  ;  il  élait  le  commensal  habituel  des  rois,  des  princes,  des 
ministres,  des  ambassadeurs.  Je  ne  parlerai  pas  de  son  talent  de 
compositeur,  de  son  talent  d'organiste,  de  son  instruction  solide 
et  variée,  de  sa  conversation  toujours  nourrie  d'observations  pré- 
cieuses et  égayée  d'anecdotes   piquantes.  C'est  pour  cela  que 


M.  Neukomm  était  si  recherché,  et  qu'il  n'était  pas  un  palais,  un 
château,  une  élégante  villa,  où  il  ne  fût  retenu  pour  quelques 
jours  au  moins  de  la  saison  de  la  villégiature. 
i'  Néanmoins,  la  retraite  de  prédilection  de  M.  le  chevalier  Neu- 
komm élait  le  grand  séminaire  de  Beauvais,  où  sa  mémoire  est 
aujourd'hui  en  vénération.  C'est  que  M.  Neukomm  avait  là  un  ami 

de  cœur,  M.  l'abbé  M ,  alors  directeur  de  ce  grand  séminaire; 

c'est  que  M.  Neukomm  était  un  artiste  aimant  la  religion  ;  c'est 

que  M.  l'abbé  M est  un  prêtre  aimant  les  arts  ;  c'est  que, 

pour  l'un  comme  pour  l'autre,  le  vrai,  le  bien,  le  beau  se  con- 
fondaient dans  une  même  essence,  et  que  le  beau,  comme  le  vrai 
et  le  bien,  est  tout  ce  qui  éclaire,  tout  ce  qui  élève,  tout  ce  qui 
purifie  et  régénère  l'âme. 

Me  voici,  mon  cher  Directeur,  au  moment  périlleux  de  ma 
narration.  Je  voudrais,  par  une  heureuse  transition,  passer  du 
sévère  au  plaisant;  mais,  comme  par  l'effet  d'une  taquinerie  de 
mon  sujet,  je  retombe  toujours  dans  le  sérieux.  Que  ne  puis-je 
prier  l'auteur  du  Lutrin  vivant  de  venir  à  mon  aide!  que  ne 
puis-je  m'écrier  avec  lui  : 

Quoi  qu'il  en  soit,  ma  Minerve  légère 
Adoucira  ces  grotesques  portraits, 
Et,  les  voilant  d'une  gaze  légère, 
Ne  montrera  que  la  moitié  des  traits. 

Vous  le  voulez,  mon  cher  directeur.  Eh  bien!  donc, 

Venons  au  fait  :  honni  qui  mal  y  pense! 
Attention  I  j'ai  toussé;  je  commence. 

Mais  voilà  qu'un  autre  vers,  un  vers  de  Racine  celte  fois,  vient 
se  mettre  à  la  traverse  : 

Ciel!  que  vais-je  lui  dire?  et  par  où  commencer? 

Eh  bien,  il  faut  que  vous  sachiez  que  tout  glorieux  artiste  que 
fût  M.  Neukomm,  il  ne  participait  nullement  au  privilège  dont 
jouissent  les  corps  glorieux.  Cette  phrase  vous  semble  obscure  ; 
attendez. 

Certain  jour  du  printemps  de  1857,  M.  Neukomm,  pour  le 

dire  crûment,   fut  pris  d'une  incommodité si  vous  pouviez 

me  dispenser  d'expliquer  cette  incommodité,  vous  me  rendriez 
un  grand  service.  Voyez  pourtant  l'avantage  d'avoir  toujours  un 
volume  de  Mme  de  Sévigné  sur  sa  table!  Ce  mal  était  un  mal 
auquel  Mme  de  Grignan  élait  fort  sujette.  «  Vous  avez  quitté 
vos  bains,  ma  fille;  c'est  une  chose  admirable  que  le  soulage- 
ment que  vous  en  recevez  pour  vos  coliques.  »  Bon  !  voilà  le 
mot  lâché,  et  par  Mme  de  Sévigné  encore  !  Sur  celte  nouvelle  du 
malaise  de  M.  Neukomm,  tout  est  en  rumeur  dans  la  silencieuse 
et  hospitalière  maison.  On  cherche,  on  s'interroge;  il  faut  absolu- 
ment qu'on  se  procure  un  certain  meuble,  qui  n'est  pas  précisé- 
ment une  chaise,  bien  qu'il  en  porte  le  nom,  qui  n'est  pas  non 
plus  une  chaise  curule...  On  va  chez  l'économe,  rien;  chez  les 
professeurs,  rien  encore.  Comment  faire  !  le  cas  presse  !  vite  on 

envoie  chez  M.  B ,  l'excellent  organiste  de  la  cathédrale.  En 

sa  qualité  d'organiste ,  il  aura  peut-être  l'instrument  désiré.  0 
bonheur!  M.  B...  avait  justement  cet  instrument,  et  un  instru- 
ment neuf,  intact....  Vous  jugez  de  l'empressement  de  M.  B...! 
un  instrument  dont  M.  le  chevalier  Neukomm,  un  si  grand  com- 
positeur, l'ami,  l'élève  des  deux  Haydn,  jouera  le  premier! 
quelle  inauguration  !  quel  honneur!  —  Pars  vite,  mon  ami,  dit 
M.  B...  au  commissionnaire;  et  l'instrument  traverse  triompha- 


364 


LE  MÉNESTREL. 


lement  la  ville  sur  les  épaules  du  drôle,  qui  court,  vole,  arrive  au 
séminaire,  et  va  installer  le  meuble  dans  la  chambre  de  M.  Neu- 
komm. 

Ce  dernier,  toutefois,  pendant  ces  pourparlers  et  ces  allées  et 
venues,  grâce  à  quelques  gouttes  d'aconit,  avait  senti  le  mal  di- 
minuer, puis  se  dissiper  tout  à  fait;  si  bien  qu'il  put  se  dis- 
penser de  tout  essai  instrumental.  Mais  pour  laisser  un  souvenir 
àson  ami  M.  B...,  le  chevalier  Neukomm  improvisa  un  canon  à 
quatre  voix  sur  les  vers  d'Horace  : 

Quo  semel  est  imbuta  recens 
Servabit  odorem  testa  diù. 

que  je  n'ai  pas  besoin  de  vous  traduire.  Il  écrivit  ce  canon  sur 
un  carré  de  papier  réglé  ou  rayé,  y  apposa  sa  signature  avec  la 
date  du  14  avril  1857,  et  le  colla  au  revers  delà  table  d'harmonie, 
de  manière  à  dominer  la  concavité  de  l'instrument.  Ce  n'est  pas 
tout,  le  soir,  après  le  souper  de  la  communauté,  la  grande  porte  du 
séminaire  s'ouvrit  à  deux  battants  :  c'étaient  Monseigneur  et  ses 
grands  vicaires  qui  venaient  passer  la  soirée.  Grande  réunion  au 
salon.  Il  n'est  question  que  de  l'événement  de  la  journée.  Le  su- 
périeur fait  descendre  l'instrument  neuf,  illustré  d'un  autographe 
de  M.  Neukomm.  Sa  Grandeur  demande  l'exhibition  du  canon. 
On  ouvre  le  pupitre  ;  deux  bougies  sont  placées  sur  les  côtés  du 
corps  sonore.  Quatre  séminaristes,  excellents  musiciens,  lecteurs 
exercés,  s'agenouillent  pour  mieux  voir,  et  exécutent  le  canon 
avec  un  ensemble  imposant  et  un  sérieux  plein  de  majesté. 


THÉÂTRES    LYRIQUES. 


eg^e 


m 


^ 


?eïf 


Quo      se-melest  im  -  bu  -   tare  -  censser- 
4 


va  -  bit      o  -  do    -     rem     tes    -    ta   di  -    ù. 

Arrière!  arrière  !  l'office  de  la  Saint-Brice  célébré  dans  le  Lu- 
trin vivant  ! 

A  livre  ouvert,  le  chappier  en  lunettes 
Vient  entonner  ;  un  groupe  de  masettes 
Très-gravement  poursuit  ce  chant  falot, 
Concert  grotesque  et  digne  de  Callot. 

Encore  une  fois,  arrière  1  c'étaient  quatre  voix  jeunes,  vigou- 
reuses, vibrantes,  qui  se  poursuivaient  et  s'enchaînaient  avec  une 
précision  et  un  entrain  digne  du  Conservatoire.  Et  puis,  c'était 
un  mélange  d'applaudissements  et  de  rires  si  francs  et  si  sincères! 

Je  suis  allé  cet  été  à  Beauvais,  sur  l'aimable  invitation  de 
M.  l'abbé  M...,  aujourd'hui  supérieur  du  grand  séminaire  et  vi- 
caire-général. J'ai   occupé  la  cellule  voisine  de  celle  occupée 

jadis  par  M.  Neukomm.  M.  B m'invita  à  dîner,  et  me  fit 

servir,  au  dessert,  le  canon  de  M.  Neukomm,  qu'il  m'envoya 
quelques  jours  après  à  Paris,  copié  de  sa  main.  Je  le  joins  à  cette 
lettre.  Voyez  si  vous  voulez  le  donner  à  vos  lecteurs. 

Vous  comprenez  maintenant,  mon  cher  Directeur,  pourquoi  je 
vous  ai  dit  en  commençant  cette  lettre  que  ce  canon  a  fait  du 
bruit  sans  avoir  été  chargé. 

J.  d'Oiitigue. 


THÉÂTRE  IMPERIAL  DE  L  OPÉRA. 

La  reprise  de  Pierre  de  Médicis  est  ajournée  de  semaine  en 
semaine.  Cette  fois,  c'est  par  indisposition  de  Mme  Gueymard- 
Lauters. 

De  son  côté  YAlcesle  a  subi  plusieurs  retards  par  suite  de  l'in- 
disposition du  ténor  Michot. 

Espérons  que  la  fatalité  qui  pèse  sur  ces  deux  ouvrages  ne  se 
prolongera  pas,  et  que  la  seconde  quinzaine  d'octobre  verra  éclorc 
les  deux  reprises  si  impatiemment  attendues  ,  —  reprises  que 
suivra  de  près  le  nouveau  ballet  de  Mme  Ferraris. 

On  travaille  jour  et  nuit  rue  Lepeletier  ;  poètes,  musiciens, 
artistes,  décorateurs,  tout  est  à  l'œuvre,  tout  nous  pronostique  de 
brillantes  soirées  d'automne. 

Les  répétitions  d'Alceste,  surtout,  font  augurer  un  véritable 
événement,  dont  le  ténor  Michot  prendrait  sa  bonne  part,  en 
compagnie  de  Mme  Pauline  Viardot. 


THÉÂTRE-ITALIEN. 


La  Sonnambula,  —  Semiramide. 

Au  chef-d'œuvre  de  Cimarosa  viennent  de  succéder,  sur  la 
scène  de  Ventadour,  la  Sonnambula,  cette  douce  élégie  de  Belli- 
ni,  et  Semiramide ,  celte  page  grandiose  du  cygne  dePesare, 
comme  on  disait  naguère. 

M"e  Battu,  qui  nous  est  apparue  dans  le  rôle  d'Amina,  semble 
avoir  beaucoup  gagné  en  vigueur,  et  nous  sommes  heureux  de 
le  constater,  car  au  point  de  vue  du  style  et  de  la  vocalisation,  la 
gracieuse  pensionnaire  de  M.  Calzado  était  jugée.  Les  bravos 
qu'elle  vient  de  recueillir  dans  la  Sonnambula  achèvent  déclasser 
notre  jeune  élève  de  Duprez  parmi  les  plus  brillantes  acquisitions 
de  la  scène  de  Ventadour. 

Une  autre  bonne  fortune  nous  était  réservée  dans  l'œuvre  de 
Bellini  :  c'est  la  rentrée  de  Tagliafico.  Basso  cantante  favori  de 
Londres  et  de  Saint-Pétersbourg,  Tagliafico  a  retrouvé  son  public 
parisien,  son  premier  appréciateur,  celui  dont  les  suffrages  lui 
sont  restés  précieux.  L'excellent  chanteur  a  déployé  dans  le  per- 
sonnage de  Rodolfo  la  distinction  et  les  qualités  qui  ont  fondé  sa 
réputation  ;  aussi  le  public  a-t-il  salué  son  retour  des  meilleurs 
bravos. 

M"e  Battu  a  chanté  avec  une  rare  perfection  l'air  :  Atediletta, 
et  surtout  celui  du  troisième  acte  :  Ah  1  non  giunge.  De  son  côté, 
Bélart  (Elvino),  plus  heureux  que  dans*/  Matrimonio  segreto, 
s'est  fait  applaudir  dans  son  duo  :  Rendi  Vânelti  dono  ;  et  l'air  : 
Tutto  e  sciollo  lui  a  valu  les  honneurs  du  rappel. 

Jeudi  dernier  c'était  le  tour  de  Semiramide.  Tout  a  été  dit  sur 
celle  belle  partition  de  Bossini ,  monument  gigantesque  où  le 
charme  des  mélodies  le  dispute  à  la  pompe  des  chœurs,  à  la  puis- 
sance des  accents  dramatiques. 

On  comptait  beaucoup  sur  le  baryton  Beneventano,  qui  débu- 
tait dans  le  rôle  d'Assur  ;  pour  le  juger  définitivement,  le  public 
devra  l'attendre  dans  un  ouvrage  de  Verdi.  Le  débutant  pos- 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUH. 


365 


sède  une  fort  belle  voix  et  des  notes  énergiques  dont  il  tire 
parti,  mais  sa  vocalisation  est-elle  bien  h  la  hauteur  du  rôle 
d'Assur?  Il  a  su  néanmoins  obtenir  un  rappel  au  quatrième  acte. 

Mais  le  triomphe  de  la  soirée"  appartenait  à  Mmes  Penco  et 
Alboni  (Sémiramide  et  Arsace).  L'une,  par  la  puissance  de  son 
jeu  et  de  son  chant,  l'autre  par  sa  perfection  vocale  et  ses  belles 
notes  de  contralto ,  ont  électrisé  la  salle  entière.  Leur  duo  du 
quatrième  acte  a  excité  l'enthousiasme.  Mmes  Alboni  et  Penco 
ont  été  plusieurs  fois  rappelées. 

MM.  Caponi  (Oroe)  et  Belart  complétaient  le  personnel.    . 

P.  S.  Le  baryton  Délie  Sedie.qui  doit  partager  avec  M.  Bene- 
ventano  la  succession  de  Graziani,  est  de  retour  de  Londres  el 
Dublin.  A  bientôt  les  débuts  de  ce  chanteur  de  la  grande  école. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L  OPÉRA-COMIQUE. 

Reprise  du  Postillon  de  Lonjumeau. 

On  ne  peut  prononcer  le  nom  de  cette  œuvre  si  populaire,  et 
dont  le  titre  seul  respire  la  gaieté  française,  sans  donner  un 
nouveau  regret  à  ce  pauvre  Adolphe  Adam,  enlevé  à  l'art  dans 
la  maturité  de  sdn  talent.  Quels  éclairs  de  bonheur  illuminent 
toutes  les  faces  de  cette  partition  !  Quelle  verve  mélodique  !  Adam 
a  écrit  des  pages  plus  fines,  plus  gracieuses  et  plus  complèles, 
témoin  le  Chalet,  Giralda  et  Si  j'étais  roi  ;  mais  il  ne  nous  en 
a  pas  donné  de  plus  conforme  au  sentiment  des  masses,  de  plus 
en  harmonie  avec  les  traditions  de  la  scène  dont  il  était  une  des 
légitimes  gloires.  Disons  aussi  que  la  bonne  humeur  des  libret- 
tistes, l'heureux  type  deChapclou,  la  jovialité  du  texte,  n'avaient 
pas  peu  contribué  à  inspirer  le  compositeur,  qui  s'assimilait  les 
canevas  avec  tant  de  tact  et  d'intelligence.  Ce  n'est  pas  que  le 
libretto  du  Postillon  brille  précisément  par  la  distinction  dans 
la  forme  ou  par  la  vraisemblance  de  la  fiction  ;  mais  ces  défauts 
sont  si  amplement  rachetés  par  le  comique  des  situations,  par 
l'originalité  des  détails,  que  nous  ne  nous  étonnons  pas  du  grand 
succès  qu'a  obtenu  cet  ouvrage,  —  le  compositeur  aidant. 

Il  y  avait  déjà  douze  ans  que  le  Postillon  de  Lonjumeau 
n'avait  paru  sur  l'affiche  de  Favart.  Le  Théâtre-Lyrique  s'en 
était  un  instant  emparé  en  1854,  quand  Cholet  voulut  reparaître 
devant  le  public;  et  le  talent  de  l'artiste  vétéran  fit  revivre  pen- 
dant quelque  temps  l'antique  vogue  de  cette  partition. 

Montaubry  est  le  seul  chanteur  aujourd'hui  qui  ait  gardé  les 
traditions  de  ChoIel*(son  beau-père), — surtout  pour  le  Postillon 
de  Lonjumeau.  On  sait  que  c'était  son  triomphe  en  province,  et 
Paris  l'attendait  dans  ce  rôle  important.  Les  oracles  de  la  pro- 
vince n'ont  pas  été  menteurs,  et  Paris  vient  d'acclamer  le  type 
de  Chapelou  dans  sa  nouvelle  incarnation.  Montaubry  a  dit  avec 
beaucoup  de  charme  le  fameux  air:  Oh  !  qu'il  est  beau!  La 
suavité  de  sa  voix  a  fait  merveille  dans  tout  le  cours  de  l'ou- 
vrage, et  particulièrement  dans  sa  grande  scène  du  second  acte  : 
Assis  au  pied  d'un  hêtre,  qu'il  a  très-finement  rendue. 

Mais  Montaubry  n'a  point  accaparé  seul  le  succès  de  cette 
soirée.  Mmc  Faure-Lefebvre  l'a  grandement  partagé,  et  le  rôle 
de  Madeleine  ne  pouvait  trouver  de  plus  séduisante  interprète. 
Ses  couplets  :  Mon  petit  mari,  le  duo  qui  suit,  surtout  la  grande 
scène  du  troisième  acte,  où  Madeleine  et  la  marquise  viennent 


se  confondre  dans  la  môme  personne,  ont  mérité  à  Mme  Faure- 
Lefebvre  les  plus  chaleureux  applaudissements. 

Nathan  est  un  Biju  satisfaisant.  Ambroise,  chargé  du  rôle  du 
marquis,  s'en  acquitte  en  comédien.  Palianti  nousa  fait  retrouver 
l'ancien  Bourdon  ;  Palianti  est  inamovible,  les  années  n'ont  pas 
dé  prise  sur  ce  pensionnaire,  qui  tient  au  mobilier  de  la  salle 
Favart;  ni  son  talent,  ni  sa  prestance,  ni  son  embonpoint  n'ont 
diminué. 

Les  Mousquetaires  et  le  Postillon  vont  alterner  avec  éclat  sur 
la  scène  de  Favart,  en  attendant  les  nouvelles  partitions  en  pers- 
pective. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


EXPOSITION   UNIVERSELLE  DE   1835. 


NOTICE  SUR  LES  TRAVAUX  DE  MM.  ERARD. 


III 

La  maison  Erard  a  été  fondée  5  Paris,  vers  1780,  par  Sébas- 
tien Erard. 

Né  à  Strasbourg  en  1752,  Sébastien  Erard  reçut  une  excel- 
lente instruction  professionnelle  dans  les  écoles  de  celte  ville  ;  et 
telles  étaient  son  aptitude  et  sa  facilité  à  exécuter  ce  que  son  ima- 
gination concevait,  qu'un  professeur  de  l'École  du  génie,  qui 
l'employait  à  la  construction  des  modèles  dont  il  se  servait  pour 
les  démonstrations  de  son  cours ,  lui  disait  souvent  :  «  Jeune 
homme,  vous  devriez  entrer  dans  le  génie  ;  votre  place  y  est 
marquée.  » 

Ce  fut  en  1768  que  Sébastien  Erard  vint  à  Paris.  Il  commença 
sa  réputation  par  un  clavecin  mécanique,  dont  les  dispositions 
produisirent  la  plus  vive  sensation  dans  le  monde  musical  de 
Paris.  Cet  instrument  avait  été  construit  pour  le  cabinet  de  curio- 
sités de  M.  de  la  Blancherie  (1).  L'abbé  Roumir  en  fit  une  des- 
cription détaillée,  qui  fut  insérée  clans  le  Journal  de  Paris. 

Sébastien  Erard  avait  à  peine  vingt-cinq  ans,  et  déjà  sa  répu- 
tation était  fondée.  Présenté  à  la  duchesse  de  Villeroy,  qui  pro- 
tégeait les  arts  et  les  artistes,  cette  dame  voulut  absolument  qu'il 
demeurât  chez  elle,  et  ce  fut  dans  son  hôtel  qu'il  construisit  son 
premier  piano.  La  vogue  de  cet  instrument,  qui  fut  joué  dans  les 
salons  de  Mme  de  Villeroy,  fut  prodigieuse. 


(1)  Ce  clavecin  était  remarquable  par  plusieurs  inventions  dont  on  n'avait 
pas  d'idée  auparavant.  On  y  trouvait  trois  registres  de  plume  et  un  de 
buffle;  une  pédale  y  faisait  jouer  un  chevalet  mobile  qui,  s'interposant 
sur  les  cordes  à  la  moitié  de  leur  longueur,  les  faisait  monter  tout  à  coup 
d'une  octave,  invention  qu'un  facteur  de  Paris,  nommé  Schmidt,  a  renou- 
velée dans  le  piano  à  l'exposition  des  produits  de  l'industrie  de  1806,  c'est- 
à-dire  trente  ans  après  qu'Erard  l'eut  trouvée.  En  appuyant  par  degrés  le 
pied  sur  une  pédale  attachée  au  pied  gauche  du  clavecin,  on  relirait  le  re- 
gistre de  l'octave  aiguë,  celui  du  petit  clavier,  celui  du  grand  clavier,  et 
l'on  faisait  avancer  le  registre  de  buffle.  En  diminuant  la  pression  du  pied 
sur  la  pédale,  on  avançait  le  registre  de  l'octave  aiguë,  celui  du  petit  cla- 
vier, celui  du  grand  clavier,  et  l'on  retirait  le  jeu  de  buffle.  Enfin,  lorsqu'on 
voulait  faire  parler  à  la  fois  tous  les  jeux,  on  se  servait  d'une  pédale  atta- 
chée au  pied  droit  du  clavecin,  sans  être  obligé  d'attirer  le  petit  clavier  au- 
dessus  du  grand,  et  conséquemment  sans  interrompre  l'exécution,  comme 
cela  se  faisait  aux  autres  clavecins. 


366 


LE  MÊNESTIlEb. 


Le  succès  de  Sébastien  Erard  était  d'autant  plus  remarquable, 
que  la  France,  à  celte  époque,  tirait  de  l'étranger  le  très-petit 
nombre  de  pianos  que  l'on  rencontrait  dans  les  salons  de  Paris. 
Celaient  l'Angleterre  et  l'Allemagne  qui  avaient  alors  le  privi- 
lège de  les  fournir.  Le  clavecin,  qui  avait  devancé  le  piano  et  sa- 
tisfait les  oreilles  délicates  de  la  cour  de  Louis  XIV  et  Louis  XV, 
touchait  à  sa  fin,  détrôné  par  la  supériorité  de  son  adversaire. 
Erard  eut  le  grand  mérite  de  tourner  toutes  ses  facultés  vers  'le 
nouvel  instrument,  qu'il  devait  prendre  dans  un  état  peu  diffé- 
rent de  celui  auquel  il  se  substituait,  pour  le  porter  au  degré  de 
perfection  où  nous  le  voyons  aujourd'hui. 

C'est  vers  cette  époque  que  Sébastien  Erard  associa  son  frère 
Jean-Baptiste  Erard  à  ses  travaux.  Leur  premier  établissement 
fut  fondé  rue  de  Bourbon,  faubourg  Saint-Germain.  ! 

La  réputation  qu'ils  avaient  acquise,  et  la  prospérité  qui  en 
était  la  conséquence,  excitèrent  la  jalousie  des  luthiers  qui  fai- 
saient le  commerce  des  pianos  étrangers.  L'un  d'eux  fit  pratiquer 
une  saisie  chez  les  frères  Erard,  sous  prétexte  qu'ils  ne  s'étaient 
pas  rangés  sons  les  lois  de  la  communauté  des  éventaillistes,  dont 
l'état  de  luthier  faisait  partie.  Ce  fut  alors  qu'Erard  obtint  de 
Louis  XVI  un  brevet  qui  affranchissait  son  établissement  des 
entraves  qu'on  voulait  lui  imposer.  Ce  brevet  est  conçu  dans  des 
termes  trop  flatteurs  pour  que  nous  ne  le  rapportions  pas  in 
extenso  (1). 

Il  est  difficile,  dit  M.  Fétis  dans  son  excellente  biographie 
d'Erard,  à  laquelle  nous  empruntons  beaucoup  de  détails,  de  se 
faire  aujourd'hui  une  juste  idée  de  la  vogue  qu'obtinrent  ses 
instruments  et  qu'ils  conservèrent  même  longtemps  après  que 
Dusseck  et  Crammer  eurent  mis  à  la  mode  par  leurs  nouvelles 
compositions  les  pianos  à  cinq  octaves  et  demie.  Ce  n'était  pas 
seulement  en  France  qu'ils  étaient  estimés  ;  on  les  recherchait 
également  dans  les  Pays-Bas  et  en  Allemagne.  Un  seul  marchand 
de  Hambourg  qui  en  faisait  le  commerce  en  avait  réuni  plus  de 
deux  cents  en  1799.  Le  nom  de  piano  d'Erard  était  si  bien  ré- 
pandu, que  beaucoup  de  personnes  se  persuadaient  que  ces  deux 
mots  ne  pouvaient  être  séparés  et  qu'ils  formaient  un  terme  gé- 
nérique. 

Continuellement  occupé  d'inventions  et  de  perfectionnements, 


(1)  «  Aujourd'hui,  cinq  février  mil  sept  cent  quatre-vingt-cinq,  le  roi 
éiant  à  Versailles,  informé  que  le  sieur  Sébastien  Erard  est  parvenu  par  une 
méthode  nouvelle,  de  son  invention,  à  perfectionner  la  construction  de 
l'instrument  nommé  forlé-piano,  qu'il  a  même  obtenu  la  préférence  sur 
ceux  fabriqués  en  Angleterre,  dont  il  se  fait  un  commerce  d;iri£  la  ville  de 
Paris,  et  voulant,  Sa  Majesté,  fixer  les  talents  du  sieur  Erard  dans  ladite 
ville  et  lui  donner  des  témoignages  de  la  protection  dont  elle  honore  ceux 
qui,  comme  lui,  ont,  par  un  travail  assidu,  contribué  aux  arts  utiles  et 
agréables,  lui  a  permis  de  fabriquer,  faire  fabriquer  et  vendre  dans  la  ville 
et  faubourgs  de  Paris,  et  partout  où  bon  lui  semblera,  des  forté-pianos,  et 
d'y  employer,  soit  par  lui,  soit  par  ses  ouvriers,  le  bois,  le  fer  et  toutes 
autres  matières  nécessaires  à  la  perfection  ou  à  l'ornement  dudil  instru- 
ment, sans  que  pour  raison  de  ce  il  puisse  èire  troublé  ni  inquiété  par  les 
gardes  syndics  et  adjoints  des  corps  et  communautés  d'arts  et  métiers  pour 
quelque  cause  et  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit,  sous  les  conditions 
néanmoins,  par  ledit  sieur  Erard,  de  se  conformer  aux  règlements  et  or- 
donnances concernant  la  discipline  des  compagnons  et  ouvriers,  et  de  n'ad- 
mettre dans  ses  ateliers  que  ceux  qui  auront  salisfait  auxdits  règlements  ; 
et,  pour  assurance  de  sa  volonlé,  Sa  Majesté  m'a  commandé  d'expédier 
audit  sieur  Eraid  1*  présent  brevet  qu'elle  a  voulu  signer  de  sa  main  et  être 
contre-signe  par  moi  secrétaire  d'État  et  de  ses  commandements  et  fi- 
nances. 

«  Signé  LOUIS. 
«  Le  baron  de  Bbeteuil.  » 


le  génie  de  Sébastien  Erard  s'exerçait  sur  une  multitude  d'objets. 
Ce  fut  ainsi  qu'il  imagina  le  piano  organisé  avec  deux  claviers, 
l'un  pour  le  piano ,  l'autre  pour  l'orgue.  Le  succès  de  cet  instru- 
ment fut  prodigieux  dans  la  haute  société.  Il  lui  en  fut  commandé 
un  pour  la  reine  Marie-Antoinette,  et  ce  fut  pour  ce  piano  qu'il 
inventa  plusieurs  choses  d'un  haut  intérêt,  surtout  à  l'époque  où 
elles  furent  faites.  La  voix  de  la  reine  avait  peu  d'étendue,  et  tous 
les  morceaux  lui  semblaient  écrits  trop  haut.  Erard  imagina  de 
rendre  mobile  le  clavier  de  son  instrument,  au  moyen  d'une  clef 
qui  le  faisait  monter  ou  descendre  à  volonté  d'un  demi-ton,  d'un 
ton,  ou  d'un  ton  et  demi.  De  celte  manière,  la  transposition  s'o- 
pérait sans  travail  de  la  part  de  l'accompagnateur. 

A  cette  époque,  un  autre  instrument,  la  harpe,  commençait  à 
se  répandre  en  France  ;  mais  il  était  si  défectueux  dans  son  mé- 
canisme qu'il  faisait  le  désespoir  des  artistes  et  des  exécutants.  Le 
plus  célèbre  d'entre  eux,  Krumpholtz,  vint  trouver  Erard,  et  le 
pria  de  vouloir  bien  s'en  occuper.  Pendant  que  toutes  ses  idées 
étaient  tournées  vers  ce  travail,  Beaumarchais  vint  voir  Erard. 
Cet  homme  célèbre,  qui  devait  sa  fortune  à  son  talent  sur  la 
harpe,  et  qui,  ayant  exercé  la  profession  d'horloger,  avait  quel- 
ques connaissances  en  mécanique,  engagea  fortement  Erard  à  re- 
noncer à  son  projet.  Il  lui  dit  qu'il  s'en  était  occupé  lui-même, 
et  qu'il  n'y  avait  rien  à  faire.  Erard,  heureusement,  ne  se  laissa 
pas  décourager,  et  il  put  bientôt  montrer  à  Krumpholtz  le  résul- 
tat de  ses  travaux. 

Dans  la  harpe  à  crochets,  dont  on  se  servait  alors,  chaque  corde 
était  représentative  de  deux  sons,  au  moyen  d'un  jeu  de  pédales 
qui  faisait  mouvoir  sur  la  console,  au-dessous  du  point  d'attache 
de  la  corde,  un  crochet  qui,  saisissant  celle-ci,  la  raccourcissait 
en  l'attirant  hors  de  sa  position  verticale  primitive.  Ce  mécanisme 
n'avait  aucune  solidité,  et  détruisait  en  outre  la  pureté  des  sons 
par  des  frisements  continuels.  Erard  fit  disparaître  les  crochets 
et  substitua  à  leur  place  un  disque  en  cuivre  armé  de  deux  bou- 
lons en  saillie  entre  lesquels  passait  la  corde.  Lorsqu'on  voulait 
élever  la  note  d'un  demi-ton,  la  pédale  imprimait  un  mouvement 
de  rotation  au  disque,  et  les  deux  boutons  saisissaient  la  corde  et 
la  raccourcissaient  en  lui  imprimant  la  flexion  nécessaire  sans  la 
déranger  de  sa  position  verticale,  et  sans  rien  ôter  au  son  de  sa 
justesse. 

Différentes  circonstances  étrangères  à  notre  sujet  ne  lui  ayant 
pas  permis  de  produire  immédiatement  en  France  sa  nouvelle 
invention,  Erard  songea  à  se  rendre  en  Angleterre  pour  chercher 
de  nouveaux  débouchés  à  sa  fabrique  de  pianos,  dont  la  réputa- 
tion grandissait  toujours.  Ceci  se  passait  en  1786.  Retenu  dans 
cette  ville  par  les  travaux  inséparables  d'un  nouvel  établissement 
à  fonder,  il  ne  put  ensuite  revenir  en  France  qu'après  le  9  ther- 
midor. Ce  fut  pendant  cet  intervalle  de  1786  à  1796  qu'il  jeta  les 
bases  de  sa  maison  de  Londres,  digne  émule  de  celle  de  Paris. 
Son  premier  brevet  pour  le  perfectionnement  des  pianos  et  des 
harpes  porte  la  date  de  1794. 

11  fit  d'abord  paraître  la  harpe  à  simple  mouvement  de  son 
invention,  instrument  parfait  pour  la  justesse  du  mécanisme  et 
la  solidité  de  sa  construction,  et  qui  eut  la  plus  grande  vogue  en 
Angleterre,  puisqu'elle  se  substitua  à  toutes  celles  en  usage  alors. 
A  son  retour  à  Paris,  il  fit  fabriquer  dans  sa  maison,  dirigée  en 
son  absence  par  son  frère,  les  premiers  grands  pianos  à  queue 
en  forme  de  clavecin  et  à  échappement  que  l'on  ait  vus  à  Paris. 

La  précision  du  coup  de  marteau  faisait  tout  l'avantage  de  ce 
mécanisme  sur  celui  dit  à  pilote  fixe,  en  usage  alors.  Mais  ce  der- 
nier, à  son  tour,  possédait  une  supériorité  dans  sa  légèreté  et  sa 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


3157 


facilité  de  répétition  ;  car  avec  ce  syslùmc  le  marteau  étant  tou- 
jours sur  la  touche,  et  par  conséquent  aux  ordres  de  l'exécutant, 
était  aussi  toujours  prêt  à  répondre  au  plus  léger  mouvement  du 
doigt,  ce  qui  était  un  avantage  incontestable  ;  mais  le  coup  de 
'  marteau  avait  l'inconvénient  de  manquer  de  fixité  et  d'être  exposé 
à  rebondir  lorsqu'on  frappait  la  noie  avec  force. 

Celte  différence  dans  la  manière  d'opérer  des  deux  mécanismes 
présentant  chacun  des  avantages  et  des  inconvénients  a  pendant 
longtemps  partagé  les  opinions  des  artistes  et  amateurs  sur  la 
préférence  qu'on  devait  leur  accorder.  Cependant  la  pureté  et  la 
force  du  son  des  pianos  à  échappement  construits  par  les  frères 
Erard  les  firent  adopter  de  préférence  par  les  grands  pianistes 
d'alors,  Dusseck  et  Steibelt.  Mais  si  ces  artistes  célèbres  étaient 
satisfaits,  Erard  ne  l'était  pas  :  il  connaissait  les  défectuosités  de 
son  œuvre,  et  il  se  proposait  d'appliquer  toutes  ses  facultés  à  les 
faire  disparaître. 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 

NOUVELLES  DIVERSES. 


—  On  a  placé  rue  Fiesolana,  à  Florence,  une  pierre  qui  rappelle  l'habi- 
tation du  grand  Florentin  Cherubini,  en  attendant  qu'on  ait  recueilli  les 
souscriptions  suffisantes  pour  élever  un  monument  digne  de  cette  illustre 
mémoire. 

—  Une  correspondance  de  Florence  nous  entretient  du  chaleureux  ac- 
cueil qu'a  reçu  dans  cette  ville  la  Muette  de  Porlici  :  «  La  direction  du 
théâtre  Pagliano,  dit  le  correspondant,  vient  enfin  de  nous  donner  la  Muette 
de  Porlici,  qu'elle  promettait  depuis  si  longlemps.  Le  succès  de  l'opéra 
d'Auber  a  été  très-grand.  Toutes  ces  mélodies  si  bien  empreintes  de  la  cou- 
leur de  notre  pays,  semblent  écrites  d'hier  ;  aussi  les  applaudissements  et 
les  rappels  ont-ils  été  pendant  tout  le  cours  de  la  représentation  prodigués 
aux  artistes.  Le  ténor  Mozzoleni  s'est  surtout  surpassé;  on  a  redemandé 
sa  romance  et  l'on  peut  dire  qu'il  a  eu  les  honneurs  de  la  soirée. 

—  On  croit  que  les  théâtres  royaux  de  Naples  vont  être  de  nouveau  acî 
cordés  à  81.  Sanguinetti,  par  suite  de  l'impossibilité  où  s'est  trouvé  M.  Mon- 
telli  de  déposer  son  cautionnement. 

—  A  Vienne,  le  chanteur  de  l'Opéra  de  la  cour,  M.  Beck,  vient  d'être 
nommé  chanteur  de  la  chambre  de  l'empereur,  avec  un  traitement  annuel 
de  i0,000  florins  et  une  pension  pour  toute  sa  vie  de  40,000  florins. 

—  En  rectifiant  l'erreur  commise  par  la  Gazette  de  la  Croix ,  sur  l'âge 
de  Meyerbeer,  les  Signale  de  Leipzick  ajoutent  ces  mots  : 

«  Nous  espérons  que  le  maestro  pourra  encore,  de  même  que  Fontenelle 
dans  sa  quatre-vingt-dixième  année,  ramasser  le  mouchoir  d'une  dame  et 
lui  dire,  pour  s'excuser  de  la  lenteur  de  l'opération:  Ah  !  madame,  si 
j'avais  encore  mes  quatre-vingts  atis!...  » 

—  On  écrit  de  Kœnigsberg  que  le  soir  du  jour  où  le  roi  et  la  reine  de 
Prusse  feront  leur  entrée  dans  celte  capitale,  le  théâtre  donnera  le  Meunier 
de  Méran,  de  M.  de  Flotow. 

—  Un  facteur  d'instruments  de  Prague  vient  d'inventer  un  nouvel  in- 
strument pour  les  chapelles  de  musique  militaire,  et  lui  a  donné  le  nom 
de  glugol. 

—  C'est  de  l'étranger  que  nous  vient  la  lumière.  Le  Neue  Berliner  mu-., 
sikzeitung,  de  Berlin,  informe  ses  lecteurs  que  le  Théâtre -Lyrique  de 
Paris  s'apprête  à  monter  le  Czar  et  le  Charpentier,  de  Lortzing,  elles 
Joyeuses  commères  de  Windsor,  de  Nicolaï.  Déjà,  ajoute  ce  journal,  les 
élégantes  parisiennes  demandent  à  grands  cris  ces  deux  partitions  chez  les 
éditeurs  de  musique.  (???) 

—  M.  Fritz  Gernsheim,  un  jeune  pianiste  de  la  grande  école  allemande, 
quihabile  Paris  depuis  six  ans,  vient  d'être  nommé  directeur  de  musique 
dans  une  ville  d'Allemagne.  On  sait  de  quelle  importance  sont  ces  fonc- 
tions :  elles  équivalent  chez  nos  voisins  au  gouvernement  musical  d'une 
ville,  et  comprennent  la  haute  direction  des  concerts. 

—  Les  dernières  nouvelles  de  Constantinople  avaient  annoncé  que  le 
nouveau  sultan  destinait  le  magnifique  théâtre  de  Dolma-Bagtché  à  un  dé- 
pôt de  canons.  Cette  nouvelle  était  sans  fondement.  Abdul-Aziz,  au  con- 


traire, a  ordonné  des  embellissements  qui  doivent  rendre  ce  théâtre  plus 
beau  qu'il  ne  l'était  sous  Abdul-Medjid,  son  prédécesseur. 

—  Les  cours  du  Conservatoire  de  Paris  sont  rouverts  depuis  le  1"  octobre. 

—  Jeudi  dernier,  l'excellente  musique  de  la  garde  de  Paris,  sous  la 
direction  de  M.  Paulus,  est  venue  donner  une  aubade  de  jour  au  maestro 
Rossini,  dans  sa  villa  du  bois  de  Boulogne.  Nombre  de  promeneurs  et 
d'amis  de  M.  et  Mme  Rossini  ont  pris  part  à  celte  fête  improvisée  en 
acclamant  l'illustre  maestro  et  chaque  morceau  du  programme.  On  a  sur- 
tout remarqué  l'ouverture  de  Guillaume  Tell,  que  la  musique  de  la  garde 
de  Paris  a  dû  dire  deux  fois,  et  la  transcription  de  M.  Paulus,  pour  har- 
monie militaire,  d'un  admirable  Tantum  ergo  de  Rossini.  Le  grand  maître 
a  vivement  remercié  et  fécilité  les  artistes  et  son  digne  chef  M.  Paulus,  en 
disant  à  ce  dernier  «  votre  Tantum  ergo  vaut  bien  mieux  que  le  mien.  »  Un 
air  varié,  composé  à  l'intention  des  habiles  solistes  de  la  musique  de  la  garde 
de  Paris,  a  mis  en  relief  le  talent  de  MM.Maury  (sous-chef),  Boulu  (haut- 
bois), Parés  (clarinette),  Heste  (cornet  à  pistons),  Handschu  (flûte), etc., Puis 
une  collation  a  été  servie  aux  artistes  sous  les  auspices  d'un  splendide 
soleil  d'été. 

—  Hier  samedi  12  octobre,  a  été  tenue  la  séance  annuelle  de  l'Académie 
impériale  des  beaux-ars.  Mtle  Monrose,  MM.  Warot  et  Battaille  ont  chanté 
la  cantate  couronnée  de  M.  Dubois,  élève  de  MM.  Ambroise  Thomas  et  Fran- 
çois Bazin.  Un  morceau  instrumental,  de  M.  Bizet,  élève  de  M.  Halévy, 
ouvrait  la  séance,  qui  a  été  complétée  par  uu  discours  de  M.  le  secrétaire 
perpétuel  sur  M.  Simart. 

■ —  Les  affiches  préparatoires  du  Feslival  National  des  huit  mille  orphéo- 
nistes viennent  d'être  posées  à  Paris  et  dans  les  environs.  Elles  annoncent 
conformément  aux  circulaires  de  la  direction,  que  les  trois  concerts  auront 
lieu  au  Palais  de  l'Industrie,  le  vendredi  18,  le  dimanche  20  et  le  mardi  22 
octobre.  Les  concours  seront  ouverts  le  lundi  21,  et  les  récompenses  seront 
distribuées  aux  Sociétés  couronnées  durant  le  troisième  concert.  Les  pré- 
paratifs de  cette  solennité  se  poursuivent  avec  la  plus  grande  activité. 

—  Les  frères  Lionnet  ont  terminé  leur  excursion  dans  les  Pyré- 
nées. Cette  tournée  artistique  a  été  des  plus  fructueuses  pour  nos  deux 
chanteurs.  Ils  ont  donné  deux  concerts  à  Cauterets,  trois  à  Luchon.  Le 
public  des  Eaux-Bonnes,  de  Bigorre  et  de  Saint- Jean  de  Luz  a  également 
applaudi  le  duo  fraternel,  ainsi  que  le  répertoire  de  Nadaud,  cet  insépa- 
rable compagnon  des  frères  Lionnet.  La  Bûche  de  Noël,  les  Pécheurs  du 
Loiret  et  le  Pays  natal,  ont  particulièrement  charmé  les  dilettantes  pyré- 
néens. 

—  Mm*  Gaveaux-Sabatier,  de  retour  à  Paris ,  vient  de  reprendre  ses 
cours  de  chant,  qui  seront  bientôt,  comme  l'hiver  dernier,  l'occasion  de 
matinées  musicales  destinées  à  développer  le  talent  de  ses  élèves.  On  sait 
que,parfaite  musicienne  et  disciple  de  l'école  de  M"18  Cinti-Damoreau  et  de 
Nicou-Choron,  c'est  aux  meilleures  sources  que  Mm0  Gaveaux-Sahatier 
puise  les  éléments  de  son  enseignement,  qui  s'adresse  aux  jeunes  artistes 

_  comme  aux  gens  du  monde. 

—  Concert  des  Champs-Elysées.  —  Le  troisième  concert  de  jour  donné 
dimanche  par  M.  de  Besselièvre,  avait  attiré  aux  Champs-Elysées  une  af- 
fluence  considérable.  Aujourd'hui  dimanche,  quatrième  concert  de  2  à  3  h. 
Arban  conduira  l'orchestre  et  se  fera  entendre  sur  le  cornet  à  pistons. 

M.  Demersemann  exécutera  un  solo  sur  la  flûte. 

—  En  vente  au  Ménestrel,  et  dans  les  principaux  magasins  de  musique, 
la  Micheliana,  quadrille-valse,  par  L.  Mieheli. 

Ce  nouveau  genre  de  danse,  qui  offre  aux  danseurs  le  plaisir  du  quadrille 
joint  à  celui  de  la  valse,  et  ce,  sans  étude  préalable  de  pas  universellement 
connus,  parait  appelé  à  avoir  cet  hiver  un  vrai  succès. 

—  Cours  d'anglais  par  M.  J.  Blum.  —  Trois  soirées  par  semaine ,  sans 
apprendre  par  cœur.  Progrès  rapides  pour  la  conversation  et  la  théorie 
combinées.  10  francs  par  mois.  Cette  méthode ,  entièrement  nouvelle,  met 
les  élèves  de  tout  âge  à  même  de  converser  en  fort  peu  de  temps.  259,  rue 
Sainl-llonoré.  —  Leçons  particulières.  —  Leçons  dans  les  pensionnats. 

—  On  demande,  pour  la  vente  et  l'abonnpment,  un  employé  connaissant 
bien  le  commerce  de  musique,  et  pouvant  fournir  les  meilleurs  renseigne- 
ments. —  S'adresser  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne  de  2  à  3  h. 


J.-L.   UeVGEL,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  de  Mourgues  frères,  rue  Jean-Jacques  Rousseau  ,  8. 


COURS  .  PIANO 


ÉLÉMENTAIRE  &  PROGRESSIF 

ADOPTÉ    AU    CONSERVATOIRE 


ET 


APPROUVÉ  PAR  L'INSTITUT 

1°  A  BC  du  Piano,  méthode  pour  les  commençants. .   15     »  j         4°  L'Agililé,  25  études  progressives,  op.  20 12     » 

2°  L'Alphabet,  25  études  très-faciles,  op.  17 12     »         I        5°  Le  Style,  25  études  de  genre,  op.  21. .... .    . ....    15     » 

3°  Le  Rhythme,  25  études  faciles,  op.  22 12     »         \        6°  École  du  mécanisme  ,  15  séries  d'exercices 15     » 

PAU 

F.  LE  COUPPEY 

PROFESSEUR  DE  PIANO  Al  CONSERVATOIRE. 

-gS-Q^T^ 

m  GaUœ  immm  a 

1°  Après  le  Combat,  marche  funèbre ,  op.  23 7  50        |        2°  Six  croquis  d'album,  op.  19 7  50 

3°  Chants  du  cœur,  trois  romances  sans  paroles,  op.  12... .  7  50 
Chez  Maho,  25,  faubourg  Saint-Honoré,  et  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 

A.  BI.  JLUBEK ,  Directeur  du  Conservatoire,  etc. ,  etc. 

MÉTHODE  POLYPHONIQUE 

ou 

Leçons  élémentaires  et  très-progressives  pour  donner  des  leçons  d'ensemble  à  tous  les  instruments  d'une  musique  militaire, 


PAR 


CHARLES    DUPART 

OP.  19. 

Prix  :  8  francs  net  par  Cahier  ou  Méthode.  —  Pour  recevoir  franco  parla  poste,  ajouter  35  cent,  par  cahier  (France^ 
A  Paris  ,    chez  l'Auteur,  rue  de  la  Fidélité,  n°  5,  et  au  MÉNESTREL,  'ibis,  rue  Vivienne. 


Au   MÉNESTREL,   S  fois,   rue  Vivienne  ,  MUSIQUE,  PIAiVOS  et  ORGUES. 

VENTE  Zfû  1      A     ^B^afl^  ORGIES 

CATION  D         UU        D'ALEXANDRE 


DES  MEILLEURS   FACTEURS  DE  PARIS. 

Expéditions  pour  la  France  et  l'Étranger.  —  Location  au  mois  et  à  l'année.  —  Accords  et  Frais  de  transport 

à  la  charge  de  la  Maison  du  Ménestrel. 

N.  B.  Conservation  des  Pianos.  —  Un   bon  accordeur  étant  indispensable  pour  la  conservation  et  le  bon  entretien  d'un    Piano,  la  Maison  du 
Ménestrel,  se  charge  de  faire  accorder  et  transporter  à  ses  frais  les  Pianos  livrés  en  location. 


788.  —  28"  Année. 

N>  47. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  20  Octobre 

1861. 


Sb>ga 


TREL 


JOURNAL 


J.-L.    HEKGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'  en  chef. 


(.lui 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  IIEUGEL  et  Ci",  éditeurs. 

Magasins  et  Abonnement  do  Musique  du  M£]\EST«EÏ,.  —  Tonte  ot  location  de  Pianos  et  Orgues.; 


CHANT. 

1er  Mode  d'abonnement  :  Journul-Tcxtc,  tous  les  dimanches;  ïtt  Morceaux 

Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  .le  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albuiui 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  Cf.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2°  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  ïu  Morceau 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  %  Albun 
primes  illustres.  —  Un  au  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


<  H  wt  l'.T  rnio   REinvn  : 
3e  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  52  Morceaux  de  cliautet  de  piano,  les  •  Albums-primes  illustrés. 

.  Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  lor  de  chaque  mois.  —  L'année commence  du  l«r  décembre, et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  teiteet  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  ■■El't;n.  et  ci0,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  fa  Maîtrise,  %  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  Chai lesileMourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacquesflousseau,8.  — 6168 


StMIIHAIIlE. 


TEXTE. 


I.  Souvenirs  de  théâtre  :  Vicissitudes  d'un  librettiste  de  l'ancien  Opéra.  P.-A.  Vieil- 
lard. —  II.  Semaine  théâtrale.  J.  Lotï.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du 
chanteur:  Notice  sur  les  travaux  de  JIM.  Erard  (4«  article). —  IV.  Nouvelles  et 
Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour  : 

La  POLKA  DES  COLOMBES, 

ParL.  Dessane. —  Suivra  immédiatement  après:  La  Calabraise,  de 

J.  ROSENMUN. 

CHANT: 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
deCiiANT  : 

La  PRISE  DE  TOILE, 

Paroles  et  musique  de  Dorval-Valentino.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Simple  projet,  paroles  et  musique  de  Gustave  Nadaud.' 


SOUVENIRS  DE  THÉÂTRE. 


VICISSITUDES  D'UN  LIBRETTISTE   DE  L'ANCIEN  OPÉRA. 
(épisodes  1800-1830.) 

Nous  avons  récemment  publié  quelques  fragments  des  Souve- 
nirs de  théâtre  de  M.  P.-A.  Vieillard,  lesquels  ont  fait  suite  à  sa 
belle  étude  sur  Méhul  et  ses  œuvres.  Aujourd'hui  nous  emprun- 
tons, à  ces  mêmes  Souvenirs  de  théâtre  des  notes  manuscrites 
sur  les  vicissitudes  d'un  vénérable  librettiste,  qui  n'est  autre  que 
M.  Vieillard  lui-même,  racontant  au  courant  de  la  plume  ses 
déceptions  d'auteur.  Ces  déceptions  sont  de  tous  les  temps,  mais 
elles  empruntent  un  double  intérêt  au  contact  des  hommes  et  des 
œuvres  de  cette  première  grande  période  du  dix-neuvième  siècle. 


On  y  remarquera  de  plus,  chose  assez  rare  de  nos  jours,  ce  ca- 
chet de  vraie  modestie  qui  était  l'apanage  de  nos  pères,  et  dont 
nos  lecteurs  vont  pouvoir  juger. 


J'ai  précédemment  exposé  les  singulières  prédilections  qui,  dès 
mon  adolescence,  m'ont  fait  cherchera  la  scène  lyrique  la  source 
des  plus  pures  et  des  plus  vives  impressions  de  l'art.  Ce  penchant, 
que  je  qualifierais  avec  plus  de  justesse  en  disant  cette  passion, 
loin  d'avoir  jamais  été  enlièrement  satisfait,  m'a  valu  de  bien 
amères  et  fréquentes  déceptions,  et,  si  je  n'eusse  été  soutpnu  par 
une  foi  aussi  ardente  et  sincère,  j'aurais  voué  à  l'art  autant  de 
haine  que  je  lui  ai  prodigué  d'amour.  Mais,  bien  que  constamment 
frustré  dans  mon  altente  personnelle,  je  puis  dire  que  je  n'en  ai 
pas  applaudi  avec  moins  de  cœur  aux  succès  obtenus  autour  de 
moi  par  des  concurrents  qui  ne  les  avaient  ni  brigués  avec  plus 
d'ardeur,  ni  poursuivis  avec  plus  de  persévérance. 

La  vocation  qui,  dans  mes  premières  années,  et  sous  l'influence 
de  ma  passion  pour  la  musique,  se  portait  surtout  vers  le  poème 
lyrique,  me  fit,  de  très-bonne  heure,  tenter  mes  premiers  essais 
en  ce  genre  ,  et  j'avais  à  peine  vingt  ans  lorsque,  sur  la  recom- 
mandation de  François  de  Neufchâteau,  alors  ministre  de  l'inté- 
rieur, je  fus,  le  29  thermidor,  an  VII  (19  août  1799),  admis  à 
faire  entendre  au  comité  de  lecture  de  l'Opéra  le  poème  de 
Leucolhoé,  soi-disant  tragédie-lyrique  en  quatre  actes.  Le  comité, 
composé  de  sept  ouhuit  membres,  dont  pas  un  ne  m'était  connu, 
accueillit  ma  lecture  avec  un  silence  complet  et  un  sang-froid 
glacial  ;  pas  une  observation  désobligeante,  mais  pas  un  mot  qui 
pût  m'encourager.  J'espérais  mieux  ;  Guillard,  l'auteur  d'OEdipe 
à  Colonne ,  qui  avait  bien  voulu  m'entendre  chez  lui, 
m 'ayant  donné  de  grandes  espérances.  J'avais  aussi  pleinement 
réussi  dans  une  soirée  en  ville,  où  la  finance  donnait  le  ton  à  la 
littérature. 


370 


LE  MÉNESTKEL 


L'impassibilité  de  Monsigny,  Martini,  Gossec  et  Lays,  me 
surprit  donc  sans  trop  me  déconcerter,  et  je  fis  bonne  contenance. 
J'ai  a  peine  besoin  de  dire  que,  dans  le  courant  de  la  décade,  ma 
pièce  me  fut  renvoyée  sans  explication  ,  au  quartier  latin  où  je 
logeais  avec  mes  vingt  ans  et  l'espérance.  Je  dois  ajouter  que  rien 
n'était  plus  juste  que  ce  refus;  indépendamment  de  ce  que  le 
sujet  de  Leucollwé  était  aussi  crûment  mythologique  que  fable 
qui  fût  au  monde,  tous  les  défauts  qui  attestent  et  décèlent  l'inexpé- 
rience abondaient  dans  cette  œuvre,  premiers  bégaiements  d'une 
vocation  lyrique. 

Une  circonstance,  toute  de  hasard,  donna  cependant  à  cette 
lecture  un  caractère  particulier.  Au  décadi  suivant,. M.  de  Jouy, 
encore  peu  connu,  fit  entendre  au  comité  de  l'Opéra  le  poëme  de 
la  Vestale,  accueilli  avec  empressement;  de  la  Vestale,  ce  der- 
nier chef-d'œuvre  du  grand  drame  lyrique  moderne,  et  qui,  huit 
ans  plus  tard,  parut  devoir  placer  le  nom  de  Spontini  tout  près 
de  celui  de  Gluck. 

Or,  la  Vestale  c'est  la  Leucothoé  de  l'histoire,  puisque,  comme 
la  fille  du  roi  de  Perse  Orchame,  la  romaine  Julie  doit  expier 
dans  les  entrailles  de  la  terre  le  même  genre  d'égarement.  Aussi, 
dans  mon  troisième  acte  mythologique,  l'identité  de  la  situation 
m'avait  fait  rencontrer,  comme  mouvement  de  scène  et  péripétie 
d'action ,  des  effets  analogues  à  ceux  que  MM.  de  Jouy  et  Spon- 
tini surent  si  bien  faire  valoir.  Seulement,  ils  connaissaient  le 
terrain  sur  lequel  ils  marchaient  ;  moi,  dès  les  premiers  pas,  je 
devais  y  faire  une  chute  ridicule. 

Si  cet  échec,  trop  bien  mérité,  n'enlevait  rien  à  ma  vocation 
pour  la  grande  scène  lyrique,  il  ajournait,  au  moins  pour  long- 
temps, mes  espérances  d'en  faire  le  théâtre  de  mes  premiers 
succès,  et,  plus  encore  par  nécessité  que  par  prudence,  je  me  res- 
treignis subito  au  genre  du  vaudeville  et  de  la  parodie.  Faut-il 
le  dire  ?  ce  fut  sur  l'affiche  de  l'Ambigu-Comique  que,  dans  les 
derniers  jours  de  1799,  mon  nom  parut,  lui  troisième,  comme 
révélant  au  public  parisien  l'un  des  auteurs  d'Orviétan,  parodie 
A'Ariodant,  grand  drame  lyrique  en  trois  actes,  représenté  avec 
un  grand  succès. à  l'Opéra-Comique  de  la  rue  Favart,  et  dont 
Hoffmann  avait  fait  les  paroles,  et  Méhul  l'admirable  musique. 

Cette  parade,  qui  était  le  début  des  trois  auteurs,  échappa  à 
l'affront  d'une  chute  ;  c'est  tout  ce  que  je  puis  dire  de  son  succès. 
C'en  fut  assez  pourtant  pour  m'ouvrir,  dans  le  cours  de  l'année 
suivante  (1800),  les  deux  scènes  du  Vaudeville  et  des  Variétés,  et 
enfin,  le  30  décembre,  celle  de  l'Opéra-Comique. 

Ce  fut  là  ma  vraie  initiation  au  théâtre.  A  vingt-deux  ans  à 
peine,  je  me  trouvais  le  plus  jeune  des  auteurs  qui  entraient  par 
droit  de  conquête,  c'est-à-dire  de  travail,  au  théâtre  qui  tenait  à 
Paris  le  troisième  rang.  La  pièce  qui  me  valut  cette  faveur  eut  un 
succès  d'autant  plus  bruyant,  que  ce  fut  un  succès  de  scandale. 
Quoique  l'ouvrage  eût  été  fait  en  collaboration,  mon  nom,  livré 
seul  au  public  qui  me  força  à  reparaître ,  figurait  seul  sur  l'af- 
fiche ;  c'était  une  mesure  de  précaution  de  mes  complices,  fort 
empressés  de  renoncer  à  leur  part  de  gloire,  en  conservant  leur 
part  de  profit,  et  laissant  ainsi  exclusivement  à  mon  compte  la 
chance  des  horions  :  cette  chance  était  réelle  puisque  la  vogue  de 
l'ouvrage  eut  un  duel  pour  dernière  sanction  ,  duel  effectif,  mais 
non  meurlrier.  Cette  pélarade  à  la  porte  Maillot  entre  M.  Alissan 
de  Chazet  et  l'auteur  avoué  du  Premier  homme  du  monde  ou  la 

Création  du  Sommeil,  parodie  du  grand  oratorio  d'Haydn,  la 

Création  du  monde,  exécuté  avec  fracas  à  la  date  néfaste  du  3 

nivôse  an  IX  ;  cette  guerre  de  coulisses  défraya  pendant  un  jour 


la  chronique  du  théâtre  de  Paris,  et  j'en  aurais  tiré  un  bon 
parti  pour  ma  fortune  dramatique,  si,  avec  toute  la  confiance  de 
mon  âge,  je  n'eusse  eu  toute  son  étourderie.  Cependant,  je  me 
trouvai  immédiatement  en  relation  avec  la  foule  des  auteurs  et 
des  artistes  en  renom  ;  j'obtins  mes  entrées  à  plusieurs  théâtres. 
Dans  mes  compositions,  j'entremêlais  le  vaudeville  et  la  comédie 
en  un  acte,  tout  cela  à  assez  petite  dose  de  mérite  et  de  succès, 
mais  sans  éprouver  de  ces  échecs  qui  découragent  ;  somme  toute, 
ces  prémices  de  travail  et  ces  chances  de  réussite,  sans  m'y  mener 
à  grands  pas,  m'acheminaient  toujours  vers  le  but  ;  je  ne  travail- 
lais pas  beaucoup,  je  gagnais  fort  peu,  mais,  soit  par  la  pratique 
du  métier,  soit  par  la  fréquentation  des  modèles  et  de  quelques- 
uns  de  leurs  meilleurs  interprètes,  j'acquérais  toujours  quelque 
chose,  et  je  moissonnais  largement  et  à  peu  dé  frais ,  à  la  faveur 
de  mes  entrées  gratuites,  dans  les  jouissances  de  l'art. 

C'a  été  là,  en  effet,  par  une  combinaison  de  mon  caractère 
primesautier  et  des  chances  contraires  qui  m'ont  harcelé  à  toutes 
les  époques  de  ma  vie,  le  produit  le  plus  net  et  le  plus  avanta- 
geux de  mes  instincts  dramatiques.  Mais,  si  ce  ne  fut  pas  assez 
pour  arriver  à  la  réputation  et  à  la  fortune ,  cela  suffit  pour  m'i- 
nitier  à  la  vie  de  ceux  qui  exploitaient,  pour  l'une  et  pour  l'au- 
tre, une  terre  qui  ne  fut  jamais  que  promise  à  mes  désirs  ;  et 
c'en  fut  assez  aussi  pour  me  permettre  d'apprécier  dans  ses  pro- 
ductions les  plus  élevées,  et  dans  ses  plus  heureux  résultais,  un 
art  à  la  gloire  duquel  il  ne  me  devait  pas  être  permis  de  contri- 
buer. Grâce  donc  à  la  fréquentation  continuelle  du  théâtre  pen- 
dant une  grande  moitié  de  ma  longue  carrière,  grâce  à  des  rela- 
tions intimes  et  multipliées  avec  l'élite  de  nos  artistes  compositeurs 
et  exécutants,  ayant  la  vocation  innée,  j'ai  appris,  par  l'habitude 
et  par  la  réflexion,  ce  qu'il  fallait  pour  comprendre  l'art  et  pour 
juger  les  artistes... 

