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JOSIAH H. BENTON FUND
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University of Toronto
http://www.archive.org/details/lemnestrel28pari
LE
MÉNESTREL
JOURNAL
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
28me ANNEE. — 1860-1861.
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TABLE
JOURNAL LE MÉNESTREL.
28™ ANNEE. - 1860-1861.
TEXTE.
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' //A,'/
T»o t. — 2 décembre 1S60. — Pages 1 à 8.
I L'opéra-comique , ses chanteurs et ses divers théâ-
tres : De la Barde , Martini, Piccini ( 15» article ) .
L. Meneau. — H. Acte de baptême de Dell» Maria.
— III. Académie impériale de Musique : le Papil-
lon, ballet en deux actes, première représentation.
3. Lovy.— IV. Tablettes du pianiste et du chan-
teur : De l'accentuation considérée dans ses rapports
avec la sonorité, le rhythme et la mesure (1er arti-
de). Marmontel. — V. Etudes sur la chanson po-
pulaire en France : Chansons historique-- et descripti-
ves (10= etdernier chapitre). J.-B. WékïRLIK.— VI.
Nouvelles et Annonces.
J.Î.-9 décembre 1860. — De 9 à 16.
I L'opéra-comique, ses chanteurs et ses dive'S théâ-
tres : Gossec et Catel (16e article). L. Meneau. — II.
Opéra-Comique : première représentation de l'E-
ventail. — Semaine théâtrale. J. Lovy. — III. Ta-
blettes du pianiste et du chanteur : De l'accentua-
tion considérée dans ses rapports avec la sonorité,
le rhythme et la mesure (suite et lin). Maruontel.
— • IV. La session du Congrès pour la restauration
du plain-chant et de la musique d'église. J. d'Or-
tigue V. Monument de Cheruhini — VI. Saison
,le pjjce. — VII. Nouvelles et Annonces.
IV» 3. — 16 décembre 1860. — De 17 à 24.
I. L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâ-
tres: Nicolo, Méhul (17e article). L. Meneau. — II. Se-
maine théâtrale. J. Lovy. — III. Tablettes du pia-
niste et du chanteur : De la mesure. Paul Bernard.
— IV Bal annuel des artistes de l'Opéra. G. Ber-
trand. — V. Théâtre-Italien : Concert de J.-B.
Wékerlin.— VI. Nouvelles et Annonces.
IV» 4. — 23 décembre 1860. — De 25 à 32.
I L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâ-
tres : Méhul {suite et fin) 18e article. L. Meneau —
IL Théâtre-Lyrique : les Pécheurs de Cutané, de
M.Aimé Madlart, première représentation. J. Lovy.
— III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Le
Conservatoire de Paris et les Conservatoires de pro-
vince (1" article). G. Bénédit.— IV. Théâtre-Italien:
les Poèmes de la Mer, ode symphonique de J.-B.
Wékerlin, première audition. Léon Gatayes. —
V. Semaine théâtrale. — VI. Nouvelles et Annon-
ces.
IV» 5. — 30 décembre 1860. — De 33 â 40.
1 L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâ-
tres- Chérubini et Onslow (19e article). L. Me-
neau.— II. Théâtre de l'Opéra-Comique : première
représentation de Barkouf. J. Lovv. —III. Ta-
blettes du pianiste et du chanteur : Le. Conservatoire
de Paris et les Conservatoires de province (2e arli-
" •âtralc.J.LovY.
cle). G. Bénédit.— IV. Semaine théâtre
V. Nouvelles et Annonces.
IV» a. — 6 janvier 1861 . — I
I L opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâ-
tres : Lesueur (20= article,. L. Meneau. — IL Se-
maine théâtrale. J. Lovy. — III. Bouffes-Parisiens :
première représentation du Mari sans le savoir. .1.-
L Heugel.— IV. Tablettes du pianiste et du chan-
teur : Le Conservatoire de Paris et les Conserva-
toires de province {suite et fin). G. Bénédit. —V.
La nouvelle salle de l'Opéra. Concours. —VI. Nou-
velles et Annonces.
.\° s.
- 13 janvier 1861. — De 49 à DO.
I. L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâ-
tres: Bertnn 121- article). L. Meneau.— II. Semaine
théâtrale. J.-L. Heucei.. — III. Bouffes-Parisiens :
première représentation de la Chanson de Far-
tunio, débuts de M»« Pfotzer. .1. Lovv. — IV. Ta-
blettes du pianiste et du chanteur : Bilan lyrique
de l'année 1860. — V. Nouvelles et Annonces.
IV» t*. — 20 janvier 1861 . — De 57 à 64.
I. L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâ-
tres : Kreutzer (22» article). L. Meneau. — II.
Théâtre-llalien : Un Bal/o in maschera, de Verdi,
première représentation. J. Lovy. — III. Théâtre-
Lyrique : la Madone, de M. Carmouche, musique de
Louis Lacombe. J.-L. Heugel. — IV. Semaine théâ-
trale. J. Lovy. — V. Bilan mortuaire de Tannée
1860. — VI. Le nouveau Théâtre-Lyrique. — VU.
Premier concert du Conservatoire. E. Vif.l. — VIII.
Nouvelles, Concerts et Soirées, Annonces.
m» ». - 27 ja
1861. — De 65 â 72.
I; L'opéra-comique, ses compositeurs, ses chanteurs et
ses divers théâtres : compositeurs secondaires de la
République et du premier Empire (23e article).
L. Ment.au. — IL Semaine théâtrale. J. Lovy. —
III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Préface
aux douze transcriptions concertantes des chefs-
d'œuvre des grands maîtres, avec introduction par
Ajiédée Mereaux. J.-L. Heugel. — IV. Petite chro-
nique : l'Orgue de Barbarie et la commission de sa-
lubrité musicale. Malliot. — V. Nouvelles, Soirées
et Concerts, Annonces.
IV» IO. — 3 février 1861. — De 73 à 80.
I. L'opéra-comique, ses compositeurs, ses chanteurs
et ses divers théâtres : compositeurs secondaires de
la République et du premier Empire (24e article,
suite et fin). L. Meneau. — II. Semaine théâtrale.
J. Lovy.— 111. Tablettes dupianiste et du chanteur:
Schulhoff et ses œuvres. Marmontel. — IV. Deuxiè-
me concert du Conservatoire Ed. Viel. — V. De la
musique de chambre. F. Halévy. — VI. Petite chro-
nique : La musique chinoise. Paul d'Ivoy. — VII.
Nouvelles, Soirées et Concerts, Nécrologie, Annonces.
IV° M. — 10 février 1861. — De SI à 88.
I. Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : première re-
présentation de la Circassieune, de MM. Scribe et-
Auber. J.-L. Heugel.— II. Théâtre-Lyrique : pre-
mière représentation de Madame Grégoire, de
MM. Scribe et Clapisson. Paul Bernard. — III. Se-
maine théâtrale. J.-L. Heugel. — IV. Nouvelles,
Soirées et Concerts, Annonces.
ïli» 13.
-17 février 1861. —De 89 à 96.
I. L'opéra-comique , ses compositeurs, ses chanteurs
et ses divers théâtres : c mpositeurs de la Républi-
que et du premier Empire : Boïeldieu (25e article).
L. Meneau. — IL Semaine théâtrale. J.-L. Heugel.
— III. Tablettes du pianiste et du chanteur : J.
Schulhoff, notice biographique, deuxième concert.
J.-L. Heugel. — IV. Troisième concert du Conserva-
toire. Ed. Viel. — V. Nécrologie. — VI. Nouvelles,
Soirées et Concerts, Annonces.
IV» 13. — 24 février 1861. — De 97 â 104.
I. L'opéra-comique, ses compositeurs , ses chanteurs
et ses divers théâtres : composit s de la Républi-
que et du premier Empire : Boïeldieu (26e article),
'suite et fin). L. Meneau. — II. Semaine théâtrale :
Eugène Scribe, nécrologie. J. Lovv.— III. Tablettes
du pianiste et du chanteur : A propos d'une sonate
de Henri Herz. Paul Bernard. — IV. Petite chro-
nique : Les droits d'auteur d'autrefois.— V. Nou-
velles, Soirées et Concerts, Nécrologie, Annonces.
IV» 14. — 3 mars 1861. — De 105 â 112. „
I L'opéra-comiquc, ses compositeurs, ses chanteurs et
' ses divers théâtres : compositeurs de la République
cl. du premier Empire: Adolphe Adam (27= article).
L Meneau. — IL Semaine théâtrale. J.-L. Heugel.
— III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Au-
dition des Uniiiimitruscs, nouvelles éludes d'Henri
Ravina Léon Gatayes. — IV. Quatrième concert
du Conservatoire et audition des œuvres de Léon
Kreutzer. Ed. Viel. — V. Les œuvres posthumes
d'Eugène Scribe et le Domino noir â Londres. —
VI. Hommage hongrois àHeetor Berlioz.— VIL Nou-
velles, Soirées et Concerts, Annonce-,
IV» 15. —10 mars 1861. —De 113 â 120.
I. L'opéra-comique, ses compositeurs, ses chanteurs et
ses divers théâtres : Adolphe Adam (sv.ite et fin, 28=
article). L. Meneau, — II. Semaine théâtrale. J. Lo-
vy. — III. Théâtre de l'Opéra-Comique : première
représentation du Jardinier galant. A. Dureau. —
IV. Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
IV» iffi.— 17 mars 1861.— De 121 à 128.
1. Académie impériale de Musique : Tannhauser de
Richard Wagner ; impression de la première soirée.
J.-L. Heugel. — II. Tablettes du pianiste et du
chanteur : le Laryngoscope, ou Miroir de la voix,
par Manuel Garcia. j.-L. Heugel. — 111. Troisième
et quatrième théâtre lyrique : premières représen-
tations des Deux Cadis et de la Servante à Nico-
las. J. Lovy. — IV. Nouvelles, Soirées et Concerts,
Annonces.
IV» 19 . — 24 mars 1861 . — De 129 â 136.
1. Tannhauser. Le système et la partition de M. Ri-
chard Wagner. Paul Bernard.— IL Théâtre de Fu-
péra-Comique : première représenlation de Maître
Claude. J. Lovv. — III. Tablettes du pianiste et du
chanteur : Audition de l'Ecole chantante de Félix
Godefroid. Léon Gatayes. — IV. Semaine théâtrale.
J.Lovy. — V. Nécrologie : L. Niedermeyer. J. d'Or-
tigue. — VI. Nouvelles, Soirées et Concerts, Annon-
IV» as. — 31 mars 1861 . — De 137 à 144.
I. Académie impériale de musique: Concert de Féli-
cien David ; troisième soirée du Tannhauser ; pre-
mière représentation de Graziosa. Paul Bernard.
— II. Troisième et quatrième théâtre lyrique : Re-
prise de Gil Blas ; première représentation du Pont
des Soupirs. J. Lovy. — III. Nouvelles, Soirées et
Concerts, Annonces.
IV» 10. — 7 avril 1861. — De 145 à 152.
I. L'opéra-cotnique, ses compositeurs, ses chanteurs et
ses divers théâtres : Hérold (29e article). L. Meneau.
— II. Tablettes du pianiste et du chanteur : La
Semaine Sainte et le Stabat Mater de Bossini. J.-
L. Heugel. — III. Concerts spirituels du Conserva-
toire. E. Viel. — IV. Semaine théâtrale. J. Lovy. —
V. Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
IV" ÏO. —14 avril 1861. — De 153 à 160.
1. L'opéra-comique, sa naissance, ses progrès et sa
trop grande extension : Conclusion (30e et dernier
article). L. Meneau. — 11. Théâtre-Lyrique : pre-
mière représentation de la Statue, opéra en trois
actes de M. Ernest Beyer. J. Lovy. — III. Semaine
théâtrale. J.-L. Heugel. — IV. Opéra-Comique:
première représentation de Royal-Cravate. J. Lovy.
— V. La Société des concerts et Hector Berlioz. E.
Viel. -*■ VI. Nouvelles, Soirées et Concerts, An-
nonces.
IV» Si. — 21 avril 1861. — De 161 à 168.
I. Méhul et ses œuvres (ltr article). P. -A. Vieillard.
— II. Semaine théâtrale. J.-L. Heugel et J. Lovv.
— III. La Société des jeunes artistes et M. Pasde-
loup. J. Lovy. — IV. Petite chronique : Un Musée
d'instruments de musique au Conservatoire. — V.
Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
IV» Sï. — 28 avril 1861 . — De 169 à 176.
I. Méhul et ses œuvres (2e article). P.-A. Vieillard.
— II. Semaine théâtrale. .1. Lovy. — III. Recher-
ches sur les premiers concerts donnés â Paris. Gus-
tave Bertrand. — IV. Nouvelles, Soirées et Con-
certs, Annonces.
ni" 23.
mai 1861. — De 177 â 184.
1. Méhul et ses œuvres (3e article). P.-A. Vieillard.
— 11. Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : pre-
mière représentation de Salvator Bosa, opéra en
trois actes de M. Duprato. J. Lovv. — 111. Dernier
concert du Conservatoire. Ed. Viel. — IV. Petite
chronique : une vente d'autographes. A. Dureau. —
V. Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
7B* s*. — 12 mai 1861. — De 185 à 192.
L Théâtre-Lyrique. Bénéfice de M. Batlaille : première
représentation de l'opéra bouffe de M. le prince Po-
niatowski : Au travers du mur: les troisièmes actes
â'Armide et do la Sonnambula. J.-L. Heugel. —
II. Semaine théâtrale. J. Lovy. — III. Collection
complète des chansons de Gustave Nadaud. Paul
Bernard. — IV. Nouvelles, Soirées et Concerts, An-
nonces.
N'îS. —19 mai 1361. — De 193 à 200.
I. Méhul et ses œuvres (Ie article). P. -A. Vieillard.
— II. Semaine théâtrale : l'Opéra et le Théâtre-Ita-
lien. J.-L. Heugel. — III. Tablettes du pianiste et
du chanteur : Mme Pauline Viardot et son Ecole
classique du Chant. J.-L. Heugel. — IV. Théâtre
de l'Opéra-Comique : première représentation de
Sylvio-Sylvia. — Théâtre-Lyrique : première re-
présentation du Buisson vert. J. Lovy. — V. Nou-
velles et Annonces.
N° î« . — 26 mat 1861 . — De 201 à 208 .
I. Méhul et ses œuvres (5e article). P.-À. Vieillard.
— II. Semaine théâtrale. J. Lovy.— III. Tablettes
du pianiste et du chanteur : Mme Pauline Viardot
et son École classique du Chant (2e article). J.-L.
Heugel. — IV. Petite chronique : Le diapason
normal anglais. — Les appointements de l'ancien
Opéra. — V. Nouvelles et Annonces.
WD 39. — 2 juin 1861. — De 209 à 216.
1. Méhul et ses œuvres (6e et dernier article). P.-A
Vieillard. — IL Semaine théâtrale : premières re-
présentations du Marché des Innocents et de la
Beauté du Diable. J. Lovy. — III. Tablettes du
pianiste et du chanteur : Chopin et ses œuvres (1er
article). H. Barbedette. — IV. Nouvelles et An-
IV* sa. _ 9 juin 1861 . — De 217 à 224.
I. Méhul et ses œuvres : bibliographie. Dense-Baron.
— II. Semaine théâtrale. J. Lovy. — III. Tablettes
du pianiste et du chanteur : Chopin et ses œuvres
(2B article). IL Barbedette. — IV. Festival rhénan.
— V. Un quatuor d'amateurs (1er article). J. d'Or-
tigue. — VI. Nouvelles et Annonces.
Iï° «0.
16 juin 1S61 . — De 225 à 232 .
I. Histoire de la musique en France, depuis les temps
les plus reculés jusqu'à nos jours, par Cil. Poisot.
Paul Bernard. — IL Semaine théâtrale. J. Lovy.
— Hï. Tablettes du pianiste et du chanteur ; Cho-
pin et ses œuvres (3e article). IL Barbedette. —
IV. Un quatuor d'amateurs (2e article). J. d'Orti-
gue. — V. Petite chronique : Les derniers moments
de Haydn. — VI. Nouvelles et Annonces.
IV 30. — 23 juin 1861. — De 233 à, 240.
I. Le Théâtre et la Musique au Salon de 1S61 (1er ar-
ticle). Gustave Bertrand. — IL Théâtre impérial de
l'Opéra-Comique : première représentation de Ma-
rianne. J. Lovy.— III. Semaine théâtrale. J. Lovy.
— IV. Tablettes du pianiste et du chanteur : Cho-
pin et ses œuvres (4* article). H. Barbedette. —
V. Nouvelles. — Nécrologie. — Publications musi-
cales. L. d'Aubigny.
M'Sl.- 30 juin 1861 . — De 241 à 248 .
I. Le Théâtre et la Musique au Salon de 1861 (2« ar-
ticle). Gustave Bertrand. — II. Semaine théâtrale.
J. Lovy. — III. Tablettes du pianiste et du chan-
teur : Chopin et ses œuvres (5e article}. H. Barbe-
dette. — IV. Les diapasons, de 1680 à 1859. —
V. Un quatuor d'amateurs (3e article, fin). J. d'Or-
tigge. — VI. Nouvelles. — VIL Etudes pratiques
de style. Léon Gatayes.
I¥° 3«. — 7 juillet 1861. — De 249 à 256.
I. Le théâtre et la musique au salon de 1861 {3* et
dernier article). Gustave Bertrand. — IL Séances
annuelles de l'Orphéon. J. D'Ortigue. — III. Ta-
blettes du pianiste et du chumeur : Chopin et ses
œuvres (6e article). H. Barbedette. — IV. Semaine
théâtrale. J. Lovy. — V. Nouvelles.
IM° 33. — 14 juillet 1861. — De 257 à 264.
I. Le Tanahanser désavoué par l'esthétique alleman-
de. — II. Semaine théâtrale. J. Lovy. — III. Ta-
blettes du pianiste et du chanteur : Chopin et ses
œuvres (7u et dernier article). H. Barbedette. —
IV. La salle d'asile de Maisons-Laffitte, concert au
château. J.-L. Heugel. — V. Petite chronique :
Haydn, côté comique de l'artiste. — VI. Nouvelles
et Aononces.
\»W.- 21 juillet lSCt. — De 265 à 272.
I. La nouvelle salle de l'Opéra (1er article). Tu. Gras-
set.—II. Semaine théâtrale. J. Lovy.— III Ta-
blettes du pianiste et du chanteur : Encore Frédé-
ric Chopin. J. d'Ortigue. — IV. Concours du Con-
servatoire. — V. Nouvelles et Annonces.
IV« 35. — 28 juillet 1861. —De 273 à 280.
I. La nouvelle salle de l'Opéra (suite et fin). Th.
Grasset. — Il Semaine théâtrale. J. Lovy. — III.
Tablettes du pianiste et du chanteur : Mozart et
ses œuvres (1er article) Denne-Baron. — IV. Con-
cours du Conservatoire. — V. Concours île musique
religieuse. — VI. Nouvelles et Annonces.
:*<> 36. — i ,
ùtlS6l. - De 281 k 288.
I. Concours du Conservatoire et distribution des prix
de l'Ecole de musique religieuse de Paris. J.-L.
Heugel. — II. Semaine théâtrale. J. Lovy. — III.
Tablettes du pianiste et du chanteur: Mozart et
ses œuvres (2e article). Denne-Baron. — IV. Nou-
velles et Annonces.
]\">33. — 11 août 1861. —De 289 à 296.
I. Distribution des prix du Conservatoire impérial de
musique et de déclamation J.-L. Heugel. — IL Ta-
blettes du pianiste et du chanteur : Mozart et ses
œuvres (3e article). Denne-Baron. — III. Semaine
théâtrale. J. Lovy — IV. Nouvelles et Annonces.
W°3S. —18 août 1861. —De 297 à 304.
L Exposition de l'industrie à Marseille : les pianos
(ltr article). G. Bénédit.— IL Semaine théâtrale.
J. Lovy. — III. Tablettes du pianiste et du chan-
teur: Mozart et ses œuvres (4e article). Denne-Ba-
ron. — IV. Festival de Caen : Concours d'orphéons
et de musiques militaires. J. Lovy. — V. Petite
chronique : Matrimoniomanie. — VI. Concert de
bienfaisance du 16e arrondissement. — VI. Nou-
velles et Annonces.
HT» 39. — 25 août 1861. —De 305 à 312.
1. Exposition de l'industrie à Marseille : les orgues,
violons et violoncelles (2e article). G. Bénédit. ■ —
IL Semaine théâtrale. J. Lovy. — III. Tablettes du
pianiste et du chanteur : Mozart et ses œuvres (5e
et dernier article;. Denne-Baron. — IV. Petite
chronique : l'Angleterre, pays musical. — V. Nou-
velles et Annonces.
I¥° 4G. — !" septembre 1861.— De 313 à 320.
L Exposition de l'industrie à Marseille : encore les
violons et les instruments de cuivre (3e et dernier
article"). G. Bénédit. — IL Semaine théâtrale. J.
Lovy. — III. Table/tes du pianiste et du chanteur :
Souvenirs du théâtre (de la fin du xvme siècle jus-
qu'en 1830). M™ Scio. P.-A. Vieillard.— IV. Pe-
tite chronique : Plaisanteries musicales de Porpora.
— V. Nouvelles et Annonces.
ni. — 8 septembre 1861. — De 321 à 328.
I. Les Métaux chanteurs. — IL Semaine Ihéâtrale. J.
Lovy. — III. La prochaine saison du Théâtre-Ita-
lien. — IV. Tablettes du pianiste et du chanteur :
Souvenir* du théâtre (de la fln du xvmc siècle jus-
qu'en 1830), M",e Scio (2e artirle). P -A. Vieillard.
— V. Concert d'exposition à Nantes. — VI. Peljte
chronique : Le Boulevnrt des Italiens. — VII. Nou-
velles, Nécrologie et Annonces.
W 4Z. — 15 septembre 1861. — De 329 à 336.
I. Première Lettre d'un bibliophile musicien. J. d'Or-
tigue. — IL Semaine théâtrale. J. Lovy.— III. Ta-
blettes du pianiste et du chanteur : Souvenirs du
théâtre (de la fin du xvme siècle jusqu'en 1830),
Mme Scio (3e et dernier article). P.-A. Vieillard. —
IV. Le quartier du nouvel Opéra. — V. Nouvelles,
Nécrologie et Annonces.
ï\-° 43. — 22 septembre 1861. — De 337 à 344.
L Deuxième Lettre d'un bibliophile musicien. J. d'Or-
tigue. — IL Tablettes du pianiste et du chanteur:
De l'Origine du piano. A. Ungeret et J.-L. Heugel.
— III. Semaine théâtrale. J. Lovy. — IV. Théâtre
des Bouffés-Parisiens: lre représentation de M . Chou-
fleur}] restera chez lui le... J. Lovy. — V. lr- re-
présentation de la Lionne de Trouvilte. Le mar-
quis de Lassay. — VI. Nouvelles, Nécrologie et An-
nonces.
N° 44. —29 septembre 1861. — De 345 à 352.
I. La nouvelle salle de l'Opéra. E.— II. Semaine théâ-
trale. J. Lovy. — III. Lu Lionne de Trouville (suite
et lin). Marquis de Lassay.— IV. Tablettes du pia-
niste et du chanteur: Perfectionnements apportés
dans le mécanisme du piano par les Érard. —
V. Inauguration de l'orgue d'accompagnement de
la cathédrale de Bayeux. — VI. Nouvelles, Nécro-
logie et Annonces.
lï° 4&. — 6 octobre 1861. — De 353 à 360.
I. Kéouvcrture du Théâtre-Italien : // matrimonio
segreto. Paul Bernard. — 11. Bentiée de Boger à
l'Opéra-Comique et débuts de Ml,e Cico dans les
Mousquetaires de la Reine. J. Lovy. — 111. Ta-
blettes du pianiste et du chanteur; Perfectionne-
ments apportés dans le mécanisme des pianos par les
Erard (2e article). — IV. Les orgues du Palais-Du-
cal de Bruxelles. — V. Petite chronique : Lafont et
Paganini. — Etonnants effets de quelques instru-
ments. — VI. Le monument de Cherubini. — 'VIL
Nouvelles, Nécrologie et Annonces.
IV» «16. - 13 octobre 1861. — De 361 â 36S.
I. Troisième Lettre d'un bibliophile musicien. J. d'Or-
tigue.— IL Théâtres lyriques. J. Lovy. — 111. Ta-
blettes du pianiste et du chanteur: Notice sur les
travaux de MM. Erard (3e article). — IV. Nouvelles
et Annonces.
n° 47.
■ 20 octobre 1861. — Du 36! > à 376.
I. Souvenirs de théàlre: Vicissitudes d'un librettiste
de l'ancien Opéra. P.-A. Vieillard. — IL Semaine
théâtrale. J.Lovy. — 1(1. Tablettes du pianiste et
du chanteur: Notice sur les travaux de MM. Erard
(4e article). — IV. Nouvelles et Annonces.
M°l§. — 27 octobre 1861. — De 377 à 384.
I. Souvenirs de théâtre : Vicissitudes d'un librettiste
de l'ancien Opéra (suite et fin]. P-A. Vieillard. —
II. Semaine lyrique: lre représentation de YAlceste
de Gluck à l'Opéra ; l,e représentation du Neveu de
Gulliver au Théâtre-Lyrique. J. Lovy.— III. Lettres
d'un Bibliophile musicien : Rectification. A. Bu-
reau. — IV. Petite chronique : L'Emir Abd-el-Ka-
der. — Musique des Bédouins. — V. Nouvelles
et Annonces.
IV" 49. — 3 novembre 1861. — De 385 à 392.
I. Concerts populaires de musique classique. Amédée
Mèreaux. — II. Semaine théâtrale. J. Lovy. — III.
Tablettes du pianiste et du chanteur: Notice sur
les travaux de MM. Erard (5° article). — IV. Un
nouvel organiste. Paul Bernard. — V. Petite chro-
nique : Sociétés musicales de la Belgique. Dillé-
rentes manières d'écouter la musique. — VI. Nou-
velles et Annonces.
W° 50.
• 10 novembre 1861.— De 393 à 400.
I. Gluck -. partition tVAlceste. Paul Bernard. — II.
Semaine théâtrale : Débutsde M. Faure dans Guil-
laume Tell, reprises de Don Pasquale, de la Sirène,
de Jaguaritael du Pont des soupirs. J. Lovy. —
III. Tablettes du pianiste et du chanteur: Notice
sur les travaux de MM. Erard ; rapport de S. Thal-
berg (6m- et dernier article). — IV. l'été patronale de"
Saint-Eustache; messe en musique de M. F. Beuoist.
Paul Bernard. —V. Mme Duprez-Vandenheuvel au
Théâtre-Boyal d'Anvers. — VI. Nouvelles et An-
nonces.
HT sa. — 17 novembre 1861. — De 401 à 408.
I.'Quatrième Lettre d'un bibliophile musicien. J. d'Or-
tigue. — II. Semaine théâtrale : Guillaume Tell,
M. Dulaurens; reprise de Jaguarita. J. Lovy. —
Tablettes du pianiste et du chanteur: Deux lettres
de Mendelssohn-Bartholdy. — IV. Variétés : Une
vente d'Autographes. A. Dureau. — V. Nouvelles
et Annonces.
N° SS. — 24 novembre 1860. — De 409 à 416.
I. Premières représentations de la semaine : L'Etoile
de Messine , Rigoletto, le Café du Roi, la Fête des
Gondoles, On ne badine pas avec l'amour et Nos
Intimes. J. Lovy. — IL Tablettes du pianiste et du
chanteur: Deux autres lettres de Mendelssohn-Bar-
tholdy; Paris et Londres. — III. Variétés: Une
vente d'autographes (suite et fin). A. Dureau. —
IV. Petite chronique : Lablache à vingt-trois ans. —
V. Nouvelles et Annonces.
FIN DE LA TABLE TEXTE.
TABLE
MUSIQUE PUBLIÉE DANS LE MÉNESTREL.
28me ANNEE. 1860-1861.
Piano. — N° 1. — 2 décembre 1860.
JU-L. Battmnnn. Menuet et galop d'Orphée aux
enfers.
■ Chant. —M» 2. — 0 décembre 1860.
Léopold Aniat. La Sympathie, romance.
Piano. — K» 3. — 16 décembre 1860.
Ch. Neustedt. // Mio Tesoro, de Don Juan,
transcription .
Chaut. — N° 4. — 23 décembre 1860.
F. IHasini. Le Lever des étoiles.
Piano. — N° 5. — 30 décembre 1860.
JL Strauss. Sémiramis, 2e quadrille.
Chant. — N» 6. — 6 janvier 1861.
Pauline Tbys. Harmonie de Lamartine.
Piano. — N° 7. — 13 janvier 1861.
Jl. Strauss. Le Papillon, 1er quadrille.
Chant. — N» 8. — 20 janvier 1861.
Pauline Tbys. Tes Vingt ans.
Piano. — N» 9. — 27 janvier 1861.
Jl. Oflfcnbach. La Valse des Fleurs, du Papillon.
Chant. — N° 10. — 3 février 1861.
Jl. ©flenbach. La belle Eau elaire, de la Chanson
de Fortunio.
Piano. — N» 11. — 10 février 1861.
Arban. Polka des Métamorphoses, sur le Papillon.
Chant. — N» 12. — 17 février 1861.
Jl. Offenbacb. Chanson du Chien, de Barkouf.
Piano. — N» 13. — 24 février 1861.
Jl. Strauss. La Chanson de Fortunio, quadrille.
Chant. — N» 14. — 3 mars 1861.
H. Potier. Adieu les Fées.
Piano. — N» 15. — 10 mars 1S61 .
Philippe Stutz. Juana, polka-mazurka.
Chant. — M" 16. — 17 mars 1861.
De Saint-Rémy, Le Bal, du Mari sans le savoir.
Piano. — N» 17. — 24 mars 1861.
Th. Lécureux. Fleuve du Tage, transcription.
Chant. — N° 18. — 31 mars 1861.
H. Potier. Fuis-toi petit.
Piano. — N» 19. — 7 avril 1861.
Paul Bernard. Bella sera, idylle.
Chant. ■ — N» 20. — 14 avril 1861.
jl. oflenbach. L'Hiver.
Piano. - N° 21. — 21 avril 1861.
Auguste Durand. Lu belle Niçoise, polka-mazurka.
Chant. — N» 22. — 28 avril 1861.
Ch. Poisot. Les Lilas.
Piano. — N° 23. — 5 mai 1861.
A. Marmontel. Musette, Souvenirs du Mont-Dore,
rondo pastoral.
Chant. —Pi» 24. — 12 mai 1861.
Jl. OITenhaeh. Chanson à boire, de Barkouf.
Piano. — K" 25. — 19 mai 1861.
A, Croisez. Guipures et dentelles, n» 1, polka-
mazurka.
Chant. — N° 26. — 26 mai 1861.
Cs5c O.-ïf . de Lcrnay. Smtr Mêlante, scène mélodie.
Piano. — N» 27. — 2 juin 1861.
A. Croisez. Guipures et dentelles, n° 2, valse.
Chant. — N» 28. — 9 juin 1861.
H. Potier. Comité ou le nouvel ami des enfants.
Piano. — N" 29. — 16 juin 1861.
Ii. de Pitray. Les Êmeraudes, polka.
Chant. — N° 30. — 23 juin 1861.
E. Lombard. La Danse macabre.
I'uno. — IN" 31. — 30 juin 1861.
Chopin. V. il-». op.64, n° 1, dédiée à M»6 lacs3ePotocka
Chant. — N» 32. — 7 juillet 1861.
De Saint-Rémy. Absent, mélodie.
Piano. — N» 33. — 14 juillet 1861.
J(.-I*f . Delalannc. Romance sans paroles.
Chant. — N° 34. — 21 juillet 1861.
Félix Codcfroid. Ma wii'e Annette.
Piano. — N» 35. — 28 juillet 1861.
Louis Diémer. lr° mazurka de salon.
Chant. — N» 36. — 4 août 1861.
L. de Saint-Gcrvais. Être deux.
Piano. — N» 37. — 11 août 1861.
Jl.-C. Engel. Mosaïque-polka sur les opérettes de
J. Olienbach.
Chant. - N" 38. — 18 août 1861.
G. Nadnud. Le bonhomme Séraphin.
Piano. — N° 39.-25 août 1861.
jiosrph Brnga. Carillon, polka-mazurka.
Chant . — N° 40 . — 1er septembre 1861.
G. Pk'adaud. Un Regard.
Piano. — N» 41 . — 8 septembre 1861.
A. Godard. Cosmopolite, polka.
Chant . — N° 42. — 15 septembre 1861.
A. Guillot de Sainbris. Hiver et Printemps.
Piano. — N°43. — 22 septembre 1861.
Ch. Neustedt. Alceste, de Gluck, transcription.
Chant. — N° 44. — 29 septembre 1861.
Robert Mozcl. Le Chant du Marin.
Piano. — K° 45. — 6 octobre 1861.
Hasard. La Chanson de Fortunio, polka-mazurka.
Chant. — N° 46. — 13 octobre 1861.
Dorval-Yalentino. Charmants tyrans du cœur .
Piano. — N° 47. — 20 octobre 1801.
L. Dcssanc. Polka des Colombes.
Chant. — N° 48. — 27 octobre 1861 .
Dorval-Yalentino. La Prise de voile.
Piano. — N° 49. - 3 novembre 1861.
Jl. Roscnhnin. La Calabraise.
Chant. — N° 50. — 10 novembre 1861.
G. Nadaud. Simple projet.
Piano. — N° 51. — 17 novembre 1861.
Ed. Viénot. La Fée du bal, polka-mazurka.
Chant. — n» 52. — 24 novembre 1861.
VSSR de Grandval. Jeanne d'Arc (scène).
ALBUMS-PRIMES
( 1860-1861. )
ABONNEMENT COMPLET.
Partition illustrée de SÉMIRAMIS de
Rossini, avec les I)ll.\ PORTRAITS de G.
ROSSIIVI (Naplcs 1SÎO et Paris ISO») et
les DESSIIYS REPRESENTANT LES SCÈNES
PRINCIPALES DE L'OUVRAGE:.
CHANT SEUL.
Partition complète des SAISONS de J. Haydn,
chant, piano et traduction française de
G. Roger, oratorio en quatre parties, seule
édition conforme à l'exécution des concerts
du Conservatoire, et ornée du portrait de
HAYDN.
PIANO SEUL.
Recueil de transcriptions et réductions des
célèbres œuvres concertantes, symphoniqiics
et pour piano seul, de Haydn, Mozart et Beetho-
ven, par Jules Weiss, contenant :
HAYDN : J. Final du trio en fa. — S . Menuet
du même trio. - 3. Final du trio en la. —
J. Allegro de la symphonie en mi bémol.
BEETHOVEN : .%. Adagio et allegro de la
symphonie en ut. — G. Final du quatuor en
fa. — 3. Menuet et Scherzo du septuor. —
S. Allegro du trio en mi bémol.
MOZART : 9. Menuets extraits de ses sym-
phonies. — 1«. Final de la symphonie en
ré. — 11. Final du quatuor en sol mineur.
— f î. Presto de la sonate en s; bémol.
1861 — Typ. Charles de Mourgues MM», rue J.-J. Rousseau, 8. — 7060
151. — 28e Année.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 2 Décembre
18 GO.
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MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédacfen chef-
LES DUHEAUX , S fois, rue Vïvïenne. — HEUGEL et C*, éditeurs.
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On souscrit du 1er de chaque mois. — L'année commence du l°r décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser franc*
un bon sur la poste, à MM. HEIFRPJ. et C», éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
( Texte seul : 8 fr. )
Typ. Charles de Mourgues frères,
! Jean-Jacques Kousseau, 8, — 7100.
SOIVIITIAIKE.
TEXTE.
I. L'opéra-comique , ses chanteurs et ses divers théâtres : De la Barde, Martini,
Picrini ( 15e article). L. Meneau. — II. Acte de baptême de Della Maria.
— III. Académie impériale de Musique : le Papillon, ballet en deux actes, pre-
mière représentation. J. Lovy. — IV. Tablettes du pianiste et du chanteur :
De l'accentuation .considérée dans ses rapports avec la sonorité, le rhythme et
la mesure (1er article). Marmontel. — V. Études sur la chanson populaire en
France : Chansons historiques et descriptives (10e et dernier chapitre). j.-B. W'É-
kerhk. — VI. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE PIANO :
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour,
(1er dimanche de la 28e année d'existence du Ménestrel) , le menuet et
galop de
ORPHEE AUX ENFERS
De J. Offenbach, transcrits par J.-L. Battmann. — Suivra immédiate-
ment après : /( mio tesoro , transcription de Don Juan , par Ch.
Neustedt.
CHANT ;
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
LA SYMPATHIE
Paroles du chevalier d'Abluo, musique de Léopold Amat. — Suivra
immédiatement après : le Lever des Étoiles, paroles deM. Emile Bellier,
musique de F. Masini.
s, pour les Frimes du Ménestrel,
I/OrËRA- COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
FIN DE LA PREMIERE PARTIE.
XVIII" SIÈCLE.
Chapitre IV.
Della maria (1), Dezdde, Chanipein, De la Barde, Mnrtini et Pïccïni.
XV.
DE LA BARDE , MARTINI.
Je ne citerai qu'en passant Jean Benjamin de la Barde, pre-
mier valet de chambre de Louis XV. Il naquit à Paris le 5 sep-
tembre 1734 et périt sur l'échafaud révolutionnaire le 22 juillet
(I) Voir ci-après l'eitrait de baptême de ee compositeur.
1794. Il apprit le violon, de Dauvergne, et le contrepoint, de Ra-
meau. On ne pouvait avoir un maître plus illustre et plus ca-
pable.
Il écrivit quelques opéras-comiques dont on ne connaît que
le nom. Je citerai Alix et Alexis (le 6 juillet 1768) , Annelle et
Lubin (la même année) ; les Trois rivales (1763) ; Imène et
Iménias ou la Fête de Jupiter (1770). Le 31 octobre 1772 on
joua par ordre de la reine , le Billet de Mariage de Défontaines
qui n'eut aucun succès.
Martini (Jean-Paul-Égide) qu'il ne faut point confondre avec
le savant théoricien de Bologne, était né à Freysladt le 1er sep-
tembre 1741 . Son nom véritable était Schwarlzendorf. Ayant eu
des désagréments avec sa famille, il résolut de s'expatrier et se
confiant à la direction du vent pour le choix de la route qu'il
devait prendre, il arriva env France et y changea son nom bar-
bare contre celui de Martini.
Ses meilleurs ouvrages furent son premier opéra V Amoureux
de quinze ans, représenté le 18 avril 1771 à la Comédie italienne,
Henri IV ou la Bataille d'Ivry, trois actes, au même théâtre
(1774), dont l'ouverture eut beaucoup de succès, et le Droit du
Seigneur, paroles de Défontaines, joué pour la première fois le
17 septembre 1787. Martini jouit plusieurs années de la faveur
publique. Son style était mélodieux. La célèbre romance :
Plaisir d'amour..., peut en donner une idée.
PICCINI.
Si Gluce ne réussit pas dans l'opéra-comique, bien qu'il ait
donné à Vienne deux ouvrages de ce genre : les Pèlerins de la
Mecque et le Chasseur en défaut, il n'en fut pas de même de
Piccini. Ce grand homme (né à Bari en 1728, mort a Paris le
7 mai 1800), écrivit des opéras-comiques estimables. Il n'y a
qu'un pas en effet de l'opéra bouffe italien, dans lequel il avait
pleinement réussi, à l'opéra français. Je n'entreprendrai point
ici une biographie de ce grand artiste qui ne se rattache que
LE MÉNESTREL.
par un fil bien mince au genre dont je fais l'histoire. La-
borde le fit venir en France où la reine lui commanda d'écrire la
musique d'un sujet d'opéra-comique : Phaon, destiné a la Comé-
die italienne, mais qui n'y fut jamais représenté ; il fut jouéseu-
lement'à Choisy devant la Cour.
Le Fat méprisé (1779) eut peu de succès, mais le Dormeur
éveillé, quatre actes de Marmontel, réussite la ville comme à la
Cour. On l'avait donné à Fontainebleau le 14 novembre 1783;
ce fut le 28 juin 1784 que les Parisiens l'entendirent. On te-?
procha un peu de monotonie à la partition, mais le libretto parut
très-intéressant. Le Faux Lord, deux actes, eut un plein succès,
les paroles étaient du fils aîné du compositeur Alexandre Pic-
cini ; celte pièce réussit. Sa première représentation eut lieu le
6 décembre 1783.
Il n'en fut pas de même de Lucette (1784), dont les paroles
étaient aussi d'Alexandre Piccini. Cette pièce tomba ainsi que le
Mensonge officieux (1787).
Durosoy arrangea plus tard sur la musique de Piccini les
Fourberies de Marine en trois actes, mais ce pastiche n'eut pas
de succès.
Son fils Louis, écrivit quelques petites partitions d'opéra co-
mique qui ne jouissent pas d'une grande renommée.
Si le grand opéra en France a tiré de l'Allemagne et de l'Italie
ses premières et principales illustrations (Rameau excepté) , nous
constaterons que l'opéra-comique ne dut presque toujours ses
grands succès qu'à des musiciens français. Nous venons de voir
briller dans cette première partie de l'histoire de l'opéra-comi-
que les compositeurs français : Monsigny, Philidor, Dalayrac,
j'allais presque dire Grétry, — car s'il naquit dans un pays qui
politiquement n'appartient pas à la France, ce pays lui est inti-
mement lié par les mœurs [et le langage; — nous allons main-
tenant assister aux triomphes des Nicolo, des Méhul, des Le-
sueur, des Boïeldieu, des Hérold, tous nés français.
LÉON MÉNEAD.
Paris, le 21 novembre 1860.
Cher monsieur Heugel,
Je lis dans le Ménestrel du 18 du courant, à l'article que M. Meneau a
consacré^ Délia Maria : « On n'est pas d'accord sur l'époque de la naissance
a de ce maître. Les uns le font naître à Marseille en 1764, de parents ita-
o lieDS, d'autres en 1768. Duval, son ami intime, le fait mourir à 27 ans
a en 1800, ce qui porterait la date de sa naissance en 1773. »
Moi-même, en rédigeant l'article Délia Maria, pour la Nouvelle biogra-
phie générale que publient MM. Firmin Didot (t. XIII, 1855), j'avais adopté
la date de 1768 comme me paraissant la plus probable. Je ne connaissais
pas alors le document suivant qui lève tous les doutes. C'est l'acte de
baptême de ce musicien, extrait des registres de la paroisse des Accoules,
à Marseille, où il a été baptisé. Le voici textuellement :
« Du quatorze juin mil sept cent soixante-neuf, Pierre-Antoine-Domi-
« nique Delamaria, fils légitime de Dominique Delamaria, marchand de
« musique cy présent, et de Marguerite Bertrand, mariés, né aujourd'huy
a sur notre paroisse, a été baptisé; son parrain Pierre Lippy, fabricant de
« musique (d'instruments de musique, sans doute), et sa marraine, Fran-
« çoise-Germine Bertrand, son aïeule, qui a dit ne savoir écrire, de ce
« enquis par nous soussignés.
« Signé : Pietro Lippy et Dominique Delamaria.
« Ravanal, vicaire. »
C'est à M. G. Bénédit, de Marseille, auteur du Plutarque provençal, où
il a inséré une biographie complète de Délia Maria, que l'on doit ce docu-
ment. Siium cuique.
En attendant que je puisse rectifier la date dont il s'agit, dans la seconde
édition de la Nouvelle biographie générale, mon honorable confrère M. Me-
neau, dont je lis les articles avec beaucoup d'intérêt, sera peut-être
bien aise d'être, comme moi, renseigné sur la question, et je me fais un
véritable plaisir de lui transmettre ce document par votre intermédiaire.
Agréez, monsieur, la nouvelle expression de mes sentiments les plus
distingués et les plus dévoués.
D. Denne-Baron.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L OPÉRA.
Le Papillon, ballet-pantomime en deux actes et quatre tableaux, de
Mllc Marie Taglioni et M. de Saint-Georges ; musique de M. Jacques
Offenhach ; décors de MM. Cambon , Thierry , Desplechin , Nolau,
Ruré et Martin.
Si j'en crois les entomologistes, les annales des lépidoptères
n'offrirent jamais une série de tribulations semblables à celles
de ce pauvre papillon dont Mme Taglioni et M. de Saint-Georges
viennent de nous raconter l'histoire. Il est vrai que ce papillon
est une jeune fille..., et que l'action se passe en Circassie.
Encore ne sait-on pas au juste si la chose est arrivée.
Farfalla est une gracieuse enfant attachée au service de la mé-
chante fée Hamza, et dont s'éprend le jeune prince Djalma,
neveu de l'émir Ismaïl Bey. La fée Hamza devient la rivale de
Farfalla et se sert contre elle du pouvoir surnaturel dont elle
dispose ; d'un coup de sa baguette elle la métamorphose en pa-
pillon. Sous cette forme la jeune fille est capturée par le prince
qui, comme un vulgaire naturaliste, pique son prisonnier sur
i'écorce d'un chêne. Alors par un jeu d'optique, dont l'effet est
charmant, on voit le papillon se transfigurer, se détacher de
l'arbre et voltiger à travers la forêt au milieu d'un essaim de
frères ailés. Djalma, qui a reconnu la jeune fille dont il est épris,
court à sa poursuite ; mais voici la fée Hamza qui, armée de son
talisman, enlace le papillon dans un filet perfide. Heureusement
un bûcheron dérobe à la vieille sa baguette magique : Farfalla
est délivrée, tandis qu'Hamza reste prise elle-même dans le filet.
La fée captive est amenée devant l'émir Ismaïl, avec qui elle
a un terrible compte à régler. C'est elle qui lui enleva jadis sa
fille bien aimée, et cette fille. c'est Farfalla. Hamza est effrayée
des menaces de l'émir, et comme elle a retrouvé son talisman,
elle promet de lui rendre sa fille. En effet, voici Farfalla pré-
cédée d'un brillant cortège et trônant sur un palanquin. Ismaïl
est dans le ravissement ; il présente sa fille au prince Djalma,
car c'est à lui qu'elle est destinée en mariage. Le prince débute
par un refus ; mais bientôt, reconnaissant Farfalla, il tombe aux
pieds de sa cousine. Au moment où il veut effleurer de ses
lèvres la joue de sa jeune fiancée, la vieille Hamza s'avance pres-
tement et intercepte le baiser à son profit. Soudain rides et che-
veux blancs disparaissent ; la fée devient jeune, belle, éblouis-
sante de parure et de charmes. Farfalla reprend sa forme de lé-
pidoptère, s'envole au loin, tandis que le prince tombe anéanti,
fasciné par le regard magnétique d'Hamza ; et celle-ci, frappant
la terre de sa baguette, se transporte avec lui dans ses jardins
enchantés.
Djalma s'éveille et croit être le jouet d'un rêve ; pendant qu'il
promène çà et ià ses regards étonnés, un bruissement d'ailes
attire son attention : c'est Farfalla qui arrive à lui, voletant sur
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
lès buissons de fleurs. Djalma la retient et la blottit dans une
touffe de roses.
Hamza reparaît ; une cour brillante l'entoure, et un bel en-
fant s'avance, tenant à la main une torche enflammée, la torche
de l'hymen. La clarté attire le papillon , qui tourne vivement
autour de la lumière, et finit par s'y brûler les ailes.
Dès lors le charme est rompu. La baguette magique de la fée
se brise dans sa main, et Farfalla devient la belle jeune fille, à
la grande joie du prince, de son oncle... et de toute la Circassie.
Mlle Emma Livry, la gracieuse héritière de Marie Taglioni,
et l'héroïne de cette fiction, a vaillamment répondu aux espé-
rances du public. Tous les devoirs qui incombent à une femme
métamorphosée en papillon, c'est-à-dire tous les prodiges de la
plus délicate gymnastique, elle les accomplit minutieusement :
elle vollige sur les eaux des cascades, se pose sur les fleurs sans
courber les tiges, effleure de ses ailes diaphanes les odorantes
plate-bandes, elle charme à la fois les plus sévères entomologistes
et les plus habiles experts en chorégraphie. Il est vrai qu'elle
accomplit en même temps des bonds aériens qu'aucun lépidoptère
n'oserait jamais rêver. Aussi les applaudissements ont-ils été
chaleureux et unanimes.
Avec Mlle Livry , il faut nommer MUe Louise Marquet ,
chargée du rôle de la fée Hamza. Mlle Marquet vieille et ca-
duque ! C'est à la fois une abnégation et un non-sens ; mais
aussi comme elle prend sa revanche au deuxième acte, lorsque
rides et cheveux blancs disparaissent, qu'elle redevient jeune ,
belle et rayonnante !
La musique de M. Jacques Offenbach remplit toutes les con-
ditions de mélodie et de rhythme exigées en matière chorégra-
phique. Sa valse des rayons surtout est un morceau des plus
réussis ; d'emblée cette valse a captivé tous les suffrages. C'est
neuf, cela ne ressemble à rien, et cependant tout le monde en
fredonnait le motif au sortir de la salle. L'air des Bohémiens,
la Léginska, la marche des guerrières et la polka finale sont
d'une populaire contexture. Il faut citer aussi les motifs du pas
de trois, notamment la Polonaise dansée par M1Ie Fiocre.
Après la chute du rideau, Mlle Livry, rappelée à grands cris,
a ramené par la main MUe Marie Taglioni, la marraine de ce
triomphe, l'ingénieuse chorégraphe , l'éminente sylphide qui
délecta nos pères.
L'Empereur assistait à cette belle soirée, à laquelle les graves
préoccupations du moment ajoutaient un appoint de solennité.
J. Lovy.
P. S. Nous devions rendre compte cette semaine de l'opéra
de M. J. Offenbach, en même temps que de son ballet, mais
une indisposition de Mlle Saint-Urbain fait ajourner la première
représentation de Barkouf. Le public , comme nous, regrettera
d'autant plus cet ajournement, qu'il pourra se prolonger d'une
quinzaine, dit-on.
Mais ce que le public déplorera avec toute la presse artis-
tique et littéraire, c'est le douloureux événement qui vient de
frapper le Vaudeville, en la personne universellement regrettée
de son honorable directeur, M. Louis Lurine, enlevé au théâtre,
aux lettres et a ses amis, dans toute la force de l'âge.
Ses obsèques auront lieu aujourd'hui dimanche, à midi, en
l'église Notre-Dame-de-Lorette.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
DE L'ACCENTUATION
Considérée dans ses rapports avec
LA SONORITÉ, LA MESURE ET LE lUIYTIITII.
I.
V accentuation, qu'il ne faut pas confondre avec Vexpression,
appartient au domaine de l'enseignement. On apprend à lire aux
enfants avec l'inflexion vocale, qui convient aux mots, aui
phrases, et même à la situation. Ces nuances de diction sont, à
notre avis, l'accentuation élémentaire du langage parlé. Ceci est
tout à fait, nous le répétons, du domaine de l'enseignement.
Mais, en musique surtout, on n'apprend pas à dire avec expres-
sion; ce germe précieux est en nous, et c'est presque instinctive-
ment que nous traduisons notre sentiment, nos impressions. Le
talent du maître consiste alors à guider, à contenir, ou à dévelop-
per ce tact inné, ce don naturel.
Si les élèves exagèrent parfois l'expression, plus souvent en-
core, l'appréhension de paraître maniérés, affectés, ridicules
même, leur fait craindre ou négliger d'exprimer tout naturelle-
ment ce qu'ils ressentent.
C'est avec un soin tout délicat qu'il faut faire éclore, conserver,
cultiver ce sentiment vrai, juste, chaste, contenu, qui donne
tant de charme au talent et ce cachet de distinction, de sensibi-
lité qui est déjà la poésie dans l'interprétation.
L'expression indiquée ou imposée par le professeur, alors
qu'elle ne correspond pas exactement à notre propre sentiment,
offre dans l'imitation quelque chose de faux et de guindé qui ne
trompe jamais un auditeur de goût.
Aussi, le professeur doit-il bien se garder de substituer son pro-
pre sentiment à celui d'un élève intelligent et bien organisé ; car
c'est une faute des plus graves que détruire l'individualité, même
chez un élève peu avancé.
D'après ce qui précède, l'expression , cette partie poétique,
éthérée, de l'exécution échappant à l'analyse de l'enseignement,
posons en principe, que quatre sources différentes et très-distinc-
tes servent de points de départ aux variétés sans nombre de l'ac-
centuation musicale : l'articulation, la sonorité, la mesure, le
rhythme.
Dans un précédent chapitre, nous avons indiqué les principaux
effets de l'articulation. Nous avons donc aujourd'hui à nous oc-
cuper plus particulièrement des nuances de sonorité, de mesure
et de rhythme.
La musique étant par sa nature la langue des sons et celle du
sentiment par excellence, il est tout naturel que l'accentuation
soit un de ses éléments constitutifs.
Nulle autre langue parlée, quelque mélodieuse qu'elle soit,
n'offre cette richesse infinie de nuances, cette variété d'expres-
sion qui permet au discours musical de parcourir toute la
gamme du sentiment, soit au moyen des accents, de la modula-
tion des sons, ou des nuances expressives.
La modulation du son musical, qui s'élève ou s'abaisse dans
l'échelle, ou se plie aux effets si variés des timbres, de l'intensité,
de l'articulation, du sentiment intime de l'artiste , doit toujours,
autant que possible , avoir pour but d'exprimer une pensée , un
sentiment , une sensation. Il va sans dire que nous exceptons de
cette admirable propriété les exercices purement mécaniques , ou
LE MENESTREL.
pratiqués au point de vue de la sonorité sans aucune intention
mélodique.
La gamme des tons que la voix humaine parcourt dans le dis-
cours est infiniment plus restreinte que l'échelle des sons musi-
caux. Cette étendue et les éléments naturels si variés que nous
n'avons fait qu'indiquer, font de la musique une langue mer-
veilleuse et divine.
Nous avons esquissé dans le chapitre précédent les principaux
effets que l'on peut tirer de Y articulation, essayons aujourd'hui
d'analyser l'accent au point de vue de la sonorité.
Dans le discours musical, c'est le son, — ou du moins les sons
entre eux, — qui remplace la pensée. C'est donc le premier élé-
ment constitutif qui s'offre au musicien pour s'exprimer ; c'est
par le son modulé et bien dirigé que le compositeur traduit les
sensations, les sentiments, dans cette langue inspirée qui est
l'âme, l'esprit, le cœur de l'artiste.
Il est tout naturel d'admettre que la musique, étant de tous les
arts celui où l'organisation, où la sensibilité native sont, le plus
surexcitées, c'est aussi par la musique que l'individualité de l'ar-
tiste s'épanche avec le plus d'abandon ; n'est-ce pas la manifes-
tation spontanée la plus vraie de la vie intérieure ?
La parole devient musicale et prend des nuances particulières
d'inflexion, d'articulation, suivant les sentiments à exprimer; ce
seul emprunt a la musique prouve déjà toute sa puissance.
Mais l'accent qui est l'âme du discours, qui lui donne la cou-
leur et la vie, n'est-il pas aussi un emprunt à l'art musical? Le
cœur se réfléchit dans la voix, c'est lui qui en règle le ton , les
inflexions.
Cette charmante pensée de madame de Staël nous semble bien
plus juste encore quand il est question d'art musical.
Les modulations du son, de' l'aigu au grave, du fort au faible,
ou du piano au fort, sont indiqués par des signes connus de tous,
et traduisent d'une manière plus ou moins exacte l'intention
précise de l'auteur, le mode d'exécution qu'il avait en vue pour
tels ou tels passages.
Posons d'abord en principe, puisque nous avons à nous occu-
per des accents qui modifient le son, et des signes qui les repré-
sentent, que dans la notation musicale le signe qui exprime l'in-
flexion de sonorité reste le même dans les passages de douceur ou
de force, de demi-sonorité ou de puissance extrême. C'est un
tort, ce nous semble, mais c'est un fait consacré par l'usage et
passé dans nos habitudes.
Dans notre enseignement, comme dans celui de nos collègues
qui se préoccupent plus de l'esprit et du caractère que de la
lettre sèche , la traduction des signes prend des teintes différentes
de;'sonorité, suivant l'expression, le sentiment et le degré de
force de la phrase musicale.
DES ACCENTS DE SONOUITÉ.
Les accents de force se placent presque toujours sur les temps
forts, mais ils peuvent aussi être employés avec bonheur sur la
partie faible des temps. Cela dépend de l'effet à produire, de
l'esprit d'originalité du compositeur, de la structure de la phra-
se, du caractère et de la nature de l'idée.
Nous recommandons aux élèves de ne point oublier que les
accents varient d'intensité, quoique les signes indicateurs restent
les mêmes, suivant le sentiment, l'esprit, le mouvement des mor-
ceaux.
Un nf. ou sf. ou ff>. ou A > dans une phrase douce, expressive,
aura certes une tout autre inflexion que placée dans un passage
énergique. 11 en est de même de tous les signes modificateurs du
son , à moins qu'il n'y ait un effet déterminé, un contraste indi-
qué d'une manière précise , soit par la modulation soit par le
changement d'allure de la mélodie.
Les accents doivent donc toujours être proportionnés et en
harmonie parfaite avec la couleur expressive, le sentiment et le
caractère prédominant de la phrase qu'ils accidentent.
Nous n'avons pas à indiquer ici la nomenclature des signes
employés, toutes les méthodes élémentaires les faisant connaître;
pourtant, nous dirons qu'en général, les nuances tranchées de
sonorité pp. mf. ff. fff. s'emploient pour des phrases ou lon-
gues périodes musicales, les accents rf. sfz. fp. A > pour des
notes isolées, et cela sans altérer d'une manière sensible la cou-
leur d'ensemble de la phrase, en vue de faire valoir un contour,
de donner plus de saillie à uue note, à un mot musical.
Si nous cherchons un terme de comparaison entre les nuances
de sonorité de la musique et certains effets de lumière et d'ombre
de la peinture, nous dirons qu'abstraction faite du sentiment et
de l'expression, le ff. correspond à un ton lumineux, le mezzo-
forte (mf.) à une demi-teinte, et le pp. a Yombrc.
Il est souvent dans les habitudes de langage du professeur, de
dire à un élève : mettez ce passage plus en lumière, pour indi-
quer une sonorité plus éclatante, une articulation plus ferme et
précise, ou bien : jouez cette phrase dans une demi-lcinle , équi-
vaut à dire : jouez à mi-voix, en donnant aux accents eux-mêmes
une demi-sonorité.
Laisser dans l'ombro une pensée accessoire, c'est jouer piano,
en indiquant à peine, sans accent prononcé, cette période musi-
cale.
Ce langage coloré rend souvent plus sensible à l'élève les re-
commandations faites en d'autres termes. Mais à côté de ces cou-
leurs tranchées, surgissent mille nuances intermédiaires.
La musique, comme la peinture et la poésie, ne procède pas
seulement par des contrastes et des oppositions violentes.
L'élévation et l'abaissement du son, ses ondulations, sa grada-
tion depuis le pp. jusqu'au ff., ses accents si variés d'intensité,
d'expression, qui surgissent pour appeler accidentellement l'at-
tention sur une note, sur un accord, un membre de phrase, un
simple trait, offrent bien des points de comparaison avec le dis-
cours parlé, avec la peinture; mais nous croyons inutile de re-
chercher davantage tous ces termes de comparaison, nous esquis-
sons seulement celte pensée, et nous dirons pour finir, que le
fiât lux d'un symphoniste, — que ce soit Haydn ou Félicien Da-
vid, — se produira toujours sur l'expression d'un fortissimo, au
point culminant d'un crescendo. Les ténèbres se dissipent peu à
peu et la lumière se fait.
Il y a certains effets grandioses de musique imitative, pourtant
la puissance de la musique n'est pas dans l'art de décrire, mais
bien dans le don d'émouvoir.
L'école allemande moderne fait, ce nous semble, fausse route,
en donnant à un art tout de sentiment et dont les effets sur nos
sens sont vagues, indéterminés, des propriétés que les musiciens
qui n'ont pas un parti pris lui refusent .avec raison.
A. Marmontel.
( La suite au prochain numéro.)
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
ÉTUDES SUR LA CHANSON POPULAIRE EN FRANCE.
Cbansoiss historiques et descriptive**.
Une chanson d'aventurier, se rapportant aux guerres d'Italie
sous Louis XII , nous a été communiquée par M1"16 Amédée
Thierry, qui, elle-même, la tient d'une vieille nourrice champe-
noise, c'est le Siège de Mantoue. Cette chanson a évidemment
subi des transformations et des altérations ; nous avons même
une version à laquelle on a mêlé le général Bonaparte.
C'est la vill' de Mantou', grand Dieul qu'elle est jolie 1
C'est la vill' de Mantou', grand Dieu I qu'elle est jolie!
Elle est jolie et parfaite en beauté
Que les Français n'y peuv'nt entrer.
Le roi qui leur commande, ont fait feu sur la ville ;
Aux premiers coups qu'leurs canons ont tiré, j
La joli' ville en a tremblé.
Les dames de Mantou' montèr'nt sur les rempares ;
Nous vous donn'rons chacun' cent mille écus, ]
Que vos canons ne tirent plus. i
— De vos cent mille écus, Mesdam's n'avons que faire;
Nos volontaires brûleront vos maisons,
Et nos dragons vous pilleront.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
Courage mes enfants, enfants prenez courage. —
Ont tant lire et tant espadronné ,
La joli' ville y ont gagné.
Dans la variante suivante sont à peu près résumés les trois
premiers couplets :
C'est la vill' de Mantou', faut la mettre au pillage.
— Sire le roi, appaisez vos canons,
Avec vous nous composerons.
Autre variante :
bis.
bis.
C'est la vill' de Mantou', faut la mettre au pillage.
Brûlons tout, les petits et les grands,
Nous mettrons tout à feu et à sang.
bis.
bis.
La version suivante se rapporte à la prise de Mantoue, en
1797, par Bonaparte; on voit par, la que le peuple ressuscite
quelquefois d'anciennes chansons presqu'oubliées et profite
d'une similitude de circonstances pour les faire revivre, en leur
faisant subir des altérations, ce que nous avons déjà observé à
propos de la chanson de Marlborough.
La ville de Mantou', grand Dieu ! qu'elle est jolie I
Elle est jolie et parfaite en beauté ,
Les Français veulent y entrer.
Bonaparte envoya quatre de ses hussards :
a C'est Bonaparte qui nous envoie ici,
Si vous voulez vous rendre à lui. r
— Va dire à Bonaparte, au r'présentant du peuple,
Va-t-en lui dire qu'on se moque de lui, {
Le jour aussi bien que la nuit. j
Les hussards s'en revinr'nt, les hussards s'en retournent :
« Général Bonaparte ils se moqu'nt de vous,
La nuit aussi bien que le jour. »
Bonaparte leur command' de fair' feu sur la ville.
Les premiers coups qu' les canons ont tiré,
La jolie ville en a tremblé.
Les dames de Mantou' montent sur les rempares :
« Ah 1 Bonaparte appaisez vos canons ,
Contribution nous vous ferons. »
— Quell' contribution, Mesdam's, voulez-vous faire? ■
• Contribution est de cent mille écus ,
Que vos canons ne tirent plus. »
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis.
bis
bis.
bis.
bts.
bis.
— De vos cent mille cens, Mesdames, n'avons que faire; bis.
Nos canons brûleront tout' s vos maisons,
Et mes soldats les pilleront. —
— Courage, mes amis, amis prenez courage ,
Qu'on mette à l'instant la ville au pillage; —
Ils ont tant tiré, tant espadronné ,
Qu'la joli' ville ils ont gagné.
Il est hors de doute qu'un grand nombre de chansons histo-
riques, faites à propos de tel ou tel événement politique, n'existent
plus ou sont devenues introuvables, parce que ces pièces ont été
supprimées par la censure. D'autres fois ces chansons n'ont
jamais eu les honneurs de l'impression, tout en ayant été popu-
laires; nous n'irons pas bien loin pour appuyer ce dire d'une
preuve. En 1848, une chanson de circonstance très-curieuse fut
faite par la classe ouvrière de Mulhouse, et se répandit dans tout
le Haut-Rhin ; elle fut très-populaire, non imprimée, mais nous
la publierons dans un travail spécial sur la chanson populaire en
Alsace.
*
* *
Notre travail sur la Chanson populaire, publié successivement
dans le Ménestrel, est loin d'être complet, mais nous sommes
obligé de nous arrêter là pour le moment, d'autres occupations
nous empêchant, d'une part, d'y donner suite immédiate, et de
l'autre, craignant d'abuser trop longtemps de nos lecteurs.
Nous indiquerons seulement ici les chapitres complémentaires,
le tout devant paraître en un volume complet. Chap. X. Chansons
de mariage, mœurs, usages. — Chap. XI. Complaintes. —
Chap. XII. Chansons patriotiques et guerrières. — Chap. XIII.
Chansons satiriques, politiques ; vaudevilles. — Chap. XIV.
Chansons à loire. — Chap. XV. Chansons grivoises , bur-
lesques; parodies. — Chap. XVI. Berceuses, chansons à danser,
rondes. — Ch. XVII. Les refrains.
J.-B. Wekeblin.
NOUVELLES DIVERSES.
— Par décret impérial, M. le comte Waleski est nommé ministre d'État
en remplacement de M. Achille Fould, démissionnaire.
— Par suite de la suppression du ministère de la Maison de l'Empe-
reur, le théâtre impérial de l'Opéra est replacé dans les attributions du
ministre d'État. Tous les théâtres, sans exception, relèvent donc, dès
aujourd'hui, du nouveau ministre, M. le comte Waleski, nommé en rem-
placement de M. Fould, démissionnaire. L'Opéra n'en reste pas moins
une dépendance de la liste civile. Confié spécialement à l'administration
de M. le comte. Waleski, il ne saurait, en aucune façon être assimilé aux
entreprises particulières, ni rentrer dans le service ordinaire des bu-
reaux.
— On écrit de Londres que les concerts populaires du lundi viennent
d'inaugurer, sous la direction de leur chef d'orchestre Bénédict, leur troi-
sième saison par une brillante soirée uniquement consacrée à l'exécution
d'oeuvres de Weber, Spohr et Dusseck.
— Les journaux anglais nous annoncent pour l'année 1861 un grand
festival international, dans le genre de celui qui a eu lieu l'été dernier. Le
comité qui a pris l'initiative a profité du séjour àLotidres de M. Delaporte
pour en arrêter les bases. Cette grande solennité réunirait les députations
des orphéons de France aux Sociétés chorales anglaises.
— Un nouveau journal de musique se publiée Florence. L'Italia artis-
tica, tel est le titre de cette feuille qui en est déjà à son huitième numéro
et s'annonce sous les meilleurs auspices.
— On nous écrit de Bologne que Mme Borghi-Mamo a été rappelée avec
enthousiasme après le Prophète. Elle a chanté le rôle de Fidès avec ce
dramatique de bon goût et de haut style qui émeut profondément sans
cesser d'être vocal. C'était la manière de Rubùii et la seule bonne au point
de vue lyrique.
LE MÉNESTREL
— Au théâtre Gerbino , à Turin , on a représenté tout récemment la
Bianca Capello, du maestro dell' ODgara. Cet ouvrage a reçu le meilleur
accueil.
— Un journal anglais publie, dans sa correspondance de Vienne, des
documents curieux sur le Burg-Théâtre et celui de la Porte-de-Carinthie.
Il paraît que les ordonnances de police de Tannée 1800 régissent encore,
à l'heure qu'il est, ces deux scènes importantes, et les régissent assez des-
potiquement par une affiche qui n'a pas cessé, depuis plus d'un demi-
siècle, d'orner les couloirs des deux théâtres. Ces ordonnances sont rédi-
gées en langue française, mais quel français, bon Dieul il est aussi caduc
que le règlement lui-même ; jugez-en par l'art. 14 : — « Dans le nombre
dés Bienséances à observer une des premières c'est d'ôteî son chapeau à
l'entrée du parterre noble, que leurs Majestés se trouvent au Spectacle ou
non, et celui, qui averti par le Commissaire Inspecteur s'obstineroit à
rester couvert, sera non-seulement obligé de quitter la salle incontinent,
mais il pourra encore, suivant le cas, être sujet à une animadversion. »
— Dans la dernière séance de l'Académie royale de Belgique (classe des
beaux-arts), M. Fétis a lu un rapport sur la question de savoir s'il con-
vient que la Belgique imite la France, en adoptant les mesures prises à
l'égard du nouveau diapason. Le savant directeur du Conservatoire est
d'avis que le diapason doit être fixé tel qu'il est aujourd'hui, mais non
abaissé. M. Fétis veut que les ut dièze ne perdent rien de leur merveil-
los'ité. Ajoutons que les orchestres lui en devront reconnaissance à tous
égards.
— A Bruxelles, M. Charles Hanssens vient de terminer la partition du
Siège de Calais, opéra en quatre actes qui sera représenté cet hiver au
théâtre de la Monnaie.
— Le père de notre laborieux archéologue musical, George Kastner,
vient de mourir à Strasbourg dans sa quatre-vingt-unième année.
— On nous écrit de Nantes : « La Société des Beaux-Arts et le théâtre
sont en fête : Mme Carvalho vient d'arriver et des représentations vont
succéder au concert pour lequel cette éminente cantatrice nous arrive en
compagnie du violoniste Herman. La présence et le concours de Mme Car-
valho vont jeter un nouveau lustre sur la saison théâtrale qui s'annonce,
du reste, sous les meilleurs auspices : Mme Beynaud, chanteuse légère
et d'un talent distingué ; MUe Desterbecq et Mme Warnotz, fortes chan-
teuses dans toute l'acception du mot, l'une soprano, l'autre contralto ;
MUe Courtois, Dugazon des plus agréables; M. Bertrand, fort ténor à la
voix splendide ; M. Perillé, première basse de grand mérite; M. Comte Bor-
chard, baryton très-justement réputé ; enfin MM. Bineau, ténor léger, et
Péqueur, deuxième ténor, composent un personnel qui fait merveille
sous l'habile direction de M. Solié, chef d'orchestre. M. Solié est en
même temps directeur, mais sous la haute impulsion de l'administration
municipale de Nantes, qui a délégué à cet effet l'un de ses honorables
membres, M. Guilley.
— Mardi dernier, la Société philharmonique d'Arras a donné son pre-
mier concert de la saison au bénéfice des pauvres. Parmi les artistes
engagés, MUe Rey, de l'Opéra, et notre basse chantante Tagliafico ont obtenu
le succès le plus complet dans le duo de la Fille du régiment et dans
différents morceaux dont deux, la Polonaise de Jérusalem et la Tarentelle
de Rossini ont été redemandés. M. Tagliafico, nous écrit-on, a été réengagé
pour l'un des prochains concerts de la société.
— Avant de partir pour le midi , les frères Lionnet se sont fait enten-
dre chez M. et Mmc Rossini , dans leurs duos et scènes d'imitation , qui
ont obtenu tout leur succès habituel. Puis Anatole Lionnet a ;dit seul
une nouvelle production de Nadaud , la Promenade , avec ce sentiment
élevé , cet accent profond , qui l'ont élevé si haut dans l'estime des con-
naisseurs. Ce même soir, un grand chanteur, — comme on en voit pou
aujourd'hui , — M. Badiali, du théâtre Italien , a dit l'air non più andrai
de Mozart , accompagné par Rossini en religieux admirateur du musicien
qu'il appelle le maître des maîtres.
— L'opéra de salon vient de faire son entrée de saison dans le monde
musical. C'est Mmc Gaveaux-Sabatier, la créatrice et la reine du genre, qui
en a fait les honneurs dimanche dernier, chez Mracs Orfila et Mosneron
de Saint-Preux. Mm0 Sabatier a joué et chanté en compagnie de M. Lour-
del-Belval , la Perruque du bailli , paroles et musique de Mllc Pauline
Thys, — aujourd'hui Mm° Sebault. —Un auditoire aussi nombreux que
choisi , n'a cessé d'applaudir le bon goût du poème et les élégantes
mélodies de la parlition. M. Salvator tenait le piano. — L'auteur a été
redemandé avec les interprètes. — Avant l'opéra , Géraldy et Mmo Charles
Ponchard avaient défrayé avec autant de verve que de talent une première
partie de concert, et pour couronner le programme, Levassor est venu
faire acte d'apparition. On ne l'attendait guère, on le croyait en Moldavie,
en Chine ou en Espagne — où il se rend actuellement , — lorsque tout-
à-coup entre un gentleman pur-sang qui entonne les côtes d'Angleterre de
Gustave Nadaud, avec ce flegme , cet humour britannique que chacun lui
connaît. Aussi quel formidable bis et que d'interminables bravos à la
lecture de son journal de village. On criait : encore I encore! mais Levassor
avait déjà pris l'express-train pour Madrid.
— A cette même soirée de Mme Orfîla , nous avons un grand et légitime
succès à constater, celui obtenu par Géraldy, non-seulement dans son air
du Philtre et son duo des Voitures versées avec Mme Charles Tohchafâ,
mais encore dans la simple production de Gustave Nadaud , le Nid aban-
donné , touchant petit poëme qu'il a dit du cœur et de la voix , de ma-
nière à charmer, à impressionner tout son auditoire. Chacun regrettait que
l'auteur ne fût pas là pour féliciter son interprète.
— Une nouvelle opérette de salon , les Sabotiers, musique d'Adolphe
Canoby, a fait élection de domicile la semaine dernière à Passy, chez
l'auteur du livret, M. Trouvé, artiste peintre qui manie avec une égale
facilité la plume, le crayon et les pinceaux. On a applaudi musique, pa-
roles et les interprètes qui avaient noms : M. Petit, premier prix du Con-
servatoire, baryton engagé au Théâtre-Lyrique , et Mme Denizet, élève
de Mmc 'Ugalde, qu'on a bissée dans sa romance. MM. Levasseur, Ponchard,
M. et Mme Charles Ponchard, assistaient à cette intéressante audition
qu'ils ont même illustrée d'une préface qui avait bien son petit mérite :
les duos de la Fausse Magie, du Nouveau Seigneur, de la Dame blanche
et du Philtre.
— Une grande solennité musicale se prépare au théâtre impérial
Italien pour le mercredi soir, 19 décembre. On y entendra pour la pre-
mière fois les Poèmes de la mer, ode symphonie avec soli, chœur et or-
chestre, paroles d'après J. Autran, musique de J. B. Wekerlin. L'ensemble
de celte exécution présente un chiffre de 150 artistes qui seront dirigés
par l'auteur. Nous donnerons prochainement le programme de ce festival
ainsi que les noms des solistes.
— Dès sa séance d'ouverture , le Congrès pour la restauration du plain-
chant et de la musique d'église s'est empressé d'approuver la proro-
gation de trois mois accordée aux maîtres de chapelle et organistes français
et étrangers pour l'envoi des manuscrits destinés au concours de compo-
sition de musique religieuse fondé par les éditeurs de la Maîtrise. On
a également adopté la modification sollicitée au sujet des messes et
motets qui pourront être écrits indifféremment à trois voix égales ou non.
Le congrès a ensuite discuté son règlement , établi son ordre du jour.
Il y avait affluence dans la salle de la Société d'encouragement, rue
Bonaparte. Nombre d'Archevêchés et d'Évêchés étaient représentés.
M. V. Pelletier, l'honorable chanoine du diocèse d'Orléans, présidait. On re-
marquait au bureau, M. Calla, MM.d'Ortigue et Adrien de Lafage, présidents
de la 2° et de la 3S section. Un sténographe avait pris place près de M. Rabu-
taux, secrétaire. Nous donnerons le résumé de ces instructives séances qui
ont été closes hier soir samedi. Dès aujourd'hui, signalons le succès
obtenu et mérité par M. Xavier Van Elewyck de Louvain , docteur en
sciences et représentant la Belgique musicale religieuse au congrès. Les
plus vives sympathies ont accueilli ses précieuses communications.
— Dans son dernier feuilleton de l'Illustration, M. G. Héquet résume
d'intéressantes considérations sur la Sémiramis française et la Semira-
mide italienne, et s'exprime ainsi au sujet de l'exécution matérielle de la
nouvelle édition de Sémiramis publiée par le Ménestrel et offerte en prime
à ses abonnés :
« La partition de Sémiramis vient de paraître avec les paroles françaises
de M. Méry. — L'édilion est conforme en tous points à la représentation.
La pièce est divisée en quatre actes. On sait que le drame italien n'en a
que deux. Rien n'y manque, ni les airs de ballet de M. Carafa, ni les ré-
citatifs écrits ou ajustés à la prosodie française par M. Carafa, qui, certes,
était digne plus que personne de cette mission.
« La partition de Sémiramis, réduite pour le piano, est gravée en petit
format, mais avec une netteté parfaite, et le caractère en est assez gros
pour que sa lecture n'offre aucune difficulté même aux vues les plus fai-
bles. Le texte italien est joint au texte français, ce qui permet d'apprécier
l'élégante fidélité de la traduction, — quelques passages exceptés. On n'est
point parfait, quelque Méry que l'on soit. Une chose dont les véritables
musiciens sauront à l'éditeur un gré infini, c'est le soin qu'on a pris d'in-
NOUVELLES ET ANNONCES.
diquer les détails de l'orchestration , l'entrée des instruments à vent, les
tenues, etc. Par ce procédé, un homme exercé peut se faire du coloris de
cet admirable ouvrage une idée presque aussi exacte que s'il avait la
grande partition sous les yeux. Hérold, dans la belle réduction qu'il a faite
de Mosè in Egitlo, avait déjà donné une fois cet exemple, qui n'avait pas
été suivi. Louons M. Heugel de l'avoir renouvelé.
« En tête de ce beau volume sont deux portraits lithographies de Ros-
sini. L'un est la copie d'un portrait peint à l'huile par un artiste allemand
appelé Mayer : l'original est dans le salon du maître ; l'autre est la repro-
duction d'une photographie parfaitement réussie de M. Numa Blanc. Le
premier, qui a dû être fort ressemblant, représente Rossini tel qu'il était
en 1820 ; le second vous le montre tel qu'il est en 1860. Quatre autres
lithographies reproduisent les quatre décors de l'Opéra, et le tableau pré-
senté par quatre des principales scènes. Enûn, rien n'a été épargné pour
rendre l'édition digne de l'œuvre, et l'on peut affirmer qu'aucune partition
n'a jamais été publiée avec autant de luxe, ni avec plus de soin. »
— On lit également dans le dernier feuilleton musical de l'Illustration:
« M. Camille Stamaty, l'hahile pianiste, qui continue chez nous l'ensei-
gnement de Kalkbrenner, et qui s'acquitte de celte honorable tâche avec
un si brillant succès, vient de commencer, dans les salons de MM. Pleyel,
Wolff .et fiie, rue Richelieu, <9S, deux cours spéciaux, l'un pour les jeunes
personnes, l'autre pour les jeunes gens qui se destinent à suivre la car-
rière artistique et professorale. Je copie le programme que j'ai sous les
yeux. — C'est une sorte d'école normale pour l'enseignement du piano.
Dans chacun de ces cours, les travaux sont alternativement individuels et
collectifs ; ils embrassent tous les genres de musique ancienne et moderne.
Il n'y a ni âge ni degré de force déterminés pour l'admission des élèves ;
mais des épreuves trimestrielles serviront à classer ceux-ci entre eux, et,
à la fin de l'année scolaire, il sera décerné des récompenses aux plus mé-
ritants. Ces cours dureront du 1er novembre au 1er août, et auront lieu
deux fois par semaine, les mardis et samedis : à 9 heures du matin pour
les jeunes gens, à midi pour les jeunes personnes. — Il n'est pas admis
plus de huit élèves en deux heures.
« Cette entreprise de M. Camille Stamaty mérite tout l'intérêt du public,
et sera éminemment utile à l'art musical. Il y a beaucoup de professeurs
à Paris, — peut-être trop; — mais il n'y en a presque pas en province.
Tous nos départements en demandent à grands cris. Puisse M. Stamaty
leur en expédier beaucoup ! Nous savons d'avance que tous ceux qui sor-
tiront de ses mains auront une instruction solide, le goût de l'art sérieux,
et ce vif sentiment du beau que donne l'étude assidue des grands maî-
tres. »
— Nous sommes en retard avec le concert donné, il y a quelques jours,
à Melun, par M. de Vroye, notre excellent flûtiste. M. et MmG Tagliafico,
Alard le violoncelliste et le pianiste hollandais Brewer avaient prêté leur
concours au bénéficiaire. C'est en termes pompeux que l'Indicateur gé-
néral de Seine-et-Marne rend compte de cette séance qui, sous tous les
rapports, a parfaitement réussi.
— Le comité du Progrès artistique qui comprend toutes les classes des
beaux-arts , les lettres et les sciences et qui compte dans son sein des
membres illustres de 1 Institut et de l'Université a pour but de faire con-
naître ses adhérents et leurs ouvrages. Il donne des séances mensuelles à
l'Hôtel de Ville et des concerts dans la salle du Lycée Louis-le-Grand. La
première séance solennelle a eu lieu dimanche 23. Elle a été des plus
brillantes tant par l'auditoire qui encombrait la vaste salle que par le
talent des artistes qui s'y sont fait applaudir. Nous citerons M1Ie Chardon
qui a exécuté sur le piano le Carnaval espagnol de Delioux et Y Impromptu
de Chopin, Mme Portelette et MUe Adam-Boisgontier interprétant chacune
une mélodie de M. Gustave Lefevre, président du comité : Yvonne et la
Bouquetière ont conquis vaillamment la sympathie de l'auditoire. M. Lan-
,cien a joué avec toutes les qualités d'un virtuose la fantaisie d'AIard
,sur la Muette. M. Bloch a dit de la manière la plus intelligente diverses
productions de Parizot. Le Duo bouffe chanté avec M. Lcgrain a
.couronné son succès. Signalons enfin l'orchestre bien dirigé par M. Molier
dans l'ouverture des Aveugles de Tolède de Méhulella Romanesca fort bien
instrumentée par M. Gustave Lefevre.
— Les bals de l'Opéra, sous la direction de Strauss avec son formidable
orchestre, ouvriront la saison 1861 le samedi 15 décembre. Samedi pro-
chain, le bal annuel de la Caisse des pensions des artistes de l'Opéra pré-
cédera la réouverture des bals masqués de l'Opéra.
AVIS AUX ABOME§.
La partition illustrée de SÉMIRAMIS de Rossini,
avec les DEUX PORTRAITS de G. ROSSINI (Naples
18SO et Paris 1S4SO) et les DESSINS REPRÉSEN-
TANT LES SCÈNES PRINCIPALES DE L'OUVRAGE,
est actuellement délivrée aux abonnés du Ménestrel.
Cette magnifique prime, offerte gratuitement
pour tout renouvellement ou abonnement complet
(chant et piano), prendra la place des quatre Albums
'Aii' Ménestrel, dont les morceaux n'en seront pas
moins publiés dans le Journal (voir ci-dessous).
Les abonnés au CHANT seul, ou au PIANO seul,
auront droit à la même prime, moyennant un sup-
plément d'abonnement de dix francs , s'ils ne préfè-
rent recevoir gratuitement :
1° A la place des deux Albums annuels pour le
Chant: la partition complète des SAISONSde J. HAYDN,
chant, piano et traduction française de G. Roger,
oratorio en quatre parties, seule édition conforme
à l'exécution des concerts du Conservatoire , et
ornée du portrait de HAYDN.
S" En échange des deux Albums annuels pour
piano : un beau Recueil de transcriptions et réduc-
tions des célèbres oeuvres concertantes, sympho-
niques et pour piano seul, de Haydn, Mozart et BEE-
THOVEN, par Jules WEISS, et contenant :
— 2. Menuet du [même trio. —
Allegro de la symphonie en mi
llivnv : 1. Final du trio en fa.
3. Final du trio en la. — 4
bémol.
BEETHOVEN : 5. Adagio et allegro de la symph.
du quatuor en fa. — S. Menuet et scherzo
gro du trio en mi bémol.
MOZART : O. {Menuets extraits de ses symphonies. — ÎO. Final de
la symphonie en ré. — 11. Final du quati
12. Frcsto de la sonate en si bémol.
c en ut. — 6. Final
septuor. — 9. Alle-
cn sol mineur. —
CATALOGUE des morceaux séparés des quatre ALBUMS
du Ménestrel [année 1860-1861), quiparailront de semaine
en semaine, à partir du dimanche 11 novembre 1860.
ALBUMS DE CHANT.
ROMANCES ET CHANSONNETTES.
e. IVADAIID.
La bruyère.
PAULINE TOUS.
Tes vingt ans!
F. MASINI.
Le Lever des Étoiles.
LÉOFOLD AMAT.
Sympathie.
H. POTIER.
Adieu les Fées I
DORVAL-VALENTINO.
Charmants Tyrans du cœur.
SCENES ET MELODIES.
O. NADAUD.
Le vent qui pleure.
PAULINE THVS.
Harmonie de Lamartine.
.«. -It. WEKERLIN.
9J Tyrolienne.
FÉLIX GODEFROID.
Ma mie Annette.
ALBUMS DE PIANO.
MUSIQUE DE DANSE.
ARBAN .
A vos Souhaits, polka.
I,. MICHELE
Polka militaire du Camp de Saint-Maur.
STRAUSS.
Sérnirumis , 2e quadrille.
PHILIPPE STUTZ.
Juana , polka- mazurka.
Ml'SARD.
Sémiramis, ■valse.
J.-L. BATTMANN.
Menuet et galop fiDal A'Orphée aux
Enfers, de J. Offenbach.
MORCEAUX DE SALON.
CROISEZ.
Guipures et Dentelles [n° 1).
CH. NEUSTEDT.
// mio Tesoro, transcription de Don Juan.
M Alt MO. VI' EL.
Musette, rondo pastoral.
PAUL BERNARD.
Bella sera, idylle.
LÉCUREUX.
Fleuve du Tage, transcription.
FÉLIX CODEFROED.
Les Abeilles, étude extraite du3u cahier
de l'Ecole chantante du piano.
Chaque demande ou renouvellement d'abonnement doit être accom-
pagné d'un bon sur la poste [franco). Joindre, pour les départements,
un supplément de 2 francs , montant de l'affranchissement des primes de
l'abonnement complet, ou un supplément de 1 franc pour l'affranchisse-
ment des primes séparées, piano ou chant.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frères, rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
INTRODUCTION
AUX
CLASSIQUES-MARMONTEL
LE JEUNE
TRANSCRIPTIONS ET RÉDUCTIONS
Des célèbres œuvres concertantes , symphoniques et pour piano seul
PAU
HAYDN.
1er Cahier. — San» octave».
1. Finale du" trio en ut 5
2. Finale du irio en fa S
3. Minuetto du trio en fa 5
4. Allegro du trio en sol 5
5. Allegro du Irio en fa 6
0. Allegro du irio en soi 6
7. Finale du trio en la 5
8. Allegro de la symphonie en mi bémol S
BEETHOVEN.
ïm0 Cahier. — Sans octaves.
9. Allegro de la sonate en sol, op. 14, n° 2 6 »
10. Finale de la sonate en ré, op. 12, n° 1 6 »
11. Finale de la sonate en fa, op. 17 5 »
12. Adagio et allegro de la symphonie en ut... 6 »
13. Finale du quatuor en fa, op. 18, n° 4 5 »
14. Minuetto et scherzo du septuor 5 »
15. Finale de la sonate en mi bémol, op. 12. . . 5 »
16. Allegro du trio en mi bémol, op. 3 6 »
Chaque cahier complet : 25 fr.
MOZART.
3mo Cahier. — IMêlé d'octave*.
17. Allegro de la sonate en fa 5 »
18. Trois menuets extraits de symphonies 6 •
19. Finale de la symphonie en ré 5 »
20. Finale du quatuor en sol mineur 7 50
21. Presto de la sonate en si bémol 5 »
22. Allegro de la sonate en la 5 »
23. Adagio et allegro de la sonate en sol mineur. 6 »
24. Allegro de la symphonie en ut 7 50
( «■»« Cahier. )
HAYDN.
1. Finale de la symphonie en ut 7 50
2. Finale de la 4° symphonie en sol 7 50
3. Andante de la symphonie en sol 7 50
4. Finale de la 1" symphonio en soi 7 50
BEETHOVEN.
5. Sonate en sol mineur, op. 49, n° 1 7 50
6. Sonate en sol, op. 49 , n° 2 7 50
7. Allegro de la sonate en la, op. 12, n° 2 7 50
8. Allegro de la sonate en fa, op. 17 7 50
MOZART.
9. Allegro de la sonate facile S
10. Andante de la sonate d° 5
11. Finale de la sonate d» 5
12. Marche turque 5
REPRODUCTION ALLEMANDE. — PROPRIETE DES EDITEURS.
Paris, an MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivicimc, HEUGEL et ir>, éditeurs, fournisseurs du CONSERVATOIRE.
BOTE et BOCK, à Berlin.
Typ. Charles do Muurgucs frêles, me J.-J. Rousseau, 8. — 1532.
752. — "28e Aimée.
m» s.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR,
Dimanche 9 Décembre
tSGO.
MEN
Q^r=a
TREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
DJ'ecteii-.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
JULES LOVY,
Rédact'en chef.
LES BUREAUX , S bis, rue Vivïenne. — HEUGEL et Ci", éditeurs.
C.IIiiYT. Œ@BnB2raP2@OT8 E)'Aœ@WHÎÎIM®Kl, S PIANO.
er Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; 30 Morceaux: [ 2e Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches ; «O Morceaux i
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine; ï Alhiims- Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; z Albuius-
illustrés. — Un an : 15 fr.; Province : 18
en quin
fr. ; Ètra
anger : 21 fr. I primes illustrés. -
chant et rn.vo nrr\is :
• Un an : 15 fr. ; Province : 1 8 fr. ; Etranger : 21 fr.
3e Mode d'abonnement contenant le Teste complet, les 53 Morceaux de chant et de piano, les & Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du 1" de chaque mois. — L'année commence du l»'décembre,etles52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection
un bon sur la poste, à MM. IIEI <:i.i, et Cie, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
( Texte seul : 8 fr. )
Typ. Charles de Mourgues frères,
Adresser/ranco
rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 7376.
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâtres : Gossec et Catel (16e ar-
ticle). L. Meneau. — Il Opéra-Comique : première représentation de l'Eventail.
— Semaine théâtrale. J. Lovy. — 111. Tablettes du pianiste et du chanteur :
De l'accentuation considérée dans ses rapports avec la sonorité , le rhythme et
la mesure (suite et fin). Marmontel. — IV. La session du Congrès pour la res-
tauration du plain-chant et de la musique d'église. J. d'Ortigtte. — V. Monu-
ment de Chérubiui — VI. Saison de Nice. — VII. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT :
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
LA SYMPATHIE
Paroles du chevalier d'Arluc, musique de Léopold Amat. — Suivra
immédiatement après : le Lever des Etoiles, paroles de M. Emile Bellier,
musique de F. Masini.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
IL IHIO TESORO ,
Transcription de Don Juan, par Ch. Neustedt. — Suivra immédiate-
ment après : la valse de Sémiramis, par Musard.
L0PÊR4 C03IIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
SECONDE PARTIE. — XIXe SIÈCLE.
. CHAPITRE VI.
GOSSEC et CATEL.
XVI.
Gossec et Catel.
Gossec et plus tard Catel facilitèrent la voie aux Nicolo, aux
Méhul, aux Boïeldieu En donnant à l'Opéra-Comique des
œuvres plus correctement écrites que celles de leurs devanciers,
ils formèrent le goût des auditeurs.
Ce ne furent point cependant leurs travaux dramatiques qui
contribuèrent le plus à leur célébrité.
François-Joseph Gossec (1) dut ses principaux titres de gloire
à ses morceaux de musique instrumentale, à ses compositions
religieuses et à ses chants patriotiques.
Lorsqu'il arriva en France, en 1751, il obtint, grâce à la
protection de Rameau auquel son maître l'avait adressé, une
place de chef d'orchestre chez le fermier général La Popelinière.
Il devint, par suite, directeur du Concert spirituel. Frappé de
l'état peu avancé de la musique d'orchestre en France à cette
époque, il écrivit des symphonies qui brillèrent singulièrement
à côté de celles de Lulli , de Mondonville, de Rameau , for-
mant le fonds du répertoire du Concert spirituel. Il écrivit les
symphonies qu'on nommait alors périodiques, à peu près en
même temps qu'Haydn en composait pour l'Allemagne. Celles-ci
devaient être connues de ce côté du Rhin vingt ans plus tard et
faire oublier à leur tour les symphonies du musicien français.
Gossec chercha à introduire sa réforme instrumentale dans
les opéras. Il constitua l'orchestre à peu près comme il l'est au-
jourd'hui, ne gardant des instruments à cordes que le violon, la
viole, le violoncelle et la contrebasse; il remplaça la flûte à bec,
fausse et d'un son peu agréable, par la flûte traversière, importée
d'Allemagne ; il rendit l'usage de la clarinette plus général et
proscrivit le cor de chasse pour mettre à sa place le cor d'har-
monie.
Ses titres, comme compositeur d'opéra-comique, sont quatre
ouvrages en un acte, donnés à la Comédie italienne : le Faux
lord, 1764; les Pêcheurs, 8 avril 1766, son plus grand succès;
Toinon et Toinette et le Double déguisement, pièce moins heu-
reuse que les précédentes et qui n'eut qu'une seule représentation.
Gossec était un des meilleurs maîtres français de composition,
(I) Né dans une petite ville du Hainaut , le 17 janvier 1733, et mort à
Passy le 16 février 1829.
10
LE MÉNESTREL.
quoique altaché, comme tous ses compatriotes musiciens, au
système de la basse fondamentale. Il eut au nombre de ses
élèves Cbarles-Simon Catel (1) , qui renversa le vieil édifice
théorique de Rameau et s'illustra par un traité d'harmonie resté
la base, le programme des ouvrages plus développés qui ont été
écrits depuis sur ce sujet.
Si l'opéra français a dans les veines du sang allemand et du
sang italien, il en est de même de nos théories musicales : Catel
condensa dans son traité, logique et clair, ce qu'il avait trouvé
de juste dans les ouvrages obscurs et embrouillés des maîtres
allemands et italiens.
Il écrivit quelques opéras comiques qui n'eurent peut-être
point le succès qu'ils méritaient; F Auberge de Bagnères (1807),
dont les paroles étaient d'Elleviou, comme nous l'avons vu,
possédait de charmantes mélodies, une vérité scénique bien
trouvée et surtout une pureté de style rare à cette époque, et ce
fut peut-être là ce qui nuisit à Catel. On sait la répulsion ridicule
d'une certaine partie du public pour les œuvres des compositeurs
réputés érudits. Musique de calcul, telle est la phrase absurde
avec laquelle bien des hommes de talent ont vu leur célébrité
éclipsée et assez souvent par de véritables médiocrités.
Les qualités qui brillent dans l'Auberge de Bagnères se re-
trouvent dans les Artistes par occasion, opéra comique repré-
senté la même année, mais dont le libretto était trop faible pour
que la pièce pût se soutenir au répertoire ; on remarque dans
cette partition un joli trio qui se chante encore aujourd'hui
dans les concerts.
En 1812, Catel donna les Aubergistes de qualité, composition
un peu froide dans laquelle je citerai cependant un joli duo pour
dessus et ténor :
D'un seul vœu mon âme est remplie...
Il écrivit ensuite la musique d'un drame en trois actes,
Wallace, qui eut un succès mérité, et dans lequel on applaudit
un charmant air de soprano :
Soyez sensible à ma douleur.
L'Officier enlevé (1819) fut son dernier ouvrage.
Le grand opéra de Sémiramis est ce qu'il donna de mieux à
la^scène, mais son chef-d'œuvre eut le sort des ouvrages de
Gossec; le libretto de Sémiramis servit plus tard de canevas h
un opéra éclatant qui devait faire oublier celui de Catel.
*
Rien "que cela ne se rattache point à l'histoire de l'opéra
comique, je ne puis avoir parlé de Gossec sans mentionner, fait
assez rare chez les artistes, qu'il était plein d'admiration pour
tous les compositeurs de talent de son époque ; s'il devint le
protégé de Rameau, c'est qu'il rendit hommage à ses œuvres,
comme plus tard, son admiration pour les opéras de Gluck lui
attacha ce grand génie.
Ce fut avec bonheur qu'il assista aux progrès de l'art musical
de son temps, progrès qui reléguaient souvent ses œuvres au
rang d'antiquailles. Lorsque Catel lui soumit son traité d'har-
monie, il l'embrassa en lui disant : « Tu me fais enfin com-
« prendre ce que je t'ar enseigné. » Aussi ce fut pour lui un
grand bonheur d'avoir « eu la chance singulière », dit Ad. Adam
dans les pages charmantes qu'il lui a consacrées, « d'entendre à
a Paris les dernières exécutions des opéras de Lulli, et d'assister
« aux premiers triomphes de Rossini. » Léon Meneau.
{La suite au numéro prochain.)
(1) Né à l'Aigle, en juin 1773, mort à Paris le 29 novembre 1830.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE l/OPÉRA-COMIQIJE.
L'Eventail , opéra-comique en un acte, paroles de MM. Jules Barbier et
Michel Carré , musique de M. Ernest Boulanger.
Voici un gracieux pastel musical, — qui nous a été servi
presqu'à l'improviste, et même à la grande surprise des auteurs.
M. Ernest Roulanger, notamment, le croyait renvoyé, — sinon
aux calendes grecques, — du moins à l'année prochaine : musi-
cien des plus distingués, il avait droit de supposer que les direc-
tions théâtrales ne feraient pas avec lui beaucoup de façons.
Mais, voyez la chance! Une artiste , prise de maladie subite, fait
ajourner Barhouf; nul autre ouvrage n'est prêt ; voilà l'Éven-
tail forcément inscrit au rôle, et le public parisien condamné,
— à venir applaudir une œuvre musicale des plus estimables.
La pièce de MM. Rarbier et Carré n'est pas sans analogie avec
les Caprices de Marianne, d'Alfred de Musset, — sauf le dé-
nouement. Elle a toute l'allure de Iâ~ fantaisie espagnole, avec
une légère dose de logique et de sérénité, comme l'exigent les us
et coutumes de la maison de Favart.
Une jeune veuve qui s'ennuie, — dame Rosalinde, — est
aimée du poète Fabrice; mais comme elle est aussi cruelle que
coquette, la voilà qui fait chasser à coups de bâton ce senti-
mental donneur de sérénades. Fabrice, furieux, confie-sa mésa-
venture à son ami le capitaine Annibal, un bravache, un han-
teur de tavernes.
— « Tu n'as que ce que tu mérites, avec tes lamentables
romances, lui dit le capitaine; passe-moi ta mandoline, et tu vas
voir comment l'on captive les femmes ! ... »
Là dessus messire Annibal entonne une fringante chanson
assaisonnée d'une pointe de raillerie. En effet, la belle inhumaine
ne tarde pas à reparaître sur son balcon, — mais pour jeter un
petit sou au chansonnier. Annibal est furieux à son tour; les
deux amis ont donc une double vengeance à exercer. — « Laisse-
moi faire, dit le capitaine, il faut absolument que la belle m'ac-
corde un rendez-vous ; je me fais fort de l'obtenir; alors tu t'y
rendras à ma place, et lui diras : « Annibal ne vous a jamais ai-
mée, madame, et moi je ne vous aime plus. »
Cette comédie anodine est acceptée. Or, selon les traditions,
le capitaine, tout en jouant avec le feu, s'enflamme le cœur ; et
de son côté Rosalinde n'est pas insensible aux propos du mau-
vais sujet.
Heureusement la belle veuve possède une jeune sœur des
plus avenantes et toute disposée à offrir au poète Fabrice une
fiche de consolation. Phébé hâte le dénouement en excitant le
dépit de sa sœur et la jalousie d'Annibal. L'éventail de Rosa-
linde, s' égarant de mains en mains, collabore activement au
résultat voulu, et tout annonce que deux mariages vont se célé-
brer le même jour. . . ou le lendemain. . . conformément aux
rites andaloux.
De ce canevas de bonne maison le compositeur a pris large-
ment sa part ; sa partition de Y Éventail est et restera la digne
sœur de ses aînées, le Diable à l'école et les Sabots de la mar-
quise. — Une série de morceaux mélodieusement conçus, habi-
lement traités; une orchestration saine, sans abus de sonorité,
— et du côté de la salle, de sincères marques de sympathie, tel
est le bulletin de la soirée.
Parmi les pages le plus fêtées, il faut citer les couplets à
boire chantés au lever du rideau par Annibal (Crosti) ; sa séré-
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
11
nade bouffe, et son duo avec Phébé (MIIe Cordier). Disons bien
vite que Crosti a donné à tous ces morceaux un excellent cachet.
Mentionnons encore l'air de MmeFaure-Lefebvre : Ah ma pau-
vre file, et le morceau de bravoure du veuvage, dont elle s'est
tirée de la façon la plus brillante. Ponchard, dans le rôle de
Fabrice, s'est montré, comme d'habitude, comédien de la bonne
école et gracieux chanteur. Son duo avecMlle Cordirîr est, sans
contredit, le plus joli morceau de la partition, aussi a-t-il pro-
voqué dans l'auditoire plusieurs salves d'applaudissements.
Bref, le succès de ce petit opéra a été légitimé* ; la présence de
l'Empereur ajoutait à l'éclat de la soirée.
Le spectacle commençait par la Perruche (musique de M. Cla-
pisson), dont Ambroise, Laget, M,les Pannetrat et Tuai ont fort
bien fait les honneurs. Ambroise, le transfuge des Variétés,
tient avec aisance tous les rôles qui lui sont confiés. Il s'acclimate
à merveille, et déjà le public l'accueille comme un enfant de la
maison.
J. Lovy.
SEMAINE THEATRALE.
A I'Opéra, le succès du Papillon prend de grandes propor-
tions. MIles Emma Livry et Marquet obtiennent chaque fois des
ovations princières. L'Empereur est allé voir une seconde fois
le charmant ballet de Mme Marie Taglioni et de M. de Saint-
Georges ; la foule sanctionnera avec empressement cette marque
officielle d'approbation.
La reprise de Guillaume Tell , avec le baryton Morelli,
Mlle Carlotta Marchisio, MM. Gueymard et Belval, est à l'ordre
du jour de cette semaine.
Avant-hier, vendredi, la 6e représentation du Papillon a été
de nouveau honorée de la présence impériale. Ce soir là l'af-
fiche s'était enrichie d'un attrait de plus : la première audi-
tion de la cantate Ivan IV, couronnée par l'Institut. On sait
que M. Achille Fould, alors ministre d'État, prenant en consi-
dération le succès éclatant du jeune Paladilhe, avait décidé que
sa cantate serait exécutée à l'Opéra. Son honorable successeur,
M. Walewski, s'est empressé de ratifier cette décision. MM. Mi-
chot, Cazaux et Mlle Amélie Rey chantaient les soli.
On a remarqué la sérénade du ténor, et le trio scénique qui a
servi de cadre à M. Théodore Anne pour développer le sujet de
sa cantate. Ce trio est une belle et grande page des plus méri-
tantes, surtout si l'on considère que les élèves mis en loge se
trouvent dans l'obligation d'écrire sur un canevas donné, à jour
fixe, pour des voix absentes, pour des instruments muets, et
dont, par cela même, leur jeune expérience ne saurait se rendre
un compte exact. A plus d'un titre, M. Paladilhe méritait donc
l'honneur qui vient de lui être fait, et son maître Halévy ajoutait
à cet honneur en venant encourager de sa présence sur la scène,
le jeune et vaillant lauréat.
Aujourd'hui dimanche , représentation extraordinaire de la
Sémiramis, par les sœurs Marchisio et MM. Obin, Dufrène et
Coulon. Demain lundi, le Prophète, pour la rentrée de Mme Te-
desco, et mercredi prochain septième représentation du Papillon.
Au Théâtre-Italien on a repris Marta, la suave partition
de M. de Flotow. Mme Alboni, dans le rôle de Nancy, s'est
montrée à la fois merveilleuse cantatrice et comédienne parfaite ;
sa verve a électrisé la salle entière. Graziani est toujours à la
hauteur de sa magnifique voix et de sa réputation. Mario, Zuc-
chini et Mlle Battu réalisent un délicieux ensemble, infiniment
supérieur h celui de la Lucie. Aussi la partition de Marta, mal-
gré son infériorité relative, attire-t-elle beaucoup de monde.
En attendant Barkouf, qui sera représenté vers le 20, —
M"e Marimon au lieu et place de M1Ie Saint-Urbain, — I'Opéra-
Comiqde nous a donné cetle semaine la première représentation
de l'Éventail avec la reprise de la Perruche. (Voir notre article
de ce jour.)
Le Théâtre-Lyrique donnera vendredi prochain la première
représentation des Pêcheurs de Catane , drame lyrique en trois
actes, de MM. Cormon et M. Carré, musique de M. Aimé Mail-
lart. L'administration n'a rien négligé pour augmenter l'intérêt
qui s'attache déjà à l'apparition d'une œuvre nouvelle de l'au-
teur des Dragons de Villars. On parle de décors et de costumes
splendides. Mais, outre ce luxe auquel on est habitué au Théâtre-
Lyrique, la première représentation des Pécheurs de Catane
servira aux débuts de Mlle Baretti et de M. Peschard, débuts
qui, si l'on en croit des indiscrétions de coulisses, sont appelés
à un bel avenir. Les représentations des Pécheurs de Catane
alterneront avec celles du Val d'Andorre, dont les recettes se
maintiennent au chiffre le plus élevé.
Aux Bouffes-Parisiens, le succès trois fois centenaire d'Or-
phée aux enfers retarde la première représentation de Fortunio,
nouvelle opérette de J. Offenbach.
*
Une comédie en cinq actes, en vers, de M. Louis Bouilhet,
vient de recevoir un brillant accueil à FOdéon : l'Oncle million,
tel est le titre piquant de cette œuvre, dont le succès a été par-
tagé par les interprètes, MM.. Tisserand, Kime, Thiron , Mes-
dames Thuillier, Ramelli, Mosé.
La Dame aux camélias, qui a tari toutes les larmes du Vau-
deville, s'est décidée à émigrer vers le Gymnase, où Mme Rose
Chéri personnifie le principal rôle d'une façon Irès-remarquable,
Lafontaine aidant.
En attendant la nomination du nouveau directeur, M. Dor-
meuil, les artistes du Vaudeville ont été autorisés à continuer
les représentations. La commission administrative se composait
de MM. Lafont, Brindeau et Saint-Germain.
Le Palais-Boyal a servi à ses habitués deux amusants vau-
devilles : le Passé de Nichette et le Serment d'Horace. Cette
dernière pièce , signée Henri Murger, ne saurait désavouer la
signature ; elle abonde en mots charmants. Ravel est fort humo-
ristique dans le personnage d'Horace.
Enfin, sur la scène de Mme Déjazet, notre spirituelle comé-
dienne a repris les Premières armes de Richelieu, et retrouvé
ses admirateurs d'autrefois. Trottmann le touriste, joué par
Dupuis, mérite une mention honorable.
J. Loyy.
P. S. Les obsèques de M. Louis Lurine, directeur du Vaudeville, ont eu
lieu dimanche dernier. Une foule considérable d'hommes de lettres, d'ar-
tistes, d'amis du défunt, remplissait l'église Notre-Dame-de-Lorette et ses
abords. Après le service, le convoi s'est dirigéversle cimetière du Nord. Les
cordons du poêle étaient tenus par M. Auguste Maquet, vice-président de
la Société des auteurs dramatiques ; M. Emmanuel Gonzalès, vice-président
de la Société des gens de lettres ; 51. Hippolyte Cogniard, directeur des
Variétés, et M. Brindeau, ancien sociétaire de la Comédie-Française, artiste
du Vaudeville. Le deuil était conduit par MM. Albéiic Second, Raymond
Deslandes et Edouard Martin. On remarquait dans l'assistance, M. Camille
12
LE MÉNESTREL.
Doucet, chef de la division des théâtres au ministère d'État; M. Scribe,
président à vie de la Société des auteurs dramatiques ; M. le baron Taylor,
président honoraire de la Société des gens de lettres ; plusieurs membres
de l' Académie-Française, presque tous les directeurs des théâtres de Paris.
Deux discours prononcés sur la tombe, l'un par M. Félix MallefiUe, l'autre
par M. Frédéric Thomas, ont laissé la plus profonde impression. La péro-
raison de M. MallefiUe : « Ci-git un homme d'honneur » restera la digne
épitaphe du défunt.
TABLETTES DU PIANISTE ET OU CHANTEUR.
DE L'ACCENTUATION
Considérée dans ses rapports avec
EA SONORITÉ, EA MESURE ET LE RIIYTIIIHE.
II.
ACCEXTS Km'THMIQUES.
Nous donnons le nom,à' accents rhythmiques, aux inflexions de
sonorité qui accompagnent toujours la note initiale des dessins
mélodiques, ou certains traits dont la configuration offre des ré-
pétitions fréquentes des mêmes formules.
Les pièces d'une allure vive et très-fWfmttî'nf'e comme les Taren-
telles, Saltarelles, Boléros, Mazurkas, Scherzi, présentent de
nombreux exemples de ces sortes d'accents.
Mais ce principe général trouve aussi bien souvent son appli-
cation dans des compositions d'un tout autre caractère. Phrases
expressives, études, etc., nous ferons seulement remarquer que
ces inflexions de sonorité doivent être finement indiquées, tracées
avec délicatesse, et variées d'intensité suivant la progression de la
phrase entière ; c'est une nuance qui s'ajoute à la couleur déter-
minée et dominante de la période musicale.
La fantaisie, le caprice, l'imagination et le génie des maîtres
variant à l'infini le contour des phrases, les arabesques des
traits , ce serait un acte de folie que de poser des règles absolues
et fixes d'accentuation; nous posons seulement ce principe qui
laisse tout le champ libre aux exceptions : qu'il doit y avoir dans
le son musical comme dans la parole une certaine progression
ascendante ou descendante, lorsque, un rhythme étant donné, il
se meut d'une manière régulière, périodique. Rien de monotone
et de fatigant comme la répétition fréquente des formules
rhythmiques ou mélodiques sans inflexion do sonorité.
Que le signe soit marqué ou non, le son doit suivre la marche
ascendante ou descendante indiquée par la figure des traits, et
cela sans oublier les accents secondaires ou saillants commandés
par la nature du trait, les proportions rhythmiques, les modu-
lations, cadences mélodiques et harmoniques.
Nous désignons sous le nom d'accents de mesure, l'inflexion
de force donnée aux notes placées sur les temps forts ou la partie
forte des temps, abstraction faite de leur valeur et de leur impor-
tance mélodique.
La main gauche, quoiqu'elle ait souvent une allure indépen-
dante, est plus particulièrement chargée d'indiquer les accents de
mesure, ou tout au moins de les soutenir par l'attaque un peu plus
prononcée des basses fondamentales ou chantantes ; mais celte
règle générale ne peut être posée en principe absolu, — bien des
exceptions d'un charmant effet faisant opposition à la règle.
Nous n'avons pas à indiquer ici les différentes variétés de
mesure ; l'étude du solfège et les principes élémentaires de la
théorie musicale apprennent aux élèves, dès leur début, quels
sont les temps réputés forts ou faibles; bornons-nous donc à
dire qu'un principe élémentaire de diction musicale veut que les
notes placées sur les temps forts soient plus légèrement accusées.
Ceci s'applique tout aussi bien aux formules mélodiques qu'aux
traits brillants ou légers, de quelque nature qu'ils soient. -
Celle accentuation se trouve complètement déplacée et changée
dans les passages syncopés. C'est encore au solfège que nous
renvoyons pour, la définition du mot syncope. Nous nous bor-
nons à dire que dans ces sortes de passages, le son attaqué sur le
temps faible et prolongé sur le temps fort, acquiert la valeur
d'accentuation réservée en principe aux temps forts ; le temps
faible devient fort, et par contre, le temps fort devient faible.
Indépendamment des accents de mesure et rhythmiques et
des accents qui tiennent au caractère de la mélodie, à son con-
tour, à la configuration des traits, à leur rhythme, à la nature
des accompagnements, la mélodie a des accents grammaticaux
qui lui sont propres. Ainsi, les appogiatures simples et doubles,
inférieures et supérieures, les brisés, les ports de voix, les altéra-
tions qui ont un caractère expressif ou modulatoire, portent tout
naturellement des accents dont l'intensité et la durée varient
suivant le caractère de douceur ou de force de la phrase mu-
sicale.
Les cadences ou repos mélodiques et harmoniques portent
aussi des accents sur l'avant-dernière note, celle qui précède le
repos. L'accent varie suivant la nature de la cadence momen-
tanée ou finale. Les accords dissonnants et modulatoires portent
aussi des accents de force. Dans les phrases expressives, on atté-
nue souvent l'effet dissonnant par un arpège ou en esquivant
avec douceur ce que la dissonnance peut avoir de dur.
Il y a dans le style des qualités d'accentuation qui tiennent à
la vérité d'expression, c'est là le sentiment individuel et natif
qu'il faut savoir respecter.
Mais il s'en trouve aussi un grand nombre qui dépendent de
la correction grammaticale. Ce sont ceux-là que nous avons eu
la prétention de mieux préciser en indiquant l'emploi raisonné
que l'on doit en faire, la place qu'ils occupent, l'influence qu'ils
peuvent avoir, le rôle actif et matériel qu'ils sont appelés à jouer
dans le discours musical.
Résumons-nous : •
Nous ne craignons pas d'affirmer que les principes généraux
rationnels d'une bonne accentuation grammaticale sont du do-
maine de l'enseignement.
Quant aux accents expressifs et pathétiques, ils échappent à
l'analyse, à la précision des règles. Les nuances si variées du
sentiment, les élans passionnés de l'inspiration se traduisent de
mille façons différentes, suivant l'organisation, la sensibilité et
l'instruction musicale de l'exécutant.
Ces différentes manières d'exprimer et d'interpréter la même
pensée constituent seules dans l'exécution l'individualité et l'ori-
ginalité de l'artiste.
Mais il y a dans l'exécution vocale ou instrumentale des
accents précis, invariables que l'on peut parfaitement désigner
sous le nom d'accenls orthographiques de la langue musicale.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
13
Une accentuation exacte, juste, conforme aux lois du goût et
de la méthode, résume une qualité plus rare qu'on ne pense, et
si nous avons un peu longuement insisté sur un sujet souvent
débattu et d'une utilité contestée par des musiciens dont nous
respectons la conviction, sans toutefois nous ranger à leur avis,
c'est parce que nous croyons du plus grand intérêt, pour les
progrès des élèves, de guider leur goût en les habituant dès les
premiers pas à colorer sagement leur exécution au moyen d'une
accentuation précise, juste et variée dans ses effets.
Marmontel.
LA SESSION DU CONGRÈS
pour la restauration du plain-euant et de la musique d'église.
Nous avons dit que la session du Congrès pour la restauration
du plain-chant et de la musique d'église avait eu lieu du 27 no-
vembre au 1er décembre inclusivement, dans le local de la So-
ciété d'Encouragement, rue Bonaparte, 44. Dès le mardi, 27,
les membres du Congrès s'étaient réunis à Saint -Eustache à
onze heures du matin, pour assister à la messe du Saint-Es-
prit, célébrée par M. l'abbé Simon, curé de cette paroisse. Cette
messe, à laquelle assistaient les membres du Congrès résidant à
Paris, ceux arrivés des provinces, et une foule de personnes dis-,
tinguées, a été accompagnée du chant du Veni Creator, alter-
nant avec le grand orgue , de plusieurs morceaux exécutés
par M. Ed. Batiste, l'excellent organiste , de l'exécution de
YAdoremus te, du Palestrina, et de VAve Maria des pèlerins du
xve siècle. Après le Domine salvum fac en faux bourdon, le
chœur a entonné un admirable cantique du P. Brydayne, qui a
servi comme de prélude à une belle et éloquente allocution que
le président du Congrès, M. l'abbé V. Pelletier, chanoine de
l'église d'Orléans, a prononcée en chaire.
N'oublions pas de dire que les maîtres de chapelle de quatre
paroisses de Paris: M. Delort, de Saint-Pierre-de-Chaillot;
M. E. Gautier, de Saint-Eugène; M. Dhibaut, de Saint- Jacques-
du-Haut-Pas, et M. Renaud, de Saint -Sulpice, avaient eu l'obli-
geance d'envoyer un certain nombre de leurs choristes pour con-
courir, sous l'habile direction de M. Hurand, maître de cha-
pelle de Saint-Eustache, à l'exécution des morceaux entendus.
Aussi cette exécution a-t-elle été parfaite.
Le soir, à trois heures, première séance générale pour l'adop-
tion définitive du règlement, la constitution des trois seclions et
la répartition des travaux dans chacune d'elles. On remarquait
au bureau : 31. l'abbé Pelletier, président; MM. F. Benoist,
A. de la Fage, d'Ortigue, vice-présidents; M. Rabutaux, secré-
taire général, et M. Calla, trésorier; au-dessous de l'estrade et
à la droite du bureau, le sténographe. C'est dans cette séance
que l'époque des concours proposé par les éditeurs de la Maîtrise
a été prorogée de trois mois.
Dès que les sections ont été saisies de l'ordre de leurs travaux,
on peut dire que le zèle le plus intelligent, la plus louable émula-
tion ont animé tous les membres, et les discussions les plus sé-
rieuses , les rapports les plus intéressants se sont succédé
d'heure en heure. Ainsi, chaque jour apportait un nouvel ali-
ment aux séances générales. Plusieurs membres y ont fait preuve
d'un véritable talent oratoire. Parmi eux, il faut citer M. l'abbé
Chantôme, M. Charreire, organiste de Limoges, ancien élève
de l'Institution des Jeunes-Aveugles, et M. le chevalier X. van
Élewyck, qui s'est présenté au Congrès au nom des intérêts de
l'art musical religieux en Belgique. On sait l'accueil tout sym-
pathique et cordial que l'assemblée tout entière a fait à la pa-
role éloquente et généreuse du chevalier van Élewyck.
N'oublions pas ce bon et respectable curé du village de Pif-
fonds, du diocèse de Sens, que l'on pourrait appeler le père le
Jeune du Congrès, M. l'abbé Bémond, qui est venu avec tant
d'humilité , de bonhomie , une élocution si simple et si insi-
nuante, plaider la cause des populations des campagnes, déshéri-
tées de tout plain-chant, de toute musique sacrée. C'a été là l'un
des épisodes les plus curieux et les plus inattendus du Congrès.
MM. les chanoines Gontier, du Mans; Planque, d'Arras;
M. l'abbé Stéphen Morelot, M. l'abbé Cloët, M. l'abbé Delatour,
M. l'abbé Brumare , M. l'abbé Vanson , M. l'abbé Valleix,
M. l'abbé Raillard, M. l'abbé Arnaud, M. l'abbé Jules Bon-
homme, M. l'abbé de Geslin, M. l'abbé Tesson, M. l'abbé Léger,
M. l'abbé Barbier de Montault, avec quelques laïques, MM. A.
de la Fage, AloysKunc, E. Gautier, Vervoitte, Gastinel, Char-
reire, Delort, Octave Poix, Dhibaut , Schmitt , Calla , Marli-
neau, etc., représentaient en quelque sorte la partie scientifique
des questions soumises au Congrès. Ces questions se trouvent
résumées dans une Adresse à l'Épiscopat, présentée par MM. de
Vaucorbeil, Bertrand et J. d'Ortigue , dont la discussion et
l'adoption ont occupé toute la séance générale du vendredi 30 no-
vembre. Cette Adresse est à la fois une déclaration de principes
et l'expression des vœux du Congrès. Nous la ferons connaître
prochainement à nos lecteurs.
Il n'y a eu qu'une voix dans l'assemblée pour admirer le talent,
la présence d'esprit, l'habileté, le zèle infatigable avec lesquels
M. l'abbé Pelletier a dirigé et souvent soutenu la discussion
pendant le cours de ces importantes séances.
La session du" Congrès avait commencé par un acte religieux;
elle s'est terminée par une bonne œuvre. Sur la proposition de
M, Ed. Batiste, une quête a été faite au profit de l'Association
des artistes musiciens ; cette quête, bien qu'effectuée au dernier
moment, n'a pas été sans résultat, et le produit a été envoyé,
dès le lendemain, à M. le baron Taylor.
J. d'Oktigde.
MONUMENT A CHERUBINI.
La ville de Florence a résolu de rendre à Cherubini l'hon-
neur qu'elle a rendu à ses hommes les plus illustres. Cherubini
est né dans cette ville le 14 septembre 1760, et, à l'occasion de
l'anniversaire séculaire de sa naissance, on a posé dans l'église
de Santa-Croce la première pierre d'un monument qui lui sera
érigé à-côté de ceux de Michel-Ange et de Galilée. Une commis-
sion composée d'hommes éminents s'est formée à Florence pour
recueillir les souscriptions nécessaires et^ en diriger l'emploi. Le
roi Victor-Emmanuel, le prince de Savoie-Carignan, ont ouvert
la liste des souscripteurs, et la ville même y a contribué pour
une somme importante.
La commission de Florence a fait un appel à la France, mais
l'initiative prise en cette circonstance par l'Italie aurait pu l'être
également par nous, car on ne saurait dire à laquelle des deux
nations Cherubini appartient le plus. S'il est né en Italie, s'il y
a fait ses premiers pas d'artiste, c'est en France qu'il a composé
ses chefs-d'œuvre, fondé une école et laissé d'immortels souve-
nirs. Notre part dans la dette commune est sans contredit la plus
forte, et nous serons heureux de l'acquitter. Un comité s'est donc
constitué à Paris ; il a lieu d'espérer que l'hommage de l'admi-
ration et delà reconnaissance sera digne des services rendus par
i V
LE MÉNESTREL.
le grand artiste dont la gloire demande une dernière consé-
cration.
La souscriplion est ouverte au Conservatoire impérial de mu-
sique et de déclamation, au bureau de M. Réty.
Les membres du comité :
MM. Auber, membre de l'Institut, Président;
Prince Joseph Poxiatowski, sénateur; Halévy, membre
de l'Institut, Vice-Présidents ;
Berlioz, Carafa, Clapisson, Georges Kastner, Meyer-
beer, Reber, Rossini , Ambroise Thomas, Membres
de l'Institut ;
Edouard Monnais, Secrétaire.
SAISON DE NICE.
On lit dans la Gazette des Eaux, correspondance de Nice :
— Depuis bien des années notre ville n'a reçu un aussi grand
nombre d'étrangers ; une riche société française, anglaise et
xusse s'est donné rendez- vous cet hiver a Nice. — Aussi notre
splendide soleil fait-il fête à tout ce beau monde qui nous ar-
rive de Paris, de Londres et de Pétersbourg. Aussi les réunions,
les bals et les concerts s'annoncent devoir être fort brillants, et
notre théâtre impérial italien, traduit en belles recettes chacune
de ses soirées. — Il est juste de dire que noire nouveau direc-
teur, M. L. Avette, homme actif et intelligent, offre à notre
élégant public étranger, la fleur du répertoire italien chanté par
des artistes que ne désavouerait pas la capitale. — Après la
Favorite et le Trovatore, dans lesquels la Sanchioli et laBerini
ainsi que Pozzo, Rossi et Binaghi ont été maintes fois rappelés,
on nous a offert YAroldo de Verdi, opéra inconnu ici. — Cet
ouvrage, malgré les beautés de premier ordre qu'il renferme, et
en dépit du mérite de ses vaillants interprètes, n'a pas fait
furore ! Pourquoi?... Chi lo sa?
La nouvelle direction voulant répondre aux sympathies de
la société d'élite qui fréquente assidûment le théâtre impérial,
a engagé Vicentelli , ténor de réputation , venant de la Scala
pour chanter la Traviata et Rigoletto. — Dans ces deux ou-
vrages, Vicentelli a eu un succès d'enthousiasme, ainsi que la
Berini qui, dans la Traviata surtout, s'est révélée cantatrice de
premier ordre, qui nous sera, hélas!... bientôt enlevée par
Paris. — On nous assure que notre infatigable directeur vient
d'engager un nouvel artiste, dont le nom m'échappe , pour
chanter / Masnadieri de Verdi. — La première représenta-
tion de cet opéra, nouveau pour nous, aura lieu très-prochaine-
ment. — Les nouveautés lyriques, vous le voyez, se succèdent
ici, aussi notre théâtre italien fait-il fanatisme
Le théâtre français, qui possède une des meilleures troupes
qu'il nous ait été donné d'applaudir à Nice , obtient également
du succès. — Le drame a pour interprètes des artistes d'une
véritable valeur, tels que Mmc Derouet et M. Haciot ; et les co-
miques Monbrun et Legais rivalisent d'esprit, de verve et de
gaîté dans le vaudeville.... mais.... ou disons mieux, malheu-
reusement ce théâtre n'est suivi que par la population niçoise,
et cela ne nous paraît pas suffisant pour couvrir ses frais d'ex-
ploitation.
NOUVELLES DIVERSES.
— A Vienne on a commencé les répétitions de l'opéra de Rubinstein,
les Enfants des Landes. L'œuvre sera représentée dans les derniers jours
de ce mois.
— Les nouvelles de Vienne nous apprennent aussi que la baronne Pas-
qualat a obtenu le privilège d'un nouveau théâtre qui portera son nom.
— Enfin, des correspondances de la même ville, nous assurent qu'au
théâtre de la cour, il n'y aura pas d'opéra italien cette année.
— La presse littéraire de Berlin a perdu un de ses représentants les plus
notables, Louis Rellstab, dont les journaux prussiens viennent de nous an-
noncer la mort. On doit à Rellstab un grand nombre d'articles de critique
musicale des plus estimés.
— Le violon Stradivarius dont Spohr s'est servi pendant un demi-
siècle, va être mis en vente par ses héritiers. On dit que c'est un des
meilleurs instruments à cordes connus.
— Le gouvernement actuel de la Chine, disent les correspondances, se
divise en quatre branches principales, confiées à des mandarins, et l'on
ne remarque pas sans intérêt que la quatrième branche , le département
de la musique, a pour président le frère du précédent empereur.
— On écrit de Rotterdam, que l'existence de l'opéra allemand a été ga-
rantie par la souscription d'actions du capital de 750,000 florins. L'éta-
blissement est en voie de prospérité et les représentations sont très-
suivies.
— On lit dans le Sun, journal de Londres : « Une grande matinée musi-
cale a été donnée samedi dernier dans la salle de V Assemblée, à Saint-
Léonard, Hasting, par Mme Thérésa Wartel, — matinée délicieuse pour
tous les assistants, et telle qu'on devait l'attendre d'un choix de musique
de la haute école, interprétée par des artistes qui en comprennent la res-
ponsabilité. Le beau trio en ré, de Mendelssohn, pour piano, violon et
violoncelle, ouvrait le concert et a été magistralement exécuté par Mme War-
tel, MM. Sainton et Piatti. Une fantaisie pour le violon par M. Sainton, et
un solo de violoncelle par AI. Piatti, ont mérité à ces deux artistes les plus
'vifs applaudissements. Quant à Mmc Wartel, elle s'est admirablement tenue
à la hauteur de sa réputation. Mentionnons enfin que la partie vocale a
été parfaitement défrayée par Mme Sainton-Dolby, et espérons que Mme War-
tel offrira aux habitants d'Hasling plus d'une occasion d'applaudir son beau
talent. »
— Le ténor allemand Reichardt, dont les concerts de Londres et de
Paris ont gardé le meilleur souvenir, est de retour parmi nous, il se pro-
pose, dit-on, de se faire entendre dans nos concerts et de répondre à l'appel
des sociétés philharmoniques des déparlements.
— Les concerts de la' société des Beaux-Arts de Nantes et de la société
philharmonique d'Angers, pour lesquels Mme Carvalho avait été appelée
de Paris, ont produit si grande sensation, que les deux administrations
théâtrales sont venues spontanément offrir un pont d'or à la célèbre can-
tatrice qui a dû chanter le Barbier, les Noces de Jeannette et Lucie. On
n'a pas idée, nous écrit-on, d'un pareil enthousiasme, d'un pareil em-
pressement. A Nantes, la loge de Mmo Carvalho était littéralement en-
combrée de fleurs ; du reste, on peut dire qu'Angers et Nantes se sont
disputé l'honneur de combler la grande artiste des prévenances les plus
délicates.
— Herman avait été également appelé par la société des Beaux-Arts de
Nantes, non-seulement pour s'y faire entendre comme soliste, mais aussi
pour accompagner Mme Miolan-Carvalho, dans l'air du Prc-aux-Clercs et
l'Ave Maria de Gounod sur le prélude de Bach. Son succès a été des plus
complets, malgré un triste épisode de voyage qui a failli le mettre dans
l'impossibilité de paraître en public. La veille, notre virtuose avait pris le
chemin de fer de Nantes et s'arrêta avec un certain nombre de personnes
à la gare des Aubrais à Orléans, où il leur fut servi du veau aux cham-
pignons, dont les tristes effets durent faire arrêter le train express deux
ou trois fois. Nos malheureux voyageurs étaient empoisonnés et de ma-
nière à se trouver, sinon en danger de mort, du moins, dans un état dé-
plorable. Ce n'est qu'avec un grand courage, que M. Herman a pu se lever
le lendemain au soir, pour tenir son engagement avec la société des
Beaux-Arts de Nantes.
— A Angers, c'est le violoniste W. Cattermole, élève de Léonard,
gendre de M. Fétis, qui a accompagné Mme Carvalho et de la manière la
NOUVELLES ET ANNONCES.
IS
plus remarquable. Nous devons aussi une mention toute spéciale au ba-
ryton Comte-Eorchard, qui, au théâtre de Nantes, a merveilleusement
secondé Mmo Carvalbo dans les Noces de Jeannette.
— MUc Bochkollz-Falconi, à peine do retour de la longue et brillante
tournée de concerts qu'elle a faite en Suisse et en Allemagne, en compa-
gnie du pianiste Auguste Mey, nous est revenue de nouveau de la Hol-
lande, où elle avait été appelée pour une solennité, à laquelle était égale-
ment convié le violoniste Ferdinand Laub, de Berlin. On nous assure que
les manifestations du public hollandais ont atteint les proportions d'une
véritable ovation pour les deux artistes.
— M. Bessems nous est revenu après des séances classiques données en
Belgique, et qui lui ont valu de réels succès par l'interprétation des maîtres;
c'est-à-dire que Beethoven, Mozart et Bocchcrini ont fait les frais de ces
séances qui ont laissé un souvenir très-grand dans le monde artistique
d'Anvers et de Bruxelles, où M. Bessems a fait entendre, en outre, des
œuvres nouvelles de sa composition.
— Notre excellent professeur Jacques Pothart vient do quitter le
Havre où il passe chaque année sa saison d'été. Il va reprendre à Paris
ses leçons et l'organisation d'un certain nombre de soirées musicales dont
il a la direction dans le monde dilettante.
— Une excellente musicienne qui faisait partie du trio féminin dont
nous avons eu plusieurs fois occasion de parler, MUa Maurice Reuclisel, est
morte il y a quelques jours à Paris, au moment où elle commençait à re-
cueillir le fruit de ses travaux.
— Notre pianiste-compositeur Melchior Mocker, après avoir parcouru la
Suisse, l'Italie et l'Allemagne, et y avoir fait connaître ses compositions,
est de retour à Paris, où il fixe désormais sa résidence.
— MUe Gabrielle Colson a inauguré ses mercredis par une intéressante
réunion d'élèves. M. Tayau s'est doublement fait applaudir par le charme
de son violon et ses spirituelles chansonnettes. M110 Colson a exécuté avec
infiniment de brio la belle transcription de Goria, la Marguerite au rouet.
Le chant était défrayé par Mme Labadie et une de sesjeunes élèves; Mme C,
dont on a beaucoup applaudi la belle voix de contralto. Nous signalons en-
core M. Altavilla, ténor italien; M. Audubert, baryton, et une pièce de
vers dite avec infiniment de goût par M. D'Herment.
— Une des meilleures élèves d'Alard, MUc Castellan, prix de violon,
s'est fait entendre dans un concert de bienfaisance donné à la Sorbonne.
Cette jeune artiste a produit un grand effet dans la fantaisie de Ballet de
Beriot et dans la Tarentelle d'Alard. A la vigueur de son coup d'archet, à
la pureté de son staccato et ses arpèges, on se croirait en présence d'un
artiste déjà fait. Que Mlle Castillan continue de mettre en pratique les le-
çons de son habile maître, et nous lui prédisons un avenir brillant.
— M. Th. Ymbert vient d'ajouter deux nouvelles fables de La Fontaine
à celles que nous avons annoncées. Ce sont : le Satyre et le Passant, et
ta Mort et le Btlcheron, pour voix de basse chanta.nte. Nous les signalons
à l'attention des artistes et des amateurs.
— Nous recommanderons aussi aux amateurs de jolies mélodies, bien
franches, bien naturelles, inspirées par des poésies élevées et profondément
senties, les deux productions : Etre deux et le Souvenir de Lamartine,
traduites en musique parM1,e de Saint-Gervais, compositeur-amateur, qui
écrit la romance à la manière de Mme Pauline Duchambge, c' est-à dire, avec
l'esprit et le cœur d'une femme du monde.
— Un élève de MM. Leborne et Halévy, M. Charles Poisot, compositeur
distingué et auteur d'une histoire de la musique en France, annonce un
cours d'harmonie pratique destiné aux gens du monde, aux chanteurs et
aux instrumentistes qui veulent étudier la composition.
— M11" Claire Bertou, l'auteur des valses : la Branche de Bruyère et le
Papillon bleu, et des œuvres concertantes à quatre et six mains : Qua-
drille concertant, les Honneurs partagés, polka; Léonie, polka-mazurka,
vient de faire paraître une Première romance sans paroles, dont le succès
peut se prédire à l'avance. C'est un chant sympathique accompagné de la
manière la plus distinguée.
— Samedi prochain, premier bal masqué de l'Opéra. L'orchestre Srauss,
exécutera l'album-1861 des bals de la cour et fera entendre pour la pre-
mière fois, la célèbre valse des rayons, dansée par Mlle Emma Livry dans
le Papillon, ainsi que le quadrille composé par Strauss sur les charmants
motifs de ce nouveau ballet deMme Marie Taglioni et de M. de Saint Georges,
musique de J. Offenbach.
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Ea partition illustrée de SÉÏHÏRAMIS «le Rossini,
avec les DEUX PORTRAITS de G. ROSSINB (Naples
18SO et Paris 1SOO) et les DESSINS REPRÉSEN-
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(chant et piano), prendra la place des quatre Albums
du Ménestrel, tlont les morceaux n'en seront pas
inoins publiés dans le Journal (voir ci-dessous).
Ees abonnés au CHANT seul, ou au PIANO seul,
auront droit à la même prime, moyennant un sup-
plément d'abonnement de dix francs , s'ils ne préfè-
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1° A la place des deux Albums annuels pour le
Chant: la partition complète des S AISONS de J. HAYDN,
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oratorio en quatre parties, seule édition conforme
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ornée du portrait de HAYDN.
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piano : un beau Recueil de transcriptions eta'éduc-
tions des célèbres oeuvres concertantes, sympho-
niques et pour piano seul, de HAYDN, MOZART et BEE-
THOVEN, par JULES WeisS, et contenant :
fa. — 3. Meamet du 'même trio. —
— 3. Meamet du juèi
Allegro de la symplii
SI 4 \ ICI : 1. Final du trio c
3. Final du trio en la.
bémol.
BEETHOVEN : 5. Adagio et allegro de la syniplioni.
du quatuor en fa. — 5. Menuet et selierzo du ;
gro du trio en mi liéniol.
MOZART : 9. [Menuets extraits de ses symphonies. — ÎO. Final do
la symphonie en ré. — 11. Final du quatuor en ■"/ mineur. —
13. Presto de la sonate en si bémol.
rplii
CATALOGUE des morceaux séparés des quatre ALBUMS
du Ménestrel [année 1860-1861), quiparaîtront de semaine
en semaine, à partir du dimanche 11 novembre 1860.
AEKCMS DE CHANT.
ROMANCES ET CHANSONNETTES.
C. IVADAU».
La bruyère.
PAKLiniE TUAS.
Tes vingt ans!
F. MASIlM
Le Lever des Étoiles.
LÉOPOI.D AMAT.
Sympathie.
II. PO I 11 II.
Adieu les Fe'es !
DORVAL-VALENTIIVO.
Charmants Tyrans du cœur.
SCENES ET MELODIES.
G. \lll\l IS.
Le vent qui pleure.
PAULïiVE «US.
Harmonie de Lamartine.
J.-B. WEKERI IV.
9- Tyrolienne.
FÉLIX GODEFROID.
Ma mie Annelte.
ALBUMS DE PIANO.
MUSIQUE DE DANSE.
AREAIV.
À vos Souhaits, polka.
!.. MICHEL!.
Polka militaire du Camp de Saint-JIaur.
STRAUSS.
Sëmiramis , 2e quadrille.
PHILIPPE STUTZ.
Juana , polka- mazurka.
MUSARD.
Sémiramis, valse.
JI.-L. BATTMANÎV.
Menuet et galop final d'Orphée aux
Enfers, de J. Offenbach.
MORCEAUX DE SALON.
CROISEZ.
Guipures et Dentelles {n° 1).
CU. NEUSTEDT.
Il mioTesoro, U-UDicviplionde Don Juan.
M A B.1IO.VII : I, .
Musette, rondo pastoral.
MU. BERNARD.
Bella sera , idylle .
I.l'.t.lREl A.
Fleuve du Tage , transcription.
FÉLIX GODEFRGL».
Les Abeilles, étude extraite du 3= cahier
de l'Ecole chantante du piano.
Chaque demande ou renouvellement d'abonnement doit être accom-
pagné d'un bon sur la poste [franco). Joindre, pour les départements,
un supplément de 2 francs , montant de l'affranchissement des primes de
l'abonnement complet, ou un supplément de 1 franc pour l'affranchisse-
ment des primes séparées, piano ou chant.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frères, rue Jean-Jacques Rousseau,
PARTITIONS , RECUEILS ET ALBUMS-1861 ,
PUBLIÉS AU MÉNESTREL , 2 bis , rue Vivienne.
SEMIRAMIS de ROSSINI,
Texte italien et paroles françaises de DIért ,
récitatifs de Carafa.
Partition illustrée de deux portraits de Rossini et des
principales scènes de l'Opéra.
Cartonnée : 20 fr. Reliure toile : 25 fr. Velours : 40 fr.
MELODIES
DE
A -E DE VAUCORBEIL
Un volume relié : 10 fr.
4' ALBUM DE CONCERT
DE
FERDINAND DE CROZE
1. Les Ombres, caprice-valse.
2. La Derbouka, chanson orientale.
3. Rêvez toujours, cantabile.
4. En aérostat, rêverie-étude.
5. Ciel et Terre, andante.
6. La Razzia, presto.
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
ALBUM-STRAUSS
Pour les bals de la Cour et de l'Opéra.
i. Comtesse Walewslca-valse. -
2. Comtesse Aguado-\a\se.
3. Comtesse Sweigkowska-fo\kn.
4. Comtesse Litta-va\se.
5. Comtesse de Cessole-vsAse.
6. Comtesse il/itrat-polka-mazurka.
Broché : 8 fr. Relié : 12 fr.
ALBUMS DE CHASSE
PAR
MM. BERTRAND et TELLIER.
TEXTE, ORGUE ET CHANT-
Collections du
JOURNAL LA MAITRISE.
Volumes cartonnés : 15, 18 et 36 fr.
LE LIVRE DU BON DIEU,
d'ÉDOUAR© PLOUVIER,
Musique de Harcier. — Textr et dessins. — Prix : 12 fr.
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FRÈRES LIONNET
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HAYDN.
1. Final du trio en fa.
2. Menuet du même trio.
3. Final du trio en la.
i. Allegro de la symphonie en mib.
MOZART.
0. Menuets extraits de sessymphon.
10. Final de la symphonie en ré.
11. Final du qnatuorenso/ mineur.
12. Presto de la sonate en si bémol.
BEETHOVEN.
5. Adagio etallegrodelasymphonie I 7. Menuet et scherzo du septuor.
en ut, 8. Allegro du trio en mi bémol.
6. Final du quatuor en fa. I
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
1 . Paul Bernard . Bel lu sera, idylle.
2. J.-L. Battmakn. Menuet et galop
d'Orphée aux enfers.
3. Ph. Stdtz. Juana, polka-ma-
zurka.
4 Th. Lécureux. Fleuve du Tage,
transcription variée.
Broché : 8 fr. Relié : 12 fr
5. Arbak. A vos souhaits, polka.
G. Ch. Neustedt. Il mio tesoro ,
transcription de Von Juan.
7. A. Croisez. Guipures et Den-
telles (n» 1)
8. Strauss. 2e quadrille sur Sémi-
DECAMERON DRAMATIQUE.
Album de danse par
J OFFENBACH
LES SAISONS de J. HAYDN
Oratorio en quatre parties.
Traduction française de G. Roger, seule édition con-
forme à l'exécution des concerts dû Conservatoire,
orné du portrait de J, Haydn.
Broché : 10 fr. Reliure toile : 15 fr. Velours : 30 fr.
ALBUM COMIQUE
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LEVASSOR-
Cartonné : 10 francs.
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1. Mes solitudes, 4e noclurne.
2. Souvenirs d'Allemagne, 3e valse.
3. Ronde pastorale, 3e idylle.
4. Confidence, romance sans paroles.
Fête aux Champs, galop pastoral.
6. La Hongroise, caprice-mazurka.
Rroché : 10 fr. Relié : 15 fr.
LE JEUNE PIANISTE.
Morceaux faciles sans octaves ,
composés par
H- VALIQUET, J.-L BATTMANN,
A DESSANE
Broché : 8 fr. Relié : 12 fr.
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LABORDE , avec dessins.
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CH DELIOUX
' Deux Sérénades (n° 1 et 2).
TH LÉCUREUX-
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Fleuve du Tage. — Mœris, de Mme Gail.
Valse des Pâtres du Valais.
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L'absence, sonate romantique. -Andante pastoral.
Airs savoisiens variés.
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Galop de concert . \ Prima sera, idylle.
FÉLIX GODEFROID
Joanhnisberg, valse desalon. | Une Fièore brûlante, transcription.
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Armide de Gluck.
Morceau de concert, varié. | Morceau de salon , varié.
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Composés pour les bals de la Cour et de l'Opéra.
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IV" 3.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Hiiiiiinclic \i\ Décembre
1860.
nt^s-ga
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
MUSIODE ET THEATRES.
JULES LOVY,
(AU'
L:;S BUREAUX , S bis, rue "Vivienne. — HEUGEL e* Ci", éditeurs.
Magasins et Abonnement de IVItisiqnc du MÉNESTREL. — Vente et location de Pianos et Org
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er Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; S6 morceaux:
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine: l Albums-
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
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Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Albums-
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ut le Texte complet, les 5« Morceaux do chant et de piano, les 4 Albu
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — tejteet musique, — forment collection. Adresser/rarceo
un bon sur la poste, à MM. HCltGEI. et C'a, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgnes frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 6. — 7571.
S030IAIÏIE.
TEXTE,
I. L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâtres •. Nicolo, Méhul (17» ar-
ticle). L. Meneau. — II. Semaine théâtrale. J. Lovr. - III. Tablettes du pia-
niste et du chanteur: De la mesure. Paul Bernard. — IV. Bal annuel des
artistes de l'Opéra. G. Bertrand. — V. Théâtre-Italien : Concert de J ,-B.
Wêkerlin. — VI. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE M PIANO :
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour:
IL MIO TESOBO,
Transcription de Von Juan , par Ch. Neustedt. — Suivra immédiate-
ment après : la valse de Sêmiramis, par Musard.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
LE LEVER DES ETOILES ,
Paroles de M. Emile Bellier, musique de F. Masini. — Suivra immé-
diatement après : Harmonie de Lamartine, musique de Mm0 Pau-
line Thïs.
Voir à In page des Nouvelles diverses, pour les Primes du Ménestrel,
année l»VG-f »Si.
I/OrËRA-COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
SECONDE PARTIE. — XIXe SIÈCLE.
CHAPITRE VI.
MC.Ol.o et MI lit I .
XVII.
Nicolo.
Nicolo appartient bien plus que les deux auteurs précédents
à l'histoire de l'opéra comique. Sans être un écrivain irrépro-
chable, il réunissait quelques-unes dis qualités de style de
Gossec et de Catel au charme des mélodies de Gréiry et de
Dalayrac.
Son véritable nom était Nicolas lsouart. Né à Malte, en 1775,
de parents français, il l'ut envoyé à Paris pour y faire ses études ;
on le destinait à la marine royale, mais la révolution de 89
ayant modifié les intentions de son père, il revint à Malte où on
le plaça dans le commerce.
Cette nouvelle carrière ne lui convenait guère; il sentait en lui
déjà se développer sa passion pour la musique. Il obtint des le-
çons d'harmonie du maître de chapelle des chevaliers de Malte.
Le père lsouart s'apercevant que son fils consacrait à l'étude de
la musique beaucoup de temps, le sépara de son maître, qui
l'avait pris en affection, voyant se développer chez lui très-rapi-
dement de grandes dispositions pour la composition.
Nicolas fut envoyé à Palerme, mais il y trouva encore mieux
qu'à Malte l'occasion de se livrer à ses goûts artistiques. De
Palerme on le plaça à Naples chez des banquiers allemands ; il
termina, dans cette ville, ses études de composition , son séjour
dans la patrie de Léo, de Durante, de Scarlatli, de Pergolèse, de
Cimarosa, ayant décidé complètement de sa vocation.
Il obtint un libretto [Avviso ai Maritati) pour le théâtre de
Florence, et signa la partition de son nom de baptême en italien,
Nicolo lui paraissant plus musical qu'IsouART.
Lavviso n'eut pas un grand succès et cela put donner à réflé-
chir au jeune auteur ; il dut craindre d'avoir mal fait de laisser
le commerce ; mais il fut plus heureux à Livourne avec son
opéra à'Arlaserse, qui lui procura la connaissance du grand
maître de l'ordre de Malte. Celui-ci le ramena dans sa patrie et
lui fit obtenir la place de maître de chapelle de l'Ordre.
Après l'arrivée des Français à Malte et la suppression des
chevaliers, il fut conduit, par le général Vaubois, à Paris, où on
l'engagea à s'établir. Il y fut patronné par R. Kreutzer, qui lui
aplanit les difficultés du début au théâtre.
Nicolo se fit connaître comme compositeur dramatique par la
musique du Tonnelier, ancien opéra-comique que Delrieu avait
parodié et pour lequel il écrivit de nouvelle musique. La pièce
ne réussit point.
18
LE MÉNESTREL.
Il donna la même année (1799), un opéra-comique en un
acte : la Statue ou la Femme avare, qui n'eut pas plus de bon-
heur que le Tonnelier.
Après quelques collaborations heureuses, telles que le Baiser
et la Quittance, partition à laquelle avaient travaillé Méhul ,
Kreutzer et Berton , il réussit dans plusieurs petils opéras :
Michel-Ange (1802) j le Médecin turc (1803), l'Intrigue aux
fenêtres (1805). Cependant ses succès durables n'arrivèrent que
plus tard, lorsqu'il eut à lutter avec un rival plus fort que lui ,
avec Boïeldieu par qui Nicolo ne voulait point se laisser éclipser.
Il avait eu cependant un autre émule d'une grande valeur ,
l'auteur de Joseph; mais les œuvres de Méhul, comme on le
verra bientôt , quoique plus fortement trempées que celles de
Nicolo, avaient eu le malheur et le mérite de devancer leur
temps. Celle musique sévère et magistrale ne devait être appré-
ciée à sa juste valeur que de nos jours, tandis que celle de Boïel-
dieu avait le charme de plaire du premier coup. Il se fit alors
deux camps, un agréable pendant aux querelles des Gluckistes
et desPiccinistes.
Nicolo, pour soutenir sa réputation, dut écrire des partitions
plus musicales que celles qu'il avait données jusqu'à ce jour.
C'est à partir de ce moment que l'on compte ses pièces à grand
succès : les Rendez-vous bourgeois, un acte (1805) ; Un jour à
Paris, trois actes (1808); Cendrillon, trois actes (1810); le
Billet de loterie, un acte (1811) ; Joconde, trois actes, et Jeannot
et Colin, trois actes aussi; ces deux pièces en l'année 1814.
Les Rendez -vous bourgeois ont dû, sans doute, principale-
ment leur vogue soutenue , actuelle, et qui défiera le temps, au
comique du libretto d'Hoffmann (1) ; mais les autres œuvres que
j'ai ensuite citées possédaient un mérite musical réel, et s'il est
impossible qu'elles soutiennent la comparaison avec celles de
Boïeldieu, qui brillent par plus de verve, on y trouve du moins
des mélodies d'une franchise d'allure des plus séduisantes. Parmi
les morceaux remarquables des meilleures pièces de Nicolo, on
doit citer :
Dans Cendrillon, le quatuor d'introduction dans lequel la
chanson de l'héroïne : II était un p'tit homme, se marie avec
esprit au motif des deux sœurs : Arrangeons ces dentelles, et à
l'air de la basse : Ma chère enfant, soyez tranquille le duo
deClorinde etThisbé: Ah ! quel plaisir ! ah! quel beau jour !...
l'air d'Alcindor : Conserves bien cette bonté... le duo: Vous
l'aimez donc avec tendresse ?. . .
Dans le Rïllet de loterie, l'air de soprano devenu classique :
Non, je ne veux pas chanter...
Dans Joconde, l'air célèbre dans lequel Martin pouvait faire
ressortir l'étendue et la souplesse de sa voix : J'ai longtemps
parcouru le monde... le duo plein d'entrain: Ah ! monseigneur ;
je suis tremblante... les couplets : Parmi les filles du canton,
un des succès de Mme Gavaudan. . . le quatuor : Quand on attend
sa belle... enfin la romance : Dans un délire extrême...
Dans Jeannot et Colin, le duo ravissant de Colin et Colette :
Tous mes plaisirs étaient les siens , la suave romance : Oh !
Jeannot me délaisse..., et l'air également devenu classique :
J'ai perdu l'ami de mon cœur.
(1) François-Benoît Hoffmann, né à Nancy le 11 juillet 1760, méprisait,
dans sa jeunesse , les auteurs d'opéras-comiques, et protesta pour cela
par une épigramme à la nomination de Sédaine à l'Académie française ;
il écrivit ensuite, comme pour faire amende honorable, une quantité de
libretti : Adrien, Euphrosine, Stratonice, Médée, Ariadant, le Trésor
supposé, etc. Il mourut le 27 avril 1828.
Etienne avait pleinement réussi en arrangeant pour la scène
une fable de Perrault, il se risqua à traiter delà même manière
un conte que La Fontaine avait tiré de Roland furieux; l'entre-
prise, plus périlleuse, réussit, et Joconde obtint un immense
succès de recette. Les deux collaborateurs, ne voulant point
laisser se refroidir l'enthousiasme du public à leur égard, don-
nèrent, avant que le succès de Joconde fût épuisé , Jeannot et
Colin, bergerade de la plus grande simplicité qui réussit, grâce
aux mélodies gracieuses de Nicolo, 'a qui le genre champêtre
convenait on ne peut mieux.
Quoique les partitions de Joconde et celle de Jeannot et Colin
fussent supérieures à celle de Cendrillon, elles n'eurent point,
dans le temps du moins, autant de vogue. Aujourd'hui ce serait
l'effet contraire que nous aurions à constater.
Nicolo altéra sa santé par des excès qui abrégèrent son exis-
tence. Il n'avait, en effet, que quarante-deux ans lorsqu'il mou-
rut le 23 mars 1818.
Il eut, à ses derniers moments, le chagrin de voir son rival
Boïeldieu arriver à l'Institut, alors qu'il s'était en vain présenté
en même temps que lui pour être admis dans ce corps savant.
Il laissa inachevée la partition d'Aladin ou la Lampe merveil-
leuse, qui fut terminée par Benineori (1) ; mais celui-ci n'eut
pas non plus le plaisir de voir exécuter cette pièce, il mourut
quelques jours avant la première représentation, qui eut lieu le
6 février 1822.
Nicolo n'avait pas produit moins de six opéras italiens et
trente-trois opéras français, dont plusieurs chefs-d'œuvre au
point de vue du genre, et cependant, comme je l'ai dit plus haut,
les portes de l'Institut lui restèrent obstinément fermées. Il faut
avouer qu'on est moins intraitable de nos jours.
Je comparerai volontiers Nicolo au peintre Lancret, et Méhul
à David. Nicolo séduisait par des partitions faciles, des tableaux
de genre d'un style agréable ; les mâles" accents de Méhul ,
grandes pages d'histoire, ne furent pas toujours comprises du
premier coup par la foule. On peut dire de lui ce que Mozart
disait de son Don Juan : « J'écris pour moi et pour quelques-
uns de mes amis. » Méhul écrivait également pour lui, plutôt
que pour le public.
Son caractère timide outre mesure, sa bonté qui le portait à
s'occuper de ses amis avant de penser à son propre bien-être ;
la peine que lui causèrent quelques rares insuccès, des chagrins
domestiques et enfin la maladie qui abrégea ses jours, altérèrent
singulièrement sa vie.
Il naquit à Givet, petite ville des Ardennes, le 22 juin 1763,
selon quelques biographes, le 24 selon d'autres. Son père était
cuisinier et obtint, par la suite, grâce au crédit de son fils, une
place de garde du génie (2). Il reçut des leçons de musique d'un
organiste aveugle. La vivacité de son imagination lui fit deviner
(1) Bénincori , né à Brescia le 28 mars 1779, a écrit trois petits opéras-
comiques qui n'ont point eu de succès. Le chagrin qu'il conçut de ces
mécomptes successifs contribua à augmenter la maladie qui le conduisit
au tombeau le 30 octobre 1821.
|2) Telle est l'opinion de M. Fétis, dans la première édition de sa Bio-
graphie universelle des musiciens; quelques biographes (M. Quatremère
de Quincy et M. P.-A. Vieillard, entre autres), pensent que, dès la nais-
sance de son fils, le père de Méhul servait dans le génie.
TABLETTES DU PIANISTE ET DO CHANTEUK.
19
les ressources de l'orgue, et lui mérita bientôt la place d'orga-
niste de l'église des Récollels. Appelé par la suile dans la com-
munauté des Prémontrés par le chef du chœur, l'abbé Hanser,
qui découvrit ses heureuses dispositions, il y reçut des leçons de
ce savant maître de contrepoint. Méhul était, dans ce couvent,
organiste en second. Il fut entendu par le colonel d'un régi-
ment en garnison à Charlemont, riche et grand amateur de
musique, qui l'amena à Paris et pourvut à son entretien.
Là, Méhul fit la connaissance de Gluck, et la sincère admi-
ration qu'il professa pour les œuvres de l'auteur i'Iphigéhie lui
conquit son amitié.
Cette liaison introduisit dans l'opéra-comique l'élément ger-
manique qui lui avait fait défaut jusqu'à ce moment, et qui
devait singulièrement vivifier le genre et se résoudre en l'œuvre
d'HéroId, admirable composé de l'esprit français, de la morbi-
dezza italienne et de la poésie allemande. C'est là un fait capital
dans l'histoire de l'art.
Méhul avait écrit un grand opéra, Alonzo et Cora, dont les
représentations ne paraissaient point devoir être prochaines.
L'Opéra-Comique lui ouvrit ses portes, et l'année 1790 sa pre-
mière pièce, Euphrosine et Coradin, ou le Tyran corrigé, dont
les paroles étaient d'Hoffmann, vit le jour. Du premier coup
Méhul conquit une place élevée parmi les compositeurs de son
temps. Avant d'écrire Cora, il s'était longuement préparé par
trois opéras composés sur de vieux libretti et sous les yeux de
Gluck; aussi peut-on dire que le talent de Méhul était mûr
lorsqu'il présenta à la scène Euphrosine et Coradin.
On remarque dans cette partition les qualités et les défauts
qui sont propres à ce maître et que nous retrouverons dans ses
autres œuvres : une orchestration ferme, une élévation soutenue
dans le style, mais aussi quelque froideur dans la mélodie et
parfois une certaine monotonie dans les accompagnements.
L'ouverture à' Euphrosine démontra que Méhul avait appris
à l'école de Gluck la science d'une constitution orchestrale plus
robuste que celle des autres opéras-comiques du temps. Ce qui
impressionna à juste titre dans cette pièce, ce fut le duo de la
Jalousie, supérieur à ce qu'on entendait alors. Le morceau dé-
bute sourdement sur ces mots :
Gardez-vous de la jalousie,
Redoutez son affreux transport.
peu à peu l'orchestre s'anime, et la péroraison éclate au milieu
des traits rapides des violons et des hurlements des trombones,
instruments rares à cette époque et dont l'effet, par conséquent,
était saisissant. Méhul semble avoir voulu dépeindre les fureurs
des Euménides, aussi Grétry dit-il, à ce propos, dans ses essais
sur la musique : « L'explosion qui est à la fin semble ouvrir le
» crâne des spectateurs avec la voûte du théâtre. Dans ce chef-
» d'œuvre, Méhul est Gluck à trente ans. » On doit citer aussi,
parmi les bonnes parties d'Euphrosine et Coradin, le quatuor :
Toutes trois vous êtes jeunettes
A partir de ce moment, l'Opéra s'empressa déjouer Alonzo et
Cora et les nouvelles partitions du même maître : Stratonice,
Adrien, etc....
Il revint à l'Opéra-Comique avec le Jeune sage et le Vieux
fou (1~93), et la Caverne (1794), qui fut représentée à Favart
après la pièce du même nom que Lesueur avait donnée l'année
précédente à Feydeau. L'œuvre de Lesueur conserva seule la
vogue.
En 1797, Méhul eut un échec partiel avec le Jeune Henri,
opéra-comique dont Bouilly avait fait les paroles. On sait que
l'ouverture plut énormément au public, si bien qu'il voulut l'en-
tendre deux fois de suite et refusa ensuite de laisser achever la
pièce ; mais néanmoins après avoir fait baisser le rideau, comme
fiche de consolation décernée au musicien, on redemanda une
troisième fois l'ouverture, qui devint ensuite un des morceaux
classiques du répertoire des concerts à grand orchestre.
En 1799, Méhul donna Ariodant, dans lequel on retrouve
les beautés habituelles à l'auteur. La conformité du librelto
d'Hoffmann avec celui de Montano et Stéphanie de Berlon ,
nuisit au succès d' Ariodant où se trouve l'air si connu :
Femme sensible, entends-tu le ramage ?
Êpicure (1800), dont le libretto était de Desmoustiers, et à
la partition duquel avait travaillé Chérubini, ne réussit point ;
il en fut de même déport, pastorale héroïque d'Hoffmann. Ces
sujets tragiques ne seront jamais goûtés à l'Opéra-Comique ; la
tendance de celte scène à copier le grand opéra, m'a toujours
semblé préjudiciable au genre. C'est là un point sur lequel je
compte insister à la fin de ce travail.
Méhul prit une éclatante revanche le 19 février 1801, avec
Ylrato de Marsollier.
Voici ce qui avait donné naissance à cette bouffonnerie (1) :
Une troupe italienne venait de s'établir à la salle Chantereine,
jouant les opéras de Paësiello, Cimarosa , etc La grande
vogue qu'attirait ce spectacle blessa la susceptibilité nationale
de Méhul, qui se dit qu'il ne lui serait point difficile de com-
poser de la musique dans le genre bouffe italien. Il pensait que
ceci n'était qu'une affaire de procédés. On afficha donc Ylrato,
opéra bouffe, traduit de l'italien, musique de signor Fiorelli.
C'était une satire des formes italiennes. Le compositeur fut ad-
mirablement secondé dans la réussite de son projet par une
exécution excellente confiée à Martin, dans le rôle de Scapin,
qui entraînait les morceaux d'ensemble ; à Elleviou , très-co-
mique dans le personnage de Lysandre, à Solié, à Dozainville,
à Mme Philis. Ces artistes tenaient à honneur, eux aussi, d'é-
clipser les Italiens. La pièce réussit parfaitement. Méhul la
dédia au Premier Consul, qui avait assisté à la représentation,
et dont il connaissait le faible pour la musique italienne, afin
de s'excuser en quelque sorte de la petite mystification qu'il
avait voulu jouer aux partisans exclusifs de l'école napolitaine.
Les mélodies de Ylrato sont distinguées et bien coupées.
Outre le célèbre quatuor dout j'ai parlé à propos de Martin, il
faut citer encore les couplets :
Si je perdais mon Isabelle....
dans lesquels on remarque les effets d'accompagnements iro-
niques ; l'air :
J'ai de la raison, j'ai de la sagesse,
le fameux trio :
et le duo
Femme jolie et du bon vin,
Voilà les vrais biens de la vie..
Jurons de les aimer toujours.
L. MENEAU.
[ La suite au prochain numéro.)
(1) Cette version est contestée. Nous y reviendrons à propos d'un travail
spécial sur Méhul, sa vie et ses œuvres, travail des plus intéressants, publié
par M. P.-A. Vieillard, bibliothécaire du Sénat, qui a bien voulu en auto-
riser la reproduction complète dans le Ménestrel.
20
LE MÉNESTREL.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Par décret impérial du 8 décembre , M. le comle Bacciochi,
premier chambellan de Sa Majesté, surintendant des spectacles
de la Cour, a été nommé surintendant des" théâtres impériaux
(voir aux Nouvelles diverses).
En attendant la reprise de Guillaume Tell, à FOpéra , pour
la continuation des débuts de Mlle Carlotta Marchisio , et la
rentrée de Morelli , les soirées du Papillon deviennent de plus
en plus brillantes. L'Empereur a honoré de sa présence une
quatrième fois ce charmant ballet, — honneur sans précédent
dans les fastes chorégraphiques de la rue Lepellelier. La mu-
sique de M. Offenbach partage, avec le livret de Mme Marie
Taglioni et de M. de Saint-Georges, les ovations décernées chaque
soir à M"e Emma Livry, l'incomparable papillon. La fée Hamza,
MUe Marquet, est toujours resplendissante de beauté et d'expres-
sion au deuxième acte. En somme, grand succès sur toute la ligne.
Le Théâtre-Italien , séduit par le succès de la Sémiramis
française, a repris celte semaine la Semiramidc italienne, espé-
rant que la comparaison et la lutte entre d'éminents artistes
offriraient un vif attrait de curiosité. Cet espoir s'est justifié,
bien que l'œuvre, salle Venladour, soit dénuée de ses pompes
théâtrales. Les honneurs de la soirée ont été pour Mme Penco
(Sémiramis), Mme Alboni (Arsace), Badiali (Assur), et un nou-
veau ténor, M. Pagaas, qui complétait le personnel. Le débu-
tant ne manque pas d'une certaine agilité vocale, mais la voix
ne nous semble plus de la première fraîcheur.
Le Théâtre-Français étudie activement la nouvelle comédie
de M. Emile Augier, les Effrontés. L'auteur a eu l'honneur de
lire sa pièce aux Tuileries, devant l'Empereur. M. Augier, dit-
on, n'a jamais rien écrit de plus hardi, de plus incisif.
A rOpÉK.v-CoittiQDE, MUo Marimon vient de s'essayer avec
bonheur dans le rôle d'Isabelle du Pré aux Clercs : Warot ,
chargé pour la première fois du personnage de Mergy, a été
également fort applaudi. C'est aussi Mlle Marimon qui jouera ,
dans Barkouf, le rôle confié successivement à Mmos Ugalde et
Saint-Urbain. On croit que l'opéra de MM. Scribe et Offenbach
pourra être donné samedi prochain.
Le Théâtre-Lyrique nous annonce pour demain lundi , la
première représentation des Pécheurs de Catane, avec les dé-
buts de Peschard et MUe Baretti. Ce sera une soirée doublement
attrayante.
Les Bouffes-Parisiens annoncent également une nouveauté
pour cette semaine; la plume musicale d'un grand personnage
n'y serait pas étrangère. — (l'est la nouvelle du jour des salons
officiels.
Au Gymnase, le Voyage de M. Perrichon, qui devait alterner
avec la Dame aux Camélias, est subitement arrêté par un acci-
dent cruel arrivé à Geoffroy. Cet excellent comédien , en jar-
dinant à sa villa, est tombé sur un instrument tranchant et s'est
blessé au genou. Espérons que cette blessure n'aura pas de
suites graves.
Le Vaudeville est sorti de son intérim. M. Durmeuil père
est nommé directeur de ce théâtre, en compagnie de M. Benou,
son honorable et inséparable aller ego. De plus, M. Dormeuil
s'associe M. Duponche! pour l'administration de la scène. C'est
une triple garantie de prospérité. Nous pouvons en toute con-
fiance attendre la nouvelle administration à l'œuvre.
Au nombre des pièces qui sont en répétition au Palais-
Royal, on parle d'une opérette de MM. Leuven et Prillieux,
dont la musique est de six compositeurs différents : MM. Cla-
pisson, Gevaërt, Gautier, Poise, Bazile et Mangeant. Cette ma-
cédoine lyrique aura pour interprètes le baryton Pradeau, le té-
nor René-Luguet, le basso cantante Lassouche et la prima donna
assolula signora Schneider, — qui nous apparaît comme le seul
prétexte honnête de cette tentative musicale. On ne nous dit pas
si le Palais-Royal profitera de celle œuvre pour inaugurer le dia-
pason officiel. Pourtant l'occasion serait bonne.
J. Lovt.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
DE EA MESURE.
La mesure est la partie positive de la musique. Daus ce lan-
gage éthéré qui semble supérieur aux choses de la terre, il existe
un point palpable, analytique, inflexible comme le chiffre ; et
c'est par ce côté mathématique, espèce de fil traducteur, que le
sens humain peut se rattacher à la mélodie, la saisir et la com-
prendre.
Sans la mesure, la musique devient toute mystique el s'adresse'
plus direclement à la divinité, témoin le plain-chant dont les
phrases larges et les harmonies sévères se suivent sans rhythme
et presque sans accents. Avec la mesure , au contraire, la mu-
sique se rapproche de notre sphère et de nos aptitudes. Elle revêt
une forme, elle prend une couleur, notre oreille la saisit et notre
esprit la comprend. La musique est une âme donl la mesure est
le corps ; si le corps s'éteint, l'âme nous échappe et remonte au
ciel. Si la mesure cesse, la musique nous devient incompréhen-
sible et passe à l'état de poésie céleste. Ou je me trompe fort ,
ou les chœurs séraphiques ignorent complètement ce que c'est
qu'un trois-quatre et un six-huit.
Nous voici donc dans l'obligation d'accepter la mesure à l'état
de corps musical el même de lui reconnaître, — comme au
corps humain, — une certaine beauté. La Vénus de Milo et les
figures de Raphaël sont là pour soutenir notre ihèse. Sur terre,
Dieu l'a voulu ainsi , tout procède par lignes; les grands ho-
rizons de la nature, comme le gracieux visage de la femme.
L'œil ne peut juger des lignes que par leur harmonie ; l'oreille
ne peut comprendre l'harmonie que par ses lignes, c'est-à-dire
l'harmonie réglée, distancée, mesurée au point de vue du temps
comme l'est un beau paysage au point de vue de l'espace.
Sans la forme, ici-bas, tout ne serait donc que chaos. On
pourrait en dire autant de la musique sans mesure; mais l'em-
pire de la forme et l'empire du rhythme sont tous deux sans
limites, et l'on ne saurait établir raisonnablement une quantité
approximative aux mille nuances qui séparent le ruisseau de la
mer, le scherzo de Y adagio.
Cette comparaison de la forme et du rhythme est si vraie,
qu'on en trouve la raison d'être et le rapprochement dans la
nature même. La marche régulière de l'homme, le galop du
cheval, le tic-tac du moulin, le chant de la caille et mille autres
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
21
bruits encore, forment des rhythmes naturels qui sont comme le
point de départ de la mesure musicale.
On pourrait donc poser comme axiome, que le rhythme est la
forme du son.
Une fois ce principe fondamental de la mesure établi et
reconnu comme partie organique et organisatrice de la musique,
il reste à envisager et à rechercher quelle importauce lui sera
dévolue, quelle interprétation lui sera donnée. Son importance
coïncidera avec celle qu'on accorde aux battements du cœur.
Comme ceux-ci, les battements réguliers de la mesure seront les
pulsations delà musique. Quant à l'interprétation de la mesure,
elle variera évidemment selon le genre du morceau, selon le ca-
ractère, le style et la nature même de l'interprète. La voix hu-
maine, l'instrument solo, le quatuor, l'orchestre, auront chacun
leur manière de la conduire, d'après leur individualité propre.
Le piano, à son tour , s'inspirera de toutes ces nuances, de tous
ces styles, puisqu'il n'est, la plupart du temps, qu'une réduction
quelquefois petite, mais toujours charmante et ingénieuse des
passages les plus touchants comme des effets les plus grandioses.
La mesure existe donc partout et toujours en musique.
Vouloir s'en affranchir serait repousser sa vie réelle. Quelques
exemples de périodes non mesurées se présentent bien parfois
dans les points d'orgue, mais ce sont là des espèces de suspen-
sions de la pensée, des rêves, en un mot, où la vie réelle est
arrêtée, comme pour repartir plus positive et plus vivace. Pro-
longer ces périodes serait tomber dans une léthargie complète^.
La voix humaine qui ne chante guère sans adjoindre à son
chant la parole, est, par cela même, sous l'empire immédiat d'un
sentiment ou d'une passion. 11 est facile de comprendre que dans
ces conditions la mesure subira les influences de la pensée et les
secousses du sentiment. Le creur et la mesure battront toujours
à l'unisson. De là, l'expression en musique. De même qu'une
personne émue prend sans le vouloir une démarche irrégulière,
de même la mesure deviendra agitée et tumultueuse alors que la
pensée sera viulente et passionnée. Les émotions douces ramè-
neront la tranquillité dans le mouvement. La joie lui donnera
de la franchise, la gaîté de l'entrain ; il obéira à tous les senti-
ments que l'art musical peut exprimer.
La musique chantée, sous la forme dramatique surtout, sera
donc celle où la mesure subira le plus de transformations; mais
ce n'est pas seulement dans les mouvements passionnés que la
mesure trouve des éléments d'altération : la grâce, la coquetterie,
la finesse, la malice, qui existent aussi bien en musique qu'ail-
leurs, viendront à leur tour l'animer de leurs sourires et de
leurs saillies. Pour les faire valoir il faudra que le rhythme
perde un peu de sa rigidité, car les mouvements gracieux re-
poussent la raideur, et les phrases soulignées doivent être dites
plus lentement. Dans les périodes expressives et sentimentales
où la tendresse tient le premier rang, les attaques devront être
atténuées et les finales toujours un peu ralenties. Mais au milieu
de tout cela il faudra éviter de tomber dans l'afféterie, et quoi-
qu'il arrive, la mesure, malgré toute l'élasticité possible, devra
toujours reparaître sous l'expression comme le dessin acadé-
mique sous la draperie. Une observation générale très-impor-
tante est celle encore d'établir dans chaque morceau un mou-
vement-type auquel il est bon de revenir après chaque variation
de la mesure; cela donne de l'unilé et ramène en quelque sorte
tous les sentiments exprimés comme en un seul faisceau, qui
devient la personnalité de l'œuvre (1).
Tout ce qui précède prouve que la mesure, quoique réglée
d'après des principes invariables quant à sa formation, peut ,
dans son interprétation, s'étendre ou se précipiter selon les
caprices du sentiment, du style ou de l'expression. La mesure
musicale sera donc un peu comme ces objets en caoutchouc qui
peuvent se raccourcir ou s'allonger sous la pression, mais qui
reviennent quand même à leur forme primitive, dont ils con-
servent toujours le caractère.
Il est à remarquer que les œuvres rhylhmiques, les marches
militaires, les morceaux de danse, seront moins accessibles à ces
irrégularités de mesure. L'expression exagérée y deviendrait un
contre-sens et une impossibilité. De même, la musique d'or-
chestre purement symphonique , sera toujours plus sage d'al-
lures et moins capricieuse dans l'interprétation rhythmique.
Soixante musiciens ne peuvent chercher les petits effets comme
un soliste, et d'ailleurs l'inspiration du compositeur, quand elle
se sent un orchestre pour arène, est toujours plus largement
dessinée et plus carrément accusée, même dans les détails de la
mesure. Une symphonie de Beethoven ne saurait être maniérée
et irrégulière comme un nocturne de Chopin. Quelques maîtres
du piano ont poussé très-loin cette incertitude du rhythme, et
pour bien interpréter leurs œuvres , il faut non-seulement
mettre un grand laisser aller dans le caractère de la mesure,
mais aussi dans l'ensemble même des différentes parties. C'est
ainsi que les basses se posent parfois un peu avant les parties
supérieures, le tout s'arpégeant et s'étageant. Cet effet qui donne
comme un parti pris d'expression, doit être employé avec beau-
coup de ménagement, car il représente on ne peut mieux, pour
les oreilles un peu puristes, un orchestre dont les instruments
se courraient les uns après les autres, ou un accompagnateur
qui prendrait toujours le pas sur celui qu'il accompagne. Les
pianistes ont poussé très-loin cet art du déraillement de la me-
sure. Encore une fois, la mesure est l'esclave du sentiment ,
mais elle n'en est assurément pas le jouet.
Nous n'avons pas encore parlé du récitatif. Le récitatif est
la déclamation lyrique. On parle, on s'explique, on se répond;
il n'y a pas là prétexte à musique. 11 suffit de parler sur des
intonations favorables et avec des harmonies en situation. La
mesure disparaît presque alors ; c'est tout au plus si le temps
fort se retrouve à intervalles éloignés. Aussi, dans le récitatif
italien surtout, le sens musical n'existe-l-il presque plus. Dans
le récitatif allemand et français, des ritournelles colorées , des
accompagnements obligés viennent s'adjoindre à la déclamation
et la rendent plus musicale. La mesure y est donc un peu moins
abandonnée. Mais tous ces genres regardent à peine le pianiste,
à moins qu'il ne soit appelé à accompagner. Cependant quelques
pages spécialement écrites pour le piano, renferment des imita-
lions de récitatifs. L'introduction de la célèbre Invitation à la
valse, de Weber, est un modèle du genre. La mesure y est
conservée. Mais dans la sonate de Mendelssohn , op. 6 , on
trouve un long récitatif non mesuré, fort difficile à comprendre
et à interpréter, et qui nous consoliderait volontiers dans cette
(1) Il est bien entendu que par mesure nous établissons un terme général
qui comporte tous les genres de mesures à deux, trois ou quatre temps,
simples ou composées, et que ce que nous disons de la mesure en général
s'applique aussi bien à la mesure à i, la plus brève connue, qu'à celle
à quatre temps, beaucoup plus usuelle.
22
LE MÉNESTREL.
opinion que, sans mesure, il n'y a plus de musique, et que le
désordre commence là où la règle n'existe plus.
En thèse générale, la mesure musicale pourra donc être con-
sidérée, non pas comme une barrière, non pas comme une
entrave, mais bien comme un guide, comme le réseau de la
broderie, comme l'élément vital par excellence, et nous enga-
geons fort les jeunes pianistes à la sacrifier un peu moins à la
vulgarité du goût, et à s'inspirer un peu plus des grandes pages
orchestrales où elle règne toujours en souveraine. Là, du moins,
on se convaincra facilement qu'elle peut être assouplie, mais
renversée , jamais ! Paul Bernard.
BAL AXIWJEL, DES ARTISTES BE L'OPERA.
Le bal annuel des artistes de l'Opéra, donné au bénéfice de la
Caisse des pensions, n'a pas été aussi brillant qu'on aurait pu le
penser. Néanmoins la recette s'est élevée au chiffre très-honora-
ble de 17,000 fr.
Quelques jours avant, les artistes du chant avaient joué le
Prophète dans le même but. Samedi dernier, c'était aux artistes
de la danse à s'exécuter, et quelques-unes, peut-être bien, comme
le dit l'Entracte, l'ont-elles fait du bout du pied et d'un air de
princesses ennuyées, — oubliant, les heureuses! les choyées
d'hier et d'aujourd'hui ! que les destinées de théâtre sont éphé-
mères, qu'il peut arriver même aux déesses d'Opéra de vieillir,
et que ce n'est pas chose à dédaigner qu'une caisse de retraite.
Toutefois, — ajoute M. G. Bertrand, rédacteur en chef de
YEntr'acte, — vers minuit moins vingt, le corps de ballet, à peu
près au complet, a ouvert le bal par un divertissement choré-
graphique, qui se composait de fragments empruntés au réper-
toire et fort bien agencés. C'étaient tour à tour le galop de Gus-
tave, la Lithuanienne, le Lœndler, joli duo villageois dansé par
Mlle Zina et Beauchet, une Varsoviana par Coralli et M"e Vene-
tozza (que ce nouveau nom ne vous trouble point ; ce n'est pas
un début : il s'agit de l'excellente ballerine que vous applaudis-
sez à l'ordinaire sous le simple nom de Caroline) ; — puis le
ballabile en mazurka du Diable à quatre, le pas chinois du
Cheval de bronze, la Tarentelle de la Muette, etc., etc.
On n'eût pas manqué d'applaudir à tout rompre si l'on en
avait eu la liberté ; mais que voulez-vous faire avec un chapeau
dans les mains ? On s'est réduit à pousser quelques grognements
tumultueux de satisfaction, a l'anglaise.
Et comme le bal hésitait ensuite à se mettre en train, en dépit
des bruyants appels de l'orchestre de Strauss, c'est encore le
ballet qui lui vint en aide: Mlle Fiocre Ire, Fiocre-Amour,
comme on l'appelle, qui avait assisté en simple spectatrice au
divertissement, prit l'initiative et se lança courageusement dans
les tourbillons de la valse.
L'orchestre, fort de cent cinquante symphonistes, exécutait
pour la première fois l'Album nouveau de Strauss et cette ra-
vissante valse des Rayons, récemment enchâssée dans le ballet du
Papillon, et qui paraît destinée à jouir d'une grande popularité.
Peu à peu l'on a vu reparaître dans la salle, ou plutôt dans
les premières loges et les avant-scènes, la plupart des danseuses
qui avaient figuré au divertissement ; et la meute ardente et cu-
rieuse des admirateurs, lorgnant et murmurant, s'est mise à
tourner, comme l'ours au fond de sa fosse, tout à l'entour de
cette corbeille de beautés connues et aimées. La fête s'est ter-
minée, pour mesdemoiselles du corps de ballet, par un fin sou-
per servi dans le foyer de la danse.
THEATRE IMPÉRIAL ITALIEN.
Le concert de M. J.-B. Wekerlin aura lieu mercredi prochain, 19, à
huit heures du soir.
PROGRAMME.
lre Partie. — N° 1. Résia, ouverture à grand orchestre. — N° 2. Bal-
lade orientale pour ténor solo, chantée par M. Lévy, chœur et orchestre.
— N° 3. Ode de Gilbert, pour basse solo, chantée par M. Belval de
l'Opéra. Compositions de J.-B. Wékermn. — N° 4. Adieu des Bohémiens,
scène avec chœur, chantée par M"e Balhi.
gmo Partie. — Les Poèmes de la Mer, ode symphonie , paroles d'après
le livre de M. J. Autran, musique de J.-B. Wékerlin, 130 exécutants.
N° 1. La naissance des vagues, chœur. — N° 2. Rêverie au bord de la
mer, pour mezzo-soprano (sur une note). — N» 3. Le Départ, scène pour
chœur de voix d'hommes. — N° 4. Le Calme, la nuit, pour soprano solo.
— N° 5. Chanson d'un Triton, solo pour voix de basse. — N° 6. Les
Océanides, chœur de voix de femmes. — N° 7. Tempête, orchestre seul.
— N° 8. Le Cabin boy (le Mousse), pour soprano solo. — N° 9. Le Soleil
sur la mer, chœur. — N° 10. Promenade, solo de ténor. — N° 11. Épi-
logue, chœur final.
Pour finir : 4e acte des Horaces de P. Corneille, joué par MUe Karoly
de l'Odéon.
NOUVELLES DIVERSES.
— On lit dans le Moniteur : « Par décret impérial du 8 décembre 1860,
M. le comte Bacciochi, premier chambellan de Sa Majesté, surintendant
des spectacles de la Cour, a été nommé surintendant des théâtres impé-
riaux. Le surintendant des théâtres impériaux exerce, sous l'autorité du
Ministre d'État, la haute surveillance du service des théâtres impériaux ;
à cet effet, les commissaires impériaux près le théâtre des Italiens et les
théâtres de l'Opéra-Comicrue et de l'Odéon, sont placés sous ses ordres. »
— Un arrêté de M. Walewski, ministre d'État, maintient d'une manière
désormais permanente et définitive, le droit fixe de cinq cents francs par
soirée, accordé aux auteurs d'ouvrages joués sur la scène de l'Académie
impériale de musique. Jusqu'ici ce droit, exigible pendant les quarante
premières représentations du même opéra , se trouvait ensuite réduit à
trois cents francs, — ce qui était tout une anomalie, car le droit d'auteur
diminuait en raison inverse du succès de l'ouvrage. Cet arrêté ministé-
riel ne parle pas explicitement des droits relatifs aux ballets, mais il va
sans dire que cette amélioration s'étend à tout ce qui constitue le spectacle
d'une soirée.
— Deux nouveautés ont été données au théâtre Apollo, de Rome : un
opéra du maestro Raffaele Gentile, intitulé : Stefanias, et un ballet assez
original du chorégraphe Rota : il Genio Anardk.
— Nous avons annoncé la mort du célèbre journaliste allemand Louis
Rellstab. Dans le nombre des œuvres, étrangères à la critique , que nous
devons au défunt, il faut citer le libretto du Camp de Silésie, dont notre
maestro Meyerbeer a écrit la partition. — Le père de Louis Rellstab était
éditeur de musique, et plus tard libraire.
— La centième représentation à'Orphée aux enfers a été célébrée avec
pompe à Berlin. Mllc Taglioni a dansé avec le corps de ballet de la Cour,
les chœurs et l'orchestre avaient été doublés. — On le voit, en Allemagne
comme en France, la musique bouffe, spirituelle et amusante, trouve son
public.
— On écrit de Stockholm : « Un des compositeurs de notre pays, auteur
de plusieurs partitions qui ont obtenu du succès, M. Ilermann Berens ,
vient d'être nommé chef-d'orchestre du deuxième théâtre. »
— Bien décidément, en fait de beaux-arts, le vent est à la décentrali-
sation : toute ville veut avoir une société philharmonique , tout chef-lieu
aspire à une pièce de théâtre inédite. — Sans parler des grands théâtres,
comme ceux de Marseille et de Bordeaux qui ont donné le baptême à des
œuvres de mérite, les scènes modestes se piquent d'émulation et se mettent
à l'œuvre. La semaine dernière, un collaborateur du Ménestrel, M. Léon
Meneau, a fait représenter sur le théâtre de La Rochelle un acte d'opéra-
comique intitulé : Qui compte sans son hôte. Cet ouvrage méritait assu-
NOUVELLES ET ANNONCES.
23
rément un cadre plus brillant que la scène rochelaise ; mais le jeune
compositeur s'était promis de faire jouer son premier opéra dans sa ville
natale, et il a tenu parole. Les journaux de la Charente-Inférieure
signalent par des feuilletons entiers le succès sincère, chaleureux, qui a
accueilli cette petite partition, et si c'était là l'hôte mystérieux sur lequel
l'auteur avait compté, il ne comptera pas deux fois. — Maintenant que la
dette du clocher est payée, nous donnerons rendez-vous à M. Léon Me-
neau sur les scènes lyriques de Paris, où l'appellent ses études et ses ins-
pirations musicales. E. B.
— Le ténor Renard, qui n'a fait qu'une apparition à l'Opéra, vient de
reprendre ses fructueuses représentations au grand théâtre de Marseille.
Guillaume Tell a reparu sur l'affiche, à la grande satisfaction des ama-
teurs de grande et telle musique.
— Les journaux de l'Ain parlent longuement des ovations faites à
Mme Cambardi par les dilettanti de Bourg. Elle a dû y donner deux con-
certs avec le concours du pianiste Karl Hermann et de la société chorale.
— A l'occasion des fêtes de la Noël, MM. les artistes et amateurs de la
ville de Toulouse, sous la direction de M. Crouzat, maître de chapelle, exé-
cuteront à la cathédrale de Saint-Élienne, en présence de Mgr l'archevêque
Desprez, une grande messe solennelle à trois voix, en chœur et à grand
orchestre de M. Lomagne, violoniste-compositeur, dédiée par l'auteur à
l'illustre R. P. Dominique Laeordaire, directeur de l'école de Sorèze et
membre de l'Académie de Paris. La Société des concerts de Toulouse se
propose aussi, dit-on, d'exécuter dans une de ses prochaines séances une
symphonie.
— On nous communique un trio pour piano, violon et violoncelle de
Gaston de Saint-Paul, élève de Boély, musicien regrettable et regretté, qui
avait tenu longtemps le grand orgue de Notre-Dame en l'absence de M. Dan-
jou. Cette œuvre, sérieusement écrite, est accompagnée d'une romance
sans paroles d'un cachet également élevé. On assure que M. Gaston de
Saint-Paul a laissé beaucoup d'œuvres religieuses et de musique d'orgue
dont communication va être faite à la Maîtrise.
— Les virtuoses voyageurs regagnent la capitale. Nous apprenons l'ar-
rivée à Paris de M. Ferdinand Sehœn, jeune pianiste déjà avantageuse-
ment connu dans le monde musical. M. Schœn, qui s'est fortifié par de
récentes études, poursuivies avec persévérance, se fera entendre cet hiver
en public, ce qui ne l'empêchera pas de répondre, au besoin, ainsi qu'il
l'a fait plusieurs fois, à l'appel des sociétés musicales de la province.
— On annonce également le retour du violoniste Gleichauf , un des
meilleurs élèves de Tieuxtemps. M. Gleichauf s'est fait entendre avec
succès, cet été, à Bade, "Wisbade, Hombourg, et nous vient en dernier lieu
de Strasbourg, où il a donné tout récemment un beau concert.
-r- La salle Pleyel s'ouvrira mercredi prochain 19, à un concert vocal et
instrumental donné parle virtuose-compositeur Joseph Wieniawski , avec
le concours de Mmes Massart, de la Pommeraye, MM. Armingaud, Lee et
Richard Lindau.M. J. "Wieniawski exécutera plusieurs de ses compositions,
notamment sa barcarolle-caprice et une grande sonate inédite.
— M. Hippolyte Chartrain, l'habile accordéoniste, et M. Louis Lapret,
pianiste, membre de l'Athénée des Arts, se rendent à Nice pour y donner
des concerts.
— Au nombre des compositions intéressantes pour le piano à l'usage
des petites mains , nous signalons la collection des chefs-d'œuvre ly-
riques des grands maîtres, transcrits et doigtés par A. Croisez , A. Cra-
mer, Alphonse Leduc et P. Norewsky. La première série que vient de
publier l'éditeur Adolphe Catelin contient : le Barbier de Sëville et la Ce-
nerentola, de Rossini; Elisire d'amore, de Donizetti; Nozze di Figaro,
de Mozart ; Richard Cœur de lion, de Grétry ; la Sonnambula, de Bellini.
— L'auteur du Berquin des jeunes pianistes, H. Valiquet, vient de pu-
blier chez Brandus une nouvelle fantaisie militaire sur les motifs des Dra-
gons de Villars. Ce morceau , composé expressément pour les petites
mains, est d'une exécution très-facile.
— Sous le titre : le Mirliton , l'éditeur Gauvin publie un nouveau
quadrille d'Alphonse Leduc sur des motifs populaires de MM. Olivier,
Robillard et Trahand.
Lai partition illustrée de SÉ.tlïRAMIS de Rossini,
— texte italien et traduction française de MÉUÏ ,
récitatifs et airs de ballet de CARAFA, points d'or-
gue et rentrées d'orchestre , — avec les DEUX
PORTRAITS de G. ROSSINI (Naples 188© et Paris
1SGO) et les DESSINS REPRÉSENTANT TES
SCÈNES PRINCIPALES DE L'OUVRAGE , — est
actuellement délivrée aux abonnés du Ménestrel.
Cette magnifique priasse, offerte gratuitement
pour toint renouvellement ou abonnement complet
(chant et piano), prendra la place des quatre Albums
du Ménestrel, dont les morceaux, n'en seront pas
moins publiés dans le Journal (voir ci-dessous).
Les abonnés au CHANT seul, ou au PIANO seul,
auront droit à la mèaie prime, moyennant un sup-
plément d'abonnement de dix francs , s'ils ne préfè-
rent recevoir gratuitement :
1° A la place des deux Albums annuels poui* le
Chant: la partition complète des SAISONS de J. HAYDN,
chant, piano et traduction française de G. Roger,
oratorio en quatre parties, seule édition conforme
à l'exécution «les concerts du Conservatoire , et
ornée du portrait de HAA'DN.
9° En échange des deux Albums annuels pour
piano : un beau Recueil de transcriptions et réduc-
tions des célèbres œuvres concertantes, sympho-
niques et pour piano seul, de Haydn, Mozart et Bee-
thoven, par Jules Weiss, et contenant :
HATBS : a. Final du trio en fa. — 2. Menuet (lu même trio. —
3. Final du trio en la. — J. Allegro, symphonie en mi bémol.
BEETHOVEN; 3. Adagio et allegro de la symphonie en ut. — G. Final
dn quatuor en fa. — "S. Menuet et scherzo du septuor. — S. Alle-
gro du trio en mi bémol.
MOZART : O. Menuets extraits de ses symphonies. — flO. Final de
la symphonie en ré. — la. Final du quatuor en sol mineur. —
13. Presto de la sonate en si bémol.
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du Ménestrel [année 1860-1861), quiparaîlront de semaine
en semaine, à partir du dimanche 11 novembre 1860.
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ROMANCES ET CHANSONNETTES.
G. NADAltm.
La bruyère.
PAULINE TJIA'S.
Tes vingt ans!
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Le Lever des Etoiles.
LÉOFOI.i) AMAT.
Sympathie.
ai. i»OTai:n.
Adieu les Fées ! ■
dorval-valeivtiiïo.
Charmants Tyrans du cœur.
SCENES ET MELODIES.
G. 11ÎHU1.
Le vent qui pleure.
PAl'LIIÏE T1IYS.
Harmonie de Lamartine.
j( -B. wa^BiEiiLiiv.
9- Tyrolienne.
FÉLIX GODEFROID.
Ma mie Annette.
ALBUMS DE PIANO.
MUSIQUE DE DANSE.
ARBAIV.
A vos Souhaits, polka.
L. JIK1IELI.
Polka militaire du Camp de Samt-Maùr.
STRAUSS.
Sémiramis , 2e quadrille.
PHILIPPE STIITZ.
Juana , polka- mazurka.
MliSARD.
Sémiramis, valse. ■
J!.-L. BATTMAiVJ».
Menuet et galop Dnal d'Orphée aux
Enfers, de J.' Offenbach.
MORCEAUX DE SALON.
CROISEZ.
Guipures et Dentelles (n° 1).
eu. veustebt.
Ilmio Tesoro, transcription de DonJuan.
M ARMONTEL .
Musette, rondo pastoral.
PAUL BERNARD.
Bella sera , idylle .
LÉCFREUX.
Fleuve du Tage, transcription.
FÉLIX GODEFROID.
Les Abeilles, étude extraite du 3S cahier
de Y Ecole chantante du piano.
Chaque demande ou renouvellement d'abonnement doit être accom-
pagné d'un bon sur la poste [franco] : 1° de 13 fr. , Paris; 18 fr., pro-
vince, pour chant et texte, ou piano et texte: 2° De 25 fr., Paris, ou 30fr.,
province, pour l'abonnement complet: texte, chant et piano réunis,
Joindre, pour les départements, un supplément de 2 francs , montant de
l'affranchissement des primes de l'abonnement complet, ou un supplément
de 1 franc pour l'affranchissement des primes séparées, piano ou chant.
J.-L. Heugel, directeur.
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DE
FERDINAND DE CROZE
1. Les Ombres, caprice-valse.
2. La Derbouka, chanson orientale.
3. Rêvez toujours, cantabile.
4. En aérostat, rêverie-étude.
5. Ciel et Terre, andante.
6. La Razzia, presto.
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
ALBUM-STRAUSS
Pour les bals de la Cour et de l'Opéra,
1. Comtesse Waleivska-\a\se.
2. Comtesse Aguado-\a\se.
3. Comtesse Sweigkowsku-po\ka.
4. Comtesse Lrtfa-valse.
5. Comtesse de Cessole-\a\se.
6. Comtesse Afitrai-polka-mazurka.
Broché : 8 fr. Belié : 12 fr.
ALBUMS DE CHASSE
PAR
MM BERTRAND et TELLIER
COLLECTIONS DE LA MAITRISE
Trois beaux volumes cartonnés,
Texte, Orgue et Chant : 15, 18 et 30 fr.
LE LIVRE DU BON DIEU,
d'ÉIMHJAREB PI.05JVIER ,
Musique de Darcier. — Texte et dessins. — Prix : 12 fr.
ÉCOLE CHANTANTE DU PIANO
par
FÉLIX GO&EFROID.
1er Livre. Méthode de chant appliquée au piano, exercices,
mélodies-types sur toutes les difficultés du chant.
Texte et musique : 25 fr.
2e Livre. Quinze études mélodiques pour les petites mains. Prix : 12 fir.
3e Livre. Douze étudescaractéristiquetd'undegrésupérieur. Prix : 12fr.
LE JEUNE PIANISTE CLASSIQUE
WEISS
MOZART.
9. Menuets (.'xLraitsili' sessymphon.
10. Final de la symphonie en ré.
11. Final du quatuorenso/ mineur.
12. Presto de la sonate en si bémol.
HAYDN.
1. Final du trio eu fa.
2. Menuet du même trio.
3. Final du trio en la.
4. Allegro de la symphonie en mih
BEETHOVEN.
5. Adagio, allegro, symphonie enut. I 7. Menuet et scherzo du septuor.
6. Final du quatuor en fa. j 8. Allegro du trio en mi bémol.
Broché : 10 fr. Relié: 15 fr.
AMTfM SMMJtŒIE*
5. Arban. A vos souhaits, polka.
6. Ch. Neustedt. // mio tesoj^o ,
transcription de Don Juan.
7. A. Croisez. Guipures et Den-
telles (n» 1)
8. Strauss. 2e quadrille sur Sémi-
ramis.
Relié : 12 fr.
1. PaulBernard. Bellasera, idylle
2. J.-L. Battmann. Menuet et galop
d'Orphée aux enfers.
3. Ph. Stutz. Juaua, polka-ma-
zurka.
4. Th. Lécuredx. Fleuve du Tage,
transcription variée.
Broché : 8 fr,
DECAMERON DRAMATIQUE.
Album de danse par
J OFFEN3ACH
LES SAISONS deJ. HAYDN
Oratorio en quatre parties .
i'raduction française de G. Roger, seule édition con-
forme à l'exécution des concerts duConservatoire,
orné du portrait de J. Haydn.
lïioché: 10 fr. Reliure toile: 15 fr. Velours : 30
ALBUM ARTISTIQUE
DES
FRERES LIONNET
Broché : 10 fr. Belié : 15 fr.
ALBUM DE SALON
PAR
J LEYBACH
i. Mes solitudes, 4e nocturne.
2. Souvenirs d'Allemagne, 3e valse.
3. Ronde pastorale, 3e idylle.
4. Confidence, romance sans paroles.
5. Fête aux Champs, galop pastoral.
6. La Hongroise, caprice-mazurka.
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
LE JEUNE PIANISTE
Morceaux faciles sans octaves,
composés par
H VALIQUET, J -L BATTMANN,
A DESSANE
Broché : 8 fr. Relié : 12 fr.
L'ALBUM-COTILLON
LABORDE, avec DESSINS
NOUVEAUTES POUR PIANO, SOUS PRESSE OU PUBLIEES.
A- CROISEZ
Guipures et Dentelles.
Valse et mazurka (n° 1 et 2).
CH DELIOUX
Deux Sérénades (n° 1 et 2).
TH LÉCUREUX
Transcriptions variées.
Fleuve du Tage. — Mœris, de Mmo Ga.il.
Valse des Pâtres du Valais.
CH -B LYSBERG
L'absenee, sonate romantique. — Andante, idylle.
Airs savoisiens variés.
AIRS DE BALLET
Du nouveau ballet
de l'opéra
PAUL BERNARD
Barcarolle et chanson de Fortunio.
Galop de concert. \ Prima sert
idylle.
FELIX GODEFROID
Joanhnisberg , valse desalon. | Une Fièvre brûlante, transcription.
LEFEBURE-WELY
Armide de Gluck.
Morceau de concert, varié. | Morceau de salou , varié.
HENRI RAVINA
ÉTUDES HARMONIEUSES
Vingt-cinq nouvelles études de moyenne difficulté.
Prix : 20 fr.
L DIEMER
Polonaise de concert , lre mazurka.
Élégie à la mémoire de sa mère.
F DOLMETCHS
Douze études récréatives.
(Livre deuxième).
CH NEUSTEDT
Transcriptions variées.
1 . La ci darem la mano.
2. Il mio tesoro.
3. Sérénade et duo de Don Juan.
MARMONTEL
Thème varié, ancien style. Muselle , pastorale.
Venezia, barcarolle.
ARRANGEMENTS ET MUSIQUE DE DANSE
Musique de
J. OFFENBÂCH.
LE PAPILLON
1. Marche paysanne,
ï. Chant du Papillon.
3. Andanle-Bohémiana.
4. Taise des Rayons.
STRAUSS
Quadrille, Valse des RAYONS et Polka-Mazurka la LESGVINKA.
Composés pour les bals de la Cour et de l'Opéra.
5. Marche du Palanquin.
6. Polonaise des Bohémiennes.
7. Valse des Fleurs.
8. Galop des Papillons.
ARBAN '. Polka des Métamorphoses. La fée Hamza. M11" Marquet. | PU. STUTZ '. La Fée des Moissons. Polka-mazurka. M"1' Schlosseb.
H, VALIQUET '. Quadrille et valse faciles , sans octaves.
75 i — 28e Année.
K» 4.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 23 Décembre
1SGO.
n^rsi
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'en chef.
LES BUREAUX , S bis, rue Yi vienne. — HEUGEL et O, éditeurs.
(Aux Magasin» et Abonnement île Musique du MÉNESTREL. — Vente et location de Pianos et Orgues.)
CHANT.
1" Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; 2 6 Morceaux
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine; a Album»
primes illustrés. — Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Etranger : 21 fr.
PIANO.
2e Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches ; 20 Morceaux i
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; t Albums»
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger : 21 fr.
CHANT ET PIANO REUNIS :
3' Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les s: Morceaux de chant et de piano, les 4 Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du 1er de chaque mois. — L'année commence du 1" décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser/ranco
un bon sur la poste, à MM. IIEUGEI, et C'a, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 1721.
SOMMAIRE. — TEXTE,
I. L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâtres : Méhul (suite et fin) 48e
article. L. Meneau — II. Théâtre-Lyrique : les Pêcheurs de Catane, de
M. Aimé Maillart, première représentation. J. Lovv. — III. Tablettes du pia-
niste et du chanteur : Le Conservatoire de Paris et les Conservatoires de pro-
vince (1er article). G. Bêrédit. — IV. Théâtre-Italien : Les Poèmes de la Mer,
ode symphonique de J.-B. Wekerlin, première audition. Léon Gatayes. —
V. Semaine théâtrale. — VI. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT :
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
LE LEYER DES ÉTOILES ,
Paroles de M. Emile Bellier, musique de F. Masiki. — Suivra immé-
diatement après : Harmonie de Lamartine, musique de Mme Pau-
line Thys.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
VALSE DE SÉMIR AMIS ,
Par Musard. — Suivra immédiatement après : le premier quadrille du
Papillon, composé par Strauss pour les bals de la Cour et de l'Opéra,
sur les molifs du ballet de J. Offenrach.
i/orËm- comique
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
SECONDE PARTIE. — XIXe SIÈCLE.
CHAPITRE VI.
MEHUL.
XVIII.
[Suite et fin.)
Le succès que Méhul avait remporté avec Ylrato le décida à
écrire de nouveau dans le genre bouffe, et Bouilly lui fournil le
libretlo d'I/ne folie : celte pièce, jouée par les mêmes acteurs
que VIrato, eut à peu près la même fortune. Je citerai parmi
les morceaux les plus agréables de la partition, l'air : Reviens ,
6 mon aimable gaîlé, et la romance : Je suis encor dans mon
printemps, triomphe de Mme Philis.
11 fut moins heureux avec le Trésor supposé, qui ne réussit
qu'à moitié. Il persista néanmoins dans cette voie et donna, en
1806 , les Deux Aveugles de Tolède, dont Marsollier avait pris
le sujet dans le roman picaresque de Mendoza : Lazarillo de
Tonnes. Il rechercha la couleur locale dans cette œuvre ; l'ou-
verture, par exemple, est un joli boléro andaloux. L'un des
meilleurs morceaux de la partition est le duo de soprano et
ténor : Vous dont le cœur n'a pas parlé.
Il revint peu de temps après au genre vers lequel le portait
plus particulièrement le caractère de son esprit, celui qui plaisait
le plus à sa muse, pour employer une expression du temps. Il
donna, en effet, le 16 mai 1806, Ulhal, drame ossianique. Pour
conserver à sa partition un cachet plus antique, il jugea à propos
de retrancher les violons de son orchestre, mais il résulta de
celte tentalive, un peu trop hasardée, une monotonie qui nuisit
singulièrement à la pièce. On raconle que Grétry, à la fin de
la première représentation, s'était écrié : « Un louis à qui me
fera eDtendre une chanterelle (1). » Malgré le défaut d'unifor-
mité, on reconnaît dans Ulhal la touche du maître.
(I) L'éditeur Pacini, alors compositeur, l'auteur de la partition d'Isabelle
et Gerlrude, représentée avec succès à l' Opéra-Comique, le 1er mars 1806,
m'a raconté cette anecdote de la façon suivante : « Je fus visiter Méhul,
qui me demanda de connaître quelques-uns de mes ouvrages ; je lui portai
un Christus factus est obediens usque admortem...., quej'avais composé à
Nîmes; il fut surpris que j'eusse employé tous les insruments excepté le
violon. Méhul, à qui j'avais donné la partilion de mon Christus, fit un
opéra intitulé Uthal; il voulut essayer aussi de remplacer les violons
par des altos, sans songer que ce qui convenait à un petit oratorio serait
trop monotone pour trois actes d'opéra. Le lendemain je rencontrai Grétry
sur le boulevard, qui me demanda si j'avais assisté à la première repré-
sentation à' Uthal. Sur ma réponse négative, il me dit, sachant que je
jouais du violon : Je vous ai cherché pour vous demander si vous aviez
une chanterelle dans votre poche, je l'aurais payée un louis. »
26
LE MÉNESTREL.
L'année 1807 vit paraître son chef-d'œuvre : Joseph, drame
en trois actes, représenté, la première fois, le 17 février. Le
librelto fut le résultat d'un pari que Duval avait fait d'écrire, sur
le sujet biblique de Joseph, un drame (1), sans y introduire
aucune intrigue étrangère à la donnée de la Bible. Cet ouvrage
devait être d'abord un grand opéra, mais Duval l'ayant lu en
prose à ses parieurs, ceux-ci l'engagèrent à né point métamor-
phoser son dialogue en récitatif. "Joseph fit grande impression
chez les vrais amateurs de musique; mais le gros du public
trouva le libretto trop monotone* et c'est ce qui nuisit au succès
dramatique de la pièce, qui fit plus d'effet dans les concerts
qu'à la scène (2) ; elle était, du reste, admirablement jouée par
Elleviou (Joseph), Solié (Jacob), Gavaudan (Siméon), Mme Ga-
vaudan (Benjamin), etc.... Cette œuvre éminente est trop bien
connue des musiciens pour que j'en fasse une analyse détaillée ;
il me suffira de citer l'ouverture religieuse, préfate de l'œuvre,
l'air classique, devenu le morceau de concours de tous les ténors
d'opéra-comique : Vainement Pharaon...., la romance si con-
nue : À peine au sortir de l'enfance, les deux cantiques : Dieu
d'Israël et Aux accents de notre harmonie, pour remettre toute
la partition dans la mémoire du lecteur.
Le dernier ouvrage de Méhul fut un opéra-comique en trois
actes : La Journée aux aventures.
Bien qu'abattu par des chagrins de plus d'un genre, et miné
par la maladie mortelle qui le dévorait, il avait su trouver assez
de gaîté pour rappeler dans cette œuvre les beaux jours de
Ylrato et d'Une folie. On lui conseilla l'air du Midi, mais il
ne put s'habituer à vivre loin de Paris. A peine arrivé en Pro-
vence , après un voyage pénible et fatigant, il écrivit à ses amis
de l'Institut : « L'air qui me convient est l'air que je respire
parmi vous. » On le ramena à Paris où il mourut quelques jours
après son retour, le 18 octobre 1817.
* *
Dans la préface de Joseph, Duval dit, à propos de la mort de
Méhul : « Les arts, qui espéraient encore quelques chefs-d'œuvre
de son immense talent, la société qu'il charmait par les grâces
de son esprit, ont fait une perte réelle dans la personne de
l'honnête homme, de l'homme aimable et du grand composi-
teur; et s'il a droit à mes éloges comme artiste distingué dont
j'ai partagé les travaux, il a droit à de longs regrets comme mon
ami. Les personnes qui n'ont connu que ses chants peuvent
l'admirer ; mais ses amis seuls ont pu apprécier son caractère et
la bonté de son cœur. »
Léon Ménead.
THÉÂTRE LÏR1
Les Pécheurs de Catane , drame lyrique en trois actes; paroles de
MM. Cormon et Michel Carré, musique de M. Aimé Maillart.
Les partisans de M. Aimé Maillard, — et le nombre en est
grand, — attendaient avec impatience cette nouvelle œuvre, à
laquelle ils rendaient déjà un hommage anticipé ; — hommage,
du reste, complètement justifié par les précédents. Gaslibelza,
(1) Ce fut à propos du Joseph de Baour-Lormian , auquel Duval avait
reproché l'introduction d'une intrigue amoureuse qui affaiblissait le sujet
principal, la piété filiale.
(2) En Angleterre on l'exécute en oratorio.
la Croix de Marie, et surtout les Dragons de Villars, — popu-
laire partition qui fait en ce moment son tour d'Allemagne sous
le titre la Clochette de l'Ermite, — constituent de vraies lettres de
noblesse musicale. M. Aimé Maillart est un de nos compositeurs
dramatiques qui nous donnent les plus sérieuses promesses, —
promesses déjà fidèlement tenues et largement remplies. Ses
chants ont de grandes allures, sa mélodie est claire, son instru-
mentation, ses masses vocales se combinent et s'agencent avec
bonheur ; en voilà plus qu'il n'en faut pour légitimer les sym-
pathies du public dilettante.
Un autre attrait se joignait à la solennité de cette première
représentation : deux jeunes débutants, un ténor et un soprano,
nous apparaissaient le même soir dans deux rôles importants.
L'un, M. Peschard, avait fait ses preuves dans les concours et
exercices du Conservatoire; c'est un premier prix de chant, et son
diplôme est en règle ; — l'autre, Mllc Baretti, jeune et gracieuse
cantatrice-lauréate que nous devons également au Conservatoire
et aux soins tout particuliers de notre professeur Laget.
Mais avant de nous occuper de ces deux nouveaux venus,
essayons, — il en est temps, — d'analyser le sujet des Pêcheurs
de Catane.
La pièce de MM. Cormon et Michel Carré appartient à la
respectable famille des mélodrames ; elle est charpentée suivant
les traditions de l'endroit, à quelques défaillances près ; je doute
pourtant que celte enfant dn boulevard eût été absolument pré-
sentable sans la musique de M. Maillart.
Nella est la fille adoptive d'une famille de pêcheurs ; et si tout
marchait régulièrement dans ce bas-monde, elle épouserait tout
simplement son frère de lait Cecco, qui l'aime avec une tendresse
toute sicilienne. Par malheur, la joyeuse Nella rencontra un
beau jour certain jeune officier ; celui-ci sut prendre un tel em-
pire sur son cœur, que, pour s'y soustraire, elle n'eut rien de
plus pressé que... de se retirer au couvent de l'Annonciade.
Au lever du rideau, tous les pêcheurs sont réunis pour fêter
Nella ; car, selon les us du pays, le couvent rend chaque année,
pour trois jours, les novices à leurs familles. Arrive la signora
Carmen, nièce du gouverneur de Catane et amie de Nella, qu'elle
a prise en affection pour l'avoir entendue chanter dans les offices
du couvent. Carmen s'est fait escorter de son vieil écuyer d'hon-
neur, le capitaine Barbagallo (type taillé sur le sénéchal de Jean
de Paris), et de son cousin Fernand, qui doit l'épouser sous peu
de jours.
Maintenant, si je vous dis que ce Fernand est précisément
l'officier mystérieux qui a troublé la jeunesse et la gaîté de Nella,
vous devinez toute la série des péripéties à venir. Nella balance
entre ses sentiments mal éteints et les ardentes sollicitations de
Cecco ; mais la présence de Fernand, le réveil des souvenirs, l'en-
traînement fatidique des jeunes cœurs, tout annonce que le
pauvre Cecco sera sacrifié. En effet, Nella et Fernand se pro-
diguent de nouveaux serments et s'apprêtent à fuir ; mais voilà
qu'au moment de monter dans la barque quHes attend, ils sont
surpris par Cecco et ses amis. C'est à grand'peine, en s'exposant
elle-même, que la jeune fille parvient à soustraire Fernand à la
fureur des pêcheurs; car Fernand n'est pas seulement le ravis-
seur de leur enfant adoptive, il est le neveu du gouverneur qui
désole la côte par ses exactions. Aussi veulent-ils garder l'officier
en otage jusqu'à ce qu'on leur resti lue leurs filets confisqués.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Nella leur promet satisfaction, ot se charge elle-même des dé-
marches près du gouverneur.
Arrivée à Calane, elle trouve son amie et protectrice donna
Carmen au milieu des préparatifs de sa noce, et l'on n'attend
plus que le fiancé. Par l'intercession de Carmen, le gouverneur
expédie aux pêcheurs insurgés une lettre qui leur assure le re-
couvrement de leurs filets et de leurs barques. Mais le cœur de
Nella est brisé ; et lorsque lasignora Carmen, h qui Cecco a ré-
vélé le fatal secret, accourt pour rendre à son amie celui qu'elle
aime, il est trop tard, la jeune fille expire entre leurs bras.
J'ai dit que cette œuvre des boulevards exigeait la collabo-
ration de M. Aimé Maillart ; mais j'ajouterai , pour être juste,
que les librettistes ont fourni au compositeur bon nombre de
situations musicales, avec une ample provision de morceaux
très-habilement coupés au point de vue lyrique. Certes, ce double
contingent vaut unbill d'indemnité.
Quant à M. Maillart, — à part certaines réminiscences , des
moins malheureuses, du reste, — il vient de conquérir un nou-
veau titre lyrique, et le mérite réel de sa partition a été souvent
acclamé par la salle entière. L'œuvre renferme des pages d'une
importance capitale , et aussi bon nombre de jolis détails qui
ne peuvent que gagner aux auditions suivantes.
Citons parmi les éléments le plus franchement fêtés le pre-
mier chœur des pêcheurs ; la romance de Nella, l'Ame désespérée,
puis sa Sicilienne, mêlée de chants et de danse ; au second
acte, la romance deFernand, Du serment qui ni1 engage, le chœur
Bénissons la Madone, les couplets de jalousie de Cecco, et la
chanson de l'Hirondelle, fantaisie d'une facture originale, et où
chaque membre de phrase débute par une roulade en arpège ;
enfin, au troisième acte, les couplets piquants de Carmen : Tant
pis pour lui s'il vient.
L'exécution de tous ces morceaux a été généralement bonne,
sinon de premier ordre, et l'orchestre, sous la vaillante direction
de M. Deloffre, a dignement rempli sa tâche.
Quant aux deux débutants, ils n'ont qu'à se louer de l'excellent
accueil qui leur a été fait. M. Peschard (Fernand) possède une
gracieuse voix de ténor, bien timbrée dans son volume, et qu'il
conduit avec goût. Il a dit avec beaucoup de charme sa romance
Du serment qui m'engage: seulement l'art du comédien laisse
tout à désirer, sa physionomie ne s'anime pas, manque de mo-
bilité, et un apprentissage scénique sera des plus indispensables
au jeune chanteur. — Sa partenaire, MIle Baretli (Nella), a su
d'emblée captiver l'assistance par sa jolie figure, — prise de profil
surtout, — le timbre (encore inégal) de sa voix et la netteté rela-
tive de sa vocalisation, — vocalisation que le travail rendra cer-
tainement plus agile et plus parfaite. Son Credo du premier
acte, sa Sicilienne et la chanson de Y Hirondelle lui ont valu de
nombreuses salves d'applaudissements.
Balanqué (Cecco), qui nous fait parfois acheter par un peu
de raideur la sonorité métallique de son organe, a eu des notes
caressantes, surtout dans ses beaux couplets de la Jalousie au
second acte, qu'on a unanimement bissés. — Mlle A. Faivre,
est très-gracieuse dansle personnage de donna Carmen. G irardot,
Wartel et Mme Vadé tiennent fort convenablement leurs rôles.
La mise en scène a également tenu loules ses promesses, et
fait grand honneur à M. Rély. Le décor du second acte sur-
tout, représentant, par un pâle clair de lune, les falaises de la
Sicile et l'arrivée des barques de pêcheurs aux flambeaux, for-
ment un ensemble de l'effet le plus pittoresque. Aussi ce décor
a-t-il plus particulièrement partagé les bravos décernés à la mu-
sique de M. Aimé Maillart.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
LE CONSERVATOIRE DE PARIS
ET LES
Conservatoires de province.
( Le Sémaphore. )
I.
De tous les temps les Conservatoires furent en butte aux at-
taques inconsidérées d'une foule de gens, qui, sans examiner le
sujet de leurs épigrammes railleuses, décernaient un brevet d'in-
capacité aux hommes d'étude, dont la mission consiste à révéler
chaque jour les secrets de l'art à ceux qui les ignorent pour les
conduire par degrés, si c'est possible, à l'apogée du talent et du
succès.
Au dire de ces personnes, les conseils et les leçons de la science
sont tout à fait superflus. Qu'est-il besoin, en effet, d'apprendre
la musique pour savoir chanter, et d'étudier la diction pour
interpréter les chefs-d'œuvre de la scène française? L'instinct
suffît, assure-t-on, et loin de développer les qualités d'un élève ,
les professeurs ne font souvent qu'en arrêter l'essor à force de
difficultés et d'entraves.
Pour réduire à leur valeur de telles assertions, il suffirait
d'abord de citer les jeunes gens qui, assez mal avisés pour les
prendre au sérieux, ont payé par des chutes éclatantes cette
révolte insensée contre les principes de l'art et les règles du goût.
Ensuite, et pour ne parler que du Conservatoire de Paris,
que de noms d'artistes célèbres viendraient se presser sous ma
plume si je voulais établir à l'appui de ma thèse une contre
partie ? N'est-ce pas le Conservatoire de Paris qui a formé Deri-
vis, Nourrit, Levasseur, Dabadie, Alexis Dupont, Mmes Bran-
chu, Damoreau-Cinti, Falcon, en même temps qu'il donnait à
l'Opéra-Comique Mmea Saint-Aubin, Boulanger, Pradher, Ri-
gault, Lemonnier; MM. Ponchard , Valère, Chollet , Roger,
Couderc, Jourdan ; puis, de nos jours, Mmes Carvalho, Lefebvre,
Cabel, et bien d'autres encore? Duprez et Mme Stoltz ne sont-ils
pas sortis de l'école de Choron ? Battaille et Faure, devenus pro-
fesseurs, n'enseignent-ils pas à leurs disciples ce qu'ils ont ap-
pris au Conservatoire, et MUe Ugalde, elle-même, cette artiste
de la nature, n'est-elle pas élève de sa mère, qui avait établi
dans son domicile, aux Batignolles, une école de musique à
l'usage de ses enfants ?
Si on jette maintenant un regard sur la Comédie-Française ,
on y rencontre les mêmes exemples d'artistes instruits dans
l'établissement célèbre du faubourg Poissonnière , et en tête
desquels figurent encore, à l'heure qu'il est, MM. Provost et
Samson, ce dernier le professeur à qui M1Ie Rachel confia, dés
le début de sa carrière, le soin de son avenir artistique. N'est-il
pas notoire, en effet, que M"e Rachel a suivi jusqu'au dernier
28
LE MÉNESTREL.
moment les leçons de son maîlre, comme jadis Mlle Mars suivait
les leçons du comédien Monvel?
D'ailleurs, comment s'élonner des attaques dont le Conserva-
toire de Paris est l'objet, s'écrie M. Paul Smith, dans un des
derniers numéros de la Gazette musicale, quand on voit que ces
agressions injustes ont précédé sa naissance ! On l'attaquait déjà
dans cette petife école royale du baron de Breteuil, et il faut
voir avec quelle vigueur de bon sens, de conscience et de juste
fierté Gossec la défendait dans une lettre à M. de La Ferté.
L'école n'existait que depuis deux ans et demi, et on l'accusait
déjà de ne rien produire ! Gossec répondit à ce reproche et à
bien d'autres :
Cette école contre qui l'on s'élève, que l'on se plaît à décrier,
et dont on veut prononcer l'inutilité, écrivait l'illustre fondateur
du Conservatoire; cette école n'a-t-elle pas montré les aperçus
les plus favorables ? La représentation de Roland , qu'elle a
donnée au théâtre des Menus, suffirait seule pour sa défense.
Cette représentation, donnée au bout de dix-huit mois d'école ,
avec des élèves tirés du néant et de la plus profonde ignorance,
des élèves à qui nous avions déjà donné des talents au bout de
ce terme, quoique les ayant commencés tous par l'alphabet de
chaque science que l'on professe à l'école ; cette représentation,
dis-je, ne tenait-elle pas du miracle? N'y a-t-on pas entendu,
indépendamment des premiers sujets qui s'y sont distingués ,
tous ces enfants rendre les chœurs, j'ose le dire, avec plus de
précision et de justesse que l'Opéra ? N'ont-ils pas exécuté mer-
veilleusement, l'année dernière, à différents examens, vous pré-
sent, Monsieur, des chœurs de Dardanus, d'Écho et Narcisse
etd'Alhalie?
Bref, et pour couper court à ce débat si fécond pour ma
cause en heureux témoignages, l'on peut affirmer sans crainte ,
qu'à de rares exceptions près, tout ce qui a pris part au mouve-
ment musical et dramatique sur les premiers théâtres de France,
depuis plus d'un demi-siècle, a puisé son éducation dans les
écoles, et principalement au Conservatoire de Paris. Après cela,
que deviennent les railleries de quelques censeurs inquiets, qui,
pour se distinguer de la foule des esprits judicieux, ne savent
opposer à leur opinion que le dédain moqueur ou le dénigre-
ment systématique? Aussi le Conservatoire de Paris, fier à juste
titre de ses innombrables succès, ne daigne pas même répondre
à de telles folies ; il se contente de former d'excellents élèves,
et, grandissant chaque jour sa réputation européenne, rappelle
ces vers d'un de nos meilleurs poètes de l'empire :
Le dieu poursuivant sa carrière ,
Verse des torrents de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs.
Certes, les Conservatoires en sous ordre ne jettent pas au fir-
mament de l'art ces éblouissantes clartés. Ici, c'est une œuvre
de dévoûment et d'abnégation, qui s'accomplit presque toujours
sans bruit et dans l'isolement le plus modeste. Le Conservatoire
de Paris, lui, du moins , a mille moyens pour confondre ses
détracteurs, tandis que les écoles de province ne peuvent, à
beaucoup près, disposer des mêmes ressources. Voyez plutôt :
A deux époques de l'année (il s'agit seulement ici de chan-
teurs),^Paris invite à ses examens tous les jeunes gens des deux
sexes desjquatre-vingt-six départements de la France, qui croient
avoir une .voix assez juste, assez puissante, assez étendue, pour
être reçus élèves pensionnaires ou externes dans l'établissement
de la rue Bergère. Le nombre des aspirants s'élève d'habitude
à cinquante ou soixante, quelquefois plus. Après avoir fait
chanter à chacun d'eux un morceau de musique, on choisit les
mieux doués sous le rapport vocal, sans préjudice de l'organi-
sation et des connaissances élémentaires qu'ils peuvent avoir
acquises. Le reste de la troupe, poliment éeonduit et plus ou
moins désappointé, après avoir dit un dernier adieu au boule-
vard des Italiens, parcouru les Champs-Elysées, salué, en pas-
sant, la colonne Vendôme, que tout Français doit être fier de
contempler, va faire son paquet et remonte en wagon pour aller
vivre tranquillement à l'ombre du clocher de sa ville natale.
Est-il besoin de dire dire qu'une fois reçus, les élèves du
Conservatoire de Paris renoncent tout à fait à leurs professions
premières, pour ne s'occuper exclusivement que de leurs études
artistiques? Admis dans les classes de solfège, de grammaire,
de chant et de déclamation, ils travaillent , de neuf heures du
matin à cinq heures du soir , avec leurs professeurs, et vont
ensuite compléter, par l'observation, des leçons qui continuent,
sons forme d'exemple, au théâtre, au concert, au salon et jusque
dans les rues , où la classe ouvrière et les enfants du peuple
parlent avec un accent harmonieux si purement français. Or,
en suivant ce programme avec zèle, jugez où peut atteindre un
élève dans l'espace de quelques années, s'il est assez heureux
pour n'éprouver dans ses études journalières_ aucune interrup-
tion.
En province, disons-le sans hésitation, ces choses-là diffè-
rent. Ici, point de voix choisies ; il faut les accepter comme elles
se présentent, à Marseille principalement, si indigente en fait de
belles voix. Les cours ont lieu trois fois par semaine ; mais les
élèves ne s'y rendent pas avec assiduité, sans qu'on puisse sévè-
rement leur reprocher leurs inexactitudes ; car, enfin, comment
faire? Ouvriers à la journée, qui finit à sept heures du soir, il y
a là des charpentiers, des portefaix, des calfats, des tanneurs,
des maçons, des employés d'administration ou de commerce. Ils
arrivent presque tous haletants, exténués de fatigue. L'un est
brisé par les nombreux fardeaux qu'il a portés dans la journée ;
l'autre éprouve un enrouement fâcheux pour avoir travaillé sur
un échafaudage, en plein vent, par un mistral de tous les dia-
bles. Je n'y vois plus, dit celui-ci, les chiffres et les calculs de la
journée m'ont mis la tête en déroute. Et moi, réplique l'autre,
si vous saviez dans quel état se trouve ma poitrine ; j'ai tanné plus
de trente peaux aujourd'hui et je termine à peine. Là dessus, on
fait chanter les plus valides, les autres se reposent; et tous, après
avoir assisté à la leçon du soir, retournent, le lendemain, à leurs
ateliers où ils oublient à peu près ce qu'ils ont fait la veille, et
se remettent à parler un langage qui ne ressemble en rien à ce-
lui qu'on apprend dans les classes de déclamation. Il faut donc
recommencer tous les jours avec un zèle et une patience infati-
gables, si l'on veut obtenir quelque résultat à la fin de l'année.
C'est l'histoire du rocher de Sysiphe, qui roule et retombe sans
cesse et qu'il faut sans cesse relever.
G. BÉNÉDIT.
{La suite au numéro prochain.}
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN.
LES POEMES DE LA MER.
Si, — comme l'a dit Chateaubriand , « c'est un grand mal
pour l'homme d'arriver trop tôt au but de ses désirs », — ce
n'est très-certainement ni le plus grand, ni le plus commun
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
29
parmi la multitude d'obstacles, souvent insurmontables, qui
entravent la carrière de l'artiste désireux de se produire. Les
compositeurs, surtout, ne connaissent guère le malheur d'arriver
trop tôt; car tandis que les peintres et les statuaires ont du moins
pour eux les expositions publiques, — que l'écrivain, en se
chargeant de tout ou partie des frais d'impression, peut, à la
rigueur, trouver un éditeur; — tandis que le virtuose a toujours
la ressource de produire son œuvre en l'exécutant lui-même
dans les concerts , le compositeur, dont la partition exige le
concours des chœurs, des solistes, et d'un puissant orchestre ,
ue peut espérer une interprétation convenable, à moins d'être
en mesure de couvrir tout d'abord les cinq ou six mille francs
de frais qu'entraîne une seule exécution sur un théâtre.
Audaces fortunajuvat, dit un ancien adage, la fortune sourit
aux audacieux : aussi en se lançant dans l'ode-symphonie à la
manière de Félicien David , avec solos, orchestre, chœurs et
stances déclamées, M. Wekerlin n'a-t-il pas hésité à se jeter en
pleine mer, — ce qui n'était pas sans danger, même avec la
poésie de M. Autran pour ceinture de sauvetage. Cependant, ce
n'est pas à l'auteur de tant de compositions justement appré-
ciées dans le monde musical, que doit s'adresser le vieux pro-
verbe latin. Car, mélodiste de l'école allemande-francisée ,
habile dans l'art d'écrire pour les voix, dans celui d'orchestrer,
d'harmoniser les timbres, si M. Wekerlin a visé à la scène par
des opérettes de salon très-goûlées, par un essai [V Organiste)
qui a réussi au Théâtre-Lyrique, l'administration de ce théâtre
a aussi reçu un grand ouvrage du même auteur, et (sans compter
plusieurs partitions en portefeuille) il en a encore un autre éga-
lement reçu, — quoique moins important, — à l'Opéra-Co-
mique.
En organisant la grande soirée de mercredi dernier, au
Théâtre-Italien, en s'imposant les frais énormes qu'entraînait
l'exécution des Poèmes de la mer, M. Wekerlin n'a donc pas
fait preuve d'audace, il se produisait très-honorablement sur
une grande scène, avec un orchestre d'élite, à la tête de 150 exé-
cutants qu'il a dirigés lui-même. Sans parler du succès, — le
chiffre de la recette est là pour donner raison à son initiative,
— et celte recette ne contribuera peut-être pas moins que son
talent à stimuler les directeurs en retard dans l'exécution de
leurs promesses.
Fatigué d'attendre la mise en scène des poèmes dont il a fait
la musique, en l'absence d'un librelto de nature à remplir le
but nouveau qu'il se proposait, le musicien a cependant trouvé
moyen de s'en procurer un. Il a puisé çà et là quelques strophes
détachées dans le volume de poésies de M. Autran [les Poèmes
de la mer), et par leur heureuse succession, le choix forme, —
si ce n'est une action suivie, — du moins le cadre que remplit
une partition où se révèlent les qualités du compositeur.
Mais avant de passer à la musique, indiquons d'abord som-
mairement comment M. Wekerlin a su grouper quelques poésies
détachées pour en faire sortir sa grande Ode symphonique. Ce
sont tour à tour : la naissance des vagues, — une rêverie au
bord de la mer, — un bruyant départ de matelots ; puis du sein
de l'Océan s'élève pendant le calme de la nuit la chanson d'un
triton. A ces mâles accents succèdent les douces voix des océa-
nides que couvre bientôt le bruit de la tempête ; elle s'apaise,
et un pauvre petit mousse chante dans la mâture son mélanco-
lique refrain. Enfin, les heures se sont écoulées, le soleil se lève,
l'hymne de la nature entière s'épand sur l'azur des flots, et
l'esquif vogue lentement. Alors le drame maritime finit par la
pensée religieuse que fait naître dans l'âme l'éternel mouvement
des vagues, cette grande loi, — dit le poète, — que Dieu fit
pour la mer comme pour l'humanité.
L'Ode-Symphonie formait la seconde partie du Concert; main-
tenant que nous arrivons à la musique, passons d'abord à la
première où l'auteur a successivement fait entendre l'ouverture
de Rézia, une Ballade orientale, la célèbre ode de Gilbert et
Y Adieu des Bohémiens.
En retard pour l'ouverture, je ne suis arrivé que juste à temps
pour les premiers accords de la ballade. Là, au milieu d'une so-
norité de couleur toute locale, paraît et disparaît, pour reparaître
encore, un chant mélancolique dont le timbre agreste du haut-
bois et la douce voix de M. Félix Lévy ont été les interprètes, et
qu'ont fait plus ressortir encore le caractère original des
chœurs et une remarquable instrumentation.
Les navrantes stances de Gilbert mourant ont inspiré à
M. Wekerlin une sombre mélodie; il y a surtout une phrase
pleine de douleur et de larmes ; et cette phrase, M. Belval Ta
interprétée avec toute la douceur possible à une voix de basse
profonde. Mais cet organe, ce timbre surtout sont tout-à-fait
invraisemblables pour le jeune malade dont la voix mourante
murmure un sublime et dernier adieu.
Quanta l'^yieu des Bohémiens, dont une jeune et jolie per-
sonne , mademoiselle Balbi , a très-bien chanté et vocalisé les
solos, il faudrait bien des lignes pour indiquer seulement le rôle
des chœurs et de l'orchestre. C'est écrit à la manière de Weber
dans Preciosa, et instrumenté en maître.
L'analyse de chaque morceau de Y Ode-Symphonie m'entraî-
nerait bien plus loin encore, aussi résumerai-je par de simples
appréciations générales. Constatons d'abord que, chose rare par
le temps qui court, la partition tout entière est très-sagement
écrite pour les voix. L'intervention des chœurs joue un grand
rôle, et toute la partie symphonique, sans recourir à l'imitation
matérielle y est toujours descriptive. Les flots se soulèvent sous
le souffle de la tempête, ou réfléchissent doucement l'azur des
cieux ; ces tableaux arrivent mystérieusement à l'âme en se glis-
sant par l'oreille, au lieu d'y arriver par les yeux, car c'est l'o-
reille qui voit. Au départ des matelots, ce sont des scènes de
danses et de joie tumultueuse, auxquelles succède le silencieux
balancement de la houle. La chanson du Triton (pour voix de
basse) est une légende sonore à la manière allemande; la tem-
pête est une traditionnelle page symphonique où les sifflements
de la petite flûte sillonnent les sombres modulations de l'orches-
tre comme l'éclair sillonne la nue; la chanson du Mousse (que
Mlle Balbi a été obligée de recommencer, après l'avoir interpré-
tée de manière à enchanter la salle entière) emprunte une dou-
ceur pleine de charme au mélancolique accompagnement du cor
anglais. Mais le bijou de la partition, un chant que tout le monde
voudra entendre, que tout le monde voudra chanter pour soi,
pour les autres, dans les concerts, dans les salons, dans la soli-
tude, c'est la romance pour ténor que l'on a fait bisser à M. Fé-
lix Lévy.
La ravissante mélodie semble apportée par le vent que souffle
un chœur mystérieux à bouche fermée, tandis que les arabes-
ques des instruments à vent et les pizicatli des violoncelles se
dessinent sur le timbre voilé des altos avec sourdines.
C'est une trouvaille enfin, que cette poétique inspiration; elle
suffirait seule à un succès, aussi ce succès n'a-t-il pas fait défaut
30
LE MÉNESTREL.
à M. Wekerlin ; il a dû éclater de nouveau à la fin de la soirée,
mais je n'étais plus là pour applaudir avec la foule, j'étais allé
chercher cet air extérieur dont je' ne saurais me passer pendant
toute une soirée, depuis la fièvre qui m'a tenu si longtemps loin
du Ménestrel. Je dirai donc en finissant que sur les tenues de
l'orchestre, mademoiselle Karoly a déclamé quelques strophes,
quelques vers isolés, quelques fragments de récils; et je ne cloute
pas que le quatrième acte des Horaces, par lequel s'est terminée
la soirée aura valu à l'énergique tragédienne tous les applaudisse-
ments qu'avait déjà mérités cette preuve de complaisance et d'ab-
négation personnelle.
Léon Gatayes.
SEMAINE THEATRALE.
Les recettes du Papillon s'élèvent au maximum, malgré la
bulle d'excommunication du Très-iY-Rév. P.-. Scudo. Ce succès
d'argent est tout un honneur pour les ballets en général qui se
trouvaient singulièrement compromis au point de vue de la
location.
Les études de mise en scène viennent de commencer à I'Opéra
pour le Tannhauser. L'œuvre de Richard Wagner nous est
promise pour)les premiers jours de février. Le ténorallemand Rei-
chartest à son poste et brillait parmi les célébrités vocales et
chorégraphiques qui assistaient au bal annuel de la caisse des
pensions des artistes de l'Opéra.
L' Indépendance belge nous apprend dans sa correspondance
théâtrale que notre maestro Halévy s'occupe d'un opéra en
quatre actes intitulé Vaninad'Ornano, paroles de MM. de Saint-
Georges et Léon Halévy. — On annonce la reprise de Guillaume
Tell pour demain lundi. — Aujourd'hui dimanche, laFavorite.
Aux Italiens, on répète activement il Ballo in Maschera de
Verdi. — Mercredi dernier, M. Calzado avait ouvert sa salle aux
poèmes de la mer, ode-symphonie de J.-R. Wekerlin. (Voir no-
tre article.) — Aujourd'hui dimanche, I Puritani.
Un début assez heureux s'est accompli l'autre soir à I'Opéra-
Comiqce; c'est celui de Mme Numa Blanc, élève de M. Pierma-
rini. Il fallait certes quelque courage pour aborder ce rôle de
Virginie, du Caïd, où mainte habile cantatrice n'a pu effacer
l'empreinte de Mme Ugalde. Mme Numa s'est risquée, et à travers
force émotion , elle a su se faire accueillir avec sympathie.
Comme comédienne elle a de l'entrain, et s'est fort gaîment
acquittée de la partie comique de ce charmant opéra. — Demain
lundi, on annonce comme définitive la première représentation
de Barkouf.
L'administration du théâtre des Bouffes- Parisiens , pour
répondre aux nombreuses demandes qui lui sont adressées , se
décide à donner encore deux représentations d'Orphée aux En-
fers, après quoi trois opérettes nouvelles prendront place sur
l'affiche, de deux en deux jours.
Le Théâtre-Lyrique nous a donné lundi dernier ses Pêcheurs
de Calane, musique de M. Aimé Maillart. (Voir notre article de
ce jour.)
Le Gymnase a eu jeudi dernier une représentation extraor-
dinaire au bénéfice de la Caisse de secours. Le grand attrait de
la soirée était la cérémonie du Malade imaginaire, avec les
artistes de la Comédie-Française et de la plupart des théâtres.
Le Vaudeville va, dit-on, fermer ses portes pendant quel-
ques jours pour r'ouvrir ensuite avec éclat. En attendant, la
nouvelle direction fait répéter activement les Femmes fortes, de
M. Victorien Sardou.
Les revues de l'année vont agiter leurs grelots sur plusieurs
théâtres secondaires ; quelques-uns ont déjà donné le signal : la
revue des Variétés, annoncée pour hier samedi , ne sera déci-
dément jouée qu'aujourd'hui dimanche.
J. L.
NOUVELLES DIVERSES.
— Darmstadt sera la première ville en Allemagne où l'on représentera
le Faust de M. CI). Gounod. On étudie avec beaucoup de soins ce remar-
quable ouvrage, dont la représentation ne peut manquer d'attirer une
foule de curieux des villes voisines.
— On écrit de Kœnigsberg qu'un opéra du comte de Redern, intitulé :
Christine, a été représenté sur le théâtre de cette ville.
— Cologne est la première ville de l'Allemagne qui ait adopté le diapa-
son normal fixé par la France, et, disent les correspondances, le résultat
de cette mesure est des plus satisfaisants.
— Un correspondant de Berlin nous apprend qu'au concert donné ré-
cemment par là Société philharmonique de Postdam, les organisateurs
ont eu, pour la première fois, l'idée de faire distribuer des rafraîchisse-
ments aux dames, entre les deux parties du programme. Cette agréable
innovation, si elle faisait son chemin, plairait également aux deux sexes.
— Les journaux italiens annoncent l'arrivée à Paris, de M. Borri, chargé
de composer et de régler le ballet dont Mme Ferraris doit créer le principal
rôle au théâtre impérial de l'Opéra.
— Le théâtre italien de Madrid est en veine de succès, grâce à l'habile
direction de M. Bagier, homme de tact et de goût. M110 Sarolta et Mme De-
meric-Lablache ont fait merveille dans le Trovatore. Comme nouveautés,
on prépare à ce théâtre le Ballo in Maschera de Verdi, et Pierre de IWé-
dicis du prince Poniatowski ; on attend beaucoup de ces deux opéras,
qui ont reçu un brillant accueil, l'un en Italie, l'autre à Paris.
— Le jeune et déjà célèbre violoniste Sarasate dont nous avons enre-
gistré les triomphes en Espagne, vient d'être l'objet d'une distinction aussi
exceptionnelle que glorieuse de la part de sa Souveraine, qui a daigné lui
accorder la croix de Charles III. C'est la première fois qu'un artiste de
seize ans aura mérité une telle faveur.
— La même correspondance nous apprend que MUe Mariquitta de Biar-
rote, qui a récemment quitté Paris pour aller se fixer à Madrid, s'est fait
entendre pour la première fois dans une représentation extraordinaire
donnée au Théâtre-Italien, au profit des orphelins, sous le patronage de
S. M. la Reine. — Mllc de Biarrote a exécuté la grande et belle fantaisie de
Goria sur la Lucrezia , et avec un tel succès qu'on lui a jeté bou-
quets et couronne. La couronne, en fleurs artificielles ornée de rubans,
portait pour inscription : « Hommage au talent artistique de M'le de Biar-
rote. »
— Voici, depuis le commencement de ce siècle, la liste des personnes
qui ont été à la tête de l'administration de l'Académie impériale de Mu-
sique :
En 1800. M. Bonet, commissaire du gouvernement. — 1801. Cellerier,
directeur. — 1802. Le Premier Consul met l'Opéra sous la surveillance d'un
des préfets du Palais. M. Morel, parolier, directeur. Lemoyne, musicien,
directeur pendant quinze jours. — 1803. M. Bonet, directeur. — 1807.
Napoléon donne la surintendance de l'Académie impériale de Musique à son
premier chambellan, M. Picard, auteur dramatique, directeur. — 1814. Le
ministre de la maison du roi prend l'Académie royale de Musique dans ses
attributions. — 1815. M. Papillon de la Ferté, directeur-général pour le
ministre. M. Choron, régisseur. Permis, inspecteur delà musique. — 1817.
Courtin, administrateur. — 1818. Pertuis, directeur. — 1819. Viotti,
directeur. — 1821. Habeneck, directeur. — 1824, Duplantys, directeur.
— 1828. M. Lubbert, directeur. — 1831. Le ministre abandonnant la régie
NOUVELLES ET ANNONCES.
31
de l'Académie royale de Musique, en accorde le privilège à M. Véron, qui
entreprend à ses risques. — 1835. M. Duponchel, directeur. — 1840.
MM. Duponchel et Ed. Monnais, directeurs. — 1841. M. Léon Pillet prend la
direction. — 1847. MM. Duponchel et Nestor Roqueplan, directeurs. —
1848. M. Nestor Roqueplan, seul. — 1854. M. Nestor, administrateur im-
périal. — 1854. M. Crosnier. — 1856. M. Alphonse Royer.
— On annonce le mariage du fils d'Adolphe Nourrit, — M. Rohert Nour-
rit, docteur en droit, — avec MUe Marie Pion, fille de M. Henri Pion, im-
primeur de l'Empereur.
— Roger rentre dans Paris après des pérégrinations aussi triomphales
que fructueuses. En moins d'un an, ses représentations lui ont produit
plus de 125,000 fr. A Marseille, on lui a demandé Zampa, rôle de prédi-
lection de réminent ténor qui a fait les honneurs de nos deux grandes
scènes lyriques françaises personnifiées dans Zampa.
— On lit dans une correspondance de Londres, à la date du 13 ;
« Depuis hier le Théâtre-Français a cessé d'exister. Tous ceux qui con-
naissent M. Talexy regrettent qu'il soit victime de la mauvaise saison. Il
est certain que si le Théâtre-Français pouvait réussir à Londres, ce ne se-
rait qu'en été et avec des artistes de premier ordre. »
— Les Sociétés philharmoniques de Rennes, Laval et le Mans annon-
cent la reprise de leurs concerts d'hiver.
— Ce sont les sœurs Marchisio qui ont été engagées pour les prochains
concerts de Nantes et Angers. Elles y chanteront leurs incomparables duos
de la Semiramis, de Mathilde de Shabran et de Norma.
— La Société des Concerts du Conservatoire reprendra ses séances le
13 janvier prochain.
— Les samedis de M. et Mme Rossini deviennent de plus en plus bril-
lants. Notre grand maestro, non-seulement reçoit nos artistes en renom ,
mais il encourage avec la même affabilité les jeunes talents qui ambi-
tionnent de se faire entendre dans son salon. Ainsi ces derniers samedis,
à côté de Mlle Grisi, do Badiali, du violoncelle de Braga, du piano de
jjme Tardieu de Malleville, de Stanzieri, — qui nous a redit la Tarentelle de
Rossini, comme seul il sait l'interpréter, — nous avons entendu et applaudi
le charmant violoniste Accursy et sa jeune femme, pianiste des plus
agréables, les frères Castellani , amateurs distingués , au talent d'artiste,
et un ténor, M. Naudin, que M. Lumley tient en cage dorée, et sur lequel
le célèbre impressario fonde toute une Californie d'espérances. De plus, à
l'exemple des frères Castellani, nos meilleurs amateurs se font un plaisir
de prendre place au piano , témoin Mnle Dubois qui phrase et poétise la
musique comme son maître Chopin ; témoin Mmc Conneau, qui nous
prépare une nouvelle Regata de Rossini. Quant aux accompagnateurs,
ils abondent chez le maestro. Alary et M. Peruzzy s'y font remarquer
entre tous.
— Son Excellence le Ministre des Cultes et de l'Instruction publique a
désigné M. Lefébure-Wély pour aller faire l'inauguration du grand orgue
construit par M. Cavaillé-Coll, pour la cathédrale de Carcassonne. Cette
réception officielle a lieu demain lundi, et de plus, M. Lefébure est invité
par Monseigneur l'Évêque à vouloir bien se faire entendre aux fêtes de
Noël. C'est là un vif plaisir dont le public parisien est privé depuis trois
ans à la Madeleine.
— On lit dans la Revue parisienne et départementale de M. Ch. Villagre,
revue littéraire et artistique :
« Parmi les hommes dont les travaux ont contribué au progrès de l'ensei-
gnement du chant, M. Dorval-Valentino mérite une mention particulière.
— Ancien élève pensionnaire du Conservatoire, M. Dorval-Valentino a su
tirer de l'audition et de la fréquentation des grands maîtres, Ponchard,
Bordogni, Duprez, etc., tous les éléments constitutifs d'une étude sérieuse
de ce grand art, trop souvent exploité par l'ignorance et la routine; son en-
seignement repose sur des principes clairs, précis, "rationnels, d'une appli-
cation aussi prompte que facile. Depuis la connaissance des notes jusqu'à
la phraséologie de la mélodie et Yexpression, qui sont le complément des
études, il possède un système de démonstration, qui forme un ensemble
homogène, un tout parfaitement saisissable et à la portée des organisa-
tions les moins heureuses. Le développement de la voix est un résultat
presque immédiat de sa méthode. M. Dorval-Valentino a publié sur l'art
de la prononciation, un ouvrage remarquable, qui a été ai prouvé par le
Conservatoire, et dont un grand nombre d'exemplaires s'est rapidement
écoulé. »
— Les salons Pleyel-Wolff et leur élégant public ont fêté, mercredi
dernier, le pianiste-compositeur Wieniawski , dont le concert, malheu-
reusement, s'effectuait le même jour et à la même heure que la solennité
de l'ode-symphonie : les Poèmes de la mer au Théâtre-Italien. Pour notre
part, nous avons été privés d'entendre M. Wieniawski. mais nous aurons
occasion de revenir plus d'une fois cet hiver sur le talent de cet artiste
hors ligne.
— On annonce le retour à Paris du pianiste-compositeur Emile Forgues
qui compte nous faire entendre un nouveau concerto-symphonique avec
orchestre et plusieurs nouvelles compositions.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues fr
rue Jean-Jacques Rou
GAMBOGI frères, successeurs de C1IÀBAL , éditeurs de musique,
15, boulevard Montmartre.
ÉTRENNES 1861
A LA. MEMOIRE
3BE A. GOÏKIA.
AVEC SON PORTRAIT PHOTOGRAPHIÉ PAR MM. PETIT ET TRINQUART.
Delioux (Ch.). Garde à vous. (Ronde de nuit.)
Godard (Alf.). Alice. (Valse.)
Ketterer (E.). Mazurka des Patineurs. (Souvenirs du Nord.)
Ki'îiger (W.J. Rosemonde. (Mélodie de Schubert.)
Lefébure-Wély. Romance sans paroles.
L,eyl>acli (J.). Op. 42. Charme du salon. (Caprice.)
Marniontel (A.). Op. 56. 2mc Sérénade. (Genre espagnol.)
ÎUagmis (D.). L'Adieu du Pécheur. (Esquisse musicale.)
©'Kelly (J.). Au bord de la Mer. (Méditation.)
Pfeiffer (Georg.). La Houlette. (Feuillet d'album).
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3e Livre. Douze étudescaractéristiquesd'undegrésupérieur. Prix : 12 fr.
LE JEUNE PIANISTE CLASSIQUE
PAR
HAYDN.
1. Final du trio en fa.
2. Menuet du même trio.
3. Final du trio en la.
4. Allegro de la symphonie en mîb
WEISS
MOZART.
9. Menuets extraits de ses symphon.
10. Final de la symphonie en ré.
11. Final du quatuorensoJ mineur.
12. Presto de la sonate en si bémol.
BEETHOVEN.
5. Adagio, allegro, symphonie enw£. I 7. Menuet et scherzo du septuor.
6. Final du quatuor en fa. \ 8. Allegro du trio en mi bémol.
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
1. PaulBernàrd. Bellasera, idylle.
2. J.-L. Batthank. Menuet et galop
d'Orphée aux enfers.
3. Ph. Stiitz. Juana, polka-ma-
zurka.
4 Th. Lécuredx. Fleuve du Tage,
transcription variée.
Broché : 8 fr.
5. Arban. A vos souhaits, polka.
6. Ch. Neustedt. Il mio tesoro ,
transcription de Don Juan.
7. A. Croisez. Guipures et Den-
telles (n° 1)
8. Strauss. 2e quadrille sur Sémi-
ramis.
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DEGAMERON DRAMATIQUE.
Album de danse par
J OFFENBACH
LES SAISONS deJ. HAYDN
Oratorio en quatre parties
Traduction française de G. Roger, seule édition con
forme à l'exécution des concerls du Conservatoire,
orné du portrait de J. Havdk.
Broché : 10 fr. Reliure toile : 15 fr. Velours : 30
ALBUM ARTISTIQUE
FRERES LIONNET
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
ALBUM DE SALON
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J LEYBACH-
1. Mes solitudes, 4a nocturne.
2. Souvenirs d'Allemagne, 3° valse.
3. Ronde pastorale, 3e idylle.
4. Confidence, romance sans paroles.
5. Fête aux Champs, galop pastoral.
6. La Hongroise, caprice-mazurka.
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
LE JEUNE PIANISTE
Morceaux faciles sans octaves,
composés par
HVALIQUET, J.-L- BATTMANN,
A- DESSANE
Broché : 8 fr. Relié : 12 fr.
L'ALBUM-COTILLON
PAR
LABORDE, avec DESSINS
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A CROISEZ
Guipures et Dentelles.
Valse et mazurka (n° 1 et 2).
CH DELIOUX
Deux Sérénades (n° 1 et 2).
TH LÉCUREUX
Transcriptions variées.
Fleuve du Tage. — Mœris, de Mrae Gail.
Valse des Pâtres du Valais.
CH -B LYSBERG
L'absence, sonate romantique. — Andante, idylle.
Airs savoisiens variés.
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Barcarolle et chanson de Fortunio.
Galop de concert. [ Prima sera, idylle.
FELIX GODEFROID
Johanisberg , valse desalon. | Une Fièvre brûlante, transcription.
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Morceau de concert, varié. | Morceau de salon , varié.
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Vingt-cinq nouvelles études de moyenne difficulté.
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Elégie à la mémoire de sa mère.
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Douze études récréatives.
(Livre "deuxième).
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Transcriptions variées.
1. La ci darem la mano.
2. /( mio tesoro.
3. Sérénade et duo de Don Juan.
MARMONTEL
Thème varié, ancien style. Musette, pastorale.
Venezia, barcarolle.
AIRS DE BALLET, ARRANGEMENTS ET MUSIQUE DE DANSE
Du nouveau ballet | V> DADII I f% M Musique de
deioPÉRAde LiC rMrlLLUri j. offenbach.
1. Marche paysanne. M""> MARIE TAGLIONI et de M. DE SAINT-GEORGES. 5. Marche du Palanquin.
2. Chant du Papillon. QTRÂIIQQ 6- Potonaisedes Bohémiennes.
3. Andante-Bohémiana. O 1 rlMUOO 7 Valse des Fleurs
4. Valse des Rayons. Quadrille , Vajse des RA YONS et Polka-Mazurka la LESGUINKA. g. Galop des papiUonSt
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Composés pour les bals de la Cour et de l'Opéra.
ARBAN : Polka des Métamorphoses. La fée Hamza. M118 Marquet. | PH- STUTZ '. La Fée des Moissons. Polka-mazurka. M11» Schlosser.
MUSARD: Les Circassiennes. Deuxième quadrille. | H, VALIQUET ." Quadrille et valse faciles, sans octaves.
75S. — 28e Année.
K« 8.
TABLETTES
iSTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 30 Décembre
1860.
QaS3
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
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LES* BêlïBïB'MBTX , « BtBs, rue Vivienne. — IIËUGEL et O, éditeurs.
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: Jean-Jacques Rou
SOJVOIAIfllE. — TEXTE.
I. L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâtres : Chérubini et Onslow
(19e article). L. Meneau. — II. Théâtre de l'Opéra-Comique : première repré-
sentation de Barkouf. J. Lovy. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur :
Le Conservatoire de Paris et les Conservatoires de province (2° article). G. Bé-
hédit. — IV. Semaine théâtrale. J. Lovy. — V. ^Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE PIANO :
Nos abonnés àla musiquede Piano recevront avec le numéro de cejoui1 :
»""■• QUADRILLE DE SÉMIRAMIS ,
Par Strauss. — Suivra immédiatement après : le premier quadrille du
Papillon, composé par Strauss pour les bals de la Cour el de l'Opéra,
sur les motifs du ballet de J. Offenbach.
CHANT:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
HARMONIE DE LAMARTINE ,
Musique de Mme Pauline Thys. — Suivra immédiatement après :
Tes vingt ans , du même auteur.
LOFERA -COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GHANUE EXTENSION.
SECONDE PARTIE. — XIX0 SIÈCLE.
CHAPITRE VI.
CHÉRUBINI , OIVSLOW.
XIX.
CHÉRUBINI.
Parmi ceux de ses collègues de l'Institut pour lesquels Méhul
avait le plus de sympathie, Chérubini était en première ligne (1).
(1) Comme nos lecteurs le verront, cette appréciation de Chérubini et
de ses œuvres est traitée au point de vue tout spécial de l'opéra-comique.
Le Ménestrel se réserve, ainsi que pour Méhul, de publier une notice
biographique complète de Chérubini, celle-ci due à M. Denne Baron.
Lorsque Napoléon offrit à l'auteur de Joseph d'être directeur
de la chapelle impériale, Méhul demanda que son ami partageât
cette fonction avec lui : l'empereur s'y refusa et accorda la place
à Lesueur. Chérubini ne jouit du reste que fort peu, pendant
toute sa carrière, de la faveur impériale. Son caractère, très-ori-
ginal, son franc-parler, souvent peu parlementaire, ne furent
point étrangers à cette disgrâce. On raconte que le général Bo-
naparte, ayant été reçu au Conservatoire, eut à y subir l'audition
de cantates laudalives, composées par Lesueur, Méhul et Ché-
rubini.— Le vainqueur d'Italie fit à ce dernier des remarques
critiques sur son œuvre. — « Général, lui dit Chérubini, lors-
« que vous faites un plan de bataille, vous ne consultez que vo-
« tre génie. » Sur quoi, dit-on, le grand capitaine lui tourna le
dos (2).
Il y avait entre Chérubini et Méhul une certaine affinité de
talent. Quoique Italien de naissance (3), par ses œuvres, il se
rapprochait plutôt de l'école allemande que de celle à laquelle il
devait son éducation. A vrai dire, le style de Chérubini appar-
tient, bien plus encore que celui de Méhul, à cette école éclecti-
que qui caractérise en musique la scène française : il perfectionna
ce genre auquel se rattachent les compositeurs français actuels,
pour la plupart ses élèves. «Sa manière, dit Ad. Adam, est moins
italienne que celle de Mozart, elle est plus pure que celle de Bee-
thoven; c'est plutôt la résurrection de l'ancienne école d'Italie
enrichie des découvertes de l'harmonie moderne. »
Un fait singulier se présente à propos de l'œuvre de Chéru-
bini. Ses partitions eurent une influence immense sur celles de
ses contemporains. 11 fut en quelque sorte l'astre autour duquel
'(2) A. Elwart. Histoire de la Société des Concerts.
(3) Marie-Louis-Charles-Zénobi-Salvador Chérubini était né à Florence
le 8 septembre 1760. M. Elwart, dans l'intéressant ouvrage que je viens
de citer, le fait naître le 14 septembre , contrairement à plusieurs autres
biographes.
34
LE MÉNESTHEL.
gravitaient les planètes Lesueur, Berton, Kreutzer, lesquelles
avaient elles-mêmes leurs satellites, Steibelt, Gaveaux, Solié, De-
vienne, Bruni, Bochsa, etc., et cependant on ne joue plus guère
en France les opéras de l'illustre directeur du Conservatoire. La
postérité le salue comme un des grands artistes du siècle, et la
plupart de ceux qui sont disposés à encenser son autel ne connais-
sent point ses œuvres. Cent fois meilleur musicien que Nicolo, il
n'atteignit point à la popularité de l'auteur de Joconde. Nous
avons vu quelque chose de semblable se produire à propos de
Philidor et deMonsigny.
Chérubini écrivait pour les délicats de la musique et les fi-
nesses de touche qui fourmillent dans ses partitions passaient
inaperçues aux yeux, ou mieux, aux oreilles des spectateurs. La
foule est bien plus impressionnée par la pensée même de l'au-
teur que par la manière dont il l'a rendue ; les délicatesses du
style ne sont appréciées a leur juste valeur que par les érudils
ou les gens du métier. Yoilà pourquoi Chérubini n'a pas ob-
tenu, comme je l'ai dit plus haut, de succès proportionnés à son
immense mérite.
Son culte pour la forme et les développements complets de
l'idée musicale l'ont entraîné dans des longueurs, qui, parfaite-
ment à leur place dans la musique d'église ou de chambre (dans
le Credo de la messe du sacre, par exemple), ralentissent au
théâtre la marche du drame. Le spectateur est porté plus vo-
lontiers à se plaindre de la lenteur de l'action dramatique qu'à
admirer le fini du travail. « Il y a, dit M. Fétis dans sa pre-
mière lettre aux compositeurs dramatiques, dans les opéras de
Chérubini des morceaux qui ont toujours fait naître l'admi-
ration d'un auditoire d'élite, lorsqu'ils étaient exécutés au piano,
et qui sont aussi remarquables par leur expression dramatique
que par la beauté des formes ; cependant ils manquaient leur
effet a la scène, parce que le grand artiste ne comprenait pas
que la musique ne fût pas la chose importante dans un opéra. »
Si nous remontons aux premières leçons données à Chérubini
par plusieurs maîtres florentins, nous voyons le jeune maestro
faire exécuter une messe de sa composition dès l'âge do 12 ans.
Ce début fait, il écrivit pour l'église et le théâtre jusqu'à ce
que le duc de Toscane , Léopold II , étonné de la précocité de
son esprit , l'envoyât en 1778, à Bologne, avec une pension
pour qu'il étudiât sous la direction de Sarti. Ce maître per-
fectionna l'éducation de Chérubini, à ce point que l'élève fut
bientôt aussi savant que le professeur, c'est-à-dire qu'il devint
le musicien le plus érudit de notre époque.
Il composa d'abord des opéras pour plusieurs villes d'Italie et
se rendit ensuite en Angleterre où il travailla pour le théâtre
royal ; il revint à Paris quelque temps après, retourna en Italie
et fit un second séjour à Londres. Enfin, il se fixa définitivement
en France, en 1788, et donna à l'Opéra, Démophon, représenté
le 2 décembre, sans beaucoup de succès.
Après avoir écrit plusieurs morceaux intercalés dans les opé-
ras qu'une troupe italienne, réunie par Violti, donnait au théâtre
de la foire Saint-Germain et dont Chérubini dirigeait les répéti-
tions, le maestro fit son début à l'Opéra-Comique par Lodoïska,
le 20 juillet 1791.
L'une des raisons qui avaient nui à la réussite de Démophon,
tenait évidemment de ce que précédemment Vogel avait traité le
même sujet ; on connaissait déjà en France l'ouverture très-ad-
mirée du compositeur allemand et chacun éprouvait de la sym-
pathie pour le jeune compositeur qu'une mort récente venait
d'enlever à l'art musical. On s'étonnait qu'un musicien, alors
peu connu, allât sur les brisées du regrettable et regretté défunt.
Or, un motif analogue nuisit à la réussite de Lodoïska: Kreutzer
avait traité le même sujet peu de temps avant. La Lodoïska de
Chérubini était cependant bien remarquable par les effets nou-
veaux de développements dans les idées et de richesse instru-
mentale que Mozart faisait connaître alors à l'Allemagne, mais
qui n'étaient point encore parvenus jusqu'à nous.
A la fin de 1794, il fit jouer au théâtre Feydeau Elisa ou
le Mont Saint-Bernard, un de ses chefs-d'œuvre. Cette parti-
tion, malgré les beaux morceaux dont elle était composée (l'in-
troduction, par exemple, et presque tous les chœurs) ne put se
soutenir à la scène, à cause de la faiblesse du librelto. Ce fut là
le sort de presque toutes ses pièces, à l'exception des Deux jour-
nées, poëme agréable de Bouilly, qui ne manquait point de sen-
sibilité.
Les chœurs (ÏÊUsa, que l'on doit particulièrement mention-
ner sont ceux-ci : 0 ciel, daigne exaucer mes vœux .'...Buvons...
et Allons, en route... Il montra dans ces morceaux une inspira-
tion soutenue, unie à cette richesse de style qui ne lui faisait ja-
mais défaut.
1797 vit paraître Médée, drame lyrique pour lequel il écrivit
une partition d'un genre sévère et élevé, bien appropriée au su-
jet. Le rôle principal était tenu par Mme Scio (1), cantatrice et
actrice distinguée, qui faisait admirer dans cet opéra sa rare
intelligence de la scène, l'expression de son chant et la pureté
argentine de sa voix.
Médée (comme la plupart des œuvres de Chérubini) eut plus
de représentations à l'étranger, et particulièrement en Allemagne,
qu'en France.
En 1777, il avait donné au théâtre Feydeau un à-propos en un
aote : la Mort du général Hoche (1); l'année suivante il fit jouer
au théâtre Favart : l'Hôtellerie portugaise, partition dans la-
quelle on remarque principalement un délicieux trio; dans ce
morceau, il réunit deux qualités qui trop souvent s'excluent
l'une l'autre dans certaines œuvres musicales : l'inspiration, la
méthode. Cependant, l'Hôtellerie portugaise ne réussit encore
qu'à moitié : le compositeur avait travaillé sur un libretto dénué
d'intérêt ; son talent spéculatif ne voyait trop souvent dans le
poëme d'un opéra que des mots, moyens indispensables pour l'é-
mission de la voix. Aussi n'était-il point difficile dans le choix de
ses paroliers. Il écrivait un. peu ses œuvres dramatiques à la fa-
çon des symphonies. Cependant Chérubini, bien au contraire,
n'était point dépourvu du sentiment de la scène, il l'a surabon-
damment prouvé lorsque son poète sut lui fournir des situations
intéressantes, comme Bouilly le fit dans les Deux journées, qui
eurent un succès colossal.
Parmi les morceaux les plus remarquables de cet opéra, il y a,
outre l'ouverture, bijou instrumental finement ciselé, le final du
premier acte, le duo pour soprano et ténor : Me séparer de mon
époux..., celui pour ténor et basse : O mon libérateur!..., et
(i) Julie-Angélique Legrand était née à Lille en 1768. Elle eut beau-
coup de succès dans les théâtres du midi, où elle débuta et fit connais-
sance d'Etienne Seio, premier violon du théâtre de Marseille, qui l'épousa.
Ils allèrent à Paris où ils furent engagés d'abord au théâtre Molière, puis
au théâtre Feydeau, où Mmo Scio obtint la première place, qu'elle garda,
même à la réunion des théâtres Feydeau et Favart. Elle mourut à Paris
d'une phlbisio pulmonaire à l'âge de 39 ans. — Etienne Scio composa
plusieurs petits opéras d'une mince valeur.
(1) Le général Hoche était l'ami de Chérubini.
TABLETTES DU PIANISTE ET 1)1! CHANTEUR.
35
la délicieuse romance : Guide mespas, 6 Providence .'...Les Deux
journées furent une des pièces oùbrillail le plus Mme Scio.
Pour compléter la liste' des opéras, dont Chérubini écrivit la
partition sans collaborateurs, il faut citer Koucourgi (1), posté-
rieur à Lodoïska et resté inédit; la Punition (1799), un acte au
théâtre Monlansier et le Crescendo (1810) ; dans ce dernier ou-
vrage, ayant à écrire pour Martin un air dont le sujet était le
récit d'un combat, fait devant un- homme qui déleste le bruit, il
fit chanter le morceau solto voce et écrivit un accompagnement
de quatuor en sourdine. Cet effet original réussit complètement.
Commandeur de la Légion d'Honneur, membre de l'Institut
et directeur du Conservatoire, auquel son nom est lié d'une
façon inséparable, Chérubini mourut à Paris le 14 mars 1842.
Il a eu le bonheur d'être peint par un des plus grands artistes
de notre siècle, M. Ingres, qui a placé sa figure dans le tableau
historique que chacun connaît. La physionomie du musicien,
qu,e couronne la Muse, est le miroir d'un esprit rude au pre-
mier abord, mais qui s'adoucissait bien vite; cette grande
figure passera doublement à la postérité, par l'intérêt qu'inspire
le modèle et par le mérite de l'œuvre. C'était bien à M. Ingres
à nous léguer les trails du grand maître de la musique fran-
çaise moderne , l'auteur de l'apothéose d'Homère étant non-
seulement un peintre de premier ordre, mais encore un excel-
lent musicien.
« De tous les titres de gloire de Chérubini, dit Ad. Adam ,
il en est un que l'on ne saurait trop proclamer : il fut le maître
de Boïeldieu, d'Auber, de Carafa et d'Halévy » (2).
Le successeur de Chérubini à l'Institut fut Georges Onslow (3),
dont il appréciait les œuvres comme elles méritaient de l'être.
Onzlow avait écrit plusieurs ouvrages pour l'Opéra-Comique :
V Alcade de la Véga (1824), le Colporteur (1827) , et Guise ou
les Étais de Blois (1837).
De ces trois ouvrages, le meilleur est le Colporteur, qui ob-
tint du succès sur les scènes allemandes sous le titre de der
Hausirer. 11 est à regretter que ses travaux pour la scène n'aient
pas été plus encouragés. Onslow est une des gloires musicales
françaises, puisqu'il occupe incontestablement la première place
parmi ceux de nos compositeurs qui ont écrit de la musique de
chambre.
Qu'il me soit même permis, à ce propos et en passant, de
faire observer que ses œuvres ne sont pas assez estimées. Je ne
vois figurer que très-rarement dans les séances publiques de mu-
sique de chambre, — qui se sont si heureusement multipliées
depuis quelque temps à Paris, — les quatuors cl quintettes d'Ons-
low, et cependant ils ont un cachet original, de la verve, de l'en-
train, rehaussés par des modulations piquantes, mérite qui les
place de droit au premier rang.
Léon Meneau.
[La suite à un prochain numéro.)
(1) La musique de Koucourgi fut placée dans la partition à' Ali-Baba,
grand opéra, qui eut plus de succès en Allemagne qu'en France.
(2) Do tous les élèves de Chérubini, M. Halévy me paraît être celui dont
le style approche le plus du genre de Chérubini. Cependant l'auteur de
la Juive possède le sentiment dramatique à un degré bien plus développé
que son illustre maître.
(3) Né à Clermont le 27 juillet 1784, il est mort en 1853.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQUE.
Barlouf, opéra bouffe en trois actes, paroles de MM. Scribe et Boisseaux,
musique de M. J. Offenhach.
Il est donc enfin venu à terme, ce Barhouf dont l'enfantement
avait eu à lutter contre toute une avalanche de tribulations. Il
est arrivé à temps pour inaugurer le carnaval de 1861 ; — car
Barkouf esl une bouffonnerie tellement buffonne et bouffonne,
que, pour entrer dans l'analyse du libretlo, il faudrait laisser son
bon sens au vestiaire.
Qu'il vous suffise de savoir que le grand Mogol s'avisa un beau
jour de faire gouverner la ville de Lahore par un kaïmakan à
quatre pâlies, et cela pour châtier, sur le dos de la ville, une
bande d'émeutiers.
Une fois installé dans sa niche royale, le chien Barkouf, —
c'est le nom du nouveau kaïmakan , — devient un dogue ina-
bordable, el menace de ses coups de dents tous ceux qui osent
l'approcher, même le grand-vizir Balbaleck.
Il n'y a que la jeune fleuriste Maïma qui puisse dompter cet
étrange gouverneur; car le chien Barkouf lui avait appartenu
jadis. Celait son ami d'enfance.
Le grand-vizir, qui a toutes sortes de signatures à demander
au kaïmakan, se dispose à user de l'influence magique de Maïma,
et la nomme secrétaire-interprète du kaïmakan.
Arrive le chef de la justice; celui-ci vient requérir l'autorisa-
tion de pendre Xaïloun , fauteur de la dernière émeute. Mais
Xaïloun est le bien-aimé de la marchande d'oranges, Balkis,
amie de Maïma. Barkouf est consulté, et trois aboiements bien
accentués répondent que le kaïmakan fait grâce.
Le grand-vizir a projeté un mariage entre sa fille et le jeune
officier Saèb : il voudrait que le gouverneur apposât sa griffe
sur le contrat. — Nouveaux aboiements contre le projet de ma-
riage : car, Saèb, de même que le chien, est un ami d'enfance de
Maïma; or, la jeune fille se le destine personnellement en ma-
riage.
Le grand-vizir est furieux, el dans sa rage il ourdit avec quel-
ques fonctionnaires mécontents une conspiration contre Barkouf.
On livrera les portes de la ville aux Tartares et l'on empoison-
nera Barkouf dans une tasse de n'importe quoi.
Mais Maïma se doute de la trahison ; et lorsque le grand
échanson vient apporter la coupe destinée au maître, la jeune
fille, au nom du kaïmakan , invite les conspirateurs à boire
dans la même coupe. Le grand-vizir el ses complices trem-
blent et se trahissent.
Les Tartares se montrent aux portes de la ville. Saëb les re-
pousse à l'aide d'une poignée de braves et du chien Barkouf, —
qui se fait tuer sur le champ de bataille.
Bref, Saëb épouse Maïma, et Xaïloun épouse Balkis.
C'est sur ce scénario que M. Offenbach a du livrer sa première
bataille d'opéra-comique. — Ses ennemis personnels, ceux de sa
musique, n'ont point manqué à l'appel de la salle Favart, et il
faut le dire , cerlains d'entre eux avec le parti pris do démo-
lir, de conspuer un musicien qui a l'impudeur de faire applau-
dir, de faire adopler ses opérettes, non-seulement en France, en
Belgique, mais aussi, ce qui est de la dernière irrévérence, sur
tous les théâtres populaires de la musicale Allemagne.
Or, M. Offenbach, en écrivant sa partition de Barkouf, s'est-il
suffisamment préoccupé de la lutte qu'il aurait h soutenir? Nous
ne le pensons pas. Non-seulement il paraît s'en être fort peu
36
LE MÉNESTREL.
préoccupé, mais parfois il semble défier la critique, je veux dire
les critiques.
Il pouvait oublier sa première manière et faire de la musique
d'opéra-comique comme tout le monde en écrit, avec des chances
plus ou moins favorables; mais M. Offenbach n'a point voulu
renier ses premiers succès et les Bouffes-Parisiens font plus d'une
fois acte d'apparition dans Barkouf. Faut-il en féliciter l'auteur
A' Orphée aux enfers?
Le vrai public seul en décidera ; car il ne faut point oublier
que le vrai public ne viendra pas chercher dans Barhouf, la mu-
sique du Messie de Haendel , ou toute autre grande épopée
musicale ou dramatique.
Et cependant, quoiqu'on en puisse dire, quoiqu'on en puisse
penser, la partition de M. Offenbach comporte plus d'un mor-
ceau de bonne facture, plus d'un joli effet d'orchestration, plus
d'une trouvaille mélodique.
Au premier acte, toute l'introduction est du vrai cadre de
l'Opéra-Comique, musiquebien charpentée etbien écrite pour les
voix comme pour les instruments. Les couplets du grand Mogol
(M. Nathan) qu'on a bissés avec justice, sont d'un rhythme franc
et très-heureusement accompagnés par le chœur et l'orchestre.
Quant au duo final de ce premier acte, c'est très-certainement un
bel et bon morceau, réussi au double point de vue de l'andante
et de l'allégro.
Dans le deuxième acte, à part le quatuor syllabique, — Bouffes-
Parisiens pur sang, mais qui n'en a pas moins son mérite, —
nous signalerons les couplets comiques de Sainle-Foy ; le joli
duo entre Sainte-Foy et Mlle Marimon : Tu comprends bien, et
enfin la romance : Ici, Barkouf, délicieusement chantée par
Mlle Marimon, romance qui lui a valu un bis unanime.
Le troisième acte se lève sur de jolis couplets de Berthelier,
bientôt suivis d'un chant de conspirateurs trop long, excentrique,
mais en somme d'un récit vrai, s'il était mieux exécuté. Pas-
sons sur la romance du ténor, — qui est mélodique et mélo-
dieuse, tout comme celle du deuxième acte, — et arrivons à la
scène finale de la coupe empoisonnée qui a valu un nouveau bis
à Mlle Marimon, la reine de la soirée.
Voilà, certes, un contingent des plus agréables, sinon des
plus respectables , sans compter que la partie instrumentale
se distingue par un luxe de dissonnances qui va même parfois
jusqu'à l'abus. Faut des dissonnances, mais pas trop n'en faut.
Parlez-moi de M1Ie Marimon. Voilà une parfaite bouque-
tière d'Opéra-Comique : distinction, charme, gentillesse, elle
a tout pour faire aimer Barkouf. Et comme elle chante le
rôle de Maïma ! Cette charmante étoile de l'école Duprez vient
de se révéler sous un jour vraiment nouveau et des plus sédui-
sants. La jeune artiste a interprété tous ses morceaux d'une fa-
çon très-remarquable; et de plus, elle leur a imprimé une cer-
taine vigueur dramatique que nous ne lui soupçonnions pas.
Mlle Bélià s'est fait applaudir avec justice dans ses couplets
et le grand duo du premier acte.
Sainle-Foy, Lemaire et Berthelier sont des plus amusants ;
Mme Casimir, Warot, bien qu'indisposé, et Nathan, malgré l'in-
suffisance de sa voix, méritent plus qu'une mention honorable.
Nous en dirons autant delà direction, qui a prodigué à cet
opéra bouffe des splendeurs de mise en scène dignes d'une œu-
vre de premier ordre.
L'exécution chorale s'est montrée moins hospitalière.
J. Lovy.
TABLETTES OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
LE CONSERVATOIRE DE PARIS
ET LES
Conservatoires de pro-vâssee.
| Le Sémaphore. )
II.
Il arrive cependant que le hasard, ce dieu capricieux et bi-
zarre, fait surgir en province un de ces élèves exceptionnels qui,
à eux seuls, sont un honneur et une espérance. « Dieu soitloué!
s'écrie alors le professeur assez heureux pour posséder un tel
trésor; voilà du moins une compensation.» Oui, mais Paris est
là, et comme ce seigneur suzerain a le droit de prendre son bien
où il le trouve, un beau matin l'élève exceptionnel disparaît du
Conservatoire provincial comme une muscade entre les doigts du
prestidigitateur et, sur un coup de baguette, se trouve transporté
comme par enchantement, des bords du Bhône ou du Jarret aux
rives de la Seine.
En général, les professeurs qui ne sont pas égoïstes, et c'est le
plus grand nombre, se consolent de ces mésaventures en son-
geant à l'avenir de leurs élèves assez favorisés du sort, pour
aller puiser aux sources de la science une éducation complète
qu'ils ne pourraient trouver ailleurs. La seule chose qui afflige à
bon droit les maîtres de province, c'est lorsqu'on leur refuse
même le peu de part qu'ils ont dans la découverte d'un
élève. Ce qui les décourage, ce sont les accusations injustes dont
on les accable dans des circonstances où l'on devrait au con-
traire leur savoir gré d'une initiative profitable à l'art et à ses in-
terprètes futurs.
Voulez-vous un exemple.de cette vérité, chers lecteurs! écou-
tez le récit d'une petite histoire.
LE TÉNOR LEFRANC.
Les journaux de Paris, et après eux ceux de Marseille, ont
parlé naguère d'un nouveau ténor appelé Lefranc, qui, grâce
aux leçons de Duprez, dont il est l'élève aujourd'hui, a déjà
obtenu dans le monde musical un accueil qui fait bien augurer
pour son avenir artistique.
Jusque-là tout allait bien. Par malheur quelques-uns de ces
journaux, en donnant à M. Lefranc des éloges mérités sansdoute,
ont ajouté « qu'il était regrettable que notre ville eût laissé
passer inaperçu un élève de cette valeur, un jeune homme dont
la belle voix aurait dû fixer l'attention de MM. les professeurs
du Conservatoire de Marseille. »
- Le reproche était direct, comme on voit ; aussi, à la lecture
de ces lignes, plusieurs de mes amis très au courant de l'his-
toire du ténor en question et des moindres détails de son odyssée,
vinrent me voir pour m'engager à rétablir la vérité. «Merci, ré-
pondis-je aux personnes assez bienveillantes pour s'intéresser
à moi, les réclamations me répugnent ; je n'aime guère occuper
• le public de mes débats personnels, et c'est peut-être cette indif-
férence, jointe au respect que je professe pour le journal où j'ai
l'honneur d'écrire, qui jusqu'à présent m'ont fait passer outre
à toutes les attaques plus ou moins injustes, plus ou moins bles-
santes, dirigées publiquement contre moi sans raison comme
sans motif.
Et puis, ajoutai-je, en fait de rectification par la presse, je me
fais un devoir de suivre les conseils de mon illustre compatriote
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
37
Méry. « Ne rectifiez jamais, rae disait-il un jour, à moins que
vous n'y soyez forcé malgré vous, par des circonstances extrêmes.
Une fois engagé dans le système des rectifications, il faut tout
relever jusqu'aux plus insignifiantes paroles; car si par aven-
ture on vous accusait d'avoir tué votre père et que vous ne fus-
siez pas là pour relever cette calomnie, on dirait naturellement :
« Le fait doit être vrai puisqu'il n'a pas été démenti. »
Aujourd'hui, si je viens entretenir mes lecteurs du ténor Le-'
franc, ce n'est pas dans mon intérêt, on peut le croire, mais à
cause de notre école de musique , mise*en cause dans celte
affaire et que j'ai à cœur de justifier d'un reproche qu'elle ne
mérite point.
Voici donc la vérité sur le ténor et sur le Conservatoire :
Il y a deux ans de cela. Un ouvrier, attaché depuis longtemps
à l'imprimerie du Sémaphore, vint me voir et me dit : « Mon
cher monsieur, vous qui êtes professeur de musique, seriez-
vous assez bon pour entendre un de mes neveux, qui, dit-on, a
une belle voix? Comme je ne me connais guère à ces sortes de
choses, j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de m'adresser à
vous.
— Et quel genre de voix a votre neveu ? dis-je à cet oncle
typographe.
— Il a (du moins à ce qu'on prétend), une voix de....
— De ténor ?
— De ténor , précisément.
— Certes, cela mérite d'être examiné. Par le temps qui court,
les ténors sont fort rares , et si votre neveu possède une de ces
voix dans de bonnes conditions, il est certain de son affairé ,
cela peut le conduire à tout. »
Le lendemain , Lefranc se présenta. C'était un fort beau
garçon, qui sortait d'un régiment de ligne avec le grade de ser-
gent-major. Lefranc comptait sept ans de service dans l'armée
française, où il aurait pu avoir un bel avancement ; mais comme
il ne partageait pas tout à fait l'opinion de Georges Brown sur
cette profession où « l'on sert, par sa vaillance, et son prince et
l'État, puis, gaîment, on s'élance de l'amour au combat, » il avait
préféré le frac bourgeois à l'habit militaire. J'entendis Lefranc.
qui, en effet, avait une voix magnifique ; le grave et le médium
laissaient, à vrai dire, quelque chose à désirer, pour l'égalité
des notes, mais, en revanche , à partir de Yut, au milieu des
lignes au contre-ut sur-aigu, cette voix était pleine, sonore.
d'un timbre puissant , d'une belle couleur et d'une expression
excellente pour interpréter les grandes scènes du drame lyrique..
■ Par malheur, voici le revers de cette brillante médaille ;
Lefranc était âgé de vingt-sept ans et ne connaissait pas une
note de musique, sans compter un inconvénient plus grand
encore, celui de ne pouvoir assister régulièrement aux cours de
l'école, car, employé du chemin de fer, où ses fonctions le re-
tenaient jusqu'à l'heure où se terminent les classes, il n'était pas
libre de suivre assidûment nos leçons. Dans cette extrémité, que
résoudre ? Certes, si Lefranc eût pu consacrer trois heures par
semaine à l'enseignement des classes de chant et de déclamation,
le Conservatoire aurait fait de lui ce qu'il a fait de douze ou
quinze élèves ouvriers de profession qui, entrés dans l'établis-
sement sans rien connaître des choses de la musique, en sont
sortis assez forts et assez artistes pour tenir leur emploi en qua-
lité de ténor, de baryton et de basse-taille sur les meilleurs
théâtres de province, sans avoir recours au Conservatoire de
Paris. G. Bénédit.
( La suite au prochain numéro. )
SEMAINE THEATRALE.
L'Opéra nous a rendu lundi dernier le chef-d'œuvre deRos-
sini, Guillaume Tell, avec solennité et dans de nouvelles con-
ditions de succès. Grâce à M°le Carlolta Marehisio, on a pu
rétablir la grande scène du troisième acte, et ce rôle de Mathilde
complètement interprété , acquiert maintenant toute son im-
portance normale. Mme Carlotta a dit avec beaucoup de pu-
reté et de sentiment l'air: Sombres forêts! et elle a produit un
effet merveilleux dans la grande scène du troisième acte. La
rentrée de Morelli est également des plus heureuses pour le per-
sonnage de Guillaume Tell. Cet excellent chanteur a été ac-
cueilli de la manière la plus flatteuse et la plus sympathique.
Gueymard s'est fait vivement applaudir, et MIle Zina Richard
a fait les honneurs du ballet avec beaucoup de verve. Vendredi
dernier l'affiche annonçait la quatre centième représentation de
Guillaume Tell!!!
Voici d'après les journaux delà grande presse, les termes du
décret qui régit les droits d'auteurs à I'Opéra, à partir du pre-
mier janvier 1861.
Article premier. A partir du premier janvier prochain,
le droit des auteurs et compositeurs au théâtre impérial de
l'Opéra est fixé à la somme de 500 francs par service pour
toute la composition du spectacle, quel que soit le nombre des
représentations des ouvrages représentés.
Art. 2. La somme de 500 fr. attribuée aux auteurs en vertu
de l'article qui précède est répartie entre les ouvrages, tant an-
ciens que modernes, faisant partie de la composition du specta-
cle, conformément au tableau suivant :
Un ouvrage seul. 500 fr .
Un opéra en 5, 4 ou 3 actes 375 ) ^qq
Un ballet en un acte 125 )
Un opéra en 4 ou 3 actes 300 1
Un ballet en 2 ou 3 actes 200 j 500
Un opéra en 2 actes 250 i
Un ballet en 2 ou 3 actes 250 j o0°
Un opéra en 1 acte 200 )
Un ballet en 2 ou 3 actes 300 ) ou
Un opéra ou ballet en 2 ou 3 actes 250 j
Un opéra ou ballet en 1 acte 125 > 500
Un opéra ou ballet en 1 acte 125 )
Un opéra en 1 acte 200 j
Un ballet en 1 acte 150 [500
Un ballet en 1 acte 150 )
Art. 3. Un acte emprunté à un ouvrage en plusieurs actes sera
rétribué comme un ouvrage en un acte.
Art. 4. Les droits des auteurs et compositeurs, fixés par les
articles qui précèdent, sont partagés par moitié entre l'auteur du
poème et le compositeur de la musique, s'il s'agit d'un opéra ;
et, s'il s'agit d'un ballet, ils sont partagés par tiers entre le
compositeur de la musique, l'auteur du programme et le com-
positeur de la chorégraphie.
Art. 5. Pour les opéras dont les poèmes seront traduits en pa-
rodies, les avantages résultant des art. 1 et 2 seront, comme
38
LE MÉNESTREL.
précédemment, réduits de moitié, sans que cette réduction
puisse influer sur la rétribution de l'ouvrage représenté dans la
même soirée.
Quant aux opéras remis à la scène avec des changements,
l'administration continuera à en traiter de gré à gré avec les au-
teurs et les compositeurs, suivant l'importance du changement.
Art. 6. Sont maintenues les dispositions des ordonnances du
1er novembre 1814 et du 18 janvier 1816, en tant qu'elles ne
sont pas contraires au présent décret, dont notre ministre d'Etat
est chargé d'assurer l'exécution.
Le Théatke-Italien nous a donné / Puritani pour la pre-
mière fois de la saison, et la soirée de dimanche dernier a été
une fête relative pour le dilettantisme parisien. Cette partition
de Bellini, écrite expressément pour notre Théâtre-Italien de
Paris, et suivant le goût français, n'a jamais manqué son effet sur
le public, malgré les défaillances successives du personnel chan-
tant. MM. Graziani, Gardoni, Angelini et Mme Penco n'ont pas
démérité de l'œuvre. Graziani (Riccardo) a rendu avec goût le can-
tabile : il duol che al cor et rempli vaillamment sa tâche dans
le duo des basses avec Angelini. Le fameux Suoni la Ironiba est
resté célèbre en dépit des puritains de l'harmonie qui ont cher-
ché à le démonétiser. — Elvira n'est pas un des beaux rôles de
jjme penco. Toutefois, l'excellente artiste a été rappelée à plu-
sieurs reprises.
L'Opéra-Comique nous a donné, cette semaine, son opéra de
Barkouf. (Voir notre article.) A la seconde et troisième repré-
sentations, M. Laget a dû remplacer M. VVarot, dont l'indispo-
sition n'a fait que s'aggraver à la première soirée.
Un événement qui a bien sa petite importance, c'est la rentrée
de Mme Ugalde dans Galathée, son rôle de prédilection. La ver-
veuse cantatrice a reçu le meilleur accueil, — et elle y comptait
bien. — On répète très-activement Salvator Rosa , opéra de
MM. Grange et Duprato. MUe Saint-Urbain, engagée pour trois
ans, débutera dans cette pièce.
Au Théâtre-Lyrique, les Ruines de Balbek sont en répéti-
tion. Nous donnerons plus tard la distribution de cet ouvrage,
pour lequel l'administration compte faire de très-grands frais
de mise en scène. Les décors sont confiés à MM. Cambon et
Thierry, Nolau et Rubé, et seront exécutés d'après les magni-
fiques photographies de M. Maxime du Camp.
Le Vaudeville qui a fermé ses portes depuis quelques jours,
les rouvre demain lundi par un prologue, un acte de M. Meil-
hac, et les Femmes fortes de M. V. Sardou.
La Revue des Variétés : Oh là là ! que c'est bête tout ça !
promet une nouvelle ère de prospérité à ce théâtre. Plusieurs
tableaux de ce joyeux panorama ont brillamment réussi. Le
jeu des acteurs et une splendide mise en scène ont particuliè-
rement déterminé ce grand succès, qui durera trois mois.
L' Ambigu-Comique nous prépare l'Ange de Minuit, drame
en six actes de MM. Th. Barrière et Ed. Plouvier, pour les
débuts de M. Paul Bondois et de M11" Méa , transfuge de
l'Odéon.
Avant-hier vendredi, le théâtre impérial du Cirque a défi-
nitivement donné la première représentation des Massacres de
Syrie, grand drame en cinq actes, de M. Victor Séjour. A di-
manche prochain les détails.
J. Lovï.
NOUVELLES DIVERSES.
— Les correspondances transatlantiques nous apprennent que l'Opéra-
Ilalicn de New-York est tombé dans une déconfiture complote. Les dilet-
tantes de cette cité américaine n'ont plus pour toute nourriture musi-
cale que la Société Philharmonique et les deux Sociétés de quatuor.
Heureusement le Lioderlcranz , sous la direction de Paur, est une Société
de chant de premier ordre, composée de 500 membres, dont le chœur,
dit-on, fait merveille. «
— On écrit de Napl'es : San Carlo a été le théâtre des plus regrettables
excès. Le surintendant avait autorisé un spectacle déplorable. Après avoir
supporté un mauvais ballet, accueilli par des buées et des sifflets, on a
donné un faible opéra, le Follelto, de Gressi, dont le premier acte, exécuté
par les plus mauvais artistes, a été sifflé unanimement. Le public a voulu
ensuite et exigé V Hymne de Garibaldi. La surintendance a empêché
maladroitement de continuer le spectacle. La foule est montée sur les
bancs, a envahi l'orchestre et la scène aux cris de : A bas la surinten-
dance! Pendant deux beures, San Carlo a offert les scènes les plus scan-
daleuses. Ce n'est qu'à onze heures et demie que la foule a consenti à
évacuer la salle, en demandant énergiquement le changement du surin-
tendant.
San-Carlo va rester fermé, assure-t-on, jusqu'à ce qu'on ait pu réorga-
niser cette scène, devenue la plus faible qui existe sous tous les rapports.
— Les journaux allemands nous apprennent la mort du célèbre ténor
Breiting. Pendant vingt ans il a fait partie du personnel de l'Opéra de
Darmsladt; mais les cinq dernières années, le pauvre artiste les a passées
à l'hospice des aliénés à Hofheim, où il est mort, le 5 décembre, à l'âge de
57 ans.
— M. le conseiller Lueder vient d'acheter le violon de Spohr au prix
de 1000 thalers, pour en faire cadeau à l'élève favori du défunt maître,
M. Koempel, violoniste de la chambre du roi de Hanovre.
— C'est le 13 janvier, comme nous l'avons annoncé, que la Société des
Concerts du Conservatoire ouvrira sa Saison. Elle inaugurera sa trente-
quatrième année d'existence. Voici comment le Comité de la Société des
Concerts a été constitué à la dernière assemblée :
Président : il. Auber, de l'Institut, directeur du Conservatoire.
Vice-président et chef d'orchestre : M. Tilmant aine ; — Second chef :
M. Deldevez (de l'Opéra).
Chef du chant : M. Vauthrot.
Commissaire du, matériel : M. Jancourt (nouveau).
Secrétaire : M. Lebouc.
Secrétaire-adjoint : M. Eugène Gautier (nouveau).
Archiviste caissier : M. Frédéric Duvernoy.
Agent comptable : M. Portehaut.
Revenant aux traditions du beau temps de Habeneck, la Société est
décidée à ouvrir, de temps à autre, à nos artistes contemporains, ses
programmes fiers et inhospitaliers, en ces dernières années surtout, et
voués trop exclusivement au culte des grands maîtres allemands.
On a essayé déjà deux symphonies inédites, l'une de M. Léon Gastinel,
l'autre de M. Michiels, un des membres de l'orchestre. Une symphonie-
cantate de Mendelssohn est à l'étude. — Les abonnés ont reçu, le 20 de ce
mois, les lettres d'avis; et, à partir du 6 janvier, les coupons seront
délivrés.
— La Société des Jeunes Artistes, sous la direction de M. Pasdeloup,
commencera ses concerts, salle Herz, le 20 janvier, le dimanche qui suivra
l'ouverture des Concerts du Conservatoire. Parmi les œuvres nouvelles
pour son public, qu'elle répète en ce moment, on cite l'Ode symphonie
Faust, de Sehumann.
— Dimanche dernier a eu lieu , au Cirque Napoléon , la deuxième
séance musicale de l'école Galin-Paris-Chevé, représentée par un grand
nombre d'exécutants et en présence de son comité de patronage que pré-
sidait S. Exe. le comte de Morny. S. Exe. le ministre d'État et Mmo la
comtesse VValewska assistaient à cette Séance, ainsi que S. Exe. le minis-
tre de l'instruction publique et des cultes. On remarquait dans l'audi-
toire des sommités musicales et beaucoup de notabilités artistiques.
NODVELLES ET ANNONCES.
39
— On a remarqué et fort applaudi, dans le programme de samedi,
chez M. et Mmc Rossini , un trio de M. Blanc, œuvre des mieux réussies
sous le double rapport de la composition et do l'exécution. Plusieurs
pièces nouvelles pour piano, écrites par le grand maestro, ont été inter-
prétées par 5ImeTardieu de Malleville et Mme Accursi au milieu des bravos
les plus enthousiastes. Nous citerons notamment le Prélude /'«jasse, véri-
table chef-d'œuvre des genres classique et moderne mariés avec autant
de charme que d'esprit. Graziani et Zucchini ont été superbes dans leurs
duos bouffes. Les frères Castellani y ont répondu très-heureusement. Des
chansons de Nadaud, dites par Malézieux, ont couronné ce programme
improvisé.
— Le dimanche de 5I'"es Orflla et Mosneron de Saint-Preux s'est sur-
tout signalé cette semaine par la belle transcription de 51. Deloffre sur
l'Orphée, de Gluck, pour violon, violoncelle, orgue et piano. Ce morceau,
exécuté par M. et Mme Deloffre, le violoncelliste Allardet 51. Léo Delibes,
pour la partie d'orgue, a mérité une ovation du genre de celles qui
accueillent chaque fois la célèbre méditation de Gounod sur le prélude
de Bach. M. et Mme Deloffre ont de plus exécuté avec le même succès,
pour piano et violon, une sonate de 5Iayseder et un duo concertant
composé sur Faust par l'habile chef d'orchestre du Théâtre-Lyrique,
jjmes ugaicle, Bertrand, ont fait les honneurs de la partie vocale de celte
soirée.
— 5Ime Gaveaux-Sabatier et le violoncelliste Nathan viennent de terminer
leurs pérégrinations artistiques à Cherbourg, Caen, Falaise, Jlulhouse,
Vesoul et Bâle. La Colombe, de 5Iembrée, avec solo de violoncelle,
la Sérénade, de Gounod, et la Prière de Moïse, arrangée en trio par le
violoncelliste Nathan, sont les morceaux qui ont été le plus particulière-
ment fêtés.
— On annonce aussi le retour à Paris du violoncelliste Casella.
— Le jeune pianiste Colomer, d'origine espagnole, l'élève de l'école
Marmonlel, dont nous avons annoncé les succès à Madrid, vient de se
faire entendre devant la reine Isabelle, qui lui a témoigné toute sa royale
satisfaction.
— Une intéressante séance musicale a eu lieu, le dimanche 23 décem-
bre, dans l'amphithéâtre de l'École de Médecine, au profit de la Société
de secours mutuels de la Monnaie. La socrété chorale de l'Odéon , sous la
direction de 51. Delafontaine, y a fait entendre plusieurs chœurs. 5Ime5Ieil-
let, l'habile cantatrice du Théâtre-Lyrique , a dit l'air du Trouvère, la
chanson de Marco Spada, et une romance de Paul Henrion. Elle était
secondée, pour la partie vocale, par M. et Mme Morin-Nilo, et 51. Lhomet,
et pour la partie instrumentale, par M. Eugène 5Iathieu, pianiste, et le
violoncelliste 51. Loys. De chaleureux applaudissements ont prouvé à ces
virtuoses, après chaque morceau, la satisfaction et la reconnaissance de
l'auditoire.
— Le monde dilettante rouvre aussi ses salons à la musique. Dimanche
dernier, chez 51me N*+* , MUe Pages a parfaitement chanté le grand air
SArsace, et une production de 5Ille Robert-Mazel, intitulée le Chant du
Marin. Dans cette même soirée, Mlle Julienne André, la digne élève
d'Alard, a exécuté trois morceaux avec Mlle Laguesse, qui a ensuite joué
un impromptu de sa composition, pour piano.
— 51. A. Vialon, professeur de chant, auteur de nombreuses scènes
bouffes devenues populaires, vient de composer , pour son Album de
la Romance pour rire, huit nouvelles scènes et chansonnettes comiques.
Les paroles de ce joyeux recueil sont dues à 5151. Ch. Delange, Alex. Flan,
Hipp. Guérin, de Richemont , Taillar et Francis Tourte. Les illustrations
portent, comme toujours, la signature de Stop. Les romances bouffes de
M. Vialon, interprétées par nos célébrités du genre, feront partie, cet
hiver, de leur répertoire aux théâtres et dans les concerts.
— On vient de publier, à la librairie Dentu, une nouvelle édition des
Contes pour les jours de pluie, par Edouard Plouvier. Nul doute qu'un
succès ne recommence pour ce joli volume, si bien accueilli à sa pre-
mière apparition.
J.-L. Hevjgel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frères, rue Jean-Jacques Rou
Nouveau Répertoâa'e des célébrités chantantes ,
Paris, chez A. "VIAL.OJV, compositeur,
Rue Vivienne , Rotonde Colbert , Escalier E.
M ROMANCE POUR RIRE
ALBUM DE
Fesi musique île fl, VIALUN ircG accompagnement- k Piano.
Paroles de MM. Ch. Delange, Alex. Flan, Hippolyte Guérin, Eug. de
Richemont, Emile Taillar et Francis Tourte.
DESSINS DE STOP ET A. VIALON.
L'Heureux particulier, aspirations 2 50
Un Cœur de Maire , souvenirs 2 50
A la Correctionnelle , scène 2 50
Requête au Loup-Garou (soprano ), naïveté 2 50
Un Biner à la Folbiche , étude 2 50
Une Volonté de fer, chansonnette 2 50
Le Revers des maximes , morale en action 2 50.
Le Biberon musical, étrennes-primes aux abonnés du Journal
de h Musique en chiffres 2 50
L'Album broché, net : 6 fr. — Cartonné, net : 7 fr.
DERNIÈRES CHANSONNETTES DE A. VIALON ;
L'Histoire d'un nez. — Amour et mal de dents. — Au chat I au chat I —
Le Diable en jupon. — Les Trompettes de Jéricho. — J'ai si mal dîné I
— Sur un arbre perché. — Le petit ànon gris. — Chemise d'un homme
heureux. — L'Art d'élever ses enfants. — Le Roi de la rampe. — ■
Plus d'accidents ! — Les Dîners pour tous. — Un mari à la tartare. —
Le Docteur 5Iirobolanpouff. — Le parfait Jardinier.
six nouveaux QUADRILLES, motifs de a. vialon.
(Exécutés à grand orchestre et bissés aux bals de l'Opéra, de l'Hôtel de Ville,
de Valentiao, etc.)
STRAUSS. Le Docteur Mirobolanpouff, quadrille pour piano. .
— Le Roi de la rampe , id
MARX. Les Trompettes de Jéricho , id
Les mêmes pour orchestre, prix net : 75 c. chacun.
4 50
4 50
4 50
(Exécutés et bissés au concert de l'Association des Sociétés chorales de Paris.)
A. 'VIAL.OrV Quadrille pour rire, à 4 voix d'homme, sans accomp.
— La Danse pour tous. id. id.
DE RIIXÉ (Laurent). L'Orphéon au bal, id. id.
Chaque quadrille en partition, net : 75 c. — Chaque partie séparée, net :15 c.
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20, rue de l'Ancienne-Comédie.
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Georges Mathias, chaque symphonie séparée. P. m. 10 »
Les six, en un volume broché Net. 15 »
— en Album riche Net. 18 »
Dagard. Op. 5. Ondine. Rêverie pour piano 6 »
Ferlus. Op. 20. Regrets. Id. 5 »
— Op. 21. Une Pensée Id. 4 50
Al. Artus. La Dame de Monsoreau. Quadrille 4 50
— Id. Polka-mazurka 3 »
Falschnam. Il pleut Bergère. Quadrille très-facile 4 50
L.e Corljeiller. La Monaco. Quadrille 4 50
F. DIasini. Discrétion. Romance 2 50
— Lève-toi. Romance 2 50
— Prière d'une Hirondelle. Romance 2 50
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2. La Derbouka, chanson orientale.
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5. Ciel et Terre, andante.
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4. Comtesse Lrtfa-valse.
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WEISS
MOZART.
0. Menuetscxtrailsdesessyinphon.
10. Final de la symphonie en ré.
11. Final du quatuor en sol mineur.
12. Presto de la sonate en si bémol.
HAYDN.
1. Final du trio en fa.
2. Menuet du même trio.
3. Final du trio en la.
4. Allegro de la symphonie en mib
BEETHOVEN.
5. Adagio, allegro, symphonie enwr. I 7. Menuet et scherzo du septuor.
6. Final du quatuor en fa. \ 8. Allegro du trio en mi bémol
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
1. Paul Bernard, fie///* sera, idylle.
2. J.-L. Batthaisn. Menuet et galop
d'Orphée aux enfers.
3. Ph. Stutz, Juana, polka-ma-
zurka.
4 Th. Lécureux. Fleuve du Tage,
transcription variée.
Broché : 8 fr.
\VJÙ,
5. Ardan. A vos souhaits, polka.
6. Ch. Neustedt. // mio tesoro ,
transcription de Don Juan.
7. A. Croisez. Guipures et Den-
telles (n° 1)
8. Strauss. 2e quadrille sur Semi-
ramis.
Relié : 12 fr.
DECAMERON DRAMATIQUE.
Album de danse par
J OFFENBACH
LES SAISONS deJ HAYDN
Oratorio en quatre parties ,
Traduction française de G. Roger, seule édition con-
forme à l'exécution des concerls duConservatoire,
orné du portrait de J. Haydn.
Broché: lOfr. Reliure toile: 15 fr. Velours : 30
ALBUM ARTISTIQUE
DES
FRERES LIONNET
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
ALBUM DE SALON
J LEYBACH
1. Mes solitudes, 4e nocturne.
2. Souvenirs d'Allemagne, 3e valse.
3. Ronde pastorale, 3e idylle.
4. Confidence, romance sans paroles.
5. Fête aux Champs, galop pastoral.
6. La Hongroise, caprice-mazurka.
Broché : 10 fr. Relié : 15 fr.
LE JEUNE PIANISTE
Morceaux faciles sans octaves,
composés par
H VALIQUET, J -L BATTMANN
A DESSANE
Broché : 8 fr. Relié : 12 fr.
L ALBUM-COTILLON
LABORDE, avec DESSINS
NOUVEAUTES ii'OUR PIANO, SOUS [ l ' N!i OU PUBLIÉES.
A CROISEZ
Guipures et Dentelles.
Valse et mazurka (n° 1 et 2).
CH DELIOUX
Deux Sérénades (n° 1 et 2).
TH 1ÉCUREUX
Transcriptions variées.
Fleuve du Tage. — Maris, de Mme Gail.
Valse des Pâtres du Valais.
CH -B LYSBERG
L'absence, sonate romantique. — Andante, idyl
Airs savoisiens variés.
PAUL BERNARD
Barcarolle et chanson de Fortunio.
Galop de concert. \ Prima sera, idylb
FELIX GODEFROID
Johavisberg , valse desalon. I Une Fièvre brûlante, transcription.
LEFÉBURE-WÉLY
Armide de Gluck.
Morceau de concert, varié. | Morceau de salon , varié.
HENRI RAVINA
ÉTUDES HARMONIEUSES.
Vingt-cinq nouvelles études de moyenne difficulté.
Prix : 20 fr.
L DIEMER
Polonaise de concert , lre mazurka.
Elégie à la mémoire de sa mère. |
F DOLMETCHS
Douze études récréatives.
(Livre deuxième).
CH NEUSTEDT
Transcriptions variées.
1. La ci darem lit mano.
2. // mio tesoro.
3. Sérénade et duo de Don Juan.
MARMONTEL
Thème varié, ancien style. Musette , pastorale.
Venezia, barcarolle.
AI US DE BALLET, ARRANGEMENTS ET MUSIQUE DE DANSE
Du nouveau ballet | g" ÉPJj flft gffrlE I /^%ËL| Musique de
del'OpÉRA.de . laEL " I^T BLaLitsJPI J
M"» MARIE TAGEIONI et de M. DE SAINT-GEORGES.
STRAUSS
Quadrille, Valse des RAYONS et Polka-Mazurka la LESGUINKA.
Composés pour les bals de la Cour et de l'Opéra.
ARBAN I Polka des Métamorphoses. La fée Hamza. M11» Mabquet. | PH- STUTZ '. La Fée des Moissons. Polka-mazurka. Mlls Schlosser
MUSARD ! Les Circassïennes. Deuxième quadrille. | H. VALIQUET '. Quadrille et valse faciles, sons octaves.
1. Marche paysanne.
2. Chant du, Papillon.
3. Andanle-Bohémiana
4. Valse des Rayons.
5. Marche du Palanquin.
6. Polonaise des Bohémiennes.
7. Valse des Fleurs.
8. Galop des Papillons.
756. — 28" Aimée.
N« G.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche (i Janvier
1861.
MEN
T-jDt.T~&\
TREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'en chef*
LES BUREAUX , S bis, rue Vivienne. — HEUGEL, et O, éditeurs.
(Aux Magasins et Abonnement de Musiiiue «lu MÉNESTREL. — Vente et location de Pianos et Orgues.)
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l*r Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; 3G morceaux:
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Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
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On souscrit du 1er de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre^ et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection
un bon sur la poste, à MM. ib ■'.<<:■. I, et CIe, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, '2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. )
— Adresser/Vanco
rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 66.
SOMMAI HE. — TEXTE-
I. L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâtres : Lesueur (20» article).
L. Meneau. — II. Semaine théâtrale. J. Lovy. — III. Bouffes-Parisiens : pre-
mière représentation du Mari sans le savoir. J.-L. Heugel. — IV. Tablettes du
pianiste et du chanteur : Le Conservatoire de Paris et les Conservatoires do
province (suite et fin). G. Bêkêdit. — V. La nouvelle salle de l'Opéra. Concours.
— VI. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de C h ANTrecevronl avec le numéro de ce jour:
HARMONIE DE LAMARTINE,
Musique de Mme Pauline Thys. — Suivra immédiatement après :
Tes vingt ans , du même auteur.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano , le premier quadrille composé par Strauss sur les motifs du
ballet
EE PAPIEEON ,
musique de J. Offenbach. — Suivra immédialemenl après : la Valse
des Fleurs, dn même ballet, dansé par M"" Emma Livrï.
vclles diverses, pour les Primes fin Ménestrel,
L/OrÈRA- COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PHOGRES, SA TitOP GRANDE EXTENSION.
SECONDE PARTIE. — XIXe SIECLE.
CHAPITRE VI.
XX.
LESUEUR.
Je reviens, après cette petite digression, aux musiciens con-
temporains de Méhul. A cette époque qui n'était presque plus
le XVIIIe siècle, et qui n'était pas encore le XIXe, pendant la
République, un grand nombre de compositeurs de talent se
disputaient les faveurs d'un public distrait par les déclamations
de la tribune à l'intérieur, ou par le bruit du canon aux fron-
tières. Ces musiciens rivaux, mais rivaux bons amis, se réunis-
saient parfois dans une collaboration générale et l'Opéra-Comi-
que (Fejdeau ou Favart) recevait une partition à laquelle
avaient travaillé une demi-douzaine d'hommes illustres tels que:
Chérubini , Méhul , Nicolo , Berton , Kreutzer , Boïeldieu ,
Paer, etc. Les trois collaborateurs le plus fréquemment réunis
étaient Méhul, Chérubini et Lesueur.
Ce dernier, moins illustre par ses œuvres que les deux autres,
avait dû à la délicatesse de Méhul et h la franchise un peu raide
de Chérubini, une position élevée à la cour. Méritait-il celte
distinclion autant que ses deux contemporains? — Il me semble
que non. Sss œuvres n'avaient ni la grandeur, ni l'élévation de
celles de Méhul, ni la délicatesse savante et magistrale de celles
de Chérubini , elles étaient loin cependant d'être dépourvues de
mérile. On y remarquait des mélodies gracieuses à la manière de
Dalayrac, mais moins sentimentales que les mélodies de l'auteur
de Camille.
Lesueur se rendit plus célèbre par un très-grand nombre
d'oratorios , de motets et de messes, que par ses œuvres dra-
matiques. Deux de ses opéras sont cependant restés dans la mé-
moire des musiciens : la Caverne (opéra-comique auquel je re-
viendrai bientôt) et Ossian ou les Bardes, grand opéra pour le-
quelNapoléon, en personne, le décora dans sa loge chevalier de
la Légion-d'Honneur; aussi plus tard, lorsque Charles X voulut
élever Lesueur au grade d'officier dans cet ordre, le musicien s'y
refusa-t-il, voulant garder sur sa poitrine la croix que l'Empereur
y avait placée de sa main. C'était d'un beau caractère.
Lesueur naquit dans un village près d'Abbeville, le 15 jan-
vier 1763 (1). Après avoir étudié la musique dans cette ville, à la
chapelle de Saint-Vulfran, il fut envoyé comme enfant de
(1) Les Abbevillois lui ont élevé une statue sur une de leurs places.
42
LE MÉNESTREL.
chœur à la maîtrise d'Amiens. Ce fut sans doute la magnifique
cathédrale de la métropole de la Picardie' qui lui inspira ces mé-
lodies suaves qui firent le succès de son chef-d'œuvre, l'opéra
des Bardes. Cependant sa musique n'a pas la grandeur antique
de celle de Méhul. H n'y a rien, dans ce qu'il a écrit pour l'é-
glise, qui att,eigne à la majesté sacrée du chœur de Joseph:
Dieu d'Israël,. .... Ayant reçu une éducation musicale assez
incomplète, ijl -avait perfectionné son style en lisant les parti-
tions §§s vieux maîtres italiens, genre dont il s'inspira. On re-
trouve<danstoute son œuvre de ces mélodies candides comme cette
phrase de ténor d'un de ses oratorios : surge Debbora! (1) . ■ . . .
qui me revient ici à la mémoire et qui me semble un type de sa
manière.
Après avoir été maître de chapelle à Séez, à Dijon, au Mans,
à Tours, venu à Paris en 1784, il obtint la maîtrise de Notre-
Dame en 1786. 11 introduisit dans la chapelle de celle cathé-
drale un orchestre, et y fit exécuter des messes qui avaient pres-
que un cachet mondain, ce qui déplut au chapitre. On le lui re-
procha, et la partie instrumentale fut réduite, comme devant, en
un simple accompagnement de violoncelles et contre-basses. Le-
sueur, blessé de cette modification, se retira chez un de ses amis
à la campagne jusqu'en 1792, époque à laquelle mourut son
bienfaiteur. Il revint alors à Paris et parvint à faire jouer, l'année
suivante, au théâtre Feydeau, la Caverne, opéra en trois actes.
Un grand succès le dédommagea des déboires de tous genres
qu'il avait éprouvés aux répétitions. On se souvenait qu'il avait
porté le petit collet lorsqu'il était maître de chapelle de la cathé-
drale, et qu'à cette époque-la on l'appelait Monsieur l'abbé.