Je  viens  de  dire  quelle  chance  m'avait  valu  mon  admission 
dans  la  phalange  des  auteurs  de  l'Opéra-Comique  ;  il  ne  s'agis- 
sait même  plus  alors  de  cette  vocation  précoce  qui,  à  l'âge  de 
vingt  ans,  m'avait  valu  un  échec  au  seuil  de  l'Académie  royale 
de  musique,  alors  dénommé  Théâtre  des  Arts;  une  simple  pa- 
rade :  Colombine,  Gilles  et  le  serpent  Arlequin,  avait  fait  rire  les 
habitués  de  l'Opéra-Comique,  taudis  que  j'aurais  fort  bien  pu 
endormir  le  public  de  la  rue  alors  iVeuve-Lepelletier  avec  le  spec- 
tacle des  royales  infortunes  de  Leucothoé.  Enfin ,  à  vingt-deux 
ans,  je  me  voyais  lancé  dans  le  monde  des  coulisses,  et  j'avais  mon 
numéro  d'inscription  parmi  les  auteurs. 

Je  formai  bientôt  une  liaison  intime  avec  M.  Binsse  de  Saint- 
•  Victor,  qui  donna  à  l'Opéra-Comique  l'Habit  de  Grammont, 
quelques  jours  après  que  j'eus  fait  représenter  le  Premier  homme 
du  monde.  M.  J.-B.  de  Saint-Victor  qui  vient  de  mourir  à  l'âge 
de  quatre-vingt-six  ans,  était  alors  un  des  jeunes  auteurs  proté- 
gés par  Méhul  ;  excellent  littérateur,  il  avait  contracté  une  étroite 
liaison  avec  le  compositeur  dont  le  nom  n'en  voyait  alors  aucun 
au-dessus  du  sien  parmi  les  contemporains.  Je  bénéficiai  de  cette 
amitié,  et  les  circonstances  me  permirent  bientôt  de  changer  ces 
rapports  de  simple  bienveillance  en  une  intimité  réelle. 

N'étant  cependant  ni  assez  encouragé,  ni  assez  hasardeux  pour 
faire  du  théâtre  mon  unique  moyen  d'existence,  je  ne  m'avenlu- 
rais  guère  que  sur  des  scènes  secondaires,  et  encore  en  compagnie 
do  collaborateurs  plus  aguerris  que  moi  aux  pratiques  de  la  pro- 
fession. L'opéra,  le  grand  genre  lyrique,  était  toujours  la  terre 
promise,  le  rêve  incessant  de  mon  ambition  ;  mais,  à  plus  de 
trente  ans,  j'en  étais  encore  aux  tourments  de  l'attente  et  aux 


MUSIQUE  ET  TOÉATlil-S. 


371 


jouissances  de  la  perspective,  relevés  de  temps  en  temps  par  le 
succès  de  quelque  vaudeville,  comédie  ou  opéra-comique  en  un 
acte.  « 

Enfin,  dans  l'automne  de  1811,  les  loisirs  d'un  voyage  en 
Normandie  me  permirent  de  ramener  ma  pensée  vers  d'anciens 
projets  trop  longtemps  ajournés,  sans  que  j'y  eusse  jamais  renon- 
cé ;  je  résolus,  en  un  mot,  de  revenir  à  l'opéra  et  à  ses  pompes. 
Il  y  avait  longtemps  que,  frappé  un  jour  par  la  vue  du  tableau 
de  Lesueur  qui  retrace  la  confiance  héroïque  d'Alexandre  en  son 
médecin  Philippe ,  je  m'étais  dit  que  ce  fait  indiquait  une  situa- 
tion musicale  qui  ne  le  cédait  peut-être  en  rien  à  celle  dont 
Méhul  avait  tiré  dans  Stratonice  un  parti  si  prodigieux  ;  et  tout 
en  roulant  de  Rouen  vers  la  Basse-Normandie,  je  commençai  un 
grand  opéra  en  un  acte, déjà  fort  avancé  lorsque,  arrivé  à  ma  pre- 
mière slation  je  pus  en  écrire  quelques  scènes,  et  que  je  termi- 
nais quelques  jours  après. 

A  mon  retour,  j'emportais  à  Paris  Alexandre  à  Tarse.  Ce 
n'était  pas  à  Méhul  que  je  proposai  de  le  mettre  en  musique  ;  il 
faisait  alors  répéter  à  l'Opéra  lès  Amazones,  ou  Amphion  et 
Zélhus,  tragédie-lyrique  en  trois  actes,  de  M.  de  Jouy  ;  celui-ci 
régnait  alors  à  peu  près  sans  partage  sur  la  noble  scène  de  Qui- 
naull,  dont,  en  1807,  le  succès  colossal  de  la  Vestale  semblait 
avoir  fait  son  apanage  exclusif,  et  qu'avaient  encore  inféodé  à  son 
domaine  les  succès  moins  bruyants,  mais  encore  très-réels  et  pro- 
ductifs, de  Fernand  Çortez  avec  Spontini,  et  des  Bayadères  avec 
Catel. 

Méhul  avait  d'ailleurs  pris  des  engagements  avec  Arnaultpour 
un  Sésoslris,  depuis  longtemps  reçu  à  l'Opéra.  J'aillai  donc  dis- 
crètement frapper  à  la  porte  de  Kreutzer,  qui  s'ouvrit  immédia- 
tement devant  moi.  J'aurais  certainement  pu  tomber  en  de  plus 
mauvaises  mains  ;  il  n'en  était  même  pas  beaucoup  de  meilleures. 
J'ai  déjà,  dans  la  première  partie  de  ces  Souvenirs,  consacrés 
particulièrement  à  Méhul,  parlé  de  Kreutzer  et  de  son  entourage; 
j'ai  dit  le  rang  distingué  que  cinq  beaux  succès  à  l'Opéra-Co- 
mique  et  à  l'Académie  impériale,  où  il  était  premier  violon,  lui 
avaient  donné  parmi  les  compositeurs  français  ;  mais  ma  mé- 
moire ne  se  lasse  pas  de  se  reporter  vers  ces  hommes  éminenls, 
parmi  lesquels  il  m'a  été  donné  de  vivre  pendant  un  temps  trop 
court,  et  trouve  aux  moindres  détails  qui  les  concernent  un  char- 
me que  mon  ambition  serait  de  faire  passer,  par  mes  récits,  dans 
l'âme  de  mes  lecteurs. 

Les  suites  d'une  chute  faite,  je  crois,  en  1810,  dans  les  Pyré- 
nées, ne  permirent  plus  à  Kreutzer  de  jouer  les  solos,  mais  son 
frère  Auguste,  beaucoup  plus  jeune  que  lui,  et  à  qui  il  donna 
leçon  tous  les  jours  presque  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  hérita  bien- 
tôt de  son  pupitre  à  l'Opéra,  et  se  montra  tout  à  fait  digne  de  lui 
succéder.  Ce  même  frère,  à  son  tour,  a  formé,  il  y  a  quarante 
ans,  le  talent  du  Liégeois  Massart,  que  nous  avons  souvent  ap- 
plaudi au  Conservatoire  et  dans  les  concerts  publics.  Enfin, 
M.  Léon  Kreutzer,  fils  d'Auguste,  déjà  connu  des  amateurs  par 
de  remarquables  compositions  pour  la  musique  de  chambre,  vient 
de  prouver,  par  un  coup  d'éclat  dont  l'impression  n'est  pas  près 
de  s'effacer,  qu'il  savait  dignement  porter  le  nom  illustré  par  son 
oncle  et  continué  par  son  père. 

P. -A.  Vieillard. 

{La  fin  au  prochain  numéro.) 


SEMAINE  THEATRALE. 

Reprise  de  Pierre  «ïc  Médicis.  —  Débuts  de  M.  Faure. 
Nous  avons  enfin  vu  le  terme  de  celle  série  d'indispositions 
qui  frappaient  à  tour  de  rôle  tous  les  nobles  gosiers  de  I'Opéra. 
Le  début  de  Faure  s'est  accompli  lundi  dernier  avec  un  vif  éclat 
dans  Pierre  de  Médicis.  Le  public  a  été  surpris  et  charmé.  La 
voix  a  encore  gagné,  et  dans  toute  l'étendue  des  registres;  les 
cordes  graves  ont  acquis  plus  de  sonorité  ;  les  notes  aiguës  jail- 
lissent avec  plus  de  velouté;  le  débit,  l'expression  dramatique 
et  la  tenue  se  sont  également  modifiés  dans  le  sens  de  Yopera 
reria.  Dès  le  duo  du  premier  acte,  le  nouveau  Julien  de  Médicis 
était  jugé,  apprécié,  acclamé,  et  la  belle  scène  du  Campo  Santo 
a  décidé  le  triomphe  du  chanteur.  Il  a  phrasé  dans  la  perfection 
l'invocation  du  tombeau  :  Mère  adorée,  et  imprimé  un  beau  cachet 
au  tableau  de  la  conjuration.  Enfin,  bravos  enthousiastes  et  rap- 
pels, tel  a  été  le  bulletin  de  cette  permière  soirée.  Mme  Gueymard, 
avec  sa  voix  suave  et  richement  timbrée,  avec  sa  vigoureuse 
accentuation,  a  été  la  digne  partenaire  de  Faure.  — Gueymard, 
puissamment  excité  par  le  voisinage,  s'est  tout  à  fait  distingué, 
notamment  dans  l'air  nouveau  que  le  compositeur  a  écrit  pour 
la  scène  finale.  Obin,  de  son  côté,  a  parfaitement  traduit  le  type 
de  Fra  Paolo.  —  Associons  aussi  au  succès  de  la  soirée  l'auteur 
de  la  partition.  Son  quatrième  acte,  ainsi  que  ses  mélodieux  airs 
de  ballet,  ont,  comme  dans  la  primeur,  enlevé  tous  les  suffrages; 
et  l'air  nouveau  de  Pierre  de  Médicis  —  une  sorte  de  prière  dans 
le  style  italien  —  que  viennent  reprendre  les  artistes  et  les 
chœurs,  a  produit  un  très  grand  effet.  Mais  nous  commettrions 
un  crime  de  lèse-feuilleton  si,  dans  le  cours  de  cette  reprise, 
nous  négligions  de  parler  des  prodiges  opérés  par  Mme  Ferraris 
dans  l'intermède  des  Amours  de  Diane.  A  elle  aussi  force  bra- 
vos et  rappels,  sans  préjudice  des  applaudissements  prodigués 
à  Mlle  Fiocre,  le  modèle  des  Amours. 

Demain  lundi  première  représentation  de  l'Alceste  de  Gluck. 

II  Barbîere.  —  Un  Ballo  in  niascliera. 

Débuts  de  M.  Delle  Sedie. 

Le  Théâtre-Italien  a  également  eu  ses  solennités.  D'abord, 
dimanche  nous  avons  vu  rentrer  Mario  dans  II  Barbiere.  Le 
public  a  fait  un  brillant  accueil  à  l'élégant  Almavivaet  à  Rosina- 
Alboni.  Beneventano,  le  débutant  de  l'autre  soir,  s'est  acquitté 
du  rôle  de  Figaro  comme  de  celui  d'Assur;  c'est  dire  qu'il  a 
continué  de  laisser  à  désirer.  Quant  à  Zucchini,  c'est  toujours 
l'excellent  Bartholo  que  vous  connaissez.  — Jeudi,  c'était  le  tour 
d'un  Ballo  in  maschera,  avec  les  débuts  de  Delle  Sedie. 

M.  Delle  Sedie,  —  à  la  bonne  heure!  voilà  un  vrai  chanteur 
destiné  à  régénérer  l'école  italienne.  Plus  de  cris,  plus  de  vibra- 
tions exubérantes,  plus  de  déraillement  vocal.  Vous  me  direz 
qu'il  a  de  bonnes  raisons  pour  préférer  le  style,  le  goût,  le  sen- 
timent et  le  charme,  aux  extravagances  vocales,  au  paroxysme 
de  la  force.  En  effet, la  verve  de  M.  Delle  Sedie  est  bien  loin  de  la 
sonorité  stridente  de  celle  de  Graziani  ;  mais  celte  voix,  si  tem- 
pérée qu'elle  soit,  accentue  si  admirablement  chaque  note, 
chaque  situation,  que  l'énergie  lui  est  aussi  naturelle  que  la 
suavité.  Quant  au  phraser,  à  l'exécution  proprement  dite,  c'est 
parfait.  Ce  chanteur  tient  son  public  comme  suspendu  à  ses 
lèvres.  Ajoutez  qu'en  M.  Delle  Sedie,  l'acteur  a  les  qualités  du 
chanteur,  une  élévation,  une  distinction,  qui  en  feront  bientôt 
le  lion  de  la  saison. 


372 


LE  M  EN EST.lt  El. 


Nous  avons  élé  des  premiers  à  signaler  ce  grand  artiste  à  l'al- 
lention  de  M.  Calzado.  C'est  dans  les  salons  du  maestro  Ros- 
sini  que  M.  Délie  Sedie  s'est  d'abord  produit  à  Paris,  où  il  ne 
pouvait  tarder  à  prendre  une  première  place.  Son  début  dans 
un  Ballo  in  maschera  est  un  vrai  triomphe.  11  ne  fallait  rien 
moins  pour  compenser  les  regrets  que  laisse  Graziani  après  lui. 

La  reprise  d'un  Ballo  in  maschera  a  donc  été  des  plus  heu- 
reuses. Mario  a  rajeuni  depuis  l'hiver  dernier;  c'est  le  privi- 
lège des  chanteurs  italiens.  Mme  Penco  est  toujours  la  cantatrice 
soigneuse  par  excellence  des  moindres  détails, et  MM.  Tagliafico 
et  Caponi  ont  doublé  la  valeur  des  traîtres  Samuel  et  Tom. 
Quant  à  Mme  Alboni,  elle  jouait  pour  la  dernière  fois  le  rôle  trop 
modeste  de  la  Bohémienne,  qui  va  passera  Mme  Filippi.dont  les 
débuts  étaientannoncés  pour  hier  soir  samedi  dans  il  Trovatore. 

Mardi,  jeudi  et  samedi  de  cette  semaine,  un  Ballo  in  mas- 
chera pour  la  continuation  des  débuts  de  M.  Délie  Sedie.  C'est 
prédire  de  belles  soirées. 

L'affiche  de  I'Opéra-Comique  annonçait  pour  hier  samedi  la 
représentation  de  l'opéra-bouffe  de  M.  de  Saint-Georges  et  de 
M.  le  prince  Poniatowski,  Au  travers  du  mur.  Mais  on  avait 
compté  sans  l'indisposition  deMlle  Pannetrat. 

Les  Recruteurs,  de  M.  Lcfébure-Wély,  nous  sont  promis  pour 
les  derniers  jours  du  mois.  —  Montaubry  va  reprendre  prochai- 
nement la  Circassienne,  à  moins  que  le  rôle  d'Alexis  ne  soit 
définitivement  confié  au  jeune  ténor  Capoul,  ou,  ce  qui  est  en- 
core plus  probable,  que  les  recettes  maximum  du  Postillon 
et  des  Mousquetaires  ne  maintiennent  longtemps  encore  l'affiche 
du  juur.  —  H  est  de  nouveau  question  d'une  partition  en  trois 
actes,  à  laquelle  M.  Auber  met  en  ce  moment  la  dernière  main, 
et  qui  serait  destinée  à  clore  la  saison  d'hiver.  Le  poëme  (nous 
l'avons  déjà  annoncé)  est  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe,  œuvre 
posthume  de  Scribe,  achevée  par  M.  de  Saint-Georges. 

La  première  représentation  du  Neveu  de  Gulliver,  avec  les 
débuts  de  M.  Jules  Lefort  et  ceux  de  M"8  Hortense  Clavelle, 
jeune  ballerine  de  beaucoup  d'espérance ,  est  annoncée  au 
Théâtre-Lyrique  pour  mardi.  —  Un  opéra-comique  en  deux 
actes,  intitulé:  le  Nid  des  Vautours,  a  été  reçu  par  M.  Rety 
dans  les  conditions  les  plus  favorables.  Le  poème  est  de 
M.  Edouard  Plouvier;  la  partition,  de  M.  Michel  Bergson,  com- 
positeur connu  dans  le  monde  des  concerts. 

La  Chanson  de  Fortunio,  ce  rival  d'Orphée  pour  le  succès,  ce 
vainqueur  d'Orphée  pour  la  grâce,  va  quitter  l'affiche  des 
Bouffes-Parisiens,  après  plus  de  cent  représentations.  A  la 
place  de  cette  ravissante  opérette,  —  qui  est  destinée  à  bien  des 
reprises,  —  nous  voyons  apparaître  depuis  jeudi  dernier  Apothi- 
caire et  Perruquier,  de  MM.  Frébault  et  Offenbach. 

Apothicaire  et  Perraquier,  opérette  rlu  temps  jadis. 
L'apothicaire  Boudinet  a  promis  sa  fille  en  mariage  au  fils  d'un 
ancien  confrère  delà  Palisse,  M.  Plumasseau.  Le  futur  gendre 
doit  tout  à  l'heure  arriver  par  le  coche,  et  le  mariage  se  fera  le 
jour  même  ;  — les  apothicaires  n'y  vont  pas  par  quatre  chemins. 
Survient  le  perruquier  Chilpéric  pour  coiffer  la  mariée.  Bou- 
dinet le  prend  pour  le  jeune  Plumasseau  et  le  traite  princière- 
ment. Première  série  de  quiproquos.  Arrive  le  vrai  Plumasseau  : 
l'apothicaire  et  sa  fille  le  prennent  pour  le  perruquier.  Jugez  de 
la  scène!  Heureusement  les  deux  gars  sont  cousins  germains, 
et  l'affaire  matrimoniale  s'arrange  au  profit  du  perruquier,  qui 
avait  déjà  ébauché  quelques  tendresses  avec  M"e  Boudinet. 


Sur  ce  canevas,  Jacques  Ofîenbach  a  étendu  une  couche  de  mu- 
sique rétrospective  à  ravir  l'oreille  et  à  faire  pâmer  l'auditoire. 
C'est  comme  une  photographie  des  ariettes  et  du  style  symphoni- 
que  de  nos  pères.  Ecoutez  ces  formules  patriarcales,  remarquez 
ce  dessin  mélodique,  savourez  bien  ces  trilles  du  temps  et  cet 
orchestre  maigrelet,  car  c'est  de  la  musique  comme  on  n'en  fait 
plus  ;  elle  a  charmé  deux  siècles  et  bercé  les  amours  de  six  ou 
huit  générations.  Est-ce  un  pastiche?  Est-ce  une  intelligente  as- 
similation? Ma  foi,  je  ne  saurais  vous  le  dire.  Toute  cette  bim- 
1  beloterie  de  Lulli,  de  Rameau,  de  Délia  Maria,  de  Dussek,  ne 
serait-elle  pas  plutôt  éclose  dans  le  cerveau  d'Offenbach?  Le  fait 
est  que  tout  cela  est  sublime  de  vieilloterie,  mais  c'est  vif,  mélo- 
dieux et  délicieusement  rhythmé.  On  a  particulièrement  applaudi 
l'ouverture,  les  couplets  :  C'est  elle  que  je  vois  partout,  le  duo  : 
0  bonheur  suprême!  le  quatuor,  et  l'on  a  redemandé  les  couplets 
de  Mlle  Gervais  :  C'est  la  vérité,  papa. 

Rref,  un  fort  joli  succès  de  gaieté,  auquel  ont  concouru  Des- 
monts, Potel,  Jean  Paul  et  Mlle  Gervais. 


Le  Théâtre-Français  nous  promet  pour  demain  lundi  la  pre- 
mière représentation  d'une  comédie  de  M.  Léon  Golzan  :  la 
Pluie  et  le  beau  Temps,  spirituelle  pièce  de  salon  qui  a  déjà  fait 
son  chemin  dans  le  monde.  Dimanche  dernier,  les  comédiens  du 
Théâtre-Français  ont  eu  l'honneur  de  la  jouer  au  château  de 
Compiègne,  devant  le  nouvel  hôte-souverain,  S.  M.  le  roi  des 
Pays-Bas.  On  y  représentait,  dans  la  même  soirée,  les  Caprices 
de  Marianne,  de  feu  Alfred  de  Musset.  Leurs  Majestés  ont  té- 
moigné aux  éminents  sociétaires  toutes  les  marques  de  la  plus 
vive  satisfaction. 

Un  drame  en  quatre  actes,  en  vers,  de  M.  Amédée  Rolland, 
les  Vacances  du  Docteur,  remarquablement  joué  par  Tisserant, 
Ribes,  Mlle  Thuillier,  a  obtenu  un  fort  beau  succès  à  I'Odéon. 

Bouffé,  un  des  célèbres  comédiens  de  ces  derniers  temps,  vient 
de  remonter  sur  la  brèche,  après  un  long  repos.  C'est  sur  la 
scène  du  Gymnase,  et  dans  l'une  des  plus  intéressantes  pièces  du 
répertoire,  Michel  Perrin,  que  nous  avons  vu  reparaître  cet  an- 
cien artiste.  C'est  toujours  le  même  art,  la  même  finesse  de  dé- 
tails, le  même  talent  dans  la  composition  de  ses  rôles.  Aussi  le 
public  a-til  salué  Bouffé  de  ses  plus  chaleureux  applaudisse- 
ments. 

Au  Vaudeville,  M.  Henri  Meilhac  nous  a  donné  une  comé- 
die en  trois  actes  :  l'Attaché  d'ambassade,  qui  ne  peut  manquer 
de  défrayer  nombre  de  fructueuses  soirées.  —  Dans  cette  intéres- 
sante pièce  on  a  vu  les  débuts  de  M"e  Juliette  Beau,  qui  nous 
était  déjà  apparue  aux  Bouffes-Parisiens  et  a  failli  débuter  ré- 
cemment au  Théâtre-Français.  La  belle  débutante  a  été  bruyam- 
ment fêtée,  rappelée  à  la  fin  du  spectacle,  et  bissée  dans  sa  chan- 
son espagnole,  qui  est  tout  simplement  une  trouvaille  mélodique 
dont  toutes  nos  cantatrices  s'empareront  à  l'envi.  Mme  Brindeau, 
MM.  Febvre,  Parade,  Munie,  Nertann  elChaumont,  tiennent 
leurs  rôles  avec  l'ensemble  le  plus  parfait. 

Arnal  est  engagé  aux  Variétés  pour  y  créer  le  rôle  principal 
dans  une  pièce  en  trois  actes  de  MM.  Marc  Michel  et  Delacour. 
M"0  Alphonsine  sera  chargée  du  principal  rôle  de  femme.  —  Il 
est  question  aussi  de  la  reprise  de  Prosper  et  Vincent,  pour 
Kopp. 

La  Gaîté  a  repris  sa  grande  pièce  de  sauvetage  ,  le  Courrier 
de  Lyon,  qui  refait  salle  comble. 


TAHLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


373 


L'Ambigu  a  renouvelé  soiralliche  avec  un  drame  de  MM.  Den- 
nery  et  Boucicault  ,  le  Lac  de  Glénaslon,  pour  les  débuts  de 
Charles  Perey.  La  pièce  et  le  débutant  ont  réussi  de  compte  à 
demi. 

Ds  son  côté,  le  Théatre-Déjazet  a  repris  les  Chants  de  Bé- 
ranger,  un  des  triomphes  de  la  reine  du  logis.  La  pièce,  en  émi- 
graut  des  Variétés,  a  du  être  réduite  en  un  tableau.  Mme  Déjazet 
est  toujours  charmante  dans  le  type  de  Roger  Bontemps.  Plusieurs 
couplets  lui  ont  été  redemandés,  et  les  rappels  n'ont  pas  attendu 
la  chute  du  rideau. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


EXPOSITION   UNIVERSELLE  DE   I80D. 


NOTICE  SUR  LES  TRAVAUX  DE  MM.  ERARD. 


IV 

Sébastien  Erard  retourna  à  Londres  en  1808.  Son  génie  in- 
ventif allait  y  briller  du  plus  vif  éclat  par  la  production  de  sa 
harpe  à  double  mouvement,  chef-d'œuvre  de  mécanique  et  de 
précision. 

Après  avoir  terminé  ce  grand  travail,  Sébastien  Erard  se  fixa 
en  France  pour  toujours.  Il  confia  la  direction  de  sa  maison  de 
Londres  à  son  neveu  Pierre  Erard,  fils  de  son  frère  et  associé 
.T.-B.  Erard,  et  dévoua  son  temps  et  ses  facultés  à  la  découverte 
d'un  nouveau  mécanisme  de  piano  qui  réunirait  les  qualités  de 
celui  à  pilote  et  de  celui  à  échappement,  sans  avoir  leurs  incon- 
vénients. 

A  la  première  exposition,  qui  eut  lieu  en  1819,  le  jury  donna 
une  médaille  d'or  à  MM.  Erard  frères  pour  les  quatre  pianos  et 
les  deux  harpes  présentés  par  eux  à  l'exposition,  mais  ce  fut  à 
l'exposition  suivante,  en  1823,  que  Sébastien  Erard  fit  paraître 
son  piano  à  double  échappement,  invention  qui  peut  être  placée 
sans  contredit  au  niveau  du  double  mouvement  de  la  harpe.  Il  ne 
s'agissait  pas,  en  effet,  d'un  simple  déplacement  de  pièces,  de 
faire  frapper  le  marteau  en  dessus  ou  en  dessous  des  cordes  ;  il 
fallait  trouver  ce  qui  avait  rebulé  les  plus  habiles  facteurs  de 
Londres,  de  Vienne  et  de  Paris,  un  mécanisme  qui  produisît  un 
frappé  de  marteau  aussi  vigoureux  que  précis  et  net,  qui  donnât 
à  la  touche  une  sensibilité  telle  que  l'exécutant  pût  nuancer  son 
jeu  selon  les  impressions  qu'il  voulait  faire  passer  de  son  âme 
dans  celle  de  ses  auditeurs,  enfin  qui  lui  permît  de  faire  avec  le 
piano  ce  qu'un  habile  violoniste  fait  avec  son  archet  ou  un  chan- 
teur avec  sa  voix.  Ce  but  fut  atteint  par  le  double  échappe- 
ment. 

Le  piano  qu'ils  exposèrent  possédait,  outre  ce  mécanisme,  un 
autre  perfectionnement  qui  n'a  pas  été  sans  influence  sur  l'avenir 
des  pianos"  :  nous  voulons  parler  du  barrage  métallique  au-dessus 
du  plan  des  cordes.  Cette  innovation  importante,  en  donnant  à 
la  caisse  une  plus  grande  solidité,  permit  d'employer  des  cordes 
d'un  diamètre  plus  fort,  donnant  une  qualité  de  son  plus  ronde 
et  plus  puissante,  mais  dont  on  n'aurait  pu  faire  usage  sur  des 
caisses  ordinaires,  à  cause  de  la  force  de  leur  tirage.  Ce  qu'il  y 


a  de  plus  curieux,  c'est  que  ce  perfectionnement,  importé  en  An- 
gleterre en  1824  par  Erard,  a  été  réimporté  en  grande  pompe  en 
France,  en  1827,  par  d'autres  facteurs.. 

Voici  comment  le  rapport  du  jury  de  l'exposition  de  1823 
parle  de  cette  invention  du  double  échappement  qui  devait,  vingt 
ans  après,  entre  les  mains  du  neveu  de  Sébastien  Erard,  prendre 
un  essor  si  grand  : 

«  La  fabrique  la  plus  importante  de  toutes  celles  qui  existent 
en  France  pour  la  construction  des  forlé-pianos  et  des  harpes  est 
sans  contredit  celle  de  MM.  Erard  frères.  C'est  de  leurs  ateliers 
que  sont  sortis  la  plupart  des  habiles  facteurs  dont  les  produits 
concourent  aujourd'hui,  avec  ceux  de  MM.  Erard,  à  fournir  non- 
seulement  la  France,  mais  encore  une  partie  de  l'Europe.  Pen- 
sant avec  raison  qu'ils  n'ont  pas  assez  fait  tant  qu'il  reste  quel- 
que chose  à  faire  pour  perfectionner  le  mécanisme  de  leurs  in- 
struments, ces  célèbres  artistes  ont  fait  des  changements  impor- 
tants à  l'échappement  de  leurs  pianos,  de  manière  à  laisser  au 
musicien  toute  la  facilité  pour  la  répétition  de  la  note  et  la 
nuance  du  son. 

«  MM.  Erard  frères  continuent  à  mériter  la  juste  réputation 
dont  ils  jouissent  depuis  longtemps,  et  les  pianos  et  harpes  qu'ils 
ont  présentés  peuvent  être  placés  au  premier  rang  parmi  les  beaux 
et  nombreux  instruments  qui  seront  admis  cette  année  à  l'expo- 
sition. » 

Dès  sa  première  apparition  à  Paris  en  1820,  et  à  Londres  en 
1825,  la  supériorité  du  nouveau  mécanisme  sur  l'ancien  ne  fut 
pas  contestée.  Elle  ne  pouvait  l'être,  car  celui-ci  ne  peut  pas  fonc- 
tionner sous  les  doigts  comme  le  clavier  d'Erard  ;  mais  les  per- 
sonnes intéressées  à  soutenir  l'ancien  principe,  sur  lequel  leur 
fortune  était  basée,  y  trouvaient  naturellement  à  redire.  A  les  en- 
tendre, ce  mécanisme  plus  compliqué  devait  avoir  moins  de 
chances  de  durée.  Le  temps  et  l'expérience  ont  prouvé  le  con- 
traire. Si  l'on  avait  cru  les  opposants,  l'ancien  système  de  méca- 
nisme aurait  dû  rester  stationnaire,  alors  que  tous  les  arts  méca- 
niques se  perfectionnaient.  Mais  comment  admettre  que  les 
claviers  et  les  pianos  dont  les  artistes  se  contentaient  il  y  a  qua- 
rante ans  puissent  convenir  aux  artistes  de  nos  jours?  Le  méca- 
nisme du  piano  devait  marcher  de  pair  avec  les  progrès  des  pia- 
nistes. Le  triomphe  du  mécanisme  d'Erard  était  donc  assuré. 

Ce  fut  en  182.5  qu'Erard  prit  à  Londres  son  brevet  pour  le 
nouvel  échappemenl,  et  ce  fut  à  son  neveu  Pierre  Erard  qu'é- 
chut la  tâche  difficile  d'établir  la  fabrication  des  pianos  sur  ce 
nouveau  principe. 

A  l'exposition  de  1827,  la  maison  Erard  exposa  non-seulement 
des  pianos  et  des  harpes,  mais  un  orgue  qui  attira  l'attention  de 
tous  les  connaisseurs  par  son  clavier  expressif,  de  l'invention  de 
Sébastien  Erard,  aussi  une  nouvelle  médaille  d'or  fut-elle  décer- 
née à  M.  Erard  pour  l'ensemble  de  ses  produits. 

S.  M.  Charles  X  voulut  aussi  récompenser  l'homme  éminent 
qui  avait  rendu  tant  de  services  à  son  art,  et  il  le  nomma  cheva- 
lier de  la  Légion  d'honneur. 

Sébastien  Erard,  quoique  doué  d'une  forte  constitution,  n'a- 
vait pu  concevoir  et  exécuter  de  si  grands  travaux  sans  porter 
à  sa  santé  de  graves  atteintes.  Il  avait  déjà  été  opéré  de  la  pierre 
en  1824,  par  les  soins  du  docteur  Civiale.  A  peine  rétabli,  il 
commença  la  construction  de  l'orgue  dont  nous  venons  de  parler. 
Cet  instrument,  chef-d'œuvre  de  précision  et  de  fini,  ne  possédait 
pas  sa  belle  invention  de  l'expression  par  le  toucher  plus  ou  moins 
léger,  plus  ou  moins  appuyé  du  clavier.  11  était  cependant  exprès- 


MÉNESTREL 


sif,  mais  autant  que  cet  effet  peut  être  obtenu  parle  moyen  fie 
pédales  qui  faisaient  ouvrir  ou  fermer  des  jalousies  pour  laisser 
le  son  se  propager  au  dehors,  ou  pour  le  renfermer  dans  le  corps 
de  l'instrument,  et  par  celui  de  l'élargissement  ou  le  rétrécisse- 
ment progressif  des  conduits  du  vent  sur  les  jeux  d'anches.  Ces 
moyens  étaient  connus  depuis  plusieurs  années,  et  M.  Erard  n'en 
réclamait  pas  l'invention,  mais  une  multitude  de  perfectionne- 
ments se  faisaient  voir  dans  son  instrument,  où  les  registres 
étaient  ouverts  et  fermés  par  des  pédales  qui  permettaient  à 
l'exécutant  de  ne  point  lever  les  mains  du  clavier  pour  modifier 
à  l'infini  les  effets  de  l'orgue.  Plus  tard,  Sébastien  Erard  ajouta 
à  cet  instrument  un  jeu  expressif  par  le  toucher,  tel  qu'il  l'a  exé- 
cuté pour  l'orgue  de  la  chapelle  des  Tuileries,  qu'il  termina  en 
1830.  Il  s'occupait  de  le  faire  poser  dans  la  chapelle  des  Tuile- 
ries, lorsque  survinrent  les  événements  de  Juillet.  Le  palais  fut 
envahi,  l'orgue  mis  en  pièces,  et  les  débris  furent  transportés 
au  garde-meuble  de  la  couronne ,  où  son  neveu  Pierre  Erard 
les  retrouvera  vingt-cinq  ans  après ,  dans  un  tel  état  de  détério- 
ration, qu'il  lui  sera  impossible  d'en  rien  tirer. 

Sur  la  demande  d'Erard ,  une  commission  de  l'Institut  fut 
nommée  pour  examiner  cet  instrument.  Cette  commission,  com- 
posée des  membres  de  la  section  de  musique,  fit  le  rapport  suivant, 
qui  fut  adressé  à  M.  Erard  par  M.  Qualremère  de  Quincy,  dans 
les  termes  les  plus  flatteurs. 

INSTITUT  DE  FRANCE. 

ACADÉMIE    ROYALE    DES    BEAUX-ARTS. 

Rapport  sur  l'orgue  expressif  de  SI.  Sébastien  Erard. 

Conformément  aux  désirs  de  l'Académie,  sa  section  de  musique 
s'est  réunie  pour  procéder  à  l'examen  de  l'orgue  expressif,  inventé 
et  exécuté  par  M.  Sébastien  Erard. 

Cet  instrument  fut  demandé  à  M.  Erard  par  feu  M.  le  duc  de 
Damas,  premier  gentilhomme  de  la  chambre  du  roi,  pour  être 
placé  dans  la  chapelle  de  Sa  Majesté,  au  palais  des  Tuileries. 

Comme  les  autres  orgues,  cet  instrument  possède  un  triple 
clavier  et  un  quatrième  clavier,  dit  de  pédales,  posé  à  sa  base. 

Le  clavier  du  haut  est  expressif,  c'est-à-dire  qu'en  pressant 
modérément  la  touche  on  entend  faiblement  le  ton,  et  qu'on 
l'augmente  h  volonté,  selon  l'accroissement  de  la  pression.  En 
laissant  remonter  peu  à  peu  la  touche,  le  son  s'adoucit,  ce  qui 
donne  à  l'exécutant  l'inappréciable  faculté  de  pouvoir  à  son  gré 
varier  et  nuancer  les  inflexions,  à  l'instar  des  instruments  à  vent 
ou  à  archet,  et  même  de  faire  éprouver  parfois  à  l'auditeur  la 
sensation  que  produit  la  voix  du  plus  habile  chanteur. 

Le  clavier  du  milieu  se  compose  de  flûtes,  bourdon,  prestant, 
trompettes,  basson,  hautbois  et  cromome. 

Le  troisième,  ou  grand  clavier,  est  composé  de  flûtes  ouvertes, 
de  flûtes  bouchées,  prestant,  quintes,  fourniture,  octaves  et 
trompettes. 

Tous  ces  jeux  peuvent  se -réunir,  se  séparer  et  offrir,  par  cha- 
que combinaison  diverse,  une  nature  différente  de  voix,  surtout 
une  grande  variété  d'effets;  l'on  peut  encore,  par  cette  combi- 
naison et  le  secours  des  pédales,  augmenter  ou  diminuer  à  vo- 
lonté le  volume  du  son. 

Messieurs,  votre  section  croit  ne  pouvoir  mieux  faire  l'éloge 
de  la  belle  découverte  de  M.  Erard  qu'en  vous  rappelant,  dans 
ce  rapport,  ce  qu'en  a  dit  et  écrit  l'un  de  ses  plus  illustres  collè- 
gues, le  célèbre  Grétry,  dans  ses'Essais  sur  la  musique,  imprimés 
il  y  a  plus  de  quarante  ans. 


«  L'orgue,  dit-il  (IIIe  volume,  page  424),  remplacera  peut-être 
un  jour  tout  un  orchestre  de  cent  musiciens.  Si  Erard  achève  sa 
superbe  invention,  si  chaque  tuyau  d'orgue  devient  susceptible 
de  toutes  les  nuances  sous  les  doigts  de  l'organiste,  quel  grand 
parti  ne  relirera-l-on  pas  de  cet  instrument  alors  parfait!  J'ai 
touché  cinq  ou  six  notes  d'un  buffet  d'orgues  qu'Erard  avait 
rendues  susceptibles  de  nuances,  et  sans  doute  le  secret  est  dé- 
couvert pour  un  tuyau  comme  pour  mille.  Plus  on  enfonçait  la 
touche,  plus  le  son  augmentait;  il  diminuait  en  relevant  douce- 
ment le  doigt.  C'est  la  pierre  philosophale  en  musique  que  cette 
trouvaille.  Le  gouvernement  devrait  faire  établir  un  grand  orgife 
de'  ce  genre,  et  récompenser  dignement  Erard,  l'homme  du 
monde  le  moins  intéressé.  » 

En  effet,  Messieurs,  de  tous  les  instruments  de  musique  de 
celte  nature,  aucun  encore  ne  nous  a  paru  comparable  à  celui  de 
M.  Erard.  Ce  magnifique  instrument,  sous  tous  les  rapports,  est 
admirable;  et  votre  section  de  musique,  partageant  entièrement 
l'opinion  du  célèbre  Grétry,  a  l'honneur  de  vous  proposer  d'ac- 
corder votre  approbation  à  son  rapport. 

Signé  Catel,  Auber,  Lesueur,  Boieldieu,  Chérubini, 
Breton,  rapporteur. 

L'Académie  adopte  les  conclusions  de  ce  rapport. 
•    Certifié  conforme  : 

Le  Secrétaire  perpétuel, 
Signé  Quatremère  de  Quincy. 

Ce  fut  le  dernier  ouvrage  de  Sébastien  Erard.  Le  mal  caleu- 
laire  dont  il  avait  déjà  été  opéré  reparut,  et  ni  la  science  ni  les 
soins  assidus  dont  il  était  entouré  ne  purent  le  sauver  ;  il  mourut 
le  5  août  1831,  dans  son  château  princier  de  la  Muette,  près 
Paris,  où  il  avait  fixé  sa  résidence  depuis  plusieurs  années,  lais- 
sant à  son  neveu  et  héritier,  P.  Erard,  le  soin  de  continuer  ses 
travaux  et  de  leur  donner  cette  perfection  qui  seule  pouvait  les 
populariser. 

«  Sébastien  Erard  (son  frère  Jean-Baptiste  l'avait  précédé  de- 
puis quatre  ans  dans  la  tombe),  dit  M.  Fétis  dans  la  biographie 
que  nous  avons  eu  déjà  l'occasion  de  citer,  n'était  pas  seulement 
remarquable  par  son  génie;  il  était  doué  en  outre  d'un  caractère 
noble  et  généreux  ;  aimant  les  arts  avec  passion,  bienveillant 
avec  les  artistes,  il  faisait  un  bel  usage  de  sa  fortune  pour  la 
prospérité  des  uns  et  l'encouragement  des  autres.  La  musique  et 
la  peinture  étaient  pour  lui  des  objets  de  passion,  Son  oreille 
bien  organisée,  son  œil  perçant  lui  révélaient  les  beautés  de  ces 
arts,  et  l'habitude  qu'il  avait  de  vivre  avec  les  musiciens  et  les 
peintres  les  plus  habiles  avait  perfectionné  ses  heureuses  dispo- 
sitions. La  plus  belle  collection  de  tableaux  que  possède  aucun 
particulier  en  France  est  celle  qu'il  a  réunie  dans  sa  maison  de 
campagne  de  la  Muette,  où  il  a  terminé  sa  longue  et  honorable 
carrière.  » 

[La  suite  au  prochain  numéro.) 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Tous  les  journaux  annoncent  qu'une  innovation  très-importante  au 
point  de  vue  de  la  bonne  exécution  des  ensembles  sera  faite  à  l'Opéra  pro- 
chainement. II  s'agit  du  métronome  électrique,  invention  bruxelloise  que 
nous  avons  déjà  vu  fonctionner  à  Paris  en  quelques  circonstances  extraor- 
dinaires et  notamment  à  certains  concerts  dirigés  par  M.  Berlioz. 

Grâce  à  cet  appareil,  la  mesure  battue  par  le  chef  d'orchestre  se  reproduit 
exactement  et  instantanément  à  n'importe  quelle  distance  et  en  autant  d'en- 
droits qu'on  le  désire.  Le  mouvement  part  d'un  petit  instrument  placé  sous 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


37c 


la  main  gauche  du  chef  d'orchestre,  et  se  communique,  par  un  ou  plu- 
sieurs fils  Électriques,  à  de  petites  baguettes  qui  battent  ainsi  la  mesure 
comme  d'elles-mêmes. 

En  ajustant  à  cet  appareil  la  pile  voltaïque,  forte  de  cent-vingt  couples, 
qui  est  dans  les  magasins  do  l'Opéra,  on  réduit  à  rien  presque  les  frais  de 
cette  innovation. 

On  conçoit  de  quelle  utilité  doit  être  à  l'Opéra  le  métronome  électrique  : 
pour  les  chœurs  ou  les  artistes  chantant  dans  la  coulisse,  pour  la  bande 
militaire  placée  sur  le  théâtre,  pour  l'orgue  qui  répond  ou  se  mêle  de  loin 
à  l'orchestre.  C'est  le  seul  moyen,  et  c'est  un  moyen  bien  simple,  d'éviter 
les  contre-temps  et  les  fausses  attaques  qu'on  remarquait  ordinairement 
dans  ces  sortes  d'ensembles. 

Le  métronome  électrique  sera  employé  pour  la  première  fois  dans  Alceste, 
et  restera  ensuite  dans  le  service  régulier  du  théâtre,  pour  toutes  les  pièces 
du  répertoire. 

—  L'association  des  artistes  musiciens  vient  de  publier  son  18e  annuaire. 
Voici  la  composition  et  l'organisation  du  comité  central  pour  l'exercice 

1861.  M.  le  baron  Taylor,  C.  $Ç,  fondateur  de  l'Association,  président. 

Présidents  honoraires:  MM.  Auber,  G.  0.  !)?  ;  —  Halévy,  C.  ^5;  — 
Meyerbeer,  C.  ^  ;  —  Ambroise  Thomas,  0.  i$  ;  —  Carafa,  0. 5&. 

Vice-présidents:  MM.  Edouard  Monnais,  ^  ;  —  Premier  père,  ^  ;  — 
Charles  de  Bez  ;  —  Georges  Kastner,  §j  ;  —  Le  Bel  ;  —  Triébert. 

Vice-présidents  honoraires:  MM.  Reber,  g$  ;  —  Clapisson,  $£  ;  —  Ber- 
lioz, •§. 

Secrétaires:  MM.  Conrad;  —  Jancourt  ;  —  Colmet-d'Aage  ;  —  Ch. 
Manry  ;  —  Delzant  ;  —  Chatenet. 

Archivistes:  MM.  II.  Gautier;  —  Bodin,  adjoint;  —  Richard-Dambri- 
court,  adjoint. 

Bibliothécaires  :  MM.  Triébert  ;  =■  Premier  fils,  adjoint  ;  —  Ancessy, 
adjoint. 

—  Les  journaux  français  reproduisent  une  correspondance  de  Madrid, 
relative  au  théâtre  Sarsuella,  où  l'on  joue  l'opéra-comique,  avec  une  troupe 
composée  exclusivement  d'Espagnols,  et  dont  le  répertoire  ne  comprend 
que  des  œuvres  d'auteurs  nationaux,  inconnus  en  deçà  des  Pyrénées.  Parmi 
les  ouvrages  qui  méritent  plus  qu'une  mention  favorable,  on  cite  les  deux 
opéras-comiques  Catalina  et  una  Vieja,  par  le  senor  Gastambide.  Nous 
ajouterons  â  ces  détails  que  voilà  déjà  bien  des  années  que  ce  théâtre  lyri- 
que fonctionne  à  Madrid,  et  avec  un  réel  succès.  Fondé  par  MM.  Gastam- 
bide et  Barbieri,  le  premier  en  demeure  aujourd'hui  le  seul  impressario. 
Mais  les  partitions  de  M.  Barbieri  n'en  sont  pas  moins  exécutées  avec  ou  à 
côté  de  celles  de  son  collaborateur,  car  ces  deux  musiciens  espagnols,  pleins 
de  talent  et  de  distinction,  ont  composé  en  collaboration  tous  leurs  premiers 
ouvrages,  formant  eux  mêmes  chanteurs  et  instrumentistes,  afin  de  se  pou- 
voir faire  interpréter. 

—  La  nouvelle  Gazette  musicale  de  Berlin  nous  apprend  que  le  théâtre 
de  Varsovie  va  monter  deux  opéras  nouveaux  dus  à  des  compositeurs  po- 
lonais. Le  premier  sera  intitulé  :  Les  Flibustiers,  musique  du  compositeur 
J.-F.  Dobrzynski;  le  second,  Otto  l'Archer,  coup  d'essai  de  M.  Munch- 
heimer. 

—  Une  correspondance  de  Vienne,  publiée  par  les  Signale  de  Leipzick, 
constate  le  succès  que  vient  d'obtenir  le  nouveau  ballet  de  Rota,  la  Com- 
tesse d'Egmont,  musique  de  Giorza  et  Strebinger.  La  musique  de  Giorza 
est  assez  insignifiante,  dit  le  correspondant,  et  les  motifs,  intercalés  par 
Strebinger,  sont  entachés  de  vulgarité  ;  mais  le  chorégraphe  et  la  ballerine 
MUo  Couqui  ont  remporté  les  honneurs  de  la  soirée. 

—  Le  nouveau  théâtre  de  Brunswick  a  été  inauguré  le  l€r  octobre  par 
le  Tannhauser.  Le  public  a  été  particulièrement  satisfait  de  la  nouvelle 
salle,  du  bon  goût  des  ornementations  et  de  la  disposition  des  places.  Les 
conditions  d'acoustique  ne  laissent  rien  à  désirer.  La  ville  de  Brunswick 
possède  maintenant  une  des  plus  élégantes  salles  de  l'Allemagne. 

—  On  écrit  de  Stuttgardt  que  M.  Ch.  Eckert  a  inauguré  ses  fonctions  de 
chef  d'orchestre  dans  Guillaume  Tell.  La  même  correspondance  ajoute  que 
M.  Kucken,  le  maître  de  chapelle,  a  donné  sa  démission.  La  position  déli- 
cate que  lui  faisait  l'avènement  du  nouveau  fonctionnaire,  laissait  du  reste 
prévoir  ce  résultat. 

—  C'est  dans  le  monde  des  arts  surtout,  où  les  luttes  sont  si  vives,  où 
la  vie  est  si  fiévreuse,  que  nous  voyons  fréquemment  les  grands  parents 
survivre  à  leurs  enfants.  Nous  avons  annoncé  tout  récemment  la  mort  de 
Mme  veuve  Goria ,  mère  de  notre  pianiste  compositeur.  Aujourd'hui  nous 
apprenons  que  Mme  Justine  Chopin,  née  Krzryzanowska,  et  mère  de  l'il- 


lustre compositeur,  est  morte  à  Varsovie,  le  3  octobre,  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-trois  ans. 

—  Voici  notre  dernier  courrier  de  Bade  : 

«  La  saison,  il  est  vrai,  se  prolonge  jusqu'à  la  fin  d'octobre,  mais  à  pat  t 
l'excellente  musique  que  fait  entendre  l'orchestre  de  M.  Miloslavkœnnèmann , 
devant  ou  à  l'intérieur  de  la  Maison  de  conversation,  il  n'est  plus  question 
que  de  chasse  à  tir  ou  à  courre.  Nous  laissons  au  Sport  et  au  Journal  des 
chasseurs  le  soin  d'en  raconter  à  leurs  lecteurs  les  diverses  péripéties. 
Après  le  concert  du  9  septembre,  dont  nous  avons  rendu  compte  dans  notre 
numéro  du  22,  le  théâtre  a  occupé  la  première  place  dans  les  plaisirs  artis- 
tiques de  Bade.  Une  quatrième  comédie  inédite,  dont  l'auteur  est  un  an- 
cien agent  de  change,  M.  Blerzy,  a  obtenu  un  succès  mérité.  Une  Nuit  en 
chemin  de  fer,  tel  est  le  titre  de  cjtte  jolie  petite  comédie,  a  été  interpré- 
tée par  Bressant  et  Mlle  Fix.  Le  Feu  au  couvent,  le  Jeune  mari,  un  Ma  - 
riage  sous  Louis  XV,  merveilleusement  joués  par  Bressant,  Régnier,  Ste- 
Foy,  Lagrange,  Berton,  MlleFix,  MUe  Jouassain,  M110  Defodon,  etc.  La  ses- 
sion dramatique  s'est  terminée  par  l'opéra-comique  inédit,  intitulé  :  Les 
Amours  de  Silvio  ou  le  Fruit  défendu,  paroles  de  MM.  Jules  Barbier  et 
Michel  Carré,  musique  de  M.  François  Schwab.  La  partition  du  jeune  maî- 
tre comprend  une  ouverture  et  huit  morceaux  de  chant  très-réussis.  LL.  MM. 
le  roi  et  la  reine  de  Prusse ,  S.  A.  R.  le  prince  de  Galles,  LL.  AA.  RR.  le 
grand-duc  et  la  grande-duchesse  de  Bade,  le  prince  royal  et  la  princesse 
Victoire  de  Prusse,  ont  honoré  de  leur  présence  les  deux  représentations 
des  Amours  de  Silvio,  et  ont  donné  plusieurs  fois  le  signal  des  applaudis- 
sements. Ces  illustres  personnages  ont  fait  plus  encore.  Leurs  félicitations 
ont  été  transmises  à  M.  Schwab,  qui  a  le  droit  d'être  fier  de  pareils  suffrages. 
S.  M.  la  reine  de  Prusse  est  parmi  lesgrandes  princesses  de  l'Europe  l'une 
des  plus  compétentes  en  nature  d'art  et  la  princesse  Victoire  est  ce  qu'on  peut 
appeler  une  musicienne  accomplie.  Deux  concerts  ont  été  donnés  les  5  et  1 1 
de  ce  mois  dans  le  salon  Louis  XIV.  Mrae  Wekerlin-Damoreau  s'y  faisait  en- 
tendre pour  la  première  fois.  Les  princes  et  princesses  y  ont  assisté.  Le  succès 
de  cette  très-éminente  cantatrice  a  été  complet.  Sa  voix  pure  et  suave,  l'exquise 
méthode  de  son  illustre  mère  qui  l'inspirait  du  regard  et  des  souvenirs,  ont 
été  acclamés  en  Mme  Wekerlin-Damoreau  dans  tous  ses  morceaux,  à  com- 
mencer par  l'air  de  V Ambassadrice,  qu'elle  a  dit  de  manière  à  ravir  l'as- 
semblée. Aussi,  séance  tenante,  M.  Benazet  l'a-t-il  réengagée  pour  les  deux 
prochaines  saisons,  concerts  et  théâtre.  Deux  autres  artistes  nouveaux  à 
Bade,  M.  Jacques  Dupuis  et  Mllc*  Mathilde  Devançay  ont  mérité  leurs  épe- 
rons. M.  Charles  Lebouc  a  été  fort  applaudi  dans  un  choix  d'airs  irlandais 
variés,  pour  le  violoncelle,  dont  il  est  l'auteur.  M11"  Octavie  Caussemille  a 
remarquablement  exécuté  un  caprice  brillant  de  sa  composition,  sur  les 
motifs  du  Trovatore.  Et  maintenant....  ajournons-nous  à  1862.  » 

—  Le  grand  festival  national  des  Orphéonistes  a  commencé  ses  séances 
vendredi  dernier  dans  l'immense  salle  du  Palais  de  l'Industrie.  8,000  chan- 
teurs, —  disait  l'affiche,  —  venus  de  tous  les  points  de  la  France,  ont  don- 
né pour  la  seconde  fois  à  Paris  l'intéressant  spectacle  d'une  masse  impo- 
sante d'exécutants ,  chantant  comme  un  seul  homme,  sous  la  conduite  de 
M.  Eugène  Delaporto.  Douze  morceaux  généralement  bien  interprétés,  malgré 
la  difficulté  matérielle  attachée  à  une  réunion  aussi  nombreuse,  ont  montré 
que  tous  les  styles  étaient  accessibles  à  nos  sociétés  chorales.  Aujourd'hui 
dimanche, deuxième  séance;  demain  lundi,  concoursentre  tous  les  Orphéons 
participant  au  festival  ;  enfin  mardi,  dernier  concert  et  distribution  solen- 
nelle des  récompenses.  Dimanche  prochain  nous  rendrons  compte  à  nos 
lecteurs  de  l'ensemble  de  ces  réunions  curieuses  à  plus  d'un  titre,  et  où  l'on 
a  pu  constater  la  présence  de  cinquante-quatre  départements  dans  la  per 
sonne  de  leurs  chanteurs-ambassadeurs.  _, 

—  MM.  Géraldy  et  Stockhausen  sont  de  retour  parmi  nous  ,  le  premier 
pour  y  reprendre  le  cours  de  ses  soirées  musicales  et  leçons  de  chant;  le 
second  dans  la  seule  intention  de  passer  quelque  temps  à  Paris  avant  de 
regagner  l'Allemagne. 

■  —  Concert  des  Champs-Elysées.  —  Le  cinquième  concert  de  jour  a 
lieu  aujourd'hui  dimanche  20  octobre,  de  2  à  S  heures  du  soir.  L'orchestre  est 
au  grand  complet,  et  les  solistes,  tous  les  mêmes,  sont  renforcés  d'Arban, 
le.  premier  corniste  du  monde..  Le  programme  annoncé  pour  ce  jour  par 
M.  de  Besselièvre  contient,  entre  autres  morceaux,  la  fantaisie  sur  les  Hu- 
guenots, les  ouvertures  du  Jeune  Henri  et  de  Guillaume  Tell,  et  deux  airs 
variés  exécutés  sur  le  cornet  à  pistons  et  sur  le  hautbois  par  MM.  Arban  et 
Lalliet. 


J.-L.  Heuoel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Tn>   r.liarlcsilo  Mo 


s,  rue  Jean- Jacques  Rousseau, 


Pour  paraître  le  1"  Novembre,  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


CHANT 

ET 

MÉCANISME 


ÉTUDES 
QUATRE   MAINS 


ÉTUDES  SPECIALES  ET  PROGRESSIVES 


CAMILLE  STAMATY 


(EN  DEUX   LIVRES) 


1er  livke  élémentaire  (op.  46).  —  Prix  :  1S  fr. 

1.  Les  Inséparables.  —  2.  Les  Pèlerins.  —  3.  Musette.  —  4.  L'Offrande 
de  mai.  —  5.  Le  Couvre-Feu.  —  6.  Fête  du  village.  —  7.  L'Ondine.  — 
8.  L'Aimable  Vieille.  —  9.  Les  Fiancés.  —  10.  Air  de  danse.  —  H.  Les 
Patineuses.  — 12.  Pomposa. 


2e  livre  supérieur  (op.  47). — Prix  :  18  fr. 

1.  La  Joute. —  2.  Arlequinade. —  3.  En  Chasse. —  4.  La  Rafale. — 
5.  A  Contre-Temps.  —  6.  Fantaisie,  —  7.  Les  Abeilles.  —  8.  Les  Forge- 
rons. —  9.  Marziale.  —  10.  La  Prise  de  Voile.  —  11.  Terreur  et  Prière! 
—  12.  Victoire  ! 


N.  B.  Ces  Éludes  spéciales  et  progressives  à  quatre  mains,  font  suite  aux  études  à  deux  mains  de  Chant  et  mécanisme  du  même  auteur. 

Le  premier  livre  élémentaire  à  quatre  mains,  op.  46,  fait  suite  au  premier  livre  pour  les  petites  mains,  op.  37. 

Le  deuxième  livre,  à  quatre  mains,  op.  47,  fait  suite  aux  deuxième  et  troisième  livres  de  moyenne  difficulté  et  de  perfectionnement,  op.  38  et  39. 


AU  MÉNESTREL, 
Nagasin  de  Musique,  2  bis,  rue  Vivienne. 


ABONNEMENT 


HEUGEL  ET  C,E. 

Éditeurs-Fournisseurs  du  Conservatoire. 


DE  MUSIQUE 

CONDITIONS  ADOPTÉES  PAR  LIS  ÉDITEURS  BÉI1S 

Donnant  droit  :  aux  Partitions  françaises  et  italiennes;  Partitions  Piano  solo;  ITIorcraux,  Duos  et  Trios  de  Piano  ;  enfin,  toute 
Musique  classique  et  moderne  des  meilleurs  Auteurs  pour  Piano  à  2  et  k  mains,  Piano  et  Violon,  Piano,  Violon  et  Basse. 


SONT  ENTIEREMENT  EXCLUS  DE   L'ABONNEMENT  \ 
1°  Les  Morceaux  de  Chant  détachés  d'OpÉRAS  italiens  ou  français,  les  Romances,  Mélodies,  Duetti  et  Scènes  détachées  ;  2"  enfin  les  Méthodes, 

Solfèges,  Études  et  Vocalises. 


ABOUSiEIHEIST  POUR  PARIS  :  30  fp.  par  an.  —  Six  mois,  18  fr.  —  Trois  mois,  tS  fr.  —  Un  mois,  5  fr. 

L'Abonné  reçoit  trois  Morceaux  de  Piano  à  la  fois,  qu'il  peut  changer  à  volonté,  partiellement  ou  en  totalité;  il  pourra  aussi  remplacer  un  seul  morceau  de 

Piano  par  un  Quadrille  ou  par  une  Valse.  Une  partition  compte  pour  deux  morceaux  de  Piano  et  ne  peut  être  gardée  plus  de  quinze  jours. 

ABONNEMENT  POUR  LA  PROVINCE  :  Pour  la  province  seulement  (et  non  pour  le  département  de  la  Seine) ,  on  donnera  six  Morceaux  à  la  fois;  quant 

aux  autres  conditions  d'abonnement,  elles  restent  les  mêmes  que  pour  Paris.  Les  ports  sont  à  la  charge  de  l'Abonné. 

'l'ont  abonnement  se  paye  d'avance,  plu*  un  dépôt  de  lO  fr.  pour  les  abonnements  sans  partitions,  et  de  30  fr.  pour  ceux  avec  partitions 


1»  Il  est  délivra  un  Carton  (AU  PRIX  DE  UN  A  DEUX  FRANCS)  sans  lequel  on  ne  doit  point  changer  la  musique.  —  2°  Les  doigters  sur  les  morceaux  donnés 
neufs  sont  rigoureusement  interdits.  —  3°  Les  Abonnés  qui  auront  reçu  des  morceaux  neufs  et  qui  les  apporteront  tachés,  déchirés,  doigtes  ou  incomplets,  devront 
en  payer  la  valeur.—  4°  Tout  abonnement  ne  peut  se  suspendre,  à  quelque  titre  que  ce  soit.—  5°  Le  service  d'abonnement  ne  se  fait  point  les  dimanches  et  jours  de  fête. 

Au   JttÉNESTREE,    *  bis,    rue  Vivienne,  MUSIQUE,  PIANOS  et  ORGUES. 


VENTE 


LOCATION. 


PIANOS 


ORGUES 


D'ALEXANDRE. 


DES  MEILLEURS    FACTEURS   DE  PARIS. 


Expéditions  pour  la  France  et  l'Étranger.  —  Location  au  mois  et  à  l'année.  —  Accords  et  Frais  de  transport 

à  la  charge  de  la  Maison  du  Ménestrel. 

N.  B.  Conservation  des  Pianos. —  Un   bon  accordeur  étant  indispensable  pour  la  conservation  et  le  bon  entretien  d'un    Piano,  la  Maison  du 
Ménestrel,  se  charge  de  faire  accorder  et  transporter  à  ses  frais  les  Pianos  livrés  en  location. 


789.  —  "28e  Année. 

K»  48. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  27  Octobre 

1861. 


a»^a 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVIf, 

r.éJact'  on  clief. 


1"  M 

Scèi 


Onso 
Tvp.CIl 


LES  RUREAIIX  ,  S  bis,  rue  Vlvlenne.  —  HEUGEL  et  C'%  éditeurs. 