Les quolibets de l'orchestre et des acteurs ne lui étaient point
ménagés. Il fallut que Chérubini se mît à la tête des répétitions,
et fît cesser par sa protection toute-puissante, — depuis que la
réputation des Deux journées était devenue populaire, — le mau-
vais vouloir déclaré contre son ami. Il fit plus ; pendant les trois
premières représentations, il remplit les fondions de souffleur (2)
et alla, après le succès consacré à Paris, monter la pièce à Rouen,
où elle ne réussit pas moins, grâce au sentiment scénique heu-
reusement saisi dans cette partition. Parmi les morceaux remar-
quables qu'on y rencontre, je citerai le duo : Moi, que de vous,
je me sépare! l'air : Quel antre affreux! le trio :
se calme-t-elle un peu ?
Après la Caverne, Lesueur donna en 1794 Paul et Virginie,
ouvrage qui n'est pas très-remarquable, mais dans lequel se
trouve une hymne au soleil, qui fût exécutée depuis dans les
concerts qu'on donnait au théâtre Feydeau.
Il avait écrit pour l'opéra, du temps où il était maître de cha-
pelle à Notre-Dame , Télémaque dans l'île de Calypso (3) , qui
fut reçu, mais ne fut pas représenté. Il retira sa partition et
l'arrangea en opéra-comique , pour être exécutée , en 1796,
sous cette nouvelle forme.
Il se brouilla avec Sarrette par des écrits contre le Conserva-
toire, où il habitait, et fut ainsi forcé d'abandonner sa demeure.
Lesueur se trouva alors sur le pavé avec sa famille et dans la
gêne la plus complète. Mais un heureux hasard vint le tirer de
là : Paisiello, maître de chapelle de Napoléon, ayant demandé
sa retraite, on donna ces fonctions à Lesueur, comme je l'ai dit
plus haut. Il put alors faire jouer son opéra des Bardes, qui
traînait depuis longtemps dans les cartons de l'Opéra. La pre-
mière représentation eut lieu le 10 juillet 1804.
Dans un pamphlet anonyme intitulé le Rideau levé, l'auteur
reproche à Lesueur d'avoir été trop dramatique_,dans ses messes
et pas assez dans ses opéras ; la vérité est qu'il écrivait ses par-
titions de musique religieuse un peu dans le style de celles
par lui destinées au théâtre, si bien que ce gui paraissait
théâtral dans le saint lieu, eût été parfois à sa véritable place à la
scène, tandis que ce qui aurait rigoureusement pu convenir à
l'Église était par trop languissant pour le théâtre .
Lesueur mourut en octobre 1837.
LÉON MÉîiEAU.
[La suite à un prochain numéro.]
|1) Debbora, oratorio , 1823.
(2) Ce dévouement de Chérubini est lout un éloge de Lesueur.
(3) On aimait, à cette époque les litres développés ; Berton donna en
1799, un opéra en un acte inlilulé : La nouvelle au camp de l'assassinat
des ministres français à Rastadt.
SEMAINE THEATRALE.
L'année 1861 s'est ouverte dans nos théâtres sous les plus
brillants auspices. Il y a eu, dit-on, de splendides étrennes à
tous les horizons, — ce qui vaut mieux que des cartes de visite
et des compliments banals. Au théâtre impérial de I'Opéra le
renouvellement de Tannée s'est signalé par une mesure qui
obtiendra l'approbation de lous. 11 avait d'abord été question
d'accorder une gratification de 500 fr. à tous les artistes, figu-
rants, danseurs, machinistes, etc., dont se compose l'immense
personnel de l'Opéra. Mais S. Exe. le comte Walewski, ministre
d'État, a pensé qu'il valait mieux, dans l'intérêt, bien entendu,
de ces intéressants auxiliaires de notre première scène lyrique,
appliquer à leurs traitements le système de l'augmentation pro-
gressive : il a décidé en conséquence qu'à dater du 1er janvier
1861, les appointements s'élèveront de 100 fr. chaque année,
pendant cinq ans. Les artistes de l'Opéra s'accordent à préférer
ce genre d'étrennes à celles qu'ils attendaient : M. le ministre
d'État s'est ainsi en effet acquis des droits à leur éternelle grati-
tude, en substituant à un encouragement passager l'amélioration
durable de leur position et l'accroissement certain de leur bien-
être dans l'avenir.
Sans doute les grandes étoiles — surtout les étoiles féminines —
n'ont pas été oubliées dans le chapitre des rémunérations d'usage,
— si nous en jugeons par la gracieuseté dont l'héroïne du
Papillon a été l'objet ; car, le 1er janvier, l'Empereur de la
finance, M. Rothschild, a fait remettre à Mlle Emma Livry une
magnifique broche en diamants, sous la forme d'un papillon, qui
brillait de tous ses feux le lendemain mercredi soir à l'Opéra,
notamment dans la Valse des rayons ; on sait que celte valse est
tout un triomphe pour M"e Livry et pour la musique de M. J. Of-
fenbach.
Au Théâtre-Italien, on ne s'entretient que de l'œuvre de
Verdi , un Ballo in maschera. On parle surtout d'un grand
ensemble final auquel serait réservé un succès égal à celui du
miserere du Trovalore (?)
A I'Opéra-Comique la parole est à l'opéra de MM. Scribe et
Auber, la Morte d'amour. Cet ouvrage se répète sous le titre
provisoire d'Alexis. Espérons que l'année 1861 réservera un
regain de gloire à cette heureuse collaboration qui a fait la for-
tune de notre Opéra-Comique.
En attendant la partition de M. J. Offenbach, le célèbre
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
43
Barkouf, quelque pou allégée — insuffisamment à notre avis, —
tiendra bon. Elle luttera de son mieux contre la baisse des
recettes de nouvelle année et la température fiévreuse des feuille-
tons de la semaine. C'est un grand honneur pour la musique de
M. Offenbach que d'exciter ainsi la verve de nos critiques. Les
imprécations d'Horace ne sont pas acquises à tout le monde.
L'un voue aux serres des vautours les opérettes et le théâtre de
M. Offenbach, — dans lequel il confesse du reste n'être jamais
entré, — l'autre répudie la popularité des 350 représentations
d'Orphée aux enfers; un troisième enfin est tellement préoccupé
d'en finir avec Barkouf en personne, que sa plume se refuse à
écrire le moindre éloge de MIle Marimon, — qui s'est révélée
délicieuse cantatrice de par M. Offenbach. Ceci, nul ne saurait
le contester, et ne le point mentionner, c'est nier la lumière en
plein midi.
Deux mots encore de M. Offenbach, dont on a représenté
hier soir samedi, la Chanson de Forlunio aux Bouffes Pari-
siens. Cette nouvelle opérette tiendra l'affiche avec le Mari sans
le savoir (voir notre article) et les Musiciens, grande bouffonne-
rie en deux actes, promise pour samedi prochain.
La nouvelle direction du Vaudeville a rouvert ses portes ;
et dès la première soirée elle a récolté un succès du meilleur
aloi. Les Femmes fortes, de M. Sardou (l'auteur des Pattes de
Mouche et de Garât), forment le point capital de cette inaugu-
ration. C'est une piquante comédie, dont tous les caractères font
relief, une vive satire des mœurs américaines; les mots y
abondent, notamment dans le premier acte, qui est le mieux
réussi. L'excellent comédien Numa, le doyen de la scène du
Gymnase, effectuait son entrée au Vaudeville dans cette pièce ;
il a été salué par la salle entière, — ovation justifiée ensuite par
la façon dont il a joué le rôle de Quentin. Près de lui brillait
M"0 Fargueil, la comédienne au talent si souple et si nerveux
cependant. Félix, dans le type d'un yankee brûlai, s'est égale-
ment distingué. Citons encore Mlles Jane Essler, Pierson,
Mmes Alexis, Guillemin, MM. Chaumont, Munie et Boisselot. —
Cette spirituelle comédie a été précédée d'un prologue allégo-
rique formulant le plan de campagne de la direction, et suivie
d'un petit acte de M. Meilhac, intitulé : l'Étincelle.
Le Palais-Boy al nous a donné deux vaudevilles ; l'un, inti-
tulé : Chamarin le Chasseur, est dû a la triple collaboration de
MM. Varin, de Jallais et Thierry et renferme des scènes très-
plaisantes, fort bien interprétées par Arnal, Lassouche et
Mme Thierrel ; l'autre, Colombe et Pinson, est signé Paulin Des-
landes, l'auteur des Deux Anges gardiens et de la Gamine.
C'est dire que la pièce se signale par un fond sentimental. Delan-
noy, Luguet et Mlle Martine font" très-bien valoir ce petit acte
plein de cœur.
La Dame de Monsoreau poursuit toujours, à I'Ambigu-Co-
mique, sa brillante carrière. Ce succès est justifié, du reste, par
la façon remarquable dont l'œuvre est interprétée.
Les Massacres de Syrie ont fait leur apparition au théâtre im-
périal du Cirque. Ce grand drame, bâti sur le palpitant épisode de
notre histoire contemporaine, orné d'une mise en scène splen-
dide, a reçu le meilleur accueil. Dumaine remplit avec noblesse
le rôle d'Abd-el-Kader. On n'a nommé que M. Victor Séjour,
mais le nom de son illustre collaborateur, — déjà populaire sur les
théâtres de nos boulevards, — n'est un mystère pour personne.
La présence de S. M. l'Empereur, à la première représentation,
a été acclamée et l'objet d'ovations réitérées et prolongées.
Toutes les scènes du boulevard du Temple ont eu leur Revue.
Celle du Théatre-Déjazet, due à MM. Ch. Potier et Dunan-
Mousseux, n'est pas une des moins piquantes. La direction a
recruté pour ce panorama un essaim de jeunes femmes, — ce
grand élément d'attraction ; les couplets sont finement tournés,
la mise en scène est fort belle ; et pour attirer les amateurs de
musique, le directeur — en musicien consciencieux, — a composé
une cantate sur V Annexion, chantée par cinquante membres de
la Société des Enfants de Lulèce.
Aussi notre ami Dantan disait-il, en sortant du théâtre, que
cette Bévue était pleine d'esprit et de chœur.
J. LOTT.
THEATRE DES BOUFFES-PARISIENS.
Le Mari sans le savoir, opérette de MM. Léon Halévy et de Servièrb ,
musique de M. de Saint-Rémy.
Depuis la saint Sylvestre une gracieuse opérette marche côte à
côte avec Orphée , ce Nestor du passage Choiseul, qui se décide
enfin à quitter l'affiche. Le Mari sans le savoir a réussi corps et
biens, c'est-à-dire texte et musique, — et ce n'est pas peu dire.
Le sujet est passablement invraisemblable, et par cela mêma
ne se trouve nullement dépaysé chez M. Offenbach.
Chamaroux est parti pour quelques mois seulement, mais il
a compté sans les colonies où il s'est rendu un peu à l'aventure ;
aussi bon gré, mal gré, reste-t-il quatre ans éloigné de sa belle
patrie. Pendant ce temps un de ses vieux camarades meurt,
laissant une fille qu'il lègue à son ami absent , en le priant, par
testament, de la protéger, — mieux que cela, — de l'épouser. Et
afin que cette chère Antoinette soit protégée et respectée séance
tenante, elle se dira mariée secrètement à Chamaroux, avant le
départ de celui-ci. Telles sont les dernières volontés du défunt.
Chamaroux ignore tout cela, et lorsqu'il revient à Paris, il trouve
d'abord sa maison, — non pas démolie, — mais vide de ses
meubles qui ont été déménagés. Son fidèle domestique, Mon-
thabor,qui garde son nouveau logement, lui remet le testament
du défunt, en lui apprenant qu'il a dû prendre un nouvclj ap-
partement pour Monsieur, le premier logement étant trop res-
treint pour recevoir Mme Chamaroux. L'honorable mari sans le
savoir, homme déjà mûr, paraît d'abord vouloir se résigner à
son sort ; mais comme il a un vague souvenir et pas mal de let-
tres d'une certaine Paméla, que d'ailleurs un sien neveu retrouve
en Antoinette une amie d'enfance, il juge plus prudent de ma-
rier la jeune orpheline à son coquin de neveu. Elle sera toujours
Mme Chamaroux et la clause du testament reste sauve.
Le canevas de celte pièce est très-agréablement conduit par
MM. Léon Halévy et de Servière, déplus il est particulièrement
égayé par le type de Monthabor, un domestique qui n'a pas
son pareil dans les quatre parties du monde — des domes-
tiques. Ce type, poussé jusqu'à l'extravagance, trouve en Léonce
un interprète des plus réjouissants.
Parlons de la partition : elle est signée de Saint-Rémy, mais
ce pseudonyme, — tout le monde le sait, — nous voile un haut
personnage qui écrit de fort agréable musique à ses heures.
Et la preuve, c'est que le Mari sans le savoir renferme un
charmant trio : Marié ! marié ! marié ! dont la première partie
LE MÉNESTREL.
n'est point étrangère au Pendu ! pendu! du Postillon de Lon-
jumeau ; un deuxième trio très-réussi , un duo des plus mélo-
dieux et parfaitement accompagné, une suave romance et une
très-jolie valse chantées par Mlle Ghabert, finalement la chan-
son nègre de Léonce, un des éléments comiques de la pièce,
chanson dont le moindre mérite n'est pas de se faire attendre
et désirer jusqu'au dénouement.
Cette tentative lyrique de M. de Saint-Rémy a donc obtenu
un franc et légitime succès. C'est une musique aristocratique
et pimpante, s'adaptant à la situation, et ne donnant pas la
moindre prise à l'ennui, à la satiété, aux crises de nerfs.
Mlle Chabert, MM. Léonce, Potel et Desmont font les hon-
neurs de l'opérette. Léonce est ébouriffant.
M. le comte et Mme la comtesse de Morny, qui honoraient de
leur présence la première représentation de cette pièce, ont fait
remettre a MUe Chabert une broche artistique du meilleur goût.
Nous ne quitterons pas les Bouffes sans mentionner la re-
prise de Savetier et Financier, une des meilleures opérettes
d'Offenbach. M. Tacova a débuté dans cette pièce avec un demi-
succès. Le souvenir de Pradeau ne lui a pas été léger. Par com-
pensation, M"e Tostée et M. Potel ont été fêtés.
J.-L. Heugel.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
LE CONSERVATOIRE DE PARIS
ET LES
Conservatoires de province.
( Le Sémaphore. )
III.
Néanmoins, et malgré des circonstances qui auraient empêché
tout élève doué d'une voix ordinaire d'entrer à notre école de
musique, Lefranc y fut admis et confié à mes soins. Là, mettant
à profit les rares moments dont sa place lui permettait de dispo-
ser, il s'appliqua si bien, qu'après huit mois il fut jugé capable
definurerau concours de 1859, où il remporta le premier acces-
sit de chant dans la grande scène du 2e acte de la Juive.
Un accessit c'est peu, dira-t-on, pour un sujet si fâcheusement
attardé sur la route des études et qui commençait son éducation
à un âge où les autres la terminent d'ordinaire. Heureusement
et sur ces entrefaites, M. Ambroise Thomas, inspecteur des Con-
servatoires de France, vint à Marseille pour examiner notre
école. «Soyez le bienvenu, dis-je à l'aimable auteur du Songe
et du Caïd, vous arrivez fort à propos ; vous qui, à l'exemple du
marquis de Torcy, cherchez des voix, des ténors surtout, dans
les recoins les plus obscurs de la province, peut-être trouverez-
vous ici un de ces oiseaux rares dont l'espèce se perd et que tous
nos théâtres de France se disputent à des prix fous ». Ici, disons-
le sans préambule, l'audition immédiate de notre élève eut le
résultat que nous en attendions. Émerveillé de cette voix d'un si
beau timbre, qui atteignait sans peine les notes les plus inacces-
sibles aux ténors ordinaires, M. Ambroise Thomas félicita Le-
franc. « Jeune homme, lui dit-il, vous avez une fort belle voix,
et il ne tient qu'à vous de venir au Conservatoire de Paris où
vous pourrez, en qualité de pensionnaire, continuer vos études.»
Quelques mois après, Lefranc partit. Il n'entra point au Con-
servatoire par des raisons qu'il est inutile de dire; mais sur le
conseil de quelques personnes bien'inspirées, il vit Duprez, se fit
entendre à lui, et c'est alors que l'éminent professeur s'engagea
vis-à-vis du ténor à lui donner l'éducation et les moyens
d'existence nécessaires jusqu'au moment de ses débuts sur la
scène.
D'après les détails qui précèdent et dont je garantis l'exacti-
tude, il est facile de se convaincre que le Conservatoire de Mar-
seille, loin d'avoir méconnu le jeune chanteur, lui a facilité les
moyens de suivre brillamment sa carrière. Je dirai plus, sans le
secours de cet auxiliaire, il est probable que le ténor en question
n'aurait jamais eu la pensée d'aborder la capitale et qu'il en se-
rait encore aujourd'hui à noircir du papier dans les bureaux du
chemin de fer. C'est donc une différence du tout au tout, et voilà
pourtant comme on écrit l'histoire!...
Lettre de G. DUPREZ.
Maintenant, si nos lecteurs désirent savoir l'opinion de Duprez
sur le ténor marseillais, nous les invitons à lire la lettre suivante :
« Mon cher Bénédit ,
« Au mois de novembre 1859, un jeune homme est venu se
présenter à moi, me priant de vouloir bien l'entendre. Il tira
de sa poche un petit papier de musique sur lequel était noté,
de la manière la plus innocente, une cabalette italienne ; j'y
aperçus un ut présomptueux, et voulus voir ce qu'en ferait mon
gaillard. Je me mis au piano, mon jeune homme chanta. Je lui
reconnus de la voix, de la chaleur, et comme il n'était pas dans
des conditions à être reçu au Conservatoire, puisqu'il était marié,
je lui trouvai, sous la responsabilité de l'éducation vocale et
dramatique que j'avais l'intention de lui donner, une personne
qui, pendant deux ans, subviendrait à ses besoins.
« Depuis ce temps, Lefranc travaille chez moi. On ne lui
apprendra pas la musique, il ne la saurait jamais ; mais, ainsi
queRubini, Donzelli, etc., etc., son organisation et les exem-
ples qu'il aura lui tiendront lieu de tout.
« Celte organisation est aussi remarquable que sa voix ; il
travaille avec ardeur, il marche à coup sûr ; ce qu'il fait déjà
est miraculeux. Je l'instruis pour la grande carrière italienne ,
où il doit indubitablement faire sa fortune et laisser un beau
nom de chanteur.
« Si cet homme fût tombé entre mes mains à l'âge où l'on
peut apprendre encore la musique, à cette heure on ne parlerait
que de lui.
« Voilà, mon cher Bénédit, tout ce que j'ai à vous dire sur
Lefranc.
« Mille compliments bien affectueux de votre vieux camarade
et ami.
« G. Duprez. »
Malgré les obstacles et les difficultés de toutes sortes, malgré
les ressources restreintes d'enseignement auxquels leur situation
les condamnent, les Conservatoires de province, outre les sujets
qu'ils ébauchent de temps en temps pour le Conservatoire de
Paris, produisent un assez grand nombre d'élèves qui viennent
chaque année recevoir les récompenses dues à leur intelligence
et à leurs efforts. Parmi ces lauréats, dont la plupart se distin-
guent comme lecteurs, instrumentistes, harmonistes, chanteurs
et comédiens, les uns vont, en qualité d'amateurs, chercher dans
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
45
les salons des succès qu'ils obtiennent presque toujours de leur
indulgent auditoire ; les autres, voués à l'enseignement, par-
viennent à professer à leur tour et soutiennent ensuite leur fa-
mille ; les derniers enfin, séduits par les avantages d'un art où
marchent d'ordinaire d'un pas égal la gloire et la fortune, con-
fient aux destinées du théâtre leur avenir artistique, en deve-
nant les interprètes plus ou moins harmonieux d'Auber, de Do-
nizetti, de Meyerbeer et de Rossini. Ceux-là, il faut en convenir,
sont les mieux favorisés, car, entrés au Conservatoire sans con-
naître une note et sachant à peine parler français, ils en sortent
avec un bagage artistique très-sufïisanl, pour aller gagner dans
un mois autant que leurs professeurs dans le courant d'une
année. Et notez bien qu'une fois arrivés à celte transformation,
la reconnaissance n'est pas toujours la vertu de ces jeunes gens,
dont le plus grand nombre, oubliant ce qu'ils doivent à leurs
maîtres, rappellent, après dix-huit siècles, l'épisode des dix
lépreux guéris par le Sauveur sur la roule de Samarie, et racon-
tée avec une si naïve concision par l'évangéliste saint Luc.
La conclusion de cette histoire, nous disait dernièrement un
de nos confrères, la voici : « On a mis de tout temps l'orgueil
en tête des péchés capitaux, c'est l'ingratitude qui devrait tenir
cette place. »
G. BÉNÉD1T.
FIN.
LA NOUVELLE SALLE DE L OPÉRA.
S. Exe. le comte Walewski, ministre d'État, en rendant l'ar-
rêté qui met au concours les projets d'édification de la nouvelle
salle destinée a notre première scène lyrique, réalise une mesure
de haute équité qui profitera certainement à tous les intérêts.
Voilà une décision digne du ministre auquel sont confiées les
destinées des beaux-arts et de l'art dramatique en particulier.
Il n'est qu'une voix pour féliciter M. le comte Walewski.
Voici cet important arrêté, déjà reproduit par toute la presse,
mais qui n'en doit pas moins prendre une première place dans
la table des matières de notre collection, année 1861.
RECONSTRUCTION DE L'OPÉRA.
MISE AU CONCOURS DU PROJET.
Au nom de l'Empereur,
Le ministre d'État :
Vu le décret du 29 septembre 1860, qui déclare d'utilité
publique la construction d'une nouvelle salle d'Opéra, avec
toutes ses dépendances, sur un emplacement sis entre le boule-
vard des Capucines, la rue delà Chaussée-d'Antin,larue Neuve-
des-Mathurins et le passage Sandrié ;
Considérant que la composition du projet du théâtre excite,
avec juste raison, l'attention publique, et qu'il est du devoir de
l'administration de faire un appel à tous les architectes et de
solliciter toutes les intelligences,
Arrête :
Art. 1er. 11 est ouveit un concours public pour la rédaction
d'un projet d'Opéra à construire à Paris.
Ce concours aura lieu, non sur des projets définitifs, mais
simplement sur des avant-projets suffisamment indiqués pour
faire comprendre la pensée de leurs auteurs, tant sur l'économie
générale de l'édifice que sur son aspect monumental.
Il sera clos le 31 janvier 1861.
Les pièces à produire consisteront dans un plan d'ensemble,
une élévation géométrale de la façade principale, une coupe sur
la longueur de la salle, enfin un devis sommaire descriptif et
estimatif.
Les artistes pourront joindre à ces pièces celles qui leur paraî-
traient utiles pour la plus complète intelligence de leurs travaux.
Les dessins devront être aux échelles suivantes, savoir :
Le plan d'ensemble à 4 millimètres;
Le plan des façades et des coupes à 8 millimètres.
Chaque projet portera une épigraphe qui sera répétée sur un
billet cacheté. Ce billet renfermera, outre l'épigraphe, le nom.
et le domicile du concurrent, et ne sera décacheté qu'après le
jugement du concours.
Art. 2. Un jury, présidé par le ministre d'État et composé
des membres de 1 Académie des beaux-arts (section d'architec-
ture) et de membres du conseil général des bâtiments civils,
examinera les projets et les classera par ordre de mérite.
L'auteur du projet qui sera reconnu non-seulement comme
le meilleur du concours, mais encore comme répondant digne-
ment à l'attente de l'administration, au point de vue de l'art et
de la construction, sera chargé de la rédaction d'un projet défini-
tif et de la direction des travaux.
L'auteur du projet classé au second rang recevra une prime
de 6,000 fr.; enfin l'auteur du projet n° 3 recevra une prime de
4,000 fr.
Dans le cas où aucun projet ne serait jugé digne d'être exé-
cuté, il ne serait pas décerné de premier prix, et l'administration
conserverait toute sa liberté d'action quant à la rédaction du
projet définitif. Toutefois, les primes resteront acquises aux
deux meilleurs projets.
Les pièces des avant- projets seront remises au ministère
d'État, bureau des bâtiments civils.
Paris, 29 décembre 1860.
A. Waleswki.
PROGRAMME DU CONCOURS DE LA NOUVELLE SALLE D'OPÉRA.
L'avant-projet demandé par l'arrêté ministériel ne pouvant
présenter que des dispositions d'ensemble, le programme ne
donnera que des conditions générales, l'administration se réser-
vant d'indiquer tous les détails des besoins à satisfaire lors de la
rédaction du projet définitif.
Terrain.
L'édifice sera élevé à l'extrémité d'une place donnant sur le
boulevard des Capucines, a la jonction des rues de Rouen et de
Lafayette, et sa façade sera établie dans l'axe de la rue projetée,
en face le Théâtre-Français et aboutissant au boulevard des
Capucines, près la rue de la Paix.
Les façades latérales donneront sur les rues Mogador et La-
fayette prolongées et sur la rue de Rouen ; la façade postérieure
sur la rue Neuve-des-Mathurins.
Le terrain disponible présente une surface de 10,000 mètres
environ ; sa profondeur, mesurée de la place a la rue Neuve-des-
Mathurins, est de 150 mètres ; sa plus grande largeur est de
70 mètres.
Bâtiments.
Les bâtiments comprendront :
1° Les constructions affectées au public;
2° Les" constructions affectées à la scène, aux artistes et à
fadminist ration.
LE MÉNESTREL.
Constructions destinées au public.
Les portiques ou péristyles pour la descente de voiture à
couvert.
Les vestibules avec les bureaux de distribution de billets, et
recevant le public avant l'ouverture des bureaux.
Les escaliers desservant facilement tous les étages.
Les dépendances diverses, telles que bureaux pour les ser-
vices de police et de santé, les suppléments.
Les corps de garde, etc.
La salle pouvant contenir 1,800 à 2,000 personnes environ.
Les baignoires et loges couvertes des premier et deuxième rangs
seront précédées de salons.
Nota. La salle actuelle contient 1,700 places; son diamètre
est de 19 mètres, mesuré du fond des loges.
La loge impériale avec une entrée particulière ; les voitures
devront pénétrer dans un vestibule, afin d'éviter la descente
dans la rue, et des emplacements seront ménagés pour recevoir
les voitures et l'escorte pendant les représentations.
Il serait utile qu'une entrée particulière pût être également
affectée aux abonnés.
Constructions destinées à la scène et au personnel.
La scène doit pouvoir contenir 400 personnes environ ; son
ouverture aura un minimum de 14 mètres ; sa profondeur sera
de 32 mètres, mesurée de la rampe au fond du théâtre.
Les magasins de décors à proximité de la scène renfermeront
le matériel nécessaire au répertoire courant ; ils occuperont une
surface de 150 mètres superficiels environ.
Le personnel des artistes comprend deux divisions : le chant
et la danse, lesquelles seront elles-mêmes subdivisées en
hommes, femmes et enfants. Il convient que ce personnel ait un
accès facile, soit à la scène, soit au grand foyer du chant et de la
danse, qui seront disposés à proximité de la scène.
Des dépôts de costumes et des postes d'habilleurs et d'habil-
leuses seront à portée de chaque catégorie d'artistes.
L'administration comprendra le concierge, le bureau de loca-
tion, les cabinets du directeur, du secrétaire, du caissier et de
quelques employés ; les ateliers de tailleurs et de couturières, les
magasins de costumes et de matières premières ; enfin un poste
de pompiers destiné à surveiller l'ensemble des bâtiments.
A. Walewski.
NOUVELLES DIVERSES.
— On écrit de Vienne : Le Maenner gesang Yerein (Société chorale
pour hommes), de Vienne, avait exécuté, le mois dernier, un hymne du
duc de Saxe-Cobourg, Or, d'après les statuts de cette association, à l'auteur
de toute pièce de chant à plusieurs voix qu'elle exécute pour la première
fois elle fait remettre un ducat à titre d'honoraires. Ce ducat fut envoyé
par conséquent au duc, qui l'accepta et adressa ù la Société une lettre do
remercîment qui se terminait ainsi : « Par cette simple pièce d'or vous
m'avez honoré plus que n'aurait pu le faire l'hommage le plus fastueux,
et parmi les décorations que je possède, elle n'occupera pas la dernière
place.. Et vous-mêmes, Messieurs, vous n'occupez pas une place moins
élevée dans mon estime par la confiance toute allemande avec laquelle
vous m'avez considéré comme étant égal parmi des égaux, et comme tel
je vous offre mon amicale salutation de chanteur. »
— Le compositeur allemand, M. Marschner, l'auteur du Templier et la
Juive, du Vum,pire, et autres opéras renommés en Allemagne, est à Paris,
et a l'intention d'y passer l'hiver. Peut-être le maestro tient-il à vérifier
sur les lieux le genre d'accueil réservé au Tannhauser de son compatriote
Richard Wagner.
— L'Académie des Beaux- Arts vient de publier son avis annuel Concer-
nant les concours de composition musicale pour 1861. Le programme est
invariable. Une médaille d'or de la valeur de 500 fr. est offerte à l'auteur
des paroles de la cantate choisie pour être donnée comme texte du côii-
cours de composition musicale. La cantate doit être exécutée par trois per-
sonnages, une femme, un ténor et un baryton ou basse-taille. Elle doit
contenir un ou au plus deux airs, un seul duo ou un trio final, chacun
de ces morceaux devant être séparé des suivants par un récitatif. Le poëte
devra éviter de donner trop d'étendue aux récitatifs ; il devra renfermer,
dans le moins de vers possible, l'expression des sentiments que le sujet
amènera. S'il y a deux airs, il faudra nécessairement qu'ils diffèrent de
caractère et de mouvement. Le poëte combinera son trio final de manière
à ce que le compositeur puisse y trouver, soit au début, soit au milieu,
Un motif de chant sans accompagnement. Le sujet pourra être choisi
indifféremment dans la Bible, dans l'histoire ancienne, dans l'histoire du
moyen-âge, dans l'histoire moderne, ou être tout à fait d'invention. Il faut
que le poëte offre au compositeur un sujet clair, dans lequel il y ait du
mouvement, de la passion, de la variété. Il est difficile de limiter précisé-
ment la longueur de la pièce de vers, mais il est à désirer, dans l'intérêt
des jeunes compositeurs, que la cantate, mise en musique, n'excède pas
une durée de vingt ou vingt-cinq minutes. Chacune des pièces de vers con-
tiendra, dans un billet cacheté, le nom de l'auteur, son adresse et l'épi-
graphe de sa pièce. Il ne sera reçu à ce concours que des pièces de vers
inédites. Les manuscrits ne seront pas rendus, mais les auteurs pourront
en faire prendre copie. Les cantates seront reçues au secrétariat de l'Ins-
titut jusqu'au 15 mai 1861, terme de rigueur.
Concours de composition musicale pour 1861. — Concours d'essai. —
Entrée en loges, le samedi 4 mai, à dix heures du matin ; sortie de loges,
le vendredi 10 mai, à 10 heures du matin; jugement le samedi 11 mai.
Concours définitif. — Entrée en loges le samedi 18 mai, à midi ; sortie
de loges le mercredi 12 juin, à midi ; en tout vingt-cinq jours de travail
en loges; jugement préparatoire le vendredi 5 juillet; jugement définitif
le samedi 6.
— Un artiste dramatique, dont les anciens habitués de l'Ambigu-Co-
miqueel de la Porte-Saint-Martin ont gardé le souvenir, vient de mourir
à Passy, à l'âge de soixante-deux ans. Il était membre actif et dévoué du
bureau de bienfaisance. Vers 1838, après avoir quitté les théâtres de Pa-:
ris, Walter alla jouer à l'étranger et demeura longtemps en Russie, où il
fut régisseur du théâtre français à Moscou. Revenu en France avec la
pension d'usage, il renonça définitivement à la scène. — Ses obsèques,
qui ont eu lieu le 28 décembre, en l'église Notre-Dame de Passy, réunis-
saient un grand nombre d'amis et d'artistes.
— Carcassone. L'inauguration du grand orgue dont le Gouvernement
vient de doter notre cathédrale, a eu lieu avec une grande solennité la
veille de Noël et aux offices du lendemain. Mgr l'Évêque, entouré de son
clergé, a d'abord béni l'instrument et en a tiré les premiers accords ; puis
en présence des autorités locales et d'un public d'élite, M. Lefébure-Wély,
ex-organiste de Saint-Roch et de la Madeleine, a déployé sur l'orgue son
magnifique talent. Pendant deux heures il a captivé l'auditoire par les
accents les plus riches et les plus variés. A la fin de la cérémonie, M. le
Préfet de l'Aude, — suivi d'un grand nombre d'amateurs, — est monté à
l'orgue pour exprimer sa haute satisfaction au célèbre facteur de l'orgue,
M. Cavaillé-Coll, et à l'éminent artiste chargé de l'inauguration. Le jour
de Noël M. Lefébure-Wély a tenu l'orgue pendant les offices. La cathé-
drale n'a pu contenir tous les fidèles qui se sont présentés pour entendre
le célèbre artiste et ce nouvel orgue que l'on considère comme un des
meilleurs instruments de la facture moderne.
— Le voyage du Midi entrepris par les frères Lionnet, et leurs concerts
et représentations sur les théâtres de Marseille, Lyon, Saint-Ëtienne ,
Avignon, sont couronnés d'un franc et légitime succès. Partout on leur
redemande leurs duos et les principales productions de Gustave Nadaud,
qu'ils interprètent si admirablement. Les frères Lionnet vont se diriger
sur Nice, où les attend la réception la plus cordiale, la plus brillante.
— La société philharmonique de Reims a ouvert sa série de concerts
de la saison. Le programme a été défrayé par M. Magnin, premier grand
prix de violon do celte année, élève d'Alard ; par M. Hayet, ténor (prix
de chant), élève de M. Revial, et par M. Egheralde, basse chantante. L'or-
chestre et les chœurs, sous la direction de M. Robert, ont fort bien mar-
ché. MM. Magnin, Hayet et Egheralde ont particulièrement brillé dans
leurs divers rôles.
NOUVELLES ET ANNONCES.
47
— Une audition d'un opéra-comique a eu lieu à Passy, ces jours der-
niers, dans une soirée particulière où les invités ont eu, de plus, le rare
bonheur d'entendre Ponchard qui avait voulu consacrer par sa présence
le mérite de l'œuvre ainsi représentée en petit comité. On a dit le poème
de M. Clairville ; nous avons eu le regret de n'en pouvoir juger, mais nous
avons été heureux d'applaudir les différents morceaux qui composent la
partition. Fraîcheur d'idées, largeur de style, tout fait présager un succès
pour le théâtre qui voudrait attirer à lui cette partition d'un jeune maître
qui donne déjà plus que des espérances. L'exécution a d'ailleurs été des
plus brillantes, grâce au talent de Mlle Balbi, qui a retrouvé là ses succès
du concert de J.-B. Wekerlin, et au triple concours de M. Petit, un ba-
ryton distingué que le Théâtre-Lyrique vient de s'attacher, et de deux
lauréats du Conservatoire, M. Gourdin, qui, malgré ses dix-huit ans,
possède déjà une remarquable basse-taille, et M. Capoul, dont la voix sym-
pathique et la méthode excellente font espérer un ténor que nos scènes
lyriques se disputeront avant peu. La soirée a donc été bonne pour tout
le monde : pour l'auteur, M. Gustave Canoby, qui, maître de chapelle de
Passy, a prouvé son aptitude dans un genre tout différent ; pour les ar-
tistes, puisque plusieurs morceaux ont été redemandés, et enlin pour les
auditeurs, car indépendamment de cette primeur musicale, ils ont en-
tendu notre cher doyen des chanteurs, Ponchard, qui est venu clore cette
solennité en redisant ses deux romances favorites : Je chanterai, et les
Quatre âges du cœur.
— Un des salons princiers du faubourg Saint-Honoré offrait , il y a
quelques jours à ses invités, un programme des plus attrayants. Le vio-
loncelliste Samary y a exécuté, au milieu des applaudissements , sa fan-
taisie sur la Dame blanche. Diemer, l'un des premiers de cette phalange
d'élèves passés maîtres de l'école Marmontel , a fait entendre ses dernières
compositions, pami lesquelles on a surtout remarqué l'Élégie et la Ma-
zurka. De chaleureuses félicitations ont aussi accueilli les frères Guidon
et leurs charmants duos; l'un d'eux, M. Auguste Guidon, a interprété en
véritable artiste le Voyage aérien, de Nadaucl ; Mlle Méa, la charmante
transfuge de l'Odéon, et M. Ducros, poète improvisateur de talent, ont eu
leur large part des bravos de cette soirée.
— MUe Marie Darjou donnera son concert avec orchestre le mardi
29 janvier, à huit heures du soir, salle Herz.
— Le virtuose Sarasate, le jeune et nouveau chevalier de Charles III,
est de retour à Paris.
— Parmi les œuvres musicales nouvellement publiées chez l'éditeur
Saint-Hilaire, nous devons recommander à nos lecteurs toute une belle ej
bonne collection de musique, composée par Arthur Kalkbrenner. Celte
publication, qui ne comprend pas moins de vingt-cinq morceaux, em-
brasse tous les genres de productions. Dans le genre sérieux et classique
on trouve un grand trio pour piano, violon et violoncelle, et une intro-
duction et rondo. Le chant y ' tient une large place ; il se compose de
quatre ballades de Victor Hugo , la Grand' Mère, la Chanson du fou , la
Fiancée du timbalier, la Légende de la nonne ; de deux chansons de Bé-
ranger : le Vieux caporal et le Retour dans la patrie, d'une romance,
d'une ballade et d'une grande cantate pour ténor, de Paul Saunière :
Faites l'aumône à l'orphelin, le Sereno, Dieu le veut ! La cantate est
surtout une œuvre capitale d'un style sévère et mélodieux. Dans la mu-
sique de piano nous citerons les Chants d'Italie. Les morceaux de danse
y figurent également, et les succès qu'Arthur Kalkbrenner a déjà obtenus
dans ce genre, les recommandent aussi bien que leur fraîcheur et leur
originalité. Nous avons surtout remarqué parmi ces productions : Cora la
Negra, les Batteurs en grange, Karloucha, Emil'Ivan-Walzer, etc., etc.
— Au concert donné à Vesoul par M"1* Gaveaux-Sabatier et le violon-
celliste Nathan, MUc Marie Battmann a exécuté avec une netteté remar-
quable la musique classique aussi bien que la musique gracieuse et légère;
elle l'a prouvé en jouant avec M. B..., M. Nathan et M. L. Battmann, le
beau quatuor en sol mineur de Mozart, pour piano, violon, alto et vio-
loncelle, et le délicieux cantabile de Félix Godefroid : les Soupirs, trans-
crit par M. Battmann, pour piano et orgue.
— On nous écrit de Clermont-Ferrand : « Le comique G. Bousquet ,
après avoir obtenu des succès à l'étranger, et tout récemment à Marseille
et à Lyon, se repose en ce moment dans la capitale de l'Auvergne. Néan-
moins M. Lattes, directeur du Casino de Clermont-Ferrand, l'a su retenir,
ce qui rend son repos assez problématique. M. Bousquet réussit spéciale-
ment dans une chanson intitulée la Table à rallonges, que Berthelier, à
qui elle est dédiée, pourrait bien nous faire entendre cet hiver. »
La partition illustrée de SÉMIRAMIS de Rossini,
— texte italien et traduction française de MÉRY ,
récitatifs et airs de ballet de CARAFA, points d'or-
gue et rentrées d'orchestre , — avec les DEUX
PORTRAITS de G. ROSSINI (Naples «8SO et Paris
1860) et les DESSINS REPRÉSENTANT LES
SCÈNES PRINCIPALES DE L'OUVRAGE , — est
actuellement délivrée aux abonnés du Ménestrel.
Cette magnifique prime, offerte gratuitement
pour tout renouvellement ou abonnement complet
(chant et piano), prendra la place des quatre Albums
du Ménestrel, dont les morceaux n'en seront pas
moins publiés dans le Journal (voir ci-dessous).
Les abonnés au CHANT seul, ou au PIANO seul,
auront droit à la même prime, moyennant un sup-
plément d'abonnement de dix francs , s'ils ne préfè-
rent recevoir gratuitement :
1° A la place des deux Albums annuels pour le
Chant: la partition complète des SAISONSde J.HAYPN,
chant, piano et traduction française de G. Roger,
oratorio en quatre parties, seule édition conforme
à l'exécution des concerts du Conservatoire , et
ornée du portrait de HAYDN.
2° En échange des deux Albums annuels pour
piano : un beau Recueil de transcriptions et réduc-
tions des célèbres oeuvres concertantes, sympho-
niques et pour piano seul, de Haydn, MOZART et BEE-
THOVEN, par Jules Weiss, et contenant :
HAVDN : 1. Final du trio en fa* — Z. Menuet du 'mente trio. —
3. Final du trio en la. — 4. Allegro, symphonie en mi bémol.
BEETHOVEN : S. Adagio et allegro de la symphonie en ut. — «. Final
du quatuor en fa. — 9. Menuet et scherzo du septuor. — s. Alle-
gro du trio en mi bémol.
MOZART : 9. Menuets extraits de ses symphonies. — f O. Final do
la symphonie en ré. — II. Final du quatuor en sol mineur. —
lï. Presto de la sonate en si bémol.
CATALOGUE des morceaux séparés des quatre ALBUMS
du Ménestrel [année 1860-1861), qui paraîtront de semaine
en semaine, à partir du dimanche 11 novembre 1860.
ALBUMS DE CHANT.
ROMANCES ET CHANSONNETTES.
G. NADAUD.
La bruyère.
PAULINE TII1S,
Tes vingt ansf
F. MAS1NI.
Le Lever des Étoiles.
IKillllll AMAT.
Sympathie.
H. POTIER.
Adieu les Fées 1
DORVAL-VALENTINO.
Charmants Tyrans du cœur.
SCENES ET MÉLODIES.
G. NADAUD.
Le vent qui pleure.
PAULINE TI1YS.
Harmonie de Lamartine.
J.-B. WEKERLIN.
9:; Tyrolienne.
FÉLIX GODEFROID.
Ma mie Annette.
ALBUMS DE PIANO.
MUSIQUE DE DANSE.
ARBAN.
A vos Souhaits, polka.
L. MICHELE
Polka militaire du Camp de Saint-Maur.
STRAUSS.
Sémiramis , 2e quadrille.
PHILIPPE Sl'llï.
Juana , polka- mazurka.
MUSARD.
Sémiramis, yalse.
JC.-L. BATTMANN.
Menuet et galop final à'Orphée aux
Enfers, de J. OOenbach.
MORCEAUX DE SALON.
CROISEZ.
Guipures et Dentelles (n° 1).
Cit. NEUSTEDT.
Il mio Tesoi-o, transcription de Don Juan.
MARMONTEL.
Musette, rondo pastoral.
PAUL BERNARD.
Sella sera, idylle.
JLÉCUREUX.
Fleuve du Tage, transcription.
FÉLIX GODEFROID.
Les Abeilles, étude extraite du 3L" cahier
de l'Ecole chantante du piano.
Chaque demande ou renouvellement d'abonnement doit être accom-
pagné d'un bon sur la poste [franco] : 1° de 15 fr. , Paris; 18 fr., pro-
vince, pour chant et texte, ou piano et texte. 2° De 25 fr., Paris, ou 30fr.,
province, pour l'abonnement complet: texte, chant et piano réunis.
Joindre, pour les départements, un supplément de 2 francs , montant de
l'affranchissement des primes de l'abonnement complet, ou un supplément
de 1 franc pour l'affranchissement des primes séparées, piano ou chant.
J.-L. Heugel, directeur.
3. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frères, rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
BIBLIOTHÈQUE CONCERTANTE
DES
ŒUVRES
PROGRESSIVES.
PIANO
QUATRE MAIW8.
lECARPENTIEIl .
Trésor (1rs jeunes Pianistes. Vingt-quatre Récréa-
tions livs-fucilrs '■[ (loisirs Nui^iieiisnnent sur les
romances de Loïsu Puget, niL'lodii's iLaliennes, etc.,
en deux suites; chacune 7 au
Op. 56. La Hose bretonne 6 »
I,. GUEUIEE.
£m Petits pianistes, six petits morceaux très-faciles. 9 »
Frais ombrages, id. « 50
Gentil Hussard, ■<!• 3 "
X. RIIMMEL.
Valse de Ven^ano 6 "
1. Barcarolle d'Oberon, de J.-A. PiCHEn fi »
2. Fleur des Alpes, de J. Schad ,. 6 »
3. Santa Luc ia, de Padl Bernard 6 »
4. Carnaval de Venise, de J.-Cn.. Hess 6 »
5. Les Noces de Figaro, de Cil. IS'ecstedt 6 »
6. OU vas-tu, petit Oiseau? de Ch. Hess 6 •
ÉCOLE CHANTANTE DE F. GODEFROID
Var J. KUMMEE.
1. Op. 26. Résignation, romance £ 50
2. — 5&. Gouttes de rosée, rêverie 9 »
3. — Ù8. Prière des Bardes , choral 1 50
û. — ft8. Les Nuits d'Espagne, boléro 9 D
5. — 35. Les Soupirs , and3nte 1 50
6. — 38. Le Réveil des Fées, orientale 12 ■
II. BOSEELErV.
Op. 60. Fantaisie sur Béatrice di Ténia 9 »
Op. 72. Marche de la Caravane du Désert 10 »
1" Quadrille italien varié 9 .
2« Quadrille id 9 >i
H. HERZ et LOUIS.
Op. 118. Les trois Sœurs: 1. Gracieuse. 2. Senti-
mentale. 3. L'Enjouée. — Chaque 7 50
lA'Cartott'a Grisi, grande -valse..;; 6 »
FÉLICIEN DAVID.
II. HERZ.
Op. Ir6. Grand duo concertant sur le Désert 9 »
Op. 166. Marche nationale 7 50
ENSEIGNEMENT
INDIVIDUEL ET COLLECTIF A L'CSACE DES COLT.S DE PIANO
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N° 1. Éléments de l'art du Pianiste, avec une Intro-
duction raisonnée de toutes les méthodes, et précé-
dée d'un Avant-Propos pour les Cours de piano. Net. 5 »
N° 2. Exercices- préparatoires et 20 leçons progres-
sives soigneusement doigtées, pour 1-2 ou 3 pianos
concertants Net. 5 b
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l 3 pianos con-
nts.
Net.
H. VAI.IQUET.
ECOLE CONCERTANTE DES PETITES MAINS.
1. Illitclle des Grains tir Sable... 3 75
2. Polka id. ... 3 75
3. Musette id. ... 3 75
tt. Pâquerette, polka des Brins
d'Herbe 3 75
5. Perce-Neige, marche id. . . 3 75
6. Le Liseron , valse id. . . 3 75
7. L'Été, pol.-maz. des i Saisons. 3 75
8. L'Automne, valse des Quatre
Saisons 3 75
9. La belle au Bois dormant,
berceuse des fontes de Fées., ù 50
10. Le Chat botté, rondo id. . . ù 50
11. Le Nain jaune, valse id. . . ti 50
12. Le Prince Charmant , polka-
mazurka des Coules de Fées. U 50
(s« aaaa'jj
CH. CZERS1.
L'ART DU CHANT DE S. THALBERG.
1, Quatuor ù'i Puritain', de Bel-
lini
2. Trc Giorni , air de Pergo-
Adétmde, de Beethoven ... 7 50
Air d'église, de Stradella 6 h
LacrymosaelNozze di Figaro,
de Mozart 7 50
Duetto de Zelmira, Hossini... 7 50
Le recueil complet, net 10 »
7. Bclla adorata, de Mercadantc. 6 u
8. Le, Meunier et le Torrent, de
Schubert 6 n
9. ttmio lesoro, air de Don Juan,
de Mozart 7 50
10. Chœur des Conjurés, du Cro-
cialo, de Meyerbeer 7 50
11. Ballade de Prrcinsa, de Weber. 6 »
12. hiiodeFreyschUtz, de Weber. 7 50
Le recueil complet , net 10 n
LEFËBURE-WÉLY.
ÉCOLE CONCERTANTE DU PIANO.
(O,.. 85).
1. Scherzo pastoral. ..
2. Berceuse
Marche .
7 50
varié 7 50
Andante 6 »
Scherzo-chasse * 7 50
7. Scherzo-symphonioue.
8. Rêverie
.. G
9. Presto 7 50
10. Andantino 7 50
11. Boléro 7 50
12. Scherzo-poste 5 D
DU MÊME AUTEUR:
Op. 53. Fantaisie sur les Monténégrins 9 D
Op. 58. Id. sur les Porcherons , 9 H
Op. 93. Concert à la Pension 7 50
CLASSIQUES-MARMONTEL
BEETHOVEIV.
Op. f>. Sonatine (n° 2û, école clas-
sique} 6 »
Op. £i5. Trois marches {11" 32, école
classique) 7 50
Variations à quatre mains sur un
thème de Waldstein (n° 103,
école classique) ■ 7 50
m iiui- 1..
Op. 138. Tyrolienne ;\ U mains... 7 50
MOZART.
Sonate eu ri; naturel majeur (n° 92,
école classique) 7 50
Sonate en si bémol majeur (n° 93,
école classique) 7 50
CM. DE WEDER.
Op. 3. Six pièces faciles ( n° 7ft,
école classique) 7 50
Op. 3 bis. Six pièces faciles (n° 75,
école classique ) 9 »
MORCEAUX DIVERS A QUATRE MA8NS.
H\ ROSEffXEtV.
Répertoire de* jeunes pianistes.
Rondo sur la Gazza ladra
PetiLe fantaisie sur Olîvo e Pasquale
la cavatine de Gabriella di Vergy...
?.duardo e Cristina
A. IVELD1.
Op. e. Dix Etudes primaires rhythmîques et mêïo-
Le Déserteur, grande valse ., 7 50
Le Ramier messager, id ,, -7 50
Les Yeux bleus, id 7 50
Ta Main , fantaisie- valse ." * 7 50
La Sirène dr Sor renie, fantaisie- valse 7 50
Benedetta, fantaisie brillante 7 50
LE JEUNE PIANISTE CLASSIQUE.
Transcriptions et réductions des œuvres célèbres
de HAYDN, MOZABT, BEETHOVEN,
d'une difficulté progressive, arrangées à U mains et doigtées
par JULES WE1SS.
HAYDN.
1. Finale de la symphonie en ut 7 50
2. Finale de la Uc symphonie eu sol !. 7 50
3. Andante de la symphonie en sol 7 50
U. Finale de la lce symphonie en sol 7 50
BEETHOVEN.
5. Sonate en sol mineur. Op. &9. no 1 7 50
6. Sonate en sol. Op. I19. n° 2 7 50
7. Allegro de la sonate en la. Op. 12 ] 7 50
8. Allegro de la sonate en fa. Op. 17 '. 7 50
MOZART.
9. Allegro de la sonate facile 5 ,
10. Andante de la sonate facile ,, \ 5 »
11. Finale de la sonate facile \\\\ 5 ,
12. Marche turque ! ! ! ! ! 5 »
Cil. CZERIVY.
Quatre grandes fantaisies concertantes.
Op. 2a0. Wauerley 9 ,
Op. 2&1, Guy-Mannering 9 »
Op. 2£i2. Ivanhoé 9 ,
Op. 2^3. Rob-Roy 9 ,
CH. LYSBERG.
Souvenirs de Don Juan , a deux pianos 12 »
C. STAM4T1.
ï.e Ru 3 [lune des doigts.
Exercices applicables à U mains et plusieurs pianos, 15 •
exercices chantants en forme de duetlino 15
L'Aride l'Accompagnement appliqué au. piano, mé-
thode poiirappieiuhe aux chanteurs à s'accompagner. 15
A. .\i:idv
Dix Études primaires, arythmiques et mélodiques,
piano et violon 12
nolmetscli. Rêve du jeune âge (f.)
comion. Op. htx. La Bague de ma Mère (f.)
— Op. 50. Sur la Cracovienne (f.)
II. kurr. Nocturne sur l'Illusion cf.)
— Op. 180. La Pensée nocturne (F.)
««. K.astncr. Grande valse (d.)
utemczlnskl. Op. 5. Variations sur Don Juan (m. d.)...
— Op. 6. Rovdolrlto, marche polonaise (M. d.).
Kozeluck. Op. 19. Sonate (m. d.)
IL. a, annuité. Marche des racoleurs, A'Ârva (d.)
Latour. Le Petit Tambour (m. d.) ,
— Premier duo sur O dolec contenlo (m. d.)
E. Lipart. Divertissement facile
S. Louis. Op. 1W. Ma Champagne, fantaisie (M. d. \
Majetii. Grand yalop de la Méduse (m. d.)
Marquerie. Op. 21. Deux bluettes sur le Diatestê,
deux suites (f.). Chacune
A. Weldy. Souvenirs de Saintonge [h. d.) 7
Ries. Di tanti palpiti (m. d.) 6
— Op. 53. Retour des Troupes (h. d.) 4
A. Thys. Pas styrien (si. d.) U
De vaucorheil. Tempo di Minuelto (m. d.) C
OUVERTURES A QUATRE MAINS.
Pilatl et Flotow. Le Naufrage de la Méduse C
Ain». Thomas. Le Panier fleuri 6
Paul Bernard. Sémiramis, de Hossiui 9
IHUSiaUE CONCERTANTE POUR PIANO, VIOLON, VIOLONCELLE, ORGUE, ETC.
ALEX. BATTA.
A. B»D D.OE fl Itï .
Scène (TOrphée, de Gluck, transcription pour violon
ou violoncelle, piano et orgue, ad lib
CH. OOIHVO».
Méditation sur le premier prélude de Bach, pour
piano, violon ou violoncelle et orgue
LaJeunereligieusc, de Schubert, transcription pour
violon, violoncelle, ad lib. , orgue et piano
V" ■►■ GRMIITAE.
Deuxième trio pour piano, violon et violoncelle
n. iikrk et iv. i.oiriM.
Les trois sœurs : la Gracieuse, la Sentimentale,
l'Enjouée, 3 fantaisie^ pourpiano et violon. Chacune
La Carlotla Grisi, valse
AMlDli; MEBEAVX,
Douze transcriptions concertantes d
1. Duo de ta lettre, des Noces de
Figaro, de Mozart. Piano et or-
gue Duo . 5 u
2. Mon cœur soupire, des Noces
de Figaro, de Mozart. Piano, vio-
lon et orgue Trio. 6 »
3. La Prière, adagio varji': du 3e
quatuor d'Haydn. Piano et or-
gue ou deux orgues. . . . Duo. 6 n
U. BattiBatli, air de Don Juant
de Mozart. Piano, violon, violon-
celle et contrebasse.. Quatuor. 7 50
5. Adagio et polonaise de la S<?-
rénade de Beethoven. Piano et
orgue. Duo. 7 50
G. Andantino de i:i^j;in(h' sympho-
nie en mibêmol d'Haydn. Piano,
violon et orgue Trio. 9 »
aîlns.
uvres célèbres des grands 1
7- Chœur pastoral et gavotte
iTArmide, de Gluck. Piano
et orgue Duo .
8. Menuet et trio des Masques,
de Don Juan, de Mozart.
Piano et orgue Duo.
9. Air de basse de la Flûte en-
chantée, de Mozart. Piano,
violoncelle et orgue. Duo.
10. Les Soupirs du Berger ,
de Weber. Piano et or-
gue Duo.
11. Quatuor de Fidelio , de Bee-
thoven. Piano a U mains ,
orgue Trio .
12. Andante du quatrième con-
certo de Ilaindcl. Piano et
orgue Duo.
E. ir»l HARTOG.
Pensée de Crépuscule, méditation pour violon, vio-
loncelle, orgue et piano 9 t
Souvenir de Pergolèse , andante religioso, pour
violon, violoncelle, piano et orgue 7 50
LEFÉBIIRE-WÉLV.
ècle), pour piano, violon ou
GUIS. — IV. LOUIS.
n\ — Méduse, — Porcherons, — lùe sé-
• des motifs de Loïsa Puget 6 et 7 50
Paris, AU MÉNESTREL, 2 bis, ru Vivicnnc, IIEUGEL ctO, éditeurs , fournisseurs du CONSERVATOIRE.
685 — Typ. Cliarlcs (le Mourgues rrtres, rue J.-J. Rousseau, 8. — 0409.
757. — 28° Année.
N" »,
J.-L._ HEUGEL,
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR,
Dimanche 13 Janvier
1861.
££>3^
NESTREL
JOURNAL
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'enchef.
JLES BUREAUX , S Ijîs, rue Vivienne. — HEUGEL et C>«, éditeurs.
(lui Magasins et Abonnement île Musique du MÉNESTREL. — Vente et location de Pianos et Orgues.)
CHANT.
1er Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; 30 Morceaux
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine; î Album»
primes illustrés. — Un an : 15fr.; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
28 Mode d'abonnement ; Jonrnol-Textc, tous les dimanches; ïO Morceaux
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Albmiu
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger : 21 fr.
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On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser /ranco
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Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 273.
SOTE.WAIE8E.
TEXTE.
I. L'opéra-comiqne, ses chanteurs et ses divers théâtres : Berton (21e article).
L. Meneau. — II. Semaine théâtrale. J.-L. Heucel. — III. Bouffes-Parisiens :
première représentation de la Chanson de Fortunio, débuts de M"- Pfotzer.
J. Lovy. — IV. Tablettes du pianiste et du chanteur : Bilan lyrique de l'année
1860. — V. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE PIANO ;
Nos abonnés à la musique Je Piano recevront avec le numéro de ce jour:
le premier quadrille composé par Strauss sur les motifs du ballet
LE PAPILLON ,
musique de J. Offenrach. — Suivra immédialemenl après : la Valse
des Fleurs, du même ballet, dansée par Mlle Emma Livry.
CHANT :
Nous publierons, dimanclie prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
TES VINGT ANS ,
Paroles et musique de Mme Pauline Thys. — Suivra immédiatement
après : la romance du deuxième acte de Barkouf, chantée par Mllu Ma-
rimon, paroles de MM. Scrire et Boisse vux, musique de J. Offenrach.
I/OPËRA-COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
SECONDE PARTIE. — XIXe SIECLE.
CHAPITRE VI.
XXI.
Henri Monta'n Bsrlon, né à Paris le 17 septembre 1737, était
fils de Pierre Montan Berton, chef d'orchestre de l'Opéra et
composi'eur. Comme Méhul, Chérubini cl Lesueur, Henri Berton
é rivit à la fois pour l'Opéra el l'Opéra-Comique ; il n'appartient
donc pas aussi complètement à celle histoire que les premiers
compositeurs dont j'ai tracé la biographie détaillée : Monsigny,
Grétry, Dalayrac...
Il avait vécu dans la musique dès son enfance; aussi, à
l'âge de six ans, déchiffrait-il déjà couramment une sonate. Il
entra de bonne heure, comme violon, à l'orchestre que dirigeait
son père et ce fut en accompagnant les chefs-d'œuvre de Gluck
et de Piccini, qu'il fit son éducation, bien plutôt qu'en prenant
quelques leçons d'harmonie de ses camarades d'orchestre.
A quinze ans, il devint amoureux de la prima donna Maillart
qui, de ballerine s'était élevée à l'emploi de première canlalrice
à l'Opéra. Il en eut un fils, François Berton, compositeur qui
donnait des espérances, mais qui mourut du choléra en 1832.
Henri Berton avait mis en musique un librelto iutilulé la Dame
invisible; il se demanda si ce qu'il avait fait était bien de quel-
que valeur ; MUe Maillart se chargea de montrer cette œuvre à
Sacchini qui y vit le germe d'un talent réel et consentit à donner
des conseils au jeune artiste. Grâce à ce patronnage, Berton put
faire exécuter au concert spirituel des oratorios de sa façon ; en-
fin, en 1787, un opéra -comique : les Promesses de mariage, et
peu de temps après : la Dame invisible, dont il avait retouché la
partition primitive. Après quelques œuvres de peu d'impor-
tance, il donna a la Comédie-Italienne les Rigueurs du cloître,
le 23 août 1790. Celte pièce, dont le libretlo était de Fiévée>
eut un succès retentissant et mérité. La partition débute, aussi-
tôt l'ouverture, par un duo brillant et mjuvemeaté entre Lucile
elle comte : Ah! de grâce! ... Le chœur des nonnes : Ah! quel
scandale abominable! est comique et bien réussi; l'allégro agi-
tato de Lucile au second acte : Où fuir? et le chœur : Grand
Dieu, reço'.s ce sacrifice ! sont très-pathétiques et ne manquent
point leur effet.
Berton écrivit après cela quelques ouvrages qui furent assez
froidement reçus. Pendant la terreur, l'esprit public élait modé-
rément tourné vers les comédies à ariettes et les seules pièces que
l'on allât voir étaient des sjôues patriotiques, des à-propos qui
coûtaient peu de travail à leurs autours el dont le nombre de
représentations était du reste assez restreint. Les litléra leurs en
50
LE MÉNESTREL.
renom ne voulaient plus se donner la peine d'écrire des libretti
soignés. Or, Berton avait abandonné Mlle Maillart qui régnait à
l'Opéra, fort peu soucieuse de son ancien ami ; celui-ci s'était
marié, il avait une famille à élever et se trouvait dans la plus
grande gêne. Ne pouvant mettre la main sur un scénario, il ré-
solut d'en écrire un lui-même et fut ainsi doublement l'auteur de
Ponce de Léon , opéra-comique en trois actes , représenté
en 1794, avec un bon succès d'estime, qui ne lui rapporta point
cependant assez d'argent pour le tirer de la gène où les événe-
ments politiques l'avaient jeté.
En 1799, Berton habitait une mansarde ornée du plus simple
mobilier , lorsque se présenta chez lui un parolier célèbre-
alors, déjà son collaborateur dans le Nouveau d'Assas, repré-
senté en 1791. C'était le poète Dejaure (1). Il apportait le li-
bretto de Montano et Stéphanie, reçu au théâtre Favart et qu'il
avait présenté d'abord a Grétry; mais celui-ci ne voulait plus
composer, et lui avait répondu : « 11 vous faut un musicien qui
« soit encore dans l'âge des passions et qui néanmoins ail fait ses
« preuves au théâtre. Celui qui réunit toutes ces conditions, c'est
« le petit Berton. Croyez-moi, choisissez-le, et il vous rendra un
« chef-d'œuvre. » Cette prédiction se réalisa : Berton s'éprit pour
le sujet qu'il avait à traiter etsa partition fut faite en un mois. C'é-
tait bien réellement un chef-d'œuvre. On y remarque à un degré
éminent l'entente de la scène, l'originalité de style qui placent
Berton à part parmi les musiciens français. Pour s'identifier avec
le poème qu'il avait à traiter. Il se représentait, en écrivant, ses
chanteurs en scène. Berton dit en effet, à propos de la situation
qu'il avait à rendre en musique dans l'introduction : « J'avais
cinq rôles principaux à faire agir et parler. Je fis donc chois de
cinq gros louchons : à la gauche du spectateur, le premier était
Stéphanie; le deuxième, Léonali; le troisième, Salvator; le qua-
trième, Montano, et le cinquième, Altamont. Les petits bouchons
placés derrière représentaient les officiers et les gens de leur suite.
Celte statistique exacte du tableau que je désirais que la scène
offrît me fut d'un grand secours ; car, en faisant avancer ou re-
culer à mon gré l'un de ces personnages, lorsque l'un d'eux me
paraissait avoir trop tardé à parler, je m'identifiais plus directe-
ment avec l'intérêt et le pathétique éminent de cette belle situa-
tion dramatique. »
La première représentation s'effectua le 26 mai 1799 et obtint
un immense succès, malgré le tumulte affreux qui eut lieu lors-
que l'on vit entrer en scène le chanteur Solié, sous des habits de
prêtre ; le vacarme des républicains étouffa la voix de Gavaudan
qui jouait le rôle de Montano et celle de Jenny Bouvier (1),
chargée de celui de Stéphanie. La pièce ne put, du reste, avoir
que trois représentations. On fut forcé de la retirer du répertoire
« parce que, comme disait un critique du temps, elle exigeait la
présence de personnages qui blessaient la susceptibilité des
oreilles et des yeux républicains. » Elle ne fut reprise qu'en
1801. Dejaure était mort, Legouvé fit au troisième acte quelques
modifications jugées nécessaires au poëme. Parmi les morceaux
qui doivent être cités dans celte pièce, il y a, outre la belle ou-
verture que Berton écrivit le jour même de la première représen-
tation, l'air : Oui, c'est demain que Vhyménée... d'une mélodie
(1) Jean-Élie Bendenc Dejaure, né en 1761, mort le S décembre 1799.
Il fut, comme on le verra plusloin, le collaborateur habituel de R. Kreutger.
(1) Jenny Bouvier était fille d'un violoniste de l'orchestre; elle chantait
avec goût, mais sa voix était faible.
large et pleine de sentiment; le duo gracieux : Venez, aimable
Stéphanie ; le trio : 0 mes enfants;... Mais la pièce capitale est
le finale, avec son crescendo célèbre qui n'a jamais manqué d'en-
lever l'auditoire.
Les meilleurs ouvrages de Berton après Montano furent le
Délire, un acte (1799) qui fit ressortir jusqu'à quel point ce com-
positeur savait donner à sa musique des couleurs variées et ap-
proprier son style au genre qu'il avait à traiter.
Deux œuvres de mérite bien différent se succédèrent dans les
années 1802 et 1803. 1° Le concert interrompu, un acte dans
lequel on remarque deux jolis airs de soprano : Jeunes beautés,
craignezde tristes chaînes et Oui, fuyez loin de mon âme
2° Aline, reine de Golconde, celui des opéras de Berton qu'on a
repris le plus souvent. Cet auteur avait cherché avec soin et ren-
contré souvent avec bonheur la couleur locale dans cette parti-
tion. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le premier et le troi-
sième actes, empreints d'une originalité orientale, et le deuxième
qui brille par un certain air de vivacité provençale.
En 1806 Berton mit en musique l'opéra d'Elleviou : Dellia et
Werdi-Kan.
En 1806, il fit aussi la partition pleine de franche gaieté des
Maris garçons, un bon type d'opéra-comique français. Elleviou
enlevait son auditoire quand il chantait : Pour triompher de la
beauté secondé supérieurement par son partenaire Martin.
En 1809, Berton donna Françoise de Foix, ouvrage en trois
actes, dans lequel on applaudit un joli trio : A mon aspect....
Dans ses derniers opéras, on ne reconnaît plus la verve de
Montano et Stéphanie. Son esprit s'était affaibli par suite de
différents chagrins ; sa carrière avait été peu heureuse en effet.
Il avait survécu à sa réputation (elle est encore grande aujour-
d'hui) tout au moins à la vogue de ses pièces ; désappointement
profond pour un auteur. Sa vieillesse fut attristée aussi par l'é-
tat de gêne qui le poursuivit toute sa vie
Si nous remontons à l'époque où Dejaure venait le trouver
dans sa mansarde pour lui porter le libretlo de Montano et Sté-
phanie, nous le voyons en proie à un morne désespoir, il était
sur le point de renoncer à l'espérance de traiter un sujet qui l'a-
vait enthousiasmé, faute d'avoir de quoi acheter du papier à
partition. Un ami lui procure un travail abrutissant au moyen
duquel il parvient à vivre jusqu'à la première représentation de
son opéra , mais à peine son œuvre a-t-elle conquis la faveur du
public que le gouvernement républicain jette l'interdit sur la
pièce. Par suite, elle ne lui rapporta presque rien.
Plus tard, en 1820, on ne songeait plus à lui ; pour remettre
son nom dans la mémoire des acteurs, il céda la propriété de ses
compositions à l'Opéra-Comique, alors dirigé par les artistes en
société, moyennant une rente viagère de trois mille francs. Mais
le théâtre ayant fait de mauvaises affaires, Berton vit cette der-
nière ressource lui échapper.
Il mourut au mois d'avril 1842, après avoir perdu tous ses
enfants.
Léon Meneau.
[La suite à un prochain numéro.]
TABLETTES DU PIANISTE ET IW CHANTEUR.
51
SEMAINE THÉÂTRALE.
Un nouvel Éléazar nous est apparu dimanche dernier à
I'Opéra. M. Labat, ci-devant professeur d'histoire à la solde
de noire première scène lyrique, est venu s'attaquer à ce for-
midable rôle d'Éléazar,de la Juive. Il s'en faut que la tentative
du nouveau venu ait été des plus heureuses, — selon le style
consacré de la réclame. Ce n'est pas que le débutant ne soit
doué de quelques belles notes de poitrine, mais que de défail-
lances dans le médium ! que d'inexpérience au point de vue du
chant I Pourtant M. Labat ne s'est pas mal tiré de la Pâque,
notamment de la phrase : Dieu, que ma voix tremblante ! Le
trio de l'ana thème lui a également été favorable , tandis que les
passages les plus modestes laissaient considérablement à désirer.
En somme, M. Labat possède un fort bel instrument dont il
n'a pas suffisamment appris à se servir. — Les partenaires
d'Éléazar, Mmes Duprez-Vandenheuvel , Marie Sax, M. Belval,
ont récolté leur succès habituel, et Dufrêne (Léopold) s'est fait
remarquer, dans la bonne acception du mot, en sens contraire
de M. Labat.
Le lendemain lundi, les sœurs Marchisio, de retour de leur
pérégrination à Nantes et à Angers, ont reparu dans la Semi-
ramis, dont elles venaient de chanter triomphalement — hors
Paris — le duo qui a fondé leur réputation, non-seulement en
France, mais aussi en Italie. — Chacun se rappelle l'émotion
communiquée à la salle entière de l'Opéra par le merveilleux
ensemble des sœurs Marchisio dès la première soirée. Cette
sorte d'électricité vocale ne pouvait manquer son effet, même
au concert, où s'efface cependant tout le prestige de la scène.
Voici ce que nous lisons à ce sujet dans le journal de Maine-
et-Loire :
LES SOEURS MARCHISIO.
« Les sœurs Marchisio n'étaient guère connues ici que par leur
triomphe à l'Opéra dans Sémiramis. Elles se sont présentées
tout modestement , de rose vêtues, charmantes, sinon par la
beauté, du moins par la physionomie, par le caractère, par la
fleur de la jeunesse et par leur touchant accord fraternel.
« Prodigues de leur talent, elles n'ont pas compté avec le public;
elles ont fait, comme on dit, la bonne mesure, et cet avare de
public n'a pas encore été content, il a fait répéter deux mor-
ceaux.
« Les deux sœurs ont débuté par le duo des Zingari, joli bijou
de Gabussi. Leur succès a été aussitôt décidé. Il a fallu recom-
mencer le morceau.
« Elles ont ensuite chanté ensemble le fameux duo de Sémira-
mis, dont l'andante se termine par de diaboliques vocalises à
deux. On aurait bien voulu bisser, mais c'eût été cruel. Il ne
faut jamais abuser, même des meilleures dispositions.
•« Elles ont enfin terminé par un délicieux duo de Mathilde
de Shabran, qui était, comme le bouquet d'un feu d'artifice,
une pluie de perles et de diamants, une mélodie enchâssée par
le bijoutier qui se nomme Rossini, dont le génie a inventé les
traits et dont la science a guidé les jeunes virtuoses. Ce mor-
ceau-là, par exemple, on l'a redemandé; c'était le dernier; il
était [impossible de laisser partir les sœurs Marchisio sans les
revoir et sans les applaudir.
« Mais ce n'est pas tout. Elles se sont aussi fait entendre cha-
cune isolément.
« Carlotta, le soprano, a dit une cavatine deRigoletto, hérissée
de difficultés, et la romance de Guillaume Tell .-Sombres forêts.
« Barbara, le contralto, a chanté un gracieux air de Dona
Carilea, de Mercadante.
« Le timbre de voix de ces deux sœurs est a peu près le même,
bien que l'une atteigne les notes les plus élevées et que l'autre
descende aux plus profondes. Ces voix sont vigoureuses, pleines,
bien trempées. Dans un grand vaisseau, elles doivent vibrer
merveilleusement. Elles ont de l'éclat, du brio, et aussi, quand
il le faut, beaucoup de douceur et de suavité.
« Leur chant, évidemment façonné par le même maître, est pur
et franc. La note est toujours juste, égale ; le caractère a de la
hardiesse, le trait est enlevé vivement et comme à plaisir. Il est
difficile de dire laquelle des deux sœurs on préfère, tant elles se
complètent l'une l'autre.
« Aussi, quand elles chantent ensemble, quelle entente I quelle
perfection d'unité ! Ce sont les Siamoises du chant; elles pensent
de même et elles ont le même sentiment au même instant. Toutes
les nuances sont rendues avec une instantanéité impossible à
atteindre dans d'autres conditions.
« En somme c'est admirable, et nous avons passé deux heures
délicieuses. » Louis Tavermer.
Aux Italiens on annonce la première représentation du
Ballo il Maschera pour ce soir dimanche. On attend beaucoup
de ce nouvel opéra de Verdi, dont Mme Grisi et M. Badiali ont
fait apprécier plusieurs beaux fragments samedi dernier chez
notre grand maître Rossini. A dimanche prochain les détails.
Jeudi dernier le Théâtre -Français a représenté les Effrontés,
de M. Emile Augier, comédie en cinq actes, qui a presque les
allures d'un drame sous l'attrait piquant de la satire. Les mots
abondent, la critique de mœurs ne tarit pas, et le rire fait de
même. Citer les interprètes : Mme Arnoukj-Plessy, MM.Samson,
Provost, Régnier, Got, Delaunay, c'est nommer les collaborateurs
naturels de ce grand succès. L'Empereur honorait de sa pré-
sence cette brillante soirée et n'a quitté la salle qu'après avoir
applaudi en personne le nom de l'auteur.
L'Opéra-Comique a repris Barhouf, Mlle Bélia et M. Nathan
ayant pu reprendre leurs rôles respectifs; quelques nouvelles
coupures ont d'autant mieux réussi qu'elles portent sur les
ensembles dont l'exécution laissait beaucoup à désirer. MIIe Ma-
rimon est toujours rappelée, et c'est justice. On annonce, comme
très-prochaine, la première représentation du nouvel ouvrage
de MM. Scribe et Auber. Cet ouvrage aura pour titre définitif
la Circassienne, et pour principaux interprètes : MM. Montaubry,
Couderc, Barrielle et M1Ie Monrose.
De son côté, le Théatre-Ltriqce promet pour demain lundi
la première représentation de la Madone, opéra-comique en un
acte, de Louis Lacombe, paroles de M. Carmouche. — Le nouvel
ouvrage de M. Ernest Reyer se répète activement.
Les Rouffes-Parisiens ont représenté leur Forlunio, qui
n'est rien moins qu'un grand succès (voir notre article). \ A la
bonne heure, voilà bien le genre du véritable opéra-comique,
vif, léger, pimpant, avec uue agréable dose de sentiment. Forta-
nio prendra le première place dans cette foule de jolies opérettes
qui ont nom : le Violoneux, le Mariage aux lanternes, les Pan-
lins de Violette, le 66, Monsieur Landry, le Mari à la porte, etc.
Demain ou mardi, première représentation des Musiciens,
ouvrage bouffe, qui va venir compléter l'affiche de Fortunio et
du Mari sans le savoir.
On le voit, les nouveautés ne manquent pas; l'année 1861
s'annonce sous les meilleurs auspices. Puisse-t-elleJ ne point
faillir! J.-L. Heugel.
52
LE MÉNESTREL.
THÉÂTRE DES BOUFFES-PARISiËNS.
~ LaZChunson de Fortunio , opérette en un acte, paroles de MM. Hector
CnÉMiEux et Ludovic Halévy, musique de M. J. Offenbach.
M. Offenbach vient de répondre aux ennemis de son théâtre
et de sa musique par une délicieuse petite partition qui, celle-là
aussi, fera non-seulement son tour de France et de Belgique,
mais encore son tour d'Allemagne. Et Fortunio justifiera son
titre sur toute la ligne, partout la faveur publique l'accueillera,
avec son joli poëme, sa musique pleine de fraîcheur, de grâce et
d'entrain. Là, pas un mot, pas une note qui n'intéresse ou ne
plaise, ne déride et ne charme en même temps. Ajoutez à ces
mérites essentiels une débutante qui, d'emblée, a conquis toutes
les sympathies, et l'on comprendra la fortune prédestinée, par
droit de baptême, à Fortunio. Mais abordons la pièce.
Chacun connaît l'adorable chanson d'Alfred de Musset :
Si vous croyez que je vais dire
Qui j'ose aimer,
Je ne saurais pour un empire
Vous la nommer.
Il'y a déjà quelque dix ans M. Offenbach, — alors violon-
celliste très-couru dans nos salons aristocratiques, — écrivit pour
Roger, sur cette poétique pensée, une non moins poétique mélo-
die, qu'il accompagna d'une certaine barcarolle de Théophile
Gautier :
Dites, la jeune fille,
Où voulez -vous aller?
La voile ouvre son aile,
La Irise va souffler...,
dont notre grande cantatrice, M"18 Cinti-Damoreau, faisait ses
plus doux loisirs. Nos illustrations chantantes, qui pressentaient
déjà la fibre mélodique du violoncelliste-compositeur, ne dédai-
gnaient pas de le signaler au monde musical, bien au contraire.
Or, c'est ce même musicien que certains feuillelonnistes ont
systématiquement nié celte semaine. Qu'ils aillent entendre la
Chanson de Fortunio aux Bouffes-Parisiens, et M. Offenbach
sera suffisamment indemnisé.
La donnée de la pièce repose, — comme tout le monde
l'aura deviné, — sur cette même chanson d'Alfred de Musset,
musique de M . Offenbach .
Maître Fortunio, autrefois clerc chez Me André, avait clé
cité comme un verl-galant. Il parvenait surtout à conquérir les
cœurs féminins avec notre ravissante chanson : Si vous croyez
que je vais dire, etc.
Aujourd'hui Mc Fortunio, établi tabellion, et marié, a par-
faitement oublié ses folies de jeunesse; — je me Irompe : il les
a si peu oubliées, qu'il redoute les entreprises des galanls et
craint la'peine du talion. Il n'en faut pas davantage pour chan-
ger cet officier' ministériel en un véritable Othello, voire en un
tigre du Bengale.
Or, ses appréhensions pourraient bien être fondées, car sa
femme esl jolie, et ses clercs sont de vrais diables. Précisément
en voici un, — le jeune Valentin, — qui rôde autour de
Mme Fortunio avec la tendresse respectueuse d'un Chérubin.
Le jeune homme, excessivement timide, se serait éternellement
borné à cueillir des roses à l'intention de sa châtelaine sans
lui chanter sa flamme (vieux style), —si le petit clerc Friquet
(représenté par le grand Bâche)! ne venait attiser le feu dans
l'étude de maître Fortunio. Ce salané Friquet, en débrouillant
un' vieux dossier, a trouvé le vieux brouillon de la fameuse
chanson qui servit jadis au patron pour conquérir les cœurs. Et
tous les clercs d'en prendre aussitôt copie pour leur usage per-
sonnel. Ce n'est pas tout. Afin de ménager à son timide cama-
rade Valentin une entrevue avec Mme Fortunio, Friquet éloigne
le palron on lui faisant accroire que le Châtelet est en feu.
A son retour, maître Fortunio trouve son étude en pleine
galanterie; tous les clercs, bras-dessus, bras-dessous avec de
gentilles grisettes, entonnent à son nez et à sa barbe la chanson
magique; et Valentin la soupire à la patronne.
Le tabellion se voyant joué, devient plus Othello que jamais :
mais les rieurs ne sont pas de son côté. La jalousie est un vilain
défaut, — un défaut très-dangereux; et cela est si vrai, que la
fenêtre du balcon s'ouvre, et que Mme Fortunio jette au jeune
Valentin une rose... une espérance. Et le rideau tombe sur cette
piquante fantaisie, — pour sauver la morale.
La musique de la Chanson de Fortunio, comme nous avons
dit plus haut, est d'un bout à l'autre pleine de grâce, d'entrain
et de fraîcheur. Tous les morceaux ont été fêtés, et pour être
juste, il faudrait les citer tous. D'abord, les couplets de
M1)e Chabert (Mme Fortunio), Mon cher époux, prenez garde à
vous.' les couplets à boire des clercs : Verse l'eau clair de la
fontaine, ceux de Bâche : C'est moi qui suis le petit clerc ;
puis la chanson : Autrefois et aujourd'hui; la romance de
Mlle Pfotzer (Valentin), Je l'aime ; le joli sextuor en mouvement
de valse : Nous le verrons à nos genoux, et le duo final de
jjues chabert et Pfotzer, dans lequel se déroule et se développe en
un chaleureux crescendo, la fameuse Chanson de Fortunio, la
clé de voûte et le prétexte de la pièce : ce poétique bijou ne
pouvait, certes, être plus finement enchâssé. .
Désiré est un tabellion des plus désopilants et de bonne comé-
die ; le grand Bâche nous offre un petit clerc comme on en voit
peu : il est épatant sous tous les rapports (style local). MUe Cha-
bert est charmante dans le rôle de Mme Fortunio. Quant à
M"e Pfotzer (Valentin), son début est un véritable événement
sur la petite scène lyrique des Bouffes-Parisiens. Une voix fraî-
che., expressive, argentine , très-agréablement métallique déjà,
quelque intelligence de la scène, enfin de l'expression dans le dé-
bit, avec une apparence de gaucherie qui est une grâce de plus, —
telles sont les qualités de la nouvelle étoile que l'on bisse et
rappelle chaque soir dans la Chanson de Fortunio.
*
L'auteur de Fortunio se rend à Berlin et à Vienne où ses ou-
vrages sont devenus populaires. Sa nouvelle œuvre l'y suivra
bientôt et ne tardera pas à prendre place dans le répertoire al-
lemand.
Et si l'on veut juger de la place qu'y occupent les opérettes de
M. Offenbach, laissons parler les relevés dramatiques publiés
par la Gazette musicale de Berlin.
« Au théâtre Charles, à Vienne, sous la direction de M. Nes-
troy, huit opérettes ont été représentées 124 fois depuis janvier
jusqu'en novembre. Orphée aux enfers, 54 fois ; le Mari à la
porte, 26 fois ; Tschin Tschin (Bataclan), 13 fois; le Violo-
neux, la Demoiselle en loterie, 4 fois; le Mariage aux lanternes,
8 fois ; le 66 ou les Deux Savoyards, 2 fois.
« Sous la direction de M. Braun, depuis novembre jusqu'en
décembre on a donné 13 fois la Chatte métamorphosée.
« Au théâtre Treumann, on a représenté 34 opérettes : Bâta-
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
53
clan, 18 fuis; Ma tante dort, 1 fois ; le Mari à la porte, 3 fois,
le Mariage aux lanternes, 1 fois.
« A ce môme théâtre on a donné, le 5 janwer, pour la pre-
mière fois Geneviève de Brabant, sous le titre : la Belle Mame-
lonné.
« La Belle Magelonne se joue avec succès sur plusieurs autres
scènes allemandes.
« A Breslau, on a joué 22 fois Orphée aux enfers.
« A Berlin, Orphée aux enfers et Daphnis et Chlcê alternent
avec la Clochette de l'hrrmite {les Drâgcnsde Villcrs), d'Aimé
Maillart.
« A Potsdam, Orphée aux enfers ne quitte pas l'affiche et ob-
tient un immense succès.
« A Posen,on en est à la 15e représentation d'Orphée aux
enfers.
« A Dantzick, Orphée aux enfers fait fureur.
« A Halle, la ville universitaire, Orphée excite un rire homé-
rique, nonobstant la pauvreté de la mise en scène. »
Nous en passons et des meilleurs, car nous ne transcrivons
ici que le bulletin du dernier trimestre des scènes allemandes.
Et le (lot monte toujours !
De pareils résultats peuvent consoler de bien des feuilletons.
J. Lovt.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
LE BILAN LYIUQUE DE 1860.
Les feuilles théâtrales nous ont donné l'inventaire dramatique
de l'année défunte. Fidèle à notre spécialité, nous ne nous occu-
perons que des opéras et opérettes joués en 1860 sur les scènes
de Paris, des débuts, reprises et autres événements lyriques,
que nous venons ranger, à titre de renseignements, dans le
domaine de nos tablettes du chanteur.
Opéka. — 15 janvier, début do Mlle Marie Brunet, dans les
Huguenots (rôle de Valentine). — 17 février, deuxième début
de Mlle Brunet dans la Juive (rôle do Rachel). — 29 février,
débuts de M. Michot dans la Favorite (rôle de Fernand). —
9 mars, première représentation de Pierre de Médicis, opéra en
quatre actes, de MM. de Saint-Georges et Pacini, musique de
M. le prince Poniatowski. — 30 avril, deuxième début de
M. Michot dans Lucie (rôle d'Edgard). — 15 juin, V Annexion,
cantate de M. Méry, musique de M. J. Cohen, et début de
M. Wicart dans Guillaume-Tell (rôle d'Arnold). — 4 juillet,
représentation de M. Wicart dans les Huguenots (rôle do Raoul)".
— 9 juillet, première représentation (à ce théâtre) de Sémira-
mis, opéra en quatre actes, de Rossini, traduction française de
M. Méry (débuts de M"es Carlotta et Barbara Marchisio). —
3 août, reprise de Robert -le- Diable, pour les débuts de
Mme Vandenheuvel-Duprez (rôle d'Isabelle) et de Mlle Sax (rôle
d'Alice). —15 août, le Quinze août, cantate de M. Cormon,
musique de M. Aimé Maillart. — 10 septembre, reprise du
Trouvère (Mlle B. Marchisio). — 12 octobre, reprise du Pro-
phète, rentrée de Mme Tedesco (rôle de Fidès). — 26 novembre,
première représentation du Papillon , ballet en deux actes et
quatre tableaux, de Mllc Taglioni et M. de Saint-Georges, mu-
sique de M. J. Offenbach. — 7 décembre, première représen-
tation d'Ivan IV, cantate ayant remporté le prix de compo-
sition musicale, de M. Théodore Anne, musiquede M.Paladilhe.
— 24 décembre, rcntiée de M. Morrlli et début de Mlle C. Mar-
chisio , Guillaume Tell.
Théatiie-Italien. — 2 janvier, première rr présentation de
Marghcrita la Mendiccnte, opéra en trois actes, de M. Piave,
musique de M. Braga. — 12 janvier, débuis de Mlle Battu dans
\aScnnambvla (rôle d'Amina). — 26 janvier, reprise de il Ma-
trimonio segreto, opéra bouffe en deux actes, de Cimarosa. —
5 février, débuts (à ce théâtre) de Roger, dans la Lucia. —
14 février, reprise de Don Giovanni, opéra de Mozart. —
1 1 mars, rentrée de Tamberlick dans Otello. — 27 mars, pre-
mière représentation de la reprise d'il Crociato, opéra en trois
actes, de G. Meyerbeer. — 16 avril, reprise de Poliuto, opéra
deDonizetli. — 30 n:ai, clôture des représentations lyriques. —
2 octobre réouverture : hSonnambula, opéra deBellini; débuis
de M"e Vestri (rôle de Lisa). — 7 octobre, reprise d'il Trova-
tore ; débuts de M. Pancani (rôle de Manrico). — 14 octobre,
reprise d'ÎZ Barbiere d'i Siviglia, 18 octobre, reprise de la
Cencrentola. — 23 octobre, reprise à'Ernani, opéra en quatre
actes, de Verdi, — 29 octobre, reprise d'il Matrimonio segrelo,
de Cimarosa. — 8 novembre, reprise de Rigolelto, opéra de
Verdi. — 23 décembre, reprise de Semiramide.
Opéra-Comique. — 4 février, première représentation du
Roman d'Elvire, opéra en trois actes, do MM. Alexandre
Dumas et de Leuven, musique de M. Ambroise Thomas. —
19 février, reprise de Galalhée, opéra en deux actes, de MM. J.
Barbier et M. Carré, musique de M. Victor Massé. — 6 mars,
début de M"e Tuai, dans Fra-Diavolo (rôle de Zeiline). —
30 mars, débuts de M"e Breuillé,dans le Chalet (rôle de Beltly).
— 23 avril, première représentation de Château-Trompette,
opéra comique en trois actes, de MM. Cormon et Carré, musi-
que de Gevaërt. — 7 mai, première représentation de Rita ou
le Mari battu, de M. Gustave Vaez, musique posthume de
Donizetti. — 18 mai, première représentation de Y Habit de
Mylord, opéra comique en un acte, de MM. Sauvage et de Léris,
musique de M. Lagarde. — 14 juin, France et Savoie, cantate
de M*'*, musique de M. Matton. — 5 juillet, représentations de
M. Boger. — 6 juillet, rentrée de Mme Ugalde, dans Galalhée.
— 30 juillet, débuts de M1,e Marimon, dans les Diamants de la
couronne (rôle de Catarina). — 2 août, reprise du Petit Chaperon
rouge, opéra comique en trois actes, de Théaulon, musiquede
Boëldieu. — 15 août, Vive l'Empereur! cantate de M. Alfred
Beaumont, musique de M. Jules Cohen. — 28 août, première
représentation du Docteur Mirobolan, opéra comique en un
acte, do MM. Cormon et Trianon, musique de M. Eugène Gau-
tier.— 21 septembre, représentation au bénéfice des chrétiens
de Syrie : première représentation (à ce théâtre) de ma Tante
dort, opéra comique en un acte, de M. H. Crémieux, musique
de M. Caspers. — 24 octobre, reprise du Pardon de Ploërmel;
pour la rentrée do M".0 Wertheimber (dans le rôle d'Hoël). —
30 octobre, reprise de la Clé des champs, opéra comique en un
acte, de M. H. Boisseaux, musique de M. Deffès, et reprise des
Deux Gentilshommes, opéra comique de M. Cadaux. — 4 dé-
cembre, première représentation de YÉventail, opéra comique
en un acte, de MM. J. Barbier et Carré, musique de M. L. Bou-
langer ; reprise de la Perruche, opéra comique en un acte, de
MM, Dumanoiret Dupin, musique de M. Clapisson. — 15 dé-
cembre, débuts de Mme Numa, dans le Caïd (rôle do Virginie).
— 24 décembre, première représentation de Rarkouf, opéra
bouffe en trois actes, de MM. Scribe et H. Boisseaux, musique
de M. J. Offenbach.
54
LE MÉNESTREL.
Théâtre-Lyrique. — 3 janvier, reprise de la Reine Topaze,
opéra comique en un trois actes, de MM. Lockroy et L. Battu,
musique de M. V. Massé. — 21 janvier, première représenta-
tion de Ma tante dort, opéra comique en un acte, de M. Hector
Crémieux, musique de M. Caspers. — 18 février, première
représentation de Phiïémàn et Baucis, opéra comique en trois
actes, de MM. J. Barbier et Michel Carré, musique de M. Ch.
Gounod. — 24 mars, première présentation de Gil-Blas, opéra
comique en cinq actes, de MM. Jules Barbier et Carré, musique
de M. Semet. — 5 mai, première représentation (à ce théâtre) de
Fidelio, opéra comique, paroles françaises de MM. Jules Bar-
bier et Michel Carré, musique de Beethoven. — 2 juin, pre-
mière représentation des Valets de Gascogne, opéra comique en
un acte, de M. Ph. Gille, musique de M. Dufresne. — 5 juin,
première représentation (à ce théâtre) des Rosières, opéra comi-
que en trois actes, de Théaulon, musique d'Hérold. — 14 juin,
France, Nice et Savoie, cantate. — 17 juin, première représen-
tation de Maître Palma, opéra comique en un acte, de M.Fur-
pille, musique de Mlle Rivay. — 30 juin, clôture annuelle. —
1er septembre, réouverture : premières représentations de Cris-
pin rival de son maître, opéra comique en deux actes, imité de
Lesage, musique de M. Sellenick, et de l'Auberge des Ardennes,
opéra comique en un acte, de MM. Carré et Verne, musique de
M. Aristide Hignard. — 5 septembre, reprise des Dragons de
Villars, opéra comique en trois actes, de M. A. Maillart; début
de Mlle Roziès (rôle de Bose). — 1er octobre, début de M.Laves-
sières, dans Richard Cœur de lion (rôle de Richard) . — 8 octo-
bre, début de MUe Giliess, dans les Dragons de Villars (rôle
de Rose Friquet). — 15 octobre, première représentation (à ce
théâtre) du Val d'Andorre, opéra comique en trois actes, de
M. de Saint-Georges, musique de M. Halévy. — 5 novembre,
reprise d'Orphée, début de M1Ie Orwil (rôle d'Euridyce). —
17 décembre, première représentation des Pêcheurs de Catane,
opéra comique en trois actes, de MM. Cormon et Michel Carré,
musique de M. A. Maillart; débuts de MUe Baretti (rôle de
Nella), et de M. Peschard (rôle de Fernand).
Bouffes-Parisiens. — 14 janvier, première représentation
du Nouveau Pourceaugnac, opérette en un acte, de MM. Scribe
et Poirson, musique de M. Hignard, et de Croquignolle XXXVI,
opérette en un acte, de MM. Desforges et Gastineau, musique
de M. Lépine. — 16 janvier, débuts de trois artistes Lillipu-
tiens : MM. Kiss-Jozsi, Vounderlich et Piccolo. — 4 février,
première représentation de Monsieur Bonne-Étoile, opérette en
un acte, de M. Ph. Gilles, musique de M. L. Delibes. — ■
10 février, première représentation du Carnaval des Revues,
revue en deux actes et neuf tableaux, de MM. Grange et Philippe
Gilles, musique de J. Offenbach. — 27 mars, première repré-
sentation de C'était moi! opérette en un acte, de M. Deulin,
musique de M. Debillemont, et première représentation de
Daphnis et Chloé, opérette en un acte, de M. Clairville, musique
de M. J. Offenbach. — 12 avril, première représentation du
Petit Cousin, opérette en un acte, de MM. Rochefortet Deulin,
musique de M. le comte Gabrielli. — 7 mai, première repré-
sentation du Sou de Lise, opérette en un acte, de MM. de Saint-
Yves et P.Zaccone, musique de Mme Caroline Blangy. — 12 mai,
première représentation de Titus et Bérénice opérette en un
acte, de MM. Ed. Fournier, musique de M.Gastinel. — Clôture.
— 1er septembre, réouverture par Orphée aux Enfers.' —
23 novembre, première représentation de l'Hélel de la Poste,
opérette en un acte, de M. Gille, musique de M. Dufrêne. —
31 décembre, le Mari sans le savoir, opérette en un acte, paro-
les de M. Léon Halévy et Jules Servières, musique de M. le
comte de Saint-Rémy.
Théatre-Déjazet. — 4 février, première représentation de
Fanchette, opéra comique en un acte, paroles et musique de
M. Eug. Déjazet. — 16 mars, première représentation de Y lie
de sol-si-ré, opérette en un acte, de M. Julian, musique de
M. Ritter. — 11 mai, première représentation de Pianella,
opéra bouffe en un acte, de MM. Octave Féré et de Saint-Yves,
musique de M. de Flotow. — 14 septembre, réouverture; reprise
du Docteur Tam-Tam, opéra en un acte, de M. Tourte, musique
de M. F. Barbier. — 29 octobre, première représentation A' As-tu
déjeûné Jacquot? opéra en un acte, de MM. Harmant, musique
de M. Debillemont.
OPÉRAS NOUVEAUX.
Opéra, 2 ouvrages.
Théâtre-Italien, 2.
Opéra-Comique, 8 (14 actes).
Théâtre-Lyrique, 11 (25 actes).
Bouffes-Parisiens, 10 (11 actes).
Théatre-Déjazet, 5 (5 actes).
NOUVELLES DIVERSES.
— L'Intendance royale du théâtre du Hanovre a décidé, d'après un
ordre du roi, que les artistes, sur la scène, ne devaient plus avoir égard
aux demandes de rappels et aux bis, afin qu'à l'avenir l'action drama-
tique ne soit pas interrompue, comme cela se voit presque partout. Cette
mesure s'applique à l'opéra, à la comédie, au drame, mais non au vaude-
ville, qui s'en trouve exonéré. Pourquoi cette exception, — et que diraient
les Théâtres Italiens si on leur appliquait cette rigueur royale?
— Les représentations de Roger au théâtre royal de Hanovre , n'ont
point permis d'appliquer la nouvelle mesure. — Neuf rappels ont accueilli
le grand artiste français dans les Huguenots. —Il a dû reparaître jusqu'à
quatre fois successives après le quatrième acte. Le Roi a fait appeler
Roger pour un concert à la Cour, et lui a demandé une représentation de
la Dame blanche. Aujourd'hui dimanche, Roger doit chanter le Prophète.
Il se rendra ensuite à Brème, puis à Berlin, où la plus chaleureuse ré-
ception lui est réservée.
— Au théâtre de la ville d'Augsbourg on a donné tout récemment une
opérette intitulée : Jean est là [Hans ist da), paroles du procureur du
roi Bonn, musique du bourgmestre Foerg. La réussite a été complète;
librettiste et compositeur ont été appelés sur la scène. Il paraît que les
procureurs et les bourgmestres ont du loisir en Allemagne et marchent
sur les brisées de M. Offenbach.
— ALoewenberg (Prusse) on vient de représenter Ariane à Naxos,
poème dramatique avec solos et chœurs, par M. Th. Krebs, musique du
maître de chapelle de la cour, Max Seifriz.
— On écrit de Berlin que M. le professeur Otto Lange, rédacteur de la
Gazette musicale de Bock, est désigné comme devant succéder à feu
Rellslab dans la rédaction du feuilleton musical de la Gazette de Voss.
Gette dernière vient d'allouer à la veuve de Rellstab une pension annuelle
de 300 thalers. Jusqu'ici il n'y a eu guère en Allemagne que la maison
Cotta qui ait accordé des pensions aux veuves des correspondants de la
Gazette d'Augsbourg. L'exemple était bon à suivre : les journaux, aussi
bien que les théâtres, ont le droit de se souvenir de ceux qui ont contribué
à leur fortune.
— Il vient de se former à Berlin une Société qui se propose de jouer
les opéras des jeunes compositeurs qui ne parviennent point à les faire
représenter au théâtre. Il paraîtrait qu'à Berlin, comme à Paris, la pro-
duction dépasse la consommation.
— Les correspondances d'Italie nous apprennent que M. Lumley a
loué, à Milan, le théâtre de Sainte- Radegonde, pour 'y donner une série
de représentations avec les meilleurs artistes de sa compagnie.
NOUVELLES ET ANNONCES.
B5
— Schuloff vient d'arriver à Paris et se propose d'y passer quelque
temps. Il doit nous faire entendre ses nouvelles œuvres. Ce sera une
bonne fortune pour le publie et les artistes.
— Un artiste, qui débuta avec succès à l'Opéra il y a quelques années,
et que nous avons vu également sur la scène du Théâtre Lyrique, M. Rous-
seau-Lagrave, est venu grossir le bulletin nécrologique de 1860. Sa santé
n'a pu résister au climat de la Nouvelle-Orléans, et sa famille vient d'ac-
quérir la certitude de sa mort.
— On nous écrit de Lille : « Un succès qui n'a peut-être pas de précé-
dent dans les annales dramatiques des départements, vient d'avoir lieu
sur le théâtre de notre ville, à propos d'un opéra en trois actes intitulé
Hérida, dont le livret est de M. Henri Dupont et la musique de M. Fer-
dinand Lavairne. Il faudrait citer la plupart des morceaux de cette par-
tition très-substantielle par son instrumentation et sa couleur générale ;
mais nous signalerons particulièrement les chœurs, un très-beau quatuor
et deux trios dignes de figurer dans les plus belles conceptions de ce
genre. Les rôles ont été parfaitement interprétés par Mm0 Gasc, MM. Tal-
ion (ténor), Barré (baryton) , et Gadelaghi (basse-taille) ; les chœurs et
l'orchestre ont fait merveille sous la direction de leur habile chef,
M. Henri Bénard, qui avait apporté les plus grands soins aux études de
cette partition. Trois représentations successives viennent de consolider
ce succès qui a valu aux auteurs des bravos enthousiastes et des rappels
réitérés. Cet ouvrage, par sa valeur musicale, a pris rang dans notre ré-
pertoire, et M. Ferdinand Lavainne doit être fier de voir son opéra ac-
cueilli et acclamé chaque soir, comme s'il s'agissait d'une œuvre de
Rossini ou de Meyerbeer. »
— Nos départements continuent à se créer un répertoire du crû. Au
théâtre du Gymnase, à Marseille, on vient de représenter une opérette,
Y Amour au village, ayant pour auteurs deux enfants de la maison, deux
artistes de ce théâtre jouissant tous deux de la sympathie du public mar-
seillais, l'un comme acteur et auteur, l'autre comme musicien.
— L'Académie des Beaux-Arts, dans sa séance de samedi dernier, a
procédé au renouvellement de son bureau pour 1861. Le compositeur
Reber a été élu président.
— Les soirées musicales devancent la saison de Carême, et si beaucoup
de ces soirées prennent la musique pour prétexte de réunion et de con-
versation, — à la façon anglaise, — il faut reconnaître que l'on rencontre
encore dans Paris de ces salons hospitaliers où l'art musical retrouve ses
vrais fidèles. Ainsi, dimanche dernier, nous assistions, rue d'Antin, chez
M. et Mme Dubois, à l'une de ces soirées musicales composées d'un petit
nombre d'amateurs, gens de goût, heureux de se réunir dans le seul but
d'entendre de bonne musique. Il est vrai que la maîtresse du logis, Mme Du-
bois, magnétise le clavier comme Chopin lui-même, dont elle est certai-
nement la plus poétique incarnation. C'est une double et admirable école
que celle de Chopin ! Au point de vue de la composition, c'est la forme
la plus suave , la plus romantique, avec les harmonies les plus piquantes,
les plus élevées ; sous le rapport de l'exécution, ses œuvres ont créé tout
un style : le piano sentimentalisé. Il faut entendre les inspirations de
Chopin interprétées dans leur vrai style, sous leur véritable forme, pour
s'en faire une idée absolument complète. Aussi ne saurait-on trop féli-
citer les privilégiés qui viennent s'initier près de Mme Dubois à la tradi-
tion, à la pensée du maître.
; — Parmi les artistes qui ont pris part au programme intime de la soirée
de M. et Mme Dubois, nous avons retrouvé Franchomme, le violoncelliste
de la grande école, et Georges Mathias, lui aussi élève de prédilection de
Chopin. M. Mathias a joué plusieurs études inédites qui ont été très-
goûtées. On a aussi fort applaudi M,le Reeves qui nous promet une can-
tatrice de bon style.
— Une cérémonie religieuse des plus intéressantes doit avoir lieu
mardi 15 janvier à Landrecies, à l'occasion du grand orgue construit pour
l'église de cette ville, par la maison Merklin Schutze et Cie, de Paris et
Bruxelles. C'est M. Edouard Batiste, professeur au Conservatoire, orga-
niste de Saint-Eustache, qui est appelé à Landrecies pour faire entendre
ce nouvel instrument dont on fait les plus grands éloges.
— On lit dans V Aigle, journal de Toulouse : « Mgr. l'Archevêque a
officié le jour de Noël dans l'église Saint-Etienne. La Messe en musique a
produit un très-grand effet. On remarque la mélodie du chant et la puis-
sance des chœurs. Cette messe fait le plus grand honneur à M. Lomagne,
qui l'a écrite avec la constante préoccupation du sentiment religieux, sans
s'astreindre aux exigences du style fugué. »
— On se rappelle l'opérette Bredouille, de MM. Galoppe d'Onquaire et
Paul Bernard. Cette agréable petite pièce semble vouloir recommencer,
comme il y a trois ans, le cours de ses représentations dans les salons
parisiens. Lundi dernier cette reprise s'effectuait rue du Sentier, dans les
salons artistiques de M. R***. Comme d'habitude, MmE Gaveaux-Sabatier
remplissait le rôle de Rosette, et cette fois c'était M. Lourdel qui lui don-
nait la réplique. L'air de chasse , la Chanson des oiseaux et le grand duo
final avec son orage, ont produit leur effet accoutumé. Les qualités scé-
niques et mélodiques de Paul Bernard ont été reconnues une fois de plus,
le poëme rempli de fraîcheur et d'esprit, a fait plaisir d'un bout à l'autre,
et la réussite a été complète. Nul doute que cette reprise ne prenne toute
l'importance d'une première représentation, et ne prépare une nouvelle
carrière à ce petit opéra qui serait très-bien placé au théâtre.
— Dimanche dernier, nous signalions le succès obtenu dans les salons
de M. le prince ***, au faubourg Saint-Honoré, par le violoncelliste
Samary, les frères Guidon, Ducros, MUcs Huet et Mea. Ce même succès
s'est reproduit cette semaine dans les mêmes salons, mais cette fois il faut
y joindre les bravos qui ont accueilli Mlle Angèle Cordier, de l'Opéra-
Comique, dans deux airs italiens qu'elle a chantés de la façon la plus bril-
lante. Aussi Mme la princesse *** a-t-elle bien voulu la féliciter particu-
lièrement en la priant de ne pas manquer à toutes ses grandes réunions
de quinzaine.
— C'est le samedi 23 janvier que les salons de Pleyel s'ouvriront à la
première séance de quatuors de MM. Armingaud, Jacquard, Lalo et Mas, avec
M. Lubeck pour pianiste de la première séance. Ce fidèle groupe instru-
mental aura son fidèle auditoire.
— Une intéressante matinée musicale sera donnée le 27 janvier, à deux
heures précises, salle Pleyel, par notre violoniste de l'Opéra, A. Ropicquet,
professeur au Lycée Louis-le-Grand, pour l'audition de ses nouvelles com-
positions musicales, avec le concours de nos premiers artistes, comme
d'habitude.
— M. et Mmo Ernest Lévi-Alvarès donneront, cet hiver, des soirées
musicales régulières (les premier et troisième samedis du mois). La pre-
mière a eu lieu le 5 de ce mois, avec le concours de Mme Alard, de
M1Ie Marville (Jacob) et de M. Lafont, le baryton, lauréat du Conserva-
toire. Ces artistes ont été très-applaudis, et Mme Lévi-Alvarès, notre pia-
niste-professeur, a été également fêtée.
— Musard vient d'être engagé à Londres pour y donner une série de
concerts dans la salle Saint-James, avec le concours de cinquante de ses
principaux musiciens. Avant de quitter Paris, Musard a composé pour
les bals de cet hiver le deuxième quadrille du nouveau ballet le Papillon,
sous le titre : les Circassiennes.
— A peine de retour de son voyage à Pau, où notre baryton M. Lyon
avait été retenu plus d'un mois par plusieurs concerts, cet artiste vient
d'être appelé à Angoulême par la Société Philharmonique. On lui a fait
redire le fou Guilleau, le Voyage aérien, l'air de Jean de Paris, le Qui
vive! àe, Léopold Amat.
— Voici l'état des recettes qui ont été faites pendant le mois de décem-
bre 1860 dans les établissements soumis à la perception du droit des indi-
gents : —Théâtres impériaux, 450,139 fr. 99c; —Théâtres secon-
daires, 899,316. 98; — Concerts, cafés -spectacles, cafés -concerts et
bals, 204,528. 75;— Curiosités diverses, 14,791. 50.— Total.... 1,568,773
francs 22 centimes.
— Les bals de l'Opéra s'annoncent sous les meilleurs auspices. Le car-
naval-1861 n'aura rien à envier à ses aînés. On redemande chaque soir
les valses, polkas, mazurkas du nouvel album de Strauss, — 1' 'Album des
Comtesses, — ainsi que sa valse, mazurka et premier quadrille sur le Pa-
pillon; son deuxième quadrille sur Sémiramis, et la charmante valse
le Bal, extraite de l'opéra-comique le Mari sans le savoir. Strauss pré-
pare les quadrilles de Barkouf et de Fortunio, pour succéder à ceux
à'Orphée aux Enfers et de Geneviève de Brabant.
— L. Le Couppey vient de publier sous ce titre : le Rhythme, un nou-
veau recueil de 25 Études pour le piano.
J.-L. Hevjgel, directeur.
1. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frères, rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
ACADÉMIE IMPÉRIALE
de musique.
Du nouveau ballet
de I'Opéra de
EN VENTE au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne.
LE PAPILLON
HEUGEL ET O ,
éditeurs.
Musique de
J. OFFENBACH.
1. Marche paysanne. '" ™~«.~ «^„^.«i„ m ue i«. „., ^»i^ m-i.^p««.b^. g Marche du Palanquin.
2. Chant du Papillon. ^&T13lil I JiS^Î ' 6' Pttall'«li«w»i»M.
3. Andanle-Bohémiana. *" ' H"° 7. Valse des Fleurs.
4. Toise dei %oK. 1er Quadrille, Valse rfes 7?/l FO^S e< Polka-Mazurka Za LESGU1NKA. 8 Gff;op dw Paj)iUons_
Composés pour les bals do la Cour el de l'Opéra.
AnBAN .' Polka des Métamorphoses. La fée Hamza..MUe Maiîquet. | PH. STUTZ '. La Fés des Moissons. Polka-mazurka. Mlle Schlosser.
; Les Circassiennes. Deuxième quadrille. | H. VÂLJQUET '• Quadrille et valse faciles, sans octaves.
THÉÂTRE IMPÉRIAL
de l'Opéra-Comique.
S3C£à"û*3-^ S3"»U3i.I^i^iS£S a
HEUGEL ET Cie
éditeurs.
AIRS DÉTACHES, ARRANGEMENTS ET PARTITION PIANO ET CHANT
Ojtés'a-coasiiquc
trois actes.
BARKOUF
De
. SCRIBE
SSEAUX.
Musique de
LA CHANSON DE FORTUNIO
Opéra-comique en un acte, paroles de MM. HECTOR CRÉMIEUX et LUDOVIC HAIiÉVY.
— AIRS DÉTACHÉS, ARRANGEMENTS ET PARTITION PIANO ET CHANT. —
on«r.„ LE MARI SANS LE SAVOIR M»H~DaY,c
Musique de
Partition piano et citant M» DE SAINT^HÊMY. Airs détachés, VALSE-STRAUSS.
SOUS PRESSE. — £2Jt^*3-Si££;Ep'v23-IS rnrst 33*a^^.a._a>CÏ>=. — SOUS PRESSE.
Vingt-cinq nouvelles études de moyenne force.
op. 50. LES HARMONIEUSES 2ofr.
7S8. — 28e Année.
M« 8.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR,
Dimanche 20 Janvier
1861.
ri^s-st
iREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédjct'en chef.
LES BUREAUX , S bis, rue Vivîenne. — HEUGEL et Ci», éditeurs.
(Aux Magasins et Abonnement de Musique du MÉNESTREE. — Tente et location de Pianos et Orgues.)
CHANT. <B@SÎSMÏÏÏÏÏ@SÏS
l«_Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; ïo Morceaux
,Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine; ï Albums
Scène: .
primes illustrés
■ Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr
CIIOT ET PIANO RÉUNIS
2» Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches ; IO Morceaux t
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; ï llbiinu-
primes illustres. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger : 21 fr.
3e Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les 58 Morceaux de chant et de piano, les 4 Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du l«de chaque mois. — L'année commence du 1" décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser/Vatico
un bon sur la poste, à MM. HEUGEL et CJe, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Yivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — û5i.
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. L'opéra-comique, ses chanteurs et ses divers théâtres : Kreutzer (22e article).
L. Ménead. — II. Théâtre-Italien : Un Ballo in ynaschera, de Verdi, première
représentation. J. Lovy. — III. Théâtre-Lyrique : la Madone, de M. Carmouche,
musique de Louis Lacombe. J.-L. Heugel. — IV. Semaine théâtrale. J. Lovr.
— Y. Bilan mortuaire de l'année 1860. — VI. Le nouveau Théâtre-Lyrique. —
VIL Premier concert du Conservatoire. E. Viel. — VIII. Nouvelles, Concerts
et Soirées, Annonces.
MUSIQUE DE CHANT :
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
TES VINGT ANS ,
Paroles et musique de Mme Pauline Thys. — Suivra immédiatement
après : la romance du deuxième acte de Barkouf, chantée par Mlle Ma-
rimon, paroles de MM. Scribe et Boisseaux, musique de J. Offenbach.
PIANO:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
LA VALSE DES FLEURS ,
Dansée par M11' Emma Livry, dans le Papillon, musique de J. Offen-
bach. — Suivra immédiatement après, du même ballet, la Polka des
Métamorphoses, par Arban.
I/0PË1U- COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
SECONDE PARTIE. — XIXe SIECLE.
CHAPITRE VI.
XXII.
Kreutzer.
En raison de la rivalité, si profitable à l'art, des théâtres
Favarl et Feydeau, un même sujet fat quelquefois traité à peu
près en même temps par deux auteurs différents et représenté
sur chacune des deux scènes. C'est ainsi que les deux meilleurs
ouvrages de Kreutzer : Lodoïska et Paul et Virginie avaient deux
homonymes mis en musique, le premier par Chérubini, le se-
cond par Lesueur, comme nous venons de le voir.
Rodolphe Kreutzer avait reçu une éducation musicale plus
incomplète que celle de Berton et de Lesueur. Il eut pour
professeur son propre instinct musical. Il composait ses opéras
en se promenant de long en large dans sa chambre son violon à
la main, et notant à la volée les mélodies gracieuses qui nais-
saient sous ses doigts, j'eusse pu dire sous ses pas. C'est ainsi
qu'il trouva les inspirations chaleureuses et naïves à la fois, re-
marquables, comme celles de Berton, par la recherche de la
couleur locale que l'on rencontre dans son œuvre.
Il était né à Versailles le 16 novembre 1766. Son père était
musicien de la chapelle du roi. Rodolphe apprit de l'allemand
Stamitz à jouer du violon, cet art qui devait le rendre plus célè-
bre que ses compositions dramatiques et lui donner une place
dans le glorieux triumvirat de violonistes français dont Rode
et Baillot étaient les deux autres membres. A treize ans, il exé-
cuta au concert spirituel, avec le plus grand succès, un concerto
qu'il avait composé, bien qu'il ne sût point l'harmonie.
Ceci l'encouragea à s'essayer dans un genre plus grandiose
que le concerto, l'opéra, et il écrivit dans ce but la partition de
deux anciennes comédies à ariettes qui furent jouées sur le théâ-
tre de la Cour à Versailles. Grâce à cet essai et à la protection de
la reine, il obtint de Desforges un libretto, Jeanne d'Arc, drame
historique en trois actes. Kreutzer, abandonnant toutes ses au-
tres occupations , ne songea plus qu'à sa partition qui fut ache-
vée en peu de jours, et représentée à la comédie italienne en 1790.
Le public l'accueillit assez bien.
Le 15 janvier de l'année suivante, Kreutzer obtenait un suc-
cès très-franc avec Paul et Virginie, pièce en trois actes. De-
jaure, qui avait fait les paroles de cet opéra, s'empressa de remet-
tre à son collaborateur un nouveau libretto aussi en trois actes,
dont il avait tiré le sujet du Faublas de Louvet, et qu'il avait
appelé Lodoïslca ou les Tarlares. Cette pièce fut reçue avec un
véritable enthousiasme, quoique la partition ne valut peut-être
pas celle de Paul et Virginie. L'ouverture est restée populaire;
LE MÉNESTREL.
toute l'armée française a défilé aux accents de la marche des Tar-
tares.
Kreutzer écrivit ensuite plusieurs opéras et opéras-comiques
qui n'eurent pas un sort aussi heureux que ses premières œu-
vres. Professeur au Conservatoire, il crut que cette nouvelle po-
sition l'obligeait à travailler le contrepoint, et ces études, pénibles
à l'âge où il'jles entreprenait, nuisirent à son inspiration. Je ci-
terai, quoique ceci soit un peu en dehors de mon cadre, parmi
ses grands opéras : la mort d'Abel, trois actes représentés en 1810.
Kreutzer s'était cassé le bras en 1820, et depuis cette époque
il ne jouait plus du violon. 11 mourut à Genève, le 6 janvier
1831, d'une espèce de maladie de langueur, pour laquelle on
lui avait ordonné l'air des montagnes.
« La maison de Kreutzer, dit M. Vieillard dans sa biogra-
phie de Méhul, était un vrai sanctuaire de l'art. A l'Opéra-
Comique, les deux grands succès de Lodoïsha et de Paul et Vir-
ginie; à l'Opéra, Astyanax, la Mort- d'Abel et Aristippe, avaient
donné à Kreutzer un rang très -distingué parmi les composi-
teurs français. Premier violon à l'Opéra, parmi ses contempo-
rains, Rodaet Baillot pouvaient seuls être placés sur la même
ligne que lui. Son frère et son élève, Auguste, promettait d'être
son digne successeur. Ces titres divers h la vogue et à la célébrité
avaient procuré à Kreutzer une des plus grandes existences d'ar-
tiste dont il y ait eu d'exemple en France; par le talent il était
arrivé à la fortune ; et la spirituelle intelligence d'une femme
du plus haut mérite avait fait de sa maison le centre de réunion
d'un petit nombre d'auteurs et d'artistes d'élite qu'il rassemblait
toutes les semaines h sa table. »
LÉON MENEAU.
THEATRE IMPÉRIAL ITALIEN.
Un Ballo in maschera, mélodrame lyrique en quatre actes,
libretto de M. Somma , musique de Verdi.
Notre bonne ville de Paris, quoi qu'on dise, est générale-
ment routinière, et lorsqu'une pièce apparaît sur l'affiche un
dimanche, on la suppose à peu près sacrifiée. Quelques direc-
tions de loin à loin bravent le préjugé, mais on parviendra
difficilement à le déraciner, chez MM. les feuilletonistes, surtout.
M. Calzado a voulu que le nouvel opéra de Verdi fît les
honneurs de la soirée dominicale; son audace lui a réussi :
chacun s'est trouvé à son posle.
Avant d'aborder cette représentation, nous croyons devoir
emprunter à notre confrère, Gustave Bertrand, de Y Entracte,
quelques renseignements préliminaires qu'on ne lira pas fans
intérêt.
« La mort romanesque et tragique de Gustave III dans un
bal masqué a d'abord été exploitée par les dramaturges. Nous
avons eu entre les mains un drame, représenté et édité à Paris,
sur le même sujet et sous le même titre.
« M. Scribe vint ensuite, qui bâtit un livret de grand opéra-
ballet sur cette magnifique donnée; et savez- vous à quel com-
positeur le Bal Masqué fut primitivement destiné? ARossini.
« Quand Rossini fut appelé à Paris, il accepta le traité sui-
vant ; le ministère de la maison du roi lui assurait, en dehors
de ses droits d'auteur, une rente de 10,000 fr. pendant six ans,
et le maestro, de son côté, s'engageait a livrer dans ce délai
trois grands opéras à l'Académie royale de Musique.
« Les trois ouvrages désignés étaient Guillaume Tell, Gu..~
lave III et le Duc d'Albe. Mais, il n'y a pas à marchander avec
le génie; Rossini s'est acquitté mille fois en donnant à la France
un seul chef d'œuvre, celui de Guillaume Tell.
« Le livret du Duc d'Albe fut confié plus tard par M. Scribe
à Donizetti, qui mourut avant d'avoir achevé son travail. —
Quant à Gustave III, l'ouvrage échut à M. Auber et fut donné
à l'Opéra le 27 février 1833; les rôles étaient chantés par Nour-
rit, Levasscur, Massol, Dabadie, Alexis Dupont, M"0 Falcon,
M"e Dorus (qui devint peu après Mme Dorus-Gras), ftMme Da-
badie. Mais cet ouvrage était autant un ballet qu'un opéra, et,
par une destinée bizarre, l'opéra fut écrasé par le ballet. Les
airs de danse, d'une grâce ravissante, sont restés populaires;
le ballet était un des mieux réussis de Taglioni; la mise en
scène, réglée par M. Duponchel, était, au cinquième acte sur-
tout, au tableau du bal, d'une magnificence éblouissante qui
fit événement à l'Opéra; si bien que, lorsque la vogue de l'ou-
vrage eut un peu diminué, le cinquième acte survécut et se
donna longtemps encore b. la fin des spectacles et dans toutes
les représentations extraordinaires.
« Gustave III a fait le tour de l'Europe, mais c'est toujours
plutôt comme ballet qu'il est donné à Bruxelles, à Pétersbourg
et sur les théâtres allemands.
« L'œuvre de Verdi est uniquement un drame lyrique au
contraire, et il n'y a ras ombre de chorégraphie. Le libretto
italien est de M. Somma, un jeune pcëte qui a écrit de très-
belles choses, entre autres une tragédie intitulée : Parasina,
pour Mme Ristori. M. Somma était régisseur au Grand-Théâtre
de Trieste.
« L'ouvrage devait être donné au théâtre de San-Carlo pen-
dant le carnaval de 1858; mais la censure napolitaine, qui n'ai-
mait pas les conjurations, même au théâtre, suscita tant d'ennuis
à Verdi, qu'un beau jour il ramassa musique et livret et s'en alla
chez lui, sans plus s'inquiéter du procès dont la direction de
San-Carlo le menaçait. On parlait simplement de 250,000 fr.
de dommages-intérêts. La révolution des Deux-Siciles vient de
renvoyer le procès aux calendes grecques.
« L'affaire dormit pendant un an, puis le maestro entama des
négociations avec le théâtre Apollo de Rome. Entre autres
remaniements que le drame eut à subir, il fallut transporter
l'action à Boston. La censure romaine jugea que le mal serait
moins grand si l'affaire se passait très-loin, en Amérique, dans
une capitale protestante, et si l'infortuné roi de Suède n'était
plus qu'un gouverneur anglais. Mais on eut la main malheu-
reuse en choisissant Boston, qui a toujours passé pour la ville
puritaine par excellence, et où il n'y a peut-être jamais eu de
bal masqué.
« Un Ballo in maschera fut donc représenté, pendant le
carnaval de 1859, à Rome, avec un succès et un retentissement
immenses. Les principaux rôles étaient chantés par le ténor
Fraschini, qui chante maintenant à Madrid; par le baryton
Giraldoni,qui est à Pétersbourg; par notre compatriote Mmo Ju-
lienne Dejean (Amelia), M"e Sbriscia (Ulrica), et M"e Scotti
(Oscar). »
Grâce à M. Calzado, l'accueil ultramontain vient d'être
sanctionné à Paris. La partition d'un Ballo in maschera, autant
qu'il nous est permis d'en juger d'après une première audi-
tion, peut prendre rang à côté des bonnes œuvres du maestro
italien. Elle nous semble participer parfois de la vigueur du
Trovatore et des accents plus délicats de la Traviata; elle accuse,
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
59
de plus, un reflet de l'école romantique allemande, notamment
au point de vue instrumental.
Parmi les morceaux goûtés et acclamés dès la première soi-
rée, citons au premier acte l'introduction, la romance du ténor
(Mario), et l'air de Graziani (Renato), et une fort agréable bal-
lade du page Oscar (Mlle Battu); au deuxième, la scène de la
bohémienne Ulrica (Mme Alboni), son invocation en mode
mineur Iîe dclV abisso, avec le chœur qui reprend le motif en
majeur ; puis le terzelto avec Mme Tenco (Amélia) et Mario
(Riccardo); enfin une très-gracieuse canzone napolitaine, dite
par Mario, et redemandée.
Le troisième acte, qui nous transporte dans le champ des
supplices, renferme des éléments non moins remarquables. La
scène des apparitions fournit au compositeur une belle page,
dont Mme Penco prend triomphalement sa part. La scène sui-
vante, le duo entre Amélia et Biccardo, le trio avec Renato
(Graziani), et surtout le chœur sardonique des conjurés :
Ha ha ha, ont enlevé tous les bravos.
Au quatrième acte, il faut mentionner un suave canlàbik
dit par Graziani, un quintette coupé par une ravissante fantai-
sie vocale du page Oscar (M"e Battu); au deuxième tableau, la
mélodie de Biccardo : Si, rivederti (motif qui domine tout l'ou-
vrage), et la fête du bal masqué. Cette fête se signale d'abord
par la chanson moqueuse du page Oscar, saper vorreste, chan-
son qui a valu à M"e Battu des salves d'applaudissements et
deux rappels.
Le motif sautillant des instruments de cuivre de l'orchestre
du bal pèche par la vulgarité ; mais le compositeur a su l'agen-
cer, en contre-sujet, avec un chant large, confié au soprano
et soutenu d'un dessin orchestral très-dramatique. Quant à
la scène finale, celle du coup de poignard, elle est complète-
ment écrasée par le souvenir de la poétique agonie d'Edgard
dans la Lucie.
En général, l'orchestre occupe un rôle important dans cette
partition de Verdi. Ce ne sont plus ces accompagnements pla-
qués sous un chant violent, mais un tissu instrumental des mieux
travaillés, où les dialogues, les réponses et les contrastes
frappent agréablement l'oreille du dilettante exercé.
Mme Penco, Mlle Battu, Mme Alboni, Graziani et Mario, —
malgré ses défaillances du dernier acte, — ont droit à de sin-
cères éloges, et le public nous a paru injuste en ne les rappelant
point tous à l'issue du tableau final.
A propos de tableaux, la mise en scène mérite d'être signalée.
M. Calzado a fait tout ce qu'il a pu pour encadrer élégam-
ment ce mélodrame dénué de gaieté et privé de l'élément cho-
régraphique.
En somme, Un Ballo in maschera tiendra une bonne place
dans le répertoire de Ventadour.
J. Lovy.
THEATRE LYRIQUE.
La Madone, de Louis Carmouche, musique de Louis Lacombe.
Celte pauvre Madone vient enfin de voir le jour après des
vicissitudes sans fin.
D'abord destinée au concours de composition musicale sous la
forme de la cantate traditionnelle, l'auteur du livret ambitionna
plus tard le théâtre, et c'est à M. Lacombe qu'échut le sort de
celte transformati m musicale.
Le lecteur a déjà compris qu'il ne s'agit pas ici d'un opéra-
comique — quoi qu'en puisse dire l'affiche, — mais bien de vers
chantés et déclamés à la manière des odes-symphonies qui
défraient depuis quelques années nos concerts à grand orchestre.
Acceptée sous ce point de vue, la Madone révèle les qualités
élevées que chacun reconnaît h Louis Lacombe, symphoniste
qui a fait ses preuves : Manfred, Arva, sont des œuvres qui
attestent la marque du musicien. Comme pianiste, et sous le
rapport de la musique de salon, vocale ou instrumentale,
Lacombe a produit de belles pages et du style le plus élevé.
Tout ceci ne fait plus question.
Ce qu'il restait à établir, à confirmer, c'étaient les qualités
scéniques plus ou moins dévolues par la nature à ce composi-
teur distingué. Par malheur, la Madone ne pouvait, à aucun
titre, atteindre ce but, et c'est une épreuve à recommencer. Nous
connaissons d'ailleurs dans le portefeuille de Louis Lacombe un
acte de M. Clairville, écrit dans d'excellentes conditions d'opéra-
comique avec musique à l'avenant.
Quant à la Madone de M. Carmouche, elle est bien et
dûment restée cantate comme devant, affublée, il est vrai, d'un
modeste décor et d'humbles costumes , mais privée des inter-
prètes de premier ordre, qui d'usage font ressortir les mérites
de ce genre de musique ; — si bien qu'à l'orchestre près, — qui
a très-habilement manœuvré sous la direction de M. Deloffre —
le public a eu peine à saisir les qualités musicales de cette can-
tate. Certains morceaux cependant, placés dans leur cadre natu-
rel, chantés par de vraies voix, de vrais chanteurs, produiraient
assurément leur effet. Nous citerons de ce nombre la romance
du soprano (M"e Orwil) , la barcarolle-sérénade du baryton
(M. Vanaud) , et le trio final par lequel se déroule l'action.
En voici le sujet :
Un artiste célèbre peint une madone pour le Vatican et prend
pour modèle une jeune paysanne dont le visage angélique
l'inspire. La paysanne est fiancée à un pêcheur (de Calaue, sans
doute, pour rester fidèle à la couleur locale). Or ce fiancé, un
jour d'orage, vient troubler les séances de l'atelier du maître
par une scène de jalousie. Le peintre, afin de désabuser ce nou-
vel Othello, disparaît un instant pour reparaître sous le capu-
chon d'un moine, — preuve irréfragable que lui, ainsi que la
jeune villageoise, avaient les intentions les plus pures et sont
innocents comme l'agneau pascal. C'est d'ailleurs pour donner
du pain à sa mère que la fiancée du pêcheur avait consenti h
poser comme madone. Aussi l'Othello, doublement convaincu,
rentre-t-il son poignard dans sa ceinture avec les derniers accents
du trio final.
Nous avons parlé de l'orchestre, et nous disions qu'il s'était
distingué. C'est surtout dès l'ouverture, remarquable fragment
symphonique, que le public aurait pu l'apprécier. Mais le
moyen d'arriver au Théâtre-Lyrique à sept heures de relevée,
par dix degrés au-dessous de zéro! C'était le moment fixé pour
le premier coup d'archet. M. Deloffre a bien accordé quelques
minutes aux retardataires; mais, hélas! la bise soufflait de la
façon la plus glaciale, et la Madone n'avait pu conjurer cette
dernière tourmente. Les auteurs n'ont eu qu'à se résigner :
La volonté de Dieu soit faite.
J.-L. Heugiîl.
L'abondance des matières nous oblige à renvoyer au dimanche
suivant nos Tablettes du Pianiste et du Chanteur.
60
LE MÉNESTREL
SEMAINE THÉÂTRALE.
Le théâtre impérial de I'Opéba nous a rendu, mercredi der-
nier, Pierre de Médicis, qui n'avait pas été représenté depuis
assez longtemps. Gueymard, Obin, Dumestre, Mme Gueymard-
Lauters, ont retrouvé l'écho et la consécration de leurs succès
primitifs dans la partition du prince-musicien. — De son côté,
Mme Ferraris a effectué une brillante rentrée dans le ballet du
deuxième acte, les Amours de Diane. L' excellente ballerine a
dansé son pas avec une merveilleuse perfection; aussi le public
lui a-t-il prouvé, par ses salves de bravos, que le Papillon, —
malgré son immense vogue, — ne saurait arrêter les ailes de
la Reine des Elfes. — Le ténor Labat a amélioré ses débuts dans
la Juive. On dit qu'il doit s'essayer également dans Guillaume
Tell; — s'essayer est le mot, — seulement n'est-il pas fâcheux
que ce soit sur la scène de l'Opéra ?
La reprise à'Herculanum, que l'on espérait pour les derniers
jours de ce mois, est encore retardée, Mme Tedesco étant obligée
de se consacrer entièrement aux études du Tannhauser, qui se
répète jour et nuit. — Tout n'est pas rose à l'Opéra.
Le Théâtre-Italien nous a donné, dimanche dernier, la
première représentation d'un Ballo in maschera (voir notre
article). Quatre représentations successives et quelques heureuses-
coupures ont décidément amené cet ouvrage à bon port.
A l'OpÉRA-CoaiiQUE Mme Saint-Urbain , . qui devait faire ses
débuts dans un ouvrage nouveau, paraît avoir renoncé à cette
résolution. Cette artiste nous apparaîtra d'abord clans le rôle de
Marie, de la Fille du régiment, rôle qui a bien son importance,
surtout par les grands souvenirs qu'il nous a laissés. — On a
fait relâche, hier samedi , pour les répétitions générales de la
Circassienne.
Mercredi dernier a eu lieu, au Théâtre -Lyrique, la première
représentation de la Madone (voir notre article). — On nous
promet, avant la fin de ce mois, la Nuit du mardi gras, opéra-
comique en trois actes, de MM. Scribe et Boisseaux, musique de
M. Clapisson. Le poëme, des plus amusants, si l'on en croit les
bruits de coulisses, ne le céderait en rien à la partition, une des
mieux réussies qu'ait écrites l'auteur de Fanchonnette.
En attendant cet important ouvrage, on prépare, avec MIIc Gi-
rard,unereprise deGil Blas,le grand succès de la saison dernière,
et plusieurs nouveautés en un acte, destinées h être données
avec les Pêcheurs de Catane et le Val d'Andorre, dont les recettes
semblent devoir se maintenir au maximum.
Le Théâtre-Français fait salle comble avec les Effrontés, de
M. Emile Augier. Malgré ses défauts, que la presse a surabon-
damment signalés, cette comédie excitera pour le moins un vif
sentiment de curiosité. — Le Théâtre-Français va remettre à la
scène les Fourberies de Scapin, qui n'ont pas été donnéesdepuis
sept ans, et le Sicilien, qui depuis vingt-trois ans avait disparu
du répertoire. Mlle Ponsin continuera ses débuts dans ces deux
pièces de Molière. Régnier et M"° Augustine Brohan joueront
dans les Fourberies; Monrose et Talbot feront les honneurs du
Sicilien.
L'Odéon devient décidément une pépinière de tragédiennes.
Voici venir une nouvelle aspirante, Mlle Jeanne Tordeus. Mais
ce nom ne nous était point inconnu : il évoque le souvenir de
Rachel, qui honora jadis de ses conseils et de ses encourage-
ments la jeune artiste belge, alors âgée de douze ans. Mlle Tor-
deus est élève deProvost; elle a remporté, l'année dernière,
le premier prix de tragédie au Conservatoire de Paris. — Son
début a eu lieu celte semaine dans le rôle de Chimêne, du Cid;
elle l'a composé avec beaucoup d'intelligence; sa voix est tra-
gique; sa tenue, son geste, sont assez nobles; en un mot, c'est
une heureuse nature d'artiste : peut-être manque-t-elle de force
pour les grands rôles tragiques, — à moins que le travail et la
vigueur de l'âge ne développent ce jeune organe. Quoi qu'il en
soit, la jeune débutante a été sincèrement applaudie et rappelée
à la fin de sa grande scène avec Rodrigue.
Au Gymnase, nous avons eu la première représentation de
la Famille de Puimenée, comédie en quatre actes, de M. Edouard
Foussier. Il y a des situations émouvantes et des détails heureux.
La pièce est interprétée à souhait par Mme Rose-Chéri, Lafon-
taine, Mlle Suzanne Lagier (qui débutait dans le rôle de Yanka),
MM. Landrol, Lesueur, Francisque, Mmes Chéri-Lesueur et
Delaporte.
La direction des Variétés vient d'engager Dupuis, du théâtre
Déjazet, et plusieurs actrices du boulevard du Temple. — Ce
théâtre a cru devoir remplacer son excellent chef d'orchestre
Nargeot, auteur d'une foule d'airs et de mélodies devenus po-
pulaires. C'est M. Victor Chéri qui doit succéder à M. Nargeut
le 1er avril prochain.
Le théâtre de la Gaîté reprend Trente ans ou la Vie d'un
joueur, avec Frédérick-Lemaître, le grand comédien qui, au
milieu de ses nobles débris, a conservé toute la puissance du geste
et du regard.
*
* -*
Un mot encore : malgré la double vogue de la Chanson de
Fortunio et du Mari sans le savoir, les Bouffes-Parisiens
annoncent pour mardi prochain les Musiciens de l'orchestre,
grande bouffonnerie en deux actes, par les. principaux comiques
et toute la troupe féminine. Les Musiciens compléteront, avec
les deux pièces nouvelles, l'affiche la plus variée qu'ait offerte
depuis longtemps notre cinquième théâtre lyrique.
J. Lovv.
LE BILAN MORTUAIRE DE 1860.
Les journaux do théâtres publient les tablettes nécrologiques de
l'année défunte. On verra par l'extrait suivant, que cette fois
encore l'art musical a largement payé le fatal tribut.
COMPOSITEURS.
Instrumentistes, maîtres de chapelle, chefs d'orchestre, etc.
M. Luigi Gordigiani, compositeur. — M. Luigi Ricci, maître
de chapelle de la ville et chef d'orchestre du théâtre de Trieste.
— M. Girard, chef d'orchestre du théâtre impérial de l'Opéra.
— M. le comte Pillet-Will , violoniste, amateur-compositeur.
M. A. Goria, pianiste-compositeur. — M. Jules Couplet,
compositeur. — M. Henri Enck. — M. Silker. — M. Roger,
chef d'orchestre dans différents théâtres de province. — M. Jul-
lien, chef d'orchestre, à Londres. — M. Fréd. Sébastiani,
clarinette. — M. Sauva geot , violoniste. — M. J. de Buhl,
ancien chef de musique des gardes du roi. — M. Nicolas
Schaffner, ex-chef d'orchestre du Grand-Théâtre de Bordeaux.
— M. Fumeri, chef d'orchestre à l'Opéra de Moscou. — M. Ely,
flûtiste. — M. Charles Blinder, chef d'orchestre au théâtra
MUSIQUE ET THEATRES.
01
Charles, à Vienne. — M. Finney, pianiste. — M. Brucker,
chef d'orchestre, à Nîmes.
PROFESSEURS DE MUSIQUE.
M. Moreau-Sainli , professeur au Conservatoire. — M. Ch.
Gieschner, ex-professeur au Conservatoire de Bruxelles.
DIVERS.
M. Devaux, — M. S. T. Zurasteeg, éditeur de musique. —
M. Gosselin, maître de ballet au théâtre de l'Opéra. — M. Tée,
éditeur de musique. — Mme veuve Hérold, mère du compositeur
de ce nom. — Mm" Weigl, veuve du compositeur de ce nom . —
Mme Alexandre, mère de M. Alexandre, facteur d'orgues. —
M.Rellslab, critique musical. — M. Wild, artiste lyrique. —
Mme Schroeder-Devrient , célèbre cantatrice allemande. —
Mme FélixMelolte. — Mme Raby, — M. Cibot, artistes lyriques.
P. S. Nous avons déjà dit que le bilan mortuaire de l'année
1860 s'était accru de la mort du ténor Rousseau-Lagrave, dont
chacun se rappelle la double apparition sur les scènes de l'Opéra
etdu Théâtre-Lyrique. Aujourd'hui, nous avons à enregistrer un
nouveau deuil, qui attriste bien douloureusement celte première
quinzaine de l'année 1861. Mmo Ménechet de Barival vient d'ê-
tre enlevée à sa famille et à ses amis, après une longue et cruelle
maladie. C'était une des femmes les plus distinguées du monde
dilettante : artiste par le talent, le cœur et l'esprit, Mme Méne-
chet de Barival brillait d'un poétique éclat parmi nos pianistes-
compositeurs. Le produit de ses œuvres, d'une réelle valeur artis-
tique et commerciale, était destiné à des fondations de bienfai-
sance; — aussi, les regrets universels ont-ils accompagné la
femme et l'artiste jusqu'à sa dernière demeure.
LA NOUVELLE SALLE DU THEATRE-LYRIQUE.
Le gros œuvre du Théâtre-Lyrique étant terminé, les jour-
naux complètent les renseignements déjà publiés sur ce nouvel
édifice, construit sur les plans de M. Davioud, architecte de la
Ville de Paris.
Le nouveau Théâtre-Lyrique est construit sur un terrain
isolé des quatre faces par quatre voies publiques, et occupe une
surface totale de 1,844 mètres.
L'entrée principale se développe sur la place du Châtelet, au
moyen de cinq arcades comprenant, à droite et à gauche, les
bureaux des loges et stalles principales et secondaires. Ces
arcades donnent accès à un vestibule de 25 mètres de long
sur 6 mètres de large. De chaque côté et derrière ce vestibule
se trouvent deux escaliers, les escaliers du parterre, deux ves-
tiaires et une salle d'attente.
Les places secondaires sont desservies par deux escaliers, l'un
en façade sur le quai, l'autre sur l'avenue Victoria : on y arrive
par deux vestibules spacieux. Les ventilateurs sont adossés à ces
escaliers. Les bureaux de location sont placés en façade sur le
quai et sur l'avenue; enfin, au centre de l'avenue Victoria, il
existe un vestibule et un escalier spécial donnant accès à la loge
impériale.
L'entresol de chaque côté de la salle comprend les bureaux et
la direction, et sur le quai, le service des accessoires. L'entrée
du parterre s'y trouve au centre, du côté de la place, et de
grands couloirs entourent le parterre pour desservir les
baignoires.
Au premier étage se trouve le foyer principal, donnant sur la
place et ayant à ses extrémités deux salons-foyers. Sur le quai
sont cinq foyers pour les chœurs, la danse, les artistes, etc.
Au deuxième étage, au-dessus des salons-foyers placés aux
angles de la place, il y a d'un côté une bibliothèque de parti-
tions, et de l'autre un bureau pour la copie de la musique.
Au troisième étage, il existe un foyer pour les places secon-
daires, occupant la même surface que. le foyer principal; des
salles d'étude pour les dames, pour les chœurs ; les loges des
artistes, etc. ; enfin le quatrième étage est consacré aux maga-
sins, aux ateliers, salles d'armes.
La salle a environ 19 mètres de largeur sur 19 mètres de pro-
fondeur, et une hauteur totale de 19 mètres du parterre au lus-
tre : elle contiendra 1 ,750 spectateurs. Elle se compose d'un par-
terre avec loges de baignoires, quatre galeries et un amphi-
théâtre.
Les loges du premier et du deuxième étage ont chacune un
salon donnant sur les couloirs, et toutes les galeries sont des-
servies par de vastes couloirs.
Le fond de la salle a la forme d'un demi-cercle parfait avec
parties elliptiques de chaque côté rejoignant les avant-scènes.
Celte forme a paru la plus convenable pour permettre à tous les
spectateurs de bien voir et surtout de bien entendre.
Enfin la scène a 25 mètres de large sur 15 de profondeur.
Nous ferons connaître en temps et lieu les améliorations in-
térieures projetées par M. Davioud, en vue de l'acoustique, de
la venlilation et du confortable, améliorations qui promettent
d'ajouter singulièrement à l'attrait du nouveau Théâtre-Lyrique,
dont chaque loge aura un salon particulier. Tout est préparé
pour fixer le public dilettante dans cette nouvelle résidence, dont
l'inauguration se signalera, en outre, par la première représen-
tation des Troyens, d'Hector Berlioz.
SOCIÉTÉ DES CONCERTS DU CONSERVATOIRE.
PREMIER CONCERT.
La Société devait ouvrir la série de ses séances par une œuvre
imporlanle et nouvelle pour Paris : la Symphonie avec chœurs
de Mendelssohn ; une indisposition de M. Paulin a fait ajourner
celte solennité et nous a valu la symphonie en ré de Beethoven ;
nous n'avons donc pas absolument perdu au change, toute
réserve faite en faveur de l'inconnu. Mendelssohn était d'ail-
leurs représenté au concert- de dimanche par son ouverture de
la Grotte de Fingal, page ingénieuse, presque originale, qui
renferme un motif des plus élégants et qui certes produirait
plus d'effet encore sans ses développements excessifs. Parlez-
nous du chœur des Génies à'Obéron : voilà de la musique d'une
fantaisie, d'un romantisme adorables, et qui pourtant n'a garde
de se perdre dans les divagations. M. Belval a été remplacé,
au pied levé, par M. Cazaux, dans la scène de la Bénédiction des
Drapeaux du Siège de Corinlhe; — la journée, paraît-il, était
aux indispositions, ce qui n'a rien de bien étrange; — dans
cette inspiration si énergique et si éclatante, M. Cazaux a su
se faire applaudir, non pas seulement pour son acte de bonne
camaraderie, mais encore à cause de sa belle voix et de son
énergique accentuation, bien qu'il n'eût répété qu'au piano, le
malin même, sous la direction de M. Vauthrot, l'habile et cons-
ciencieux chef du chant de l'Opéra et de la Société des Concerts.
Après le fragment fugué du 9e quatuor de Beethoven, excel-
62
LE MÉNESTHEL
lemment dit par tous les instruments à cordes, un Alléluia des
Messes de Haendel est venu clore magistralement cette première
séance.
Artistes et public se sont retrouvés, avec un égal plaisir, dans
la salle de la rue Bergère. M. Tilmant dirigeait sa phalange
avec un zèle et une habileté qui ne sauraient être comparés
qu'à l'habileté et au zèle des exécutants. Enfin les plus délicats
ne se sont pas aperçus que l'abaissement du diapason portât le
moindre préjudice à la sonorité de l'orchestre ou a l'exécution
des œuvres. Tout cela n'est pas très-neuf ; ne nous en plaignons
pas ; la perfection ne progresse guère, et si, plus tard, il se
produit quelque nouveauté, — dansle répertoire bien entendu, —
nous prenons l'engagement de vous en instruire.
E. VlEL.
P. S. On annonce, pour le second concert, la première appa-
rition en public de Francis Planté, le virtuose-pianiste qui a
placé si haut l'École-Marmontel. 11 exécutera le concerto en
mi bémol de Beethoven, avec orchestre. C'est tout un événement
pour le public de la Soci^ des Concerts. — Sarrasate, le jeune
chevalier de l'ordre de Charles III, qui de son côté vient d'illus-
trer l'École d'Alard en Espagne, se fera entendre à l'un des
concerts suivants.
NOUVELLES IIIYERSES.
— L'anniversaire de Molière a élé, comme de coutume, le sujet d'un
banquet annuel, auquel assistaient un grand nombre de convives, auteurs
et artistes. M. le baron Taylor présidait le festin qui se donnait aux Pro-
vençaux, mardi dernier. Ponchard, le doyen de nos célébrités lyriques ,
a été invité à chanter, et la romance du Petit Chaperon rouge lui a valu
de telles ovations, que la couronne posée sur le front de Molière en a été
détachée en son honneur. Ponchard s'est refusé à se parer de ce trophée,
— à l'exemple de Samson , qui, l'an dernier, déclina un semblable hon-
neur; — mais il a gardé, comme un précieux souvenir cette couronne,
et l'a placée à côté des portraits de Rossini portant cette dédicace du grand
maître : « Offert à mon ami Ponchard, modèle de charme et de grâce de
a l'école française. G. Rossini. »
— Les correspondances de Vienne nous apprennent qu'aucun impré-
sario ne s'étant présenté pour prendre à bail l'entreprise du théâtre de
l'Opéra, et le terme du concours étant expiré, ce théâtre devra continuer
à être un établissement impérial.
— Par suite de la mort du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV, les
représentations théâtrales, les concerts , .les bals, les divertissements
publics de tout genre ont été interdits à Berlin et dans tout le royaume,
pendant seize jours.
— Le premier maître de chapelle à Munich, M. Lachner, a été choisi
pour diriger le prochain grand festival à Aix-la-Chapelle.
— On nous écrit de Milan que Mme Cambardi, prima donna du théâtre
de la Scata, a été brillamment accueillie dans le rôle d'Anaïde, de Mosc,
opéra qui alterne avec la Favorite, dont Mmo Borghi-Mamo fait les
honneurs. Mme Cambardi vient d'être chargée du principal rôle dans une
œuvre du maestro Bianchi : Leone Isuura.
— On écrit de La Haye : M. Martin Lazare, pianisle-composileur, ancien
élève du Conservatoire, lauréat de plusieurs concours, vient d'être décoré
de l'ordre de la Couronne de Chêne. Cet artiste doit se rendre prochaine-
ment à Paris pour faire entendre en public plusieurs compositions écrites
pendant sa tournée artistique à travers l'Amérique du Nord.
— On vient de jouer sur le théâtre national du Cirque, à Bruxelles, un
drame en cinq actes et neuf tableaux, tiré des annales des Flandres, inti-
tulé Jeanne de Constanlinople. L'auteur, M. A. de Peellaert, a intercalé
dans son œuvre divers morceaux de chant de sa composition, qui ont élé
vivemenl applaudis.
— MUe Louise de Ronvroy a terminé ses représentations à Versailles.
Ses adieux au public ont élé signalés par une avalanche de fleurs et un
gracieux cadeau offert par les abonnés. M"e de Rouvroy est engagée au
théâtre de Gand.
— M. Biche-Latour, le nouveau directeur choisi par la municipalité de
Bordeaux pour diriger pendant trois ans les théâtres de cette ville, a dési-
gné M. Charles Desolme, rédacteur de l'Europe Artiste et directeur d'une
des meilleures agences théâtrales, pour son correspondant à Paris. Les
artistes qui seraient dans l'intention d'être proposés à Bordeaux, soit pour
tenir leur emploi pendant la prochaine campagne, soit pour donner des
représentations, sont invités à faire connaîire leurs prétentions aux bureaux
de l'Europe Artiste, 57, rue du Faubourg-Montmartre, en les accompa-
gnant de leur répertoire.
— Une exposition universelle des produits de l'industrie aura lieu à
Metz vers la fin de mai prochain. Un concours d'Orphéon fera partie du
programme de celte fête.
— Poitiers. — La société chorale , sous la direction de M. Puisais, a
donné hier soir, 15 janvier, son concert annuel au profit des pauvres.
MUe de la Pommeraye, artiste de l'Opéra, s'y est fait entendre dans plusieurs
morceaux parfaitement interprétés. M. Lévêque, élève d'Alard, a joué
une fantaisie de son maître sur des motifs de la Muette, avec élégance
et une grande supériorité d'exécution. M. Dupuy, qui, l'année dernière en-
core, était premier violoncelle-solo au Théâtre-Lyrique, est revenu se fixer
définitivement dans sa ville natale. Il a dit d'une manière magistrale, et
au milieu des applaudissements, un divertissement de sa composition. La
société chorale a complété le programme par plusieurs chœurs heureuse-
ment choisis et dont l'exécution n'a rien laissé à désirer. La salle était
comble.
— Les journaux parlent longuement du concert donné à Tours par
notre baryton Géraldy, qui, non-seulement a chanté seul, — avec le
style et la méthode qu'on lui connaît, l'air ù'OEdipe à Colonne et plu-
sieurs mélodies de son répertoire, mais, de plus, a fait applaudir son
élève, Mlle Hœnen, dans les duos du Barbier et du Caïd. « Pour tout
l'auditoire, dit le Journal d'Indre-et-Loire, ce concert a passé comme un
éclair, et on aurait élé tenté de demander aux exécutants de prolonger la
fête jusqu'au lever du soleil. » On le voit, les amateurs de Tours sont
bien loin d'être blasés à l'endroit des concerts.
— S. Exe. le Ministre delà guerre vient d'instituer une commission char-
gée de préparer le travail de description des modèles-types d'instruments
à employer dans les musiques militaires, et d'indiquer le prix et la durée
légale de ces instruments et de leurs étuis. Cette commission est ainsi
composée: MM. Dorus, flûte; Cokken, basson ; Dauverné, trompette;
Meifred, cor à pistons ; Forestier, cornet à pistons; Ad. Leroy, clarinette.
Elle se réunira sous la présidence de M. le général Mellinet, au ministère
de la guerre.
— Il est question de modifier la désignation officielle des places dans
les théâtres de Paris. Elles porteraient désormais l'indication de l'étage où
elles, sont situées. Ainsi les baignoires s'appelleront : loges du rez-de-
chaussée ; les loges de la galerie : premières loges ; les premières loges de
deuxième rang : secondes loges, etc. Cette désignation va devenir générale.
Depuis longtemps, du reste, elle était réclamée par le public.
— M. Montaubry, l'excellent artiste de l'Opéra-Comique, vient d'avoir
la douleur de perdre son père, qui habitait Niort. Le même coup frappe
en même temps M. Montaubry, frère du ténor, et ancien chef d'orchestre
du Vaudeville.
— M. Théodore Faivre, ex-professeur au Gymnase musical militaire,
artiste au théâtre impérial italien, vient de mourir dans sa soixante-troi-
sième année. C'était le père de MUe Faivre, jeune artiste qui tient un '
rang distingué au Théâlre-Lyrique.
SOIRÉES ET CONCERTS
— Les premières représentations ne s'en sont pas tenues au théâtre,
celte semaine; le salon a été favorisé des mêmes honneurs. Jeudi dernier,
l'hôtel de M. et Mme Jules Béer ouvrait ses portes à une fête musicale. Il
y avait file de voitures de la rue d'Aumale à la rue Saint-Lazare. La plus
élégante sociélé de Paris s'empressait d'accourir à l'appel de la première
représentation des Roses de M. de Malesherbes , paroles de M. Delbès,
musique de M. Jules Béer, le maître de la maison. A dix heures et demie,
le parterre était éblouissant de femmes, de fleurs et de diamants. Les trois
coups de rigueur ont élé frappés, et le rideau s'est lové sur un décor de
NOUVELLES ET ANNONCES.
63
roses et de verdure; puis M110 Mira, MM. Gourdin el Capjul sont venus
nous jouer et nous chanter, en costumes, la pastorale des Roses de M. de
Malesherbes, avec Suzotle et Biaise pour héros. Ce petit poù'me est spiri-
tuellement mené, et la musique aussi agréable que bien écrite, deux qua-
lités qui ne se tiennent pas toujours. Mais noblesse oblige, et l'on sait
que M. Jules Béer est de la famille de l'illustre auteur de Robert et des
Huguenots ; aussi a-t-il semé à pleines mains, dans sa petite partition,
de charmantes mélodies, de jolis duos et un remarquable trio de facture,
que l'on a fait redire tout er.lier. On a rappelé les trois artistes, qui le
méritaient bien à tous égards. C'est tout un succès de salon que les Roses
de M. de Malesherbes.
— Schuloff a fait entendre plusieurs nouvelles compositions, samedi
dernier, chez Rossini. Le compositeur et l'exécutant ont été princièrement
accueillis. On a également fêté le jeune virtuose Sarrasate, qui faisait sa
rentrée dans le monde musical parisien. La basse chantante Biadialiet les
frères Caslellani représentaient la partie vocale.
— Jeudi dernier a eu lieu la première séance de quatuors de MM. Mau-
rin, Chevillard, Viguierel Sabalier. L'exécution des quatuors de Beetho-
ven, en mi mineur et en ut dièze mineur, a été splendide, et l'on peut
ajouter que le quatuor de M. Maurin est arrivé à rendre les dernières
pensées de l'illustre compositeur allemand avec une perfection qui n'avait
jamais été atteinte jusqu'ici. On doit des éloges à M. Rilter, qui a exécuté
en artiste consommé le trio dédié à l'archiduc Rodolphe. Quant à M. Mau-
rin, il a conquis son brevet de grand artiste, et a su faire renaître l'archet
de son maître , le célèbre Baillot.
— Le salon de la Réunion des Arts vient d'inaugurer sa belle galerie
d'exposition permanente, rue de Provence. L'Elément musical , avait été
appelé à rehausser- l'éclat de celte soirée. Graziani, du Théâtre-Italien ,
Jules Lefort et plusieurs autresarlistes, notamment MM. Sighicelli.Zucchi-
ni, Angelini, Reichardt,MmesBertini, Sievers, défrayaient le programme aux
applaudissements de toute l'assistance. L'exposition se compose particu-
lièrement d'une collection de cent dessins de M. Ingres, qui n'ont jamais
été vus ni par les artistes ni par le public. La Société a eu l'heureuse idée
d'ouvrir ses salons le' soir aussi bien que le jour, et de montrer à la lu-
mière- des réflecteurs les tableaux, sculptures, dessins et autres objets
d'art qui composent son exhibition. Ouvert avec le concours des artistes
éminents qui l'ont fondé et sous les auspices du grand peintre dont le
nom seul est une consécration, le Salon des Arts-Unis est une institution
toute nouvelle qui réunira les avantages de plusieurs autres en offrant au
public une galerie charmante, et en logeant les beaux-arts dans un cercle
et les amateurs dans un musée.
— Deux intéressantes nouveautés musicales ont fait lundi dernier leur-
apparition dans les salons de M. Rev***, riche financier, ce qui ne l'em-
pêche pas d'êlre t-xcellent musicien. Ce sont les deux duos dont nousavons
déjà parlé, le Médecin Tant pis et le Médecin Tant mieux, et la Mon-
tagne qui accouche, fables de La Fontaine, mises en musique par M. Th.
Ymbert. Ces morceaux, d'une véritable valeur musicale, ont charmé
l'auditoire par leur gaîté de bon aloi, leur verve et leur originalité. Ils
avaient pour interprètes Géraldy et Sainte-Foy : c'est dire qu'ils ont été ren-
dus avec tout l'esprit et l'entrain possibles.
— « Le premier concert de l'Association musicale de l'Ouest (Rennes,
Laval, Le Mans), vient de s'effectuer des plus heureusement dans chacune
de ces trois villes associées, grâce à la présence de M"e Balbi et de
M. Cuslel. Les journaux de Rennes, Laval et Le Mans sont unanimes à ce
sujet. A Rennes, surtout, le succès de Mlle Balbi a pris les proportions d'un
véritable triomphe. Plusieurs de ses morceaux ont été bissés.
« M. Caste], qui, pour la seconde fois depuis un an, chantait dans les
mêmes villes, a été très-chaleureusement accueilli. Il a dû redire Sapristi
et le Serpent, qu'il avait chantées l'an dernier. On parle, pour le deuxième
concert, d'un artiste éminent de. l'Opéra et de M. Fournier, violon dis-
tingué, bien connu à Paris. Du Rocher. »
— Mlle Laguesse a ouvert , dimanche dernier, ses Matinées musicales,
et cette première séance s'est signalée par la coopération de plusieurs de
nos artistes aimés. Mme Gaveaux-Sabalier a dit avec un sentiment parfait
la Colombe, de Membrée, accompagnement du violoncelle de M. Casella.
Une fantaisie de sa composition a valu ensuite de nouveaux bravos à ce
virtuose. M. Hammer, le violoniste classique, Mlle Manille, les deux frères
Guidon et MUe Laguesseont été très-fètés. Enfin, la séance s'est terminée
par l'audition de deux nouvelles compositions de M. Salvator, pleines de
finesse et de distinction.
— Aujourd'hui dimanche, première séance de MM. Alard el Fran-
chomme, avec M. Louis Diémer, succédant comme pianiste â M. Francis
Piaulé. C'est là un nouvel honneur pour l'École -Marmonlel, dont
M. Diémer, comme M. Planlé, esl l'un des dignes et remarquables disci-
ples. Voici le programme de celle première séance : 1° 82me qualuor en fa
pour instruments à cordes, Haydn. — 2° 10rac sonale en mi bémol pour
piano et violon , exécutée par MM. Diomer et Alard, Mozart. —
3° 5me quatuor en la pour instruments à cordes, Beethoven. — 4° qualuor
en mi bémol pour piano, violon, allô, violoncelle, alto.
— Voici le programme de la première séance de musique de chambre
de MM. Armingaud, Léon; Jacquard, Lalo et Mas, mercredi prochain, à
huit heures du soir, dans les salons Pleyel-Wolff, avec le concours de
M. Ernest Lubeck : 1° Grand trio en si bémol, de Beethoven ; 2° quatuor en
mi mineur de Mendelssohn ; 3° scherzo et andante de Schumann ; 4° quin-
tette de Beethoven, en ut majeur, pour inslrumentsà cordes.
— Aujourd'hui dimanche 20 janvier, Malinée musicale donnée dans
les salons d'Érard par M. et Mme Deloffre.
— Dimanche prochain 27 janvier , matinée musicale et dramatique,
donnée par MUe Marie Mira. Le programme se compose d'un proverbe de
M. Verconsin : Le tout est de s'entendre, d'un intermède musical défrayé
par MM. Stanzieri, Badiali, Sainte-Foy et MUe Mira, etde l'opéra de salon :
V Amour à l'èpée, de MM. Galoppe d'Onquaire et Wekerlin, joué par
Mlle Mira, MM. Sainte-Foy et Biéval. Voilà un attrayant programme;
— Le concert de Mlle Marie Darjou est toujours fixé au mardi 29 jan-
vier dans la salle de M. H. Herz, à 8 heures du soir. M1Ie Marie Darjou
exécutera des œuvres nouvelles de sa composition, un Caprice de Men-
delssohn, avec orchestre, ef plusieurs œuvres d'Emile Prudent. M. Crosti,
de l'Opéra-Comique, M. Reichardt et M1Ie Balbi prêteront leur concours
à cette solennité musicale. L'orchestre sera dirigé par M. Placet.
— Mme Kolb, née Sophie Danvin, après une série de concerts en Alle-
magne, se propose de rentrer à Paris et d'y donner un concert le mardi
29 janvier, dans les salons Pleyel.
— Lundi 28 janvier, concert vocal et instrumental donné par M116 Elvire
del Bianeo, avec le concours de Mmo Grisi, MM. Géraldy, J. Sauzay et
Casella. Salons Érard. M"e del Bianeo est une pianiste de premier ordre.
— L'Association des artistes musiciens fera exécuter, le samedi 2 février,
jour de la Purification de la Sainte Vierge, dans l'église Saint- Vincent-de-
Paul, la première messe d'Adolphe Adam, dédiée au pape Grégoire XVI,
avec solos et chœurs, accompagnés par des harpes et l'harmonie. Le pro-
duit des chaises et de la quête est destiné à la Caisse de secours de la
Société de bienfaisance des artistes musiciens. S'adresser, pour l'obtention
de places réservées, à M. Bolle-Lasalle, agent trésorier de l'œuvre , rue de
Bondy, n° 68.
— Indépendamment de la célèbre Valse des Rayons, de la polka-ma-
zurka la Lesguinka, dansées par Mlle Emma Livry dans le Papillon, et
orchestrées par Strauss pour les bals de l'Opéra, les éditeurs du Ménestrel
viennent de mettre en vente les principaux airs de ballet du Papillon,
musique de J. Offenbach. Voici les titres de ces morceaux transcrits avec
soin pour piano, par Henri Potier : 1. Marche paysanne; 2. Chant du
Papillon; 3. Andante-Bohémiana ; 4. Valsedes Rayons (originale); S. Mar-
che du palanquin; 6. Polonaise des Bohémiennes ; 7. Valse des Fleurs ;
8. Galop des Papillons. — Sous presse : i° le 2me quadrille, par Musard, sur
le Papillon, pour faire suite au 1er quadrille de Strauss; 2° la polka des
Métamorphoses, par Arban ; 3° la polka-mazurka la Fée des Moissons,
par Ph. Stutz; 4° quadrille et valse faciles, par H. Valiquet. — Toutes ces
productions sont ornées d'illustrations du ballet de Mme Marie Taglioni et
de M. de Saint-Georges, musique de J. Offenbach.
— La maison G. Brandus et S. Dufour vient d'acquérir la propriété
des Pécheurs de Catane, le nouveau drame lyrique d'Aimé Maillart. La
grande partition, les parties d'orche=tre, la partition réduite pour chant et
piano et les airs détachés paraîlront prochainement.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
Tjp. Charles de Mouigues frères, rue Jean- Jacques Rousseau, 8.
ACADÉMIE IMPERIALE
de musique.
Du nouveau ballet
de I'Opéra de
EN VENTE au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne.
LE PAPILLON
HEIGEL ET Cie ,
éditeurs.
Musique de
J. OFFENBACH.
i. Marche paysanne.
2. Chant du Papillon.
3. Andante-Bohémiana.
4. Yalse des Rayons.
Mme biakie TAGUONI et de M. »E SAINT-GEORGES.
STRAUSS
5. Marche du Palanquin.
6. Polonaise des Bohémiennes.
7. Valse des Fleurs.
1er Quadrille, Valse des RA YONS et Polka-Mazurka la LESGUINKA. 8 Gahv des Papuions.
Composés pour les Lais de la Cour et de l'Opéra.
ARBAN .' Polka des Métamorphoses. La fée Hamza. Mlle Marquet. [ PH. STUTZ '. La Fésdes Moissons. Polka-mazurka. Mlle Schlosser.
MUSARD H Les Circassiennes. Deuxième quadrille. | H. VALIQUET '. Quadrille et valse faciles, sans octaves.
THÉÂTRE IMPÉRIAL
de l'Opéra- Comique.
^dâ-ds-^ s>03.sssiâ a
HEIGEL ET Cie
éditeurs.
AIRS DÉTACHES , ARRANGEMENTS ET PARTITION PIANO ET CHANT
DE
Opéra -comique Sf^li B& SFH WiM i^% 1 JfflBË Ut' MM. SGREBE
en]
trois actes.
BARKOUF
BOISSEAUX.
Musique de
a ©1?^MJ©^SI
£Xi"Car sxis_2â s2jïi^ ^sv^jr-'o^i^'^Kiroâ. a
LA CHANSON DE FORTUNIO
Opéra-comifiiie en un acte, paroles «le MM. HECTOR CRÉMIEUX et LUDOVIC1 HAIiÉVY.
— AIRS DÉTACHÉS, ARRANGEMENTS ET PARTITION PIANO ET CHANT. —
Opéra— Comique en
un acte.
LE MARI SANS LE SAVOIR M\Xmm
Musique de
Partition piano et chant. Bd„ ©Es SAiUM^^HËBUTd Airs détachés; VALSE-STRAUSS,
SOÏTS PRESSE. — spn-raa-gtTXT^-riit-r^ mna I5»I2<£^3Kr £•}<=» — SOUS PRESSE.
Vingt-cinq nouvelles études de moyenne force.
op. 50. LES HARMONIEUSES Ȏ
730. — 28' Année.
K° 9.
TABLETTES
OU PIANISTE ET OU CHANTEUR.
Dimanche 27 Janvier
1861.
a>sa
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'en cher.
(Ail'
LES MUBSEABJX , S bis, rue Vivieniie. — IIEUGEL et C'% éditeurs.
tlagasin* ot Abonnement de IMiiHiqiic «lu MÉIVESTBEL. — Vente ot location de Pianos et Orgues.)
CHANT. <S®MH)E1'H©ST8 IB*âi)i ®Hiï mWISESW '• piano.
1*' Mude d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; 36 Morceaux: i 2e Mode cCabonnement . Journal-Texte, tous les dimanches ; a© 3forccmix
Scènes, Mélodies. Homanees, paraissant de quinzaine en quinzaine; « Albums- Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Alhiiitu
liriuios illustrés. — Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr. I primes illustrés. — Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Étranger: 21 fr.
t'.n.v.vr ET c-iANO itEI'NIS :
Mode d'abonnement contenant le Texte *
Un an
ceaux de chant et de piano, les t Allm
30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du 1er de chaque mois. — L'année commence du 1" décembre, et les 5'2 numéros de chaque année — leite et musique, — forment collection
un bon sur la poste, à rara. HEIlnEI. ot C'a, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — V.ilume annuel, relié : 10 fr. )
Adresser/Vanco
Jean-Jacques Rousseau, 8. — C17.
SOIvIIflAIRE.
TEXTE.
I. L'opéra-comique, ses compositeurs, ses chanteurs et ses divers théâtres : com-
positeurs secondaires de la République et du premier Empire (23 : article).
L. Meneau. — II. Semaine théâtrale. J. Lovv. — 111. Tablettes du pianiste et
du chanteur : Préface aux douze transcriptions concertantes des chefs-d'œuvre
des grands maîtres, avec introduction par Amédée Meneaux. J.-L. Helt.el. —
IV. Petite chronique : l'Orgue de Barbarie et. la commission de salubrité musi-
cale. Malliot. — V. Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
MUSIQUE DEIMAiNi):
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le nu nié ru de ce jour:
SLA VALSE »ES FLEURS ,
Dansée par M11" Emma Livrï, dans le Papillon, musique de J. Offen-
dach. — Suivra immédiatement après, du même ballet, la Polka des
Métamorphoses, par Arban.
CHANT:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
LA BELLE EAU CLAIRE,
Chantée dans Fortunio parM"c Pfotzeb, paroles de MM. Hector Grémieux
et Ludovic Halévï, musique de J. Offexbach — Suivra immédiate-
ment après : la romance du deuxième acte de Ba'kouf, la Chanson du
Chien, chantée par MUc Marimon, paroles de MM. Scribe et Boisseaux,
musique de J. Offenbach.
i/orÉiu- COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
COMPOSITEURS SECONDAIRES
DE LA REPUBLIQUE ET DU PSEMIEIt EMPIRE.
CHAPITRE VU.
XXIII.
DEVIENNE, STEIBELT, BRUNI, PLANTADE, GAVEAUX, SOLIÉ, CATRUFO ,
•Mm° GAIL, BOCHSA, KHEUBÉ, PAER, GOMIS.
Les musiciens célèbres dont je viens de traiter la biographie
n'étaient pas les seuls qui eussent écrit, pour l'Opéra-Cornique,
des pièces intéressanles pendant la République et le premier
Empire.
Le 7 janvier 1792, le théâtre Feydeau donnait les Visilan-
dines, deux actes très-spirituels de Picard (1). La musique était
de François Devienne, né à Joinville (Haute-Marne), en 1759.
On y remarque une foule de jolis morceaux ; je citerai entre
autres l'air connu de Frontin :
Qu'on est heureux de irouver en voyage I . . .
et celui de Relfort :
Enfant chéri des dames.. . .
que Martin et Elleviou rendirent populaires.
Les Visilandines, refusées par lo théâtre Favart, furent cha-
leureusement accueillies à Feydeau. Ce succès suggéra aux
auteurs la singulière idée d'y ajouter un troisième acte , qui ne
plut pas au public. Ils le supprimèrent, et la pièce reparut dans
sa forme première en 1795. En général, on peut approuver des
coupures intelligentes faites dans le but de donner de la rapi-
dité a l'action ; mais il est rare qu'une amplification ait chance
de réussir.
Sous la Restauration, l'opéra des Visilandines devint tour à tour
le Pensionnat déjeunes demoiselles, puis les Français au Sérail;
mais 1830 lui rendit son premier titre.
Les orchestres de Devienne sont bien écrits pour les instru-
ments à vent ; il jouait remarquablement de la flûte et du basson,
■ et connaissait assez les autres instruments pour traiter l'harmo-
nie avec une grande facilité. 11 fit faire à cette partie de l'in-
strumentation des progrès dans les orchestres dont il fit partie.
Il composa une très-grande quantité de morceaux , abusant
(1) Louis-Benoît Picard, né à Paris en 1769, fui tour à tour avocat,
acteur, directeur do théâtre et auteur; il mourut membre de l'Académie
française, en 1828. Il a fait beaucoup de bonnes pièces, parmi lesquelles
je citerai : la Petite ville et Médiocre et rampant , cinq actes qui ont in-
spiré bien des comédies récentes de nos meilleurs auteurs contemporains.
GO
LE MÉNÉSTBEL
ainsi de sa fécondité. Ce travail, au-dessus de ses forces, le con-
duisit à Charenton, où il mourut le 3 septembre 1803. La folie
est une maladie malheureusement commune chez les composi-
teurs de musique.
C'est qu'il y a dans la sensation indescriptible que l'on
éprouve à entendre son œuvre reproduite par les voix multiples
de l'orchestre et de la scène, dans cet ensemble qui est en quel-
que sorte l'incarnation de la pensée tout entière, une volupté
cent fois plus enivrante que celle que donnent l'ivresse et l'amour.
Elle peut rependant leur être comparée, parce que cette sensation
a quelque chose d'essentiellement matériel, d'essentiellement ner-
veux. Les cerveaux ordinaires n'y tiennent pas longtemps : il faut
une organisation puissante, plus fortement trempée que l'acier,
pour pouvoir y résister indéfiniment. On voit en effet trop de
musiciens mourir jeunes ou fous, non sans avoir connu sur terre
les joies du ciel ou les tourments du purgatoire, selon qu'ils ont
entendu leur œuvre bien ou mal exécutée.
STEIBELT.
En 1793 , le théâtre Feydeau avait donné Roméo et Juliette,
du pianiste-compositeur Daniel Steibelt.
Ce musicien était né à Berlin dans la seconde moitié du siècle
dernier. La profession de son père, facteur de pianos, avait
décidé de sa vocation. Son talent d'exécutant lui avait obtenu
la protection du vicomte de Ségur, qui lui donna le scénario de
Roméo et Juliette, que les auteurs présentèrent à l'Opéra en
1792; mais ce théâtre n'ayant point voulu le monter, ils méta-
morphosèrent leur pièce en opéra-comique, et ce fut sous cette
dernière forme qu'elle fut accueillie du public, soutenue par le
talent de Mmo Scio. Quoique la musique n'en fût pas toujours
convenablement écrite pour la voix, cet opéra eut un succès
mérité par ses agréables mélodies.
Steibelt mourut à Saint-Pétersbourg le 20 septembre 1S23 ,
laissant après lui un grand nombre de pièces écrites pour le
piano dans le meilleur style. Ce sont aujourd'hui des œuvres
devenues classiques.
BRUNI.
En 1797 paraissait le Major Palmer, opéra-comique en trois
actes, du Piémontais Antoine-Barthélémy Bruni, violoniste de
talent, né à Coni le 2 février 1759. Ce musicien, qui fut tour
à tour chef d'orchestre du théâtre de Monsieur, de l'Opéra-
Comique et du Théâtre-Italien, écrivit près de vingt partitions,
qui eurent une existence modeste. Il retourna à Coni, où il
mourut en 1821, sans s'être fait une réputation de compositeur
dramatique, mais avec un nom des plus estimés parmi les vio-
lonistes du temps.
PLANTADE.
Dans la même année parut aussi Palma ou le Voyage en
Grèce, pièce en deux actes, dont la musique était de Plantade,
compositeur et professeur de talent, né à Pontoise en 1767 et
mort à Paris le 19 décembre 1839. Plantade fit plusieurs autres
opéras, mais sa réputation s'établit surtout à l'église et dans le pro-
fessorat. Il eut l'honneur, je crois, de donner les premières leçons
de chant à M110 Cinti, depuis Mme Damoreau, la célèbre cantatrice
qui a jeté un si grand éclat sur le répertoire moderne de l'Opéra-
Comique.
GAVEAUX.
En 1798 fut représentée Léonore, opéra en trois actes, mu-
sique de Pierre Gaveaux. Ce libietto— malgré sa couleur som-
bre et terne — fut mis souvent en musique, et notamment par
Beethoven, sous le titre de Fidelio. Gaveaux avait écrit pour
cette partition un chœur de prisonniers :
Que ce beau ciel !...
qui fut justement applaudi.
Léonore ne fut pas le seul titre de gloire de Gaveaux
comme compositeur : en 1792, il avait donné au Théâtre-
Feydeau les Deux Suisses, dont il changea le litre, après les
affaires du 10 août, en celui de l'Amour filial ou lo Jambe de
bois, dénomination sous laquelle cette œuvre est plus connue.
Parmi les meilleurs morceaux de la partition il faut citer :
Jeunes amants, cueillez des fleurs.
En 1804, deux de ses partitions réussirent au Théàlre-Mon-
tansier, le Diable couleur de rose et le Bouffe et le Tailleur;
cette opérette se joue encore de nos jours, sinon à Paris, tout
au moins en province.
Il y a de jolis airs, tels que :
Gaîment je m'accommode
De tout;
Je suis pour toute mode
Mon goût.
Gaveaux ne fut pas seulement une illustration de la scène
française comme compositeur; il reçut souvent comme chan-
teur les applaudissements du public de Feydeau , bien qu'il
n'eût pas une voix très-agréable ni une taille des plus élégantes.
Il était né à Béziers le 9 octobre 1760 (1). Après avoir été
enfant de chœur dans celte ville, il se rendit à Bordeaux, où on
l'engagea comme ténor à la chapelle de Saint-Séverin : il y
apprit la composition et fit exécuter des motets. Malgré ses
fonctions cléricales, il assistait aux représentations du Grand-
Théâtre; en entendant un des artistes remporter un brillant
succès dans un ouvrage de Monsigny, il trouva que ces ova-
tions bruyantes avaient quelque chose d'autrement enivrant
que les joies et les succès d'église : jetant donc de côté le petit
collet, il s'offrit au directeur du Grand-Théâtre. Ses débuts sur
cette scène eurent lieu en 1788 et lui conquirent ses éperons du
premier coup.
Il voulut faire connaître son nouveau talent à ses compa-
triotes et s'engagea pour cela à Montpellier. En 1789 il jouait
au théâtre de Monsieur, dont il suivit la fortune à sa fusion
avec le Théâtre-Italien à la salle Feydeau.
A l'arrivée d'Elleviou et de Martin, Gaveaux, qui n'était
point aussi jeune qu'eux et dont la voix n'était plus assez
fraîche, fut éclipsé; la faveur du public l'abandonna. Le cha-
grin qu'il en éprouva troubla probablement sa raison : un pre-
mier accès de folie (eu 1812) se renouvela en 1819, et il mou-
. rut dans un complet état de démence le 5 février 1825.
SOLIÉ.
En 1806 eut lieu la première représentation du Diable à
quatre, opéra-comique en deux actes, dont les paroles étaient
de Sedaine et la musique de Jean-Pierre Soulier, plus connu
sous le nom de Solié : il naquit à Nîmes en 1755. Se trouvant
en 1778 dans l'orchestre d'Avignon, où il jouait le violoncelle,
on afficha la Rosière de Saîency, deGrétry; mais l'acteur qui
devait remplir le rôle de ténor se trouva malade. Solié s'offrit
alors pour le remplacer, et son coup d'essai, qui fut un coup de
maître, le détermina à se vouer complètement à la carrière dra-
matique. Il chanta sur plusieurs scènes de province, et enfin de
(1) Selon quelques biographes, en 1761 ; selon d'autres, en 1764.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
67
Nancy il passa à la comédie Ilalienne en 1782. Il eut beaucoup
de peine à se faire adopter par le public parisien et retourna en
province : on le réengagea cependant dans la suite a l'Opéra-
Comique pour servir de doublure à Çlairval ; mai-; en 1789 on
jugea que la doublure commençait à valoir mieux que le chef
d'emploi.
Solié s'aperçut plus tard, en entendant chanter les artistes
d'une troupe italienne, qu'il y avait un genre de voix intermé-
diaire entre le ténor et la basse, et ce timbre, auquel Martin
devait attacher son nom, et qu'on appelle plus généralement
aujourd'hui baryton, était précisément le sien; il put ainsi par-
venir à une réputation irès-hoDorable au théâtre en créant des
rôles écrits spécialement pour lui par Méhul et Berlon.
Ses débuts comme compositeur eurent lieu en 1792 par
Jean et Geneviève; ses autres partitions d'opéra-comique, au
nombre de trente-quatre, de 1792 à 1811, obtinrent du public
assez de faveur, bien qu'elles ne se recommandent pas par des
qualités saillantes : cependant les recettes du Diable à quatre
luttèrent avec celles de Cendrillon.
Le Secret (1796) est aussi un de ses chefs-d'œuvre ; il fut-
repris à Berlin en 1853. On y remarque une belle romance :
Je te perds, fugitive Espérance.
LÉON MENEAU.
{La suite au numéro prochain.)
SEMAINE THEATRALE.
Parmi les qualités inconnues du Tannhauser, que I'Opéra va
livrer au jugement public, il en est une très-appréciable dès au-
jourd'hui : c'est que cette œuvre est d'une longueur raisonnable.
Malheureusement, cet adjectif jouit d'un crédit médiocre sur la
place, et les habitués de l'Opéra se trouveraient désorientés, —
j'allais dire déshonorés, — si on les renvoyait chez eux à onze
heures. Aussi a-t-il été décidé qu'un ballet champêtre serait an-
nexé au spectacle. Ce hors-d'œuvre chorégraphique aurait pour
héroïne Mme Ferraris, avec musique de M. Th. Labarre. Celle
fin de soirée ne sera pas à dédaigner.
Au Théâtre-Italien, Un ballo in maschcra s'est puissam-
ment amélioré aux représentations suivantes. Le public s'est
montré plus chaleureux, — et aussi plus juste — pour celte
remarquable œuvre de Verdi, ainsi que pour ses interprètes Ma-
rio, Graziaui, Mmos Penco, Alboni. Toutefois, ce sont toujours
les Irois premiers actes qui captivent les dilettantes.
DÉBUTS BE NI"' SAINT-URBAIN.
A I'Opéra-Comique, nous avons eu jeudi dernier la Fille du
régiment, avec les débuts de Mlle Saint-Urbain dans le rôle de
Marie. Cette artiste française, dont l'éducation vocale s'est com-
plétée en traversant le répertoire italien, ne pouvait échouer sur
la scène de Favart, bien qu'elle n'y soit point absolument a sa
place. Toutefois, l'événement a justifié et même dépassé toules
les espérances. Mlle Saint-Urbain est une jolie femme, — c'est
toujours une excellente recommandation; de plus, elle est déjà
presque comédienne, qualité indispensable pour ce lype de Ma-
rie. Cantatrice exercée, douée d'un soprano franc, naturel et
étendu, la débutante s'est vaillamment tirée de ce rôle qui a
laissé tant de souvenirs. Peut-être abuse-t-clle parfois des vibra-
tions. Le trémolo systématique imprimé de nos jours par tous les
chanteurs aux notes à effet aurait besoin d'être pratiqué avec
plus de sobriété. — MM. Warot, Prilleux, Nathan, Mmc Casimir
ont coopéré au succès de celle reprise, — chacun selon sa capa-
cité. Warot a été particulièrement applaudi dans sa romance du
second acte. Point n'est besoin de constater les impressions de la
musique de Donizetti. Tout a été dit sur cette œuvre française du
maestro italien, qui vient de valoir deux rappels à MUo Saint-
Urbain.
FBSîOTBî-.KE ISEPUÉSEIÏTATIOIV D'ASTAKOTII.
Le Tuéatre-Lyrique nous égrène son chapelet de petits actes
pour faire cortège aux Pêcheurs de Calcine. Vendredi dernier,
nous avons eu la première représentation ù'Aslaroth, paroles de
M. Henri Boisseaux, musique de M. Debillemont.
Ulrich est fiancé à Thécla ; mais perdu de dettes, adonné à
la boisson, au jeu, il prend le parti héroïque de renoncer à la
main delà jeune fille, de crainte de la rendre malheureuse.
Thécla lui fait ses adieux en pleurant. Ulrich, pour s'étourdir,
se jette dans les bras de sa chère bouteille, et tombe sur son
lit, ivre-mort. — Ici l'action se poursuit sous la forme d'un
cauchemar. Ulrich, désespéré, invoque l'enfer, et Astarolh lui
apparaît. Le démon étale à ses yeux des monceaux d'or. Ulrich
se laisse tenter, joue , gagne, perd ; puis, poussé par le démon,
joue son âme et Thécla.
Heureusement tout cela n'était qu'un rêve. Ulrich se retrouve
sur son lit, et complètement corrigé de ses défauts (?), il épouse
sa fiancée.
L'auteur de la partition avait droit, de par Astarolh, de
recourir à des cantilènes infernales, à des effets diaboliques;
mais M. Debillemont s'est abstenu; il s'est borné à une instru-
mentation un peu bizarre, souvent cherchée, et parfois décou-
sue. Néanmoins la partie chantante se tient, et plusieurs mor-
ceaux, tels que les couplets du Rouet, la chanson Qui vivra
verra, et le duo d'Ulrich et de Thécla, ont été fort bien accueil-
lis. Mais mentionnons particulièrement la chanson d'Ulrich,
Evohé, qu'on a redemandée, son duo syllabique du jeu avec
Astarolh, et le trio qui suit.
Mlle Gilliess, Delaunay-Biquier, et Wartel (qui représente à
ja fois l'usurier Magnus et Astarolh), ont mené cet acte à bon port.
LES MUSICIENS DE I/OSSCHESTRE,
( lrc rcprésenlaiion. }
Les Bouffes-Parisiens, — qui ne veulent pas laisser pousser
l'herbe sur le chemin de la folio, — nous ont donné vendredi
soir une bouffonnerie de carnaval. Les Musiciens d'orchestre,
tel est le litre de cette opérelte dont la musique du premier acte,
due à la triple collaboration de MM. Hignard , Erlanger et
Delibes, a égayé la salle entière.
La pièce (de MM. de Forge et Bourdois) a pour héros princi-
pal un bourgmestre de Busenfeld. Ce personnage est l'homme
le plus occupé et le plus ahuri de la Confédération germanique.
Fonctionnaire public et dilettante forcené, il a composé une sym-
phonie qui va être exécutée au festival de la localité. Son do-
meslique, Schopp, est chargé de la partie de basson, et sa ser-
vante, Gotte, joue des timbales. Ce n'est pas tout : sa femme
tient une pension de demoiselles et se trouve en outre sur le point
de donner un huitième rejeton au bourgmestre. Jugez des
préoccupations de l'époux, du père, du fonctionnaire et du
maestro I II faut penser au chef d'orchestre, au médecin, aux ré-
pétitions, etc., elc. Or, voici venir le docteur : le bourgmestre
le prend pour le chef d'orcheslre et lui fait toutes sortes de re-
ommandations auxquelles l'autre ne comprend rien; d'ailleurs,
il est sourd . De leur côté, les musiciens se révoltent parce que le
G3
LE MÉNESTREL.
bourgmestre se propose, après le festival, de les enrôler dans
la landwehr. La servante Gotle grise les jeunes pensionnaires de
madame et les amène au festival où elles remplacent les musi-
ciens. Finalement, on reconnaît que le prétendu chef d'orchestre
n'est autre que le susdit médecin ; celui-ci s'apprête à vaquer à
ses fonctions, mais il arrive trop tard, car on vient d'annoncer
l'heureuse délivrance de madame : — trois garçons ! rien que
cela !
Voila pour le poëme.
La musique est pleine de verve et d'humour. Le premier acte
surtout brille par une série de morceaux réussis. Citons le pre-
mier trio, le chœur A ce soir, le duo Ma Golle,\e Caquet des
femmes et le chœur bachique qui suit et termine le premier acte.
C'est de la musique bouffe bien faite.
Le deuxième acte comprend un morceau symphonique attribué
à M. Offenbach, passé maître en ces sortes de facéties musicales.
Léonce, Désiré, Bâche et Mlle Toslée font les principaux hon-
neurs de cette excentricité musicale, qui va compléter l'affiche de
Forlunio et du Mari sans le savoir.
L'Odéon nous a donné jeudi la première représentation des
Frelons, comédie en cinq actes, en prose, de M. Ernest Ca-
pendu. La pièce a obtenu un succès d'estime. Tisserant, Pier-
ron, Febvre, Thiron, MllesRamelli et Debay ont eu leur part de
celte petite fête de famille.
Le Vaudeville vient de mettre à l'étude une pièce de carna-
val, due à la collaboration de MM. Edouard Martin et Albert
Monnier. — On parle de la retraite de MIle Fargueil, ou plutôt
de son émigration vers la Porle-Saint-Martin ; mais nous dou-
tons encore que la direction du Vaudeville consente à se priver
d'une aussi parfaite comédienne.
Le théâtre de la Gaité a repris Trente ans nu la Vie d'un
Joueur, avec Frédérick-Lemaître. Le grand comédien a retrouvé
de magnifiques élans dans les deux derniers tableaux, et Mme La-
croix !lui a donné vigoureusement la réplique. Le reste de la
troupe n'a pas démérité de l'œuvre.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
TRANSCRIPTIONS CONCERTANTES
d'oeuvres célèbres des grands maîtres,
par
AMÉDÉE MÈRE AUX.
Les éditeurs du Ménestrel, les premiers, ont publié des trans-
criptions jet grandes pages concertantes pour orgue, piano, vio-
lon et violoncelle. En tète de ce genre d'œuvres, il est juste de
placer la belle méditation de Charles Gounod sur le prélude de
Bach. Celte première œuvre a fait école et donné naissance a un
assez grand nombre de publications analogues, au nombre des-
quelles nous signalerons : le célèbre air d'Église de Stradella
et Y Hymne à la Vierge, méditations religieuses pour piano, or-
gue, violon et violoncelle, parLEFÉBUKE-WÉLv; te Souvenir de
Pergolèse et la Pensée de crépuscule, par E. de Hartog ; la
Résignation, d' Alexandre Batta; la Prière des Bardes, de
Félix Godefroid ; la grande scène d'Orphée de Gluck, par
A. Deloffre ; enfin la Jeune Religieuse de Schubert, égale-
ment transcrite pour piano, violon ou violoncelle et orgue, par
Chaules Gounod, — avec facilité, pour la plupaildeces mor-
ceaux, de pouvoir être exécutés en duos, trios ou quatuors.
Les amateurs de musique concertante ont rencontré là, non-
seulement une nouvelle source de jouissances musicales de l'or-
dre le plus élevé, mais ils y ont aussi trouvé le sujet d'études
concertantes du meilleur style. Or, chacun le sait, l'habitude
de la musique d'ensemble, seule, peut rendre parfait musicien.
A tous les points de vue, M. Charles Gounod a donc rendu un
réel service aux artistes et aux amateurs, en créant un nouveau
genre de musique de chambre, genre aussi instructif qu'intéres-
sant, car il nous initie aux chefs-d'œuvre des différentes écoles.
C'est dans lo but de développer et de compléter cette idée-mère,
que nous publions aujourd'hui douze nouvelles transcriptions,
empruntées aux chefs-d'œuvre de Haendel, Gluck, Haydn,
Mozart, Lkethoven et Webek, transcriptions concertantes,
écrites avec autant de religion que de talent, par M. Amédée
Méreaux, l'un des artistes sérieux de notre époque.
Les pianistes qui partagent leurs loisirs entre le clavier du
piano et celui de l'orgue de salon, puiseront de précieux élé-
'ments dans cette collection ; ils remercieront M. Amédée Méreaux
de son remarquable travail, précédé d'une introduction sur les
progrès, l'utilité de l'orgue de salon et l'incontestable intérêt, à
tous les points de vue, des transcriptions concertantes des œuvres
de nos grands maîtres.
J.-L. Heugel.
« Depuis quelques années, grâce à d'ingénieuses inventions,
l'orgue est devenu un instrument de salon et de concert. En ap-
propriant l'instrument des églises à un usage mondain, d'habiles
facteurs ont su, dans des proportions restreintes et par de nou-
veaux procédés de facture, lui conserver ses qualités naturelles et
constitutives : la variété des timbres, la prolongation et la modi-
fication expressive du son.
« Plusieurs virtuoses ont étudié les effets de l'orgue expressif
et se sont acquis une grande réputation par la manière brillante
dont ils en ont fait valoir tous les avantages. Aussi, l'orgue,
comme instrument solo, a-t-il été, depuis assez longtemps déjà,
jugé, apprécié et reconnu pour une féconde et très-agréable res-
source d'effets, offerte aux exécutants et aux compositeurs de
musique instrumentale.
« Toutefois, a un autre point de vue, je pense que cet instru-
ment doit avoir une influence plus directe sur la marche pro-
gressive et sur la propagation de l'ait musical. L'orgue expressif
m'a toujours paru destiné à devenir un complément vraiment ar-
tistique des moyens d'exécution de la musique concertante. C'est,
à mon avis, l'élément orchestral introduit dans les concerts et
dans la musique de chambre. Son union avec le piano produit de
charmantes combinaisons de sonorité. Ces deux instruments ac-
couplés se complètent l'un par l'autre : dans cet harmonieux
ensemble, le piano apporte sa netteté, son articulation franche,
sa précision de mécanisme, et l'orgue prêle un grand charme à
ces qualités, en leur ajoutant le prestige- de ses sons liés, soutenus
et expressifs.
« Si l'on joint au piano et à l'orgue réunis le violon et le vio-
loncelle, on arrive à la reproduction réduite, et, toute proportion
gardée, à une imitation très-satisfaisante de l'orchestre. C'est là
que réside l'importance artistique de l'orgue expressif. Il ne s'a-
git plus alors d'une très-séduisante variété dont se trouve enri-
chie la partie instrumentale des concerts; l'orgue n'est plus seu-
MUSIQUE ET THEATRES.
69
lement un objet d'agrément : il devient sérieux, classique, et se
prêle merveilleusement a la vulgarisation des chefs-d'œuvre de
nos grands maîtres.
« A notre époque, la transcription a été une salutaire réaction
contre l'abus des mélanges, pots-pourris ou prétendus arrange-
ments de motifs d'opéras ; on a commencé par transcrire, pour
piano seul, des compositions vocales de tout genre ; puis des
airs, des scènes entières, des morceaux d'ensemble, extraits d'ou-
vrages lyriques, ont été transcrits pour piano, et souvent avec
orgue, violon ou violoncelle. La musique théâtrale trouve ainsi
une place de plus dans les concerts et dans les soirées intimes.
Ses produits peuvent passer de la scène au salon, sans que, dans
cette émigration, ils aient à subir, désormais, ni changement,
ni mutilation, ni altération radicale.
« La musique instrumentale aussi, — la musique de cham-
bre, les quatuors et quintettes, qu'on ne pouvait entendre avec
fruit que dans des réunions, toujours fort rares, de quatre ou
cinq instrumentistes d'un talent réel, — la musique orchestrale,
les symphonies, les ouvertures, dont l'audition n'était possible
que dans les solennités musicales dont l'organisation est si diffi-
cile, et qui, pour cela même, ne se renouvellent pas souvent dans
le courant d'une année, — toute cette musique, la plus belle, la
plus intéressante, la plus instructive, se popularise tous les
jours, grâce à l'heureux système de la transcription, dans la-
quelle l'orgue expressif est appelé à jouer un si grand rôle.
« Avec l'orgue expressif, la transcription peut s'élever à de
larges proportions et prendre un caractère tout à fait classique.
C'est dans cette conviction et pour soumettre aux pianistes un
spécimen des moyens nouveaux acquis par l'emploi de l'orgue
expressif à la transcription des grandes compositions lyriques,
instrumentales ou symphoniques, que j'ai écrit, avec le plus
grand soin, les douze transcriptions concertantes dont ces quel-
ques lignes sont la préface explicative. Je n'ai touché aux chefs-
d'œuvre, choisis en vue de ce travail, que pour les retracer fidè-
lement. Airs, duos, trios, quatuors, symphonies, j'ai donné de
tout un peu ; mais tout a été arrangé avec la même rigueur de
principes, avec le même respect pour le génie et pour ses moin-
dres intentions. Ainsi, tous ces morceaux ont été transcrits d'a-
près les grandes partitions orchestrales : je n'ai ajouté ni omis
aucune note ; toutes les parties des divers instruments, je les ai
reproduites, en conservant, autant que possible, l'effet et le co-
loris de leurs timbres, au moyen de la variété de mécanisme, de
nuances et de sonorité, que peut offrir la réunion du piano, de
l'orgue, du violon et du violoncelle. On peut dire que ces trans-
criptions sont textuelles dans toute la pureté mélodique et dans
toute la plénitude harmonique de leurs modèles.
« Amédée Méreaux. »
PETITE CHROMQi'E.
LES ORGUES DE BARBARIE.
COMMISSION I>E SAM lîKITi: MUSICALE.
Au moment où les orgues de Barbarie vont être soumises —
comme tous les instruments à cylindre — à un droit de repro-
duction , ne serait-ce pas le cas de réglementer une bonne
fois l'usage et l'accord de ces instruments nomades qui vont
à travers le monde troubler le repos public ou tout moins déchi-
rer les oreilles les moins délicates.
Le feuilleton musical du Nouvelliste de Rouen prend la ques-
tion de plus haut : il demande la reproduction fidèle, exacte,
des motifs empruntés aux opéras comme aux moindres airs de
vaudeville. Il est en effet scandaleux de voir estropier nos motifs
populaires d'une manière aussi déplorable, et si, en définitive,
l'orgue de Barbarie doit éternellement demeurer le premier degré
de l'éducation musicale du peuple français, améliorons au moins,
réglementons l'exercice de cet engin musical.
Mais laissons la parole au Nouvelliste de Rouen.
*
* *
Comment les orgues de Rarbarie sont devenues aussi absurdes
musiciens que le plus grand nombre de chanteurs de nos
jours.
« Autrefois l'orgue de Barbarie, instrument populaire de
musique, se contentait de jouer des airs qu'il choisissait parmi
les plus francs de rhythme et de mélodie. La chanson était son
domaine ; il y prenait ses ébats en toute liberté, traduisant des
valses, des airs de danse, des marches; il servait aussi de guide
et d'accompagnateur à des marchands de chansons, dont les airs
non notés sous les paroles n'étaient point trop défigurés , et se
transmettaient ainsi avec assez d'exactitude parmi le peuple,
quiles apprenait de même en les entendant régulièrement jouer.
« Tout passe ici-bas, tout se transforme et trop souvent se
déforme, sous prétexte de progrès. Ce progrès, ainsi entendu,
s'est manifesté chez les orgues, qui ont abandonné la chanson
pour l'opéra, et qui ont imité la plupart des chanteurs, hélas!
« Parmi les chanteurs, en effet, il s'était opéré un progrès,
chez quelques-uns surtout, qui voulaient toujours et partout
produire des effets, c'est-à-dire être applaudis non pas seule- •
ment à la terminaison des morceaux, mais encore dans le cou-
rant des périodes musicales. Pour y parvenir, ils créèrent de
fausses cadences, c'est-à-dire de faux repos à l'aide de rallenlendo
intempestifs, arrêtant ainsi sans nécessité la marche du dis-
cours musical, et par des tenues de voix non motivées ils pro-
duisirent des effets de sonorité aux dépens du sens mélodique.
« S'il fallait énumérer toutes les bévues faites chaque jour
à ce sujet, un journal y suffirait à peine. De loin en loin on
signale ces absences dégoût; mais cela ne corrige personne,
et les chanteurs continuent à dire : Je vous souhaite bien le
bon .jour! et la masse du public continue d'applaudir, en
prenant pour un vrai plaisir la satisfaction qu'il éprouve de
voir conclure et terminer une sotte suspension,*qui ne lui est
réellement agréable que par la cessation du malaise qu'elle lui
causait.
« Jusque-là, les choses n'étaient qu'à demi-malheureuses, car
l'erreur restait dans la fantaisie du mauvais goût et n'était pas
érigée en fait acquis.
« Mais voilà que les facteurs d'orgues de Barbarie, qui sont
la principale musique du peuple, imitant ce qui a lieu dans les
hautes régions musicales, ont pris le faux pour le vrai, et se
sont imaginé de noter sur leurs mécaniques les sottises des
chanteurs.
« L'orgue de Barbarie a secoué la poudre de ses bonnes
vieilles chansons pour s'affubler de la pompe des grands airs
d'opéra, et aujourd'hui il ne joue plus que des morceaux de
Lucie, AeNorma et du Trouvère. En cela, il a suivi la mode mu-
sicale, il n'y a pas trop à le blâmer ; mais où a-t-il été chercher
ses textes? Vous croyez que c'est d'après les partitions mêmes
que les facteurs ont reproduit les airs de nos grands maîtres ;
70
LE MÉNESTREL.
allons donc ! c'eût été trop naturel et trop simple ; ils ont pré-
féré imiter les chanleurs, et surtout les mauvais. Ils ont voulu
reproduire jusqu'à l'âme de ces chanteurs. Or, ce que beaucoup
de gens appellent l'âme n'est autre chose qu'une sorte de vibra-
tion factice qui donne à une voix ce petit tremblotement que
possède la gelée découpée sur un plat. Nous avons beaucoup de
comestibles à la gelée ; plus tard nous sont venues les voix
accommodées à la même sauce froide. Eh bien! cela ne suffit
pas; il nous faut supporter aujourd'hui les orgues de Barbarie
trembloteurs, c'est-à-dire qui ont de l'âme.
« Tous les bouchons coupés, toutes les mains calleuses frô-
lant de la soie, tous les frottements et cris les plus agaçants
sont des accords de harpes célestes en comparaison du bruit
affadissant, irritant, énervant, produit par les orgues trembleurs
que l'on est forcé d'entendre à chaque instant du jour.
« Mais ce n'est pas tout; ils ont voulu faire aussi des rallen-
tendo, de la fantaisie, du déclamé musical, en un mot, ils se
sont inspirés de toutes les bêtises qu'ils entendent commettre
journellement, et, qui le croirait? ils les ont notées ; si bien
que maintenant nous entendons estropier et défigurer les
plus belles inspirations par les fautes les plus grossières. Là,
c'est une phrase de quatre mesures qui est ornée d'une prolon-
gation qui la fait boiter ; ici, c'est une mélodie de quatre me-
sures qui se trouve transformée en cinq, une de deux en trois,
une de six en sept; c'est un sens binaire qui passe au ternaire,
et vice versa; enfin, c'est un atroce massacre, une stupide pro-
fanation, et les gens qui ont le bonheur d'avoir conservé une
oreille juste au milieu de ce tohu-bohu sont forcés de jeter
quelques sous au porteur du monstre pour se soustraire à ses
blessures. Quant au peuple, qui généralement ne sait point ou
que fort peu de musique, il subit tout; bien plus, il se nourrit
de cette diabolique et malsaine musique, qui corrompt et per-
vertit son sens auditif.
« On a créé des Conservatoires, on enseigne un peu de
musique dans les écoles publiques; c'est très-bien, c'est pro-
gressif.
On a même établi un diapason normal pour ménager les
voix. Serait-il donc impossible de créer un bureau d'examen,
devant lequel devraient passer les orgues de Barbarie, qui
abrutissent et faussent l'oreille? Ne pourrait-on pas avoir autant
de soins pour l'organe qui entend le son que pour celui qui le
produit? On nous répondra : L'art doit être libre. Nous ne
l'ignorons pas, et l'on ne saurait avoir la prétention d'empêcher
tout un chacun d'aller, pour son argent, applaudir à ce qui
est mauvais comme à ce qui est bon. D'accord : moyennant
finance, on doit avoir la faculté de faire subir à son individu
toutes sortes d'impressions. Mais ici, il s'agit d'une chose gra-
tuite, qu'on ne peut éviter, qui se promène sur la voie publique,
et qui, par cela même, devrait être assimilée aux choses sou-
mises aux vérifications du conseil de salubrité; car enfin, nous
ne voyons pas pourquoi il serait plus permis d'empoisonner nos
oreilles que nos narines.
(.<. Nous osons donc émettre le vœu qu'il soit établi une com-
mission chargée de vérifier les orgues de Barbarie, et d'empê-
cher qu'ils ne jouent dans les rues des airs connus en les estro-
piant, et ce, sous peine d'être poursuivi et puni, sans préjudice
des droits de la partie civile, c'est-à-dire des autours qui pour-
raient réclamer des dommages et intérêts pour toutes les atteintes
portées à leur considération professionnelle !
« Une institution de ce genre devrait avoir à sa tête quelques
bons musiciens, quelques compositeurs, quelques prix de Rome,
par exemple ; il y en a tant qui meurent de faim, que ce serait
toujours un moyen de leur donner un emploi en attendant
qu'ils puissent faire représenter leurs ouvrages. Il y aurait à
cela un peu de profit pour eux et beaucoup pour l'art, et aussi
pour les facteurs d'orgues de Barbarie, qu'on tirerait malgré
eux de leur ignorance musicale.
« Malliot. »
NOUVELLES HIVEKSES.
— Le ciseau de Danlan jeune, qui nous a doté tout récemment d'un
buste si remarquable de notre grand maître Rossini, vient de créer un
digne pendant à son chef-d'œuvre de l'an dernier. C'est l'illustre repré-
sentant de la musique française, réminent directeur du Conservatoire,
M. Auber, qui celte fois a inspiré la verve de Dantan. Le statuaire-
anatomiste a fouillé jusqu'aux moindres lignes de la physionomie —
spirituelle entre toutes — de l'auteur du Maçon, du Domino, de Fra-
Diavolo, de l' Ambassadrice , du Cheval de bronze, delà Sirène et de
tant d'autres chefs-d'œuvre lyriques devenus populaires, non par la
vulgarité de leurs mélodies , mais bien par le rhythme naturel , pétil-
lant, des moindres phrases musicales, par leur cachet de finesse, de bon
goût et d'esprit essentiellement français. Tous les trésors de sa mu-
sique, M. Auber les a sur les lèvres, dans les yeux; mieux que cela, dans
chacun de ses traits, qui se divisent et se multiplient à plaisir sans
perdre une parcelle de leur harmonie si caractéristique. Ce tout et ces
mille détails, voilà ce que le ciseau bien inspiré de Dantan a reproduit
avec autant de talent que d'admiration pour les œuvres et la personne du
musicien français par excellence.
— Avant de quitter Hanovre pour Brème, où il est attendu, Roger s'est
fait entendre chez l'ambassadeur de France, M. de Malarey. Il y a chanté
la grande scène de Membrée : Page, écuijer, capitaine, le Roi des Aulnes,
de Schubert, et une romance de Meyerbeer.
— C'est a Riga que doit avoir lieu, cette année, un festival de la Bal-
tique, où se trouveront toutes les Sociétés de chant des provinces alle-
mandes de la Russie. «
— La Gazette musicale du, Bas-BJiin s'est amusée à dresser la statis-
tique du personnel théâtral en Europe. Selon les évaluations de ce jour-
nal, il y avait en Europe, à la fin de l'année 18G0, 18,140 acteurs et
chanteurs, 21,609 actrices et cantatrices, 1,733 intendants et directeurs de
théâtres. Si l'on dressait la statistique du mérite, il va sans dire que le
chiffre serait considérablement plus modeste.
— La musique de Jacques Offenbach crée des imitateurs en Allemagne.
Les journaux de Vienne nous apprennent qu'une mauvaise imitation des
opérettes de ce compositeur vient de se produire au théâtre An derWien.
L'auteur se nomme M. Niemetz. Son œuvre, dépourvue de gaieté et d'en-
train, a été froidement accueillie. Ne marche pas qui veut sur les tracés
d'Orphée et de Fortunio.
— La première nouveauté qui se produira sur le théâtre royal de
l'Opéra de Berlin, sera un grand ballet de P. Taglioni, intitulé : Rêve et
Réveil.
— M. Aber, membre de la chapelle royale de Stuttgard et auteur d'un
opéra en quatre actes, Anna de Landsfa'on, se trouve en ce moment à
Paris.
—Un dos excellents élèves de M. Marmonlel, le pianiste Colomer, lau-
réat de 1859, a reçu de la reine d'Espagne, à la suite de plusieurs con-
certs donnés à Madrid, de magnifiques boutons en perles fines, œuvre
d'art du plus grand prix.
— Les Sociétés philharmoniques d'Amiens et de Reims viennent
d'appeler et de fêler le virtuose Sighicelli, en compagnie des sœurs Mar-
chisio et du baryton Giorgo Bonheur. Bravo! voilà des programmes
bien remplis.
— Nous sommes en relard avec les pérégrinations artistiques de
notre habile et élégant violoniste Léon Le Cieux, de retour à Paris, à la
suite d'une excursion en Normandie et en Bretagne. Nous ne reprodui-
rons pas les appréciations multipliées qui nous arrivent, et sous tant
NOUVELLES ET ANNONCES.
71
de formes, du talent de M. Léon Le Cieux. La presse bretonne a été dus
plus chaleureuses, à en juger par les quelques lignes suivantes : « Toutes
« les distinctions que puisse ambitionner un artiste et jusqu'à l'honneur
« du rappel, ont été accordés d'enthousiasme à M. Le Cieux, dont le cœur
« doit être pénétré de gratitude pour les populations bretonnes, qui
o savent si noblement encourager les arts et honorer le talent. » A son
passage à Caen, M. Le Cieux a donné, avec Mme Miolan-Carvalho, un
grand concert dans la grande salle de l'hôtel de ville. Dire qu'il a partagé
les ovations de la soirée avec l'éminente cantatrice dont le talent résume
la perfection, c'est constater que la ville de Caen n'a pas été moins pro-
digue d'applaudissements que ses sœurs de la Bretagne. Si nous sommes
bien informés, M. Le Cieux doit se faire entendre en ce moment à Bor-
deaux, en compagnie de Mm0 Miolan-Carvalho. Nous n'avons pas besoin
de prédire de nouveaux succès à l'artiste qui sait allier la distinction de
la personne à la supériorité du talent.
— De retour des concerts de l'Ouest, Mlle Balbi a été aussitôt deman-
dée à Lille en compagnie du ténor Dufrêne, de l'Opéra, et de notre
célèbre harpiste Godefroid, ce qui est tout un honneur. MUe Balbi est
une précieuse acquisition pour nos Sociétés philharmoniques
— On assure que la nouvelle salle de l'Opéra aura son télégraphe élec-
trique, qui correspondra non-seulement avec le cabinet du ministère
d'État, mais de plus avec les principaux hôtels de Paris, afin que les
étrangers puissent louer des places pour les représentations sans se
déranger. [Extrait des journaux allemands, sans garantie du G.)
— Les journaux se hâtent trop souvent d'annoncer comme faits
accomplis des mesures qui ne sont encore qu'à l'état de projet. Cette
semaine on a vu se produire un phénomène tout opposé, et le fait a
devancé le zèle de la presse. Nous avions dit, comme la plupart.de nos
confrères, qu'il était question d'une réforme officiellement apportée à la
dénomination des loges de théâtre, qui seraient désormais désignées sui-
vant l'étage qu'elles occupent : loges de rez-de-chaussée (baignoires]:
premières loges jau premier étage); deuxièmes loges (au deuxième
étage), etc. Or, cette réforme est accomplie. Le théâtre de l'Opéra s'est,
depuis plusieurs jours, conformé à l'ordre ministériel : tous les autres
théâtres suivent l'exemple.
— C'est samedi prochain 2 février, à dix heures, dans l'église Saint-
Vincent- de-Paul, que le Comité des Artistes musiciens doit faire exécuter
la première messe d'Adolphe Adam, dédiée au pape Grégoire XVI, avec
solos et chœurs accompagnés par des harpes et l'harmonie. M. Bat-
taille chantera un Salutaris inédit, composé par Ad. Adam.
SOIRÉES ET CONCERTS
— Félix Godefroid vient d'ouvrir ses salons du boulevard Sébastopol
par une grande soirée musicale, dans laquelle se pressaient à la fois le
monde élégant et l'élite de nos artistes parisiens. Les élèves de Mme Coche
y ont exécuté, avec beaucoup de style, les nouvelles et remarquables
œuvres, pour le piano, de Félix Godefroid. M. et Mme Lyon, le ténor
Michot, de l'Opéra, dans une mélodie de la Harpe d'or, MM. Gleichoff,
violoniste, et Pœncet, violoncelliste de premier ordre, ont excité tour à
tour les plus plus vifs applaudissements. Ajoutons à ce contingent, déjà
confortable, le maître de la maison lui-même, qui, cédant aux instances
de ses visiteurs, a pris enfin sa harpe d'or, muette depuis deux ans, et a
transporté son auditoire dans les sphères les plus idéales.
— Dimanche dernier, la Société des Jeunes Artistes du Conservatoire
donnait son premier concert, sous la direction de M. Pasdeloup. La sym-
phonie en ut de Mozart a été exécutée avec un ensemble et une vigueur
remarquables, et l'on a pu admirer de nouveau la beauté de celte compo-
sition, dont l'andante surtout et le finale sont de vrais chefs-d'œuvre. Le
charmant chœur des Bacchantes, de M. Gounod, a eu les honneurs du
bis, et l'ouverture de M. Gade a été bien accueillie. Le concert s'est ter-
miné par les Ruines d'Athènes, splendide composition de Beethoven,
dont l'exécution, si difficile, a été satisfaisante. Un peu plus d'ensemble
et de vigueur dans les violoncelles et contre-basses, et l'orchestre des
jeunes artistes deviendra irréprochable sous l'habile direction de son chef.
— La première séance de MM. Alard et Franchomme a eu, dans son
petit cadre, tout le retentissement du premier concert du Conservatoire.
Dès son premier morceau, la 10me sonate de Mozart, pour piano et violon,
M. Louis Diémer, le nouveau venu, a su conquérir la faveur du public
dilletlante qui se presse à. ces intéressantes réunions. Voilà M. Diémer
placé au rang de nos grands artistes.
— M. et M"'° Dclolîre ont donné, dimanche dernier, une fort intéres-
sante matinée dans les salons d'Érard. Le couple artiste a récollé les plus
vifs applaudissements dans la grande sonate de Meyerbeer et un duo
sur les motifs de Gil Dlus ; puis le piano de Mme Deloffre a été particuliè-
rement fêlé dans plusieurs morceaux et de charmants airs nationaux
espagnols, recueillis par M. Deloffre. Le violoncelle do M. Alard complétait
la partie instrumentale. Quant au chant, il a été brillamment défrayé par
M. etMmeMeiilel etMme Alard. M. Meillet avec les Glouglous de Gounod, et
Mme Meillet dans l'air du Postillon, ont obtenu une véritable ovation.
Malézieux, par ses chansonnettes, a gaiement couronné celte séance.
— A peine de retour, M. Sighicelli a donné, chez lui, mercredi dernier,
une première séance de quatuors, dans laquelle une œuvre de M. de Vau-
corbeil a parfaitement tenu.sa belle et bonne place, près d'un quatuor de
Haydn. Badiali a fait diversion dans une scène du Ballo in mascheia de
Verdi. MM. Emile Rignaull et Sighicelli ont ensuite joué, l'un et l'autre,
un solo de leur composition.
— Mme Edouard Chesueau, élève distinguée de Goria, elle-même pro-
fesseur de talent, a donné, lundi dernier, un concert dans les salons de
MM. Pleyel-Wolf et compagnie, avec le concours de MM. Lebrun, Las-
serre, Lafont, de Mmo Henri Polier, Moris et Henry. Mm0 Edouard Chesneau
a exécuté entre autres morceaux le concerto de Wéber et deux études de
son maître : le Tournoi et l'étude de concert en la bémol. Des chanson-
nettes par Paul Malézieux, le Roi boiteux et les Côtes d'Angleterre, de
Gustave Nadaud, complétaient le programme.
— Aujourd'hui dimanche a lieu, salle Herz, l'intéressante matinée
musicale et dramatique de MUe Marie Mira.
— C'est demain soir lundi, salons d'Érard , que se fait entendre la
virtuose-pianiste italienne Elvire del Bianco, en compagnie de MraeGrisi,
de MM. Géraldy, Sauzay et Casella.
— Demain lundi, concert donné par M. Edouard Lapret, salons de
Pleyel (huit heures du soir).
— Le premier concert du pianiste-compositeur Emile Forgues est
annoncé pour le 23 février, salons d'Érard.
— M. J. Schuloff, le célèbre pianiste, qui ne s'est pas fait entendre à
Paris depuis plusieurs années, s'est décidé à donner un concert qui aura
lieu jeudi, 31 janvier, à huit heures et demie du soir, dans la salle Pleyel,
rue Rochechouart.
— M. Henri Herz vient de composer et publier une grande sonate
(di bravura) pour piano seul, dédiée à M. Auber. Nous reparlerons de
cet ouvrage, que M. H. Herz fera entendre à son prochain concert.
— Sous le titre : Marseille, quadrille des Phocéens, l'éditeur Roussel
a eu l'heureuse idée de publier, avec illustrations, du nouveau et de
l'ancien Marseille, un quadrille des plus mélodieux, des plus dansants et
des plus variés, car chague figure est due à un amateur de la ville, choisi
entre les meilleurs, et ils sont aussi nombreux que bons musiciens à
Marseille. MM. P. Lamotte, de Rémusat, C. Pellissier, Emm. de Fonsco-
lomb et L. Gouin sont les compositeurs-amateurs qui se sont chargés des
cinq figures de ce quadrille, dédié par l'éditeur aux cinq cenls membres
du Cercle phocéen de Marseille.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues I
Pour paraître du 1er au 5 février 1861.
LES HARMONIEUSES
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HENRI
Op. 5. — Prix : 20 fr., (moyenne force);
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de niu&âtgur.
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1. Hlarche paysanne.
2. Chant du Papillon.
3. Andante-Bohémiana.
4. Valse des Rayons.
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STRUUSS
1" Quadrille, Valse des RA YONS et Polka-Mazurka la LESGU1NKA.
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éditeurs.
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J. OFFENBACH.
5. Marche du Palanquin.
6. Polonaise desBohémiennes.
7. Valse des Fleurs.
8. Galop des Papillons.
Composés pour lés bals de la Cour et de l'Opéra.
Polka des Métamorphoses. La fée Hamza. M1" Marouet. | PH. STUTZ '. La Fée des Moissons. Polka-mazurka. Mlle Schlosser.
; Les Circassiennes. Deuxième quadrille. | H, VALIQUET '. Quadrille et valse faciles, sans octaves.
THÉÂTRE IMPÉRIAL
de l'Oftéra-Comique.
(scjp.'ï^^ &iaiassîa a
HEUGEL ET CLe
éditeurs.
AIRS DÉTACHÉS AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO, PAR M. L. SOUMIS.
N° 1. Introduction : Couplets dialogues
chantés par Mlle9 Marimon cIBelia.
N°2. Air de Xaïloun, chanté par M. Ber-
thelier.
N° 3. Couplets du Grand Mogol, chan-
tés par M. Nathan.
N° 4. Duo chanté par Mlles Marimon et
BÉUA.
N° 5. Couplets de Bababek , chantés
par M. Sainte-Foï.
N° 6. 1" romance de Saéb, chantée par
M. Warot.
ARKOUF
Musique de
M3ÏB&S!
N° 7. Duo chanté par M11» Marimon et
M. Sainte-Foy.
N° 8. Chanson du Chien. , chantée par
M110 "Marimon.
N° 8 bis. La même transposée en fa.
N° 9. Valse-entr'acte pour piano seul.
N° 10. Couplets ch. parM.BERTHELiER.
N° H. 2me romance de Saéb , chantée
par M. Warot.
N° 12. Chanson à boire chantée par
Mlle Marimon.
N° 12 bis. La même transposée en sol.
BURGMUILER.
Valse de salon à deux et quatre mains.
STRAUSS.
Quadrille à deux et quatre mains.
EW VEMTE.
— £S»\33- 5Prt-rt»iPT8T5t ^."^^S^TS-Si 3 — EU" "VETVTE.
LA CHANSON DE FORTUNIO
Opéra-comique en un acte, paroles «e MM. HECTOR CRÉMIEUX et EjUDOVIC WAJLÉVW.
— AIRS DÉTACHÉS, ARRANGEMENTS ET PARTITION PIANO ET CHANT. —
TABLE DES MORCEAUX DE CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
3. Couplets du Petit clerc Friquet , chantés
par M. Bâche
| 6. Duo et Chanson de Fortunio, chantés par
50 Mlles Chabert et Pfotzer 6 »
, a ha 6 bis. Chanson de Fortunio, extraite du
4. Autrefois, Aujourd feu., ronde des clercs. 2 50 du(j _ pour soprano QU ^ 2 50
5. Toutes les femmes sont à nous , valse des q ter, La mâme j transposée pour baryton
clercs, à une ou deux voix 3 75 et 4 50 I ou contralto 2 50
1. Prenez garde à vous, couplets chantés
par M1" Chahert 2 50
2. La belle eau claire , chanson à boire, par
Mlle Pfotzer 2 50
2 bis. La même, transposée pour contralto
ou baryton 2 50 |
Partition in-8° : Texte , chant et piano. Prix net : 7 francs.
FORTUNIO. -
ji.-li. Battmann. Fantaisie variée 5 »
f. BurgmiiUer. Valse de salon 6 »
— La même à 4 mains 7 50
— La même en feuille 2 50
Morceaux et arrangosneiits pour pisino. — FORTUNIO.
a. Croisez. Morceau de s:ilon 6 » | Strauss. Quadrille de Fortunio, à deux
Faut asernnr.i. Barcarolle et Chanson de ! mains 4 50
Fortunio , transcriptions C « .
,-, . ; n sr r> ■ ■ „ — A quatre mains 4 50
h. vniiijiiii. Concerts desBouffcs Pa. isiens, : ^
petites fantaisies sans octaves. Chacune. 3 » | i*i>. stuu. Fortunio-Polka 4 50
Opéra-Comique en
un acte.
LE
LE BAL,
Valse chantée par
M110 CHABERT,
Prix : 4 50.
Musique de
M- DE SAÏNT-EÉM^.
Oc M. LÉON et LUDOVIC
HftLÉVY.
CHANSON NÈGRE,
chantée par
M. LÉONCE.
1 et 2, prix : 2 fr. 50 c.
VALSE composée par STRAUSS pour les Bals de la Cour et de l'Opéra. — Prix : 6 fr.
Partition piano et chant (avec texte), in-8°. Prix : 5 fr.
751.
— -28° Année.
IV 10.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 3 Février
1861.
LLoa
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédaci'enchet.
LES BUREAUX , S bis, rue Vivienne. — IIEUGEL et Ci», éditeurs.
(lui Magasina et Abonnement «le Musique «lu MÉiVESTISEI.. — Tenle et location «le Pianos ci Orgues.)
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1er Mode (l'abonnement ■ Journal-Texte, tous les dimanches; SU Morceau
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2e Mode 'Vallonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; e« morceau
Fantaisies, Valses. Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; Z Allmn
primes illustres. — Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
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On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du l«r décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresse! /Vanco
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( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. )
Typ. Charles (le Mourgues frer
: Jean-Jacques boisseau.
«.OTIVSAIKt,
TK.XTF..
I. L'opéra-coraique, ses compositeurs , ses chanteurs et ses divers théâtres : com-
positeurs secondaires de la République c! du premier Empire (24e article, suite
et Du). L. Meneau. — II. Semaine théâtrale. ]. Lovy. — 111. Tablettes du pianiste
et du chanteur : Schnlhoff et ses œuvres. Marnoktf.i.. — IV. Deuxième concert
du Conservatoire. E. Viel. — V. De la musique de chambre. F. Halêvï. —
VI. Petite chronique : La musique chinois:;. Paul d'Iyoy. — VII. Nouvelles,
Soirées et-Conccrts, Nécrologie, Annonces.
MUSIQUE DR CHANT;
Nos abonnés S la musique de Chant recevront avec, le numéro de ce jour:
la chanson à boire ;
LA BELLE EAU CLAIRE,
Chantée dans Fortunio parMllePFOTZEn, paroles de Mil. Hector Crkmieux
et Ludovic Halévy, musique de J. Offenbach — Suivra immédiate-
ment après : la romance du deuxième acte de Bwkouf, la Chunson du
Chien, chantée par M"e Marimon, paroles de MM. Scribe el Boisseaux,
musique de J. Offenbach.
PIANO:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
LA POLKA IDES MÉTAMORPHOSES,
Composée par Arban, sur les motifs du Papillon, de J. Offenbach. —
Suivra immédialemenl après, le quadrille de Fortunio, le grand succès
des Bouffes-Parisiens , composé par Strauss pour les bals de la Cour
et de l'Opéra.
L'OPÉRA- COMIQUE
Kl [\AlSaA\CK, SES MICGKÈS, SA TllOB> (.111MI1 EXTENSION.
COMl'OSlTEUliS SECONDAIRES
D2 LV RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER EMPIRE.
CHAPITRE VII.
xxtv.
DEV ENNE, STE1BELT, BRUNI, PLANTADE, CAVEAUX, SOL1É, CATRUFO ,
Mm" GAIL, BOCHSA, KREUBÉ, PAER, COM1S.
CATRIFO.
Le Théâlre-Feydeau donniit, le 28 février 1813, FéUcwbù
la Jeun?, fille romanesque : l'auteur, Jjscph Catrufo, élail né à
Naplos en 1771. 11 avait appris la musique au Conservatoire de
cette ville en compagnie de Spontini, deFaritielli el de Pacini.
11 était chanteur et compositeur très-instruit; on lui doit un
Traité d'instrumentation très-eslimé. En voyageant, Catrufo
s'était fixé à Genève, où il donnait des leçons de chant. Madame
de Staël, ravie de son talent, de ses délicieuses compositions,
l'engagea à se rendre à Paris : elle lui donna une lettre de
recommandation pour Dnpaly, qui lui fit la pièce en trois
actes intitulée : Félicin, et lui donna pour interprètes :
Martin, Julliel, Mllc Pallart, depuis Mmï Rigaull et Mm» Bou-
langer ; ces artistes d'élite enlevèrent le succès. Martin y chan-
tait une romance que l'on faisait bisser tous les soirs :
La sympathie est le lien des âmes,
Lancé des cieux pour unir les amants...
El un charmant duo avec Mme Boulanger :
Sij'ado-ais Li-elle,
C'est qu'elle avait tes yeux.
Peu de temps après Félicie, Catrufo cul un secorïtl succès :
la Bataille de Dciiain.
MADAME GAIL.
La même année 1813, qui avait vu naître Félieie, vit aussi
une opérette : les Deux jaloux, succès intéressant, parce que
l'auteur était une femme : Mms Gail (lj. On applaudit surtout
dans cet acte un trij et une jolie romance :
Ta Fan.'hetle est charmante.
La romance était du reste le d >maine de prédilection de
Mme Gail, qui s'interprétait olle-môms aveu autant de charme
que d'esprit.
(I) Edinc-Sopliie Garre, Dée à Miîun en 1776; se sépara de sou mari et
mourut à Paris le 24 juillet 1819.
74
LE MÉNESTREL,
En 1815 Bochsa donnait à la scène la Lettre de change, un
acte qui reçut un bon accueil. Robert-Nicolas-Charles Bochsa
était né à Montraédy, le 9 août 1789. Son père, hautboïste des
théâtres de Lyon et de Bordeaux, avait écrit plusieurs morceaux
de musique pour son instrument. Bochsa fils montra une préco-
cité extraordinaire : à sept ans il jouait un concerto de piano;
à neuf ans, il composait une symphonie; à onze, un concerto de
flûte ; à douze, une ouverture, des ballets, des quatuors ; à seize
ans, il faisait jouer à Lyon un opéra de circonstance pour le pas-
sage de Napoléon. Il étudia à Bordeaux la harpe, qui devint son
principal instrument.
Élève de Catel pour la composition, il donna, en 1813, un
opéra-comique en trois actes, les Héritiers de Paimpol, et puis
après, trois ou quatre autres partitions, dont la meilleure est
la Lettre de change.
Plus tar,d obligé de s'expatrier, Bochsa se rendit à Londres,
où il obtint la direction de l'orchestre du théâtre de Hay-Market.
11 ne put se maintenir clans ce poste et se réfugia aux États-
Unis, à San-Francisco, et en dernier lieu en Australie, où il
mourut le 1er janvier 1856. Peut-être fût-il devenu un des
bons compositeurs français, s'il eût pu résider à Paris et s'as-
treindre à soigner davantage ce qu'il écrivait.
KREUBÉ.
En 1819, Charles-Frédéric Kreubé, chef d'orchestre de
l'Opéra-Comique, donnait à ce théâtre Edmond et Caroline, un
acte qui fut assez bien accueilli. Cet auteur, qui se distingua
comme violoniste (1), écrivit aussi d'autres partitions; ses meil-
leures sont, outre Edmond et Caroline, le Forgeron de Bassora,
le Coq de village, les Enfants de maître Pierre, et l'Officier et
le Paysan.
PAER.
Un succès réel et qui n'est pas près do finir, se fit jour à
l'Opéra-Comique en 1824: je veux parler du Maître de cha-
pelle, charmant opéra en deux actes, dont le librelto avait été
taillé par Mmc Sophie Gay, dans la comédie deDuval, intitulée:
le Chanoine de Milan. On ne joue guère plus que lo premier
acte de cette partition, quoiqu'il y ait dans le second un très-
joli quintette. Le scénario, ainsi estropié, ne signifie plus rien
du tout, maison entend sans cesse avec plaisir le trio bouffe :
Ce sont les Français, je gage ,
Qui profitent do la nuit,
Pour commencer leur tapage. . .
L'air de Martin :
Ah 1 quel plaisir de pressentir sa gloire I
enfin le duo classique :
Perché crudele amore ?
Lo compositeur , à la plume élégante duquel on devait cette
partition, était l'Italien Ferdinand Paër, né à Parme, le 1er juin
1771 . 11 avait appris très-facilement, et presque tout seul, les prin-
cipes de la composition ; l'audition des œuvres de Guglielmi, de
Paisiello, de Cimarosa, compléta son éducation. Au piano, Paër
régnait de la double puissance d'un grand chanteur et d'un
grand compositeur.
(1] Il était élève de Kreutzer.
Napoléon s'élant emparé de Dresde, où Paër était maître do
chapelle en 1806, fut séduit par la musique d'un de ses opéras :
Achille, et l'attacha à la France en lui accordant une brillante
pension; mais Paër ne justifia guère le choix de l'Empereur,
au point de -vue de la composition dramatique du moins. Sa
paresse était telle, que ce ne fut, comme on vient de le voir, que
sous une autre dynastie qu'il écrivit la partition française du
Maître de chapelle, à laquelle je ne connais qu'une sœur :
Un caprice de femme. — Le Théâtre-Italien lui doit YAgnèse ,
un des triomphes de Pellegrini et de Mmc Mainvielle-Fodor.
GOMIS.
Le 29 janvier 1831, avait lieu la première représentation du
Diable àSéville, opéra en deux actes, de Joseph-Melchior Gomis,
compositeur, né en 1793, à Anleniente, ville espagnole. 11 avait
mis dans toute sa partition la couleur locale qui répandit sur son
œuvre une teinte agréable, mais monotone. Plus tard, Gomis fit
représenter le Portefaix et le Revenant, et mourut à Paris en
1836, à la fleur de l'âge , au moment où l'Espagne pouvait se
promettre un compositeur dramatique distingué.
Pour terminer celle suite de biographies des auteurs morts
qui ont écrit pour l'Opéra-Comique, il me reste à parler de
Boïeldieu, de son élève Adolphe Adam , qu'une mort préma-
turée et regrettable a tant de titres, fait entrer dans le cadre que
je me suis tracé, et enfin d'Hérold, que je placerai après Adam,
parce quo l'œuvre de ce dernier me paraît être la continuation
immédiate de l'œuvro de Boïeldieu, et que , d'ailleurs, Hérold
est incontestablement le plus jeune de tous les auteurs dont j'ai
parlé. Je continue de cette façon à suivre les progrès, les déve-
loppements successifs de l'opéra-comique français, au point de
vue musical, dont Zampa me paraît le type le plus développé,
comme je l'ai dit en commençant.
Ma tâche, à présent, devient très-simple: il ne s'agit plus
d'ouvrir sous les yeux du lecteur des partitions poudreuses,
dont la plupart ne sont consultées qu'a de rares intervalles par
les bibliophiles, mais de faire appel aux souvenirs de la veille.
Léon Meneau.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Sémiramis et le ballet du Papillon ont alterné cetle semaine
au théâtre impérial de I'Opérv. Obin et les sœurs Marchisio
reçoivent toujours le plus sympathique accueil dans l'œuvre
francisée du maestro italien ; et, de son côté, Mlle Emma
Livry récolte chaque fois de nouvelles ovations dans le gracieux
rôle de Far-falla.
. La prochaine apparition du Tannhauser excite de multiples
émotions. 11 y a d'abord les anxiétés fort naturelles desinlerprètes
de l'œuvre; puis, au dehors, l'impatiente curiosité des divers camps
dilettantes, des Wagneristes et de leurs adversaires; et enfin,
par dessus tout, l'armée des résidents allemands, qui, par esprit
national peut-être autant que par religion musicale, croit devoir
soutenir et défendre le pavillon du Tannhauser. Bien plus, on
assure que des députalions germaines sont en route pour se
joindre aux amis, afin d'emporter de haute lutte le succès de
la' musique de l'avenir. Tout annonce donc que la soirée du
Tannhauser marquera dans les annales de notre première scène
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
75
lyrique. Elle paraît toujours fixée aux derniers jours de ce mois,
Mme Tedesco ayant pu reprendre les répétitions.
Une indisposition de Zucchini a fait changer, jeudi dernier,
le spectacle au Théâtre-Italien. Un Ballo in maschera a rem-
placé Don Giovanni, annoncé pour le soir. C'est partie remise
à jeudi prochain. Aujourd'hui dimanche, il Barbiere.
A I'Opéra-Comique, la Circassienne avait été également
promise pour jeudi; mais les enrouements successifs de Mon-
taubry, de Couderc, de M'le Monrose, l'ont fait reculer de deux
jours. C'est hier au soir samedi que cette importante œuvre a
été livrée au jugement public. A dimanche prochain notre
comple-rendu. — Mlle Saint-Urbain a continué plus brillamment
encore ses débuts dans la Fille du régiment. C'est décidément
une belle et bonne acquisition pour la salle Favart.
Le Toéatre-Lyrique donnera jeudi prochain la première
représentation de la Nuit du mardi gras, opéra-comique en
trois actes, de MM. Scribe et Boisseaux, musique de M. Clapis-
son. L'administration compte sur un grand succès: La pièce sera
jouée, dit-on, avec un rare ensemble : MIIe Roziès, qui a débuté
si heureusement, il y a quelques mois, dans les Dragons de Vil-
lars et plus tard dans UVal d'Andorre, remplira le principal rôle.
Les autres artistes auxquels est confiée l'interprétation-du nouvel
ouvrage de l'auteur de Fanchonnette, sont MM. Fromant,Riquier-
Delaunay, Wartel, Lesâge,Mlles Moreauet Faivre.
Aux Bouffes-Parisiens, beau fixe avec Fortunio, le Mari
sans le savoir et les Musiciens de l'orchestre, et cependant on
répète le Pont des soupirs, la pièce capitale de l'hiver.
* *
Le Gymnase a plusieurs nouveautés en perspective.
Il s'agit d'abord du Sacrifice d'Iphigénie , — titre assez
bizarre. Cette pièce est attribuée à M. d'Ennery , et aura
Geoffroy pour principal interprète; on nous promet ensuite un
acte de MM. Labiche et Delacour, provisoirement intitulé :
Verdinet; et enfin, le Dernier des Lafrenaie, deux actes de
MM. Dumanoir et Lafargue, avec Lafontaine dans un rôle de
vieux marquis de soixante ans, — promesse piquante.
L'intention de se séparer de MUe Fargueil avait été prêtée
gratuitement à la nouvelle direction du Vaudeville. Cette ex-
cellente comédienne vient d'être rengagée à de fort bonnes
conditions. Nous en félicitons le triumvirat du théâtre de la
Bourse, car elle trouverait difficilement à remplacer une artiste
qui aborde avec une égale perfection le drame et la comédie
légère. — La pièce carnavalesque du Vaudeville est annoncée
pour le dimanche-gras.
Celle du Palais-Royal a dû voir les feux de la rampe, hier
soir samedi ; M1'0 Schneider, MM. Brasseur,~Hyacinlhe et Gil
Pérès en sont les héros. On parle beaucoup d'une ronde de
M. Sylvain Mangeant, qui vient couronner cette folie de car-
naval .
Le théâtre de I'Ambigu-Comiqoe s'apprête à représenter un
drame étrange. Cette œuvre a pour titre : ['Ange de minuit;
elle est due à la collaboration de MM. Théodore Barrière et
Edouard Plouvier, et sera montée avec un grand luxe de mise
en scène. De plus, elle servira de cadre à plusieurs débuts im-
portants, -notamment celui de Mlle Méa, la belle Andromaque
de l'Odéon.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
SCHULHOFF.
Les édjjeurs du Ménestrel, qui n'ont rien publié de Schulhoff,
— à leur grand regret, — ne m'en avaient pas moins demandé
une élude sur ce pianiste justement célèbre. En cela , ils sui-
vaient le cri de leur conscience, qui , plus d'une fois, m'a permis
de donner dans ces tablettes des places d'honneur à des artistes
tels que Stephen Heller, Henri Ravina, Georges Mathias, J. Ro-
senhain et tant d'autres compositeurs dont les publications enri-
chissent les catalogues des maisons Lemoine, Brandus, Richault
et Meissonnier.
L'élude que je me proposais d'écrire sur le talent et .les
œuvres de Schulhoff, s'est trouvée devancée par le concert- qui
vient de signaler l'heureux retour a Paris du célèbre virtuose ;
si bien que, bon gré malgré, voici mon humble prose passée
à l'état de comple-rendu.
Les lecteurs du Ménestrel me pardonneront cet empiétement
involontaire. Qu'ils se rassurent d'ailleurs je ne recom-
mencerai pas.
Mais, pour aujourd'hui, qu'ils me permettent de leur dire que
nous sommes encore sous le charme de l'impression vive et
profonde causée par J. Schulhoff à son concert de jeudi dernier.
Ceux qui, moins heureux que nous, ont été privés du plaisir
d'assister à celte belle et intéressante soirée, nous sauront gré
de leur parler des succès de l'éminent artiste, comme composi-
teur et comme virtuose.
Schulhoff nous revient après un long séjour en Allemagne.
Le repos, l'air vivifiant de la patrie, et l'éloignement du foyer
incandescent qui brûle l'existence des artistes parisiens, lui a
rendu la santé, la sève et la force nécessaires pour fournir une
nouvelle carrière. L'empressement général, l'accueil chaleureux
fait à l'artiste ont dû vivement émouvoir Schulhoff et lui prouver
que le public des concerts a fidèlement gardé souvenir de ses
premières soirées. Nous nous souvenons tous, en effet, de l'im-
pression produite par Schulhoff avec ses premières compositions,
déjà populaires avant l'audition du jeune maître à Paris. Le bel
allegro dédié à Chopin, op. 1 ; l'agitato, op. 15 ; les impromp-
tus, op. 8 ; les Airs bohémiens, op. 10; le Carnaval de Venise,
op. 22 ; les valses, op. 6 et 20 ; le galop, op. 17, avaient admi-
rablement préparé la bienvenue du pianiste-compositeur, aimé
de tous les amateurs et artistes avant même d'avoir pu être ap-
précié el admiré comme virtuose.
L'élégante distinction des premières compositions de Schulhoff
repose principalement sur le tour original des idées, toujours
accompagnées d'harmonies fines et ingénieuses, et sur la forme
neuve et brillante des traits. L'excellente facture de sa musique
a séduit non-seulement le public, mais encore tous les musi-
ciens de goût et de bonne foi qui rendent justice au vrai mérite,
sans distinction de clocher. Schulhoff sut donc conquérir, de
prime abord, rrne des premières places parmi les célébrités mo-
dernes du piano.
Encouragé par le succès, il écrivit, quelque temps après, plu-
sieurs petites pièces ravissantes, qui brillent entre toutes par
l'invention mélodique et ce parfum de jeunesse qui séduit l'ima-
gination et l'oreille. Citons tout d'un trait : le Chant du pécheur,
op. 32; Souvenir de Vienne, op. 28; Souvenir de Varsovie,
op. 30; Sérénade espagnole, trois idylles, op. 27; Souvenir de
la Grande-Bretagne, fantaisie brillante; YOndine, etc.
70
LE SÎÈNESÏIltr.
Artiste laborieux, amant passionné de l'art et du progiès, .
Schulhoff n'a pas voulu refaire toujours le même caprice, et il a
modifié sa manière, soit en donnant plus de développement à ses
motifs, soit aussi par un travail d'harmonie et d'imitations plus
serré. La belle sonate jouée au concours de piano du Conserva-
toire est un exemple de cette modification de style ; la Bal-
lade, op. 41, la Polonaise, op. 4î, l'Aubade, cp. 42 et les
Chants d'amitié, op. 45, appartiennent encore à cette seconde
manière, d'un travail plus recherché et dans laquelle, par cela
même, l'inspiration a peut-être moins de jet et de naturel.
N'oublions pas une œuvre de jeunesse que nous estimons
comme un des beaux fleurons do la couronne de Schulhoff : les
Études de concert, op. 12.
U nous fallait, avant de parler du concert de jeudi dernier,
constater cette tendance de l'artiste vers un idéal plus élevé, s'é-
loignantavec intention de la forme première qui avait si agréa-
blement séduit et impressionné le public.
Celte grâce infinie des anciennes œuvres, nous l'avons re-
trouvée jeudi dernier, parmi les œuvres nouvelles, sous la forme
d'une perle fine : Souvenirs de Venise. 11 est difficile d'imagi-
ner rien de plus suave et de plus poétique ; la Polonaise, d'un
rbjlhme saisissant, — a la fière allure qui convient à ce genre de
pièces, — est venue faire contraste à la rêverie vénitienne. Sou-
venirs de Saint-Pétersbourg est une mazurka qui aura le succès
du Souvenir de Kieffet de Varsovie : on l'a bissée. VOndine,
que nous avons précédemment entendue, est un pendant au
Chant dupécheur. Ce bruissement mélodieux est ravissant.
La fantaisie sur les Mélodies bohémiennes, un caprice de con-
cert à grand effet par l'originalité des motifs, la manière heu-
reuse dont ils s'enchaînent, le brio des variations.
11 nous reste à dire que Schulhoff a joué la sonate do Beetho-
ven, op. 81, avec toute l'autorité d'un maîlro : son jeu coloré,
chaleureux, tendre et passionné, a fait admirablement valoir
toutes les beautés de celte œuvre de génie. Le trio en ut de Haydn
a été aussi délicieusement inlerprété. MM. Dupuis et Jacquard
ont rivalisé de talent avec Schulhoff; il est impossible de dire avec
plus d'esprit et de verve cette musique d'une admirable simpli-
cité où le génie du grand maîlre se révèle à chaque page avec
tant de puissance et de bonhomie à la fois.
Nous voudrions avoir l'esprit d'analyse de notre cher collègue
M. Stéphen de la Madeleine, pour parler du gracieux (aient vocal
de Mlle Orwille ; mais nous nous devons tout entier à l'immense
succès de Schulhoff, succès qui nous vaudra, nous l'espérons,
plusieurs soirées semblables h celle de jeudi. Il n'est pas un pia-
niste qui n'ait le désir d'entendre ses œuvres nouvelles et aussi
celles qui ont précédé sa grande réputation; seulement, qu'il
nous soit permis, en terminant celle causerie, d'émettre un vœu
selon noire impression toute personnelle, à savoir: que Schulhoff
ne sacrifie pas trop aux tendances modernes de l'école allemande ;
que l'horreur du banal ne le jette pas dans les brouillards de
l'avenir; enfin, que son jeu sympathique et naturellement entraî-
nant se défie des sonorités stridentes, de l'abus de la force. No-
tre admiration pour le grand artiste nous autorise a émettre ce
conseil amical, qu'il voudra bien accepter comme une preuve de
la sincérité de nos éloges.
Marmontel.
société nrs concerts du comîiyatoïre.
DEUXIÈME CONCERT.
La Symphonie-cantate de Mendelssohn, sur des paroles de la
sainte Écriture, ouvrait la séance de dimanche dernier. Dans
cette vaste composition, qui comprend douze morceaux et ne.
dure pas moins de cinq quarts d'heure, le maître ne s'est pour
ainsi dire pas écarté du plan suivi par Beelhoven dans sa neu-
vième symphonie. D'abord, trois pièces symphoniques ; puis
ensuite, la partie vocale entremêlée de chœurs et de solos. Un
majestueux appel de trombone sert de début au premier alle-
gro, et, se reproduisant à la coda de l'adagio, encadre en quel-
que sorte le rôle do l'orchestre. Ce premier allegro a certaine-
ment beaucoup d'éclat et de grandeur ; on observe pareillement
de la conviction et de l'autorité dans ïadagio religioso ; il nous
a pourtant paru que la pensée ne s'y dégageait pas toujours as-
sez nettement des limites d'une facture d'ailleurs habile à
l'excès. On ne saurait en dire autant de Vallegretto 6/8, placé
entre deux et relié à la première partie : voilà une inspiration
d'une franchise, d'une originalité et d'un charme incontestables.
Parmi les nombreux morceaux do chant, nous avons surtout re-
marqué un air de ténor à l'accent onctueux et attendri ; un duo
pour soprano et contr'alto d'une suprême élégance ; un second
air de ténor, qui a la prétention de peindre les tourmen'.s
des damnés; enfin, plusieurs chœurs d'un caractère par trop
uniforme, mais toujours parfaitement écrit*. Cette partie do
l'œuvre rappelle au reste, à s'y méprendre, le style de l'Êlie et
du Paulus; ce sont les mêmes qualités et le même talent do fac-
ture : une sincérité qui arrive parfois à la chaleur et à l'émo-
tion ; une science des procédés en usage dans les compositions
dites religieuses, qui ne se dément jamais et chatouille délicieu-
sement les oreilles amoureuses des artifices de la fugue et du
contre-point. Paulin, quoiqu'encoro un peu souffrant, s'est bien
acquitté de la partie qui lui avait été confiée. Mme Vanden-
Heuvcl-Duprez a chanté la sienne avec sa perfection accoutu-
mée; elle a dit plus tard l'air du troisième acte des Noces, et
comment?... nous ne prétendons l'apprendre à personne.
M. Sarrasato, dont nous avons constaté plus d'une fois les
éclatants triomphes, a triomphé une fois de plus dans des frag-
ments — allegro et andante, — d'un concerto de Baillot ; de
la fermeté, de la fougue, et en même temps une inaltérable pu-
reté de style, voilà le secret des bravos que récolte partout
M. Sarrasate,.et qui ne lui ont pas fait défaut dans la salle de la
rue Bergère ; l'école d'Alard compte en ce jeune virtuose un
digne et intrépide représentant.
Pour finir, l'orchestre a rendu d'une façon merveilleuse l'ou-
verture du Freïschutz, cette page empreinte tour à tour d'une
sombre poésie et d'une radieuse inspiration.
E. Viel.
LA MUSIQUE DE CHAMBRE.
Nous avons constaté l'active propagation des Sociétés de mu-
sique de chambre. Chaque hiver, ces sociétés acquièrent plus de
prosélytes, et c'est là un symptôme frappant des progrès de l'art
musical. Aujourd'hui, nous allons laisser à un éminent compo-
siteur, à un savant et disert académicien, M. Halévy, le soin
de faire connaître à nos lecteurs ce qu'est au juste la musique
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
77
do chambre. Lo fragment qui suit est emprunté h son vo'urre
des Souvenirs cl Por'.raits, publié par la librairie Michel L;vy.
« Sous son apparence modeste, cette dénomination bour-
geoise de musique de chambre ea<ho cependant lire origine
illustre. La chambre : c'est ainsi qu'on désignait la chambre par
excellence, celle du souverain, son habilatirn intime, particulière.
On appelait musique de la chambre du roi, musique de la
chambre, celle qui se faisait dans ses appartemén's ; aujourd'hui
qu'il ne s'agit plus que de la chambre de tout le monde, on dit
simplement musique de chambre.
« Ce nom dit au reste tout ce qu'il veut dire.
« La chambre, c'est l'intimité-, la retraite interdite aux impor-
tuns. Le salon est consacré aux réceptions. nombreuses, aux fêtes
bruyantes, aux invitations banales; on n'admet dans sa chambre
que des amis, et encore un. sage amphitryon musical, dans sa
réserve prudente et dédaigneuse, fait-il souvent son choix dans
l'amitié.
« On appelle donc aujourd'hui musique de chambre (musica
da caméra) toute espèce de musique destinée à être exécutée
devant un petit nombre d'auditeurs par un petit nombre d'ar-
tistes. Cette expression, appliquée aussi en Italie 5 la musique
vocale, alors surtout que les maîtres les plus célèbres ne dédai-
gnaient pas d'écrire, pour un auditoire choisi, de petits morceaux
pleins de grâce , véritables chefs-d'œuvre de mélodie et de
finesse harmonique, est aujourd'hui, en France et en Allema-
gne, presque exclusivement réservée pour désigner certaines
compositions instrumentales.
« Ce genre de musique permet, impose même au composi-
teur une sorte de recherche et de coquetterie. Le plaisir que
cause la musique fait toujours supposer une éducation première
acquise par la seule habitude de l'oreille ou par l'étude de l'art.
En écrivant de la musique de chambre, le compositeur sait
qu'il s'adresse aux oreilles exercées, fines, délicates, à des intel-
ligences musicales heureusement disposées ou développées par
des études bien dirigées. Il ne craint donc pas de parer son
ouvrage de perles qui seraient perdues pour des auditeurs vul-
gaires. Un orchestre nombreux emporte le public par sa masse,
par la richesse, par l'éclat de sa sonorité; le se luit par l'alliance
heureuse des timbres divers, associés et non confondus dans un
ensemble transparent; le charme par des dialogues ingénieux.
La musique de chambre ne dispose que de quatre ou cinq exé-
cutants, et encore les instruments qui doivent chanter enscmb'e
ou se répondre sont-ils presque toujours de la. môme famille
(famille à laquelle le piano ne reste point étranger).
« Avec des ressources si bornées, le compositeur doit savoir
être tour à tour passionné, tendre, élevé, rapide, gai, chaleureux
et toujours discret et élégant dans ses plus grands écarts. Un
petit nombre de cordes, mises en vibration par quelques archets,
ou, si l'on veut être exact et parler la langue de la statis'.ique,
un peu étonnée de se fourvoyer dans un quatuor, seize cordes,
mues par quatre archets, voila toute la richesse dont il dispose.
Mais ces cordes doivent vibrer sur des instruments de prix, sui-
des bois sonores choisis et façonnés il y a trois siècles par ces
savants luthiers de Crémone, Amati, Guarnerius, Stradivarius;
ces quatre archets, construits selon toutes les règles de l'ait,
doivent être remis aux mains les plus habiles, aux doigts les
plus brillants, animés du sentiment le plus exquis.
« À ces artistes d'élite il faut aussi un auditoire d'élite. Pour
être digne d'entrer dans la chambre, devenue un sanctuaire;
pour oser s'y asseoir et prendre part aux mystères qu'on y cé-
lèbre, il faut être profondément dévoué à la musique, dévoué
quelquefois jusqu'à la patience, n'avoir jamais laissé errer son
goût ni ses préférences, être reconnu, proclamé amateur de
bonne race, en posséder le brevet, en porter le blason sans
tache.
«t Si les succès obtenus par ce genre de composition n'ont
pas l'éclat et le retentissement des succès remportés au théâtre,
ils ont peut-être plus de solidité, parce qu'il s'établit bientôt
entre l'auteur elles artistes, ou les amateurs habiles dont il sait
satisfaire les talents et les goûts, une sorte de lien sympathique.
« Comme leur admiration repose sur une conviction éclairée,
ils sont moins avides de nouveautés. Comme la coupe et la
forme des morceaux 'sont h peu près invariables, ils n'ont point
d'exigences capricieuses. Aussi le succès est-il assis sur une base
durable dans ces alliances fondées sur un goût pur, sur des
études élevées, sur des convenances réciproques justement appré-
ciées, sur un échange, affectueux de bons procédés, de bonne
musique et de bonne exécution. »
F. Halévy.
PETITE CHRONIQUE.
Musique chinoise.
r La Chine est décidément ouverte , et chaque jour nous ap-
portera, sur tout ce qui concerne cet étrange pays, des notions
rien moins que certaines, exactes ou authentiques. Les nouvelles
musicales de Pékin vont donc acquérir sous peu et acquièrent dès
aujourd'hui un vif intérêt d'actualité. C'est à ce titre que nous
eni] runtons les lignes suivantes à l'un de nos chroniqueurs pari-
siens, M.Paul d'Ivoy, fantaisiste du grand format.
Le mandarin lettré Lu-Ling, l'un des Jullien du pays, « se
prépare à visiter l'Europe, afin de s'initier aux sottises musi-
cales des peuples'arriérés, et de répandre les vrais principes de
la musiquechinoise.il voyagera avecjtout un orchestre de musi-
ciens chinois, les plus habiles de Pékin; il nous fera entendre
ses plus belles compositions, ainsi que celles de Fo-Hi, leur
premier prince, contemporain deNoé, et celles de Pscheng-Fo-
Tsi, qui est le Rossini chinois, et vivait il y a environ deux
cent vingt ans.
« Voici quelques renseignements sur la musique chinoise
que nous sommes exposés à entendre :
« La gamme chinoise n'a nulle analogie avec la nôtre, qui
n'a aucun charme pour les oreilles chinoises. Lorsque le père
Amyot, missionnaire et assez bon musicien, voulut leur faire
entendre des airs français et italiens, les Chinois lui dirent
très-poliment :
« — Cher mandarin de l'autre monde, tes airs ne sont pas
faits pour nos oreilles, et nos oreilles ne sont pas faites pour
tes airs. Notre musique nous entre dans le cœur et remue notre
âme, la tienne nous paraît un vain bruit.
« Les Chinois actuels n'ont pas changé de manière de voir.
Ce qui nous surprend, c'est que Lu-Ling ne comprenne pas
que nos oreilles pourraient bien ne pas être faites pour sa mu-
sique.
78
LE MÉNESTREL
« Un empereur chinois, grand musicien, nommé Tsaï-Yu,
eut l'idée, pour conserver les proportions mathématiques des
douze sons de la gamme, de faire fondre douze cloches, dont la
réunion formerait une gamme modèle, la gamme étalon. Des
collections de cloches étalons furent fondues et placées dans les
établissements publics, où elles servirent à régler tous les ins-
truments qui se fabriquaient dans l'Empire du Milieu. Alors
la plus suave harmonie régna dans toute la Chine.
« Vers la fin de la dynastie des Tong, lorsqu'eurenl lieu
les révoltes des Nyou-Iou-cbaou et des Che-fee-ming, l'empereur
prit la fuite, les insurgés pillèrent son palais, brisèrent les ins-
truments, arrachèrent de tous les lieux où elles étaient gardées
les cloches étalons. Tous les instruments qui se fabriquent au-
jourd'hui sont, à cause de cela, inférieurs à ceux qu'on fabri-
quait avant ces révoltes. Aussi les instruments de celte époque
sont-ils recherchés en Chine comme les Amati, les Guarnerius
et les Stradivarius en Europe.
« Les Chinois ont huit corps sonores dont ils font des instru-
ments : le métal, la pierre, le bois, !a soie, la calebasse, le
bambou, la terre cuite et la peau. Ces huit matières figurent
dans tous les orchestres chinois sous forme d'instruments h vent,
à cordes et à percussion. Il y a des tschah ou luths; des Isi ou
violons à sept cordes, des niorg leou, sortes de harpes à cordes
de soie filée; des bisen, sorte d'œuf en terre cuite, percé de cinq
trous et d'une embouchure; des cheug, espèce d'instrument qui
tient à la fois de l'orgue et de la cornemuse, elc.
« Dans un orchestre chinois, il n'y a pas de chapeau chinois.»
Paul dTvoy.
NOUVELLES DIVERSES.
— L'exposition publique des nombreux avant-projets de construction
d'une salle pour recevoir le Grand-Opéra, aura lieu au palais de l'In-
dustrie, dans les premiers jours de février. — On s'occupe des prépa-
ratifs.
— On écrit de Berlin que la librairie Lassar vient de mettre au con-
cours un prix de 100 ihalers, qui sera décerné à l'auteur du meilleur mé-
lodrame avec lieder, chœurs, etc., en trois actes au moins et en cinq actes
au plus. Le terme du concours est fixé au 31 mai prochain. Outre la
somme énoncée plus haut, l'auteur de l'ouvrage couronné aura droit aux
trois huitièmes du produit de la pièce, tous frais déduits. — S'agit-il seu-
lement d'unïibretlo ou d'une partition? Le fondateur du concours a
oublié d'éclairer la lanterne.
— On annonce la publication prochaine d'une nouvelle biographie de
Weber par son fils, Max de Weber, qui a eu à sa disposition des rensei-
gnements authentiques, entre autres le journal où l'illustre composi-
teur a consigné les événements de sa vie, jour par jour, à partir de 1816
jusqu'à sa mort. .
— Huit recueils d'esquisses manuscrits, de la main de Beethoven, sont
en vente à Vienne. Ces recueils contiennent des esquisses pour les 2e, 3e,
4e, 5e, 7e et 9e symphonies, pour Egmont et Fidelio, pour les quatuors et
trios, les sonates pour piano et violon, les concertos pour piano, etc.
— L'original do la partition des Nozze di Figaro est à vendre. La
personne chargée d'opérer cette vente est M. H. Scheurig, â Presbourg.
— Une Société philharmonique vient de s'organiser à Moscou dans le
but d'arriver par la suite à la fondation d'un Conservatoire de musique.
La partie musicale est dirigée par M. Nicolas Rubinstein. Aucune fantaisie
ne pourra être exécutée; les concertos avec orchestre, sont seuls permis.
Dans les concerts qui ont déjà eu lieu, on a entendu MM. Rubinstein,
Honoré, Wehle et Mmc Honoré. La Société doit donner dix concerts
pendant la saison d'hiver.
— On écrit de Constantinople que la musique italienne est en grande
faveur à Péra. On a ouvert la saison avec Victor Pesant, opéra du maestro
Péri. La pièce a réussi ; puis on a donné les Vêpres Siciliennes, sous, le
litre de : Giovanna da Guzmann.
— Une compagnie d'opéra italien exploite en ce moment le théâtre
d'Hobarl-Town en Australie, — dans l'espoir sans doute de prélever sur
les chercheurs d'or une dîme au nom du dilettantisme.
— Les correspondances de Lisbonne nous apprennent que le roi Dom
Fernando, dont le talent et les goûts artistiques sont bien connus, réunit
souvent l'élite de la société et des artistes qui se trouvent à Lisbonne,
pour donner des concerts où Sa Majesté ne dédaigne pas de montrer sa
science musicale et do faire entendre sa belle voix de basse.
— Le dernier télégramme de Rome parle d'un tumulte violent, le 22,
au théâtre Apollo. A la suite de ce tumulte, attribué à des allusions
politiques, II Trovalore aurait été interdit.
— Au théâtre d'Anvers on vient de représenter les Joyeuses Com-
mères de Windsor, opéra inconnu en France, mais très-populaire en
Allemagne. La musique est d'Otto Nicolaï, de Berlin, mort en 1849, à
l'âge de quarante ans, des suites d'une maladie de cerveau.
— On nous écrit de Roanne : « Mardi dernier , 22 janvier, a eu lieu en
l'église deSaint-Étienne l'inauguration des nouvelles orgues. Ces orgues
figuraient autrefois comme orgues d'accompagnement à Notre-Dame-de-
Paris; puis, reléguées pour cause d'insuffisance, elles passèrent dans les
ateliers delà maison Merklin-Schutze, d'où elles sortent aujourd'hui répa-
rées, renouvelées et augmentées de plusieurs registres, qui en font des
orgues complètes et très-suffisantes pour une église de province. Tous les
artistes des environs avaient été convoqués pour cette cérémonie. M. Vi-
dor, organiste de la paroisse de Saint-François de Lyon, et M. l'abbé Ney-
ral, celui de la paroisse de Saint-Bonavenlure, de la même ville, se sont
fait successivement entendre et ont étonné leurs nombreux auditeurs
par les effets tour à tour grandioses et gracieux qu'ils ont su produire
avec des ressources relativement restreintes. L'on a pu apprécier à la
fois le talent de ces messieurs, qui sont si justement estimés à Lyon, et
je mérite de la maison Merklin-Schutze, qui est d'ailleurs au-dessus] de
tout éloge. »
— Aujourd'hui dimanche 3 février, à une heure et demie très-précise,
salle des concerts du lycée Louis-le-Grand, séance d'expérimentation de
l'école Galin-Paris-Chevé. Il a été fait appel à l'Institut (section de mu-
sique| , au Conservatoire, aux diverses commissions de chant, aux com-
positeurs, artistes, et à toutes les personnes dont la compétence dans cette
question ne saurait être négligée. La presse y est convoquée. Dans cette
séance, la Société chorale essayera de résoudre les questions de fait :.
lecture à première vue ; écriture sous dictée, d'après la méthode usuelle,
avec clefs et armures; exercices.... M. E. Chevésera prêt à répondre aux
questions de théorie qui pourront être posées,
SOIRÉES ET CONCERTS-
— La musique n'a pas chômé cette semaine chez le maestro Rossini :
samedi 19, Mme la vsse de Grandval y faisait entendre ses mélodies favo- .
rites : Ollivier et Ne le dis pas ! puis la romance de Guillaume Tell et le
boléro des Vêpres. Badiali interprétait Mozart, et le pianiste Georges Ma-
thias, Chopin, — grands compositeurs , grands interprètes I C'était tout
un programme de bonne et belle musique, sur lequel Berthelier est venu
broder deux chansonnettes du meilleur goût.
Le jeudi suivant, Les Rotes de M. de Malesherbes, de M. Jules Béer, ont
fait acte 'd'apparition avec MUe Mira, MM. Capoul et Gourdin. Le samedi
suivant, Duprez y présentait M1Ie Marimon, quia égrené ses plus fraîches
vocalises en l'honneur du grand maître. Comme femme distinguée, comme
cantalrice.de la bonne école, MUo Marimon a partagé les félicitations de
l'assemblée avec Louis Dienier, qui a joué la Polonaise de Weber et le
Mouvement perpétuel du même maître, avec autant d'élégance que de
vélocité. Les rires de cette soirée ont été accaparés par Brasseur du Palais-
Royal. Il a chanté et dansé toutes les cocasseries du genre.
— Un pianiste qui brillait, — il y a quelques années, de l'éclat le plus
modeste, — vient de se révéler le Paganini du piano. Nous voulons parler
deGennaroPerrelli, qui avait convoqué, la semaine dernière, chez Ërard,
un certain nombre d'amateurs à l'audition de ses œuvres. Il n'y avait
point foule, mais les auditeurs étaient choisis. On remarquait le prince
Ponialowski, le général Mellinet, le célèbre maître Duprez, donnant le
signal des applaudissements. Impossible d'atteindre à plus de perfection,
de souplesse et de force à la fois. Les octaves, notamment, sont rendues
par M. Perrelli, avec le moelleux, la rapidité et l'élasticité des traits à
NOUVELLES ET ANNONCES.
79
simples notes les plus rapides. Quant à la main gauche du virtuose, elle
défie à elle seule les quatre mains de deux pianistes brevetés. Aussi le
petit orchestre appelé à accompagner M. Gennaro Perrelli a-l-il manqué
son effet. Le piano l'écrasait de toute sa splendeur.
— I.e salon de notre éminent professeur Harmonie! s'ouvrait, il y a
quelques jours, en l'honneur de Mmc Clara Pfeiffer, qu'il avait invitée à
faire entendre une nouvelle sonate de sa composition ; celte œuvre a été
accueillie par un auditoire d'artistes et d'amateurs avec de vifs applaudis-
sements. M. DamcUe devait aussi faire enlendre un trio, auquel l'absence
d'un des exécutants a fait substituer une remarquable composition pour
piano et violoncelle, exécutée par l'auteur et M. Mullcr.
— Le concert annuel de MllG Mira réunissait dimanche dernier, dans
la salle Herz, son public annuel. La partie dramatique était formée d'un
proverbe de M. Verconsin , Le tout est de s'entendre, joué par la bénéfi-
ciaire et M. Lourde!, et d'une opérette de MM. Galoppe d'Onquaire et
Wékerlin, Y Amour à l'êpêe, déjà représentée il 5' a deux ans, mais offrant
aujourd'hui l'intérêt d'une nouvelle distribution. Sainte-Foy y remplissait
un rôle auquel il a donné une franche gaieté et un comique de bon aloi.
La pièce, apprécié? depuis longtemps pour son dialogue fin et spirituel et
pour sa musique mélodieuse, a oblenu le plus chaleureux accueil. L'inter-
mède musical était défrayé par M. Badiali, dont la verve magistrale a
remporté les honneurs du bis dans le grand air an Barbier, et par M. Paul
Bernard, qui, de simple auditeur qu'il élait, a bien voulu, séance tenante,
remplacer M. Stanzieri, empêché par indisposition. Un vrai succès a re-
mercié M. Paul Bernard de son obligeance; le public s'est montré très-
heureux de faire connaissance avec son étude , les Brises du cœur et
son Galop de concert, morceau des plus entraînants. Quant à M,le Mira,
charmante cornélienne et agréable chanteuse, elle a préludé ainsi aux
succès qui l'ont certainement accueillie vendredi dernier à Nantes au con-
cert de la Société philharmonique, dans celle mémo pièce de Y Amour à
l'épéeel l'opérette Loin du bruit, de Galoppe d'Onquaire et Paul Bernard.
— Miss Alice Mangold, pianiste de Londres, cl élève de lieuse! t, a profité
du traité du libre échange pour se faire entendre à Paris le 31 de ce mois,
salons d'Érard, avec le concours de MM. Hammer, Mas, Lee, Gouffé. Celte
exhibition artistique a été des plus attrayantes.
— Une erreur de nom s'est glissée dans noire compte rendu de la
matinée de M. et Mrae Deloffre. Le morceau qui a ouvert le roncert du
ciuple artiste élait la grande sonate pour piano et violon, de Mayseder,
et non"de Meyerbeer, comme nous l'ont fait dire nos typographes.
— MM. Armingaud, Jacquard, Lalo, Mas, donneront, mercredi pro-
chain 6 février, à huit heures el demie du soir, avec le concours de
Mme Massart, leur deuxième séance dans les salons Pleyel, Wolf et com-
pagnie. On y exécutera : 1° 3e quatuor (en si mineur) de Mendelsshon, pour
piano, violon, allô el violoncelle ; 2° 7e quatuor (en fa) de Beethoven,
pour deux violons, alto et violoncelle; 3° sonate (en la) de Mozart, pour
piano et violon; 4° 81e quatuor (en sol) do Haydn, pour deux violons,
allô et violoncelle.
— Mlle Corinne de Luigi, élève de Rossini, de retour de l'étranger, el
avant son départ pour la Russie, .annonce un concert salle Herz, pour le
8 mars.
— Les frères Lionnet ont donné un concert à Nice, lundi dernier,
avec le concours de MM. rerny, Belgrand, et de MIle Fanny Darboville,
qui s'est fait applaudir dans plusieurs oeuvres de Chopin, Perny et Doin-
browbki. Quant à l'impression produite par les frères Lionnet, elle a élé
sans précédent encore dans les annales des concerts donnés jusqu'ici
dans le comté de Nice. La musique italienne y régnait pour ainsi dire
sans partage ; les artistes français auront bientôt conquis leur légitime
place au soleil de l'annexion.
— A la dernière soirée de M. Bazzoni, nous avons remarqué une de
ses élèves, MUe Caroline Strauss, dont la belle voix el le talent promettent
à nos scèues lyriques une future illustration. Mlle Strauss a été très-
applaudie, surtout dans le duo de la Fille du, régiment, qu'elle a chanté
avec Tagliafico.
— Le granl bal annuel au profit de la Caisse de secours et pensions
de l'Associaliun des Artistes dramaliques aura lieu sous le patronage de
LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice, le samedi 2 mars prochain, dans la
salle du théâtre impérial de l'Opéra-Comique. Cette fêle toute spéciale est
la plus belle de toutes celles qui sont données pendant la saison d'hiver.
Pour la location des loges, s'adresser à M. Berthier, membre du Comité,
régisseur de la danse au théâtre impérial de l'Opéra.
NECROLOGIE.
L'année 1861 ne compte qu'un mois, el déjà les arts et la littérature ont
de nouvelles pertes à déplorer. Depuis quinze jours le bulletin nécrologi-
que n'a pas chômé, et voici de nouveaux 'noms à consigner sur la liste
funèbre.
Le 30 janvier dernier, on a célébré à Saint-Roch les obsèques de Mm« Le-
sueur, veuve du grand compositeur. Un nombreux concours d'élèves de ce
maître, d'amis et d'artistes se pressait à ce convoi.' A l'église, on a exécuté
une messe en musique composée d'un Kyrie et d'un Offertoire de Lesueur,
d'un PieJesud'A. Elwarl, el d'un Agnus de M. Vervoitte, maître de cha-
pelle de la paroisse. — M. A. EIwart a prononcé au cimetière du Nord un
discours d'adieux au nom des élèves de Lesueur.
— Une autre mort, — doublement cruelle, car elle est des plus prématu-
rées, — est venue douloureusement affecter cette semaine le monde des
littérateurs el des artistes. — Henry Murger, le charmant écrivain, l'auteur
de la Vie de Bohème, a succombé à un mal qui a duré dix jours à peine.
Pendant cette courte maladie, Murger a été l'objet des plus vives et des
plus hautes sympathies. M. le comte Walewski, à la première nouvelle de
la situation où se trouvait le pauvre malade, s'est montré animé de la plus
digne sollicitude, et, à la nouvelle de sa mort, il a exprimé la volonté qu'il
fût fait à Murger des obsèques dignes de lui.
Indépendamment des Scènes de la Vie de Bohême, publiées d'abord en
chapitres dans le Corsaire, puis transformées en une pièce de théâtre, on
doit à Henry Murger plusieurs travaux dans la Revue des Deux-Mondes ;
une spirituelle comédie au Théâtre-Français, le Bonhomme Jadis ;_ quelques
romans, enlr'aulres les Vacances de Camille, et un petit acte joué récem-
ment avec un grand succès au Palais -Royal, le Serment d'Horace. Le Mé-
nestrel a eu l'honneur de le compter également parmi ses collaborateurs :
il lui doit le Dimanche matin ; Musette, empruntée, à la Vie de Bohème, et
la Chanson du capitaine, pièce recueillie et complétée par Henri Murger
pour son volume des Vacances de Camille.
Les obsèques ont eu lieu jeudi dernier à la chapelle de l'hospice Dubois,
en présence d'une foule considérable, composée d'écrivains, d'artistes et-
d'étudiants. Au cimetière Montmartre, trois discours ont été prononcés:
l'un par M. Ed. Thierry, au nom de la Société des gens de lettres ; l'autre,
par M. Raymond Deslandes, au nom des auteurs dramatiques ; et le troi-
sième, par M. Vitu, ami intime du défunt.
— Nous avons aussi à enregistrer la mort de SI. Libert, deuxième chef
d'orchestre et chef des choeurs au Théâtre-Lyrique. Sincèrement regretté
de ses camarades, Simon Libert, bien que dans une modeste position, a été
l'objet de funérailles de premier ordre. — L'orchestre et les chœurs de son
théâtre, dirigés par M. Deloffre, s'étaient spontanément, réunis dans l'église
Saint-Eugène. Les solos ont été chantés par MM. Batlaille, Serène et Le-
grand. — Cette pieuse solennité est tout un éloge funéraire de l'honorable
artiste, dont le nom vient grossir la douloureuse nécrologie de jan- '
vier 1861.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues Tr
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LES HARMONIEUSES
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chantés par Mlles Marimon etBEUA.
N° 2. Air de Xuiloun, chanté par M. Ber-
THEL1ER.
N° 3. Couplets du Grand Mogol, chan-
tés par M. Nathan.
N° 4. Duo chanté par Mllcs Marimon et
BÉL1A.
N° S. Couplets de Bababek , chantés
par M. Sainte-Foy.
N° 6. lre romance de Saëb, chantée par
M. Warot.
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N° 7. Duo chanté par Mlle Marimon et
M. Sainte-Foy.
N° 8. Chanson du Chien , chantée par
M,le Marimon.
N° 8 bis. La même transposée en fa.
N° 9. Valse-entracte pour piaDO seul.
N° 10. Couplets ch. parM.BERTHELiER.
N° 11. 2me romance de Saëb , chantée
par M. Warot.
N° 12. Chanson à boire chantée par
Mlle Marimon.
N° 12 bis. La même transposée en sol.
BURGMULLER.
Valse de salon à deux et quatre mains.
STRAUSS.
Quadrille à deux et quatre mains.
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LA CHANSON DE FORTUNIO
Oitéra-comitiue en un «etc, naro!es de MM. HECTOR CRÉMIEÎJX et LUDOVIC HA1ÉVÏ
— AIRS DÉTACHÉS, ARRANGEMENTS ET PARTITION PIANO ET CHANT. —
TABLE DES MORCEAUX DE CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
3. Couplets du Petit clerc Friquet , chantés
par M. Baohe 2 50
4. Autrefois, Aujourd'hui, ronde des clercs. 2 50
5. Toutes les femmes sont ci nous , valse des
1. Prenez garde à vous, couplets chantés
par M1Ie Chahert 2 50
2. La belle eau claire , chanson à boire, par
Mllc Pfotzer 2 50
2 bis. La même, transposée pour contralto
ou baryton 2 50
6. Duo et Chanson de Fortunio, chantés par
MUes Chabert et Pfotzer 6 »
6 bis. Chanson de Fortunio, extraite du
duo , pour "soprano ou ténor 2 50
6 ter. La même , transposée pour baryton
ou contralto 2 50
FORTUNIO. -
jc.-t. Bnttmann. Fantaisie variée 5 »
p. Biirgmuiicr. Valse de salon 6 »
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— La même en feuille 2 50 I
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a. Croisez. Morceau de salon 6 » 1 Strauss. Quadrille de Fortunio, à deux
Paul Bernard. Barcarolle et Chanson de i mains 4 50
Fortunio, transcriptions 6 » . ,
.. „ , / „ « _ .„•„. — A quatre mains 4 50
h. vuiMinct. Concerts des Bon/jes-Parisiens, j H
petites fantaisies sans octaves. Chacune, ,'i » | Pli. stutz. Fortunio-Polku 4 50
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- 28e Année.
N° 18.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanclie 10 Février
1861.
ILL.^
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JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédaclren chef.
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primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
28 Mode d'abonnement : Jtonrnol-Texte, tous les dimanches; 20 Morceaux
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Albiinn
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger : 21 fr.
CHANT ET PIANO REUNIS :
3« Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les Sî Morceaux de chantet de piano, les 4 Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du 1" de chaque mois. — L'année commence du le' décembre, et les 52 numéros de chaque année — teste et musique, — forment collection. — Adresser/toiflco
un bon sur la poste, à MM. HEIir.EI. et C1", éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues Titres, ( Texte seul': 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 001.
SOMMAIRE. — TEXTE,
I. Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : première représentation de la Circas-
sienne, de MM. Scribe et Auber. J.-L. Heogec. — II. Théâtre-Lyrique : pre-
mière représentation de Madame Grégoire, de MM. Scribe et Clapisson. Paul
Bernard. — III. Semaine théâtrale. J.-L. Heucel. — IV. Nouvelles, Soirées
et Concerts, Annonces.
MUSIQUE 1)1! PIANO :
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour :
LA POLKA DES MÉTAMORPHOSES ,
Composée par Aman, sur les motifs du Papillon, de J. Offenbach. —
Suivra immédiatement après, le quadrille de Fortunio, le grand succès
des Bouffes-Parisiens , composé par Stbauss pour les bals de la Cour
et de l'Opéra.
CHANT:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant:
LA CHANSON DU CHIEN ,
Chantée dans Barhouf, par Mlle Marimon, paroles de MM. Scribe el Bois-
seaux, musique de J. Offenbach. — Suivra immédiatement après :
Adieu les Fées, paroles d'ARMAND Liorat, musique d'HENRi Potier.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQUE.
LA CIRCASSIENNE
Opéra-comique en trois actes, paroles de M. Scribe,
musique de M. Auber.
A propos du remarquable buste de M. Auber, par Dantau
jeuue, nous disions — et toute la presse théâtrale nous a fait
l'honneur d'un écho prolongé, — que le statuaire-anatomisle
avait fouillé jusqu'aux moindres lignes de la physionomie —
spirituelle entre toutes — de l'auteur du Maçon, Au Domino,
de Fra-Diavolo, de V Ambassadrice, du Cheval de bronze, de la
Sirène et de tant d'autres chefs-d'œuvre lyriques devenus popu-
laires, non par la vulgarité de leurs mélodies, mais bien par le
rhythme naturel, pétillant, des moindres phrases musicales, par
leur cachet de finesse, de bon goût et d'esprit essentiellement
français. Tous les trésors de sa musique, ajoutions- nous,
M. Auber les a sur les lèvres, dans les yeux ; mieux que cela,
dans chacun de ses traits, qui se divisent et se multiplient à
plaisir sans perdre une parcelle de leur harmonie si caractéris-
tique. Ce tout et ces mille détails, voilà ce que le ciseau bien
inspiré de Dantan a reproduit avec autant de talent que d'ad-
miration pour les œuvres et la personne du musicien français
par excellence.
La Circassienne n'a pas tardé à venir conflrmer une fois de
plus combien M. Auber est, en effet, le musicien français par
excellence. C'est là un modèle inaltérable, légué par la Provi-
dence à deux générations de compositeurs, dans le but évident
de sauvegarder l'école française des brouillards de la musique
de l'avenir.
Auber ne connaîtra pas les noirs frimats; c'est à peine si
l'automne l'aura touché de son aile. Le printemps et l'été, —
les fleurs et les fruits, — voilà les seules saisons qui lui soient
familières; aussi M. Fiorentino écrivait-il, dans l'un de ses der-
niers feuilletons : Auber a quatre fois vingt ans, — mais il n'a
pas et n'aura jamais quatre-vingts ans.
L'éternelle jeunesse de M. Auber est un fait acquis à l'his-
toire, et , pour nos Scribe futurs, c'est tout un poëme d'opéra-
comique en perspective. Malheureusement — c'est à craindre
du moins, — le héros de la pièce ne sera plus là pour écrire la
musique de sa propre histoire.
Que nos jeunes musiciens se hâtent donc de s'inspirer de ce
vivifiant modèle. C'est tout un enseignement, car la musique de
M. Auber prouve, jusqu'à l'évidence la moins contestable,
que non-seulement l'école française n'a pas vieilli, mais encore
que seule, entre toutes, elle sait charmer en parlant à la fois à
la raison, au cœur et à l'esprit, par sa vérité d'expression et
la variété de ses formes.
82
LE MÉNESTREL.
Pourquoi donc se traîner à la remorque des écules alle-
mande et italienne, quand on a l'honneur d'être compositeur
français?
Laissons aux Allemands leur musique de l'avenir, qui va
s'égarant chaque jour dans des régions inconnues, perdues, et
abandonnons a l'Italie les stridentes cabalettes, les formidables
unissons qui engendrent jusqu'à des révolutions.
Respectons, admirons le passé de ces deux grandes .écoles,
mais laissons-les suivre à leurs risques et périls les voies nou-
velles qu'elles ont cru devoir s'ouvrir.
Pour nous, musiciens du passé et du présent, restons fidèles à
la musique française. Recherchons avant tout la vérité d'expres-
sion, la simplicité, le caractère, l'élégance et le charme dans la
mélodie, la couleur locale dans les moindres détails; sachons
rendre notre harmonie intéressante, mais sans prétendre à la
découverte d'horizons impossibles; bref, suivons le chemin tracé
par Dalayrac, Grétry, Méhul, Roïeldieu,Hérold, Adam, Auber,
Halévy ; et, si nous voulons atteindre aux grandes sphères de
l'art dramatique, contemplons, avec un juste orgueil, Gluck,
Rossini et Meyerbeer, car ils sont bien Français les musiciens qui
s'inspirent du génie de notre langue pour créer à notre inten-
tion et dans nos aptitudes des chefs-d'œuvre tels qa'Armide,
Guillaume Tell et Robert-le- Diable.
Ceci dit, abordons l'analyse du livret de la Circassienne , —
moins les détails et les bons mots semés à pleines mains par
M. Scribe dans les trois actes que M. Auber vient d'illustrer de
sa musique la plus jeune, la plus spirituelle, la plus fine et la
plus scénique à la fois.
*
* *
Aux deux premiers actes , l'action se passe en Circassie.
Le rideau se lève sur une humble forteresse russe, au milieu
des neiges, et gardée par un poste avancé de hussards. Pour
tuer le temps on ne peut plus glacial, chacun boit, chacun
fume ; on se conte des histoires, on va même jusqu'à monter un
petit opéra français : Adolphe et Clara, qu'apporte à point
nommé, dans sa valise, un voyageur de comédie, un ami du lieu-
tenant Alexis Zouboff, le peintre Lanskoï, chargé par le czar
d'une exploration artistique dans le Caucase. Zouboff jouera le
rôle de Clara: le travestissement lui avait déjà réussi en cer-
taine circonstance a la villa d'une comtesse, où il s'était ménagé
ses petites entrées, sous un déguisement de camériste. Il paraî-
trait même que le beau-frère de ladite comtesse, le général
Orsakoff, un rustre, un sauvage, bienqueprinceetgénéral,s'avisa
à cette époque et dans la même villa, de tomber amoureux de
la fausse soubrette, qui dut s'éclipser du château pour se sous-
traire à la passion du général ; c'était le premier amour de ce
tigre de Crimée, qui, jusque-là, avait ressenti un profond éloigne-
ment pour le beau sexe. Or, le farouche Orsakoff commande
précisément les troupes du Caucase, et le voici qui se présente
à la forteresse au moment où commencent les répétitions du
spectacle projeté, au moment où le lieutenant Zouboff vient d'en-
dosser tant bien que mal son costume de Circassienne. Le
général crie, tempête tout d'abord, il menace du knout, soldats,
officiers, mais tout à coup il reconnaît sa soubrette adorée,
la belle Frascovia. Alors, tout s'arrange, et le lieutenant se
donne pour la sœur d'Alexis Zouboff.
11 faut vous dire que, de son côté, le lieutenant s'est épris
d'une certaine Olga, jeune et riche héritière, nièce et pupille
d'Orsakoff, qu'il a connue en Crimée dans un château qu'elle
habitait avec une tante, et où il a été soigné comme blessé. —
La tante morte; Olga restée seule, est venue rejoindre son oncle,
qui compte la mettre au couvent jusqu'à la fin de la campagne.
En voyant la Circassienne, Olga lui trouve une ressemblance
frappante avec Alexis. Quoi d'étonnant ? C'est son frère. Et,
pour compliquer l'action, le général prie sa nièce de prendre
en qualité de clame de compagnie, Frascovia, qui n'a garde de
refuser ; mais les hasards de la guerre en disposent autrement :
Une bande de Circassiens envahit le fort et emmène Frascovia.
Celle-ci, ou plutôt celui-ci, est annexé au harem du sultan
Aboul-Kazim. De son côté, Olga, également prisonnière par la
trahison du guide chargé de la mener au couvent, charme parti-
culièrement les yeux d'Aboul-Kazim , qui ne la cédera pour
aucune rançon, et la nomme sa première sultane. Mais Olga et
Frascovia ont une nouvelle entrevue ; et là, notre fausse Circas-
sienne tombe aux pieds d'Olga, en lui avouant qu'elle n'est pas
la sœur d'Alexis, mais Alexis lui-même 1 Survient une petite
conjuration des femmes du harem, secondée fort à propos par
l'arrivée d'officiers et troupes russes, qui s'emparent du harem
et du bourg circassien.
Le troisième acte nous transporte à Moscou, dans le palais du
général Orsakoff. Celui-ci ne rêve qu'à Frascovia, qui a disparu
après la prise du harem. Le peintre Lanskoï, ami d'Alexis, a
inventé une lettre dans laquelle la Circassienne avoue au général
qu'elle ne l'a fui que par excès d'amour, et que, s'il ne lui fait
pas l'honneur de la prendre pour femme avant trois mois, elle
s'enfermera dans un couvent. Comme cette lettre ne parvient
au général qu'après six mois de date, celui-ci fait chercher le
couvent où Frascovia s'est retirée; et, en attendant, il comble
d'honneurs son futur beau-frère Alexis, le fait capitaine, aide-
de-camp, colonel, et consent même à lui accorder la main de sa
pupille Olga, à la condition expresse, qu'en retour, il consentira
lui-même à l'union du général avec la belle Frascovia.
A peine le premier de ces mariages est-il consommé, que, par
les soins de Lanskoï, une nouvelle lettre arrive au général :
« Votre silence me réduit au désespoir (écrit Frascovia); quand
« vous lirez ces lignes, j'aurai cessé de vivre, et pour preuve, je
« vous retourne l'anneau qui devait nous unir à jamais. »
— Au fait, il n'y avait d'autre moyen que la mort subite de
la Circassienne, pour tirer tout le monde d'embarras. Et comme
celle-ci est morte d'amour, la vanité du général Orsakoff est
au moins satisfaite: il a été aimé une fois en sa vie... et on ne
l'y reprendra plus.
* *
Autant qu'il est permis de le pressentir par cette très-inco-
lore esquisse de la pièce, le premier acte est le mieux rempli, le
plus incidente. Aussi, le musicien y a-t-il prodigué sa verve.
De la première à la dernière note, tout charme, tout séduit,
tout caresse l'oreille: soli, chœurs, orchestre, se marient à plai-
sir, se multiplient et pétillent à l'envi. On dirait un vrai bou-
quet de feu d'artifice.
Après l'ouverture, — quelque peu écourtée, — passons sur
l'introduction des buveurs et fumeurs à moitié gelés, et sur les
couplets du lieutenant :
0 ma maîtresse!
auxquels répond le brigadier Perrot,
0 ma bouteille!
pour arriver à l'entrée du peintre Lanskoï, qui projette tout
aussitôt la mise en répétition d'Adolphe et Clara. Il faut voir, il
faut entendre les militaires, s'épanchant clans un chœur de bra-
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
83
vos, qui a été acclamé d'enlhousiasme par le public. M. Scribe
l'avait bien prévu, en plaçant là ces paroles de circonstance :
Quel bon public que celui-là.
Sans nous arrêter à l'air héroïque du général Orsakoff !
Qu'on m'abhorre ! qu'on me déteste I
C'est mon plaisir, à moi !
Signalons le trio et la romance de la Circassienne :
Si vous m'aimez!
Nouvel Orphée, les tendres accents de Montaubry ne tardent
pas à attendrir le farouche Orsakoff :
Tant de charme et tant de grâce I
s'écrie le général dans un duo auquel succède le délicieux
quatuor qui nous vaut la première apparition de la belle
Olga:
Au milieu de la Circassie!
Avec quel charme et quel naturel Mlle Monrose exprime, en
chantant sur un rhylhme syllabique, sa surprise de trouver son
lieutenant Alexis sous le costume d'une Circassienne 1
Après ce quatuor, se développe un final aussi tempéré que
brûlant, aussi simple que complexe, tant la clarté, l'art des so-
norités, président à l'enchaînement des idées mélodiques et des
marches harmoniques.
Le second acte est plus tranquille : nous sommes dans le sérail
du chef circassien Aboul-Kazim, M. Troy, qui chante avec
rondeur et sonorité un air de basse d'une grande franchise de
rhythme.
Cet acte s'ouvre sur un chœur d'odalisques, en forme de
gracieuse et poétique introduction; — les dames rêvent pa-
rures nouvelles ; — puis, après l'air de basse déjà nommé, in-
tervient la Circassienne, qui chante et apaise le sérail par une
mélodie des plus- suaves. Ainsi que la Circassienne Fras-
covia, la belle Olga fait une seconde apparition ; — nouvelle
surprise, qui se traduit cette fois en un duo, sur lequel se
déroule la scène de la toilette. — Il y a ensuite conjuration des
femmes, et, enfin, rentrée de Lanskoï et du général, pour les
besoins du final de ce second acte, qui renferme, entre autres
jolis détails, les entrées et sorties vocales de l'eunuque Babel-
Boudour, M. Laget, qui avaient déjà singulièrement égayé le
final du premier acte.
Dans le second acte, j'ai omis le pas des Aimées, que M. Au-
ber fait danser sur un motif de valse emprunté à son ballet de
Marco Spada. La couleur locale laisse à désirer; mais le motif
est si gracieux et deviendra si populaire, que la cause est entendue.
— Arrivons au 3e acte :
M"e Monrose (Olga), en fait les honneurs. Elle est chez elle,
ou plutôt chez son oncle et tuteur. Il lui est donc permis de se
donner une ballade à vocalises, un grand air également fiori-
ture, et un duo d'amour avec Montaubry. Ce sont là des tours
de force que la prima donna assoluta impose le plus souvent au
compositeur. Quand la cantatrice est de force à magnétiser son
public, les auditeurs se laissent faire, et attendent galamment la
fin d'un air de bravoure, pour reprendre le fil de l'action; mais
lorsque le talent faillit à la tâche, il en résulte des longueurs
dont chacun souffre : auteurs, artistes et public.
Ceci ne s'applique pas absolument à Mlle Monrose; toutefois,
sans nuire aux gracieuses et déjà brillantes qualités de la char-
mante élève de Duprez , on peut craindre qu'il n'y ait point là
l'étoffe d'une Ciuti-Damoreau ou d'une Miolan-Carvalho. Cepen-
dant, réservons l'avenir et constatons que le présent ne laisse pas
que d'être des plus agréables. Mlle Monrose est d'ailleurs
éblouissante de grâce et de beauté sous ses trois riches costumes,
sans préjudice des qualités scéniques et vocales développées par
elle, notamment au premier acte, où son entrée a ravi specta-
teurs et auditeurs.
Montaubry, lui, s'est constamment tenu à la hauteur de son
rôle. S'il chante par trop dans la voix mixte et la voix de tête,
cela tient au personnage qu'il représente aux deux premiers actes.
Montaubry pose d'ailleurs si facilement pour le soprano, qu'on
se laisse aller au plaisir d'applaudir, tout en regrettant le ténor.
C'est un Téel succès pour lui que cette Circassienne, dont la
création lui fait le plus grand honneur sous tous les rapports.
Barrielle , le général Orsakof, n'a pas absolument satisfait
tout le monde. On a condamné son air au troisième acte ; c'est
le cas d'en rappeler. Aussi bien, il y a là un certain pas redoublé
dans la coulisse, — à la manière italienne, mais au cachet fran-
çais,— qui a séduit tout l'auditoire. On ne peut en dire autant
du chœur lointain des Fiançailles ; placé dans un acoustique
impossible, il n'a pu arriver jusqu'à la rampe.
Parlez-nous des couplets de Couderc, au troisième acte :
le peintre Lanskoï les dit en poète et en musicien; on ne perd
ni un mot, ni une note, ni la moindre intention du parolier
ou du compositeur. Aussi quel bis formidablet
Mmes Bousquet et Prost ne figurent qu'à l'état de dames du
sérail; donc, passons et arrivons à l'événement capital et final
de la soirée, le rappel spontané, unanime de M. Auber, dont
le nom était dans toutes les bouches.
Le succès était franc, l'assemblée émue, transportée; pour
tout autre, l'occasion eût été tentante. M. Auber s'est empressé
de la fuir, et il n'y a là de sa part qu'un nouvel acte de parfaite
convenance, de cette exquise modestie que chacun lui reconnaît.
Quelque temps avant la première représentation de la Cir-
cassienne, un ami surprit le cher maestro à son pupitre, plumes
et papier en main. Il écrivait tout simplement , sans le moindre
effort, les derniers feuillets de sa partition, et, loin de recevoir
le visiteur avec l'air contraint du génie qu'on sépare du feu
dévorant de l'inspiration, il le remercia de l'agréable repos que
sa conversation allait lui occasionner.
Celui-ci en profita pour complimenter le maestro de tout ce
qui se disait d'agréable à l'endroit de son nouvel opéra. —
Puisse-t-il l'être, nouveau,! lui répondit malicieusement le
maestro, avec le sourire d'un homme fort heureux d'avoir trouvé
le moyen d'échapper, avant la lettre, aux éloges que la Circas-
sienne devait si peu lui ménager après la première épreuve.
La vraie modestie est si naturelle à M. Auber, qu'il évite
instinctivement de se trouver dans la salle, au milieu des spec-
tateurs, le jour où l'on joue l'un de ses opéras, fût-ce à la trois
centième représentation. C'est à peine s'il paraît sur le théâtre, et,
quand il y a danger de rappel, il s'empresse de confier au régis-
seur le secret de la fugue la plus simple et du meilleur goût.
Chacun a pu en juger samedi dernier, lorsque M. Paliautia dû
dire, d'une voix sinon sonore, du moins convaincue : « Mes-
sieurs, Mesdames, j'ai le regret de vous annoncer que M. Auber
a quitté le théâtre. »
Le regret était du côté du public.
J.-L. Heugel.
84
LE MÉNESTREL.
THEATRE LYRIQUE.
Première représentation de Madame Grégoire , opéra-comique en trois
actes, paroles de MM. Scribe et Boisseaux , musique de M. Louis
Clapisson.
Une grande douleur, un deuil de famille, prive pour celte
fois le Théâtre-Lyrique de son chroniqueur habituel. Jules Lovy,
notre excellent ami , dont nous connaissons tous les qualités
pleines de cœur, vient d'être frappé bien cruellement. Qui de
nous n'a éprouvé cette immense douleur d'être séparé vio-
lemment de ceux qu'on aime ? Et quand la séparation nous
enlève pour toujours un père, une mère , c'est-à-dire ceux qui
ont entouré de soins toute notre enfance, qui nous ont défendu
contre les premiers brisans de la vie et nous ont fait ce que nous
sommes; quand, arrivé à la seconde période de l'existence, on
espère à son tour devenir le protecteur de qui nous a protégé,
et que ces têtes si chères , — si âgées qu'elles soient , —
échappent à notre amour, oh 1 alors, le désespoir saisit et
oppresse, et l'on se réveille meurtri de cette terrible épreuve
que les indifférents appellent la loi de nature.
Mon pauvre ami, permettez-moi de m'établir ici l'organe de
tous ceux qui vous aiment, — le nombre en est grand, — et
de vous assurer que votre deuil est le nôtre.
Ce devoir rempli, disons de suite à nos lecteurs que, séance
tenante, le Ménestrel nous a chargé de remplacer auprès d'eux
son rédacteur absent. Le remplacer, nous n'osons y prétendre;
aussi, nous bornerons-nous à vous transmettre, chers lecteurs,
nos impressions de la veille, écrites au courant de la plume,
aujourd'hui pour le lendemain, sans oublier, bien entendu,
de réclamer toute votre indulgence , absolument comme cela se
pratique au théâtre dans les occasions analogues.
*
* *
Avant toutes choses, il est juste de constater les efforts inces-
sants de la direction du Théâtre-Lyrique. Toujours sur la
brèche, M. Réty fait se succéder les nouveautés avec une infa-
tigable ardeur. La reprise du Val d'Andorre a été une preuve de
goût et d'intelligence. Il y a un mois , c'étaient les Pêcheurs de
Calcine; aujourd'hui voici la joyeuse Madame Grégoire présentée
par MM. Scribe et Clapisson. Nul doute qu'en cherchant ainsi
et en créant toujours, M. Réty ne trouve bientôt l'un de ces
succès qui font la fortune d'un théâtre. Peut-être pourrait-il
bien n'aller pas si loin pour cela , et la réussite de la première
soirée laisse espérer pour sa nouvelle pensionnaire les longs
jours que sa gaieté proverbiale lui promet. Rire, c'est vivre ;
et Mme Grégoire rit de la bonne manière.
Maintenant, voulez-vous savoir en deux mots ce que fait
Mme Grégoire, tout en riant ainsi? Elle conspire, ne vous déplaise.
Seulement, sa conspiration ne s'attaque qu'à Mme de Pompadour.
On parle d'une nouvelle favorite. Les courtisans ne savent de quel
côté va se lever le nouvel astre. Le lieutenant de police, entre
autres, finit par surprendre le nœud de la conspiration dans le
cabaret même de Mme Grégoire. Une femme masquée s'y trouve
ayant une lettre du roi, annonçant que son règne commence. Ce
brave baron d'Assonvillicrs , aussi aveugle dans ses propres
affaires que tous les lieutenants de police passés et futurs, s'atta-
che à la fortune de cette reine présumée, l'héberge chezlui, veut
à toute force la reconduire près du roi, tout cela sans s'aperce-
voir que c'est sa propre femme, qui, pour porter personnelle-
ment son refus, a été forcée de quitter la maison conjugale,
une nuit de mardi gras. Carnaval sert de prétexte à bien
des choses. Toute la famille du baron, qu'il a mise sous clef
avant de sortir, court la prétentaine; sa femme, pour lui rester
fidèle il est vrai; sa nièce Lucette, pour accompagner sa tante ;
son neveu Gaston, pour se consoler des dédains de sa cousine,
qui cependant l'aime en cachette. Tous ces personnages vont et
viennent, s'échappent de la maison, — grâce à Mme Grégoire,
filleule de la baronne et intime connaissance du secrétaire du
baron, — se retrouvent au cabaret du Vert-Galant, rentrent en
catimini au point du jour, et finissent par s'entendre parfaite-
ment après avoir frisé la Bastille, menacé la Pompadour, et, il
faut en convenir, amusé le public pendant trois actes; ce qui n'est
pas aussi facile qu'on pourrait le penser.
Mêlez à cela un grand seigneur amoureux de la baronne, qui
veille sur elle, et un soldat suisse amoureux de la cabaretière,
qui fait ses commissions en se desséchant de jalousie, et vous
aurez tous les éléments de cetimbroglio, qui a l'énorme avantage,
à mon avis, d'être du franc opéra comique, chose bien négligée
depuis quelque temps, et pour laquelle nos pères cependant
avaient un culte sincère.
La musique de M. Clapisson est aussi du véritable opéra
comique, et le premier acte est peut-être le plus riche de la par-
tition. Une mélodie franche, une instrumentation claire, facile
à saisir sans cependant négliger les recherches de l'art, distin-
guent cet ouvrage, et nous ont fait retrouver l'heureux auteur
de La Fanchonnelte. .
Citons, parmi les morceaux qui nous ont le plus impres-
sionné, l'ouverture, digne d'être remarquée pour son agréable
sonorité et sa couleur joyeuse sans vulgarité ; le grand air de
Mme d'Assonvilliers (Mlle Moreau); un très-joli trio, les couplets
de Mme Grégoire, où le refrain traditionnel arrive fort ingé-
nieusement, et enfin le sextuor du bonsoir, ravissant morceau
de facture.
Au second acte, nous sommes au cabaret : signalons un
chœur de masques; la ronde sur les paroles bien connues de
l'époque, Cotillon deux, Cotillon trois; les couplets tyroliens
du soldat, bissés; et un final, trop développé peut-être, mais
dont la péroraison, sur les motifs de l'ouverture, est des mieux
amenées.
Le troisième acte, assez court comme poëme et comme mu-
sique, n'offre guère de remarquable qu'un ravissant petit trio
en canon, charmant d'effet et d'arrangement. Le grand air de
Mme Grégoire, difficile d'interprétation, sans nous plaire beau-
coup, a cependant valu à Mlle Roziès une large salve d'applau-
dissements. Disons encore que cette jeune artiste a déployé dans
ce rôle de l'intelligence et de la verve. M1'0 Moreau joint
au charme de sa personne celui d'une voix remarquable d'éten-
due et de pureté. Elle nous a fait constater des progrès réels
qui méritent les plus chaleureux encouragements.
M"0 Faivre, MM. Wartel, Delaunay-Riquier, Fromant, Ga-
briel et Lesage, ont vaillamment coopéré à la réussite de l'ou-
vrage, lequel, espérons-le, fera durer sa nuit de mardi-gras bien
au delà du carême.
Paul Bernard.
Les premières représentations de la semaine nous obligent h
renvoyer au dimanche suivant, nos Tablettes du pianiste et du
chanteur consacrées à une notice biographique du virtuose
J. ScilULIIOFF.
MUSIQUE ET THEATRES.
85
SEMAINE THÉÂTRALE.
L'événement de la semaine , c'est l'exposition au Palais de
l'Industrie, des projets de concours pour la nouvelle salle de
l'Opéra, — exposition qui a déjà eu l'honneur de la visite de
Leurs Majestés.
Cent soixante-dix-sept projets ont été soumis au concours en
moins d'un mois. Il faudrait des années pour apprécier les dé-
fauts et les mérites de tous ces projets. C'est l'affaire du jury,
ainsi composé : M. Walewski, ministre d'État, MM. Caristie ,
Hittorff, De Gisors, Gilbert, H. Lebas, Lefuel et Duban, mem-
bres de l'Institut.
Cette commission supérieure fera bien de s'adjoindre une
sous-commission, non-seulement pour écarler les plans médio-
cres ou inexécutables , mais aussi pour apporter dans cet examen
les lumières pratiques d'un directeur aussi intelligent et aussi
versé à l'endroit des exigences de la scène, que M. Alphonse
Royer, par exemple. Il nous semble de plus qu'un musicien
comme Berlioz, un chanteur comme Dupiez, et bien d'autres
notabilités dans chaque spécialité, n'eussent pas été de trop
pour mener à bien les travaux d'une pareille commission; car,
en définitive , le monument n'est pas la seule chose à consi-
dérer dans la construction d'une nouvelle salle de l'Opéra.
C'est un avis que nous soumettons humblement à qui de droit.
A propos de nouvelle salle, il serait aussi question d'élever
un petit théâtre au palais des Tuileries, pour les petits ouvrages,
entre autres ceux des Bouffes-Parisiens. M. Siraudin serait dé-
signé comme l'heureux directeur de cette bonbonnière musicale
ornée de peintures à la "Watleau.
Mais revenons à I'Opéra livré aux mains de M. Richard
Wagner, qui a consenti à remanier quelques parties de son
Tannhauser. Ainsi l'ouverture se relie à l'introduction du pre-
mier acte, et le musicien intercale à cet endroit même des motifs
nouveaux pour une scène à spectacle, où le corps de ballet pa-
raîtra, mais seulement pour former des groupes et prendre des
poses. Tout le premier tableau est refait dans de plus grandes
proportions, et le rôle de Niemann s'en trouve largement aug-
menté. — Après le Tannhauser, c'est Gounod qui entrera en
répétitions. Les deux écoles opposées seront en présence, ou tout
au moins se succéderont à courte échéance.
Le Tiiéatre-Italien vient de reprendre Don Juan, qui avait
été retardé par une indisposition de Zuchini. Ce chef-d'œuvre,
où Mozart a déposé toutes les merveilles de son génie, a le rare
privilège d'attirer la foule ; et cependant , depuis bien des
années, l'exécution de ce magnifique ouvrage est loin de ré-
pondre à l'attente des véritables dilettanti. Sous ce rapport, la
représentation de jeudi dernier n'a pas été une exception , bien
queMmePenco, — plus particulièrement, — et Mllc Battu,
dans les rôles de donna Anna et de Zerlina, aient mérité et
obtenu de justes applaudissements. Quant à M"° Dalmondi
(donna Elvira), sa voix nous a paru un peu fatiguée; faut-il
attribuer cette fatigue à l'émotion d'un premier début ? Nous
le désirons. Mario a été gracieux, élégant, plein de séductions,
dans Don Juan , rôle qui n'est point écrit pour sa voix ,
comme chacun sait. Gardoni a été convenable, et Zuchini (Le-
porello) fort amusant. — Le trio des Masques a été bissé,
comme toujours. — Quelle musique que celle de Don Juan ! Ce
n'est pourtant que de la musique du passé. — Aujourd'hui
dimanche, la Ccnercntola, avec MIle Alboni.
A I'OpéraComique, le succès de la Circassienne n'a fait que
grandir aux soirées suivantes. (Pour la première représentation,
voir notre compte rendu). — M. de Saint-Georges a lu aux ar-
tistes le livret de Maître Claude , opéra-comique en un acte ,
dont les études vont commencer immédiatement. La musique
en est confiée à M. Jules Cohen, qui dirige la classe d'ensemble
au Conservatoire, et s'est déjà fait connaître au théâtre par ses
beaux chœurs ÏÏAlhalie exécutés au Théâtre-Français, et par
diverses cantates très-remarquées à l'Opéra et à I'Opéra-Co-
mique. — Les interprètes de Maître Claude seront : M"e Ma-
rimon, Mlle Angèle Cordier, MM. Berthelier, Troy et Gourdin,
premier prix d'opéra-comique au Conservatoire, qui fera ses
débuts dans cet ouvrage.
Le Théâtre-Lyrique a changé le titre provisoire de l'opéra
de M. Clapisson, en celui définitif de Madame Grégoire. La
première représentation s'en est effectuée avant-hier vendredi
(voir notre article). Il est maintenant question d'un certain
nombre de représentations de Mme Miolan-Carvalho avant son
départ pour Londres, ce qui n'empêcherait pas la reprise de
Gil Blas par M11» Girard-.
Le Théatre-Fra.nçais va reprendre le Bourgeois gentil-
homme avec des intermèdes de chant, que M. Pasdeloup fait
répéter en ce moment aux élèves du Conservatoire. Dimanche,
on a repris M. de Pourceaugnac avec moins d'éclat, c'est-à-dire
moins le ballet mêlé de danse et de chant. La double verve
d'Augustino Brohan et de Got, dans le personnage principal,
tient lieu de tout et suffit au succès. Les autres interprètes sont
Monrose, Maubant, Garraud, E. Provost, Jouanni, Coquelin
et Mmc Bon val.
S. M. l'Empereur a honoré de sa présence la 34e représen-
tation des Femmes fortes, au Vaudeville. On remarque de
l'élévation dans les recettes de cette spirituelle satire des mœurs
américaines, depuis le discours du R. P. Lacordaire à l'Aca-
démie. — Hier samedi, le Vaudeville a représenté sa pièce de
carnaval signée Albert Monnier et Edouard Martin.
La pièce carnavalesque du Palais-Royal , ta Mariée de
Mardi-Gras, do MM. Grange et Lambert Thiboust, a tenu ses
promesses. Grand succès pour Brasseur, Hyacinthe, Gil Pérès
et MUe Schneider, qui chante le couplet à la façon de Déjazet.
Aux Variétés, une jeune comédienne, Mlle Marie Basta ,
vient d'être engagée par M. Hip. Cogniard, à la suite d'un bril-
lant début dans la revue de l'année. M"e Basta est venue rem-
placer, au pied levé, M"e Judith- Ferreyra, indisposée, et elle
s'est tirée de cette tâche avec un rare bonheur, en chantant
les jolis couplets de son rôle avec une voix fraîche, beaucoup
de goût et pas mal d'esprit.
Signalons, pour clore cette semaine théâtrale, la nouveauté
de la Gaîté : Us Trente-deux duels de Jean Gigon, dont le
sujet a été emprunté , par Ferdinand Dugué, à l'ouvrage de
M. Antoine Gaudon. C'est tout une pièce militaire, qui reve-
nait de droit au théâtre impérial du Cirque.
J.-L. Heugel.
86
LE MÉNESTREL.
NOUVELLES DIVERSES.
— Le lendemain du grand succès de la Circussienne, dimanche dernier,
M. Auber a fait exécuter pour la seconde fois, à la chapelle de S. M. l'Em-
pereur, son 0 Salutaris, morceau de musique sacrée, dans lequel on re-
trouve tout le charme et toute l'élévation de style que nous avions admirés
la veille dans sa musique profane. Le talent du jeune violoniste Sara-
sate se révèle sons un nouveau jour dans l'interprétation de cette œuvre :
justesse et pureté de son, égalité et fini des trilles, largeur de style,
font apprécier tout le mérite de cette page, où la voix se marie de la ma-
nière la plus heureuse au violon, et donne à M"e Pannetrat l'occasion de
produire toute la sûreté de sa vocalisation. Un délicieux accompagnement
d'orgue et de harpe complète cet heureux ensemble.
— Mario et Mme Grisi ont contracté un nouvel engagement avec Lon-
dres pour la prochaine saison, mais, cette fois, dit-on, pour le théâtre
de Sa Majesté.
— On annonce l'engagement de Mlle Emma Livry par M. Gye pour la
prochaine saison de Londres. Le Papillon servirait d'illustration à la
sylphide parisienne sur la scène de Covent-Garden.
— Mme Cabel, avant de se rendre à Saint-Pétersbourg, s'est fait enten-
dre au théâtre royal de Berlin, qui nous a rendu Mlle Brunetti par le même
courrier. On nous annonce aussi le retour de M110 Trebelli, mais seule-
ment pour le mois prochain. M. Calzado aurait engagé cette nouvelle
étoile.
— Nous lisons dans une correspondance de Stuttgart : « Enfin la voilà
terminée, notre salle de concert du Palais-Royal, ce magnifique bâtiment
que le roi a fait construire par notre célèbre architecte Leins, à qui la
ville doit déjà tant de belles choses, entre autres la villa du prince royal,
véritable chef-d'œuvre unanimement reconnu comme tel par tout le
monde. Hier, on y a donné le premier concert d'abonnement, auquel le roi
et toute la cour ont assisté. Chacun a été frappé de la beauté architectu-
rale, de la pureté de style des décorations et de la magnificence de l'éclai-
rage ; mais on était curieux de voir si le but réel avait été atteint sous le
rapport de l'acoustique. On craignait que la grandeur de la salle, et sur-
tout la manière dont l'orchestre aété disposé, ne nuisissent à l'effet. Tout au
contraire, l'effet a été immense, merveilleux même dans un morceau à
huit voix, avec accompagnement d'orchestre. »
— A la Seala de Milan on répète en ce moment un nouvel opéra du
maestro Péri. Cette partition, intitulée : l'Espiazone, sera interprétée par
Mme Borghi-Mamo, MM. Tiberini et Beneventano.
— Le Conservatoire de Bruxelles vient d'inaugurer la Salle du Palais de
la rue Ducale par un grand concert et par la distribution des prix aux lau-
réats de 1860.
— Franz Listz est à Paris.
• — MmeMiolanCarvalho, de retour de Bordeaux, n'a fait que poser la voix
à Paris. D'autres triomphes l'attendent dans nos villes départementales,
qui se disputent l'honneur de sa présence.
— Encore un accident causé par les lumières de la rampe de nos
théâtres. Dans une représentation du Caïd, à Caen, la robe de Mme Ugalde
a pris feu. On est heureusement parvenu à l'éteindre à temps ; mais de
pareils faits devraient amener des prescriptions sévères. Il est un moyen
bien simple d'isoler les rampes de théâtres ; pourquoi ne l'imposerait-on
pas d'une manière absolue dans les départements comme à Paris?
— Les journaux de Nantes et Angers félicitent la Société des Beaux-
Arts et le Cercle philharmonique de leur avoir donné l'occasion d'ap-
plaudir Mlle Marie Mira, M. Sainte-Foy et M. Biéval, dans les deux jolies
opérettes de MM. J.-B. Wekerlin et Paul Bernard : l'Amour à l'épée et
Loin du bruit, paroles de M. Galoppe d'Onquaire. C'est une variété de
genre qui a bien son charme pour nos sociétés philharmoniques.
— M. et Mme Tagliafico, engagés pour deux concerts à Besançon, en
compagnie du pianiste Browner, sont de retour à Paris. Ces trois artistes,
dit la Franche-Comté, ont obtenu les plus chaleureux bravos.
— M1'8 François a été appelée à Troyes, en compagnie de Félix Gode-
froid, avec qui elle a eu les honneurs de partager les applaudissements.
Le public a pu juger des progrès réalisés par cette remarquable élève de
Piermarini, qui devient tout une bonne fortune pour nos sociétés phil-
harmoniques.
— Les concerts ont devancé le carême, et déjà il devient difficile d'en
rendre compte. Nous faisons amende honorable pour tous les programmes
oubliés, en nous excusant sur le peu de place laissé à notre disposition
par les premières représentations. Mlle Marie Darjou la première nous
pardonnera de ne pouvoir enregistrer que sommairement sa belle séance
salle Herz. Mcndelssotin, Chopin et Prudent ont trouvé en elle une vail-
lante interprète, tout comme Beethoven dans M. Reiehardt , un chanteur
qui comprend l'élévation de style d' Adélaïde.
— M. Nollet nous pardonnera aussi de ne pouvoir nous étendre sur
l'audition de ses études de style, salon Érard. Nous nous bornerons, avec
notre confrère du Messager des Théâtres, à souhaiter à ses études de plaire
autant sous les doigts des élèves que sous ceux de l'auteur, qui les a dites
avec un grand charme et une parfaite entente de l'instrument. Réussir à
intéresser le public avec un ouvrage d'enseignement est un résultat peu
commun de nos jours, et qui fait le plus grand honneur à M. Nollet.
— Le second concert de la Société philharmonique d'Amiens a eu lieu
mercredi dernier, dans la salle de spectacle, avec le concours de M1,e Ba-
retti, première chanteuse au Théâtre-Lyrique ; de MM. Hollebèke, pre-
mier trombone au Casino ; Printz, premier saxophone à l'Opéra, et Gar-
nier, violoniste. Indépendamment des morceaux chantés ou exécutés par
ces artistes distingués, l'orchestre de la Société a fait entendre la Polo-
naise de Struensée, de Meyerbeer, et l'ouverture de la Gazza-Ladra, de
Rossini. Le concert de bienfaisance, donné quelques jours avant par le
57e de ligne, a produit net 1,699 fr. 05 c, qui ont été répartis entre les
divers établissements hospitaliers de notre ville. On le voit, les concerts
ont parfois du bon.
— Nous empruntons à Y Observateur d'Avesnes cet extrait de tout un
feuilleton spécial : « La ville de Landrecies conservera longtemps le sou-
venir de la solennité qui s'est accomplie mardi dernier dans son église,
à l'occasion de l'inauguration de son nouvel orgue. Ce bel instru-
ment, destiné à animer , pendant de longues années sans doute, les
voûtes de l'église dans laquelle il vient de faire son apparition, offre un
aspect monumental, du caractère architectural le plus imposant... Sous les
doigts de M. Ed. Batiste, organiste de Saint-Eustache, le clavier s'est bien-
tôt animé ; une ardente prière porte au delà des airs avec la cloche d'ai-
rain, vers l'empirée de Dieu, cet hosanna sans fin, le Sursum Corda, qui
de tous les temples chrétiens s'élève incessamment de la terre au ciel... I
« MM. Comtesse, Monchicourt, Damasse, ont ensuite rivalisé de zèle
et déployé chacun les ressources de leurs voix flexibles.
« La musique de la ville a exécuté, sous la direction de son chef,
M. Péchies, plusieurs morceaux.
« Il était midi et demi lorsque M. Batiste a terminé cette fête de l'inau-
guration de l'orgue par la marche-symphonie de. Mendelsshon. A la der-
nière note qui résonne, l'assistance se lève et quitte l'église vivement
impressionnée. »
— M. Missler, compositeur et professeur de musique, vient de recevoir
de son souverain, S. A. R. le grand duc de Saxe, la décoration du Mérite.
— Neuville, l'artiste amateur par excellence, qu'on a longtemps applaudi
aux Variétés et au Vaudeville, est revenu de Russie, où il était allé faire
sa petite moisson de roubles et de bravos.
— Mme Stéphanie Fraissinet, auteurde plusieurs recueils de poésies, et
que nous avons vue, il y a quelques années, soutenir des luttes d'improvi-
sation avec Eugène de Pradel, vient de mourir dans un âge peu avancé.
— Un des biographes de Gluck, Antoine Schmid, avait dit que la parti-
lion de l'opéra Erio était perdue. D'après le nouveau biographe du célèbre
compositeur, Chrysander, cette partition se trouverait complète à la biblio-
thèque du British Muséum, à Londres.
— M. Lapret, l'habile violoniste, a donné un intéressant concert, dont
il a fait dignement les honneurs. Près de lui se sont fait particulièrement
distinguer notre gracieux pianiste Kruger, Mlle Cornet, cantatrice alle-
mande, et le baryton Marochetti.
— Au nombre des jolis morceaux inspirés à nos pianistes-compositeurs
par la magistrale partition de Sémiramis, nous mentionnerons la belle
marche transcrite pour piano à quatre mains par M. S. Ponce de Léon. Ce
morceau, court et simple, s'adresse aux jeunes pianistes de moyenne
force.
— C'est l'éditeur Colombier qui est resté l'acquéreur définitif de la
Circassienne, de MM. Auber et Scribe, moyennant le prix de quinze mille
francs. Il y avait surenchère.
NOUVELLES ET ANNONCES.
87
SOIRÉES ET CONCERTS
— Malgré le brouillard de dimanche dernier, qui retenait en cage les
gosiers délicats de Mme3 Miolan-Carvalho et Duprez-Vandenheuvel, le
programme de la soirée musicale de M. et Mrac Crémieux s'est encore
trouvé splendide. Mme Viardot-Garcia n'a pas craint d'affronter la brunie,
grâce au talisman d'Orphée. Elle a dit aussi, avec Gardoni, le duetto du
Trovatore, et, seule, ses incomparables chansons espagnoles. Gardoni a
chanté une romance d'Alary et la valse de Rigoletto. Dnprez, son fils et
le ténor Lefrane, ont dit la fameuse scène des Trois ténors , et le fils
Duprez un air du Mariage secret. M. Perelli tenait le piano solo , et
M. Amédée Vandenheuvel le piano d'accompagnement. On le voit, nous
avions raison de le dire, c'était encore un splendide programme.
— La troisième soirée de M. Félix Godefroid, dimanche dernier, a été
digne des précédentes. M11» Joséphine Martin a fait applaudir plusieurs
compositions de piano du célèbre harpiste, qui s'est ensuite fait entendre
en personne. Dans la partie vocale on a remarqué la romance de Marta,
chantée par M. Dufrène de l'Opéra, et le Plaisir d'amour, de Martini,
interprété avec autant d'âme que de style par Mme Iweins-d'Hennin.
Godefroid accompagnait de sa harpe : on a bissé. Mme Iweins, qui a
aussi chanté d'une manière charmante le Nid abandonné, de Nadaud ,
s'est encore fait applaudir , comme professeur : son élève, Mlle Valen-
tine Breus , a dit très-agréablement l'air des Mousquetaires et l'Ange
exilé, de Félix Godefroid.
— M. et Mmc Charles Sebault ont inauguré leurs salons par un proverbe
et un opéra-comique de Mme Sebault (Pauline Thys), sous les titres déjà
réputés : la Perruque du bailli et Quand Dieu est dans le mariage, Dieu
le garde. Mrae Gaveaux-Sabatier et M. Lourdel chantaient l'opéra, M. et
MmeLyon le proverbe. Les entr'actes étaient défrayés par Mme Pauline
Thys, qui a fait entendre ses charmantes fables de La Fontaine, la France
et Tes vingt ans. M. Jules Leforta été bissé dans la Sirène, autre compo-
sition de la spirituelle et aimable maîtresse de maison, qui a fait, sous
tous les rapports, les honneurs de sa soirée avec une grâce parfaite. Il y
avait brillante assemblée, et les bravos, les bis, n'ont cessé de se multi-
plier du premier au dernier morceau.
— Les bals costumés du monde ont fait diversion aux soirées musicales
de la semaine. On n'en citait pas moins de trois, qui ont révolutionné
Paris sur toute la ligne. Les salons de Mme Benazet, ceux de M. et
Mme Peigné et des libraires Goupil en étaient les théâtres animés.
— Les symphonies en fa de Beethoven, trois fragments des Saisons,
de J. Haydn ; l'ouverture du Vampire, deMarchner, et celle de la Muette,
d'Auber, — les contrastes, — la scène des fiançailles de Lohengrin, de
Richard Wagner, tels étaient les éléments substantiels du second concert
de la Société des jeunes artistes. Il y en a eu pour tous les appétits;
et la séance a été des plus chaudes. L'archet de M. Bazzini , comme
violoniste , ne pouvait contribuer à refroidir le public ; aussi peut-on
affirmer que M. Pasdeloup, cette fois , a triomphé sur toute la ligne.
Dimanche prochain, troisième concert.
— La deuxième séance de musique instrumentale, donnée à la salle
Pleyelpar MM.Maurin, Chevillard, Viguier, Sabatier et Ritter, a été non
moins remarquable que la précédente. M. Ritter a fait ressortir toutes les
parties de la fugue de Beethoven avec une clarté saisissante. L'archet de
Maurin s'est montré merveilleux dans le quatuor en ut de Beethoven, et
l'allégro fugué qui termine cette admirable composition a été enlevé par
les quatre instrumentistes avec une netteté et une chaleur qui ont ravi
l'auditoire.
— SI. Bergson a organisé une soirée dans le but de faire entendre au
public parisien M. Nabich, qui possède un talent prodigieux sur le trom-
bone. Cet artiste a interprété l'Éloge des larmes, de Schubert; l'air de la
Somnambula et la Romance de la « Bohemian Girl » de Balfe , avec
une expression et une grande suavité. Il chante sur son instrument
comme la voix humaine seule pourrait le faire, et se joue des difficultés
avec une aisance et une maestria extraordinaires. Depuis le contrebassiste
Bottesini, on n'a rien entendu de pareil, et le trombone de M. Nabich
nous paraît destiné à faire sensation dans les concerts. — La partie vocale
de cette soirée a été remplie par Mrae Mancel, très-agréable cantatrice, et
M. Lucehesi, ténor. Ils ont interprété le grand duo des Masnadieri, de
Verdi, et plusieurs autres morceaux. M. Marochetti a en outre très-bien
dit l'air de la Traviata et celui du Chasseur du Pardon de Ploërmel.
Dans les intervalles, M. Bergson a fait entendre ses dernières publications
pour piano : la Sicilienne, Consolation (rêverie), et la Danse havannaise.
— Le violoncelliste Ernest Nalhan, aux soirées qu'il donne chez lui et
dans les salons de M. Marmonlel , vient de faire applaudir plusieurs de ses
nouvelles productions, dont un duo concertant composé sur Marta en col-
laboration du pianiste Le Somma, nous parait destiné à un grand succès
de concert.
— La première des trois séances de musique de chambre données par
MM. Georges Pfeiffer et Julien Sauzay, avec le concours de MM. Fran-
chomme et Mas, aura lieu le lundi 18 février, à huit heures du soir, sa-
lons Pleyel, Wolf et compagnie, rue Rochechouarl, 22.
— J. Schulhoff annonce un deuxième concert , salle Pleyel , pour jeudi
prochain 14 février.
— Joseph Wieniawski annonce aussi un deuxième concert, salle Pleyel,
pour le jeudi 21 février, avec le concours de Mme Mancel, de MM. Géraldi
et Lebouc. M. Wieniawski fera entendre, entr'autres morceaux de sa com-
position, sa sonate en si mineur, une fugue de Hœndel et le nocturne en
fa dièze majeur de Chopin.
— Une curieuse solennité musicale a lieu aujourd'hui dimanche, à la
salle Herz : C'est le concours harmonique annuel de M. de Bombes, dont
le programme annonce plusieurs fugues et divers fragments de cantates
et d'opérettes, composés et orchestrés par des élèves de neuf mois seule-
ment de leçons. L'exécution est confiée à des artistes de premier ordre ;
mais le programme ne dit pas si le terme des neuf mois est obligatoire
pour l'éclosion complète des élèves.
— Les bals de l'Opéra arrivent à la fin de leur saison, avec une recru-
descence de succès encore inconnue. Aussi l'orchestre de Strauss sem-
ble-t-il improviser les quadrilles sur les nouveautés du jour. Comment
s'expliquer autrement l'exécution du quadrille la Circassienne, au bal
d'hier samedi ? N'en a-t-il pas été de même pour la valse et le quadrille
du Papillon , les quadrilles de Fortunio et de Barkouf?
— M. Laurent aîné, l'un des chefs d'orchestre du Jardin d'Hiver, a eu
l'idée de transplanter à l'hôtel du Louvre les délicieux bals d'enfants qui
se donnaient naguère dans l'Eldorado si regretté des Champs-Elysées.
Demain lundi-gras, la salle des fêtes de l'hôtel du Louvre s'ouvrira donc
aux familles et aux enfants parés et travestis qui ne peuvent manquer de
se rendre à l'appel de M. Laurent.
— Ce même lundi-gras, le Casino, — qui, lui aussi, donne, le jour, un
bal d'enfants, — annonce pour le soir, à minuit, une fête parée et tra-
vestie, par souscription, à laquelle sont invités tous nos artistes de théâ-
tres. Arban conduira l'orchestre.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frères, rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
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4. Finale de la lrc symphonie en sol 7 50
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5. Sonate en sol mineur, op. 49, n" 1 7 50
(i. Sonate en sol, op. 49, n° 2 7 50
7. Allegro de la sonate en la, op. 12, n" 2. . 7 50
8. Allegro de la sonate en fa, op. 17 7 50
MOZART
9. Allegro de la sonate facile 5
10. Andante de la sonate d° 5
11. Finale de la sonate d° 5
12. Marche turque 5
753. — 28e Année.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche M Février
1861.
T"fcT.5~m
TREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'en chef.
LES BUREAUX , S bis, rne Vivienne. — HEUGEL et C>% éditeurs.
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Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 1069.
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. L'opéra-comique, ses compositeurs, ses chanteurs et ses divers théâtres:
compositeurs de la Piépublique et du premier Empire : Boieldieu (255 article).
L. Meneau. — II. Semaine théâtrale. J.-L. Heugel. — 111. Tablettes du pia-
niste et du chanteur : J. Schulhoff, notice biographique , deuxième concert.
J.-L. Heugel. — IV. Troisième conotrtdu Conservatoire. Ed. Viel. — V. Nécro-
logie. — VI. Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
MUSIQUE DE CHANT :
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
LA CHANSON DU CHIEN ,
Chantée dans Barkouf, parMlle Marimon, paroles de MM. Scribe et Bois-
seaux, musique de J. Offenbach. — Suivra immédiatement après :
Adieu les Fées, paroles d'ARMAND Liorat, musique d'HENRi Potier.
PIAiNO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano , le quadrille de
FORTUNIO,
Le grand succès des Bouffes-Parisiens , composé par Strauss pour les
bals de la Cour et de l'Opéra. — Suivra immédiatement après, Juana,
polka-mazurka de Pu. Stutz.
L'OPÊR A -COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
COMPOSITEURS
DE LA RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER. EMPIRE.
CHAPITRE VIII.
XXV.
BoÏELDIEU.
Boieldieu I... A ce nom, les vieux habitués de l'orchestre delà
salle Favart, comme ceux de nos théâtres des quatre-vingt-dix dé-
partements, fredonnent en souriant les refrains de bonne humeur
de Jean de Paris, du Nouveau seigneur, de la Fête au village, de
la Dame blanche. Celui-ci entonne, en entrant dans la salle à man-
ger : Qu'on me serve le dîner! Cet autre, endossant son uniforme
d'officier de la garde nationale, s'écrie : Pour un jour, je serai
maître. . . Un souvenir de jeunesse rappelle à celui-là la romance :
Simple, innocente eljolielte; enfin, n'entendez-vous pas le sol-
dat, le touriste se chanter à eux-mêmes : Ah ! quelplaisir d'être
soldai 1 Quel plaisir d'être en voyage! ou encore l'un et l'autre
s'endormir près du feu, le soufflet de George Brown à la main,
en murmurant : Viens, gentille dame /...
Boieldieu, c'est le compositeur français dans toute l'acception
du mot: on retrouve dans ses partitions celte facilité, cette fran-
chise d'allure, qui plaisaient tant à nos aînés. Il sut modifier son
genre selon les exigences du moment ; aussi pourrait-on presque
dire que, comme Beethoven, il eut ses trois styles.
L'homme de talent, au début de sa carrière, a dans son esprit
le germe de sa troisième manière, c'est-à-dire de la forme la
plus parfaite de son génie : au début, il suit les errements du
maîlre qu'il a pris pour type ; il le copie en y mêlant timide-
ment quelques-unes de ses inspirations personnelles. Dans son
second style, le génie se recueille en lui-même, c'est l'époque où
il produit le moins; il cherche sa voie : ce qu'il écrit est déjà
plus ferme, plus en dehors des sentiers battus; — il n'est pas en-
core cependant complètement dégagé de ses entraves, mais on
pressent ce qu'il deviendra. C'est ainsi que la rentrée du cor en
mi bémol dans l'allégro de la sj'mphonie héroïque : mi, sol, mi,
si, mi, sol, si. .. sur le trémolo si, la des violons, fait pressen-
tir les originalités des derniers quatuors de Beethoven. — Dans
le troisième style, le génie vole de ses propres ailes : le papillon
s'est débarrassé de sa chrysalide ; il a des couleurs qui lui sont
particulières, il plane au-dessus de ses rivaux et la foule l'ad-
mire, — mais non sans le discuter parfois. Cette dernière re-
marque ne saurait en aucune façon s'attacher à Boieldieu, qui fut
le musicien de son époque le mieux compris et le plus admiré de
ses contemporains.
90
LE MÉNESTREL
On dit que les peuples heureux n'ont point d'histoire ; cette
maxime peut s'appliquer à la biographie de l'auteur de la Dame
blanche .
François-Adrien Boïeldieu naquit dans la patrie de Cor-
neille, à Rouen, le 15 décembre 1775.
Il prit des leçons d'harmonie d'un organiste de cette ville,
qui, à ce que raconte Ad. Adam, avait encore plus de goût
pour la dive bouteille que pour la musique. La première œuvre
importante de Boïeldieu fut un opéra-comique joué à Rouen.
Le jeune auteur, fier de l'encouragement de ses compatriotes,
se rendit à Paris, comptant y faire exécuter ses compositions ;
mais les Parisiens ne tiennent que très-peu compte des applau-
dissements de la province. Il trouva donc les portes des théâtres
de musique fermées pour lui, et, afin de subvenir à son exis-
tence, il dut se faire accordeur de pianos, ce qui lui procura
l'entrée de la maison Érard. Il s'y fit connaître comme com-
positeur de romances, et lia connaissance avec Méhul et Chéru-
bini, dont il reçut d'excellents conseils. 11 parvint ainsi à inspi-
rer assez de confiance pour obtenir de Fiévée la Dot deSuzetle,
un acte qui fut représenté avec succès au Théâtre-Feydeau en
1795. A ce premier essai succédèrent : la Famille Suisse, 1796:
Monbreuil et Merville, 1797; V Heureuse nouvelle, pièce de
circonstance, composée après le traité de Campo-Formio. A cette
même époque, la représentation d'un opéra de Méhul ayant subi
du retard, le Théâtre-Feydeau consentit, pour faire attendre le
public, à monter Zoraïme et Zulnar, partition queBoïeldieu avait
écrite peu de temps après son arrivée à Paris et qu'on n'avait
point encore voulu jouer. Les mélodies agréables, semées à pleines
mains par le jeune compositeur dans les trois actes de ce
drame, plurent aux auditeurs, qui n'étaient peut-être point
fâchés de se reposer des œuvres sérieuses que donnaient alors
Méhul-, Chérubini et Berton.
En 1798, il fit jouer les Méprises espagnoles; en 1800.
Beniowski, qui marqua un progrès sérieux chez l'auteur. 11 y
avait, dans cet opéra, des chœurs traités de main de maitre; on
applaudit aussi un air plein de sentiment :
De l'amitié daigne entendre la voix.
La pièce, cependant, n'eut pas, dans les premiers temps, l'a
réussite qu'elle obtint lorsqu'on la reprit une vingtaine d'années
plus tard. Boïeldieu donna en 1800 le Calife de Bagdad, un
acte reçu avec enthousiasme, dont l'ouverture est restée célèbre.
11 avait écrit cette pièce au milieu de ses élèves de piano au
Conservatoire, soumettant à leur critique ce qu'il composait
sous leurs yeux.
Le succès du Calife ne l'aveugla pas ; il sentit au contraire
qu'il pouvait faire mieux et songea à soigner davantage son
orchestration, ce à quoi il parvint, grâce aux conseils de Chéru-
bini. Le fruit de ses études fut la transformation de son style et
l'inauguration de sa seconde manière par Ma Tante Aurore,
charmant opéra, d'abord en trois actes, qui ne réussit point du
premier coup ; le libretto de Longcbamps nuisit à la pièce; le
dernier acte surtout était d'une platitude peu commune; les
auteurs le retranchèrent, et la pièce y gagna beaucoup.
On venait' applaudir plusieurs jolis morceaux : un quatuor
bien mieux traité que ce que l'auteur avait fait jusqu'alors, le joli
duo bouffe que chantaient Julliet et Mmc Gonlhier : Quoi ! vous
avez connu V amour!... Et les couplets : Non, ma nièce, vous
n'aimez pas. ■ . .
En avril 1803, Boïeldieu se rendit en Russie, où il obtint de
l'Empereur le titre de maître de chapelle. Il était convenu qu'il
composerait, pour les théâtres impériaux de Saint-Pétersbourg,
trois opéras-comiques par an; leczar devait lui fournir leslibretti:
mais, comme cet'.e clause était difficile à remplir, Boïeldieu mit
en musique des vaudevilles français, qu'il arrangeait en opéras-
comiques; parfois même il écrivit de la nouvelle musique sur
des opéras qui avaient déjà paru en France, tels que : Aline,
reine de Golconde , Télémaque dans Vile de Calypso, elc.
Après une absence de huit années, Boïeldieu revint à Paris
et chercha à faire représenter ses pièces russes : la seule qui
réussit fut celle des Voilures versées , paroles de Dupaty, —
complètement retouchée pour le public parisien. On connaît
l'air devenu classique : Apollon toujours préside. ... ; le duo :
Partons pour ce charmant voyage. . .; les variations sur : Au
clair de la lune ( 0 liclo momenlo ) .' et le remarquable sex-
tuor : Les belles clioses que voilà! . . .
A son retour de Russie, comme je l'ai dit plus haut, Boïeldieu
trouva Nicolo en possession de la faveur du public de Feydeau,
et vint la lui ravir par des partitions telles que le Nouveau Sei-
gneur, la Fête au village voisin, qui furent le commencement de
sa troisième manière, dont la Dame Blanche est la plus complète
expression .
Il fut secondé par les étoiles du Théâtre-Feydeau : Martin,
Elleviou, Julliet, Mrae Gavaudan, M"e Regnault, la rivale de
Mme Duret, qui créait plus particulièrement les opéras de Nicolo.
Jean de Paris, qu'il avait écrit depuis son retour en France,
fut représenté pour la première fois le 4 avril 1812. Parmi les
bons morceaux de la partition, on doit citer l'air chanlé par
Mlle Regnault : Quel plaisir d'être en voyage ! . . . que Boïel-
dieu avait, tiré de Calypso, une de ses partitions russes; l'air de
Martin : Qu'à mes ordres ici. ... et le duo : L'époux que je
choisis est jeune.
En 1813 parut le Nouveau Seigneur de village, un acte que
tout le monde connaît et qui se joue bien souvent de nos jours.
Ce fut encore un triomphe pour Martin. On sait combien tous
les motifs de cette petite partition brillent par la facilité et la
grâce des mélodies.
Boïeldieu, après plusieurs autres collaborations, fit représenler
la Fête au village voisin, dont la musique eut tous les hon-
neurs. Ou entendit avec plaisir dans le premier acte le boléro :
Profitez de la vie. . . ; le rondo : La gaîlé sied à notre âge;
le trio final : Justine, Perrette, qu'entends- je! Dans le second
acte, le quintette : Ne craignez rien, laissez-moi faire; dans
le troisième acte, la romance de Martin : Simple, innocente et
joliette. . . , précédée d'une ritournelle d'alto des plus gracieuses
et le charmant duo : Attraits divins, simple parure. . . .
Boïeldieu venait d'être nommé membre de l'Institut à la place
de Méhul, lorsqu'il donna le Petit Chaperon rouge (30 juin
1818), charmant ouvrage qui inaugure en quelque sorte sa
troisième manière. Son style, dans cette partition, est plus large
que dans ses œuvres précédentes (1).
(1] On raconte, à propos du Petit Chaperon rouge, que la romance
devenue célèbre : Le noble éclat du diadème , fut éeiïle en secret et à
contre cœur par Boïeldieu , pour Ponchard, à titre d'obligeance et afin de
répondre aux justes réclamations du ténor, qui se plaignait d'avoir un
rôle sacrifié. — Ce morceau ne fut chanté qu'à la dernière répétition
générale, il eut un tel succès, que Boïeldieu en remercia chaleureuse-
ment Ponchard, et lui dit avec effusion : « Maintenant je tiens essentiel-
lement à celte lomance, qui vous appartient autant qu'à moi. »
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
9J
Après cet opéra, qui lui avait coûté plus de peine que ceux
qui l'avaient précédé, il se retira à la campagne, dans sa pro-
priété de Villeneuve-Saint-Georges : là, ses élèves de haute com-
position venaient recevoir des leçons qu'il donnait sous forme
d'une causerie attachante.
Léon Meneau.
{La suite à un prochain numéro.)
SEMAINE THEATRALE.
Les projets de concours pour la nouvelle salle de l'Opéra ont
émotionné, non-seulement la presse, les artistes, mais le public
en général. Une nouvelle exposition publique de ces projets serait
transportée dans le centre de Paris, que la foule s'y porterait,
dût-il en coûter un prix d'entrée assez élevé. C'est une idée que
nous soumettons à M. le baron Taylor, en vue de ses associa-
tions de bienfaisance. L'hiver a été rigoureux, les ressources
ne sauraient trop se multiplier. On a beaucoup dit et écrit sur
la construction de la nouvelle salle de l'Opéra; mais, en défi-
nitive, sans signaler, ni, du reste, avoir rencontré rien de bien
neuf. On a généralement regretté que M. Davioud, chargé des
nouveaux théâtres Lyrique et du Cirque, n'ait point soumis de
projet ; seul peut-être, entre tous, il était suffisamment préparé
pour mener à bonne fin une question aussi importante. Mais
prenons patience, la commission d'examen va délibérer, nous
n'avons pas le dernier mot.
Les répétitions d'ensemble du Tannhauser, se poursuivent
activement au théâtre impérial de I'Opéra. L'œuvre prend un
corps, et dès aujourd'hui les intimes de la rue Lepelletier peuvent,
sinon saisir tout le dessin musical de la partition, du moins ap-
précier la forme du libretto et les divers détails de la mise en
scène. Cette mise en scène a été conçue avec ce scrupuleux res-
pect historique qui a ajouté tant d'éclat aux représentations de
Pierre de Médicis et de Sémiramis. Un rédacteur de la Presse,
M. Th. Grasset, nous fournit à ce sujet quelques renseignements
qu'on ne lira pas sans intérêt.
« Les costumes du Tannhauser sont du treizième siècle et rap-
pellent ceux de Robert le Diable. Cette pièce nous montrera
quelle était l'existence d'un prince souverain d'Allemagne, au
lendemain des croisades. La chasse étant à la fois le privilège et
la passion de tout haut et puissant seigneur qui se respecte, le
margrave fait son entrée, escorté de ses chevaliers, de ses pages
et des écuyers caracolant, suivi de piqueurs qui conduisent une
meute haletante et bruyante. A ces fatigues succèdent les
prouesses de l'esprit, et le digne électeur dépose le fouet pour
présider une cour d'amour, à laquelle il a convié sa noblesse.
« Les décorations du Tannhauser tiennent tout ce que pro-
mettent les noms des décorateurs qui les ont signées.
« Le rideau se lève sur une vue de la grotte de Vénus, — le
Venusberg. — Figurez-vous un amoncellement d'énormes ro-
chers aux formes bizarres et fantastiques, qui donne le frisson.
Les parois de cet entonnoir surnaturel sont en granit rouge. Çà
et là pendent des stalactites raides comme des tuyaux d'orgue, aux
arêtes brillantes de reflets aurifères. Ailleurs, des cristallisations
s'épanouissent comme des végétaux monstrueux qu'aurait pétri-
fiés une cascade furieuse qui bondit à travers les anfractuosités
et se précipite dans le vide. A gauche, l'œil s'égare dans les pro-
fondeurs infinies d'autres souterrains baignés d'une atmosphère
bleue comme celle de la grotte d'Azur. Des voûtes, tombe un
nombre infini de colonnes naturelles qui plongent dans une eau
claire où nagent des sirènes. Au premier plan est le trône de la
divinité, formé de conques de nacre étincelant et de fleurs bril-
lantes comme le diamant, rouges comme le sang, fleurs anony-
mes dans toutes les botaniques. M. Thierry a exécuté celte page
magnifique.
« Tout ce tableau sera rempli de mirages, d'apparitions et de
fantasmagorie. C'est toute une féerie, mais une féerie comme
l'Opéra seul est capable de la créer.
« Le théâtre change. De ces profondeurs étranges, le spectateur
est, sans transition, transporté dans le frais paysage de la Wart-
burg. Il y a là un contraste très-saisissant, et qui saisira beau-
coup, nous n'en doutons pas. M. Despléchin a peint ce suave
paysage allemand avec un bonheur qui fait de ce décor un des
plus beaux que nous ayons vus à l'Opéra. Dans le calme d'une
belle matinée de printemps, la nature est parée d'une luxuriante
verdure. Sur le devant du théâtre est la madone de pierre dont
le chevalier vient d'invoquer le nom. La pelouse, parsemée de
pâquerettes et de fougères, monte en talus dans un bois de sa-
pins aux troncs droits comme des mâts de navires. Parmi les ar-
bres est un petit sentier sinueux, qui conduit à la résidence du
margrave.
« Couronnant tout à fait les hauteurs, vous voyez les donjons
crénelés et les fenêtres à ogives.de la Wartburg. C'est là que, trois
siècles plus tard, Martin Luther doit traduire la Bible. L'hérésie
n'était pas logée loin du paganisme. En effet, à l'horizon, vous
découvrez la silhouette rose de la montagne de Vénus, de cette
demeure enchantée dont vous venez de pénétrer les mystères.
« Aux pieds, bien bas, du manoir, s'étale la paisible vallée
encore baignée des transparentes vapeurs du matin, tandis que
le soleil illumine déjà les cimes.
« Le second acte nous introduit dans la grande salle d'honneur
du paiais. Par les larges arceaux du fond, la vue s'étend sans
obstacle sur l'enceinte du bourg et sur la vallée. Le parti pris
du décor de MM. Nolau et Rubéest très-heureusement nouveau,
et produit un effet fort original. Le faîtage, pris en perspective,
est supporté par un enchevêtrement pittoresque d'ornements
ciselés et sculptés, rappelant un peu ceux de la chapelle de l'ordre
de la Jarretière à Westminster, ou de là chapelle royale à
Windsor. Des bannières brodées et armoriées sont suspendues
aux murailles.
« Le troisième acte nous ramène dans la vallée de la Wartburg,
déjà vue au premier acte. Mais quel changement ! L'automne est
arrivé : des nuages rayent le ciel; les feuilles séchées jonchent
l'herbe flétrie; la forêt étend tristement ses branches déjà bien
dépouillées ; les sapins seuls ont conservé leurs aiguilles me-
nues; mais de verts qu'ils étaient, ils ont pris un aspect noir et
morose. M. Despléchin a été naturellement chargé de peindre
cette mélancolique antithèse de sa première décoration. »
On voit que la direction a fait les choses grandement et sans
lésiner sur l'élément romantique et pittoresque du Tannhauser.
— Le petit ballet que préparent MM. Nuitter, Pelipa et Théo-
dore Labarre, ballet qui doit accompagner le Tannhauser , sera
intitulé : Marianna. Plusieurs pas très-originaux sont déjà
réglés. On cite, entre autres, le simulacre d'une course de tau-
reaux, avec des quadrilles de toréadores, des piccadores et des
matadores.
92
LE MÉNESTREL.
Le directeur du Théâtre-Italien vient de s'attacher M"e Tre-
belli par un engagement de cinq ans. Cette artiste touchera
5,000 fr. par mois pour la première année, 7,000 fr. pour la
seconde, 8, 9 et 10,000 fr. pour les troisième, quatrième et
cinquième années. M"e Trebelli débutera, dit-on, en avril pro-
chain, dans Tancredi. Cet engagement est lo résultat des deux
brillantes saisons que vient de faire MIle Trebelli à Madrid et à
Berlin.
On répète les Nozze di Figaro. Mme Penco, dont l'engage-
ment vient d'être renouvelé , remplira le rôle de Suzanne ,
MUe Battu, celui de la comtesse, et Mlle Dalmonti continuera
ses débuts par le gracieux personnage de Chérubin. — Ah!
Mme Carvalho, que n'ètes-vous là ! Vous manquez à la fois sur
chacune de nos trois scènes lyriques; aussi lirons-nous un jour
dans les annales dramatiques de 1861 : « La première canta-
trice française de son temps, Mme Carvalho, ne put se faire
entendre sur aucune des scènes lyriques de Paris, bien qu'elle
fût, ou peut-être bien, parce qu'elle était française et dans tout
l'éclat de son talent. »
L'Opéra-Comiqde peut préparer à loisir ses partitions en
perspective : la Circassienne lui garantit plusieurs mois de
prospérité. Chaque représentation voit croître l'empressement
de la foule pour le nouvel opéra d'Auber. De son côté, la presse
s'est montrée unanime à constater la haute valeur de l'œuvre ,
et n'a été en ceci, du reste, que le fidèle écho des impressions
publiques.
On annonce un Eamlet de M. Ambroise Thomas, sujet tiré
de Shakspeare, qui, on le sait, lui a porté bonheur dans le.
Songe d'une nuit d'été. — Le Salvator Rosa de M. Duprato,
André de M. Poise, se répètent activement. C'est MI,e Saint-
Urbain qui tiendra le rôle principal de l'important ouvrage en
trois actes de M. Duprato.
*
* *
Le Gymnase nous a donné deux nouveautés; l'une, intitulée :
J'ai compromis ma femme, vaudeville en un acte, de MM. La-
biche et Delacour, amusant imbroglio dont les auteurs se sont
habilement tirés ; l'autre, ayant pour litre : le Sacrifice d'Iphi-
génie, comédie en un acte, de M. Adolphe Dennery, à laquelle
le fécond dramaturge a su mêler un peu d'esthétique littéraire
et théâtrale, avec quelques fines allusions à sa propre carrière.
Geoffroy, Lesueur, Gilbert, Mlle Albrecht, Derval, Berton fils,
M,les Mélanie et Antonine ont coopéré à ce double succès.
Nous avons enregistré l'à-propos de carnaval que MM. Albert
Monnier et Ed. Martin ont fait représenter au Vaudeville.
Cette folie, intitulée : Vingt francs, s. v. p., a été accompagnée
d'une comédie en un acte, Y Écureuil, dont le spirituel auteur
se cache, non sans raison, sous le pseudonyme de Caries.
Le drame que répète la Porte-Saint-Martin, et dont l'au-
teur est M. Aug. Vacquerie, portera définitivement le titre des
Funérailles de l'honneur, — une réminiscence de Caldéron.
L'Allemagne a rendu M. J. Offenbach à son théâtre et aux
répétitions du Pont des Soupirs, mélodrame bouffe de MM. Hec-
tor Crémieux et Ludovic Halévy, les heureux auteurs d'Orphée
aux enfers et de Forlunio. — Les journaux d'outre-Rhin nous
apportent le compte rendu des ovations prodiguées par le pu-
blic à M. Offenbach dans tous les théâtres d'Allemagne. Nous
l'avons déjà dit : ses opérettes y jouissent d'une popularité qui
s'explique, non-seulement par l'originalité des mélodies, la
franchise des rhythmes, l'esprit scénique des moindres détails,
mais aussi par la formidable réaction qui s'élève de toute part
contre la musique brumeuse, prétentieuse, indéfinissable, inter-
minable, mieux que cela : enfin... ennuyeuse au premier chef.
Au total, pour aimer la musique, on n'est pas tenu de se mettre
à la torture.... et ma foi, va pour les opérettes, puisque l'on
s'entête à nous servir des impossibilités vocales et instrumentales.
Voilà le cri de réaction des masses populaires de la vieille Alle-
magne musicale. C'est un fait, nous le constatons.
J.-L. Heugel:
TABLETTES OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
LES HOMMES DU JOUR.
JULES SCHULHOFF.
Notice biographique.
Nous avons publié, dimanche 3 février, dans ces Tablettes,
l'appréciation du double talent de Jules Schulhoff comme pia-
niste-compositeur; nous venons aujourd'hui compléter ce travail
de M. Marmontel par un résumé biographique concernant ce
virtuose. C'est à une revue littéraire ayant pour titre : Les
Hommes du jour, et publiée à Leipsick, que nous empruntons
textuellement nos renseignements.
La virtuosité, dans l'art moderne du piano, est arrivée à une
telle hauteur, qu'il reste à peine un degré de perfection à fran-
chir, et cela pour ajouter aux conquêtes du mécanisme poussées
à leurs dernières limites, — celles du beau et du gracieux.
C'est vers ce but que semble tendre la jeune génération. Or,
dans cette catégorie de nouveaux pianistes , nous voyons briller
au premier rang Jules Schulhoff.
Schulhoff a su acquérir le renom de virtuose dans la meilleure
acception du mot, et celai do pianiste-compositeur des plus
remarquables, tant par l'attrayante originalité de sa pensée que
par l'harmonieuse forme dont il l'a revêtue.
Jules Schulhoff naquit à Prague, le 2 août 1825. Le profes-
seur Kisch lui donna les premières notions musicales, et ses
progrès furent tels , que dès l'âge de neuf ans il put se faire
entendre en public. Il poursuivit l'étude du piano sous les yeux
de Tedesco, pendant que W. Tomasckek guida ses études théo-
riques. A dix-sept ans, il fit un voyage à Paris , après avoir
donné des concerts publics à Dresde, à Leipsick et à Weimar.
A Paris, il s'isola pendant plusieurs années, et serait resté long-
temps inconnu, sans une circonstance exceptionnelle.
Schulhoff se trouvait un jour chez un fabricant de piano
pour marchander un instrument, quand il vit entrer dans le
magasin deux hommes, dont l'un était Chopin.
Notre pianiste allemand le reconnut sur-le-champ, et profita
de l'occasion pour lier personnellement connaissance avec lui.
Il demanda la permission de jouer quelque chose devant ce
maître. Chopin, déjà souffrant, et d'ailleurs trop accoutumé à
ces sortes de sollicitations, répondit d'une façon apathique, bien
que polie; il consentit néanmoins à l'entendre.
MUSIQUE ET THEATRES.
93
Chopin écouta d'abord le jeune virtuose avec assez de non-
chalance, croyant sans doute avoir affaire à un pianiste d'un
ordre secondaire; mais, à mesure que Schulhoff jouait, l'atten-
tion de Chopin s'éveillait et devenait plus manifeste. A la fin du
morceau, il témoigna hautement sa joie, salua le jeune artiste
du nom de frère et l'engagea vivement à se faire entendre au
public parisien.
Cet encouragement flatteur ne fut pas perdu : Schulhoff donna
plusieurs concerts à Paris, et sa réputation se fonda rapidement.
Il voyagea en France, en Espagne, en Angleterre. On ne se
borna pas à l'applaudir comme exécutant, chacun l'admirait
encore comme compositeur; et ses œuvres, écrites dans le
meilleur style, acquirent une grande popularité clans le monde
des pianistes.
En 1849, Schulhoff se rendit à Vienne, où ses concerts firent
époque, si bien qu'il y dut revenir après une tournée dans le
nord de l'Allemagne et en Russie. Ce fut toute une série de
triomphes pour le pianiste-compositeur, désormais classé parmi
les célébrités de l'Allemagne.
En 1852, il parcourut la Crimée, et enfin fit un second voyage
à Paris en 1854, où de nouveaux succès l'attendaient.
Depuis cette époque Schulhoff se produisit rarement en public.
Des motifs de santé le forcèrent à interrompre la carrière mili-
tante pour se livrer exclusivement à la composition. Dans ces
dernières années, il vivait retiré à Dresde, où le retenaient des
liens de famille et le repos auquel le virtuose avait été con-
damné par ordonnance de la Faculté.
Fort heureusement, l'ordonnance a pu être levée, et Schulhoff
en a profité pour réaliser un troisième voyage à Paris ; c'est que
Paris est et sera toujours le grand foyer artistique dont les
rayons donnent la vie tout en la consumant.
* *
La plume toute compétente de M. Marmontel a enregistré
dans ces Tablettes du pianiste l'accueil fait à Schulhoff et à
ses œuvres au premier concert de son troisième voyage à Paris.
Nous assistions vendredi dernier au deuxième concert du vir-
tuose, soirée qui n'a pas été moins brillante que la précédente :
même empressement, mêmes applaudissements.
Sans nous arrêter à l'estimable sonate en si bémol de Men-
delssohn, — dont le bel andante a particulièrement fait ressor-
tir le violoncelle de M. Jacquard, — signalons tout de suite les
morceaux de Schulhoff qui ont causé le plus d'impression : sa
ballade d'abord, œuvre du style le plus élevé ; une polonaise a la
manière de Chopin; un très-élégant caprice, et une mélodieuse
aubade comme en pourraient rêver nos belles châtelaines sous
les fenêtres de leurs donjons dorés.
La marche finale, nonobstant quelques longueurs, a produit
aussi le meilleur effet; un autre morceau bien écrit, mais qui
justifie peu son titre, c'est le Toast à l'amitié. L'idylle Près de
la fontaine a très-agréablement ouvert la série des morceaux
de piano. Schulhoff en a joué jusqu'à huit, — plus la sonate, —
et le concert a été trouvé trop court.
Deux mots encore avant de quitter Schulhoff : le virtuose a
fidèlement transcrit un andante d'Haydn, que l'on a bissé d'en-
thousiasme. Quelle sobriété de notes ! quel charme dans la mé-
lodie! comme toutes les parties d'harmonie concertent, s'isolent
et se retrouvent avec cohésion, avec clarté 1 Décidément le bon-
, homme Haydn est un bien adorable musicien du passé.
J.-L. [ÏEUGEL.
SOCIÉTÉ DES CONCERTS DU CONSERVATOIRE.
TROISIEME CONCERT.
On ne saurait méconnaître le zèle que déploie, cette saison,
la Société des Concerts, pour varier le programme de ses séances
et offrir à ses abonnés de nouveaux et intéressants sujets d'étude.
Il y a quinze jours elle exécutait la cantate-symphonie de Men-
delssohn, œuvre aussi importante que consciencieuse ; dimanche
dernier elle avait inscrit, à côté des noms d'Haydn, de Reethoven
et de Gluck, le nom d'un compositeur qui fut l'une des gloires
de l'école française, celui d'Hérold. L'ouverture de Zampa a
été mieux accueillie, — il faut en convenir, — que la symphonie-
cantate, par ce public d'élite qu'on ne saurait pourtant accuser
de tendances trop françaises. Ainsi, même dans la salle des
Menus-Plaisirs, l'inspiration prime le savoir-faire; mais aussi, —
en admettant avec certains rigoristes que l'ouverture de Zampa
ne se distingue pas précisément par le plan, la cohésion, la
sobriété, — quel splendide pot-pourri, quelle délicieuse mo-
saïque de charmants motifs 1 L'orchestre a dit cette page de
notre cher Hérold avec une énergie et un entrain irrésistibles.
Il eût peut-être été à souhaiter que ce même orchestre voulût
bien modérer un peu sa verve dans l'accompagnement des scènes
de Vlphigénie en Tauride, particulièrement en ce qui concerne
les parties solos. Toute belle que soit encore la voix de Massol,
qui réunit l'ampleur du baryton à l'éclat strident du ténor, il
y avait tels passages où il lui était impossible de dominer la
tempête des instruments. Le récitatif et l'air de Thoas, l'air de
danse et le chœur des Scythes n'en ont pas moins produit un
effet extraordinaire et n'en ont pas moins été redemandés avec
frénésie.
Que dire de la symphonie de la Reine, d'Haydn, autre mer-
veille dans un genre tout différent ?
Et du concerto en mi bémol de Reethoven, gigantesque sym-
phonie avec piano principal? La dernière fois que nous enten-
dîmes cette composition, d'un intérêt si puissant et si soutenu
malgré ses développements, la partie de piano était tenue par
Liszt, etRerlioz dirigeait l'orchestre. L'exécution de dimanche
a été moins fougueuse, moins ardente, moins émotionnée
peut-être, mais en revanche plus mesurée, plus fine, plus cor-
recte, plus classique en un mot, sans pour cela manquer de
coloris et de chaleur. M. Francis Planté a su faire applaudir,
dans cette occasion décisive, la pureté de son style et la perfec-
tion de son mécanisme.
Au joli chœur de Rameau, que la Société exécute depuis
plusieurs années déjà, on vient d'adjoindre un premier mor-
ceau mouvementé; tout cela, sous le titre de : Scène des enfers
et des Champs - Elysées, de Castor et Pollux, de Rameau,
forme un ensemble complet et offre un très-curieux spécimen
du vieux maître.
Je ne parlerai de Marcello que quand un nouveau psaume
aura pris la place de celui dont on nous gratifie depuis trop
longtemps : il y en a tant d'autres, et, j'ose le dire, infiniment
supérieurs !
E. Viel.
94
LE MÉNESTREL,
NECROLOGIE.
Les lettres françaises viennent encore de faire une perte dou-
loureuse. Eugène Guinot, le spirituel chroniqueur, est mort le
samedi 9 de ce mois, à Saint-Germain-en-Laye. Eugène Guinot
est né à Marseille en 1805. A l'âge de vingt-huit ans il obtint
au grand concours le prix d'honneur. Il débuta dans sa car-
rière littéraire au Verl-Verl, dirigé par Anténor Joly. Plus tard,
il devint chroniqueur du Courrier de Paris. Il travailla suc-
cessivement à Y Europe littéraire, au Siècle, à l'Ordre, et en
dernier lieu au Pays, où ses Revues de Paris étaient très-
recherchées. Il collabora à plusieurs pièces de théâtre, entre
autres avec Etienne Arago, avec qui il 'fit, sous le nom de
Paul Vermond, les Mémoires du Diable, un des grands succès
du Vaudeville.
On lui doit une douzaine d'autre; pièces sous le même pseu-
donyme.
Ses obsèques ont eu lieu lundi dernier, en l'église paroissiale
de Saint-Germain, en présence d'un grand nombre d'écrivains,
de journalistes, d'auteurs dramatiques , etc. — Le deuil était
conduit par M. Guinot, frère du défunt, et par M. Martin, son
neveu. La Société des gens de lettres y était officiellement re-
présentée par M. Francis Wey, son président, et par M. Michel
Masson; la Société des auteurs dramatiques, par M. E. Grange.
NOUVELLES DIVERSES.
M. Smith, directeur du théâtre de Sa Majesté, à Londres, annonce
que sa troupe se composera, pour la saison prochaine, de MM. Mario, Giu-
glini, Mongini, Bélart, Gassier, Ëverardi, Ciampi et Vialetli, ainsi que de
Mn,es Titiens, Grisi, Borghi-Mamo, Alboni, Lotti et Gassier.
— M. Matteo Salvi a été nommé directeur du théâtre de l'Opéra de la
Cour, à Vienne. L'administration financière des deux théâtres de la Cour
a été confiée au chevalier de Steinhauser.
— L'académie de chant de Magdebourg vient d'exécuter, pour la pre-
mière fois, l'opéra inachevé de Mozart, VOca del Cairo (l'Oie du Caire),
que le compositeur écrivit en 1783.
Un musicologue distingué, M. Keferstein, pasteur du village de
Wickeestaeds, en Thuringe, est mort le mois dernier. Il fut un des pre-
miers collaborateurs de Robert Schumann pour le nouveau journal de
musique fondé par le célèbre compositeur sous le pseudonyme de K.Stein;
il avait acquis une certaine réputation comme écrivain et journaliste. On
lui doit un roman fantastique, le Roi Mys [Koenirj Mys), qui renferme
une foule d'excellentes idées sur l'art musical.
— Le célèbre compositeur Verdi vient d'être, pour la seconde fois, élu
député au Parlement italien. On sait que sa musique a joué un grand rôle
dans les affaires d'Italie.
— A Crémone, on vient de jouer avec succès un nouvel opéra du
rnaëstro Ponchielli, intitulé : la Savoïarda.
— Un ténor, — que l'on dit être engagé par Lumley pour chanter sur
les divers théâtres de l'ancien et du nouveau monde, — M. Naudin, avec
lequel les dilettantes parisiens ont fait connaissance chez Rossini,
vient de faire fanatisme (sic)' à Barcelonne, dans Un Bullo in maschera de
Verdi. Los bis et les rappels ont été prodigués au nouveau ténor, dont
les correspondances racontent merveilles.
— Les frères Lionnet sont de retour à Paris, comblés des lauriers et
des billets de banque de l'Annexion. Le comté de Nice et la Savoie leur ont
été des plus hospitaliers.
— S. Exe. M. le comte Waleski continue adonner une vive impulsion à
tout ce qui concerne les arts. On assure que pour conserver à la France les
chanteurs du Conservatoire qui annoncent des dispositions â se rendre à
l'étranger, on leur fera signer, à l'avenir, un engagement de quatre ou
cinq ans pour un des théâtres impériaux de Paris, avec jouissance d'un
traitement convenable. De celte manière l'État sera récompensé des soins
qu'il donne à des artistes qui souvent disparaissent, leur éducation à
peine achevée.
— S. Exe. le ministre de l'Instruction publique a décidé que le diapa-
son normal, déterminé par l'arrêté du 16 février 1859. devra être adopté
dès aujourd'hui pour l'enseignement de la musique vocale et instrumen-
tale dms tous les établissements publics de l'Empire.
« Liège. —Cercle artistique. — La première séance musicale donnée
par le Cercle artistique était de nature à maintenir la réputation qu'il a
su acquérir parmi les amis des arts. Fidèle à la mission qu'il s'est impo-
sée dès son origine, de contribuer autant que possible â la propagation
d'oeuvres élevées, il se propose d'ajouter plusieurs autres soirées à cette
première, et l'on ne peut douter que le choix des morceaux, ainsi que
celui des exécutants, ne témoignent du goût éclairé de la Commission or-
ganisatrice. Parmi les morceaux qui ont inauguré cette première séance,
nous devons particulièrement mentionner la symphonie en ré majeure,
de Haydn, arrangée pour quintette, piano et flûte, et exécutée avec autant
de finesse que de verve par MM. J. et R. Massart, violonistes; Léon Mas-
sart et Lecortis, violoncellistes; Ed. Tricot, flûtiste, tous professeurs au
Conservatoire royal de musique, et dirigée avec beaucoup d'intelligence
par M. Th. Radoux, professeur de cor au même établissement. Les autres
artistes étaient MM. Malherbe, Joanne, etc. Nous devons citer ensuite la
grande sonate en si bémol, pour piano et violoncelle, de Mendelssohn,
exécutée par MM. Léon Massart, violoncelliste du roi, et J. Van den
Boom, pianiste, en véritables artistes. Aussi ont-ils obtenu les honneurs
de la soirée, et c'était justice. M. Redbœuf a dit avec distinction l'air de
Jérusalem, et M. Ilerbilon s'est montré habile corniste dans le concerto
de Fuchs. Une mention honorable est également due à MUe Douhard, qui
toutefois a été plus heureuse dans le grand air du Prophète que dans
l'air de Grâce, de Robert. Un peu plus de ménagement dans la force ne
pourra que mettre mieux en relief les qualités qu'on lui reconnaît. »
— La ville de Nantes prépare en ce moment une solennité du caractère
le plus élevé : c'est une exposition qui promet d'être l'une des plus belles
et des plus complètes dont la province ait donné le spectacle. Celte exposi-
tion comprendra les produits de l'industrie, de l'agriculture, des beaux-
arts et de l'horticulture de tous les déparlements de la France, de l'Algé-
rie et des colonies. Elle ouvrira le 1er juillet et fermera le 1er octobre.
A la fin de l'exposition, en séance publique, des médailles d'honneur,
d'or, d'argent et de bronze, seront distribuées aux artistes et aux indus-
triels dont les travaux auront été jugés dignes de récompense.
SOIRÉES ET CONCERTS
— Les derniers samedis de M. et Mme Rossini ont été splendides. L'ar-
chet magique du violoniste Bazzini a eu l'honneur de faire sa rentrée à
Paris dans les salons du maître. Les sœurs Marchisio nous ont fait enten-
dre une seconde fois l'admirable duo espagnol de Rossini, ainsi que le
trio de Gordigiani avec M. Bonheur, jeune baryton qui a ensuite récolté
seul sa bonne part de bravos. Un jeune ténor napolitain, M. Montaro ou
Montanaro, — et peut-être ce nom n'est-il encore qu'un à peu près, — s'est
fait entendre pour la première fois, en compagnie de Badiali, dont la verve
est intarissable. Le jeune ténor a dignement répondu à l'entrain de son
partenaire dans le duo àel'ltaliana in Algieri. On n'entend pas voix plus
fraîche, vocalise plus nette et plus fine, phraser plus gracieux. Dans la par-
tie instrumentale, Mllc Joséphine Martin a fait applaudir un très-joli menuet
de sa composition et sa remarquable Danse syriaque, à laquelle nous pré-
férons cependant sa Fanlarella. Le violoncelle de M. Franco Mendès com-
plétait ce riche programme.
— La musique de chambre, en prenant élection de domicile dans nos
salles de concerts, n'a pas absolument renié sa modeste origine. 11 est
encore dans Paris quelques salons privilégiés où la sonate concertante,
les trios et quatuors, trouvent une noble hospitalité, des exécutants et des
auditeurs d'élite. Ce sont là les gourmets de l'art. Nous les avons trouvés
réunis dimanche dernier chez M. et M"10 Dubois. Armingaud tenait le
violon, et chacun sait la justesse, la pureté, la distinction de son jeu ;
Franchomme commandait au violoncelle en maître qui sait devenir esclave
à un moment donné, et Mme Dubois était au piano. Or, la poétique inter-
prète de Chopin joue Mozart, Haydn et Beethoven avec une égale perfec-
tion, avec le même amour du beau et du bon. Dans un pareil programme
' instrumental, Schubert seul pouvait tenir une place légitime. Mlle Marie
Brousse s'est chargée de ce soin. Elle s'est accompagnée elle-même avec
autorité, et a électrisé les assistants dans la Jeune religieuse, Rosemonde
et le Nautonier, qu'elle a dramatisés, peut-être trop, mais avec autant
d'inspiration que de talent.
NOUVELLES ET ANNONCES.
95
— A peine de retour à Paris, les frères Lionnet se, sont fait entendre
mardi à l'ambassade ottomane , dans plusieurs œuvres nouvelles de Gou-
nod, parmi lesquelles nous citerons le Soir, do Lamartine. Notre célè-
bre compositeur tenait le piano et a chanté le Vieil Habit , de Bé-
ranger. Les frères Lionnet ont fait entendre la Promenade et Florimond
l'enjôleur, de Gustave. Nadaud, le lendemain mercredi, au Corps-Législatif,
où se trouvaient Félicien David, Edmond Membrée, Ernest Lépine, Ch.
Delioux, qui ont accompagné plusieurs de leurs œuvres. Le même soir,
les deux frères chantaient chez M. et Mme Ponchard, en compagnie de
Levasseur et de Montaubry. Ponchard père a dit une nouvelle ro-
mance composée pour lui et intitulée : Je n'ai plus vingt ans. Levasseur
s'est fait entendre dans le duo de la Fausse Magie, avec Ponchard.
— S. Exe. le Ministre d'État vient d'inaugurer ses nouveaux salons par
un magnifique bal travesti. La splendeur de ses appartements n'a pu être
compensée que par l'affluence des invités et l'incomparable richesse des
costumes. Au nombre des danses à caractères exécutées, on a surtout re-
marqué une mazurka avec éperons et costumes à la polonaise , par huit
cavaliers et huit dames du grand monde. Waldleufel a très-bien saisi le
rhythme de cette danse, et son archet n'a pas dû être médiocrement flatté
d'obtenir les honneurs du bis.
— MmeTardieu de Malleville a repris ses séances de musique de cham-
bre avec le concours de MM. Maurin , Chevillard et Casimir Nêy, Dans ces
intéressantes séances où Mozart, Mendelssohn, Beethoven, sont inter-
prétés avec religion, une place d'honneur est réservée aux anciens cla-
vecinistes, dont MmeTardieude Malleville a évoqué les traditions avec toute
la supériorité de son remarquable talent.
— M. Michiels a donné, chez lui, dimanche dernier, une intéressante
matinée musicale, dans laquelle il a fait entendre plusieurs de ses œuvres,
entre autres un trio en mi bémol pour piano, violon et basse, parfaite-
ment exécuté par Mlk' Langlumé, M. Jouet et l'auteur, et un concerto
pour violon, qui lui a valu de nombreux applaudissements.
— Le virtuose Perelli annonce un grand concert au Théâtre-Italien.
— Aujourd'hui dimanche, à deux heures, salons Pleyel-Wolf, troi-
sième séance de MM. Alard et Franchomme. En voici le programme :
1. Trio en mi bémol de Schubert, pour piano, violon et violoncelle. —
2. Quatuor de Mozart, pour instruments à cordes. — 3. 9e sonate en si
bémol, de Mozart, pour piano et violon, exécutée par MM. Diémer et Alard.
— 4. Quintette de Beethoven, pour deux violons, deux altos et violoncelle.
— On annonce, pour mardi prochain, salons Pleyel-Wolf, une soirée
musicale donnée par M11' Sabatier-Blot, la brillante pianiste, au profit des
pauvres de l'œuvre de Sainte-Geneviève. MIle Sabatier-Blot jouera du Bach,
du Beethoven, du Chopin, du Liszt, de l'Alkan et du Wagner. MM. Alard,
Casimir Ney et Lée lui prêteront appui. M. Jules Lefort et Mme Oscar
Comettant feront les honneurs de la partie vocale.
— Mercredi prochain, 20 février, aura lieu la troisième séance de
MM. Armingaud, Jacquart, Lalo, Mas, avec le concours de M. Lubeck,
dans la salle Pleyel, Wolf et C'e, à huit heures et demie du soir. On y
entendra : 1° le trio en mi bémol, op. 70, n° 2, de Beethoven, pour piano,
violon et violoncelle ; 2° le oc quatuor de Mozart, pour deux violons, alto
et violoncelle; r° la sonate, op. 33, de Beethoven, pour piano; i° le
quintette en la, op. 18, de Mendelssohn, pour deux violons, deux altos
et violoncelle.
— Le concert déjà annoncé de notre pianiste-compositeur Wieniawski
reste fixé au jeudi 21, salons Pleyel.
— Le surlendemain 23, audition des œuvres de D. Magnus, même salle.
— Vendredi prochain , salle Herz , concert du célèbre tromboniste
Nobich.
— Le lundi 27, encore même salle, audition des œuvres de musique
de chambre de Léon Kreutzer.
— Le concert de notre pianiste-compositeur Krùger est Gxé au 1er mars,
huit heures du soir, salons d'Érard.
— La plus brillante fêle d'hiver est, sans contredit, le grand bal des
Artistes dramatiques, qui se donne chaque année dans la salle de l'Opéra-
Comique. Placé sous le haut patronage de S. M. l'Empereur, ce bal de
bienfaisance réunit le monde le plus élégant de tous les pays. Les étran-
gers de distinction s'y donnent rendez-vous. Le cabinet de M. Berthier,
membre du Comité, régisseur de la danse au théâtre de l'Opéra , est chaque
jour envahi par une foule désireuse d'obtenir des coupons de loges et de
stalles.
— Le mardi 28, concert de la jeune élève d'Alard, M1'6 Julienne André,
salle TIerz.
— Nos lecteurs apprendront sans doute avec plaisir que M. Vincent
Adler donnera définitivement un second concert le 25' février, dans les
salons Ërard.
— Le deuxième concert de Hans Seeliug est fixé au 27 de ce mois, dans
les salons Érard.
— Vendredi 1er mars, à deux heures précises, salons Pleyel, Wolf et
compagnie, une matinée musicale donnée au bénéfice de Baudouin, l'an-
cien chef d'orchestre des bals de la Cour, menacé d'une cécit; complète.
MM. Levasseur, Alard, Diémer, Lasserre, Hubans, Mmc Sudre, MUe Rrou
de Lavayssière, MM. Capoul et Berthelier prendront part au programme.
— Le concert de M. Emile Forgues reste fixé au samedi 23 février,
dans les salons Ërard. M. Forgues fera entendre les œuvres suivantes,
de sa composition : Grande fantaisie de concert sur deux motifs du Stabal
mater de Rossini; les Flots, Liéder, le Trémolo, grandes études pathé-
tiques inédiles; la Sérénade, romance élégiaque, Mazeppa, études pathé-
tiques extraites du deuxième livre; thème varié et grand boléro espagnol.
Mmo Mancel et M. Lucchesi compléteront le programme.
— M. A. Bessems vient de publier trois mélodies pour alto-viola, dont
voici les titres : l'Amélia, Minuit et l'Étoile du soir. M. Bessems a égale-
ment publié un menuet de Mozart, transcrit par lui pour piano seul.
— L'orchestre de M. Laurent s'est distingué au bal d'enfanls de l'hôtel
du Louvre. On a remarqué, entre autres productions dansantes, la Polka
du clairon des zouaves et la polka-mazurka; Benito la magicienne, de
L. Micheli. Nous citerons, du même auteur, la grande valse de la Roche
peu élevée, exécutée avec tant de succès par l'orchestre d'Arban, aux bals
du Casino.
— M. Johann.Sullermann, l'auteur des six brillantes valses intitulées :
le Désir, les Cascatelles, Feu follet, Valse italienne. Valse espagnole,
Souvenir des Vosges, vient de faire paraître la Nuit d'été, la première de
six mazurkas nouvelles qui vont défrayer les concerts du Casino et des
Champs-Elysées.
Erratum. — Nos typographes ont non-seulement défiguré le nom de
la jeune et charmante élève de Mrae Iweins-d'Hennin , Mlle Valentine
Brun, et non Breus, qui s'est fait entendre à la soirée de M. Félix Gode-
froid, mais ils nous ont fait dire, dimanche dernier, entre autres erreurs,
en parlant du retour de Neuville, l'artis'e amateur par excellence au lieu
S artiste imitateur. Nous avons aussi à rectifier le numéro d'ordre de notre
précédent numéro ; c'est le numéro onze qu'il faut lire, et non le numéro
douze.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Low, réducteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues fr
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VINCENT ADLER
Op. 17. Valse villageoise 6 » | Op. 18. N"e Scène de Bal
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Op. 95. Allegro pastoral... . 9 » | Op. 96. Gûe Étude de concer
Op. 97. Douze Landler et Vu'ses eu deux livres, chaque
ERNEST LUBECK
Op. 13. Berceuse 6 » | Op. lï. Grande Polonaise.
Op. 11. Tarentelle 7 50
HANS SEELIMG
Op. 1. Deux Impromptus.. . 6 » | Op. 3. Nocturne
t. 9 »
. tî »
— 2. Loreley, morceau ca-
ractéristique 6 » j — 6. Idglle
Op. 10. Douze grandes Études de concert, en deux livres, chaque.
(Chaque Élude se vend aussi séparément).
6 •>
13 »
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13. Oui ou Non. — 14. Montagnarde. — 15. Etude à 4 parties. — 16. Le Staccato.
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2. Célèbre Choeur de Castor et Pollux, de Rameau 6 ' »
3. 18e Psaume de Marcello, paraphrasé J ™
4. Romance et Chanson militaire i'Egmont, de Beethoven. . • . 7 50
5. Andante de Mozart 5 »
6. Allegretto-Scherzando de la 8e Symphonie de Beethoven. . . 5f
7. Menuet d'HAVDN 5
8. Air d'Anacréon, de Grêtrv 5
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10. Non più andrai farfallone, des Noces de Figaro 6
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Huitième série : variétés de rhy thmes et d'exercices complétant chaque série.
Paris, AU MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivienne,
=HECGEL et C%
Éditeurs, Fournisseurs du Conservatoire.
734. — 28e Année.
K> 13.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 24 Février
1861.
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J.-L. HEUGEL,
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MUSIQUE ET THEATRES.
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Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau. 8. — 1228
SOMMAIRE.
TEXTE.
I. L'opéra-comiijue , ses compositeurs , ses chanteurs et ses divers théâtres :
compositeurs de la République et du premier Empire : Boieldieu (26e article),
{suite et fin). L. Meneau. — II. Semaine théâtrale : Eugène Scribe, nécrologie.
,J. Loty. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur : A propos d'une sonate
de Henri Herz. Paul Bernard. — IV. Petite chronique : Les droits d'auteurs
d'autrefois. — V. Nouvelles, Soirées et Concerts, Nécrologie, Annonces.
MUSIQUE DE P1AM) :
Nos abonnés à la musiquede Piano recevront avec le numérode ce jour :
le quadrille de
FOR TU MO ,
Le grand succès des Bouffes-Parisiens , composé par Strauss pour les
bals de la Cour et de l'Opéra. — Suivra immédiatement après, Juana,
polka-mazurka de Pu. Stutz.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant,
ADIEU LES FEES I
Paroles d" Armand Liorat, musique d'HENRi Potier. — Suivra immé-
diatement après : le Bal , valse chantée par Mlle Chabert dans le Mari
sans le savoir, paroles de MM. Léon et Ludovic Halévï, musique de
M. de Saint-Rémy.
L'OPÉRA-COMIQllE
SA NAISSANCE, SES PltOCRES, SA TltOP GRANDE EXTENSION.
COMPOSITEURS
DE LA RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER EMPIRE.
CHAPITRE VIII.
XXVI.
Boieldieu (suite).
Sapt ans de repos eurent pour résultat la Dame Blanche ,
le 10 décembre 1825. Il avait mis à profit ce long silence pour
enfanter une œuvre qui devint la base du répertoire français.
On ne saurait citer un opéra-comique qui se soit joué autant
en Europe que la Dame Blanche. Boieldieu avait terminé cet
ouvrage depuis longtemps, et cependant il n'osait pas encore
le livrer à la scène. Resté si complètement éloigné du théâtre,
il craignait que le public ne l'eût oublié. Il fallut que le direc-
teur de l'Opéra-Comique , Pixéricourt , le forçât en quelque
sorte à lui abandonner sa partition; on attendait cette œuvre
comme on attend aujourd'hui les opéras de Meyerbeer. Le suc-
cès fut immense, et l'ouvrage terminé , répété et joué en moins
de trente-cinq jours, — exemple bien rare de célérité pour une
partition de cette importance. Les répétitions commencèrent
le 5 novembre 1825 et chez Boieldieu même, car il était souf-
frant et ne put se rendre au théâtre que dans les derniers jours
du mois.
Voici quelle était la distribution de la pièce : Georges, Pon-
chard père; Gaveston, Henry; Dikson, Féréol; Mac-Irton, Fir-
min; Anna, MraeBigault; Jenny, Mme Boulanger.
C'est ici le moment d'ouvrir une large parenthèse et de men-
tionner combien l'Opéra-Comique jouit, pendant longues années,
non-seulement d'une veine intarissable de compositeurs de pre-
mier ordre, — se succédant comme à plaisir, — mais aussi d'une
double et triple génération d'interprètes du plus grand mérite.
Ainsi MmesBigault, Boulanger et M. Féréol, — qui ont, à côté
dePonchard, attaché leurs noms à la Dame Blanche, — avaient
été précédés, accompagnés et suivis de talents justement répu-
tés. En remontant à nos premiers chapitres de cette histoire de
l'Opéra-Comique, nous voyons, en effet, se succéder sans inter-
ruption d'éclat et de succès, sur les divers théâtres consacrés à
ce genre spécial de musique, des artistes tels queM.etMme Trial,
M. et Mmo Lamelle, Clairval, Caillot, Mme Dugazon, Mlle Clai-
ron, Philippe, MIle Benault, Mme Saint-Aubin, Gaveaux, Solié,
Valère, Darboville, Elleviou, Martin, M. et Mme Gavaudan,
98
LE MÉNESTKEL
Mme Philis, Mmes Scio, Duret, Gonthier, Jenny Bouvier, Julliet,
Chenard, et bien d'autres noms qui nous échappent. Puis après,
ou avec Mmes Rigault, Boulanger, n'avons-nous pas eu, entre
autres célébrités, Mme Pradher, Mlle Prévost, Mmes Casimir et
Ponchard, qui créèrent les rôles d'Isabelle et de Marguerite dans
le Pré aux Clercs ? Ne devrais-je pas encore citer, du même
temps, M. et Mme Huet, M. et Mme Paul, M. etMmc Lemonnier,
Lesage et Moreau, qui précédèrent Féréol, Henry et Moreau-
Sainli, plus acteurs que chanteurs, — enfin Chollet, succédant
d'abord à Martin pour se transformer ensuite en ténor, — témoins
le Fra-Diavolo d'Auber, le Zampa d'Hérold.
Je ne vous parlerai pas de Couderc, de Roger, ni de l'inimi-
table Mme Cinti-Damoreau , et dont le nom restera éternel-
lement attaché au répertoire d'Auber; je vous parlerai encore
moins des talents qui ont défrayé la scène de l'Opéra-Comique
dans ces dernières années : ce serait faire de l'art contemporain,
et je me dois au cadre tout rétrospectif que je me suis tracé.
Je reviens donc à l'époque d'Elleviou, à Ponchard qui lui suc-
céda et fut le digne héros de la Dame Blanche, a Ponchard qui ne
chanta pas moins de cinq cents fois ce chef-d'œuvre de l'école fran-
çaise : il est vrai que cet artiste ne criait pas et savait ménager
sa voix, sans manquer cependant de puissance et d' expression
dramatique ; mais il puisait ces précieuses qualités dans l'am-
pleur et l'élévation du style, dans l'habile emploi des res-
sources vocales qui lui étaient dévolues et un profond senti-
ment de la parole chantée. Aussi , non-seulement Ponchard
devint-il la bonne fortune des opéras-comiques composés sous
son règne à Feydeau, de 1812 à 1837, mais il rendit ou maip-
tint au répertoire, avec une grande supériorité, tous les ouvrages
des prédécesseurs de Boïeldieu.
Voici, du reste, ce qu'en écrit M. Scudo dans son volume
de l'Année musicale 1859, et l'on sait que le savant critique de
la Revue des Deux-Mondes n'est pas absolument prodigue d'é-
loges à l'endroit de l'école française et des chanteurs français :
« A Elleviou, dont le talent facile et la grâce étaient en par-
faite harmonie avec le répertoire qu'il a créé, et dans lequel la
musique n'est guère qu'un élément de la fable dramatique, suc-
cède un chanteur proprement dit, d'un ordre plus élevé : nous
voulons parler de M. Ponchard. Élève du Conservatoire, et par-
ticulièrement de Garât, sans contredit le plus admirable chan-
teur que la France ait eu, M. Ponchard, dont le physique n'était
pas la qualité la plus brillante, a débuté, en 1812, dans l'Ami
de la maison et le Tableau parlant, deGrétry. Vocaliste distin-
gué, excellent musicien, homme de goût et de style, M. Pon-
chard est le meilleur chanteur qui ait encore paru sur le théâtre
de l'Opéra-Comique. Supérieur à Martin parlegoût et la sobriété
du style, M. Ponchard nous paraît être le chanteur français qui
représente le mieux, avec Mme Damoreau et Mme Carvalho, la
phase de l'Opéra-Comique qui a suivi l'impulsion de Rossini. »
***
Les Italiens reprochent h Rossini d'avoir abandonné sa vraie
manière dans Guillaume Tell, que nous considérons générale-
ment, en France, comme le chef-d'œuvre du maître : c'est tout
au moins mon opinion et je la crois partagée.
J'ai entendu de même des amateurs qui ont assisté aux dévelop-
pements successifs de l'œuvre de Boïeldieu, lui reprocher d'avoir
perdu de son originalité dans la Dame Blanche. Cependant, mal-
gré la facture plus rossinienne de ses accompagnements dans cette
partition, on y reconnaît toujours la facilité mélodique et la sim-
plicité de modulations du Nouveau seigneur et de la Fête au vil-
lage voisin : l'harmonie n'y est point recherchée, mais en revanche
la mélodie y est si abondante qu'on n'y entrevoit aucune mo-
notonie. Les différentes parties, dans les morceaux d'ensemble,
sont admirablement dialoguées : ce n'est pas dans le duo du
premier acte : Ils s'en vont et nous laissent ensemble...., ni dans
le final du même acte : Grand Dieu! que viens-je d'entendre ! ..,
ni dans le trio du second acte : C'est la cloche de la tourelle...,
que l'on entend de ces affreux unissons prolongés dont on fait
aujourd'hui un abus si anti-harmonique (1). J'aimerais mieux
moins de septièmes diminuées dans l'orchestre, et un peu prus de
contre-point sur la scène.
Sans avoir recours à toute cette grosse artillerie moderne ,
Boïeldieu , dans la Dame Blanche , sut faire quelque chose
d'essentiellement intéressant, au point de vue musical, d'une
scène qui n'avait rien de poétique, la vente du second acte :
Nous quittons nos travaux champêtres C'est un tour de force,
accompli sans le moindre effort. Il conserva dans ce morceau
l'unité musicale , ce critérium qui fait reconnaître les grands
compositeurs, malgré la diversité des scènes qui se succèdent à
chaque instant. On ne se douterait point, en entendant cette
scène, que Boïeldieu trouvât que la chose la plus difficile à écrire
pour le théâtre était le chant comique.
Je n'insisterai pas sur l'analyse de la pièce la plus connue en
France. Chacun' sait que du trémolo par lequel débute l'ou-
verture, jusqu'au chœur final , tout intéresse, rien ne choque,
rien n'ennuie, tout charme l'oreille, l'esprit et le cœur.
Ce fut à l'issue du succès de la Dame Blanche que Boïeldieu
— rentrant avec Rossini dans la maison qu'ils occupaient sur le
boulevard Montmartre, n° 10, — lui dit avec autant de naïveté
que d'esprit : « On prétend que je me suis placé au-dessus de
toi .... Et je m'en aperçois quand je monte mon escalier. »
Il logeait au quatrième étage, tandis que le premier étage était
occupé par Rossini, qui avait aussi près de lui son fidèle Carafa.
L'amitié de Boïeldieu pour Rossini tenait de l'admiration.
On en jugera par cette anecdote, que je tiens de M. Ernest
Boïeldieu , fils de l'éditeur de musique chez lequel la partition
de la Dame Blanche fut écrite en partie. C'était à Cormeilles,
près d'Argenteuil', et lorsqu'y arriva notre compositeur, on
discutait le genre de papier dont on tapisserait la chambre qui
lui était réservée. — « N'as-tu pas dans ton fonds quelques
exemplaires de la partition d'Othello,» dit Boïeldieu à son frère?
— Sur la réponse affirmative de l'éditeur, les partitions furent
requises, et, montant lui-même à l'échelle, il eut bientôt collé
et placé dans leur ordre de pagination tous les feuillets de mu-
sique : a Au moins, s'écria-t-il , de mon lit, chaque matin,
j'étudierai le grand maître. »
Cette amitié contemplative, Rossini la lui rendit avec effu-
sion. Bien mieux, le souvenir de Boïeldieu est resté inalté-
rable dans le cœur du grand musicien, qui récemment encore
écrivait de sa main au bas d'un exemplaire de sa photographie,
cette touchante épigraphe testamentaire :
« Offert à M. Ernest Boïeldieu, neveu de l'auteur de la Dame
(1) Tout le monde connaît et applaudit , au Théâtre-Italien, ce morceau
d'un opéra en vogue, où le chant de la prima donna est doublé par le
hautbois et l'ophicléide! à l'unisson et à la double octave.
TABLEURS DU PIANISTE ET DU CHANTEUP..
99
Blanche, dont je fus l'ami, le collègue et l'admirateur le plus
sincère, — heureux de pouvoir tester aujourd'hui que ce der-
nier sentiment ne s'éteindra qu'avec moi.
« G. Rossini. »
Après la Dame blanche, Boïeldieu resta quatre ans sans rien
produire, et enfin, le 20 mai 1829, il fit représenter les Deux
Nuits, trois actes dont M. Scribe (l'auteur du libretto de la Dame
blanche) , avait fait les paroles en collaboration avec Bouilly.
Cet opéra n'eut pas un sort très-heureux ; malgré l'incon-
testable supériorité de la partition , elle n'obtint qu'un succès
d'estime.
Boïeldieu en fut si profondément attristé , que la maladie
dont il souffrait depuis longtemps s'en aggrava. Il n'écrivit plus
rien depuis, et le 8 octobre 1834 , il mourut à sa campagne de
Jarcy , laissant un fils, homme distingué, musicien de talent,
pour lequel on aurait pu, on aurait dû faire davantage.
Ses compatriotes lui élevèrent une statue, et ils donnèrent le
nom de Boïeldieu au cours sur lequel elle fut placée, devant la
Bourse de Rouen.
L'inauguration de ce monument eut lieu le 20 juin 1839.
Léon Meneau.
SEMAINE THEATRALE.
Notre Semaine Théâtrale est en deuil : et à la place de
notre bulletin hebdomadaire, il nous faut enregistrer un événe-
ment funèbre, dont toutes nos scènes, depuis la plus élevée jus-
qu'à la plus infime, ont ressenti le douleureux contre-coup.
Certes, les lettres et les arts ont été cruellement éprouvés
depuis deux mois ; mais nulle perte n'a été plus sensible, plus
imprévue, plus profonde que celle d'Edgène Scribe.
A l'heure qu'il est, tout Paris connaît les détails de cette
mort subite, dont la nouvelle est venue consterner le monde
littéraire et dramatique.
C'est dans une voiture de remise, en se rendant rue de
Bruxelles, chez M. Auguste Maquet, que l'illustre académicien
a été frappé d'apoplexie. (Les médecins ont constaté la rupture
de l'aorte).
Le matin même, Eugène Scribe avait répondu à une lettre de
M. Crémieux, qui l'invitait à dîner pour le lendemain jeudi.
Cette réponse était une acceptation. Vains projets des hommes !..
Deux heures après, le signataire avait cessé de vivre. Il était écrit
que M. Crémieux posséderait le dernier autographe du défunt.
C'est une relique épistolaire, que l'éloquent membre du bar-
reau de Paris conservera précieusement.
Si tous les peuples de l'Europe, et même du monde entier,
avaient été consultés pour nommer l'écrivain qui personnifie le
plus complètement à leurs yeux le théâtre français et l'art dra-
matique contemporain, celui dont les succès durables, l'inépui-
sable fécondité, la clarté parfaite, la variété infinie, ont répandu
la renommée dans les derniers recoins de la civilisation, nul
doute qu ils n'eussent unanimement nommé Eogène Scribe.
Partout où quelques. planches ont formé un théâtre, où quelques
lampes ont fait une rampe, on connaît le nom de Scribe. Aussi
le deuil sera-t-il immense, universel. Scribe était la providence
et le génie du théâtre moderne.
Cet écrivain privilégié, qui depuis quarante ans alimente nos
répertoires dramatiques, en laissant partout des chefs-d'œuvre,
a eu, de plus, cette gloire singulière de fournir des poèmes aux
plus illustres musiciens de ce temps-ci. Il a tour à tour inspiré
Boïeldieu, Hérold, Auber, Halévy, Adam. Quelle collaboration
est comparable à celle-là?
Rien que pour donner la nomenclature de ses ouvrages, il fau-
drait plusieurs numéros de notre journal, et la liste môme de ses
plus grands succès forme un long catalogue. Citons seulement :
A l'Opéra : la Muette de Porlici, Robert-le-Diable, la Juive,
les Huguenots, le Comte Ory, le Prophète ;
A la Comédie-Française : Valérie, la Camaraderie, une
Chaîne, le Verre d'eau, Bertrand et Raton, Âdrienne Lecou-
vreur, les Contes de la reine de Navarre, Bataille de dames ;
A l'Opéra-Comique : la Dame blanche, Fra-Diavolo, le Do-
mino noir, le Maçon, l'Ambassadrice, le Chalet, Haydée, les
Diamans de la couronne, l'Étoile du Nord, Giralda, la Circas-
sienne.
AuGymnase, plus de cent cinquante comédies-vaudevilles. Qui
ne se rappelle Michel et Christine, la Marraine, la Chanoi-
nesse, la Mansarde des artistes, le Diplomate, une Visite à
Redlam, le Plus beau jour de la vie, le Mariage de raison, et
tant d'autres charmantes pièces dont raffola la Restauration?
On calcule que le nombre des pièces de Scribe approche de
cinq cents.
Jusqu'à sa dernière heure, M. Scribe a tenu celte plume
féconde qu'il avait placée sur le champ des armoiries créées par
lui avec cette devise : Inde fortuna et libertas.
Ce travailleur infatigable, qui est mort sur la brèche, laisse
encore plusieurs ouvrages en portefeuille : entre autres un opéra-
comique en trois actes, complètement terminé ; la Fiancée du
roi de Garbe, destiné à Auber, le fidèle collaborateur de l'illustre
défunt.
Les obsèques ont eu lieu vendredi dernier. Comme on pou-
vait s'y attendre, la foule était immense.
Auber, consterné, frappé de la plus profonde douleur , appa-
raissait le premier dans la nef de Saint-Roch, tandis que le fu-
nèbre cortège descendait la rue Pigale, M. le Ministre d'État en
tête. S. Exe. suivait à pied, derrière la famille.
Indépendamment des plus hautes notabilités officielles et
politiques qui se pressaient, à ce convoi, on remarquait l'Ins-
titut presque tout entier ; une députation de MM. les membres
du Conseil municipal de Paris; la Commission des auteurs
dramatiques ; le baron Taylor , président des cinq associations
et les représentants de chacune d'elles , les directeurs et artistes
de tous les théâtres de Paris; une députation d'élèves de Sainte-
Barbe et de Chaptal.
C'est dire que la nef même de Saint-Roch s'est trouvée
trop restreinte, et que nombre d'amis, d'invités, n'y ont pu
pénétrer.
Le grand orgue a été touché par M. Auguste Durand, et
l'orgue d'accompagnement par M. Leprévost, tous deux orga-
nistes de Saint-Roch. Les chœurs de l'Opéra-Comique, du Con-
servatoire et ceux de la maîtrise de Saint-Roch, ont chanté
Y Introït et le Kyrie de la messe de Requiem de Cherubini.
M. Faure a dit un Pie Jesu de M. Jules Cohen.
100
LE MÉNESTREL.
Après la messe, M. le curé a dit l'absoute, et le cortège s'est
dirigé au Père-Lachaise.
Au cimetière, six discours ont été prononcés :
M. Vitet a parlé au nom de l'Académie-Française, M. Au-
guste Maquet au nom de l'Association des auteurs dramatiques,
M. Labrouste pour le collège Sainle-Barbe, M. Paillard de Vil-
leneuve pour le Conseil municipal, M. Thierry pour la Société
des gens de lettres et la Comédie-Française, M. Monligny comme
directeur du Gymnase.
Le soir, la Comédie-Française, l'Opéra -Comique et le Gym-
nase seuls ont fait relâche; mais le deuil était daus tous les
théâtres.
Jules Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
A propos d'une Sonate
HENRI HERZ.
Sonate !.... Ce seul mot comporte toute une histoire ; qui sait
même si les éléments d'une carrière si bien remplie ne fourni-
raient pas à une plume habile l'étoffe d'un véritable roman? La
sonate n'a-t-elle pas eu , comme tous les grands hommes et
toutes les grandes choses, ses jours de triomphe et ses moments
de lutte ? Ne fut-elle pas, sinon bannie, du moins abandonnée?
Le trait sanglant : Sonate, que me veux-tu ? que lui décocha
Fontenelle dans un jour de colère, ne resta-t-il pas longtemps
attaché à son nom comme une marque ironique et répulsive !
Et cependant, quoi de plus réellement beau, de plus complet,
que la sonate en elle-même ! Sa forme définitive est celle que
l'expérience des maîtres a sanctifiée. Cette forme se prête à
toutes les recherches de la science, à tous les élans du génie et
de l'inspiration. Les sentiments les plus multiples, les plus
opposés, y trouvent une terre généreuse où s'étendre, où germer,
où produire. Large épopée musicale formée de plusieurs parties,
on peut l'interpréter dans son ensemble, ou n'en détacher qu'un
chapitre qui devient alors à lui seul un petit poème. Du reste,
la sonate est pour le piano ce que la symphonie est à l'or-
chestre, c'est-à-dire un grand tout où chaque atome garde son
importance, chaque détail sa valeur, où la pensée la plus im-
mense peut toutefois trouver une place pour s'étendre et un
cadre digne de sa grandeur.
démenti, Haydn, Mozart, Hummel, Beethoven et Weber
comprenaient si bien la supériorité de ce large plan, qu'ils
l'employèrent chaque fois qu'ils voulurent donner à leur œuvre
une vitalité plus complète. Comme la symphonie, la sonate est
formée de trois ou quatre morceaux séparés, différents d'al-
lures et de sentiments, mais reliés entre eux par une espèce
d'homogénéité de facture, par des tonalités relatives et une teinte
générale qui les font se ressembler comme les enfants d'une
même famille.
Nous écrivions plus haut le mot d'épopée. N'en est-ce pas
une, en effet, que celle dont le premier chant, Y allegro, est un
cri de force et de jeunesse ? La vie s'ouvre, l'horizon s'agrandit,
les passions naissent et se heurtent; puis, viennent les pensées
de tendresse et d'amour : Y adagio les berce dans une douce
sonorité. La joie, l'enjouement, la coquetterie, le caprice, trou-
vent place à leur tour dans le menuet ou le scherzo. Enfin, le
rondo vient clore dignement cet ensemble grandiose. L'inspira-
tion s'arrête sur des lignes plus accusées. C'est comme la pro-
fession de foi de l'homme fait après les premières épreuves, les
premiers rêves et les premiers combats. Et c'est dans ce dernier
morceau surtout que la personnalité de l'œuvre se fait le mieux
sentir. Tantôt la joie déborde et l'emporte ; ailleurs est le déses-
poir avec tous ses déchirements et ses tortures ; ici se montre la
résignation, là les aspirations du poète vers la gloire, ou les
élans de l'âme vers Dieu, et quelquefois alors la pensée s'élève
dans la péroraison jusqu'aux accents du plus chaleureux en-
thousiasme.
Aussi, que de chefs-d'œuvre ne trouve-t-on pas dans ce
genre, depuis la symphonie, qui en est la grande expression,
jusqu'à la sonate, qui en reste la manifestation intime !
Les trios, les quatuors, les concertos font eux-mêmes partie de
cette grande famille et sont établis sur le même plan, lis for-
ment le trait d'union qui rapproche les extrêmes; c'est le di-
minutif des unes, l'extension des autres, le terrain neutre, le
juste milieu. Qu'on fasse parler l'orchestre, le quatuor ou le
piano, qu'on habite la plaine, le coteau ou la montagne, le
lyrisme reste toujours le même, et toutes ces œuvres musicales
doivent, en principe, garder la même forme et se fondre dans
le même moule.
Ce fut peut-être en raison de ce parti pris dans la forme que
la sonate eut tant de démêlés avec la mode qui sème ses caprices
un peu partout, malheureusement en musique comme ailleurs.
L'abus du même plan amena la fatigue, le besoin du nouveau se
réveilla, le mot de Fontenelle fil fortune et prit force de pro-
verbe. La sonate, comme toute chose en France, succomba sous
un bon mot et tomba en défaveur, non pas auprès des artistes
qui ne pouvaient que lui rester fidèles, mais auprès de ce public
changeant qu'une expression nouvelle entraîne et que le même
plaisir lasse. La superbe réprouvée, comme Achille, se relira
sous sa tente, attendant que le feu de paille qui se faisait autour
des petites œuvres ne jetât plus que la lueur qui lui était propre.
Aujourd'hui et depuis quelques années déjà la réaction s'opère,
le classisme reprend faveur et la sonate en tient haut et ferme le
drapeau. Certes les fantaisies, les nocturnes, les œuvres légères
ont leur charme; mais les morceaux sérieusement conçus et
largement traités n'en resteront pas moins , pour les gens de
goût, les véritables titres de noblesse de l'art musical.
Telles sont les réflexions qui me revinrent en mémoire en sor-
tant l'autre jour de chez M. Henri Herz, après l'audition d'une
grande sonate à laquelle il vient de mettre la dernière main et
qu'il compte faire entendre à son prochain concert.
Cette nouvelle œuvre, digne sous tous les rapports de rappeler
l'attention sur un genre trop délaissé par les compositeurs mo-
dernes, est d'une facture très-élevée et d'un grand style. A la
majesté des lignes, à la distinction des idées, elle joint les qua-
lités charmantes dont M. Herz a donné tant de fois l'exemple
dans toutes ses productions. Le tour frais et brillant, le trait fin
et gracieux dont fourmillent ses œuvres nous l'ont souvent fiât
surnommer l'Auber du piano. Comme le délicieux auteur du
Domino noir, il traite avec une extrême délicatesse tout ce qui
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
101
demande du tact, du goût et de l'esprit. Sa musique est une
broderie, son harmonie une ciselure, ses mélodies sont pleines
de sentiment, et ses variations éclatent en bouquets d'artifices.
Aujourd'hui, c'était sous un autre point de vue qu'il nous
apparaissait. Sa muse facile, après s'être recueillie., parlait un
langage plus élevé, et nous avons remarqué avec plaisir que,
pour être plus sévère, elle n'en était pas moins aimable. M. Herz
d'ailleurs a déjà depuis longtemps montré ce qu'il sait faire en
ce genre ; ses concertos sont autant de preuves à l'appui. La
sonate qu'il vient d'achever ajoutera certainement une nouvelle
palme à son nom. On peut y constater une couleur classique
très-prononcée, une consciencieuse étude des maîtres, une cha-
leur de facture assez rare et une sobriété de moyens qui font le
plus grand honneur à son auteur.
Au dernier des trois morceaux, surtout, l'inspiration devient
tellement vivace que l'œuvre semble s'être formée d'un seul jet.
Elle appelle cependant à son aide les ressources de la science.
Le contre-point y règne en souverain presque d'un bout à l'autre
sans que l'idée mélodique en souffre, et une parcelle de fugue
y trouve place sans avoir revêtu le costume trop rigide du maître
d'école. Un artiste ne peut écrire que quelques pages de cette
valeur dans sa vie, et il doit être fier le lendemain d'une sem-
blable création.
Paul Bernard.
PETITE CHRONIQUE.
Les droits d'auteurs d'autrefois.
Les journaux allemands nous apprennent que Castelli, le
vétéran des auteurs autrichiens, âgé de quatre-vingts ans, a fait
paraître dernièrement le premier volume de ses Mémoires; et,
dans ce volume, il apprend au lecteur, entre autres choses, que
son poëme de la Famille suisse, qui a été traduit dans toutes les
langues et qui a été représenté à Vienne des centaines de fois, lui
a rapporté pour tout droit d'auteur huit florins.
Ce fait n'étonnera personne : les annales théâtrales ne nous
fournissent que trop d'exemples de ce genre ; et, pour s'édifier
sur le sort des compositeurs d'autrefois, il n'est pas inutile de
parcourir le livre de M. Jahn. Grâce à ce biographe de Mozart,
nous savons positivement ce que les œuvres de l'illustre compo-
siteur allemand ont rapporté à leur auteur.
Dans la collection des Registres de comptes du Théâtre de
Vienne, on lit, à l'année 1788-1789, page 45 :
« Payé à Ponte Lorenzo, pour la composition du poëme de
Don Giovanni, 100 florins. »
Et un peu plus loin, à la page 47 :
« Payé à Mozart Wolfgang, pour la composition de la mu-
sique de Don Giovanni, 225 florins. »
La partition de-la Flûte magique (c'est ainsi qu'il faut dire,
et non pas la Flûte enchantée, comme l'usage s'en est établi par
une traduction fautive du titre de la partition gravée en Alle-
magne : ce n'est pas la flûte qui est enchantée, c'est elle qui
produit les enchantements ; aussi les Italiens ont-ils bien intitulé
cet opéra il Flauto magico, et non pas il Flauto incantato) ; la
partition de la Flûte magique fut payée 100 ducats par
Schickaneder, directeur du Théâtre-Impérial, à qui elle rap-
porta des sommes énormes. Aucun opéra de Mozart n'a joui
d'un succès aussi populaire dans toute l'Allemagne. La première
représentation eut lieu le 30 septembre 1791. Dans le mois
d'octobre, cet opéra fut joué vingt-quatre fois ; l'affiche du
23 novembre 1792 annonça la centième, et celle du 22 octobre
1795 la deux-centième représentation.
Les partitions de l'Enlèvement au sérail et des Noces de Figaro
ne furent non plus payées que 100 ducats chacune.
Et tous les ouvrages de Rossini joués en Italie! . . . témoin le
Barbier de Séville qui fut livré pour une obole, et non-seule-
ment en ce qui touchait le droit de reproduction , mais aussi le
droit de représentation.
Convenons que les compositeurs de nos jours veillent mieux
à leurs intérêts.
NOUVELLES DIVERSES
— On lit dans le Moniteur : « Le jury chargé de l'examen du concours
d'Opéra a terminé son travail sous la présidence du ministre d'État.
Après avoir consacré plusieurs séances à l'étude des projets envoyés
au concours, le jury a été d'avis qu'aucun de ces projets n'était suffisam-
ment complet pour que le prix d'exécution put lui être décerné.
Mais, en présence des efforts tentés par les artistes et des résultats très-
satisfaisants qu'ont présentés certains travaux, le ministre a accordé une
nouvelle somme de 5,000 fr. pour être distribuée selon que le jury le
croirait convenable .
Cette somme a été partagée en trois prix, l'un de 2,000 fr., et les deux
autres de 1,500 fr. chacun.
En conséquence, et conformément aux dispositions de l'arrêté du 29 dé-
cembre dernier, les prix ont été décernés ainsi qu'il suit :
Projet n° 6, M. Ginain, 1" prix de 6,000 fr.
Projet n° 34, MM. Crépinet et Botrel, 2e prix, 4,000 fr.
Projet n° 17, M. Garnaud, 3e prix, 2,000 fr.
Projet n° 29. M. Duc, 4e prix, 1,500 fr.
Projet n° 38, M. Garnier, oe prix, 1,500 fr.
Un rapport fera connaître ultérieurement les motifs qui ont dicté le
choix du jury. »
— Les engagements et les mutations se succèdent au Théâtre-Italien de
Paris. En voici le bulletin : d'abord le réengagement de Mmc Penco est
un fait accompli. Celte artiste se sentant à peu près indispensable, a élevé
ses prétentions en conséquence, et M. Calzado s'est exécuté : 252,000 fr.
pour trois saisons de sept mois, et de plus une loge sur scène, avec une
multitude de grands et petits privilèges, voilà le résu'tat des négociations.
— Gardoni sera remplacé par un ténor léger nommé Montanaro, dont la
voix est, dit-on, d'une rare agilité et d'une grande fraîcheur. — Angelini,
qui était engagé pour la saison prochaine, a demandé à résilier pour aller
en Russie avec Graziani ; M. Calzado y a consenti de bonne grâce et sans
aucune condition. Tagliaflco a été aussitôt engagé comme première basse,
en remplacement d'Angelini. Mme Tagliaflco fera également partie du
personnel en qualité de comprimaria. — Pour remplacer Graziani nous
aurons M. Beneventano (baron délia Piana). Quoiqu'assez jeune encore,
Beneventano a déjà fait son tour du monde et chanté à Vienne, à Milan ,
à Turin, à Madrid, à Lisbonne, au Mexique, à la Havan> , à New- York,
et fourni trois saisons au théâtre de Sa Majesté à Londres. — Quant à
M1Ie Trebelli, la nouvelle venue, nous avons dit les termes du traité qui
vient de la lier au Théâtre-Italien de Paris.
— On écrit de Londres que les compositeurs anglais s'occupent sérieu-
sement d'alimenter le répertoire national. Wallace travaille à un opéra inti-
tulé : la Fée Ambre; H. Glover prépare un Ruy-Blas; Franck Mori lient
deux œuvres lyriques sur le métier : la Fiancée de Florence et Lambert
Simnel; Bénédict s'occupe d'une Esmèralda; et enfin Mac Farren, le com-
positeur aveugle, écrit la partition d'un Prince de Modène et d'un
Hamlet. . . Bravo ! chers voisins ; voilà de quoi défrayer plusieurs saisons.
— Les journaux anglais confirment l'engagement de Mlle Emma Livry
par M. Gye, pour la prochaine saison de Londres, c'est-à-dire que le Pa-
pillon demande son acclimatation sur la scène de Covent-Garden.
102
LE MÉNESTREL.
— On écrit de Saint-Pétersbourg que M. Saint-Léon a été nommé, par
l'Empereur, premier maître de ballets de tous les théâtres impériaux de
Russie.
— Une correspondance de Berlin nous apprend que quelques chauds
partisans de Richard Wagner ont formé le projet d'un journal de musique
intitulé le Tannhauser. Le premier numéro doit paraître le 15 mars pro-
chain, à l'issue de la première représentation du Tannhauser à Paris.
— Le théâtre de Leipzig vient de reprendre avec beaucoup d'éclat la
tragédie de Struensée, musique de Meyerbeer, qu'on n'avait pas fait re-
présenter depuis quatre ans. — On a lieu de s'étonner que cette remar-
quable œuvre n'ait pas encore été transportée sur la scène française.
— On lit dans le journal français de Francfort : « La duchesse d'Ost-
gothland, née princesse de Nassau, entendit chanter par hasard, en voya-
geant dans la province, il y a quelques mois, une jeune paysanne suédoise.
La voix de la jeune fille charma tellement la noble dame, qu'elle fit venir
la paysanne dans la capitale, où des connaisseurs lui firent passer un
examen. Ces derniers ayant rendu un jugement favorable, la duchesse
envoya sa protégée à Paris, où elle devra se perfectionner. Un célèbre
professeur de chant vient d'exprimer à la duchesse, dans une lettre re-
produite par les feuilles suédoises, les grandes espérances qu'il est permis
de fonder sur le développement d'un talent que le hasard a fait découvrir.
Le jeune rossignol suédois s'appelle Christine Nilson. »
— M. Ed. de Hartog, le jeune compositeur hollandais résidant à Paris,
vient d'être nommé chevalier de l'ordre de Léopold par S. M. le roi des
Belges.
— Mllc Bardoni est de retour de Son excursion en Hollande, où elle a
joué, avecMme Vestvali, Roméo et Juliette, ainsi qu'Orphée et Eurydice.
La Haye, Amsterdam , Rotterdam, ont applaudi les deux cantatrices, non-
seulement au théâtre, mais au concert, où Mlle Bardoni a brillé dans les
airs et duos de Sèmiramis, Mathilde de Shabran et la Valse de Venzano.
— C'est La Rochelle qui recevra cette année la grande association mu-
sicale de l'Ouest (27e Congrès). On a déjà choisi les morceaux d'ensemble
qui devront être exécutés aux deux concerts. Ce sont, pour le premier
jour, la symphonie cantate Lobgesang, de Mendelssohn; le chœur de Gou-
nod, Près du fleuve étranger, et les Ruines d'Athènes, de Beethoven.'
Pour le second jour, la symphonie en si bémol du même maître, l'ouver-
ture de Robin des bois el celle de Guillaume Tell; l'introduction du pre-
mier acte du Comte Ory et le finale du second acte de la Vestale. Le festi-
val aura lieu dans la seconde quinzaine d'août.
— L'Académie des Beaux-Arts (section de musique) a décerné, dans sa
séance du 13 de ce mois, à M. Ch. Dancla, le prix annuel de composition
de quatuor fondé par M. Chartier. M. Dancla a été proposé par M. Auber.
Ses compétiteurs étaient MM. Adolphe Blanc et Ch. Estienne, présentés
par MM. Halévy et Carafa.
— Voici un nouveau petit bulletin de la décentralisation : un opéra-
comique en un acte, intitulé Simonette , vient d'être présenté au Grand-
Théâtre de Gand ; — à Douai, représentation de David, drame lyrique en
un acte, de M. Charles Duhot ; — à Nantes, enfin, on annonce la Sca-
bieuse, encore un opéra.
— S. Exe. M. le ministre d'Étal vient d'accorder à M. Raignard le pri-
vilège de la salle Lacaze, qui était devenue, dans ces dernières années, la
succursale d'été des Bouffes-Parisiens. Cette salle portera à l'avenir le nom
de Petit théâtre scénique des Champs-Elysées. Le répertoire de ce théâtre
se composera de comédies-vaudevilles et d'opérettes, en un ou deux actes,
a\ec cinq personnages parlant; de pièces féeriques en un acte ou deux
actes, avec tableaux, chants et danses. M. Raignard, le nouvel imprésario,
est le fameux machiniste de Cricri, dont un nouveau jugement l'a déclaré
collaborateur.
— Une grande soirée a eu lieu tout récemment à la Recette générale
de Lille. M. Akerman avait convié de nombreux auditeurs, — parmi les-
quels on remarquait AI. le maréchal duc de Magenta — pour leur faire
entendre deux de nos artistes parisiens, MM. Faure et Lefébure-Wély.
Cette soirée ne s'est terminée qu'à une heure du malin au milieu des plus
enlhousiastes bravos. M. Lefébure-Wély a ôlé obligé de jouer jusqu'à dix
fois, et sous ses magiques doigts l'harmonicorde de M. Debain a fait mer-
veille. Le public a particulièrement applaudi la belle fantaisie surVArmide
de Gluck. De son côté, M. Faure a chanté huit morceaux, entre autres une
mélodie de sa composition, les Rameaux. Il a dit tous ces morceaux avec
la verve et le style qu'on lui connaît. Enfin, nos deux artistes sont revenus
enchantés de l'accueil princier que leur ont fait les dilettantes lillois.
— M110 Delphine Cbampon, la jeune et habile interprète de l'orgue de
la maison Alexandre, dont elle a fait sa spécialité, se rend à Lyon et à
Saint-Étienne, où elle vient d'être appelée pour s'y faire entendre dans un
grand concert donné au profit des pauvres.
• SOIRÉES ET CONCERTS
— Après -demain mardi, premier concert au palais des Tuileries.
L'Opéra-Comique fera les honneurs de la partie vocale, et M. Lefébure-
Wély, qui représentera la partie instrumentale, fera entendre l'harmoni-
corde de M. Debain.
— Lundi dernier, les Poèmes de la Mer ont été chantés dans les salons
de S. A. Lia princesse Mathilde. Nos plus grandes illustrations du barreau,
de la peinture, de la musique, composaient l'auditoire , qui , par ses ap-
plaudissements, a confirmé de nouveau le chaleureux accueil fait à cet
ouvrage au Théâtre-Italien, le 19 décembre dernier. S. A. 1. a redemandé
plusieurs morceaux et a félicité M. Wekerlin à plusieurs reprises.
— Le programme du troisième concert des jeunes artistes du Conserva-
toire a été fort attrayant. La vaillante armée, dirigée par son habile chef,
M. Pasdeloup, a magistralement exécuté une symphonie de Schumann,
l'hymne pour instruments à cordes de Haydn, et l'ouverture du Barbier de
Séville. La partie vocale était représentée par MUe Balbi, MM. Capoul et
Gourdin. Ces artistes se sont fait justement applaudir, M. Gourdin dans
une mélodie de Richard Wagner, et M. Capoul, dans la sérénade du Bar-
bier. Quant à M110 Balbi, elle a obtenu le plus légitime succès dans son air
de Rosine et son duo avec Figaro. Comme femme et comme artiste,
M1,e Balbi a excité les sympathies de la salle entière. Enfin, constatons
l'excellent effet qu'a produit le chœur deGounod : Près du fleuve étranger.
— Dimanche dernier a eu lieu, à la salle Pleyel, la troisième séance de
musique de chambre donnée par MM. Alard et Franchomme, avec le con-
cours de M. J.. Diemer. Le tria en si bémol de Schubert, pour violon, vio-
loncelle et piano, a été rendu par les trois virtuoses avec une finesse et
une perfection qui ont fait ressortir toute la délicatesse de l'œuvre. L'exé-
cution du quatuor en ré, de Mozart, et du quintette en mi bémol, de
Beethoven, s'est également montrée à la hauteur de ces compositions, et
l'on a pu remarquer le charme des phrases exprimées tour à tour par
les divers inslruments, notamment par le violoncelle de Franchomme et
par l'alto de Casimir Ney. Quant à la sonate en si bémol, de Mozart, c'est
l'œuvre qui a le plus impressionné l'auditoire par la grâce exquise de
l'interprétation, véritable triomphe de goût pur et classique : c'est nommer
de nouveau Alard et Diemer.
— La troisième séance de la Société de quatuors de MM. Armingaud,
Jacquard, Lalo et Mas, n'a rien laissé à désirer. Les honneurs delà soirée ont
été pour l'andante Cou variazioni de Mozart, et la sonate op. 33de Beetho-
ven, exécutée par M. Ernest Lubeck avee une véritable maestria. Chaque
séance de ces excellents artistes est un véritable progrès qui les rapproche
de la perfection. Quoi d'étonnant? en travaillant chaque jour cette belle
musique des maîtres, on s'initie de plus en plus à leurs idées et on pénètre
plus avant dans leur sentiment. C'est ainsi que la musique classique trouve
sa récompense en elle-même.
— Notre célèbre harpiste, Félix Godefroid, qui annonce, sa rentrée offi-
cielle dans le monde musical pour le jeudi 14 mars, salons d'Érard, a
donné chez lui, dimanche dernier, une brillante soirée musicale, composée,
entre autres éléments, d'un intermède lyrique : la Dernière bataille, pa-
roles de M. Tourneux, musique du maître de la maison, interprètes :
M. et Mme Lyon. Le succès a été complet et s'est prononcé dès le spirituel
prologue de M. Tourneux. On a rappelé les auteurs, et M. et Mme Lyon, qui
ont aussi bien joué que chanté. La Société du Conservatoire, dirigée par
M. Ed. Batiste, avait ouvert la soirée par les fables chorales de Godefroid.
Les chansonnettes de Paul Malézieux, et notamment la grande scène bouffe
Parodie des romances, a couronné le programme. Mais ce n'était pas tout;
avant de se séparer, on a demandé quelques accords à Félix Godefroid,
el il a fait entendre cette merveilleuse harpe que seuls , aujourd'hui, ses
doigts savent animer d'une façon si poétique et si élevée. Aussi, quel en-
thousiasme et avec quel plaisir les auditeurs de M. et Mme Félix Godefroid
se sont donné rendez-vous le 14 mars, chez Ërard.
— Les nouvelles éludes d'Henri Ravina : les Harmonieuses, qui viennent
d'obtenir un si grand et si légitime succès dans les salons de M. Mar-
montel, seront exécutées par l'auteur , jeudi prochain, en petit comité,
dans les salons particuliers de MM. Pleyel-Wolff.
NOUVELLES ET ANNONCES.
103
— Mercredi dernier, à la séance hebdomadaire de M. Goufîé, un audi-
toire choisi applaudissait un trio de M. Ad. Blanc et un quintelle de
M. Estienno, parfaitement interprétés par M1Ie Ney, et par MM. Guerreau,
Rignault, Casimir Ney, Leboue et Gouffé. Le scherzo du trio, l'adagio et le
finale du quintette ont surtout fait le plus grand plaisir.
— Le deuxième concert de Joseph Wieniawski a tenu toutes ses pro-
messes, et le célèbre virtuose a été acclamé de nouveau. On lui a rede-
mandé sa valse, qui n'était pas sur le programme. Dans la partie vocale,
on a beaucoup applaudi , à côté de Géraldy , la voix et le talent de
Mme Mancel, dont le nom se retrouve depuis quelque temps sur tous nos
bons programmes de concerts. Le public ne s'en plaint pas, au contraire.
— Schulhoff annonce un troisième et dernier concert, salons Pleyel-
Wolff et compagnie, pour le vendredi 1er mars.
— ' M. et Mme'Viguier ont donné, dimanche dernier , une brillante ma-
tinée musicale dans les salons d'Érard. Un quatuor de Mozart , un trio de
Mendelssohn et un finale de Weber, ont été supérieurement interprétés
par MM. Chevillard, Adam, M. et Mmc Viguier. Un gracieux menuet ,
composé et exécuté par Mme Viguier, nous a prouvé que celte artiste
était aussi bon compositeur qu'habile virtuose. Un autre attrait de cette
matinée, c'était l'audition d'une sonate pour piano et alto, composée par
M. de Vaucorbeil. Cette œuvre, écrite avec talent et ce soin consciencieux
que les vrais artistes mettent à tout ce qui est l'expression vraie de leur
sentiment, a obtenu un grand succès. L'interprétation a élé excellente, et
chose bien rare, le public a redemandé , par acclamation , la Pavanne ,
véritable diamant incrusté dans cette délicieuse symphonie de chambre.
— Le concert que M. Henri Herz donnera chez lui, le lundi soir 4 mars,
avec orchestre et chœurs, sera, sans contredit , l'un des plus intéressants
de la saison. On y entendra Mmc Grisi et M. Badiali, ainsi que le célèbre
violoncelliste Servais. M. H. Herz exécutera son sixième concerto ; une
grande sonate \di bravoura) ; un nocturne suivi d'une tarentelle nouvelle;
Vandante du cinquième concerto et la Clochette, rondo russe.
— Parmi les récents concerts, n'oublions pas de citer celui de M. Albert
Lhôte, lauréat du Conservatoire et élève de M. Efwart. Cette soirée était
exclusivement composée des œuvres vocales et instrumentales du jeune
musicien. Trio, quatuor, sonate, mélodies, chansons, cantilènes, tout a
été accueilli avec sympathie. Espérons que l'avenir justifiera les encoura-
gements prodigués au compositeur.
— Vendredi ier mars , concert de M. William Kruger, dans les salons
d'Érard, avec le concours de Mme Mancel, de MM. Lucchesi, Hammer et
Rignault.
— Mercredi 6 mars, concert de M. A. Bazzini (salle Herz). Mme Bockholz-
Falconi et M. Reichardt coopéreront au programme de cette soirée.
— Le concert de M. Vincent Adler est remis au lundi 25 mars pro-
chain.
— M. de Casella, violoncelliste de S. M. le roi de Sardaigne, donnera
un concert, le 5 mars, dans les salons Pleyel, avec le concours de MM. Sau-
zay, Géraldy, Lucchesi, Wagner, Mmes Casella, Mancel, etc. Une opérette
de feu Cotlin, Pierre et Paul , servira d'intermède à cette soirée.
— Miss Alice Mangold donnera son second concert le dimanche 3 mars,
à une heure, dans les salons 'd'Érard. '
— Le concert de Mile Joséphine Perrelli aura lieu le 4 mars, salle Érard,
avec le concours de Mllcs Falconi, Ronzi, Noirot, Poicet.
— MUe Wilhelmine Belin de Launay donnera son concert le mardi
5 mars, à 8 heures du soir, dans les salons Érard, avec le concours de
Mlle Dorus et de MM. Herman, J. Lefort et Berthelier de l'Opéra-Comique.
— Le lithophone, ce bizarre instrument de pierres dont nous avons
déjà entreténu nos lecteurs, est exposé dans les magasins de pianos de
M. A. Bord, boulevard Poissonnière, de midi à cinq heures.
— Sous le titre : Le quatrième Larron, la librairie nouvelle vient d'en-
richir sa collection, format anglais , d'un intéressant volume de Charles
Narrey, l'auteur de nombre de jolies pièces de théâtre, et collabora-
teur, ehtr'autres succès, de la Dame de trèfle, dont il est question de
faire un opéra-comique. Dans son volume du Quatrième Larron ,
M. Charles Narrey prouve aussi quelques velléités musicales : à côté de son
héroïne , la marquise d'Herbelin , une célèbre cantatrice italienne tient
une place d'autant plus intéressante, qu'elle fut la dame de cœur de
notre Quatrième Larron, un certain Stéphen Servier , marquis de Ro-
sendal, musicien lui-même, comme Schubert. C'est donc un livre qui se
recommande à plus d'un titre aux abonnés du Ménestrel.
CONCOURS DE MUSIQUE REI.IOIEUSE.
La commission d'examen, instituée par la Maîtrise et le Congrès pour
la restauration de la musique d'église, vase réunir prochainement à l'effet
de classer, par ordre de mérite, les messes brèves à trois voix, les motets
à une, deux et trois voix, et les pièces d'orgue applicables aux offices,
adressées aux éditeurs de la Maîtrise par les organistes et maîtres de cha-
pelle français et étrangers, dans le but de prendre part au concours de
musique religieuse fondé par le journal la Maîtrise. Trois médailles en
or, trois médailles en argent et douze médailles en bronze, d'une valeur
totale de 1,250 francs, sont attribuéesaux meilleurs manuscrits déjà remis
ou qui seront soumis à l'examen de la commission pendant toute la durée
de ses séances, qui commenceront le 20 février et se prolongeront jusqu'à
la fin du mois de mars. Écrire franco à MM. Heugel et Ci0, 2 bis, rue
Vivienne, à Paris, pour recevoir le programme du concours.
NECROLOGIE.
Chaque semaine vient apporter son funèbre tribut aux tablelles
mortuaires de l'année naissante.
On écrit de Weimar que le célèbre compositeur et maître de
chapelle Chelard, l'auleur de Macbeth, est mort dans cette ville
à l'âge de soixante-douze ans.
De son côté, le Conservatoire de musique de Liège a perdu
Joseph Dupont, l'un de ses professeurs les plus distingués, vio-
loncelliste hors ligne, et compositeur de mérite. Il venait de
terminer un opéra intitulé : Ribeiro Pinlo.
Et dans la même semaine mourait à Anvers, à l'âge de
soixante-dix-sept ans, le dernier représentant de l'école de
Lesueur et Catel, M. Henri Simon, auteur d'un grand nombre
de compositions estimées, parmi lesquelles l'oratorio de Judith
ou le Siège de Bélhulie , que l'on considère comme son chef-
d'œuvre.
Enfin à Paris, nous avons vu s'éteindre André Hoffmann, qui
a occupé un rang distingué parmi les artistes dramatiques, et
dont une maladie du cerveau avait brisé la carrière dans un âge
peu avancé. Indépendamment de sa verve de comédien, André
Hoffmann excellait dans la chansonnette.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frères, rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
EN VENTE au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne.
SCÈNES ET MÉLODIES NOUVELLES.
Lombard.
Marmontel.
Masini.
Poisot.
H. Potier.
P. Thys.
La Danse macabre.
Le Moka.
Le vrai Prêtre.
Le vide du cœur.
Le Lever des Etoiles.
Les Lilas.
Adieu les Fées.
Fais-toi petit.
Comire ou le nouvel ami des Enfant.
Tes vingt ans.
Harmonie du soir.
CLEMENTINE BATTA.
Amour et Prière. — Chant d'une Mère. — Prière à la Vierge. —
La Valse de Marguerite.
CHANSONS DE GUSTAVE NADAUD.
La Promenade. — La Bruyère. — La Ferme de Beauvoir. — Le Ven
qui pleure. — Florimond Venjoleur. — La Mère Françoise.
F=%t
HAYDN Jr-
TRANSCRIPTIONS CONCERTANTES
D'CEUVRES CELEBRES
[JUHntiMI
AMÉDÉE MÈREAUX
Op. 98.
tsyoaKJûŒâo, ^i^^sce»^ ^m^ c^>,v^r^^,ok'^rcii03.^
PIANO, ORGUE, VIOLON ET VIOLONCELLE.
1. Duo de La Lettre, des Noces de Figaro, de Mozart.
Piano et orgue Duo.
2. Mon Cœur soupire, des Noces de Figaro , de Mozart.
Piano, violon et orgue Trio.
3. La Prière, adagio varié du 38 quatuor d'HAYDN.
Piano et orgue ou deux, orgues Duo.
4. BattiBatti, air de Don Juan, de Mozart. Orgue, piano,
violon, violoncelle et contre-basse, ad lib. Quatuor.
5. Adagio et polonaise de la Sérénade de Beethoven.
Piano et orgue Duo.
6. Andantino de la grande symphonie en mi bémol
d'HAYDN. Piano, violon et orgue Trio.
Chœur pastoral et gavotte à'Armide, de Gluck. Piano
et orgue Duo.
Menuet et trio des Masques, de Don Juan, de Mozart.
Piano et orgue Duo.
Air de basse de La Flûte enchantée, de Mozart. Piano,
violoncelle etorgue Trio.
Les Soupirs du Berger , de Weber. Piano et
orgue Duo.
Quatuor de Fidelio, de Beethoven. Piano à 4 mains
et orgue' Trio.
Andante du quatrième concerto de HjEndel. Piano
et orgue Duo.
DOUZE ŒUVRES CONCERTANTES DE DIVERS AUTEURS
ALEX.. B.1TT4.
1. Résignation, méditation pour violon, violoncelle, piano et
orgue , ad. lib 9 »
A. DELOFFRE.
2. Scène SOrphée, de Gluck, transcription pour violon ou violon-
celle, piano et orgue, ad. lib 9 »
CH. GOENOD.
3. Méditation sur le premier prélude de Bach , pour piano, violon
ou violoncelle et orgue 7 50
4. La Jeune religieuse, de Schubert, transcription pour violon,
violoncelle, ad lib., orgue et piano 9 »
V-"'' de GRANDVAL.
5. Deuxième trio pour piano, violon et violoncelle. 9 »
FÉLIX eODEFBOI».
6. La Prière des Burdes, pour piano, orgue, violon ou violoncelle. 9 »
MOZART Jj
JT
t*
ll/ENDEL
iUJr
E. DE HARTOG.
7. Pensée de Crépuscule , méditation pour violon, violoncelle,
orgue et piano 9 „
8. Souvenir de Pergolèse , andante religioso , pour violon, vio-
loncelle, piano et orgue 7 go
LEFÉRERE-WÉLY.
9. Air d'église de Stradella ( xvie siècle ) , pour piano , violon ou
violoncelle et orgue 7 go
10. Hymne à la Vierge, méditation religieuse pour orgue-harmo-
nicorde , violon, violoncelle et piano, ad lib 7 50
S. THAERERG.
11. Op. 69. 1er trio, pour piano, violon et violoncelle 15 »
A.-E. DE VAECORBEIL.
12. Trois sonates pour piano et violon , chacune 9 »
Paris, au MÉNESTREL, 2 bis, rue \iviennc, HEUGEL et Ciu, éditeurs-fournisseurs du CONSERVATOIRE
( Propriété France et Étranger. ]
Abonnement de lecture musicale. — Tente et location de PiunOH.
(F
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WEBER
=jr
753. — '28e Année.
N« 14.
TABLETTES
OU PIANISTE ET OU CHANTEUR.
Dimanche 3 Mars
r~a^rra
TREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'en chef.
(An
LES BUREAUX , S bis, rue Vivicnne. — HEUGEL et C'°, éditeurs.
ivlasasins et Abonnement de Musique «lu IIIÉXËSTREL. — Vente ot location de Pianos et Orgues.)
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tdu Ier de chaque mois. — L'année commence du 1=' décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser/ranco
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Typ. Charles fie Mourgues frères
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SOMIMAIKE. — TEXTE.
1. L'opéra-comique, ses compositeurs, ses chanteurs et ses divers théâtres :
compositeurs de la République et du premier Empire : Adolphe Adam (27e ar-
ticle). L. Meneau. — IL Semaine théâtrale. J.-L. Heugel. — III. Tablettes du
pianiste et du chanteur : Audition des Harmonieuses, nouvelles études d'Henri
Ravina. Léon Gatayes. — IV. Quatrième concert du Conservatoire et audition
des œuvres de Léon Kreutzer. Ed. Viel. — V. Les oeuvres posthumes d'Eugène
Scribe et le Domino noir a Londres. — VI. Hommage hongrois à Hector Berlioz.
VIL Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
MUSIQUE DE CHANT :
Nos abonnés à la musiq ue de Cha.nt recevront avec le numéro de ce jour:
ADIEU LES FEES !
Paroles d' Armand Liorat, musique d'HENRi Potier. — Suivra immé-
diatement après : le Bal , valse chantée parMUe Chabert dans le Mari
sans le savoir, paroles de MM. Léon et Ludovic Halévy, musique de
M. de Saint-Rémy.
PIANO :
Nous publierons, dimanche, prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano ,
JUANA,
Polka-mazurka de Pu. Stutz, qui a été envoyé, par erreur, à nos abonnés
de Paris, aux lieu et place du Quadrille- Fortunio qu'ils recevront diman-
che prochain. — Suivra immédiatement après : Fleuve du Tage ,
transcription par Th. Lécureux.
I/OPËRA- COMIQUE
SA NAISSANTE, SES PROCHES, SA TRtOP GRANDE EXTENSION.
COMPOSITEURS
DE LA RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER EMPIRE.
CHAPITRE IX.
XXVII.
ADOLPHE ADAM.
J'ai dit que je placerais la biographie d'Adolphe Adam
aussitôt après celle de Boïeldieu, parce que le genre du disciple
est la continuation de celui du maître. En effet, on trouve beau-
coup d'analogie dans le style de ces deux musiciens. L'élève fut
peut-être, parfois, plus brillant, mais d'un style moins élevé ;
les couleurs dont il chargea sa palette furent plus éclatantes;
mais, en revanche, il n'y avait pas dans la mélodie de Boïeldieu
le laisser aller blâmable que l'on retrouve parfois chez Adam.
L'auteur de la Fêle au village voisin n'acceptait point sans
contrôle, sans examen, toutes les mélodies qui lui venaient à
l'esprit. Boïeldieu n'eût jamais laissé, dans aucune de ses parti-
tions, la ronde des Fraises, du Bijou perdu. Il est vrai que la
popularité fut pour l'auteur du Chalet une mauvaise conseillère.
En veut-on un exemple pris au hasard dans son œuvre? Ouvrons
la partition du Roi d'Yvelot et celle du Brasseur de Preston,
nous y voyons deux romances, l'une :
Fi des honneurs,
Des grandeurs !
Parlez-moi
D'un chez soi
Où l'on est bien à l'aise.
est pleine d'entrain et d'esprit, franche d'allure et facile à garder
dans la mémoire ; elle n'a eu cependant que le modeste sort
d'une jolie bluette d'album ; on l'a chantée dans les salons.
L'autre, au rhythme commun, à la tournure Pont-Neuf, fit son
tour de France, colportée par les orgues de Barbarie ; il y a
une vingtaine d'années, les apprentis, les ouvriers de nos usines
et manufactures, comme nos conscrits, marins et simples mousses
de nos ports de mer, hurlaient à l'envi dans les rues :
Et si j'ai gagné la bataille ,
C'est que j'avais un bon cheval.
Adolphe Adam composait ses opéras comme on écrit à un
ami intime. La musique était sa langue maternelle, il s'en ser-
vait avec la plus heureuse facilité. Selon l'expression d'un de ses
biographes, il était né en pleine musique. Son père, Louis Adam,
était un professeur de piano des plus distingués ; mais si le père
de Beethoven se trouvait dans l'obligation de contraindre son
106
LE MÉNESTREL.
fils à apprendre les éléments de son art, on doit constater que
le contraire eut lieu pour le musicien dont je vais esquisser la
biographie.
#
* *
Charles- Adolphe Adam naquit à Paris le 24 juillet 1803. 11
fut très-rebelle à l'instruction littéraire, ce qui ne l'empêcha pas
d'écrire plus tard, sur la musique, des feuilletons aussi goûtés
qu'intéressants ; au lieu d'apprendre à lire, il passait sa journée
à tapoter sur un piano les improvisations qui, dès son bas âge,
abondaient à sa pensée. On le plaça d'abord dans la pension
où Hérold fit également son éducation, puis on le fit entrer au
lycée Napoléon ; mais, en grandissant, sa passion pour la mu-
sique se développa si bien, qu'il résolut de s'y. abandonner com-
plètement ; aussi, pendant sa rhétorique et sa philosophie, au
lieu de se rendre au collège, faisait-il , h l'insu de son père,
l'école buissonnière au profit de l'art qu'il chérissait. Pendant
que Louis Adam croyait son fils au lycée, celui-ci passait ses
heures de classe dans l'atelier d'une aimable Jenny l'ouvrière ,
se réfugiant pour faire de la musique dans l'asile que l'amour
lui avait ouvert.
Son père lui permit enfin de suivre , comme amateur, les
cours du Conservatoire, à la condition qu'il ne composerait
jamais d'opéras.
Dans ce but, on soigna si peu son instruction théorique, qu'il
était déjà assez bon pianiste sans savoir solfier couramment ,
car il raconte, dans son autobiographie, que M. Halévy étant
en loge à l'Institut, le pria de tenir sa classe de solfège; Adam
accepta avec plus d'aplomb que de modestie, et ce fut ainsi
qu'il apprit lui-même à lire la musique en l'enseignant aux
autres. Plus tard, il devint professeur titulaire de cette classe.
Adolphe Adam reçut des leçons d'harmonie d'un composi-
teur allemand nommé Eller, auteur d'un opéra-comique : l'Ha-
bit du chevalier de Grammont, qui réussit; grâce au scénario
spirituel et au jeu de Martin, qui soutint la pièce. Des mains
d'Eller, Adam passa dans celles de Reicha ; mais son véritable
maître fut Fauteur de la Dame blanche, qui avait été nommé
professeur de composition idéale, au Conservatoire, non sans un
peu de scandale dans cette école, parce que ses œuvres n'y
étaient pas en grande réputation de contre-point. A cette époque-
là, Adam n'avait d'estime que pour les harmonies travaillées
et les accompagnements complexes; Roïeldieu le ramena à
l'amour de la simplicité et le replaça dans cette voie où il devait
trouver les mélodies du Chalet, du Postillon, de la Reine d'un
jour, de Giralda, de Si j'étais Roi.
Son père l'avait consigné à la porte de tous les théâtres de
musique et ne lui donnait point d'argent, de façon à l'empêcher
d'y pénétrer d'aucune façon. Adolphe Adam parvint, en déses-
poir de cause, à occuper la place de triangle au théâtre du
Gymnase, pour devenir ensuite timbalier et copiste dans le
même orchestre.
C'est là qu'il fit ses premiers pas dans la carrière de compo-
siteur dramatique. Se trouvant en relations avec les auteurs qui
payaient au chef d'orchestre la musique de leurs couplets;
Adam leur offrit de s'en charger sans rien leur demander pour
son travail.
Son premier succès fut un air intercalé dans Pierre et
Marie, vaudeville joué au Gymnase le 6 janvier 1824. Toute
sa carrière se ressentit un peu de ce début, car le couplet eut
assez souvent dans ses partitions le pas sur les morceaux d'en-
semble.
Dans un voyage qu'Adam fit en Suisse, il rencontra M. Scribe,
et il obtint de cet habile vaudevilliste le droit d'écrire la mu-
sique d'une pièce qu'il destinait au Gymnase : La Batelière de
Brientz. La pièce fut représentée en 1827; les interprètes étaient
Mme Déjazet, et Léontine Fay; Gonthier, Paul, Legrand et Fer-
ville. Bocldieu, ayant entendu la musique de cette opérette, en
témoigna sa satisfaction à son élève.
Après quelques autres succès de Vaudeville,- il débuta à la
salle Feydeau par Pierre et Catherine en 1829, un acte de
M. de Saint-Georges. Cet opéra servait de lever de rideau à la
Fiancée de M. Auber. Ce furent les deux dernières pièces jouées
à Feydeau.
A l'exception du trial Féréol, qui se trouva flatté déjouer un
personnage sérieux, les artistes auxquels les rôles avaient été
primitivement distribués les refusèrent : on eut recours à des
chanteurs de réputation secondaire à cette époque ; mais la pièce
n'en marcha pas moins bien, et la basse, Henry, entr'autres, fut
applaudi dans un rôle bouffe, qu'il remplissait avec esprit. Il
devait plus tard se distinguer de la même façon dans le rôle de
Biju du Postillon de Longjumeau.
L'ouverture de Pierre et Catherine, est une charmante pré-
face symphonique qui n'a guère son pendant dans l'œuvre d'A-
dam si ce n'est celle du Brasseur.
En 1830, il donna à l'Opéra-Comique Danilowa, 3 actes de
Vial et Paul Duport.
Avant que cette pièce ne fût représentée, il écrivit pour le
théâtre des Nouveautés; mais les mélodies semées par lui à pro-
fusion sur cette scène portèrent ombrage à la direction de l'Opéra-
Comique, qui fit défendre d'y chanter des airs nouveaux, sous
prétexte que cela portait atteinte à son privilège : « les Nouveautés
étaient alors dirigées par Bohain et Nestor Roqueplan, proprié-
taires du journal le Figaro, dit Adam dans son autobiographie.»
On venait déjouer à l'Opéra-Comique un nouvel opéra : ils ré-
pondirent par une contre-assignation qu'ils firent signifier par un
huissier nommé l'Écorché : ils y faisaient défense à Ducis de re-
présenter son opéra, prétendant qu'il n'y avait pas un seul air
nouveau, que tous les motifs étaient connus, et qu'il empiétait
sur le privilège des théâtres de vaudevilles. Ils publièrent leur
assignation dans le Figaro : cette facétie obtint un succès fou,
les rieurs furent de leur côté et le procès n'eut pas lieu » (1).
Danilowa montrait chez l'auteur plus d'habileté, plus de faire
que Pierre et Catherine. La pièce était jouée par Mmes Casimir,
Pradher et Lemonnier, et par Moreau-Sainti et Lemonnier.
On redemandait chaque soir l'air: Sous le beau ciel... Mais les
nuages politiques s'amoncelèrent, et la révolution de juillet
vint arrêter le cours des représentations de Pierre et Catherine.
Adam donna ensuite, en moins d'un an, quatre ouvrages :
Trois jours enune heure, un acte; Joséphine, un acte ; le Mor-
ceau d'ensemble, un acte et le Grand prix, trois actes ( 1831 ).
Ces pièces n'eurentqu'un succès d'estime; les préoccupations poli-
tiques de cette époqne en furent peut-être cause. Les théâtres, à
la fin de 1830 et au commencement de 1831, étaient peu suivis.
Adam pensa qu'il fallait chercher fortune ailleurs, et se rendit
à Londres, où il y fit jouer en 1832 The diamand, trois actes,
The first compaign, deux actes ; en 1833, un ballet en trois
actes, intitulé Faust.
[La suite à un prochain numéro,)
LÉON MENEAU.
(1) Souvenirs d'un musicien. Notes biographiques.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
107
SEMAINE THEATRALE.
Le Tannhauser était annoncé pour demain lundi; une indis-
position deVénus (Mme Tedesco), fait remettre cette solennité
au vendredi suivant. Ce serait le moment de livrer a nos lec-
teurs les impressions des répétitions générales, de se faire l'écho
des bruits de coulisses, des mille petites misères de la mise en
scène de l'ouvrage de M. Wagner. Mais nous attendrons la
semaine des premières épreuves, nous laisserons parler le vrai
public. Immédiatement après le Tannhauser, I'Opéra se livrera
aux études de la Reine de Saba, drame lyrique en cinq actes de
M. Gounod. Le libretto a été emprunté par MM. Michel Carré
et Barbier a un roman de Gérard de Nerval. Gueymard,
Mme Gueymard-Lauters et Belval sont chargés des principaux
rôles.
A la Reine de Saba succédera l'Africaine de Meyerbeer, à
moins que les Troyens d'Hector Berlioz ne prennent place au
soleil de l'Académie impériale de musique. On en parle, ce
ne serait que justice.
L'Opéra nous promet pour le 23 de ce mois une soirée excep-
tionnelle. Deux cents exécutants feront entendre, sous la direc-
tion de Félicien David, une partie des œuvres symphoniques de
ce compositeur. Le programme comprendra le Désert, la qua-
trième partie de Christophe Colomb, l'ouverture de la Perle du
Brésil et le finale de Moïse au Sinaï.
Au Théâtre-Italien, M. Calzado prépare une brillante fin
de saison. Les Noces de Figaro seront prochainement données,
et l'on annonce les débuts de Mlle Trebelli dans Tancredi. En
attendant, le virtuose Perelli prend place sur l'affiche et récolte
nombre d'ovations, salle Ventadour. C'est un talent de haute por-
tée,un véritable engin rayé que le piano de M. Perelli. On se de-
mande pourquoi il appelle l'orchestre à son aide. C'est évidem-
ment du superflu : les dix doigts du virtuose embrassent toute
la partition et mieux encore. De sa seule main gauche, dans la
Fille du régiment, M. Perelli joue une variation que l'on dirait
écrite à quatre mains. Et pour produire de si puissants effets,
pas de contorsions, pas de grimaces, mais une noble et placide
aisance. Aussi, pas de fausses notes et une grande clarté dans les
passages les plus compliqués. Quant aux octaves, M. Perelli s'en
sert comme de simples notes et leur donne le tour le plus facile,
le plus gracieux : pour lui, c'est Tab c du piano.
Une indisposition de MIIe Lemercier a dû reculer de quelques
jours, à l'OpÉRA-CoMiQUE,la première représentation du Jardi-
nier galant , promise pour vendredi dernier. Cette nouvelle
œuvre de M. Poise est définitivement annoncée pour demain
lundi.
Le Théâtre-Lyrique annonce aussi pour demain lundi, la
première représentation des Deux Cadis, opéra bouffe en un acte,
de MM. Ph. Gille et Furpille, musique de M. Imbert. On parle
avec éloge de la partition de ce jeune compositeur, qui, pour son
coup d'essai, pourrait bien, dit-on, se révéler par un coup de
maître. . . au petit-pied.
La semaine prochaine verra la reprise, de Gil Blas, par
Mlle Girard; puis suivra la Statue, deReyer; le tout sans pré-
judice de Madame Grégoire et du Val d'Andorre, dont les re-
cettes se maintiennent au taux le plus confortable.
Une importante reprise a eu lieu cette semaine à I'Odéon ;
Une Fête de Néron, tragédie en cinq actes, en vers, d'Alexandre
Soumet et M. Louis Belmontet, a été tirée des cartons où elle
dormait depuis la direction Lireux. Cette œuvre qui, par ses si-
tuations dramatiques, la pompo du spectacle et son ballet, sort
de l'ornière de la tragédie traditionnelle, a trouvé un regain de
succès, devant le public de 1861. Sans doute M. Gibeau, chargé
du rôle de Néron, ne fait pas oublier Ligier ; M"e Karoly (Agrip-
pine) ne possède ni la majesté ni la puissance dramatique de
M1,e Georges; en revanche, MUe Tordens remplit parfaitement le
personnage de Poppée. Le divertissement des bacchantes et le
décor du golfe de Baïa ont reçu une ovation spéciale.
Nous sommes en retard avec le Gentilhomme pauvre, comédie
en deux actes, de MM. Dumanoir et Lafargue, donnée ces
jours-ci au Gymnase. Cette pièce, tirée des Scènes de la vie fla-
mande, d'Henri Conscience, renferme des situations saisissantes
dont quelques-unes, — surtout celles du deuxième acte — ne
doivent rien au romancier flamand. Le rôle de Lafresnaie
comptera parmi les meilleures créations de Lafontaine.Mlle Vic-
toria joue le personnage de Madeleine avec beaucoup de natu-
rel et de sensibilité ; M1!e Mélanie donne du relief au type de
Mme Godard; Derval, Prislon, Blaisot, Pierre Berton et Fran-
cisque complètent cet excellent ensemble.
Le théâtre des Variétés a renouvelé son affiche. A la Revue
ont succédé trois pièces nouvelles : les Rameneurs, vaudeville en
un acte, de MM. Siraudin et Choler; la Chasse aux papillons
(Grange et de Nayac); Paris quand il pleut, deux actes de
MM. Clairville et Jules Moinaux. Ces deux actes forment une
joyeuse épopée de quiproquos dont Leclère, Kopp, Aurèle,
Thierry, Mlles Bader et Henry font vaillamment les honneurs.
Les Rameneurs — sobriquet inventé à l'honneur des chauves
qui veulent dissimuler leur calvitie en ramenant vers les tempes
le reliquat de leur chevelure, — ont trouvé d'amusants inter-
prètes en Potier, Alexandre Michel, Grenier, Blondelet, etc.
Néanmoins, le succès des Rameneurs est quelque peu tiré par les
cheveux.... disent les habitués de l'orchestre.
* *
Nous ne terminerons pas cette laborieuse semaine théâtrale
sans signaler la prise de possession, par Mlle Lise Tautin, du
rôle de Valentin dans Fortunio, aux Bodffes-Parisiens. Par
suite d'une indisposition deMllePfotzér, l'administration a sol-
licité le bon office deMlleTautin,qui s'est empressée d'apprendre
le rôle en vingt-quatre heures. Prévenue le samedi, elle a joué le
dimanche, avec autant de bonne grâce que de talent, sans la
moindre annonce, sans le plus petit billet d'ami dans la salle. «
Il y avait foule : bravos et rappels ont accueilli l'Eurydice
d'Orphée sous l'habit du jeune clerc, qu'elle porte à ravir. Le
ramage, de son côté, n'a rien laissé à désirer.
J.-L. Heugel.
P. S. Le Théâtre -Déjazet a donné cette semaine un
tableau villageois de M. Carmouche : Galuchon ou la Parure
normande, avec ariettes de M. Oray, le chef d'orchestre des
Folies-Dramatiques. On a repris en même temps le Mariage
en l'air, opéra-comique en deux tableaux, de MM. de Saint-
Georges et Eugène Déjazet, joué d'origine en 1852 au Théâtre-
Lyrique, alors Opéra-National. Il y a dans cette petite œuvre
une grande abondance de musique, avec force orchestralion, et
souvent des plus élégantes. Mlle Géraldini, MM. Dupuis, Tis-
sier et Geoffroy en font les honneurs à la satisfaction générale...
dans la mesure de. leurs moyens.
108
LE MÉNESTREL.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
AUDITION
Des nouvelles études dlIErVRI RAVINA.
LES HARMONIEUSES.
Si l'art du pianiste virtuose est multiple, ses études préa-
lables— même en ce qui touche l'exécution seulement — doivent
nécessairement l'être plus encore. Ainsi, sans parler du style,
de l'expression, de tout ce qui tient à la manifestation extérieure
des sentiments de l'âme, le mécanisme seul exige déjà tout une
suite — et une suite logiquement graduée d'exercices spéciaux; —
car c'est par la combinaison de ces exercices physiques, par la
progression de cette gymnastique sonore, que l'élève acquiert
peu à peu l'agilité, la parfaite indépendance de doigts, l'égalité
de son et de distances, la force, la légèreté, l'énergie, la sou-
plesse, et enfin l'exécution irréprochable du maître.
Pour surmonter un vice de prononciation qui l'avait fait cou-
vrir de huées à l'assemblée du peuple, on sait que Démosthènes
s'exerçait à parler avec des cailloux dans la bouche et au bruit
des vagues de la mer. Il parvint ainsi à assouplir, à rendre agile
son organe, et c'est par un travail analogue sur le clavier que le
pianiste parvient à rendre agiles, à assouplir ses doigts. Mais il
ne faut pas oublier que sans son génie, sans l'étude approfondie
des grands maîtres — et particulièrement le Thucydide qu'il
avait pris pour modèle — l'immortel élève d'Isée et de Platon
n'aurait jamais été surnommé le prince des orateurs; malgré-
toute sa persévérance, il ne serait sans doute parvenu qu'à faire
un bavard plus ou moins loquace, grâce à la stérile fécondité
d'une parole rapide. ... Et je ne jurerais pas que ce ne soit pré-
cisément le cas pour certains exécutants de première force en
musique.
Mais cette parenthèse, — ouverte au reste sans la moindre
préméditation, m'entraînerait bien loin aujourd'hui ; je la ferme
donc pour arriver à mon sujet — c'est-à-dire au nouveau recueil
d'études — les Études harmonieuses de Ravina.
Pendant longtemps les anciens maîtres ont donné le titre
d'Etude (au singulier) à des séries d'exercices gradués comme ceux
de Cramer, par exemple. Chacun de ces exercices, affectant le
retour constant d'un même doigté, depuis la première mesure
jusqu'à la dernière, avait pour but spécial de faire pratiquer
séparément tout ce qui concourt à l'ensemble de l'exécution. Il
y avait des exercices entièrement composés d'oclaves, — d'autres
de sixtes ou de tierces seulement, — d'autres encore de gammes,
de trilles, d'arpèges, etc.; mais on ne les trouvait jamais réunis
à la suite l'un de l'autre dans la même page, tandis que, pour
apporter plus de variété dans le travail de l'élève, les composi-
teurs modernes ont souvent donné le nom d'Études à de véri-
tables petites fantaisies où les traits succèdent aux chants et les
chants aux traits ; où les parties s'agencent de mille manières ;
où la mélodie se transforme par les combinaisons de l'harmo-
nie, etc.
Rien que prenant place entre ces deux genres, les Éludes
harmonieuses de Ravina se rapprochent plutôt du premier ,
chacune visant et atteignant un but spécial. Cependant, lorsque,
jeudi dernier, l'auteur les a fait entendre en petit comité, disent
les lettres d'invitation (quoi qu'en réalité devant la foule com-
pacte d'artistes, — de pianistes surtout, — et de gens du monde
qui encombraient les salons de MM. Pleyel-Wolffj , on aurait
pu croire que ce but était surtout de charmer l'oreille. Mais,
répétons-le, elles en ont un autre encore, celui de faire étudier
une à une et séparément , les formes variées de toute musique
de piano. Bref, c'est l'utile mêlé à l'agréable.
Le piano n'a pas seul fait les honneurs des Harmonieuses de
Ravina. M,le Marie Brousse nous a fait entendre du Schu-
bert, du Cimarosa, une mélodie dramatique de Mme la vsse de
Grandval : Ne le dispas, et une Zingara inédite de M. Bergson,
qu'elle a interprétée avec autant de verve que d'inspiration.
Tous ces morceaux, M"e Brousse se les accompagne elle-
même en musicienne et coloriste de premier ordre, imprimant
à chaque genre son type particulier, son caractère, donnant la
vie à chaque phrase avec cette expansion qui captiverait l'audi-
toire le plus indifférent, et ici ce n'était pas le cas.
Les auditeurs de M. Henri Ravina , après trente mor-
ceaux de piano, — car on a redemandé nombre d'études, —
ne quittaient point le salon de M. Wolff, mis très-gracieu-
sement à la disposition des Harmonieuses. On a dû prononcer
les mots sacramentels : la séance est levée, pour décider les in-
vités à la retraite. Encore a-t-il fallu , en guise de rafraîchisse-
ment, que Ravina leur servît sa délicieuse chanson à boire.
Je ne suivrai pas l'une après l'autre les vingtaines harmo-
nieuses mélodies du nouveau recueil; mais, en ouvrantle cahier,
si nous prenons précisément celle du milieu, la treizième (par
conséquent nombre pas toujours si fatal, à ce qu'il paraît), nous
trouverons un gracieux petit quatuor, où le dessin des parties,
— tout en exigeant une parfaite indépendance de doigts, —
concourt à la douce harmonie qui accompagne le chant prin-
cipal : c'est un charmant croquis de musique de chambre.
Dans des conditions d'exécution entièrement différentes ,
l'étude précédente .familiarise avec les rhythmes syncopés, et
celle qui suit, avec la cadence d'un écho de ballet. D'abord,
— et dans la vive allure d'une mélodie allègre et coquette, —
le premier morceau de la série habitue tantôt un même doigt,
tantôt deux, par la substitution de l'un à l'autre, à répéter avec
prestesse une note rapide , et cet exercice est en même temps
une étude de style léger. Enfin, sur les dernières pages de celte
œuvre d'une difficulté accessible au plus grand nombre, les
capricieuses arabesques de triples croches par degrés conjoints
qui se succèdent sans interruption, sont d'avance à la perfec-
tion du trille, à l'agilité du trait, à l'égalité de distance, ce qu'est
le bouton au futur parfum des fleurs.
Si ce rapide coup d'œil esquisse beaucoup trop imparfaite-
ment la première et la dernière page des Harmonieuses , une
part, même aussi minime pour chacune, m'entraînerait beau-
coup trop loin. Il me suffira donc de constater ici qu'en feuil-
letant ce nouveau cahier d'études (et tout en les pratiquant
avec fruit), on rencontrera de fraîches mélodies, de style et de
caractères variés. Aux modulations enharmoniques d'un grave f,
par exemple, on pourra faire succéder les simples accords de
tonique et de septième dominante qui, — quelques pages plus
loin, — accompagnent comme la guitare d'un galant cavaliero ,
une vive et gracieuse sérénade espagnole ( sérénade qui, par
parenthèse, a été bissée, même trissée). Et, tournant ensuite le
feuillet, on trouvera le chant mystérieux d'un sombre trémolo.
Quant aux qualités dominantes de ces études, — comme com-
position, — dans l'œuvre nouvelle de Ravina, il y a encore plus
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
109
d'allégresse que de profonde mélancolie, plus d'élégance que de
passion. C'est la grâce surtout qui domine, car il ne faut pas ou-
blier que ce sont là de véritables études, d'une coupe strictement
uniforme pour chacune, et que, contrairement au sentiment,
la grâce et l'élégance peuvent être acquises par le travail, sans
jamais remplacer cependant les dons précieux de la nature.
Mais cette passion entraînante, pleine de feu et d'élan, on la
retrouve tout entière dans le caprice dramatique à deux pianos,
composé expressément pour cette séance, et exécuté par M. et
Mme Ravina, avec autant d'énergie que d'expression. Aussi ce
duo a-t-il été la grande toile dramatique de celte exposition
sonore, près des ravissants petits tableaux de genre qui ont fait
le charme de la soirée.
L. Gâtâtes.
SOCIÉTÉ DES CONCERTS DU CONSERVATOIRE.
QUATRiÈME CONCERT.
Audition des œuvres de M. Léon Kreutzer.
Nous ne pouvons entendre la symphonie héroïque sans son-
ger qu'elle fut l'ingénieux appât au moyen duquel Habeneck
parvint à attirer dans les filets du grand maître allemand la pha-
lange jusqu'alors récalcitrante des artistes français. Voici en
quels termes M. Elwart raconte cette curieuse anecdote dans
son excellente histoire de la Société des Concerts du Conserva-
toire :
«... .En novembre 1826, à l'occasion de la fête de Sainte-
Cécile, Habeneck invita à déjeuner chez lui un assez grand
nombre de ses amis, la plupart attachés à l'orchestre de l'Opéra,
et connus de lui pour aimer la gloire de l'art, en les priant
d'apporter avec eux leurs instruments. Ceux-ci, croyant qu'il
s'agissait d'une aubade à donner sans doute à l'aimable com-
pagne de leur ami et chef d'orchestre, obtempérèrent à son
désir. La Symphonie héroïque (sublime aubade) fut essayée,
mais avec tant d'acharnement que l'heure du déjeuner se passa
sans qu'on s'en aperçut.
« Il était près de quatre heures du soir lorsque Mme Habeneck,
ouvrant la porte de la salle à manger à deux battants, dit à ses
convives: — Au nom de Beethoven reconnaissant, vous êtes
priés de vous mettre à table pour dîner. — Il était temps, car
les instruments à vent surtout étaient sur les dents, et la contre-
basse commençait à pousser des cris de cannibale. ...»
Le trait n'est-il pas joli et le berceau de la Société des Con-
certs ne fut-il pas aussi joyeusement que spirituellement
inauguré ?
11 y a bien longtemps, d'ailleurs, que les choses ont changé
de face : les exécutants n'essayent plus la Symphonie héroïque,
ils la disent avec amour; de leur côté, les auditeurs n'ont plus
besoin de se laisser séduire, ils l'écoutent avec admiration et
l'applaudissent avec transport.
Un air pour baryton et un chœur du Paulus de Mendelssohn,
chantés par M. Guglielmi, ont paru un peu pâles à côté de l'œu-
vre de Beethoven; nouveau triomphe pour ce dernier, avec
les fragments du ballet de Prométhée, qu'on a fait bisser;
quels délicieux pas se dansent en idée sur ces mélodies d'un
tour si pur et si charmant, mais aussi comme elles sont inter-
prétées par l'archet de Franchomme et la flûte de Dorus !
Du monde mythologique, le finale du premier acte A'Obéron
nous a transportés dans les harems de l'Orient : l'air, le duo
des femmes et le chœur turc en mouvement de marche pro-
duisent toujours un immense effet, grâce à leur coloris original
et puissant. Mme Vanden-Heuvel, et après elle Mme Rey ont su
forcer les bravos dans des parties de chant qui ne sont pas
médiocrement difficiles. Enfin, l'ouverture du Jubilé, si belle
encore et si éclatante, — quoique à une grande distance des trois
autres grandes ouvertures de Weber, — est venue clore le riche
programme de cette séance, honorée de la présence de S. M.
l'Impératrice.
*
* *
M. Léon Kreutzer, dont la réputation d'excellent musicien
comme d'écrivain distingué, est depuis longtemps faite, avait
convié, mercredi, un public d'élite à l'audition de quelques-
unes de ses œuvres; son succès comme compositeur a été com-
plet. Sa symphonie en si bémol, qu'il a déjà fait exécuter à
Paris, se recommande par une facture habile, par des thèmes
heureusement choisis et par une entente parfaite de l'orchestre;
le patron de l'œuvre n'est pas gigantesque, mais les idées en
sont charmantes, très-bien exposées, travaillées avec un art infini,
et les diverses parties en sont parfaitement équilibrées.
Le grand Concerto à quatre parties pour piano et orchestre,
qui venait ensuite, n'est peut-être pas d'un style aussi égal et
aussi soutenu ; il nous a pareillement semblé moins harmonieux
dans ses proportions, notamment au premier allegro, dont les
développements sont excessifs ; et cependant nos préférences sont
acquises, malgré ces légères imperfections, à cette large et belle
page, à cause de ses tendances élevées et du cachet d'individua-
lité qu'y a mis l'auteur. Quelques morceaux de chant et des
airs de ballet ont témoigné des diverses aptitudes de M. Kreutzer
et de la souplesse de son talent. N'oublions pas de dire que
Mme Massart a rendu la partie du piano, dans le concerto, avec
autant de fermeté et de correction que de finesse, de grâce et
de brio. . E. Viel.
ŒUVRES POSTHUMES DE SCISilîE.
11 est du plus vif intérêt, pour le public, de connaître ce que
Scribe laisse en portefeuille. Notre confrère, M.Gustave Bertrand,
de ÏEntr'acle, nous donne à ce sujet les renseignements suivants :
Voici, à notre connaissance, les ouvrages qui sont complète-
ment ou à peu de chose près achevés :
L'Ecrindu roi de Garbe, opéra-comique en trois actes, sujet
tiré du conte de la Fiancée du roi de Garbe, mais avec des
modifications telles qu'elles constituent un sujet absolument
nouveau. Tout le monde sait que Scribe inventait même en imi-
tant ou en empruntant les sujets. Le livret est entre les mains
de M. Auber;
L'Ange gardien, opéra-comique en un acte, sujet d'invention
tout à fait personnelle, et que l'on dit des plus originaux, ou-
vrage écrit en collaboration avec M. Hippolyte Romand; la
musique est de M. Adolphe Nibelle;
La Beauté du diable, opéra-comique en un acte; la musique
est de M. Giulio Alary;
Un opéra-comique en trois actes, en collaboration avec M. Jules
Adenis, dont le titre est, croyons-nous, la Dame des bruyères ;
Une comédie en cinq actes, avec M. Henri Boisseaux.
Quant aux projets de pièces, quant aux idées jetées sur le
papier à l'état de titres ou de plans, d'enchaînements de scènes,
de résumés d'actes, de canevas, le nombre en est prodigieux ; il
faudrait compter par centaines. Cela peut donner l'idée, plus que
110
LE MÉNESTREL.
tout ce que l'on a pu dire, des habitudes laborieuses et de l'é-
tonnante fécondité de l'auteur, surtout si l'on songe que la
réalisation de ces projets suffirait encore à remplir une autre
carrière dramatique.
LE DO» NOIR A LONDRES.
Un fait assez digne d'être noté, c'est que le plus heureux ou-
vrage dû à la collaboration de Scribe et Auber.le Domino noir,
a été joué pour la première fois à YEnglish royal Opéra de
Londres, le mercredi 20 février, jour môme de la mort de
Scribe!
La traduction du libretto [adaptation) ,due à M. H. F. Chor-
ley, est, dit-on, une des meilleures qu'on ait faites ; — ( On sait
quelles difficultés rencontre souvent la langue anglaise à s'assi-
miler le rhythme des couplets français, dont les vers se com-
posent fréquemment de quatre ou cinq syllabes. )
Miss Louisa Pyne, qui remplissait le rôle d'Angèle, a partagé
le succès de la pièce.
L'enthousiasme de la salle était au comble.
« Mais l'émotion du public eût été centuplée, dit le Musical
World, si, après la chute du rideau, quelqu'un se fût avancé
vers la rampe, et eût dit :
« Un télégramme de Paris nous apprend à l'instant que, le
matin même, l'auteur du charmant libretto que vous venez
d'applaudir, a été frappé de mort subite! »
On sait combien nos voisins se délectent aux fortes émotions.
HOMMAGE HONGROIS A HECTOR BERLIOZ.
Une couronne il'argent.
( A Hector Berlioz, la jeunesse de Gior. )
« Très-honoré Monsieur.
« Recevez nos remercîments les plus sincères, et ce léger té-
moignage de notre reconnaissance pour l'honneur que vous avez
fait à la nation hongroise par votre transcription de la Marche
de Racokzy ; pour la flatteuse sympathie que vous avez montrée
en choisissant, dans toute la littérature musicale, notre thème na-
tional comme le plus digne ; en accueillant ce bijou abandonné
et en l'honorant de vos sublimes développements; pour le goût,
l'enthousiasme, le caractère guerrier et national avec lesquels
vous avez élevé au rang d'une œuvre d'art notre Marche popu-
laire, qui nous anime au combat et nous conduit à la vie ou à
la mort pour la gloire de notre pays.
« Recevez les souhaits de nos sincères cœurs hongrois : que le
Seigneur des cieux accorde à votre vie, qui jette tant d'éclat sur
l'art musical de l'Europe, autant de félicité que votre esprit a
montré de grandeur dans la production de cet ouvrage.
« Nous sommes, Monsieur, vos admirateurs dévoués:
« La jeunesse de Raab ( Gior ) .
« Jules Tamassy, secrétaire. »
« 31 janvier 1861. »
Voici la réponse que M. Berlioz a adressée à la Société des
jeunes Hongrois :
« Messiedus,
« J'ai reçu voire beau présent et la lettre flatteuse qui l'accom-
pagnait. Ce témoignage de sympathie, venu d'un pays dont j'ai
conservé un si cher souvenir, m'a vivement touché. L'effet de
mon ouvrage est dû sans doute aux sentiments que réveille votre
thème national en vous qu'il doiteonduire à la vie ( selon votre
poétique expression), en vous de qui l'on peut dire avec Virgile:
a Fur or traque mentes
« Prœcipitant, pulchrumque mori succurrit in armis.
« Mais, si vous avez trouvé dans ma musique une étincelle
seulement de l'enthousiasme qui brûle les nobles âmes hon-
groises, je dois m'estimer trop heureux et considérer ce succès
comme l'un des plus rares qu'un artiste puisse obtenir.
« Recevez, messieurs, avec l'expression de ma gratitude, mes
cordiales salutations.
« Votre tout dévoué.
« Hector BERLIOZ
« Paris, 24 février 1861. »
NOUVELLES DIVERSES.
— Oi) a fêté, jeudi dernier, le 68me anniversaire de Rossini. C'était tout
un pèlerinage du matin au soir, rue de la Chaussée-d'Antin. Autrefois on
ne célébrait cet anniversaire que tous les quatre ans, le grand maître ayant
vu le jour le 29 février, — année bissextile ; — mais depuis son retour
à Paris, ses nombreux amis de la veille ont sollicité la commémoration
annuelle, le 28 février. Voici, à ce propos, des vers improvisés par M. Ga-
loppe d'Onquaire dans le salon de M. et Mme Rossini :
C'est aujourd'hui vingt-huit, que naquit le cher Maître.
— Non pas!., c'est le vingt-neuf, à la pointe du jour,
■ Alors que le soleil, comfrienoant à paraître,
Versait sur Pesaro tous ses rayons d'amour.
On entendit dans l'air passer des voix étranges
Dont l'oreille aspirait les bruits mystérieux ;
On eût dit le concert des anges
Qui planait dans les cieux.
Le souffle du Seigneur créait cette harmonie
Dont jusque-là le monde ignorait la douceur. . .
Dieu voulut la laisser à la terre bénie,
Et c'est dans ce berceau qu'il plaça le génie
En l'embrasant de tous les feux du cœur.
Ce magique berceau fut la source féconde
D'où jaillit sur la terre une immense lueur ;
Comme un autre soleil, elle éblouit le monde,
Et. . . c'est bien le vingt-neuf, que naquit sa splendeur.
Alors, — me direz-vous, — nos soins sont inutiles :
Le mois de février n'ayant que vingt-huit jours,
C'est donc tous les quatre ans (dans les ans bissextiles),
Que nos vœux les plus chers peuvent prendre leur cours.
Que ce soit le vingt-huit, ou vingt-neuf, belle avancel
Soumettons-nous la gloire aux dates d'ici-bas?. .
C'est ce qui doit finir qui nait et qui commence ;
Les immortels ne naissent pas I
— M. Mocquard, chef du cabinet de S. M. l'Empereur, et l'auteur des
Fiancés d'Albano, de la Tireuse de cartes et des Massacres de Syrie,
vient de prendre place dans la Société des auteurs dramatiques.
— Félicien David vient de terminer un ouvrage en deux actes qu'il
destine à l'Opéra-Comique. On se demande comment les directions succes-
sives de la scène de Favart n'ont pas encore songé à enrichir le répertoire
d'une partition de l'auteur du Désert, de la Perle du Brésil et à'Hercu-
lanum.
— On écrit de Londres que M. Gye, directeur de Covent-Garden, a pu
décider Jenny Lind à sortir de la vie privée, et qu'il l'a engagée comme
prima-donna pour la saison prochaine (?).
— On écrit de Vienne : « Les directions des théâtres des faubourgs ont
reçu l'ordre de faire, pour toutes les pièces nouvelles, et avant la première
représentation, une répétition générale en costumes devant le commis-
saire de police, afin que ce magistrat puisse faire modifier le costume
quand il le jugera convenable, au point de vue des mœurs et de la poli-
NOUVELLES ET ANNONCES.
111
tique. » Il faut convenir que la montre de la police autrichienne est un
peu en retard.
— Encore une artiste dramatique qui quitte les coulisses pour entrer
dans le grand monde I M,le Grosseman, actrice renommée en Allemagne,
épouse le toron de Prokesch Osten, frère du ministre d'Autriche à Cons-
tantino'ple.
— Les correspondances de Bruxelles nous apprennent qu'un nombreux
auditoire assistait à la première représentation du Faust de Gounod, au
théâtre royal de la Monnaie. La partition a reçu, comme on pouvait s'y
attendre, un accueil splendide. L'auteur a dû paraître deux fois sur la
scène pour recevoir les ovations enthousiastes du public.
— Nous recevons aussi d'excellentes nouvelles du Faust de Gounod en
Allemagne : « Le lendemain de la première représentation de Faust, à
Darmstadt, S. A. le grand-duc a reçu le compositeur et lui a remis la mé-
daille d'or du Mérite, qui, depuis vingt ans, n'avait été accordée à aucun
étranger. Darmstadt est la première ville d'Allemagne où le Faust de
M. Gounod ait été représenté, mais on annonce que Carlsruhe se hâte de
monter cet opéra.
— Le comité de la Société de Sainte-Cécile, de Bordeaux, nous prie
d'annoncer aux personnes qui ont pris part au concours d'opéra-comique
ouvert en cette ville, que le terme de la clôture dudit concours est prorogé
au 31 mars prochain.
— Félix Godefroid a trouvé le moyen d'être à la fois dans Paris et dans
nos départements ; il vient de donner une série de concerts à Langres ,
Colmar, Mulhouse, Metz et Nancy, ce qui ne l'empêche pas d'ouvrir ses
salons, ce soir dimanche, comme d'usage, le tout à la plus grande gloire
de la harpe d'Érard et du chemin de fer de l'Est. Le succès de Félix Go-
defroid a été tel sur toute la ligne, qu'à Mulhouse on a dû refuser du
monde , non pas seulement pour le train express . mais aussi pour le
concert. Mieux que cela , la police a dû dissiper les attroupements.
Certes, voilà les merveilles delà harpe antique distancées ! A Colmar,
autre ovation : on a bissé les Fables chorales de l'auteur de la Danse des
Sylphes, et rappelé sur la scène, Félix Godefoid a reçu, en public, les
insignes d'honneur du président de la Société, aux applaudissements de
tous.
— L'excellent baryton J. Stockbausen a donné tout récemment un
concert à Colmar, où son père vit dans la retraite, après avoir quitté la
carrière de virtuose, qu'il avait parcourue avec distinction ; son instru-
ment était la harpe, et le digne vétéran l'a reprise pour accompagner son
fils, qui chantait le Nachtsliicic de Franz Schubert. A la fin du morceau,
un tonnerre d'applaudissements a éclaté dans la salle.
— Mlle Angèle Cordier, appelée par les Sociétés philharmoniques de
Rennes, Vannes, Laval et Le Mans, vient d'être redemandée dans celte
dernière ville pour le prochain concert des pauvres. Ce rappel en dit plus
que les meilleurs éloges.
— La Société philharmonique de Troyes vient de donner son deuxième
concert avec le concours de Mme Barthe (M1Ie Banderali). M. Pesme s'est
fait applaudir en compagnie de Mme Barthe dans le duo du Puits d'amour
et un duettino de Donizetti, et seul dans la grande scène bouffe de Gus-
tave Nadaud : Romance! . . romance!. .
— M. Eug. Sauzay, professeur au Conservatoire impérial de musique,
vient de publier un très-joli volume in-8° de 170 pages d'impression, sous
le titre : Haydn, Mozart, Beethoven, étude des plus intéressantes sur le
quatuor de ces grands maîtres.
SOIRÉES ET CONCERTS
— Le premier concert de la saison 1861, donné au palais des Tuileries,
a eu lieu mercredi dernier. En voici le programme : 1° Trio du Pré aux
Clercs, par Mlles Marimon, Monrose et M. Montaubry ; 2° Duo de la Chaste
Suzanne par MM. Crosti et Troy ; 3° les Noces basques, sérénade et air de
danse , scène pastorale pour l'harmonicorde-Debain , par M- Lefébure-
Wély ; 4° Air du Songe d'une nuit d'été, par M"6 Monrose ; ïï° Chœur et
air de la Circassienne, par M. Troy ; 6° Quatuor d'Alary, par MUe Mari-
mon, MM. Montaubry, Crosti et Troy; 7° Duo des Voitures versées, par
MUe Marimon et M. Crosti ; 8° Cantique du Domino noir, par Mlle Mon-
rose, M. Montaubry et les chœurs ; 9° Variations des Diamants de la
Couronne, par M1'6 Marimon ; 10J Scène de la Circassienne, par M. Mon-
taubry, avec chœur. Le piano était tenu par M. Alary ; l'orchestre dirigé
par M. Tilmant. — LL. MM. ont, à plusieurs reprises, félicité personnel-
lement les artistes et donné le signal des applaudissements.
— Dimanche dernier, une assemblée nombreuse, composée des 'plus
hautes notabilités, applaudissait, chez Son Excellence M. le président du
Sénat, les principales scènes à'Armide et à'Orphe'e, de Gluck, interpré-
tées par Mme Viardot. Puis Mm6 Tardieu de Malevilllea fait entendre plu-
sieurs compositions de Mozart et de Haydn, avec la pureté de stylo qu'on
lui connaît. Il est impossible de fêter plus noblement les grands maîtres
de l'art musical.
— A la grande soirée organisée par Duprez, chez Rossini, avec le
concours de ses principaux élèves et celui de M. et MmG Vandcnheuvel,
— soirée qui avait attiré une énorme affluence chez M. et M"10 Rossini, —
est venu succéder un samedi plus calme, avec un auditoire moins com-
pacte. Quatre artistes seulement : l'admirable basse chantante Badiali, le
nouveau ténor Montanaro , les virtuoses Perelli et Bazzini, composaient,
avec Mme la vsse de Grandval, un vrai programme de gourmets. Le grand
duo de Semiramide a fait fanatisme. On l'aurait redemandé tout entier, si,
d'une part, Badiali n'avait chanté, le même soir, aux Italiens, et si, de
l'autre, Mme de Grandval n'avait prodigué avec la meilleure grâce, pen-
dant toute la soirée , les trésors d'un talent aussi élevé que plein d'inspi-
ration.
— Nous sommes heureux de constater que M. Tilmant aîné, chef d'or-
chestre de la Société des Concerts du Conservatoire, a retrouvé tout le
prestige de son talent de violoniste. Ces jours passés, il a exécuté, dans
les salons de M. le baron M***, un quintette d'Onslow, et le premier
quintette de M. C. Estienne, avee toute la verve de la jeunesse.
— Une pianiste di primo cartello, qui ne se fait entendre qu'à de
rares intervalles, à l'occasion de grandes fêtes de bienfaisance, MUe Clé-
mentine Tinel de Kerolan, avait réuni quelques amis chez elle, dimanche
dernier, pour leur faire entendre le trio en si bémol de Beethoven, la
sonate op. 49 de Weber, la sonate de Mendelssohrî, en si bémol, et la
Somnambula de Prudent. Les archets de MM. Sighicelli et Emile Rignault
répondaient aux doigts de Mlle Clémentine Tinel dans les œuvres concer-
tantes. Aussi l'ensemble a-t-il été parfait, sans nuire cependant à la sonate
de Weber pour piano seul, qui a fait merveille.
— Un ténor allemand, qui s'est fait une réputation à Londres dans les
concerts, M. Alexandre Reichardt, que M. Emile Perrin avait eu le désir d'en-
gager à l'Opéra-Comique, vient de se faire entendre dans les salons Érard,
avec un nouveau succès. C'est un chanteur distingué, doué d'une voix sym-
pathique. M. Tagliafico, le violoniste Bazzini, M. Braga, Mmc Dreyfus et
jjmo Anna Berlini, qui s'est placée an premier rang de nos cantatrices de
concerts, prêtaient le concours de leur talent à M. Reichardt.
— La jeune et brillante violoniste, MIIe Julienne André, a donné son
concert jeudi dernier, salle Herz, avec le concours de Mlles Joséphine La-
guesse, pianiste, et Herminie Toury, organiste. On a remarqué dans la
partie vocale deux nocturnes et le Voyage aérien de Gustave Nadaud ,
chantés avec le plus grand succès par les frères Guidon.
— M. Damcke annonce une séance musicale chez Pleyol, dont le pro-
gramme comporte un hommage à Bach, fugue à la main, exécutée par l'au-
teur, M. Damcke, et Louis Diemer ; un trio par Mme Viardot, Servais et
Bazzini ; deux chœurs d'église, une mélodie, par Servais; une pastorale,
par Bazzini, et une sonate, par MM. Servais et Diemer. Certes, voilà
quelque chose d'intéressant; aussi est-ce par lettres d'invitation, jeudi
7 mars.
— Aujourd'hui dimanche, quatrième concert de la Société des jeunes
Artistes, salle Herz.
— Mercredi 13 mars, grand concert avec orchestre et chœurs, donné
par M. Henri Herz. Inutile de désigner le local : Lucullus dînera chez
Lucullus. En tête du programme brille le nom de Servais, l'empereur du.
violoncelle. Mme Grisi et Badiali représenteront la partie vocale. M. Henri
Herz fera richement les honneurs de sa soirée ; il exécutera, entre autres
morceaux, son nouveau concerto (le 6me), et sa grande sonate di bravura.
— Le pianiste compositeur Alfred Jaell, après avoir parcouru une
partie de l'Italie, la Suisse, les bords du Rhin, est attendu à Paris, où il
doit donner un concert le 27 mars, dans les salons Érard.
— La première séance de musique de chambre de Georges Pfeiffer
aura lieu lundi 4 mars 1861, avec le concours de MM. Herman et Fràn-
chomme, dans les salons Pleyel-Wolff et compagnie.
— M. A. Gouffé, contrebassiste-solo de l'Opéra et de la Société des Con-
certs du Conservatoire, donnera une séance de musique instrumentale,
à la salle [Pleyel, le mercredi 20 mars, à une heure et demie, avec le
112
LE MÉNESTREL.
concours de Mme Mattmann et de MM. Guerre'au, Rignault, Casimir Ney,
Lebouc, Adam et Mohr.
— La séance musicale deCh. Bessems aura lieu le 11 mars, dans les
salons d'Érard, à huit heures du soir. M. Bessems aura pour interprètes
MM. Lée, Goufle, Ancessy, Léon et MUc Fanny Cornet pour le chant.
— M. et Mme Deloffre donneront leur deuxième concert le mercredi
6 mars, à huit heures du soir, dans les saloïjs Érard, avec le concours de
Mme Ugalde, MM. Bataille, Ravina, Ch. Lebouc, Pascal-Lamazou et
Malézieux.
— Le pianiste-compositeur Ascher, de retour de ses pérégrinations en
Alsace, annonce un prochain concert dans les salons Érard.
— Mercredi 6 mars, salle Pleyel, quatrième séance de MM. Armingaud,
L. Jacquart, E. Lalo, avec le concours de Mrae Massart. On exécutera :
1° Trio en mi majeur (Mozart), pour piano, violonfet violoncelle; 2° Qua-
trième quatuor en ré mineur (Schubert), pour deux violons, alto et vio-
loncelle; 3° Sonate en la, op. 69 (Beethoven), pour piano et violoncelle ;
4° Quatuor en mi bémol, op. 12 (Mendelssohn), pour deux violons, alto
et violoncelle. — On commencera à huit heures et demie.
— Mercredi 5 mars, salle Herz, concert du virtuose Bazzini , avec le
concours de Mme Bockholz-Falconi, de MM. Reicbardt, Gnomea, Brandy et
Peruzzi.
— Vendredi soir 1S mars, salons d'Érard, grand concert donné par
MUe Marie Marchand, l'un des meilleurs élèves de F. LeCouppey. Nos
artistes en renom concourront à cette solennité, heureux de pouvoir don-
ner cette preuve de sympathie à la jeune et intéressante bénéficiaire.
— Mardi 5 mars, salle Érard, concert de M"e Wilhelmine Belin de Lau-
nay, avec le concours de Mlle Dorus, de MM. Alard, Jules Lefort, Berthe-
lier, etc.
— Mardi 12 mars, concert de M. S. Castel, salle Herz. Mmes Gaveaux-
Sabatier, Balbi, MM. Jules Lefort, Sainte-Foy de l'Opéra-Comique , et le
bénéficiaire , rempliront la partie vocale. L'élément instrumental sera
défrayé par MM. Le Cieux, Ernest Nathan et Jules Simon, l'habile flûtiste.
Une opérette : Au fond duverre, chantée par MM. Jules Lefort et Castel,
sera l'appoint de ce menu musical.
— On annonce que l'une de nos notabilités artistiques de la province,
qui avait pris la direction d'une importante maison du commerce de mu-
sique, pianos et orgues, dans le Midi, se dispose à reprendre complète-
ment la carrière des arts, et par conséquent à céder cette maison, actuelle-
ment en pleine prospérité commerciale.
— L'administration des Bals d'enfants de l'hôtel du Louvre a pris des
mesures afin qu'au prochain bal de la Mi-Carême l'espace soit encore
agrandi, pour que les enfants, moins restreints dans leur cercle, puissent
danser en toute liberté, et aussi pour qu'ils soient plus particulièrement
en vue des parents.
— Les Roses de Noël de M. Edouard d'Anglemont obtiennent toute la
vogue que mérite ce livre qu'on pourrait appeler la légende de l'humanité,
et dont M. de Lamartine a dit : « C'est le lyrisme dans l'élégie.» Ce nouvel
ouvrage du poète des Légendes françaises et des Euménides , du rhythme
les plus harmonieux, plein de tableaux émouvants, est une mine féconde
que nos peintres et nos musiciens ne manqueront pas d'exploiter. La
peinture et la musique doivent s'associer à des œuvres telles que l'Au-
tomne, le Baiser, la Prima donna, le Pacha de Coron, la Fiancée du
Pêcheur, la Chanteuse du Carrousel, la Grotte de Biaritz, les Fiancés
de quinze ans. Un vol. in-8° , librairie Dentu.)
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SOIvIItïAIRE.
TEXTE.
I. L'opéra-comique, ses compositeurs, ses chanteurs et ses divers théâtres : Adolphe
Adam {suite et fin, 28e article). L. Meneau. — II. Semaine théâtrale. J. Lovy. —
III. Théâtre del'Opéra-Comique : première représentation du Jardinier galant.
A. Dureau. — IV. Tablettes du pianiste et du chanteur : le Laryngoscope, ou
Miroir de la voix, par Manuel Garcia. J.-L. Hedcel. — V. Nouvelles, Soirées
et Concerts, Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour ;
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Polka-mazurka de Ph. Stutz, qui a été envoyé, par erreur, à nos abonnés
de Paris, aux lieu et place du Quadrille-Fortunio qu'ils recevront aujour-
d'hui dimanche. — Suivra immédiatement après : Fleuve du Tage ,
transcription par Th. Lécureux.
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Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant,
LE BAE ,
"Valse chantée par Mlle Chabert dans le Mari sans le savoir, paroles de
MM. Léon et Ludovic Halévy, musique de M. de Saint-Rémt. —
Suivra immédiatement après : Fais-toi petit I paroles de Charles
Potier, musique d'HENRi Potier.
L'Ol'ÊRA- COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
COMPOSITEURS
DE LA RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER EMPIRE.
CHAPITRE IX.
XXVIII.
ADOLPHE ADAM.
Il revint à Paris en 1833 et fit représenter le Proscrit, trois
actes; une Bonne fortune, un acte, et enfin le Chalet (1834),
un acte qui lui avait été promis depuis longtemps par M. Scribe.
Le Chalet est celle de ses partitions qui s'est le plus chantée :
elle fait partie du répertoire de tous les théâtres de France et
de l'étranger : cela tient non-seulement au mérite de la mu-
sique populaire , à bon droit, mais aussi à la franche gaieté que
MM. Scribe et Mélesville ont répandue dans leur libretto, d'une
mise en scène facile, car il ne comporte que trois rôles : ub
soprano, un lénor, une basse, ce qui suffit pour obtenir une
très-grande variété de timbres. Nous trouvons en effet dans la
partition, outre les morceaux seuls pour chacune de ces trois
voix, un duo pour soprano et ténor, un autre pour ténor et basse,
et enfin un trio. C'est donc là une œuvre très-simple et très-
complète à la fois.
Adam commença par appliquer un air de sa partition anglaise
de Faust au chœur de l'orgie. A partir de ce début, il écrivit au
courant de la plume, de façon que les huit morceaux qui com-
posent le Châlcl et l'ouverture étaient terminés en six jours. Ce fut
un grand succès. « Le Chalet, dès son apparition, fut classé parmi
les meilleurs ouvrages du genre, dit M. Halévy dans sa biographie
d'Adolphe Adam (1). Il y a dans le domaine de la musique de
rianles et fraîches vallées où se plait la muse des accords lempérés.
C'est cette muse qui inspirait Adam et lui dictait des chants gra-
cieux, de joyeuses mélodies et des rhylhmes légers. Le Chalet
résume celte heureuse inspiration. Il est resté le type du génie
d'Adolphe Adam, et, si l'on dit souvent « l'auteur du Chalet», ce
n'est pas qu'on soit injusle, ingrat, peu soucieux de ses nombreux
travaux, mais c'est par une sorte d'ellipse, et pour concentrer
en un seul mot le charme, la grâce , l'esprit du musicien. C'est
un hommage rendu à sa mémoire, et l'éloge du Chalet devient
ainsi l'éloge de l'œuvre tout entier. »
Le nom d'Adolphe Adam est peut-être aujourd'hui le plus
connu parmi ceux des compositeurs français dans ce qu'on ap-
pelle le gros du public (2) .
(1| Souvenirs et portraits.
(2) C'est à ce point qu'on lui attribue des œuvres beaucoup au-dessus de
son talent. Un jour, à une table d'hôte, dans une petite ville de Normandie,
j'assistais à une discussion sur le mérite de Robert-le-Diable ; les opinions
114
LE MÉNESTREL.
L'année 1835 vit paraître deux opéras en un acte, qui ont eu
un nombre restreint de représentations : la Marquise et Mi-
cheline.
En 1836, il eut un nouveau succès populaire avec le Pos-
tillon de Longjumeau. Le rôle principal fut remarquablement
créé par Cbollet, qui revint le chanter à Paris, au Théâtre-
Lyrique, en 1852; celui de Madeleine était tenu, dans l'ori-
gine, par Mlu Prévost. Adam prouva, dans cette partition, sa
facilité pour la musique bouffe, le trio : Pendu! pendu!.... est
un petit chef-d'œuvre de genre.
En 1838, le Fidèle Berger ne réussit pas autant qu'il le
méritait, par suite d'une cabale de confiseurs. La même année
parut le Brasseur de Pre'slon, qui obtint assez de faveur.
En 1840, Bégine, deux actes, et la Beine d'un jour, trois
actes, eurent un bon succès d'estime ; la dernière de ces deux
œuvres, surtout, qui servit de début de création au ténor J.-J.
Masset, et de retraite à la gracieuse Jenny Colon, Mme Leplus.
En 1841, Adam partit pour Saint-Pétersbourg, afin de monter
son ballet de Giselle, pour Mme Taglioni. Le czar voulut le
retenir dans sa capitale, mais le mal du pays força l'artiste
français à prendre au plus vite la route de la patrie : il se fit
transporter h grands frais à Berlin, où le roi de Prusse lui de-
manda un opéra. Par suite de ce désir, Die Hamadryaden,
deux actes, furent écrits, répétés et exécutés en trois semaines.
« Le jour de la première représentation, raconte l'auteur, le
public se montra si froid, que, peu habitué au flegme germa-
nique, je crus à une chute et je me retirai désespéré avant la fin
de la pièce. J'étais seul, jeté sur un canapé, dans une chambre
sans lumière, lorsque je vis tout à coup la rue s'illuminer de
torches et de flambeaux; une admirable musique militaire exé-
cute plusieurs morceaux de mes opéras, et mes amis montent
en foule pour me féliciter du grand succès que je venais d'ob-
tenir et dont j'étais loin de me douter. »
A son retour à Paris, il donna à l'Opéra-Comique, la Bose de
Péronne; cette pièce, spécialement écrite pour Mrao Damoreau,
n'eut, malgré l'admirable talent de l'interprète, que quinze
représentations. En 1841, la Main de fer en eut cinq; mais, en
1842, le Boi d'Yvetot fut plus heureux : Chollet y était remar-
quable et M1Ie Darcier des plus séduisantes. Il écrivit ensuite
des ballets et des opéras pour l'Académie royale de musique.
Les affaires de 1848 lui furent aussi nuisibles que celles de 93
l'avaient été pour Berton. Le 24 février trouva Adolphe Adam
directeur du troisième Théâtre-Lyrique (Opéra-National), sa créa-
tion. Il se ruina complètement dans cette entreprise; mais, avec une
loyauté trop rare à notre époque, il abandonna à ses créanciers
ses droits d'auteur, jusqu'à payement intégral de ses dettes , se
contentant, pour vivre, d'un revenu à peine suffisant. Une nou-
velle carrière s'ouvrit alors devant lui : le docteur Véron le
chargea de la critique musicale du Constitutionnel. Il faisait
ainsi à peu près trois feuilletons par mois, quatre au plus , qui
lui étaient payés.... 50 fr. l'un.
A ce moment là, M. Scribe lui offrit le libretto de Giralda,
un des plus spirituels et des plus amusants qui soient sortis de
cette plume féconde. Mais le succès immense et si mérité du
émises par mes convives m'amusaient beaucoup, et j'étais loin de les
troubler en y mêlant les miennes. Je restai auditeur muet ; un des assis-
tants demanda quel était l'auteur de la musique, et Adam fut généralement
nommé. — Souvent aussi, au sortir d'une représentation d'opéra-co-
mique, j'ai entendu dire à des amateurs plus ou moins érudits : La musique
que nous venons d'entendre est jolie ; elle doit ôtre d'Adam.
Val d'Andorre, avait donné à penser à l'administration de
l'Opéra-Comique que le public n'aimait plus que les pièces mélo-
dramatiques. On ajourna en conséquence la première repré-
sentation de Giralda.
Pendant que ce double chef-d'œuvre (1) dormait dans les car-
tons de M. Perrin, Adam écrivit en moins d'une semaine une
charmante bouffonnerie en deux actes: le Toréador, composée à
la demande de Mocker, pour une représentation à son bénéfice.
Elle réussit pleinement : Bataille, préludant à ses succès du
Songe d'une nuit d'été, s'y montra excellent chanteur comique,
et madame Ugalde déploya une agilité surprenante dans les
variations sur: Ah! vous dirai-je, maman!... Toutes les can-
tatrices de concert voulurent dire ce morceau après la prima
donna de l'Opéra-Comique. Le trio : Ugalde, Mocker et Bataille,
assura à cette partition un nombre considérable de représen-
tations. Elle fut classée dans le répertoire courant des scènes
d'opéra-comique.
Enfin, en 1850, Giralda fut présentée au public et accueillie
comme elle devait l'être. Cette musique est, à mes yeux, la meil-
leure de tout l'œuvre d'Adam. Il n'a jamais" rien fait d'aussi com-
plet, surlout d'aussi distingué. Je ne ferai pas ici le détail des
différents numéros de la partition ; je citerai , dans les principaux
morceaux, le duo : C'est sous l'église du village, et le trio : Où
donc est-il, mon doux seigneur ? puis encore les couplels que
Sainte-Foy disait d'une façon si plaisante : Ah mon habit!
Mon bel habit de mariage ! reliés par la jolie phrase des des-
sus du chœur : Ah ! c'est la fiancée!.... à la cavatine: Bêve
heureux du jeune âge !.... dans laquelle MIIe Félix Miolan
montrait déjà ce qu'elle devait être plus tard, une cantatrice
di primo carlello , la Miolan-Carvalho d'aujourd'hui. Je ci-
terai encore le duo bouffe qu'elle chantait avec Sainte-Foy:
Faut-il donc vous aider, ma chère?.... les couplets comiques
de la Ginès au second acte : Tant que j'étais célibataire. Le reste
de la partition était parfaitement interprété par Bussine, Audran,
et Mlle Meyer (2). 11 ne faut pas oublier non plus l'excellent
Riquier, dont le rôle n'était point important au point de vue
musical, mais qui donnait au personnage de Don Japhet d'A-
tocha une physionomie des plus comiques.
En 1852, Adam écrivit sur son lit, où il était retenu depuis
quelque temps parla maladie: La poupée de Nuremberg, mu-
sique gaie, vive et spirituelle, et quelques jours après: le Far-
fadet, un acte très amusant, de M. de Planard, dont Bussine
etMlle Lemercier créèrent lesdeuxprincipauxrôles. On applaudit
beaucoup le duo: C'est le vent qui murmure..., pendant lequel
l'orchestre imite le bruifd'un moulin à vent en mouvement, mêlé
à celui d'un orage, accompagné des hou ! hou ! du prétendu re-
venant, et enfin, après tout ce tumulte, le pianissimo :
Dans les airs plus de bruit,
Bonne nuitl bonne nuit!
La verve inépuisable de notre charmant compositeur donnait
encore, dans la même année : Si j'étais roi! trois acles de
M. Dennery (4 novembre 1852). Ce fut un succès qui grandit
surtout avec le temps, et nombre d'amateurs citent aujourd'hni
cet ouvrage comme le meilleur d'Adolphe Adam. On y remarque
(1) J'appelle Giralda un double chef-d'œuvre, parce que celte pièce me
paraît aussi bien réussie pour les paroles que pour la musique.
(2) Cette cantatrice, comme on le sait, est devenue la femme de M. Meil-
let, l'un des bons chanteurs de nos jours, l'un des dignes successeurs de
Martin, avec lequel il a plus d'un rapport.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
IIS
l'air très-mélodieux de Zéphoris: Si fêtais roi!..., le duo co-
mique : Oh! l'étonnante aventure!..., l'air de Néméa...,' le duo
bouffe entre Zélide et Piféar..., etc., etc. Si j'étais roi, comme
ses aînés le Postillon, le Chalet, Giralda, fit victorieusement
son tour de France, et nous révéla un chanteur de mérite, le
baryton Laurent {le roi) , qu'un douloureux événemeut enleva
subitement à la suite d'un bain froid.
L'année suivante parurent trois actes sans prétention, mais
non sans mérite, arrangés sur l'amusante comédie de Desforges :
le Sourd ou V Auberge pleine. Riquier était excellent dans le
rôle du papa Doliban, Sainte-Foy étourdissant dans la scène du
lit, et M"e Lemercier enlevait, de façon à les faire bisser chaque
soir, les couplets du Pont d'Avignon.
La même année le Théâtre-Lyrique représentait : le Roi des
Halles et le Bijou perdu, début et triomphe de Mme Cabel; en
1854, le Muletier de Tolède et A Clichy; en 1855, le Houzard
de Berchini; en 1856, Falslaff et Mam'zelle Geneviève, imitant
ainsi la fécondité des Grétry, des Dalayrac et des vieux maîtres
italiens, pour lesquels une partition d'opéra n'offrait pas, à beau-
coup près, la somme de travail matériel qui existe dans les œu-
vres de nos jours, l'orchestre n'ayant pas à cette époque le luxe
de développement actuel.
Adam avait commencé sa carrière par le vaudeville; il la
termina par l'opérette. Il venait de donner un acte aux Bouffes-
Parisiens, un délicieux acte, les Pantins de Violette, lorsque la
mort vint arrêter le cours de ses succès.
« J'ai payé mes dettes, disait-il en terminant son auto-
biographie ; mais mon frère vient de mourir, me laissant des
affaires embarrassées et ayant mangé de son vivant tout le bien
de ma mère, qui pouvait avoir quelque valeur; je n'ai donc nul
espoir de retrouver jamais, non pas la fortune, mais même l'ai-
sance. Je mettrai quelque chose de coté pour ma femme et ma
fille, mais ce sera bien peu.
« Le travail musical est ma seule passion et mon seul plaisir.
Le jour où le public repoussera mes œuvres, l'ennui me tuera. »
Cette heure ne sonna pas pour lui ; car, après avoir écrit ces
lignes, qui furent en quelque sorte son testament, il s'en-
dormit sans souffrance du dernier sommeil (1), laissant la répu-
tation d'un homme de cœur, d'un grand artiste, unanimement
regretté et par ceux qui l'avaient connu personnellement et par
ceux qui l'appréciaient dans ses œuvres.
LÉON MÉNEAB.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Le Tannhauser a fait cette semaine ses débuts au palais
de justice.
C'est, du reste, le sort de mainte œuvre à grand retentisse-
ment ; plus d'un drame, plus d'un opéra ont eu maille à partir
avec les tribunaux avant de descendre sur Ja scène , et se
trouvent logés à l'entre-sol des feuilles judiciaires, avant d'aller
s'installer au rez-de-chaussée du feuilleton.
Donc, M. Lindau, un des traducteurs du poëme de M. Ri-
chard Wagner, introduisait une instance auprès du tribunal
(1) Le 2 mai 18o6 il assistait à l'Opéra au début d'une cantatrice, dans
la Reine de Chypre ; le lendemain malin on le trouva mort dans son lit,
sans qu'il eût proféré une plainte. s
civil, pour voir figurer son nom sur l'affiche et sur le libretto du
Tannhauser, à côté de ceux de MM. Roche et de Nuitter. Le
maestro Wagner, par l'organe de M" Emile Olivier (gendre de
Franz Listz), s'opposait h cette prétention, attendu que le travail
de M. Lindau aurait été incomplet, et serait devenu la source
de beaucoup de retards.
Nonobstant les efforts de Me Marie, avocat de M. Lindau, ce-
lui-ci n'a pas réusssi, et le tribunal, faisant droit aux conclu-
sions de M. l'avocat impérial, a débouté M. Lindau de sa de-
mande, lui réservant, toutefois, les droits pécuniaires pour son
travail de traducteur.
Et pendant ce temps, un autre conflit s'était élevé dans le do-
maine orchestral. Le compositeur allemand demandait simple-
ment à remplacer M. Dietsch au pupitre, et à diriger l'orchestre lui-
même selon les us allemands et italiens, pendant au moins trois
représentations. Ce débat, que l'on croyait terminé, est revenu
sur l'eau. Les musiciens de l'orchestre, dit-on, s'étaient cepen-
dant catégoriquement prononcés pour le maintien pur et simple
de leur chef d'orchestre. Ce sont tous ces tiraillements, plus
encore que l'enrouement de Mme Tedesco, qui retardent le lever
du rideau. On annonce, toutefois, l'ouvrage pour mercredi, et
d'une manière définitive. Mme Tedesco remplira le rôle de
Vénus, que Mlle Rey s'était apprêtée à doubler. — A dimanche
prochain les impressions du public.
Le Théâtre Italien a repris jeudi dernier Yltaliana in
Algeri pour les débuts du ténor Montanaro. La ravissante œuvre
bouffe de Rossini a été revue avec joie. Quant au débutant, suc-
cesseur de Gardoni, sa voix n'est pas forte, mais d'un timbre si
agréable! puis, il vocalise et phrase avec tant de goût et de mé-
thode ! Zucchini est ébouriffant d'entrain et de gaieté ; nous n'en
dirons pas autant d'Angelini, auquel nous eussions préféré] Ba-
diali, et de beaucoup.
Le trio papataci a récolté le bis de rigueur. — Que dirons-
nous de Mme Alboni? Ce rôle d'Isabella semble son élément
vital; elle s'y épanouit à plaisir, et le public avec elle.
Le mardi précédent, le virtuose Perelli reparaissait sur la
scène Ventadour avec ses deux grandes fantaisies de la Norma
et de la Fille du régiment. — Nouvelles ovations, nouveaux
rappels.
L'Opéra-Comique nous a donné cette semaine la première
représentation du Jardinier galant, musique de M. Poise (voir
notre article de ce jour) .
M. de Saint-Georges revendique sa part de collaboration dans
l'œuvre posthume de Scribe , la Fiancée du roi de Garbes,
musique future d'Auber. Cette revendication a été accueilie avec
plaisir par la presse. C'est un attrait de plus promis à nos
plaisirs.
Maître Claude de M. de Leuven et Jules Cohen, prendra l'af-
fiche sous peu de jours. Ce sera peut-être bien la dernière créa-
tion de Mlle Marimon, délicieuse fauvette que l'Opéra-Comique
va laisser s'envoler au moment d'en recueillir les fruits. —
M"e Marimon est aujourd'hui la vraie prima donna de la salle
Favart. Qui donc la remplacera ?
Le Théâtre Lyrique a donné avant hier vendredi, les Deux
Cadis, un acte de M. Imbert, paroles de MM. Gille et Fur-
pille, chanté par MM. Grillon, Wartel, Girardot etMUe Faivre,
— A dimanche prochain le compte rendu de cette première re-
présentation, mais dès aujourd'hui constatons un puëme amu.
116
LE MÉNESTREL.
sant, une musique bien traitée , malgré le faiblesse générale
de l'exécution. C'est , du reste , le sort des opéras-comiques
en un acte, et c'est un fait d'autant plus regrettable.
Les Bouffes Parisiens ont célébré lundi dernier la rentrée
de M"e Pfotzer, dans le rôle de Valenlin de Fortunio. On a
bissé sa chanson à boire et redemandé le petit clerc avec force
bravos. La voix fraîche, métallique, pénétrante de MUe Pfotzer,
excite toujours les mêmes émotions : c'est du magnétisme dans la
plus agréable acception du mot.
Le Théâtre Français a repris jeudi dernier le Bourgeois
Gentilhomme, avec la musique de Lulli. MUe Nathalie a joué
pour la première fois le rôle de Mmo Jourdain. Jugez de l'attrait
de cette soirée de mi-carême, défrayée par Samson, Provost,
jjmes Augustine Brohan , Fix, Figeac, Nathalie et tutti quanti,
avec la Cérémonie pour bouquet, et les Plaideurs comme ap-
point !... — On poursuit les études du Jeune homme quine fait
rien, comédie en un acte de M. Legouvé. — On répète également
trois tragédies du fonds classique : Mithridate, Bajazet etNico-
mède. Beauvallet fera particulièrement les honneurs de ces trois
chefs-d'œuvre, en attendant la Rachel promise.
Le Vaudeville nous a offert une comédie en un acte de
M. Charles Hugo, intitulée: Je vous aime. C'est une spirituelle
fantaisie, que les acteurs, notamment Brindeau et Mlle Germa
(débutante), se sont assimilée avec talent.
On a joué, le même soir, les Petits moyens, originaires du
Gymnase. Nuraa est toujours parfait de bonhomie. — Ce théâtre
nous tient en perspective une pièce de M. Jaime fils : Pour bien
marier sa fille, comédie en un acte qui avait été répétée au
Théâtre Français, et même annoncée sur l'affiche, il y a environ
deux ans, sans avoir jamais été représentée.
Le théâtre des Variétés prépare une grande pièce de
MM. Clairville, Lambert, Thiboust et Delacour, intitulée : les
Danses nationales.
De son côté, le Palais-Royal nous promet un Hector et un
Ami des femmes pour succéder à la Mariée de Mardi-Gras.
MM. Théodore Barrière et Edouard Plouvier ont doté la scène
de I'Ambigu d'un drame fantastique : ÏAnge de minuit. Cela
sort complètement de l'ornière du boulevard ; c'est une œuvre
étrange, idéale, une donnée philosophiquement conçue et poéti-
quement formulée. La mise en scène de ce drame est très-soignée;
on a surtout applaudi l'acte du bal masqué. Trois débuts ont eu
lieu dans l'Ange de minuit : Paul Bondois, ancien artiste de la
Gaîté, s'est spécialement distingué ; l'on a fêté la bienvenue
de Mlle Méa, la belle transfuge del'Odéon. Enfin, la troupe or-
dinaire du théâtre n'a pas démérité de l'œuvre : Castellano,
M1Ie Defodon, Mme Caroline Gilbert tiennent fort bien leurs
rôles.
Une troupe de danseurs hongrois, sous la direction de M. Frie-
drich Bekefy, maître de ballet du théâtre impérial de Pesth,
donne en ce moment des représentations au théâtre Déjazet.
Cette chorégraphie exotique, assez goûtée au boulevard du
Temple, n'a rien d'inquiétant pour notre Grand-Opéra.
J. Lovy.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE LOPÉRA-COMIQIE.
Le Jardinier galant, opéra-cormque en deux actes, trois tableaux , de
• Mil. de Leuven et Siiuudin, musique de M. Perd. Poise.
Une entente cordiale règn&en ce moment entre MM. les libret-
tistes fournisseurs brevetés de nos principales scènes d'opéra-
comique. Au Théâtre Lyrique, on conspire contre Mme de Pom-
padour ; à la salle Favart, on la chansonne. Cette reine du de-
mi-monde d'autrefois, que S. M. le roi Louis XV daignait com-
bler de ses familiarités, — pour parler le langage de M. de
Leuven, — a grand besoin que M. Capefigue lui vienne en
aide.
Donc, le chansonnier Collé, de joyeuse mémoire, vient de
lancer contre la Favorite , son Jardinier galant , petit recueil
de chansons satiriques ; la marquise a frémi de colère, le roi a
froncé le sourcil, le lieutenant de police a blêmi de stupéfaction,
son greffier maître Tiphaine a pâli de crainte et d'effroi, et son
exempt Léveillé n'est guère plus rassuré; car il faut que dans
vingt-quatre heures le Jardinier galant soit détruit, et son au-
teur envoyé à la Bastille. A défaut de l'auteur, M. le lieutenant
de police a bien voulu promettre à son greffier qu'il l'enverrait
remplacer le coupable jusqu'à la prise de celui-ci, et maître Ti-
phaine, en homme qui connaît son monde, a fait la même pro-
messe à son subordonné Léveillé.
Léveillé, qui débute dans sa profession, commencera par un
coup de maître: en arrêtant le premier innocent venu. Justement
Collé vient à passer, l'exempt le saisit par l'habit pour lui donner
tous les renseignements que le chansonnier ne lui demandait pas,
et celui-ci, désormais bien informé, se hâte de placer les quelques
exemplaires de son recueil dans une hotte de fleurs qu'un jar-
dinier du nom de Galant a oublié là, comme par hasard ; puis,
bonheur extrême, amour suprême, Collé retrouve dans Mme Ti-
phaine, la gentille Ninette, ses premières amours; il obtient
aisément delà greffière un rendez-vous nocturne. En même temps
le guet, dirigé par Léveillé, s'empare du galant jardinier, et le
conduit chez maître Tiphaine, et celui-ci enchanté, court à Ver-
sailles annoncer sa capture, pendant que Mme Tiphaine, qui, moins
heureuse que le public, ne s'explique pas l'imbroglio, — ordonne
à Léveillé de placer le recueil dans son boudoir, au grand éton-
nement de l'agent. L'ordre est exécuté; Galant apprend qu'il est
chez la maîtresse de sa fiancée Clairette ; il sait qu'on l'attend,
et, impatienté, dérange la greffière et Collé, au milieu d'un souper
improvisé. Maître Tiphaine revient à l'improviste de Versailles;
Collé effrayé s'enfuit avec Galant, — les amoureux ont bon
' cœur, — plus de prisonnier ! On ira à la Bastille ou au Fort-l'E-
vêque; mais Léveillé rattrape Galant au marché, et on le saisi-
rait de nouveau, lui, sa hotte et le livre qu'il n'a pas fait, mais
qu'il colporte, si Collé, son recueil à la main, ne venait régaler
M. le greffier royal lui-même, de la fameuse chanson satirique.
La Pompadour a régné, les familiarités du roi Louis XV sont
acquises à sa rivale, on peut chanter tout à l'aise.
Le poëme de MM. Leuven et Siraudin est un véritable livret
d'opéra-comique. L'intrigue n'y est pas compliquée, l'imbroglio
n'est point difficile à saisir ; mais l'œuvre est gaie et, pour ma
part, j'ai toujours combattu, salle Favart, le genre larmoyant.
Une pointe de sentiment n'est pas toujours une superfétation,mais
les larmes sont, à coup sûr, chose maussade et fort ennuyeuse.
— La musique de M. Poise est cherchée, trop cherchée pour un
cadre si léger, et le plus grand défaut du compositeur, défaut que
MUSIQUE ET THÉATIÎILS.
117
partagent comme lui les nouveaux musiciens, c'est de vouloir
écrire quand même, de la graude musique. Le dramatique a tout
envahi, le théâtre comme la littérature ; il semble que, parce
que nos aïeux mouraient de gaieté, nous, leurs petils fils, nous
devions finir nos jours tragiquement.
Disons, pour être juste, que ce défaut s'adresse autant à la cri-
tique qu'aux producteurs ; elle a si souvent reproché à ces derniers
de ne donner que des œuvres légères, que ceux-ci ont dû mettre
un crêpe à leur jeunesse, un voile funèbre à leur imagination.
Parmi les morceaux accueillis avec plaisir, je citerai la chanson
de Collé: Je vais vous conter le tableau d'une guinguette folle ;
Bon agent, montrons-nous diligent, chanté par Léveillé, l'air
d'entrée du jardinier, un duo que l'on a fait bisser: En tout
bien, tout honneur , une romance, l'Heureux temps, l'espérance,
le quatuor Bonsoir ma toute belle, la chansonnette du jar-
dinier prisonnier, il a raison Bastien, et la morale est sage, un
joli duo que l'on a faitbisser aussi : Ah ! la gentille chanson, etc.
La pièce est très-convenablement interprétée par M"e Lemercier
( Mme Tiphaine ), M. Crosti ( Charles Collé), M. Ponchard ( Ga-
lant ), MM. Prilleux ( Mtre Tiphaine ) et Ambroise ( Léveillé).
Mais je crains que le public de la Circassienne ne soit devenu
bien difficile.
A. Ddreau.
NOUVELLES DIVERSES.
— Dans la séance du 4 mars, au Sénat, plusieurs membres, à propos du
vote de l'Adresse, ont proposé un amendement dans l'intérêt des sciences,
des lettres et des arts. M. le prince Poniatowski s'est surtout rendu l'or-
gane des besoins de l'art musical. Dans un discours habilement développé,
le prince-musicien a exprimé, non sans autorité, des vœux en faveur du
Conservatoire, du Théâtre-Italien et du Théâtre-Lyrique , et le monde
musical se souviendra de cette généreuse sollicitude qui portera ses fruits
tôt ou tard.
— Roger, engagé par le théâtre italien de Berlin, renouvelle, dans le
Trovatore et la Lucia , les succès et les recettes phénoménales qu'il ré-
coltait naguère dans le Prophète, les Huguenots et la Dame Manche, en
Allemagne. C'est le même enthousiasme.
— On écrit de Berlin qu'Ellinor ou le Rêve et le Réveil, ballet en trois
actes de Taglioni, musique de Hertel, a réussi au théâtre royal de Berlin.
Les deux auteurs ont été rappelés , en compagnie du peintre décorateur,
M. Gropius.
— Une correspondance de Berlin rend ainsi compte d'une œuvre nou-
velle du crû, représentée sur le théâtre royal de cette ville : « Après les
Dragons de Villars, d'Aimé Maillart, et la Veuve Grapin, de M. de Flotow,
nous avons eu Junker Habàkuk (monsieur de Habakuk), opéra comique
en trois actes, de M. A. Schreffer. C'est de la musique de couplets; la
source où puise l'auteur n'est pas sans doute l'Hippocrène, mais elle coule
avec une abondance continue, et ne tarit que lorsqu'il essaye d'exprimer
des sentiments vrais. »
— L'opéra nouveau de Rubinstein , les Enfants des landes , a été re-
présenté à Vienne le 23 février dernier, avec un succès d'estime.
— Les journaux allemands nous apprennent qu'on doit faire entendre
très-prochainement à Vienne, dans un concert public, un opéra-comique
posthume de François Schubert.
— Nous lisons dans la Gazette musicale de Berlin [Echo] du 3 mars,
sous la rubrique de Hambourg : « La Giralda, de Halévy, n'a pas obtenu
grand succès sur notre théâtre. » Est-ce par sympathie pour M. Halévy
que ce correspondant de Hambourg lui fait endosser l'insuccès d'un des
plus charmants opéras d'Adolphe Adam ?
— On lit dans un journal de Gand, le Nouvelliste: « Le spectacle de
jeudi, donné au bénéfice de M. Singelée, chef d'orchestre du théâtre, se
composait du Mariage aux lanternes et de la reprise de la Fille du régi-
ment. La salle était garnie d'une société d'élite désireuse de voir et d'en-
tendre M1,e Louisa Singelée dans le rôle de la vivandière. Le beau talent
dont cette jeune cantatrice avait fait preuve huit jours avant au concert du
Casino devait mettre le dilettantisme en émoi ; aussi, tous les amateurs
étaient-ils exacts au rendez-vous pour encourager les premiers pas de l'in-
téressante élève de Duprez dans la difficile carrière qu'elle se dispose à
embrasser. Une triple salve d'applaudissements a salué Mlle Singelée à
son entrée en scène. Nous avions raison de dire que l'actrice ne serait point
au-dessous de la chanteuse ; M11" Singelée possède un jeu naturel, plein de
vivacité, qui lui permet de donner au rôle de Marie la grâce, la franchise
et la brusquerie qui lui conviennent. On n'aurait jamais cru que l'artiste
affronterait pour la première fois le feu de la rampe. Dès que les études de
la séduisante élève de Duprez seront terminées, les premiers théâtres ne
pourront manquer de se la disputer. »
— A Varsovie, un opéra nouveau de Dutscb, la Femme Croate, a reçu
bon accueil, nonobstant les circonstances politiques.
— Les journaux italiens nous apprennent que le théâtre neuf, situé
dans le quartier de Montecalvario, à Naples, a été, le 20 février dernier,
la proie des flammes. Les pertes sont considérables. On ignore la cause
de ce sinistre, qui a failli détruire tout ce quartier.
— L'inauguration de la nouvelle salle destinée au Conservatoire de
musique de Bruxelles, s'est faite, le 24 du mois dernier, par le premier
concert de la saison. "Parmi les morceaux du programme, figurait une ou-
verture de M. de Hartog, sur le sujet de Pompée. Cette œuvre, d'un style
grave et sévère, a été très-goùtée du monde artiste.
— M. le comte Jules de Castellane vient de mourir à Marseille. C'était
un impressario dilettante bien connu à Paris, et son hôtel du faubourg
Saint-Honoré, où il avait créé un théâtre, était le rendez-vous de tous les
artistes célèbres, qui s'y trouvaient mêlés au monde le plus aristocratique.
M. le comte Jules de Castellane avait épousé M1'6 de Villoutreys ; il ne
laisse que deux filles ; mais ce beau nom est encore représenté par trois ra"
meaux différents, l'un ayant pour chef le maréchal.
— Levasseur vient [d'être appelé au grand théâtre de Lyon, pour une
série de représentations.
— On nous écrit d'Amiens: « Dimanche dernier, M11"* Mira, 'MM. Sainte-
Foy et Lourdel étaient appelés à Amiens pour fournir le programme d'une
fête offerte, par le nouveau préfet, M. Cornuau, à l'élite de la société, non-
seulement de la ville, mais du département et de Paris même, où habi-
baient encore, il y a deux mois, M. et Mme Cornuau. Il est difficile de don-
ner l'idée du coup d'œil de la longue galerie éblouissante de lumière et
de charmantes femmes chargées de fleurs , de dentelles et de diamants,
dans laquelle a eu lieu cette réception. Un petit théâtre formait l'extrémité
de cette salle improvisée. C'est là que nos artistes parisiens ont joué et
chanté les deux opérettes à succcès : l'Amour à l'èpèe, de Wékerlin, et
Loin du bruit, de Paul Bernard, tous deux pour les paroles d'un poète de
la localité, M. Galoppe d'Onquaire, qui se retire chaque été sous ses om-
brages picards. Aussi, l'accueil chaleureux fait à ces deux amusantes
pièces a-t-il été doublé d'un entrain de rationalité bien motivé du reste.
Sainte-Foy s'est montré désopilant, Mlle Mira, comme toujours, pleine de
charme et de gentillesse, et Lourdel les a parfaitement secondés. Loin du
bruit a enlevé tous les suffrages, d'autant plus que l'auteur en personne,
M. Paul Bernard, tenait le piano. Après la soirée, il y a eu souper et réu-
nion intime, et cette dernière partie du programme, tout improvisée, a
été égayée par les chansonnettes de Sainte-Foy et un proverbe de Vercon-
sin, délicieusement joué, en manière d'adieu, par MIle Mira etM. Lourdel. »
— Dijon. Une imposante solennité, qui offre un grand intérêt au point
de vue de la musique religieuse, aura lieu le mardi 19 mars, à l'occasion
de la réception et de l'inauguration du grand orgue de notre cathédrale.
Grâce à la haute initiative de Monseigneur l'évêque, aux sacrifices du
conseil de fabrique, notre ville va être dotée d'un des instruments les plus
grands et les plus complets de France, et enrichie de tous les perfectionne-
ments de la facture moderne. Une commission spéciale d'hommes émi-
nents est appelée à juger les travaux confiés à l'établissement Merklin
Schutz et Cc de Paris et de Bruxelles.
M. Edouard Batiste, professeur au Conservatoire impérial de musique,
organiste de Sain t-Eustache à Paris, viandra prêter le concours de son talent
et faire apprécier, dans cette séance d'audition, la richesse et la variété des
ressources de ce nouvel et magnifique instrument.
— Le journal de Rouen, sous la signature Méreaux, rend compte de
l'accueil fait parles dilettantes de cette ville à M. Charles Delioux et à ses
œuvres. Nous regrettons de ne pouvoir reproduire ce feuilleton, qui est
tout un honneur pour le virtuose et le compositeur.
118
LE MÉNESTREL.
— ACaen, c'est la Sociélé musicale de la ville qui s'est chargée du
soin de remettre à Mme Anna Bertini des lettres de noblesse philharmo-
nique, et un diplôme d'honneur à son nom. Demandée à Valenciennes,
Mme Anna Berlini va récolter de nouveaux bravos, de nouveaux bis.
La Société philharmonique de Caen lui a redemandé deux morceaux dans
la même soirée.
— Jeudi prochain, 14 mars, messe solennelle à grand orchestre, avec
chœurs, de Mme de Maislre , exécutée à Saint-Euslache. Les soli seront
chantés par les sœurs Marchisio, MM. Michot et Bonheur.
— M. Ed. Hocmelle, l'habile organiste du grand orgue de Saint-Thomns-
d'Aquin, vient d'être appelé en la même qualité à l'église Saint-Philippe-
du-Roule. »
— On sait que M. Clapisson est grand amateur de curiosités musicales.
Depuis longtemps il avait collectionné des instruments de musique de tous
les temps et de tous les pays. Le gouvernement vient de décider, assure
l'Union, que celte précieuse collection serait placée au Conservatoire sous
la garde de M. Clapisson, qui, par ses soins assidus, augmentera encore
ce musée spécial,' digne de cet établissement sans rival.
• . — Voici la lettre que M. Halévy, membre de l'Institut et secrétaire per-
pétuel de l'Académie, a adressée à M. Ch. Dancla : « Je m'empresse de
vous annoncer que l'Académie, dans sa dernière séance, décernant pour la
première fois le prix fondé par feu M. Chartier, vous aaccordéce prix, sur
la proposition unanime de la section de musique. »
— M. Piermarini vient de publier six grandes vocalises dédiées à sa
brillante élève Mme Laborde , comme complément de son excellent cours
de chant. La dédicace seule indique le but de ces vocalises écrites pour
soprano, et résument les plus grandes difficultés de l'art du chant.
SOIRÉES ET CONCERTS
— Le virtuose Sarrasate, le jeune chevalier de l'ordre de Charles III , a
été appelé à l'honneur de représenter la partie instrumentale au second
concert donné au palais des Tuileries, avant-hier vendredi. Il a été parti-
culièrement félicité par LL. MM., qui ont également complimenté, de la ma-
nière la plus gracieuse, les artistes du Théâtre-Italien appelés à faire les
honneurs de la partie vocale : MM. Mario , Badiali , Graziani , Zuc-
chini ; Mme Alboni et Mme Penco qui a chanté . entre autres morceaux, la
célèbre valse de Venzano.
— Ce sont les sœurs Marchisio, MM. Gardoni et Tagliafico qui ont pris
part au concert donné dimanche dernier chez M. le Président du Sénat.
Dans les salons de S. Exe. le Ministre Delangler ce sont encore les sœurs
Marchisio, Faure et Sarrasate qui ont remporté les honneurs du pro-
gramme. Ou annonce pour la prochaine soirée Mme Wekerlin-Damoreau,
qui s'est fait entendre avec le plus grand succès, mercredi dernier, chez
M. le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations.
■ — Au dernier samedi de M. et MmD Ro'ssini, on a fort applaudi Mlle Bi-
deau, jeune violoniste, élève de Mayseder, qui vient de nous arriver d'Alle-
magne. Badiali a interprété avec un goût parfait une sérénade composée
par C. Estienne, sur des airs de Métastase, et la soirée s'est terminée par
un impromptu du virtuose Wieniawski, et la cavatine de Tancredi, inter-
prétée par MUe Marie Brousse, telle que le grand maître l'a arrangée pour
elle, avec des traits écrits de sa main pour cette remarquable cantatrice de
salon.
— Mme Erard, qui possède à Passy, pour la saison d'été, l'un de ces
châteaux enviés par les tètes couronnées , vient de se donner, à Paris,
un palais d'hiver, adhérant à sa royale manufacture de pianos. On a inau-
guré, dans une soirée toute privée, ces apparlements princiers, dispo-
sés au-dessus de la salle des concerts. A partir de l'escalier d'honneur,
on admire le bon goût, la richesse bien entendue des moindres détails
d'ornementation et de décoration. Les souvenirs de famille tiennent aussi,
dans les salons comme dans le cœur de Mme Érard, une digne et large
place. La musique de chambre, avec MM. Armingaud, Jacquard et Ernest
Lubeck pour interprètes , a d'abord présidé au baptême musical de ces
nouveaux salons , baptême qui s'est célébré dimanche dernier. Les voix
aimées de Graziani, du ténor Montanaro et de Mme Ida Bertrand y ont
ensuite résonné de leurs vibrations tour à tour suaves et pénétrantes, au
plus grand honneur de l'acoustique.
— Le même dimanche, Mme'Orfila et Mosneron de Saint-Pierre rou-
vraient leurs salons momentanément fermés à la musique par un deuil
de famille. Le programme comptait d'abord le ténor Montanaro et Mllc Ida
Bertrand, qu'on a bissés et qui sont allés récolter de nouvelles ovations,
le même soir, dans les salons de Mmc Érard. Quant à Badiali, fidèle au
programme de Mme Orfila, il en a fait les honneurs en grand artiste ,
avec libéralité, aux acclamations de tous. Ces acclamations se sont en-
suite reportées sur la toute gracieuse et charmante M,le Marimon, qui a
reçu , entre autres félicitations , celles de Mme la comtesse de Sparre
et de Badiali, qui l'ont félicitée sur la manière dont elle chantait l'italien.
Pour une cantatrice française c'est tout un honneur. Dans la partie ins-
trumentale , le piano de M. Gennaro Perelli a fait furore. Son exécution,
à la fois si fougueuse et si calme, si complexe et si simple, étonne et
saisit autant qu'elle charme. C'est évidemment le Listz de la saison.
— Les salons dillettantes se montrent infiniment plus hospitaliers que
la scène Favart pour la musique de Barkouf. Partout où MUe Marie Mari-
monl est appelée, on lui demande sa Chanson du chien, qu'elle dit du
reste à ravir. Cette chanson a été le bouquet de la soirée deM. et MmePei-
reire, mercredi dernier, de même que chez M. et Mme Ernest André le
lundi précédent. MIle Marimon doit également chanter Barkouf cette se-
maine chez S. A. I. la princesse Mathilde etdansles salons de MmeOrfila.
— L'école Duprez a tenu sa première séance d'examen dimanche der-
nier. On y remarquait les sommités de tous genres. Les élèves ont fait
honneur au maître, non-seulement comme soli, mais aussi dans les mor-
ceaux d'ensemble qui ont été merveillensement exécutés. Nous y revien-
drons; mais signalons dès aujourd'hui les progrès réalisés par Mlle Brunet,
aujourd'hui Brunelli, qui nous revient du Théâtre-Italien'de Berlin avec
un talent souple, gracieux en même temps que dramatique. C'est décidé-
ment une nouvelle étoile de première grandeur qui se lève à l'horizon de
l'école Duprez.
— Le 4e concert de la Société des jeunes Artistes a eu lieu dimanche
dernier, au milieu de I'affluence habituelle des amateurs de bonne mu-
sique. Là viennent les déshérités du Conservatoire, que l'orcheslre Pas-
deloup se charge de consoler ; là viennent aussi les élus de ces concerts,
qui trouvent qu'on ne saurait trop souvent écouter les maîtres, même
exécutés par de jeunes artistes. L'ouverture des Girondins, de Litolff, a
été vivement applaudie, bien qu'elle ait paru mériter mieux le litre d'ou-
verture des Montagnards. C'est une musique révolutionnaire , ou quel-
ques apaisements viennent parfois interrompre l'énergie fiévreuse de
l'orchestre. Que dire du Songe d'une nuit d'été , de Mendelssohn? Quelle
poésie! quel charme mystérieux ! quel instinct du surnaturel! quelle
prodigieuse traduction de Shakespeare ! L'exéculion a été parfaite pour la
partie instrumentale; les chœurs ont montré quelque indécision; ces
belles et piquantes jeunes filles ne sont-elles pas un peu trop préoccupées
de leurs robes blanches et de leurs cheveux bouclés ? Pourquoi la femme
ne s'oublie-t-elle pas davantage devant l'artiste ? Nous avons entendu avec
plaisir le chœur des Moissonneurs, d' Auber (Enfant prodigue), malgré
le voisinage redoutable de Mendelssohn ; l'agrément particulier à la mu-
sique du plus fécond et du plus élégant de nos maîtres vivants, persiste
même après les merveilles harmoniques de la musique allemande, et si
les sensations sont moins complètes et moins vives, elles ont leur valeur
encore, et surtout leur mérite propre. Mlle Gallino a intéressé par la
timidité gracieuse avec laquelle elle manie une voix claire et limpide. On
a fini par le septuor de Beethoven, par MM. Auroux, Espeignet, Paquis,
et tous les instruments à cordes. N'oublions pas M. Lancien, dont le
violon a mérité d'unanimes applaudissements dans un concerto inédit
d'AIard.
— A la dernière séance de MM. Alard et Franchomme, on a remarqué
Franchomme dans le menuet du quatuor de Weber, et Diemer dans le
finale de ce même morceau. L'hymne d'Haydn, pour instruments à cordes,
a été parfait d'exéeulion, ainsi que le trio de Mozart, par Alard, Fran-
chomme et Diemer qui s'est distingué dans les variations finales. Alard
s'est élevé à la hauteur du septuor de Beethoven dans les fragments de
ce chef-d'œuvre réduit en quintette.
'"—Jeudi dernier, salon Pleyel-Wolf, M. B. Damcke, qui jouit en Allema-
d'une certaine notoriété comme critique, conviait une partie du monde
musical parisien à l'audition de ses propres œuvres, comme producteur,
et cette circonstance avait mis en émoi tous nos pianistes compositeurs.
Ajoutons que Mme Viardot devait se faire entendre sur le piano, l'instru-
ment de ses premiers succès, et que le violoncelle du virtuose Servais était
également sur le programme.
La musique de M. Damcke a été acclamée sans conteste : remarquable
par une simplicité de forme que n'exclut pas la grandeur, elle est saisis-
sante, elle impressionne; ses mélodies sont douces et chastes, elles ont hor-
NOUVELLES ET ANNONCES.
119
reur de l'afféterie autant que du bruit. M. Damcke'est un musicien de la grande
école, on le devine à ses accompagnements; il possède un riche clavier de
nuances dont il se sert avec une habileté fort rare, ou plutôt avec une heu-
reuse inspiration. Quant aux tours de force, quant aux variations àgrande
vitesse, quant à la fureur de faire de l'effet quand même, je ne sache pas
que le compositeur sacrifie à de pareils autels.
— Nous devons mentionner l'audition intime à laquelle M. Hans
de Bulow a convié ses amis et quelques organes de la presse, pendant
son court séjour à Paris. Cette matinée a eu lieu dans les salons de Pleyel,
le 6 de ce mois. L'éminent pianiste a vigoureusement justifié, dans cette
occasion, la haute renommée dont il jouit et le rang qu'il occupe dans la
pléiade des musiciens romantiques d'outre-Rhin.
— Mme Oscar Comettant s'est fait entendre au dernier samedi de
M. Marmontel, en compagnie de Victor Sarrasate, de MM. Hammer, Muller
et Rosenhain, dont M. Marmontel a dit deux fois la Calabraise. C'était un
riche programme, bien qu'intime, au point de vue de la réunion. Un trio
de Rosenhain, le finale de sa sonate, une barcarolle et une mazurka,
représentaient, avec la Calabraise, la musique de piano. M. Ed. Lyon
secondait Mme Oscar Comettant dans la partie vocale, et les applaudisse-
ments ne leur ont pas manqué.
— Le concert de M. Bazzini, avec le concours de MM. Reicbardt,
Gnone, Brandt, MUe Bockholz-Falconi, a eu lieu mercredi dernier, salle
Herz. Le bénéficiaire, comme d'habitude, a enlevé son auditoire par ses
tours de force, ses feux d'artifice et sa manière de chanter, qui sait si bien
impressionner à un moment donné. Mais pourquoi des variations sur la
Marche funèbre de Chopin II!
— La première séance de musique de chambre donnée par M. Georges
Pfeiffer, avec le concours de MM. Herman et Franchomme, a eu lieu
lundi dans les salons Pleyel-Wolf. Mendelsshon, Mozart et Beethoven
défrayaient le programme de cette soirée, remarquable par le nombre et
l'élégance des auditeurs accourus, non plus, comme les années précédentes,
pour encourager de brillante? espérances, mais pour applaudir à de réelles
victoires.
M. Georges Pfeiffer est un de ces éloquents convertisseurs du piano
qui considèrent l'art comme une sainte mission ; il est de ceux qu'on peut
louer sans complaisance; son chaleureux auditoire le lui a largement
prouvé : Le trio en ré mineur de Mendelssohn et Ta chasse ont valu à
l'artiste une double ovation, et elle était méritée. Avec le concours de
MM. Herman et Franchomme , il avait triple chance de succès, et l'on
peut dire que sous ce rapport la ire séance de M. Georges Pfeiffer n'a rien
laissé à désirer.
Lundi 2o mars, seconde séance, dans laquelle nous aurons à le juger
comme compositeur dans un trio inédit dont il est l'auteur.
— Un pianiste qui partage avec M. Perelli le sceptre de la grande
exécution sur le piano, M. Emile Forgues, vient de donner un premier
concert chez Ërard, dans lequel il nous a fait entendre ses études pathé-
tiques, composition de premier ordre, d'une difficulté peu commune,
mais dont l'auteur se joue avec autant d'aisance que de maestria. Après
neuf morceaux de piano accueillis avec les plus chaleureux bravos , on
a demandé à M. Emile Forgues sa fameuse tarentelle, qui lui a valu une
nouvelle et dernière ovation.
— Nous sommes en retard avec l'audition et le concert donnés dans les
salons de Pleyel par M. Magnus. Ce pianiste-compositeur a fait en grande
partie les frais de son double programme , soit comme exécutant, soit
comme compositeur, et le public ne s'en est pas plaint, au contraire. Il
a fait connaissance avec de jolies productions rendues avec tout le charme
qu'un habile pianiste peut y apporter.
— Nous ne pouvons que signaler, comme c'est au moins notre devoir,
les soirées de musique de chambre de M. Charles Lamoureux, qui suivent
avec bonheur l'impulsion donnée depuis quelque années à l'art classique.
— Le virtuose Servais, qui vient de se faire entendre à l'audition des t
œuvres de M. Damcke, doit également prendre part au beau programme
du concert de Henri Herz, mercredi prochain 13.
— Au concert donné mardi dernier, salle Pleyel, par le violoncelliste
M. Casella, le programme a trouvé d'excellents interprètes en MM. Sauzay,
Géraldy, Lucchesi, Mme Mancel, sans compter — ou plutôt en comptant le
bénéficiaire et Mme Casella, l'habile pianiste. La fantaisie il canto di Ro-
meo, sur les Capuletli, a valu à l'auteur exécutant, M. Casella, un sucqès
exceptionnel. L'opérette de feu Collin, Pierre et Paul, servait d'inter-
mède ; M. Gérézer et Mn° Gallino l'ont joué et chanté. — Mentionnons
aussi un des principaux accompagnateurs de cette soirée, M. Magner, et
non Wagner, comme disait par erreur un de nos précédents numéros. Ce
jeune élève est lauréat de l'École religieuse de Niedermeyer. Il est orga-
niste aux Carmes, et a, pendant plusieurs mois, remplacé son maître
Schmilt, organiste du grand orgue de Saint-Sulpice.
— Le concert de Félix Godefroid est remis au 13 avril ; toutefois, le
jeudi 14 mars, jour primitivement fixé, les salons d'Érard s'ouvriront à
l'audition des éludes de Y Ecole chantante de Félix Godefroid, exécutées
par Louis Diemer.
■ — Mardi soir 12 mars, concert de M. et Mme Viguier, salons d'Érard.
— Le 18 mars, salon d'Érard, concert de Mlle Ida Bertrand. Nous en
donnerons le programme dimanche prochain. '
— Samedi soir 16 mars, concert de MM. Léon Le Cieux et Nollet ,
salle Herz.
— Le concert de M. etMme Deloffre prendra place parmi les plus bril-
lants de la saison. On a bissé Plaisir d'amour, chanté par M. Battaille, et
Y Ave Maria de Gounod, chanté par Mme Ugalde, avec accompagnement de
violon par M. Deloffre, de piano par Mme Deloffre, et d'orgue par M. d'Au-
bel. Le duo A'Euryanthe , par Henri Ravina et Mme Deloffre, méritait le
même honneur. Entre les deux parties du concert, indépendamment de
vers récités par M. d'Herment, Paul Malézieux a redit la Parodie des
■romances, de Gustave Nadaud, spirituelle scène de concert, s'il en fut.
— Le concert du bouffe Salabert aura lieu le 28 courant, à 8 heures du
soir, salle Beethoven. Le bénéficiaire sera secondé, pour la partie vocale,
par Mme Sofia Marini, Mme Bailini, MM. Reichard, Ronzi, Orsini et Reuz,
et pour la partie instrumentale, par Mlles Sabatier, Blot, etc.
— Jeudi prochain 16 mars, salons de Pleyel, concert donné par
M. et Mme Edouard Lyon. La deuxième partie du programme se compo-
sera de la Dernière Bataille, opérette de Félix Godefroid.
— Parmi les artistes qui se recommandent en ce moment à nos salons
parisiens et à nos sociétés philharmoniques de la province, nous nous em-
pressons de signaler une jeune personne-doublement intéressante au point
de vue du talent et de la plus cruelle des infirmités : Mlle Zoé Lecocq,
aveugle de naissance, n'est pas seulement une parfaite musicienne, elle
est encore poète et chante ses inspirations de la voix, sur le piano ou sur
Yharmoni-flùte.
— La cantate composée par Adrien Boïeldieu en l'honneur de l'institu-
tion de bienfaisance : Notre-Dame des Arts, vient de paraître au Mé-
nestrel (voir aux Annonces).
— L'éditeur Richault vient de publier un 0 Sulutaris de M. Gouffé ,
avec accompagnement de contre-basse , cor anglais ou violoncelle, ad li-
bitum. Cette composition est mélodieuse et d'une harmonie bien comprise
et bien soutenue.
— Les éditeurs du Ménestrel viennent de publier la mélodie inspirée à
Gustave Héquet par la délicieuse poésie de Victor Hugo, intitulée : les
Trois Chansons.
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gieuses, nouvelles de l'industrie parisienne, sous la direction de M. le
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aux enfers, galop infernal. — 7. Le Savetier et le Financier. — 8. Le 66, tyrolienne. — 9. La Chatte, miaou. — 10. Orphée, roi de Béotie. — 11. Orphée,
couplets à Jupin. — 12. Geneviève, chanson de l'enfant. — 13. Le Mariage aux lanternes. — 14. Le Mari à laporte, valse. — 1b. La Demoiselle en loterie.
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Typ. Charlesde Mourgucs frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 1655.
SOMMAIRE. — TEXTE.
1. Académie impériale de Musique : Tannhauser de Richard Wagner; impression
de la première soirée. J.-L. Heugel. — 11. Tablettes du pianiste et du chan-
teur : le Laryngoscope, ou Miroir de la voix, par Manuel Garcia. J.-L. Hedgel.
— 111. Troisième et quatrième théâtre lyrique : premières représentations des
Deux Cadis et de la Servante à Nicolas. J. Lovt. — IV. Nouvelles, Soirées et
Concerts, Annonces.
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Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
LE BAL,
Valse chantée par MUc Chabert dans le Mari sans le savoir, paroles de
MM. Léon et Ludovic Halévt, musique de M. de Saint-Rémy. —
Suivra immédiatement après ; Fais-toi petit! paroles de Charles
Potier, musique d'HENRi Potier.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano , la transcription de Th. Lécureux , sur la romance populaire :
FLEUVE DU TAGE ,
Suivra immédiatement après : Bella sera, idylle de Paul Bernard.
ACADEMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.
TANNHAUSER
Opéra en trois actes, de Richard Wagner.
tes impressions de la première soirée.
Avant tout, lecteurs, nous devons déclarer qu'à l'approche de
la semaine sainte , nous nous sommes fait un devoir de nous
mettre en état de grâce devant le Tannhauser. Nous avons de-
mandé l'absolution pour tout ce que nous avions pu, dire, écrire
ou penser de la musique de l'avenir; bref, nous nous sommes
recueilli pour signer un armistice avec nos répugnances. C'est
dans cette disposition d'esprit que le Ménestrel s'est présenté à
la première représentation de l'ouvrage de M. Richard Wagner.
Bien plus : pour mieux traduire les impressions générales et
les nôtres en particulier, nous avons cru devoir confier l'analyse
de la partition à une plume toute musicale , qui interrogera,
scrutera chaque morceau ou plutôt chaque récitatif, et jusqu'aux
moindres détails de la musique du Tannhauser. Cette analyse
sera le sujet d'un second article, dont notre collaborateur Paul
Bernard a bien voulu accepter la délicate et laborieuse mission .
C'est donc dégagé de toutes préoccupations que nous avons
pris possession de notre stalle, décidé à nous laisser impression-
ner , non-seulement par nos sensations propres , mais aussi par
celles de nos voisins, fluide communicalif auquel les esprits les plus
forts, les tempéraments les plus énergiques sont rarement rebelles.
Nous n'aimons guère à nous isoler ; nous sommes de ceux qui,
en fait d'art, n'excluent point l'entraînement, et sans sacrifier
absolument à la popularité qui touche souvent à la vulgarité, nous
protestons cependant, et de toutes nos forces, contre la musique
spécialement destinée à bercer l'amour-propre de quelques ima-
ginations élhérées ou métaphysiques qui se donnent l'étrange
prétention de voir, d'apprécier, un demi-siècle à l'avance, ce
que, dans leur pensée, nos petits-fils devront admirer un jour.
A notre avis, l'essence divine et indestructible de la musique
réside dans le charme et le sentiment de la mélodie, intimement
liée à l'harmonie, l'une inséparable de l'autre. Si l'auditeur
n'est ni charmé, ni touché au cœur, le musicien a perdu sa cause ;
il peut éblouir, surprendre, intéresser même, mais sans avenir
pour sa musique.
Or, interrogeons le public de mercredi dernier, à l'Opéra.
S'est-il ému une seule fois durant toute la soirée? A défaut de
cette émotion profonde qui enlève une salle entière, a-t-il été
charmé par des mélodies limpides, des harmonies suaves, onc-
tueuses, des effets piquants, des rhythmes nouveaux? Non, rien
de tout cela.
122
LE MÉNESTREL.
Disons-le hautement : il a été énervé, surexcité par une or-
chestration stridente, insatiable d'effets et de dissonances, par
une instrumentation complexe jusqu'à l'abus des détails et de la
force permanente, par le paroxisme de la chanterelle, et sur-
tout par une intempérance de récitatifs qui porte à la torpeur
la plus prolongée et de la façon la plus dangereuse pour la santé
des auditeurs.
« J'y ai survécu, » s'écriait un robuste feuilletoniste, au sorlir
de la dernière répétition générale; combien de dillettantes intré-
pides, de femmes fortes dans toute l'acception du mot, n'ont pu
en dire autant à la première représentation ! Et cependant, com-
bien le spectacle de la salle, celui des loges en habits de fête,
la présence de S. M., celle des personnages de la Cour, du
corps diplomatique tout entier, combien enfin l'empressement
des notabilités de tout genre offraient aux yeux une compensa-
tion dont l'esprit, le cœur, les oreilles avaient grand besoin. Et
quel luxe de mise en scène, que de merveilles prodiguées par
l'art contemporain à la musique de l'avenir !
Certes, M. Richard Wagner ne se plaindra pas de la noble
hospitalité qui lui a été faite par l'Académie impériale de mu-
sique, et s'il n'a pas à se louer au même degré du public, cela
tient à des causes qui sont inhérentes au système dont il se croit
le Messie.
Comme le lui disait un grand maître de notre connaissance :
« Vous êtes bien heureux de pouvoir faire de nouvelle musique;
que le public soit avec tous! S'il vous récuse, soyez martyr;
à bien prendre les choses, c'est encore la mort la plus enviable,
la plus glorieuse! »
Eh bien ! dans l'opinion du public, l'auteur du Tannhauser
vise au marlyrat. Il demeure évident pour tous que le talent,
le caractère élevé, l'ampleur de style de certaines pages de l'œu-
vre indiquent un grand musicien ; que la donnée générale du
poème désigne à l'esprit un penseur, un poète ; mais que le
musicien , le penseur et le poète se sont entendus pour commettre
en définitive une interminable homélie musicale , sacrifiant la
forme au fond, le fond à la forme, s'évertuant à développer
plus que surabondamment les récitatifs de Gluck sans le génie
concis et si profondément dramatique du créateur ! voila pour
la partie chantée.
Quant à l'orchestration, nous l'avons dit et le public tout en-
tier le répétait de loge en loge, de stalle en stalle, c'est la néga-
tion de la tempérance, du charme, de l'harmonieux; mais, en
revanche, une désolante avalanche de notes qui s'abat sans pitié
sur ce désert musical dont M. Richard Wagner a fait sa grande
toile de fond. Certes, la belle marche des Chevaliers au premier
acte, le remarquable chœur des Pèlerins, l'andanle du septuor
et la première partie du final du second acte, sont de belles et
grandes pages ; mais à quels titres ces grandes inspirations
sont-elles là? A l'état d'irréfragable protestation contre l'œuvre
dans son entier !
C'est là ce que le public n'a pas suffisamment compris, en
acclamant d'une manière trop contenue la condamnation du
coupable par le coupable lui-même. En effet, cette marche
n'est-elle pas la digne sœur de celles du Prophète, de la Juive,
de Sémiramis; l'andante du septuor, un fragment que Bellini
et Donizetti auraient signé des deux mains, en confiant aux voix
ce que M. Wagner fait chanter aux violons ; enfin, le chœur des
Pèlerins, avec son caractéristique dessin d'accompagnement, une
page empruntée au génie de Weber?
Seulement Weber se serait arrêté à temps; ce n'est pas ce
génie sensé et pourtant si poétique qui aurait développé à sa-
tiété, sous toutes les formes, durant trois éternels actes, une
formule d'accompagnement, — si belle qu'elle soit, — mais qui,
à partir de l'ouverture, se prolonge indéfiniment, à l'instar du
câble transatlantique, cet immense trait d'union entre les deux
mondes.
Résumons-nous, ou plutôt résumons les appréciations du
public. Tout en rendant, souvent in petto, il est vrai, justice au
talent incontestable de l'auteur du Tannhauser, je dirai même
au cachet de génie imprimé à certaines pages, il a condamné
par son silence, par ses chuts, ses rires et quelques sifflets, les
excès d'un système dont le Tannhauser n'est cependant que
l'expression amoindrie, ou plutôt naissante, — si on se reporte
à la création de l'ouvrage en Allemagne.
Nous eussions préféré le silence imposant de toute l'assem-
blée ; c'eût été plus digne, et c'est ainsi que la soirée, du reste,
avait commencé. Mais le moyen de supporter froidement les
bravos d'une claque, dont, disait-on, l'appoint traditionnel avait
été noblement repoussé ! On s'est laissé aller à des excès con-
traires et regrettables, il faut l'avouer.
Nous devons en tirer cette leçon que Paris, la capitale des
arts, quoi qu'en puissent penser l'Allemagne et l'Italie, est bien
décidé à ne point suivre les rêveurs, les athées, dans la décou-
verte d'une musique nouvelle, appréciable, selon eux, un siècle
après; qu'en définitive, tous ceux qui portent le sentiment de la
musique dans leur cœur, et ils sont nombreux, sans se refusera
des conquêtes nouvelles, inspirées par le vrai génie, n'entendent
en aucune façon renier le passé, briser avec des chefs-d'œuvre
qui sont leurs toiles de Raphaël, de Michel-Ange, de Rubens,
la vie réelle de la musique, et son immortalité tout à la fois.
Parlerons-nous maintenant des interprètes du Tannhauser ?
C'est notre devoir.
D'ailleurs, Mlle Marie Sax, Mme Tedesco, MM. Morelli, Ca-
zaux, et M. Niemann, le complice en titre de M. Richard Wag-
ner, peuvent s'écrier à bon droit : Tout est perdu, fors l'hon-
neur!
Impossible de remplir avec plus de conscience et de résigna-
tion la tâche ingrate qui leur était dévolue. — Il fallait voir ces
intrépides nautoniers esquivant de leur mieux les écueils semés
comme à plaisir dans cet océan de récitatifs , manœuvrant
sans boussole dans d'inextricables ensembles, bravant les raffa-
les imprévues de l'orchestration qui vient vous surprendre jus-
que dans les moindres détails.
Certes, Mlle Sax mérite une belle fiche de consolation. C'est
une Elisabeth sans reproche, digne en tous points d'un meilleur
sort. — Mme Tedesco n'avait à prouver qu'une superbe Vénus,
bonne à voir; les yeux ont été satisfaits, mais c'est tout. — M. Ca-
zaux a donné tout essor à ses notes les plus paternelles, dans le
Landgrave Herman.
Quant à M. Morelli, il a chanté le personnage de Wolfram
en Italien de bonne maison, et M. Niemann, lui, a répondu en
digne Allemand qu'il est, animé, on le sent, du mal du pays.
C'est qu'$ faut bien se garder de dépayser certains artistes.
L'acclimatation leur est interdite, et M. Niemann nous paraît être
dans ces conditions. Sa figure est expressive, distinguée, mais d'un
seul ton ; sa voix, bien que certaines notes ne manquent pas de
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
123
portée dramatique, est également d'un seul timbre, enfin nous
avons eu le regret de ne pouvoir reconnaître en lui un artiste
complet, au point de vue de notre première scène lyrique. Il
paraît nier ou ignorer l'art du chant, comme M. Wagner nie
la forme et la mélodie en musique.
On assure cependant que M. Niemann a une grande réputa-
tion de chanteur au delà du Rhin. N'en disait-on pas autant
du Tannhauser, qui est cependant contesté, condamné sur plus
d'un théâtre en Allemagne?
Restent l'orchestre et les chœurs. A ce double égard,
MM. Dietsch et Victor Massé méritent des éloges en partage avec
M. Vauthrot, qui a donné tous ses soins, avec une intelligente
et religieuse conscience, à la direction du chant.
Si M. Dietsch a rencontré parmi ses amis des opposants à sa
détermination de conserver quand même le bâton de chef
d'orchestre, il faut dire aussi que des avis, également bien
intentionnés, reprochaient à M. Wagner de vouloir brûler ses
vaisseaux en ne se réservant pas le moindre parachute. D'ail-
leurs, l'auteur pouvait - il bien risquer 'de sa personne une
déconvenue qui ne devait s'attacher qu'à l'œuvre , dans ses
infirmités , dans ses inacceptables excès , dans les éléments
constitutifs enfin de ce que chacun appelle, avec raison, le sys-
tème de la musique de l'avenir?
Nous savons bien que M. Richard Wagner décline l'ensei-
gne d'un pareil apostolat ; mais comment donc désigner une
musique placée si fort au-dessus de l'intelligence des musiciens
contemporains français, d'une musique destinée , selon les
adeptes du genre, à faire époque. . . plus tard. . . le plus tard
possible, nous l'espérons bien.
Que dit-on aujourd'hui, même dans certains cercles parisiens,
et que dira-t-on demain en Allemagne? «Le Tannhauser n'a
pas été compris à Paris. Il a eu le sort des symphonies de
Beethoven!... (1). »
Hé bien , c'est contre cette énorme prétention que Paris pro-
teste et doit protester. Nous avons compris ce qui était com-
préhensible dans l'œuvre du Tannhauser; ce que nous avons
condamné sans pitié, dans le présent et l'avenir, c'est le détes-
table système intronisé dans l'ensemble de la partition, au
double point de vue du chant et de l'orchestre, système qui
n'abourait à rien moins qu'à la négation complète de la vraie
musique.
J.-L. Hedgel.
P. S. Nous apprenons que la seconde représentation du
Tannhauser a été remise à demain lundi, pour donner le temps
à l'orchestre et aux artistes de prendre connaissance des cou-
pures et modifications projetées par M. Richard Wagner. Quel
que soit le sentiment qui a porté l'auteur à faire des concessions,
le public lui en saura gré et n'en appréciera que plus à l'aise
les réelles beautés de l'œuvre.
(I) Relevons à ce propos toute confusion : c'est l'exécution compliquée
des symphonies de Beethoven, à une époque où l'orchestre du Conserva-
toire était loin d'être ce qu'il est aujourd'hui , qui a demandé du temps
pour mettre au jour ces immortelles œuvres. Mais leur succès d'audition
s'est décidé et consolidé sans avoir à compter avec les brouillards de l'avenir
Le mardi de Pâques, 2 avril, il sera exécuté, à midi précis, dans l'église
de Sainte-Clolilde, une messe en musique de la composition de M. Auguste
Franck. M. le Cuvé veut bien accorder le produit des chaises et la quête,
à une pauvre famille d'artistes réduite à la plus grande misère.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
LE LARYNGOSCOPE
IUIROIR Dr LARYNX.
M. Paulin Richard, musicien lettré, attaché depuis longues
années à la Bibliothèque impériale , vient de publier une très-
intéressante notice sur le larijngoscope ou miroir du larynx ,
dont la première idée, due à Manuel Garcia fils, paraît lui être
disputée, bien à tort, si on en juge par les documents publiés
par M. Paulin Richard, et dont voici quelques extraits :
« Il y a quelques mois à peine, dit M. Richard, les mots
laryngoscope et laryngoscopie, complètement ignorés de la plu-
part des médecins, étaient connus de quelques rares adeptes de
la science physiologique et de l'art musical. L'arrivée à Paris
d'un docteur hongrois, M. Joh. Czermak, vint tout à coup ré-
véler avec un certain éclat et le mot et la chose. Présenté d'abord
confidentiellement dans quelques salons comme une curiosité
piquante et nouvelle, puis expérimenté avec apparat en présence
d'un grand nombre de praticiens dans les principaux hôpitaux
de Paris, enfin officiellement introduit devant les corps savants ,
le laryngoscope a rencontré partout l'accueil le plus sympa-
thique. Est-il besoin de dire que les divers organes de la publi-
cité, les journaux de médecine surtout, toujours prêts à favoriser
tous les progrès, remplirent leurs colonnes des faits curieux ,
des remarques ingénieuses que venaient leur offrir et la dé-
monstration publique et les communications officieuses ?
« Cependant l'idée d'examiner le larynx chez l'homme vi-
vant, à l'aide de deux miroirs, appartient incontestablement à
M. Garcia. Cela est facile à démontrer par des preuves évi-
dentes, par des documents positifs. On ne trouvera donc pas
étrange, au milieu de tout le bruit qui s'est fait autour du nom
de M. Czermak, qu'un vieil ami de M. Garcia vienne revendi-
quer les droits du premier inventeur de ce petit instrument et
en raconter l'histoire assez laborieuse. »
Ici M. Richard cite nombre de pièces officielles du plus grand
intérêt, et met en scène tour à tour les docteurs Czermak, Turck,
Dechambre, Liston, Mandi, Follin, Cloquet, Gavarfet, Second,
Diday, Sharpey et Larrey, qui a pris les intérêts et la défense
de Manuel Garcia devant la Société de chirurgie tenant séance
le 4 avril 1860, sous la présidence de M. J. Marjolin.
Voici, du reste, comment Manuel Garcia développe lui-même
sa manière d'étudier le larynx au moyen du laryngoscope :
. « La méthode que j'ai suivie consiste à placer, au sommet
du pharynx, un petit miroir fixé à une longue tige convenable-
ment recourbée. Le miroir est éclairé au moyen d'un second,
destiné à recevoir les rayons du soleil. L'image du larynx se
réfléchit d'abord sur le petit miroir , d'où elle est renvoyée au
miroir extérieur.
« A l'aide de ce simple appareil, j'ai pu étudier le mécanisme
de la voix, mieux qu'on avait été en mesure de le faire jus-
qu'alors ; et je suis arrivé à des résultats que je crois intéres-
sants et nouveaux. Je demande la permission de rappeler , en
quelques lignes, les plus importants.
« Selon moi, les cordes vocales supérieures ne sauraient pro-
124
LE MÉNESTREL.
duire des sons. En effet, les cartilages de Wrisberg et les liga-
ments supérieurs eux-mêmes gardent en toute circonstance une
position écartée ; ils ne peuvent entrer en contact pour donner
lieu à Yexplosion de l'air, et ne servent qu'à encadrer l'espace
elliptique formé par les ligaments inférieurs. A l'appui de ce
que j'avance, il suffit de s'assurer que les muscles, d'ailleurs
assez faibles, qui correspondent à ces ligaments, recouvrent
entièrement à l'extérieur l'extrémité supérieure des muscles
thyro-aryténoïdiens. Cette remarque, à ma connaissance, n'avait
pas encore été faite, et je la crois très-importante, car elle per-
met seule de refuser aux cordes supérieures une part active
dans la formation des sons.
« De ce qui précède, il résulte que la voix humaine est pro-
duite uniquement par la glotte inférieure.
« Restait à déterminer le procédé qui lui permet -de produire
des sons isolés, et celui qui la met à même de les réunir en
gamme. Ces deux questions sont résolues a l'aide des miroirs et
de quelques observations anatomiques.
« Détachées du larynx, les cordes vocales ne ressemblent aux
cordes et aux anches, ni par la forme, ni parles dimensions ,
ni par aucune de leurs conditions matérielles; ce n'est donc
point à leurs dimensions que les cordes vocales doivent la fa-
culté de faire naître les sons. Elles la tiennent uniquement de
leur élasticité. Lorsqu'en vertu de cette élasticité merveilleuse,
elles s'agitent l'une contre l'autre, au sommet du tuyau vocal,
elles s'ouvrent et se ferment alternativement avec une prompti-
tude extrême et divisent le courant d'air qui s'en échappe en une
série d'explosions rapides et isochrones qui constituent le son.
« Les explosions de l'air, disons-le, sont la cause primordiale
du son, tout aussi bien dans les instruments que dans la voix,
et il est facile de reconnaître que le mouvement de va et vient
des cordes, les pulsations de l'air dans les instruments a vent,
les chocs de la sirène de M. Cagnard-Latour, etc., etc. ; en un
mot, toutes les sources de vibrations, quelque variées qu'elles
puissent être, suscitent uniquement dans l'air une série de dila-
tations et de compressions alternatives qui vont enfin réagir
contre notre tympan.
« Par conséquent aussi, tout mécanisme qui, dans un mou-
vement alternatif et rapide, arrête et laisse s'échapper un étroit
courant d'air, doit produire des vibrations sonores.
« C'est, en effet, ainsi qu'agissent les anches libres et bat-
tantes dans les embouchures des hautbois , des bassons, des
clarinettes: c'est encore ainsi que vibrent les lèvres de l'instru-
mentiste pour faire parler le cor; c'est de même également que
procèdent les lèvres de la glotte pour créer la voix humaine.
« Si du mécanisme qui sert à produire les sons isolés nous
passons à celui qui les réunit en gamme, nous distinguerons un
mouvement progressif extérieur, visible avec le secours des
miroirs, et une cause interne, qui détermine ce mouvement et
que l'anatomie seule nous fait comprendre.
« Le mouvement visible consiste en un raccourcissement pro-
gressif d'arrière en avant et en un rétrécissement correspondant
de la partie vibrante de la glotte. Dans ce double phénomène,
la portion fermée gagne tout ce que perd le portion ouverte, et
il se forme , pour ainsi dire, une nouvelle glotte plus petite
pour chaque nouveau son.
« La cause interne se révèle par la disposition remarquable
que présentent les fibres du faisceau musculaire qui prend nais-
sance dans la cavité intérieure de l'aryténoïde. Ces fibres, pla-
cées horizontalement, partent toutes de la face antérieure de
l'aryténoïde et sont superpostes par couches d'inégale longueur.
« Les plus internes sont les plus courtes ; au fur et à mesure
qu'elles se rapprochent de l'extérieur, elles s'allongentet étendent
de proche en proche leur action sur tout le tendon vocal auquel
elles vont toutes aboutir. On voit déjà comment, les contrac-
tions se propageant des couches profondes aux couches super-
posées, les fibres distendent progressivement les bords de la
glotte, en amoindrissent la longueur vibrante et en rendent
faciles les mouvements . accélérés. Divers autres muscles con-
courent nécessairement à compléter ce résultat ; mais l'action
principale appartient au faisceau dont nous venons de parler.
« Ces caractères différents de la voix tiennent à la profondeur
des surfaces mises en contact pendant les vibrations. Sous l'em-
pire du registre de poitrine, les ligaments vocaux sont tendus et
entrent en contact dans toute la profondeur de l'apophyse an-
térieure de l'aryténoïde, tandis que sous l'influence du registre
de fausset-tête, ce sont les bords seuls des ligaments qui se ten-
dent et se touchent.
« Comme les bords de la glotte consistent à la fois dans les
apophyses antérieures de l'aryténoïde et dans les ligaments vo-
caux, chaque registre se trouve formé de deux parties assez
marquées : l'une, la plus basse, résulte des vibrations de la glotte
bi-composée ; l'autre, la plus haute, de celles du ligament tout
seul.
« Dans une dernière observation , nous avons constaté que
l'éclat ou le voile des sons dépend de ce que les bords de la
glotte s'appliquent plus ou moins exactement l'un contre l'autre
après chaque explosion. Si le contact est complet, chacune sera
nettement détachée et le son sera pur ; si , au contraire , les
explosions sont réunies entre elles par un filet continu d'air, le
son sera terne et voilé. »
Si nos lecteurs, maintenant, veulent remonter à l'idée pre-
mière du laryngoscope, voici comment Manuel Garcia raconte
l'historique de ses premiers essais. Le 4 mai 1860, il écrivait à
son savant ami M. Larrey, une lettre qui a passé par les mains
de M. Richard, et dont voici un extrait, aussi piquant par sa
spirituelle conclusion qu'intéressant au point de vue de la science
médicale et vocale :
« Je vous suis très reconnaissant de la bonne amitié que vous
me conservez, et je ne puis que vous remercier de vous sous-
traire à vos sérieuses occupations pour soutenir de votre main
secourablela vacillante réputation scientifique du maestro di bel
canto.
« L'idée de me servir de miroirs pour étudier l'intérieur du
larynx, pendant l'acte du chant, m'était venue depuis longtemps
et à différentes époques; mais toujours je l'avais repoussée, la
croyant impraticable. Ce ne fut qu'en 1854 que, me trouvant
en vacance à Paris, pendant le mois de septembre, je résolus d'é-
claircir mes doutes et de voir ce que mon idée avait de réalisable.
J'allai demander à Charrière s'il n'aurait pas un petit miroir
qui, attaché à un long manche, pût servir à examiner le gosier.
Il me répondit qu'il avait un petit miroir de dentiste, qu'il avait
envoyé à l'exposition de Londres en 1851, et dont personne
n'avait voulu. Je l'achetai ( je crois pour 6 fr., ) et, muni d'un
second miroir à main, je rentrai chezmasœur, très-impatient de
commencer mes essais. Je plaçai contre la luette le petit miroir
préalablement chauffé dans de l'eau chaude, et bien essuyé. Puis,
l'ayant éclairé par un rayon de soleil que reflétait le miroir à
main, je vis le larynx béant et tel qu'il est décrit dans les trois
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
125
premières pages du mémoire que vous connaissez. Bientôt après
mon retour à Londres, les brouillards vinrent mettre un obstacle
désespérant à mes études. Jem'adressai alors à M. Williamson,
professeur de chimie à l'Université de Londres, pour qu'il me
fit connaître une lumière artificielle vive et abondante, ma lampe
à huile ne donnant qu'une lumière très-insuffisante. 11 m'indi-
qua celle que fournit la chaux en combustion dans le mélange
connu d'oxygène et d'hydrogène. Malheureusement, mes appareils
étaient très-imparfaits, et mes tentatives échouèrent. La lumière
électrique ne me réussit pas mieux. Je fus donc réduit h ne me
servir de mes miroirs qu'aux apparitions assez rares du soleil.
« Comme le but principal de mes recherches était de déter-
miner le rôle que chaque muscle intrinsèque du larynx joue
dans le mécanisme de la voix, je dus me remettre à disséquer.
C'est à M. Williamson que j'eus encore recours pour obtenirdes
larynx. Il me présenta au docteur Sharpey, professeur de physio-
logie à la même université et secrétaire de la Société royale. Dès
que le docteur Sharpey eut appris de quoi je m'occupais, il
donna ordre au garçon d'amphithéâtre de me fournir autant de
larynx que j'en demanderais. Il me conseilla en outre d'écrire
un mémoire sur ce que j'aurais observé, s'offrant à le lire à la
R. S. dès qu'il serait terminé.
« La brochure du professeur Czermakn'a paru qu'en 1S58;
encore le professeur Czermaky déclare-t-il expressément qu'il a
pris l'idée des miroirs dans le mémoire que je viens de citer. Il
consacre un grand nombre de pages à décrire les deux mêmes
miroirs, et a confirmer la description que je donne des mouve-
ments intérieurs du larynx. — ... Quant au trou pratiqué dans
le miroir a la main, je l'ai essayé pour que MM. Williamson et
Sharpey y pussent regarder pendant que j'expérimentais sur moi-
même, mais sans avantage marqué; ils voyaient tout aussi bien
par-dessus le miroir. ( Mon miroir percé a été fabriqué à Londres,
chez Coxeter, dont il porte le nom el la marque. )
« Voilà, mon cher Larrey, toute l'histoire du miroir : celle
du petit Poucet est plus amusante. »
Manuel Garcia.
« J'ai encore tous mes outils; si vous croyez que ce soit utile,
je vous les enverrai. . . »
*
* *
Nous nous arrêterons à l'exhibition des outils , lecteurs, vous
priant de vous contenter de la reproduction des quelques pièces
qui précèdent. Elles suffiront, et au-delà, à vous prouver que
Manuel Garcia fils est bien et dûment le Christophe Colomb,
ou plutôt le Leverrier du laryngoscope ou miroir de la voix.
C'est là un fait désormais notoire.
Puisse le laryngoscope nous valoir des Malibran, des Damo-
reau, des Garcia , des Rubini ! Nous le souhaitons sans oser
l'espérer.
Les miroirs sont trompeurs. J.-L. Heugel.
Nous publierons dimanche prochain, dans les Tablettes du
pianiste et du chanteur, une appréciation de notre collaborateur
Léon Gatayes, à propos de l'audition des études de V École
chantante du piano, de Félix Godefroid, études exécutées par
M. Louis Diemer, avec intermèdes de chant par Mme Pauline
Thys, MM. Jules Lefort et Guidon frères. A dimanche les détails
de cette soirée, qui s'est terminée par la Prière des Bardes, de
F. Godefroid, transcrite pour violon, piano et orgue, interprétée
par MM. Magnien, Diémer et Mlle Virginie Huet.
TROISIÈME ET QUATRIÈME THÉÂTRE L\R10JE.
THEATBE-LVRIQDE.
Les deux Cadis, opéra bouffe en un acte, de 1IM. Gille et Fubpjlle,
musique de M. Th. Ymbert.
Nous avons contracté une dette envers ces deux cadis, dont
nous ne vous avons entretenus que sommairement dimanche
dernier. Cette amusante bouffonnerie sert de lever du rideau à
Madame Grégoire, et vous ouvre l'appétit pour toute la soirée.
Figurez-vous deux cadis — deux magistrats — qui détroussent
nuitamment les voyageurs! Il est vrai que cela se passe aux envi-
rons de Bagdad — par une belle nuit, — des Mille et une nuits.
Tenez ! voici justement un jeune seigneur occupé à flâner sur la
grande route : le cadi Badroulboudour l'arrête, et, le yatagan
sur la gorge, lui emprunte son beau manteau de velours, semé
de perles. Un peu plus loin, voici le cadi Bakbarock qui, avec
non moins de courtoisie, invite le jeune seigneur à lui céder son
magnifique turban orné de pierres fines. Mais, cette fois, les
deux honnêtes industriels sont fort mal tombés : ils ont détroussé
le propre fils du grand-vizir!... Ce prince voyageait incognito,
— les uns disent pour inspecter l'isthme de Suez, d'autres affir-
ment qu'il rôdait autour du logis de MUe Bakbarock.
Cette dernière version est la seule admissible ; car, dès le len-
demain, le prince se présente chez Bakbarock comme un pê-
cheur ruiné, et se propose comme esclave. La belle Aminé re-
connaît Hassan, elle l'avait déjà remarqué à la mosquée. Aussi
faut-il voir avec quel empressement elle refuse le Badroulbou-
dour que son père veut lui donner pour mari!
Mais, attention! voici l'imbroglio, et le dénouement. L'es-
clave improvisé remet aux cadis deux lettres portant le sceau im-
périal : Dans ces missives officielles, ordre leur est donné de dé-
couvrir immédiatement les bandits qui ont détroussé le fils de
Son Excellence. Pour sortir de ce mauvais pas, nos deux cadis
n'imaginent rien de mieux que d'affubler l'esclave, par manière
de cadeau, des deux objets accusateurs. Hassan se laisse arrêter,
juger et condamner à mort par les cadis; puis se fait recon-
naître, à un signe au bras gauche, pour l'héritier du grand-vizir.
Vous voyez d'ici la terreur de nos deux coquins. Heureusement,
tout s'arrange par le mariage du prince avec M1Ie Bakbarock.
— Peut-être les deux cadis seront-ils pendus plus tard, mais c'est
le moindre des soucis de MM. Giîle et Furpille; l'essentiel pour
eux était de fournir un divertissant canevas à leur musicien, et
ils ont complètement réussi. L'un et l'autre, d'ailleurs, avaient
déjà donné des preuves d'esprit sur plusieurs scènes; M. Fur-
pille est, en outre, et à ses heures, — voyez Brantôme ^ — un
des tirailleurs de cette presse légère où il se dépense tant de sève.
La partition de M. Ymbert constitue un début lyrique des
plus louables. La mélodie, — cet élément capital, — domine
dans l'œuvre, et l'orchestre, de son côté, accuse un musicien dis-
tingué, s'amoindrissant sagement en vue du cadre qui lui est dé-
volu. Le public a vivement applaudi l'ouverture, un terzetto,
les couplets d'Aminé, un duo bachique, un quatuor et l'air de
Hassan : Choisissez, etc.
Une exécution plus parfaite pouvait doubler le succès ; nous
n'en constaterons pas moins le zèle et le bon vouloir de MUe A.
Faivre, de MM. Grillon, Girardot, et nous donnerons un satis-
fecit à M. Wartel, tout en regrettant de voir celte jeune indivi-
dualité se vieillir à plaisir et à perpétuité.
12G
LE MÉNESTREL.
BOOFFES-PARISrENS.
La Servante à Nicolas, opérette en un acte, paroles de MM. Desarbres
et Nuitter , musique de M. Erlanger.
Voici un petit tableau villageois pour faire pendant au char-
mant pastel de Forlunio.
Le paysan Nicolas vient d'hériter de son oncle ; aussi les
bouquets pleuvent-ils sous son chaume, et toutes les jeunes villa-
geoises le choient comme on choie une espérance. Mais tout à
coup le bruit se répand que le testament de l'oncle est grevé
d'un codicille. Ce codicille, — remis au magister Grinchu, —
porte que le neveu Nicolas est déshérité.... s'il se marie. — A
qui échoira l'héritage, alors"? A Grinchu, sans doute; c'est du
moins la pensée de cet excellent magister, et le voilà qui ma-
nœuvre pour induire Nicolas en mariage. Mais, grâce au fafal
codicille, le vide se fait autour du jeune campagnard. Furieux
de l'abandon général, Nicolas jette les yeux sur sa servante, la
trouve jolie et jure de l'épouser. Là-dessus Grinchu ouvre le
codicille, lequel porte ces mots : « La femme qui épousera mon
neveu sera mon héritière, car l'amour seul aura fixé son choix.»
— Ainsi le codicille corrige et rectifie la clause excentrique du
testament ; la morale est sauve.
Sur cette donnée, M. Erlanger, — un jeune compositeur du
cru, qui manie l'orchestre avec autant de goût que de distinc-
tion, — a écrit quelques pages de musique pleines d'entrain ,
et dans lesquelles percent, par moments, plus d'une lueur d'ori-
' ginalilé. Les couplets de MUe Chabert , ceux de Desmonts, la
scène des crêpes : Ah! quel plaisir , tout cela est mélodique-
ment conçu, sans tomber dans la trivialité. La ronde normande
est habilement arrangée. Citons aussi, dans le trio des femmes,
le joli motif de valse, un des thèmes de l'ouverture.
Enfin, la réussite de la Servante à Nicolas a pour coopéra-
teurs MM. Desmonts, Caillât et MUe Chabert, une des plus
gracieuses pensionnaires de M. Jacques Offenbach. Quelle ser-
vante accomplie que cette jeune Berthe ! cela vous repose l'âme,
à une époque où tout le monde se plaint des domestiques....
J. Lovy.
NOUVELLES DIVERSES.
— M. Hittorf, membre de l'Institut, a fait connaître, dans un rapport
publié au Moniteur, le résultat des travaux du jury chargé de juger le
concours pour le projet d'une nouvelle salle d'Opéra. M. le rapporteur
conclut ainsi : « Arrivé au terme de sa mission, le jury regrette que le
désir de décerner le grand prix n'ait pu se réaliser; il émet le vœu qu'un
nouveau concours, qui aurait pour récompense l'exécution de l'édifice,
ait lieu entre les auteurs des cinq projets jugés les meilleurs. La commis-
sion, en émettant ce vœu, croit assurer l'équité du choix définitif, et réa-
liser ainsi l'espoir de voir s'élever dans Paris une salle d'Opéra digne de
la capitale et de la France. »
— Nous avons reproduit l'arrêt de la première chambre qui déboulait
M. Richard Lindau de sa demande, relativement à la collaboration du livret
de Tannhauser. Il a été décidé,' en dernier lieu , que l'affiche ne porterait
le nom d'aucun des traducteurs. M. Wagner sera reconnu, comme en Al-
lemagne, seul auteur du Tannhauser, pour le poëme et pour la musique.
— On écrit dé Londres que le nouvel opéra de Wallace, Amber Witch
[la Sorcière à l'ambre), poëme de M. Chorley, a reçu un brillant accueil.,
Les principaux interprètes, Sims Reeves, Santley, Miss Huddard, Mmc Sher-
rington, ont été rappelés. Le directeur lui-même, M. Smith, a été obligé
de paraître devant la rampe. A Paris, nous n'en sommes pas encore là.
— La mortalité ne sévit pas seulement dans le camp des artistes fran-
çais et allemands : l'Angleterre paye également son tribut funèbre. Londres
vient de perdre un de ses plus anciens et plus habiles directeurs de théâ-
tre, M. John Maddox. Il est mort dans sa résidence de Brompton, à
l'âge de soixante-treize ans , après une longue et cruelle maladie. Fonda-
teur du Princess's Théâtre, M. Maddox a conservé jusqu'à sa mort la
direction de cette scène, témoin des derniers triomphes de Macready et
terre d'adoption d'une foule d'opéras français.
— La Gazette musicale de Berlin [Écho], nous apprend la réussite, sur
le théâtre de Kœnigsberg, d'un opéra-comique en un acte de Louis Schu-
bert, intitulé les Rosières : « Le compositeur et les artistes ont été rap-
pelés. Le sujet de la pièce repose sur un gracieux épisode villageois
(serait-ce une imitation du libretto de Théaulon, musique d'Hérold?| la
partition a du caractère, elle est généralement mélodique, sans tomber
dans le genre polka, comme certaines œuvres qui nous arrivent de Paris
depuis quelques années. »
— Les journaux allemands nous apprennent que le comte Jean Harrach
a mis au concours deux prix de 600 florins chaque, pour deux opéras en
deux actes, et deux prix (chacun de la valeur de 200 florins), pour le
texte en langue tchèque. L'un de ces opéras doit reposer sur une base
historique; le sujet de l'autre sera emprunté de la vie ordinaire des Slaves
dans la Bohême, la Moravie ou la Silésie.
— On annonce la publication prochaine de la correspondance de Félix
Mendelssohn. Le premier volume (de 1830 à 1832) , contiendra ses lettres
datées de France, d'Italie et d'Angleterre.
— Un ballo in maschera, de Verdi, fait son tour du monde . A Madrid,
ce sont Mmes Julienne Dejean, de Méric Lablache, Sarolta, MM. Fraschini et
Giraldoni qui ont été choisis par Verdi lui-même pour tenir les principaux
rôles. Voici ce que disent de notre compatriote italianisée, par le talent du
moins, les journaux espagnols : « Les premières louanges reviennent de
droit à Mme Dejean, à Fraschini et à Giraldoni, qui ont littéralement fasciné
le public, et qui, à diverses reprises, ont porté les impressions de l'audi-
toire à un rare degré d'élévation. Le trio du second acte a été rendu avec
des accents de la plus grande énergie. Mme Dejean a déployé un admirable
talent dramatique, et elle est entrée profondément dans le caractère du per-
sonnage d'Amélie en rendant, d'une façon saisissante, les sentiments de
tendresse, de passion ardente, de crainte et de terreur qui animent tour à
tour la femme de l'ami de Ricardo. » — On le voit, 40 degrés de chaleur.
— Lundi, à l'Opéra, le Trouvère, annoncé depuis deux jours, a été
remplacé, pour cause d'indisposition, parla Favorite. Mlle Lapommeraye,
qui jouait ce rôle pour la première fois, a donné au personnage de Léonor
un cachet tout particulier. On a apprécié la méthode, la diction, et l'ex-
pression à la fois sage et passionnée de la jeune cantatrice.
— Le Théâtre Lyrique donnera incessamment la première représenta-
tation de la Statue, opéra en trois actes et six tableaux, de M. Reyer. La
semaine prochaine aura lieu la reprise de Gil Blas, opéra-comique en cinq
actes, dans lequel MUe Girard fera sa rentrée par le rôle principal. On
annonce aussi quelques représentations d'Orphée, qui seraient données
par Mmc Pauline Viardot, d'ici à la fin du mois. Le Val d'Andorre n'aura
plus que quelques représentations, des engagements contraclés depuis
longtemps forçant l'administration à interrompre l'immense succès de
l'ouvrage de MM. Halévy et de Saint-Georges.
— On répète actuellement aux Bouffes-Parisiens, le Pont des Soupirs ,
opéra bouffe en deux actes et quatre tableaux, de MM. N. Crémieux, L. Ha-
lévy et J. Offenbach. Cette pièce, montée avec un grand luxe de décors et
de costumes, jouée par l'élite de la troupe comique et chantante, doit rap-
peler les beaux jours d'Orphée. Le Pont des Soupirs sera incessamment
livré au public. La Chanson de Fortunio n'aura donc plus qu'un petit
nombre de représentations.
— On lit dans l'Indépendance Belge : « Les frères Lyonnet ont fait hier
leur première apparition, et leur succès a été complet; on les a applaudis,
rappelés et bissés avec une véhémence extraordinaire. Il est vrai que le
talent des frères Lyonnet est des plus sympathiques et des plus distingués ;
ils disent et ils chantent avec une finesse, un sentiment, une variété de
tons et de couleurs qu'on ne saurait trop louer. Nous reviendrons, du reste,
sur ces artistes qui vont, sans nul doute, attirer la foule au théâtre des
Galeries-Sainl-Hubert. »
— L'Observateur Belge ajoute : « Comment pourrions-nous, alors, vous
faire seulement entrevoir la nature du talent de ces Siamois de la chan-
sonnette ? Allez entendre un des petits poèmes de Nadaud, ou seulement
une des naïves mélodies populaires recueillies par Champlleury et Weker-
lin, et vous reviendrez, comme nous, émerveillés de ce qu'on peut mettre
d'esprit et de musique dans un couplet de chanson. »
NOUVELLES ET ANNONCES.
127
SOIRÉES ET CONCERTS
— Le troisième concert donné au palais des Tuileries, mardi dernier ,
réunissait les principaux artistes de l'Opéra : les sœurs Marchisio, M. et
Mmc Gueymard, MM. Bonnehée et Belval, qui ont tous pris part au final
àeMoïse,ce digne bouquet du programme dont voici, du reste, le détail :
impartie. 1° Air des Vêpres, M. Bonnehée (Verdi) ; 2° Rondo des Hugue-
nots, Mlle Barbara Marchisio (Meyerbeer) : 3" Solo de violon {Trouvère)
W Marie Boulay (Alard) ; 4" Quatuor des ftjpres, Mlle Carlotta Marchisio,
MM. Gueymard, Bonnehée et Belval (Verdi) ; 5° Air de Robin des Bois ,
Mme Gueymard-Lauters (Weber). — 2e partie: 6° Boléro des Vêpres,
Mlle Carlotta Marchisio (Verdi) ; 7° Duo de la Reine de Chypre, MM. Guey-
mard et Bonnehée (Halévy) ; 8° Air de Pierre de Mêdicis, Mnle Gueymard-
Lauters (Prince Poniatowski) ; 9° Duo de Sémiramis, Mlles Marchisio
( Rossini ) ; 10° Final de Moïse , Mmes Gueymard-Lauters , Marchisio , -
MM. Gueymard, Bonnehée, Belval et les chœurs (Rossini).
— Décidément, le Tannhauser n'a pas causé grand préjudice, mercredi
dernier, au concert de M. Henri Herz. Unj auditoire fidèle et compacte
est venu s'installer dans la salle de la rue de la Victoire. Le Théâtre-Ita-
lien, représenté par son orchestre et ses chœurs, par Mme Grisi,
M. Badiali, puis Servais, l'empereur du violoncelle, ont fait cortège au
bénéficiaire et partagé ses triomphes. Servais ne fait que de rares
apparitions à Paris ; mais quand il se présente , son archet magislral
s'impose et parle en maître. Badiali (bissé) et Mme Grisi ont obtenu les
honneurs qui leur sont dus; mais la charmante romance de Mariha a été
plus favorable à Mmc Grisi, — et cela se comprend, — que toute espèce
d'air de bravoure. Quant à M. Henri Herz, il a princièrement défrayé sa
soirée : grâce, agilité, énergie, netteté, tout ce qui forme le cachet de son
individualité artistique, a été déployé par lui ; et son grand concerto avec
orchestre et chœur, et sa rêverie nocturne, et sa nouvelle Tarentelle, et
sa grande sonate, et sa Clochette, ont été chaleureusement accueillis.
Enfin, pour compléter le bulletin de la séance, citons l'ouverture de Don
Giovanni, cet impérissable chef-d'œuvre de la musique du passé.
— Emile Forgues fera entendre, jeudi prochain, au Théâtre impérial
Italien, son grand Allegro maesloso, un fragment de ses Etudes pathé-
tiques et sa grande Tarentelle de concert.
— Notre professeur Le Couppey vient de suspendre ses réunions du
samedi. Il serait trop long de nommer tous les artistes éminents qui se
sont fait entendre dans ces charmantes soirées, auxquelles le maître et la
maîtresse de la maison avaient su conserver le caractère de l'intimité,
malgré l'affluence toujours croissante qui, chaque semaine, encombrait
leurs salons de la rue Laffitte. En dehors du piano qui, là, devait avoir,
comme de raison, ses plus habiles représentants, on a tour à tour applaudi
Battaille, Jules Lefort, Berthelier, Godefroid, Ilammer et MUe Boulay, la
jeune violoniste appelée cette semaine aux Tuileries. Parmi les œuvres
nouvelles qui ont fait sensation, nous citerons particulièrement la sonate
de Mme Pfeiffer et le beau trio de M. Damcke.
— Deux concertos de piano dans la même soirée, c'est là un fait d'autant
plus curieux qu'ils ont complètement charmé les auditeurs, sans leur lais-
ser une minute d'ennui ou de fatigue. Il est vrai que les auteurs de ces
concertos étaient Mozart et Chopin, que les doigts de Mme Dubois animaient
le clavier, et qu'enfin les archets de MM. Franchomme , Ai mingaud et
Lalo leur répondaient avec un merveilleux ensemble. N'importe, le fait
mérite d'être enregistré pour le plus grand honneur du piano.
— Nous sommes en retard avec le concert donné par M"c Sabatier-Blot,
pianiste de talent et de style, qui a exécuté avec autorité la sonate à Kreut-
zer, de Beethoven, avec Alard ; un quatuor du même maître, la Polonaise,
de Chopin, avec violoncelle (M. Lée), la Berceuse, la Saltarelle, d'Alkan, et
une gavotte de Bach. Mme Oscar-Comettant et M. Jules Lefort, défrayaient
la partie vocale.
— En revenant sur nos pas , constatons les; applaudissements qui ont
accueilli, au concert classique de M. Damcke, sa belle sonate exécutée par
Servais et Louis Diemer, le jeune virtuose de la grande école, dontle nom
s'attache aujourd'hui à des artistes tels qu' Alard, Franchomme et Servais.
— Au concert donné par M. et Mrae Viguier, mardi dernier, salle Érard,
Mme Viguier a exécuté d'une manière remarquable le concerto en sol mi-
neur de Mendelssohn , et l'op. 22 de Chopin, avec orchestre. On a aussi
remarqué un menuet inédit de sa composition, qui, avec le final en ut de
Weber, a terminé la séance. Ce menuet est aussi bien écrit qu'il a été
exécuté, et de manière à faire ressortir la sonorité onctueuse et le précieux
mécanisme à double échappement des pianos d'Érard. M. Viguier a joué
sur l'alto un andante en fa et un allegretto de sa composition, qui ont
également obtenu le plus grand succès. On sait que cet artiste joue l'alto
d'une manière exceptionnelle. M. Michot a prêté son concours à cette
soirée, et il y a été fêté, comme partout.
— Mardi 19 mars 1861, à 8 heures du soir, salle Pleyel, troisième
concert de Joseph Wieniawski, avec, le concours de Mme Oscar Comet-
tant et de MM. Archainbaud, Dupuis et Millier. Programme : lre partie.
1. Trio (en ut mineur) pour piano, violon et violoncelle, exécuté par
MM. Wieniawski, Dupuis et Millier. —2. Cavatine de Roméo et Juliette,
de Donizetti, chantée par Mme Oscar Comettant. — 3. (a) Pensée fugitive ;
(6) (à la demande) Polonaise triomphale, pour le piano, composées et
exécutées par Joseph Wieniawski. — 4. Cavatine de l'opéra Zaïre, de
Mercadante, chantée par M. Archainbaud. — 2e partie : 5. Air de la
Muette de Portici, d'Auber, chanté par Mrae Oscar Comettant. — 6. Adagio
elegiaco e Rondo giocoso (inédit), pour piano, composé et exécuté par.
Joseph Wieniawski. — 7. (a) Vieille chanson du jeune temps, paroles
de Victor Hugo, musique de J.-O. Kelly (inédit) ; (6) Un regard au Ciel,
(inédit), musique de H. Potier, chantés par M. Archainbaud. —8. Rarca-
rolle-Caprice (grand morceau de concert), pour piano, composée et exé-
cutée par Joseph Wieniawski.— Le piano sera tenu par M. Bernardel.
— Mercredi prochain, 20 mars, à huit heures et demie, dans les salons
Pleyel, Wolff et C8, aura lieu la 5e séance de AIM. Armingaud, Jacquart,
■ Lalo, Mas, avec le concours de M. Lubeck. On y entendra : 1° quatuor de.
Schumann (op. 47), pour piano, violon, alto et violoncelle; 2° 2e quatuor,
(en si ■bémol), de Mozart, pour 2 violons,' alto et violoncelle ; 3° sonate dé-'
diée à Kreutzer (op. 47), de Beethoven, pour piano ef violon; 4° variations
sûr 4in liy.mne autrichien, de Haydn, pour 2 violons, alto et violoncelle.
— C'est jeudi soir, 21 mars, qu'aura lieu à la salle Érard le concert
donné par l'éminent violoncelliste Alexandre Batta, qui s'est assuré le
concours de célèbres exécutants réunis à Paris en ce moment : Herman,
Lefébure etRitter. La partie vocale sera défrayée par Mme Bertini, Jules
Lefort, et Berthelier terminera la soirée par ses chansonnettes. Voilà,
certes, de beaux éléments. Aussi les nombreux admirateurs de Batta, et
ceux des artistes renommés qui se joignent à lui, s'empresserorit-ils de
leur porter le tribut de leurs applaudissements.
— Le beau concert du guitariste Huerta, dans lequel on entendra
Mmes Penco, Graziani, Badiali, Zucchini et M. Casella, aura lieu mercredi
20 mars, au foyer du Théâtre-Italien. On trouve des billets au bureau de
location du théâtre et au Ménestrel.
— Le célèbre pianiste Jaell est arrivé à Paris. Il donnera un concert le
mardi 26 mars, dans les salons Érard.
— Jeudi prochain 21 mars , salle Herz, concert de Mlle Angèle Tail-
hardet.
— Le concert du bouffe Salabert, annoncé par erreur dans notre dernier
numéro pour le 28 mars, a lieu le 20, c'est-à-dire mercredi prochain, dans
la salle Beethoven, passage de l'Opéra. M. Salabert sera assisté de Mme Sofia
Marini,MlleDevençay, MUe Sabatier-Blot, MM. Reichard, Ronzi, Reuz, etc.
— Nous empruntons à la Revue et Gazette des théâtres, l'état des re-
cettes brutes qui ont été faites pendant le mois de février 1861, dans les
établissements soumis à la perception du droit des indigents :
Théâtres impériaux subventionnés. 493,363 fr. 72
Théâtres secondaires de vaudevilles et petits spec-
tacles 964,048 95
Concerts, spectacles-concerts, cafés-concerts, bals. 277,868 95
Curiosités diverses 15,880 »
Total 1,751,361 62
— Le jeudi de la mi-carême, à l'Opéra-Comique, la représentation de
la Circassienne a produit 6,700 francs, — chiffre bien éloquent!
— La location s'annonce sur une grande échelle pour le concert-sym-
phoniquede Félicien David à l'Opéra. Tout Paris dillettante voudra assister
à cette solennité musicale.
— Mlle Joséphine Laguesse annonce son concert annuel pour samedi
prochain, dans les salons d'Érard. Comme de coutume, les premiers artistes
concourront à cette fête musicale.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Moui|
; Jean-Jacques Rou
NOUVELLES PUBLICATIONS en vente au MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivienne.
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du
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Ronde de nuit.
A. GODARD.
Pense à moi.
L. ROQUE.
Gnz-la-Hi, valse du Talisman.
Concerts
des BOUFFES-PARISIENS.
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Barcarolle et Chanson de Fortunio.
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LUCIEN LAMBERT.
Le Carnaval de Paris.
EMILE FORGUES
Fête des Aimées.
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tante pour orgue et piano.
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aux enfers, galop infernal. — 7. Le Savetier et le Financier. — 8. Le 66, tyrolienne. — 9. La Chatte, miaou. — 10. Orphée, roi de Béotie. — 11. Orphée,
couplets à Jupin. — 12. Geneviève, chanson de l'enfant. — 13. Le Mariage aux lanternes. — 14. Le Mari à la porte, valse. — 15. La Demoiselle en loterie.
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un bon sur lu poste, à MM. aiiîlit.ait. et t'», éditeurs du Ménestrel et delà Maîtrise, 2 his, rue Vivienne.
Typ. Charles île Monrgues Itères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacqncs Rousseau, 8.— 1800.
SOJUMAlItE.
TEXTE.
1. Tannhauier. Le système et la partition de M. Richard Wagner. Paoi. BEniwnn.
— II. Théâtre de i'.lpéra-Comique : première rcpréscnlation de Maître Claude.
S. Lovï. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Audition de l'Ecole
'hantante de Féli\ Golefroid. Léon Gataves. —IV. Semaine théâtrale. J. Lovy.
V. Nécrologie : L. Nicdermeyer. i. d'0i\tigoe. — VI. Nouvelles, Soirées et
Concerts, Annonces.
jiusinn; de iu.vno:
Nos abonnés à la musiquedo Piano recevront avec le numéro de co jour :
la transcription dp Tu. Lécureux , sur la romance populaire
FLEUVE RU TAGE ,
Suivra immédiatement après : Be'.ln s?ra, idylle de Paul Bernard.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
FAIS TOI B'ETIT,
Paroles de Charles Potier, musique d'HENiu Potier. — Suivra immé-
diatement après ; l'Hiver, poésie d' Armand Bartiiet , musique de
J. Offenbach.
TÂNNHAUSER.
I,a partition et le système do
RICII4IC» WAGNER.
L'arl veut qu'on le discute, disions-nous l'année dernière à
cette même place et à propos des concerts de M. Richard Wag-
ner, au Théâtre-Italien.
Nous partirons du même principe cette fois encore, et nous
ajouterons que , bien que les partisans du nouveau système
musical semblent vouloir attendre la décision du public et des
artistes de Paris, avec un parti pris d'ironie amère et de dédain
bien mal placé, nous conserverons notre principe en redisant :
, i'arl veut qu'on le discute, et cela sans parti pris, sans passion,
sans arrière pensée, d'où qu'il vienne, quoi qu'il produise, mais
avec conviction et liberté de conscience.
Cette profession de foi établie , nous nous trouvons plus à
l'aise pour blâmer de toutes nos forces d'artiste ce que nous
reconnaissons de déplorable dans l'œuvre de M. Wagner, tout
en lui accordant, plus que d'autres peut-être, les éloges que
certaines parties de son Tannhauser et certaines qualités de son
talenl doivent en toute justice lui faire adresser.
Seulement, comment réclamer cette justice de gens qui, moins
que nous, auront étudié la partition pour y découvrir ses beau-
tés.... trop cachées, d'oreilles délicates qui se seront révoltées
devant les fouillis et les dissonances de l'exécution, sans cher-
cher à les analyser. Comment espérer que des organisations ner-
veuses et délicates puissent pardonner trois heures d'ennui à
l'auteur qui vient d'Allemagne , imposé par des circonstances
plus ou moins véridiques, et qui arrive enfin à l'épreuve déci-
sive, après avoir fait suer sang et eau au premier- théâtre mu-
sical du monde, pendant trois ou quatre mois do répétitions
consécutives, pour prouver quoi? — que tout ce qui s'est écrit
en musique, jusqu'à ce jour, tout ce qui est signé Mozart, Ros-
sini, Weber, Meyerbeor, Halévy, Verdi, — je ne parle que du
genre dramatique, — est l'enfance de l'art, et que si l'on marche
longtemps sur cette voie, c'est tout au plus si les nourrices de
nos pelits-fils daigneront bercer leurs nourrissons avec le ser-
ment de Guillaume Tell ou la bénédiction des poignards des
Huguenots!
Etonnez-vous donc, après cela, de l'espèce de révolte occa-
sionnée dans la pléiade artistique et critique de Paris, à l'audi-
'tion d'une œuvre qui pose pour le renversement des idées con-
sacrées, pour le mépris do la forme ; qui veut établir un système
néo-musical, et qui briserait volontiers les idoles do la veille,
pour dire : la vérité, c'est moi ! Etonnez-vous donc surtout de
l'espèce de colère ironique attachée à cette manifestation con-
traire, quand on voit l'extension que prend cette tendance de
l'autre côté du Rhin, et qu'on se sent envahir par un brouillard
froid qui vous pénètre de torpeur. L'hospitalité est une noble et
belle chose; mais la fable do ta Lice et sa compagne rappelle
qu'il ne faut pas l'étendre trop loin. Derrière M. Wagner, sans
130
LE MÉNESTKLI.
parler de toutes ses autres œuvres, la nouvelle école compte une
foule d'adeptes tout disposés à le suivre. Serrons les rangs chez
nous, nous autres vrais croyants de la vieille foi, et fermons
notre porte, après l'avoir entr'ouverte un instant ; oui, fermons-
la à ces rénovateurs, à ces iconoclastes, à ces utopistes insensés
qui cherchent l'Icarie musicale, mais qui ne la trouveront pas
à Paris, Dieu merci !
Et maintenant que notre mauvaise humeur s'est un peu
épanchée , entreprenons l'analyse du Tannhauscr. Nous avons
promis à M. Wagner d'être impartial. Nous allons lui montrer
que le culte du vrai beau est notre seule religion, et que nous
l'admirons partout où il se présente.
M. Wagner est le poëte de ses propres œuvres. Sous ce rap-
port, nous le laisserons juger par ses pairs, nous réservant plus
spécialement la partie musicale , car ces lignes n'ont point une
appréciation littéraire pour but , mais bien une simple analyse
de la partition.
Il faut cependant, lecteurs, avant de parler musique, arriver
à vous dire que le chevalier Tannhauscr est tombé dans les
enchantements du Vénusberg. Comment vous expliquer cela
sans vous transcrire ici ce renseignement placé en tète du livret :
« En Thuringe, près d'Eisenach, se trouve une de ces mon-
tagnes que l'on croyait servir de refuge à la déesse Vénus. »
C'est là que , toujours d'après la même note, cette déesse restait
enfermée pendant l'hiver, emportant toutes les joies de la terre
et s'en fais'ant un entourage magique, afin d'attirer les mortels
dans sa retraite et de les y retenir captifs dans les égarements
d'une volupté impie.
Le premier tableau nous représente le chevalier commençant
lui-même à s'ennuyer dans les délices de cette Capoue infernale.
La belle déesse est impuissante h le retenir, car il a entendu en
rêve les cloches de sa patrie, et quand après une scène de ménage
un peu longue, elle lui fait le reproche de n'être plus aimée, il
lui répond :
Reine de volupté, non, je n'attends de toi
Ni repos, ni salut!... Ma foi n'est qu'en Marie!
Ce nom sacré rompt le charme. On se trouve alors dans un
paysage frais et charmant, où Tannhauser est rencontré par ses
anciens camarades et compétiteurs, les chevaliers chanteurs qui
chassent en compagnie du landgrave Hermann , dont la nièce,
nouvelle Calypso, ne pouvait se consoler du départ de son che-
valier. Reconnaissance, oubli des torts passés , promesse de ne
plus recommencer ; tous se réunissent et partent pour le Wart-
burg, où se donne un grand tournoi poétique dont le prix sera la
main d'Elisabeth.
Le second acte est consacré à ce tournoi. On y chante l'amour.
L'un prétend que ce sentiment est le plus pur de la terre, et
veut y voir un parfum divin; un autre dit que c'est lui qui
fait naître toutes les grandes choses, qu'il exalte le courage et
ranime les faibles; enfin, l'inguérissable Tannhauser, encore
sous le charme des enchantements du Vénusberg , s'écrie à son
tour, en s'adressant à Vénus :
Heureux celui dont tu comblas les vœux I
Qui près de toi , sublime enchanteresse,
A partagé la volupté des dieux!
Grande stupéfaction de tous, fureur des chevaliers, désespoir
d'Elisabeth et renvoi de Tannhauser dans une compagnie de
pèlerins se rendant à Rome, à cette fin d'obtenir du Saint-Père
la rémission de ses fautes.
Le troisième acte nous ramène les pèlerins. Tannhauser n'est
pas au milieu d'eux. Elisabeth, qui aimait toujours le coupable,
s'adresse alors à la Vierge et lui demande de la rappeler près
d'elle. Sous l'empire d'une foi profonde, elle retourne_au châ-
'teau pour y mourir. Cependant Tannhauser n'était qu'en relard.
Il arrive a son tour, mais non pas pardonné. Le malheureux,
repoussé par le pape, ne rêve plus que de retrouver le chemin du
Vénusberg. Ce troisième acte aurait pu se nommer le pécheur
endurci, et il est vraiment pénible, au point de vue moral,
de trouver si peu de charité dans la religion et tant d'impudeur
dans la faute. Vénus , qui revient là comme les épices après
dîner, répond à l'appel du malheureux maudit ; mais , fort
heureusement pour le salut de son âme, un convoi descend du
Wartburg. C'est celui d'Elisabeth qui, par sa mort, a racheté
les péchés de celui qu'elle aimait. Tannhauser meurt à son
tour, purifié par une espèce de miracle que je renonce à vous
expliquer, et la pièce pourrait bien faire comme Tannhauser,
mais sans avoir trouvé la jeune néophyte qui doit lui ouvrir les
portes de l'éternité, toute musique d'avenir qu'elle soit.
Nous voici enfin arrivé à l'analyse musicale; or j'ai entendu
trois fois la partition, je l'ai sous les yeux en ce moment, et
j'avoue en toute humilité que je suis aussi embarrassé que si
j'avais à dessiner nettement les contours de la statue de Napoléon
au plus haut de la colonne Vendôme par un jour de brouillard.
Essayons cependant, lecteurs, de vous servir de pilote sur cet
océan plein d'écueils. Je vous promets à l'avance de diriger votre
course vers les îles fleuries de cet archipel ingrat. Et tout d'a-
bord saluons l'une des terres les plus fécondes que nous ayons à
rencontrer: l'ouverture. La prière des pèlerins, qui plane sur
toute la pièce comme une idée mère , commence dès la première
mesure et sert de canevas à ce long morceau symphonique, dans
lequel on remarque un grand style et une pompeuse manière de
traiter l'orchestre. Un milieu diffus vient pourtant assombrir
cette page. C'est la couleur de Weber, moins l'élan, moins la
distinction, moins la clarté. Puis la prière revient, accompagnée,
cette fois, d'un caractéristique mais interminable trait de vio-
lons poussant jusqu'au paroxysme le grincement de la corde.
A dire vrai, l'effet est saisissant, mais il vous prend à la gorge
comme si l'on mordait dans un citron.
Le premier acte s'ouvre alors par un ballet voluptueux dont
la musique n'est que tressaillements, que sifflements; la petite
flûte se jette sur le hautbois, qui lance une ruade à la clarinette.
Le basson s'interpose, mais il est bousculé par la masse des vio-
lons, et tout cela sert de cadre aux danses des bacchantes et des
nymphes. Si c'est là de la couleur locale, je suis loin d'envier le
sort de Tannhauser, et je le plains sincèrement d'entendre tous
les jours une semblable. cacophonie.
Du reste, le pocte-musicien le fait dormir pendant celte bac-
chanale, et, sitôt le réveil, Tanuhauserdemande à s'en aller. C'est
alors que commence ce système de longs récitatifs coupés par
des fragments sans rhylhme et sans tonalité. Dans la grande
scène entre Vénus et le chevalier, une phrase, dite trois fois par
le ténor, se présente à peu près carrée, dans une couleur alle-
mande très-prononcée, mais vulgaire et mal écrite pour la voix.
C'est ici le cas de remarquer que M. Wagner traite les voix comme
les instruments, leur faisant franchir des sauts impossibles et
attaquer des intervalles barbares. Cependant, dans de certains
ensembles ce défaut disparaît, et les voix se marient alors avec
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
131
un rare bonheur. Le musicien de l'avenir arrive, sous ce rapport,
ii des effets que Verdi, le sonorisle coloré, pourrait à bon droit
lui envier. Dans cet ordre de choses nous citerons le septuor du
premier acte, l'andante du final du second et le chœur sans ac-
compagnement des pèlerins, où l'agencement des parties produit
un résultat d'une grande richesse harmonique. On sent que
l'auteur manie ses masses comme un pianiste habile son clavier,
cl l'on se demande pourquoi se priver de la lumière quand il fait
jour et qu'on n'est pas absolument aveugle.
Le premier tableau présente encore une phrase chantée par
Vénus, et devant laquelle les Wagneristes tombent en adoration.
Cette phrase de Venus, le tournoi soi-disant poétique et le grand
.récit du voyage à Rome, voilà quels sont les signes principaux
auxquels se rallient les initiés du nouveau monde musical. Si
nous n'apprécions pas ces beautés poétiques , comme ils les ap-
pellent, nous ne sommes pas dignes deles comprendre, et ils nous
prennent en pitié. Eh bien! soit! pitié pour pitié! car le jour
où votre nouveau sens auditif se délectera complètement à cette
torpeur musicale, vous ne comprendrez plus nos chefs-d'œuvre
à nous, notre Guillaume Tell, notre Don Juan, notre Lucie,
notre Juive, nos Huguenots, et sincèrement nous vous plain-
drons.
Oui, certes ; nous nous plaisons à reconnaître que cette phrase
de Vénus est fort belle, mais elle porte à nos yeux la tache origi-
nelle de votre système ; elle module sans besoin, elle se heurte
sans nécessité à toutes les septièmes diminuées du Vénusberg,
où celte plante parasite croît à profusion ; elle est enclavée dans
vos récitatifs impossibles, et il faut une oreille de lièvre pour la
comprendre et l'apprécier quand elle arrive inattendue au mi-
lieu de son chaos inextricable.
Parlerai-je de la chanson du pâtre? Non, j'aime mieux la
passer sous silence, ne la considérant que comme une erreur.
Je préfère arriver de suite aux belles parties du deuxième ta-
bleau. Il y a là une certaine couleur chevaleresque qui domine
toute la scène et un septuor, à l'italienne il est vrai, touché de
main de maître. La mélodie n'en est pas neuve, mais elle est
consolante. A cet endroit, nous avons applaudi de grand cœur
une musique qu'on sent vivre. Jusque-là, tous les personnages
semblaient animés d'une existence factice, et, en les entendant
chanter comme tout le monde, je me suis pris à fredonner tout
bas, heureux de retrouver la vie, moi qui ne suis pas né pour les
rêves creux et la solitude ascétique.
Hélas ! cela ne devait pas durer longtemps. L'allégro désor-
donné suivait le calme, et la toile tombait après un fouillis
qui ne trouve son équivalent que dans le final du troisième ta-j
bleau.
Après cet aperçu déjà bien long du premier acte, j'éprouve
le désir d'esquiver les parties obscures de l'œuvre, qui, du
reste, se ressemblent toutes, pour ne m'arrêter que sur les mor-
ceaux en relief. C'est ainsi que nous trouverons la marche de
l'entrée au Warlburg. Là, l'auteur arrive à des effets d'un gran-
diose magique. Les voix s'unissent à l'orchestre dans les meil-
leures conditions, les cuivres sonnent sans écorcher l'oreille ; on
se sent pris d'un enthousiasme véritablement moyen âge, on
met la main sur la garde de son épée, et l'on porte plein d'ar-
deur les couleurs de sa belle. Vivat! M. Wagner. Nous som-
mes heureux de pouvoir louanger un homme de votre talent, et
nous désirerions pouvoir le faire sans limites ; — mais non, vous
ne le voulez pas, car vous nous dites dans votre théorie de la
grande mélodie, que vous n'avez mis là celte marche, que pour
sacrifier au goût vulgaire et aux habitudes du public. Pardon-
nez-nous donc nos éloges, puisqu'ils sont une protestation de
votre système.
Nous ne parlerons pas du tournoi poétique, sujet éminemment
musical, traité sans enthousiasme ef sans inspiration, pierre de
touche de la partition devant laquelle M. Wagner a complète-
ment failli, il faut le reconnaîlre. Nous arriverons à l'ensemble
qui suit et qui présente encore un andante, genre septuor de
Lucie, malheureusement gâté par une interminable scène dont
l'auteur semble ne pas savoir sortir, lui et son pauvre Tann-
hauser, qui resle à bouder dans un coin, et le public avec lui.
La, le désordre arrive à son comble et le rideau baisse sur un
Irait de violons qu'on pourrait appeler le trapèze de la chante-
relle sans son Léotard.
Le troisième acte ne nous offrira guère qu'une romance,
adressée à l'étoile du soir par le chevalier Wolfram. Voilà de
la véritable couleur poétique, et nous suivrons volontiers la nou-
velle école sur ce terrain, tant qu'elle voudra bien nous offrir
une mélodie claire et harmonieuse comme celle-ci. En l'écoutant,
on se sent enveloppe d'une mélancolie douce et crépusculaire.
C'est beau, c'est pur, c'est frais comme une belle nuit d'été.* La
voix trouve où se poser, où s'étendre, et l'auditeur ému se laisse
aller à des impressions d'autant plus complètes que ce sont vé-
ritablement les premières, les seules qui se présentent. Car, il
faut bien le dire, l'auteur semble au désespoir quand un lam-
beau de mélodie se fourvoie sous sa plume.
Ce dernier acte présente encore une prière d'Elisabeth, le
rappel du Chœur des Pèlerins et un récitatif de quinze minutes,
dans lequel Tannhauser raconte son excursion à Rome. Ceci est
sans doute ce que les admirateurs appellent de la musique pro-
fonde? Profonde d'où, profonde comment, profonde de quoi?
Un puits aussi est profond, mais il est obscur, et le système de
M. Wagner ne l'est pas moins.
Résumons-nous ; M. Wagner est un profond musicien, puis-
que profond il y a, mais un chercheur dans la mauvaise acceplion
du mot, un rêveur, un ulopisle. L'harmonie n'a pas assez de
secrets pour lui, mais la mélodie lui a fermé sa porte, et M. Wag-
ner, en exposant sa théorie, ressemble fort au renard devant les
raisins. 11 nie la forme en musique, parce qu'il veut que la mu-
sique soit l'esclave absolue de l'expression parlée. Seulement il
oublie que l'expression, que la pensée elle-même a une forme
précise, qui est en quelque sorte la statuaire de l'intelligence, et
qui, en poésie, a pris pour draperie la rime, le rhythme et la cé-
sure. Pourquoi donc la musique serait-elle plus informe que sa
sœur la poésie, quand au contraire son caractère particulier est
de charmer l'oreille comme la forme physique charme les 3'eux?
M. Wagner appelle à son aide pour nous convaincre la méta-
physique et l'esthétique la plus impalpable de la philosophie
allemande. Ah! grand Dieu! loin de nous ce fatras, quand il ne
s'agit que de plaire et d'émouvoir.
Au point de vue de l'orchestre, M. Wagner arrive parfois à
des effets nouveaux qu'il doit surtout à sa manière de séparer,
de tripler, de quadrupler les parties plus que les compositeurs
ne le font d'habitude. Weber le faisait cependant pour les
violons. L'auteur du Tannhauser pousse cela infiniment loin,
écrivant presque toujours pour trois flûtes, trois hautbois, trois
clarinettes, etc., etc. Un de ses grands moyens consiste dans
l'emploi des harmonies suraiguës; sa musique est vinaigrée.
Grétry disait à une représentation d'un certain opéra de Méhul,
qu'il donnerait volontiers un louis pour une chanterelle; à ce
132
Ui MÈNESTI'Iil.
compte, les caves de la Banque de Franco seraient insuffisantes à
solder toules celles dont M. Wagner a illustré son œuvre.
Le Tannhauser dans son ensemble est d'une monotonie qu'on
pourrait attribuer à l'abus de certaines formules. La mesure h
quatre temps y est presque perpétuelle; le chromatique y détruit
le sentiment de la tonalité; la septième diminuée y jette partout
sa teinte neutre; enfin le* récitatif y tient la première place, non
pas le récitatif dramatique à la manière de Gluck, mais une cspôco
de mélopée antique, lente, traînante, le plus souvent sans accent
et sans but. Qu'on s'étonne après cela de l'accueil fait à la parti-
tion de M. Wagner, accueil, hélas I qui n'a pu qu'augmenter à la
seconde représentation. On ne saurait frapper un ennemi abattu.
A plus forleraison, nousqui nesommes pas l'ennemi de M. Wag-
ner, mais simplement le contradicteur de son œuvre, nous sen-
tons-nous tout disposé à le considérer, depuis la sévérité de ce
jugementpublic, comme un antagoniste sérieux que nous serions
bien aise, à cause de sa valeur personnelle, do ramener vers les
sentiers do la musique mélodieuse et dramatique; mais nous le
savons, c'est prêcher dans le désert, et nos observations seront
encore moins goûtées de M. Wagner que sa musique ne l'a été
du publie.
Paul Bernard.
THEATRE IMPÉRIAL DE L OPÉRA-COMIQUE.
lla'dre Claude, opéra-comique en un aclu, de MM. de Saint-Georges et
de Leuven, musique du M. Jules Cohen.
Uneplume gracieuse vientdovous faire planer dans les nuages
de l'avenir. Je viens, — avec moins de grâce, — vous faire retom-
ber sur laterre. — Salut, terreferme! Salut, mô\od)c intcrmillenle
et musique du temps présent!.. .Nous sommesen plein Opéra-Co-
mique : voici des chants humains et de l'air respirable. M. Jules
Cohen nous a fait ces loisirs. Nourri à l'école du passé, loin des
brouillards du Vénusberg et de l'esthétique du Wartbourg,
M. Jules Cohen vient de se signaler par un début lyrique dont
la génération actuelle conçoit les meilleures espérances. Du
reste, ce jeune compositeur n'est point un étranger pour le
monde artiste. Indépendamment de l'honorable poste qu'il oc-
cupe au Conservatoire, il s'est fait connaître par des œuvres
symphoniques, religieuses, des cantates, et surtout par ses chœurs
d'Alhalie. La clarté et le sentiment mélodique sont ses qualités
dominantes ; aussi pouvait-on prévoir que, tôt ou lard, la maison
Favart lui ouvrirait un compte ; cela n'a pas manqué.
Mais, en parlant de compte, réglons d'abord le nôtre avec
les librettistes.
Ce maître Claude n'est point un tabellion exaspéré comme
maître Fortunio, ni un avocat famélique comme maître Pa-
thelin. C'est tout simplement Claude Lorrain , le grand
paysagiste. MM. de Saint-Georges et Leuven se sont emparés
de ce nom illustre pour en faire le héros d'un petit épisode
romanesque, — ainsi que cela se pratique au théâtre depuis
un temps immémorial, — et je ne leur en fais pas un crime.
Maître Claude a découvert un beau jour, en revenant d'Italie,
un site lorrain des plus coquets, une auberge appétissante, et
une jeune aubergiste plus appétissante encore. Il s'installe dans
l'une, épouse l'autre, et partage sa vie entre ses fourneaux, son
art et sa femme, dont il est très-jaloux. — Or, Pcrrinc, la jolie
aubergiste, a une sœur, M"e Suzelte, qui s'est fiancée au sergent
Bouton de Bose, lequel appartient au régiment de Boyal-Cravato,
dont le duc d'Aiguillon est le colonel. Tout à l'heure le duc,
au retour de la chasse, va s'arrêter à l'auberge de maître
Claude. Le peintre-aubergiste craint beaucoup cette visite, car
mon seigneur d'Aiguillon est une espèce de Don Juan, avec qui
• les maris n'ont pas beau jeu. Que fait maître Claude? Afin de
soustraire sa Perrine aux obsessions du duc, il imagine de faire
passer Suzelte pour sa femme, et de présenter celle-ci pour la
fiancée de Bouton de Bose. Mais le sergent, inquiet pour lui-
même, dénonce le stratagème à son colonel. Le colonel, qui
apprend en même temps à .quel aubergiste il voulait s'attaquer,
se borne, pour toute vengeance, h donner une petite leçon 5 la
jalousie du peintre : il invile Claude Lorrain à prendre ses pin-
ceaux et à reproduire le paysage qui s'étend devant la maison.
— Voilà maître Claude devant son chevalet, et en devoir d'es.
quisser un soleil couchant. Les lointains ne laissent rien à dé-
sirer, et voici au premier plan un cerisier qui fera bon effet.
Seulement, il faudrait quelques personnages pour animer le
tableau. Arrivent à point les personnages demandés. Uu couple
amoureux descend la colline et vient réaliser le fameux tableau
de Boucher, la scène du cerisier (scène concertée entre le duc,
Perrine et Bouton de Bose). Maître Claude reconnaît sa femme
et le sergent. Son anxiété est au comble, il fait mille efforts pour
ne pas se trahir ; mais la jalousie l'emporte, et. . . la leçon est
complète.
M. Jules Cohen s'est inspiré de ce gracieux canevas avec un
bonheur qui a justifié et même dépassé toutcsles espérances. Son
organisation mélodique, secondée par de bonnes éludes, s'est
merveilleusement assimilé le terrain sur lequel il a posé pied.
Sa partition est écrite dans les conditions voulues; la coupe des
morceaux est seénique, les motifs sont avenants ; aussi le public
a-l-il presque tout acclamé avec entrain, car il y a là tout à la
fois un opéra-comique de la bonne venue et surtout un trésor de
promesses pour Pavenir.
L'ouverture de Maître Claude — un peu trop développée, —
résume les plus jolies mélodies de la partition. Nous y trouvons
notamment un solo do cor, suivi d'arabesques de flûte auxquelles
on a fait une ovation spéciale. Le chœur des soldats a de la
verve, et les couplets de Berlhelier, Dans le Royal-Cravate , ont
été fêtés ave3 justice. Trois morceaux sont venus remporter le
grand prix de la soirée, c'est-à-dire les honneurs du bis : l'air
d'entrée du débutant Gourdin (maître Claude); l'air de Troy,
Allons au franc chasseur, etc., et la chanson de Perrine, Ah!
que dira grand' mère? — Mais n'oublions pas le. quatuor Très-
bien, fort bien, et citons aussi le duo de MM. Troy et Gourdin,
morceau d'une excellente facture.
» Certes, M. Jules Cohen n'a point à se plaindre des interprètes
de son œuvre. Ils se sont vocalement cotisés pour la mener à bon
port. Mile Marimon (Perrine) est une aubergiste comme on en
voit peu, comme on n'en trouve pas. Elle joue et chante à ravir el
détaille sa chanson, entre autres choses, avec une finesse exquise;
Troy a donné un véritable cachet de distinction au rôle du
colonel-duc, dans lequel cependant on préférerait un ténor; Ber-
lhelier est un Bouton de Bose des plus désopilants, et M"0 Cor-
dier une agréable Suzelte. Quant au débutant, M. Gourdin, c'est
une véritable trouvaille, et son succès a été prononcé d'emblée.
Lauréat du Conservatoire, M. Gourdin possède un baryton-
basse au timbre sonore et sympathique; il phrase déjà avec goût
et atteint sans effurt les notes les plus élevées. Comme acteur, son
inexpérience est plus visible; mare M. Gourdin n'a pas vingt
•ans, et nous pouvons lui ouvrir un largo crédit. Nous conseil-
lons surtout à l'Opéra-Comiquo de s'attacher très-sérieusement
TAIiLETTES DU PIANISTE ET DU CîlA.MKl i!
133
co chanteur, comme il devrait le faire pour M,leMarimon. On ne
retrouve pas facilement des artistes de cette jeunesse et de ce
mérite. •
Finalement Maître Claude a satisfait tout le monde, malgré —
disons-le pour l'acquit de noire conscience, — un flux et reflux
de_ trilles plus ou moins réussis, tous places sur la note sensible
de chaque fin de phrase, de manière à vous agacer désagréable-
ment le sens auditif. Ce sont là des exagérations vocales avec les-
quelles un composileurdnit savoir compter dans l'intérêt de tous.
J. Lovv.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
AUDITION DE L'ÉCOLE CHANTANTE DU PIWO
FELIX GODEFROID.
Tout neutre qu'il se fait sournoisement appeler, le verbe
médire n'est pcut-èlre pas beaucoup moins actif que ses con-
frères calomnier et diffamer ; aus^i je ne sais pas trop si la cri-
tique a toujours calomnié les pianistes modernes, lorsqu'elle leur
a reproché de faire trop de notes et de bruit; — mais il est
certain que le contre-coup a été de diffamer le piano, et pour
mon compte je reconnais en avoir très-humblement, mais très-
souvent médit.
Cependant, semblable à la lance d'Achille, qui avait le pou-
voir de guérir les blessures qu'elle avait faites , la critique vrai-
ment musicale, la critique éclairée a toujours reconnu dans le
piano, non-seulement un instrument parfait pour la musique
qui lui est spécialement destinée, — mais aussi l'instrument par
excellence pour remplacer à la fois l'orchestre et les voix ;
car le piano peut chanter, et même très-bien chanter , d'autant
plus, — ou plutôt d'autant mieux, — qu'il prèle à la mélodie
tout le charme de l'harmonie. Et la mélodie sans l'harmonie,
c'est une belle statue dont on aurait retranché les membres et le
buste pour ne conserver que la tète, — et encore, en mutilant
presque toujours et dénaturant cette tête.