(lin   Magasins  et  Abonnement  do  Musique  du   Jini:s  ntl  ï     —  Tente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 

Cil  A  AT.  <Sg>MIS}0,2'@ET3  ®>AlB@Ey]!reEÏIIEOT  S  PIAftO. 

•de  d'abonnement  :  Xournnl-Tcxtc,  tous  les  dimanches;  «o  Morceaux  :      i      2«  Mode  d'abonnement  :  Journnl-Tcite,  tous  les  dimanches;  III  Morceaux  : 
les,  Mélodies,  Homances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine  ;  ï  Albums-  Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  »  Albnni»- 

■nc*  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr.  |  primes  illustrés.—  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 

chant  i:r  rmo    RFIAIS  : 

3«  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet ,  les  5»  Morccnut  de  chant  et  de  piano,  les  J  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

iscrit  du  l"de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  l«r  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  teste  et  musique,  — forment  collection.  —  Adresser  franco 

un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  IIEIUiKf.pt  r.»»,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
h  Ics.leMourgucs  frères,  ■         (TeUeseul:  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-Jacqucsnonsseau,8.- 6320 


S»TI.n.lEItF. 


TEXTE. 


I.  Souvenirs  de  thél're  :  Vicis  itudes  d'un  librettiste  de  l'ancien  Opéra  (suite  et  fin'. 
P. -A.  Yif.iu.ard.  —  II.  Semaine  lyrique  :  lre  représentation  de  YAlreste  de 
Gluck  à  l'Opéra  ;  l,e  représentation  du  Neveu  de  Gulliver  au  Théâtre-Lyrique. 
J.  Lovy,  —  III.  Leltres  d'un  Bibliophile  musicien  :  Rectification.  A.  Dcreac.  — 

IV.  Pelite  chronique  :   L'Emir  Abd-el-Kader.  —  Musique  des  Bédouins.  — 

V.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Nos  abonnés  à  la  musique  Je  Chant  recevront  nvec  le  numéro  de  ce  jour: 
La  PRISE  DE  TOILE, 

Paroles  et  musique  de  Dorval-Valentino.  —  Suivra  immédiatement 
après  :  Simple  projet,  paroles  et  musique  de  Gustave  Nadaud. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

La   CALABRAISE, 

de  J.  Rosexhain.  Suivra  immédiatement  après  :  La  Fée  da  Bal,  polka- 
mazurka  d'ED.  Viéxot. 


SOIÎYEMRS  DE  THÉÂTRE. 


VICISSITUDES  D'UN  LIBRETTISTE    DE  L'ANCIEN   OPÉRA. 

(épisodes  1800-1830.) 

(Suite  et  fin.) 

Grâce  à  Kreutzer,  j'obtins  sur-le-champ  ma  lecture;  elle  eut 
lieu  le  14  octobre  1811,  douze  ans  après  la  déconvenue  de  Leu- 
colhoé.  Cette  lecture  fut  pour  moi  la  revanche  la  plus  complète, 
et,  celte  fois,  l'aréopage  de  l'Académie  m'accueillit  avec  un  em- 
pressement qui  ne  me  laissa  rien  à  désirer.  Ce  fut  le  bon  et  spi- 
rituel Andrieux  qui,  au  sortir  du  théâtre,  m'annonça  que  j'étais 
reçu  à  l'unanimité,  mais  qu'on  exigeait  que  j'é'.endisse  jusqu'à 


trois  actes  la  dimension  de  mon  ouvrage  ;  il  voulut  bien  m'indi- 
quer  lui-même  quelques  vues  sur  cette  transformation,  qui  ne 
fut  pour  moi  que  l'affaire  de  quelques  jours.  Picard,  alors  direc- 
teur, voulut  mettre  un  intervalle  de  trois  semaines  entre  les  deux 
lectures,  et,  le  4  novembre  suivant,  le  comité  de  l'Opéra  admit 
à  l'unanimité  Alexandre  à  Tarse,  en  trois  actes. 

Le  soir  du  même  jour.  Picard  médisait  que  jamais  il  n'avait 
vu  aucun  ouvrage  reçu  avec  autant  d'approbation  ;  il  insistait 
surtout  sur  l'appui  que  lui  avaient  prêté  Guillard  et  Baour-Lor- 
mian,  que  la  probabilité  d'une  prochaine  concurrence  n'avait 
point  empêchés  d'être  justeset  bienveillants  (1). 

Ce  résultat  me  mit  dans  la  meilleure  position  au  grand  théâtre 
lyrique,  et  je  pus  tout  à  mon  aise  m'enivrer  d'espoir  et  d'illusions, 
vivre  enfin  sur  mes  succès  futurs.  La  réception  d'Alexandre  à 
Tarse  ne  précéda  que  de  deux  mois  les  représentations  des  Ama- 
zones. Rodolphe  Kreutzer  avait  mis  un  grand  empressement  à 
faire  valoir  mon  ouvrage,  sur  lequel  il  comptait  beaucoup.  A 
l'Opéra,  Picard,  le  directeur,  et  Gardel,  l'omnipotent  maître  de 
ballets,  ne  me  montraient  pas  moins  de  bonne  volonté.  A  celte 
époque  (fin  de  1811),  Alexandre  c'était  encore  Napoléon,  et, 
sans  efforts,  chacun  des  détails  de  la  pièce  aidait  à  ce  rapproche- 
ment; le  duc  de  Rovigo,  chef  de  la  police  des  théâtres,  s'était  fait 
lire  la  pièce,  et  sa  complète  approbation  semblait  me  garantir  la 
prompte  mise  en  scène. 


(1)  Cette  bienveillance  de  la  part  de  Lormian  était  d'aulant  plus  méri- 
toire, qu'il  préparait  alors  avec  Lesueur  un  grand  ouvrage  intitulé  Alexan- 
dre à  Babylone  ;  tous  deux  n'en  patronnèrent  pas  moins  Alexandre  à 
Tarse;  on  verra  bientôt  à  quel  point  la  chance  tourna  pour  celui-ci.  Quant 
à  Alexandre  à  Babylone,  jamais  Lesueur  et  Lormian  n'ont  pu  parvenir  à 
le  faire  représenter,  et,  jusqu'à  sa  mort,  Mme  Lesueur  a  mis  en  vain  la 
plus  honorable  persévérance  à  poursuivre  cette  tardive  réparation  d'une 
longue  injustice.  On  connaît  de  cet  opéra  plusieurs  morceaux  admirables, 
et  qui,  exécutés  au  Conservatoire,  ont  emporté  tous  les  suffrages. 


378 


LE  MÉNESTREL. 


Mais  arriva  1812  ;  l'horizon  politique  se  chargeait  de  sombres 
brouillards;  la  tempête  qu'ils  précédaient  grondait  déjà  dans  le 
lointain  ;  et,  sans  prévoir  encore  qu'elle  dut  faire  sombrer  le 
modeste  esquif  poétique  qui,  jusque-là,  avait  semblé  devoir  me 
porter  à  pleines  voiles  sur  la  scène  orageuse  de  l'Opéra,  je  com- 
mençais à  me  flatter  moins  d'y  surgir  en  vainqueur. 

Un  fait  très-simple  en  lui-même  fera  pressentir  les  grandes 
épreuves  auxquelles  je  touchais,  en  même  temps  qu'il  démon- 
trera la  sûreté  des  rapports  qui  s'étaient  si  rapidement  établis 
entre  la  famille  Kreutzer  et  moi.  De  prime  abord,  lorsque  j'offris 
à  Rodolphe  le  poème  d'Alexandre,  il  me  prévint,  en  l'acceptant, 
qu'il  avait  un  engagement  antérieur  avec  Vigée  pour  une  Princesse 
de  Babylone,  sur  le  succès  de  laquelle  il  me  parut  médiocrement 
compter.  En  cela  il  avait  bien  raison.  Donnée  en  1815,  pendant 
les  cenl-Jours,  et  mise  en  scène  d'une  manière  pitoyable,  la  pièc^ 
n'eut  pas  le  moindre  succès.  Mais  les  événements  de  1812  avaient 
enlevé  au  sujet  à' Alexandre  à  Tarse  ce  caractère,  ou  plutôt  ce 
prestige  d'à-propos  qui  semblait  si  bien  recommander  la  pièce 
pour  lui  faire  obtenir  un  tour  de  faveur,  ce  qui  seul  aurait  pu 
dégager  Kreutzer  envers  Vigée  ;  sans  cela,  prévoyant  qu'un  in- 
tervalle de  trois  ans  au  moins  devrait  séparer  la  pièce  de  la  Prin- 
cesse de  Babylone  de  celle  d'Alexandre,  Kreutzer  m'en  fit  l'ob- 
scrvalLin  ;  il  me  dégagea  de  toute  obligation  envers  lui  si  cette 
attente  de  trois  ans  me  semblait  trop  longue.  Avec  la  même  fran- 
chise et  tout  en  lui  témoignant  mon  extrême  regret  de  perdre  sa 
collaboration,  je  repris  ma  liberté,  et  cette  rupture  amicale  n'oc- 
casionna pas  la  moindre  altération  dans  l'intimité  et  la  fréquence 
de  nos  rapports  de  société  ;  la  mort  seule  a  rompu  ces  chers  liens. 

Des  mains  de  Kreutzer,  ma  pièce  passa  d'abord  entre  celles  du 
maestro  Paër,  chef  de  musique  de  la  chambre  de  l'Empereur  et 
de  l'Impératrice,  et  qui  gouvernait  son  déparlement  avec  toute 
l'autorité  d'un  ministre.  Une  lettre  de  lui  ,  restée  entre  mes 
mains,  et  dalée  du  29  janvier  1813,  prouve  avec  quelle  faveur  il 
accueillit  mon  ouvrage. 

Après  la  déconvenue  des  Amazones ,  Méhul  avait  bien  voulu 
me  dire  :  «  Que  n'ai-jeeu  votre  ouvrage  à  mettre  en  musique!  » 
J'ose  dire  que  je  crois  en  effet  qu'il  en  eût  tiré  un  parti  magni- 
fique ;  au  moins  ne  m'eût-il  pas  promené  pendant  deux  ans, 
comme  M.  Paër,  qui  essaya  sur  moi  le  système  dont  il  abusa  plus 
tarda  l'égard  de  M.  Désaugiers  l'aîné,  puisque  la  signature  d'un 
dédit  ne  suffit  pas  pour  l'obliger  à  terminer  la  musique  d'OUnde 
et  Sophronie,  dont  il  ne  fit  que  deux  actes  sur  trois.  Notre 
grande  scène  lyrique  française  inspirait  un  tel  effroi  à  ce  compo- 
siteur italien,  que  le  Maître  de  Chapelle,  opéra-comique  en  un 
acte,  d'Alexandre  Duval  et  de  Mrae  Sophie  Gay,  est  le  seul  ou- 
vrage français  qu'il  ait  fait  jouer  à  Paris.  Le  crédit  et  les  succès 
gigantesques  de  Sponiini  étaient  pour  Paër  un  épouvanlail. 

Mes  espérances  sur  la  destinée  d' Alexandre  à  Tarse  suivirent 
le  déclin  des  prospérités  de  l'Empire.  L'astre  d'un  autre  Alexan- 
dre s'élevait  bien  à  l'horizon,  mais  ses  clartés  boréales  n'avaient 
rien  de  commun  avec  l'éclat  dont  avait  brillé  le  héros  du  Cydnus  ; 
d'ailleurs,  après  1814,  l'Opéra,  passant  de  la  préfecture  du  pa- 
lais à  la  maison  du  Roi,  changea  de  régime,  de  système  et  de  ju- 
risprudence :  un  homme  d'un  grand  savoir  et  d'une  infatigable 
activité,  Alexandre  Choron,  y  remplaça  le  directeur  Picard,  sous 
le  litre  plus  modeste  de  régisseur  général. 

M.  Chorou  a  sans  doute  rendu  en  France  les  plus  grands  ser- 
vices à  l'art  musical  en  formant  l'élite  de  nos  chanteurs  sous  la 
Restauration  et  sous  le  régime  qui  vint  à  la  suite  ;  le  nom  seul  de 
Duprez  suffirait  pour  faire  voir  ce  qu'il  était  capable  de  faire 


comme  instituteur,  et  la  fermeture  de  son  école  en  1831,  par  re- 
fus d'allocation  au  budgel  de  la  subvention  de  l'État,  n'est  guère 
moins  à  déplorer  dans  l'intérêt  de  l'art  que  ne  l'avait  été,  en  1815, 
la  mutilalion  du  Conservatoire. 

Mais  un  professeur  excellent  peut  bien  ne  pas  être  un  directeur 
sans  reproche,  et  je  crois  que  l'on  peut,  en  toute  sûreté  de  con- 
science, en  adresser  plus  d'un  à  la  direclion,  très-peu  chanceuse 
d'ailleurs,  d'Alexandre  Choron.  N'ayant  aucune  connaissance 
pratique  du  terrain  qu'il  était  appelé  à  faire  valoir",  esprit  systé- 
matique, s'il  en  fût,  Choron  s'était  imaginé,  en  1814,  que  dès- 
lors  la  tragédie-lyrique  avait  fait  son  temps  à  l'Opéra,  et  que  le 
public  ne  voulait  plus  de  pièces  en  cinq,  ni  même  en  trois  actes: 
de  grands  ballets  et  de  petits  opéras  .'  Tel  était  le  programme  de 
son  administration. 

En  1811,  j'avais  fait,  en  société  avec  Choron,  une  romance 
intitulée  les  Adieux  de  Raoul  de  Concy  à  Gabrielle  de  Vcrgy  ; 
il  en  était  fort  content,  moi  aussi  ;  ce  fut  donc  avec  une  certaine 
confiance  que,  sitôt  après  son  entrée  en  fonctions  à  l'Opéra,  j'al- 
lai le  trouver  et  lui  demander  de  prendre  sous  son  patronage  son 
homonyme  Alexandre  ;  il  bondit  comme  un  lion  lorsqu'il  sut 
"  qu'il  s'agissait  d'un  ouvrage  en  trois  actes,  et  me  dit  qu'un  tel 
sujet  en  comportait  à  peine  un  seul.  J'eus  beau  lui  faire  observer 
que  quatre  ans  en  deçà,  le  comité  de  lecture  de  l'Opéra  m'avait 
requis  d'ajouter  deux  actes  à  l'acte  unique  que  je  lui  avais  ap- 
porté, il  n'en  persista  p;is  moins,  et,  le  lendemain,  après  avoir 
entendu  la  lecture  de  ma  pièce  dans  sa  plus  grande  dimension, 
il  me  signifia  qu'à  ces  conditions  il  ne  l'accepterait  jamais  ;  tandis 
que,  si  je  consentais  à  la  remettre  en  un  acte,  il  me  donnait  sa 
parole  de  la  faire  jouer  trois  mois  après  que  la  partition  lui  au- 
rait été  livrée.  En  même  temps  il  s'engagea  à  la  faire  mettre  en 
musique  par  Chérubini  ;  j'ai  entre  les  mains  la  lettre,  datée  du 
9  janvier  1816,  par  laquelle  ce  grand  musicien  souscrit  à  cet  en- 
gagement. 

Cependant,  une  nouvelle  lecture  du  comité  était  nécessaire,  le 
régisseur  général  ayant,  à  son  avènement,  licencié  l'ancien  jury, 
et  déclaré  que  tous  les  ouvrages  antérieurement  reçus  seraient 
soumis  à  un  nouvel  examen.  Dans  le  comité  formé  par  Choron, 
se  trouvaient,  en  assez  grand  nombre,  les  premiers  juges  d'A- 
lexandre; à  l'unanimité,  ceux-ci  protestèrent  contre  la  mutila- 
tion d'un  ouvrage  complet  qu'on  voulait  réduire  à  l'état  d'avor- 
ton, et  demandèrent  formellement  qu'on  lui  rendît  "ses  grandes 
proportions.  Trois  jours  après,  nouvelle  séance,  lecture  de  l'ou- 
vrage eu  trois  actes,  et  quatrième  épreuve  qui  donne  pour  résul- 
tat la  réception  d' Alexandre  à  l'unanimité,  moins  une  seule  voix, 
celle  de  Choron. 

L'omnipotence  de  ce  haut  fonctionnaire  ne  pouvait  fléchir 
devant  une  pareille  contradiction  ;  aussi  s'empressa-t-il  de  dis- 
soudre l'assemblée  récalcitrante  à  ses  volontés  et  d'annuler  toutes 
les  décisions  prises  par  elle.  Rientôt,  il  établit  un  autre  jury, 
dans  la  composition  duquel  n'entrait  aucun  des  membres  de  celui 
qu'il  venait  de  renvoyer,  et  il  confia  à  ce  nouveau  sanhédrin, 
presque  tout  entier  sous  son  influence  immédiate  et  sous  celle  de 
M.  Sponiini,  la  révision  de  tous  les  ouvrages  reçus.  Le  4  no- 
vembre 1816,  cinq  ans  jour  pour  jour  après  la  réception  qui 
avait  eu  lieu  sous  l'administration  de  Picard,  Alexandre  à  'Tarse 
est  soumis  à  une  cinquième  épreuve.  Avant  mon  arrivée  pour  la 
lecture,  Sponiini,  qui  ne  connaissait  pas  un  vers  de  la  pièce,  pré- 
tendit cependant  avoir  refusé  d'en  faire  la  musique,  et  de  cette 
fois  elle  fut  refusée  à  l'unanimité,  moins  une  voix,  celle  de 
Méhul! 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


379 


Méhul,  déjà  malade,  s'éleva,  avec  autant  d'énergie  que  de 
persistance,  contre  le  déni  de  justice  dont  ses  collègues  se  ren- 
daient coupables  à  mon  égard  ;  et  il  leur  représenta  tout  ce  qu'il 
y  avait  de  choquant,  et  même  de  ridicule,  h  repousser  de  la  sorte 
un  ouvrage  sorti  victorieux  de  quatre  épreuves  antérieures;  mais 
ce  fut  en  vain. 

Je.  dus  être,  et  je  fus  en  effet  fort  sensible  au  passe-droit  dont 
on  me  rendait  victime  ;  plusieurs  lettres  qui  se  trouvaient  entre 
mes  mains  m'avaient  donné  le  droit  de  compter  sur  un  résultat 
différent.  Je  dois  dire,  d'ailleurs,  qu'il  n'y  eut  aucun  calcul  de 
malveillance  dans  le  procédé  de  Choron.  Quoique  je  l'eusse  fort 
peu  ménagé  dans  mes  plaintes,  il  ne  me  garda  pas  rancune,  chose 
rare,  du  mal  qu'il  m'avait  fait  ;  loin  de  là ,  bientôt  après  il  vint 
me  prier  d'adapter  à  la  scène  de  l'Opéra  un  drame  du  répertoire 
de  l'ancien  Théâtre-Feydeau,  la  Caverne  de  Lesueur.  Choron 
me  dit  que  mon  travail  était  accepté  d'avance  ,  et  qu'il  m'en  ga- 
rantissait la  rétribution,  que  je  louchai,  en  effet,  sur-le-champ. 
L'administration  de  l'Opéra  fit  pour  20,000  fr.  de  dépenses  en 
décorations,  frais  de  copie,  etc.,  chiffre  des  plus  éloquents  à  cette 
époque. 

Après  trois  mois  de  répétitions,  un  désaccord  entre  le  composi- 
teur et  le  nouveau  directeur  vint  tout  arrêter,  et  la  pièce  ne  fut 
pas  donnée,  ce  qui  vint  mettre  le  comble  à  mes  vicissitudes  de 
librettiste,  et  me  faire  renoncer  à  la  vocation  d'auteur  pour  me 
conienler  désormais  des  jouissances  du  dilettante,  les  seules 
exemptes  de  soucis  et  d'amertume. 

P. -A.  Vieillard. 


THEATRES  LYRIQUES. 


Reprise  de  l'Alceste  de  Gluck. 

En  remontant  au  dimanche  6  avril  1860,  nous  lisons,  n°  17 
delà  27e  collection  du  Ménestrel,  les  lignes  suivantes  (1)  : 

«  Alcesle  fut  représentée  en  1776,  mais  cette  fois  le  succès 
ne  répondit  pas  à  la  beauté  de  l'œuvre.  La  couleur  sombre  et 
exclusivement  tragique  de  cet  opéra  effraya  les  Parisiens.  L'ac- 
cueil fut  froid.  Mozart,  à  peine  âgé  de  vingt  ans,  était  alors  à 
Paris.  Il  assistait  à  la  première  représentation;  il  fut  indigné  de 
l'insensibilité  du  public.  Telle  est  la  cause  des  impressions  fâ- 
cheuses qu'il  conserva  toujours  contre  la  France,  et  qui  plus  lard 
l'empêchèrent  de  revenir  à  Paris.  «  Les  âmes  de  bronze!  s'é- 
cria-t-il  en  se  jetant  au  cou  de  Gluck,  que  leur  faut-il  donc  pour 
les  émouvoir?  —  Sois  tranquille,  petit,  répondit  Gluck,  dans 
trente  ans  ils  me  rendront  justice.  » 

Or,  l'événement  a  prouvé  que  Gluck  n'eut  pas  trente  ans  à 
attendre  :  Alcesle,  mieux  comprise,  se  relevait  au  bout  de  quel- 
ques représentations,  sans  pourtant,  il  faut  le  constater,  s'élever 
jamais  à  la  hauteur  d'Ipligénie ,  d'Armide  et  d'Orphée,  du 
moins  au  point  de  vue  du  succès.  Depuis  1776,  la  partition 
d' Alcesle  fut  reprise  à  diverses  époques  par  Mmcs  Sainl-Huberty, 
Branchu;  par  MM.  Laine,  Nourrit  père  et  fils,  et  n'obtint  cha- 


(I)  Ces  lignrs  ouvraient  le  xie  chapitre  de  l'étude  sur  M.  K. . .,  sur  l'O- 
péra, et  ce  premier  paragraphe  se  terminait  ainsi  :  «  Dans  un  temps  plus 
civilisé,  on  n'aurait  pas  manqué  de  calculer  ce  qu'une  pareille  chute  pou- 
vait faire  perdre  de  droits  d'auteur.  » 


que  fois,  malgré  ces  grands  interprètes,  qu'un  accueil  relative- 
ment tempéré.  Certes,  on  rendait  justice  au  génie  dramatique 
de  Gluck,  à  la  puissance  et  à  la  vérité  de  ses  moindres  accents, 
mais  enfin  cette  interminable  scène  de  ménage  antique  accu- 
sait une  triste  monotonie  dont  le  public  ne  pouvait  se  défen- 
dre, malgré  les  beautés  de  la  musique.  Et  remarquez  ,  lecteurs, 
que  ce  n'est  point  ici  notre  propre  impression,  c'est  celle  du  public 
dol.igrandcépnque  de  Gluck.  Aujourd'hui,  à  trois  quarts  de  siècle 
de  distance  de  la  lre  représentation  d' Alcesle,  avec  des  interprètes 
moins  faits  pour  représenter  comme  pour  chanter  les  personnages 
de  Gluck,  l'effet  ne  pouvait  grandir,  et  cependant  il  ne  s'est  guère 
affaibli.  Cela  tient  à  la  religion  du  public  pour  nos  monuments 
d'art.  Chacun  est  heureux  de  voir  l'Opéra  entrer  dans  la  voie 
du  répertoire  classique,  et  nous  donner  de  temps  à  autre  une 
page  de  notre  Corneille  lyrique.  Seulement  Alceste  ne  devait- 
elle  point  céder  le  pas  à  Armide?  Ou  bien  encore  Iphigénie  na- 
vait-elle  pas  des  droits  incontestables  sur  notre  première  scène? 
Voilà  ce  que  demandent  les  aristarques  du  jour? 

Pour  noiis,  qui  nous  défions  des  ergoteurs  qui  battent  en  brè- 
che les  meilleures  intentions,  les  plus  louables  efforts,  nous  nous 
sommes  donné  le  plaisir  d'entendre  dire  la  vérité  sur  la  reprise 
d' Alcesle  par  un  artiste  dont  personne  ne  contestera  la  compé- 
tence. C'est  avec  le  doyen  de  nos  grands  chanteurs,  à  Ponchard, 
qui  a  vu  et  entendu  les  ouvrages  de  Gluck  dans  leur  splendeur,  qui 
en  a  étudié,  commenté  chaque  page  avec  Garât,  que  nous  avons 
causé  et  que  nous  causons  en  ce  moment  de  V Alceste.  C'est  lui 
qui  nous  répétait  que  cette  partition  de  Gluek  n'avait  jamais  eu 
sur  le  public  l'attrait  irrésistible  de  ses  sœurs  aînées  ou  ca- 
dettes, et  que  cela  tenait  particulièrement  au  sujet,  3u  poëme. 
Aucun  des  admirables  interprètes  de  Gluck  n'a  pu  animer  ce 
tableau  àl'égal  de  celui  de  ses  Iphigénie,  d' Armide  ou  d'Orphée. 
Aujourd'hui,  ajoutait  M.  Ponchard,  c'est  une  lâche  d'autant  plus 
difficile  que  la  lran>position  en  contralto  du  rôle  de  soprano 
d'Alceste  est  infiniment  moins  heureuse  que  celle  d'Orphée. 
A  la  scène  française  surtout,  l'amour  appelle  les  accents  essen- 
tiellement féminins,  les  notes  aiguës  et  passionnées  du  soprano. 
C'est  ce  que  réclame  avant  tout  le  rôle  d'Alceste,  avec  cerlaincs 
exigences  du  chant  français  qu'il  n'est  guère  permis  d'enfreindre 
et  qui  tiennent  à  la  fois  à  la  logique  et  h  la  prosodie.  Or,  écour- 
ter  la  phrase  par  des  respirations  trop  fréquentes,  n'est-ce  pas 
détruire  l'expression  de  Gluck?  n'est-ce  point  pécher  contre  la 
prosodie  française?  «  Je  sais  bien,  ajoutait  le  disciple  de  Garât, 
que  s'en  tenir  servilement  à  la  lettre  écrite  —  blanche,  noire  ou 
croche, —  c'est  réduire  le  chanteur  à  une  traduction  maté- 
rielle qui  approche  par  trop  de  la  leçon  de  solfège,  mais  enfin 
il  y  a  une  mesure  en  tout.  Garai  se  permettait  de  modifier  même 
une  accentuation  de  Gluck,  el  je  me  suis  permis,  nous  disait 
Ponchard,  de  suivre  l'exemple  de  mon  maître  pour  certaines  œu- 
vres de  Grélry,  qui  m'a  enlendu  el  ne  s'en  esl  jamais  plaint.  Mais 
refaire  un  rôle  à  sa  taille,  à  sa  voix,  n'est-ce  point  sortir  des 
limites  posées  aux'  plus  habiles  interprètes?  Voilà  ce  que  l'on 
peut  reprochera  l'Alceste  de  nos  jours,  sans  méconnaître  d'ail- 
leurs de  rares  aptitudes  et  des  élans  remarquables.  » 

Admète,  plus  heureux  qu'Alceste,  est  resté  dans  la  voix  du 
ténor,  mais  il  eût  fallu  là  non-seulement  une  voix  plus  large, 
plus  expressive  encore,  mais  surtout  l'un  de  ces  chanteurs  capa- 
blesde  soutenir  avec  une  grande  autorité  le  caractère  du  per- 
sonnage au  double  point  de  vue  de  la  scène  et  du  chant.  Savoir 
s'inspirer  d'un  grand  rôle,  d'une  grande  musique,  en  devenir 
le  digue  héros,  ce  ne  sont  pas  choses  faciles  et  à  la  portée  môme 


380 


LE  MÉNESTREL 


de  nos  plus  charmants  artistes.  Les  éludes  ne  sont  plus  assez 
sérieuses  aujourd'hui  pour  attaquer  presque  d'emblée  les  types 
laissés  par  Gluck,  notre  grand  maître  en  déclamation. 


Voilà  nos  observations  générales,  et,  nous  le  répétons,  malgré 
les  difficultés  inhérentes  à  la  reprise  à'Alceste,  on  peut  dire  que 
le  public  a  témoigné  de  sa  sympathie  pour  celte  légitime  satis- 
faction donnée  à  l'art  classique  pour  ainsi  dire  chassé  de  notre 
grand  temple  lyrique.  Il  demande  que  celte  louable  tentative 
ne  demeure  pas  sans  lendemain,  tout  en  souhaitant  aussi  qu'on 
n'en  exagère  pas  la  dose.  Quoi  qu'on  fasse,  quoi  qu'on  puisse 
dire  et  écrire,  les  œuvres  dramatiques  produites  dans  ce  xixe 
siècle  réalisent  toutes  les  conditions  de  chefs-d'œuvre  complets, 
et  notre  génération  actuelle  les  savoure  avec  délices,  sachant  se 
contenter  des  interprètes  relativement  secondaires  qui  ont  succédé 
à  Nourrit,  Levasseur,  Duprez,  Damoreau  et  Falcon.  Tout  en  ho- 
norant Gluck,  ne  soyons  pas  ingrats  envers  le  génie  contem- 
porain. 

Constatons,  pour  terminer,  que  Mme  Pauline  Viardot  a  été 
accueillie  en  digne  sœur  de  la  Malibran,  et  qu'elle  a  eu  des  ac- 
cents profondément  pathétiques;  que  le  ténor  Michot  a  partagé 
les  honneurs  de  la  soirée  avec  Mme  Viardot;  que  le  grand  prêtre 
Cazaux  est  taillé  pour  l'invocation  à  Apollon,  et  M.  Borchard 
pour  le  personnage  d'Hercule,  dont  il  a  l'ampleur  de  voix  et  de 
taille;  qu'enfin  M.  Coulon  n'a  pas  démérité  du  dieu  Caron. 

MIle  de  Taisy  a  bien  dit  ses  couplets  qui  tranchent  si  agréable- 
ment sur  le  chœur  dansé.  L'orchestre  avec  ses  phalanges  de  cor- 
des a  fort  bien  manœuvré;  les  chœurs  n'ont  pas  toujours  été  aussi 
heureux.  Faut-il  s'en  prendre  au  métronome  électrique  ?  Parfois, 
on  le  sait,  le  mieux  est  l'ennemi  du  bien. 

Le  public  a  suivi  avec  un  vif  intérêt  les  deuxième  et  troisième 
représentations  à'Alcesle,  et  chaque  fois  il  a  salué  de  ses  enthou- 
siastes bravos  toutes  les  beautés  de  l'œuvre  de  Gluck.  La  scène 
du  temple  d'Apollon,  au  deuxième  tableau,  produit  toujours 
beaucoup  d'impression.  Il  en  est  de  même  de  la  scène  aux  portes 
de  l'enfer  ;  cotte  note  obstinée  :  Caron  t'appelle,  et  l'écho  sinistre 
des  cors  en  sons  bouchés  soit  d'un  effet  vraiment  saisissant.  La 
statue  du  commandeur  de  Don  Juan  et  la  Fonte  des  balles  du 
Freyschiitz  se  trouvent  en  germe  dans  cette  belle  scène,  ainsi 
que  clans  l'oracle  du  grand  prêtre. 

Le  grand  événement  de  la  semaine  ne  doit  pas  nous  faire  ou- 
blier le  début  de  Morère  et  la  rentrée  de  MUc  Marie  Sax,  clans 
le  Trouvère,  représenté,  par' extraordinaire,  dimanche  dernier. 
Le  débutant  a  pleinement  réussi  :  sa  voix  est  d'un  beau  timbre  ; 
il  chante  avec  goût  et  possède  l'intelligence  de  la  scène.  On  sait 
queM"e  Marie  Sax  rentrait  après  une  longue  maladie  qui  l'avait 
éloignée  du  théâtre  depuis  plus  de  deux  mois;  son  visage  est 
encore  un  peu  amaigri,  mais  la  voix  a  toujours  son  étendue  et 
sa  sonorité  merveilleuses.  On  lui  a  fait  recommencer  le  Miserere 
et  on  l'a  rappelée  avec  Bonnehée  après  le  duo  du  quatrième  acte. 
—  Mme  Tedesco  chantait  pour  la  première  fois  le  rôle  d'Azucena  ; 
elle  y  a  mis  une  vigueur  et  un  brio  qui  ne  lui  sont  point  habi- 
tuels. Elle  a  été  rappelée  avec  Morère,  au  deuxième  acte,  après 
le  grand  duo  d'Azucena  et  de  Manrique. 

Notre  jeune  ballerine,  MUc  Emma  Livry,  a  été,  l'autre  semaine, 
victime  d'un  accident  plus  grave  qu'on  n'avait  pensé  d'abord.  C'est 
en  se  posant  du  bout  du  pied  au  bord  de  la  fenêtre,  au  premier 
acte  du  Papillon,  dans  la  scène  où  Farfalla  voltige  de  place  en 


placo  autour  do  la  fée,  que  la  jeune  artiste  a  glissé  et  qu'elle  est 
tombée  sur  le  coupant  d'une  traverse  de  bois.  On  craignait  un 
instant  une  fracture  de  la  côte  ;  mais  M"e  Livry  n'aurait  pas  eu 
la  force  de  continuer  le  rôle  comme  elle  a  fait  ;  toujours  est-il 
qu'il  s'agit  au  moins  d'une  très  forte  contusion,  avec  déchirement 
des  membranes,  des  muscles  et  des  tissus  voisins  delà  côte. 
M1Ie  Livry  ne  pourra  sans  doute  pas  reparaître  au  théâtre  d'ici  à 
un  mois  ou  cinq  semaines. 

Le  TnÉATRE-lTALiEN  annonce  la  reprise  de  Marta  pour  la 
continuation  des  débuts  de  M.  Délie  Sedie,  et  ceux  deMmeVol- 
pini,  soprano,  dont  on  nous  dit  beaucoup  de  bien,  avec  Alboni 
et  Mario,  qui  remplissent  les  autres  rôles.  Le  maestro  Flotow  ne 
pouvait  confier  son  joli  opéra  à  des  artistes  plus  intelligents  et 
plus  à  même  de  bien  interpréter  les  beautés  que  cette  gracieuse 
musique  renferme. 

Une  indisposition  do  Mario  a  nécessité,  jeudi  dernier,  un  chan- 
gement de  spectacle  aux  Italiens. "On  a  remplacé  Un  Ballo  in 
marchera  par  la  Sonnambula,  par  Mlle  Battu,  MM.  Tagliafico  et 
Bélart. 

Un  journal  donne  comme  devant  avoir  lieu,  au  1er  janvier  pro- 
chain, la  translation  du  Théâtre-Impérial  et  du  Théâtre-Lyrique 
à  la  placo  du  Châlelet  ;  mais  celte  nouvelle  n'est  pas  tout  à  fait 
aussi  aulhenliqueque  l'assure  notre  confrère.  M.  Béty  ne  compte 
pas  s'installer  dans  sa  nouvelle  salle  avant  le  mois  d'avril,  et 
M.  Hostein  attendra  lui-même  celte  époque  pour  procéder  à 
son  déménagement.  Les  travaux  du  Théâtre-Lyrique  se  sont  un 
peu  ralentis  depuis  quelque  temps,  et  l'on  s'occupe  en  ce  moment 
de  résoudre  une  question  de  ventilation  qui  paraît  devoir  néces- 
siter encore  quelques  éludes. 

Il  faut  croire  que  les  Bouffes  comptent  sur  un  grand  succès 
avec  le  Roman  comique,  car  M.  Offenbach  vient  de  distribuer 
tous  les  rôles  en  double.  J-  Lovy. 


TI1ÉVTUE-L1RIQDE. 

Le  lèvera  «le  Gullivev ,  opéra-ballet  en  trois  actes ,  de  M.  Henri 
Boisseaux,  musique  de  M.  de  Lajorte.  —  Débuts  de  Jules  Lefort,  de 
Surmont,  de  MUc  Clavelle. 

Je  ne  sais  ce  que  les  femmes  ont  fait  à  M.  Boisseaux  quand  il 
a  écrit  ce  librelto.  Très-certainement  il  se  trouvait  dans  de  mau- 
vaises dispositions  à  leur  égard,  car  il  nous  les  montre  sous  des 
couleurs  peu  gracieuses.  Elles  sont  bavardes,  exigeantes,  acariâ- 
tres, despotiques  et  même  barbares,  non-seulement  sur  la  terre, 
mais  aussi  dans  la  lune.  En  vérité,  le  télescope  de  Herschel,  dans 
ses  moments  les  plus  excentriques,  n'a  jamais  poussé  la  calomnie 
aussi  loin. 

Il  y  avait  pourtant  quelques  idées  originales,  quelques  situa- 
tions nouvelles  à  faire  jaillir  de  cette  fanlaisie  du  neveu  do  Gul- 
liver; elles  y  étaient  virtuellement,  et  ne  demandaient  qu'à  sortir, 
dût  le  sens  commun  y  perdre  la  tramontane.  Notre  librettiste 
s'est  borné  a  rester  dans  les  sentiers  de  la  raison.  Mais  pour 
écrire  terre  à  (erre,  était-ce  bien  la  peine  de  faire  un  voyage  dans 
la  lune? 

Le  célèbre  Gulliver  a  laissé  une  maison  à  son  neveu  John  et  à 
sa  nièce  Rebccca,  à  charge  d'en  hériter  conjointement.  John,  qui 
se  soucie  médiocrement  d'épouser  sa  pie-grièche  de  cousine,  s'est 
mis  à  courir  le  monde  à  l'instar  de  son  oncle,  de  glorieuse  mé- 
moire. Or,  en  passant  à  Lahore,  il  a  recueilli  une  jeune  bayadère 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


381 


muelte  qui  remplace  la  parole  par  la  plus  expressive;  pantomime 
et  les  pirouettes  les  plus  séduisantes.  Il  espère  bien  unir  son  sort 
5  cette  charmante  ballerine,  mais  ce  n'est  pas  le  compte  de  la 
cousine  Rebecca.  Celle-ci  croyant  le  cousin  mort,  s'est  fiancée  à 
un  imbécile  nommé  Tom.  Le  retour  de  John  dérange  tous  les 
préparatifs  de  noce  :  Rebecca  veut  de  son  cousin  h  tout  prix  ; 
elle  se  cramponne  au  testament  de  l'oncle.  John  se  désole  do  cet 
entêtement,  car,  s'il  ne  veut  pas  renoncer  à  sa  bayadère,  il  ne 
voudrait  pas  non  plus  perdre  sa  part  d'héritage  ;  John  est  de  son 
siècle.  Et  le  voilà  qui  visite  les  papiers  de  son  oncle,  dans  l'espoir 
de  se  tirer  de  celle  perplexité...  O  surprise  !  ô  bonheur  !  il  trouve 
une  tabatière  magique,  avec  la  manière  de  s'en  servir.  Cette  boîte 
renferme  la  fameuse  poudre  d'escampeltc  qui  avait  servi  h  Gulli- 
ver pour  aller  dans  la  lune.  A  peine  John  en  a-t-il  aspiré  une 
prise  qu'il  s'envole  dans  l'air,  au  grand  désespoir  de  la  cousine 
et  do  la  bayadère. 

La  lune  est  habitée  exclusivement  par  des  femmes  qui  passent 
leur  temps  à  faire  l'exercice  et  la  charge  en  douze  temps,  à  fumer, 
à  boire  de  l'absinthe  et  à  bavarder.  Il  y  a  une  vingtaine  d'années 
un  homme  était  tombé  dans  la  lune  :  c'était  le  fameux  Gulliver. 
Cet  aérolithe  vivant  avait  produit  une  vive  sensation.  Toutes  les 
femmes  se  l'arrachèrent,  et  on  le  fêta  avec  tant  d'excès,  qu'il  se 
hâta  de  regagner  1a  terre.  Une  ovation  non  moins  violente  est  ré- 
servée aujourd'hui  au  neveu  de  Gulliver.  La  reine  et  ses  sujettes 
se  le  disputent  avec  rage.  Heureusement  la  bayadère  avait  ramassé 
la  tabalière  magique  oubliée  sur  la  terre  par  John,  et  s'en  était 
servie  pour  le  rejoindre.  Celte  même  poudre  d'escampette  les 
sauve  tous  deux  de  la  fureur  des  dames  de  la  lune.  Finalement, 
John  renonce  à  son  héritage,  et  la  cousine  Rebecca  se  résigne  à 
épouser  Tom,  —  dont  je  n'envio  pas  le  sort. 

M.  de  Lajarle,  à  qui  le  Théàlre-Lyrique  doit  déjà  trois  petites 
œuvres  qui  ont  reçu  bon  accueil,  a  écrit  sur  ce  poëme  une  par- 
tition facile,  et  qui  se  lient,  comme  on  dit  vulgairement,  sur  ses 
jambes;  c'est-à-dire  une  agréable  musique  d'opéra-ballet,  — de 
celle  qu'affectionnait  Napoléon  Ier,  parce  qu'elle  ne  vous  empêche 
pas  de  penser  à  vos  affaires. 

Le  groupe  des  jeunes  compositeurs  que  nous  voyons  se  mouvoir 
dans  notre  firmament  lyrique,  — j'en  excepte  ceux  de  premier 
ordre,  —  se  divise  aujourd'hui  en  deux  catégories,  et  loules  deux 
nous  semblent  enlachées  d'un  vice  normal,  ou  d'un  défaut  systé- 
matique. L'une  s'évertue  à  prouver  qu'elle  a  fait  de  profondes 
études  musicales,  et  que  la  science  lui  a  ouvert  ses  arcanes; 
l'autre  vise  à  la  popularité,  affecte  l'allure  simple,  se  complaît 
aux  mélodies  faciles  ;  mais  souvent,  très-souvent  hélas  !  le  souffle 
divin,  l'idée,  l'inspiration,  brillent  par  leur  absence  ;  alors,  on 
devient  diffus,  nuageux,  bruyant,  ou  l'on  tombe  dans  le  trivial, 
on  roule  dans  l'ornière  des  lieux  communs  et  dès  banalités. 

Je  crains  que  M.  de  Lajarle  appartienne  quelque  peu  à  cette 
dernière  catégorie.  Sa  partition  offre  peu  d'idées  saillantes  ;  elle 
n'a  pas  même  profité  de  l'élément  fantastique,  car  ce  deuxième 
acte,  qui  se  passe  dans  la  lune,  se  prêtait  incontestablement  à  des 
chants  piquants,  à  des  rhythmes  bizarres,  sinon  prime-sautiers. 
M.  de  Lajarte  chante  dans  la  lune  comme  on  chanle  sur  la  terre. 
Disons  pour  sa  justification,  qu'il  a  subi  la  contagion  du  libretto. 

Et  néanmoins  la  soirée  a  été  bonne.  Deux  importants  débuts 
l'ont  signalée.  Notre  baryton  Jules  Lefort,  qui  abordait  la  vraie 
scène  lyrique  pour  la  première  fois,  a  obtenu  le  succès  le  plus 
complet,  le  plus  brillant.  Il  a  joué  le  rôle  de  John  Gulliver  avec 
aisance  et  naturel,  et  chanté  d'une  façon  exquise  ses  couplets  du 
premier  acte  (qu'on  a  redemandés),  son  air  du  deuxième  acte: 


Ah!  le  beau  voyage,  et  les  couplets  :  Je  veux  vous  choisir  toutes 
deux:  Ce  morceau,  dont  le  refrain  est  repris  par  les  deux  dames 
de  la  lune  (Aventurine  et  Marcassite),  mérite  une  bonne  note  au 
compositeur. 

De  son  côté,  la  débutante  M"c  Clavelle  a  été  fort  goûtée.  Lé- 
gèreté, parcours,  ballon,  pointes,  tout  ce  qui  constitue  l'art  de 
la  chorégraphie  moderne,  y  compris  la  pantomime,  semble  fami- 
lier à  la  jeune  ballerine,  et  elle  joint  à  ces  qualités  scolaires  un 
brin  de  cachucha  française,  —  de  celle  qui  a  cours  au  Casino- 
Cadet,  et  fait  la  joie  des  amateurs. 

Jules  Lefort  et  Mlle  Clavelle  ont  été  chaleureusement  applau- 
dis et  rappelés  à  la  chute  du  rideau. 

Mmes  Faivre,  Vadé  et  le  débutant  Surmont,  ont  tiré  le  meilleur 
parti  de  leurs  rôles. 

Ainsi  nanti,  le  Neveu  de  Gulliver  n'est  certes  pas  plus  dés- 
agréable à  voir  que  mainte  autre  œuvre  sublunaire  de  notre 
connaissance. 

J.  Lovy. 


L'abondance  des  matières  nous  oblige  à  renvoyer  à  dimanche 
prochain  nos  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur. 


LETTRES  D'UN  BIBLIOPHILE  MUSICIEN 

A  M.  LE  DIRECTEUR  DU  MÉNESTREL. 


RECTIFICATION. 

Mon  cher  Directeur, 

L'autre  jour,  à  cent  soixante  lieues  de  Paris,  dans  une  forêt  de 
grands  diables  de  pins,  je  parcourais  quelques  numéros  du 
Ménestrel,  seule  occupation  qui  me  rappelât  le  monde  civilisé, 
lorsqu'il  me  vint  à  l'idée  de  rectifier,  —  le  silence  d'une  forêt 
excuse  tout,  —  l'une  des  dernières  notes  bibliophiliques  de 
M.  J.  d'Ortigue  sur  le  serpent...  de  bois...  de  nos  églises.  Votre 
collaborateur  indique  comme  dale  probable  de  la  création  de  cet 
instrument,  aussi  triste  que  peu  mélodieux ,  l'année  1605.  Je 
crois  qu'il  se  trompe,  et  je  lui  demanderai  la  permission  de  dis- 
puter avec  lui  sur  le  terrain  même  qu'il  a  choisi,  celui  de  l'abbé 
Lebeuf. 

•Dans  ses  Mémoires  relatifs  à  l'histoire  d'Âuxerre,  1743, 
2  vol.  in-4°,  tome  1er,  page  643  (d'après  Laborde),  l'abbé  Lebeuf 
dit  que  «  vers  1590,  un  chanoine  de  celte  ville  (Auxerre),  nommé 
Edme-Guillaume,  trouva  le  secret  de  tourner  un  cornet  en  forme 
de  serpent.  On  s'en  servit  pour  les  concerts  quon  exécuta  chez 
lui,  et  cet  instrument  ayant  été  perfectionné  devint  commun 
dans  les  grandes  églises.  » 

Le  père  Mersenne,  toujours  d'après  Laborde,  a  consacré 
quelques  lignes  au  serpent,  dans  son  Harmonie  universelle 
probablement. 

Enfin,  M.  d'Ortigue  s'élonne  d'une  Méthode  de  serpent.  C'est 
qu'il  ne  connaît  pas  celle  dont  voici  le  titre  :  Méthode  de  serpent 
adoptée  par  le  Conservatoire  (sic),  15  fr.,  chez  Chérubini  (s.d.). 

Ne  vous  étonnez  pas,  mon  cher  Directeur,  qu'un  homme  grave 
comme  votre  serviteur  ait  songé  à  vous  envoyer  ces  lignes  peu 
importantes  ;  mais  le  serpent  se  glisse  partout,  et  pour  tout  dire, 


382 


LE  MÉNESTREL. 


—  permettez-moi  de  prendre  dale  dans,  le  Ménestrel;  —  je  tra- 
vaille depuis  longtemps  a  une  histoire  aussi  complète  que  pos- 
sible des  divers  instruments  de  la  musique  française,  européenne, 
voire  patagonienne,  etc.  —  Ma  réclame  est  tout  innocente, 
mon  travail  n'étant  point  destiué  au  commerce. 
Agréez,  etc.  A.  Bureau. 


PETITE  CHRONIQUE. 

L   ÉMIR    AED-EL-KADEB. 

Mme  Clémentine  Balta  vient  de  recevoir  de  l'émir  Ahd-el- 
Kader  la  lettre  suivante,  en  réponse  à  l'envoi  de  l'une  de  ses  der- 
nières compositions  : 

«  Louange  à  Dieu  ! 

«  Chère  et  excellente  dame  Clémentine  Balta,  salut  à  vous  ! 
Après  nous  être  informé  de  votre  précieuse  santé, nous  vous  dirons 
que  nous  avons  ressenti  une  très-grande  joie  de  ce  que  vous  avez 
bien  voulu  nous  écrire.  Nous  avons  goûté  les  délices  de  vos  pa- 
roles et  reçu  avec  bonheur  la  musique  qui  les  accompagnait.  Il  a 
été  certes  bien  douloureux  de  voir  se  commettre  en  Syrie  tant  de 
violences  contre  les  faibles.  Ce  que  nous  avons  fait  pour  venir 
au  secours  des  opprimés  ne  nous  a  pas  été  inspiré  par  l'ambition  ; 
nous  n'avons  écoulé  que  notre  cœur. 

«  De  même  que  le  cheval  et  l'onagre,  quand  viennent  le  prin- 
temps et  les  fleurs,  bondissent  dans  les  prairies,  emportés  par 
leur  naturel,  de  même  lui  ,  dans  ce  qu'il  a  fait,  il  n'a  que  suivi 
l'impulsion  de  sa  nalure. 

«  (Signé)  Abd-el-Kader  ben  Moimy  Eddine  el  Hadji. 

«  Écrit  clans  le  mois  de  Rebyà-bamel  de  l'an  de  l'hégire  1278.  » 


LA  MUSIQUE  DES   AFRICAINS. 

Après  les  Bédouins  faiseurs  de  tours  qu'on  a  vus  à  Paris, 
il  serait  peut-être  curieux  d'y  voir  des  Africains  jouer  de  leurs 
instruments,  chanter  et  danser.  Le  théâtre  de  Marseille  a  goûlé 
il  y  a  quelque  temps  ce  plaisir,  si  plaisir  il  y  a.  Quoi  qu'il  en 
soit,  voici  comment  cette  représentation  s'est  passée. 

Cinq  musiciens  arrivent,  coifrés  du  turban  et  armés  chacun  de 
son  instrument.  Le  premier  porte  un  rabab,  sorte  de  petite 
guilare  à  qualre  cordes  doubles  ;  le  deuxième  un  nul,  ou  man- 
doline ;  le  troisième  même  instrument;  le  quatrième  un  tambour 
de  basque;  le  cinquième  un  tambour  ou  vase  cylindrique  ouvert 
aux  deux  extrémités,  sur  l'une  desquelles  s'applique  un  parche- 
min bien  tendu.  Nos  musiciens,  après  avoir  défilé  devant  le  pu- 
blic, qu'ils  saluent  en  appuyant  la  main  droite  sur  le  cœur,  vont 
s'asseoir  sur  un  divan,  se  croisent  les  jambes,  et  sans  sourciller 
se  donnent  l'accord. 

Le  joueur  de  rabab  passe  delà  colophane  sur  un  petit  arc  qui 
lui  sert  d'archet  ;  celui-là  c'est  le  maestro,  le  virtuose  de  la  troupe; 
c'est  lui  qui  règle  le  mouvement,  qui  donne  le  signal.  En  effet, 
à  peine  son  archet  frotté  sur  le  rabab  a-t-il  tiré  quelques  sons 
aigres  et  discordants,  que  ses  camarades  commencent  l'accompa- 
gnement. Semblables  à  peu  près  pour  l'effel  au  chant  des  cigales, 
les  mandolines  répondent  par  une  seule  et  même  note,  le  tam- 
bour résonne  sourdement  sous  les  cinq  doigts  de  l'exécutant,  le 
tambour  de  basque  secoue  ses  grelots  comme  à  l'ordinaire.  Toute 
cette  harmonie  une  fois  en  train,  il  n'y  a  pas  de  raison  pour 


qu'elle  s'arrête,  seulement  le  mouvement  se  précipite  ou  se  ra- 
leniil. 

Voilà  la  musique  instrumentale  telle  qu'on  la  cultive  au  pied 
du  mont  Atlas  !  Le  chant  accompagne  les  instruments.  Le  chant, 
en  Afrique,  se  résume  dans  une  une  mélodie  traînante  et  mono- 
tone; ou  dirait  des  chantres  de  paroisse  fatigués  de  psalmodier 
et  achevant  languissamment  les  derniers  versets  d'un  cantique. 
Un  cicérone  a  dit  qu'il  s'agissait  d'un  chant  de  guerre;  on  ne 
s'en  douterait  pas  à  la  mollesse  du  rhylhme  et  de  l'exécution,  qui 
rappellent  bien  plutôt  un  De  profanais  qu'une  Marseillaise. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  La  deuxiÈme  réunion  des  Orphéonistes  de  France  n'a  pas  complète- 
ment répindu  aux  promesses  de  ses  organisateurs.  Les  journées  du  ven- 
dredi et  do  dimanche  ont  laissé  beaucoup  à  désirer.  Cellede  mardi  a  offert  des 
résultais  plus  satisfaisant  au  point  de  vue  du  chant  d'ensemble;  mais  le' 
festival  en  général  est  res'é  au-dessous  de  son  programme.  D'abord,  les 
8,000  chanteurs  annoncés  se  réduisaient  à  4,000,  par  suite  de  la  scission 
survenue  entre  MM.  Del  porto  et  Vaudin ,  —  scission  doublement  regret- 
table attendu  l'importance  du  but  à  remplir.  Nos  sociétés  orphéonistes 
pèchent  principalement  par  les  nuanres  ;  là,  tout  est  à  apprendre.  Il  nous 
semble  aussi  que  l'alliance  des  musiques  militaires  et  des  chœurs  est  d'un 
fort  mauvais  effet  ;  les  voix  sont  écrasées,  et  l'écho  des  instruments  de 
cuivre,  répercuté  par  cet  immen-e  vaisseau  du  Palais  de  l'Industrie, 
achève  d'annihiler  les  masses  vocales.  —  Espérons  de  meilleurs  résultais 
pour  les  séances  futures. 

—  Nous  empruntons  au  dernier  rapport  lu  par  M.  Halévy,  à  l'Académie 
des  Beaux -Arts,  les  détails  suivants,  qui  rentrent  dans  notre  spécialité: 

Grand  prix  décomposition  musicale:  Atula,  cantate  à  trois  personnages, 
paroles  de  M.  Victor  Roussy.  —  1er  grand  prix  :  M.  Dubois,  élève  de 
MM.  Ambroise  Thomas  et  Bazin  ;  1er  second  grand  prix  :  M.  Salomé,  élève 
de  MM.  Ambroise  Thomas  et  Bazin  ;  2e  second  grand  prix  :  M.  Anlhiome, 
élève  de  M.  Carafa.  Mention  honorable  à  M.  Constantin,  élève  de  M.  Am- 
broise Thomas. 

A  la  suite  des  prix  de  Rome ,  ont  été  accordées  des  récompenses  prove- 
nant des  fondations  dont  dispose  l'Académie. 

L'un  des  prix  fondés  par  le  baron  de  Trémont  (une  somme  de  1,100  fr.) 
a  été  partagé  entre  MM.  Léonce  Cohen  et  Elwart. 

—  Voici  une  lettre  de  Rossini  qui,  tout  intime  qu'elle,  est,  aura  bientôt 
fait  son  tour  du  monde.  Elle  est  adressée  à  M.  Alphonse  Royer,  directeur 
de  l'Opéra  : 

«  Monsieur  et  ami , 
o  Après  une  demande  adressée  par  moi  au  comité  de  la  Société  des  Con- 
cerls  du  Conservatoire  de  musique,  je  viens  d'obtenir  la  faveur  de  faire 
exécuter  un  petit  morceau  vocal  de  ma  composition,  qui  doit  être  donné 
par  la  susdite  Société,  pour  l'élévation  d'un  monument  en- l'honneur  et 
mémoire  du  savant  et  célèbre  Cberubini. 

«  J'ai  composé  mon  morceau  pour  quatre  voix  de  basse  (de  haute  taille) 
à  l'unisson.  Son  titre  est  le  Cliunt  îles  Titans ,  et,  pour  celte  exécution,  il 
me  faut  quatre  gaillards  ;  je  les  réclame  de  vous,  qui  en  êtes  l'heureux  di- 
recteur. Voici  les  noms  : 
Bclval,  \ 

Cazaux,  (  a  perfetta  vicendal 

Faute ,  l  (de  rang  égal.) 

Ouin ,  ) 

«  Comme  vous  le  voyez,  je  noie  par  ordre  alphabétique,  pour  vous  prou- 
ver n'avoir  point  oublié  le  convenirnze  t:utrall  !... 

«Voulez-vous,  mon  cher  monsieur  Royer,  me  donner  une  nouvelle 
marque  de  votre  sympathie  en  vous  faisant  mon  interprète  auprès  de  ces 
messieurs,  en  les  priant  en  mon  nom  de  me  prêter  leur  concours  pour 
l'exécution  de  mon  Ch'int  des  Tilms,  dans  lequel,  russurez-vous,  il  n'y  a 
pas  la  plus  petite  roulade,  ni  gamme  chromali  |ue,  ni  trille,  ni  arpège  ;  c'est 
un  chant  simple ,  d'un  rhylhme  lilanique  et  un  tant  suit  peu  enragé.  Une 
petite  répétition  avec  moi,  et  tout  sera  dit. 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


H  83 


«  Si  ma  santé  me  le  permettait,  j'irais  bien  volontiers  (comme  il  serait 
de  mon  devoir!  chez  vos  vaillants  artistes  réclamer  la  faveur  que  j'ambi- 
tionne :  hélas  I  cher  âmi ,  mes  jambes  fléchissent  autant  que  mon  cœur 
bondit,  et  ce  cœur  vient  à  l'avance  vous  témoigner  toute  sa  vive  reconnais- 
sance ;  il  guide  ma  ma'ii  pour  vous  réitérer  les  sentiments  de  la  plus  haute 
estime  et  l'amitié  sincère  de 

«  Votre  affectionné, 

«GlOACHINO  ROSSINI, 
«  Piaûiste  de  quatrième  classe. 
■  Passy,  15  octobre  1SG1.  d 

—  Les  journaux  de  Berlin  nous  apprennent  que  Meyerbeer,  après  avoir 
dirigé  les  répétitions  des  morceaux  qui  devaient  être  exécutes  à  l'occasion 
des  fêtes  du  couronnement  du  roi,  a  été  atteint  d'une  enflure  aux  jambes. 
Les  médecins  ont  du  lut  défendre  d'une  manière  absolue  le  voyage  de 
Kœnigsberg. 

—  A  Vienne,  on  se  propose  d'ériger  un  monument  au  chanteur  popu- 
laire frère  Augustin,  qui  florissait  dans  cette  capitale  vers  1678.  On  lui 
doit,  entre  autres  productions,  la  fameuse  chanson  allemande  Eij  du  liéber 
Augustin,  qui  a  déjà  bercé  plusieurs  générations. 

—  On  écrit  de  Londres  que  c'est  au  compositeur  anglais  J  Barnett  qu'a 
été  confiée  la  composition  musicale  destinée  à  représenter  l'Angleterre  à 
la  prochaine  exposition  de  Londres. 

—  Notre  poëte  Méry  a  livré  au  jeune  maître  Deffès  le  libretto  d'un  grand 
opjra,  intitulé  le  Vampire.  Cet  ouvrage  ne  ressemble  que  par  le  titre  au 
drame  joué  sur  les  boulevards. 

—  Au  concert  des  courses  de  Saint-Malo,  un  véritable  steeple-chasse 
s'est  engagé  entre  MM.  Gëraldy  et  Félix  Godefroid.  A  eux  seuls  ces  deux 
grands  ai  tistes  ont  défrayé  tout  le  programme  :  ni  l'un  ni  l'autre  ne  s'étaut 
laissé  distancer,  le  public  leur  a  décerné  deux  couronnes,  aux  acclamations 
de  tout  l'auditoire. 

—  On  annonce  le  retour  de  Sighicelli  à  Paris,  après  une  tournée  mu- 
sicale en  Italie  des  plus  brillantes. 

—  MM.  Lyon  et  Coche  ont  donné  deux  intéressants  concerts  à  Lisieux. 
A  notre  avis,  dit  le  Leiovien,  journal  de  la  localité,  M.  Lyon  s'est  surpassé, 
et  M  Coche,  l'habile  flûtiste,  a  largement  partagé  ce  succès.  De  leur  côté, 
Mmc  Lyon  et  MUe  Coche  ont  été  fort  chaleureusement  applaudies,  notam- 
ment dans  leurs  duos  sur  le  piano.  Mme  Lyon  est  une  chanteuse  de  mérite; 
elle  se  montre  la  digne  émule  de  son  mari. 

—  La  cour  de  cassation  vient  de  rendre  un  arrêt  duquel  il  ressort  que 
les  cafés-concerts,  sous  quelque  dénomination  qu'ils  se  présentent,  sont 
réellement  des  spectacles  de  curiosités,  et,  comme  tels,  soumis  à  la  rede- 
vance, au  profit  des  fhéà'res,  de  ?o  pour  cent  dans  leur  recette  brute,  dé- 
duction faite  du  droit  des  pauvres.  Il  est  entendu  que  cet  arrêt  ne  concerne 
pas  les  cafés-concerts  de  Paris,  mais  seulement  ceux  de  nos  départements. 

—  L'association  lilloise  a  donné  le  samedi  12  sa  dernière  séance  d'été, 
dans  laquelle  se  sont  fait  entendre  MIle  Bergamine,  cantatrice,  et  MIIe  Dratz, 
pianiste,  toutes  deux  premiers  prix  du  Conservatoire  royal  de  Bruxel- 
les. Mlle  Bergamine,  douée  d'une  voix  sympathique,  nous  a  fait  en- 
tendre l'air  des  Nozze  de  Figaro,  du  Domino  noir,  et  la  valse  du  Pardon 
de  Ploërmel.  C'est  surtout  dans  ce  dernier  morceau  qu'elle  a  obtenu  un 
légi'ime  sucrés.  Quant  à  MUe  Dratz  elle  se  joue  le  plus  naturellement  du 
monde  des  difficultés  du  piano  ;  aussi  a-t-ellc  provoqué  de  nombreux  et 
justes  app'audissements. 