Les exécutants do première force sur le piano abondent ;
mais, — à côté d'un très-grand nombre de virtuoses célèbres,
on compte à peine quelques célèbres accompagnateurs. Cela
tient à ce que, pour être accompagnateur parfait, — et sans
même chanter soi-même, il faut cependant êire assez initié à l'art
du chdnt pour pouvoir former et diriger des chanteurs. Il n'est
donc pas. étonnant que lorsque l'art d'accompagner est si rare,
celui de faire chanter l'instrument en même temps qu'il accom-
pagne, le soit bien plus encore; aussi, on ne chante pas, ou l'on
chante à peine sur le piano, — l'instrument le plus répandu
du monde, — et cependant la musique, sans mélodie, c'est le
plat dont parle Alphonse Karr, plat de perdrix aux choux, qui
ne se composerait que de choux.
Il appartenait à un prince des virtuoses, au grand musicien
qui, pendant des années, a étudié le chant sous la direction
d'un des plus célèbres professeurs de l'école italienne, — il
appartenait au puissant dominateur du clavier qu'il a su dompter
et asservir, — il appartenait à S. Thalberg enfin, de protester
avec toute l'autorité de sa splendidc exécution contre les stériles
tours de force des exécutants et il a fait l'Art du chant ap-
pliqué au piano.
liais, pour appliquer un art, il faut le posséder; — pour le
posséder, il faut s'y vouer et l'étudier, — et pour l'étudier il faut
une école. Celle école ne manquait-elle pas? — En tous cas,
voici YEcole chantante du piano de Félix Godefroid, cet autre
prince des virtuoses — le roi de la harpe — le barde inspiré;
car si on trouve des chants toujours pleins de charmes dans ses
productions écrites, on les retrouve encore dans les prodiges de
son exécution, — même au milieu d'inextricables difficultés, où
le cours limpide et pur de la mélodie murmure doucement
comme l'eau de la source à travers les roches de la montagne.
Voilà donc deux grands maîtres — Thalberg, Godefroid, —
maîtres souverains d'instruments dont leurs doigts de virtuoses
pourraient faire jaillir en toute sécurité mille cascades de notes
éblouissantes, — voilà deux exécutants hors ligne enfin s'appli-
quanl à propager l'art de chanter ! — N'y a-t-il pas déjà là tout
un enseignement?
Quant à ceux que l'on puisera dans l'Ecole chantante du
piano, je n'entreprendrai pas de les énumérer, il reviendrait
une trop large part à chaque mélodie-type, — à chaque exercice-
type dont l'étude générale a pour but tantôt (et tout en accom-
pagnant) de faire chanter le piano cemme une ou plusieurs
voix, — tantôt d'interpréter tout un orchestre en en faisant
ressortir les divers timbres. Pour un simple trémolo, par exem-
ple, Godefroid recommande de se reporter aux effets d'orchestre,
— de les écouter en soi-même et de rendre autant que possible
les différentes variétés d'instruments qui le composent. Alors
(après l'étude de l' exercice-type pour familiariser avec le méca-
nisme du trémolo) commence un sombre tutti qu'illumine le
timbre clair do la petite flûte; bientôt, sous le frémissant mur-
mure des violons, la mélodie se dessine en sons liés par l'entrée
des cors auxquels viennent se joindre les violoncelles d'abord,
— les contre-basses ensuite; — et peu à peu chaque instrument
ajoutant à la sonorité de la symphonie, celle sonorité éclate
dans toute sa puissance, pour s'éteindre progressivement ensuite
sur les timbres graves dans le mystérieux diminuendo d'un
perdendosi qui va toujours ralentissant.
J'ai choisi avec intention le trémolo, — une banalité pour
nombre de pianistes qui se contenant d'en faire une espèce
de roulement pâteux, inégal, intermittent, dont la sonorité flas-
que et cotonneuse n'appartient ni à la musique ni au tambour.
— Je l'ai choisi pour donner une idée du soin apporté par Go-
defroid— non-seulement à faire chanter le piano, mais aussi à
le rendre l'interprète le plus fidèle des divers timbres de l'or-
chestre. Quant au chant, au style, à l'art de phraser, l'auteur,
consacrant d'abord le premier exercice et la première mélodie
à la sonorité, suit une à une toutes les transformations de celte
sonorité en noies tenues enflées et diminuées, — en notes liées,
répétées, détachées, rebattues, piquées, syncopées, etc., — en
traits, en arpèges, fioritures et ornements, — en portamenti,
gruppctli, — en tout ce qui constitue la phrase musicale
enfin. A chacune de ces choses il consacre une mélodie
spéciale, précédée d'un exercice-lype, où la main gauche est
toujours appelée à reproduire ce qu'a fait entendre la main
droite; et quelques lignes de'savante théorie, aussi claire que
concise , quelques exemples tirés des plus grands maîtres ou
empruntés aux plus grands virtuoses , n'indiquent pas seule-
ment, mais enseignent à fond l'art d'obtenir et d'utiliser tous ces
effets.
Enfin, pour faire suite à ce premier livre d'études, Godefroid
en a écrit deux aulres, dont l'un est spécialement destiné aux
petites mains ; ce qui fait de ['École chantante du piano un en-
13V
LE MÉNESTREL.
seignemenl semblable à celui des grands établissements univer-
sitaires, où sont appelés, à la fois, des élèves plus ou moins avan-
cés. Dans le premier livre, Vexercice-lype est la leçon à apprendre,
.le devoir à faire, et la mélodie qui suit l'application immédiate
et raisonnée de la chose apprise.
Maintenant, en parlant de ces mélodies — et sans oublier
celles du second et du troisième livre — je ne leur ai certes pas
prodigué d'adjectifs louangeurs , puisque je n'ai encore eu
recours à aucun; il me sera donc permis de dire en finissant —
et tout en mettant une sourdine à la vivacité de mes souvenirs, —
. qu'en dehors de leur utilité comme travail, chacune de ces études
est un charmant morceau do salon.
C'est pour les entendre à ce double titre, — et par invita-
tion particulière des éditeurs que jeudi de la semaine dernière
une nombreuse réunion d'artistes et de professeurs s'était
rendue dans les salons Erard, où les pianos ne demandent
qu'à chanter, lorsqu'on no les force pas h faire autre chose. On
en a eu la preuve, ce soir là, en écoutant ce jeune chanteur
accompli, qui a nom Louis Diémer, et dont la voix splendide,
expressive, éblouissante de puissance, d'agilité, ou touchante de
douceur, et toujours pleine de charme, — dont la voix à sept
octaves, enfin, est un piano à queue. Destinée d'abord à la seule
audition des études de l'Ecole chantante, cette soirée est cepen-
dant devenue un véritable concert, auquel reviendrait à juste
titre un compte rendu, aussi spécial qu'élogieux, si le nombre
de ces lignes trop accumulées ne dépassait déjà, je le crains, la
place blanche qui m'est réservée à l'imprimerie. Sans pouvoir
suivre l'admirable talent du jeune Louis Diémer, qui semblait
un Protée mélodieux pendant l'interprétation do ces études
dont plusieurs ont été bissées avec insistance, je dois donc pour
ainsi dire me borner à nommer des artistes qui tous ont recueilli
des applaudissements aussi chaleureux qu'éclairés. :
L'audition s'est terminée par une sorte d'apothéose sonore,
c'est-à-dire par le splendide épanouissement de la Prière des
Bardes de Félix Godefroid, transcrite pour violon, piano et orgue,
et chantée en véritables bardes plutôt qu'exécutée par MM. Ma-
gnien, L. Diémer et Mlle Virginie Huet. C'était la fin, et pour
commencer, MM. Guidon, qui sous plus d'un rapport rappellent
les frères Lionnet, ont dit avec un grand charme la Veillée de
Gaveaux, et Bonsoir, Bonne nuit, Bonjour, très-joli duo accom-
pagné par l'auteur H. Potier. Puis est venu le tour de Jules Le-
fort, dont la voix sympathique, au timbre vibrant et sonore, a
raconté d'abord Le Nid abandonné de M. Nadaud, pour inter-
préter ensuite le chant dramatique de la Sirène. Pour cette der-
nière composition, il a été également accompagné par l'auteur,
mais cette fois par l'auteur des paroles et de la musique, Mme Pau-
line Thys. Enfin Mme P. Thys a chanté elle-même de sa voix
de salon et de musicienne quatre autres de ces productions qui
l'avaient révélée déjà comme poète et compositeur, et ne pou-
vaient manquer de la faire comparer à Corinne, cette rivale de
Pindare qui fut surnommée la Muse lyrique.
Mais Corinne était disciple de Myrtis ( femme savante, mais
pas de celles dont Molière devait tant se moquer deux mille
ans plus tard); — tandis que, si je ne me trompe, MmeP. Thys
est élève de son père. Enfin Corinne était Béotienne, tandis que
Mme P. Thys est Française par le cœur, ( entendez-lui plutôt
chanter Vive la France, ) Française par la grâce, Française par
l'esprit, et de tous les pays par le talent.
Léon Gatayes.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Aujourd'hui dimanche, I'Opéra donnera la troisième repré-
sentation du Tannhauscr, à la demande des abonnés du lundi
et du mercredi, qui se sont déclarés satisfaits. Ceux du vendredi
réclament une audition, et raison leur sera faite, après les nou-
velles coupures actuellement réalisées. A la seconde représenta-
tion, un certain nombre de belles dames ont sacrifié leurs oreilles
et battu des mains avec le cœur. C'est une compensation aux
infortunes du Tannhauser. Malheureusement, comme nous
venons de le dire, messieurs les abonnés se sont montrés moins
compatissants, et l'on a pu voir les plus nobles d'entre eux
armés de ces sifflets, dont l'humble parterre de l'Opéra lui-même
n'avait plus souvenance. — Demain, lundi, première représen-
tation du ballet Graziosa, créé par Mme Ferraris, musique de
Théodore Labarre. L'administration adjoindra à ce ballet l'ode-
• symphonie du Désert, à laquelle le concert de Félicien David
vient de donner un regain d'éclat et de vogue. Depuis longtemps
on n'avait vu pareil empressement au bureau de location.
Il serait question de remonter le Freyschulz, avec Niemann,
Mlle Marie Sax, Mmo Duprez-Vandenheuvel et Belval. Ce chef-
d'œuvre serait exécuté sans mutilations. — A la bonne heure !
L'Opéra nous promet aussi les débuts de MIIe F*" de Nantes,
cantatrice de concerts, élève de M. Piermarini. Elle nous appa-
raîtrait d'abord, dit-on, dans le rôle de Lucie, sous le nom de
Mlle de Taisy.
Le TnÉATRE-lTALiiiN adonné, lundi, une représentation extra-
ordinaire de Semiramidc. MMmes Grisi et Alboni chantaient les
rôles de Sémiramis et d'Arsace. On sait que ces deux grandes
cantatrices ont, toutes deux, fait leur premier début, à Paris,
dans ces deux rôles, la première le 1C octobre 1832, la seconde
au mois d'octobre 1847. C'est assez dire quel intérêt s'attachait à
cette représentation. Près do trente années séparaient MmB Grisi
de son premier triomphe. Le public n'a pas été ingrat; et, fidèle
au souvenir de ses jouissances passées, il a su donner à Mme Grisi
les plus sympathiques témoignages, et applaudir un talent qui se
survit à lui-même, et que soutient d'ailleurs le sentiment dra-
matique le plus admirable. Quant à Mme Alboni, qui ne compte
encore, à Paris, que quatorze années de succès non interrompus,
elle a soulevé, comme toujours, dans ce rôle, l'un des plus heu-
reux de son répertoire, les bravos unanimes de la salle. Que
pourrait-on dire encore sur ce timbre de voix unique, sur celte
facilité, celte sûrelé merveilleuse! 0 rare privilège de la jeunesse
et de la maturité du talent! Goûtons bien ces exquises satisfac-
tions, sur lesquelles le temps aussi aura prise un jour ! L'âge est
une justice dernière qui efface les inégalités présentes. — Badiali
d'abord, et puis Angelini ont dignement secondé MMmes Grisi
et Alboni ; et la musique du maître, aux Italiens comme à l'Opéra,
n'a pas cessé de charmer tous ceux qui aiment encore la mé-
lodie, la clarté, l'inspiration continue, le développement régu-
lier de l'idée musicale, la sérénité du génie.
Quelques jours avant la représentation de Semiramide, le
Théâtre-Italien reprenait le Nozze di Figaro, dont il nous avait
sevrés depuis une vingtaine d'années; il est vrai que le Théâlre-
Lyrique a richement comblé cette lacune. Ce chef-d'œuvre de
grâce et d'esprit n'a malheureusement pas rencontré une distri-
NOUVELLES ET ANNONCES.
135
bution suffisante sur la scène de Ventadour; mais Mozart n'en
a pas inouïs retrouvé dans la salle ses fidèles et fervents adora-
teurs. Le duo de la lettre a été détaillé avec beaucoup de goût
par Mme Penco et Mllc Battu.
— Aujourd'hui dimanche, au Théâtre Impérial Italien, re-
présentation au bénéfice de Mrae Alboni, avec intermède musical :
1° Grande fantaisie héroïque, composée et exécutée parM. Emile
Forgues; 2° Air chanté par M. Graziani; 3° A. Thème varié,
B. Mazcppa, grandes études pathétiques, composées et exécutées
par M. Emile Forgues; 4° Air chanté par Mmc Alboni.
L'Opéra-Comique nous a- donné cette semaine Maître Claude
(voir notre article). *
Le Théâtre-Lyrique donnera demain lundi la reprise de
Gil-Blas, opéra-comique en cinq actes. Le grand succès de
l'œuvre de M. Semet, interrompu l'année dernière par la clôture
de la saison, va trouver de nouveaux éléments dans les soins
dont l'administration a entouré cette importante reprise.
M"e Girard remplira le rôle de Gil-Blas, et va, dit-on, révéler
des qualités qui la placent à la fois au premier rang de nos
meilleures cantatrices et de nos plus excellentes comédiennes.
Les autres rôles do la pièce seront joués par des artistes égale-
lement aimés du public: MM. Meillet, Wartel, Lesage, Gabriel,
Leroy, Girardot, M"cs Faivre et Vadé.
Hier samedi, les Bouffes-Parisiens ont donné la première
représentation du Pont des Soupirs, leur grande et tardive pièce
d'hiver. — A dimanche les détails; constatons seulement, dès
aujourd'hui, que le bureau de location est assiégé.
L'Odéon nous a offert un agréable marivaudage en vers, le
Portrait d'une jolie femme, deux actes dont le maréchal de
Richelieu et le peintre Boucher sont les principaux héros.
Auteur : M. Rochefort.
Au Gymnase, on annonce quatre actes d'un auteur en vogue :
les Ménages parisiens.
Le Vaudeville vient de jouer coup sur coup deux pièces
nouvelles: Ma Femme est troublée, comédie en un acte, de
MM. Dumanoir et Decourcelles, parfaitement interprétée par
Félix et M"e Pierson; puis les Vivacités du capitaine Tic, trois
actes fort humoristiques de MM. Labiche et Edouard Martin.
Félix, Boisselot, Munie, une débutante, MUe Manvoy, et
Mme Alexis, complètent l'excellent ensemble de ce succès.
Le théâtre des Variétés annonce la reprise de La fille du
Diable.
La Porte Saint-Martin nous promet son drame nouveau,
les Funérailles de l'honneur, pour le 30 de ce mois.
Et enfin la Gaité a renouvelé son affiche vendredi dernier,
avec un drame en cinq actes , huit tableaux : La Fille des
Chiffonniers. Nous en dirons le résultat.
J. Lovy.
NÉCROLOGIE.
L. NIEDERMEYER
C'est le coeur navré de douleur que nous annonçons à nos
lecteurs la mort de notre ancien ami et collaborateur, M. L.
Niedermeyer, enlevé subitement, dans la soirée du jeudi 14 de
ce mois, 5 sa famille, à ses amis, à l'art musical, à sa chère École
de musique religieuse, au moment où il venait de diriger la répé-
tition d'une messe de M. Gastincl. Huit jours auparavant, nous
avions eu le bonheur de le rencontrer et de passer quelques
heures avec lui. Les premiers mots qu'il nous dit furent ceux-ci :
« J'ai été bien malade depuis que je vous ai vu ; j'ai pensé mou-
rir. » Le jeudi suivant, M. Niedermeyer n'était plus! Comment
peindre la douleur de ses deux filles, de son fils, de tous ses
élèves, qui le respectaient et l'aimaient comme un père, des pro-
fesseurs et des ecclésiastiques chargés de l'éducation religieuse
et littéraire dans le grand et utile établissement qu'il avait fondé,
et auquel il s'était uniquement consacré?
En attendant que nous puissions donner une biographie com-
plète de celui à qui l'École de musique religieuse de Paris et la
Maîtrise doivent leur existence, nous empruntons à un journal
quelques détails sur ses œuvres :
« M. Louis Niedermeyer était âgé de cinquante-huit ans. Fils
d'un professeur de musique de Genève, il était allé achever ses
études à Naples, et y avait donné son premier opéra: il Reo per
amore.
« En 1826, le jeune maestro vint à Paris et eut le bonheur
d'y obtenir tout d'abord le précieux patronage et l'amitié de
Rossini; et, grâce à lui, il eut un acte joué au Théâtre-Italien :
la Casadel bosc.o. Après un séjour de deux ans à Bruxelles, il
revint s'établir définitivement à Paris, en 1835. Il a donné
successivement trois grands ouvrages à l'Opéra : Siradella, Ma-
rie Sluart, dont plusieurs morceaux sont restés célèbres, et la
Fronde.
« Mais ce que Niedermeyer a écrit de plus beau, ce sont les
quatre ou cinq Méditations de Lamartine qu'il a mises en mu-
sique, l'Lsolement et surtout le Lac, romance incomparable, où
l'inspiration musicale s'est élevée à la hauteur de l'inspiration
du poëte. »
Ajoutons sa belle messe en si mineur pour chœurs et orchestre,
exécutée pour la première fois, en 1849, à Saint-Eustache, pour
la fête de Sainte-Cécile, sous la direction de M. Dietsch, et,
quelques années plus tard, à Saint-Eugène , sous la direction de
M. H. Berlioz, ainsi qu'une quantité de remarquables morceaux
religieux pour voix et pour orgue, dont la plupart ont été pu-
bliés par la Maîtrise.
Les obsèquesdeM. Niedermeyeronteu lieudimanche 17mars,
au milieu d'un concours considérable où l'on remarquait M. le
prince Ponialowski, sénateur, M. Plichon, député, MM. Am-
broise Thomas, H. Berlioz, Gaslinel, Dietsch, Denne Baron,
Scudo, Duprez, Elwart, A. Bùïeldieu, Émilien Pacini, et une
foule d'artistes et de gens de lettres.
M. Niedermeyer était protestant; la cérémonie religieuse a
eulicuau'cimelière, où M. le pasteur Coquerel a pris la parole, en
présence des ecclésiastiques attachés à l'École, qui avaient ob-
tenu de M. le Cardinal-Archevêque la permission de rendre ce
dernier devoir à l'illustre Directeur.
L'art musical religieux fait une perte irréparable dans la per'
sonne de M. Niedermeyer, qui avait si profondément étudié et
la théorie de l'harmonie du xvie siècle, et le style de l'orgue,
et la tonalité du plain-chant. Son école survivra, nous en sommes
certains, et nous sommes persuadés qu'en changeant de mains,
elle restera fidèle aux traditions du fondateur.
Au moment où nous livrons ces lignes h l'impression, un de
nos plus aimables et de nos plus brillants poètes, M. Emile
Deschamps, veut bien nous envoyer les vers suivants que lui a
inspirés la mort de M. Niedermeyer, son ami et le nôtre. Ce
1SG
LE MÉNESTREL
quatrain nous arrive fort à propos p.mr terminer cet article
d'une manière digne de celui que nous pleurons.
J. d'Ortigue.
NIEDERMEYER.
Il fut modeste et franc], plus que tout autre, il laisse
Au cœur de ses amis un vivant souvenir ,
Comme, à ses enfants, la noblesse ; ,
D'un nom qu'adopte l'avenir.
Emile Desciiamps.
NOUVELLES MYEKSES.
— Les théâtres de Londres sont fermés jusqu'à nouvel ordre, à cause
de la mort de S. A. R. Mmc la duchesse de Kent, mère de la reine d'An-
glet 'rre.
— Le directeur du Théâtre-Italien de Covent-Garden, à Londres, M.Gyc,
vient dé publier son programme. Le théâtre sera ou vert le mardi 2 avril 1801.
La compagnie se compose de : Mmes Penco, Rosa Csillag, MMan-Carvalho,
Didiée, Corbari, Rudersdorff, Taglialico, Levai, Orlolani-Tihej'ini, MM.Tam-
berlick, Lucchesi, Neri-Baraldi, Rossi, Jourdan, Tiberini, Ronconi, Taglia-
fico, Polonini,Palriossi, Zelger, Faure, Graziani, Formes. Pi incipales dan-
seuses : MUes Zina Richard, Salvioni. Maître de ballet : M. Desplaces. Chef
d'orchestre : M. Costa. Administrateur : M. A. Harris. Les opéras suivants
seront exécutés pendant la saison , savoir : les Huguenots, Dinorah, le
Prophète, Meyerber; Don Giovanni, Mozart; un Bat bière di Siciglia,
Otello, lu Guzza Ladra, Rossini; Lucreziu Borgia, Maria di Ilolmn, lu
Favorita, Donizelti ; Norma, la Sonnambula, i Purituni, Bellini ; la Tra-
viata, il Trovalore, Rigoletto, Verdi; Marlha, I'iotow; Zampa, Hérold;
Fra Dinvolo, Auber ; il Giuramento, Mercadante ; Fidelio. Beethoven ;
Orfet), Gluck, et le nouvel opéra de Verdi, il Ballo in mnsclicra. Comme
on le voit, il y en aura pour tous les goûts et pour toutes les écoles. Le
Tannhauser seul manque à ce plantureux approvisionnement. — De plus,
le premier ouvrage nouveau pour Covent-Garden, joué cette saison 1801,
sera îe.GuiitaJneTéM de Rossini, avec celte distribution pour les trois prin-
cipaux rôles: Arnold, Tambeiïick; Guillaume, Faure; Malhilde, Mmc Mio-
land Carvalho. Dans le Don Juan, le rôle principal sera joué par Faure, et
Mme Carvalho chantera Zerline. C'est aussi Mme Carvalho qui prendra le
rôle du page dans un Ballo in maschera. Enfin, on annonce l'Étoile du
Nord, par Faure etMrae Carvalho. Bref, on le voit, si les Italiens envahis-
sent l'opéra français, les chanteurs français ne se privent pas de briller à
leur tour sur la scène italienne.
— Le Théâtre royal de la Monnaie, à Bruxelles, adonné cette semaine la
première représentation de Y Enchanteresse, ballet en deux actes. Les cor-
respondants belges ne nous disent pas si le public en a été enchanté.
— Après un court séjour en Suisse, le baryton Slockhausen est retourné
en Allemagne (on revient toujours à ses premières, etc.). Le 7 de ce moi*,
ilachantéà Francfort; le 24 (aujourd'hui dimanche), il chantera à Cologne
dans la Passion, de Sébastien Bach ; et vers Pâques il se rendra à Leipzig
pour y donner un concert. Paris ne l'attend plus.... qu'à la Trinité.
— Une correspondance de Bordeaux nous apprend que Mmc Duprez-
Vandenheuvel vient de débuter dans celte ville par le rôle de Lucie. Le
succès a été immense et s'est formulé par trois rappels. Après Lucie est
venu li Barbier. Le boléro dos Vêpres, dans la leçon de chant, a été
bissé; puis le Songe d'une nuit d'été', même enthousiasme. On attend
Mrae Vandenhouvcl dans les Huguenots et dans Je Freyschutz.
— A la messe en musique de Mrac la baronne de Maistre, église Saint-
Rocb, on a remarqué un motet de Cherubini, chanté par les sœurs Mar-
chisio, et l'air de Stràdellti. par le baryton Bonheur, — sans préjudice des
morceaux d'ensemble de la composition do Mme de Maistre, qui ont produit
leur effet, ■ — malgré ce dangereux voisinage.
— Aujourd'hui, dimanche des Rameaux , M. Mullot fera exécuter, à
trois heures et demie, un nouveau Stabat de sa composition. C'est à Saint-
Yincent-dc-Paul que cette exécution aura lieu. L'auteur a eu l'heureuse
idée d'illustrer sa composition pour le chant lilhurgique, dont il a conservé
intégralement la mélopée pour strophes, prières.
— Aujourd'hui dimanche, à quatre heures, autre solennité musicale
en l'église Saint-Eustache. M. Léonce Cohen fera exécuter un 0 salutaris
(à trois voix, avec orchestre) de sa composition.
— Aujourd'hui dim niche, 2't mars, à une heure précise, matinée mu-
sicale donnée par le comité du Progrès artistique, dans la salle des concerts
du lycée Louis-le-Grand (entrée par la rue Saint-Ëtienne-des-Grès).
— Un jeune pianiste compositeur, M. Auguste Thurner, nous promet
pour U 7 avril, salle Herz, une matinée musicale et dramatique. M. Ham.
mer, M. Dufrène, de l'Opéra, et quelques autres artistes aimés, prendront
part au programme. Le bénéficiaire fera entendre plusieurs de ses com-
positions. La partie dramatique so composera d'une scène à'Horace, par
Mllu Tordeus, la jeune tragédienne de l'Odéon, et de Risette, avec M110 Au-
tomne, du Gymnase.
SOIRÉES ET CONCERTS
IL'anondancc îles matières nous oblige à ren-
voyer sV dimanche prochain le compte-rendu des
Soirées et Concerts de la semaine.
J.-L. IltsucEL, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Tjp Charles île Mou
rue Jean-Jacques ltous:
En vente au MENESTREL, 2 bis, rue Vivienne.
MORCEAUX DE CHANT —
SÉPARÉS :
1. Chœur : Allah I Allah! _ _ jr
2. Marche de la Caravane, piano. 4 50 [j B ^ I \ Tjn
3. Avec chœur. La tempête au |J
désert. Le Simoun I i B 1 I
4. Hymne à la nuit, air pr ténor. 3 75 M^Â . B A
4 bis. Le même, pour baryton ... 375
4 ter. Le même, pour basse 3 75 ODE-SYMPHONIE DE
4 quat. Le même, en italien £ 75
5. Fantasia et danse des Aimées,
pour piano solo 4 .r>0 WŒESfâ I
G Chœur. La liberté au désert . Lq
7. Rêverie du soir, mélodie pour E
ténor 3 73
7 bis. La même, pourbaryton. . . 3 75 PoëSÎC fte COOÏ.
7 ter. La même, pour basse 3 75
7 quat. La même, en italien 3 75
8. Le lever du soleil •
9."chanfdu Muezzim.V ténor. "§ 50 Partition in-8°, piano et chant, net : 7 fr. — Grand format, piano et chant : 15 fr.
10. Chœur. Départ de la Cara-
vane Partition orchestre : 150 fr.
Chaque partie de chœur séparée. 0 » . '.,,,.,
N. B. Voix de soprano et de con- Parties séparées : 150 fr. - Chaqu j parl.e 3 parée : lo fr.
trallo, ad libitum, chaque .
partie séparée 6 » Partition piano solo, net : 10 fr. — Partition à qua'ro m uns, net : 1 i rr.
MORCEAUX DE PIANO
TRANSCRITS :
a. de Kimt.i.i improvisata sur
le Désert Aies Hirondelles. 8 »
Btriiii. nieller. Caprice brillant.
Op. 51 9 »
e. Prudent. Le lever du Soleil.
Op. 22 9 »
m. Kosciicn. Marche de la Ca-
ravane 9 »
j. n. ntivcrnoy. Souvenir. Op.
51 :.... .. s »
a. tccarpcniicr. Fantaisie bril-
lante. Op. 102 0 »
MoichiorMocker. Fantaisie. . . 9 »
t. David. Rêverie du soir 4 50
iieuri lier*. Grand duo concer-
tant, à 4 mains 9 »
ii. iio.wiien. Marche de la Ca-
ravane, à 4 mains 10 »
a. ngusavd. Danse des Aimées,
quadrille à 2 et 4 mains. . . 4 50
a. Durand. Marche pour piano
et orgue 6
759. — %288 Année.
I\'° 18.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 31
18G1.
££>Oâ
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'en chef.
LES BUREAUX , S bis, rue Vi vienne. — HEUGEL et C'% éditeurs.
(Aux Magasins et Abonnement de Musique du MÉIVESTREÏ,. — Tente et location de Pianos et Orgues.)
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2» Mode d'abonnement . Journol-Teitc, tous les dimanches ; au morceaux i
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; ï Aluunia-
pi-inics illustrés. — Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
CHANT ET PIANO RÉUNIS :
3= Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les 5î Morceaux de chant et de piano, les * Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser/rarcco
un bon sur la poste, à MM. HEIIKEI. ct.Cie, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 1965.
CHANT.
1er Mode d'abonnement • Journal-Texte, tous les dimanches; 30 Morceau
Scènes, Mélodies, Komances, paraissant de quinzaine en quinzaine; a Albun
istrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr'. ; Etranger: 21 fr.
SOMMAI KE. — TEXTE.
I. Académie impériale de musique : Concert de Félicien David ; troisième soirée
du Tannhauser; première représentation de Graziosa. Paul Bernard. —
II. Troisième et quatrième théâtre lyrique : Reprise de Gil Bios; première
représentation du Pont des Soupirs. J. Lovï. — III. Nouvelles , Soirées et
Concerts, Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
FAIS-TOI PETIT,
Paroles de Charles Potier, musique d'HENRi Potier. — Suivra immé-
diatement après : l'Hiver, poésie d' Armand Barthet , musique de
J. Offenbach, mélodie extraite du recueil des Voix mystérieuses ,
auxquelles nous avons déjà emprunté la Barcarolle et Chanson de
Fortunio.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
BE1.1.A SERA,
Idylle de Paul Bernard. — Suivra immédiatement après : la Belle Ni-
çoise, polka-mazurka d1 Auguste Durand.
ACADEMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.
Concert de Félicien David. — Troisième représentation du Tannhauser.
— Première représentation de Graziosa : Mmc Ferraris.
Le domaine musical est plein de contrastes, de caprices, de
revirements, de compensations.
C'est ainsi que du lundi au samedi de l'autre semaine, dans
la salle de la rue Le Pelletier, le Désert succédait au Tannhauser,
c'est-à-dire le grand jour aux ténèbres, la forme au chaos, la
vérité à l'erreur.
Les jours se suivent sans se ressembler, et les soirées de
l'Opéra aussi. Les bravos prolongés renversaient les sifflets de
la veille, et semblaient puiser une nouvelle force dans l'espèce
de protestation qui naissait du rapprochement immédiat de deux
œuvres aussi opposées de nature que le sont l'ode-symphonie
de Félicien David et la partition de M. Richard Wagner.
Il fallait voir ce public enthousiaste, le même, du reste, que
celui de la première représentation du Tannhauser, les mêmes
célébrités officielles , les mêmes sommités artistiques et litté-
raires, les mêmes princes de la critique et du feuilleton, réunis,
comme quelques jours auparavant, mais cette fois répondant à
l'appel d'un compositeur modeste, trop modeste, dont le talent
réveille les sympathies, et dont les œuvres comptent des succès
nombreux et incontestés.
Aussi quel triomphe et quelle recette ! — Il n'y avait pas
une main inactive de l'orchestre aux loges du cintre, pas une
voix qui ne criât bravo, et cependant pas un claqueur. Mettez
le public, le public de bon aloi, vis-à-vis d'une œuvre vraie au
point de vue de l'art, laissez-le tout entier à ses impressions, et
vous jugerez alors s'il a besoin d'être stimulé pour applaudir.
Établissez, au contraire, une claque formidable, doublée d'une
imposante phalange de maladroits amis, et cela devant un ou-
vrage contestable et révolutionnaire au point de vue musical, et
l'on aura le déplorable spectacle d'une chute proportionnelle au
succès imposé. On verra s'établir une lutte indécente entre les
applaudisseurs quand même et les siffleurs surexcités. L'amour-
propre, l'antagonisme, viendront se mettre de la partie. Chacun"
s'égarera dans ce combat de l'intelligence; les plus patients pour-
ront s'y oublier, et les natures expansives y deviendront sans
retenue. C'est alors que les questions d'art seront entachées d'un
jugement sans dignité : toute pudeur sera mise au vestiaire ; on
sifflera, on rira, on chantera, on sera sans pitié pour les pauvres
interprètes, on n'écoutera même plus , on troublera le public
sérieux qui désire se rendre compte, et l'on donnera, dans la
salle la plus aristocratique de l'Europe, le triste exemple d'un
charivari indigne du plus petit théâtre des boulevards.
Voilà pourtant ce qui s'est passé à l'Opéra dimanche der-
nier, et ce qu'il faut déplorer sincèrement. Comme artiste, je
138
LE MÉNESTUE!.
proteste; comme homme, je le regrette; comme critique, j'en
suis navré; car l'auteur du Tannhauser, que nous avons battu
en brèche il y a huit jours, pourra s'appuyer et s'appuiera
certainement sur ce jugement tumultueux pour crier au
parti pris, à l'injustice, au scandale. Nous parlions tout à
l'heure de maladroits amis ; disons maintenant que les ennemis
maladroits de M. Wagner lui ont ainsi préparé une porte de
sortie dont il profitera, et il fera bien. Le martyrologe s'aug-
mentera d'une victime. La question pouvait être jugée en der-
nier ressort ; mais M. Wagner s'armera de ce vice de forme
pour en appeler à la postérité. Voilà ce qu'une impatience mal
comprise aura produit : elle remet tout en question. Loin de
nous l'idée de contester au public le droit de protestation. Ce-
pendant, il faut le faire dans une certaine mesure. L'œuvre
repoussée dignement ne saurait se relever, tandis qu'on plaint,
au contraire, l'auteur endolori qu'une chute trop cruelle rend
plus intéressant. Cela est vrai, surtout en France, d'où est
sortie cette noble et mémorable parole : Honneur au courage
malheureux!
Qu'on nous pardonne cette digression, écrite moins en faveur
de M. Wagner que pour déplorer un scandale indigne du peuple
qu'on cite comme le plus aimable et le plus poli de la terre.
Sans celte soirée néfaste, le pauvre Tannhauser était bien et
dûment enterré , et l'on aurait pu dire sans regret : Laissez
passer la justice.... de Paris, ce roi du goût, de l'intelligence et
des arts.
Cet événement n'est pas le seul, du reste, qui se soit accompli
à l'Opéra ; la semaine au contraire a été des plus fécondes. En
voici le relevé : Évanouissement complet du Tannhauser dans
les brouillards les plus épais de l'avenir; concert de Félicien
David et succès traditionnel de ses œuvres; enfin, rentrée triom-
phale de Mme Ferraris par la première représentation de
Graziosa, ballet-pantomime en un acte de MM. Derley et
Petipa, musique de M. Théodore Labarre.
Pour régler tout d'abord notre compte avec M. Félicien
David, ajoutons qu'à son concert, des fragments de Christophe
Colomb ont rivalisé noblement avec le Désert. Pourtant, il faut
le dire, ce dernier ouvrage laissait un peu à désirer comme exé-
cution. Les chœurs étaient insuffisants, et l'ensemble aurait pu
être meilleur. La marche de la caravane, la danse des Aimées,
ont été enlevées comme sait le faire l'orchestre de l'Opéra.
M. Dufrêne s'est fait remarquer dans le chant du Muezzin.
Mme Gueymard-Lauters et M. Cazeaux ont parfaitement inter-
prété les soli de Christophe Colomb. Enfin, le final de Moïse
au Sinaï et le bel allegro de la symphonie en mi bémol com-
plétaient le programme de cette soirée, qui marquera dans les
fastes de la rue Le Pelletier.
Deux jours après, le Désert reparaissait sur l'affiche et accom-
pagnait, cette fois, la première représentation de Graziosa. L'or-
chestre n'était plus , comme l'avant-veille, en amphithéâtre, et
avait gardé sa place habituelle. Celte position, fort bonne pour
accompagner les voix dans une action dramatique, est moins
favorable pour une œuvre symphonique. Les détails d'instru-
mentation sont moins indiqués ; le Désert, dans cette nouvelle
sonorité, nous a fait l'effet d'un tableau posé à plat, et cepen-
dant l'exécution offrait plus d'ensemble que le premier soir.
Mais arrivons à Graziosa. Voilà un ballet comme nous les
comprenons et les aimons ; un ballet où l'action vient agréable-
ment couper les pas et les danses ; un ballet eu un acte, c'est-à-
dire pas trop long, dans une juste mesure ; un ballet discret,
coquet, vif, alerte, amusant. Nous lui prédisons un succès qu'il
faudra reporter, en partie, sur la gracieuse ballerine si aimée,
si choyée du public parisien, mais dont, cependant, les auteurs
du livret et de la musique, et aussi les décorateurs, pourront, à
juste titre, réclamer leur bonne part.
Une jeune fille des environs de Naples est fiancée à un mule-
tier ; rien de plus simple, et cette histoire aurait pu rester fort
ignorée si une jeune dame masquée ne passait en ce moment au
fond du théâtre, au bras d'un cavalier. Bien encore de plus na-
turel. Cependant, un autre cavalier leur barre le passage et veut
forcer la dame à se démasquer. Un duel s'ensuit. Le muletier
Pietro va chercher main-forte, et Graziosa, attirant la dame dans
un coin, se substitue adroitement à elle et sépare les combat-
tants. Le provocateur dépisté, reconnaît sa méprise et tout rentre
dans l'ordre. Cependant, la garde arrive, sous la forme tradi-
tionnelle de quatre hommes et un caporal. Le podestat, ne trou-
vant plus sur qui sévir, s'en prend à Pietro et le laisse prison-
nier sous la surveillance des soldats.
Ici, une scène charmante : Graziosa, par sa grâce et sabeauté,
captive le caporal, fait tourner la tète aux quatre hommes et
finit par les faire tous danser avec elle. Je n'ai rien vu déplus
délicieusement comique que cette ravissante créature au milieu
de ces soldats ridicules, tournant, haletant, se poussant et tom-
bant. L'un d'eux est plus sec et plus long que l'obélisque. Pietro
se sauve à la faveur de ce manège; mais il est repris bientôt, et
tout cela pourrait fort mal tourner, si le jeune seigneur, l'obligé
de Graziosa, n'était le vice-roi lui-même. Celui-ci obtient leur
grâce du podestat, ce qui produit un tableau final pouvant
porter pour exergue : Un bienfait nest jamais perdu.
Tout cela est mêlé d'un combat de taureaux... sans taureaux;
erreur espagnole de ce charmant petit acte, et ce qui ferait vo-
lontiers dire : si vous voulez faire un civet, ne prenez pas de
lièvre; mais il ne faut pas oublier qu'ici le lièvre serait un tau-
reau, et que le public français aime infiniment mieux s'en tenir
aux torréros, aux picadors, tels que nous les poétise l'Opéra,
sous la forme et les délicieux visages de M1IesMarquet,Schlosser,
Parent, Moncelet, Simon, Sloïkoff, Barette et lutte quante.
Après ce piquant épisode d'invisibles taureaux, arrive le pas
de la fiancée, par Mme Ferraris, plus vaporeuse, plus sympa-
thique que jamais. Aussi, le public l'a-t-il acclamée et littérale-
ment couverte de bouquets. Au milieu d'eux fleurissait ce qua-
train :
Sa danse est un sourire ,
Et, quand elle bondit,
Nul ne saurait traduire
Tout ce que le cœur dit.
La musique, nous l'avons dit, est de M. Théodore Labarre,
encore un musicien trop modeste, et dont la place n'est pas
assez marquée. On se sent à l'aise en l'écoutant. Elle est parfois
italienne, parfois espaguole, toujours mélodique, ce qui ne nuit
pas, et sans cesse de bonne maison. Le décor, de MM. Cambon
et Thierry, représente un splendide paysage napolitain; la mise
en scène est pleine de fraîcheur. Somme toute, la réussite n'a
pas été douteuse un seul instant.
Paul Bernard.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
139
TROISIÈME ET QUATRIÈME THEATRE LYRIQUE.
Reprise de Gil Blas.
La reprise de Gil Blas a eu lieu mardi dernier avec éclat au
Théâtre-Lyrique. L'agréable et spirituelle musique de M. Th.-
Semet avait laissé des souvenirs vivaces dans le public et parmi
les amateurs de la bonne et franche musique française ; il y
avait donc toule justice à reprendre cet opéra, qu'une complainte
a d'ailleurs rendu populaire sur tous nos théâtres de vaude-
villes.
Meillet, Legrand,. Wartel, Leroy, ont conservé les rôles qu'ils
ont créés l'année dernière. Meillet joue avec un goût parfait
celui de Melchior Zapata ; Legrand a montré sa verve accou-
tumée, et Wartel est d'un comique achevé dans le personnage
du docteur Sangrado.
Mais tout l'intérêt de la représentation était dans la tentative
de M"e Girard, qui acceptait, ou plutôt réclamait l'héritage bien
lourd deMme Ugalde. On sait avec quelle aisance, quelle spiri-
tuelle malice, quel aplomb de bon aloi, Mme Ugalde avait joué
le rôle de Gil Blas. MIle Girard ne manque pas d'aplomb, ni
même d'esprit, et son audace a été couronnée de succès. Sa voix
franche et d'un timbre agréable , sa vocalisation facile, son jeu,
qui ne pèche peut-être que par excès , devaient lui assurer les
applaudissements. Dès l'air du premier acte : Me voici votre
camarade, on pouvait prévoir l'heureuse issue de cette soirée.
Cependant on semblait attendre avec une certaine curiosité la
complainte du quatrième acte, où Mme Ugalde semblait inimi-
table, malgré tant d'imitations. — M"e Girard, elle-même, était
visiblement préoccupée à l'approche de ce morceau, et, soit que
son assurance l'ait un peu abandonnée, soit qu'elle ait voulu,
par bon goût, modifier le cachet d'ironie gamine que Mme Ugalde
avait donné à cette chanson, elle l'a dite d'un ton plus sérieux
et avec plus de conviction. Du reste , on l'a lissée deux fois :
que pouvait-elle souhaiter de plus ?
MIle Girard avait laissé son rôle de Laure à Mlle A. Faivre,
et M1Ie M. Faivre a gardé celui de Pierrette, où elle met si peu
de voix et tant de gentillesse.
En somme, chacun a aidé au succès de cette reprise, qui ,
entre autres mérites, a celui de nous montrer M"8 Girard dans
un rôle de primo carlello, honneur qui lui était dû depuis long-
temps.
BOUFFES-PARISIENS.
Le Pont des Soupirs , opéra bouffon en deux actes , quatre tableaux ,
paroles de MM. Hector Chémieux et Ludovic Halévy,
muoique de J. Offenbach.
La veine musicale ne tarit pas chez le maestro Offenbach.
C'est une source de mélodies claires, intermittentes et rhythmées
qui jaillit suir et matin, depuis le 1er janvier jusqu'à la Saint-
Sylvestre, à la barbe de tous les l'annhauser de France et d'Al-
lemagne.
Voici un pendant à Orphée aux enfers et à toutes les joyeu-
setés lyriques que nous devons à cette verve sans frein. Mais par-
lons d'abord des deux compères, — j'allais dire des deux com-
plices, — les librettistes du Pont des Soupirs.
Je n'ai plus à exprimer mon opinion sur les ébouriffantes piè-
ces qui se commettent à cet heureux théâtre. Aux Bouffes on en-
tend de charmante musique, mais on se croit à Charenton : l'é-
lément plaisant et l'élément bouffon, le rire et le fou rire, s'y
entassent par couches superposées, et, comme je l'ai déjà dit, on
y greffe l'extravagance sur la folie, on y parfume la rose. Voilà
le seul défaut que je reconnaisse aux libretti de la maison. « La
mariée est trop belle, » me répondra-t-on. — Non , mais sa
beauté est trop chargée; voilà tout. Par bonheur, cette fois, ce
sont MM. Crémieux et Halévy qui tiennent la corde, et leur es-
prit est tout un dédommagement.
Quoi qu'il en soit, je vous présente un mélodrame burlesque
dans toute l'acception de l'adjectif. Si, après cela, nos modernes
Pixcrécourt, les Dennery, Bouchardy, Dugué, e tutti quanti,
vous donnent le moindre frisson avec leurs productions terri-
fiantes, c'est que vous aurez la superstition chevillée dans le
corps.
Le Pont des Soupirs est une prodigieuse combinaison des in-
grédients les moins historiques et les plus émouvants, et les hé-
ros de cette histoire ou de cette légende vous jettent dans une
étrange perplexité : on ne sait si l'on a devant les yeux Angelo,
tyran de Padoue, Binaldo Rinaldini, Marino Falieri ou Croqui-
gnolle XXXVI. Jugez vous-mêmes.
Premier tableau. Une rue de Venise. Il fait nuit. Arrivée
clandestine et sournoise de l'amiral-doge Cornaro Cornarini,
suivi de son valet Baptiste, tous deux déguenillés comme feu
Chodruc-Duclos. Cornaro (Désiré) raconte, dans une langue qui
n'appartient qu'à lui, comme quoi il a pris la fuite, au moment
d'une bataille décisive, pour rentrer au logis faire une surprise
à sa femme Calarina, qu'il adore. — Première invraisemblance.
— Là dessus, Cornaro et son valet entonnent une sérénade sous
les fenêtres de Catarina, en s'accompagnant de mandolines qui
sortent du musée-Clapisson. Bientôt l'on voit se glisser dans
l'ombre le podestat Fabiano Fabiani Malalromba, cousin du
doge; lui aussi donne une sérénade à Catarina, en s'accompa-
gnant d'une autre mandoline-Clapisson. Puis arrive le page
Amoroso. Quatrième -mandoline, quatrième sérénade. — Ces
quatre soupirants chantent leur martyre sur les plus suaves ins-
pirations de M. Jacques Offenbach. — Catarina apparaît sur son
balcon, lance des œillades au page Amoroso, se lamente, et af-
fecte des poses de Guignol aussi renversé que renversant. Mais
le traître Fabiano, furieux d'avoir tant de rivaux, ordonne à ses
sbires de les précipiter du haut du pont des Soupirs, — ce que
les sbires exécutent très-imparfaitement, comme vous verrez plus
tard. — Pendant ce temps, un crieur public distribue à la popu-
lace une complainte sur la mort de l'amiral-doge, — une des plus
populaires conceptions d'Offenbach : — Je parle de la com-
plainte.
Deuxième tableau. Salon de Catarina. Au fond, une horloge
et un baromètre. Cornaro et son valet s'introduisent nocturne-
ment par la fenêtre. Les sbires de Fabiano sortent par des trap-
pes. Combat à coups de poignard. L'horloge et le baromètre
servent de cachette aux cadavres. Arrivée de Fabiano Mala-
tromba, qui déploie toutes ses séductions pour fléchir Catarina.
Celle-ci fait la folle pour se tirer d'affaire. — De son côté, Cornaro
demande à paraître devant le Conseil des Dix pour lui annoncer
sa propre mort : — joie secrète do Malatromba, qui espère être
nommé doge. — La musique de ce tableau est particulièrement
réussie. Le chœur des femmes, le quatuor des poignards, la ro-
mance de Fabiano (le Rêve), le boléro de Catarina, le Doge et
140
LE MÉNESTREL
V Adriatique, et le final, sont des morceaux pleins de couleur et
d'originalité.
* "# .
Troisième tableau. Séance du Conseil des Dix, présidé par
M. Tacova. Réflexions philosophiques du président, auxquelles
les aphorismes de Jocrisse ne vont pas à la cheville. Familia-
rités scandaleuses du Conseil des Dix avec les gondoliôres.
Cornaro vient apporter ses preuves, mais il est démasqué.
Heureusement on apprend que la désertion de son poste n'était
qu'une ruse de guerre. — Un délicieux duetto de femmes et
une gracieuse barcarolle : Je suis la gondolière, chantée par
MIle Pfotzer, forment les éléments de ce tableau. La barcarolle
a été bissée et le sera tous les soirs.
*,
* *
Quatrième tableau. Joute sur l'eau et combat à coups d'avi-
ron, entre Cornaro et Fabiano. C'est à qui restera sur l'eau ,
c'est-à-dire doge de Venise. Fabiano fait le suprême plongeon :
juste châtiment d'un traître de cette espèce. — Nouveau car-
naval de Venise , exécuté par Mmes Catarina (Tautin) , Fia-
mella (Pfotzer), Amoroso (Tostée), et Florina (Taffanel).
Ici Mlles Tautin et Pfotzer se livrent un sérieux combat vocal,
elles se portent les coups de gosier les plus gracieux et les plus
étourdissants. Et le rideau tombe sur les Fantoccini, ballet
dansé par toute la troupe sur une tarentelle-galop qui se pré-
lassera avec orgueil sur tous les pupitres de bal.
***
Désiré, Potel, Bâche, Tacova, Desmonts, Guyot, Duvernoy ;
jyjmes Tautin, Pfotzer et Tostée, sont les héros les plus saillants
de ce mélodrame burlesque. Désiré joue l'amiral-doge en marin
diplômé par les Bouffes-Parisiens. Bâche , l'écuyer Batiste, est
digne de son maître. Potel a fort bien chanté et joué son rôle
de traître : il a composé ce type de Fabiano-Fabiani de la façon
la plus sérieuse, et il n'en est que plus comique. — Tacova,
détestable financier , est un excellent président du Conseil des
Dix : — ce que c'est que les vocations ! — ses a parte philoso-
phiques sont merveilleux. — MUe Tautin est incomparable dans
sa scène de folie, et la lutte vocale du carnaval, entre elle et
Mlle Pfotzer, leur mérite un premier prix partagé. Mlle Tostée
porte à ravir le costume du page Amoroso, qu'elle personnifie de
la façon la plus piquante.
C'est vous dire que le Pont des Soupirs ouvre une nouvelle
ère de fortune pour les Bouffes; car vous verrez que cette pièce
attardée vivra encore au carnaval de l'an prochain. Ainsi soit-il !
J. Lovy.
NOUVELLES DIVERSES.
— Le Stabul de Rossini aura dignement fait les honneurs de la semaine
sainte. Chanté jeudi dernier à la chapelle impériale des Tuileries, par les
artistes de l'Opéra, il l'était le même soir au Théâtre-Italien par l'élite de
la troupe. Le lendemain, vendredi saint, les sœurs Marçhisio, MM. Badiali,
Solieri, des artistes et des amateurs du plus grand talent , du plus grand
monde, l'interprétaient chez l'illustre maestro lui-même. Cette solennité,
mémorable entre toutes, restera sans égale. Enfin, hier samedi, la salle
Ventadour retentissait de nouveau des mêmes et sublimes accents dont
la maîtrise de Saint-Euslache s'était également enparée la veille
— Nous rendrons compte, dimanche prochain, de toutes ces fêtes mu-
sicales religieuses, ainsi que des concerts spirituels du Conservatoire et
delà Société des jeunes artistes, qui ont eu lieu concurremment le ven-
dredi saint, sous les auspices de Haydn, Mozart, Beethoven , Cherubini,
Rossini, Spohret Gounod.
— C'est mardi prochain, 2 avril, qu'aura lieu la réouverture du théâtre
italien de Covent-Garden, à Londres. Le Prophète, avec Tamberlick, inau-
gurera la saison.
— Mario et Mme Grisi doivent donner quelques soirées au Palais de
cristal de Sydenheim, dans une série d'opéras italiens de leur répertoire.
Mme Grisi veut se retirer définitivement (?) . . l'année prochaine.
— Nous avons le très-vif, très-profond regret d'annoncer le départ des
sœurs Marçhisio, qui se rendent d'abord à Bruxelles pour le mois d'avril;
elles devront ensuite se diriger sur Londres, où les lie un engagement avec
M. Beale : c'est enfin le Théâtre Italien de Berlin qui possédera les sœurs
Marçhisio l'hiver prochain. Ainsi, les deux premières scènes lyriques de
Paris, l'Opéra et Ventadour, laissent s'envoler cette incomparable dualité
que nous ne retrouverons pas d'ici longtemps. Le public a constaté ses re-
grets en se portant en foule à la dernière représentation des sœurs Mar-
çhisio, malgré les austérités du mercredi-saint. Sainte Cécile se chargera
des indulgences.
— Le Tannhauser ne sera plus représenté à l'Opéra.Voici la lettre adres-
sée à ce sujet par M. Richard "Wagner à M. Alphonse Royer, directeur de
l'Opéra :
« Monsieur le directeur,
« L'opposition qui s'est manifestée contre le Tannhauser me prouve
combien vous aviez raison quand, au début de cette affaire, vous me fai-
siez des observations sur l'absence du ballet et d'autres conventions scé-
niques auxquelles les abonnés de l'Opéra sont habitués.
« Je regrette que la nature de mon ouvrage m'ait empêché de le con-
former à ces exigences. Maintenant que la vivacité de l'opposition qui lui
est faite ne permet même pas à ceux des spectateurs qui voudraient l'en-
tendre d'y donner l'attention nécessaire pour l'apprécier, je n'ai d'autre
ressource honorable que de le retirer.
« Je vous prie de faire connaître cette décision à S. Exe. M. le ministre
d'État.
« Agréez, etc. richard wagnbr. »
Les termes calmes et mesurés de cette lettre n'ont évidemment point
servi de mot d'ordre aux journaux allemands qui maltraitent le public et les
artistes de l'Opéra d'une façon aussi hostile qu'imméritée. . . au moins à l'é-
gard de ces derniers. Nous en donnerons un échantillon dimanche prochain.
— La saison italienne de Berlin a clôturé le 20 de ce mois avec le Tro-
vatore et le bénéfice de M"e Artot. Le lion do ces dernières soirées se
nomme Roger, qui a jeté le plus vif éclat sur nos solennités musicales et
théâtrales. On lui a redemandé chaque fois le Miserere. Avant-hier,
22 mars, il a été invité à chanter devant leurs majestés. C'était la fête du roi,
et un concert avait été organisé au château. Roger et Mlle Artot en faisaient
les honneurs; Meyerbeer tenait le piano, et, chose curieuse, Meyerbeer
n'a pas voulu qu'un seul morceau de lui figurât sur le programme. Voyez-
vous d'ici l'auteur de Robert et des Huguenots accompagnant du Rossini,
du Verdi et du Ricci 1 Ce trait d'abnégation mérite certainement d'être en-
registré. La reine a fait bisser le duo espagnol d'Iradier, chanté par Roger
et Mlle Artot. Le prince Charles, le grand-duc de Nassau, le duc de Meck-
lembourg-Strelitz, assistaient à ce concert et prodiguaient leurs compli-
ments à nos deux artistes français. Après le concert, et en félicitant Roger,
le roi lui a dit avec sollicitude : « Je suis votre aîné dans la famille des vic-
times de la chasse, » et il lui a montré un doigt de la main droite toutmu-
tilé. — Roger sera de retour à Paris dans les premiers jours de mai. Son in-
tention est d'ouvrir un cours de chant et de déclamation, chez lui, à la
campagne. Là , une demi-douzaine d'élèves logés , nourris, suivront un
cours de six mois au milieu des fleurs et des arbres, du lait et des œufs, —
préparation aux scènes françaises, allemandes et italiennes. Ce sera l'en-
seignement musical et dramatique mis au vert.
— On annonce l'arrivée de M"0 Trebelli, et son début, salle Ventadour,
mardi prochain, dans l'Arsace de Semiramide. — Tout Paris y sera.
— Le baryton Délie Sedié, l'un des plus grands chanteurs de notre épo-
que, est également arrivé à Paris, après une série de nouveaux succès au
Théâtre-Italien de Berlin. On assure que M. Délie Sedié se fera entendre
dans quelques soirées et concerts ; nous en félicitons les dilettantes pari-
siens.
— Le nouvel opéra de Rubinstein, les Enfants des Landes, qu'on vient
de représenter à Vienne, paraît obtenir plus de succès que les premières
nouvelles ne l'avaient fait espérer. Une correspondance de Vienne s'ex-
prime ainsi à ce sujet : « L'opéra nouveau se soutient et promet de four-
nir une assez longue carrière. Ce qu'il y a surtout de remarquable dans
TABLETTES DU PIANISTE ET DU ClIANTEUIt.
l'tl
la partition de Rubinstein, c'est l'élément caractéristique que l'on trouve
dans ses lieder, et qui assigne au compositeur une place à part. Il excelle
à donner à ses motifs un coloris qu'on pourrait appeler oriental. Rubins-
tein a su peindre avec un grand talent la. vie sauvage des Landes, qui se
révèle tantôt par une mélancolie profonde, tantôt par l'exaltation d'un
courage héroïque. Il est toujours original, sans jamais tomber dans
l'exagération. Parmi les meilleurs morceaux de son opéra, nous citerons,
le premier duo entre Wanja et Isbrana , le chœur des compagnes de la
fiancée, l'air de danse des Rohémiens ; mais l'air d'Isbram : Zedenko par-
courait les Landes, est la perle de la partition.
— A Nuremberg , on construit pour le grand festival de chant du
22 juillet une salle de concerts spéciale, qui pourra contenir quinze
mille personnes.
— APesth (Hongrie), on vient de représenter, pour la première fois,
l'opéra de Bank ban, par Erkel. Cette œuvre nouvelle , dans laquelle a
été employé pour la première fois l'instrument national, le zimbal, a
obtenu le meilleur accueil.
— On écrit de Constantinople : « Nedgib-Pacha, surintendantdu Conser-
vatoire impérial de musique, a été destitué, et cette charge a été remise à
S. Ex. Ahmet-Rey, premier chambellan de Sa Majesté impériale. Nedgib-
Pacha, ajoute le correspondant, connaît bien la musique et compose des
airs populaires qui sont considérés comme autant de chefs-d'œuvre par les
connaisseurs et les appréciateurs de la musique turque. » Est-ce pour cela
qu'il aurait été destitué?
— On écrit de New-York : « La ville de Rrooklyn , qui est notre très-
proche voisine, a construit une salle d'Opéra. La société des artistes ita-
liens a loué cette salle et celle de New-York ; elle donnera deux repré-
sentations dans l'une et cinq dans l'autre. Mmc Colson, notre compatriote,
fait partie de cette troupe.
— Il nous arrive de Lisbonne une triste nouvelle. M. Corradini, direc-
teur du théâtre de San- Carlos, est mort subitement. L'entreprise, jus-
qu'à nouvel ordre, continue sous la garantie du gouvernement.
— On annonce une nouvelle série de représentations et concerts , par
Mme Vestvali et Mlle Bardoni, en France et en Angleterre, pour faire suite
aux succès recueillis par ces deux cantatrices en Hollande et en Belgique.
— La commission nommée par M. le ministre de la guerre pour l'exa-
men des candidats aux grades de chef et sous-chef de musique dans l'ar-
mée vient de terminer ses travaux. Cette commission se composait de
MM. le général de division Mellinet, président; le général d'artillerie Guiod,
Berlioz, Ambroise Thomas, Clapisson et Georges Kastner, membres de
l'Institut.
Comme dans les années précédentes, M. Georges Kastner a rempli, cette
fois encore, les fonctions de secrétaire-rapporteur.
— Vendredi Saint, onaexécuté,àSaint-Roch,les Sept paroles d'Haydn.
On exécutera, aujourd'hui dimanche, dans la même église, la Messe du
sacre, de Chérubini, à grand orchestre, sous la direction de M. Ch.Vervoitte
maître de chapelle.
— Le comité de l'Association des artistes musiciens célébrera, selon sa
coutume annuelle, la fête de l'Annonciation, en faisant exécuter le lundi
8 avril, à midi précis, dans l'église de Notre-Dame, par quatre cents ar-
tistes, une messe en musique de la composition de M. Gastinel, précédée
de la Marche religieuse, avec accompagnement de harpes, d'Adolphe Adam.
A l'Offertoire, M. Alard exécutera, sur le violon, YAndante de Mozart.
— M. Gerdebat, ancien professeur de l'école de musique religieuse fon-
dée et dirigée par Louis Niedermeyer, a prononcé, au nom des élèves,
quelques paroles sur la tombe de leur si regrettable et si regretté direc-
teur : « Excellent autant que célèbre, a dit M. Gerdebat, Niedermeyer,
comme vous l'avez entendu proclamer, fut grand comme citoyen , grand
comme artiste, grand comme administrateur! Mais, qui peut mieux que
vous, proclamer qu'il fut le meilleur, le plus noble, comme le plus géné-
reux des modèles et des amis? » Ce touchant et dernier adieu a produit sur
les assistants la plus profonde impression.
— Notre grand chanteur Duprez, dont l'école lyrique a déjà rendu tant
de services à l'art, vient de choisir quelques-uns de ses élèves, qui sont
déjà des artistes de premier ordre, et, le mois prochain, il doit aller, avec
eux, donner dans les principales villes du midi de la France, une série de
séances vocales et dramatiques de musique française et italienne. Il parti-
cipera lui-même à ces séances, qui seront de véritables représentations,
puisqu'elles auront lieu sur la scène, avec décorations et costumes.
— Faust vient d'être représenté à Nantes avec un luxe de mise en scène
qu'un théâtre départemental, régi par la ville elle-même, peut seul offrira
ses habitants. Les artistes chargés des principaux rôles ont répondu aux
efforts du conseil municipal, pour dignement fêter l'œuvre de Charles
Gounod. Mme Raynau (Marguerite) aété couverte de bouquets, qui s'adres-
saient autant à l'artiste qu'à la cantatrice. Cette création lui fait le plus grand
honneur. M. Castel-Marie (remarquable Méphistophélès) et M. Comte-Bor-
chard, l'habile baryton, ont partagé, avec Mme Raynau, les honneurs de
la soirée.
— On nous écrit de La Rochelle : Pendant que le passé et l'avenir se
livrent un combat à outrance dans le champ-clos de la rue Lepelletier, nous
avons en province des tournois à armes courtoises. Les ténors sont chers
et le prix des places dans nos petits théâtres peu élevé; de là, impossibilité
pour les directeurs des scènes départementales de monter les nouveaux
opéras, qui exigent, comme vous savez, de grandes ressources vocales et
des décors somptueux. Cependant, il nous faut de la musique dramatique
quand même ; au point de développement musical où nous sommes arrivés
en France, cet art est devenu une nécessité de premier ordre. Il nous faut
donc avoir des opérettes chantables pour des comédiens dont la voix suffit
à défrayer les couplets de vaudeville, mais qui n'ont pas de prétentions
musicales plus élevées; de là, l'éclosion sur les théâtres de. province de
petites partitions qui sont accueillies avecindulgence par le public pourlequel
elles ont été écrites. Cependant, nous n'avons pas eu besoin de celte indul-
gence pour applaudir, l'autre semaine, le Cabaret de Lusiucru, charmante
partition que M. Lemanissier a écrite sur un vaudeville de MM. Jaime et
Arago, métamorphosé en opéra-comique par un de nos compatriotes.
Cette partition abonde en mélodies gracieuses et franches d'allures,
comme doivent être les morceaux d'un opéra-comique bien fait. Il est à re-
gretter que quelques-uns de nos impressari n'aient pas fait connaissance
avec cette musique gaie sans trivialité, qui réussirait aussi bien à l'Opéra-
Comique ou au Théâtre-Lyrique qu'aux Bouffes et au Théàtre-Déjazet. Il y
a des duos, un trio, des quintettes, des airs, une romance, qui feraient
leur chemin partout. Mais il est toujours difficile à un provincial de sortir
de son obscurité. Il doit se contenter de faire de l'art pour l'art, sans autre
ambition que celle d'avoir, par à peu près, une idée de ce que pourrait
être son œuvre, convenablement rendue. Il doit, de plus, s'estimer heu-
reux, si ces modestes succès n'ont pas excité la jalousie des impuissants
qui ne peuvent pardonner leur talent à ceux qui ont plus de mérite qu'eux.
L. M.
— Mllc Balbi continue à récoller plus que des succès, dans nos sociétés
philharmoniques des départements. Voici ce qu'en dit, entre autres choses,
le Journal de Rennes : « MUe Balbi est proclamée par tous une des plus
gracieuses cantatrices que nous ayons entendues dans nos concerts. La
délicieuse pureté de sa voix, aussi limpide, aussi fraîche que brillante et
sûre dans ses intonations, devait lui assurer le nouveau triomphe que lui
réservait sa seconde visite à Rennes. Du reste, à l'heure qu'il est, n'entend
pas qui veut Mlle Balbi : les sociétés musicales se l'arrachent. Elle vient
de chanter avec le plus grand succès à Orléans, à Lille, à Arras, à Nantes ;
elle chantait mercredi à Saint-Malo; samedi, elle est attendue à Cambrai.
Vous le voyez, dans le choix des artistes qu'elle engage, la commission de
notre Société ne s'adresse pas à l'aventure. »
— On nous écrit que dans une de ses excursions professionnelles au
Havre, où MUe Marie Brousse dirige de nombreuses élèves sans abandon-
ner Paris, et cela grâce au chemin de fer, qui lui permet cette double élec-
tion de domicile, la cantatrice professeur a fait entendre, avec le plus
grand succès, la remarquable mélodie écrite par G. Héquet, sur les trois
chansons de Victor Hugo. MIIe Brousse s'accompagnait elle-même, ce qui
est un double attrait , car elle manie le clavier d'ivoire avec non moins
d'habileté que le clavier de la voix.
— On annonce l'engagement au Théâtre-Lyrique, et à de fort belles
conditions, du baryton Jules Lefort , l'un des chanteurs les plus aimés
de nos salons de Paris et de Londres. Nous ne saurions trop féliciter
M. Rély de cette précieuse acquisition.
— Parmi les nouvelles qui intéressent l'art musical, nous pouvons
mentionner l'acquisition faite, par M. le baron de Rothschild, du fameux
clavecin du xvie siècle que possédait un architecte de la ville de Paris,
fondateur de la Revue des Beaux-Arts. Cet instrument , fort précieux
au point de vue archéologique, a été inauguré cette semaine dans les sa-
lons du roi de la banque, et c'est encore M. Georges Pfeiffer qui a été prié
de ressusciter sa voix endormie depuis trois cents ans. Rameau, Grétry,
Mozart, Haydn, ont été interprétés sur ce léger clavier, l'aïeul du piano, et
1 42
LE MÉNESTREL.
l'on a pu faire une étude doublement intéressante de l'exécution et de la
fabrication de l'instrument qu'une plume, spirituelle a nommé l'orchestre
des boudoirs.
— On écrit de Bordeaux : « Le Cercle philharmonique , présidé par
l'honorable M. Brochon père, a donné , le 23 , un très-beau concert
dans lequel le tromboniste Nabich a eu les honneurs de la partie instru-
mentale. Cet artiste doit se faire entendre à Toulouse, à Carcassonne et à
Angoulême, avant de rentrer à Paris.
— Alfred Musard est de retour à Paris, après avoir terminé la série des
concerts pour lesquels il avait été engagé à Londres. Dans ses soirées,
Musard a cru devoir essayer de quelques-unes de ces combinaisons extra-
musicales qui fondèrent la popularité de Jullien. Nous ne savons si cette
tentative locale a réussi à consoler nos voisins de la perte de leur maestro
de prédilection ; mais ce que nous pouvons affirmer, c'est la satisfaction
des Parisiens, qui s'apprêtent à envahir les concerts-Musard des Champs-
Elysées, sitôt leur réouverture, très-impatiemment attendue.
SOIRÉES ET CONCERTS
5e ET 6e COîsCERTS DU CONSERVATOIRE.
L'événement du 5e concert a été l'exécution des fragments empruntés
à VAlceste française et à YAlceste italienne de Gluck. Mmc Viardot a .
excité des transports d'enthousiasme en interprétant avec un style incom-
parable la musique du grand maître, dont elle a su approfondir le carac-
tère et les secrets; l'air : Divinités du Styx.... a été pour elle un véritable
triomphe, et nous ne craignons pas d'affirmer que, chantée ainsi, la par-
tition entière n'obtiendrait pas un moindre succès que celle d'Orphée.
Cazaux, dans le grand-prêtre, a fait preuve d'une belle voix et d'une bonne
méthode. Nous aurions désiré que les fragments italiens fussent dits dans
cette langue, et nous ne voyons pas pour quel motif on a pris la peine
d'en faire la traduction.
Il y a un monde entre la fougue de Gluck et la sérénité d'Haydn, séré-
nité qui ne se dément pas plus dans sa symphonie, dite militaire, que
dans ses autres œuvres symphoniques. Rien en effet, si ce n'est son titre,
ne différencie cette charmante composition , dont le gracieux andante a
été particulièrement remarqué et applaudi.
Méhul, dans, son ouverture du Jeune Henri, est autrement militaire
que Haydn, et cependant il ne s'agit ici de faire la guerre qu'aux hôtes
des forêls ; celte belle page de musique imitative a été rendue par l'or-
chestre avec une verve étourdissante.
La séance s'est terminée par des chœurs du Judas Machabée deHaen-
del. Ces morceaux élant les mêmes que le Conservatoire a l'habitude de-
nous faire entendre, il n'y a rien à en dire, sinon qu'ils frappent toujours
par leur tour grandiose et vigoureux.
Beethoven, qui n'était pas représenté à la précédente séance , figurait
au concert de dimanche, avec sa symphonie en si bémol, dont le second
morceau (l'andante) est assurément l'une des plus merveilleuses choses
qui soient sorties de cette plume si féconde en merveilles.
Puis venait le duo A'Armide de Gluck : Esprits de haine et de rage...,
chanté par Mlle Rey et M. Massol, à qui l'orchestre a fait un accompagne-
ment trop formidable, même pour une magicienne et un enchanteur.
Entre ces accents d'une énergie presque sauvage et l'éclatante introduc-
tion du Siège de Corinthe, le morceau de Viotti et l'exécution du vio-
loniste Allés ont semblé un peu petits. Dans un autre cadre, il est à croire
ipie l'un portant l'autre eussent produit plus d'effet et fussent arrivés à
un meilleur résultat.
Mais quelles acclamations pour Rossini, et comme ces mâles récitatifs,
ce bel air, ce magnifique trio et ces chœurs d'un rhythme si entraînant,
d'une mélodie si communicalive, ont enflammé la salle du Conservatoire I
Si jamais la Grèce a besoin de nouveaux défenseurs, faites exécuter le
Siège de Corinthe aux portes d'un bureau d'enrôlement, et vous verrez les
signatures pleuvoir à la suite des applaudissements.
La splendide ouverture d'Euryanthe, de Weber, d'un caractère entiè-
rement opposé, pouvait seule supporter sans inconvénient le voisinage
du maestro italien ; et, en effet, les bravos ne lui ont pas fait défaut.
Dimanche, nous rendrons compte des concerts spirituels de la semaine
sainte. E. Viel.
— Quatre grands artistes : Félix Godefroid, Ravina , Servais et Lefé-
bure-Wély, se sont fait entendre aux derniers samedis de M. et Mmo Ros-
sini. Ces noms seuls suffisent à tout éloge, surloutquand nous aurons dit
que ces virtuoses hors ligne se sont inspirés de la présence du grand
maître, pour le plus grand honneur de la harpe, du piano, du violoncelle
et de l'harmonicorde. Dans la partie vocale de ces deux dernières soirées,
on a entendu Mllc Barbara Marchisio,MraoIweins-d'Hennin,M. Badialiavec
M110 Mira, M. Solieri, les frères Castellani et M. Berthelier, dont les chan-
sonnettes fines et spirituelles couronnent toujours si agréablement un
programme de bonne musique.
— La Société des jeunes artistes nous a fait enlendre dimanche dernier,
à son cinquième concert, les fragments du Slruensée, de Meyerbeer : l'Ou-
verture, la Révolte des gardes à pied, la scène du bal et de V arrestation.
Le succès a été grand et digne de cette belle musique trop peu connue,
Irop rarement entendue. On a surtout applaudi l'ouverture, la marche mi-
litaire, et celte ravissante Polonaise, l'une des plus suaves et des plus en-
traînantes inspirations du musicien qui a écrit les ballets du Prophète et
la Marche aux flambeaux. Une symphonie de Gouvy, l'introduction d'O-
béron, la symphonie en si bémol majeur, de Haydn, complétaient ce pro-
gramme d'amateurs ou d'initiés. L'exécution, de plus en plus sûre et déli-
cate, a été excellente pour la partie d'orchestre. Les chœurs restent un peu
faibles. Ce ne sont pas les bons instrumentistes, ce sont les chanteurs qui
font défaut. 11 faut en prendre son parti.
— Les perturbalions météorologiques qui se sont produites depuis l'ap-
parition du Tannhauser n'ont porté aucun trouble à nos sociétés de mu-
sique classique. La cinquième séance des quatuors de MM. Armingaud,
Jacquard, etc., en compagnie de M. Lubeek, a été des plus brillantes. Le
2e quatuor en si bémol, de Mozart , et la grande sonate œuv. 47 de Bee-
thoven, ont eu les honneurs du rappel. On a fait un accueil chaleureux à
l'hymne autrichien varié par Haydn ; mais le quatuor de Schuman, bien
que supérieurement exécuté, n'a obtenu qu'un demi-succès. A mercredi
3 avril, sixième et dernière séance, avec le concours de Mme Massart.
— Mercredi 20, a eu lieu la séance annuelle de M. Gouffé, contrebas-
siste solo de l'Opéra. A côté de la musique magistrale d'Hummel, de
Mozart et de G. Onslow, on applaudissait de gracieuses composi-
tions de MM. Walekiers et Ad. Blanc, parfaitement interprétées par
Mme Mattmann , [MM. Guerreau , A. Rignault , Casimir Ney , Adam ,
Lebouc, Gouffé et Mohr. M. Lebouc a exécuté, ayee une grande pureté de
slyle, la Marche funèbre de Chopin, transcrite pour le violoncelle, et
M. Gouffé s'est fort distingué dans une fantaisie de sa composition. Enfin
M. Guerreau, dans les variations de Rode, s'est montré, comme toujours,
l'un des formes soutiens de l'école de Baillot, et Mmo Mattmann a digne-
ment terminé la séance par une fantaisie de Mendelssohn et un finale
d'Haydn.
— Le dernier concert du lycée Louis-le-Grand a été splendide. MM. Gar-
doai, Faure, Sair.te-Foy, le pianiste Perelli, et le jeune virtuose Sarrasate
composaient le programme. On ne saurait se figurer l'accueil fail au violon
de Sarrasale, qui a été traité en camarade par les lycéens enthousiasmés.
— M. Emile Forgue s'est fait entendre dimanche dernier dans l'inter-
mède musical donné au Théàlre-Italien. Ce virtuose a renouvelé les mer-
veilles de sa prodigieuse exécution. Sa Grande fantaisie héroïque a
littéralement ébloui le public. Mazeppa, grande étude, et la Tarentelle de
concert , ont eu un égal succès. Acclamations et rappels, rien n'a manqué
au célèbre pianisle, qui a prouvé dans celte circonstance que les immenses
ressources d'exécution qu'il met au service de ses compositions, deman-
dent de grandes scènes, telles que celle du Théâtre-Italien.
— Le concert d'Alexandre Batta, salons Érard, n'aura pas été l'un des
moins attrayants de la saison. Indépendamment du bénéficiaire, elde Le-
fébure-Wély, qui ont charmé les auditeurs par la qualité et l'ampleur du
son, l'élégance et l'expression du phraser, nous avons surtout applaudi
aux progrès de Mme Anna Bertini, qui doit aux leçons de notre excellent
professeur Piermarini, non-seulement le développement et la rondeur des
notes aiguës, mais aussi une parfaite égalité et une grande agilité de la
voix; aussi Mme Bertini a-t-elle partagé, avec M. Jules Lefort, les hon-
neurs de la partie vocale.
— L'audiloire d'élite qui s'était donné rendez-vous le lundi 23 mars dans
les salons de Pleyel, pour assister à la deuxième séance de musique de
chambre donnée par M. Georges Pfeiffer, n'a pas eu seulement à applau-
dir, cette fois, la brillante exécution du virtuose. Beethoven, Mozart et
Mendelssohn ne figuraient pas seuls au programme; le Rondo pastoral ex-
trait du concerto adopté au Conservatoire, et que son auteur, M. Georges
Pfeiffer, a transcrit pour piano seul, a enlevé l'assentiment général. Mais
le morceau capital du bénéficiaire était le trio inédit , composé récem-
ment par lui pour piano, violon el violoncelle, exécuté par l'auteur et
NOUVELLES ET ANNONCES.
143
MM. Franchomme et Herman, — œuvre remarquable sur laquelle nous
reviendrons.
— Notre pianiste compositeur Charles Delioux, dont les productions
sont devenues à la mode , ne^ se borne pas à doter nos salons d'œuvres
piquantes et pleines de distinction ; il a également pris nang parmi nos
bons professeurs. Sa matinée du dimanche 17, dans laquelle nous avons
entendu une partie de ses élèves, nous a révélé les excellentes qua-
lités du maître. Les œuvres de Chopin, de Félix Godefroid et do l'amphi-
tryon de ce menu musical, ont fait tour à tour les frais du programme ;
et nonobstant vingt morceaux servis coup sur coup, les assistants ne se
sont pas donné la moindre indigestion de piano.
— MmeGaveaux-Sabatier, qui ne se borne pas à faire les honneurs de nos
soirées musicales, trouve le moyen, entre ses soirées et pérégrinations à
travers les sociétés philharmoniques de France et de Belgique, de former
d'excellentes élèves qu'elle fait entendre chez elle , le dimanche, en pré-
sence des familles et d'artistes heureux d'applaudir à ses succès de profes-
seur. Là, les jeunes filles du monde le plus distingué viennent prouver de
la grâce et de la distinction de la méthode de Mme Gaveaux-Sabatier, aussi
parfaite musicienne que cantatrice du meilleur goût.
— Nous devons enregistrer le concert donné par MM. Léon Le Cieux et
Nollet, parmi les plus intéressants de la saison. M. Le Cieux a exécuté, avec
sa supériorité habituelle, sa fantaisie-ballet et ses souvenirs de Gibby,]>ms
un trio de Beethoven et le Stradella, de Lefébure-Wély, avec MM. Lée,
Maton et Nollet, qui s'est fait applaudir seul sur la harpe et sur le piano,
dans une Rêverie, Fantaisie villageoise, deux études de style, et le Réveil
du chasseur. Deux élèves de M. Révial, M. Lulz et Mlle Marie Cico, ont
très-agréablement défrayé la partie vocale de ce concert.
— Nous sommes en retard avec bien des concerts ; mais le moyen d'y
suffire! Nous ne pouvons, cependant, passer sous silence celui de Géraldy,
qui avait mis en fête la salle Pleyel. Le bénéficiaire y a brillé dans tous les
genres: le bouffe, le sérieux, le baryton, le ténor. Il se faisait applaudir de
de nouveau, dans la même salle, quelques jours après, au concert de
Mme Mancel, au double titre de chanteur et de compositeur. Géraldy ren-
dait à Mme Mancel le concours que cette cantatrice, si recherchée dans nos
salons et concerts, lui avait prèle la semaine précédente. C'était un assaut
de bonne obligeance et de talent. Le public a redemandé les deux com-
battants, c'est-à-dire les deux vainqueurs.
— Un artiste nomade que toute l'Europe a entendu et applaudi cent
fois, — le célèbre Huerta, guitariste de la reine d'Espagne, chevalier de
l'ordre de Grégoire-le-Grand et d'une foule d'autres ordres, — a donné, le
20 mars, un concert dans le foyer du Théâtre-Italien, avec le concours
de Mme Penco, MM. Graziani, Badiali, M. et Mme Caseila. Inutile de dire
que la soirée a été fort intéressante. Le bénéficiaire qui, entre autres mor-
ceaux, a fait entendre son Hymne de Riégo, varié en imitation d'instru-
ments militaires, a reçu les plus chaleureux témoignages de sympathie.
— M. LéonDufils, pianiste compositeur, après un petit voyage artistique
à Tours, en compagnie de M. et Mme Riquier-Delaunay, nous a donné le
vendredi 22 un intéressant concert dans les salons d'Ërard; le Réveil des
Bacchantes, le scherzo-valse, de sa composition, et la Berceuse, de Chopin,
lui ont valu des bravos de fort bon aloi.
— Le concert de M"e Angèle Tailhardat, qui s'était entourée de plu-
sieurs artistes aimés, tels que MM. Portheaut, Leboue, M. et Mme Riquier-
Delaunay, Castel, Boulard, a été des plus satisfaisants. On a particuliè-
rement fêté la bénéficiaire, dont le talent de pianiste s'est formé à l'école
des meilleurs maîtres. Sa sœur, MUe Laure Tailhardat, également douée
d'une bonne organisation musicale, a partagé ses bravos dans le duo des
frères Herz. Ajoutons que Mlie Angèle a aussi apporté son concours à la
partie vocale, en disant la Jision de sainte Cécile, accompagnée sur le
violoncelle par l'auteur, M. Leboue. Tout le monde a été rappelé.
— M. Salabert, le chanteur bouffe, a donné, le 20 mars, salle Beethoven,
un fort agréable concert, dont la musique pour rire a fait très-discrète-
ment les frais. Le trio bouffe de Martini, dit par Mme S. Marini, M. Ronzi
et le bénéficiaire, a été bissé à outrance. MUcs Mathilde Devançay et Saba-
tier-Blot, MM. Bauerkeller, Ruiz, ont habilement coopéré à cette soirée.
— M. et Mme Ernest Alvarès-Lévi ont donné, le samedi 16 mars, leur
dernière soirée de la saison, au grand regret des assistants et surtout des
jolies assistantes. M. Guyot, le baryton des Bouffes-Parisiens, a été le hé-
ros de cette séance de clôture. On sait que Guyot est un chanteur sérieux
que nos théâtres sérieux revendiqueront tôt ou tard. Il a dit, de sa voix
pure et sonore, le Credo des quatre saisons, David devant Saiil, le Maître
chanteur, de Limnander, etc., et l'auditoire lui a prodigué les plus chaleu-
reux applaudissements. Quelques dames amateurs ont également fait les
honneurs de la partie vocale; puis le programme a été complété par les
nouvelles études de Henri Ravina, les Harmonieuses, exécutées par ma-
dame Ernest Lévi-Alvarès, avec beaucoup de charme et de brio.
— Au concert de M1Ie Marie Delanoue, pianiste de bonne école, qui
s'est fait applaudir dans le classique et le moderne, nous avons remarqué
une partie vocale richement défrayée par MM. Géraldy , Sainte-Foy, et
M110 Tilmont, de l'Opéra-Comique, qui faisait sa rentrée dans le monde
musical. Sa cavaline du Barbier et ses deux romances ont reçu le
meilleur accueil.
— Un nombreux et chaleureux auditoire assistait au concert donné
par MM. Anthiome et Lacroix, dans les salons du Cercle des Sociétés
savantes. Ces deux artistes se sont fait applaudir dans plusieurs mor-
ceaux de chant. M. Lacroix qui joint, à une belle voix de basse, le
talent de compositeur, a fort bien chanté l'air du Chalet , puis une scène
lyrique de sa composition, intitulée Repentir, scène d'un style élevé et
mélodieux. M. Anthiome fils, élève du Conservatoire, a fort bien exécuté
sur le piano plusieurs de ses compositions, d'une facture élégante, et
M11* Adèle Anthiome, son élève, s'est fait agréablement entendre avec
lui, dans un morceau à quatre mains. Somme toute, la soirée de MM. An-
thiome et Lacroix a été fort agréable, et le public leur a témoigné sa
satisfaction par des applaudissements mérités.
— Mlle Lascabanne, élève du MM. Mozin et Marmontel, a donné, samedi
dernier, un concert dans la salle Pleyel, avec le concours de MM. Ar-
mingaud, Maurin, Chevillard et Jules Lefort. Nous signalerons le grand
trio de Mendelssohn , dans lequel la jeune pianiste s'est fait remar-
quer. Mlle Lascabanne a déployé beaucoup de grâce dans le rondo élégant
de Ries. Quant à Jules Lefort, toujours la même voix fraîche et sonore
dans la Chanson d'Amour, de Membrée, et le Nid abandonné, de Nadaud.
— Le concert exceptionnel donné jeudi soir par M. Arban, dans les
salons du Casino, a exercé une great attraction (voir l'affiche) sur le
inonde artistique, — et même sur les représentants de la critique musicale;
aussi la salle était-elle comble, — ce qui, du reste, rentre assez dans ses
habitudes. Arban , le héros de céans et le prince de la soirée, a été digne-
ment choyé. Il a fait entendre trois nouvelles compositions : sa valse la
Villa Stéphanie, son quadrille sur Fortunio, et la Diva, polka-mazourque;
plusieurs salves de bravos ont accueilli ces morceaux. Arban n'a pas moins
charmé l'auditoire avec son solo-caprice pour le cornet à piston. Près de lui
se sont spécialement distingués le violoniste Tayau, le pensionnaire des
Bouffes, et l'habile flûtiste de la localité, M. Demerssman. Tayau a été su-
perbe dans la symphonie et tyrolienne de X Avenir, de Jacques ûffenbach.
Les frères Guidon ont également coopéré à cette soirée, en disant, de leur
voix|la plus fraternelle, les Pêcheurs de Sorrente et les Gardes françaises.
L'orchestre enfin a fort bien exécuté les ouvertures à'Euryanthe et de la
Circassienne. La grande Symphonie chinoise de M. Gênée n'a obtenu qu'un
demi-succès: elle a semblé ou trop européenne ou trop chinoise : les
portes de la Chine devraient être ouvertes ou fermées.
Concerts annoncés.
— Dans le septième concert de la Société des concerts du Conservatoire,
on doit exécuter la magnifique symphonie de Berlioz, la Damnation de
Faust.
— MM. Armingaud, Jacquart, Lalo, Mas, donneront, mercredi 3 avril,
chez Pleyel, à 8 heures et demie, avec le concours de Mme Massart, leur
sixième et dernière séance. Voici le programme : 1° 76e quatuor de
Haydn, pour deux violons, alto et violoncelle ; 2° variations de Mendelssohn,
pour piano et violoncelle; 3" 9e quatuor de Beethoven (op. 59), pour deux
violons, alto et violoncelle ; 4° adagio et rondo de Schubert, pour piano et
violon.
— Le virtuose Perelli, le Liszt-Paganisé de la saison, annonce son con-
cert chez Érard pour le 10 avril.
— Le 11 avril, salon Érard, concert de notre célèbre harpiste Félix Go-
defroid, avec le concours de Mlle Marie Sax et de M. Dufrêne, de l'Opéra,
de MM. Baillot, Sauset, Mas, etc.
— Le pianiste-compositeur Bernhard Rie donnera un concert, le mardi
9 avril, à 8 heures du soir, à la salle Herz. Indépendamment du bénéfi-
ciaire et de ses remarquables compositions, on entendra : Mllc Vaneri, du
théâtre de la Reine, à Londres; M. Crosti, de l'Opéra-Comique; M. Léopold
m
LE MÉNESTREL.
Dancla, MM. RoseJBruneau, Jancourt, Mohr et Gouffé, qui joueront avec
M. Rie un quintette pour piano, flûte, clarinette et basson, de la com-
position de M. Ad. Blanc.
Le violoncelliste Ernest Nathan annonce son concert annuel pour le
8 avril, salle Herz, avec le concours de MmM Gaveaux-Sabalier, de Lapom-
raeraie, et de MM. Grazziani, Félix, Charles Poisot, Alfred Lebeau, et
Brasseur, du Palais-Royal.
— M1Ie Maria Boulay, la jeune et remarquable élève d'Alard, qui s'est
fait applaudir au dernier concert des Tuileries, annonce un concert pour les
derniers jours d'avril, salle Herz. Il y aura foule, car non-seulement cette
nouvelle Milanollo est délicieuse à entendre, mais aussi des plus agréables
à voir. C'est tout un charmant type que cette jeune Maria Boulay.
— Le 11 avril prochain, salle Herz, concert avec orchestre donné par le
violoniste Joseph White.
— L'Association de fabricants et artisans pour le patronage d'orphelins
des deux sexes, présidée par M. le baron Ch. Dupin, donnera, le dimanche
7 avril, à 8 heures du soir, salle Herz, son concert annuel, dans lequel on
entendra : pour la partie vocale, Mmes Dubois, Genest et Pellegrin,
MM. Félix Lévy et Marochetti ; pour la partie instrumentale, Mmes Dreyfus
et de Prelle, MM. Barthélémy, Ch. et H. deKontski et Nathan. Chanson-
nettes par M. Bellery. On trouve des billets : chez MM. Lambert, trésoriers,
boulevard Beaumarchais, n°2; Hadamard, rue Bleue, n° 14; Dufourman-
telle, quai de la Grève, n° 26 ; à l'agence de l'Association, rue Neuve-
Saint-Méry, n° 9, et à la salle Herz.
— Voici toute une série de concerts annoncés pour la première semaine
d'avril : — Le 1er, Mme Barthe, salon Érard, avec le concours de MM. Alard,
Lacombe, A. Durand. On y entendra le Feu sous la neige, opéra-comi-
que en un acte, interprété par Mme Gaveaux - Sabatier, Anna Barthe,
M. Capou et Adam; — le 2, salle Érard, concert de, M. et Mme Henri
Fournier, avec le concours de Mlle Cordier, de l'Opéra -Comique, de
MM. Grignon et Hartmann; —le 3,Mlle F. de LaMorliôre, salon Érard,
avec le concours de MM. J. Lefort, Hayet, Malezieux, [Hamel, Diemer et
H. Binfleld; —le 5, le pianiste Seltsch, salons Érard; même jour, le vio-
loncelliste Sighicelh, salle Herz, avec le concours de Mm6 Gulia Grisi, de
MM. Badiali, Zuccliini;de MM. Leroy, Paquis, Maryoli, Rignault et Mayer
de Bailly; — le 6, M. Bentayoux, salle Herz, avec leconcours de MmeCazat,
de MM. E. Norblin, Chaine, Dihau, Grisez, Peron, Fauvre, et la Société
chorale du Conservatoire, sous la direction de M. Batiste ; — le 7, Mlle Léonie
Tonnel, salons Érard, avec MllB F. de laMorlière, Sophie Lacout, MM.Nol-
let, Dobbels et Malezieux.
— €n jeune chanteur comique de dix ans — (on dit que c'est une vo-
cation),— M. Ed. Singer, donnera, demain lundi 1er avril, dans la salle du
palais Bonne-Nouvelle, une matinée musicale à grand orchestre. On enten-
dra, outre le bénéficiaire lilliputien, MUe Marie Cico, M. Ambroselli,
Mme Battaille, et quelques autres artistes de mérite.
— Les éditeurs Gambogi frères viennent d'acquérir la partition de
Jules Cohen, Maître Claude, paroles de MM. de Saint-Georges et de Leu-
ven. C'est un acte qui fera son chemin entre les plus heureux du réper-
toire de l'Opéra-Comique.
— Le jeune chef d'orchestre des bals de l'hôtel du Louvre va faire en-
tendre son orchestre, le vendredi 12 avril 1861, dans la salle Valentino,
au bal donné par M. Boizot père, professeur de danse, au bénéfice d'un
conscrit. M. Henri Boizot exécutera le quadrille de la Paix, le galop Léo-
tard, morceau de sa composition.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
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4 bis. Le même, pour baryton. . . 3 75
4 ter. Le même, pour basse 3 75 ODE-SYMPHONIE DE
4 quat. Le même, en italien 3 75
5. Fantasia et danse des Aimées, _ M
6. Chœur. La liberté au désert. . Eu |l I I fjl I |m WA j | J EX \Ê g j ! J
7. Rêverie du soir, mélodie pour I ha ESfflE I \J I bi I m WÊ0 ^^k H I M0
ténor 3 75
7 bis. La même, pour baryton ... 3 75 JPoësie de COMiY.
7 ter. La même, pour basse i 75
7 quat. La même, en italien 3 75 ■
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a. de Kontsbi. Improvisata sur
le Désert elles Hirondelles. 8 »
stpph. Hciier: Caprice brillant. -
Op. 51 9 »
e. Prudent. Le lever du Soleil.
Op. 22 9 »
h. Rosciicn. Marche de la Ca-
ravane 9 »
j. b. Duvernoy. Souvenir. Op.
51 5 »
a. Lecarpentier. Fantaisie bril-
lante. Op. 102 6 »
iticicbior niockcr. Fantaisie ... 9 »
f. David. Rêverie du soir 4 50
Henri Herz. Grand duo concer-
tant, à 4 mains 9 »
h. Bosciien. Marche de la Ca-
ravane, à 4 mains 10 »
a. Musard. Danse des Aimées,
quadrille à 2 et 4 mains. . . 4 50
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CHANT ET PIANO REUNIS :
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Od souscrit du l«rde chaque mois. — L'année commence du 1" décembre, et les 52 numéros de chaque année — teite et musique, — forment collection. — Adresser/Vanco
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( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié -. 10 fr. )
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rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 2117
SOMMAIRE. — TEXTE-
I. L'opéra-comique, ses compositeurs, ses chanteurs et ses divers théâtres : Hérold
(29« article). L. Mémuo. — II. Tablettes du pianiste et du chanteur: La
Semaine Sainte et le Stabat Mater de Rossini. J.-L. Heogel. — III. Concerts
spirituels du Conservatoire. E. Viel. — IV. Semaine théâtrale. J. Lovy. —
V. Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le nu nié rode ce jour:
BELLA SERA,
Idylle de Paul Bernard. — Suivra immédiatement après : la Belle Ni-
çoise, polka-mazurka d'AucusTE Durand.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
L'HIVER ,
Poésie d'AJtMAND Barthet , 'musique de J. Offenhach, mélodie ex-
traite du recueil des Voix mystérieuses , auxquelles nous avons déjà
emprunté la Barcarolle et Chanson de Fortunio. ■ — Suivra immédia-
tement après : les Lilas , paroles d'EDMOND Roche , musique de
Charles Poisot.
L'OPÈRA-COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TROP GRANDE EXTENSION.
COMPOSITEURS
DE LA RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER EMPIRE.
CHAPITRE X.
XXIX.
HÉROLD.
Je nie suis souvent demandé , en considérant certains chefs-
d'œuvre des plus grands artistes : Raphaël, Mozart, Hérold....
si, dans le cas où ils eussent vécu le double des années que
Dieu leur compta, leur génie eût produit plusieurs Transfigura-
tions, plusieurs Don Juan, plusieurs Zampa. Question forcé-
ment insoluble Nous avons cependant sous les yeux les œuvres
de Titans de l'art humain, tels que Michel-Ange et Reethoven,
morts dans un âge avancé, et qui, jusqu'à leur dernière heure,
ont produit des choses éminemment remarquables. Il est donc
à croire que l'imagination des trois artistes dont j'ai parlé plus
haut, loin d'être épuisée et loin d'avoir donné au monde , pen-
dant leur courte apparition sur terre, tout ce qu'elle aurait pu
enfanter, eût doté la postérité de quelque nouveau monument
impérissable.
Quant au musicien français dont je vais entretenir le lecteur,
il me paraît bien facile de démontrer que Zampa n'était que le
prélude, la préparation, le premier pas vers les triomphes qui
attendaient Hérold sur la grande scène des Gluck, des Spon-
tini, des Rossini, des Meyerbeer.
Il est aisé de reconnaître l'affinité qui existe entre la muse
d'Hérold et celle du chantre de Saltzbourg. L'auteur du Pré
aux Clercs, après avoir entendu le Don Giovanni du maître,
dut se dire : Anch'io son pittore ! et moi aussi je ferai un Don
Juan ! C'est alors qu'il demanda à M. Mélesville ce Zampa, qui
n'était autre qu'une sorte de Don Juan maritime. Il voulait
travailler sur le scénario du maître espagnol (1) qu'illustrèrent
Molière et Mozart.
Je vais essayer de faire voir comment Hérold arriva de pro-
grès en progrès au degré de perfection qui éclate dans ses der-
niers ouvrages.
Louis-Joseph- Ferdinand Hérold était né à Paris le 28 jan-
vier 1791 : il élait fils d'un pianisle de Hambourg, Joseph
Hérold, élève de Charles-Philippe-Emmanuel Rach , le fils de
Sébastien.
Joseph Hérold était établi à Paris en 1781, où il resta jusqu'à
sa mort, 1806.
(1) Gabriel Tellez, plus connu sous le pseudonyme de Tirso de Molina,
est le premier qui ait fait une pièce de théâtre de la légende de Don Juan
Tenorio, sous le titre Sel Burlador de Sevilla.
146
LE MÉNESTREL.
Ferdinand fit son éducation littéraire avec beaucoup de rapi-
dité. Son père ne songeait point à en faire un musicien; mais
cette vocation se déclara de fort bonne heure.
Devenu orphelin, il songea à mettre à profit la réputation
musicale dont jouissait le nom que lui léguait son père.
Placé au Conservatoire, dans la classe de Louis Adam, pour
apprendre le piano, il fit sur cet instrument de si rapides pro-
grès, qu'au mois de juillet 1810 il méritait le premier prix.
R. Kreutzer voulut aussi qu'Hérold fût son élève, et il lui donna
des leçons de violon. Catel lui enseigna l'harmonie, et Méhul
lui transmit la science de la haute composition, qu'il tenait
lui-même de Gluck, comme je l'ai dit a propos de l'auteur de
Joseph.
Le génie d'Hérold fut, comme on le voit, trempé à de fortes
sources : fils spirituel des Bach et des Gluck, il eut pour père
nourricier le premier de nos théoriciens français, Catel.
En 1812, il entra en loge à l'Institut ; on lui donna trois
semaines pour écrire la musique d'une cantate dont la scène
était Mademoiselle Lavallière, que Louis XIV veut enlever du
couvent où elle s'est retirée. En sis jours le travail était ter-
miné; Hérold ne veut plus y retoucher et remporte cependant
le premier pris de composition.
Le voilà installé à Rome; mais Naples l'attirait. Il gagna
bientôt la patrie deCimarosa et parvint, avec. ses recommanda-
tions parisiennes, à devenir le maître de piano des princesses
Murât. 11 obtint ensuite un libretto, la Gioventu d'Henrico V,
qui eut un grand succès. Forcé de laisser Naples en 1814, il
passa par Vienne et revint enfin à Paris « rapportant à ses sou-
liers un peu de la terre de Beethoven », selon l'heureuse expres-
sion de M. Xavier Aubryet.
C'est à Naples qu'Hérold fit la connaissance de Rossini , qui
lui prédit l'avenir d'un grand compositeur, et y aida pour sa
part, en l'appelant aux fonctions de maître de chant au Théâtre-
Italien, fonctions qu'Hérold remplit ensuite à l'Académie impé-
riale de Musique.
De retour à Paris, Boïeldieu admit Hérold à collaborer à la par-
tition d'un petit opéra de circonstance, Charles de France (1816),
dont l'auteur de la Dame Blanche avait été chargé. Cette colla-
boration le désigna à l'attention du directeur de l'Opéra-
Comique, qui consentit à monter les Rosières, trois actes de
Théaulon. La première représentation en eut lieu le 27 jan-
vier 1817.
On s'aperçut du premier coup, en entendant cette partition,
que l'Académie de Rome renvoyait à la France un grand com-
positeur, selon l'heureuse prédiction de Rossini.
On put saluer l'aurore du génie d'Hérold dans certaines mé-
lodies franches et concises, frappées au bon coin, telles que les
couplets de Florelle au premier acte :
De ce village
Tous les garçons. ..
la marche des gardes-chasses au second ; le duo de Bastien et
Florette : Laisse-moi, Bastien, laisse - moi .... , au troisième
acte.
Peu de temps après les Rosières vint la Clochette, autre opéra
en trois actes, qui marquait un progrès dans la manière de
l'auteur. Ici l'orchestre devient plus hardi. L'ouverture est un
bon morceau symphonique qui fait pressentir celles de Marie
et de Zampa. On applaudit ensuite l'air charmant : Me voilà!
me voilà! . . . devenu populaire, le final du premier acte, l'air
d'Azolin au second, et le chœur des Kalenders au troisième acte.
Après la Clochette parut, à la fin de l'année 1818, le Pre-
mier venu, trois actes de M. Vial, qui n'eurent pas le nombre
de représentations qu'ils méritaient, car celte partition avait
certainement bien la valeur musicale de ses deux aînées; elle
contient notamment un excellent morceau au second acte, le
trio des Dormeurs. Mais le scénario était trop connu, et c'est
évidemment ce qui émoussa la curiosité du public; on représen-
tait déjà ce sujet depuis longtemps en comédie au théâtre
Louvois.
Hérold eut alors à lutter contre le peu d'empressement que
les auteurs mirent à lui confier un poème ; on méconnaissait
son immense talent. Il se vit forcé de remettre en musique
l'ancienne pièce de Dauvergne, les Troqueurs, quelque peu
remaniée. Plusieurs jolis airs, tels que : Rien ne me semble aussi
joli qu'un mari, et un trio en canon, furent généralement
appréciés.
Il travailla en 1819 sur un libretto intitulée ; l'Amour pla-
tonique, de complexion si chétive que, malgré ce que la mu-
sique pouvait avoir 'de bon, l'insuffisance du poëme apparut si
clairement aux yeux des auteurs qu'ils le retirèrent avant son
exhibition au public.
En 1820, Hérold ne fut guère plus heureux en écrivant la
musique de l'Auteur mort, comédie de Planard, peu propre à
développer les qualités éminemment dramatiques du composi-
teur, de façon que l'accueil très-froid fait à cette partilion le dé-
couragea si complètement, qu'il renonça jusqu'à écrire pour le
théâtre. Il en vint à douter de son génie, et ce ne fut que trois
ans plus tard qu'Hérold donna le Muletier, un acte dont M. Paul
de Koclc avait emprunté le sujet à Boccace et à Lafontaine.
On put reconnaître une partie des qualités du musicien dans
cette partition : l'ouverture, dont le motif principal est le fan-
dango, prévient l'auditeur qu'il va assister à une scène espa-
gnole. Le morceau le plus original est celui dans lequel les notes
saccadées du cor peignent les battements du cœur d'Henriquez.
« N'est-ce pas, dit M. Aubryet, le miracle de la circulation du
sang passant dans la symphonie? » Le succès de cette pièce ne se
décida pas franchement lors des premières représentations; mais
peu à peu on l'apprécia à sa juste valeur, et dans la suite elle est
restée au répertoire, comme cesactesdeBoieldieu,deMonsigny,
de Grétry, que l'on voit souvent reparaître sur l'affiche et dont
le public ne se lasse jamais.
Entre cette pièce et Marie , Hérold écrivit deux actes , deux
nouvelles chutes : le premier, Lasthénie, à l'Opéra, qu'il dota,
par compensation, de ravissante musique de ballet ; le second,
le Lapin blanc, à FOpéra-Comique.
Il fit aussi pendant ce temps la musique de deux pièces de cir-
constance : le Roi René et Vendôme en Espagne, après la prise'
du Trocadéro, en collaboration avec M. Auber.
Enfin, en août 1826, Marie, libretto d'un caractère très-
simple, lui permit néanmoins de mettre à profit l'exquise sensi-
bilité dont la nature l'avait doué. Cette œuvre n'eut pas d'abord
tout le succès qu'on était en droit d'attendre; mais peu à peu le
public finit par en comprendre toute la valeur. Les paroles
étaient de Planard. C'est dans la romance que chantait Chollet :
Une robe légère d'une entière blancheur..., que se trouvent ces
vers assez singuliers :
Et toujours la nature
Embellit la beauté.
Le rôle de Marie fut une des créations les plus heureuses de
M"e Prévost. C'esl, du reste, une pièce, d'ensemble sans rôles
MlSIOl'E ET THEATRES.
147
particulièrement saillants : outre les deux artistes que je viens
de citer, Mmcs Boulanger et Rigault , Féréol et Lafcuilladc,
concoururent à la première exécution.
Hérold écrivit ensuite la musique d'un mélodrame, le Siège
de Missolonghi , joué à l'Odéon, et qui lui fournit l'occasion
d'écrire une de ces belles préfaces symphoniques dont il avait le
secret.
En 1829, l'Illusion , un acte dans lequel on remarque un
beau final, et enfin Emmeline, trois actes reçus assez froidement
par le public, qui fut convié le 3 mai 1831 à la première repré-
sentation de l'ouvrage que je considère comme le point culmi-
nant de l' opéra-comique français, Zampa. C'est à ce titre que je
tiens à donner une analyse détaillée de cette admirable partition.
L'ouverture de Zampa est tout un poëme : s'inspirant du
procédé inauguré, d'une façon si remarquable, par l'auteur du
Freyschiilz, Hérold, si justement appelé le Weber français, prit
pour les principaux sujets de son prologue les thèmes. saillants
de son opéra, non point en les cousant les uns aux autres, sous
la forme de pot-pourri, comme on le fait trop généralement au-
jourd'hui, mais en les discutant à la manière des symphonies
des maîtres allemands. C'est d'abord le chœur bachique du pre-
mier acte, interrompu brusquement par les accords des instru-
ments à vent entrecoupés eux-mêmes des trémolos du quatuor,
qui préviennent l'auditeur qu'il va assister à un drame où le
monde surnaturel aura son rôle ; puis le motif de début reprend
peu à peu, après cette interruption infernale, et nous ramène in-
sensiblement au premier mouvement allegro, interrompu de
nouveau par le chant de la clarinette, exhalant la plainte sen-
timentale de l'âme d'Alice Manfredi. A ce ravissant andantino
succède la chanson de bonne fortune du pirate Don Juan, va-
riée et développée au moyen de savantes modulations qui nous
conduisent à la péroraison brillante de cette symphonie d'un
style si pathétique et si élevé.
Le premier acte se compose de l'introduction gracieuse : Dans
ses présents que de munificence ! chœur de voix de femmes; de
la ballade de Camille, devenue populaire; du trio de la peur :
Qu'as-tu donc?.., accompagné par un charmant badinage d'or-
chestre; du quatuor plein d'un sombre mystère dans lequel
Zampa entre en scène, et enfin de l'admirable final, chef-d'œuvre
de premier ordre. Rien , il me semble, ne le surpasse dans les
compositions les plus élevées de grand opéra. Trouve-t-on quel-
que chose de plus majestueux que les couplets : Que la vague
écumante!... Mais voici un trait de génie : Hérold avait à peindre
la terreur des compagnons de Zampa, lorsque la statue d'Alice
vient de serrer contre son sein la main- à laquelle il a confié
l'anneau de fiançailles qu'il destinait à Camille. Il leur com-
mande de continuer leur chanson bachique : ils chantent alors
par saccades, la voix reste parfois dans le gosier, la mélodie est
entrecoupée de trémolos sur le si bémol pianissimo de l'effet le
plus funèbre.
L'air de bravoure du second acte offre une situation analogue
à celle de Leporello additionnant les bonnes fortunes de son
maître, avec cette différence qu'ici c'est Zampa lui-même qui
chante ses conquêtes. C'est un des morceaux les plus connus de
l'opéra; tous les ténors de concert veulent redire l'andante plein
de charmes : Toi dont la grâce séduisante. . . et. l'allégretto :
// faut céder âmes lois. . .
Le duo, terminé en trio, Juste ciel !... est un morceau bouffe
qui égale ce que Cimarosa a fait de mieux dans ce genre; au
milieu de tous ces mouvements passionnés, cette scène comique
de la reconnaissance de Dandolo et de Ritta repose des émotions
violentes delà fin du premier acte. Mais le génie du composi-
teur a déployé ses ailes toutes grandes dans le final du second
acte, après la tendre inspiration qui lui dicta cette ronde pleine
de morbidezza :
Douce jouvencelle,
Viens dans ma nacelle...
L'importance musicale va grandir avec le dramatique de la
situation, et cette fois encore l'orchestre dépeindra le trouble
qui s'empare de l'esprit de Zampa, lorsqu'au moment de s'unir
à Camille se dressera devant lui l'ombre de la fiancée de mar-
bre. Il veut paraître un fanfaron de vices, comme le héros de
Molière; mais les événements surnatmels qui l'environnent le
dominent, le terrifient.
Dans cette admirable partition, l'intérêt musical va toujours
croissant; la barcarolle du troisième acte :
Où vas lu, pauvre gondolier?. .
dont les paroles sont pourtant bien mal disposées pour le chant,
est un bijou mélodique d'un cachet essentiellement original. La
phrase est simple, mais l'accompagnement la modifie à chaque
mesure par des modulations de l'effet le plus inattendu ; rien de
heurté cependant •: chant et accompagnement, tout cela est si
bien sorti du même moule qu'il semble qu'il eût été impossible
de trouver l'un sans l'autre ; c'était là le secret du maître ; rien
ne paraît cherché dans son œuvre, et rien cependant ne ressemble
à ce qu'avaient fait les devanciers.
Quant au dernier final, c'est Mozart et Weber fondus en un
seul génie. Un passage enharmonique, de l'effet le plus heu-
reux, sur ces mots :
Camille, revenez à vous. . .
amène la cavatine :
Pourquoi trembler! . . .
Ici le parolier s'efface, son esquisse a disparu sous les chaudes
inspirations du musicien ; l'orchestre palpite par ses syncopes
comme le cœur de la jeune mariée, ses prières sont vaines; c'est
la colombe cherchant à attendrir l'aigle qui la magnétise : cet
œil, habitué à braver le rayon du soleil, darde un regard cruel
sur sa proie. Camille implore sa grâce; elle demande au parjure
de l'épargner encore, ses yeux sont voilés de larmes'; mais ses
pleurs, au lieu de fléchir Zampa, ne font qu'aiguillonner son
ardeur : aussi, quelle passion le musicien a mise dans cet élan
de l'âme :
Que d'attraits ! que de charmes !
Sa douleur et ses larmes
Ont redoublé mes feux.
La mélodie s'assimile intimement au drame pour l'élever à la
hauteur des plus belles conceptions de l'esprit humain.
*
Zampa fut joué primitivement par Chollel, pour lequel le
rôle avait été fait ; par Mmes Bjulanger et Casimir ; par Mo-
reau-Sainti, Jullict, Féréol, elc — La Fiancée de marbre n'eut
point tout le succès de Marie, bien qu'elle lui fût infiniment su-
périeure. Depuis le départ de Chollet, Zampa ne s'est joué que
rarement à Paris (1), plus rarement encore en province; cjla
(1) Zampa a eu environ 200 représentations ; Marie, 300 ; |le Pré aux
clercs près de 800, rien qu'à Paris.
148
LE MÉNESTREL.
tient à ce qu'il a toujours été difficile de trouver un chanteur
d'une voix assez étendue pour se charger convenablement du
rôle principal. Aussi, le principal succès d'Hérold fut-il le Pré
aux Clercs, partition qui partage la popularité, j'allais dire la
royauté de la Dame blanche.
Avant le Pré aux Clercs, il avait donné la Médecine sans
médecin, un acte très-simple, une sorte d'intermède entre ses
deux triomphes, et dans lequel on reconnaît la délicatesse de
touche du maître.
Le poëme du Pré aux Clercs est de M. Planard ; il a le mé-
rite d'être intéressant, et d'offrir des situations variées et très-
vraisemblables. Le musicien en profita pour écrire une partition
pleine d'esprit, de cœur, de verve et de netteté, dans laquelle il
n'y a pas une note de trop depuis l'ouverture jusqu'au quatuor
final : V Heure vous appelle.
Je ne ferai pas l'analyse de cette partition; tout le monde a
chanté le duo du premier acte : les Rendez -vous de noble
compagnie.... la romance et l'air d'Isabelle : Jours de mon en-
fance le trio bouffe : Vous me disiez sans cesse , une des
choses les plus fines que je connaisse, et- cet autre bijou : C'en
est fait, le ciel même, auquel je ne vois de pendant que le trio
des masques de Don Juan.
Mmes Casimir, Ponchard,Mlle Massi, MM. Thénard, Fargueil
et Féréol, furent les premiers interprèles du Pré aux Clercs.
Hérold souffrait déjà beaucoup de la maladie de poitrine qui
nous le ravit à la fleur de l'âge! 11 avait surveillé avec ardeur la
répétition de son œuvre ; l'émotion du succès l'acheva, car moins
d'un mois après la première représentation, le 19 janvier 1833,
il succombait, en regrettant de mourir si jeune et au moment où
il sentait que son génie avait enfin trouvé sa voie.
Ludovic, opéra en deux actes, qu'il laissait inachevé, fut ter-
miné par M. Halévy, l'auteur de l'Éclair, et joué en 1834. Ce
fut l'adieu de notre Hérold, si regretté et si regrettable.
« Il avait l'habitude de composer en se promenant (1), et les
Champs-Elysées lui ont souvent servi de cabinet de travail. Que
de gens qui le connaissaient peu, se sont formalisés de le voir
passer près d'eux sans avoir l'air de les apercevoir, et continuer
sa route en chantonnant !
« Hérold rendait justice à tous ses confrères, et ne connut
jamais l'envie. » Léon Meneau.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
LA SEMAINE SAINTE
et
LE STABAT MATER DE G. ROSSIM.
Chacun sait que ce fut aux instanccsde son intime ami Aguado,
que Rossini se décida, bon gré mal gré, à écrire un 5(a6a(pour
Son Excellence Emmanuel-Fernandez Varela, grand maître en
religion des Étals d'Espagne.
Rossini s'en défendit longtemps. Il n'existe et n'existera ja-
mais, disait-il, qu'un seul Stabat, celui de Pergolèse. . . . qui
n'y a pas survécu. — Ce n'était pas encourageant.
Aussi, ajoutait le maître, la musique d'église me fait peur !
Je crains bien de n'être pas fait pour chanter le ciel. J'appré-
hende surtout les austères douleurs de la semaine sainte. Ma
plume s'y brisera.
(1) Adolphe Adam, Souvenirs d'un musicien.
Rossini ne savait pas si bien dire : c'était en 1827; il était
dans toute la force, dans toute la vigueur de son génie , et ce-
pendant, après avoir écrit six morceaux de son Stabat, Iesnos 1,
4, 5, 6, 7 et 10, il s'inspira du n° 8, le célèbre inflammatus,
page sublime entre toutes, mais dut s'arrêter après ce suprême
effort!... Les nos 2, 3 et 9 furent confiés par lui a Tadolini,
maître de chant du Théâtre-Italien, qui se chargea de compléter
la partition , et le manuscrit fut livré tel quel à Son Excel-
lence Emmanuel-Fernandez. Varela , qui dota l'Espagne d'un
Stabat de Rossini-Tadolinisé.
Rossini reçut unsplendide cadeau, comme cela se pratiquait
alors entre musiciens et grands seigneurs, puis il oublia com-
plètement son Stabat, dont la France et l'Italie ne soupçonnaient
même pas l'existence. En Espagne , une fois l'an seulement,
pendant la semaine sainte, Son Excellence Varela sortait le
précieux manuscrit de son portefeuille, puis il y rentrait , et
le silence se faisait de nouveau.
Mais il arriva qu'un jour, — c'est la destinée commune, —
Son Excellence Varela fut appelé là-haut sans avoir le temps de
sauver son Stabat qui tomba, fort heureusement, entre les mains
de ce qu'en matière d'immeubles nous appelons, en France,
la bande noire. Le manuscrit fut misérablement vendu à l'encan,
et un éditeur français se crut le droit de publier l'œuvre inédite
de Rossini.
Un procès s'ensuivit : M. Troupenas , l'éditeur breveté de
Guillaume Tell, de Moïse et du Comte Ory , s'opposa à cette
publication au nom de Rossini, qui, piqué au vif, retoucha
l'œuvre dans son entier et renvoya la partition complète à son
ami Troupenas, avec les nos 2, 3 et 9 écrits de la main même du
maître : c'étaient l'air du ténor, le duo des deux femmes et le
quatuor sans accompagnement.
L'heureux possesseur de l'œuvre ainsi rectifiée et complétée
s'empressa de réunir les chanteurs du Théâtre-Italien pour es-
sayer l'exécution de ce Stabat, absolument inconnu en France.
Lablacbe fut des premiers au rendez-vous, et Tadolini, en se
mettant au piano, lui dit avec mystère et un certain orgueil bien
légitime : « Tu vas entendre trois morceaux de moi. » Et il lui
confia comment Rossini lui avait demandé ce bon office. — « Tu
m'indiqueras chacun de ces trois morceaux, » reprit Lablache.
Ce fut chose convenue.
La répétition commence : les premiers comme les derniers nu-
méros sont chantés aux applaudissements enthousiastes des ar-
tistes. Lablache ne quitte pas des yeux Tadolini; mais rien,
pas le moindre signe, si ce n'est une stupéfaction mêlé d'admi-
ration. — « Eh bien ! s'écrie enfin Lablache de sa voix la plus
profonde et la plus sonore, que me disais-tu donc ? Et tes trois
morceaux? — Eh ! que veux-tu, je ne les ai pas reconnus, »
reprit Tadolini.
Voilà à quelle série de circonstances la France doit l'honneur
de posséder un immortel Stabat, tout comme la chapelle Sixtine,
àRome, possède le sien. Là, c'est Pergolèse avec ses graves accents
consacrés; ici, c'est Rossini avec ses vivantes et radieuses harmo-
nies. On disait déjà du Stabat de Pergolèse, que le genre drama-
tique menaçait l'église. Les apôtres du plain-chant pardonneront-
ils au Slabatde Rossini d'émouvoir les âmes les moins chrétiennes?
Nous n'entreprendrons pas celte délicate dissertation de fond et
de forme ; nous ne constaterons qu'un fait : c'est que le Stabat
de Rossini est bien certainement une inspiration d'en haut;
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
149
car c'est, dans toute l'acception du mot, delà vraie musique du
bon Dieu.
On a pu en juger cette année plus encore que les précédentes:
Rossini a fait les honneurs delà semaine sainte, non-seulement
au Théâtre-Italien, où son Stabat a été exécuté deux fois, mais
à l'église, qui s'est incarné cette magnifique œuvre.
Transportons-nous, le Jeudi Saint, à la chapelle impériale des
Tuileries, nous y trouverons la cour en deuil : partout les den-
telles noires, les fleurs emblématiques, les résilles cachant les che-
veux à la manière de l'impératrice. Plus de brillants uniformes :
les épées, les petits et grands cordons, toutes les choses de l'orgueil
humain, ont fait place à la tenue officiellement rigide. Les vases
sacrés se cachent sous un voile, le# tabernacle est ouvert, le sen-
timent chrétien vous envahit de toutes parts. Tous ces grands de
la terre, modestement recueillis, ces deux augustes personnes
prosternées, cette teinte générale de deuil, cet imposant silence,
le lieu même, tout cela prend le cœur des plus indifférents, et
les accents du maître trouvent là des éléments nouveaux qui dou-
bleraient parfois la portée d'une oeuvre, si le Stabat de Rossini
pouvait s'élever encore. — Les soli étaient chantés par M. et
Mme Gueymard, M. Bonnehée, Mlles Rey et Panetrat.
Le lendemain, Vendredi Saint, ce sont les voûtes de Saint-
Eustache qui résonnent des accents du Stabat de Rossini. — Ici
on attendait, ou espérait Tamberlick ; mais, sur un télégramme
de Londres, l'illustre ut dièze traversait la Manche pendant que
jjiie ]viarie Cruvelli, sœur de M™6 la baronne Vigier, chan-
tait YInflammatus. .
Au théâtre Italien, Mme Penco, Mlle Battu, Mme Ida Bertrand,
MM. Badiali, Mario, Montanaro et Lorens ont fait, le jeudi et le
samedi, les honneurs du Stabat de Rossini, devant un religieux
auditoire, tout comme à l'église.
Mais où le Stabat de Rossini s'est montré le plus digne dé
l'œuvre, c'est chez le grand maître lui-même ; là des artistes di
primo cartello, des amateurs du grand monde, avaient entrepris
de l'interpréter le Vendredi Saint.
Les sœurs Marchisio, MM. Badiali et Solieri tenaient les soli.
On remarquait dans les chœurs, non-seulement ces quatre so-
listes eux-mêmes, mais, parmi les soprani et contralti, la baronne
deLaborde, Mme9Conneau, Chabrié, Aubry, à côté de Mme Fo-
dor et de sa nièce, Mme Donadieu. Parmi les tenori et bassi, le
prince Poniatowski, et, près du prince-compositeur, des choristes
tels que Ronzi, Zucchini, Montanaro, Castellani, Perrelli, le
Listz-Paganisé et tant d'autres qui échappent à notre souvenir.
Au premier pupitre du double quatuor, nous signalerons
MM. Bazzini, Blanc, un amateur réputé, M. David. Braga bril-
lait au violoncelle; le piano était tenu par M. Peruzzi, les chœurs
dirigés par M. Sarli, et l'ensemble par M.Lucantoni.
Rossini inspirait l'œuvre de sa présence. L'exécution a été
splendide et YInflammatus redemandé à Carlotta Marchisio, qui
l'a traduit avec autant d'âme que de voix, l'une et l'autre ne
faisant qu'un. Aussi y avait-il unanimité pour applaudir.
L'assistance était des plus nombreuses, des plus brillantes.
Le monde officiel, les sciences, les lettres, la finance et le fau-
bourg Saint-Germain, étaient représentés par leurs plus illustres
notabilités : Mmes Achille Fould et Rothschild avaient pour
voisines la duchesse d'Esclignac, la baronne Talleyrand et
Mme l'ambassadrice de Saxe, fille de M. de Nesselrode, le dilet-
tante du Nord, si dévoué à la musique italienne.
Le théâtre n'avait point oublié ses étoiles : nous en signale-
rons la constellation : Alboni et Ferrnris.
Quant aux habits noirs couverts de décorations, c'est à y re-
noncer. Il serait infiniment plus facile de désigner les ombres du
tableau.
Est-il aussi besoin d'ajouter que M. et Mrae Rossini ont fait
les honneurs de leur vendredi saint de la manière la plus
gracieuse. Cela se dit mais ne s'écrit pas.
Bref, l'audition du Stabat de Rossini chez Rossini restera
dans tous les souvenirs comme une profonde émotion musicalr.
On a redemandé l'auteur à grands cris; le maestro se gardait de
paraître mais, un peu plus tard, ^mené au milieu de ses in- '
vités par la puérile et honnête civilité des adieux, l'ovation
concentrée s'est échappée tout à coup et ('e toutes les bouches à
la fois : Vive Rossini! chacun s'est-il écrié... et, alors seule-
ment, on s'est séparé le cœur content et satisfait.
Les sœurs Marchisio, en quittant le grand maître, se sont
excusées d'être arrivées un peu tard. Elles chantaient au Con-
servatoire le même soir, et « à notre grand regret, dirent-elles,
on nous a bissées. »
C'est certainement la première fois qu'un artiste italien ;e
plaint d'avoir été bissé.
J.-L. Hecgel.
SOCIÉTÉ DES COMERTS DU CONSERVATOIRE.
Concerts spirituels du Vendredi Saint et du dimanche de Pàqnes.
Nous avons eu à subir vendredi un léger désappointement :
les premières affiches nous avaient promis le Christ aux Oli-
viers, de Beethoven, avec Mlle Marimon; la dernière est venue
changer complètement cet attrayant programme : l'homme pro-
pose et les événements disposent. Il y a si longtemps que l'ora-
torio de Beethoven n'a été donné en entier, qu'une plus longue
étude de cette œuvre importante a été jugée indispensable pour
se produire dignement devant le public, et le temps manquait...
En présence de cette difficulté inattendue, on a renoncé au
Christ aux Oliviers, et on a bien fait. Le programme qui a été
substitué aux premières annonces était d'ailleurs de nature à
satisfaire comme à dédommager les plus difficiles.
La séance s'ouvrait par la sublime Symphonie héroïque du
même maître, qu'on avait entendue peu de temps auparavant,
mais que chacun a été charmé de réentendre et de réapplaudir
vendredi. Au magnifique Benediclus de la messe en si bémol
d'Haydn succédait le motet à deux voix de Cherubini : Lauda
Sion... Mon impartialité d'historien m'oblige à reconnaître que
l'ingénieuse composition de Cherubini, si claire, si habilement
écrite, il est vrai, mais en même temps un peu froide et
un peu sèche, a obtenu infiniment plus de succès que le
Benediclus d'Haydn, l'une des pages religieuses les plus belles
qui existent sans contredit. J'aime à croire cependant que l'exé-
cution merveilleuse des sœurs Marchisio a été pour beaucoup
dans le triomphe de Cherubini, et que l'honneur doit leur en
être principalement rapporté. La dernière partie du concert
avec le Psaume (double-chœur) de Mendelssohn, voire malgré
la belle symphonie en ut de Mozart, n'a pas eu tout l'éclat des
premiers morceaux.
La partie essentiellement religieuse de la séance du dimanche
150
LE MÉNESTREL
de Pâques était représentée par l'admirable chœur sans accom-
pagnement de Lessring : 0 filii... Quelle foi, quelle naïveté,
quelle onction dans ces divins accents! Voilà pourtant de la
musique bien vieille, bien éloignée par sa facture des procédés
actuellement en usage; tant il est vrai que le génie trouve tou-
jours moyen de traduire sa pensée ; tant il est vrai en même
temps que le beau absolu en musique est une chimère, qu'il
y a cent façons de l'atteindre, et que les gens qui prétendent le
circonscrire dans telle école ou tel système, envisagent la ques-
tion à un bien pauvre point de vue.
On a écouté avec un vif plaisir la symphonie en ut majeur
de Beethoven, cette intéressante étude dans laquelle, déjà supé-
rieur à tant d'autres œuvres, le jeune maître cherchait encore
sa voie. Trop longtemps éloignée des salons et des concerts par
une sérieuse indisposition, Mlle Dorus reparaissait dimanche
sur le théâtre de ses premiers succès, dans un air de la Flûte
enchantée ; la voix de la jeune cantatrice a plus de vigueur, son
style plus de fermeté; c'est aujourd'hui un talent plus formé,
plus complet. La symphonie en ut mineur de Mozart, les airs
de danse de Ylphygénie en Aulide de Gluck, dits par l'or-
chestre avec une délicatesse ravissante ; enfin , quelques frag-
ments de l'automne des Saisons de Haydn, entre autres le
chœur des Chasseurs et celui des Vendangeurs, — les deux
morceaux assurément les plus vivants de cette belle composi-
tion,— ont splendidement complété ce programme aussi riche
que varie.
A. dimanche le Faust de Berlioz.
E. VlEL.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Lundi dernier le théâtre impérial de I'Opéra a célébré di-
gnement la 435me représentation de Robert -le -Diable. Les
interprètes étaient Gueymard, Belval, Dufrêne, Mlle Marie
Sax et Mme Vandenheuvel-Duprez, de retour de Bordeaux.
MIle Zina Richard représentait l'abbesse ; or, on le sait, il y a
peu d'abbesses qui dansent avec autant de charme... depuis
Taglioni, la reine de l'emploi. — Le Papillon, avec Mlle Emma
Livry, Graziosa, avec Mme Ferraris, et la Favorite (Mme Te-
desco), ont défrayé les deux autres soirées de la semaine. —
LL. MM. assistaient à la représentation de vendredi. — A
bientôt la 349mB représentation des Huguenots, avec Mme Guey-
mard dans le rôle de Valehline. — On promettait pour aujour-
d'hui dimanche les débuts de MUe deTaisy dansZo Lucie.
Au Théâtre-Italien,' indépendamment de la rentrée du
ténor Pancani, qui reparaît aujourd'hui dimanche dans la re-
prise fïErnani pour les débuts de Mmc Mariani, nous avons à
enregistrer la bienvenue de Mlle Trebelli dans le rôle de Bosine
du Barbiere. Comme Mllc Battu, Mlle Trebelli est Française; la
première n'a point italianisé son nom ; la seconde a cru indis-
pensable de faire autrement. Allez donc chanter Rosine à
Madrid, à Berlin, sous le nom de Gillebert! Va donc pour Tre-
belli , nom d'ailleurs bien porté par un très-gracieux visage.
Élève de Wartel, la nouvelle Alboni — car elle en doit partager
le répertoire — nous a paru douée d'une vocalise nette, facile et
brillante dans la force comme dans le demi-teinte. La voix, d'un
timbre naturel, est peu eu dehors ; c'est ce qu'un peintre appel-
lerait une voix d'un horizon étendu, mais de second plan. Nous
ne savons si Mllc Trebelli procède du nouveau système d'aspi-
ration et de respiration de l'École Wartel; mais on serait porté à
le croire par l'émission même de la voix et la manière dont elle
sait ménager ses forces. On ne l'entend point respirer, et ses
notes tenues — un certain trille entre autres — se prolongent
indéfiniment.
Nous attendrons la Sémiramidc pour juger définitivement
cette nouvelle pensionnaire de M. Calzado. Il nous semble que
le rôle d'Arsace lui sera plus favorable encore, et nous désirons
beaucoup ne point nous tromper. Celte deuxième épreuve était
annoncée pour hier soir samedi.
Le Théâtre-Français a donné, mercredi dernier, la pre-
mière représentation d'une comédie de M. Ernest Lcgouvé :
Un jeune homme qui ne fait rien. Ce petit acte en vers était
déjà connu du public : l'auteur, après l'avoir lu dans la séance
des cinq académies, l'avait publié en feuilletons dans le Moni-
teur. Bressant joue avec sa distinction accoutumée le rôle de
Maurice de Verdière, et, bien que souffrant, il a dit d'une voix
agréable la mélodie de Chopin, à laquelle M. Legouvé a su
adapter les Adieux à la vie, traduits du poète allemand
Koerner. Monrose, M"e Emilie Dubois, Worms et Mme Lamb-
quin complètent le personnel de la pièce. LL. MM. l'Empereur
et l'Impératrice, ainsi que LL. AA. le prince Napoléon et la
princesse Clolilde, assistaient à cette première représentation,
suivie de l'École des vieillards, qu'interprétaient les chefs
d'emploi.
A I'Opéra-Comiqi'e, la Circassienne poursuit sa fructueuse
carrière. La direction de Favart a profité des trois relâches de
la semaine sainte pour renouveler les costumes de cet opéra.
Le Jardinier galant et Maître Claude font de brillants lende-
mains à la charmante œuvre d'Auber. — Mercredi prochain,
10 avril, grande représentation au bénéfice et pour la retraite
de Mme Guillemin, l'excellente duègne du Vaudeville, après
cinquante années de service. L'Opéra, les Français, l'Opéra-
Comique, le Vaudeville et le Palais-Royal se feront représenter
à cette soirée par leurs premiers sujets.
Le Théâtre-Lyrique annonce, pour demain lundi ou après-
demain mardi au plus tard, la première représentation de la
Statue. On compte sur un grand succès que semble faire pré-
voir la sensation produite aux répétitions générales, par l'intérêt
du poème et la valeur de la partition. La mise en scène est, dit-
on, magnifique, et l'on parle surtout d'une décoration splendide
de M. Cambon, au dernier acte. L'ouvrage a trois actes et six
tableaux; il sera chanté par MM. Monjauze, Balanqué, Wartel,
Girardot et M110 Baretti.
* *
Mme Bislori, la célèbre tragédienne, a effectué sa rentrée à
I'Obéon, dans Béatrix, drame en cinq actes de M. Legouvé. La
tragédienne italienne a été très-remarquable, et cette tentative
l'a naturalisée française. Le peu qui lui reste encore d'accent
italien est effacé et sauvé par son éloquence naturelle et par la
profonde expression de sa voix. — Réglons aussi nos comples
avec un spirituel proverbe de M. Aurélien Scholl, joué sous le
litre : Jaloux du passé. Celte petite pièce a réussi et restera au
répertoire.... pendant quelque temps.
Le Gymnase ne se refuse rien. Il vient d'offrir au public une
pièce de circonstance, qui rappelle les terreurs politiques de
M. Cagnard (Odry en 1831). Les Trembleurs, tel est le titre de
cette amusante nouveauté, due à MM. Dumanoir et Clairville.
C'est un véritable vaudeville garni de ses couplets comme au bon
NOUVELLES ET ANNONCES.
151
vieux lemps. Le Tannhauser n'est point oublié. Geoffroy est
magnifique de verve et d'ahurissement.
Aux Variétés, on ajoué une désopilante paysannerie : VA-
mour en sabots; auteurs, MM. Labiche et Delacour. Kopp et
et M"e Alphonsine jouent les principaux personnages de ce pe-
tit acte et lui donneront un peu de vitalité. — L'affiche d'hier
annonçait une parodie du Tannhauser : Ya meïn herr. C'est un
peu tard sans doute; mais comme il s'agissait de la musique de
l'avenir, messieurs les parodisles pensaient qu'ils arriveraient
toujours h temps.
A la Gaîté, la Fille des chiffonniers excite h la fois le rire et
les larmes ; mais le rire domine. Charles Perey remplit le rôle
capital de Bamboche avec beaucoup de naturel. Alexandre est
très-divertissant dans le type de la mère Moscou. A MIles Mon-
geal et Duverger une mention honorable.
La Porte-Saint-Martin vient de faire ressusciter l'école ro-
mantique de 1831, avec ses allures shakspeariennes et ses ex-
centricités littéraires. Le sujet des Funérailles de l'honneur ,
drame en sept actes, de M. Auguste Vacquerie (auteur de
Tragaldabas ) , est emprunté aux annales castillanes du
xive siècle, et a pour héros Pierre le justicier. On ne sait si le
fond et la forme de ce drame sont tout à fait du goût de la géné-
ration actuelle; quoi qu'il en soit, Mme Marie Laurent est fort
applaudie, et Mme Vigne s'acquitte du rôle de Dona Florinde
avec une rare énergie. Rouvière a des silence*terribles, au dire
de tous nos confrères ; la mise en scène est splendide. Hier le
Pied de Mouton, aujourd'hui les Funérailles de l'honneur : Il
n'y a que la Porte-Saint-Martin pour nous offrir de ces con-
trastes.
Le Théâtre Déjazet nous a donné Panne aux Airs, paro-
die du Tannhauser, poème de M. Clairville, musique de M. Fré-
déric Barbier. La pièce renferme les mille quolibets de rigueur
dont la petite presse avait déjà escompté une partie. La musique
de M. Barbier est non-seulement une imitation comique de la
musique de l'avenir, mais une charge réussie de la musique du
présent. Nous avons remarqué une ouverture précédée d'un ré-
citatif pour trombone et petite flûte d'un effet excentrique et
nouveau, une romance bouffonne que Dupuis détaille avec beau-
coup d'originalité, et un chœur avec aboiements de chiens qui a
fortement diverti l'auditoire.
En fin de compte, le Tannhauser ne peut pas se plaindre
de l'accueil qu'on lui a fait à Paris : on l'a traité comme une
pièce à succès. N'est pas parodié qui veut. J. Lovy.
NOUVELLES DIVERSES.
— Le nouvel opéra de Benvenuti, Shakspeare, qui a réussi à Parme ,
doit être exécuté à Reggio, la saison prochaine.
— La compagnie de M. Lumley a débuté au théâtre Carlo-Félice , de
Gênes, avec le Trovatore.
— Voyez jusqu'où va l'excentricité de quelques compositeurs : le jour-
nal la Gazette musicale de Milan annonce : Les Sept péchés capitaux, danses
caractéristiques pour piano, par M. Bernardi. — L'Orgueil, scholisch. —
V Avarice, polka-mazurka. — La Luxure, valse. — La Colère, galop. —
La Gourmandise, quadrille. — L'Envie, polka. — La Paresse, polka-
mazurka. — Si c'est comme pénitence que l'auteur inflige ces danses, il n'y
a pas d'objections à faire.
— A Nuremberg, quatre maisons ont souscrit, à jilles seules, pour plus
de 20,000 florins, pour couvrir les frais de la prochaine fête de chant.
— Les journaux allemands nous apprennent qu'une parente de Mozart
habite Feld-Kirchen, dans le Tyrol. Cette femme exerce une humble pro-
fession manuelle ; elle est mère de cinq enfants et se trouve dans le dé-
nùment le plus complet. Anna-Maria Pumpel , — tel est son nom, — est
la petite nièce de Léopold Mozart, père du grand compositeur.
— La commission nommée par S. Exe. le maréchal Randon, ministre
de la guerre, pour l'examen des candidats aux grades de chef et sous-
chef de musique dans l'armée, vient de terminer ses séances. Les mem-
bres de cette commission, qui se réunit au Conservatoire, sous la prési-
dence de M. le général de division Mellinet, sont MM. le général d'artillerie
Guiod, H. Berlioz, Clapisson, Georges Kastner, Ambroise Thomas, mem-
bres de l'Institut. Cette année, comme les années précédentes, M.Georges
Kastner remplit les fonctions de secrétaire-rapporteur.
— Une messe solennelle de M. Leprévost, organiste-accompagnateur de
Saint-Roch, sera exécutée dimanche prochain, 14 avril, à l'église Notre-
Dame-Bonne-Nouvelle, à l'occasion de la fête patronale de cette paroisse.
La messe commencera à dix heures précises. Les solos seront chantés par
MM. Warot et Gourdin (du théâtre de TOpéra-Comique]. M. Burelle, orga-
niste de la paroisse, tiendra l'orgue. L'exécution sera dirigée par M. Le-
prévost.
— L'Union bourguignonne de Dijon, en rendant compte de la séance
d'inauguration du grand orgue de la cathédrale de cette ville, paye son
tribut d'éloges à M. Batiste, à son talent d'organiste-improvisateur et
d'harmoniste à la fois élégant et sobre. M. Batiste, dit l'Union, a fait mer-
veilleusement ressortir les divers perfectionnements apportés à l'orgue.
— Dans la messe de la composition de M. Gastinel, que le Comité des
Artistes musiciens doit faire exécuter lundi 8 avril, à midi, à Notre-
Dame, et qui doit être dirigée par M. Deloffre, MM. Dufresne et Balanqué
chanteront les soli.
— C'est l'éditeur Gérard, successeur de Boisselot-Meissonnier, qui a
acheté la partition du nouveau succès des Bouffes-Parisiens, le Pont des
soupirs, musique de J. Offenbach, paroles de MM. Hector Crémieux et
Ludovic Halévy.
SOIRÉES ET COMCEF1TS
— La Société des Jeunes Artistes, dirigée par M. Pasdeloup, a dignement
célébré le Vendredi Saint. Le programme était aussi nourri que varié ;
mais les éléments religieux s'y trouvaient en majorité et avaient la place
d'honneur: citons les fragments du /tegiu'm de Mozart, l'Hymne ù'Rayân par
tous les instruments à cordes, le chœur de la Charitéde Rossini, le Sanc-
tus de Gounod (solo par M. Capoul) , et Jésus de NazaretlC, chante (Gounod) ,
solo par M. Battaille. Le Juif-Errant, de Gounod, a été également dit par
Baltaille en guise de hors-d'œuvre. Mentionnons aussi un concerto de
Spohr, habilement exécuté par le jeune Léopold Auer, violoniste du Con-
servatoire de Vienne. Enfin, n'oublions pas la Symphonie pastorale de
Beethoven, qui appartient aux solennités saintes, de parje génie.
— La sixième et dernière séance de MM. Armingaud, Léon Jacquard ,
Ed. Lalo et Mas, avec le concours de Mme Massart, a été des plus brillantes.
Le quatuor en ré mineur, de Haydn, les variations pour piano et violon-
celle de Mendelssohn, le quatuor en ut de Beethoven, et l'adagio et rondo
de Schubert, ont trouvé des interprètes parfaits ; et c'est avec de vifs
regrets au milieu des plus sincères bravos , que l'auditoire a pris congé
de celte société de quatuors.
— De retour d'un concert à Moulins, où Félix Godefroid a eu l'hon-
neur de compter parmi ses nombreux admirateurs Monseigneur l'évêque
du diocèse, notre célèbre harpiste annonce son concert annuel, salons
Érard, pour le jeudi H, avec le concours de MUe Marie Cruvelli, de la basse
Dobbels, du quatuor Baillot, Sauzet, Lasserre et Colonne, et enfin de l'un
des plus grands chanteurs de l'école italienne, du baryton Délie Sedie,
qui nous arrive du Théâtre-Italien de Berlin.
— Avant son départ pour Londres, le jeune violoniste Sarasate donnera
un concert dans les salons Pleyel, le 19 avril au soir. Les premiers artistes
se sont groupés autour du jeune virtuose pour rendre cette séance plus
attrayante. Alard exécutera, avec son élève passé maître, un de ses meil-
leurs duos concertants. Mlle Dorus, MM. Leroy, Veroust, Lévy et Sainte-
Foy, en lui prêtant le concours de leur talent, prouvent l'estime qu'ils
font du sien.
— Le troisième et dernier concert de la Société philharmonique a eu
lieu à .Reims, avec le concours de MIle Aimée Tillemont et M. A. Reichardt.
« M1Ie Tillemont, dit le Courrier de la Champagne, a chanté la cavatine du
Barbier en italien; et, malgré les préventions de notre public pour cette
langue brevetée, elle a forcé les applaudissements, qui, une fois partis,
n'ont plus voulu s'arrêter pendant ses variations sur les Diamants de la
Couronne , et .deux délicieuses chansonnettes : les Deux cœurs, d'EI. Ar-
naud, et la Chose impossible, d'Ed. Lhuillier. »
152
LE MÉNESTREL.
— MUe Joséphine Martin, qu'on n'a pas assez entendue cet hiver,
donne son concert le samedi 13 avril, salle Herz. La brillante virtuose ne
se contente pas d'être un des plus habiles professeurs et compositeurs
pour le piano, elle nous annonce l'audition d'une opérette de sa composi-
tion dont on dit la musique et le poëme charmants. M. Henri d'Alleder
est l'auteur des paroles, c'est dire que le poème est spirituel et plein d'en-
train. Dans le concert qui précédera la pièce, on entendra le beau duo que
M. Chaîne, l'habile violoniste, et Mllc Joséphine Martin, viennent de compo-
ser sur le Faust de Gounod. M. Franco Mendôs, M"e Cordier et les chœurs
de l'Odéon prêtent aussi leur concours à la bénéficiaire.
— ' L'hiver n'aura pas été seulement fertile en concerts et soirées musi-
cales ; les séances d'élèves de nos principaux professeurs sont elles-mêmes
des concerts spéciaux, dans lesquels la musique de piano trône à plaisir.
M. Camille Stamaty a d'abord donné plusieurs séances de ce genre, salons
Pleyel.M. Félix Lecouppey vient d'endonner deux, le 1er et le 2 avril, chez
lui : nombre de ses meilleurs élèves du monde et artistes formés à son
école ont fait entendre plus de quarante morceaux à deux et à quatre
mains. Nous avons à signaler dans le même genre les intéressantes réu-
nions de Mlle Jenny Jousselin, professeur distingué attaché au Conserva-
toire, qui forme nombre d'élèves aux traditions de la bonne musique.
— Parmi les nombreux concerts donnés cette semaine, nous ne devons
pas oublier celui de MUe Joséphine Laguesse , qui avait réuni, dans les
salons d'Érard, le samedi 23 mars, une foule élégante et nombreuse. Les
noms de nos premiers artistes figuraient sur le programme : Mm8 Mancel,
MM. Luchesi, Géraldy, Lebouc, Hammer et Berthelier, ont partagé tour
à tour, avec la bénéficiaire, les applaudissements du public.
— A son concert, qui reste fixé au mardi 9 avril, à 8 heures du soir, à
la salle Herz, M. Bernard Rie nous fera entendre un quintette pour piano,
flûte, clarinette, cor et basson, de M. Ad. Blanc, et de ses compositions , sa
valse, le Rouet, un nocturne (lre fois), une tarentelle (lre fois) et une
étude.
— Mercredi prochain, 10 avril, salle de M. Herz, nous aurons la soirée mu-
sicale annuelle de notre habile professeur de chant, Boulanger-Kunzé. Les
noms des artistes éminents qui doivent coopérer à cette solennité, le soin
avec lequel le bénéficiaire a coutume d'organiser et de diriger cette intéres-
sante soirée, lui assurent à l'avance une réunion nombreuse et choisie.
— Demain 8 avril, M. Jules Faubert fera exécuter, salle Barthélémy ,
une scène lyrique à trois personnages. Cette soirée est placée sous les
auspices de la Société municipale de secours mutuels du quartier Saint-
Thomas-d'Aquin.
— Vendredi prochain , 12 avril, salle Érard, concert donné par M. Al-
fred Jaell, pianiste du roi de Hanovre, avec le concours de Mlle Teresa
Andrini, MM. Dupuis, Jacquard et Marchesi.
— MUc J.-M. de Lalanne fait applaudir, dans nos soirées musicales,
deux de ses nouvelles productions : Absence et Retour, romances sans
paroles, dédiées à Mme F. Lyon. Ce sont deux mélodies d'un très-bon
style, parfaitement appropriées au piano.
— Le concert donné lundi dernier, salle du Palais Bonne-Nouvelle , par
le petit Edouard Singer, chanteur de chansonnettes, âgé de dix ans, avait
attiré plus de monde que la salle n'en pouvait contenir. Cette précoce et
singulière vocation excitait yivement la curiosité, et, défait, le bénéfi-
ciaire lilliputien a été très-choyé. Son âge et sa taille rendaient la chose
piquante. Plusieurs artistes : MUe Marie Cico, le violoncelliste Ghys ,
M. Ambroselli, etc., coopéraient avec bonheur à cette matinée.
Concerts annoncés.
Aujourd'hui 7 avril, matinée de M. Thurner, salle Herz; deMn° Hum-
bert, salle Pleyel , et soirée musicale de Mlle Léonce Tonnel, salle Herz,
avec le concours de Mlle Sophie Lecout, MM. Nollet, Dobbels et Malézieux.
Le lundi 8 : concert du violoncelliste Nathan, salle Herz, avec le con-
cours de Mmes Gaveaux-Sabatier, de la Pommeraye, MM. Graziani, Charles
Poisot, Lebeau, etc. •
Le 9 : concert de V. Boulart, salons Érard ; et de M. Bernard Rie, salle
Herz.
Le 10 : le virtuose Perelli, avec le concours de M11" Marie Cruvelli, de
MM. Zucchini et Montanaro ; M. Michiels , salle Pleyel, et M. Boulanger-
Kunzé, salle Herz.
Le 11 : Mlle Adrienne Picard, salle Pleyel, avec le concours de MM. Le-
roy, Triebert, Rousselot, Jaucourt, Magnien, Casimir Ney et Rabaud; du
violoniste J. White, salle Herz, et de Félix Godefroid, salons Érard, avec
le concours de Mlle Marie Cruvelli, de M. Dello Sedie, du théâtre italien de
Berlin, de M. Dobbels , du théâtre de Bruxelles, et du quatuor de
MM. Baillot et Sauzet.
Le 12 : le pianisteJUfred Jaell, salons Érard.
Le 13 : soirée musicale de notre pianiste-compositeur Camille Stamaty,
salle Pleyel ; concert de M"e Joséphine Martin, salle Herz.
Le 15 : M. A. Mansour , pianiste-compositeur , salle Pleyel, avec le
concours de Mlle Balbi et du violoniste White ; et MIle de la Morlière ,
salons Érard, avec le concours de MM. Jules Lefort, Hayet, Malézieux,
Hocmelle, Diemer et Benfield.
Le 16 : le virtuose Hermann, salle Pleyel.
Le 17 : Louis Lacombe, salons Érard.
Le 18 : M. et Mme Henri Potier , salon des Arts unis ; et M118 Ida
Boulé, salle Herz, avec le concours de Mrae Riquier-Delaunay, MM. Léon,
Lafond, Lebrun.
Le 19 : MUe Virginie Huet, salle Herz, et concert du jeune virtuose
Sarasate, salle Pleyel.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rèdacteuren chef.
Typ- Charles de Mourgues frèr
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1. Chœur : Allah I Allah!
2. Marche de la Caravane, piano. 4 50
3. Avec chœur. La tempête au
désert. Le Simoun
4. Hymne à la nuit, air pr ténor. 3 75
4 bis. Le même, pour baryton. . . 3 75
4 ter. Le même, pour basse 3 75
4 anal. Le même, en italien 3 75
5. Fantasia et danse des Aimées,
pour piano solo 4 50
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7. Rêverie du soir, mélodie pour
ténor 3 75
7 bis. La même, pour baryton. . . 3 75
7 ter. La même, pour basse 3 75
7 quat. La même, en italien 3 75
8. Le lever du soleil
9. Chant du Muezzim, pr ténor. . 2 50
10. Chœur. Départ de la Cara-
vane
Chaque partie de chœur séparée . 6 >>
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tralto, ad libitum, chaque
partie séparée 6 »
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TRANSCRITS ."
a. de Kontski. Improvisata sur
le Désert H les Hirondelles. 8 »
stcpii. Heiicr. Caprice brillant.
Op. 51 9 »
e. Prudent. Le lever du Soleil.
Op. 22 9 »
h. Roseiien. Marche de la Ca-
ravane 9 »
j. b. Durera») Souvenir. Op.
51 5 »
a. tecarpentier. Fantaisie bril-
lante. Op. 102 6 »
Mcicuior niocker. Fantaisie. . . 9 »
f. David. Rêverie du soir 4 50'
Henri Herz. Grand duo concer-
tant, à 4 mains 9 «
h. Roseii.cn. Marche de la Ca-
ravane , à 4 mains 10 »
a. wusnrd. Danse des Aimées,
quadrille à 2 et 4 mains. . . 4 50
a. Durand. Marche pour piano
et orgue 6 »
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(Aux Magasins et Abonnement de Musique du MÉNESTREL. — Tente et location de Pianos et Orgues.)
CHANT.
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SOMMAI UE.
TEXTE.
1. L'opéra-comique, sa naissance', ses progrès et sa trop grande extension:
Conclusion (30 et dernier article;. L. Hêkead. — IL Théâtre-Lyrique : pre-
mière représentation de la Statue, opéra en trois actes de M. Ernest Rêver.
J. Lovy. — III. Semaine théâtrale. J.-L. Heogel.'— IV. Opéra-Cumique :
première représentation de Roi/al-Crovate. J. Lovy. — V. La Société des con-
certs et Hector Berlioz. E. Viel. — VI. Nouvelles, Soirées et Concerts, An-
nonces.
musique o:; chant :
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
L'HIVER ,
Poésie d' Armand Barthet , îmusique de J. Uffenrach , mélodie ex-
traite du recueil des Voix mystérieuses , auxquelles nous avons déjà
emprunté la Barcarolle et Chanson de Fortunio. — Suivra immédia-
tement après : les Lilas , paroles d'EDMOND Roche, musique de
Charles Poisot.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano : '
LA BELLE NIÇOISE ,
Polka-mazurka d'AuGUSTE Durand. — Suivra immédiatement après :
Musette, souvenirs du Mont-Dore, rondo pastoral de Marmo.ntel.
L'OPÉRA COMIQUE
SA NAISSANCE, SES PROGRES, SA TltOP GRANDE EXTENSION.
CONCLUSION.
XXXme ET DERNIER ARTICLE.
Avec Hérold, je termine la biographie générale des musiciens
qui ont illustré l'Opéra-Comique, ne voulant point parler des
auteurs qui militent encore devant le public.
Je dirai au lecteur qui a bien voulu me suivre jusqu'ici de
me pardonner les longueurs d'une étude Irop souvent mono-
tone, en faveur du but pour lequel je l'ai entreprise.
J'ai voulu démontrer que si l'Italie avait doté le monde des
œuvres des Léo, des Durante, des Scarlatti, des Pergolèse, des
Paisiello, des Cimarosa, desRossini...; que si l'Allemagne avait
vu naître les Bach, les Mozart, les Gluck, les Weber, lesMeyer-
beer..., la France pouvait aussi s'enorgueillir d'avoir donné le
jour à des compositeurs nombreux et d'un mérite inconlesté.
Nous avons vu l'opéra-comique prendre naissance sur un
théâlre d'occasion, avec le nom modeste de comédie à ariettes.
En principe, la musique fut donc tolérée seulement dans le
drame, puiselle arriva rapidement au degré d'importance qu'elle
devait avoir dans les ouvrages de Méhul, de Chérubini, de
Boïeldieu, d'Hérold. Mais s'il est heureux pour l'art dramatique
qu'il en soit ainsi, par contre, il me semble dangereux de se
jeter dans un excès contraire et de ne pas se montrer plus sé-
vère dans le choix des pièces qui doivent être jouées devant un
public dont il faut intéresser l'esprit.
Ce public est un grand enfant chez lequel le rire est souvent
près des larmes; il veut qu'on lui serve un breuvage dans lequel
soient mêlées, à dose égale, la sensibilité et la plaisanterie de bon
aloi. Voilà le secret de ces collaborations si heureuses. Favart
et Monsigny, Sedaine et Grétry, Etienne et Nicolo, Scribe et
Auber, de Saint-Georges et Halévy. Mais on a rabaissé au nom
de libretto ce qui s'appelait autrefois poëme, parce que la valeur
littéraire de l'opéra-comique n'est plus celle qu'avait la comé-
die a ariettes ; aussi ne voyons-nous guère se renouveler, pour
la plupart des pièces nouvelles données à notre seconde scène
musicale, l'enthousiasme durable qui accueillait les chefs-d'œu-
vre des maîtres dont je viens de parler.
Quelque optimiste que l'on soit, et tout en rendant hommage
aux œuvres récentes, on ne peut nier que nous ne soyons plus
au temps où, en peu d'années, avaient lieu coup sur coup les re-
présentations de/a Dame Blanche, de Zampa, du Pré aux Clercs,
du Maçon, de la Fiancée, de Fra Diavolo, du Domino noir, de
l'Ambassadrice, de l'Éclair, âaChalet, du Postillon, des Mous-
quetaires et du Val d'Andorre, et de tant d'autres œuvres qui
ont obtenu une popularité européenne.
154
LE MÉNESTREL
Je crois que là raison n'en peut être imputée à l'absence de
compositeurs de talent dans un pays qui possède tant de musi-
ciens illustres; mais que l'on compare les derniers libretti sur
lesquels ces grands artistes ont travaillé avec ceux que je viens
de citer, et l'on trouvera là, je crois, la raison du moins d'ori-
ginalité et dit peu de mérite musical des opéras-comiques de Ces
dernières années.
Il faut, pour faire jaillir la verve des compositeurs français, —
nous l'avons vu dans la biographie d'Hérold en particulier, —
des libretti intéressants, des comédies à arietles spirituelles, gaies
ou émouvantes.
Aujourd'hui, l'Opéra-Comique est devenu une succursale du
grand Opéra. On est parfois étonné, à l'audition de certaines
des partitions qui ont été le plus jouées dans ces temps derniers,
d'entendre l'orchestre s'interrompre pour laisser le dialogue
prendre la place du chant; car si on remplaçait ce dialogue par
un récitatif, on aurait bel et bien un grand opéra dans lequel
personne ne reconnaîtrait le genre primitif. Il semble que nos
compatriotes se dédommagent sur l'opéra-comique de ce que
notre première scène lyrique, — qui devrait être nationale par
excellence, puisque la nation tout entière contribue de ses deniers
à sa splendeur, — serve de piédestal aux compositeurs étrangers.
Il en résulte que les hommes de lettres qui écrivent pour
l'Opéra-Comique ne donnent plus à leurs productions le soin
qu'y apportaient leurs devanciers. Trop souvent ils laissent au
musicien et au machiniste la responsabilité du succès. Je le ré-
pèle, la musique et la parole, dans l'opéra-comique, doivent se
partager équitablement l'intérêt du public.
En copiant l'Opéra, le théâtre de Favart et de Sedaine s'est
cru obligé de donuer une extension très-grande à la mise en
scène, de façon que la plupart des derniers opéras-comiques ne
peuvent plus être représentés en province.
Cela est plus fâcheux pour les auteurs qu'on ne pense, parce
que les grandes et petites villes de France, en confirmant le juge-
ment de Paris, donnaient à leurs œuvres le dernier degré de la
publicité. La pièce ainsi popularisée, quoique dépourvue du
charme que les acteurs de talent et les décorations luxueuses
ajoutent aux représentations parisiennes, était à peu près sûre de
passer à la postérité.
La province se trouve forcée de travailler pour elle-même, et
nous avons eu, dans ces derniers temps, des œuvres originaires
du cru, représentées dans plusieurs villes des déparlements: Mar-
seille, Lyon, Rouen, Bordeaux, Nantes, le Havre , Strasbourg, La
Rochelle, etc. Du reste, il n'y a là rien que de très-heureux pour
l'art musical, car il peut surgir de ces essais quelques artistes de
talent. En Italie et en Allemagne, où il n'y a pas, comme en
France, une capitale unique, les compositeurs écrivent indiffé-
remment pour telle ou telle ville ; c'est ainsi qu'on a vu un opéra
tomber à Rome ou à Vienne, se relever à Naples ou à Berlin.
Il arrive souvent que des pièces d'une valeur incontestée n'at-
teignent pas au succès obtenu par des œuvres moins remarqua-
bles. Il me semble, pour citer un exemple pris parmi les opéras
de M. Auber, que Leslocq doit être considéré comme une des
meilleures partitions de ce fécond musicien. Elle est loin cepen-
dant d'avoir acquis la popularité de celle de F Ambassadrice, du
Domino noir, des Diamants de la couronne.
Que, par suite d'un de ces accidents complètement étrangers à
la valeur de l'œuvre, une pièce de mérite tombe à Paris à la pre-
mière représentation, il est à croire qu'elle ne reverra plus le
jour, et c'est regrettable.
Je le répète donc, l'art musical, et l'opéra-comique en parti-
culier, pourront peut-être gagner à ces efforts de décentralisation
artistique des départements, sans que cela porte la moindre at-
teinte à la suprématie incontestable de la capitale.
On a cherché dans ces derniers temps à piquer la curiosité du
public en donnant des rôles de basse à chanter à des contraltes ;
ceci nuit à la vraisemblance, une des qualités françaises indis-
pensables au succès de la salle Favart. Il serait précieux, cepen-
dant, au point de vue musical, d'employer dans nos opéras-co-
miques ce genre de voix, d'un effet si puissant, mais en ayant
soin d'écrire à cette intention des morceaux spéciaux : on choi-
sirait pour ces parties-là des rôles de femme d'un caractère scé-
nique plus grave que ceux écrits pour les soprani sfogati; des
rôles, en un mot, analogues à celui de Fidès, ce qu'on appelle
dans le drame des mères nobles.
En donnant à une cantatrice des airs de basse, il résulte des
effets peu agréables à l'oreille dans les morceaux d'ensemble,
l'harmonie étant parfois renversée sans raison.
Pour copier en tout le grand Opéra, on a eu recours, dans ces
derniers temps, aux grands effets d'orchestre. On a voulu agir
par tous les moyens imaginables sur les nerfs. L'exemple donné
par certains compositeurs d'ensembles créés à l'unisson a été
suivi par les auteurs d'opéras-comiques.
Que penseraient de nous les Dalayrac, les Nicolo, les Boïel-
dieu, s'ils entendaient des duos dans lesquels les voix ne font
entendre un accord qu'à de très-rares intervalles, et comme par
accident? Ils ne comprendraient pas le charme que le public
trouve à applaudir ces morceaux à l'unisson, ou, pour mieux dire,
à l'octave, par un soprano et un ténor. Je ne sais si c'est une
erreur de mon goût, mais je ne trouve rien de moins musical,
de moins élevé... en dépit du diapason extra-normal employé
pour ces exagérations vocales.
Si ce genre là est le bon, pourquoi applaudit-on encore des
opéras tels qui/ Malrimonio segreto, le Nozze di Figaro,
laGazza ladra? Je ne vois rien de semblable dans ces parti-
tions. Peut-être celte innovation est-elle un progrès"? Je demande
alors qu'on me ramène au Devin du village. L'harmonie est
une précieuse découverte moderne : pourquoi donc y renoncer?
Ce n'est cependant point par paresse ou par ignorance que
nos contemporains adoptent ce système : l'abus des gros orches-
tres et des accompagnements recherchés prouve que îe siècle
n'est ni paresseux, ni ignorant ; il s'en faut même de beaucoup. •
Il y a plus de travail matériel dans les partitions contempo-
raines que dans celle du siècle dernier ; c'est une affaire de
mode : eh bien, je ne serais pas fâché, pour mon compte per-
sonnel, que cette mode passât et qu'on revint, en ce qui touche
l'opéra-comique, à celle qui avait mérité et fixé la vogue du
temps de Joconde, de VIrato, de Jean de Paris, du Maître de
chapelle...
On a abusé de tous les effets, surtout de ceux qui ont réussi
quelquefois. Il en est de même des musiciens contemporains
actuels, qui, pour éviter le banal, abusent, entre autres choses,
par exemple, de la septième diminuée, dont Hérold avait tiré
des effets si puissants en l'employant avec ménagement et tou-
jours à propos. Il résulte de l'usage exagéré des accords sus-
pensifs que la tonalité n'est pas nettement accusée, et que les
mélodies n'ont plus cette franchise d'allure qui assure le succès
de l'ancien répertoire. Les chants sont trop tourmentés, et Tau-
MUSIQUE ET THEATRES.
155
diteur, dérouté par ces altérations perpétuelles, se fatigue et ne
s'attache plus à rien.
Un rhythme franc, une mélodie naturelle, sans trivialité, de
la gaieté, de la verve, de l'esprit, par-ci, par-là un élan de sensi-
bilité, tels sont, selon moi, les éléments constitutifs du genre de
l'opéra-comique.
En un mot, il me semble que l'on doit s'efforcer d'atteindre à
la hauteur de Zampa, sans jamais chercher à faire plus grand.
Comme nous l'avons dit en commençant cette notice de l'opéra-
comique, Zampa est et restera l'oméga du genre.
Léon Meneau.
THEATRE LYRIQUE.
La Statue, opéra-comique en trois actes , cinq tableaux, de MM. Jules
Barbier et Michel Carré, musique de M. Ernest Reyer.
Le musicien fantaisiste qui nous a donné le Selam, Maître
Wolfram elSacountala, vient de faire un pas en avant; mais
un de ces pas qui laissent des empreintes. Voici venir un heu-
reux compromis entre la mélopée vague et les mâles accents
de la symphonie. Cette partition de M. Reyer, disons-le tout de
suite, a su gagner à la fois les sympathies publiques et le suf-
frage des connaisseurs; on y reconnaît les symptômes d'un ta-
lent qui cherche sa voie, — et qui l'a trouvée. M. Ernest Reyer
dédaigne les formules connues, il évite la coupe usuelle des
morceaux et leur allure carrée ; mais l'instinct mélodique, le
sentiment du rhythme, l'abandonnent rarement : tantôt rêveuse,
tantôt simple et naïve, sa cantilène s'adresse à l'âme et captive
l'esprit. Il est vrai que parfois ce dédain du banal enfante la
bizarrerie du contour et l'uniformité de la teinle; en fuyant le
terre-à-terre on se jette par instants dans des mélopées diffuses
et sans fin ; mais ne faut-il pas que chaque tentative nouvelle
ait ses écueils et ses scories?
Hâtons-nous aussi de dire que l'instrumentation joue dans
l'œuvre présente un rôle des plus intéressants; presque tous les
morceaux sont revêtus d'un tissu orchestral des mieux soignés,
trop recherché parfois, mais qui souvent vient masquer avec
bonheur l'insuffisance de la partie vocale, quand il n'en rehausse
pas le caractère. Une des habitudes de M. Reyer, c'est d'accom-
pagner son chant d'un simple dessin de cor anglais ou de flûte;
c'est un procédé dont il ne faudrait pas abuser : une mélodie
aux allures franches, soutenue d'une harmonie nette et précise,
a bien son prix. Au surplus, nous reviendrons tout à l'heure
sur celte partition; essayons d'abord de donner l'analyse du
libretto de MM. J. Rarbier et Michel Carré, libretto taillé en
plein drap dans l'étoffe des Mille et une Nuits.
Le jeune Selim, — un gandin oriental, — gaspille sa jeu-
nesse dans les cafés de Damas, entre l'opium et le hatschich.
Heureusement quelqu'un veille sur lui; c'est le génie Amgyad.
Use présente au jeune homme sous les traits d'un vieux der-
viche. — « Selim, lui dit-il, tu es blasé, rassasié, saturé de
richesse et de puissance ; ce n'est pas le bonheur : suis-moi dans
les ruines de Ralbek ; là je te ferai découvrir des montagnes
de rubis et d'émeraudes; tu seras plus riche et plus puissant
que jamais... »
La méthode curative ne me semble pas très-logique, mais
c'est de l'homéopathie orientale.
Selim se met en route. Arrivé au désert, il meurt de soif.
Une jeune fille se détache d'une caravane pour puiser de l'eau
dans une citerne : c'est la belle Margyane ; elle offre une cruche
pleine d'eau au voyageur altéré. Selim s'apprête à lui exprimer
sa reconnaissance, quand le derviche vient lui rappeler le but
de son voyage. Margyane s'enfuit. — « Maintenant je suis à
toi, » dit Sélim au derviche, et celui-ci, d'un coup de son bâton
magique, fait ouvrir, dans les ruines, la porte d'un souterrain,
où Selim s'engage résolument.
Là s'élève un palais étincelant, orné de douze statues ; un
treizième piédestal est vide : — « Cette statue absente, il faut
la conquérir ; c'est la seule qui comblera tes vœux ; mais, pour
cela, il est urgent que tu épouses préalablement une des plus
pures jeunes filles de la Mecque, et me la livres en toute pro-
priété : alors la statue est à toi. » — Telles sont, ou à peu
près, les paroles de ce génie, aussi capricieux. . . qu'immoral.
Selim jure de remplir celle condition. Le derviche le mène à
la Mecque. C'est là qu'est momentanément domiciliée la belle
Margyane, auprès du vieux Kaloum-Barouch, son oncle et son
seul parent. Or, ce vieux marchand d'olives s'apprête à épouser
sa nièce; mais le derviche — c'est-à-dire le génie Amgyad — lui
emprunte son visage et sa forme, s'installe dans la maison
comme îeuJupiter-Amphilryon, etKaloum-Barouch est forcé de
céder la place à son sosie. Selim épouse sa belle Margyane; et
quand le vrai Kaloum-Barouch revient avec main-forte pour re-
conquérir sa maison, lui et ses acolytes sont métamorphosés en
musiciens tout de jaune habillés, raides comme des automates,
et mêlant un refrain grolesque aux chants de la noce.
Au troisième acte, nous nous retrouvons dans le désert, près
des ruines de Ralbek. L'heure est venue pour Selim de tenir
son serment; mais il est trop épris de Margyane, et ne peut se
résoudre à la livrer au génie. Alors un sommeil magique l'en-
vahit, et Margyane, pour le dégager de sa parole, se laisse en-
traîner dans la caverne. Selim se réveille et se précipite vers la
porte du souterrain ; le théâtre change, et nous voici en plein
palais des Mille et une Nuits. Une troupe d'aimées danse au
bruit des chansons. Les douze statues apparaissent dans le fond,
et une treizième statue voilée est en train de s'élever sur le pié-
destal vide. . . . Selim s'élance pour la briser, car elle est la
cause première de son malheur. . . . mais le voile tombe, et Se-
lim reconnaît sa chère Margyane!... Les épreuves sont finies;
et tout le monde est satisfait.
Vous voyez que ce canevas réunit la fantaisie la plus orien-
tale à la morale la plus élémentaire, nonobstant quelques détails
illogiques; mais Ralbek est trop loin pour que nous y regardions
de si près.
Nous avons donné un aperçu du caractère général de la par-
tition. Pour énumérer tous les morceaux applaudis, il faudrait
plus de temps et d'espace que nous n'en avons. Citons sommai-
rement l'introduction et le chœur du prologue , chœur des man-
geurs d'haschisch, morceau suave et mystérieux qui vous met en
appétit; les couplets de Margyane (Mlle Raretti), au premier
acte; son grand duo avec Selim (Monljauze), et surtout les stan-
ces du derviche (Ralanqué) : C'est un doux mystère, stances
pleines d'onction, que la situation ramène au dénoûment de la
pièce. La cantilène de Margyane et le récit de Selim, enrichis
d'un beau travail orchestral, terminent ce premier acte.
L'entr'acte du deuxième est un vrai fragment de symphonie,
très-réussi, auquel succède un chœur ingénieusement illustré
d'un dessin de petite flûte. Puis viennent de nouveaux couplets
156
LE MÉNESTREL.
de Margyane : Ce n'élail pas vous, qu'on a vivement applaudis.
Mentionnons aussi le duo des vieillards-sosies, écrit dans le
style fugué, et le petit motif des musiciens automates. Ce deuxiè-
me acte se complète par le récit de Margyane et un chœur d'a-
dieu vigoureusement dessiné.
Le troisième acte brille par le duo entre Selim et Margyane,
leur grande scène avec le derviche, entrecoupée de chœurs loin-
tains, et surtout par un scherzo charmant, accompagnant la
danse des aimées. Mentionnons enfin un petit final plein d'é-
clat, et nous aurons indiqué très-incomplètement tous les élé-
ments de cette œuvre, dont le succès a été acclamé d'emblée.
Montjauze a rencontré une excellente création dans le rôle de
Selim. Il s'est spécialement distingué au troisième acte : là,
quelques élans passionnés et deux ou trois puissantes notes de
poitrine, des si, voire des ut, lui ont valu des bravos électri-
ques. Mlle Baretti, bien que souffrante, a chanté et joué avec
grâce le personnage de Margyane. Balanqué (le derviche), War-
tel et Girardot, ont récolté de justes parts dans les applaudisse-
ments de la salle.
La mise en scène a des splendeurs qui attestent l'importance
que la direction du Théâtre-Lyrique attachait à cet ouvrage. Le
décor des ruines de Balbek et celui du palais souterrain sont
prestigieux.
En somme, le poëme de la Statue est attachant, et la musique
est de. celles qui fondent une réputation.
J. Lovy.
SEMAINE THEATRALE.
L'Opéra et les Ilali>
Les Huguenots ont reparu sur l'affiche de I'Opéra, cette se-
maine, à la grande et légitime satisfaction du public. Celte ad-
mirable musique dramatique a d'autant plus intéressé et ému-
tionné les auditeurs, qu'à la demande de notre illustre maestro
Meyerbeer, dit-on, Mme Gueymard prenait possession du rôle de
Valentine; c'est une tentative, ajoutait-t-on, destinée à lui assurer
la création de l'Africaine en partage avec Mme Tedesco. Le pu-
blic et Meyerbeer n'avaient nul besoin de cette expérience pour
souhaiter Mmc Gueymard dans l'œuvre nouvelle qui doit succé-
der au Prophète. Où trouver une voix aussi vibrante, aussi
sympathique, une physionomie plus intéressante, plus naturel-
lement vraie? S'emparer de Mmc Gueymard pour l'Africaine,
c'est aller si évidemment au-devant du vœu général, que l'hési-
tation ne nous paraissait permise ni avant ni après l'heureuse
apparition de la nouvelle Valentine. Le quatrième acte des
Huguenots lui a été parliculiôremenl favorable, et chacun a pu
remarquer combien M. Gueymard s'est inspiré des bravos dé-
cernés à sa femme pour les partager à tous les titres Et
quand on pense que celle Valentine, née d'hier, — la Léo-
nore du Trouvère , et la Laura de Pierre de Médicis , —
avait été refusée d'emblée par M. Crosnier, comme insuffi-
sante au double point de vue de la voix et de la personne sur
la scène de l'Opéra; qu'elle avait été déclarée, sans audition,
indigne de la plus modeste place, des plus maigres appointe-
ments, on doit vraiment bien de la reconnaissance à MM. Al-
phonse Royer et Verdi d'en avoir pensé tout autrement. Si
M. Crosnier était resté directeur de l'Opéra, notre première
scène lyrique n'aurait probablement jamais connu l'une de ses
plus radieuses illustrations.
Du reste, ces partis pris, ces opinions préconçues de tels ou
administrateurs contre tels et tels artistes, portent parfois leurs
fruits. N'est-ce pas à M. Nestor Roqueplan que M. Cazaux doit
d'être aujourd'hui l'une des premières basses de l'Opéra? Ce
chanteur, rivé pendant plusieurs années aux chœurs de l'Opéra,
sentait bien qu'il pouvait infiniment mieux. Il sollicitait, mais
erivain, l'emploi des coryphées; les fins de non-recevoir de son
directeur le décidèrent à quitter le personnel des chœurs pour
aborder les basses chantantes d'opéra-comique. Il prit congé
de son protecteur sans le savoir, M. Roqueplan, et il se
rendit à Orléans, de là à Genève, puisa Toulouse, où les leçons
de M. Laget lui indiquèrent la vraie route à suivre : les premiè-
res basses de grand opéra. Quelques années plus tard, M. Laget
était appelé au Conservatoire de Paris, et M. Cazaux ne tardait
pas à l'y suivre. Sur une audition qui lui fut ménagée par
M. Vauthrot, un engagement immédiat s'en suivit. M. Alphonse
Royer avait compris tout le parti qu'il pouvait tirer de la belle et
largo voix de M. Cazaux, qui vient d'en donner une nouvelle
preuve dansle rôle de Saint-Bris, des Huguenots. Depuis Alizard,
nous n'avions rien entendu d'aussi complet. Il a partagé les hon-
neurs de la soirée avec M. et Mme Gueymard.
Si de l'Opéra vous passez au Théâtre-Italien, vous vous re-
trouvez en présence de M"e Trebelli; mais cette fois dans Senii-
ramide, au lieu d'»7 Barbiere. Nous avions prédit que Rosine
serait encore mieux sous le costume d'Arsace. Au point de vue
delà personnification, nous nenous étions point trompé, mais sous
lerapport du chant, nous avions auguré sans bien peser l'immen-
sité de ce rôle d'Arsace. En femme adroite, en Parisienne ita-
lianisée, M"e Trebelli a fait une très-intéressante miniature de son
personnage; elle n'épargne ni les charmes de la femme ni les sé-
ductions de la voix, pour faire oublier le caractère énergique d'Ar-
sace. Elle avait peut-être abusé des effets complètement opposés
dans le rôle si gracieux, si coquet de Rosine. C'est ce qui nous
avait dérouté. Mais en avons-nous fini avec les surprises que
nous, ménage MUe Trebelli, surprises d'ailleurs agréables sous
plus d'un aspect? Nous ne le pensons pas, car la débutante
nous paraît prendre grande faveur dans le public du Théâtre-
Italien, qui la rappelle chaque soir.
En est-il de même de Mme Mariani Lorini? Nous n'oserions
l'affirmer.
Mme Lorini, visiblement émue tout d'abord, a été si faible au
début du premier acte, que ses qualités en ont naturellement
doublé aux actes suivants. On lui a su gré de sa modestie, de
son émotion, et il faut le dire, de certains traits assez réussis,
dans une voix étendue, mais d'un timbre trop clair, trop froid,
pour le genre italien. Bref, ce n'est pas la Semiramidc rêvée,
bien qu'à un certain point de vue la taille delà débutante et la
richesse des formes puissent accuser une reine de Babylone.
Somme toute, la Sémiramide, qui a royalement défrayé l'au-
tomne et l'hiver 1860-186T à notre grand Opéra-Français, vient
de jeter un nouvel éclat sur les dernières soirées du Théâtre-
Italien, où déjà Mmes Al boni et Penco avaient répondu aux ac-
cents harmonieux des sœurs Marchisio.
Tel est le privilège des vrais chefs-d'œuvre lyriques : ils
peuvent prodiguer à pleines mains leurs trésors aux célébrités
chantantes de tous les pays et de toutes les écoles. Leur noble
hospitalité est intarissable.
J.-L. Heugel.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
157
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE LOPÉRA-COMIQEE.
Royal-Cravate , opéra-comique en deux actes, de M. de Mesgrigny ,
musique de M. le duc de Massa.
M. de Massa a voulu 1âter un peu du métier de composi-
teur, — désir de duc est un feu qui dévore; — il s'est entendu,
à cet effet, avec un autre gentilhomme, M. de Mesgrigny, et
voici le canevas de Royal-Cravate.
Le jeune officier Gaston, un coureur d'aventures, et son bras-
seur Champagne, deux royal-cravates, s'installent de force dans
une auberge, et relèguent l'aubergiste dans une cave; car Gaston
guette un joli minois qu'il a vu monter en chaise de poste, et
dont il espère faire sa proie. Arrivent M. le marquis *", sa nièce
Henriette et une soubrette ; tous trois meurent de faim. Voyant
Champagne affublé du bonnet de coton et du tablier, ils deman-
dent 5 souper. Gaston leur offre de partager son modeste repas;
MUe Henriette paraît sensible aux attentions galantes de M. Gas-
ton ; puis, le souper fini, chacun va se coucher.
Nous voyons successivement reparaître sur la scène, restée
vide et obscure, Gaston, qui vient roucouler à mi-voix devant
la porte d'Henriette; Champagne, 'qui a donné rendez-vous à
la soubrette; puis la soubrette, et même la noble demoiselle,
sortant de leurs chambres. L'affaire s'embrouille et deviendrait
scabreuse, si l'oncle, qui entend du bruit, ne sortait, lui aussi,
avec un flambeau, pendant que l'aubergiste se dresse effaré, sou-
levant la trappe de la cave. Le pauvre aubergiste devait une
explication au marquis, il la lui donne; les royal-cravates,
démasqués et confus, n'ont plus qu'à battre en retraite.
Au deuxième acte nous voici chez le marquis. Celui-ci avait un
fils naturel ; il a su qu'après la mort de la mère, cet enfant s'était
fait soldat. Il l'a fait vivement recommander au colonel; le jeune
volontaire a gagné l'épaulette à Fontenoy, et le marquis a écrit
enfin qu'il voulait le voir. Gaston arrive au château de**® avec
une lettre de son colonel, dont il ignore le contenu, et qu'il
envoie remettre au marquis par Champagne. Le marquis prend
d'abord ce dernier pour son fils, l'accable de caresses et lui
donne la main de sa nièce; mais comme cette erreur, — déjà
fort invraisemblable, — ne saurait durer, Gaston finit par ré-
clamer ses droits et épouse sa cousine.
M. do Massa a orné ce canevas d'une agréable musique d'a-
mateur. Rien de bien saillant, mais abondance de motifs qui
ne vous fatiguent pas les nerfs. Le public a redemandé les cou-
plets de : Tant pis! chantés avec, verve par 'aiiu Lemercier,
qui, avec Gourdin, Nathan, Sainle-Foy et Prilleux, défrayent
avec ensemble le personnel de Royal-Cravate.
J. Lovr.
SEPTIEME COMERT DE CONSERVATOIRE.
Cinq fragments de la belle symphonie de Berlioz : la Dam-
nation de Faust, occupaient une place importante dans le
programme de dimanche dernier. Hâtons-nous de dire qu'ils
ont produit un grand effet, et que le public du Conservatoire, —
public si attaché à ses admirations rétrospectives, — les a ac-
cueillis avec une faveur marquée; le choix des morceaux avait
d'ailleurs été fait avec prudence, de façon à ne blesser aucune
conviction, à n'éveiller aucune susceptibilité ; car, on le sait,
en musique comme en toute autre chose, — plus peut-être, —
il y a les. routiniers et les orthodoxes systématiquement hos-
tiles h toute nouveauté comme à toute hardiesse.
L'orchestre a d'abord dit la petite pièce instrumentale qui
fait suite à la scène des buveurs : Après V orgie de la cave de
Leipzig, Méphislophélès conduit Faust au travers des airs dans
un bosquet du bord de l'Elbe, où il l'endort et lui fait voir
en songe l'image de 3Iarguerite Rien de poétique, rien de
suave comme la peinture instrumentale de ce voyage et de ce
rêve; l'air que chante ensuite Méphistophélès, — par l'organe
de Cazaux — se distingue par une sombre énergie. Il y a, dans
le chœur des Gnomes, des intentions aussi expressives que va-
riées, et rendues avec un faire d'une originalité suprême: ce n'est
pas ainsi que chantent de simples mortels. Même observation à
l'égard du ballet, en mouvement de valse, des Sylphes, sortes de
libellules incorporels, qui, dans leurs ébats, rasent la pointe des
herbes et la cime des fleurs comme le vol de Tilania dans
le Songe d'une nuit d'été. L'étrange sonorité des violons en
sourdines, les notes détachées de la harpe et de la flûte, et par-
dessus tout l'ingénieuse combinaison des timbres, font de cette
danse une dentelle de sons aussi délicate que capricieusement
travaillée ; de nombreux bravos en ont acclamé l'exécution.
Le double chœur d'étudiants et de soldats, dont les caractères
contrastés se marient si bien, grâce aux artifices d'un contre-
point habile, a également obtenu un succès des plus francs.
Bref, le résultat de cette nouvelle épreuve peut être considéré
comme un véritable triomphe pour un maître jadis aussi con-
testé que Berlioz, dans la salle de la rue Bergère. Nous espérons
donc que la Société ne s'en tiendra pas là, et qu'elle nous fera
entendre plus tard d'autres pages de l'illustre compositeur fran-
çais, d'Harold, par exemple, ou mieux encore, de Roméo et
Juliette, en attendant qu'elle inscrive sur son programme une
de ses œuvres, dans toute son intégrité.
La ravissante symphonie en si bémol d'Haydn avait ouvert
le concert, qui comptait encore le beau concerto en ré mineur
de Mozart, parfaitement dit par Mme Mattmann, un chœur du
Paulusde Mendelssohn, et enfin l'ouverture de Léonore (la troi-
sième) de Beethoven, cet infatigable chercheur, toujours à la
poursuite du mieux et du plus parfait.
E. Viel.
NECROLOGIE.
Une artiste, qui brilla longtemps au théâtre de l' Opéra-
Comique, Mme Zoé Prévost, dont la fille a épousé le ténor Mon-
taubr#, vient de mourir dans sa cinquante-neuvième année.
Elle a laissé son nom à tout un répertoire, et ses créations ont
été nombreuses. Chollet était son partenaire habituel. Le Maçon,
le Postillon de Lonjumeau, le Rrasseur, le Panier fleuri, et une
foule d'autres ouvrages trouvèrent en elle une interprète pleine
de verve et d'éclat. Ses obsèques ont eu lieu jeudi dernier en
l'église Saint-Étienne-du-Mont, au milieu d'un grand concours
d'artistes, de musiciens littérateurs et d'amis.
— Une perte plus prématurée nousa été annoncée ces jours-ci :
Mlle Sophie Noël, devenue Mme Boëyé, qui fut, il y a quelques
années, l'une des illustrations du Théâtre-Lyrique, et qu'un
riche mariage avait éloignée du théâtre, au regret de ses admi-
rateurs, vient de mourir âgée de trente-sept ans, dans sa pro-
priété de Neuilly, après une longue et bien douloureuse maladie.
Personne n'ignore avec quel succès elle créa le rôle de Phœbé
dans les Amours du diable, et, conjointement avec Mme Colson,
celui de Néméa dans Si j'étais roi. — Sa mort est aujourd'hui
un deuil sincère pour ses nombreux amis.
158
LE MÊNESTKEL.
NOIJVKLLES IHVEKSKS.
— Au momen» même où le Stabat de Rossini défrayait les saintes soi-
rées parisiennes, Milan fêtait cette belle composition dans un grand concert
vocal et instrumental donné au théâtre philo-dramatique. Quatre-vingts
élèves du Conservatoire, l'orchestre de la Scala, les célèbres chanteurs
Beneventano et Tiberini, associés fondateurs de la Société de secours mu-
tuels pour les artistes, au bénéfice de laquelle le concert avait été organisé,
ont pris part à cette grande solennité.
— ie célèbre contrebassiste Bottesini est en ce moment à Livoume, où
il cumule les honneurs du virtuose et les soucis du compositeur lyrique.
Il est en train d'écrire un nouvel opéra : Marion Delorme, sur les paroles
du librettiste italien Ghislanzoni.
— Les nouvelles d'Espagne nous apprennent que le fameux théâtre du
Lycée de Barcelone, — le plus grand des théâtres de l'Europe, après la
Scala de Milan, — est devenu la proie des flammes. Il est déplorable de
voir de pareils sinistres se succéder si fréquemment.
— Le concours pour le plan de construction du nouvel opéra de Vienne,
vient d'être clos. Le premier prix a été décerné à MM. Van der Null et
Sicardsburg. On compte poser les fondements de l'édifice vers l'automne
prochain.
— ■ Les journaux allemands annoncent la mort du célèbre chanteur
Staudigl, qui, frappé d'aliénation mentale, avait été transporté, il y a sept
ans, dans l'hospice des aliénés à Vienne. On sait que c'était une des plus
belles voix de basse qui se soient fait entendre en Europe. A l'hospice
des aliénés, Staudigl avait la manie de forcer sa voix pour atteindre aux
notes les plus élevées. Quand on lui faisait des observations à cet égard,
il disait : « Sachez que j'ai douze octaves , et que je puis encore aller au-
delà. » Staudigl n'avait que cinquante-trois ans.
— Les oratorios choisis pour être exécutés aux fêtes du mois d'août
prochain, à Birmingham, sont YElie de Mendelssohn , le Messie de Haen-
del, la grande messe en ré de Beethoven, des fragments à'Israël en
Egypte, la Création d'Haydn, Judas Machabée et Samson de Haendel.
— On sait que Donizetti, le célèbre compositeur, avait été frappé d'alié-
nation mentale. Un journal de Constantinople nous annonce que son
neveu, fils de l'ex-direeteur des musiques impériales, vient d'être atteint,
dans cette ville, d'une semblable affection.
— On écrit de Bruxelles, que M. Ch. Hanssens met la dernière main à
son opéra, le Siège de Calais, dont la répétition générale a eu lieu la
semaine dernière.
— Le Cercle duJNord, de Lille, vient de donner un nouveau concert avec
le concours de MUe Marie Sax, de l'Opéra, du ténor Warot, de l'Opéra-Co-
mique, et du jeune virtuose Sarasate pour la partie instrumentale. Comme
on le voit, grâce aux chemins de fer, les départements le disputent à Paris
pour la composition de leurs concerts.
— Amiens. L'inauguration solennelle du grand orgue de l'église Saint-
Jacques aura lieu lundi prochain dans notre ville. M. Edouard Batiste,
professeur au Conservatoire impérial de musique, organiste de Saint-
Eustache, viendra faire entendre les ressources de ce nouvel instrument,
que l'on dit des plus remarquables.
— La deuxième messe solennelle de M. Léon Gastinel, qui a été choisie
par le comité do l'Association des artistes musiciens, pour la fête de l'An-
nonciation, célébrée le 8 avril à Notre-Dame, est une œuvre de la plus
grande valeur. Le Kyrie, le Gloria, le Credo, sont des morceaux large-
ment r'crits et d'un style pur et religieux. Le Sanctus commence par un
effet nouveau : la cloche, qui ordinairement est au maître-autel, et appelle
les fidèles à l'adoration, celte fois est placée comme partie importante dans
la composition ; cette pensée, tout à fait liturgique, n'avait pas encore été
employée. M. Gastinel, pour terminer sa partition, s'est servi du Domine
sulvum traditionnel, et l'a instrumenté pour toutes les ressources mises à
sa disposition (400 artistes], c'est un travail bien fait et dont la sonorité est'
excellente. Cette audition, une des plus importantes de Paris, place M. Gas-
tinel parmi les compositeurs les plus éminents en ce genre.
— M. A. dePellaert a mis en musique des Prières quotidiennes spé-
cialement destinées aux mères de famille et aux institutions religieuses.
Constatons aussi, tout en annonçant celte publication, que M. Pellaert est
auteur d'une grande quantité de dessins (vues d'après nature, etc.] expo-
sés en ce moment dans la salle des Sociétés savantes, rue Bonaparte, 44, et
qui viennent de lui mériter une médaille d'honneur.
— Le journal de Bar-le-Duc consacre tout un feuilleton à la messe de
Pâques, composée par M. Alfred Yung pour l'église Notre-Dame de Bar,
dont il est l'organiste et le maître de chapelle. Nous regrettons de ne pou-
voir reproduire l'intéressant compte rendu de M. J.-J. Duchemin, qui
rend pleine et entière justice à l'habile élève de l'école Niedermeyer. ■
— Aujourd'hui dimanche, en l'église de Noire-Dame-Bonne-Nouvelle,
exécution d'une messe solennelle de A. Leprévost, composée à l'occasion
de la fête patronale de cette paroisse. La messe commencera à dix heures
très-précises. Les solos seront chantés par MM. Warot, Gourdin (de l'Opéra-
Comique), et M. Paquis, premier cor solo du Théâtre impérial Italien.
— Il sera également célébré, aujourd'hui dimanche , à l'occasion de la
fête patronale, à dix heures précises, à l'église des Blancs-Manteaux, une
messe à grand orchestre, de la composition de M. Peny, organiste et pro-
fesseur de chant dans les écoles communales de la ville de Paris. L'or-
chestre et les chœurs seront sous la direction de M. Delahaye, maître de
chapelle, et le grand orgue sera louché par M. d'Ingrande.
— On nous écrit de Perpignan : « Nous venons d'assister à une inté-
ressante séance musicale ; M. Lomagne faisait sa rentrée dans le monde
artiste, après une longue absence. L'excellent violoniste a exécuté plu-
sieurs morceaux de sa composition, qu'on a chaleureusement accueillis ;
quelques artistes et amateurs ont également coopéré au succès de cette
soirée, dont M. Lomagne élait le héros. »
— Nous signalons aux amateurs de publications nouvelles et piquantes
le duo de concert pour un seul violon, écrit par M. Joseph Lomagne pour
Mmc Teresa Milanollo Parmentier, sous le titre du Romanesque moderne.
— Editeur A. Colellc.
— Mlle Delphine Champon vient de rentrer à Paris, après une tournée
dans les principales villes des départements , qui a été , pour l'ha-
bile organiste , une série non interrompue de succès. Le Mémorial
de la Loire, de Saint-Étienne, mentionne l'effet produit, dans un des der-
niers concerts donnés en celte ville par la jeune artiste, qui a ravi l'audi-
toire par la suavité des sons qu'elle tire de l'orgue-Alexandre, dont elle a
fait une spécialité hors ligne. Ses divers morceaux ont tour à tour tenu
le public sous le charme , et le Miserere del Trovatore (piano, orgue et
violon) de J8 Cohen, auquel M. Lefebvre a très-habilement concouru, a été
pour Mlle Champon et ses partenaires comme le bouquet de la fête.
— M. Gozora, le gracieux ténor, est de retourà Paris après une fructueuse
tournée dans quelques départements. Il a été particulièrement goûté
à Lyon, dans plusieurs soirées du monde dilettante, ainsi qu'au concert
de M. Ferdinand de Croze. La Pluie, de Nadaud, et le Charmant Oracle, de
Mme Pauline Thys, lui ont valu, dit-on, une véritable ovation.
— Za[Revue des théâtres nous donne l'état des recettes qui ont été faites,
pendant le mois de mars dernier, dans les établissements soumis à la per-
ception du droit des indigents :
Théâtres impériaux subventionnés 464,092 fr. 45 c.
Théâtres secondaires de vaudevilles et petits spec-
tacles 876,496 30
Concerts, spectacles-concerts, cafés-concerls, bals. 246,057 25
Curiosités diverses 20,222 50
Total 1,606,868 50
SOIREES ET CONCERTS
11 faut renoncer à rendre compte des soirées et concerts de cette fin de
saison. Les indiquer à vol d'oiseau, les signaler aux dilettantes, c'est déjà
tout un travail qui exigerait une administration télégraphique, avec chef
de bureau, sous-chef, et pas mal de commis rédacteurs. El tout cela pour
aboutir à redire que :
Félix Godefroid est et demeure le premier harpiste des temps antiques
et modernes ;
Qu'il signor Perelli possède un poignet dont la souplesse et l'élasticité
défient celui du général Franz Lislz;
Que M. Alfred Jael , sous sa large el puissante enveloppe, cache le jeu
le plus fin, le plus délié qu'on puisse imaginer ;
Que M. Bernard Rie marche sur ses traces, ce qui n'est pas une mince
affaire (100 notes à la seconde I ) ;
Que M. Boulanger-Kunzé , l'habile professeur de chant, a toujours
chambrée complète à ses élégantes soirées, salle Herz, et qu'il a trouvé de
charmantes partenaires en Mu,! Balbi et Mm0 Oscar ^omettant , la double
providence de nos concerts 1801 ;
NOUVELLES ET ANNONCES.
(59
Que M. Charles Ieltsch est un pianiste de la bonne roche, plus agréable
à entendre qu'à nommer ;
Que M. Wliite est un violoniste plein de couleur et de la plus haute
température, à l'instar du climat de Cuba, l'heureux pays qui lui donna
le jour;
Que la belle Mlle Marie Cruvelli, — l'Italie greffée sur l'Allemagne, —
n'est pas faite pour la musique française ;
Que les deux voix des frères Guidon sont sur le chemin , — train
express, — de celles des frères Lionnet ;
Qu'enfin nous n'avons pu assister à la scène lyrique de M. Jules Fau-
bert , salle Barthélémy ; que nous avons de même manqué la séance de
MUe Advienne Picard, et la matinée de M. Thurner, et que nous serons
dans l'obligation de faire défaut, demain lundi, aux concerts de 51. Man-
sour et de MlIe de Lamorlière , comme à beaucoup d'autres qui vont
croître et multiplier en dépit du soleil d'avril ; mais nous en avons pris
notre parti, nous ne rougissons pas de notre abstinence : libre aux bénéfi-
ciaires de s'incruster dans nos salles de concerts , depuis Pâques jusqu'à
'a Trinité.
■ — M. Délie Sedie, à peine arrivé, s'est vu recherché de nos plus célè-
bres artistes et par nos premières solennités. Mercredi dernier, c'était à
l'Opéra-Comique (représentation de Mme Guillemin) ; jeudi, au concert de
FélixGodefroid; le lendemain, auLouvre, chezM. le comte de Nieuwerkerke,
et partout ce grand chanteur a justifié la légitime réputation qu'il s'est
acquise en Italie et en Allemagne. — Chacun se demande comment les
Théâtres Italiens de Paris et de Londres ne s'emparent pas d'un artiste
aussi hors ligne. Où sont donc parmi nous les chanteurs de cet ordre?
— Le mardi de chaque semaine, M. Lefébure-Wély donne des séances
d'orgue et d'harmonicorde dans les salons de M. Debain. Là , les orga-
nistes de Paris, des départements, nos artistes et dames du monde, se font
un vrai plaisir de se réunir sans aucun des apprêts d'un concert. Lefébure
ouvre son orgue et son imagination : le clavier parle, et si bien qu'on y
revient toujours avec un nouvel empressement. Mardi dernier il nous mé-
nageait uns surprise : à côté de l'orgue un piano se trouvait placé, et près
de l'organiste, une charmante jeune fille, la sienne, couronnée aux exa-
mens de l'Hôtel de Ville, ce qui ne l'empêche pas d'être déjà une délicieuse
pianiste, M"c Lefébure nous l'a du moins prouvé en se jouant avec autant
de bon goût que d'aisance de tout un concerto de la composition de son
père. Le piano tenait les solos, l'orgue remplissait les fonctions d'orchestre.
Cette œuvre, capitale en plus d'un point, a ravi tous les spectateurs, et
moitié des applaudissements reviennent de droit à la jeune interprète,
élève, nous a-t-on dit, de Mu° Remaury, disciple elle-même de l'école Le
Couppey.
— Le concert du virtuose Sighicelli n'aura pas été l'un des moins
attrayants de la soirée. Indépendamment de l'attrait de son violon, qui
s'est multiplié avec la même supériorité dans Beethoven, Rossini, Reber
et deBériot, le programme réunissait les noms de MM. Badiali, Zucchini,
et de Mme Grisi pour la partie vocale ; de MM. Leroy, Paquis, Marzoli, Emile
Rignault, Mayer, du Bailly, Peruzzi et Bernardel, pour la partie instru-
mentale. Aussi la salle était-elle comble et du plus beau monde.
— Voici le programme du concert donné par Louis Lacombe, mer-
credi prochain, 17 avril, dans les salons Érard. Première partie : 1° Les
Veilleurs de nuit, chœur sans accompagnement. L. Lacombe. 2° Duo pour
piano et clarinette, C.-M. de Weber (allegro, andante, rondo), exécuté par
MM. Ad. Leroy et Lacombe. 3° Cavatine et ensemble de la Madone, L. La-
combe, chantés par Mme Anna Barthe et M. J. Lefort. 4° a. Étude en la
bémol, F. Chopin ; b. Marche turque, L. Lacombe; c. Étude eu si bémol
mineur, L. Lacombe. 3° a. Ressouvenir, poésie de Turquety, L. Lacombe;
6. Barcarolle de laMudone,L. Lacombe, chantée par M. J. Lefort. 6° Ou-
verture de la Madone, L. Lacombe, arrangée pour deux pianos par l'au-
teur, et exécutée par MM. Joseph Wieniawsky et Lacombe. — Intermède :
Une Femme qui joue de V orgue, A. de Gaspérini ; La Vierge au rameau
d'olivier, Barillot, poésies déclamées par M. Boccage. — Deuxième par-
tie : 1° Cimbres et Teutons, poésie de Barillet, L. Lacombe, chœur avec
accompagnement d'orgue et de deux pianos, exécuté 'par MUE Delphine
Champon, M. Joseph Wieniawski et l'auteur; le solo sera chanté par
M. J. Lefort. 2° a. Nuits de Juin (redemandées), L. Lacombe ; b. Le Rêve
de l'enfant, L. Lacombe, chantés par Mme Anna Barthe. 3° Mélodies hon-
groises, F. Listz. 4° Chœur de Quentin Durward, Gevaert. — Les chœurs
seront chantés par les.Sociélés réunies de l'Harmonie de Paris (directeur,
M. Phillips), et de l'Union musicale (directeur, M. Chérêt). — L'orgue,
joué par MUe D. Champon, sort des ateliers de M. Alexandre.
— A la prochaine soirée musicale donnée par M™ Gaveaux-Sabatier,
dans les salons d'Érard (mardi 23 avril), le programme se composera de :
1° A la porte, opérette de M. Hignard, paroles de M. Varconsin, jouée et
chantée par Mmc Gaveaux-Sabatier et M. Biéval; 2° un intermède instru-
mental par MM. L. Diemer et Sarrasate; 3° Du feu sous la neige, opéra-
comique en un acte de M. le comte d'Indy, paroles de MM. A Lefranc et
Alichel Masson, joué et chanté par Mmes Gaveaux-Sabatier, Anna Barthe,
MM. Capoul et Adam; 4° de chansonnettes par M. Castel. Voilà un pro-
gramme qui ne demande pas de commentaire.
— Des artistes coutumiers du succès ont coopéré au concert du violon-
celliste Ernest Nathan. Nommer Mmc Gaveaux-Sabatier, le baryton Gra-
ziani, M11" Laure Durand, fort mezzo-soprano, et M. Félix Lé.... (voix
d'amateur très-goùtée), c'est faire l'éloge de la partie vocale. MM. Ch.
Poisot (piano) et M. Lebeau (orgue-Alexandre), se joignaient avec bonheur
au bénéficiaire pour la partie instrumentale. Tout le monde a été vigou-
reusement applaudi , même le jeune B...., qui remplaçait le comique
Brasseur.
— Jeudi prochain 18 avril, à deux heures, salle Herz, matinée musi-
cale et dramatique, donnée par M. Auguste Durand, organiste du grand
orgue de Saint-Roch. Partie musicale : Mmc Anna Barthe, MM. Coulon,
Magni; partie dramatique : Il ne faut pas jouer avec le feu, comédie-
proverbe, jouée par Mlle Delaporte, MM. Luguet et Priston, du Gymnase.
M. Auguste Durand se fera entendre sur un instrument d'Alexandre.
— Samedi 20 avril, salons Érard, dernier concert de Jules Lefort, engagé
au Théâtre-Lyrique, à de superbes conditions , pour l'inauguration de la
nouvelle salle. MM. Lefébure-Wély, Hermann et Alexandre Batta, pren-
dront part, avec Mme Wékerlin-Damoreau, au beau programme de celte
soirée musicale.
— Samedi prochain 20 avril, salle Herz, soirée musicale de M11" Virginie
Huet, pianiste et organiste, qui exécutera : 1° sur le piano, le Jour de
printemps, de A. Goria, la Marche turque, de Mozart, et la valse favorite
d'Ambroise Thomas; 2° sur l'orgue, trois pièces de Lefébure-Wély et
l'Appel des pâtres, de Lebeau; 3° pour piano et orgue, l'adagio et polonaise
de la sérénade de Beethoven, et pour piano, violon et orgue, avec MM. Die-
mer et Magnien, la Prière des bardes, de Félix Godefroid. M"° Balbi, la
nouvelle fauvette de nos concerts, et M. Delle-Sedie, du Théâtre-Italien de
Berlin, feront, avec les duetti des frères Guidon et la musique de l'avenir
de M. Tayau, les honneurs de la partie vocale.
— Le concert de V. Boulart a été des plus intéressants : il a fait en-
tendre un quatuor d'Haydn, un trio de Beethoven, l'adagio et le finale du
premier^ concerto de Vieuxtemps, dans lequel il s'est fort distingué.
M11" Dorus s'est fait applaudir dans l'air du Préaux Clercs et dans le duo
de Don Juan. Enfin, M. Nollet, avec sa harpe, a heureusement impres-
sionné l'auditoire ; MM. Alex. Tilmant, Adam, Bernardt, Dumeslre et Ber-
thelier, ont également contribué au succès de celte agréable soirée.
— Dimanche dernier, Mllc Humbert avait convié ses élèves et ses amis à
venir entendre de la musique dans les salons Pleyel. La sonate de Beetho-
ven, op. 17, pour piano et violoncelle, a ouvert la matinée et a été dite avec
un ensemble parfait; le rondo surtout, brillamment enlevé, a valu à
M11" Humberl et à M. Alard de nombreux applaudissements. Le concerto
en ré mineur de Mozart, avec accompagnement de quintette, a fourni à
l'exécutante l'occasion de prouver une fois de plus que le piano, si souvent
et si injustement décrié, peut émouvoir et impressionner quand il est en
bonnes mains. Une bagatelle de Beethoven et les Moissonneurs, de Coupe-
rin, ont été rendus avec non moins de perfection; et la Valse des oiseaux,
de Stamaty, demandée et couverte d'applaudissements, a terminé cette
séance. Parmi les artistes qui ont prêté leur concours à M110 Humbert, ci-
tons M. Léon Lafont, qui a chanté avec beaucoup de goût deux mélodies.
Mme Alard-Guérette, mariant sa voix au violoncelle de son mari, en faisant
résonner le Cor des Alpes de Proch, et M"e Gallino, une toute charmante
élève de Mrae Labadie.
— Apres de beaux succès dans plusieurs salons , Mme Scotl-Morel s'est
fait entendre tout récemment au concert que M. H. de Kontski a donné
salle Érard. Mmc Scott-Morel a partagé avec le bénéficiaire les honneurs
de la soirée. Elle avait choisi des morceaux de genres bien opposés, la
romance de Robert le Diable et l'air de Santa Lucia.
— Mlle Corinne de Luigi annonce son second concert, salle Herz, pour
le vendredi soir 26 avril.
— concerts beaulieu.— M. Beaulieu, de Niort, l'un des plus anciens
JGO
LE MÉNESTREL.
lauréats de Rome, et correspondant de l'Institut, a fondé l'an dernier, à
Paris, des concerts de chants classiques destinés à remettre en lumière des
chefs-d'œuvre ignorés de la génération actuelle, et dont le produit e«t versé
dans la caisse de secours de l'Association des Artistes musiciens. C'est donc
une double satisfaction offerte aux amateurs qui recherchent le beau et
qui aiment à faire le bien. On annonce, pour le 25 de ce mois, la seconde
séance des concerts de Beaulieu; elle sera de nature à exciter au plus
haut degré l'intérêt et la curiosité des véritables amateurs, par le choix
des compositions et le talent des interprètes.
— M. Pajni, pianiste-compositeur, s'est fait entendre à la salle Herz, au
concert annuel de M. Scherek, violoniste. Le public de cette soirée a été
prodigue d'applaudissements et de rappels. Quoique M. Pajni ne soit d'au-
cune école, — et peut-être à cause de cela, — il a retrouvé, salle Herz, les
succès qu'avaient ses compositions dans les salons où il les avait précé-
demment fait entendre.
— Nous appelons toute l'attention de ceux de nos lecteurs qui s'occu-
pent de musique d'église sur l'important volume d'histoire de musique
religieuse publié par M. Eélix Clément, à la librairie Adrien Leclerc. Le
temps et l'espace ne nous permettent pas de consacrer un article spécial à
cette intéressante publication, composée d'ailleurs d'une si grande quan-
tité de documents, que la lecture seule peut arriver à en donner une idée
On peut dire que ces deux volumes résument, sous le double point de vue
littéraire et musical, tout un travail de bénédictin.
— La librairie Hachette vient de publier en peu de pages un livre
intéressant à plus d'un titre. Olivier l'orphéoniste est l'œuvre d'un com-
positeur distingué, M. Laurent de Rillé; c'est un roman qui contient des
scènes touchantes, des tableaux de mœurs curieux et vrais, des silhouettes
d'artistes célèbres, des légendes fort originales, des théories musicales
complètes, et par-dessus tout, un bon grain de moralité. Olivier l'orphéo-
niste fait partie de la Bibliothèque des chemins de fer. — Prix : 1 franc.
— Les Hymnes et chants nationaux de tous les pays viennent d'être
• traduits en français par le comte Eugène de Lonlay, qui termine en ce
moment un semblable travail pour les Mélodies et Chansons populaires
étrangères. P,ar leur charme et leur originalité , ces nouvelles traductions
ne peuvent manquer d'être fort recherchées.
— L'éditeur Richault vient de publier le quatuor en ut de M. C. Es-
tienne, qui a été exécuté par Camille Sivori, lors de son dernier séjour
à Paris.
— Sous le titre : Les Noces, l'éditeur Choudens vient de publier une
marche et une schotlischde salon de M. Octave Poix, l'un de nos pianistes-
compositeurs de mérite.
exacte. M. Félix Clément a également publié, à la librairie Leclerc, un
choix des principales séquences du moyen âge, tirées des manuscrits du
J.-L. Heugel, directeur
3. Lovt, rédacteur en chef.
temps, traduites et mises en parties par lui, avec accompagnement d'orgue.
Tjp. Charles de Mourgues frères, rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
Librairie ADRIEN LECLERC et C% 29, rue Cassette.
HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA MUSIQUE RELIGIEUSE
1™ PARTIE :
Il CHANT GRÉGORIEN.
FÉLIX CLÉMENT.
2« PARTIE :
LE I-I, U.1-CMA vr ET LA MUSIQUE.
Maître de chapelle et organiste de la Sorbonne et du collège Stanislas , membre de la Commission des arts et édifices religieux
au Ministère de l'Instruction publique et des Cultes.
DU MÊME AUTEUR :
Choix des principales Séquences du moyen-âge, tirées des manuscrits, traduites en musique et mises en parties,
avec accompagnement d'orgue.
En vente chez GAMBOGI frères, éditeurs, 15, boulevard Montmartre.
OPÉRA-COMIQUE
MAITRE CLAUDE
MUSIQUE
de
JULES COHEN.
Les airs détachés avec accompagnement de piano, par A. BAZ1LL.E.
Ouverture pour le piano 7 50
1. Couplets chantés par M. Berthelier : Dans le Royal-
Cravatte 6 »
1 bis. Les mômes, transposés pour baryton 6 »
2. Romance chantée nar M. Gourdin : Je rêvais un peu de
gloire '. 3 50
3. Couplets chantés par Mllc Cordier : Dans notre auberge,
Monseigneur 3 50
4. Couplets chantés par M. Troy : Allons au FrancChnsseur. 4 »
5. Clianson chantée parM"e Marimon : L'autre jour, sur le
bord de l'eau 3 50
5 bis. La même , transposée pour mezzo-soprano 3 50
G. Mélodie chantée par M. Gourdin : Ah I c'est peut-être du
délire 5 »
7. Couplets chantés par Mlle Marimon : Tous les deux au
bois, allons cueillir la noisette 3 50
7 bis. Les mêmes, transposés pour mezzo-soprano.
POUR PARAITRE TRÈS-PROCHAINEMENT :
Partition piano et chant , Net. 8
[Arrangée pour la conduite de l'orchestre.)
Parties d'orchestre Net. 50
MUSARD. Quadrille pour piano 4 50
ETTLING. Polka pour piano » •>
CR AMER. Fantaisie facile pour piano 6 »
762. — 28e Année.
N« SI.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 21 Avril
1861.
3~*>vr"g*
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'encher.
LES BUREAUX , S bis, rue Vivienne. — HEUGEL et C'% éditeurs.
(Aux Magasins et Abonnement tle Musique du MÉNESTREL. — Tente et location de Pianos et Orgues.)
CHANT.
« Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les (lima
Scènes, Mélodies, Homances, paraissant fie quinzaine en
primes illustrés. — Un an : 15 fr.; Province : 18 fr.
elles; su Morceau
quinzaine; l Albnn
Etranger: 21 fr.
PIANO.
« Mode d'abonnement . Journal-Texte, tous les dimanches; to morceoiii
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Alliuiin
primes illustres. — Un an : 15 fr.; Province: 18 fr. ; Étranger: 21 fr.
CHANT ET PIANO ItEUNIS t
3» Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les 5ï Morceaux de cliantet de piano, les ê Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du 1er de chaque mois. — L'année commence du 1«' décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser/Vanco
un hon sur la poste, a MM. HElinri. et C"", éditeurs du Ménestrel et de M Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. )
Typ. Charles de Mourgues 'réres,
rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. Méhul et ses œuvres (1« article). P.-A. Vieillard. — II. Semaine théâtrale.
J.-L. Heucel et i. Lovv. — III. La Société des jeunes artistes et M. Pasdeloup.
J. Lovv. — IV. Petite chronique : Un Musée d'instruments de musique au
Conservatoire. — V. Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
MUSIQUE W I'IA1\0:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le nu méro de ce jour :
LA BELLE NIÇOISE,
Polka-mazurka d'AuGusTE Durand. — Suivra immédiatement après :
Musette, souvenirs du Mont-Dore, rondo pastoral de Marmontel.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
LES LILAS ,
Paroles û'Edmond Roche, musique de Charles Poisot , production
chantée par M. Archaimbaud. — Suivra immédiatement après : la
Chanson à boire, chantée par Mlle Marimon dans Barlcouf, paroles de
MM. Scribe et Boisseaux, musique de J. Offenbach.
MEHUL
Nous avons terminé la publication du travail de M. Léon Me-
neau sur la naissance, les progrès et la trop grande extension de
V opéra-comique. Nous avons vu passer un à un les créateurs et
propagateurs du genre, depuis Dauvergne jusqu'à Hérold. Mais
dans ce travail d'ensemble et tout spécial à l' opéra-comique, il
est arrivé que certaines grandes figures n'ont pas rencontré là tout
le développement qui leur était dû. De ce nombre nous citerons
entre autres Méhul et Chérubini, qui ont illustré à la fois les
scènes de l'Opéra et de l'Opéra-Comique.
Nos lecteurs nous sauront donc gré de revenir sur ceux de nos
grands musiciens dont on ne se lasse d'ailleurs jamais de relire
les moindres détails biographiques. Ils salueront avec un nou-
veau plaisir les épisodes tombés dans le domaine et seront heu-
reux de faire connaissance avec de nouveaux incidents, de nou-
velles appréciations.
Ceci dit, nous donnerons d'abord la parole à l'intéressante
notice de M. P.-A. Vieillard, sur Méhul et ses œuvres.
MÉHUL ET SES ŒUVRES.
Et me meminisse juvabit.
Virgile, Enéide
On ne saurait le méconnaître : en ce moment, et même depuis
plusieurs années, il se produit en Europe, surtout en France ,
un mouvement remarquable en faveur de la musique. Simple
amateur, mais amateur passionné, je n'ai pu reconnaître ce
mouvement sans désirer m'y associer, dans la mesure, très-
bornée, de mes connaissances, mais très-étendue, de mon en-
thousiasme. Sans examiner ici la question sur laquelle anciens
et modernes ne tomberont jamais d'accord, de savoir si, aujour-
d'hui, l'art de la composition dramalico-lyrique est en progrès
ou en décadence, je signalerai ce fait, que les dernières années
ont vu se produire au jour des travaux multipliés et d'un haut
intérêt, soit comme étude et analyse théorique des chefs-d'œuvre
de la scène du chant, soit comme étude historique et critique
des principaux faits dont se compose la biographie de ces grands
maîtres.
Mozart a déjà fréquemment été l'objet d'études et de publi-
cations à la fois scientifiques et biographiques. Rossini, peut-
être son plus digne émule, a obtenu le même honneur, et Gluck,
leur immortel devancier , vient de voir son nom et sa gloire
rajeunis par un admirable travail de M. le premier président
Troplong, président du Sénat; travail qui a passé des pages de
la Bévue contemporaine dans les colonnes du Moniteur, où, le
3 janvier, on a pu voir avec quelle sûreté de goût, avec quelle
puissance d'érudition, avec quelle justesse d'analyse et quelle
grâce de détails, une nature d'élite sait allier le culte et la pra-
tique des arts qui font le charme de la vie, aux lumières qui
président à la conservation des lois et à la défense de la société.
162
LE MÉNESTREL.
Si aucune autre contrée de l'Europe ne saurait disputer à la
France le prix du poëme dramatique, nous devons reconnaître
la supériorité de l'Italie et celle de l'Allemagne dans tous les
genres de composition dont la musique forme la base. Cepen-
dant, telle est notre aptitude pour l'étude et pour la pratique de
tous les arts, telle est la perfection de notre intelligence et l'ex-
cellence de notre goût, qu'il faut, je crois, mettre sur le cnmpte
de circonstances purement accidentelles le faible degré d'infé-
riorité qui sépare l'école française musicale de l'école de Cima-
rosa et de Rossini chez nos voisins du sud, de celle de Mozart
et de Beethoven chez nos voisins de l'est et du nord.
Le premier, Rameau, au milieu du siècle dernier, introduisit
sur la scène de l'Opéra la vraie musique dramatique, qui rem-
plaça, pendant près d'un demi-siècle, l'insipide mélopée de Lulli
et de ses premiers successeurs. En 1753, J.-J. Rousseau fit ré-
volution dans la musique française par le petit acte du Devin
du village, de nos jours banni de la scène, à la suite d'une
insulte aussi slupide que brutale. Après Rousseau, on vit suc-
cessivement Philidor, Gossec, Monsigny et enfin Grétry apporter
au drame lyrique et à la comédie à ariettes de nouveaux moyens
de succès et des perfectionnements qui avaient déjà élevé l'art à
un haut degré de splendeur, lorsque, vingt-cinq ans avant la fin
du siècle dernier, la rivalité de Gluck et de Piccini, en mettant
aux prises sur la scène de notre Opéra les deux grandes écoles
allemande et italienne, occasionna cette lutte si mémorable dont
le passé n'avait point offert d'exemple, mais qui devait si large-
ment tourner au profit de l'avenir.
Oui, je n'hésite point à le dire, c'est à la guerre des Gluckistes
et des Piccinistes, aux idées qu'elle remua, aux systèmes qu'elle
fit éclore, aux exemples qu'elle offrit, en un mot, à l'émulation
enthousiaste qu'elle excita de tous côtés, qu'il faut rapporter
l'amour des Français pour la grande musique du théâtre, et
l'origine réelle de notre école française du drame lyrique. Ceci
est une vérité de sentiment; mais pour l'établir sur les faits, je
n'aurais que l'embarras du choix.
Eh bien, je ne balance pas à l'affirmer : le nom de Méhul
offre la plus complète expression de ce grand mouvement artis-
tique et de l'école, à jamais célèbre, à laquelle il donna nais-
sance. L'âge de Méhul, la date de ses débuts, le nombre et l'éclat
de ses succès placent incontestablement ce maître à la tête de
cette brillante pléiade de compositeurs français, dans laquelle
marchent à ses côtés, et plus ou moins près de lui, Lesueur,
Berton, Boieldieu, Hérold, Catel, Kreutzer, Nicolo Isoard, et
enfin, M. Auber. J'ai placé ici le nom de Nicolo, parce que ,
quoique né h Malte, complètement inconnu en France à son
arrivée, il y a remporté au théâtre uno longue suite de succès
qui ont fait de lui le plus digne héritier du charmant Dalayrac.
Méhul vint au jour le 24 juin 1763, à Givet, petite ville de
la Flandre française, où son père exerçait les fonctions de garde
du génie. Enfant précoce, sinon déjà enfant sublime, dès l'âge
de dix ans il touchait l'orgue au couvent des Récollets, et pour
l'entendre, la foule désertait l'office paroissial. Bientôt appelé à
la célèbre abbaye de la Valdieu , située dans la forêt des Ar-
dennes, il y fortifia tellement son talent et accrut sa réputation,
que, lorsqu'il eut atteint l'âge de quinze ans, un riche protec-
teur, enthousiaste des arts, se chargea de pourvoir, à Paris, aux
frais de son éducation musicale et d'assurer son avenir.
Il arriva à Paris en 1778 : l'année suivante eut lieu la pre-
mière représentation i'Iphigénie en Tauride, ce chef-d'œuvre
immortel de Gluck. On a raconté à cette occasion un fait qui
aurait eu lieu entre le maître et l'élève encore inconnu. Je ne
redirai point ici celte anecdote, à laquelle j'ai d'excellentes rai-
sons pour ne pas croire, et que, plus tard, on a mise sur le
compte do Boieldieu (1); mais je dirai qu'en effet Méhul eut
accès près de Gluck, qui, frappé de ses dispositions, lui accorda
libéralement d'excellents conseils, dont on sait comment Méhul
sut profiter par la suite. Plusieurs essais, tous dans le genre du
grand opéra, furent le produit de ces rapports, trop tôt inter-
rompus par le départ do Gluck, qui quitta en 1780 la France,
où il ne revint que pour y faire, en 1787, une courte apparition,
à l'époque de la représentation des Danaïdes, opéra dont la mu-
sique, ébauchée par Gluck, fut terminée avec le plus grand suc-
cès par Salieri.
Sous l'autorité du patronage de Gluck, un des opéras mis en
musique par Méhul, Cora, avait été reçu à l'Académie royale;
mais vis-à-vis do rivalités comme celles de Piccini, Sacchini et
Salieri, à quoi pouvait prétendre un jeune homme de vingt ans,
non certes dépourvu de talent, mais dénué de toute protection à
la Cour, et trop fier, comme trop loyal, pour chercher à s'en
procurer par l'intrigue? Méhul vit donc qu'il fallait attendre,
et il attendit.
P. -A. Vieillard.
( Lu suite au prochain numéro. )
Pour répondre aux nombreuses réclamations qui nous par-
viennent , nous nous empressons d'annoncer à nos lecteurs
qu'avec le mois de mai nous reprendrons le cours régulier de
nos Tablelles du pianiste et du chanteur , trop souvent inter-
rompues par les premières représentations et les concerts de
cette fin de saison 1861. Un remarquable travail littéraire et
musical sur Chopin et ses œuvres, ouvrira cette nouvelle série
d'articles spéciaux si recherchés par nos professeurs et leurs
élèves. C'est M. H. Barbedette, l'auteur de l'importante notice
sur Beetïioven, précédemment publiée par le Ménestrel, qui
a bien voulu écrire spécialement pour nous un nouvel essai
de critique musicale sur Chopin, le poêle du piano.
SEMAINE THEATRALE.
l'opéra et les italiens.
Plusieurs belles cl fructueuses représentations ont confirmé
la prise de possession du rôle de Valenline des Huguenots, par
Mme Gueymard. Bien mieux, on affirme que non-seulement
Meyerbeer s'est empressé de lui assjirer l'Africaine, mais que
(1| Presque toutes les biographies racontent que Méhul, alors âgé de
quinze ans, s'était faii enfermer dans la salle de l'Opéra, la veille de la
première représentation â'Jphigênie en Tauride, dans l'espoir d'acheter,
au prix de vingt-quatre heures de séquestration et d'abstinence, la jouis-
sance gratuite de l'audition de l'œuvre magistrale. On ajoute qu'ayant été
découvert quand Gluck se trouvait encore dans la salle, celui-ci, ému de
ce trait de naïf enthousiasme, non-seulement accorda un billet à Méhul ,
mais lui donna un accès facile dans sa maison et le dirigea dans ses pre-
miers travaux.
On a dit aussi que Boieldieu, à l'âge de douze ans, s'était fait enfermer
dans la salle de spectacle de Rouen, afin de jouir gratis de la représenta-
tion du lendemain. J'ignore tout à fait s'il y a quelque chose de réel dans
ces anecdotes jumelles ; mais je sais que Méhul n'a jamais Tait allusion de-
vant moi à celle qui le concerne, quoiqu'il revint volontiers et très-fré-
quemment sur les souvenirs de sa pieinière jeunesse , souvenirs dans le
récit desquels il trouvait autant de plaisir qu'il savait y mettre de charme.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
103
de plus, l'illustre maestro s'est enfin décidé à livrer sa parti-
tion, et que les répétitions commenceront avec la fin de cet été.
Voilà une grosse nouvelle, et qui, cette fois, paraît être défini-
tive. On reparle aussi, et probablement dans le môme but, de
rengagement de M. Faure, qui débuterait préalablement dans
Guillaume Tell, dès son retour de Londres. Nous avons. encore à
enregistrer, en ce qui concerne les nouvelles du jour h I'Opéra,
les débuis de M"e de Taisy, connue dans nos concerts et so-
ciétés philharmoniques sous le nom deM"e François. Filled'un
négociant de Nantes, celte jeune cantatrice n'avait travaillé
jusqu'ici qu'en prévision des concerts. Les conseils de ses amis
et les leçons de Piermarini l'ont fait aspirer au théâtre, et voilà
comment, lundi dernier, M"e de Taisy se présentait pour la pre-
mière fois sur la scène; et quelle scène, celle de l'Académie
impériale de musique! Cet immense public, l'orchestre, la
rampe, l'inquiétaient autant que son personnage, son costume,
el tout ce qui touche au théâtre, choses absolument neuves
pour elle. Malgré une émotion visible, une inexpérience incon-
testable, MMe de Taisy a su faire applaudir une voix faite pour
l'opéra; et bref, la nouvelle Lucie promet une bonne canta-
trice, — le travail et le temps aidant.
Au Théâtre-Italien, une autre débutante, maisqui, celle-ci,
arrive précédée de trophées recueillis à Madrid et à Berlin,
M"e Trebelli, continue d'exciter l'intérêt public au triple point
de vue de la personne, de la voix el du talent. Une représenta-
tion extraordinaire nous a donné celle semaine un spécimen
de M"c Trebelli dans le Brindisi de Lucrezia Borgia. Rien
déplus séduisant à voir que cette gracieuse et élégante Pari-
sienne italianisée. . . au vocal seulement. Mlle Trebelli porte à
ravir le costume d'Orsini. Elle a redit le même soir, deux scè-
nes d'il Barbicre, entre autres celle de la Leçon de chant, dans
laquelle, celte fois, elle nous a fait entendre le rondo de la
Cenercntola. A ce propos, M. Gustave Bertrand, de l'Entracte,
dresse une assez curieuse statistique des airs intercalés depuis
près d'un demi-siècle dans le Barbier de Séville de Rossini.
Voici ce qu'écrit à ce sujet M. G. Bertrand :
« Avec l'aide de quelques vieux dilettantes, nous avons fait
un relevé assez curieux, croyons-nous, des airs favoris qui ont
été intercalés à la leçon de chant ù'il Barbierc par les plus il-
luslres Rosines. Mme Mainvielle-Fodor, par qui le Barbier a été
chanté d'origine, à Paris, en 18J9, avait une prédilection pour
l'air de Tancredi : Di lanli palpili; M"c Giulia Grisi, pour une
cavatine de la Donna del lago. D'autres préféraient le rondo de
la Cenercntola ou celui de VItaliana. L'air do \aMolinara, que
vient de redire M"e Trebelli, a été chanlé non-seulement par la
Malibran, mais par Mme Catalani el par M"1" Peisiani, La tyro-
lienne de Pixis, célèbre sous la Restauration, fut choisie quel-
quefois par M'nc Malibran ctMUc Cinli.
« Le répertoire vocal n'offrant plus d'assez grandes difficultés
aux virtuoses, on arrangea pour Rosine les airs de violon ou de
piano les plus impossibles qu'on put trouver. C'est ainsi que les
variations de Rodde et les variations de Hummcl, tour à tour
chantées par Mme Alboni, ont été arrangées, celles de Rodde
pour MUc Sonlag, et celles de Hummel, pour la Malibran.
« Nous avons entendu là mazourka do Schuloff par Mme de
La Grange, la célèbre valse de Venza.no par Mrae Gassier.
« Mme Viardot-Garcia aimait à chanter quelqu'un de ces
beaux airs espagnols qu'elle dit souvent encore dans les concerts :
elle a surtout illustré un jota uraijonesa et un air d'Y radier. La
charmante et si regrettable Mme Bosio transportait le public de
Pélersbourg en lui chantant un air russe. A une des dernières
saisons de Londres, Mme Aliolan-Carvalho a placé dans le Bar-
bier les merveilleuses variations du Carnaval de Venise que
M- Victor Massé a brodées à son intention dans la Beine, To-
paze. L'hiver dernier. Mme Rorghi-Mamo, en prenant le rote de
Bosine, inaugurait la Santa Lucia, une chanson napolitaine
arrangée par Gaetano Braga. Le maestro Alary a varié de même
une chanson vénitienne, la Biondina, que Mlle Trebelli a chan-
tée avec succès à Madrid et à Berlin, et qu'elle nous chantera
sans doute une fois ou deux à Paris. Pour clore cetle litanie, on
nous permettra de recommander aux Rosines présentes et à ve-
nir l'air de la Leçon du Barbier de Paisiello, qui est une chose
adorable, une perle oubliée, et dont Rossini tout le premier
aime à proclamer la valeur. »
De Rossini passons à Donizelti, c'est-à-dire à la reprise de
Poliuto, pour la continuation des débuts du ténor Pancani,
qui a été au-dessus de sa réputation, jeudi dernier. Un peu
moins d'effort dans la force, et M. Pancani doublait son succès.
— Il faut se garder d'exagérer tous les genres d'effets; ainsi
MmePenco, qui est bien certainement une grande artiste, abuse
d'une manière si permanente de l'expression, qu'elle trouve le
moyen de chanter avec ses nerfs la moindre phrase vocale. La
voix vraie disparaît sous cette expression de convention, el c'est
grand dommage.
Sous tous ces rapports, Graziani a réalisé de bien grands pro-
grès depuis quelque temps. Sans altérer la franchise et l'éclat
de son organe, il est parvenu à réaliser les oppositions dramati-
ques les plus ardues, el l'on peut dire qu'il ne cesse de charmer
dans la force et le dramatique, comme dans la douceur et la
placidité. Aussi, que de regrets le suivent à Saint-Pétersbourg I
Nous ne quitterons pas le Tuéatre-Italien sans signaler les
beaux élans de Mario, aux 3e et 4e acte d'il Trovatore. Lundi
dernier, on l'a rappelé avec enthousiasme, ainsi que Graziani et
Mme Penco, qui avait introduit un référé le matin même pour
conserver le rôle de Léonora, auquel elle a droit exclusif par
son engagement avec Calzado. Par suite, Mme Lorini a dû se re-
tirer sous sa tente. Le public, en cette circonstance, n'a pas té-
moigné de son regret; mais un fait semblable peut se renouveler et
dans un sens contraire, en l'indisposant contre le monopole de tels
ou tels engagements. Nous savons bien que c'est là une question
délicate, mais le bon goût des parties engagées n'y devrait-il pas
obvier? Plus heureuse, — ou plutôt moins heureuse que Mme Lo-
rini, — Mlle Trebelli n'a pas rencontré sur la route de la bohé-
mienne Azucena le moindre référé, si bien qu'elle a dû s'exé-
cuter avec une voix complètement insuffisante pour le person-
nage. — Si elle devait s'y reproduire, c'est le public qui proteste-
rait dans l'intérêt même de la jeune et charmante Rosine.
J.-L. Heugel.
A I'Opéisa-Comique on a commencé les répétitions de Salva-
tor Rosa, opéra en trois actes de M. Duprato. On répèle aussi
Marianne, musique du pianiste-compositeur Théodore Ritler,
paroles de M. J. Prôvel. M. Rilter a déjà fait entendre dans
plusieurs concerts un des morceaux de sa partition, la Chanson
du braconnier, dont l'interprétation sera confiée à Troy. —
On a lu, ces jours-ci, une pièce en trois actes de MM. de Saint-
Georges et de Leuven, musique de Grisar, dont les augures des
coulisses font grand bruit.
Le Tuéatre-Lyrique réalise de brillantes chambrées avec la
16't
LE MÈNESTHEI.
Statue. Les plus chaleureux applaudissements accueillent
chaque fois la parlition de M. Reyer, sur les mérites de laquelle
le feuilleton n'a eu qu'une voix. On a même vu rarement, —
soit dit en passant, — une aussi complète unanimité d'opinions
dans le camp de la critique musicale. Du reste, il était utile,
il était important, après l'échec du Tannhauser, de constater
qu'on ne repoussait pas, à Paris, la nouveauté des formes ni la
recherche de l'inconnu , mais qu'on protestait seulement contre
les systèmes à outrance, contre les mélopées indéfinies et sans
frein, et peut-être encore davantage contre le parti pris de nier
le passé avec autant de folie que d'irrévérence.
Le Gymnase nous promet, pour le 1er mai au plus tard, la
première représentation de la Vertu de Célimène, comédie nou-
velle en cinq actes, de M. Henry Meilhae. C'est dans celle pièce
que reparaîtra Lafont et que débutera Mlle Bressant.
Le Vaudeville nous a donné, ces jours-ci, une comédie en
un acte, intitulée : Il le faut , primitivement reçue au Théâtre-
Français sous le titre : Pour bien marier sa fille , puis rendue
à l'auteur, M. Jaime fils. Cette petite pièce a pour interprètes
MM. Parade , Saint-Germain, Munie et Mlle Manvoy. — Une
autre nouveauté a été représentée jeudi dernier : la Poule et
ses Poussins, deux ac.tes de M. Emile de Najac. C'est un amu-
sant tableau de famille, que nous recommandons à toutes les
mères qui marient leurs filles.
La parodie de Tannhauser, Yame'm herr (auteurs, MM. Lam-
bert Thiboust et Delacour), a obtenu un demi-succès de r ire au
théâtre des Variétés. M,le Alphonsine est une Vénus des plus
fantastiques; Grenier, Charles Potier, Aurèle , lui donnent
spirituellement la réplique. — A cetle pochade sont venus s'ad-
joindre deux vaudevilles nouveaux : Un Hercule et une Jolie
Femme, pour la rentrée de Mlle Gennetier,et le Menuet de Danaê.
Nons reviendrons sur ces deux nouveautés.
A la Porte-Saint-Martin , les Funérailles de l'honneur
n'ont été célébrées que pendant une huitaine de jours , ce qui
n'empêche pas ce théâtre d'évoquer les fantômes du passé, no-
tamment les grands drames du cycle romantique. On nous pro-
met la reprise de la Tour de Nesle, et, en attendant, l'on nous
a rendu Richard Darlinglon ; mais cette fois ce n'est pas La-
ferrière, et moins encore Frederick Lemaître, que nous avons
retrouvé dans le rôle principal ; c'est M. Taillade qui s'est
chargé de cette tâche. La tentative a été assez heureuse. Seuls,
ceux qui se souviennent de Frederick Lemaître ont le droit de
penser autrement.
Une autre preuve de la résurrection des drames noirs, la
voici :
MM. Théophile Deschamps et Ernest Gebauër viennent de
présenter à un des grands théâtres du boulevard un drame en
cinq actes intitulé : le Portefeuille d'un suicidé. — Vous voyez
que l'avenir des boulevards est gros de frissons ! ....
Et pendant ce lemps, le Tiiéatre-Déjazet a eu l'honneur
d'être appelé au palais des Tuileries. La spirituelle impressaria
de cetle scène a joué devant LL. MM. les Trois Gamins. La
même bonne fortune est promise, dit-on, à Garât, le dernier
triomphe de M"e Déjazet. — Constatons aussi la réussite, à ce
théâtre, de Monsieur Coquardeau et compagnie, vaudeville en
un acte de M. E. Thierry, musique de M. Eugène Moniot.
J.Lovv.
SOCIÉTÉ' DES JEIMS ARTISTES.
CLOTURE DE LA 9e ANNÉE-
M. Pasdeloup.
Nous avons assisté dimanche au sixième et dernier concert de
cette jeune phalange placée sous le commandement de M. Pasde-
loup.
Cette fois encore le programme était radieux; mais au dehors,
l'azur du ciel ne l'était pas moins. Entre la salle Herz et le soleil
d'avril s'élevait une lutte sérieuse, inquiétante. Disons-le, pour
l'honneur du dilettantisme, le soleil a été vaincu. Si c'est un
blasphème, le seigneur Apollon nous le pardonnera, car s'il
conduit le char doré, n'esl-il pas aussi le dieu de la musique?
Deux œuvres inédites figuraient au programme de cette der-
nière matinée: une ouverture de M. Constantin, — harmonieuse
composition procédant de la bonne école, — et un chœur de
chasseurs de M. Gounod, morceau de belle facture et fidèle à
son enseigne. Venait ensuite la symphonie en ut majeur de
Beethoven, page magistrale que le public a accueillie comme on
accueille un chef-d'œuvre. Puis l'orchestre nous a fait entendre,
pour la deuxième fois de la saison, la marche et le chœur des
Fiançailles de Lohengrin. Cetle composition de Richard Wa-
gner — une de celles qui méritent un bon point dans l'œuvre
de l'apôtre allemand, — est d'une puissance irrésistible, nonobs-
tant la façon brutale et agaçante dont le compositeur fait rentrer
le trait dominant, après le chœur des femmes. Une portion du
public a crié bis, mais l'orchestre avait besoin de ménager ses
forces, et M. Pasdeloup, en chef sensé, a passé outre.
Après cetle marche de Lohengrin, on nous a servi le chœur de
Castor et Polluas, de Rameau. Figurez-vous une calme et douce
idylle après un drame de cape et d'épée. Ce mélodieux chapelet
de notes, qui s'égrène palriarcalement, serpente mollement, re-
vient sur lui-même, sans efforts et sans sutures, a été fort ap-
plaudi; et les bravos eussent redoublé si les dames choristes
avaient un peu mieux saisi les nuances.
Quatre fragments iln Songe d'une Nuit d'été, de Mendelssohn,
terminaient la séance. L'auditoire, qui les avait déjà entendus
cette année, a pu apprécier de nouveau la puissante con texture
de l'allégro et l'originalité du scherzo. Le nocturne a été moins
goûté; mais la marche finale a dignement couronné celte der-
nière séance, une des plus complètes de la saison.
La récapitulation de cette neuvième année nous fournirait,
s'il en était besoin, de nouvelles preuves des services rendus à
l'art musical par la société Pasdeloup. Indépendamment des maî-
tres anciens et des illustrations consacrées, nous avons vu figurer
successivement, sur les programmes, les noms de Schumann, de
Marchner, de Richard Wagner. Notre éminent compositeur Gou-
nod a occupé une large part dans les menus de la cession, et
d'autres symphonistes, tels que MM. Gouvy, Gade, Constantin,
ont également été admis à faire valoir leurs litres. Quant à Mo-
zart, Haydn, Weber, Beethoven, Mendelsohn, Rossini, Meyer-
beer, etc., l'exposition permanente de leurs œuvres est un devoir,
et la jeune Sociélé n'y a pas failli.
Au point de vue pratique, l'armée symphonique de M. Pasde-
loup réalise des progrès de plus en plus appréciables. L'exécu-
lion acquiert la fermeté, la délicatesse nécessaires à la traduction
des maîtres ; l'orchestre se les assimile, se pénètre de leur esprit;
les jeunes artistes deviennent hommes; la phalange mûrit et se
transforme en une pépinière où le Conservatoire va recruter cha-
que année de vaillants soldats.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CUANTILUK.
1G5
La presse, — et c'est un tort, — rie s'occupe pas assez de la
Société de M. Pasdeloup. Les feuilles musicales elles-mêmes,
— quorum pars, — souvent envahies par les primeurs lyriques,
ont donné cette année une place très-restreinte à ces importantes
séances bimensuelles. Heureusement l'instinct des vrais dilet-
tantes est là pour suppléer au silence du feuilleton : la foule reste
fidèle à la Société Pasdeloup, et elle fait bien. Neuf années de
succès ont consacré l'utilité de ce groupe musical, les incontesta-
bles services qu'il rend, et la sérieuse influence qu'il exerce au-
tour de lui. Chaque année il nous initie à de nouveaux chefs-
d'œuvre ; sans parti pris, il s'adresse à toutes les écoles, donne
l'hospitalité à toutes les tentatives, abrite en ses programmes
toutes les nationalités musicales. Nous félicitons les jeunes ar-
tistes de ce sentiment d'éclectisme : ils sont dans leur rôle, et le
public reste juge en dernier ressort.
Quant à leur infatigable chef, M. Pasdeloup, indépendamment
de la large part qui lui revient dans la viabilité de cette Société
dont il est à la fois le fondateur, le directeur, le secrétaire, le
bibliothécaire, en un mot toute la cheville ouvrière, n'oublions
pas que c'est à lui aussi que l'Hôtel de Ville doit l'organisation
de ces concerts à grand orchestre qui, sous la haute impulsion de
M. Haussmann, ont pris chaque hiver un développement si ca-
ractéristique.
Et notez que M. Pasdeloup trouve encore moyen de diriger
son Orphéon, sa classe d'ensemble du Conservatoire, et ces belles
soirées musicales dont M. le comte de Nieuwerkerque est le digne
amphitryon.
N'est-ce point, en effet, à M. Pasdeloup que la musique doit
ses grandes entrées au Louvre ?
Il ne manquait à ce musicien promoteur par excellence que
des jaloux et des détracteurs. Il a eu la chance de créer les uns,
de rencontrer les autres.
C'est désormais un chef d'orchestre classé.
J. Lovï.
PETITE CHRONIQUE.
Un Musée d'instruments de musique
au Conservatoire.
Comme nous l'avons déjà annoncé, S. Ex. le ministre d'État
vient d'acquérir, pour le Conservatoire impérial de musique et
de déclamation, la précieuse collection d'instruments de mu-
sique de M. Clapisson, membre de l'Institut.
Unique dans son genre et très-intéressante pour l'histoire de
l'art, cette collection contient un très-grand nombre d'instru-
ments de haute curiosité, remarquables par la richesse du tra-
vail et par la beauté des sculptures ; en cite, entre autres, un
clavecin à deux claviers, portant la date de 1612 et dont l'en-
semble est l'œuvre de plusieurs artistes et de plusieurs époques.
La forme de l'instrument est de style Louis XIII ; le support et
les peintures qui l'entourent sont du temps de Louis XIV; sur
le devant, on admire un panneau peint par Téniers, et l'inté-
rieur est orné de grandes et belles peintures de Paul Baille.
A côté de ce magnifique instrument figurent plusieurs épi-
nettes très-précieuses, notamment une épinette italienne du
temps de Louis XIV, fond or, richement sculptée, avec orne-
mentation en ambre gravé, entourée de guirlandes de fleurs et
d'amours attribués au Poussin; une autre de l'époque de Fran-
çois 1er, en ébène, avec riches incrustations d'ivoire, portant
l'inscription : Francisi di Porlalopis Veronen opus, 1523; une
épinette du xvic siècle en marqueterie, ayant les coins du cla-
vier ornés de cariatides de buis sculpté d'une grande finesse.
On remarque encore un petit piano de Vienne, époque
Louis XVI, en forme de harpe; les tympanons en bois dorés et
en vieux laque de Chine, ornés de glaces en verre de Venise,
sculptés et enrichis de charmantes peintures, vernis Martin,
dont un avec rosaces richement ornementées de turquoises;
plusieurs harpes, dont une du temps de Louis XVI, vernis Mar-
tin, ayant appartenu à la princesse de Lamballe et portant son
nom à l'intérieur; une lyre peinte par Prudhon, ayant appar-
tenu à Carat et portant ses initiales; des théorbes en ébène et en
ivoire; plusieurs guitares en ébène, ivoire et marqueterie; des
mandolines et des mandores de toutes les nations; des instru-
ments à rouet très-origfnaiix, des violons de toutes les époques
et de tous les pays, dont plusieurs en écaille, ornés de précieuses
incrustations; un échantillon de tous les instruments à archet
et à vent, famille très-complète, dans laquelle on retrouve le
point de départ et les modèles primitifs des instruments qui
composent les orchestres ; enfin un grand nombre d'instruments
portatifs de formes étranges, qui ont été réunis à force de recher-
ches patientes, et qu'il serait peut-être impossible de retrouver
ailleurs.
Cette intéressante collection sera déposée au Conservatoire,
dans les nouveaux bâtiments destinés à la bibliothèque, déjà
si précieuse, de cet établissement, et formera un musée instru-
mental doublement utile à l'histoire de l'art et aux progrès de
l'industrie.
Ainsi se trouveront désormais réalisés les vœux des fondateurs
du Conservatoire de musique elles prescriptions de la loi du
16 thermidor an III, qui porte, art. 10 :
« Une bibliothèque nationale est formée dans le Conserva-
toire; elle est composée d'une collection complète des partitions
et ouvrages traitant de cet art, des instruments antiques ou
étrangers, et de ceux à nos usages qui peuvent, par leur per-
fection, servir de modèles. » (Moniteur).
NOUVELLES U1VEUSES.
— Tous les bruits qui ont couru sur un changement d'emplacement
pour la salle de l'Opéra tombent devant les faits. Le jury continue de sta-
tuer sur les indemnités à payer aux propriétaires et aux locataires des
maisons qui doivent disparaître entre les rues de la Chaussée-d'Antin et
Caumartin pour la formation de l'emplacement et le dégagement de ses
abords. La vente des matériaux à provenir de la démolition d'une partie
de ces maisons est affichée pour le 24 de ce mois.
— Une nouvelle correspondance de Vienne nous apprend que c'est par
erreur que MM. Sicardsburg et Von der Null ont été désignés comme ayant
remporté le premier prix au concours du projet d'un nouvel Opéra. Ces
architectes n'ont eu que le deuxième prix ; le premier a été obtenu par
M. Ehrig, de Leipzig.
— Nous avons parlé de l'exécution du Stabat mater à Milan. Naples a
voulu suivre l'exemple de la Scala, et la belle composition de Rossini a
été solennellement exécutée au théâtre San Carlo, sous la direction de
Mercadante. Les artistes étaient : Mmcs Sleffenone, Paganini, Valenza,
les ténors Negrini et Limberti, le baryton Coletti. Les choeurs se compo-
saient de trois cents amateurs des deux sexes. Tous les morceaux ont été
Couverts d'applaudissements. Mercadante en avait introduit deux de sa
composition; les critiques l'ont blâmé; mais ce qu'il y a de certain, disent
les correspondances, c'est que le premier, sur les thèmes du Stabat, a fait
fureur, et que le second, sur des motifs de Bellini, a excité le même
enthousiasme. — On se demande, si le maestro Mercadante, en intro-
duisant deux nouveaux morceaux dans le Stabat de Rossini , en a sup-
1(50
LE MÊNESTIŒI.
primé d'autres de la partition originale. Ce serait évidemment le cis d'ap-
pliquer une double pénalité à l'irrévérencieux directeur du Conservatoire
de Naples.
— Une nouvelle à laquelle on ne s'attendait pas nous arrive de Lon-^
dres. Le théâtre de Sa Majesté n'ouvrira pas cette année. Le directeur,
M. Smith, a publié une annonce dans laquelle il dit, qu'après avoir perdu
une somme énorme, il voit que ses frais sont tels que, dans le meilleur
cas, il ne pourrait pas remplir ses engagements. On espère que les artistes
ouvriront pour leur propre compte.
— Au théâtre d'Anvers, on a représenté avec succès un opéra-comique,
le Moulin de Souci, musique de M. Bryon d'Orgeval, baryton de ce
théâtre.
— Nous recevons des nouvelles du grand succès des Marchisio à
Bruxelles. La Somnambula, lu Norma, la Sémiramide, Il Tromtore,
sont, pour les deux sœurs, une source inépuisable d'ovations. Les rappels
et les bouquets les accueillent chaque soir. Si nous sommes hien informé,
à leur relour de Bruxelles les sœurs Marchisio demeureraient quelque
temps à Paris, leur engagement avec M. Beale ayant été reporté à la sai-
son de Londres 1862. Paris et nos Sociétés philharmoniques pourront
donc encore utiliser le séjour en France de ces deux grandes cantatrices,
en attendant que le Théâtre-Italien de Berlin nous eidève notre Arsace et,
notre Sémiramis.
— Mme Borghi-Mamo , de retour d'Italie, vient de se faire entendre à
Toulouse, où elle a joué le Prophète devant une salle comble et avec des
rappels sans fin.
— C'est par surenchère que l'éditeur des œuvres de Charles Gounod,
M. Choudens, est devenu l'acquéreur de la remarquable partition d'Er-
nest Reyer, la Statue. Le prochain grand opéra de Charles Gounod, bien
qu'encore en portefeuille, vientd'êlre également l'objet d'une surenchère,
dont la Circassienne de M. Auber a ouvert la marche. Décidément, on le
voit, les éditeurs recherchent et se disputent les bons opéras, et nous de-
vons ajouter à l'honneur de MM. Auber et Guunod qu'ils ont refusé des
offres importantes en faveur des éditeurs avec lesquels les premiers pour-
parlers s'étaient établis. Ceci nous remet en mémoire les refus successifs
de Meyerbeer pour tous les ouvrages de sa composition publiés en France
depuis Robert-le-Diable. On a été jusqu'à lui offrir le double du prix sti-
pulé d'usage pour les gi\mds opéras et opéras-comiques.
— La mort vient de faire un nouveau vide dans les rangs de la presse.
M. Ch. Deleutre, chroniqueur des plus amiables et des plus estimés, et
connu sous le pseudonyme de Paul d'Ivoy, a succombé cetie semaine à
une péritonite aiguë. Une allluence considérable do journalistes, d'artistes
et d'hommes de lettres assistaient mercredi dernier à son convoi. J.Janin
a prononcé quelques touchantes paroles sur la tombe de l'honorable et
regretté défunt.
— On lit dans le Mémorial d'Amiens. « A M. Edouard Batiste, pro-
fesseur du Conservatoire impérial de musique et organiste du grand orgue
de Sainl-Eustache, de Paris, était dévolue la mission de nous faire appré-
cier le mérite du bel et sonore instrument dont notre ville vient d'être
dotée. Ci4te solennité a eu lieu Hier à deux heures, en présence d'une
réunion tellement nombreuse, que la vaste enceinte de l'église était com-
plètement remplie. Hàlons-nous de dire que le talent de M. Batiste est
extrêmement remarquable, et nous a paru èlre au-dessus de la réputation
que s'est acquise cet artiste si distingué dans le monde musical. Il charme
au plus haut point son auditoire, soit qu'il joue dos morceaux de sa com-
position, soit qu'il exécute les œuvres des grands maîtres tels que Bach,
Meudelssohn, etc. M. Batiste a improvisé tout d'abord une introduction,
d'une suavité extrême et d'un caractère de douceur vraiment céleste. Le
hautbois, le cor anglais, la flûte, se répondaient tour à tour, puis se con-
fondaient en accords mélodieux. Dans l'Offertoire de sainte Cécile, ainsi
que dans tous les autres morceaux, M. Batiste a su produire les cffels les
plus puissants et empreints d'une harmonie exemple de toute confusion
quoique très-compliquée. Les traits les plus rapides se détachaient avec
une netteté inouïe sur un instrument qui présente des difû ultés énormes.
Les jeux spéciaux de cet orgue, les hautbois, cor anglais, flûte, voix hu-
maines, violoncelle, contrebasse, imitent ces instruments à s'y méprendre.
Nous ne saurions en outre citer trop avantageusement les jeux de fond. »
— Le 7 avril dernier, la Société chorale de Niort a donné son deuxième
concert, avec le concours d'un jeune violoniste du plus grand talent,
M. Emile Lévêque.' Il a fait entendre deux morceaux d'un genre tout
différent, la Muette d'Abrd, et un niôrcoau du Bouquet' américain de
Vieuxtemps, lu Fêle de saint Patrice. Notre jeune artiste a été couvert
d'applaudissements.
— M. de Bailly, élève de M. Gouffé, vient d'obtenir, au concours, un
emploi de contre-bassiste à l'Académie impériale de musique.
SOIREES ET CONCERTS
— Dans une de nos soirées musicales du grand monde, mardi dernier,
on a vu au piano la maîtresse de maison, Mme Alphonse de Rothschild, et
à l'orgue M. le prince de Metternich, exécutant, avec le violoncelle d'Er-
nest Nathan, la méditation de Gounod sur le prélude de Bach, et un mor-
ceau de la composition du prince, pour chant, orgue, piano et violoncelle.
Ces faits-là deviennent si rares eri France, qu'on se fait à la fois un plaisir et
un regret d'avoir à les signaler. Quand reviendra le temps où les amateurs
de musique faisaient eux-mêmes, en partie du moins, les honneurs de
leur programme? On aimait la musique alors; aujourd'hui on se contente
de la payer,. et tout est dit.
— Vendredi dernier, une assemblée nombreuse, composée de notabi-
lités du monde officiel et de femmes élégantes, applaudissait les chanteurs,
italiens dans les salons de M. Schneider, vice-président du Corps législa-
tif. Badiali, Gardoni et Zucchini se sont fort distingués dans plusieurs mor-
ceaux du Malrimonio segreto, des Nozze di Figaro, de Yltaliana in
Algieri, et l'on doit aussi des éloges à Mmes Trebelli et Lorini, qui ont été
l'objet des attentions les plus flatteuses.
— Les compositions vocales et instrumentales de Louis Lacombe, — à"
part les morceaux italiens de M. Délie Siede et un duo de Weber, exécuté
par l'habile clarinettiste Leroy, — ont fait les honneurs de son pro-
gramme de concert, mercredi dernier, chez Érard. Non-seulement le piano
tenait là sa bplle et large place, mais MllG Anna Barthe, dans te Rêve de
l'enfant, et deux autres mélodies du bénéficiaire, les Sociétés chorales de
MM. Phillips et Chcrct, dans diverses œuvres vocales, entre autres celle
des Cimbres et Teutons, ont prouvé de nouveau que Louis Lacombe n'est
pas seulement un grand exécutant, mais aussi un compositeur sérieux au
double point de vue vocal et instrumental. Il y avait foule à ce concert,
que M. Bocage a honoré d'un intermède des plus intéressants, en décla-
mant des poésies de MM. Barillot et Hégésippe Moreau.
— ■ Le lendemain jeudi, M. Henri Potier faisait également applaudir ses
compositions dans les salons des Arts-Unis, rue de Provence. Là, l'auditeur
est assuré d'une douce compensation : si le musicien laisse à désirer, si
l'oreille chôme, l'auditeur lève les yeux, et tout autour de lui des galeries de
tableaux se succèdent et se chargent de le récréer. Ce n'était pas le cas pour
leconcertdeM. etMme Henri Potier, quiaétél'unedes plus chaudes séances
de l'hiver. On a rappelé, applaudi et bissé presque tous les artistes, entre
autres M. Capoul dans Un regard au ciel, M. Peront dans Noé, M. Men-
diorez dans Minuit, les frères Guidon avec leurs duelti, Mme Henri Potier
dans le Rappel des glaneuses, et M. Tayau dans sa scène bouffe de la
Romance sans paroles. Le violoncelle de M. Lasserre était de la fête, ainsi
que le violon de Sarrasate, qui a été irrésistible : les tableaux eux-mêmes
en tressaillaient d'aise.
— Au prochain concert de notre excellent violoniste Armingaud , sa
musique fera presque à elle seule les honneurs, du programme. Dans le
domaine du chant, Mlle Balbi et M. Archainbaud feront entendre des mé-
lodies du bénéficiaire, dont on dit le plus grand bien.
— Beaucoup de concerts donnent, du reste, lieu aujourd'hui à de pe-
reilles tentatives : le virtuose veut se révéler compositeur, non-seulement
dans l'instrument de sa spécialité, mais encore au point de vue général
en musique. C'est ainsi que Mllu Joséphine Martin, lassée de s'entendre
dire qu'elle joue délicieusement ses compositions sur le piano, avait écrit
un opéra de salon pour son dernier concert. Par malheur le chapitre des
indisposilions nous a privé de celte piquante nouveauté. Ce n'est que
partie remise.
— Jeudi dernier, la salle Herz ouvrait ses portes au concert de notre
organiste Durand, le Lefébure-Wély des orgues de la maison Alexandre.
Mme Anna Barthe, M. Coulon et. le violon do M. Magnien formaient le con-
tingent de cette solennité, qui était aussi une séance dramatique. Un pro-
verbe de M. le comte Murât, joué par MUo Delaporte, MM. Luguet et Pris-
ton, comptait pour auditeurs une foui? de grands personnages, en tète
desquels M. etMmc la comtesse de Morny. Programme et recette n'ont rien
laissé à désirer.
— Au concert de MUc Caroline Remanry, salle Herz, indépendamment
du rappel que lui a mérité la façon brillante et musicale dont elle a inter-
NOUVELLES ET ANNONCES.
167
prêté le beau concerto en sol mineur de Mendelssohn, le public l'a rede-
mani'ée après le morceau de roncerl de Lefébure-Wély sur VArmide de
Glyck, morceau remarquablement écrit, et non moins remarquablement
compris et exécuté- par M"0 Caroline Remaury, dont le talent fait si grand
honneur à l'école Le Couppey.
— Les chanteurs des deux Théâtres-Italiens de Berlin nous arrivent à
l'envi. Voici venir le ténor Allavilla, qui s'est fait applaudir et rappeler,
salons Pleyel et salle Herz, aux concerts de M. Rhein et de 11"0 Contamin,
dans la ballade de Rigolelto, la romance de Luisa Huiler, la barcarolle
d'C/ji Ballo in maschera, les duos AI Masnadieri et de la Ti (muta, avec
M110 Duçrest et Mmo Oscar Comettant.
— A la matinée musicale donnée par le virtuose violoniste Herwyn, on
a eu l'occasion d'apprécier Mllc Angéle Tailhàrdat comme pianiste habile et
cantatrice distinguée. Ce fait n'est point rare : Hme Viardot en fournil un
remarquable spécimen; Mmcs Gavcaux-îabaticr et Marie Rrousse élaient
d'excellentes pianistes avant de briller comme cantatrices, et voici venir au
Théâtre-Italien MUeTrebeli, qui a suivi le même chemin, et ne s'en t'oove
que mieux. Se faire d'abord musicien pour chanter ensuite, c'est évidem-
ment le moyen d'arriver plus sûrement au succès.
— Nous avons entendu cette semaine, chez Ërard, un jeune pianiste-
compositeur dont les premières œuvres ont été accueillies avec une grande
faveur. M. Edmond Guion nous a fait entendre une marche intitulée:
Victoire, et une valse : Espaanza, qui toutes deux ont charmé l'audi-
toire par la fraîcheur originale des idées. Ce jeune auteur, qui est arrivé
récemment de l'Amérique du Sud, a rapporté de ces contrées des mélodies
pleines do sentiment, qui ne peuvent manquer d'obtenir beaucoup de
vogue.
— Une do nos bonnes pianistes, Mlle Louise Contamin, que nous re-
trouvons chaque année sur la brèche, a donné un concert salle Herz, avec
la coopération de Mme Oscar Comettant, le ténor Allavilla et le violonisle
Lebrun. La bénéficiaire a particulièrement brillé dans la nouvelle taren-
telle de Henri Herz, qu'on a redemandée. Les chansonneltos de Lincelle
et l'opérette de feu Coltin, Pierre et Paul, ont gaiement terminé cette
soirée.
— Une petite cousine d'Adolphe Adam, — Anna Meyer, — toute jeune
et intéressante pianiste qui a récolté nombre de succès l'été dernier à
Bade et à Ems, vient les faire consacrer à Paris, dans un concert annoncé
pour le vendredi 20 avril, salon Erard. Mme Adolphe Adam s'est chargée de
la composition du programme de ce concert, qui éveillera les sympathies à
plus d'un titre.
— Une jeune aveugle des plus intéressantes, Ml,c Zoé Lecocq, vient d'ar-
river à Paris dans le but de s'y faire entendre et de faire entendre ses com-
positions. Celte toute jeune artiste, très-appréciée dans le Nord, où elle a
donné plusieurs concerts, chante elle-même ou exécute sur le piano et l'har-
monie-flûte ses compositions vocales et instrumentales dont on dit le plus
grand bien.
Concerts annoncés.
— Nous nous empressons d'annoncer que la grande salle du Conser-
vatoire va être mise à la d sposilion de M. Léon Kreutzer pour un con-
cert où il doit faire entendre plusieurs fragments de ses œuvres sympho-
niques et dramatiques. Ces compositions ont déjà élé appréciées l'année
dernière dans une matinée par invitation, et cet hiver dans un concert
chez Pleyel, devant un auditoire d'élite. Nul doute que le public du Con-
servatoire ne tienne à cœur de ratifier d'honorables succès escomptés en
petit comité.
— Succès oblige :M. Alfred Jaell,. sollicité par les nombreux admira-
teurs de son talent, donnera un second et dernier concert samedi 27 avril,
dans les salons Érard, avec le concours de MUeCruvelli, MM. Armingaud
et Marchesi.
— Par la même raison, M. Camille Statnaty annonce un second concert,
salon Pleyel-Wolff, pour le lundi 29. Cette fois, le programme se compo-
sera plus particulièrement d'œuvres de la composition du bénéficiaire.
Après avoir rendu hommage à Beethovin et à Weber, Camille Slamaty
fera entendre exclusivement ses nouvelles éludes de chant et inclusivement
ses souvenirs du Conservatoire, et quelques unes de ses dernières œuvres
originales.
— Lundi 22 avril. Conceit de M. S. Ruiz, salons Pleyel, avec le concours
des frères Braga et de nos principaux chanteurs italiens.
— Mardi 23. S. Armingaud , salle Herz, avec le concours de Mllc' Balbi,
MM. Archainb.-ud, Lubeck, Léon Jacquard. — Mnle Gaveaux-Sabatier, salle
Ërard.
— Jeudi 23. Deuxième sémee des concerts historiques de M. deBeaulieu,
au bénéfice de la caisse de l'Association des artistes musiciens ; salle Herz.
— MUe Julie de Wocher, pianiste, annonce son concert pour le samedi
soir 27 avril, salons Pleyel, avec le concours de Mme Lagier, MM. Brisson,
Norblin, Perrier et Husmann.
— Dimanche 28. Grand festival. des Sociétés chorales, au Cirque Na-
poléon.
— Lundi 29. Concert de la jeune virluose Maria Boulay, avec orchestre,
salle Herz.
— Samedi 4 mai, au Conservatoire. Audition des œuvres de Léon Kreut-
zer, au profit de l'Association des artistes musiciens.
J.-L. HriUGEL, directeur
1. Lovy, rêdacteuren chef.
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N03 1. Couplets chanlés par M. Cnos-ri : Je vais vous croquer 4
2. Couplets chaînés par M. Ponchard : Quand de notre village. . . 4
3. Couplets chantés par MM. Ponchard et Crosti :/.« Rossignol et la
l'a uvette 4
SOtiS l'inssi:. Partition pour |i
i°3 4. Air chanté par M. Ponchard : Il a raison, Bastien
5. Ariette chantée par M"e Lemercier : Je redeviens Ninette
6. Brunelle chantée par M,1bI.emercieb et M. Crosti: Assis auprès
de Babel
7. Romance chantée par M. Crosti : Comme autrefois
t chant, in-8°, net : is Ci-. — Quadrille pur H. iUAItx : i Ir. 50 c.
DOUZE MELODIES NOUVELLES DE VICTOR MASSE.
N°s 1. Le Baiser donné 4
2. Tristesse d'Olympio 6
3. Le Matin 5
4. Pourquoi ne m'aimez-vous? 4
Nos 5. Bergerie 4
6. Regrets 4
7. Attente 5
8. Rozetto 4
Nos 9. Aurore
10. La Plainte du Pécheur
il. Voyage
12. Chanson des Lavandières, duo pour
deux voix égales
4 »
3 «
4 »
2 50
2 m
4 »
Michel Bergson. Sérénate mauresque pour voix de lénor, chantée par M. Morini du Théâtre-Italien 3 »
Op. 44. Un orage dans les lagunes, caprice pour le piano 7 50
— — Sérénade vénitienne extraite de l'œuvre 44, pour le piano 5 »
— Op. 50. La Zingara, morceau de concert pour le piano 7 50
Léonie Tonel. Échos du bal, impromptu-mazurka pour le piano 6 »
— Astre des nuits, berceuse pour le piano 7 50
Pour paraître le 1er Mai 1861 , au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, HEUGEL et Cc, éditeurs.
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Publiées en sept volumes grand in-8°, et une collection de chansons légères ,
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Prix net. Chaque volume : 6 fr. — Collection des 30 chansons légères : 8 fr. — Souscription aux huit volumes : 40 fr.
i Vieille histoire.
2 L'inconnu.
3 L'automne.
4 Une fée.
5 Trompette.
21 Le quartier latin.
22 Les dieux.
23 Le vieux tilleul.
24 Le château et la chaumière.
25 La ligue des maris.
41 Les pauvres d'esprit.
42 Est-ce tout?
43 La Kermesse.
44 La meunière et le moulin.
45 May.
61 Le voyage aérien.
62 Rose-Claire-Marie.
63 Mon héritage.
64 Paris.
65 Jaloux, jaloux.
81 La forêt.
82 Lanlaire.
83 Pécheur silencieux.
84 L'aveu.
85 Des bêtises.
101 Les heureux voyageurs.
102 L'aimable voleur.
103 La vie moderne.
104 Le pot de vin.
105 La vigne vendangée.
121 L'histoire de mon chien.
122 Libre 1 stances à l'Italie.
123 Bernique.
124 Nuit d'été.
125 Mon oncle Gaspard.
1 Les amants d'Adèle.
2 Le souper de Manon.
3 Satan marié.
4 Toinelte etToinon.
5 Ursule.
6 Les gros mots.
'7 Quitte à quitte.
8 Le coucher.
6 Voilà pourquoi je suis garçon
7 Les mois.
8 Un propriétaire.
9 Le melon.
10 Je pêche à la ligne.
26 Bonhomme.
27 La ballade au moulin.
28 Perrelte et le sorcier.
29 Les cerises de Montmorency
| 30 Je n'aime pas.
46 La solution.
47 Pa-lorale.
48 Fantaisie.
49 Je grelotte.
50 Jean qui pleure et Jean qui rit
66 Mes mémoires.
67)L'été de la Saint-Martin.
68 La bayadère voilée.
69 Le jardin deTéhadja.
70 Souvenirs de voyage.
86 'Le fou Guilleau.
87îLa nacelle.
88 Père capucin.
89 La pluie.
90 Les plaintes de Glycère.
106 Le cigare.
107 Les lamentations d'un réverbère
108 La confidence.
109 Les pêcheuses du Loiret.
110 La chanson de gros Pierre.
126 L'attente,
127 L'oubli.
128 Le roi boiteux.
129 L'improvisateur de Sorrente
130 Les cotes d'Angleterre.
VOLUME.
H Au coin du feu.
12 Les grands-pères.
13 Les rats.
14 Je m'embête.
15 Ma femme n'est pas la.
S» "VOLUME.
31 Rêves et réalités.
32 Les étrennes de Julie.
33 M. Bourgeois.
34 Louise.
35 Le docteur Grégoire.
3e VOLUME.
51 Les écus.
52 Pierrette et Pierrot.
53 Le phalanstère.
54 Les impôts.
55 Les réformes.
4° VOLUME.
71 Insomnie.
72 La vieille servante.
73 II faut aimer.
74 Ma philosophie.
75 Les deux notaires.
Se VOLUME.
I 91 Le vieux télégraphe.
92 Ma sœur.
93 Les ruines.
94 La mèreGodichon.
I 95 M. de la Chance.
6= VOLUME.
111 Le puits de Ponlkerlo.
112 Les projets de jeunesse.
113 Le sultan.
114 La cuisine du château,
115 Chanson napolitaine.
<S' VOLUME.
131 A propos d'annexion.
132 M'aimez-vous?
133 Le mandarin.
134 Elle.
135 Une histoire de voleur.
16 Je ris.
17 Nous sommes gris.
18 Ivresse.
19 Aujourd'hui et demain.
| 20 Chauvin.
36 Chut.
37 Les hommes utiles.
38 Le Champagne.
39 Le carnaval à 1 assemblée.
40 Beauté.
56 Le message.
57 Pandore.
58 L'histoire du mendiant.
59 La valse des adieux.
60 La première maîtresse.
76 Le bonsoir.
77 La petite ville.
78 Le chevalier à boire.
79 Flora cruelle. ■
80 Cheval et cavalier.
96 Ma voisine
97 Le vallon de la jeunesse.
98 La fille de l'amour.
99 Lettre d'un étudiant à une étudiante.
100 Réponse de l'étudiante à l'étudiant^
116 La bûche de Noél.
117 Macadam.
118 Le pays natal.
119 La lecture du roman.
120 Le nid abandonné.
136 La promenade.
137 La bruyère.
138 La ferme de Beauvoir.
139 Le vent qui pleure.
140 Florimond l'enjôleur.
COLLECTION DES 30 CHANSONS LÉGÈRES
9 Les boutons.
10 Auguste, étudiant de 10e année.
11 Boisenlier.
12 La gaîté française,
13 Les poissons."
14 La chanson de trente ans.
15 Adèle.
16 La lorette.
17 La lorette du lendemain.
18 La chaumière.
19 Les reines de Mabille.
20 Palinodie.
21 Les confessions.
22 Les deux.
23 Mes enfants.
24 Madeleine.
25 Les plaisirs sont trop courts.
26 Un mari malheureux.
27 Thérèse.
28 Le lion d'or.
29 Le dix-cors.
30 La toilette.
HUITIÈME VOLUME.
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Paraissant de mois en
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A' jB — Les trois premiers volumes, la collection des. Chansons. légères et les Opéras de salon seront en vente le 1* mai 1861, les autres volumes suivront de mois en mois.
— Ou souscrit au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, en adressant un bou sur la posle à MM. Heugel et C». — Les volumes sont expédies franco.
763. — 28° Aimée.
N° 88.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU
Dimanche 28 Avril
1SG1.
ÎSaOa
JOURNAL
J.-L HEUGEL,
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédacfenchef.
LES BUREAUX , S bis, rue Vivienne. — ÏÏEUGEE et C'\ éditeurs.
(lus Magasins ot Abonnement tic Musique du rJÏEIÏESTKEI,. — Vente et location «le Pianos et Orgues.)
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1er Mode d'abonnement ; Joiii-nut-Tcxtc, tous les dimanches; a« irfloi-ccnuic
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine eu quinzaine; 2 Album*
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Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine eu quinzaine; 1 Albuiiis-
nrinics illustrés.— Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
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nt contenant le Texte cogiiale.t, les 52 Itfloi-ccnux de chant et de piano, les £ Aliiim
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 30 fr.
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On souscrit du l« de chaque mois. — L'année commence du le' décembre, et les 52 numéros de chaque année — teste et musique, — forment collection. — Adresser/Va«co
un bon sur la poste, à hjm. UEiIRiil, et C'», éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 his, rue Vivienne.
Tjp. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 2604
SOMMAI KG.
TEXTE.
I. Méhul et ses œuvres (2e article). P. -A. Vieiixabd. — II. Semaine théâtrale.
J. Lovy. — III. Recherches sur les premiers concerts donnés à Paris. Gustave
Bektrakd. — IV. Nouvelles, Soirées et Concerts, Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
LES EIXAS ,
Paroles d'EmioND Roche , musique de Charles Poisot , productioa
chantée par M. Archaimbaud. — Suivra immédiatement après : la
Chanson à boire, chantée par MUe Marimon* dans Barkouf, paroles de
MM. Scribe et Boisseaux, musique de J. Offe.nbach.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
MUSETTE ,
Souvenirs du Mont-Dore , rondo pastoral de Marmoxtel. — Suivra
immédiatement après : Guipures et Dentelles, de A. Croisez.
MÉHUL ET SES ŒUVRES.
( 2e ARTICLE. )
Enfin, en 1790, Méhul fit représenter, à l'Opéra-Comique de
la rueFavart un drame lyrique en trois actes, Euphrosine et Co-
radin ou le Tyran corrigé, dont Hoffmann avait composé les
paroles. Ce début fut un triomphe, et, du premier bond, le
jeune auteur s'éleva à l'apogée du succès, et, depuis, il n'est
guère allé plus loin. On reconnut dans cet ouvrage d'un auteur
de vingt-huit ans une facture magistrale. L'ouverture est de la
plus grande richesse d'harmonie ; le sujet de la pièce, qui réunit
les situations et les caractères le plus fortement contrastés ,
prêtait aux effets les plus pathétiques, comme 5 ceux qui se
rapprochaient avec bonheur du genre de la comédie. Tels sont
le quatuor de l'introduction, l'air du docteur, celui de la vieille ;
le premier final, où toutes les passions sont en jeu, remplit le
public d'étonnement et d'admiration ; mais, au second acte, ces
sentiments furent portés jusqu'à l'enthousiasme le plus exalté
par le duo aujourd'hui encore appelé le duo de la Jalousie ,
morceau unique au théâtre.
Dans ce duo prodigieux, où Méhul a porté jusqu'au plus
sublime délire l'expression des sentiments qui remplissent l'âme
des deux interlocuteurs, il a donné toute la mélodie à l'accom-
pagnement, en ne laissant a la voix qu'une sorte de basse sourde
et menaçante que viennent, de temps à autre, dominer des cris
féroces, des interjections infernales qui traduisent ces paroles :
LA COMTESSE D'ARLES.
Gardez-vous de la jalousie;
Redoutez son affreux transport.
Ce monstre empoisonne la vie ,
Et finit par donner la mort.
COIUDIN.
Je ne puis déguiser ma rage ;
Je la sens croître et redoubler. . . .
Ah ! s'il est vrai que l'on m'outrage ,
Leur sang, tout leur sang va couler!
Après cette préparation, vient l'ensemble formidable où, à côté
de Coradin éperdu de rage et de jalousie, et s'écriant :
Faible rival!... perfide femme ,
Je saurai bien vous séparer!
la comtesse murmure, en des accents dignes de Tisiphone :
Ingrat, ingrat, j'ai soufflé dans ton âme
Un poison dont le feu ne s'éteint qu"à la mort!...
Alors, dans ce conflit de passion et de fureurs, tandis que les
violons exécutent des traits dont la rapidité et l'emportement,
relevés par les plus terribles effets des instruments de cuivre ,
semblent faire voler tous les bruits de la tempête, les langues de
feu de la foudre, d'autres masses harmoniques font entendre les
sifflements aigus des serpents qui vibrent et se tordent, en dar-
dant de tous côtés leurs poisons.
170
LE MÉNESTKEL.
Enfin, vient le dernier effet, dont Grétry a dit avec autant de
justesse que d'énergie bienveillante : « L'explosion qui est à la
« fin semble ouvrir le crâne des spectateurs, avec la voûle du
« théâtre. Dans ce chef-d'œuvre, Méhul est Gluck à trente
« ans (1). » Qu'ajouter à ces paroles de l'auteur de Zémire et
Azor, de Richard Cœur-de-Lion , et de Raoul Rarbe-bleue ?
Hoffmann fut le premier et le plus constant partenaire de
Méhul, et il n'eut guère moins d'influence, comme poète que
l'autre comme musicien, sur le succès à'Euyhrosine. Nous les
retrouverons maintes fois ensemble dans les plus heureuses con-
ditions. La nature de ces deux talents présentait plus d'une ana-
logie: l'originalité, la force, et une verve aussi abondante que
spirituelle, se rencontraient chez l'un et chez l'autre; mais Hoff-
mann, qui ne manquait jamais d'esprit, perdait quelquefois la
conscience du goût, et ne restait pas toujours fidèle aux lois de
la bienséance. Son style alors se ressentait des caprices de sa
pensée, tandis que celui de Méhul était toujours de la plus ex-
quise distinction, quelquefois pourtant avec un soin qui accusait
trop le travail, dans le dessein de paraître toujours neuf. Ce
même désir l'amenait aussi à introduire des contrastes trop
heurtés et qui nuisaient à l'unité de la couleur ainsi qu'à l'har-
monie de l'ensemble. Mais je ne saurais trop me hâter de dire
que ces défectuosités sont extrêmement rares, et que l'œuvre en-
tière de Méhul n'en offre peut-être pas plus d'exemples que celle
de Gluck qu'il a suivi de si près. Pour dernière observation cri-
tique, je dirai que, dans quelques-uns de ses premiers ouvrages,
il a peut-être trop recouru au mélodrame, c'est-à-dire à l'em-
ploi des accompagnements pour le dialogue récité.
Le grand succès d'Euphrosine mit en vogue le talent de Mé-
hul, et la représentation de cette pièce fut promplement suivie
de celle de Cora, qui, reçue depuis plus de dix ans à l'Opéra,
y parut enfin au mois de février 1791. Le l'ut une espèce de pas
en arrière : la pièce ne réussit que très-peu, et il n'y a pas à s'en
étonner, si l'on considère que c'était le premier ouvrage de l'au-
teur, et que l'éclat de son début avait donné le droit d'attendre
de lui un nouveau chef-d'œuvre. Je n'ai pu découvrir dans au-
cune chronique du temps le nom de l'auteur du poème de Cora.
Le troisième essai de Méhul surpassa la fortune du premier.
En Stratonice, Hoffmann mit à sa disposition un petit drame
lyrique en un acte, vrai type de grâce et de délicatesse, élégie
passionnée où l'amourle plus exalté parle un langage aussi chasie
que tendre, où les combats de l'amour et du devoir agitent le
cœur d'un roi, d'un fils rival de son père, d'une maîtresse
promise à l'un, éprise de l'autre, et dont un heureux stratagème
de l'amitié assure le bonheur, en égalant la générosité du père
à la résignation du fils. Voilà tout l'ouvrage ; et, sur un thème
aussi simple, Méhul a fait le chef-d'œuvre des chefs-d'œuvre,
une partition où l'on ne compte, à bien dire, que quatre mor-
ceaux, cinq y compris l'ouverture et l'introduction. Ajoutez
deux airs admirables et un morceau d'ensemble colossal et au-
dessus duquel il n'y a rien dans tout le répertoire lyrique de la
scène. J'attends avec toute confiance que l'on vienne me démen-
tir sur ce point, et je dirai que, seuls peut-être, Orphée et OEdipe
à Colonne offrent, dans des dimensions à peu près aussi mo-
destes, les modèles d'une aussi désespérante perfection.
Ici, je ne puis me défendre de hasarder une observation.
« L'art, dit-on, est toujours en progrès, et depuis le commen-
« cernent du siècle, il en a fait d'immenses. » Dieu me garde de
(1) Essais sur la musique, tome II, page 59.
méconnaître les progrès et de nier les succès dont le siècle a élé
témoin ! l'écoled'Italie, surtout, nous en a offert les plus illustres
exemples, et, sans que j'aie à citer le nom d'aucun homme ou
le titre d'aucun ouvrage, ils sont présents à la pensée de tout le
monde ; qu'on me permetle cependant de recourir à un certain
moyen d'appréciation sur le système en général. Des trois ou-
vrages que j'ai cités, un, Orphée, a trois personnages; les deux
autres, OEdipe et Stratonice, en ont chacun quatre; aucun ne
comporle beaucoup d'appareil ni d'éclat de mise en scène... Eh
bien, croit-on qu'aujourd'hui, avec des moyens égaux, il fût
possible d'obtenir des succès d'aussi bon aloi et d'une aussi lon-
gue durée que ceux d'Orphée, d'OEdipeei de Stratonice?
Stratonice, cette délicieuse élégie dramatique, ce diamant sans
la moindre tache, avait rencontré, en 1792, au théâtre de l'O-
péra-Comique, des metteurs en œuvre dignes de le faire briller
de tout son éclat. La beauté et la perfection de formes deMichu
faisaient de lui le type idéal du jeune Antiochus; Philippe disait
d'une manière inimitable l'admirable prière : Versez tous vos
chagrins dans le sein paternel ; Solié avait fait du rôle du méde-
cin Érasistrate une création de premier ordre. Force, grâce, di-
gnité, tels étaient les caractères de son jeu et de son chant dans
le prodigieux quatuor qui résume l'action de toute la pièce. C'est
d'après mes souvenirs personnels que je parle ici de ces trois ar-
tistes.
Je n'ai point vu Mmo Dugazon dans le rôle de Stratonice, et,
malgré l'auréole de- gloire et de sucrés qui, aujourd'hui encore,
entoure le nom de celte actrice célèbre , j'ai peine à me persua-
der qu'elle fût parfaitement à sa place dans ce rôle, qui n'admet
point les mouvements déréglés de la passion, genre où elle ex-
cellait, et qui, au contraire, exige autant de tenue que de dignité.
D'ailleurs, un grasseyement très-p.ononcé et un excessif em-
bonpoint devaient nuire essentiellement à l'effet du rôle, supé-
rieurement rendu à l'Opéra-Comique, dix ans après Mme Duga-
1 zon , par M"8 Pingenet aînée, aussi recommandable par son
extrême distinction que par la perfection de ses traits.
Mais, il faut l'avouer, par la nature du sujet et par le carac-
tère de la composition musicale, Stratonice n'était point dans son
cadre à l'Opéra-Comique. Aussi, plusieurs fois, Picard, lors-
qu'il était directeur du grand Opéra, a-l-il dit devant moi à
Méhul : ce Souvenez-vous que vous nous devez Stratonice, et que
« tôt ou lard il faudra que vous nous la donniez. » Ce pronostic
s'est réalisé, mais seulement à la fin du mois de mars 1821,
c'est-à-dire près de quatre ans après la mort de Méhul, et lors-
que, depuis longtemps, Picard n'était plus à la tête de l'Opéra.
A ce théâtre, Lays, Nourrit père, Lafeuillade et Mlle Grassari
remplacèrent Sulie, Philippe, iVlicbu et M",e Dugazon. Si les
nouveaux venus ne furent pas écrasés par le :>ou\enir de leurs
prédécesseurs, peut-être les laissèrent-ils un peu regretter, et,
je dois le dire, malgré son immense talent, Lays, à son déclin, ne
me parut pas avoir rendu le rôle d'Eras. strate avec la grâce et
l'ampleur magistrale que Solié lui avait données.
Dans ce passage d'une scène à une autre plus élevée, la pièce
dut subir une légère transformation, et la substitution du réci-
tatif à la partie déclamée fut confiée à M. Daussoigne (1), élève
(1) Plus tard, à la fin de novembre 1821, M. Daussoigne associa encore
ses etfoits au nom de son illustre parent, et, cette fois, dans un travail
plus considérable et avec plus de retentissement. Il compléta la partition
de Yalenline de Milan, drame lyrique en trois actes de Bouilly, et dont
MUSIQUE ET TIIÉATIŒS.
171
et neveu de Méhul. Ce jeune compositeur, qui ne se permit pas
d'ajouter une seule phrase de chant aux délicieuses mélodies de
son oncle, s'acquitta de la manière la plus digne de la lâche
modeste, mais essentielle, qui lui était confiée.
l'.-A. Vieillard.
; ( La suite au prochnin numéro. ]
semaine ï ni: \ i iï va s:.
La vigie théâtrale de la semaine nous signale comme un (ait
accompli l'engagement de Faure au théâtre impérial de I'Opéra.
Les appointements de cet artiste sont fixés, dit-on, à 5,000 fr.
par mois pour la première année, 6,000 fr. pour la seconde,
7,000 fr. pour la troisième. M. Faure prendra, chaque année,
un congé pendant les mois d'avril, mai, juin et juillet : ces
quatre mois appartiennent (pour trois années) à la saison de
Londres. Son déhut aura lieu dans Vasco de Gama : c'est le
titre provisoire, — ou définitif, — de celte fameuse Africaine ,
que notre maestro Meyerbeer s'est décidé enfin à donner sur
noire première scène lyrique. — La rentrée d'Obin s'est effec-
tuée celte semaine dans les Huguenots, et Mlle de Taisy a con-
tinué ses débuts par Lucie, accompagnée du ballet Graziosa. —
On répète toujours le Freyschiilz, mais ce n'est plus M. Nie-
mann qui chantera Tony, ce soin est laissé à M. Michol, qui
s'en est acquitté avec honneur au Théâtre-Lyrique. Quant à
M. Niemann, il regagne l'Allemagne, que le Tannhauscr n'au-
rait pas dû lui faire quitter.
Norma, la belle partition de Bellini, qui est de toutes les
saisons, a été enfin rendue , celle semaine, aux habitués du
Théâtre-Italien. M"10 Penco, sur qui pèse toujours un peu le
souvenir de ses célèbres devancières, s'est néanmoins montrée à
la hauteur du rôle; elle a été fort émouvante .dans la scène
du berceau, le duo et l'air de Caste diva. Le personnage d'Adal-
gise était rempli par une débutante, Mlle Biondini, — une Sué-
doise ayant nom Mlle Enequist, — deuxième prix d'opéra du
Conservatoire, qui a cru devoir se baptiser Italienne, selon les
us traditionnels , mais dans un but tout euphonique. Celle
débutante, élève de J.-J. Masset, a réussi, et son fameux duo
avec Norma a surloul déterminé le succès. Pancani tenait le rôle
de Pollione , et un débutant, M. Capponi , celui du grand
prêtre. — L'affiche annonce la clôture pour le mardi 30 avril,
ce qui laissera un grand vide dans le monde dilettante, car le
Théâtre-Italien a complètement repris faveur celte saison 1861,
aussi M. Calzado nous promet-il les meilleures choses pour l'an
prochain. — Demain lundi, bénéfice de Mario.
L'Opéra-Comique nous annonce, pour mardi prochain, la
première représentation de Salvator Rosa, pour la continuation
des débuts de Mlle Saint-Urbain. La partition de Salvator Rosa
est due à M. Duprato, qui débuta si heureusement dans les Tro-
valelles. MM. Crosli, Warot, Nathan et M"e Lemercier, inter-
préteront, avec MUe Saint-Urbain, la nouvelle œuvre de M. Du-
prato, poëme de MM. Eugène Grange et Trianon.
Parmi les ouvrages reçus au Théâtre-Lyrique, on cite le
Méhul avait à peine fait la moitié de la musique. Son neveu soutint à
merveille la comparaison, et, comme le public, la critique reconnut qu'il
était presque impossible d'assigner à cliacun des deux compositeurs les
morceaux qui lui appartenaient.
Roi des Aulnes, paroles de M. Turpin de Sansay, musique de
M. Pierre Benoît, compositeur belge.
Les Bouffes-Parisiens se disposent à franchir le Bhin ,
leur impressario-compositeur en tête. Celle invasion française
dans les Élats allemands est attendue avec impatience, quoi
qu'on puisse dire des sentiments de nos voisins pour la France.
Le succès du Pont des Soupirs retardera de quelques jours
Tenlrée en campagne des artistes du passage Choiseul.
On assure que Meyerbeer s'occupe de la musique de Goethe,
drame avec chœurs de M. Henry Blaze, destiné à être représenté
à I'Odéon.
Au Gymnase, la nouvelle comédie de M. Henri Meilhae, la
Vertu de Célimènc, est toujours promise pour le 1er mai, avec
M1"" Rose Chéri, Bressant, MM. Lafont, Lafontaine, Dcrval ,
Lesueur, clc.
Le Vaudeville nous lient deux nouveautés en perspective :
la Maison du numéro 4, de MM. Lebiche et Marc Michel, et
Onze Jours de siège , trois actes pour les débuts de Mme Brin-
deau. — LL. MM. ont honoré le Vaudeville de leur présence,
mercredi dernier.
Les deux dernières pièces nouvelles du théâtre des Variétés
complètent un spectacle assez récréatif. Le Menuet de Danaé,
de MM. Meilhae et Ludovic Halévy , est un petit drame moitié
comique, moitié sentimental, h' Hercule et la jolie femme, de
MM. Varin et Delaporlc , appartient à un genre plus local, et
forme une divertissante pochade.
Le Palais-Royal annonce une parodie de Réalrix, sous le
titre : la Matrone de Vart.
La Porte-Saint -Martin vienl de reprendre le drame de la
Tour de Nesle. Le rôle important deBuridan, qui devait échoir
àBerton,a eu, en définitive, pour interprète Mélingue, qui
touchera un droit californien de 15 p. °/o sur les recettes, pen-
dant toute la durée des représentations. Taillade, Mrae Marie
Laurent (Marguerite), Vannoy, Volnay, etc., tiennent les autres
rôles. Quelques jours suffiront pour fixer l'opinion sur la via-
bilité de cette reprise.
L'Ambigu arepris4/or Gu/i, drame en six actes, de MM. Ani-
cel Bourgeois et Michel Masson. Encore un souvenir de la pé-
riode romantique de 1830-1832! Atar Gull est, comme on
le sait, une imitation du roman d'Eugène Sue. De l'interpréta-
tion primitive il ne reste qu'Albert, qui joue le rôle de l'esclave
d'une façon très-dramatique. — Un vaudeville en un acte, de
Mme Mélanie Waldor, la Mère Grippelout (titre de la pièce),
sert de lever de rideau, et laisse à quelques familles le temps de
dîner
J. Lovy.
RECHERCHES SIR LES PREMIERS CONCERTS
DONNÉS A PARIS.
Avant de clore la saison-1861 des concerts, il n'est pas sans
intérêt de reproduire les premières recherches de M. Gustave
Bertrand sur l'origine des concerts en France, avec l'espoir que
l'Entracte ne nous privera point de la suite de cet intéressant
travail. M. Gustave Bertrand est un chercheur, et sa qualité
d'élève distingué des Chartes ajoute singulièrement au mérite
172
LE MÉNESTREL.
et à l'exactitude des faits recherchés et groupés par lui avec au-
tant de goût que d'érudition.
Les concerts, qui ont pris tant de place dans notre existence
parisienne, mériteraient bien qu'on eût la curiosité de faire
leur histoire, de rechercher leur première origine... prima malt
labes ! M. Elwart, dans la préface de son Histoire de la Société
des concerts du Conservatoire, remonte jusqu'à ces concerts
spirituels qui se donnaient aux Tuileries au siècle dernier, et
qui eurent tant de réputation. Mais il faudrait remonter beau-
coup plus haut, par exemple jusqu'aux lettres patentes octroyées
par Charles IX au poète Baïf pour la fondation d'une Acadé-
mie de musique, où se firent les premiers essais un peu sérieux,
en France, d'appropriation de la musique à la poésie régulière.
Cette Académie se tenait chez Baïf, et l'auditoire se composait
d'un certain nombre d'abonnés choisis.
Le père Mersenne parle beaucoup de cette Académie de Baïf,
ainsi que de Jacques Mauduit, qui a le premier introduit les
concerts de violes en France. Ce Mauduit était excellent chef
d'orchestre : « Lui seul, ajoute le révérend musicographe, a
comme engendré la belle musique en France, par l'excellence
de plusieurs ouvrages et des concerts composés de voix et de
toutes sortes d'instruments harmoniques, ce qui n'y avait point
été pratiqué avant lui, du moins si parfaitement. C'est là que
l'on a vu des gens de toute qualité qui s'exerçaient très-volon-
tiers sous la justesse de sa mesure... »
Ce Mauduit mourut en 1627. Le père Mersenne, qui impri-
mait son livre en 1736, nous parle avec éloge des concerts de
cinq ou six luths que dirigeait Robert Ballard, des concerts de
Maugars, de Lazarin, de la Barre, du Buisson, «et d'autres,
qui touchent les violes et les clavecins ensemble, ou du sieur
Moulinié (maître de la musique de la chambre du roi), quand
il a les meilleures voix de la cour. »
Ces concerts, composés tout de luths ou tout de violes, ne sont
pas sans analogie avec notre musique de quatuors.
Vers le milieu du xvne siècle, la manie d'écrire des mé-
moires s'étant généralement déclarée, et les feuilles périodi-
ques, telles que la Gazette de Renaudot, les Chroniques ri-
mées de Loret, le Mercure galant, ayant commencé à paraître,
nous pouvons y trouver à chaque instant des mentions de con-
certs, des récits de cadeaux, des fêles galantes... Mais nous n'a-
vons pas à parler ici des concerts qui étaient donnés à la cour
par les musiciens de la chambre du roi, ou dans les hôtels de
l'aristocratie ; nous nous bornerons à. signaler les concerts don-
nés par les artistes eux-mêmes.
En 1652, le gazetier Loret nous parle d'une dame Payen, cla-
veciniste, qui donnait concert chez elle tous les quinze jours,
avec le concours de deux violistes et de deux chanteurs. Il nous
parle encore des concerts du claveciniste Coutel, du guitariste
Siffredi et de sa charmante nièce, Mmc Requiem. — Cette dame
eut une aventure assez piquante, que les chroniques du temps
ont eu l'indiscrétion de nous transmettre.
Mme Requiem était jeune, aimable, jolie : aussi les adorateurs
affluaient-ils autour d'elle. — Mais Mmo Requiem était vertueuse,
et jamais ni les beaux plaisants de ruelles, ni les petites gazettes
n'avaient trouvé à gloser sur son compte.
Or, écoutez ce qu'il advint le 28 avril 1652 (car le véridique
Loret nous a transmis jusqu'à la date de la fâcheuse aventure) :
— M. Requiem avait une campagne à deux pas de Paris, àAu-
teuil, je suppose, ou à Puleaux, où il y avait alors beaucoup de
maisons de campagne. Par une belle soirée de printemps, la
belle Requiem se promenant au fond de son jardin, fut enlevée
par des soldats maraudeurs.
— Oh oh! direz- vous; à deux pas de Paris! est-ce possible ? —
Assurément, il arrivait de ces choses-là sous le grand roi. Notre
ami Loret rapporte qu'en 1661, au mois de juin, douze car-
rosses de seigneurs et de dames de la cour furent arrêtés et dé-
troussés du côté du Cours-la-Reine.
La belle Requiem fut donc enlevée, Loret le dit, et rien n'est
plus vraisemblable. — Quant au fait de ces soldats vagabonds et
brigands, il est caractéristique et très-naturel, à une époque où
nos troupes étaient faites, en grande partie, de gens sans aveu,
racolés dans tous les cabarets de France et de Navarre, et qu'on
licenciait à la fin des campagnes, sitôt qu'on n'en avait plus be-
soin : ils vivaient alors comme ils pouvaient. Voyez les Misères
de la guerre, de Callot,pa.ssim, — ou encore, dans la Gazette de
France, à la date du 25 janvier 1640, cet entrefilet édifiant à
plus d'un titre : «Huit femmes de soldais, du nombre de celles
qui détroussent avec eux les marchands, furent rasées et fouet-
tées par tous les carrefours du faubourg Saint-Germain, et,
pour le même fait, neuf soldats conduits aux galères. »
J'ajouterai qu'au printemps de 1652, on était en pleine
Fronde, et que les environs de Paris étaient infestés de bandes
errantes des deux partis. — Quelqu'un de ces soudards, à jeun,
en quête de poules et de victuailles, aperçut la belle Requiem,
et fit main basse sur elle.
Là-dessus, au fond des forêts,
Le loup l'emporta, et puis...
Je veux croire que La Ramée, ne sachant comment accom-
moder lui-même les volailles qu'il avait cueillies dans son expé-
dition, avait eu l'idée de cueillir aussi la jolie promeneuse en
qualité de cuisinière.
Quoi qu'il en soit, nous passons aussitôt au dénoûment; —
car il ne paraît, pas que Mme Requiem ait donné des renseigne-
ments très-précis sur ce qui lui arriva durant sa courte cam-
pagne. Il n'est si fine et si appétissante cuisinière dont on ne se
lasse : au bout de quinze jours, les maraudeurs remirent, à l'en-
droit où ils l'avaient pris, le bel objet perdu, sans réclamer
rançon ni récompense honnête. Et la pauvrette fut ainsi rendue,
— saine et sauve, — à l'amour de son époux et aux madrigaux
respectueux de ses adorateurs.
J'imagine qu'après cette aventure elle se tint quelque temps
cachée en famille, et qu'elle ne reparut dans le monde que lors-
qu'elle sesenlit assez forte pour affronter les interrogations ma-
lignes et les sourires ambigus, et y répondre, comme Mn;e La-
horie des Femmes fortes : « Eh bien ! . . . non, mon cher. »
Deux ans plus tard, le mercredi 12 août 1654, nous la
voyons avec son oncle Siffredi donner un concert, que Loret
nous relate ainsi qu'il suit, en son mirifique patois :
Ce jour même, l'après-dînée,
Par une heureuse destinée,
J'ouïs les sons mélodieux
D'une guitare, et même encore
D'une merveilleuse mandore,
Dont j'ai le cœur tout ébaudi.
Au logis du sieur Siffredi,
Et, de plus, sa charmante nièce
Joua mainte excellente pièce
Sur sa viole, et puis enfin
Sur son ravissant clavecin...
Des beaux airs, par elle animés,
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
173
Les auditeurs furent charmés,
Et cela leur chatouilloit l'âme
Jusques à dire : Ah ! Dieu I je pûmel
Tant ses fredons, au gré de tous,
Etoient harmonieux et doux.
Trois duchesses là se trouvèrent
Qui cent et cent fois l'admirèrent :
Chaulnes, Villeroy, Ventadour.
Nous nous sommes amusé trop longtemps à l'histoire de la
belle Requiem. Il faut remettre à un autre jour ce que j'avais à
dire de divers autres concerts, et, en particulier, des concerts
payants, qui commencèrent, le 2 octobre 1655, dans une salle
du Palais-Royal.
Gustave Bertrand.
NOUVELLES DIVERSES.
— Roger vient de paraître avec éclat au théâtre de Magdebourg. Le
rôle d'Edgardo, de Lucia de Lammermoor, lui a valu la plus enthousiaste
réception. Mme Seiler Blumenthal, sa partenaire dans le personnage de
Lucie, s'est également distinguée.
— Nous avons annoncé que le festival helvétique aurait lieu cette
année à Zurich, les 23, 26 et 27 juin. Le programme des deux grands
concerts a été arrêté provisoirement comme suit: F est-Ouverture; Ave
verum, de Mozart; Adoremus, de Palestrina; la Chute de Babylone, ora-
torio de Spohr; symphonie héroïque de Beethoven ; chœur d'Orphée, de
Gluck ; quatuor d'Idoménée, Mozart ; 114e psaume de Mendelssohn, etc.
— On écrit de Madrid que la saison italienne du théâtre Oriente, est
prorogée jusqu'à la fin de mai. Les artistes qui restent sont : Mmes Anna
de Lagrange, Deméric-Lablache, Julienne Dejean, Sarolla, MM. Fras-
chini, Morini, Giraldoni, Carion, Padovani, Bouché, Roveri. De plus ,
nous apprenons que Mmo Anna de Lagrange est déjà réengagée pour la
prochaine saison, et que des offres ont été faites, par son entremise, au
baryton Délie Sedie, actuellement à Paris, qui n'est pas seulement un
grand chanteur, mais encore un excellent comédien. Paris regrettera
doublement de voir s'éloigner M. Dello Sedie, qui eût si bien fait salle
Ventadour.
— Le Moniteur belge nous transmet de nouvelles nouvelles sur les
sœurs Marchisio. On y lit, sous la rubrique : « Théâtre-Italien. — Que
ceux qui aiment la belle et grande musique admirablement inteprélée se
rendent ce soir au Théâtre-Italien; c'est la dernière, et irrévocablement,
la dernière représentation de Norma par les sœurs Marchisio, et il ne faut
pas manquer à une telle fêle. Eminentes cantatrices et déployant à l'envi
les plus brillantes et les plus solides qualités vocales, les sœurs Marchisio
sont aussi des tragédiennes de première force.
« Leur chant est tour à tour d'une douceur.exquise ou d'une énergique
puissance; tout se détache en nuances d'une délicatesse infinie ou en
traits d'une merveilleuse hardiesse, que le succès couronne toujours; mais
c'est peut-être par l'expression, par la sensibilité, par un je ne sais quoi
de magnétique, que le talent de MIIes Marchisio se manifeste avec le plus
d'éclat. Elles chantent divinement ; mais ce n'est pas seulement l'oreille
qui est dignement flattée, c'est l'âme qui est émue, enivrée, et qui recueille
les jouissances les plus vives par cette magnifique expression dramatique,
dont les deux sœurs ont le secret. »
— Nous recevons encore de Belgique une dernière nouvelle, mais
celle-ci des plus tristes : il ne reste plus que les quatre murs du Théâtre
des Nouveautés de Bruxelles. Le feu s'y est déclaré avec une telle inten-
sité, — une demi-heure seulement après la>fin du spectacle, — qu'il a été
impossible de songer à sauver le théâtre. On a dû se borner à concentrer
le feu, en préservant les maisons voisines. Par un rare bonheur en pareille
circonstance, il n'y a pas de malheur à déplorer en dehors du dommage
matériel.
— La Société philharmonique d'Amiens a donné son concert de clôture
lo 17 avril, avec le concours de MmeViardot, de Graziani, Félix Godefroid
etBerthelier. Dans cette solennité, une des plus complètes de la saison, les
excellents artistes que nous venons de citer ont été salués et acclamés de
la façon la plus enthousiaste. Mme Viardot, avec le grand air de YOrphée
de Gluck, les variations de la Cenerentola, l'air final de la Sonmmbulu, a
littéralement éleclrisé l'auditoire. Graziani a chanté quatre fois et a récolté
quatre salves de bravos. Godefroid enfin a ravi les assistants avec sa harpe
d'or, dont on a joué l'ouverture. Mais n'oublions pas les compositions de
M. Jules Deneux, président de la Société, notamment sa belle fantaisie sur
les Huguenots. L'orchestre, dirigé par M. Ch. Lacoste, a partagé le succès
du compositeur. Certes, la Société philharmonique d'Amiens ne pouvait
terminer son année d'une façon plus digne et plus brillante, sans compter
que les chansonnettes de Berthelier couronnaient le programme.
— Mlle Marie Marimon, que les habitués de l'Opéra-Comiquc regrettent
et redemandent à tous les titres, vient d'obtenir à Bordeaux , au concert de
la Société philharmonique, un tel succès, que des représentations lui ont été
immédiatement demandées. Un engagement appelait M110 Marimon à An-
gers ; elle n'a pu se rendre à ce désir. Voici les morceaux chantés par
cette charmante cantatrice au concert de Bordeaux, et qui lui ont valu
force acclamations et rappels : un air italien, le boléro de la Fanchonnette,
les variations des Diamants, et les couplets du chien de Barkouff.
— Le mardi 2 avril on célébrait, à Sainte-Clolilde, une messe solen-
nelle de la composition de M. César Franck aîné, organiste et maître de
chapelle de cette église. Quelqu'un se présente à l'une des portes, et est
aussitôt arrêté par une loueuse de chaises : « Monsieur, c'est HO cen-
times.— Je ne veux pas donner 50 centimes. — Alors, vous ne pouvez
pas entrer. — J'entrerai, et ne donnerai pas 50 centimes. » La loueuse de
chaises allait se fâcher, lorsqu'il lui tomba dans la main une pièce de
vingt francs. « Monsieur se* trompe probablement, dit la bonne femme
radoucie. — Est-ce que la messe n'est pas au profit de la Caisse de secours
des artistes musiciens? — Si fait! Monsieur. — Eh bien I alors, je suis
libre de ne pas donner 50 centimes. » Le même esprit de charité animait
toutes les dames qui avaient bien voulu se charger de la quête : Mme la
princesse Etienne de Beauveau, Mme la comtesse Raoul de Bellebœuf,
jjmes Ancclot et Walwehi Taylor. La messe, parfaitement exécutée parles
chanteurs solistes MM. Chapron etLeter, par l'orchestre et par les chœurs,
fait honneur au talent de M. Franck aîné. Nous ajouterons que M. Dubois,
lauréat du Conservatoire, chargé ordinairement de l'orgue d'accompagne-
ment, a tenu le grand orgue de manière à mériter le suffrage de tous les
connaisseurs. [Revue et Gazette musicale.}
— M. Pierre Benoît, grand prix du Conservatoire de Belgique, dont
les compositions musicales sont justement appréciées en ce moment, à
Paris comme à Bruxelles, vient d'envoyer au gouvernement belge une-
messe solennelle à deux chœurs, sur laquelle l'Académie de musique a été
unanimement d'accord. Voici en quels termes le savant musicien, M. Fé-
tis, s'exprime sur cette œuvre d'art : « La messe de M. Pierre Benoît estune
grande composition, digne de fixer l'attention sous les deux points de vue
qui embrassent tout la valeur d'une œuvre d'art, à savoir : la pensée et sa
réalisation. Dans la musique instrumentale, la pensée, le sentiment, jouis-
sent d'une indépendance, d'une liberté illimitées, qui vont jusqu'à l'idéal
pur; mais lorsque l'art a un objet déterminé, comme celui de la musique
religieuse ou de la musique dramatique, le sentiment, la pensée, se subor-
donnent aux exigences du sujet, et l'inspiration est d'autant meilleure ,
que son caractère est plus conforme à ce sujet.
« Ce qui frappe au premier abord, dans l'examen de la partition de
M. Pierre Benoît, c'est précisément l'accord du style avec l'objet religieux
de son œuvre. Ce style est grave, mais ce n'est pas à dire que ce soit celui
de la musique d'église des maîtres qui ont écrit dans la seconde moitié
du xvme siècle, ni dans la première du xixe ; car le jeune artiste marche
dans une voie qui est la sienne. Il use des ressources de l'instrumenta-
tion, mais il n'en abuse pas. Il en fait un accompagnement des voix et
non une symphonie luttant avec celles-ci. Il ne craint pas de faire taire tout
son oicheslre pour laisser à découvert l'intérêt sentimental qu'il a su
mettre dans l'expression du texte sacré par les ressources vocales, etc., etc.
« En terminant mon rapport, je crois devoir dire que le progrès de
M. Pierre Benoît dans ses compositions, le sentiment intime qu'on y re-
marque, l'originalité de sa pensée et son habileté dans l'art d'écrire, me
font espérer que la Belgique comptera parmi ses enfants un grand musi-
cien de plus. »
Un pareil langage dans la bouche d'un homme de la valeur de M. Fétis,
pour M. Pierre Benoît est la garantie d'un brillant avenir. Dans un article
plus étendu, nous reviendrons prochainement sur les œuvres de ce jeune
compositeur, dont le talent, qui s'annonce sous d'aussi heureux auspices,
mérite de fixer l'attention de toutes les personnes qui s'intéressent à l'art.
A. Hehnette.
17 ï
LE MENESTREL
— L'autre soir, M. Delofïrea trouvé sur son pupitre un bâton de chef
d'orchestre, d'un fort beau travail, portant cette inscription : Théâtre-
Lyrique : les auteurs de la Statue, à M. Deloffre. M. Ernest Reyer et ses
collaborateurs ne pouvaient témoigner d'une façon plus délicate, à l'excel-
lent chef d'orchestre du Théâtre-Lyrique, leur reconnaissance pour le zèle
et l'inteUgence qu'il a apportés à la direction musicale de leur œuvre.
— A la demande de ses nombreux amis, M1"" Cinli-Damoreau, qui
depuis son retour de Chantilly habitait dans le faubourg Saint-Germain,
à l'une des extrémités de Paris, vient de se rapprocher des artistes et du
monde des arts. La célèbre cantatrice a pris possession d'un vaste apparte-
ment rue de Laval, 22, où l'on espère bien lui voir ouvrir de nouveaux
cours de chant avec l'aide de sa fille, Mme Damoreau-Wekerlin. Ce serait
toute une bonne fortune pour les gens du monde et les artistes qui veulent
acquérir ou compléter un talent à l'école de chant la plus pure, la plus
élevée, qui se soit produite dansées derniers temps.
— La seconde réunion des orphéonistes de France aura lieu à Paris,
vers la fin de septembre prochain, au Palais de l'Industrie. Les journaux
de musique qui annoncent ce festival ne seront certainement pas accusés
de donner leurs nouvelles trop tardivement.
— Nous avons le regret d'annoncer la mort d'un ancien et excellent
artiste de l'Opéra-Comique, M. Achille Riquier, retiré depuis quelques
années etdécédé ces jours-ci à la suite d'un accès de goutte.
SOIRÉES ET CONCERTS
— Le huitième concert de la Société du Conservatoire se composait de
la symphonie en fa de Beethoven, de l'ouverture â'Oberon et de la béné-
diction des drapeaux du Siège de Corinthe, — remplaçant le final de la
Vestale, — tous chefs-d'œuvre au courant du répertoire. En fait de p;èces
nouvelles, le programme nous offrait un bel air de Haendel, une eanzo-
netta de Mozart, charmante inspiration qui n'a pas besoin de signature ;
enfin; un magnifique concerto pour violon, de Mendelssohn , exécuté par
A'ard, avec celte pureté, cette délicatesse et cette maestria qui en font le
cher actuel de l'école française. MM. Battaille et Cazaux, qui tenaient la
partie vocale, se sont fait chaleureusement applaudir. Aujourd'hui di-
manche, le dernier concert.
— Jeudi dernier avait lieu, salle Herz, la seconde séance des concerts
de chant classique de la foniation Beaulieu, au bénéfice de la Caisse des
pensions et secours de l'Association des artistes musiciens. On y a exécuté
les morceaux suivants. Première partie : 1. Le Retour de Tobie, oratorio,
Haydn, chœur et s dos chantés par M. Marié et M11" Irma Marié. 2. Orphée,
cantate (1730), Pergolèse, chantée par M. Lucien. 3. Sixième Madrigal ,
Orlando Gibbon, maître de chapelle de Jacques Ier, roi d'Angleterre, chœur
sans accompagn 'ment (1612). 4. Quando miro il tuo bel ciglio, canzo-
netla, Mozart, chantée par M. Baltaille. 5. Acisel Galalée, pastorale (1710),
Haendel, air, duo et chœur, soli chantés par Mllc Balbi et M. Lucien. —
Deuxième parlie : 1. plisa, ou le Mont Saint-Bernard, opéra, Chérubini,
introduction, chœur avec solos, chanlés par MM. Lyon et Marié. 2. Air
d'Agrippine dans Britannicus (1752), Graun, maître de chapelle de Fré-
déric le Grand, chanté par MmLÉ Viardot. 3. Angélus, chœur sans accom-
pagnement (1594) , Felice Anerio, compositeur de la chapelle pontificale.
4. Psaume '60 (1726), Marcello, chœur avec solo, chanté par M. Battaille.
5. Le Retour de Tobie, oratorio, Haydn, air et chœur, chanté par Mmc Viar-
dol. _ L'orchestre était dirigé par M. Deloffre ; les chœurs conduils par
M. Marié; M. Soumis tenait l'orgue de Debain. — Celle solennité a été
digne de son beau programme et des grands artistes chargés de le dé-
frayer. Le morceau qui a produit le plus d'effet, — il faut le dire parce
que cela est, — est le madrigal d'Orlando Gibbon (1612) , un simple chœur
sans soli, sans orchestre , qui a eu pour pendant Y Angélus de Félice
Anerio [1594).
— M. J. Armiugaud a donné, mercredi dernier, salle Herz, un concerl
dont les compositions du bénéficiaire faisaient en grande partie jes frais.
Ces compositions, qui, de même que celles de M. Lalo, appartiennent au
genre sévère, élevé, mais quelque peu cherché, ont trouvé un auditoire
attentif, éclairé et sympathique. Toutefois, la Prière de l'enfant, mélo-
die d'un moindre mérite, mais d'un cachet plus naïf, a été spécia-
lement goùt;o, et M110 Balbi en a partagé les honneurs. L'habile pianiste
Lubeck et le baryton Archainbaud ont eu leur bonne part du programme
de M. Armingaud, qui a voulu se révéler compositeur en môme temps que
violoniste de la meilleure école. Celte première tentative est faite pour
nous en valoir une seconde, et personne ne s'en plaindra. Les musiciens
de la valeur de M. Armaingaud ne se 'rencontrent pas souvent sous les
plus habiles archets.
— Avant M. Armingaud, son digne partenaire de musique de chambre,
le violoncelliste Jacquard avait donné concert salon Pleyel, avec le con-
cours de Mme Massart et de trois élèves de M. Révial, MM. Luiz, Hayel et
Mlle Marie Cico, qui a chanté l'air du Serment de manière à surprendre
des plus agréablement ceux qui ne l'ont point entendue depuis quelque
temps. A propos de chant, nous dirons que le violoncelle de M. Jacquard
chante dans un stylo élevé; les cordes ne grincent ni ne tremblotent on
guise d'expression ; c'est pur et noble comme l'instrument même de
sainte Cë.àle. Seulement M. Servais nous paraît avoir abusé de ce noble
• instrument dans la fantaisie caractéristique dont M. Jacquard s'est fait
l'interprète. Il y a là ce qu'on appelle dos tours de force de mécanisme
d'un goût contestable, d'un effet absolument stérile, aujourd'hui surtout
que le public, plus éclairé, veut avant tout de la musique, même sous
l'exhibition d'un soliste de concert.
— La veille du concerl de M. Léon Jacquard, les salons rleyel fêlaient
le virtuose Sarasate, le jeune et fougueux élève d'Alard. C'esl que Sara-
sale en est déjà à sa seconde manière : on sent que l'enfant rêveur se fait
homme. Son archet mélancolique et expressif prend un caractère, une
énergie digues d'un chevalier de l'ordre de Charles III. La reine Isabelle,
en plaçant la décoration sur cette jeune poitrine, a ouvert de nouveaux
horizons an talent déjà si précoce du virtuose franco-espagnol. Le sang
castillan bouillonne sous ce talent français, qui par cela même offre
quelque rhose de plus complet, de plus saisissant : aussi combien le
maître est fier de l'élève, et avec quelle verve Alard défiait Sarasale dans
leur symphonie concertante 1 Que de bravos en une seule soirée 1... 11 est
vrai que l'une de nos meilleures canlalrices, M"e Dorus , que MM. Leroy
etVerrousl, un amateur distingué, M. I.évy, et les chansonneltes de
Sainte-Foy,en ont pris leur bonne pari.
— Mardi dernier, les salons Érard se transformaient en théâtre lyrique :
décors et rampe, acteurs et souffleur, tout annonçait des opéras de salon,
au lieu et place du programme habituel de nos concerls. C'était Mmc Ga-
veaux-Sabalier, secondée de Mn,cAnna Barlhe, de MM. Adam, Biéval et
Capoul. On a d'abord joué une très jolie opérette de M. Hignard, paroles
de M. Verconsin, sous le litre: A la porte ; après quoi, M. le comte W.
d'Indy a pris possession de la scène avec son Feu sous la neige, par qua-
ran'e degrés de chaleur Réaumur. Les deux parlilions de salon ont clé
reçues par des bravos sans fin, s'adressant autant aux auteurs qu'aux
interprèles. Il y a eu des rappels pour les uns et pour les autres; et bref,
Mme Gaveaux-Sabaticr a dû être fière du succès de sa soirée, de la bril-
lante et chaleureuse composition de- son public. Entre les deux pièces, il
y avait le Serpent de M. Castel et un intermède dont le piano de Diémer
et le violon de Sarasate ont fait les honneurs. Ce dernier a joué une fan-
taisie sur le Trouvère, qui a éleclrisé les assistants ; le premier, dans ses
variations de Weber sur un thème italien , s'est contenté de les intéresser
et de les charmer. El, à propos des variations de Weber, nous nous di-
sions : A la bonne heure I voilà des variations qui ne prêchent pas dans le
désert. C'esl on ne peut plus inléressanl à suivre que celte iransformalion
et le développement des thèmes sous les formes et les harmonies les plus
variées, les plus musicales. Le trait n'y est pas négligé , mais dans une
forme mélodique, caractéristique, et amené au moyen de transitions,
d'épisodes harmoniques, qui ajoutent singulièrement à l'attrait des varia-
tions, lorsque le rclour obligé s'en fait sentir. A la bonne heure, voilà
de la musique, bien qu'écrile en vue de faire briller l'instrument et
l'exécutant.
— C'est dans le salons des Arts unis, au milieu des toiles et sculptures
■ des maîtres, que le baryton Jules Lefort à donné sa soirée d'adieu aux
concerts. Il y avait foule : la meilleure société de Paris venait là souhaiter
bonne chance au bénéficiaire , . pour ses débuts au Théâtre-Lyrique.
MM. Lefébure, Hermann et Balla brillaient au programme de leur ca-
marade de concert. M™° Damoreau-Wekerlin, empêchée par une regret-
table et sérieuse indisposition, a été remplacée à l'improvisle par Mme Nnma
Blanc, qui est à la fois une charmante femme et une agréable cantatrice
de l'école Picrmarini. Bref, la soirée a été des meilleures, et le public
triplement charmé : la musique, la peinture et la sculpture semblaient se
marier à l'envi pour le mieux de ses menus plaisirs.
— limes Qju]a Grisi, Marie Battu, MM. Mario, Graziani, Braga et Roméo
Accursy, se réunissaient la semaine dernière salons Érard, pour composer
le programme du beau concert du virtuosc-3ompos;leur Slanzieri, qui a
NOUVF.l.LES ET ANNONCES.
175
fuit entendre et applaudir une belle sonate et diverses œuvres de sa compo-
sition. Le plus beau monde de Paris assistait à cette soirée italienne, dont
une Française, Mlle Marie Battu, a remporté les honneurs dans la Seviliana
de Stanzieri.
— Mme Borghi-Mamo n'aura fait qu'une courte apparition à Paris, mais
dont M. Luizi Ruizi s'est empressé de profiter pour son concert. Mmc Bor-
ghi a chanté par trois fois, et rappelée chaque fois, dans une légende
valaque de Braga, pour chant et violoncelle, le quatuor de la Mandicante
de Braga, avec MM. Graziani, Solieri et Reuz, et le Brindisi de Lucrezia
Borgia. On le voit, comme violoncelliste et comme compositeur, Braga
a pris sa grande part du programme de cette soirée, et son frère, le
pianiste Joseph Braga, y a trouvé l'occasion de faire applaudir un noc-
turne inédit et sa jolie mazurka. te Carillon.
— Mme Borghi-Mamo se rend à Naples. '
— Tous nos pianistes compositeurs, MM. Ascher, Coheu, Delioux,
Godard , Ketterer , Kruger , Lefébure , Leybach , Marmontel , Magnus,
Okelly et George Pfeiffer ont eu l'heureuse idée de composer un album
à la mémoire de leur ami A. Goria, et dont ils ont fait hommage à sa
digne veuve. Dimanche dernier, dans les salons Pleyel, qui furent le ber-
ceau et le toit hospitalier de Goria, une audition des œuvres de cet album
a eu lieu, et chaque pianiste est venu jouer son morceau. C'était piquant,
et le succès ne pouvait être douteux. Il a été complet. C'est le jeune Lavi-
gnacqui a exécuté, et d'une manière délicieuse, la Sérénade de son pro-
fesseur Marmontel. MUe Balbi et M. Gourdin faisaient les honneurs de la
partie vocale. Le piano était tenu par M. Mangin.
— Décidément MUc Balbi devient la jeune reine de celte fin de saison. Nous
l'avons relrouvée mercredi soir chez Érard, au concert de MM. Lasserre
et Diémer. L'air du Concert à la Cour, avec, ses notes piquées, lui a été
spécialement favorable; mais elle n'a pas été moins applaudie dans le
duo de la Dams blanche, avec M. Victor Capoul. Le violoncelliste Lasserre
a captivé l'auditoire par la pureté et la délicatesse de son jeu. Le violon de
M. Jules Sauzai et le lauréat Capoul, ont récollé de nombreux bravos.
Quant à M. Diémer, un des jeunes inaîties de l'école Marmontel, il a été
prodigieux de netteté, d'agilité, de goût et de sentiment musical : sous ses
doigts de velours et d'acier, sa Polonaise de concert et les délicieux petits
chefs-d'œuvre deMendelssohn, le Printemps, la Fileuse et tu Citasse, ont
fait merveille ; la Chassé a eu les honneurs du bis. Enfin, le Prélude de
Bach (Gounod|, et une romance sans paroles, de Mendelssohn , arrangée
par M. L. Rocques, pour piano, violoncelle et orgue, ont terminé la soirée.
Le public a rappelé tous les artistes.
— La belle Mlle Virginie lluet, qui passe du piano à l'orgueet de l'orgue
au piano avecautantdecharme que de facilité, nous a fait applaudir à son
concert, salle Herz, diverses pièces de Lefébure-Wély et de Lebeau, à
côté du/oitr du printemps deGoria,dela valse favorite d'AmbroiseThomas,
et de la Marche turque de Mozart, qu'elle a jouée dans un mouvement
trop précipité. Aussi a-t-on trouvé le concert trop court, fait assez rare
pour mériter d'être signalé. M"L' Balbi a chanté comme une délicieuse
fauvette; M. Délie Sedie comme un grand chanteur qu'il est, et M. Tayau
en Levassor des Bouffes-Parisiens. Il serait impossible de mieux rendre la
musique et la tyrolienne de l'Avenir. Le public le lui a prouvé par un bis
formidable. Les frères Guidon, avec leurs charmants duos, ont largement
partagé le succès de cette soirée. Quant à M. Diémer, il n'a fait que pa-
raître dans le premier duo pour piano et orgue ; mais celte courte appa-
rition a suffi pour lui assigner une place d'honneur dans le programme
de Mlle Virginie Huet.
— Une de nos jeunes cantatrices qui ne se prodiguent pas , Mmc Sudre
(Joséphine Hugot), a donné, le lo de ce mois, salle Herz, un concert des
plus attrayants, dont elle a eu particulièrement les honneurs. La bénéfi-
ciaire surtout a charmé l'auditoire p.r l'expressive pureté de sa diction.
Verse, encore, de Galalhée, et On a beau dire, de Mmc Loï;a Puget, lui ont
valu de chaleureux rappels.
— Samedi dernier, 20 avril, nous avons assislé , salle Herz , au concert
de M. Edouard Colonne, premier violoniste de l'Opéra. L'a excellent coup
d'archet, une grande fermeté d'exécution et un bon sentiment musical,
telles sont les qualités du bénéficiaire, qui a particulièrement brillé dans
un concerto de Viotli et une fantaisie de Ch. de Bériol. M1Ic* Balbi et
le jeune Pugni , pianiste âgé de 8 ans, ont contribué à l'attrait de cette
soirée. N'oublions pas le morceau magistral qui a ouvert le programme,
la Sérénade de Beethoven, foit bien traduite par MM. Colonne, Adam
et Lasserre.
Concerts annoncés.
— Voici le programme du concert donné dans la salle du Conserva-
toire, le samedi soir 4 mai, par M. Léon Kreutzer, programme composé
de ses œuvres : 1° Symphonie en si bémol ; 2° Les Matelots , chœur pour
voix d'homme; 3° Mélancolie et l'Ondine, mélodies pour soprano, chan-
tées par M"1' Marie Cico ; 4" La Mer, scène pour orchestre ; S0 La Fiancée
du Marin, scène pour soprano, chœur et orchestre, chaînée par Mlle Ma-
rie Cruvelli; 6" Grand concerto symphoniquo, pour piano, exécuté par
Mme Massart ; 7° Jennij ht blonde, scène pour soprano, chœur et orchestre,
chantée par M"e Marie Cruvelli; 8° Airs de ballet des Filles d'azur, frag-
ments pour orchestre d'un opéra inédit — L'orchestre et les chœurs seront
composés de 160 exécutants. Le produit de ce conceil est destiné à l'Asso-
ciation des artistes musiciens.
— Aujourd'hui dimanche, à deux heures, au Cirque Napoléon, boule-
vard des Filles-du-Calvaire, grand festival donné par l'Association des
Sociétés chorales du département de la Seine, sous la direction de M. Dela-
fontaine, son président, aveclo concours de M. Carré, del'Opéra-Comique,
et de la belle musique de la garde de Paris : 800 exécutants.
— Demain soir lundi, salle Herz, concert de la jeune Maria Boula y, élève
d'Alard, appelée au dernier concert des Tuileries. Celte nouvelle Slilanolla
jouera avec son maître et accompagnement d'orchestre la symphonie con-
certante exécutée par Alard et Sarasate, vendredi dernier, salons Pleyel,
Ce seul morceau suffirait au programme, si par ailleurs nos premiers ar-
tistes ne s'étaient empressés de donner une marque toute particulière de
sympathie à la jeune virtuose. A dimanche prochain les détails.
— Demain soir, lundi, salons Pleyel, deuxième concert de notre pià-
niste-composiieur Camille Siamaty, avec le concours de M""5 Mancel, de
MM. Délie Sedie et Frizzi, chanteurs du théâtre italien de Berlin. M. Sta-
maty exécutera, entre autres œuvres, sa Sicilienne, sa Marche hongroise,
ses transcriptions des Noces de Figaro, Plaisir d'amour, et sa Valse des
Oiseaux (redemandée).
— Un concert religieux et historique au profit de l'œuvre de Notre-
Dame de Mainte-Espérance aura lieu jeudi 2 mai, à la salle Herz, sous la
direction de M. Charles Vervoîtte, maître de chapelle de Saint-Rocb, avec
le concours de MM. Barthélémy, Leprevost, Lebrun, Prumier et Goidner. La
maîtrise de Saint-Roch exécutera plusieurs morceaux de M. Vervoitte et
un ceriain nombre de chœurs religieux publiés par le journal La Maîtrise,
Les soli seront chantés par M. Hayet, premier ténor solo à Saint-Roch
et par MIle Orwill.
— M. Jacq. Franco-Mendès, l'habile violoncelliste-compositeur, donnera,
le mercredi 8 mai, une matinée musicale dans les salons Bains Tivoli.
— Concerts Musard. — Mercredi Ier mai , réouverture des Concerts
Musard. La bonne société parisienne a pris, on le sait, cet établissement
sous son patronage. C'est qu'aussi, il est impossible d'entendre ailleurs
une musique comparable à celle que fait exécuter dans ce jardin délicieux,
par un orchestre tout à fait d'élile, le maestro Musard II.
— Parmi les innombrables recueils de cantiques qui se publient tous
les jours, nous avons remarqué les Cantiques faciles pour toutes les
fêtes de l'année, de M. Alexandre Lemoine. Les mélodies de ces cantiques
sont généralement d'un style simple et bien appropriées aux paroles.
J.-L. Heugel, dire
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgnos fïi
-Jacqu
En vente AU MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivienne.
PRIÈRES QUOTIDIENNES.
Mises en musique par
A. DE PEELLAERT.
A une ou deux voix*
LesignedelaCroix.
1. Notre père. — 2. Je vous salue Marie.
3. Credo. — 4. Acte de foi et d'espérance.
5. Acte do charité. — 6. Acte de contrition.
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AIRS DÉTACHÉS AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO, PAR L'AUTEUR.
Ouverture pour le piano , in-8° 5
Nos 1. Couplets chantés par M. Crosti : Je vais vous croquer 4
2. Couplets chantés par M. Ponchard : Quand de notre village. . . 4
3. Couplets chantés par MM. Ponchard et Crosti : Le Rossignol et la
Fauvette *
s 4. Air chanté par M. Ponchard : II a raison, Bastien
5. Ariette chantée par M"e Lemercier : Je redeviens Ninette
6. Brunette chantée par Mlle Lemercier et M. Crosti: Assis auprès
SOUS PRESSE. Fnrlitii
de Babet.
7. Romance chantée par AI. Crosti : Comme autrefois.
net : aï fr. — Quadrille par 18. MARX : 4 fr. 5© c.
DOUZE MÉLODIES NOUVELLES DE VICTOR MASSÉ.
N°s 1. Le Baiser donné 4
2. Tristesse d'Olympio 6
3. Le Matin S
4. Pourquoi ne m'aimez-vous? 4
Nos 5. Bergerie 4
6. Regrets 4
7. Attente S
8. Rozette 4
Nos 9. Aurore
10. La Plainte du Pêcheur
11. Voyage
12. Chanson des Lavandières, duo pour
deux voix égales
Michel Bergson. Sérénade mauresque pour voix de ténor, chantée par M. Morini, du Théâtre-Italien 3 »
Op. 44. Un orage dans les lagunes, caprice pour le piano 7 50
— Sérénade vénitienne extraite de l'œuvre 44, pour le piano 5 »
— Op. 50. La Zingara, morceau de concert pour le piano 7 50
Lconie Tonel. Échos du bal, impromptu-mazurka pour le piano 6 »
Astre des nuits, berceuse pour le piano 7 50
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MAITRE CLAUDE
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Ees airs détachés avec accompagnement de piano, par A. BAZ1L.LE.
Ouverture pour le piano 7 50
1. Couplets chantés par M. Berthelier : Dans le Royal-
Cravate " "
1 bis. Les mêmes, transposés pour baryton 6 »
2. Romance chantée par M. Gourdin : Je rêvais un peu de
gloire 3 50
3. Couplets chantés par Mlle Cordier : Dans notre auberge,
Moi
Monseigneur 3 50
4. Couplets chantés par M. Trov : Allons au Franc-Chasseur. 4 »
5. Chansoai chantée par MIIe Marimon : L'autre jour, sur le
bord de l'eau
5 bis. La même , transposée pour mezzo-soprauo
6. Mélodie chantée par M. Gourdin : Ah ! c'est peut-être du
délire .
7. Couplets chantés par Mlle Marimon : Tous les deux au
bois, allons cueillir la noisette
7 bis. Les mêmes, transposes pour mezzo-soprano .
POUR PARAITRE TRÈS-PROCHAINEMENT :
Partition piano et chant , — Net. 8
(Arrangée pour la conduite de l'orchestre.)
Parties d'orchestre Net. 50
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3 50
3 50
4 50
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J.-L. HEUGEL,
Directeur.
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SOMMAIRE.
TEXTE.
I. Méhul et ses œuvres (3e article). P. -A. Vieillard. — II. Théâtre impérial de
l'Opéra-Comique : première représentation de Salvator Bosa, opéra en trois
actes de M. Duprato. J. Lovy. — III. Dernier concert du Conservatoire. Ed.
Viel. — IV. Petite chronique : une vente d'autographes. A. Dureao. — V. Nou-
velles, Soirées et Concerts, Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique Je Piano recevront avec le numéro de ce jour :
MUSETTE,
Souvenirs du Mont-Dore , rondo pastoral de Marmontel. — Suivra
immédiatement après : Guipures et Dentelles, de A. Croisez.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant : la
CHANSON A BOIRE ,
Chantée par Mlle Marimon dans Barlcouf, paroles de MM. Scribe et
Boisseaux, musique de J. Offenbach. — Suivra immédiatement
après : Sœur Mélanie, scène-mélodie de A. de Villebichot , paroles
de Mme la Csse Olympe M. de Lernay.
MÉHUL ET SES ŒUVRES.
( 3e article. )
Le grand succès de Stralonice avait eu lieu au commencement
de 1792. A la même époque, Méhul fit recevoir au grand Opéra
Adrien, dont Hoffmann avait fait les paroles. Cetle pièce eut la
plus étrange destinée, destinée qui ne fut pas sans influence sur
celle des deux auteurs. Ni Hoffmann ni Méhul ne jouèrent
jamais le rôle d'hommes politiques ; mais le premier, doué d'in-
finiment d'esprit et d'une inflexibilité de caractère à toute
épreuve, au lieu de donner aucun gage à la Révolution qui
s'avançait plus menaçante de jour en jour, ne lui fit jamais les
moindres concessions. Adrien n'était rien moins que ce qu'il
fallait à la veille du 10 août. On savait que le héros devait y
paraître sur un char traîné par quatre chevaux blancs, dressés
par l'écuyer Franconi ; sujet d'attenle et d'impatience pour la
curiosité du public, mais sujet de scandale ou plutôt d'indigna-
tion parmi les hommes tout-puissants qui se disposaient à faire
feu sur la monarchie. On sent bien surtout qu'après le 10 août
le char d'Adrien entra sous la remise. Il n'en devait sortir qu'en
1799, dans les derniers jours du Directoire.
Ce fut avec Arnault, jusqu'alors monarchiste très-prononcé et
qui le redevint sous l'empire, que Méhul, en 1793, mit en scène
à l'Opéra Horalius Coclès, sujet républicain. L'ouvrage n'était
qu'en un acte et fit peu de sensation ; mais lié avec M.-J. Ché-
nier, Méhul obtint un succès très-réel dans le Chant du départ,
le seul de tous les hymnes enfantés par la Révolution qui ait pu
se soutenir à côté de la Marseillaise et presque à sa hauteur.
Méhul mit encore en musique le Chant de victoire, le Chant du
retour et les chœurs de la tragédie de Timoléon, par Chénier.
Dans les années néfastes de 1793 et 1794, le Jeune Sage et le
Vieux Fou, bouffonnerie sans gaieté d'Hoffmann, mais où l'on
applaudissait avec transport un air charmant chanté par Solié,
Phros'me et Mélidore, sont les seules traces du passage de Méhul
sur la scène lyrique. Le sujet de Phros'me et Mélidore est, sous
d'autres noms, celui de Héro et Léandre, et Arnault avait fait
ressortir jusqu'au dégoût l'inconvenance d'un pareil sujet, en y
ajoutant encore le scandale de l'amour d'un frère pour sa sœur.
Ces taches durent faire proscrire à la scène un ouvrage que de
nombreuses beautés musicales auraient dû y maintenir ; mais on
sait que la pruderie révolutionnaire n'entendait pas raison en
fait de mœurs.
Enfin, lorsque vint, après le 9 thermidor, le premier apai-
sement de la tourmente; lorsque la société, échappée à la des-
truction, put en venir a compter ses plaies et à essayer de les
cicatriser, elle appela presque tout d'abord les beaux-arts à son
secours, et le mois d'août 1795 vit l'organisation du Conserva-
toire national de musique, dont le premier directeur fut le res-
pectable Sarrette, mort tout récemment, et qui, sous divers chefs
178
LE MÉNESTREL.
et sous divers régimes, dirigea pendant plus de soixante ans avec
éclat, en France, les destinées de l'art musical. Dès l'origine du
Conservatoire, Méhul y fut attaché comme l'un des trois inspec-
teurs généraux de l'enseignement. Il fit aussi partie de l'Institut
national dès l'époque de sa création, en 1796 (an IX).
Méhul se trompa lorsqu'en 1795 il fit représenter à l'Opéra-
Comique une pièce dont le sujet était emprunté à l'épisode de la
Caverne des voleurs, dans le roman de Gil Dlas, épisode déjà
mis en scène en 1793, an théâtre de la rue Feydeau, et auquel
le mérite éminent de la partition de Lesueur et l'admirable talent
de madame Scio avaient valu le succès le plus éclatant et le mieux
justifié. De quelques moyens que soit doué un auteur, il réussit
bien rarement en venant établir une concurrence avec l'ouvrage
depuis longtemps en possession de la faveur du public. Je ne
vois guère que l'incomparable Rossini qui ait résolu cette ques-
tion tout à son avantage contre Paesiello, dans le Bailler de
Se'viUe, et encore ne fut-ce pas d'abord sans contestation.
Un fait presque sans analogue dans les fastes lyriques vint, en
1797, s'attacher au nom de Méhul. On sait où en était en France
l'opinion publique aux approches du 18 fructidor. On ne chan-
tait point alors tout haut Vive Henri Quatre! mais beaucoup
de cœurs murmuraient tout bas ce dicton encore populaire. Le
Jeune Henri, où Bouilly le dramaturge avait mis à la scène une
aventure galante des premières années du Réarnais, fut-il une
des manifestations de cette disposition des esprits? Je l'ignore
absolument : je n'étais pas alors à Paris, et je n'ai jamais lu la
pièce, qui, je crois même, n'a pas été imprimée. Ce que je puis
dire, c'est que l'épreuve ne fut pas heureuse et qu'elle aboutit à
une chute complète. Il me paraît au reste très-vraisemblable que
les partisans du Directoire durent faire à cette œuvre, bonne
ou mauvaise, une rude guerre.
Mais, bien différent fut le sort du librettiste et celui du musi-
cien. Si le premier tomba lourdement, le second fut porté aux.
nues, et l'ouverture du Jeune Henri, symphonie où étaient re-
tracées sous les formes les plus grandioses et les plus pittoresques
la marche, les développements et toutes les péripéties d'une
chasse royale, électrisa tellement l'auditoire, qu'il voulut l'en-
tendre deux fois de suite avant le lever du rideau. Ce n'est pas
tout : après l'avoir fait baisser sur l'ouvrage, le public, insatia-
ble de la musique, voulut avoir une troisième audition de l'ou-
verture et la fit recommencer pour clore le spectacle. Elle resta
depuis au courant du répertoire, reparut souvent sur l'affiche, et
toujours son exécution excita les transports les plus vifs. Combien
de fois n'ai-je pas pris ma part de cet enthousiasme, poussé pres-
que jusqu'au délire!
J'aime à dire qu'en 1800, Bouilly prit avec Chérubini la re-
vanche la plus éclatante du fâcheux échec dont tout le talent de
Méhul n'avait pu le garantir. Les paroles eurent peut-être autant
de part que la musique au succès des Deux Journées, et ce suc-
cès, le plus grand et le plus prolongé que le compositeur ait ob-
tenu au théâtre, aurait suffi pour consacrer son nom.
Revenons à Méhul. Enfin, en 1799, l'Opéra, qui se mourait
d'inanition, parvint a arracher l'autorisation du Directoire pour
la mise en scène à' Adrien; mais les pentarques, qui, d'ailleurs,
tiraient sur leur fin, peu attachés aux pompes monarchiques, ne
voulurent pas faire les frais de l'attelage annoncé depuis huit ans,
suppression qui nuisit beaucoup au prestige de la scène. Aussi
l'ouvrage, quoique fort applaudi, et qui méritait de l'être parle
grandiose des tableaux, sinon par l'intérêt du sujet, par le ca-
ractère élevé de la composition plutôt que par la variété des
effets; qui, en un mot, n'offrait qu'à trop petite dose ce qu'on
va surtout cherchera l'Opéra, le prestige des tableaux qui char-
ment les yeux, n'obtint qu'un grand succès d'estime, attrait in-
suffisant pour attirer et surtout pour retenir la foule. Adrien ne
put se maintenir au répertoire.
Un autre grand ouvrage, Ariodant, drame héroïque en trois
actes, joué à l'Opéra-Comique, et dont Hoffmann avait fabriqué
le canevas, eut un destin beaucoup plus heureux. Ici, il y eut
de prime abord succès, et succès d'enthousiasme. Je n'hésite
point à en rapporter presque exclusivement l'honneur à Méhul :
la partition d' Ariodant est de la plus grande richesse. Le final
du premier acte est l'un des plus beaux qu'il y ait au théâtre :
au second acte, la fête nocturne où est encadrée cette délicieuse
romance qui vivra autant que la musique,
Femme sensible, entends-tu le ramage,
le grand monologue d'Ina, qui renferme un cantabile et un air
de développement du caractère le plus pathétique et le plus
élevé; les élégantes mélodies de l'air de Dalinde, Calmez cette
colère, enfin, l'harmonie terrifiante de la marche qui, au troi-
sième acte, précède le jugement de Dalinde, prise pour Ina, tout
cela révèle la touche du grand maître et constitue l'ensemble
d'une composition du plus grand mérite.
Quant au poume, il offre sans doute de l'intérêt et des parties
de dialogue bien traitées; mais l'action est embarrassée et par-
fois se traîne au lieu de marcher. Il y a aussi dans le style de la
boursouflure, ce qui n'empêche pas qu'il n'y ait en même
temps de la trivialité. Je ne sais si c'est un reste d'impression
causée par le travail que j'ai fait jadis sur cette pièce, en essayant
de la parodier ; mais il me semble qu'Hoffmann, d'ordinair si
vif et si spirituel, a plus d'une fois sommeillé sur le manuscrit
d' Ariodant.
Delà, je crois, le principe de la préférence que le public a
toujours donnée à Monlano et Stéphanie sur Ariodant, plus lar-
gement traité dans la même donnée, mais d'une allure bien plus
lente et moins saisissante dans ses résultats.
En 1800, Méhul fit, en société avec Chérubini, la musique
d'Êpicure, opéra-comique de Demoustiers, en trois actes et en
vers. Le public ne prit aucun goût à cet ouvrage, d'un caractère
équivoque et d'une froideur glaciale. Il fallait tout le charme et
la passion de Slratonice pour sauver ce que la gravité historique
du costume et du style grec avait de trop sévère pour les habi-
tués de l'Opéra-Comique. Ce fut aussi ce qui arrêta le succès de
Blon, après un très-petit nombre de représentations, quoique
cette espèce de pastorale héroïque d'Hoffmann et Méhul, inter-
prétée par l'élite des chanteurs du théâtre, eût fait d'abord ap-
plaudir, à côté d'un dialogue semé de traits brillants, de ravis-
santes mélodies.
Quelques jours seulement après Blon, Ylralo vint substituer
la parodie italienne aux gracieux tableaux de la Grèce. Le petit
théâtre de la rue Chantereine, à peine baptisé du nom glorieux
de théâtre de la Victoire, venait de faire exhibition d'une
troupe de virtuoses italiens, parmi lesquels brillaient plusieurs
talents de premier ordre et qui excitaient fortement l'attention et
les sympathies du public parisien. Un essai de parodie de la
grande école allemande, signé de mon nom, avait été accueilli
le dernier jour de l'année 1800, au théâtre Favart, par un im-
mense éclat de rire des spectateurs. Que le goût et la mémoire
d'Haydn et de Garât veuillent bien le pardonner à ce public,
et à moi aussi 1 Quoi qu'il en soit, cette goguette de quelques
jours mit le théâtre en belle humeur, et le 19 février 1801,
MUSIQUE ET TFIÉATRES.
179
VIrato ou l'Emporté, opéra-comique, transplanté, disait l'affi-
che, du sol d'Italie sur notre terroir français, y prenait racine à
In place du Premier homme du monde, ou la Création du som-
me)'/, parodie du grand chef-d'œuvre d'Haydn, intitulé la Créa-
don.
L'affiche du théâtre indiquait comme auteur de la musique
de l'Iralo un signor Fiorelli, dont le nom n'était pas connu en
France, mais que tous les échos de l'Opéra-Comique proclamaient
à l'avance le type du genre italien le plus à la mode. Le fait est
que sous le nom de Fiorelli se cachait Méhul, et que l'amorce
présentée au public avait pour but de tourner son plaisir exoti-
que en ridicule, en l'amenant à bafouer quelques étrangetés
scéniques qui déparaient le merveilleux effet des mélodies de
Sarti, de Paesiello et deCimarosa.
Marsollier, qui ne traitait guère avec succès que le genre élé-
giatique, fut le complice de Méhul, dans la parade qu'ils lancè-
rent au public comme une production italienne du meilleur aloi.
Le public y fut-il pris? Je n'en sais rien, et mémo, je n'y crois
guère ; cela n'empêcha pas que le succès ne fût immense, et long-
temps soutenu. C'est là tout ce qu'il faut au théâtre.
Il faut pourtant en convenir, VIrato, bouffonnerie très-spiri-
tuelle, manquait de franche gaieté. Talents ingénieux et remplis
de grâce, Méhul et Marsollier étaient des esprits sérieux, et qui
connaissaient peu le rire. L'élément comique était bien plus vi-
vace chez Hoffmann que chez Marsollier. Voyez les Rendez vous
bourgeois à côté de VIrato, et comparez aussi cette parade guin-
dée à l'exhilarant Tableau parlant.
Cependant, un admirable quatuor, resté comme un type de
coupe musicale, et conduit, à la scène, par Martin avec une in-
telligence et une verve merveilleuses, cinq ou six morceaux d'une
originalité brillante sans avoir nullement le cachet italien, la ca-
ricature ultra-plaisante d'Elleviou, dans le personnage de Lysàn-
dre, et de Dozainville dans celui du docteur Balouard, la
perfection du chant de Martin, Solié et Philis-Andrieux, ne per-
mirent pas d'apercevoir les défectuosités de composition, et
surtout la méprise sur la question musicale à laquelle on avait
attaché l'effet de l'ouvrage. J'ai déjà dit que, jugé en dehors de
cette question, il n'en réussit pas moins.
P. -A. Vieillard.
( La suite au prochain numéro. )
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQUE.
Salvator Rosa, opéra-comique en trois actes, paroles de MM. Eugène
,Grangé et Henri Trianon, musique de M. Duprato.
Voici venir un homme du métier , un des jeunes et bons mu-
siciens de l'école française. Avec M. Duprato (l'auteur des
Trovalelles) , nous tournons le dos à l'avenir , à la fantaisie, à
la mélopée vague et flottante; avec lui nous rentrons dans les
formules usitées , nous faisons même, s'il vous plaît, une petite
incursion dans l'école italienne , nous côtoyons Verdi et Doni-
zelli, avec leur chaude canlilène et. . . leur grosse caisse.
Le librelto dont s'est inspiré cette fois M. Duprato appartient
un tant soit peu au genre bouffe. La pièce n'est pas précisément
un chef-d'œuvre, et l'on ne se trouve pas saisi d'un bien vif in-
térêt pour les divers personnages qui concourent à l'action ;
mais le. tout s'agence avec assez d'animation pour fournir pré-
texte à des mélodies, à des chansons, à des duos, à des morceaux
d'ensemble des mieux réussis.
Au lever du rideau une troupe de bateleurs fait rage sur une
place publique de Borne; mais les badauds n'affluent pas. L'art
est dans le marasme, comme dit Bilboquet. Nos saltimbanques
n'ont pas fait leurs frais, et leur aubergiste les menace de la pri-
son s'ils ne payent pas son mémoire. Survient Salvator Rosa, le
peintre aventurier; il s'intéresse aux bateleurs et répond pour
eux. Il n'engage pas sa signature, mais, séance tenante, il fait le
portrait de l'aubergiste, qui l'accepte avec joie pour solde de
son mémoire.
Salvator Rosa se met ensuite à fraterniser le verre en main
avec cette honorable troupe nomade. Il raconte qu'il revient
d'une grande tournée à Venise, à Milan, à Florence, et qu'il a
hâte de revoir Antonio, son élève chéri. Antonio est le fils d'un
homme que Salvator a eu le malheur de tuer en duel ; il a
adopté l'orphelin en prenant l'engagement de le protéger et
d'assurer son avenir.
A point nommé voici Antonio qui traverse la place , l'œil
morne, l'air désespéré. Le jeune homme est éperdument amou-
reux de Lorenza ; mais un féroce tuteur, il signor Capuzzi, vient
chaque fois contrecarrer ses sérénades et déjouer ses espérances.
— Il faut enlever la belle ! dit Salvator : laisse-moi faire! —
Et il donne ses instructions à sa troupe de bateleurs.
Ceux-ci vont tambouriner et annoncer par la ville que l'illustre
Formica, l'émule des Pulcinella, n'est pas mort, et qu'il va faire
son apparition sur la place. La foule accourt, et Salvator, af-
fublé du costume de Formica , se livre à une grande parade.
Lorenza et son tuteur, attirés par la parade, se mêlent aux ba-
dauds. Salvator y comptait bien : il prend à partie le vieux
Bartholo; celui-ci se fâche, et, profitant de la bagarre, les bate-
leurs enlèvent Lorenza cl la transportent chez Salvator.
Il faut vous dire ici que Salvator a eu occasion de voir Lorenza
dans un couvent de Florence. Déjà même la jeune pupille de
Capuzzi s'était senti un faible pour le peintre aventurier; mais
la donna e mobile : aujourd'hui Antonio a remplacé Salvator
dans le cœur de notre belle.
En retrouvant Lorenza, Salvator sent se ranimer sa flamme
(vieux style). Antonio le surprend en pleine déclaration, l'ap-
pelle traître, et le provoque en duel. De son côté, Capuzzi, à qui
sa pupille est rendue, se montre très-disposé à la donner à Sal-
vator Rosa, devenu un artiste célèbre et nommé peintre ordinaire
du Vatican. Le vieux tuteur stipule, pour condition essentielle
du mariage, le don que lui fera Salvator de sa galerie de ta-
bleaux, car le Barlholo sait qu'elle vaut son pesant d'or.
La noce se préparc ; mais l'heure fixée pour le duel approche
aussi, et le souvenir du père d'Antonio assiège l'esprit de Sal-
vator. L'épée lui tombe des mains dès qu'Antonio croise le fer
avec lui. La cloche de V Angélus achève l'œuvre de sacrifice en
rappelant au peintre l'heure fatale où le père d'Antonio fut
frappé à mort. Salvator prend une de ces résolutions héroïques
déjà exploitées au théâtre : il trinque avec les bateleurs, entonne
des refrains bachiques, et, simulant l'ivresse, il se fait compléle-
.tent désaimer par Lorenza, ce qui lui permet de rendre à son
jeune protégé la main et le cœur de la belle. — Le tuieur n'en
aura pas moins sa galerie de tableaux.
Comme vous voyez , les éléments bouffes dominent dans ce
canevas. Le cœur de Lorenza est trop flottant pour captiver
l'intérêt. Antonio seul accuse quelques lueurs de passion. L'ac-
tion est donc essentiellement comique, avec une légère intermit-
tence de drame ; mais il n'en faut pas davantage pour motiver
une très-agréable musique franco-italienne.
180
LE MÉNESTREL.
Le premier acte de la partition est le moins riche. Pourtant
nous y avons remarqué plusieurs morceaux clignes d'Être signa-
lés : entre autres le boléro de M"e Lemercier : La recelte est un
problème ; le chœur fugué : En prison ! et la ronde des bate-
leurs, chantée par Crosti (Salvalor) , couplels d'une facture ori-
ginale que le public a redemandés. Quant à la parade de Formica,
elle brille beaucoup plus par son caractère bouffe que par sa
valeur intrinsèque. — Au deuxième acte nous avons le grand
air de Lorenza : Par le sommeil j'étais bercée, que termine un
brillant allegro en mouvement de valse ; un trio d'une excel-
lente coupe, le grand duo de la provocation et le final ; ces deux
dernières pages portent les empreintes de l'école italienne d'une
façon frappante , y compris la grosse caisse. — Le troisième
acte , qui nous semble le mieux réussi , nous offre d'abord un
joyeux divertissement de noces : les chants et les danses s'y com-
binent avec une vive tarentelle, ornée d'un rapide et coquet
accompagnement de flûte, — tarentelle que l'ouverture avait déjà
escomptée. Dans ce ballet se trouve intercalée la chanson de l'Er-
mite, avec refrain en chœur. Ces couplets, d'un tour piquant, dits
par M1 Ie Lemercier, ont été bissés, et des salves de bravos ont éclaté
à la reprise du divertissement. — Vient ensuite un duo entre
Antonio et Lorenza : Quand de vos yeux sur moi tombe la (lammc,
morceau assez passionné, dont Warot et M"0 Saint-Urbain ont
fait vaillamment les honneurs. — Mentionnons enfin la cava-
tine de Salvator : Rêves de joie et de bonheur, morceau d'un
beau caractère; et le rideau tombe sur la reprise de la ronde des
bateleurs, qu'on avait applaudie au début de la pièce.
Voilà donc, tout compte fait, sauf quelques défaillances ou
réminiscences, un opéra-comique sainement constitué, et que
les augures déclarent viable.
Crosti tient le rôle principal d'une façon très-satisfaisante. Il
a exécuté sa grande parade avec entrain, donné un bon cachet
de mélancolie à sa cantilène du dernier acte, et peut aussi re-
vendiquer sa part du succès de la ronde des bateleurs. Warot
(Antonio) a recueilli de légitimes applaudissements, surtout dans
les deux duos. M1Ie Saint-Urbain (Lorenza) s'est spécialement
distinguée dans son grand air, dont la couleur italienne semble
appropriée à son organisation. Bamboccio, le gracieux pitre de
la troupe des bateleurs, trouve en Mlle Lemercier une interprète
pleine de verve, comme on pouvait s'y attendre. Lemaire, Na-
than etPalianti complètent l'ensemble de la pièce. Lemaire,
qui représentait le tuteur, a lutté, — avec un courage héroïque
et souvent malheureux, — contre un des plus formidables en-
rouements qui se soient jamais épanouis devant la rampe, — ce
qui donnait je ne sais quel prestige de férocité tragi-comique à
ce Bartholo de la décadence.
J. Lovy.
DERNIER CONCERT DU CONSERVATOIRE.
La belle symphonie en la mineur de Mendelssohn ouvrait la
séance de dimanche dernier ; aujourd'hui mieux comprise, et
par conséquent mieux appréciée, cette remarquable composition
a reçu un accueil des plus sympathiques. Quant aux fragments
d'Alcesle, déjà exécutés il y a quelques semaines, ils ont vu se
renouveler avec un égal enthousiasme le double triomphe et du
maître et de l'interprète ; Mme Viardot a notamment soulevé
toute la salle dans ses deux airs : Non, ce n'est point un sacri-
fice.... et : Divinités du Slyx La grande artiste n'a pas ob-
tenu, un moindre succès dans l'air d'Electre de ['Idoménée de
Mozart : sans être à la hauteur surhumaine de la grande scène
de ténor avec chœurs, cette page a beaucoup de force et de cha-
leur. Mozart n'avait guère plus de vingt ans quand il écrivit
Idoménée !
On a fait bisser les fragments de Promélhée de Beethoven,
ce qui, — sauf erreur, — nous a procuré le plaisir d'entendre
six fois, celte saison, ces divines mélodies dansantes.
N'oublions pas la berceuse (chœur) de Blanche de Provence
et la magnifique ouverture du Freyschiitz, enlevée de verve.
11 y a eu en tout onze concerts, y compris les deux soirées de
la semaine sainte ; les travaux de la société ont donc été relati-
vement considérables, et on peut ajouter que d'heureuses ten-
dances se sont révélées dans la composition des programmes.
Une part plus large a été faite à Rossini et à Mendelssohn.;
enfin Berlioz a été admis aux honneurs de l'exécution dans l'en-
ceinte des Menus-Plaisirs.
A ces éloges, que nous donnons avec une satisfaction si vive,
nous avons le regret de joindre quelques petits semblants de
critique : Beethoven a été, nous paraît-il, un peu négligé cette
année ; plusieurs de ses œuvres capitales, entre autres Egmont,
n'ont pas été exécutées, et, ce qui est plus grave, son œuvre
symphonique n'a pas été dit en entier.
Mais, nous dira-t-on, comment concilier ces exigences avec
votre désir de voir s'agrandir le répertoire? Nous répondrons :
en ne recourant aux répétitions qu'avec une extrême réserve ;
or, il y a un assez grand nombre de morceaux qui ont paru deux
fois, et même plus, sur l'affiche. Le système recommandé exige
infiniment plus de soins et de peines, nous ne l'ignorons pas,
mais nous savons en mémo temps que les membres de la société
no.reculent devant aucun sacrifice, dès qu'il s'agit do l'éclat ou
de l'amélioration de l'institution exceptionnelle dont ils ont
l'honneur de faire partie.
Terminons en accordant un juste tribut de louanges à la per-
fection, d'ailleurs proverbiale et accoutumée de l'orchestre, à
l'excellence des chœurs , aux soins dévoués de leur chef ,
M. Vautrot, et, finalement, à M. Tilmant, l'habile et infatigable
directeur de la Société.
E. Viel.
PETITE CHRONIQUE.
Une vente «S'ï»Mt©grapSaes.
J'ai plusieurs fois appelé l'attention des lecteurs de ce journal
sur l'importance des autographes pour ce qui touche l'histoire
de l'art et de ses interprètes. Je ne puis donc que me répéter
en annonçant la vente qui va avoir lieu ces jours-ci (1), et tout
en exprimant une fois de plus l'étonnement de voir certaines
lettres, certains détails particuliers, adressés à des personnages
vivants, se trouver, à peu de temps de leur date, offerts à des
enchères publiques.
Voici, au hasard, quelques-unes des pièces de celte intéres-
sante collection en ce qui concerne la musique et le théâtre.
Outre un certain nombre de lettres et de billets relatifs à la'
musique et signés : Adam, Auber, Beethoven, Boïeldieu, Ber-
lioz, Carafa, Chérubini, Donizetti, Elwart, Gounod, Halévy,
Meyerbecr, etc., etc., je lis une lettre fort intéressante de Paga-
(1] Le 11 et jours suivants : M. Laverdet, expert.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
(81
nini. ... Le beau climat de Nice lui permet d'espérer quelque
amélioration.... Au milieu de ses souffrances, il attend des
nouvelles de son ami et de celles de son violon d'Amati : il de-
mande quelques violons d'auleur, de Stradivarius, de Guarne-
rius, sains, de vernis rouge et sonores... — Un autre violo-
niste, Joseph Ghys, écrit à M. Compans au sujet d'un concert
qu'il vient de donner à Paris, .. . que son amour-propro avait
de quoi être pleinement satisfait : ce. . . Baillot m'accompagnait
(j'en étais presque honteux), avec Tulou, Franchomme, Galay,
Habeneck; l'illustre Paër était au piano : notez que le premier
coup d'archet solo qui ait été donné aux Tuileries cet hiver est
de voire serviteur; LL. MU. n'aiment que le chant. . . »
Blasius, l'ex-chef d'orchestre de l'Opéra-Comique, apprend
avec étonnement que Mme Davrigny veut jouer le rôle de Délia
dans les Trois Sultanes. « Est-ce qu'elle veut rire, ou espaire
d'être melleur que mademoisselle Armand. Celle-ci a regréez le
rôle. . . A la vérité, elle ne chanta rien de ma musique la pre-
mière fois; mais la seconde, elle chanta un air; la troisième,
elle chantera deux. . . Vous voyez qu'il n'y a pas de doutte que
je préfaire une femme qui chante ma musique à une femme qui
m'écrit des sotisses ».. . — Le compositeur Candeille est tout
près pour la représentation de son Brulus, que le Comilé de
salut public vient d'ordonner à l'Opéra...» Jean Darius, ancien
chanteur de l'Opéra, mort centenaire à Rouen il y a deux ans,
écrit à son cher bienfaiteur que...« dans ce jour solemnel, un
devoir sacré, dicté par la reconnaissance, il vient le remercier
d'avoir soulagé son extrême vieillesse. . . « Dans mon malheu-
reux désastre, en perdant simultanément et la sueur de trente
ans de sueur, et ma famille entière, MM. les Francs-Maçons de
Rouen vinrent à mon secours; par bonheur, j'avais rempli le
devoir sacré que la nature impose aux enfants bien nés, en
faisant aux auteurs de mes joufs une pension de 1200 fr.
par an; voilà ce qui fait la tranquillité de mon âme et me fait
attendre la mort sans la craindre. »
Voici une lettre assez comique du chef d'orchestre Jullien ;
c'est une véritable esquisse de mœurs. ... « Si ton amiX. . .
peut écrire un article sur l'ouverture du Théâtre-Italien, ou la
réouverture de l'Opéra, leurs perspectives pour l'hiver, il
pourra le faire insérer. . . Si tu peux dire un bien énorme, exa-
géré d'Alboni, cela facilitera la chose!!! Prends un modèle,
c'est-à-dire copie, ou imite, ou arrange, ou dérange un article
de T. Gautier ou de J. Janin ou de Berlioz, ou même un mé-
lange des trois , ce qui est encore moins reconnaissait ; 2° sois
sobre d'adjectifs, c'est le genre anglais; ne cherche pas à être
drôle, ne crains pas de l'être, écris comme cela vient, sois sur-
tout long, c'est encore le genre anglais. . . »
Un autre chef d'orchestre compositeur, qui a dirigé les bals
de la salle Valenlino, Antony Lamotte, nous apprend quelles
ont élé ses études musicales, effectuées dans la froide austérité
des maîtrises et des séminaires... l'avenir qui lui était ré-
servé sous l'exploitation de confrères ineptes, les nécessités de
la vie, etc. . . Il a eu, dans son orchestre de bals , sous ses or-
dres et en qualité de simples contre-bassiers, deux maîtres de
chapelle d'églises importantes de Paris. Ces deux admirables
industriels vivaient de l'aulel le malin et du bal le soir. . .
« C'était bien la peine, en vérité , de porter autrefois toutes
mes aspirations artistiques vers la noble profession des Pales-
trina et des Allegri, quand je devais, quelques années après,
avoir, sous ma baguette de ménétrier, avec la faculté de les
renvoyer à ma fantaisie, deux adeptes de cet ordre musical...
La vie est parfois une amère dérision!. . »
Un certain nombre de pièces relatives à Talma ne manquent
pas d'intérêt; le billet suivant, par exemple : « Le comte de
Rémusat, surintendant des spectacles, a bien du plaisir à annon-
cer à M. Talma que l'empereur Napoléon le recevra quelquefois
le matin à son déjeuner. Il n'aura pour cela qu'à se présenter à
l'appartement de S. M. vers neuf heures et demie du matin...»
Et aussi deux lettres d'Hippolyte Ris, contenant la relation des
duels qui eurent lieu à Lille, par suite du séjour de Talma,
entre les officiers de la garnison et les Lillois : « Le colonel
voulait faire charger; les cartouches étaient distribuées; mais
les canonniers bourgeois annoncèrent qu'au moindre signe
hostile, ils manœuvreraient les pièces qui se trouvaient sur les
remparts, et les invincibles Vendéens défilèrent piteusement
entre une haie de gendarmes, etc., etc. »
Citons, pour finir, un billet piquant de M"e Clara Margue-
ron, de Y Opéra- Comique, à un journaliste. . . « Un vieux pro-
verbe dit qu'on prend les mouches avec du miel, et non avec du
vinaigre ; comme vous avez cru devoir employer avec moi ce
dernier moyen, je vous prie de vouloir bien garder voire jour-
nal...-» Et celte lettre de Martainville, l'auteur du Pied de
mouton : « Il est malade, goutteux et non en disposition de bal,
ni de fêle. Il n'a pas pourtant voulu que sa femme se privât du
plaisir qui lui est interdit : il est bon malade et bon mari. Elle
ira donc à la fêle, accompagnée du général Guilleminot, leur
ami. Il se consolera en rendant compte du plaisir de celte char-
mante nuit, de n'avoir pu la partager ; il ressemblera à cet eu-
nuque persan qui a fait un poëme sur les délices de l'amour. »
Je ne mentionne pas, et pour cause, les billets intimes ; on
frémit en songeant que rieu ne se perd. . . et qu'il n'y a pas de
grand homme pour un amateur d'autographes.
A. DCBEAU.
NOUVELLES DIVERSES.
— Le théâtre avait une large part dans le programme de la soirée
donnée dimanche aux Tuileries. L'intermède se composait des Suites d'un
bal masqué, jouées par Delaunay ,, Leroux, Delphine Fix et Madeleine
Brohan; et de la Pluie et leBeau Temps, proverbe inédit de SI. Léon Gozlan,
interprété par Mme Arnould-Plessy, Bressant et Coquelin. Cetle petite
comédie avait élé jouée pour la première fois deux jours auparavant chez
M. Jules Sandeau, l'académicien. Artistes et auteurs ont reçu les plus vives
félicitations de la part de LL. MM.
— L'exposition de 1861, des beaux-arts, s'est ouverte mercredi der-
nier, 1er mai, à la foule des Parisiens et étrangers avides chaque année
d'un spectacle toujours le même, et cependant toujours nouveau. On re-
marque cette année de belles toiles et un ensemble de sculpture presque
somptueux. La veille, le mardi, LL. MM. avaient honoré de leur présence
les artistiques galeries du Palais de l'Industrie, qui, sans être de notre^ spé-
cialité, nous offriront toutefois le sujet d'une modeste revue théâtrale et
musicale. Les bustes et portraits d'artistes notamment n'y brillent point
par leur absence.
— Le théâtre impérial de l'Opéra donnera samedi prochain, 11 mai,
une représentation extraordinaire an bénéfice de la petite-fille de Rameau.
Pour tous ceux qui s'intéressent à l'art lyrique, cette soirée offrira un
double aurait, celui d'une bonne œuvre associée à l'hommage rendu à
l'une de nos illustrations musicales.
— On sait que la convention internationale pour la reconnaissance de la
propriété littéraire et artistique entre la France et la Russie, dont M. le
comte de Morny avait posé les bases, est restée à l'état d'élaboration. Les
journaux étrangers annoncent aujourd'hui que l'heureuse initiative prise
par M. de Morny vient d'aboutir, et que M. de Courtois, secrétaire de
la légation de France à Saint-Pétersbourg, est arrivé à Paris, porteur du
traité dont les ratifications ne tarderont pas à être échangées.
182
LE MÉNESTREL.
— A Leipzig on a représente avec quelque succès un opéra nouveau
intitulé : le Comte de Santarem, musique de M. Schliebner. Le livret est
imité du français.
— De retour d'Allemagne , Roger s'est installé dans son beau château
de Villiers, dont une partie s'est transformée en Conservatoire interna-
tional. Déjà l'Allemagne envoie ses pensionnaires, et les cours vont
commencer avec la première quinzaine de mai. On sait que l'art drama-
tique lyrique est l'objet spécial de ces cours.
— L'énigme suivante, insérée dans la Gazette musicale de l'Allemagne
du Sud, prouve avec quelle exactitude et quelle sagacité les correspon-
dants allemands mettent leur pays au courant de ce qui se passe à Paris :
« Ponsard, le célèbre professeur de chant au Conservatoire de Paris ( ??),
avait une remarquable collection d'instruments de musique de toutes les
époques. La ville de Paris vient d'acheter cette collection pour en doter
le Conservatoire.» Ainsi, non -seulement le correspondant confond
M. Clapisson avec l'académicien Ponsard, il en fait encore un professeur
de chaut !
— Les théâtres de Bruxelles se disposent à donner des représentations
au bénéfice des victimes de l'incendie du théâtre des Nouveautés.
— S. M. le roi des Belges vient de faire remettre, par son ambassadeur
à Paris, les insignes de Tordre de Léopoldà noire pianiste-compositeur et
excellent professeur du Conservatoire, F. Le Couppey.
— Tous les artistes ou employés du grand théâtre de Gand se sont r ''unis
pour offrir à M. Vizentini, directeur-artiste, qui est à la veille de quitter
la troupe, une couronne d'argent massif , comme témoignage d'estime et
d'affection. M. Audran, le ténor, a prononcé à cette occasion quelques
chaleureuses paroles, et s'est rendu l'interprète des regrets de tous ses
camarades, au moment de cette prochaine séparation.
— On l.t dans la Maîtrise : « Nous sommes heureux de pouvoir ras-
surer les personnes qui avaient pu concevoir des inquiétudes sur l'exis-
tence et l'avenir de l'École de musique religieuse de Paris , fondée et
dirigée par notre regrettable ami, M. Niedermeyer. Malgré le vide que
laisse dans l'établissement la perte aussi imprévue qu'irréparable de son
chef, le train des études n'a pas subi la moindre interruption, et, grâce
au concours et au dévouement des professeurs de l'École, toutes les parties
de l'enseignement ont marché et continueront â marcher avec la plus
parfaite régularité. M. Niedermeyer n'était pas seulement un directeur
vigilant et un administrateur éclairé; il était chargé encore de trois cours,
le cours de plain-chant et d'harmonie appliquée au plain-chant, le cours
de composition instrumentale, et le cours d'enseignement supérieur de
piano. Il fallait suppléer M. Niedermeyer dans ces diverses fonctions, et
ce n'était pas chose facile. Voici comment les rôles ont été distribués. Le
savant maître de chapelle de la Madeleine, M. Dietsch, déjà inspecteur
des études musicales et professeur de l'établissement, exerce les fonctions
de directeur, en môme temps qu'il enseigne l'harmonie, le contre-point,
la fugue et la composition instrumentale. Toutefois, M. Dietsch n'a consenti
à assumer une pareille responsabilité qu'autant que M. le prince Ponia-
towski, déjà président de la commission d'examen, voudrait bien prendre
le titre d'inspecteur général des études, titre que ce dernier a accepté.
M. Loret joint à la classe d'orgue dont il était professeur la classe de plain-
chant et d'accompagnement de plain-chant. M. Camille Saint-Saëns, l'ha-
bile organiste de la Madeleine, l'un de nos premiers pianistes-composi-
teurs, et qui possède son Sébastien Bach (on peut le dire sans figure, sur
le bout du doigt) , est entré en qualité de professeur de la classe supérieure
de piano (première division). M. Allairc reste chargé de la classe de piano
(seconde division). De leur côté, M. l'abbé Ritouret et M. l'abbé Laurier
restent chargés de l'enseignement religieux et littéraire. La comptabilité
et l'administration sont confiées aux soins de M. Alfred Niedermeyer fils.
Voilà donc l'École de musique religieuse de Paris, l'école-Niedermeyer,
car c'est là son vrai nom, constituée aussi solidement qu'elle l'était na-
guère, et aussi digne que par le passé de l'intérêt des artistes, de la con-
fiance du clergé et des familles. J. d'Or...
— Nous avons le regret d'annoncer que M. et Mme Meillet viennent de
signer un engagement avec le grand théâtre de Marseille, qui a l'ait d'énor-
mes sacrifices pour s'attacher ces deux artistes. C'est une perte réelle pour
le Théâtre-Lyrique.
— Le 20 avril dernier, la Concordia de Mulhouse a donné son premier
concert dans la salle de la Bourse, sous la direction de l'habile professeur
et compositeur Joseph Ueyberger. Cette fête musicale, défrayée par les
œuvres de Beethoven, Rossini, Mendelssohn, Meyerbeer, Richard Wagner,
a élé fort intéressante et promet les plus heureux résultats pour l'avenir.
— Voici comment s'exprime f Album Angevin au sujet du talent de
M"c Marimon, de l'Opéra-Comique, actuellement en représentations à
Ange:s : « Comme chanteuse, Mllc Marimon aconquis les suffrages unani-
mes. Sa voix n'a pas de puissance, mais elle est très-fraîche, et réglée par
une excellente méthode. Quelle articulation mordante et précise! Quelle
prononciation nette et française! Chez Celte jolie artiste, l'art est parfait;
elle vocalise à ravir. On ne perd pas une note de son trait, quelque rapide
et audacieux qu'il soit! C'est d'une pureté, d'une douceur nuancée dont
on connaît peu d'exemples. Bien que Mlle Marimon accomplisse des pro-
diges de gosier, elle ne trahit aucun de ces efforts qui causent une im-
pression pénible. Elle est toujours souriante, toujours gracieuse, la char-
mante artiste ; surpris et charmé, l'on se demande :
« Quel oiseau brillant chante dans sa voix ! »
— M. Eugène Déjazet a obtenu de S. Exe. le Ministre d'État l'autorisa-
tion de représenter ses productions sur son théâtre. Cette autorisation,
toute spéciale, a des limites. Une partie de chaque représentation et la
moitié des droits de chaque soirée devront être réservés aux autres
auteurs.
— La Société chorale et la Société des fanfares de la ville d'Autun ont
eu l'heureuse idée d'appeler le concours de notre professeur-chanteur Gé-
raldy pour un concert donné au profit des pauvres. Inutile de dire que notre
excellent baryton a eu les honneurs du programme ; — sans préjudice des
justes applaudissements récoltés p ir les chœurs et fanfares d'Autun, ainsi
que par M. Vény, le hautbois, par M"le Charvot, pianiste, et parMllBM.R..,
pianiste, qui désire garder l'anonyme.
— Décidément la musique adoucit les mœurs.... des sauvages; là où
le voyageur rencontrait autrefois des anthropophages, il trouve aujourd'hui
des virtuoses. Les feuilles transatlantiques nous parlent d'un grand con-
cert donné dans une des îles Hervey, de l'archipel de Cook, par les Alle-
ghaniens, troupe de chanteurs nomades bien connus dans toute l'Amé-
rique. Le roi Makea assista à ce concert en personne. Prés de 2,000 billets
furent vendus, et la recette s'éleva à 79 porcs, 98 dindons , 116 poules,
16,000 noix de coco, 5,700 ananas, 418 boisseaux de bananes, 600 ci-
trouilles et 2,700 oranges, dont l'embarquement employa ensuite un jour
et demi. Le concert commença par un quatuor de musique vocale ; puis
suivirent plusieurs morceaux de musique avec cloches et clochettes har-
monieusement combinées. Les sauvages , en proie à la plus vive admi-
ration, ouvrirent des bouches démesurées quand les exécutants firent
entendre la grande marche de Norma. Un des assistants s'avança à la
fin du concert, — dans son costume national, — et s'écria avec enthou-
siasme : « Nous ne vous oublierons jamais! »
SOIRÉES ET CONCERTS
— Les soirées et concerts touchent à leur fin. Déjà nous avons dit
que M. et Mme Bossini avaient fermé leurs salons d'hiver pour s'apprêter
à reprendre possession de leur villa d'été à Passy. Or, voici queMmcËrard
dit adieu à ses nouveaux salons de la ruedu Mail, pour rejoindre son royal
château de la Muelte, et que Mraoa Orfila et Mosneron de Saint-Preux
viennent de nous gratifier de leur dernier dimanche de musique.. . d'hiver,
bien entendu. Le programme était des plus riches; et d'abord M. Délie Sedie
qui, avant de partir pour Londres, a chanté, en compagnie de M. Frizzi,
son digne partenaire du Théâtre-Italien de Berlin: leurs duos et mélodies
ont électrisé l'assemblée, si bien qu'on a bissé le duo tout entier de la
Reine de Golconde de Donizetti. Ce sont là deux grands chanteurs, dmt
le premier a en partage l'âme, la suavité et la distinction ; le second,
l'esprit, la rondeur et la verve. Il est regrettable que le Théâtre-Italien
de Paris ne possède pas deux artistes do cette valeur. A côté d'eux s'est
fait entendre M. Altavilla, ténor également attaché à l'un des théâtres ita-
liens de Berlin, qui en compte jusqu'à deux. M. Altavilla possède une
jolie voix, claire et timbrée cependant; il en fait ressortir toutes les qua-
lités dans la barcarolle de Un ballo in musellera, que Mario a popularisée à
Paris. Une seule voix de femme, un simple soprano de jeune fille tenait
tête à ce trio d'hommes : c'est par la grâce, par la fraîcheur de sa voix,
de son talent et de sa personne, que M110 Balbi a soutenu l'honneur
de l'école française. L'air du Concert à la cour, — fréquemment
interrompu par les applaudissemeuts, — lui a été particulièrement favo-
rable. Une autre jeune fille, — un enfant, par l'âge du moins, — Mlle Maria
Boulay, faisait, avec Ravina, les honneurs de la partie instrumentale. Son
talent es! déjà plein de sève, de sentiment et d'éclat; c'est Theresa Mila-
NOUVELLES ET ANNONCES.
183
nollo sous la figure d'une piquante brime, à l'œil vif, à la riche cheve-
lure d'ébéne. Quant à Ravina, non-seulement il a fait entendre son noc-
turne favori et sa valse la Mahôura, mais encore jusqu'à six études de ses
Harmonieuses, dont on aurait voulu voir défiler le cahier entier. C'est
qu'aussi ces petits tableaux de genre sont si frais, si colorés et si délicieu-
sement exécutés, qu'on ne se lasse point de les redemander à l'auteur.
Nous ne quitterons pas cette dernière soirée de Mme Orfila sans mention-
ner le succès fou, c'est le mot, du comique Tayau dans la Musique sans
paroles de MM. Potier et de Courcy et la Tyrolienne de l'avenir de
J. Offenbach : on n'est pas plus ébouriffant. Un dernier mot : le piano
d'accompagnement était tenu par MM. Mangin et Canoby, deux vaillants
artistes de la jeune garde du Conservatoire,
— La salle Herz, aussi, nous fait ses adieux. Les derniers concerts s'y
pressent, et leurs derniers feux ne sont pas les moins brûlants. Celui de la
jeune virtuose Maria Boulay comptera parmi les plus chauds, sous tous
les rapports. Les applaudissements l'ont disputé à la température delà
salle. Le gaz a beau briller, chauffer et se permettre même de chanter
dans ses appareils acoustiques , le violon de la nouvelle Milanollo défie
tout. La fantaisie du Trovatore et la symphonie concertante, avec Alard,
ont fait furore. Les deux archets n'en faisaient qu'un, aussi l'orchestre
d'Arban s'est-il plaint d'avoir une besogne trop facile. Le maître et l'élève
ont du s'incliner indéfiniment sous les bravos de l'orchestre et du public.
Il en a été de même pour Jules Lefort et Mlle Balbi, qui est venue au der-
nier moment, en bonne et dévouée camarade, remplacer Mlle Maria Saxe.
En voyant près de lui celte jeune et brillante reine de la rue Bergère, en
applaudissant l'archet de Maria Boulay, son royal premier prix, et les dix
doigts de Duvernoy , lui aussi digne lauréat du Conservatoire (classe
Marmoutel), Alard disait, au foyer des artistes : « Moi seul, je fais tache
parmi ces jeunes tètes couronnées. »
— Nous avons dit qu'à l'instar de M. Alfred Jaell, — qui avait du
donner un second concert , salons Êrard, tant le succès de sa première
soirée avait eu de retentissement et d'éclat, notre pianiste-compositeur
Camille Stamaty promettait un second concert, salons Pleyel, dans le but
spécial, cette fuis, de faire entendre ses œuvres nouvelles et anciennes,
ainsi que les études de son troisième cahier : Chant et Mécanisme. C'est
lundi dernier que le nouveau programme de Camille Stamaty s'est effec-
tué, à la grande satisfaction de ses nombreuses élèves et des pianistes du
monde, qui attachent toujours beaucoup de prix, et cela se comprend, à
entendre l'auteur lui-même dans l'interprétation de ses œuvres. Une
vingtaine d'études et de morceaux de piano se suivaient et ont été goûtés
sans la moindre fatigue, tant le bon goût et la variété des genres prési-
daient à leur enchaînement. Le succès a été complet et très-légitimement
partagé par Mme Mancel, MM. Délie Sedie et Frizzi. La partie vocale ne
pouvait être confiée à de meilleures voix, plus habilement conduites.
— Au nombre des dernières soirées musicales données dans les salons
Pleyel, nous devons une mention toute spéciale à l'audition des œuvres
de M. Adolphe Fétis, fils du savant musicien de ce nom. M. Adolphe Fétis,
en sa qualité d'organiste, affectionne la musique religieuse ; aussi avons-
nous entendu, entre autres choses, à sa soirée, une fort belle et large
mélodie, avec accompagnement d'orgue, sous le titre : Dieul C'est
Mme Bockoltz-Falconi qui s'en est fait l'interprète. Au nombre des pièces
d'orgue jouées par M. Fétis, sur un excellent instrument de la maison
Alexandre, nous citerons les Veillées bretonnes, chants sans paroles, qui
ont produit un charmant effet. Le programme était, du reste, des plus
agréables, des plus variés : il se terminait de la façon la plus comique par
les spirituelles chansonnettes do Berlhelier. Le sévère et le plaisant y
cheminaient de compagnie.
— Un jeune violoniste que nous adresse l'Allemagne, et dont M. Pasde-
Ioup nous adonné la primeur, M. Léopold Auer, s'est aussi fait entendre à
la soirée de M. Adolphe Fétis, sans préjudice du concert qu'il a person-
nellement donné à Paris. C'est un jeune virtuose qui fait le plus grand
honneur au Conservatoire de Vienne. Son exécution des plus larges, des
mieux senties, respire la bonne école et une maturité de talent bien lare
chez les prodiges. C'est un jeune prodige qui n'en est pas un dans l'accep-
tion ironique du mot.
— Samedi dernier, M. Lenepveu, toujours si dévoué à l'art musical,
réunissait l'élite des artistis et des amateurs. Son programme se com-
posait de YOttetto de Mendelssohn, du septuor en mi bémol de L. Onslow,
et du deuxième quintette de M. C. Estienne. On remarquait parmi les
exécutants MM. Lenepveu, Dancla, Casimir Ney, LéeetGouffé.
— L'association des Sociétés chorales du département de la Seine, sous
la direction de M. Delafonlaine, a donné dimanche dernier un grand fes-
tival au Cirque Napoléon. Les Sociétés et orphéons, au nombre de huit
cents exécutants, la musique de la garde de Paris, sous la direction de
M. Paulus, et M. Carré, artiste du théâtre impérial de l'Opéra Comique ,
formaient le personnel de cette fête. La foule emplissait, comme de cou-
tume, toute l'étendue circulaire de la salle, et offrait un coup d'œil des
plus imposants. Comme toujours, les compositions de M. Laurent de Rillé
envahissaient le programme. Ses Moissonneurs , sa Noce de village et la
Retruite, ont été fort applaudis; on a bissé ces deux derniers morceaux,
ainsi que les strophes des Hirondelles, chantées par M. Carré. Les Enfants
de Paris, d'Adolphe Adam, ont été également redemandés; c'est leur
destinée habituelle. Enfin, les ouvertures des Diamants de la Couronne
et de la Muette de Portici, brillamment exécutées par la garde de Paris,
ont partagé le succès de cette matinée.
— MIIe Anna Meyer, qui a donné, le 26 avril, un concert salle Érard,
appartient à la catégorie des petits prodiges. Celte enfant, âgée de dix ans,
a joué deux études de concert de M. Guttmann, un concerto de Weber,
la sérénade de Don Pasquale, de Thalberg, le chant de la Pileuse, de
Litolff, et une fantaisie sur Oberon, pour piano et violon, avec M. Singer,
l'auteur de ce morceau. Les doigts enfantins de la jeune bénéficiaire se
jouaient avec une hardiesse étonnante de toutes les difficultés accumulées
dans ces diverses .œuvres ; aussi lui a-t-on fait l'accueil le plus sympa-
thique. MUe Marie Ducrest et le ténor Altavilla ont coopéré avec bonheur
au programme de cette soirée.
— La matinée musicale de M. Jacq. Franco -Mendès aura lieu le mer-
credi 8 mai, dans les salons des Bains Tivoli, rue Saint-Lazare, à une
heure et demie. Le bénéficiaire sera secondé par MUe Ducrest, MM. Capoul
et Lafont pour la parlie vocale, et par MUe Joséphine Martin et M. Ham-
mer pour la parlie instrumentale.
— C'est mercredi, 1er mai, qu'a eu lieu la réouverture des concerts des
Champs-Elysées. Un auditoire nombreux et choisi est venu prouver' à
Musard combien il était heureux de le retrouver à la tète de son excellent
orchestre, renforcé par les solistes les plus distingués de Paris. Le pro-
gramme, qui était des plus attrayants, portait en tête l'ouverture de Semi-
ramide, magistralement enlevée, ainsi, du reste, que l'ouverture de Rienzi,
de Richard Wagner. Nous devons citer encore un air varié pour cornet
à pistons, composé et exécuté par M. Duhem, artiste belge, dit-on, récem-
ment venu à Paris, et qui possède un talent des plus remarquables. Bref,
il y a eu succès complet, sur toute la ligne, et nous pouvons prédire dès
aujourd'hui une véritable vogue aux nouvelles productions que Musard
nous a fait entendre à la séance d'inauguration de la saison d'été de
M. de Besselièvre, aux Champs-Elysées.
— Avec l'ouverture des concerts des Champs-Elysées, il nous faut si-
gnaler la réouverture de l'Hippodrome, dont voici le programme. Pre-
mière partie :1e Monde hippique au xixc siècle; —Polichinelle au bal
du Casino; — une Chasse aux daims;— les Petits Cochinchinois; — courses
en char;— les jockeys nains et les grotesques. — Deuxième partie : les
Phrygiennes; — les Grenouilles en goguette, grand ballet fantastique ; —
Souvenirs d'Afrique, épisode de guerre.
— EnnATUii. Nous croyons devoir rectifier une erreur de nom commise
dans notre dernier numéro. C'est le jeune pianiste Pugno, âgé de huit ans,
et non Pugni, qui s'est fait entendre au concert de M. Edouard Colonne.
— Si jeune, et déjà défiguré !.... par les typographes.
— Voici le Mois de Marie. A nos abonnés qui s'occupent de musique
religieuse nous signalerons les Trente-deux nouveaux Cantiques pour
les exercices du mois de mai, ou les fêtes de la sainte Vierge, de M. Aloys
Kunc, maître de chapelle de la métropole Sainte-Marie d'Auch. Ces can-
tiques se recommandent par la distinction, la simplicité des mélodies, et
1 incpiratien relieuse qui ont presids a leur composition La 2e édition
est en vente à la librairie religieuse de H. Casterman , rue Bonaparte, 66,
à Paris.
— L'éditeur Richault vient de publier un Gloria in excelsis (chœur et
soli) avec accompagnement d'orchestre, réduit pour le piano ou l'orgue,
suivi d'un Ave Regina, composés et dédiés à Mme la comtesse de Sparre
par E. Estienne. —Prix net : 2 fr. 50c.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
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Pour paraître le 1er Mai 1861 , au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, HEUGEL et Ce, éditeurs.
COLLECTION COMPLÈTE
CHANSONS DE GUSTAVE NADAUD
Publiées en sept volumes grand in-8°, et une collection de chansons légères ,
Paroles et musique avec accompagnement «le piano.
Prix net. Chaque volume : 6 fr. — Colleclion des 30 chansons légères : 8 fr. — Souscriplion aux huit volumes : 40 fr.
1 Vieille histoire.
2 L'inconnu.
3 L'automne.
4 Une fée.
5 Trompette.
21 Le quartier latin.
22 Les dieux.
23 Le vieux tilleul.
24 Le château et la chaumière.
25 La ligue des maris.
41 Les pauvres d'esprit.
42 Est-ce tout?
43 La Kermesse.
44 La meunière et le moulin.
45 May.
61 Le voyage aérien.
62 Rose-Claire-Marie.
63 Mon héritage.
64 Paris.
65 Jaloux, jaloux.
f
81 La forêt.
82 Lanlaire.
83 Pêcheur silencieux.
. 84 L'aveu.
S5 Des bêtises.
101 Les heureux voyageurs.
102 L'aimable voleur.
103 La vie moderne.
104 Le pot devin.
105 La vigne vendangée.
121 L'histoire de mon chien.
122 Libre I stances à l'Italie.
123 Bernique.
.124 Nuit d'été.
125 Mon oncle Gaspard.
1 Les amants d'Adèle.
2 Le souper de Manon.
3 Satan marié.
4 Toinette et Toinon.
5 Ursule.
6 Les gros mots.
7 Quitte à quitte.
8 Le coucher.
6 Voilà pourquoi je suis garçon
7 Les mois.
8 Un propriétaire.
9 Le melon.
10 Je pèche à la ligne.
26 Bonhomme.
27 La ballade au moulin.
28 Perrelte et le sorcier.
29 Les cerises de Montmorency
30 Je n'aime pas.
46 La solution.
47 Panorale.
48 Fantai>ie.
49 Je grelotte.
50 Jean qui pleure et Jean qui rit
66TMes mémoires.
67vL'été de la Saint-Martin.
68iLa bayadère voilée.
69 Le jardin deTéhadja.
70 Souvenirs de voyage.
86"Le fou Guilleau.
87 ^La nacelle.
88 Père capucin.
89. La pluie.
90^Les plaintes de Glycère.
106 Le cigare.
107 Les lamentations d'un réverbère
108 La confidence.
109 Les pêcheuses du Loiret.
110 La chanson de gros .Pierre.
126 L'attente,
127 L'oubli.
128 Le roi boiteux.
129 L'improvisateur de Sorrente
130 Les côtes d'Angleterre.
VOLUME.
11 Au coin du feu.
12 Les grands-pères.
13 Les rats.
14 Je m'embête.
15 Ma femme n'est pas là.
S» VOLUME.
31 Rêves et réalités.
32 Les étrennes de Julie.
33 M. Bourgeois.
34 Louise.
35 Le docteur Grégoire.
3e VOLUME.
51 Les écus.
52 Pierrette et Pierrot.
53 Le phalanstère.
54 Les impôts.
55 Les réformes.
4" VOLUME.
71 Insomnie.
72 La vieille servante.
73 II faut aimer.
74 Ma philosophie.
75 Les deux notaires.
5e VOLUME.
91 Le vieux télégraphe.
92 Ma sœur.
93 Les ruines.
94 La mèreGodichon.
95 M. de la Chance.
6« VOLUME.
111 Le puits de Pontkerlo.
112 Les projets de jeunesse.
113 Le sultan.
114 La cuisine du château,
115 Chanson napolitaine.
ï° VOLUME.
131 A propos d'annexion.
132 M'aimez-vous?
133 Le mandarin.
134 Elle.
135 Une histoire de voleur.
16 Je ris.
17 Nous sommes gris.
18 Ivresse.
19 Aujourd'hui et demain.
20 Chauvin.
36 Chut.
37 Les hommes utiles.
38 Le Champagne.
39 Le carnaval à l'assemblée.
40 Beauté.
56 Le message.
57 Pandore.
58 L'histoire du mendiant.
59 La valse des adieux.
60 La première maîtresse.
76 Le bonsoir.
77 La petite ville.
78 Le chevalier à boire.
79 Flora cruelle.
80 Cheval et cavalier.
96 Ma voisine
97 Le vallon de la jeunesse.
98 La fille de l'amour.
99 Lettre d'un étudiant à une étudiante
100 Réponse de l'étudiante à l'étudiant]
I 116 La bûche de Noël.
117 Macadam.
118 Le pays natal.
119 La lecture du roman.
I 120 Le nid abandonné.
136 La promenade.
137 La bruyère.
138 La ferme de Beauvoir.
139 Le vent qui pleure.
140 Florimond l'enjôleur.
COLLECTION DES 30 CHANSONS LEGERES
9 Les boutons.
10 Auguste, étudiant de 10e année.
11 Boisentier.
12 La gaîlé française,
13 Les poissons.
14 La chanson de trente ans.
15 Adèle.
16 La lorette.
17 La lorette du lendemain.
18 La chaumière.
19 Les reines de Mabille.
20 Palinodie.
21 Les confessions.
22 Les deux.
23 Mes enfants.
24 Madeleine.
25 Les plaisirs sont trop courts.
26 Un mari malheureux.
27 Thérèse.
28 Le lion d'or.
29 Le dix-cors.
30 La toilette.
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763. — 28e Année.
N» »4.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 12 Mai
1SG1.
ES>£a
STEEL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
, Rédact'enchef.
LES BUREAUX , S bis, rue Vivïenne. — IIEUGEE et C'% éditeurs.
(Aui Magasins et Abonnement de Musique «lu MÉNESTREL. — Tente et location de Pianos et Orgues.)
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l8r Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; 26 Morce»
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Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Etranger : 36 fr.
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On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre^etles 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser/Varico
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n-Jacques Rousseau , 8. — 2887
SU.YI.YIAIEIE. — TEXTE-
I. Théâtre-Lyrique. Bénéfice de M. Batlaille : première représentation de l'opéra
boutfe de M. le prince Poniatowski : Au travers du mur ; les troisièmes actes
A'Armide et de la Sonnanbula. J.-L. Hecgel. — II. Semaine théâtrale.
J. Lovt. — III. Collection complète des chansons de Gustave Nadaud. Paul
Bernard. — IV. Nouvelle?, Soirées et Concerts, Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
la
CHANSON A BOIRE,
Chantée par Mlle Marimon dans Barkouf, paroles de MM. Scrire et
Boisseaux , musique de J. Offe.nbach. — Suivra immédiatement
après : Sœur Mélanie, scène-mélodie de A. de Villebichot , paroles
de Mme la Csse Olympe M. de Lernay.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
GUIPURES ET DENTELEES,
N° 1 , polka-mazurka de A. Croisez. — Suivra immédiatement après :
le N° 2 , valse.
Nous publierons dimanche prochain la suite de l'intéressant
travail de M. P. -A. Vieillard, sur Méhul et ses œuvres
( 4me article 1 .
THEATRE LYRIQUE.
BÉNÉFICE DE M. BATTAILLE.
Première représentation de l'opéra-bouffe : Au travers du mur, paroles
de M. de Saint-Georges, musique du prince Poniatowski.
Troisième acte à'Armide, par Mme Viardot , et troisième acte de la
Sonnanbula, par Mme Vandenheuvel-Duprez.
Autrefois, les princes commandaient des pièces inédites pour
leurs fêtes de gala ; aujourd'hui ce sont nos bénéficiaires et di-
recteurs qui frappent aux portes princières et illustrent leur
affiche d'un opéra nouveau de. ... M. le comte de Saint-Rérny,
de M. le duc de Massa, voire de M. le prince Poniatowski, —
faveur qui vient d'échoir à M. Battaille.
Avant de quitter le Théâtre-Lyrique pour rentrer au bercail
de la salle Favart, M. Battaille s'est donné une représentation à
bénéfice, dont le programme offrait, entre autres éléments du
contraste le plus piquant, le troisième acte de VArmide de
Gluck, par Mme Viardot; le troisième acte de la Sonnanbula de
Bellini, par Mme Vandenheuvel-Duprez, et la première repré-
sentation d'un opéra-bouffe en un acte, de M. le prince Ponia-
towski, paroles de M. de Saint-Georges, sous le titre : Au tra-
vers du mur.
Ce qu'on entendait au travers des murs, en Italie, dans le
duché de Modène, il y a tantôt quelque trois ou quatre ans,
c'était.... de délicieuse musique, quand les conspirateurs ne
s'en mêlaient pas. Le soprano répondait au baryton, si bien
qu'à travers le mur, l'un s'éprenait de l'autre , non sans donner
lieu parfois à des confusions sans lesquelles il n'y aurait point de
canevas possible d'opéra-comique. Nos lecteurs vont en juger.
M. de Saint-Georges nous transporte en l'auberge du sieur
Gambetto, heureux possesseur d'une brune Thérésine et d'un
humoristique trombone qui du premier son a mis la salle en
bonne humeur. Ce n'est point à la baguette que Gambetto
mène sa femme, c'est au trombone. Les scènes de ménage
se couronnent quotidiennement par un évanouissement de Thé-
résine , dont le trombone est à la fois la cause et l'effet.
Demandez plutôt à M. Wartel, qui s'en sert à la manière de
Bertramdans Roberl-le-Diable. Seulement, celui-ci cache son
jeu; il n'a pas l'instrument en mains, tandis que l'implaca-
ble Gambetto ne le quitte ni jour ni nuit : c'est l'épée de Da-
moclès du ménage. Il faut que Mlle Amélie Faivre, je veux dire
Mme Thérésine marche droit... ou gare au trombone !
Dans cette auberge, qui doit avoir pour enseigne : Au
maître trombone, — car M. Gambetto prend des élèves en
sevrage, — se trouve loger un baryton célèbre, un Français
186
LE MÉNESTREL.
du nom de Thomas. . .sini, — pour les besoins de la déclinaison
italienne. Ce baryton abuse de sa réputation en prélevant des
appointements fabuleux sur les théâtres d'Italie; aussi se fait-il
accompagner d'un sien neveu pour l'aider à les manger. Ce qui
vient au son de la flûte s'en retourne au bruit du trombone, car
notre neveu Léon (M. Legrand) est élève de Gambette Toutefois,
comme les feux du trombone ne sauraient suffire à ce jeune
cœur, il s'éprend d'une jolie voisine qui le lui rend sans mesure,
croyant voir en lui le baryton dont la voix vient la charmer
chaque matin au travers du mur. Cette voisine chante
aussi, nous l'avons dit ; c'est M"e Blanche, le soprano, qui ré-
pond si tendrement au baryton; or, celui-ci en est également
épris. Seulement la fauvette, de l'autre côté du mur , par un
hasard d'opéra-comique bien naturel, n'a jamais été vue que
du neveu, qui, par compensation, ne l'a jamais entendue chan-
ter, ce dont il se console avec le trombone de Gambetto.
Mais si Thomassini n'a point entrevu la vraie fauvette, en re-
vanche,il a cru la deviner sous les traits mignons de M"e Marie
Faivre, la jolie compagne de M11" Blanche. En mettant la voix
de l'une sous la figure de l'autre, le voila, sans le savoir,
amoureux en partie double... ce qui est beaucoup pour un
oncle. . . même de comédie. Fort heureusement le neveu est là,
qui prendra Blanche, malgré son soprano, et laissera Juliette,
la fauvette sans voix, à son oncle, le baryton, qui en a du reste
pour deux. M. Battaille nous l'a surabondamment prouvé tout
le long de ce petit ouvrage, écrit spécialement pour lui.
Un seul personnage manque au tableau que nous venons d'es-
quisser tant bien que mal; c'est le Richard Wagner de la pièce, un
sieur Pascal, premier prix de Rome, qui a noyé son diplôme
dans les eaux vives de la nouvelle école allemande, et nous fait
de la symphonie descriptive, imitative, philosophique et con-
templative, en plein opéra-comique. On le lui pardonne, car
Mlle Blanche, sa sœur, chante de manière à faire aimer le frère,
qui est d'ailleurs un ancien camarade de Thomas. . .sini. Tout
se termine donc pour le mieux et sur une mélodieuse barca-
rolle que nous avions déjà entendue ... à travers le mur.
C'est un privilège de Mlle Moreau (Blanche), de séduire l'o-
reille à travers le mur. 11 semble que sa voix soit plus sonore,
plus étendue, son talent plus souple, plus à l'aise. M"e Moreau
ne saurait cependant se condamner au voile ; les yeux du public
y perdraient plus que l'oreille n'y gagnerait. M. de Saint-Geor-
ges a vaincu la difficulté : Mn° Moreau est d'abord entendue,
au second plan, au travers d'un mur, puis elle apparaît sur la
scène au premier plan, — résultat : double effet.
Les honneurs du premier effet reviennent à -M. le prince
Poniatowski, qui a mis dans le gosier de M"8 Moreau de char-
mantes phrases illustrées d'ornements vraiment princiers.
M. Battaille accepte le défi vocal à travers le mur, et les bravos
pleuvent à plaisir. Ils ne se sont point fait désirer non plus
dans le morceau d'ensemble, défrayé par M. Wartel, l'ébou-
riffant Gambetto. On n'encadre pas plus ingénieusement un
effet de trombone : orchestre et voix sont traités là avec au-
tant d'esprit que d'habileté. Un autre morceau de facture, qui a
son mérite, c'est l'esquisse symphonique de la nouvelle école
allemande, très-bien comprise par M. Grillon, le Pascal déjà
nommé. Signalons encore l'ouverture à sonnettes.
Quant aux mélodies et couplets, sans compter l'air d'entrée
de basse , il y en a de quoi défrayer trois actes. On sent que
le prince Poniatowski a largement ouvert son portefeuille à
M. Battaille. Celui-ci a eu le bon goût de lui réserver ses meil-
leures loges et de ne prendre que des mélodies improvisées, d'un
caractère léger, pouvant s'approprier à un scénario bouffe. 11 en
résulte une musique sans prétention, écrite au courant de la
plume, musique de la meilleure compagnie, musique de prince,
mais d'un prince nourri dans le sérail et qui, sans en abuser,
connaît toutes les finesses des voix, de l'orchestre et du contre-
point.
*
* *
Notre compte réglé avec la première représentation de l'opéra
bouffe de M. le prince Poniatowski, recueillons-nous, car sur
cette même scène, quelques instants avant, Armide causait les
plus profondes émotions. C'est que Mme Viardot, notre Rachel
lyrique, renaît sublime de par Gluck, ce Corneille de la musique.
Non-seulement la voix altérée de Fidès retrouve des éclairs de
jeunesse dans Armide, mais la mère du Prophète se drape avec
éclat et beauté même dans la robe de l'enchanteresse. Il faut
chercher la raison de ce double prodige dans les poses les plus
nobles, les plus harmonieuses, une expression de physionomie
incomparable , et enfin une telle conception de la musique et
du personnage, que l'illusion devient complète.
Mme Viardot avait près d'elle son élève, Mlle Orwil, qui a eu
de fort beaux élans dans la Haine. Les chœurs, incomplets ou
insuffisamment préparés , -n'étaient point à la hauteur d'un
pareil sujet ; mais si le Théâtre-Lyrique , encouragé par cet
essai, remet Armide à la scène, comme il a fait d'Orphée, rien
ne sera négligé pour seconder Mme Viardot, qui, nous le répé-
tons, renaît sublime de par Gluck.
Après Armide et le déchaînement des passions , telles que les
comprenait Gluck, Mme Vandenheuvel-Duprez a évoqué Bellini
et les poétiques accents de la Sonnanbula. C'est un tout autre
tableau, des émotions infiniment plus douces, auxquelles cepen-
dant l'héritière de Duprez sait imprimer un grand caractère. —
Elle a partagé avec Mme Viardot et Battaille les honneurs de la
soirée, qui aurait pu être plus productive si on avait moins
exagéré le prix des places.
J.-L. Heugel.
SEMAINE THÉÂTRALE.
L'Opéra nous a rendu enfin cette belle œuvre d'Herculanum,
si impatiemment attendue , et qu'une fatale accumulation de
circonstances avait depuis si longtemps éloignée du répertoire.
Aussi tout le dilettantisme était-il à son poste pour se délecter
de nouveau, après ce long sevrage, de cette musique empreinte de
poésie, de grandeur et de vérité. Dès la première soirée de celte
reprise, tous les splendides éléments du poëme et de la partition
ont retrouvé les sincères bravos qui les avaient accueillis dans la
primeur ; et Mmo Gueymard-Lauters , la ravissante Lilia, et
Obin (Nicanor), ainsi que la nouvelle interprète, Mme Fortunata
de Franco, née Tedesco (Olympia), et Gueymard (Ilelios), ont
été chaleureusement associés à l'ovation. Nous n'établirons
aucun parallèle entre M,M Tedesco et sa devancière, Mmo Bor-
ghi-Mamo : notre nouvelle Olympia est une reine pleine de
grâce et de séduction ; son chant magistral et ses pénétrantes
notes de mezzo-soprano ont fait merveille ; son succès a été
incontesté ; toutefois, dans certains moments, un peu plus de
fougue et de chaleur eût rendu son triomphe plus complet. —
Quant à Mmc Gueymard-Lauters, aucune expression ne saurait
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
187
traduire l'ampleur de son chant, son accentuation dramatique
et sa mimique émouvante. Ce type de Lilia restera sa plus ad-
mirable créalion. Mme Gueymard a été bruyamment rappelée
après son duo du deuxième acte avec Obin, qui lui donnait
puissamment la réplique, et la fête s'est renouvelée au dernier
acte. — M"6 Emma Livry, la délicieuse reine du divertisse-
ment, a également eu son rappel obligé. Une indisposition de
Mme Gueymard a fait remettre à demain lundi la seconde soirée
de l'opéra de Félicien David. — La reprise du Freyschùtz est
poussée avec vigueur. On s'occupe d'adapter à la scène française
un divertissement. dansé en Russie par Mme Petitpa : le Marché
des Innocents. Notre habile chorégraphe Petitpa, le beau-frère
de la susdite ballerine, se chargera de cet arrangement.
Le Théâtre-Italien a clos sa saison depuis le 1er mai. Déjà
la troupe s'est dispersée à tous les points de l'horizon. Ténors ,
soprani, barytons, bassi canlanti, contr'altes, ont pris leur volée,
qui à l'est ou au nord, qui vers l'ouest ou le midi. Zucchini est
parti pour Bologne, sa patrie. Mme Penco etGraziani sont allés
à Londres. Mario reste encore quelque temps à Paris, ainsi que
Mme Grisi et M. Badiali.
M. Gustave Bertrand dresse, dans YEntfacle, le bilan du
Théâtre-Italien, dont la saison vient de finir :
Il y avait eu l'an dernier 116 représentations de TOpéra-Ita-
lien, et ce chiffre avait été signalé comme dépassant de beau-
coup ce qui s'était fait jusque-là, à Ventadour. Cette année, le
nombre des représentations s'est élevé à 121.
Rossini peut en réclamer 31 pour sa part ; Verdi, 49 ; Rel-
lini, 11 ; Donizetli, 5; de Flotow, 5; Mozart, 8, et Cimarosa,
8 aussi. Il y a eu dix-neuf opéras représentés.
Les 121 représentations ont produit une recette totale de
809,819 fr. 05 c. , ce qui porte la moyenne, pour chaque repré-
sentation, à 6,692 fr. 72 c.
A I'Opéra-Comique, M1Ie Relia a pris le rôle de M"e Lemer-
cier dans Salvator Rosa, et s'en est acquittée de façon à ne
laisser éprouver aucun préjudice au nouvel opéra deM.Duprato.
— M. Reaumont vient de traiter avec le ténor Jourdan, qui don-
nera des représentations pendant les mois d'été. — La rentrée
de Ratlaille aura lieu, dit-on, dans la Fée aux Roses, une des
belles partitions de notre maestro Halévy. — L'Opéra-Comique
nous tient en perspective un ouvrage de MM. Rosier et Limnan-
der, dont le rôle principal est destiné à Montaubry.
Le Théâtre-Lyrique annonce, pour mercredi prochain, une
représentation extraordinaire au bénéfice de Mme Pauline Viar-
dot. Le programme de cette soirée réunira les noms de nos plus
grands artistes et les titres de nos plus grands chefs-d'œuvre :
1° les fragments des deuxième, troisième et quatrième actes
à'Alceste , qui ont excité un si grand enthousiasme au dernier
concert du Conservatoire; 2° le troisième acte d'Otello, chanté
par Duprez et Mm6 Viardot; 3° Mme Ristori dans le premier
acte de Maria Sluarda ; 4° la première représentation du
Ruisson vert, paroles de M. Michel Carré, musique de M. Gas-
tinel (M. Jules Petit, prix de chant et d'opéra-comique du Con-
servatoire, doit débuter dans le principal rôle); 5° les Rendez-
vous bourgeois, pour finir.
C'est une grande et importante comédie que celle que
M. Meilhac vient de faire jouer au Gymnase, sous le titre :
la Vertu de Célimène. L'œuvre, un peu austère pour la scène
du boulevard Bonne-Nouvelle, brille surtout par la distinction
du style et la peinture des caractères. Lafontaine, Lafont, Le-
sueur, Derval, Mmcs Rose-Chéri, Pressant, interprètent cette
comédie de la façon la plus remarquable, et la salle entière les
met chaque soir de moitié dans les marques de sympathie qu'elle
témoigne à l'auteur.
Le Vaudeville a grossi son répertoire d'une pièce des plus
humoristiques. Les Mystères de la rue Rousselet, tel est le titre
de cette petite comédie, qui porte la signature et l'estampille de
MM. Labiche et Marc Michel, deux joyeux compères. Numa et
Parade font spécialement les honneurs de cet éclat de rire, dont
les échos du Palais-Royal ont le droit d'être jaloux.
M"0 Milla, transfuge de l'Ambigu, nous est apparue cette
semaine, au Palais-Royal, dans le rôle de Rérénice de la
Mariée du mardi gras, rôle dont la création lui avait été primi-
tivement destinée. La débutante a complètement réussi, et ce
n'était pas un mince mérite après M"e Schneider, qui venait de
lancer ce type de Bérénice avec tant de hardiesse et de bonheur.
Mlle Milla, dont on vante le talent d'imitatrice, va maintenant
faire son véritable début dans Rébé actrice, parodie de Réatrix.
L'Ambigu a repris Angèle, drame en cinq actes de M. Alexan-
dre Dumas. Vous voyez que l'on continue d'évoquer dans ces
parages tous les drames de la grande époque. Peut-être fau-
drait-il aussi évoquer les anciennes émotions; mais c'est plus
difficile.
Le Théâtre - Déjazet nous a donné une petite pièce de
MM. Commerson et Normand : Double deux, musique de M. Eu-
gène Déjazet, pour les débuts de M"e Mareschal, ex-pension-
naire de M. J. Offenbach. Celte belle actrice a pris beaucoup plus
de corps, ce qui n'a point empêché sa réussite : le boulevard du
Temple a les goûts orientaux.
Lundi dernier a eu lieu l'ouverture du Théâtre Féerique
des Champs-Elysées, dans l'ancienne salle d'été des Bouffes-
Parisiens. Cette soirée d'inauguration s'est signalée par une
opérette de MM. Lefebvre et Gérard, musique de M. Debille-
rnont, intitulée : Un Éclat de trompette. Nous avons retrouvé
parmi les interprètes de ce petit ouvrage, une ancienne connais- ,
sance du théâtre du Palais-Royal , MUe Désirée, la piquante
soubrette. La créalion du rôle de Nanon lui a fait grand hon-
neur et révélé une jolie voix que nous ne lui connaissions pasi
A côté d'elle, nous devons mentionner M. Gustave Vienne ,
jeune baryton d'avenir. MUe Jenny Kid et M. Touroul ont
complété un ensemble satisfaisant. Le spectacle se terminait
par une de ces féeries-prologues qui ne brillent malheureuse-
ment que sur l'affiche.
J. Lovy.
GUSTAVE NADAID.
Collection complète tle ses Chansons , en liait volumes in-8°.
— Une Idylle, un Tolumc-Hacliettc. —
Ce n'est point d'œuvres nouvelles que j'ai à vous entretenir
aujourd'hui, chers lecteurs. Tous, vous connaissez Nadaud, le
chansonnier philosophe, le poète musicien, le rêveur original
aimable et spirituel. Tous , vous l'avez entendu , vous l'avez
applaudi ou chanté. Ses refrains ont eu ce double privilège
d'égayer l'atelier et de charmer les salons. Du petit au grand,
nul ne l'ignore ; son nom et ses chansons parcourent non-seu-
188
LE MÉNESTREL.
lement Paris, mais la France, mais l'Europe, mais les deux
mondes. Le soldat au bivouac, en Afrique, en Italie, en Chine;
l'officier sous la tenle, le marin sur son vaisseau, l'arliste en
voyage ont jeté sa poésie éminemment française à la face de
tous les cieux, aux échos de tous les pays. Le succès a été une
traînée de poudre.
Mais ce que vous ne savez pas, c'est qu'au milieu de ce succès
l'homme et le chansonnier sont restés simplement modestes.
Beaucoup d'autres eussent enfourché le coursier de la gloire et
ceint avec dignité l'auréole du génie. Nadaud n'a changé ni ses
habitudes, ni l'air de son visage. Une promenade sur les quais
brumeux, avec un cigare pour compagnon, une partie de wisth
prenant la nuit par les deux bouts, une réunion d'intimes, une
chambre d'étudiant et la côtelette de l'amitié ; un dévouement
serviable jusqu'à l'oubli de soi-même; une franche bonhommie,
une gaieté tranquille, un abord toujours souriant, une insou-
ciance proverbiale, voilà Nadaud aujourd'hui comme il y a
douze ans, et demain comme aujourd'hui.
Il est donc bien entendu que je ne viens pas analyser des
œuvres que chacun connaît aussi bien que moi. Le fait qui se
présente est tout bonnement une édition nouvelle , nouvelle
d'étendue, nouvelle de forme ; une édition réunissant en un
seul tout, l'œuvre complète du poète, ce qui permet d'apprécier
dans son ensemble la muse facile et féconde qui nous a fait passer
de si doux instants.
Est-il, en effet, un talent plus souple que celui de Gustave
Nadaud? Sa palette comporte tous les tons, sa lyre toutes les
gammes, son cœur tous les échos.... Tour à tour satirique et
tendre, badin et profond, spirituel et naïf, son vers vous câline,
vous égratigne, vous berce ou vous émeut. Participant de Désau-
giers par la gaieté, deBérangerpar le trait incisif et prophétique,
Nadaud est de nos jours le dépositaire de cette vieille chanson
essentiellement nationale, à laquelle toutefois il a su imprimer
un cachet particulier de distinction, d'amabilité et de franchise
d'expression.
Aussi que de succès en tous genres, depuis les Reines de Ma-
bille eila Lorette, négligemment écrites pour ses amis, mais
qui n'en furent pas moins le point de départ de sa réputation!
Ce qui surprend surtout en Nadaud, c'est l'espèce de don
musical dispensé par la nature à son âme de poète. Sans avoir
étudié la musique, un beau jour il se réveille musicien et crée
d'un seul coup, poésie et mélodie, de petits chefs-d'œuvre tels
que les Dieux, le Message, le Voyage aérien, l'Insomnie. Là,
plus que jamais, la pensée poétique et la pensée musicale sont
sœurs, et l'on s'aperçoit bien vite, en les trouvant si bien unies,
qu'une seule inspiration a fait naître ces fleurs jumelles.
Il faut donc s'applaudir de voir se former une édition musi-
cale et complète de toutes les œuvres de Nadaud. Cela existait
bien en librairie, et les véritables amateurs avaient ouvert avec
joie leur bibliothèque. Cependant, sans la musique, Nadaud
n'existe pas tout entier , et il était réservé aux éditeurs du Mé-
nestrel d'offrir au public, dans sa double personnalité, le poète-
musicien qu'on aime lire, mais qu'on préfère encore chanter.
En feuilletant cette édition charmante à tous les points de vue,
. — car le fini de la gravure égale la pureté d'impression, — on
s'expliquera le succès si étendu des œuvres de Nadaud par la
délicatesse des sentiments, la finesse de touche, le charme et la
grâce des pensées qui s'y rencontrent à chaque page. Sa plume
est multiple comme un diamant à mille facettes, et souvent son
vers se décoche comme un trait en prenant l'importance du pro-
verbe ou de la maxime. Le fameux :
Brigadier, vous avez raison,
de Pandore, vivra tant qu'il y aura des inférieurs et des supé-
rieurs. Et la profession de foi de Bonhomme :
J'ai du vin et du pain tendre ,
Et le soleil du bon Dieu.
ne voilà-t-il pas la résignation chrétienne dans tout ce qu'elle a
de plus simple et de plus vrai ! Et les Dieux, ce cri du cœur !
et le Voyage aérien, ce poème philosophique qui ramène si
justement l'homme sur la terre avec ces deux vers :
Je sens bien que l'humanité
Frémit encore en ma poitrine.
et l'Insomnie , cette contemplative rêverie si bien résumée ici :
Espérer et se souvenir
N'est-ce pas toute l'existence ?
Et le Vieux Télégraphe ! et les Deux Notaires, si comiques ! et
la Vie moderne :
Nous vivons plus en un seul jour
Que nos aïeux dans une année !
et les deux lettres de l'étudiante et de l'étudiant, celui-ci lui
écrivant :
Que te dirai-je ? que je t'aime....
Méchante, vous le savez bien.
celle-ci répondant :
Si tu passes par Saint-Ëtienne ,
Apporte-moi quelques rubans !
et l'Aimable Voleur! et le Nid abandonné, si délicieusement
sentimental, avec sa pensée de la dernière strophe :
Vous n'aimerez jamais vos mères
Autant qu'elles vous ont aimés.
et la Pluie, et le Sultan, et Chauvin, et Paris, et la Vigne
vendangée, et le Quartier latin, et les Souvenirs de voyage, et
la Ferme de Beauvoir, et le Mandarin, et toutes celles que je
ne puis nommer, puisqu'il faudrait les nommer toutes !
Il n'y a pas là moins de cent quarante chansons, sans compter
le volume des Chansons légères, qui en contient trente à lui seul.
Bref, c'est un véritable écrin de cent soixante-dix joyaux ; écrin
connu, il est vrai, mais auquel on ne peut reprocher sa popula-
rité, — titre de noblesse le plus difficile à acquérir.
Quitterons-nous Nadaud le chansonnier sans saluer Nadaud
le romancier ? Voici venir, en effet, un livre tout nouveau, un
roman, ne vous déplaise ; une idylle signée Nadaud , à laquelle
l'éditeur Hachette , a fait les honneurs de sa Bibliothèque des
Chemins de fer. Nous ne lui souhaitons qu'une chose, à ce
livre nouveau-né, c'est que tous ceux qui chantent son auteur
le lisent ; le succès se traduirait tout simplement par quelques
centaines de mille, et cela ne nous étonnerait pas.
Maintenant faut-il vous dire le sujet de ce roman ? C'est un
château bâti sur un grain de sable, une perle posée sur une
pointe d'aiguille, un coin de la vie réelle et champêtre, esquissé
par une âme de poète. Décidément je ne saurais vous le raconter,
et j'aime mieux vous en laisser la surprise.
Ce n'est rien au point de vue de l'action, c'est beaucoup pour
les observateurs. Il y a là des caractères pris sur le vif et tou-
chés de main de maître. Vous reconnaîtrez pour les avoir déjà
rencontrés, le joyeux compère Bourguignol, le vieux général
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
189
aux soldats de plomb, le notaire de village, le curé Sans-Cloche
et le sentencieux garde-chasse. Si vous connaissez la campagne,
vous verrez l'année s'y dérouler, depuis le printemps jusqu'à la
fin de l'automne, avec une vérité de description saisissante; vous
sentirez le parfum des fleurs et les émanations enivrantes de la
fenaison. Les moissons, les vendanges prendront pour vous leur
air de fête. Vous aurez chaud sous le soleil d'été ; vous frisson-
nerez au contact des premiers brouillards. C'est le roman intime
et descriptif, la vie au jour le jour ; c'est vous, c'est elle, c'est
moi, c'est nous ; enfin, c'est le Parisien à la campagne, et pour
vous qui ne pouvez voyager, c'est la campagne dans un livre.
Quant à la forme de cette charmante fantaisie, elle est ori-
ginale et sans façon , comme Nadaud lui-même, moitié vers et
moitié prose. On marche sur un terrain neutre, où le poëte sem-
ble n'avoir d'autre règle que sa fantaisie, s'arrêtant pour cueillir
une fleur, pour regarder le soleil, pour dire un mot d'amour.
C'est du moins ce qu'il nous explique lui-même.
J'aime mon allure franche ;
Je chemine à pas inégaux ;
De l'arbre du sentier je détache une branche ;
Je m'assieds au bord des ruisseaux.
Je m'amuse parfois au détail de la route ;
Si je Vois, je regarde, et si j'entends, j'écoute.
Si vous voulez maintenant avoir un échantillon du côté plus
réel, c'est-à-dire de la prose, écoulez le héros du roman , c'est
lui qui parle par une belle nuit d'été :
« Comme on respire à pleine poitrine! comme on sent le prix
de la vie ! 0 les malheureux qui regardent avec indifférence
passer les jours et les nuits, l'hiver et l'été, les fleurs et la jeu-
nesse !
« Nous, nous apprenons le peu que nous connaissons de
toutes ces merveilles qui sont suspendues sur nos têtes.
« A peine savons-nous le nom de quelques constellations ; nous
mettons notre ignorance en commun. Nous étudions cet aslre
bizarre qui change de forme toutes les nuits, et qui semble dans
le ciel un voyageur errant au hasard, se levant tôt, se levant
tard, se montrant, se cachant, selon son caprice ou la saison.
« Il y a pourtant des gens faibles et mortels comme nous,
qui vivent dans le commerce du ciel, traitent avec la lune et
ont un compte ouvert avec toutes les étoiles. Et ces gens-là
mangent et boivent comme nous. Quoi 1 avoir les yeux fixés sur
cette immense machine, pénétrer les mystères de l'infini, me-
surer et compter les mondes, vivre face a face avec l'éternité ,
et descendre de ces hauteurs aux besoins vulgaires de la vie,
s'occuper de son dîner, aller au spectacle, lire un roman, porter
un habit noir, souffler son potage, toucher ses émoluments ,
intriguer auprès des ministres et dormir en bonnet de coton 1
0 hommes! je veux dire : ô astronomes! »
Il y aurait quantité de passages à citer dans le livre de Na-
daud, si l'on ne consultait que leur mérite ou leur charme;
mais notre cadre est trop restreint, et même il faut avouer que
nous sommes sortis de notre spécialité musicale, en attaquant
une question de simple littérature. Seulement nous sommes
absous d'avance par nos lecteurs, car il s'agit de Nadaud, de
Nadaud qu'ils aiment, et qui d'ailleurs sera toujours chez lui
dans les colonnes du Ménestrel, quoi qu'il écrive, et sous quelque
forme qu'il se présente.
Du reste, pour finir cet aperçu d'une façon toute musicale,
nous reviendrons à la nouvelle édition des chansons de Nadaud,
pour vous dire qu'on y a joint, en format semblable, les trois opé-
ras de salon du même auteur : la Volière, Porte et Fenêtre et le
Docteur Vieuxtemps. C'est donc tout l'œuvre de ce charmant
esprit qui se trouve ainsi réuni. Avis à ses amis , à ses lecteurs,
à ses partisans, à ses chanteurs, toutes qualités qui se confondent
pour ceux qui connaissent l'homme, qui ont fait parler le poëte,
et qui, dans l'intimité, ont eu le bonheur d'écouter le musicien.
Paul Bernard.
Voici le beau programme du concert que doit donner, mardi
prochain, le Cercle de VlJnion artistique, au Théâtre-Italien :
PREMIÈRE PARTIE.
1° Ouverture (Mer calme, heureuse traversée) , de Men-
delssohn ;
2° Bencdiclus de la messe en ré, de Beethoven ; les solos
seront chantés par Boger, Cazaux et Mlle Bey ;
3° Concerto en ré mineur (orchestre et piano), de Bach, exé-
cuté par Mme Massart ;
4° Aveverum, inédit (orchestre et chœurs), de Ch.Gounod; —
solo par Mlle Bey;
5° Symphonie en la (andante et final), de Beethoven;
6° Le Jugement dernier, inédit (orchestre et chœurs) de
Félicien David.
DEUXIÈME PARTIE.
Fingal, opéra de concert (inédit), imité d'Ossian, de M. A.
Flobert, musique de M. Edmond Membrée, chanté par Boger,
Cazaux, Gourdin, Mlle Bey.
L'orchestre sera dirigé par MM. Félicien David , Ch. Gounod
et Tilmant, chef d'orchestre de la Société des concerts du Con-
servatoire.
Les chœurs seront dirigés par M. Vauthrot, chef du chant à
l'Opéra.
Le concert commencera à neuf heures précises.
NOUVELLES DIVERSES.
— Londres aura, pendant cette saison d'été, un théâtre français dans la
salle Saint-James. C'est M. Lambert Dennery qui en aura la direction.
L'ouverture est fixée au 20 mai.
— Le théâtre de Covent-Garden, à Londres, après avoir successivement
représenté le Prophète, Rigoletto, la Favorite, les Puritains, vient d'of-
frir à ses habitués Guillaume Tell, le chef-d'œuvre de Rossini, et cela sous
les auspices deMme Miolan-Carvalho, de MM. Tamberlick, Faure, Formés,
Tagliafico et Néri-Baraldi. Toutes les correspondances sont d'accord sur
l'enthousiaste réception faite aux interprètes. Inutile de dire aussi la puis-
sante impression que l'œuvre a produite sur le public anglais. Seul, le
Musical World croit devoir lancer quelques flèches (pour le moins tar-
dives) contre un ouvrage universellement acclamé; mais le bulletin de
Covent-Garden lui réplique suffisamment : les trois premières représenta-
tions ont produit une moyenne de 35,000 fr. par soirée. Il parait. que la
mise en scène répond à l'exécution du chef-d'œuvre de Rossini.
— Il avait été question d'organiser à Londres, pour le mois de juin
prochain, un second festival d'orphéonistes français, auxquels devaient se
joindre les sociétés chorales anglaises. Ce feslival n'aura pas lieu ; il sera
remplacé par celui annoncé à Paris, au Palais de l'Industrie, pour la fin de
septembre. Ce sera la seconde réunion des orphéonistes de France.
— A Leipzig, on a représenté un nouvel opéra : Maître Martin et ses
compagnons, poème imité de Hoffmann, par Moriz Horn, musique de Wil-
helm Tschirch. Les journaux allemands en font un grand éloge.
190
LE MÉNESTREL.
— Le 23 avril a eu lieu, à Vienne, le mariage du due Léopold de Saxe-
Cobourg, colonel d'infanterie, avec MIlc Constance Geiger. La duchesse ac-
tuelle était une artiste universelle : elle composait, chantait, dansait, tou-
chait du piano , jouait la comédie , et donnait des représentations dans la
plupart des villes allemandes ; pourtant son nom ne parvenait pas à franchir
les frontières de son pays.
— A Gratz (Bohême), on vient de publier une nouveauté intéressante :
c'est l'adagio d'un concerto de Mozart, pour trois pianos, avec accompa-
gnement d'orchestre. Cette curiosité musicale, qui date de 1777, se trou-
vait entre les mains de MmeBaroni Cavalcado, née comtesse de Castiglione,
héritière de la succession du fils de Mozart.
— Voici une revendication qui arrive un peu tard. Sur la foi d'un jour-
nal allemand, la Gazette de Cologne cherche à nous démontrer que l'hymne
de la Marseillaise est dû à un compositeur allemand nommé Holtzmann ,
maître de chapelle du Palatinat. Le poète Rouget de l'Isle aurait simple-
ment copié le Credo d'une messe (Hissa solemuis) , composée par ce
M. Holtzmann, ets'en serait servi pour ses strophes 1 — Ainsi, pendant un
demi-siècle, l'Europe entière a sincèrement cru que la Révolution fran-
çaise s'est accomplie aux accents d'un chant uniquement français, et
voilà qu'un journal allemand vient dire : Votre Rouget de l'Isle n'est qu'un
copiste, c'est un vil plagiaire qui s'est approprié le manuscrit de notre
Holtzmann. De pareilles accusations veulent des preuves, des preuves
irrécusables. « Il importe, dit la Presse théâtrale, que la lumière se fasse,
et, pour cela, il faut que la presse française demande la production du
manuscrit de Holtzmann. Quand cette Missa solemnis aura été rigoureu-
sement examinée par des hommes compétents, quand l'investigation la
plus minutieuse aura constaté la date de ce Credo, alors, mais alors seu-
lement, nos confrères allemands auront le 'droit de dire : la Marseillaise
n'est pas de Rouget de l'Isle.
— La France musicale publie une correspondance de Constantinople,
dans laquelle on donne quelques détails sur les progrès accomplis dans
l'art musical en Turquie, et sur le développement de l'enseignement dra-
matique parmi la jeunesse musulmane. Le sultan aime la musique euro-
péenne, surtout le chant. Dans son palais même, Sa Majesté a établi une
école de musique, où s'instruisent trois cents jeunes gens. Celte école se
trouve sous la direction de deux habiles maîtres, secondés par plusieurs
professeurs européens. La musique de chambre de Sa Majesté et la direc-
tion de son orchestre sont confiées au maestro» Pisani, un des élèves favo-
ris du célèbre Mercadante, et les bandes militaires se trouvent sous la di-
rection du maestro Guetelli. Le sultan, comme on le sait, a fait construire,
tout près de son palais, un théâtre qui est un véritable bijou, et qui,
assure- 1- on, n'a pas son pendant en Europe, Quelquefois c'est la
troupe théâtrale de la ville qui est appelée à donner des représentations,
et quelquefois ce sont les élèves eux-mêmes qui exécutent des scènes
entières d'opéra, en italien, dès chœurs, des ballets, etc., etc. Chanteurs,
choristes, orchestre, tout est turc.
— S. Exe. le ministre d'Etat vient de commander à Dantan jeune, pour
le Conservatoire, la reproduction en marbre du beau buste d'Auber, actuel-
lement exposé au Palais de l'Industrie , dans la galerie des bustes au pre-
mier étage.
— Une vaporeuse statuette , due à l'habile ciseau de M. Barre , vient
d'illustrer sous une nouvelle forme la personnification du Papillon par
MUe Emma Livry. La légère sylphide bat des ailes et bondit de son piédestal
de fleurs pour voltiger incessamment. Où placer une pareille statuette?
A peine sera-t-elle fixée sur votre étagère, qu'elle s'envolera bien loin.
— Voici l'état des recettes brutes qui ont été faites pendant le mois
d'avril dernier, dans les établissements soumis à la perception du droit des
indigents :
Théâtres impériaux subventionnés 560,723 fr. 63 c.
Théâtres secondaires de vaudevilles et petits spec-
tacles 849,639 90
Concerts, spectacles-concerts, cafés-concerts, bals. 194,965 90
Curiosités diverses 30,130 50
Total 1,635,459 93
— Un concert des plus brillants a été donné le 6 mai à l'Institut musi-
cal d'Orléans, à l'occasion du concours régional. Mlle Marie Battu, Alard,
Jules Lefort, Berthelier défrayaient le programme de cette solennité mu-
sicale. Il n'est pas besoin de dire le grand succès qu'ils ont obtenu, et
auquel ils sont du reste accoutumés. Jules Lefort a .été particulièrement
fêlé dans le Credo des quatre Saisons et l' Insomnie de Nadaud; on lui a
redemandé le Nid abandonné, déjà bissé dans une précédente soirée.
— Nous empruntons ce qui suit à la Vigie de Dieppe : « Le public diep-
pois a répondu avec empressement à l'appel qui lui avait été adressé par
les amateurs qui composent notre Société philharmonique. Les honorables
membres composant le comité ont dû être satisfaits de ce résultat ; il té-
moigne des sympathies que l'institution orphéonique rencontre toujours
parmi notre population. Les honneurs de la soirée ont été pour MM. Klein
et Caron. M. Aloys Klein a exécuté sur l'orgue-harmonium différents mor-
ceaux avec un talent remarquable , qui justifie bien le poste qu'il occupe
comme organiste du grand orgue de la métropole de Rouen. — C'étaient :
une Berceuse, de la composition de M. Amédée Méreaux , d'un charme et
d'une expression admirables ; puis les Veilleurs de Nuit , de Lefébure-
Wély ; Mon cœur soupire, romance des Noces de Figaro, de Mozart ; VAn-
dantino de la grande Symphonie en mi bémol, d'Haydn , transcriptions
concertantes pour piano, violon et orgue expressif, par M. A. Méreaux.
M. Klein a fait aussi le plus grand plaisir et a été vivement applaudi dans
une brillante fantaisie de sa composition sur Robin des Bois. Il a été, du
reste, vaillamment secondé par MM. Payen et Pavie, dans l'exécution des
deux transcriptions. M. Payen , chef d'orchestre de notre Société philhar-
monique, chargé comme violon, dans l'exécution de ces morceaux, du rôle
principal, s'est tiré avec honneur de cette mission difficile. Il était allé s'in-
spirer auprès du maître, et il a interprété l'œuvre de M. Méreaux avec la
plus rigoureuse exactitude. Parmi les morceaux chantés par M. L. Caron,
ceux qui ont fait le plus de plaisir sont : le Chevrierdit Val d'Andore, le
Clocheteur de nuit, la Chanson du passé et les Tambours, chansonnette
qui a eu les honneurs du bis. » — F. Lebaron.
— Le Courrier de Marseille fait le plus grand éloge d'un concert de
charité dû à l'initiative ide M. Normann, et dans lequel l'éditeur Roussel,
excellent professeur de chant, a interprété une mélodie religieuse intitulée
la Colline sainte, paroles de M. Louis Méry, musique de M. Auguste
Morel. Cette inspiration mélodique est déjà populaire dans le Midi, et la
manière remarquable avec laquelle elle est interprétée par M. Roussel ne
peut qu'en généraliser le succès.
— A l'occasion de la fête de la Pentecôte, la maîtrise de l'église Saint -
Roch, sous la direction de M. Vervoitte, maître de chapelle de la paroisse,
exécutera dimanche prochain, 19 mai, à dix heures et demie, la messe
solennelle en la majeur, et à grand orchestre, de M. Leprévost, organiste-
accompagnateur de Saint-Roch. Les solos seront chantés par MM. Hayet et
Cazaux (du théâtre impérial de l'Opéra). Le grand orgue sera tenu par
M. Auguste Durand.
— Mercredi prochain, à une heure, inauguration d'un grand orgue en
l'église Saint-Philippe-du-Roule ; cet instrument sort des ateliers de la
maison Merklin-Schutz. M. Lemmens, le célèbre organiste belge, se joindra
à ses collègues de Paris, MM. Batiste, Renaud de Wilbac et Hocmelle, pour
faire apprécier cet orgue, qu'on dit de toute beauté.
SOIRÉES ET CONCERTS
— La saison des concerts s'est close par la belle soirée que nous don-
nait samedi dernier, dans la salle du Conservatoire, M. Léon Kreutzer, —
un grand et modeste musicien, qui cultive l'art dans son acception la plus
élevée. Tous les vrais connaisseurs se sont rendus à l'appel de M. Kreutzer,
et pas un n'a regretté sa soirée. Sa symphonie en si bémol est une com-
position magistrale que la salle entière a saluée de ses bravos. Un accueil
plus enthousiaste encore a été fait au grand concerto exécuté par Mm8 Mas-
sart, et ici l'interprète a partagé l'ovation décernée au musicien. Les autres
morceaux du programme, notamment les mélodies dites avec beaucoup de
grâce par MUe Marie Cico, et les airs des Filles d'Azur, ont également
récolté leur succès. Beaucoup de simplicité, une grande distinction de
forme, et une certaine dose d'originalité, mais sans bizarrerie ni violence,
telles sont les qualités que le publie a remarquées dans les œuvres de
M. Kreutzer; et celte soirée restera comme la consécration d'un génie mu-
sical que nombre d'artistes avaient déjà proclamé.
— Le salon des Arts-Réunis a clôturé mardi la série de ses fêtes musi-
cales de l'hiver. Mme Bochkoltz-Falconi , dit la Gazette musicale , après
avoir admirablement chanté un air de Weber , s'est fait applaudir dans la
grande scène du Prophète , où elle a déployé autant d'expression drama-
tique que d'agilité et de légèreté ; elle n'a pas eu moins de succès dans les
variations de l'air suisse de Hummel. Jules Lefort a été fort apprécié dans
une de ses romances favorites , que M. Engel a bien voulu accompagner.
Dans la partie instrumentale de ce concert , Mm0 Joséphine Martin a pro-
NOUVELLES ET ANNONCES.
191
voqué de nombreux et justes applaudissements, qui s'adressaient autant à la
pianiste qu'à l'auteur des charmantes compositions qu'elle jouait. Enfin, l'in-
téressant programme de la soirée s'est complété par une fantaisie d'Alard,
fort remarquablement exécutée par l'excellent violoniste Lebrun.
— Aux dernières séances hebdomadaires de M. Gouffé, on a entendu le
quintette en ut mineur de M. Ad. Blanc, et le quatuor en "ut de M. C. Es-
tienne. Ces compositions, parfaitement exécutées par MM. Guerreau,
Rignault, Casimir Ney, Lebouc et Gouffé, ont été accueillies avec faveur.
— Mme Augusta de Hennezel, sœur de M118 Stella Colas, l'ex-pension-
naire du Théâtre-Français, aujourd'hui à Saint-Pétersbourg, a donné, mer-
credi dernier, salle Pleyel, une soirée musicale et dramatique qui nous
a permis d'apprécier le double mérite de cantatrice et de comédienne de la
jeune et jolie bénéficiaire, avantageusement connue sur la scène lyrique
de Marseille. La partie musicale de cette soirée était représentée par
Mme Augusta de Hennezel, M. Lafont, M. Mangin, pianiste-compositeur,
et la jeune Maria Boulay, la nouvelle Milanollo, qui est venue obligeam-
ment prêter le concours de son talent à cette fête musicale et dramatique.
Son gracieux et énergique coup d'archet a enthousiasmé la salle entière.
La partie lyrique et dramatique se composait d'abord des Doublons de ma
ceinture, de Darder, opérette dont la bonne interprétation par Mme de Hen-
nezel, l'auteur, et M. Nourrit, a ému et fait rire jusqu'aux larmes; puis de
V Amoureux de Berthe, comédie de salon, de Mme Berton, fort bien jouée
par M. Berton, MUeOclavie Colas et M***. M1Ie Octavie Colas, qui jusqu'a-
lors ne s'était occupée que de peinture, nous a révélé une réelle vocation
pour le théâtre.
— Aujourd'hui dimanche 12 mai, à une heure précise, salle Herz ,
concert donné par la société chorale et musicale des Enfants de la Bel-
gique, dirigée par M. Pierre Benoît. Les artistes belges les plus distingués
prendront une part active à cette fête de famille.
CONCERTS DES CHAMPS-ELYSÉES.
Les salons d'Érard, de Pleyel, de Herz (trinité vocale et instrumentale),
sont fermés ; il a suffi pour cela d'un rayon du soleil, de quelques lilas en
fleur, ou de l'apparition d'une hirondelle. Bien que le mois de mai ne
commence guère, â Paris, qu'à la fin de juin, chacun, — dès que les der-
niers jours d'avril arrivent, — songe déjà à prendre son vol, à quitter la
ville; nos chanteurs, plus particulièrement, donnent le signal de l'émi-
gration, et vont se reposer en province ou à l'étranger, dans de nouveaux
travaux, dans de nouveaux triomphes. Seuls, hélas I les oisifs privilégiés
qui habitent la campagne en sont réduits au chant du rossignol I Système
des compensations, aurait dit, peut-être malicieusement, le bon M. Azaïs.
Mais si nos salles de concerts, ces élégantes prisons d'un hiver toujours
trop long, sont closes, il en est une qui s'ouvre au premier souffle du
printemps et s'emplit tout aussitôt. Celle-ci , du moins, est en plein air ;
la brise y circule en toute liberté ; les fleurs y réjouissent les yeux ; et
tout en s'y livrant au plaisir de la promenade, au milieu d'allées mysté-
rieuses bien qu'éclairées a giorno, on peut y régler sa marche aux mou-
vements d'une excellente musique. Vous devinez que nous voulons parler
des Concerts-Musard, de cet heureux établissement dont les entrepre-
neurs, en gens de goût et de prévision, ont trouvé le secret de faire le
rendez-vous de l'honnête et bonne compagnie ; aussi la foule y abonde-
t-elle tous les soirs, tant il est vrai qu'on va toujours où on est sûr d'être
écrasé : le monde est ainsi fait, surtout à Paris ; c'est l'éternelle histoire
des moutons de Panurge. Le Concert-Musard est un immense salon de
verdure subdivisé en fractions distinctes, en groupes particuliers, en réu-
nions de famille ; rien de charmant comme ces a parte, où l'on cause et
rit tour à tour. — Pour peu qu'il y soit aidé d'un cicérone, l'étranger y
sera bientôt au courant des individualités de nos célébrités parisiennes ;
tout ce qui a un nom dans les lettres, dans les arts, est là ; les hommes
politiques y coudoient les hommes de la magistrature ; le grave académi-
cien y est assis à côté de Clairville, et Halévy y serre la main d'Offenbach :
le Concert-Musard est une photographie vivante, une sorte de musée, où
nous laissons dans l'ombre les plus gracieux tableaux.
Ce qu'il faut aux Concerts-Musard, ce sont de belles nuits, des nuits
étoilées. A ce prix, il nous sera doux d'enrichir ceux qui ont si bien com-
pris le moyen d'attirer et de retenir la foule, — de l'amuser, de lui plaire,
enfin I E. B.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, réducteur en chef.
Tj-p. Charles de Mourgu
i Jean-Jacques Itou
En vente AU MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivienne.
Hommage à Mme SAGERET, née CLAPEYRON.
TROIS CHANTS RELIGIEUX
D. RUBINI.
N° 1.
O SALUT A RI S,
Pour soprano solo.
prix : 1 f. 50 c.
N° 2.
AGNUS DEI,
Duo pour soprano et basse.
prix : i f. 50 c.
N° 3.
AVE MARIA, pour soprano solo. — prix : 2 fr.
morceaux exécutés à la Madeleine.
VINGT-CINQ MOTETS OU CANTIQUES EN SOLOS , DUOS ET TRIOS,
PAR
A. PANSERON.
(Prix net: 12 fr.)
N° 1. Douze antiennes pour l'orgue de la maison Alexandre 5 »
2. Ave verum, solo pour soprano ou ténor 3 »
3. Magnificat, solo pour soprano ou ténor 3 »
4. Notre Père, cantique pour soprano ou ténor 5 «
5. O Salutaris , solo pour mezzo-soprano , avec solo de vio-
loncelle 5 »
6. Le même, sans l'accompagnement de violoncelle 4 »
7. Ave Maria, solo pour mezzo-soprano ou ténor 3 »
8. Pour vos bienfaits, cantique pour mezzo-soprano 3 »
9. Ecce Panis , solo pour contralto ou baryton 3 »
10. Agnus, solo pour contralto ou baryton 3 »
11. O Salutaris, solo pour ténor ou soprano, avec solo de vio-
loncelle 5 >'
12. Le même, sans l'accompagnement de violoncelle 4 »
13. O Salutaris , solo composé pour Tamburini 3 »
14. Pange lingua et Tantum ergo, solo pour basse-taille 3 »
15. Le Roi des Saints, cantique pour basse-taille 6 »
16. Adoremus, duo pour deux soprani 4 »
17. Ave, maris Stella, duo pour deux soprani 4 »
18. O Salutaris, duo pour deux soprani 3 »
19. Cœur sacré, cantique, duo pour deux soprani 4 »
20. Vierge modeste, cantique, duo pour deux soprani 4 »
21. Regina cœli, duo pour soprano et ténor 4 »
22. Benedictus et Prière, duo pour soprano et baryton 6 »
23. Le Cœur de Marie, cantique à troisvoix, pour trois soprani.. 4 »
24. Prière de trois sœurs , cantique pour trois soprani 4 a
25. Ave Maria, trio pour deux soprani et ténor 3 »
En vente chez l'éditeur REUK, boulevard de Strasbourg, 37.
LES CARACTERISTIQUES
12 Morceaux pour piano, soigneusement doigtes,
PAR
PAUL WAGNER.
1. Les Éléments.
2. La Danse.
3. Les Déguisements.
4. Le Poisson d'avril.
5. Le Réveil du Coucou.
6. Chant de la Caille.
7. La Chanson des Moissonneurs.
8. Fête champêtre.
9. La Chasse.
10. Les Vendanges.
11. La Veillée.
12. La Noël.
Chaque morceau : 3 fr. 75
Pour paraître le 1er Mai 1861 , au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, HEUGEL et Ce, éditeurs.
COLLECTION COMPLÈTE
DES
CHANSONS DE GUSTAVE NADAUD
Publiées en sept volumes grand in-8°, et une collection de chansons légères ,
Paroles et musique avec accompagnement de piano.
Souscription aux huit volumes : 40 fr.
Prix net. Chaque volume : 6 fr. — Collection des 30 chansons légères : 8 fr.
1" VOLUME.
1 Vieille histoire. 6 Voilà pourquoi je suis garçon. 11 Au coin du feu
2 L'inconnu. 7 Les mois. 12 Les grands-pères
3 L'automne. 8 Un propriétaire. 13 Les rats
4 Une fée. 9 Le melon.
5 Trompette. 10 Je pèche à la ligne.
21 Le quartier latin.
22 Les dieux.
23 Le vieux tilleul.
24 Le château et la chaumière.
25 La ligue des maris.
41 Les pauvres d'esprit.
42 Est-ce tout?
43 La Kermesse.
44 La meunière et le moulin.
45 May.
61 Le voyage aérien.
62 Rose-Claire-Marie.
63 Mon héritage.
64 Paris.
65 Jaloux, jaloux.
81 La forêt.
82 Lanlaire.. .
83 Pêcheur silencieux.
84 L'aveu.
85 Des bêtises.
101 Les heureux voyageurs.
102 L'aimable voleur.
103 La vie moderne.
104 Le pot de vin.
105 La vigne vendangée.
121 L'histoire de mon chien.
122 Libre 1 stances à l'Italie. -
123 Bernique.
124 Nuit d'été.
125 Mon oncle Gaspard.
1 Les amants d'Adèle.
2 Le souper de Manon.
3 Satan marié.
4 Toinette etToinon.
5 Ursule.
6 Les gros mots.
7 Quille à quitte.
8 Le coucher.
26 Bonhomme.
27 La ballade au moulin.
28 Perrette et le sorcier.
29 Les cerises de Montmorency.
30 Je n'aime pas.
46 La solution.
47 Pa-lorale.
48 Fantaisie.
49 Je grelotte.
50 Jean qui pleure et Jean qui rit
66 Mes mémoires.
67 L'été de la Saint-Martin.
68 La bavadère voilée.
69 Le jardin deTéhadja.
70 Souvenirs de voyage.
86 Le fou Guilleau.
87 La nacelle.
88 Père capucin.
89 La pluie.
90 Les plaintes de Glycère.
106 Le cigare.
107 Les lamentations d'un réverbère
108 La confidence.
109 Les pêcheuses du Loiret.
110 La chanson de gros Pierre.
126 L'attente,
127 L'oubli.
128 Le roi boiteux.
129 L'improvisateur de Sarrente.
130 Les cotes d'Angleterre.
14 Je m'embête.
15 Ma femme n'est pas là.
S» VOLUME.
31 Rêves et réalités.
32 Les étrennes de Julie.
33 M. Bourgeois.
34 Louise.
35 Le docteur Grégoire.
3e VOLUME.
51 Les écus.
52 Pierrette et Pierrot.
53 Le phalanstère.
54 Les impôts.
55 Les réformes.
4° VOLUME.
71 Insomnie.
72 La vieille servante.
73 II faut aimer.
74 Ma philosophie.
75 Les deux notaires.
VOLUME.
91 Le vieux télégraphe.
92 Ma sœur.
93 Les ruines.
94 La mèreGbdiehon.
95 M. de la Chance.
VOLUME.
111 Le puits de Pontkerlo.
112 Les projets de jeunesse.
113 Le sultan.
114 La cuisine du château,
115 Chanson napolitaine.
te VOLUME.
131 A propos d'annexion.
132 M'aimez-vous ?
133 Le mandarin.
134 Elle.
135 Une histoire de voleur.
S
16 Je ris.
17 Nous sommes gris.
18 Ivresse.
19 Aujourd'hui et demain.
20 Chauvin.
36 Chut.
37 Les hommes utiles.
38 Le Champagne.
39 Le carnaval à l'assemblée.
40 Beauté.
56 Le message.
57 Pandore.
58 L'histoire du mendiant.
59 La valse des adieux.
60 La première maîtresse.
76 Le bonsoir.
77 La petite ville.
78 Le chevalier à boire.
79 Flora cruelle.
80 Cheval et cavalier.
96 Ma voisine
97 Le vallon de la jeunesse.
98 La fille de l'amour.
99 Lettre d'un étudiant à une étudiante.
100 Réponse de l'étudiante à l'étudiant.
116 La bûche de Noël.
117 Macadam.
118 Le pays natal.
119 La lecture du roman.
120 Le nid abandonné.
136 La promenade.
137 La bruyère.
138 La ferme de Reauvoir.
139 Le vent qui pleure.
140 Florimond l'enjôleur.
COLLECTION DES 30 CHANSONS LÉGÈRES
9 Les boutons.
10 Auguste, étudiant de 10e année.
11 Boisentier.
12 La gaîlé française,
13 Les poissons.
14 La chanson de trente ans.
15 Adèle.
16 La lorette.
17 La lorette du lendemain.
18 La chaumière.
19 Les reines de Mabille.
20 Palinodie.
21 Les confessions.
22 Les deux.
23 Mes enfants.
2't Madeleine.
25 Les plaisirs sont trop courts.
26 Un mari malheureux.
27 Thérèse.
28 Le lion d'or.
29 Le dix-cors.
30 La toilette.
HUITIÈME VOLUME.
Prix net : 8 fr.
Paraissant de mois en mois au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, sous le titre : Une Cbanson par mois ; 12 chansons par an, paroles, musique et accompagnement de piano.
Paris et province, abonnement d'un an, net : Ofr. {L'abonnement part du 1er septembre de chaque année.)
Chaque enanson séparée, en grand format, prix marqué : 3 fr. 50 e.
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LA VOLIERE
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PARODIE »JE JLA ROMAÏtfCE — Prix marqué : 5 fr.
jv". J5. — Les trois premiers volumes, la collection des Chansons légères et les Opéras de salon seront en vente le l"r mai 1861, les autres volumes suivront de mois en mois.
— On souscrit au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, en adressant un bon sur ta posle à MM. Heogel et O. — Les volumes sont expédiés franco.
766. — -28e Année.
iv> as.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 19 Mai
1861.
l-j^TS\
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
, Rédact'enchef.
(lin Mi
LES ISURE VU.V , S bis, rue Vivienne. — IIEUGEE et C>% éditeurs.
ïiKin» et Abonnement <l>- Musique du MÉNESTREL. — Tcnlo et location de Pianos et Orgues.)
CHANT. ffl©MIBJIÏÏ,2@ÎTS E'&ffitSSfKrSMHSMÏÏ' : PIAIÏÔ.
1er Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; SO Morceaux : i 2° Mode d'abonnement : Jlournnl-Toxte, tous les dimanches ; 20 Morceaux t
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Albums- I Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; l Albunia-
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr. I primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
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3e Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les 5« Morceaux de chant et de piano, les 4 Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Etranger : 36 fr.
On souscrit du l«rde chaque mois. — L'année commence du 1" décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser/ianco
un bon sur la poste, à MM. IIEUGEL et C'a, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charlesde Mourgues frères. ( Texte seul : 8 fr. ■ — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 3080
SOnMAIHE. — TEXTE.
I. Méhul et ses œuvres (4U article). P. -A. Vieillaro. — II. Semaine théâtrale :
l'Opéra et le Théâtre-Italien. J.-L. Heoçei. — III. Tablettes du pianiste et du
chanteur : Mme Pauline Viardot et son École classique de Chant. J.-L. Heogel.
— IV. Théâtre de l'Opéra-Comique : première représentation de Sylvio-Sylvia.
— Théâtre-Lyrique : première représentation du Buisson vert. J. Lovy. —
V. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour :
GUIPURES ET DENTELLES,
N° 1 , polka-mazurka de A. Croisez. — Suivra immédiatement après :
le N° 2 , valse.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
S(EUR BIÉLANIE ,
Scène-mélodie de A. de Viixebichot, paroles de Mme la Csse Olympe
M. de Lernay. — Suivra immédiatement après : Comire ou le Nouvel
ami des Enfants, paroles de Frédéric de Courcy , musique d'HENRi
Potier.
MÉflUL ET SES ŒUVRES.
Deux ans après Ylrato vint Une Folie. Cet ouvrage, joué par
les mêmes acteurs, réussit autant que VIrato, et de la même ma-
nière. Ici, cependant, les auteurs n'étaient pas sur le terrain de
la parade. Mais ils étaient en plein dans la charge, et Bouilly,
d'habitude encore plus grave que Marsollier dans ses composi-
tions dramatiques, sous des noms et des costumes français, ne
nous montre pas dans Une Folie des personnages plus réels et
plus raisonnables que les grotesques de Ylrato. La pièce avait
un faux air de parenté avec le Barbier de Séville, à qui j'en de-
mande pardon ; mais ce en quoi elle ne lui ressemblait guère,
c'était le dialogue. Au reste, la musique de Méhul couvrit du
vernis le plus brillant les misères d'un dialogue qui visait a être
vif, et qui ne réussissait qu'à être lourd et trivial.
La romance Je suis encor dans mon printemps, chantée par
Philis comme ce qu'elle avait jamais chanté de mieux, eut une
fortune prodigieuse. Dix autres morceaux furent applaudis à faire
crouler la salle. Méhul fit, pour cette œuvre, une dépense pro-
digieuse de talent et d'efforts, car, je dois le dire, on sentait,
tout en l'admirant, qu'il n'était pas là sur son terrain véritable,
et que son génie nous devait autre chose. Vive, ingénieuse, aga-
çante, mutine même, sa musique n'était pas franchement gaie;
pour s'en convaincre, il suffirait d'écouter le duo des vieillards
dans la Fausse Magie, ou l'air Je ne déserterai jamais de Mon-
tauciel, dans le Déserteur.
Cependant, dans celle notice déjà longue, j'ai passé en revue
assez de productions, et noté assez d'œuvres capitales et merveil-
leusement réussies, pour avoir pu faire apprécier la richesse et
la variété dont la nature et l'étude avaient doué le grand artiste
auquel je voudrais pouvoir rendre un hommage plus digne de
lui, et du culte d'admiration et de tendre reconnaissance que je
garde à sa mémoire.
L'établissement de l'Empire marque la date où nous sommes
arrivés. A cette époque, où le dominateur éleva si haut la for-
tune de la France, la gloire des arts suivit la gloire des armes,
et la fortune des artistes fut aussi à son apogée. L'Empereur
avait une affection particulière pour la personne de Méhul, dont
il prisait beaucoup le talent. Il le fit chevalier de la Légion
d'honneur de la première promotion, et voulut lui donner la
maîtrise de la chapelle des Tuileries.
Méhul, qui voyait son maître dans la science en Chérubini,
d'ailleurs plus âgé que lui de trois ans, déclina un honneur
qu'il eût regardé comme une usurpation, et proposa qu'au
moins son émule entrât en partage de la faveur qui lui était of-
ferte. Napoléon s'y refusa, ne voulant pas scinder la maîtrise, et
appela Lesueur à en remplir les fonctions. La partition de Joseph
permet de penser que Méhul aurait soutenu la lutte avec Le-
sueur ; cependant, il est à remarquer que Méhul, presque exclu-
194
LE MÉNESTREL.
sivement voué au théâtre, n'a point composé de messes, ni même
d'oratorios (1).
Euphrosine et Coradin, Slralonice et Àriodant, avaient, à la
fin du siècle dernier, placé au premier rang le nom de Méhul
parmi les compositeurs lyriques. Au début du siècle actuel, le
succès de VIrato et celui d'Une Folie lui firent, auprès de Gré-
try, une place presque aussi belle que celle qu'il avait conquise
auprès de Gluck par ses trois drames. L'ouverture du Jeune
Henri avait prouvé, par les plus merveilleux développements, à
quel point il possédait toutes les ressources de l'harmonie imita-
tive. Enfin, quand vint l'Empire, la Polymnie dramatique fran-
çaise ne comptait pas un seul nom qui fût plus grand que celui
de Méhul, l'un des chefs du Conservatoire, membre de l'Insti-
tut, chevalier de la Légion d'honneur; j'ai déjà dit qu'il avait,
par le motif le plus honorable, refusé la place de maître de cha-
pelle à laquelle le choix de Napoléon avait voulu l'appeler.
Comme dédommagement, l'Empereur lui accorda bientôt une
pension de deux mille francs. Ainsi, à l'âge de quarante ans,
il s'était élevé à une position qui pouvait, alors surtout, être re-
gardée comme l'apogée de la fortune et de la gloire de l'artiste
le plus heureux et le plus exigeant.
Tel n'était point cependant le partage de Méhul. Fatalement
doué de cette disposition mélancolique qui est la couronne d'é-
pines du génie, il voyait des ennemis dans ses rivaux et trans-
formait en complots de la haine les brigues de la concurrence.
La finesse de son tact, la délicatesse de son goût, n'empêchaient
pas qu'il ne se méprît très-souvent au choix des ouvrages qu'on
venait lui proposer pour la scène, et, soit que la faiblesse du
poëme glaçât l'imagination du compositeur, soit qu'elle enchaî-
nât l'applaudissement aux mains des spectateurs, un demi-
succès faisait vibrer au cœur de Méhul une note aussi doulou-
reuse qu'aurait pu le faire la chute la plus complète. Alors, il
souffrait en silence ; mais loin d'en moins souffrir, la contrainte
qu'il s'imposait pour dissimuler sa blessure ne servait qu'à
l'envenimer encore.
Chez Méhul, la force morale et l'énergie du sentiment con-
trastaient de la manière la plus frappante avec la faiblesse de
l'organisation physique. La droiture était la base de son carac-
tère comme la règle de sa conduite. L'injustice le révoltait, et il
ne souffrait pas moins de ses procédés appliqués aux autres qu'à
lui-même. Si un peu d'exagération se mêlait alors à ses impres-
sions, c'était à coup sûr l'exagération du bien, et si quelqu'un
eut à s'en plaindre, ce fut celui sur lequel elle agissait. Plus
que personne peut-être, j'ai le droit de lui rendre ce témoi-
gnage et de dire que tels furent les mobiles qui agirent le plus
péniblement sur lui pendant les dix dernières années de sa vie.
Ces temps, qui rencontrèrent de grandes amertumes, ame-
nèrent aussi de vives jouissances. D'un souvenir emprunté par
(1) Outre ses compositions seéniques, au nombre de plus de trente, et
parmi lesquelles je ne dois pas oublier trois ballets, Paris, 1793, la Dan-
somanie eu 1800, et Persëe et Andromède, en 1810; Méhul a encore donné,
en 1794, les chœurs de Timoléon, tragédie de M.-J. Chénier, et l'air de
la Ronde de Roland pour Guillaume le Conquérant, drame d'Alexandre
Duval, joué en 1804, au Théâtre-Français, et qui, par des considérations
politiques, ne fut représenté qu'une seule fois. Six symphonies exécutées
dans les exercices du Conservatoire et quelques sonates , complètent le
bagage musical de cet homme qui sera à jamais l'honneur de l'école
française. Enfin deux morceaux de prose lus à l'Institut, l'un sur VÊlat
futur de la musique en France, l'autre sur les Travaux des élèves du Con-
servatoire à Rome, prouvent qu'il y avait en Méhul l'étoffe d'un excellent
écrivain.
Marsollier 'a Lazarille de Tonnes sortirent, en 1806, les Deux
Aveugles de Tolède, bouffonnerie spirituelle, mais, après
tout, un peu triste; car le spectacle prolongé d'une infirmité ne
saurait être une vraie source de comique ni longtemps exciter
le rire; mais l'espèce de fatigue qui en résulta ne pût empê-
cher que l'on n'admirât l'art avec lequel Méhul avait su mettre
à profit les thèmes charmants que lui offraient les mélodies es-
pagnoles les plus populaires; aussi plusieurs morceaux de cet
ouvrage sont-ils restés et toujours applaudis avec transport.
Ulhal, drame par M. de Saint-Victor, suivit de près les Deux
Aveugles et fut donné le 16 mai 1806. Cet opéra en un acte, du
genre le plus sévère, fut très-loué, très-applaudi, mais ne put
retenir la faveur du public, qui, lorsqu'on ne le fait pas rire,
veut au moins qu'on le fasse pleurer, ce que ne pourra jamais
faire un ouvrage du genre purement admiratif. Ulhal, sujet
ossia nique, est emprunté à l'histoire grecque; la situation de
Malvina, épouse d'Uthal et fille de Larmor, chef de Dunthalmo,
est exactement la même que celle de Chélonis, fille de Léoni-
das II, roi de Sparte, épouse de Cléombrole, son compéti-
teur, et s'attachant successivement à la fortune de celui des
deux qui est détrôné par l'autre. Cette situation, admirable-
ment résumée en ce vers,
J'appartiens au plus malheureux,
est aussi noble que simple; mais, par malheur, elle n'admet
point la moindre mobilité ni la moindre incertitude, et l'action
est, pour ainsi dire, pétrifiée dans les beaux vers du dialogue.
La couleur locale, l'enluminure ossianique n'était pas d'ailleurs
de nature à animer la scène; la solennité du chant des bardes
ajoutait encore à la monotonie de l'action. Ces inconvénients
avaient disparu dans la pièce donnée en 1805 à l'Opéra,
sous la profusion des incidents et dans la. variété des effets de
tout genre que présentait l'ouvrage de Lesueur; aussi l'effet
avait-il été immense; il y avait dans l'ensemble de la composi-
tion du maître une certaine âprelé sauvage et grandiose qui
rendait, pour ainsi dire, palpable le merveilleux des mytholo-
gies Scandinaves. Les mélodies d'Uthal étaient d'une admirable
pureté et d'une grâce sans pareille; plusieurs romances, et sur-
tout le chant du sommeil, sont' des morceaux qui doivent vivre
à jamais. Dans Ossian, certains effets pouvaient donner prise
à la critique et elle ne leur fut pas épargnée ; mais la vogue ne
pouvait manquer de s'attacher à celui des deux ouvrages qui,
. le moins uniformément beau, était, en revanche, de beaucoup
le plus riche en effets variés.
Ce fut en l'année suivante, 1807, le 17 février, que parut au
théâtre Favart Joseph, opéra en trois actes et le chef-d'œuvre
de Méhul. Le poëme était d'Alexandre Duval, et dans cette belle
composition littéraire, d'une couleur toute biblique, on n'au-
rait certes pas deviné l'auteur des Héritiers, de Maison à ven-
dre, du Prisonnier, de la Jeunesse de Henri V et de tant d'au-
tres charmantes productions aussi spirituelles qu'amusantes.
Méhul retrouva avec Joseph le même avantage qu'il avait
déjà trouvé avec Slralonice; il eut à travailler sur une œuvre
excellente. Duval, à qui souvent et trop souvent, avec injustice,
on a reproché de n'avoir point de style, avait, dans Joseph,
calqué avec une admirable intelligence sa phrase sur celle des
saintes Écritures. Plus austère que Baour-Lormian dans sa
tragédie d'Omasis, il avait banni de son sujet tout profane ac-
cessoire et sa pièce n'offrait aucun rôle de femme. Si Mme Ga-
vaudan y faisait applaudir le charme de son jeu et la grâce de
sa diction, c'était, comme MUo Mars au Théâtre-Français, dans
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
19S
le rôle de Benjamin. Elleviou, dans le rôle de Joseph, était
éblouissant de splendeur théâtrale; Gavaudan, dans celui de
Siméon, justifia par une sombre énergie le surnom de Talma
de l'Opéra-Comique qui lui avait été décerné par Napoléon lui-
même, et Solié donnait au personnage de Jacob toute l'ampleur
et la dignité du patriarche le plus vénérable.
On peut juger combien, avec un pareil ensemble d'instru-
ments d'exécution, l'œuvre musicale la plus parfaite de toutes
celles de Méhul dut ajouter à la gloire de son nom et assurer
sa place au premier rang. L'air :
Champs paternels, Hébron, douce vallée,
qui serait peut-être le plus beau qu'il y eût au théâtre, sans
celui de Stratonice :
Versez tous vos chagrins dans le sein paternel,
la romance : A peine au sortir de l'enfance, le final du premier
acte, où éclatent les remords de Siméon, le chant religieux des
Israélites au lever du jour, la marche triomphale de Joseph ayant
à ses côtés Jacob et Benjamin, le chœur des jeunes filles pendant
le banquet des enfants d'Israël qui sert d'introduction au troi-
sième acte, et enfin le magnifique final qui couronne cette suite
de morceaux admirables, constituent une création musicale dont
les diverses parties retracent tour à tour, avec la même noblesse,
avec la même vérité, la simple grandeur des scènes delà Bible,
les pompes de l'Egypte et le grandiose sans limites du désert,
image de l'immensité.
Aucune voix n'osa protester contre ce succès. De prime
abord, la partition de Joseph fut classée au nombre des quatre
qui devaient concourir pour le prix décennal, prix qui, si on se
le rappelle, ne fut pas décerné. Mais, parmi le nombreux tribut
d'éloges qu'obtint cette composition, un surtout mérite d'être
rappelé. Le 26 février 1807, on lut dans le feuilleton du Journal
des Débals une pièce de vers adressée à Méhul à l'occasion du
succès de Joseph, et ces vers étaient signés Guizot. Le signa-
taire avait alors vingt ans, et c'était par cet hommage rendu au
génie des arts que se révélait le nom de l'homme de génie qui
devait s'élever si haut dans la politique et la science du gouver-
nement.
Pour résumer mon opinion sur Joseph, je dirai que, depuis
plus de cinquante ans, aucune composition dramatique dans le
style religieux ne s'est élevée à la même hauteur de succès, si ce
n'est le Moïse de Bossini dans la forme perfectionnée que l'Or-
phée moderne a imprimée à ce chef-d'œuvre, pour l'adapter à la
scène de notre grand Opéra.
P. -A. Vieillard.
( La suite au prochain numéro. )
SEMAINE THÉÂTRALE.
I. 'OPLIt.l ET LK THE A Tltr.-IT.IMI !IV.
Nous ne parlerons pas de la représentation affichée pour hier
soir, samedi, au bénéfice d'une petite fille de Bameau; et re-
mise à jeudi prochain, 23. Nous ne dirons rien non plus du
bénéfice de Mme Pauline Viardol au Théâtre-Lyrique, si ce n'est
que la sensation produite par la grande artiste dans VAlceste de
Gluck a enfin donné l'éveil à I'Opéiu, et qu'il est question d'y
remonter ce chef-d'œuvre de Gluck, avec Mme Viardot pour
héroïne. Ce sera, certes, tout un événement, surtout si, pour
retrouver les traditions des ouvrages de Gluck, on sait appeler
à soi l'expérience d'artistes tels que Levasseur et Ponchard, qui
ont, dans leur jeunesse, étudié ces chefs-d'œuvre sous la direc-
tion de Garât, dont Mme Branchu et les grands chanteurs du
temps s'inspiraient à l'envi.
Un événement qui a bien son importance relative, et dont la
musique de Gluck, d'ailleurs, pourrait tirer les plus grands
avantages, c'est le début de MHe Marie Sax dans le Trouvère.
Userait difficile de trouver pour notre première scène lyrique
une voix plus complète et se prêtant avec autant d'éclat et
de naturel aux effets dramatiques. La personne de Mlle Sax
semble également taillée pour les grandes figures de nos drames
lyriques, et l'on peut prédire aujourd'hui une héritière à Falcon.
C'est avec M. Cabel , dit-on, que la- nouvelle Éléonore a ré-
pété son rôle du Trouvère. Elle a eu de fort beaux élans, et,
au simple point de vue de la scène , nous avons remarqué un
certain art dans sa manière d' écouter, ce qui est toute une étude
au théâtre. Assez généralement nos artistes lyriques se préoccu-
pent peu de la scène lorsque leur voix est au repos. C'est un
tort : le chanteur ne doit point perdre de vue le personnage.
Ce nouveau succès de Mlle Sax dans le Trouvère, succès par-
tagé par le ténor Michot, nous inspire cette réflexion : qu'en défi-
nitive le Théâtre-Lyrique devient la pépinière vocale de l'Aca-
démie impériale de Musique, et qu'à ce seul titre la subvention
sollicitée lui devrait être acquise de droit et portée au budget de
l'Opéra. En somme, la rue Lepelletier doit nu boulevard du
Temple Mme Lauters-Gueymard, d'abord, Mlle Marie Sax et
M. Michot, pour ne citer que trois étoiles fixes et acquises. Le
Théâtre-Lyrique pourrait bien aussi revendiquer une petite part
de la présence de Mme Vandenheuvel à l'Opéra, oùMrae Viardot
ne paraîtrait, dit-on, qu'en vertu d'une cession temporaire de
M. Béty. Mme Miolan-Carvalho n'était-elle pas non plus desti-
née à briller du plus grand éclat sur notre première scène, et
M. Montjauze, qui vient de se révéler fort ténor dans-Za Statue,
n'y sera-t-il pas appelé tôt ou tard? On ne saurait nier l'in-
fluence du Théâtre-Lyrique sur les destinées de l'Opéra et de
l'Opéra-Comique. Non-seulement nos premières scènes y puisent
des chanteurs, des cantatrices de premier ordre, — témoin
Mme Cabel et tout récemment MUc Marimon, que la salle Favart
a laissée s'envoler, — mais maints compositeurs de mérite y font
leurs premières armes ou viennent prouver là ce qu'il ne leur
a pas été permis de démontrer ailleurs. La Statue de M. Reyer
en est une preuve toute récente. On doit certainement à la Perle
du Brésil la bienvenue d'Herculanum à l'Opéra ; et pour finir par
où nous aurions dû commencer, n'est-ce pas le Faust de Gou-
nod qui a révélé d'une manière complète, définitive, ce grand
compositeur français, et qui nous vaudra, l'hiver prochain,
la Reine du Sabbat sur la scène de la rue Lepelletier? Allons,
encore une fois, l'Académie impériale de Musique est double-
ment débitrice envers le Théâtre-Lyrique de la plus honorable
subvention.
On croyait le Théâtre-Italien fermé jusqu'à l'automne pro-
chain, mais il rouvre ses portes, assure-t-on, en l'honneur d'une
troupe lyrique allemande. En attendant, le cercle de l'Union
artistique de la rue de Choiseul vient d'y donner son premier
concert, en présence d'une splendide assemblée.
Qu'est-ce que le cercle de l'Union artistique?
C'est un cercle fondé rue de Choiseul, — dans les bâtiments
autrefois occupés par la maison Delisle, — avec l'intention de
seconder le mouvement et le progrès des arts. La musique tient
196
LE MÉNESTREL.
une large place dans le programme de ce cercle, dont M . le prince
Ponialowski est président. Nous en avons eu la preuve par le
premier concert de VUnion artistique, donné lundi dernier au
Théâtre-Italien. Un pur et harmonieux Ave verum inédit do
Charles Gounod, une belle' scène symphonique, également iné-
dite, pour orchestre et chœurs, le Jugement dernier, de Félicien
David , un remarquable opéra inédit de concert , d'Edmond
Membrée, Fingal (sur un poëme imité d'Ossian, par M. An-
toine Flobert), se partageaient le programme avec l'andante et
final de la symphonie en la de Beethoven, le Benedictus de la
messe en ré du même maître, un allégro de concerto de
J.-S. Bach, et une ouverture qui pourrait bien être prise pour
le premier feuillet de la musique de l'avenir, si le programme ne
nous rassurait à l'avance en nous prévenant que cette ouverture
est de Mendelssohn et qu'elle a tout simplement pour but de
représenter : Une mer calme avec la plus heureuse traversée,
— non sans un grain d'orage.
Le programme n'en annonçait point» autant du Benedictus de
la messe en ré de Beethoven, et il agissait prudemment. Le
violon d'Alard excepté, les soli ont été d'une insuffisance qu'on
ne saurait dissimuler. Il faut dire aussi que le choix do ce mor-
ceau n'était pas heureux dans la circonstance. Nous ne saurions
non plus approuver l'ordre du programme, qui n'a point su
ménager ses effets. C'est encore un art que celui de la gradation
des effets dans une succession de pièces de musique vocale et
instrumentale. Le comité du cercle de VUnion artistique se
servira infiniment mieux de ses richesses la prochaine fois, —
n'en doutons pas, et remercions-le , dès aujourd'hui , de ses
nobles et louables efforts, — en remerciant aussi MM. Tilmant
et Vauthrot qui brillaient l'a, comme de vaillants capitaines, en
tête de leur orchestre et de leurs chœurs de la Société des
Concerts du Conservatoire.
Roger, à peine de retour d'Allemagne, — où il vient de don-
ner un nombre indéfini de fructueuses et glorieuses représen-
tations, — faisait sa rentrée dans Paris, par le Fingal d'Edmond
Membrée. Malgré les fatigues de ses laborieuses pérégrinations
d'outre-Rhin, Roger s'est montré plein d'âme et de verve dans
certaines parties de cette œuvre, remarquable à plus d'un titre.
De son côté, Mlle Amélie Rey a fait les honneurs de Fingal,
et aussi ceux du bel Ave verum de Gounod, dont le maître diri-
geait l'exécution en personne. On reproche a Mlle Rey de gâter
sa belle voix par des vibrations qui arrivent au trille permanent.
Ce chevrotement est d'autant plus regrettable, qu'il fait école ;
les coupables, c'est-à-dire les adeptes, en sont nombreux.
MM. Cazaux et Gourdin ont prouvé une fois de plus la
puissance de leur voix, tandis que la charmante MUe Pfotzer
venait brûler la sienne aux feux de la rampe Ventadour, dans
le Benedictus de Beethoven.
M. Félicien David, enfin, doit prendre place parmi les solistes,
puisqu'à l'instar de Gounod, il dirigeait lui-même son Juge-
ment dernier. C'est là une belle et grande œuvre, dont la pre-
mière partie surtout a émotionné l'auditoire.
Quant à l'admirable allegro de concerto de J.-S. Bach, ce sont
les doigts d'une jeune et jolie femme, Mme Massarl, qui l'ont
interprété avec la placidité et l'austérité des anciens maîtres. Un
son tempéré , une mesure contenue et toujours égale, peu ou
point d'expression, beaucoup declarté, de tenue et de netteté dans
le jeu, voilà les qualités inhérentes à ce genre de musique. Aussi
peut-on dire que cet allegro de Bach prend à peine l'allure d'un
andantedeYerdi. J-L. Heugel.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
WP" PAULINE VIARDOÏ
Son Ecole classique du Chant.
Depuis quelques années, un retour vers l'ancienne musique,
la musique dite classique, s'est fait sentir et s'est développé au
delà de toute espérance. 11 ne faut pas s'en plaindre et chercher
dans le goût du beau, du simple et du sévère la négation de
l'école moderne, mais bien un temps d'arrêt à la vulgarité des
idées, au déplorable excès du bruit et du fouillis musical qui
avait fini par prédominer, dans l'espoir d'arriver à produire des
effets quand même.
Nos compositeurs actuels profiteront de ce temps d'arrêt pour
épurer leur style, pour donner à leurs mélodies, comme à leurs
harmonies, plus de clarté, plus de noblesse, plus de concision;
et l'inspiration, ainsi dégagée du fatras des exagérations mo-
dernes,'n'en tiendra pas moins compte de la nouveauté et de la
variété de formes, ainsi que des progrès de l'instrumentation.
Selon nous, loin de condamner ce retour vers l'ancienne mu-
sique, les vrais amateurs doivent donc y aider et chercher tous
les moyens de la répandre dans les meilleures conditions d'in-
terprétation et de reproduction.
En ce qui touche l'interprétation, nous avons la Société des
concerts du Conservatoire, celle des jeunes artistes du même
établissement, nos nombreuses sociétés de musique de cham-
bre, si glorieusement ressuscitées, et enfin, dans le domaine
de la musique spéciale de piano, des professeurs tels que M. M'ar-
montel, qui, sans méconnaître les qualités brillantes de la mu-
sique moderne , recherchent avec une véritable religion à
inspirer d'abord à leurs élèves l'amour du beau par la sérieuse
pratique des chefs-d'œuvre des anciens- maîtres qui ont tant
et si admirablement écrit pour le piano.
En ce qui concerne la reproduction , jusqu'ici les moyens
d'action étaient, pour ainsi dire, négatifs. On vivait sur d'an-
ciennes éditions incorrectes, illisibles, tronquées pour les besoins
du commerce musical, et sans désignation de mouvements, d'ac-
cents, d'articulations, de nuances, de doigters, de tous ces riens
indispensables qui , réunis , sont en définitive comme le phare
protecteur destiné à éclairer des milliers de musiciens disséminés
dans nos départements , loin du foyer où s'épanouissent nos
sociétés orchestrales du Conservatoire et nos multiples séances
de musique de chambre.
Mais comment oser indiquer un mouvement, un accent, une
nuance, un détaché, un lié, et même un doigter, sur une œuvre
ancienne, sans encourir le blâme de maints docteurs en mu-
sique, qui se font les oracles jaloux et intraitables de nos an-
ciens maîtres ? Seuls, selon eux, ces oracles égoïstes ont le secret
des traditions, et ils vont jusqu'à les enfouir mystérieusement
dans leur modeste cerveau. Vous les voyez condamner toute
tentative de lumière, et crier bien haut contre le sacrilège,
si une main habile et discrète interroge chaque œuvre, s'en
rend un compte exact, non-seulement par son propre sentiment,
par ses études dans le genre classique , mais aussi par les ré-
sultats comparés des diverses sources actives auxquelles, en
France, dans Paris seulement, il est permis de puiser des tra-
ditions.
Eh bien ! c'est contre cette absurde prétention que nous ve-
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
197
nons protester de rechef, et cette fois avec un nouvel appui,
une nouvelle force, un nouveau drapeau : VÊcole classique du
Chant, de Mme Pauline Yiardot.
Comment! Mrae Viardot aurait été bercée dans la famille des
Garcia, en pleine grande musique, aspirant l'air des Haendel ,
des Gluck, des Pergolèse, des Mozart, des Beethoven, desBossini;
Dieu lui aurait dispensé le génie de l'inspiration qui fait les
grands artistes ; il lui aurait donné le secret des accents qui tou-
chent le cœur en parlant à l'esprit , et toutes ces nobles facultés
seraient condamnées à s'éteindre avec elle, pour complaire à
quelques stoïques érudits qui se drapent dans leur stérile infail-
libilité !
Les musiciens ne doivent-ils pas, au contraire, appeler à eux
le secours des traditions écrites, commentées, comme la seule
arche de salut de nos anciens chefs-d'œuvre, et cela au moyen
d'éditions correctes, complètes, sans la moindre altération mélo-
dique et harmonique, mais enrichies de toutes les indications qui
peuvent concourir à la meilleure interprétation possible d'œu-
vres que les auteurs du temps écrivaient spécialement pour eux
ou pour les grands personnages qui les leur commandaient , et
fort peu en vue des musiciens à venir.
Ces indications n'enchaînent pas l'artiste assez sur de lui-même
pour suivre sa propre inspiration, tandis qu'elles éclairent des
milliers d'élèves et de professeurs pour lesquels la musique
ancienne, sans ce puissant auxiliaire, resterait à l'état de lettre
morte. L'édition-Marmontel des Classiques du piano nous en
fournit une preuve irrécusable. Il y a quelques années encore,
Beethoven, Mozart, Haydn, Bach, Scarlatti, Dussek, Clementi,
Field, Hummel, étaient parfaitement inconnus en France, —
j'en excepte Paris, — et voici qu'aujourd'hui nos plus petites villes
musicales ont pris l'amour de celle grande et belle musique.
Ce que M. Marmontel a fait pour la musique de piano,
MmB Viardot-Garcia le veut tenter pour la musique de chant ,
et déjà le plus éclatant succès accueille les premières livraisons
de son École classique du Chant. Mme Viardot ne sollicite pas
un brevet d'invention ; elle sait bien qu'avant elle divers essais
en ce genre ont été faits, et notamment par Duprez dans la
troisième partie de sa Méthode, traitant de la diction lyrique.
Mme Viardot sait bien aussi, qu'indépendamment du Ré-
pertoire des concerts du prince de la Moskowa , M. Fran-
çois Delsarte , dans ses Archives, a réalisé celte idée d' 'École
classique du Chant, mais en oubliant d'éclairer la lanterne,
c'est-à-dire en se faisant un faux scrupule, ou plutôt un parti
pris de publier dans l'obscurité la plus complète les œuvres
des anciens maîtres. On a soigneusement étudié la reproduction
des caractères typographiques ou types de gravure du temps ,
mais en leur sacrifiant complètement les indicalions de mouve-
vement , les genres d'expression, le phrasé, les accents, les
nuances, etc. Pour le lecteur, une pareille musique, c'est une
vaste nappe d'eau avec ses multiples écueils, sans pilote , sans
compas, sans boussole, sans la moindre carte marine.
Ne touchons pas aux choses sacrées! s'écrie M. Delsarte, qui
semble se contenter de pouvoir dire : Je m'y retrouve, cela doit
suffire.
Mon Dieu, n'exagérons rien : nous comprenons cette austère
religion pour un tableau qui nous arrive quelque peu meurtri à
travées les siècles. Respectons tout dans celte pieuse toile, jus-
qu'aux souillures du temps : pour essayer de les faire disparaître,
nous pourrions être réellement sacrilèges. Notre main, ou s'éten-
drait au delà du mal, ou laisserait une empreinte trop profonde.
Mais, en bonne conscience, de pareils scrupules sont-ils admissi-
bles en musique? Que reproduit-on? l'œuvre telle que le maître l'a
écrite : ce sont bien les mêmes notes, les mêmes valeurs, les
mêmes phrases, les mêmes harmonies, moins les fautes d'im-
pression , moins les passages tronqués ou écourtés des éditions
barbares d'un autre temps. Et si l'auteur a omis d'indiquer le
mouvement de son morceau, son genre d'expression, les accents,
le phrasé, les nuances, etc., etc., pourquoi M. François Delsarte,
apôtre éclairé des anciens chefs-d'œuvre, se refuserait-il systé-
matiquement à transmettre le fruit de son expérience , de ses
études ? Qu'en certains cas, M. François Delsarte appréhende
l'erreur pour lui-même, — ce qui a dû arriver à M. Marmontel
dans ses Classiques du Piano, ce qui arrivera probablement à
Mme Pauline Viardot dans ses Classiques du Chant, — est-ce
une raison pour demeurer absolument muet sous la crainte de
faillibilités passagères? Et d'ailleurs, est-ce donc un si grand
péril que de se tromper avec Mme Viardot, avec M. Delsarte,
avec M. Marmontel? La foule des musiciens de nos quatre-vingt-
dix départements ne courent-ils pas de bien plus graves dan-
gers, livrés à eux-mêmes?
M. L. Niedermeyer, dont nous déplorions la perle tout ré-
cemment, lui aussi, avait le plus profond respect pour l'ancienne
musique, et une grande partie de sa vie s'est écoulée à traduire,
à interroger le texte vrai des anciens chants sacrés. Il en a re-
produit un grand nombre dans la Maîtrise, et loin de décliner la
responsabilité de ses recherches, il a enrichi l'édition de la Maî-
trise de notices, de notes , d'indications et d'accents de nature
à éclairer le lecteur. Nous l'avons vu chercher, un mois entier,
le mouvement le plus favorable à un morceau de Palestrina.
11 a pu se tromper, mais on peut se tromper avec M. Nieder-
meyer , tout comme , nous le répétons, on aurait parfaitement
risqué de se tromper avec M. Delsarte dans mainte pérégrination
à travers ses archives du chant.
Nous avons essayé de convaincre M. Delsarte au départ de sa
publication, publication que nous désirions nous attacher;
M. Delsarte ne nous a pas compris, un autre éditeur a été plus
heureux près de Mme Pauline Viardot.
« C'est sans hésitation, c'est avec empressement, — disent
les éditeurs dans leur préface, — que Mme Pauline Viardot a
accepté l'offre que nous lui avons faite de s'associer à une publi-
cation qui doit embrasser les chefs-d'œuvre des plus grands
compositeurs. Chargée de retrouver et d'indiquer la pensée de
ces maîtres, elle se sentait portée vers ce travail par les études
de toute sa vie, par ses réflexions et ses goûts, par sa pratique
journalière de l'art du chant, soit sur la scène, soit dans l'ensei-
gnement.
« Elle s'est attachée à respecter, et par conséquent à rétablir
la pensée originale des maîtres, trop souvent altérée dans les
accompagnements écrits de nos jours pour le piano , et trop
souvent défigurée jusque dans la phrase mélodique. Pour cela,
elle a eu soin de remonter aux éditions primitives et aux parti-
tions d'orchestre. Enfin, en revoyant l'inépuisable collection des
œuvres de plusieurs maîtres trop peu connus en France, tels que
Haendel, Bach, Marcello et leurs contemporains, elle a trouvé
l'occasion d'enrichir cette publication de morceaux que l'on
peut appeler inédits. »
Et voilà comment, avec le concours de Mme Pauline Viardot,
s'est constituée, à la plus grande satisfaction des chanteurs, une
198
LE MÉNESTREL
École classique du Chant, qui sera le digne pendant de Y École
classique du Piano, que nous avons fondée avec le concours de
M. Marmontel.
J.-L. Heugel.
P. S. Dimanche prochain nous ferons connaître les mor-
ceaux publiés dans les premières séries, et nous citerons quel-
ques-unes des intéressantes notices de Mrae Pauline Viardot ,
après quoi nous publierons le premier chapitre de l'étude litté-
raire et musicale de M. H. Barbedette, sur Chopin et ses
œuvres.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQUE.
Silvio Siloia, opéra-comique en un acte, paroles de M. Brésil,
musique de M. Destribaud.
M. Brésil est un des auteurs de : Si j'étais roi. Il lui sera
beaucoup pardonné, parce qu'il a fourni à feu Adolphe Adam
(M. d'Ennery aidant) le texte d'une charmante partition. Nous
lui pardonnons donc Silvio Silvia : puisse-t-il se le pardonner
lui-même; car un poëme pareil, sur une scène impériale, doit
enfanter quelques remords. Nous ne croyons pas devoir donner
l'analyse d'une fiction qui nous représente un chef de brigands,
peintre à ses heures, son compère Coco (ci-devant perruquier)
costumé en Diane chasseresse ; un jouvenceau déguisé en femme
de chambre, et un fauteuil mécanique servant de dénoûment.
Vainement Silvio devient Silvia, la pièce n'est d'aucun sexe.
Ce que nous disons du libretto ne pourrait s'appliquer à la parti-
tion ; ce serait condamner sans appel un fragment d'agent de
change, qui a des aspirations d'artiste. M. Destribaud a d'ailleurs
fait ses études au Conservatoire, mais il avait, depuis quelques
années, déserté la musique. Un exemple récent l'a tenté — on se
rappelle que nous avons eu l'an dernier un opéra d'agent de
change — et il a voulu cumuler la prime et le report avec les
expansions musicales à grand orchestre. Nous ne saurions le
blâmer; la tendance est même louable, et c'est assez déjà que ce
maestro du lendemain ait à passer au tourniquet de la critique,
sans que nous lui ravissions, dès à présent, la perspective de
monter au parquet musical. Il y a d'ailleurs d'agréables élé-
ments dans ce premier essai. Le chœur , qu'on pourrait appeler
la Berceuse des brigands, n'a que le tort d'être chanté par ces
féroces personnages. Une historiette comique, débitée par Sainte-
Foy, un quintetle harmonieusement orchestré, une prière h la
madone, et le duo des femmes, sont des morceaux estimables,
et qui, dans un milieu différent, eussent encore été mieux appré-
ciés.
Nathan et Sainte-Foy s'acquittent avec talent de deux rôles
dont la contexture n'est certainement pas digne d'eux. M"esHen-
rion et Bousquet manquent de voix au milieu de tous ces bri-
gands. Mmi! Casimir fait rêver au passé, et, par les souvenirs
qu 'elle évoque, semble un remords vivant pour l'art lyrique
contemporain.
THÉÂTRE LYRIQUE.
Le Buisson vert , opéra-comique en un acte, paroles de M. Fontaine,
musique de M. Gastinel.
Ne vous creusez pas le cerveau pour percer les mystérieuses
profondeurs de ce Buisson vert et saisir la trame de quelque
imbroglio champêtre. Le librettiste a mis Buisson vert, comme
il aurait mis Cheval blanc, Aigle noir, Lion d'or, Grand-Cerf.
Le Buisson vert est le nom d'une auberge de Stockholm, dans
laquelle se passe l'anodine action dont nous allons vous donner
la substance. La scène aurait été placée à l'hôtel de la Boule
noire, que c'eût été absolument la même chose.
Or, dans cette auberge du Buisson vert on voit arriver mys-
térieusement le roi Gustave III : — Rassurez-vous, nous n'avons
ni complot, ni bal masqué, ni assassinat. — Alors pourquoi
Gustave III? — Je ne vous dis pas le contraire : Frédéric II,
Joseph Ier ou Henri IV, atteignaient parfaitement le but de l'au-
teur, pour peu qu'il eût voulu placer la scène à Berlin, à
Vienne ou sur le Pont-Neuf à Paris, car la ville de Stockholm
n'est nullement indispensable à l'historiette en question. — :
Enfin n'importe, et va pour Stockholm!
Donc Guslave III arrive incognito dans ladite auberge pour
y entendre un célèbre troubadour nommé Belmann, et contem-
pler la jeune et belle Louisa, la fille adoptive de l'aubergiste
Cornélius.
C'est le chanteur Belmann qui a recueilli cette jeune fille sur
les grands chemins. L'aubergiste la loge, la nourrit, et le trou-
vère Belmann se charge des sérénades. — Sérénades en pure
perte, hélas ! car toutes les pensées de Louisa se reportent en ce
moment sur un autre; elle s'intéresse à un absent, — à un dé-
serteur. Jugez de la jalousie de Belmann! En effet, il se désole,
il arpente l'auberge à grands pas, il sort, et jure de ne plus
revenir. — Serment d'amoureux, et fausse sortie.
— Ah! si Belmann savait que ce déserteur est mon père!
dit Louisa dans un monologue. . . (Feu Scribe nous aurait intri-
gués plus longtemps.)
Bientôt le troubadour revient. Au moment de faire sa ren-
trée, il surprend un entretien secret de Gustave III avec son
chambellan. En Othello généreux, Belmann profite de cette
aubaine pour implorer la grâce du déserteur, tout en res-
pectant l'incognito du roi. Il est vrai que cette abnégation du
trouvère est à courte échéance; car Louisa se trahit, et Bel-
mann apprend que ce déserteur n'est autre que le père de la
jeune fille. Dans cette auberge du Buisson vert les inquiétudes
et les chagrins de cœur n'ont pas le temps de jeter des racines.
— Le roi accorde la grâce avec d'autant plus d'empressement,
que le condamné lui a rendu je ne sais plus quel service.
M. Gaslinel, l'auteur de la partition, a déjà été joué à l'Opéra-
Comique et aux Bouffes-Parisiens. Le théâtre Favart, si notre
mémoire est fidèle, lui doit le Miroir, et la scène du passage
Choiseul l'Opéra aux fenêtres. — La musique du Buisson vert
est écrite avec talent et conscience, les deux qualités dominantes
de l'auteur. C'est l'œuvre d'un artiste qui compte avec le libretto
et ne se jette point inconsidéremment dans les rhythmes vulgaires
du quadrille et de la polka. Mais ces qualités ont leur danger ;
et à force de se préoccuper de l'expression dramatique et de la
peinture vraie des situations, les plaisirs de l'oreille sont sou-
vent sacrifiés, la mélopée vague et languissante se substitue à la
netteté du contour. Il se fait en ce moment une tentative de
rénovation musicale dont nous avons signalé les mérites et les
écueils. M. Gastinel semble se mouvoir dans ce courant. Le
Buisson vert renferme quelques morceaux de franche allure,
quelques motifs agréables, mais ils sont de courte haleine, et
nous les achetons à grand prix d'intermittences, de phrases
tourmentées et de temps d'arrêt.
Ces défectuosités générales constatées, nous sommes tout à
fait a l'aise pour rendre justice aux morceaux que le public a
sympathiquement accueillis. Citons d'abord le premier chœur
NOUVELLES ET ANNONCES.
199
et son pelit refrain obstiné (une fanfare de chasse chantée, dont
l'ouverture nous avait donné un avant-goûl) ; puis les couplets
de Belmann : Ma guitare et mes chansons; un trio , dont le
principal motif a été également escompté par l'ouverture ; et
enfin le récit de Belmann, qui, sous le rapport de l'étendue,
dépasse les proportions raisonnables. Le rideau tombe sur la
petite fanfare de chasse, qui nous fait l'effet d'un joyeux refrain
après un oratorio.
M. Jules Petit, lauréat de l'an dernier, a effectué un heureux
début dans le rôle de Belmann, le rôle capital de la pièce ; il
possède une bonne voix de baryton et ne manqueras de style.
Son dernier récit, nonobstant sa longueur, lui a valu de cha-
leureux applaudissements; mais le succès qu'il a obtenu ici est
peut-être, en grande partie, imputable sur la responsabilité de
sa tâche. Mlle Moreau (Louisa) mérite des éloges. Legrand
(Gustave III), qui s'est discrètement effacé sous l'incognito, a
repris ensuite sa dignité souveraine avec une certaine grâce.
Serène et Leroy ont apporté leur modeste et utile contingent.
Puisse le Buisson vert fleurir longtemps dans le parc lyrique
de M. Rétyl
J. Lovy.
NOUVELLES DIVERSES.
— Le théâtre italien de Covent-Garden, à Londres, a donné lundi der-
nier une très-brillante représentation de Don Giovanni. Les rôles étaient
ainsi distribués : donna Anna, Mme Penco ; Zerlina, Mm8 Carvalho ; Elvira,
Mme Czillac; Don Giovanni, Faure; Ottavio , Tamberlick; Leporello,
Formés; Mazetto, Ronconi; le Commandeur, Tagliafieo. Celte soirée avait,
du reste, un attrait spécial : le chef-d'œuvre de Mozart était exécuté sans
le moindre changement, sans annexe ni mutilation; et les interprètes ont
si bien fait, que tout a été bissé, e'est-à-dire que Don Juan a été exécuté
deux fois dans la même soirée. — Quant à Guillaume Tell, l'empresse-
ment de la foule ne faiblit pas ; l'œuvre de Rossini se joue par abonne-
ments suspendus ; la salle est comble et les recettes atteignent chaque fois
35,000 francs.
— On nous écrit aussi de Londres que les concerts commencent à
briller. Le Palais de Cristal ne chôme pas : Mme Carvalho vient d'y être
détachée par M. Ghye , et elle en a profité pour chanter VÂve Maria de
Gounod, avec solo de violon par le jeune virtuose Sarasate , qui obtient
déjà de fort beaux succès à Londres. Nous en dirons autant du baryton
Délie Sedie, qui, à peine arrivé, s'est fait entendre au cinquième grand
concert de la Royale philharmonique, et de façon à se faire réengager,
séance tenante, pour le septième concert. On lui a redemandé la sérénade
de Don Juan et la romance de Maria Padilla.
— A Vienne , on a représenté un nouveau ballet intitulé Rosine, dont
le sujet reproduit tout simplement celui du. Earbier de Séville. La musique
est de M. Doppler, — voilà le revers de la médaille. Néanmoins, cette
musique (disent les correspondants) est assez agréable. Les décors sont
fort beaux ; malheureusement le peintre a placé Séville aux bords de la
Méditerranée !
— Les anciens camarades de Staudigl s'étaient proposé, à Vienne, de
lui faire ériger un monument; mais la famille, tout en les remerciant de
leur intention amicale, a revendiqué pour elle-même le droit d'honorer la
mémoire du défunt chanteur. Tout porte à croire que les choses seront
faites avec moins de somptuosité
— Les unions entre artistes et grands seigneurs continuent à se multi-
plier dans la capitale de l' Autriche , autrefois si hautement retranchée
derrière ses prérogatives nobiliaires. Nous avons annoncé le mariage de
MUe Constance Geiger avec le duc Léopold de Saxe-Cobourg ; mais voici
une demi-douzaine de bulletins matrimoniaux qui nous arrivent de Vienne.
M"e Neumann, actrice du Théâtre-Impérial, s'est mariée, il y a déjà quelque
temps, avec le comte Schœnborn ; Mlle Gossmann, actrice du même théâtre,
épouse le baron de Prokesch ; Mlle Marie Czernak , actrice d'un petit
théâtre, épouse le prince Czartoriski, et Mlle Bossier, du Théâtre-Impérial,
doit épouser, cette année, le baron de Bruck, un fils du ministre défunt.
. — Le Société philharmonique de Vienne a résolu de mettre chaque
année un prix de deux symphonies au concours. Le jury se composera
de MM: Liszt, à Woimar; Laehner, à Munich; Volkmann, à Peslh; Rictz,
à Dresde, et Moscbelès, à Leipzig. « La compétence de ce jury est hors
de doute (dit la Gazette musicale de l'Allemagne du Sud ); mais la ville
de Vienne ne possède donc pas un seul artiste qu'on croie capable de juger
une symphonie?
— Les correspondances de Berlin nous mandent que Mlle Lagrua est
très-fêtée au Théâtre-Royal, et qu'elle acquiert chaque jour plus de sym-
pathie. Ces mêmes correspondances nous parlent d'un concert qui a eu
lieu à la Cour, sous la direction du maestro Meyerbeer, et dans lequel se
sont fait entendre Mmes Lagrua, Laborde et M. Formés.
— On écrit aussi de Berlin que la célèbre cantatrice, Mme Wagner, qui
avait déjà manifesté l'intention de renoncer à sa carrière, vient d'adopter
un mezzo termine assez bizarre : elle a demandé au roi l'autorisation de
paraître sur le théâtre seulement comme actrice; et il paraîtrait que sa
demande, appuyée par l'intendant des théâtres, le baron de Hulsen, a élé
favorablement accueillie par Sa Majesté.
— Mme Rosati est rengagée, pour l'année prochaine, au Théâtre-Impé-
rial de Saint-Pétersbourg. Ce sera sa troisième saison de Russie depuis
qu'elle est sortie de notre grand Opéra.
— Le théâtre de la Cour, à Stultgard, vient d'éprouver deux malheurs
qui seront ressentis par le monde musical tout entier. Le célèbre baryton
Pischek a été frappé d'apoplexie , et le ténor Sontheim est atteint d'alié-
nation mentale. — Une autre correspondance de Stutlgard nous apprend
que les deux chanteurs ont fait leur rentrée dans les rôles d'Ashton et
et d'Edgard de Lucie de Lammermoor (?).
— Le trente-huitième festival rhénan aura lieu à Aix-la-Chapelle , au-
jourd'hui dimanche 19, demain lundi 20 et mardi 21, sous la direclion de
M. Franz Laehner, de Munich, ainsi que nous l'avons annoncé. Voici le
programme de celte fêle : 1er jour, 19 mai : Symphonie n° 3 [héroïque] ;
Messe solennelle en sol majeur, Beethoven. — 2e jour, 20 mai : Sympho-
nie en ut majeur, avec la fugue de Mozart; Josuè, oratorio de Haendel ;
les chœurs et l'orchestre formeront un ensemble de plus 500 exécutants.
— 3e jour, 21 mai : Ouverture (manuscrite) de Franz Laehner ; Concerto
pour piano de R. Schuman , exécuté par M™10 Schuman ; Concerto pour
violon de Beethoven, exécuté par M. Joachim ; Benedictus de la messe
de Beethoven ; Final de la première partie de la Création, de Haydn.
— Deux concurrents ont remporté les prix mis au concours par le
MusickVerein de Stockholm. Ce sont MM. Ivar Hall Strom et A. Sorder-
mann; l'un pour une idylle pour solos et chœur, intitulée tes Fleurs;
l'autre, pour une ballade pour baryton et orchestre.
— Les concours préparatoires de la section de musique de l'Institut ont
été clos samedi dernier, 11 mai. Les élèves admis au grand concours pour
le prix de Rome sont MM. Dubois, Constantin, Salomé, élèves de M. Am-
broise Thomas; Dcslandres , élève de M. Leborne; Danhauser, élève de
M. Halévy ; Anlhiôme, élève de M. Carafa.
— Franz Liszt est arrivé à Paris. Le veille de son arrivée, il assistait, à
Bruxelles, à une représentation du Faust de M. Gounod. Le grand lama
du cénacle de Weimar applaudissait avec ardeur, dit-on, les principaux
morceaux de cette belle partition.
— M. Lefébure-Wély, récemment appelé aux Tuileries, où il s'est fait
entendre sur l'harmonicordc-Debain, vient de recevoir de LL. MM. deux
beaux vases de Sèvres, en lémoignage de haute satisfaction.
— L'opéra en Irois actes, les Recruteurs, musique de M. Lefébure-
Wély, aélé lu cette semaine aux artisles de l'Opéra-Comique.
— Le ténor Audran, de retour de Belgique, s'est fait entendre ces
jours-ci au concert de la Société philharmonique d'Angoulême, en com-
pagnie de Mme Pauline Viardot. Il a récolté un franc succès dans l'air de
la Dame blanche : Ah I quel plaisir d'être soldat ! et dans quelques mé-
lodies de nos auteurs en vogue. Plusieurs autres sociétés philharmoniques
de province se disposent à foire un appel à son talent.
— Ainsi que nous l'avions annoncé, la séance d'inauguration du grand
orgue de l'église Saint-Philippe-du-Roule a eu lieu mercredi dernier.
MM. Batiste, Renaud de Vilbac, Hocmelle et Lemmens, le célèbre orga-
niste belge, ont tour à tour, et chacun dans son genre, fait supérieure-
ment valoir toutes les ressources de l'instrument. Au dire de tous les
200
LE MÉNESTREL.
assistants, cet orgue peut être classé parmi les meilleurs de Paris, et fait
le plus grand honneur à la maison Merklin et Schullz.
— Nous extrayons du Siècle les lignes suivantes : <■ Notre-Dame-des-
Arts est une institution religieuse fondée dans le noble but d'assurer ,
pour le prix d'une pension très-modique, aux filles d'artistes, d'hommes
de lettres, en un mot de tous ceux qui exercent une profession libérale,
les bénéfices d'une instruction sérieuse, en même temps que de les doter
d'un art professionnel dont elles pourront se servir un .jour, au besoin,
comme d'un moyen d'existence. A l'occasion de la fête patronale de Notre-
Dame-des-Arts, les élèves de cette maison ont exécuté différents morceaux
de musique vocale et instrumentale, de la façon la plus satisfaisante;
entre autres une cantate de M. Adrien Boïeldieu, pour deux voix de
femmes, piano, orgue, violoncelle et harpe. On a vivement applaudi une
charmante enfant de sept ans, la jeune Mathilde, qui joue du violoncelle
(un violoncelle grand comme un alto] avec un goût parfait et un aplomb
de virtuose accompli. Les honneurs de cette séance, tout intime, ont été,
et cela devait être, pour Mme Oscar Comeltant et M. Ernest Saenger, tous
deux professeurs de la maison. Mme Comettant, dont la réputation n'est
plus à faire dans le monde musical, a chanté de sa belle voix sympathique,
dirigée par une méthode excellente, un AveMaria de son mari, qui manie
avec le même succès la plume du compositeur et celle de l'écrivain, et un
air de l'oratorio de Paulus de Mendelssohn , arrangé par M. de Hartog ,
avec accompagnement de violon, violoncelle, piano et orgue. M. Saenger,
qui a tenu en maître le violon dans les morceaux d'ensemble, a. joué un
solo de sa composition. Ainsi s'est terminée cette petite fête, à laquelle
assistaient bon nombre d'hommes de lettres et d'artistes dont les filles
sont élevées à Notre-Dame-des-Arts. A. Husson. »
— De retour d'Italie depuis fort peu de temps, M. Karl Hermann, un
de nos bons pianistes compositeurs, a donné jeudi dernier, salle Beetho-
ven, une petite soirée intime; — petite en raison du local, aussi bien
qu'au point de vue des modestes dimensions du programme,. — une
heure de musique tout au plusl — phénomène de discrétion que nous
signalons à nos donneurs de concerts comme exemple à suivre. —
M. Hermann a été très-bien accueilli , et Berthelier, qui s'était chargé
d'égayer le menu musical, a recueilli sa grande part de bravos.
— Au nombre des derniers concerts de la saison , signalons celui d,e
Mme Marie Brian, avec le concours de Mlle Dubois, de MU. Marochetli,
Alfred Lebeau, Lasserre, Pascal Lamazou et des frères Guidon. Mme Marie
Brian a chanté du français et de l'italien, du léger et du sévère, avec goût,
avec méthode, et en présence d'un public d'élite, en tête duquel on remar-
quait Mme la maréchale Hegnault Saint-Jean-d'Angely.
— Avec l'approbation du Ministre d'État, le Préfet de la Seine vient
d'accorder à M. Charles Bridault l'autorisation d'exploiter, dans le Chalet
des Iles, au bois de Boulogne, un théâtre d'opérettes et de ballets. C'est
M. Frédéric Barbier qui en dirigera l'orchestre.
— On connaît le livre publié par M. Oscar Comettant au retour de son
voyage d'Amérique : Trois ans aux États-Unis. Voici venir un pendant, ou
une annexe à cette première publication. C'est un volume intitulé :
Le Nouveau Monde, scènes de la vie américaine. Mais cette fois ce n'est
plus une série d'esquisses, de silhouettes dessinées sur un album de
voyage ; ce sont des tableaux plus étudiés, composés avec soin et desti-
nés à mettre en relief les caractères généraux des fractions si diverses de
la société américaine. Ce livre est précédé d'une préface due à la plume
de M. Louis Jourdan, du Siècle, qui saisit cette occasion pour signaler la
crise actuelle de l'Amérique du Nord, et y puiser des considérations d'un
ordre élevé : « Les lecteurs superficiels, dit M. Louis Jourdan, trouveront
dans ce volume de M. Comettant le charme du récit, le piquant des situa-
tions, un style sans prétention, spirituel et facile ; les penseurs, les esprits
sérieux, y trouveront matière à de graves réflexions. . . »
EES DEUX DERNIERS JARDINS DE PARIS.
— HABILLE ET LE CHATEAU DES FLEURS. —
La génération actuelle n'a pas connu Tivoli, un vaste parc, situé tout au
haut de la rue de Clichy, une sorte d'Ëden qui , à une époque disparue,
où nous avions bien réellement un élé , défiait victorieusement , par la
fraîcheur de ses ombrages, l'ardeur brûlante du soleil. Ce délicieux séjour,
ouvert à tous les rangs de la société, à toutes les fortunes, jouit longtemps
d'une juste renommée, d'une grande célébrité ; chacun venait chercher là,
par une belle nuit, les distractions les plus variées , les jeux de toute
espèce ; son jardin étincelait de feux aux mille couleurs ; dans ses vastes
allées, on se promenait aux sons d'une enivrante musique, et l'on mar-
chait, pour ainsi parler, de surprise en surprise ; la danse (car on dansait
alors ) ne cessait qu'au retour de l'aurore. — Tout cela ressemblait à un
pays enchanté, à un pays créé par l'imagination fantastique d'Hoffmann.
Hélas! Tivoli n'est plus I la bande noire a passé par là; les marchands
de pierres sont venus; — et maintenant, à la place de ces arbres cente-
naires, sous lesquels nos enfants ont joué, à la place de ces méandres
bordés de fleurs, où nous avons rêvé, on n'aperçoit que des maisons à
cinq et six étages; — pas le moindre brin d'herbe pour reposer nos yeux I
Eh bien I ce qui est arrivé pour Tivoli arrivera inévitablement pour
le peu de jardins publics qui nous restent. Paris, grâce à une volonté
puissante, s'est agrandi, s'est embelli ; nos quartiers, privés d'air, se sont
élargis, assainis; le pauvre a du moins, aujourd'hui, sa part de soleil!
Mais si un jardin se trouve sur notre passage, si la spéculation (cette reine
du moment) l'aperçoit, — adieu ces beaux arbres, ces fleurs, ces fontaines,
ces gazons I ils deviendront, en un instant, la conquête ou la proie facile
d'une armée d'entrepreneurs et de maçons : « Paris se peuple chaque jour
davantage, diront-ils.... bâtissons. » Voilà pourquoi je ne passe jamais
devant Mabille et le Château des Fleurs sans trembler pour eux, sans
les regarder avec tristesse, sans leur envoyer un mélancolique adieu. —
Et, pendant ce temps, la foule insouciante et rieuse est là, ne se doutant
pas qu'elle danse sur des décombres, au bruit joyeux de l'orchestre si
vaillamment conduit par Olivier Métra, un digne élève plein de verve et
d'entrain, du pauvre et bien regretté Adolphe Adam, pour qui la vie fut
si rapide I — ne se doutant pas que ces vieux arbres, si verts pour leur
âge, disparaîtront peut-être bientôt ; — ne se doutant pas que ces fleurs
se flétriront sans espoir d'un autre printemps, et que ces allées (bruyam-
ment mystérieuses) n'entendront plus de doux propos menteursl
En d'autres termes, ceci veut dire : Si vous ne connaissez pas Mabille
et le Château des Fleurs, — ces deux derniers jardins de Paris, — allez
bien vite faire leur connaissance , et vous serez enchantés de votre course.
Tivoli a disparu ; Mabille et le Château des Fleurs peuvent disparaître ;
— je vous en avertis I E. B.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
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3. Magnificat, solo pour soprano ou ténor 3
4. Notre Père, cantique pour soprano ou ténor 5
5. 0 Salutaris, solo pour mezzo -soprano , avec solo de vio-
loncelle 5
6. Le même, sans l'accompagnement de violoncelle 4
7. Ave Maria, solo pour mezzo-soprano ou ténor 3
8. Pour vos bienfaits, cantique pour mezzo-soprano 3
9. Ecce Panis , solo pour contralto ou baryton 3
10. Agnits, solo pour contralto ou baryton 3
il. 0 Salutaris, solo pour ténor ou soprano, avec solo de vio-
loncelle 5
12. Le même, sans l'accompagnement de violoncelle 4
13. 0 Salutaris , solo composé pour Tamburini 3
14. Pange lingua et Tantmn eryo, solo pour basse-taille 3
15. Le itoi des Saints, cantique pour basse-taille 6
16. Adoremus, duo pour deux soprani 4
. 17. Ave, maris Stella, duo pour deux soprani 4
18. 0 Salutaris, duo pour deux soprani 3
19. Cœur sacré, cantique, duo pour deux soprani 4
20. Vierge modeste, cantique, duo pour deux soprani 4
21 . Regirià cœli, duo pour soprano et ténor 4
22. Benedictus et Prière, duo pour soprano et baryton 6
23. Le Cœur de Marie, cantique à trois voix, pour trois soprani. . 4
24. Prière de trois sœurs , cantique pour trois soprani 4
25. Ave Maria, trio pour deux soprani et ténor 3
767. — 28° Année.
M» SG.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 26 Mai
18G1.
T~8s,5~£>^
NESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
, Rédact'enchef.
EES BUREAUX , S bis, rue YHienne. — HEUGEL et C'% éditeurs.
(Aux Magasins et Abonnement de Musique du MÉNESTREL. — Tente et location de Pianos et Orgues.)
CHANT.
1er Mode d'abonnement : JTournal-Texte, tous les dimanches; XO morceaux:
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine; Z Albums-
primes illustrés. — Un an : 15fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger: 21 fr.
PIANO.
2e Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches ; XO Morceaux i
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Albuma-
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger: 21 fr.
CHANT ET PIANO RÉUNIS t
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Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser/ranco
un bon sur la poste, à MM. HEUGEI. et C'a, éditeurs du Ménestrel et de M Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 3182
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. Méhul et ses œuvres (5e article). P. -A. Vieuxaud. — H. Semaine théâtrale.
J. LovY; — III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Mme Pauline Viardot
et son École classique du citant (2= article). J.-L . Heïïgel. — IV. Petite chro-
nique : Le diapason normal anglais. — Les appointements de l'ancien Opéra.
— V. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numérode ce jour:
SŒUR MÉLAXIK ,
Scène-mélodie de A. de Villebichot , paroles de Mme la Csse Olympe
M. de Lernay. — Suivra immédiatement après : Comire ou le Nouvel
ami des Enfants, paroles de Frédéric de Courcy , musique d'HENRi
Potier.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
GUIPURES ET DENTELEES,
N° 2 , valse de A. Croisez. — Suivra immédiatement après : les Eme-
raudes, polka de L. de Pitray.
MÉHUL ET SES ŒUVRES.
( 5e article. )
En 1807, Méhul avait atteint le point culminant de sa car-
rière d'artiste et de compositeur inspiré. Il avait parcouru tous
les genres et réuni sur son front toutes les couronnes. Une sorte
de temps d'arrêt succéda à celte période de rapides triomphes.
Je ne crois pas qu'il soit jamais à propos de se livrer à l'examen
détaillé de tous les travaux d'un artiste de premier ordre. Le gé-
nie n'est pas comme le caractère, qui doit toujours être fidèle à
soi-même; il a ses inégalités et ses jours de faiblesse. Corneille a
poussé au plus haut degré d'évidence la démonstration de cette
vérité, qu'aujourd'hui trop d'esprits semblent méconnaître, et on
ne saurait trop s'étonner de voir l'empressement et l'obstination
que mettent certains fureteurs en littérature à ne pas faire grâce
aux hommes les plus illustres de leurs moindres erreurs, et à
mettre dans un jour égal ce qui doit faire à jamais la gloire de
leur nom et ce qui risquerait le plus de la compromeltre.
Avant tout, dira-t-on peut-être, il faut être fidèle à la vérité
historique. La vérité historique, en fait d'art comme en fait de
morale, ne consiste pas à tout dire, mais à dire tout ce qu'il est
bon de faire savoir, ce dont surtout on peut faire sortir un
exemple ou tirer une leçon. En jugeant un ouvrage dont la
composition exige le concours de deux intelligences, il est assez
difficile d'établir d'une manière exacte la part relative d'éloge
ou de blâme qui revient à chacune d'elles. Ainsi, dans un
opéra, le musicien peut embellir ou gâter le travail du poète,
comme le poète peut couvrir les fautes du musicien, ou faire
tort à ses plus heureuses inspirations. En général, pourtant,
c'est de la musique que dépend le succès. Cela n'empêche pas
que le plus ou moins de valeur des paroles n'exerce sur l'effet
de l'ensemble une action considérable ; les compositeurs le sa-
vent bien.
Comment donc se trompent-ils si souvent et si lourdement au
choix des ouvrages qu'ils se chargent de mettre en musique,
soit pour s'engouer des mauvais, soit pour rebuter les bons ? Par
exemple, rien n'est plus connu dans les annales du théâtre que
les rebuts éprouvés par M. de Jouy, au sujet du poème de la
Vestale, successivement dédaigné par Méhul, Chérubini, Paer,
Boïeldieu, quels autres encore? et qu'en désespoir de cause il
abandonna à Spontini, le lendemain de la chute que celui-ci fit,
en 1804, avec la Petite Maison, sur la scène de l'Opéra-Co-
mique; chute telle que les gens du parterre arrachèrent les
banquettes pour les jeter en guise de projectiles sur la scène.
Eh bien !... ce fut après que le public eut donné un si vigou-
reux démenti à l'élite des compositeurs de France, en portant
aux nues l'œuvre qu'ils avaient jugée indigne de lui être pré-
sentée, que Méhul et Chérubini acceptèrent avec empressement
de M. de Jouy, le premier, l'Opéra des Amazones et, le second,
celui des Abencerages; tous deux ne se méprirent pas moins
202
LE MÉNESTREL.
dans leur chois qu'ils s'étaient mépris dans leurs répugnances.
Je ne crois pas que jamais auteur de musique dramatique soit
tombé sur d'aussi mauvais poëmes que Chérubini. Il en a
bien mis une vingtaine au théâtre, et, à part le drame de
Lodoïska en 1790, la belle tragédie lyrique de Médée en 1796,
et les Deux Journées de Bouilly en 1800, je ne sais si on en
pourrait citer un autre qui, sans le renom du maître, eût échappé
aux tristes destinées d'une chute.
Mais Chérubini n'était pas Français, et ses mécomptes, en
fait de goût, doivent moins étonner que ceux de Méhul, chez
qui, à la vérité, ils furent moins fréquents; il en fit une déplo-
rable, cependant, lorsqu'il crut voir dans la ridicule fable des
Amazones les éléments d'un succès sur notre grande scène lyri-
que. En 1807, le succès immense de la Vestale livra, pour
ainsi dire, l'Opéra a la discrétion de ses auteurs, et tous les mu-
siciens qui avaient dédaigné le chef-d'œuvre de M. de Jouy se
disputèrent alors les miettes qui tombaient de la table du poète.
Ce fut encore un faux calcul. Fernand Cor lez, soutenu aussi
par les accents de la lyre de Spontini, eut, à son tour, un très-
beau et durable succès, et le charme pénétrant des mélodies de
Catel fît valoir de la manière la plus heureuse l'originalité réello
de l'action et l'intérêt pressant de plusieurs situations des Baya-
dères.
Rien de semblable pour les A mazones, lieu commun emprunté
à la vieille mythologie de la Grèce. Un premier acte, où ne pa-
raissaient que des hommes; un second acte, où deux hommes
seulement se mêlaient à une troupe de femmes; un troisième
acte où hommes et femmes en venaient aux mains et où les
femmes mettaient les hommes en fuite. La réunion des premiers
talents de l'Opéra, Nourrit père, Dérivis, Mmcs Branchu et
Albert-Imm, le spectacle ravissant des exercices du camp des
Amazones, motif d'un ballet qui ouvrait le second acte, enfin, le
mérite éminent d'une composition remplie de grâce et même de
chaleur, rien ne put couvrir la pauvreté et le ridicule d'une pa-
reille action. Le public montra les plus grands égards pour lo
nom et les efforts de Méhul. De nombreux et justes applaudisse-
ments attestèrent les dispositions bénévoles des spectateurs;
mais, au théâtre, ce n'est pas assez de la bienveillance pour
vaincre l'ennui, et, au bout de quelques représentations des
Amazones, l'ennui avait fait un désert de la salle de l'Opéra.
Une circonstance bizarre vint ajouter encore aux malheurs de
ce triste ouvrage. Rien n'était plus défectueux que le dénoûment
qui, on peut bien le dire, tombait des nues, puisque Jupiter lui-
même apparaissait au haut des airs, pour reconnaître comme
ses fils Amphion et Zéthus. Au moment où cette révélation de-
vait arrêter les traits des Amazones prêts à frapper les fils in-
connus de leur reine, on vit en effet se détacher du cintre le
char de nuages, mais point de Jupiter ; le deus ex machina fai-
sait défaut. Engagé dans une causerie, l'acteur Berlin n'avait
point entendu le sifflet du machiniste, et le char partit sans le
dieu. On fut obligé de retenir celui-ci, qui voulait se précipiter
des combles du théâtre. Ce qui rendait l'accident plus poignant
pour lui, c'est que l'empereur Napoléon assistait avec Marie-
Louise à cette désastreuse représentation. J'étais à l'orchestre, et
je puis rendre témoignage de l'hilarité que cet épisode excita
chez les Majestés Impériales. Je doute que jamais le grand Na-
poléon ait ri d'aussi bon cœur.
Mes premières relations avec Méhul remontaient déjà à plus
de dix ans, mais elles n'avaient été encore que peu suivies, lors-
que, vers la fin de 1811, je le retrouvai chez Kreutzer l'aîné,
avec lequel il était lié par le talent moins encore que par l'ami-
tié. La maison de Kreutzer était un vrai sanctuaire de l'art.
A l'Opéra-Comique, les deux grands succès de Lodoïsha et de
Paul et Virginie ; à l'Opéra, Aslyanax, la Mort d'Abel et Aris-
tippe, avaient donné à Kreutzer un rang très-distingué parmi
les compositeurs français. Premier violon à l'Opéra, parmi ses
contemporains, Rode et Baillot pouvaient seuls être placés sur
la même ligne que lui. Son frère et son élève, Auguste, pro-
mettait d'être son digne successeur. Ces titres divers à la vogue
et à la célébrité avaient procuré à Kreutzer une des plus grandes
existences d'artiste dont il y ait eu d'exemple en France. Par le
talent, il était arrivé à la fortune; et la spirituelle intelligence
d'une femme du plus haut mérite avait fait de sa maison le cen-
tre de réunion d'un petit nombre d'auteurs et d'artistes d'élite
qu'il rassemblait toutes les semaines à sa table. La place de
Méhul y était toujours marquée la première; heureux et fier de
m'y voir admis, je dois dire que, de toutes les relations de cette
nature dont j'ai joui dans une carrière déjà prolongée au delà du
terme commun, je n'en ai pas rencontré qui m'ait procuré de
plus douces jouissances, ni laissé de meilleurs souvenirs. Ce qui
faisait surtout le charme de ces réunions, c'était la franchise de
ton, l'absence de toute prétention guindée, la bonhomie enfin
qui y régnait constamment. Le moyen de ne pas réussir dans le
cercle ou à la table que les deux belles-sœurs, Mmes Adèle et
Alphonsine Kreutzer, animaient de leur esprit si ingénieux, si
naturel, c'était d'y apporter l'intention de briller, de dire des
mots, de lancer des traits. J'ai vu Vigée, longtemps cité à Paris
comme un causeur d'élite, y échouer complètement. Quel con-
traste formaitsa pétulance, son brio prétentieux, avec l'aménité,
la finesse si discrète et si mesurée que Méhul apportait dans la
conversation, et qui donnait du prix à la plus simple parole!
Un artiste, lui-même homme de beaucoup d'esprit, le jeune
Pradher, disait avec raison que Méhul savait faire un mot char-
mant d'un simple bonjour!
Il faut ajouter que, dans cette maison, où l'art et le- talent
avaient élu domicile, si l'on parlait souvent de théâtre et de lit-
térature, ce sujet de conversation n'avait rien d'exclusif et sur-
tout ne tournait jamais à la dissertation, encore moins à la
pédanterie. La politesse n'eût pas permis de siffler celui qui eût
voulu y introduire l'esprit de coterie et les pratiques de la cabale ;
mais, à la froideur répulsive qui eût accueilli ses premiers essais,
il eût bientôt reconnu qu'il ne se trouvait pas là sur son terrain.
J'y ai été témoin de plus d'un mécompte de cette nature.
Cependant, l'époque où je me mêlai à ces charmantes rela-
tions n'était pas exempte de préoccupations alarmantes. On était
en 1812, et l'horizon politique se chargeait déjà de sombres
brouillards. La tempête qu'ils précédaient grondait dans le loin-
tain ; 1813 escomptait péniblement les charges que lui avait lé-
guées l'année précédente ; la société était inquiète et les arts en
émoi. Tous les jours, l'avenir du théâtre semblait devenir plus
incertain. Toutefois, le caractère de nos réunions de la rue
Saint-Georges n'en était point altéré. Il semblait, au contraire,
que les désastres publics nous rendissent plus précieux ces té-
moignages de bienveillance et de sympathie qui ne nous faisaient
jamais faute. Méhul m'en donna un dont je fus vivement
flatté. Il me fit, en quelque sorte, investir du privilège de
fournir les paroles de la cantate du concours musical pour le
grand prix de Rome, et, en octobre 1813, M. Panseron emporta
ce prix, avec le thème d'Hcrminie, fourni par moi. Depuis, j'ai
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
203
souvent reparu dans la lice, où l'Académie des Beaux-Arts a
bien voulu me rappeler, tant qu'elle s'est contentée d'un con-
cours gratuit.
En cette année de 1813, Méhul, qui n'avait donné aucun
ouvrage nouveau depuis la représentation des Amazones, repa-
rut au théâtre de l'Opéra-Comique par le Prince troubadour,
pièce d'Alexandre Duval. Celait un fort joli ouvrage, et qui fut
très-bien reçu ; mais, pour l'auteur de la musique comme pour
celui des paroles, après Joseph, ce n'était peut-être pas assez que
le Prince troubadour.
P. -A. Vieillard.
( La suite au prochain numéro. )
SEMAINE THEATRALE.
Un lauréat du Conservatoire, M. Hayet, que nous avons en-
tendu cet hiver dans nos concerts, a débuté vendredi dernier
au théâtre impérial de I'Opéra dans le premier acte du Comte
Ory. Le débutant est élève de M. Révial : c'est un ténor léger ;
par conséquent, la grâce et la souplesse sont les qualités nor-
males du jeune chanteur; mais il n'en faut pas davantage pour
l'emploi semi-dramatique auquel il est destiné, et le public lui
a fait un accueil honorable.
On pousse activement les répétitions de la Muette de Portici.
Le chef-d'œuvre de M. Auber sera représenté dans six semaines,
au plus tard dans deux mois. On ne sait encore si le rôle de
Fénella aura pour interprète Mme Ferraris ou M"e Emma
Livry , mais il est certain qu'il sera tenu par une artiste de pre-
mier rang. La distribution du chant est ainsi arrêté : Mme Van-
denheuvel-Duprez, Elvire; Michot, Mazaniello ; Cazaux, Pietro;
le ténor Hayet, qui a débuté vendredi, sera chargé du rôle d'Al-
phonse.
A propos de YAlcesle de Gluck, que l'Opéra nous lient va-
guement en perspective, voici ce que nous lisons dans la chro-
nique théâtrale de notre confrère Gustave Bertrand [l'Entracte):
« VAlceste de Gluck, qu'on va remonter à l'Opéra pour
jjrae Yiardot, a été représenté pour la première fois le 16 avril
1776, et c'est le 20 septembre 1826 qu'en a été donnée la der-
nière représentation. Dans cet espace de temps, le chef-d'œuvre
avait été joué 283 fois.
« M. Berlioz, qui a dirigé toutes les études d'Orphée au
Théâtre-Lyrique, sera très-probablement chargé de faire les
répétitions de Y Alceste ; personne aujourd'hui ne possède mieux
que lui la tradition musicale et scénique des œuvres de Gluck.
C'est lui aussi qui fait répéter le Freyschulz, dont la reprise
viendra après celle de la Muette. »
Le Théâtre-Français a repris cette semaine Un Mariage
sous Louis XV, de M. Alexandre Dumas. Ce spirituel ouvrage,
joué dimanche dernier au palais des Tuileries, au milieu des
témoignages de satisfaction de l'impérial auditoire, n'a pas été
moins bien accueilli dans la maison de Molière, à laquelle il
dut son baptême de succès. Grâce à une habile fusion du troi-
sième et du quatrième acte, Un Mariage sous Louis XV, primi-
tivement représenté en cinq actes, n'en a plus que quatre. Ainsi
modifiée, la pièce a pris une allure plus rapide et offre aussi un
dénouaient plus naturel. Mme Madeleine Brohan, Mlle Ponsin,
MM. Bressant, Leroux, Monroseet Eugène Provost, ont fait les
honneurs de cette reprise avec la perfection dramatique dont
ils ont le secret. . . et le diplôme.
L'Opéra-Comique nous promet pour ces jours-ci la première
représentation d'un petit acte, paroles de- Scribe, musique de
M. Alary, qu'on répète sous le titre de : Fidès. Cet opéra était
primitivement intitulé : la Beauté du Diable, litre infiniment
plus attractif.
La nouvelle salle du Théâtre-Lyrique devait être ouverte
pour la saison d'octobre à la place du Châtelet; mais comme sa
voisinera salle du Cirque, ne sera terminée qu'au mois de jan-
vier, on ajourne à la nouvelle année l'inauguration simultanée
des deux salles.
Un musicien belge, M. Ch. Leblicq, a fait recevoir au
Théâtre-Lyrique un opéra en un acte, paroles de M. de Saint-
Georges. Cet ouvrage, dont on dit beaucoup de bien, était en
répétitions et devait être représenté avant la fin de la saison.
Cette première représentation a été retardée par la clôture an-
nuelle de ce théâtre. Elle aura lieu , dit-on , à la réouverture
de celte scène, fixée au mois de septembre prochain.
Au Vaudeville, la pièce de MM. Edmond About et Emile
de Najac a pour titre provisoire : le Buste; elle est tirée des
Mariages de Paris, publiés par M. About dans le Moniteur.
Le théâtre des Variétés a servi à sa clientèle un vaudeville en
un acte de M. Pélissier, l'Homme aux pigeons, et une pièce en
deux actes, le Sylphe, de MM. Rochefort, Varin et Desvergers,
jouée d'origine au Palais-Royal. Dans le Sylphe, nous avons vu
débuter le comique Dupuis et Mme Fromentin, piquante comé-
dienne dont Rouen a fait longtemps ses délices. Les deux débu-
tants ont été très-choyés. Dupuis et Mme Fromentin trouveront
leur place dans les Bibelots du Diable, dont la reprise est à
l'horison.
Le Palais-Royal nous a offert également ses deux nouveau-
tés : la Poularde de Caux, pastorale en un acte, de M. de Leuven,
avec illustration de musique signée': Clapisson, Gevaert,
Gautier, Poize, Bazille, Mangeant, et chantée par le mezzo-
soprano Mme Schneider, le ténor René Luguet, le baryton Pra-
deau et le basso contante Lassouche ! . . . Joignez à ces jouis-
sances extra-musicales Bébé actrice, — c'est-à-dire Mme Ristori
et le comédien Ribes.très-drôlatiquement parodiés par M"9Milla
et Brasseur; ajoutez à ces éclats de rire ceux de la Mariée du
mardi gras; puis osez nous dire que la gaieté est morte en
France !
Rien de nouveau sur nos scènes du boulevard : on y pleure,
on y frissonne, — en attendant les démolitions.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Mme PAULINE VIARDOT
et
Son École classique du Chant.
Nous avons promis à nos lecteurs le catalogue des œuvres
publiées par Mme Pauline Viardot dans les deux premières séries
de son École classique du Chant, nous venons tenir cette pro-
messe. Voici les titres des vingt morceaux qui ouvrent la pre-
mière série, composée de cinquante morceaux, airs, duos et
quelques trios pour toutes les voix :
1. Air de Méduse Contralto J.-B. Lulli.
2. Air de Lucifer Basse Haendel.
204
LE MÉNESTREL.
3. Duo des Sirènes Deux soprani Haendel.
4. Sicilienne Ténor Pergolèse.
5. Air à'Orphée Ténor ou mez.-sopr. Gluck.
6. Air de Cosi fan tutte.. . Ténor Mozart.
7. Adélaïde Ténor Beethoven.
8. Romance du Saule Mezzo-soprano . ... Rossini.
9. Air du Freyschiitz. .... Soprano C.-M. de Weber.
10. Air de Paulus Ténor Mendelssohn-Bartholdy
il. Couplets de Suzannah.. Soprano Haendel.
12. Cantate de la Pentecôte. . Soprano ou ténor. . Sébastien Bach.
13. Plaisir d'Amour Ténor Martini.
14. Trio de Don Juan Ténor et 2 soprani. Mozart.
15. Air delà Flûte enchantée. Basse Mozart.
16. Airde Didon Soprano Piecini.
17. Air A' OEdipe à Colonne. Basse ou baryton.. Sacchini.
18. Air de Médée Soprano Cherubini.
19. Air de Stratonice Ténor Méhul.
20. Duo du Freyschiitz Deux soprani C.-M. de Weber.
Chacune de ces œuvres est accompagnée d'une notice de
quelques lignes indiquant l'origine, le caractère et le style du
morceau. De plus, le texte musical donne le mouvement, l'ex-
pression de chaque phrase, l'accentuation de chaque note, de
façon à ne laisser l'élève s'égarer nulle part, ce qui ne l'em-
pêchera pas, devenu maître à son tour, de substituer à l'occasion
son propre sentiment à celui de la lettre écrite, s'il croit avoir
mieux trouvé , mieux compris que Mme Viardot. Il ne faut donc
pas reprocher à Y École classique du Chant , — pas plus qu'à
l'École classique du Piano de M. Marmontel, — l'abondance des
indications, la multiplicité des renseignements, qui ne sont pas
obligatoires pour tous , mais indispensables aux élèves et même
aux professeurs éloignés du centre des arts , où se peuvent
puiser les traditions des anciennes œuvres classiques. — Bref,
il faut savoir se mettre au point de vue de celui qui ne sait pas
et qui, sans modèle, sans exemple pratique, cherche à inter-
préter les grands maîtres d'après un texte expliqué.
Il est clair que pour le Parisien qui a pu aller maintes fois
au Théâtre-Lyrique entendre chanter l'air d'Orphée à Mme Viar-
dot elle-même , les indications de l'éminente cantatrice de-
viennent secondaires, parfois même superflues; mais pour l'ama-
teur déshérité, privé des théâtres de la capitale, ces indications
seront de précieux trésors qu'il consultera cent fois. Nous sachions
d'ailleurs peu de professeurs et d'érudits en mesure de faire fi
des notes suivantes :
AIR ©'ORPHÉE.
(GLUCK. )
« En général, pour bien accentuer un morceau de chant dra-
matique pris dans un opéra, il faut se représenter la scène où il
est placé , la situation qu'il exprime. Ici Eurydice vient d'être
comme foudroyée par le regard de son époux, qui n'avait obtenu
des dieux le pouvoir de la tirer des enfers qu'à la condition qu'il
ne la regarderait point; elle est étendue sans vie aux pieds d'Or-
phée. Le récitatif doit donc exprimer d'abord la stupeur dont le
frappe ce coup terrible et soudain ; il est dit d'une voix sourde,
concentrée, qui prononce à peine. Dans le motif de l'air éclate
la douleur d'Orphée. Ce motif doit être chanté d'un bout à l'au-
tre mezzo forte, sans nuances. Mais lorsqu'aprôs le cri déchi-
rant : Entends ma voix qui t'appelle ! vient la reprise du
motif, cette première reprise, pour exprimer l'accablement de
la douleur, doit se dire très-bas, d'une voix brisée, avec de
continuels sanglots. Puis, après l'autre appel à Eurydice , suivi
des mots : Mortel silence 1 quel tourment déchire mon
cœur ! Orphée, qui était agenouillé, se relève dans un trans-
port de remords et de douleur, et la dernière reprise, plus ani-
mée de mouvement, plus forte de voix, plus énergique d'expres-
sion, n'est plus qu'un long cri de désespoir. »
Après ces lignes d'introduction, on remarque au-dessus de la
musique les moindres indications do nuances, de mouvement,
d'accentuation, d'expression, et la plupart en français, telles
que, par exemple : «Récit, lentement et d'une voix étouffée
à pleine voix pressez..., vite ff Chant : moderato
P.... Presqu'à pleine voix et très-soutenu.... retardez un peu....
adagio.... retardez.... pp. 1° tempo.... voix entrecoupée de
sanglots pp. cres avec toute la force, tout l'élan possibles ,
pressant et animant par degré jusqu'à la fin. »
A côté de ces observations du détail le plus élémentaire, si nous
voulons des considérations de l'ordre le plus élevé, faisons place
à Weber, à Bach, à Haendel, à Rossini et à Lulli, en renvoyant
nos lecteurs à Pergolèse, Martini, Piecini, Sacchini, Cherubini,
Méhul, Beethoven, Mozart et Mendelssohn. Us trouyeront là,
en peu de lignes, tout un cours de littérature musicale à l'usage
des artistes et des gens du monde.
AIR ©E FREYSCHIITZ.
( WEBEll. )
« Jusqu'au commencement de ce siècle, tous les grands com-
positeurs allemands, Haendel, Hasse, Graun, Gluck, Mozart ,
s'étaient bornés à écrire des opéras italiens, et si Mozart avait
ajouté sa musique aux paroles allemandes de Y Enlèvement au
Sérail et de la Flûte enchantée , c'était dans des formes aussi
purement italiennes que celles des Nozze di Figaro ou de Don
Giovanni. Beethoven, en faisant de Fidelio une symphonie
vocale, et surtout Weber, en introduisant dans le Freyschiitz et
Oberon un élément nouveau, le fantastique, ont créé l'opéra
allemand. 11 faut donc bien se garder, en chantant la musique
de Weber, de lui donner le style italien , celui des élégances ,
des traits, des fioritures ; il faut lui conserver le style allemand,
qui doit être, comme le style français, plus sobre d'enjolive-
ments et plus accentué d'expression. — Cet air célèbre d'Agathe
est composé de trois parties, que l'on doit savoir diversifier. Le
récitatif sera dit avec une^simplicité naïve ; l'andante, qui est une
prière, avec ferveur sans doute, mais avec une ferveur contenue;
enfin, dès le début de l'allégro, doit éclater et se soutenir jusqu'à
la fin un élan passionné, un élan de joie et de bonheur. »
CANTATE ©E LA PENTECOTE.
( J.-S. BACH.)
« Le grand Sébastien Bach n'est point encore connu en France
comme il mérite de l'être. On admire ses fugues et ses préludes;
on le tient pour un très-savant harmoniste ; mais on semble ignorer
que l'auteur des deux célèbres Passions, de lâNativilé de Jésus,
de plusieurs messes et d'une foule de cantates (il en a composé
pour tous les dimanches de l'année ) , a plus écrit pour les voix
que pour l'orgue ou le clavecin. Nous devons lui rendre sa
place parmi les compositeurs de chants classiques. Voici d'abord
un fragment de cantate choisi parmi les plus simples, les plus
clairs, les plus mélodieux. Le sens des paroles indique assez
quelle doit être l'expression musicale. C'est une prière joyeuse,
une sorte d'hosanna. Si la tessiture de cet air semble un peu
haute pour une voix ordinaire de soprano, il faut se rappeler
combien, depuis l'époque de Bach , depuis plus d'un siècle, le
diapason s'est élevé. On peut donc, pour lui rendre à peu près
sa tonalité primitive, transposer cet air en mi bémol. »
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
205
AIR DE LUCIFER.
( HAENDEL. )
« Il faut, pour donner à ce morceau son expression véritable,
se rappeler le Satan de Milton « levant son front cicatrisé par
la foudre. » C'est l'ange déchu, mais toujours fier, indomptable,
prêt à braver le ciel. Lorsque ce roi de l'abîme appelle au
combat les anges de ténèbres, on ne peut donner à son chant
un accent trop plein de haine jalouse et de sauvage énergie. »
ROMANCE DU SAEEE.
( ROSSIM. )
« Si, dans le Barbier de Séville, Rossini surpasse Beaumar-
chais par la verve et l'esprit, dans plusieurs scènes d'Otello il
égale Shakspeare par l'énergie et le pathétique de la passion.
Ici, dans la partition italienne ainsi que dans le drame anglais,
la Romance du Saule est comme le point culminant du rôle de
Desdemona. Il faut qu'elle y fasse sentir, avec le regret de
l'amie perdue, le pressentiment d'un sort pareil et le regret de
soi-même ; il faut qu'elle y exprime une tristesse profonde et
désolée. Et la prière qui suit, loin d'avoir le calme de celle que
fait chaque soir la jeune fille avant de s'endormir, doit exprimer
aussi, par la ferveur des vœux qu'elle adresse au ciel, toute l'an-
goisse, tout le désespoir de sa situation. »
AIR DE MÉDUSE.
( LILLI. )
« Lorsque Lulli faisait jouer à Versailles, devant Louis XIV,
son opéra de Persée , Méduse devait porter sur le visage un
masque hideux, et sur la tête une couronne de serpents. Il est
donc probable (et même c'est une tradition reçue) que ce rôle
de Méduse était fait par un homme, et chanté dès lors en voix
de basse-taille. Cependant, puisque le personnage est celui d'une
femme, il est préférable, dans les concerts et les salons, que ce
bel air de Méduse soit chanté en voix de contralto. — Si l'on
se rappelle que les sculpteurs anciens donnaient au visage de
Méduse, non point la laideur physique, mais seulement la
froide et mortelle insensibilité du dédain ; si l'on se pénètre
bien du sens des paroles qu'un vrai poète, Quinault, lui prête
dans l'opéra de Persée , on se convaincra que cet air doit être
dit avec une expression de féroce impassibilité, et que Méduse,
toujours fiôre, doit y montrer une sorte de satisfaction maligne
d'avoir été défigurée par Minerve, puisque la vengeance de cette
déesse lui donne le moyen de se venger elle-même sur tout ce
que son regard peut atteindre. »
Nous croyons avoir mis nos lecteurs au courant de l'inté-
ressante et utile publication de Y École classique du Chant, sur
laquelle nous aurons, du reste, plus d'une fois occasion de re-
venir. De pareilles publications méritent une place d'honneur
dans nos Tablettes du Pianiste et du Chanteur, et nous nous
sommes empressés de l'offrir à Mme Pauline Viardot, qu'on ne
saurait trop encourager dans sa noble entreprise.
Nous devons aussi des éloges relatifs au traducteur, M. Syl-
vain Saint-Etienne, qui réalise avec conscience une tâche in-
grate et difficile, celle de mettre le texte français d'accord avec
une musique allemande ou italienne. Ce n'est pas une mince
responsabilité.
J.-L. Heugel.
PETITE CHRONIQUE.
Ec Diapason normal anglais.
La question du diapason normal vient de recevoir en Angle-
terre une solution qui s'éloigne de dix-huit vibrations du nou-
veau diapason français. La Society of arts et la Royal So-
ciety of musicians ont récemment adopté pour diapason normal
l'ut 3 de 528 vibrations par seconde, ayant pour base l'ut de
32 pieds égal à 33 vibrations, et dont le la du diapason tempéré
correspond à 888 vibrations. Ce diapason , déjà proposé par
M. A. Cavaillé-Coll , dans un savant article publié dans l'Ami
de la Religion, le 5 février 1859, tient le milieu entre les divers
diapasons de l'Europe , et a l'avantage de régulariser , sans
aucune perturbation, la tonalité des voix et des instruments.
Nous ne savons si F amour-propre national est pour quelque
chose dans cette divergence de vibrations ; dans tous les cas ,
nous sommes heureux de constater que l'idée première de cette
mesure appartient à notre habile facteur d'orgues. On nous saura
gré de rappeler ici les conclusions de son article pour l'adop-
tion du ton moyen proposé de 888 v. par seconde. « Ce nombre,
dit M. Cavaillé-Coll, qui se trouve de 8 vibrations plus élevé
que le la normal du congrès de Stuttgard et de 8 vibrations plus
bas que le diapason de l'Opéra de Paris, aurait, suivant nous, le
mérite, s'il était adopté, de concilier les exigences de la science
physique et les besoins de l'art musical. Le rapport du la tem-
péré de 888 v. correspond au la géométrique de 880 v., et
donne à l'ut grave de 32 pieds 33 v. par seconde, au lieu de
32 v. proposé par le physicien Chladni au commencement de
ce siècle ; de cette manière, la progression des nombres de vi-
brations relatifs aux sons des différentes octaves s'établirait ainsi .
ÛT : ÛT : UT 1 : UT 2 : UT 3 : LA. | : LA \/W
33 : 66 : 132 : 264 : 528 : 880 : 888 = Diapason.
« Ces nombres entiers , qui sont faciles à retenir , et qui ont
déjà été adoptés par M. Pouillet dans ses derniers ouvrages et
par d'autres physiciens, auraient le double avantage de consa-
crer la tonalité moderne et de faire cesser la différence notable
qui existe entre le ton des physiciens et celui des musiciens.
« Ce rapprochement de l'art et de la science serait, suivant
nous, la plus sûre garantie pour l'adoption de la mesure et
pour la conservation du diapason du dix-neuvième siècle. »
Ees anciens appointements de l'Opéra.
Nous avons dressé naguère une petite statistique des droits
d'auteurs d'autrefois. Voici, comme pendant, un aperçu de
l'ancien personnel de notre Grand-Opéra, et du traitement des
artistes. C'est dans une vente d'autographes qu'on a trouvé ce
curieux document qui s'est attardé dans nos cartons :
« État du nombre de personnes, tant hommes que femmes,
dont le roi veut et entend que l'Académie royale de musique
soit toujours composée, sans qu'il puisse être augmenté ni dimi-
nué. »
Dans ce règlement officiel, portant la date de 1713, les basses-
tailles pour les rôles reçoivent de 1,000 à 1,500 livres; les
hautes-contre ont le même traitement. Parmi les actrices pour
les rôles, la première reçoit 1,500 livres, et, en suivant une
proportion décroissante, la sixième touche 700 livres.
Pour les chœurs, les hommes reçoivent 400 livres ainsi que
les femmes.
206
LE MÉNESTP.EL.
Les deux premiers danseurs sont à 1,000 livres chacun, les
autres, a 800, 600 et 400 livres. Les deux premières danseuses
sont h 900 livres, les autres à 500 ou a 400.
Le batteur de mesure ( chef d'orchestre) a 1,000 livres.
En résumé, le personnel de l'Opéra est fixé à 126 artistes ou
employés, le tout coûtant chaque année 67,050 livres.
Proposez donc aujourd'hui à Mraes Ferraris, Emma Livry, un
engagement de 900 livres par an !...
NOUVELLES DIVERSES.
— Depuis que Rossini s'est voué au piano, c'est un pèlerinage de pia-
nistes de toutes les parties du monde.... à la rue de la Chaussée-d'Antin,
l'hiver, — à sa villa de Passy, l'été. Il y a quelques mois, Thalberg, se
rendant d'Italie en Allemagne , prit le chemin de Paris pour rendre ses
hommages au grand maître. La semaine dernière c'était le général Franz
Listz traversant le Rhin, armé de ses vingt doigts, et venant traduire à
Rossini son ouverture de Guillaume Tell et cette célèbre tarentelle des
Soirées musicales, que Mme Pleyel exécutait de façon à faire danser les
ennemis les plus irréconciliables du piano.
— Camillo Sivori, en ce moment à Paris, s'est également fait entendre
cette semaine chez M. etMme Rossini, puis à la salle Reethoven. Il a exé-
cuté, d'une façon magistrale et séduisante à la fois, la sonate de Reetho-
ven dédiée à Kreutzer, et un quatuor de C. Estienne, avec le concours
de MM. Ritter, Romeo Accursi, Casimir Ney et Ch. Lebouc. Dans la prière
de Moïse et dans les variations de Paganini, l'éminent virtuose a déve-
loppé ce que l'art du violon peut produire do plus étonnant ; il a rendu
la belle inspiration de Rossini à la manière des plus grands chanteurs de
l'Italie. Sivori va se rendre à Gênes, son pays natal, où il compte passer
quelque temps ; puis il séjournera à Rade, au mois d'août, à l'occasion
du festival qui doit s'organiser à cette époque sous la direction d'Hector
Rerlioz.
— Unejeune canlatrice inédite produit en ce moment une vive sensa-
tion à Londres. C'est Mlle Adeline Patti, qui, le 14 de ce mois, débutait au
théâtre italien de Covent-Garden, dans la Sonnambula. Déjà Mlle Patti
avait récolté à la Nouvelle-Orléans et à Philadelphie des ovations améri-
caines de première classe ; mais en matière d'art, les certificats trans-
atlantiques réclament le visa de l'Europe. — « La jeune artiste, dit le
Musical World, n'est âgée que de dix-huit ans ; sa voix de soprano est
fort belle, d'une grande flexibilité, d'un timbre égal et pur dans toute
l'étendue du registre, sans la moindre tendance au trémolo, et atteignant
le fa d'en haut avec une merveilleuse facilité. Depuis bien des années, le
rôle d'Amina n'avait été traduit d'une façon aussi remarquable »
Encore une étoile dans le firmament, et signalée par une vigie britan-
nique, en dépit des brouillards. Notre avenir lyrique n'est donc pas en
péril.
— Le Musical World s'exprime en termes chaleureux sur la belle
interprétation de Don Giovanni à Covent-Garden, dont nous avons parlé
sommairement. Le journal anglais fait spécialement l'éloge de Faure.
« Depuis Tamburini, dit-il, le type de Don Juan ne s'était incarné avec
autant de perfection. »
— L'immense succès de VAve Maria de Gounod, chanté parMme Miolan-
Carvalho au Palais de Cristal à Londres, a fait réengager, séance tenante,
le jeune virtuose Sarasate pour le concert du 31. Son archet expressif et
déjà magistral a partagé les honneurs du bis décerné à Mmc Carvalho, et
reçu une ovation spéciale de l'orchestre. Dans une matinée intime consa-
crée à la musique de Reethoven, Vieuxtemps est venu complimenter le
jeune violoniste classique.
— On écrit de Vienne qu'il s'est révélé à Pesth ( Hongrie) un artiste de
premier ordre, le ténor Théodore Wachtel. Il a chanté sur le théâtre de
Pesth dans onze opéras français et italiens , en tout cinquante-quatre re-
présentations , et aurait obtenu un succès d'enthousiasme. Théodore
Wachtel vient d'être engagé pour deux mois au théâtre An der Wien, à
Vienne, au prix de 40,000 florins d'Autriche, et, à son intention, le
directeur, M. Pokorny, a formé un personnel chantant complet.
— Le théâtre Treumann, à Vienne, s'est entièrement voué au culte de
la musique d'Offenbach. La Chanson de Fortunio y fait fureur ; mais il
paraît que, pour les besoins des familles autrichiennes, on a dû modifier
le texte de MM. Crémieux et Halévy : le dénoûment amène une récon-
ciliation complète entre le tabellion et sa femme. C'est plus évangélique,
mais infiniment moins parisien.
— ■ Le correspondant autrichien de l'Écho musical de Berlin nous
apprend que le docteur Radier, qui a beaucoup écrit sur la musique ,
notamment une histoire du théâtre impérial de la Cour, a été frappé
d'aliénation mentale.
— Le même correspondant annonce que la société des arts, Vile verte,
dont trois membres sont devenus conseillers d'Etat (Grillparzer , Tscha-
buschurg et Schindler ) , a nommé un comité chargé de rédiger un mé-
moire sur les besoins de l'art en Autriche.
— On écrit de Rerlin que le maître de chapelle Neswadba, qui conduisit
pendant deux ans l'opéra italien au théâtre Victoria, et tout récemment
l'orchestre italien dans la salle Kroll, est nommé maître de chapelle au
théâtre de Hambourg. Ses fondions ne commenceront que le 15 août.
11 est, dit-on, occupé en ce moment à écrire un opéra.
— La semaine dernière, l'Opéra de Rerlin a offert à son public une
succession de soirées comme nous en voyons rarement à Paris. Elle a
débuté par la Flûte enchantée, de Mozart, laquelle a été suivie de Don
Juan, du Frezschiitz, du Prophète et de Norma : cinq chefs-d'œuvre !...
C'est dans Don Juan que Mlle Lagrua a terminé ses représentations.
— On écrit encore de Rerlin : « Les répétitions de Nurmahal ont com-
mencé; cet opéra de Spontini, qu'on n'avait pas entendu depuis long-
temps, sera joué avec une mise en scène entièrement nouvelle. — Les
représentations de l'opéra allemand à la salle Kroll ont ouvert , le
15 mai, sous la direction du maître de chapelle Witt. Pour ses débuts, la
Société a choisi la partition de Martha, deFlotow. »
— Nous lisons dans une correspondance de Moscou, publiée par la
Gazette musicale de Berlin, que jamais l'ancienne capitale russe n'avait
eu de plus déplorable saison musicale que celle qui vient de se terminer,
et les événements politiques sont pour beaucoup dans ce marasme artis-
tique. A peine si deux ou trois intrépides donneurs de concerts ont osé
se montrer vers la fin de l'hiver 1
— La nouvelle salle du théâtre de la Cour, à Rrunswick, est presque ter-
minée. Elle sera inaugurée, dit-on, le 1er octobre prochain, par Don Gio-
vanni.
— Au dernier concert du Conservatoire de Rruxelles, on a exécuté une
symphonie de la composition de M. Fétis, après laquelle l'auteur a été
rappelé, ovation très-rare en Relgique.
— Le Guide musical de Rruxelles, à propos de l'opéra bouffe en un
acte, Au travers du mur, joué sur notre Théâtre-Lyrique, nous donne
quelques intéressantes particularités sur le prince Poniatowski :
« Polonais d'origine, Italien de naissance et d'éducation, Français par
les antécédents de sa famille et par la position officielle qu'il occupe ac-
tuellement, le prince Joseph Poniatowski, sénateur de l'empire, a été mi-
nistre de Toscane en France. Dilettante passionné, comme tous les mem-
bres de sa famille, il est l'auteur d'une douzaine d'opéras, dont la plupart
ont été accueillis avec faveur sur les théâtres de la péninsule italienne.
« Le prince Poniatowski est tellement fanatique de l'art, qu'il a consenti
un jour, à Vienne, à se faire le chef d'orchestre d'un de ses opéras. On sait
que dans cette ville fameuse, l'auteur d'une œuvre musicale devait, le
premier soir, en diriger lui-même l'exécution. Sa présence était réclamée
comme une garantie par le public, qui tenait à avoir là son homme pour
le siffler ou l'applaudir.
« On se rappelle en Italie la célèbre soirée où le prince Poniatowski se
prêta de bonne grâce à la double et bruyante alternative de la défaite et du
triomphe .
k A Florence, lors des inondations, toute la famille Poniatowski donna,
au bénéfice des inondés, des représentations et des concerts qu'on r£a pas
encore oubliés. »
Nous lisons également dans le Guide musical : « Voici un violoniste
qui aurait été digne d'inspirer à Hoffmann un conte fantastique, dont les
principaux traits, pris dans la réalité, auraient fait pâmer d'aise l'illustre
auteur du Violon de Crémone. M. Charles Wynen, de Tongres, en Rel-
gique, est un virtuose compositeur de beaucoup de talent, qui a fait le
serment de ne jamais donner concert en Europe. Jusqu'ici il a tenu pa-
role. Voilà la troisième fois qu'il fait le tour du monde; il donne ses
séances musicales à Taïti, dans les salons de la reine Pomaré, à Mada-
NOUVELLES ET ANNONCES.
207
gascar, dans l'Amérique du Sud, chez les Sioux et les Apaches, qui l'ont
accablé de bosses de bisons et de tatouages d'honneur ruisselants d'inouis-
mes. Ce Juif errant de l'art des Vieuxtemps et des Paganini arrive main-
tenant de la Chine et se propose d'aller avant peu porter la gamme moderne
au fin fond de la Cochinchine où l'attendent sans doute de nouveaux
triomphes. Que les nids d'hirondelles et les sauces à l'huile de ricin lui
soient légères !
— On peut annoncer avec certitude, dit le journal de Milan, II Trova-
tore, que Verdi reprendra la plume et composera un nouvel opéra pour
le théâtre ilalien de Saint-Pétersbourg. Cédant aux sollicitations du comte
de Cavour et au désir de l'empereur de Russie, Verdi a déjà fait appeler
le poète, 51. Piave, pour s'entendre sur le sujet à traiter.
— C'est à M. Sanguinetli , l'ancien directeur du théâtre Carlo-Felice,
de Gènes, qu'a été confiée la direction du théâtre Saint-Charles de Naples.
— La nouvelle Biographie générale publiée par MM. Firmin Didot, vient
de s'enrichir d'une nouvelle notice musicale consacrée à Mozart, par
M. Denne-Baron. Cet écrivain consciencieux a multiplié les soins et les
recherches pour concentrer dans un cadre relativement restreint, tout
ce qui se rattache à Mozart et à ses œuvres. C'est un travail littéraire et
musical qui fait le plus grand honneur à son auteur. On sent, qu'écrivain
et musicien à la fois, M. Denne-Baron s'est doublement inspiré de son
sujet.
— J. Schulhoff est de retour à Paris de la tournée qu'il vient de faire
dans le midi de la France, et dont voici le bilan : deux concerts à Lyon,
un à Avignon, trois à Marseille, un à Montpellier, cinq à Toulouse et deux
à Bordeaux.
— Le texte de la cantate choisi cette année par l'Académie des Beaux-
Arts pour le concours de composition musicale , est intitulé Atala.
L'auteur est M. Roussy.
— Au dernier banquet des Associations fondées par M. le baron Taylor,
M. Edouard Monnais a porté un toast contenant une biographie ' musi-
cale tout à fait inédite ; c'est celle de M"e Octavie Pillore, musicienne, et
auteur d'une partition intitulée Protogène, paroles de Scribe !.. Cet ou--
vrage, reçu au grand Opéra sous la direction de M. delà Ferlé, est resté
dans les cartons, entouré d'une foule d'autres victimes. Mlle Octavie Pillore,
décédée tout récemment dans un âge très-avancé, recevait de l'Association
une pension de 300 francs. Voici la péroraison de ce spirituel toast de
M. Edouard Monnais, que nous regrettons de ne pouvoir publier intégrale-
ment :
« Oui, Messieurs, l'auteur de Protogène s'appelait Scribe I c'était le gé-
nie universel, immortel, qui vient de succomber aussi, et dont la collabo-
ration avec Mlle Octavie Pillorre ne vous était pas connue. Quoique plus
âgée de dix ans, la musicienne survécut au poète, mais de si peu — de
quelques semaines] . . . Et quel rapprochement singulier dans des situa-
tions si diverses 1 Ce poète, cet auteur qui a fait jouer plus de qualre cents
pièces I Cette musicienne, qui n'a pu faire exécuter son unique opéra !
L'un comblé de gloire et de fortune, l'autre obscure et n'ayant pour
tout bien que la petite pension que vous lui faisiez, mais cette pension
suffisait à ses besoins, à son juste amour-propre. Elle la devait à la mu-
sique, à son art chéri ; elle la recevait de la main de ses généreux con-
frères. »
— Dimanche dernier, au concours de chant d'ensemble qui a eu lieu
à Vernon, la section chorale de la Société des Enfants de la Belgique,
som la direction de M. Pierre Benoît, a obtenu le premier prix , et la so-
ciété Y Ensemble de Paris, le second prix.
— M. Auguste Durand, organiste de Saint - Roch , vient d'épouser
Mlle Adélia Goemaere, fille d'un avocat à la Cour d'appel de Gand (Bel-
gique).
— Nous nous empressons d'annoncer aux artistes et amaleurs de fidèle
mémoire qu'il vient de paraître un petit portrait ( carte de visite ) du
pianiste célèbre, et toujours justement regretté, Adolphe Fumagalli. Ce
portrait se vend au bénéfice des orphelins de cet émineut artiste, chez
Mme veuve Fumagalli, 13, rue Taitbout.
— Indépendamment du jeu de paume de la terrasse des Tuileries, ce
jardin vient de s'enrichir d'un théâtre de marionnettes qui fait la joie des
enfants, grands et petits. Ce nouveau Guignol, infiniment plus luxueux et
mieux organisé que ses voisins des Champs-Elysées , a inauguré ses
séances par un prologue en vers dont l'auteur a gardé l'anonyme.
— Il y aura prochainement un concours au Théâtre impérial Italien ,
pour diverses places vacantes à l'orchestre. Les artistes qui voudront y
prendre part devront se faire inscrire, avant le 1er juin, à l'administration
dudit théâtre, de 10 heures à 4.
— MM. les directeurs des théâtres de la province et de l'étranger, en ce
moment à Paris, sont prévenus que l'Agence générale des Directions
théâtrales organisera, dans le cours des mois de juin et de juillet, plu-
sieurs représentations dramatiques, dites d'audition. Elles seront gratuites
et non publiques, étant exclusivement destinées à MM. les directeurs de
théâtre. Ceux d'entre eux qui désireront recevoir des lettres d'invitation
pour ces représentations sont priés de vouloir bien faire connaître leur
domicile au siège de l'Agence générale des Directions théâtrales, rue de
la Victoire, 15, dont les bureaux sont ouverts tous les jours, de 10 à
5 heures. M. Henrichs «, directeur, visible de midi à 2 heures.
— Nous sommes priés d'insérer la lettre suivante :
« Veuillez bien faire connaître, par la voie du Ménestrel, que je suis
aujourd'hui complètement étranger aux intérêts de la Société des auteurs,
compositeurs et éditeurs de musique, dont j'étais précédemment agent
général ; que l'Agence générale des directions théâtrales ne s'occupe nul-
lement et ne pourrait même s'occuper de la perception des droits d'au-
teur, de quelque nature qu'ils soient. Vous m'obligerez en insérant, dans
le plus prochain numéro du Ménestrel celle déclaration , que je fais
d'ailleurs volontairement, et sans autre initiative que la mienne.
« P. Henrichs. »
NÉCROLOGIE.
— Notre numéro de dimanche dernier était sous presse quand on est
venu nous annoncer l'affligeante nouvelle de la mortdeMme Mocker, femme
de notre excellent artiste et régisseur général de l'Opéra - Comique.
Mm8 Mocker, professeur de piano distingué, était fille de Moreau, auteur
d'une foule de charmants vaudevilles, dont beaucoup sont restés popu-
laires, et de Mme Hervey, artiste du théâtre du Vaudeville, et ensuite so-
ciétaire de la Comédie-Française. Les obsèques ont eu lieu lundi dernier
en l'église de la Madeleine. Tout le personnel de l'Opéra-Comique assistait
à cette triste cérémonie. Parmi les assistants on remarquait MM. Ambroise
Thomas, Edouard Monnais, Emile Perrin, Gevaert, F. Bazin, Ernest Bou-
langer, Jules Cohen, E. Gautier, Théodore Ritter, etc.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
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7. La Chanson des Moissonneurs
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5. Ciel et Terre , andante 5
6. La Razzia , presto 6
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2. Finale de la 4e symphonie en sol 7 50
3. Andante de la symphonie en sol 7 50
4. Finale de la lre symphonie en sol 7 50
BEETHOVEN
5. Sonate en sol mineur, op. 49, n° 1 7 50
6. Sonate en sol, op. 49, n° 2 7 50
7. Allegro de la sonate en la, op. 12, n" 2. . 7 50
8. Allegro de la sonate en fa , op. 17 7 50
MOZART
9. Allegro de la sonate facile . . ; 5
10. Andante de la sonate d° .'. 5
11. Finale de la sonate d° 5
12. Marche turque S
768. — 28e Année.
IV 87.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 2 Juin
ISlil.
Qi£2>
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I. Méfaul et ses œuvres (6e et dernier article). P.-A. Vieillaud. — II. Semaine
théâtrale : premières représentations du Marché des Innocents et de la Beauté
du Diable. J. Lovy. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Chopin et
ses œuvres (1er article). H. Barbedette. — IV. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour :
GUIPURES ET DENTELEES,
N° 2, valse de A. Croisez. — Suivra immédiatement après : les Eme-
raudes, polka de L. de Pitray.
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Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
connus
ou le Nouvel Ami «les Enfants ,
Paroles de Frédéric deCourct, musique d'HENRi Potier. — Suivra
immédiatement après : la Danse macabre, paroles d' Armant Livrât,
musique de E. Lomhard.
MÉIIEL ET SES ŒUVRES.
( 6e ET dernier article. )
On a vu plus haut que Méhul avait été de tout temps nu nom-
bre des artistes les plus favorisés par la munificence impériale.
Il avait cerles le cœur trop bien placé pour ne pas voir avec un
vif regret la chute du souverain dans lequel il avait constamment
trouvé un zélé protecteur; aussi, tandis que tant d'autres insul-
taient lâchement, dans ses revers, l'idole que, la veille, ils fati-
gaient de leurs flatteries, Méhul honora-t-il constamment le nom
et le souvenir du grand homme tombé du pouvoir, sans faire
une opposition indécente et hargneuse au pouvoir qui l'avait
remplacé.
Celui-ci cependant, inauguré lorsque les dépenses sans limites
d'une guerre nationale venaient d'épuiser les ressources de l'État,
et d'ailleurs par lui-même assez indifférent aux choses d'agré-
ment et de goût, fit porter sur les arts une grande partie des ré-
ductions dont le malheur des temps lui faisait une rigoureuse
nécessité. Le Conservatoire fut le premier atteint par ces réfor-
mes. Ce titre, jugé trop fastueux, fut remplacé par le nom plus
modeste d'École de musique et de déclamation; on réduisit le
nombre des professeurs et des élèves, ainsi que la rétribution des
fonctions maintenues.
Un homme qui, sans être artiste lui-même, a écrit sur la mu-
sique, en France, avec une rare sagacité, M. Miel, s'exprime
ainsi sur la révolution que subit, en 1815, le Conservatoire :
« L'Institut musical le plus complet qui eût jamais existé, mutilé
dans ses développements, fut placé secondairement dans les attri-
butions de l'intendant des menus-plaisirs (M. Papillon de la
Ferté). Sans administrateur spécial, régi par un inspecteur qui,
sans doute, voulait le bien, mais qui n'eut pas le pouvoir de le
faire, plus d'exercices publics, sources de nobles rivalités, occa-
sions d'utiles conseils, l'Ecole languissait; professeurs et élèves
étaient livrés au découragement. » (Encyclopédie des gens du
monde, t. XIII, p. 600.)
Méhul, je l'ai déjà dit, était l'un des trois inspecteurs du Con-
servatoire. Ce grade ayant été supprimé, il devint, ainsi que
Chérubini et Berton, simple professeur à l'École de musique et
de déclamation. Il supporta avec un calme plein de dignité cet
échec qui, d'ailleurs, n'avait rien d'une disgrâce, mais il vit,
avec un regret plein d'amertume, la déchéance du grand éta-
blissement à la prospérité duquel il avait, pour ainsi dire, lié
son existence.
L'année 1816 vit pourtant luire pour Méhul un rayon de
consolation. La Journée aux aventures, opéra-comique en trois
actes, fut représentée au mois de février. Le succès fut complet.
La pièce, de deux auteurs peu connus, faible de style, avait au
moins le mérite du naturel dans le dialogue et delà gaieté dans
les situations. Oserai-je dire aussi que si Méhul s'était souvent
élevé bien plus haut, jamais il n'avait été plus franchement gai
210
LE MÉNESTREL.
et libre d'allure? Le public d'ailleurs connaissait ses sujets de
tristesse, et, en l'applaudissant peut-être avec un peu d'excès, on
semblait vouloir lui donner une juste revanche de chagrins si
peu mérités.
Cependant, l'année 1816 avait porté les atteintes les plus
cruelles à la santé de ce grand artiste, de cet homme excellent.
Aux désastres civils qui avaient suivi la seconde invasion se joi-
gnirent les calamités de l'une des années les plus néfastes dont
la France ait jamais eu à souffrir. Dépouillés par l'étranger, me-
nacés d'une famine, travaillés par l'esprit de faction, les Fran-
çais avaient mis les intérêts de l'art et la prospérité du théâtre
au rang de leurs dernières préoccupations. La scène, délaissée,
végétait avec peine, et, quand tout le monde s'inquiétait des
moyens de vivre, ce n'était guère le temps de chercher comment
on pourrait s'amuser.
Il n'en fallait pas. tant pour achever de ruiner les forces d'un
homme depuis longtemps miné par le chagrin et l'ennui, et qui,
à des sujets de mélancolie dont autrefois il s'était peut-être trop
exagéré les motifs personnels, voyait s'ajouter aujourd'hui des
causes trop réelles et d'autant plus pénibles pour un cœur comme
le sien qu'elles allaient à la perte de ce qu'il avait chéri et glori-
fié toute sa vie. La décadence présente du Conservatoire, où l'on
retrouvait à peine quelques traditions effacées de ce qu'il avait
été pendant vingt ans, était, pour Méhul, une cause imminente
de sa fin. Ses amis, effrayés de voir apparaître chez lui tous les
symptômes d'une dangereuse affection de poitrine, se réunirent
pour le conjurer d'aller chercher, dans le midi de la France, un
ciel plus riant et un* plus doux climat.
Découragé et n'osant plus rien attendre de l'avenir, Méhul
résista longtemps à ces instances. Cependant, touché de l'intérêt
qu'on lui témoignait de toutes parts, avec une vivacité qui sui-
vait les progrès de la maladie, il finit par se rendre. Il quitta
Paris le 18 janvier 1817, et, accompagné de son neveu Daussoi-
gne, il partit pour la ville d'Hyères en Provence. Sur la route, il
obtint les plus honorables témoignages de la sympathie d'un pu-
blic ami des arts. Il trouva, au théâtre de Marseille, une bril-
lante ovation.
Mais le coup fatal était porté, et déjà rien ne pouvait combat-
tre les impressions qui présageaient sa triste fin. La lettre qu'on
ya lire ne laisse lieu de conserver aucun doute h cet égard. La
veille du départ de Méhul, je lui avais adressé mes adieux, en
une pièce de vers, imitation du Sic te diva potens Cypri d'Ho-
race. Le ton de cette pièce prouvait que j'étais loin d'avoir
perdu tout espoir de rétablissement, et, trois jours après
ce départ, je m'entretenais avec Kreutzer l'aîné du plaisir
que nous aurions a fêter le retour de notre Méhul, lorsque
nous le reverrions bien portant. C'était la ville d'Hyères qu'on
lui avait indiquée comme le séjour le plus propice à son rétablis-
sement; ce fut de là que, le 20 février 1817, il m'écrivit la lettre
suivante :
« Mon cher Vieillard,
« Ne m'accusez pas d'ingratitude, vous seriez dans l'erreur.
Je n'ai point oublié les vers élégants que vous avez eu la bonté
de m'adresser la veille de mon départ. Les vœux si bien exprimés
dans votre poésie n'ont point été exaucés, mais j'ai opposé à
l'indifférence des dieux, vainement invoqués par votre muse
amie, de la patience, du courage et le reste de mes forces. C'est
ainsi que je suis arrivé à Montpellier et que je me suis traîné à
Hyères. Le climat y est fort tempéré, puisque les orangers y
viennent en pleine terre ; mais il y règne des vents si aigres que
je ne puis sortir de ma chambre. Elle est heureusement au midi,
de manière que je jouis de la chaleur du soleil, qui ne manque
jamais de se montrer. C'est cela de plus qu'à Paris ; mais qu'il
faut aller le chercher loin 1
« Pour un peu de soleil, j'ai rompu toutes mes habitudes, je
me suis privé de tous mes amis, et je me trouve seul, au bout du
monde, dans une auberge, entouré de gens dont je puis à peine
comprendre le langage.
« Vous qui comprenez si bien celui de l'amitié, mon cher
Vieillard, rendez-moi à ceux qui me sont chers, en me parlant
de leurs sentiments. Dites aux dames Kreutzer combien je les
aime, et combien elles me font trouver les lieues longues
et le temps long. Dites à Kreutzer et à Auguste que je suis
souvent auprès d'eux à l'Opéra, où je vais exprès pour les
voir; dites à Pradher que je l'aime bien; rappelez-moi au
souvenir de Sewrin, de Delrieu, de Piranesi, et dites à Vieil-
lard que je lui souhaite tout le bonheur qu'il mérite, comme au-
teur et comme homme. Montez un instant chez les dames Tour-
rette, pour leur faire mes tendres compliments, et venez que je
vous embrasse de tout mon cœur, et que je vous assure de mon
amitié. Méhul. »
J'espère qu'on voudra bien ne pas attribuer à un puéril motif
d'amour-propre la citation de cette lettre. Je ne nierai nullement
qu'en la recevant je n'aie été autant flatté que touché; mais je
dirai que ce qui m'a surtout engagé à la reproduire, c'est que,
dans sa brièveté, elle justifie complètement ce que j'ai dit, dans
cette notice, du caractère et de l'esprit de mon héros. Elle dé-
montre aussi, je crois, que je n'ai pas surfait, en exposant les
rapports d'amitié qui existaient entre nous.
A son retour à Paris, au mois de mai, Méhul nous parut avoir
éprouvé peu de changement dans son état de maladie ; nous re-
connûmes surtout avec douleur que la maigreur et la toux avaient
augmenté d'une manière sensible. On était au plus beau moment
de la saison, et le valétudinaire se hâta de se réinstaller à sa
très-modeste villa de Pantin, assez mauvais séjour pour un
homme attaqué d'une maladie de poitrine. Mais les bruits de
la ville l'importunaient ; les théâtres lui étaient interdits ; son
jardin lui restait encore, et, après la musique, les fleurs avaient
été la passion de toute sa vie.
Quelques amis venaient le visiter. J'y allais aussi souvent que
me le permettaient de tristes et impérieux devoirs. Nous évitions
de le fatiguer. Il ne nous laissa jamais apercevoir que tel fût l'ef-
fet de nos visites. Sa conversation était moins vive, sans doute ;
elle avait perdu cette légère teinte de causticité qui donnait chez
lui plus de jeu à la conversation, sans que ce fût jamais aux dé-
pens du cœur. Au contraire, à toutes les qualités du sien s'ajou-
taient encore des nuances plus douces et une grâce plus atten-
drie; sans illusion aucune sur un état désespéré, il semblait à
peine s'en occuper, et surtout il n'en occupait jamais les autres.
L'été tout entier se passa ainsi dans une période d'affaiblisse-
ment graduel ; mais, à la chute des feuilles, il ne fut plus possi-
ble de s'abuser sur l'imminence d'une désolante catastrophe. Le
séjour de la campagne, qui n'avait apporté qu'un court soula-
gement à Méhul, en automne, lui devenait à chaque instant plus
pernicieux; et, pour le conserver quelques jours de plus, il fal-
lut se hâter de le ramener à Paris; ce fut, je crois, dans les der-
niers jours de septembre que ce retour s'effectua. J'étais encore
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
211
allé le voir à Pantin au commencement du mois. Les exigeantes
fonctions de la bureaucratie ne devaient plus me permettre de le
revoir à Paris; il me fut même interdit de lui rendre les derniers
devoirs.
M. de Saint- Victor voulait bien me donner les derniers dé-
tails du rapide déclin de notre ami. Ce fut lui qui, vers la mi-
octobre, m'apporta une nouvelle qui me fit juger que tout était
près de finir. Je n'ai pas dit encore que, depuis longtemps,
Méhul était marié. Sa femme, fille du célèbre docteur Gaslaldy,
vivait en province, éloignée de son mari. J'ai peu vu cette
dame, et je ne l'ai connue que sous les rapports les plus honora-
bles; j'ignore tout à fait les motifs qui amenèrent une sépara-
tion exempte de tout scandale, qui n'eut jamais de caractère
officiel, et dont le public ne s'occupa que pour plaindre les deux
époux, en leur conservant toute son estime. Peut-être Mme Méhul
se méprit-elle sur le caractère d'une liaison qu'autorisaient assez,
dans celte mesure, des rapports de bon voisinage.
Mme Méhul accourut auprès du lit de mort de son mari, au-
quel elle devait survivre près de quarante ans. Il mourut le
18 octobre 1817.
Aux obsèques de Méhul, cent quarante symphonistes exécu-
tèrent une messe de Requiem de Jomelli. Quelques mois plus
tard, un certain nombre des élèves du chant, au Conservatoire,
se rendirent au cimetière du Père-Lachaise. Là ils offrirent un
touchant hommage à la mémoire de l'illustre maître, en exécu-
tant, sur sa tombe, l'un de ses chefs-d'œuvre dramatiques, le
chœur du Sommeil des Bardes, dans Uthal, digne tribut à l'ar-
tiste éminent qui avait réuni en lui les deux grandes conditions
de la nature humaine : le génie et la souffrance I
P. -A. Vieillard.
SEMAINE THÉÂTRALE.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
Le Marché des Innocents, ballet-pantomime en un acte, de M. Petipa ,
musique de M. Pugni.
LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice honoraient, mercredi
dernier, de leur présence la première représentation de ce bal-
let,— que précédait le Trouvère (où, par parenthèse, Mlle Sax
récoltait une ovation spéciale dans le rôle de Léonore).
Tout l'attrait de la nouvelle œuvre chorégraphique se con-
centrait sur Mme Marie Petipa, la débutante, que la Russie veut
bien nous prêter pour deux mois ; — on ne prête qu'aux riches :
ce vieux dicton est toujours bien porté.
Mme Pelipa, belle-sœur de notre maître de ballets, et femme
du chorégraphe de Saint-Pétersbourg, est Russe de naissance
(comme M"B Zina Richard), et le ballet parisien qu'elle nous
apporte est éclos sur les bords de la Neva.
Gloriette,la jolie couturière dont vous voyez la boutique — je
veux dire le tonneau — sur le marché des Innocents, reçoit tous
les jours des bouquets, des billets doux, et l'hommage d'une
foule de galants. Mais elle n'aime que Simon et. . . les beaux
paniers de cerises qu'il dépose chaque matin devant son ton-
neau. En vain Lindor, un incroyable du Directoire, lui adresse
mille déclarations et étale à ses yeux l'or et les bijoux ; Glo-
rietlele repousse et le menace de son aiguille. Mais le ridicule
personnage continue à la luliner , et, en se jetant à genoux, il
déchire son bas. Gloriette le lui reprise, non sans lui planter un
petit drapeau dans son faux mollet. Tout à coup, en pirouettant
autour de la couturière, voilà notre Lindor surpris par la belle
Denise, — une dame du demi-monde — qui décoche des coups
d'éventail à l'incroyable, et affecte envers Gloriette les airs les
plus dédaigneux. Celle-ci, pour toute réponse, lui montre un
paquet de lettres : — Reconnaissez-vous ceci, ma belle? — Mes
lettres! dit Denise avec effroi; par pitié, sois généreuse! ne me
perds pas ! (Gloriette et la dame du demi-monde étaient tout
simplement deux anciennes camarades.) — Tiens! voilà tes let-
tres!.. Denise l'embrasse avec effusion. — Que puis-je faire
pour toi? — Me marier à ce brave garçon, dit Gloriette en dé-
signant Simon; il n'est pas riche, et je suis sans dot. — Lindor,
approchez, dit Denise ; réjouissez-vous du plaisir que vous me
procurez ; je retrouve une amie d'enfance ; donnez-moi votre
portefeuille ! . . . — Tiens, chère Gloriette, voilà ta dot!. . . —
Danse générale.
Dès ses premiers pas, — avec ou sans jeu de mots, —
jjme Marie Petipa avait gagné la bataille sur ces planches,
témoin de tant de victoires chorégraphiques. La débutante a la
jambe fine, la taille bien prise, un minois fort avenant ; joignez
à cela une vivacité pleine de fantaisie et une mimique des plus
piquantes. Elle danse avec les bras, avec la têle, avec les yeux,
avec les hanches, sans préjudice de la perfection chorégraphique
de ses pieds mignons et de la supériorité de ses pointes. Tous
ses mouvements sont imprévus, rien de choquant néanmoins
dans cette multiple gymnastique; c'est souvent étrange, mais
toujours coquet et gracieux. Elle n'a ni le grand style de la
Ferraris , ni les bonds aériens , ni l'harmonieuse flexibilité
d'Emma Livry, mais sa danse étonne, charme et captive.
Son pas du panier de cerises, avec Mérante, est ravissant.
Le pas de la Ziganka est plus merveilleux encore. Enfin, la
nouvelle ballerine, qu'on peut surnommer la Déjazet ou la
Marton de la danse, a été applaudie avec chaleur et rappelée
deux fois après la chute du rideau.
Mais le succès de la débutante ne doit pas nous rendre injuste
envers MUes Schlosser et Fiocre, qui se sont acquittées d'une
façon délicieuse, la première , du pas des dames de la Halle,
la seconde, de celui de la chaîne des fleurs, avec Mérante.
Mlle Marquet personnifiait la belle Denise dans une toilette
du Directoire, d'une rigoureuse fidélité, et Rerthier fait vail-
lamment son œuvre dans une scène de bateleurs.
M. Pugni, l'auteur de la musique, a recueilli sa part de bra-
vos. Plusieurs agréables mazourques et le rondo final ont été
remarqués, et ce n'est pas peu dire par les banalités musicales
qui se dansent.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQLE.
La Beauté du diable, opéra-comique en un acte , de M. de Najac ,
musique de M. Alary.
Le nom de Scribe avait été accolé au libretto de cet acte. . .
avant la représentation; mais il a promptement disparu aux pre-
miers feux de la rampe, ce qui prouve que le culte des morts
n'est pas éteint en France.
Notre confrère le Figaro-Programme, en rendant compte de
la Beauté du diable, propose comme sous-titre : ou la Réhabilita-
tion du linge blanc. Quelques mots d'analyse vous feront appré-
cier la justesse de cette maligne proposition.
La noble damoiselle Léopoldine de Rohnsberg ne possède
pour toute fortune qu'un vieux, château, perdu dans les mon-
212
LE MÉNESTREL.
tagnes du Harz, ce quartier général des légendes germaniques.
Elle se décide à le mettre en vente pour se constituer une dot.
Mais les acquéreurs et les prétendants se font attendre, car le
manoir est, dit-on, hanté par le démon, et la châtelaine ne
possède que la beauté du diable. Pourtant voici venir un
amateur : c'est Jean Lenoir, montagnard farouche, espèce
d'ouvrier enrichi, privé de politesse. ... et de linge blanc.
Ce Jean Lenoir est fiancé à Fidès, jeune compagne de la châte-
laine; au fond, elle ne se soucie pas plus d'elle qu'elle ne sou-
cie de lui, et la preuve, c'est qu'elle échange de tendres aveux
avec le villageois Max. En apprenant le prochain mariage de
Fidès avec Jean Lenoir, Max veut se faire soldat ; il a même
déjà signé son engagement. Fidès se désole, mais pas plus qu'il
ne faut (on aime singulièrement dans ces montagnes du Harz!).
Comme souvenir, elle donne au jeune villageois une chaîne
bénie qui doit lui porter bonheur.
Revenons au farouche montagnard. Ce Jean Lenoir est telle-
ment dépourvu de qualités physiques. . . et de linge blanc, qu'il ne
trouve pas un cœur, pas une crinoline qui veuille accepter ses
hommages. Il passe même dans le pays pour un filleul de Satan,
et ce paria de la civilisation partage le préjugé général : aussi se
rend-il acquéreur du vieux château, afin d'y évoquer son in-
fernal parrain, et se faire aimer subsidiairement de la châte-
laine, pour laquelle il s'est enflammé d'une façon insensée.
Or, pendant que le farouche montagnard confie tous ces pro-
jets au public de la salle Favart, notre espiègle Fidès , cachée
derrière une porte, entend le monologue, et , preste ! elle éteint
la lampe, s'affuble d'un manteau mystérieux, et contrefait
Satan de sa plus grosse voix.
Et la maligne jeune fille exploite si bien la superstition de
Jean Lenoir, qu'il renonce à épouser Fidès, qu'il achète au prix
de 6,000 florins la chaîne que possède Max, — plus qu'il ne
faut à celui-ci pour trouver un remplaçant militaire, — et enfin
qu'il met du linge blanc, coupe sa barbe et se montre à la noble
damoiselle Léopoldine comme un soupirant présentable.
Sur cette donnée semi-fantastique, M. Alary, l'auteur des
Tre Noèze, de l'oratorio la Rédemption, et de beaucoup d'œu-
vres non moins goûtées, a étendu une mélodieuse couche de mu-
sique franco-italienne. Plusieurs morceaux portent un cachet
fort bien approprié au cadre ; d'autres le dépassent par leur
agencement et par leur pléthore instrumentale. On sent que
M. Alary est apte à traiter des sujets infiniment plus déve-
loppés. Parmi les morceaux qui ont obtenu le meilleur accueil,
citons les couplets de Max (Warot), et son duo avec Fidès
(Mlle Bélia), et le grand duo de Troy (Jean Lenoir) avec Fidès-
Belzébut. Mentionnons surtout le duo de la chaîne, entre Jean
Lenoir et Max, une jolie phrase chantée par Jean Lenoir, et un
trio allègre, motif de galop tout confectionné pour nos orchestres
de bals.
Troy a été fort applaudi dans le rôle de Jean Lenoir: peut-
être y péche-t-il par trop d'expression dramatique, — défaut de
beaucoup de nos chanteurs actuels, qui prennent au sérieux des
situations qui n'ont rien de grave. Chez Warot (Max) ce pa-
roxisme du chant expressif n'a rien d'insolite : il est justifié par
le personnage même et voile du reste les anomalies de l'organe.
M"e Bélia est très-gracieuse, et contrefait Satan avec une verve
des plus piquantes. Quant à Mlle Bousquet (Léopoldine), nous
relrouvons chez elle toute la série des vocalises qu'on enseigne
au Conservatoire : rien de moins, rien de plus. L'art, le feu sacré
viendront-ils plus tard? Espérons-le. J- Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
F. CHOPIN ET SES ŒUVRES.
A mon maître et ami.
L. d'Adbicnt.
AVERTISSEMENT.
En publiant une notice sur Chopin, nous continuons la tâche
que nous nous sommes proposée, de mettre en relief quelques-
unes des grandes figures artistiques de ce siècle.
Comme dans notre étude sur Beethoven , nous avons tenté
d'expliquer l'œuvre par le tempérament de l'artiste, et, aussi ,
par l'influence du milieu où il a vécu.
Dans Chopin, nous avons, avant tout, étudié le pianiste; —
car à l'encontre de Beethoven , qui était un grand musicien ,
sans être, à proprement parler, un pianiste, — Chopin, renon-
çant de bonne heure à l'emploi des forces orchestrales, s'était
exclusivement voué à un instrument qui lui suffisait comme in-
terprèle de sa pensée, et dont il devint, en quelque sorte, le poète.
Indépendamment des notes particulières qui nous ont été
communiquées, nous avons trouvé des renseignements précieux
dans le livre de Franz Liszt, sur Chopin, dans les Musiciens
contemporains, de M. Henri Blaze, et aussi , dans les annota-
tions de M. Marmontel, placées en tête de la remarquable édi-
tion de pièces choisies du maître., publiée par les éditeurs du
Ménestrel.
,*
Ach! die kûhnste Harmonie
Wirft das Saitenspiel zu Trummer
Und der lobe œllierstrald Génie
Nàhrt sich nur von Lebenslampenschimmer.
(Schiller.)
I.
Frédéric Chopin est né à Zelazowa-Wola , près de Varsovie ,
le 1er mars 1809 ; ce fut un enfant frêle, maladif, remarqué
pour la douceur, l'affabilité de son caractère , en même temps
que pour son intelligence. A neuf ans, il commença à apprendre
la musique sous la direction d'un disciple passionné de Sébas-
tien Bach, le Hongrois Ziwna , qui dirigea ses études dans le
sens de l'enseignement le plus classique.
Les biographes ajoutent que, placé assez jeune dans un des
premiers collèges de Varsovie, par les soins du prince Antoine
Radziwill, protecteur éclairé des arts, artiste lui-même et auteur
d'une belle partition de Faust, Chopin put joindre à la culture
artistique la culture littéraire, complément nécessaire d'une
belle éducation.
Ici, au risque d'être moins légendaire, nous croyons devoir
faire une première rectification puisée à bonne source : aucun
prince ne fit les frais des études du jeune Chopin. Celui qui
devait si poétiquement chanter le deuil et les larmes de la Po-
logne grandit tout modestement entre un père intelligent, plein
de sollicitude, et une mère bénie, animée du même dévouement.
C'est à eux seuls que revient tout l'honneur de l'éducation litté-
raire et musicale de Chopin.
Charmant d'esprit, de grâces naturelles, il exerça de bonne
heure une attraction invincible sur ceux qui l'approchaient. Lui-
même ressentit, dès les premiers temps de sa jeunesse, un vif
attachement pour une jeune fille qui ne cessa jamais de lui porter
un pieux hommage. « La tempête, a dit Franz Liszt, la tempête
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
213
qui, dans un pli de ses rafales, emporta Chopin loin de son
pays, comme un oiseau rêveur et distrait, surpris par elle sur la
branche d'un arbre étranger, rompit ce premier amour et deshé-
rita l'exilé d'une épouse dévouée et fidèle, en même temps que
d'une patrie. Il ne rencontra plus le bonheur qu'il avait rêvé
avec elle, en rencontrant la gloire à laquelle il n'avait peut-être
pas songé. »
Inopinément séparée de Chopin , cette jeune fille fut fidèle à
sa mémoire, à tout ce qui restait de lui. De son côté, Chopin
ressentit, de cette première et pure passion, une impression qui
jamais ne s'effaça, et contribua puissamment à donner à ses chanls
une empreinte de douloureuse tendresse.
Ses progrès artistiques avaient été extraordinaires : à douze
ans, abandonné à ses propres inspirations, il étonnait déjà par
des improvisations d'une nature singulière ; il cherchait évi-
demment à saisir l'idéal vague qui se révélait en lui. Quand il
crut l'avoir atteint, il écrivit, et il le fit avec tant de facilité, sa
précocité fut si grande, qu'en 1829, à vingt ans, il composa ses
variations sur La ci darem la mano , son grand rondo Kraka-
wiak, ses airs polonais, ses deux admirables concertos, toutes
œuvres de longue haleine écrites avec orchestre, et son trio pour
piano, violon et violoncelle.
Comme il s'est vu maintes fois qu'un poëte ou un artiste
arrive qui résume en lui le sens poétique d'un peuple ou d'une
époque, Chopin fut ce poêle pour son pays et pour l'époque où
il naquit. Il n'a pas voulu, a dit encore Franz Liszt, il n'a pas
cherché ce résultat, il ne se créa pas d'idéal à priori ; il com-
prit et chanta les amours et les larmes contemporaines sans les
analyser par avance. Il ne s'étudia pas à être un musicien na-
tional ; il est possible qu'il se fût étonné de s'entendre ainsi
appeler. Comme les vrais poètes nationaux, il chanta sans des-
sein arrêté, sans choix préconçu, ce que l'inspiration lui dictait
le plus spontanément , et c'est de la sorte que surgit dans ses
chants, sans soins et sans efforts, la forme la plus idéalisée
du génie national.
Chopin n'aimait pas, dans'les arts, ce qui pouvait ressembler
à de la rudesse ; — des génies de la trempe de Michel-Ange, de
Shakspeare , de Beethoven, n'allaient pas à sa nature ; il les trou-
vait violents. — A Schubert lui-même, il trouvait des aspérités.
Son idéal était Mozart. 11 aimait aussi beaucoup Ilurnmel, pour
sa pureté et l'élégance avec laquelle il écrivait ; mais Bach était
son livre sacré. On remarquait toujours sur le pupitre du piano
de Chopin un cahier de Bach, qu'il relisait dans les moments de
trêve que lui laissait sa triste santé.
Chopin termina ses études d'harmonie avec Joseph Elsner.
En 1830, nous le trouvons à Vienne, où il fait peu de sensation.
Chassé de Pologne par la révolution, il prend des passeports
pour Londres, passant par Paris; ce mot renfermait sa destinée.
Ce fut à Paris que désormais s'écoula sa vie. A son arrivée, il
donna plusieurs concerls dans lesquels il fut généralement ad-
miré. L'émigration polonaise, si riche en personnalités de la plus
haute distinction, lui fit l'accueil le plus empressé et le plus
affectueux. Devenu Parisien, Chopin ne cessa néanmoins d'avoir
des relations avec sa patrie absente. On en suit la trace dans les
nombreuses mélodies qui circulent encore sous son nom en Po-
logne , mélodies qu'il adaptait à certains chanls patriotiques de
son pays, et qu'il lui envoyait comme gages de son souvenir.
En 1836, il connut Mme Sand. Longtemps il avait évité,
retardé sa rencontre : il redoutait l'approche de ce génie inquiet
et tourmenté. Elle vint au-devant de lui. En 1837, Chopin, at-
teint déjà du mal qui devait le consumer, dut faire un voyage
dans le Midi. Mrac Sand l'accompagna pendant le séjour qu'il fit
à Mayorque, et ses soins affectueux contribuèrent puissamment
à le rendre à la vie. Le grand artiste conserva toujours un vif
souvenir de ce voyage ; son âme avait été fortement émue par
le spectacle de la nature, en même temps qu'elle s'était échauffée
au contact d'un puissant esprit. Bien d'admirables productions
datent de ce temps et de ce souvenir.
En 1840, le mal revint, et la santé de Chopin, à travers des
alternatives diverses, déclina constamment. De 1846 à 1847, il
ne marchait presque plus, ne vivait qu'à force de précautions
et de soins.
En 1847 eut lieu sa rupture avec Mme Sand; ce fut un déchi-
rement mortel auquel il ne devait pas survivre. 11 répétait sou-
vent que ce lien, en se brisant, avait brisé sa vie. Il en parlait
néanmoins sans aigreur et sans récriminations.
En 1848, il eut encore la force de faire un voyage à Lon-
dres, où il fut très-apprécié. Il joua à un concert donné pour
les Polonais, dernier signe d'amour envoyé à sa patrie. De re-
tour à Paris, le mal augmenta visiblement. Sa sœur, arrivée
de Varsovie à cette nouvelle, s'établit à son chevet et ne s'en
éloigna plus.
Le 17 octobre 1849, — fête de sainte Hedwige, patronne de
la Pologne, — il mourut entre les bras de ses amis. Bien n'est
plus dramatique que l'émouvant récit que fait Franz Liszt de
ses derniers moments :
« Le dimanche 15 octobre, des crises, plus douloureuses en-
core que les précédentes, durèrent plusieurs heures de suite.
Il les supportait avec patience et grande force d'âme. La com-
tesse Delphine Potocka, présente à cet instant, était vivement
émue, ses larmes coulaient ; il l'aperçut debout au pied de son
lit, grande, svelte, vêtue de blanc, ressemblant aux plus belles
figures d'ange qu'imagina jamais le plus pieux des peintres. Il
lui demanda de chanter : le piano du salon fut roulé jusqu'à
la porte de sa chambre et la comtesse chanta avec de vrais san-
glots dans la voix ; les pleurs ruisselaient le long de ses joues,
et jamais certes ce beau talent et cette voix admirable n'avaient
atteint une si pathétique expression. Chopin sembla moins souf-
frir pendant qu'il l'écoutait. Elle chanta le fameux cantique à la
Vierge, qui avait sauvé la vie, dit-on, a Stradella. « Que c'est
beau! mon Dieu, que c'est beau! dit-il ; encore .. encore!»
La comtesse se remit au piano, et chanta un psaume de Mar-
cello, Chopin se trouva plus mal, tout le monde fut saisi d'ef-
froi; par un mouvement spontané, tous se jetèrent à genoux;
personne n'osa parler, et l'on n'entendit plus que la voix delà
comtesse planant comme une céleste mélodie au-dessus des sou-
pirs et des sanglots qui en formaient le sourd et lugubre accom-
pagnement. La sœur de Chopin, prosternée près de son lit,
pleurait et priait.
« Pendant la nuit, l'état du malade empira : il fut mieux au
lundi matin, et demanda à recevoir les derniers sacrements.
Puis il fit approcher ses amis pour leur donner à chacun une
dernière bénédiction. Dans la nuit, il ne recouvra la parole que
pouf réciter à haute voix, en latin, les prières des agonisants.
A partir de ce moment, il tint sa tête constamment appuyée sur
l'épaule de M. Gutmann. Une convulsive somnolence dura jus-
qu'au 17 octobre 1849 : vers deux heures du malin, l'agonie
commença ; la sueur froide coulait abondamment de son front;
après un court assoupissement, il demanda d'une voix à peine
214
LE MÉNESTREL.
perceptible : — Qui est près de moi ? — Il pencha sa tète pour
baiser la main de M. Gutmann, qui le soutenait, et rendit
l'âme dans ce dernier témoignage d'amitié et de reconnais-
sance.'»
Nous trouvons aussi, dans une lettre de l'abbé Alexandre
Jelowicki, l'ami d'enfance de Chopin, qui accourut de Rome
pour l'assister dans ses derniers moments, des détails précis et
intéressants sur la fin toute chrétienne du grand artiste :
« Depuis longues années, écrivait M. l'abbé Jelowicki, la vie
de Chopin n'était à la lettre qu'un souffle. Evidemment son
corps frêle et débile ne suffisait pas à la force et à la vigueur
de son génie. On s'étonnait comment il pouvait vivre et agir
avec une si grande énergie. Son corps avait une transparence
vraiment diaphane ; ses yeux étaient presque toujours recouverts
d'un nuage du fond duquel il lançait de temps à autre les
éclairs de son regard. Doux, affable, pétillant d'esprit, et surtout
sensible, il avait l'air de ne plus appartenir a'ceUe terre ; malheu-
reusement il ne pensait pas encore au ciel! Les enseignements de
la plus tendre et la plus pieuse mère n'étaient plus pour lui qu'un
souvenir de tendresse filiale: C'est dans cet état moral qu'est ve-
nue le surprendre la maladie de poitrine qui devait bientôt nous
le ravir. J'accourus tout palpitant pour embrasser cet ami d'en-
fance, dont l'âme m'était infiniment plus chère que l'amitié et le
talent. 11 m'embrassa tendrement et les larmes aux yeux, pen-
sant à ma douleur et non à la sienne, donnant un souvenir à
mon pauvre frère que je venais de perdre, mort en martyr
de la liberté, fusillé à Vienne le 10 novembre 1848.
« Je profitai de sa tendresse pour lui parler de son âme.
J'avais éveillé dans son cœur le souvenir de sa piélé d'enfance
et de sa mère chérie. « Je me confesserai à vous, si vous le vou-
lez, parce que je vous aime et que je ne veux point faire de
peine à ma mère. »
Plus tard l'esprit de Chopin, éclairé par la sainte amitié de
l'abbé Jelowicki, se confondit en paroles les plus touchantes,
en expressions d'amour et de reconnaissance envers Dieu. « Sa
foi était ressuscitée, écrit M. l'abbé Jelowicki ; il reçut les sacre-
ments avec une piété indicible. Ce n'étaient que des extases de
joie au milieu des plus vives souffrances.
« Il bénissait ses amis, et lorsque, revenu d'une crise qui
semblait être la dernière, il se vit entouré de la multitude de
tous ceux qui nuit et jour remplissaient ses salons, il me dit :
— Pourquoi ne prient-ils pas? — A ces mots tous se jetèrent à
genoux, et les protestants eux-mêmes répondaient aux litanies
des saints.
a Une autre fois il disait : — Oh! la belle science, science de
faire souffrir plus longtemps 1 Si c'était pour me redonner la
force, pour me rendre propre à quelque bien, à quelque sacri-
fice ; mais prolonger ma vie pour l'impuissance, pour les an-
goisses et le tourment de ceux qui m'aiment! oh! la belle
science !
« Enfin Chopin, toujours si exquis, si fin dans son langage,
pour m' exprimer toute sa reconnaissance, se prit à me dire,
dans des termes que je ne puis traduire fidèlement : « Sans vous,
je serais mort comme la première bête venue. » Puis il baisa
le crucifix , en s' écriant : « Me voilà donc a la source du
bonheur 1 »
La prédilection de Chopin pour les fleurs étant bien connue,
le lendemain il en fut apporté une telle quantité , que le lit et
la chambre entière disparurent sous leurs couleurs variées.
Ses obsèques eurent lieu le 30 octobre 1849, à la Madeleine,
où Lefébure fit résonner sur l'orgue les préludes élégiaques du
musicien-poëte, dont la marche funèbre fut orchestrée pour la
triste circonstance, par Henri Reber. On y dit le Requiem de
Mozart, et Lablache chanta le Tuba mirum, qu'il avait déjà
chanté en 1827 aux funérailles de Beethoven.
Chopin repose au cimetière du Père-Lachaise, entre Bellini
et Cherubini, conformément à un souhait qu'il avait exprimé
durant sa vie (1).
H. Barbedette.
( La suite au prochain numéro.)
NOUVELLES DIVERSES.
— Le mercredi de l'autre semaine, sur la présentation de M. et de
Mme de Metternich, Franz Liszt a eu l'honneur de dîner au palais des
Tuileries, par invitation de l'Empereur. Dans la soirée, le grand pianiste
s'est mis au piano. S. M. l'Impératrice, le cœur toujours en deuil, ayant
désiré entendre la Marche funèbre de Chopin, Liszt a exécuté pe navrant
chef-d' œuvre. L'Impératrice, dit-on, suffoquée par les larmes, a dû se
retirer.
— Une grande soirée musicale et dramatique a eu lieu chez M. le mi-
nistre d'État. On a joué les deux premiers actes du Misanthrope , avec
Samson (Oronte) , Geffroy (Alceste), Mme Arnould-Plessy (Célimène),
Mlle Fix (Eliante), etc. Les artistes jouaient de plain-pied avec l'auditoire,
au fond du magnifique salon Louis XIV, dont la décoration encadrait à
merveille et la comédie et les costumes. Liszt a improvisé deux variations ;
il a aussi accompagné le Roi des Aulnes de Schubert, que Mmc Pauline
Viardot a dit avec un profond sentiment de la légende. La grande artiste a
chanté en outre, s'accompagnant elle-même au piano, quelques-uns de ces
beaux airs espagnols qu'on ne se lasse pas d'entendre. Puis, pour le con-
traste, elle a passé à la tendre et plaintive musique de Bellini ; elle a redit
l'air final de la Sonnambula. On s'entretenait dans les salons de S. Exe.
le ministre d'État du retour définitif de Mme Pauline Viardot à l'Opéra.
Cette rentrée s'effectuerait par V Alceste de Gluck, dont les répétitions vont
commencer. C'est aujourd'hui un fait officiel.
— Si la représentation au bénéfice de la petite-fille de Rameau a été
peu fructueuse, en revanche celle de Mme Pauline Viardot n'a rien laissé
à désirer. La recette a égalé le succès du programme tout entier. Duprez
y a tenu une belle et grande place dans Othello , aussi a-t-il été l'objet
d'une ovation toute spéciale. Sa voix n'a pas failli un seul instant. Il est
vrai qu'avant d'entrer en scène, en descendant de sa loge, le célèbre ténor
avisa une fenêtre, puis un toit, et fit très-spirituellement sa petite invo-
cation au dieu des chats.... qui lui en a prouvé toute sa reconnaissance.
— On écrit de Prague que le Faust, de Gounod, sera monté sur le théâtre
de cette ville avec une splendide mise en scène. L'œuvre doit être repré-
sentée dans les premiers jours de l'automne.
— Trois mille chanteurs se sont fait inscrire jusqu'à ce jour pour le
grand festival de Nuremberg. Une dépulation spéciale se rendra à Munich
pour inviter le roi et la reine de Bavière à prendre part à cette fête musi-
cale. — La Transylvanie déléguera également ses sociétés de chant.
— Nous empruntons au Journal de Francfort quelques éphémérides
mnsicales du mois de mai :
Le 3 mai. Mort de Paër, à Paris 1839
6. Mort de l'abbé Vogler, à Darmstadt 1814
7. Mort de Piccini, à Passy 1800
9. Naissance de Paisiello , à Tarente 1741
10. Mortde Gavaudan 1840
12. Mort de Salieri 1825
13. Naissance de Mlle Sontag , à Coblentz 1805
15. Mort du compositeur Zeller 1832
(1| Voyez, pour la biographie de Chopin, les belles pages de Franz
Liszt : Chopin, pages 131 à 200.
NOUVELLES ET ANNONCES.
215
23. Naissance de Viotti 1753
27. Mort de Paganini , à Nice 1840
28. Mort de Reicha 1836
31. Mort de Haydn, à Vienne 1809
— Les correspondances de Bade nous transmettent la liste de l'imposant
personnel engagé pour cette saison par M. Bénazet. On en jugera par la
nomenclature que voici : Brèssant, Faure, Graziani, Montaubry, Sainte-
Foy, Lagrange, Lafont, Prilleux, Berton, Régnier, Sivorï, Vieuxtemps,
Emile Prudent, Laub, Herman, Sigbicelli, J. Dupuis, J. Lefort, Balanqué,
Batta, Nathan, Cossmann, Jael, Réitérer, Arban,Jourdan, Grillon, Renard,
Servais, Lebouc, Grodvolle, Wuille, Steenbruggen , Oudshorn, Rucquoy.
— Mmes Carvalho, Battu, Marimon, Baretti, Monrose, Borghèse, de la Pom-
meraye, Tilmant, Amélie et Marie Faivre, Escudier-Kastner, Devaneay,
Octavie Caussemille, Amélie Bido, de Froidefond, Maria Boulay, Béren-
gère, Defodon, Jouassain, Lagrange, etc., etc.
— Rien de certain encore, à Londres, sur la réouverture du théâtre de
Sa Majesté, que M. Smith a laissé en souffrance. En revanche, on annonce
l'ouverture d'un autre théâtre italien au Lyceum. Mmes Alboni, Gassier,
Titiens, MM. Gassier et Giuglini, feraient partie de la troupe.
Le nouveau théâtre italien de Londres ouvrirait avec il Trovatore,
le 8 juin. MM. Mario, Gassier, MmB Alboni, MUe Titiens en seraient les
interprètes. Le baryton Délie Sedie, que ses beaux succès de concert ont
fait engager, débuterait par le comte de Luna.
— La compagnie nouvelle du théâtre français à Londres, sous la direc-
tion de M. Lambert Dennery , a ouvert le 20 de ce mois les portes de
Saint-James. La représentation était composée du Voyage de M. Perri-
ckon et du Serment d'Horace. Geoffroy etMlle Théric ont eu les honneurs
de cette soirée d'inauguration.
— Mme Csillag, qui fait en ce moment partie de la troupe du théâtre
italien de Covent-Garden, à Londres, a été engagée au théâtre de la Scala,
de Milan, pour le carnaval prochain.
— Les journaux italiens nous apprennent que la nomination de M. San-
guinetti, comme directeur des théâtres royaux de Naples, n'a pas été
acceptée.
— Le théâtre italien de Moscou complète sa troupe en ce moment. On
cite parmi les artistes engagés : Mme Gassier et Mlle F. Ricci, soprani ;
MM. Neri-Baraldi, Agnesti, tenori; MM. Gassier etVialetti, basso can-
tante et basso; M. Frizzi, basso comico. Ce dernier chanteur vient du
théâtre italien de Berlin, où il partageait avec M. Délie Sedie la faveur du
public.
— Fraschini, le ténor de Madrid, a signé un engagement pour la saison
prochaine avec la direction du théâtre San-Carlo, à Lisbonne.
— Les grandes ovations théâtrales, compliquées de couronnes monstres,
de massifs de fleurs, de projections de bijoux, de vol de pigeons, viennent de
s'enrichir d'un nouvel élément emprunté à la photographie, cette fièvre du
jour. On écrit de Lisbonne : «M1Ie Fritsche, originaire de Vienne, est engagée
sous le nom doFricci au théàtrede cette ville, où elle obtient degrands succès.
A la représentation à son bénéfice, qui eut lieu dernièrement, elle a été
l'objet d'une ovation : suivant la coutume du pays, on lâcha des pigeons
dans la salle et l'on distribua le portrait photographié de la prima donna
dans les loges. Après la représentation, elle retourna chez elle dans une
voiture de la cour, accompagnée de deux corps de musique. » — Conve-
nons que les succès de la salle Ventadour et de la rue Lepelletier sont
bien froids à côté de ces démonstrations. Chez nous, on entend quelque-
fois des merles dans la salle , mais on n'a pas encore vu lâcher le moindre
pigeon.
— On sait que le compositeur allemand, M. Marschner, qui réside à
Paris depuis l'hiver dernier, a écrit la musique de l'opéra le Vampire, qui
a obtenu un grand succès en Allemagne. Or, un auteur belge s'était avisé
d'ajouter des récitatifs à cette œuvre, et un éditeur parisien acquit de cet
auteur, il y a plusieurs années, le manuscrit ainsi modifié et grava la par-
tition. Marschner, ayant eu connaissance de ce fait, a intenté un procès et
réclamé la destruction de la partition ainsi défigurée. Le tribunal de pre-
mière instance lui a donné gain de cause, en condamnant l'éditeur à la
suppression des récitatifs ajoutés et à 500 francs de dommages-intérêts.
Ce dernier a. interjeté appel du jugement.
— Lyon. L'inauguration solennelle de l'orgue de l'église Saint-Bona-
venture, reconstruit entièrement par les habiles facteurs Merklin-Schùtze,
de Paris et de Bruxelles, aura lieu lundi prochain 3 juin. M. l'abbé S. Ney-
rat, maître de chapelle et organiste de la paroisse, M. C. Widor, organiste
de Saint-François-de-Sales, et M. Edouard Batiste, professeur au Conser-
vatoire impérial de musique à Paris et organiste de Saint-Eustache, feront
entendre l'instrument. Entre les différentes pièces d'orgue, la maîtrise de
Saint-Bonaventure exécutera divers morceaux.
— Une solennité musicale du plus vif intérêt a eu lieu mercredi der-
nier en l'église Saint-Denis-du-Saint-Sacrement. Grâce aux privilèges du
mois de Marie, deux femmes du monde ont interprété avec un de nos
maîtres dans l'art de chanter un 0 Salutaris de M. Auguste Durand. Cette
œuvre nouvelle de l'habile organiste de Saint-Roch n'est pas seulement
un trio d'une excellente facture , c'est encore et surtout une mélodieuse
prière d'une expression vraie, élégante même dans sa sévérité relative.
— On nous écrit de Boulogne-sur-Mer : « A l'occasion de la fête de la
Pentecôte, a été exécutée, pour la deuxième fois, dans l'église de Saint-
Nicolas, par la maîtrise de cette paroisse et l'orphéon de notre ville, diri-
gés par M. Alex. Guilmant, la messe .Eterna Christi mimera, de Palestrina.
L'exécution de cette belle œuvre a répondu à ce que nous attendions
du talent éprouvé de notre jeune maître de chapelle : de la précision et de
la fermeté dans les attaques, beaucoup d'ensemble et surtout une intelli-
gente observation de nuances. Nous ne pouvons qu'encourager M. Alex.
Guilmant à continuer de nous initier aux beaux morceaux religieux des
grands siècles.
— Samedi soir a eu lieu à Boulogne-sur-Mer le concert des orphéo-
nistes sous la direction de M. Girard. Les chœurs ont été exécutés, comme
toujours, avec un ensemble parfait. MM. Edmond Guion, Muller, Viollet,
Calandini et Adrien, défrayaient la partie instrumentale et vocale. Plu-
sieurs morceaux ont été bissés , entre autres la Berceuse de Reber, par
M. Viollet, et la marche intitulée Victoire, exécutée par l'auteur, M. Ed-
mond Guion.
— L'Association des Artistes musiciens se réunira le jeudi 6 juin, à
midi précis, dans la salle des concerts du Conservatoire impérial de Musi-
que, pour y entendre le rapport des travaux de l'année, et procéder au
renouvellement des membres sortants du Comité.
— Tous les jours, de cinq à six heures du soir, dans le jardin du Palais
des Tuileries, le dimanche excepté, musique d'harmonie par les orchestres
des régiments de la garde impériale stationnés à Paris. Avis aux prome-
neurs et aux dilettantes.
— La vogue du Concert des Champs-Elysées prend des proportions
fabuleuses. Toute la haute société, ce qu'on peut appeler le beau monde,
vient chaque soir jouir de cette musique si délicieusement exécutée. Tous
les instrumentistes sont des artistes hors ligne, qui possèdent le senti-
ment des grandes compositions. Les solistes, qui sont tour à tour mis en
évidence, se font écouter et applaudir avec enthousiasme. Le nouveau
cornet à pistons, M. Duhem , surpasse tout ce qu'on a entendu jusqu'à
présent. C'est Musard qui conduit l'orchestre , et M. de Besselièvre ne
pouvait engager un chef d'orchestre plus capable.
NÉCROLOGIE.
— L'art musical vient de perdre un violoniste distingué, qui résidait à
Lyon depuis longues années. C'est Louis Baumann. Né à Lille en 1789,
Baumann avait d'abord été soldat. En 1815 il entra dans la classe de Baillot,
et en 1818 il obtin^le premier prix de violon. C'est alors qu'il vint se
fixer à Lyon, qu'il n'a plus quitté jusqu'au jour de sa mort. Condisciple et
ami de Girard, de Robberechts, nul plus que lui ne conservait religieuse-
ment la tradition du maître ; il a écrit pour son instrument un concerto
dédié à Baillot, et des études remarquables.
— M. Alphonse Massart, qui avait longtemps fait partie de l'orchestre
de l'Opéra-Comique en qualité de premier cor, est mort ces jours-ci à
Paris, âgé de 38 ans. Il était cousin de M. Massart, notre habile professeur
de violon au Conservatoire.
— Les correspondances de Boulogne-sur-Mer nous annoncent aussi
un événement qui a eu son douloureux écho à Paris. L'excellent et hono-
rable professeur de musique Godefroid, frère de notre célèbre harpiste, a
été frappé d'une'congestion cérébrale qui l'a enlevé en moins de quelques
heures à sa famille et aux nombreux amis qu'il avait su se faire depuis lon-
gues années dans la ville de Boulogne, où_il jouissait de l'estime générale.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frères, rue Jean-Jacques Ro
EN VENTE AU MENESTREL, 2 bis, RUE YIVIENNE.
J. OFFENBACH.
Le Financier et le Savetier. .
te 66
La Bonne d'enfant
Les Trois Baisers du Diable.
Croqueffer
La Demoiselle en loterie
Dragonnette
Le Mariage aux lanternes. . .
La Chatte métamorphosée . .
PARTITIONS IN-8°, PIANO ET CHANT
Orpliée aux Enfers 8
Un .lia ri à la porte 5
Geneviève «le Brabant 8
Chanson de Fortunio 7
A. VARNEY
Polka des Sabots 5
ERNEST L'ÉPINE.
Croquignolc XXXVI S
LÉO DELIBES.
Six Demoiselles à marier 5
GUSTAVE HECQUET.
Clarinette et Gros-Réné
EMILE JONAS.
Les Petits prodiges 5
CH. LAFORESTRIE.
Simonne g
PAULINE THYS.
La Pomme de Turquie S
DE SAINT-RÉIYIY.
Le Mari sans le savoir g
MORCEAUX DÉTACHÉS AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
LE FINANCIER ET LE SAVETIER.
Ronde.
N° 1, en feuille...
N° 2, en morceau.
Tyrolienne. N° 1, à une voix 2 50
N° 2, à deux voix 4 50
LES TROIS BAISERS DU DIABLE.
Couplets. N° 1. Quand les amoureux 2 50
N° 2. Ah! si j'étais 2 50
Duo bouffe. N° 3. Une Oie! 7 50
Couplets. N° 4. Ça reluit 3 »
N° 5. Chanson à boire 3 »
GENEVIEVE DE BRABANT.
1. Ronde de Mathieu-Laensberg 4 50
2. Cocorico, couplets de la Poule 2 50
3. Couplets de la fdle à Matliurin, 1 et 2.. . . 2 50
4. Ballade du Cœur perdu, 1-2 2 50
5. Boléro de Charles-Martel 2 50
6. Quatuor de la Fanfare 2 50
7. Chanson de l'Enfant ,1-2 2 50
8. Ronde des Jeux 5 »
9. Couplets du retour de la Palestine 2 50
Livret, texte seul » 50
CROQUEFER
Ballade de Croquefer 2 50
Galop. Le bal de l'Opéra, à une voix 2 50
d» à deux voix 3 75
LE MARIAGE AUX LANTERNES.
Chanson à boire 2 50
LA CHATTE METAMORPHOSEE
Couplets de Miaou. N° 1. en feuille 2 50
D° N° 2. en morceau 3 75
CROQUIGNOLE XXXVI.
Ronde du pont de Nantes , 1 et 2
Rondo du magicien Tarabisco
2 50
2 50
CARNAVAL DES REVUES.
Tyrolienne de l'Avenir, 1 et 2
LA CHANSON DE FORTUNIO.
N° 1. Prenez garde à vous, couplets
2 et 2 bis. Chanson à boire
3. Couplets du petit clerc
4. Ronde des clercs ,
5. Valse des clercs , à 2 voix
5 bis-. La même à une voix
6. Duo et chanson de Fortunio
6 bis et 6 ter. Chanson de Fortunio
2 50
2 50
2 50
2 50
4 50
3 75
6 »
2 50
N° 1.
2
3^
4
5.
6
ORPHÉE AUX ENFERS.
Couplets du berger joli
Duo du concerto
Chanson pastorale
Évocation à la mort
Duettino de l'Honneur et de l'Amour.
Couplets de Cupidon et de Vénus
Bonde de Diane et Acléon
Chœur de la révolte
Couplets à Jupin
Final, choeur et galop
Couplets du roi de Béotie
Duo de la Mouche
Chœur infernal
Hymne à Bacchus
LE MARI SANS LE SAVOIR
Le Bal, valse chantée
Chanson nègre
UN MARI A LA PORTE.
Valse tyrolienne, 1 et 2
Couplets. Tu l'as voulu, Georges Dandin. .
LES PETITS PRODIGES.
Couplets. Tur lu tu tu
Valse de la basse-cour ,
LA DEMOISELLE EN LOTERIE.
Chanson bohémiana
MORCEAUX, VALSES, POLKAS, MAZURKAS ET QUADRILLES, POUR PIANO.
LE FINANCIER ET LE SAVETIER.
♦Strauss. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50'
Cari Merz. Mosaïque dansante
N° 1. Polka 2 50
N» 2. Valse 2 50
N° 3. Polka-Mazurka 2 50
LE 66.
Salomon. Valse-Tyrolienne 4 50
LES TROIS BAISERS DU DIABLE.
*Musard. Quadrille 4 50
CROQUEFER.
♦Strauss. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50
J. Ch. Hess. Mosaïque dansante [recueil) 4 50
N° 1. Valse 2 50
N° 2. Polka 2 50
N° 3. Galop 2 50
GENEVIÈVE DE BRABANT.
J-L. Battmann. Chanson de l'Enfant.. 5 »
♦Arban. Quadrille, un Bal chez Golo 4 50
♦Strauss. Id. 2 et 4 mains 4 50
♦ Id. Polka du départ, 2 et 4 mains. . 4 50
E. Desgranges. Polka des Jeux 4 50
Philippe Stutz. Cocorico, polka 4 50
L. Micheli. Polka-maz. des Baigneuses.. 4 50
♦Musard. Valse sur les couplets de l'Enfant. 5 »
Id. La même en feuille 2 50
LA DEMOISELLE EN LOTERIE.
♦Strauss. La Bohémiana. Polka 3 75
J.-L. Battmann. La Bohémiana, fan-
taisie-polka 4 50
DRAGONNETTE.
J. Ch. Hess. Valse 4 50
LE MARIAGE AUX LANTERNES.
♦Strauss. Quadrille, 2 et 4 mains 4 50
* Id. Polka 3 75
J.-L. Battmann. Mosaïque 5 »
LES SIX DEMOISELLES A MARIER.
♦Musard. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50
LES PETITS PRODIGES.
♦Strauss. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50
H. Valiquet. Quadrille facile 4 50
J. Offenbach. Valse de la basse-cour. . . 4 50
CROQUIGNOLLE XXXVI.
♦Strauss. Quadrille 4 50
♦ Arban. PolkasurlarondeduPontdeNantes 4 50
Philippe Stutz. Polka-mazurka sur la
ronde de Tarabisco 4 50
POLKA DES SABOTS.
♦Wagner. Quadrille 4 50
♦Strauss. Polka 4 50
ORPHÉE AUX ENFERS.
♦Strauss. 1er Quadrille à 2 et 4 mains. . . . 4 50
Adhémar de Foucault. 2° quadrille. 4 50
♦Arban. Quadrille '■ • • 4 50
♦Strauss. Polka , à 2 et 4 mains 4 50
♦Musard. Valse 5 »
A. Talexy. Polka-mazurka 5 »
H. Valiquet. Quadrille facile 4 50
J.-L. Battmann Fantaisie facile 5 »
A.Longueville.ChansonduroideBéotie 6 »
II. B ose lien. Fantaisie 6 »
F.-L. Schubert. Grand galop 4 50
A. Thadewaldt. Jupiter, polka 3 75
F. Brïssler. 2e grande valse 5 »
Ph. Stutz. JohnSiyx, polka-mazurka. .. 4 50
J.-L. Battmann. Menuet et galop 5 "
UN MARI A LA PORTE.
♦Musard. Valse-tyrolienne
J. Offenbach. Valse de l'ouverture
MARINETTE ET GROSRÉNÉ.
J. Ch. Hess. Mazurka
2 50
5 »
2 50
2 50
4 50
3 »
2 50
2 50
2 50
4 50
2 50
4 50
2 50
2 50
4 50
5 »
5 »
LA POMME DE TURQUIE.
H. Valiquet. Rosette
CARNAVAL DES REVUES.
♦Musard. Quadrille , 2 et 4 mains 4 50
♦ Id. Polka-mazurka de l'Avenir 4 50
♦Offenbach. Polka des Timbres 4 50
.1.-8.. Battmann. Tyrolienne de l'Ave-
nir.
♦Offenbach. Symphonie de l'Avenir,
4 mains
LA CHANSON DE FORTUNIO.
J.-L. Battmann. Petite fantaisie variée.
F. Burgmuller. Valse de salon
La même à 4 mains. .
d° en feuille. .
Paul Bernard. Transcription
A. Croisez. Morceau de salon
♦Strauss. Quadrille
Le même, à 4 mains
Ph. Stutz. Polka
LE MARI SANS LE SAVOIR.
♦Strauss. Le Bal, valse
5 »
7 50
7 50
2 50
6 »
6 »
4 50
4 50
4 50
Quadrille.
6 »
4 50
H. Valiquet. Concerts des Bouffes-Pari-
siens, 18 petites fantaisies, chacune
N. B. Les Morceaux marqués d'une ♦ sont publiés pour orchestre et septuor.
769. — 28e Année.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 9 Juiu
1861.
3~a^.5~5^
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
, Rédactren chef.
LES BUREAUX , S bis, rue Yivienne. — HEUGEL et C'% éditeurs.
(Aux Magasins et Abonnement <Ic Musique <■■■ MÉNESTREL. — Tente et location de Pianos et Orgues.)
er Mode d' 'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; 2G morceaux:
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine; 2 Albums-
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Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du le' de chaque mois. — L'année commence du l«r décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser/i'anco
un bon sur la poste, à MM. IIEITGEI, et os, éditeurs du Ménestrel et delà Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau* 8. — 3d78
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. Méhul et ses œuvres : bibliographie. Dense-Baron. — 1T. Semaine théâtrale.
J. Lovy. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Chopin et ses œuvTes
(2e article). H. Barreuette. — IV. Festival rhénan. — V. Un quatuor d'amateurs
(1« article). J. d'Ortieue. — VI. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
COMIRE
ou le Nouvel Ami «les Enfants ,
Paroles de Frédéric de Courcï , musique d'HENRi Potier. — Suivra
immédiatement après : la Danse macabre , paroles d'ARMANT Livrât ,
musique de E. Lomhard.
PIANO:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
LES E9IERAUDES,
Polka de L. de Pitray. — Suivra immédiatement après: la Valse de
F. Chopin, Op. 64, N° 1 , dédiée à Mmo la Csse Potocka.
MÉHUL ET SES (EUVRES.
BIBLIOGRAPHIE.
Pour compléter l'intéressant travail de M. P. -A. Vieillard sur
Méhul et ses œuvres, nous empruntons à la nouvelle Biographie
générale de MM. Firmin Didot, la liste complète et par ordre
chronologique, des ouvrages que Méhul a fait représenter au
théâtre. Nos lecteurs pourront ainsi, d'un seul coup d'œil, em-
brasser les titres de noblesse de l'un des plus illustres et dignes
chefs de l'école française lyrique. Ce résumé est dû aux recher-
ches de M. Denne-Baron, qui termine en ce moment une bio-
graphie complète de l'illustre maître Cherubini , destinée aux
lecteurs du Ménestrel.
***
Euphrosine et Coradin, trois actes, à l'Opéra-Comique (1790) .
Cora, quatre actes, à l'Opéra (1791). — Slratonice, un acte, à
l'Opéra-Comique (1792). — Le Jugement de Paris, ballet en
trois actes, à l'Opéra (1793). — Le jeune Sage et le vieux Fou,
un acte, à l'Opéra-Comique (1793). — Eoratius Coclès , un
acte, à l'Opéra (1794). — Phrosine et Mélidor, trois actes, à
l'Opéra-Comique (1794). — Ouverture et chœurs de Timoléon,
tragédie fleChénier, représentée au Théâtre-Français (1794).