Après  le  piano  nous  avons  entendu  avec  le  plus  grand  plaisir  M.  Hte 
Chartain,  accordéoniste  renommé.  Cet  artiste  exécute  sur  son  instrument 
les  morceaux  de  violon  de  Mayseder,  Alard,  Bériot,  etc.,  avec  beaucoup 
de  goût  et  une  dextérité  de  doigter  prodigieuse.  Applaudissements,  rappels, 
bis,  rien  ne  lui  a  manqué. 

—  On  nous  écrit  de  Reims  :  «  Il  y  a  quelques  jours,  Mlle  L.  Micheli 
.  nous  donnait  un  concert  avec  le  concours  de  son  frère,  Jules  Micheli,  de 

M.  Allawlla  et  des  artistes  de  la  Société  philharmonique  de  notre  ville. 
M.  Jules  Micheli,  qui  ne  s'était  fait  connaître  à  nous  jusqu'ici  qu'en  qua- 
lité de  bon  chef  d'orchestre,  s'est  révélé  s<>us  un  jour  tout  à  fait  nouveau, 
et  nous  a  motilié  un  mérite  réel  de  violoniste  par  l'exécution,  pleine  de 
goût  et  de  sentiment,  du  Rêve  d'Artot  et  du  duo  de  l'Eclair,  avec  piano, 
de  N.  Louis.  La  barcarolle  du  Bullo  in  musellera,  la  tarentelle  de  Ros- 
sini,  et  une  romance  inédite  de  J.  Micheli,  les  Enfants  et  les  Rosis,  ont 
éfé  chantés  par  M.  Allavilla  de  manière  à  lui  mériter  les  applaudissements 
et  le  rappel  du  public  rémois.  Quant  à  Mllc  L.  Micheli,  elle  s'est  maintenue 
à  la  hauteur  du  talent  dont  elle  a  déjà  fait  preuve  à  Paris,  soit  comme 


compositeur,  soit  comme  chef  d'orchestre;  et  sous  son  habile  direction  les 
artistes,  parmi  lesquels  le  plus  grand  nombre  représentait  dignement  la 
Société  philharmonique  de  Reims,  ont  exécuté  avec  un  ensemble  parfait 
les  ouvertures  de  la  Muette  et  du  Cheval  de  bronze,  ainsi  que  plusieurs 
compositions  de  leur  gracieux  chef  d'orchestre,  entre  autres  :  Benita, 
le  Clairon  des  Zouaves,  l'Amazone  de  Crimée,  les  Viveurs,  et".  Nous  ne 
saurions  enfin  passer  sous  silencelesarlistes  cl  amatcursqui  ont  bien  voulu, 
dans  celte  circonstance,  prêter  l'appui  de  leur  talent  à  la  bénéficiaire. 
Une  mention  honorable  est  due  notamment  à  Mme  Theresa,  et  à  M.  Carré, 
pianiste,  et  Arnoult,  hautbois.  » 

—  La  Gazelte.d'A  ix-la-Chavelle  parle  en  d'excellents  termes  d'un  concert 
donné  dans  celte  ville,  le  26  septembre,  par  M.  Joseph  Franck  au  bénéfice 

■  d'une  œuvre  pieuse.  M.  Joseph  Franck  s'y  est  produit  à  la  fois  comme 
compositeur,  comme  violoniste  et  pianiste. —  Aujourd'hui  cet  artiste  belge 
a  terminé  sa  tournée,  et  déjà  dimanche  dernier  il  a  fait  sa  rentrée  comme 
organiste  du  grand  orgue  de  No're-Dame  d'Auteuil. 

—  La  musique  se  popularise  de  plus  en  plus.  Un  de  nos  artistes  les 
plus  actifs  s'apprête  à  seconder  l'œuvre  de  propagande  par  une  nou- 
velle entreprise  qui  mérite  de  sincères  encouragements.  M.  Pasde- 
loup  vient  de  fonder  des  Concerts  populaires  de  musique  classique, 
c'est-à-dire  de  mettre  Haydn,  M"zart,  Beethoven,  Weber,  Mendelsohn. 
à  la  portée  de  tous  les  porte-monnaie.  La  première  séance  aura  lieu  au- 
jourd'hui à  deuxbeures,  au  Cirque  Napoléon.  Le  programme  se  compose 
de  l'ouverture  â'Obêron,  de  la  symphonie  pastorale,  d'un  concerto  de  vior 
Ion  exécuté  par  M.  Alard,  d'un  hymne  de  Haydn  et  de  l'ouverture  du 
Jeune  Henri. 

—  Le  monde  artiste  et  les  familles  dilettantes,  que  là  belle  saison  avait 
éparpillés  à  tous  les  horizons,  reprennent  successivement  la  route  de  Paris. 
Les  professeurs  retrouvent  leurs  élèves  et  ceux-ci  renouent  le  fil  de  leurs 
études  musicales  interrompu  par  les  vacances.  Parmi  les  maîtres  dont  l'en- 
seignement est  toujours  recherché,  il  faut  citer  Mme  Lweins-d'Hennin  , 
l'excellente  artiste-professeur  qui  réunit  à  un  égal  titre  la  pratique  et  la 
théorie.  Mmo  I  weins-d'  Hennin  a  repris  ses  leçons,  boulevart  de  Sébaslopol ,  62. 
Comme  le  vent  est  à  la  musique  dramatique,  il  nous  semble  utile  de  si- 
gnaler une  méthode  pure  d'exagération,  une  école  de  chant  expressif  qui 
ne  dégénère  point  en  un  système  déclamatoire. 

—  Mrae  Coche,  l'excellent  professeur  du  Conservatoire,  également  de 
retour  à  Paris,  annonce  la  reprise  de  ses  leçons  et  la  réouverture  de  son 
cours  de  piano  pour  le  1er  décembre  prochain. 

—  Le  dimanche  13  c'était  fête  à  l'église  d'Auteuil,  qui  vient  de  s'enri- 
chir d'un  excellent  orgue  sorti  des  ateliers  de  M.  Stolz  et  Ce.  M.  Joseph 
Frank,  organiste  titulaire,  dont  on  connaît  le  talent  et  le  savoir,  a  courtoi- 
sement offert,  pour  cette  fois,  sa  place  au  clavier  à  son  confrère  Ch.  Hess, 
qui  a  fait  valoir  avec  habileté  toutes  les  ressources  de  l'instrument. 

—  M.  Alexis  Dureau  vient  de  faire  paraître  le  premier  volume  d'une 
publication  fort  utile  et  qui  suppléera  à  l'inconstance  de  nos  almanachs  de 
spectacles.  Ce  livre  est  intitulé  :  Noies  pour  servir  à  l'histoire  du  théâtre 
et  de  la  musique  en  France.  M.  Dureau  continuera  ces  notes  d'année  en 
année.  Les  annalistes  futurs  y  puiseront  de  précieux  renseignements.  (Chez 
Clandin,  rue  d'Anjou-Dauphine;  et  chez  Joubert,  passage  du  Saumon.) 

—  Demain  lundi  paraîtront,  chez  tous  les  marchands  de  musique,  les 
ouvrages  suivants,  pour  le  piano,  de  la  compo  ition  de  M.  Henri  Herz  : 
Op.  197,  Air  hongrois,  avec  introduction,  variations  et  final  martial; 
op.  198,  Guirlande  de  fleurs,  valse  de  concert;  op.  199,  le  Départ,  fanfare 
militaire.  Le  même  à  quatre  mains;  op.  201.  Berceuse. 

—  Nous  recommandons  aux  professeurs  et  aux  mères  de  famille  deux 
nouveaux  ouvrages  élémentaires  composés  pour  le  Piano  à  quatre  mains 
par  Adolphe  Le  Cahpextier.  Ces  ouvrages  ont  pour  litres  :  Éléments  de 
Piano  à  quatre  mains,  et  2o  Études  dialorjuées.  —  M.  A.  Le  Carpentier 
rouvrira  ses  classes  de  piano  et  d'harmonie  à  partir  du  1er  novembre,  rue 
du  Petit-Carreau,  8. 

'  —  M.  Félix  Dumont  lui  aussi  vient  de  faire  paraître  un  recueil  d'études 
mélodiques  d'un  excellent  style  ei  destiné  aux  élèves  de  moyenne  force. 
Ces  études  prouvent  en  M.  Félix  Dumont  un  musicien  distingué  en  même 
temps  que  le  professeur  connaissant  bien  l'enseignement  du  piano. 

—  MUc  de  Courcelles,  professeur  de  chant,  ancienne  élève  de  Bordogni, 
reprendra  ses  cours,  à  partir  du  1er  novembre,  les  mardis  et  vendredis. 


J.-L.  IIU.VGEL, directeur 


J.  Lovy,  réducteur  en  chef. 


Typ- Charles  de  Mourgues  frère 


Pour  paraître  le  1er  Novembre,  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


CHANT 

ET 

MÉCANISME 


ÉTUDES 

A 

QUATRE   MAINS 


ÉTUDES  SPECIALES  ET  PROGRESSIVES 


CAMILLE  STAMATY 


(EN   DEUX    LIVRES) 


1™  livre  élémentaire  (op.  46).  —  Prix  :  1S  fr. 

1.  Les  Inséparables.  —  2.  Les  Pèlerins.  —  3.  Muselle.  —  4.  L'Offrande 
du  mai.  —  5.  Le  Couvre-Feu.  —  6.  Fête  champêtre.  —  7.  L'Ondinf.  — 
8.  L'Aimable  Vieille.  —  9.  Les  Fiancés.  —  10.  Air  de  danse.  —  11.  Les 
Patineuses.  — 12.  Pomposa. 


2e  livre  supérieur  (op.  47).  — Prix  :  18  Se. 

1.  La  Joule. —  2.  Arlequinade. —  3.  En  Chasse. —  4.  La  Rafale.— 
5  A  Contre-Temps.  —  6.  Fantaisie,  —  7.  Les  Abeilles.  —  8.  Les  Forge- 
rons. —  9.  Marziale.  —  10.  La  Prise  de  Voile.  —  11.  Terreur  et  Prière. 
—  11  Victoire! 


N.  B.  Ces  Éludes  spéciales  et  progressives  à  quatre  mains,  font  suite  aux  études  à  deux  mains  de  Chant  et  mécanisme  du  môme  auteur. 

Le  premier  livre  élémentaire  à  quatre  mains,  op.  46,  fait  suite  au  premier  livre  pour  les  petites  mains,  op.  37. 
Le  deuxième  livre,  à  quatre  mains,  op.  47,  fait  suite  aux  deuxième  et  troisième  livres  de  moyenne  difficulté  et  de  perfectionnement,  op.  38  et  39. 


AU  MÉNESTREL, 
Magasin  de  Musique,  2  bis,  rue  Vivienne. 

DE 


ABONNEMENT 


HEUGEL  ET  C". 

Éilittiirs-Foomisseiirs  il»  Conservatoire. 


CONDITIONS  ADOPTEES  PAR  LES  EDITEIRS  REM 

Donnant  droit  :  aux  Partitions  françaises  et  italiennes;  Partitions  Piano  solo  ;  Morceaux,  ISuos  et  Trios  de  Piano  ;  enfin,  tonte 
Musique  classique  et  moderne  des  meilleurs  Auteurs  pour  Piano  à  2  et  4  mains,  Piano  et  Violon ,  Piano,  Violon  et  liasse. 


SONT  ENTIEREMENT  EXCLUS  DE    L'ABONNEMENT  .' 

1°  Les  Morceaux  de  Chant  détachés  d'OrÉRAS  italiens  ou  français,  les  Romances,  Mélodies,  Duetti  et  Scènes  détachées  ;  2°  enfin  les  Méthodes, 

Solfèges,  Études  et  Vocalises.  • 


ABOXXEMEKT  POUR  PARIS  :  30  fr.  par  an.  —  Six  mois,  13  fr.  —  Trois  mois,  «S  fr.  —  In  mois,  5  fr. 

L'Abonné  reçoit  trois  Morceaux  de  Piano  à  la  fois,  qu'il  peut  changer  à  volonté,  partiellement  ou  en  totalité;  il  pourra  aussi  remplacer  un  seid  morceau  de 

Piano  par  un  Quadrille  ou  par  une  Valse.  Une  partition  compte  pour  deux  morceaux  de  Piano  et  ne  peut  être  gardée  plus  de  quinze  jours. 

ABONNEMENT  POUR  LA  PROVINCE  :  Pour  la  province  seulement  (et  non  pour  le  département  de  la  Seine) ,  on  donnera  six  Morceaux  à  la  fois;  quant 

aux  autres  conditions  d'abonnement,  elles  restent  les  mêmes  que  pour  Paris.  Les  ports  sont  à  la  charge  de  l'Abonné. 

Tout  abonnement  se  paye  «l'avanee,  plus  nn  dépôt  «le  10  fr.  pour  les  abonnements  sans  partirions,  et  île  30  fr.  pour  ceux  avec  partitions. 

1°  Il  est  délivré  un  Carlon  (AU  PRIX  DE  UN  A  DEUX  FRANCS)  sans  lequel  on  ne  doit  point  changer  la  musique.  —2»  Les  doiglerssur  les  morceaux  donnés 
neufs  sont  rigoureusement  interdits.  —  3»  Les  Abonnés  qui  auront  reçu  des  morceaux  neufs  et  qui  les  apporteront  tachés,  déchirés,  doigtés  ou  incomplets,  devront 
en  payer  la  valeur.— 4"  Tout  abonnement  ne  peut  se  suspendre,  à  quelque  tilre  que  ce  soit.—  5°  Le  service  d'abonnement  ne  se  fait  point  les  dimanches  et  jours  de  fêle. 

Au    MÉNESTREL,    S   bis,    rue  Vivienne,  MUSIQUE,  PIAYOS  et  ORGUES. 


VENTE 


LOCATION. 


PIANOS 


ORGUES 


D'ALEXANDRE. 


DES  MEILLEURS    FACTEURS  DE  PARIS. 


Expéditions  pour  la  France  et  l'Étranger.  —  Location  au  mois  et  à  l'année.  —  Accords  et  Frais  de  transport 

à  la  charge  de  la  Maison  du  Ménestrel. 

N.  B.  Conservation  des  Pianos. —  Un   bon  accordeur  étant  indispensable -pour  la  conservatun  et  le  b<n  entretien   d'un    Piano,  la  Maison  du 
Ménestrel,  se  charge  de  faire  accord -t  et  transporter  à  ses  frais  les  Pianos  livres  en  location. 


790.  —  28°  Aimée. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  3  Novembre 

1861. 


MEN 


££»Oâ 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Ré(lactr  en  chef. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Viwienne.  —  HEUGEL  et  C<%  éditeurs. 

(lui  Magasins  et  Abonnement  <lo  Musique  «lu  MÉNESTREL.  —  Vente  et  location  de  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

Br  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  Zii  Morceaux 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  1  Album» 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province:  J8fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


riAiio. 

Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  te  Morceaux  ■ 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Album*. 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  : 

3"  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  comeïet,  les  53  Morccnux  de  chant  et  de  piano,  les  «1  Albums  prîmes  illustrés. 

Un  an  :  25'  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  Ier  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1»' décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  — Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  a  MM.  HEIiaP.I.  et  Créditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.  ChadesdeMourgues  frères,  (  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-JacquesRousseau,8.—  6505 


SOMMAIRE.  —  TEXTE. 

I.  Concerts  populaires  de  musique  classique.  Amédée  Méreaux. —  II.  Semaine  théâ- 
trale. J.  Lovv.  —  III.  Tablettes  du  pianiste  et  du  chanteur:  Notice  sur  les  tra- 
vaux de  MM.  Erard  (5«  article).  —  IV.  Un  nouvel  organiste.  Paul  Bernard.  — 
V.  Petite  chronique  :  Sociétés  musicales  de  la  Belgique.  Différentes  manières 
d'écouter  la  musique.  —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  PIANO: 

Nos  abonnésàla  musiquedePiANorecevronlaveclenuméro  decejour: 

La  CALABRAISE, 

deJ.  Rosenhain. — Suivra  immédiatement  après  :  La  Fée  du  Bal,  polka- 
mazurka  d'Er>.  Viénot. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant: 

SIMPLE    PROJET 

paroles  et  musique  de  Gustave  Nadaud.  —  Suivra  immédiatement  après: 
Jeanne  d'Arc,  poésie  dos  Messénieniies,  de  Casimir  Delavigne,  musique 
de  Mra8  la  vicomtesse  de  Gbandval. 


AVIS  A   NOS  ABONNES 

Nous  commencerons  dimanche  prochain  les  Mémoires  histori- 
ques d'un  musicien  sur  CHERUBINI,  sa  vie,  ses  travaux,  et  leur 
influence  sur  l'art,  par  M.  Dieudonné  Denne-Baron.  Cet  impor- 
tant travail,  écrit  expressément  pour  le  Ménestrel,  emprunte  un 
double  intérêt  aux  manifestations  qui  se  multiplient  en  France  et 
en  Italie  pour  l'érection  d'un  monument  à  la  mémoire  de  ce  grand 
musicien,  qui  fut  l'honneur  et  la  gloire  de  notre  Conservatoire 
impérial  de  musique  et  de  déclamation. 

Nous  publierons  aussi  très-prochainement,  pour  faire  suite 
aux  intéressantes  études  de  Beethoven  et  F.  Chopin,  une  nou- 
velle notice  de  M.  H.  Barbedette,  sur  WEBER  et  ses  immor- 
telles œuvres,  enfin  nous  préparons  également  les  primes  1861- 
1862,  destinées  à  nos  abonnés.  Musique  et  texte  inaugureront 
dignement  la  29e  année  du  Ménestrel. 


PREMIER  CONCERT  POPULAIRE 

DE 

MUSIQUE   CLASSIQUE 
[  Cirque  Napoléon  ) 


J'ai  eu  l'heureuse  chance  de  me  trouver  à  Paris  dimanche 
dernier,  et  de  pouvoir  assister  a  la  belle  solennité  de  musique 
instrumentale  qui,  dans  la  salle  du  cirque  Napoléon,  a  inauguré 
la  fondation  des  Concerts  populaires  de  musique  classique.  Cette 
fondation,  aussi  utile  que  remplie  d'intérêt,  est  due  au  zèle  intel- 
ligent* et  infatigable  de  M.  Pasdeloup ,  le  fondateur  déjà  et 
le  chef  consciencieux  de  la  Société  des  jeunes  artistes.  Rien  n'est 
mieux  conçu,  rien  n'est  mis  en  œuvre  avec  plus  d'opportunité 
que  sa  nouvelle  entreprise,  à  laquelle  doivent  applaudir  tous 
les  artistes  musiciens  et  tous  les  vrais  amis  de  l'art  musical. 

Les  progrès  de  la  musique  en  France  s'accomplissent  partout 
avec  une  remarquable  rapidité,  et  dans  des  proportions  telles  qu'il 
est  permis  d'espérer  que  d'ici  à  peu  d'années  nous  aurons  recon- 
quis tout  le  terrain  que,  dans  ce  domaine  de  l'intelligence  artisti- 
que et  de  l'éducation  musicale,  nos  voisins  d'outre-Rhin  avaient 
depuis  si  longtemps  gagné  sur  nous. 

Déjà  la  propagande  de  la  musique  vocale  produit  de  notables 
résultats.  Nous  venons  d'en  avoir  une  nouvelle  et  irrécusable 
preuve  dans  la  récente  manifestation  des  sociétés  chorales  qui  a 
eu  lieu  au  Palais  de  l'Industrie,  où  M.  Delaporte  avait  réuui  le 
nombre  imposant  de  plusieurs  milliers  d'orphéonistes  de  Paris  et 
des  déparlements.  Ces  réunions  chorales,  répétées  à  Paris  et  dans 
la  province,  sur  la  grande  échelle  adoptée  par  leur  intrépide  orga- 
nisateur, ont  déjà  répandu  en  France  le  goût  et  l'étude  de  la  mu- 
sique dans  les  masses  populaires,  qui  avaient  été  trop  longtemps 
privées  chez  nous  de  ce  puissant  mobile  de  moralisalion,  et  de  ce 
plaisir  élevé  dans  lequel  le  travailleur  trouve  un  agréable  délas- 


386 


LE  MÉNESTREL. 


sèment,  l'oubli  de  ses  fatigues  et  de  ses  peines,  et  les  bienfaits 
de  l'association  intellectuelle. 

Cette  vulgarisation,  si  bien  assurée  à  la  musique  vocale,  il 
était  temps  de  la  donner  aussi  à  la  musique  instrumentale.  Il  y 
avait  là  une  mission  délicate  à  remplir.  Les  instruments  se  font 
comprendre  des  masses  moins  facilement  que  la  voix.  Fallait-il, 
d'après  des  préjugés  trop  accrédités,  essayer  encore  ce  qu'on  a 
bien  voulu  appeler  «  mettre  la  musique  instrumentale  à  la  portée 
des  masses  »,  c'est-à-dire  la  faire  commune  et  banale  sous  pré- 
texte de  la  rendre  populaire?  Fallait-il  aux  masses,  que  le  goût 
inné  de  la  musique  amènerait  en  foule  à  ces  concerts,  offrir  l'au- 
dition de  plates  symphonies,  de  pots-pourris  décorés  des  noms  de 
fantaisies  ou  caprices,  de.  valses ,  de  polkas,  entremêlées  de 
chansonnettes  comiques?  Fallait-il,  pour  les  concerts,  se  traîner 
sur  les  errements  suivis  pour  les  spectacles,  et  réserver  aux  con- 
certs populaires  la  musique  triviale  et  de  bas  comique,  comme 
on  réserve  le  crime  et  la  charge  aux  théâtres  de  second  ordre? 
Non,  cent  fois  non  !  et  M.  Pasdeloup  a  droit  à  toutes  les  félicita- 
tions possibles,  pour  avoir  compris  aussi  dignement  qu'il  l'a  fait 
la  question  des  concerts  populaires,  et  la  mission  de  l'artiste  qui 
entreprenait  de  les  organiser. 

Le  titre  seul  qu'il  a  donné  à  sa  fondation  artistique  faisait 
bien  augurer  de  la  manière  dont  il  la  mettrait  à  exécution  : 
Concerts  populaires  de  musique  classique.  Son  programme  était 
le  complément  raisonné  et  pratique  de  son  idée  première  ;  la  mise 
en  train  était  en  rapport  complet  avec  l'initiative  ;  le  succès  était 
assuré.  L'ouverture  d'Ohcron,  la  Symphonie  pastorale  de  Beetho- 
ven, le  concerto  de  Mendelssohn,  l'Hymne  d'Haydn,  l'ouverture 
du  Jeune  Henri,  c'était  de  belle  musique,  et  de  la  plus  belle. 
M.  Pasdeloup  était  dans  le  vTai  en  s'adressant  ainsi  aux  masses; 
pour  les  émouvoir  et  les  attacher,  donnez-leur  toujours  ce  qu'il 
y  a  de  meilleur,  de  plus  grand,  de  plus  beau,  et  choisissez  pour 
l'exécution  de  ces  chefs-d'œuvre  les  plus  habiles  virtuoses.  L'or- 
chestre de  M.  Pasdeloup  est  depuis  longtemps  initié  à  l'interpré- 
tation fidèle  de  la  musique  classique.  Alard  est,  sur  son  violon 
magistral,  le  plus  éloquent  organe  d'Haydn,  de  Mozart,  de  Bee- 
thoven ;  il  fallait  son  archet  au  magnifique  concerto  de  Men- 
delssohn. 

M.  Pasdeloup  avait  donc  tout  compris,  tout  prévu  ;  aussi  la 
réussite  de  son  premier  concert  a-t-elle  de  beaucoup  dépassé, 
sans  doute,  ses  espérances.  Six  mille  personnes  garnissaient  du 
haut  en  bas  les  immenses  gradins  de  la  rotonde  du  cirque  Napo- 
léon. Quel  silence  !  quelle  attention  !  A  chaque  trait  de  génie  de 
Weber,  de  Beethoven,  de  Mendelssohn,  d'Haydn  et  de  Méhul, 
quelle  fine  et  chaleureuse  appréciation  !  quel  enthousiasme  !  Les 
bravos,  prêts  à  éclater  irrésistiblement,  sont  contenus  dans  la 
crainte  de  perdre  une  seule  de  ces  notes  inspirées,  puis  ils  font 
explosion,  ils  redoublent,  ils  saluent  cet  orchestre,  dont  la  voix 
multiple  vient  de  révéler  aux  six  mille  auditeurs  transportés  tant 
de  merveilles  symphoniques  qu'ils  ne  connaissaient  pas.  Enfin, 
Alard  est  reçu  comme  l'illustre  chef  de  notre  école  nationale  de 
violon  ;  il  est  accueilli  en  maître  ;  c'est  en  maître  aussi  qu'il  dé- 
taille toutes  les  richesses  de  mélodie  et  d'exécution  que  Men- 
delssohn a  prodiguées  dans  son  admirable  concerto.  A  la  fin  de 
ce  morceau,  ce  ne  sont  plus  des  applaudissements,  ce  sont  des 
acclamations  qui  suivent  Alard,  lorsqu'il  quitte  l'estrade,  et  qui 
le  rappellent  ensuite  pour  lui  décerner  la  plus  sympathique  ova- 
tion. 

Quand  ce  superbe  concert  a  été  terminé,  c'est  l'habile  chef 
qui  l'a  organisé  et  dirigé  avec  tant  de  zèle  qu'on  a  rappelé,  et  à 


qui  l'on  a  payé  en  unanimes  applaudissements  tous  les  plaisirs 
et  toutes  les  émotions  qu'on  venait  d'éprouver  pendant  les  deux 
heures  trop  courtes  qu'a  duré  cette  mémorable  séance,  qu'on 
peut  regarder  comme  le  point  de  départ  d'une  nouvelle  ère  de 
propagation  pour  la  musique  instrumentale,  et  pour  les  chefs- 
d'œuvre  classiques  des  grands  maîtres. 

Amédée  Méreaux. 

Aujourd'hui  dimanche,  3  novembre,  à  deux  heures  précises, 
2°  Concert  populaire  de  musique  classique;  en  voici  le  pro- 
gramme : 

Ouverture  de  la  Flûte  enchantée Mozart. 

Symphonie  en  ut  mineur. Beethoven. 

Fragment  de  concerto,  pour  violoncelle. . .     Molique. 

Exécuté  par  M.  Léon  Jacquard. 

Invitation  à  la  valse Weber. 

Orchestrée  par  M.  Berlioz. 

Ouverture  de  Guillaume  Tell Bossini. 

Soli  :  MM.  Léon  Jacquard  (violoncelle),  Brunot  (flûte), 
Castagnet  (cor  anglais). 


SEMAINE  THÉATKALE. 


Mercredi  dernier,  Alcesle  avait  attiré  la  foule  à  I'Opéra.  Des 
dilettantes  accourent  de  cent  lieues  pour  faire  connaissance  avec 
ce  chef-d'œuvre  de  Gluck.  Il  est  évident  qu'en  adoptant  un  jour 
de  la  semaine  pour  représenter  A  Iceste,  la  salle  sera  comble  cha- 
que fois,  car  Alceste  intéresse  le  public  parisien,  et  aussi 
nos  amateurs  des  départements,  qui,  pour  la  plupart,  préfèrent  la 
musique  sérieuse  à  celle  qui  se  contente  de  chatouiller  agréable- 
ment l'oreille.  En  définitive,  l'Opéra,  par  la  reprise  d' Alceste, 
aura  bien  mérité  de  l'art  dramatique.  Michot  s'élève  chaque  jour 
davantage  à  la  hauteur  du  personnage  d'Admète,  pendant  que 
Mme  Viardot  déploie  toute  sa  verve,  toute  son  âme,  dans  celui 
d' Alceste.  —  Cazaux,  le  grand  prêtre,  partage  avec  Mme  Viardot 
et  Michot  les  honneurs  de  chaque  soirée. 

L'Opéra  nous  promet  toujours  son  nouveau  ballet  l'Étoile  de 
Messine  pour  le  15  de  ce  mois.  Le  chorégraphe  Borri  a  terminé 
son  travail,  et  l'on  procède  aux  répétitions  à  la  scène.  Le  ballet 
de  Mn,e  Ferraris  sera  donné,  tantôt  avec  Alceste,  tantôt  avec  deux 
actes  de  M.  Alary  qui  vont  entrer  en  répétition.  —  Les  études  de 
la  Reine  de  Saba,  de  Charles  Gounod,  vont  être  poussées  avec 
une  nouvelle  vigueur.  Cette  semaine,  les  trois  premiers  actes  ont 
été  lus  au  piano;  mais  M.  et  Mme  Gueymard  avaient  leurs  rôles 
depuis  longtemps,  et  les  savent  en  grande  partie.  Voici  la  distri- 
bution des  personnages  dans  le  drame  de  MM.  Michel  Carré  et 
Jules  Barbier  : 

Mn,e  Gueymard  représentera  la  reine  de  Saba  et  Belval  le  roi 
des  Hébreux;  M.  Gueymard,  un  sculpteur  du  temple,  et  Mlle  Ha- 
makers,  un  petit  sculpteur,  rôle  travesti;  M"e  de  la  Pommeraye, 
confidente  de  la  reine.  II  y  a  trois  ouvriers  au  temple  qui  ont 
quelque  analogie  avec  les  trois  anabaptistes  du  Prophète;  ce 
triple  rôle  sera  tenu  par  Marié,  Coulon  et  Grisy. 

Mardi  dernier,  le  public  du  Théâtre-Italien  a  revu  avec 
grand  plaisir  Maria,  ce  gracieux  lied  en  3  actes  que  l'on  a  si 
heureusement  italianisé,  en  attendant  qu'il  se  naturalise  français. 
—  L'héroine  de  M.  de  Flotow  était  d'ailleurs  représentée  par 
une  débutante  dont  la  voix  et  la  physionomie  ont  excité  la  sym- 
pathie générale.  —  Mme  Volpini  n'est  cependant  ni  une  grande 


MUSIQUE  ET  THÉÀTKES. 


387 


artiste,  ni  une  très-jolie  femme  ;  mais  le  timbre  de  sa  voix  est  si 
agréable,  elle  s'en  sert  avec  tant  de  goût  et  de  distinction,  que 
toute  sa  personne  en  prend  un  cbarnie  dont  on  ne  saurait  se  dé- 
fendre. Aussi  la  nouvelle  Marta,  bien  que  très-émue,  a-t-elle  été 
accueillie  avec  une  faveur  marquée.  Il  en  a  été  de  môme  pour 
notre  baryton  Délie  Sedie,  et  cependant  son  rôle  est  bien  effacé 
dans  Marta.  C'est  dans  le  Barbier  qu'on  l'attend  pour  compléter 
ses  succès  d'Un  Ballo.  Du  reste,  dès  aujourd'hui  l'administration 
veut  s'attacher  ce  chanteur  hors  ligne  pour  trois  nouvelles  années, 
tandis  qu'elle  a  dû  résilier  avec  M.Benventano,  engagé  à  de  gros 
appointements  sur  le  bruit  d'une  réputation  que  Paris  n'a  point 
confirmée. 

Pour  en  revenir  à  Marta,  c'est  Mario  qui  en  a  récollé  les  hon- 
neurs. Une  indisposition  nous  avait  privé  de  sa  présence  pendant 
quelques  soirées;  il  nous  en  a  dédommagé  par  un  véritable  re- 
tour de  jeunesse.  —  On  annonce  la  prochaine  reprise  de  Don 
Pasqaale  pour  la  continuation  des  débuts  de  M.  Délie  Sedie. 
MUe  Battu  prendra  le  rôle  créé  par  Mmo  Grisi. 

La  transmigration  du  désopilant  opéra  Au  travers  du  mur 
s'est  enfin  accomplie  mardi  dernier  à  I'Opéra-Comiqce.  Hâtons- 
nous  de  dire  que  la  petite  partition  de  M.  le  prince  Poniatowski  a 
obtenu  sur  la  scène  de  Favart  un  succès  pour  le  moins  égal  à 
celui  qu'elle  avait  remporté  au  Théâtre-Lyrique,  sous  les  auspices 
de  Battaille. 

Le  rôle  du  mélomane  Thomassini  est  échu  à  Crosli,  artiste  in- 
telligent qui  s'est  tout  à  fait  distingué  dans  cette  nouvelle  lâche. 
Crosli  a  vaillamment  abordé  lous  les  traits  à  l'italienne,  toutes 
les  vocalises  dont  le  compositeur  a  brodé  son  œuvre.  Le  rôle  de 
Blanche  a  eu  pour  interprète  M"6  Marimon,  qui  chante  et  voca- 
lise en  cantatrice  de  primo- car tello.  Gourdin,  Ambroise,  Lagel, 
Mlles  Pannetrat  et  Tuai  complètent  le  personnel.  Mlle  Pannetrat 
remplit  avec  beaucoup  d'entrain  le  rôle  de  Theresine.  Ambroise 
est  superbe  avec  son  trombonne.  Le  fameux  trio  bouffe  a  fait  fu- 
reur. On  a  bissé  les  couplets  naïfs  de  M"e  Tuai  ;  enfin  tous  les 
artistes  ont  été  rappelés. 

Au  travers  du  mur  défrayera  gaiement  les  soirées  de  Favart. 

Au  Théâtre-Lyrique  on  répète  l'opéra  de  MM.  Méry  et 
Deffès,  et  une  nouvelle  partition  en  trois  actes  de  M.  Semet. —  La 
reprise  de  Jaguar ita  est  retardée  par  indisposition.  —  La  Statue, 
les  Dragons  de  Villars,  et  Richard  Cœur-de-Lion,  ont  parfaite- 
ment défrayé  les  soirées  de  la  semaine,  avec  le  Neveu  de  Gulli- 
ver, de  M.  de  Lajarte. 

Le  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  est ,  depuis  une  dizaine  de 
jours,  en  pleine  répétition  du  Pont  des  soupirs.  On  sait  que  cet 
ouvrage  a  dû  être  interrompu  à  la  80e  représentation ,  par  le 
départ  des  Bouffes  pour  l'Allemagne.  La  reprise  du  Pont  des 
soupirs  se  prépare  avec  décors  renouvelés,  costumes  nouveaux, 
ballet  complet,  et  les  premiers  artistes  dans  les  rôles  principaux. 


Le  théâtre  des  Variétés  vient  de  perdre  un  de  ses  meilleurs 
artistes.  Leclère  est  mort  mardi  matin,  des  suites  d'une  maladie 
qui  le  retenait  éloigné  de  la  scène  depuis  quelques  semaines.  Ses 
obsèques  ont  eu  lieu  mercredi  à  l'église  Notre-Dame-de-Lorette, 
où  Gourdin,  de  l'Opéra-Comique,  a  chanté  un  requiem  de  Slra- 
délia.  Le  deuil  était  conduit  par  M.  Warambon,  gérant  de  la 
Gazelle  des  tribunaux,  gendre  du  défunt,  et  par  M.  Hippolyte 


Cogniard,  directeur  des  Variétés.  Tout  le  personnel  du  théâtre 
est  venu  rendre  les  derniers  devoirs  à  l'excellent  artiste  qui  sera 
longtemps  regretté.  On  remarquait  aussi  dans  l'assistance  un 
grand  nombre  d'artistes  des  autres  théâtres,  de  directeurs,  d'au- 
teurs et  d'hommes  de  lettres. 

Après  avoir  enregistré  ce  triste  événement,  nous  ne  pouvons 
mentionner  que  sommairement  les  dernières  nouveautés  repré- 
sentées sur  la  scène  des  Variétés.  Le  Beau  Narcisse,  vaudeville 
en  un  acte,  de  MM.  Th.  Cogniard  et  Deligny  ;  un  Concert  pour- 
rire,  folie-vaudeville,  et  enfin  la  reprise  de  Prospcr  et  Vincent. 

Le  Palais-Boyal,  après  avoir  subi  deux  échecs  dans  la  même 
soirée,  a  pris  une  agréable  revanche  dès  le  lendemain,  en  offrant 
à  ses  habitués  les  Deux  rats,  vaudeville  en  deux  actes,  de  M.  de 
Biéville.  Le  comique  Priston ,  transfuge  du  Gymnase,  a  débuté 
avec  bonheur  dans  cette  pièce  ;  il  a  eu  pour  partenaire  MUe  Bil- 
haut,  une  fringante  soubrette  qu'on  a  vue  naguère  à  l'Odéon. 

Paris  va  assister  à  un  nouvel  essai  de  théâtre  allemand.  Une 
troupe  d'artistes  d'outre-Bhin,  sous  la  direction  de  Mme  Ida 
Bruning,  qu'on  a  justement  surnommée  la  Déjaset  allemande, 
donnera,  à  partir  du  11  novembre,  Salle  Lyrique,  une  série  de 
représentations. 

Le  répertoire  de  Mme  Bruning  se  composera  principalement  de 
comédies  et  d'opérettes  dues  aux  meilleurs  auteurs  de  la  Germa- 
nie. Espérons  que  cette  nouvelle  tentative  sera  plus  fructueuse 
que  celles  qui  l'ont  précédée  dans  ces  dernières  années. 

Nous  ne  quitterons  pas  la  Salle-Lyrique  sans  constater  l'excel- 
lent accueil  qu'a  obtenu  récemment  sur  cette  scène  de  la  rue  de 
la  Tour-d'Auvergne,  MIle  Aminta  Sureau,  élève  de  M"0  Augus- 
tineBroban  et  de  M.  Talbot.de  la  Comédie-Française.  Celte  jeune 
artiste  a  su  captiver  le  public  autant  par  les  grâces  de  sa  personne 
que  par  la  distinction  de  son  jeu.  On  a  reconnu  là  le  germe 
d'un  avenir  dramatique,  que  développeront  sans  doute  le  travail 
et  l'habitude  de  la  scène. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


EXPOSITION   UNIVERSELLE  DE   1835. 


NOTICE  SUR   LES  TRAVAUX   DE  MM.  ERARO. 


Si  nous  voulons,  du  point  où  nous  sommes  arrivés,  jeter  un 
coup  d'œil  rétrospectif,  et  juger  les  services  que  les  frères  Erard 
ont  rendus  à  l'art  qu'ils  ont  créé,  nous  verrons  qu'ils  ont  fait 
les  premiers  pianos  à  Paris  de  leurs  propres  mains.  Us  ont  non- 
seulement  conçu  et  inventé  les  premiers  instruments,  mais  encore 
les  moyens  d'exécution.  A  mesure  que  leur  commerce  s'étendit, 
il  fallut  qu'ils  se  fissent  aider.  On  ne  trouvait  pas  alors  dans 
cette  partie  des  hommes  habiles,  il  fallait  les  former.  Us  ont 
établi,  dès  le  principe,  dans  leurs  ateliers,  la  division  du  travail. 
I|s  ont  formé  des  faiseurs  de  caisses,  des  faiseurs  de  claviers,  des 
mécaniciens,  des  monteurs,  des  égaliseurs,  des  finisseurs,  des 
accordeurs,  etc.  Us  ont  distribué  parmi  ces  différentes  branches 


388 


LE  MÉNESTRKL. 


l'exécution  des  différentes  parties  formant  l'ensemble  de  leurs 
instruments  dont  ils  composaient  et  dessinaient  les  modèles.  Tan- 
dis que  Jean-Baptiste  Erard  surveillait  la  fabrication,  donnait  In 
dernière  perfection  aux  inslruments,  l'autre  frère,  Sébastien,  s'oc- 
cupait d'inventions  et  de  perfectionnements;  et  ceux  qui  l'ont 
connu  n'ont  pas  oublié  avec  quelle  ardeur  et  quelle  persévé- 
rance il  a  continué,  jusqu'à  l'âge  de  près  de  quatre-vingts  ans, 
ses  travaux  d'investigations  et  de  recherches,  méditant,  dessi- 
nant, examinant  toutes  ses  idées,  faisant  lui-même  des  modèles 
dont  il  rejetait  ensuite  la  plus  grande  partie,  pour  ne  conserver 
dans  chacun  que  ce  que  la  réflexion  et  l'expérience  l'amenaient 
à  considérer  comme  parfait. 

Cet  esprit  d'invention  fut  exercé  sur  une  foule  de  sujets,  non- 
seulement  sur  la  construction  des  instruments  de  musique,  mais 
encore  sur  des  machines  et  outils  de  tout  genre  qu'il  inventait 
comme  moyen  de  précision  et  de  vitesse  pour  accélérer  le  travail 
des  ouvriers. 

Dans  toutes  les  branches  de  la  musique  que  Sébastien  a  trai- 
tées, il  a  laissé  des  traces  de  son  génie.  Pianos,  harpes,  orgues, 
on  peut  dire  qu'il  a  fait  pour  ces  trois  instruments,  et  surtout 
pour  les  deux  premiers,  ce  qu'aucun  autre  homme  ne  fera  jamais. 
Les  classes  de  l'Institut ,  réunies  pour  faire  un  rapport  sur  ses 
importants  travaux,  ont  consacré  sa  réputation  en  s'exprimant 
ainsi  sur  son  talent  :  «  Qu'il  était  du  petit  nombre  des  hommes 
qui  ont  commencé  et  fini  leur  art.  » 

Nous  ajouterons  qu'occupé  sans  cesse  de  ses  inventions,  plus 
artiste  que  commerçant,  Sébastien  Erard  avait  négligé  considéra- 
blement sa  maison  de  Paris,  qui,  depuis  la  mort  de  son  frère, 
se  trouvait  entre  des  mains  étrangères.  Si  elle  avait  conservé  h  la 
mort  de  Sébastien  Erard  tout  le  prestige  attaché  au  nom  de  l'hom- 
me qui  avait  tant  fait  pour  son  art,  son  importance  commerciale 
était  bien  déchue.  Une  lourde  tâche  allait  donc  incomber  à 
P.  Erard.  Il  fallait  reconquérir  pour  la  maison  de  Paris  celte 
importance  industrielle  qui  seule  peut  mettre  en  relief  l'impor- 
tance artistique,  et  maintenir  celle  de  Londres  au  degré  de  pros- 
périté où  elle  était  arrivée.  Nous  allons  examiner  comment  cette 
tâche  difficile  fut  remplie. 

Pierre  Erard  recueillit  la  succession  de  son  oncle  dans  un  mo- 
ment extrêmement  difficile.  Il  y  avait  à  peine  un  an  que  la  ré- 
volution de  1830  avait  eu  lieu  ;  le  commerce  et  l'industrie  étaient 
anéantis  ;  le  gouvernement  né  de  cette  révolution  était  constam- 
ment mis  en  péril  par  des  émeutes  formidables,  et  les  valeurs 
mobilières  et  immobilières  ne  se  ressentaient  malheureusement 
que  trop  de  cette  situation. 

Pour  faire  face  aux  obligations  que  lui  avait  laissées  son  oncle 
en  l'instituant  son  héritier,  il  fut  obligé  de  vendre,  dans  des  cir- 
constances défavorables,  cette  magnifique  galerie  de  tableaux  que 
des  rois  avaient  visitée  et  admirée.  Quoique  ce  sacrifice  lui  coû- 
tât beaucoup,  il  n'hésita  pas  un  seul  instant  à  le  faire. 

Sa  seconde  préoccupation  fut  de  relever  cette  fabrique  de  Paris, 
dont  la  mort  de  son  père  et  la  maladie  de  son  oncle  avaient 
singulièrement  contribué  à  réduire  l'importance.  Pénétré  d'admi- 
ration pour  le  génie  de  Sébastien  Erard,  placé  par  son  éducation 
mieux  que  personne  pour  juger  de  la  valeur  de  ses  découvertes, 
il  apporta  dans  son  œuvre  une  foi  et  une  ardeur  qui  ne  connu- 
rent aucun  obstacle. 

La  maison  ne  fabriquait  alors  que  des  pianos  à  queue,  des 
pianos  carrés  et  des  harpes.  11  s'occupa  immédiatement  de  faire 
le  plan  d'un  piano  vertical  qui  pût  un  jour  se  substituera  la  fa- 


brication du  piano  carré,  dont  les  grandes  dimensions  devaient 
être  un  obstacle  à  la  vente,  par  suite  de  l'exiguïté  croissante  des 
appartements.  Ces  pianos  n'eurent  d'abord  que  six  octaves,  de 
l'ut  à  \'ut  ;  nous  verrons  plus  tard  qu'il  les  étendit  jusqu'à  sept 
octaves,  du  la  au  la. 

Son  attention  se  dirigea  ensuite  sur  les  améliorations  de  détail 
à  apporter  à  la  mécanique  à  double  échappement  de  Sébastien 
Erard,  dont  ce  dernier  avait  bien  arrêté  le  principe,  mais  qu'il 
n'avait  pas  eu  le  temps  de  développer  complètement.  Il  fallait 
lui  donner  une  assiette  plus  solide,  étudier  les  bois  qui  devaient 
en  composer  les  différentes  parties,  mettre  ensuite  toutes  les  par- 
ties du  piano  en  harmonie  avec  ce  nouveau  moyen  d'action  ;  tâche 
laborieuse  et  difficile  à  laquelle  il  dévoua  tous  ses  instants. 

A  l'exposition  de  1834,  Pierre  Erard  exposa  deux  pianos  à 
queue,  deux  pianos  carrés,  deux  pianos  verticaux  de  petite  di- 
mension, et  un  piano  horizontal  de  forme  particulière.  Voici 
comment  s'exprime  le  jury  sur  cette  exposition  : 

«  Tous  ces  instruments,  exécutés  avec  un  rare  talent  sur  les 
patrons  et  les  dessins  de  Sébastien  Erard,  sont  d'une  très-belle 
structure.  Les  deux  pianos  à  queue  ont  été  jugés  de  beaucoup 
supérieurs  à  tous  les  instruments  du  même  genre. 

«  Dans  les  pianos  à  queue,  M.  Erard  emploie  le  double  échap- 
pement imaginé  par  son  oncle.  Ce  mécanisme  permet  de  repren- 
dre le  son  avant  que  la  touche  soit  entièrement  relevée  :  par  ce 
moyen  les  exécutants  habiles  peuvent  graduer  à  volonté  l'inten- 
sité du  son  et  donner  à  leur  doigter  une  légèreté  et  une  vitesse 
beaucoup  plus  grandes. 

«  Le  piano  horizontal,  à  forme  particulière,  présenté  par 
M.  Erard,  est  considéré  comme  un  très-bon  instrument. 

«  Neveu  du  célèbre  Sébastien  Erard,  mort  il  y  a  peu  d'années 
dans  un  âge  fort  avancé,  M.  Pierre  Erard  a  relevé  la  fabrique 
que  son  oncle  avait  fondée  et  qu'il  avait  laissée  languir  sur  la  fin 
de  sa  carrière.  L'établissement  occupe  aujourd'hui  cent  cinquante 
ouvriers,  et  confectionne  annuellement  quatre  cents  instru- 
ments. 

«  Cette  fabrique  a  reçu  la  médaille  d'or  aux  expositions  pré- 
cédentes, et  le  jury  la  juge  autant  que  jamais  digne  de  cette  dis- 
tinction. » 

Ce  fut  à  l'occasion  de  cette  exposition  que  le  roi  Louis-Philippe 
nomma  Pierre  Erard  chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 

Pendant  que  Pierre  Erard  dévouait  tous  ses  soins  à  sa  maison 
de  Paris,  il  fut  obligé  de  se  rendre  à  Londres,  où  l'appelait  une 
affaire  du  plus  haut  intérêt.  Le  brevet  qu'il  avait  pris  pour  le 
mécanisme  à  double  échappement  allait  expirer  en  1835,  et  il 
n'avait  encore  recueilli  aucun  fruit  de  son  travail.  L'opposition 
formidable  des  facteurs  anglais  et  les  obstacles  que  l'esprit  de 
routine  oppose  aux  plus  utiles  découvertes  avaient  principalement 
contribué  à  ce  résultat.  Un  acte  récent  du  parlement  donnait  au 
conseil  privé  de  S.  M.  la  reine  le  pouvoir  de  prolonger  la  durée 
des  brevets,  lorsqu'il  serait  prouvé  par  une  enquête  sévère,  d'a- 
bord que  l'objet  était  d'une  utilité  incontestable,  et  ensuite  que  le 
breveté  n'en  avait  pas  retiré  le  fruit  qu'il  en  devait  justement  at- 
tendre. Pierre  Erard  fut  le  premier  qui  invoqua  le  bénéfice  de 
cette  loi.  Une  commission  s'assembla  le  15  décembre  1835.  Elle 
était  composée  de  lord  Lyndhurst,  lord  Brougham,  M.  Peel,  ba- 
ron Parke,  M.  Cresswell,  ingénieur,  etc.,  etc.  Elle  entendit  des 
professeurs  de  musique  et  des  ingénieurs  célèbres  sur  les  mérites 


TABLETTES  DU   PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


.'389 


de  l'invention,  et,  après  une  enquête  minutieuse,  elle  accorda 
la  prorogation  du  brevet,  «  en  considération  du  service  que 
M.  Erard  rendait  à  l'industrie,  en  créant  une  nouvelle  branche 
de  fabrication  supérieure  à  l'ancienne.  » 

Après  avoir  terminé  cette  importante  affaire  à  sa  satisfaction, 
Pierre  Erard  revint  à  Paris  où  il  s'occupa  d'apporter  à  la  harpe 
des  modifications  qui,  sans  en  altérer  le  principe,  devaient  lui 
donner  plus  de  force  et  de  puissance. 

Ce  nouveau  modèle  de  harpe  fut  bientôt  adopté  par  tous  les 
grands  harpistes,  tels  que  Labarre,  Gatayes,  Godefroy,  en  France; 
Alwars,  Chatterton  et  Thomas,  en  Angleterre;  et  on  peut  le 
classer  aujourd'hui  parmi  les  instruments  les  plus  complets  sous 
tous  les  rapports. 

En  1838,  Pierre  Erard  introduisit  dans  son  grand  piano  un 
perfectionnement  nouveau  qu'il  appela  barre  harmonique.  Son 
but  était  de  donner  aux  dessus  des  grands  pianos  un  degré  de 
pureté  et  d'intensité  qui  leur  manquait  pour  que  cette  partie  du 
clavier  fût  en  harmonie  avec  les  basses  et  le  médium.  Il  fut  com- 
plètement atteint. 

Aussi  le  jury  de  l'exposition  de  1839  décerna-t-il  une  nouvelle 
médaille  d'or  à  Pierre  Erard. 

La  maison  de  Paris  avait  alors  le  rang  industriel  que  compor- 
tait sa  réputation  artistique.  Ses  débouchés  s'élargissaient  de  plus 
en  plus.  La  solidité  de  sa  fabrication  faisait  rechercher  ses  pianos 
dans  les  climats  les  plus  divers,  et  cependant  son  organisation 
intérieure  était  telle  que  jamais  il  ne  sortit  de  chez  elle  un  piano 
négligé,  si  nombreuses  que  fussent  les  demandes  qu'elle  eût  à 
satisfaire. 

En  1849,  Pierre  Erard  fut  appelé  à  siéger  parmi  les  membres 
du  jury  de  l'exposition,  et  la  commission  des  instruments  de  mu- 
sique le  nomma  son  rapporteur.  Il  fit  preuve,  dans  ces  fonctions 
délicates  de  la  plus  grande  impartialité  ;  et  il  sut  s'élever  dans  les 
considérations  préliminaires  de  son  rapport  à  la  hauteur  de  vues 
que  l'on  devait  attendre  d'un  homme  aussi  compétent  que  lui  en 
ces  matières. 

En  1850,  M.  Pierre  Erard  prit  un  nouveau  brevet  pour  un 
système  de  barrage  en  métal.  Un  sommier  de  bronze  parallèle 
aux  chevilles  forme  avec  le  sommier  d'attache  en  fer  un  châssis 
en  métal,  maintenu  par  un  barrage  longitudinal  dans  le  sens  des 
cordes,  afin  de  supporter  leur  tirage. 

Ce  barrage  fut  appliqué  ensuite  par  lui  à  un  nouveau  piano  à 
queue  dit  de  concert,  ayant  des  proportions  un  peu  plus  grandes 
que  celles  du  grand  piano  ordinaire.  Ce  modèle  possède  une 
puissance  de  son  remarquable,  sans  que  le  clavier  qui  fait  agir 
le  marteau  cesse  un  moment  d'être  facile  à  jouer  et  égal.  Pierre 
Erard  imagina  d'ajouter  à  ce  piano  un  clavier  de  pédales  de  deux 
octaves  et  demie,  permettant  à  l'artiste,  lorsqu'il  exécute  le  chant 
dans  la  partie  du  médium  et  des  dessus,  de  faire  l'accompagne- 
ment des  basses  avec  le  pied,  et  de  doubler  à  volonté  l'octave  s'il 
le  juge  nécessaire  pour  l'effet  qu'il  veut  produire.  Cette  invention 
a  été  fort  appréciée  par  MM.  V.  Alkan  et  Lefébure-Wély,  qui 
en  ont  tiré  des  ressources  merveilleuses  pour  l'exécution  de  la 
musique  ancienne. 

[La  fin  au  prochain  numéro.) 


M  NOUVEL  ORGANISTE 


M.    ALEXANDRE   OUILIWAIVT 

Une  réunion  spéciale  d'artistes  avait  été  convoquée  il  y  a  quel- 
ques jours  pour  entendre  tout  à  la  fois  un  nouvel  orgue  d'église 
destiné  à  la  cathédrale  d'Arras,  et  un  jeune  organiste  inconnu 
jusqu'ici  sur  notre  sphère  parisienne. 

Chacun  sait  ce  que  valent  les  grandes  orgues  de  MM.  Merklin, 
Schûlze  et  Cie;  on  n'a  pu  que  constater  une  fois  de  plus  les  belles 
qualités  obtenues  déjà  dans  celles  de  Saint-Philippe-du-Roule 
par  ces  habiles  facteurs. 

Mais  ce  que  nul  ne  savait,  et  ce  qui,  il  faut  l'avouer,  a  étonné 
tout  le  monde,  c'est  le  mérite  réel  et  incontestable  du  jeune  artiste 
qui,  venant  demander  à  Paris,  la  grande  ville,  ses  conseils  et  ses 
encouragements,  y  a  trouvé  mieux  que  cela,  ses  couronnes  et  sa 
consécration. 

M.  Alexandre  Guilmant,  fils  d'un  organiste  de  Boulogne-sur- 
Mer,  devait  être  musicien  avant  de  naître,  tout  comme  la  fleur 
porte  sa  couleur  avant  de  s'ouvrir  ;  sou  premier  pas  a  dû  se  for- 
muler sur  le  pédalier  d'un  grand  orgue.  C'est  dire  que,  dès  son 
enfance,  M.  A.  Guilmant  se  familiarisait  avec  le  caractère  austère 
et  grandiose  de  ce  clavier  céleste,  et  aussi  avec  les  difficultés  ma- 
térielles de  son  exécution.  Porté  par  goût  vers  les  œuvres  des 
grands  maîtres,  on  sent  en  l'écoutant  que  ses  études  ont  été  sé- 
rieuses et  que  l'initiation  des  belles  choses  est  resté  son  but 
constant.  A  vingt  ans  il  rencontre  M.  Lemmens,  le  célèbre  orga- 
niste belge.  Celui-ci  l'adopte  comme  élève,  lui  inculque  sa 
grande  manière,  son  jeu  ferme  et  concis,  son  doigté,  son  mer- 
veilleux emploi  des  pédales,  et  aujourd'hui,  maître  et  élève  se 
glorifient  l'un  de  l'autre.  Bruxelles  avait  déjà  salué  ce  jeune  ta- 
lent, mais  M.  Guilmant  est  Français,  et  c'est  à  Paris  qu'il  est  ve- 
nu réclamer  son  véritable  baptême. 

L'autre  jour  donc,  pour  armer  ce  nouveau  chevalier,  la  réu- 
nion était  peu  nombreuse,  mais  bien  choisie.  Présidée  en  quel- 
que sorte  par  M.  Fétis,  le  savant  directeur  du  Conservatoire  de 
Bruxelles,  elle  offrait,  dans  ses  rangs,  MM.  Benoist,  Lefébure, 
Adrien  de  la  Fage,  Elwart,  Batiste  et  beaucoup  d'autres  encore. 
Jugé  ainsi  par  ses  pairs,  le  jeune  organiste  boulonnais  a  dû  être 
satisfait  de  recevoir  une  sanction  aussi  éclatante,  et,  il  faut  bien 
le  dire,  aussi  méritée. 

M.  Guilmant  joue  les  pédales  d'une  façon  vraiment  supérieure 
et  l'on  est  tout  étonné  d'y  entendre  se  formuler  les  traits  les  plus 
compliqués.  Il  pousse  fort  loin  la  science  des  jeux,  leur  agence- 
ment, leurs  oppositions  ;  à  vrai  dire,  il  orchestre  avec  ses  doigts. 
Du  reste,  M.  Guilmant  nous  fait  espérer  un  compositeur  de  pre- 
mier mérite.  Il  a  joué,  entre  autres  choses,  une  méditation  dans 
laquelle  le  charme  l'emporte  peut-être ,  ce  qui  est  rare,  sur  un 
style  contre-pointe  persistant,  le  tout  dans  une  couleur  classique 
très-prononcée.  C'est  là  une  de  ces  œuvres  qui  doivent  prendre 
rang  à  côté  des  belles  pages  consacrées,  et,  n'eût-il  fait  que  cela, 
n'eût-il  pas  joué  en  maître  un  instrument  aussi  difficile  que  l'or- 
gue, nous  nous  empresserions  de  lui  prédire  ici  une  grande  et 
honorable  place  dans  l'art  musical  religieux. 

M.  Alexandre  Guilmant  n'a  fait  que  passer  à  Paris.  Nous 
sommes  persuadé  que,  tôt  ou  tard,  ce  sera  là  le  centre  de  ses  futurs 
travaux. 

Paul  Bernakd. 


390 


LE  MÉNESTREL. 


PETITE  CHRONIQUE. 

SOCIÉTÉS   MUSICALES    DE  BELGIQUE. 

M.  Amédée  Acbard  nous  donne,  dans  son  feuilleton  du  Jour- 
nal des  Débats,  de  curieux  et  spirituels  détails  sur  les  «  Sociétés  » 
de  tout  genre  qui  embellissent  la  Belgique.  — Nos  lecteurs  nous 
sauront  gré  de  leur  communiquer  le  passage  suivant  : 

«  Un  perpétuel  sujet  d'étonnement,  c'est  la  quantité  de  mu- 
siques que  peut  renfermer  une  ville  belge.  Où  donc  a-t-on  pu 
trouver,  avec  tant  d'instruments,  tant  de  personnes  qui  savent 
en  jouer  ?  Les  orchestres  passent  en  remplissant  l'air  du  bruit 
de  mille  fanfares,  el,  tandis  qu'ils  s'éloignent,  voici  que  de  nou- 
velles fanfares  éclatent  au  bout  de  la  rue. 

«  Ce  ne  sont  que  cortèges  qui  défilent  au  son  des  trompettes 
et  des  hautbois.  La  musique  marche  en  première  ligne;  sur  le 
flanc  de  la  colonne  dansent  et  sautillent  des  groupes  de  jeunes 
filles  qui  se  tiennent  parla  main;  le  cortège  vient  ensuite,  ac- 
compagnant les  dignitaires  qui  portent  majestueusement  les 
bannières  de  la  Société.  Çà  et  là  d'autres  dignitaires  promènent 
au  bout  de  longues  perches  rehaussées  d'enjolivements,  ou  sur 
des  coussins  de  velours,  les  prix  offerts  aux  vainqueurs,  montres 
et  couverts  d'argent,  pendules  sous  leur  globe  de  verre  et  tim- 
bales reluisantes,  flambeaux  et  fusils  d'honneur  tout  battant 
neufs. 

«  Chaque  cortège  représente  une  société.  Et  quel  homme  en 
Belgique  n'appartient  pas  à  une  société?  C'est  ici  la  coutume  de 
se  grouper,  et  nul  ne  manque  à  cette  sage  coutume.  Que  d'autres 
rient  de  ces  vieux  usages  pieusement  conservés,  on  me  permet- 
tra de  n'en  pas  avoir  le  triste  courage.  Rien  de  plus  honnête 
el  de  plus  fertile  en  bons  résultats.  L'on  se  réunit  pour  tirer  de 
l'arc  et  de  la  carabine,  pour  élever  des  oiseaux  ou  cultiver  des 
fleurs,  pour  apprendre  à  chanter  ou  faire  de  la  musique  ;  on  se 
connaît,  on  s'apprécie;  des  liens  d'estime  et  d'amitié  se  nouent  ; 
on  n'est  plus  un  individu,  on  est  un  associé;  on  n'est  plus  seul, 
on  a  des  compagnons,  des  amis.  On  s'était  groupé  en  vue  d'un 
plaisir  éphémère;  viennent  les  mauvais  jours,  on  s'enlr'aide,  on 
se  console,  on  se  soutient.  » 


DES    DIFFÉRENTES    FAÇONS   D ÉCOUTER   LA    MUSIQUE. 

D'après  le  Guide  musical  belge,  chaque  nation  a  sa  manière 
d'entendre  un  concert. 

«  En  Angleterre,  le  silence  le  plus  profond  règne  dans  toute  la 
salle...  pendant  les  intervalles  des  morceaux.  La  conversation 
commence  avec  la  musique.  Les  dames  surtout  bavardent  avec 
frénésie  tant  que  le  chef  d'orchestre  bat  la  mesure,  tant  que 
l'accompagnateur  a  les  doigts  sur  le  clavier.  Au  dernier  accord, 
les  conversations  s'arrêtent  comme  par  enchantement.  On  ap- 
plaudit avec  plus  ou  moins  d'entrain,  suivant  la  réputation  de 
l'artiste,  et  on  se  tait  jusqu'au  prochain  morceau.  Cela  seul  ex- 
plique le  stoïcisme  avec  lequel  les  Anglais  supportent  des  concerts 
qui  ont  trois  parties,  vingt-cinq  morceaux,  et  durent  toute  une 
après-midi. 

«  En  France,  on  écoute  un  peu,  on  lorgne  beaucoup.  La  con- 
versation accompagne  la  musique,  mais  elle  ne  s'arrête  pas  pen- 
dant les  entr'actes. 

«  En  Italie,  on  écoute  un  ténor  ou  une  prima-donna,  on  ap- 
plaudit avec  fanatisme. 


«En  Allemagne,  on  savoure  la  musique;  on  la  digère,  on  la 
médite. 

«Aussi,  au  point  de  vue  musical,  l'Anglais  est  glouton,  l'Italien 
gourmet,  le  Français  sceptique,  l'Allemand  philosophe,  et  il  y  a 
dans  sa  philosophie  un  mélange  de  logique  et  de  mysticisme 
qu'on  ne  trouve  pas  ailleurs  que  là.  » 

Pour  l'honneur  du  goût  musical  français,  nous  n'ajouterons 
qu'un  mot  aux  impressions  du  Guide  musical  belge  :  M.  Schott, 
le  célèbre  éditeur  de  Mayence,  qui  assistait  l'hiver  dernier  à 
l'une  de  nos  séances  de  la  Société  des  Concerts  du  Conservatoire, 
fut  non-seulement  frappé  de  notre  incomparable  exécution  des 
symphonies  de  Beethoven,  mais  aussi  du  recueillement  et  de 
l'enthousiasme  des  dilettantes  français.  Il  voulut  bien  reconnaître 
dans  ce  fidèle  auditoire  de  notre  Société  des  Concerts  du  Con- 
servatoire le  premier  public  du  monde  musical.  —  Il  est  vrai 
que  M.  Schott  s'empressa  d'ajouter,  avec  une  malicieuse  bonho- 
mie germanique,  qu'il  ne  l'aurait  pas  soupçonné  tel,  ce  qui  est 
bien  l'expression  de  l'opinion  générale  des  musiciens  allemands 
envers  les  dilettantes  français. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  S.  M.  le  roi  de  Prusse  a  institué  à  Kœnigsberg,  sous  le  titre  tordre 
de  la  Couronne,  une  nouvelle  distinction  destinée  à  un  très  petit  nombre  de 
personnes.  Les  insignes  de  cet  ordre  viennent  d'être  conférés  à  l'illustre 
maestro  Meyerbeer. 

—  Un  speetacle-gala,  donné  le  23  à  l'Opéra  de  Berlin,  a  inauguré  les 
fêtes  qui  ont  célébré  le  retour  du  roi  dans  la  capitale  de  ses  Etats.  On  a  re- 
présenté Olympie,  opéra  de  Spontini.  Mme  veuve  Spontini,  arrivée  la  veille 
de  Paris,  assistait  à  cette  représentation. 

—  Les  correspondances  de  Vienne  nous  apprennent  que  la  Guerre  do- 
mestique, opérette  posthume  de  François  Schubert,  a  reçu  un  accueil  en- 
thousiaste au  théâtre  de  la  Cour. 

—  M.  Alfred  Musard  a  donné  son  premier  concert  à  Vienne,  le  19  octo- 
bre. Il  y  a  eu  succès ,  mais  aussi  beaucoup  d'opposition,  comme  on  devait 
s'y  attendre. 

—  M.  Carozzi  vient  d'être  nommé  directeur  du  Théâtre-Impérial  de 
Saint-Pétersbourg. 

—  Dans  les  derniers  jours  d'octobre  a  été  célébré  dans  la  chapelle  russe, 
à  Paris,  le  mariage  de  M.  le  général  Ratmanoff,  conseiller  d'Etat  et  cham- 
bellan de  S.  M.  l'empereur  de  Russie,  avec  M"e  Wilden,  jeune  pianiste  qui, 
l'année  passée,  a  obtenu  le  premier  prix  au  Conservatoire ,  et  dont  le  père 
occupe  en  Russie  une -très-honorable  situation.  C'est  la  seconde  pianiste 
que  nous  voyons,  depuis  peu,  épouser  de  grands  personnages.  Autrefois 
ce  privilège  était  monopolisé  par  nos  cantatrices  en  renom. 

—  S.  M.  l'empereur  de  Russie  vient  de  faire  remettre  à  MM.  Léon  et 
Emile  Waldteufel,  deux  bagues  en  diamants  et  en  rubis.  Les  jeunes  com- 
positeurs avaient  dédié  à  ce  souverain  deux  marches  intitulées  :  Alexandre 
et  Nicolas.  M.  le  comte  d'Adlersberg,  ministre  de  la  maison  de  l'empereur, 
leur  a  exprimé  dans  une  lettre  des  plus  gracieuses  les  remerciements  et  la 
satisfaction  de  S.  M. 

—  Les  journaux  italiens  annoncent  que  Verdi  n'a  pas  accepté  la  prési- 
dence de  la  commission  instituée  pour  rédiger  les  nouveaux  statuts  du 
Conservatoire  de  Milan. 

—  On  annonce  le  retour  à  Paris  de  Mme  Frezzolini,  et  son  intention  de  se 
faire  entendre  prochainement  dans  trois  grands  concerts,  salle  I-Ierz. 

—  L'Académie  des  Reaux- Ar  ts  avait  proposé  cette  année,  pour  le  concours 
Bordin  le  sujet  suivant  : 

Histoire  de  la  Musique  en  France,  depuis  le  quatorzième  siècle  jusqu'à 
la  fin  du  dix-huitième,  en  divisant  ce  travail  en  trois  études:  Travaux  des 
théoriciens  ;  Musique  d'église;  la  Chanson,  le  Drame  lyrique,  la  Sympho- 
nie. 


NOUVELLES   ET  ANNONCES. 


391 


L'Académie,  n'ayant  reçu  pour  ce  concours  que  des  ouvrages  déjà  publiés 
qui  ne  remplissaient  pas  les  conditions  du  programme,  a  remis  ce  sujet  au 
concours  pour  1863,  et  elle  a  décidé  que,  cette  année,  la  fondation  Bordin 
serait  partagée  en  cinq  médailles  de  600  fr.  chacune,  décernées  ex  œquo  à 
autant  d'ouvrages  publiés  récemment,  ou  en  cours  de  publication,  qui  in- 
téressent les  beaux  arts  et  se  recommandent  par  des  mérites  différents. 
Aucun  ouvrage  concernant  la  musique  n'a  reçu  ce  témoignage. 

—  M.  Léon  Kreutzer  a  cru  devoir  décliner  l'honneur  du  prix  d'encou- 
ragement que  voulait  lui  décerner  la  section  de  musique  de  l'Institut,  pour 
sa  musique  de  chambre.  M.  Kreutzer,  n'ayant  point  brigué  cet  honneur, 
déclare  n'y  avoir  aucune  espèce  de  droit. 

—  Au  concours  d'opéra-comique  ouvert  à  Bordeaux ,  dans  lequel  cin- 
quante et  une  partitions  ont  été  examinées,  le  prix  a  été  décerné  à 
M.  "Victor  Chéri.  Le  jury  a  en  outre  accordé  quatre  mentions  honorables 
dans  l'ordre  suivant  :  La  première  mention  honorable  à  l'auteur  de  la  par- 
tition ayant  pour  épigraphe  :  «  Grand  ne  puis ,  artisan  ne  daigne,  artiste 
suis.  »  La  deuxième  mention  honorable  à  l'auteur  de  la  partition  ayant 
pour  épigraphe  :  «  Fais  ce  que  dois,  advienne  que  pourra.  »  La  troisième 
mention  honorable  à  l'auteur  de  la  partition  ayant  pour  épigraphe  :  «  Ce 
que  l'on  conçoit  bien  s'énonce  clairement.  »  La  quatrième  mention  hono- 
rable à  l'auteur  de  la  partition  ayant  pour  épigraphe  :  «  A  la  grâce  de  Dieu 
et  vive  Henri  IV.  » 

Les  plis  des  quatre  partitions  qui  viennent  d'être  indiquées  par  leur  épi- 
graphe ne  seront  décachetés  et  les  noms  des  auteurs  ne  seront  connus  et 
publiés  qu'après  avoir  reçu  leur  assentiment.  En  conséquence,  les  auteurs 
de  ce$  quatre  partitions  pourront,  s'ils  le  veulent,  envoyer  leur  autorisation 
à  M.  Adrien  Sourget ,  secrétaire  général  de  la  Société  de  Sainte-Cécile,  à 
Bordeaux,  rue  d'Aviau.  Une  médaille  d'argent,  grand  module,  porlant  l'in- 
dication de  la  mention  honorable  et  le  nom  de  l'auteur  couronné,  sera  re- 
mise aux  compositeurs  qui  autoriseront  la  rupture  du  pli  cacheté. 

—  Notre  baryton  Géraldy,  déjà  retenu  pour  la  prochaine  saison  de  Bade, 
vient  d'èlre  également  engagé  par  les  eaux  d'Ems.  On  le  voit,  nos  impres- 
sarii  d'été  ne  perdent  pas  de  temps,  surtout  quand  il  s'agit  d'artistes  en  ré- 
putation. 

.—  Aujourd'hui  dimanche,  3  novembre,  à  l'occasion  de  la  fête  patronale, 
M.  Hurand,  maître  de  chapelle  à  Saint-Euslache ,  fera  exécuter  en  cette 
église,  une  messe  à  grand  orchestre,  composée  par  M.  F.  Benoist,  profes- 
seur au  Conservatoire  impérial  de  musique.  M.  Ed.  Batiste,  organiste  de  la 
paroisse,  tiendra  le  grand  orgue. 

—  Nous  nous  empressons  d'annoncer  que  M.  Rubini,  voulant  procurer 
aux  amateurs  de  bonne  musique  le  moyen  de  se  réunir  et  de  faire  de  la 
musique  d'ensemble,  ouvrira  chez  lui,  14,  rue  de  Berlin,  les  lundi  et  jeudi, 
à  partir  du  15  novembre,  un  cours  de  chant  et  de  musique  d'ensemble. 
Nous  ne  doutons  pas  que  M.  Rubini  réussisse  dans  son  entreprise  ;  il  se 
propose  de  faire  exécuter  un  choix  des  plus  beaux  morceaux  de  l'ancienne 
e£de  la  nouvelle  musique,  les  moins  connus  à  Paris.  Son  talent  comme 
professeur  de  chant,  et  le  bon  goût  dont  il  fait  preuve  dans  l'organisation 
des  plus  belles  soirées  musicales  qui  se  donnent  dans  nos  principaux  salons, 
nous  sont  garants  du  succès. 

—  On  se  rappelle  combien  fut  appréciée  la  nouvelle  méthode  au  moyen 
de  laquelle  M.  Bernardin  Rahn  a  rendu  la  science  de  l'harmonie  et  de  la 
composition  musicale  facilement  abordable  à  tous  et  même  attrayante;  car, 
dès  la  première  leçon,  il  met  ses  élèves  en  état  de  composer  un  chant  avec 
accompagnement.  Quelque  extraordinaires  que  paraissent  ces  résultats, 
M.  Rahn  a  su  les  obtenir  par  des  procédés  rigoureusement  scientifiques. 
Désireux  de  faire  juger  par  tout  le  monde  les  moyens  qu'il  emploie, 
M.  Rahn  a  donné  mercredi  soir  au  cercle  des  sociétés  savantes,  une  séance 
publique  et  gratuite  qui  a  vivement  intéressé  l'auditoire. 

■  —  Mme  veuve  Lande  jeune  (née  Massy),  ancienne  élève  de  MM.  Ponchard 
et  Boulangé-Kunzé,  nous  prie  de  faire  savoir  qu'à  la  demande  générale  des 
mères  de  famille,  elle  vient  de  reprendre  chez  elle,  rue  d'Aval  Saint- 
Antoine,  11 ,  le  cours  de  ses  leçons  de  chant.  Nous  félicitons  Mme  Lande 
jeune,  de  cette  résolution,  qui  nous  permettra  de  compter  un  bon  pro- 
fesseùrîde  plus.  Mme  Lande  est  disciple  de  l'école  de  Mme  Hébert-Massy, 
sa  sœur;  la  reprise  de  ses  cours  est  une  bonne  fortune  pour  les  jeunes 
personnes  qui  se  confieront  à  son  enseignement. 

—  La  réouverture  des  cours  de  chant  de  M.  Kœnig  aura  lieu  le  mardi 
5  novembre,  rue  de  Provence,  n°  7. 

—  On  lit  dans  VOrphëon  :  «  Sous  ce  litre  :  les  Caractéristiques,  M.  Paul 
Wagner  dont  on  connaît  déjà  les  charmantes  compositions,  vient  de  publier 


une  série  de  douze  petits  morceaux  de  genre  pour  le  piano.  Ces  douze 
morceaux,  destinés  aux  jeunes  élèves,  sont  doigtés  avec  le  soin  le  plus  mi- 
nutieux ;  ils  se  distinguent  par  l'élégance  et  la  fraîcheur  de  la  mélodie,  aussi 
bien  que  par  la  variété  et  la  simplicité  de  la  forme.  Ce  sont  douze  petits 
poèmes  enfantins,  pastoraux,  sentimentaux  ou  joyeux ,  propres  surtout  à 
former  le  goût  de  la  jeunesse  et  à  initier  les  enfants  aux  secrets  de  la  grâce 
et  de  l'expression.  Voici  les  titres  des  douze  morceaux  do  la  série  : 

»  N°  1,  les  Ëtrennes,  valse  ;  n°  2,  la  Danse,  polka  ;  n°  3,  les  Déguise- 
ments ,  quadrille  ;  n°  4,  le  Poisson  d'Avril ,  fantaisie  ;  n°  5,  le  Réveil  du 
Coucou,  fantaisie;  n°  7,  Fête  champêtre,  quadrille;  n°  8,  Chanson  des 
Moissonneurs,  fantaisie  ;  n°  9,  la  Chasse,  fantaisie  ;  n°  10,  les  Vendangeurs, 
fantaisie  ;  n"  11,  la  Veillée,  fantaisie  ;  n°  12,  Noël,  fantaisie. 

On  peut  se  procurer  chaque  numéro  séparément,  ou  la  série  entière,  soit 
aux  bureaux  de  YOrpIiéon,  rue  Notre-Dame-de-Nazareth,  61,  soit  chez  l'au- 
teur, M.  Paul  Wagner,  rue  Feydeau,  1.  » 

—  Deux  quatuors  nouveaux  de  C.  Estienne  paraîtront  incessamment 
chez  Richault,  éditeur.  L'un  de  ces  quatuors  est  dédié  à  Sivori,  et  l'autre  à 
Maurin. 

—  MM.  Mangeot  frères  et  compagnie,  fabricants  de  pianos  à  Nancy,  ont 
obtenu  une  médaille  de  lre  classe  à  l'exposition  universelle  de  Metz.  Cette 
distinction  est  des  plus  significatives.  On  sait  que  l'industrie  des  pianos 
était  représentée  à  cette  exposition  par  des  fabricants  renommés  de  Paris 
et  de  Strasbourg. 

—  Voici  l'état  des  receltes  brutes  qui  ont  été  faites  pendant  le  mois 
de  septembre  dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit  des 
indigents. 

Théâtres  impériaux  subventionnés 241,267  fr.  33  c. 

Théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles   795,341      20 

Concerts,  speclacles-concerts,  cafés-concerts,  bals.  151,683      75 

Curiosités  diverses 27,721      60  . 

Total 1,216,013      88 

—  Concert  des  Champs-Elysées.  —  La  dernière  matinée  musicale  a  eu 
lieu  dimanche  dernier  27  octobre.  L'orchestre  conduit  par  Arban,  est  l'un 
des  meilleurs  de  Paris,  et  le  répertoire  musical,  aussi  varié  que  choisi,  fait 
honneur  au  goût  et  à  l'intelligence  de  M.  de  Besselièvre,  le  directeur  de 
ce  bel  établissement.  Les  concerts  donnés  le  dimanche  pendant  la  deuxiè- 
me quinzaine  de  septembre  et  pendant  le  mois  d'octobre  ont  clôturé  digne- 
mrnt  la  saison  de  1861. 


—  Deux  nouveaux  volumes  des  chansons  de  Gustave  Nadaud  viennent 
de  paraître  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  et  seront  bientôt  suivis  des 
deux  derniers  qui  viendront  compléter  cette  piquante  collection  des  chan- 
sons populaires  de  notre  poète-musicien.  On  sait  que  ces  volumes  réunis- 
sent paroles,  musique  et  accompagnement  de  piano  de  chaque  chanson, 
depuis  le  n°  1,  Vieille  Histoire,  jusqu'au  n°  140  Florimond  l'enjôleur, 
dans  leur  ordre  d'apparition.  Les  Chansons  légères,  déjà  publiées,  forment 
volume  à  part.  La  collection  complète,  composée  de  huit  volumes,  renfer- 
mera 170  chansons  revues  par  l'auteur  et  soigneusement  gravées,  au  prix 
net  de  souscription  de  40  fr.  ou  de  6  fr.  par  volume.  On  y  remarque,  à 
côté  des  premières  chansons  de  Gustave  Nadaud  :  le  Quartier  latin,  Bon- 
homme, le  Souper  de  Manon,  Boisentier,  les  Reines  de  Mabille,  M.  Bour- 
geois, le  Carnaval  à  l'Assemblée,  les  Réformes,  Je  grelotte,  etc.,  etc.;  ses 
récentes  et. dernières  chansons  :  le  Message,  Pandore,  l'Histoire  du  Men- 
diant, le  Voyage  aérien,  Paris,  Y  Insomnie,  les  Deux  Notaires,  Cheval  et 
Cavalier,  la  Pluie,  le  Vieux  Télégraphe,  la  Mère  Godichon,  les  Lettres  de 
r Étudiant  et  de  l'Étudiante,  l'Aimable  Voleur,  les  Côtes  d'Angleterre,  le 
Mandarin,  le  Sultan,  le  Nid  abandonné,  et  tant  d'autres  devenues  popu- 
laires. 


J.-L.  Heugbl,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


Typ.  Charles  île  Mour  gués  frères,  rue  Jean-  Jacques  Rousseau  ,8. 


COURS  -  PIANO 

ÉLÉMENTAIRE  &  PROGRESSIF 

ADOPTÉ    AU    CONSERVATOIRE 


ET 


APPROUVE  PAR  L'INSTITUT 


1°  A  B  C  du  Piano,  méthode  pour  les  commençants. .   15     » 

2°  L'Alphabet,  25  études  très-faciles,  op.  17 12     » 

3°  Le  Rhythme ,  25  études  faciles,  op.  22 12     » 


4°  V Agilité,  [25  études  progressives,  op.  20 12 

5°  Le  Style ,  25  études  de  genre ,  op.  21 15 

6°  École  du  mécanisme ,  15  séries  d'exercices 15 


F. 


PAU 


COUPPEY 


PROFESSEUR  DE  PIANO  Al  CONSERVATOIRE. 


7  50 


1°  Après  le  Combat,  marche  funèbre,  op.  23 7  50         !  2°  Six  croquis  d'album,  op.  19 

3°  Chants  du  cœur,  trois  romances  sans  paroles,  op.  12... .  7  50 
Chez  Maho,  25,  faubourg  Saint-Honoré,  et  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienue. 

En  vente  :  5 ,  Quai  Voltaire ,  et  au  MÉNESTREL , 

2  bis ,  rue  Vivienne. 

ŒUVRES   COMPLÈTES  VOCALES 

DE  SOLFEGE  ET  DE  CHANT  POUR  TOUTES  LES  VOIX 

EN  TRENTE-DEUX  VOLUMES  PAR 


A.  PANSEROf^l 


Professeur  de  chant  au  Conservatoire ,  Membre  de  la  Légion  d'honneur,  de  l'ordre  de  la  Couronne  de  Chêne 
et  de  l'Aigle  rouge  de  S.  M.  le  Roi  de  Prusse. 


Prix  25  f.  Pet.  édit. 
....  23       — 


2  50 

3  50 
3  50 

6    » 


—         6 


N°    1.  A  B  C  musical. 

N°    2.  Suite  de  l'A  B  C, 

N°   3.  Solfège  à  deux  voix. . .  25 

N°    4.  Solfège  d'artiste 48 

N°  5.  Solfège  sur  la  clé  de  fa 
pour  basse-taille  et  ba- 
ryton   42 

N°   6.  Solfège  d'ensemble  à  2, 

3  et  4  voix,  3  parties.  72 
Chaque  partie 25 

N°   7.  Solfège  du  pianiste 

N°    8.  Solfège  du  violoniste. 

N°    9.  Solfège  concertant  à  2 

3  et  4  voix 

En  3  parties,  chaque.  25       —         3 

A  l'usage  des  orphéonistes,  des  classes  d'ensemble 
et  des  pensions. 

N°  10.  50  leçons  à  changements  de  clés,  fai- 
sant suite  au  solfège  d'artiste,  avec 
basse  chiffrée ,  net. .  .* 12 

N°  il.  Solfège  progressif  à  2  voix,  pour  basse- 
taille  et  baryton,  sans  accompagne- 
ment ,  net 6 

N°J12.  Méthode  de  vocalisation  en  2  parties, 

pour  soprano  et  ténor 42 

N°  31.  L'Art  de  moduler  au  violon 

Toun  les 


48 


60 


N°  13.  Méthode  de  vocalisation  en  2  parties, 
pour  basse-taille ,  baryton  est  con- 
tralto   42 

N°  14.  25  vocalises  faciles  et  progressives 
pour  mezzo-soprano,  précédées  de 
25  exercices 25 

N°  15.  12  études  spéciales  précédées  de  12 

exercices  pour  soprano  ou  ténor. . .  25 

N°  16.  12  études  spéciales  précédées  de  12 
exercices  pour  basse-taille ,  baryton 
et  contralto 25 

N°  17.  25  vocalises  et  25  exercices  progressifs 

pourbasse-taille, baryton  et  contralto  25 

N°  18.  Traité  d'harmonie  pratique  et  de  mo- 
dulation, en  3  parties  distinctes,  ap- 
prouvé par  l'Institut  et  adopté  pour 
les  classes  du  Conservatoire ,  net..  40 
lre  partie.  Traité  d'harmonie,  net. ...  15 

2e  partie.  L'art  de  moduler,  net 15 

3e  partie .  Devoirs  à  faire  par  les  élèves, 
se  composant  de  50  leçons  modèles 
écrites;  18  id.  do  tous  lés  théoriciens 
modernes;  60  basses  chiffrées;  70 
basses  non  chiffrées  à  faire,  et  une 
sériede leçons pourapprendre  à  faire 

des  basses  sous  des  chants 15 

15  fr.  net.  —  N°  32.  L'École  primaire  à  2  et  3  voix. . . 

ques  92,  «o,   48  ou  42  fr.  sont  divisés  en  2  01 


N°  19.  Solfège  pour  contralto,  format  petite 

partition,  net 12 

N°  20.  36  exercices  à  changements  de  clés , 
faisant  suite  aux  50  leçons  sur  toutes 
les  clés ,  net 12 

N°  21.  Solfège  pour  mezzo-soprano,  format 

petite  partition,  net 12 

N°  22.  Méthodecomplètepour  mezzo-soprano 

format  petite  partition ,  net 12 

N°  23.  Album  relié,  de  10  romances  et  5  noc- 
turnes, 2e  édition,  net 10 

N°  24.  Grande  messe  pour  3  sopranos,  avec 

parties  séparées,  net 12 

N°  25.  12  vocalises  et  25  exercices,  à  2  voix.  25 

N°  26.  Solfège  à  2  voix,  sur  toutes  les  clés,  net.  12 

N°  27.  Solfège  difficile,  à  changements  de  clés 

avec  accompagnement  de  piano,  net.  12 

N°  28.  Mois  de  Marie,  25  chants  religieux, 
latins,  français,  pour  toutes  les  voix, 
en  solos,  duos  et  trios,  net 12 

N°  29.  A  B  C  du  pianiste ,  ou  Méthode  de 

piano  à  l'usage  des  enfants 12 

N°  30.  25  vocalises  faciles  pour  un  jeune  té- 
nor ou  un  jeune  soprano 25 

25  fr.  —  Petite  édition,  prix  net. . .  2  fr.  50  c. 

i  3  parties  û  25  fr.  chaque. 


L'A  B  C  ;  la  suite.  ■ 


Les  Chœurs  et  morceaux  avec  paroles  du  Solfège  d'ensemble  se  vendent  séparés  en  grand  et  petit  format. 

ÉDITION  ESPAGNOLE. 

■  Le  Solfège  à  2  voix;  grand  et  petit  format.  —  La  Méthode  de  chant  pour  soprano  et  ténor,  ainsi  que  l'A  B  C  du  pianiste. 


791.  —  "28"  Année. 

N»  50. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  10  Novembre 

1861. 


T-**.TSi 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédnct'  en  cher. 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vivienne.  —  HEUGEL  et  C",  éditeurs. 

(Aux  Magasins  oit  Altimncmcnt  ilo  Musique  du  MÉIVEÇTREI..  —  Tente  et  locution  de  rinno»  et  Orgues.) 


1<"  Mode 
Scènes, 


On  souscr 
Typ.Charle: 


d'abonnement  :  jfo 
Mélodies,  Homanci 
•  illustrés.  —  Un 


CHAUT. 

iiirnnl-Texte,  tous  les  dimanches;  9U  Morcenu 

,  paraissant  de  quinzaine  eu  quinzaine;  *  Albint 
n  :  15  fr.;  Provi.ice  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


2»  Mode  d'abonnement  :  Jtoiirnnl-Teitc,  tous  les  dimanches;  ta  Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  t  Album»* 
primcH  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 


3»  Mode 
it  du  l" de  chaqui 

lie  Mourgues  frères 


«ill.ivr  ET  PIANO    IHIVIS   : 

d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  51  niorcenux  de  chantet  de  piano,  les  A  Albtin 
Un  au  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 


primes  illustré*!. 


mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  IWitïi  >n  I  ai'.i,  et  t;i»,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 

(  Texte  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rae  Jean-Jacquesnousseau,8.  —  6658 


SOniHAIRE.  —  TEXTE. 

I.  Gluck  :  partition  à'Alceste.  Paul  Bernard.  —  II.  Semaine  théâtrale  :  Débuts  de 
M.  Faure  daDS  Guillaume  Tell,  reprises  de  Don  Pasquale,  de  la  Sirène,  de  Ja- 
guarila  et  du  Pùht  des  soupirs.  3.  Lovw  —  UI.  Tablettes  du  pianiste  et  du 
chanteur:  Notice  sur  les  travaux  de  MM.  Erard  ;  rapport  de  S.  Thalberg(6"»'  et 
dernier  article).  —  IV.  Fête  patronale  de  Saint-Eustaclie  ;  messe  en  musique  de 
M.  F.  Benoist.  Paul  Bernard.  —  V.  M™  Duprez-Vandenheuvel  au  Théâtre-Royal 
d'Anvers.  —  VI.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Nos  abonnés  a  la  musique  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

SIMPLE    PROJET 

paroles  et  musique  de  Gustave  Nadaud.  — Suivra  inimédiatemenl après: 
Jeanne  d'Arc,  poésie  des  ilesséniennes,  de  Casimir  Delavigne,  musique 
de  Mme  la  vicomtesse  de  Grandval. 

PIANO  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano: 

La  FÉE   DU  BAL 

polka-mazurka  d'ED.  Viénot.  —  Suivra  immédiatement  après  :  Les 
transcriptions,  pour  piario  seul,  par  Paul  Bernard,  de  la  belle  marche 
religieuse  et  des  couplets  avec  chœur  dansé  de  V  Alceste  de  Gluck. 


AVIS   A    NOS   ABONNÉS 

Nous  remettons  h  dimanche  en  huit  te  premier  chapitre  des 
Mémoires  historiques  d'un  musicien  sur  CHERUBINI,  sa  vie,  ses 
travaux,  et  leur  influence  sur  l'art,  par  M.  Dieudonné  Denne- 
Baron.  Cet  important  travail,  écrit  expressément  pour  le  Mé- 
nestrel, emprunte  un  double  intérêt  aux  manifestations  qui  se 
multiplient  en  France  et  en  Italie  pour  l'érection  d'un  monument 
à  la  mémoire  de  ce  grand  musicien,  qui  fut  l'honneur  et  la  gloire 
de  notre  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation. 

Nous  publierons  aussi  très-prochainement,  pour  faire  suite 
aux  intéressantes  études  de  Beethoven  et  F.  Chopin,  une  nou- 
velle notice  de  M.  H.  Barbedette,  sur  WEBER  et  ses  immor- 
telles œuvres;  enfin  nous  annonçons  dès  aujourd'hui  (voir  aux 
annonces  7e  et  8e  pages) ,  les  Primes  do  Ménestrel  (année 
1861-1862),  destinées  à  nos  abonnés,  primes  qui  leur  seront  re- 
mises à  parlir  du  1er  décembre  1861. 


GLUCK 


LA    PARTITION    DALCESTE 


Et  moi  aussi,  dès  mon  retour  à  Paris,  j'ai  voulu  entendre, 
réentendre  Alceste  ;  j'ai  voulu  écrire  mes  impressions  et  les 
communiquer  aux  lecteurs  du  Ménestrel,  qui  me  pardonneront 
de  revenir  sur  un  sujet  d'ailleurs  intarissable  à  tant  de  titres. 

Alceste  !  un  grand  nom  dont  la  légende  remonte  aux  temps 
héroïques  ;  un  grand  dévouement  dont  Sophocle  a  fait  le  sujet 
d'une  de  ses  immortelles  tragédies  ;  un  sublime  amour  conjugal 
sur  lequel  notre  Corneille  lyrique,  le  chevalier  Gluck,  est  venu  à 
son  tour  écrire  l'une  de  ses  plus  belles  partitions  ;  Alcesle!  c'est- 
à-dire  une  réunion  de  grandes  choses,  de  grands  caractères,  de 
grands  auteurs,  et  de  grandes  œuvres  ! 

Voilà  tout  simplement  ce  que  notre  Académie  impériale  de 
Musique  a  eu  l'idée  louable  de  remettre  en  scène,  en  l'honneur 
d'une  jeune  génération  trop  ignorante  au  point  de  vue  musical 
des  choses  du  passé,  et  aussi  à  la  grande  joie  de  quelques  vieux 
mélomanes  qui,  dans  leurs  plus  anciens  souvenirs,  se  rappelaient 
avoir  vu  représenter  cette  pièce.  ■ 

Il  faut  le  reconnaître,  c'est  au  théâtre  national  de  l'Opéra 
que  revient  de  droit  ce  rôle  de  conservateur  des  grandes  œuvres 
classiques.  De  même  qu'au  Théâtre-Français  un  certain  nombre 
de  représentations  sont  acquises  aux  ouvrages  de  Corneille,  de 
Molière,  de  Bacine,  de  Voltaire,  de  même  il  faudrait  que  sur 
la  scène  de  l'Académie  impériale  de  Musique  quelques  soirées 
fussent  réservées  aux  anciens  maîtres  du  genre,  à  Rameau,  à 
Piccini,  à  Gluck,  à  Spontini.  A  l'Opéra  aussi  bien  qu'aux  Fran- 
çais une  subvention  fait  de  cetle  mission  un  devoir,  et  en  mu- 
sique comme  en  littérature  la  jeunesse  a  besoin  d'être  formée  au 
contact  des  chefs-d'œuvre  consacrés  et  des  formes  pures  et  pri- 
mitives. 


395 


LE  MÉNESTREL. 


Arrière  donc  les  petites  considérations  de  recelte  et  d'abon- 
nement! L'Opéra  -vivra  quand  même,  parce  que  c'est  un  théâtre 
aussi  national  que  la  Comédie-Française  elle-même.  Qui  sait 
d'ailleurs  si  le  public  ne  prendra  pas  goût  à  ces  représentations 
rétrospectives?  Orphée  est  là  pour  en  témoigner  au  besoin. 

Cependant  on  peut  craindre  que  la  partition  d'Alceste  ne  soit 
pas  aussi  bien  comprise  que  l'a  été  celle  d'Orphée.  Elle  ne  ren- 
ferme pas,  comme  celle  dernière,  des  oppositions  ausi  tranchées; 
elle  n'offre  pas  un  tableau  aussi  saisissant  que  celui  des  enfers; 
elle  n'a  pas  dans  son  écrin  un  joyau  aussi  mélodique  que  l'air  : 
J'ai  perdu  mon  Eurydice;  et  pourtant  que  de  beautés  plus  éle- 
vées et  sans  nombre!  quel  sentiment  inné  de  la  vérité  !  quelle 
juslesse  dans  l'expression  !  quelle  grandeur  de  style!  quelle  force 
de  conception  !  Ce  qui  étonne  surtout  l'auditeur  attentif,  c'est 
l'immense  effet  obtenu  avec  d'aussi  faibles  moyens.  C'est  bien 
là  le  triomphe  du  sentiment  dramatique  par  la  vérité  de  l'accent 
et  de  l'expression.  Une  note  seule  vous  fait  tressaillir,  comme  le 
fameux  Qu'il  mourût!  des  Horaces.  Avec  Gluck  la  musique 
pleure  et  sanglote,  et  les  instruments  peignent  véritablement  les 
situations  lés  plus  fortes,  les  tableaux  les  plus  émouvants.  D'un 
bout  à  l'autre  la  partition  d'Alceste  est  taillée  dans  le  roc  et  cou- 
lée dans  le  bronze.  C'est  là,  musiciens,  qu'il  vous  faut  apprendre 
à  parler.  Demandez  à  l'Italie  le  charme  de  ses  fraîches  mélodies, 
à  l'Allemagne  le  secret  de  ses  savantes  harmonies,  chantez  avec 
tous  les  pays,  mais  revenez  à  Gluck  pour  posséder  l'art  de  bien 
dire.  Depuis  lui  l'art  musical  a  progressé  ;  par  malheur  le 
goût  n'a  pas  fait  de  même,,  et  la  forme  banale  l'a  souvent  éga- 
ré. Mais  toutes  les  fois  qu'un  grand  compositeur  a  produit  une 
grande  œuvre,  on  a  pu  y.  constater,  en  même  temps  que  de  nou- 
velles conquêtes  dans  l'art,  la  présence  de  cetle  vérité  d'expres- 
sion dont  Gluck  restera  toujours  le  lype.  Nous  en  prenons  pour 
preuves  Mozart  et  son  Don  Juan ,  Spontini  et  sa  Vestale , 
Rossini  et  son  Guillaume  Tell,  Bellini  et  sa  Nornia  ,  Halévy  et 
sa  Juive,  Meyerbeer  et  ses  Huguenots. 

Certes  la  mélodie  a  fait  un  pas  immense  depuis  l'illustre  protégé 
deMarie-Anloinette.  Elle  s'est  habituée  à  marcher  droit,  à  compter 
ses  périodes  et  ses  mesures  comme  les  vers  comptenl  leurs  hémis- 
tiches; de  jeune  fille  qu'elle  était,  à  la  démarche  incertaine  et 
irrésolue,  elle  est  devenue  une  femme  faite  ayant  tous  les  gen- 
res de  beautés ,  loules  les  espèces  de  séductions.  Mais  combien 
celte  irrésolution  mélodique  porte  en  elle-même  de  charme  et  de 
grandeur  naïve,  et  comme  souvent ,  si  la  couleur  générale  y 
perd  de  la  teinte,  en  revanche  le  mot  y  double  de  force  ! 

Nous  sommes  sorti  enthousiasmé  de  la  représentation  d'y!  Iceste. 
Certains  pourront  déplorer  la  monotonie  du  spectacle,  le  senti- 
ment uniforme  et  triste  qui  préside  à  toute  la  pièce,  l'absence  des 
rhythmes  variés,  des  duos,  trios,  et  morceaux  d'ensemble  à 
la  moderne ,  l'abus  du  récitatif,  et  d'autres  choses  encore  que 
j'entendais  dire  autour  de  moi  ;  mais  à  ceux-là  je  répondrai  en 
leur  citant  tout  simplement  les  morceaux  qu'ils  ont  applaudi 
avec  nous.  Au  premier  acle,  la  superbe  marche  religieuse  ;  le  récit 
du  grand  prêtre  (Cazaux)  et  le  chœur  : 

Dieu  puissant,  écarte  du  trône  ; 

l'air  d'Alceste, 

Non, ce  n'est  point  un  sacrifice: 

où  le  pathétique  arrive  jusqu'au  sublime,  et  enfin  le  magnifique 
air: 

Divinités  du  Styx, 

l'une  des  plus  giandes  inspirations  que  je  connaisse. 


Au  second  acle,  un  délicieux  chœur  dansé  avec  accompagne- 
ment de  pizzicali;  l'air  d'Admèle,  expressiveinent  rendu  par 
Michot  : 

Bannis  la  crainte  et  les  alarmes  ; 
ce  que  nous  appellerions  aujourd'hui  une  romance  :' 

Je  n'ai  jamais  chéri  la'  vie , 

chantée  par  Alcesle,  et  précédée  d'un  récitatif  qui  se  termine  par 
ce  vers,  que  Mrac  Viardotdit  d'une  manière  si  touchante  et  qui 
transporte  la  salle  entière  : 

Ils  savent,  ces  dieux,  si  je  t'aime  ! 
Au  troisième  acte,  l'entrée  d'Alceste  aux  enfers  ;  la  phrase  si 
palpitante  sur  ces  paroles  : 

La  mort  a  pour  moi  trop  d'appas, 
Elle  est  mon  unique  espérance, 
Ce  n'est  pas  vous  faire  une  offense 
Que  de  vous  conjurer  de  hâter  mon  trépas. 

puis  l'air  de  Caron  dont  la  couleur  lugubre  donne  le  frisson  avec 
ses  appels  répétés  par  les  sons  bouchés  du  cor,  et  enfin  le  chœur 
lointain  des  dieux  infernaux  se  débattant  contre  Hercule  qui 
Tour  arrache  la  sensible  Alceste  et  la  ramène  auprès  de  son  époux. 

Voilà  des  beautés  sans  nombre  et  qui  rachètent  mille  fois  les 
formes  vieillies  ou  absentes  de  l'œuvre  de  Gluck.  Comment  pen- 
ser à  s'armer  de  puérilités  contre  une  musique  tellement  grande 
qu'un  siècle  de  progrès  n'a  pu  la  renverser,  et  quand  aujourd'hui 
encore  elle  reste  l'exemple  le  plus  frappant  de  la  vérité  scénique 
et  de  l'expression  dramatique  ! 

Honneur  à  l'administration  de  l'Opéra  ;  c'est  un  acte  de  haute 
intelligence  qu'elle  vient  d'accomplir.  Du  reste,  sa  mission  est 
grande,  car  tout  en  arrachant  aux  cendres  de  l'oubli  des  œuvres 
qui  sont  la  gloire  dp  passé  et  un  exemple  pour  l'avenir,  il  faut 
qu'elle  n'oublie  pas  les  producteurs  d'aujourd'hui,  et  qu'elle 
tende  parfois  les  mains  même  aux  néophytes  de  l'art. 
Paul  Bernard. 


SEMAINE  THEATRALE. 


Guillaume  Tell.  —  M.  Faure. 

Mercredi  dernier,  I'Opéra  nous  a  donné  Guillaume  Tell  pour 
le  deuxième  début  de  M.  Faure.  Cette  nouvelle  tentative  a  été 
des  plus  favorables  à  notre  excellent  transfuge  de  l'Opéra- 
Comique.  Faure  a  bien  posé  la  phrase  d'entrée  :  //  chante  en 
son  ivresse;  il  a  lancé  avec  une  grande  puissance  vocale  la  stro- 
phe :  Quand  l'Helvélie,  etc.;  enfin  il  a  dit  avec  beaucoup 
d'onction  l'adagio  du  troisième  acte  :  Sois  immobile.  II  a  été 
moins  heureux  dans  la  phrase  :  L'avalanche  tombant  duhaut 
de  ces  montagnes,  et  ceci  est  un  second  avertissement.  Sans  rien 
sacrifier  de  la  franchise  de  sa  voix,  du  fini  de  son  style,  il  faut 
que  ce  chanteur  se  montre  plus  sobre  dans  les  expansions  de  son 
organe  :  point  de  ces  notes  hasardées  en  dehors  du  registre,  et  qui 
faillirent  déjà  compromettre  son  succès  dans  Pierre  de  Médicis. 
Espérons  que  désormais  cet  artiste  intelligent,  éclairé  par  le 
danger,  ne  dépassera  pas  les  limites  assignées  à  la  nature  de  sa 
voix,  qui  est  bien  assez  belle,  bien  assez  étendue  pour  se  passer 
de  toute  exagération  vocale.  —  Gueymard  a  été  parfaitement 
accueilli  dans   le  rôle  d'Arnold;  Mme  Duprez-Vandenheuvel, 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


39S 


dans  celui  de  Malhilde,  a  déployé  toules  les  finesses  de  l'art  ; 
Obin  est  toujours  un  Walter  modèle  ;  enfin  Mmcs  Lapommeraye 
et  Amélie  Rey  ont  vaillamment  fourni  leur  contingent  de  talent. 
La  soirée  de  vendredi  appartenait  au  Trouvère,  si  remarqua- 
blement interprété  par  le  quatuorTedosco,  Sax,  Miohot  et  Ron- 
nehée.  —  Le  nouveau  ballet  destiné  à  Mme  Ferraris  est  définiti- 
vement promis  pour  le  lundi  18. 


Reprise  de  Dora  Pasquale.  —  M11<!  Marie  Battu.  —  MM.  Zucchini  , 
Delle  Semé  et  Bélart. 

A  la  sentimentale  Marta  vient  de  succéder  le  joyeux  Don  Pas- 
quale,  écrit  au  courant  de  la  plume  par  le  si  regrettable  Doni- 
zetti.  C'est  à  Paris,  rue  de  Grammont,  hôtel  Manchester,  que 
l'auteur  de  la  Favorite  écrivit  pour  notre  Théâtre-Italien  de 
Paris  cette  adorable  et  facile  partition ,  exempte  de  soucis,  de 
préoccupations  scolastiques.  Le  dessin  mélodique  coule  d'abon- 
dance, familier  sans  être  banal,  et  l'harmonie  en  forme  le  tissu 
naturel,  inséparable,  si  bien  que  ces  deux  éléments  n'en  font 
qu'un,  condition  essentielle  de  toute  bonne  musique.  Chacun  se 
rappelle  la  création  de  Don  Pasqutth,  par  le  non  moins  regret- 
lé  Lablache.  Quel  type  irretrouvable  !  Cependant  Zucchini  s'y 
fait  applaudir,  et  n'étaient  tant  de  jabot,  si  peu  d'habit,  —  au 
jeu  comme  au  costume,  —  on  applaudirait  bien  davantage  encore. 
Rélart  qui  n'a  ni  la  grâce,  ni  la  distinction  de  Mario,  n'en  a  point 
la  voix  non  plus,  et  lui  aussi  pourtant,  s'est  fait  justement  ap- 
plaudir. N'en  a-t-il  pas  été  de  même  de  M1Ie  Marie  Ratlu  qui  n'a 
certes  pas  l'étoffe  de  la  Grisi?  A  part  son  air  d'entrée,  M"e  Battu 
a  élé  relativement  charmante  d'un  bout  à  l'autre  de  la  partition. 
Dans  la  salle,  on  n'entendait  que  ces  mots  :  Progrès  au  double 
point  de  vue  du  talent  et  de  la  voix. 

Quant  à  Delle  Sedie,  le  rôle  de  Tamburini  est  évidemment 
écrit  trop  bas  pour  sa  voix.  Il  ne  s'en  tire  qu'à  force  d'adresse 
et  de  talent,  au  moyen  d'une  vocalise  aussi  nette  que  rhythmée, 
aussi  fine  que  distinguée.  Par  malheur,  sa  romance  d'entrée,  qu'il 
chante  à  ravir,  arrive  trop  tôt  dans  la  partition  pour  être  goûtée 
du  public  qui  n'est  encore  ni  complet  ni  même  casé  dans  ses  loges. 
A  propos  de  M.  Delle  Sedie,  citons  en  passant  l'éloge  qu'en  fait 
M.  de  Rovray  dans  son  feuilleton  du  Moniteur.  Cet  éloge  est 
tout  simplement  une  précieuse  leçon  de  chant  à  l'adresse  de  bien 
des  artistes  qui  font  fausse  route  : 

«  Artiste  excellent  comme  il  ne  nous  en  vient  pas  beaucoup 
d'Italie  et  comme  il  ne  s'en  produit  guère  en  France,  le  débutant 
nous  paraît  avoir  été  élevé  à  la  grande  et  belle  école  qui  ne  sa- 
crifie pas  l'expression,  le  style  et  le  goût  à  des  effets  de  sonorité 
brutale  ou  de  vibration  chevrotante ,  à  des  tours  de  force  ou  à 
des  roulements  de  gosier.  11  sait  ce  qu'il  dit,  chose  rare  !  Il  a  du 
sens  commun,  mérite  extraordinaire!  Sa  phrase  est  correcte,  son 
émission  pure  et  naturelle,  sa  diction  d'une  pureté  irréprochable; 
son  jeu  et  son  accent  ne  se  contredisent  jamais  ;  son  geste,  me- 
suré et  sobre,  accompagne  et  soutient  le  chant  ;  il  n'a  l'air  ni  de 
mendier  les  bravos,  ni  de  provoquer  le  spectateur. 

«  Sans  doute  il  n'a  pas  une  de  ces  voix  prodigieuses  qui,  par 
la  beauté  et  la  fraîcheur  de  leur  timbre,  dispensent  l'artiste  assez 
heureux  pour  les  posséder  de  tout  autre  souci.  Chacune  de  ses 
victoires  est  le  résultat  d'une  étude  approfondie  et  d'un  art  con- 
sommé ;  il  ne  livre  rien  au  hasard  ;  toujours  maître  delui-même, 
il  contient  son  émotion  dans  de  justes  bornes,  également  éloigné 
des  deux  extrêmes  où  tombent  la  plupart  des  artistes,  une  froi- 


deur glaciale  ou  des  emportements  et  des  convulsions  d'énergu- 
mène.  Il  ne  confond  pas  les  genres  :  dramatique  et  touchant  dans 
la  musique  sérieuse,  enjoué,  léger,  souple  dans  la  musique- 
bouffe,  il  donne  à  chaque  phrase  sa  couleur  et  son  relief.  Enfin, 
tous  ses  morceaux  ne  se  terminent  pas  par  le  même  point  d'or- 
gue :  il  a  un  choix  de  cadences  remarquables  par  leur  variété  et 
leur  nouveauté,  qui  s'ajustent  parfaitement  aux  airs,  dont  ils 
sont  pour  ainsi  dire  la  péroraison  brillante  et  le  couronnement 
lumineux.  On  comprend  la  sensation  qu'a  dû  faire  un  sujet  si 
rare,  et  qui  tranche  d'une  façon  si  nette  sur  le  commun  des 
chanteurs.  Delle  Sedie  a  été  fort  applaudi,  et  adopté,  d'un  avis 
unanime ,  comme  une  des  meilleures  acquisitions  du  Théâlre- 
Iialien.  » 


ILa  Sirène. —  M.  G.  Roger; — M"0  Maiumon. 

L'Opéra-Comique  nous  a  rendu  la  Sirène,  un  des  plus  char- 
mants ouvrages  dus  h  la  collaboration  de  Scribe  et  Auber.  Roger 
a  repris  possession  de  ce  rôle  de  Marco  Tempesta  qu'il  a  créé 
avec  tant  de  supériorité,  et  M"e  Marimon  nous  est  apparue  dans 
le  gracieux  personnage  de  Zerlina.  Cette  reprise  est  tout  un  évé- 
nement, et  le  public  l'a  pressenti  en  faisant  le  siège  de  la  salle 
Favart.  Et  comme  il  battait  des  mains  aux  premières  notes  de 
cette  ouverture,  qui  résume  avec  tant  de  grâce  et  d'esprit  les 
mélodieux  éléments  de  la  partition  !  En  disant  que  la  Sirène  n'a 
rien  perdu  de  sa  fraîcheur  et  de  son  éclat,  nous  ne  sommes  que 
l'écho  de  ls  salle  entière. 

Roger  a  rendu  à  ce  type  de  Marco  Tempesta  ce  cachet  de 
noblesse  et  de  grandeur  qui  constitue  la  poésie  dans  l'art.  11  a 
été  beau  comme  comédien  et  comme  chanteur;  aussi,  les  plus 
chaleureuses  marques  de  sympathie,  les  bravos  les  plus  sincères 
l'ont  salué  pendant  tout  le  cours  de  la  soirée.  Dans  le  quatuor 
final  du  premier  acte  :  0  bonheur  qui  m  arrive!  dans  ses  cou- 
plets :  0  dieu  des  flibustiers  !  dans  ses  deux  duos  avec  Zerlina, 
il  a  rappelé  l'époque  de  ses  plus  belles  années  et  nous  a  rajeuni 
de  quinze  ans. 

Mlle  Marimon  est  une  des  plus  séduisantes  Zerlina  que  nous 
ayons  vu  se  mouvoir  sur  la  scène  de  Favart.  Elle  a  dit  avec 
un  charme  pénétrant  ses  couplets  :  Prends  qarde,  montagnarde, 
ses  duos  avec  Scopetto,  et  sa  cavaline  :  Ah!  je  n'ose  pas.  Elle  a 
largement  partagé  les  ovations  décernées  à  son  partenaire;  seule- 
ment, nous  répéterons  à  M"e  Marimon  ce  que  nous  disions  plus 
haut  à  M.  Faure  :  pourquoi  chercher  des  notes  et  des  traits  im- 
possibles?.. De  l'âme, — elle  en  a  prouvé  dans  sa  romance  : 
Reviens!  reviens! — une  énergie  contenue  et  infiniment  de 
grâce,  voilà  ses  attributs  natifs  ;  et  nous  ne  croyons  pas  que  son 
organisation  délicate  lui  permette  de  franchir  ces  bornes,  qui 
sont,  du  reste,  celles  de  son  emploi.  Pourquoi  tenter  au-delà? 
Que  M|le  Marimon,  comme  M.  Faure,  veuille  bien  ne  pas  for- 
cer sa  nature,  et  la  scène  de  Favart  sera  fière  de  la  compter  parmi 
ses  artistes  de  prédilection. 

Du  reste,  l'ensemble  de  la  Sirène  a  été  des  plus  satisfaisants. 
Ponchard,  dans  le  rôle  de  Scipione,  Prilleux  en  duc  de  Popoli, 
et  Nathan  dans  le  personnage  de  Rolbaya,  ont  rempli  leur  lâche 
en  artistes  consciencieux. 

Le  Théâtre-Lyrique  a  dû  retarder  de  jour  en  jour  la  reprise 
de  Jaguarila.  Mais  enfin  Mme  Cabel  paraît  être  remise  de  son 
indisposition,  puisque  l'affiche  d'hier  samedi  nous  annonçait  la 
reprise  si  impatiemment  attendue  de  cet  ouvrage. 


396 


LE  MÉNESTKKL. 


Les  Bouffes-Parisiens  ont  repris  ces  jours-ci  le  Pont  des 
soupirs,  cette  désopilante  opérette  de  M.  J.  Offenbaeh,  qui  alterne 
avec  Forlunio  et  Choufleury ,  en  attendant  le  Roman  comique. 
—  Ce  théâtre  perd  malheureusement  une  de  ses  meilleures  ar- 
tistes. Mlle  Tautin  passe  aux  Variétés.  Un  emploi  de  Malibran 
est  donc  vacant  sur  la  scène  du  Passage-Cboiseul.  Avis  aux  can- 
tatrices des  deux  mondes.  En  revanche,  le  comique  Pradeau  va 
revenir  au  bercail.  Cette  nouvelle  ne  peut  s'annoncer  qu'avec  un 
éclat  de  rire. 


L'Odéon  a  offert  jeudi  dernier  à  ses  habitués  une  comédie  en 
trois  actes  de  MM.  Belot  et  Journault,  intitulée  les  Parents  ter- 
ribles. C'est  une  esquisse  un  peu  chargée,  appartenant  h  l'école 
réaliste.  La  pièce  a  été  très-bien  jouée  par  Pierron,  Thiron,  Saint- 
Léon,  MUes  Delahavé,  Debay  et  Berlin. 

L'excellente  troupe  du  Gymnase  a  été  appelée  cette  semaine  à 
Compiègne,  où  elle  a  représenté  les  meilleures  pièces  de  son  ré- 
pertoire courant. 

Le  public  du  Vaudeville  a  revu  avec  plaisir  les  Femmes 
fortes,  un  Mariage  de  Paris,  et  V Amant  aux  Bouquets,  spiri- 
tuelle comédie  de  MM.  Lurine  et  Raymond  Dcslandes,  délicieu- 
sement jouée  par  Saint-Germain  et  Mlle  Brindeau. 

La  rentrée  d'Arnal  vient  de  s'effectuer  aux  Variétés  dans  un 
vaudeville  en  trois  actes  de  MM.  Marc  Michel  et  Delacour  :  Les 
Voisins  de  Molinchart.  Le  premier  acte  a  été  spécialement  goûté, 
les  autres  sont  moins  réussis  ;  mais  Arnal,  dans  le  rôle  principal, 
s'est  montré  plein  de  finesse  et  de  naturel.  Mlle  Alphonsine, 
sa  partenaire,  a  joué  le  rôle  d'Honorine  avec  cette  verve  et 
cette  originalité  qui  ne  l'abandonnent  jamais.  —  Une  bonne  nou- 
velle pour  ce  théâtre,  et  que  nous  enregistrons  avec  plaisir,  c'est 
celle  du  rengagement  d'Ambroise,  que  Favart  va  restituer  à  la 
scène  des  Panoramas. 

Le  Palais-Royal  ne  compte  pas  précisément  des  chefs-d'œuvre 
dans  sa  dernière  fournée  de  pièces.  La  Belle-mère  a  des  écus 
(trois  actes  de  MM.  Delacour  et  Morand),  a  essuyé  quelque  oppo- 
sition à  la  première  soirée  ;  pourtant,  grâce  à  d'intelligentes  cou- 
pures, la  pièce  s'est  relevée  le  lendemain.  Est-ce  que  le  public  du 
Palais-Royal  demanderait  maintenant  des  œuvres  du  premier  or- 
dre?..Nous  ne  savons  pas  d'où  lui  pourrait  venir  cette  exigence... 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHâNTEUH. 


EXPOSITION   UNIVERSELLE  DE   1855. 
NOTICE  SUR   LES  TRAVAUX   DE  MM.  ERARD. 

Rapport  de  S.  Thalberg. 

VI 

A  l'exposition  universelle  de  Londres,  en  1851,  les  pianos 
d'Erard  se  trouvèrent  en  rivalité  avec  les  facteurs  du  monde  en- 
tier, et  principalement  avec  les  grands  facteurs  anglais,  dont  la 
fabrication  et  les  relations  ont  une  si  grande  importance.  Chaque 
piano  fut  l'objet  d'un  examen  attentif  non-seulement  sous  le  rap- 
port du  volume  et  de  la  qualité  du  son,  mais  encore  sous  celui  de 


la  construction  et  de  la  supériorité  de  l'agent  qui  transmet  à  la 
corde  l'impression  de  l'exécutant.  La  seule  grande  médaille  accor- 
dée à  ce  genre  d'instruments  le  fut  aux  pianos  d'Erard,  et  parti- 
culièrement à  cause  du  mérite  de  l'invention.  Nous  allons  donner 
le  rapport  du  célèbre  Thalberg,  dont  on  n'oserait  décliner  la  par- 
faite compétence  en  ces  matières.  L'on  pourra  le  comparer  à  la 
mention  plus  que  modeste  que  fit  de  cette  invention  le  jury  de 
l'exposition  de  1823,  lors  de  sa  première  apparition  officielle 
dans  le  monde  musical  : 

«  Pour  donner  une  idée  du  degré  de  perfection  que  l'on  a  at- 
•  teint  de  nos  jours  dans  la  construction  du  piano,  nous  décrirons 
un  des  grands  pianos  de  l'exposition,  celui  de  MM.  Erard. 

«  Cet  instrument  a  huit  pieds  un  quart  de  long  et  quatre  pieds 
et  demi  de  large  dans  sa  plus  grande  largeur.  La  caisse  est  d'une 
solidité  extraordinaire,  si  on  la  compare  aux  anciens  instru- 
ments. Elle  est  barrée  en  bois  debout  sous  la  table  d'harmonie, 
et  elle  a  en  outre  un  barrage  métallique  complet  parallèle  et  au- 
dessus  du  plan  des  cordes,  composé  de  barres  longitudinales  for- 
tement arc-boutées  à  leurs  extrémités.  Le  côté  cintré  de  la  caisse 
est  formé  de  plusieurs  pièces  de  bois  collées  ensemble  dans  un 
moule,  pour  augmenter  leur  solidité.  La  table  d'harmonie  rem- 
plit tout  l'espace  vide  de  la  caisse,  sauf  la  partie  qui  sert  de  pas- 
sage aux  marteaux.  Les  cordes  sont  en  acier  et  d'un  diamètre  si 
fort,  que  la  tension  nécessaire  pour  les  mettre  au  ton  produit  un 
tirage  égal  à  un  poids  de  douze  tonnes.  Elles  traversent  des  sil- 
lets ou  agrafes  vissées  dans  une  barre  de  métal.  Ces  sillets  don- 
nent à  la  corde  un  support  tel  qu'il  empêche  son  déplacement, 
quelle  que  soit  la  force  du  coup  de  marteau  qui  la  met  en  vibra- 
tion. Les  cordes  sont  montées  sur  l'instrument  d'après  un  système 
appuyé  sur  des  expériences  acoustiques  et  de  manière  à  ce  qu'elles 
soient  frappées  par  le  marteau  au  point  précis  pour  produire  le 
son  le  plus  pur.  L'étendue  du  clavier  est  de  sept  octaves  du  la  au 
la.  La  mécanique  de  ce  piano  est  décrite  par  le  docteur  Lardner, 
dans  un  ouvrage  publié  sur  la  mécanique,  comme  un  magnifique 
exemple  de  levier  complexe  qui  unit  la  touche  au  marteau.  L'ob- 
jet de  ce  mécanisme  est  de  faire  passer  du  point  où  le  doigt  agit 
sur  la  touche,  au  point  où  le  marteau  agit  sur  la  corde,  une  déli- 
catesse de  toucher  telle  que  le  piano  participe  jusqu'à  un  certain 
point  de  la  sensibilité  de  toucher  que  l'on  remarque  dans  la  har- 
pe, et  qui  est  la  conséquence  de  l'action  immédiate  du  doigt  sur 
la  corde  de  cet  instrument,  sans  l'intermédiaire  d'un  autre  mé- 
canisme. La  puissance  de  cet  instrument  dépend  de  la  quantité 
de  matière  mise  en  vibration  ;  la  qualité  de  celte  vibration  dé- 
pend de  l'harmonie  mathématique  de  toutes  ses  parties,  et  la 
pureté  du  son  de  la  nature  du  barrage,  de  la  longueur  des  cordes 
el  de  leur  disposition  relativement  au  coup  de  marteau.  Or, 
toutes  ces  différentes  parties  s'harmonisent  avec  un  art  admi- 
rable. 

«  Par  son  ingénuité,  le  mécanisme  surpasse  tont'  ce  qui  a  été 
fait  ou  essayé  en  ce  genre.  11  permet  à  l'exécutant  de  communi- 
quer aux  cordes  tout  ce  que  la  main  la  plus  habile  et  la  plus  déli- 
cate peut  exprimer.  Il  traduit  toutes  les  nuances  du  sentiment, 
en  passant  des  sons  les  plus  puissants  aux  plus  doux  et  aux  plus 
délicats. 

«  Ce  mécanisme  est  si  parfait,  surtout  dans. l'expression  de  ré- 
pétition délicate,  que  si  l'exécutant  manque  une  noie,  c'est  par 
sa  faute  et  non  par  celle  de  l'instrument.  Beaucoup  de  gens  s'i- 
maginent que  la  puissance  d'expression  du  piano  est  bornée  ; 
c'est  à  tort,  car  il  possède  tous  les  éléments  d'expression  qui  dis- 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


397 


tinguent  les  autres  instruments,  et  il  en  a  plusieurs  qui  lui  sont 
particuliers.  Selon  la  manière  dont  ou  attaque  la  touche,  ou  dont 
on  se  sert  des  pédales,  on  peut  produire  des  effets  bien  différents, 
surtout  avec  un  instrument  comme  celui  que  nous  venons  de 
décrire,  qui  réunit  à  des  sons  puissants  et  riches  d'harmonie  un 
mécanisme  aussi  favorable  pour  en  tirer  parti.  » 

S.    TnALBEBG. 

Par  l'exposé  ci-dessus,  l'on  voit  que  MM.  Erard  ont  porté  suc- 
cessivement leur  attention  sur  toutes  les  parties  fondamentales  du 
piano,  jusqu'à  ce  qu'ils  en  eussent  fait  un  instrument  parfait  et 
pouvant  se  plier  aux  exigences  des  compositions  les  plus  difficiles. 
Aussi  leurs  pianos  à  queue  du  nouveau  principe  sont-ils  adop- 
tés depuis  longtemps  et  dans  tous  les  pays  par  les  pianistes  les 
plus  éminents. 