— La Caverne, trois actes, à l'Opéra-Comique (1795) . — Doria,
trois actes, au môme théâtre (1796). — Le Jeune Henri, deux
actes, idem (1797), — Le Pont de Lodi, opéra de circonstance
(1797). — La Toupie et le Papillon, au théâtre Montansier
(1797). — Adrien, trois actes, à l'Opéra (1799). — Ariodant,
trois actes, à l'Opéra-Comique (1799). — Bion, un acte, au
même théâtre (1800). — Êpicure, un acte, idem (1800), en
collaboration avec Cherubini. — La Dansomanie, ballet en deux
actes, à l'Opéra (1800). — LIrato, un acte, k l'Opéra-Comique
(1801). — Le Trésor supposé, un acte, idem (1802). — Joanna,
deux actes, idem (1802). — L'Heureux malgré lui, un acte,
idem (1802). — Une Folie, un acte, idem (1803). — Héléna,
trois actes, idem (1803). — Le Baiser et la Quittance, idem
(1803), en société avec Kreutzer, Boiëldieu et Nicolo. — Les
Hussites, mélodrame représenté au théâtre de la Porte-Saint-
Martin (1804). — Gabrielle d'Estrée, à l'Opéra-Comique (1806).
— Les Deux Aveugles de Tolède, un acte, idem (1806). —
Uthal, un acte, idem (1806). — Joseph, trois actes, idem (1807).
— Persée et Andromède, ballet, à l'Opéra (1810). — Les Ama-
zones, trois actes, au même théâtre (1811). — Le Prince trou-
oadour, un acte, à l'Opéra-Comique (1813). — L'Oriflamme ,
pièce de circonstance, à l'Opéra (1814), en collaboration avec
Berton, Kreutzer et Paër. — La Journée aux Aventures, trois
actes, à l'Opéra-Comique (1816). — Valenline de Milan, trois
actes, ouvrage terminé par M. Daussoigne, et représenté au
même théâtre en 1822, cinq ans après la mort de Méhul.
Quatre autres ouvrages, reçus à l'Opéra, n'ont pas été repré-
218
LE MÉNESTREL.
sentes, ce sont : Hypsile (1787), Armenius (1794), Scipion
(1795), et Tancrède et Clorinde.
Méhul a laissé aussi en manuscrit les partitions des opéras
de Sésostris et à'Agar, ainsi que l'ouverture, les entr'actes et
les chœurs d'une tragédie d'OEdipe-Roi.
Ce compositeur a écrit en outre une multitude d'hymnes, de
cantates et de chants patriotiques pour les fêtes républicaines ,
entre autres le Chant du Départ, le Chant de Victoire, le Chant
du Retour, la Chanson de Roland, pour la pièce de circons-
tance intitulée Guillaume le Conquérant, jouée au Théâtre-
Français, en 1804, et une grande canlale, avec orchestre, pour
Pinaugur&tion-de la-statue de Napoléon dans la salle des séances
publiques de l'Institut.
On a aussi de lui six symphonies qui ont été exécutées dans
les exercices du Conservatoire, et plusieurs sonates de piano. On
trouve des leçons de lui dans le solfège du Conservatoire.
Cet artiste célèbre a lu à l'Institut deux rapports dont il était
l'auteur, l'un Sur l'État futur de la musique en France, l'autre
Sur les Travaux des élèves du Conservatoire, à Rome. Ces
deux rapports ont paru dans le Magasin encyclopédique, tome V,
Paris, 1808.
DlEUDONNÉ DëNNE-RaRON.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Non-seulement les répétitions de YAlceste à I'Opéra auront
le concours de M. Berlioz, ainsi que nous l'avons annoncé,
mais elles seront également suivies par M. Auber, qui, dans sa
jeunesse, a très-souvent entendu ce chef-d'œuvre de Gluck.
Notre éminent maestro français s'est offert gracieusement à indi-
quer tous les mouvements de la partition ; il en fera revivre les
traditions, dont il a conservé le souvenir. — Vendredi dernier,
l'Opéra a donné les deux actes du Comte Ory: depuis fort
longtemps on ne jouait que le premier acte de cet ouvrage, au
grand désappointement des admirateurs de Rossini. Les deux
ballets nouveaux, le Marché des Innocents et Graziosa, ont été
réunis dans cette soirée, une des plus complètes auxquelles nous
ayons assisté dans ces derniers temps. Cette combinaison de
spectacle alternera avec Herculanum. — 11 est question de l'en-
gagement de MUe Pocchini, danseuse italienne, inédite pour nous,
mais très- appréciée sur les principales scènes de l'Europe.
Le Théâtre -Français a célébré jeudi dernier le 255me
anniversaire de la naissance de Corneille. Le spectacle se com-
posait de Nicomède et de l'Illusion comique, comédie modifiée
et enrichie d'un fragment de Don Sanche d'Aragon. Ces chan-
gements ont été expliqués et justifiés par l'administrateur du
Théâtre-Français, M. Ed. Thierry, dans l'excellent article qu'il
a donné mardi dernier au Moniteur. Beauvallet, Mmcs Guyon,
Devoyod; MM. Gol, Delaunay et Mlle Fix, ont accompli leur
tâche avec une grande supériorité. Delaunay et Mllc Fix se sont
particulièrement distingués dans Don Sanche, et Got est étour-
dissant dans le capitan Matamore. Une cérémonie nouvelle
terminait la soirée : le doyen des sociétaires, M. Samson, a lu
l'éloge de Pierre Corneille prononcé par Racine, en qualité de
directeur de l'Académie, le jour de la réception de Thomas
Corneille. Cette lecture a été faite auprès du buste couronné du
grand tragique, et au milieu de tous les artistes du théâtre.
M™0 Rislori donne depuis plusieurs jours des représentations
salle "Venladour. La grande tragédienne passe en revue son ré-
pertoire italien, dans l'idiome natal, qui ne lui fait craindre
aucune concurrence. Jeudi dernier, l'affiche annonçait Medea;
mais à la nouvelle de la mort de M. de Cavour, Mme Ristori a
demandé au ministre d'État l'autorisation de ne pas jouer, et le
théâtre, s'associant au deuil de l'Italie, a fait relâche.
L'Opéra-Comique a signalé sa semaine par deux événements:
la rentrée de Jourdan et le début de M"e Listchner. Après avoir
repris le'rôlede Lorédan d'Eaydée, qu'il avait déjà chanté l'an
dernier, Jourdan est venu aborder le personnage d'Olivier d'En-
tragues dans les Mousquetaires de la Reine. Le chaleureux té-
nor a reçu l'accueil le plus sympathique, et il s'en est montré
digne sous bien des rapports. M"e Lischtner, premier prix de
chant de 1859, a déjà fait ses preuves au grand théâtre de Mar-
seille. Le rôle d'Athénaïs, des Mousquetaires, lui a valu des
bravos. Une voix étoffée, un timbre pur dans le registre aigu,
une bonne vocalisation, telles sont les qualités de la jeune débu-
tante, en attendant celles que l'étude de son art et l'expérience
du théâtre pourront lui faire acquérir. M"e Belia, qui progresse
constamment, a parfaitement réussi dans le personnage de Ber-
the de Simiane, nonobstant le souvenir de ses devancières,
MmesDarcier, Lefebvre, etc. — Barrielle, et surtout Ponchard,
qui s'est fait particulièrement applaudir, complétaient le succès
de cette reprise, qui promet et réalise déjà de fructueuses re-
cettes.— Enregistrons aussi, pour mémoire, l'apparition d'un
débutant, M. Simon, dans le rôle de Max, du Chalet, — petit
événement de l'autre semaine.
Le Vaudeville nous a donné une comédie en trois actes,
intitulée : Onze jours de siège. Un sujet neuf et piquant, des
situations délicates, sauvées avec beaucoup de tact, une action
vive et un dialogue naturel, voilà plus qu'il n'en faut pour as-
surer la réussite d'une œuvre. Les auteurs sont, l'un, M. Verne,
qui jouit déjà de quelque réputation; l'autre, M. Wallut, qui fait
ses premières armes : félicitons-les tous deux. Félix, Mlle Marie
Brindeau, Mlle Courtais, MM. Nertann, Munie, sont les princi-
paux interprètes. Félix emporte littéralement la pièce. •
Aux Variétés, la Tour de Ncsle à Ponl-à-M ousson, parodie
à six tableaux, excite la plus vive hilarité. M"e Alphonsine,
cette comédienne fantaisiste, est l'héroïne de la soirée; ce qui
n'empêche pas Christian, ce sosie de Mélingue, et Charles Po-
tier, l'excellent comédien, de récolter un franc et légitime
succès.
Au Palais-Royal, deux pièces nouvelles ont été fort bien ac-
cueillies : l'Ami des femmes (auteur M. Siraudin) est une agréa-
ble petite comédie, un peu dépaysée sur cette scène. Deux Nez
sur une piste, de MM. Marc Michel et Choller', se trouvent
parfaitement sur leur terrain. Ravel (qui est à la veille de se
rendre à Saint-Pétersbourg), fait les honneurs de ces deux pièces
avec sa verve habituelle.
Le nouveau drame de la Gaité, le Crétin de la montagne,
sans présenter des situations bien neuves ni une intrigue bien
compliquée, a été fort goûté du public de ce théâtre. Disons que
la pièce, en général bien jouée, donne à MUeClarence l'occasion
de montrer les qualités dramatiques qui la distinguent. Paulin
Ménier rend avec une touchante vérité le personnage d'un
idiot. Les applaudissements et les rappels n'ont pas manqué aux
artistes.
Le Théâtre féerique des Champs-Elysées a représenté deux
petits ouvrages : le Docteur Fronlin, opérette en un acte, pa-
MUSIQUE ET THÉATUES.
219
rôles de M. Marc Constantin, et los Conlrabandislas, bouffon-
nerie lyrique , paroles de M. E. Thierry. La musique de ces
deux ouvrages est de M. Nargeot , l'ex-chef d'orchestre du
théâtre des Variétés. Texte et musique, — l'un portant l'autre,
— ont délecté l'auditoire.
Le Docteur Frontin a fourni à M"e Désirée Andrieux une
nouvelle occasion de se faire applaudir et de mettre en relief
ses qualités de comédienne et de chanteuse. Un air surtout a
été dit par elle avec charme et esprit. Avant peu, MM. Beau-
mont et Réty pourraient bien se disputer cette nouvelle sou-
brette lyrique.
J.Lovv.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
F. CHOPIN ET SES ŒUVRES,
il.
Ainsi vécut, ainsi mourut Chopin. Sans doute, on doit re-
gretter le trépas prématuré de cet éminent arliste. Comme Schu-
bert, comme Bellini, il ne fournit qu'une courte carrière. Il fut
de bonne heure consumé par le feu intérieur qui faisait son
génie, et c'est surtout à lui qu'on peut appliquer les' vers de
Schiller, que nous citions au début de cette étude : « L'instru-
ment dont on tire les accords les plus hardis est celui qui se
brise le plus vite, et le feu du génie ne s'entretient qu'aux dépens
de la lampe de la vie. »
Mais il est à croire que si Chopin eût vécu, le cercle de ses
idées ne se fût pas élargi. Il était fermé depuis longtemps. Son
œuvre était complète quand il mourut, et sa mort si prompte,
sans laisser de regrets au point de vue des chefs-d'œuvre à venir
qu'il eût pu produire, ne fait qu'ajouter un charme poétique de
plus à cette touchante figure.
C'est que le génie de Chopin était depuis longtemps circons-
crit dans les limites étroites d'un seul et unique sentiment. Sa
lyre n'avait qu'une corde ; mais cette corde vibrait admirable-
ment. C'était celle de la mélancolie, mélancolie douce et triste
qui n'eût pas manqué de devenir monotone si, en même temps,
Chopin n'avait eu en lui un sentiment très-vif des choses de la
patrie. Ce ressouvenir était tout puissant. Quand Chopin s'y
plongeait, il le faisait avec une vivacité passionnée. Il invoquait
le souvenir de sa chère Pologne ; il la faisait revivre dans ses
chants, qui alors, par une transfiguration magique, devenaient
presque guerriers, épiques. Il se développait chez lui une sorte
de sensibilité nerveuse analogue à celle que l'on remarque chez
Weber.
« Le caractère saillant du génie de Chopin est donc une mé-
lancolie profonde, vivifiée parfois par le souvenir de l'amour
passionné de la patrie et de la race. »
C'est ce qui nous a fait dire, dans notre étude sur Beethoven,
que Chopin n'était qu'un genre.
Beethoven est une universalité. Son génie est complet; il ré-
pond à toutes les passions qui peuvent solliciter le cœur de
l'homme. La mélancolie n'est que passagère chez Beethoven ;
elle a son tour comme les autres affections de l'âme, dont pas
une n'est étrangère à cet immense génie pouvant dire avec le
poëte latin :
Homo sum, humani nil a me alienum puto.
La mélancolie de Beethoven va se noyer, à la fin de sa car-
rière, dans une immense aspiration vers l'idéal. Quant à l'idée
de patrie, elle n'existe guère pour lui ; sa musique est univer-
selle ; elle ne porte pas l'empreinte d'une race ni celle d'une
époque déterminée.
III (1).
La première publication de Chopin, avec orchestre, est l'air
varié de Mozart : La ci darem la mano. Notre admiration pour
cette œuvre n'est pas sans restrictions : elle abonde sans doute
en détails d'une finesse extrême , elle est habilement construite,
mais elle appartient à un genre stérile et faux ; elle rentre dans
le cadre trop uniforme des grands airs variés de piano, mor-
ceaux d'une infinie longueur, invariablement composés d'une
introduction adagio avec force broderies et points d'orgue, d'un
thème suivi de cinq ou six variations, plus ou moins de bra-
voure, ayant pour conclusion une ritournelle inévitable à grand
orchestre, puis un adagio reproduisant le même thème déna-
turé, alangui, noyé dans un tissu d'arpèges, enfin, comme
final, du même thème traité en mouvement de valse, de polo-
naise ou de galop. On sait quelle immense réputation s'était
acquis, dans ce genre, Henri Herz, qui en fut un des derniers
et plus dignes représentants.
Pendant longues années , les pianistes ne firent pas autre
chose : prendre une- mélodie, une cavatine, un air d'opéra quel-
conque, les varier suivant une formule convenue. Combien en
avons-nous vu , pendant toute leur vie, user des facultés pré-
cieuses à cette œuvre de patience qui consiste à disposer d'une
certaine façon des idées étrangères, et combien devons-nous
applaudir à la tendance prédominante enfin qui pousse les ar-
tistes à vivre.de leur propre fonds.
Chopin, heureusement, ne resta pas dans cette voie; à part
de jolies variations sur un air de Ludovic (2), variations qu'à
raison de leur simplicité, de leur facture sobre et élégante ,
nous préferons à celles de La ci darem, et qui sont pour piano
seul; à part ses morceaux sur des airs polonais, sur lesquels
nous reviendrons et qu'on ne peut guère appeler des airs variés,
Chopin ne chercha plus jamais ailleurs qu'en lui-même les
sources de son inspiration.
Nous arrivons à ses deux admirables concertos, l'un en mi,
l'autre en fa mineur. Les concertos de Chopin ne sont pas
symphoniques comme ceux de Beethoven et de Mendelssohn ;
l'orchestre n'y paraît en émule du piano que dans les tutti. Ces
tutti, il faut le dire aussi, sont développés et traités de main de
maître ; mais partout ailleurs que dans les tulti, l'orchestre ne
fait jamais qu'accompagner le piano, auquel il reste subordonné.
Le concerto en mi mineur est le plus goûté des artistes, celui
qu'on exécute le plus souvent : on y remarque des chants d'une
suavité enchanteresse. Rien de pareil n'avait été rêvé jusqu'alors:
ce ne sont pas de ces accents vigoureux qui saisissent et trans-
portent, ce n'est pas non plus une musique efféminée qui vous
endorme en vous berçant ; — ce sont des accents d'une origi-
nalité qui tient sans cesse en éveil ; le chant s'égare dans dos
(1) Op. 2. — Variations sur La ci darem la mano, avec orchestre , à
M. Titus Voyciechowski.
Op. 11. — Concerto en mi mineur, à Kalkbrenner.
Op. 12. — Concerto en fa mineur, à la comtesse Potocka.
Op. 13. — Fantaisie sur des airs polonais, à Pixis.
Op. 14. — Krakowiack, grand rondo de concert , à la princesse
Czartoryska.
Op. 22. — Grande Polonaise, à Mrae d'Est.
|2) Op. 12. — Variations sur Ludevic.
220
LE MÉNESTREL.
modulations étranges, inattendues, sans qu'il y ait rien de
heurté. On assiste à une suite de surprises délicieuses, et tou-
jours le maître revient sans effort au ton primitif. Quant au
trait de Chopin, il est bien a lui seul ; son génie d'invention, de
construction, est incroyable. Jamais il ne rentre dans les for-
mules convenues, c'est un enchevêtrement inouï, une trame
tissée de mille substances , des complications sans nom , et
cependant, chose étrange, toute cette complication apparente se
résout sans effort, l'oreille de l'auditeur ne perçoit qu'un résul-
tat parfaitement clair et limpide.
Et, en effet, le trait de Chopin a cela de particulier, qu'au
milieu de celte accumulation exubérante,, de ce réseau inextri-
cable en apparence, on ne tarde pas à discerner un ordre parfait,
une symétrie prodigieuse. Tout s'explique scientifiquement. Ce
n'est pas sans raison que, dans ces traits immenses , les deux
mains se poursuivent, se croisent au travers de méandres et de
sinuosités sans fin; tout a sa raison d'être, tout est logique et
régulièrement combiné.
Liszt a parfaitement fait ressortir ce caractère étrange et
pourtant scientifique de la musique de Chopin, lorsqu'il dit :
« Chez lui la hardiesse se justifie toujours ; la richesse, l'exu-
bérance même n'excluent pas la clarté ; — la singularité ne dé-
génère pas en bizarrerie ; — les ciselures ne sont pas désor-
données , et le luxe de l'ornementation ne surcharge pas
l'élégance des lignes principales. Ses ouvrages abondent en
combinaisons qui font époque dans le style musical. Elles dé-
guisent leur profondeur sous tant de charme, qu'il est difficile
de se soustraire à leur attrait , pour les apprécier froidement au
point de vue théorique. »
Ce n'est pas seulement dans le trait que Chopin a innové, il a
profondément modifié le tissu mélodique. — « C'est à lui, dit
encore Franz Liszt, que nous devons cette extension des accords
soit plaqués, soit en arpèges, soit en batterie, ces sinuosités chro-
matiques et enharmoniques, ces groupes de notes surajoutées ,
tombant comme des gouttelettes de rosée sur la figure mélodique,
ces admirables progressions harmoniques qui ont doté d'un
caractère sérieux môme ses pages les plus légères.
Un grand mérite qu'il faut encore reconnaître à Chopin , au
point de vue de l'exécution matérielle, c'est que sa musique est
parfaitement doigtée. La main se pose sans effort. Il y a tant de
symétrie dans la composition du trait, qu'une fois qu'on en a
saisi l'élément constitutif, le reste vient de soi, et comme à la
pureté, à l'élégance mécanique, vient se joindre un immense
intérêt artistique, on aime bien vite cette musique; on l'étudié,
on se passionne pour elle. Un pianiste exercé en pénètre vite le
le secret; et si, au mécanisme qui exécute, il joint la pensée qui
comprend et vivifie, il rendra Chopin d'une manière suffisante.
Le concerlo en mi mineur est dédié à Kalkbrenner, grand
pianiste, mais froid, qui, lui aussi, a laissé des concertos dignes
de lui survivre ; un surtout a de la valeur, le premier (en ré
mineur). Le chant principal de la première partie n'est pas sans
analogie avec le chant principal de la première partie du con-
certo de Chopin. C'est la seule ressemblance qu'il y ait entre les
deux œuvres et les deux artistes. L'un, compositeur habile,
mais pompeux, académique, alignait, avec la régularité d'un
géomètre, des périodes majestueuses, des traits d'une contex-
ture irréprochable. Sa musique faisait briller le pianiste, mais
ne produisait pas d'émotion. Chopin, au contraire, ne visait
jamais à l'effet ; aussi en l'entendant on oubliait le pianiste pour
se livrer tout entier à l'émotion puissante, irrésistible, qu'il
communiquait. Kalkbrenner manquait d'originalité; — il n'é-
tait, après tout, qu'une édition amoindrie de Hummel ; — Cho-
pin puisait tout en lui-même. L'émotion qu'il causait à son
auditoire, il commençait par l'éprouver. Son âme vibrait tout
d'abord, et les vibrations se communiquaient à l'âme de ses
auditeurs.
Parmi les maîtres du concerto, il en est un qui ressemble
assez à Chopin, c'est Field. Field avait une originalité très-
grande; il ne procédait de personne; il avait su trouver en lui-
même un foyer de douces émotions. Son talent était sympathique
comme celui de Chopin. Quand on passe des concertos de Kalk-
brenner à ceux de Field, on croit descendre d'un théâtre pom-
peusement paré d'ornements factices dans une fraîche prairie,
au bord d'un russeau limpide. Field ne s'élève jamais à de
grandes hauteurs, mais sa muse est si vraie, si simple, si dis-
crète, qu'on se prend vite à l'aimer.
Un grand homme excella aussi dans le concerto , Weber ;
mais celui-là ne connut jamais la douce mélancolie de Field et
de Chopin ; il n'eût de commun avec eux que la sincérité. Son
âme troublée, véhémente, se révèle dans ses trois admirables
concertos. C'est un torrent, une lave; nous ne connaissons rien
de plus émouvant que ces deux drames musicaux.
Revenons au concerto en mi de Chopin. Le caractère spécial
des deux- premières parties est une douce tristesse. Par une»
exception assez rare chez l'artiste polonais, le rondo final est
remarquable de gaieté et de brio. Songeons, après tout, que
Chopin n'a que vingt ans, et que son âme n'a pas encore été
brisée par la douleur.
Nous préférons le concerto en fa mineur, qui est beaucoup
moins célèbre. C'est la même suavité, la même abondance iné-
puisable de traits, de modulations. Mais le caractère national
commence à s'y dessiner plus nettement. Le final revêt déjà ce
cachet particulier de la race slave, tour à tour martial et mélan-
colique, rêveur et passionné. Quant à l'adagio, il est d'une
idéale perfection. Chopin aimait à le redire fréquemment. Les
dessins appartiennent à la plus belle manière de l'auteur, et
la phrase principale en est d'une largeur admirable ; elle al-
terne avec un récitatif qui pose le ton mineur et « en est l'an-
tistrophe. » (1) H. Barbedette.
( La suite au prochain numéro. )
FESTIVAL RHÉNAN.
Nous sommes en retard avec le trente-huitième festival des
provinces rhénanes qui a été célébré à Aix-la-Chapelle, confor-
mément au programme, les 19, 20 et 21 de ce mois. La messe
solennelle en ré, de Beethoven, exécutée le premier jour, a
reçu un accueil assez froid. Voici ce que dit à ce sujet un cor-
respondant de la Gazelle musicale :
« Celle messe de Beethoven, œuvre 128, est fort peu connue
en France : il est même plus exact de dire qu'elle ne l'est pas
du tout, à l'exception, peut-être, d'un très-petit nombre de per-
sonnes qui font une étude sérieuse des parlitions des maîtres;
car cet ouvrage immense, qui appartient à la dernière époque
des travaux du grand artiste, est absolument inapplicable au
service divin, et inexécutable dans une église. Son étendue dé-
mesurée, l'abus des cordes aiguës dans lesquelles sont jetées les
parties vocales, particulièrement le soprano, les écarts fréquents
de la pensée, en opposition formelle avec le sens des paroles
(1) Franz Liszt.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
221
liturgiques, enfin, le vague de cette pensée en plusieurs parties
de l'œuvre, et le caractère trop dramatique de quelques autres,
ne permettront jamais de donner à cette musique la destination
que le titre indique. On ne l'a point essayé jusqu'à ce jour,
quoique la première exécution de l'ouvrage, dans un concert
donné à Vienne au bénéfice de Beethoven, remonte au mois de
mai 1824, et que les partitions aient été publiées dans la même
année : on ne l'essaiera pas davantage dans l'avenir. Si l'on
veut l'entendre à Paris, il faudra considérer cette messe comme
un oratorio sur le texte de la messe, et en faire l'objet d'une
audition toute spéciale, ainsi qu'on le fait en Allemagne.
« Le grand succès du festival a été pour les deux autres jour-
nées. La symphonie de Jupiter (Mozart), le Josué de Haendel,
ont produit une vive impression ; et la troisième séance, espèce
de concert mêlé de grande musique et de solos, a dignement
couronné la fête.
« Le concerto de Schumann, exécuté par sa veuve avec autant
de clarté et de correction que d'aplomb imperturbable, a de la
réputation parmi les pianistes allemands de l'époque actuelle.
Il y a dans cette composition , comme dans la plupart des ou-
vrages de Schumann, une certaine rêverie mélancolique et
d'assez jolis effets d'instrumentation, mais l'ensemble est mono-
tone, et les traits de l'instrument principal manquent autant de
brillant que de variété.
« M. Krause, qui, ainsi que nous l'avons dit, appartient au
théâtre de Berlin, a régalé (!) l'auditoire d'un air des Nozze di
Figaro, d'abord en allemand, puis en italien [non piu andrai).
Si cet air n'avait pas été connu, on aurait pu croire que le chan-
teur avait à exprimer quelque chose d'analogue à la fureur, et
l'on ne se serait pas douté qu'il s'agissait de : Mon enfant,
plus de tendres fleurettes. Il est vrai que les paroles chantées
par M. Krause ne sont pas douces : Dort vergiss, leises Flehn,
susses Wimmern! Plein de courtoisie, l'auditoire a beaucoup
applaudi M. Krause de Berlin, et il en a été récompensé par
une seconde audition de l'air en italien. Le Benedictus de la
messe de Beethoven a terminé la première partie du concert.
La deuxième partie a eu pour ouverture le prélude et la fugue
pour orchestre de M. Lachner. Le thème du prélude n'est pas
heureux, mais la fugue est fort bien faite et bien instrumentée.
Le concerto pour violon de Beethoven, l'une des plus belles
créations de ce grand homme, joué par Joachim, a fait éprouver
aux artistes et au public une des plus vives et des plus délicieu-
ses impressions qui se puissent imaginer. »
M QUATUOR D'AMATEIRS.
Notre savant et spirituel secrétaire perpétuel de l'Académie,
M. F. Halévy, a fait connaître récemment à nos lecteurs, ce
qu'on entendait par musique de chambre.
Aujourd'hui, nous faisons place au quatuor patriarcal de
notre collaborateur J. d'Ortigue, anecdote musicale écrite spé-
cialement pour le journal des Jeunes Personnes (1).
On trouvera, dans ce petit tableau provençal, sous la forme
d'une conversation de famille , le sérieux mêlé au plaisant ,
et de la façon la plus naïve et la plus pittoresque à la fois.
« Je vous préviens, mesdemoiselles, que ma petite histoire
commence absolument comme un roman sombre et plein d'a-
il) Charmante publication dirigée par le spirituel auteur des Mémoires
d'une Poupée, M1'0 Julie Gouraud.
ventures fantastiques. Ce n'est pas ma faute, mais cela est ainsi.
Elle n'a pourtant rien d'effrayant, ma petite histoire.
***
Ce fut par une soirée froide et pluvieuse du mois de
décembre, le 24, veille de Noël, que le jeune Stéphen gravit la
côte escarpée du Luberon, au haut de laquelle est situé le vil-
lage d'Oppède. Sa marche était précipitée et saccadée, non-
seulement à cause d'une brume aiguë qui l'incommodait beau-
coup, mais parce que le voyageur touchait à un de ces moments
qu'on n'affronte pas sans quelque embarras. Use rendait chez le
comte de G***, conseiller à la cour d'Aix, où Stéphen était
étudiant de l'université. Le comte, plus âgé que lui de dix ans,
était très-fort son ami et un peu son mentor. La vue du comte
n'avait donc rien de gênant pour lui; mais Stéphen allait être
présenté à la comtesse de G***, mère de son ami, sans doute
une antique douairière, bien solennelle, bien arriérée, bien
froide, bien raide, et bien méticuleuse sur l'étiquette; donc il
avait l'inconnu devant soi. De plus, à ne vous rien cacher, il
avait derrière lui une mauvaise action. Oui, Stéphen, en partant,
avait désobéi à sa mère, ou plutôt, il l'avait quittée sans lui en
demander la permission. Quitter sa mère la veille de Noël ! une
fête où les membres d'une famille font jusqu'à des vingt lieues
pour se rapprocher et resserrer les liens de l'intimité ! C'était
bien mal à lui; aussi sa conscience était-elle un peu troublée.
Si Stéphen avait voyagé à cheval, on aurait pu dire de lui :
Le remords monte en croupe et galope avec lui ;
mais, pour le malheur de notre citation, Stéphen allait à pied.
Ce n'était pourtant pas par indifférence ni par sécheresse de
cœur que Stéphen avait déserté à la sourdine le logis maternel;
il avait reçu du comte la lettre suivante :
« Mon cher Stéphen,
« Bien que vous ayez juré de ne pas entendre de musique
hors de la ville d'Aix, où je conviens que l'on en fait de très-
bonne, vorls ne me refuserez pas de venir assister à notre col-
lation de la veille de Noël, dans mon village d'Oppède ; nous
chanterons des noëls de Saboly, suivant la tradition. Ma bonne
mère vous attend avec du nougat de sa façon et une castagnade
de nos délicieuses châtaignes du vallon de Maubec, et moi avec
une bouteille de Nerthe, très-passable.
« Votre bien dévoué,
« Comte de G***. »
Qu'auriez-vous fait, mesdemoiselles, à la place de Stéphen?
Il n'en est pas une de vous qui, à la réception de cette lettre, ne
l'eût montrée à sa mère, en lui disant : — Ma chère maman,
voilà le comte de G*** qui m'invite à aller passer la veille et
le jour de Noël chez lui , pour entendre et cœtera....
Quelque plaisir que j'eusse à rester auprès de vous pendant ces
fêtes, souffrez que cœtera, et cœtera.
La mère aurait bien fait quelques difficultés ; mais enfin elle
aurait cédé comme font ces pauvres mamans, qui se sacrifient à
chaque instant pour leurs scélérats d'enfants.
Or, c'était pour éviter ces difficultés et une petite contes-
tation entre sa mère et lui, que Stéphen s'était décidé à partir
sans la prévenir. Faiblesse! faiblesse de caractère! défaut, non
de franchise, mais d'humeur communicative ! C'est ainsi que,
pour épargner à sa mère un léger chagrin, Stéphen lui en cau-
sait un très-grand.
Pour être juste néanmoins, il faut dire que Stéphen, en quit-
LE MÉNESTREL.
tant le logis, avait laissé, à l'adresse de sa mère, un mot d'écrit
dans lequel il avait inséré la lettre du comte. C'est aussi le pro-
pre des caractères faibles de se contenter d'un moyen terme.
Mais il est temps de rejoindre Stéphen, qui, après avoir pié-
tiné dans les rues tortueuses du village, monté, descendu, pour
remonter encore, et revenu vingt fois sur ses pas, a pu, à force
de questionner les naturels de l'endroit, arriver au manoir du
comte. Dieu soit loué! s'écrie-t-il, et en même temps il donne
un vigoureux coup de sonnette. Une grande minute s'écoule:
personne ne répond. — Un second coup de sonnette, même si-
lence. Après le troisième coup, qu'il a prolongé de façon à se
démettre le poignet, il croit entendre le bruit d'une porte s'ouvrir
à l'intérieur ; il prête l'oreille, il entend des pas , bientôt la clarté
d'une lumière apparaît à travers les interstices de la porte. Plus
de doute ! on va ouvrir ; une voix du dedans, une voix de
femme, crie : quaou sias ? on dit: chi è ! en italien; en fran-
çais: qui est là? —Ami, répond Stéphen, — Sias beleou l'es-
trangier quesperoun aquest soir (vous êtes peut-être l'étranger
qu'on attend ce soir) ? Oui, ouvrez. — Vosle noun ? — Monsieur
Stéphen... Et la porte ne s'ouvre pas. — Espéras un moumen
(attendez un moment). Et la voix, la personne, la clarté dispa-
raissent.
Stéphen grelottait , se morfondait a cette porte redevenue
muette, d'autant mieux que la bruine de tout à l'heure s'était
transformée en une neige épaisse qui, chassée par une bise gla-
ciale, lui fouettait le visage. Il comprit cependant que la ser-
vante était allée porter son nom aux maîtres du logis pour bien
s'assurer qu'elle n'allait pas introduire un malfaiteur. Encore
une minute d'attente et quelle minute ! notre voyageur jurait,
pestait, maugréait; cependant il entend les pas, il revoit la
clarté. Es lenvous, moussu (c'est bien vous, monsieur) ? — Oui,
je suis Stéphen, ouvrez-moi. — Sias soulet; verai ! Vrai! vous
êtes seul? — Oui, je suis seul. — Alors, dit la servante en
se décidant à ouvrir, mais lentement et avec précaution, iniras
leou, dooumassi que fay marri tem (entrez vite, d'autant plus
qu'il fait mauvais temps) . — J'ai eu, reprit Stéphen en grom-
melant, celui de m'en apercevoir.1
Le plus fort était fait, car voilà comme on pratique l'hospita-
lité dans le midi : les maisons sont très-hospitalières, à l'inté-
rieur, s'entend; mais la porte d'entrée est féroce.
Stéphen traversa une petite cour carrée, ombragée d'un grand
micocoulier couvert de givre. Ensuite, s'étant engagé dans un long
corridor voûté, il futsurpris d'entendre une espèce de grognement
musical ; les sons augmentaient d'intensité à mesure qu'il avan-
çait. Du corridor, il entra dans un vestibule ; du vestibule dans
une cuisine spacieuse, propre, aux murs blanchis, magnifique-
ment éclairée par un feu brillant et plusieurs chandelles. C'était
au centre de cette cuisine que les instrumentistes étaient installés.
Assis auprès d'un pupitre à deux faces, le comte jouait du
basson , ayant devant lui deux hommes , dont l'un souillait
dans une clarinette et l'autre raclait du violon. Stéphen alla
droit au comte, qui, sans se déranger, mais en avalant une
mesure de la partie qu'il jouait, lui dit : Allez saluer ma mère.
Stéphen se dirigea alors vers la cheminée, dont le vaste manteau
eût pu abriter tout un orchestre. C'était une vraie cheminée de
famille, la mère Gigogne des cheminées. Là, on voyait la mère
du comte, âgée, mais droite, leste, l'air distingué, malgré la
simplicité de son costume, l'œil vif, la physionomie avenante,
tenant d'une main la queue d'une poêle à frire dans laquelle rôtis-
saient des châtaignes d'un parfum exquis et d'une couleur jaune
des plus appétissantes. Elle tendit l'autre main au jeune voya-
geur en lui disant : — Soyez le bien venu, mon cher monsieur
Stéphen ; nous vous avons fait attendre bien longtemps à la
porte, et par un bien vilain temps ; mais le concert de ces mes-
sieurs nous a empêchés d'entendre vos coups de sonnette ;
ensuite, cette poltronne de Rosalie s'est crue obligée de vous
faire subir un interrogatoire à travers la serrure, et de venir nous
demander si c'était bien M. Stéphen que nous attendions. Jugez
un peu si nous ne connaissons pas M. Stéphen !... Eh bien,
Rosalie, que fais-tu là, plantée comme un terme ! Ne vas-tu pas
te figurer que je tiendrai ta poêle à frire pendant toute la soirée ?
Et ne va pas brûler tes châtaignes... Oh! je vous ai vu bien
petit, monsieur Stéphen. Et donnez-moi donc des nouvelles de
votre excellente mère, que je voyais si souvent chez Mme de R...
ainsi que votre tante la chanoinesse et votre grand-oncle le che-
valier
Et voilà la comtesse de G*®* ressuscitant un à un tous les
membres de la parenté de Stéphen, citant des mots de celui-ci,
des anecdotes de celui-là ; au demeurant la meilleure des femmes,
sans affectation et sans morgue, et faisant très-libéralement les
frais de la conversation, ce dont Stéphen s'accommodait fort.
J. d'Ortigue.
[La suite au numéro prochain.)
NOUVELLES DIVERSES.
— S. M. l'Empereur vient de nommer M. Franz Liszt commandeur de
l'ordre impérial de la Légion d'honneur.
— Le rapporteur de la Commission pour le concours d'un projet de
salle d'Opéra à construire à Paris avait émis le vœu d'un nouveau con-
cours, dont le prix serait l'exécution de l'édifice, entre les cinq auteurs
des projets jugés les meilleurs : MM. Gimain, Crépinetel Botrel, Garnaud,
Duc, Garnier. Ce vœu a été mis à exécution par ordre du Ministre d'État.
Un nouveau concours a eu lieu : M. Duc s'était abstenu, et MM. Crépinet
et Botrel avaient divisé leurs travaux. M. Garnier, architecte sectionnaire
de la ville de Paris, a été, à l'unanimité, proclamé lauréat, et désigné
comme directeur des travaux de l'édifice à élever. M. Charles Garnier ,
prix de Rome, est le gendre de M. Barry, professeur de physique distin-
gué de l'Université de Paris. Certes, le jury de l'Opéra ne pouvait faire
un meilleur choix : aux brillantes qualités de sa profession, ce jeune ar-
tiste joint une rare modestie, vertu peu commune par le temps qui court.
— Le Moniteur du 31 mai a publié le texte de la convention conclue
entre la Russie et la France pour la garantie réciproque de la propriété
littéraire et artistique; cette convention , due à M. le comte de Morny, sera
exécutoire à partir du 15 juillet prochain, et valable pendant six années. Il n'y
est point question des représentations des œuvres lyriques ou dramatiques.
— M. et Mme la comtesse de Morny ont donné, la semaine dernière,
une soirée musicale et dramatique dont le programme contenait deux
ouvrages inédits de M. de Saint-Rémy : Sur la grande route, proverbe
en un acte, joué par MM. Bressant, Barré et Mme Madeleine Brohan ;
Monsieur Choufleury restera chez lui le 24 janvier, opérette bouffe en
un acte, chanté par MM. Désiré, Potel, Marchand, Bâche, MUc Taulin et
M. Léonce dans le rôle de madame Balandard. On a demandé, acclamé
l'auteur : mais M. le comte de Morny a dû témoigner tout son embarras
de ne pouvoir présenter à ses invités M. de Saint-Rémy en personne, dont
il était du reste le fondé de pouvoir. On a compris sa discrétion, et les
applaudissements n'ont fait que redoubler, en attendant que du salon les
bravos passent au théâtre; car il est impossible que M. Offenbach ne s'em-
pare point de l'opérette, jouée du reste à merveille par ses artistes, sous
l'œil de l'impressario, avec un orchestre de vingt-deux musiciens, dirigé
par M. Varney. Poëme et musique de Monsieur Choufleurij, dès la pre-
mière audition, ont conquis une place d'honneur au répertoire des Bouffes-
rarisiens. C'est franchement gai, et la musique d'une allure aussi distin-
guée que populaire, deux qualités assez difficiles à réunir. Quant au pro-
verbe, il a été dit à ravir, et méritait de l'être. Bref, la soirée a été excep-
tionnelle sous tous les rapports. L'ouverture ci grand orchestre du Mari
sans le savoir ouvrait le programme.
NOUVELLES ET ANNONCES.
223
— Mmes Orflla et Mosneron de Saint-Preux ont inauguré leurs salons
d'été à Passy par une grande fête musicale et dramatique, car aujourd'hui
on ne peut plus se passer de théâtre au salon. Le programme ouvrait par
l'opéra deM. Aristide Hignard, poème deM.Verconsin, sous le titre: A la porte!
opéra si recherché dans nos salons au triple point de vue de la musique, des
paroles et des interprètes, qui étaient, comme toujours, Mme Gaveaux-
Sabatier et M. Biéval, les créateurs du genre. Après l'opéra, qui a obtenu
un grand et légitime succès, on a servi la Tusse de thé, charmante comé-
die de MM. Nuitter et Derley, empruntée au répertoire du Vaudeville.
MM. Saint-Germain, Nertann, Hamburger, en faisaient les honneurs avec
MUe Édile RiquerduThéâire-Français, qui avait appris le rôle de la Ba-
ronne en quelques heures et pour la circonstance. On ne s'en serait pas
douté ; la pièce a été enlevée avec autant de verve que d'esprit par ses
quatre excellents interprètes. On a redemandé tous les artistes. Entre les
deux pièces, Mme Arnoud-Plessy a dit une scène de Molière au milieu des
applaudissements, et Mme Ugalde a fait entendre l'une de ses élèves, d'un
grand avenir. Après le spectacle, Gourdin, de l'Opéra-Comique, a chanté
de sa belle et sympathique voix la mélodie des Vingt ans, de M. Durand,
et les chansonnettes de Berthelier ont couronné le programme. On a dansé
jusqu'au jour au son de l'excellent petit orchestre dirigé par M. Philippe
Stutz.
— L'impressario Merelli est en ce moment à Paris, où il vient de signer
un engagement avec le compositeur Braga pour un nouvel opéra en trois
actes, destiné à la Scala de Milan, carnaval de 1862.
— Mme Borghi-Mamo, qui n'a fait qu'apparaître à Paris, vient de chan-
ter Otello et il Barbiere, avec le plus grand succès, à San-Carlo de Naples.
— Au théâtre royal de Berlin on va monter un nouvel opéra en quatre
actes, du compositeur Aber.
— Le théâtre Victoria de Berlin prépare, pour les premiers jours de
l'automne, la Tempête, de Shakspeare, arrangée par M. Dingelstedt, avec
musique du comte Redern.
— A son retour de Paris, Niemann a fait sa rentrée au théâtre de la
cour de Hanovre, dans le rôle de Raoul, des Huguenots.
— Parmi les publications de mariage affichées à l'Hôtel de Ville de
Bruxelles se trouve celle de Mlle Sophie-Ferdinande-Dorothée Boulard ,
artiste dramatique, et de M. Adolphe Dubois, dit Mayer, régisseur du théâ-
tre royal de la Monnaie.
— Les journaux de Metz s'étendent à plaisir sur les représentations de
Roger, qui vient de rentrer dans son château de Villiers-sur-Marne , cou-
vert des lauriers de la Moselle.
— Un public nombreux et distingué assistait, le 31 mai , à la classe
d'ensemble de M. Duprez. Cette réunion avait pour principal but l'audi-
dion d'une jeune élève de la classe, Mlle Alice Vois. Elle s'est fait entendre
successivement dans quatre morceaux, entre autres le duo de la peur, de
la Dame blanche, avec M. Léon Duprez. Sa voix est d'une grande fraî-
cheur et d'une pureté de timbre remarquable ; elle dit avec netteté, avec
expression, et son jeu scénique est sans reproche. Joignez à ces qualités
une physionomie des plus vives, des plus avenantes, une tenue d'une dis-
tinction rare, et jugez de l'accueil qu'on lui a fait. Bien plus, toutes les
élèves de M. Duprez ont associé leurs bravos aux bravos de l'auditoire.
— Berthelier ne s'en tient pas aux succès qu'il obtient à l'Opéra-Co-
mique dans les différentes créations qui lui ont été confiées. Les réunions
aristocratiques parisiennes, les concerts, les sociétés philharmoniques se le
disputent, car il n'est pas de fête musicale complète sans les chansonnettes
de Berthelier. Tout récemment il a été appelé à Sens, Amiens, Caen,
Nantes, Orléans, Reims, Reauvais et au Mans. Partout il a recueilli les
applaudissements, partout on lui a fait promettre de revenir, et il tiendra
parole, car Rerthelier pousse l'amabilité jusqu'à la reconnaissance du
plaisir qu'il cause à son public.
— Les séances de musique vocale d'ensemble, qui depuis le mois de
novembre ont eu lieu régulièrement une fois par semaine chez le profes-
seur Bouoldi, ont été closes jeudi dernier, au grand regret des élèves qui
les suivaient avec un vif intérèl.
— La sonate que M. Krûger nous avait fait entendre à son dernier
concert, avec un succès si mérité, vient enfin de paraître chez l'éditeur
Maho. Les artistes vont donc pouvoir apprécier à la lecture l'œuvre sé-
rieuse qu'ils avaient si justement applaudie. Grandeur de facture , am-
pleur de style, recherches harmoniques, facilité mélodique, tout cela se
rencontre dans la nouvelle sonate de M. Krûger. Déjà le pianiste-compo-
siteur avait illustré les remarquables transcriptions qu'il fait paraître
chaque année d'un de ces jalons sérieux qui font époque dans l'œuvre
d'un artiste. Nous voulons parler de son concerto, auquel la sonate nou-
velle va faire un digne pendant. Une couleur classique très-prononcée
préside à sa conception. On y sent l'étude et le culte des maîtres. Comme
plan général, la sonate de M. Kriiger participe de la manière consacrée, et
est divisée en quatre morceaux de caractères différents ; mais dans la forme
particulière de chacun de ces morceaux l'auteur n'a pas craint de suivre
les élans de sa personnalité en quittant un peu les traditions réglemen-
taires, ce dont nous le louons infiniment. L'art vrai veut qu'on cherche
dans certaines limites, et savoir rester sage, tout en innovant, est un don
assez rare pour qu'on l'encourage lorsqu'il se rencontre.
— M. Albert Sowinski vient de publier un quintette pour piano, vio-
lon, alto, violoncelle et contrebasse, dont les salons dé M™ Éra'rd ont eu
la primeur, Il se compose de quatre morceaux : 1° Allegro con moto;
2" Scherzo; 3° Larghetto espressivo ; k° Final. — Œuvre 87 ; chez les
principaux éditeurs de musique. Cette publication s'adresse aux fidèles
desservants de la musique de chambre.
— L'orchestre du Concert des Champs-Elysées, si habilement dirigé
par Musard, vient de répéter trois morceaux de la composition de M. Sa-
cré, chef d'orchestre de S. M. le roi des Belges. La musique de danse de
M. Sacré n'est pas connue en France comme elle mérite de l'être, et
comme elle l'est en Belgique et en Allemagne. L'élégance, la distinction
de ses idées et de sa facture, le placent à côté des Strauss. Ses valses, ses
polkas, sont dansantes, entraînantes, mais toujours musicales. Les artistes
prennent à les écouter autant de plaisir que les danseurs à les danser. Il
évite la banalité dans ses plus légères Muettes. La polka-mazurka Bra-
bant et la redowa Flandre, dont les augustes fils du roi des Belges ont
accepté la dédicace, sont deux bijoux artistement ciselés. La valse des Gon-
doliers est charmante ; le chœur, qui joue là un rôle tout à fait nouveau,
produit un excellent effet. Nous sommes persuadés que le public parisien
ratifiera le jugement des dilleltantes belges.
— Les Hymnes et Chants nationaux de tous les pays , traduits par le
comte Eugène de Lonlay et publiés avec le texte musical original, et de
nouveaux accompagnements de Max Dapreval, résument une œuvre fort
intéressante qui sera sans aucun doute fort recherchée par tous les compo-
siteurs. Prix net : 12 fr., édition de luxe : 20 fr.
— Sous le titre : le Siège de Gaëte, M. Stéphane Carpentier vient de
faire paraître chez l'éditeur Choudens un quadrille militaire des plus
brillants, quadrille dédié à Mme Jules Massy.
— Il y a deux ans, M. Debain, facteur de pianos et d'harmoniums, eut
à soutenir un procès contre divers éditeurs pour la reproduction de leurs
propriétés musicales, au moyen du pointage sur les planchettes affectées
aux pianos mécaniques. Le Tribunal et la Cour ayant jugé que ce mode
de reproduction rentrait sous le coup de la loi de 1793, M. Debain se
soumit à la chose jugée, et traita avec les principaux éditeurs de musique
du droit exclusif, pendant dix ans, de reproduire par les instruments
mécaniques les œuvres qui leur appartiennent. Après avoir payé à cet
effet une somme qui dépasse 60,000 fr., M. Debain offrit à ses concurrents
départager avec lui, moyennant un droit de 2 p. °/0 sur les ventes annuelles,
le droit qu'il tenait des éditeurs. Plusieurs acceptèrent; mais d'autres refu-
sèrent toutes propositions amiables. Se fondant alors sur les pouvoirs qu'il
avait reçus, comme concessionnaire, de MM. Escudier, Lemoine, Brandus
et C'e, Boisselot etCie, A. Leduc, Colombier, Grus, Strauss, Gambogi frères,
C.Philippe, A. Catelin, Richault, de Choudens, Pâté, Heugel et C'e,
Schonenberger, etc., tous éditeurs de musique, M. Debain fit saisir chez
douze fabricants ou marchands d'instruments mécaniques un grand nombre
de pièces à musique représentant, selon leur déclaration, une valeur d'en-
viron 32,000 fr. Par suite de cette saisie, les sieurs Lépée, Masnata , Remy
et Grosbert, Bohviller, Guillet, Borel, Marti, Wurtel etPieffort, Hoffmann,
Paillard, Bissen, Schwab et Marx, ont comparu devant de Tribunal correc-
tionnel de la Seine (6e Chambre), qui, dans son audience du jeudi 30 mai,
faisant application de la loi du 19 juillet 1793, les a condamnés à l'amende
et à la confiscation, au profit des éditeurs et de M. Debain, des instruments
à musique saisis, à l'insertion du jugement dans deux journaux à leurs
frais, et aux dépens.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues fié
: Jean-Jacques Itou
ÉCOLE CLASSIQUE
APPROUVEE PAR MM.
AUBER, A. ADAM, BERLIOZ, BENOIST,
BESOZZI, PAUL BERNARD, CARAFA , CLAPISSON,
F. DAVID, C.-A. FRANCK, GEVAERT, GOUNOD,
GODEFROID, GORIA, HALÉVY, H. HERZ, KASTNER,
KRUGER, LIMNANDER, LACOMBE,
LEFÉBURE-WÉLY, LAURENT,
DD
APPROUVÉE PAR IBM.
MEYERBEER, MASSÉ, MAILLART, MATHIAS,
NIEDERMEYER, ONSLOW , PHILIPOT, PRUDENT,
PLANTÉ, G. ROSSINI, REBER, ROSENHAIN,
STAMATY, THALBERG, THOMAS, ZIMMERMANN,
B/pes COCHE, MASSART, MARTIN,
T. de MALLEviLLE, TORRAMORELL.
ACCOMPAGNÉE D'OBSERVATIONS TRADITIONNELLES SUR LE STYLE DES OEUVRES CLASSIQUES ET LA MANIERE DE LES EXÉCUTER,
REVUE, DOIGTÉE E@i&159P A. Wfàk QS£Bi^^fekQ&HPlIIIIBIilllUl2llll W PROFESSEUR
ET
ACCENTUÉE PAR
MARMONTEI*
CATALOGUE.
1. Op. 1. Rondo en ul mineur (pièce élégante,
originale), dédié à M»» de-Lindé. (4. D.).... 6 »
2. Op. 2. La ci darem la mano, de Don Juan,
variations pour le piano (beau morceau de
concert) (F. d.) 9 o
3. 1" Polonaise brillante, en ul majeur, avec
introduction (morceau à effet) (D.) 7 50
U. Op. 6. Cinq mazurkas, dédiées^à Mmc la com-
tesse Pauline Plater (M. D.) 6 d
5. Op. 7. Quatre mazurkas, dédiées à M. Johns,
(M.D.) 6 0
6. Op. 9. Trois nocturnes, dédiés à Mmc Pleyel
(très-mélodieux) (M.D.) 7 50
7. Op. 10. Premier livre d'études (beau style)
(t. d.) 18 »
8. Op. 11. Premier concerto en mi nat. mineur
(belle œuvre) (t. d.) 15 »
9. Op. 15. Trois nocturnes, dédiés à F. Hiller (d.) 6 »
10. Op. 16. Rondo en mi bémol, dédié à M"c Ca-
roline Hartmann (morceau brillant) (d.) 7 50
11. Op. 18. Grande valse en mi bémol (m. d.). 6 »
12. Op. 19. Boléro (œuvre gracieuse et rhyth-
mique (a. d.) ' 50
13. Op. 20. Premier scherzo, dédié à M. T. Al-
brecht (d.) 7 50
la. Op. 21. Deuxième concerto en fa naturel
mineur (belle œuvre) (T. D.) 15 »
15. Op. 22. Grande polonaise, précédée d'un an-
dante d'un beau style, dédiée à Mme d'Est
(morceau àeuet) (t. d.) 9 »
16. Op. 23. Ballade (très-poétique) , dédiée à M. le
baron Stockhausen (T. D.) 7 50
17. Op. 25. Deuxième livre d'études (méineordre
de difïïcultéque le premier livre) (t. d.).. . . 18 »
18. Op. 20. Deux polonaises, dédiées a M. Des-
sauer (d.) 7 50
19. Op. 27. Deux nocturnes, dédiés à Mmc la com-
tesse d'Appony ;mélodieux et expressifs) (d.). 6 d
20. Op. 29. Premier impromptu en la bémol (ori-
ginal et très-joli morceau), dédié a Mllc Caro-
line de Lobau (D.) 6 D
21. Op. 31. Deuxième scherzo en si bémol mi-
neur (beau morceaua effet) dédié à MUe Adèle
de Furstenstein (D.) 9 »
22. Op. 32. Deux nocturnes (très-remarquables),
dédiés à Mmc la baronne de Billing (A. D.) ..t 6 d*
Op. 3Û. Trois valses (délicieux morceaux de
salon) :
23. N" 1. En la bémol, dédiée a M"" de Tliuu
Hoheinstein (a. D.) G »
2ït. N" 2. En la mineur, à Mac la baronne d'Ivry
(A. D) 6 »
23. N° 3. En/anat.in3j.,aM"cd'Eichtlial(A.D.) 6 d
<3"E 3â»
OEUVRES CHOISIES
F. CHOPIN.
En consacrant toute notre 4e série de Y Ecole classique du Piano à une nouvelle
édition des œuvres choisies de F.Chopin, nous devons dire dans quelles conditions
cette reproduction a été faite : Chopin écrivait avec soin ses indications de
nuances et d'expression, nous avons donc scrupuleusement respecté la lettre
écrite dans tous ses détails , nous bornant à rectifier nombre de fautes de gravure,
à rétablir les accents et les accidents oubliés , à compléter les trop rares doigters
des éditions primitives , en indiquant, de plus , d'après les traditions du maître,
le caractère d'exécution qu'il importe de donner à chaque morceau.
Les recherches harmoniques de F. Chopin ont à coup sûr leur raison d'être et
sont d'une orthographe irréprochable ; mais elles exigent une correction de gra-
vure d'autant plus rigoureuse : l'omission du moindre accident change complète-
ment le sens musical, et comme les retards et les appogiatures abondent dans
l'œuvre de ce maître, on comprendra facilement combien les plus légères
inexactitudes créent des impossibilités d'exécution.
D'autre part, la forme originale et les contours inusités des traits de la musique
de Chopin offrent le plus souvent des doigters exceptionnels que nous avons cru
indispensable d'indiquer , en les présentant même quelquefois sous des aspects
différents.
Tel a été le travail du professeur, complété par celui de l'éditeur qui a reproduit
chaque œuvre dans une nouvelle disposition, avec une gravure plus large , plus
claire, de manière à faciliter le plus possible la lecture de cette musique, difficile
à comprendre, difficile à exécuter, mais dont les qualités classiques et roman-
tiques à la fois, ne peuvent manquer d'intéresser et d'attacher les amateurs de
l'école ancienne comme ceux de l'école moderne.
CONSERVATOIRE:
CATALOGUE.
26. Op. 35. Sonate en si bémol mineur (belle mar-
che funèbre) (D.)
27. Op. 36. Deuxième impromptu en fa dièse ma-
jeur (très-joli morceau) (d.)
28. Op. 37. Deux nocturnes (le premier surtout
est remarquable (A . d. )
29. Op. 38. Deuxtème dallade en fa majeur, dé-
diée à M. Robert Scllumann (D.)
30. Op. 40. Deux polonaises (caractéristiques)
dédiées à M. Jules Fontana (D.)
31. Op. ti3. Tarentelle originale (d.)
32. Op. Wi. Polonaise en fa dièse mineur, dédiée
àMme la princesse Charles de Beauveau (d.)..
33. Op. £i5. Prélude, dédié à Mmc la princesse Tcher-
niscbeff (d.) .-;-.
34. Op. G6. Allégro de concert ( belle facture),
dédié Ul1» Muller (T. D.)
35. Op. Ul. Troisième ballade en fa bémol ma-
jeur, dédiée à Mlle de Noailles (T. D.)
Op. a8. Deux nocturnes (xiiic et xit" siè-
cles) , dédiées à Mlle Duperré :
36. N° I. En ut naturel mineur
37. N" 2. En fa dièse mineur....
38. Op. 50. Trois mazurkas, dédiées à M. Léon
Szmitkowski (A. d.)....
39. Op. 51. Troisième impromptu en sol bémol,
dédié à M"16 la comtesse Eslerhazy (d.)
t»0. Op. 53. Huitième polonaise en la bémol ma-
jeur, dédiée à M. Aug. Léo (t. d.)
Gl. Op. 55. Deux nocturnes (d'un sentiment de
profonde tristesse ), dédiés à MIle SUrling
(A. D.)
U2. Op. 57. Berceuse (très-jolie rêverie) (D.)
Ù3. Op. 58. Grande sonate en si mineur (T. D.)..
ùft. Op. 60. Barcarolle originale, dédiéeàMmc la
baronne de Stockhausen (T . d .)
Û5. Op. 61. Polonaise, fantaisie en la bémol ma-
jeur, dédiée à M"10 Veyret (t. d ,)
1(6. Op. 63. Trois mazurkas dédiées a Mlle Laure
Crosnowska (a. d.)
Op. 6&. Trois valses (célèbres) :
!i7. N" 1. En ré bémol, dédiée a M™ la com-
fesse Potocka (A. d) ,
Ii8. N" 2. En «(dièse mineur, dédiée à M"" Na-
thaniel de Rotschild (A. D.)
tl9. N° 3. En la bémol, dédiée 5 Mme la com-
tesse Catherine Branicka (a. d.)
Vingt-quatre préludes :
50. Premier livre (M. D.)
51. Deuxième livre (M. d.)
52. Trois études (A. D.)
7 50
7 50
7 50
5 »
15 »
7 50
7 50
(Signes d'abréviations : F., facile. — M. D., moyenne difficulté. — D., Difficile. — P. D., peu difficile. — A. D., assez difficile. — T. D., très-difficile.)
N. B. Chaque école, chaque maître, ayant ses doigters, ses mouvements, ses nuances, toutes choses privées de règles absolues, I'Édition-Marmontel ne prétend
point imposer ses indications : elle se borne à les recommander comme étant élaborées avec soin d'après les traditions et les autorités les plus compétentes.
Les 1", 2°" et S™"" Séries de cette nouvelle Édition, se composant chacune de 5S Morceaux, et embrassant toute I'École classique du Piano,
depuis BACH, HAENDEl,, SC4RLATTI jusqu'à nos jours, sont publiées, et en vente au Ménestrel.
Les 4m0, 5rae et G""' séries sont sous presse et paraîtront successivement.
Paris, AU MÉNESTREL, 2 bis, rue Yivienne, HEUGEL et C", Éditeurs pour la France et l'Étranger.
ABONNEMENT A LA LECTURE MUSICALE. — (FOURNISSEURS DU CONSERVATOIRE.) VENTE ET LOCATION DE PIANOS.
Toute reproduction, même partielle, des doigtera, accentuations et annotations de SB.lUHO.VrivL., est rigoureusement Interdite.
770. — 28e Année.
IV 39.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 16 Juin
1861.
3~*^5~g>>
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
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MUSIQUE ET THEATRES.
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i Rédact'en cher.
LES BUREAUX , » bis, rue Vivienne. — HEUGEL, et C'% édileurs.
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1" Mode d'abonnement : JU>urnnl-Tcxto, tous les dimanches; to Morceaux:
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primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
PIANO.
2» Mode d'abonnement : Journol-Texte, tous les dimanches ; 16 Morceaux i
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Album*-
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger : 21 fr.
CHANT ET PIANO REUNIS :
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Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du l«rde chaque mois. — L'année commence du 1»' décembre, et les 52 numéros de chaque année — teste et musique, — forment collection. — Adresser/Vanco
un bon sur la poste, à MM. iieukei. et C'«, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. )
Typ. Charles de Mourgues frères,
rue Jean-Jacques Rousseau , 8. — 3627
SWJOI.HKE.
TEXTE.
I. Histoire de la musique en France, depuis les temps les plus reculés jnsqu'à nos
jours, par Ch. Poisot. Paul Bernaro. — II. Semaine théâtrale. J. Lovy. —
III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Chopin et ses œuvres (3« article).
H. Barbedette. — IV. Un quatuor d'amateurs (2e article). J. d'Ortigue. —
V. Petite chronique : Les derniers moments de Haydn. — VI. Nouvelles et
Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour :
LES ÉMERAUDES,
Polka de L. de Pitray. —Suivra immédiatement après: la Valse de
F. Chopin, Op. 64, N° 1 , dédiée à Mme la CS9e Potocka.
CHANT:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant:
LA DANSE MACABRE ,
Paroles d'ARMANT Livrât, musique de E. Lombard. — Suivra immé-
diatement après : Absent ! poésie de M. Léon Halévy , musique de
M. de Saint-Réjit, mélodie dédiée à Madame la Csse de Morny.
HISTOIRE DE LA MUSIQUE M FRANCE
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS JUSQU'A NOS JOURS,
PAR
CHARLES POISOT (1).
Voici un livre nouveau, dont l'idée surtout est fort nouvelle.
Bien des choses déjà ont été dites sur la musique, bien des essais
se sont tentés en ce genre, bien des recherches ont été faites ,
jamais encore une histoire spéciale de la musique en France
n'avait été écrite, et c'est à M. Ch. Poisot qu'appartiendra désor-
mais l'honneur de l'initiative pour une idée aussi éminemment
nationale.
Que des écrivains , que des artistes de chaque pays suivent
(1) Un volume, chez Dentu, libraire.
maintenant l'exemple qui vient de leur être donné chez nous ;
qu'en Italie , qu'en Allemagne, qu'en Angleterre même, on
écrive des histoires particulières de la musique, et de toutes ces
recherches spéciales, de tous ces travaux disséminés, mais ten-
dant vers le même but et inspirés par le même amour de l'art,
sortira nécessairement une histoire générale de la musique ,
c'est-à-dire une arche sainte et impérissable, dépositaire de tous
les secrets, de toutes les traditions , de toutes les phases musi-
cales, monument cher aux artistes, précieux pour l'avenir, et
dont M. Ch. Poisot aura posé l'une des premières pierres.
L'auteur, comme il le dit lui-même dans sa préface, n'a
guère fait que compulser, relever, réunir des matériaux épars
de mille côtés; mais là, plus qu'ailleurs peut-être, l'union fait
la force; le fait égaré et sans portée s'appuie sur un fait solidaire,
et il résulte de cet ensemble de recherches un ouvrage sérieu-
sement conçu, sagement traité, de la lecture duquel on gardera
un enseignement clair et précis , et qu'on pourra toujours con-
sulter, certain d'y rencontrer de précieux documents et de cu-
rieuses observations.
Le plan de l'ouvrage indique qu'il passe en revue tous les
genres de musique, depuis la chanson qui en est le rire, jusqu'à
la musique religieuse qui en est l'âme ; toutes les époques,
depuis le bardisme qui en est le berceau, jusqu'au xixe siècle
qui en est la vie moderne. Le lecteur y trouvera la transforma-
tion successive du chant druidique, que le christianisme dégagera
de sa barbarie primitive pour le rendre plus poétique, plus
immense, plus divin. De la musique ecclésiastique ou liturgique
sortiront à leur tour les mystères, drames sacrés, qui seront le
premier mot du genre dramatique. La Renaissance viendra alors
séparer les styles, dessiner les écoles , créer les formes et les
allures distinctes. L'auteur, suivant une à une toutes ces transi-
tions, analyse tour à tour la musique religieuse, l'opéra, la
musique instrumentale, la chanson et le vaudeville , vérita-
ble point de départ de notre opéra-comique , que nous pou-
226
LE MÉNESTREL.
vons revendiquer comme genre national. Dans celte analyse
détaillée, quoique rapide, tous les auteurs, tous les innovateurs
sont nommés ainsi que leurs ouvrages. On voit éclore tous
les genres, s'ouvrir et se succéder tous les théâtres , naître et
s'amener l'un par l'autre, comme les perles d'un collier, tous les
maîtres, tous les chefs-d'œuvre. Arrivé à nos jours, M. Poisot
esquisse vivement et d'une manière délicate tous nos compo-
siteurs contemporains, leur vie, leurs tendances et leurs œu-
vres. Puis il termine en émettant des vœux pour l'avenir, et en
proposant certaines réformes où l'on sent les réflexions sérieuses
du penseur, de l'artiste et de l'homme de bien. Mentionnons
encore un appendice contenant le répertoire choisi de l'Opéra
(152 partitions avec les noms des auteurs, depuis 1581 jusqu'à
1860 ) , et celui de l'Opéra-Comique ( 825 ouvrages , depuis
1285 jusqu'à 1860).
On le voit, le livre de M. Poisot est multiple dans ses détails,
quoique unitaire dans sa forme. On y rencontre une masse de
renseignements qui se trouvaient noyés dans des documents
trop nombreux pour qu'on pût les consulter. C'est donc un véri-
table service que cet artiste consciencieux vient de rendre à ses
confrères. Toute bibliothèque musicale ou historique devra
s'enrichir de ce nouvel ouvrage, et nous sommes heureux d'a-
dresser ici nos félicitations à M. Ch. Poisot, que nous ne con-
naissions jusqu'ici que comme un musicien de talent, et qui
vient de se révéler écrivain érudit et penseur plein de charme.
M. Poisot est un travailleur opiniâtre, un de ces chercheurs
comme il en faut sur les terres avancées de la science et du
nouveau monde. Arrachant à l'art ses secrets, au passé ses en-
seignements, au sol vierge le métal précieux, ils consacrent leurs
travaux au bien-être de tous et recueillent rarement le fruit de
leurs fatigues et de leurs veilles. Mais la société est là qui reçoit
tous ces bienfaits ; l'or circule, et avec lui l'aisance et le bonheur;
la science s'enrichit , l'art se répand , et par eux les mœurs
s'épurent, les nations se rapprochent, l'homme devient meilleur
et s'élève vers Dieu. Encore une fois, encourageons les heureux
travaux de M. Ch. Poisot, que dans sa modestie il nous présente
comme des essais, mais qui n'en sont pas moins, comme nous
l'avons déjà dit, les premiers éléments d'une histoire générale
de la musique, éléments sérieux et souvent ingrats, auxquels il
a su donner l'attrait de la nouveauté et le charme d'un aimable
enseignement.
Paul Bernard.
SEMAINE THEATRALE.
Nous avions annoncé, avec plusieurs de nos confrères, que
M. Berlioz était chargé de diriger les études de YAlceste a
I'Opéra ; mais il paraîtrait que le symphoniste a décliné l'hon-
neur que M. Alphonse Boyer voulait lui faire. En revanche,
on nous assure que l'opéra de M. Berlioz, les Troyens, vient
d'être définitivement reçu par l'administration de l'Académie
impériale de Musique. On sait que cette œuvre inédite était
destinée au Théâtre-Lyrique; mais d'autres considérations ont
prévalu. En s'adjugeant les Troyens, l'Opéra croit accomplir un
acte de justice ; en effet, il eût été véritablement injuste que
notre première scène lyrique, si hospitalière envers certains
compositeurs étrangers, — dont quelques-uns ont si étrange-
ment répondu à ce qu'on attendait de leur quasi-célébrité, —
restât fermée à une gloire française. L'Indépendance Belge nous
donnait l'autre jour, par la plume de son correspondant Eraste
(pseudonyme de notre feuilletoniste J.-J.) un aperçu très-dé- .
veloppé de l'opéra de M. Berlioz, avec citations de quelques
fragments du poème. A en juger par ces extraits, les Troyens
constitueraient un libretto très-remarquable, et l'auteur se se-
rait également distingué et comme'poëte et comme musicien. —
On prépare un grand ballet pour Mme Ferraris, l'Étoile de
Séville, composé par un chorégraphe italien, il signor Borri. —
La Reine de Saba, de Gounod, ne sera toujours représenté que
l'hiver prochain.
Au Théâtre-Français on répète les Comédiens, de Casimir
Delavigne, qui n'ont pas été représentés depuis quatre ans. Les
principaux interprètes seront Monrose, Maillart , Mlles Fix,
Bonval et Figeac. — La spirituelle comédie de M. Legouvé,
Un Jeune Homme qui ne fait rien, a vu croître son importance
par la façon distinguée dont Bressant remplit le principal rôle.
Cette pièce renferme en outre toute une scène de chant avec ac-
compagnement de piano : là, de fort belles stances françaises,
reproduisant les Adieux à la vie, du poète allemand Koerner,
sont adaptées à un fragment de l'émouvante Marche funèbre de
Chopin. Or Bressant, en chantant ce morceau, lui imprime un
cachet de grâce, d'expression et de pureté, que lui envierait à
juste titre maint ténor de nos théâtres lyriques : c'est un véri-
table succès musical, et le morceau est bissé à chaque représen-
tation : on se croirait dans la salle Herz.
A I'Opéra-Comique, Bataille devait effectuer cette semaine sa
rentrée dans l'Étoile du Nord; mais c'est Troy qui l'a remplacé.
Mme Cabel rentrait dans le rôle de Catherine, qu'elle n'a pu
chanter que deux fois : la gracieuse fauvette n'a pas encore tout
à fait accompli la période de ses pérégrinations. — On pré-
pare, pour la rentrée de Montaubry, une reprise du Postillon
deLongjumeau. — Mercredi dernier, M. Crosli jouait pour la
première fois le rôle du duc d'Aiguillon dans Maître Claude; sa
réussite a été complète.
Le Vaudeville, qui continue à chercher sa voie, nous a donné
une comédie en trois actes de MM. Devicque et Crisafulli. Cette
pièce, qui a toutes les allures d'un drame, est fort bien jouée
par Mmes Fargueil, Pierson, MM. Munie, Parade, fAubrée,
Chaumont, Hamburger.
L'Ambigu répète activement le Monstre et le Magicien, drame
fantastique de M. Ferdinand Dugué. L'auteur, en l'honneur de
cette reprise, a augmenté son œuvre de quatre tableaux. Ce
drame servira de début au mime américain F. Ravel.
L'ouverture du théâtre du Chalet des Iles a eu lieu jeudi
dernier. Un temps magnifique avait favorisé l'inauguration de
cette scène foraine, champêtre et presque nautique , car il faut
passer l'eau pour s'y rendre. L'inauguration s'est faite par un
prologue de circonstance : le Spectacle en plein air, musique de
M. Mangeant, prologue suivi d'une opérette : les Amours a"un
Schah.... de Perse, musique de M. Barbier, qui a dirigé l'or-
chestre en personne. Les deux compositeurs méritent des éloges,
ainsi que leur prima donna, M"e Chrétienno, douée d'une jolie
voix et d'un extérieur fort agréable. MM. Dubois et Marchand
ont également plu au public. On a nommé M. Perée, — lisez
M. Gerlpré pour les paroles du schah, et l'on assurait que
M. Ch. Bridault, le directeur de ce nouveau théâtre, n'était
étranger ni à l'une ni à l'autre des deux pièces.
J. Lovy.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
227
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
F. CHOPIN ET SES ŒUVRES.
IV (1).
Parlons maintenant des compositions secondaires de Chopin,
avec orchestre, ce sont :
1° Sa Fantaisie sur des airs polonais ; intéressante composi-
tion dans laquelle sont présentés, avec beaucoup d'art, certains
airs nationaux bien enchaînés, bien traités et soutenus par une
remarquable instrumentation ;
2° Krokowiack , grand rondo de concert, énergique, fou-
gueux, sauvage, riche de traits, une œuvre grande et magistrale;
3° Enfin une grande Polonaise, précédée d'une poétique in-
troduction. Dans la Polonaise proprement dite, qui est très-
vigoureuse, Chopin a trop sacrifié au brillant, à la bravoure.
De tous les instruments autres que le piano, celui que Chopin
préférait était le violoncelle; ses sons voilés et mélancoliques
convenaient à la nature de son talent. Plusieurs fois il eut re-
cours à cet auxiliaire : le violon lui semblait trop éclatant. La
Polonaise dédiée à Merk est une œuvre de jeunesse, pleine d'en-
train, de verve. Elle appartient à la première manière de l'au-
teur ; — elle a été arrangée pour piano seul à deux et à quatre
mains.
Le duo avec Franchomme sur Robert est d'une bonne facture.
Ce morceau produisait toujours grand effet quand Franchomme
le jouait avec Chopin. Toutefois, on sent que ce dernier est mal
à l'aise lorsqu'il s'exerce sur un fonds qui n'est pas le sien ;
aussi l'aimons-nous mieux dans sa belle sonate avec violon-
celle (op. 65), page remarquablement écrite au point de vue
scientifique, appropriée au génie des deux instruments, remplie
de détails d'une exquise délicatesse, ne s'élevant peut-être pas
à des proportions très-élevées, mais tenant constamment sous
le charme des qualités propres à Chopin, la sensibilité et la grâce
touchante.
Nous sommes amené à parler du trio pour piano, violon et
violoncelle. Ce n'est évidemment pas une œuvre parfaite, clas-
sique, régulièrement construite. La partie de piano est trop
compliquée ; le final surtout contient trop de notes, et le rhylhme
en est défectueux. Il y a loin, en un mot, de ce morceau aux
chefs-d'œuvre du genre, — nous voulons dire aux trios de Bee-
thoven, de Schubert et de Mendelssohn; — mais ce n'est pas
une composition dépourvue de charme; elle renferme parfois
de si beaux chants, de si heureuses transitions , des effets si
inattendus et si saisissants, qu'on ne peut s'empêcher de la jouer
avec un plaisir véritable. L'adagio seul suffirait à classer ce
trio parmi les œuvres importantes de Chopin. L'exécution en
est difficile, mais l'ensemble des instruments une fois obtenu,
rien ne saurait décrire l'effet émouvant de cette belle page.
Telles sont les œuvres pour lesquelles Chopin a demandé un
auxiliaire à son instrument favori. Nous allons maintenant, en
passant sur quelques arrangements d'importance secondaire et
(1) Op. 3. — Polonaise pour piano et violoncelle, à Joseph Merck.
— Duo sur Robert le Diable (avec Franchomme) , à Mlle Adèle
Forest, pour piano et violoncelle.
Op. 65. — Sonate pour piano et violoncelle, à Franchomme.
Op. 8. — Trio pour piano, violon et violoncelle, au prince Antoine
Radziwill.
— Rondo à deux pianos (poslhume 1828).
sur un rondo à deux pianos (posthume), court et d'assez bel
effet, composé en 1828, aborder Chopin dans son véritable do-
maine, la musique de piano seul.
Chopin était un talent tout intime : — il détestait le bruit, la
publicité; il ne se livrait qu'à son corps défendant, et quand il
se livrait, on peut dire qu'il n'était pas véritablement lui-même.
Sa propre nature ne se révélait que dans l'intimité la plus res-
treinte, dans une demi-solitude et presque dans l'obscurité.
Alors il était admirable. Tous ses amis l'attestent : le souffle
poétique s'emparait de lui et lui inspirait les plus merveilleux
accents. Ses improvisations avaient quelque chose de profondé-
ment sympathique, qui suscitait l'émotion et provoquait les
larmes. — Cette âme délicate et tendre souffrait. Pour échapper
à cette poignante douleur, qui sans cesse la poursuivait, elle
s'enfuyait dans le monde des rêves, tout peuplé de lutins et de
fées; à ce peuple charmant , fils de la poésie et de l'espérance,
Chopin disait sa peine et il la disait en accents qui déjà n'étaient
plus de ce monde. Puis, quand il se réveillait de cette extase,
qu'il lui fallait lourdement tomber sur le terrain de la réalité,
un déchirement se faisait en lui. Voulait-il fixer sur le papier
les merveilles qu'il venait de produire, il ne les retrouvait plus,
ou tout au moins, ne pouvait-il les ressaisir que par précieux
lambeaux ; aussi doit-on craindre que ses compositions écrites,
si admirables qu'elles soient, n'atteignent pas à la hauteur de ses
improvisations.
Chopin avait parfois, dans son jeu, de sourdes colères et des
rages étouffées. « Ces sombres apostrophes de sa muse , a dit
F. Liszl, ont passé plus inaperçues que ses poèmes d'un plus
tendre coloris. » C'est que Chopin était en proie à une de ces
maladies qui empirent d'année en année, et, dans maintes pro-
ductions, il a mis la trace des souffrances aiguës qui le dévo-
raient ; il faut aussi tenir compte du caractère particulier de sa
race. — « Les Slaves, a dit Henri Blaze (1), ont dans leurs
instincts quelque chose de saccadé et de sauvage. Quiconque a
connu Chopin a pu observer à loisir comment, chez lui, cette
rudesse du sol natal avait été modifiée par des conditions toutes
personnelles d'élégance et de distinction, et pourtant, ajoute
M. Blaze, cette physionomie languissante avait des éclairs d'im-
patience et de colère; cette nalure douce et fine avait ses em-
portements, sa brusquerie et ses soubresauts, empreintes origi-
naires, souvenirs du sol barbare dont la trace énergique et pro-
fonde se révèle en plus d'une de ces mazourkes si peu comprises
de la foule, qui n'en saisit que le côté frivole. Telle note que
vous trouvez originale n'est peut-être que le réveil d'une dou-
leur atroce, et l'âme d'un grand poète a saigné à ce cri de
désespoir. » — Chopin évitait du reste de jouer en public et
même dans le cercle de son intimité les productions de cette
nature; il n'aimait qu'à livrer le côté doux et affectueux de son
talent. Disons aussi que son organisation débile ne lui permet-
tait pas l'expression énergique de la passion. Les moyens d'exé-
cution lui ont manqué. Se révéler au public dans tout ce que sa
pensée avait de force et d'étendue, il ne le pouvait pas. Selon
l'expression de M. Blaze, « sa main trahissait son génie. »
Chopin négligea de bonne heure le secours de l'orchestre
pour se renfermer dans le cadre exclusif du piano. Aussi cet
instrument était-il devenu comme un organe de lui-même, au
(1) Musiciens contemporains, p. 114 à US.
228
LE MÉNESTREL.
travers duquel il pensait ; il se l'identifiait, il en tirait sans effort
le langage au moyen duquel il exprimait ses souvenirs, ses re-
grets et ses espérances (1).
Nous aurons plus d'une fois à revenir sur le caractère de la
musique de Chopin. Disons tout de suite que, comme pianiste,
Chopin n'appartient à aucune époque ; — il ne procède d'au-
cun maître ; c'est un penseur solitaire qui se crée à, lui-même sa
langue et ses formules. Il ne laissera pas d'école après lui ; il
mourra tout entier. Il connaît, de plus, toutes les ressources
de la'science ; il s'en sert avec une habileté sans égale ; mais
cette habileté n'est pas de la recherche ; sa pensée sort de son
cerveau comme une Minerve tout armée.
Nous allons étudier tout d'abord les œuvres classiques de
Chopin, les sonates (2).
La première sonate de Chopin est son œuvre 4, en ut mineur;
elle est intéressante comme travail scientifique , mais peu heu-
reuse comme mélodie. Le larghetto est à cinq temps. Nous pour-
rions signaler, en ce genre, plusieurs tentatives faites de nos
jours par des artistes de talent (3). Il sera toujours difficile de
populariser des rhythmes inusités ; l'oreille est faite aux rhyth-
mes anciens, et rien n'indique qu'elle puisse se plier sitôt à de
nouvelles habitudes. La partie la plus brillante de la sonate est
le final, qui n'est pas dépourvu d'animation et de couleur.
L'œuvre 35 est une page émouvante, peut-être la manifestation
artistique la plus douloureuse qui se soit jamais produite. On
pourrait comparer le premier morceau à une suite de sanglots,
deux fois interrompus par un chant religieux d'une inspiration
vraiment sublime. Le style haletant, entrecoupé de cette pièce,
cause une émotion réelle et oppresse jusqu'aux larmes. Le
scherzo, dramatique, mouvementé à l'excès, est d'un caractère
moins douloureux. Léchant du trio est d'une poésie et d'une
pureté radieuses. Vient ensuite cette merveilleuse marche funè-
bre instrumentée par Reber, qui fut dite aux funérailles de Cho-
pin, et qui résume en elle toutes les douleurs humaines. On ne
saurait dire le malaise que vous cause la première partie de cette
pièce: on se croit au fond d'un cachot; pendant le trio, il vous
semble bien que la lumière pénètre un instant, mais la nuit se
fait vite, et cette lumière du ciel ne fait que rendre plus lourde
la pierre qui vous enferme vivant au fond du sépulcre (4) . —
Qui saurait peindre maintenant le caractère étrange du final ?
ce trait identique aux deux mains, à un octave d'intervalle, sans
repos, presque sans nuances, à demi-voix ; c'est Lazare grattant
de ses ongles la pierre de son tombeau et tombant épuisé de fa-
tigue, de faim et de désespoir. En vérité, cette sonate n'est-elle
pas l'oraison funèbre de l'héroïque Polognel
La sonate, op. 58, est plus régulièrement construite, plus
pure et plus classique dans la forme; mais elle n'est pas émou-
vante comme son aînée, et perd à être rapprochée d'elle. L'ex-
il) Quand je suis mal disposé, disait Chopin, je joue sur un piano
d'Ërard et j'y trouve facilement un son fait. Mais, quand je me sens en
verve et assez fort pour trouver mon propre son, à moi, il me faut un
piano de Pleyel.
(2) Op. 4. — Première sonate en ut mineur .
Op. 3o- — Deuxième sonate.
0p_ 58. — Troisième sonate, à la comtesse de Pcrthuis.
(3) Ces tentatives ne sont pas nouvelles ; — l'introduction du deuxième
caprice de Clementi (op. 47) est écrite en cinq temps. — Un essai bien
réussi est celui de Boïeldieu.dans un passage célèbre de la Dame Blanche.
(4) Chopin a composé une deuxième marche funèbre (posthume— 1829)
très-remarquable aussi, mais sans comparaison possible avec la première.
pression en est toujours neuve cependant, et si la fantaisie sem-
ble parfois entraîner l'auteur, elle conserve du moins tout son
charme, toute sa pureté, toute sa distinction, dans l'exubérance
même de ses développements. Nous signalerons particulièrement
le premier morceau, l'adagio et le scherzo de cette sonate, op. 58.
Telles sont les sonates de Chopin; elles sont au nombre de
quatre, en y comprenant la sonate avec violoncelle. — A part
l'œuvre 35, qui se rapproche beaucoup de la fantaisie, on peut
dire que ce sont plutôt des œuvres bien faites que des œuvres
émouvantes. — On a fait remarquer avec raison que l'inspira-
tion de Chopin était fantasque, irréfléchie. Ses allures ne pou-
vaient être que libres. Il semble qu'il ait violenté son génie
chaque fois qu'il a cherché à l'astreindre aux règles, à la classi-
fication, à une ordonnance enfin qui ne pouvait concorder avec
les exigences de son esprit.
Parmi les pièces classiques de Chopin, on doit citer, après ses
sonates, deux rondos et un allegro (5).
Le premier rondo serait, d'après le numéro sous lequel il est
classé, la première composition écrite de Chopin. C'est un mor-
ceau remarquable d'entrain, de jeunesse et d'ardeur, cachet
assez rare dans les œuvres du maître, et qu'on ne peut signaler
que dans les productions de ses plus jeunes années. L'arrange-
ment à quatre mains est très-bien fait et préférable à la pièce
originale.
Le deuxième rondo (op. 16) est bien supérieur. L'introduc-
tion est très-belle et très-poétique. Le rondo proprement dit,
dans son début, rappelle prodigieusement le style de Field; —
signalons le beau chant que renferme ce rondo, chant d'une
martiale et fière allure.
L'allégro de concert (op. 46) est magistral. Il appartient à
cette époque de la carrière de Chopin où son style est fixé, et à
l'un de ces rares moments où il a su lui donner de l'énergie, de
la fougue et de la précision. Il n'y a rien de nuageux dans cette
œuvre. Les chants sont grandioses ; on regrette même que ce
bel allegro ne soit pas soutenu par un orchestre puissant, dont
la place est du reste indiquée par- la coupe du morceau et les
vigoureux tutti qui interviennent.
H. Rarbedette.
.( La suite au prochain numéro.}
m QUATUOR D'AMATEURS.
IL
Tout en prêtant une oreille aux révélations rétrospectives de la
comtesse, Stéphen réservait l'autre à la musique du comte, qui
allait toujours son train. L'association de ces trois instruments
l'avait d'abord déroulé ; néanmoins, il finit par se rendre compte
de ce qu'il entendait et sut fort bien reconnaître, dans le mor-
ceau exécuté, un quatuor d'Ignace Pleyel, pour deux violons,
alto et basse. — Mais pourquoi ce ba,sson, se disait-il? pourquoi
cette clarinette? Et la partie d'alto, qu'est-elle devenue? serait-ce
une réduction? serait-ce un arrangement? Stéphen n'y com-
prenait rien.
Pardon, mesdemoiselles; mais permettez-moi d'interrompre
un instant les réflexions des Stéphen pour vous adresser une
question que je serais désolé que vous trouvassiez incivile ou in-
(5) Op. t. — Premier rondo, à M. de Linde,
Op. 16. — Deuxième rondo, à MUe Hartmann.
Op. 46. — Allegro de concert, à Mlle Muller.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
229
discrète. Je voudrais vous demander si vous savez ce que c'est
qu'un quatuor, non pas un quatuor vocal, comme celui de Ma
tante Aurore, de Ylrato, de Bianca e Faîiero, mais un qua-
tuor d'instruments à cordes, comme les plus grands maîtres en
ont écrit. Si vous ne le savez pas, ce qui, après tout, n'est pas un
crime, je vous supplie en grâce de suspendre la lecture de mon
récit, et de commencer par aller assister aux matinées et aux soi-
rées de quatuors de MM. Maurin et Chevillard, dans la salle
Pleyel ; de MM. Armingaud et Jacquard, dans la môme salle ;
de MM. Alard et Franchomme, même salle encore ; de MM. Dien
et Batta, dans le local des sociétés savantes; de MM. Gouffé,
chez MM. Gouffé eux-mêmes, rue de La Bruyère. Les séances
de ces diverses sociétés de quatuors vont s'ouvrir dans le courant
de ce mois de janvier de l'an de grâce 1861 , et je ne saurais
trop vous engager, dans l'intérêt de votre instruction musicale,
comme dans l'intérêt de votre plaisir, un plaisir bien délicat
et bien exquis ! à assister, sinon à toutes, du moins à quelques-
unes , vous reprendrez ensuite le fil de cette histoire , dont il
est impossible, sans cela, que vous puissiez apprécier le charme.
Mon Dieu , mesdemoiselles , vous devez me trouver un étrange
personnage. Je vous fais ici l'éloge du quatuor, et je ne vous
dis rien de vos quadrilles, de vos valses, de vos polkas, pas
même de vos airs variés, caprices et fantaisies sur des motifs
d'opéras. Je ne veux pas médire de toutes ces choses, qui sont
bonnes à leur place ; mais si vous prétendiez que ces bagatelles
ont le droit d'être mises au rang des compositions musicales au
même titre que les œuvres dont je parle , eh bien! je vous dé-
clare que nous ne nous entendrions pas, et que, pour tous les
trésors du monde, pour le plus beau piano à queue, pour le plus
beau Stradivarius, pour la plus riche collection de partitions,
vous ne me feriez prononcer une hérésie semblable. Un homme
de mon âge respecte trop le vôtre pour consentir à inculquer dans
vos jeunes esprits d'aussi pernicieuses maximes.
Le quatuor d'instruments à cordes constitue un des genres les
plus parfaits en musique, et que tous les grands maîtres ont af-
fectionné : Haydn, Mozart, Beethoven, pour ne parler que des
plus illustres, se seraient immortalisés par leurs quatuors, alors
même que le premier n'eût pas fait les oratorios de la Création
et des Saisons, que le second n'eût pas écrit Don Giovanni, le
Nozse, il Flauto magico, que le troisième n'eût pas composé
Fidelio, ses sonates et ses symphonies sublimes. Les timbres des
violons, de l'alto, du violoncelle, quoique de même nature et se
mariant merveilleusement entre eux, offrent des accents si par-
ticuliers et des nuances si différentes, qu'il en résulte un ensem-
ble plein de charmes et les combinaisons les plus variées. C'est
tantôt une conversation de famille, où la parole passe successi-
vement de l'un à l'autre, où ceux qui écoutent se contentent
d'approuver à voix basse ; c'est tantôt un dialogue vif et animé,
tantôt une discussion serrée, où les répliques partent, se croi-
sent avec une verve intarissable. A entendre le premier et le se-
cond violon, je me figure voir deux époux, beaux, tendres,
brillants de jeunesse, heureux de s'appuyer l'un sur l'autre, tou-
jours inséparables, ne se contrariant jamais, si ce n'est pour se
faire mille agaceries charmantes ; l'alto me représente un oncle
entre deux âges, affectueux, rêveur, mélancolique, un peu mo-
rose, un peu taquin, un peu original. La basse est l'aïeule,
bonne, indulgente, grave,' sententieuse, qui a su conserverie
don de plaire par la. grâce, par l'esprit, par une imagination
riante et sereine
Que de choses n'aurais-je pas à vous dire sur le quatuor !
Heureusement pour vous, mesdemoiselles, le comte et ses aco-
lytes ont terminé le leur. Le comte se lève, tend la main a
Stéphen, et lui dit :
— Mon cher Stéphen, je vous présente M. André, notre
maître d'école, qui, comme vous voyez, est un clarinettiste dis-
tingué (M. André s'incline devant M. Stéphen), et M. Sarnète,
mon barbier, que l'on pourrait surnommer le Figaro du village,
car il joue du violon beaucoup mieux sans doute que Figaro ne
joue de la guitare (M. Sarnète s'incline à son tour).
Dans le pays des aveugles, dit doctoralement le maître d'école,
les borgnes . . .
— Très-bien, messieurs, interrompit Stéphen. Mais, mon
cher comte, c'est, si je ne me trompe, un quatuor de Pleyel
que vous venez de jouer.
— Ah! vous reconnaissez? fit le comte; en effet, c'est un
quatuor de Pleyel.
— Et vous le jouez à trois? et la partie d'alto?
— Ah ! vous avez raison, mille fois raison, mon cher ; mais,
entre nous, cette partie d'alto est bien insignifiante, pour ne
pas dire inutile. . .
— Je ne suis pas de votre avis, reprit vivement Stéphen.
Les quatuors de Pleyel ne sont pas concertants comme ceux
des grands-maîtres , mais l'alto y est nécessaire pour compléter
l'harmonie; et d'ailleurs l'alto chante de temps en temps; il a
des traits mis à dessein pour faire briller l'instrument. Dans les
divers morceaux que vous venez d'exécuter , il y a des passages
où vos trois instruments, c'est-à-dire les deux violons et la basse,
se contentent d'accords plaqués, ou de batteries qui ne sont
autre chose qu'un accompagnement d'un chant ou d'un trait
d'alto.
— Cela peut bien être, mais baste ! nous n'y regardons pas
de si près, nous. Au surplus, continua le comte, il y a de bonnes
raisons pour que nous nous soyons passés de celte partie d'alto ;
elle nous manque, en effet ; je l'ai oubliée à Aix. Et quand bien
même nous eussions cette partie, il n'y a personne dans le vil-
lage ou clans les environs qui fût capable de la jouer.
— Ces deux raisons sont péremptoires, répliqua imperturba-
blement Stéphen, et dispensent des autres. Mais alors, pourquoi
ne pas exécuter un trio?
— Un trio, et pourquoi? un trio, quand nous avons un qua-
tuor? mais cela revient absolument au même, puisque, parle
fait, ce quatuor devient un trio.
Stéphen sourit imperceptiblement.
— Veuillez bien , poursuivit-il , me permettre encore une
question.
— Dites, fit le comte.
— Pensez-vous qu'une clarinette substituée à un premier
violon, qu'un basson substitué à un violoncelle n'altèrent pas
un peu la physionomie de l'œuvre?. . .
— Mais, répliqua le comte avec une impatience visible, vous
nous faites là, mon cher, des distinctions d'une subtilité. . . En
résumé, voici mon fait. J'adore la musique, je l'aime passion-
nément, à tel point que j'aime mieux en faire de médiocre, de
mauvaise même, que de n'en pas faire du tout.
— Et moi, dit Stéphen, je suis également si passionné. . . Et
il s'arrêta court.
Madame de G*** prit la parole, et s'adressant à son fils : —
Monsieur Stéphen, mon ami, veut dire peut-être que lui aussi
est tellement passionné pour la musique, qu'il aime mieux n'en
pas entendre du tout que d'en entendre de mauvaise.
230
LE MÉNESTREL.
Stéphen ne s'attendait pas à être si bien deviné. Il s'écria
néanmoins : — Souffrez, madame, que je proteste contre une
pareille interprétation de mes paroles.
— Mais vous auriez parfaitement raison, mon cher monsieur
Stéphen, de penser ainsi. C'est ce que je ferais moi-même si
j'étais à votre place. Je dis : si j'étais à votre place, car, pour
moi, voyez- vous, lorsque j'entends de la musique, je puis dire
comme Bertrand des Rendez-vous bourgeois : Cela m'entre par
une oreille, et cela me sort par Vautre.
— Allons, bonne mère, s'écria gaiement le comte : Caleno
ven, tout ben ven. Faites-nous servir la collation ; ce pauvre
Stéphen doit avoir un appétit du diable. »
En un clin-d'œil le pupitre disparut et fit place à une table
ornée d'une belle nappe blanche, où furent servies deux tartes,
l'une aux pommes et l'autre aux épinards, des poids chiches, une
salade de céleri, du nougat, des fruits secs, des clairettes dorées,
et la castagnado, sans oublier les deux chandelles classiques ;
des chandelles et non des bougies : c'eût été une faute énorme.
La comtesse, le comte, Stéphen, le maître d'école et le bar-
bier prirent place à la table, tandis que Rosalie, la servante,
grignotait sa portion sous le manteau de la cheminée. Bientôt
on chanta des noëls ; le comte et M. André chantèrent le noël
de saint Joseph et de l'hôtellier : Hou! de Voustaou ! Le comte
fit saint Joseph, André fit l'hôtellier. Ce fut une vraie scène
chantée, jouée et mimée en perfection; il en fut de même du
noël du chrétien et du juif : Reviho te, nanan, représentée par
M. André et M. Sarnèle ; on chanta encore le noël des Oiseaux,
celui des Boumians, Turelurelure, etc. Puis on se rendit à la
messe de minuit, à laquelle assistèrent tous les habitants valides
du village.
[La suite au numéro prochain.)
J. d'Ortigue.
PETITE CHRONIQUE.
L.es derniers moments de Haydn.
Le Journal de Francfort, qui se voue depuis quelque temps
aux éphémérides musicales, saisit l'occasion du 31 mai, jour
anniversaire de la mort de Haydn, pour donner quelques détails
rétrospectifs sur les dernières heures du grand compositeur. Ces
intéressants détails sont connus de la plupart des musiciens ;
mais, comme disait Rivarol, il n'y a de nouveau que ce qui est
oublié.
« Dans la matinée du 10 mai 1809, un corps d'armée fran-
çais s'avançait contre les lignes de Mariahilf, à Vienne, peu
distantes de la maison de Haydn. On était précisément occupé
à le sortir du lit et à l'habiller, quand quatre coups de canon
vinrent ébranler violemment les portes et les fenêtres de sa
maison.
« — Enfants, s'écria Haydn d'uQe voix sonore, en s' adres-
sant à ses gens consternés, ne craignez rien, aucun malheur ne
saurait vous atteindre quand Haydn est avec vous.
« Mais le corps était plus faible que l'esprit, car il eut à peine
prononcé ces paroles qu'il se prit a trembler de tous ses mem-
bres.
« A partir de ce moment, ses forces physiques allèrent sans
cesse s'affaiblissant. Cependant il continua à jouer tous les jours
son Kaiserlied, et le 26 mai il le joua trois fois de suite, avec
une expression dont il s'étonna lui-même. Le soir du même
jour, il fut pris de migraine et eut des frissons ; on le coucha
de bonne heure et l'on fit venir les médecins. Tous leurs soins
furent vains : le malade tomba dans un état d'abattement com-
plet et de prostration ; il n'en sortit que peu d'instants avant sa
mort, qui suivit le 31 mai, à une heure du malin, pour donner
encore quelques signes de vie et de sensibilité.
« Haydn avait atteint l'âge de soixante-dix-sept ans et deux
mois. Ses restes mortels reposent dans une tombe spéciale, au
cimetière de sa paroisse, devant les lignes dites Hundstharmer,
à Vienne. L'autorité française annonça en termes très-dignes
la mort du compositeur, et le 13 juin le Requiem de Mozart
fut exécuté pour le repos de l'âme du mort dans la Schotten-
kirch. »
NOUVELLES DIVERSES.
— Le nouvel opéra italien du Lyceum , à Londres, a inauguré ses re-
présentations le 8 de ce mois, sous la direction de M. Mapleson. Comme
nous l'avons annoncé, Mmes Alboni, Titiens, MM. Délie Sedie, Giuglini et
Gassier, sont les principaux artistes de la troupe. /( Trovalore faisait les
honneurs de l'inauguration. Plusieurs morceaux ont été bissés , notam-
ment l'adagio de M. Délie Sedie, il balen del suo sorriso et le Miserere
chanté par Mmc Titiens et M. Giuglini. — Le 11 juin, on a donné Lucre-
zia Borgia , et le 13, deuxième représentation du Trovatore, en atten-
dant il Ballo in maschera.
— A l'heure où je vous écris ces quelques lignes , la salle de concert
du Royal Surrey Gardens n'est plus qu'un monceau de cendres encore
fumantes. L'incendie occasionné , dit-on , par l'imprudence de quelques
ouvriers, s'est déclaré aujourd'hui mardi, vers midi. Quelques heures après
il se transforma en un véritable et gigantesque brasier, qui dévora tout le
matériel de la salle avec une rapidité prodigieuse. Puis le dôme finit par
s'embraser aussi et s'écroula avec fracas en lançant dans les airs une gerbe
effrayante de flammes et de fumée. Tous les efforts, tous les secours furent
impuissants à dompter le redoutable fléau. Comme dans l'incendie de
Saint-Martin's Hall, l'an passé, l'orgue, les instruments de musique, le
répertoire des concerts, tout devint la proie des flammes. De cette magni-
fique salle de concert de Surrey, fondée en 1835 par Jullien , et qui avait
coûté plus de vingt mille livres sterling (un demi-million), de cette salle
enfin, toute resplendissante de dorures et de décorations, dont la vaste
enceinte pouvait contenir près de sept mille personnes, et qui fut le théâ-
tre des plus brillantes fêtes artistiques , il ne reste plus aujourd'hui
que les quatre murailles noircies , lézardées et menaçant ruine 1 « Sic
transit gloria mundi. » Le prince Galitzin devait donner là une série de
soixante concerts à grand orchestre, sous sa direction et avec le concours
des célébrités chantantes de Londres : le premier de ces soixante concerts
a eu lieu la semaine dernière au milieu d'une affluence considérable de
monde, il devait être aussi malheureusement le dernier.... A. Lamotte.
— Dans la dernière séance du conseil communal, à Londres, il a été
adopté une motion tendantà ce qu'une somme de 350 liv. sterl., dépensée
par les orphéonistes français à l'occasion de leur dernier voyage au Palais
de cristal, pour les frais de leur séjour dans les deux hôtels appartenant à
la corporation du marché métropolitain, leur fût intégralement rendue.
— Pour le prochain festival de chant qui aura lieu à Nuremberg, le
duc de Saxe-Cobourg a mis en musique une Ode aux trois couleurs de
l'Allemagne.
— Un nouveau journal de musique vient de paraître à Berlin : Deutsche
maenner-gesang-Zeitung (Gazette allemande pour chant d'hommes), rédac-
teur en chef, M. Tschirits.
— Nous empruntons au Journal de Francfort les éphémérides musi-
cales du mois de juin.
2. Mort de Garcia 1832
3. Mort de Roland de Lassus, à Munich 1595
5. Mort de Weber, à Londres 1826
11. Mort de Duni, un des fondateurs de l'Opéra français 1775
13. Naissance de Dalayrac, à Muret 1753
14. Naissance d'EUeviou, à Rennes 1769
18. Première représentation du Freyschiitz , à Berlin 1821
iNOUVELLES ET ANNONCES.
231
24. Naissnnce de Méhul, à Givet 1763
27. Mort de Lebrun 1829
28. Naissance de Jean-Jacques Rousseau, à Genève 1712
29. Mort de Choron 1834
30. Mort de Rouget de l'isle, à Choisy-le-Roi 1836
— Un nouvel opéra bouffe du maestro Pedrotti , ayant pour titre :
Giterra in qualtro, a été représenté avec succès au théâtre de la Cano-
biana, à Milan.
— Mme Anna Rertini, qui a fait depuis quelques années des études
sérieuses dans le chant italien, avec le professeur Piermarini, vient d'être
engagée, après audition, pour la Scalade Milan, par PimpressarioMerelli,
de passage à Paris.
— Les journaux américains nous apprennent la mort du compositeur
et professeur Heinrichs. Né en Rohème, il quitta prématurément sa patrie
pour traverser- l'Atlantique, et passa la plus grande partie de sa vie en
Amérique, où il habita tour à tour Boston, Philadelphie, Baltimore. Le
•père Heinrichs, ainsi qu'on l'appelait généralement, a écrit plus de cent
compositions, oratorios, symphonies, ouvertures, lieders, concertos, dont
un grand nombre se distinguait par l'originalité de la musique, et plus
encore par les titres singuliers qu'il choisissait. Beaucoup de voyageurs
se rappellent sans doute encore ses Mammouth-concerts donnés, il y a
quelques années, à New- York, et pour lesquels les musiciens des princi-
pales villes des États lui ont prêté gratuitement l'appui de leur talent. En
1857, il visita pour la dernière fois l'Europe, et il eut le plaisir d'assister à
l'exécution de plusieurs de ses principaux ouvrages à Vienne et à Prague.
— On nous écrit de Lille : « Un festival de chant d'ensemble vient
d'avoir lieu dans notre ville. Un grand nombre de sociétés, tant do l'étran-
ger que des départements, avait pris part à ce tournoi musical. Les or-
phéons qui se sont le plus distingués sont : les Chœurs de Roubaix, qui
ont fait preuve de goût dans l'exécution de deux chœurs de Billi, et les
Amis réunis, de Tournai, qui ont chanté de manière à électriser l'audi-
toire. Cette fête musicale s'est terminée par un ensemble vraiment im-
posant. Les sociétés de la localité, réunies sous l'habile direction de
M. F. Lavainne, ont obtenu un succès digne d'être enregistré. Applaudisse-
ments, rappels, bis, rien n'a manqué à leur triomphe.
— Nous empruntons au Salut public de Lyon un extrait de tout un
article spécial : « Lundi soir a eu lieu l'inauguration de l'orgue de Saint-
Bonavenlure. L'immense église ne pouvait contenir la multitude intelli-
gente de vrais connaisseurs accourue de toutes parts, et dont les flots
débordaient jusqu'au milieu de la place des Cordeliers. Le concours d'émi-
nents artistes qui ont tous fait leurs preuves, et parmi lesquels brille de
tout l'éclat d'un maître M. Batiste, professeur au Conservatoire impérial
de musique, à Paris, et organiste du grand orgue de Saint-Eustache ,
semblait assurer d'avance le succès de la séance. Tour à tour se sont fait
entendre, au clavier de l'orgue, M. l'abbé Neyrat, M. Widor et M. Batiste.
La brillante improvisation de M. Widor semblait déjouer les grandes dif-
ficultés, et la hardiesse de son jeu, la fécondité de sa verve, faisaient suc-
céder des émotions nouvelles aux émotions premières. Et quand le cla-
vier s'est senti dans les mains de M. Batiste, comme il vivait! comme il
frémissait ! C'est bien sous l'influence de ce grand artiste que l'on com-
prend le vrai caractère de l'orgue et toutes ses harmonies avec la religion
qui l'inspire. C'est l'épanchement suave de la religion, de l'amour infini,
et l'orgue de Saint-Bonaventure s'est merveilleusement prêté à cette révé-
lation nouvelle de l'art. Il était difficile de paraître en présence de tels
artistes. M. l'abbé Neyrat devait le tenter. Mais l'attention profonde des
auditeurs, les félicitations des artistes, et, par-dessus tout, les sincères
éloges de M. Batiste, éloges qui sont moins un encouragement que la
consécration d'un talent véritable, ont assez prouvé le bonheur de son
exécution. Ajoutons qu'il y aurait de l'injustice à ne pas rappeler les
chants de la maîtrise de cette église, qui se sont mêlés avec tant d'har-
monie aux compositions de la séance. »
— La jeune et charmante virtuose, Maria Boulay, se trouvant de séjour
à Metz au moment du grand festival de cette ville, l'invitation lui a été
faite de vouloir bien prendre part au programme en compagnie de son
maître Alard. Elle a accepté cet honneur avec le plus grand empressement,
et l'effet a été tel que les salons de la préfecture ont été mis immédia-
tement à sa disposition pour un concert dans lequel la nouvelle Millanollo
a été couverte de fleurs.
— MM. Demerseman, flûtiste, et Lalliet, hautbois, ont obtenu, le 8 juin,
au quatrième concert de la Société philharmonique d'Angers , un grand
et légitime succès. Chacun d'eux possède un talent aussi sûr que distin-
gué, et garde fidèlement à son instrument le caractère qui lui convient ;
mais c'est surtout dans l'exécution de deux duos concertants qu'ils ont
porté au comble la satisfaction de l'auditoire, à l'exemple des morceaux
de ce genre que disent avec tant de succès MM. Triebert et Jancourt ,
Adolphe Leroy et Dorus. Ils ont mérité, parleur fantaisie sur des thèmes
de Guillaume Tell, un rappel unanime, chose assez exceptionnelle dans la
ville où ils se faisaient entendre.
— Le maëslro du Casino-Cadet, M. Arban, délecte en ce moment les
habitants de Nantes. « Au concert donné hier au Sport, dit l'Union bre-
tonne, M. Arban a montré de nouveau qu'il est un chef d'orchestre d'une
grande habileté et d'une énergie rare, sachant communiquer sa verve à
son entourage, et trouvant dans la chaleur qui l'anime des éléments pro-
pres à donner de la vie et du mouvement à tout ce qu'il interprète. Il a
été, d'ailleurs, chaleureusement applaudi et très-apprécié comme artiste
exécutant. Faisant des prouesses sur le cornet à piston, il tire de cet ins-
trument assez vulgaire, des sons tour à tour d'une tendresse infinie et
d'une extrême puissance. C'a été, en vérité, une heureuse idée au Sport,
d'installer des concerts d'été et d'y faire participerM. Arban. La dernière des
réunions dirigées par cet habile musicien aura lieu mardi prochain. On
parle pour samedi d'un grand bal par souscription, au profit des pauvres,
qui aurait lieu dans la salle de concert et dans le jardin du Cercle. »
— On lit dans le Mémorial bordelais : « Le spectacle -concert donné
sous les auspices de M. Louis Bentayoux (pianiste-compositeur, élève de
l'école Marmontel) n'a pas manqué d'attrait, bien que la chambrée ne fût
pas complète. On a applaudi à plusieurs reprises le jeune bénéficiaire, et
notamment à l'avant-deroier morceau (Anges et Démons). Quant à la
musique de Vavenir, représentée dans cette soirée par un air du Tann-
hauser, nous croyons celui du lauréat du Conservatoire, — son avenir, —
établi sur des bases plus sûres que celles où repose la musique de M. Wag-
ner. Indépendamment du spectacle et des exercices chorégraphiques où
M116 Pitteri a déployé les grâces de sa personne, l'on a également fort ap-
plaudi M110 Bellonie, qui a chanté deux morceaux avec grâce, et M. Cram-
bade, l'un de nos derniers barytons, lequel a donné une expression toute
dramatique à la chanson de Béranger : « Mon habit. » M. Bentayaux ren-
trera sans aucun doute dans la capitale heureux des encouragements donnés
par nos compatriotes à son jeune talent. »
— Le 2 de ce mois, les artistes et amateurs de Castelnaudary ont donné
un concert au profit des pauvres de cette ville, auquel ont concouru plu-
sieurs artistes de Toulouse. M. Lomagne, également appelé à cette fête, a
exécuté quatre morceaux de sa composition qu'on a vivement applaudis ,
notamment son Carnaval de Venise, qui lui a valu une couronne et un
rappel. Pour que rien ne manquât au succès, une sérénade des orphéo-
nistes et un speech de leur directeur, M. Froment, attendaient Al. Lomagne
à son domicile. Comme on le voit, le dilettantisme de Castelnaudary est
beaucoup moins tiède que son climat.
— M. Michiels, un de nos compositeurs et violonistes distingués, a
engagé cette année pour Néris-les-Bains (Allier) , M11? Moreau, du Théâ-
tre-Lyrique, le ténor Legrand, Mme Marx, pianiste, enfin MM. Cassaing,
Marx etLegenisel, instrumentistes. Néris n'aura donc rien à envier, cette
année, aux autres établissements thermaux, et on ne peut que féliciter
M. Michiels de la bonne organisation de ses concerts.
— Voici l'état des receltes brutes qui ont été faites pendant le mois
de mai dernier, dans les établissements soumis à la perception du droit des
indigents :
Théâtres impériaux subventionnés 361,160 fr. 56c.
Théâtres secondaires de vaudevilles et petits spec-
tacles 816,816 25
Concerts, spectacles-concerts, cafés-concerls, bals. 185,340 65
Curiosités diverses 21,840 »
Total 1,385,157 46~
— Le premier concours pour les places vacantes à l'orchestre du Théâ-
tre impérial Italien, est définitivement fixé à mercredi 19 juin, à une '
heure.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frères , rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
ÉCOLE CLASSIQUE
APPROUVÉE PAR MM.
AUBER, A. ADAM, BERLIOZ, BENOIST,
BESOZZI, PAUL BERNARD, CARAFA , CLAPISSON,
F. DAVID, C.-A. FRANCK, GEVAERT, GOUNOD,
GODEFROID, GOR1A, HALÉVY, H. HERZ, KASTNER,
KRUGER, LIMNANDER, LACON1BE,
LEFÉBURE-WÉLY, LAURENT,
DD
APPROUVEE PAR MM.
MEYERBEER, MASSE, MAILLART, MATHIAS,
NIEDERMEYER, ONSLOW , PHILIPOT, PRUDENT,
PLANTÉ, G. ROSSINI, REBER, ROSENHAIN,
STAMATY, THALBERG, THOMAS, ZIMMERMANN,
M™ COCHE, MASSART, MARTIN,
T. de MALLEVILLE, TORRAMORELL.
ACCOMPAGNÉE D'OBSERVATIONS TRADITIONNELLES SUR LE STYLE DES OEUVRES CLASSIQUES ET LA MANIERE DE LES EXÉCUTER,
REVUE, ^DOIGTÉE ||| J& ||g H||Hi|«|JV| PROFESSEUR
ACCENTUÉE PAR JLwJLéEMiSA AWA^^JWI Mi SSâMji CONSERVATOIRE.
CATAIOGUE.
Op. 1. Rondo en ul mineur (pièce élégante,
originale), dédié à M°"= de Lindé. (A. D.).. .. 6 »
Op. 2. Li CI DAREM LA MANO, de Don JlMB,
Tariations pour le piano (beau morceau de
concert) (F. D.) 9 "
1" Polonaise brillante, en ut majeur, avec
introduction (morceau à effet) (d.) 7 50
Op. 6. Cinq mazurkas, dédiées à M»' la com-
tesse Pauline Plaler (M. D.) 6 »■
Op. 7. Quatre mazorkas, dédiées à M. Johns.
(H. D.) 6 ■
Op. 9. Trois nocturnes, dédiés a M»c Pleyel
(très-mélodieux) (M. D.) '50
Op. 10. Premier livre d'études ( beau style )
(T. D.) 1S "
Op. 11. Premier concerto en mi nat. mineur
(belle œuvre) (t. D.) 15 »
Op. 15. Trois nocturnes, dédiés a F. Hiller(D.) C »
Op. 16. Rondo en mi bémol, dédié à W" Ca-
roline Hartmann (morceau brillant) (d.) 7 50
Op. 18. Grande valse en nu bémol (m. d.). 6 o
Op. 19. Boléro (œuvre gracieuse et rhyth-
mique (A. D.).... ? 50
Op. 20. Premier scherzo, dédié a M. T. Al-
nrecht (d.) 7 50
Op. 21. Deuxième concerto en fa naturel
mineur (belle œuvre) (r. D.) -• 15 »
Op. 22. Grande polonaise, précédée d'un an-
dante d'un beau style, dédiée à M™ d'Est
(morceau à effet) (T. D.) 9 D
Op. 23. BALLADE(trés-poétique),dédiéeàM. le
baron Stockhausen (T. d.)
Op. 25. Deuxième livre d'études (même ordre
de difficulté que le premier livre) (T. D.)
Op. 26. Deux polonaises, dédiées a M. Des-
sauer (d.)
Op. 27. Deux nocturnes, dédiés à Mmc la com-
tesse d'Appony (mélodieux et expressifs) (D.).
Op. 29. Premier impromptu en la bémol (ori-
ginal et très-joli morceau), dédié a M"c Caro-
line de Lobau (d.)
Op. 31. Deuxième scherzo en si bémol mi-
neur (beau morceaua effet) dédié a M11" Adèle
de Furstenstein (D .)
, Op. 32. Deux nocturnes (très-remarquables),
dédiés à M" la baronne de Billing (A. D.) ...
Op. 34. Trois valses (délicieux morceaux de
salon) :
N" 1. En la bémol, dédiée a Allle de Tliun
Hoheinslein (a. d.)
N" 2. En la mineur, à M™" la baronne d'Ivry
(A. D) ■'•■
N« 3. En/onat.maj.,àM"cd'Eichlhal(A.D.)
7 50
7 50
a"E su»
DE
F. CHOPIN.
En consacrant toute notre 4e série de l'École classique du Piano à une nouvelle
édition des œuvres choisies de F . Chopin , nous devons dire dans quelles conditions
cette reproduction a été faite : Chopin écrivait avec soin ses indications de
nuances et d'expression , nous avons donc scrupuleusement respecté la lettre
écrite dans tous ses détails , nous bornant à rectifier nombre de fautes de gravure,
à rétablir les accents et les accidents oubliés , à compléter les trop rares doigters
des éditions primitives, en indiquant, de plus, d'après les traditions du maître,
le caractère d'exécution qu'il importe de donner à ebaque morceau.
Les recherches harmoniques de F. Chopin ont à coup sûr leur raison d'être et
sont d'une orthographe irréprochable ; mais elles exigent une correction de gra-
vure d'autant plus rigoureuse : l'omission du moindre accident change complète-
ment le sens musical, et comme les retards et les appocjiatures abondent dans
l'œuvre de ce maître, on comprendra facilement combien les plus légères
inexactitudes créent des impossibilités d'exécution.
D'autre part, la forme originale et les contours inusités des traits de la musique
de Chopin offrent le plus souvent des doigters exceptionnels que nous avons cru
indispensable d'indiquer , en les présentant même quelquefois sous des aspects
différents.
Tel a été le travail du professeur, complété par celui de l'éditeur qui a reproduit
chaque œuvre dans une nouvelle disposition, avec une gravure plus large , plus
claire, de manière à faciliter le plus possible la lecture de cette musique, difficile
à comprendre, difficile à exécuter, mais dont les qualités classiques et roman-
tiques à la fois, ne peuvent manquer d'intéresser et d'attacher les amateurs de
l'école ancienne comme ceux de l'école moderne.
(;tT.ii.9«.['i:.
26. Op. 35. Sonate en si bémol mineur (belle mar-
che funèbre) (D.)
27. Op. 36. Deuxième impromptu en fa dièse ma-
jeur (très-joli morceau) (D.)
28. Op. 37. Deux nocturnes (le premier surtout
est remarquable (A. D.)
29. Op. 38. Deuxième ballade en fa majeur, dé-
diée à M. Robert Schumann (D .)
30. Op. 00. Deux polonaises (caractéristiques)
dédiées à M. Jules Fontana (D.)
31. Op. 63. Tarentelle originale (d.)
32. Op. Mi. Polonaise en fa dièse mineur, dédiée
àMme la princesse Charles de Eeauveau (D.)..
33. Op. 05. Prélude, déuiéaM'"laprince5seTcher-
nischeff (d.)
30. Op. 06. Allégro de concert ( belle facture),
dédié à M1" Muller (T. D.)
35. Op. 07. Troisième ballade en la bémol ma-
jeur, dédiée à M1,c de Noailles (T. D.)
Op. 08. Deux nocturnes (xim et xrve siè-
cles) , dédiées à M!lc Duperré :
36. N°I. En ut naturel mineur
37. N" 2. En fa dièse mineur
38. Op. 50. Trois mazurkas, dédiées à M. Léon
Szmitkowski (A. d.)....
39. Op. 51. Troisième impromptu en sol bémol,
dédié à Mme la comtesse Eslerhazy (D.)
00. Op. 53. Huitième polonaise en la bémol ma-
jeur, dédiée à M. Aug. Léo (T. D.)
01. Op. 55. Deux nocturnes (d'un sentiment de
profonde tristesse ), dédiés à MI,e Stirling
(A. D.)
02. Op. 57. Berceuse (très-jolie rêverie) (d.)
03. Op. 58. Grande sonate en si mineur (t. d.)..
où. Op. 60. Barcarolle originale, dédiéeàMme la
baronne de Stockhausen (T . d .)
05. Op. 61. Polonaise, fantaisie en la bémol ma-
jeur, dédiée a Mme Veyret (t. d )
06. Op. 63. Trois mazurkas dédiées a W" Laure
Crosnowska (A. D.)
Op. 6o. Trots valses (célèbres) :
47. K« 1. En ri bémol, dédiée a M™ la com-
fesse Potocka (A. D) -
08. N° 2 . En ul dièse mineur, dédiée à M"' Na-
thaniel de Rotschild (a. d.)
09. N° 3. En la bémol, dédiée a M™ la com-
tesse Catherine Rranicka (A. D.)
Vingt-quatre
50. Premier livre (M. D.)..,
51. Deuxième livre (M. D.).
52. Trois études (A. D.)
D., Difficile. — P. D., peu difficile. — A. D., assez difficile. — T. D., très-difficile.)
(Signes d'abréviations : F., facile. —M. D., moyenne difficulté.
If. B. Chaque école, chaque maître, ayant ses doigters, ses mouvements, ses nuances, toutes choses privées dérègles absolues, I'Édition-Marmontel ne prétend
point imposer ses indications : elle se borne à les recommander comme étant élaborées avec soin d'après les traditions et les autorités les plus compétentes.
Les 1" """ et 3"" Séries de cette nouvelle Édition, se composant chacune de 53 Morceaux, et embrassant toute I'École classique du Piano,
depuis BACH, HAEIMWEt, SCABLATTI jusqu'à nos jours, sont publiées, et en vente au Ménestrel.
Les 4m0, 5ra0 et 6mc séries sont sous presse et paraîtront successivement.
. Paris, 411 MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivienne, HEUGEL el C", Éditeurs pour la France et l'Étranger.
ABONNEMENT A LA LECTURE MUSICALE.
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771. — 28e Année.
N° 30.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 23 Juin
1861.
££»Oil
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
JULES LOVY,
t Rédact'en chef.
LES BUREAUX , S bis, rue "Vivienne. — HEUGEL et C'% éditeurs.
(ini Magasins et Abonnement do Musique du MÉNESTREL. — Teolc et location de Pianos et Orgues.)
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On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser 'franco
un bon surla poste, à MM. HEÙtJEfc et C»", éditeur» du Ménestrel et de là Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, S. — 3774
SOMMAIRE.
TEXTE.
I. Le Théâtre et la Musique au Salon de 1861 (1er article). Gustave Bertrand. —
IL Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : première représentation de Marianne.
J. Loty. — III. Semaine théâtrale. J. Lovy. — IV. Tablettes du pianiste et du
chanteur : Chopin et ses œuvres (4- article). H. Barbedette. — V. Nouvelles.
— Nécrologie. — Publications musicales. L. d'Aubigny.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
LA DANSE MACABRE ,
Paroles d' Armant Livrât, musique de E. Lomrard. — Suivra immé-
diatement après : Absent ! poésie de M. Léon Halévy , musique de
M. de Saint-Rémï, mélodie dédiée à Madame la Csse de Morny.
PIANO:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano : la
VALSE DE CHOPIN,
Op. 64, N° 1 , dédiée à Mmc la Csso Potocka. — Suivra immédiatement
après : V Absence, romance sans paroles, de J.-M. Delalanne.
LE THEATRE ET LA MUSIQUE Al SALON DE 1861.
LES PORTRAITS.
Le Ménestrel a voulu avoir, lui aussi, sa revue du salon, et,
sans sortir des limites naturelles de celte feuille spéciale, la
moisson sera encore assez riche. Voici ce que nous avons noté
pour la musique et le théâtre, en parcourant un peu en hâte,
et haletant, les galeries du palais de l'Exposition, transformé
depuis un mois en serre chaude, en étuve.
Dans le remaniement général qui s'est opéré au commence-
ment de ce mois, la belle exposition de portraits d'Hippolyte
Flandrin s'est augmentée d'une toile nouvelle, qui a tous droits
d'ouvrir notre défilé des portraits : ab Jove principium. Cette
toile est placée dans le grand salon carré, au fond , près de la
porte de droite. Elle n'a pas de numéro, de mention au cata-
logue, mais elle n'en a pas besoin ; vous reconnaîtrez sans peine
la figure bienveillante du personnage qui est, après l'Empereur,
le premier patron officiel des beaux-arts et des théâtres, S. Exe.
M. le comte Walewski, ministre d'État. C'est le digne pendant
du portrait tant célébré du prince Napoléon ; Flandrin y a mis
tout son art. Vrai portrait de ministre : on y voit respirer le
calme et l'assurance profonde que donne l'exercice du pouvoir.
Maintenant, nous suivrons simplement l'ordre du classement
alphabétique.
Dès notre premier pas dans le salon A, Mlle Emma Fleury
nous arrête, non pas que la ressemblance soit merveilleuse ,
la charmante pensionnaire de la Comédie-Française est plus
svelte et plus piquante. Je crois que l'œil gauche fait un peu
trop de zèle, pure calomnie , calomnie odieuse pour les beaux
grands yeux de M"0 Fleury ! La ressemblance est surtout dans
un sentiment général de pudeur et de pureté que M. Amaury-
Duval a parfaitement rendu, et dans le mouvement plein de
grâce mutine de cette tête qui nous regarde par-dessus l'épaule
et le torse à demi-retourné. La pose de la main est excellente, et,
ne l'oublions pas, cette main est pianiste, elle a fait ses preuves
dans le Feu au Couvent.
Voici Mme Madeleine Brohan, par Baudry. Toutes les figures
de M. Baudry se ressemblent : la paternité artistique s'y trahit.
Ne vous étonnez pas trop si la belle Madeleine paraît un peu
sœur de sa voisine Charlotte Corday. La figure est plus longue
que nature, le cou manqué; je proteste contre la grosse main
rouge qui lient le livre ; mais l'ensemble est d'une distinction
parfaite et le sourire charmant.
Arrêtons-nous devant le n° 356. — C'est une scène antique...
— Justement. Cet atrium a été copié dans une maison de
l'avenue Montaigne ; ces personnages, vêtus à l'antique, sont au-
tant de contemporains fort connus ; ils répètent deux comédies
en vers : le Joueur de Flûte et la Femme de Diomède , pour
cette représentation qui fut donnée l'an dernier dans la maison
23 i
LE MÉNESTREL.
romaineduprinceNapoléonetquifitlantdebruit. — Le costume
antique sied à merveille à la chevelure et à la barbe olympiennes
de M. Théophile Gautier, que vous voyez debout au dernier
plan. Pourquoi cette main tendue avec trois doigts ouverts ?
le grand fantaisiste joue-t-il à la morra avec son interlocutrice
Mlle Favart, qui, adossée à une colonne, nous livre son gracieux
profil? — A droite, Madeleine Brohan, accoudée à une autre
colonne, fait les beaux bras en souriant. — DevantelleM. Emile
Augier lit un manuscrit. — Vous ne reconnaîtrez pas facile-
ment Gelfroy qui est étendu sur un lit tout auprès ; mais la pose
et le raccourci sont excellents. — On n'a jamais pu savoir ce
que cherchent des yeux Samson et Got, qui font groupe a part
à gauche ; Got est maladroit, c'est à ne pas le reconnaître ;
quant à Samson, que l'éminent comédien me le pardonne, il a
l'air d'un bon cordonnier avec cette espèce de grand tablier vert
qui lui serre la taille : il ne lui manque que des bretelles.
Nous n'avons pas fini avec la Comédie-Française. Voici
M. Empis , ancien administrateur de ce théâtre. Si le nom ne
m'abuse pas, M. Ad. B. . . . , l'auteur de ce portrait, est le frère
ou le cousin du gendre de l'honorable académicien.
Y a-t-il une parenté plus étroite entre l'auteur et l'original
du n° 142 ? Charles Baltaille, le chanteur, a fait faire son por-
trait par son homonyme, Eugène Baltaille. Il est représenté clans
son costume de Pierre le Grand [VÊtoile du Nord, 3e acte) ,
debout, dans une fière altitude, avec le geste du commandement.
M. Théophile Gautier nous appartient comme critique et au-
teur dramatique. Son portrait , peint par M. Bonnegrâce, est
excellent. Le peintre n'a pas cherché à idéaliser ce qu'il y a de
naturellement majestueux dans la mine du poète ; en revanche
il semble avoir pris à tâche de bien rendre le côté gaulois, cor-
dial, un peu rabelaisien qui est aussi dans le caractère de
l'homme et du fantaisiste. Cette petite observation faite, il faut
dire que cette peinture est pleine d'intelligence et de vie , et
que les tons en sont d'une chaleur admirable.
Bevenons au Théâtre-Français. Le portrait n° 1206 est in-
sensé : d'abord ce n'est pas Mme Guyon, il doit y avoir méprise.
Au lieu des attributs de Melpomène ou tout au moins d'un fond
sérieux, la célèbre tragédienne aurait-elle jamais eu l'idée de
choisir ces accessoires de salle à manger, ce dressoir chargé
d'assiettes? Le tapis à fleurs qui décore cette salle à manger
est aussi très-malheureux. Le peintre a eu la malchance d'ob-
tenir un effet auquel beaucoup de ses confrères, et lui-même
peut-être, voudraient toujours être sûrs d'arriver. Les bouquets
de ce tapis ont un relief superbe : on dirait d'une avalanche de
fleurs qu'un public idolâtre vient de jeter aux pieds de l'actrice
inspirée. Mais non I il n'y a pas de ces ovations à domicile ;
d'ailleurs c'est bien un intérieur de famille que nous avons sous
les yeux. Encore une fois, ce n'est pas possible: l'auteur est jeune,
on aura abusé de sa crédulité.
N'oublions pas le n° 391, qui contient plusieurs jolies minia-
tures. Par voie d'élimination je suis arrivé à trouver celle que
le livret m'annonce comme devant être le portrait de M"e Marie
Koyer, pensionnaire de la Comédie-Française. Je le veux bien,
mais je crois que c'est Mlle Ferreyra qui a posé ; il y a un peu
de sa physionomie.
Gustave Bertrand,
{Lu suite au numéro prochain.)
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA-COMIQIE.
Marianne, opéra-comique en un acte, paroles de M. Jules Pbével ,
musique de M. Théodore Ritteh.
Le théâtre Favart nous égrène le chapelet de ses pièces
d'été ; et, dans cette qualification de pièces d'été, n'allez pas
voir, je vous prie, quelque arrière-pensée de dédain; je serais
désolé qu'on m'accusât de porter atteinte à la considération du
répertoire de la belle saison; il a des mœurs paisibles; il est
calme, inoffensif, et n'affiche pas la moindre tendance h l'école
de l'avenir. On assiste h l'innocent fredonnement de ses chan-
sons, tout en songeant à ses affaires privées, et c'est là un avan-
tage immense, dont il ne faudrait pas faire litière au milieu des
mille préoccupations que nous causent la cherté des loyers et la
dégérescence des domestiques.
La musique du petit opéra qui vient de se produire devant la
rampe est signée Théodore Bitter, un virtuose du clavier, dans
toute l'acception du mot; un véritable artiste enfin. Aussi
M. Bitter s'est-il demandé : Pourquoi n'écrirai-je pas des opé-
ras tout aussi bien que MM. Thalberg, Bubinstein, Liltolff,
Lacombe, et autres princes du piano?
Et voici le prétexte, — je veux dire le texte, — sur lequel
s'est appuyée sa muse lyrique.
Un seigneur breton, le comte de Keronec, quitte chaque
matin sa jeune femme pour courir les aventures. Son occupa-
tion favorite est la chasse, mais ses mœurs sont un peu celles
de Joconde, car il fait de fréquentes visites à sa gentille fer-
mière Marianne. La comtesse a eu vent de la chose, et la voilà
qui se dirige clandestinement vers la ferme, où elle rencontre
Jean-Pierre, le cousin de la fermière. Ce paysan se laisse arra-
cher tous les aveux désirables, et la comtesse acquiert la certi-
tude que son noble époux poursuit Marianne de ses galantes
assiduités. — Jean-Pierre, il faut que vous épousiez voire cou-
sine ! — Moi, madame la comtesse ? je ne demande pas mieux,
mais je suis trop pauvre. — Tenez, voici un acte de donation;
la métairie est à vous; maintenant tâchez d'être aimable et
d'obtenir les bonnes grâces de Marianne. — Qu'est-ce qu'il faut
faire pour cela, madame la comtesse? — Je reviendrai tantôt
vous donner une leçon de galanterie. . . — Je vous laisse à pen-
ser la joie du benêt.
Le comte arrive à son tour. Ici nouvel acte de donation de la
ferme, mais cetle fois au profit de la fermière, et dans l'espoir
de fléchir ses rigueurs : Marianne accepte, — ce qui me semble
passablement léger quand on ne veut rien donner en échange. —
« Je reviendrai, dans une heure, chercher votre réponse défini-
tive, dit le comte. »
Jean-Pierre, caché derrière une porte, a tout entendu. Il vient
chercher querelle à Marianne; mais des confidences réciproques
les mettent bientôt d'accord : ils garderont la ferme, mais ils
éconduiront le donateur; et d'abord M. le comte va recevoir
une petite leçon qui l'éloignera à tout jamais, — ou du moins
pour longtemps. En effet, voici venir la comtesse pour donner
au jeune paysan sa leçon d'amour, et voici le comte aux pieds
de Marianne; le lout au milieu des ténèbres, comme la fameuse
scène du Mariage de Figaro et autres imbroglios traditionnels.
Bientôt un garçon de ferme entre avec une lanterne. Coup de
théâtre. La leçon est complète, et la comtesse emmène son vo-
lage époux.
Si nous abordons la parution de M. Bitter, c'est pour consta-
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
235
1er d'abord un certain désappointement dans l'esprit de maint
auditeur. Sans rester précisément au-dessous de ce qu'on espé-
rait, cette musique semble différente de ce qu'on attendait d'un
pianiste-compositeur nourri de la moelle instrumentale do Beetho-
ven, d'un virtuose bercé par les accents vigoureux et les canti-
lènes heurtées de l'école romantique allemande. M. Ritter com-
prenait sans doute les modestes proportions du canevas qu'on lui
a présenté, puisqu'il s'est borné à de gracieuses broderies, à une
trame simple et légère, à un tissu nuancé de tons italiens.
Toutefois, le savoir-faire de l'harmoniste perce dans les accom-
pagnements d'orchestre. On remarque çà et là des dessins de
violons qui serpentent à travers une phrase chantée, s'entrela-
cent dans un duo, ou grimpent le long d'une cavatine, de façon
à captiver l'attention du connaisseur. Plusieurs morceaux ont été
justement applaudis, mais le public a fait une ovation spéciale au
Chant dubraconnier et aux couplets de Jean-Pierre, couplets
d'une facture originale, chantés, mimés et dansés avec une
verve incomparable par notre comique Berthelier.
Troy et M"e Bélia semblaient en proie à quelque émotion,
car on les a trouvés moins satisfaisants que d'habitude; pourtant
MUe Bélia a bien détaillé l'andante de son duo avec Berthelier,
et Troy a su imprimer une certaine vigueur au Chant du bra-
connier; Mlle Tuai remplit gentiment le rôle de la comtesse.
En somme, un succès d'été.
J. Lovy.
SEMAINE THEATRALE.
L'ambassade siamoise a fait, cette semaine, une apparition à
FQpéra. On avait réservé pour l'ambassadeur Phra Ya Eri-
bibadhu Batié l'avant - scène contiguë à la loge impériale,
ainsi qu'une loge de face au deuxième étage pour les offi-
ciers de- sa suite ; mais l'ambassadeur a tenu absolument à
figurer à l'étage supérieur. La représentation a paru les amuser
infiniment. Pendant un entr'acte, on les a menés sur la scène.
Les petits négrillons du cortège d'Olympia les intriguaient sur-
tout. Un officier siamois a pris un de ces négrillons et lui a
frotté le front avec le bout du doigt, pour s'assurer que la cou-
leur était fausse. Tout les étonnait et les mettait en gaîté.
On a inauguré l'autre soir à l'Opéra, une nouvelle rampe à
réflecteur dont voici une succincte description, avec l'énuméra-
tion de ses avantages.
Dans ce système, la rangée des becs de gaz n'est plus visible
pour les artistes ; elle est inférieure au parquet, et c'est un long
réflecteur argenté qui en renvoie la lumière sur la scène, à tra-
vers des plaques de verre dépoli, semblable à celui des globes
de lampes. Les yeux des acteurs sont un peu plus ménagés
ainsi.
D'un autre côté, la petite cloison qui servait à. cacher aux
spectateurs la flamme et les hautes cheminées de verre des becs
de gaz est devenue inutile. L'avanlage de celte suppression sera
très-appréciée surtout des spectateurs des premiers fauteuils de
l'orchestre, qui ne pouvaient voir les artistes qu'à mi-jambes ou
même à mi-corps, pour peu qu'ils fussent au deuxième plan.
Un troisième avantage encore plus grand, c'est que ce système
va supprimer tout danger d'incendie sur la personne des
artistes.
Le mot avantage est trop faible pour désigner ce côté salutaire
de l'amélioration.
L'Opéra-Comique nous a donné cette semaine la première
représentation de Marianne, paroles de M. Jules Prével, musi-
que de M. Th. Ritter. (Voir notre article de ce jour.) —
Mme Faure-Lefebvre et M. Battaille effectuent leur rentrée, la
première dans Joconde, le second dans V Étoile du Nord, qui
va servir de début à MUe Boziès, du Théâtre-Lyrique.
Une nouvelle comédie en quatre actes, la Vie indépendante,
de MM. Fournier et Alphonse, a obtenu une brillante réussite
au Gymnase. La pièce est habilement faite et supérieurement
jouée. Il y a là des situations vraies, des scènes touchantes, des
détails pleins de délicatesse. Lafont déploie sa distinction habi-
tuelle et devient même dramatique au troisième acte. M"0 Mé-
lanie s'assimile l'accent marseillais dans la perfection. Lesueur
est fort plaisant, Mlle Delaporte, très-gracieuse; et enfin Kime,
le débutant,- joue avec rondeur et bonhomie.
Le théâtre des Variétés, qui nous avait déjà donné la pho-
tographie des Portiers, vient d'éditer celle des Domestiques.
Les auteurs, MM. Grange et R. Deslandes, ont esquissé les
principaux traits de cette misère de notre temps: ils ont même
mêlé à leurs types celui de la servante de Molière (moins le dé-
vouement). La pièce, sans précisément nous offrir des situations
neuves, contient des éléments d'hilarité, et trouve en outre de
joyeux auxiliaires en Kopp, Charles Potier, Grenier, Thierry,
jjmes Aline Duval et Dupuis, deux transfuges du Palais-Royal.
Le Théatre-Déjazet a également sa parodie de la Tour de
Nesle. Elle est signée Léon Beauvallet et Marc Leprevost, et
renferme quelques désopilants tableaux. Tissier en Marguerite
de Bourgogne, Baynard-Mors-aux-Dents (Buridan), et Paul Le-
grand, fout assez bien valoir cette excentricité.
Puisque les chaleurs autorisent les théâtres à nous jouer
toutes sorles de tours, la scène Féerique des Champs-Elysées se
met aussi sur les rangs. Voici la Tour de Bondij, folie musicale
en un acte, paroles de M. Francis Tourte, musique de M. Maxime
Leblond. Cette joyeuseté est vivement menée par Octave Tes-
sier, Seguin, Frascisque et MIle Jenny Kid, la reine de l'en-
droit.
Le principal mérite de ce théâtre, et de celui du Chalet des
Iles, c'est qu'ils ont la vraie verdure pour toile de fond.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
F. CHOPIN ET SES ŒUVRES.
VI. (1)
Chopin a écrit deux livres d'études et des préludes justement
estimés.
Le premier livre d'études (op. 12) est dédié à Liszt. Il con-
tient douze pièces toutes remarquables par l'originalité du trait,
des modulations, en même temps que par la construction scienti-
(1) Op. 12. — Premier livre d'études, dédié à Liszt.
Op. 25. — Deuxième livre, à la comtesse d'Agout.
— Trois éludes pour la Méthode des Méthodes.
Op. 28. — Vingt-quatre préludes, à Camille Pleyel.
Op. 45. — Prélude, à la comtesse Tchernischoff.
236
LE MÉNESTREL.
fique. Les études de Chopin comptent au nombre de ce qui a été
produit de plus parfait en ce genre. — On a étrangement abusé
du mot études dans ces derniers temps. Sous le nom d'études
mélodiques surtout, que de motifs sans caractère, que de bana-
lités, que de ponts-neufs n'a-t-on pas fait passer dans le domaine
de la publicité, au moyen d'un procédé bien connu, celui qui
consiste à entourer un chant quelconque d'un système d'arpèges
et d'accompagnement continuellement identique! — Telles ne
sont pas les études de Chopin ; la mélodie est toujours distin-
guée, limpide comme un pur diamant, généralement triste (c'est
le cachet de la belle musique). — Le trait est construit avec
l'habileté particulière au maître, habileté sur laquelle nous nous
sommes expliqué et sur laquelle nous n'avons plus à revenir.
L'harmonie est écrite à un nombre inusité de parties, mais tou-
jours sans effort et avec une clarté parfaite. Il faudrait tout citer
dans le recueil. Notons le chant si exquis du n° 3; — le carac-
tère profondément triste des nos 6 et 9 ; — le n° 12 est drama-
tique. Les études 2, 4, 5, 7, 8, 10 et 11 sont presque gaies
( n'oublions pas que ce premier livre d'études appartient à la
première période delà vie de Chopin). La 5e est charmante,
quoique basée sur une combinaison bizarre : la main droite ne
joue que sur les touches noires de l'instrument. Dans la 10e,
on remarque un de ces jeux de rhythme auxquels se plaisait
Chopin : les deux mains jouent simultanément dans des mou-
vements dissemblables. Enfin la première étude, d'une exécu-
tion difficile, se fait remarquer par des accords arpégés dont les
harmonies sont grandioses et dignes de Bach.
Le second livre d'études est moins classique que le précédent.
— C'est moins l'étude proprement dite que ce qu'au temps de
Mozart, de Bach, on eût appelé pièce de piano. Il est aussi plus
original ; le caractère propre de Chopin s'y développe. — La
lre est très-mélodique, c'est un beau chant, suave, poétique ,
soutenu par des arpèges; la 2% à deux rhythmes, est une étude
de vélocité d'une grâce exquise. Chaque étude varie de carac-
tère : — ainsi, après la 3e qui est assez vive, la 4e paraît
sombre, agitée ; dans la 5e on remarque un beau chant reli-
gieux ; la 6e semble une page détachée d'Ossian ; — la 7e est
formée de deux chants simultanés , l'un dit par la main droite
dans le registre supérieur de l'instrument ; le second, par la
main gauche, dans le médium et les parties profondes ; le tout
soutenu par une harmonie exquise. Chopin a plus d'une fois
reproduit cet effet, et Schuloff s'en est inspiré dans l'adagio de
sa belle sonate. — La 8e étude brille par le sentiment poétique ;
la 9e est une délicieuse canzonetla italienne; la 10e un ouragan;
la 11e intéresse malgré sa bizarrerie; la 12e enfin brille par
d'ingénieuses combinaisons harmoniques.
En dehors de ces deux livres , Chopin a écrit trois études
pour la Méthode des Méthodes ; elles sont toutes les trois fort
belles. La lre et la 3e sont écrites en rhythmes divers et simul-
tanés ; — l'une, très-sombre comme pensée, l'autre, poétique
et d'un enchaînement harmonique remarquable. La 2e a cela
de singulier qu'à la même main (la main droite), les notes supé-
rieures sont liées, les notes inférieures détachées. — Dans ces
trois études, Chopin s'est proposé des difficultés très-réelles à
résoudre, et il l'a fait avec un rare bonheur et une rare élégance.
Les préludes de Chopin ont, selon nous, une valeur artistique
supérieure à celle des études. L'individualité de l'artiste s'y
dessine plus nettement encore. Il est difficile de donner une
analyse de ces pièces charmantes, en général peu développées,
dont quelques-unes ne comptent que peu de lignes, les plus
longues deux ou trois pages. Ce sont des effusions musicales
toutes spontanées. On peut dire que Chopin est tout entier dans
ses préludes, une de ses œuvres les plus intimes et les plus ori-
ginales, un écrin de pierres précieuses. — Un pianiste fantai-
siste n'eût pas manqué d'intituler le Ruisseau, la Cascade, les
préludes 3 et 23 ; ne sont-ce pas en effet de véritables ruis-
seaux de perles limpides? — Que le n° 4 est sombre et désolé !
(comparez-le à la Mort et la Jeune Fille, de Schubert, au can-
tique la Mort, de Beethoven) . — Notez le beau chant de basse
du n° 6, rappelant assez celui de l'étude 7e du huitième livre.
— Quel poëme en quatre lignes que le n° 7 ! — Le n° 9 est une
évocation d'une majesté souveraine ; — Le n° 12, au contraire,
est surtout passionné. — Le n° 14 est un germe que Chopin
semble avoir fécondé dans le premier morceau de sa sonate ,
op. 35. — Le n° 15, peut-être le plus beau de tous, se fait re-
marquer par un chant céleste, interrompu par une inspiration
dramatique à donner le frisson. — Le n° 20 est un magnifique
choral qui serait d'un grand effet sur l'orgue. — Le n° 21 est
vaporeux, féerique. — Le n° 22 fait involontairement songer au
Moine de Meyerbeer. Nous n'avons cité ici que les plus remar-
quables d'entre les préludes dédiés à Camille Pleyel.
Chopin a écrit un prélude isolé (op. 45) qui n'a pas la valeur
des précédents ; c'est une inspiration d'un caractère un peu
incolore.
Qu'il nous soit permis de faire une remarque : peu de pia-
nistes modernes ont, autant que Chopin, réussi dans le prélude.
Ce genre n'est pas fait pour captiver la foule : il est trop intime;
il ne permet pas d'aspirer à une renommée bruyante ; mais il
est cher à tous ceux qui préfèrent à l'éclat, une lueur plus pâle ,
mais plus douce, plus touchante, qui apprécient, avant tout,
l'effusion de l'âme et la spontanéité.
VII. (1)
On peut rapprocher des préludes Y impromptu, pièce dont
la création semble appartenir à Chopin (2). L'impromptu dé-
bute par un trait brillant et développé qui, au moyen d'une
reproduction presque identique , servira aussi de péroraison.
La partie intermédiaire est réservée à l'exposition d'une mélodie
large et puissante. Le plus célèbre des impromptus de Chopin
est le premier, dédié à Mlle Lobau. Il est plein de suavité et de
sentiment. Le second (op. 36) est écrit en demi-teinte, il est
vaporeux et presque insaisissable; sa construction s'éloigne aussi
du plan que nous avons indiqué. M. Fortoul (3) a écrit une
page qui s'applique merveilleusement à ce spécimen du talent
de Chopin.
« Chopin, dit M. Fortoul, se plaît dans de fines broderies ,
dont le contenu même est quelquefois si fugitif qu'il paraît in-
décis. Il procède cependant carrément avec une sorte de naïveté
qui dédaigne de se donner les formes de la souplesse et qui est
comme la bonhomie de la délicatesse. Il travaille avec une
(1) Op. 29. — Premier impromptu, à Mlle de Lobau.
Op. 36. — Deuxième impromptu.
Op. 51. — Troisième impromptu, à la comtesse Esterhazy.
— Quatrième impromptu posthume (1834).
(2) Nous devons dire cependant qu'avant Chopin , F. Schubert avait
écrit de ravissantes pièces sous le nom ^'impromptus. Mais le plan diffère
sensiblement de celui des pièces dont nous faisons ici l'analyse.
(3) VArt en Allemagne, t. I, p. 7.
TAHLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
237
science extrême, un thème ordinairement simple ; mais il ne
lui enlève jamais par le travail, même excessif, son caractère
de simplicité. La pure fantaisie semble conduire ses mélodies ;
elle les accompagne même lorsqu'on cesse de les entendre. Elle
les prolonge, si l'on peut parler ainsi, jusque dans le silence où
elle aime à les voir se perdre. C'est la musique des fées,, des
esprits, des lutins , au milieu desquels de plus sombres figures
n'apparaissent que pour mieux faire ressortir leur légèreté, et
comme pour ajouter à toutes les grâces celles de la mélancolie. »
Le 3e impromptu (op. 51) est d'un style noble et soutenu ;
on y remarque un de ces chants de la main gauche qu'affec-
tionnait Chopin, et dont nous avons déjà signalé des exemples
dans l'étude 7 du premier livre et le 6e prélude.
S'il nous fallait choisir parmi les impromptus de Chopin ,
nous donnerions nos préférences au 4e impromptu (posthume),
écrit en 1834. — Tout est à noter dans ce petit chef-d'œuvre.
Le trait est d'une pureté classique ; le chant est d'une largeur
presque grandiose, émouvant jusqu'aux larmes. On ne com-
prend guère quel motif a pu porter Chopin à oublier dans ses
cartons ce morceau si digne de la publicité.
VIII (1).
Chopin a abordé presque tous les genres de musique légère,
et à tous il a imprimé le cachet de sa nature rêveuse et triste.
Qui croirait qu'une tarentelle, un boléro, pussent laisser dans
l'esprit, après l'audition, un sentiment douloureux? Ces vives
et sémillantes formules de la gaieté méridionale, Chopin les a
transformées ; il n'en a conservé que le cadre, et à la place des
figures joyeuses qu'on était accoutumé à y voir, il a mis le-
pâles beautés du Nord. On pourra vérifier la justesse de cette
observation en parcourant sa délicieuse tarentelle (op. 43) et
son boléro.
Du reste, Chopin n'a usé que sobrement de ces formules qui
ne convenaient pas à la nature de son tempérament de poète,
sans avoir pour lui la valeur toute patriotique et nationale des
mazourkes et des polonaises.
Il est bien plus lui-même dans la herceu.se (op. 57). Cette
pièce est construite sur une basse uniforme avec une modulation
unique et sans cesse répétée (la plus simple de toutes). Le chant
n'a que quatre mesures. Mais quel écrin le maître a versé sur
cette mélodie presque tronquée ! Qui saurait dire le charme
incomparable de cette poétique composition? La voyez-vous,
l'entendez-vous , la blonde mère, berçant de sa voix encore
juvénile, le nouveau-né endormi sur ses genoux :
Cher enfantelet, vray pourtraicl de ton père ,
Dors sur le seyn que ta bouche a pressé !
Dors, petiot ; cloz, aray, sur le seyn de ta mère ,
Tien doulx œillet par le somme oppressé I (2)
La barcarolle (op. 60) est aussi très-poétique. Elle est peut-
être trop développée et un peu vague, mais elle plaît par le
cachet de rêverie qui y est imprimé.
Chopin n'a écrit qu'une fantaisie (op. 49). C'est une fantaisie
comme la comprenaient les vieux maîtres , toute puisée aux
(1) Op. 43. — Tarentelle.
Op. 19. — Boléro, à la comtesse de Flahaut.
Op. 57. — Berceuse, à Mlle Gavard.
Op. 60. — Barcarolle, à la baronne Stockausen.
Op. 49. — Fantaisie, à la princesse Souzzo.
(2) Clotilde de Surville : Yerselets à mon premier né.
sources personnelles de l'inspiration, pure d'alliage étranger.
Chopin était trop riche de son propre fonds pour recourir à des
idées qui ne fussent pas siennes. Nous engageons à étudier cette
belle composition.
IX (2).
Nous devons a Chopin, sous le nom de hallades, quatre pièces
dont il est assez difficile de donner l'analyse et le plan. Ce sont
des compositions généralement assez vagues. — Pourquoi bal-
lades? — Cette appellation singulière nous ferait supposer
Chopin sous l'impression de quelque poétique légende de son
pays, essayant de la traduire dans la langue musicale. — Le
langage musical n'équivaut pas au langage articulé; — aussi
ne résulte-t-il de l'audition de ces pièces qu'un sentiment de
rêverie très-prononcé. Le première (op. 23) est la plus régu-
lièrement construite; le chant est sombre, dramatique, d'un
grand effet, largement et scientifiquement traité. La deuxième
(op. 28), dédiée à Schumann, est une sorte de pastorale. Il y a
de la naïveté et de la tristesse à la fois dans le motif ; mais ce
chant, qui berce délicieusement, est coupé, avec une brusquerie
évidemment exagérée, par un presto agitalo beau, mais trop
court ; — le morceau finit par la reprise du molif.
La troisième ballade (op. 47) n'offre pas de contrastes : elle
brille au contraire par l'unité ; le style en est placide et presque
souriant.
La quatrième (op. 52) est trop développée ; c'est une œuvre
anxieuse, d'une teinte de tristesse uniforme, mais ricbe en dé-
tails d'une extrême distinction et en combinaisons qui en rendent
l'élude pleine d'intérêt.
La ballade semble une création propre à Chopin.
H. Barbedette.
( La suite au prochain numéro. )
NOUVELLES DIVERSES.
— On a déjà recueilli à Londres, pour l'Exposition universelle de 1862,
dix millions, et l'on va construire, contigu à l'édifice, une énorme salle
de concerts qui contiendra vingt mille personnes. On y jouera de grands
oratorios, que Bénédict dirigera; l'Orphéon y chantera. La direction a
adressé à Auber, Meyerbeer, Bossini, et à l'un des meilleurs compositeurs
de l'Angleterre, la demande d'écrire exprès, chacun, un morceau pour cette
solennité.
— Le théâtre Lyceum de Londres vient de donner Un Ballo in maschera,
de Verdi, avec un éclatant succès. Mmes Titiens, Gassier, Lemaire, JIM. Délie
Sedie, Giuglini, Gassier et Petey ont été rappelés après chaque acte. On a
bissé plusieurs morceaux , entre autres l'aria : Tri ta che macchiavi ,
admirablement chantée par le baryton Délie Sedie, qui a été de plus l'objet
d'ovations spéciales comme comédien. M. Calzado, ainsi que Mmes Penco,
Grisi, MM. Tamberlick, Graziani et Gardoni, brillaient parmi les auditeurs
de cette belle représentation. L'orchestre était dirigé par M. Ardili.
■ — Notre confrère l'Entr'acte nous escompte déjà, un peu prématurément,
la prochaine saison du Théâtre-Italien de Paris. Voici le bulletin qu'il vient
de publier ; c'est presque de la musique de l'avenir, dans son acception
réelle : « Mario, en ce moment à Londres, vient de signer avec M. Cal-
zado un nouvel engagement qui courra à partir du 15 octobre jusqu'au
31 mars ; c'est presque toute la saison. Tamberlick, qui est encore lié
pour l'hiver prochain au théâtre de Saint-Pétersbourg, arrivera à Paris et
(2) Op. 23. — Première ballade, à la baronne de Stockausen.
Op. 28. — Deuxième ballade, à Bobert Schumann.
Op. 47. — Troisième ballade, à Mlle de Noailles.
Op. 52. — Quatrième ballade, à M. de Bothschild.
238
LE MÉNESTItEI.'.
commencera à chanter, le 8 mars: mais il n'y a pas espérance de pouvoir
le garder jusqu'à la fin d'avril, car l'Exposition universelle de 1862, à
Londres, fera sans doute avancer l'ouverture de la saison de Covenl-
Garden, où il est engagé pour plusieurs années. Notre prochaine saison
italienne sera aussi riche en ténors qu'en prime donne, car nous aurons,
outre Mario et Tamberlick, la rentrée de Belart, très-agréable tenorino
qu'on a déjà entendu à Paris, et les débuts d'un jeune ténor allemand
nommé Graun , sur qui l'on fonde les plus grandes espérances, et que
M. Calzado s'est attaché pour plusieurs années. »
— L'entreprise lyrique du Theater an der Wien, à Vienne , est défini-
vement dissoute, la direction n'ayant pu lutter contre les difficultés sans
nombre qui entravaient sa marche administrative.
— On construit à Naples un théâtre diurne qui doit contenir plus de
cinq mille personnes.
— Junca, la basse-taille qui faisait naguère partie de la troupe du
Théâtre-Lyrique, vient d'être engagé au théâtre Carlo-Félice, de Gênes.
— S'il faut en croire le journal de musique de Boston , l'art musical
commencerait à s'acclimater dans les îles Sandwich. A Honolulu, il s'est
formé une société philharmonique qui donne des concerts, dont le pro-
gramme se compose en grande partie de musique classique, et qui donne
aussi des représentations théâtrales d'opéras. Ainsi S. M. Kamehameha
chantait, il y a quelque temps, le rôle de Manrico, et sa royale épouse
celui d'Azucena, dans Trovatare. — Se non èvero, etc.
— On sait que le compositeur Spohr a laissé ses mémoires, qu'on a
publiés tout récemment en Allemagne sous le titre : Autobiographie de
Spohr. Il paraîtrait qu'au point de vue de la charité chrétienne, cette
publication posthume a quelque analogie avec les Mémoires d'outre-
tombe de Chateaubriand. Voici ce que nous lisons dans cette autobiogra-
phie de Spohr (chapitre de son voyage en Italie! : « Dans une conversa-
tion avec le directeur du Conservatoire de Naples , Zingarelli, il fut beau-
coup question de Haydn. Spohr ayant prononcé le nom de Mozart, Zin-
garelli, tout en convenant que Mozart, lui aussi, avait eu quelques dispo-
sitions pour l'art musical , ajoute « qu'il était fort à regretter que ce
« maître n'eût pas eu le temps de continuer ses études encore pendant une
« disaine d'années; qu'alors il eût pu mettre au jour quelques bons
a ouvrages. » Ce passage est accompagné d'une vignette représentant une
tête d'âne. »
— On écrit de Spa : « La saison promet d'être brillante. On va d'abord
offrir à nos baigneurs un opéra inédit de M. Jules Béer, qu'on a applaudi
l'hiver dernier à Paris : les Roses de M. de Malesherbes. Puis nous en-
tendrons successivement Mmes Schumann , Kastner-Escudier , de Taisy ,
MM. Servais, Brassin, etc.
— Notre maestro Halévy travaille en ce moment, dit-on, à un opéra
intitulé Noé. Cet ouvrage est destiné au Théâtre- Lyrique.
— Nous avons annoncé l'engagement de Mme Anna Berlini, par M. Me-
relli, pour le théâtre de la Scala de Milan. On nous apprend que Mme Colson,
l'ancienne cantatrice de notre Théâtre-Lyrique, a également été engagée
par M. Merelli pour l'hiver prochain.
— Nous avons publié il y a quelque temps une partie du rapport fait
par M. Fétis, du Conservatoire de Bruxelles , sur la messe solennelle à
deux chœurs de M. Pierre Benoist, ce jeune compositeur belge, dont le
nom commence à devenir populaire à Paris. Nous apprenons que S. M. le
roi Léopold vient d'ordonner que cette messe sera chantée le 21 juillet
prochain à Sainte-Gudule, pour l'inauguration du 31° anniversaire de son
rèTie. Plus de deux cents artistes, chanteurs et instrumentistes, la ré-
pètent en ce moment. Tous les frais de cette grande exécution seront
imputés sur la cassette particulière de Sa Majesté.
— Les morceaux qu'on a choisis cette année pour le concours de piano
des élèves du Conservatoire sont : Classes d'hommes, un fragment du
quatrième concert de Kalkbrenner ; Classes de femmes, un fragment du
concerto de Chopin en mi mineur.
— Un arrêté du ministre de la guerre vient de créer, dans chaque régi-
ment, une école destinée à former des élèves musiciens. Le nombre des
élèves est fixé à quinze pour les régiments do troupes à pied, et à dix
pour ceux de troupes à cheval. Les élèves continuent à compter dans leur
compagnie , escadron et batterie ; ils continuent à y faire leur service,
et, à toute prise d'armes, ils rentrent dans le rang pour marcher, manoeu-
vrer ou combattre. Ils sont instruits à solfier, à vocaliser et à jouer d'un
instrument de musique militaire. A cet effet, les instruments réformés
sont mis à la disposition du chef, sur un bon signé de lui. Toute vacance
qui se produit dans la musique peut être remplie par un élève ayant
acquis l'instruction nécessaire. Il est admis comme musicien de qua-
trième classe et aussitôt remplacé à l'école par un autre élève, de manière
que le nombre des élèves soit toujours au complet dans chaque régiment.
— On lit dans le Courrier de Nantes : « Le Sport a donné hier soir une
fête de bienfaisance tout à fait splendide. Dès huit heures, la foule la plus
élégante se pressait dans les salons et dans le jardin de la Société. L'hôtel
était brillamment illuminé; les jardins resplendissaient de becs de gaz, de
verres de couleur et de lanternes vénitiennes pendant aux branches des
arbres comme des fleurs lumineuses. L'orchestre avait été installé sur une
estrade' au milieu du jardin, et était entouré de plus de deux mille audi-
teurs. M. Arban a donné le signal, et sous sa baguette nos artistes ont
exécuté les morceaux les plus difficiles du programme, aux applaudisse-
ments de la foule, applaudissements dont les solistes ont eu leur bonne
part. M. Arban a ensuite mérité une véritable ovation. Il a charmé et
étonné surtout dans sa cavatinede Béatrice et dans son solo du Trovatore.
Une riche couronne lui a été offerte au nom de l'assemblée enthousiasmée.
— Le Nouvelliste de Bouen nous parle d'un intéressant concert donné
au foyer du Théâtre des Arts, à Rouen, par M. Voiron, chef d'orches-
tre des ballets de ce théâtre. Des artistes aimés figuraient au pro-
gramme, notamment M. et Mme Ceret (M118 Voiron), M. Klein, organiste
de la métropole, M. Moulin, premier ténor, etc., etc. L'orgue expressif de
M. Klein a supérieurement interprété diverses compositions de M. A. Mé-
reaux : la Neige des Alpes, la Berceuse et la transcription Mon cœur sou-
pire. M. Klein s'est fait également applaudir comme compositeur : son
Joyeux Tambour et sa fantaisie sur Oberon ont été très-fêtés. M. Félix
Ceret est toujours un excellent trial, et Mme Ceret-Voiron a eu les hon-
neurs d'un rappel après les couplets de Galathée.
— Nous empruntons au Nouvelliste de Marseille , les lignes sui-
vantes sur une jeune virtuose qui marche sur les traces de Mlle Maria
Boulay : « Malgré les préoccupations et les fatigues du concours régional,
il n'y avait pas assez de place, mardi, dans sa salle Boubaud, pour conte-
nir tous les dilettanti. C'est qu'ils y étaient conviés par M"8 Coraly
Mugnier, une gracieuse jeune fille , que nous nous enorgueillissons de
compter parmi nos compatriotes , et qui , à peine entrée dans sa quin-
zième année, va bientôt rivaliser avec les vétérans du manche et de l'ar-
chet. Elle a, en effet, l'âge d'une élève, mais presque le savoir d'un
maître. Elle promettait sans doute beaucoup quand nous l'entendîmes
pour la première fois il y a trois ans ; elle tient plus encore aujourd'hui,
et le labor improbus n'est plus un précepte à lui appliquer. Dans l'Élégie
de Ernst, le Caprice de Vieuxtemps et la Fantaisie d'Alard sur le motif
de la Fille du régiment, cette précoce artiste a montré les qualités de
style et de mécanisme qui distinguent les successeurs de Paganini. Elle
a le coup d'archet audacieux et brillant, une netteté que rien n'altère,
une phrase dont la simplicité, le charme et l'élégance sont véritablement
enchanteurs. »
— On lit dans la Presse de Londres : « Nous avons entendu cette se-
maine, à Argyll Rooms, une nouvelle et délicieuse valse d'Antony La-
motte, intitulée : The witherai leaves (les Feuilles mortes). Le motif
principal qui sert d'introduction est la fameuse romance de L. Abadie :
les Feuilles mortes, que chacun de nos lecteurs connaît par coeur. L'ha-
bile chef d'orchestre d' Argyll Rooms a traduit pour l'orchestre cette
plaintive et touchante élégie avec un charme et un fini de détails qui ne
laissent rien à désirer. La belle mélodie d' Abadie soupirée par les altos, vio-
loncelles, clarinettes et bassons, rend admirablement toute la tristesse
navrante, le suprême adieu du pauvre poitrinaire à celle qu'il aime et qu'il
va quitter ici-bas. »
— L'Angleterre seule a le courage de placer sa saison musicale au cœur
de l'été. On ferait en ce moment deux lieues dans Paris sans rencontrer
un concert, et pourtant un phénomène de ce genre s'est déclaré dimanche
dernier, salle Herz, où MUe Eugénie Benel donnait une matinée musicale
et dramatique. On a commencé par la Joie fait peur, pour égrener en-
suite un chapelet vocal et instrumental défrayé par Mm8S Benel, Ovazza,
Freret, Maubant, Thalgrun, Pezzani et Berlhelier, qui est de toutes les
fêtes.
— Les nombreux habitués du Concert des Champs-Elysées applau-
dissent, depuis quelques jours, une jolie valse composée par Musard sur
les motifs de la Se.rounte à Nicolas, opéra de M. J. Erlanger, joué ce
hiver au théâtre des Bouffes-Parisiens.
NOUVELLES ET ANNONCES.
239
NÉCROLOGIE.
Encore un artiste qui vient de quitter ce bas-monde, en emportant les
regrets et les sympathies de tous !
Giuseppe Concone est mort presque subitement a Turin, à l'âge de
cinquante et un ans.
Né à Turin vers 1810, Giuseppe Concone avait essayé, dès ses plus
jeunes années, à se faire connaître au théâtre ; mais son Episodio de san
Michèle (paroles de Romani) n'obtint que quelques représentations.
Peu encouragé par le résultat de ce premier essai tenté dans la voie du
théâtre, Concone quitta l'Ilalie; il vint, en 1837, s'établir en France, où il
habila tantôt Paris, tantôt la province, et où il publia, soit pour le chant,
soit pour le piano, un grand nombre de compositions. Il écrivit particu-
lièrement une certaine quantité de pièces dramatiques qui avaient parfois
tous les développements exigés pour les morceaux d'opéra. Il en est une
entre autres, intitulée Jeanne Hachette, qui obtint beaucoup de succès.
Plusieurs situations dramatiques puisées dans les romans si passionnés
de Walter Scott, modifiées selon la nécessité et mises en vers par son col-
laborateur, lui inspirèrent des mélodies heureuses et souvent fort origi-
nales. Sa fécondité du reste était extrême, et, outre un nombre considé-
rable de morceaux et de suites d'études pour le piano devenues popu-
laires, il reste de lui des compositions religieuses qui décèlent un véritable
talent.
Rentré dans sa patrie à l'issue de la révolution de 1848, Concone y resta
désormais fixé, et, le démon du théâtre le tentant de nouveau, il écrivit
un opéra intitulé Graziella, que, malgré toutes ses démarches, il ne put
réussir à faire représenter sur aucun théâtre.
Peu de temps après son retour de Turin, Concone s'était vu confier la
charge d'organiste de la chapelle royale, et, dans ces derniers temps , il
avait été nommé chevalier de l'ordre de Saint-llaurice et Saint-Lazare.
G. STANZIERI.
Un jeune pianiste compositeur, dont les œuvres et le talent avaient fait
sensation à Paris dans ces derniers temps, vient d'être enlevé bien pré-
maturément à ses amis et à ses admirateurs. Le jeune Stanzieri était sur-
tout affectionné de Rossini, dont il interprétait les œuvres de piano avec
cette âme, ce sens musical et cette vérité d'expression qui n'appartiennent
qu'à l'auteur même. Reaucoup de virtuoses se disputeront l'honneur de
jouer la fameuse tarentelle, spécialement composée par Rossini pour le
piano ; mais, on peut le dire, aucun n'arrivera à lui donner la vie et le
mouvementé un égal degré, et cette variété de nuances qui, sous les doigts
de Stanzieri, faisait tout un poème de cette incomparable tarentelle.
Rossini non-seulement voyait dans Stanzieri, un second lui-même pour
l'interprétation de ses œuvres , mais il lui reconnaissait tous les dons
de l'imagination individuelle. C'est à sa recommandation expresse que les
éditeurs du Ménestrel publièrent les Brises d'Italie , recueil de pensées
musicales exécutées par l'auteur dans les salons du grand maestro, qui
daigna illustrer de sa signature la dédicace du jeune musicien.
Dans ses pensées musicales, Stanzieri chantait Florence, Venise, Polo-
gne, Naples, Sorrente et Rome, la ville éternelle. Il chantait sa patrie
comme un autre Rellini , non-seulement sur le clavier d'ivoire où la mort
est venue le surprendre à sa vingt-cinquième année, mais il la chantait
aussi de la voix, du cœur ! Mario, Graziani, Grisi, ont redit plus d'une
fois ses chants, qui lui survivront.
Pour l'art italien, Stanzieri est une grande perte. Avec de la santé et
plus de maturité dans le talent, il y avait en lui, nous le répétons, l'étoffe
d'un autre Bellini.
PUBLICATIONS MUSICALES.
Nous nous empressons d'ouvrir nos colonnes à l'excellente apprécia-
tion du Journal de la Vienne sur les ouvrages de S. Thalberg, Félix
Godefroid, Henri Ravina, Ch. Lysberg et L. Diemer, publiés par le Mé-
nestrel, en remerciant, au nom des auteurs et des éditeurs, la plume
compétente de M. d'Aubigny, l'un de nos professeurs les plus éclairés :
Tous les pianistes qui veulent faire de leur instrument autre chose
qu'une machine à produire le plus de notes possible dans le moins de
temps donné connaissent et pratiquent l'excellent ouvrage de Thalberq
ayant pour titre : l'Art du chant appliqué au piano.
Les règles que le célèbre virtuose a posées en tête de son œuvre, les
indications précises qui accompaguent chacun des morceaux des deux séries
qui la composent, pouvaient, jusqu'à un certain point suffire aux amateurs
et aux artistes très-intelligents pour arriver à une exécution parfaite des
pièces extrêmement difficiles que contient cette remarquable collection.
Toutefois, on trouvait généralement que Thalberg, en écrivant son ou-
vrage, avait plus songé aux pianistes d'une force supérieure qu'à ceux
d'un talent secondaire, auxquels pourtant ce même ouvrage pourrait être
de la plus grande utilité, et on désirait quelque chose qui servît d'intro-
duction, d'acheminement, de préparation à l'élude de l'Art du chant ap-
pliqué au, piano.
Notre grand harpiste Félix Godefroid, qui est aussi un pianiste distin-
gué, vient de donner satisfaction à ce désir, en publiant, sous le titre
à'Ècole chantante du piano, une méthode en trois parties contenant, en
outre des observations et des préceptes les plus judicieux, les plus clairs,
les plus détaillés et les plus rationnels , des exercices et des mélodies-
types sur toutes les difficultés du chant, avec la manière de les rendre sur
le piano.
A l'aide de cette méthode et en la travaillant avec soin et avec intelli-
gence, on arrivera plus facilement à interpréter convenablement les ma-
gnifiques transcriptions de Thalberg, qui ne seront plus désormais, grâce
à Félix Godefroid, lettres closes ou énigmes indéchiffrables pour tant
d'exécutants, estimables mais timides, qui'n'osaient pas même en entre-
prendre l'étude.
Une autre de nos célébrités musicales, Henri Ravina, vient de faire
paraître un nouveau livre d'études dédiées à sa fille, qui se recommandent
à juste titre aux professeurs de piano pour les élèves de moyenne force,
et qui méritent parfaitement la qualification d'harmonieuses que le public
leur a donnée.
Rien en effet de plus gracieux, de plus suave, de plus attachant que la
partie mélodique de ces études ; rien, en même temps, de plus correct et
de plus propre à former la main que leur partie mécanique. Ce sont les
dignes sœurs des études caractéristiques du même auteur et de ses grandes
études de concert.
Dans le genre moins sérieux et moins classique, je dois signaler encore
un recueil A' Airs savoisiens transcrits et variés d'une manière charmante
par Lysberg, dont les œuvres précédentes sont depuis longtemps en pos-
session de l'estime de tous les professeurs , et que les élèves affection-
nent beaucoup. Les Airs savoisiens ne peuveat qu'augmenter cette af-
fection.
Enfin , et pour en finir aujourd'hui avec les œuvres de piano qui
viennent de m'être adressées, je recommanderai aux personnes mélanco-
liques, et à celles surtout qui ont malheureusement quelque grave sujet
de tristesse, une Élégie de Diéjier sur la mort de sa mère. C'est bien là
véritablement un chant de regrets et d'adieux écrit avec le cœur. La
mélodie en est aussi distinguée que sincèrement douloureuse, et l'harmo-
nie qui la soutient ne laisse rien à désirer sous le triple rapport de la
richesse, de la pureté et de la correction. d'Aubigny.
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CHANT ET MÉCANISME
le^LlYRE (op. 37).
85 Études pour les petites mains.
1 et 2. Coulés et détachés (M. d., m. g.). — 3.Etude chantante. — 4. Solfège.
5. Les cinq Notes. — 6. Le Violoncelle. — 7. LesdeuxTrompettes. —S. La Gamme.
9. Persuasion. — 10. Les Révérences. — 11. Fanfare. — 12. Convalescence.
13. Oui ou Non. — 14. Montagnarde. — 15. Etude à 4 parties. — 16. Le Staccato.
17. Au Village. — 18. Le Fantôme. — 19. La Sauterelle. — 20. Ballade. —21. Une
Caresse. — 22. Risoluta. — 23. Pas redoublé. — 24. L'Arpège. — 25. L'Enjouée.
2" LIVRE (op. 38).
20 Études de moyenne difficulté.
1. Agilité. — 2. Air de Ballet. — 3. Pas à Pas. — 4. Si j'osais! — 5. Le
Départ des Chevaliers. — 6. Sur l'Eau. — 7. Le Papillon. — 8. La Poursuite.
9. La Bergeronnette. — 10. La Fuite. — 11. L'Angélus. — 12. Une Course
à deux. — 13. Franchise. — 14. Hélas! — 15. Le Ramier. — 16. Le Retour
des Chevaliers. — 17. Confidence. — 18. En Octaves. — 19. Grand'JIère et
Grand'Père (canon). — 20. La Chromatique.
Prix : 19 fr.
3b LIVRE (op. 39).
S 4 Études de perfectionnement.
Prix
fr.
1. Le Messaser. — 2. Les Caquets. — 3. Au Bord du Ruisseau. — 4. Boute-
Selle. — 5. Scherzetto. — 6: Ariette. — 7. Vieux Style. — 8. Prestezza.— 9. Redowa
fantastique. — 10. Les Masques. —11. Sous le Charme. — 12. Colombine.
13. Espère encore! — 14. Simple Histoire. — 15. Bacchanale. — 16. Lied.
17. Etincelles. — 18. Souvenance. — 19. La Tournoyante. — 20. Feuille et Zéphyr.
21. A pleines Voiles. —22. Consolation. — 23. Abandonnée. — 24. L'Orgie.
ÉTUDES CARACTÉRISTIQUES sur OBERON, de WEBER.
1. Chœur des Génie
2. Barcarolle. — 3. Ronde de Nuit. — 4. Arietle de Fatime. — 5. Vision. — 6. Séduction et Magie.
lie Kecueil : SO tfr. — Chaque Eurcrcii : 5 fr.
SOUVENIRS OU CONSERVATOIRE
Transcriptions.
1. Plaisir d'Amour, de Martini, méditation 5 fr.
2. Célèbre Chœur de Castor et Pollux, de Rameau 6
3. 18° Psaume de Marcello, paraphrasé 7 !
4. Romance et Chanson militaire i'Egmoni, de Beethoven. . • . 7 !
5. Andante de Mozart 5
6. Allegretto-Scherzando de la 8e Symphonie de Beethoven.
7. Menuet d'HAYDN
8. Air A'Anocréon, de Grétry
9. Voi che sapete, des Noces de Figaro
10. Non più andrai farfallone, des Noces de Figaro. . . .
5fr.
5
RHYTHME DES DOIGTS
Exercices-Types, à l'aide du Métronome,
Pouvant servir à Vélude la plus élémentaire comme au perfectionnement le plus complet du mécanisme du piano.
Ce Recueil se divise en huit séries distinctes, embrassant, dans leur ensemble, toutes les principales difficultés du mécanisme d'exécution.
Première série : exercices en notes simples, à main fixée, sur degrés conjoints.
Deuxième série : suites de notes simples, exerçant les mains à parcourir le
clavier sans passer le pouce.
Troisième série : gammes simples diatoniques et chromatiques.
Quatrième série : arpèges et accords luises résultant de l'accord parfait.
Cinquième série : jeu du poignet, — étude générale du staccato.
Prix «lu Itecucil complet : 15 fr. — Abrégé
Sixième série : doubles et triples notes à main fixée, — trémolos de
quadruples notes, — suites de doubles notes parcourant le clavier, —
diatoniques et chromatiques en tierces et en sixtes.
Septième série : extension des doigts, — exercices à main fixée, arpég
corils brisés résultant des accords de cinq doigts.
Huitième série : variétés de rhythmes et d'exercices complétant chaque
ÎO fr.
triples et
gammes
Paris, AU MÉNESTREL, 2 62s, rue Vivienne,
= HEUGEL et Cic, =
Éditeurs, Fournisseurs du Conservatoire.
772. — 28e Année.
rv» 31.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 30 Juin
aa^a
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'en chef.
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On souscrit du 1" de chaque mois. — L'année commence du 1" décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection —Adresser franc,
un bon surla poste, à MM. IIEUGBI. et C", éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Tj p. Charles île Mourgues frères,
( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr.
! Jean-JacquesRousseau, 8. — 3901
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. Le Théâtre et la Musique au Salon de 1861 (2e article). Gustave Bertraxd.
— II. Semaine théâtrale. J. Lovt. — III. Tablettes du pianiste et du chan-
teur : Chopin et ses œuvres (5e article). H. Barredette. — IV. Les diapasons,
de 1680 à. 1859. — V. Un quatuor d'amateurs (3e article, fin). J. d'Ortigoe.
— VI. Nouvelles. — Vil. Etudes pratiques de style. Léon Gataïes.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour :
VAESE DE CHOPIN ,
Op. 64, N° 1 , dédiée à Mme la Csse Potocka. — Suivra immédiatement
après : l Absence, romance sans paroles, de J.-M. Delalanne.
CHANT :
Nous publierons, dimanebe prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant, la mélodie :
ABSENT !
Poésie de M. Léon Halévt , musique de M. de Saint-Rémy, mélodie
dédiée à Madame la Csse de Mornt. — Suivra immédiatement après :
Ma mie Annette, poésie d' Henry Murger, musique de Félix Godefroid.
LE THEATRE ET LA HUSIQtE Al SALON DE 1861.
LES PORTRAITS.
II.
M. Gérôme expose, entre autres choses, une Rachel. C'est
plutôt, à proprement parler, une figure symbolique de la tra-
gédie. Le socle de la colonne cannelée où elle s'adosse porte les
noms des principaux rôles du répertoire de l'artiste. Derrière
elle on aperçoit un trépied : la main caresse vaguement la poi-
gnée d'un glaive ; le regard oblique et farouche , torva tuens,
paraît suivre un projet terrible. ... En somme, c'est un tableau
d'un grand caractère.
Mais, ce qui est plus beau encore, c'est le portrait de Rachel
après sa mort, dessin au crayon noir par Mme O'Connell. On
sait l'histoire de ce dessin : l'excellente artiste l'avait exécuté
d'après une photographie faite au Cannet, peu d'instants après
la mort de Rachel ; il fut exposé quelque temps aux vitrines de
l'éditeur Goupil. La famille Félix porta plainte en justice, pré-
tendant qu'on n'avait pas droit, sans sa permission , d'exposer
en vente ce portrait ni aucun autre de Rachel ; et les tribunaux
reconnurent la légitimité de cette réclamation. — Quoi qu'il en
soit, ce dessin est admirable, et je me le représente , aux ventes
de l'an 1900, poussé à des enchères fabuleuses et humiliantes
pour la peinture.
Le portrait de Mlle Trebelli, du Théâtre-Italien (n° 1808) ,
est une charmante miniature à l'huile. Cela ne ressemble pas
trop, mais c'est encore une jolie figure , et on y retrouve bien,
en effet, quelque chose de ce clignement gracieux, de ce sourire
piquant qui relèvent la beauté de la jeune prima donna.
Le portrait de Pierre Dupont, le chantre populaire , le mu-
sicien-poêle, fait beaucoup d'honneur au jeune talent de M. Lay-
raud. Le mouvement de la tête, qui se détourne, est plein
d'inspiration et de poésie.
Quant au n° 1948, que le livret nous donne pour un Tam-
berlick dans le rôle de Poliuto, je jurerais que c'est un Christ
manqué, dont on a fait, au pis-aller, un saint Polyeucte, voulant
utiliser ainsi un faux air de Tamberlick qu'avait cette figure de
sainteté.
Le livret nous signale le portrait de Mlle Ceronetli , jeune
chanteuse qu'on a entendue dans quelques concerts. J'avoue
que je n'ai pas su le découvrir.
Vous trouverez sous le n° 2407, un tableau de Mme Elise
Orliac, représentant Iphigénie plaintive et solitaire au milieu
des portiques traditionnels de la tragédie. Regardez bien la
figure, et peut-être reconnaîtrez-vous M"e Anna Debonne, la
gracieuse pensionnaire de l'Odéon.
242
LE MÉNESTREL.
Voici (n° 2398) Eugène Provost, de la Comédie-Française,
en costume de Crispin, et au-dessous de lui, de la main du
môme peintre, M. Adrien Gros, maître de chapelle à Saint-
Germain-des-Prés. C'est d'une bonne peinture.
Par sympathie et admiration pour Mmc Viardot, je voudrais
louer son portrait (n° 2531 , rôle d'Orphée) ; mais, en vérité, c'est
trop faiblement peint. Cette toile appartient au Musée de Melun;
elle ne dispensera pas les Mélodunois de venir admirer la grande
tragédienne lyrique dans sa création (l'Alceste, au mois d'août
prochain.
Encore une tragédienne, et ce sera fini pour la peinture. Le
portrait de Mlle Jeanne Tordeus, de TOdéon, serait excellent, si
les tons de la figure n'étaient pas d'une blancheur aussi criarde.
La ressemblance y est du reste; les bras sont admirablement
modelés; quant à la draperie, elle est d'un rendu merveilleux,
qui va presque jusqu'au trompe-l'œil : à quatre pas, on peut
dire que la sculpture n'a pas plus de relief pour le regard.
Avant de passer a la statuaire, mentionnons quelques dessins,
et d'abord les deux beaux portraits de Rossini, que les éditeurs
du Ménestrel ont placés en tête de la partition de Sémiramis :
Rossini à Naples, en 1820, d'après le peintre viennois Mayer ;
Rossini à Paris, en 1860 , d'après la photographie de Numa
Rlanc. Le jeune artiste qui expose ces dessins, M. Lemoine,
avait déjà obtenu la médaille d'or pour ses reproductions au
crayon.
Le portrait de Paulin Ménier dans le Courrier de Lyon (rôle
de Chopart), est un véritable tour de force de M. Eugène Giraud.
Qui eût jamais songé à demander au délicat et tendre pastel de
tels effets de vigueur brutale et de crânerie !
Nous sera-t-il permis d'assimiler h un portrait cet épisode de
la bataille de Magenta où figure, à la tête de sa division des
grenadiers de la garde, le brave général Mellinet "? Ce dessin au
pastel lui est dédié par l'auteur, M. Bellangé. Nous tenions à
saluer en passant l'illustre militaire qui s'honore d'être un de
nos premiers dilettantes. On sait que ses connaissances sérieuses
en musique ont fait créer pour lui la position de directeur gé-
néral des musiques militaires de France.
Les lecteurs du Ménestrel ont déjà entendu parler du buste
de M. Auber, qui va être exécuté en marbre, par Dantan jeune,
pour le Conservatoire. Les petits modèles en plâtre sont déjà
répandus partout. C'est une œuvre exquise de finesse, de
vérité. Tout, jusqu'aux moindres plis du visage, y est plein de
sens et de jeunesse ; pas une ride où l'on ne sente rire une
mélodie ou un trait d'esprit.
Nous ne pouvons omettre la belle exposition de M. le comte
de Nieuwerkerke. Son salon du Louvre est si hospitalier chaque
hiver pour la musique et pour nos artistes ! D'ailleurs, nous
apercevons parmi ses œuvres un buste en marbre de Mme Con-
neau, — une femme du monde qui chante en grande artiste,
et à qui personne né dispute le rang de prima donna dans les
salons, non pas même chez Rossini.
Oublierons-nous davantage le buste de S. Exe. M. de Morny?
Tout le monde sait que M. de Morny n'est point compositeur ;
mais personne -.n'ignore qu'il a un fondé de pouvoirs pour la
musique, M. de Saint-Rémy, dont les opérettes sont applaudies
par la cour et par la ville.
Le buste de M. Clapisson de l'Institut par M. Lequesne'est
ressemblant. — Méry n'était pas facile à sculpter; on conçoit
que le pinceau, ou plutôt la brosse, puisse attraper un jour par
bonheur ce galbe si pittoresquement ridé, ravagé, hérissé, au-
quel les grâces du sourire et les pétillements du regard donnent
une vie charmante et fantastique. Maisle marbre, mais le bronze
en seraient-ils capables ? M. Ludovic Durand a résolu triom-
phalement le problème. Son Méry en bronze est vivant.
M. Etex expose un buste de M. Emile Chevé, belle et dou-
loureuse tête d'apôtre ; lé beau-père et précurseur de Chevé,
M. Aimé Paris, s'est confié au ciseau habile de M. Durst.
Le buste en marbre que le livret signale comme celui de
Mlle X. . . . de l'Opéra , ne pouvait nous échapper. La figure
nous a dit le nom ; ce nom est celui d'une des plus jolies cory-
phées du corps de ballet, aucuns disent la plus jolie : Mlle Schlos-
ser. Ce buste, commencé, dit-on, pour l'exposition de 1859,
n'a pu être terminé d'après nature, les yeux n'en sont qu'ébau-
chés. Tel qu'il est, il plaît déjà ; on y remarque le fini des
détails, et si vous vouliez d'autres preuves du talent de l'auteur,
je vous renverrais à la Lesbie, grande figure en marbre de
M. H. Chevalier, exposée sous le n° 3239.
M. Baury expose un buste très-ressemblant de Faure. Les
portraits de Mme Marie Laurent et de Fechler, par M. Carrier-
Relieuse, sont en terre cuite : ils sont tous deux bien réussis ;
peut-être l'artiste a-t-il un peu trop affiné la figure de Mme Lau-
rent.
La caractéristique beauté de Mlle de la Pommeraye, con-
tralto de l'Opéra , méritait le marbre ; si vous en doutez ,
allez voir le buste n° 3582. — Non loin de là, vous trouverez
aussi celui de la baronne Vigier, que le théâtre regrette et in-
voque encore sous le nom de la Cruvelli.
Maintenant, citons un portrait de M. Dejean, directeur des
deux Cirques ; deux bustes excellents de M. et de Mme Edouard
Rénazet , les hôtes somptueux de Raden-Baden. — Mention-
nons, en bons confrères, quelques illustrations du journalisme
(MM. Havin, Proudhon , P. Limayrac, Charles-Edmond, de
Pêne, Léon Plée, Jourdan, etc.). — Ajoutons, pour faire une fin
noble, quelques noms de l'Institut (le R. P. Lacordaire, Etienne,
Ampère, François Arago, etc.) ; et ajournons nos bienveillants
lecteurs à dimanche prochain , pour passer en revue les œuvres
qui sont, par le sujet, relatives au théâtre et à la musique.
Gustave Bertrand.
( La suite au prochain numéro. )
SEMAINE THÉÂTRALE.
Les répétitions de l'Alceste, de Gluck, se poursuivent avec
activité. On se préoccupe aussi du ballet et des décors, qui se-
ront dignes de cette importante reprise. Dans l'orchestre, le per-
sonnel des instruments à cordés sera augmenté. Cet événement
est promis pour le mois d'avril ; toutefois, sur sa demande,
Mme Viardot paraîtra avant celte époque dans le Prophète.
L'œuvre de Gounod se répète aussi, mais au piano, chez les
principaux interprètes seulement. Entre l'Alceste de Gluck et
la Reine de Saba de Gounod, nous aurons le ballet de Mme Fer-
raris, sousle titre : l'Étoile de Messine, chorégraphe M. Rorri.
Relval, dont le congé est expiré, a effectué lundi dernier sa
rentrée à I'Opéra dans le rôle de Bertram de Robcrt-le-Diable.
On sait que le type de Bertram est celui qui est le mieux appro-
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
243
prié à sa nature d'artiste. Gueymard a partagé avec lui les
honneurs de la soirée. Mme Duprez-Vandenheuvel, et M1'0 Sax
(Alice), de leur côté, n'ont rien laissé à désirer. Malheureuse-
ment, une indisposition subile de Mlle Sax a privé l'adminis-
tration d'une seconde soirée de Robert. La première avait atteint
le maximum de la recette. — Mercredi dernier, Mme Tedesco a
reparu dans le rôle de Léonor de la Favorite, qu'elle chante
toujours avec supériorité ; et, dans la même soirée, le Marché
des Innocents a valu les bravos habituels à la piquante ballerine
russe Mme Petipa, qui a gagné toutes les faveurs du public.
Enfin, vendredi dernier, les amateurs se sont délectés de la
belle partition d'Herculanum.
Un fâcheux désaccord règne depuis quelque temps entre l'ad-
ministration et les artistes de l'orchestre du Théâtre-Italien.
Espérons que, mieux inspirés de part et d'autre sur leurs inté-
rêts respectifs, ils arriveront à un rapprochement qui conciliera
toutes choses en nous rendant l'orchestre des Italiens tel qu'il
était l'an dernier.
M1Ie Marimon a fait sa rentrée à I'Opéra-Comique dans
les Diamants de la Couronne. Inutile de dire que la jeune can-
tatrice a été chaleureusement fêtée. Ses brillantes variations du
deuxième acte ont littéralement enlevé la salle. Chacun se féli-
cite du rengagement de cette prima donna, dont le départ avait
été universellement regretté. — Trois pièces en trois actes sont
à l'étude : la Belle au bois dormant, de M. F. Bazin ; les Re-
cruteurs, de M. Lefébure-Wély, et le Joaillier, de Grisar.
MUe Marimon aura, dit-on, un rôle important dans l'opéra de
M. Lefébure ; mais elle ^paraîtra préalablement dans l'opéra-
comique du prince Poniatowski, Au travers d'un mur, joué il
y a quelques semaines au Théâtre-Lyrique pour le bénéfice de
M. Baltaille. Cette très-agréable partition est acquise à I'Opéra-
Comique.
Le Gymnase a donné cette semaine quelques représentations
du Gentilhomme pauvre , pour profiter des derniers jours dont
Lafont peut disposer avant l'époque de son congé. — La Vie
indépendante est toujours en grande faveur.
Aux Variétés on répète activement les Danses nationales,
vaudeville en trois actes, de MM. Clairville, Delacourt et Lam-
bert Thiboust, dont les principaux rôles sont confiés à Mlle Al-
phonsine et à Dupuis.
Le Palais-Royal annonce une nouveauté en deux actes :
le Songe d'une Nuit d'avril. Ce titre, au reflet shakspearien,
est déjà gros de joyeuses promesses.
L'Ambigu-Comique a repris le Monstre et le Magicien ,
drame qui a trente-cinq ans de bouteille. Créé pour les be-
soins d'un clown anglais, cet ouvrage fantastisque est ressuscité
sous les traits d'un mime américain, François Ravel, qui s'est
acquitté de sa tâche de monstre à la satisfaction générale. Cas-
tellano joue avec talent le rôle du magicien Zametti, et Shey se
distingue particulièrement dans le personnage comique de Pie-
tro. Enfin, la pièce de MM. Merle et Antony Béraud, complète-
ment remaniée par M. Ferdinand Dugué, a été remontée avec
un grand luxe de décors et de costumes. L'étrangeté de ce
drame pourrait bien lui valoir un regain de vogue.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
F. CHOPIN ET SES ŒUVRES.
X (1).
Les nocturnes de Chopin sont peut-être son plus grand titre
de gloire, ses œuvres les plus parfaites. Dans ces pièces, d'une
distinction sans égale, la nature de son talent se déploie avec
toutes les qualités qui lui sont propres, l'élévation de la pensée,
la pureté delà forme, et, presque toujours ce cachet de mélan-
colie rêveuse qui donne tant de charme à tout ce qu'il a écrit.
Il est assez difficile de définir cet état de l'âme qu'on appelle
la mélancolie. Est-ce l'indice d'une faculté supérieure ou celui
d'une maladie intellectuelle et morale? — Ceux qui en sont
atteints inspirent généralement un vif intérêt; ils touchent les
plus indifférents. Cette tristesse douce et charmante, que l'on
voit presque toujours survivre aux grands déchirements , cette
résignation placide qui ne connaît plus les cris effrénés du dé-
sespoir, les forts élans de la passion, qui, désabusée aussi des
grandes espérances, se retranche dans un vague idéal, se repaît,
pour toute consolation, d'un spiritualisme mal défini; cette af-
fection de l'âme, disons-nous, rend profondément sympathiques
ceux chez lesquels on l'observe. On les croit volontiers des
poètes : ce sont, dit-on, des âmes qui, lasses de la terre, cher-
chent au ciel une patrie perdue ; et, de fait, la mélancolie pré-
dispose merveilleusement à la poésie, non pas à la poésie vio-
lente du drame, au fracas de l'épopée, ni même au lyrisme ,
mais à celte poésie intime, rêveuse, qui aime à cueillir au bord
des ruisseaux les bleus aimez-moi, qui suit dans la nue le vol
des Elfes et des Willis, qui, sous les flots profonds, entend le
chant des Nixes marines, qui se laisse aller au charme de toutes
les légendes enfanlées par l'imagination des peuples du nord (2).
Que d'artistes se sont révélés, dans ce siècle, sous l'influence de
cette poétique affection ! que de plaintes charmantes ont retenti !
Tous n'étaient pas également sincères; mais leur langage était si
séduisant , ils parlaient si bien à notre cœur et à notre imagina-
tion ! Ce que nous admirions surtout en eux, était une aspiration
immense vers la nature. C'était aux forêts, aux lacs, aux gla-
ciers, que ces âmes altérées confiaient leur douleur; ils appe-
laient la nature comme une mère bien-aiinée, une consolatrice
(1) Op. 9. — lre, 2e, 3e nocturnes, à Camille Pleyel.
Op. 15. — 4e, 5e, 6e nocturnes, à Ferdinand Hitler.
Op. 27. — 7e, 8e nocturnes, à la comtesse d'Appony.
Op. 32. — 9e, 20e nocturnes, à la baronne de Billing.
Op. 37. — 11e, 12e nocturnes.
Op. 18. — 13°, 11e nocturnes, àMraeLaureDuperré.
Op. 53. — 15e, 16e nocturnes, à M1Ie Stirling.
Op. 62. — 17e, 18e nocturnes, à il"e de Konnaritz.
— 19e nocturne (posthume — 1837).
(2) Je connais une Vierge, une Vierge du Nord ;
Son front est pâle , hélas! mais douce est son image ;
Elle aime à visiter, le soir, les champs de mort ,
A planer sur les hois, à rêver sur la plage.
Oli ! fuis-la, si tu veux garder la paix du cœur :
Cette Vierge du Nord, c'est la Mélancolie ,
Et, quand on a connu son doux regard rêveur
Et son baiser d'amour, jamais on ne l'oublie.
( Traduit du Suédois par X. Maemier , Ckants du
Nord, p. 315.)
244
LE MÉNESTREL.
suprême : tels, Saint-Preux sur les rochers de la Meilleraye ,
Rousseau dans l'île de Bienne, Werther'dans les forêts de l'Al-
lemagne.
La mélancolie, affeclion relativement moderne, semble née
en effet de ce grand divorce qui, sous l'influence du catholicisme,
s'est fait, au moyen âge, entre l'homme et la nature. Elle fut
ignorée des peuples qui, nés au soleil d'Orient ou sur les côtes
verdoyantes de la Méditerranée , représentent , aux yeux de
l'histoire, la civilisation antique. L'homme des anciens jours
est un peu comme l'enfant : il aime la vie; la terre est pour lui
un lieu de délices , où partout il y a des dieux cachés. Il s'agite
sans cesse, sans songer au lendemain ; s'il triomphe, la belle
nature ne sourit-elle pas à ses succès? s'il succombe, n'ira-t-il
pas rejoindre ses dieux, qui, du haut de leur Olympe, lui tendent
la coupe joyeuse du festin éternel ? Que lui importe donc de
mourir les armes à la main sur un champ de bataille, ou, le
front couronné de roses, au milieu d'un festin? Si parfois le
spectacle de l'injustice humaine le révolte par trop, il fera
comme Socrate, il boira froidement la ciguë en disant de sacri-
fier un coq à Esculape, ou bien, comme Caton, il se plongera
son épée au cœur. Mais les lamentations stériles, les poétiques
rêveries, les mélancoliques invocations, il ne les connaîtra pas.
Rappelez- vous, a dit le poëte :
Rappelez-vous ce temps où le ciel sur la terre
Marchait et respirait dans un peuple de dieux !
Où Vénus Astarté, fille de l'onde amère ,
Secouait, vierge encor, les larmes de sa mère ,
Et fécondait le monde en tordant ses cheveux 1
Où les Sylvains moqueurs, dans l'écorce des chênes,
Avec les rameaux verts se balançaient au vent ,
Et sifflaient, dans l'écho, la chanson du passant ;
Où tout était divin, jusqu'aux douleurs humaines,
Où le monde adorait ce qu'il tue aujourd'hui ,
Où quatre mille dieux n'avaient pas un athée,
Où tout était heureux , excepté Prométhée ,
Frère aîné de Satan qui tomba comme lui. (1)
Aussi, un historien philosophe a pu le dire : la société an-
tique arrive-t-elle à son dernier moment sans le savoir ; elle va
mourir et elle ne le pressent pas. Nulle part vous ne trouvez
chez elle le deuil, la plainte qui précèdent la chute. Réunissez
tous les poètes qui assistent à ce moment suprême d'une civili-
sation : ce n'est qu'image de paix, satisfaction du présent. Dans
Théocrite, Bion, Moschus, Lucien, Longus, le monde grec
meurt en souriant. Déjà la société antique a disparu ; ils chantent
encore l'âge de Saturne (2).
Le christianisme modifia profondément l'organisation des
sociétés en y introduisant l'idée du renoncement. Cette idée eut
sa raison d'être ; — lorsque périrent les civilisations antiques ,
il se fit tant de ruines ; une telle somme de douleurs s'appesantit
sur les peuples, que l'homme put croire un moment que le
monde était mauvais, qu'il fallait s'en détourner avec horreur
pour ne songer qu'au monde surnaturel, à la Jérusalem céleste.
Dès-lors, le divorce fut consommé. En vain l'éternelle nature
renaissait plus riante et plus belle; en vain les sociétés tendaient
au calme des anciens jours; l'idée restait, la malédiction planait
sur le monde, et, depuis, l'homme n'a plus jamais trouvé le
repos. En vain cherche-t-il la nature, elle semble le fuir. Les
(1) Alfred de Musset. — Rolla.
(2) Edgard Quinet. — Christianisme et Révolution, p. 97.
dieux n'habitent plus sous l'écorce des chênes, ni sous les flots
profonds, le grand Pan est mort ! (1).
Ajoutez a cela l'influence de ces peuples du Nord descendus
de leurs glaciers et de leurs forêts brumeuses, venant implanter
en plein soleil, en pleine nature, leurs superstitions indécises,
les légendes nuageuses de leurs races, apportant l'ombre où tout
était lumière , substituant leurs dieux informes aux belles divi-
nités de l'Olympe; — à toutes les lignes nettes, pures, éminem-
ment plastiques du monde grec et romain , les contours indé-
terminés et insaisissables de leur monde glacé ; — combinez
toute cette tristesse avec la malédiction jetée par le christia-
nisme sur le monde, et vous vous expliquerez comment la mé-
lancolie a pu naître ; — comment trois fois, lors de la Re-
naissance, lors de la Réforme, lors de la Révolution française,
l'homme a cherché en vain à secouer le suaire qui l'oppressait,
et vous comprendrez ces grandes voix attristées de notre époque,
Werther, Manfred, René, Oberraann, jetant à tous les échos le
cri de leur douleur.
En vain la science cherche-t-elle, à son tour, à renouer le lien
brisé ; — en vain l' homme reconnaît-il tous les jours davantage,
selon la belle expression de Spinosa , « qu'il n'est plus , au
milieu de la nature, comme un empire dans un autre empire; »
le pacte de réconciliation n'est pas scellé, et longtemps encore
nous entendrons ces voix plaintives qu'ignorèrent les anciens
iemps.
Chopin appartient à cette catégorie d'esprits maladifs, attristés,
écrasés sous le poids d'une éternelle mélancolie ; — il est, en
outre, parfaitement sincère; — Chopin souffrait réellement;
— d'esprit, ceci tenait ou temps où il était né et à ses tendances
personnelles; — de corps, on s'en convainc en jetant lesyeux
sur les trois portraits publiés en tête de ses œuvres posthumes.
Le premier (1830) est d'un beau jeune homme au regard assuré ,
au front pur et sans rides, à la taille droite et élancée ; le se-
cond (1839) est d'un homme fait : la physionomie s'est assom-
brie ; il y a plus de tristesse et aussi plus de poésie dans l'en-
semble ; le troisième (1847) est presque d'un vieillard : l'œil est
cave et incline vers la tombe, les joues sont creuses, la physio-
nomie désolée. A ces trois portraits correspondent comme trois
manières de Chopin : les premières œuvres, dans lesquelles on
remarque bien une tendance à la mélancolie, mais qui brillent
souvent par le mouvement et l'éclat ; — les œuvres de sa matu-
rité, nées de l'exil, toujours tristes et ne s'échauffant qu'au sou-
venir du sol natal ; — ses dernières œuvres enfin, navrantes
de tristesse et d'amertume.
Tous les grands désespérés de notre siècle n'ont pas eu au
même degré le cachet de la sincérité. — Werther fut-il bien
l'expression complète et sincère du génie de Goethe? — Ne
doit-on pas y voir un simple accident dans la vie du sublime
païen? Une aventure personnelle, la mort d'un ami, les souf-
frances morales du siècle, voilà les éléments dont il fit un chef-
d'œuvre; — après quoi, le trouble jeté pour longtemps dans les
esprits contemporains, il remonta bien vite dans l'Olympe serein
dont il était bien véritablement le dieu et le roi. —Et René!
qui lui accorderait aujourd'hui le mérite de la sincérité? Pleu-
reur au cœur vide, au cerveau pétri d'orgueil, que n'a-t-il pas
inondé de ses larmes, et laquelle de ses larmes fut vraie? ,
(1) Cette substitution d'un monde moral à un autre et le déchirement
qui s'en est suivi ont été admirablement décrits par Goethe. — Voyez la
Fiancée de Corinlhe. — Voyez aussi la légende du Tannhauser, dans les
Dieux en exil, de H. Heine, et Isis, de Gérard de Nerval.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
245
Mais tous, quelle que fût leur sincérité personnelle, avaient
compris et exprimé des souffrances morales qui agitaient réelle-
ment la masse des esprits et les agitent encore; souffrances fu-
nestes qui, après tout, loin de grandir l'homme, l'amoindrissent.
Car l'homme véritablement grand et méritant devant Dieu, ce
n'est pas l'homme partiel, le pleureur, l'ascète, c'est l'homme
complet, l'homme d'action agissant dans la plénitude de ses
facultés multiples, réconcilié avec la vie et le monde, cherchant
alors même qu'il n'est pas sûr de trouver, luttant alors qu'il
n'est pas sûr de vaincre, mourant en paix alors qu'il n'est pas
sûr de revivre, l'homme que furent Goethe, Humboldt, Bee-
thoven et Napoléon.
Revenons maintenant aux nocturnes de Chopin, qui ont été
pour nous l'occasion de cette trop longue digression.
Les trois premiers (op. 9) sont extrêmement célèbres. Ils sont
en effet remarquables, à l'exception du dernier, qui nous sem-
ble d'un style un peu cherché.
Les trois suivants (op. 15) sont dédiés à Ferdinand Hiller.
Le premier commence par un chant d'une placidité exquise ;
on dirait un beau lac. — Survient un trait agilato qui simule
la tempête ; — le calme renaît ensuite. Le deuxième est plein
de détails ravissants. Le troisième est solennel et triste.
Les deux nocturnes suivants (op. 27) forment contraste entre
eux. Autant le premier est sombre et douloureux, autant le
second est élégant et finement brodé.
Les deux nocturnes à la baronne de Billing (op. 32) sont
deux œuvres de mélancolie douce et calme. Le second a été
imité par Lacombe, dans une production de même nature (1).
L'œuvre 37 se compose également de deux pièces : la pre-
mière, d'un style anxieux, entrecoupé, religieux par moment;
la seconde plus calme, plus placide, mais moins remarquable.
On peut citer comme deux chefs-d'œuvre les deux nocturnes
(op. 48) dédiés à Mme Laure Duperré. Le premier est épique ;
son style véritablement grandiose dépasse les proportions habi-
tuelles du nocturne. Chopin y trouve ces accents guerriers qui
naissent sous ses doigts toutes les fois qu'il évoque le souvenir
magique de la patrie. — Le second est d'une tristesse navrante;
il est admirablement beau.
Autant l'impression que l'on éprouve en entendant ces deux
pièces est forte et émouvante, autant l'âme éprouve de repos
avec les deux charmants nocturnes (op. 58) dédiés à Mlle Stir-
ling. Le style du second est peut-être un peu tourmenté ; mais
le premier brille par le sentiment, la grâce enchanteresse et
l'unité.
Les deux nocturnes (op. 62) offrent le même caractère dou-
cement mélancolique ; tous deux sont pleins de charme. Le
deuxième offre un intérêt infini au point de vue de l'agence-
ment harmonique et du contre-point.
(1) Il ne faut pas se hâter de condamner les réminiscences chez les
maîtres : elles ne sont souvent qu'apparentes, en ce sens que, par un hasard
involontaire, la même idée a pu se présenter à deux esprits. — Ilummel
savait-il que le thème de son premier trio pour piano, violon et violoncelle
se retrouvait dans un quatuor de Mozart , et Beethoven se doutait- il que
la phrase qui termine le dessin de sa sonate, op. 102, était déjà le sujet
d'une belle fugue d'Emmanuel Bach?
Un nocturne posthume, le 19e (écrit en 1837), est moins
remarquable que les précédents et manque de cachet.
Le nocturne n'est pas une création propre à Chopin, comme
ses ballades et ses impromptus. Avant lui, Field avait créé, en
ce genre, d'impérissables chefs-d'œuvre, et, tout près de nous,
des artistes moins éminents l'ont cultivé avec succès.
H. Barbedette.
| La suite au prochain numéro.)
LES DIAPASONS, DE 1680 A i8a9.
Nos lecteurs trouveront peut-être quelque intérêt à suivre les
différentes phases de la marche ascensionelle du diapason de-
puis deux siècles , — marche ascensionelle qui vient de se
résumer dans un ingénieux travail de M. Emile Pfeiffer, de la
Maison Pleyel, Wolff et Ce.
Sous la forme d'un instrument vertical, sur le devant duquel
sont placées neuf touches correspondant à neuf diapasons, ce
travail expose, dans quatre tableaux synoptiques, les principaux
ouvrages lyriques représentés sur la scène française, de 1680
à 1859.
Le premier commence par YArmide de Lully, chantée avec
un diapason donnant 810 vibrations, d'après la première cons-
tatation scientifique faite par Sauveur, et citée par M. Lissa-
jous (1) dans la note qu'il a lue à la Société d'encouragement.
Puis, en frappant successivement les touches, se déroule dans
la progression ascendante huit époques principales correspon-
dantes aux premières représentations des Danaïdes (1784 —
818 vibr.), Richard Cœur-de-Lion (1785 — 820 vibr.), Adol-
phe et Clara (1799—838 vibr.), la Vestale (1807 — 848 vib.),
Guillaume Tell (1829 — 860 vibr.), Robert le Diable (1831
— 865 vibr.), le Pré-aux-Clercs (1833 — 868 vibr.), et enfin
Faust (1859 — 898 vibr.).
Dans l'intervalle de ces époques sont désignés les autres
chefs-d'œuvre qui ont illustré l'Opéra français, et créés par les
Rameau, Gluck, Piccini, Berlon, Lesueur , Méhul , Cherubini,
Della-Maria, Nicolo, Boïeldieu,Rossini, Carafa, Auber, Hérold,
Halévy, Ambroise Thomas, Verdi, Félicien David et Gounod,
dans l'ordre chronologique de leur apparition.
De 1807 à 1859, on voit que l'ascension a été la plus forte,
ce qui devait inévitablement amener la nécessité d'une réforme
que la commission française a justement adoptée, en ramenant
le diapason à l'élévation qu'il avait, à quelques vibrations près,
lors de la création de Guillaume Tell et de Robert le Diable.
Cette considération est en effet ce qui justifie le mieux la sagesse
de sa détermination.
Nous croyons savoir que M. Pfeiffer destine son travail à
S. Exe. M. Lvoff, maître de la cour de Russie et directeur de la
chapelle impériale, compositeur et musicien éminent, auquel
on doit l'adoption du diapason normal en Russie, avant même
qu'elle n'eût été généralisée en France.
(1) C'est encore à ce savant physicien que l'Opéra devra l'amélioration
si importante qui vient d'avoir lieu dans l'éclairage de la rampe.
246
LE MÉNESTREL.
UN QUATUOR D'AMATEURS,
m.
Maintenant, mesdemoiselles, comme pendant a mon anecdote
du quatuor patriarcal , il me reste encore à vous raconter un
autre fait, et c'est encore M. Stéphen qui nous le fournira. Vous
venez de voir un quatuor à trois; il va être question d'un qua-
tuor à. cinq.
M. Stéphen, après l'excursion d'Oppède, était allé àParis; il
s'y était perfectionné dans l'art musical. Il touchait un peu l'or-
gue et jouait passablement du violon. Il avait acquis une cer-
taine habitude de l'exécution et de son style, quand tout à coup
on l'envoya à X. . ., une ville de dixième ordre, où il y avait
un tribunal de première instance, un sous-préfet et un lieute-
nant de gendarmerie. Ce brave lieutenant, M. P.. . .,1e meilleur
des humains, avait une passion terrible, insurmontable, et bien
malheureuse pour la musique. Deux fois par semaine, il réunis-
sait des amateurs qui écorchaient à la lettre les opéras deRossini,
arrangés en quatuors. Il y avait de plus des chanteurs, des solis-
tes, des guitaristes. La veille du jour de l'arrivée de M. Stéphen,
le lieutenant P. . . avait dit à ses partners : « Messieurs, il nous
arrive demain un petit juge-auditeur qu'on dit assez musicien.
Attention, messieurs! on le dit très-partisan des compositions
dévergondées et nébuleuses de Beethoven (qu'il prononçait:
Bête au vin). Il faut lui montrer que nous aussi, nous en déta-
chons, quand il le faut. Demain matin, j'irai l'attendre à l'arri-
vée de la diligence et je l'inviterai pour la soirée. Prenez le
quatuor en la de l'oeuvre première (de Bêle au vin) et en avant,
marche ! »
Le lendemain M. Stéphen fit son entrée dans le salon du
lieutenant P... Après les premiers compliments, on offrit au
nouveau venu la partie de premier violon ; il la refusa et se
plaça au pupitre du second violon. Le premier morceau mar-
cha vaille que vaille. Ce n'étaient pas des coups d'archet, c'é-
taient des coups de sabre que les exécutants portaieut à leurs
instruments. M. Stéphen s'étudiait à observer les nuances, à
faire forte les FF, et piano, les PP. Vint l'andante en ré, avec
variations. Les coups de sabre allaient leur train ; M. Stéphen
s'obstinait à jouer piano et à couler ses notes. — Hum! dit tout bas
le lieutenant en s' adressant à un docteur, fameux guitariste, ce
jeune homme ne joue pas mal; mais il n'a pas de son. On ne
l'entend pas. Prenez votre guitare, et venez doubler sa partie ;
cela fera bien. — A merveille ! dit l'autre, et il se mit en
devoir de décrocher la guitare suspendue au mur. Il s'approche
des pupitres, s'appuie sur le genou gauche et accorde sa gui-
tare comme si de rien n'était. L'instrument accordé, il prend
une chaise, s'assied auprès de M. Stéphen en le priant poliment
de se reculer un peu. M. Stéphen alors se lève, offre son violon
au guitariste et le prie de prendre sa place. Le quatuor est
arrêté; le lieutenant voyant que M. Stéphen veut quitter la par-
tie : — Mais pas du tout, monsieur, mais pas du tout, reprenez
votre siège; vous allez fort bien; seulement, comme votre vio-
len est sourd et n'a pas de son, j'ai prié naturellement monsieur
de doubler votre parlie avec sa guitare. — Puis, se penchant à.
l'oreille du docteur : — Est-il susceptible, ce jeune homme, fit
le lieutenant ! » M. Stéphen considéra attentivement le lieutenant
et le guitariste, et voyant une telle bonne foi, une candeur si
honnête sur le visage de l'un et de l'autre, il prit son parti en
brave. Il se rassit, l'andante fut recommencé, et chaque note de
la partie du second violon fut surmontée d'un tick, tak, tok,
touk, tronk de l'affreuse guitare. Vous imaginez bien que
M. Stéphen ne remit plus les pieds aux soirées musicales du bon
lieutenant de gendarmerie.
Que dites-vous de mes anecdotes, mesdemoiselles? ne sont-
elles pas jolies ?
Et à présent, il me passe par la tête une idée bizarre, un
soupçon.
Je soupçonne fort que ce M. Stéphen vous intrigue quelque
peu, car, ne vous en déplaise, mesdemoiselles, vous êtes passa-
blement curieuses; on me l'a dit, je le sais. Quelques confé-
rences que j'ai pu avoir avec l'aimable et spirituelle directrice
de ce journal, m'ont révélé bien des choses. Je suis même sûr
que vous grillez de savoir ce que peut être ce M. Stéphen. Si
nous remettions cette confidence au prochain numéro, qu'en
dites-vous? — Ma foi, non; vous voulez le savoir tout de suite;
dam, que vous dirai-je! il y a bien longtemps de cela; cela date
de mil huit cent... Tout ça ne me rajeunit pas, et il serait bien
possible que ce monsieur Stéphen fût . assez proche parent de
votre très-humble et très-dévoué
J. d'Ortigde.
NOUVELLES DIVERSES.
— Ainsi que nous l'avions annoncé, MM. les commissaires de Sa Majesté
pour l'Exposition universelle de 1862, à Londres, se sont adressés à MM. Au
ber, Meyerbeer et Rossini, dans le but d'obtenir trois nouvelles composi-
tions musicales destinées à représenter la France, l'Allemagne et t'Ilalie, en
compagnie de l'Angleterre, dont le représentant nous est encore inconnu.
Les commissaires ne demandent pas le droit de propriété des œu-
vres, mais seulement la permission de les faire exécuter à l'ouverture de
l'Exposition, dans des conditions dignes de la solennité.
Quant au genre de musique, voici les quatre morceaux proposés :
1° Un anlhème qui ait à peu près le développement de celui du Cou-
ronnement, de Haendel ;
2° Un choral (sans accompagnement d'instruments) ;
3° Une marche triomphale ;
4° Une marche pour instruments à vent.
Si nous sommes bien informés, la Marche triomphale aurait été de-
mandée à Rossini, qui s'en serait excusé en ces termes, près de M. le Se-
crétaire de la Commission :
« J'ai le regret de ne pouvoir accepter l'honneur que veulent bien me
faire Messieurs les Commissaires de Sa Majesté pour l'Exposition de 1862.
« Si j'étais encore de ce monde musical, je me serais fait un devoir et
un plaisir de prouver en cette circonstance que je ne suis point oublieux
de la noble hospitalité de l'Angleterre.
« Laissez-moi espérer, Monsieur, que vous voudrez bien recevoir et
faire agréer tous mes regrets à Messieurs vos collègues, avec l'expression
de ma haute considération. G. Rossini. »
— Au mois d'août prochain, la ville d'Anvers aura un grand congrès
artistique. Une importante fête musicale sera organisée à cette occasion :
on exécutera, entre autres œuvres, la Symphonie héroïque de Beethoven,
la Nuit de Walpurgis de Mendelssohn et Y Alléluia de Haendel.
— Les journaux de Berlin contiennent l'annonce suivante, qui intéresse
les jeunes auteurs : « Société pour l'exécution d'opéras nouveaux et inédits.
Cette société a pour but de faire représenter d'une manière convenable les
opéras des compositeurs vivants qui n'ont pu se faire jouer jusqu'à pré-
sent. La Société dispose des fonds et forces artistiques nécessaires à cet
effet. Les compositeurs qui voudraient bien soumettre leurs œuvres à
ladite Société sont priés de les adresser, franc de port, à l'archiviste de la
Société, M. le docteur Alsleben, Aslcanischen-Platz, 4, à Berlin. Le librello
doit être ajouté à la partition. La Société a le droit de faire exécuter trois
fois chaque œuvre ; la propriété reste à l'auteur. La Société garantit un
prompt renvoi des œuvres soumises ou représentées. » — ■ Ajoutons à ces
renseignements qu'à Taris, M. Hurand, maître de chapelle à Saint-Eus-
tache, se propose de réaliser prochainement un plan analogue qu'il a en
portefeuille depuis bien des années.
NOUVELLES ET ANNONCES.
247
— On écrit de Berlin : « Le théâtre Kroll a donné pour la première fois
la Dame blanche. Un fait oublié aujourd'hui, c'est que le chef-d'œuvre
de Boïeldieu eut peu de succès ici à son début il y a une quarantaine d'an-
nées; on ne l'apprécia que plus tard, quand les principaux rôles furent
chantés par la Sontag et Franz Jeager. Depuis, ces ravissantes mélodies
sont devenues populaires, et, même avec des exécutants médiocres , la
Dame blanche attire toujours da monde, et on l'entend toujours avec
plaisir. »
— On vient de publier à Berlin, sous le titre de Charles-Frédéric Zelter,
un livre curieux écrit en partie d'après des notes autobiographiques (on
sait que Zelter est le fondateur des Liedertufel). Ces notes, qui racontent
l'histoire de la jeunesse de Zelter, ont été trouvées en Poméranie , dans
le grenier d'une maison dont il avait été propriétaire.
— Le festival de chant de l'Allemagne du Nord aura lieu les 26, 27 et
28 juillet, sur le Johannisberg, près de Bielefeld, en Westphalie.
— On nous écrit de Bade que les concerts du Salon Louis XIV ont
commencé sous les meilleurs auspices, avec le concours de MM. Laub,
Cossmann, Alfred Jael et M,Ie Juliette Borghèsc. Les quatre virtuoses ont
obtenu leur succès accoutumé dans des morceaux empruntés à Beethoven,
Mendelssohn, Spohr, Schubert, Bach, Liszt, Chopin, Meyerbeer, Halévy,
Weber, etc. Quant à Mlle Borghèse, elle se faisait entendre à Bade pour la
première fois; sa belle voix, sa puissante organisation dramatique l'ont
tout d'abord posée en grande artiste. L'air : Ohl mon fils, du Prophète,
la ballade de Charles VI, la romance du Val d'Andorre, la sérénade de
Schubert et la ballade â'Oberon, lui ont donné tous les suffrages des deux
brillantes soirées dans lesquelles elle a chanté. Ceux qui n'ont pas oublié
son passage au Théâtre-Lyrique où elle a créé les Dragons de Villars, ceux
qui tout récemment l'ont applaudie à Bordeaux dans les Noces de Figaro
(Suzanne), le Val d'Andorre, la Favorite et le Trouvère, ne s'expliquent
pas qu'une artiste de cette valeur ne soit pas appelée à faire partie d'un
des trois théâtres lyriques de la capitale. »
— Dimanche dernier 23 juin , a eu lieu au Cirque Napoléon la
première des deux séances annuelles de l'Orphéon de Paris. Nonobs-
tant la chaleur , et en dépit de deux orages et d'une douzaine d'a-
verses, la salle était comble. Le Préfet de la Seine et son nouveau secré-
taire général, M. Segaud, assistaient à cette fête municipale. Le bâton de
commandement était tenu par les deux directeurs du chant, M. Pasdeloup
pour la première partie, et M. F. Bazin pour la seconde. Douze mor-
ceaux ont été exécutés par 1,400 chanteurs, avec un ensemble des plus
louables. On a particulièrement applaudi le chœur de la Muette, les Chas-
seurs noirs, de Weber, et les Matelots de l'Adriatique, de M. François
Bazin [bissés], la Prière à la Madone, de M. Jules Cohen, et le chœur de
M. Ambroise Thomas, France I France! lequel a valu, séance tenante,
une ovation personnelle à son auteur. — Aujourd'hui dimanche 30 ,
deuxième et dernière séance.
— De retour de Londres, le jeune virtuose Sarrasate doit se faire en-
tendre à Maisons-Laffitte, au château de M. Thomas , au bénéfice des
pauvres, en compagnie des dames patronesses de la commune, entre autres
Mme de Caters, Mme Méric-Lablache et Mme Camille Dubois'. Il est aussi
question de Tamberlick pour couronner le programme.
— L'inauguration d'un excellent orgue, qui fait honneur à l'établisse-
ment de MM. Merklin et Schùtze , a eu lieu au collège Stanislas le
jeudi 27 juin, avec le concours d'artistes distingués : MM. Renaud de
Vilbac, Populus, Léon Reynier, Dufour. La partie vocale avait pour inter-
prètes MM. Lalande, Noir et Bailly. Les élèves ont chanté avec un véri-
table succès un oratorio composé par M. Félix Clément, organisateur de
la séance en sa qualité de maître de chapelle du collège. Cette composi-
tion importante, à trois parties avec choeurs, est publiée au Ménestrel, et
peut être recommandée aux maîtrises pour les grandes solennités. Quant
à l'orgue, qui se compose de deux claviers avec pédales séparées, il a
séduit l'auditoire par le timbre agréable de ses jeux et sa belle sonorité.
— Pendant que le Vaudeville de la place de la Bourse fermait ses portes
pour cause de trop grande chaleur, le Vaudeville d'été ouvrait les siennes
dimanche dernier dans la délicieuse propriété d'un de ses directeurs ,
M. Benou, maire de Villeneuve-Saint-Georges ; propriété remplie de sou-
venirs de musique, puisque Boïeldieu l'a longtemps habitée : il y a même,
dit-on, composé la Dame Blanche. La fête était charmante : concert,
buffet, danses, rien n'y manquait; on se serait cru en pleine Chaussée-
d'Anlin. Mais le principal attrait de la soirée était un vaudeville de l'am-
phitryon, appelé En Wagon, et dont toutes les scènes, remplies de gaieté,
d'esprit et d'originalité, se passent dans le coupé d'un chemin de fer.
Cette pièce, qui serait une bonne fortune pour le Vaudeville, s'il n'était
défendu aux directeurs de faire jouer leurs œuvres sur leur théâtre, offre
le curieux tableau d'un voyage de Paris à Lyon, avec toutes ses péripé-
ties et ses tribulations; aussi a-t-elle été enlevée d'une manière irrésis-
tible par MM. Saint-Germain et Boisselot du Vaudeville , dans un petit
décor dont l'illusion était parfaite, et au milieu des rires et des applaudis-
sements les plus mérités. Le jour seul a pu faire songer à la retraite.
Heureusement l'amende de minuit n'était pas ici applicable, et d'ailleurs
n'avait-on pas. . . la permission de M. le maire?
— L'orchestre du parc d'Asnières continue à attirer la foule sous l'ha-
bile direction de son chef, M. Laurent. Plusieurs morceaux de sa compo-
sition y sont exécutés avec un grand succès, notamment sa Valse infer-
nale, la Solforina, polka militaire, les Soirées d'Asnières, quadrille. Le
public y a également entendu avec plaisir plusieurs des œuvres de L. Mi-
cheli, entre autres : les Viveurs, quadrille qui a eu les honneurs du bis ,
la Roche qui pleure, valse, Qui vive I quadrille, et Bénita, polka-ma-
zurka.
ÉTUDES PRATIQUES DE STYLE.
LEÇONS SUR UN AIR DU FREYSCHUTZ ,
par
HI. STÉPIIEIV DE 1,.\ IHADELAIfti:.
Il vient de paraître à la Librairie Nouvelle un ouvrage non pas seule-
ment nouveau parce qu'il sort de sous presse, mais aussi, mais surtout
par la nouvelle lumière qu'il vient jeter sur la partie esthétique de l'art
dans l'enseignement du chant : ce sont les Études pratiques de style, de
M. Stéphen de la Madelaine.
Lorsque parurent, il y a quelques années, les Théories complètes du
chant au même auteur, l'autorité de son nom comme professeur, virtuose
et critique, assuraient d'avance à ce traité un succès que le temps devait
nécessairement augmenter. Aussi, comme conséquence naturelle de ces
théories, M. de la Madelaine annonce-t-il aujourd'hui un nouveau travail
destiné à lui servir d'appendice; et c'est de ce travail qu'il a d'abord
cru détacher une petite brochure sous le titre d'Études pratiques de style,
une simple leçon sur un air de Freyschiltz ; mais que de détails dans
cette seule leçon I Elle réunit, en près de quatre-vingts pages il est vrai, les
mille nuances du style pathétique, car cet air, c'est l'air d'Annette , c'est
la touchante mélodie où se reflètent l'amour, les craintives espérances ,
mais aussi les sombres pressentiments, les terreurs dont le cœur de la
jeune fille est agité.
Pour donner une idée de ces enseignements, il ne suffit pas d'en parler,
il faudrait les citer, et les citer fidèlement. En lisant, il semble que l'on
assiste à une leçon orale appuyée d'exemples chantés , et j'aime bien
mieux renvoyer à la leçon complète. Ces curieux détails ne portent pas
seulement sur les phrases musicales, sur la valeur à donner aux paroles,
mais sur chaque note, chaque mot, chaque lettre.
Or : « Tout est dans tout » a dit un célèbre praticien en matière d'en-
seignement ; cette leçon sur un seul récitatif, une seule mélodie, c'est
la clef de ce sanctuaire dont il est question dans le Temple du Goust,
vieux livre où l'on apprend que « ce temple estoit environné d'une foule
de Virtuoses, d'Artistes et de Juges de toutes espèces qui s'efforçoient
d'entrer, mais qui n'entraient pas. » C'est la révélation du style pathé-
tique, lequel participe à la fois du tragique et du dramatique ; et en
ajoutant une leçon sur le style bouffe, l'enseignement sera complet.
En effet, dans ces premières instructions sur le Freyschùtz, M. de la
Madelaine s'explique catégoriquement sur la langue française qu'il a la
faiblesse de respecter en érudil : il n'entend pas qu'il y en ait une pour
parler et une autre pour chanter. Ainsi , contrairement aux élèves de
certains professeurs, ceux de M. de la Madelaine devront se contenter de
la langue de Corneille, celle où l'on ne dit pas , entre autres choses :
Novel pour Noël, — et mon Icér ou mon kair pour mon cœur.
Léon Gataïes.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles <lc Mourgues fit
rue Jean-Jacques Itou
INTRODUCTION
AUX
CLASSIOUES-MARMONTEL
PIANISTE CLASSIQUE
TRANSCRIPTIONS ET RÉDUCTIONS
Des célèbres œuvres concertantes, symphoniqucs et pour] piano seul
PAR
JULES WEISS
BEETHOVEN.
1er Cahier. — Sans octaves.
1. Finale du'trio en ut 5
2. Finale du trio en fa 5
3. Minuetto du trio en fa 5
4. Allegro du trio en sol 5
5. Allegro du trio en fa 6
G. Allegro du trio en sol 6
7. Finale du trio en la 5
8. Allegro de la symphonie en mi bémol 5
Sme Cahier. — Sans octaves.
9. Allegro de la sonate en sol, op. 14, n° 2 6
10. Finale de la sonate en ré, op. 12, n° 1. . . . 6
11. Finale de la sonate en fa, op. 17 5
12. Adagio et allegro de la symphonie en ut. . . 6
13. Finale du quatuor en fa, op. 18, n° 4 5
14. Minuetto et scherzo du septuor 5
la. Finale de la sonate en mi bémol, op. 12. . . 5
16. Allegro du trio en mi bémol, op. 3 6
Chaque cahier complet : 25 fr.
3m0 Cahier. — lue le d'octaves.
1 7. Allegro de la sonate en fa 5 »
18. Trois menuets extraits de symphonies 6 »
19. Finale de la symphonie en ré 5 »
20. Finale du quatuor en sol mineur 7 50
21. Presto de la sonate en si bémol 5 »
22. Allegro de la sonate en la 5 »
23. Adagio et allegro de la sonate ensof mineur. 6 »
24. Allegro de la symphonie eitif 7 50
( ^^ çQ,vair-.£V£skÊ^.£a sxî<£^£2S3^=» )
(■1»° Cahier. )
1. Finale de la symphonie en ut 7 50
2. Finale de la 4e symphonie en sol 7 50
3. Andante de la symphonie en sol 7 50
4. Finale de la lre symphonie en sol 7 50
5. Sonate en sol mineur, op. 49, n° 1 7 50
6. Sonate en sol, op. 49 , n° 2 7 50
7. Allegro de la sonate en la, op. 12, n° 2 7 50
8. Allegro de la sonate en la, op. 17 7 50
9. Allegro de la sonate facile.
10. Andante de la sonate d° .
11. Finale de la sonate d° .
12. Marche turque
REPRODUCTION ALLEMANDE.
PROPRIETE DES EDITEURS.
Paris, au MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivicnnc, HEUGEL et Cic, éditeurs, fournisseurs du CONSERVATOIRE.
BOTE et BOCK , à Berlin.
761 — Typ. Charles de Mourgues frères, rue J.-J. Rousseau, 8. — 1995.
773. — 28e Année.
X" 38.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 7 Juillet
n^g-st
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
JULES LOVY,
Rédactfenchef.
LES BUREAUX , S bis, rue Vivienne. — HEUGEL et C'% éditeurs.
(Aux MngiiMins et Abonnement de Musique du MÉNESTREL. — Tente et location de Pianos et Orgues.)
CHANT.
1er Mode d'abonnement : Journitl-Teitc, tous les dimanches; £« Morceaux:
Scènes, Mélodies, Komances, paraissant de quinzaine en quinzaine; 1 Aluunis-
primes illustrés. — Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
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2e Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; *0 Morceaux i
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Aluuma.
primes illustrés. — Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
CHANT ET PIANO II!, HAIS :
3° Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les sa Moroeoux de chant et de piano, les « Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du l«r de chaque mois. — L'année commence du l°r décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser franco
un bon surla poste, à MM. m. ■<:■:■. et tio, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Rousseau, 8. — 4028
SOJIIfïAIKE. — TEXTE.
I. Le théâtre et la musique au salon de 1861 (3e et dernier article). Gustave Ber-
trand. — II. Séances annuelles de l'Orphéon. J. D'Ortigue. — III. Tablettes
du pianiste et du chanteur: Chopin et ses œuvres (6e article). H. Barbedette.
— IV. Semaine théâtrale. J. Lovy. — V. Nouvelles.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos nhnnnésà la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
la mélodie
ABSENT !
Poésie de M. Léon Halévy -, musique de M. de Saint-Rémy , mélodie
dédiée à Madame la Csse de Morny. — Suivra immédiatement après :
Ma mie Annette, poésie d'HENRY Murger, musique de Félix Godefroid.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
L'ABSENCE ,
Romance sans paroles, de J.-M. Delalanne. — Suivra immédiatement
après : Première Mazurka de salon, de Louis Diemer.
LE TI1ÉATRE ET LA MUSIQUE AU SALON DE 1861.
m.
Notre troisième et dernier article est un traînard honteux qui
arrive quand tout est fini, quand l'Exposition est close et quand
les récompenses sont distribuées. Tout le monde a lu jeudi dans
h Moniteur, ou le lendemain dans les autres journaux, les noms
des artistes décorés, rappelés, médaillés ou mentionnés, et le très-
beau discours de S. Exe. M. le ministre d'État.
Il ne nous reste qu'à nous exécuter le plus brièvement possible.
Aussi bien le plus fort de la tâche est expédié : nous avons parlé
des portraits d'artistes. Voici les œuvres dont le théâtre et la mu-
sique ont fourni les motifs.
On sait que Sedaine, avant d'écrire le Philosophe sans le savoir,
chef-d'œuvre de sentiment et de naturel, la Gageure imprévue,
et d'excellents livrets tels que ceux du Déserteur pour Monsigny,
et pour Grétry ceux de Richard-Cœur-de-Lion, de Guillaume-
Tell et d'Aline, avait été réduit, pour vivre, à se faire tailleur de
pierres. Le n° 76 nous le montrait assis au milieu d'un chantier,
sur une grosse pierre, dans une attitude mélancolique et pensive,
rêvant sans doute à quelque poëme dramatique. Applaudissons à
l'intention du peintre, et n'insistons pas sur les faiblesses de
l'œuvre.
En voyant le n° 1345, qui représente une jeune dame en robe
de soie, avec une figure quelconque, vous eussiez pensé avoir
affaire au portrait de M"e X. ou de M1Ie W. Erreur! Ecoutez le
livret : Desdémone [Othello, acte Ier, scène ix) ! — Au moins la
Desdémone de M. Bohn se laisse-t-elle reconnaître au regard
éploré qu'elle élève vers le ciel et à la lampe que sa main laisse
échapper ; la dernière note de la romance du Saule expire sur sa
lèvre entr'ouverte.
La Sonate, petit tableau de M. Brillouin, est une chose char-
mante. Meissonnier eût peut-être mieux achevé les accessoires;
mais il ne pourrait qu'applaudir à l'exquise exécution de ce bon-
homme qui dévore de si grand cœur sa partie de violon. Le voilà
tout courbé sur le pupitre ; le nez et les lunettes serrent de près
la note ; le bonnet de coton se hérisse de jubilation et découvre à
demi le crâne chauve du vieil amateur. Mais il va être troublé
par son chien qui, le cou tendu, entame un puissant contre-sujet.
— M. Brillouin expose aussi une Partie de musique au XVIe
fiècle, où figurent un luth, une viola da Gamba et une chanteuse.
Nous venons de nommer Meissonnier ; il faut citer son Flûtiste;
c'est ce qu'il a exposé de meilleur cette année, à notre avis; tout
le mouvement de la figure principale, depuis le pied qui bat la
mesure jusqu'aux lèvres qui soufflent, est excellent ; et tous les
accessoires, le pupitre, la table, le livre, sont d'un rendu mer-
veilleux.
Un des plus heureux imitateurs de Meissonnier, c'est M. Fau-
velet. Il finit moins précieusement les détails, mais il campe et
250
LE MÉNESTREL.
anime toujours bien ses figures. Rien de plus vif que l'attitude
de son Joueur de guitare (n° 1070), qui raccorde à la hâte son
instrument, sans qui'tter des yeux sa partie.
Nous n'en finirions pas si nous voulions citer tous lesjoueurs de
flûte et de guitare, de violon, les pifferari, les moines au lutrin,
les musiciens ambulants, etc., etc., qui pullulent toujours dans
la peinture de genre. Mais comment omettre la délicieuse scène
de harem, de Mme Henriette Browne (n° 463)? Trois odalisques
écoutent en extase la joueuse de flûte qui se tient debout devant
elles dans une pose détournée des plus gracieuses ; sa petite sœur,
accroupie, a posé sa guzla pour agacer une tortue qui se traîne
à terre.
N° 1158. La sonate en la bémol. — Est-elle bien en la bé-
mol? voilà la question. Ce n'est pas impossible. J'aperçois qua-
tre femmes à la clef, quatre blancs fantômes qui voltigent dans
la pénombre autour de la tète inspirée du pianiste. Ne se-
rait-ce pas Beethoven composant sa sublime sonate en la bémol?
Voici un virtuose qui n'y va pas de main morte. C'est un
singe, cousin germain des fameux singes de Decamps. Il a
brisé sa chaîne, et, profitant de l'absence du maestro, il s'est
juché sur une pile de partitions, devant un pupitre qui porte une
partie de violino primo à l'envers. N'importe ! il déchiffre avec
fureur, les dents serrés, et tape à tour de bras sur une grosse
caisse qui n'en peut mais. Ce tableau, intitulé : Musique de
chambre, est un des meilleurs qu'ait jamais signés M. Philippe
Rousseau; il a été acheté par la Commission de la loterie.
Le n° 2215 nous présente un concert plus sérieux comme
sujet, sinon comme peinture. M.. Hugue Merle est trop soi-
gneux, trop amoureux du propre et du joli. Son Concert del
Palestrina est un concert de chant, comme bien vous pensez ;
il eût pu y mettre six parties, et même huit : Palestrina compo-
sait ainsi volontiers ; mais il s'est contenté de quatre voix, deux
femmes qui font le soprano et l'alto, un jeune homme qui
est vraisemblablement ténor, et un homme mùr qui tient la
basse.
Puisque nous en sommes à Palestrina, parlons du n° 2068.
M. Magaud expose quatre grandes toiles destinées à la décora-
tion de la galerie historique du Cercle religieux de Marseille ;
ce sont quatre allégories : la Philosophie, le Courage civil,
l'Agriculture et la Musique, traités en sujets historiques. La
Musique est figurée par Palestrina offrant à Pie IV sa messe dite
du pape Marcel. On sait que la musique, livrée alors au mau-
vais goût le plus déplorable, allait être condamnée par le con-
seil de Constance et expulsée de l'Église, quand Palestrina pré-
senta ses compositions, aussi sublimes par la convenance que
par l'inspiration. Le tableau de M. Magaud est très-correcte-
ment, très-sagement fait : il n'y a rien à dire.
Un graveur allemand, M. Léopold Schmidt, a fait une Apo-
théose de Mozart. — On nous permettra de passer vite sur le
n° 2558 : Mozart enfant jouant du clavecin chez le prince de
Conli; ce n'est qu'une image, et une image assez faible.
11 faut en dire autant du tableau de M. Honze, de Bruxelles : ,
Les derniers moments de la fille de Grélry (laquelle est-ce d'a-
bord? elles étaient trois qui toutes moururent jeunes; il s'agit
sans doute ici de cette pauvre et charmante Lucile, en qui le
génie paternel avait passé, et qui composait, à seize ans, un
opéra-comique applaudi). Rien ne manque à la petits scène tra-
ditionnelle : la jeune fille est étendue, pâle et fiévreuse, sur une
chaise longue ; à droite le médecin obligé; à gauche la mère qui
le consulte d'un œil inquiet ; la fidèle servante au dernier plan;
enfin le bon Grétry au clavecin. Tout cela est plein de bonnes
intentions, mais l'intention ne suffit qu'en morale. J'aime mieux
vous renvoyer au chapitre que M. Arsène Houssaye a consacré
aux trois filles de Grétry, dans son livre sur V Art au dix-hui-
tième siècle ; il s'en faut que tout soit exact dans le récit de
l'historien — marivaudeur , — mais la lecture en est fort tou-
chante.
Je renverrais aussi aux Princesses de comédie de M. Houssaye,
pour les deux épisodes de la vie de Mlle Clairon, exposés sous les
nos 1551 et 1098. L Enfance de Mn° Clairon nous représente
une petite fille de douze ans, qui déclame dans une mansarde ,
au grand ébahissement de sa mère et des voisines. Image !
simple image ! — Le Baptême de MUe Clairon est de M. Eugène
Fichel, un vrai peintre : « Mlle Clairon, dit le livret, d'après les
mémoires de la célèbre tragédienne, étant née avant terme,
pendant le carnaval de 1723, dans la ville de Condé (Hainaut),
est baptisée dans une réunion où se trouvaient le curé et son
vicaire travestis, lui en arlequin, l'autre en pierrot. » Le bap-
tême était-il valable ? Il était assez bon peut-être pour une
' excommuniée de théâtre, qui n'était pas sûre d'avoir les prières
de l'église à sa mort. Toute la Comédie italienne est là, Pierrot,
Arlequin, un Crispin superbe, un joli Cupidon, pour doter, comme
une assemblée de fées, l'enfant à sa naissance ; mais on cherche
Mlle Clairon; on veut voir Mlle Clairon, et l'on n'en aperçoit
que la tête et le béguin, qui franchement, l'un dans l'autre,
ont l'air d'un œuf sur un coquetier. Cette scène travestie est
d'ailleurs habilement composée et pleine de charmants détails.
Citerai-je un Molière consultant sa servante Laforcst , gra-
vure de Ledoux, d'après le tableau de Ullemacher? — Le Mo-
lière posant chez Mignard, fait honneur au pinceau de M. Lé-
man. Molière est mal assis , mais les connaisseurs qui l'en- '
tourent sont très-bien groupés et posés. Voyez ce joli marquis
vêtu de rose et de blanc, qui s'apprête à critiquer, à pousser
des oh ! et des ah ! Quelle élégance de fatuité ! Molière l'observe
du coin de l'œil ; il en fera ce type de Blondi n décrit par Sga-
narelle dans l'École des 3Iaris. — Je ne m'aventurerai pas dans
le Jeu du Roi, du même peintre, bien que Racine y figure avec
Boileau ; il y a trop de monde.
Nous avons retrouvé sous le n° 3806 vingt-quatre figures qui
ornent le beau livre de la Comédie italienne, de M. Maurice
Sand.
M. Monfallet met la Comédie italienne en action, dans un
tableau dont le titre est trop ambitieux pour le sujet : le Théâtre
au XVIIIe siècle! Ce sont tout simplement et tout gentiment les
amours de Pierrot et, de Colombine, joués sur une scène impro-
visée dans une grange et devant une société de dames et de
seigneurs en villégiature; tout ce petit monde a l'air de s'amuser
et papillotte très-agréablement à l'œil.
Ce n'est pas seulement par le sujet que ce tableau nous inté-
resse. Sachez que l'auteur est artiste à l'Opéra : vous l'avez vu
dans le ballet de Graziosa ; c'est lui qui fait le greffier. Cédant
à une vocation irrésistible, il a fréquenté les ateliers de Drolling,
de Picot et d'Yvon, et il arrive aujourd'hui à faire des choses
fort jolies dans le genre Pompadour. Sa Comédie au XVIIIe
siècle est achetée par la Commission.de la loterie.
Nous ne pouvons oublier M. Emile Perrin, qui a dirigé avec
tant d'éclat et d'habileté l'Opéra-Comique avant M. Roqueplan.
Il tient encore au théâtre par la chronique musicale qu'il ré-
dige à la Revue européenne , mais il retourne aussi de temps à
autre à ses pinceaux ; le tableau qu'il vient d'exposer dans le
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
2?J1
salon officiel prouve que la pratique des affaires théâtrales ne
lui a pas gâté la main. L'allée des Dames, souvenir de Plom-
bières: fin de la messe célébrée en présence de l'Empereur , le
4 juillet 1858, telle est la donnée qu'il a choisie. C'est un sujet
où il était à peu près impossible de faire du style ; mais il en a
sauvé les difficultés par la coquetterie des motifs secondaires ,
l'art avec lequel il chiffonne les robes de soie, et la variété des
mouvements qu'il a su jeter dans cette foule compacte de dames
en toilette, assises ou agenouillées pour l'office divin.
A part les bustes d'artistes, la sculpture ne nous offre plus
grand'chose : il y a un certain nombre de joueurs de flûte ou de
lyre, une Harmonie, un Apollon disputant le prix de musique
avec Marsyas (sujet ciselé sur un vase).
Mentionnons l'Histrion de M. Clerc, qui est un morceau
vraiment remarquable, et les trois bas-reliefs de la Musique, de
la Danse et de la Causerie, exécutés en dessus de porte au nou-
veau Ministère d'État, et reproduits à l'Exposition en plâtre et
en photographie. Ils sont dus aune spirituelle artiste, Mme Noé-
mie Constant, qui dépose souvent l'ébauchoir pour écrire d'une
plume alerte et aimable des romans ou des articles de bibliogra-
phie signés Claude Vignan.
M. Couteau expose les plans du théâtre de Baden-Baden. Les
lecteurs savent que ce joli théâtre doit ouvrir l'an prochain par
un opéra-comique de Berlioz. — MM. Dutrou, Duval, Etes,
Faullin, de Banville, Hénard, Labille, Rampant et Triquet, ont
rapporté des plans d'opéra que le public avait déjà vus à l'expo-
sition particulière ouverte il y a quelques mois lors du concours.
M. Pariset n'a pas exposé son projet, et c'était le seul qui pût
nous intéresser maintenant, puisque c'est celui que la Commis-
sion et l'État ont adopté. On en jugera sur place.
Gustave Bertrand.
SÉANCES ANNUELLES M L'ORPHÉON.
Les deux séances annuelles de l'Orphéon ont eu lieu le di-
manche 23 et le dimanche 30 juin, dans le Cirque-Napoléon,
sous la présidence de M. le sénateur, préfet de la Seine. La salle,
pleine le premier jour, était comble huit jours après, et
l'exécution a été cette seconde fois de beaucoup supérieure. Les
personnes qui ne peuvent assister qu'à une seule de ces séances
annuelles feront bien à l'avenir de donner la préférence à la
deuxième, laquelle (sans vouloir jouer sur les mots) étant l'exacte
répétition de la première, a l'immense avantage d'être précédée
ainsi de" la meilleure des répétitions, d'une répétition faite devant
le public, où les exécutants, non-seulement s'écoutent eux-mê-
mes, mais encore s'écoutent, pour ainsi parler, à travers le pu-
blic écoutant. Il n'y a pas de danger qu'une jolie femme, qui
veut plaire, fasse sa toilette sans consulter son miroir. Le public,
c'est la psyché des exécutants : toute exécution musicale ne met
la dernière main à sa toilette qu'en présence du public. Si, le
premier jour, il échappe quelques fautes (et comment n'en
échapperait-il pas?), si tel effet a été manqué par une attaque
incertaine, par un mouvement pris trop mollement ou trop vite,
par l'inobservation de quelque nuance, le public est là qui, sans
mot dire, vous avertit, et l'on a huit jours pour réfléchir sur la
leçon et pour en profiter.
C'est ce que l'on a pu observer aux deux séances de l'Orphéon,
séances que nous voyons se renouveler chaque année avec un
intérêt toujours croissant. Car ce qui nous attire, ce qui attire,
dans l'enceinte du Cirque-Napoléon, ces quatre mille auditeurs
de tout rang, de tout sexe, de tout âge, ne croyez pas que ce
soit une simple exécution musicale plus ou moins imposante
ou parfaite; c'est quelque chose de plus, c'est un sentiment. Il
y a dans la réunion de ces quatorze ou quinze cents chanteurs,
où non-seulement les deux sexes, mais où encore, à l'exception
de la vieillesse, se réunissent tous les âges, l'enfance, l'adoles-
cence, la jeunesse, la virilité, il y a là, disons-nous, un fait mo-
ral très-curieux et qui attache vivement. Sans doute, il ne serait
pas impossible d'admettre qu'un jeune enfant de la classe des
soprani eût son père parmi les ténors, et son aïeul parmi les
basses ; et voilà ces trois générations qui se confondent dans les
mêmes accents, dans les mêmes paroles, dans les mêmes pen-
sées et les mêmes émotions. Cela est réellement beau et tou-
chant. Tantôt c'est Dieu qu'on invoque, tantôt c'est la Madone;
tantôt on chante la gloire de nos armées, tantôt les bienfaits
de la paix. Ainsi, toutes les saintes et bonnes choses, la re-
ligion, la morale, le dévouement, le sacrifice, le sentiment de
la nature, l'honneur dû au travail, le culte des arts, s'impriment
tour à tour dans les cœurs par le moyen de la musique, de
la musique, le plus social de tous les arts, parce qu'elle associe
au lieu d'isoler, parce que, de tous les arts, elle entend le mieux
le noble sentiment delà fraternité. Voilà pourquoi l'Orphéon est
de nos jours l'institution populaire par excellence ; voilà pour-
quoi de toutes parts, sur tous les points de notre France, s'é-
lèvent des sociétés d'Orphéon, comme pour entretenir la con-
corde, l'harmonie et l'émulation aussi entre les populations de
nos cités, devenues rivales sans cesser d'être sœurs, et comme
pour rendre un éclatant hommage à ce sentiment pacifique et
serein delà fraternité universelle. Quand, dans un pays, on peut
lever en un clin d'œil des bataillons de chanteurs, comme on
lève une armée de soldats, soldats et chanteurs également bien
disciplinés, on peut dire que ce pays a fait un pas immense dans
la civilisation.
Suivons maintenant le programme de nos deux séances.
Après le couronnement d'usage du buste de Wilhem, le fon-
dateur de l'Orphéon, la prière : Domine, salvimi fac imper ato-
rem, a élevé son puissant unisson, suivi de la reprise en chœur.
Je ne sais si cet unisson n'a pas un caractère plus saisissant et
plus majestueux que le chœur, et s'il n'exprime pas mieux, dans
sa grandiose simplicité, la tendance directe de la prière à la
Divinité. La Prière à la Madone (chœur général), de M. Jules
Cohen, a du mérite sans doute, puisqu'elle a obtenu une mé-
daille d'or au concours ouvert l'année dernière pour les compo-
sitions destinées à l'Orphéon. C'est un morceau élégant et gra-
cieux, mais d'une grâce et d'une élégance qui sentent un peu
trop l'opéra-comique. Je parlais tout à l'heure de la toilette de
l'exécution ; il ne serait pas hors de propos de parler aussi de la
toilette de certaines compositions, c'est-à-dire de leur style. Vous
jugez d'une femme sur sa toilette ; un rien, un je ne sais quoi
nous révèle ce qu'elle est; ce quelque chose, c'est le style.
Buffon l'a dit : « Le style, c'est... la femme. » Tout cela pour
insinuer à M. Jules Cohen, qui est un jeune homme de talent et
qui l'a prouvé, qu'il n'y a aucun rapport entre l'afféterie et la
fadeur, un peu trop en vogue à l'Opéra-Comique, et le caractère
qui convient au style vraiment populaire, et surtout à une prière
à la Vierge. Cette observation faite, son morceau, je le répète,
est agréable et bien écrit.
Le Réveil du jcœur (chœur à quatre voix d'hommes), est évi-
demment une erreur de M'. Th. Gouvy, un compositeur d'un
grand talent, qui a écrit de belles symphonies, mais qui se sera
252
LE MÉNESTREL.
tout à coup trouvé dépaysé quand, au lieu de violon, de cors
et de bassons, il n'a eu à sa disposition que des voix d'homme.
Inexpérience! inexpérience chezM. Gouvy du maniement des voix;
inexpérience de l'art, plus difficile qu'on ne croit, de mettre un
chant sur des paroles. M. Gouvy sait toute l'estime que j'ai pour
lui ; je le prie de réfléchir un instant à la terminaison de chaque
couplet sur le mot cœur, et de me dire ce qu'il pense de l'effet
de cette rime masculine, cœur, sur une terminaison (musicale)
féminine. Le morceau le Réveil du cœur est non-avenu. Vous
allez voir que M. Gouvy va prendre sa revanche : uno avulso,
non déficit aller.
Au contraire, la Prière à Marie (chœur général), deM.Gou-
nod, est la bien venue. La mélodie en est douce et calme, l'har-
monie pleine et riche, et l'une et l'autre se meuvent dans une
période large et flottante. Le morceau néanmoins est long et dif-
ficile, et il est difficile en pure perte ; je veux dire que cette
difficulté est loin d'être une occasion de triomphe pour les exé-
cutants. Celte observation s'applique à la transition en ré bémol
(je suppose que le ton de la prière est en fa). Cette transition est
fort bien amenée; mais les exécutants, n'ayant pas encore la to-
nalité de ré bémol clans la tète, n'attaquent qu'avec hésitation
les deux bouts de phrase qui doivent préparer la modulation.
Pourquoi, de plus, faire monter les voix de femme jusqu'au la
aigu, comme l'ont fait M.Gounod dans sa Prière à Marie, et
M. Cohen dans sa Prière à la Madone ? Je sais bien que ce
la ne serait rien pour les choristes de l'Opéra et de l'Opéra-Comi-
que ; mais les voix de soprani de l'Orphéon sont certainement
d'une qualité inférieure à celles de nos soprani de théâtre;
je n'en veux d'autre preuve que l'effort désagréable que les
jeunes filles de l'Orphéon sont obligées de faire pour atteindre,
d'emblée, à cette note, qui sort du cadre restreint de leur voix.
Encore une observation. Je m'étonne que M. Gounod, qui est
homme d'esprit, et un esprit très-lettré, ait laissé passer des vers
tels que ceux-ci. Le poète s'adresse à la vierge Marie :
Du séjour de lumière
Descends sur moi.
A ma raison rebelle,
A mon cœur qui chancelle,
Flamme immortelle,
Montre le flambeau de la foi.
M. Gounod aurait bien dû faire remarquer à son poète que
c'est ordinairement le flambeau qui montre la flamme, et non
la flamme qui montre le flambeau.
Les Noirs Chasseurs (chœur à quatre voix d'hommes), de
Weber. A la bonne heure! voilà qui est franc, voilà qui est
neuf et pittoresque, et inattendu dans sa brusque résolution.
Comptez les mesures; il y en a vingt à peu près. Il y a plus de
génie dans ces vingt mesures que dans de grosses partitions.
Voilà le vrai style populaire qui sait fort bien allier la simplicité
avec la distinction.
C'est une œuvre aussi bien distinguée que le Chanteur des
bois (chœur général) de Mendelhsson. Les parties vocales s'y
entrelacent avec une grâce adorable, bien qu'un peu étudiée.
Malheureusement, les voix de soprani sont encore obligées de
grimper jusqu'au la aigu.
Ici se termine la première partie de la séance. M. Pasdeloup
quitte le sceptre du commandement et le passe à M. F. Bazin.
La Fêle des fleurs (chœur général) de Constantio Fesca
(xvie siècle) est un morceau plein de naïveté et de charme;
mais il est plein aussi de finesses d'école avec lesquelles les or-
phéonistes sont peu familiarisés. Leurs études ne sont pas et ne
doivent pas être dirigées vers ce style-là ; ils doivent donc n'a-
border de pareils morceaux qu'avec une grande réserve.
Je voudrais n'avoir que des éloges à donner aux Matelots de
V Adriatique (chœur d'hommes), de M. Bazin. Mais je n'ai nul-
lement dissimulé ma pensée à M. Gouvy, pourquoi ne parle-
rai-je pas à M. Bazin avec la même franchise? Je sais bien que
le public a vigoureusement applaudi son morceau et l'a rede-
mandé; je sais bien que le succès en est incontestable; mais je
me permets quelquefois de n'être pas de l'avis du public.
« Messieurs, dit un personnage de GilBlas, laissons là, je vous
prie, les applaudissements du parterre; il en donne souvent fort
mal à propos. » Sur cela, je dirai à M. Bazin que ses matelots
chantent sur un rhythme bien marqué, sur une harmonie cor-
recte et bien entendue; mais cela ne suffit pas. Ah ! Messieurs,
parce qu'on fait chanter le peuple, il ne faut pas s'imaginer
qu'on doit mettre dans sa bouche tout ce qui vous passe sous les
doigts, au piano. Non. Je l'ai dit : la simplicité, le naturel n'ex-
cluent pas la distinction. J'en appelle à Patlielin. Et savez- vous,
monsieur Bazin, ce que j'ai fait le soir même de la séance du
30 juin, pour me réconcilier avec vous? Eh! mon Dieu, pour
me réconcilier avec vous, je n'avais qu'à vous retrouver, et,
pour vous retrouver, je suis allé à l'Opéra-Comique, où l'on
donnait ce charmant Pathelin, et là je me suis délecté à en-
tendre vos motifs si pleins de verve, vos cantilènes si mordantes,
vos refrains si joyeux et si gaulois.
La Briganline (chœur général), de M. E. Savary, est un des
morceaux qui ont obtenu une médaille d'or au concours de l'Or-
phéon de l'année dernière. C'est une composition fort agréable
et fort mélodique, où le balancement harmonieux des rames est
heureusement exprimé par le rhythme des basses. Ce morceau
fait partie d'un recueil du même auteur, qui a dû paraître la
semaine dernière.
Le chœur à quatre voix d'homme, France! France! de
M. Ambroise Thomas, est un morceau de maître. C'est ferme,
c'est franc, c'est saisissant! Il y a sur le vers :
Dieu protège la France !
une période cadencée du plus bel effet. Puisse le grand succès
de ce beau chœur engager M. A. Thomas à mettre à l'étude le
Te Deum qu'il a composé pour les sociétés de l'Orphéon. Une
pareille œuvre doit certainement contribuer à l'éducation musi-
cale des exécutants.
Le beau chœur de la Muette de Portici : O Dieu puissant
(chœur général) est un de ceux que l'on peut ranger parmi ceux
qui présentent trop de difficultés, à cause du grand nombre des
rentrées et de l'élévation de la partie de soprano.
Chaque séance commencée par le Domine salvum fac s'est
terminée par le chœur plein d'entrain Vive l'Empereur ! (chœur
général) de M. Gounod, l'éminent prédécesseur de MM. Bazin
et Pasdeloup.
Un mot maintenant sur l'exécution de ces séances. Je l'ai
déjà fait entendre, il est des choses dont les orphéonistes ne sont
pas responsables : si l'on écrit pour leurs soprani dans un dia-
pason trop élevé, si les parties harmoniques s'enchevêtrent entre
elles d'une manière pénible ou compliquée, l'effet général en
souffrira ; ce ne sera pas assurément la faute des exécutants, ni
celle de ceux qui les dirigent. Ce que l'on doit admirer, c'est
l'exécution des chœurs d'hommes; c'est un ensemble, un relief,
un sentiment des nuances, une verve dignes des plus grands élo-
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
253
ges. Le chœur général laisse à désirer pour la précision ; il y a
toujours, sans doute à cause de l'immensité du local, des groupes
d'enfants ou de petites filles qui anticipent sur les autres, ou qui
traînent. Et puis, qu'en me permette de le demander, une double
direction n'est-elle pas un inconvénient? Je me rappelle avec
quelle merveilleuse spontanéité, avec quel aplomb et quelle me-
sure les chœurs marchaient sous l'unique direction de M. Hubert.
Des hommes tels que MM. Pasdeloup et Bazin sont à coup
sûrs des directeurs excellents ; ils ont dix fois ce qu'il faut pour
s'emparer des masses et les gouverner. Ce n'est pas leur direc-
tion qu'il faut accuser, c'est la division de cette direction. Cet
inconvénient tient sans aucun doute aux développements tou-
jours croissants de cette belle institution, et, par la force des
choses, il est venu un moment où il a fallu avoir un directeur pour
la rive gauche et un autre pour la rive droite. C'est là une né-
cessité ; et quand la commission chargée de surveiller l'ensei-
gnement du chant dans les écoles communales de Paris, est
présidée par un homme aussi éclairé, aussi expérimenté et dé-
voué que M. Victor Foucher, on peut croire que cette nécessité
est la seule chose praticable.
J'ai nommé tout à l'heure M. Hubert, quia été pendant long-
temps le bras droit et l'aller ego du vénérable Wilhem. Je dois
nommer aussi M. Foulon, dont le nom ne figure pas sur les
programmes, mais dont les services, dans le sein des écoles,
sont inappréciables.
Quoi qu'il en soit, les résultats de l'Orphéon sont aussi satis-
faisants que possible. Les résultats moraux se développent
chaque jour davantage, et quant aux résultats de l'ordre pure-
ment musical, il s'agit bien moins de perfectionner et de mul-
tiplier les procédés d'exécution que de former l'intelligence des
masses et de les élever au goût des choses simples, naturelles et
vraies.
J. d'Ortigue.
TABLETTES DU PIANISTE ET OU CHANTEUR.
F. CHOPIN ET SES ŒUVRES.
XI (1).
Chopin a écrit une certaine quantité de valses. La première
(op. 18) est du premier temps de Chopin, très-gaie et très-bril-
lante. — L'œuvre 34, composée de trois valses, n'a plus le même
caractère. La première de ces trois valses, à MUe de Thùn, est
longuement développée. Elle renferme des chants d'une suavité
et d'une élévation sans pareilles. — La seconde, à la baronne
d'Ivry, n'a de la valse que le nom. Son mouvement est lent,
c'est une élégie. — La troisième, à Mlle d'Eichtal, est sauvage,
fantasque, une véritable inspiration à la Weber. — La grande
valse nouvelle (op. 42) est fort jolie, mais a le tort de trop res-
sembler, pour la facture et les traits, àla première de l'œuvre 34.
(1) Op. 18. — Première valse, à MIle Horsford.
Op. 34. — Deuxième valse , à Mlle de Thiin-Hohenstein.
— Troisième valse, à la baronne d'Ivry.
— Quatrième valse, à MUe d'Eichtal.
Op. 42. — Cinquième valse (grande valse nouvelle].
Op. 64. — Sixième valse, à la comtesse Potocka.
— Septième valse, à la baronne de Rotsehild.
— Huitième valse, à la comtesse Branicka.
Cinq valses posthumes (1829, 1830, 1835, 1836, 1843).
Trois écossaises (1830).
Les trois valses qui composent l'œuvre 64 valent infiniment
mieux : la première est très-courte et très-brillante. — Les deux
dernières sont écrites dans un mouvement extrêmement modéré.
Elles sont mélancoliques, rêveuses. — Les chants sont d'une
pureté et d'une tendresse indicibles.
Nous avons de Chopin cinq valses posthumes : elles sont loin
de valoir les précédentes. La meilleure est celle qui fut composée
en 1836 ; elle se dit lentement. Les quatre autres, composées
en 1829, 1830, 1835 et 1843, sont relativement faibles.
De tous les rhythmes de danse, la valse est le plus poétique ;
aussi Chopin en a-t-il tiré un parti infini. Mais gardons-nous
bien de prendre ses valses, pas plus que ses mazourques et ses
polonaises, pour des airs de danse. Il n'a absolument gardé que
le cadre ; son génie a créé le reste.
XII (1).
Chopin a fait du scherzo un morceau séparé auquel il a donné
un grand développement. Les -quatre scherzi qu'il a composés
sont des œuvres éminentes.
Le premier (op. 20) manque un peu de mélodie. Schuloff
semble avoir pris, pour motif du final de sa belle sonate, les
deux premières mesures qui suivent les huit mesures d'intro-
duction. — Signalons, au milieu, un poco piu lento, malheu-
reusement trop court, mais radieux de poésie.
Le deuxième (op. 31) abonde en motifs d'une beauté peu
commune. On pourrait lui reprocher le manque d'unité. Il y a
aussi abus de modulations. Mais, somme toute, c'est un morceau
supérieur au précédent.
Le troisième scherzo (op. 39) est une pièce achevée, rhylhmée
admirablement. Le trio forme une sorte de choral en accords
plaqués, combiné avec des traits en arpèges du plus grand effet.
C'est le meilleur des scherzi.
Le quatrième (op. 54) est écrit dans un style contemplatif;
il est poétique, mais un peu long. Les redites ne sont pas suffi-
samment déguisées par la fréquence des modulations. Ce que
l'on doit surtout admirer dans les scherzi de Chopin, indépen-
damment des autres qualités qui lui sont propres, c'est le talent
avec lequel il a manié le rhythme. 11 tire un parti étonnant du
mouvement extrêmement rapide du scherzo ; au moyen de
pauses, de silences qui coupent ou complètent la phrase musi-
cale, de combinaisons à quatre, à trois temps, où chaque mesure
correspond à un temps, il tient constamment l'esprit en éveil
par la nouveauté et l'imprévu. — Nous devons dire, cependant,
que les scherzi isolés de Chopin ne sont pas à la hauteur du
scherzo de la sonate op. 35. — Isolément, quelques parties sont '
aussi belles, plus belles peut-être ; mais l'ensemble est moins
correct et moins harmonieux.
XII.
Nous arrivons aux compositions nationales de Chopin, celles
où le sentiment patriotique vibre en lui et lui arrache les accents
les plus vigoureux, ceux aussi où l'amour de la patrie absente
lui inspire les plus douces plaintes : nous voulons parler de ses
polonaises et de ses mazourques. Plus que tous les autres peuples,
les Slaves, et surtout les Slaves polonais, ont su, au milieu des
malheurs de l'oppression, de l'exil, garder un caractère propre ,
(1) Op. 20. — Premier scherzo, à M. Albrecht.
Op. 31. — Deuxième scherzo, à MUe de Furstenstein.
Op. 39. — Troisième scherzo, à M. Gutmann.
Op. 54. — Quatrième scherzo, à M1Ie de Caraman.
LE MÉNESTREL.
un cachet indélébile de nationalité ; — on les reconnaît entre
mille. Leurs accents ont quelque chose d'étrange, de saccadé,
d'énergique, qui accuse la rudesse du sol natal et les habitudes
d'un peuple guerrier et malheureux. Ils savent aussi faire vibrer
merveilleusement les cordes tendres et mélancoliques. De ce
mélange de fierté et de tendresse, d'énergie et de douceur, s'est
formée chez eux, pour ne parler que de l'art musical, une langue
pleine d'attraits.
De même qu'entre tous les peuples, les Slaves ont su garder
une individualité forte et persistante, de même aussi, éloignés
du sol natal, ils en conservent au plus haut degré l'amour et le
souvenir.
Ces deux réflexions s'appliquent à Chopin : on l'étudié avec
intérêt comme représentant d'une race dont il conserve la vive
empreinte; on s'attendrit avec lui quand son âme se reporte
douloureusement vers le coin de terre où il est né et où il n'est
jamais revenu.
Le sentiment national, sentiment qui influe puissamment sur
les manifestations artistiques et qui se révèle au plus haut point
dans Chopin, est un sentiment complexe ; il se forme de deux
éléments, l'amour du sol natal, puis, par extension, l'amour de
la race. — L'amour du sol est l'élément primitif, primordial.
A l'aurore des sociétés, le mot pairie ne renfermait pas d'autre
signification que celle de toit paternel. C'est ainsi que, dans
leur cœur, l'entendent encore le vieillard et l'enfant. N'allez
pas demander ce qu'est la patrie au mystique perdu dans ses
rêves ; — il vous répondrait que c'est le lieu de lumière, la cité
céleste où il tend. Ne le demandez pas non plus au philanthrope
combinant, dans sa cervelle creuse, je ne sais quel plan de
félicité universelle ; — il vous dirait que c'est l'humanité en-
tière. Le politique vous dira que la patrie, c'est l'agrégation
sociale à laquelle il appartient, que symbolisent pour lui le prince
et le drapeau. L'enfant et le vieillard seuls vous diront ce
qu'est la véritable patrie : c'est le toit paternel où ils ont dormi,
le jardin où ils ont joué dans leurs jeunes années. — Merveil-
leuse affinité de l'âme avec le sol qui nous a vu naître , qui
pourra jamais dire la puissance de ton empire ? Qui de nous ne
se rappelle avec bonheur les premiers ans passés sous l'aile pro-
tectrice des aïeux dont le front inclinait déjà vers la tombe, mais
dont les vieux cœurs se rajeunissaient à notre contact enfantin.
C'était le temps des ravissements infinis ; — la bonne et belle
nature se révélait à nos cœurs jeunes et non flétris. — Là, sous
le marronnier, était le banc où s'asseyait notre aïeul ; plus loin,
le massif de buis où nous allions jouer, et les vertes allées du
parc, et les longues galeries de la vieille maison. — Que de
souvenirs! que de joies ! — Puis il a fallu quitter la nature pour
les livres ; — puis sont venus les soucis, les tracas de la vie. Les
ancêtres sont morts ; la famille s'est dispersée. Demain, peut-
être, la vieille maison qui a abrité la famille passera dans des
mains étrangères. . . . Mais ce coin de terre n'en restera pas moins
toujours pour nous la véritable patrie. Quand les soucis du
monde nous permettront de nous recueillir un instant, c'est là
que nos souvenirs nous porteront comme d'eux-mêmes. Notre
âme se réfugiera dans ce coin béni et y conversera avec les âmes
de ceux qui sont partis. — Nous sortirons de cette méditation
plus forts, et, quand la vieillesse se sera appesautie sur nos
têtes, c'est là que nous désirerons mourir, afin de reposer auprès
de ceux que nous aurons aimés.
Ce n'est que par généralisation que l'idée de patrie a été
étendue et s'est confondue avec un autre sentiment , l'amour
de la race. Il y a entre les hommes de même race une solidarité
créée par l'origine, la langue, la communauté de vie sociale,
et souvent aussi de malheur. Car on doit noter ceci, que les races
les plus héroïques, les plus malheureuses, sont celles qui con-
servent avec le plus d'énergie le sentiment national : — qu'il
suffise de citer la Hongrie, l'Italie, la Pologne. Les Slaves ont
au plus haut degré cet amour de leur race et, sur la terre d'exil,
ils conservent entre eux cette union et cette solidarité qu'ils
méconnaissent, hélas! trop souvent dans leur pays. L'amour du
sol peut donc s'allier avec l'amour de la race, et de ces deux
éléments se forme l'idée moderne de patrie, qui ne s'étend plus
seulement au lieu natal , mais encore à la région entière qu'ha-
bitent les hommes de même langue et de même origine.
Mais là doit s'arrêter toute généralisation : l'abstraction phi-
losophique qui tenterait d'étendre au delà de ces limites l'idée
de patrie l'amoindrirait, la détruirait, et, à ce moment-là,
apparaîtrait le sceptique, disant, non sans raison :
Ibi bene, ibi pairia (1).
D'autres peuples que les Slaves ont un cachet musical indi-
viduel. — Les Italiens, quoique bien déchus au point de vue
artistique, se reconnaissent encore à la sensualité de leur mu-
sique et parfois à sa violence, musique qui , le plus souvent
aujourd'hui, trouble les sens sans élever l'âme.
Les Allemands .ont moins d'individualité. Peuple enclin aux
spéculations métaphysiques, aux notions abstraites et univer-
selles de la philosophie, ils se sont de bonne heure habitués à
embrasser dans leurs conceptions un horizon sans limites. Us
franchissent volontiers celles de la patrie, de la race; leur mu-
sique est universelle. Si jamais les races humaines doivent se
fondre en un peuple unique, la musique allemande sera bien et
réellement la musique de l'avenir.
M. Henri Blaze, dans son livre si intéressant des Musiciens
contemporains, affirme que les Scandinaves sont sur le point de
se créer une musique nationale. S'ils réussissent, ils seront plus
heureux que certains peuples, qui non-seulement n'eurent pas
de musique nationale, mais n'eurent jamais de musique. Telle
l'Angleterre ; telle aussi l'Espagne — car nous n'appellerons
pas musique ses boléros, ses séguidilles éternelles qui, en
France, eurent un jour leur vogue et risquèrent de nous faire
prendre un grand peuple pour un peuple de danseurs.
Les Polonaises de Chopin sont, sans contredit, les œuvres
où il a mis le plus d'énergie et où son talent se révèle avec une
empreinte qu'on ne remarque que par rares éclairs dans ses
autres compositions. On sait que la polonaise était une des
anciennes danses nationales des Slaves, la danse guerrière par
excellence. Le rhythme en est imposant; les mélodies sont mar-
tiales, valeureuses. — On peut proposer, comme le type le plus
accompli de la polonaise, celles que composa W'eber, et la
Grande-Polonaise de Beethoven, dédiée à l'impératrice Elisa-
beth de Russie. — Dans ces magnifiques compositions, qui
n'ont rien de commun avec les polonaises affadies de Mayseder,
revit l'esprit guerrier des anciens temps. Beethoven et Weber,
quoique allemands, s'étaient, avec la divination du génie, ap-
proprié cette antique formule et avaient su, comme dit Franz
Liszt, y faire circuler, aussi bien que de vrais Slaves, la vie, la
(i) Chopin n'est pas le seul qui, sur la terre française, représente l'art
polonais. M. Albert Sowinski, âme patriote, esprit cullivé, a élevé aux
musiciens de son pays un monument digne d'eux, par son grand travail
sur la musique polonaise et slave (Dictionnaire biographique des musi-
ciens polonais et slaves, grand in-8", 1837, Paris, 600 pages).
NOUVELLES ET ANNONCES»
235
chaleur, la passion, sans s'écarter de l'allure hautaine, de la
dignité cérémonieusement magistrale, de la majesté naturelle et
apprêtée à la fois qui lui sont inhérentes. — Après ces grands
maîtres, on peut dire que c'est Chopin qui a le mieux exprimé,
dans ses polonaises, les passions guerrières de son pays.
Nous avons déjà parlé de ses deux premières polonaises,
l'œuvre 3 av£c violoncelle et l'œuvre 22 avec orchestre. Nous
n'avons à parler ici que de ses polonaises pour piano seul (1).
L'œuvre 26 se compose de deux polonaises, dédiées à Dessauer.
Elles brillent par l'originalité. — La première renferme un
admirable chant de basse qui rappelle ceux de l'étude 7 du
2me livre et du 6me prélude. — La seconde débute comme le
Miserere du Trovatore : elle est dramatique, et fait songer aux
héros tombés sur les champs de leur héroïque patrie.
Les deux Polonaises op. 40 sont très-célèbres. La première
est pleine de mouvement, de fierté, d'énergie. Comme inspira-
tion, elle se rapproche de la belle marche du Prophète de
Meyerbeer. — La seconde est plus sombre. Elle renferme un
chant d!une sensibilité touchante.
La grande polonaise en fa dieze mineur (op. 44) est une des
plus énergiques conceptions de Chopin. Il y a dans le livre de
Lislz une belle analyse de cette pièce. — « Le motif principal
est sinistre comme l'heure qui précède l'ouragan. — Le retour
prolongé d'une tonique, au commencement de chaque mesure,
fait entendre comme des coups de canon répétés. A la suite de
celte note se déroulent, mesure par mesure, des accords inac-
coutumés.— Nous ne connaissons rien d'analogue, dans les
plus grands auteurs, au saisissement que produit cet endroit,
qui est brusquement interrompu par une scène champêtre, par
une mazourque vaporeuse. On dirait, aux premiers rayons d'une
aube terne et grise, le récit d'un rêve fait après une nuit d'in-
somnie.— Comme un rêve, cette improvisation se termine sans
autre conclusion qu'un morne frémissement qui laisse, l'àme
sous l'empire d'une impression uuique et dominante. »
La polonaise op. 54 est moins sombre et se rapproche da-
vantage du caractère guerrier de l'œuvre 40. Signalons un chant
superbe, accompagné par la main gauche d'un trait en octaves.
Le polonaise-fantaisie (op. 61) manque d'unité. Celte pièce
abonde, il esi vrai , en motifs remarquables, mais qui ne sont
pas suffisamment reliés ensemble par l'unité du plan.
Les trois polonaises posthumes, composées en 1827, 182S et
1829, ne sont pas à la hauteur des précédentes; elles nous sem-
blent assez ternes.
H. Barbedette.
( La suite au prochain numéro. )
SEMAINE THEATRALE.
Guillaume Tell, qui n'avait pas été donné depuis le départ
des sœurs Marchisio, a été repris celte semaine à I'Opéra.
Mœe Yandenheuvel-Duprez paraissait pour la première fois dans
le personnage de Mathilde. Cette prise de possession d'un rôle qui
lui était acquis depuis longtemps, donnait un certain attrait à la
soirée. L'éminente artiste a chanté avec une grande perfection
|1) Op. 26. — Deux polonaises, à Dessauer.
Op. 40. — Deux polonaises , à Jules Fontana.
Op. 44. — Polonaise, à la princesse de Beauveau.
Op. 33. — Polonaise, à iï. Auguste Léo.
Op. 61. — Polonaise-fantaisie, à M. Veyret.
— Trois polonaises posthumes (1827, 182S, 1839).
le duo avec Arnold, et surtout l'air : Sombres forêts, une des
pierres de louche de nos cantatrices. Morelli a reparu dans le
rôle de Guillaume, Belval dans celui de Walter, et Gueymard
s'est montré de nouveau dans le type d'Arnold. Enfin, la belle
partition de Rossini — à quelques défaillances près — a trouvé
une interprétation convenable. — Le chorégraphe italien Pas-
cal Borri est arrivé à Paris pour monter le ballet nouveau,
l'Étoile de Messine, dont nous avons parlé. Le livret est de
M. Paul Foucher, l'auteur de Paquita; la musique, de M. le
comte Gabrielli.
Le Théatre-Frasçais a repris les Comédiens, de Casimir
Delavigne. Bien que les années aient un peu amorti ses piquan-
tes allusions, cette pièce, grâce au mérite de sa versification et à
l'esprit de ses tirades, a reçu le meilleur accueil. Maillard a été
fort applaudi dans le rôle de Victor. Monrose, Maubant, Tal-
bot, Mirecour, Eugène Provost, Barré, Mlles Fix, Bonval et
Figeac, ont, chacun pour sa part, contribué au succès de cette
reprise. — Samedi dernier, 29 juin, a été donnée la dernière
représentation des Effrontés. La. comédie de M. Emile Augier sera
reprise l'hiver prochain. Pour l'instant, Mme Arnould Plessy est
allé passé son congé dans ses terres en Bourgogne, où doit se
célébrer le mariage de son frère avec Mme Emilie Guyon. — On
annonce la retraite définitive de Samson, l'honorable doyen de
la Comédie-Française. Ce sera un regret universel.
Dans les Recruteurs, de M. Lefébure-Wély, qui vont entrer
en répétition à rOpÉRA-CoiiiorE, nous aurons, assure-t-on, les
débuts de il. Capoul, jeune ténor, déjà lauréat, qui aspire à de
nouvelles couronnes, et auquel l'Opéra avait sérieusement songé.
Mme Faure-Lefebvre et MUe Marinion, dans Joconde et les Dia-
mants, se partagent les honneurs de l'affiche avec les dernières
représentations de Jourdan.
Au milieu des loisirs de ses vacances, le Théatre-Lyriq.i:e
élabore le programme de son avenir et de ses travaux d'hiver.
On parle, pour le dernier trimestre de cette année, d'un ouvrage
entrais actes de M. Semet, et d'un opéra en trois actes de Gri-
sar. Puis viendrait le grand ouvrage de MM. de Saint-Georges
et Halévy. Noé. Cette pièce, dit-on, avait été primitivement
destinée à l'Opéra et portait pour litre le Déluge. Mme Pauline
Viardot serait chargée du principal rôle : c'est-à-dire tout un
événement théâtral en perspective.
Un vaudeville en deux actes, de MM. Varin et Michel Dela-
porte, Ma Sœur Mirctte. s'est glissé dimanche sur l'affiche et
dans le répertoire du Vaudeville, La clientèle dominicale a fait
une réception honorable à cette pièce. — Vendredi dernier a été
donnée la première représentation d'un Mariage de Paris, co-
médie en trois actes de MM. ALout et de Najac. Cette pièce a
obtenu un grand succès de gaité, succès parlagé avec les trois
débutants : M. Febvre, Mme Lambquin et MUe Paurelle. Can-
deilh s'est fait également remarquer dans un rôle garçon. Nous
reviendrons sur cette amusante comédie.
AuPalais-Botal,/c Songed'une Nuit d'avril n'a pas répondu
aux promesses du titre, et le dénoûment final de cet imbroglio
fait regretter que la pièce n'ait pas été conduite avec plus de
soin. René Luguet, Pradeau, Lassouche, Fizelier, se cotisent
néanmoins pour donner à ces deux actes quelques éléments de
vitalité.
Le théâtre du Chalet-des-Lles répète avec ardeur une nou-
velle opérette iutitulée : Flamberge au vent, de MM. Charles
256
LE MÉNESTREL.
Nuitter et notre confrère Georges Stenne, une des plus vaillantes
plumes du Messager des Théâtres. La musique est de M. Fré-
déric Barbier, chef d'orcbetre de l'endroit. M1Ie Chrétienno, la
charmante étoile lyrique du Châlel-des-Iles, y jouera un rôle
travesti.
Nous ne saurions mieux terminer notre Semaine Théâtrale
qu'en signalant un acte de munificence ministérielle envers une
des nobles filles du baron Taylor. S. Ex. M. le Ministre de l'In-
térieur vient d'accorder une subvention annuelle de 6,000 fr.
à l'Association des Artistes dramatiques.
J. Lovï.
NOUVELLES DIVERSES.
— Le projet de loi relatif à la construction de la nouvelle salle de
l'Opéra a été adopté 'par le Corps législatif, dans la séance de jeudi 27 juin
à la majorité de 179 voix contre 39, sur 218 votants.
— Au milieu de l'été, Berlin célèbre sa saison d'opéra dans quatre
théâtres à la fois : au théâtre royal Frédérie-Wilhelm Stadt, aux théâtres
Wallner, Kroll et Victoria.
— On écrit de Berlin que la première représentation de l'opéra de
Spontini, Nurmahal, si laborieusement étudié au théâtre de l'Opéra, a été
remise au mois d'octobre.
— Voici le programme des chœurs adoptés par le Comité central du
festival de Nuremberg, qui reste fixé au 12 juillet :
A la Patrie, de Hitler; Vive l'Allemagne lie Met ; le Chant de la Fête,
de Methfessel ; le 23e Psaume, de Otto ; Chant de Grâce, de Kalliwoda,
de Lachner ; la Milice allemande, de Kucken ; Hymne, de Neele ; Aux
Allemands, de Penirch ; Relève-toi, Allemagne, de Storch; Chœur des
chanteurs, de Emmeling ; enfin, les Trois Couleurs de V Allemagne, par
le duc de Saxe-Cobourg.
— Le gouvernement belge a chargé M. Félis, directeur du Conserva-
toire royal de Bruxelles, d'organiser, pour les prochaines fêtes de septem-
bre, un festival qui aura lieu dans la grande salle du Palais ducal. Ce fes-
tival sera composé de deux séances : dans la première on entendra une
symphonie de Beethoven et des fragments des principaux oratorios de
Haendel. La seconde séance sera surtout consacrée à des morceaux de
solo, par MM. Vieuxtemps, Servais, M. et Mmo Lemmens. Le grand orgue
pour la construction duquel des fonds ont été votés par l'État, la province
et la commune, sera inauguré à cette occasion, et le jeu de M. Lemmens
sur cet instrument ne sera pas un des moindres attraits du festival, qui
réunira un chœur de cent quatre-vingts chanteurs et.un orchestre de cent
vingt exécutants.
— L'association des artistes musiciens de Bruxelles a tenu dernière-
ment son assemblée générale annuelle. Le rapport fait à cette occasion
par M. Delabarre, secrétaire du comité, constate la situation prospère de
cette utile institution qui, en peu de temps, est arrivée à posséder un ca-
pital de 104,136 fr.
— Ainsi que nous l'avons annoncé, un festival qui réunira les députa-
tions de l'Orphéon français, aura lieu au mois de septembre prochain, au
Palais de l'Industrie, sous la direction de M. E. Delapoi te. Les listes d'adhé-
sion donnent déjà un chiffre de plus de six mille chanteurs représentant
les Orphéons de cinquante départements. Le Comité général du patronage
des Orphéons etSociétés chorales de France, présidé par M. Larabit, séna-
teur, a pris sous ses auspices la partie artistique de cette grande solennité,
pour laquelle MM. Meyerbeer, Auber, Halévy, Ambroise Thomas, Richard
Wagner etltiicken, ont écrit spécialement des chœurs.
— Le maire de Lille vient d'adresser à M. Ferdinand Lavainne la lettre
1 suivante, que nous nous empressons de reproduire :
« Monsieur,
« Répondant au désir exprimé par MM. les Directeurs des Sociétés cho-
rales de Lille, et cédant à la demande de l'Administration municipale,
vous avez bien voulu vous charger de conduire les chœurs composant la
troisième partie du programme au festival de chant d'ensemble qui a eu
lieu le 9 juin dernier, à l'occasion de la fête communale.
« Grâce à votre talent, à votre habile direction et aux soins assidus que
vous yavez apportés, l'exécution de ces chœurs a réussi au delà de toute
espérance,
« L'Administration municipale vous remercie donc, Monsieur, du bon
concours que vous lui avez prêté en cette circonstance. Elle vous prie
d'accepter, comme un témoignage de sa reconnaissance, une bague por-
tant cette inscription :
LILLE
FESTIVAL DE 1861,
A M. FERDINAND LAVAINNE.
— Les correspondances transatlantiques nous parlent d'un concert-
monstre donné à la Havane par le célèbre Américain Gottschalk. Quarante
pianistes et quatre cent cinquante autres instrumentistes y ont pris parti...
On a exécuté entre autres œuvres une symphonie romantique avec tam-
bourins et harmoniflùtes; une marche triomphale pour quatre-vingts
trompettes et tambours ; enfin, pour bouquet, une fantaisie de Gottschalk
pour quarante pianos [sic).
— La petite fête de chant de Saint-Gall (Lichtenberg) a été troublée par
un accident. La tribune sur laquelle se tenaient les chanteurs s'est écroulée
pendant l'exécution d'un morceau. Par un hasard providentiel, malgré la
foule qui se trouvait là, une seule personne, un jeune homme, a été
blessé.
— Les concerts de l'établissement des Eaux de Salins (Jura) viennent
d'ouvrir de la manière la plus brillante, avec MM. Balanqué, Fromant,
Wartel, et Mme Balanqué, qui vient également d'être engagée au Théâtre-
Lyrique. M. Brouwer, jeune pianiste hollandais, est chargé de tenir le
piano, ce dont il s'acquitte à merveille. La richesse des vastes salons éclai-
rés à giorno par une masse de bougies, en font un lieu féerique, et la
plus ravissante salle de concert que l'on puisse rencontrer. Honneur à la
direction intelligente qui a su créer en si peu d'années un si bel établisse-
ment !
— On lit dans Journal de la Vienne que. le premier concert du violo-
niste Bazini et de Mlne Sanchioli a si complètement réussi, qu'ils ont dû en
promettre un second, séance tenante. 11 faut dire aussi que Potiers est
l'une des villes les plus musicales de France.
— Samedi dernier, 29 juin, un exercice lyrique a eu lieu au Conserva-
toire de musique et de déclamation. Les élèves ont exécuté Marie, opéra-
comique en trois actes, de Planard, musique d'Hérold. Mlle Marie Cico,
élève de MM. Revial et Mocker, a eu les honneurs de la représentation.
MM. Capoul, Dervieux, Mlks Reboux, Gallino, ont chanté et joué avec assez
d'intelligence. Les chœurs étaient confiés aux élèves des classes de chant.
(Nous retrouverons la plupart de ces jeunes artistes aux prochains con-
cours ) L'orchestre de la Société Pasdeloup a été fort applaudi après l'ou-
verture.
— Le Comité des Études musicales vient d'adopter, pour servir à l'en-
seignement dans les classes du Conservatoire, six ouvrages de F. LeCoup-
pey, réunis par l'auteur sous ce titre général : Cours de inano élémen-
taire et progressif. Nous empruntons les lignes suivantes au procès-
verbal des séances du Comité : « Le Comité des Études musicales a
examiné les six ouvrages réunis sous le titre général de : Cours de piano
élémentaire et progressif, que lui a soumis M. Félix Le Couppey, l'un des
professeurs qui, par la bonté de sa méthode et le succès de son enseigne-
ment, s'est toujours distingué au Conservatoire. Ce que le Comité a parti-
culièrement remarqué dans ces diverses études, c'est l'ordre logique dans
lequel elles s'enchaînent, leur savante progression et leur caractère essen-
tiellement mélodique. L'auteur s'est attaché surtout à développer l'intel-
ligence musicale des élèves, et notamment dans la préface du livre inti-
tulé: l'École du mécanisme, il a donné des aperçus complètement nou-
veaux sur les procédés par lesquels les pianistes peuvent obtenir une
belle sonorité. — Le Comité est donc unanimement d'avis qu'il y a lieu
d'adopter ces ouvrages pour les classes du Conservatoire. »
Signé : Auber , président ; Ed. Monnais , commissaire impérial ;
F. Halévy, Amb. Thomas, Caraffa, G. Kastner, Vogt, Gallay,
Prumier, Dancla, Em. Perrin, A. de Beauchesnes, secrétaires.
— L'une de nos bonnes pianistes, M"e Langlumé, vient d'être demandée
dans les Pyrénées pour une série de concerts. La maison Pleyel-Wolf s'est
empressée de mettre un piano de choix à sa disposition.
J.-L. IIeugel, directeur
3. Lovï, rédacteur en chef.
i Jean-Jacques Itou
774. — 28e Année.
N» 33.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 14 Juillet
18G1.
i^iia
MENESTR
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'en cher.
EES BUREAUX , S bis, rue Yî vienne. — HEUGEL, et C'°, éditeurs.
(Aux: magasins et Abonnement tic musique du MÉNESTREL. — Tente et locution de Pianos et Orgues.)
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On souscrit du l"de chaque mois. — L'annéecommence du l=r décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection Adresser franco
un bon surlaposte, à mm. IIEUKEI, et Créditeurs du Ménestrel et delà Maîtrise, 2bis,rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères,
( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr.
rue Jean-JacquesRousseau,8.— Û171
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. Le Tannhauser désavoué par l'esthétique allemande. — II. Semaine théâtrale.
J. Lovy. — 111. Tablettes du pianiste et du chanteur : Chopin et ses œuvres
(7e et dernier article). H. Barbedette. — IV. La salle d'asile de Maisons-Laffiite,
concert au château. J.-L. Heugel. — ■ V. Petite chronique : Haydn, cùlé comique
de l'artiste. — VI. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numérode ce jour :
l'aiïse\<'i: ,
Romance sans paroles, de J.-M. Delalanne. — Suivra immédiatement
après : Première Mazurka de salon, de Louis Diemer.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant:
MA MIE ANNETTE,
Poésie d'HENRY Mcbger, musique de Félix Godefroid. — Suivra immé-
diatement après : Être deux , poésie de M. le baron de C***, mu-
sique de L. de Saint-Gervais.
LE TANNHAUSER
désavoué par l'esthétique allemande.
Nous trouvons ce petit manifeste dans la Niederrheinische
Musick-Zeitung (Gazette musicale du Bas-Bhin), qui l'a em-
prunté a l'un de ses confrères, le Vatcrland [la Patrie) :
« On s'est laissé étrangement abuser par l'élément fantastique
des opéras de Richard Wagner et leurs légendes tirées du moyen
âge. Nombre de gens ont pris tout cela pour de la vraie poésie ;
mais le public français, public intelligent et sensé, ne s'est pas
laissé jeter de la poudre aux yeux; il a trouvé la légende du
Tannhauser complètement impoétique, voire comique. Quoi
d'étonnant, si l'ouvrage est devenu pour le Parisien un sujet
d'hilarité?
« Nous n'envisagerons donc pas l'échec du Tannhauser au
grand Opéra de Paris comme la défaite de l'art allemand ; nous
y voyons au contraire le triomphe du bon sens et du bon goût.
Au point de vue de l'art et de l'esthétique pure, Wagner n'est
pas l'expression du génie allemand. Ce qui caractérise l'art alle-
mand, c'est la profondeur, c'est le sentiment intime, c'est l'âme
enfin : or, Wagner ne possède rien de tout cela. Si les Français
n'embrassent pas toujours le génie allemand dans toute sa plé-
nitude, ils le reconnaissent et' l'apprécient quand il s'offre à eux
dans sa noblesse et sa dignité. Ainsi ils comprennent et res-
pectent, dans la sphère de leur aptitude, nos grands poêles, nos
grands penseurs et nos grands artistes ; ils vénèrent et admirent
Schiller, Goethe, Hegel, Kant, Mozart, Beethoven , Weber, etc.;
et c'est précisément cette vénération qu'ils ont pour eux qui les
autorise à ne pas sympathiser avec Wagner.
« Encore une fois, ce n'est pas l'art allemand qui a été vaincu
dans la chute du Tannhauser. ...»
Nous lisions précédemment dans la même Gazette du Bas-
Rhin, publiée à Cologne, les très-judicieuses réflexions que
voici :
« On se figure que le public parisien a fait une opposition
systématique au Tannhauser. Erreur. On peut fabriquer un
succès à Paris, et les concerts donnés l'an dernier par Richard
Wagner en fournissent un exemple jusqu'à un certain point ;
mais commander un fiasco malgré le public, cela n'est pas pos-
sible. La seule puissance qui ait fait tomber le Tannhauser, c'est
le goût français, et ce qui est venu aggraver sa chute, ce sont les
prétentions personnelles de Wagner ; c'est le rôle de Messie qu'il
a voulu jouer, c'est le mépris qu'il manifeste pour les grands
compositeurs que nous admirons, etc., etc. »
M. Frédéric Szarvady , correspondant parisien des Signale ,
journal de Leipzig, écrivait également à la même époque, lors
des premières et dernières représentations du Tannhauser à
Paris :
258
LE MÉNESTREL.
« Richard Wagner aurait un excellent moyen de se venger de
ses adversaires. Puisque, selon lui, les morceaux de son opéra
qui ont obtenu du succès sont les plus faciles à faire, eh bienl
qu'il se mette à son piano et nous écrive un opéra que les
perruques du passésoient forcées de proclamer comme un chef-
d'œuvre ; et s'il ne croit pas de sa dignité d'écrire sous son nom
des partitions qui ne valent pas mieux que celles de Gluck, Mo-
zart, Weber, Rossini, qu'il fasse représenter l'œuvre sous un
pseudonyme, et ne fasse connaître son vrai nom que lorsque
toute l'Europe sera tombée dans le piège. Ce sera pour l'école
de l'avenir et ses adhérents une leçon qui portera ses fruits. »
En revanche, V Allemagne du Sud publiée à Mayence, lançait
toutes ses foudres sur le public parisien, la presse et les musi-
ciens français, sur les chanteurs de l'Opéra, l'orchestre et son
chef, M. Dietsch, et plus particulièrement encore sur le Jockey-
Club. — Mais nous voilà bien loin de cet anathème germanique,
et si nous y revenons aujourd'hui, c'est que la Gazette du Bas-
Rhin nous en fournit l'occasion.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Une représentation d'un genre nouveau a été offerte vendredi
dernier au public de I'Opéra. La scène, livrée a une mimique
agitée, est restée muette pendant toute la soirée ; l'orchestre seul
a retenti, et le chant a complètement chômé. En d'autres ter-
mes, la représentation se composait de trois ballets en un acte :
Graziosa, la Vivandière, et le Marché des Innocents; c'est-à-
dire Mmes Ferraris, Zina Richard et Marie Petipa. Aussi tous
les amis de la chorégraphie à outrance étaient-ils à leur poste, et
les trois ballerines les ont plongés dans le ravissement. Mais
quelques dilettantes auraient donné un louis pour une cavatine.
— Le Prophète sera repris cette semaine, avec Mme Viardot
dans sa création de Fidès. Mme Viardot chantera ce rôle cinq
ou six fois avant d'aborder Alceste, dont la première représen-
tation se trouve retardée jusqu'au 15 août. — Un fort ténor,
que nous avons connu ténor léger au Théâtre-Lyrique , M. Du-
laurens, va débuter dans Robert-le-Diablc . Ecarlat, ténor di
mezso caratlere, paraîtra d'abord dans la Favorite. Ces deux
débuts viennent à propos, car M. et Mme Gueymard prennent
leur congé au mois d'août.
Mllc Tordeus, la jeune et déjà remarquable tragédienne de
I'Odéon (et la protégée de Rachel) vient d'être engagée au Théâ-
tre-Français.— On annonce à ce théâtre la reprise d'une
comédie de Dancourt, le Moulin de Javel, qui n'a pas été re-
présentée depuis le commencement du siècle.
Roger, ayant traité pour une série de représentations avec la
direction de I'Opéra-Comique, nous est apparu cette semaine
dans son rôle de George de la Dame Blanche. Pas n'est besoin
de dire qu'il a été accueilli delà façon la plus cordiale et la plus
brillante. Trois salves d'applaudissements l'ont salué à son en-
trée en scène. Redemandé après le premier acte, il a eu un nou-
veau rappel à la fin du spectacle. — Ce succès va se renouveler
dans Haydée, la Part du Diable et le Domino noir.
MUe Marimon répète les Noces de Jeannette, qui seront reprises
cette semaine avec Couderc. Il y a peu de rôles qui conviennent
autant que celui de Jeannette au chant et au jeu délicat de la
gracieuse pensionnaire de I'Opéra-Comique. L'acte de M. le
prince Poniatowski, Au travers du mur, que répète également
jjiie Marimon, passera après les Noces de Jeannette.
Après son opéra d'ouverture, dont la musique est due à
M. Grisar, le Théâtre-Lyrique montera les Templiers, de
M. Marschner, le célèbre compositeur allemand, l'auteur du
Vampire.
C'est dans un rôle de gascon (et non dans un rôle do garçon,
comme nos typographes nous l'ont fait dire) que Candeilh trouve
moyen de partager le succès de ses partenaires au Vaudeville.
La presse théâtrale n'a pas épargné ses critiques à Un Mariage
de Paris; ce qui ne l'empêche pas de rendre justice aux élé-
ments comiques de la nouvelle pièce de M. About, au jeu plein
d'entrain de Mrae Lambquin, au talent du débutant Febvre, au
débit gracieux de M110 Manvoy.
Un début heureux a eu lieu dernièrement dans Croque-Poule.
Un jeune homme, M. Alexis Colleuille, fils d'un homme fort
connu au théâtre, a fait preuve, dans le rôle créé par Arnal, de
beaucoup d'intelligence et d'acquit. Il dit avec esprit, détaille et
chante le couplet d'une manière remarquable, qualité bien rare
aujourd'hui.
Le théâtre de la Gaîté nous annonce pour cette semaine un
drame nouveau de M. Desvignes, intitulé : Loin du paijs. Le
sujet philosophique de cette pièce a, dit-on, beaucoup de rapport
avec une comédie en cinq actes, le Mal de Paris, dont le Messa-
ger des Théâtres nous a parlé au mois de janvier dernier, et que
nous croyons appelée à être représentée sur un de nos théâtres
impériaux. Le bénéfice de l'antériorité est donc acquis à l'auteur
Au Mal de Paris, et, en prenant date, il va naturellement au
devant de toute accusation de plagiat.
Les soirées du Théâtre-Molière et de la Salle-Lyrique
méritent de fixer quelquefois l'attention de la presse théâtrale.
Là, devant un jury d'encouragement, des artistes en germe es-
sayent leurs premiers pas avant d'aller affronter le jugement
d'un public plus sérieux ; là, des professeurs émérites produisent
leurs élèves, et parfois ne dédaignent pas de se faire leurs part-
ners, afin de prêcher d'exemple. Ainsi, nousavons retrouvé tout
récemment sur la scène du Théâtre-Molière une ancienne célé-
brité, le comédien Aristippe, l'élève de Talma, l'excellent pro-
fesseur, qui a tracé de si parfaites théories de son art. Les an-
nées n'ont pas glacé sa verve ; il faut le voir jouer Oreste, Ham-
let, Manlius ! . . . Aristippe est resté le fidèle desservant d'un
autel écroulé; il possède Yut tragique, comme dit fort spirituel-
lement notre confrère le Messager des Théâtres. La comédie a
également trouvé dans Aristippe un interprète remarquable; il
a représenté Crispin et Gros-René en artiste de bonne maison
qui a gardé le secret des traditions perdues. Ils sont rares les
légataires d'un art qui s'en va dégénérant un peu chaque jour ;
aussi croyons-nous devoir signaler à la sollicitude de l'autorité
cet ancien comédien, à qui l'art théâtral doit trois ouvrages
remplis d'excellents préceptes, et qui, pendant sa carrière de
professeur, a formé cinquante-quatre élèves dont nos théâtres
ont successivement bénéficié.
J. Lovy.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
259
TABLETTES DU PIANISTE ET OU CHANTEUR.
F. CHOPIN ET SES ŒUVRES.
XIV (1).
Le caractère des mazourques de Chopin diffère beaucoup de
celui des polonaises. — Autant les unes sont énergiques, puis-
santes, autant les secondes sont délicates et chatoyantes. —
L'élément féminin y prédomine. Les lignes y sont moiQS accen-
tuées. Il y a un certain vague dans la contexture de la phrase.
On ne sait pas toujours où elle commence ni où elle finit, et cet
effet est plein de charme. Ces pièces doivent être jouées avec
une sorte de balancement accentué et prosodie dont il est diffi-
cile de saisir le secret, si l'on n'a pas entendu Chopin. — Dans
son exécution, il rendait ravissamment cette trépidation par
laquelle il faisait toujours onduler la mélodie « comme un esquif
sur le sein de la vague puissante (2). »
Il serait trop long d'analyser les cinquante-deux mazourques de
Chopin. Elles sont toutes charmantes. S'il nous fallait faire un
choix, nous indiquerions les trois mazurkas op. 6, à la comtesse
Plaler, le numéro 3 de l'œuvre 33, à la comtesse Mostowska, et les
trois mazurkas (op. 50), à Léon Smitkowski, qui sont des pièces
d'un fini achevé et d'un effet irrésistible.
XV.
Nous avons terminé l'analyse des œuvres de Chopin. C'est
surtout par le sentiment qui respire dans ces œuvres qu'elles se
sont répandues, popularisées, et qu'elles vivront. Rien de théâtral,
de cherché, ne se fait sentir en elles. Elles brillent, au contraire,
par la spontanéité, la sincérité, le cachet purement individuel.
Ce n'est pas la musique d'une époque donnée, c'est surtout, et
avant tout, la musique d'un homme, d'un homme profondément
imbu, sans doute, des souvenirs, des mœurs, du langage artis-
tique de ceux de sa race, mais qui, en ne cherchant pas à renier
cet héritage de ses pères, en l'acceptant au contraire avec amour,
a su mettre dans ses œuvres l'expression de ses souffrances per-
sonnelles, à tel point qu'il paraît impossible de séparer l'œuvre
do Chopin de sa personnalité. Aussi Chopin n'a-t-il pas laissé, ne
devait-il pas laisser d'école après lui.
Ces œuvres brillent, en outre, par la distinction, parla pureté
de la forme, et cela tenait au respect, au culte religieux de Cho-
pin pour l'art.
On ne lui saurait comparer, en ceci, que les premiers maîtres
Op. 5. — Mazurka (rondo alla) .
Op. 6. — Cinq mazurkas, à la comtesse Plater.
Op. 7. — Quatre mazurkas, à M. Johns.
Op. 17. — Quatre mazurkas, à M. Freppa.
Op. 24. — Quatre mazurkas, au comte de Perthuis.
Op. 30. — Quatre mazurkas, à la princesse de Wurtemberg
Op. 33. — Quatre mazurkas , à la comtesse Mostowska.
Op. 41. — Quatre mazurkas, à Etienne Wilwicki.
Op. 50. — Trois mazurkas, à Léon Szmitkowski.
Op. 56. — Trois mazurkas, à Mlle Maberly.
Op. 59. — Trois mazurkas.
Op. 63. — Trois mazurkas, à la comtesse Czosnowska.
— Mazurka élégante.
— Mazurka des salons, à Emile Gaillard.
— Huit mazurkas posthumes.
Franz Liszt, p. 69.
du moyen âge. L'art était pour lui, est-il dit dans un livre que
nous avons cité bien des fois, une belle, une sainte vocation. —
L'heure de sa mort l'a révélé dans un détail dont les mœurs de
la Pologne nous expliquent mieux encore la signification. Par un
usage moins répandu de notre temps, mais qui toutefois y sub-
siste encore, on y voyait souvent des mourants choisir les vête-
ments dans lesquels ils se faisaient ensevelir. Chopin qui, parmi
les premiers artistes contemporains, donna le moins de concerts,
Chopin voulut pourtant être mis au tombeau dans les habits
qu'il y avait portés. — Longtemps avant l'approche de la mort,
il avait rattaché à l'immortalité son amour et sa foi en l'art, et il
s'est couché dans le cercueil, témoignant par un muet symbole
de la conviction qu'il avait gardée intacte pendant toute sa vie.
Il est mort fidèle à lui-même, adorant dans l'art ses mystiques
grandeurs et ses plus mystiques révélations.
Ce qui intéresse dans Chopin, c'est encore , outre sa tristesse
profonde et sincère, la part qu'il prend aux malheurs de son
pays. Chopin pleure, non-seulement sur lui-même, mais encore
sur ceux de sa race. Rien souvent ses accents ressemblent à l'o-
raison funèbre de tout un peuple. Mais on sent qu'il se roidit
contre cette idée d'une tombe à jamais scellée. Il proteste et
meurt en protestant. Aujourd'hui que les nationalités, comme
Lazare, essayent de soulever la pierre de leur sépulcre, n'y a-t-il
pas un attrait infini à contempler ce témoin d'une race qui ne
veut pas périr?
XVI.
Quelle a été l'influence de Chopin sur les artistes de son temps?
Nous avons en partie répondu à cette question quand nous
avons dit que Chopin n'avait pas créé d'école et qu'il ne pou-
vait pas en produire, de même qu'il ne procédait d'aucune. C'é-
tait un talent trop intime et trop personnel. — Il puisait tout en
lui, n'empruntait rien à personne ; on pourrait même ajouter
qu'il n'écrivait que pour lui. Il ne tenait pas à être compris; la
publicité l'offusquait, le gênait ; il la fuyait, pour ainsi dire.
Avec de semblables tendances, il était impossible qu'il ne restât
pas un artiste unique, inimitable. Il n'a donc pas créé d'école
proprement dite, il ne pouvait en créer (1).
Doit-on dire pour cela que son influence ait été nulle ou sté-
rile?— Non, certes : de semblables personnalités ne surgissent
(1) Chopin a bien laissé quelques disciples qui portent haut et ferme le
drapeau de la musique de leur maître ; mais cela ne constitue pas une
école : lui-même ne reconnaissait que bien peu d'élèves dignes de ce nom,
car on ne peut donner ce titre aux amateurs du grand monde, plus curieux
que studieux, qui encombraient son salon. Quant à l'interprétation exacte
et incomparable de ses œuvres, il ne citait invariablement qu'une seule
de ses élèves, Mlle Camille O'Meara (aujourd'hui Mm° Dubois), dont le
talent et la beauté surent inspirera Mme de Girardin l'une des plus poé-
tiques correspondances du vicomte de Launay. C'est que sous les doigts
de Mme Camille Dubois le piano se transforme et nous révèle ces sonorite's
mystérieuses et pénétrantes à la fois, que savait si bien lui imprimer Cho-
pin. Il appréciait aussi beaucoup le caractère éminemment national que
la princesse Marceline Czartoryska donnait à ses polonaises et à ses
mazourques. MM. Guntsberg et Guttmann ont complété leur éducation
musicale sous sa direction. M. Télefsen n'a pas eu cette bonne fortune
aussi longtemps, mais la semence est tombée sur une excellente terre. On
cite encore M. Georges Mathias comme s'étant inspiré à la même source.
MM. Ferdinand Hiller, Marmontel et Jules Fontana se sont aussi faits les
disciples de Chopin : le premier en fondant en Allemagne des cours spé-
ciaux pour l'interprétation de sa musique ; le second, en la popularisant
en France (autant par ses remarquables élèves que par une édition modèle
des pièces choisies du maître) ; le troisième, enfin, en se faisant le digne
parrain de ses œuvres posthumes.
260
LE MÉNESTREL.
pas sans produire autour d'elles un certain rayonnement. Quand
Chopin parut sur la scène, il n'y avait plus guère de grands
pianistes vraiment originaux. Il régnait une certaine école, qui
n'est pas sans analogie avec la littérature de l'Empire. De même
qu'à cette époque, comme l'a dit M. Taine (1), « les vers sor-
taient du cerveau de Delille aussi parfaits et aussi vides que s'ils
eussent été frappés par le balancier d'une machine, » de même,
à l'époque où parut Chopin, on peut dire que les concertos de
Kalkbrenner, les airs variés de Herz, sortaient du cerveau
de ces artistes, parfaits de forme, mais généralement vides
d'idées. — Chopin introduisit dans la musique de piano un
élément qui, depuis longtemps, en était absent : la sensibilité.
— Il transforma le piano; il lui donna une âme. Il faut l'avoir
entendu pour savoir quelle était, sous ses doigts, la transfigura-
tion de cet instrument. C'était un charme sans pareil, une sorte
de magnétisme auquel il était impossible de se soustraire. Cho-
pin avait su faire du piano un instrument solo, c'est-à-dire un
chanteur.
Sous ce rapport, il a eu une grande influence sur l'école mo-
derne. Quelques-uns comprirent enfin que le temps était venu de
ne plus assourdir les oreilles; qu'un pianiste avait un but plus
digne à remplir que celui d'étonner ses auditeurs par les mer-
veilles d'une voltige transcendante.
Les artilleurs du piano disparurent donc en partie, et l'on vit
apparaître un groupe charmant de pianistes, procédant de Cho-
pin sous le rapport de la sobriété et du sentiment, jouant ses
œuvres et s'en inspirant avec amour.
Il subsista néanmoins, à côté de l'école du sentiment ,une école
du Iruit, dont, sans le savoir, un homme du plus remarquable
talent, M. Thalberg, se trouva le chef. Il y aurait plus que de
l'injustice à méconnaître les éminentes qualités de ce célèbre ar-
tiste : ce sont des malhabiles imitateurs qui ont réussi à jeter du
discrédit sur sa musique, en abusant sans intelligence des pro-
cédés qu'il avait inventés. M. Thalberg fait admirablement chan-
ter le piano dans le médium ; — il prend une mélodie et l'enserre
dans un réseau d'arpèges et de broderies qui l'accompagnent
sans l'affaiblir. — Malheureusement, on peut lui reprocher d'a-
voir abusé de ce procédé, et surtout de l'avoir trop souvent ap-
pliqué à des motifs d'opéras, — ce qui nous valut bientôt, de la
part de ses imitateurs, — une avalanche de fantaisies, toutes
construites sur le même moule, presque avec les mêmes traits. Le
chef d'école avait pour lui le goût,la science, la distinction, qua-
lités qui échappent toujours à l'imitation servile. On sait quelle
originalité brille dans quelques-uns de ses traits; celui par exem-
ple dont il accompagne si délicieusement l'air du Sommeil, de la
Muette. — Quand il voulait tirer partie de son propre fonds, il
savait, sans efforts, trouver de belles choses, témoin les remar-
quables introductions qui précédent ses fantaisies sur Norma,
sur Straniera, sur Y Air national anglais, son Andante, son
Étude en la mineur, sa Marche funèbre. . . — Mais, je le ré-
pète, ses imitateurs n'eurent ni le goût, ni la science, ni l'origina-
lité;— ils ne produisirent, pour la plupart, que de plates et
fades copies (2).
(t) Philosophes du xixc siècle.
(2) Ce fut à ce point que Thalberg, en arrêtant prématurément sa car-
rière d'artiste, sentit la nécessité de ramener les pianistes au goût du simple,
du vrai, du beau. C'est dans ce but qu'il a publié son Art du chant, col-
lection des plus belles et des plus pures transcriptions qui se soient pro-
Tel ne fut pas Franz Liszt : — génie emporté , intempérant,
il eut au moins le mérite de tenter des voies nouvelles.