S.  M.  l'empereur  daigna  récompenser  le  triomphe  obtenu  par 
M.  Erard  à  Londres  en  le  nommant  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur. C'est  alors  que  la  pensée  lui  vint  de  reconstruire  l'orgue  de 
Sébastien  Erard  et  de  lui  rendre  la  place  qu'il  occupait  en  1830. 
Il  s'adressa  en  1853  à  S.  M.  l'empereur  pour  obtenir  l'autorisa- 
tion d'entreprendre  ce  travail.  Elle  lui  fut  gracieusement  accor- 
dée, et  le  14  juin  1854,  ce  travail  immense  était  terminé,  et 
M.  Erard  en  donnait  avis  par  lettre  à  Son  Excellence  M.  le  mi- 
nistre d'Etat,  en  lui  demandant  la  permission  de  faire  porter 
l'orgue  aux  Tuileries  pour  sa  mise  en  harmonie  et  la  pose  de  la 
soufflerie,  deux  opérations  qui  ne  peuvent  être  faites  que  sur 
l'emplacement  définitif  de  l'orgue. 

En  s'occupant  de  la  reconstruction  de  l'orgue  de  son  oncle, 
Pierre  Erard  préparait  les  instruments  qu'il  se  proposait  de  pré- 
senter à  l'exposition  universelle  française  qui  allait  s'ouvrir.  Il 
avait  adopté  la  forme  et  les  dessins  d'un  piano  à  queue  Pompa- 
dour,  dont  la  richesse  devait  frapper  tous  les  yeux  (1).  Il  avait 
également  deux  magnifiques  pianos  obliques,  l'un  orné  dans  le 
style  sévère  de  Louis  XIII,  et  l'autre  dans  le  genre  plus  coquet 
de  Louis  XV.  Ayant  mérité  et  obtenu  toutes  les  distinctions  et 
récompenses  qui  peuvent  honorer  l'artiste  habile  et  le  manufac- 
turier heureux,  son  seul  but,  en  préparant  une  aussi  riche  et 
aussi  coûteuse  exposition,  était  de  témoigner  à  S.  M.,  de  la  seule 
manière  qui  fût  en  son  pouvoir  (c'est-à-dire  en  contribuant  dans 
la  mesure  de  ses  forces  et  de  son  zèle  à  l'éclat  d'une  solennité 
dont  Elle  était  le  promoteur),  toute  la  reconnaissance  qu'il  lui 
devait  pour  les  distinctions  dont  il  avait  été  comblé.  Mais,  hélas! 
la  Providence  ne  lui  permit  pas  de  jouir  de  l'effet  que  cette  bril- 
lante exposition  devait  produire.  —  Cette  activité  incessante,  cet 
esprit  constamment  tendu  vers  de  nouveaux  objets,  devaient  finir 
par  triompher  de  sa  bonne  constitution.  Il  mourut  après  une 
longue  maladie,  le  16  août  1855,  dans  sa  maison  de  la  Muette. 
Plus  heureux  que  son  oncle,  il  laissa  ses  établissements  de  Paris 
et  de  Londres  au  plus  haut  point  de  prospérité. 


(1)  Mme  Erard  a  offert  cet  instrument  à  S.  A.  I.  le  prince  Napoléon  pour 
le  soulagement  de  l'armée  d'Orient.  Sa  lettre  était  conçue  en  ces  ternies: 

A  S.    A.    I.    LE  PBINCE  NAPOLÉON. 

«  Monseigneur, 
«  Pour  contribuer  au  soulagement  de  l'armée  d'Orient,  je  viens  vous 
prier  de  vouloir  bien  accepter  le  piano  à  queue  style  Louis  XIV,  orné  de 
peintures  et  de  bronzes  dorés,  qui  figure  à  mon  exposition  dans  la  nef. 
Quelque  beau  que  soit  cet  instrument,  la  dernière  pensée  de  mon  mari,  je 
regrette,  Monseigneur,  qu'il  ne  le  soit  pas  davantage  pour  une  si  noble  des- 
tination. » 


Au  milieu  de  tous  ses  succès,  Pierre  Erard  ne  montra  jamais 
le  moindre  orgueil.  Plein  de  reconnaissance  pour  le  parent  dont  le 
génie  inventeur  les  avait  préparés,  c'était  à  lui  qu'il  en  reportait 
tout  le  mérite.  Il  ne  se  réservait  que  la  part  modeste  d'avoir  su 
l'aire  apprécier  les  découvertes  de  ce  génie  si  fécond. 

Il  était  extrêmement  obligeant.  Aimant  les  arts  et  les  artistes, 
il  saisissait  toutes  les  occasions  de  leur  être  utile.  En  cela  il  obéis- 
sait autant  à  ses  instincts  généreux  qu'aux  traditions  de  sa  famille. 
Il  avait  un  caractère  loyal  et  sûr  que  l'on  appréciait  d'autant 
mieux  que  l'on  pénétrait  davantage  dans  son  intimité.  La  bonté 
de  son  caractère  peut  être  constatée  par  ce  seul  fait,  que,  parmi  le 
nombreux  personnel  de  ses  établissements  de  Londres  et  de  Paris, 
un  grand  nombre  d'ouvriers  y  sont  depuis  leur  enfance,  après 
avoir  succédé  à  leurs  parents. 

C'est  à  sa  veuve ,  dépositaire  de  ses  pensées  d'avenir,  que 
Pierre  Erard  a  laissé  ses  établissements  de'  Paris  et  de  Londres. 
Aidée  des  conseils  éclairés  de  M.  Scheffer,  son  beau-frère, 
et  du  concours  d'un  persounel  intelligent  et  dévoué,  Mme  Erard 
saura  remplir  religieusement  les  intentions  de  son  mari,  et  elle 
espère  que  ses  efforts,  couronnés  de  succès,  lui  permettront  de 
remettre  intact  à  son  successeur  le  précieux  dépôt  qui  lui  a  été 
confié. 

FIN 


FÈÏE  PATRONALE  DE  SAINT-EUSIACHE. 


MESSE  EN   MUSIQUE  DE  NI.  F.  BENOIST 


Dimanche  dernier,  l'église  Saint-Eustache  célébrait  la  fête  du 
saint  dont  elle  porte  le  nom,  et  c'était  pour  elle  l'occasion  de 
déployer  ces  grandes  pompes  dont  le  culte  catholique  est  si 
riche.  Où  trouver  un  spectacle  plus  grandiose  et  plus  saisissant? 
Monseigneur  l'évèque  d'Ajaccio  officiait  en  personne;  la  nef  de 
cette  superbe  église  s'était  parée  des  rayons  d'or  du  soleil;  les 
vitraux  resplendissaient;  le  clergé  avait  revêtu  ses  plus  beaux 
ornements,  et  la  musique,  dont  les  accents  se  prêtent  si  bien  à 
la  sublimité  religieuse,  avait  été  conviée  à  apporter  sa  part 
dans  l'offrande  générale  qui  s'adressait  au  ciel. 

Saint  Eustache,  le  héros  de  cette  fête,  n'avait  pas  seulement 
les  vertus  chrétiennes  qui  le  firent  canoniser  ;  c'était  un  grand 
capitaine,  et  l'un  des  soutiens  de  cette  Rome  chancelante  des  pre- 
miers siècles  de  Jésus-Christ.  Aussi  la  prose  particulière  à  ce  jour, 
tout  en  racontant  le  glorieux  martyre  du  grand  saint,  porte-t-elle 
un  cachet  d'audace  et  de  virtualité  qui  n'est. pas  ordinaire;  on 
dirait  la  messe  au  camp.  Rien  de  beau  comme  cette  prose  se 
répondant  de  toute  part,  au  grand  chœur,  en  solo,  à  l'orches- 
tre, au  grand  orgue. 

La  messe  en  musique  exécutée  à  grand  orchestre  était  de 
M.  F.  Benoist.  Jusqu'ici  je  n'avais  rien  entendu  de  ce  maître, 
et  j'ai  été  heureux  de  faire  avec  ses  œuvres  une  connaissance 
aussi  bien  commencée.  En  revanche, nous  connaissions  l'homme 
et  le  tenions  en  grande  estime.  M.  Benoist  professe  depuis 
longtemps  au  Conservatoire  l'orgue,  conséquemment  le  contre- 
point, la  fugue  et  l'improvisation.  Dans  celte  haute  position  ar- 
tistique, il  a  vu  passer  sous  sa  direction  la  plupart  de  nos  com- 
positeurs modernes,  et  son  influence,  toujours  aussi  élevée  que 
sage  et  correcte,  a  dû  nécessairement  avoir  un  grands  poids  sur 


398 


LE  MÉNESTREL. 


la  jeune  école  française  de  composition.  D'une  modestie  à  toute 
épreuve,  consacrant  à  former  des  élèves  un  temps  que  l'arl 
aurait  pu  lui  réclamer  pour  s'enrichir  de  ses  propres  travaux, 
M.  Benoist  n'a  demandé  que  de  loin  en  loin  la  consécration  du 
public,  se  contentant  de  l'estime  générale  des  artistes  et  de  l'ab- 
négation paternelle  du  rôle  de  professeur.  Cependant  l'œuvre 
que  nous  avons  entendue  dimanche  dernier  renferme  toutes  les 
qualités  d'un  maître.  Élévation  de  style,  grandeur  de  forme, 
orchestration  bien  entendue,  tout  s'y  trouve,  et  la  mélodie  reli- 
gieuse, si  belle  quand  elle  arrive  à  l'inspiration  soutenue,  n'y 
fait  jamais  défaut.  Un  Gloria  vigoureusement  conçu,  un  char- 
mant 0  salutaris  et  un  Kyrie  eleison  d'un  grand  effet,  telles 
sont  les  parties  saillantes  d'une  œuvre  que  nous  aimerions  à 
réentendre  souvent  pour  l'apprécier  mieux  encore. 

Sous  la  direction  de  M.  Hurand,  maître  de  chapelle,  l'exécu- 
tion a  été  fort  bonne,  et  M.   Ed.  Batiste  a,  comme  toujours, 
tenu  le  grand  orgue  avec  la  supériorité  que  réclame  ce  magni- 
fique instrument,  l'un  des  plus  beaux  que  nous  possédions. 
Paul  Bernard. 


MmcDMZ-VANDENHElJVEL 


AU   THEATRE-ROYAL   D'ANVERS 


«  Nous  concevons  que  cette  tendre  Lucie  ait  tenté  le  gracieux 
talent  de  Mmc  Vanden  Heuvel-Duprez,  et  que  cet  opéra  ait  été 
l'un  des  premiers  dans  lesquels  elle  ait  voulu  paraître  lorsqu'elle 
aborda  la  carrière  théâtrale. 

«  Fille  de  l'un  des  plus  remarquables  chanteurs  de  notre  temps, 
dont  elle  a  de  bonne  heure  appris  les  secrets  de  l'art  auquel 
elle  se  consacrait,  Mlle  Caroline  Duprez  était  bien  jeune  encore 
lorsqu'elle  débuta  en  1850  dans  la  Sonnambula.  Bientôt  après 
elle  abordait  cette  Lucie  que  son  père  avait  créée  à  Naples  en 
1835  avec  Mme  Persiani;  puis  elle  passait  au  Théâtre-Lyrique, 
où  elle  jouait  Joanita,  opéra  de  son  père,  qui  n'eut  qu'un  suc- 
cès passager.  Entrée  ensuite  à  l'Opéra- Comique  elle  y  créa 
Marco  Spada  et  Jenny  Bell,  deux  œuvres  d'Auber,  Valentinc 
d'Aubigny,  page  langoureuse  et  faible,  quoique  délicate,  de 
Halévy,  et  surtout  le  rôle  de  Catherine  de  l'Etoile  du  Nord, 
qui  est  sa  seule  création  considérable,  les  autres  ayant  suc- 
cessivement disparu  du  répertoire. 

«  C'est  dans  cet  opéra  que  Bruxelles  l'applaudit  au  théâtre  du 
Cirque,  peu  après  l'incendie  du  théâtre  de  la  Monnaie,  et  depuis 
lors  le  grand  succès  de  M1Ie  Duprez,  devenue  Mme  Yanden  Heu- 
vel,  a  été  le  rôle  de- la  comtesse  dans  les  Noces  de  Figaro,  repri- 
ses d'une  manière  si  brillante  auThéâlre-Lyrique  avec  M"K'S  Mio- 
lan-Carvalho  et  Ugaldo. 

«  On  le  voit,  Mme  Yanden  Heuvel  a  abordé  divers  genres,  mais 
c'est  spécialement  dans  les  rôles  tendres  et  un  peu  vaporeux  que 
son  talent  a  trouvé  son  véritable  développement. 

«  Mme  Vanden  Heuvel  est  une  des  rares  cantatrices  qui  aient 
du  style.  Sa  voix  a  un  caractère  d'exquise  délicatesse  et  une 
pureté  cristalline.  Avec  un  volume  limité  et  auquel  on  ne  devrait 
pas  demander  des  effets  puissants,  elle  arrive  cependant  à  une 
force  d'expression  qui  étonne  et  ravit  à  la  fois.  Le  sentiment 
dramatique  est  profond  chez  cette  jeune  et  intéressante  artiste. 
Sous  cette  gracieuse  et  frêle  enveloppe  se  cache  une  passion  con- 
tenue, et  elle  possède  à  un  haut  degré  l'art  d'émouvoir  l'audi. 


teur,  parce  que  l'on  sent  qu'elle  est  émue  elle-même  et  que  ce 
sont  des  accents  véritables  qui  s'échappent  de  sou  cœur.  Elle 
s'assimille  avec  un  rare  bonheur  ce  rôle  charmant  de  la  chaste 
Lucie,  et  l'on  dirait  qu'il  a  été  créé  pour  elle  et  pour  mettre  en 
relief  toutes  les  qualités  délicates  qu'elle  doit  à  sa  nature  d'élite 
et  à  la  simplicité  des  moyens  qu'elle  emprunte  à  son  art. 

«  Combien  on  sent  l'influence  puissante  d'un  grand  maître  dans 
tous  les  détails  d'exécution  et  quel  goût  parfait  on  retrouve  dans 
cette  manière  de  phraser,  dans  ces  traits  corrects  et  gracieux, 
dans  cette  diction  distinguée,  qui  dénotent  de  suite  l'artiste  du 
premier  rang. 

«  Le  finale  du  second  acte  a  enlevé  tous  les  applaudissements. 
Avec  quel  accent  déchirant  Lucie  a  prononcé  ce  oui  fatal  qui  va 
briser  sa  vie,  et  combien  l'on  suit,  sur  celle  physionomie  mobile 
et  intelligente,  toutes  les  angoisses  d'une  âme  brisée  ! 

«  Le  public  paraissait  si  charmé  de  rencontrer  un  aussi  fin 
joyau,  qu'il  ne  se  lassait  pas  d'applaudir  et  de  rappeler.  L'as- 
semblée était  nombreuse  et  avait  voulu  prouver  que  ce  n'est 
pas  en  vain  qu'on  convie  le  public  anversois  à  ce  qui  est  vraiment 
beau.  Aussi  pendant  tout  le  temps  que  Mmo  Vanden  Heuvel 
était  en  scène,  on  respirait  dans  la  salle  une  atmosphère  sereine, 
à  laquelle,  hélas l' nous  ne  sommes  plus  guère  habitués. 

«  On  a  naturellement  demandé  à  grands  cris  une  seconde  repré- 
sentation à  la  charmante  artiste,  qui  s'y  est  prêtée  avec  le  plus 
gracieux  empressement.  Ce  soir,  le  Barbier:  la  mutine  et  coquette 
Rosine  d'abord, avec  l'air  àesVêpres  siciliennes  à  la  leçon  de  mu- 
sique, puis  enfin  la  scène  de  folie  de  Lucie,  qui  restera  du  reste 
son  triomphe,  et  qui  doit  être,  nous  en  sommes  convaincu, 
l'objet  de  ses  plus  vives  et  de  ses  plus  intimes  prédilections.  » 

Lionel. 

(Le  Précurseur  d'Anvers.) 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Les  correspondances  de  Saint-Pétersbourg  nous  parlent  des  succès 
éclatants  qu'obtiennent,  au  Grand-Théâtre,  MM.  Tamberlirk,  Graziani  et 
MmG  Lagrua. —  Les  chanteurs  italiens  recrutés  par  Tamberlick  pour  Mos- 
cou, paraissent  être  également  fort  goûtés  du  public  de  cette  ville.  M.  et 
M"11' Gassier,  M.  Frizzi,  dit-on,  sont  particulièrement  fêtés. 

—  Les  lettres  de  Russie  nous  parlent  aussi  de  Mlle  Stella  Colas.  Le  Roman 
d'un  jeune  homme  pauvre  lui  a  mérité  jusqu'à  quatorze  rappels  successifs. 

—  Ou  nous  écrit  de  Berlin,  30  octobre:  «  Hier  au  soir,  Ml,°  Barbara 
Marchisio  a  obtenu  un  nouveau  succès  dans  la  Cenerentola.  Le  rondo  final 
surtout,  lui  a  valu  d'enthousiastes  bravos. —  Les  soeurs  Marchisio  ont 
chanté  à  deux  concerts  à  la  cour.  On  a  particulièrement  fêté  leurs  duos  de 
Semiramide  et  de  Mathilde  de  Shabran.  Le  roi  et  la  reine  leur  ont  donné 
toutes  les  marques  de  leur  haute  satisfaction.  » 

—  Les  représentations  de  la  troupe  Lorini  ont  commencé  au  Théâtre- 
Victoria  de  Berlin,  le  1er  novembre.  Mmes  Artot,  Cordier  et  le  baryton 
Merli,  font  partie  du  personnel.  On  parle  aussi  des  débuts  (dans  un  Ballo 
in  maschera) ,  d'une  élève  de  Roger ,  Mllu  Maria  Majo. 

—  A  propos  de  l'opéra  posthume  de  François  Schubert ,  la  Gurrre  do- 
mestique, ou  les  Conspirateurs,  représenté  à  Vienne,  les  Signale  nous  ap- 
prennent que  le  défunt  compositeur  a  laissé  quatorze  opéras.  La  feuille  de 
Leipzick  donne  les  titres  de  ces  ouvrages  en  exprimant  le  vœu  qu'ils  soient 
sauvés  de  l'oubli. 

—  Les  correspondances  de  Vienne  disent  que  cent  trente  concerts  sont 
déjà  annonces  dans  cette  ville  pour  la  saison  d'hiver.—  Nous  ne  savons  pas 
-encore  le  chiffre  de  ceux  que  la  saison  de  Paris  nous  lient  on  perspective  ; 
on  ne  l'annonce  pas,  de  peur  de  nous  effrayer. 


NOUVFXLES  ET  ANNONCES. 


.'199 


—  Noire  pianiste-compositeur  William  Kruger  à  donné,  le  30  octobre, 
à  Suttgardt,  sa  ville  natale,  un  fort  intéressant  concert,  auquel  assistait  la 
cour.  Le  bénéficiaire  a  récolté  les  bravos  auxquels  il  est  habitué.  Son 
frère,  l'habile  harpiste,  s'y  est  fait  entendre  également  ;  la  Danse  des  Syl- 
phes, de  Godefroid,  lui  a  valu  de  vifs  applaudissements.  Quelques  jours 
avant  ce  concert,  M.  Kruger  avait  été  appelé  chez  le  prince  royal,  à  une 
soirée  intime  dont  il  a  fait  tous  les  frais.  —  Cet  excellent  pianiste  est  de  re- 
tour à  Paris. 

—  Mme  Borghi-Mamo,  actuellement  à  Florence,  vient  d'être  engagée  au 
Théâtre-Royal  de  Turin  pour  la  saison  prochaine. 

—  A  Londres  on  va  inaugurer  un  nouveau  théâtre  :  The  new  Rotjaltij 
Theater.  Son  répertoire  se  composera  d'opérettes  anglaises,  de  drames  et 
de  pièces  bouffonnes.  Ce  sera  donc  une  concurrence  à  la  scène  de  Drury- 
Lane. 

—  Au  Royal-English-Opéra,  c'est  le  Ruy-Blas  d'Howard  Glover  qui  a 
servi  de  pièce  d'ouverture.  L'opéra  nouveau  est  monté  avec  splendeur.  Le 
compositeur  a  été  rappelé  ;  même  ovation  aux  principaux  artistes. 

—  Comme  nous  l'avions  annoncé,  Mme  Cinti-Damoreau  est  définitive- 
ment réinstallée  à  Paris.  C'est  sous  son  patronage,  et  avec  ses  précieux 
conseils  que  sa  fille,  Mme  Wekerlin-Damoreau,  va  continuer  rue  Laval,  22, 
les  cours  et  leçons  de  chant  qui  portèrent  si  haut  l'école  Damoreau 
dans  ces  dernières  années.  Cette  méthode,  si  pure  et  de  si  bon  goût,  arrive 
à  propos  pour  combattre  les  exagérations  vocales  du  jour.  Nos  jeunes  fem- 
mes du  monde  surtout  y  trouveront  une  salutaire  protestation  contre  les 
tristes  enseignements  du  théâtre  moderne.  On  sait  que  Mme  Wekerlin- 
Damoreau,  comme  sa  mère,  sait  joindre  l'exemple  au  précepte,  et  qu'elle 
a  hérité  en  droite  ligne  de  tous  les  trésors  d'une  méthode  que  l'on  a  qua- 
lifiée incomparable,  et  à  juste  titre. 

—  On  assure  que  MUo  Caroline  Ferni  renonce  au  violon  pour  se  vouer  à 
l'étude  du  chant  dramatique.  Elle  possède,  dit-on,  une  fort  belle  voix  de 
mezzo-soprano  ;  on  ajoute  même  qu'elle  sera  bientôt  en  mesure  de  débu- 
ter sur  l'une  de  nos  scènes  lyriques. —  Une  pareille  transformation  pourrait 
bien  s'opérer  chez  la  jeune  Maria  Boulay,  dont  la  voix  paraît  devoir  se  dé- 
velopper aussi  d'une  manière  miraculeuse. 


—  L'entreprise  de  M.  Pasdeloup  est  décidemment  une  des  plus  heureu- 
ses qu'on  ait  vu  éclore  dans  le  cours  de  ces  dernières  années.  Tout  an- 
nonce que  les  Concerts  populaires  de  musique  classique  sont  nés  viables 
et  destinés  à  de  féconds  résultats.  Même  affluence  dimanche  dernier  qu'à  la 
séance  du  27.  La  vaste  enceinte  du  cirque  était  comble,  et  la  foule  se  pres- 
sait jusqu'aux  derniers  gradins.  Même  enthousiasme  pour  tous  les  numéros 
du  programme ,  même  ovation  pour  l'armée  instrumentale  et  son  digne 
chef.  L'ouverture  de  la  Flàle  enchantée,  de  Mozart,  et  la  symphonie  en  ut 
mineur  de  Beethoven  ont  recueilli  les  premiers  honneurs,  et  c'était  justice. 
Le  violoncelliste  Léon  Jacquard  a  été  parfaitement  accueilli,  bien  que  son 
morceau  ne  fût  pas  approprié  à  cette  vaste  salle  ;  mais  le  grand  succès  de 
la  matinée  appartient  à  l'Invitation  à  la  valse,  de  Weber,  orchestrée  par 
Berlioz.  Ce  chef-d'œuvre,  enlevé  avec  une  vigueur,  un  ensemble  des  plus 
remarquables,  a  été  unanimement  redemandé.  Enfin,  l'ouverture  de  Guil- 
laume Tell  terminait  splendidement  la  séance.  M.  Pasdeloup  a  été  rappelé. 

—  Le  29  du  mois  dernier,  la  salle  de  concerts  d'Adolphe  Sax,  rue  Saint- 
Georges,  réunissait  un  publjc  d'élite,  appelé  à  entendre  l'excellent  orchestre 
de  la  garde  de  Paris,  sous  la  direction  de  son  habile  chef,  M.  Paulus.  Six 
morceaux  ont  défrayé  celte  intéressante  séance.  On  a  surtout  remarqué  un 
andante  et  un  scherzo  d'Haydn,  parfaitement  instrumentés  par  M.' Emile 
Jonas,  professeur  au  Conservatoire.  M.  Mori,  le  sous-chef,  s'est  tout  à  fait 
distingué  dans  la  partie  de  saxhorn  du  Carnaval  de  Venise.  M.  Paulus  a 
reçu  à  plusieurs  reprises  les  félicitations  de  l'auditoire,  dans  lequel  on 
comptait  MM.  le  général  Mellinet,  Berlioz ,  Ambroise  Thomas,  Georges 
Kastner,  Léon  Kreutzer  et  Lassabathie,  administrateur  du  Conservatoire. 

—  Mme  Ugalde  qui  est,  on  le  sait,  aussi  excellent  professeur  que  grande 
artiste,  vient  de  rouvrir  ses  salons  à  ses  élèves.  Nous  croyons  rendre 
service  aussi  bien  aux  jeunes  personnes  du.  monde  qu'à  celles  qui  se  des- 
tinent au  théâtre,  en  leur  faisant  part  de  cette  bonne  nouvelle. 


J.-L.  Heugel,  directeur 


J.  Lovy,  rédacteuren  chef. 


Typ.  Chark-s  île  Mourgnes  fie 


rue  Jean-Jacqucslto 


Pour  paraître  le  1er  décembre  1861  (39me  AMjIÉE). 

PRIMES- I862- DÛ    MÉNESTREL 

qui  seront  remises  nu  envoyées  franco  à  chaque  abonné ,  sur  renouvellement  de  l'abonnement  d'un  an,  à  compter  du  1er  décembre  prochain.  Pour  la  province, 
écrire  franco  à  MM.  HEUGEL.  et  Cc,  éditeurs  du  Ménestrel,  en  accompagnant  chaque  demande  d'un  BON  sur  la  poste  avec  supplément  d'un  franc 
pour  affranchissement  des  primes. 

1»  PRIMES,    MUSIQUE    DE   PIANO  : 


lre  SEME.  EDITION 

4.  Quatuor  SI  Puritani • Bellini. 

2.  Tre  Giorni Pebgolèse. 

3.  Adélaïde Beethoven 

4.  Air  d'église  du  célèbre  chanteur Straoella. 

5.  Laerymosa  et  les  Noces  de  Figaro Mozart. 

6.  Duetto  de  Zelmira Rossini. 


[m  S:;  s.  T 

SIMPLIFIÉE    PAR    CH.    CZERNY  2e  SÉRIE. 

7.  Bella  adorata Mercaoente. 

8.  Le  Meunier  et  le  Torrent F.  Schubert. 

9.  Il  mio  tesoro  de  Don  Juan Mozart. 

10.  Chœur  des  Conjurés  du  Crociuto Meyerbeer. 

1 1 .  Ballade  de   Preciosa Weber. 

12.  Duo  du  Freyschiitz Weber. 


OU   AU   CHOIX  DE  L  ABONNE 


L'ÉCOLE    CHANTANTE 


du  Piano 

1er  livre  de 


Méthode  de  chant  appliquée  au  Piano,  contenant  avec  théorie 

Quarante-deux  exercices  et  mélodies-types  sur  les  difficultés  de  l'art  du  chant  ;  trente  exercices  mélodiques  sur  les  broderies,  fioritures,  traits  et  formules 

de  mécanisme  des  maîtres  du  Chant  et  du  Piano. 


3°  PRIMES,  MUSIQUE  DE  CHANT  : 

110  piaLTSc^Me  J.  OFFENBACH 

(Avec  le  libretto  de  MM.  Hector  Crémieux  et  Ludovic  Halévï  ) 

ET    UN    VOLUME  IN-8°  AU    CHOIX    DANS    LES   SEPT    PREMIERS   VOLUMES    DES 

(voir  ci-contre)    CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADAUD    W*  «>-«»■«) 

[Paroles,  Musique  et  accompagnement  de  Piano.) 

N.  B.  Comme  l'an  dernier,  les  primes  ci-dessus  désignées  pourront  être  remplacées  au  choix  de  l'abonné  :  1°  Pour  l'abonnement  complet,  par  la 
belle  partition  illustrée  de  Sémiramis,  piano  et  chant,  paroles  italiennes,  et  traduction  française  de  Méry,  avec  les  deux  portraits  de  G.  Rossini  (Naples  1820 
et  Rossini  1860).  et  les  dessins  représentant  les  principales  scènes  de  l'ouvrage  ;  2°  pour  l'abonnement  simple,  Piano  ou  Chant,  par  la  partition  complète  des 
Saisons,  de  J.Haydn,  traducliou  française  de  G.  Roger,  seule  édition  conforme  à  l'exécution  des  concerts  du  Conservatoire,  et  ornée  du  portrait  de  l'auteur. 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  HEUGEL  et  Ce,  éditeurs. 

COLLECTION  COMPLÈTE 


CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADAUD 

Publiées  eu  sept  volumes  grand  in-80,  et  une  collection  de  chansons  légères, 

Paroles  et  musique  avec  accompseg'nerasent  «le  piano. 

Prix  net.  Chaque  volume  :  6  fr.  —  Collection  des  30  chansons  légères  :  8  fr.  —  Souscription  aux  huit  volumes  :  40  fr. 


1  Vieille  histoire. 

2  L'inconnu. 

3  L'automne. 

4  Une  fée. 

5  Trompette. 

21  Le  quartier  latin. 

22  Les  dieux. 

23  Le  vieux  tilleul. 

24  Le  cliâteau  et  la  chaumière. 

25  La  ligue  des  maris. 

41  Les  pauvres  d'esprit. 

42  Est-ce  tout? 

43  La  Kermesse. 

44  La  meunière  et  le  moulin. 

45  May. 

61  Le  voyage  aérien. 

62  Rose-Claire-Marie. 

63  Mon  héritage. 

64  Paris. 

65  Jaloux,  jaloux. 

81  La  forêt. 

82  Lanlaire. 

83  Pêcheur  silencieux. 

84  L'aveu. 

85  Des  bêtises. 

101  Les  heureux  voyageurs. 

102  L'aimable  voleur. 

103  La  vie  moderne. 

104  Le  pot  de  vin. 

105  La  vigne  vendangée. 

121  L'histoire  de  mon  chien. 

122  Libre  !  stances  à  l'Italie. 

123  Bernique. 

124  Nuit  d'été. 

125  Mon  oncle  Gaspard. 


1  Les  amants  d'Adèle. 

2  Le  souper  de  Manon. 

3  Satan  marié. 

4  Toinette  et  Toinon. 

5  Ursule. 

6  Les  gros  mots. 

7  Quille  à  quitte. 

8  Le  coucher. 


6  Voilà  pourquoi  je  suis  garçon 

7  Les  mois. 

8  Un  propriétaire. 

9  Le  melon. 
10  Je  pêche  à  la  ligne. 

26  Bonhomme. 

27  La  ballade  au  moulin. 

28  Perrette  et  le  sorcier. 

29  Les  cerises  de  Montmorency. 

30  Je  n'aime  pas. 


46  La  solution. 

47  Pastorale. 

48  Fantaisie. 

49  Je  grelotte. 

50  Jean  qui  pleure  et  Jean  qui  rit 


66  Mes  mémoires. 

67  L'été  de  la  Saint-Martin. 

68  La  bayadère  voilée. 

69  Le  jardin  deTéhadja. 

70  Souvenirs  de  voyage. 

86  Le  fou  Guilleau. 

87  La  nacelle. 

88  Père  capucin. 

89  La  pluie. 

90  Les  plaintes  de  Glycère. 


106  Le  cigare. 

107  Les  lamentations  ;d'un  réverbère 

108  La  confidence. 

109  Les  pêcheuses  du  Loiret. 

110  La  chanson  de  gros  Pierre. 


126  L'attente, 

127  L'oubli. 

128  Le  roi  boiteux. 

129  L'improvisateur  de  Sorrente 

130  Les  côtes  d'Angleterre. 


VOLUME. 

11  Au  coin  du  feu. 

12  Les  grands-pères. 
l.t  Les  rats. 

14  Je  m'embête. 

15  Ma  femme  n'est  pas  là. 
S"  VOLUME. 

31  Rêves  et  réalités. 

32  Les  étrennes  de  Julie. 

33  M.  Bourgeois. 

34  Louise. 

35  Le  docteur  Grégoire. 
3e  VOLUME. 

51  Les  écus. 

52  Pierrette  et  Pierrot. 

53  Le  phalanstère. 

54  Les  impôts. 

55  Les  réformes. 
-5e  VOLUME. 

71  Insomnie. 

72  La  vieille  servante. 

73  II  faut  aimer. 

74  Ma  philosophie. 

75  Les  deux  notaires. 
Se  VOLUME. 

91  Le  vieux  télégraphe. 

92  Ma  sœur. 

93  Les  ruines. 

94  La  mère  Godichon. 

95  M.  de  la  Chance. 
VOLUME. 

111  Le  puits  de  Ponlkerlo. 

112  Les  projets  de  jeunesse. 

113  Le  sultan. 

114  La  cuisine  du  château, 

115  Chanson  napolitaine. 
7e  VOLUME. 

131  A  propos  d'annexion. 

132  M'aimez-vous  ? 

133  Le  mandarin. 

134  Elle. 

135  Une  histoire  de  voleur. 


a 


16  Je  ris. 

17  Nous  sommes  gris. 

18  Ivresse. 

19  Aujourd'hui  et  demain. 

20  Chauvin. 

'36  Chut. 

37  Les  hommes  utiles. 

38  Le  Champagne. 

39  Le  carnaval  à  l'assemblée. 

40  Beauté. 

56  Le  message. 

57  Pandore. 

58  L'histoire  du  mendiant. 

59  La  valse  des  adieux. 

60  La  première  maîtresse. 

76  Le  bonsoir. 

77  La  petite  ville. 

78  Le  chevalier  à  boire. 

79  Flora  cruelle. 

80  Cheval  et  cavalier. 

96  Ma  voisine 

97  Le  vallon  de  la  jeunesse. 

98  La  fille  de  l'amour. 

99  Lettre  d'un  étudiant  à  une  étudiante. 
100  Réponse  de  l'étudiante  à  l'étudiant. 

116  La  bûche  de  Noël. 

117  Macadam. 

118  Le  pays  natal. 

119  La  lecture  du  roman. 

120  Le  nid  abandonné. 

136  La  promenade. 

137  La  bruyère. 

138  La  ferme  de  Beauvoir. 

139  Le  vent  qui  pleure. 

140  Florimond  l'enjôleur. 


COLLECTION  DES  30  CHANSONS  LEGERES 


9  Les  boutons. 

10  Auguste,  étudiant  de  10e  année. 

11  Boisenlier. 

12  La  gaîté  française, 

13  Les  poissons. 

14  La  chanson  de  trente  ans. 

15  Adèle. 

16  La  lorette. 


17  La  lorette  du  lendemain. 

18  La  chaumière. 

19  Les  reines  de  Mabille. 

20  Palinodie. 

21  Les  confessions. 

22  Les  deux. 

23  Mes  enfants. 

24  Madeleine. 


23  Les  plaisirs  sont  trop  courts 

26  Un  mari  malheureux. 

27  Thérèse. 

28  Le  lion  d'or. 

29  Le  dix-cors. 

30  La  toilette. 

HUITIÈME  VOLUME. 

Prix  net  :  8  fr. 


C*3£0:^S3'^CX>S3'^   3aS£3î£5SS5asa'C£>£a^ 

Paraissant  de  mois  en  mois  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  sous  le  titre  :  Une  Chanson  par  «sois;  12  chansons  par  an,  paroles,  musique  et  accompagnement  de  piano. 

Paris  et  province,  abonnement  d'un  an,  net  :  il  fr.  (L'abonnement  part  du  t?r  septembre  de  chaque  anne'e.) 

Chaque  chanson  séparée,  en  £rand  format,  prix  marqué  :  ?  fr*  5©  c. 


OPERAS    DE    SALON 

Partitions  in-S°,  texte,  cluint  et  piano.  ^ 

LA    VOLIÈRE  PORTE  ET  FENETRE 

Pour  ténor,  basse,  trial  et  soprano.  —  Prix  net  :  S  fr.  Pour  ténor,  baryton,  basse  et  soprano.  —  Prix  net  :  s  fr. 

LE  DOCTEUR  VIEUXTEMPS 

Pour  deux  ténors ,   basse  et  deux  soprani.    —    Prix  :   s  francs. 

PARODIE  DE  liA  BOMAiVCE  —  Prix  marqué  :  5  fr. 


^  5, Les  trois  premiers  volumes,  la  collection  des  Chansons  légères  et  les  Opéras  de  salon  seront  en  vente  le  1er  mai  1861,  les  autres  volumes  suivront  de  mois  en  mois. 

—  On  souscrit  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  en  adressant  un  bou  sur  la  poste  à  MAI.  Heugel  et  C*.  —  Les  vulumes  sont  expédias  franco. 


792.  —  28e  Aimée. 
i\«  si. 


TABLETTES 
DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  il  Novembre 

1861. 


3~»>ï.S-S> 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL, 

Directeur. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'  en  chef. 


(\u\  lli 


LES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vi  vienne.  —  HEUGEL,  et  C'%  éditeurs. 

gasina  et  Abonnement  <le  M«i*>i«|iie  du    Hl  \ISIIUI,    —  Tente  et  locntion  «le  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

Ier  Mode  d'abonnement  :  Jonrnul-Testc,  tous  les  dimanches;  in  îflorcen 
Scènes,  Mélodies,  Romances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  a  Allm 
primes  illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :18fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


PIANO. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches  ;  ta  Morceaux  i 

Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  Albums* 
primes  illustrés.  —  Un  au  :  15  fr.  ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger  :  21  fr. 

CHANT  ET  PIANO    RÉUNIS  : 

iltenant  le  Texte  complet,  les  51  Morccnux  de  chant  et  de  piano,  les  «  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Province  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  t"  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  \"  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  — forment  collection  —Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  Illt|ir.l!l,  et  (;>e,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  %  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.CharlesileMourgues frères,  (  Teste  seul  :  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  ) 


3e  Mode  d' ationnement  r 


:  Jean-Jacques  Rousseau ,  8.  —  6812 


SOMMAIIIE. 


TEXTE. 


I.  Quatrième  Lettre  d'un  bibliophile  musicien.  J.  d'Ortigce.  —  II.  Semaine  théâ- 
trale :  Guillaume  Tell,  M.  Dulaurens  ;  reprise  de  Jaç/uarita.  J.  Lovï.  —  Ta- 
blettes du  pianiste  et  au  chanteur:  Deux  lettres  de  Mendei.ssohn-Barthoi.dy. 
—  IV.  Variétés  :  Une  vente  d'Autographes.  A.  Dureau.  —  V.  Nouvelles  et  An- 
nonces. 

■MUSIQUE  DE  PIANO  : 

Nos  a  bonnes  à  la  musique  de  Piano  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

La  FÉE   DU   «AI. 

polka-mazurka  d'ED.  Viénot.  —  Suivra  immédiatement  après  :  Les 
transcriptions,  pour  piano  seul,  par  Paul  Bernard,  de  la  belle  marche 
religieuse  et  des  couplets  avec  chœur  dansé  de  VAlceste  de  Gluck. 

CHANT  : 

Nous  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Chant: 

JEANNE   D'ARC 

poésie  des  Messéniennes,  de  Casimir  Deéavigne,  musique  de  Mme  la  vi- 
comtesse de  Grandval.  —  Suivra  immédiaiemeniaprés  :  La  Voix  des 
montagnes,  9mo  Tyrolienne  de  J.-B.  Wëkerlin,  paroles  de  M.  Paul  Juil- 

LERAT. 


AVIS   A    NOS   ABONNÉS 

Dimanche  prochain  le  Ménestrel  publiera  le  premier  chapitre 
des  Mémoires  historiques  d'un  musicien  sur  CHERUBINI,  sa  vie, 
ses  travaux,  et  leur  influence  sur  l'art,  par  M.  Dieudonné 
Denne-Baron.  Nous  commencerons  aussi  prochainement,  pour 
faire  suite  aux  intéressantes  études  de  Beethoven  et  F.  Chopin, 
une  nouvelle  notice  de  M.  H.  Barbedette,  sur  WEBER  et  ses 
immortelles  œuvres;  enfin  nous  annonçons  dès  aujourd'hui  (voir 
aux  annonces  7e  et  8e  pages) ,  les 

Primes  du  Ménestrel 
(année  1861-1862),  destinées  à  nos  abonnés.  Ces  primes  leur 
seront  remises  à  partir  du  1er  décembre  prochain,  et  seront  sui- 
vies, comme  l'an  dernier,  de  la  publication,  en  morceaux  déta- 
chés, chaque  dimanche,  des  recueils  de  Chant  et  Piano  consacrés 
par  nos  meilleurs  compositeurs  au  journal  le  Ménestrel. 


LETTRES  D  UN  BIBLIOPHILE  MUSICIEN 

A  M.  LE  DIRECTEUR  DU  MÉNESTREL. 


UNE  LETTRE  DE   GLUCK.    —    RÉPONSE   A   UNE   RECTIFICATION. 

Mon  cher  directeur. 
Vous  savez  que  je  suis  perdu  dans  les  rochers  et  dans  les  bois 
à  plus  de  huit  cents  kilomètres  de  Paris,  et  qu'il  n'y  a  guère  que 
le  Ménestrel  qui  me  mette  en  communication  avec  le  monde  ci- 
vilisé. Notre  aimable  confrère  J.  Lovy  m'apprenait  hier  que  des 
Irains  spéciaux  s'organisent  pour  que  les  amateurs  des  départe- 
ments puissent  entendre  VAlceste ,  comme  jadis  certaines  villes 
s'inscrivaient  pour  les  représentations  des  Noces  de  Figaro  et 
d'Orphée,  au  Théâtre-Lyrique.  Je  ne  veux  pas  être  un  des  der- 
niers ;  comptez  [donc  sur  ma  prochaine  arrivée.  En  attendant, 
je  crois  vous  faire  plaisir  en  vous  envoyant  la  copie  exacte  d'une 
lettre  que  Gluck  écrivait  en  1777 ,  un  an  après  VAlceste ,  à 
V Anonyme  de  Vaugirard,  pour  le  prier  de  le  défendre  contre 
certains  lettrés  ses  ennemis.  Je  crois  être  bien  assuré  que  cette 
lettre  a  été  omise  par  l'auteur  de  l'intéressante  étude  sur  Gluck, 
que  vous  avez  publiée  il  y  a  deux  ou  trois  ans.  La  voici  : 

«  Monsieur, 
«  Lorsque  j'ai  considéré  la  musique,  non  pas  seulement  comme 
l'art  d'amuser  l'ouïe,  mais  comme  un  des  plus  grands  moyens 
d'émouvoir  le  cœur  et  d'exciter  les  affections,  et  qu'en  consé- 
quence j'ai  pris  une  nouvelle  méthode,  je  me  suis  occupé  de  la 
scène,  j'ai  cherché  la  grande  et  forte  expression,  et  j'ai  voulu 
surtout  que  toutes  les  parties  de  mes  ouvrages  fussent  liées  entre 
elles.  J'ai  vu  contre  moi  d'abord  les  chanteurs,  les  cantatrices  et 
un  grand  nombre  de  professeurs  ;  mais  tous  les  gens  d'esprit  et 


402 


LE  MÉNESTREL. 


de  lettres,  d'Allemagne  et  d'Italie  sans  exception,  m'en  ont  bien 
dédommagé  par  les  éloges  et  les  marques  d'estime  qu'ils  m'ont 
donnés.  Il  n'en  est  pas  la  même  chose  en  France.  S'il  y  a  des 
gens  de  lettres  dont,  à  la  vérité,  le  suffrage  devrait  bien  me  con- 
soler de  la  perte  des  autres,  il  y  en  a  beaucoup  aussi  qui  se  sont 
déclarés  contre  moi. 

«  Il  y  aappareneeque  ces  messieurs  sont  plus  heureux  lorsqu'ils 
écrivent  sur  d'autres  matières;  car  si  je  dois  juger  par  l'accueil 
que  le  public  a  eu  la  bonté  de  faire  à  mes  ouvrages ,  ce  public 
ne  tient  pas  un  grand  compte  de  leurs  phrases  et  de  leur  opinion. 
Mais  que  pensez-vous,  monsieur,  de  la  nouvelle  sortie  qu'un 
d'eux,  M.  de  la  Harpe,  vient  de  faire  contre  moi  ?  C'est  un  plai- 
sant docteur  que  ce  M.  de  la  Harpe.  11  parle  de  la  musique  de 
manière  à  faire  hausser  les  épaules  à  tous  les  enfants  de  chœur 
de  l'Europe,  et  il  dit  :  je  veux,  et  il  dit  :  ma  doctrine. 

<c  Et  pucri  nasum  rhinonronlis  habent, 

«  Est-ce  que  vous  ne  lui  dites  pas  un  petit  mot,  monsieur, 
vous  qui  m'avez  défendu  contre  lui  avec  un  avantage  si  grand  ? 
Ah  !  je  vous  prie,  si  ma  musique  vous  a  fait  quelque  plaisir, 
mettez-moi  en  état  de  prouver  à  mes  amis  connaisseurs  en  Alle- 
magne et  en  Italie,  que,  parmi  les  gens  de  lettres  en  France,  il 
y  en  a  qui,  en  parlant  des  arts,  savent  du  moins  ce  qu'ils  disent. 

«  J'ai  l'honneur  d'être,  avec  une  grande  estime  et  reconnais- 
sance, monsieur,  votre  très-humble  et  très-obéissant  serviteur, 
«  Le  chevalier  GLUCK.   « 

Cette  lettre  est  toul-à-fait  de  circonstance,  comme  vous  voyez. 
Vous  n'ignorez  pas  que  ['anonyme  de  Vaugirard  n'était  autre 
que  Suard.  Suard  répondit  à  cette  lettre.  Un  jour  peut-être  je 
vous  donnerai  quelques  extraits  de  sa  réponse. 

Maintenant,  un  petit  bout  de  polémique,  et  avec  le  Ménestrel 
encore  ! 

M.  A.  Bureau  s'étant.dans  le  Ménestrel  du  27  octobre,  don- 
né la  peine' de  rectifier  ce  que  j'avais  dit  touchant  l'origine  du 
serpent  des  églises  que,  d'après  une  assertion  de  l'abbé  Lebeuf, 
j'avais  fait  remonter  environ  h  l'an  1605,  voici,  mon  cher  direc- 
teur, ce  que  j'ai  à  répondre  à  mon  nouveau  correspondant.  Et 
d'abord,  je  suis  tout  disposé  à  admettre  la  rectification  qu'il  me 
propose.  J'avais  cité  un  mémoire  de  l'abbé  Lebeuf,  inséré  dans 
le  Mercure  de  1725  ;  M.  Dureau  m'oppose  un  texte  du  même 
abbé  Lebeuf,  tiré  de  ses  Mémoires  relatifs  à  l'histoire 
d'Auxerre,  publiés  en  1743  (je  prends  cette  date  telle  que  la 
donne  M.  Dureau).  Que  s'ensuit-il?  il  s'en  suit  que  je  ne  con- 
naissais, relativement  au  serpent,  que  l'opinion  qu'avait  l'abbé 
Lebeuf  en  1725,  et  non  celle  qu'il  a  eue  en  1743.  Je  remercie 
M.  A.  Dureau  d'avoir  déterré  un  renseignement  qui  ajoute  en- 
viron quinze  ans  de  plus  à  l'âge  déjà  vénérable  du  serpent  des 
paroisses. 

Mais,  mon  cher  directeur,  n'y  a-t-il  pas  ici,  quelque  confusion 
dans  les  termes?  M.  Dureau  prétend  que  Lebeuf  a  donné  ce  der- 
nier renseignement  d'après  Laborde,  et  que  le  P.  Mersenne,  lou- 
jours  d'après  Laborde,  a  également  parlé  du  serpent  probable- 
ment dans  son  harmonie  universelle.  Ce  probablement  indi- 
que que  M.  Dureau  n'est  pas  bien  sûr  de  son  fait.  Quant  à  moi, 
au  moment  où  je  vous  écris ,  je  ne  suis  pas  non  plus  en  me- 
sure de  contrôler  les  assertions  de  mon  honorable  contradicteur. 
Je 'ne  puis  ni  vérifier  le  texte  de  l'abbé  Lebeuf,  ni  consulter  le 
P.  Mersenne  et  Laborde.  Je  crois  pouitant  que  lorsqu'on  ci:e 
Lab  .nie,  on  entend  le  Laborde,  ou  pour  micus  dire  le  La  Borde, 


auteur  d'un  Essai  sur  la  musique,  en  4  vol.  in-4°,  publié,  si  je 
ne  me  trompe,  en  1780.  Bien  que  cet  ouvrage  soit  plus  que  su- 
perficiel et  soit  très  peu  estimé  des  savants,  il  est  cependant  fort 
connu,  a  cause  de  la  vogue  dont  il  a  joui  alors  que  les  connais- 
sances musicales  étaient  peu  avancées. 

Or,  il  faut  de  toute  nécessité  qu'il  y  ait  un  autre  La  Borde, 
un  Laborde  qui  m'est  inconnu,  mais  que  M.  Dureau  connaît  cer- 
tainement, et  qu'il  aurait  bien  dû  désigner  par  son  prénom,  ou 
par  toute  autre  qualification,  car,  comment  supposer  que  le  fu- 
tur historien  des  divers  instruments  de  lamusique  française,  eu- 
ropéenne, et  cœtera,  ait  prétendu  que  Lebeuf,  écrivant  en  1743, 
s'est  appuyé  sur  une  opinion  de  Laborde  qui  écrivait  en  1780, 
et,  ce  qui  est  mieux  encore,  que  le  P.  Mersenne  qui  donnait  en 
1636  son  grand  in-folio  sur  l'Harmonie  universelle  ait  invoqué 
le  témoignage  d'un  écrivain  qui  se  révélait  au  monde  cent  qua- 
rante-trois ans  après  lui  ? 

Voilà  une  lettre  bien  courte,  mon  cher  directeur,  vos  lecteurs 
ne  s'en  plaindront  pas,  ni  vous  non  plus.  N'attribuez  pourtant  le 
mérite  de  cette  omission  qu'aux  préparatifs  de  mou  prochain 
départ. 

J.    d'Outigue. 


SEMAINE  THEATRALE. 


Guillaume  Tell.  —  M.  Dulaurens. 

Après  M.  Faure,  Guillaume  Tell  a  servi  de  début  ou  plutôt 
de  rentrée  à  M.  Dulaurens.  Ce  ténor  avait  fait  acte  d'apparition, 
cet  été,  dans  Guillaume  Tell  et  Robert.  C'est  sur  les  justes  espé- 
rances données  par  cette  tentative  que  I'Opéra  s'est  décidé  à  en- 
gager M.  Dulaurens  d'une  manière  définitive.  Cet  engagement  ne 
s'est  point  réalisé  sans  peine,  car  le  théâtre  de  Strasbourg  reven- 
diquait son  ténor  favori.  Un  ordre  ministériel  avait  même  fait 
abandonner  ou  tout  au  moins  ajourner  ce  projet.  Mais  la  Banque 
deFrance  s'est  chargée  de  reprendre  et  terminer  1rs  négociations 
pendantes  :  vingt  billets,  à  l'estampille  de  mille  francs  l'un,  ont 
soldé  le  dédit  fixé  par  acte,  et  M.  Dulaurens  a  cru  pouvoir  re- 
prendre sa  liberté  en  Alsace,  dans  le  but  de  rapatrier  Paris,  où 
déjà  nous  l'avions  vu  et  suivi  des  bancs  du  Conservatoire  au 
Théâtre-Lyrique.  Strasbourg  n'en  a  pas  moins  protesté;  le  tribu- 
nal de  commerce  a  été  saisi;  mais  la  caution  réalisée  des  vingt 
mille  francs  se  chargera  de  répondre.  —  Passons  donc  et  arri- 
vons à  la  barre  du  public  parisien.  Il  a  bien  accueilli  le  nouvel 
Arnold  ,  dont  l'organe,  sans  être  d'une  grande  ampleur,  répond 
cependantà  toutes  les  exigences  du  rôle.  Bien  timbrée,  la  voix  de 
M.  Dulaurens  porte,  et  son  ebantmixte  plaît  infiniment. Ilasur- 
tout  très-bien  dit  son  duo  avec  Mathilde.  Les  notes  de  tête  laissent 
encore  à  désirer,  mais  le  débutant  les  travaille  ;  il  est  jeune,  l'a- 
venir est  à  lui.  Son  style,  son  accentuation  se  modifieront  promp- 
tement,  et  comme  sa  voix  est  d'une  émission  facile,  d'une  grande 
étendue,  on  peut  affirmer  que  le  nouveau  ténor  est  appelé  à  ren- 
dre de  réels  services  à  l'Opéra. —  Qu'il  soit  donc  le  bienvenu  ! 

C'est  Mmc  Duprez-Vandenheuvel  qui  reprenait  possession  du 
personnage  de  Mathilde,  à  côté  de  MM.  Faure  et  Obin.  Comme 
toujours,  Mmc  Vandeuheuvel  a  prouvé  ce  qu'elle  est,  une  véri- 
table grande  artiste.  Pourquoi  cependant  orner  comme  elle  le 
fait  la  pure  et  suave  mélodie  de  Sombres  forêts?  11  est  de  ces  inspi- 
rations auxquelles  il  faut  bien  se  garder  de  loucher.  Sous  ce  rap- 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


403 


port,  nous  ne  saurions  trop  invoquer  les  traditions  :  Mme  Damo- 
reau  excellait  dans  le  rôle  de  Matbilde  par  nne  exquise  sobriété 
de  la  fioriture,  et  chacun  sait  pourtant  qu'elle  en  était  la  reine 
au  double  point  de  vue  de  l'exécution  et  du  goût. 

M"e  François  qui  a  fait  en  très-peu  de  temps  de  grands  pro- 
grès, et  qui  vient  de  tenir  avec  avantage  le  rôle  de  Matbilde  pen- 
dant quelques  représentations,  s'est  cru  autorisée  par  ce  succès  à 
refuser  un  engagement  des  plus  honorables.  Nous  pensons  que, 
mieux  conseillée  par  ses  véritables  intérêts,  elle  reviendra  sur  ce 
refus,  et  qu'il  y  aura  bientôt  entente  cordiale  entre  les  parties 
intéressées. 

Nous  souhaitons  qu'il  en  soit  de  même  entre  M.  Beaumont, 
directeur  de  I'Opéra-Comique,  et  Mme  Faure-Lefebvre.  Voilà 
certes  un  théâtre  et  une  artiste  faits  pour  s'entendre,  car  ils  nous 
paraissent  indispensables  l'un  à  l'autre.  L'entente  cordiale  a  ce- 
pendant complètement  disparu,  et  les  représentations  du  Postil- 
lon de  Lonjumcau  se  sont  trouvées  arrêtées.  Fort  heureusement, 
la  Sirène  est  arrivée  à  point  nommé  pour  tirer  l'administration 
d'embarras,  et  voilà  la  Circassienne  qui  promet  de  beaux  lende- 
mains. —  N'importe,  la  défection  de  Mme  Faure--Lefebvre  n'en 
est  pas  moins  regrettable  à  tous  les  litres.  On  l'avait  d'abord 
attribuée  à  une  question  de  chiffres,  un  simple  Jjillet  de  banque; 
mais  on  nous  assure  que  la  question  de  congé  et  autres  détails 
importants  ont  été  les  causes  de  rupture. —  Aujourd'hui  les  chan- 
teurs demandent  volontiers  leurs  congés  aux  meilleures  époques 
de  l'année,  d'autres  les  sollicitent  illimités,  et  à  ce  propos  nous 
nous  rappelons  le  dernier  engagement  de  M1Ie  Déjazet  avec 
M.  Dormeuil.  Elle  en  était  arrivée  à  des  prétentions  de  congé 
telles  que  son  directeur  dut  lui  répondre,  bien  à  regret  sans 
doute  :  «  Ce  n'est  pas  assez,  mademoiselle,  je  vous  accorde  douze 
mois.  » 

L'affiche  du  Théâtre-Italien  annonçait  hier,  pour  la  pre- 
mière fois  de  la  saison,  Rigolelto,  avec  Mario ,  Tagliaûco  , 
Mmes  Alboni,  Battu  ,  et  la  continuation  des  débuts  de  M.  Délie 
Sedie.  A  dimanche  prochain  le  compte  rendu  de  cette  importante 
reprise. — Ce  soir,  par  extraordinaire,  il  Barbiere,  avec  Mme  Al- 
boni, MM.  Mario,  Zucchini  et  Badiali,  qui  reprend  le  rôle  de 
Figaro,  l'un  des  meilleurs  de  son  répertoire.  Nous  regrettons  de 
n'en  pouvoir  dire  autant  du  rôle  de  don  Bazile,  tenu  par  M.  Ca- 
poni.  —  On  nous  promet  pour  la  fin  de  la  semaine  prochaine 
l'Anna  Bolena  de  Donizetti,  une  véritable  nouveauté  pour  notre 
génération,  car  il  y  a  une  vingtaine  d'années  que  cet  opéra,  un 
des  ^chefs-d'œuvre  du  maître,  n'avait  été  représenté.  C'est  une 
étude  absolument  nouvelle  pour  tout  le  monde,  même  pour  les 
choristes  de  la  maison.  Les  principaux  interprètes  seront  Mme  Al- 
boni (Anna  Bolena).  Mlle  Battu  (Jeanne  Seymour) ,  Mme  Filippi 
(Henri  VIII),  et  Bélart  (Richard  Percy). 


Reprise  de  Jaguarita. 

La  reprise  de  Jaguarita  a  été  chaleureusement  accueillie  au 
Théâtre-Lyrique.  Nous  n'avons  pas  à  revenir  sur  la  valeur  de 
cette  partition,  sur  la  richesse  de  ses  chœurs.  On  sait  que 
Jaguarita,  pour  la  puissance  des  accents,  pour  l'ampleur  du 
style,  peut  marcher  de  pair  avec  les  grands  drames  lyriques 
dont  notre  maître  Halévy  a  enrichi  l'Opéra.  Tous  les  morceaux 
fêtés  à  l'époque  de  leur  primeur  ont  été  salués  comme  des  amis, 
reçus  avec  la  même  ardeur  et  la  même  sympathie  ;  et  dans  ce 


nombre  il  faut  citer  le  chœur  du  premier  acte  :  0  nuit  lulélairel 
qu'on  a  lissé,  l'air  du  second  acte  avec  accompagnement  de 
chœur  à  bouche  fermée,  et  la  scène  originale  de  l'oracle  des 
Anacotas.  N'oublions  pas  les  deux  romances  de  Jaguarita,  no- 
lamment  celle  :  Je  te  fais  roi,  et  le  grand  duo  final. 

Monljauze  et  Mme  Cabel,  qui  ont  créé  les  deux  principaux 
rôles,  ont  retrouvé  leur  succès  d'autrefois.  Nous  ne  connaissons 
pas,  dans  les  sphères  chantantes,  de  gosier  plus  prodigieux,  plus 
intrépide  que  celui  de  Mmo  Cabel.  Il  n'est  pas  de  casse-cou  vocal 
imaginé  par  les  compositeurs  que  cette  gracieuse  gymnasiarque 
ne  franchisse  et  ne  dépasse.  Par  bonheur,  le  chant  suave  et 
simple  est  également  dans  ses  cordes,  elle  nous  le  prouve  dans 
chacun  de  ses  rôles,  mais  avec  trop  de  sobriété,  Mme  Cabel  a  fort 
bien  dit  sa  chanson  du  colibri,  ses  couplets  :  Je  le  fais  roi,  et  le 
duo  du  dernier  acte.  Les  ovations  du  rappel  ne  pouvaient  lui 
faire  défaut,  ainsi  qu'à  Monljauze,  qui  s'est  acquitté  de  la  façon 
la  plus  louable  du  personnage  de  Maurice.  Il  a  chanté  ses  cou- 
plets du  premier  acte  avec  une  expression  bien  sentie  et  s'est 
montré  pathétique  dans  le  grand  duo  final.  Balanqué  (Jumbo) 
n'est  pas  précisément  doué  des  proportions  physiques  de  ce  co- 
losse de  Junca  qui  naguère  faisait  la  joie  des  habitués  du  Théâ- 
tre-Lyrique, mais  il  a  reproduit  le  type  avec  toutela  vigueur  pos- 
sible. —  Nous  serions  injuste  si  nous  ne  donnions  un  satisfecit 
à  Lesage  (très-agréable  haute-contre)  pour  ses  couplets  du  second 
acte  :  Dans  mon  pays  Von  mange,  ici  l'on  est  mangé. 


L'autre  soir,  au  Théâtre-Français,  M1,e  Augustine  Brohan  a 
fait  une  rentrée  splendide  dans  le  charmant  rôle  deSuzanne,  du 
Mariage  de  Figaro  ;  M'Ie  Augustine  Brohan,  on  le  sait,  est  la 
personnification  vivace  de  cette  spirituelle  création  de  Beaumar- 
chais, aussi  a-t-elle  été  la  reine  de  la  soirée  ,  —  nonobstant  les 
mérites  de  Mmes  Judith  et  Fix,  de  MM.  Samson,  Régnier,  Le- 
roux. —  Mais  pourquoi  M.  Roque,  le  chef  d'orchestre  du  Théâ- 
tre-Français, ne  défraye-t-il  pas  les  entr'acles  du  Mariage  de 
Figaro  avec  la  musique  des  Nozze  de  Mozart?  ne  serait-elle  pas 
légitimement  adaptée  ici?  —  On  annonce  une  bonne  nouvelle, 
et  un  acte  de  justice  un  peu  tardif:  l'engagement  de  MUe  Far- 
gueil,  l'excellente  comédienne  du  Vaudeville  ;  mais  on  ne  dit  pas 
si  M. Dormeuil  consent  à  céder  sa  pensionnaire. 

Le  Gymnase  va  mettre  à  l'étude  une  pièce  de  M.  Dumanoir  , 
les  Invalides  du  mariage  ,  titre  piquant. 