Il chercha, dans les limites de la musique de piano, ce que Hec-
tor Berlioz a cherché dans le domaine delà musique d'orchestre;
— dans les compositions de Liszt on trouve, à chaque pas, des
éclairs de génie, des beautés de premier ordre. Mais, il faut le
dire aussi, dans ces compositions, dépourvues de charme, de plan,
sans formes arrêtées, il se joue, avec trop d'audace et trop de
mépris, du véritable but de la musique et des formules conve-
nues. L'oreille se fatigue, se décourage. On se prend, enfin, à
regretter qu'un tel génie n'ait pas voulu se plier à des règles qui
ont toujours été celles du bon goût et du vrai savoir.
XVII.
Nous venons de dire l'influence générale de Chopin sur les
pianistes modernes. — Quelle pourrait être maintenant l'in-
fluence particulière de sa musique sur celui qui en ferait une
étude exclusive? et c'est par là que nous terminerons.
Nous n'hésitons pas à le dire : elle serait dangereuse. Chopin
est un malade, un malade qui se complaît dans sa souffrance, et
ne veut pas être guéri. Il épanche sa douleur en accents ado-
rables; — cette langue si douce, si mélancolique qu'il a su créer
pour l'expression de sa tristesse, on la sent irrésistible; on en
subit involontairement le charme, et comme la musique est,
avant tout, une langue vague et indéterminée, celui qui joue la
musique de Chopin, pour peu qu'il soit sous l'impression do
quelque mélancolique pensée, finira inévitablement par se figu-
rer que c'est sa propre pensée qu'elle exprime, et il pleurera,
croyant réellement souffrir, avec celui qui sait si bien pleurer. —
Sans doute Chopin ne fut pas toujours le mélancolique pleureur
dont nous parlons. Nous avons vu qu'au souvenir de la patrie, il
vibrait parfois; que sa muse fut souvent épique; mais quand il
s'élève ainsi, — et ce n'est pas pour longtemps, — ne doit-on
pasvoir là le produit d'une surexcitation nerveuse? Ne sént-on pas
que ce n'est pas une nature forte, complète, qui se révèle, mais
bien un malade exalté par la fièvre du moment, qui retombera
bientôt plus triste et plus abattu que jamais?
Il y a donc danger à s'abandonner au charme do la musique
de Chopin, if faut se soustraire à temps à la tristesse stérile
qu'elle ne manquerait pas de provoquer. « Assez longtemps, a
dit un philosophe, assez longtemps l'esprit de notre temps a in-
cliné à l'extrême ; assez longtemps il a affecté de porter d'avance
le deuil et tiré vanité de ses propres funérailles. » — Chopin
aura, sans doute, une belle page dans l'histoire de l'art, mais il
ne rayonnera jamais du même éclat que les grandes et fortes na-
tures. Il aura un tort devant la postérité, celui d'avoir trop
pleuré.
H. Barbedette.
duites de nos jours. Là , les chefs-d'œuvre de nos grands maîtres sont
scrupuleusement transcrits, avec leurs moindres effets d'orchestre : mé-
lodie, harmonie, eljusqu'aux plus petits détails des voix et des instruments,
trouvent place sur le clavier de Thalberg. Chaque phrase comporte cepen-
dant peu de notes, mais chacune joue son rôle et contribue à l'ensemble.
Le chant est gravé en gros caractères; l'œil le suit à l'aise au milieu des
dessins d'accompagnement et d'orchestration. Bref, l'Art du chant de
Thalberg est tout un cours de belle et grande littérature musicale appli-
quée au piano.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
261
LA SALLE D'ASILE DE HIAISONS-LAFFITTE.
— Concert
Dimanche dernier, à une heure quinze minutes de relevée,
par une pluie diluvienne, le train du chemin de fer de Rouen
emportait vers Maisons-Laflîtte tout un auditoire de concert,
en habit de gala. Il s'agissait de répondre à l'invitation des
dames patronnesses de la salle d'asile de Maisons , c'est-à-
dire à l'appel des plus charmantes femmes de Paris. Aussi,
malgré l'inclémence du ciel, le convoi se trouvait-il complet en
moins de quelques minutes. On devait d'ailleurs entendre
d'excellente musique : un concert était le prétexte de la bonne
œuvre à laquelle nous étions conviés. Et quel concert ! nous
allons vous le dire, lecteurs.
Pour salle de concert d'abord, le royal château de Maisons,
passé aux mains des princes de la finance. C'est aujourd'hui
M. Thomas (deColmar), qui habite avec sa famille cette splen-
dide demeure, le chef-d'œuvre, dit-on, de Mansard. Le fait est
que l'harmonie architecturale des lignes, à l'extérieur comme
à l'intérieur, est d'un goût exquis; la richesse s'y marie à la
simplicité avec un art qui semble être ignoré de nos jours.
C'est dans le salon d'honneur du château de Maisons, que
nous avons été introduits de la manière la plus cordiale, la plus
affable, par les maîtres du royal logis, et c'est là que le pro-
gramme du concert nous a été remis en main, au son d'une
fanfare militaire qui avait bien son charme. Mais ce n'était
que le prélude des surprises de la fête. Le fait est que les sur-
prises se sont succédé comme à plaisir , car dans ce programme
rien de banal, rien de connu, rien de prévu; qu'on en juge
plutôt.
Pour la partie vocale d'abord : deux femmes qui portent le
nom si justement aimé de Lablache, l'une par droit héréditaire :
Mme de Caters , fille du célèbre basso cantante ; l'autre par
alliance, Mme Lablache de Méric, sa belle-fille. La première,
grâce à l'œuvre dont elle était évidemment l'âme et la provi-
dence, nous a multiplié les trésors de sa voix et de sa personne.
On reconnaît bien vile, dans l'élégante femme du monde, là
fille d'un artiste élevée en pleine grande musique. Quant à
Mme Lablache de Méric, cantatrice dans toute l'acception du
mot, c'est comme artiste que nous sommes appelés à la pro-
clamer l'une de nos illustrations chantantes. On n'a pas un style
plus élevé, une voix plus expressive, un talent plus dramatique.
Mme de Méric, clans la Fidès du Prophète , la Léonor de la Fa-
vorite ou l'Arsace de Sémiramis, produirait sensation à l'Opéra;
mais devant les Français de la rue Lepelletier , Mœe de Méric
n'a-t-elle pas le tort d'être française? N'est-ce point aussi le tort
de Mœes de La Grange et Charton-Demeure, qu'il ne nous est
pas donné d'entendre à Paris.
M. Alphonse Royer était annoncé à Maisons : une indis-
position l'a privé d'assister au triomphe de Mm° Lablache de
Méric. Un illustre témoin, entre mille, l'auteur de Pierre de
Médicis, le prince-compositeur Poniatowski, lui redira combien
ce succès était légitime, mérité.
Deux chanteurs donnaient la réplique à Mmes de Méric et
de Caters : le ténor Morini, du Théâtre-Italien de Madrid, et
M. Nicole Lablache, mari de Mme de Méric. La voix de M. Morini
a pris du corps et son chant de la largeur. Nous n'en saurions
dire autant de M. Nicole Lablache, qui n'a définitivement hérité
qne des qualités de style et de bon goût de son père. Il avait
tout pour faire un excellent chanteur : le lièvre fit faute.
Si de la partie vocale nous passons à la partie instrumentale,
nouvelle surprise : une femme, que l'on entend plus rarement
encore que Mmes de Caters et de Méric-Lablache, une pianiste
connue et appréciée dans quelques salons privilégiés , une
élève de prédilection de Chopin, nous est apparue au clavier
de l'excellent piano que s'était empressé de lui envoyer la mai-
son Pleyel-Wolff. Ce n'était en effet qu'une apparition; car, au
grand regret de tous, Mme Camille Dubois n'a point reparu dans
la seconde partie du concert. N'importe, l'ombre de Chopin a dû
tressaillir. Trois de ses œuvres ont été entendues avec un recueil-
lement bien rare à l'époque où nous vivons. La moindre sono-
rité trouvait son fluide conducteur ; la plus douce note vous
frappait à l'oreille, si elle ne vous frappait au cœur; et quand
les doigts voltigeaient à perdre haleine sur le clavier d'ivoire,
cela ne cessait pas d'être de la musique. N'est-ce pas le cas, de
redire avec Mme de Girardin, en parlant de cette inimitable élève
de Chopin : « Frappez bravement votre piano , messieurs les
pianistes, si vous ne voulez pas qu'on entende l'harmonie du
sien. » N'est-ce point aussi Mme de Girardin qui écrivait dans
sa correspondance parisienne : « Ce que je puis vous dire du
jeu de M1'0 Meara (aujourd'hui Mme Camille Dubois), c'est qu'il
y a dans son talent tout ce qu'il y a dans son regard. Les
jeunes femmes, celles qui sont musiciennes, ajoutait ce spirituel
vicomte de Launay, lui pardonnent d'être jolie. »
Ce qu'on n'a pu pardonner dimanche à la séduisante pianiste,
c'est de s'être trop peu fait entendre. Il est vrai qu'en femme
du monde , en femme d'esprit, elle avait modestement ouvert
le concert par des variations concertantes de Mozart, pour piano
et violon. Et c'est ici le moment de parler de l'archet magique
de Sarasate, qui a littéralement fanatisé son auditoire, surtout
dans la grande fantaisie d'Alard sur la Muette d'Auber. On a
tellement applaudi, si fort crié bravo, que Louis XIV, en per-
sonne, a failli se détacher de son lambris doré. Cet hommage du
grand roi n'aurait point surpris le jeune chevalier de l'ordre de
Charles III, habitué aux ovations de nos têtes couronnées.
Sarasate revient de Londres, où le Palais de Cristal, les sa-
lons et salles de concerts l'ont reçu et fêté en grand virtuose
qu'il est, bien avant le temps. La bonne œuvre de Maisons-
Laffitte aura joui de son premier coup d'archet, — retour d'An-
gleterre.
Nous devons une mention particulière à M. Barthe, qui a
tenu le piano et l'orgue avec la supériorité d'un grand prix de
Rome, qui attend, pour faire mieux, que le théâtre veuille bien
lui ouvrir ses portes.
*
Deux mots encore :
Si le programme de concert offrait les noms réunis de Mozart,
Rossini, Meyerbeer, Auber, Donizetti, Verdi, Gounod, Chopin,
de Feltre, de Flotow, avec un hors-d'œuvre d'airs espagnols ,
on peut dire que de son côté le programme des quêtes ne lais-
sait rien à désirer.
Les plus belles dames présidaient à son exécution : les plais
d'argent brillaient au vestiaire d'abord , à l'entrée du salon
d'honneur ensuite, puis au milieu du concert et enfin à la sortie.
Les irrésistibles quêteuses offraient à prix d'or des fleurs aux
dames , des cigares aux cavaliers, des objets de fantaisie aux
deux sexes, — voire des porte-monnaie. « A quoi bon? aurait
dit M. Charles Laffitte, voici ma dernière pièce d'or. »
262
LE MÉNESTREL.
Aussi peul-on assurer que la quête, je veux dire les quêtes,
ont été productives, et d'autant plus que les maîtres du château,
ainsi que M. Charles Laffitle, avaient préalablement souscrit
jusqu'à des sommes de 3,000 fr.
Pour peu que cela continue, — sous les doubles auspices de
la finance et de la musique, — ce seront des rentiers dilettantes
qu'on élèvera dans cette fortunée salle d'asile de Maisons. Dieu
la bénisse et lui prête longue vie.
J.-L. Heugel.
PETITE CHRONIQUE.
HAYDN.
CÔTÉ COMIQUE DE l'aRTISTE.
Explorer la vie des musiciens célèbres est pour nous une
mine féconde d'où nous pouvons extraire une foule de leçons
utiles et de traits propres à satisfaire notre curiosité musicale.
Devant nous se dresse la figure du bon Haydn, de ce patriar-
che de la musique. Voyez-le dans le palais du prince Esterhazy ;
il s'est levé de grand matin, il s'est fait coiffer, il a mis une
chemise à jabot, un habit superbe, une épingle de diamants à sa
cravate ; au doigt il a la magnifique bague que Frédéric II lui
a donnée , des souliers à boucles d'argent ornent ses pieds , il
s'est armé de son épée ; dans ce costume d'étiquette il s'est mis
au clavecin. Voyez-le se livrer à toute la fougue de son génie ;
il compose cette symphonie si connue pendant laquelle tous les
instruments disparaissent successivement, de sorte qu'à la fin le
premier violon se trouve jouer tout seul. Cette pièce singulière
a fourni trois anecdotes , qui toutes sont attestées à Vienne par
des témoins oculaires. Les uns disent que Haydn, s'apercevant
que ses innovations déplaisaient aux musiciens du prince, voulut
se moquer d'eux. 11 fit jouer sa symphonie, sans répétition pré-
liminaire, devant Son Altesse, qui avait le mot de l'énigme :
l'embarras des musiciens, qui croyaient s'être trompés, et sur-
tout la confusion du premier violon, qui à la fin s'entendait
jouer tout seul, divertit la cour d'Eisenstadt.
D'autres assurent que le prince, voulant congédier tout son
orchestre, à l'exception de Haydn, celui-ci trouva ce moyen
ingénieux de figurer le départ général et la tristesse qui en serait
la suite. Chaque musicien sortait de la salle lorsqu'il ne lui
restait plus rien à faire.
Une autre version porte que dans la chapelle du prince Ester-
hazy se trouvaient plusieurs jeunes musiciens, qui, l'été, lorsque
le prince habitait le château d'Esterhazy, étaient obligés de
laisser leurs épouses à Eisenstadt. Il plut une fois au prince ,
contre sa coutume, de prolonger son séjour dans le château de
quelques semaines. Les tendres époux, que cette nouvelle alarma,
prièrent Haydn de les tirer d'embarras. C'est alors que notre
compositeur eut l'idée d'écrire cette symphonie, dans laquelle
chacun des instruments se tait l'un après l'autre. Elle fut exé-
cutée à la première occasion devant le prince, qui, heureuse-
ment, sentit l'application de la pantomime. Le lendemain on
reçut l'ordre de quitter Esterhazy.
Avec une physionomie un peu bourrue et une espèce de
laconisme dans le discours qui semblait indiquer un homme
brusque, Haydn était gai, d'une humeur ouverte et plaisait par
caractère. Cette vivacité était, il est vrai, facilement comprimée
par la présence de personnes étrangères ou de gens d'un rang
supérieur. Rien ne rapproche les rangs en Allemagne : c'est le
pays du respect. En Autriche, Haydn ne vécut jamais qu'avec
les musiciens ses collègues. Cet isolement sans doute lui fut
nuisible, et la société, de son côté, perdit un de ses charmes les
plus précieux. Sa gaieté et l'abondance de ses idées le rendaient
très-propre à porter l'expression du comique dans la musique
instrumentale, genre alors nouveau et où il eût infailliblement
excellé, mais pour lequel il est indispensable, comme pour tout
ce qui tient à la comédie, que l'auteur vive au milieu do la
société la plus élégante. Haydn ne vit le grand monde que dans
sa vieillesse, pendant ses voyages à Londres.
Son génie le portait naturellement à employer ses instru-
ments à faire naître le rire. Un jour, cherchant à amuser la
société du prince Esterhazy, il alla acheter dans une foire d'un
bourg de Hongrie voisin d'Eisenstadt, un panier plein de sif-
flets, de petits violons, de coucous, de trompettes de bois et de
tous les instruments qui font le bonheur des enfants. Il prit la
peine d'en étudier la portée et le caractère, et composa avec
ces seuls instruments la symphonie la plus plaisante qu'on puisse
imaginer.
{Guide musical de Bruxelles.)
NOUVELLES DIVERSES.
— L'Académie des beaux-arts a procédé, dans sa séance du samedi
6 juillet, au jugement du concours de composition musicale.
Le premier grand prix a été remporté par M. Dubois (Clément-François-
Théodore), élève de MM. A. Thomas et Bazin.
M. Salomë (Théodore-César), élève de MM. Thomas et Bazin, a obtenu
le 1er second grand prix.
M. Anlhiome (Eugène-Jean-Baptiste), élève de MM. Carafa et Elwart, a
remporté le 2e second prix.
Une mention a été accordée à M. Constantin (Titus-Charles), élève de
M- A. Thomas.
La cantate de M. Dubois avait pour interprètes : MUe Monrose, Warot
et Battaille. — Il faut ajouter que M. Dubois, qui a remporté le premier
prix, était tombe malade de la petite vérole peu de temps après son entrée
en loge, et qu'un sursis de quelques jours avait dû lui être accordé.
— Les concours publics du Conservatoire ouvriront le lundi 22 juillet,
par les élèves des classes de déclamation. Ceux à huis-clos, déjà commen-
cés, seront terminés cette semaine.
— L'engagement de Tamberlick pour la prochaine saison des Italiens
sera plus long qu'on ne l'avait espéré. Il est signé pour deux mois, du
1er mars au 26 avril ; mais on assure que M. Calzado compte garder l'émi-
nent chanteur jusqu'au dernier jour de la saisou.
— ■ On écrit de Vienne que le prince Czartoryski, président de la Société
philharmonique, a été obligé, pour des raisons de santé, de se démettre de
ses fonctions.
— Ferdinand lliller, le maître de chapelle de Cologne, a été nommé
membre honoraire de la Société philharmonique de Laibach, laquelle a
cent cinquante-neuf ans d'existence.
— Robert Franz, directeur de musique de l'Université de Halle, a reçu de
l'Université de celte ville le diplôme de docteur en philosophie, en consi-
dération de son talent de compositeur, et du zèle avec lequel il propage la
musique de Bach. — Cet étrange diplôme nous fait comprendre le sabre
d'honneur que reçut naguère le pianiste Franz Liszt.
— Dix-sept Sociétés chantantes ont pris part au festival de Thuringe.
C'est la Liederlafel académique (Société chantante des étudiants d'Iéna)
qui a remporté le premier prix. Le deuxième a été donné à la Société de
Mulhouse.
— Quatre cents compositions avaient été envoyées au concours ouvert
à Heidclberg pour les prix à décerner aux meilleurs lieder destinés au
recueil connu sous le nom de Commersbuch. Les lauréats sont V. E. Bec-
ker, directeur de musique de Wurzbourg; Appel, maître de concerts à
Dcssau ; Stéphan Gruive et C. Héring, directeur de musique.
NOUVELLES ET ANNONCES.
263
— On écrit de Constantinoplo que le professeur de musique du nou-
veau Sultan a été élevé à la dignité de pacha. Comme on le voit, sa Hau-
tesse prépare une nouvelle ère à la musique, qui compte un grand digni-
taire de plus.
— En France la musique n'a pas de pachas , mais elle a des che
valiers, des officiers , des commandeurs, et à ce propos M. F. Ilérold
vient d'adresser la lettre suivante à la France Musicale :
« Monsieur,
« Dans la France Musicale in 30 juin, je lis : « Boïeldieu, l'auteur de
« la Dame Blanche, est mort simple chevalier de la Légion d'honneur, et
« Hérold, l'auteur de Zampa et du Pré-aux-Clercs, n'était pas même
« décoré. »
« Permeltez-moi de rectifier la très-légère erreur historique que con-
tiennent ces lignes en ce qui touche mon père.
« Mon père a été décoré en 1828, après Marie, avant Zampa. Mais
comme Boïeldieu, et aussi comme Méhul et comme Grétry, il estmort sim-
ple chevalier de la Légion d'honneur. Tarmi les Français il n'y a, je crois,
qu'un seul compositeur auquel votre observation pût s'appliquer, c'est
l'auteur de Joconde, qui, lui, n'a jamais été décoré. Parmi les étrangers,
la liste serait longue : Beethoven, Weber, etc.
« Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de mes sentiments les plus
distingués. « F. Hérold. »
— La fête musicale organisée par M. Berlioz pour le 26 août prochain,
àBade, sera, comme de coutume, une des plus remarquables de la saison.
En voici le programme :
1° Harold en Italie, symphonie avec allô principal, de H. Berlioz,
joué par M. Grodvolle; — 2° Air de la Traviata, de Verdi, chanté par
MUe Monrose; — 3° Adagio et final du concerto de violon de Mendellshon,
exécutés par Sivori ; — 4° Dies irœ et Tuba mirum du Requiem d'H. Ber-
lioz; — 5° Air de la Juive, <le F. Halévy, chanté par Renard ; — 6° Fantai-
sie, de Beethoven, pour chœur, orchestre et piano. (La partie de piano
sera exécutée par Mme Escudier-Kastner.) — 7° Offertoire du Requiem
d'Hector Berlioz ; — 8° Duo de Lucie, de Donizetti, chanté par Renard et
Mlle Monrose; — 9° Ouverture de la chasse du Jeune Henri, de Méhul.
L'orchestre et les chœurs seront composés des artistes réunis de Bade,
Carlsruhe et Strasbourg.
— Le virtuose Herman est de retour de Bade où il avait été appelé pour
deux des premiers concerts de la saison. Ses fantaisies sur Robert-le-
Diable et il Trovatore l'ont fait acclamer et redemander plusieurs fois.
Noire excellent violoniste se dispose maintenant à se rendre à l'appel de
nos sociétés philharmoniques et des Casinos de bains de mer.
— Le grand théâtre de Bordeaux vient de rouvrir brillamment par une
représenlation des Mousquetaires de la Reine. Dufrône, l'ex-premier lënor
léger de l'Opéra, y faisait son début, ou plutôt sa rentrée. — On a remarqué
plusieurs améliorations apportées à la salle : l'avant-scène a été suppri-
mée, le trou du souffleur n'est qu'à une légère dislance du rideau ; le sol
de l'orchestre, élevé sur un double fond de quarante-cinq centimètres, se
trouve dans les meilleures conditions de sonorilé.Le parterre a gagné, par
la suppression de l'avant-scène, un rang, et le parquet deux rangs de
slalles.
— Poultier , après une série de brillantes représentations au grand
théâtre de Rouen, a été appelé au Havre pour deux soirées à bénéfice.
Les mêmes succès l'y attendaient. On sait qu'indépendamment de ses opé-
ras de prédilection, la Juive, la Favorite , la Dame blanche, Poultier a
l'habitude de dire une romance comme intermède. Jennij l'ouvrière et
les Quatre âges du cœur , ont été pour lui le sujet de bien des triomphes
populaires en ce genre. Cette année, il les renouvelle avec l'une des der-
nières mélodies de ce pauvre Abadie : le Coin du cœur, quatre petits cou-
plets bien simples, mais bien sentis , paroles de M. le vicomte de Ri-
chemont.
— Nos artistes partent pour les bains de mer : Félix Godefroid est
installé à Dieppe, où des colonies d'anglaises viennent le retrouver chaque
saison ; les concerts et opéras de salon sont déjà en permanence au Croisic,
et voici qu'on annonce le départ de Mme Eugénie Garcia pour Beuzeval,
près Trouville, et Cabourg, avec l'intention d'y poursuivre, l'été, les leçons
de chant qu'elle donne à Paris, l'hiver. M. L. d'Aubel s'est fixé à Trou-
ville dans les mêmes intentions, pour le piano et l'orgue. Voilà donc nos
belles baigneuses assurées de pouvoir continuer leurs études musicales
tout comme à Paris.
— Deux artistes de beaucoup de talent, et qui ont obtenu cet hiver à
Paris de nombreux succès , Mme Oscar Commettant et W Joséphine
Martin, ont eu l'heureuse idée de se réunir pour aller donner des con-
certs dans quelques-uns de nos casinos les plus en vogue. Elles se feront
successivement entendre à Villers, à Trouville, au Havre, à Dieppe , à
Cabourg, à Boulogne, à Saint-Malo, etc. Pour le concert qu'elles donne-
ront à Villiers, ces dames se sont assuré le concours de M. et Mme Edouard
Lyon. A Trouville , le pianiste-compositeur Rhein exécutera , avec
M"* Joséphine Martin, sa dernière œuvre pour deux pianos.
— Un concours a eu lieu ces jours-ci à Belleville, entre les musiques
des régiments de la garnison de Paris et des forts. Onze corps de musique
ont pris part à ce concours. La musique du 7e régiment de chasseurs à
cheval a obtenu le prix d'honneur, et celle du 37e de ligne a remporté le
premier prix.
— Tous les corps de musique militaire de la garnison de Paris et des
forts environnants avaient été invités au concours d'harmonie qui a eu
lieu dimanche à Charenton, à l'issue de celui de Belleville. Les récom-
penses ont été ainsi réparties :
1er prix, ex œquo (médaille d'or grand module), au 2e régiment d'artil-
lerie et au 33e régiment d'infanterie ;
2e prix (médaille d'or), au 18e régiment d'artillerie ;
3e prix (médaille d'argent), au 56e régiment d'infanterie ;
4e prix (médaille de bronze), au 34e régiment d'infanterie.
Le baron Taylor, président, a proclamé le nom des vainqueurs, et a
remis à chaque chef de musique la médaille et le diplôme qu'il avait si
bien mérités. Après le concours, un banquet de quarante couverts, pré-
sidé par M. E. Domergue, maire de Charenton, a eu lieu à l'hôtel de la
Mairie, dans l'ancien pavillon de Gahrielle d'Estrée. Pendant le dîner, un
des corps de musique couronnés faisait entendre les meilleurs morceaux
de son répertoire. Au dessert, M. Domergue, a porté en termes très-chaleu-
reux, au président et aux membres du jury du concours, un toast qui a
provoqué de vifs applaudissements, et auquel le baron Taylor a répondu de
la manière la plus touchante.
La fête s'est continuée lundi et se terminera aujourd'hui dimanche, par
des régates, une fête vénitienne, feu d'artifice, illumination, etc.
— L'orchestre dirigé par Musard, au Concert des Champs-Elysées , fait
chaque jour de notables progrès , grâce à l'habileté du chef et à l'intelli-
gence des artistes. Les chefs-d'œuvre de Beethoven, de Rossini, de Weber,
de Meyerbeer, sont aujourd'hui l'attrait le plus sérieux des concerts des
Champs-Elysées, et Musard, qui a l'esprit de ne pas être exclusif, admet
sur son programme les compositions nouvelles qui peuvent présenter
quelque intérêt. C'est ainsi qu'il faisait entendre, jeudi dernier, une ou-
verture-symphonie de M. C. Estienne, et dans le genre léger, une mazurka
de M. Lucanloni.
— Voici l'état des recettes brutes qui ont été faites pendant le mois
de juin dernier, dans les établissements soumis à la perception du droit des
indigents :
Théâtres impériaux subventionnés. 210,564 fr. 70 c.
Théâtres secondaires de vaudevilles et petits spec-
tacles 461,835 »
Concerts, speclacles-concerts, cafés-concerts, bals. 183,230 »
Curiosités diverses 21,831 »
Total 877,460 70
— Château d'Asnières. La vogue est décidément au Parc d'Asnières,
qui rivalise de magnificences, de fraîcheur et de plaisirs avec le fameux
Cremorne Garden et le Green Parck de Londres. Ses arbres séculaires, ses
verdoyantes pelouses marbrées de fleurs, les vases, les statues, les orches-
tres, le bal illuminé féeriquement sous un dôme de feuillage, les jeux, le
restaurant, le café, tout concourt à faire de ce délicieux endroit le rendez-
vous fashionable des Parisiens et des étrangers. — Fêtes musicales et dan-
santes tous les dimanches et lundis.
— Erratum. — Au nombre des fautes typographiques qui se sont
glissées dans notre dernier article sur le Salon, nous avons particulière-
ment à signaler une importante erreur de nom : celle de M. Parisetk la
place de M. Garnier, l'auteur du projet d'Opéra accepté par l'administration
supérieure.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Tjp. Charles de Mourgues frèr
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(et au MÉNESTREL , 2 bis, rue Vivienne. )
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L'ABBÉ JOUVE,
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lre partie. Chœur d'introduction et prière 2 »
2e — Hymne de joie (avant la distribution des prix) 2 »
3e — Hymne de joie (après la distribution des prix) 3 »
4e partie. Le Foyer domestique, la Campagne, chœur fr
5e — Les Voyages, le Rhin, les Alpes, id.
6B — Hymne final, Dieu , l'Homme, la Création. .
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Elégie à la mémoire de sa Mère 5 »
lre Mazurka de salon 5 »
Polonaise de concert 6 »
775. — 28e Aimée.
N« 34.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 21 Juillet
1861.
3~a^5~Bt
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact'enchef.
LES BUREAUX , 8 bis, rue Vi vienne. — HEUGEL et Ci", éditeurs.
(lui magasins et Abonnement do Musique du MÉNESTREL. — Tente et location de pianos et Orgues.)
CHANT.
l»r Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; «O morceaux:
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine; 1 Albums-
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Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Albums-
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3e Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les 5ï morceaux de chant et de piano, les 4 Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du 1er de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser franco
un bon sur la poste, à mm. iit:ri;i',i. et C'e, éditeurs du Ménestrel et de M Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères,
( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr.)
rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. La nouvelle salle de l'Opéra (1er article). Th. Grasset. — II. Semaine théâ-
trale. J. Lovy. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Encore Frédéric
Chopin. J. d'Ortigue. — IV. Concours du Conservatoire. — V. Nouvelles et
Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
MA MIE ANNETTE,
Poésie d'HENBY Murger, musique lie Félix Godefroid. — Suivra immé-
diatement après : Être deux , poésie de M. le baron de C***, mu-
sique de L. de Saint-Gervais.
PIANO:
Nous publierons, dimanebe prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano:
t" MAZURKA DE SALON :
Par Louis Diemer. — Suivra immédiatement après : Mosaïque-Polka
sur les opérettes de J. Offenbach, par J.-C. Engel.
LA FUTURE SALLE DE L OPÉRA.
Nous empruntons à la Presse la description complète de la
nouvelle salle de l'Opéra, par M. Théodore Grasset, travail qui
ne peut manquer d'intéresser nos lecteurs.
Pourquoi le projet de M. Garnier a-t-il été peu remarqué de
la masse du public à l'exposition des plans d'Opéra qui fut faite
il y a quelques mois au Palais de l'Industrie? La raison en est
bien simple : c'est que le jeune architecte, plus soucieux de pro-
duire un projet très-sérieux et très-étudié qu'une brillante aqua-
relle, avait dédaigné les artifices du pinceau et du crayon, — les
ficelles, pour employer le mot consacré chez les artistes, — qui
procurent ces faciles succès que les connaisseurs ne ratifient pas
toujours.
Les dépenses nécessitées par l'édification du nouveau théâtre
sont évaluées, par la loi, à 12 millions. On espère que les re-
présentations pourront commencer avant trois années. En trou-
vant cette prévision de 12 millions, que quelques députés ont
portée beaucoup plus haut, nous avons été curieux de recher-
cher, dans les archives de l'Opéra, l'état des dépenses qu'avait
nécessitées la salle actuelle de la rue Le Pelletier. L'arrêté défi-
nitif des comptes nous a donné le chiffre de 2,287,495 fr. 14 c.
Il n'est pas permis, toutefois, de faire de parallèle entre les
deux dépenses. L'ancienne salle est uniquement bâtie en bois et
en plâtre ; et encore ces 2,287,495 fr. portent uniquement sur
le théâtre et la salle, les anciens bâtiments de l'hôtel de Choiseul
ayant été appropriés au service de l'administration et des dé-
pendances de l'Opéra.
On doit commencer les travaux le 1er août prochain, et les
promeneurs peuvent se convaincre de l'activité qui se déploie en
ce moment pour opérer les nivellements.
Le plan de M. Garnier est renfermé dans le périmètre qui
résulte des alignements tracés parla voirie municipale. Les bâti-
ments projetés couvriront une superficie de 11,226 mètres carrés.
Le projet de loi leur ayant affecté 14,000 mètres, 2,774 mètres
pourront être utilisés en squares et en plantations. Cela repré-
sente à peu près le double de la surface de l'Opéra actuel, qui
comprend 6,550 mètres, en comptant les cours et les passages
oubliés.
La forme du plan est un parallélogramme à angles émoussés.
Celui-ci est flanqué de deux pavillons formant, vers le milieu des
façades latérales, deux saillies correspondant aux axes des rues
qui doivent s'ouvrir, d'un côté sur la rue de la Chaussée-d'Anlin,
et de l'autre dans ladirection de la Madeleine.
L'un de ces pavillons, celui de l'Ouest, est destiné à l'entrée
particulière de l'Empereur; l'autre donnera accès à toutes les
personnes qui viendront en voiture.
Toutes les voitures — quatre à cinq cents environ, — devront
passer par ce pavillon, la façade principale élant réservée aux
piétons. D'un vestibule où l'on descendra de voiture, à couvert,
2CG
LE MÉNESTREL.
une galerie (un peu longue) conduira à un salon d'attente de
forme circulaire et d'une coupe très-heureuse, placée exactement
au-dessous de la salle. La forme de ce local rappelle beaucoup le
gracieux vestibule du Théâtre-Français. Son principal usage sera
d'abriter, à la sortie du spectacle, les personnes qui attendront
leurs voitures.
Autour du salon d'attente se développe une galerie circulaire
qui conduit dans le grand vestibule au pied du grand escalier.
Les femmes trouveront bien longues ces galeries, si richement
décorées qu'elles soient, qui les contraindront de faire le tour de
la salle avant de pouvoir monter à leurs loges. Le grand escalier
ne conduira en effet qu'aux premières loges et aux places d'élite,
c'est-à-dire qu'il ne servira guère aux piétons.
Le grand escalier, qui rappelle par les lignes principales l'es-
calier du théâtre de Bordeaux, sera l'une des merveilles du futur
Opéra. Il surpasse, par la grandeur et l'élégance de sa composi-
tion, l'escalier du palais Doria de Gênes, avec lequel il n'est pas
d'ailleurs sans analogie.
A côté de ce grand escalier d'apparat, se développeront, aux
extrémités d'un magnifique vestibule, deux escaliers secondaires,
de proportions monumentales toutefois, qui desserviront tous les
étages de la salle. La disposition fondamentale, le système de ces
escaliers dont le plan est un demi-cercle ouvert du côté du dia-
mètre, consiste en une succession de rampes en hélice à jour,
supportées par d'élégantes arcades superposées. Cela est plein
d'originalité et produira certainement un très-grand effet.
Tous les dégagements communiquent avec le salon d'attente.
Ils sont larges, faciles et conduisent bien à toutes les places. Leur
combinaison favorise ingénieusement la circulation à l'intérieur
du théâtre et la sortie après le spectacle.
On arrive au grand escalier par un vestibule central, et aux
deux autres par des galeries latérales, ouvertes à leur extrémité
sur un large péristyle qui occupe toute l'étendue de la façade du
côté du boulevard.
Ce péristyle, sorte de salle des Pas-Perdus, réunit les bureaux
de location et de distribution des billets, les postes de la garde et
de la police, les vestiaires et les diverses autres dépendances à
l'usage du public. Il se réunit a des galeries qui permettent de
circuler à couvert dans presque la totalité du pourtour du monu-
ment.
A part le style et l'élévation que M. Garder a su donner à son
projet de façade, on retrouve la pensée primordiale de celle-ci
dans les planches d'un vieil ouvrage, intitulé : Trailé de la cons-
truction des théâtres et des machines théâtrales, par Roubo fils,
maître menuisier. Le frontispice, qui a une certaine analogie
avec la colonnade du Garde-Meuble, et qui rappelle la colonnade
du Louvre par l'accouplement des colonnes, sera aperçu du bou-
levard par une percée de soixante mètres d'ouverture, c'est-à-
dire deux fois plus large que la rue de la Paix.
L'architecture de cette façade a bien ce caractère de grandeur
et de richesse qui convient au premier théâtre d'une grande ca-
pitale. Accusée par de grandes lignes heureusement contrastées,
elle sera un remarquable point de vue pour la grande voie qui
doit plus tard s'ouvrir, dans la direction de son axe, entre le
boulevard et le Louvre.
Sur un soubassement percé d'arcades entre lesquelles des sta-
tues colossales symbolisent les arts lyriques, s'élève une riche
colonnade d'ordre corinthien , dont les colonnes accouplées ,
comme dans l'œuvre de Perrault au Louvre, supportent des ar-
chitraves à plates-bandes.
Au-dessus, un riche entablement sert de base à un atlique à
pilastres décorés de statues en demi-relief. Cet attique, dont on
trouve le modèle dans l'antiquité grecque et qui a été produit
dans plusieurs édifices de la Renaissance, sera du plus pittoresque
et du plus monumental effet.
Deux avant-corps, peu saillants, surmontés de frontons trian-
gulaires et percés chacun d'une grande arcade centrale arrêtent
et encadrent celte ordonnance de la manière la plus splendide.
Un comble d'une déclivité moyenne surmonte et couronne cet
ensemble architectural. L'artiste a aussi réussi à établir une heu-
reuse transition entre les parties rectilignes de la façade et la cou-
pole de la salle qui s'élève au-dessus.
Cette coupole, magistralement posée sur le mur circulaire qui
accuse à l'extérieur la forme de la salle, peut compter comme
une des plus heureuses conceptions de M. Garnier.
Le tambour de la coupole présente une disposition caractéris- .
tique : c'est une série de fenêtres en œil-de-bœuf, percées au pied
delà courbure de la coupole et par lesquelles l'air pourra large-
ment pénétrer dans la salle. On ne saurait trop approuver ce
moyen de ventilation naturelle, analogue à celui qui réussit si
bien dans la salle du Cirque des Champs-Elysées.
Plus loin, le regard s'arrête sur le grand pignon qui clôt la
partie antérieure de la scène. Sa décoration sérieuse contraste
heureusement avec la riche architecture du frontispice et en fait
ressortir tout l'éclat.
Nous n'approuvons pas moins la division en trois étages adop-
tée par M. Garnier. Elle donne la variété dans l'unité, et elle se
trouve tout à fait conforme pour l'édifice dont il s'agit à la lo-
gique de l'architecture.
Dans le soubassement, ferme de lignes, sobre d'ornements,
sont compris les vestibules, les galeries de circulation et toutes
les dépendances du service extérieur.
L'étage d'honneur accusé par l'ordre d'architecture d'où le
frontispice reçoit son expression, renferme le grand foyer public
(au-devant duquel la colonnade forme une grande loge ouverte à
l'italienne), les galeries intérieures, la loge impériale et ses an-
nexes, les deux premiers rangs des loges de la salle, toute la
partie monumentale et élégante du théâtre.
L'attique, ordre secondaire, correspond aux places des étages
supérieurs et renferme un second foyer, d'ordonnance plus sim-
ple que celui du premier étage, où les spectateurs des petites
places, aux toilettes modestes, trouveront à leur proximité une
promenade qui leur manque dans la salle actuelle.
La salle reproduit, avec plus de légèreté et d'élégance dans
la courbure des voussures, la belle disposition de la salle ac-
tuelle. Ce chef-d'œuvre de l'architecte Louis , successivement
transporté, avec des améliorations, de la salle de Bordeaux à la
salle delà place Louvois, et littéralement de là à la rue Lepelle-
tier, constitue en réalité la plus belle et la plus complète ordon-
nance d'une salle de spectacle, telle que l'exigent les goûts et
les habitudes élégantes du public parisien.
Celte magnifique disposition satisfait, autant que les données
contradictoires du programme le permettaient , aux lois de
l'acoustique et aux légitimes exigences des habitués du théâtre.
On a sagement pensé que le but étant atteint, toute aulre com-
binaison ne ferait que s'en écarler plus ou moins et substituer
un effet problématique à un effet éprouvé.
La coupole de la nouvelle salle sera , si l'exécution est con-
forme au projet, plus élevée que celle de la salle actuelle. Nous
approuvons cette modification au point de vue de l'aspect, et
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
2G7
nous n'en sommes pas trop effrayés sous le rapport de l'acous-
tique. La sonorité des églises et en général des édifices à voûtes
élevées nous rassure. Toutefois , la question est délicate et
mérite d'être étudiée. Il faut se souvenir que pour obvier à
l'inconvénient des résonnances intempestives, on a été obligé
d'abaisser plusieurs fois le plafond du Théâtre-Français , et
qu'il en a été do même de la salle Venladour.
Il y aura environ deux mille places ; la salle actuelle en pos-
sède dix-sept cent cinquante. Les loges et les diverses catégories
de places seront distribuées de la même façon que rue Lepel-
letier, mais avec plus d'espace pour chaque spectateur. Chaque
loge aura un salon, non un réduit où deux personnes à peine
peuvent se réfugier, comme dans les salles parisiennes exis-
tantes, mais un véritable salon avec son ameublement complet.
Nous espérons encore que M. Garnier modifiera partielle-
ment le plan de la salle en ajoutant un rang de loges décou-
vertes devant la première ligne des loges a salon. Nous avons
eu l'occasion de dire plusieurs fois dans la Presse les motifs
sur lesquels se basait notre opinion. Ils sont d'une importance
si capitale et intéressent à un si haut point l'avenir de notre
première scène lyrique, que nous croyons devoir répéter ce que
nous disions dans le numéro du 27 juin.
La nouvelle salle ne doit pas être seulement magnifique, elle
doit être construite de façon à accroître notamment le chiffre
des recettes. Les subventions sont limitées; les crédits supplé-
mentaires ne peuvent pas sortir d'une certaine mesure, et pour-
tant les frais généraux se sont accrus dans une proportion con-
sidérable depuis quelques années. Les appointements des artistes.
par exemple, sont devenus pour ainsi dire fabuleux, par suite
de la concurrence des théâtres de Londres et de Saint-Péters-
bourg. La salle actuelle peut faire tout au plus 10,000 francs
de recette par représentation , il faut désormais pouvoir attein-
dre 15,000 francs. C'est là une affaire d'avenir, nous dirons
même de salut, que l'architecte chargé de l'édification du mo-
nument, ne doit pas oublier un seul instant. Alors seulement on
pourra exécuter sans contrainte les plus brillantes mises en
scène et accepter la concurrence qui nous attachera les artistes
les plus en renom.
Pour ce faire, il n'est pas nécessaire de construire une salle
infiniment plus spacieuse : il suffit d'augmenter le nombre des
grandes places. A l'objection que peut-être leur placement serait
difficile, nous répondrons que si l'Opéra possédait le double de
loges de premier rang, elles seraient à l'instant toutes louées à
l'année. Pourquoi donc ne pas faire comme aux Italiens?
Théodore Grasset.
I La suite au prochain numéro. )
SEMAINE THEATRALE.
Toutes les émotions musicales n'ont pas franchi le Rhin, ou
traversé le détroit, selon le programme traditionnel de l'été. Pa-
ris s'en est réservé quelques-unes en plein juillet. Deux événe-
ments lyriques priment la huitaine qui vient de s'écouler : les
représentations de Roger sur la scène de Favart, et la reprise du
Prophète à l'Opéra, par Mme Viardot.
La réapparition de Mme Viardot, dans le rôle de Fidès, est
mieux qu'une reprise, c'est une nouvelle prise de possession :
on sent que l'empreinte du génie de Gluck et l'incarnation d'Or-
phée ont passé par là ; et le grand style et les qualités plastiques
de l'éminente artiste ne pouvaient que gagner à ce sublime con-
tact ; aussi Fidès a-t-elle enthousiasmé l'auditoire. Jamais l'acte
de l'église n'a été rendu avec plus de verve et de puissance ; ja-
mais l'air : Mon fils, sois béni, n'a été phrasé avec un sentiment
plus biblique ; et les trois grandes scènes de la prison au cin-
quième acte, et la foudroyante cavaline, Comme un éclair, ont
fait vibrer à l'unisson tous les cœurs et tous les bravos. — Guey-
mard, électrisé par sa partenaire, a fort bien joué et chanté le
rôle de Jean de Leyde. Il a été rappelé après l'hymne triomphal
du troisième acte, et après les deux derniers avec Mmc Viardot.
Relval (Zacharie) et M"e Rey (Berthe), ont vaillamment rempli
leur lâche. Le charmant ballet des patineurs a eu sa part de l'o-
vation. — Il est question d'une solennité au bénéfice de Mme Pe-
tipas, la piquante ballerine russe. Tambcrlick s'y ferait enten-
dre, ce qui permettrait de réaliser une ample moisson de roubles.
— Une solennité plus intime vient de s'accomplir dans le monde
chorégraphique: celle du mariage de M. Mérante avecMlle Zina
Richard.
A l'Opéra-Comique Roger a joué, vendredi, la Dame Blanche
pour la cinquième fois, preuve irréfragable de l'immense succès
qu'il obtiendra toujours dans cet immortel chef-d'œuvre de Boïel-
dieu : salle comble à chaque représentation et, chaque fois, ce
sont des applaudissements et des rappels sans fin.
La huitaine s'est encore signalée à ce théâtre par une nouvelle
tentative de M"e Marimon dans un rôle important du répertoire.
Cette gracieuse artiste est venue aborder les Noces de Jeannette,
et a remporté une nouvelle victoire. Le timbre sympathique do
sa voix se prêle, du reste, parfaitement à la nature élégiaque du
personnage de Jeannette. Elle à dit avec une expression bien
sentie l'air : Parmi tant d'amoureux; elle a été touchante dans
la romance de V Aiguille, excellente dans son duo avec Couderc :
Rapprochons-nous un peu ; enfin, l'air: Au bord du chemin,
avec ses vocalises et son point d'orgue final, ont complété le suc-
cès. Couderc s'est montré, comme toujours, comédien parfait
dans ce type villageois de Jean, une de ses meilleures créations.
Nous avons vu dans la même soirée Mlle Henrion dans Gala-
thée. Enregistrons pour mémoire cet acte de bonne volonté,
en attendant la rentrée de Mmo Ugalde.
Les journaux de théâtre annoncent que M. Réty vient enfin
de s'entendre avec la ville, et qu'il accepte les conditions de son
nouveau bail. Selon toute prévision, le Théâtre Lyrique sera
transféré place du Châtelet à la fin de cette année.
La Comédie-Française a repris successivement, cette semaine,
le Joueur de Regnard, et la Critique de VÊcole des Femmes de
Molière. Le Joueur nous est revenu avec les principaux inter-
prètes que nous connaissons : Leroux, Samson, Maubant, Mon-
rose, Mirecour, Mmes Augustine Brohan, Riquer, Jouassin, fion-
val. Aussi la joyeuse comédie de Regnard a-t-elle charmé la salle
entière. De leur côté , VÊcole des Femmes et sa Critique ont
réalisé une piquaute soirée.
M. Sardou, l'auteur heureux, vient de remporter un nouveau
succès au Gymnase. Piccolino, comédie en trois actes avec chants,
a été joué jeudi soir au bruit des plus sincères et des plus légitimes
applaudissements. Une petite histoire intéressante encadrée avec
art, de la gaieté, du mouvement, de la danse, des chants et de
piquants tableaux, tel est le bulletin de ce nouveau succès dont
nos confrères du grand format vous donneront le procès-verbal
268
LE MÉNESTREL.
détaillé. Voilà de quoi défrayer trois ou quatre mois ; mais men-
tionnons surtout M"e Victoria, l'héroïne de la pièce, sans oublier
MM. Desrieux, Landrol, Lesueur, Mmes Blocli et Mélanie.
Le Vaudeville vient de mettre à l'étude l'Enfant trouvé,
comédie en trois actes, de Picard et de M . Mazères. Cette pièce, qui
appartient au répertoire du Théâtre-Français, a été jouée, pour
la première fois, le 13 décembre 1824, par Samson, Provost,
Perrier, Mlle Anaïs, etc. Vous voyez que le triumvirat de la
place de la Bourse ne se refuse rien. — - On répète, au même
théâtre, les Roueries d'une ingénue, trois actes de M. Rochefort.
M. Victor Séjour vient de lire aux artistes de la Pokte-
Saint-Martin un drame qui a produit un grand effet. On va le
répéter sous le titre provisoire de YInvasion. Le rôle le plus
important de la pièce est confié à Mlle Lia Félix.
Les ambassadeurs de Siam, après avoir visité nos principaux
monuments et établissements publics, commencent à se montrer
dans nos théâtres. 11 va sans dire que nos drames à spectacle les
impressionnent particulièrement. Le Monstre et le magicien re-
présenté à I'Ambigu les a si vivement captivés cette semaine,
qu'ils ont fait prévenir l'administration d'une seconde visite.
Au théâtre de la Gaîté, le drame de M. Maurice Desvignes,
Loin du Pays, n'a pas tout à fait répondu aux promesses de
haute portée philosophique et humanitaire qu'on avait fait mi-
roiter dans les réclames. C'est un bel et bon mélodrame dans
l'usuelle acception du mot ; Manuel, Perrin, Sully, Mme Lacroix,
etc., en traduisent les principaux rôles avec intelligence.
Voici enfin une nouvelle que nous enregistrons avec déplaisir :
M. Sylvain Mangeant, engagé comme chef d'orchestre au
Théâtre impérial français de Saint-Pétersbourg, quittera, le pre-
mier octobre prochain, le théâtre du Palais-Royal, où il sera très-
vivement regretté. M. Sylvain Mangeant aura probablement pour
successeur M. Robillard, connu par diverses compositions po-
pulaires. En revanche , le chef d'orchestre Josse, qui a fait son
temps et sa fortune à Saint-Pétersbourg, nous revient à Paris :
c'est un chassé-croisé orchestral.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
ENCORE FRÉDÉRIC CHOPIÎN.
Nous avons eu le regret de terminer, dimanche dernier, l'étude
si attachante de M. H. Barbedette sur F. Chopin et ses œuvres.
Cette esquisse littéraire et musicale a été lue par nos abonnés avec
une faveur marquée. Aujourd'hui nous publionsdans ces Tablettes
un dernier écho des souvenirs biographiques du Bellini du piano.
C'est à notre excellent ami et collaborateur J. d'Ortigue que nous
devons le plaisir de causer une heure de plus avec notre bien-
aimé Chopin. Dimanche prochain, nous passerons la plume à
l'honorable bibliothécaire du Sénat, M. P.-A. Vieillard, qui
a bien voulu doter nos Tablettes du chanteur d'un pendant a son
remarquable travail sur Méhul. Ce sont les chanteurs lyriques
de la fin du xviue siècle a 1830, et notamment Mme Scio, qui
feront les honneurs de ces souvenirs du théâtre. Déjà, il y a
quelques années, le Ménestrel, grâce à M. Pierre Hôdouin,
a fait faire l'agréable connaissance de Mmo Scio à ses lecteurs.
Mme Scio sera donc la bienvenue. En attendant, voici la lettre
de notre collaborateur J. d'Ortigue, adressée au directeur du
Ménestrel.
Mon cher Directeur,
J'ai lu avec un bien vif intérêt les articles que |M. Barbe-
dette a consacrés à Chopin et à ses œuvres. Les traits saillants de
l'homme et du musicien y sont parfaitement saisis. M. Barbe-
dette admire Chopin, et, de plus, il l'aime : avec ces deux senti-
ments-là, il a dû faire un bon travail et il l'a fait. Ses articles
seront certainement appréciés par les professeurs de piano et les
élèves qui lisent habituellement le Ménestrel, et qui y puisent
d'excellents enseignements. Et ce n'était pas chose facile que
d'analyser la musique de Chopin, car toute œuvre de Chopin est
toujours une œuvre complexe, d'un style composite, où le dessin
et la ligne sont très-peu apparents. Je ne veux pas dire par ces
mots que l'inspiration manque dans les œuvres de Chopin, que
son style soit travaillé, tourmenté, que sa nature ne soit pas
vraie et primesautière; mais il y a tant de choses dans cette na-
ture ! Un sentiment de l'élégance et de la distinction qui va jus-
qu'à la coquetterie, une naïveté pleine d'abandon, des caprices
de gaieté et de folie, des accents profonds et douloureux, une
âme élevée et croyante, une complexion débile et voluptueuse,
une sensibilité maladive, Tin esprit fin et exquis, tout cela se mêle
et se confond chez Chopin dans une unité à la fois admirable et bi-
zarre. C'est ce que M. Barbedette a fort bien compris, et il a fait
entrer dans son analyse des considérations fort remarquables par
leur justesse.
Vous voyez, mon cher Directeur, que je ne prends pas la
plume pour faire la critique d'une critique. Cela m'appartiendrait
d'autant moins que je suis aussi du métier, et qu'il serait bien
facile d'exercer sur moi de justes représailles. Je ne veux, avec
votre permission et celle de M. Barbedette, que signaler une la-
cune dans le travail de ce dernier, et encore ce n'est pas précisé-
ment une lacune, car le fait que je veux mettre en relief s'y
trouve ; seulement il n'est pas assez nettement accusé. A propos
de Chopin, M. Barbedette a longuement parlé de l'amour de la
patrie. Ce noble sentiment lui a inspiré deux pages belles et tou-
chantes, qui sont présentes à l'esprit de tous vos lecteurs. Recher-
chant à quel point ce sentiment avait dû aussi inspirer Chopin :
« Il ne s'étudia pas, dit M. Rarbedette, à être un musicien na-
tional . . . Comme les vrais poètes nationaux, il chanta sans dessein
arrêté, sans choix préconçu ce que l'inspiration lui dictait le plus
spontanément, et c'est de la sorte que surgit dans ses chants, sans
soins et sans efforts, la forme la plus idéalisée du génie national. »
Quelques lignes plus loin, M. Rarbedette ajoute : «Devenu Pari-
sien, Chopin ne cessa pas néanmoins d'avoir des relations avec sa
patrie absente. On en suit la trace dans les nombreuses mélodies
qui circulent sous son nom en Pologne, mélodies qu'il adaptait à
certains chants patriotiques de son pays, et qu'il lui envoyait
comme gages de son souvenir. »
Je m'arrête à cette dernière phrase. La partie que j'en ai sou-
lignée exprime un fait vrai ; quant à la seconde partie, j'ai de la
peine, je l'avoue, à saisir le sens qu'y attache M. Barbedette.
Pour moi, je sais (et je vais dire comment je le sais) que Cho-
pin a composé une foule de chansons, non des mélodies adaptées
à des chants patriotiques, mais des chansons originales, les-
quelles sont devenues populaires en Pologne ; et, chose singu-
lière, sa patrie qui les chante ignore qu'il en est l'auteur, ou du
moins elle l'ignorait avant la mort du musicien. Je sais que, dans
les dernières années de sa vie, Cuopin caressait le projet de réunir
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
269
ses chansons et de les publier, ainsi qu'une collection d'airs na-
tionaux. Voilà ce que je peux certifier. Hélas! ce projet, ainsi
que tant de projets que font les hommes ici-bas, les hommes de
génie comme les simples mortels, ne se réalisa pas.
M. Barbedette sait bien son Chopin ; il le possède, il le tient;
qu'il me permette seulement de l'édifier complètement, quant au
fait que j'ai avancé plus haut.
J'étais pour Chopin une vieille connaissance lorsqu'il vint ha-
biter, pendant plusieurs années le square d'Orléans, où j'ai
demeuré vingt ans. Nous nous rencontrions souvent et ce n'é-
tait pas sans échanger d'affectueuses paroles, quelquefois des
jugements, des opinions sur l'art et les artistes. Chopjn était trop
homme du monde, il avait trop de bon goût pour heurter dans
leur manière de voir les personnes qui avaient d'autres sympa-
thies musicales que les siennes. Il établissait d'abord les points de
contact, puis, avec un esprit infini, assaisonné d'une légère pointe
épigrammatique, il faisait ses réserves sur les points litigieux.
Souvent, au moment où l'on croyait le tenir, il vous échappait, il
vous glissait des mains avec une adresse, je dirai même avec une
grâce sans pareille. Chopin était comme sa musique. Il fallait le
connaître intimement pour l'apprécier, comme aussi pour appré-
cier toute la valeur de sa musique il fallait en faire une profonde
étude. Et sa personne, comme sa musique, ne se laissait pas aisé-
ment approcher. Il y avait de la sensitive dans l'un et dans l'au-
tre. Je parle d'après mes propres impressions.
Un soir, Chopin et moi, nous nous rencontrâmes au foyer du
Théâtre-Italien. Ce pouvait être vers 1847 ou 1848. Il me dit
qu'il y avait à l'orchestre un fauteuil vide à côté du sien, et il
m'engagea à le prendre, ce que je fis. On donnait // Malrimonio.
Je ne sais pourquoi je m'étais figuré que Chopin ne pouvait aimer
cette musique , parce qu'elle était italienne d'abord , ensuite
parce qu'elle était d'un jet si facile, si simple, d'un style si cou-
lant, si limpide, si naturel, qu'elle me semblait en parfaite op-
position avec la sienne. Lui, de son côté, s'était imaginé que je
ne devais pas la goûter non plus. Jugez, mon cher Directeur,
de notre surprise à tous les deux lorsque nous nous fûmes aper-
çus que nous avions pour cette musique un égal enthousiasme !
Ce soupçon réciproque nous amusa beaucoup. « Ah! quel chef-
d'œuvre! me disait Chopin. Quel adorable compositeur que ce
Cimarosa! Comme il sait donner du prix aux moindres choses,
aux plus simples modulations ! Quelle grâce ! quelle fécondité !
quelle richesse I Avez-vous remarqué, dans la finale du premier
acte, cette phrase mineure ? C'est la seule de tout cet acte. Quelle
est pleine de charme, cette phrase en la mineur ! »
— Que vous me faites plaisir, lui dis-je, de parler ainsi ! je
croyais . . .
— Et vous aussi, me répondit-il, que j'ai de plaisir à vous
voir sentir et admirer de pareilles œuvres !
Le spectacle terminé, nous nous acheminâmes tous les deux
vers notre logis de la rue Saint-Lazare. Nous marchions lente-
ment ; il s'appuyait sur mon bras ; nous causions avec effusion.
La glace était rompue entre nous. Il me dit le fond de sa pen-
sée sur les vieux maîtres, et sur certains compositeurs du jour
aussi.
— Que vous avez raison, me dit-il, de prendre en main la
défense d'un tel ! mais. ... —
Il y avait ud mais; si ce mais était une critique, il impli-
quait aussi un éloge.
— Chopin, lui dis-je , me permettez-vous de vous exprimer
un désir, peut-être bien indiscret ?
— Lequel ?
— Seriez-vous homme à me donner votre biographie? Nous
demeurons dans la même maison ; j'irais chez vous deux ou
trois matinées de suite ; j'écrirais sous votre dictée tout ce que
vous me direz sur vos maîtres, vos études, vos compositions,
vos voyages. . . .
— Mes voyages? reprit-il, je suis toujours en voyage. Je ne
suis à Paris qu'en passant. —
Alors il me raconta l'anecdote de son passe-port , et que
voici. Quelques semaines avant la Révolution de 1830, Chopin
était en Pologne, où depuis longtemps il charmait les Russes et
ses compatriotes par son double talent de compositeur et de vir-
tuose; il lui prit tout à coup l'envie de voyager. Il voulait par-
courir l'Italie; mais, une fois à Vienne, la nouvelle de l'insurrec-
tion de plusieurs provinces de la Péninsule le fit changer, sinon
de résolution, du moins d'itinéraire. Il demanda un passe-port
pour Londres. Cependant le désir de voir Paris, le désir plus
grand d'y voir nos illustrations musicales, Cherubini en pre-
mière ligne, le détermina à entrer en France, et il fit ajouter
ces mots sur son passe-port : Passcmt pa?- Paris.
— Vous voyez bien, poursuivit-il, que je ne suis ici que comme
un oiseau de passage. N'importe; je serai charmé de vous donner
ma biographie, et vous pouvez bien être assuré d'une chose,
c'est que plusieurs personnes m'ont fait la même demande, et
que je la leur ai toujours refusée. —
Nous primes jour pour le surlendemain ; dès mon entrée
dans son appartement, il me dit :
— Puisque vous allez être mon historiographe, je dois vous
dire qu'on ne connaît pas la moitié des œuvres que j'ai compo-
sées. — Et il me parla aussitôt de cette quantité de chansons
et d'airs nationaux qu'il avait faits et que ses compatriotes
chantaient sans savoir qu'ils étaient de lui. Vous pensez bien,
mon cher Directeur, qu'un semblable détail dut me frapper ,
et que je l'enregistrai soigneusement dans mes notes.
A l'époque dont je parle, Chopin ne connaissait pas exacte-
ment son âge; car je trouve dans mes notes qu'il était né à
Zelazowo-Wala, vers 1810. « Il nous est impossible, disais-je,
de donner une date plus précise de sa naissance. Lui-même ne
connut approximativement l'année où il vit le jour que par une
montre que lui envoya Mme Catalani, en 1820, sur laquelle
étaient gravés ces mots : Donnée par Mme Catalani au jeune
Frédéric Chopin, âgé de dix ans. » — Ce qui fait supposer ,
pour le dire en passant, que Chopin fut dans son enfance un
petit prodige, ce dont il ne se vantait pas. — Pour revenir à
l'âge de Chopin, M. Barbedette dit qu'il est né le 1er mars 1810.
M. Fétis, dans la nouvelle édition de sa Biographie universelle
des Mitsiciens , donne la date du 8 mars de la même année.
Quoi qu'il en soit, j'écrivis la biographie de Chopin , sous sa
dictée. Je l'avais gardée en portefeuille , lorsque, après la mort
de Chopin, arrivée le 17 octobre 1849 , M. de Lamennais, de-
venu rédacteur en chef d'un journal républicain, la Tribune,
autant qu'il m'en souvient, me la demanda pour le journal
qu'il dirigeait. Je la lui donnai ; mais ce journal ayant tout à
coup cessé de paraître, je portai cette biographie à l'Opinion
publique, qui la publia le 23 novembre suivant, sans nom
d'auteur. Que M. Barbedette veuille bien m'excuser si la sup-
position que je vais faire manque d'exactitude, mais j'ai lieu
de penser que cette esquisse sur Chopin a passé sous ses yeux,
car, indépendamment de la mention un peu vague des chansons
populaires, je retrouve dans les articles duMénestrel la mention
270
LE MÉNEST1ŒI.
de certains détails, notamment de celui du passe-port, dont les
autres biographes n'ont pas parlé.
M. Barbedelte a bien jugé Chopin. C'était une nature des
plus rares et des plus exquises ; mais elle s'est mue dans une
sphère bornée. Déjà dans les œuvres de Weber, on sent que
l'horizon s'est rétréci ; on sent un peu de celte oppression qu'on
éprouve à l'aspect des hautes montagnes où les grands éblouis-
sements succèdent aux grandes ombres et aux apparitions fantas-
tiques. Il n'y a guère que Beethoven et Rossini , malgré les
nuances particulières de leur génie, qui respirent et rayonnent
en plein soleil. Chopin nous conduit dans une région pleine
de mélancolie et de mystère ; mais on n'y tient pas longtemps;
on y étouffe un peu ; on manque d'air. Certains malades recher-
chent les sentiers couverts et solitaires : les grands horizons
leur donnent des vertiges. J. d'Ortigue.
Dimanche et lundi dernier, les élèves du Conservatoire, de
classe de contre-point et fugue et d'harmonie, sont entrés en lo-
ges. Cette semaine ces divers concours ont été jugés à huis clos,
ainsi que ceux d'orgue et d'improvisation , de clavier, de solfège
et de contre-basse. En voici les résultais :
Concours d'orgue et d'improvisation. — 1er grand prix,
M. Péron; 2e grand prix, M. Diémer; 1er accessit, M. Jacob;
2e accessit, M. Roques; 3e accessit, M. Sieg. Tous élèves de
M. F. Benoist.
Concours de contre-point et fugue. — 1er prix, M. Diémer,
élève de M. Bazin et de M. Amb. Thomas; deuxième 1er prix,
M. Emile Girard, élève de M. Amb. Thomas et de M. A. Elwart;
2e prix, M. Rembielinski, élève de M. F. Halévy; 1er accessit,
M. Ducoudray-Bourgault, élève de M. Amb. Thomas; 2e ac-
cessit, Mlle Charlotte Jacques, élève de M. Leborne.
Comme toujours, les élèves de la classe Marmontel, — M. Dié-
mer en tête, — brillent au premier rang parmi les lauréats d'or-
gue, de fugue et de contra-point. M. Rembielinski, 2me prix
de conlre-point et fugue, est élève de M. Laurent. Bref, ce sont
là des pianistes dont on fait des grands prix de Rome , —
témoin M. Dubois, lui aussi de la classe Marmontel.
Voici les noms des lauréats pour les concours de solfège qui
ont eu lieu avant-hier au Conservatoire impérial de Musique et
de Déclamation :
Solfège. — Hommes.
lre médaille. — MM. Chafîet, Suisle, Arnould.
2e médaille. — MM. Carben, A. Bourgeois, Touzot, Corbaz,
Wenner.
3e médaille. — MM. Bonnange, Barbaraz, Hammerel, Laf-
fage, Hess.
Solfège. — Femmes.
lre médaille. — Mllcs Picard, Drevet, Riester, Girardot, Tis-
sot, Cavailhès, Bouloille, Patin, Davis, Laviolette.
2e médaille. — Mlles Mangot, Wilden, de Biéville, Anspa-
cher, Baute.
3e médaille. — Mlles Mairargue, Rambaud, Picamelot, Cay-
rol, Beaumont, Nortmann, Courtois, Bœffer, Larcena,
Leprévost, Lovalo.
Clavier. — Femmes.
lre médaille. — M1Ics Noël, Imbault et Teudefer.
2e médaille. — Mllcs Adcock, Tissot et Canlin.
Voici, en outre, le résultat du concours d'harmonie et d'ac-
compagnement pratique :
1er prix, M. Delahaye; 2e prix, M. Pessard; 1er accessit,
M. Kleczinski ; 2e accessit, M. Pradeau; 3e accessit, M. Colomer.
Ces lauréats sont tous les cinq élèves de M. François Bazin.
Harmonie. — Femmes.
1er prix, Mlle Mongin ; 2e premier prix, Mlle Rouget de Lille ;
2e prix, Mlle Bessaignet ; 1er accessit, Mlle Remanry ; 2e accessit,
MlleRoulle; 3e accessit, Courmaire. Professeurs, M. Bienaimé
et Mme Dufresne.
Voici l'ordre des concours publics de la semaine : Demain,
lundi, tragédie et comédie; mardi, chant; mercredi, piano;
jeudi, opéra-comique; vendredi, violoncelle et violon; samedi,
opéra. Les concours d'instruments à vent auront lieu les lundi et
mardi 29 et 30 juillet. — Le concours de contre-basse a devancé
les concours publics. On cite M. Bernard comme 1er prix,
et M. Baute comme 2° prix, élèves de M. Labro.
Les cours d'artistes de notre pianiste-compositeur Camille
Stamaty ont fait brillamment la clôture de leur première année,
mardi dernier, dans les salons de la succursale de la maison
Pleyel et Wolff, où ils avaient élu domicile depuis le mois de no-
vembre dernier. — Déjà deux fois, en mars et en mai, un public
d'élite avait été appelé à constater l'existence de ces nouveaux
cours, dont le succès ne pouvait èlre douteux avec le nom et les
précédents de M. Stamaty. — Celte troisième séance offrait,
comme les deux autres, le programme le plus intéressant et le
plus varié. Les auteurs anciens et modernes y étaient représentés
par Haendel, Beethoven, Mozart, Weber, Hummel,Field, Chopin,
Thalberg, et nous avons été frappés du cachet de distinction et
d'individualité qui se faisait remarquer dans le jeu de chaque
élève. — MM. Peyrellade et Lamanière, dans le cours de jeunes
gens, Mlles Elie, Crespy, Lepierre et Prévost, dans celui des jeu-
nes personnes, peuvent être considérés déjà comme des artistes,
et ce sera avec un véritable intérêt que nous suivrons à l'avenir
leurs travaux et leurs progrès. — Les récompenses décernées aux
élèves ont été de charmants volumes reliés, renfermant les œuvres
les plus importantes de leur maître, telles que ses Souvenirs du
Conservatoire, ses Transcriptions d'Oberon, ses Etudes pitto-
resques, celles de chant et mécanisme et ses Esquisses. — Les cours
d'artistes vont être fermés pendant trois mois ; mais M. Stamaty,
qu'aucune fatigue n'arrête lorsqu'il s'agit de propager ses doc-
trines professorales, ne prend plus lui-même de vacances ; cette
année encore il restera à la disposition de ceux qui travaillent
pendant que d'autres se reposent. C'est un avis que nous nous
empressons de transmettre aux professeurs de la province qui
viennent utiliser leurs vacances à Paris.
NOUVELLES DIVERSES.
— Les journaux anglais annoncent que MM. Meyerbeer et Àuber ont dé-
féré au désir que leur avaient exprimé les commissaires de l'Exposition de
Londres, et qu'ils composeront le morceau de musique demandé à chacun
d'eux pour l'ouverture de cette solennité.
— On écrit de Berlin : « Dans l'exposition Goethe, qui est ouverte en
ce moment , la partie musicale n'est pas la moins intéressante ; on y a
recueilli toutes les poésies de Goethe qui ont été mises en musique : on
y trouve les noms des maîtres les plus célèbres en Allemagne : Mozart,
Beethoven, Reichardt, Zelter, Mendelssohn , Schubert, Schumann, etc.
Il y a un bon nombre de manuscrits originaux. »
NOUVELLES ET ANNONCES.
271
— On avait annoncé que Franz Lachner était chargé de la direction
supérieure du festival de Nuremberg. Cette nouvelle est inexacte. Chaque
compositeur dirigera l'exécution de ses œuvres.
— Les journaux allemands nous apprennent que le poëte populaire
Muller Van der Werra vient de créer un organe central pour toutes les
Liedertafel (réunions de chant) de T Allemagne. Cette publication, calquée
sui VOrphéon français, est intitulée : Halle des Chanteurs [Saengerhalk).
— Une nouvelle symphonie intitulée : l'Empereur Charles-Quint ,
produit en ce moment une assez vive sensation en Hollande. L'auteur est
M. Thooft. Cette œuvre a remporté le prix proposé par la Société pour
l'encouragement de l'art musical. D'après le programme, il y avait obli-
gation de réunir constamment les voix aux instruments, au lieu de n'in-
troduire le chant que dans une certaine partie, comme l'a fait Beethoven
dans sa symphonie avec chœurs.
— Plus de cent dames et deux cents chanteurs ont répondu à l'appel
qui leur a été fait pour le festival d'Anvers, fixé au 19 août. Soixante
enfants de chœur leur seront adjoints; de sorte qu'avec l'orchestre, la
masse des exécutants sera de quatre cent cinquante. Au nombre des so-
listes, nous voyons figurer Mlle Artot et le violoniste Joachim.
— Un opéra nouveau en quatre actes , il Diavolo, musique de Traver-
sari, a obtenu un demi-succès au théâtre Carcano, à Milan. Le libretto
est dû à la plume de M. Peruzzini. C'est une imitation d'un drame fran-
çais, le Comte de Saint-Germain.
— M. Nicofle Lablache, à l'issue du beau concert de bienfaisance qu'il
vient d'organiser pour la salle d'asile de Maisons Laffitte , — et dont il a
personnellement fait les honneurs avec autant de goût que de dévoue-
ment, — s'est dirigé sur Boulogne, où sa femme, Mmode Méric- Lablache,
va prendre les bains de mer. Nous souhaitons à la Société philharmonique
de Boulogne l'honneur et le plaisir d'entendre cette grande cantatrice que
notre Académie impériale de musique devrait bien enlever au théâtre
italien de Madrid.
— MmesAnnade Lagrange et de Méric-Lablache sont réengagées pour la
prochaine saison de Madrid. Mme Charton-Demeure se rend en Amérique
à des conditions californiennes.
— Mmes Alboni et Carvalho sont de retour de leursaison de Londres. La
première se repose dans son bel hôtel du Cours-la-Rcine, la seconde va
se rendre aux bains de mer de Dieppe, avant son départ pour Bade.
— On nous écrit de Bade : « Deux concerts viennent encore d'être
donnés dans le magnifique salon Louis XIV. Herman, Nathan, Kelterer,
Mlle Virginie Huet et MUe de la Pommeraye y ont été appréciées par un
public aristocratique et nombreux. Hermann , dans ses souvenirs de Bo-
berl-le-D table et du Trovalore , a montré le sentiment, l'élégance , le
brio qui ont depuis longtemps assuré sa position artistique. Nathan a été'
applaudi dans un caprice composé sur des chansons napolitaines et une
fantaisie sur des airs de Bellini. Le quatuor de Rigolello et la romance de
la princesse Kotschoubey ont été très favorables à Ketterer. MUo Huet a
su faire valoir sur l'orgue-Alexandre divers morceaux très-heureusement
choisis dans l'œuvre de M. Lefébure-Wely. La méditation sur un prélude
de Bach, par Charles Gounod, un fragment du trio en ré mineur de Men-
delssohn et un trio de Maysader ont trouvé leurs meilleurs interprètes;
Enfin , Mlle de la Pommeraye a débuté avec éclat devant le grand public
de Bade, et a obtenu tout d'abord un double succès de jolie femme et d'ha-
bile cantatrice. L'air d'Azucena du Trovatore, la sérénade de Gounod ,
l'air d'Orphée, l'air d'J Puritani, ont mérité à la jeune artiste de l'Aca-
démie impériale l'unanimité des suffrages. LL. MM. le Roi et la Reine de
Prusse assistaient jeudi dernier au concert du kiosque, exécuté par l'ad-
mirable musique du 34e régiment de ligne prussien en garnison à Rastodt.
D'autres princes royaux et impériaux sont à Bade en ce moment ou y sont
attendus. »
— Une école gratuite de musique vient d'être fondée à Besançon , en
vertu d'une délibération du conseil municipal.
— La ville de Rambouillet avait pris dimanche dernier un air de fête inac-
coutumé : La société chorale, le Louvre, avait eu la généreuse pensée d'y
donner un concert pour les pauvres. Les habitants ont répondu avec un em-
pressement tel que la salle choisie pour la solennité s'est trouvée beaucoup
trop petite. Les pauvres ont dû être contents ; l'auditoire, du reste, n'a pas été
moins satisfait. Les chants, habilement dirigés par M. B. Darnault, ont été
chantés avec un profond sentiment de la mesure et des nuances, qui prouve
une fois de plus les immenses progrès qui se font chaque jour dans cette
intéressante branche de la grande famille musicale. Les frères Guidon, qui
avaient bien voulu s'associer à cette bonne œuvre, ont retrouvé là, avec
leurs duetti, le succès auquel ils sont habitués. Quelques chansonnettes
complétaient le programme, dont les dilettantes de Rambouillet garderont
le souvenir.
— Le poêle du Livre du bon Dieu, notre ami Edouard Plouvier, vient
de publier, à la librairie Michel Lévy frères, un nouvel ouvrage sous ce
litre : La Belle aux cheveux bleus. Un grand succès paraît certain pour ce
charmant volume. Sous ce titre fantasque il offre un sujet du plus vif in-
térêt, et, dans la forme élégante et sympathique qui est celle de l'auteur,
des histoires sentimentales, des caractères, des détails d'une saveur essen-
tiellement parisienne. La Belle aux cheveux bleus ira cet été dans toutes
les campagnes, et reviendra prendre place cet hiver dans toutes les biblio-
thèques, à côté des Contes pour les jours de pluie, du même auteur.
Au moment de mettre sous presse nous apprenons une bien triste
nouvelle : un incendie vient de dévorer le magasin des décors de l'Opéra,
rue du Faubourg-roissonnière. Le feu s'est déclaré vendredi à minuit et
demi, et malgré les plus prompts secours, il a fait de si grands progrès,
qu'en moins d'une heure l'œuvre de destruction était accomplie. Heureu-
sement tous les décors du répertoire se trouvant rue Lepelletier, les re-
présentations de l'Opéra ne subiront aucune entrave ; mais la perte maté-
rielle et artistique du magasin n'en est pas moins considérable , et c'est là
un très-regrettable événement. On ignore les causes du sinistre.
J.-L. Heugel, directeur
3. Lovy, réducteur en chef.
Typ. Charles de Mourgnes frères, rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
COURS DE CHANT. — RÉPERTOIRE ITALIEN.
OUVEET PAR
L'AGENCE CENTRALE DE L'EUROPE ARTISTE
ET DIRIGE PAR
(du Conservatoire <le lïnpHes).
Chaque année, un certain nombre d'artistes, déjà renommés dans leur
art, quittent la carrière lyrique française pour entrer dans la carrière
italienne.
Il est certain qu'après avoir , pendant quatre ou cinq saisons, chanté
sur les principales scènes de France et de Belgique, les chanteurs et les
cantatrices qui ont un nom fait déjà ont tout intérêt à se produire dans le
répertoire italien, qui compte des théâtres ouverts sur tous les points du
globe.
L'exemple a été donné successivement par Mmes Anna de Lagrange ,
Lagrua, Artôt, Tedesco, Julienne Dejean, Lafon, Poinsot, Laborde , etc.,
par MM. Vialetli, Bouché, Didot, Gassier, Colson, Junca, etc., et les ré-
sultats auxquels ces artistes sont arrivés démontrent suffisamment la
logique de la résolution qu'ils ont prise.
L'Agence centrale de l'Europe artiste a ouvert un Cours de Chant
italien et d'Étude du répertoire, spécialement affecté aux artistes français
et étrangers qui veulent suivre la carrière italienne et se mettre en mesure
de débuter.
Le Cours est quotidien ; il a lieu de deux à quatre heures de l'après-
midi.
Le prix est de 200 francs par mois, payables par quinzaine et d'avance.
M. Mayer TEDESCO, qui a été longtemps attaché au Conservatoire de
Naples en qualité de répétiteur, a consenti à diriger le Cours. M. Tedesco
est un excellent musicien, familier avec toutes les œuvres classiques et
modernes, un homme distingué par son éducation, et qui porte honora-
blement par lui-même le nom que sa sœur, Mme Fortuna TEDESCO , de
l'Académie impériale de musique, a rendu si justement célèbre.
Les demandes d' inscription doivent être adressées aux bureaux de
VEVBOPE ABTLSTE,
57, rue du Faubourg-Montmartre.
JjïtjîoiiJiï - —
DU
PIANISTE CLASSIQUE ET MODERNE
PAR
CAMILLE
STAMATY
APPROUVÉE et ADOPTÉE
POUR MES CLASSES DU CONSERVATOIRE,
PAR MM.
AUBER, ROSSINI, MEYERBEER, KALÉVY, CARAFA, A. THOMAS, BERLIOZ, REBER, CLAPISSON,
G. KASTNER, Emile PERRIN, VOGT, GALLAY, PRUMIER,
Éd. MONNAIS, Alf. de BEAUCHESNE.
CHANT ET MÉCANISME
1er LIVRE (op. 37).
31» Études pour les petites mains.
1 et 2. Coulés et détachés (M. D., M. G.). —3. Etude chantante. — 4. Solfège.
5. Les cinq Notes. — 6. Le Violoncelle. — 7. Les deux Trompettes. —8. La Gamme.
9. Persuasion. — 10. Les Révérences. — 11. Fanfare. — 12. Convalescence.
13. Oui ou Non. — 14. Montagnarde. — 15. Etude à 4 parties. — 16. Le Staccato.
17. Au Village. — 18. Le Fantôme. — 19. La Sauterelle. — 20. Ballade. —21. Une
Caresse. - 22. Risoluta. — 23. Pas redoublé. — 24. L'Arpège. — 25. L'Enjouée.
2e LIVRE (op. 38).]
2© Études de moyenne difficulté.
1. Agilité. — 2. Air de Ballet. — 3. Pas à Pas. — 4. Si j'osais! - 5. Le
Départ des Chevaliers. — 6. Sur l'Eau. — 7. Le Papillon. — S. La Poursuite.
9. La Bergeronnette. — 10. La Fuite. — 11. L'Angélus. — 12. Une Course
à deux. — 13. Franchise. — 14. Hélas ! — 15. Le Ramier. — 16. Le Retour
des Chevaliers. — 17. Confidence. — 18. En Octaves. — 19. Grand'Mère et
Grand'Père (canon). — 20. La Chromatique.
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1. Le Messager. — 2. Les Caquets. — 3. Au Bord du Ruisseau. — 4. Boute- j 13. Espère encore! — 14. Simple Histoire. — 15. Bacchanale. — 16. Lied.
Selle. — 5. Scherzetto. — 6. Ariette. — 7. Vieux Style. — 8. Prestezza.— 9. Redowa 17. Etincelles. — 18. Souvenance. — 19. La Tournoyante. — 20. Feuille et Zéphyr.
fantastique. — 10. Les Masques. — 11. Sous le Charme. — 12. Colombine. I 21. A pleines Voiles. — 22. Consolation. — 23. Abandonnée. — 24. L'Orgie.
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1. Chœur des Génies. — 2. Barcarolle. — 3. Ronde de Nuit. — 4. Ariette de Fatime. — 5. Vision. — 6. Séduction et Magie.
lie Kecucil : 30 fr. — Chaque IBorcean : 5 fr.
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2. Célèbre Chœur de Castor et Pollux, de Rameau 6 »
3. 18e Psaume de Marcello, paraphrasé 7 50
4. Romance et Chanson militaire d'Egmont, de Beethoven. . • . 7 50
5. Andante de Mozart 5 »
Transcriptions.
6. AUearetto-Scherzando de la Se Symphonie de Beethoven. . . 5fr.
7. Menuet d'HAïDN 5
8. Air d'Anacréon, de Grêtrt 5
9. Voi che sapete, des Noces de Figaro 5
10. Non più andrai farfallone, des Noces de Figaro 6
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Pouvant servir à l'étude la plus élémentaire comme au perfectionnement le plus complet du mécanisme du piano.
Ce Recueil se divise en huit séries distinctes, embrassant, dans leur ensemble, toutes les principales difficultés du me'canisme d'exécution.
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clavier sans passer le pouce.
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cords brisés résultant des accords de cinq doigts.
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DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
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Un an : 25 ff. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du le' de chaque mois. — L'année commence du l°r décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. Adresser franco
un bon sur la poste, à MM. IIEÙfilSI. et c>, éditeurs du Ménestrel et delà Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères,
' Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. )
: Jean-JacquesRousseau,8. — ÙJ69
SOHIrlAIIlE. — TEXTE.
I. La nouvelle salle de l'Opéra (suite et fin). Th. Grasset. — II. Semaine théâ-
trale. J. Lovy. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Mozart et ses œu-
vres (1er article). Denne-Baron. — IV. Concours du Conservatoire. — V. Con-
cours de musique religieuse. — VI. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DEPIANQ:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le nu nié rode ce jour:
1" MAZURKA DE SALON :
Par Louis Diemer. — Suivra immédiatement après : Mosaïque-Polka
sur les opérettes de J. Offenbach, par J.-C. Engel.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
ÊTRE DEUX,
Poésie de M. le baron de C***, musique de L. de Saint-Gervais. —
Suivra immédiatement après : le Bonhomme Séraphin, paroles et mu-
sique de Gustave Nadaud.
LA FUTURE SALLE DE L OPÉRA.
( Suite et fin. )
Mais revenons à la description du projet tel qu'il a été adopté.
La scène aura la même ouverture que celle du théâtre de la Scala :
quinze mètres. Cela fait deux mètres de plus qu'au théâtre de la
rue Le Pelletier. C'est un agrandissement considérable, et qui,
se reproduisant dans toutes les grandes dispositions de la salle,
en accroîtra très-notablement l'effet.
La scène sera également plus large et plus profonde. Elle se
prolongera de chaque côté de manière à favoriser l'application
si désirable des moyens mécaniques aux mouvements des déco-
rations, et à permettre la substitution du travail des machines au
travail manuel que l'on emploie presque exclusivement aujour-
d'hui dans la manœuvre des décorations scéniques.
Ces prolongements de la scène sur les ailes ont été les deside-
rata de tous les rédacteurs de programmes depuis Noverre jus-
qu'à l'administration actuelle de l'Opéra, qui a insisté sur ce
point avec une persévérance que, dans l'intérêt des arts décora-
tifs, nous sommes heureux de voir couronnée de succès.
Dans celte sujétion, si énergiquement réclamée dans l'intérêt
du service de la scène, l'architecte a trouvé le point de départ
d'un des plus beaux effets de son projet : la division bien tran-
chée de la scène et de la salle.
Ces prolongements des ailes de la scène, où trouveront place
seulement les décors des ouvrages au répertoire, ne sont point
des magasins, mais des espaces indispensables pour l'emploi des
machines. Il est à regretter seulement, à ce point de vue, qu'ils ne
s'étendent pas tout à fait jusqu'aux limites du terrain.
Les magasins et les ateliers de décors ont été sagement exclus
du projet dont nous nous occupons. Ils n'eussent été qu'un dan-
ger et qu'un embarras, dont les inconvénients avaient été d'a-
vance signalés par l'administration.
Les foyers des études, les salles de répétition, le foyer de la
danse (dont les belles proportions et la décoration élégante feront
une des beautés du nouveau théâtre), sont reportés avec les loges
des artistes dans la partie postérieure de l'édifice, tout en restant
contigus à la scène. On remarque, dans l'aménagement de ces
diverses dépendances, plusieurs améliorations qui seront fort ap-
préciées.
Plus loin, et du côté de la rue Neuve-des-Mathurins, sont très-
habilement distribués les bureaux de l'administration, le conser-
vatoire de danse et les logements des principaux fonctionnaires
et employés de l'Opéra. On regrette néanmoins de ne pas trouver,
comme dans les dépendances de la salle actuelle, une cour qui
dispense largement la lumière et l'air dans celte agglomération
de services divers.
Pour qui connaît les besoins et les habitudes de la population
d'artistes, d'ouvriers et d'employés de tout rang qui vivent à l'O-
péra, — 700 personnes au moins, — la grande cour de service est
274
LE MÉNESTREL.
indispensable. Elle est aussi appréciée du comparse à un franc la
séance, qui s'y promène et respire pendant les entr' actes, que du
premier sujet, qui y fait stationner sa voiture, dans la crainte
d'un rhume qui tombant au milieu du succès d'un ouvrage, peut
couler cent mille francs au théâtre.
Il est fâcheux que l'emplacement livré à M. Garnier, ou plutôt
la distribution du terrain qui lui a été imposée, ne lui ait pas
permis de comprendre cette cour dans l'ensemble des construc-
tions. Les artistes lui sauront mauvais gré de leur avoir bâti une
belle cage de pierre, mais privée d'air.
Ce défaut n'est pas sans remède. Qu'on prolonge un peu l'édi-
fice du côté de la rue Neuve-des-Mathurins, quitte à en retran-
cher un peu du côté du boulevard. Cette amélioration donnerait
à la façade tout son effet, qu'elle perdra si la place est aussi
étroite qu'on le projette; et les artiste de l'Opéra auront leur
square. On en fait bien trente-deux sur le canal Saint-Martin.
Ainsi tombera le reproche de n'avoir pu trouver, dans un terrain
de 11,000 mètres, une cour qui existait dans un terrain de
6,500 mètres.
Nous pensons que cet aperçu suffira pour donner une idée de
ce que doit être la future salle de l'Opéra. A part quelques défauts
que nous avons signalés et qui, nous l'espérons, disparaîtront
lors de la mise en œuvre définitive, on voit que le monument
sera magnifique et réussi avec beaucoup de bonheur. On va po-
ser la première pierre du théâtre conçu par M. Garnier; trois
années de patience, et il nous sera permis de l'admirer dans toute
sa splendeur.
TUÉODORE GKASSET.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Au moment où Paris se préoccupe de la future salle de l'O-
péra, un sinistre imprévu a failli nécessiter la fermeture de la
salle actuelle. Heureusement, ces craintes ne se sont pasjustifiées.
Non-seulement tous les décors servant au répertoire courant se
trouvaient rue Lepelletier quand l'incendie a éclaté au magasin
du faubourg Poissonnière; mais le théâtre est en pleine posses-
sion de tout son matériel pour marcher sans encombre jusqu'à
l'inauguration de la salle nouvelle. Plusieurs importantes toiles,
notamment celles de la Juive qu'on avait cru comprises dans le
sinistre, sont sauvées : nous ne serons donc pas privés, — même
momentanément, — de ce chef-d'œuvre de Halévy, une des plus
vivaces pages du répertoire actuel. Le Papillon, non plus, ne
s'est point laissé incendier comme on l'avait annoncé; les ailes de
M1IeEmma Livry nous le prouveront bientôt. On assure, — et
c'est une chose à constater, — que la future salle n'aura pas de
magasin de décors séparé; grâce à une ingénieuse combinaison :
tout le faisceau des décors sera attenant au théâtre, et les toiles
appropriées à chaque ouvrage apparaîtront comme par enchante-
ment, en vertu d'un mécanisme spécial. Nous voilà donc rassu-
rés pour l'avenir, à moins que la salle elle-même ne soit incen-
diée. Fort heureusement, ces malheurs-là n'arrivent qu'à de
longues échéances, toujours trop rapprochées, il est vrai.
Le Prophète avec Mme Viardot et Gueymard, Herculanum
avec Mmes Tedesco et G. Lauters, ont encore réalisé cette se-
maine deux brillantes soirées à I'Opéra. Le spectacle de mer-
credi était voué à la chorégraphie, ou à peu près; car le Comte
Ory, qui précédait les deux ballets, Graziosa et le Marché des
Innocents, ne compte plus, grâce à sa mutilation acceptée, que
comme un agréable appoint sur le contingent de la soirée. MmeFer-
raris est toujours la reine des sylphides, et de son côté Mme Pe-
titpa, la piquante Gloriette du Marché des Innocents, ne perd pas
une parcelle de la faveur publique. Comme nous l'avons an-
noncé, cette aimable ballerine, avant de reprendre le chemin de
Saint-Pétersbourg, va obtenir son bénéfice, auquel prendront
part plusieurs célébrités théâtrales, notamment Tamberlick, le
lion de Yutdièzc. Cette représentation extraordinaire est fixée au
mardi 6 août.
Voici le programme de cette solennité : 3e acte et duo du 2e
acte d'Otello, par Mme Pauline Viardot et M. Tamberlick ; trio de
Guillaume Tell, par MM. Tamberlick, Belval et Cazaux ; le
Marché des Innocents, Mme Petitpa jouera Gloriette; la Cos-
mopolite, pas nouveau dansé par MmB Petitpa, MM. Mérante,
Berthier, Dauty, Estienne, Cornet, Millot, Mmes Marquet, Mo-
rando, Rousseau, Scblosser, Pilvois, Mercier, Fiocre; 1er acte
des Huguenots (Mlle Sax et M . Michot joueront pour la première
fois les rôles de Valentine et de Raoul) ; les Trembleurs, par
Geoffroy et les artistes du Gymnase; enfin un divertissement
composé d'un pas nouveau dansé par Mme Marie Petipa et M. Cha-
puy; un autre pas dansé par Mllc Zina et M. Mérante, et les
Niniviennes de Sémiramis.
A I'Opéra-Comique, les ovations recueillies par Roger dans
la Dame Blanche se sont renouvelées cette semaine dans Hay-
dée. On sait comme il joue et chante le rôle de Loredan, une de
ses plus belles créations. Or, par un de ces prodiges de l'art dont
il possède si bien le secret, Roger nous a rajeunis de vingt ans;
et cette mélancolique et suave légende vénitienne s'est déroulée à
Favart comme aux jours de sa primeur musicale. — Mme Faure-
Lefebvre a déployé toutes ses séductions dans le rôle d'Haydée;
et Prilleux, Troy, Laget, M1Ie Relia, ont contribué au succès de
cette reprise. — Roger n'a plus que quelques soirées à nous
donner : un engagement qui ne doit pas durer moins de cinq
années l'appelle à Saint-Pétersbourg. Il faut donc renoncer à le
voir aborder les autres rôles favoris de son répertoire. — Mon-
taubry va reparaître sous peu de jours ; sa rentrée s'effectuera
dans le Postillon de Lonjumeau, son triomphe de province.
Dans le programme d'hiver que le Théâtre-Lyrique nous
tient en perspective, figure l'engagement, ou plutôt le rengage-
ment de Mme Marie Cabel. M. Réty s'est assuré la possession de
cette gracieuse fauvette pour toute la saison. Mmo Cabel fera d'a-
bord sa rentrée dans le Bijou perdu, un de ses opéras de prédi-
lection.
Tous nos confrères de la presse théâtrale ont enregistré la bril-
lante réussite de Piccolino au Gymnase, tout en signalant le
décousu de la contexture et les défaillances du fond, car la fé-
rule du critique ne perd jamais ses droits. Somme toute, la pièce
de M. Sardou amuse et captive le public; le but théâtral est at-
teint : la maison de Molière seule est brevetée pour nous don-
ner des œuvres d'art dans la rigoureuse acception du mot, et
l'on sait qu'elle n'abuse pas de son brevet.
C'est au même titre que la pièce de M. About, Un Mariage de
Paris, défraie les soirées du Vaudeville.
Le théâtre des Variétés a profilé de la hausse du thermomè-
tre, pour fermer ses portes et procéder à de grandes réparations.
Cette fermeture doit nécessiter deux ou trois semaines de relâche
qui, du reste, ne sera pas complet, car le ministre d'Elat a auto-
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
275
risé M. Cogniard à transporter son répertoire sur la scène du
Théâtre Déjazet, et la direction des Variétés usera de cette au-
torisation de temps en temps. Ces représentations au boulevard
du Temple seront subordonnées aux degrés Réaumur ou centi-
grades. — Les danses nationales feront les frais de la réouver-
ture du théâtre.
Rien de nouveau sous la zone des drames. Ce soir, à la Porte-
Saint-Martin, la 94e représentation de la Tour de Nesle, qui
consomme les restes de son glorieux passé, pendant que son voisin
I'Ambigu, avec le Monstre et le Magicien, excite chaque fois les
frémissements de la foule.
On annonçait pour hier soir, samedi, au Théâtre Impérial
du Cirque, la première représentation de Pékin, grande pièce
d'actualité.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
MOZART
( jean-chrysostome- wolfgang- amédée ).
Le travail de M. Denne-Baron sur Cdercbini et ses œuvres,
travail revu et complété d'après les notes laissées par l'illustre
défunt, n'étant point encore terminé, nous empruntons au même
écrivain la biographie de Mozart, extraite de la Nouvelle Bio-
graphie générale des éditeurs FirminDidot. Nos lecteurs y trou-
veront résumés en quelques pages les principaux documents
publiés en Allemagne et en France sur le célèbre musicien que
Rossini proclame le maître des maîtres, et qui fut en même temps
le plus grand pianiste de son temps. Cette biographie de Mozart
sera immédiatement suivie du travail de M. P. -A. Vieillard
sur les chanteurs de la fin du xvme siècle à 1830, souvenirs
lyriques dont Mme Scio fera particulièrement les honneurs.
Mozart (Jean-Chrysostome-Wolfgang- Amédée) , célèbre
compositeur allemand, naquit à Salzbourg le 27 janvier 1756,
et mourut à Vienne le 5 décembre 1791. Il n'est pas d'exemple, à
quelque époque que ce soit, d'une organisation musicale plus
heureuse que la sienne, et qui se soit manifestée avec plus de
précocité et par des signes plus certains. Mais, avant de tracer
l'historique des jeunes années de Mozart, il est nécessaire de
faire connaître la famille au milieu de laquelle il vit le jour ,
famille toute chrétienne, résignée, où régnaient l'ordre et le
goût des belles choses, digne et radieux berceau où le génie
naissant du grand artiste se développa sous l'aile paternelle.
Son père, Léopold Mozart, né à Augsbourg en 1719, était
fils d'un relieur de livres. Après avoir fait ses études, particu-
lièrement un cours de jurisprudence, à Salzbourg, il s'était vai-
nement efforcé de se créer une position. Comme il jouait très-
bien du violon, le comte de Thun le prit à son service en qua-
lité de valet-musicien, dénomination qui indique quelle était
alors en Allemagne la condition des artistes. A partir de ce
moment, Léopold Mozart se livra tout entier à l'étude de la
musique, et obtint, en 1743, une place de premier violoniste
de la chapelle du prince-archevêque de Salzbourg. Deux ans
plus tard, il épousa Anna Bertlina, femme aussi pieuse qu'elle
était belle. Léopold Mozart ne tarda pas, par son talent comme
violoniste et comme compositeur, à se faire une réputation qui
lui valut d'être élevé au rang de second maître de chapelle de
la cour de Salzbourg (1). Mais son plus beau titre à la recon-
naissance de la postérité est d'avoir su deviner et diriger le gé-
nie de son fils. Rien de plus intéressant, en effet, que les soins
qu'il donne à l'éducation de son enfant ; rien de plus admirable
que cette tendresse paternelle, celte abnégation personnelle , se
confondant avec la foi du chrétien et l'enthousiasme de l'artiste.
Des sept enfants que Léopold Mozart avait eus de son ma-
riage avec Anna Bertlina , il ne lui restait plus qu'une fille ,
Marie-Anne , qu'on appelait familièrement Naennerle, dimi-
nutif d'Anna, née en 1751 (2), et le petit Wolfgang, qui était
venu au monde quatre ans plus tard. Celui-ci avait à peine trois
ans lorsque son père commença a donner des leçons de clavecin
à Naennerle. Dès ce moment, toute l'attention de Wolfgang se
concentra sur cet instrument ; il posait ses mains sur le clavier,
y cherchait des successions de tierces, et s'il venait à rencontrer
quelque nouvelle combinaison, ses yeux rayonnaient de joie.
C'est ainsi qu'il apprit, presque en jouant, les éléments de la
musique et les principes du doigter. A quatre ans, il exécutait
avec un goût et une expression remarquables de petites pièces
qui ne lui coûtaient qu'une demi-heure d'étude, et il composait
déjà quelques petits morceaux que .son père écrivait sous sa
dictée. A mesure que son talent se développait, le jeune Wolf-
gang perdait peu à peu le goût des jeux bruyants de son âge.
Doué d'une exquise sensibilité, il recherchait l'affection de
toutes les personnes qui fréquentaient la maison paternelle ;
« M'aimez-vous bien ? » leur demandait-il souvent avec une
naïveté charmante ; et si l'on tardait à lui répondre, ses yeux
se remplissaient aussitôt de larmes. Il avait pour son père un
profond amour et un grand respect. « Après Dieu, disait-il,
c'est tout de suite papa. » Sa piété en effet s'était manifestée de
très-bonne heure ; jamais il ne se .couchait sans avoir chanté
une espèce de cantique dont il avait lui-même composé la mu-
sique, et que son père chantait avec lui ; puis, après avoir em-
brassé sa famille , l'enfant s'endormait, paisible et souriant,
doucement bercé dans ses rêves par la voix des anges, dont les
concerts préludaient à sa destinée.
Le petit Wolfgang, à peine âgé de six ans, possédait déjà, un
merveilleux talent d'exécution sur le clavecin. Son génie pré-
coce, rayonnant de toutes parts, n'attendait plus que le moment
favorable pour prendre son essor. Son père, qui depuis quelque
temps avait cessé de donner des leçons pour se vouer tout en-
tier à l'éducation musicale de ses enfants, se décida alors à les
faire entendre en public, et entreprit cette longue série de
(1) Léopold Mozart a laissé en manuscrit beaucoup de musique d'église,
composée pour la chapelle de Salzbourg. On connaît de lui douze oratorios.
Il a écrit pour le théâtre Sémiramis, la Jardinière supposée (en allemand),
un intermède italien, à deux personnages, intitulé la Cantatrice ed il
Poeta, et un divertissement ayant pour titre Musikalische Schlitlenfarht
(Promenade musicale). Ses oeuvres de musique instrumentale consistent
en six trios pourdeux violons et basse, douze pièces de clavecin, des pièces
d'orgue, trente grandes sérénades pour plusieurs instruments, des con-
certos pour divers instruments à vent , et beaucoup de symphonies pour
orchestre. II a donné une méthode de violon, qui, pendant plus de cinquante
ans, a été considérée comme le meilleur ouvrage de ce genre. Léopold
Mozart mourut à Salzbourg, le 28 mai 1787.
(2) Marie-Anne Mozart posséda un talent remarquable sur le piano ,
mais elle fut bientôt éclipsée par la renommée de son frère Wolfgang.
Elle se maria, en 1781, au conseiller Certhold, baron de Sonnenbourg, et
mourut à Salzbourg en 1830, à l'âge de quatre-vingts ans.
276
LE MÉNESTREL.
voyages aventureux dans lesquels on voit toute une famille
d'artistes allant chercher fortune à travers l'Europe.
Au mois de janvier 1762 , Léopold Mozart et ses deux en-
fants firent un premier voyage à Munich, el revinrent ensuite
tout joyeux à Salzbourg, après avoir fait pendant trois semaines
l'admiralion de la cour de l'électeur de Bavière. Dans l'automne
de la même année, toute la famille se rendit à Vienne. Ce
second voyage fut un véritable triomphe pour le petit Wolfgang.
L'évêque de Lintzle retient pendant quatre jours chez lui. A son
passage à Ips, il touche de l'orgue dans un couvent de francis-
cains, et laisse les révérends pères émerveillés de ce qu'ils vien-
nent d'entendre. Aux portes de Vienne, il adoucit la rigueur
des douaniers en exécutant un menuet devant le receveur, au-
quel il fait ses invitations pour l'avenir. Dès l'arrivée de la fa-
mille Mozart dans la capitale de l'Autriche , les deux enfants ,
particulièrement Wolfgang, fixèrent sur eux l'attention géné-
rale. Recherchés et fêtés avec empressement par les plus hauts
personnages, c'était à qui serait assez heureux pour pouvoir les
posséder à sa table. L'empereur François Ier les fît appeler à sa
résidence de Schœnbrunn; la veille il avait envoyé à Naennerle
une magnifique robe de taffetas blanc broché, ornée de toutes
sortes de garnitures, et à Wolfgang un habit lilas, du drap le
plus fin, et une veste en moire de couleur, rehaussés d'une
double bordure en or. Lorsqu'ils se présentèrent, il alla au-
devant d'eux, et les conduisit avec bonté dans le salon où se
tenait Marie-Thérèse, entourée de sa belle et nombreuse famille.
Le petit Wolfgang, que rien n'intimide, se laisse asseoir sur les
genoux de l'impératrice, qui le comble de caresses. Peu d'ins-
tants après, il glisse et tombe sur le parquet. La jeune archidu-
chesse Marie-Antoinette, future et infortunée reine de France ,
s'empresse de venir à son secours en lui adressant quelques
douces paroles : « Je vous remercie, lui dit l'enfant, je veux me
marier avec vous. » — « Vraiment? Et pourquoi avec elle plutôt
qu'avec une de mes autres filles, lui demanda Marie-Thérèse ,
qui l'avait entendu? » — « Par reconnaissance, répondit aussitôt
Wolfgang : elle a été bien bonne pour moi , tandis que ses
sœurs me regardaient sans bouger. » Un charmant sourire, ac-
compagné d'un baiser sur le front de l'enfant, fut la réponse de
la princesse à laquelle le compliment s'adressait. Le virtuose de
six ans exécuta plusieurs morceaux, et laissa l'assemblée clans le
ravissement d'un talent aussi extraordinaire ; mais sa bonne na-
ture devait le préserver de l'orgueil et de la suffisance que les
louanges et les distinctions des grands auraient pu lui inspirer.
Ainsi, il ne jouait qu'à contre-cœur devant les personnes qu'il
savait ignorantes en fait de musique. Le sentiment intime de l'art
prévalait déjà en lui, et ce n'était que lorsqu'il se savait écouté
par des connaisseurs qu'il jouait avec ardeur et avec passion. Un
soir qu'il était à la cour et qu'il allait se mettre au clavecin, ne
voyant autour de lui que des courtisans, il s'adressa tout à coup
à l'empereur : « Est-ce que M. Wagensel, votre maître de cha-
pelle, n'est pas là? Faites-le donc venir. » Et lorque celui-ci fut
arrivé : « Monsieur, lui dit-il, je joue un de vos concertos, ayez
la bonté de me tourner les feuillets. » Cette assurance en lui-
même est un des traits du caractère de Mozart en toutes les cir-
constances de sa vie d'artiste.
Dans les premiers jours du mois de janvier 1763, la famille
Mozart retourna à Salzbourg chargée de lauriers, mais presque
aussi pauvre qu'auparavant. Chacun reprit ses travaux ordinai-
res. Le jeune Wolfgang avait rapporté devienne un petit violon
dont on lui avait fait cadeau, et sur lequel il s'exerçait tout seul
en s'amusant. Un jour Wengl, habile violoniste de la chapelle
du prince, étant venu avec un autre musicien, nommé Schacht-
ner, chez Léopold Mozart pour y essayer l'effet de quelques
nouveaux trios qu'il venait d'écrire pour deux violons et basse,
Wolfgang voulut aussi faire sa partie. Son père s'y opposa, pré-
tendant que, n'ayant pas étudié le violon par principes, il ne
pourrait les suivre. L'enfant se mit à pleurer. « Eh bien ! voyons,
lui dit son père, mets-toi à côté de M. Schachtner et double la
seconde partie avec lui, mais joue tout doucement, car si on
t'entend, je te renvoie. » A peine eut-on joué quelques mesures
que les trois artistes se regardèrent avec étonnement en enten-
dant l'enfant exécuter sa partie avec une remarquable précision.
Schachtner cessa déjouer, et le jeune Mozart continua jusqu'au
bout sans la moindre hésitation. Ce fut avec la même facilité
qu'il s'initia au mécanisme des autres instruments et qu'il de-
vina les secrets de l'harmonie.
Au mois de juin 1763, Léopold Mozart, sa femme et ses deux
enfants, entreprirent un long voyage à l'étranger. Ils traversèrent
toute l'Allemagne et visitèrent successivement Augsbourg, Mann-
heim, Mayence, Francfort, Coblentz, Cologne, Aix-la-Chapelle.
Partout le jeune Wolfgang, dont le talent grandissait chaque
jour, excita l'admiration générale par l'habileté de son exécu-
tion et par la fécondité de ses inspirations, en improvisant tour
à tour sur le clavecin, sur le violon et sur l'orgue, dont il faisait
mouvoir les pédales avec une agilité surprenante. Après avoir
donné à Bruxelles un concert auquel assistait le prince Charles,
la famille Mozart se dirigea sur Paris, où elle arriva le 18 no-
vembre, avec des lettres de recommandation pour le baron
de Grimm. Celui-ci, comme on le voit dans sa Correspondance
littéraire, devina le génie de Wolfgang , et usa de son crédit
pour le mettre en évidence.
Léopold Mozart et ses enfants furent présentés au baron d'Hol-
bach, au comte deTessé, au duc de Chartres, à la comtesse de
Clermont, et reçurent une invitation pour se rendre à la cour de
Versailles, où Wolfgang se fit entendre devant la famille royale
et recueillit de vifs applaudissements. Admis à l'honneur d'assis-
ter au grand couvert du roi, il est placé à côté de la reine Lec-
zinska, et lui parle avec une familiarité charmante. Il fut aussi
présenté à la marquise de Pompadour; mais l'orgueilleuse favo-
rite eut le mauvais goût de se refuser à ses gracieuses caresses :
« Qui est-ce donc que celle-là qui ne veut pas m'embrasser? s'é-
cria l'enfant; l'impératrice Marie-Thérèse m'a bien embrassé? »
Pendant le séjour de quelques mois qu'il fit à Paris, le jeune
virtuose publia deux œuvres de sonates pour le clavecin avec ac-
compagnement de violon, qu'il dédia, le premier à la princesse
Victoire, seconde fille du roi, l'autre à la comtesse de Tessé. Ces
charmantes productions d'un enfant de sept ans, qui auraient fait
honneur aux artistes les plus renommés de cette époque, font
partie de la collection de ses œuvres.
Le 10 avril 1764, la famille Mozart quitta la France pour aller
en Angleterre. Wolfgang ne produisit pas moins de sensation à
Londres qu'à Paris. Il touche de l'orgue devant le roi, qu'il
étonne par la facilité prodigieuse avec laquelle il exécute à pre-
mière vue la musique de Haendel et de Bach ; il écrit six sonates
de clavecin, qu'il dédie à la reine, compose une symphonie à
grand orchestre et donne des concerts où le public se rend en
foule. Après être restés environ quinze mois à Londres, Léopold
et sa famille s'éloignèrent de cette ville, suivis d'une renommée
qu'attestent tous les journaux de l'époque. Ils débarquèrent le
1er août 1765 à Calais, et se rendirent en Hollande en traversant
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
■277
le nord de la France et de la Belgique. Partout Wolfgang joue
de l'orgue dans les cathédrales et dans les collégiales qu'il ren-
contre sur son passage. Arrivés à La Haye, les deux enfants se
font entendre devant le prince d'Orange; mais peu de jours
après ils tombent dangereusement malades. Rien n'est plus tou-
chant que les lettres que, dans son désespoir, le bon Léopold Mo-
zart écrivit alors à son ami Hagenauer, propriétaire de la maison
qu'il habitait à Salzbourg, en lui recommandant de faire dire
des messes à presque tous les saints du paradis pour que Dieu
rende la santé à ses chers enfants. Ses vœux furent exaucés.
Après avoir donné deux concerts à la Haye, et dédié six nou-
velles sonates de clavecin à la princesse de Nassau- Weilbourg,
Wolfgang avec sa famille se rendit à Amsterdam, où il composa
des symphonies et d'autres morceaux pour les fêtes d'installation
du stalhouder, et reprit ensuite le chemin de l'Allemagne en
passant par Paris, Dijon, Lyon et la Suisse. A la fin de novem-
bre 1766, après trois années d'absence, ils étaient de retour à
Salzbourg. Wolfgang y reprit paisiblement ses études de compo-
sition sous la direction de son père. Prenant pour modèles clas-
siques les ouvrages de Handel et d'Emmanuel Bach, il méditait
en même les temps les œuvres de Scarlatti, de Léo, de Durante et
des autres maîtres de l'école italienne. C'est ainsi qu'en péné-
trant les mystères de la science et en s'appliquant à faire chanter
les parties d'une manière facile, élégante et naturelle, il se pré-
parait à devenir le suprême conciliateur entre le génie profon-
dément harmonique de l'Allemagne et le génie plein de charme
mélodique de l'Italie.
Les études du jeune Wolfgang furent interrompues par une
nouvelle tournée artistique que Léopold Mozart entreprit au
mois de septembre 1767. Toute la famille partit pour Vienne.
L'empereur François Ier était mort depuis deux ans; son fils
Joseph II lui avait succédé. Wolfgang fut admis à se faire en-
tendre devant ce prince, qui, étonné de la perfection de son jeu
et du mérite de ses improvisations, chargea le virtuose de douze
ans de composer la musique d'un petit opéra bouffe intitulé : La
finta Semplice. Wolfgang eut bientôt terminé la partition de
cette pièce ; mais il avait compté sans la jalousie que sa renom-
mée déjà européenne et le prodigieux développement de son ta-
lent avaient excitée parmi ses rivaux, et, bien que son œuvre
eût mérité l'approbation de Hasse et de Métastase, la finta Sem-
plice ne fut pas représentée. Il composa aussi à la même époque
un petit opéra-comique, traduit du français en allemand, Bas-
tien et Baslienne, qui fut joué à la maison de campagne du fa-
meux docteur Mesmer, ami de son père, ainsi qu'une messe à
quatre voix et orchestre, dont il dirigea lui-même l'exécution.
Après une excursion à Olmutz, où il échappa à une très-grave
maladie, qui le priva de la vue pendant neuf jours, Wolfgang
revint à Vienne et y séjourna jusqu'au mois de décembre 1768,
occupé à écrire de la musique d'église et de piano, et à terminer
un opéra. De retour a Salzbourg, il y passa l'année suivante à
se familiariser avec la langue italienne, et, dans les derniers jours
de 1769, il partit pour l'Italie, accompagné seulement de son
père. Mozart trouva dans ce voyage une compensation aux dé-
boires qu'il avait eu à supporter en dernier lieu à Vienne. Il
passe par Vérone, par Mantoue, et arrive à Milan, dont la popu-
lation l'accueille avec enthousiasme. Il visite les autres princi-
pales villes de la péninsule, et partout son talent d'exécution et
sa science excitent les mêmes transports d'admiration. A Bolo-
gne, le savant P. Martini demeure stupéfait en le voyant donner
la riposta in rigore modi à chaque sujet de fugue qu'il lui pro-
pose, et exécuter immédiatement après la fugue elle-même. A
Rome, pendant la semaine sainte, il entend exécuter à la chapelle
Sixtine le célèbre Miserere d'Allegri, et deux auditions lui suffi-
sent pour écrire de mémoire ce morceau compliqué, dont il était
défendu de communiquer des copies. Peu de jours après, il fait
entendre cette œuvre dans une assemblée. Le pape Clément XIV
a connaissance du fait. Loin d'en vouloir au jeune artiste, il veut
même qu'on le lui présente, et lui fait remettre ensuite la croix
et le brevet de chevalier de l'Éperon d'or (1). A Naples , en
jouant une sonate au conservatoire délia Pielà , devant Jo-
melli et une foule immense, il est obligé d'ôter une bague qu'il
portait à l'un de ses doigts, et à laquelle le public superstitieux
attribuait, comme à un talisman, une exécution merveilleuse.
Denne-Baron.
( La suite au prochain numéro. )
CONCOURS DU CONSERVATOIRE.
C'était, suivant l'usage, la tragédie et la comédie qui ouvraient
lundi dernier la série des concours publics. En voici les résultats :
TRAGÉDIE.
Hommes. — 1er prix : Laroche, élève de M. Provost. —
1er accessit : Hucherard, élève de M. Beauvallet. — 2e accessit :
Bonnaventure, élève de M. Beauvallet. — 3e accessit : Beauvallet,
élève de M. Beauvallet.
Femmes. — 1er prix : Mlle Eousseil, élève de M. Régnier.
— 2e prix : M1Ie Bernart, élève de M. Provost. — 1er accessit :
Mlle Nancy, élève de MUe Brohan.
COMÉDIE.
Hommes. — 1er prix : Laroche, élève de M. Provost. —
1er accessit : Andrieu, élève de M. Provost.
Femmes. — 1er prix : MUe Dambricourt, élève de M. Régnier.
— 2e prix : MUe Rousseil, élève de M. Régnier. — 1er accessit :
Mlle Bernart, élève de M. Provost, et M"e Petitet, élève de
Mlle Brohan. — 2e accessit : MUes Roussel et Lloyd, toute deux
élèves de M. Régnier. — 3e accessit : Mlles Nancy et Surand,
toutes deux élèves de Mlle Brohan.
CHANT.
Hommes. — 1er prix : Caron, élève de M. Laget, et Morère,
élève de M. Révial. — 2e prix : Lédérac, élève de M. Grosset.
— 1er accessit : Péront, élève de M. Laget. — 2e accessit :
Vidal, élève de M. Laget. — 3e accessit : Rougé, élève de
M. Grosset.
Femmes. — 1er prix, à l'unanimité : Mlle Marie Cico, élève
de M. Révial. — 2e prix : Mlle Enequist, élève de M. Masset ,
et Mlle Brou, élève de M. Révial. — 1er accessit : MlleReboux,
élève de M. Grosset, et Mlle Simon, élève de M. Battaille. —
2e accessit : Mlle Chaudouet et Mlle Rey , toutes deux élèves de
M. Révial. — 3e accessit : Mlle Rolin, élève de M. Masset , et
M1Ie Ebrard, élève de M. Laget.
PIANO.
Hommes. — 1er prix : Bernard, élève de M. Laurent, et
Lavignac, élève de M. Marmontel. — 2e prix : Emmanuel,
élève de M. Marmontel. — 1er accessit : Veigand, élève de
M. Marmontel. — 2e accessit : Lepol-Delahaye, élève de M. Mar-
(1] Mozart ne porta cette croix que dans sa jeunesse, dans les villes im-
périales et dans son voyage à Paris, d'après les ordres formels de son père.
278
LE MÉNESTKEL.
montel. — 3e accessit : Martin, élève de M. Marmontel , et
Suiste, élève de M. Laurent.
Femmes. — 1er pris : Mlles Lechesne et Blanc, élèves de
M. Lecouppey , et Mlle Peschel, élève de M. Herz. — 2e prix :
Mlle Bessaignet, élève de Mme Farrenc, et Mlle Deshays, élève
de Mme Coche. — 1er accessit : Mlle Bernard, élève de M. Herz.
— 2e accessit : MIIe de Biéville, élève de Mme Coche, etM,le Cel-
lier, élève de M. Lecouppey. — 3e accessit : Mlles Mérargue et
Fetitjean, élèves de M. Lecouppey.
OPÉRA-COMIQUE.
Hommes. — 1er prix, à l'unanimité : Capoul, élève de M. Bé-
vial pour le chant, et, pour l'opéra-comique , de M. Mocker.
— 2e prix : Geraizer, élève de M. Laget pour le chant, et, pour
l'opéra-comique, de M. Morin. — 1er accessit : Péront, élève
de MM. Laget et Mocker, et Dervieux, élève de MM. Bévial et
Mocker.
Femmes. — 1er prix, à l'unanimité : Mlle Balbi, élève de
MM. Grosset et Mocker, et M118 Marie Cico, élève de MM. Bé-
vial et Mocker. — 2e prix : MUe Simon, élève de MM. Battaille
et Mocker; MIle Beboux, élève de MM. Grosset et Mocker, et
Mlle Bolin, élève de MM. Masset et Mocker. — 1er accessit :
M1Ie Saint- Aguet, élève de M. Morin, et Mlle Dupin, élève de
MM. Bévial et Mocker. — 2e accessit : M"e Bosez, élève de
MM. Lagez et Morin. — 3e accessit : Mlle Ceronetti, élève de
MM. Giuliani et Mocker, et Mlle Gallino, élève de MM. Giu-
liani et Morin.
VIOLONCELLE ET VIOLON.
Violoncelle. — 1er prix : Babaud, élève de M. Franchomme.
— 2e prix : Loys, élève de M. Franchomme. — 1er accessit:
Thalgrùn, élève de M. Franchomme. — 2e accessit : Pfotzer, élève
de M. Chevillard.
Violon. — 1er prix : Willaume et Jacobi, tous deux élèves de
M. Massart; Mlle Castellan , élève de M. Alard. — 2e prix :
Lelong, élève deM. Sauzay.— 1er accessit: Muratet, et 2e accessit:
Labatut, élèves de M. Dancla. — 3e accessit : Binck, élève de
M. Sauzay.
GRAND OPÉRA.
Dimanche prochain, en signalant les lauréats qui se sont distin-
gués d'une manière particulière, nous ferons connaître les élèves
qui ont remporté les prix de grand opéra, dont le concours a eu
lieu hier samedi. — Nous donnerons en même temps les noms
des lauréats des concours de harpe et d'instruments à vent, fixés
pour demain et après-demain, mardi 29 et lundi 30 juillet.
CONCOURS DE MUSIQUE RELIGIEUSE.
Le concours de musique sacrée, fondé par les éditeurs de la Maîtrise,
sous le patronage du Congrès de musique religieuse, n'ayant pas tenu ce
qu'il pouvait promettre (au point de vue surtout du mérite des œuvres
adressées à la Commission d'examen) , ce concours vient d'être l'objet
d'une nouvelle prorogation, motivée d'ailleurs par la haute sollicitude de
S. M. l'Empereur, qui a bien voulu attribuer une médaille en or aux
pièces couronnées. Une autre médaille d'honneur est également sollicilée
auprès de S. Exe. le ministre des cultes, par MM. les membres du Congrès
de musique religieuse, ce qui portera les médailles en or au nombre de
cinq, sans préjudice des médailles en argent et en bronze. La Commission
d'examen est définitivement formée : M. le prince Poniatowski, M. le gé-
néral Mellinet, M. l'abbé Pelletier, président du Congrès, M. Dietsch, direc-
teur de l'école de musique religieuse, ont bien voulu se joindre à la Com-
mission de la Maîtrise, composée de MM. Ambroise Thomas, Gounod,
F. Benoist et J. d'Ortigue. La présidence sera offerte à M. Auber, l'illustre
directeur du Conservatoire et de la chapelle impériale, qui a déjà accepté
la qualité de membre de la Commission. M. de Vaucorbeil remplira les
fonctions de secrétaire. La nouvelle prorogation accordée pour l'envoi des
manuscrits (écrits spécialement pour les offices des petites et grandes pa-
roisses, orgue et chant), est de trois mois, à partir du 1er août 1861. Tous
les compositeurs, organistes et maîtres de chapelle, français et étrangers,
sont admis à concourir. Écrire franco, à M. J.-L. Heugtl , directeur du
Ménestrel et éditeur de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne, pour recevoir le
programme du concours.
NOUVELLES DIVERSES.
— Voici le bulletin du désastre causé par l'incendie du magasin des dé-
cors de l'Opéra :
Cent trpnte-trois décors ont été brûlés. On doit ajouter à cette première
perte la destruction de 1,000 mètres de toile neuve et de 3,000 mètres de
vieille toile, celle des cjiariots de transports, de la provision de bois et des
outils employés à la confection des châssis. Ce dommage peut déjà èlre éva-
lué de 700 à 750,000 francs.
Les bâtiments des magasins représenlaient, en outre, une valeur de cons-
truction de 150,000 francs. Ce n'est plus en ce moment qu'un monceau
de cendres noires. En ajoutant ces chiffres de la perte matérielle à celui des
dommages causés aux maisons voisines, on verra que le sinistre de celte
nuit a coûté environ un million.
Parmi les ouvrages dont les décorations sont détruites en totalité ou en
partie, nous mentionnerons : Sémiramis, Tannhauser, la Sylphide, Orfa,
la Reine de Chypre , la Magicienne , etc.
Par bonheur, tout le répertoire courant se trouvait rue Lepelletier. Le
matériel des pièces qui se jouent ordinairement est par conséquent intact,
et le service ne subira aucune interruption. Lès décors à'Alceste, qui ve-
naient d'être terminés, ont aussi échappé; ils avaient été transportés la
veille au théâtre pour être réglés.
La perte résultant de la deslrution du matériel scénique est considérable,
si on l'évalue en se reportant au prix d'acquisition ; elle est relativement peu
importante, si l'on ne tient compte que de sa valeur actuelle. Le matériel
détruit était en partie vieux, usé, et généralement en assez mauvais état.
De plus, ses proportions trop étroites n'auraient plus été en rapport avec
celle de la salle que l'on va construire et qui sera achevée dans trois ans.
— La Gazette de Vienne publie un rapport en faveur des artistes des théâ-
tres allemands, en Hongrie, qui ont été fermés pour la plupart (quarante-
deux), laissant dans la plus triste position le personnel attaché à tous ces
établissements.
— Un musicien de la Chambre grand ducale de Saxe-Weimar est mort
tout récemment, à l'âge de quatre-vingt-six ans. F. Schloemich, c'est^le
nom du défunt, avait assisté à toutes les premières représentations des
chefs-d'œuvre de Schiller et de Goethe ; de plus, il a donné des leçons de
clavecin aux enfants de Schiller.
— On lit dans le Musical-World, à propos de l'opéra de Noé ou le Dé-
luge (musique de Halévy), ouvrage projeté au Théâtre-Lyrique :
« Ce sujet n'est pas trop ambitieux pour le génie d'un Français. La chute
des empires, le craquement des mondes, les cataclysmes de toute nature,
composent le régime quotidien des muses parisiennes : Heureuse nation !
Être si magnifiquement douée I . . . ou croire l'être ! . . . »
Vous voyez que notre cher confrère le Musical-World, pour le ton aigre-
doux, est un Times au petit pied.
— On écrit de Londres que le Comité du festival de Birmingham ac-
corde à la jeune cantatrice, M1Ie Piatti, pour quatre concerts, la somme de
500 guinées (12,500 fr.)
Parmi les dernières créations de Mlle Piatti, au théâtre de Covent-Garden,
il faut citer particulièrement le rôle de Zerlina de Don Giovanni, que la
jeune artiste a joué et chanté d'une façon merveilleuse. — Faure, de son
côté, remplit avec beaucoup de distinction le personnage de don Juan.
— Les journaux de Turin nous apprennent que la direction du Théâtre-
Tloyal vient d'être accordée à M. Merelli, auquel ont déjà été confiées les
destinées des théâtres royaux de Milan. On lui donne une subvention de
80,000 francs, et l'école de ballet sera payée par le gouvernement.
— On nous écrit de Bade : « Les concerts du salon Louis XIV soutien-
nent leur renommée ; les deux derniers ont été des plus brillants. Honorés
de la présence de LL. MM. le roi et la reine de Prusse, de LL. AA. RR. le
grand duc et la grande duchesse do Bade , ils réunissaient en outre la fine
fleur de la société qui afflue en ce moment dans celte incomparable rési-
dence. M110 Baretti a très-heureusement débuté dans l'air des Mousque-
taires, la romance de l'Abeille, la valse du Pardon, l'air des Hugue-
nots, etc. Mllc Oclavie Caussemille a réussi comme les années précédentes,
NOUVELLES ET ANNONCES.
279
non-seulement dans la musique consacrée, mais dans ses propres compo-
sitions, notamment dans sa fantaisie sur divers motifs de la Traviata. Une
autre de ses productions , la Polka chinoise, s'exécute aujourd'hui au
kiosque de la Conversation et y obtient un grand succès. Sighicelli aussi
s'est posé comme compositeur dans ses souvenirs de Rigoletto, pour violon
seul, et dans un duo de Rigoletto, pour piano et violon. Il a mérité de vifs
applaudissements dans ces deux morceaux et le Trémolo de De Bériot ,
qu'aucun artiste n'exécute mieux que lui. 11 est inutile d'insister sur la
manière dont il a été secondé par Mlle Caussemille dans le duo de Rigo-
letto. Balla a soutenu sa renommée dans ses Souvenirs de Gluck, sa fan-
taisie sur Norma et Passiflore, etc. Deux grands morceaux classiques ,
un quintetto et un septuor de Hummel ont été magistralement exécutés
par Mllc Octavie Caussemille, MM. Sighicelli , Batta, Oudshorn, Kretsch-
mar, Schlufter , Rucquoy , Doerschel et Steenebruggen. — On annonce
pour le 31 de ce mois, la première représentation de l'opéra inédit de
M. Gevaërt (paroles de MM. Cormon et Amédée Achard). D'ici là, deux
autres concerts avec M"e Battu, Jules Lefort, etc., et puis après
n'anticipons pas. Bornons-nous à suivre cette série non interrompue des
fêtes artistiques de Bade ; nous aurons assez à faire comme cela, u
— Le jury du grand concours de composition musicale, institué par le
gouvernement belge, s'est réuni le samedi 20 juillet dans la grande salle
académique du Palais du Musée, à Bruxelles, pour entendre l'exécution de
la cantate de chacun des sept concurrents qui ont pris part à la lutte. Après
cette exécution, le jury, procédant au jugement quant au mérite de ses
œuvres, a décidé qu'il n'y avait pas lieu à décerner un premier prix. Le
2e prix est décerné en partage à MSI. Dupont jeune, de Liège, et Vander-
velpen, de Malines. La mention honorable est accordée à M. Van Hoye,
de Malines. Le 1er prix n'étant pas décerné, c'est 10,000 fr. qui resteront
disponibles au budget de l'État cette année.
■ — On nous écrit de Vichy que la présence de l'Empereur communique
à cette ville thermale un mouvement extraordinaire. Les concerts et les
fêtes se succèdent sans interruption. Tous nos virtuoses affluent ou sont
successivement attendus. L'orchestre du Casino , sous le direction de
Bernardin, — depuis l'abdication de Strauss, — se fait applaudir au bal
comme au concert. Parmi les solistes, on cite le hautbois Garimond, le
flûtiste Miramontetle violoncelliste Alard, dont la jeune femme, cantatrice
distinguée, vient d'être engagée pour plusieurs concerts. Le théâtre a fait
élection de domicile à Vichy : les artistes du Palais-Royal, — Ravel en
tète, — s'y sont transportés, sur un ordre impérial. On porte à un chiffre
considérable le nombre des étrangers accourus vers Vichy pendant le mois
de juillet.
— Un beau concert vient d'être donné à Sens, pour l'inauguration de la
statue érigée à la mémoire du baron Thénard. M. Alard, Mme Pauline Viar-
dot et Mlle Balbi, — qui vient de remporter à l'unanimité le premier prix
partagé d'opéra-comique, — ont fait les honneurs de ce concert. De nom-
breux discours ont été prononcés à l'occasion de celte solennité, par M. le
sénateur Dumas, d'abord, puis par MM. Camille Doucet et Arsène Hous-
saye, chargés de représenter S. Exe. le ministre d'État.
— La ville de Caen prépare de grandes fêtes pour la fin de juillet et le
commencement d'août. Le lundi 5, aura lieu un festival composé de six
cents musiciens (orchestre et chœur). On exécutera la symphonie en ut
mineur de Beethoven, des fragments de Moïse, de Jérusalem, l'ouverture
de Freyschutz, etc. M. Pasdeloup est chargé de la direction de cette so-
lennité.
— Il s'est formé, à Orléans, une nouvelle société musicale sous l'invo-
cation de Sainte-Cécile. Le directeur est M. Salesses.
— Dans un concert donné à Chalon-sur-Saône , par MM. Géraldy et
Georgis, violoniste distingué , on a eu occasion d'entendre les meilleures
pages classiques et légèresdu répertoire de Géraldy. Le Courrier de Saône-
et-Loire s'étend longuement sur l'accueil fait à ce chanteur multiple, passant
avec une merveilleuse facilité du pathétique au bouffe, de la basse au ba-
ryton, du ténor au soprano, par le brillant et la netteté de ses vocalises de
voix de tête. Qu'on eu juge plutôt par le programme défrayé par Géraldy.
Dans la même soirée : les airs de Joseph et du Toréador, la romance de
Joconde, la sérénade de Gounod, le Fils du Corse, d'Auguste Morel ; la
Chanson d'Amour, de Membrée; le Nid abandonné, de Gustave Nadaud;
Comme à vingt ans, de Durand, et la mélodie de soprano d'Edmond Hoc-
melle ; Rien, chantée, il y a quelques années, dans nos concerts de la salle
Herz, par Mme Charles Ponchard.
— Mlle Laguesse, et le violoncelliste Nathan, de retour d'Allemagne où il
avait été appelé pour plusieurs concerts, se disposent à partir pour une
tournée aux bains de mer ; ils sont attendus à Boulogne, et de là ils con-
tinueront leur pérégrination sur toute la côte de Normandie.
— L'exposition universelle de Metz a fait connaître d'une manière plus
complète les excellents pianos de MM. Mangeot frères et Ce, de Nancy, qui
fabriquent toutes pièces sur place. Ces pianos rivalisent avec les bons
pianos de Paris. Nous en dirons autant de ceux exposés par la maison
Lelë, à l'exposition universelle de Nantes. On reconnaît là les instruments
d'un habile facteur.
— Une partie de la division de l'Orphéon de Paris, dont M. F. Bazin est di-
recteur, a pris part à la quarante-sixième assemblée générale de la Société,
pour l'instruction élémentaire. M. Foulon conduisait les orphéonistes. La
Prière de lu Muette, d'Auber; le chœur des Matelots de l'Adriatique, de
M. François Bazin ; celui de M. Ambroise Thomas, France I France! ont
été vivement applaudis par le public. La fable du Loup et de l'Agneau,
composition de M. François Bazin, a produit un grand effet et a terminé
très-heureusement le concert.
— VAlceste, de Gluck, que l'on va représenter incessamment à l'Opéra,
est en vente au Ménestrel, chez l'éditeur Girod, 16, boulevart Montmartre.
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Encore un deuil prématuré qui vient frapper de consternation les artistes
et les habitués de nos théâtres : Mme Raphaël Félix (Amédine Luther), que
le public avait suivie de ses sympathies, de la Comédie-Française au Gym-
nase, et du Vaudeville à la Porte-Saint-Martin, vient d'être enlevée bien
cruellement à sa famille et à ses nombreux amis. Mme Félix- Luther n'avait
que trente-un ans!. . . Son service a été célébré hier, samedi, à l'église
Notre-Dame-de-Lorette. Les regrets universels ont accompagné la femme
et l'artiste à sa dernière demeure.
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6. Dors , ô mes amours I » 80
7. Le Retour des Cloches I »
8. L'Aube du jour » 80
9. Garde à vous 1 1 »
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Rouen, de la cathédrale de Bourges, du collège des Jésuites, à Namur (Belgique) ; de la cathédrale de Viviers, de la cathédrale de Dijon, de la cathédrale deLyon,
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2e — Hymne de joie (avant la distribution des prix)
3° — Hymne de joie (après la distribution des prix)
4e partie. Le Foyer domestique, la Campagne, chœur et soli. 2
5e — Les Voyages, le Rhin, les Alpes, id. id.. 3
6e — Hymne final, Dieu , l'Homme, la Création 3
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Poésie de
ROGER DE BEAUVOIR.
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i\" 1. Partition complète et parties séparées: O f . | T\° 3. Réduction pour chant et piano : 4 f . 70 c.
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Hiver et Printemps.
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Adieu les Fées.
Fais-toi petit.
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777. — 28e Année.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 4 Août
1861.
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On souscrit du 1er de chaque mois. — L'année commence du 1=' décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. Adresser franco
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I. Concours du Conservatoire et distribution des prix de l'École de musique reli-
gieuse de Paris. J.-L. Helgel. — II. Semaine théâtrale. J. Loty. — III. Ta-
blettes du pianiste et du chanteur : Mozart et ses œuvres {2e article). Denne-
Baron. — IV. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numérode ce jour:
ÊTRE DEUX,
Poésie de M. le baron de C***, musique de L. de Saint-Gervais. —
Suivra immédiatement après : le Bonhomme Séraphin, paroles et mu-
sique de Gustave Nadaud.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
MOSAÏQUE-POLKA. ,
Composée sur les opérettes de J. Offenbach, par J.-C. Engel. —Suivra
immédiatement après : Carillon, polka-mazurka de Joseph Braga.
CONCOURS DU CONSERVATOIRE.
GRAND OPÉRA.
Ainsi que nous l'avions annoncé dimanche dernier, le con-
cours de grand opéra s'est effectué le samedi 27. Commencé dès
neuf heures du matin, ce concours s'est prolongé jusqu'à près
de cinq heures de l'après-midi. Il est vrai que vingt élèves se
sont fait entendre dans dix-huit grandes scènes accompagnés
successivement au piano par M. Henri Potier, qui a réalisé le
même tour de force pour les dix-sept élèves d'Opéra-Comique,
— température de trente à quarante degrés Réaumur ; —
parlez-nous, après cela, des travaux d'Hercule.
Dans le concours de grand opéra, on a surtout remarqué
M. Morère, qui promet un fort agréable ténor à l'Académie im-
périale de musique. 11 a remporté son premier prix à l'unanimité
dans la grande scène des Huguenots du 4e acte, dont MUe Ro-
zès (2e prix partagé), a tenu le personnage de Valentine.
Parmi les femmes, MIIes Cico et Enequist ont bien mérité du
grand opéra. N'est-ce point le moment de rappeler que Mlle Marie
Cico a partagé les trois premiers prix, de chant, d'opéra-co-
mique et de grand opéra. C'est tout un triomphe pour cette
Dugazon des Rouffes-Parisiens, que nous ne tarderons pas à sa-
luer prima-donna de la rue Lepelletier.
Voici, du reste, les nominations du concours du Grand-Opéra,
avec les noms des professeurs qui ont bravement conduit leurs
élèves à la victoire, car de semblables journées ne sont rien
moins que de véritables batailles :
Hommes. — 1er prix, à l'unanimité : Morère, élève de M. Ré-
vial pour le chant, et, pour l'opéra, de M. Duvernoy. — 2e prix,
à l'unanimité : Capoul, élève de M. Révial et de M. Duvernoy.
— 1er accessit, à l'unanimité : Lédérac, élève de M. Grosset et
de M. Duvernoy. — 2es accessits : Mendioroz, élève de M. Fon-
tana et de M. Levasseur, et Péront, élève de M. Laget et de
M. Levasseur. — 3e accessit: Feitlinger, élève de M. Levasseur.
Femmes. — 1ers prix : Mlle Marie Cico, élève de M. Révial
et de M. Duvernoy, et M"e Enequist, élève M. Masset et de
M. Levasseur. — 2es prix, à l'unanimité : MUe Rosez, élève de
M. Laget et de M. Duvernoy, et Mlle Simon, élève de M. Ba-
taille et de M. Levasseur. — 1ers accessits à l'unanimité : Mlle Du-
pin, élève de M. Révial et de M. Duvernoy, et MUe Reboux,
élève de M. Grosset et de M. Duvernoy. — 2es accessits, à l'una-
mité : MUe Walliang, élève de M. Duvernoy, et Mlle Garraud,
élève de M. Masset et de M. Levasseur. — 3es accessits : MUeSaint-
Aguet, élève de M. Levasseur, et M"e Grenier, élève de M. Pau-
lin et de M. Levasseur.
Le jury se composait cette fois de M. Auber, directeur-prési-
dent, assisté de M. Edouard Monnais, commissaire impérial
près le Conservatoire, et de MM. Camille Doucet, chef de la di-
vision des théâtres au ministère d'État ; Halévy, secrétaire per-
282
LE MÉNESTREL.
pétuel de l'Académie des Beaux-Arts ; Ambroise Thomas, de
l'Institut ; Leborne, archiviste de l'Opéra et professeur de compo-
sition; de Saint-Georges, auteur dramatique, Plantade et notre
ténor Roger, l'incarnation d'un jury vocal et dramatique.
Nous parlions tout à l'heure des travaux d'Hercule ; que dire
de ceux de notre illustre et infatigable directeur du Conserva-
toire? Chacun de ces laborieux concours a été présidé par
M. Auber en personne, sans une minute de répit, sans, même
la douceur réglementaire du déjeuner, qui accorde une demi-
heure d'entr'acte à MM. les membres du jury. Secondé par son
honorable et fidèle secrétaire, M. de Beauchesne, chargé de-
puis trente-quatre ans de la rédaction des procès-verbaux, on
peut dire que durant cette quinzaine de concours, M. Auber a
consommé plusieurs séries de jurés. Nous devons signaler à ses
côtés M. Edouard Monnais, commissaire impérial, que nous
avons constamment vu sur la brèche. M. Camille Doucet assis-
tait aux concours de tragédie, de comédie et d'opéra ; M. Ca-
banis, à celui d'opéra comique.
MM. Ambroise Thomas, Georges Kastner et F. Benoist ont
aussi très-largement payé leur tribut de fidélité aux travaux du
jury, et enfin, l'on a remarqué avec plaisir, MM. Alphonse
Royer, Edouard ThierryetEmile Terrin, MM. Germain Delavi-
gne, Jules Sandeau , de Saint-Georges, parmi les juges des
concours spéciaux du théâtre.
M. F. Halévy brillait modestement dans la loge directoriale
pour les concours de chant, d'opéra comique et de grand opéra.
Le général Mellinet lui a succédé pour les concours d'instru-
ments.
Du grand opéra, jetons un coup d'ceil rétrospectif sur l'opéra
comique. Là, s'est révélénon-seulemenlM.Cupoul, que M. Beau-
mont vient de s'attacher, mais encore une de nos charmantes
cantatrices de concerts, M"e Balbi, à qui l'on ne soupçonnait pas
les qualités scéniques qu'elle a si brillamment développées dans
la scène du Caïd. Aussi le Grand-Théâtre de Marseille, qui suit
de près notre Conservatoire, a-t-il fait des propositions califor-
niennes à Mlle Balbi, qui lésa tout simplement.... refusées. C'est
l'Opéra-Comique qui seul tente la nouvelle prima-donna, et
M. Eeaumont n'est pas homme à s'y opposer, bien au contraire.
L'engagement est comme signé.
Puisque nous avons nommé M. Capoul, premier prix d'opéra
comique et deuxième prix de grand opéra, racontons comment
le prix de chant lui est échappé de la voix, — je veux dire des
mains, — au moment où le jury le lui réservait comme légitime
conséquence de son second prix de l'an dernier et d'études cons-
ciencieusement terminées:
C'est' un nouveau venu, tout récemment envoyé au Conserva-
toire par la ville de Rouen, M. Caron, élève de M. Laget, qui
s'est produit sans bruit, sans précédents, et a enlevé d'assaut ce
premier prix en véritable zouave. Ce fait d'armes est tout un évé-
nement.
Quelques jours avant, M. Delahaye (classe Marmonlel), était
moins heureux. Il concourait également pour la première fois;
le public lui décernait un premier prix on tout au moins le se-
cond; mais le jury des pianistes, — MM. Ravina, Lefébure,
Wolff, Cohen, — ne lui a reconnu qu'un deuxième accessit. Plu-
sieurs salves d'applaudissements ont dédommagé M. Delahaye.
Le jury des pianistes ne s'est-il pas aussi montré bien sévère
pour M. David (classe Laurent) qui possède une main gauche re-
marquable? On lui reproche peu de style et une certaine exagé-
ration d'effets. Il faut avouer que le concerto dé Kalkbrenner,
choisi pour les classes d'hommes, n'est pas fait pour donner le
goût de la bonne musique.. — Où chercher, où prendre le style
dans cette longue page incolore?
Parlez-nous du concerto des femmes. — Il a été joué vingt-six
fois et n'a causé aucune lassitude ; aussi Chopin a-t-il mérité
trois premiers prix à ces dames : M"es Lachaîne et Blanc de la
classe Leeoupey, et M"e Peichel, élève de Herz. Les seconds prix
ont touché de bien près aux premiers : citons M"e Bessaignet et
M1Ie Dehays-Meifred, nièce de notre excellent professeur Meifred,
et remarquable élève de Mme Coche. Il n'est pas jusqu'aux ac-
cessits qui n'aient partagé les ovations de l'auditoire. Bravo,
Mllts Bernard, de Biéville et Cellier.
Pour en revenir au concerto de Kalkbrenner, on comprendra
que nous devions de doubles éloges à M. Bernard, au jeune Lavi-
gnac (1ers prix), à MM. Emmanuel et Veigand (2e prix et 1er ac-
cessit), classes Marmonlel et Laurent.
Du piano à l'orgue il n'est qu'un pas, -si bien que les lauréats
de piano le deviennent presque tous l'année suivante de la classe
de M. F. Benoist, auquel il est donné de produire dans le mo-
deste silence du huis-clos des organistes-eonlrapoinlistes , fu-
guistes et improvisateurs.
Parlerons-nous des instruments à cordes, des instruments à
vent? Certes ce serait notre devoir. Mais la distribution des prix
de V École de musique religieuse de Paris nous réclame. — Bé-
sumons donc nos impressions de ces derniers concours en un
hommage aux professeurs qui assurent l'avenir de nos orchestres
par un aussi grand nombre d'habiles instrumentistes.
Un dernier mot. — Encore une femme qui vient de se pro-
duire avec un certain éclat au concours des violonistes. M"e Cas-
tellan a succédé, comme 1er prix, à Mlle Maria Boulay. En re-
vanche la harpe est de plus en plus délaissée; un seul accessit a
été décerné à M1,e Laudoux.
On peut affirmer que ce concours a été le seul réellement fai-
ble de l'année scolaire. Tous les autres témoignent d'une noble
émulation et de soins consciencieux. Et quand nous aurons dit
que plus de quatre cents élèves y ont pris part avec plus ou moins
de supériorité, nous aurons constaté un fait : c'est que le Conser-
vatoire impérial de musique et de déclamation produit aussi bien
que possible, dans les humbles conditions budgétaires qui lui
sont imposées.
CONCOURS DES INSTRUMENTS A VENT.
Les concours de harpe, de flûte, de hautbois, de clarinette,
de basson, de cor, de cor à pistons et de trompette ont eu lieu
lundi. En voici le résultat.
Le jury se composait de M. Auber, directeur, assisté de
M. Éd. Monnais, commissaire impérial; de M. le général de di-
vision Mellinet, inspecteur des musiques militaires de l'Empire;
de M. Georges Kastner, de l'Institut; de MM. Benoist, Pasde-
loup, Emile Jonas, professeurs du Conservatoire ; de M. Paulus,
chef de musique de la garde de Paris; et de M. Frédéric Du-
vernoy, artiste de l'Opéra.
HARPE.
Professeur, M. Prumier père. — 1er accessit : MUc Laudoux.
FLDTE.
Professeur, M. Dorus. — 1ers prix : Thorpe et Génin. —
2e prix . Bicîiard. — 1er accessit : Conlié. — 2e accessit : Donat.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
283
IIAUTBOIS.
Professeur, M. Verronst. — 1er pris : Fourcade-Cancellé. —
2e prix : Magnien. — 1er accessit : Nicolleau. — 2e accessit :
Bonnet.
CLARINETTE.
Professeur, M. Klosé. — 1er prix : Raimond. — 2e prix :
Pesqueur (1er). — 1er accessit : Lardeur. — 2e accessit : Her-
nandez. — 3e accessit : Faivret.
COR A PISTONS.
Professeur, M. Meifred. — 1er accessit : Dourthe. — 2e ac-
cessit : Lelong.
TROMPETTE.
Professeur, M. Dauverné. — 1er prix : Mignot. — 2e prix :
Laurent. — 1er accessit : Dossunet; 2e accessit : Leroy.
BASSON.
Professeur, M. Cokken. — 1ers prix : Bourdeau. — 2es prix :
Schubert. — 1er accessit : Beruau. — 2e accessit : Baussart.
COR.
Professeur, M. Gallay. — 1er prix : Wibo. — 1er accessit :
Riche.
Les concours de trombonne, de cornet à pistons, da saxophone
et de saxhorn avaient lieu le lendemain mardi.
Le jury se composait de MM. Auber, Ed. Monnais, le général
Mellinel, G. Kastner, Bcnoist, Benaud de Vilbac, Emile Jonas,
Cokken et Frédéric Duvernoy.
TROMBONNE A COULISSE.
Professeur, M. Dieppo. — 1er prix : Lautier. — 2e prix :
Carro. — 1er accessit : Blancard.
TROMBONNE A PISTON.
Professeur, M. Dieppo. — 1ers prix : Noël et Fave. — 2e prix :
Pochon. — 1er accessit : Beboul. — 2e accessit : Hautecœur.
SAXOPHONE.
Professeur, M, Adolphe Sax. — 1ers prix : Bévérand, Daynès
et Lapasset. — 2es prix : Eyckermanns et Decalonne. — 1er ac-
cessit : Guérin. — 2e accessit : Bonnange aîné. — 30S accessits :
Certain et Molle.
SAXHORN.
Professeur, M. Arban. — 1ers prix Dimier, Ponché et Mû-
rier. — 2es prix : Flahant, Asloin et Amann. — Accessits :
Mullot et Voiluret.
Ces deux derniers concours (saxophone et saxhorn) ont été
des plus remarquables.
DISTRIBUTION DES PRIX
de l'Ecole «le SEusique religieuse tic Paris.
Lundi dernier a eu lieu h VÊcole de musique religieuse de
Paris, la dislribulion des prix sous la double présidence de
M. Hamille, chef de divison au ministère des cultes, de M. le
prince J. Poniatowski, président du jury d'examen de l'École.
Yoici les noms des lauréats.
COMPOSITION MUSICALE.
Prix donné par S. Exe. le ministre des cultes :
Eugène Gigout, boursier de Mgr l'évêque de Nancy.
Accessit : Gabriel Taure, boursier de Mgr l'évêque de Pa-
miers.
nARMOME.
Prix : Emile Lehmann, boursier de Mgr l'évêque de Stras-
bourg.
1" accessit : Ernest Legrand, boursier de Mgr l'évêque de
Nantes.
ORGUE. 1™ DIVISION.
Rappel du 1er prix : E. Gigout, déjà nommé.
1er prix donné par S. Exe. le ministre des cultes : Adolphe Die-
trich, boursier de Mgr de Strasbourg.
2e prix : E. Lehmann, déjà nommé.
Accessit : Edmond Audran, boursier de S. Em. le cardinal
archevêque de Paris.
2e DIVISION.
Prix : Laurent Giroux, boursier de Mgr l'évêque de Relley.
Mention honorable : Ernest Legrand, boursr de Mgr de Nantes.
PLAIN-CriANT.
Rappel du 1" prix : E. Gigout, déjà nommé.
1er prix donné par S. Exe. le ministre des cultes.
Emile Lehmann, déjà nommé.
PIANO. — lre DIVISION.
Rappel du 1er prix : G. Pauré, déjà nommé.
Rappel du second 1er prix : Adam Laussel, boursier de Mgr de
Paris.
1er prix : E. Gigout, déjà nommé.
2e prix : A. Dietrich, déjà nommé.
2e second prix : Albert Périlhon, boursier de Mgr de Car-
cassonne.
1er accessit : E. Lehmann, déjà nommé.
2e accessit : E. Legrand, déjà nommé.
2e DIVISION.
Prix : Eugène Marlois, boursier de Mgr d'Arras.
1er accessit : Eugène Wintzweiller, boursier de Mgr de Stras-
bourg.
2e accessit : Fidèle Kocnig, boursier de Mgr de Paris.
Mention honorable : Donat Schuler, boursier de Mgr de
Strasbourg.
Celle distribution des prix aura précédé de quelques pas celle
du Conservatoire fixée, à jeudi prochain, et qui, dit-on, sera pré-
sidée par S. Exe. le ministre d'État en personne. Comme on l'a
vu plus haut, non-seulement M. le sénaleur prince Poniatowski
présidait la distribution de l'Ecole de musique religieuse de Pa-
ris, mais M. Hamille, chef de division des cultes, avait été délégué
par S. Exe. M. le ministre de l'instruclion publique et des cultes
dans le même but. Au nom du ministre, M. Hamille a fait enten-
dre de bonnes paroles sur l'avenir de celle institution un inslant
menacée par la perle si regreltable de son éminent fondaleur,
M. Louis Niedermeyer. Il a rendu justice au dévouement de
chacun, et assuré les professeurs comme les élèves de la haute
sollicitude du gouvernement, qui continuera de patronner l'É-
cole de musique religieuse de Paris, destinée à régénérer la mu-
sique sacrée en France.
J.-L. Heugel.
Voici les noms des professeurs chargés des études musicales
à l'École de musique religieuse de Paris :
Harmonie et Composition. — M. Dielsch, maître de chapelle
de la Madeleine.
Orgue et Plain-chant. — M. Clément Loret, organiste de
Saint-Louis d'Anlin.
Piano. — M. Camille Saint-Saens, organiste de la Madeleine.
234
LE MÉNESTREL.
SEMAINE THÉÂTRALE.
On nous annonce le retour de Faure, qui devait débuter sur
la scène de notre Grand-Opéra dans Guillaume Tell ; mais le
départ de Gueymard ajourne forcément ce projet. Faure paraîtra
d'abord, dit-on, dans le Trouvère ou la Favorite, mais rien de
positif n'est encore décidé à ce sujet ; ce qui est certain, c'est la
reprise très-prochaine de Pierre de Médias, avec Faure dans le
rôle de Julien de Médicis. — Vendredi dernier, on nous a offert
une deuxième édition de la fameuse soirée des Trois-ballets •
l'humoristique manifeste de notre critique Jules Janin n'a dé-
couragé ni la direction, ni Mme Ferraris, ni Mme Zina-Mérante,
ni Mme Marie Petipa. Il est très-probable que cette combinaison
de spectacle restera au répertoire; le pli est pris: c'est sur-
tout en fait de chorégraphie qu'il n'y a que le premier pas qui
coûte. — La représentation au bénéfice de Mme Petipa tient
toujours pour après-demain mardi 6 août.
Le Théâtre-Français a repris vendredi dernier Œdipe roi,
tragédie de Sophocle, traduite en vers par M. Jules Lacroix. La
pièce a été représentée cette fois comme elle devait l'être dans
l'origine, sans autre musique qu'un peu d'orchestre pour diviser
les chœurs de l'action et pour accompagner l'entrée ou la sortie
desprincipaux personnages. Les amateurs de musique regretteront
la partition que M. Edmond Membrée avait ajoutée au travail
de M. Jules Lacroix ; mais le public du Théâtre-Français, qui
est plus lettré que dilettante, a retrouvé avec plaisir les strophes
de Sophocle qu'on avait supprimées au profit de la symphonie.
— Geffroy a imprimé au rôle principal (une de ses belles
créations) ce cachet de simplicité et de profondeur qui caracté-
rise si bien le type de Sophocle ; Mlle Devoyod a traduit avec
une intelligente énergie le personnage de Jocaste. — Samson et
Provost sont partis en congé ; Provost s'en est allé aux bains de
mer; son camarade Samson va s'installer sous les grands om-
brages et près des ruines de Pierrefonds, sa retraite d'été.
Mlle Augustine Brohan, elle aussi, dit la Gazette des théâtres,
a pris congé du public. Notre spirituelle comédienne est toujours
inquiète de ses yeux. Ses devoirs de sociétaire et plus encore
l'amour de son art la ramènent toujours à la scène, et ce sont
les feux impitoyables de la rampe qui l'en chassent. Il est ques-
tion pour elle d'aller chercher au fond de l'Allemagne, à Pra-
gue, un médecin que des cures merveilleuses en ce genre ont
rendu très-célèbre de l'autre côté du 'Rhin, et qui se nomme le
docteur With. — Pour nous consoler de l'absence de notre in-
comparable soubrette, M. Ed. Thierry vient défaire signer un
nouvel engagement à Mllc Pauline Granger.
En attendant les nouveautés que I'Opéra-Comique nous pré-
pare,—notamment les opéras de MM. Bazin et Lefébure-Wély,
le public se délecte aux représentations de Roger. Cette semaine,
le capitaine Lorédan a de nouveau cédé le pas à George d'Ave-
nel , en d'autres termes, la Dame blanche a reparu sur l'affi-
che. Baydée et la Dame blanche sont à bon droit les deux œu-
vres de prédilection de Roger, elles triomphes qu'il y obtient de-
vraient bien le faire renoncer à Saint-Pétersbourg et à ses pompes,
pour rentrer au bercail de l'Opéra-Comique, sa véritable patrie.
L'ornementation des deux théâtres de la place du Châtelet a
été enfin entreprise des deux côtés en môme temps, et s'exécute
avec une grande rapidité. L'ornementation du théâtre Lyrique
est déjà terminée h l'extérieur, sauf quelques motifs à l'acrostôre,
et le grand sujet du fronton, qui n'est pas encore déterminé.
Ce fronton a dû représenter la ville de Paris, protectrice des
beaux-arts, ayant autour d'elle les figures allégoriques de la
Musique et les plus illustres représentants de l'harmonie. On y
devait voir et les compositeurs qui ont fait la gloire de la France
et ceux qui ont reçu l'hospitalité sur quelqu'une des scènes ly-
riques de notre capitale. Mais cette idée donnée par Hector Ber-
lioz a fourni le sujet du plafond qui sera une merveille de bon
goût. On espère toujours livrer les deux théâtres au public avec
la fin de cette année 1861.
Rien de nouveau sur nos scènes secondaires, si ce n'est
l'apparition de la Prise de Pékin au théâtre impérial du Cirque.
Auteur M. d'Ennery (son honorable collaborateur a désiré garder
l'anonyme). Ce drame-comédie en cinq actes et onze tableaux
est prestigieux de mise en scène ; il abonde en mots plaisants
et brille en outre par un ballet comme on en voit peu, dansé
par quatre ballerines comme on n'en voit guère. Aussi la Prise
de Pékin a-t-elle remporté l'un de ces succès qui absorbent une
saison et stéréotypent une affiche.
Pendant que le théâtre impérial du Cirque reprend Pékin en
effigie, son voisin le théâtre de la Gaité accompagne son drame
Loin du pays, d'un agréable vaudeville en un acte, de MM. Ar-
sène et Eugène Trouvé, sous le titre : Une Ombrelle compro-
mise par un parapluie. MM. Derville, Gaspard, Thierry, Hya-
cinthe ; Mlle Adolphine et Mme Jault enlèvent avec beaucoup
d'ensemble ce petit acte , premier coup de pinceau dramatique
d'un peintre de talent.
J. Lovt.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
MOZART
JEAN-CIIRYSOSTOME-WOLFGANG-AMEDEE
De retour à Milan, vers la fin d'octobre 1770, il y compose
son premier opéra, Milridate, re di Ponte, qui est représenté le
26 décembre suivant, avec un succès décidé, et obtient vingt-
deux représentations consécutives. Mozart n'avait pas encore
quinze ans. Quelque temps auparavant, l'Académie philharmo-
nique de Bologne l'avait admis au nombre de ses membres sur
une antienne a quatre parties qu'il avait écrite comme pièce de
concours, et qui était digne des beaux jours de Palestriua.
Après ces triomphes, Mozart et son père reprirent le chemin de
leur patrie. L'année suivante, ils retournèrent en Italie, où Wolf-
gang fit représenter à Milan, une grande scène dramatique, Âs-
canio in Alba, qu'il avait été chargé d'écrire pour le mariage de
l'archiduc Ferdinand. En entendant cet ouvrage, le vieux com-
positeur Hass, que les Italiens avaient surnommé le divin Saxon,
ne put se contenir, et s'écria : « Cet enfant nous fera tous ou-
blier. »
Revenu â Salzbourg pour y écrire une sérénade dramatique,
// Sogno di Scipione, à l'occasion de l'installation du nouvel ar-
chevêque, Mozart retourna à Milan au mois d'octobre 1772, et
y composa un opéra sérieux, Lucio Scilla, qui fut accueilli du
public avec la même faveur que ses précédents ouvrages. Avant
de quitter définitivement l'Italie, Léopold Mozart et son fils allè-
rent passer le carnaval de 1773 à Venise, qu'ils avaient déjà
visitée.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
285
De retour en Allemagne, ils firent encore deux excursions,
l'une à Vienne, l'autre à Munich, où Wolfgang composa La
finta Giardiniera, opéra-bouffe, qui fut représenté au mois de
janvier 1775 sur le théâtre de cette ville, et y obtint un succès
éclatant. Au mois de mars suivant, toute la famille Mozart se
trouvait de nouveau réunie à Salzbourg.
Mozart avait alors dix-neuf ans. En revenant à Salzbourg pré-
cédé d'une renommée qui égalait déjà celle des meilleurs com-
positeurs, il avait espéré que le nouvel archevêque récompense-
rait ses brillants succès en lui accordant la place de rnajtre de sa
chapelle. Il attendit vainement cette place pendant trois années,
qu'il employa à de fécondes études, s'essayant dans tous les
genres, en composant des messes, des symphonies, des sonates
et des cantates, parmi lesquelles on remarque surtout celle qui a.
pour litre II Re pastore, qu'il écrivit en 1775, pour l'archiduc
Maximilien.
Ses voyages lui avaient rapporté plus de gloire que d'argent,
et les économies qu'il avait pu faire avaient été promptement ab-
sorbées par les besoins d'une famille composée du père, de la
mère, de deux enfants et d'une vieille grand'mère. Léopold Mozart
ne recevait du prince-archevêque qu'un traitement mensuel de
"25 florins (53 fr. 50 c, soit 642 fr. par an), et avait été obligé
de recommencer à donner des leçons. Pressé par la nécessité,
Wolfgang se décida à entreprendre un second voyage en France,
comptant sur la faveur qui l'y avait accueilli quatorze ans aupa-
ravant, et le 23 septembre 1777 il quitta Salzbourg, accompagné
cette fois seulement de sa mère. P.ien de plus touchant que les
adieux de ce père ouvrant sa fenêtre, après la séparation, pour
suivre encore au loin des yeux sa femme bien-aimée, qu'il ne de-
vait plus revoir, et donnant sa bénédiction à son enfant, qu'il
abandonnait aux soins de la Providence.
Les deux voyageurs se rendent d'abord à Munich. Mozart est
présenté à l'électeur; il lui demande d'entrer à son service,
offrant de composer quatre opéras par an et de jouer tous
les jours dans les concerts de la cour, moyennant un modique
traitement de 500 florins (1,050 francs environ). Le prince ré-
pond à ceux qui s'intéressent à l'artiste : « Je n'ai rien à lui re-
fuser; mais il est encore trop jeune, nous verrons plus tard. »
A Augsbourg, Mozart est obligé de donner un concert pour
subvenir aux frais de son voyage. Il s'arrête pendant quelque
temps à Mannheim. L'électeur palatin l'accueille avec distinc-
tion, mais ne peut lui donner aucun emploi : il n'y avait pas de
place vacante à sa cour ; Cannebich et l'abbé Vogler les occu-
paient. Mozart se dirigea alors sur Paris, où il arriva le 23 mars
1778. Son premier soin est d'aller voir le baron de Grimm; il
est présenté à Mmo d'Épinay, à Legros, directeur du Concert spi-
rituel, à Noverre, maître des ballets de Y Académie royale de mu-
sique. Il espère dans les promesses qui lui sont faites ; mais bien-
tôt il rencontre partout les obstacles qu'on oppose parmi nous à
une gloire nouvelle. Il attend vainement pendant six mois le li-
vret d'un opéra qu'on devait lui fournir. Le directeur du Con-
cert spirituel ne daigne pas même faire copier les parties d'une
symphonie concertante que Mozart avait composée pour les plus
célèbres instrumentistes, et ne l'emploie qu'à arranger la partie
vocale du Miserere d'Holzbauer. Sa mère enfin se félicitait qu'il
eût trouvé un élève qui lui payât trois louis pour douze leçons.
Du fond de sa retraite, Léopold Mozart entretenait une active
correspondance avec son fils, qu'il suivait pas à pas dans ses ac-
tions eu le guidant de ses sages conseils. Les lettres du fils, pleines
de respect et de tendresse, révèlent la noble fierté de son caractère
et la conscience qu'il avait déjà de son génie : « Je suis composi-
teur et fils de maître de chapelle, écrivait le futur auteur de Don
Juan, et je ne consentirai certainement pas à enfouir dans l'en-
seignement le talent que Dieu m'a si libéralement départi pour la
composition, soit dit sans orgueil, car je le sens en moi plus que
jamais. » Et dans une autre lettre datée de Paris : « Ah ! s'écriait-
il, si au moins il y avait ici quelqu'un qui eût des oreilles pour
entendre et un cœur pour sentir! »
Toute l'attention publique se concentrait à cette époque sur
les querelles des gluckisles et des piccinistes. Partout on agitait la
question de savoir si la musique devait ou non être l'élément
prédominant du drame lyrique. Les écrivains prenaient fait et
cause pour ou contre dans des dicussions bruyantes ou confuses,
dont le plus gand nombre ne comprenaient pas la portée, et per-
sonne ne se doutait, qu'heureusement pour l'avenir de l'art, il y
avait alors dans un coin de Paris un jeune homme de vingt-deux
ans, dont les œuvres impérissables allaient bientôt trancher la
question en réconciliant les deux principes exclusifs. Mais l'àme
profondément sensible de Mozart avait besoin, pour s'épanouir,
d'un champ plus vaste que celui où la peinture des passions se
trouvait circonscrite dans le cercle de la réalité. Musicien de l'i-
déal, le grand artiste ne comprenait pas que les créations de son
génie franchissaient tout à coup un trop grand espace pour être
appréciées d'une nation à peine sortie des voies du mauvais goût
et encore indécise sur la révolution opérée par Gluck dans la
musique dramatique. L'Allemagne elle-même, quoique plus
avancée, n'était pas mûre pour tant de nouveautés.
Au milieu des obstacles qu'il rencontrait de toutes parts, Mo-
zart eut le malheur de perdre sa mère, qui expira dans ses bras,
le 3 juillet 1778, après quelques jours de maladie. Le séjour de
Paris lui devint dès lors insupportable, et le 20 septembre de la
même année il quitta cette ville après avoir refusé la place d'or-
ganiste de la chapelle de Versailles. Il passa par Lunéville, s'ar-
rêta quelques jours à Strasbourg, où on lui fit un accueil plus ho-
norable que fructueux, visita de nouveau Mannheim et Munich,
et, vers le milieu du mois de janvier 1779, il était de retour à
Salzbourg. Fatigué d'efforts infructueux, il se vit contraint d'ac-
cepter la place d'organiste de la cour, que le prince-archevêque
consentit à lui offrir avec 500 florins d'appointements, et l'année
suivante celle d'organiste de la cathédrale.
Une circonstance vint heureusement ranimer le courage abattu
du jeune compositeur et témoigner que la renommée européenne
dont il jouissait déjà n'était encore que le prélude de sa gloire
future. Au commencement du mois de novembre 1780, Mozart
reçut de l'électeur de Bavière, Charles-Théodore, l'invitation de
se rendre à Munich pour y écrire la musique d'un grand opéra
destiné au théâtre italien de la cour. Il partit aussitôt pour cette
ville. Après s'être entendu avec l'abbé Varesco, auteur du poëme,
et avoir pris connaissance du personnel dramatique dont il pou-
vait disposer, Mozart se mit immédiatement à l'œuvre, et le
29 janvier suivant, jour anniversaire de la naissance de l'élec-
teur, Idomeneo, re di Cret, opéra sérieux en trois actes, fut re-
présenté pour la première fois. Cet ouvage n'était rien moins
qu'une transformation complète de l'art. Le caractère mélodique
ne rappelait, comme le fait observer M. Fétis dans le jugement
éclairé qu'il a porté sur cet opéra, ni la musique purement ita-
lienne, ni la musique allemande, formée sous l'influence de
celle-ci par Graun, Hasse et Benda, ni le style français, ni la
modification de ce style par Gluck. Mozart tirait tout de son
propre fonds, et créait une musique aussi nouvelle par l'exprès-
286
LE MÉNESTREL.
sion et le développement de l'idée mélodique que par la forme
des accompagnements et la richesse des combinaisons harmoni-
ques et instrumentales. L'ouverture, l'air Padre gcrniani, celui
d'Electre, au premier acte, celui d'Ilia, accompagné de quatre
instruments obligés, le chœur Placido è il mar, andiamo, ceux
de Picta, Numi! et Corriamo, fuggiamo, tout révélait un génie
puissant qui prend possession de sa personnalité. L'apparition
de VIdomeneo fut le véritable événement de Mozart sur la scène
dramatique. Le succès de cet opéra fut immense.
Le jour de la première représentation, un vieillard, caché au
fond d'une loge obscure, pleurait à chaudes larmes : c'était Léo-
pold Mozart arrivé la veille de Salzbourg avec sa fille, et assis-
tant enfin à la glorification de son fils chéri, qui avait été son dis-
ciple et qu'une assemblée, transportée d'enthousiasme, saluait de
ses applaudissements. Mozart venait d'atteindre sa vingt-cin-
quième année.
Après l'éclatant succès de VIdomeneo, le prince-archevêque
de Salzbourg, homme grossier et avare, qui jusque-là avait mé-
connu l'artiste extraordinaire qu'il avait l'honneur de posséder
à sa cour, se trouva flatté d'avoir à son service le jeune composi-
teur dont s'entretenait une partie de l'Allemagne, et s'en fit sui-
vre dans un voyage qu'il fit h Vienne au mois de mars 1781. Il
le logea dans son hôtel, mais voulut le contraindre à manger
à l'office avec la basse domesticité de sa maison. Mozart, à qui le
sentiment de sa dignité d'artiste n'avait jamais failli, supporta
d'abord avec patience la tyrannie du prélat, qui no lui permettait
pas même de se faire entendre sans son autorisation dans les
concerts où il était souvent invité. La crainte de faire du tort à son
père et de lui faire perdre la place qu'il occupait à Salzbourg le
retenait dans celle situation. Mais un beau jour, ne pouvant plus
résister aux humiliations dont il était abreuvé, il rompit le joug
et quitta pour toujours le service de l'archevêque.
Nous voici arrivés à celte période de la vie de Mozart où son
génie tendre et passionné, fécondé par l'amour, qui en fait la
force, et triomphant des luttes de la misère et de l'envie, va s'é-
lever au plus haut degré du sublime.
Après s'être séparé de l'archevêque, Mozart, libre désormais
de ses actions, ne chercha pas de place, et vécut près d'une année
du faible produit de son travail et des leçons qu'il donnait.
L'empereur Joseph II n'aimait que l'opéra bouffe italien ; la
musique de Mozart était trop forte pour ses oreilles. Cependant, il
chargea le compositeur d'écrire pour le théâtre de sa cour la par-
tition d'un opéra allemand intitule : Die Enlfûhrung aus dem
Sérail (l'Enlèvement au sérail). Ce charmant ouvrage en deux
actes, dont )e livret était du poêle Stephani, fut représenté le
12 juillet 1782, et obtint bientôt un succès populaire. L'empe-
reur, en adressant au musicien des éloges sur son œuvre, ne put
s'empêcher d'y mettre une certaine restriction : « Bravo, mon cher
Mozart, lui dit-il ; mais il y a peut-être dans tout cela un peu trop
de notes. » — « Juste autant qu'il en faut, Sire, » répondit l'ar-
tiste. Mozart ne reçut de Joseph II que cinquante ducats pour la
composition de cet opéra.
Les circonstances dans lesquelles Mozart se trouvait lorsqu'il
écrivit son opéra de l'Enlèvement au sérail, ne furent pas étran-
gères, sans doute, à l'ardeur des sentiments et à l'entrain éton-
nant qui règne dans toute cette pièce. Depuis longtemps il aimait
une jeune pianiste, Conslance Weber (1), dont il désirait faire la
(I] Sœur cadette de la cantatrice Aloïse Weber, qui se fit entendre plus
tard à Paris sous le nom de 11"» Lange.
compagne de sa vie. « Je vous supplie par tout ce qu'il y a de
saint.au monde, écrivait-il à son père, de donner votre consente-
ment 'a mon mariage Vous ne pouvez rien avoir, et vous n'a-
vez rien en effet à me reprocher, ce que me prouvent vos lettres ;
car Conslance est une brave et honnête fille, née de bons pa-
rents, et je suis en état de lui procurer du pain. Nous nous ai-
mons, nous désirons être unis. Que resle-t-il à objecter? » Lco-
pold Mozart aurait bien eu des objections à faire; mais c'était
un homme d'autrefois. Il pensait que s'il n'est pas sage de ma-
rier, comme on dit, la soif avec la faim, il n'est pas chrétien de
vouloir être trop prévoyant, et qu'un artiste jeune, de talent cl d'a-
venir, a raison d'épouser, même sans dot, la jeune fille qu'il aime,
en se fianl à son travail et à la Providence. Malheureusement, la
mère de Constance s'opposait à cette union. Mozart enleva sa
fiancée, et la conduisit chez la baronne de Waldstelten, où, lors-
que toutes les difficultés eurent été levées, la noce eut lieu, le
4 août 1782. Trois jours après la cérémonie, Mozart écrivait à
son père : « Ma chère Constance, désormais, grâce à Dieu, ma
véritable femme, savait l'état de mes affaires et tout ce que j'ai
à attendre de vous; je lui en avais depuis parlé longtemps.
Mais son amitié et son amour pour moi étaient tels qu'elle n'hé-
sita pas un instant à sacrifier tout son avenir à ma destinée. Je
vous remercie, avec la plus vive tendresse qu'un fils ait jamais
éprouvée pour son père, de votre bienveillant consentement et
de votre paternelle bénédiction... Lorsque notre union fut pro-
noncée, ma femme et moi nous nous mîmes à fondre en lar-
mes ; tous, même le prêtre, partagèrent l'émotion de nos cœurs.
La fête de la noce consista en un souper princier, que nous donna
la baronne de Waldstelten, et pendant lequel on me fit la sur-
prise d'une musique de ma composition pour seize instruments
à vent. — Maintenant plus que jamais, ma chère Constance se
réjouit de partir pour Salzbourg, et je parie que vous serez heu-
reux de mon bonheur quand vous la connaîtrez, si d'ailleurs à
vos yeux comme aux miens c'est un bonheur pour un homme
d'avoir une femme sensée, honnête, vertueuse et agréable. »
Denne-B.vrox.
( La suite au prochain numéro.)
NOUVELLES DIVERSES.
— La clôture du Théâtre royal italien de Covent-G:\rden était annoncée
à Londres pour le 3 août (hier samedi). Mercredi a eu lieu le bénéfice de
Mme Grisi,- qui ce soir-là faisait, dit-on, ses adieux définitifs à la scène (?)...;
à la scène de Covent-Garden , car la célèbre artiste s'est laissé engager
dans les prov nces d'Angleterre et fera sa tournée d'automne sous les
auspices de W. Beale, le prince des entrepreneurs.
— Dans les salons de Londres on organise en ce moment une société
par actions de 2 livres, ou de 50 fr., au capital de 50,000 livres, ou de
1,230,000 fr. Cette entreprise, qui compte parmi ses principaux promo-
teurs MM. Balfe, Wallace, Barnelt, Smart, Cooper, Weis, Wilbye, « a pour
but, dit le prospectus, d'imprimer à l'opéra anglais un progrès en rapport
avec le talent des artistes anglais, les exigences du public et la dignité
du pays. »
— Le directeur de la chapelle impériale de Russie, M. Alexis de Lvoff,
ayant demandé à quitler cette place à cause de son âge avancé et de ses in-
firmités, vient d'être remplacé par M Rachmétéff, conseiller d'État et ama-
teur de musique très-disiingué. L'Empereur, désirant témoigner sa bien-
vi illance à M. de LvotT. qui a occupé ces fonctions prés de vingt-cinq ans, avec
une grande utilité pour le chœur delà chapelle impériale (dont la réputation
est européenne), a bien voulu lui conserver ses titres honorifiques de sé-
nateur et de. maître delà cour, ainsi que tous ses émoluments. La chapelle
doit à M de Lvoff : 1° la réunion et la mise on harmonie des Chants de
VÉnls' giecque. ouvrage consdérable qui forme treize grands volumes;
2° l'instruction musicale de trois cents élèves (maîtres de chapelle) pour
NOUVELLES ET ANNONCES.
287
l'exécution de ces chants d' église; 3° la (crmation d'un capital de près de
50,00i) rour les veuves et les orphelins des chantres; 4" M. de Lvoff a en-
richi la bibliothèque de la chapelle d'une cenlaine de morceaux de musique
d'église de sa composition.
— Les journaux allemands sont remplis de détails sur le festival de Nu-
remberg. L'aflfluence du public était immense, non-seulement dans la
salle, mais au dehors, où l'on ne comptait guère mo:ns de 80,0^0 per-
sonnes venues de tous les points voisins Les chants d'ensemble de la pre-
mière journée, notamment les chœurs de Marschner et de Hiïïer," ont été
fort applaudis. — Dans la soirée, le chant de YÉpée, de Weber, a remporté les
honneurs du programme. La seconde journée n'a pas été moins brillante :
on a particulièrement fêté les morceaux de Storeh, de Neeb et de Franc-
fort. Le célèbre poète Mùller Von der Werra, qui avait conçu le projet de
cette grande solennité musicale, propose de créer une confédération géné-
rale de chant en Allemagne et de construire une Walhalla de chant au
centre du pnys, à Cobourg, Nuremberg ou à Francfort-sur- Mein.
— On répète activement à Cassel un opéra intitulé Otton le Chasseur,
musique de Karl Reiss. La première représentation sera donnfe pour
l'anniversaire de la naissance de S. A. R. le prince héritier.
— Le célèbre romancier allemand, conseiller aulique Hacklaender, vient
d'être nommé intendant général du théâtre de Stuttgart, en remplacement
du baron Gall.
— Les journaux suisses nous apprennent qu'Ant 'ine Rubinstein a été dé-
valisé pendant son séjour à Lucerne. On lui aurait pris 2,000 roubles d'ar-
gent et sa montre d'or. Rubinstein qui, sans ce fâcheux événement, serait
resté plus longtemps en Suisse, s'est hâté de quitter les vallons hospita-
liers de l'Helvétie pour se rendre à Ostende, et de là à Vienne, pour assis-
ter à la représentation de son opéra qu'il n'a pas encore entendu.
— On écrit d'Ems que la première représentation du Brasseur d'Ams-
terdam, paroles de M. de Najac , musique du maestro Alary, aura lieu
dans cette ville le 13 de ce mois.- — Le Baron G onesse, dont le titre définitif
sera le Café du Roi, paroles de M. Heilhac , musique de 51. Deffôs, sera
représenté le 17.
— Alexandre Ratta, après avoir été entendu à quatre reprises diffé-
rentes par LL. MM. le Rni et la Reine de Prus-e, à Baden, vient d'être
décoré parle Roi Guillaume Ier, de l'ordre de l'Aigle rouge de Prusse.
S. M. , en-remettanl la croix au célèbre violoncelliste, lui a exprimé tout
le plaisir qu'elle avait à décerner cette haute distinction à un artiste pour
lequel elle éprouve une si grande sympathie.
— Cent- vingt six sociétés chorales participeront au festival des Or-
phéons, au mois de septembre prochain.
— Aujourd'hui dimanche, à Saint-Eustache, messe de M. Laurent de
Rillé, chantée par la Société chorale du Conservatoire, sous la direction de
MM. Edouard Batiste et Hurand.
— Mme Damoreau-Wekerlin s'est fait entendre dimanche dernier dans
les sidons de Mme3 Orfila et Mosneron de Saint-rreux. Elle s'accompa-
gnait elle-même avec celte supériorité qu'on lui connaît. L'auditoire est
resté sous le charme toute la soirée. Quel style, quel goût! On ne se las-
sait point d'entendre, ni Mme Wtkerlin de chanter. — C'est que l'école
Damoreau a cela de particulier qu'elle ne fatigue ni le chanteur, ni l'audi-
teur. Après et avec Mme Damoreau-Wekerlin, la voix toujours splendidè de
Levasseur a ému tout l'auditoire ainsi que celle de Ponchard, qui a laissé
son vristh pour dire le trio do l'Auberge de Bagnère, le duo de la Soixan-
taine et le quatuor de l'Irato, avec Levasseur, Mrae Charles Ponchard et
Mme Peigné la fille de Mc Crémieux. Dans le salon de Mmo Orfila, on le
sait, les amateurs partagent souvent les honneurs des programmes avec
les artistes. M. Canoby tenait le piano et nous a fait applaudir de l'Haydn,
du Lysberg et du Goria.
— Lejeudi 23, dans une réunion intime, l'éminent violoniste Maurin
exécutait le sixième quatuor de M. C. Estienne, qui lui est dédié. Rien ne
peut donner l'idée de la précision du style de M. Maurin et de l'élégance
de son archet-; on doit aussi ajouter qu'il a fait ressortir toutes les nuances
du quatuor de M. EsLienne avec l'intuition d'un grand artiste, maître do
lui-même et de son sujtt. Il y a été parfaitement secondé d'ailleurs par
MM. Mas, Noirot et Lée.
— Nous avons eu occasion d'entendre, cette semaine, vingt-quatre études
concertantes inédites, composées par Camille Stamaty pour le piano , à
quatre mains. Ces études, exécutées par l'auteur et son élève, M"0 Picard,
elle-même professeur de beaucoup de talent, nous paraissent destinées au
succès des trois livres d'études de chant et de mécanisme du même maître.
Les douze premières, écrites en vue des élèves peu avancés, n'en sont pas
moins d'une mélodie aussi distinguée qu'attachante. Les dernières s'a-
dressent aux jeunes pianistes du monde, d'une certaine force déjà, et là le
mécanisme joue son rôle le plus intéressant. Les vingt quatre études sont
concertantes dans l'acception du mot, ce qui ajoute beaucoup à leur mé-
rite. Celte intéressante publication ne peut tarder à paraître ; elle sera la
bienvenue, car les bonnes études à quatre mains n'abondent pas.
— Nantes et le Mans redemandent Rertbelicr, que les villes de Reims
et Sens viennent de rendre à Paris. Le théâtre de Lyon voudrait bien
aussi avoir ce spirituel coméJien-chanteur, mais pour un long mois. C'est
là toute une affaire diplomatique à suivre entre MM. Carpier et Bcaumont.
— On nous écrit de Perpignan que M. Lomagne a réuni dans ses salons
quelques artistes et amateurs compétents, dans le but de leur donner la
primeur de trois quatuors pour instruments à cordes, écrits par lui dans
la forme classique et dont il compte offrir la dédicace au maestro Rossini.
Mélodie, harmonie, dialogue et enchaînement des quatre parties, tout a
plu dans cette première expérience qui fait le plus grand honneur à
M. Lomagne.
— On nous écrit de Londres : « Une vente d'objets précieux ayant ap-
partenu à lord Byron a eu lieu ces jours passés à Neivslad-Abbey, aux
enchères publiques. Outre les livres, les autographes, les bustes en mar-
bre de personnages illustres, les tableaux, les bronzes, les porcelaines de
Saxe, les meubles en laque, plusieurs lots de vins du Rhin de 1818 et
toute sorte d'articles dont la plupart atteignirent des prix fabuleux, on
procéda aussi à la vente d'instruments et d'albums de musique qui avaient
servi à l'usage du grand poète. Il y avait là des flûtes, des guitares, des
clavecins , des harpes, ainsi que des partitions dis meilleurs opéras et
une collection de musique classique de premier choix [Standard Music) ,
dont la vente réalisa aussi des bénéfices énormes. Un bol de punch doi.t
s'était servi lord Byron et qui avait coûté la b-igatelle d'un shilling
|i fr. 23 c), fut vendu, quoique brisé, pour la somme de 3 livres o shil-
lings (81 fr.). Jugez du reste. Antony Lamotte. »
— Le Concert des Champs-Elysées continue à attirer une grande af-
fluence de visiteurs; chaque soirée que le temps ne vient pas contrarier
compte de trois à quatre mille personnes , qui n'y cherchent pas moins
le contact de la bonne compagnie que l'excellente musique qu'on est sûr d'y
entendre. M. de Besselièvre, qui dirige avec tant d'intelligence et d'habileté
cetétablissement, ne saurait trop faire connaître au public le soin qu'il a pris
de consigner à la porte tout visiteur dont la tenue et les manières ne sont
pas celles du meilleur monde. Ce n'était pas cho?e facile, certes; mais les
résultats obtenus doivent amplement récompenser M. de Besselièvre de sa
persistance et de sa fermeté.
— Jeudi dernier l'orchestre Musard a fait entendre pour la première fois
à ses nombreux habitués l'ouverture du Songe d'une nuit d'été, l'un des
chefs-d'œuvre du célèbre maître Mendelssohn. Le même jour, M. Duhem
a exécuté la valse Prima-Donna, dernière production de feu Jullien, et la
polka -mazurka composée par Musard sur les motifs de Fortunio.
NÉCROLOGIE.
M. Antonin Riche , deuxième régisseur au théâtre du Gymnase, est
mort dimanche dernier après une maladie qui n'a pas duré moins de
deux années. [Antonin comptait parmi les célébrités de la banlieue, au
temps des frères Sevestre.)
Sa mort, bien que prévue, a causé une véritable affliction parmi ses
camarades, qui tous l'aimaient et l'estimaient. M. Montigny a prononcé
sur la tombe qui allait se fermer un discours plein d'expansion et de
cœur.
Antonin Riche laisse une veuve et deux fils, tous deux musiciens dans
la garde impériale. Le cadet, M. Edmond Riche, est l'un des deux lauréals
du concours de cor qui a eu lieu lundi au Conservatoire. C'est sous le
coup de la mort de son père que ce jeune homme a dû se présenter au
concours. Dans les conditions où. il se trouvait, l'abstention ou l'insuccès
pouvait lui fermer les portes du Conservatoire. Il a compris que ce n'était
pas le moment de manquer de courage. Il s'est présenté, il a obtenu
l'une des deux seules récompenses décernées par le jury. Après avoir
achevé son morceau il a failli se trouver mal; ses forces étaient à bout,
mais son avenir d'artiste était sauvegardé.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues hère
: Jean-Jacques Rousseau, 8.
ENSEIGNEMENT DU CONSERVATOIRE.
LE
ÉTUDES DE STYLE ET DE MÉCANISME , AVEC PRÉLUDES ET ANNOTATIONS
A
PAR
Op. 99.
Approuvées par MM. les Professeurs et Membres du Comité des Études pour renseignement du Conservatoire :
AUBER, MEYERBEER, HALÉVY, AMBROISE THOMAS, A. ADAM, CARAFA, REBER, membres de l'Institut;
BATTON, LEBORNE, G. BOUSQUET, ALARD, MASSART, VOGT, HENRI HERZ,
MARMONTEL, LE COUPPEY, LAURENT, MME A. COCHE;
EDOUARD MONNAIS, Commissaire impérial; ALFRED DE BEAUCHESNE , Secrétaire.
!"■ «l'Stll..
1. Rêverie .}r:- 5 »
2. Danse villageoise 5 »
3. Mélodie expressive 5 "
4. Idylle 6 »
5. Cantilène 6 »
6. Marche Tcherkess 5 »
8« SERIE.
Nos 7. Élégie S »
9. Rbmanza 5 »
10. Toccata 6 »
il. Le Trille 6 »
12. Les Arpèges 7 50
Chaque série complète, prix : S© fr.
IX GRANDES ÉTUDES ARTISTIQUES
D£ STYI.E ET HE MECAWIS
Op. 63.
1. Jour de Printemps , étude canlabilc 6 »
2. Le Tournoi , étude bravoure 7 50
3. Gondoline, étude barcarolle 6 »
te recueil complet
La Jeune garde , étude marziale 7 50
La Rêveuse , étude nocturne 7 50
La Fuite , étude vélocité 6 »
-t^cï^^c^cs^-
MORCEAUX DE SALON ET DE CONCERT
DU MÊME AUTEUR
Op. 49. Les Monténégrins, grande fantaisie 9 »
62. La Pavane, air de danse du xvi° siècle, transcrit et varié. 7 50
64. Final de Lucrezia Borgia, morceau de concert 9 »
65. Prima sera, rêverie italienne 7 50
66. Allegrezza, caprice-étude de concert 9 »
67. Chanson mauresque • 7 50
Op. 69. Sorrente , napolitaine 7 50
— Barcarola , (petit morceau) 4 50
82. Marguerite au rouet , transcription de F. Schubert 7 50
84. Pervenche, rêverie 5 »
89. Mazurka styrienne 6 »
— Les Adieux , dernière pensée 9 »
Paris, AU MÉNESTREL, 2 bis, rue Vivienne, IIEUGEE et Ce, éditeurs.
( Fournisseurs du Conservatoire. )
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778. — 28e Année.
N« 3V.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 11 Août
1861.
n^,3~5t
STRE
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J.-L. HEUGEL
Directeur,
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JULES LOVY,
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LES BUREAUX , S bis, rue Aîvienne. — HEUGEL et C<% éditeurs.
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Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Allium.-
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger : 21 fr.
CHANT ET i-ha-vo Bill "vit* :
3e Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les 5î Morceaux de chant et de piano, les 4 Alliums-prinics illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du l«r de chaque mois. — L'année commence du 1" décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. Adresser franco
un bon sur la poste, à MM. m.) m.I. et C'a, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères,
( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. )
rue Jean-Jacques Ro
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. Distribution des prix du Conservatoire impérial de musique et de déclamation.
J.-L. Heogel. — II. Tablettes du pianiste et du chanteur : Mozart et ses
œuvres (3e article). Denne-Baron. — III. Semaine théâtrale. J. Lovy, —
IV. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique de Piaxo recevront avec le numéro de ce jour:
MOSAÏQUE-POLKA ,
Composée sur les opérettes de J. Offenbach, par J.-C. Engel. —Suivra
immédiatement après : Carillon, polka-mazurka de Joseph Beaga.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
LE BOJVHOMME SÉRAPHIN ,
Paroles et musique de Gustave Nadaud. — Suivra immédiatement
après : Un regard , paroles et musique du même auteur.
CONSERVATOIRE IMPÉRIAL DE MUSIQUE
ET DE DÉCLAMATION.
DISTRIBUTION DES PRIX. — ANNÉE 1860-1861.
La distribution des pris du Conservatoire de musique et de
déclamation, année 1860-1861, aura été solennelle dans toute
l'acception du mot.
S. Exe. le comte Walewski, ministre d'État, présidait en per-
sonne, assisté de M. Eugène Marchand, conseiller d'État, secré-
taire général du ministère, et de M. Camille Doucet, chef de la
division des théâtres, revêtus de leurs costumes officiels.
M. Auber avait à ses côtés MM. Halévy et Ambroise Thomas,
tous les trois aussi en costume officiel, celui de l'Institut.
Au milieu de ce somptueux état-major, brillait le digne prési-
dent du comité des musiques militaires de France, M. le général
de division Mellinet, en grand uniforme. Puis se groupaient
en habit noir et cravate blanche, le commissaire impérial,
M. Edouard Monnais, M. Lassabathie, administrateur, M. de
Beauchesne, secrétaire, MM. les membres de l'Institut et profes-
seurs du Conservatoire.
La séance , annoncée pour une heure , s'est ouverte par un
discours de M. le ministre d'État, que nous nous empressons
de reproduire tout entier. Ce discours remet en honneur les tra-
ditions un instant méconnues, l'an dernier, à pareille époque,
au grand regret de tous. Il trace aux professeurs comme aux
élèves la voie à suivre, et cela en des termes aussi simples qu'éle-
vés, avec la double autorité du bon goût et des saines doctrines.
Aussi combien d'applaudissements ont accueilli le discours de
M. le ministre d'État, qui ne s'est pas borné à témoigner de tout
son amour de l'art par sa présence et par ses paroles. S. Exe. a
fait plus : Au nom de l'Empereur, Elle a honoré la musique, le
Conservatoire et le théâtre en la personne de M. Auber, élevé à la
dignité de grand-officier de la Légion d'honneur. Cet hommage,
rendu au premier musicien français de notre temps, a été reçu
par des acclamations sans fin et sera salué de la France entière,
car il n'est pas de village sur le sol français où la musique d' Auber
ne se soit infiltrée en passant des théâtres les plus élevés aux
scènes les plus infimes.
Cet éclatant témoignage de sympathie, donné aux arts-, fait le
plus grand honneur au gouvernement de l'Empereur. C'est la
première fois, en France, qu'un musicien aura été élevé à la di-
gnité de grand-officier. Jusqu'ici, sous le rapport honorifique, nous
nous étions montré quelque peu sobre à l'endroit de la musique
et des musiciens infiniment mieux traités à l'étranger ; — l'Angle-
terre exceptée, pays industriel et manufacturier avant tout.
Mais voilà un premier pas de fait qui ne sera pas sans lende-
main. Cette haute initiative honore h la fois et le digne ministre
des beaux-arts auquel on la doit, et l'illustre compositeur qui
en est l'objet. Cet illustre compositeur le disait lui-même de la
manière la plus simple et la plus modeste, en réponse aux nom-
290
LE MÉNESTREL.
breuses félicitations qui lui étaient adressées : « C'est la musique,
messieurs, qu'on vient d'honorer, et c'est à ce titre que je m'en
félicite avec vous. »
Ce n'est pas tout : le Conservatoire possède en son sein des
serviteurs dévoués, intègres, qui font depuis un demi-siècle ce
que l'on appelle de l'administration de famille dans les condi-
tions patriarcales d'un budget qui date de l'âge d'or, bien avant
la découverte de la moderne Californie. Or, ces modestes fonc-
tionnaires étaient oubliés, n'ayant pour toute récompense que la
satisfaction du devoir rempli. L'un d'eux, M. Alfred de Beau-
cbesne, vient d'être nommé, dans cette même séance, chevalier
de l'ordre de la Légion d'honneur. L'assemblée entière ne pou-
vait manquer d'applaudir à une distinction si bien placée, tout
en appelant de ses vœux le même honneur pour M. Réty, qui
ne compte pas moins de cinquante-quatre années de bons et
loyaux services au Conservatoire , accomplis avec l'austérité et
la persévérance d'un bénédictin.
Mais faisons place au discours officiel, que tous les journaux
d'art doivent s'empresser de consigner dans leur colonnes.
« Messieurs,
« En venant présider cette solennité, le premier sentiment
que j'éprouve est le besoin de remercier les professeurs émi-
nents dont je suis entouré, et par-dessus tout l'illustre directeur
du Conservatoire, cette gloire de la musique française, ce gra-
cieux esprit qui ne compte avec les années que par le nombre
de ses succès, ce charmant octogénaire qui n'aura jamais été un
vieillard, et dont le dernier chef-d'œuvre, la Circassienne, est
encore une œuvre de jeunesse.
« L'Empereur, messieurs, qui sait élever la récompense à la
hauteur du mérite, a voulu distinguer, par un témoignage écla-
tant de sa haute bienveillance, une illustration aussi sympa-
thique et aussi populaire. Sa Majesté a daigné nommer M. Au-
ber grand officier de son ordre impérial de la Légion d'hon-
neur, de cet ordre qui, dans la pensée de son immortel fonda-
teur, a été institué pour récompenser tous les genres de mérite.
Je m'estime heureux d'être l'intermédiaire d'une faveur si bien
justifiée. »
(Le ministre remet à M. Auber les insignes de grand officier
au milieu des plus vives acclamations et de nombreuses salves
d'applaudissements).
« Je remercie tous les professeurs du zèle éclairé qu'ils dé-
ploient dans l'accomplissement de leur tâche ; je les remercie de
tant de talents divers formés par leurs soins.
« Oui, le Conservatoire a droit d'être fier des résultats qu'il a
obtenus dans tous les genres. . . Nous dénigrons volontiers ce
qui nous appartient : c'est en quelque sorte la coquetterie de
notre hospitalité; mais, en présence de certaines critiques mal
fondées, quoique inspirées par un sentiment très-louable, il faut
avoir le courage de reconnaître ce qui est bien et de le procla-
mer hautement.
« Les fonctions diplomatiques que j'ai eu l'honneur de rem-
plir m'ont fourni l'occasion de visiter presque toutes les capitales
de l'Europe, et je n'hésite pas à affirmer que dans aucun pays
du monde l'État ne prête aux arts un concours plus généreux et
plus efficace. Je me félicite, pour ma part, d'avoir pu enrichir
le Conservatoire d'une précieuse collection, celle des instruments
de toutes les époques, réunie par les soins de M. Clapisson; cette
collection prendra place utilement dans la bibliothèque, qui sera
complètement terminée avant la fin de l'année.
« Nul autre établissement en Europe ne rivalise avec le Con-
servatoire de Paris pour l'ensemble et l'organisation complète
des études, pour l'unité d'enseignement et do méthode; enfin,
pour cette émulation générale qui a produit 410 élèves jugés
dignes d'être admis au concours de cette année. Remarquons, au
surplus, avec satisfaction, que nous sommes en progrès, car
jamais un chiffre aussi élevé n'avait été atteint.
« Celte salle même où nous sommes réunis aujourd'hui, la
plus modeste et en même temps la plus illustre salle de concerts
que connaisse le monde musical, celle où un orchestre sans rival
a réalisé la merveille de l'exécution accomplie, témoigne bien élo-
quemment en faveur de la prééminence du Conservatoire de Paris.
« Je ne voudrais pas cependant forcer la mesure, et, dans le
dessein d'être équitable, manquer de justice envers les autres :
l'Italie est restée la reine du chant; la nature a tout donné à ses
enfants pour en faire une race mélodieuse. La voix de ses chan-
teurs a la limpidité de l'air natal ; la langue même qu'ils ont
apprise dès le berceau a été leur première leçon de mélodie.
Mais, enfin, si l'Italie nous a longtemps prêté, si elle nous prête
encore d'admirables chanteurs, n'avons-nous pas fini par lui
rendre un peu de ce que nous lui empruntons? Le Conservatoire
de Paris a fourni a ses théâtres bien des artistes de premier
ordre ; qu'elle nous laisse retrouver leurs vrais noms sous la tra-
duction qui les déguise, et vous verrez que l'école française peut
réclamer une certaine part dans la fortune du chant italien.
« La symphonie est allemande : rêverie et science profonde,
l'Allemagne y a mis son génie tout entier, et ce n'est pas en vain
qu'elle a produit Haydn et Mozart, Weber et Beethoven; —
mais ce n'est pas non plus en vain que la France a compris et
interprété avec une intelligence supérieure ces grands poètes de
la musique instrumentale ; nos compositeurs ont su combiner les
voix mystérieuses de la symphonie avec l'expression brillante et
perfectionnée du chant pour en faire l'opéra français moderne,
dont un esprit véritablement créateur, Eugène Scribe, a esquissé
le cadre. — C'est à cette création toute nationale que doit 'être
vouée exclusivement notre première scène lyrique, de même que
le Théâtre-Français, gardien des traditions, véritable école du
goût, doit naturellement se consacrer aux chefs-d'œuvre de
notre littérature, soit à ceux de l'ancien répertoire, soit aux
productions sérieuses des auteurs contemporains. — En combi-
nant leur travail si délicat avec le mouvement et la rapidité de la
comédie d'intrigue, les créateurs de l'opéra français moderne
ont fait l'opéra- comique nouveau, ce mélange heureux de
science déguisée à dessein, de distinction et de grâce, dont les
chefs-d'œuvre sont entrés même dans le répertoire de l'Aile- ■
magne classique.
« Puisque j'ai prononcé le nom d'Eugène Scribe, qu'il me
soit permis d'exprimer le sentiment de profonde tristesse que
j'éprouve de ne pas le voir siéger aujourd'hui à côté de son il-
lustre collaborateur. Vous partagez tous, messieurs, j'en suis
certain, cette pénible impression : depuis vingt ans il était mem-
bre du comité des éludes dramatiques, et là aussi il a laissé un
vide à combler. Le Conservatoire a le droit de prendre sa part du
deuil profond dans lequel la perte de cet esprit si fécond, si bril-
lant, a plongé l'art dramatique dans le monde entier ; car on
ne saurait contester que l'art français (tragédie, comédie ou
opéra, drame ou opéra-comique) est, pour ainsi dire, en pos-
session du théâtre universel. C'est à vous, messieurs, qu'il appar-
tient de conserver ces conquêtes qui, depuis Louis XIV, ne sont
jamais sorties des mains de France.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
291
« Et pour cela, éludiez, travaillez sans cesse ! Si une ardeur
impatiente murmurait à vos oreilles : « L'imagination vaut mieux
que la règle; — l'inspiration trouve tout ce qu'il faut dans une
soudaine intuition, et le génie n'a pas besoin de la tradition, »
repoussez ces fausses théories : l'imagination s'égare et ne va pas
loin sans la règle qui la dirige; — l'inspiration a quelquefois
rencontré le sublime, mais elle est capricieuse et ne vient qu'à
l'heure qui lui plaît. Quant au génie. . . le don est rare. . . Nous
l'avons vu cependant : au commencement du siècle il s'est ap-
pelé Talma, il s'est appelé Malibran et Mars ; de nos jours en-
core, il s'appelait MUe Rachel. Moins superbe et moins dédai-
gneux qu'on ne le suppose, il n'attendait pas tout de lui-même;
il regardait la tradition comme son héritage naturel et ne répu-
diait pas ce trésor d'expérience acquise, celte succession riche de
taDt d'études, de tant de souvenirs, qu'il devait léguer à son
tour plus riche de ses propres études et de ses propres souve-
nirs. Toujours préoccupé de son art, cherchant le mieux, allant
au-devant des conseils, il semblait s'ignorer et ne pas croire
qu'il fût le génie; mais il savait que le goût est le génie même
de la France.
« Le goût, messieurs, j'en ai parlé dans une autre enceinte,
et vous ne serez pas surpris que j'en parle encore avec vous; le
goût était l'instinct, la nature et le besoin de ces grands artis-
tes. Il réglait sans effort leurs gestes, leur démarche et toute
leur attitude. — Quelle dignité! quelle élégance! quelle conve-
nance! je ne dis pas seulement dans la comédie délicate et en-
jouée, mais jusque dans les mouvements les plus hardis de la
passion tragique! quelle grâce mêlée à la terreur! quelle me-
sure dans la force ! quelle force dans la mesure ! Et cette me-
sure, se trouvant en harmonie avec le sentiment du public, élevé
par l'art pur devenait la commune intelligence de l'artiste et du
parterre, la condition indispensable du succès, la base, enfin, de
ces grandes renommées dont notre pays se glorifie.
« Et cela est si vrai que quand leur public habituel manquait
à ces grands talents, ils sentaient aussi que la mesure leur échap-
pait. En vain, dans leurs excursions triomphales, essayaient-ils
de résister aux applaudissements qui les entraînaient par-delà le
but; l'enthousiasme du parterre ne les laissait plus maîtres
d'eux-mêmes ; ils cédaient, et la limite était dépassée. Plus ad-
mirés, plus applaudis , ils étaient moins satisfaits. Ils avaient
besoin de revenir ici pour se retrouver, pour recevoir en quelque
sorte la leçon du silence... pour être moins applaudis, mais
mieux jugés.
« Je me résume : l'étude, — la tradition, la mesure. — Ne
perdez pas de vue surtout que, si l'art est un plaisir, un charme,
et le premier de tous pour le public qu'il enchante, il est pour
l'artiste un effort persévérant, un travail, souvent même une
douleur... Aussi, à toutes les vocations incertaines qui se
portent vers l'art comme vers un plaisir, je dirai : « Arrêtez-
vous . . . choisissez une autre carrière . . . vous vous êtes trom-
pés. . . » Mais à ceux qui, doués de la nature, sont animés du
feu sacré, je dirai : « Persévérez avec courage; ne craignez pas
le labeur, car il vous offre en perspective la fortune et la gloire. »
Après les émotions du discours officiel sont venues celles des
récompenses accordées aux élèves. Les diplômes ont été succes-
sivement délivrés par S. Exe. le Ministre d'État en personne,
avec quelques mots de félicitation à l'adresse des premiers prix.
Les jeunes gens étaient d'abord appelés, puis les jeunes filles.
On a remarqué des enfants escomptant les premières couronnes
pendant que des adultes se disputaient de laborieux accessits.
C'est que l'intelligence précoce défie comme à plaisir le solennel
calendrier. Mais celui-ci laisse passer paisiblement les petits pro-
diges qui, pour arriver les premiers, n'en sont que plus sou-
vent les derniers au jour de la vraie maturité.
Les diplômes remis aux élèves , la séance a été suspendue
pour livrer le théâtre aux exercices de musique vocale et instru-
mentale qui couronnent chaque année la distribution des prix.
Le programme se composait, cette fois : 1° d'un fragment de
concerto de Kreutzer , littéralement enlevé par l'archet de
M. Willaume, premier prix de la classe Massart; 2° d'un air
du Trouvère , très-purement chanté par M. Caron , premier
prix de la classe Laget ; 3° d'un fragment de concerto de Chopin,
rendu avec sentiment par Mlle Lechesne , premier prix de la
classe Le Couppey. Voilà pour la première partie du programme.
Les autres lauréats des classes instrumentales ont dû se con-
tentsr de paraître en tout ou partie dans l'orchestre dirigé
par M. Pasdeloup, et qui accompagne chaque année les scènes
lyriques de la séance.
Ces scènes lyriques étaient celles de la Part du Diable , des
Huguenots et du Caïd. La première faisait applaudir MUeCico,
trois fois nommée comme premier prix de chant, d'opéra-co-
mique et d'opéra. Le rôle de Carlo lui sied à ravir, et M. Ca-
poul, appelé deux fois comme premier et second prix d'opéra-
comique et d'opéra, a partagé le succès de Carlo dans le per-
sonnage de Raphaël.
La seconde scène lyrique, le quatrième acte des Huguenots,
a produit sous les traits expressifs de M"e Roses, une Valentine
qui promet de chanter juste un jour, et en M. Morère un Raoul
qui tient déjà beaucoup, — trop même parfois. M. Morère
a été rappelé avec insistance, et c'était justice.
La troisième scène enfin , celle du Caïd, couronnait le pro-
gramme et personne ne s'est levé avant la dernière note. Il est
vrai que MUe Balbi y avait obtenu un très-grand succès au
concours, et que chacun voulait entendre et revoir la nouvelle
Virginie qui a autant de grâce que de naturel, au double point
de vue du jeu et du chant. Puis M. Gourdin représentait le tam-
bour-major Michel , et M. Capoul l'amoureux Biroteau, l'un
avec la légitime assurance d'un premier prix de l'an dernier,
qui a fait consacrer son diplôme par les bravos du public de
la salle Favart ; l'autre avec cette aisance de l'élève fait ar-
tiste, qui semble dire : « Voyez en moi un pensionnaire de
l'Opéra-Comique disputé par le Grand-Opéra. » Nous ajouterons
que l'Académie impériale de Musique a rendu le service à
M. Capoul de le laisser à la scène secondaire pour laquelle sa
voix et sa personne ont été, créées et mises au monde lyrique.
Ces trois fragments de musique dramatique étaient précédés
de scènes empruntées au premier acte des Femmes savantes,
avec Mlles Roussel, Dambricourt et M. Laroche, pour Armande,
Henriette et Clitandre. Elles ont causé une très-agréable diver-
sion qu'un peu de tragédie aurait complétée; mais le soleil d'août
commandait un programme tempéré qui pût s'effectuer en
moins de deux heures.
Ce difficile problème a été résolu, et l'on peut dire qu'à tous
égards celte solennité de distribution de prix du Conservatoire a
été courte et bonne.
L'année 1861 marquera dans les annales de la rue Rergère.
J.-L. Heugel.
292
LE MENESTREL.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
MOZART
JEAN-CHItYSOSTOME-WOLFGANG-AMEDEE
III.
Dans sa nouvelle situation, Mozart redoubla d'énergie. Oc-
cupé dans la matinée à donner des leçons, presque toutes ses
soirées étaient prises par les concerts. Dévoré par une prodi-
gieuse activité d'esprit, il trouvait encore le temps de composer
toute sorte de musique, et jusqu'à des contredanses et des valses
pour les bals publics. C'est a partir de cette époque qu'il écrivit ses
plus belles œuvres instrumentales, entre autres les six quatuors
pour deux violons, alto et basse, qu'il dédia à Haydn, précédés
d'une épître remplie d'admiration et de respect filial pour le père
de la symphonie. Il travaillait au second de ces quatuors lorsque
sa femme était en couches de son premier enfant. Il restait dans
la chambre de la jeune more, et chaque fois qu'elle se plaignait il
courait à son chevet pour la consoler et l'égayer, et regagnait sa
table dès qu'il la voyait tranquille. L'heureux caractère de Mo-
zart, sa confiance en lui-même lui faisaient surmonter toutes les
difficultés. Cependant, le produit de son travail était loin de suffire
aux besoins de son ménage. 11 désirait ardemment pouvoir con-
duire sa femme à Salzbourg pour la présenter à son vieux père ; .
mais il avait été obligé, faute d'argent, de reculer ce voyage. En-
fin, dans les derniers jours du mois d'août 1783, il se décida. Au
moment de monter en voiture, il fut arrêté par un créancier,
qui exigea impérieusement le payement de trente florins (60 francs
environ) que l'artiste lui devait.
Après un séjour de près de trois mois à Salzbourg, Mozart re-
vint a Vienne. Ces trois mois n'avaient pas été perdus pour l'art,
puisque pendant ce temps il avait produit son Davidde pénitente,
oratorio qui renferme des beautés du premier ordre, et deux
duos pour violon et alto, qu'il composa sous le nom de Michel
Haydn, frère du grand Haydn. Michel Haydn étant malade et ne
pouvant remplir un engagement pris envers l'archevêque de Salz-
bourg, au service duquel il était attaché, se trouvait menacé
d'être privé de son traitement. Mozart vint a son secours et sa
bonne œuvre fut un chef-d'œuvre.
Plein de courage et de foi dans l'avenir, Mozart reprit le cours
de ses travaux. Les applaudissements qu'il recueillait dans les
concerts et surtout l'approbation des maîtres de l'art devaient le
consoler des intrigues de ses rivaux, qui cherchaient à amoindrir
sa gloire : « Sur mon honneur et devant Dieu, répondait Haydn
à Léopold Mozart, qui, étant venu à Vienne en 1785, demandait
à ce grand musicien de lui dire avec sincérité ce qu'il pensait du
mérite de son fils, je liens votre fils pour le premier des compo-
siteurs de nos jours. » L'empereur Joseph II, qui aimait la per-
sonne de Mozart autant qu'il estimait son talent, chargea le com-
positeur d'écrire la musique d'un petit opéra-comique en un acte,
intitulé : Der Schauspiel director (le Directeur de spectacle), qui
fut joué, au mois de février 1786, au palais de Schœnbrunn.
Bientôt après avois donné cette bluelte, Mozart reparut sur la
scène lyrique avec Le Nozze di Figaro, opéra-bouffe en quatre
actes. Rien de ce qu'on avait entendu jusqu'alors ne pouvait
donner l'idée de cette partition colossale par l'abondance des
airs, des duos, et par la grandeur et le développement des mor-
ceaux d'ensemble de caractères différents. Le charme et la nou-
veauté des mélodies, la richesse et la variété des accompagne-
ments, tout concourait à la perfection do l'œuvre qui allait faire
époque dans la vie de l'artiste comme dans l'histoire de la musique
dramatique. Une cabale formidable, montée par les compositeurs
et les virtuoses italiens, faillit arrêter les répétitions de l'ouvrage,
et il ne fallut rien moins qu'un ordre de l'empereur pour qu'au
mois de mai 1786 Le Nozze di Figaro fussent représentées sur
le théâtre italien de la cour, où, malgré l'opposition de ses ad-
versaires, Mozort obtint un nouveau triomphe. Le succès de cette
admirable partition fut général en Allemagne dès son appa-
rition .
Au mois de février 1787, Mozart se rendit àPrague, et y jouit
en personne de l'enthousiasme qu'excitait son dernier ouvrage,
interprété sur le théâtre de celte ville par une excellente troupe
de virtuoses italiens, dirigée par un nommé Bondini. A son en-
trée dans la salle de spectacle, le célèbre artiste fut salué par de
bruyantes acclamations, qui se renouvelèrent chaque fois qu'il
assista à une représentation. Ému d'un pareil accueil et voulant
témoigner sa reconnaissance aux habitants de Prague en com-
posant un opéra tout exprès pour eux, il promit à Bondini de
revenir l'hiver suivant et d'écrire une partition pour sa troupe.
A son retour à Vienne, Mozart, préoccupé de l'engagement
qu'il venait de contracter, en parla au poète italien Lorenzo da
Ponte. Celui-ci avait déjà jeté sur le papier le plan d'un librelto,
ayant pour sujet Don Juan, dont il avait puisé les éléments dans
Tirso de Molina et dans Molière ; il le montra à Mozart, qui
l'accepta. Lorenzo da Ponte se mit aussitôt à l'ouvrage, et, à me-
sure qu'il terminait une scène, il la communiquait au composi-
teur, dont il recevait les conseils avec beaucoup de déférence. Au
moment où Mozart se disposait à écrire la musique de Don Juan,
il eut le malheur de perdre son père. Frappé dans la plus chère
de ses affections, il se sentit défaillir. Il avait alors trente et un
ans, et déjà le pressentiment de sa fin prochaine envahissait son
âme. Une voix semblait lui dire : « Hâle-toi d'accomplir ton
œuvre, il est temps. » — « La mort, quand on y réfléchit, écri-
vait-il dans une de ses lettres, paraît être le véritable but de la
vie. Je me suis tellement familiarisé avec cette idée, qu'elle n'a
rien d'effrayant pour moi, et que je me couche sans penser que
le lendemain je puis ne pas me réveiller. » Mais une douce tris-
tesse voilait le regard de l'artiste et annonçait le regret de quitter
la vie dans la force de l'âge et du talent. Ce fut clans ces dispo-
sitions d'esprit que Mozart, accompagné de sa femme, partit pour
Prague, emportant le librelto de son opéra, dont il avait seule-
ment esquissé quelques morceaux.
Dès son arrivée dans celte ville , son ami Dussek s'empressa
de lui offrir un logement dans sa maison. C'est là que Mozart,
puisant ses plus heureuses inspirations au milieu des heures pai-
sibles de la nuit, composa la musique de ce drame terrible, où
tous les sentiments du cœur humain se trouvent exprimés avec
une variété incessante qui fait succéder l'image la plus riante au
tableau le plus sombre; et, chose inouïe, le mois d'octobre 1787
lui suffit pour écrire celle immense partition, création originale
du genre de musique que depuis lors on a appelé romantique.
On commença aussitôt les répétitions de l'ouvrage, qui fut repré-
senté dans la même année sous le titre de : Il dissoluto punito,
ossia don Giovanni. La rapidité avec laquelle l'ouverture fut
écrite témoigne de la prodigieuse facilité du compositeur. La
veille de là première représentation, cette admirable préface de
son œuvre n'était encore, dit-on, que dans son imagination ; rien
n'existait sur le papier. Après avoir passé gaiement la soirée avec
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
293
quelques amis, Mozart se mit au travail à deux heures du malin,
ayant à ses côtés sa femme, qui lui avait préparé un grand verre de
punch. Les copistes avaient été prévenus, et le lendemain à sept
heures du soir, un peu avant le lever du rideau, les feuilles en-
core humides étaient placées sur les pupitres de l'orchestre. Quoi-
qu'on n'ait pas eu le temps de répéter ce morceau, les musiciens,
dirigés par Strohbacli, leur habile chef, l'exécutèrent avec tant
de chaleur et de précision que l'auditoire put à peine contenir
jusqu'à la fin les transports de son enthousiasme. Don Juan eut
un immense succès à Prague.
Denne-Bakon.
I La suite au prochain numéro. )
SEMAINE THEATRALE.
LL. MM. l'Empereur et le roi de Suède honoraient , mer-
credi dernier, de leur présence la représentation de I'Opéra.
Le spectacle se composait du quatrième acte des Huguenots,
de Graziosa et du Marché des Innocents. — La veille, mardi,
avait eu lieu une solennité, sinon aussi officielle, du moins
aussi piquante et productive. C'était la soirée du bénéfice de
Mme Marie Petipa , annoncée depuis quelques jours. Une comé-
die du Gymnase, les Tremblcurs, étaiiehargée d'ouvrir le spectacle.
Puis venait le quatrième acte des Huguenots, avec Mme Viardo't,
et Michot. Tamberlick, Belval et Cazaux ont ensuite dit le trio
de Guillaume Tell, auquel ont succédé les divers pas et divertis-
sements chorégraphiques défrayés par Mmes Petipa, Zina-Mé-
rante et Chapuy. Dans le troisième acte et dans le duo du
deuxième à'Otcllo, Tamberlick et Mme Viardot ont électrisé
l'auditoire comme chanteurs et comme tragédiens; ils ont été
rappelés à plusieurs reprises. La soirée s'est terminée par le Mar-
ché des Innocents, dont la bénéficiaire fait si bien les honneurs.
L'wf dièze de Tamberlick a de nouveau justifié sa réputation.
Cet incomparable ut dièze est d'ailleurs greffé sur une voix com-
plète, mais essentiellement italienne, sur une voix enfin qu'il faut
se garder de diriger vers le chant français. Mme Pauline Viardot
continue de chanter avec tout l'art qu'on lui connaît. C'est une
grande cantatrice d'école de sentiment. Toutefois, le rôle de Va-
lentine ne peut plus être de son répertoire ; aussi ne l'a-t-elle
rempli qu'à titre d'obligeance, Mlle Sax se trouvant empêchée de
prendre possession de ce rôle, qui lui était destiné pendant le
congé de Mme Gueymard-Lauters.
Vendredi dernier, ont eu lieu, dans Itobert-lc-Diable, les dé-
buts de Mme Rey-Balba et de Dulaurens : un double petit événe-
ment précipité par l'indisposition de M"e Sax, dont nous serons
privé quelque temps encore. Mme Rey-Balba ne doit chanter à
l'opéra que pendant quelques soirées.
M. Dulaurens, que nous avions déjà applaudi au Théâtre-Ly-
rique, a fait des progrès comme chanteur et comme comédien;
il a travaillé son instrument et s'est appliqué à lui donner une
certaine ampleur ; parfois ses inflexions de voix rappellent celles
de Duprez, avec des sons plus cuivrés. Il a joué avec chaleur et
s'est abandonné à des élans passionnés qui, par 30 degrés Réau-
mur, n'étaient pas dépourvus de mérite, au point de vue de l'ab-
négation hygénique. — Quant à Mme Rey-Balba, elle nous a
semblé insuffisante dans le personnage d'Alice. Le public n'a pu
lui voter que des eucouragements. Mme Vandenheuvel-Duprez a
fait des prodiges de vocalisation dans son rôle d'Isabelle. —
Le ténor Morère, premier prix de chant et d'opéra, vient d'être
engagé sur notre première scène lyrique.
Mlles Ralbi, Cico et M. Capoul, tous trois premiers prix des
derniers concours du Conservatoire, viennent d'être engagés à
I'Opéra-Comique. Tout le monde s'y attendait; ce qui ne nous
empêche pas d'applaudir à cette triple acquisition. — Montaubry
a effectué sa rentrée sur la scène de Favart. Fra Diavolo et le
Petit Chaperon Rouge ont retrouvé leur interprète, en attendant
l'apparition du Postillon de Longjumcau. Mme Faure-Lefebvre,
la séduisante Rose d'amour du Chaperon Rouge, et MUe Relia
(Nanette), ont partagé avec Montaubry la meilleure réception.
— Mme Cabel a paru mardi dans la Part du Diable, et jeudi
dans l'Étoile du Nord. — Voilà donc une semaine bien rem-
plie ; et cette activité administrative cessera d'être une énigme
quand on vous apprendra que Mocker vient d'être nommé ré-
gisseur général de I'Opéra-Comique. En investissant cet excellent
artiste des pouvoirs les plus étendus, M. Reaumont a su accom-
plir un acte de bonne administration, — dût-il s'effacer quelque
peu lui-même.
Deux mots encore sur l'Opéra-Comique : M. Caste], qui s'est
fait une réputation de chanteur comique dans nos salons et con-
certs, a débuté dans Giraud, du Pré aux Clercs. Le rôle n'est
évidemment pas dans ses cordes; aussi l'insuccès n'a-t-il pas
été douteux. Toutefois, la troisième épreuve lui a été moins défa-
vorable, et nous attendons une meilleure occasion pour justifier
son engagement. M. Castel succède, dit-on, à M. Davoust.
Le Vaudeville a donné cette semaine une comédie en trois
actes de M. Henri Rochefort, un des rédacteurs du Charivari.
Cette pièce, dont le sujet a été emprunté à une nouvelle de
M. Louis Ulbach, est intitulée : les Roueries d'une ingénue. La
reprise d'une comédie de Picard et M. Mazères, l'Enfant trouvé
(né àl'Odéon en 1824), a été chargé de compléter le spectacle.
Saint-Germain joue le rôle de Delbar avec beaucoup de verve et
d'esprit. — Grande nouvelle ! On monte au Vaudeville une
pièce posthume de Scribe, avec Febvre et Mme Lambquin dans
les principaux rôles.
La troupe du théâtre des Variétés va rentrer dans le bercail.
Les planches neuves seront élrennées et inaugurées par les Danses
nationales. Cette fantaisie chorégraphique sera accompagnée de
deux autres pièces nouvelles : Rrouillés depuis Wagram, dont
Leclerc jouera le principal rôle, et Un dîner de famille, avec
Alexandre dans trois types différents.
Au théâtre du Chalet des Iles nous avons applaudi l'autre
soir une amusante opérette, Flambcrge au vent , de MM. Ch.
Nuitter et Georges Stenne, musique de M. Frédéric Rarbier.
Les scènes de cette jolie pièce sont habilement amenées, et les
saillies et les mots spirituels ne font pas défaut. La musique est
à l'avenant; il faut surtout mentionner une sérénade à deux
voix avec solo de violon, les couplets du tuteur, le trio de la
déclaration avec un motif syllabique d'un effet original , les
couplets de Flamberge au vent, que Mlle Chrétienuo a rendu
avec un merveilleux entrain, et enfin un duo de peur, d'un style
fugué de la bonne école ; malheureusement une grave indispo-
sition de MUe Chrétienno a interrompu les représentations de
cette opérette au milieu de son succès.
J. Lovy.
291
LE MÉNESTREL.
NOUVELLES DIVERSES.
— Les correspondances de Bade constatent le succès qu'a obtenu l'opéra
de MM. Améde'e Achard et Cormon, les Deux amours, musique de M. Ge-
vaert. On cite particulièrement l'ouverture, une romance, un trio, une
barcarolle et un duo de provocation. Prilleux a joué avec rondeur le rôle
d'un juge de canton. Il110 Faivre, dans le personnage d'un jeune pêcheur,
et Mlle Monrose, se sont partagé les applaudissements d'un parterre de
rois et de la haute aristocratie européenne. Les fêtes musicales et les pri-
meurs théâtrales vont maintenant se succéder à Bade sans interruption.
En effet, voici le programme annoncé par les correspondances :
Pour le mois d'août : quelques représentations des Deux amours, le
Tableau parlant et Bonsoir, voisin ; le festival de Berlioz, plusieurs con-
certs avec les premiers artistes de nos premiers théâtres et les meilleurs
instrumentistes du monde. ■ — Pour le mois de septembre : le Diamant et
le Verre, comédie inédite de M. Léon Gozlan ; le Village, de M. Octave
Feuillet; Adieu paniers, vendanges sont faites, comédie inédite en deux
actes, de M. Théodore Barrière; les Deux ménages; Simple histoire; le
Feu au Couvent; le Dernier couplet, comédie inédite de M. Albert Wolff ;
un opéra inédit de M. Schwab, poème de MM. Carré et Jules Barbier. —
Et on ne parle ni des concerts au kiosque, ni des bals de réunion, ni des
réjouissances à l'occasion de la fête du Grand-Duc, ni des courses qui
attirent à Bade en septembre et en octobre tous les sporlmen de Paris et
de Londres.
— C'est le Maenner Cesang-Verein (Société de chant d'hommes | de
Vienne, qui a remporté le premier prix au festival de Nuremberg. Il
consiste en une coupe magnifique offerte par la ville de Berne.
— La statue qu'on élève à Vienne à la mémoire du chanteur Staudigl
est déjà très-avancée. Le statuaire, M. Pilz, a modelé la tête du défunt
d'après un portrait à l'huile qui a été peint quelque temps avant la mort
de Staudigl. La statue est colossale ; elle sera soutenue par quatre anges,
et posée sur un piédestal de granit.
— A Ischl (Autriche) vient de mourir la veuve de l'ancien directeur du
théâtre Karl. Fille du musicien Martin Hang, à Munich, elle était née dans
cette capitale en 1788, et parut pour la première fois sur la scène en 1812.
Par suite elle fut attachée comme cantatrice au théâtre de la Cour. Après
avoir épousé M. Karl, elle s'établit avec lui à Vienne en 1826. On doit à
jfme j£ari ia traduction de plusieurs œuvres dramatiques françaises.
— A Cologne, on va s'occuper très-prochainement de construire un
nouveau théâtre. La salle aura quinze portes de sortie donnant sur la rue
la Comédie et rues adjacentes. Tous les corridors seront voûtés.
— Le monde théâtral de Londres a vu s'éteindre une célèbre coryphée,
connue de tous pour son talent à conduire, comme soprano, les chœurs
des festivals et des sociétés chantantes du pays: Mme Susannah Byers, vient
de mourir à l'âge de soixante-onze ans. C'était une des huit que les chan-
teurs de la chapelle royale appelaient depuis plus de cinquante ans « les
sorcières du Lancashire », et qui vinrent à Londres pour chanter dans les
anciens concerts dirigés par M. Greatorex. On a compté qu'elle avait chanté
plus de quatre cents fois pour la Sacred Harmonie Society, sous la direc-
tion de MM. Surman et de Costa, depuis sa fondation jusqu'à la saison
actuelle.
— On nous écrit de Bruxelles : « La messe solennelle à deux chœurs, de
M. Pierre Benoît, vient d'être chantée à Bruxelles par plus de deux cents
exécutants. Nous ne reviendrons pas sur le mérite de cette œuvre. Nos
lecteurs se rappellent avoir lu, dans un de nos derniers numéros, le rap-
port de M. Fétis, et notre appréciation, quelque minutieuse et étudiée qu'elle
fût, serait de bien peu d'importance, comparée à celle du savant direc-
teur du Conservatoire de Bruxelles. Cependant, M. Fétis, en examinant
la nouvelle composition musica'e de M. Pierre Benoît, au point de vue
de l'art, a laissé trop dans l'ombre l'esprit, l'idée, qui ont présidé à la
composition de celte œuvre. Il lui était pourtant facile, et nul autre que
lui n'en était plus capable, de faire ressortir les sentiments mystiques,
mais pleins de grandeur, et conformes en tous points aux idées religieuses
de notre époque dont s'est inspiré M. Pierre Benoît.
o Nous n'entreprendrons point aujourd'hui l'analyse de chacune des par-
ties de celte messe ; nous nous réservons de le faire dans quelques mois, à
son exécution à Paris. Nous nous contenterons de constater son succès et
sa parfaite exécution, qui fait honneur à M. Fischer, qui dirigeait l'orches-
tre. Nous lui adressons, à ce sujet, au nom de tous les artistes, nos sin-
cères félicitations.
« Sous peu paraîtront de nouvelles compositions de M. Pierre Benoit,
pour le piano : ce sont des ballades, des récits fantastiques, dans lesquels
l'artiste raconte l'histoire légendaire de la Flandre. Nous reviendrons bien-
tôt sur chacune de ces études qui n'auront pas moins de vogue, nous en
sommes certain, que les premières du même compositeur. A. Hernette.»
— En quittant sa résidence de Vichy , l'Empereur a laissé à diverses
personnes des marques de sa munificence. Mme Strauss a reçu un délicieux
bracelet en filigrane d'or , avec boucle et agrafe ornées de diamants.
M. Bernardin, chef d'orchestre du Casino, a reçu une médaille en or à
l'effigie de Napoléon III.
— On lit dans le Moniteur des Arts ; « La foule abonde cette année
à Néris, où toutes les aristocraties nerveuses se sont donné rendez-vous.
Le Puits de César, un puits quelque peu déclassé, trouve un puissant
auxiliaire dans les nombreuses soirées musicales que dirige M. Michiels, un
des plus habiles artistes du Théâtre-Italien et de la Société des concerts du
Conservatoire. Les meilleurs morceaux de l'ancien et du nouveau réper-
toire y sont tour à tour exécutés. Au nombre des artistes engagés pour la
saison, figure en première ligne Mlle Moréau, du Théâtre-Lyrique; puis
Mmc Legrand, du même théâtre, et une excellente pianiste, Mme Marx.
Mardi dernier, c'était grande fête : le concert donné au bénéfice de MUo Mo-
réau réunissait, dans le beau salon de l'établissement thermal, toute l'élé-
gante société de Néris, jalouse de témoigner ses sympathies à cette char-
mante actrice. Le programme, du reste, était des mieux choisis. On y a
non-seulement entendu plusieurs morceaux composés et remarquablement
exécutés par M. Michiels, mais encore un duo sur Guido et Ginevra, pour
piano et violon, et surtout la tyrolienne de Donizelti , puis un air des
Noces de Figaro, qui ont valu à Mlle Moreau les applaudissements et les
bravos de la salle entière. »
— Les baigneurs de Dieppe n'ont pas à se plaindre des récréations mu-
sicales qu'on leur a ménagées cet été. Parmi les menus de la saison, il
faut particulièrement citer la soirée toute récente à laquelle ont pris part
Mme Rieder, M. deWroye, première flûte du Théâtre-Italien de Londres, et
Mlle Delphine Champon. Mn,e Rieder a charmé l'auditoire par l'agilité de
ses doigts et la pureté de son jeu. M. de Wroye s'est fait vivement applau-
dir dans une fantaisie sur la Juive, et un duo sur la flûte et soprano.
Quant à MUe Champon, on sait avec quel sentiment parfait elle fait chanter
l'orgue d'Alexandre.
— Toute la presse a retenti cette semaine du sinistre qui a éclaté à Étre-
tat, dans la soirée du 3, et dévoré en quelques heures la maison de Jacques
Offenbach, le directeur des Bouffes-Parisiens. Toute la ville a été émue et
consternée de ce triste événement, et les preuves de sympathie, de dévoue-
ment n'ont pas fait défaut au maître du logis et à son intéressante famille.
Artistes, littérateurs, journalistes, touristes de tous les pays, ont brave-
ment fait la chaîne et secondé les efforts des pompiers de la localité. On
n'a pu sauver, dit-on, que la musique et le violoncelle d'Offenbach. Meu-
bles, linge, bijoux, tout est devenu la proie des flammes. Il est d'autant
plus heureux qu'au milieu de ce désastre on n'ait aucune victime à re-
gretter , que les enfants de M. et Mme Offenbach dormaient déjà lorsqu'à
éclaté l'incendie : les parents et quelques amis causaient au salon, et à la
première alerte donnée on a pu juger du courage et de la présence d'esprit
de Mme Offenbach , qui s'est multipliée pour les siens dans cette cruelle
épreuve. Son éloge était dans toutes les bouches.
— A Saint-Malo on a eu occasion d'applaudir Géraldy et Mme Mancel ,
qui ont donné un très-brillant concert au Casino. Ces deux excellents artistes
ont retrouvé là tous leurs succès de l'hiver dernier à Paris. — On attend
maintenant Mlle Joséphine Martin, et Mme Oscar Comettant qui viennent de
se faire entendre à Dieppe devant un public aussi nombreux qu'empressé.
— On nous écrit de Saint-Omer : « Le 30 juillet dernier a eu lieu, à
l'église du Haut-Pont, l'inauguration du nouvel orgue, en présence d'un
grand nombre d'artistes et d'amateurs accourus de Lille, Boulogne, Rou-
baix, etc. L'instrument a été touché par MM. V. Dubois, professeur au
Conservatoire royal de musique de Bruxelles, et Guilmant, l'un des meil-
leurs élèves de Lemmens. Ces deux artistes ont tour à tour fait ressortir
toutes les qualités de ce bel instrument. M. V. Dubois s'est montré aussi
bon improvisateur qu'habile exécutant. La maîtrise de Notre-Dame a exé-
cuté plusieurs morceaux de chant avec beaucoup de goût et de précision.
L'églisedu Haut-Pont peut se vanter de posséder un des plus remarquables
instruments sortis des ateliers de Merklin Schulz. »
NOUVELLES ET ANNONCES.
29S
— Voici le programme des chœurs qui seront exécutés au prochain
festival des Orphéonistes de France au Palais de l'Industrie : les Enfants de
Paris, Ad. Adam; — la Nouvelle alliance, F. Halévy; — le Temple uni-
versel, H. Berlioz; — Y Appel aux armes (du Prophète), Meyerbeer; —
France! France I Ambroise Thomas; le Chœur des Soldats (de Faust),
Gounod; — A la grande Cité ! Limnander; — Pater noster, Besozzi; —
Chœur des Matelots (du Vaisseau-Fantôme), R. Wagner; — Chant du
Bivouac, Kucken ; — Aux bords du Rhin, Kucken ; — Chant des Ban-
nières, Laurent de Rillé ; — Hymne à la Nuit, Chwatal. — Parmi les
chœurs spécialement composés pour le festival , nous citerons le Temple
universel, paroles de J.-F. Vaudin, musique de H. Berlioz. — Après le
festival, un concours aura lieu entre les sociétés chorales.
— Les recettes brutes qui ont été faites pendant le mois de juillet
dans les établissements soumis à la perception du droit des indigents, se
sont ainsi réparties :
Théâtres impériaux subventionnés 221,275 fr. 52c.
Théâtres secondaires de vaudevilles et petits spec-
tacles 452,637 15
Concerts, spectacles-concerts, cafés-concerts, bals. 173,152 25
Curiosités diverses 25,853 50
Total 872,918 42
— Aux termes d'une circulaire ministérielle, il est désormais interdit
au comité de lecture du Théâtre-Français de recevoir des pièces faites en
vue du Vaudeville et du Gymnase. Le Ministre d'État vient en même temps
d'inviter les théâtres de vaudevilles à revenir aux couplets. Il est fâcheux
que l'autorité ne puisse pas intimer aux auteurs l'ordre de rendre leurs
couplets aussi spirituels que possible. Le théâtre y gagnerait.
— En citant les divers jurys des derniers concours du Conservatoire,
nous avons fait une omission que nous nous empressons de réparer.
M. J.-B. Wekerlin ne faisait pas seulement partie des jurys à huis-clos,
— notamment de celui d'harmonie, — il siégeait encore parmi les jurés
du chant. M. "Wekerlin remplit ces fonctions depuis quatre ans, et il s'en
faut que ce soient des sinécures.
— M. Henri Stiehl, organiste et compositeur de Saint-Pétersbourg, est
arrivé à Paris ; il a l'intention d'y rester quelque temps pour nous faire en-
tendre, sur l'orgue d'une des principales églises de Paris, plusieurs de ses
compositions. On se rappelle que l'an dernier, M. Stiehl a remporté le prix
de la Tonhalle, à Manheim, pour une sonate, piano et violoncelle.
— On nous écrit de Rouen : « Dans deux concerts donnés la semaine
dernière, on a eu occasion d'applaudir deux productions de l'excellent
professeur-compositeur Malliot. L'une, la belle mélodie de Charles-Quint
contrastait par l'ampleur du style avec l'autre, les Vrais plaisirs , très-
agréable mélodie. Poultier, de séjour à Rouen, a fait entendre dans ces
deux concerts le Nid abandonné, de Gustave Nadaud, dont il tire les effets
les plus suaves. C'est tout un nouveau succès pour lui. »
— La grande marche, Victoire ! composée pour piano par Edmond
Guion, sera exécutée au camp de Châlons par une musique militaire , à
l'occasion des grandes fêtes qui se préparent. C'est M. Guimbal, sous-chef
de musique de la gendarmerie, qui s'est chargé de l'orchestration de
cette belle marche dédiée à S. M. l'Empereur Napoléon III.
Nous ne pourrons rendre compte que dimanche prochain du grand
concours d'orphéon et de musiques militaires qui vient d'avoir lieu à
Caen. Nous parlerons aussi du concert organisé pour la circonstance par
M. Pasdeloup, et dans lequel Mlle Balbi et 51. Capoul ont recuelli de nom-
breux applaudissements.
— Voici une réclame qui, pour être véridique, n'en distance pas moins
toutes ses aînées. Nous la livrons telle quelle à nos lecteurs : « Au sein des
mille et un enchantements qui font du Chàteau-d'Asnières l'endroit le plus
merveilleux et le plus recherché autour de Paris, le public assiste en fré-
missant à la représentation de l'Homme Salamandre, qui résiste à une
intensité de chaleur de 260 degrés ; — la chaleur qui fait fondre le plomb.
Un morceau de soufre entre en fusion à dix pas d'un bûcher; c'est une cha-
leur de 190 degrés. Les sapeurs-pompiers, à une distance de dix mètres,
ont peine à garder leur poste ; le hermomèlre marque tout près de 38 de-
grés. VHomme Salamandre est le plus étonnant et le plus émouvant
spectacle que l'on puisse voir, et il déroute toutes les observations de la
science. Aujoud'hui , dimanche , l'un de nos plus célèbres médecins doit
constater les phénomènes particuliers de la pulsation des artères chez
l'Homme incombustible, qui réalise ainsi tout ce que l'on a dit de fabu-
leux de la Salamandre. »
C'est, du reste, la semaine aux excentricités : On a pu lire dans tous les
journaux que le professeur de danse Markowski avait établi, dans sa salle
de bal, une sorte de fontaine-Moët, d'où le Champagne coulait à pleins-bords.
Autrefois le Ranelagh se contentait d'une modeste rosée de l'eau de Cologne-
Prosper. — Est-ce un progrès?
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84. Pervenche , rêverie (m. d.) 5 »
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SOMMAUtE. — TEXTE.
I. Exposition de l'industrie à Marseille ; les pianos (1er article). G. Bénédit. —
II. Semaine théâtrale. J. Lovr. — 111 . Tablettes du pianiste et du chanteur:
Mozart et ses œuvres (4e article). Denne-Baron. — IV. Festival de Caeu :
Concours d'orphéons et de musiques militaires. J. Lovy. — V. Petite chro-
nique : Matrimoniomanie. — VI. Concert de bienfaisance du 16° arrondisse-
ment.— VI. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le nu mérode ce jour:
LE BONHOMME SÉRAPHIN,
Paroles et musique de Gustave Nadaud. — Suivra immédiatement
après : Un regard , paroles et musique du même auteur.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
CARILLON ,
Polka-mazurka de Joseph Braga. — Suivra immédiatement après :
Cosmopolite-polka, par Alfred Godard.
FEUILLETON DU SEMAPHORE.
CONCOURS RËGIOM.
EXPOSITION DE L'INDUSTRIE A MARSEILLE.
ILES INSTRUMENTS DE MUSIQUE. — LES PIANOS.
Les clavecins. — Les épinettes. — Enfin Malherbe vint. — Ërard , ses
inventions. — Pape. — Petzold. — Pleyel. — Meissonnier. — Henri
Herz. — Maury etDtvmas.deNimes. — Martin, de Toulouse. — Aucher,
de Paris. — Bideler-Schultz. — Utilité du piano. — Ses adversaires, ses
destinées.
( 1er Article. )
Les instruments de musique occupent à notre Exposition une
assez grande place, et s'y font remarquer par les plus beaux
spécimens de nos premiers facteurs ; il va sans dire que le piano,
à cause sans doute de son immense popularité, s'y étale en sou-
verain sur une large surface et attire plus particulièrement l'at-
tention, joué, comme il l'est chaque jour, par des mains habiles
et quelquefois savantes.
Cependant, parmi les facteurs assez nombreux qui figurent
à l'Exposition, nous avons été surpris de ne pas y rencontrer
celui qui aurait eu le droit de s'y montrer au premier rang,
entouré d'une réputation justement acquise et soutenu par plus
d'un demi-siècle de succès. Nous voulons parler d'Érard. C'est
sa maison, en effet, qui, en 1780, détrôna le clavecin et l'épi-
nette, alors très-répandus dans nos salons et fort en vogue chez
nos grand'mères, malgré la monotonie de leurs sons, résultant
d'un mécanisme qui pinçait les cordes au moyen d'un bec de
plume ou de cuir. Quelle différence entre ces guimbardes asth-
matiques et le piano véritable où les marteaux, moelleusement
revêtus et mis en jeu par les touches et divers échappements
qui venant les attaquer, amenèrent une si grande modification
dans les sonorités de toutes ses octaves! Les nuances obtenues
par les facteurs, à la fin du siècle dernier, en permettant de faire
surgir de l'instrument nouveau des moyens d'expression jus-
qu'alors inconnus dans les instruments à clavier, et modulant
les sons du grave au doux par degrés imperceptibles, firent
donner au piano le nom de forte piano ou de piano forte,
comme exprimant les deux qualités qui le distinguaient.
L'inventeur du piano, s'il faut en croire certaines notabilités
musicales, est un nommé Cristofori, florentin, qui en fit un en
1718. Après lui, on cite Silbermann , dont le premier piano
existe encore h Strasbourg, où il est conservé précieusement
comme une curiosité des plus rares ; dans cette catégorie on
pourrait peut-être encore exhiber chez nous des clavecins échap-
pés à la proscription, non pas précisément à cause de leurs qua-
lités musicales, mais grâce à leurs peintures, dont la plupart sont
signées Boucher ou Watteau.
Quoi qu'il en soit de l'invention du piano, dans la première
298
LE MÉNESTREL.
partie du xvme siècle, il est notoire que cet instrument, encore
à l'état d'ébauche au sortir des mains de Silbermann et de Cris-
tofori, n'a pris une forme régulière et offert une perfection in-
contestable, du côté du mécanisme, qu'à l'époque où les frères
Érard vinrent fonder à Paris cet établissement de la rue du Mail,
où se sont accomplies tant d'améliorations au profit du forte,
notamment celle de 1823 qui consiste dans le mécanisme à
double échappement, au moyen duquel on peut modifier le son
sans que le doigt abandonne la louche.
Aujourd'hui ces instruments sont aussi recherchés qu'aux
premiers jours de leur apparition, avantage qu'ils justifient du
reste par leur éclat et leur qualité de son d'un volume très-
considérable. Dans ses voyages, Lislz joue toujours les pianos
d'Érard, dont le représentant à Marseille est M. Roubaud.
Moins heureux que ces facteurs célèbres, M. Pape, longtemps
leur égal dans la sphère des pianos carrés surtout, auxquels il
avait apporté de véritables perfectionnements, s'est éclipsé un
beau jour, si bien qu'à cette heure notre génération aurait de
la peine à découvrir, dans les plus ignorés de nos salons, un
piano de ce fabricant dont nous nous rappelons avoir visité les
ateliers en 1830, c'est-à-dire à l'époque de leur plus grande
vogue. On pourrait en dire autant de Petzold, autre facteur
très-estimé jadis et tombé complètement dans l'oubli.
Mais la maison qui, à l'égal de celle d'Érard, s"est maintenue
sans faiblir, et rivalise avec elle, c'est la maison Pleyel. Avec
moins de force peut-être que les pianos d'Érard, ceux de Pleyel
soutiennent vaillamment les plus dangereuses comparaisons ,
témoin le spécimen-modèle qui figure à noire exposilion du
Chapitre. Ce piano à queue , grand format, à sept octaves avec
barrages en fer, sillet cuivre, meuble en palissandre, a été fa-
briqué spécialement pour Marseille à l'occasion du concours
régional, et l'on peut ajouter que c'est un vrai chef-d'œuvre du
genre, si après l'avoir admiré comme aspect, on pose les doigts
sur ses touches, d'où s'échappent des sons dont l'ampleur unie
à l'égalité la plus parfaite acquièrent un nouveau charme de la
légèreté du clavier, qui se prête admirablement à toutes les im-
pressions du jeu de l'exécutant.
Les pianos droits de Pleyel ont aussi leur place. C'est d'abord
un pianino, un petit oblique, et enfin un grand modèle forme
riche : ce dernier fait pour remplacer en beaucoup de cas le
piano à queue dont il a presque la puissance.
M. Meissonnier, qui est le représentant de la maison Pleyel,
a voulu prendre part, lui aussi, à l'Exposition marseillaise. A
force de vendre des pianos, M. Meissonnier s'est dit : Pourquoi
n'en ferais-je pas ? El bien lui en a pris d'avoir cette pensée, car
les instruments qui sortent de ses ateliers de Paris sont fort
estimés et se vendent en très grand nombre , ce dont nul ne
s'étonne, si l'on remarque qu'à l'aide d'un mécanisme perfec-
tionné, réglé avec une irréprochable précision, M. Meissonnier
est parvenu à obtenir des sons d'une rondeur remarquable en
même temps que d'une grande douceur.
Pour être venu le dernier dans la fabrication des pianos ,
M. Henri Herz n'en occupe pas moins, parmi ses confrères de
Paris, une des premières places. Le rapport officiel du jury de
l'Exposition universelle de 1855 en fait foi.
« Produire dans toute l'étendue du clavier, dit M. Fétis, un
son à la fois nourri, large, plein, moelleux et clair, qui, dans
quelque condition que ce soit, de près comme de loin, dans un
salon comme dans une vaste salle, ait de la puissance sans bour-
donnement, de la douceur sans mollesse et de l'éclat sans sé-
cheresse, tel étail le problème, et M. Henri Herz l'a résolu de
la manière la plus complète et la plus heureuse. » Du reste, les
amateurs qui ont assisté, il y a deux ans, au concert du facteur
célèbre où il joua lui-même un de ses plus beaux instruments ,
doivent rendre justice à la sincérité de l'éminent rapporteur , et
peuvent encore aujourd'hui, plus que jamais, s'en convaincre
en examinant les cinq pianos de M. Herz exposés : 1° un grande
queue; 2° un demi-queue; 3° un oblique grande modèle; 4° un
demi-oblique, et 5° un petit vertical.
Nous avons encore les pianos de MM. Maury et Dumas, de
Nîmes; Martin, de Toulouse; Aucher, de Paris; Bideler et
Schultz, instruments établis dans d'excellentes conditions, et qui
font le plus grand honneur à ces fabricants, dont les noms trou-
vent encore une place honorable à côté de ceux des maîtres de
la facture.
Quant à M. Boisselot, que pourrions-nous en dire après les
récompenses obtenues par cet honorable industriel à toutes les
Expositions de Paris et de Londres ? Ce ne sont pas les éloges non
plus qui ont manqué à M. Boisselot ; pour notre compte, nous
nous félicitons d'y avoir pris une large part, et si quelque chose
nous restait à dire à cet endroit, nous n'aurions qu'à donner le
chiffre des instruments fabriqués dans les ateliers de Notre-Dame-
du-Mont dans le courant de chaque année. L'an dernier M. Bois-
selot a confectionné plus de qualre cents pianos.
Maintenant, si vous ajoutez à ce chiffre celui de tous les
établissements identiques connus en France, vous aurez une
idée du nombre prodigieux de pianos absorbés par le dilettan-
tisme de nos quatre-vingt-six départements ; et l'on veut après
cela que le piano disparaisse de la surface du monde musical.
Rêve insensé! espoir chimérique! Le piano n'est pas un ins-
trument agréable sous des doigts inhabiles, nous en convenons
sans peine. Nous trouvons très-naturel aussi que. l'on fuie son
conlact en bien des occasions; mais lorsqu'il est maîtrisé par
des virtuoses lelsqueListz, Thalberg et Schuloff, pourrait-on nier
son charme attractif et son énergie entraînante? Et puis, en met-
tant de côté môme l'exécution proprement dite, quel instrument
pourrait être comparé au piano sous le rapport de l'utilité? Au
salon ou dans un concert ne tient-il pas une place indispensable
lorsqu'il accompagne la voix ou quelque savant instrumentiste?
Si le violon est le souverain des orchestres, a dit un éminent cri-
tique, le piano est le trésor de l'harmoniste et du chanteur. A la
ville, à la campagne surtout, que de soirées dérobées à l'ennui et
embellies des charmes de la musique ! On chercherait en vain à
former un quatuor : le piano est là, c'est le point de ralliement;
deux on trois voix exercées, une partition de Rossini, de Meyer-
beer, d'Hérold ou d'Auber, et voilà tout de suite un concert dé-
licieux. Ainsi, on aura beau faire, on aura beau diriger contre
le piano les railleries les plus incisives, les épigrammes les plus
mordantes, on aura beau vouloir le frapper du même ridicule
que la crinoline, ce sera peine perdue ; la crinoline passera et le
piano ne passera point.
G. BÉNÉD1T.
( La suite au prochain numéro.)
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
299
SEMAINE TI1ÉAT1IALL
Jeudi dernier, les théâtres se sont associés à la fêle de l'Em-
pereur par des représentations gratuites et des chants de circon-
stance.
L'Opéra donnait Robert-le-Diàble. Morère, le premier prix
de celte année, le nouveau pensionnaire de l'Académie impé-
riale, et M"e de la Pommeraye, ont chanté le Quinze août, can-
tate de M. Émilien Pacini , musique de M. Eugène Gautier. Il y
a eu succès et rappel.
La cantate de I'Opéra-Comique, paroles du directeur, musi-
que dé M. Duprato, a été chantée par Troy, Crosti et Jourdan.
Le spectacle commençait par la Dame blanche et se terminait par
les Rendez-vous bourgeois.
Le Vaudeville reprenait, un Mariage de Paris. La comédie
de MM. About et de Najac, élait accompagnée de l'Enfant trouvé
et d'une cantate de M. H. Lefebvre, musique de M. Sillevestre
chef d'orchestre du théâtre. Cette cantate, intitulée le Quinze
août comme celle de l'Opéra, était exécutée par les principaux
artistes du Vaudeville et par la Société chorale du Conservatoire
sous la direction de M. Batiste.
Au théâtre des Variétés, M. Alexandre Michel, le seul chan-
teur de la troupe dans l'acception musicale du mot, a interprété
une cantate de M. Léon Beauvallet, musique de M. Victor
Chéri, le nouveau chef d'orchestre.
Le Gymnase a eu sa cautate, intitulée Napoléon; paroles de
M. Trianon, musique de M. Mangin.
A la Porte-Saint-Martin, le public du 15 août a eu la bonne
aubaine de la reprise du Picd-de-Mouton, avec une cantate de
circonstance , paroles de M. Hector Crérnieux , musique de
M. Caspers.
La cantate de la Gaîié a eu pour auteurs MM. Dutertre et
Vulpian, musique de M. Fossey.
L'Amrigu-Comique célébrait la fête par un à-propos militaire
en un acte intitulé Anciens et Nouveaux.
Le Chalet des îles n'a pas donné de représentations gratuites,
mais il a ajouté à son spectacle une cantate de M. Voisin, Na-
poléon, musique de M, Frédéric Barbier. — Francastor , amu-
sante opérette du répertoire des Folies-Nouvelles, Flamberge au
vent, dont le succès avait été interrompu pendant quelques jours,
et les Bonshommes de plâtre avec Paul Legrand, appellent la
foule au lac du Bois do Boulogne. J. Lovy.
P. S. Un de nos correspondants de Bâle nous mande ce qui suit :
« Après le grand succès des Deux Amours de Gevaert, il était difficile
de trouver un spectacle plus attrayant que celui du 14 août, composé de :
Bonsoir, voisin, et h Tableau parlant. Le petit opéra de F. Toise a beau-
coup plu. La pièce a amusé, la musique a été trouvée charmante. Sainte-
Foy s'est montré ravissant dans le rôle de Chariot, et Mlle Tillemont une
Louisette fort agréable. Le Tableau parlant a réussi au delà de tout ce qu'on
peut imaginer. Jourdan (Pierrot), Sainte-Foy (Cassandre), Grillon (Léandre),
MUe Monrose (Colombine), Mllc Marie Faivre (Isabelle), ont été fort goûtés
et applaudis. Le duo célèbre : Je t'aime d'une ardeur éternelle, a été
comme une révélation pour la plupart des spectateurs. LL. MM. le roi et la
reine de Prusse, LL. AA. RR. le grand duc de Saxe-Weymar, le prince
Guillaume de Bade, la princesse Marie, duchesse d'Hamilton, et d'autres
très-illustres personnages ont plusieurs fois témoigné qu'ils savaient ap-
précier l'impérissable chef-d'œuvre de Grétry et ses excellents interprètes.
Le même spectacle se répète le 17. Un concert à orchestre où ûgurent
Jourdan, Mlle Monrose, Vieuxlemps, Servais et Emile Prudent, est annoncé
pour le 20. Le 26, a lieu la grande solennité musicale dirigée par Hector
Berlioz, et le mois d'août se terminera au bruit des applaudissements dé-
cernés à Graziani, Mme Carvalho, Servais, Billet, MllE Maria Boulay. « Éton-
nez-vous donc, disait hier le comte de Z..., que M. Bénazet ait fait de
Bade le premier bain de l'Europe, la capitale d'été des deux mondes I »
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
MOZART
( JEAN-CHRYS0STOME-WOLFGANG-AMÉDÉE ).
IV.
A son retour à Vienne, au commencement de 1788, Mozart
y fit représenter son dernier opéra. Mais, à l'exceplion de quel-
ques connaisseurs, le public viennois resta presque indifférent
devant ce chef-d'œuvre de l'art, auquel il préférait alors le Ta-
rare de Salieri. Trop de beautés d'un genre nouveau étaient
accumulées dans la partition de Mozart pour que celte œuvre
immortelle pût encore être appréciée à sa juste valeur. L'illustre
auteur de Don Juan, qui eut toujours la conscience de son gé-
nie, se consolait en disant : « Don Juan a été composé pour les
habitants de la ville de Prague, pour quelques amis, et surtout
pour moi. » Rien ne pouvait abattre son courage. L'empereur
Joseph II lui avait accordé le titre de compositeur de la cour avec
une modique pension annuelle de 800 florins. Toutes les res-
sources pécuniaires de Mozart consistaient dans ce revenu et dans
le faible produit de ses travaux. Comme son talent de pianiste
était universellement goûté, il faisait quelques excursions en Al-
lemagne et donnait des concerts. Cependant, malgré sa réputa-
tion, il lui arriva de jouer, à Leipsick, devant les banquettes à
moitié vides. A Vienne, il se trouvait souvent réduit à un état de
gêne extrême. Pendant un voyage que Mozart fit à Berlin, où
son élève, le prince Lichnowski, l'avait conduit, le roi de Prusse,
Frédéric-Guillaume, s'efforça de le retenir à sa cour en lui offrant
un traitement de 3,000 écus (11,250 francs). A cette proposi-
tion inattendue, Mozart devint tout pensif : « Mais, sire, répon-
dit-il, il me faudrait alors quitter mon empereur. » — « Réflé-
chissez, répliqua le roi, non sans une certaine émotion, car il
connaissait sa position précaire, réfléchissez, je vous donne un an
pour vous décider. » Mozart revint à Vienne tout préoccupé de
cette offre. Ses amis lui conseillèrent de l'accepter, et finirent
par le déterminer à aller demander sa liberté h Joseph IL « Com-
ment, mon Mozart, lui dit l'empereur, vous voudriez ra'aban-
donner! » Mozart demeura interdit, et regardant l'Empereur
avec attendrissement : « Majesté, répondit-il, je reste à votre
service. » Un pareil acte de dévouement et de désintéresssement
méritait d'être récompensé; cependant aucune amélioration ne
fut apportée dans le sort de l'artiste.
Mozart commençait à ressentir les premières atteintes d'une
maladie de poitrine compliquée d'une affection nerveuse, qui le
jetait souvent dans des accès de sombre mélancolie. Le travail
seul parvenait à le distraire de ses tristes pensées. Parmi les nom-
breuses œuvres de musique instrumentale et vocale qu'il pro-
duisit pendant les années 1788 et 1789, se trouvent ses trois
dernières symphonies. On remarque aussi la nouvelle instru-
mentation du Messie, de Haendel; le soin qu'il apporta dans cet
arrangement et dans celui de quelques autres ouvrages du même .
maître, témoignent de l'admiration qu'il avait pour son talent.
Chaque jour le mal qui consumait Mozart prenait un carac-
tère plus alarmant. On voyait à l'énergie fébrile que l'artiste
déployait qu'il sentait approcher sa dernière heure. La rapidité
avec laquelle il écrivait était telle qu'il semblait plutôt improviser
que composer, et néanmoins c'était toujours le même perfection
de style, la même richesse d'invention. Souvent il arrivait à un
300
I.K MÉNESTREL.
état d'épuisement qui l'obligeait de se jeter sur un lit de repos;
mais bientôt il reprenait son travail. Legrand musicien ne croyait
pas encore avoir assez fait pour sa gloire.
C'est en cet état qu'il écrivit, au mois de janvier 1790, son
charmant opéra en deux actes, intitulé : Cosi fan lutte, qui eut
à Vienne un brillant succès. L'année suivante, à la demande de
Schikaneder, directeur du théâtre de cette ville, il entreprit la
composition d'un autre opéra en deux actes, Die Zauberftœte (la
Flûte enchantée), qui fut terminé au mois de juillet. Cet ouvrage,
remarquable par la grâce et la fraîcheur des idées, et d'un genre
complètement différent de ceux que Mozart avait écrits jusqu'a-
lors, fut joué au mois d'août, et son apparition excita un tel en-
thousiasme, que cent vingt représentations successives purent à
peine fatiguer l'attention du public. Partout on chantait les mo-
tifs de cet opéra. Jamais, à Vienne, on n'avait eu d'exemple d'un
pareil succès.
Exténué par l'excès de travail, Mozart ne put assister qu'aux
dix premières représentations, et fut obligé de garder la cham-
bre. Là, au moment où le spectacle devait commencer, il posait
sa montre sur sa table, il suivait le mouvement des aiguilles pour
savoir les morceaux qu'on exécutait.
Un soir qu'il était plongé dans les lugubres pensées qui l'as-
saillaient, une voiture s'arrêta à la porte de sa maison. Un per-
sonnage inconnu se présente et demande à parler à l'artiste. On
l'introduit auprès de Mozart : « Monsieur, dit-il au compositeur,
une personne de distinction m'envoie vers vous... — Quel est
son nom! interrompit Mozart. — Elle désire rester inconnue. —
Et que veut-elle de moi? — Cette personne a perdu un de ses
plus chers amis, et elle voudrait rendre hommage à sa mémoire
en faisant célébrer un service annuel pour lequel elle vous prie
de vouloir bien composer un Requiem. » Au milieu de ses som-
bres idées qui le dominaient, Mozart se sentait porté à traiter un
semblable sujet; il consentit sur-le-champ à la demande qui lui
était faite. « Dans combien de temps croyez-vous pouvoir livrer
votre travail? reprit l'inconnu. — Dans un mois. — Et quelle
somme fixez-vous pour vos honoraires? — Cent ducats. — Les
voici. — Et l'étranger disparut.
Malgré les sollicitations de sa femme, Mozart se mit aussitôt à
l'œuvre avec une ardeur qui aurait bientôt épuisé le reste de ses
forces, si une circonstance ne fût venue le distraire de ce travail.
Dans les premiers jours du mois d'août 1791, le compositeur fut
chargé, par l'administration du théâtre de Prague, d'écrire pour
les fêtes du couronnement de l'empereur Léopold II, comme roi
de Bohême, la musique de l'opéra de Métastase, intitulé : La
Clemensa di Tito. Mozart accepta, et partit pourPrague. Le délai
qui lui avait été fixé était tellement court qu'il fut obligé de ré-
duire l'ouvrage en deux actes, de n'écrire que les principaux
morceaux, et de confier à un de ses élèves le soin de faire les
récitatifs. Dix-huit jours lui suffirent pour terminer son travail,
et le 15 septembre suivant La Clemenza di Tito fut représentée.
Malgré l'incroyable rapidité avec laquelle cette partition fut
écrite, la plupart des morceaux qu'elle renferme, entre autres le
finale du premier acte et le trio du second n'en sont pas moins
encore des modèles de grâce et de perfection de style.
La voyage de Mozart à Prague avait fait diversion à ses idées
habituelles, et lorsque l'artiste revint à Vienne l'état de sa santé
semblait s'être amélioré. Il reprit son Requiem; mais, à peine s'é-
tait-il remis a ce travail, que le mystérieux personnage qui le lui
avait demandé se présenta de nouveau : « 11 m'a été impossible,
lui dit Mozart, d'accomplir ma promesse. — Je le sais, répartit
l'inconnu. Mais combien de temps vous faut-il encore pour ter-
miner votre œuvre? — Un mois. — Eh bien, voici cent autres
ducats. Adieu, dans un mois. »
La visite de l'étrange messager laissa Mozart dans la persua-
sion qu'il venait de recevoir du ciel l'avertissement de sa fin pro-
chaine. « Non, disait-il à sa femme, je ne le sens que trop, je n'ai
plus longtemps à vivre. C'est à mon hymne funèbre que je
travaille. »
Ces paroles brisaient le cœur de sa femme, qui ne pouvait
parvenir à le distraire de celte sombre pensée. — Persuadée que
l'attention continue de son mari pour la composition de son Re-
quiem était la principale cause de son exaltation maladive, la
pauvre Constance lui confisqua sa partition. Il y eut en effet un
peu de mieux dans l'état de l'artiste dès qu'il interrompit l'œuvre
qui absorbait tout son être.
Le 15 novembre il écrivit, pour un cercle d'amis, une petite
cantate ayant pour titre : la Louange de l'amitié. Les applaudis-
sements prodigués à cette composition donnèrent un nouvel élan
à son esprit. Il réclama à plusieurs reprises la partition de son
Requiem pour la continuer et l'achever. Sa femme fut obligée
de céder à ses instances ; mais peu de jours après Mozart retomba
dans son abattement précédent. Ses forces étaient complètement
épuisées, et il fut contraint de prendre le lit dont il ne devait
plus se relever.
Le 5 décembre 1791, quelques instants avant sa mort, il se
fit donner sa partition, qu'il examina. C'était le dernier et dou-
loureux regard d'adieu qu'il adressait à Fart qu'il avait tant
aimé; puis, serrant convulsivement la main de sa femme, ses
yeux humides se tournèrent vers le ciel : il avait cesser d'exister.
Mozart n'avait pas encore atteint sa trente-sixième année.
Ainsi s'éteignit, entre les bras de sa femme (1) et de ses deux
enfants (2), le grand artiste dont la belle âme se reflète tout en-
tière dans ses œuvres. Partout en effet dans ses ouvrages on re-
trouve celte ardente sensibilité qui fit de Mozart un fils pieux et
tendre, un frère plein de dévouement, et qui lui inspira l'amour
passionné pour celle dont il fit la compagne de son existence.
Sous l'humble toit de la famille, sa confiance inaltérable en la
Providence, son noble et courageux désintéressement lui font
rêver le bonheur suprême, non dans la fortune et les hon-
neurs, mais dans une vie de travail et d'affection toute dévouée
à l'art et couronnée par la gloire. Tous ses sentiments sont autant
de rayons divins qui lui font battre le cœur, fécondent sa pensée,
et forment un ensemble merveilleux de sublimité et de grâce, de
simplicité et de magnificence, de gaieté douce et de mélancolie,
d'exquise distinction et de naturel charmant. Dans Mozart on
aime et on estime l'homme autant qu'on admire l'artiste, et si,
(1) La veuve de Mozart se remaria, en 1809, à Georges -Nicolas de Nissen,
conseiller d'État du roi de Danemark. Après la mort de son second mari,
arrivée en 1826, elle publia en 1828 un gros volume sur la vie et les ou-
vrages de Mozart. Ce livre renferme toute la correspondance de la famille
de l'artiste, des articles de journaux, des portraits, des morceaux de mu-
sique, etc., et forme un recueil de documents authentiques confusément
entassés par M. de Nissen.
(2) Des six enfants que Mozart avait eus de sa femme, deux seuls sur-
vécurent. L'aîné, Charles Mozart, naquit à Vienne, en 1784. Le second,
"Wolfram-Amédée Mozart, vint au monde dans la même ville, le 26 juil-
let 1791, quatre mois et quelques jours avant la mort de son père. Tous
deux ont embrassé la profession d'artiste, et se sont fait remarquer par
un talent distingué sur le piano.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
301
dans les derniers temps de sa vie il tomba, par désespoir, dans
quelques écarts passagers, on ne saurait se montrer plus sévère
que Constance, qui les lui pardonna et l'aima toujours avec ten-
dresse, parce qu'elle savait que, malgré ces écarts, elle était elle-
même tendrement aimée.
Denne-Baron.
( La suite au prochain numéro. )
FESTIVAL DE CAEN.
Concours d'orphéons et de musique» d'harmonie.
La journée du 4 août restera gravée dans les souvenirs du
Calvados. Depuis longtemps la cité normande n'avait assisté à un
spectacle aussi animé, aussi imposant que celui de cette fête, fa-
vorisée du reste par un soleil splendide.
Trente-deux sociétés chorales avaient répondu à l'appel ;
vingt mille étrangers étaient accourus de toutes les villes envi-
ronnantes, et des pavillons aux couleurs nationales garnissaient
une grande partie des maisons.
Les quatre côtés de la place Royale, encombrés par la foule
des concurrents, ne laissaient d'espace libre que pour M. le
maire (M. Bertrand), président de la Société des Beaux-Arts,
MM. les adjoints, MM. Abel-Vautier et Olivier, vice-présidents,
les membres du bureau d'administration et le jury, ainsi composé :
Pour les concours d'Orphéons :
Président : M. Elwart, professeur au Conservatoire de mu-
sique.
Membres du jury : MM. Pasdeloup, directeur de l'Orphéon de
la ville de Paris ; Pickaërt, professeur de l'Orphéon de la ville de
Paris; Vialon, compositeur de musique; Oscar Comettant, com-
positeur de musique, secrétaire du jury.
Pour les concours des musiques d'harmonie et de fanfares :
Président du jury : M. Brunot, lre flûte solo du théâtre impé-
rial de l'Opéra-Comique.
Membres du jury : MM. Auroux, clarinette solo au même
théâtre;
Castegnier, 1er hautbois, même théâtre;
Gillette, professeur au Conservatoire ;
Pasquet ;
Sax Junior, inventeur des instruments saxomnitiques.
Parmi les sociétés chorales qui ont produit une vive sensation,
il faut citer l'Orphéon de Bayeux, qui chante, non comme des
ouvriers, non comme des amateurs, mais comme de vrais artistes.
Le prix du vainqueur pour ce tournoi choral devait être une mé-
daille d'argent; le jury, à l'unanimité, a voté pour l'Orphéon
bayeusain une médaille d'or avec une mention très-honorable.
Le maire de la ville de Caen a voulu se donner le plaisir d'offrir
cette médaille à ses frais, ainsi qu'une autre médaille d'or, dé-
cernée extraordinairement aussi par le jury a une des musiques
militaires (Gisors).
L' Enseignement mutuel de Bayeux a fait remporter à celte
ville un deuxième triomphe, et cela dans l'incarnation d'un
chœur de trente petits garçons, dont les voix, d'une justesse par-
faite, offraient un ensemble de nuances délicates et bien senties.
Ici encore le jury, voulant donner à ces enfants, véritables ché-
rubins, une marque toute spéciale de sa satisfaction, au lieu
d'une médaille en argent, lui a voté une médaille en vermeil, ac-
compagnée d'une mention honorable. Cette mention revient sur-
tout de droit an directeur de la petite bande harmonieuse, à
M. Lilmann, qui dirige aussi les Vénitiens de Bayeux.
Mais avant tout, pour rester l'écho fidèle du Calvados, notre
tribut d'éloge spéciale l'organisateur du festival, àM.Pasdeloup,
vaillant chef d'orchestre, qui a fait de vrais miracles. Sous sa ba-
guette magique on a vu, en quelques heures, se discipliner, s'har-
moniser, s'inspirer d'une volonté unique, les artistes, les ama-
teurs appartenant aux cinq départements de la Normandie. Cet
orchestre, quoique formé de pièces et de morceaux, a fort bien
marché, et il s'est particulièrement distingué dans la deuxième
partie de la symphonie en ut mineur de Beethoven.
Deux lauréats du Conservatoire de Paris, Mlle Balbi et M. Ca-
poul, prêtaient leur sympathique concours. M"e Balbi, si jolie
avec la simple robe de soie rose dont elle était parée, a tout d'a-
bord excité des murmures de plaisir. Sa cause était gagnée
avant même qu'on l'eût entendue : Jugez des sensations de l'au-
ditoire quand a résonné la voix de la charmante fauvette.
M. Capoul n'a pas eu moins de succès que M1Ie Balbi, et le duo
du Comte Ory leur a valu une ovation de compte à demi.
Entre les deux parties du festival a eulieu la distribution des mé-
dailles, précédéed'un excellent discours prononcé par M. le maire.
Voici le résultat du concours d'Orphéons :
1. — Division spéciale, hommes et enfants. Prix, médaille
d'argent, à la Chorale d'Harcourt ; directeur, M. Martin.
2. — 4e Division. Prix, médaille de vermeil (demandée par
le jury), avec mention honorable. Enseignement mutuel de
Bayeux; directeur, M. Lilmann.
3. — 3e Division, 3e section. Prix, médaille d'argent, Société
de Beuville-Biéville ; directeur, M. Vimard.
4. — 3e Division, 2e section. 1er prix, médaille en vermeil,
Cécilienne de Dozulé; directeur, M. Lecarpentier.
5. — 3° Division, 2e section. 2e prix, médaille d'argent, l'Or-
phéon de Condé-sur-Noireau ; directeur, M. Levatois.
6. — 3e Division, Ve section. 1er prix, médaille en or (de-
mandée par le jury), avec mention très-honorable, l'Orphéon
bayeusain; directeur, M. Réquier.
7. — 3e Division, lre section. 2e prix, médaille d'argent, le
Cercle choral de Falaise; directeur, M. Alix.
8. — 2e Division. Prix, médaille d'or, les Vénitiens de
Bayeux ; directeur, M. Lilmann.
Les fanfares et les musiques d'harmonie ont également eu
leurs médailles et leurs mentions honorables.
Une médaille d'or, prix exceptionnel, a été remportée par la
Fanfare de Gisors : chef de musique, M. Bardel.
Une autre médaille d'or, par l'Harmonie d'Alençon : chef de
musique, M. Barrière.
Et enfin une troisième médaille d'or, par l'Harmonie d'Ê-
vreux : chef de musique, M. Monvoisin.
On a aussi remarqué la musique de Beaumont : chef M. Dé-
hail, également médaillée.
La fête s'est terminée par le chœur de Jérusalem, de Verdi,
chanté avec accompagnement d'orchestre par tous les orphéons
réunis.
Le soir, une représentation gratuite au théâtre a été offerte à
toutes les sociétés orphéoniques.
Quant aux membres du jury, un dîner confortable les atten-
dait chez M. le maire, et une autre invitation les conviait pour
le lendemain chez M. le préfet du Calvados.
Notre jury parisien a fait bravement honneur h ce double pro-
gramme qui avait bien, lui aussi, son genre de mérite.
302
LE MÉNESTREL.
PETITE CHRONIQUE.
Matirimoniomanîe.
Miss Rochford, chanteuse, âgée de 24 ans, vient d'intenter
un procès à M. H. R. Hughes, négociant à Liverpool, à. l'effet
de lui réclamer la somme de 5,000 livres sterling (125,000 fr.)
à titre de dommages et intérêts pour rupture de la promesse
de l'épouser qu'il lui avait faite. Ce brave négociant s'était laissé
captiver par cette sirène enchanteresse à son dernier concert à
Harrogale : il lui envoya un chèque de 50 liv. (1,250 fr.) et,
après l'avoir engagée à abandonner sa profession, il lui fit des
j - présents s'élevanl à 200 liv. (5,000 fr.); puis lui offrit, après que
ses amis se furent opposés à son mariage, une rente annuelle de
150 liv. sterling ou 2,500 liv. (12,500 fr.) d'indemnité. — En
Angleterre, on le voit, les questions artistiques ou matrimoniales
se résolvent toutes par des livres sterling.
cirque de l'impératrice [Champs-Elysées, carré Marigny.)
Fête de bienfaisance. — Aujourd'hui dimanche 18 août 1861, à deux
heures précises, Grand Festival donné sous le haut patronage de IX. MM.
l'Empereur et l'Impératrice, au profit des indigents, par la mairie et le bu-
reau de bienfaisance du 16G arrondissement, avec le concours de la musi-
que de la garde de Paris, sous l'habile direction de M. Paulus, son chef, de
M. Carré, artiste du théâtre impérial de l'Opéra-Comique et de l'association
des Sociétés chorales du département de la Seine, sous la direction de
M. Delafontaine, son président, soli, orchestre et chœurs, douze cents exé-
cutants. — LL. EExc. les ambassadeurs du roi de Siam veulent bien ho-
norer de leur présence cette fête de bienfaisance. — On peut se procurer
des billets à l'avance chez les dames pationnesses, à la mairie et au bureau
de bienfaisance du 16e arrondissement (Passy) ; chez les éditeurs de musi-
que : MM. Chaillot, rue Saint-Honoré, 334; Gambogi frères, boulevard
Montmartre, 15; Heugel, au Ménestrel, rue Vivienne; Heu, rue de la
Chaussée-d'Antin.lO; Lemoine, rue Saint-Honoré, 256; Prilipp, boule-
vard des Italiens, 19; Richault, boulevard Poissonnière, 26; et au bureau
de location du Cirque de l'Impératrice. — Prix des places : parquet et pre-
mières stalles, 10 fr. ; — stalles, 5 fr. ; — galerie, 3 f. — Les portes se-
ront ouvertes à une heure et irrévocablement fermées à deux heures.
L'ordonnateur du bureau de bienfaisance, Deshayes.
Les Adjoints, P. Klein et T. Polak. Le Maire, Baron de Bonnemains.
NOUVELLES DIVERSES.
— A l'occasion du 15 août , nous avons à enregistrer quatre nouvelles
décorations décernées à des musiciens : Mil. Tilmant, chef d'orchestre de
la Société des Concerts ; J. Offeubach, compositeur dramatique ; Henri
Ravina, pianiste compositeur, et J.-J. Masset, professeur au Conservatoire
et directeur de la musique à la maison impériale de Saint-Denis, ont été
promus chevaliers de l'ordre de la Légion d'honneur. Gustave Nadaud, le
chansonnier populaire, l'est également, au double titre de poëte et de
musicien. Tout le monde applaudira à ces nominations, mais chacun re-
grettera de voir briller par son absence, dans cette série de décorations, le
nom de notre éminent professeur Marmontel. Déjà , l'an dernier , on
espérait celte juste distinction pour un professeur dont l'honorabilité et
les droits acquis sont incontestables. Cette année le public et les élèves du
Conservatoire l'appelaient de tous leurs vœux à la solennité de la distribu-
tion des prix, et en définitive, c'est un nouvel et regrettable ajournement.
— Dans le théâtre et les lettres, le Moniteur annonce que M. Auguste
Maquet, président de la Société des auteurs dramatiques , est promu offi-
cier de la Légion d'Honneur ; MM. Edouard Poussier, Eugène Labiche, Car-
mouche, Charles Polron et Léon Guillard, auteurs dramatiques, ainsi que
MM. Louis Enault et E. Gonzalès, littérateurs, sont nommés chevaliers de
la Légion d'honneur. La même distinction est accordée à M. Emilien
Pacini, membre de la commission d'examen des ouvrages dramatiques.
— Le Moniteur publie ce qui suit dans son Bulletin :
« A l'occasion du discours que le Ministre d'État a prononcé jeudi der-
nier au Conservatoire impérial de musique et de déclamation, plusieurs
journaux font allusion à une circulaire que Son Excellence aurait adres-
sée, de Vichy, aux directeurs des théâtres de Paris, pour prendre à leur
égard diverses mesures restrictives. Cette prétendue circulaire n'a jamais
existé, et le Ministre d'État n'a pris aucune des dispositions qu'on a eu le
tort de lui prêter. »
— Voici un petit programme de la prochaine saison théâtrale de Saint-
Pétersbourg, laquelle s'ouvrira le 1er septembre.
Deux nouveaux opéras russes, librettos et partitions originales, seront
montés au Théâtre-Marie. L'un est Natacha de Villebois, et l'autre Judith,
de Sero, adepte de l'école de Wagner, Liszt et consorts, plus connu jusqu'à
ce jour par ses critiques que par ses compositions, toujours à l'instar de
Listz et consorts. — Les abonnés italiens auront la primeur d'une œuvre
inédite de Verdi, dont le rôle principal a été écrit pour Tamberlick. De plus,
on entendra pour la première fois, à Pétersbourg, l'illustre baryton Gra-
ziani. Le bruit a couru que M. de Sabourow a conclu un engagement avec
la signora Palti, la nouvelle étoile de la dernière saison de Londres.
— Nous croyons connaître, dit la Gazette musicale de Milan, le titre du
nouvel opéra que Verdi écrit pour le théâtre italien de Saint-Pétersbourg.
Le sujet est tiré d'un des drames les plus émouvants du théâtre espagnol
moderne, intitulé la Force du Destin [la Forza del Destina), qui est sorti,
delà plume, si notre mémoire ne nous trompe , du célèbre Martinez de la
Rosa.
— Le 23 juillet a eu lieu, au théâtre San Carlo, à Naples, la première re-
présentation du nouvel opéra de Petrella, Virginia. Les journaux italiens
ne sont pas d'accord sur l'accueil qui a été fait à cet opéra. Si nous en
croyons la Gazette de Milan, le succès a été indécis. Le chœur d'introduc-
tion, morceau d'un grand effet, a été applaudi unanimement; les applau-
dissements donnés aux autres morceaux ont été plus ou moins contestés.
La deuxième et la troisième représentation n'ont pas été plus heureuses
que la première. 77 Pirata au contraire résume son compte rendu, en di-
sant que cette partition renferme de grandes beautés ; que les chœurs sont
sublimes, et plus on entendra cette musique, plus elle sera goûtée. —
Nous voilà bien avancés.
— Nous lisons dans une correspondance de Gênes, publiée par la Ga-
zette Musicale :
Il Meneslrello, opéra nouveau de M. de Ferrari, a fait, le 23 juillet, son
apparition au théâtre Paganini, et a été bien accueilli. En général la mu-
sique a de l'animation et de la gaieté; mais elle tombe quelquefois dans
le trivial; cependant on y remarque cinq ou six morceaux vraiment beaux,
à effet, et qui feraient honneur à quelque compositeur que ce fût : ce sont
la cabalette du duo entre la prima donna et le ténor, une scène militaire
particulièrement applaudie, un trio pour basse et soprano, le finale du
deuxième acte et la romance du ténor au troisième acte. Les autres mor-
ceaux ont été applaudis avec moins de chaleur, mais ils gagneront à être
entendus plusieurs fois. L'exécution a été fort bonne.
— Le conseil municipal de Trieste a voté une subvention pour le fils
de l'infortuné compositeur Ricci, mort dernièrement à Prague. Ce secours
est destiné à subvenir à l'éducation musicale de cet enfant, âgé de sept ans.
— On écrit de Darmstadt : « La société de chant de la vallée du Mein
célébrera le 17 août (aujourd'hui dimanche), le deuxième anniversaire de
sa création. Il y aura sept cents chanteurs et deux cents voix d'enfants
des deux sexes. »
— Les journaux allemands nous apprennent que le pianiste-composi-
teur William Kruger vient de recevoir du duc de Gotha la croix de
Mérite pour arts et sciences.
— Les coi respondances de Vienne nous annoncent que Mmo Marchcsi,
jusqu'ici professeur de chant au Conservatoire de cette ville, quitte cette
position pour aller s'établir à Paris.
— On enregistre à Londres la mort de la célèbre cantatrice irlandaise
Catherine Hayes. Élève de Sapio, de Garcia et de Ronconi, sa belle voix
de contralto lui valut de grands succès sur les scènes de Marseille, de
Milan, de Vienne. En 18'i9, après avoir chanté à Londres, elle fit une
grande excursion artistique aux Élats-Unis, en Australie, dans l'Inde.
Elle était âgée de quaranie-un ans.
— Les concours du Conservatoire de Bruxelles ont donné les résultats
suivants :
Au concours de violoncelle, classe de M. Servais, il a été décerné un pre-
mier prix à M. G. Libolton, un second prix à M. G. Kungely.
Concours de violon : les récompenses décernées ont élé, dans la classe de
M. De Cornillon, un second prix à M. P. Vanderborg, des accessits à
NOUVELLES ET ANNONCES.
303
MM. Bertrand et Pelgrim ; dans la classe de 31. Meerts, un second prix à
M. Kefîer, des accessits à MM. Van Remoerter et Veldtman ; dans la classe
de M. Léonard, un premier prix à M. Firket, un second prix à M. Balk.
L'enseignement du piano, pour les jeunes gens, est divisé en deux
classes : dans la classe de M. L. Godineau, il y a eu un premier prix par-
tagé entre MM. T. Desmarès et A. Massage, un second prix à M. Mat. Bal-
dayer et un accessit à M. H. Natis. Dans la classe de M. Dupont, les dis-
tinctions accordées par le jury ont été un premier prix à M. C. Holtcamp
et des accessits à MM. F. Chassing et P. Dhooghe.
Au concours de piano de la classe des demoiselles, professeur Mme Pleyel,
le premier prix a été partagé entre M1,es A. Bienaimé, E. Gérard et M. Tor-
deuse; un deuxième prix a été décerné à MUe Mac Blanchard ; des accessits
ont été accordés à Mlks Quarten et A. Hais.
Le concours de musique classique pour le piano a produit les résultats
suivants : Dans la classe des demoiselles, un second prix partagé entre
M"C3 Deliége et Degavre; deux accessits à Mllos Bosselet et Groethaers.
Dans la classe des jeunes gens, un premier prix partagé entre MM. Holt-
kamps, Massage et Baldazar.
Concours de chant : dans la classe de M. Cornélis il a été décerné un
second prix à M. Huet et un accessit à M. Deeré ; un second partagé entre
Mllcs Mainone et Senault et un accessit à MUe Gilbert. Dans la classe de M. Goos-
sens, le jury a accordé un premier prix à M. Vanzwieten et un accessit à
M. Ebingre; un premier prix à Mllc Wilks et un accessit à MUe Caïman.
Le premier prix de déclamation lyrique (pour les demoiselles) aétédécerné
par le jury à Mlle Zeis; un second prix a été donné à MUe Wilzs. Dans la
classe des jeunes gens, le second prix a été partagé entre MM. Vanzwieten
et Huet.
Dans la classe de composition de M. Fétis, le premier prix a été partagé
entre MM. Bosselet fils, de Bruxelles ; Navone, de Gibraltar, et Barech, de
Saint-Sébastien.
Accessit : M. Lust.
— Spa vient d'avoir sa soirée musicale ni plus ni moins que Bade. Le
programme ouvrait par le spectacle proverbe de M. Verconsin : Le tout
est de s'entendre, joué par M,IeMira et M. Biéval, qui chantaient pour ter-
miner les Travestissements d'Albert Grisar. Les chansonnettes de Paul
Malézieux avaient aussi pris place sur ce programme, le plus intéressant de
la saison.
— Les frères Lionnet viennent de donner neuf concerts successifs dans
les établissements thermaux des Pyrénées. Ils sont en ce moment à Lu-
chon, qu'ils vont quitter pour Biarritz où ils sont attendus. Partout, le plus
grand succès accueille leurs programmes de scènes déclamées, de duos, de
chansons et d'imitation. Nadaud et son répertoire sont partout redeman-
dés aux frères Lionnet, qui comptent aussi se faire entendre à Bilbao et
Saint-Sébastien, avant leur retour à Paris.
— A Passy, la musique ne chôme jamais ; bien mieux, elle a sa saison
de Londres, commençant avec le printemps et finissant avec l'automne.
Tous les samedis, d'abord, le piano de Rossini s'ouvre aux visiteurs d'été
qui abondent à sa villa du bois de Boulogne. Parmi ces visiteurs, nos plus
grands artistes s'empressent à l'envi. D'ailleurs, on a parfois la bonne for-
tune d'entendre une œuvre nouvelle du grand maître. Nous citerons entre
autres choses écloses cet été , un ravissant Noël qui, du piano est passé
aux voix, et une Orpheline du Tyrol , comme on n'en voit pas. Cette
orpheline chante à vous fendre l'âme tout en vous charmant l'oreille.
C'est là le secret de la musique de Rossini. M"° Mira, qui interprète à ravir
cette page du maître, a bien compris ce double prestige de l'art drama-
tique. Les grands chanteurs formés par Garât atteignaient toujours ce but.
Ponchard et Levasseur nous en ont fourni une nouvelle preuve samedi
dernier chez Rossini. Invités à faire entendre du Boïeldieu, du Grétry, ils
ont prouvé que la véritable expression s'appuie toujours sur le charme et
le bon goût, et qu'en somme l'esprit et le cœur y trouvent leur entière
satisfaction sans blesser l'oreille, ce qui est bien quelque chose en musique.
Nous ajouterons que M. Canoby les a dignement accompagnés, — sachant
s'oublier ou briller à propos.
— Indépendamment des salons de M. et Mmc Rossini, Passy possède
depuis bien des années le salon Orfila, qui ne saurait vivre sans musique.
De temps à autre le théâtre y fait élection de domicile. C'est ainsi que, l'un
de ces derniers dimanches, nous y applaudissions M1Ie Stella Collas, qui
nous revient de Saint-Pétersbourg comblée de couronnes. Elle jouait le
Cheveu blanc avec Saint-Germain du Vaudeville. Tous les deux ont été
parfaits, quoique bien trop jeunes l'un et l'autre pour la vraisemblance
des personnages mis en scène. Saint-Germain s'en est excusé en quelques
vers d'avaut-propos. Tant d'autres jouent les amoureux en cheveux blancs,
qu'on ne s'est fait aucun scrupule de leur pardonner leur jeunesse. La
sœur de MIIe Stella Colas, Mmo de Hennezel, s'est aussi fait entendre, mais
comme cantatrice à la voix fraîche, au visage charmant. Elle était accom-
pagnée, à livre ouvert, par M"0 Orfila de Madrid, qui a exécuté de même
quelques morceaux concertants avec Sighicelli. C'est une véritable artiste
que cette charmante jeune fille du monde dilettante. A côte de MUc Orfila,
nous avons aussi fort applaudi un tout jeune organiste qui ne peut man-
quer de devenir un maître. Nous voulons parler du jeune Monchet, fils
de l'honorable notaire de ce nom, poussé vers la musique par une vraie
vocation.
— Mercredi dernier le lieutenant-colonel Achille Lafon et M. A. Elwart
ont fait exécuter dans une soirée donnée au casino de la gendarmerie, ca-
sernéeau Louvre, une cantate, La Saint-Napoléon, dont l'effet a été tel que
M. Melchisech, baryton à l'organe puissant, au chant plein de chaleur, a
dû la répéter trois fois. — L'orchestre, parfaitement dirigé par AI. Diedel,
était fourni, ainsi que les chœurs, par kv,musique de la gendarmerie impé-
riale. — Plus de trois cents militaires artistes et hommes du monde assis-
taient à celte belle fête militaire.
— La ville de Tours, qui jusqu'alors n'avait fait aucun sacrifice pour le
théâtre, pas même celui du droit des pauvres, vient de voter, par l'organe
de ses conseillers municipaux, une somme de 700,000 fr. qui devra être
affectée à la construction d'une salle de spectacle monumentale sur une
de ses places publiques. Voilà certes un beau début.
— On fait force réclames à de petites gens ; pourquoi n'en ferait-on pas
en l'honneur des petites villes? La Revue des Théâtres nous recommande
Pézénas, à propos d'une représentation théâtrale donnée dans cette localité.
« Pézénas, dit-elle, a conservé le fauteuil sur lequel s'est fait poudrer et
raser l'immortel auteur de Tartufe, pendant qu'il était en représentation
sur ce joli théâtre.
n Pézénas a donné le jour à M. Nestor Roqueplan.
« Ingrat Nestor ! Que de fois j'ai entendu cependant tes pensionnaires,
aux Variétés, bafouer ta ville natale... pardon et oubli... Si tu viens
jamais te faire raser parmi nous, je revendiquerai ton plat à barbe afin
d'assurer la fortune de mes enfants.
« Pézénas, enfin, possède un Orpliéon et une Société chorale qui vien-
nent d'être couronnés en pleine foire de Beaucaire. »
Vous le voyez, Pézénas, tout Pézénas qu'il est , a bien le droit d'avoir
une petite place dans la presse.
— Nous parlions dimanche dernier de réclames excentriques, en voici
un nouvel échantillon à dédier aux éleveurs de Poissy :
Château n'AsNiÈREs. Aujourd'hui dimanche, .Foire aux Plaisirs dans
l'immense parc d'Asnières. Un bœuf-monstre sera, tout entier, rôti et
servi au public, seigneur.Gargantua. Le sport élégant s'est donné rendez-
vous pour assister au divertissement steeplechase ardennièn. L'ascension
d'un ballon, les décorations lumineuses, le feu d'artifice, la pluie de bon-
bons, Yhotnme Salamandre, les deux orchestres, le bal et ses jolies dan-
seuses coquettement costumées, distribuant des mirlitons et des pains
d'épices; — tout concourt à faire de cette folle journée la plus merveil-
leuse, la plus aimable des fêtes. Les grilles ouvriront à dix heures du
matin.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovt, rédacteur en chef.
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Harmonies du soir.
LOMBARD.
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N> 39.
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article). G. Bênédit. — II. Semaine théâtrale. J. Lorr. — III Tablettes du
pianiste et du chanteur : Mozart et ses œuvres (5e et dernier article). Denne-
Barok. — IV. Petite chronique : l'Angleterre, pays musical. — V. Nouvelles
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après : Cosmopolite-polka, par Alfred Godard.
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FEUILLETON DU SEMAPHORE.
CONCOURS RÉGION L.
EXPOSITION DE L'INDUSTRIE A MARSEILLE.
EES l\STRHIi:\]S DE MUSIQUE.
( 2e Article. )
Orgues. — Symphonista. — Harmoniums. — Harmonicordes. — Annexe-
piano. — Violons-Violoncelles. — Cordes pour ces inslrumenls. — Cors,
Trombones, Cornets à pistons. — MM. Alexandre père et fils. — Gui-
chenet-Debain. — Beaucourt. — Luthiers anciens. — Luthiers mo-
dernes. — M. Charles Simonin, de Toulouse. — M. Coviaux et sa vi-
trine. — Charles IV, roi d'Espagne.
En quittant le milieu de la salle, mais tout près de ce vaste
rayon, est placé côte à côte d'un orgue Alexandre à quatre jeux,
un instrument de même famille, avec cette différence qu'au cla-
vier ordinaire à l'usage des organistes de profession, est super-
posé un autre clavier d'une nature toute particulière ; ce clavier,
fait pour accompagner de préférence le plain-chant, s'adresse
exclusivement à ceux qui ne connaissent pas très-bien la musi-
que et encore moins l'harmonie, car chaque touche sur laquelle
se trouve écrit le nom de la note fondamentale qu'elle repré-
sente, constitue à elle seule un accord. Néanmoins, comme cette
invention a besoin d'être expliquée aux apprentis organistes,
l'auteur a eu soin d'annexer (employons ce mot, puisqu'il est
aujourd'hui en vogue) ses observations à droite et à gauche du
nouvel instrument qui s'appelle Symphonista et dont l'inventeur
est M. Guichené.
Nous avons parlé d'Alexandre père et fils, et nous ne pouvons
que confirmer ici les éloges accordés à ces habiles facteurs par
la presse parisienne. Voulez-vous connaître à fond le mérite de
leurs instruments? Priez M. Mazoulier, organiste à l'Exposition,
de vous improviser quelque mélodie de sa façon sur l'orgue à
cinq jeux à percussion avec prolongement, et si vous n'êtes pas
ravi des sons doux et harmonieux qu'il fera surgir de ce clavier
enchanté, c'est que probablement vous serez difficile. Au moyen
d'un mécanisme que le genou de l'exécutant fait mouvoir, tel
ou tel accord plaqué par la main gauche se perpétue indéfini-
ment comme si les doigts opéraient cette tenue.
MM. Alexandre père et fils ont exposé également des orgues
et des mélodiums de toutes dimensions, chez lesquels on remar-
que les qualités excellentes qui ont valu à leurs auteurs une
grande réputation et une vogue permanente.
Et M. Debain, que nous aurions dû placer le premier à cause
de son ancienneté et de son droit d'initiative, n'est-il pas digne
aussi des éloges et des récompenses qui, tant de fois, sont venus
couronner ses travaux? N'est-ce pas à lui que nous devons les
premiers harmoniums et les premières orgues portatives? Avant
M. Debain, les vastes cathédrales pouvaient seules faire résonner
306
LE MÉNESTREL.
sous leurs voûtes les accents religieux de cet instrument, dont
la voix pénétrante s'accorde si bien avec les cérémonies du culte ;
aujourd'hui, il n'est pas de chapelle, si modeste qu'elle soit, qui
ne puisse avoir un orgue muni de tous ses jeux, sans parler de
l'expression, avantage qui manquait aux orgues d'autrefois, mo-
notones le plus souvent malgré les puissantes ressources de leur
constitution colossale.
Ce n'est pas tout; M. Debain est aussi l'inventeur de Yhar-
monicorde, cet instrument complexe sur lequel M. Lefébure-
Wély vint, il y a quelques années, prodiguer parmi nous les
trésors de son incomparable exécution. Nous en appelons a ceux
qui ont assisté au concert de l'éminent virtuose, et nous les prions
de nous dire si, avant l'harmonicorde, ils avaient entendu rien
de pareil à cette réunion du piano et de l'orgue, sous les mêmes
doigts, dans les morceaux dont les noms sont encore présents à
notre souvenir, tels que : le Pèlerinage, les Noces basques, la
Montagnarde et la Marche des gardes.
Parlons pour mémoire du piano à manivelle, ce cousin ger-
main de l'orgue de Barbarie, lequel ne demande à l'exécutant
aucune espèce d'étude et d'initiation pour jouer les plus jolis airs
modernes, et félicitons enfin M. Beaucourt, de Lyon, sur les har-
moniums exposés par lui à Marseille. Dans ces spécimens d'une
facture irréprochable, M. Beaucourt a suivi de près MM. De-
bain et Alexandre, et, sous certains rapports, les a peut-être
égalés.
Bien différent du piano et de l'orgue qui, depuis leur exis-
tence, ont subi de si nombreuses et de si notables améliorations,
le violon, au contraire, a dégénéré; l'on peut s'en convaincre
aisément si l'on compare les beaux modèles d'Amati et de Stradi-
varius aux meilleurs instruments de nos luthiers modernes, fût-
ce MM. Bernardel, Thibout, Gand et Villaume. Comment cela
se fait- il, dira-t-on? La facture n'est-elle pas un art précis, ma-
thématique, et le problème de l'assimilialion est-il si difficile à
résoudre qu'on ne puisse, en décollant un violon de maître, en
étudiant sa forme et ses épaisseurs, fabriquer un instrument de
tout point semblable? Au premier abord la chose semble ne ren-
contrer aucun obstacle, et pourtant qui pourrait dire l'avoir vue
se réaliser? Jusqu'ici il a été tout aussi impossible aux facteurs
de violon d'égaler Amati, Guarnerius et Stradivarius, qu'aux
facteurs de pianos modernes de surpasser Erard et Pleyel, qui
datent de la fin du dernier siècle. Le fait est singulier, nous en
convenons ; mais comme on ne saurait l'expliquer autrement, il
faut le constater et passer outre.
C'est sous le règne de Charles IX que le violon apparut en
France pour remplacer le rebec, espèce de viole à trois cordes
pourvue d'un certain charme néanmoins, si l'on s'en rapporte
au poète Régnier, qui, en parlant des épousées que l'on menait
à l'église avec rebec et tambourin, disait :
Bref, vos paroles non pareilles,
Résonnent doux à vos oreilles,
Comme les cordes d'un rebec.
Tartini, Gavinius, Corelli, Pugnani furent les premiers violo-
nistes célèbres ; Paganini vint ensuite, qui éclipsa tous les vir-
tuoses par la puissance de son mécanisme et le génie de son
exécution. Violti, talent classique des plus élevés, auteur d'une
série d'admirables concertos, exerça une influence très-grande
sur l'école française, où nous avons vu se produire successive-
ment Rode, Kreutzer, Baillot, Habeneck, de Beriot, Artot, etc.
Nous ne parlons pas de Haumann, Ernst, Vieuxtemps, des
sœurs Milanollo et Ferni, qui appartiennent plus ou moins h l'é-
cole de Paganini, dont Sivori est le seul élève et le plus célèbre
représentant.
Le violoncelle, bien qu'inventé à l'époque du violon, ou à peu
près, par le P. Tarascon, ne fut introduit à l'Opéra que vers les
dernières années du règne de Lulli, par un musicien nommé Ba-
tistini, de Florence. Jusque-là on ne s'était servi que de la basse
de viole qui était montée de sept cordes; elle accompagnait le
chant et la musique instrumentale. Berthaud, né à Valenciennes,
doit être considéré comme le chef de l'école française pour le
violoncelle. Parmi ses élèves on compte les deux frères Janson
et les deux Duport. L'école allemande a Bomberg, Bohrer, Daut-
zaer; la Belgique s'enorgueillit à juste titre de Servais etBatta,
tandis que nous pouvons citer à notre tour Levasseur, Breval,
Lamare, Baudiot, Muntz, Berger, Norblin, Benazet, Valsin et
Franchomme.
Pour les violons et les violoncelles, M. C. Simonin, de Tou-
louse, est le seul luthier qui ait exposé des instruments sortis de
ses ateliers. Les violons et les violoncelles de M. Simonin sont
parfaits de proportions, leur forme est à la fois élégante et cor-
recte; mais comme la vitrine qui les renferme ne s'ouvre pas aux
profanes mortels, nous ne pouvons rien dire par nous-même du
mérite de ces instruments qui, du reste, avouons-le, sont fort
estimés des artistes.
La vitrine de M. Coviaux est dans les mêmes conditions; seu-
lement, l'amateur n'a pas besoin détenir en main les violons et
violoncelles exposés par ce luthier, pour savoir à qui il a affaire.
Les instruments de M. Coviaux portent tous un nom célèbre, et
parlent aux yeux du connaisseur, qui les admire et se découvre
devant eux en passant.
D'abord, c'est une basse de Jiofredi Cappa, élève d'Arnati
(1650), puis un Guarnerius (1690), un Ruggerius (1691), un
Geovanni Grancino (1721), un magnifique Stradivarius du prix
de 5,000 fr. (1699), qu'on ne peut méconnaître à sa forme ap-
platie, si différente de celle des amatis bombées et voûtées. Quel
dommage que les plus beaux instruments de ces maîtres répan-
dus en France et à l'étranger aient été soumis à des altérations
sensibles, par suite de l'exhaussement progressif du diapason, et
qu'il ait fallu les rembarrer pour résister à la tension des cordes,
ce qui nécessairement a dû efféminer leur son bien plus mâle et
bien plus nourri quand ils étaient accordés un ton plus bas avec
des cordes plus fortes.
Mais voici la pièce curieuse de l'exposition de M. Coviaux.
Voyez-vous tout au bas de la vitrine ce demi-violon si délicate-
ment orné? C'est un Gugliano, direz-vous; oui, sans doute; seu-
lement, vous ignorez l'histoire de ce violon; eh bien! sachez
qu'il a appartenu au roi d'Espagne Charles IV, et que Pelrucci,
professeur du monarque mélomane, lui enseigna les premiers
principes de la musique sur ce patron réduit. Pendant son séjour
à Marseille, où il était venu s'établir après la perle de son trône,
et pour rendre plus courtes les heures de l'exil, Charles IV, dont
]a bonté est restée proverbiale dans notre ville, réunissait auprès
de lui, quatre fois par semaine, dans ses salons de la rue Pelit-
Saint-Giniez où demeure actuellement M. Andiol, plusieurs ar-
tistes et amateurs (1) pour exécuter les quatuors d'Haydn et de
(1) Parmi les exécutants du royal quatuor, on comptait M. Boucher,
surnommé l'Alexandre du violon ; M. Hardisson, amateur distingué, et
M. Berleaut, père de M. S. Berteaut, de la chambre de commerce.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
307
Mozart. Comme bien on suppose, Charles IV faisait sa partie
dans ces concertos intimes; mais comme avec la souveraineté
royale le ciel ne l'avait pas doté d'une organisation des plus ex-
quises, il s'en suivait que l'auguste exécutent restait parfois une
mesure en arrière, ce dont il ne se doutait guère, attendu que,
par déférence, ses partenaires s'étaient fait une loi de ne jamais
l'en avertir. Pour ramener l'ordre dans l'harmonie un instant
troublée, on reprenait une mesure en arrière et l'équilibre était
parfaitement rétabli. Or, quand vint le moment de quitter Mar-
seille, Charles IV manda son luthier, M. Lippi, beau-père de
M. Coviaux, et lui dit : « Mon cher Lippi, vous avez longtemps
soigné mon quatuor; grâce à vous, mes instruments ont subi
des réparations intelligentes, les cordes sorties de votre magasin
n'en ont peut-être pas de pareilles; bref, au moyen des ressources
de votre profession utile, vous avez contribué pour une large
part à charmer mes ennuis, sans compter votre dévouement à ma
personne; je veux donc vous laisser un gage de mon estime : te-
nez, voici un petit Gugliano avec lequel j'ai commencé mes étu-
des musicales; prenez-le, je vous le donne, et vous prie de le
conserver en souvenir de moi. » L'an dernier, lors du passage
de l'Empereur à Marseille, M. Coviaux, avait eu l'heureuse idée
d'offrir ce petit violon au prince impérial, par l'intermédiaire de
M. Besson, alors préfet des Bouches-du-Rhône; mais ce magis-
trat, probablement occupé de choses plus importantes, oublia
M. Coviaux et son charmant Gugliano, et l'affaire tomba dans
l'eau.
G. Bénédit.
( La suite au prochain numéro.)
SEMA1M THÉATIÎVLE.
Lundi dernier, I'Opéra nous a rendu les Huguenots. Mme Rey-
Balla était chargée du personnage de Valentine, et Michot pre-
nait possession du rôle de Raoul (il n'avait chanté jusqu'alors
que le quatrième acte). La débutante, moins émue que dans
Robert-le-Diable, s'est très-honorablement tirée de sa tâche. Mi-
chot a eu des accents chaleureux, et de leur côté Mme Vanden-
heuvel-Duprez, Belval et Cazaux ont récolté, comme toujours, les
bravos les plus sympathiques. — Nous avons annoncé la récep-
tion d'un petit opéra en deux actes, musique de M. Alary. Cette
pièce, dont le poëme est de M. Mélesville, va être prochainement
mise à l'étude : elle doit accompagner le ballet nouveau. Michot
y créera le rôle capital, celui d'un jeune organiste. Mn° Amé-
lie Rey y tiendra le principal rôle féminin. On raconte aussi
qu'on a engagé pour cet ouvrage une cantatrice de musique reli-
gieuse qui se fera entendre seulement dans la coulisse, et qui
possède, dit-on, des notes extraordinaires.
Vendredi dernier, Mme Viardot chantait pour la première
fois le rôle d'Azucena du Trouvère. Ce type de la bohémienne,
dont la sombre énergie formait le trait principal, s'est révélé sous
des aspects nouveaux. Les accents de la grande école classique
semblaient, en le tempérant, ennoblir ce rôle passionné. Aussi
la nouvelle Azucena a élé fêtée avec enthousiasme. Michot, Bon-
nehée et Mlle Rey-Balla (Léonore), ont eu leur part d'applau-
disssements.
— Il est question de l'engagement de Dulaurens, que nous
avons vu débuter récemment : « Dulaurens, dit assez plaisamment
notre confrère Fiorenlino, est bon enfant, et se laissera faire î il
n'a pas de préjugés. »
Au Théâtre-Français nous avons eu la rentrée de M1Ie Pau-
line Granger et les débuts de M. Laroche. MIIe Pauline Granger
a repris son rang et son importance dans le répertoire : après
les rôles de Dorine du Tartufe, et de Lisette du Jeu de l'Amour
-et du Hasard, nous l'avons retrouvée dans Toinette du Malade
imaginaire , continuant son succès et faisant applaudir cette
gaieté-franche et cette verve nettement accusée qui n'excluent ni
la grâce ni l'esprit. — C'est dans la tragédie que M. Laroche a
paru, remplissant, pour son coup d'essai, le rôle de Britannicus.
11 y a été assez faible, et tout en louant certaines parties de son
jeu, notamment la sagesse de son débit, nous signalerons une
fréquence de gestes et un mouvement de tête trop répété. Il a
joué de nouveau Valère dans Tartufe, et, mieux familiarisé avec
ce terrain nouveau, il a mis plus d'aisance et de chaleur dans
son jeu.
On parle généralement, à I'Opéra-Comique, de l'engagement
de Roger. Un contrat de trois années lierait l'excellent artiste au
premier berceau de sa gloire. Il reparaîtrait d'abord, dit-on,
dans la Sirène. Le principal rôle serait chanté par Mlle Marimon.
— En attendant, la reprise du Postillon de Longjumeau, pour
Montaubry, est toujours à l'ordre du jour.
L'Odéon fera sa réouverture, le dimanche 1er septembre,
par une pièce en cinq actes, de M. Paul Foucher, intitulée :
V Institutrice, et par un acte en vers de M. Henri Rlaze de
Rury, intitulée : le Décaméron. V Institutrice sera jouée par
Tisserant, Ribes, Pierron, Riga; Mmes Ramelli, Delahaye,
Roussell (lauréat du Conservatoire), et Anaïs Mollon (pour ses
débuts) .
Le Décaméron sera joué par Saint-Léon, Marck, MUe Dela-
haye etM"e Dambricourt (premier prix du Conservatoire).
Nous avons annoncé que le Vaudeville allait répéter une
pièce de Scribe (dont le manuscrit lui aurait été remis, dit-on,
par M. Haussmann, préfet de la Seine). On hésite sur le titre :
les uns veulent la Frileuse ; d'autres préféreraient la Duchesse
Honesta. Pour peu que la pièce se joue cet été, la Frileuse
serait un titre piquant. — Alexis Colleuille, dont nous avons
constaté les heureux débuts au Vaudeville , vient d'être engagé
pour trois ans à ce théâtre.
Le théâtre des Variétés a réouvert ses portes avec trois
pièces nouvelles. Un Dîner de famille, qui avait été trouvé un
peu long le jour de la première représentation, produit main-
tenant beaucoup d'effet, grâce à d'intelligentes coupures. C'est
un tableau original, pris sur nature et dans lequel l'auteur,
M. Eugène Moreau, a jeté à profusion l'esprit d'observation et
son esprit naturel. Brouillés depuis Wagram soulève de cha-
leureux applaudissements qui s'adressent et à la pièce et à
Leclère, si parfait dans le rôle d'un vieux grognard. Quant aux
Danses nationales, c'est un de ces spectacles pleins d'entrain et
d'animation dont certains habitués de l'orchestre sont si friands.
Dupuis y est parfait, et M"° Alphonsine étourdissante de verve
et de gaieté.
Le Palais-Royal a également sa grande pièce à spectacle.
308
LE MÉNESTREL.
La Beauté du Diable, trois actes et un prologue de MM. Grange
et Lambert Thiboust, est une œuvre plus fantastique que lo-
gique. Les désopilantes transformations de Brasseur, le brio de
MUe Schneider, la musique de M. Sylvain Mangeant et celle du
répertoire de Jacques Offenback ont enlevé le succès de cette
fantaisie. Les airs de la Chanson de Forlunio y sont largement
misa contribution, et le public ne s'en plaint pas. Le soir de la
première représentation, le directeur des Bouffes-Parisiens as-
sistait personnellement à son triomphe : les regards de la salle
entière semblaient fêter le spirituel compositeur et le ruban qui
ornait sa boutonnière.
La Porte-Saint -Martin nous tient en perspective la reprise,
ou plutôt la prise de possession des Pilules du Diable, l'inépui-
sable féerie du Cirque. M. Anicet Bourgeois doit augmenter
cette féerie de deux nouveaux tableaux. La musique sera entiè-
rement nouvelle, et signée : Offenbach et Delibes. Il y aura là
de quoi délecter les enfants... et les dilettantes.
L' Ambigu-Comique a renouvelé sou affiche avec un drame
et un vaudeville. Cora ou l'Esclavage, cinq actes et sept ta-
bleaux, de M. Jules Barbier, est une œuvre habilement conçue ;
chaque acte contient des scènes émouvantes, qui ont vivement
impressionné ; de plus, comme style, ce drame est plus soigné
que ne le sont ordinairement les pièces du boulevard. — Quant
au vaudeville, Un Bourgeois qui s'amuse, il a pour auteurs
MM. Clairville et Charles Desolme, notre confrère de TEurope
Artiste ; c'est un fort amusant lever du rideau.
Le petit Théâtre féerique des Champs-Elysées est fermé
depuis quelque temps. L'administration Raignard a vécu. Mais
S. Exe. le ministre d'État s'est ému de la position des artistes
et a bien voulu leur accorder l'autorisation de donner à leur
bénéfice une série de représentations jusqu'à la fin de septem-
bre. — Décidément la salle Lacaze ne porte pas bonheur à ses
locataires. Les Bouffes-Parisiens même n'y ont jamais puisé
que le regain de leur fortune du passage Choiseul Hélas ! les
moellons, comme les livres, ont leur destinée.
J. Lôvy.
TABLETTES DU PIANISTE ET OU CHANTEUR.
MOZART
jean-chrysostome-wolfgang-amedee
Mozart occupe une place unique dans l'histoire de la musi-
que par l'universalité de son génie : enfant, il étonne par les
prodiges de son exécution ; homme mûr, il surpasse tout ce qu'a-
vait promis sa jeunesse ; il excelle dans tous les genres, et les pro-
duits de sa radieuse imagination font progresser l'art dans toutes
ses parties.
Comme pianiste, Mozart fut le plus grand virtuose de son
temps en Allemagne. Une lutte s'engagea entre lui et Clémenti,
lors du premier voyage que celui-ci fit à Vienne, en 1781. Dans
cette lutte, ni l'un ni l'autre des deux artistes rivaux ne fut
vaincu, parce que tous deux brillaient par des qualités diffé-
rentes.. Si Clémenti se distinguait par l'excellence de son doigté,
par la précision, le goût et le fini de son exécution, Mozart se
faisait remarquer par la perfection de son jeu, l'élégance et l'ex-
pression de son style. Sa manière, plus colorée, plus énergique,
donna naissance à l'école de piano désignée sous le nom d'école
de Vienne, et qui fut continuée par Beethoven et Hummel. Lors-
qu'il improvisait sur le piano ou sur l'orgue, la profondeur de
ses idées, l'art avec lequel il les développait, la richesse de son
harmonie, tout aurait pu faire supposer qu'il exécutait un mor-
ceau soigneusement préparé d'avance.