L'affiche  du  Vaudeville  annonçait  hier  la  première  représen- 
tation de  Nos  Intimes,  la  nouvelle  comédie  de  M.  Victorien 
Sardou,   avec  Mlle  Fargueil  pour  héroïne. 

Aux  Variétés,  on  répète  Triolet,  de  MM.  Clairville  et  Pol 
Mercier,  joué  d'origine  au  Vaudeville. 

La  Porte-Saint-Martin  vient  de  prendre  possession  du  fa- 
meux mélodrame  la  Grâce  de  Dieu.  M"e  Victoria  du  Gymnase 
est  engagée  pour  tenir  le  principal  rôle.  M.  Mabille  a  été  chargé 
des  divertissements. 

Le  théâtre  de  la  Gaité  a  offert  à  ses  habitués  un  drame  in- 
time :  Valenlined'Ar  meulières,  cinq  actes  de  MM.  Dumanoir  et 
Dennery.  La  pièce  a  été  fort  bien  accueillie  ;  elle  est  jouée,  du 
reste,  d'une  façon  remarquable  par  Dumaine,  Clarence,  Mme  La- 
croix, Mlle  Duverger,  qui  interprète  le  personnage  de  Valentine 
avec  beaucoup  de  distinction.  Alexandre  et  Mlle  Adorcy  dé- 
frayent agréablement  l'élément  comique. 


40i 


LE  MÉNESTREL. 


Lundi  dernier,  la  compagnie  dramatique  allemande  dirigée 
par  Mme  Ida  Bruuinga  inauguré  ses  soirées  au  Théâtre  des 
jeunes  aktistes,  rue  de  la  Tour-d'Auvergne.  Le  spectacle  se 
composait  de  trois  pièces  : 

1°  Das  Salz  der  Elle  (la  salière  renversée),  plaisanterie  en  un 
acte  de  Gœrner  ;  2°  Die  famille  Fliedermuller  (la  famille  Flic- 
dermuller),  vaudeville  en  un  acte  de  Schneider  ;  3°  Die  Wiener 
in  Berlin  (les  Viennois  à  Berlin)  ,  vaudeville  en  un  acte  de 
Holley. 

Mme  Ida  Bruning  a  particulièrement  brillé  ;  cette  artiste  cul- 
tive avec  un  égal  succès  la  comédie,  le  chant,  la  danse  et  la  pan- 
tomime. Elle  a  dit  des  couplets  français  sur  un  motif  de  tyro- 
lienne; ils  lui  ont  valu  un  bis  et  un  rappel.  On  a  aussi  remarqué 
un  acteur  comique  qui  possède  une  façon  toute  spéciale  de  faire 
le  tour  de  la  scène.  En  somme,  la  compagnie  allemande  a  été 
goûtée.  —  La  presse  parisienne  avait  de  nombreux  délégués 
à  cette  intéressante  soirée  ;  même  ceux  qui  ne  savent  pas  l'alle- 
mand appréciaient  le  jeu  des  artistes  et  applaudissaient...  de 
confiance. —  Nous  souhaitons  bonne  chance  à  Mme  Ma  Bruning 
et  à  sa  courageuse  entreprise. 

J.  Low. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 

DEUX   LETTRES  DE 

IHENDELSSOIIrV  -  BARTHOLDï 

EDOUARD     DEVRIENT. 


C'est  comme  avant-goût  d'une  notice  projetée  par  M.  H.  Bai- 
bedette  sur  Mendelssohn  et  ses  œuvres, — notice  qui  doit  succéder 
à  celle  de  Weber,  dont  nous  commencerons  prochainement  la  pu- 
blication,—  que  nous  communiquons  dès  aujourd'hui  à  nos  lec- 
teurs la  traduction  de  quelques  lettres  adressées  par  Mendelssohn 
à  son  ami  Edouard  Devrient,  artiste  dramatique  et  auteur  re- 
nommé en  Allemagne  (1).  Ces  lettres  remontent  à  1831,  époque 
à  laquelle  l'auteur  du  Songe  d'une  nuit  d'été  ne  sentait  qu'une 
vague  aspiration  vers  le  théâtre,  tandis  que  les  grandes  compo- 


(1)  On  sait  que  l'ami  intime  auquel  ces  deux  lettres  sont  adressées, 
M.  Edouard-Philippe  Devrient,  est  un  des  trois  fils  du  célèbre  acteur 
Louis  Devrient,  mort  en  1832,  et  chef  d'une  dynastie  d'artistes  qui  ne  sem- 
ble pas  près  de  s'éteindre. 

Après  avoir  débuté  avec  succès  comme  baryton,  Edouard  Devrient  se 
renferma  dans  les  rôles  de  la  comédie  parlée;  mais  bientôt  il  quitta  le 
Théâtre  Royal  de  Berlin  pour  accepter  la  direction  du  théâtre  de  Dresde.  En 
1846  il  résigna  ces  fonctions  et  se  mit  à  écrire,  et  jouer  lui-même,  des 
eqmédies  qui  se  distinguent  par  l'entente  de  la  scène  et  des  ressources 
dramatiques.  Il  compo-a  aussi  quelques  libretti  d'opéra,  entre  autres 
Huns  Heilinij,  musique  de  Marschner,  qui  eut  un  très-grand  succès.  Enfin 
Edouard  Devrient  publia  plusieurs  ouvrages  très-estimés  sur  l'art  drama- 
tique en  Allemagne, 

Les  deux  frères  H  Edouard,  Devrient  sont  des  artistes  dramatiques  de 
grande  réputation  :  l'un,  Charles-Auguste,  qui  avait  contracté  un  mariage 
avec  la  célèbre  cantatrice  Mlle  Schroeder,  fait  partie  du  théâtre  du  Hano- 
vre ;  il  a  déjà  un  fils  qui  a  embrassé  la  même  carrière,  Frederick  Devrient, 
attaché  au  théâtre  municipal  de  Vienne;  l'autre,  Gustave-Emile,  joue  les 
premiers  rôles  comiques  à  Dresde. 


sitions  instrumentales  exerçaient  déjà  sur  lui  une  attraction  in- 
vincible. Nos  lecteurs  y  verront  avec  quelle  vivacité  de  concep- 
tion, quelle  dignité  d'artiste,  le  Chopin  de  l'oratorio  appréciait 
les  choses  d'ici-bas,  avec  quelle  ingénuité  germanique  il  expri- 
mait sa  pensée, —  ingénuité  charmante,  qui  se  maintient  dans  sa 
forme  naïve,  alors  même  qu'elle  s'attache  aux  idées  les  plus 
élevées. 

C'est  au  très-intéressant  volume  des  Lettres  de  Mendelssohn, 
publié  à  Leipzick  par  l'éditeur  Hermann  Mendelssohn,  que  nous 
devons  cette  traduction  écrite  au  courant  de  la  plume  par  une 
gracieuse  main ,  non  moins  habile  à  traduire  sur  le  clavier  les 
peosées  musicales  qu'à  reproduire  fidèlement  sur  le  papier  les 
expansions  littéraires  du  poète  symphoniste  dont  l'Allemagne 
déplore  la  mort  si  prématurée. 


Milan, lé  15  juillet  1831. 

Tu  me  fais  des  reproches  qu'ayant  déjà  vingt-deux  ans,  je  ne  sois 
pas  encore  célèbre.  Je  ne  puis  répondre  autre  chose  que,  si  Dieu 
avait  voulu  que  je  fusse  célèbre  à  vingt-deux  ans,  je  le  serais  vrai- 
semblablement devenu  :  je  n'y  puis  rien,  car  je  n'écris  pas  plus 
pour  devenir  célèbre  que  je  n'écris  pour  obtenir  une  place  de 
maître  de  chapelle.  Ce  serait  beau  si  les  deux  pouvaient  venir 
ensemble  !  Tant  que  je  ne  mourrai  pas  précisément  de  faim, 
ce  sera  un  devoir  pour  moi  d'écrire  ce  qui  m'est  dans  le  cœur 
et  d'en  laisser  la  direction  à  celui  qui  a  soin  de  choses  meilleures 
et  plus  grandes.  Je  crois  toujours  davantage  et  de  plus  en  plus 
sincèrement  que  je  dois  composer  comme  je  sens  et  avoir  de 
moins  en  moins  égard  aux  considérations  extérieures  ;  et  quand 
j'ai  écrit  un  morceau  selon  mon  cœur,  il  me  semble  que  j'ai  fait 
mon  devoir  :  si  ensuite  cela  me  rapporte  gloire,  honneur,  or- 
dres, tabatières,  etc.,  je  ne  m'en  soucie  guère.  Mais  si  tu  penses 
que  dans  l'exécution  de  mes  compositions  j'ai  négligé  ou  perdu 
quelque  chose,  dis-moi  exactement  et  clairement  ce  que  c'est,  et 
en  quoi  cela  consiste.  Ce  serait  certes  un  plus  dur  reproche. 

Tu  dis  que  je  ne  devrais  écrire  que  des  opéras,  et  que  j'ai  tort 
île  ne  pas  l'avoir  déjà  fait  depuis  longtemps.  Je  réponds  :  Donne- 
moi  dans  la  main  un  bon  poëme,  et  en  quelques  mois  ce  sera  com- 
posé, car  chaque  jour  il  me  larde  de  nouveau  d'écrire  un  opéra. 
Je  sais  que  cela  deviendrait  quelque  chose  de  frais,  de  gai,  si 
je  le  trouvais  en  ce  moment;  mais  les  paroles  ne  sont  pas  là; 
et  sans  un  poème  qui  me  mette  tout  en  feu ,  je  ne  veux  rien 
composer.  Si  tu  connais  un  homme  en  état  d'écrire  un  opéra, 
nomme-le-moi,  pour  l'amour  de  Dieu;  je  ne  cherche  pas  aulre 
chose.  Mais  jusqu'à  ce  que  j'aie  un  poëme,  ne  dois-je  donc  rien 
écrire  (même  si  je  le  pouvais)?  —  Ainsi  justement  je  viens 
d'écrire  plusieurs  morceaux  de  musique  sacrée;  cela  a  été  pour 
moi  une  nécessité  impérieuse,  de  même  que  parfois  on  se  sent 
poussé  à  lire  précisément  tel  ou  tel  livre,  la  Bible,  par  exemple,  ou 
autre  chose,  et  qu'on  s'y  trouve  à  l'aise.  Si  mon  œuvre  a  de  la  res- 
semblance avec  Sébastien  Bach,  je  n'y  puis  rien  non  plus,  car  je 
l'ai  écrite  comme  je  l'ai  sentie,  et  si,  à  ces  paroles,  j'ai  senti 
comme  le  vieux  Bach,  j'en  suis  d'autant  plus  content. Tu  ne  pen- 
seras pas  que  je  copie  ses  formules  sans  me  préoccuper  du  fond  : 
j'en  aurais  une  telle  répugnance,  que  je  ne  pourrais  écrire  un 
morceau  jusqu'à  la  fin  ;  il  ne  me  viendrait  pas  une  idée. 

J'ai  aussi  composé,  depuis,  un  grand  morceau,  qui  pourrait 
produire  quelque  effet  au  dehors  {aeusserlich)  :  la  Première 
Nuil  de  Walpurgis,  de  Goethe.  Jel'ai  commencé  seulement,  parce 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


405 


qu'il  m'a  plu  et  m'a  réchauffé  l'âme,  et  je  n'ai  pas  pensé  à 
l'exécution;  mais  maintenant  qu'il  est  là,  terminé,  devant  moi, 
je  vois  que  cela  pourra  convenir  pour  un  grand  morceau  de  con- 
cert, et  dans  mon  premier  concert  d'abonnement  à  Berlin,  il  faut 
que  tu  chantes  le  Prêtre  païen  et  barbu;  je  l'ai  fait  entrer  dans 
Ion  gosier  avec  ta  permission,  il  faut  que  tu  l'en  fasses  sortir; 
et  comme  j'ai  fait  l'expérience  que  ce  que  j'ai  le  moins  composé 
en  vue  du  public  est  précisément  ce  qui  lui  a  plu  davantage,  je 
crois  qu'il  en  sera  ainsi  de  ce  morceau.  Je  te  dis  ceja  pour  le 
faire  voir  que  je  pense  au  positif,  sans  doute  toujours  un  peu  lard; 
mais  qui  diable  peut  composer  de  la  musique,  c'est-à-dire  la 
chose  la  moins  positive  du  monde  (et  c'est  pour  cela  que  je 
l'aime)  et  ne  penser  qu'au  positif?  Ce  serait  comme  si  l'on  met- 
lait  une  déclaration  d'amour  à  sa  bien-aimée  en  rimes  et  en 
vers,  et  qu'on  la  lui  récitât. 

Je  vais  partir  pour  Munich,  où  l'on  m'a  offert  de  composer  un 
opéra  ;  j'y  vais  pour  voir  s'il  y  a  par  là  quelque  poète,  car  je  ne 
demande  qu'un  homme  qui  ait  un  peu  de  feu  sacré  et  de  talent; 
il  n'est  pas  nécessaire  que  ce  soit  un  géant,  et  si  je  ne  Irouve  per- 
sonne, je  ferai  peut-être  la  connaissance  d'Immermann  unique- 
ment pour  cela  :  s'il  n'est  pas  l'homme  qu'il  me  faut,  j'essaierai 
à  Londres.  Il  me  semble  toujours  que  c'est  ce  vrai  gaillard  [der 
redite  Kerï)  quf  me  manque;  mais  que  dois-je  faire  pour  le  dé- 
couvrir? Il  ne  demeure  pas  à  l'hôtel  Reichmann,  ni  dans  le  voi- 
sinage :  où  le  trouver? Ecris-moi  à  ce  sujet.  Quoique  je  croie  que 
le  bon  Dieu  nous  envoie  tout  et  même  des  poèmes  d'opéra  aussitôt 
que  nous  en  avons  besoin,  cependant  nous  devons  faire  notre  de- 
voir et  chercher  partout.  Je  voudrais  que  le  lexle  fût  déjà  là!  En 
attendant,  j'écris  d'aussi  bonnes  choses  que  je  puis  ;  j'espère  faire 
des  progrès.  Quant  au  reste  je  n'en  suis  pas  responsable;  c'est  ce 
dont  nous  sommes  convenus  dans  ma  chambre. 

Maintenant,  assez  sur  cet  aride  sujet. Vraiment  je  suis  devenu 
presque  grognon  et  impatient,  et  pourtant  je  m'étais  promis  de 
ne  plus  l'être. 


Lucerne,  le  27  août  1831. 

Je  sens  clairement  qu'un  opéra  que  j'écrirais  maintenant 
serait  moins  bon  qu'un  second  que  j'écrirais  ensuite,  et  qu'il 
faut  d'abord  que  je  marche  dans  la  nouvelle  voie  à  laquelle  je 
pense,  et  que  je  la  parcoure  pendant  un  certain  temps  avant  do 
savoir  où  elle  me  conduira  et  en  combien  de  temps  ;  tandis  que 
je  commence  déjà  à  savoir  pour  la  musique  instrumentale  c 
que  je  dois  vouloir,  et  là  je  vois  les  choses  plus  clairement  et 
avec  plus  de  calme,  parce  que  j'y  ai  plus  travaillé;  en  un  mol, 
cela  me  pousse. 

Il  faut  dire  aussi  que  j'ai  été  très-humilié  ces  jours-ci,  par  un 
hasard  sans  doute,  mais  qui  reste  gravé  dans  ma  mémoire.  J'ai 
trouvé  dans  la  vallée  d'Engelberg  Guillaume  Tell  de  Schiller,  et 
comme  je  le  relisais  ici ,  je  fus  de  nouveau  tout  charmé  et  heu- 
reux au  contact  de  ce  divin  chef-d'œuvre,  si  plein  de  génie,  d'en- 
thousiasme et  de  feu.  Je  me  souvins  tout  à  coup  d'une  parole  de 
Goethe,  qui,  dans  un  long  entretien  sur  Schiller,  me  disait  un 
jour  :  «  Schiller  aurait  pu  livrer  chaque  année  deux  grandes  tra- 
gédies, sans  compter  d'autres  poëmes.  »  Celte  expression  mer- 
cantile livrer  me  frappa  tellement,  pendant  que  je  lisais  cette 
œuvre  si  fraîche  et  si  chaude  (dus  frische  warme  SlucU),  et  cette 
activité  me  parut  si  énorme,  qu'il  me  semblait  que  je  n'avais 
encore  rien  produit  de  bien  dans  ma  vie.  Tout  y  est  encore  si 
isolé!  J'ai  pourtant  le  pressentiment  que  moi  aussi  je  dois  un  jour 


livrer  quelque  chose.  Ne  Irouve  pas  cela  immodeste,  je  te 
piie,  mais  crois  que  je  ne  le  dis  que  parce  que  je  sais  ce  qui 
devrait  être  et  ce  qui  nesl  pas.  Où  trouverai-je  l'occasion  de 
commenter?  Jusqu'à  présent,  je  n'en  sais  rien.  Si  c'est  ma  des- 
tinée, l'occasion  se  présentera,  je  le  crois  fermement,  et  si  je  ne. 
la  trouve  pas,  elle  devra  être  trouvée  par  un  autre;  mais  alors 
j'ignore  pourquoi  je  me  sentirais  attiré  dans  cette  voie. 

Si  tu  réussis  à  représenter  non  pas  des  chanteurs,  des  décors 
et  des  situations,  mais  les  hommes,  la  nature  et  la  vie,  je  suis 
convaincu  que  tu  dois  écrire  le  meilleur  poëme  d'opéra  que  nous 
ayons;  car  quelqu'un  qui  connaît  la  scène  comme  toi  ne  peut 
tien  écrire  qui  ne  soit  dramatique,  sinon  je  ne  sais  pas  ce 
que  lu  pourras  faire  de  les  vers.  Si  elle  a  le  sentiment  de  la  na- 
ture et  de  la  musique,  ta  poésie  sera  musicale,  même  quand  elle 
serait  boiteuse  dans  le  texte.  Pour  moi  tu  pourrais  même  écrire 
en  prose,  nous  saurions  bien  nous  en  tirer.  Mais  si  une  forme 
doit  se  fondre  dans  l'autre,  si  les  vers  sont  écrits  musicalement  et 
non  musicalement  pensés,  si  les  belles  paroles  ne  s'y  rencontrent 
qu'extérieurement,  tandis  que  la  belle  vie  intérieure  leur  man- 
que, alors  tu  as  raison,  —  c'est  un  étau  d'où  aucun  homme  ne 
peut  sortir.  Aussi  sûrement  qu'un  mètre  pur,  de  bonnes  pen- 
sées, de  beau  langage  ne  font  pas  toujours  de  belle  poésie  sans 
un  certain  éclair  poélique  qui  traverse  le  tout,  de  même  un 
opéra  ne  peut  être  complètement  musical  que  par  le  sentiment 
tle  la  vie  dans  tous  les  personnages,  et  c'est  aussi  ce  qui  le 
rend  vraiment  dramatique.  Il  y  a  à  ce  sujet  un  passage  dans 
Beaumarchais  où  on  l'accuse  d'avoir  donné  trop  peu  de  belles 
pensées  à  ses  personnages,  et  de  leur  avoir  mis  dans  la  bouche 
trop  peu  de  sens  poétique.  Il  répond  que  cela  n'est  pas  sa  faute; 
il  avoue  que,  pendant  la  composition,  il  est  toujours  dans  la 
conversation  la  plus  animée,  par-dessus  son  bureau,  avec  ses 
personnages;  qu'il  leur  crie  :  «  Figaro,  prends  garde!  le  comle 
sait  tout. —  Ah!  comtesse,  quelle  imprudence  !  —  Ah  !  sauve-toi, 
petit  page!  —  Et  ce  qu'ils  lui  répondent,  alors  il  l'écrit,  et  rien 
de  plus.  Cela  me  paraît  très-joli  et  très-vrai. 

Je  connaissais  déjà  le  plan  d'opéra  avec  le  carnaval  italien  et 
le  dénoûment  suisse,  mais  je  ne  savais  pas  qu'il  fût  de  toi. 
Aie  la  bonté  de  faire  la  Suisse  bien  puissante,  et  fraîche  à  l'excès 
(ueber  die  massen  frisch).  Si  tu  penses  à  une  Suisse  doucereuse 
avec  des  la  la  itou  et  des  langueurs  comme  j'ai  été  condamné  à  la 
voir  hier  soir  au  théâtre  dans  la  Famille  suisse  (1),  et  si  les  mon- 
tagnes et  les  cors  des  Alpes  deviennent  sentimentals,  je  prendrai 
sur  moi  de  te  critiquer  sévèrement  dans  la  gazette  de  Spener.  Je 
t'en  prie,  fais-la  joyeuse  et  donne-m'en  des  nouvelles. 

F.    MENDELSSOnN. 


VARIÉTÉS 


UNE    VENTE    D AUTOGRAPHES. 

Mon  cher  directeur, 

Une  vente  de  sept  cent  vingt-trois  numéros  concernant  la  lit- 
térature, et  plus  généralement  la  musique  et  l'art  dramatique,  va 
avoir  lieu  le  23  de  ce  mois,  sous  la  direction  de  M.  Laverdet. 
Voici  quelques  extraits  de  son  calalogue  : 

M.  Auber  écrit  au  baron  do  Trémont  :  «  26  juin  1831.  » 
Il  voulait  lui  écrire  le  jour  de  la  première  représentation  de  son 

|l)  Opéra  de  Weigl. 


406 


LE  MÉNESTREL. 


nouvel  ouvrage.  C'est  une  bataille  que  l'on  donne  ces  jours-là, 
et  il  a  toujours  remarqué  qu'en  s'éveillant,  lorsqu'on  a  une 
journée  chanceuse,  décisive,  périlleuse  à  passer,  on  s'examine, 
on  a  un  petit  tête-à-tête  avec  sa  conscience,  et  que  l'on  ne  se 
ménage  pas....  11  passe  toujours  son  temps  à  peu  près  de 
même,  s'ennuyant  en  travaillant  en  attendant  qu'il  s'ennuie 
quand  il  ne  travaillera  plus.  Il  s'occupe  maintenant  de  ce  pauvre 
Opéra -Comique,  qui  va  bien  mal,  et  qui  n'ira  peut-être  pas 
mieux  avec  ce  qu'il  va  bientôt  lui  donner  ...  «  Je  viens  dépas- 
ser par  la  plus  terrible  épreuve  pour  un  paresseux!  Pour  avoir 
fini  mon  ouvrage  à  temps,  j'ai  été  obligé  de  me  lever,  pendan) 
trois  semaines,  à  quatre  heures  du  matin.  Tu  vois  bien  qu'il  ne 
faut  jamais  désespérer  des  vauriens,  et  qu'il  y  en  a  qui  sont 
susceptibles  encore  de  se  corriger.  » 

Boïeldieu  nous  donne  de  très-intéressants  détails  sur  un  de 
nos  pianistes  d'élite.  Il  écrit  d'Hyères  à  un  ami  :  «  31  décem- 
bre 1831 Nous  avons  un  prince  allemand,  frère  du  gou- 
verneur du  duc  de  Reichstadt,  qui  est  bien  le  meilleur  des 
êtres...  H  a  avec  lui  une  dame  allemande  sur  laquelle  on  dit 
quelques  mots....  De  plus  il  a  un  jeune  homme  qu'il  a  élevé  et 
que  l'on  dit  être  son  fils,  qui  a  un  talent  très-remarquable  pour 
le  piano...  Ce  jeune  homme,  nommé  Thalberg,  a  vingt  ans  ;  il 
est  joli  garçon,  bien  élevé,  de  l'esprit,  je  lui  prédis  du  succès 
dans  le  monde....  » 

Choron  écrit  à  l'évêque  de  Soissons  une  fort  jolie  lettre  sur  la 
forme  et  le  caractère  de  la  musique  religieuse.  (Renvoi  au  Con- 
grès récemment  constitué.) 

Un  auteur  dramatique,  M.  Carmouche,  écrit  do  Londres  à 
l'un  de  ses  amis  à  Paris...  «  qu'il  lui  faut  un  homme  sérieux, 
bête,  peu  bavard,  et  qui  puisse  être  second  régisseur  et  ne  pas 
faire  de  calembours  avec  les  acteurs,  ne  pas  prendre  la  taille  aux 
actrices,  et  être  enfin  à  son  affaire...  Il  me  faut  un  chien  de  ber- 
ger, exact,  important  et  sérieux  avant  tout;  un  homme  qui  rit 
avec  moi  me  paraît  impossible  au  théâtre  ! « 

MM.  les  seconds  régisseurs  parisiens  possèdent-ils  toutes  ces 
précieuses  qualités?  Je  deviens  indiscret  et  vais  me  rabattre  sur 
nos  chanteurs  d'Opéra.  Pourquoi  ne  suivent-ils  pas  les  conseils  de 
Dérivis?  11  écrit  à  M.  Duponchel,  qui  lui  offre  le  rôle  de  Pha- 
raon lors  d'une  reprise  de  Moïse  :  «  Je  ne  veux  pas  dénaturer 
ma  voix  en  chantant  tantôt  des  liasses  graves,  tantôt  des  bah- 
tons...  Ce  rôle  d'ailleurs  serait  retiré  à  son  ami  Alizard,  pour  lui 
faire  jouer  celui  du  grand  prêtre;  mais  il  vient  lui  dire  qu'il 
s'opposera  de  toute  la  force  de  sa  volonté  à  faire  une  chose  qui 
lui  est  aussi  désagréable  qu'elle  serait  pénible  à  son  camarade.  » 

Si  la  carrière  d'artiste  lyrique  offre  des  difficultés  du  côté  des 
hommes,  que  dire  quant  aux  femmes,  s'il  faut  s'en  rapporter  à 
M"e  Duplant  ?  «  Quel  abominable  métier  que  celui  de  chan- 
teuse d'Opéra  !  Je  fais  un  travail  forcé  pour  rendre  le  plus  diffi- 
cile des  rôles;  j'ai  plein  succès  au  dépend  de  mes  nerfs  qui,  après 
chaque  représentation,  me  font  des  douleurs  si  multipliées  que 
les  cent  pistoles  ne  me  les  pairoient  pas  un  sol  chaque...;  je  ne 
puis  prendre  d'alimens  ny  de  sommeil  ;  ma  tête  est  exaltée ,  elle 
me  rend  mon  métier  détestable  et  me  porte  avec  transport  à  la 
vie  la  plus  opposée;  je  suis  effrayée  des  malheurs  qui  me  me- 
nacent; ou  sans  voix  et  sans  moiensje  serai  huée  à  la  rentrée.» 
Alexis  Dukeau. 

[La  fin  au  prochain  numéro.) 


FESTIVAL  DE  L  OPÉRA. 

Un  magnifique  festival,  au  profit  de  la  caisse  des  pensions,  est 
annoncé  à  l'Opéra,  pour  samedi  prochain  23.  C'est  surtout  au 
riche  programme  de  cette  soirée  qu'on  pourrait  appliquer  l'ex- 
pression anglaise  :  Attraction  combinée.  Qu'on  en  juge  par  cette 
variété  d'éléments  qui  s'étalent  sur  l'affiche  : 

Ouverture  de  la  Flûte  enchantée  (Mozart)  ;  —  Prière  de  la 
Muette  (Auher);  —  duo  du  Stabat  Mater  (Rossini)  ,  par 
jjmes  Xedesco  et  Marie  Sax  ;  — scène  du  Siège  de  Corinlhe,  solo 
Relval  ;  —  ouverture  de  Léonorc  (Beethoven)  ;  —  Colinelte  à  la 
cour  (Grétry),  Mme  Vandenheuvel  et  Cazaux  ;  —  air  de  danse 
A'Ârmide  (Gluck)  ;  —  marche  du  Songe  d'une  nuit  d'été  (Men- 
delssohn)  ;  —  air  de  Britannicus  (Graun),  par  Mme  Pauline 
Viardot  ;  —  chœur  de  Castor  et  Pollux  (Rameau)  ;  —  duo  de  la 
Reine  de  Chypre,  Michot  et  Faure;  —  menuet  d'Arlaxercès 
(Hasse),  Mme  Pauline  Viardot  ;  — fragments  de  Romeo  (Berlioz); 
—  1er  acte  des  Huguenots  ;  ■ —  la  Sylphide,  ballet  ;  Mlle  Livry. 


NOUVELLES  DIVERSES. 


—  Au  nombre  des  invités  au  château  de  Compiègne,  nous  citerons 
M.  Charles  Gounod,  l'auteur  de  Faust.  Les  répétitions  de  ta  Reine  de  Saba 
n'en  sont  pas  moins  poursuivies  avec  la  plus  grande  activité;  trois  actes 
sont  déjà  sus.  Quant  à  l'orchestre,  il  apportera  d'autant  moins  de  retard 
aux  répétitions  de  l'ouvrage,  que  Charles  Gounod  a  la  rare  et  précieuse 
faculté  de  livrer  une  orchestration  aussi  définitive  qu'irréprochable. 

—  La  séance  extraordinaire  de  la  Société  des  Concerts  du  Conservatoire, 
dont  le  produit  est  destiné  à  la  souscription  Cherubini,  est  fixée,  dit-on, 
au  samedi  28  décembre.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  rappeler  que  l'un  des 
événements  de  ce  concert  sera  l'œuvre  nouvelle  de  Rossini ,  les  Titans.  On 
exécutera  en  outre  une  ouverture  et  des  fragments  de  messe  de  Cherubi- 
ni, et  la  symphonie  en  ut  mineur  de  Beethoven. 

A  propos  de  l'œuvre  inédite  de  Rossini,  on  lisait  dans  le  dernier  feuille- 
ton musical  du  Moniteur  : 

«  II  n'est  bruit  que  du  chant  des  Titans,  composé  par  le  maître  des  maî- 
tres et  dédié  à  la  mémoire  de  Cherubini.  Ce  chant,  qui  sera  exécuté,  selon 
toute  apparence,  vers  la  moitié  du  mois  prochain,  a  été  écrit,  il  y  a  deux 
ans,  par  Rossini  sur  de  très-beaux  vers  italiens  de  M.  Torre  (le  mari  de 
j[me  Ferraris).  Je  n'en  citerai  ici  que  la  première  strophe,  dont  la  véhémente 
énergie  et  le  superbe  élan  ne  pourraient  être  qu'amoindris  par  une  traduc- 
tion française  : 

Guerra . . .  tterminio  !  è  queslo 
Sol  ciel  Titano  il  grido , 
Quanta  son  numi  io  sfido, 
Giove  côn  lor  cadra. 

«  Le  chant  primitif  n'était  d'abord  que  pour  une  seule  voix  de  basse  avec 
accompagnement  de  piano.  Rossini  l'a  transcrit  pour  quatre  voix  ,  et  l'a 
instrumenté  avec  tant  de  science  et  tant  de  génie  que  l'effet  en  est  centuplé. 
Ah  1  si  M.  Torre,  si  M""1  Ferraris,  celle-ci  avec  ses  pas,  celui-là  avec  ses 
vers,  pouvaient  désider  Rossini  à  écrire  un  opéra!  Voilà  un  triomphe  et 
voilà  un  miracle!  Ce  serait  là  le  vrai  réveil  du  Titan  !  » 

—Les  répétitions  de  la  Sociétés  des  Concerts  du  Conservatoire  ont  com- 
mencé hier  samedi.  La  série  des  concerts  s'ouvrira  le  dimanche  12  janvier. 

—  L'empereur  d'Autriche  vient  d'accorder  au  Maenner  Gesang-Verein, 
de  Vienne,  la  grande  médaille  d'or  pour  les  arts,  avec  l'autorisation  de  la 
porter  suspendue  à  sa  bannière. 

—  La  Tonhalle  de  Manheim  a  décerné,  le  23  octobre  dernier,  le  prix 
qu'elle  avait  mis  au  concours  pour  le  meilleur  trio  pour  piano  à  M.  Julius 
Schapler,  à  Tliorn  ;  parmi  les  vingt-sept  concurrents  :  M.  Bach,  à  Vienne  ; 
Spindler,  à  Dresde  ;  Bùchnor,  à  Leipzig,  et  Mllc  Emilie  Mayer,  à  Steltin,  ont 
reçu  des  montions  honorables. 

—  On  écrit  de  Dresde  :  «  Le  brillant  succès  xVIphigénie  en  Tauride,  au 
Théâtre  de  la  Cour,  aurait  décidé  l'administration  du  théâtre,  dit-on,  à 
monter  successivement  Iphigënie  en  Aulide  et  Alcesle.  » 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


407 


—  L'an  dernier,  à  l'occasion  de  la  Sainle-Cécile,  l'Association  des  Artistes 
musiciens  de  France  a  fait  exécuter,  dans  l'église  de  Saint-Eustache,  une 
messe  à  grand  orchesle  de  la  composition  du  maestro  Bonelti.  La  partie 
vocale  de  cette  messe  a  eu  pour  interprètes  Mmes  Alboni  et  Penco,  MM.  Gar- 
doni,  Badiali  et  Coulon.  Un  grand  nombre  d'amateurs  de  musique  ayant 
manifesté  leurs  regrets  de  n'avoir  pu  assister  à  cette  brillante  audition,  le 
comité  de  l'Association  des  Artisles  musiciens  a  cru  devoir  choisir  une 
seconde  fois  cette  messe  pour  la  solennité  de  cette  année.  L'exécution  de 
cette  œuvre  remarquable  aura  lieu  en  l'église  Saint-Eustache,  le  vendredi 
22  novembre,  à  onze  heures.  Le  produit  de  la  quête  et  des  chaises  est  des- 
tiné à  la  caisse  de  secours  des  Artistes  musiciens. 

—  On  écrit  d'Orléans  :  «  Notre  société  de  Ste-Cécile  vient  de  donner  Sun 
quatrième  concert;  le  programme  se- composait  du  Désert,  de  Félicien 
David  (2me  audition) ,  dont  l'exécution  a  été  bonne ,  l'orchestre  et  les 
chœurs,  sans  excepter  les  solistes,  sont  dignes  d'éloges.  On  a  surtout 
applaudi  la  Marche  de  la  caravane,  la  Tempête  au  Désert ,  ainsi  que 
ï 'Hymne à  la  nuit,  fort  bien  iuterpiété  par  un  amateur,  M.  C...  La  mar- 
che triomphale  de  la  symphonie,  en  ut  mineur,  si  bien  dépeinte  par 
M.  Barbedette,  dans  son  travail  sur  Beethoven  et  ses  œuvres  [Ménestrel- 
11  mars  1860),  a  été  exécutée  d'une  manière  remarquable  et  parfaitement 
dirigée  par  M.  J.  B.  Salesses,  l'excellent  chef  d'orcheslre  de  la  société.  Nos 
meilleurs  professeurs,  Mme  l.huillier  et  sa  sœurMIle  Labarre  s'étaient  char- 
gées delà  partie  vocale  et  ont  recueilli  d'unanimes  bravos  ;  cette  dernière, 
surtout  dans  l'air  de  Pygmalion,  de  Galathêe,  a  été  bien  appréciée.  M.  Mo- 
reau  a  exécuté. un  air  varié  de  clarinette,  par  Bressant,  avec  accompagne- 
ment d'orcheslre,  avec  beaucoup  de  vigueur  et  une  bonne  qualité  de  son. 
Enfin,  M.  Tournaillon  a  charmé  l'auditoire  avec  une  romance  sans  paroles, 
pour  l'harmonium,  dont  il  tire  de  si  merveilleux  effets.  » 

—  Troyes  et  Chaumont  viennent  d'ouvrir  la  saison  des  concerts  dans  nos 
villes  départementales.  Mlle  Joséphine  Laguesse,  pianiste-compositeur,  le 
violoncelliste  Nathan  et  M,le  Tillemonl  ont  fait  les  honneurs  de  ces  deux 
concerts.  Nos  trois  artistes  parisiens  ont  été  chaleureusement  accueillis,  et 
les  journaux  l'Aube  et  l'Echo  de  la  Haute-Marne  leur  ont  payé  le  lende- 


main un  large  tribut  d'éloges.  En  sa  qualité  de  cantatrice,  M"e  Aimé  Tille- 
mont  est  surtout  fêtée.  Son  succès  est  signalé  sur  toute  la  ligne. 

—  Le  Société  instrumentale  de  Thias  a  donné,  le  dimanche  27  octobre, 
dans  la  salle  Réveillon,  à  Choisy-le-Roi,  une  grande  matinée  musicale  à 
laquelle  ont  coopéré  MM.  Forestier  aîné,  première  flûte  du  Théâtre-Ita- 
lien: Noirault,  hautbois  du  Conservatoire;  Lefebvre,  Veillet,  Bloch , 
M""3  Chardon,  Boisgontiet.  Le  duo  de  Guillaume  Tell,  par  MM.  Lefebvre 
et  Veillet,  et  le  Message  de  Nadaud  (par  M.  Lefebvre)  ont  valu  à  ces  deux 
chanteurs  des  bravos  de  bon  aloi. 

—  L'éditeur  Gambogi  vient  de  publier  une  élude  de  piano  appelée  à  un 
véritable  succès  :  Le  Ruisseau,  nouvelle  œuvre  de  M.  Salvator,  l'auteur  de 
l'opéra  l'Esprit  du  Foyer. 

—  Le  5  novembre,  M.  Camille  Stamaty  a  repris  chez  MM.  Pleyel, 
Wollf  et  Cie,  95,  rue  Richelieu,  ses  cours  spéciaux  pour  les  jeunes  per- 
sonnes et  pour  les  jeunes  gens  se  destinant  à  suivre  la  carrière  artistique 
et  professorale.  Dans  chacun  de  ces  cours,  les  travaux  sont  alternative- 
ment individuels  et  collectifs;  ils  embrassent  tous  les  genres  de  musique 
ancienne  et  moderne,  en  se  fondant  sur  une  étude  approfondie  et  dé- 
taillée du  mécanisme,  d'après  le  ihythme  des  doigts.  —  11  n'y  a  ni  âge 
ni  degré  de  force  déterminés  pour  l'admission  des  élèves.  —  Des  épreu- 
ves trimestrielles  servent  à  classer  ceux-ci  entre  eux,  et  à  la  fin  de  l'an- 
née scolaire,  il  est  décerné  des  récompenses  aux  plus  méritants.  Les  cours 
d'artistes  durent  du  1"  novembre  au  1er  août,  et  ont  lieu  deux  fois  par  se- 
maine, les  mardis  et  samedis ,  à  9  heures  du  matin  pour  les  jeunes  gens,  à 
midi  pour  les  jeunes  personnes.  —  Il  n'est  pas  admis  plus  de  huit  élèves 
en  deux  heures. 

—  C'est  le  13  de  ce  mois  que  M.  Emile  Durand,  professeur  au  Conserva- 
toire, a  recommencé  ses  cours  d'haimonie  pour  les  jeunes  gens  et  pour 
les  jeunes  peisonnes. 


J.-L.  Hiïugel,  directeur. 


J.  Lovv,  rêducleuren  chef. 


Foui*  imvsàtve  Se  1er  tîéceisiïwe  1§©1  (Seme  ATfc'MEE). 


qui  seront  remises  ou  envoyées  franco  à  chaque  abonné ,  sur  renouvellement  de  l'abonnement  d'un  an,  à  compter  du  1er  décembre  prochain.  Pour  la  province, 
écrire  franco  à  MM.  Î3EUGEL  et  O,  éditeuis  du  Ménestrel,  en  accompagnant  chaque  demande  d'un  BON  sur  la  poste  avec  supplément  d'un  franc 
pour  affranchissement  des  primes. 

1»  PRIMES,   MUSIQUE    DE   PIANO: 


lrc   SÉ11IE. 


Jf^Li^SyT         appliqué  au         Q       f 
L?Sl«3>i   S        Piano,  pau      Q.       \ 

ÉDITION     SIMPLIFIÉE    PAR    CH.    CZERNY 


1 .  Quatuor  d7  Puritani Bellini. 

2.  Tre  Giorni Pergolèse. 

3.  Adélaïde Beethoven. 

4.  Air  d'église  du  célèbre  chanteur Stradella. 

5.  Laerymosa  et  les  Noce*  de  Figura Mozart. 

0.  Duetto  de  Zelmira Rosslni. 


7.  Bella  adorata '. . .  Mercadente. 

8.  Le  Meunier  et  le  Torrent F.  Schubert. 

9.  Il  mio  tesoro  de  Don  Juan Mozart. 

10.  Chœur  des  Conjurés  du  Crocinto Meyerbeer. 

1 1 .  Ballade  de  Preciosa Weber. 

12.  Duo  du  Freyschiitz : "Weber. 


L5 


OU   AU   CHOIX  DE  L  ABONNE 

[«FP     du  Piano     Sfï 
!  I   t      1"  livre  de     f"  S 


Méthode  de  chant  appliquée  au  Piano,  contenant  avec  théorie 
Quaranle-deux  exercices  et  mélodies-types  sur 


difficultés  de  l'art  du  chant  ;  trcnle  exercices  mélodiques  sur  les  broderies,  fioritures,  traits  et  formules 
de  mécanisme  des  maîtres  du  Chant  et  du  Piano. 


(Voir  çi-conlre) 


S°  PRIMES,  MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Sf%  partition  in-8°  |       ^PPFMDfi/ 

iU    Piano  et  Chant,  de    J.      U  T  T  £  PI  13  A  l 

(Avec  le  libretto  de  MM.  Hector  Crémeux  et  Ludovic  Halévy) 

ET    UN'  VOLUME  IN-8°  AU    CHOIX    DAXS    LES   SEPT    PREMIERS   VOLUMES    DES 


[Paroles,  Musique  et  accompagnement  de  Piano.) 


(Voir  ci-contre) 


N.  B.  Comme  l'an  dernier,  les  primes  ci-dessus  désignées  pourront  être  remplacées  au  choix  de  l'abonné  :  1°  Pour  l'abonnement  complet,  par  la 
belle  partition  illustrée  de  Scmirumis,  piano  et  chant,  paroles  italiennes,  et  traduction  française  de  Méry,  avec  les  deux  portraits  de  G.  Rossini  (Naples  1820 
et  Rossini  1860),  et  les  dessins  représentant  les  principales  scènes  de  l'ouvrage  ;  2°  pour  l'abonnement  simple,  Piano  ou  Chant,  par  la  partition  complète  des 
Saisons,  de  J.  Haydn,  traductiou  française  de  G.  Roger,  seule  édition  conforme  à  l'exécution  des  concerts  du  Conservatoire,  et  ornée  du  portrait  de  l'auteur. 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  HEUGEL  et  Ce,  éditeurs. 

COLLECTION  COMPLÈTE 


CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADAUD 

Publiées  eu  sept  volumes  grand  in-8°,  et  une  collection  de  chansons  légères , 

Pnroles  et  musique  avec  accompagnement  de  piano. 

Prix  net.  Chaque  volume  :  6  fr.  —  Collection  des  30  chansons  légères  :  8  fr.  —  Souscription  aux  huit  volumes  :  40  fr. 


1  Vieille  histoire. 

2  L'inconnu. 

3  L'automne. 

4  Une  fée. 

5  Trompette. 

21  Le  quartier  latin. 

22  Les  dieux. 

23  Le  vieux  tilleul. 

24  Le  château  et  la  chaumière. 

25  La  ligue  des  maris. 

41  Les  pauvres  d'esprit. 

42  Est-ce  tout? 

43  La  Kermesse. 

44  La  meunière  et  le  moulin. 

45  May. 

Cl  Le  voyage  aérien. 

62  Rose-Claire-Marie. 

63  Mon  héritage. 

64  Paris. 

65  Jaloux,  jaloux. 

81  La  forêt. 

82  Lanlaire. 

83  Pêcheur  silencieux. 

84  L'aveu. 

85  Des  bêtises. 

101  Les  heureux  voyageurs. 

102  L'aimable  voleur. 

103  La  vie  moderne. 

104  Le  pot  de  vin. 

105  La  vigne  vendangée. 


121  L'histoire  de  mon  chien. 

122  Libre  1  stances  à  l'Italie. 

123  Bernique. 

124  Nuit  d'été. 

125  Mon  oncle  Gaspard. 


1  Les  amants  d'Adèle. 

2  Le  souper  de  Manon. 

3  Satan  marié. 

4  Toinette  etToinon. 

5  Ursule. 

6  Les  gros  mots. 

7  Quitte  à  quille. 

8  Le  coucher. 


6  Voilà  pourquoi  je  suis  garçon 

7  Les  mois. 

8  Un  propriétaire. 

9  Le  melon. 
10  Je  pêche  à  la  ligne. 

26  Bonhomme. 

27  La  ballade  au  moulin. 

28  Perrelte  elle  sorcier. 

29  Les  cerises  de  Montmorency. 

30  Je  n'aime  pas. 


46  La  solution. 

47  Pastorale. 

48  Fantaisie. 

49  Je  grelotte. 

50  Jean  qui  pleure  et  Jean  qui  rit 


66  Mes  mémoires. 

67  L'été  de  la  Saint-Martin. 

68  La  bayadère  voilée. 

69  Le  jardin  deTéhadja. 

70  Souvenirs  de  voyage. 


86  Le  fou  Guilleau. 

87  La  nacelle. 

88  Père  capucin. 

89  La  pluie. 

90  Les  plaintes  de  Glycère. 


106  Le  cigare. 

107  Les  lamentations  'd'un  réverbère 

108  La  confidence. 

109  Les  pêcheuses  du  Loiret. 

110  La  chanson  de  gros  Pierre. 


126  L'attente, 

127  L'oubli. 

128  Le  roi  boiteux. 

129  L'improvisateur  de  Sorrente. 

130  Les  cotes  d'Angleterre. 


VOLUME. 

11  Au  coin  du  feu. 

12  Les  grands-pères. 

13  Les  rats. 

14  Je  m'embête. 

15  Ma  femme  n'esl  pas  là. 
8'  VOLUME. 

31  Rêves  et  réalités. 

32  Les  étrennes  de  Julie. 

33  M.  Bourgeois. 

34  Louise. 

35  Le  docteur  Grégoire. 
3e  VOLUME. 

51  Les  écus. 

52  Pierrette  el  Pierrot. 

53  Le  phalanstère. 

54  Les  impôts. 

55  Lr,s  réformes. 
4"  VOLUME. 

71  Insomnie. 

72  La  vieille  servante. 

73  II  faut  aimer. 

74  Ma  philosophie. 

75  Les  deux  notaires. 
VOLUME. 

i91  Le  vieux  télégraphe. 
92  Ma  sœur. 
93  Les  ruines. 
94  La  mère  Godichon. 
95  M.  de  la  Chance. 
6»  VOLUME. 

111  Le  puits  de  Ponlkerlo. 

112  Les  projets  de  jeunesse. 

113  Le  sultan. 

114  La  cuisine  du  château, 

115  Chanson  napolitaine. 

T«  VOLUME. 

131  A  propos  d'annexion. 

132  M'ai  niez-vous? 

133  Le  mandarin. 

134  Elle. 

135  Une  histoire  de  voleur. 


5 


1 16  Je  ris. 

17  Nous  sommes  gris. 

18  Ivresse. 

19  Aujourd'hui  et  demain. 
|20  Chauvin. 

36  Chut. 

37  Les  hommes  utiles. 

38  Le  Champagne. 

39  Le  carnaval  à  l'assemblée. 

40  Beauté. 

56  Le  message. 

57  Pandore. 

58  L'histoire  du  mendiant. 

59  La  valse  des  adieux. 

60  La  première  maîtresse. 

76  Le  bonsoir. 

77  La  petite  ville. 

78  Le  chevalier  à  boire. 

79  Flora  cruelle. 

80  Cheval  el  cavalier. 

96  Ma  voisine 

97  Le  vallon  de  la  jeunesse. 

98  La  Pille  de  l'amour. 

99  Lettre  d'un  étudiant  à  une  éludianle. 
100  Réponse  de  l'étudiante  à  l'étudiant. 

I  116  La  bûche  de  Noél. 

117  Macadam. 

118  Le  pays  natal. 

119  La  lecture  du  roman. 
I  120  Le  nid  abandonné. 


136  La  promenade. 

137  La  bruyère. 

138  La  ferme  de  Beauvoir. 

139  Le  vent  qui  pleure. 

140  Florimond  l'enjôleur. 


COLLECTION  DES  30  CHANSONS  LÉGÈRES 


9  Les  boutons. 

10  Auguste,  étudiant  de  10e  année. 

11  Boisentier. 

12  La  gaîlé  française, 

13  Les  poissons. 

14  La  chanson  de  trenle  ans. 

15  Adèle. 

16  La  lorette. 


17  La  lorette  du  lendemain. 

18  La  chaumière. 

19  Les  reines  de  Mabille. 

20  Palinodie. 

21  Les  confessions. 

22  Les  deux. 

23  Mes  enfants. 

24  Madeleine. 


25  Les  plaisirs  sont  trop  courts. 

26  Un  mari  malheureux. 

27  Thérèse. 

28  Le  lion  d'or. 

29  Le  dix-cors. 

30  La  toilette. 

HUITIÈME  VOLUME. 

Prix  net  :  8  fr. 


.  de  mois  en  mois  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  sous  le  titre  :  Une  Chanson  pur  mois  ;  12  chansons  par  an,  paroles,  musique  et  accompagnement  de  piano. 
Paris  et  province,  abonnement  d'un  an,  net  :  afr.  {L'abonnement  part  du  i<*  septembre  de  chaque  année.) 
C.hn<|iic  cliiintion  séparée,  en  Ki-niiu  format,  prix  ninrqiic  :   2  fr.  5flt>  c. 


OPERAS    DE    SALON 

Partitions  in-S°,  texte,  (.-liant  et  piano.       t  ^ 

LA    VOLIÈRE  i  PORTE   ET  FENETRE 

Pour  ténor',  basse,  trial  et  soprano.  —  Prix  net  :  S  fr.  I  Pour  ténor,  baryton,  basse  et  soprano.  —  Prix  net  :  t.  fr 


LE  DOCTEUR  VIEUXTEMPS 

deux  ténors ,   basse  et  deux  soprani.    —    Prix   :   9  franc 


PARODIE  »E  liA  ROMA.HTCU  —  Prix  marqué 


5  fr. 


Les  trois  premiers  volumes,  la  collection  des  Chansons  légères  el  les  Opéras  de  salon  seront  en  vente  le  ±"'  mai  1861,  les  autres  volumes  suivront  de  mois  en  mois. 
—  On  souscrit  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne,  en  adressant  un  bon  sur  la  poste  a  MM.  Heugei.  et  O.  —  Les  volumes  sont  expédiés  franco. 


793.  —  28e  Année. 

N°   53. 


TABLETTES 
OU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 


Dimanche  24  Novembre 

1861. 


r~»>v5~Bt 


JOURNAL 


J.-L.    HEUGEL. 


MUSIQUE  ET  THEATRES. 


JULES    LOVY, 

Rédact'  en  chef. 


EES  BUREAUX  ,  S  bis,  rue  Vi  vienne.  —  HEUGEL  et  Ci",  éditeurs. 

(Aux  Magasin»  ot  Abonnement  <Ic  Musique  <lu  MÉNESTREL.  —  Tente  et  location  «le  Pianos  et  Orgues.) 


CHANT. 

er  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  î«  Morceaux: 
Scènes,  Mélodies,  Komances,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  aIIjuiiih- 
primos illustrés.  —  Un  an  :  15  fr.;  Province  :  18  fr.  ;  Etranger:  21  fr. 


ssre  ;  i'iaiïo. 

2e  Mode  d'abonnement  :  Journal-Texte,  tous  les  dimanches;  *e  Morceaux  i 
Fantaisies,  Valses,  Quadrilles,  paraissant  de  quinzaine  en  quinzaine;  *  AlbuniB-. 
Iirhues  illustrés.  —  Un  au  :  15  fr. ;  Province  :  18  fr.  ;  Étranger:  21  fr. 


CHANT  ET  PIANO    REUNIS  : 

3«  Mode  d'abonnement  contenant  le  Texte  complet,  les  SïJUorccuux  ne  chant  et  de  piano,  les  a  Albums-primes  illustrés. 

Un  an  :  25  fr.  —  Provflice  :  30  fr.  —  Étranger  :  36  fr. 

On  souscrit  du  1er  de  chaque  mois.  —  L'année  commence  du  1er  décembre,  et  les  52  numéros  de  chaque  année  —  texte  et  musique,  —  forment  collection.  —  Adresser  franco 
un  bon  sur  la  poste,  à  MM.  IIEUGEI.  ot  C'e,  éditeurs  du  Ménestrel  et  de  la  Maîtrise,  2  bis,  rue  Vivienne. 
Typ.CliarlcsileMourgues  frères,  (Texte  seul:  8  fr.  —  Volume  annuel,  relié  :  10  fr.  )  rue  Jean-JacquesI\ousseau,8.  —  6971 


SWIVOIAIKE.   —   TEXTE. 

I.  Premières  représentations  de  la  semaine  :  VEtoile  de  Messine,  Rigoletto,  le 
Café  du  Roi,  la  Fête  des  Gondoles,  On  ne  badine  pos  avec  l'amour  et  Nos  In- 
times. J.  Lovy.  —  II.  Tablettes  du  pianiste  el  du  chanteur:  Deux  autres  lettres 
de  Mendei.ssohn-Bartholdy  ;  Paris  et  Londies.  —  III.  Variétés  :  Une  vente  d'au- 
tographes (suite  et.  fin).  A.  Dureau.  —  IV.  Petite  chronique  :  Lablache  a  vingt- 
trois  ans.  —  V.  Nouvelles  et  Annonces. 

MUSIQUE  DE  CHANT  : 

Nos  abonnés  à  la  nuisible  de  Chant  recevront  avec  le  numéro  de  ce  jour: 

JE  YWi;   D'ARC 

poésie  des  Messéniennes,  de  Casimir  Delavigne,  musique  de  Mme  la  vi- 
comtesse de  Grandv al.  —  Suivra  immédiatement  après  :  La  Voix  des 
montagnes,  9lne  Tyrolienne  de  J.-B.  Wekerlin,  paroles  de  M.   Paul 

JUILLERAT. 

PIANO  : 

Nons  publierons,  dimanche  prochain,  pour  nos  abonnés  à  la  musique 
de  Piano  : 

La  marche  religieuse  de  i'AECESTE   DE   GLUCK 

transcritie,  pour  piano,  par  Paul  Bernard.  —  Suivra  immédiatement 
après  la  transcription  des  couplets  avec  chœur  dansé  du  même  opéra. 


AVIS   A   NOS  ABONNES 

Les  premières  représentations  de  la  semaine  nous  obligent  à 
renvoyer  de  nouveau  le  premier  chapitre  des  Mémoires  histori- 
ques d'un  musicien  sur  CHERUB1NI,  sa  vie,  ses  travaux,  et 
leur  influence  sur  l'art,  par  M.  Diebdonné  Denne -Baron.  Par 
compensation,  ce  dernier  ajournement  nous  permettra  de  com- 
mencer la  29me  année  du  Ménestrel  (dimanche  prochain),  par  ce 
travail  intéressant  et  de  suivre  sans  interruption. 

PRIMES   DU  MÉNESTREL 

A  compter  du  lundi  2  décembre,  les  primes  du  Ménestrel 
(années  1861-1862),  seront  délivrées  à  nos  abonnés.  (Voir  aux 
annonces  7me  page.)  Ces  primes  seront  suivies,  comme  l'an  der- 
nier, de  la  publication,  en  morceaux  détachés,  chaque  dimanche, 
des  Recueils  de  Chant  et  Piano  consacrés  par  nos  meilleurs 
compositeurs.au  journal  le  Ménestrel. 


LES  PREMIÈRES  REPRÉSENTATIONS  DE  LA  SEMAINE 


OPERA 

L'ETOILE    DE    MESSI1YE 

Ballet-pantomime  en  deux  actes  et  six  tableaux.  —  Livret  de  M.  Paul 
Foucher,  chorégraphie  réglée  par  M.  Borri,  musique  de  M.  le  comte 
Gabrielli. 

Voici  venir,  avec  un  nouveau  ballet,  un  chorégraphe  nouveau, 
du  moins  pour  nous.  Depuis  une  douzaine  d'années,  M.  Borri 
jouit  d'une  grande  réputation  au  delà  des  Alpes.  Milan,  Flo- 
rence, Rome  et  Venise  faisaient  bruit  de  l'originalité  de  ses  bal- 
lets, de  la  hardiesse  de  ses  conceptions.  Il  ne  s'agissait  ni  plus  ni 
moins  que  d'un  grand  réformateur,  d'un  Messie,  —  que  dis-je? 
d'un  révolutionnaire. 

Et  en  effet,  tel  vient  de  nous  apparaître  le  chorégraphe  Borri, 
dès  les  premières  scènes  de  l'Étoile  de  Messine.  Voyez  ce  bal 
masqué  du  premier  tableau  ;  regardez  ce  kaléidoscope  de  pierrots 
et  de  pierrettes,  de  bergers  et  de  bergères,  de  magiciens  et  de 
magiciennes,  et  de  masques  de  toutes  sortes  ;  examinez  surtout 
ce  premier  couple  solo  :  ô  prodige  !  l'homme  est  remplacé  par 
la  femme!  Ce  danseur  aux  formes  séduisantes,  c'est  MUe  Schlos- 
ser  qui  enlace  et  fait  tournoyer  sa  danseuse.  Charmante  surprise, 
révolution  complète  et  radicale.  Le  ballet,  voué  dans  l'origine  à  la 
plus  laide  moitié  du  ganre  humain,  va  passer  exclusivement  aux 
mains...  je  veux  dire  aux  pieds  des  femmes.  Hurrah  pour  le 
maestro  Borri  !  voilà  le  Messie  demandé. 

Hélas  !  ce  n'était  que  l'émotion  d'un  moment,  car,  quelques 
minutes  après,  on  a  revu  M.  Mérante  avec  ses  mâles  pirouettes. . . 
M.  Mérante,  soyons  juste,  a  supérieurement  pirouetté. 

Mais  le  grand  météore  de  la  soirée,  l'astre  du  ballet,  l'étoile 
de  Messine  et  de  Paris,  vous  l'avez  deviné,  c'est  Mrae  Ferraris. 
C'est  la  danse  dans  toute  sa  perfection,  c'est  la  grâce,  le  moelleux, 


410 


LE  MÉNESTREL. 


le  brio,  combinés  avec  une  agililé  inouïe  et  des  bonds  de  gazelle. 
Au  premier  tableau,  elle  a  eu  des  poses  et  de  ces  renversements  à 
faire  descendre  le  ciel  sur  terre  ;  elle  est  étourdissante  de  verve 
et  de  vivacité  dans  la  tarentelle  du  troisième  tableau.  Au  diver- 
tissement de  la  révolte  des  Fées,  où  elle  remplit  le  rôle  de  Fiam- 
ma,  la  messagère  aérienne,  elle  réalise  ce  mythe  avec  une  fidé- 
lité qui  donne  le  vertige.  Ces  deux  tableaux  seuls  ont  valu  deux 
rappels  à  Mme  Ferraris,  sans  compter  le  reste.  Dans  la  scène  de 
l'hôtellerie,  où  la  fiction  se  dramatise,  notre  sylphide  se  révèle 
excellente  mime  et  ajoute  à  la  poésie  de  ses  pas  le  pathétique  du 
jeu.  Elle  est  tragédienne  au  dernier  tableau  quand,  désespérée  en 
présence  du  cortège  nuptial  de  don  Raphaël,  elle  étourdit  sa  dou- 
leur dans  un  tournoiement  frénétique,  qu'où  peut  appeler  à 
juste  titre  le  galop  de  la  folie. 

Mais  résumons  en  peu  de  mots  l'histoire  sicilienne  qui  sert  de 
canevas  au  ballet  de  VÊtoile  de  Messine. 

Gazella  (Mme  Ferraris),  est  la  première  danseuse  d'une  troupe 
nomade  appelée  à  Messine  pour  les  fêtes  du  mariage  de  Don 
Raphaël  de  Lemos,  fils  du  gouverneur,  avec  la  comtesse  Aldini. 
Mais  Don  Raphaël  se  prend  d'amour  pour  Gazella,  et  celle-ci  ne 
se  montre  pas  insensible.  Ils  se  décident  à  fuir  ensemble;  mais 
au  moment  où  Gazella  va  monter  dans  une  barque  pour  rejoindre 
Raphaël,  elle  est  arrêtée  par  son  frère  Gianni,  qui  l'accable  de 
reproches  et  s'emporte  jusqu'à  lever  la  main  sur  elle.  Le  peuple, 
en  voyant  qu'on  malmène  son  idole,  se  jette  avec  rage  sur 
Gianni;  mais  Gazella  fait  à  son  frère  un  rempart  de  son  corps. 
Il  n'est  pas  inutile  de  vous  dire  ici  que  Gianni  nourrit  une  passion 
secrète  pour  notre  héroïne,  qui  n'est  nullement  sa  sœur,  mais 
une  pauvre  orpheline  qu'il  a  recueillie. 

Au  deuxième  acte,  nous  voici  chez  le  vice-roi.  Là,  on  a  con- 
struit un  théâtre  pour  la  représentation  du  divertissement  que 
doit  donner  la  troupe  de  Gazella.  Ce  divertissement  est  à  peine 
terminé,  quand  Gazella  voit  Don  Raphaël  entrer  dans  la  salle,  et 
prendre  place  à  côté  de  sa  fiancée,  la  comtesse  Aldini.  Dans  son 
trouble,  Gazella  interrompt  le  spectacle  et  accourt  auprès  de  Ra- 
phaël. La  comtesse,  indignée,  demande  vengeance  d'un  tel  scan- 
dale. On  emporte  Gazella  évanouie.  —  La  troupe  nomade  est 
retournée  à  son  hôtellerie.  Raphaël  arrive  ;  Gianni  le  provoque  ; 
un  duel  s'engage;  la  comtesse  paraît  et  réclame  de  Raphaël  la  foi 
des  serments.  Alors  Gazella  abdique  généreusement  ses  droits  sur 
le  cœur  du  bien-aimé,  et  va  rejoindre  ses  camarades.  —  Le  der- 
nier tableau  représente  le  dernier  jour  de  carnaval,  jour  fixé  pour 
le  mariage  de  Raphaël  avec  la  comtesse.  Danses  populaires  et 
nationales.  Gazella  danse  avec  frénésie,  pour  oublier  l'ingrat. 
Mais  à  la  vue  des  époux  sortant  de  l'église,  ses  forces  la  trahis- 
sent... et  elle  expire  entre  les  bras  de  Gianni  ! 

Sans  doute  ce  dénoûment  manque  de  gaieté  ;  mais  avant  d'y 
arriver,  avant  de  vous  assombrir  l'âme,  quelle  splendide  et 
rayonnante  épopée  vous  avez  à  traverser  !  Six  cents  costumes 
neufs,  cinq  décors  prestigieux,  une  légion  de  sylphides  et  de  fées, 
des  groupes  chatoyants,  des  masses  reflétant  toutes  les  couleurs 
de  l'arc-en-ciel  ;  que  vous  dirai-je  ?  un  tourbillon  dans  un  Océan 
de  merveilles.  Le  deuxième  acte  surtout  s'ouvre  par  un  tableau 
véritablement  féerique.  La,  vous  voyez  tout  un  essaim  de  nym- 
phes et  de  fées  massées  sur  une  pelouse,  comme  noyé  dans  la 
gaze,  baigné  dans  la  lumière  électrique  .  Ce  coup  -  d'œil  est 
éblouissant. 

Les  triomphes  de  Mme  Ferraris  ne  doivent  pas  nous  faire  ou- 
blier Mme  L.  Marquet,  très-belle  et  très-élégante  dans  le  rôle  de 
la  comtesse;  puis  Mllcs  Sclilosser  (déjà  nommée),  Fiocre,  Pille- 


vois,  Parent,  Morendo,  Rousseau,  Reaugrand,  Stoikoff,  Carabin, 
Yilleroy,  etc.,  etc. 

Dans  le  personnel  masculin,  après  Mérante,  citons  Chapuy, 
qui  a  mimé  avec  intelligence  le  rôle  de  Raphaël,  puis  Berthier  et 
Corally,  chargés  d'égayer,  —  modérément,  —  cette  histoire  sici- 
lienne. 

Quant  à  la  musique  de  ce  ballet,  elle  se  compose  de  mélodieu- 
ses valses,  d'agréables  polkas,  d'entraînants  galops,  de  fougueu- 
ses tarentelles  ;  c'est  un  contingent  instrumental  tempéré  de  façon 
à  ne  point  distraire  l'attention  des  splendeurs  de  la  scène. 

Il  n'en  a  pas  été  de  même  pour  l'ouverture  de  Guillaume  Tell 
dont  on  a  fait  la  surprise  au  maestro  Rossini  le  soir  de  la  répé- 
tition générale  de  l'Etoile  de  Messine.  Toute  la  presse,  grande 
et  petite,  a  redit  les  acclamations  qui  ont  accueilli  l'œuvre  et  la 
présence  du  grand  maître  à  l'Opéra.  Que  n'était-il  donné  aux 
auteurs  de  renouveler  cet  épisode  à  la  première  représentation  ? 

THÉÂTRE-ITALIEN 

RIGOLETTO 

Celte  reprise,  par  l'importance  du  début  de  M.  Délie  Sedie, 
avait  le  mérite  d'une  première  représentation.  On  était  impatient 
dejugersi,  en  définitive,  le  successeur  de  Graziani  était  apte  à 
traduire  les  grandes  pages  dramatiques,  si  sa  voix  ne  fail- 
lirait pas  à  la  tâche.  Aussi  l'émotion  de  M.  Délie  Sedie  était-elle 
visible,  et  jusqu'au  point  d'altérer  un  instant  la  pureté  et  la 
suavité  de  son  chant  mixte.  Mais  cette  hésitation  n'a  pas  été  de 
longue  durée.  En  grand  artiste  qu'il  est,  le  nouveau  Rigoletto  a 
bientôt  dominé  la  situation  en  se  dominant  lui-même.  C'est  à  ce 
point  qu'au  duo  final  du  second  acte,  électrisée  par  la  situation, 
la  voix  de  M.  Délie  Sedie  a  trouvé  de  ces  accents  énergiques 
qui  remuent  toute  une  salle.  On  n'aurait  jamais  soupçonné  en 
lui  de  pareils  effets.  Le  bis  de  la  strette  a  été  unanime  et  partagé 
par  M"e  Rattu,  dont  le  talent  et  la  voix  grandissent  chaque  soir. 

M.  Rélart,  qui  remplaçait  à  l'improviste  Mario,  indisposé,  a 
d'abord  été  l'objet  d'une  manifestation  peu  agréable,  bien  qu'elle 
ne  s'adressât  pas  à  lui  directement,  mais  il  s'en  est  immédiate- 
ment vengé  en  forçant,  à  plusieurs  reprises,  les  applaudissements 
les  plus  mérités.  La  réaction  a  été  aussi  prompte  que  chaleureuse. 

Comme  de  coutume,  le  public  a  salué  l'apparition  del'Alboni, 
en  compagnie  de  Tagliafico,  au  troisième  acte,  et  comme  tou- 
jours aussi  le  quatuor  a  fait  sensation  et  a  été  redemandé. 

Pour  en  revenir  à  M.  Délie  Sedie,  cette  soirée  l'a  définitive- 
ment classé  parmi  nos  illustrations  dramatiques  et  lyriques. 
Non-seulement  il  a  chanté  en  grand  chanteur,  mais  il  s'est 
montré  grand  comédien,  —  malgré  l'affreuse  perruque  dont  il 
s'était  affublé.  Décidément  l'artifice  des  cheveux  n'est  point  en 
progrès  au  delà  des  Alpes. 


Avant  de  passer  aux  deux  premières  représentations  du  Théâ- 
tre-Lyrique,nous  annoncerons  à  nos  lecteurs  une  bonne  nouvelle, 
la  réception  toute  spontanée  par  M.  Raumont  d'un  opéra-comi- 
que en  trois  actes,  libretto  de  M.  Victorien  Sardou,  musique  de 
M.Vaucorbeil.C'est  sur  une  audition  del'œuvre, — M.  Sardou  le 
poëme  en  main  et  M.  Vaucorbeil  au  piano,  —  que  M.  Raumont 
s'est  empressé  de  recevoir  un  ouvrage  dont  les  mérites,  au  dou- 
ble point  de  vue  musical  et  littéraire,  pourraient  bien  décider 
une  sorte  de  révolution  dans  le  genre  actuel  de  l'opéra-coraique. 


MUSIQUE  ET  THÉÂTRES. 


411 


Nous  n'en  dirons  pas  davantage  aujourd'hui,  nous  bornant  à 
conslater  combien  la  réception  d'un  opéra  aussi  important,  pro- 
voquée par  le  seul  mérite  de  l'œuvre,  honore  à  la  fois  le  direc- 
teur et  les  auteurs. 

THÉÂTRE-LYRIQUE 

Il     CAFÉ    DU   KOI 

Opéra-comique  en  un  acte,  de  M.  Henri  Meillac,  musique  de  M.  Deffès. 

Le  public  parisien  n'a  pas  eu  la  primeur  de  ce  Café  du  roi  ; 
déjà  la  société  aristocratique  d'Ems  l'avait  goûté  en  premier.  Les 
eaux  thermales  se  permettent  depuis  quelque  temps  ces  préli- 
bations. Il  est  vrai  qu'il  est  une  époque  de  l'année  où  Paris  s'ap- 
pelle Bade,  Ems,  Hombourg,  etc.,  et  le  baptême  des  succès  a  le 
droit  d'émigrer  un  instant. 

Le  Théâtre-Lyrique  vient  de  consacrer  le  succès  obtenu  à  Ems. 
Libretto  et  partition  ont  été  cordialement  accueillis.  Un  imbro- 
glio galant,  dont  Louis  XV  est  le  héros,  forme  le  sujet  de  la 
pièce.  Le  jeune  monarque  se  fait  appeler  le  baron  de  Gonesse, 
et  c'est  grâce  à  ce  pseudonyme  de  fantaisie  que  M1Ie  Gilberte,  une 
naïve  jeune  fdle,  échappe  aux  séductions  de  Sa  Majesté.  — 
Presque  tous  les  morceaux  de  la  partition  ont  été  applaudis.  Citons 
d'abord  l'introduction  d'orchestre,  dont  la  couleur  s'adapte  par- 
faitement à  l'époque  où  se  passe  l'action  ;  les  couplets  de  Mlle  Gi- 
rard (Louis  XV),  sur  les  vertus  du  café  ;  un  air  imité  de  Lully  ; 
un  autre  air  de  Rameau,  dont  le  motif  est  connu  :  Quel  déses- 
poir !  fort  ingénieusement  traité  en  variations,  et  très-agréable- 
ment vocalisé  par  M"e  Baretti  (Gilberte)  ;  mais  mentionnons 
surtout  une  romance  en  deux  couplets  qui  a  été  redemandée  à 
Mlle  Girard  avec  acclamation. 

Wartel,  chargé  du  rôle  d'un  marquis  intrigant,  s'est  montré, 
comme  toujours,  amusant  comédien. 

IV    NUIT    AUX   GONDOLES 

Opéra-comique  en  deux  actes  de  JIM.  J.  Barbier  et  Prosper  Pascal. 

La  Nuil  aux  Gondoles  est,  quant  au  libretto,  une  œuvre  de 
fantaisie  pure.  L'action  peut  se  passer  dans  tous  les  pays  du 
monde,  à  Venise,  à  Ispahan,  en  Bohème,  en  Chine,  à  plus  forte 
raison  sur  une  scène  lyrique.  Le  jeune  poète  allemand  Frantz  a 
délaissé  son  vieux  père  et  sa  blonde  fiancée,  pour  aller  mener 
une  vie  de  dissipation.  Sa  bien-aimée  se  met  à  suivre  ses  traces. 
Frantz  reconnaît  sa  voix  lorsqu'elle  passe  masquée  dans  sa  gon- 
dole, il  la  poursuit,  ce  qui  excite  le  courroux  de  la  belle  Rosa- 
linde.  Celle-ci,  —  une  courtisane  peu  tendre,  —  charge  le  mar- 
quis Stefano  de  la  venger  de  l'infidèle  ;  et  Frantz  serait  infailli- 
blement tué  en  duel,  sans  le  hasard  d'un  faux  pas  combiné  avec 
l'intervention  du  prince  Juliani  qui  s'intéresse  au  jeune  poëte  et 
l'unit  avec  sa  blonde  fiancée. 

M.  Prosper  Pascal  a  jeté  sur  ce  canevas  un  tissu  mélodique  des 
mieux  colorés.  On  a  particulièremeni  remarqué  l'air  de  Rosalin- 
de  :  0  nuit  parfumée,  que  Mlle  Moreau  a  phrasé  d'une  voix 
brillante,  les  couplets  du  prince  (Grillon),  la  romance  de  Frantz 
(Peschard)  :  Elle  est  si  touchante  et  si  belle!  l'air  de  Bettina  dans 
la  gondole,  et  enfin  un  trio  dont  M"e  A.  Faivre  a  gracieusement 
détaillé  le  cantabile. 

Le  Café  du  roi  et  la  Nuit  aux  Gondoles  pourront  alterner 
fructueusement  avec  les  soirées  de  Jaguarila. 


ON  NE  BADINE  PAS  AVEC  L'AMOUR.  —  NOS  INTIMES 

Nous  ne  pouvons  clore  le  chapitre  des  premières  représenta- 
tions de  la  semaine  sans  parler  du  Théâtre-Français,  qui  vient 
d'emprunter  au  répertoire  d'Alfred  de  Musset  une  œuvre  très- 
piquante,  —  et  du  Vaudeville,  que  M.  Victorien  Sardou  a  doté 
d'une  de  ces  pièces  dont  l'affiche  s'empare  pour  six  ou  huit  mois. 

On  ne  badine  pas  avec  l'amour  dépasse  les  proportions  des 
œuvres  que  le  Théâtre-Français  avait  détachées  jusqu'à  pré- 
sent du  riche  écrin  de  notre  défunt  poëte.  C'est  une  comédie  en 
trois  actes,  mais  la  fantaisie  y  domine  en  souveraine,  comme  dans 
les  Caprices  de  Marianne.  Des  modifications  ont  été  jugées  né- 
cessaires pour  l'approprier  à  la  scène  ;  oh  a  même  dû  se  décider 
à  quelques  coupures  et  esquiver  surtout  la  multiplicité  des 
changements  de  décors, — tâche  dont  M.  Paul  de  Musset,  le 
frère  du  défunt,  s'est  fort  habilement  tiré. —  L'œuvre  a  pour 
interprètes  MM.  Provost,  Delaunay,  Monrose,  Barré,  E.  Pro- 
vost,  Mmes  Favart,  Jouassain,  Emma  Fleury.  Vanter  les  perfec- 
tions et  les  mérites  de  cette  interprétation  serait  presque  com- 
mettre un  pléonasme. 

On  sait  que  la  pièce  du  Vaudeville,  Nos  Intimes,  comédie 
en  quatre  actes  de  M.  Sardou,  a  reçu  un  accueil  enthousiaste  le 
soir  de  la  première  représentation.  Or,  les  bureaux  de  location 
se  sont  immédiatement  ressentis  du  retentissement  de  ce  grand 
succès.  Plaudite  cives!  car  c'est  ici  la  bonne  comédie  de  mœurs 
et  de  caractères;  c'est  la  sève  comique  combinée  avec  le 
drame  ;  c'est  l'esprit  relevé  par  le  style.  Ajoutez  que  la  pièce 
est  jouée  avec  une  verve  qui  fait  le  plus  grand  honneur  au  per- 
sonnel de  ce  théâtre,  et  vous]  prouve  à  quel  point  les  artistes  ont 
été  captivés  par  leurs  rôles.  M"e  Fargueil  (Cécile  Caussade)  est 
admirable  de  vérité  et  de  vigueur  dramatique  ;  Febvre  (Maurice) 
est  son  digne  partenaire.  Parade  (Caussade)  se  montre  plein  de 
naturel,  de  sentiment  et  de  bonhomie.  Ce  rôle  le  place  très-haut 
dans  l'estime  des  connaisseurs.  Numa  trouve,  dans  le  personnage 
de  Marecat  un  type  merveilleusement  adapté  à  son  tempéra- 
ment et  à  son  débit  suigcneris. Quant  à  Félix  (le  docteur  Tolozan), 
c'est  sur  lui  en  grande  partie  que  pèse  la  responsabilité  de  tout 
l'esprit,  de  tous  les  mots  satiriques  semés  à  profusion  dans  la 
pièce,  et  l'on  sait  avec  quel  brio  et  quelle  sûreté  cet  artiste  lance 
ses  boutades  morales.  Enfin  Munie,  Chaumont,  Boisselot , 
jyjmes  piersor])  Duplessis,  Léonide  Leblanc,  complètent  fort  bien 
le  personnel  de  Nos  Intimes,  que  tout  Paris  voudra  connaître. 

J.  Lovy. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CHANTEUR. 

DEUX   AUTRES   LETTRES  DE 

MENDELSSOHN  -  BARTHOLDY 

PARIS 
(2S  décembre  1831.) 

Chère  dame  Fanny, 
Depuis  trois  mois  je  veux  t'écrire  une  lettre  sur  la  musique, 
mais  le  retard  se  venge  sur  le  coupable;  car  maintenant,  que  je 
suis  ici  depuis  quinze  jours,  je  ne  sais  pas  du  tout  si  je  puis 
encore  t'écrire.  J'ai  déjà  eu  à  Paris  toutes  sortes  d'impressions, 
celles  d'un  voyageur  curieux  et  étonné,  d'un  petit  maître ,  d'un 
Français,  voire    d'un  pair  de  France,    —  mais  pas   encore 


412 


LE  MÉNESTREL. 


celles  d'un  musicien.  Peut-être  celui-là  reslera-t-il  tout  à  fait  en 
route,  car,  pour  la  musique,  cela  semble  prendre  ici  un  mauvais 
aspect.  Les  concerts  du  Conservatoire,  auxquels  je  tenais  par- 
dessus tout,  n'auront  probablement  pas  lieu,  parce  que  la  Com- 
mission du  Ministère  voulait  donner  à  la  Commission  de  la 
Société  la  commission  de  céder  une  partie  de  la  recette  à  une  ■ 
commission  de  professeurs;  à  quoi  la  Commission  du  Conser- 
vatoire a  répondu  à  la  Commission  du  Ministère  qu'elle  se 
fasse  pendre  (suspendre),  et  maintenant  ils  ne  veulent  plus  rien 
faire.  Les  journaux  se  livrent  a  ce  sujet  à  d'amères  réflexions, 
que  tu  n'as  pas  besoin  de  lire,  parce  qu'elles  sont  défendues  chez 
vous  :  tu  n'y  perds  rien. 

L'Opéra-Comique  a  fait  banqueroute,  et  jusqu'ici  il  y  a  eu 
relâche.  Au  grand  Opéra  ils  ont  donné  de  petites  choses,  qui 
m'ont  amusé,  mais  ni  troublé  ni  excité.  —  Armide  a  été  le 
dernier  grand  opéra,  mais  ils  la  donnent  en  trois  actes,  et  il  y 
a  deux  ans  de  cela.  L'institut  de  Choron  est  tombé;  la  chapelle 
royale  s'est  éteinte  comme  une  chandelle  :  dans  tout  Paris  pas 
une  messe  le  dimanche,  si  ce  n'est  avec  accompagnement  de 
serpent.  La  Malibran  paraîtra  la  semaine  prochaine  pour  la 
dernière  fois. 

Bon,  diras-tu,  alors  relire-toi  en  toi-même  et  écris  ta  musique 
sur  :  «  Ach!  Gott  vom  himnel,  »  ou  bien  une  symphonie,  ou 
enfin  ton  nouveau  quatuor  de  violon,  dont  tu  me  parles  dans 
ta  lettre  du  28,  ou  autre  chose  de  sérieux  ;  —  mais  cela  se  peut 
encore  moins,  car  ce  qui  se  fait  au  dehors  est  si  intéressant  que 
cela  vous  attire,  vous  donne  à  penser,  à  vous  souvenir,  et  dévo- 
re tout  votre  temps.  Ainsi,  je  suis  allé  hier  à  la  Chambre  des 
pairs,  et  j'ai  compté  les  voix  qui  ont  brisé  une  antique  préroga- 
tive. Tout  de  suite  après  j'ai  dû  courir  au  Théâtre-Français,  où 
depuis  plus  d'un  an  Mlle  Mars  a  reparu  pour  la  première  fois. 
Elle  est  gracieuse  au-dessus  de  toute  imagination  ;  elle  a  une 
voix  qui  ne  pourra  jamais  être  imitée,  qui  vous  fait  pleurer  et 
vous  réjouit  en  même  temps.  Aujourd'hui,  il  faut  que  je  revoie 
encore  une  fois  la  Taglioni,  qui,  avec  la  Mars,  représentent  les 
deux  Grâces  (si  je  rencontre  la  troisième  dans  mes  voyages,  je 
l'épouse).  Ensuite  il  faut  que  j'aille  dans  le  classique  salon  de  Gé- 
rard. Dernièrement,  j'ai  entendu  Lablache  et  Rubini,  après  qu'O- 
dilonBarrot  s'était  chamaillé  avec  le  ministère;  puis  j'ai  été  chez 
Baillot,  après  avoir  vu  le  matin  les  tableaux  du  Louvre. 

Comment  pourrait-on  avec  tout  cela  rentrer  en  soi-même? 
Au  dehors  tout  est  trop  beau  ;  mais  pourtant  viennent  certains 
moments,  comme  par  exemple  à  la  veille  de  Noël,  où  Lablache 
a  bien  chanté,  ou  comme  au  lendemain,  —  il  n'y  avait  ni  sonne- 
ries de  cloches  ni  réjouissances,  —  ou  quand  la  lettre  de  Paul  est 
arrivée  de  Londres,  dans  laquelle  il  m'invite  à  aller  chez  lui  au 
printemps  prochain,  —  mais  seulement  au  printemps;  —  alors  on 
rentre  profondément  en  soi-même,  on  s'aperçoit  que  tout  cela 
n'est  pourtant  qu'extérieur,  que  l'on  n'est  ni  un  politique,  ni 
un  danseur,  ni  un  comédien,  ni  un  bel  esprit,  mais  tout  bonne- 
ment un  musicien,  et  il  vous  arrive  le  courage  d'écrire  à  votre 
chère  petite  sœur  une  lettre  du  métier.  La  conscience  me  tour- 
mentait lorsque  j'ai  lu  ta  nouvelle  musique,  dirigée  par  toi  pour 
la  fête  de  notre  père,  et  comme  je  me  reprochais  de  ne  pas  t'a- 
voir  dit  un  seul  mot  sur  ta  précédente  musique,  tu  n'en  seras 
pas  quitte  ainsi,  mon  collègue  ; 


LONDRES 

(Le  11  liai  1832.) 

Je  ne  puis  vous  décrire  combien  ces  premières  semaines  ont 
été  heureuses  ici.  Quand  de  temps  en  temps  tout  ce  qui  est  le 
mal  s'accumule,  comme  cet  hiver  h  Paris,  où  j'ai  dû  perdre  mes 
meilleurs  amis,  où  je  ne  me  suis  jamais  senti  chez  moi,  et  où 
finalement  je  suis  tombé  très-malade  (1),  le  contraire  arrive  aussi, 
et  il  en  est  ainsi  dans  ce  cher  pays  où  je  retrouve  mes  amis,  où  je 
me  sens  parmi  des  hommes  bienveillants,  et  où  je  jouis  pleine- 
ment de  la  sensation  du  retour  à  la  santé.  Avec  cela  il  fait  chaud, 
l'es  lilas  sont  en  fleur,  et  il  y  a  de  la  musique  à  faire  :  imaginez 
mon  bonheur! 

Il  faut  que  je  vous  décrive  une  gaie  matinée  de  la  semaine 
dernière  ;  c'est,  de  toutes  les  impressions  extérieures  que  j'ai 
eues  jusqu'ici,  celle  qui  m'a  réjoui  et  touché  le  plus,  et  la  seule 
peut-être  dont  je  me  souviendrai  toujours  avec  un  nouveau  plai- 
sir.  Samedi  malin,  il  y  avait  répétition  à  la  Philharmonique, 
dans  laquelle  on  ne  pouvait  rien  donner  de  moi,  parce  que  mon 
ouverture  n'était  pas  encore  copiée.  Après  la  Symphonie  pasto- 
rale de  Beethoven,  pendant  laquelle  j'étais  dans' une  loge,  je 
voulais  aller  dans  la  salle  pour  saluer  quelques  vieux  amis.  A 
peine  élais-je  au  bas  que  quelqu'un  de  l'orchestre  cria  :  There 
is  Mendelssohn!  et  là-dessus  ils  se  mirent  tous  à  crier  etapplau- 
nir,  tellement  que  pendant  quelque  temps  je  ne  savais  que  faire; 
et  lorsque  ce  fut  fini,  un  autre  s'écria  ;  welcome  to  /«m /et  ils 
recommencèrent  le  même  vacarme,  Je  fus  obligé  de  traverser  la 
salle  et  de  grimper  dans  l'orchestre  pour  remercier.  Allez,  je 
n'oublierai  pas  cela,  Cela  m'a  été  plus  agréable  que  toute  autre 
distinction;  cela  montrait  que  les  musiciens  m'aimaient  et  se 
réjouissaient  de  ma  venue,  et  cela  a  été  pour  moi  un  sentiment 
de  joie  plus  vive  que  je  ne  puis  exprimer. 

F.  Mendelssohn. 


VARIÉTÉS 


UNE    VENTE    D AUTOGRAPHES. 

(Suite  et  fin  j 

Nous  avons  laissé  MUe  Duplant  léguant  à  la  postérité  ses  plain- 
tes de  chanteuse  d'Opéra.  L'excellente  Mme  Guillemin,  qui  a 
quitté  récemment  la  scène  du  Vaudeville,  est  bien  un  peu  du 
même  avis. 

«  Je  ne  crois  pas,  écrit-elle,  que  le  succès  même  puisse 
compenser  les  angoisses  que  cela  nous  cause.  Quant  à  moi,  mal- 
gré les  bontés  du  public  et  des  journaux,  je  ne  serai  heureuse 
que  hors  de  scène  et  dans  mon  petit  chez  moi.. .  » 

La  lettre  suivante  de  Joanny,  de  la  Comédie-Française,  a- 
t-elle  encore  de  l'actualité  ?  «  Mes  appointements  (1823)  ont  été 
calculés  sur  130  représentations,  ce  qu'un  acteur,  jouant  le  pre- 
mier emploi  tragique  ne  peut  fournir  dans  une  année...  tous  sont 

premiers  rôles,    on  ne  trouve   personne  pour  les  petits Il 

n'existe  chez  nous,  ni  ordre,  ni  harmonie,  ni  subordination  ;  les 
engagements,  mal  conçus,  semblent  autoriser  un  désordre  dont 
il  résulte  absence  de  répertoire,  défaut  d'ensemble.  » 


(1)  Mendelssohn  avait  eu  une  attaque  de  choléra  dans  les  dernières  se- 
maines de  son  séjour  à  l'aris. 


TABLETTES  DU  PIANISTE  ET  DU  CUANTKUK. 


il  S 


La  Chabeaussière  (Poisson)  donne  quelques  conseils  aux  chan- 
teurs italiens.  «  La  perfection  de  ces  chanteurs  tient  à  l'immobi- 
lité constante  de  Faction  dramatique,  à  l'insignifiance  des  paro- 
les, qui  n'excitant  aucune  passion,  ne  peignant  exactement  que 
des  sons,  laissent  le  chanteur  et  son  gosier  dans  un  état  de  calme 
plat...  Je  ne  me  rappellerai  jamais  sans  hausser  les  épaules  de 
pitié,  qu'ayant  été  vivement  frappé  du  chant  délicieux  de 
Mme  Barilli,  dans  un  opéra,  mais  n'ayant  pris  garde  qu'à  sa  voix 
et  à  son  chant,  je  m'avisai  de  vouloir  entendre  les  paroles  à  l'or- 
chestre pour  la  deuxième  représentation,  et  j'entendis  cette  voix 
mélodieuse  et  légère  roucouler  de  la  manière  la  plus  agréable, 
que  son  tourment  était  pis  que  la  mort  .'...  » 

Miss  Kemble  est  assez  facétieuse  pour  une  Anglaise.  Elle  re- 
commande un  artiste:  «  Je  certifie  que  le  possesseur  de  ces  li- 
gnes est  en  état  de  tenir  les  rôles  les  plus  forts,  attendu  qu'il  m'a 
soutenue  deux  fois  dans  ses  bras,  sans  manquer  de  courage.  » 

M.Meyerbeer  donne  à  M.  Germain  Delavignesa  très-belle 
opinion  sur  Nourrit  :  «  Pour  la  facilité  vous  en  avez  autant  qu'il 
en  peut  avoir  (Scribe)  et  si  nous  étions  ensemble,  nous  n'aurions 
besoin  de  personne.  Cela  n'étant  pas,  voilà  ce  que  je  propose. 
Revenons  à  notre  première  idée  de  mettre  Ad.  Nourrit  en  colla- 
boration. Il  s'entend  divinement  en  coupe  musicale;  il  est  plein 
d'intelligence,  et,  en  outre,  comme  homme,  du  caractère  le  plus 
noble  et  le  plus  élevé.. .  » 

Teresa  Milanollo,  qui  à  quatorze  ans  jouait  parfaitement  du  vio- 
lon et  comprenait  parfaitement  ses  intérêts,  écrit  à  sa  bonne  ma- 
man qu'à  Giésen  «  les  étudiants  allemands  ont  voulu  tréné  la 
voiture,  mais  le  coché  qui  était  bête  n'a  pas  voulu,  de  sorte  qu'ils 
ont  couru  derrière  la  voiture  jusqu'à  l'hôtel  en  criant  :  Bravo 
Milanollo!...  » 

Voici  un  billet  de  Baptiste  aîné,  de  la  Comédie-Française,  sur 
les  pièces  de  son  temps  :  «  Le  mauvais  goût  nous  gagne,  ou  la 
poltronnerie.  On  veut  exécuter  sans  trop  d'attention  ,  pleurer 
sans  être  ému  et  rire  sans  franche  gaieté.  Un  style  papilloteux, 
de  l'esprit  sur  des  pointes  d'aiguille,  des  paquets  de  roses  ou 
d'assa  fetida,  enfin  de  la  comédie  de  salon,  et  par  conséquent  bien 
insignifiante,  voilà  ce  qu'il  faut  au  peuple  d'Israël  et  à  nous.  » 
L'idée  suivante  de  Bayard  se  recommande  d'elle-même, 
2  août  1830,  à  son  ami  Valout...  Au  milieu  de  tous  ces  avides 
solliciteurs  qui  le  prient  de  les  recommander  à  l'entourage  du 
nouveau  roi,  veut-il  lui  permettre  à  lui  qui  n'a  rien,  n'est  rien, 
et  ne  demande  rien,  de  lui  parler  un  tout  autre  langage...  C'est 
une  idée  qui  m'est  venue...  conservera-t-on  la  censure  drama- 
tique ?  il  le  craint,  c'est  un  mal  peut-être  inévitable.  Mais  telle 
qu'elle  a  existé  jusqu'à  présent,  elle  a  tant  fait  crier  qu'il  sera 
nécessaire  d'en  changer  l'allure  et  l'esprit,  aujourd'hui  que  tout 
se  fait  par  l'élection  libre,  et  que  les  autenrs  sont  réunis  en  corps, 
ne  peuvent-ils  pas  choisir  un  certain  nombre  d'hommes  de  let- 
tres qui  seraient  chargés  d'examiner  les  pièces  de  théâtre  *?. ..  » 

Kalkbrenner  se  plaint,  à  la  date  de  1848,  de  certains  abus 
qui  existeront  encore  quelques  années,  croyons-nous.  «  On  ne 
peut  trouver  de  place  au  Conservatoire  ni  pour  jouer,  ni  pour 
faire  entendre  une  symphonie...  Je  dois  vous  dire  que  ceci  est 
un  bien  singulier  pays,  tout  se  fait  par  intrigue  et  par  les  fem- 
mes; le  talent  n'est  qu'en  seconde  ligne;'  il  faut  écrire  dans  les 
journaux,  crier  bien  haut  :  Je  suis  un  grand  homme;  à  la  fin  il 
y  a  des  gens  qui  disent  :  Mais  puisqu'il  le  dit,  il  faut  que  cela 
soit,...  c'est  un  grand  homme  !  » 

Nous  avons  là  aussi  une  fort  belle  lettre  de  Lesueur,  qui  de- 


mande vivement  au  ministre  le  rétablissement  des  maîtrises,  et 
qui  fait  observer  que  Legros,  Chéron,  Lais,  Rousseau,  Durante, 
Pergolèse,  Piccini,  Sacchini,  Paisiello,  Hasse,  Bach  ,  Gluck  et 
Mozart,  ont  été  élevés  les  uns  dans  îles  conservatoires  religieux 
et  cloîtrés,  les  autres  dans  les  séminaires  de  musique.   » 


Je  m'arrête  ici,  mon  cher  directeur,  et  m'excuse  tout  d'abord, 
des  quelques  lignes  qui  vont  suivre.  Mais  je  ne  puis  citer  Le- 
sueur et  parler  du  rétablissement  des  maîtrises  sans  songer  à  l'ho- 
norable bibliophile  qui  m'a  fait  l'honneur  de  répondre  à  ma  rec- 
tification sur  le  serpent  d'église. —  Voici  ma  réponse  à  la  sienne, 
en  m'excusant,  je  le  répète,  d'entretenir  vos  lecteurs  de  choses 
aussi  insipides  que  celles  des  dates  et  des  noms,  au  seul  point  de 
vue  chronologique  : 

Un  bibliophile,  quel  qu'il  soit,  connaît  parfaitement  la  date  de 
naissance  du  P.  Mersenne,  de  Lebeuf  et  de  Laborde.  S'il  les 
oublie,  il  doit  lui  suffire  d'étendre  la  main  et  de  consulter  Bru- 
net,  Quérard,  Fétis,  Didot-Hœfïer,  ouvrages  que  tout  bibliophile 
possède  dans  sa  bibliothèque.    . 

J'ai  écrit  (voir  mon  article)  :  «  Dans  ses  Mémoires  relatifs  à 
l'histoire  d'Auxerre,  tome  1er,  page  643  (d'après  Laborde), 
l'abbé  Lebeuf  dit  que  le  serpent,  etc.,  »  ce  qui  signifie  évidem- 
ment pour  tout  bibliophile  musicien:  «  A  cette  page  643!  !  I 
{selon  Laborde,  s'il  faut  en  croire  Laborde),  Lebeuf  dit  que,  etc.  » 
Si  j'avais  voulu  insinuer  à  vos  lecteurs  que  Lebeuf  avait  copié 
Laborde  ,  qui  naissait  cent-quarante  ans  après  lui  !  j'aurais 
écrit  :  «  Dans  ses  mémoires,  Lebeuf  dit ,  d'après  Laborde  (Essai 
sur  la  musique,  tome  1er,  page  274),  que  le  serpent,  etc.  » 
J'aurais  ainsi  indiqué  le  volume  et  la  page  de  l'autorité  citée,  et 
non  pas  le  volume  et  la  page  de  celui  qui  citait,  et  le  d'après  La- 
borde.  suivait  le  verbe  dire.  —  Il  en  est  de  même  du  P.  Mer- 
senne  :  J'ai  écrit  pour  tout  le  monde  que,  s'il  faut  en  croire  La- 
borde, le  P.  Mersenne,  etc.,  et  je  puis  ajouter  que  Laborde  a 
raison. 

Maintenant,  mon  cher  directeur,  m'accusera-t-on  encore  d'a- 
voir rendu  au  P.  Mersenne  et  à  l'abbé  Lebeuf  le  mauvais  ser- 
vice de  les  faire  revivre  cent  ans  et  plus,  après  leur  entrée  eu 
Paradis? 

A.    DURKAU. 


PETITE  CHROMQIjE. 


LABLACHE    A    VINGT-TROIS    ANS. 

La  Gazette  musicale  de  Milan  publie  depuis  quelque  temps 
une  série  de  lettres  d'auteurs,  compositeurs  et  artistes  célèbres, 
adressées  à  M.  G.  Ricordi,  l'éditeur  de  musique,  Dans  le  dernier 
numéro  de  ce  journal  nous  trouvons  une  lettre  de  Donzelli  dans 
laquelle  ce  chanteur  recommandait  à  Ricordi  la  basse-taille  La- 
blache  qui  était  alors  presqu'inconnu.  Voici  cette  curieuse 
é pitre  : 

«  Palerme,  15  octobre  1S17 . 

«  Cher  ami, 

»  Je  vous  préviens  que  l'artiste  que  je  vous  adresse  est  un 

primo  buffo  ;  il  s'appelle  Luigi  Lablache.  Il  n'a  que  vingt-trois 

ans,  mais  je  puis  vous  assurer  qu'il  est,  à  cette  heure,  du  calibre 

du  brave  ami  Galli,  tant  de  figure  que  de  voix.  Voyez  ce  que 


4i4 


LE  MÉNESTREL. 


vous  pourrez  faire  pour  lui  ;  je  vous  assure  que  ni  vous  ui  moi, 
en  lui  procuvant  un  engagement ,  nous  ne  ferons  mauvaise 
figure.  Le  théâtre  qui  me  paraîtrait  le  mieux  convenir  à  Labla- 
che  serait  la  Scala  ;  il  remplirait  cette  salle  de  sa  grande  voix,  et 
il  rappellerait  Galli. 

»  Votre  ami,  Donzelli.   » 


NOUVELLES  WIVEHSES. 


—  A  Vienne,  on  joue  régulièrement  deux  fois  par  semaine  la  Clochette 
de  l'Ermite  (les  Dragons  de  VUlars],  de  M.  Aimé  Maillart.  Cet  opéra  et  le 
Faust  de  Gounod  sont  en  grande  faveur  en  Allemagne. 

—  On  écrit  de  Vienne  :  «  Le  célèbre  pianiste  Alexandre  Dreyschock  se 
trouve  ici,  et  se  propose  de  faire  une  nouvelle  excursion  artistique  en  Al- 
lemagne, en  Hollande,  en  Belgique  ;  de  là  il  se  rendra  à  Paris  où  il  ne 
s'est  pas  fait  entendre  depuis  plusieurs  années. 

—  Antoine  Rubinstein  est  retourné  à  Saint-Pétersbourg.  Il  espère,  dans 
le  courant  de  l'hiver,  pouvoir  mettre  en  scène  un  nouvel  opéra  en  trois 
actes,  intitulé  Lala  Roohh.  Le  sujet  plaît  beaucoup  au  compositeur,  qui  en 
a  donné  l'idée  au  poète. 

—  Nous  avons  une  erreur  à  rectifier  au  sujet  des  dernières  fêtes  don- 
nées à  Berlin.  Ce  n'est  pas  Olympia,  de  Spontini,  mais  bien  Nurmahal, 
opéra  à  grand  spectacle,  de  cet  illustre  maître,  qu'on  a  représenté  au 
Théâtre -Royal  de  cette  ville. 

—  La  basse  Karl  Formés ,  l'un  des  meilleurs  chanteurs  des  théâtres  al- 
lemands, vient  de  recevoir  du  duc  de  Nassau  les  insignes  de  l'ordre  d'A- 
dolphe. 

—  A  Francfort  on  a  inauguré  le  i8  de  ce  mois  la  nouvelle  salle  de  con- 
certs par  la  Création,  de  Haydn. 

—  L'inauguration  du  nouveau  théâtre  que  M.  Benazet  fait  construire  à 
Bade  s'effectuera  par  un  ouvrage  en  deux  actes,  Erostrate,  paroles  de 
Méry,  musique  de  M.  Ernest  Reyer,  et  d'un  opéra  en  deux  actes  imité  de 
Shakspeare,  dont  Berlioz  a  composé  le  poëme  et  la  partition. 

—  La  Société  néerlandaise  pour  l'encouragement  de  l'art  musical,  qui 
compte  en  France,  parmi  ses  membres  de  mérite,  MM.  D.-F.-E.  Auber, 
H.  Berlioz,  G.  Kastner,  et  parmi  ses  membres  correspondants  honoraires, 
MM.  M.  Bourges,  B.  Damcke,  F.  Danjou,  C.  Gounod,  P.  Scudo,  à  Paris,  et 
M.  E.  de  Coussemaker,  à  Lille,  a  réouvert  son  concours ,  auquel  les  étran- 
gers aussi  sont  invités,  sur  la  question  suivante  :  «  Esquisses  historiques 
sur  l'art  musical  en  Hollande  au  seizième  siècle,  pour  servir  de  matériaux  à 
une  histoire  de  l'art.  »  Ces  esquisses  devront  joindre  la  solidité  du  fond  à 
l'attrayant  de  la  forme.  Le  prix  offert  est  de  25  à  200  florins,  selon  l'éten- 
due et  la  valeur  des  pièces.  L'envoi  doit  avoir  lieu  avant  le  31  décembre 
1862,  à  l'adresse  de  M.  le  docteur  Heye,  secrétaire  de  la  direction  en  chef 
de  la  Société,  à  Amsterdam. 

—  On  écrit  de  Milan  :  «  Le  ministre  de  l'instruction  publique  vient  d'ac- 
corder une  faveur  insigne  à  deux  élèves  du  Conservatoire  de  Milan, 
MM.  Faccio  et  Boito  ;  il  leur  a  alloué  une  pension.de  2,000  francs  pour  les 
aider  à  continuer  leurs  études  musicales ,  et  «  se  perfectionner  (disent  les 
considérants  du  décret)  dans  l'art  qu'ils  cultivent  déjà  avec  succès.  » 

—  Florenxe  (correspondance  particulière). 

Monsieur, 
Je  prends  la  liberté  de  vous  adresser,  comme  abonné  à  votre  journal, 
quelques  renseignements  sur  la  saison  musicale  de  Florence,  à  l'occasion 
de  l'exposition  italienne.  Au  théâtre  de  la  Pergola,  après  le  Ballo  in  Mas- 
chera  on  a  joué  pour  la  première  fois  Martha,  par  Flotow.  Cet  opéra  a  eu  un 
succès  des  plus  brillants,  ainsi  que  les  interprètes,  Mme  Lotti  délia  Santa  et 
M.  Graziani,  ténor.  Le  publie  florentin  doit  être  reconnaissant  à  l'impressa- 
rio  Lanari  d'autant  plus,  qu'il  fait  goûter  en  Italie  une  des  plus  charmantes 
productions  allemandes,  et  pour  la  première  fois.  Au  théâtre  Pagliano,  la 
Borghi-Mamo  a  chanté  dans  Barbiere  di  Siviglia  et  dans  Othello.  Le 
public  a  été  plus  que  jamais  enthousiasmé  de  cette  célèbre  cantatrice.  Les 
critiques  minutieux  trouvent  seulement  qu'il  faudrait  ajouter  à  cette  per- 
fection d'exécution  plus  de  goût  dans  le  choix  des  variations  et  des 
fioritures. 


.  Mrae  Vera-Lorini  qui  avait  si  heureusement  chanté  dans  le  Capileli  et 
Montecchi,  de  Bellini,  a  continué  son  engagement  au  théâtre  de  la  Pergola 
dans  Lucrezia  Boryia. 

Je  ne  vous  parlerai  pas  de  la  masse  des  concerts  qui  journellement  ont 
lieu.  Camille  Sivori  a  donné  quatre  soirées  au  théâtre  Niccolini  à  la  grande 
satisfaction  des  amateurs.  C'est  un  digne  disciple  de  Paganini. 

Mlle  Elviva  del  Bianco,  pianiste,  a  donné  un  grand  concert  dans  la  salle 
philharmonique  avec  le  concours  de  Mmc  Grisi. 

Les  concerts  qui  ont  eu  lieu  dans  le  palais  de  l'Exposition  ont  été  des 
véritables  médiocrités.  La  commission,  chargée  pour  engager  tous  les  artistes 
italiens  même  qui  sont  à  l'étranger,  après  avoir  présenté  un  projet  gran- 
diose pour  quatre  grands  concerts,  a  été  remerciée  pour  ces  travaux,  at- 
tendu la  dépense  trop  forte  en  prévision. 

J'espère  que  vous  voudrez,  si  vous  le  voulez  bien,  placer  ces  petits  ren- 
seignements dans  les  Nouvelles  diverses,  et  heureux  si  je  pouvais  continuer 
à  insérer  dans  votre  intéressant  journal  quelques  nouvelles  musicales  ita- 
liennes. 

J'ai  l'honneur  de  vous  saluer.  L.  Niccolini  Alamanni. 

—  On  écrit  de  Tiflis  (Géorgie  russe)  :  «  Les  représentations  d'une  troupe 
d'opéra  italien  ont  commencé  ici  par  Lucrezia  Boryia,  avec  MUe  Edenska 
comme  prima  donna. 

—  La  reconstruction  du  théâtre  du  Liceo  à  Barcelone,  qui  fut  détruit  par 
un  incendie  au  mois  d'avril  dernier,  est  presque  terminée.  La  réouverture 
aura  lieu  en  janvier  prochain. 

—  La  saison  italienne  de  Nice  est  déjà  en  pleine  activité.  Les  concerts 
commencent  aussi  à  donner  signe  de  vie.  Mlle  Perez  de  Brambilla,  pianiste 
des  plus  distingués,  professeur  de  piano  au  Conservatoire  de  Marseille, 
vient  d'obtenir  l'un  de  ces  succès  de  femme  et  d'artiste  qui  font  époque. 
Nous  regrettons,  faute  de  place,  de  ne  pouvoir  reproduire  les  éloges  qui  lui 
sont  adressés  par  M.  Léopold  Amat,  dans  sa  chronique  théâtrale  de  Nice. 

—  Nous  lisons  dans  le  Guide  musical  helge  :  «  Mme  Duprez-Vandenheu- 
vel  qui  vient  de  donner  quelques  représentations  au  théâtre  d'Anvers,  y  a 
été  remplacée  dimanche  dernier  par  Mme  Miolan-Carvalho.  Les  représenta- 
tions de  Mme  Miolan-Carvalho,  dit  le  Précurseur,  marqueront  dans  les  an- 
nales de  notre  théâtre  ;  pour  aujourd'hui  nous  nous  bornerons  à  constater 
un  succès  immense  et  un  enthousiasme  indescriptible.  VAve  Maria  de 
Gounod,  exécuté  par  Mme  Miolan-Carvalho  et  le  violoniste  Vizentini  (avec 
accompagnement  de  piano,  orgue  et  orchestre)  a  fait  sensation  et  enlevé 
la  salle.  Ce  chef-d'œuvre  a  été  bissé.  » 

—  Le  ténor  Lefranc  que  Duprez  vient  de  former  aux  splendeurs  du 
grand  opéra ,  a  voulu  débuter  à  Marseille,  sa  ville  natale ,  par  le  rôle 
d'Arnold  de  Guillaume  Tell.  Son  célèbre  professeur  est  venu  le  patronner 
en  personne,  et  le  public  en  a  profité  pour  rappeler,  à  la  fin,  le  maître  et 
l'élève.  Cette  soirée  a  été  pleine  d'émotions  et  des  plus  agréables  pour  tout 
le  monde. 

—  Les  journaux  de  théâtres  nous  apprennent  qu'on  a  célébré  cette  se- 
maine, en  l'église  Notre-Dame-de-Lorette,  le  mariage  de  M.  Ch.  Ballaille, 
artiste  de  l'Opéra-Comique ,  avec  Mlle  L.  D.  Les  témoins  de  M.  Battaille 
étaient  MM.  de  Saulcy  et  Nogent  de  Saint-Laurent,  avocat  à  la  Cour  impé- 
riale de  Paris. 

—  On  annonce  un  grand  concert  à  Nantes  pour  lequel  notre  jeune  vir- 
tuose violoniste  Sarasate  vient  d'être  engagé.  On  avait  également  sollicité 
le  concours  de  M"e  Marimon ,  mais  le  répertoire  actuel  de  l'Opéra-Comi- 
que la  retient  forcément  salle  Favart. 

—  M.  Lyonjvient  de  nouveau  d'être  appelé  à  Lille  par  la  Société  philhar- 
monique. Il  reviendra  tout  aussitôt  pour  la  réouverture  de  ses  cours  de 
chant,  30,  rue  de  Montholon. 

—Une  attrayante  matinée  musicale  a  eu  lieu  le  dimanche  3  dece  mois  dans  les 
salons  de  M.  Bouillet,  au  château  de  Montaleau.  Elle  a  été  donnée  au  profit 
des  pauvres  sous  le  patronage  de  M.  le  maire  de  Sucy,  par  M.  etMm0Alard- 
Guerette,  avec  le  concours  de  M.  Pierre  Benoît,  Mme  Baudillon-Diette  et 
î 'Orphéon  de  Sucy.  Tous  les  artistes  ont  été  très-fêtés,  sans  en  excepter 
M.  Aurèle,  le  jeune  comique  des  Variétés,  chargé  d'égayer  les  auditeurs 
avec  ses  chansonnettes. 

•  —  La  messe  de  M.  Pierre  Benoît,  dont  nous  avons  constaté  le  grand 
succès  à  Bruxelles,  sera,  dit-on,  exécutée  cet  hiver  à  Paris,  dans  un  de  nos 
concerts  spirituels.  —  On  nous  annonce  aussi  que  le  Théâtre -Lyrique 
jouera  cet  hiver  l'opéra  de  M.  Pierre  Benoît,  le  Roi  des  Aulnes.  Le  talent 


NOUVELLES  ET  ANNONCES. 


415 


de   ce  compositeur  recevra  ainsi  un  double  baptême  devant  le  public 
parisien. 

—  En  attendant  que  nous  rendions  compte  du  nouveau  livre  de  M.  J. 
d'Ortigue,  la  Musique  à  l'Eglise,  qui  vient  de  paraître  à  la  librairie  acadé- 
mique de  MM.  Didier  et  Ce,  constatons  le  légitime  succès  que  cet  ouvrage  a 
obtenu  dès  sa  publication.  Ce  n'est  pas  une  simple  collection  d'articles 
réunis  dans  la  seule  pensée  de  faire  un  volume,  et  que  l'on  peut  feuilleter 
avec  plus  ou  moins  de  curiosité  et  d'intérêt  ;  c'est  un  vrai  réquisitoire  con- 
tre la  fausse  et  mauvaise  musique  d'église  que  M.  d'Ortigue  lance  hardi- 
ment aujourd'hui,  et  qu'il  adresse,  sous  les  formes  les  plus  respectueuses, 
mais  en  termes  énergiques  et  sincères,  au  haut  et  au  bas  clergé,  aux  ecclé- 
siastiques compositeurs,  aux  maîtres  de  chapelle,  aux  organistes,  aux  fidè- 
les et  au  public.  La  musique,  aux  yeux  de  M.  d'Ortigue,  est  le  premier  et 
le  plus  noble  des  arts  ;  c'est  une  transformation  et  un  auxiliaire  de  la  pa- 
role, et  les  tonalités  sont  les  divers  idiomes  du  langage  musical.  La  tonalité 
grégorienne  est  la  langue  des  choses  divines,  du  culte  qu'on  rend  à  Dieu  ; 
la  tonalité  mondaine  est  la  langue  des  sentiments  et  des  passions  qui  agitent 
les  hommes.  M.  d'Ortigue  est  partisan  déclaré  du  plain-cbant  qui ,  dans  le 
sanctuaire,  cède  peu  à  peu  la  place  aux  fredonsdes  théâtres.  C'est  au  point 
de  vue  de  cette  théorie  élevée  que  le  critique  juge  les  œuvres  religieuses 
de  Palestrina,  de  Mozart,  de  Cherubini,  et  de  nos  plus  célèbres  compositeurs 
contemporains.  Il  dénonce  le  mauvais  goût  qui  préside  au  choix  des  can- 
tiques vulgaires,  et  il  assimile  les  Mois  de  Marie  à  des  solennités  profanes. 
La  Musique  à  l'Eglise  est  bonne  à  consulter  pour  tout  ce  qui  se  rattache 
à  la  musique  religieuse  de  notre  époque.  On  y  trouve  des  documents  ori- 
ginaux qui  attestent  la  part  qu'ont  prise,  les  gouvernements  et  le  clergé, 
au  rétablissement  des  maîtrises  et  des  bas-chœurs,  à  l'amélioration  des  cha- 
pelles, à  la  construction  et  à  la  réparation  des  grandes  orgues  et  des  orgues 
d'accompagnement. 

—  M.  Gouffé,  notre  habile  contre-bassiste,  va  reprendre  ses  matinées  du 
mercredi.  La  première  séance  de  celte  saison  aura  lieu  le  mercredi  26  no- 
vembre, dans  son  nouvel  appartement  de  la  rue  Jean-Baptiste  Say. 

—  Voici  l'état  des  recettes  brutes  qui  ont  été  faites  pendant  le  mois 


d'octobre  1861,  dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit  des 
indigents. 

Théâtres  impériaux  subventionnés 448, ObO  fr.  23  c. 

Théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles   896,965      60 

Concerts,  spectacles-concerts,  cafés-concerts,  bals.  144,990      25 

Curiosités  diverses ' 17,665      70 

Total 1,507,671      78 

—  Mmc  Scott-Morel  est  de  retour  à  Paris,  et  a  repris  rue  Fontaine-Saint- 
Georges,  32,  le 'cours  de  ses  leçons  de  chant,  d'autant  plus  appréciés  qu'elle 
joint  l'exemple  au  précepte.  M™  Scott  s'est  déjà  fait  entendre  celte  année 
dans  quelques  soirées  intimes,  et  y  a  reçu  les  éloges  des  juges  les  plus 
compétents. 

—  Mlle  Laguesse,  de  retour  à  Paris,  annonce  la  réouverture  de  ses  cours 
de  piano  et  de  musique  d'ensemble,  qui  auront  lieu  deux  fois  par  semaine, 
à  partir  du  lundi  18  novembre,  Chausséed'Antin,  19. 

—  Le  cours  de  chant  de  Mme  Labadie  a  commencé  le  15  de  ce  mois  et 
finira  le  15  mai.  Le  cours  de  piano  de  Mme  etMlle  Vanden  Heuvel  a  lieu  le 
même  jour  et  dans  le  même  local,  rue  Saint-Lazare,  79. 

—  Nous  nous  empressons  de  rectifier  le  nom  de  Mme  veuve  LkVDEJeune, 
née  Massy,  nom  que  la  typographie  a  défiguré  dans  l'un  de  nos  derniers 
numéros.  Mme  Laude  jeune,  ancienne  élève  de  MM.  Ponchard  et  Boulangé- 
Kunzé,  et  disciple  de  l'école  de  Mme  Hébert-Massy ,  sa  sœur,  a  repris  avec 
succès  ses  leçons  de  chant,  rue  d'Aval-Saint-Antoine,  11. 

—  A  céder,  belle  clientèle  de  professeur  de  piano,  dans  une  localité  à  une 
heure  de  Paris.  S'adresser  à  M.  Chaillot,  éditeur  de  musique,  2,  rue  de  la 
Feuillade,  place  des  Victoires. 


J.-L.  Heugel, directeur. 


J.  Lovy,  rédacteur  en  chef. 


rue  Jean-JacqucsRou 


Pour  paraître  le  1er  décembre  1861  (£9me  AXXÉSE). 

PRIMES- I862~DU    MÉNESTREL 

qui  seront  remises  ou  envoyées  franco  à  chaque  abonné ,  sur  renouvellement  de  l'abonnement  d'un  an,  à  compter  du  1er  décembre  prochain.  Pour  la  province, 
écrire  franco  à  MM.  HEUGEL,  et  Ce,  éditeurs  du  Ménestrel,  en  accompagnant  chaque  demande  d'un  BON  sur  la  poste  avec  supplément  d'un  franc 
pour  affranchissement  des  primes. 

1°  PRIMES,   MUSIQUE   DE  PIANO  : 


L'ART  DU  CHANT 


appliqué  au 
Piano,  par 


S.  THALBERG 


lre  SÉRIE. 


EDITION     SIMPLIFIEE    PAR    CH.    CZERNY 


SERIE. 


1.  Quatuor  d'I  Puritani Bellini. 

2.  Tre  Giorni Pergolèse. 

3.  Adélaïde Beethoven. 

4.  Air  d'église  du  célèbre  chanteur Stradella. 

5.  Lacrymosa  et  les  Noces  de  Figaro Mozart. 

6.  Duello  de  Zelmira Rossini. 


7.  Bella  adorata Mercadente. 

8.  Le  Meunier  et  le  Torrent F.  Schubert. 

9.  Il  mio  tesoro  de  Von  Juan Mozart. 

10.  Chœur  des  Conjurés  du  Crociutu Meyerbeer. 

1 1 .  Ballade  de   Preciosa "Weber. 

12.  Duo  du  Freyschûtz Weber. 


OU   AU   CHOIX  DE  L  ABONNE 


L'ÉCOLE    CHANTANTE 


du  Piano 

1er  livre  de 


FÉLIX  GODEFROID 


Méthode  de  chant  appliquée  au  Piano,  contenant  avec  théorie 
Quarante-deux  exercices  et  mélodies-types  sur  les  difficultés  de  l'art  du  cl  ir.nl  ;  trente  exercices  mélodiques  sur  les  broderies,  fioritures,  traits  et  formules 

de  mécanisme  des  maîtres  du  Chant  et  du  Piano. 


3°  PRIMES,  MUSIQUE  DE  CHANT: 


FORTUMO 


partition  w-8° 
Piano  et  Chant,  de 


J.  OFFENBACH 


(  Avec  le  libretto  de  MM.  Hector  Crémieux  et  Ludovic  Halévy  ) 

ET    UN    VOLUME  IK-8°  AU    CHOIX    DANS    LES   SEPT    PREMIERS   VOLUMES   DES 

CHANSONS  DE  GUSTAVE  NADAUD 

{Paroles,  Musique  et  accompagnement  de  Piano.) 

N.  B.  Comme  l'an  dernier,  les  primes  ci-dessus  désignées  pourront  être  remplacées  au  choix  de  l'abonné  :  1°  Pour  l'abonnement  complet,  par  la 
belle  partition  illustrée  de  Sémiramis,  piano  et  chant,  paroles  italiennes,  et  traduction  française  de  Méry,  avec  les  deux  portraits  de  G.  Rossini  (Naples  1820 
et  Rossini  1860),  et  les  dessins  représentant  les  principales  scènes  de  l'ouvrage  ;  2°  pour  l'abonnement  simple,  Piano  ou  Chant,  par  la  partition  complète  des 
Saisons,  de  J.  Haydn,  traduction  française  de  G.  Roger,  seule  édition  conforme  à  l'exécution  des  concerts  du  Conservatoire,  et  ornée  du  portrait  de  l'auteur. 


EN  VENTE  au  Ménestrel,  2  bis,  rue  Vivienne. 


LES  HARMONIEUSES 

Vingt-cinq  nouvelles  études,  ^lp.  50,  de 


I  RAVINA 


(MOYENNE    DIFFICULTÉ) 

ENFANTILLAGE 


(Prix  :  SO  fr. 


ANDANTINO 

Op.  49-  —  Prix  :  6  francs. 


DEUX 
DU  MÊME  AUTEUR 


INVOCATION 

HOMMAGE 

à  Ci.  KOSSIM 


AU  MÉNESTREL, 
Magasin  de  Musique,  2  bis,  rue  Vivienne. 


ABONNEMENT 


HEUGEL  ET  C,E. 

Éditeurs-Fournisseurs  du  Conservatoire. 


DE  MUSIQUE 

CONDITIONS  ADOPTÉES  PAR  LES  ÉDITEURS  RÉUNIS 

Donnant  droit  :  aux  Partitions  françaises  et  italiennes  ;  Partitions  Piano  solo  ;  Morceaux,  Duos  et  Trios  de  Piano  ;  enfin,  toute 
Musique  classique  et  moderne  des  meilleurs  Auteurs  pour  Piano  à  2  et  k  mains,  Piano  et  Violon ,  Piano,  Violon  et  Basse. 


SONT  ENTIEREMENT  EXCLUS  DE  L'ABONNEMENT  : 
1°  Les  Monceaux  de  Chant  détachés  d'OpÉRAs  italiens  ou  français,  les  Romances,  Mélodies,  Duetti  et  Scènes  détachées  ;  2°  enfin  les  Méthodes, 

Solfèges,  Études  et  Vocalises. 

ABONNEMENT  POUR  PARIS  :  30  fr.  par  an.  —  Six  mois,  1S  fr Trois  mois,  13  fr.  —  Un  mois,  5  fr. 

L'Abonné  reçoit  trois  Morceaux  de  Piano  à  la  fois,  qu'il  peut  changer  à  volonté,  partiellement  ou  en  totalité;  il  pourra  aussi  remplacer  un  seul  morceau  de 

Piano  par  un  Quadrille  ou  par  une  Valse.  Une  partition  compte  pour  deux  morceaux  de  Piano  et  ne  peut  être  gardée  plus  de  quinze  jours. 

ABONNEMENT  POUR  LA  PROVINCE  :  Pour  la  province  seulement  (et  non  pour  te  département  de  la  Seine) ,  on  donnera  six  Morceaux  à  la  fois;  quant 

aux  autres  conditions  d'abonnement,  elles  restent  les  mêmes  que  pour  Paris.  Les  ports  sont  à  la  charge  de  l'Abonné. 

Tout  abonnement  se  paye  d'avance,  plus  un  dépôt  île  10  fr.  pour  les  abonnements  sans  partitions,  et  de  30  fr.  pour  cens  avec  partitions. 


1°  Il  est  délivré  un  Carlon  (AU  PRIX  DE  UN  A  DEUX  FRANCS)  sans  lequel  on  ne  doit  point  changer  la  musique.  —  2»  Les  doigterssur  les  morceaus  donnés 
neufs  sont  rigoureusement  interdits.  —  3°  Les  Abonnés  qui  auront  reçu  des  morceaux  neufs  et  qui  les  apporteront  tachés,  déchirés,  doigtés  ou  incomplets,  devront 
en  payer  la  valeur. —  4»  Tout  abonnement  ne  peut  se  suspendre,  à  quelque  titre  que  ce  soit.—  5°  Le  service  d'abonnement  ne  se  fait  point  les  dimanches  et  jours  de  fête. 

Au   MÉNESTREL,    »   bis,    rue  V:virimr,  MUSIQUE,  PIANOS  et  ORGUES. 


VENTE 


LOCATION. 


PIANOS 


ORGUES 


D'ALEXANDRE. 


DES  MEILLEURS   FACTEURS  DE  PARIS. 


Expéditions  pour  la   France  et  l'Étranger.  —  Location  au  mois  et  à  l'année.  —  Accords  et  Frais  de  transport 

à  la  charge  de  la  Maison  du  Ménestrel. 

N.  B.  Conservation  des  Pianos.  —  Un   bon  accordeur  étant  indispensable  pour  la  conservation  et  !e  bon  entretien  d'un    Piano,  la  Maison  du 
Ménestrel,  se  charge  de  faire  accorder  et  transporter  à  ses  frais  les  Pianos  livrés  en  location. 


BOSTON  PUBLIC  LIBRARY 


3  9999  06607  930  0