Comme compositeur de musique instrumentale , son génie
créateur se révèle jusque dans ses moindres productions. Ses
concertos de piano firent bientôt oublier tout ce qu'on avait écrit,
précédemment pour cet instrument. Ses quatuors des œuvres
10 et 18, ses quintettes en ut mineur, en ré, en mi bémol et en
sol mineur, sont des chefs-d'œuvre du genre. Dans ses sympho-
nies, Mozart ne change rien aux proportions tracées par Haydn,
son illustre prédécesseur. Mais si l'œuvre de Haydn présente la
savante et admirable peinture d'une réalité paisible et bien or-
donnée, Mozart donne à la sienne un charme plus pénétrant. Il
domine par sa passion entraînante, et sa symphonie en sol mi-
neur ouvre une voie nouvelle dans laquelle Beethoven devait
ensuite s'élancer avec toute la fougue et l'énergie de sa rêveuse
imagination.
Dans la musique dramatique, Mozart n'eut point de rival. II
prenait une très-grande part àl'ordonnance générale des libretti sur
lesquels il travaillait. Selon son opinion, clans un opéra, la poésie
devait être la fille obéissante de la musique. Son esprit éclairé, son
exquise sensibilité lui faisaient saisir avec autant de tact que de
sagacité les nuances et les vraies conditions du drame lyrique.
« Les passions violentes, dit-il dans une de ses lettres à son père,
ne doivent jamais être exprimées jusqu'à provoquer le dégoût.
Même dans les situations les {dus horribles, la musique ne doit
jamais blesser et cesser d'être la musique. » Mozart avait étudié
avec ferveur les œuvres des grands maîtres et s'était familiarisé
avec toutes les écoles sans avoir de prédilection exclusive pour
aucune. Son génie conciliateur féconde la science harmonique
par le charme de la mélodie. Si Gluck, qui voulait que la mu-
sique fût la traduction littérale de la parole, lui apprit le langage
élevé des passions et lui inspira le goût des grandes péripéties tra-
duites par des masses chorales, Mozart lui est supérieur par la
variété des idées, par la souplesse du style, par le développement
des morceaux d'ensemble, par la richesse de l'instrumentation.
11 crée un art nouveau ou plutôt il transforme complètement l'art
qui l'avait précédé. Dans cette transformation qui commence à
YIdoménée, Mozart se montre aussi grand poêle que grand mu-
sicien. Ses opéras de V Enlèvement au sérail, des Noces de Fi-
garo, de Don Juan, de La Flûte enchantée, de La Clémence de
Titus, sont autant de chefs-d'œuvre de genres différents, qui
semblent n'appartenir au même auteur que par la perfection
qu'on y trouve, et sur lesquels sont venus se modeler tous les
compositeurs qui ont succédé à l'illustre maître.
De tous les compositeurs allemands de son temps, Mozart est
peut-être celui qui a le mieux compris le but de la musique
d'église et qui a donné à ses œuvres le véritable caractère reli-
gieux. Si Haydn se fait de la bonté divine une idée qui le porte
par-dessus tout à la confiance et lui inspire une piété tendre et
gracieuse, Mozart se sent plus profondément ému de la puissance
de Dieu. Son grand I{yrie, eu ré, ses messes nos 2, 4 et 5, son
Misericordias Domini, à quatre voix, son Ave verum corpus, à
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
;joo
quatre voix, ses hymnes et ses cantates d'église sont des produc-
tions qui, par la pureté du style et par l'élévation de la pensée,
rappellent la plus belle époque de l'école italienne. Son Re-
quiem (1) exprime en de sublimes accents la terreur du chrétien
qui va paraître devant le Juge suprême.
Exploité par des éditeurs de musique et par des directeurs de
théâtre, qui abusèrent étrangement de son insouciance pour ce
qui était de sa fortune, Mozart ne laissa pas même de quoi mettre
une pierre sur sa tombe. Le jour de son enterrement les fos-
soyeurs s'étaient pressés, car il faisait un temps affreux, et il ne
s'agissait d'ailleurs que d'une inhumation pour laquelle on n'a-
vait pu faire que les dépenses strictement nécessaires. Les traces
de sa sépulture disparurent bientôt. Les recherches que l'on fit
plus tard pour les découvrir n'amenèrent aucun résultat certain.
Cependant l'Allemagne, dans sa tardive reconnaissance pour
l'artiste qui avait fait la gloire de son pays et charmé le monde
par la grandeur et la fécondité de son incomparable génie, voulut
réparer cet outrage du temps, et en 1859, c'est-à-dire soixante^
huit ans après la mort de Mozart, un monument, consistant en
un socle surmonté de la statue de la Musique, fut érigé à Vienne,
dans le cimetière et à la place où il y a lieu de supposer que re-
posent les restes mortels de l'illustre auteur de Don Juan.
Catalogue des œuvres de Mozart. — La fécondité de Mozart
tient du prodige. On ne peut se faire d'idée de tout ce qu'il a écrit
depuis l'âge de sept ans jusqu'à sa mort. Il a laissé, tracé de sa
main, le catalogue de ses compositions depuis le 9 février 1784
jusqu'au 15 novembre 1791 ; le détail en est presque fabuleux.
Cependant, malgré tout ce que l'on connaît de.lui, on retrouve
encore de temps en temps de nouveaux manuscrits. Nous nous
bornerons à donner ici l'indication sommaire des ouvrages de
Mozart d'après les renseignements que fournit le supplément de
la biographie de ce musicien publiée par sa famille, et d'après les
divers autres catalogues qui ont été faits de ses productions. Mu-
sique d'église : trente-six compositions religieuses, renfermant
des messes, Te Deum, litanies, offertoires, motets et cantates
d'église. Un Slabat mater et le fameux Requiem terminé par
Siissmayer. — Oratorios : trois oratorios ; deux, datent de la
jeunesse du compositeur; le troisième, intitulé : Davidde péni-
tente, pour trois voix et orchestre, fut écrit à Salzbourg, en 1783 ;
cette œuvre, remarquable par l'expression mélancolique, est plu-
tôt une cantate développée qu'un véritable oratorio. — Opéras :
musique pour une comédie latine intitulée : Apollon et Hyacin-
the, composée en 1767, à l'âge de onze ans, pour l'université de
Salzbourg; — Rastien et Rastienne, opéra allemand; Vienne
(1768) ; — La finta Simplice, opéra-bouffe composé, à Vienne,
pour l'empereur Joseph II (1768) ; — Mitridate, opéra sérieux
italien, en trois actes, représenté à Milan (1770); Ascanio in
Alba, cantate dramatique, en deux parties, à Milan (1771) ; —
Il Sogno di Scipione, sérénade écrite pour l'installation de l'ar-
chevêque de Salzbourg (1772) ; Lucio Silla, opéra sérieux, à
(1) Mozart avait laissé inachevé son Requiem, qui fut terminé par Siiss-
mayer, son élève et depuis maître de chapelle à Vienne. Une vive polémi-
que s'engagea plus tard sur la question de savoir quelle était la part que ce
dernier avait prise à l'ouvrage. Parmi ceux qui intervinrent dans cette
discussion, l'ahbé Stadler, maître de chapelle à Vienne, est celui qui paraît
avoir jeté le plus de lumière sur la question. D"après les renseignements
qu'il a fournis, le travail de Mozart finirait avec le verset Hoslias, et le
reste, y compris la plus grande partie du Lacrymosa, serait l'œuvre de
Siissmayer.
Milan (1773); — laide, opéra vraisemblablement écrit, dans la
même année, pour Venise ; — La finta Giardiniera, opéra-bouffe,
à Munich (1774) ; — Il Re pastore, pastorale en deux actes, à
Salzbourg (1775); — chœurs et entr'actes pour un drame inti-
tulé : Thomas d'Êgyle, pour quatre voix et orchestre; — Ido-
meneo, re di Creta, opéra sérieux, en trois actes, à Munich
(1780) ; — Die Entfùhurung aus dem Sérail (l'Enlèvement au
sérail), opéra-comjque, en deux actes, à Vienne (1782); — trio
et quatuor pour La Villanella rapita, à Vienne (1785); — Der
Schauspiel-director (le Directeur de spectacle), opéra-comique en
un acte, à Vienne (1786) ; — Le Nozze di Figaro (les Noces de
Figaro), opéra-bouffe en quatre actes, à Vienne (1786). Cet ad-
mirable chef-d'œuvre, ridiculement traduit en français, fut re-
présenté sans succès à Paris, sur le théâtre de la Nation (l'Opéra)
en 1793; — // Dissolulo punilo, ossia Don Giovanni', drame
lyrique, en deux actes, à Prague (1787). Ce ne fut qu'en 1811
que l'opéra de Don Juan fit son apparition sur le Théâtre-Italien
de Paris; il ne pénétra en Italie que vers 1814; — Cosi fan
lutte, opéra-bouffe, en deux actes, à Vienne (1790) ; — Die Zau-
berfloete (la Flûte enchantée), opéra romantique en deux actes, à
Vienne (1791). Quelques années plus tard, en 1791, cet ouvrage,
indignement mutilé par un arrangeur, fut représenté à l'Opéra
de Paris, sous le titre de Mystères d'Isis; — La Clemenza
di Tito (la Clémence de Titus), opéra sérieux en deux actes, à
Prague (1791) ; — quatre ballets et pantomimes. — Mdsiqde de
chant : quatre chœurs, à quatre voix et orchestre ; — neuf can-
tates de francs-maçons, avec orchestre; — quarante-trois airs,
duos et trios italiens, avec ou sans récitatifs, et avec orchestre ;
— seize canons à trois et quatre voix; — trente-quatre chansons
allemandes; quelques solfèges pour exercice de chant. Musiqde
instrumentale, symphonies, quintettes, quatuors, etc. :
trente-trois symphonies pour l'orchestre : on n'en connaît que
dix-sept, mais on trouve les thèmes de plusieurs autres dans le
catalogue thématique de Breilkopf ; — quinze ouvertures à grand
orchestre ; — quatorze divertissements pour plusieurs instru-
ments, parmi lesquels on trouve plusieurs suites d'harmonies ; —
Plaisanterie musicale pour deux violons, alto, deux cors et basse ;
huit quintettes pour deux violons, deux violes et basse; — quin-
tette pour harmonica, flûte, hautbois, violon, alto et vioncelle ;
— vingt-six quatuors pour deux violons, alto et basse ; — un
quatuor pour hautbois, violon, alto et basse, et un quatuor pour
flûte ; — neuf trios pour deux violons et basse, et un trio pour
violon, alto et violoncelle. Ce dernier seul a été publié; — cinq
concertos pour le violon ; un seul a été gravé; — six concertos pour
le cor ; on n'en a publié qu'un seul ; — un concerto pour le
basson ; — un concerto pour la trompette; — un concerto pour
la clarinette; — plus de cent danses, menuets et valses pour l'or-
chestre ; — marches pour musique militaire. — Musique de
piano : vingt-trois concertos pour le piano : on en a publié vingt
et un ; — vingt-trois trios pour piano, violon et violoncelle; — un
quintette pour piano, hautbois, clarinette, cor et basson; —
trente et une sonates pour piano ; — quatre sonates pour piano à
quatre mains; — fantaisie, idem ; — Sonate et fugue pour deux
pianos ; — fantaisie pour deux pianos ; — quatre rondos pour
piano seul; — une multitude de thèmes variés pour le piano à
deux et à quatre mains ; — un concerto pour trois pianos et or-
chestre, composé en 1777. Mozart a fait une nouvelle instru-
mentation des quatre ouvrages suivants de Hasndel : Acis et Ga-
' lathée, le Messie, la Fête d'Alexandre et la Sainte-Cécile. On a
de lui une Méthode abrégée de basse générale, ou fondements de
310
LE MÉNESTREL
basse générale, dont l'authenticité n'est pas douteuse, quoiqu'il
ne l'ait pas composée pour la rendre publique. Outre les ouvrages
que nous venons de citer, Mozart a jeté sur le papier une quan-
tité prodigieuse d'idées dans des morceaux qu'il n'a point ache-
vés. La plupart de ces fragments, dont on trouve l'indication dé-
taillée dans le supplément de la biographie de Mozart par le
conseiller de Nissen, ont été possédés par l'abbé Stadler, maître
de chapelle à Vienne. Parmi ces fragments, .on remarque les
commencements d'une symphonie concertante pour piano et vio-
lon avec orchestre ; de trois rondos pour piano et orchestre ; d'un
quintette pour piano, hautbois, clarinette, cor anglais et basson ;
de différents morceaux avec ou sans accompagnements, sonates,
fugues, préludes, fantaisies, etc.; de plusieurs symphonies, ou-
vertures, quintettes, quatuors, trios pour divers instruments à
cordes et à vent; de sept Kyrie, pour quatre voix et orchestre;
d'un Gloria; du psaume Mémento Domine David, à quatre voix;
d'une cantate allemande Die Secle des Weltalh, 6 Sonne (Ame
du monde, ô Soleil 1), pour deux ténors et basse, avec chœur et
orchestre; et enfin de deux petits opéras, l'un italien, et l'autre
allemand.
Denne-Baron.
Correspondance littéraire de Grimm et de Diderot. — Mozart's Leben
(vie de Mozart), par de Niemtschek, Prague, 1708. — Anecdotes sur Mo-
zart, traduites de Rœchlitlz, par Cramer; Paris, 1801. — Mozart's Geist
(Esprit de Mozart) ; Erfurlh, 1803. — Godefroi Weber, Ergebnisss der bis-
herigen Forschungen iiber die Echthieit des Mozartschen Requiem (Ré-
sultat des recherches faites jusqu'à ce jour sur l'authenticité du Requiem
de Mozart) ; Mayence, 1826. — Stadler, Verteidigung der Echlheit des Mo-
zartschen Requiem, etc. (Défense de Y Authenticité du Requiem de Mo-
zart, etc.); Vienne, 1826. — Stadler, Nachtrag zur Yertheidigung der
Echlheit des Mozartschen Requiem (Suppléaient à la Défense de l'Authen-
ticité du Requiem d?. Mozart) ; Vienne, 1827. — Biographie W. A. Mo-
zart's, von Georg. Nikolaus von Nissen; Leipsick, 1828. — Anhang zu
Wolfgang Amedeus Mozart's Biographie ( Supplément de l'ouvrage précé-
dent) ; Leipsick, 1828. — Fétis, Biographie universelle des Musiciens. —
Mozart et son Don Juan, dans le recueil intitulé : Critique et littérature
musicales, par P. Scudo; Paris, 185U. — Mozart, fils d'un artiste chrétien
au dix-huitième siècle, extraite de sa correspondance authentique, traduite
de l'allemand, par l'abbé Goschler; Paris, 1857. — W.-A. Mozart, par le
docteur Henri Doering, traduit de l'allemand, par C. Viel; Paris, 1860.
PETITE CHRONIQUE.
L'Angleterre , pays musical.
( Correspondance particulière. )
Londres, ce 5 août 1861.
Essayez de dire à un Anglais mélomane que son pays est
anti-musical et qu'il n'a jamais rien produit de remarquable en
musique , et alors tant pis pour vous si vous ne possédez à
fond le noble exercice de la boxe, car John Bull, froissé dans son
amour-propre national outragé, est capable de vous gratifier
subito d'un black-eye (œil au beurre noir) en retour d'une telle
opinion émise sur le compte de son pays.
Voici ce que dit un journal anglais, The Robin Good fellow,
au sujet des mélodies nationales de la Grande-Bretagne. « A l'é-
« poque où les chants populaires de l'Angleterre n'étaient pas
« encore mis en recueil, comme ceux de l'Irlande l'ont été par
« sir John Stevenson et Thomas Moore, ou ceux d'Ecosse, par
« Johnson, dans son ouvrage bien connu, le Musical Muséum,
«. et ensuite par George Thomson et Robert Burns, on pouvait
« pardonner aux Anglais de ne pas connaître leurs propres ri-
« chessesà cet égard. Mais aujourd'hui que leurs mélodies ont
« été réunies en recueil par M. Chappell et qu'on a pu se con-
« vaincre qu'elles égalaient en beauté celles des autres pays de
« l'Europe, il n'y a plus d'excuse pour ceux qui les ignorent. —
« — Quelle belle mélodie, disait Rossini à un Anglais qui avait
« été admis devant lui, que the girl y left behind me ! Elle fait
« honneur à l'Irlande! — Mais Rossini était dans l'erreur. Cette
« belle mélodie est purement anglaise, — publiée en Angleterre
« longtemps avant d'avoir été jouée pour la première fois par les
« soldats de Guillaume III. — Comme il est suave, disait une
« dame anglaise, l'air de : 31 y lodging is on the cold ground !
« L Angleterre n'a pas d'aussi tendre ni d'aussi touchante mé-
« lodie. — Dans celte circonstance, la jolie critique était aussi
« en défaut que le grand Napoléon. Cet air est un ancien air
« anglais, et l'Irlande n'a pas d'autre prétention h cet égard que
« l'assertion de Thomas Moore, laquelle n'est justifiée par aucun
« titre d'évidence. Ainsi, il résulterait clairement que, loin
« d'être une nation anti-musicale, l'Angleterre est au contraire
« un pays musical à un suprême degré. »
Croyons-le donc, puisque ce bon John Bull nous le prouve
d'une manière si péremptoire, — et un peu aussi dans la crainte de
ses black-eycs. Toutefois, si vous voulez être édifié sur cette ques-
tion, consultez a cet égard l'excellent dictionnaire de musique du
docteur Pierre Lichtental. Son article sur l'état de la musique en
Angleterre est toujours aussi vrai que lorsqu'il l'écrivit il y a une
trentaine d'années ; il le sera longtemps encore, il le sera toujours
peut-être. Car, ainsi que le fait observer judicieusement le savant
docteur, l'abus incroyable que l'on fait en Angleterre de ces
mêmes mélodies populaires, — dont un certain nombre à la vérité
est remarquable et empreint d'un délicieux cachet d'originalité,
mais dont un grand nombre aussi est loin de posséder ces quali-
tés;— l'abus incessant, disons- nous, que l'on fait ici de ces natio-
nal songs paralysera toujours lesefforls que tenteront les compo-
siteurs indigènes et étrangers résidant dans ce pays pour créer des
nouveautés et faire sortir l'Angleterre de l'ornière de la routine
musicale.
A. Lamotte.
NOUVELLES DIVERSES.
— Voici une coïncidence digne d'êlre notée dans les archives musicales.
Au moment où M. le ministre d'Etat, au nom de l'Empereur, honorait la
musique française en élevant notre illustre maître Auber à la dignité de
grand-officier de la Légion d'honneur, lo roi d'Italie rendait un hommage
identique au plus glorieux représentant de la musique italienne. Notre
maestro Rossini vient d'être décoré de I'Ordre du Mérite, la plus haute
dislinction dans les États cisalpins. M. le comte de Nigra, ambassadeur
du roi Victor-Emmanuel, s'est rendu jeudi soir chez le maestro, et lui a
remis, au nom du roi, les insignes de cet ordre. — Ces nobles démons-
trations en l'honneur de nos gloires contemporaines consolant et réjouis-
sent l'àme au milieu des tendances matérialistes de notre époque.
— La loge d'avant-scène qui fait face à la loge impériale , au théâtre
des Italiens, ne sera pas louée cotte année, M. Calzado ayant reçu l'invi-
tation de la laisser à la disposition du ministère d'État. Cette loge sera
probablement occupée par un membre de la famille impériale.
— Les journaux italiens parlent d'un nouvel opéra qui sera bientôt
représenté à Anchi. La partition est de M. Persiani, l'opéra est intitulé :
le Prisonnier de Paterme.
NOUVELLES ET ANNONCES.
311
— A Milan, voici la composition définitive de la belle troupe d'opéra
qui chantera cet automne au théâtre de la Scala, sous la direction de Mc-
relli. Prime donne : Mmcs Colson, Carrozzi, Zucchi, Casimir Ney. Primi
tenori : MM RSvisi, Sirchia, Vidal. Primi buritoni -." Marra el Padilla.
Primi bassi : Atri et Tasti. Primo basso com ico : Napoleone Rossi. — Le
ballet se composera de Mmo Priera Olimpia, Walpot, Ferdinando ; de
MM. Efiisio Catte et Domenica Perotti. — Le premier opéra représenté
sera Roberto il Diavolo ; le premier ballet, Benvenuto Cellini.
— Un nouveau théâtre va s'élever à Smyrne. La première pierre a été
posée devant une foule immense, par M. L.-G. Pinna, consul général
d'Italie.
— Pendant que Smyrne s'apprête à inaugurer une nouvelle salle de
spectacle, on écrit de Constantinople que le magnifique théâtre construit
sous le règne d'Abdul-Medjid , va changer de destination. Le nouveau
sultan en a fait une fabrique de canons rayés S. H. parait avoir des
goûts tout à fait austères.
— Les correspondances de Prague nous apprennent qu'à la représenta-
tion d'adieux de Mlle Trebelli, la foule était si considérable et si impa-
tiente, que toutes les vitres du bureau ont été brisées. — C'est aussi flatteur
pour Mlle Trebelli que lucratif pour MM. les vitriers.
— ■ A Berlin, l'impressario Lorini a passé un nouveau traité avec le
théâtre Victoria, pour y donner des représentations avec sa troupe italienne.
— A Francfort-sur-Mein, le directeur de musique Ignace Lachner vient
d'être nommé chef d'orchestre au théâtre de la ville, en remplacement de
feu Messer. — Les deux sœurs Marchisio ont donné des représentations
très-suivies. Un autre engagement les appelle à Berlin.
— Nos lecteurs ont vu de quelle façon on nous a défiguré Bade, dans
notre dernier numéro [post-scriptum de la Semaine théâtrale). Cette char-
mante ville a été naturalisée suisse, et est devenue Bdle sous la main de
nos typographes.
Nous disons ceci, moins pour relever une erreur que tout le monde a
pu redresser , que pour compléter notre correspondance de dimanche
dernier :
« On nous écrit de Bade que Mlle Aimée Tillemont a été personnelle-
ment complimentée par LL. MM. le roi et la reine de Prusse, après son
succès théâtral dans Bonsoir Voisin. — Ce suffrage royal a bien son prix,
et nous en félicitons la jeune artiste.
— La chronique d'Ems nous parle du bon accueil qu'a reçu l'opéra
inédit le Brasseur d'Amsterdam, paroles de M. de Najac, musique de
M. Alary. L'Été, journal d'Ems, consacre deux colonnes à cette œuvre
thermale, — je veux dire musicale. — Nous en extrayons les lignes sui-
vantes : « Le théâtre d'Ems est un parterre émaillé de femmes, et enca-
dré par quatre colonnades de porphyre ; il n'y a point d'avant-scènes, point
de baignoires, point de loges de lions ; chacun est libre d'applaudir, et
chacun abusé rarement de sa liberté. En général, les hommes sont des
claqueurs paresseux, en été surtout. Aussi les applaudissements ont une
valeur énorme, au parterre d'Ems. Dire que les trois artistes et presque
tous les morceaux du Brasseur d'Amsterdam ont été chaudement ap-
plaudis, c'est proclamer en d'autres termes un très-légitime succès. Ainsi
mes éloges ne seront que les échos des applaudissements de ce public
économe. Je louerai, avec ma conviction supplémentaire , la canlilène :
De chagrin je me meure, que Mmc Cambardi détaille avec un sentiment
exquis ; un trio, qui me semble un peu cousin-germain de l'entrée de
Zampa ; mais cette parenté existe plutôt dans les paroles et la situation
que dans la mélodie ; les couplets en mi bémol, /( est parti, qui sont de
la meilleure facture, un grand air scénique, le morceau capital de l'œuvre;
il y a un bel allegro en si bémol, qui se fond dans un rhythme de valse
plein d'éclat et de gracieuse légèreté ; un duo martial d'un grand effet, et
chaudement enlevé par MM. Buet et Caussade ; une très-a?réable romance :
Ecoute bien, je t'aime I et le rondo final avec une coda en triolet. M'ne Cam-
bardi s'est lancée, tête première, dans cet archipel d'écueils, et elle en
est sortie victorieuse, après avoir épuisé tous les points d'orgue impos-
sibles, et toutes les trilles de la valse de Venzano. C'était le bouquet de
fusées qui couronne un feu d'artifice, et oblige les plus rebelles à donner
leur appoint dans l'unanimité des applaudissements. »
— Après le Brasseur d'Amsterdam, on a représenté à Ems un autre
opéra inédit : le Café du Roi, paroles de M. Meilhac, musique de M. Deffès.
Cette œuvre parait avoir également réussi.
— L'Association des Sociétés chorales de l'Alsace a eu son concours à
Guebwiller (Haut-Rhin) , sous la présidence de M. Georges Kastner. MU. Am-
broise Thomas, Elwart, J-B. Wekerlin, Laurent de Rillé, Schwab, Hassel-
mans, J. Stockhausen, remplissaient les fonctions de jurés. Parmi les
sociétés couronnées nous citerons Wittenheim, Dornach, Sainte-Marie-aux-
Mines, Schelestadt, Mulhouse, Than et Colmar. C'est V Union musicale de
Strasbourg qui a remporté le prix du concours extraordinaire, consistant
en une grande médaille d'or donnée par l'Empereur. Cefe Société a
exécuté avec vigueur un grand chœur du jeune Baesch, Strasbourgeois,
qui marchera un jour sur les traces des maîtres du genre. Après le con-
cours le préfet, en remettant la médaille donnée par l'Empereur, a fait
une spirituelle allusion à la récente promotion de M. Auber, et ce nom
illustre a été couvert d'applaudissements. — Celui de Georges Kastner, do-
nateur d'une médaille d'or, a été également l'objet de broyants vivat.
— Tircis el Margoton, tel est le titre d'une opérette inédite de MM. Brun
Lavainne et Ferdinand Lavainne, représentée récemment avec un grand
succès sur le théâtre du Pré-Cutelan de Lille. La musique a été parfaite-
ment goûtée : on y a remarqué une foule de jolies mélodies rehaussées
d'une savante instrumentation. La pièce avait pour interprètes Mlle Stei-
vender [Margoton] et M. Gourdon [Tircis]. Les bravos les plus chaleureux
les ont accueillis à chaque représentation.
— Samedi dernier on a fêté à Passy le 73e anniversaire de Ponchard,
qui a pris part en personne au programme improvisé de la soirée. Eu sou-
venir de ses plus belles années il a chanté Méhul avec une suavité d'expres-
sion et une fraîcheur de voix à faire illusion. On croyait entendre Ponchard
à trente ans. Après le maître de la maison, Levasseur a dit l'air des Nozze
di Figaro dans un style et une maestria qui ont électrisé les assistants.
Puis Mme Wekerlin-Damoreau s'est mise au piano et s'est accompagnée
Y Ave Maria de Gounod et la romance du Bouffe et le Tailleur, qu'elle a
chantés avec l'immortelle méthode de sa mère. Nous avons de nouveau,
retrouvé Mme Cinti-Damoreau dans le trio du Comte Ory , délicieusement
interprété par Mme Wekerlin , M. et Mme Charles Ponchard. Le pro-
gramme vocal brillait encore des duos des frèresGuidon, des chansonnettes
de Berthelier et du duo du Ca'id, par Charles Ponchard et M"e Balbi
(la jeune et gracieuse artiste doit, prochainement, débuter dans cet ou-
vrage, à l'Opéra-Comique) . La partie instrumentale nous a fait applaudir
Mlle Roulle, qui s'est très-heureusement essayée dans un solo de piano,
et la nouvelle Milanollo, Mlle Maria Boulay, dont l'archet victorieux mar-
che de succès en succès. C'est MUe Laure Orfila qui accompagnait MIle Ma-
ria Boulay, et à l'aisance du soliste et de l'accompagnateur, on ne se serait
jamais douté que ces deux charmantes jeunes filles se rencontraient pour
la première fois au piano. — N'oublions pas 'de mentionner qu'entre les
deux parties de ce véritable concert, M1"12 Charles Ponchard a dit du cœur
et de la voix des couplets de circonstance dus, paroles et musique, à
M"e Peyronnet. Les couplets ont été d'autant mieux accueillis qu'ils étaient
l'expression des sentiments de tous les amis des maîtres du logis.
— Un concours d'Orphéons auquel ont pris part deux sociétés chorales
et sept cents orphéonistes, a eu lieu le 16 août à Carcassonne, sous la
présidence de M. Camille de Vos, membre du comité de patronage des
Orphéons de France. Le prix de l'Empereur, consistant en une grande
médaille d'or, a été décerné à l'Orphéon de Carcassonne, dirigé par
M. Teysseyre. Ont remporté aussi des prix : les Orphéons de Castelnau-
dary, de Narbonne, de Sainte-Cécile d'Azile, de Capendu, de Sigean, de
Lesignan, l'Union chorale de Carcassonne; les Orphéons de Bize, de Fa-
brezan, de Trôbes, la Lyre d'Azille.
— Un bruit que nous espérons voir démenti, a couru cette semaine à
propos de l'un des deux nouveaux théâtres de la place du Châtelet. On
rapporte que l'architecte n'ayant pas tenu compte des besoins du machi-
niste, la scène manque environ de deux mètres de largeur pour la ma-
nœuvre des décors !...
— Mlle Peschel, qui a remporté cette année , au Conservatoire, un des
trois premiers prix de piano, vient de partir pour l'Allemagne , où l'ap-
pellent plusieurs engagements.
— Aujourd'hui dimanche 2o août , à Enghien-les-Bains, sous le pa-
tronage de l'autorité municipale, grande fête vénitienne et grandes régates
sur le lac. Les chœurs seront chantés par les Tyroliens de Montmartre.
Feu d'artifice, lumière électrique, etc.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovï, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mour
rue Jean-Jacques Rousseau, 8.
EN VENTE au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, HEUGEL et Ce, éditeurs.
COLLECTION COMPLÈTE
CHANSONS DE GUSTAVE NADADD
Publiées en sept volumes grand in-8°, et une collection de chansons légères ,
Paroles et musique avec accompagnement «le piano.
Prix net. Chaque volume : 6 iï. — Collection des 30 chansons légères : 8 fr. — Souscription aux huit volumes : 40 fr.
1" VOLUME.
11 Au coin du feu.
12 Les grands-pères.
13 Les rats.
1 Vieille histoire.
2 L'inconnu.
3 L'automne.
4 Une fée.
5 Trompette.
6 Voilà pourquoi je suis garçon.
7 Les mois.
8 Un propriétaire.
9 Le melon.
10 Je pèche à la ligne.
21 Le quartier latin.
22 Les dieux.
23 Le vieux tilleul.
2'4 Le château et la chaumière.
25 La ligue des maris.
41 Les pauvres d'esprit.
42 Est-ce tout?
43 La Kermesse.
44 La meunière et le moulin.
45 May.
61 Le voyage aérien.
62 Rose-Claire-Marie.
63 Mon héritage.
64 Paris.
65 Jaloux, jaloux.
81 Xa forêt.
82 Lanlaire.
83 Pêcheur silencieux.
84 L'aveu.
85 Des hêtises.
101 Les heureux voyageurs.
102 L'aimable voleur.
103 La vie moderne.
104 Le pot de vin.
105 La vigne vendangée.
121 L'histoire de mon chien.
122 Libre ! stances à l'Italie.
123 Bernique.
124 Nuit d'été.
125 Mon oncle Gaspard.
1 Les amants d'Adèle.
2 Le souper de Manon.
3 Satan marié.
4 Toinette etToinon.
5 Ursule.
6 Les gros mots.
7 Quilte à quitte.
8 Le coucher.
26 Bonhomme.
27 La ballade au moulin.
28 Perrelte et le sorcier.
29 Les cerises de Montmorency
30 Je n'aime pas.
46 La solution.
47 Pastorale.
48 Fantaisie.
49 Je grelotte.
50 Jean qui pleure et Jean qui rit
66 Mes mémoires.
67 L'été de la Saint-Martin.
68 La bayadère voilée.
69 Le jardin deTéhadja.
70 Souvenirs de voyage.
86 Le fou Guilleau.
87 La nacelle.
88 Père capucin.
89 La pluie.
90 Les plaintes de Glycêre.
106 Le cigare.
107 Les lamentations d'un réverbère
108 La confidence.
109 Les pêcheuses du Loiret.
110 La chanson de gros Pierre.
126 L'attente,
127 L'oubli.
128 Le roi boiteux.
129 L'improvisateur de Sorrente.
130 Les côtes d'Angleterre.
14 Je m'embête.
15 Ma femme n'est pas là.
8e VOLUME.
31 Rêves et réalités.
32 Les étrennes de Julie.
33 M. Bourgeois.
34 Louise.
35 Le docteur Grégoire.
3e VOLUME.
51 Les écus.
52 Pierrette et Pierrot.
53 Le phalanstère.
54 Les impôts.
55 Les réformes.
■ 'VOLUME.
71 Insomnie.
72 La vieille servante.
73 II faut aimer.
74 Ma philosophie.
75 Les deux notaires.
Se VOLUME.
91 Le vieux télégraphe.
92 Ma sœur.
93 Les ruines.
94 La mèreGodiehon.
95 M. de la Chance.
VOLUME.
111 Le puits de Ponlkerlo.
112 Les projets de jeunesse.
113 Le sultan.
114 La cuisine du château,
115 Chanson napolitaine.
<S« VOLUME.
131 A propos d'annexion.
132 M'aimez-vous ?
133 Le mandarin.
134 Elle.
135 Une histoire de voleur.
16 Je ris.
17 Nous sommes gris.
18 Ivresse.
19 Aujourd'hui et demain.
20 Chauvin.
C
36 Chut.
37 Les hommes utiles.
38 Le Champagne.
39 Le carnaval à l'assemblée .
40 Beauté.
56 Le message.
57 Pandore.
58 L'histoire du mendiant.
59 La valse des adieux.
60 La première maîtresse.
76 Le bonsoir.
77 La petite ville.
78 Le chevalier à boire.
79 Flora cruelle.
80 Cheval et cavalier.
96 Ma voisine
97 Le vallon delà jeunesse.
98 La fdle de l'amour.
99 Lettre d'un étudiant à une étudiante.
100 Réponse de l'étudiante à l'étudiant.
116 La bûche de Noël.
117 Macadam.
118 Le pays natal.
119 La lecture du roman.
120 Le nid abandonné.
136 La promenade.
137 La bruyère.
138 La ferme de Beauvoir.
139 Le vent qui pleure.
140 Florimond l'enjôleur.
COLLECTION DES 30 CHANSONS LÉGÈRES
9 Les boutons.
10 Auguste, étudiant de 10e année.
11 Boisentier.
12 La gaîté française,
13 Les poissons.
14 La chanson de trente ans.
15 Adèle.
16 La lorette.
17 La lorette rlu lendemain.
18 La chaumière.
19 Les reines de Manille.
20 Palinodie.
21 Les confessions.
22 Les lieux.
23 Mes enfants.
24 Madeleine.
25 Les plaisirs sont trop courts.
26 Un mari malheureux.
27 Thérèse.
28 Le lion d'or.
29 Le dix-cors.
30 La toilette.
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781. — 28e Année.
w« 40.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche Ier Septembre
1861.
MEN
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J.-L. HEUGEL,
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S03IIVIAIHE.
TEXTE.
I. Exposition de l'industrie à Marseille ; encore les violons et les instruments de
cuivre (3e et dernier article). G. Bénédit. — 11. Semaine théâtrale. J. Lovy.
— III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Souvenirs du théâtre (de la fin
du xviii» siècle jusqu'en 1830). Mme Scio. P. -A. Vieillard. — IV. Petite chro-
nique : Plaisanteries musicales de Porpora. — V. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
UN REGARD ,
Paroles et musique de Gustave Nadaud. — Suivra immédiatement
après: Hiver et Printemps, paroles d'EuGÈNE Scribe, musique
d'ANTONIN GUILLOT DE SAINBRIS.
l'IAKO:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
COSMOPOLITE-POLKA ,
Par Alfred Godard. — Suivra immédiatement après : la transcription
de Ch. Neustedt sur VAIcesle de Gluck.
FEUILLETON DU SEMAPHORE.
CONCOURS RÉGIONAL.
EXPOSITION DE L'INDUSTRIE A MARSEILLE.
LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE.
[3e Article.)
M. Bonnet. — MM. Pascal et Paganini. — M. Baudassé-Cazottes. — M. Da-
niel et ses inventions. — Les Flûtes , les Hautbois, les Bassons et les
Clarinettes. — Disparition do la Guitare. — Les Cloches. — M. Mazoulier,
pianiste et organiste à l'Exposition.
Après les maîtres, les élèves : et en voici un, ma foi, digne
de figurer avec avantage sur la liste des luthiers nouveaux, bien
que cet amateur ne fasse pas métier de la facture, vers laquelle il
semble avoir été poussé cependant par une irrésistible vocation.
L'amateur dont il s'agit est M. Bonnet, notre compatriote.
Arrivé dans le périmètre musical de l'Exposition , regardez à
droite et vous verrez dans une vitrine des violons et des basses
d'une forme et d'un aspect charmants. Nous n'avons jamais
entendu les instruments de M. Bonnet, mais s'il faut en croire
M. Million, dont l'autorité en pareille matière nous paraît irré-
cusable, M. Bonnet est un maître dans l'art de la lutherie, où il
se serait fait un nom célèbre si, au lieu de rester modestement
à Marseille, il eût exercé son talent à Paris.
Et M. Pascal, premier grand violon au Grand-Théâtre, n'a-t-il
pas également acquis une réputation parmi les luthiers en pro-
vince?Commentse fait-il que M. Pascal n'ait exposé aucun de ces
instruments qu'il fabrique si bien, et dont nous avons entendu
souvent sous son archet les sons harmonieux? Est-ce insouciance
ou modestie? A ce que l'on peut voir, M. Pascal se contente de la
renommée qui lui a valu le titre de connaisseur en fait d'instru-
ments anciens, etquenul nejustifie aussi bien que lui en France.
Connaissez-vous son histoire avec Paganini ? Elle est assez cu-
rieuse pour être racontée.
L'illustre virtuose voulant éprouver un jour le mérite de
M. Pascal, que nul n'avait pu mettre en défaut lorsqu'il s'agis-
sait de désigner le nom de quelque facteur célèbre, fit venir de
Gênes à Marseille, où il était établi, sa magnifique collection
d'instruments à cordes, composée de quatorze violons, un alto
et trois basses. Dans ce nombre de quatorze, il y avait cinq Stra-
divarius, deux Guarnarius, deux Amati, un Tonini, un Guidantus
de Buloniae et un Buggieri. Ces auteurs , qu'est-il besoin de le
dire, n'embarrassèrent nullement M. Pascal ; pour lui c'était le
B à BA de la science, aussi les nomma-t-il à tour de rôle avec un
aplomb et une précision à déconcerter un peu Paganini. Cepen-
dant, au milieu de sa surprise, Paganini souriait et semblait mar-
314
LE MÉNESTREL.
motter entre ses dents ces deux vers d'un ancien opéra-comique :
Huila , ce n'esl pas encor tout ,
Ah ! vraiment, tu n'es pas au bout !
car, tirant d'une boîte soigneusement recouverte un charmant
violon de facture élégante, il le présenta à M. Pascal en forme
de défi...
« A la bonne heure ! s'écria M. Pascal, s'adressant aux per-
sonnes présentes à cette singulière épreuve, voilà qui se com-
plique... Et pourtant, si l'on examine avec soin les différentes
parties de cette pièce précieuse, on ne saurait la méconnaître. Oui,
voilà bien les signes caractérisliques du maître, la table d'har-
monie, les éclisses, la volute, les /'évasés: allons !-allons! l'hési-
tation n'est plus permise, ce violon est un Séraphin ! » Et comme
Paganini désappointé se disposait à faire une remarque : « Je sais
ce que vous allez m'objecter, interrompit M. Pascal. Il y a deux
Séraphin dans la lutherie, un de Turin et l'autre de Venise ;
aussi le dernier est celui dont je parle. » Il n'y avait rien à ré-
pondre, c'était juste de tout point.
Mais voici le dénoûment.
Retranché derrière une boîte en acajou qu'il considérait
comme son rempart inexpugnable, l'illustre virtuose résolut fer-
mement de prendre sa revanche en frappant un coup décisif. Sans
prononcer un mot il tira de son étui le dernier violon de la col-
lection et le remit à notre compatriote.
Ici, faut-il l'avouer pour être véridique? la perspicacité du
connaisseur, jusqu'à ce moment inébranlable, faillit être en dé-
faut. En présence de ce violon énigmatique, nouveau sphinx
égyptien qui, placé devant lui, semblait dire : « Devine ou suc-
combe, » M. Pascal levait les yeux au plafond, comme pour
fixer une idée fugitive, et retombait ensuite dans la méditation.
Enfin, à bout d'efforts, il allait s'avouer vaincu, lorsqu'un éclair
illumina sa pensée et ramena ses souvenirs. « Ah! par ma foi !»
dit-il alors, reprenant son sang-froid habituel, et jetant sur le
violon un de ces regards amoureux si familiers aux antiquaires
« ceci est une espèce rare. »
— Très-rare en effet, observe Paganini, avec un sourire malin
et presque triomphant.
— Et connaissez-vous beaucoup d'amateurs qui aient pu vous
préciser son origine?
— Jusqu'à ce jour, personne.
— Eh bien! alors, je suis donc plus fort que tout le monde,
car l'instrument que voilà est de Stagliani, mort très-jeune à
Naples, en 1677, après avoir fait trois violons seulement dans sa
vie. Celui que je tiens est le second ; il date de 1673. Quant aux
deux autres, je pourrai dire où ils sont en ce moment, si mon
maître le désire. »
Nous laissons à penser quelle fut la stupéfaction de Paganini.
A cette époque, il était malade et parlait très-peu; aussi dans
l'impossibilité de répondre comme il aurait voulu à ce tour de
force incroyable, il fut pris d'une quinte de toux si violente qu'il
tomba dans son fauteuil, d'où il se releva l'instant d'après pour
embrasser M. Pascal et le proclamer le plus grand connaisseur
du monde.
Ajoutons que pendant le séjour de Paganini dans notre ville,
M. Pascal a fait avec lui trente-trois séances de quatuors ; qu'il
possède de cet étonnant musicien plusieurs autographes et un
portrait de Beethoven, gravé à Vienne en 1814, avec ces^mots
écrits de la main du grand auteur des symphonies : L. V. Bee-
thoven, à M. Pascal, de Marseille.
Si l'on admet que l'on ne peut parler du violon sans dire un
mot de ses cordes, nous devons mentionner celles exposées par
M. Baudassé-Cazotte, de Montpellier, et qui ont valu à cet ho-
norable industriel une lettre des plus flatteuses de Sivori, où nous
lisons ces mots : « J'ai reçu les cordes que vous m'avez en-
voyées, et je m'empresse de vous déclarer que j'en suis satisfait
au suprême degré. Les chanterelles notamment sont d'une pu-
reté merveilleuse; elles ont à la fois la puissance, l'éclat et la
clarté. »
Enfin, que dites-vous de l'exposition de M. Daniel? L'élé-
gante vitrine ! et comme tous ces instruments à souffle sont dis-
posés avec art et jettent d'éclatants reflets ! Il y a là des cors, des
trombones et des pistons qui se recommandent par des qualités
rares. Le cornet surtout est l'instrument privilégié de M. Daniel;
il y a consacré tous ses soins et obtenu avec lui des résultats
inappréciables.
En 1855, M. Daniel a inventé les cornets à perce cylindrique,
dont l'avantage est de conserver autant de sonorité à ce genre
d'instrument avec les pistons baissés qu'avec la colonne d'air à
vide, ce qui donne une grande égalité de son, en diminuant la
course des pistons.
Plus tard, en 1859, M. Daniel a doté l'harmonie du cornet
imitant le coup de langue de trompette que tous les instrumen-
tistes ne possèdent pas, et dont on se sert pourexécuter le trémolo,
effet introduit dans plusieurs ouvrages, entre autres dans la
Marche aux (lambeaux de Meyerbeer, où il se soutient pen-
dant plusieurs mesures.
Puis, la dernière invention de M. Daniel est le cornet trans-
positeur à perce droite, avec lequel on peut jouer dans tous les
tons au moyen d'un cadran indicateur. Disons, à la louange de
notre compatriote, que tous les perfectionnements dus à son
génie inventif lui ont valu plusieurs brevets et un rapport des
plus flatteurs signé de MM. Forestier, Baneux, Chertier, Dau-
verné, Dantonnet et Carafa, c'est-à-dire, des premières notabi-
lités du Gymnase musical militaire.
Les flûtes, les hautbois, les bassons et les clarinettes brillent
par leur absence à l'Exposition de l'industrie, ainsi que la gui-
tare. Oui, la guitare n'existe plus aujourd'hui qu'à l'état de
souvenir, et c'est là, convenons-en, un sujet de lamentation lé-
gitime pour bien des amateurs qui nous ont précédés dans la car-
rière musicale. A quoi sert d'avoir eu pour compositeurs et pour
exécutants Gatayes, Curilli, Sorr et Huerta, d'avoir pris part à
tant de sérénades, entre autres celle du Barbier de Séville,
d'avoir charmé trois générations de grisettes en accompagnant
Fleuve du l'âge et Portrait charmant, portrait de mon amie,
pour se voir délaissée un beau jour et ensevelie à jamais sans
autre oraison funèbre que cette légende banale: Sic transit
gloria mundi !
Remercions maintenant les personnes qui par leur obligeance
dévouée nous ont rendu facile notre tâche à l'Exposition de
l'industrie, dont l'administration polie et bienveillante compte un
si grand nombre d'employés intelligents. Merci à ces Messieurs ,
merci à ces surveillants zélés, qui tant de fois, sur une simple
invitation de notre part, lorsqu'il nous fallait entendre un orgue
ou un piano, s'empressaient défaire tairelevacarme assourdissant
d'une multitude de cloches mises en branle avec fureur à l'aspect
du tricorne du plus chétif curé de village. On nous pardonnera
sans doute de n'avoir pas classé tous ces bourdons parmi les ins-
truments de musique, comme aussi de n'avoir pas mis au rang
des virtuoses les robustes sonneurs délégués par MM. Baudouin et
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
315
Maurel. Mais, en revanche, qu'on nous permette d'adresser nos
derniers éloges à M. Mazoulier, chargé de faire entendre les
pianos de Herz, les orgues de Debain et d'Alexandre, dont
M. Roussel est le représentant. Grâce à M. Mazoulier, jeune ar-
tiste aussi modeste qu'expérimenté, nous avons pu juger ces
instruments divers dans une foule de morceaux et d'improvisa-
tions remarquables dignes de nos meilleurs concerts, et dont le
charme attire encore chaque jour, dans le périmètre musical de
l'Exposition une société des plus choisies.
G. RÉNÉDIT.
SEMAINE THEATRALE.
Le ténor Dulaurens est venu aborder cette semaine à I'Opéra le
rôle d'Arnold de Guillaume Tell ; et deux fois (mercredi et ven-
dredi) le débutant s'est tiré de cette nouvelle tâche de la façon la
plus heureuse. Sa voix a de la vigueur, avec un timbre métallique
etstrident quilui permet d'obtenir de grands effets de force dans
les passages dramatiques, tels que la fin du trio ou la fameuse
strelte de l'air du quatrième acte : Suivez-moi ! Toutefois, par
instants on reconnaît l'agréable ténor di mezo carattere, que
nous avions connu au Théâtre-Lyrique il y a quelques années.
C'est ainsi qu'il a dit avec beaucoup de légèreté le duo avec
Mathilde. Dulaurens serait doublement utile à l'Opéra ; vocali-
sant très-bien, il pourrait tenir l'emploi de ténor léger et dou-
bler Gueymard dans le répertoire de fort ténor. Il n'est pas im-
possible que Dulaurens revienne ici avec un engagement; mais,
quant à présent, et pour neuf mois encore, il est lié avec la
direction du théâtre de Strasbourg. — M"e de Taisy abordait
pour la première fois, presque sans répétitions, au pied levé, le
rôle de Mathilde : elle y a été très-applaudie. Elle a de l'accent
et de la mesure, deux qualités assez rares aujourd'hui; et il
faut lui faire compliment d'avoir chanté l'air : Sombres forêts,
avec une pureté et une sobriété de style irréprochables, sans y
ajouter de ces broderies prétentieuses qui altèrent une des plus
belles inspirations mélodiques de Rossini. — La représentation
extraordinaire que l'Opéra devait donner hier samedi au béné-
fice de la Caisse des pensions est ajournée par indisposition de
Tamberlick. — M"e Marie Sax, dont la vie a été un instant
mise en péril par la fièvre typhoïde, est complètement rétablie
et va prendre un petit congé de convalescence à la campagne.
Elle ne tardera guère à reparaître sur la scène. — A bientôt
aussi le début de Faure.il étudie en ce moment, chez le prince
Poniatowski, le rôle de Julien de Médicis. C'est en effet dans
l'opéra du prince qu'il fera sa première apparition , dans
les premiers jours de ce mois. — Sur la volonté expresse de
S. Exe. M. le ministre d'État, un livret d'opéra en deux actes,
de M. Dumanoir, vient d'être confié à M. Victor Massé, chef
des chœurs à l'Opéra. Voilà une heureuse nouvelle pour le
monde musical : il y a si longtemps qu'on n'a pu entendre un
ouvrage nouveau de l'auteur de Galathée, des Noces de Jean-
nette, de la Chanteuse voilée, des Saisons, de la Reine Topaze!
MUe Ralbi a débuté mardi dernier à I'Opéra-Comique dans
le rôle important et si difficile (surtout après Mme Ugalde) de
Virginie, du Caïd d'Ambroise Thomas. Nous nous empressons
de constater combien ce début a élé heureux pour elle sous le
double rapport du chant et du jeu. Elle a attaqué, non sans émo-
tion, son premier couplet: Comme la fauvette; mais ceci n'é-
tait qu'un jeu pour sa voix agile et légère. Le duo avec Rirot-
teau a été dit avec beaucoup d'intelligence, et tout enfin, jus-
qu'à la grande épreuve de l'air du deuxième acte : Plaignez la
pauvre demoiselle.'. . . tout lui a réussi. Aussi les applaudisse-
ments les plus sympathiques ont accueilli cette nouvelle et jeune
étoile, qui déjà brille d'un éclat tout particulier, et nous félici-
tons le directeur de l'Opéra-Comique de s'être attaché cette jeune
et gracieuse artiste. Nous ne devons pas oublier d'adresser de
sincères éloges à MM. Ponchard et Gourdin : ils ont supérieu-
rement interprété les rôles de Rirotteau et du tambour-major.
Rerthelier, qui ce soir remplaçait Sainte -Foy dans le rôle
d'Aboulifar, a égayé la salle entière par sa verve comique.
Le même soir M. Capoul, artiste débutant, paraissait pour la
première fois dans le Chalet et y a obtenu un succès des plus
légitimes. Il était secondé par MUe Lemercier, l'incomparable
soubrette, etTroy.qui aussi chante fort bien, mais qui, selon
nous, a le tort de trop abuser des vocalisations.
Le lendemain, un autre événement appelait la presse et le
public à ce même théâtre Favart. C'était la rentrée de Rat-
taille et les débuts de M"e Roziès dans l'Étoile du Nord.
Rattaille est toujours un grand et émouvant chanteur. Le rôle de
Péters, l'une de ses plus brillantes créations, et qui lui a valu
de si légitimes triomphes, a été joué avec plus d'entrain encore
que par le passé. La voix de Rattaille néanmoins n'a pas encore
recouvré toute sa vigueur. Souhaitons à cet artiste un prompt
rétablissement : lui qui connaît si bien le mécanisme de la pho-
nation, espérons qu'il découvrira aussi les agents thérapeuti-
ques du larynx. — Mlle Roziès, que les bravos récoltés au
Théâtre-Lyrique auraient dû aguerrir, semblait éprouver une
forte émotion; mais elle n'en a pas moins réussi, et les plus
vifs applaudissements l'ont accueillie dans le rôle si ardu de
Catherine. La jeune artiste a été surtout remarquable dans le
quintette du second acte et dans la grande scène du troisième.
Voici un aperçu général de la campagne musicale qui va
s'ouvrir au Théâtre-Lyrique :
Aujourd'hui dimanche, 1er septembre, pour la réouverture,
Richard Cœur-de-L'wn (continuation des débuts de Peschard
dans le rôle de Rlondel), et les Dragons de Villars, avec
Mlle Girard jouant pour la première fois Rose Friquet, et le
début du ténor Ronnet, qui arrive du théâtre de Ratavia avec
une bonne réputation. Lundi, reprise du beau succès de la Sta-
tue, que la clôture annuelle avait interrompu en son premier
élan. L'opéra de M. Ernest Reyer conserve tous les interprètes
de la création : Monjauze, Ralanqué, Mlle Raretti, etc. Mardi,
rentrée de Mme Marie Cabel, qui est engagée pour trois ans.
C'est une heureuse idée que la reprise du Rijou perdu, qui
ramène la célèbre artiste au premier et peut-être au plus popu-
laire de ses succès. Un bon ténor de province, Mathieu (qui par
parenthèse a épousé Mlu Caye, une ancienne pensionnaire du
Théâtre-Lyrique), débutera dans le rôle d'Angennes. Le baryton
Petit, premier prix de chant et d'opéra-comique de 1861 au
Conservatoire, continuera ses débuts par le rôle de Rellepointe ;
celui de Pacôme est confié à Lesage , très-intelligent et très-
sympathique artiste, qu'il est bien temps de mettre aux premiers
rôles.
Le premier ouvrage nouveau de cette saison sera le Neveu de
Gulliver, poëme en trois actes, de M. Henri Ruisseaux, musique
316
LE MÉNESTREL.
de M. de Lajarte. Cet opéra taillé en pleine fantaisie (le deuxième
tableau se passe dans la Lune), a nécessité l'engagement d'une
étoile chorégraphique, MIle Clavelle , ex-sujette du corps de
ballet de l'Opéra. Le Neveu de Gulliver viendra à la fin de sep-
tembre et servira aux débuis importants et impatiemment at-
tendus du baryton Jules Lefort, le chanteur favori des salons
et des concerts du grand monde.
Les grands ouvrages représentés cette année seront VOndine,
de M. Théodore Semet, poëme en trois actes, de M. Lockroy ;
— l'opéra-comique en trois actes de MM. Dumanoir et d'En-
nery, musique de M. Grisar (le principal rôle est destiné à
Mme Cabel) ; — enfin dans la seconde partie de la saison, la
grande partition de Noé, de M. Halévy, poème de M. de Saint-
Georges. — Monjauze et Mme Marie Cabel reprendront Jagua-
rita, un triomphe assuré pour tous deux.
M. Charles Réty n'oublie pas les jeunes compositeurs , tant
s'en faut ! Nous pouvons annoncer trois actes de M. Imbert sur
un poëme de M. de La Rounat, directeur de l'Odéon, — deux
actes de M. Ernest Dubreuil, musique de M. Debillemont; —
deux actes de M. Dufresne, le Voyage de Catherine; — deux
actes de M. Prosper Pascal; — un acte de M. Delibes, etc., etc.
A en juger par le programme que nous venons d'esquisser, la
saison 18G1-1862 sera brillante et bien remplie. — Ajoutons
que M. Ch. Réty a renforcé l'orchestre, porté le nombre des cho-
ristes à soixante, et mis sur pied un corps de ballet très-confor-
table de dix-huit danseuses.
Les travaux de la nouvelle salle de la place du Châtelet sont
tellement avancés aujourd'hui, que l'inauguration pourra rester
fixée au 1er janvier. Ce qui est hors de doute, c'est que la saison
commencée boulevard du Temple s'achèvera place du Châtelet.
Rien de nouveau sur nos scènes secondaires. La Gaité seule
nous a donné un drame nouveau, annoncé depuis longtemps.
Christophe Colomb , cinq actes et huit tableaux. A dimanche
prochain les détails.
La salle du Théâtre - Déjazet ayant été louée pour des
distributions de prix et devant subir d'importants changements,
la réouverture de ce théâtre ne pourra avoir lieu que du 12 au
15 septembre. Le principal de ces changements consiste dans
l'établissement d'une rangée de loges de face.
J. Lovv.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
SOUVENIRS Dl THEATRE
(DE U FIIÏ DU WHle SIECLE JUSQU'EN iSIO ).
MADAME SCiO
(Opéra-Comique, 1791-1801).
I.
« Qui n'aime à remonter le fleuve de la vie? » a dit Legouvô
père, dans son aimable poëme des Souvenirs. Cet adage, si gra-
cieusement exprimé, rend à merveille la situation des vieux
amateurs dont la jeunesse consacra à l'art dramatique un .culte
d'amour et d'enthousiasme , et qui, arrivés à l'époque du désen-
chantement et de la satiété, croient non-seulement remonter le
fleuve de la vie, mais retremper leur âme et leurs sens dans ses
eaux bienfaisantes, en revenant par la mémoire aux jouissances
dont les arts ont doté leur âge printanier.
Telles sont les impressions, tels sont les plaisirs que, depuis ma
vingtième année jusqu'à mon dixième lustre, je suis allé sans cesse
demander à nos divers théâtres lyriques, qui ne me les ont
jamais refusés. Étranger moi-même aux secrets de la composi-
tion musicale, mais doué de la mémoire la plus sûre, de l'orga-
nisation la plus sensible à la magie des sons, ma tête est deve-
nue une espèce de sanctuaire harmonique , où s'est trouvé
conservé vivant le dépôt de toutes les grandes compositions qui,
de Grétry et de Gluck jusqu'à Roïeldieu et Rossini, ont enrichi
le répertoire de notre grand Opéra et de notre Opéra-Comique.
Ace culte rendu aux maîtres qui, à leur insu, ontsi libéralement
épanchésur moi des faveurs dont ma jeunesse était avide, j'ai dû
naturellement ajouter un vif sentiment d'admiration pour le la-
lent des plus dignes interprètes des chefs-d'œuvre de ces maîtres
illustres. Il serait assez difficile de répartir d'une manière vrai-
ment équitable entre le poëte (versificateur ou musicien) et l'ac-
teur chargé de traduire, par sa voix et par ses gestes, les inspira-
tions de l'un et de l'autre, la part qui revient à chacun d'eux
dans le succès d'une œuvre dramatique; mais si la part de l'artiste
ne doit jamais être égale à celle de l'auteur, nul doute qu'elle ne
doive conserver une haute importance, et que, de la plus ou
moins bonne exécution de tout ouvrage scénique ne dépende
presque toujours l'effet définitif qu'il produit sur le spectateur.
Je n'entreprendrai à cet égard aucune démonstration : il n'est
pas, j'en suis convaincu, un seul habitué de théâtre dont j'aie à
redouter la contradiction.
Et qui pourrait être tenté de refuser aux grands talents de la
scène, à l'artiste inspiré, quel que soit le genre dramatique qu'il
anime de son inspiration, le tribut d'estime et d'éloges achetés
au prix de tant de pénibles efforts, et auquel un si petit nombre
a des droits incontestables, sanctionnés par l'aveu de tous ! La
gloire de Facteur, quelque brillante qu'elle soit, est purement
viagère; rien de plus faux, relativement à lui du moins, que
l'adage :
La mémoire est reconnaissante ,
Les yeux sont ingrats et jaloux ;
c'est, au contraire, une règle presque sans exception, que la mé-
moire est souverainement ingrate pour l'acteur que les yeux ont
cessé de voir. Cherchez combien il est de ces favoris du public
dont le nom survive à leur retraite, et qui , applaudis avec
transport, et souvent même avec excès, par la génération qui a
joui de leurs talents, ne soient pas complètement ignorés de la
génération suivante. Quels autres noms que ceux de Raronet
de la Champmeslë ont survécu au siècle de Corneille et de Ra-
cine ? Dans le siècle suivant, pour arriver de M"e Lecouvreur à
Lekain, on rencontre à peine sur la route Mlles Gaussin, Clai-
ron et Dumesnil, car qui se souvient de Grandval et de Relie-
cour? Après ceux-ci, la comédie nous montre avec orgueil Pré-
ville et Mole, puis Fleury et M"e Contât dont le xixe siècle, à sa
naissance, a vu les derniers succès. C'est à ce siècle qu'appar-
tiennent les deux noms de Talma et de Mars, honneur sans pareil
du Théâtre-Français tant qu'au Théâtre -Français on admit la
distinction des genres. Les convenances ne me permettent pas
d'aller plus loin. Si on ne doit aux morts que la vérité, on doit
des égards aux vivants; et d'ailleurs, parmi ceux-ci :
Il en est jusqu'à trois que je pourrais citer.
C'est cependant aux seules annales de la scène française que
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
317
j'ai demandé le pelit nombre de noms d'artistes dramatiques
échappés à l'oubli; je n'en ai emprunté aucun aux fastes de la
scône lyrique. Les destinées de notre grand Opéra remontent
pourtant à près de deux siècles, depuis sa fondation réelle par
Lulli etQuinault; mais, de tous les interprètes des chefs-d'œuvre
de ces deux maîtres et de quelques-uns de leurs successeurs, de
tous ces artistes applaudis et choyés de leur vivant par un public
idolâtre, quels sont ceux dont la renommée de circonstance n'ait
pas abouti, après leur disparition, à l'oubli le plus profond"? Re-
trouver aujourd'hui leurs noms est une affaire d'archéologie dra-
matique, d'érudition de coulisses.
MIle Arnould, contemporaine de Louis XV, a conservé une
sorte de renommée auprès de laquelle se place, dans un jour plus
doux, celle de Mme Favart. Mais le renom de Mlle Arnould se
fonde bien plus aujourd'hui sur les succès de son esprit satirique
et sur ses méchants bons mots que sur ses triomphes scéniques.
Quant à Mme Favart, la passion violente qu'elle avait inspirée au
maréchal de Saxe, et qu'elle ne partagea jamais, à laquelle
même il paraît qu'elle sut courageusement résister, a servi de
piédestal à son honorable réputation.
Poursuivant notre revue de notabilités dans le genre lyrique,
allons donc, pour le grand Opéra, de Mlle Arnould à Mmc Saini-
Huberti, et pour l'Opéra-Comique, de Mme Favart à Mme Du-
gazon. C'est à Piccini et à Gluck, c'est à Didon, Alcesle, Iphigc-
nie et Ârmide, que Mme Saint-Huberti, si fatalement célèbre
sous le nom de comtesse d'Antraigues, dut le renom de tragé-
dienne, qui, indépendamment de son talent comme cantatrice,
l'éleva sur la scène de Melpomène, au niveau de ses émules,
jjiies Raucourt et Sainval aînée. Mme Dugazon n'obtint pas de
moindres faveurs de la Thalie lyrique. Grétry et Dalayrac lui
fournirentles plus dramatiques inspirations ; ses succès produi-
sirent l'enthousiasme, et, par un honneur tout a fait exception-
nel, Laharpe consacra ces mêmes succès dans son Cours de litté-
rature.
Mme Saint-Huberti avait légué, depuis quatre ans, le sceptre
de la tragédie lyrique à M"e Maillard. Mme Dugazon voyait
s'élever auprès d'elle, dans le double genre du drame et de la
comédie à ariettes, le jeune talent et la concurrence prochaine
de Mme Saint-Aubin, lorsqu'apparut sur une scène voisine, ber-
ceau en France, du Théâtre-Italien, une virtuose venue à Paris
de ces heureuses contrées du Midi, où le talent musical semble
être un don de nature et comme un produit du sol : Mme Scio, dont
le nom de famille était Legrand, débuta en 1787 à Montpel-
lier. Elle avait alors dix-sept ans, et parut au théâtre sous le pseu-
donyme de Mlle Crécy. Les succès qu'elle obtint successivement
à Montpellier, à Avignon et à Marseille, l'appelèrent à Paris
■ en 1791. Elle avait épousé depuis peu, en Provence, Etienne
Scio, musicien d'orchestre et compositeur dramatique : on doit
à celui-ci la musique de cinq ou six opéras qui, dans la nou-
veauté, obtinrent quelque succès, mais dont aucun n'a survécu
à l'auteur, mort en 1796, avant l'âge de trente ans. Il était alors
attaché à l'orchestre du théâtre de la rue Feydeau, en qualité
de chef des seconds violons.
Mme Scio était entrée en 1792 à ce théâtre, qui jusqu'à cette
époque avait porté le nom de Théâtre de Monsieur, et où
s'était .établie l'excellente troupe de chanteurs italiens qui firent
les délices de Paris, jusqu'au moment où les-orages de la révo-
lution eurent mis en fuite cette inoffensive et mélodieuse colo-
nie. Quelques chanteurs français, au nombre desquels était
Martin, encore inconnu, essayèrent de continuer la tradition
des maîtres d'Italie. Plusieurs des chefs-d'œuvre de Paesiello,
de Sarti et de Cimarosa, traduits de l'italien en français,
furent offerts au public sous ce déguisement, et, auprès de
Martin et de Gavaudan à leur aurore, on vit apparaîre et on
applaudit Mme Scio dans le Roi Théodore, le Marquis de Tu-
lipano et les Noces deDorine. La suavité du chant de la jeune
cantatrice, la justesse irréprochable et le charme sympathique
de sa voix, enfin la sûreté de son exécution musicale, faisaient
dès lors do Mrae Scio l'une des plus dignes interprètes de ces
ravissantes mélodies.
P. -A. Vieillard.
( La suite au prochain numéro.)
PETITE CHRONIQUE.
PlaisanSeries musicales de Porpora.
Du temps de Charles VI vivait à Vienne le célèbre Porpora.
Pauvre et sans travail, il avait été admis à faire exécuter quel-
ques morceaux de sa composition devant l'empereur; mais le
prince qui n'aimait pas les ornements du chant italien, et qui
avait particulièrement en aversion les trilles et les mordants que
Porpora prodiguait dans ses œuvres, n'avait pas goûté sa mu-
sique. En 1728, il fut invité à se rendre à Dresde pour ensei-
gner le chant à la princesse électorale de Saxe Marie-Antoinette.
Passant à Vienne dans ce but, il s'y arrêta quelque temps, dans
l'espoir de faire revenir l'empereur de ses préventions contre
lui et d'en recevoir quelque récompense dont il avait besoin,
car il était parti de Venise avec une bourse fort légère; mais ce
fut longtemps en vain qu'il chercha l'occasion de faire exécuter
quelque ouvrage de lui dans la chapelle impériale: il se serait
même trouvé dans le plus grand embarras, si l'ambassadeur de
Venise ne l'eût retiré chez lui et ne lui eût enfin fait obtenir
la faveur d'écrire un oratorio pour le service de Charles VI.
Porpora composa le morceau, 'pour lequel on lui avait recom-
mandé d'être plus ménager de ses trilles et de ses mordants.
L'empereur, assistant à la répétition de l'ouvrage, fut charmé
d'y trouver un style simple où ne paraissait pas un seul de ces
ornements qu'il n'aimait pas. Surpris et étonné, il répétait sans
cesse : C'est un autre homme; plus de trilles .' Cependant le
compositeur avait préparé pour la fin une plaisanterie à laquelle
le monarque ne s'attendait pas, et qui eut le succès qu'il s'était
promis. Le thème de la fugue qui terminait la composition sa-
crée commençait par quatre notes ascendantes sur lesquelles il
avait mis un trille. Or, l'on sait que dans les fugues le sujet
passe d'une partie à une autre, mais ne change pas. Cette séria
de trilles répétés à toutes les entrées des différentes voix devint
une bouffonnerie des plus plaisantes, et quand l'empereur, qui
avait le privilège de ne rire jamais, entendit dans le stretto de la
fugue ce déluge de trilles qui semblaient une musique de para-
lytiques enragés, il n'y put tenir, et rit peut-être pour la pre-
mière fois de sa vie. Ce morceau grotesque lui plut, il pardonna
à l'auteur sa plaisanterie, et lui fit remettre une récompense
pour son travail.
Porpora était, du reste, un homme de beaucoup d'esprit : il
avait la répartie fort piquante. Passant un jour dans une abbaye
d'Allemagne, les religieux le prièrent d'assister à l'office pour
3)8
LE MÉNESTREL
entendre leur organiste, dont ils exaltaient singulièrement le ta-
lent. L'office terminé : — Eh bien ! comment trouvez-vous notre
organiste? dit le prieur. — Mais, répondit Porpora, mais... —
C'est un habile homme, continua le prieur, et même un homme
de bien, un homme plein de charité et dune simplicité vraiment
évangélique. — Oh! pour la simplicité ; je m'en suis aperçu,
reprit Porpora, car sa main gauche ne se doute pas de ce que
fait sa main droite.
(Guide musical belge.)
NOUVELLES DIVERSES.
— Nous avons, d'après la Gazette de Milan , indique' comme étant de
Martinez de la Rosa le sujet du libretto sur lequel Verdi compose son nou-
vel opéra pour Saint-Pétersbourg; mais ce journal rectifie son assertion.
Don Alvaro o la força del Destino est un drame écrit par Angelo de
Saavedra, duc de Rivas, l'un des plus remarquables écrivains espagnols
du dix-huitième siècle.
— A Turin on vient d'inaugurer le théâtre Victor-Emmanuel. La pièce
d'ouverture était l'Elisir d'amore. Les artistes ont chanté la partition de
Donizetti avec toute la perfection désirable. — Le théâtre Gerbino a choisi
pour pièce d'ouverture Lucrezia Borgia. Mme Gavetti-Reggiani et le ténor
Zenneri ont eu beaucoup de succès.
— Le nouveau théâtre de Carpi a également fait son ouverture. On cite
parmi les héroïnes de la troupe Mlle Elena Pioretti, fort habile cantatrice.
Mlle Beretta remporte les honneurs du ballet.
— On annonce à Nice la mort de M. Vincent Novello, compositeur de
musique, père de la cantatrice Clara Novello et de l'éditeur de musique
John Alfred Novello. M. Vincent Novello avait été longtemps attaché à la
chapelle de l'ambassade d'Espagne, à Londres, et membre du conseil de
la Société philharmonique ; il était âgé de quatre-vingts ans.
— Le Conservatoire de Vienne vient d'adopter le diapason normal de
Paris. L'orchestre du théâtre de la Cour va également adopter ce diapason.
— Le prince d'Oldembourg est arrivé à Wiesbade pour assister à la re-
présentation d'un opéra de sa composition, qui a pour litre Kœthchen von
Eeilbronn. Cette représentation aura lieu au théâtre de la Cour, à "Wies-
bade, dans une matinée musicale donnée à cet effet. On dit beaucoup de
bien de la partition; il paraîtrait même que le duc de Saxe-Cobourg aurait
trouvé dans l'auteur un dangereux rival.
— Il a été question, ces jours-ci , en Allemagne, d'une Union vocale
ayant pour but la propagation et concentration des sociétés chorales. Voici,
à ce sujet, les principales propositions soumises au comité de la fête par
le compositeur thuringien M. Muller von der Warra : — I. Les chanteurs
de l'Allemagne prennent, par l'intermédiaire de leurs représentants, la
résolution de fonder une Union vocale de toute l'Allemagne, association
qui aura pour objet : If La propagation des chants nationaux allemands,
par tous les moyens possibles, tant à l'intérieur que dans les pays étran-
gers; 2» l'introduction d'importantes réformes ; P la fondationd'un Amdt-
Zeller-Fund, dans le but d'aider les familles des chanteurs décédés et les
compositeurs de chant d'un mérite reconnu ; 4° l'extension des relations
intellectuelles et sociales au moyen d'un journal déjà fondé, et quia
pour titre Die Saengerlwlle; 5" l'adoption d'une décoration universelle poul-
ies chanteurs allemands, décoration qui sera portée en outre des insignes
déjà existants pour les diverses Sociétés ; 6° l'édification d'un Walhalla
vocal dans une des grandes villes situées au cœur de l'Allemagne, comme
Nuremberg, Cobourg ou Francfort-sur-le-Mein. — IL Les représentants
du chant allemand, réunis à Nuremberg, décident : Un festival vocal alle-
mand aura lieu tous les deux ans. Le prochain festival sera donné à
Francfort-sur-le-Mein où à Heidelberg.
— Les Signale de Leipzig nous apprennent que Franz Liszt a quitté
Weimar,— pour ne plus y retourner, ajoute la feuille allemande (?) . Le cé-
lèbre pianiste va passer quelques semaines en Silésie, près du prince de
Hohenzollern.
Le 26 a eu lieu, à Bade, le grand concert donné en faveur de l'hô-
pital de la ville, sous la direction de Berlioz. A huit heures le grand
salon de Conversation était envahi par une foule élégante , à la tête de
laquelle on remarquait S. M. la reine de Prusse. Le programme offrait le
plus piquant attrait : la symphonie d'Hurold et le Requiem de Berlioz
ont été accueillis avec une faveur marquée, et l'orchestre, ainsi que les
chœurs, composés en partie des artistes de la chapelle de Carlsrhue, ont
dignement interprété les diverses parties de cette oeuvre toute palpitante
d'intérêt et d'effets neufs et saisissants. Mlles Monrose et Renard se sont
fort distinguées dans plusieurs morceaux d'Halévy, de Verdi et de Doni-
zetti. Quant à Sivori, il a exécuté en grand maître le concerto de Men-
delssohn, et il s'est montré, dans l'adagio, ravissant chanteur. Que dire
de la fantaisie de Beethoven pour piano , orchestre et chœurs , de cette
harmonie enchanteresse d'où jaillissent à chaque instant les plus suaves
mélodies ! En écoutant cette musique on passe successivement de l'extase
à l'attendrissement. Les instruments de l'orchestre , les cors surtout, s'y
trouvent mariés au piano d'une façon délicieuse, et les chœurs sont d'une
beauté pleine et sonore encore relevée par la fraîcheur et \ecorsi des voix
allemandes. Éloge aussi à Mme Kastner, qui a tenu la partie de piano à
merveille. Somme toute, celte soirée a été la perle de la saison, et ceux
qui y ont assisté en garderont un vif et émouvant souvenir. Berlioz diri-
geant tout , s'occupant des moindres détails , s'est conduit comme un
habile général un jour de bataille. C. Estienne.
— Un touriste de nos amis nous écrit d'Ems : « La saison n'a jamais
été plus brillante que cette année, aussi bien par le nombre et la distinc-
tion des étrangers que par le choix heureux des artistes que l'habile direc-
teur du Kursal a su réunir dans les concerts. Dans une des dernières
soirées, nous avons entendu Henri Herz et le violoniste Roméo Accursi.
Vous connaissez le premier , il est toujours le brillant pianiste qui a
rempli le monde musical de sa célébrité; les belles compositions qu'il a
jouées ont été couvertes d'applaudissements. Jeune et nouveau , le se-
cond mérite déjà d'être placé au premier rang de la nouvelle génération
d'instrumentistes. Le charme, l'élégance, la justesse du jeu, le goût,
l'ampleur du style, et la facilité merveilleuse avec laquelle il sait sur-
monter les grandes difficultés , lui ont conquis tous les suffrages; aussi
son succès ne pouvait être ni plus éclatant, ni plus mérité.
— Les correspondances de Londres nous apprennent que l'excellent
baryton Henri Delle-Sedie a été engagé par M. Gye pour la prochaine
saison de Covent-Garden, et cela à des conditions très -avantageuses.
M. Calzado lui a également fait souscrire un engagement pour la saison
de Paris, à partir du 10 octobre, époque à laquelle doit expirer le traité
de M. Delle-Sedie avec le théâtre de Dublin.
— Le gouvernement belge avait ouvert un concours pour la meilleure
cantate. Le premier prix (10,000 fr.) a été réservé ; le deuxième prix
(5,000 fr.) a été partagé entre M. Duport, de Liège, et M. Vandervelpen, de
Matines.
— On lit dans r Universel, journal de Bruxelles ; « Hier, Anvers don-
nait à ses hôtes une délicieuse fête champêtre dans les jardins de la So-
ciété d'harmonie. Aujourd'hui, c'est par le concert du théâtre que la cité
des arts couronne l'ouverture du Congrès. De mémoire de dilettante, il n'y
a pas eu assurément de fête musicale aussi remarquable que celle qui
vient de se terminer. L'élite de la population anversoise y assistait et faisait
elle-même les honneurs de la soirée [aux nombreuses célébrités musicales
arrivées pour prendre part aux travaux du Congrès. Le fond du vaisseau
de la salle du théâtre était occupé par les chœurs et l'orchestre. Le chiffre
de ces masses musicales suffira pour donner une idée de la puissance et
de la grandeur d'exécution des compositions figurant au programme. Il
atteignait 424 : 80 sopranos, 72 contraltos, 72 ténors, 8o basses et 115 exé-
cutants d'orchestre. Rappelant les imposantes solennités de l'Allemagne
par le nombre énorme d'exécutants, le concert de ce soir les a aussi rap-
pelées par le talent et les qualités admirables révélés par les artistes.
MUc Artot est restée digne de sa belle et légitime renommée. »
— Les établissements thermaux ne peuvent plus marcher sans la pri-
meur de quelque opéra. Spa devait nécessairement suivre le courant.
Spa vient d'avoir son œuvre lyrique inédite , et c'est à la Muse de Grisar
que l'on a eu recours. Cet opéra, qui a pour titre les Travestissements ,
faisait partie de la grande fête musicale qui a eu lieu le 12 août, devant
une nombreuse et brillante assemblée, dans la vaste salle du Waux-IIall-
Levoz, tout étincelante de fleurs, de lumière et de jolies femmes. La
musique pétille d'esprit , et Mllc Mira , secondée par M. Biéval , l'a inter-
prétée avec autant de grâce que d'intelligence. Outre M1Ie Mira et M. Bié-
val, quatre autres artistes ont vu consacrer leur talent par les bravos et
les rappels du public — Le concert qui a suivi n'a pas moins bien réussi.
— M. Letcllier, le nouveau directeur du Théâtre de la Monnaie à
Bruxelles, a complété le personnel de sa troupe; en voici le tableau:
NOUVELLES ET ANNONCES
:ii9
Grand opéra : ténor, Bertrand; baryton, Ismaél; basse, l'érié; conlre-
allo, Mmc Elmire; mezzo soprano, Rey-Balla ; soprani, d'Haene'n et Bon-
nefoy. Opéra-comique : Jourdan, Aujac et Train, ténors : Ismaël, baryton ;
Bonnofoy et Berry, basses ; Lemaître, laruette ; Charles, trial ; Borsary,
basse comique (grande utilité) ; Mmcs Boulart, d'Haenen et Bonnefoy,
chanteuses; Dupuy, Michel et Gombauld, dugazons; Meuriot, duègne.
Chef d'orchestre: Hanssens.
— On nous écrit d'Ostende qu'une grande solennité musicale vient d'y
avoir lieu, grâce au bienveillant concours de MUe Trebelli et de M. Pamès,
le premier ténor du théâtre de Berlin. Le concert organisé le 24 août par
M. Deglimes a eu tant de succès, qu'une seconde soirée a dû être annon-
cée pour le lundi 26, afin de désintéresser les nombreux amateurs qui
n'avaient pu trouver place le 24. Il faut dire que la société d'Ostende est
brillante à l'excès. Le roi de Prusse , le prince Guillaume de Bade et le
prince Georges de Prusse avaient honoré le concert de leur présence, et
le public artiste a pour représentants MM. Rubinstein de Pétersbourg,
les violonistes Joachim et Léonard , MM. Panofkà et Auguste Durand de
Paris, le chevalier van Elewyck de Louvain, un des membres les plus
érudits du Congrès de la musique religieuse, etc.
— Les sœurs Marcbisio sont de retour à Paris après avoir charmé l'Al-
lemagne , et déjà les fêtes musicales de France la réclament de tous côtés.
Voici ce qu'on écrit de Boulogne-sur-Mer : « Hier, l'élite de la population
française et étrangère de Boulogne se pressait dans la salle des concerts
pour entendre les sœurs Marchisio, M. Perelli et M. Lamoury. Les célè-
bres cantatrices , à leur retour d'Allemagne, inauguraient leur rentrée en
France par des prodiges, en chantant les duos de Sémiramis, de Norma,
de Z ingare, de Gabutti, la cavatine du Barbier et une romance de Guil-
laume Tell. Chacun de ces morceaux leur a valu une véritable ovation.
Même accueil a été fait à M. Perelli , pianiste d'un ordre supérieur, réu-
nissant toutes les quaUtés des grands maîtres. Le piano sur lequel a joué
M. Perelli est un des meilleurs instruments d'Erard. Les applaudissements
les plus chaleureux ont été prodigués également à M. Lamoury, jeune
violoncelliste, marchant sur les traces de Servais, dont il est un des plus
dignes interprètes. L'orchestre a fort bien rendu les ouvertures de la
Muette et de Leslocq, sous la direction de M. Chardard, et M. Alexandre
Guilmaut a soutenu sa réputation d'excellent accompagnateur. »
— La Rochelle vient de célébrer le 27e anniversaire de la fondation de
la grande association musicale de l'Ouest, par l'exécution de deux beaux
concerts. Le programme de celui du 21 août , plus spécialement consacré
aux morceaux d'ensemble et à la musique religieuse, comprenait le Chant
d'action de grâce, symphonie-cantate de Mendelssohn , exécutée l'hiver
dernier au Conservatoire, l'ouverture du Freyschiitz de Weber, le joli
chœur de Gounod : Près du fleuve étranger, le quintetto de Mozart pour
piano et instruments à vent, délicieusement exécuté par MM. Schelling ,
Triébert, Barbet, Mohr et Jancourt, et les Ruines d'Athènes de Beethoven.
— Dans le concert du lendemain, à côté de la symphonie en si bémol de
Beethoven, de l'introduction du premier acte du Comte Ory de Rossini,
de l'ouverture de Zampa d'Hérold et du final du deuxième acte de la
Vestale de Spontini, se sont fait entendre les solistes. Mlle Simon, lauréat
du Conservatoire; Paulin, l'excellent ténor de la Société des Concerts,
Batlaille, de l'Opéra-Comique , Brunot, le flûtiste, Triébert, le hautbois,
Mohr, le cor de l'Opéra , Jancourt, le basson , Schelling, le pianiste, ont
successivement captivé et ému l'auditoire. — L'exécution de tous les
morceaux d'ensemble, à l'exception de celle de la symphonie de Beetho-
ven, à laquelle cependant on a peu de chose à reprocher, a été des plus
satisfaisantes, et fait le plus grand honneur au zèle et au dévoûment
des membres de l'association, qui, en se séparant, se sont donné pour
l'année prochaine rendez-vous à Limoges. Après les fêtes musicales du
congrès, il y a eu des régates pendant plusieurs jours, des bals et une
foule d'autres occasions de plaisir pour les nombreux étrangers que la
musique et la mer avaient attirés dans nos murs.
— Le 20 août a été un jour de fête pour le couvent de la Toussaint à
Strasbourg. Ce jour-là on inaugurait un orgue remarquable sorti des
ateliers Merklin-Schuize. Cette séance solennelle a été présidée par
Mgr l'évêque de Strasbourg, entouré de ses vicaires généraux, d'un grand
nombre de prêtres et d'amateurs distingués. Le prélat a béni lui-même le
nouvel orgue ; et M. Wackenthaler, organiste de la cathédrale, M. Stern,
organiste du Temple-Neuf, à Strasbourg, MM. Sieg et Vogt, organistes à
Colmar, M. Andlauer, organiste de Haguenau, M. Jungnikel, de Mulhouse,
le jeune Wackenthaler , de Schlestodt , et M. Dubois, professeur au Con-
servatoire de Bruxelles, ont fait tour à tour entendre et apprécier, avec
beaucoup de talent et de goût, les qualités et les effets de cet instrument,
sorti de l'établissement Merklin-Schutze, lequel a déjà fourni les grandes
orgues de Saint-Eustache de Paris, l'orgue de chœur de Notre-Dame à
Paris, et des cathédralesde Rouen, de Bourges, de Dijon, etc. Mgr l'évêque
a assisté au salut, pendant lequel les dames de l'établissement ont chanté
plusieurs motets avec beaucoup de goût et d'ensemble. M. Klem, l'habile
sculpteur de Colmar , mérite des éloges pour la façon dont il a exécuté le
buffet de l'orgue de la Toussaint. »
— Nous avons annoncé l'arrivée de M. Henri Stiehl, habile organiste de
Saint-Pétersbourg. M. Stiehl nous a donné l'autre semaine une séance mu-
sicale à l'église de la Madeleine. Il a fait entendre sur l'orgue plusieurs
morceaux de S. Bach, Mendelssohn-Bartholdy, Tœpfer, Freyer et une im-
provisation. Les assistants ont vivement apprécié son beau style, sa vigueur
et son expression, qualités qu'il a surtout fait remarquer dans son improvi-
sation, et il a reçu de son auditoire compétent des félicitations méritées.
— Nous avions bien raison de n'accepter que sous bénéfice d'inventaire
les bruits que la malveillance fait courir sur nos théâtres de la place du
Châtelet. Nous saisissons cette occasion de mettre le public en garde contre
les renseignements donnés à l'égard de ces deux théâtres. Il n'en est fourni
aucun, ni par l'administration, ni par l'architecte, M. Davioud, qui n'est
pas homme à rechercher les louanges avant la lettre. Par cette raison, il
nous paraîtrait de bon goût, sinon équitable, d'attendre la complète édifi-
cation de ces nouvelles scènes dramatiques, pour émettre son opinion, même
sur les moindres détails.
— Le beau salon des Arts-Unis de la rue de Provence, qui n'était connu
jusqu'alors que par sonexposition de tableaux, s'est ouvert mardi soir à un
élégant bal donné à l'occasion du mariage de Mlle G... L... Celte salle est
parfaitement appropriée à ces sortes de réunions, et placé dans d'excellentes
conditions d'acoustique; aussi l'orchestre, dirigé par M.Philippe Stutz, a-til
fait merveille. Le salon des Arts-Unis renouvellera très-probablement
ces fêtes de nuit.
— Mercredi soir, au jardin des Tuileries, la musique de la gendarmerie
de la garde, dirigée par M. Riedel, a exécuté pour la première fois la
marche intitulée Victoire] composée et dédiée par l'auteur, Edmond Guion,
à Sa Majesté l'Empereur, et orchestrée par M. Guimbal. Nous avons ap-
plaudi cette œuvre dont les mélodies pleines de sentiment et d'élan pro-
mettent à leur auteur une honorable carrière artistique.
— Concerts des Champs-Elysées. — L'a saison s'avance et la vogue du
concert de M. de Besselièvre ne fait que s'accroître. Au milieu des quel-
ques nouveautés exécutées par son orchestre la semaine dernière, nous
avons remarqué une fantaisie sur le Pardon de Ploërmel, composée par
M. Singelée, qui est d'un effet saisissant. Les solistes Demersseman, Lalliet,
Genin, Gobin, Riehir, Quentin, Gobert, Calendini, etc., sont toujours les
artistes aimés du public
— Nous sommes heureux de recommander à nos lecteurs d'une ma-
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66. Allegrezza , caprice-étude de concert (d.) 9 »
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Op. 69. Sorrente, napolitaine (m. d.) 7 50
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82. Marguerite au rouet , transcription de F. Schu-
bert (d.) 7 50
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N° 4t.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 8 Septembre
1861.
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SOIMAIRE. — TF.XTE.
I. Les Métaux chanteurs. — II. Semaine théâtrale. J. Lovï. — III. La prochaine
saison du Théâtre-Italien. — IV. Tablettes du pianiste et du chanteur ; Sou-
venirs du théâtre (de la fin du xvmc siècle jusqu'en 1830), Mme Scio (2e article).
P. -A. Vieillard. — V. Concert d'exposition à Nantes. — VI. Petite chronique:
Le Boulevart des Italiens. — VII. Nouvelles, Nécrologie et Annonces.
MUSIQUE DE' PIANO:
Nos a bonnes à la m usirjne de Piano recevront avec le numéro de ce jour:
COSMOPOLITE-POLKA ,
Par Alfred Godard. — Suivra immédiatement après : la transcription
de Ch. Neustedt sur VAlceste de Gluck.
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Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
HIVER ET PRINTEMPS.
Paroles et musique (PEugène Scribe, musique d'ANTONiN Guillot de
Sainbris. — Suivra immédiatement après : Le Chant du Marin, paro-
les de Mlle Clara Reïnard, musique de Mlle Robert Mazel.
LES MÉTAUX CHANTEURS.
Il y a cinquante ans environ , — nous raconte la presse alle-
mande, — un inspecteur des fonderies, en Saxe, M. Schwartz,
ayant par hasard versé sur une enclume , pour l'y faire refroidir
promptement, une masse d'argent fondu, entendit sortir de cette
masse métallique des sons mélodieux analogues à ceux de l'orgue
d'église. Saisi d'étonnement et d'admiration, il appela des per-
sonnes voisines, qui écoutèrent avec la même surprise la joyeuse
chanson de l'argent.
Un physicien, appelé pour donner son avis sur la nature de
ce phénomène, déclara, après expérience faite, que les tons étaient
produits par des vibrations intérieures du métal.
Cette explication, qui n'était qu'à moitié satisfaisante , con-
tenta les savants jusqu'au jour où un autre observateur, M. Ar-
thur Trevelyan, renouvela, de son côté, la même découverte.
Il venait de retirer une barre de fer d'un bain de poix bouil-
lante, et il appuya par hasard l'extrémité de cette barre, encore
très-chaude, sur un bloc de plomb qui se trouvait par terre.
Tout aussitôt des sons aigus comme ceux du clairon se firent
entendre. Fort surpris, M. Trevelyan regarda autour de lui et
au dehors sans voir personne. Il parcourut toute la maison pour
découvrir l'origine de ces sons mystérieux, et il fut bien forcé
de reconnaître que le musicien cherché n'était autre que la barre
de fer qui , en se refroidissant, appuyée sur un bloc de plomb,
chantait elle-même ce mélodieux solo.
Comme M. Trevelyan avait étudié la physique, il savait que
tout effet a une cause en ce monde. Il conjectura donc, avec
sagacité, que la barre de fer dont il s'agit avait eu de bonnes
raisons pour faire entendre son talent musical. Avec le concours
d'un autre physicien, le docteur Reid, d'Edimbourg, il entre-
prit une série d'expériences qui établirent que les différents mé-
taux, portés à une certaine température, et placés sur un corps
froid , font entendre pendant leur refroidissement différents
sons musicaux.
Le célèbre physicien de Londres, M. Faraday, ardent ama-
teur de toute nouveauté scientifique, s'empara bientôt de cette
curieuse question, et en fît l'objet de plusieurs lectures, dans
ces intéressantes réunions si fréquentes à Londres, où les gens
du monde s'empressent d'aller recueillir dans les leçons des pro-
fesseurs célèbres, la révélation de nouvelles découvertes en phy-
sique, en astronomie et en chimie.
M. Faraday ne s'est pas borné à dire, comme le professeur
d'Allemagne, que les sons provoqués par le calorique tiennent
aux vibrations intérieures du métal ; il a expliqué comment
peut se produire cet effet curieux. Quand deux métaux, l'un
chaud et l'autre froid , sont mis en contact, ils tendent à se
322
LE MÉNESTREL.
mettre à la même température. La contraction de l'un par son
refroidissement, la dilatation de l'autre par l'afflux du calorique,
produisent, dans l'intimité de la substance de. ces deux corps,
de brusques variations de la distance des molécules ; ces mou-
vements rapides et répétés produisent un son musical, car le son
est toujours produit, comme on le sait, par des vibrations mo-
léculaires qui ont reçu le nom de vibrations sonores.
De tous les appareils qui ont été employés dans ce but par le
docteur Reid ou par M. Faraday, celui qui a donné les sons
les plus suaves, c'est le berceur [roclccr). Mais qu'est-ce que ce
berceur ? allez-vous demander. Apprenez donc que le berceur
est un morceau de cuivre de quatre pouces de long, d'une gros-
seur inégale à chacune de ses extrémités, muni d'un manche
métallique, et terminé par un bouton à sa petite extrémité. Dès
que l'on pose cet instrument, préalablement chauffé, sur un bloc
d'étain, il commence à vibrer, c'est-à-dire à soulever et à
abaisser alternativement ses deux extrémités opposées, tandis
que le bloc d'étain, s'échauffant à sa partie supérieure, se dilate
ou se gonfle, et se dégonfle bientôt après la rapide transmission
du calorique dans ses couches inférieures. L'alternance et la
succession de ces mouvements dans les deux masses métalliques
superposées expliquent les vibrations, et par conséquent la so-
norité de cet instrument. Les vibrations musicales des deux
métaux continuent jusqu'à ce qu'ils soient arrivés à une tem-
pérature commune ; alors elles s'affaiblissent peu à peu dans un
doux murmure, et s'éteignent enfin dans un silence amoureux.
Un professeur de Londres, M. Tyndall, a étudié cet intéres-
sant phénomène sur plusieurs substances conductrices do la
chaleur. Il a trouvé que l'argent appliqué sur l'argent, le cuivre
sur le cuivre, produisent des sons musicaux. Disposés de la
même manière, l'agate, le cristal de roche, les poteries, la por-
celaine et le verre donnent aussi de très-beaux effets ; une masse
de sel gemme, quand on y place le berceur, fait entendre un son
d'une superbe gravité.
Chacun peut se donner le plaisir de reproduire ce singulier
phénomène. 11 suffit de prendre une plaque d'un métal quel-
conque, et celte petite lige de fer pointue qui sert à remuer le
coke ou la houille dans la grille d'une cheminée de salon ; on
peut fixer la plaque contre une table à l'aide d'une de ces petites
vis de pression pourvues de deux mâchoires, qui servent dans
les ateliers où l'on travaille le bois et les métaux. La tige de fer
chauffée au rouge, étant posée par sa pointe sur la plaque mé-
tallique, cette dernière commence aussitôt à résonner. Dès que
le métal entre en vibration, on peut lui faire exécuter des octaves
en le pressant avec une épingle. Selon qu'elle est forte ou légère,
celte pression détermine des octaves plus ou moins élevés.
Le phénomène physique que nous venons de faire connaître
n'a encore reçu aucune application, mais rien ne dit qu'elle ne
puisse se réaliser un jour. Les sons puissants des instruments de
cuivre de nos orchestres sont dus aux vibrations de tubes mé-
talliques, provoquées à grand renfort de poumons et d'haleine.
Peut-être parviendra-t-on, parce nouveau moyen, à faire vibrer
spontanément les métaux sonores par l'action douce et commode
du calorique substituée à la dépense et à l'effort musculaires de
l'homme. Et qui nous dit que ce n'est pas dans ce nouveau
syslème d'orcheslration que s'exercera le génie des Mozart et
des Beethoven de l'avenir ?
(Traduit de l'allemand par le Guide musical de Bruxelles.)
SEMAINE TIIÉATKALE.
Reprises et rentrées sur toute la ligne dans la huitaine qui vient
de s'écouler. Lundi dernier, à l'Opéra, nous avons revu dans
Herculanum, M. et Mrae Gueymard, M. Obin et MIle Emma
Livry. Le retour de ces quatre artistes a été dignement fêté, et
chacun d'eux a justifié la faveur publique. Mme Gueymard a
déployé un élan merveilleux dans le rôle de Lilia. Gueymard
s'est distingué dans celui d'Hélios, et Obin (Nicanoi) s'est mon-
tré aussi remarquable chanteur que comédien de premier ordre.
N'oublions pas Mme Tedesco, cette nouvelle incarnation du type
d'Olympia. De son côlé, M"e Emma Livry a retrouvé ses triom-
phes chorégraphiques dans le pas de la Bacchante. — Mercredi,
on donnait le Prophète, avec Mme Viardot, MM. Gueymard,
Belval, Coulon, Kœnig. Encore une brillante soirée; et enfin,
vendredi, l'heureuse reprise d' Herculanum a eu sa seconde édi-
tion. — On nous annonce que l'engagement de Caiaux va être
prolongé de cinq années. Nous ne pouvons que féliciter la direc-
tion de s'attacher pour longtemps un artiste de celte voix et de
cette valeur. — Par ordre du minisire d'Élat, l'affiche du théâtre
de l'Opéra n'annoncera plus désormais les dernières représenta-
lions d'un chanteur, prenant son congé, que trois fois avant son
départ; et il en sera de même pour sa rentrée. Celle annonce
n'aura lieu que deux fois si le congé est de moins de (rois mois.
A I'Opér.v-Co.mique, Mlle Balli est l'objet du plus charmant
accueil : c'est une très-sympathique Virginie ; le Cdid ne pouvait
être dolô d'une plus gracieuse inlerprète ; et nolez que chaque
jour qui s'écoule complète l'œuvre en ajoulant ce qui manque à
M"0 Balbi du côté de la vigueur. M"e Balbi, qui a préludé par
le concert à ses succès de théâtre, à l'instar de Mmes Ugalde et
Carvalho, va continuer ses débuts par le rôle de Perrine de Mai-
Ire Claude, et nous espérons bien l'entendre prochainement
dans les Noces de Jeannette. Capoul et Gourdin sont également
applaudis dans le Caïd, et Sainle-Foy a reparu cette semaine dans
le rôle d'Ali-Bojou, une de ses plus originales créations. — La
.reprise du Postillon de Longjumeau est toujours retardée par
l'indisposition de Mme Faure-Lefebvre. — M. Beaumont vient de
recevoir un ouvrage en trois actes de MM. de Leuven et Cormon,
dont la musique est confiée à M. Jules Cohen. Cet opéra-comique
sera intitulé : José Maria. — M"e Cordier quitte l'Opéra-Co-
mique. Celle artiste embrasse la carrière italienne et vient d'être
engagée à Berlin. M"e Prost quitte également ce théâtre.
Dimanche dernier, 1er septembre, le Théâtre-Lyrique a rou-
vert ses portes par la reprise des Dragons de Villars, avec
M"e Girard dans le rôle de Rose Friquet. Le lendemain lundi,
le théâtre nous a rendu la partition de M. Ernest Reyer, la
Statue, œuvre vers laquelle on se sent attiré comme par un
charme secret. Montjauze, toujours excellent dans le personnage
de Sélim, a dit supérieurement son récitatif : J'ai vu ce qu'en un
songe, etc. Balanqué, Warlel, Girardot, M"e Barelti, ont partagé
le succès de Monljauze. Enfin, mardi, réapparition de Mme Ma-
rie Cabel dans le Bijou perdu, et ce n'était pas un mince événe-
ment, je vous jure. La brillante fauvette a retrouvé à ce rendez-
vous tous ses enthousiastes admirateurs. L'auditoire semblait
électriser la cantatrice, et vice versa. La romance du rêve, l'air
des Fraises et tout le troisième acte ont valu à Mm° Cabel de
bruyantes salves et des rappels sans fin. Lesage, le baryton
Petit, M"c Marie Faivre ont récollé leur part d'applaudisse-
men'.s.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
323
Le théâtre des Bouffes-Pauisiens, après une tournée fruc-
tueuse en Autriche, Hongrie, Prusse et Belgique, va faire sa
réouverture demain hindi, 9 courant, par la première repré-
sentation de Monsieur Choufleury sera chez lui le..., opérette
en un acte, de MM. de Saint-Bémy et Offenbach, jouée par
jjmes Xautin, Tostée ; MM. Désiré, Léonce, Bâche, Marchand et
Polel. ■ — Reprise de la Chanson de Forlunio, ce grand succès
de l'hiver passé, avec Mmcs Pfotzer, Baudouin, Hélène, Malhia,
Taiïouil, Lecuyer; MM. Désiré et Bâche.
Deux pièces nouvelles et trois débuts ont signalé la réouver-
ture de I'Odéon. L Institutrice , drame en quatre actes de
M. Paul Foucher, se recommande par le ton soutenu du style,
par un dialogue spirituel ou passionné, et par de bons traits
d'observation. Le rôle principal sert aux débuts de Mlle Rous-
seil, lauréate du Conservatoire. Cette jeune artiste douée d'un
tempérament de comédienne, a été rappelée' avec Bibes et Tis-
serant. Le personnel de la pièce se complète par M. Pierron,
M"es Ramelli, Delahaye et Anaïs Mollo (transfuge du théâtre
de Bordeaux). — Le Décaméron. comédie en un acte, en vers, de
M. Henri Blaze do Bury, est une petite œuvre assez bien ins-
pirée, et surtout richement rimée, une des qualités de l'école
moderne. On sait que M. Henri Blaze est un des bons traduc-
teurs du grand Gœlhe. Il porte, du reste, un nom connu dans les
arts et la littérature, étant le fils de Caslil-Blaze, et touchant à la
Revue des Deux-Mondes par M. Buloz, son parent. Le Déca-
méron est fort bien joué par Saint-Léon, Marnk, M"es Dambri-
court et Delahaye. M"e Dambricourt, la débutante, est très-
jeune encore, mais elle dit avec une intelligence qui promet.
Le Gymnase nous tient en perspective une comédie de
M. Alexandre Dumas fils, intitulée : les Brins de paille.
Le Vaudeville a fait relâche pendant quelques jours pour les
répétitions générales de la Frileuse. Le théâtre a profité aussi de
ce relâche pour faire exécuter d'importants travaux sur la scène
et dans la salle. Enfin, vendredi dernier a eu lieu la première
représentation de la comédie tant désirée. Bien qu'on ait procla-
mé comme auteur de la pièce M. Augustin de Bercy, le public
y a reconnu cette expérience scénique et cette science de l'im-
broglio dont Scribe possédait si bien le secret. Nous reviendrons
dimanche sur ce succès, ainsi que sur M"e Cellier, la débutante.
La fameuse féerie du Pied de Mouton, à la Porte-Saint -
Martin, s'est enrichie d'un nouveau divertissement défrayé par
deux petites merveilles chorégraphiques. — Montrouge a émigré
du théâtre des Variétés pour s'essayer dans le personnage de La-
zarille. John Blick a repris son rôle du notaire.
Le drame joué à la Gaité, Christophe Colomb, dû à la col-
laboration de MM. Mestepès et Barré, reçoit chaque soir le
meilleur accueil; el'Dumaine, M"c Lacroix, e tutti quanti, con-
tribuent à la réussite de l'œuvre.
Le théâtre du Chalet s'est installé aux Champs-Elysées, salle
Lacaze. Nous lui souhaitons d'y être plus heureux que ses prédé-
cesseurs. Flamberge au vent et Francastor sont toujours tiès-
goûtés.
J. Lovy.
LA PROCHAINE SAISON DI THÉÂTRE-ITALIEN.
Constatons avant tout que le différend soulevé entre M. Calzado
et les musiciens de l'orchestre du Théâtre-Italien s'est apaisé
selon les désirs universels et grâce a l'intervention de S. Exe. le
ministre d'État. Toutes les difficultés sont aplanies, et le public
ne sera pas privé du talent de tant d'éminents artistes.
Quant au personnel de la scène, voici la composition de la
troupe pour la saison 1861-1862 :
Primedonne soprani : M"'- Marie Battu, Mme Rosina Penco,
Mmc Volpini.
Prime donne contralti : Mme Alboni, Mlle Trebelli.
Prime donne comprimarie : Mme Tagliafico, Mlle Vestri.
Primi lenori : Mario, Tambcrlick, Relart, Brini.
Tenorc comprimario : Cappello.
Primi bariloni : Badiali, Renevenlano, Délie Sedie.
Primi bassi : Tagliafico, Capponi.
Primo buffo : Zucchini.
Seconde partie : Castelli, MmeGrimaldi, etc., etc.
Direllore d'orclicslra : M. Bonelti.
Dircltore dcl canto e maestro al cembalo : M. Fontana.
Maestro dei cori : M. Chiaromonte.
Jamais peut-être le personnel du Théâtre-Italien n'aura pré-
senté un ensemble aussi riche et aussi distingué : quatre ténors,
deux contralti de premier ordre, Mme Alboni etMllc Trebelli, un
soprano dramatique tel que Mme Penco, une chanteuse légère de
la plus grande école, M1Ie Battu, etc. Tamberlick, engagé à Pé-
tersbourg, ne peut faire la saison, mais on est sûr au moins de
l'avoir pendant les deux derniers mois, mars et avril.
Quelques-uns des noms de ce programme sont inconnus pour
le public parisien. — Le ténor Brini n'est autre que ce jeune
artiste de Vienne, nommé Graun, que M. Calzado a engagé pour
plusieurs années. — M. Beneventano, baryton d'une voix éten-
due, également capable de chanter le répertoire de Verdi et le
répertoire à vocalises do Rossini , s'est fait connaître à peu près
sur tous les théâtres de l'ancien et du nouveaumonde, ctil ne lui
restait qu'à faire consacrer ici sa réputation. Il va partager la
succession de Graziani avec Délie Sedie, délicieux chanteur dont
les plus récents succès datent de Berlin et de Londres, et qui ne
s'est fait encore applaudir à Paris que dans .divers salons, chez
Bossini, chez Mme Orfila. On assure qu'il est aussi bon acteur
que remarquable virtuose.
Voici la liste des principaux ouvrages composant le réper-
toire du Théâtre impérial Italien pour la saison 1861-1862 :
Tancrcdi, Scmiramidc, il Barbiere, Cenerenlola, Otello, de
Bossini.
Norma, i Purilani, la Sonnambula, Capuletli e Monlecchi,
de Bellini.
Poliuto, l'Elisire d'amore, I.ucrczia Borgia, Anna Bolcna,
de Donizetti.
IlGiuramento, Eleonora, do Murcadanle.
Chiara di Roscmberg, de Luigi Bicci.
Un Balloin maschera, il Trovatore, Rigohtto, un autre ou-
vrage non encore joué à Paris.
Maria, de Flotow.
La Serva padrona, de Pergolèse.
Il Matrimonio segrelo, de Cimarosa.
Don Giovanni, le Nozze di Figaro, Cosi fan tulle, de Mozart.
324
LE MÉNESTREL.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
SOUVENIRS DU THEATRE
( DE JLA FIHT DU ÏVIIIt SIÈCJLE JT»I80l"ESî 183© ).
MADAME SCIO
(Opéra-Comique, 1791-1S07).
II.
C'était cependant dans un cadre plus étendu que le rare et
merveilleux talent de Mme Scio devait acquérir tous ses déve-
loppements. Si sa voix, qui était un mezzo-soprano du timbre
le plus flatteur, ne laissait rien à désirer du côté de l'ampleur
et de l'expression dramatique, il lui manquait un degré de force
pour lutter avec avantage contre les puissances, dès lors formi-
dables, de l'orchestre de l'Opéra. Il ne fut donc pas permis à
la cantatrice modèle d'aborder le grand répertoire de Gluck, de
Piccini, de Sacchini, de Mozart et de Salieri.
Mais, à la suite de ces grands génies, il s'était formé une pléiade
de jeunes talents bien dignes, à plus d'un égard, de continuer
les triomphes de leurs davanciers : Chérubini, Méhul, Lesueur,
Berton, étaient à l'avant-garde ; Kreutzer, Catel, Boïeldieu, ve-
naient après plutôt qu'en arrière de ceux-ci. Celte école, dont les
premiers succès datent de la fin du xvme siècle, doit tenir une
place immense dans l'histoire de l'art. Le Théâtre-Feydeau fut
le berceau de la gloire de presque tous ceux que je viens de
nommer ; et Mme Scio, également bien douée pour le drame et
la comédie à ariettes, associa, pendant dix ans, de la manière
la plus bri liante, son nom à celui des œuvres mémorables dont
les jeunes successeurs de Gluck et de Sacchini, les jeunes émules
de Grétry et de Dalayrac, enrichirent la scène lyrique du
Théâtre-Feydeau.
J'ai dit quelle fut l'origine de cette scène lorsque les chanteurs
italiens, cygnes effarouchés par l'ouragan révolutionnaire, eurent
déserté nos tristes parages pour se réfugier dans les bosquets
embaumés de l'heureuse Italie. Les chanteurs français qui leur
succédèrent immédiatement ne firent , pour ainsi dire , que pa-
raître et disparaître. Martin et Gavaudan entrèrent bientôt au'
théâtre de l'Opéra-Comique, dit alors des Italiens, et qui, de-
puis plus d'un demi-siècle et à travers diverses transformations,
avait constamment joui des faveurs du public. Là, aux compo-
sitions de Duni, de Philidor et de Gossec, avaient succédé celles
de Monsigny, de Grétry, de Dalayrac et de Champein; un per-
sonnel d'acteurs et de chanteurs, du mérite le plus éminent, et
qui, en 1789, en était déjà à sa seconde génération, semblait
assurer, sur la scène de l'Opéra-Comique, une vogue exclusive
à ce genre de prédilection du public parisien. Aucune chance
probable de succès n'existait donc pour un théâtre rival, dé-
pourvu de répertoire, temple lyrique desservi par un petit nom-
bre de ministres qui se présentaient avec des talents encore
ignorés et une réputation à faire.
Le parallèle des deux théâtres de la rue Favart et de la rue
Feydeau, les péripéties de leur existence et l'histoire de leur
antagonisme, n'entrent pas dans le cadre de cette notice. Je
veux, s'il est possible, sauver de l'oubli une mémoire faite pour
demeurer célèbre, et non me faire l'annaliste de deux entreprises
dramatiques qui, à travers de nombreuses vicissitudes, eurent
chacune et leurs succès de bon aloi et leurs jours de splendeur.
Mais la partie n'était pas égale entre elles, et le plus ancien
théâtre devait finir par faire disparaître celui qui, avec
des moyens trop inégaux, n'avait pas craint de venir lui
faire concurrence. La lutte n'en fut pas moins glorieuse pour
ce dernier, puisqu'il sut le soutenir pendant dix années; et, il
faut le dire, presque tout l'honneur de cette lutte appartient à
une seule personne, à Mme Scio, toujours secondée d'une manière
insuffisante par les faibles auxiliaires dont elle était entourée, et
en laquelle se concentrait toute la force d'existence du théâtre
Feydeau .
Trois talents de premier ordre cependant se groupaient au-
tour du sien, mais tous trois étaient du genre comique :
Mme Vcrteuil-Auvray, duègne excellente ; Juliet, d'un naturel,
d'un entrain sans pareil dans les paysans et les rôles de haute
charge comique; et Lesage, le plus fin, le plus rusé et le plus
spirituel des niais. Mllc Augustine Lesage, belle-fille de ce der-
nier, tenait, clans le grand emploi, le second rang après
Mme Scio, dont elle resta toujours à une grande distance, mais
qu'elle doubla pourtant, sans trop de désavantage, dans presque
tous ses rôles. Elle en établit aussi quelques-uns pour son pro-
pre compte, d'une manière fort distinguée, entre autres celui de
Sophie dans Sophie et Moncars, ou l'Intrigue portugaise, char-
mant ouvrage de Gaveaux, et celui d'Amalic dans le Major
P aimer, de Bruni ; mais enfin elle n'eut jamais qu'un talent do
second ordre , et elle dut surtout beaucoup a la faveur du
public.
Une autre cantatrice parut auprès de Mme Scio, avec des
moyens d'une réalité plus prononcée et plus personnelle que
ceux de M1Ie Lesage : c'était Mlle Rolandeau, chanteuse h rou-
lades, douée d'une facilité et d'une puissance d'exécution pres-
que incroyables; mais, en l'écoutant, si l'oreille était toujours
étonnée, flattée même souvent par une justesse irréprochable
d'intonations et un brio éblouissant d'effets un peu hasardés,
jamais le cœur n'était touché, attendu que l'expression était
toujours absente. Le talent beaucoup moins tapageur de
Mme Rosine Quesnay, double de Mlle Bolandeau, était d'une
meilleure école; mais sa gaucherie comme actrice enlevait à
Rosine Quesnay. presque tout le prix des plus heureux
moyens de chant et d'une exécution musicale qui, je le répète,
ne laissait rien à désirer.
Cependant les deux hommes et les quatre femmes que je1
viens de nommer composaient un ensemble qui pouvait concou-
rir d'une manière efficace au succès de l'entreprise lyrique du
Théâtre-Feydeau, s'il ne suffisait pas à assurer ce succès. Mais
un talent hors ligne, demi-contralto, deux brillants soprani, ne
constituent pas un corps d'exécution capable de faire va-
loir, dans toutes ses parties, une grande composition musicale.
A côté d'un soprano il faut un ténor; auprès d'un con-
tralto, on veut entendre un baryton, une basse au moins
doit compléter l'ensemble harmonique; en un mot, les gosiers
féminins appellent les voix d'homme ; or, au théâtre de la
rue Feydeau, à une exception près, que je mentionnerai tout à
l'heure, les chanteurs étaient absents. Deux musiciens émi-
nents, tous deux également recommandables comme théoriciens
et comme compositeurs, tenaient, en chef et en double, l'em-
ploi des premiers rôles, haute-contre, ou ténor. Gaveaux, chan-
teur très-adroit, avait un organe détestable ; ses accents étaient
lamentables, dans la joie comme dans la douleur ; sa taille était
lourde, tous ses traits disgracieux, et son jeu d'une froideur
glaciale. Lebrun, que nous avons tous estimé, et que nous re-
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
325
grettons tous comme confrère, avait un chant correct, mais triste,
monotone et sans expression. Comme acteur, son jeu était lent
et péniblement compassé; en scène, Lebrun paraissait toujours
ennuyé et en proie à une sorte de somnolence, ce qui n'était
guère propre à éveiller l'attention et la sympathie du public. L'un
et l'autre, toujours sur le premier plan avec M"" Scio, Gaveaux
et Lebrun, ne servaient que de repoussoir à son jeu brûlant et
aux élans expansifs qui, de son âme, passaient dans sa voix pour
arriver à l'âme du spectateur. Je m'empresse de dire que Gaveaux
et Lebrun exercèrent cependant, comme compositeurs, la plus
heureuse influence sur les destinées du Théâtre-Feydeau. Le
premier l'enrichit, surtout dès l'origine, de plusieurs produc-
tions qui obtinrent le succès le plus brillant et le mieus mérité,
et qu'on ne saurait trop regretter d'avoir vu toutes disparaître du
répertoire de l'Opéra-Comique.
Jausserand, ténor léger, doué d'une voix charmante et d'un
goût parfait, fut le seul chanteur de ce théâtre; mais la nature
de ses moyens ne lui permettait pas d'aborder le genre drama-
tique, et il fut, à Feydeau, le partner de Mlle Rolandeau, bien
plus que celui de Mme Scio. Quant aux rôles de basse et de bary-
ton, ils étaient remplis d'une manière tellement insuffisante, que
je ne nommerai pas les sujets qui en étaient chargés. Je ne puis
me dispenser cependant de mentionner, dans les rôles de valet
et de grime, l'acteur Résicourt, dont les moyens de chant étaient
nuls, mais le jeu excellent.
Ce fut par Lodohka, de Chérubini, opéra donné en 1791 au
théâtre delà rue Feydeau, que Mme Scio débuta, l'année sui-
vante, sur la même scène, avec un succès non équivoque. Le
premier rôle créé par elle fut, je crois, celui de Loujse, dans
l'Amour- filial, ou te Jambe de bois, charmant opéra-comique en
un acte, de Gaveaux. L'admirable partition des Visitandines,
délicieuse bouffonnerie de Picard pour les paroles, et de De-
vienne pour la musique, offrit à Mme Scio une nouvelle occa-
sion de mettre au jour toutes les richesses de son organisation
musicale; la romance : Dans Vasile de l'innocence, l'air de mou-
vement : 0 toi, dont ma mémoire a conservé les traits, trans-
portèrent tous les auditeurs, et le triomphe du musicien fut
égal h celui de la cantatrice ; mais tout le rôle d'Euphémie
était dans ces deux morceaux : l'opéra de te Caverne, de Lesueur,
celui de Roméo et Juliette, de Sleibelt; tous deux,' donnés en
l'année néfaste 1793, permirent à Mme Scio de montrer que ses
moyens comme actrice étaient au niveau de ceux qu'elle dé-
ployait dans l'art du chant : noblesse, sensibilité, énergie, dic-
tion d'une netteté, d'un charme inexprimables, telle est la réu-
nion de qualités qu'elle fit admirer, qu'elle fit applaudir avec
transport dans ces deux grands rôles, et dont elle offrit cons-
tamment le modèle dans tous les rôles qui vinrent à la suite.
Ces premiers succès furent d'autant plus remarquables, que
te Caverne et Roméo et Juliette inaugurèrent au théâtre un
genre de composition musicale dont jusqu'alors on n'avait eu
guère d'idée, et dont le public parut d'abord plus surpris que
flatté. Quedis-je?les exécutants de l'orchestre partagèrent eux-
mêmes celte prévention; et, le jour de la répétition générale de
Roméo et Juliette, ils déclarèrent d'un commun accord qu'une
pareille partition était inexécutable, et que le public n'y com-
prendrait jamais rien. Quinze ans après, on en a dit autant de
te Vestale avant la représentation.
Voilà de vos arrêts, messieurs les gens de goût !
Quoi qu'il en soit, il est hors de doute que Lesueur et Steibelt
djrentà la supériorité du talent d'exécution de Mmc Scio une
grande partie de leur succès primitif. La scène lyrique lui
dut aussi l'appropriation du cadre du drame dialogué, du genre
qui, jusque-là, avait paru être l'apanage exclusif du grand opéra.
La Médée de Chérubini, le Télémaque de Lesueur, qui évidem-
ment avaient été destinés d'abord à celte dernière scène, n'y
trouvant sans doute qu'un trop difficile accès, vinrent chercher
au théâtre Feydeau l'appui du talent de Mrae Scio. Presque
seule elle soutint le fardeau de ces deux grandes partitions, et
des rôles sublimes, mais écrasants, de Médée et de Calypso. Il
n'est pas possible de pousser la perfection plus loin qu'elle ne
le fit, dans ces deux rôles, du genre tragique le plus élevé. A
cette époque, aucun théâtre de Paris n'eût offert d'aussi digne
interprète de ces admirables créations de deux hommes du
génie le plus vigoureux (1). Mais la santé de la grande vir-
tuose se ressentit cruellement du travail et des efforts qu'elle
dut faire pour atteindre à la majesté souveraine , aux effets
prodigieux qu'elle obtint dans ces rôles ; sa santé en fut évi-
demment compromise, et il n'y a pas lieu de douter que ses
jours n'en aient été abrégés. L'illustre maître Chérubini semblait
avoir mis son génie à la disposition du talent de Mme Scio. Dans
Élisa, ou le Voyage au Mont Saint- Bernard, dans les Deux
Journées, Chérubini obtint, avecMme Scio, des succès qui, pour
la cantatrice, ne furent guère moins brillants que ceux de Médée
et de Calypso, et qui ne furent pas achetés au prix des mêmes
fatigues. Il en fut de même du joli rôle de Palma, gracieuse
création de Lemontey et de Plantade, où elle descendit des hau-
teurs de la tragédie pour entrer clans les sentiers fleuris de
l'idylle.
Une autre face du talent de Mme Scio, c'était la grâce qu'elle
déployait dans les rôles de travestissement. L'élégance de sa
taille, l'aisance de ses manières, la rendaient tout à fait propre à
ce genre d'emploi, et la rondeur de son organe, sa physionomie
accentuée, ajoutaient à l'illusion que produisaient ses formes,
un peu grêles pour une femme, mais qui retraçaient, dans toute
leur harmonie, celle de l'âge viril. Ceux qui ont pu admirer
l'eutrain et la mutinerie de son jeu dans le Petit Matelot, sa
verve et sa puissance dramatique dans le Fidelio, de Gaveaux,
type scénique du Fidelio de Beethoven, peuvent seuls avoir une
idée complète de ce talent si fort, si souple, si varié dans ses
ressources et dans ses effets.
P. -A. Vieillard.
| La fin au prochain numéro.)
CONCERT D EXPOSITION A NANTES.
enchères tics loges.
Toutes nos grandes villes départementales se dotent successive-
ment d'expositions industrielles et artistiques qui deviennent une
source de progrès et de richesse pourla France entière. La musique
trouve son compte à ces grandes manifestations de l'intelligence,
(1) Indépendamment de l'immense richesse musicale de la partition,
Médée, dont Hoffmann avait.fait les paroles, était une tragédie du mérite
le plus distingué, et qui, à coup sûr, sans le secours de la musique, eût
pleinement réussi au Théâtre-Français.
32G
LE MÉNESTREL.
car elles sont l'objet de fêtes théâtrales ou autres dont le pro-
gramme est défrayé par nos premiers artistes. Le concert d'ex-
position donné au théâtre de Nantes, le 28 août, a donné lieu à
une innovation dont nous empruntons le récit au Phare de la
Loire :
« Conformément à une décision mentionnée dans nos co-
lonnes, le système de la vente à la criée des places réservées au
théâtre pour le concert du 28 a été inauguré aujourd'hui, sous
le péristyle de la salle Graslin. Jusqu'ici on n'avait vendu ainsi
à Nantes que le poisson, mais il y a commencement à tout et
une invention due au fameux Barnum vient d'être francisée, au
détriment des bourses modestes. Puisse-t-elle ne pas s'implanter
dans nos mœurs ! Les loges des premières et des baignoires seules
ont trouvé des enchérisseurs. Les loges des secondes galeries,
sauf une exception, les stalles et fauteuils, sont restés délaissés,
et il est impossible d'en établir le cours. Voici, en revanche, le ré-
sultat des adjudications effectuées :
PREMIÈRES LOGES DE FACE.
N°
1.
3 places
61
fr.
à M.
Grosbon .
N°
2.
4
—
51
fr.
à M.
Marchand.
N°
3.
4
—
60
fr.
à M.
Guibert.
N°
4.
4
—
55 fr.
à M.
Abat.
N°
5.
4
—
61
fr.
à M.
Garnier.
N°
6.
4
—
60 fr.
à M.
Etienne.
N°
7.
4
—
60
fr.
à M.
Bardot.
N°
8.
5
—
61
fr.
à M.
Parage.
N°
9.
6
—
81
fr.
à M.
Poidras.
N°
10.
6
—
80
fr.
à M.
Marchand.
N°
11.
6
—
80
fr.
à M.
La Giraudais.
N»
12.
6
—
73
fr.
à M.
De Mieul.
N»
13.
6
—
73
fr.
à M.
Rousseau.
N°
11.
6
—
72
fr.
non couverte.
N°
15.
6
—
61
fr.
à M.
Pellerin.
N»
16.
4
—
55
fr.
à M.
Langlais.
N°
17.
4
—
52
fr.
à M.
Grosbon jeune
N"
18.
4
—
52
fr.
à M.
Lavigne.
N°
19.
4
—
50
fr.
à M.
Lauriol.
N"
•21).
4
—
49
fr.
h M.
Lecuyer.
LOGE DE COTE.
3 places 36 fr. à M. Ducoudray-Bourgault.
BAIGNOIRES.
N°
1.
2 —
51 fr.
à M.
Ducoudray-Bourgault
N°
2.
3 —
66 fr.
à M.
Guesdon.
N»
3.
4 —
55 fr.
à M.
Roux.
N°
4.
4 —
58 fr.
à M.
Hervé.
N°
5.
4 —
49 fr.
à M.
Cesard.
Les enchères sur le pied de 12 fr. par place n'ont pas été cou-
vertes jusqu'au n° 18.
N» 19. 4
N° 20. 4
N" 21. 3
N° 22. 2
N° 23. 2
48 fr. à M. Guesdon.
48 fr. non couverte.
51 fr. à M. Bardot.
31 fr. à M. Grosbon.
31 fr. a M. Lavergne.
Par suite de cette mise aux enchères, on est arrivé à tripler le
prix des loges. Ce résultat témoigne de l'amour de la musique
des dilettantes nantais en même temps que de l'affluence toujours
croissante des visiteurs de l'Exposition. Cette afflucnce est telle
qu'à la seconde fête-promenade donnée au jardin des Plantes,
avec illuminations, feu d'artifice et le seul concours de trois mu-
siques militaires, on a réalisé une recette de 30,000 fr.
« Les chœurs du Conservatoire, dit le Phare de la Loire, ont
aussi contribué de leur mieux h l'éclat de la fête; malheureuse-
ment le bruit de la foule immense couvrait les voix des chanteurs.
Pour dominer cette rumeur des milliers d'assistants marchant
avec trop peu de respect, hélas! pour les fleurs du jardin, en
échangeant l'expression de leurs impressions rapides, il eût fallu
quelques centaines de Tamberlick poussant quelques centaines
d'ul dièze. >>
C'est facile à dire, mais les Tamberlicli ne courent pas les jar-
dins, même en Italie.
PETITE CHRONIQUE.
LE BOULEVART DES ITALIENS.
M. Lefeuve poursuit avec bonheur son intéressante publica-
tion des Anciennes Biaisons de Paris. La dernière livraison con-
tient une notice sur le boulevard des Italiens, dans laquelle sont
évoqués les souvenirs que voici :
« L'enseigne d'un café nous rappelle le séjour de l'illustre
Grélry, boulevard des Italiens, n° 7, vis-à-vis l'établissement
qui s'est placé sous son invocation. L'auteur de Richard Cœur-
de-Lion mourut dans sa maison de Montmorency, l'ermitage de
Jean-Jacques Rousseau : à ses dépouilles mortelles, rapportées
à Paris, de pompeuses funérailles ne firent pas défaut. Sa fa-
mille et sa ville natale se disputèrent le cœur du grand musicien.
Toutes les pièces de son mobilier furent vendues beaucoup plus
cher qu'elles ne lui avaient coûté ;NicoIo Isouard acheta son
clavecin; Boieldieu, sacarlelle; Berton, la canr.eavec laquelle
il marquait la mesure aux répétitions.
« Une quinzaine d'années plus lard, Hérold occupait un ap-
partement n° 3, et Panseron, maison du Grand-Balcon.
« D'autres maisons du boulevard servirent d'habitation à des
actrices de la Comédie-Italienne. Mmc Laruetlc, qui, dans sa jeu-
nesse, avait reçu de brillants hommages, et chez laquelle s'é-
taient rencontrés le duc de Nivernais, 51. de Vaugremont et le
marquis de Brancas , trois cordons-bleus, avait eu des relations
de plus longue haleine avec le marquis de Fiamarons ; elle de-
meurait au coin de la rue Marivaux avant la mort de son mari,
acteur qui a laissé son nom à un emploi, et qui était aussi com-
positeur. M"e Riggieri, dite Colombe, qui était réellement Ita-
lienne do naissance, bien qu'elle jouât l'opéra-comique en fran-
çais, habitait le boulevard d'Antin,du même côté que son théâtre.
Mmes Laruette et Trial avaient réussi plus vile qu'elle à la Comé-
die-Italienne; le succès ne l'empêcha pas de prendre sa retraite
cinq ans après la translation de son théâtre dans la salle Favart.
La Révolution la fit pauvre; l'âge et la pauvreté rendirent mé-
connaissable celle Colombe, que milord Mazarin avait enlevée à
ses parents en 1767, et que le marquis de Ligncrac avait enlevée
pour plusieurs années au théâtre, peu de temps après ses débuts.
Mlle. de Saiiit-Hubcrti, de l'Opéra, qui s'appelait réellement
NOUVELLES ET ANNONCES.
327
Antoinette-Cécile Clavel, était locataire do Salmon. Bien flatteur
qui la trouvait belle ! Elle était assez grande et blonde, mais assez
maigre et de manières provinciales. Celte grande artiste lyrique
passionnait son auditoire à force de s'identifier avec son rôle. Quel-
qu'un lui faisait compliment du frisson qu'elle avait donné aux
speclaleurs à la fin du troisième acte de Didon : — Cette scène,
répondit-elle, m'a encore plus émue que toute la salle ; dès la
dixiè'me mesure, je me suis sentie morte... M"0 de Saint-Huberii
assistait un soir au spectacle de la Comédie-Italienne, et elle
venait de réconcilier Gluck avec Piccini : le public s'y montra
sensible par des acclamations reconnaissantes et fit descendre
l'actrice de sa loge pour la couronner sur la scène. »
NOUVELLES DIVERSES.
— Par décision de l'administration supérieure, les fauteuils d'orchestre
du Théâtre-Italien seront désormais exclusivement réservés aux hommes.
— S. Exe. M. de Sabouroiï, directeur des théâtres imp'riaux de Russie,
quitte Paris celle semaine pour retournera Saint-Pétersbourg; de leur côté,
les artistes du Théâtre-Italien, qui se trouvent ici, s'apprêtent à retourner
à leur poste.
— Au nombre des artistes engagés pour la prochaine saison de Moscou,
on cite M. et Mrae Gassier et l'excellent buffo Ffizzi.
— Les journaux américains nous apportent les détails d'une nouvelle
excentricité. Il s'agit cette fois d'une fabrique de ténors, de basses, de so-
prani et de barytons. La formation de ces voix humaines s'accomplit (dit
le prospectus de l'entreprise), au moyen d'une très-légère opération chi-
rurgicale dans l'intérieur du larynx. Cette belle invention est due au génie
du docteur Poztdoll. Nous lui souhaitons bonne chance.
— Encore un enfant prodige I... Le jeune Ricci, fils du défunt maestro
Ricci (un enfant de 8 ans, dont nous avons parlé tout récemment), vient de
faire exécuter à l'église de Saint-Just, à Trieste, une messe de sa composi-
tion. Le jeune auteur conduisait lui-même l'orchestre.
— Les impressarii composent leurs troupes pour l'Espagne. On nous
annonce l'engagement contracté par M"° Léonie Bardoni avec le directeur
de Bilbao, Burgos, Valadolid et Santander, pour la saison d'automne et du
carnaval. M"e Bardoni débutera dans / Puritani et la Sonnambula.
— On nous écrit de Bade : « Après le grand concert de Berlioz , la mu-
sique a repris son cours habituel, et les noms de Rossini , de Weber et de
Mozart ont reparu sur le programme. L'excellent orchestre, que dirige si
bien M. Kœneman, a fait entendre plusieurs fois cette semaine l'ouverture
de Jeanne d'Arc, de C. Estiennc, composition qui a été très-bien ac-
cueillie par les auditeurs d'élite qui composent la sociélé de Bade, et
parmi lesquels on a remarqué S. Exe. VéliPacha, et le célèbre violoncelliste
Servais. »
— Samedi dernier a eu lieu, en présence d'une foule énorme, l'inaugu-
ration du théâtre des Galeries-Saint-Hubert , à Bruxelles, complètement
restauré et mis à neuf. Le nouveau directeur, M. Mengal, avait invité à
cette solennité la presse et un certain nombre de notabilités. Tout le monde
a applaudi à la transformation que la salle a subie, et plusieurs des artistes
qui paraissaient pour la première fois devant le public de Bruxelles ont
reçu un accueil qui fait bien augurer pour l'avenir de l'entreprise de
M. Mengal.
— On travaille activement à l'édification du théâtre du Prince-Impérial,
qui sera' situé dans le voisinage du square des Arts-et-Métiers. La façade
donnera sur la rue Béaumur, l'entrée des artistes sur la rue de Turbigo.
— Les journaux de Saint-Malo font grand bruit des succès qu'obtiennent
dans cette ville deux de nos virtuoses, Mlle Joséphine Martin et Mme Qsrar
f.ometlant.
« Tarions d'abord, dit le Journal des bains, de MUe Joséphine Martin,
dont la réputation n'est plus à faire, et qui joint aux qualités aimables et
éminemment féminines de Mme Pleyel, le style magistral el l'ampleur de
sonorité de Thalberg; sans roinpter que MUe Martin compose des morceaux
frappés au coin de la science et du goût le plus pur.
« Mmt Oscar Comettant, continue la même feuille, M™ Comellant, donl
les journaux de la capitale ont tant do fois, l'hiver dernier, vanté le talent
distingué, la voix étendue, vibrante et sympathique, justifie tous les élo-
ges dont elle a été l'objet. C'est l'art du chant dans son expression la plus
élevée, et, pour ainsi dire, la plus chaste. Aucune concession au goùl
douteux, pas de ces éclats de voix que le public, surpris, accueille quel-
quefois avec faveur, mais que la méthode bannit ; un style soutenu, con-
stamment élevé, toujours dans la vérité d'expression, une bonne pro-
nonciation et une voix pénétrante, facile et d'une justesse irréprochable,
telle est, en quelques mots, l'analyse du talent de Mmc Oscar Comettant. »
— Les correspondances thermales nous entretiennent des succès qu'ob-
tient dans les salons de Vichy Mrae Alard, la femme du violoncelliste. Aux
derniers concerts, la jeune cantatrice s'est particulièrement distinguée dans
le Billet de Marguerite et la cavatine du Trouvère, qu'elle a chantés avec
beaucoup de finesse et de méthode.
— Sous le titre de l'Enfant du Mont-Dore, de Mme la comtesse Du Pont,
pour la musique, et de M110 Camille d'Albe,pour les paroles, l'éditeur Pacini
vient de faire paraître uue romance que le ténor Gardoni a prise sous son
patronage. Nous lui souhaitons tout le succès qu'elle mérite.
— Nous avons sous les yeux un nouvel ouvrage de M. S. Ponce de
Léon, il porte pour litre : « Vingt-quatre Etudes pour piano, divisées en
quatre livres. Chaque livre est précédé d'une préface, en français et eu
espagnol, renfermant des indications et des conseils extraits des méthodes
les plus ren.ommées. » M. S. Ponce dé Léon nous était déjà connu par de
nombreuses et élégantes productions pour le piano, par un recueil fort
estimé d'hymnes et cantiques, et par ces brillants succès obtenus dans
différents concours de compositions musicales; mais la publication que
nous annonçons aujourd'hui, fruit du travail et de l'expériencs, révèle
en son auleur un mérite tout particulier, celui de réunir le charme à la
difficulté dans un ouvrage purement didactique : aussi, nous sommes heu-
reux de- le recommander à ceux de nos abonnés qui se livrent sérieuse-
ment à l'étude du piano. Ajoutons que cet ouvrage important vient d'être
approuvé par un rapport du Comité des études du Conservatoire, signé par
MM. Auber, Carafa, Halévy, Ambroise Thomas, Emile Perrin, Gallais,
Ed. Monnais, Vogt, Prumier, C. Dancla, et A. de Beauchesne, secrétaire.
Ont également donné leur approbation : MM. G. Rosssini, Henri Herz,
Marmontel, L. Lacombe, E. Prudent, Ed. Wolff, etc., etc.
— Concerts des Champs-Elysées. — La clôture aura lieu le 15 courant.
Par extraordinaire, les dimanches 22 et 29 septembre, les 6, 13, 20 el
27 octobre, il y aura concert de 2 à 5 heures du soir.
NÉCROLOGIE.
Nous avons le regret d'annoncer la mort deM. Alexandre Ro-
picquet, artiste attaché à l'orchestre de l'Opéra et professeur de
violon au lycée Louis-le-Grand.
Il y a une trentaine d'années, M. Ropicquet faisait partie du
personnel dansant, et il acquit une espèce de notoriété par ses
scènes d'imitation de Paganini. Plus tard il se voua exclusive-
ment à la musique, composa même un grand nombre de mor-
ceaux pour violon, et ne laissait pas passer une saison sans
donner son concert annuel.
A. Ropicquet n'avait que 53 ans ; il était généralement aimé,
et cette mort prématurée n'a fait que doubler le regret général.
Ses obsèques ont eu lieu mercredi dernier en l'église d'Arnou-
ville, en présence d'un grand concours d'amis et d'artistes. -
J.-L. IIeugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues frère
rue Jean-Jacques Hou
IMITIUI
II1H1IISIM
EN VENTE AU MENESTREL, 2 bis, RUE VIVIENNE.
J. OFFENBACH.
Le Financier et ïe Savetier
Le G6
La Bonne d'enfant
Les Trois Baisers «In Diable. . .
Croquefer
La Demoiselle en loterie
Dragonnctte
Le Mariage aux lanternes
La Chatte métamorphosée
PARTITIONS IN-8", PIANO ET CHANT.
Orphée aux Enfers 8
Un Mari à la porte 5
Geneviève de Braisant 8
Chanson de Fortunio 7
A. VARSŒY-
Polka des Sabots 5
ERNEST L'ÉPÎNE.
Croquignole XXXVI 5
LÉO DELIEES.
Six Demoiselles à marier 5
GUSTAVE HECQUET.
Sïarinette et Gros-Réné
EMILE JONAS.
Les Petits prodiges '5
CH. LAFORESTRIE.
Simonne 5
PAULINE THYS.
La Pomme de Turquie 5
CE SA1NT-RÉMY.
Le Mari sans le savoir 5
MORCEAUX DÉTACHÉS AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
LE FINANCIER ET LE SAVETIER.
Ronde. N° 1, en feuille 2 50
N° 2, en morceau 4 50
Tyrolienne. N° 1, à une voix 2 50
N° 2, à deux voix 4 50
LES TROIS BAISERS DU DIABLE.
Couplets. N° 1. Quand les amoureux 2 50
N° 2. Ah! si j'étais 2 50
Duo bouffe. N°3. Une Oie! 7 50
Couplets. N° 4. Ça reluit 3 »
N° 5. Chanson à boire 3 «
GENEVIÈVE DE BRABANT.
1. Ronde de Mathieu-Laensberg 4 50
2. Cocorico, couplets de la Poule 2 50
3. Couplets de la fille à Mathurin, 1 et 2. . . . 2 50
4. Ballade du Cœur perdu, 1-2 2 50
5. Boléro de Charles-Martel 2 50
6. Quatuor de la Fanfare 2 30
7. Chanson de l'Enfant ,1-2 2 50
8. Ronde des Jeux 5 »
9. Couplets du retour de la Palestine 2 50
Livret , texte seul » 50
CROQUEFER
Ballade de Croquefer 2 50
Galop. Le bal de l'Opéra, à une voix 2 50
d° à deux voix 3 75
LE MARIAGE AUX LANTERNES.
Chanson à boire 2 50
LA CHATTE MÉTAMORPHOSÉE
Couplets de Miaou. N° 1. en feuille 2 50
D° N° 2. en morceau 3 75
CROQUIGNOLE XXXVI.
Ronde du pont de Nantes , 1 et 2
Rondo du magicien Tarabisco
CARNAVAL DES REVUES.
Tyrolienne de l'Avenir, 1 et 2
LA CHANSON DE FORTUNIO.
N° 1. Prenez garde à vous, couplets
bis. Chanson à boire.
3. Couplets du petit clerc
4. Ronde des clercs
5. Valse des clercs , à 2 voix
5 bis. La même à une voix
6. Duo et chanson de Fortunio
6 bis et 6 ter. Chanson de Fortunio.
2 50
2 50
2 50
2 50
2 50
2 50
4 50
3 75
6 »
2 50
ORPHEE AUX ENFERS.
Couplets du berger joli
Duo du concerto
Chanson pastorale
Évocation à la mort
Duettino de l'Honneur et de l'Amour.
Couplets de Cupidon et de Vénus
Ronde de Diane et Actéon
Chœur de la révolte
Couplets à Jupin
Final, chœur et galop
Couplets du roi de Béotie
Duo de la Mouche
Chœur infernal
Hymne à Bacchus
LE MARI SANS LE SAVOIR
Le Bal, valse chantée
Chanson nègre
UN MARI A LA PORTE.
Valse tyrolienne, 1 et 2
Couplets. Tu l'as voulu, Georges Dandin. .
LES PETITS PRODIGES
Couplets. Tur lu tu tu
Valse de la basse-cour
2 50
5 ..
2 50
2 50
4 50
3 »
■ 2 50
2 50
2 50
6 »
2 50
4 50
2 50
4 50
2 50
2 50
4 50
LA DEMOISELLE EN LOTERIE.
Chanson bohémiana
MORCEAUX, VALSES, POLKAS, MAZURKAS ET QUADRILLES,
' LE FINANCIER ET LE SAVETIER.
♦Strauss. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50
Cari Merz. Mosaïque dansante
N° 1. Polka 2 50
N° 2. Valse 2 50
N° 3. Polka-Mazurka 2 50
LE 66.
Salomon. Valse-Tyrolienne 4 50
LES TROSS BAISERS DU DIABLE.
♦Musard. Quadrille 4 50
CROQUEFER.
♦Strauss. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50
J. Ch. Hess. Mosaïque dansante [recueil] 4 50
N° 1. Valse 2 50
N" 2. Polka 2 50
N° 3. Galop 2 50
GENEVIÈVE DE BRABANT.
J-L. Battmann. Chanson de l'Enfant.. 5 »
♦Arban. Quadrille, un Bal chez Golo 4 50
♦Strauss. Id. 2 et 4 mains 4 50
* Id. Polka du départ, 2 et 4 mains.. 4 50
E. Desgranges. Polka des Jeux 4 50
Philippe Stutz. Cocorico, polka 4 50
L. Miehelï. Polka-maz. des Baigneuses.. 4 50
♦Musard. Valse sur lescouplets de l'Enfant. 5 »
Id. La même en feuille 2 50
LA DEMOISELLE EN LOTERIE.
♦Strauss. La Bohémiana. Polka 3 75
«l.-L. Battmann. La Bohémiana, fan-
taisie-polka 4 50
DRAGONNETTE.
J. Ch. Hess. Valse 4 50
JV. B. Les
LE MARÎAGE AUX LANTERNES.
♦Strauss. Quadrille, 2 et 4 mains 4 50
♦ Id. Polka 3 75
J.-L. Battmann. Mosaïque 5 »
LES SIX DEMOISELLES A MARIER.
♦Musard. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50
LES PETITS PRODIGES.
♦Strauss. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50
H. Aaliquet. Quadrille facile 4 50
J. ©lïenbaeh. Valse de la basse-cour. . . 4 50
CROQUIGNOLLE XXXVI.
♦Strauss. Quadrille 4 50
♦Arban. PolkasurlarondeduPontdeNantes 4 50
Philippe Stutz. Polka-mazurka sur la
roi n lu
4 50
4 50
4 50
4 50
POUR PIANO.
UN MARI A LA PORTE.
♦Musard. Valse-tyrolienne
J. Offentoach. Valse de l'ouverture. .
MARIETTE ET GROS-RÉNÉ.
<J. Ch. Hess. Mazurka
5 »
5 »
LA POMME DE TURQUIE.
H. 'Vaïiquet. Rosette
CARNAVAL DES REVUES.
♦Musard. Quadrille , 2 et 4 mains
♦ Id. Polka-mazurka de l'Avenir. .. .
♦OlTenbach. Polka des Timbies
J.-1L. Battmann. Tyrolienne de l'Ave-
de Tarabisco
POLKA DES SABOTS.
♦Wagner. Quadrille
♦Strauss. Polka
ORPHÉE AUX ENFERS.
♦Strauss. 1er Quadrille à 2 et 4 mains
' Adhêraiar de Foucault. 2e quadrille. 4 50
♦Arban. Quadrille 4 50
♦Strauss. Polka, à 2 et 4 mains 4 50
♦Musard. Valse 5 »
A. Talcxy. Polka-mazurka 5 »
H. Aaliquetf. Quadrille facile 4 50
«F.-L. Battmann Fantaisie facile 5 »
A.LonguevïlSe.ChansonduroideBéûtie 6 »
H. Kosellcn. Fantaisie 6 »
F.-L. Schubert. Grand galop 4 50
A. Thadcwaldt. Jupiter, polka 3 75
F. Brissler. 21' grande valse 5 »
Pli. Stutz. John Slyx, polka-mazurka. . . 4 50
| J.-L. Battmann. Menuet et galop 5 »
Morceaux marqués d'une ♦ sont publiés pour orchestre et septuor
♦Olïenbaeh. Symphonie de l'Avenir,
4 mains
LA CHANSON DE FORTUNIO.
J.-L. Battfnsann. Petite fantaisie variée.
F. Burgmuller. Valse de salon
La même à 4 mains. .
d° en feuille..
Paul Bernard. Transcription
A. Croisez. Morceau de salon
StE"auss. Quadrille
Le même, à 4 mains
PI». Stutz. Polka
LE MARI SANS LE SAVOIR.
Strauss. Le Bal, valse.
4 50
4 50
4 50
5 »
7 50
7 50
2 50
6 »
6 »
4 50
4 50
4 50
Id.
Quadrille.
6 »
4 50
H. Valïquet. Concerts des Bouffes-Pari-
siens, 18 petites fantaisies, chacune
783. — 28e Année.
M» 4S.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche \ 5 Septembre
18G1.
;-*>., ys»
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédacl* en chef.
JLES BUREAUX , S bis, rue Yivienne. — HEUGEL et C'% éditeurs.
(Au* Magasins et Abonnement de Musique élu MÉIYESTREI,. — Vente et location de Pianos et Orgues.)
CHAUT.
et Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; S« Morceaux
Scènes, Mélodies, Uomances, paraissant de quinzaine en quinzaine; 2 Albûnn
primes illustrés. — Un an : 15 fr.; Province :18fr. ; Etranger: 21 fr.
PIANO.
Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches ; ïO Morceaux :
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * Albuniiv-
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 1S fr. ; Étranger: 21 fr.
CHANT HT PIANO ItEl'NIS !
3« Mode d'abonnement contenant le Texte complet, les 5î Morceaux de chant et de piano, les x Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du l"de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser franco
un bon sur la poste, à MM. iieiirci. et c'a, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
reSj ( Teste seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. )
Typ. Charles de Mou
: Jean-Jacques Rousseau , 8. — bliOk
sa^a^AissE. — TEXTE.
I. Première Lettre d'un bibliophile musicien. J. u'Orticue. — II. Semaine théâ-
trale. J. Lovy. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur : Souvenirs du théâtre
(de la fin du xvui' siècle jusqu'en 1830), Mme Scio (3e et dernier article). P. -A.
Vieillard. — IV. Le quartier du nouvel Opéra. — V. Nouvelles, Nécrologie et
Annonces.
MUSIQUE DE CHANT:
Nos abonnés à la musique de C il a nt recevront avec le numérode ce jour:
HIVER ET PRINTEMPS.
Paroles d'EuGÈNE Scribe, musique d'ANTONiN Guillot de Sainbris.
— Suivra immédiatement après : Le Chant du Marin, paroles de
MUe Clara Reïnard, musique de MUe Robert Mazel.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
La transcription de Cvt. Neustedt sur l'ALCESTE de GLUCK.
Suivra immédiatement après : La Polka-mazurka des Clercs, composée
par Mosard, sur la Chanson de Fortunio, opéra de J. Offenbach.
LETTRES D'UN BIBLIOPHILE MUSICIEN
AU DIRECTEUR DU MÉNESTREL.
I.
Un feuilleton musical de l'année A033.
Puisque vous aimez les recherches faites dans les vieux bou-
quins, mon cher Directeur, je pense avoir, pour le moment du
moins, de quoi vous satisfaire. En mettant en ordre certaines
pièces curieuses qui doivent figurer dans l'Appendice du volume
que je vais publier bientôt sous le titre de la Musique à VÊ-
glise, j'ai eu l'idée d'en détacher pour vous le compte rendu
d'une solennité musicale, un feuilleton en règle, mais un feuil-
leton comme ni vous, ni moi, ni Berlioz, ni Fiorentino, ni Jules
Janin, ni Théophile Gautier, n'avons songé et n'ont songé à en
écrire. Je ne connais rien de plus triomphant, de plus ébou-
riffant. Ce n'est point ici cet enthousiasme décommande, ces
éloges pompeux dont plusieurs d'entre nous possèdent si bien le
secret. C'est du vrai et pur enthousiasme, puisé a la source de la
plus naïve conviction. Et ce feuilleton a été écrit en 1622 ! et il n'a
pas été écrit à Paris, ni à Rouen, ni à Naples, ni à Vienne, ni à
Berlin, ni à Londres; mais à Avignon, en-Avignon, comme au-
rait dit Castil-Blaze! Et ce feuilleton est écrit en français, en bon
français du temps, bien que ce vieux français soit un peu trop
chargé de pointes et de jeux de mots; et celui qui l'a écrit et
qui a gardé l'anonyme, sait son affaire, il sait ce dont il parle :
non-seulement il décrit à merveille le jeu des parties harmoni-
ques dans un contre-point rempli d'artifices, mais encore il donne
des détails intéressants sur les instruments qui figuraient dans
l'exécution ! J'ajoute que ce feuilleton est tiré d'un livre où vous
ne vous seriez jamais avisé d'aller chercher des renseignements
sur l'art musical. Voici tout au long l'intitulé de ce livre :
« La Voye de laict ou le Chemin des Héros au Palais de la
Gloire, ouuert à l'entrée triomphante de Louys XIII, roy de
France et de Navarre, en la cité d'Avignon, le 16 novembre 1622.
En Auignon, de l'Imprimerie de I. Bramereav, imprimeur de
Sa Saincteté, de la Ville et Vniuersité, MDCXXHI. »
Vous voyez qu'il s'agit de la musique exécutée en Avignon, lors
de l'entrée solennelle de Louis XIII dans cette cité, le 22 no-
vembre de ladite année.
Gardez-vous bien, mon cher Directeur, d'imiter ces Parisiens
qui se moquent perpétuellement des provinces. — Avignon 1 di-
ront-ils, que peut-il y avoir à Avignon ? Il y a le Palais des Papes,
et puis, quoi? Rien.
— Bien. C'est bientôt dit. Eh bien ! soit ; il y a le Palais des
papes. Mais ce Palais des papes suppose que les papes ont
330
LE MÉNESTREL.
habité Avignon ; ce séjour des papes à Avignon suppose qu'ils y
ont amené les arts et les artistes d'Italie, et une chapelle-musique ;
celte chapelle-musique fait supposer que notre art de prédilection
a été cultivé avec succès dans le comtat d'Avignon, et même long-
temps après que les papes eurent abandonné celte ville. Effecti-
vement, des documents irrécusables attestent que, tandis que la
musique religieuse était négligée à Paris et dans le nord de la
France, elle jetait un vif éclat à Avignon et dans le Comtat-Ye-
naissin.
Je ne vous parlerai ni d'EIzéar Genêt, dit il Çarpentrasso
(on l'appelait ainsi à cause de sa ville natale, Carpentras, dont
les bons Parisiens font des gorges chaudes, comme Palestrina
et Pergolèse tirent leurs noms de la ville qui leur a donné le
jour), ni d'Antoine du Sujet [Antonius de Siïbjecto), ni de
Lœthbert, abbé de Saint-Ruf, auteur d'un manuscrit des Fleurs
des Psaumes, ni de Franciscus Brocardus Campanino, tou-
cheur d'orgues de Pavie, venu à Avignon à la suite des papes,
ni de Barthélémy Prepositi, argentier et facteur d'orgues, ni
d'une foule d'autres dont vous verrez les noms dans les pitres
justificatives de mon volume (je puis déclarer que la plupart de
ces noms ne figurent pas clans la Biographie universelle des mu-
siciens de notre maître à tous, le savant M. Félis). Je neveux
vous parler que d'un musicien, Intermet, chanoine et maître de
musique de Saint-Agricol, celui-là même qui florissait dans nos
contrées sous Louis XIII, et dont « les airs ravirent tellement
le roy et toute sa cour (à leur entrée à Avignon), que toutes les
parties (de musique) furent tirées des mains des musiciens, et que
Sa Majesté en voulut une coppie. » Cependant, puisque me voilà
en train, je ne puis résister au plaisir de vous faire part d'un fait
plus récent dont je dois la communication à mon ami et compa-
triote M. P. Achard, le savant archiviste du département de
Vaueluse. Ce fait, je l'ignorais, lorsque au mois de juin dernier,
je donnais, dans le Journal des Débals, une lettre si curieuse
et à peu près inédile de Rameau à Lamothe Houdard. Qui
m'aurait dit alors que le célèbre auteur de Castor et Pollux avait
élé maître de musique à la métropole d'Avignon, m'aurait bien
surpris. Vous comprendrez le sentiment de gratitude avec lequel
j'ai accueilli la note suivante, copiée pour moi par M. Achard, dans
les Chroniques de la ville d'Avignon, par le chanoine Arnavon:
« Le 20 octobre 1764, on a célébré à la métropole une grande messe
de Requiem pour le repos de l'âme de M. Rameau, célèbre musicien, père
de l'harmonie, mort à Paris, ayant laissé à sa fille unique un bien de
500,000 livres et beaucoup d'ouvrages qui n'ont pas encore paru.
« Le catafalque qu'on avait dressé dans l'église était fort beau et d'en-
viron une canne et demie de hauteur. Un violon couvert d'une gc.:e noire,
sur un coussin, était posé sur le haut du catafalque, et sur la porte de
l'église;. en haut, était tendu un tapis noir sur lequel élait cloué, ouvert,
un cahier de musique. On a chanté la messe composée par Gilles, et après
on a chanté le De profanais de Pergolèse. Ce qui a excité les musiciens
du concert de cette ville à donner aux mânes de M. Rameau celte marque
de leur affection et qui a engagé MM. de la métropole à y contribuer ,
c'est que Rameau a été autrefois maître de musique à la métropole. •
Venons mainlenant à notre feuilleton musical de 1622.
Notre ami, M. F. Séguin, dans son Recueil des Noëls de Sa-
boly, avec les airs notés, a emprunté plusieurs passages à la Voye
de laid, relatifs aux préparatifs que la ville d'Avignon fit pour
recevoir dignement le roi Louis XIII. 11 nous a raconté que les
consuls ne s'étaient donné de repos, ni iour, ni nuict pour exco-
giter les moyens d'illustrer la mémoire des hauts [ails du prince,
et qu'ils étaient parvenus à rendre toute la représentation si vive
qu elle revivifiait les esprits.
Mais M. Séguin a passé le meilleur sous silence, je veux dire
la description de l'exécution vocale et instrumentale, dirigée par
Intermet. Je sais gré à M. Séguin d'avoir oublié de citer ce pas-
sage de la Voye de laid et de m'avoir laissé la bonne fortune de
le remettre en lumière. Sans doute, on y trouve le fatras de l'é-
poque sur les transports et l'ivresse qui s'emparent des dieux de
l'Olympe, lorsque Apollon fait résonner sur les cordes de son
luth les louanges de Jupiter, etc. ; mais on peut dégager le compte
rendu de ces superfluités mythologiques.
Il faut savoir qu'on avait élevé sur la place du Change d'Avi-
gnon un superbe théâtre triomphal, ayant cinquante-deux pieds
d'élévation et soixante-deux pieds de largeur. Au milieu s'élevait
une estrade de cinq pieds où l'on voyait le chanoine Intermet
entouré d'un orchestre de six vingts musiciens. Ecoutons :
« Parmy toutes ces beautez, le plus beau spectacle que puissent auoir
les sujets, c'est de voir leur Prince; et la plus douce musique, c'est d'ouïr
sa voix, comme dit Themistius. Ce fut ce qui releua plus particulièrement
la beauté de ce théâtre, de ce que Sa Majesté s'arrestant en ceste place
pour le contempler, donna loisir à la Noblesse qui tenoist les fenestres, et
au peuple qui estoit en bas de voir ses délices à plaisir, et à six vingt
Musiciens, qui oceupoyent tout cet eschaffaut, soubs la conduitte de Mr In-
termet, Chanoine de Saint-Agricol, l'vn des Orphées de nostre temps, de
faire ouuerture en son ame royale et la charmer par les oreilles d'une si
louable et rauissante volupté.... Tous ces Héros qui accompagnoient S. M.
avoient quitté leur fierté Martiale, et leur âme ayant abandonné les autres
sens s'estoit toute retirée sur le bord des oreilles ; le Roy mesme ayant
colé sa veùe sur Mr Intermet qu'il desiroit surtout d'ouïr, esmeu de la ré-
putation que son esprit qui se voit dans ses pièces de Musique, luy a acquis
par toute la France.... y demeura tellement englué, qu'il tesmoigna de
parole que si la nuict qui s'approchoit ne l'eût arraché de là, il s'y fust
arresté beaucoup dauantage , tant cet air donnoit de l'air à son ame et
sympathisait à son humeur.... Aussi estoit-ce vn beau spectacle de voir ce
Musée (Intermet| en la présence de tant de grands Héros, au milieu de tant
de chœurs diuers, et de plus de cent Musiciens ramener la Musique à vne
rauissante mélodie avec vn baston d'argent qu'il manioit comme la verge
de Mercure, auec laquelle il tiroit l'ame à tant d'hommes et d'enfants de
chœur, qui ne ehantoient que de cœur et rouloient leurs affections enflam-
mées au service de S. M. sur leur voix qui estoit le char de leur âme ;
tantost il l'enfonçoit, tantost il la rappeloit du creux de leurs poictrines,
ils montoient au mouuement de sa baguette , ils baissoient, ils fendoient ,
ils perçoient, ils se plomboient parfois comme vne fusée Jusqu'à terre ;
puis remontoieut par bricolles, contours et vireuoltes en l'air, et frappoient
d'une douce atteinte ces esprits espris d'vne si douce variété de sons, de
tons, de muances, d'issues inespérées, de tremblemens hardis, de saillies
heureuses, qui faisoient en vn si grand meslange vne si mélodieuse har-
monie ; ores ils respiraient, ores ils expiroient ensemble et sembloient
rendre l'ame; leurs poictrines s'estrecissoient et s'estendoient en ca-
dence; ils obscurcissoient leur voix, ils l'offusquoient, et tout à coupla
rendoient claire ; ils allaient à mez-air , et s'enuoloient au Ciel , ils se
raualoient, ils se fuyoient , ils se suivoient, ils se poursuiuoient et sur-
uoloient eux mêmes, bruyants, eselattants, murmurants de leurs grom-
melements, tonnerres et bourdons , pirouettants et tourne-virants leurs
voix en tant de façons, et la desguisant si dru et menu, qu'on s'estonnoit
de voir qu'en si peu d'air que nous humons il y eut tant de mcrueilles
encloses, ou que l'esprit d'vn homme le sçeut si bien decoupper, et luy
donner tant de faces et d'airs si différents. Icy vn Maistre ioeùr de violon
vous hachoit quatre chordes soubs ses doigts en mille voix différentes et
les faisoit discourir parfaitement; là, vn autre faisoit haranguer gratte-
ment sa viole ; ceux-là cannonoient les oreilles avec leurs serpents suiuis
d'une grosse armée de voix humaines, qui venoient liurer vn assaut gê-
nerai du costé qu'ils auoient fait la bresche ; quelques autres faisoient
parler leurs doigts sur leurs cornets et s'estonnoient que leur ame s'en-
fuioit par tant de portes, qu'ils tâchoient habilement de fermer de tous
costez ; tout cela, en vn mot, sembloit vn effect de la Magie blanche ou de
la noire, marquée en ces notes noires et blanches sur leur papier où ils
apprenoient à enchanter ainsi les esprits et donner droit au centre et au
vif de l'ame par l'oreille; et ceste baguette argentée entre les mains du
Maistre du chœur paroissoit comme une verge de Circé qui faisoit tous
ces miracles. Mais c'estoit l'amour de V. M., Sibe, qui avoit inventé cette
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
331
Magie licite, en enfioit les poulmons à tous ces musiciens, lesquels failli—
renl seulement en ce qu'ils chantoient p:ir mesure vos louanges qui n'ont
autre mesure ny borne que l'éternité de voslre Gloire. »
Que vous semble , mon cher directeur, de Vâme de ces héros
qui s'esloit toule retirée sur le bord des oreilles, de ces voix qui
remontent par bricolles, contours et virevoltes en Voir, de ce
maislre joueur de violon qui vous hachoit quatre chordes soubs
ses doigts, de cet autre qui faisoil haranguer gravement sa viole,
de ceux qui cannonoienl les oreilles avec leurs serpents, de ces
notes noires et blanches sur le papier, qui sembloient un effect
de la magie blanche et noire, etc., etc.? Sauf les pointes et les jeux
de mots, ne diriez-vous pas Montaigne décrivant un concert de
musique?
Puis « quand il fut temps de partir, tout le peuple fit retentir
• si haut son Vive le Roy, qu'on ne sçavoit si c'étoit un nouveau
tourbillon de musique, ou un renfort de voix qui vint concerter
avec les premiers pour la gloire et les louanges de S. M. »
Adieu, mon cher Directeur, imprimez ce discours dans le
Ménestrel et adressez-le à tous nos confrères. Il n'en est pas un
qui ne baisse pavillon et qui ne salue son maître.
Votre tout dévoué,
J. d'Ortigue.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Un de ces spectacles dont I'Opéra n'est point avare, — deux
ballets et un opéra fragmenté , — composait l'affiche de lundi
dernier. Dans le premier acte du Philtre, le ténor Hayet rem-
plissait, pour la première fois , le rôle de Guillaume, et le bary-
ton Roudil abordait celui du sergent Jolicceur. Les deux tenta-
tives ont réussi. Roudil, surtout, s'est fort honorablement tiré de
sa lâche. Grazioza et la Vivandière défrayaient le programme
chorégraphique ; c'est dire que Mme Ferraris et Mme Zina Mê-
lante se partageaient les honneurs de la soirée. — Mercredi,
l'opéra i'Herculanum, annoncé sur l'affiche, a dû être (pour
cause d'indisposition d'un artiste) , remplacé subitement par le
Prophète, et vendredi soir le public a revu Guillaume Tell avec
Mme Vanden'neuvel-Duprez, MM. Gueymard, Obin et Cazaux.
Voici quelques nouveaux détails sur l'opéra en deux actes du
maestro Alary, qu'on prépare pour le mois prochain : Le livret
est de M. Mélesville, et le titre (provisoire , sans doute), est la
Voix humaine. Il s'agit (l'affiche aurait besoin de le dire), du jeu
d'orgue qui porte le nom de Voix humaine ou Voix angélique.
Si nous sommes bien informé, ce jeu d'orgue aurait un rôle
important dans la légende naïve du moyen âge, arrangée par
M. Mélesville, et il serait imité dans la coulisse par une femme
qui n'appartient pas au théâtre, et n'a pas fait d'études pour y
figurer, mais dont la voix, très-bornée d'ailleurs, a une sonorité
singulière et magnétique, que les fidèles d'une certaine église de
Paris ont pu apprécier. Il est question de confier le premier rôle
de cet opéra au jeune ténor Morère, premier prix du Conserva-
toire. L'opéra de M. Alary sera donné à peu près en même temps
que le grand ballet en six tableaux de l'Etoile de Messine, com-
posé pour Mme Ferraris. Les études s'en poursuivent avec activité
et les décors seront bientôt terminés. — Depuis l'incendie de la
rue Richer, l'atelier de décors de l'Opéra est installé provisoire-
ment dans une salle du Palais de l'Industrie.
Le programme de la prochaine saison du Théâtre-Italien at-
tire déjà la foule vers le bureau de location. Les dames parais-
sent regretter leurs stalles d'orchestre, qui permettaient la demi-
toilelte, inadmissible dans les loges. A propos du nouveau pro-
gramme-Ventadour, nous avons omis de citer, dimanche dernier,
parmi les sopr-ani, le nom de Mme Numa, élève de Piermarini,
placé à côté de ceux de Mmes Penco, Raltu et Volpini.
L'Opéra-Comique va remettre à la scène les Mousquetaires de
la Reine, dans des conditions exceptionnelles. Roger, dont nous
avons déjà annoncé la rentrée définitive sur le théâtre de ses
premiers succès, reparaîtra dans le rôle d'Olivier, qu'il a créé ;
Baltaille chantera, pour la première fois, celui du capitaine Ro-
land ; Mlle Marie Cico, triple lauréat du Conservatoire, fera son
début dans Athénaïs de Solanges ; enfin, pour compléter un en-
semble aussi attrayant, Mme Faure-Lefebvre et Ponchard se char-
geront des rôles de Berlhe de Simiane et de Biron. Toutefois,
Roger, avant de chanter les Mousquetaires , va donner trois re-
présentations extraordinaires, dans lesquelles il chantera divers
morceaux italiens, anglais, allemands, espagnols et français:
des concerts pur sang, et polyglottes!... Malgré le côté piquant
de ces soirées musicales cosmopolites, nous pensons qu'il eût
fallu laisser à la rentrée de Roger toute son importance et n'en
atténuer l'intérêt sous aucun prétexte. C'est le Roger français, le
Roger d'opéra-comiqne, dont le public aurait aimé à saluer le
retour, sans le moindre panaché anglo-italien, sans réminiscen-
ces allemandes ou espagnoles.
Au Théâtre-Lyrique on répète, entre autres nouveautés, un
opéra de MM. Boisseaux et Lajarte. C'est dans cette partition
que débutera notre baryton Jules Lefort.
M. Réty vient d'engager M. Bonnesœur, excellente basse qui
fait en ce moment partie du théâtre des Arts à Rouen, mais ce
chanteur ne sera disponible que l'année prochaine.
Hier soir samedi, les Bouffes-Parisiens ont dû effectuer leur
réouverture par la première représentation de M. Choufleury
restera chez lui le..., opérette en un acte de MM. de Saint-
Remy et Offenbach, et la reprise de la Chanson de Fortunio, le
grand succès de l'hiver dernier, avec Mlle Pfotzer.
Le Gymnase vient d'adjoindre à son Piccolino une comédie-
vaudeville en un acte de MM. Siraudin et Victor Rernard.
L'Argent fait peur est une désopilante bouffonnerie jouée par les
artistes avec beaucoup d'entrain. Geoffroy est comme toujours
plein de bonhomie et de naturel. De son côté, Landrol donne un
cachet plaisant au rôle d'un inventeur bordelais.
La Revue des Théâtres nous fournit la particularité suivante
sur la nouvelle pièce du Vaudeville : la Frileuse :
« La F«7et;se était primitivement un livret d'opéra-comique;
ce livret avait été présenté, il y a cinq ans, parM. Scribe à M. Ge-
vaërt, qui ne crut pas devoir l'accepter, M. Gevaërt fut peut-
être mal inspiré; mais là n'est pas la question. Un musicien ha-
bile aurait pu tirer parti des situations qui se trouvent dans
l'œuvre posthume du maître. Sans musique la pièce est froide,
malgré le mouvement que l'auteur s'est efforcé d'y mettre, Il
n'est pas toujours aussi facile qu'on le pense de transformer un
opéra-comique en comédie. La place réservée au compositeur
n'étant pas occupée laisse des vides pénibles dont le spectateur
332
LE MÉNESTREL.
supporte mal l'ennui, et que le talent des acteurs est impuissant à
dissimuler. »
Nonobstant ces observations de notre confrère Achille Denis,
la Frileuse s'acclimate au Vaudeville et ne manque pas d'élé-
ments récréatifs : le troisième acte est fort amusant. La pièce est,
du reste, jouée avec talent par Febvre, Mlle Cellier, et surtout par
Boisselot , auquel le feuilleton du lundi n'a pas suffisamment
rendu justice. Boisselot remplit le rôle du marquis de Galaor
d'une façon très-comique. La jolie M1Ie Léonie Leblanc a besoin
de travailler. Quant à Mme Lambquin, l'excellente duègne, elle
ne nous semble pas absolument à sa place dans le personnage de
la grande duchesse.
Le théâtre des Variétés a reçu une étude de mœurs parisien-
nes en trois actes portant pour titre : les Cochers. — Ce théâtre
s'occupe déjà de sa Revue de fin d'année; elle sera intitulée,
dit-on, le Pays des Mirlitons, et a pour auteurs, comme d'habi-
tude, MM. Théodore Cogniard etClairville. Mlle Judith Ferreyra
y fera ses adieux au public des Variétés. On sait que cette jolie...
fille du diable émigrera l'an prochain vers le boulevard du
crime, pour aborder le drame — dans François les bas bleus.
J. Lovy.
TABLETTES OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
SOUVENIRS Dl) THEATRE
( DE LA FIIÏ DU XVIII° SIÈCLE JUSQU'EX 183© ).
MADAME SCIO
(Opéra-Comique, 179I-1S07).
ni.
Je ne ferai point ici l'énumération de tous les rôles établis par
Mme Scio depuis l'époque de son début au théâtre de la rue
Feydeau, en 1792, jusqu'à la clôture de cette salle, qui eut lieu
au printemps, en 1801. J'ai déjà dit quelles causes devaient, à
la longue, assurer la victoire du théâtre de la rue Favart sur
son voisin, de plus jeune âge et de moins forte complexion.
Tous les efforts de Mme Scio ne purent suppléer à la faiblesse de
son entourage, ni à l'insuffisance d'un répertoire que n'alimen-
taient, dans ses dernières années, que d'insignifiantes produc-
tions. Mais le théâtre vaincu conservait un avantage sur son heu-
reux rival; il avait de bien meilleures cantatrices; aussi, à l'é-
poque de la fusion des deux troupes, réunies d'abord sur la
scène de la rue Feydeau, le 16 septembre 1801, Mmes Scio,
Rolandeau, Haubert, Lesage, se joignirent à la troupe de Favart;
Lesage et Juliet vinrent compléter cet ensemble de talents, dont
les annales du théâtre n'avaient pas jusqu'alors offert un exemple
pareil.
Mmc Scio, fatiguée par un long travail, n'apporta à sa nou-
velle tâche que des moyens affaiblis. Heureusement, le nouveau
répertoire qu'elle était appelée à faire valoir ne demandait pas
d'elle des efforts aussi soutenus que ceux auxquels elle avait dû
ses grands succès dans les rôles passionnés de Lodoïska, Ju-
liette, Médée et Calypso. Camille ou le Souterrain, Raoul
Barbe-Bleue, Zordime et Zulnar, et Ariodant furent les seules
pièces de son nouveau répertoire où elle trouva à rappeler les
traditions de l'ancien . Dans ces divers ouvrages, le rôle de prima-
donna avait été établi par d'autres actrices ; mais, de chacun d'eux
elle sut faire une création nouvelle par les nouveaux effets
qu'elle y introduisit'; elle fut sublime surtout dans la terrible
scène de Barbe-Bleue, lorsque la belle Isaure vient tomber
inanimée aux pieds de Vergy, en sortant du fatal cabinet où
Raoul entassait ses victimes. Le cri déchirant qu'elle jetait alors
trouvait un écho dans toute la salle.
Qu'elle était touchante aussi de simplicité et de grâce dans
Louise, du Déserteur, et dans Thérèse, de Félix ! De quelle fa-
çon inimitable elle disait, dans l'admirable trio de ce dernier
ouvrage :
Entendez- vous Félix ?
Mon père dit : Félix,
Que n'êtes-vous l'un de mes fils !
De 1801 à 1806, Mme Scio établit un assez grand nombre de
rôles, dont la moindre partie parut digne de son talent et de sa
renommée, mais qu'elle accepta, avec autant de zèle pour la
prospérité de son théâtre que de désintéressement pour sa gloire
personnelle. Elle fut ravissante pourtant dans la Fausse prude
ou les Femmes entre elles, joli opéra-comique de Dupaty et
Dalayrac; elle y jouait le rôle d'une femme travestie en homme;
et, à dix ans de distance, le public crut revoir l'aimable Sarpe-
jeu, du Petit Matelot.
Enfin, le 17 mai 1806, la grande actrice, interprète des chants
de Méhul, reparut dans le drame lyrique, genre où elle s'était
élevée si haut au début de sa carrière. En jouant le rôle de
Malvina, de l'opéra d'Ulhal, elle retrouva l'ampleur de sa belle
diction tragique; et ce rôle, qui demandait moins de dépense
d'organe et d'action scénique que ceux de Médée et Calypso,
parut empreint du même charme que ceux de Juliette et de
Léonore. Mais cet ouvrage, où Mme Scio était secondée à mer-
veille par Solié et par Gavaudan, n'obtint qu'un succès d'estime
très-prononcé. Le poëme, parfaitement écrit par M. Saint-
Victor, était d'une teinte trop sombre et trop uniforme, et l'im-
mense mérite de la partition de Méhul ne put racheter ce même
vice d'uniformité. Uthal, dont le sujet était ossianique, eut d'ail-
leurs le malheur et le tort de se présenter en concurrence avec
les Bardes, de Lesueur, qui venaient d'obtenir, àl'Opéra, un suc-
cès colossal, succès qui s'est soutenu pendant de longues an-
nées. C'est bien à tort sans doute qu'il n'est resté d'Ulhal que
le chœur du Sommeil des bardes.
Les mélodies de Méhul furent, pour Mme Scio, le chant du
cygne. Le dépérissement de sa santé produisit chez elle le dégoût
d'une profession à laquelle elle avait dû tant de succès et tant
de renommée. Au commencement de 1807, elle renonça à l'exer-
cice de son art, autant par ennui que par lassitude. Le 14 juillet
suivant, elle fut emportée par une phthisie pulmonaire dont les
progrès avaient été d'une rapidité foudroyante.
Quelques journalistes ou biographes ont parlé avec peu de
eonvenance des causes de la mort prématurée de Mme Scio. Si
l'oubli, qui s'attache au talent comme au nom de l'acteur le
mieux aimé, est une des plus tristes conditions de cet état, l'un
des plus difficiles de tous , il en est une plus triste encore :
c'est cette curiosité indiscrète qui, pendant l'existence des per-
sonnes de théâtre, s'applique à pénétrer les mystères de leur vie
privée. Quand elle n'offre point de scandale extérieur, cette vie
n'appartient pas plus au public que celle des individus de toute
autre profession.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
333
En m'arrêtant ici, je dois déclarer que je n'ai pas eu pour but
de donner la biographie complète d'une actrice jadis célèbre;
j'ai voulu seulement payer à sa mémoire, devant un auditoire
fait pour me comprendre, le tribut d'admiration et de reconnais-
sance que lui devaient mes souvenirs, pour les grandes jouis-
sances d'art que son talent avait prodiguées a ma jeunesse. Au-
jourd'hui ce talent est quasi ignoré. C'est le sort d'un grand
nombre de noms, d'un grand nombre d'ouvrages, qui n'auraient
dû jamais être atteints par l'oubli. Mais cet oubli même, si
injuste dans son principe et si regrettable dans ses effets, n'est-il
pas moins fâcheux encore pour les talents qui en sont frappés
que pour les écrivains qui, par ignorance ou par inattention,
manquent aux premiers devoirs de la critique littéraire, dont ils
prétendent être les interprètes et dont trop souvent ils ne sont
que les parodistes?
P. -A. Vieillard.
LE QUARTIER DU NOUVEL OPERA.
Voici quelques détails, — empruntés à la vigie parisienne de
Y Indépendance helge, — sur la planimétrie du quartier de notre
nouvel opéra et sur les dispositions générales de l'édifice qui va
s'élever boulevard des Capucines. Ce n'est point une affaire in-
différente ni pour la France, ni même pour l'Europe, que la
construction d'une Académie impériale de Musique à Paris.
Aussi s'en est-on beaucoup occupé. Cependant je ne crois pas
que nulle part ailleurs que dans les journaux spéciaux peut-
être on ait donné des renseignements précis.
Le monument aura la forme d'un carré long augmenté de ■
péristyles d'entrée et de sortie en avant, en arrière et sur les
côtés, qui lui donneront un ensemble qui pourrait s'inscrire
dans un ovale régulier. Les lignes des quatre rues qui enserrent
l'Opéra forment comme un losange dans lequel s'inscrirait à
son tour l'ovale. Cet ovale, bien entendu , est purement idéal.
Toutefois, sa forme sera donnée, je crois, par ces squares de
verdure qui accompagneront désormais tous nos édifices.
Le péristyle de façade de l'Opéra donne, comme on sait, sur
le boulevard : sur la façade latérale de droite, une vaste mar-
quise et un élégant perron forment une descente à couvert pour
les abonnés, et un embarcadère pour les voitures ; sur la façade
latérale de gauche, au pendant, est l'entrée particulière de l'Em-
pereur. A l'arrière du monument, et comme répétition du péris-
tyle de façade, se trouvent la scène et le bâtiment affecté à l'ad-
ministration. La salle conservera la forme et la disposition
actuelles qui ont été reconnues bonnes, et prendra seulement un
peu plus de grandeur. Derrière toutes les loges il y aura un
petit salon. Au-dessus du péristyle de façade seront les foyers;
au-dessus de l'entrée particulière de l'Empereur, ses salons; et
au-dessus de la sortie des abonnés, une buvette.
Rien de plus simple, comme vous voyez, que le plan général
de notre nouvel Opéra, et on dit ce plan très-réussi, comme tout
ce qui arrive au simple.
Mais quelque chose de tout à fait nouveau dans les principes
de notre édilité, c'est l'emploi presque exclusif de la ligne dia-
gonale pour toutes les avenues qui entourent le nouvel Opéra et
en feront le centre du Paris fashionable comme l'Arc de Triom-
phe de l'Étoile sera le centre du Paris aristocratique. Sauf la
ligne horizontale du boulevard, et la ligne verticale qui, sera
donnée par la rue projetée qui va s'ouvrir de la place du Théâ-
tre-Français au boulevard, en face de l'Opéra, toutes les lignes
sont fuyantes :
Ainsi la rue Lafayette, qui va venir du chemin de fer du
Nord déboucher au côté droit de l'Opéra ; ainsi la rue de Rouen,
au coin de laquelle s'élève déjà ce splendide hôtel de la Paix,
que construit M. Armand pour MM. Pereire, et qui, venant des
chemins de fer de l'Ouest, confinera l'Opéra sur la gauche; ainsi
la rue de la Paix qui, de l'autre côté du boulevard, semble conti-
nuer la rue Lafayette ; ainsi une rue projetée qui partira de la
place de la Bourse pour converger au boulevard avec la rue de
la Paix et continuer la rue de Rouen ; ainsi encore la rue Moga-
dor prolongée, qui forme avec le boulevard et la rue de Rouen
le triangle occupé par l'hôtel de la Paix, coupe a angle obtus la
rue de Rouen devant l'entrée de la loge impériale, longe à l'ar-
rière le côté gauche de l'Opéra et monte vers le nord de Paris;
enfin une autre rue projetée, qui commencera au boulevard entre
la rue du Helder et la rue Taitbout, je crois, et, en montant
vers l'Ouest, viendra couper d'abord la rue Lafayette en face le
perron de sortie des abonnés de l'Opéra, longer l'Opéra sur la
droite, à l'arrière, puis croiser la rue Mogadur, formant ainsi
le losange de la place.
Ces combinaisons d'effets obtenus par l'entrecroisement des
lignes fuyantes sont une inspiration de M. Haussmann, qui, dans
toutes les constructions nouvelles et dans tous les tracés des
voies de communication, se préoccupe beaucoup de la perspec-
tive et des points de vue, ne bornant point son attention au
monument qu'il élève et à ses entours seulement comme on le
faisait trop souvent jusqu'alors, mais l'étendant au dessin géné-
ral de la ville, au rapport des monuments entre eux, à la ma-
jesté, à l'élégance, au pittoresque des avenues qui les relient.
On pourrait trouver une analogie entre les effets de l'entre-
croisement des lignes fuyantes autour d'une place et ceux du jeu
des glaces dans les appartements. Les perspectives sont multi-
pliées et s'ouvrent à la fois dans les directions les plus diver-
gentes. En tous cas, par l'idée qu'on peut se faire des projets
d'après leurs plans, je crois que cette nouvelle combinaison des
lignes sera ici d'un résultat bien plus heureux que n'eût été la
combinaison ordinaire des lignes verticales et horizontales qui
forment l'éternel carré de nos places publiques.
NOUVELLES DIVERSES.
— On écrit de Saint-Pétersbourg que le personnel de la troupe italienne
est presque le même cet hiver que celui de la dernière saison. 11 est com-
posé de Mraes Emy Lagrua, Nantier-Didiée, Fioretti, Bernardi, Dottiniet La-
gramenti, prime done, des ténors Tamberlick, Calzolari, Mongini et Bettini-
Junior, des barytons Graziani, Everardi, Debassini, et des bassi Angelini
et Mariani.— MmeRosati retourne également à Saint-Pétersbourg et depuis
quelques jours elle a quitté Paris.
— La saison des théâtres d'opéra italien à Londres est à peine terminée
qu'on s'occupe déjà des représentations d'opéras anglais qu'on a l'habitude
de donner en hiver. Miss Pyne et 51. Harryson ouvriront leur théâtre le
mois prochain (salle Covent-Garden|. Leur programme serait fort intéres-
sant et se composerait entre autres de l'opéra de Glover, Ruy-Blas, d'un
ouvrage que Balte achève en ce moment, ainsi que des opéras nouveaux
de Bénédict et de Schira. Il est également question d'une œuvre nouvelle
334
LE MÉNESTREL.
de Macfarren et de John Barnett, et l'on aurait l'intention de reprendre les
principaux opéras à grands succès des années précédentes, notamment le
Domino noir et le Pardon de Ploërmel, les deux grands triomphes de miss
Pyne.
— Les applaudissements de la foule ont un enivrement dont les artistes
ont de la peine à se sevrer. On annonce, à Londres , la prochaine réappa-
rition en public de Mme Jenny Lind (Mme Goldschinds). On sait, du reste,
que la retraite du rossignol suédois n'a jamais été bien complète, nonobstant
son mariage ; mais cette fois Jenny Lind chantera dans VÊlie de Men-
delsohn, qui sera exécuté au bénéfice des pauvres , et ensuite dans la
Création, de Haydn, que la Société philharmonique se propose de faire en-
tendre.
— Les journaux italiens parlent de l'accueil enthousiaste qu'a reçu
Mme Borghi-Mamo à l'inauguration du nouveau théâtre de Carpi. La Fa-
vorita a été pour elle l'objet d'un véritable triomphe. Le ténor Mongini et
le baryton Cotogni l'ont, du reste, fort bien secondée.
— Karl Eckart, ex-directeur du théâtre de la Porte de Carinthie, à
Vienne, est nommé maître de chapelle à Stuttgardt. On ne sait encore quel
rang il occupera à côté de Kucken ; on est même assez étonné de cette
nomination, vu la grande faveur et la haute protection dont M. Kucken
jouissait dans cette ville.
— Le théâtre de la cour de Hesse-Cassel a joué un opéra nouveau' de
Charles Reiss , chef d'orchestre à ce théâtre. Cet ouvrage, intitulé Othon
V archer, a été fort bien accueilli.
— Nous avons annoncé le départ de Franz Liszt pour la Silésie, et son
intention de quitter définitivement Weimar. La Gazette musicale de l'Alle-
magne du Sud nous apprend aujourd'hui qu'après avoir séjourné quelque
temps en Silésie auprès de la princesse Hohenzollern , le célèbre pianiste
aurait le projet de se rendre en Grèce et de se fixer à Athènes pour une
année. Son absence de Weimar ne serait donc que temporaire ; c'est du
moins, dit la Gazette, l'espoir de toute la population artistique de Saxe-
Weimar.
— L'année 186! verra s'achever le nouveau théâtre de Bade. Les grands
travaux de construction sont terminés, et l'on devine déjà, sous les écha-
faudages, les proportions élégantes et le caractère de la nouvelle construc-
tion. Comme situation, le nouveau théâtre ne laisse rien à désirer : il oc-
cupe le centre de ce boulevard de verdure qui joint la Conversation à
l'allée de Lichtenlhal. Il est désigné à l'avance comme devant être une aca-
démie cosmopolite où l'art allemand, français, italien, anglais, se rencon-
treront comme sur un terrain neutre.
— Mme Carvalho vient d'arriver â Bade, et s'y est fait entendre en com-
pagnie de Servais, Sivori et Graziani. On a aussi beaucoup applaudi, près
de la grande artiste, la jeune et expressive Maria Boulay, aussi agréable à
voir qu'à entendre. Cette nouvelle Milanollo a fait une double impression
sur l'élégant public de Bade. Elle est aujourd'hui l'objet de tous les regards
et de toutes les conversations.
— Le Moniteur belge annonce qu'une solennité d'un vif intérêt se pré-
pare à Bruxelles, à l'occasion de l'inauguration d'un orgue monumental
qui vient d'être construit, par ordre du gouvernement, dans les ateliers
de la Société anonyme pour la fabrication des grandes orgues, etc., (éta-
blissement Merklin-Schùtz), et qui est placé dans la salle du palais des
Beaux-Arts, où se donneront désormais tous les concerts et concours du
Conservatoire. Le 23 courant, le nouvel instrument sera inauguré dans
une séance solennelle, où les principaux organistes belges, tels que
MM. Callaerts, organistes de la cathédrale d'Anvers, Duguet, organiste de
la cathédrale de Liège, Lebon, organiste de Lierre, Mailly et Dubois, orga-
nistes à Bruxelles, Tilbourgs, professeur à l'école normale de Lierre, et
enfin le célèbre Lemmens, feront entendre l'instrument. Cette séance sera
suivie d'un concours d'orgue pour les organistes du royaume, et des ré-
compenses distinguées seront accordées par le gouvernement aux vain-
queurs.
Le grand concours qui devait avoir lieu aux prochaines fêtes de sep-
tembre, à Bruxelles, entre les différentes sociétés d'harmonie et de fanfares
du pays n'aura pas lieu. De Liège, l'harmonie Grétry était la seule qui eût
répondu à l'appel du gouvernement. [Meuse.)
— Le grand festival des orphéons qui devait avoir lieu à Paris dans le
courant de septembre a dû être retardé. Cet ajournement est motivé dans
une lettre très-explicite adressée par M. Delaporte aux directeurs des Or-
phéons et Sociétés chorales qui ont adhéré au festival. L'époque en demeure
aujourd'hui fixée au 17-22 octobre prochain.
— Les artistes musiciens de Marseille viennent de fonder une société de
prévoyance et de secours mutuels. Elle a pris la dénomination de Société
de Sainte-Cécile. M. Xavier Boisselot fait partie du conseil d'administra-
tion, et M. Auguste Morel figure parmi les administrateurs.
— Un fort beau concert a été donné le 6 de ce mois à Dieppe, au béné-
fice des artistes de l'orchestre, sous la direction de leur digne chef, M. Pla-
cet. En voici quelques détails, empruntés au Journal des Baigneurs :
« Ainsi que nous l'avions pensé, la société de nos baigneurs n'est pas res-
tée indifférente à l'appel des artistes deM. Placet. Un auditoire d'élite et
des plus nombreux se pressait avant-hier soir dans les salons du Casino au
concert qu'ils donnaient à leur bénéfice.
« Les artistes de M. Placet ont fait tous leurs efforts pour répondre aux
bonnes dispositions de leur auditoire, et, redoublant de verve, ils se sont
surpassés dans cette soirée. Ils ont exécuté l'ouverture de l'Etoile du Nord
avec un ensemble parfait, et ont fait ressortir avec habileté tous les char-
mes de ce morceau.
« L'exécution du Grand Septuor de Beethoven est encore une preuve
de la perfection avec laquelle les artistes d'élite qui composent, cet orches-
tre peuvent interpréter les œuvres les plus difficiles des grands maîtres.
L'allégro, l'adagio et l'andante de cette composition du divin maestro, exé-
cutés par MM. Grisez, Kuschnick et Pothin, et tous les instruments à cor-
des, ont produit un merveilleux eifet.
« La salle entière, se soulevant dans un élan d'enthousiasme, a salué
d'applaudissements pro'ongés l'œuvre inspirée de Beethoven et les artistes
qui l'avaient si bien interprétée. C'est la première fois que ce morceau,
qui fait les délices des amateurs d'élite, a été exécuté à Dieppe , et le suc-
cès qu'il a obtenu nous fait espérer que ce ne sera pas la dernière.
« La Scène d'Orphée, exécutée pour violon, orgue et piano , par
Mrae Mackenzie, MM. Coblain et Gantier, a fait aussi le plus grand plaisir.
Les apphudissemenls qui ont accueilli Mme Mackenzie (Cathinka de Dietz),
dès son apparition , témoignent des sympathies que le talent de l'illustre
pianiste conserve toujours parmi les amateurs de bonne musique.
« Dans l'ensemble du trio, MM. Coblain et Garnier ont exécuté leur par-
tie à la satisfaction générale, et ont été vivement applaudis.
« M. Saint-Jacome, l'un des solistes les plus remarquables de l'orchestre
des bains, a obtenu de son côté le plus grand succès, en faisant entendre
sur le cornet à pistons une fantaisie sur le Barbier de Séville, remarqua-
blement exécutée.
« Dans l'a partie vocale, M. Rebsomen, et les chansonnettes de M. Fauvre
ont complété l'attrait de cette soirée, dont le produit s'est élevé à près de
2,000 fr. »
— Quelques jours après, le violoniste Accursy et sa femme, Mme Accur-
sy, pianiste distinguée, donnaient concert à Dieppe, et appelaient à eux
l'une de nos étoiles du Théâtre-Italien, Mlle Battu. La réussite ne pouvait
être douteuse, elle a dépassé toutes les prévisions.
— Bagnères-de-Bigorre a eu, le 2 de ce mois, un festival défrayé par un
personnel d'artistes renommés. Nous nous bornerons à citer les frères et
sœur Dancla, MM. Deschamps, Jules Lasserre, Evariste Dussert, Adam,
Haunlz, chef d'orchestre allemand, Lucien Dussert, de la société philhar-
monique de Bagnères , qui avait cédé ce jour-là sa baguette de comman-
dant à M. Soubiès, président de cette société et organisateur de la fête. .
« Nous n'analyserons pas un à un, dit VÈcho des vallées, tous les mor-
ceaux de ce concert, qui a tenu captive l'attention de cette grande et belle
réunion, malgré l'attente du bal ; mais nous ne saurions passer sous si-
lence le beau chœur d'Arnaud Dancla, si bien chanté par les choristes-
amateurs de Tarbes ; la ballade Page, Ecuyer et Capitaine, dite par une
fort belle voix de baryton, celle de M. D..., amateur étranger, qui a
gracieusement apporté à cette fête musicale le tribut de son talent ; le pré-
lude de Bach, où le beau soprano de M110 Evarista Dussert s'est marié avec
tant de charme aux violon et violoncelle des frères Dancla, et à l'excellent
harmonium tenu par M. Lucien Dussert, l'habile organiste ; et enfin la pièce
la plus remarquable, le duo de Thalberg pour deux pianos, dans lequel
Mllcs Dancla et Dussert ont marié leurs merveilleux talents pour en faire
naître des effets admirables. » Enfin, pour que rien ne manquât à ce festi-
val, le concert a été suivi d'un proverbe d'Octave Feuillet et d'un bal des
plus animés.
— Le 8 de ce mois, la société de secours mutuels de Colombes a donné
NOUVELLES ET ANNONCES.
335
un concert avec la précieuse coopération de M. et Mme Delolïre, de H110 Tre-
belli, de MM. Jules Lefort, Léo Delibes, Samary et Caneva, pianiste, et
Bretzen, harpiste. Parmi les morceaux le plus chaleureusement applaudis,
nous citerons les fragments du Songe d'une Nuit d'été, la cavatine à'Il
Giuramento (MUo Trebelli), le duo concertant sur la Statue (M. et Mme De-
loffre), et le Nid abandonné, de Nadaud, chanté par J. Lefort. Tous les ar-
tistes ont été bruyamment rappelés.
— L'un de nos professeurs de chant les plus distingués, Mme Eugénie
Garcia, est de retour à Paris, où elle a déjà repris le cours de ses leçons.
— Voici l'état des receues brutes qui ont été faites pendant le mois
d'août dans les établissements soumis à la perception du droit des indi-
gents :
Théâtres impériaux subventionnés 164,224 fr. 49 c.
Théâtres secondaires de vaudevilles et petits spec-
tacles ' 426,712 60
Concerts, spectacles-concerts, cafés-concerts, bals. 201,036 »
Curiosités diverses 28,471 »
Total 820,464 09
— Ce soir, Dimanche, clôture du Concert des Champs-Elysées (dit Con-
cert-Musard). Dimanche prochain, 22 courant, premier concert de jour, de
deux à cinq heures du soir.
NÉCROLOGIE.
Mme Sophie-Gertrude Goria, mère du pianiste-compositeur
de ce nom, A. Goria, est décédée le 3 de ce mois, à l'âge de
76 ans, au momeut où l'on venait de célébrer la messe du bout
de l'an de son fils, si regretté de tous parmi nous.
Mme Goria avait elle-même appartenu au monde musical et
y tenait, comme son fils, un rang très-distingué. Après avoir été
attachée à la chapelle de l'empereur Napoléon Ier, comme pre-
mière chanteuse, elle faisait partie de la troupe du Théâtre-
Italien ; c'est elle qui eut l'honneur de créer à Paris Don Juan
et les Noces de Figaro. . . . Elle-même avait donné à son fils,
Alexandre Goria, les premiers éléments de la musique, du sol-
fège et du piano, jusqu'à son entrée au Conservatoire, où il
remporta les premiers prix à l'âge de treize ans.
Les obsèques de cette digne femme ont eu lieu à Neuilly, sans
bruit et sans faste, comme il convenait en celte circonstance.
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Hommage à Mme SAGERET, née CLAPEYRON.
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2. Op. 34. — 25 Études élémentaires et progressives.. 12
3. Op. 35. — 25 Études chantantes et progressives 12
A. Mansour. Op. 20. — 10 Études d'expression 20
E. rVoïlet. Op. 25. — 13 Études de style 20
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
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LA CHANSON DE FORTUNIO
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TABLE DES MORCEAUX DE CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
1. Prenez garde à vous, couplets chantés
par M118 Chabert 2 50
2. La belle eau claire , chanson à boire, par
Mlle Pfotzer 2 50
2 bis. La même, transposée pour contralto
ou baryton 2 50
3. Couplets du Petit clerc Friquet , chantés
par M. Bâche 2 50
4. Autrefois, Aujourd'hui, ronde des clercs. 2 50
5. Toutes les femmes sont à nous , valse des
clercs, à une ou deux voix 3 75 et 4 50
6. Duo et Chanson de Fortunio, chantés par
ll"es Chabert et Pfotzer 6 »
6 bis. Chanson de Fortunio, extraite du
duo , pour soprano ou ténor 2 50
6 ter. La même , transposée pour baryton
ou contralto 2 50
Partition in-8° : Texte , chant et piano. Prix net : 7 francs
FORTUNIO. — Morceaux et arrstsigeissents pour piano.
6
6
FORTUmO.
-t. Battmann. Fantaisie variée 5 »
Burgmniicr. Valse de salon 6 »
— La même à 4 mains 7 50
— La même en feuille 2 50
a. Croisez. Morceau de salon
Paul Bernard. Barcarolle et Chanson de
Fortunio , transcriptions
m. Taliquet. Concerts des Bouffes-Parisiens,
petites fantaisies sans octaves. Chacune. 3 »
Musard. — Polka-mazurka des Clercs.... 5 fr.
Strauss. Quadrille de Fortunio, à deux
mains 4 50
— A quatre mains 4 50
Pli. stutz. Fortunio-Polka 4 50
Le Financier et He Savetier
Le GG
La Bonne d'enfant
Les Trois Baisers du lîïafoSe . . .
Croqueffer
La BenioïseBle en loterie
Dragonnette
Le Mariage aux lanternes
La Chatte métamorphosée
PARTITIONS IN-8\ PIANO ET CHANT
Orphée ans Enfers 8
Un Mari à la porte 5
Geneviève de Brabant 8
Chanson de Fortunîo 7
A. VARNEYi
PoSSsa des Sahots 5
ERNEST L'ÉPINE.
Croqu Dg'iaoBe XXXVI 5
LÉO DELIEES.
Six ©emoiseBBes à niaricr '. S
GUSTAVE HECQUET.
Clarinette et Gros-Réné. . . .
EMILE JOUAS.
Les Petits prodiges -S
CH. LAFORESTRIE.
Simiomne S
PAULINE THYS.
La Pomme de Turquie 5
DE SAINT-RÉIVIY.
Le Mari sans le saioïr 5
MORCEAUX DÉTACHÉS AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
LE FINANCIER ET LE SAVETIER.
Ronde. N° 1, en feuille 2 50
N° 2, en morceau 4 50
LE 66.
Tyrolienne. N° 1 , à une voix 2 SO
N° 2, à deux voix 4 50
LES TROIS BAISERS DU DIABLE.
Couplets. N° 1. Quand les amoureux 2 50
N° 2. Ah! si j'étais ■ 2 50
Duo bouffe. N° 3. Une Oie! 7 30
Couplets. N° 4. Ça reluit 3 »
N° 5. Chanson à boire 3 »
GENEVIÈVE DE BRABANT.
i. Ronde de Mathieu-Laensberg 4 50
2. Cocorico, couplets de la Poule 2 50
3. Couplets de la fille à Mathurin, 1 et 2. . . . 2 50
4. Ballade du Cœur perdu, 1-2 2 50
5. Boléro de Charles-Martel 2 50
6. Quatuor de la Fanfare 2 50
7. Chanson de l'Enfant ,1-2 2 50
8. Ronde des Jeux 5 »
9. Couplets du retour de la Palestine . 2 50
Livret, texte seul » 50
MORCEAUX, VALSES,
F LE FINANCIER ET LE SAVETIER.
♦Strauss. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50
Cari Men. Mosaïque dansante
N° 1. Polka 2 50
N° 2. Valse 2 50
N° 3.. Polka-Mazurka 2 50
LE 66.
Saïomion. Valse-Tyrolienne,... 450.
LES TROIS BAISERS DU DIABLE.
♦Musard. Quadrille 4 50
CROQUEFER.
♦Strauss. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50
d. Ch. Hess. Mosaïque dansante [recueil) 4 50
N° 1. Valse 2 50
N° 2. Polka 2 50
N» 3. Galop 2 50
GENEVIÈVE DE BRABANT.
J-L. Battmann. Chanson de l'Enfant.. 5 »
♦Arban. Quadrille, un Bal chez Golo 4 50
*Strauss. Id. 2 et 4 mains 4 50
* Id. Polka du départ, 2 et 4 mains.. 4 50
E. Besgranges. Polka des Jeux 4 50
Philippe Stutz. Cocorico, polka 4 50
L. MicBieBi. Polka-maz. des Baigneuses.. 4 50
*Musard. Valse sur les couplets de l'Enfant. 5 »
Id. La même en feuille 2 50
LA DEMOISELLE EN LOTERIE.
♦Strauss. La Bohémiana. Polka 3 75
d.-L. Battmann. La Bohémiana, fan-
taisie-polka 4 50
DRAGONNETTE.
d. Ch. Hess. Valse 4 50
N. B, Les
CROQUEFER
Ballade de Croquefer 2 50
Galop. Le bal de l'Opéra, à une voix 2 50
d" à deux voix 3 75
LE MARIAGE AUX LANTERNES.
Chanson à boire 2 50
LA CHATTE MÉTAMORPHOSÉE
Couplets de Miaou. N° 1. en feuille 2 50
D° N° 2. en morceau. 3 75
CROQUIGNOLE XXXVI.
Ronde du pont de Nantes , 1 et 2
Rondo du magicien Tarabisco
2 50
2 50
CARNAVAL DES REVUES.
Tyrolienne de l'Avenir , 1 et 2
LA CHANSON DE FORTUNIO.
N° 1. Prenez garde à vous, couplets
2 et 2 bis. Chanson à boire
3. Couplets du petit clerc
4. Ronde des clercs
5. Valse des clercs , à 2 voix
5 bis. La même à une voix
6. Duo et chanson de Fortunio
6 bis et 6 ter. Chanson de Fortunio
2 50
2 50
2 50
2 50
2 50
4 50
3 75
6 »
2 50
ORPHEE AUX ENFERS.
Couplets du berger joli
Duo du concerto
Chanson paslorale
Évocation à la mort
Duettino de l'Honneur et de l'Amour.
Couplets de Cupidùn et de Vénus. . . .
Ronde de Diane et Actéon
Chœur de la révolte
Couplets à Jupin
Final, chœur et galop
Couplets du roi de Béotie
Duo de la Mouche
Chœur infernal
Hymne à Bacchus
LE MARI SANS LE SAVOIR
Le Bal, valse chantée
Chanson nègre
UN MARI A LA PORTE.
Valse tyrolienne, 1 et 2
Couplets. Tu l'as voulu, Georges Dandin. .
LES PETITS PRODIGES
Couplets. Tur lu tu tu
Valse de la basse-cour
LA DEMOISELLE EN LOTERIE.
Chanson bohémiana
POLKAS, MAZURKAS ET QUADRILLES, POUR PIANO.
UN MARI A LA PORTE.
♦Musard. Valse-tyrolienne
4 50
3 75
LE MARIAGE AUX LANTERNES.
♦Strauss. Quadrille, 2 et 4 mains
♦ Id. Polka
d.-L. Battmann. Mosaïque 5 >>
LES SIX DEMOISELLES A MARIER.
♦Musard. Quadrille à 2 et 4 mains 4, 50
LES PETITS PRODIGES.
♦Strauss. Quadrille à 2 et 4 mains 4 50-
H. Valiquet. Quadrille facile 4 50
d. Offlfenfoach. Valse de la basse-cour. . . 4 50
CROQUIGNOLLE XXXVI.
♦Strauss. Quadrille 4 50
♦ Arban. PolkasurlarondeduPontdeNanles 4 50
Philippe Stutz. Polka-mazurka sur la
ronde de Tarabisco 4 50
POLKA DES SABOTS.
♦Wagner. Quadrille 4 50
♦Strauss. Polka 4 50
ORPHÉE AUX ENFERS.
♦Strauss. 1er Quadrille à 2 et 4 mains — 4 50
Adhémar «le Foucault. 2° quadrille. 4 50
♦Arban. Quadrille 4 50
♦Strauss. Polka, à 2 et 4 mains 4 50
♦Musard. Valse 5 »
A. Talexy. Polka-mazurka 5 »
lï. Valiquet. Quadrille facile 4 50
d.-L. Battmann Fantaisie facile 5 »
A.Long'ueviBBe.ChansonduroideBéolie 6 >>
H. RoselBcn. Fantaisie .6 »
F.-L. Srhultcrt. Grand galop 4 50
A. Thadeivaldt. Jupiter, polka 3 75
F. BrïssBer. 2e grande valse 5 »
Ph. Stutz. John Slyx, polka-mazurka. .. 4 50
d.-L. Battmann. Menuet et galop. .. . 5 »
d. OiFenbach. Valse de l'ouverture. .
MARINETTE ET GROS-RÉNÉ.
d. Ch. Mess. Mazurka
LA POMME DE TURQUIE.
11. VaBiqoae*. Rosette
2 50
5 »
2 50
2 50
4 50
3 »
2 50
2 50
2 50
6 »
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2 50
4 50
2 50
2 50
4 50
5 »
5 »
CARNAVAL DES REVUES.
'Musard. Quadrille, 2 et 4 mains. . .
Id. Polka-mazurka de l'Avenir
♦OBTeBuBsaelB. Polka des Timbres
d.-L. Battmann. Tyrolienne de l'Ave-
nir ■
♦OfflfenbacBt. Symphonie de l'Avenir, :
4 mains
LA CHANSON DE FORTUNIO.
d.-L. Battmann. Petite fantaisie variée.
F. Burgmuller. Valse de salon
La même à 4 mains. .
d° en feuille. .
Paul Bernard. Transcription ,
A. Croisez. Morceau de salon
♦Strauss. Quadrille
Le même, à 4 mains
Ph. Stutz. Polka
LE MARI SANS LE SAVOIR.
♦Strauss. Le Bal, valse
Id. Quadrille
4 50
h 50
4 50
4 50
5 »
7 50
7 50
2 50
6 »
6 »
4 50
4 50
4 50
6 »
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H. Valiquet. Concerts des Bouffes-Pari-
siens, 18 petites fantaisies, chacune
Morceaux marqués d'une ♦ sont publiés pour orchestre et septuor.
784. — 28e Année.
MP 43.
TABLETTES
PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 22 Septembre
1861.
L£i£S
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur,
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédacl' en cht-f.
LES BUREAUX , S bis, rue Vivienne. — HEUGEL et O, éditeurs.
(Au Magasins et Abonnement île Musique du MÉNESTREL. — Tente et location île Pianos et Org
CHANT.
1" Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; JO Ilorcei
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2° J!/o(/e d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches ; «O Morceaux i
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CHANT ET PIANO KEt'NIS I
nplct, les 52 Morceaux de citant et de piano, les t Album
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ouscril du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser franco
un bon sur la poste, à MM. UEIir.EI. et t.'", éditeurs du Ménestrel et de/i Maîtrise, 2 bis, rue Vi vienne.
( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. )
Typ. Charles de Mourgues frères,
u-Jacques Rousseau, 8. — 562a
SOMMAIRE.
TEXTI
I. Deuxième Lettre d'un bibliophile musicien. J. d'Ortigde. — II. Tablettes du
pianiste et du chanteur: De l'Origine du piano. A. Cngebet et J.-L. Heugel.
— 111. Semaine théâtrale. J. Lovy. — IV. Théâtre des Bouffes-Parisieus : 1" re-
présentation de M . Choufleury restera chez lui le.. . J. Lovy. — V. lre repré-
présentation de la Lionne de Trouville. Le marquis de Lassay. — VI. Nou-
velles, nécrologie et annonces.
MUSIQUE DE PIANO :
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour:
La transcription de Ch. Neustedt sur l'ALCESTE de GLUCK.
Suivra immédiatement après : La Polka-mazurka des Clercs, composée
par Musard, sur la Chanson de Fortunio, opéra de J. Offenbach.
CHANT:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
LE CHANT BU MARIN
Paroles de 5Ple Clara Reïnard, musique de M1Ie Robert Mazel. — Sui-
vra immédiatement après : Charmants Tyrans du cœur, paroles et
musique de Dorval Valentiko.
LETTRES D'UN BIBLIOPHILE MUSICIEN
AU DIRECTEUR DU MÉNESTREL.
II.
UN SERPENT.
Mon cher directeur ,
Vous avez bien voulu reproduire, il y a quelques mois, dans
le Ménestrel, une ou deux anecdotes musicales que j'avais pu-
bliées dans le Journal des jeunes personnes, sous le titre de :
Un Quatuor patriarcal. Je suis sensible à l'honneur que vous
avez fait à ma prose, en la faisant ainsi passer sous les yeux de
vos abonnés. Je croyais n'avoir à parler que devant un cercle de
petites rieuses, plus rapprochées de l'enfance que de l'adoles-
cence, et, tout à coup, vous me donnez pour auditoire ce qu'il
y a de plus distingué parmi les artistes et les amateurs de musique
de Paris et des départements.
Je ne sais pourtant si je dois pousseT plus loin l'expression de
ma reconnaissance, car, très-involontairement sans doute, mais
très-positivement aussi, vous avez mis, sous ma plume, une grosse
injure à l'adresse de ces mêmes amateurs. Oh! ne vous ré-
criez pas! Cela est ainsi. Quand je dis vous, ce n'est peut-être
pas vous, monsieur l'Éditeur, mais c'est alors vous, monsieur
l'Imprimeur, qui êtes le premier coupable; mais c'est toujours
vous, monsieur l'Éditeur, qui devez corriger les fautes de votre
imprimeur, sous peine de les endosser, a moins que vous ne les
fassiez endosser au pauvre auteur, ce qui est, en effet, plus com-
mode.
Or, voici en quoi consiste cette grosse injure. Ainsi que je l'ai
dit, mon article était intitulé : Un Quatuor patriarcal. Ces
mots étaient imprimés en grosses capitales dans le numéro de dé-
cembre 1860, du Journal des jeunes personnes. Vous, — vous,
Éditeur, vous, Imprimeur, peu importe, — me faites dire: Un
Quatuor d'amateurs. Ma foi, cher directeur, ceci est grave! Moi,
qui professe une haute estime pour les amateurs en général, et
en particulier pour les Cap, les David, les de Trémont, les Qui-
nefault, les Raoul, les de Sayve, les de Bèze, les Brochant de
.Villiers, les de Rémusat, les Lecourt, les de Sauzay, les et
cœtera, et coetera, car la liste est longue ; moi, qui connais des
quatuors d'amateurs presque aussi parfaits que des quatuors
d'artistes, vous voulez que j'enveloppe tous ces amateurs dans la
même réprobation, et que je les suppose tous capables de jouer
un quatuor de Pleyel à trois, en supprimant la partie d'alto, et
un quatuor de Beethoven à cinq, en doublant, par une guitare,
la partie de second violon ! Non, mon cher directeur, je proteste,
je me révolte, je m'insurge contre une aussi calomnieuse suppo-
338
LE MÉNESTREL.
silion, non moins insultante pour moi que pour lesdits ama-
teurs, et, puisque j'ai la plume en main, souffrez que j'en profile
pour écrire au beau milieu de votre journal, ces mots :
ERRATA.
Voir les numéros du Ménestrel qui contiennent un article
intitulé : Un Quatoor d'amateurs; effacez et lisez : Un Quatuoii
PATRIARCAL.
Voilà qui est dit. Je me tiens pour satisfait.
Quoi qu'il en soit, mon cher directeur, cet article me valut
une jolie lettre d'un amateur distingué, homme de trop d'esprit
pour se formaliser de mon titre malencontreux, et qui voulut
bien ajouter une nouvelle anecdote aux deux que j'avais racon-
tées. Cet amateur est M. Carlier aîné, ancien agent de change à
Dunkerque. Je ne saurais mieux faire que de copier littéralement
sa lettre. Je me trouve néanmoins embarrassé dès les premiers
mots, à cause d'une épilhète flatteuse dont mon aimable corres-
pondant m'a gratifié, et que j'aurais peut-être l'air de m' attri-
buer à moi-même en la répétant. Je ne doute pas que si je vous
consulte sur ce point, vous n'hésitiez pas à me dire qu'il faut
savoir me mettre au-dessus de ces petites affectations de modestie,
et que, puisque M. Carlier est un homme excessivement poli, je
dois lui laisser tout le mérite de sa courtoisie.
Je transcris donc la lettre de M. Carlier, sans aucun scrupule
pour le spirituel récit que je lui renvoie à bon droit.
Paris, Il juillet 1861.
A m. d'ortigue, au Ménestrel.
Monsieur,
Votre spirituel récit du Quatuor d'amateurs (sic), m'a fort réjoui, en me
rappelant une scène du même genre qui m'est arrivée à moi-même, et que
je suis tenté de vous raconter.
C'était en 1808; j'avais alors 14 ans, et je jouais passablement du violon,
à preuve que nous exécutions tout Haydn , Boccherini , que les anciens
appelaient h femme de Haydn, Mozart, les premiers quatuors de Beetho-
ven, même les trois grands dédiés au prince Radoumowski. Vous voyez
déjà que je n'habitais pas Paris, et que je suis d"un département qui, en
fait de musique, a devancé de beaucoup la capitale. Il y a plus de trente
ans que nous y chantions l'Oberon, de Weber, Jessonda, de Spohr, Can-
temir, de Fesca, que Paris connaît à peine. Bref, j'étais Flamand, du dé-
partement du Nord. Ami intime, dès ce temps-là, de de Coussemaker, au-
teur de V Histoire de l'harmonie au moyen âge, j'ai été fort lié avec le bon
Niedermeyer, que nous venons de perdre, et je le suis encore avec Char-
reire, l'aveugle, organiste de Limoges.
Je vous cite tout cela, Monsieur, pour vous persuader que j'ai connu, et
que je connais mieux en musique que ce que je vais vous raconter.
Donc, je jouais assez proprement du violon en 1808 ; j'avais entendu
Rode et Lafont, tour à tour de passage à Dunkerque, et, en outre de la
bonne musique que nous faisions avec un groupe d'assez bons amateurs,
mon maître, qui était glorieux de son élève, me mettait volontiers, comme
on dit, à toute sauce.
Or, un jour il arriva, dans la localité, un nouveau musicien qui s'offrit
pour'jouer la partie de cor à l'orchestre du théâtre ; mais, vous savez qu'eu
province, tout en jouant d'un instrument à vent, on a besoin de plusieurs
cordes à son arc pour faire flèche, c'est-à-dire pour gagner sa vie. Après
avoir soupe du théâtre, notre musicien avisa qu'il pourrait bien, le lende-
main , déjeuner de l'autel. Il se présenta donc, en qualité de serpent, au
voyal de la paroisse. Pour être agréé à cet emploi, il lui fallait prouver
qu'il était capable de le remplir, et mon maître de violon, qui le patronait,
ne trouva rien de plus décisif que d'annoncer une séance solennelle, où
l'on entendrait un serpent, mais un serpent des plus agréables, comme
dit Molière , descendant en droite ligne de celui qui séduisit notre grand"-
mère Eve. Au jour fixé, ce fut moi, Monsieur, qui fus choisi pour lui don-
ner la réplique, et voici dans quel morceau. Nous jouâmes un quatuor de
Haydn, de l'œuvre 33, s'il m'en souvient, dans lequel ce fut un serpent qui
fit la partie de violoncelle t.. . et cela, Monsieur, devant un auditoire de
soixante personnes, venues de toutes parts pour entendre celle merveille !
Depuis lors, grâce à ma complaisante entremise, j'ai eu le plaisir de voir,
pendant plus de 25 ans, ce serpent dessiner sa noire silhouette sur le blanc
surplis de son maître, et d'entendre ses mugissements accompagner les
chantres aux processions de la paroisse. Aujourd'hui, il y a 53 ans de cela,
j'en frémis encore, et je bénis le ciel qui nous a délivré du Serpent, ce
monstre odieux, au dire de Boileau.
Agréez, Monsieur, mes salutations les plus cordiales,
CARUEH.
Voilà une anecdote piquante , mou cher rédacteur ; de plus,
gentiment narrée, et je suis bien aise d'èlre pour quelque chose
dans sa publicité. Mais, avez-vous remarqué la phrase où mon
honorable correspondant dit avec beaucoup de finesse : « Vous
voyez déjà que je n'habitais pas Paris »? Eh bien! mon cher
directeur, ce que M. Carlier dit de certaines villes du Nord, qui,
en fait de musique, avaient devancé la capitale, je le puis dire
avec autant de raison de certaines villes du Midi. Oui, à Nismes,
il y avait une société d'amateurs qui exécutaient les derniers qua-
tuors de Beethoven , alors qu'ils étaient inconnus à Paris. Rossi,
le fameux dentiste de la place des Victoires, que plusieurs
d'entre nous ont connu , qui avait chez lui deux séances de qua-
tuors par semaine, m'a affirmé le fait. J'ai entendu moi-même
à Marseille ces mêmes quatuors de Beethoven, et quatre ou
cinq symphonies du maître , la première en ut, la deuxième en
ré, la troisième (l'Héroïque), la Pastorale, exécutées cinq ou six
ans avant la fondation de la Société des concerts.
Maintenant, mon cher directeur, je vous devine, vous vous
adressez au bibliophile, et vous désirez, puisque nous voilà à
peu près délivré du Serpent dans les églises, qu'avant de termi-
ner ma lettre, je vous donne quelques renseignements sur l'ori-
gine du rauque et énorme reptile qui enlaçait jadis le lutrin de
ses replis ;
Sa croupe se recourbe en replis tortueux.
Voici ce qu'en dit l'abbé Lebeuf dans le Mercure de France
de juillet 1725, p. 1602 : « Si l'on pouvoit juger des siècles pas-
sés par ce qui se voit aujourd'hui, on pourroit dire que du temps
de saint Germain, on jouoit du Serpent dans l'église de Notre-
Dame (de Paris) : Inde senex largam ructat ab ore tubam. Y
a-t-il un instrument de l'église qui mérite mieux le nom de lar-
ga tuba qu'un serpent? Néanmoins, on ne peut pas traduire
ainsi la pensée de saint Fortunat, parce qu'il est certain qu'il n'y
a guère que six vingt ans que cet instrument a été inventé en
France, ainsi qu'il est marqué dans un des Mercure. »
Celte dernière indication est précieuse, en ce qu'elle fait re-
monter l'usage du serpent parmi nous, environ à l'année 1605.
Vous avez vu, dans ma précédente lettre, les Serpents d'Avignon,
canonner les oreilles du bon Louis XIII, à son entrée dans la
ville des papes, en l'an de grâce 1622.
Mais ce que beaucoup de gens ignorent, c'est qu'un professeur
de serpent 'a Paris, nommé Imbert, de Sens, a publié un livre
dont le titre est fort curieux. Je le donne tout au long :
« Nouvelle méthode ou principes raisonnes du plain-chant
dans sa perfection, tirés des éléments de la musique, contenant
aussi une Méthode de Serpent pour ceux qui en veulent jouer
avec goût, où l'on trouve des cartes pour apprendre à connoi-
tre le doigter, etc. On y trouvera aussi des pièces de basses, des
variations et des accompagnements pour ledit instrument. —
Sans avoir recours à d'autres livres, les maîtres trouveront dans
ladite méthode toutes sortes de pièces de chant choisies, comme
duo, trio, quatuors, messes, proses, hymnes, antiennes, répons,
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
339
et autres pièces de composition en parties, pour enseigner à
leurs élèves. Paris, chez la ve Ballard, 1780, 268 pp. in-12. (La
maison même de l'imprimerie du Ménestrel.)
Des variations! avez-vous entendu? Des variations pour le
serpent !
Quand vous aurez bien savouré tous les charmes de ce titre,
adressez-vous, mon cher directeur, au bibliophile par excellence,
le savant M. Anders. Il vous en dira bien d'autres sur l'histoire
de ce désastreux engin, comme l'appelait M. F. Danjou.
J. d'Ortigce.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
DE L'ORIGINE DE PIANO.
Nous avons publié, il y a quelques semaines, plusieurs articles
de M. G. Bénédit sur l'Exposition universelle de Marseille dans
laquelle les instruments de musique occupaient une assez large
place. M. Bénédit ne s'était point borné à une simple nomencla-
ture des instruments exposés. Pour donner de l'intérêt à son tra-
vail, il avait traité en musicien littérateur, non-seulement l'ori-
gine des instruments, mais aussi leur transformation, en parlant
des grands artistes dont le nom se rattache de loin ou de près à
cette transformation. Le piano ne pouvait être et n'était point
oublié dans cet aperçu historique, et c'est à ce sujet que nous
avons reçu, en son temps, la lettre suivante, que nous insérons
un peu tard dans ces Tablettes du pianiste, la place nous ayant
manqué jusqu'ici. Il va sans dire que nous publions ce docu-
ment sous toutes réserves, nous tenant prêt à accueillir toute rec-
tification de nature à éclairer la question.
a monsieur le directeur du Ménestrel.
Monsieur ,
Je viens faire quelques observations relativement a l'article
publié par le Ménestrel, le 18 août 1861, et signé : G. Bé-
nédit. Cet article, excellent quant au fond, contient quelques er-
reurs que je vais essayer de relever.
Je ne vous présenterai pas mes données comme certaines ; je
n'ai d'autre prétention que de faire profiter vos lecteurs du fruit
de mes recherches.
M. Bénédit attribue l'invention du piano à Cristofari, en l'an-
née 1718. Nos dates ne sont pas très-éloignées l'une de l'autre,
puisque je donne, comme date de l'invention, 1717, seulement
nous ne sommes pas d'accord sur les noms propres. D'après mes
éludes, l'inventeur du piano est Emmanuel Schrceder de Hohen-
stein, dans la Saxe, élève de l'école de la Croix de Dresde, plus
lard organiste à Nordhausen.
J'ai trouvé, comme M. Bénédit, l'histoire du piano de Silber-
mann; mes souvenirs d'enfance me la redisaient aussi. Toute-
fois, le premier piano construit par Silbermann n'est venu que
cinquante ans après celui de Schrceder, et alors que l'usage du
piano était déjà fort répandu en Allemagne.
Lors de l'invention de Schrceder, on se servait de pianos à
queue, dont les cordes étaient mises en vibration par des becs
déplume, comme le dit, au reste, fort bien M. Bénédit, ce sys-
tème défectueux, qui ne permettait pas au pianiste de varier la
couleur de son jeu , qui ne lui permettait pas de faire les piano
et les forte, et donnait par conséquent à l'instrument une ef-
frayante monotonie. Ce système défectueux donna fort à penser à
Schrceder; il chercha un moyen de perfectionnement et imagina
de se servir de marteaux pour produire les vibrations.
Au moyen de cette invention , le pianiste devint le maître de
l'instrument dont il avait été jusqu'alors l'esclave ; il pouvait
désormais produire les sons forts et les sons faibles.
Schrceder comprit si bien la portée de sa découverte, qu'il crut
ne pouvoir mieux la caractériser qu'en appelant l'instrument
transformé : Forte-piano ou Piano-forte.
Le peu de Forte-pianos construits par Schrceder et d'autres,
étaient encore très-imparfaits, et les pianos existant alors préva-
lurent encore pendant quelque temps.
Le premier perfectionnement est dû à Gollûed Silbermann,
facteur d'orgues de la cour de Freiberg, dans la Saxe. Comme
son père, de Strasbourg, il construisait d'assez bons Piano-forte.
Le mécanicien et organiste Jean-André Stein, d'Augsbourg, fit
des améliorations dans le mécanisme, et son système a été géné-
ralement suivi en Allemagne.
Il se rendit à Vienne, où il établit une fabrique. Tous les fac-
teurs l'ont fidèlement copié jusqu'à une certaine époque ; ses suc-
cesseurs ont conservé le fond de son invention et ne peuvent se
vanter que de quelques petits perfectionnements.
En Angleterre, on n'a pas manqué de prendre à l'Allemagne
son idée, et ce fut celle de Silbermann, car le mécanisme sur-
nommé V anglais, n'est qu'un perfectionnement de Silbermann.
En Allemagne, l'idée de Silbermann sévit remplacée par celle
de Stein. D'un autre côté, celle de Silbermann fut transportée
d'Angleterre en France, et d'abord à Paris,
La fabrique Erard, la première établie à Paris, fit long-
temps seule époque. Enfin , plusieurs Allemands de talent réus-
sirent à leur tour à se faire jour dans cette ville, et en firent la
première école pour la construction du piano. Le plus célèbre,
parmi ces derniers fut Petzold.
En Allemagne, on vit de temps en temps quelques efforts vers
la perfection, mais les fabriques de Vienne firent tant et si bien,
qu'elles inondèrent de leurs produits tous les pays, ce qui eut un
déplorable résultat : les tendances vers le mieux furent étouffées.
Grunneberg de Halle construisit, en l'année 1821, le premier
piano droit. Quoique l'essai qu'il fit laissât encore beaucoup à
désirer , il n'en est pas moins vrai que c'est à lui que nous devons
cette excellente invention.
En 1827, Roller construisit aussi des pianos droits, mais éga-
lement très-imparfaits.
A Paris surtout , on goûta beaucoup cette nouvelle forme à
cause de sa commodité. Tous les facteurs ont concouru au per-
fectionnement du piano droit, particulièrement Dietz.
C'est donc aux Allemands que nous devons l'invention du pia-
no , la plus grande partie de ses perfectionnements, et enfin, le
piano droit , qui reste comme la forme la plus gracieuse et la
plus commode connue jusqu'à nos jours, comme aussi l'expres-
sion la plus pure de leur génie mécanique pour cet art qui va si
bien à leur caractère tnélancolique et rêveur.
Alfred Ungeret,
Organiste à Craon (Mayenne).
28 août 1861.
3ïO
LE MÉNESTREL
En ce qui nous concerne, nous aurons garde de discuter les
dates et les noms de M. Ungeret, qui ne les fournit du reste
qu'à l'état de simples renseignements, appelant comme nous la
lumière sur les faits. Mais ce que nous constaterons dès aujour-
d'hui, c'est que dans tous les cas, si la France doit à l'Allemagne
l'origine des mauvais forte-pianos, en revanche l'Allemagne
doit à la France la fabrication perfectionnée des bons et véritables
pianos, ceux sur lesquels les virtuoses de tous les pays aiment à
faire eonsacrer leur talent. Ce dernier point, aussi incontestable
pour l'Allemagne que pour l'Angleterre, rattache d'une manière
indissoluble le nom d'Erard à l'invention du piano, comme s'y
rattacheront longtemps encore les noms de Pleyel, Pape elRoller,
grâce à l'excellence de leurs instruments et aux progrès mécani-
ques dont les pianos carrés et les pianos droits sont redevables
à ces deux derniers facteurs.
Comme on le voit, l'histoire du piano diffère essentiellement
des hauts faits du violon et du violoncelle. En Italie, les Stradi-
varius, les Guarnérius, les Amati, restent les Benvenuto Cellini
de la lutherie, malgré les efforts et les succès deM.Wuil-
haume en France, tandis que les Christophe Colomb du piano
demeurent ensevelis, outre-Rhin, dans l'oubli le plus complet.
Les Erard, les Pleyel, les Pape, les Roller, voilà les Stradi-
varius, les Guarnérius, les Amati du piano, sans compter
que, de leur côté, MM. Henri Herz et Woelfel assurent, pour le
présent et l'avenir, à la fabrication de ce genre d'instruments
en France, une continuation de supériorité telle que les facteurs
allemands et anglais ont dû renoncer à nous suivre. Il est vrai que
ces messieurs se dédommagent sur la quantité, et sans y perdre,
bien entendu, au point de vue commercial.
Puisque nous nous sommes laissé entraîner à ces quelques
lignes sur les mérites incontestables et incontestés des pianos nés
français (1), et que nous avons prononcé, au passage, le nom cte
Woelfel , saisissons cette occasion de rendre hommage à ce fac-
teur célèbre entre tous. Non-seulement il se signale par sa supé-
riorité toute personnelle dans l'industrio du piano vertical, dont
il a fait un instrument plein de perfections et d'enchantements,
mais il se distingue aussi par une sorte de puritanisme condam-
nable qui le porte a s'isoler et à s'éloigner de nos expositions pu-
bliques, où il sait bien que la première place lui serait acquise de
droit.
De la part d'une jolie femme, cet excès de modestie ou plutôt
cette renonciation préméditée aux hommages d'ici-bas, s'appel-
lerait de la coquetterie, et de la plus raffinée ; chez M. Woelfel,
c'est tout simplement, croyez-le bien , l'austérité d'un ermite
qui s'est fait facteur de pianos.
J.-L. Heugel.
SEMAINE THÉÂTRALE.
Le ballet du Papillon, de Mlle Taglioni et de M. de Saint-
Georges, musique de M. J. Offenbach, a repris sa place sur
l'affiche de I'Opéra, etFarfalla, sous les traits deMlle Emma
Livry, a retrouvé ses bonds aériens et ses chauds admirateurs.
(1) Nous disons pianos nés français, parce qu'en définitive, bien que
maints célèbres facteurs de pianos soient d'origine allemande, leurs pro-
duits n'en sont pas moins essentiellement français.
Il y a foule à chaque représentation de ce gracieux ballet. —
On nous annonce VAlcesle, de Gluck, pour le 2 octobre. Une
indisposition de Michot avait retardé les études de l'ouvrage; cet
artiste étant complètement rétabli, les répétitions générales
viennent de commencer à l'orchestre. — M"e Marie Sax, dont
la santé a été plus cruellement éprouvée, est venue également
se mettre à la disposition de l'administration; elle va reprendre
son service, et ce sera sans doute dans Robert-le-Diable. — Nous
aurons dans une quinzaine de jours, dit notre confrère l'En-
Ir'acte, le début impatiemment attendu de Faure, dans Pierre
de Médias. On attend le retour du prince Poniatowski, qui est
en ce moment en Italie; on a besoin de l'œil du maestro pour
surveiller l'effet, à la scène, des changements qui ont été appor-
tés à la partition : il y a un air ajouté à la fin pour Mme Guey-
mard;les dernières scènes ont été complètement modifiées; au
lieu du dénoûment si triste que nous connaissons, on verra dé-
sormais le duc Pierre de Médicis unir son frère à Laura. — Les
répétitions du petit opéra de M. Alary et du ballet de V Étoile de
Messine se poursuivent aussi avec une grande activité. Ces deux
ouvrages seront donnés à la même époque, en novembre. — Nous
aurons donc, dans l'espace de deux mois, trois premières repré-
sentations à l'Opéra : une œuvre de Gluck, un opéra en deux
actes et un ballet en six tableaux. — La Reine de Saba, de
M. Gounod, ne doit venir qu'un peu plus tard cet hiver : cepen-
dant Gueymard, Belval et Mme -Gueymard, ont déjà commencé
l'étude de leurs rôles.
Un des premiers ouvrages représentés celte année au Théâtre-
Italien sera l'Anna Bolena de Donizetti, qui n'a pas été donnée
depuis plusieurs saisons. Cette reprise aura lieu vers la fin d'oc-
tobre, avec Mmc Alboni dans le principal rôle. Le personnage
d'Henri VIII aura pour interprèle Beneventano, le baryton, dont
la magnifique voix est appelée à la succession de celle deGraziani.
L'ouverture, fixée au mardi 1er octobre, aura lieu par II Ma-
trimonio. Mmc Alboni, Penco et MUe Battu s'y feront entendre
en compagnie de MM. Bélart, Badiali et Zucchini.
Les soirées extraordinaires données cette semaine par Roger
ont exercé une vive attraction sur la foule, et I'Opéra-Comique
a réalisé deux bonnes recettes; on s'y attendait. Mais nous avons
déjà exprimé notre opinion sur ces intermèdes de chant poly-
glotte, et nous donnons rendez-vous à Roger dans les Mousque-
taires. L'affiche annonce Haydée pour mardi. — C'est à tort,
dit un journal des théâtres, qu'on avait annoncé qu'une indis-
position de Mrae Faure retardait la reprise du Postillon de Lon-
jumeau. Mme Faure se porte à merveille. Le retard est dû à un
congé de M. Monlaubry, lequel congé finit le 28 de ce mois,
(Voir aux nouvelles diverses.)
Le Théâtre-Lyrique s'occupe de l'opéra de M. Semet.
Ondine, — tel est le litre de cet ouvrage, — aura pour principa-
les interprètes MllesBaretti et Girard. Don Quichotte, de M. E.
Boulanger, va être également mis à l'étude. On parle aussi d'un
opéra intitulé : le Puits de la Madone.
* *
Le Vaudeville vient de reprendre une des plus spirituelles
comédies de son répertoire, les Femmes terribles, trois actes
de M. Dumanoir. Mlle Fargueil la parfaite comédienne, Félix,
Parade, Munie, etc., font toujours supérieurement valoir toutes
les piquantes situations de celte pièce. — M. Sardou a lu ces
jours-ci aux artistes du Vaudeville une comédie en quatre actes
ayant pour titre : Nos Intimes.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
341
Le Palais-Royal prépare plusieurs nouveautés, entre autres
une opérette de MM. Lefebvre et Théodore Blangini : la Ven-
geance de Pierrot. On dit le plus grand bien de la musique.
Le drame de l'Invasion, annoncé à la Porte-Saint-Martin,
a été décidément interdit. C'est l'éternelle féerie du Pied de
Mouton qui va s'enrichir des épaves de cette interdiction. Douze
poneys avaient été 'dressés pour prendre part aux charges de
V Invasion, etles valeureux coursiers vont être, nous assure-t-on,-
utilisés dans une sorte de carrousel qui sera annexé à l'épopée
de Gusman, Lazarille et Nigaudinos.
Le Tiiéatre-Déjazet, restauré et embelli, vient de r'ouvrir
avec les Chevaliers du Pince-nez, empruntés au répertoire des
Variétés, et deux vaudevilles nouveaux. Dans les Pince-nez, les
honneurs ont été pour Raynard, qui a gardé le type créé par lui
d'une façon si originale sur la scène de M. Cogniard. Mn,e Bois-
gontier joue aussi dans cette pièce le rôle qu'elle a créé et s'en
acquitte avec sa rondeur habituelle. — Les deux vaudevilles,
Tricornot, de M. Boy, et le Nabab de la rue Chapon, de
M. Pervillié, ont été fort bien accueillis : — le tout sans préju-
dice des autres nouveautés promises. On parle d'un riche pro-
gramme d'hiver : nous y croyons, — Déjazet aidant.
J. Lovy.
BOUFFES-PARISIENS.
RÉOUVERTURE.
M. Choufleury restera chez lui le..., opéra -bouffe en un acte, de
MM. Saint-Rémï et Jacques Offenbach. — La Chanson de Fortunio.
Les oiseaux moqueurs sont rentrés dans leur cage du passage
Choiseul. Septembre nous a rendu ce désopilant répertoire et
ces vives chansons, et cette joyeuse troupe dont l'Allemagne s'est
encore délectée cet été à la barbe des puritains et des rigoristes.
Avec la reprise de la Chanson de Fortunio, nous avons eu
la première représentation d'une opérette des plus humoristiques
et parfaitement appropriée au terroirdes Bouffes : M. Choufleury
restera chez lui le. . .
Ce n'était pas précisément une première représentation pour
tout le monde : on se rappelle que les salons de M. le comte de
Morny avaient eu, l'hiver dernier, la primeur de cette opérette,
car S. Exe. le président du Corps législatif, est inséparable de
M. Saint-Rémy, l'un des auteurs.
Ce M. Saint-Rémy nous avait déjà fourni un échantillon de sa
verve et de son savoir-faire dans le Mari sans le savoir. Sa nou-
velle partitionnette achève de le classer parmi les maestri du
genre, de droit et de fait, puisqu'il y a collaboration avec M. J.
Offenbach.
Quant au libretto, il n'a provoqué, tout au plus, qu'un seul
accès d'hilarité, mais cet accès a duré toute la soirée. C'est du
comique de haute pression. Jugez-en.
M. Choufleury s'est retiré des affaires après avoir amassé une
assez belle fortune dans le commerce des matelas. Il lui est donc
enfin permis de réaliser le rêve de toute sa vie : avoir son jour
de réception! et voilà notre homme qui expédie à tous les hori-
zons de Paris, par milliers d'exemplaires, une lettre d'invitation
ainsi conçue : M . Choufleury restera chez lui le 24 janvier 1833.
On fera de la musique avec le concours de Tamburini, de Ru-
Uni et de Mme Sontag.
Le grand jour est arrivé. Choufleury ressent la plus vive émo-
tion : c'est la première fois qu'il ouvre ses salons, mais comme
il a l'instinct des choses du monde, il transforme son domestique
belge en groom, anglais, lui enseigne les devoirs d'un laquais de
bonne maison, lui montre à présenter les rafraîchissements, etc.,
etc. — Mais, ô contre-temps ! ô désappointement ! Tamburini,
Rubini et la Sontàg, écrivent que, « se trouvant enrhumés, d'un
« commun accord, ils regrettent de ne pouvoir accepter l'invita-
« tion de Choufleury. » — Que faire? que résoudre? Les invités
vont arriver, et on leur a promis les chanteurs italiens ! — Heu-
reusement voici M"e Ernestine Choufleury, qui, en fille dévouée,
tire son père de son affreuse perplexité. Rabylas, l'amoureux de
Mlle Ernestine, jouera le rôle de Rubini ; M1'6 Ernestine (que les
invités ne connaissent pas), se présentera sous le nom de Son-
tag, et Choufleury, lui-même, remplacera Tamburini.
L'heure du concert a sonné. Ce concert est indescriptible.
La musique vous offre le paroxysme de l'école italienne avec ses
finales-poncifs, ses unissons à outrance, ses crescendo et le coup
de grosse caisse obligé. Quant au texte chanté, c'est un mélange
d'auvergnat et de termes culinaires : macaroni, ravioli, etc.
L'auditoire est dans le ravissement ; et quand Choufleury, qui
est allé ôter son costume, reparaît dans son salon, on l'entoure
pour lui prodiguer les félicitations et les remercîments.
Il faut que tous ces invités soient de grands connaisseurs en
musique, car tous ils croient sincèrement avoir entendu Rubini,
Tamburini et la Sontag.
Une seule personne pourrait leur révéler le stratagème dont on
a usé: c'estM. Babylas; mais pour payer son silence, Choufleury
lui accorde sa fille en mariage, comme cela se pratique dans tous
les dénoùments de pièces.
Joignez au texte de cette pochade, à ses franches saillies, une
musique des plus piquantes, et vous ne vous étonnerez pas du
succès de M . Choufleury. On a particulièrement applaudi les
couplets avec accompagnement de guitare et ceux du domesti-
que : Je ri -peux pas tout faire à la foaaa; puis le trio : C'est Ba-
bylas, et enfin la grande scène du concert.
Les acteurs ont généralement aidé à la réussite, surtout Désiré
(Choufleury), Potel (Babylas), la débutante Mlle Auciair (Ernes-
tine), et Marchand, qui donne au rôle du domestique une phy-
sionomie des plus divertissantes.
Que dire de la Chanson de Fortunio qu'on n'ait répété cent
fois? Cette mélodieuse partition a de nouveau charmé la salle
entière et la charmera bien longtemps encore. Une demoiselle
Hélène a remplacé M"e Chabert, dont on regrette le départ.
Mais M,le Pfotzer est toujours la reine de cette fête de chaque
soir, comme le colossal Rache est le roi des petits clercs.
J. Lovy.
LA LIONNE DE TR0UVIL1E.
COMÉDIE - PROVERBE.
(lre représentation.)
Le Musée des Familles vient de recevoir un honneur insigne
et de conquérir un gracieux chevron.
Il y a quelques jours, son rédacteur en chef m'écrit de sa re-
traite maritime de Villers-sur-mer : « Prenez le chemin de fer
de l'Ouest à onze heures, après avoir déjeuné à Paris, et venez
342
LE MÉNESTREL
dîner avec moi à Trouville. Je vous ménage une surprise au
sortir de table. »
J'obéis, je pars et j'arrive. Ce n'est pas plus difficile que cela.
Je vois Trouville en fête; j'y trouve tout Paris ; et de grandes
afficbes m'annoncent ma surprise : « Ce soir, au théâtre, pre-
mière représentation : la Lionne de Trouville, ou la Fleur des
Pyrénées, comédie-proverbe, de M. Pitre-Chevalier, tirée du
Musée des Familles (1), jouée par des artistes du théâtre impé-
rial de l'Odéon, des Variétés, du Vaudeville et du Gymnase. »
Je remarque au Casino, sur la plage , dans les rues, devant les
hôtels, un mouvement, un brio, une curiosité extraordinaire. Je
reconnais, à leurs toilettes, dans leurs équipages, à leurs insignes
ou à leurs parures, une foule de sommités et d'éloiles parisiennes,
c'est-à-dire européennes : les Gabriac, les Pasquier, les Barban-
tane, les de Boigne, les Magnan, Octave Feuillet, Louis Enaull
sur son cheval arabe, les princes Murât, Dolgorouky, Esterhazy,
Ghyka, Meyendorf, Bariatinsky, les La Guéronnière, les Barrot,
les Maillé, les Pourtalès, MM. Rolle, Flandin, Adam-Salomon,
Crémieux, Panckoucke, Belly, Firmin Didot, les belles marquises
et comtesses de Galiffet et Erlanger, les Gavai, les Rothschild,
les Menessier-Nodier, les Hély-d'Hoissel, les d'Assonville, les
Bourgouin, les Soubeyran, la princesse de Metternich, lord et
lady Cowley; — les comtes de Maistre, Alard, Hermann, Go-
(1) Tome XXI, page 369. L'auteur n'a fait qu'ajouter pour Trouville un
premier titre et une scène de circonstance , dont voici le morceau essentiel
et local :
(Première scène. — Fragment. |
WILHEM.
Mme de Tassis a aussi sa victoire et son ruban ! Vous ne savez pas ce
qu'elle vient de faire en Normandie, et pourquoi on l'a surnommée la
Lionne de Trouville?
SIR CHARLES.
Quelque nouvelle folie ! Je veux l'ignorer ! — Qu'a-t-elle donc fait à ce
Trouville, où je n'ai pu la rejoindre?
WILHEM.
Une folie qui lui vaudrait la croix, vous dis-je, si on décorait les che-
mises rouges. Vous savez que Trouville est la perle de la Manche, le Bade
maritime de l'Europe.
SIR CHARLES.
Certes ! je connais ce lieu de délices, où la roulette s'appelle honnêtement
l'écarté, où l'argent va au trot, où le plaisir vient au galop, où la morale va
et vient sans se gêner ; où se font les mariages d'inclination et se défont
les mariages de convenance ; où le sexe faible bat à la nage le sexe laid, où
Guillaume Ier a inventé l'Angleterre, et Laborde le quadrille des Lanciers ;
où l'on couche en août sur des canapés normands à 10 francs par nuit; où
les princes en disponibilité vont chercher l'équille, et les ambassadrices en
vacances pêcher la crevette; mascarade élégante où les hommes se dégui-
sent en canotiers et les femmes en soldats de Garibaldi ; Eden plantureux
découvert par Mauzin et Isabey, par Alphonse Karr et Alexandre Dumas ;
chef-lieu de l'art, du confort et de la mode, créé par MM. Vallée, de Gisors,
d'Hautpoul , Cordier , le docteur Olliffe et le baron Clary , entre une mer
d'azur, une plage d'or et des prés bois d'émeraude; futur Havre-de-Gràce,
quand il aura son chemin de fer, ses bassins de refuge et son boulevard de
Caen, qui se prononce déjà boulevard de Gand; rendez-vous des lions fa-
tigués, des Parisiennes sur les dents, des malades qui se portent bien, des
oisifs qui tuent le temps, des demoiselles à pourvoir, des veuves à consoler,
des chasseurs de dot aux abois ; salle de bal et de concert qui a l'Océan
pour orchestre, — où les danseurs se délassent en valsant à corps perdu ;
où les tritons, hélas ! sombrent parfois entre deux quadrilles en faisant la
planche à marée basse . . . Mais dis-moi donc l'aventure de la comtesse.
WILHEM.
C'était précisément le jour fatal. . . que vous savez, etc.
L'eflet de cette apologie au sel attique a été curieux au théâtre : d'abord
une moue coquette des lionnes, un sourd grognement des tigres; puis un
sourire de bonne humeur, un éclat de rire général, et enfin un tonnerre
d'applaudissements.
defroid, Decaën, Vanmarck, etc., accourus de Villers ; le duc de
Padoue, Hébert (de La Malaria), Violet-Leduc, les Garcia,
M. Palin (des Quarante), Géraldy, etc., débarqués de Reuze-
val ; les Byron-Gontaut, les Quélus, les Casa-Mayor et les Fitz-
James arrivés de Cabourg-Dives, etc., etc., que sais-je encore?
Le tourbillon élincelant de toutes les aristocraties du trône, delà
grandeur, de la fortune, de la mode et du plaisir ; le boulevard
Italien par un beau soir de première représentation au grand
Opéra !
Je me rends au théâtre avant la soirée. Autre surprise ! Une
page exquise et amusante du Roman comique de Scarron ; un
chapitre frappant de l'histoire de notre siècle improvisateur! Un
grand édifice tout neuf, à peine achevé ! Une ébauche de salle,
de scène et de coulisses; des escaliers de bois blanc et des ara-
besques charmantes ; de vastes loges avec des chaises de paille,
ça et là quelques fauteuils d'abonnés; un amphithéâtre comme
celui de l'Opéra, et des bancs comme les tréteaux de la foire. Un
piano d'Erard pour tout orchestre. Là des murailles sans en-
duit, ici des marines et des panneaux dorés. Dans la coulisse, le
bureau de la douane près du magasin de décors. Un pêle-mêle
artistique d'accessoires , de meubles, de manteaux d'Arlequin,
de paravents, de caisses d'emballage, etc. Un établi de menui-
sier, des soupières à fleurs rouges, des outils, des bouquets; des
dîners de carton, des journaux et des brochures; le baril de
cidre du concierge à cheval sur la malle du premier rôle. (Un
Normand n'oublie jamais son cidre!) Deux loges d'habillement,
en châssis de toile : côté des hommes, côté des dames. Là, des
épées, des moustaches, des valises, des rapières, des pistolets,
des costumes de ville et de théâtre. Sur la porte des dames, des
croquis malins, l'inscription : Les femmes n'entrent pas ici.
C'était hier la loge des messieurs : les deux sexes ont permuté
pour monter la Lionne de Trouville ! 'ici, des falbalas, des
bouteilles de Champagne, des pots de rouge, des savons anglais,
des fleurs et des miroirs surtout, ce double fond de l'art théâtral.
Avec des fleurs et des miroirs, on trouve des Mars et desRachel
à discrétion. Point de valets ni caméristes ; ces messieurs et ces
dames s'habillent et ces dames s'habillent entre eux et entre elles.
Mlles Heymann et Solanges lacent M1,e Lefresne, M. Demarcy
coiffe M. Linge. 0 soif de l'art et du plaisir , quels miracles ne
faites-vous pas !
Mais le moment solennel arrive. La salle est allumée. La
voilà pleine'! Tout ce beau monde éblouissant l'envahit comme
une avalanche. Quelques parents de l'Empereur ont des fauteuils
d'étoffe apportés du dehors. Les princesses installent leurs den-
telles et leurs diamants sur les chaises de paille. Les marquis, les
ambassadeurs, les ministres, les artistes, les savants et les écri-
vains illustres se perchent sur les bancs de sapin. Les pierreries,
les beaux yeux remplacent les luslres absents. On commeuce, on
joue, on applaudit. Je n'ai jamais vu d'entrain pareil, de bravos
plus spontanés, de battements de mains plus unanimes. M. De-
marcy enlève avec un double talent le double rôle de sir Charles.
MUe Lefresne gagne, en maniant l'éventail de Mme de Tassis, un
magnifique engagement pour la Russie, qu'elle signe dans sa
loge entre deux scènes... M. Linge fait mourir de rire dans la
peau de César d'Orillac. MM. Tony, Giovanni, Bonck, l'habile
directeur, représentent le guide matois "VVilhem et les gandins de
Trouville et des Pyrénées.
Le marquis de LASSAY.
[La fin au prochain numéro.)
NOUVELLES ET ANNONCES.
343
NOUVELLES DIVERSES.
— Les journaux anglais consacrent plusieurs colonnes au festival de
Birmingham qui vient d'être célébré avec un éclat extraordinaire. La soirée
du 29 a été défrayée par les noms de Mozart, Mendelssohn, Beethoven,
Donizetti, Adam, Auber, Balfe, Meyerbeer, Rossini, Verdi. Le plus grand
succès de la semaine a été pour la matinée du 30 (vendredi), pendant la-
quelle on a entendu un motet de Hummel, la messe en D de Beethoven,
et Israël en Egypte, interprétés comme ils n'ont jamais pu l'être en An-
gleterre.— Le festival a été clos par l'oratorio de Haendel, /urfas Machabée,
après l'exécution duquel a été entonné l'hymne national. Ainsi s'est termi-
née cette immense solennité musicale, qui, au point de vue artistique
comme au point de vue financier, peut être regardée dans ses résullats
comme la plus considérable qui ait été donnée à Birmingham. L'addition
des receltes de chaque journée, supérieures de 500 liv. st. (12,500 francs]
à celles de 1838, produit un total de 11,000 liv. st. (273,000 francs).
— M. de Saint-Georges vient d'écrire pour le Théâtre-Impérial de Saint-
Pétersbourg un grand ouvrage chorégraphique en quatre actes, qui lui
avait été demandé par le général Sabourof , maître de la cour de Russie.
Cet ouvrage, destiné à Mrae Rosati, doit être mis en scène par M. Petipa,
avec une rare magnificence, et représenté au mois de décembre prochain
sur le Théâtre-Impérial de Saint-Pétersbourg.
— Les correspondances de Berlin annoncent que l'intendant général des
théâtres royaux, M. de Hulsen; a été nommé premier chambellan du roi
de Prusse. On dit qu'il sera remplacé, dans ses fonctions théâtrales, par
M. de Dachroeden.
— On écrit de Vienne au Signale de Leipzick, qu'Antoine Rubinstein se
voit forcé de quitter cette ville sans avoir vu représenter son opéra, attendu
que l'indisposition du chanteur Ander paraît devoir se prolonger. La re-
présentation de Tristan et Isefult, est ajournée pour le même motif, e:
Richard Wagner reprend la route de Carlsruhe.
— Le succès des Bouffes-Parisiens a paru tenter dans ces derniers temps
les compositeurs d'Allemagne. Plusieurs d'entre eux se sont essayés dans
le genre opérette ; mais on n'en cite guère qui aient franchement réussi.
Pourtant l'on parle d'une jolie partitionnette de Fr. Schubert, la Guerre
domestique, qui doit être jouée à Vienne immédiatement après la Clochette
de l'ermite [Dragons de Villars).
— Au théâtre de Victor-Emmannel, à Turin, on a représenté, pour la
première fois, l'œuvre d'un jeune maestro, Emilio Usiglio, la Locandiera,
opéra-bouffe en quatre actes. Le public a fait bon accueil à ce début lyri-
que.
— Bade a offert cette année à ses très-nombreux hôtes une série de
grands concerts qui laissent de beaucoup en arrière, comme nombre et
comme supériorité d'exécution , les solennités musicales des années précé-
dentes. La loi du progrès n'est jamais mieux observée qu'à Rade. La pyro-
technie, elle-même, l'a subie d'une manière remarquable. Le feu d'artifice,
tiré à l'occasion de la fête de S. A. R. le grand-duc, a été merveilleuse-
ment beau. Le concert, donné à la même occasion, réunissait Mme Miolan-
Carvalho, Mlle Octavie Caussemille, Faure et Sivori. Les quatre éminents
artistes ont été acclamés, rappelés, félicités par le public tout entier.
Mlne Carvalho dans l'air à'Actéon, et la romance des Noces; Faure dans l'air
de la Favorite, l'air des Rameaux[Ae sa composition), et la romance de
Joconde; tous deux dans les duos de Don Juan et du Barbier ont fait
fanatisme. Sivori a été lui-même, c'est-à-dire que l'enthousiasme ne
lui a fait défaut ni dans sa fantaisie sur la Norma , ni dans le Nel cor più
non mi sento, de Paganini. MUe Caussemille a été non moins appréciée dans
le fameux concerto en sol de Mendelssohn, dans la Sonnambula de Leibach
et le Sans-Souci d'Ascher. Cette soirée laissera les plus charmants souve-
nirs dans la mémoire de ceux qui ont eu le bonheur d'y assister. Trois
comédies inédites, le Diamant et le verre de Léon Gozlan, Adieu paniers,
vendanges sont faites, de Théodore Barrière, et le Dernier couplet, d'Al-
bert Wolff , ont été représentées avec un grand succès, et mieux encore,
avec un succès mérité. Le théâtre, le bal, les fêtes de toute espèce occupent
sans désemparer les soirées des heureux touristes que les plus délicieuses
excursions ont dispersés, pendant la journée, à quelques lieues de cette terre
privilégiée.
P. S. Nous sommes heureux de terminer notre chronique badoise par
une bonne nouvelle. Mm0 Damoreau-Wékerlin vient d'être engagée par
M. Benazet pour les deux concerts projetés les 2 et 9 octobre.
— Montaubry part pour Bade, où il doit chanter, le 25 et le 28, un
opéra-comique en un acte, inédit, de MM. Carré et Barbier, musique de
M. F. Schwab, avec Sainle-Foy, Balanqué, MUesMarimon et Amélie Faivre.
— La reprise du Postillon de Loujumeau , à l'Opéra-Comique, se trouve
donc ainsi retardée forcément jusqu'aux premiers jours d'octobre.
— La baronne de Vigier, née Cruvelli, qui n'avait pas été entendue à
Paris depuis son mariage, vient de chanter dimanche dernier à l'église de
Viry-Chàtillon une messe au profit des pauvres de la commune. Elle a
dit l'air de Stradella, un air d'Haendel (transformé en une invocation à la
charité), un Sanctus benedictus de Beethoven (celui en si bémol, qui a fait
ressortir l'ampleur de sa belle voix) , un Saluturis de Mendelssohn , tiré
d'une romance sans paroles, un Agnus Dei de Mozart, qu'elle a chanté avec
une onction admirable, et enfin la belle prière finale du Freyschiilz de
Weber, où elle s'est surpassée. L'orgue d'accompagnement, de la maison
Alexandre, a été tenu par Mlle Millier, qui a joué une marche religieuse,
pour entrée de messe, et un offertoire d'un caractère doux et onctueux.
Mrae la baronne de Vigier, définitivement fixée à Nice dans sa propriété,
admirablement située, s'y fait entendre chez elle, et parfois en public, au
profit des pauvres, ce qui est toute une bonne fortune pour le pays.
— Notre excellent pianiste-compositeur Alexandre Billet, que nous avons
vu fêté tout récemment à Bade, en compagnie de Servais, de Mme Miolan et
de Gra2iani, se trouve en ce moment à Genève, où il s'est fait entendre
dans un concert donné par Tamburini, au profit des pauvres. Alexandre
Billet a joué le grand trio en ré majeur de Beethoven, ainsi que trois
morceaux de sa composition. Tamburini a chanté cinq fois, notamment le
Non piu andrai, des Nozze de Figaro, et le grand air du Barbier. Ces
deux artistes, qui défrayaient à eux seuls tout le programme , ont récolté
des ovations chaleureuses, et les pauvres ont fait également une très-
bonne récolte.
— Ainsi que nous l'avons annoncé dans notre dernier numéro, le festi-
val national des Orphéons et Société chorales de France aura lieu les 17-22
octobre prochain, au Palais de l'Industrie. Huit mille chanteurs représen-
tant cinquante départements, et plus de deux cents villes, prendront part,
sous la direction de M. Eugène Delaporte, à cette solennité, dont nous pu-
blierons prochainement le programme, et pour laquelle de grands prépara-
tifs se font en ce moment.
— Aujourd'hui, dimanche, séance musicale au palais de l'Industrie,
Champs-Elysées, à l'occasion de la nouvelle Exposition. Il sera exécuté un
solo de baryton, avec chœur et refrain, composé expressément pour la cir-
constance et ayant pour titre : VIndustriel. Les paroles sont de M. Labou-
rieu, rédacteur en chef de Y Art au XIXe siècle, la musique est de M. L.
Schlosser, déjà connu par des compositions musicales devenues populaires.
Ces séances musicales se prolongeront pendant toute la durée de l'Expo-
sition d'art industriel.
Concerts des Champs-Elysées. — Dimanche, 22 courant, M. de Besse-
lièvre donnera son premier concert de jour, de 2 heures à 5 heures du
soir. Les portes ouvriront à 1 heure.
NÉCROLOGIE.
— Edouard Rosenhain, frère de notre pianiste-compositeur Jacques
Rosenhain, vient de succomber à une longue et cruelle maladie. C'é'ait un
des meilleurs exécutants et professeurs de piano, à Francfort. Edouard Ro-
senhain n'avait que 43 ans.
— Les correspondances de Bruxelles nous apprennent la mort de
M. Léopold Godineau, musicien distingué, professeur depuis vingt-cinq ans
au Conservatoire de celte ville. '
— M. T.-R. Poisson, lauréat de l'Institut , professeur au Conservatoire,
compositeur de musique et auteur de plusieurs ouvrages de théorie mu-
sicale, est mort le 13 septembre à l'âge de 64 ans, à la suite d'une longue
et cruelle maladie.
J.-L. Hel'gel, directeur
J. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mourgues fier
i Jean-Jacques Rousse
EN VENTE AU MENESTREL, 2 BÏS, RUE VIVÏENNE.
LA CHANSON DE FORTUNIO
€>uéra-comique en un acte, paroles de MM. HECTOR CBÉilIIEVl. et SiUUOVIC HALÉVY
— : AIRS DÉTACHÉS, ARRANGEMENTS ET PARTITION PIANO ET CHANT. —
TABLE DES MORCEAUX DE CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
3. Couplets du Petit clerc Friquet , chantés
par M. Bâche 2 50
4. Autrefois, Aujourd'hui, ronde des clercs. 2 30
5. Toutes les femmes sont à nous , valse des
clercs, à une ou deux voix 3 75 et 4 50
Partition in-8° : Texte , chant et piano. TTix net : 7 francs
Morceaux et arrangements pour piano.
1. Prenez garde à vous, couplets chantés
par MUe Chabert 2 50
2. La telle eau claire , chanson à boire, par
Mlle PfoTZER 2 50
2 lis. La même, transposée pour contralto
ou baryton 2 50
6. Duo et Chanson de Fortunio, chantés par
Mlles Chabert et Pfotzer 6 »
6 bis. Chanson de Fortunio, extraite du
duo , pour soprano ou ténor 2 50'
6 ter. La même , transposée pour baryton
ou contralto 2 50
FORTUNIO.
j. -t. Batttnuura. Fantaisie variée 5 »
f. BurgmnUçr. Valse de salon 6 »
— La même à 4 mains 7 50
— La même en feuille 2 50
a. Croisez. Morceau de salon G »
Paul csi'j-iiiio-ii. Earcarolle et Chanson de
Fortunio , transcriptions 6 »
in. Tnii<iuet. Concerts des Bouffes-Parisiens,
petites fantaisies sans octaves. Chacune. 3 »
DIusard. — Polka-mazurka des Clercs.... 5 fr.
FORTUNIO.
Strauss. Quadrille de Fortunio, à deux
mains 4 50
— A quatre mains 4 50
ru. stutz. Fortunio-Polka 4 50
Eîtf VEWTE.
ACADÉMIE IMPÉRIALE
de musique.
Du nou\eau ballet
de I'Opéra de
1. Marche paysanne.
2. Chant du Papillon.
3. Andante-Bohémiana.
4. Valse des Rayons.
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Musique de
J. OFFENBÂCH.
5. Marche du Palanquin.
6. Polonaise des Bohémiennes
7. Valse des Fleurs.
8. Galop des Papillons.
1" Quadrille, Valse des RAYONS et Polka-Mazurka la LESGUINKA.
Composés pour les bals de la Cour et de l'Opéra.
ARBAN I Polka des Métamorphoses. La fée Hamza. Mlle Marquet. | PH. STUTZ '. La Féedes Moissons. Polka-mazurka. Mlle Schlosser
MUSARD I I«s Cî'rmssi'pwwcs. Deuxième quadrille. | H. VALIQUET '. Quadrille et valse faciles, sans octaves.
VALSE
du
PAPILLON
TROIS NOUVELLES VALSES DE SALON
PAR
F. BURGMULLER
VALSE
de
FORTUNIO.
VALSE DE BARKOUF ,
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des COIFFES-PARISIENS.
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de J. OFFENBACH.
1 . Orphée aux enfers. — 2. Croquefer, ballade. — 3. Croquefer, galop. — 4. Dragonnelte, la Cantinière. — 5. Petits Prodiges, valse des animaux. — 6. Orphé
aux enfers, galop infernal. — 7. Le Savetier et le Financier. — 8. Le 66, tyrolienne. — 9. La Chatte, miaou. — 10. Orphée, roi de Béotie. — il. Orphée,
couplets à .lupin. — 12. Geneviève, chanson de l'enfant. — 13. Le Mariage aux lanternes. — 14. Le Mari à laporte, valse. — 15. La Demoiselle en loterie.
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On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1er décemhre,etles 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser franco
un bon sur la poste, à MM. HI2tir.I!I, et C'a, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. Charles de Mourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacquesrtousseau,8. — 5773
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. La nouvelle salle de l'Opéra. E. — II. Semaine théâtrale. J. Lovy. — ÏIÎ. La
Lionne de Trouville (suite et lin). Marquis de Lassay. — IV. Tablettes du pia-
niste et du chanteur: Perfectionnements apportés dans le mécanisme du piano
par les Éraiïd. — V. Inauguration de l'orgue d'accompagnement de la cathé-
drale de Bayeux. — VI. Nouvelles, nécrologie et annonces.
MUSIQUE DE CHANT :
Nos abonnés à la musique de Chant recevront avec le mimé rode ce jour :
LE CHANT DU MARIN
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
POLKA-MAZURKA DES CLERCS,
Composée par Mosard, sur la Chanson de Fortunio, opéra de
J. Offenbach.
Suivra immédiatement après : La Polka des Colombes, parL. Dessane.
LA NOUVELLE SALLE DE L'OPÉRA.
La construction de la nouvelle salle de l'Opéra préoccupe non
seulement Paris, mais la France tout entière; nous pourrions
même dire les deux -mondes. C'est que notre Académie impériale
de Musique est le temple lyrique où se rendent en pèlerinage les
étrangers de tous pays , en compagnie des dilettantes de nos
quatre-vingt-dix départements. C'est donc un monument émi-
nemment national que celui-là, et c'est sans surprise que nous
voyons les journaux de la province disserter à l'avance sur sa
construction, sa sonorité, ses avantages et ses désavantages pos-
sibles. Le Journal de Maine-et-Loire, qui s'occupe volontiers de
musique et de théâtre, publie h ce sujet le document suivant,
qui, sans manquer d'intérêt au point de vue de la construction
du nouvel Opéra, nous fournit d'excellentes appréciations sur
l'art du chant dramatique. C'est à ce double titre que nous nous
empressons de le reproduire, en regrettant de ne pouvoir donner
que l'initiale du nom de l'auteur, l'un de nos jurisconsultes les
plus distingués.
« Je lis dans un journal : « Ce n'est point une affaire indiffé-
« rente ni pour la France , ni même pour l'Europe, que la
« construction d'une Académie impériale de Musique a Paris. »
Pour bien comprendre une telle assertion, il est évident qu'on
ne doit pas s'arrêter aux 12 millions que coûtera la construction
de la salle nouvelle, et aux 40 millions que, selon M. de Las-
teyrie, la ville de Paris consacre à son emplacement et à la for-
mation de ses abords, mais qu'il faut songer à l'importance
artistique de cette scène deux fois séculaire, et devenue si célèbre,
de ce type, offert au monde musical tout entier, du chant lyrique
français. Or, si le caractère de ceux qui commencent toujours
par blâmer, des mécontents quand même, de ces dessécheurs
d'idées, que les Italiens appellent si justement des seccalori, me
semble avant tous autres maussade et bon à fuir; je n'en re-
garde pas moins comme très-permis d'émettre certaines appré-
hensions en présence d'un abus possible, ou plutôt de l'accrois-
sement d'un abus existant déjà.
« Dans les détails donnés sur les proportions de l'Opéra nou-
veau, j'ai vu que la scène serait plus large que celle de la salle
actuellement en exercice. Ce mot, je vous l'avoue, me fait un peu
peur. Je crains qu'à force de songer à la solennité de l'édifice,
à la splendeur de ses loges étincelantes, à l'accroissement du
nombre des auditeurs, on n'ait mis en oubli cette vérité, mal-
heureusement immuable, que les forces humaines sont limitées,
et que, dans une salle destinée au chant, il faut, avant tout,
penser aux chanteurs. La difficulté, pour la plupart des voix, de
soutenir, sur la scène de l'Opéra actuel, la diction d'une œuvre
développée, n'a-t-elle pas frappé chacun de nous? Que sera-ce
si on agrandit encore le théâtre, ce qui, d'ailleurs, entraînera
probablement l'augmentation du nombre des exécutants de l'or-
chestre? Il est, on le sait, en Italie, des scènes d'une considé-
346
LE MÉNESTREL.
rable étendue. Mais en supposant que, chez nos voisins, cet
excessif développement ne nuise à personne, il faut remarquer
que chanter à Milan ou chanter à Paris sont deux choses fort
différentes. En Italie, si l'on écoute avec soin certains morceaux
d'un opéra, on en néglige beaucoup d'autres dont l'exécution
peut dès lors être moins bien soutenue. Mais en France, depuis
Gluck surtout, nous voulons , comme le dit Métastase, « cette
« expression vraie, sage, naturelle, marchant de front avec le
« naïf sentiment des paroles. » Si ce sentiment est énergique,
comme dans Guillaume Tell ou le Prophète, de quels efforts et
de quelle fatigue ne sera-t-on pas témoin ? Or, l'inconvénient est
d'autant plus à signaler que déjà il existe, et qu'en attendant le
jour heureux où l'on pourra détruire le mal, je ne viens ici que
combattre son aggravation.
« Personne ne peut nier, en effet , que chez la plupart des
chanteurs, de l'Opéra notamment, l'émission de la voix arrive
souvent à un déplorable excès. Sans rechercher si la faute en est
à telle ou telle école, cet excès est certain et va se propageant.
Les feuilletonistes de Paris, trop vite, sans doute, las d'en parler,
n'en disent plus rien, et donnent aux exécutants des éloges mé-
rités par mainte et mainte brillante qualité, mais qui n'empê-
chent pas de singuliers désenchantements quand ces artistes se
présentent devant un auditoire encore habitué à une voix posée
et non chevrotante, à une diction mesurée et de bon goût. En
augmentant les proportions de la scène, ne donnera-t-on pas
une impulsion nouvelle à ces entraînements fâcheux ? Le spec-
tacle, dit-on, sera plus splendide ; les chœurs pourront mieux se
déployer et être plus nombreux Mais l'Académie impériale
de Musique doit, tout en s' occupant des grands effets du chant en
masse, ne rien faire qui entrave la diction des premiers sujets,
des acteurs chargés des récils. C'est là que se trouve réellement le
but à atteindre, c'est là que l'école se juge, et, s'il ne s'agissait
que d'effets d'ensemble, on aurait à peine raison de regretter
Duprez et Nourrit.
« Cet inconvénient sera évité peut-être... on doit le souhaiter
sincèrement. L'augmentation possible de l'orchestre est ici une
chose bien moins inquiétante ; car des instrumentistes d'un tel
mérite savent, quand le chanteur le veut, proportionner leur
accompagnement à sa voix : Mme Vanden-Heuvel et le ténor
Michot pourraient en porter témoignage. Qu'il surgisse donc un
artiste qui, sans faire comme une exhibition de ces ut naturel
et ut dièze si maladroitement vantés, s'occupe uniquement de
dire, d'exprimer mélodieusement, de chanter en un mot. La
solennité dont on veut entourer la lice rendra plus glorieuses que
jamais les palmes à conquérir, et nous aimons à croire que le
jour où devra s'ouvrir la scène nouvelle, des talents dignes de sa
splendeur viendront nous livrer leurs noms, et s'attacheront à
maintenir l'art du chant dans des limites que depuis quelque
temps il semble ouvertement abandonner. »
E.
SEMAINE THÉATKALE.
Le début de M. Faure dans Pierre de Médicis est annoncé à
I'Opéea pour demain lundi. A part l'attrait de ce début, la re-
prise de la partition ne manquera pas d'un certain intérêt; nous
avons déjà dit que l'auteur, M. le prince Poniatowski, d'accord
avec_MM. de Saint-Georges et Émilien Pacini, a introduit d'im-
portantes modifications à son œuvre, et en a changé le dénoû-
ment. Or, voici ces changements : la cérémonie lugubre de la
coupe des cheveux est supprimée ; désormais le duc Pierre arri-
vera à temps pour arracher Laura au ciseau fatal et l'unir à son
frère. L'ancien final est remplacé par un grand morceau d'en-
semble avec chœurs et partie principale de ténor. Ce morceau
est inédit ; il avait été écrit par le prince Poniatowski pour Fras-
chini, lequel devait chanter Pierre de Médicis à Madrid.
Voici quel sera définitivement l'ordre du répertoire du Théâ-
tre-Italien pendant le premier mois de la saison :
Mardi prochain, 2 octobre, réouverture avec // Matrimonio
segrelo ; — puis la Sonnambula; — Semiramide, — et à la
fin du mois Marta, pour la rentrée de Mario et le début de
Mme Solpini. La Sonnambula servira à la rentrée de notre basso
cantante Tagliafico; M1Ie Marie Battu et Belart chanteront les
autres rôles.
Cosi fan lutte, un chef-d'œuvre de Mozart absolument ignoré
de la génération actuelle, sera donné dans la première moitié de
la saison. On fait venir les parties d'orchestre de Milan.
A I'Opéra-Comique, Mme Ugalde a effectué sa rentrée dans
V Étoile du Nord. L'organisation de l'artiste et son brio musical
se prêtent toujours à merveille à toutes les difficultés de la par-
tition. Le rôle de Danilowitch, confié à Ponchard par suite du
départ de Delaunay-Riquier, est rempli avec talent et intelli-
gence. Mme Revilly remplace MUe Prost dans le rôle de l'une des
cantinières, et communique à ce type une nuance de gravité qui
n'est pas précisément dans le programme. — C'est dans les pre-
miers jours de cette semaine que Couderc doit reprendre sa belle
création de Shakespeare du Songe d'une nuit d'été. — La Cir-
cassienne sera reprise le 15 octobre.
Roger, qui avait attiré la foule dans Haydce, lundi dernier,
n'a pu se faire entendre mercredi et vendredi dans la Dame
Blanche, selon les promesses de l'affiche. Une indisposition sans
gravité a fait remettre les deux représentations. Celle de vendredi
a été remplacée par le Caïd, avec sa nouvelle Virginie, M"e Balbi,
qui est aussi devenue la nouvelle Perrine de Maître Claude, aux
applaudissements du public.
La Statue et le Bijou perdu alternent avec bonheur au
Théâtre-Lyrique, en attendant les nouveautés promises. Parmi
les pièces en répétition, on cite un opéra-comique de M. Prosper
Pascal. Mme Cabel reparaîtra très-prochainement dans Jaguarita.
*
* *
Le Théâtre-Français a repris samedi le Duc Job, ce grand
succès de l'année dernière. La spirituelle pièce de M. Laya pro-
met encore une série de bonnes soirées. — La veille, notre excel-
lent comédien Provost nous revenait dans le personnage de Chri-
salde, des Femmes savantes, un des meilleurs rôles de son ré-
pertoire classique. C'était une véritable fête pour les habitués de
la maison.
L'Odéon nous a donné mardi une pièce nouvelle : le Revers
de la médaille, comédie en trois actes, en prose, de MM. Léonce
et Moléri, deux auteurs dont la collaboration nous a déjà valu
quelques ouvrages estimés. Leur nouvelle œuvre a parfaitement
réussi ; elle renferme des traits d'un bon comique, et l'esprit y
est toujours subordonné aux idées saines et aux sentiments les
plus honnêtes. Mme Beuzeville se distingue par la franchise de son
jeu ; Rey, Delillo, Jouanni, Mlles Debay, Anaïs Mollo et Rrache
complètent l'ensemble de l'interprétation.
Rien de nouveau sur nos scènes secondaires.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
347
Quelques théâtres s'occupent déjà de leurs revues de fin d'an-
née. Celle du Palais^Royal se placera sous les auspices du Roi
d'Araucanie, l'ex-avoué du Périgord, — type nouveau que vient
de nous expédier l'Amérique pour alimenter la gaieté française.
J. Low.
LA LIONNE DE TROUYILLE ,
COMÉDIE- PROVERBE.
(lre représentation, suite et fin.)
Embellissements de Troiivïlle et Villers.
La pièce achevée, on réclame l'auteur, on le nomme. On
l'applaudit à outrance. On veut le voir. 11 s'y refuse. Il s'en re-
tourne à Villers; et le lendemain, les journaux, revues et feuil-
letons de Normandie pleuvent dans son refuge, où j'en extrais
au hasard les lignes suivantes :
« Vous savez que dans toute grande fête il y a un bouquet ;
j'en ai un, moi aussi, à vous offrir, celui de notre brillante sai-
son de 1861.
« Une soirée exceptionnelle vient de consacrer notre théâtre :
la première représentation de la Lionne de TrouviUe ou la Fleur
des Pyrénées, comédie de M. Pitre-Chevalier, écrite par lui
pour Mme Arnould-Plessy, du Théâtre-Français, et qui n'avait
encore été jouée qu'à l'Ecole d'Athènes, dans les châteaux et
dans quelques grands salons de Paris. C'est une pièce de cape
et d'épée, alerte et cavalière, un bijou dramatique, littéraire et
mondain, qui rappelle les plus fines pages d'Alfred de Musset.
Tout le Trouville élégant s'y était donné rendez-vous, et a recon-
nu, applaudi, fêté la délicieuse leçon donnée par l'auteur aux
lionnes de notre plage.
« Ne pouvant venir de Villers à toutes les répétitions, M. Pitre-
Chevalier avait adressé ses instructions à Mlle Lefresne pour le
rôle de la comtesse de Tassis, sous une forme charmante et inat-
tendue, sous la forme d'un bouquet mêlé de fleurs de serre et de
plantes sauvages cueillies dans son jardin de Villers et dans les
précipices des Vaches-Noires, accompagnées des vers suivants,
si bien mérités par notre grande coquette et notre jeune pre-
mière :
Ce bouquet vous peint la comtesse :
Fleurs de serre avec fleurs des bois ;
Plantes que le soleil caresse
Et que le vent met aux abois.
Ricbes couleurs, parfums sauvages ;
Cœur de femme battu d'orages,
Caprice en lutte avec nos lois ;
Courage ardent, pudeur craintive,
Luxe affolé, beauté naïve. . .
Trouville et Villers à la fois.
En bon français, cela veut dire :
Les langue ars de votre sourire
Tempérant l'éclat de vos yeux ;
Un peu de fougue et de délire
Dompté par un frein gracieux. . .
Votre port et vos airs de reine,
Votre jeu brillant et précis ;
Voilà la vaillante LEFRESNE,
Voilà madame de Tassis ! »
(Journal la Plage.)
« Enfin, on a vu et salué de bravos la Lionne de Trouville.
Le théâtre était trop étroit pour une telle solennité, à l'apogée
d'une saison qui réunit à Trouville tant d'illustrations et d'étoi-
les, entre autres la famille du prince Murât , arrivée hier chez
M. le baron Clary, cousin de Sa Majesté. Heureusement, nous
l'espérons, la pièce sera donnée plusieurs fois. Mais rien ne
pourra remplacer le charme, l'émotion, les surprises, le triom-
phe de la première représentation.. . La Lionne de Trouville est à
la fois un petit drame vif et passionné, un proverbe joyeux, avec
travestissements et doubles rôles, — et une moralité malicieuse
et douce, pleine de verve et d'à- propos, mais aussi de convenance
et de galanterie. Les lionnes de Trouville se sont d'abord mordu
la lèvre, dans une moue coquette, et du bout de leurs dents
blanches; mais, après écouté la gracieuse leçon jusqu'au bout,
elles ont applaudi le portrait inspiré en même temps par leur
grâce et par leur fantaisie, par leur courage et par leur charité.
« Notre spirituelle et charmante Célimène, M"0 Lefresne, a
trouvé là un rôle à sa noble mesure, un rôle taillé par l'auteur,
on le sait, pour Mme Arnould-Plessy, de la Comédie-Française.
(Pendant les répétitions do la Lionne de TrouviUe, M"e Lefresne
a conclu un engagement des plus brillants pour la Russie, d'où
elle nous reviendra sans doute, après avoir été la Lionne de
Saint-Pétersbourg .) »
(Journal de Trouville.)
« La veille même de la représentation du joli proverbe
du Musée des Familles, son rédacteur en chef avait fait faire un
pas décisif à une affaire qui intéresse non-seulement le pays,
mais tous les baigneurs de Paris et de la France, emportés vers
les plages verdoyantes de la Normandie.
« Dans un dîner qui réunissait M. le baron Clary, cousin de
l'Empereur et maire de Trouville , M. de La Guéronnière,
M. Oliffe, M. Paris d'Illius, M. le baron de Razac, M. Louis
Enault, etc., on a étudié chez M. Pitre-Chevalier la grande
question du chemin de la plage de Trouville à Villers, par l'éta-
blissement de Deauville. Cette route, qui sera la vie de toutes
les communes du Midi, qu'elle réunira à leur centre, va s'exé-
cuter avec tous les concours possibles, et, mettra bientôt Villers
à cinq minutes de Trouville; Reuzeval et Dives à une heure.
Elle entraînera une jetée et un petit port à Villers. Sic itur ad
astra.
« Après le dîner, un concert charmant a retenu jusqu'à onze
heures les nobles convives et toutes les sommités de la colonie.
M. Lyon a transporté l'auditoire avec le Fou Guillau, deNadaud.
M. du Tillet et MUe Céronetti ont préludé à leurs succès de
lundi prochain, au théâtre de Trouville, dans le délicieux opéra
des Noces de Jeannetle; c'est le rôle de bravoure de M. du Tillet.
Quant àMlle Céronetti, lauréate du dernier concours au Conser-
vatoire, c'est la jeunesse, la beauté et le talent dans leur première
fleur. On ne parlait plus le lendemain, sur les deux plages, que
des grâces,' de la voix, du jeu de M"e Céronetti ;... Et surtout
de la route admirable qui sera le chemin de la corniche nor-
mande, et qui ne fera qu'un seul groupe de Trouville, de Villers,
et du nouveau Rade qu'élèvent entre les deux plages MM.de
Morny, Donon, Oliffe, Ch. Ladite et Rrennay.
« M. Pitre-Chevalier avait prédit ces merveilles, il y a cinq
ans, dans la lettre suivante, publiée en 1856 :
« J'ai trouvé un vieux projet de port de refuge à la côte de
« Trouville, qui date de quatre cents ans, et que réclamaient
« alors tous les marins du monde. L'État dénichera ce projet.
« Il fera ce port et des bassins à Trouville. Des gens avisés y
« joindront une route le long de la plage, une ville peut-être et
« des palais à Deauville, — et alors Tiouville deviendra le
« Rade maritime de France ; et le plus magnifique boulevard de
348
LE MÉNESTKEL.
« l'Europe sera ce boulevard fleuri qui longera la mer de Hon-
« fleur à Dives, en passant par "Villerville, Villers, Beuzeval, et
« en se prolongeant peut-èlre ensuite jusqu'à Cherbourg. »
« C'est ce qui s'exécute aujourd'hui à la lettre, avec le con-
cours du gouvernement. Le pont de Trouville est déjà fait. Le
chemin de fer le joindra dans huit mois. Le fameux boulevard
est tracé, ainsi que la cité de Deauville. Le palais du comte de
Morny est bâti jusqu'au premier étage. Son jardin sera planté et
fleuri à la saison prochaine. Quatre villas splendides vont l'en-
tourer dignement. Un hippodrome immense et un club, avec des
yacks, réuniront tous Jes sportsmen de France et d'Angleterre.
M. de Morny vient d'acheter pour l'inauguration un étalon de
80,000 fr., etc.
« Alors Mme Arnould-Plessy viendra jouer elle-même, sur un
théâtre digne de sa renommée, les proverbes écrits pour elle par
M. Pitre-Chevalier. »
[Journal de Trouville, Moniteur du
Calvados, etc., etc.)
En attendant cette fortune qui tombe à Villers endormi sous
ses ombrages, il lutte déjà avec les audaces de Trouville, car
Villers a joué, lui aussi, son proverbe du Musée des Familles,
et de son rédacteur en chef : La fumée d'un cigare (livraison de
septembre 1860), interprété d'une façon exquise par M. et
Mme Lyon...
Le marquis de Lassay.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
PERFECTIONNEMENTS APPORTÉS DANS LE MÉCANISME DU PIANO
LES ERARD
Depuis l'origine, de cet instrument jusqu'à l'exposition île IS3«
Nous avons été amenés, dimanche dernier, par la lettre de
M. Ungeret et les renseignements qu'il a bien voulu nous com-
muniquer, à parler de l'origine du piano, c'est-à-dire de la trans-
formation de l'antique clavecin, et des perfectionnements dus
sous ce rapport à la maison Erard, qui s'est placée si haut dans
cette grande industrie de l'instrument devenu universel. Nous
revenons aujourd'hui sur cette intéressante question en repro-
duisant dans ces Tablettes du Pianiste l'histoire des perfection-
nements apportés dans le mécanisme du piano par les Erard
depuis l'origine de cet instrument jusqu'à l'Exposition de 1834.
Nous publierons ensuite la notice publiée en 1855 par MM. Fir-
minDidot frères, sur MM. Erard et leurs travaux,' et nous
croyons pouvoir affirmer à nos lecteurs qu'ils trouveront là de
précieux documents. D'ailleurs n'est-ce déjà point une bonne
fortune que d'apprendre à bien connaître, au point de vue mé-
canique, l'instrument dont nos doigts recherchent les effets d'art?
C'est là une question négligée jusqu'ici, même par les artistes, et
c'est regrettable à plus d'un titre. Aussi sommes-nous heureux
de livrer ce nouveau sujet d'investigations à la sollicitude des
professeurs, qui ne manqueront pas d'en faire part à leurs élèves.
*
« * *
Le mécanisme a suîtout attiré l'attention des facteurs, puisque
c'est, dans les instruments à touches, le point le plus important.
Comme dans l'admirable disposition du gosier le mécanisme se
prête à moduler les inflexions de la voix pour parler à l'âme,
de même c'est lui qui sert à tirer du corps sonore les différentes
nuances de son qu'exige l'expression; et sans l'expression, que
serait la musique?
Aussi, quelle peine ne s'est-on pas donnée pour rendre les
instruments à clavier susceptibles d'expression ! Peu de gens, en
voyant la perfection actuelle du piano, peuvent s'imaginer les
nombreux essais tentés , les difficultés vaincues, les heureux
changements introduits pour y parvenir, depuis l'année 1775
environ qui a vu les premières améliorations importantes.
Croirait-on aujourd'hui que dans le clavecin, l'instrument à
peu près le plus parfait de son temps, la corde était pincée par
un petit morceau de plume attaché au sautereau qui repose sur
la touche? Aussi, peu importait qu'on appuyât sur celle-ci avec
ou sans force,' la nuance du son était toujours à peu près la même.
Frappé de ce défaut, Sébastien Erard se mit à la recherche des
moyens propres à modifier la qualité du son; et, par l'applica-
tion de registres nouveaux, il établit lui-même, en 1779, son
clavecin-mécanique.
Sur chaque note de ce clavecin perfectionné se trouvaient
placés quatre sautereaux différents, trois de plume et un de
buffle. Par l'emploi des registres séparés ou réunis, on modifiait
la qualité et la force du son; ce qui détruisait en quelque sorte
la monotonie du clavecin ordinaire.
Cet instrument fit sensation. Tout Paris courut le voir dans le
cabinet de curiosités de M. de la Blancherie, où il était déposé.
Le journal que rédigeait alors l'abbé Roussier rapporte l'enthou-
siasme qu'il produisit.
Ce fut à peu près à cette époque que parurent les premiers
pianos. Dans ce genre d'instrument, la corde n'était plus pincée,
mais mise en vibration par le marteau, qui frappe plus ou moins
fort, suivant l'impulsion que lui donne la touche.
PIANOS A 2 CORDES ET 5 OCTAVES.
Plus tard , dans le mécanisme des pianos tels qu'Erard les
fabriquait à Paris vers 1780, on remarque le pilote qui sert de
correspondant entre la touche et le marteau; un autre pilote,
passant à travers le sommier auquel les cordes sont attachées, fait
lever l'étouffoir lorsqu'on a frappé la corde, et en arrête la vibra-
tion dès qu'on laisse remonter la touche au niveau du clavier.
L'étouffoir est maintenu sur la corde par le ressort en fil de cui-
vre dont se servent encore aujourd'hui la plupart des facteurs.
Erard l'avait substitué aux ressorts en baleine, qui manquaient
de précision et qu'employaient les facteurs anglais de cette époque.
On y voit aussi le jeu de pédale, qui, agissant sur un registre,
lève à volonté tous les étouffoirs, et permet dans de certains pas-
sages de laisser entièrement vibrer toutes les cordes dont on a fait
jouer les marteaux. Celte pédale, appelée grande pédale ou forte,
n'a subi aucun changement, et c'est celle dont on fait encore le plus
d'usage.
Le même effet avait été produit dans les pianos fabriqués en
Angleterre, mais au moyen de registres qu'il fallait tirer avec la
main. 11 n'est pas besoin de faire remarquer l'inconvénient d'un
pareil procédé, qui forçait à s'arrêter et qui occupait ailleurs une
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
349
main que réclamait probablement sur le clavier la musique
qu'on exécutait.
PIANOS UNICORDES ET A PLUSIEURS CORDES.
Les premiers pianos n'eurent, comme leur devancier le cla-
vecin, qu'une seule corde à chaque note; peu après on en mit
deux pour obtenir plus de son ; plus tard on se servit de trois, on
alla même jusqu'à quatre. Mais l'expérience a prouvé que trois
donnent le meilleur résultat. C'est en vain qu'un facteur de
Paris a voulu renouveler ce qui s'était vu dans l'enfance de
l'instrument, en ne mettant de jnouveau qu'une seule corde. Cet
essai, dont on avait d'abord fait grand bruit, n'a pas réussi, et
on devait s'y attendre; car il y avait longtemps que les facteurs
expérimentés en avaient reconnu l'inconvénient. Il n'entre pas
dans notre sujet de les énumérer ici : disons seulement qu'une
fois celte corde unique cassée, il n'y a plus d'autre son que celui
du bois.
Tout simple que paraît aujourd'hui ce système des premiers
pianos, il a fallu bien du temps et de la persévérance pour
l'établir. Les frères Erard fabriquèrent eux-mêmes les premiers
instruments de ce genre sur leurs propres dessins et modèles.
Mais à mesure que le goût du piano se répandit, ils se trouvèrent
dans la nécessité de former des ouvriers pour les aider, et d'in-
venter des outils, des machines pour assurer l'exécution bien
précise des différentes pièces qu'ils réunissaient eux-mêmes pour
en former un tout parfait. C'est ainsi que peu à peu la fabrica-
tion des pianos s'est établie ; et de cette école sont sortis presque
tous les facteurs répandus depuis dans la capitale et dans les pro-
vinces.
PREMIERS PIANOS A 3 CORDES.
Les premiers pianos à trois cordes furent fabriqués vers 1790
par les frères Erard. C'était un perfectionnement du mécanisme
des pianos à deux cordes. Les frères Erard y avaient ajouté le
faux marteau, ou double pilote, placé entre la louche et le mar-
teau.
Dès celte époque aussi, pour satisfaire les désirs pressants
des pianistes, dont les immenses progrès, comme compositeurs et
exécutants, rendaient les cinq octaves insuffisantes, les frères
Erard établirent successivement des pianos à cinq oclaves et
demie, à six, à six et demie, et même en sept. Mais il en a été
pour le nombre des octaves comme pour celui des cordes : après
s'être jeté dans les extrêmes, dans le louable mais vain espoir de
faire mieux , on a fini par s'en tenir à un terme raisonnable, et
six oclaves et demie, de l'ut au fa, sont aujourd'hui reconnues
pour être ce qu'il y a de plus satisfaisant (1). En effet, le peu de
longueur que doivent avoir les dernières cordes avec six octaves
et demie, rend déjà les vibrations presque imperceptibles, et ne
produit bien souvent que de la sécheresse dans la qualité du son.
11 est évident que plus on monte, et plus ces défauts se font
sentir.
MÉCANISME A PILOTES.
Ce mécanisme des pianos à trois cordes fut nommé méca-
nisme à pilotes, et c'est ainsi qu'on le distingue du mécanisme
à échappement, que nous allons décrire.
MÉCANISME A ÉCHAPPEMENT.
Celui-ci fut également établi par les frères Erard, vers 179G,
(1) Il ne faut pas oublier que ce travail remonte à l'année 1831. On sait
aujourd'hui que le piano au la, c'est-à-dire à 6 oclaves 3/4, et même celui
à 7 octaves pleins, sont généralement adoptés.
dans les pianos à queue ou en forme de clavecin, qu'ils fabri-
quèrent les premiers en France. L'un d'eux, Sébastien, avait,
quelques années auparavant, jeté les fondements de sa maison de
Londres, où il débuta par obtenir un brevet ou patent qui con-
tient les perfectionnements de la harpe à simple mouvement
à fourchettes, et du mécanisme à échappement également adopté
dans ses premiers pianos à queue fabriqués en Angleterre.
11 avait, dès celle époque, apporté dans ce mécanisme des
améliorations importantes, qui, par la suile, ont été suivies et le
sont encore aujourd'hui par les meilleurs facteurs.
La première consiste dans l'application de la pièce qui, par sa
construction, permet d'élever davantage du centre de la touche le
plan incliné qui opère l'échappement, ce qui le rend plus facile
au toucher, avantage reconnu dans les grands pianos d'Erard,
dès leur origine.
Une autre, non moins utile, consistait en l'ouverture de la
branche du marteau à l'endroit où le pilote fonctionne, de ma-
nière à ce que celui-ci altaque plus directement le marteau au
niveau de son centre. Enfin les charnières des marteaux furent
séparées en autant de fourches indépendantes l'une de l'autre
que l'on peut régler à volonté, tandis que dans l'ancienne mé-
thode il faut enlever tout une octave de marteaux pour en visiter
un seul quand il est défectueux.
Dans les pianos à queue, ainsi que dans les clavecins, les
cordes, au lieu de faire un angle sur la ligne de la louche,
comme dans les pianos carrés , sont tendues sur l'instru-
ment, suivant la ligne des touches. De cette position, il résulte des
avantages incontestables pour la qualité et la quantité du son, la
solidité et la précision du mécanisme ; avantages si bien et forte-
ment reconnus, que les grands pianos ont toujours été et seront
toujours les vrais instruments de concert.
En effet, par la nature du plan, les trois cordes peuvent
être suffisamment espacées pour ne pas se gêner dans leurs vibra-
tions, et l'intervalle qui se trouve entre les cordes des différentes
notes rend impossible toute confusion dans les sons. L'étendue
de table sur laquelle elles sont placées étant plus considérable,
celle-ci se trouve proportionnellement moins chargée, vibre plus
librement, et produit des sons plus ronds et plus moelleux. Dans
l'application du mécanisme, aucune pièce n'est biaisée : rangées
toutes parallèlement sur des lignes formant un angle droit avec le
devant du clavier, elles fonctionnent naturellement et avec ai-
sance.
Le pilote, qui prend une autre forme qu'au mécanisme à pi-
lote fixe, est mobile sur son centre dans la touche; il altaque le
marteau près de son centre. Lorsqu'on abaisse la touche avec le
doigt, le pilote suit ce mouvement, et fait monter le marteau,
auquel il communique le mouvement de la touche vers la corde.
Pendant celle marche, le plan incliné du pilote glissant contre le
point de contact, le pilote est forcé de faire un léger mouvement
rétrograde sur son centre. Les proportions et les positions des
différentes pièces sont tellement bien combinées, qu'au moment
où le marteau est arrivé à la corde, la tête du pilote s'éloigne de
manière à laisser le marteau sans appui à ce point; il retombe
alors par son propre poids sur la pièce qui a suivi le mouvement de
la touche sur laquelle elle est montée, et s'y trouve tellement fixé
qu'il ne peut rebondir.
L'étouffoir est gouverné par la touche, qui, dans son mouve-
ment, vient le soulever. Abaisse-t-on celle-ci; il s'élève et laisse
vibrer librement la corde. La laisse-t-on remonter; il reprend sa
place et fait cesser toute vibration.
350
LE MÉNESTREL.
La précision du coup du marteau fait tout l'avantage de cet
échappement sur le pilote fixe. Mais le pilote, à son tour, en pos-
sède un grand dans la légèreté et la facilité de répétition; car,
avec lui, le marteau étant toujours sur la touche, et par conséquent
aux ordres de l'exécutant, est aussi toujours prêt à répondre au
plus léger mouvement du doigt ; ce qui serait un grand élément
de supériorité, s'il n'était contre-balancé parle manque de fixité
après le coup à la corde, ce qui l'expose à rebondir lorsqu'on a
frappé avec force.
Cette différence dans la manière d'opérer de deux mécanismes
présentant chacun des avantages et des inconvénients, a, pendant
longtemps, partagé les opinoins sur la préférence qu'on devait
leur accorder. Cette raison engagea les frères Erard à fabriquer
des instruments sur les deux principes, pour satisfaire les diffé-
rents goûts.
Cependant, les amateurs et les professeurs , accoutumés aux
claviers à pilotes, ne pouvaient que difficilement s'habituer aux
claviers à échappement; ils trouvaient ceux-ci lourds, empâtés,
lents et difficiles pour répéter ; et ce ne fut qu'à force d'art et de
soins, et par la suite d'une longue habitude, que plusieurs d'entre
eux parvinrent, non à vaincre les difficultés, ce quittait impos-
sible, mais à en pallier les défauts. 11 faut dire aussi qu'ils y
étaient encouragés par la pureté et la force du son que produi-
saient les grands pianos à queue, adoptés dans les concerts pu-
blics et dans les réunions musicales, à la place des pianos carrés
à trois cordes. Aussi Sleibelt , Dussek , et tous les grands ar-
tistes du temps, Unirent-ils par ne se faire entendre que sur les
grands pianos à queue des frères Erard.
[La suite au prochain ;
INAUGURATION
de l'orgue de chœur de la cathédrale de Bayeiix.
La cathédrale de Bayeux n'avait depuis longtemps, en fait
d'orgue, qu'un maigre assemblage de tuyaux, groupés dans une
boiserie provisoire, au bas-côté gauche de l'église, et dont les
sons désagréables ne contribuaient que médiocrement à l'em-
bellissement des offices.
A son arrivée dans le diocèse, Mgr Didiot, dont le goût et les
connaissances artistiques ne sauraient être mis en doute, fut
frappé de cette discordance entre la majestueuse cathédrale et le
pauvre instrument, et il se promit d'y porter remède.
Grâce aux efforts de l'éminent prélat, grâce a la sollicitude
du gouvernement et à la générosité des fidèles, le mal est main-
tenant en partie réparé, et il le sera bientôt complètement.
Tandis que les travaux pour l'installation du grand orgue se
poursuivent avec activité, voici qu'un orgue d'accompagnement
vient d'être établi dans le chœur.
Cet instrument a 12 jeux, 2 claviers à la main et un clavier
de pédales-tirasses. La composition des jeux est bien entendue ;
leur timbre est d'une douceur et d'une égalité parfaites ; peut-
être pourrait-on désirer plus de puissance dans le grand chœur,
mais peut-être aussi ce défaut de puissance , que plusieurs per-
sonnes ont remarqué, ne tient-il qu'à l'emplacement. Cet instru-
ment n'en est pas moins un charmant échantillon des produits
de la maison Cavaillé-Coll.
Le buffet, sculpté dans le style du xvne siècle, est assez élé-
gant, mais il s'harmonise peu avec les magnifiques détails archi-
tecturaux qui l'environnent.
L'inauguration solennelle de cetorgue a eu lieu le dimanche 22,
en présence d'une nombreuse assemblée. C'est qu'il ne s'agissait
pas seulement déjuger des effets du nouvel instrument : un ar-
tiste d'un grand talent, jouissant depuis longtemps de la répu-
tation la plus méritée, allait se faire entendre. Nommer Lefé-
bure-Wély, c'est tout simplement expliquer l'intérêt qui amenait
cette foule dans la basilique.
L'éloge de M. Lefébure n'est plus à faire ; chacun sait qu'à
la Madeleine, où le charme de ses improvisations attirait toujours
un auditoire compacte, son absence est encore regrettée. On peut
résumer son talent en quelques mots : la science tempérée par la
grâce. Ce que nous avons surtout admiré dans les quatre mor-
ceaux qu'il a fait entendre, c'est le parti extraordinaire qu'il a
su tirer de ces douze jeux. C'est dans l'originalité et la profon-
deur de ses inspirations que M. Lefébure trouve celte variété
d'effets. Sa musique convient parfaitement, du reste, aux jeux
de la facture moderne, qui s'accommoderait peu de l'emploi
exclusif des formules d'autrefois.
Entre les morceaux d'orgue, divers motets ont été chantés par
la maîtrise de la cathédrale et les sociétés chorales de la ville,
sous la direction de M. l'abbé Cappard, qui, paraît-il, est l'au-
teur de ces compositions. Nous le félicitons principalement pour
son Ave Maria, qui nous a paru sobre de développements et
religieux de caractère.
La bénédiction du Saint- Sacrement a terminé cette cérémonie,
que nous espérons voir se renouveler l'année prochaine , avec
plus d'éclat encore, car il s'agira cette fois du grand orgue.
[Moniteur du Calvados.) J. C.
NOUVELLES DIVERSES.
— On prépare à Berlin, pour les fêtes du couronnement, l'opéra de
Spontini, Nurmahal. La mise en scène, les décors entièrement neufs, les
costumes, tout doit surpasser en splendeur ce qui a été fait jusqu'ici au
Théâtre-Royal.
— On écrit encore de Berlin que le dom-chor (le chœur de la chapelle)
doit assister au couronnement du roi à Kœnigsberg. Les artistes porteront
à cette fête un costume spécial : lévite écarlate, culotte noire avec jarre-
tières à boucles, souliers à boucles, toque en velours noir. — Le Comte de
Santarem, opéra nouveau, de Schliebener, a été joué pour la première fois
à la salle Kroll : c'est l'œuvre d'un jeune homme qui a de l'avenir.
— Au théâtre de Francfort-sur-Mein on a représenté pour la première
fois la Guerre domestique, de Fr. Schubert. Le théâtre de cette ville est le
premier en Allemagne qui ait fait entendre cette musique « si fine et si
doucement colorée, » dit un correspondant. D'où vient qu'une partition de
cette valeur ait tant tardé à se faire jour sur la scène allemande?
— En tête de la liste de souscription ouverte pour le monument qui
s'élève à Florence à la mémoire de Cherubini figurent le roi Victor-Em-
manuel, le prince de Carignan et les membres de la municipalité de cette
ville. Les sommes recueillies jusqu'à présent s'élèvent à 5,000 louis. On
sait qu'un comité a été institué à Paris, et qu'une liste de souscription dans
le même but est déposée au Conservatoire impérial de Musique.
— Au moment où la Chine est ouverte, les amateurs de musique ne
seront peut-être pas fâchés de savoir les noms que portent, en Chine, les
sept notes de la gamme. Les voici dans leur ordre de corrélation avec la
gamme européenne : ce (do), yu (ré), pien-lcung (mi), Içung (h), scang [sol],
Icio (la) et pence (si). — On voit que les mélodies chinoises doivent être
bien agréables à solfier.
— Notre Théâtre-Lyrique, nous l'avons annoncé, a eu le grand regret
de perdre M. et Mmo Meillet , que le Grand-Théâtre de Marseille nous dis-
putait à prix d'or et de couronnes. Déjà Mmc Meillet y avait défrayé une
saison des plus brillantes; aussi vient-elle d'être reçue du public marseillais
avec accompagnement de fleurs et de rappels. Quant à M. Meillet, voici ce
qu'en dit le Sémaphore, sous la signature G. Bénédit :
« Mais voici M. Meillet, un artiste de choix celui-là, un des enfants gâtés
NOUVELLES ET ANNONCES.
351
de ce Théâtre-Lyrique, où depuis quelques années on a pu revoir les plus
grands chefs-d'œuvre de l'école classique. Nous aurons fait en deux mots
l'éloge de M. Meillet en lui appliquant les dernières paroles de son air du
Barbier espagnol qu'il représente à merveille : Ahl bravo Figaro!
Bravo, pour la voix mordante et flexible ; bravo, pour le goût, l'esprit, la
verve et la gaité; bravo, enfin, pour ce jeu vif, intelligent, plein de relief
et de franchise, qui anime la scène, et enlève d'autorité les applaudisse-
ments de l'auditoire.
« Quand on nous annonça l'engagement de M. Meillet , nous savions
d'avance l'effet qu'il produirait sur le public marseillais, toujours si sym-
pathique aux talents vrais et communicatifs. Pourtant , le succès de
M. Meillet a surpassé tellement l'attente générale, que nous ne croyons pas
que notre excellent baryton, habitué partout aux réceptions flatteuses, ait
été nulle part mieux apprécié et plus chaleureusement applaudi. Au pre-
mier acte, lors de sa cavatine et du grand duo avec Almaviva; au deuxième
acte, dans la scène avec Rosine, comme aussi dans toutes les parties du
final dont il fait ressortir les moindres intentions à force de talent et d'ex-
pression comique, il a remporté le suffrage de la salle entière.
« Regrettons que la direction, par la faute de certains artistes, n'ait pu
offrir cette fois au public que les trois premiers actes du Barbier deSéville,
sans cela nous aurions vu M. Meillet dans ce trio modèle, où le rôle de
Figaro se résume avec tant de brio sous le double rapport du chant et de
l'action scénique , pour amener sur une strette étincelanle le plus ingé-
nieux de tous les dénoûments. Toutefois, que les amateurs se rassurent;
après les débuts, M. Halanzier, dont le respect pour nos grands auteurs est
notoire, s'empressera de rétablir le Barbier en quatre actes, et donnera par
là un témoignage public de son admiration pour le chef-d'œuvre de Ros-
sini. »
— On lit dans le Journal des Baigneurs, de Dieppe :
« On se rappelle que, cette année, notre saison de bains a été inaugurée,
vers la fin du mois de juin, par un concert au profit des pauvres, organisé
par M. Garnier et les amateurs d'élite que renferme notre société dieppoise.
L'un des charmes les plus puissants de cette délicieuse soirée était la pré-
sence de notre célèbre harpiste Félix Godefroid, qui, avec un généreux dé-
sintéressement, avait voulu prendre part à cette bonne œuvre en apportant
gratuitement le concours de son merveilleux talent. Cette soirée délicieuse
a laissé les plus agréables souvenirs , et augmenté , s'il est possible , les
sympathies de nos concitoyens pour l'éminent artiste qui a choisi entre
toutes notre ville pour sa résidence d'été, et, Dieppois par le cœur, s'est
acquis parmi nous droit de bourgeoisie.
« Aussi nos lecteurs apprendront avec plaisir que les ordonnateurs de ce
concert de bienfaisance, voulant offrir à M. Félix Godefroid un témoignage
de reconnaissance qui reste pour lui comme un bon souvenir d'une bonne
action et du gracieux concours qu'il a prêté à une œuvre philanthropique,
viennent de lui remettre un magnifique couteau à papier en ivoire riche-
ment sculpté. Le manche de ce couteau , œuvre véritablement artistique,
représente David, le roi-prophète, appuyé sur sa harpe. M. Mélicourt, notre
artiste dieppois, que l'on trouve toujours prêt à seconder une bonne inspi-
ration, a bien voulu se charger de dessiner ce sujet allégorique. La sculp-
ture a été remarquablement bien traitée par M. Brunel, ivoirier, qui, en
cette circonstance, a même sacrifié son intérêt à ceux de l'art.
« Félix Godefroid heureux et fier de ce témoignage d'estime et de gra-
titude, se propose d'exposer l'œuvre de M. Brunel et de la faire reproduire
par la photographie. Le Musée des Familles, dont M. Pitre-Chevalier est le
spirituel directeur, reproduira, nous assure-t-on, le dessin de ce beau spé-
cimen de l'industrie dieppoise, en indiquant le motif de cet hommage
rendu par nos concitoyens à l'artiste de talent et de cœur qui en est aujour-
d'hui le possesseur. »
— Une intéressante solennité musicale a eu lieu le lo de ce mois dans
le bourg de Tillières-sur-Avre (Eure). Nous en empruntons quelques détails
au Courrier de VEtire et aux correspondances de Verneuil :
« Dimanche dernier, lo septembre , le bourg de Tillières présentait un
aspect inaccoutumé. Il s'agissait d'une fête musicale organisée par le pré-
sident-fondateur de la Société philharmonique de l'Eure, de l'Orne et d'Eure-
et-Loir, M. Aubery du Boulley. Cette fête, à laquelle assistait M. le comte
de Barrey, maire de la ville de Verneuil, membre du conseil général de
l'Eure, sous le patronage duquel elle avait lieu , M. Notramy, maire de la
commune de Tillières , divers membres des corps municipaux de ces deux
communes, et un grand nombre de notabilités des villes voisines, comptera
parmi les plus belles et les plus animées qui se soient vues depuis long-
temps dans notre département. Seize musiques y ont pris part. Ce sont
celles de la Couture, Ivry, Anet (d'Eure-et-Loir), Bois-Leroi, Brcteuil, Ezy,
Saint-Jean (de l'Aigle), Rugles, Tillières, Champigny, Francheville, Ga-
rennes, Marcilly, Mousseaux, Nonancourt et Sorel.
« Les corps de musique ont tour à tour exécuté divers morceaux com-
posés par M. Aubery du Boulley. On a surtout applaudi le Chevalier Er-
rant, joué avec ensemble par la musique d'Ivry; les Visions, morceau
rendu par les musiciens d'Anet; le Rossignol, mélodie nuancée avec un
goût parfait par le corps de musique de la Couture ; enfin, le morceau final,
le Rappel des Musiciens, exécuté par toutes les musiques formant un en-
semble de 400 musiciens.
« Les pauvres n'ont pas été oubliés. Pendant le concert, une quête très-
fructueuse a été faite pour eux par deux jeunes filles de Tillières.
« Un bal champêtre a terminé cette fête, qui avait attiré plus de
6,000 étrangers dans le petit bourg de Tillières. »
— S. M. l'Empereur vient de faire remettre une médaille en argent à
M. Mangin, pour la cantate que cet artiste a fait exécuter au théâtre du
Gyninasele 1S août dernier.
NÉCROLOGIE.
Mme ROSE CHERI.
La mort, — qui vient de faire de nombreuses victimes dans le monde
théâtral, — a frappé de nouveau cette semaine un de ses coups les plus
terribles. Mme Rose Chéri, l'éminente artiste, la femme honorable n'est
plus! Elle meurt martyre de son dévouement maternel.
En prodiguant ses soins à l'un de ses enfants atteint d'une angine couen-
neuse, Mme Montigny-Lemoine a gagné ce mal terrible au moment même
où l'enfant était sauvé! Quelques heures après, le théâtre perdait une de
ses gloires, et la société une femme universellement respectée.
Mm6 Rose Chéri n'était âgée que de trente-sept ans; elle était née le
24 octobre 1824, à Étampes. Fille d'artistes dramatiques (M. et Mme Cizos),
elle se fit dans le midi de la France une réputation précoce en jouant les
rôles de Léontine Fay.
Mlle Cizos, — plus lard Mmc Lemoine-Montigny, et au théâtre Mme Rose
Chéri, — fit d'abord au Gymnase, dans Estelle, une apparition insignifiante ;
mais un mois après , en juillet 1842, le hasard aidant, elle effectua un
deuxième début, et celui-ci fut décisif.
Le nom de Rose Chéri ne tarda pas à devenir célèbre; chacun des rôles
qu'elle créa au Gymnase fut pour elle un bulletin de victoire. De plus, le
public, qui s'initie volontiers à l'existence privée des artistes qu'il applaudit,
estimait Mme Rose Chéri pour sa personne, autant qu'il l'aimait pour son
talent; et si la profonde et légitime douleur de M. Montigny pouvait avoir
quelque adoucissement, elle le trouverait dans les regrets unanimes causés
par cette mort si, cruelle, si prématurée et si inattendue.
Les obsèques de Mme Montigny-Lemoine ont eu lieu lundi dernier à
Passy. Dés deux heures et demie , l'affiuence était considérable dans la
maison mortuaire et à ses abords. L'émotion était peinte sur tous les
visages.
Une couronne a été placée sur le cercueil par M. Edouard Thierry, au
nom de la Comédie-Française.
Le deuil était conduit par MM. Victor Chéri, Edouard Lemoine et Gustave
Lemoine, qui, récemment arrivé des Pyrénées, devait fatalement assistera
ce grand malheur.
A trois heures, le convoi s'est dirigé vers l'église de Passy. Tout Paris
avait envoyé ses représentants dans les arts et dans les lettres. Plusieurs
discours ont été prononcés : par M. le baron Taylor, M. Samson et M. Laya ;
mais aucunes paroles ne sauraient rendre, nous le répétons, l'émotion peinte
sur tous les visages, et dont le souvenir ne s'effacera de longtemps.
—Le théâtre a eu également à déplorer cette semaine la mort de Mme Thé-
nard, artiste du Vaudeville, et veuve du chanteur Thénard , qui a laissé
d'excellents souvenirs à l'Opéra-Comique. De son côté, Mme Thénard, par
la distinction de sa personne et de son talent, s'était fait une réputation
méritée et acquis des sympathies qui l'avaient suivie dans sa retraite.
J.-L. Heugel, directeur
1. Lovy, rédacteur en chef.
Typ. Charles de Mour
rue Jean-Jacques Rousseau , i
EN VENTE AU MENESTREL, 2 BIS, RUE VIVIENNE.
LA CHANSON DE FORTUNIO
Opéra-comique en un acte, paroles «le MIS. HECTOB CKÉÎUÏEUX et ÏLUÏMrO<L WAJLÉW
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TABLE DES MORCEAUX DE CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
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par M. Bâche 2 50
4. Autrefois, Aujourd'hui, ronde des clercs. 2 50
5. Toutes les femmes sont à nous , valse des
clercs, à une ou deux voix 3 75 et 4 50
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1. Prenez garde à vous, couplets chantés
par MUe Chaiiert 2 50
2. La belle eau claire , chanson à boire, par
M"e Pfotzer 2 50
2 bis. La même, transposée pour contralto
ou baryton 2 50
6. Duo et Chanson de Fortunio, chantés par
M"es Chabert et Pfotzer 0 »
& bis. Chanson de Fortunio, extraite du
duo , pour soprano ou ténor 2 50
6 ter. La même , transposée pour baryton
ou contralto 2 50
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jt.-i. Battmunn. Fantaisie variée] 5 »
F. Biirsiiiuiicr. Valse de salon 6 »
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a. Croisez. Morceau de salon •. . . . 6 » I strnuss. 1er Quadrille à deux et à quatre
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5. Marche du Palanquin.
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Composés pour les bals de la Cour et de l'Opéra.
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de J. OFFENBACH.
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aux enfers, galop infernal. — 7. Le Savetier et le Financier. — 8. Le 66, tyrolienne. — 9. La Chatte, miaou. — 10. Orphée, roi de Béotie. — 11. Orphée,
couplets à Jupin. — 12. Geneviève, chanson de l'enfant. — 13. Le Mariage aux lanternes. — 14. Le Mari à laporte, valse. — 15. La Demoiselle en lolcrie.
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Chaque morceau : 3 fr.
786. — 28e Année.
N» 4S.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 6 Octobre
1861.
NESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact' en chef.
LES BUREAUX , « bis, rue Yi vienne. — HEUGEL et C'% éditeurs.
(Aux magasins et Abonnement de musique du ni:.\i:« Tin»:!.. — Tente et location de Pianos et Orgues.)
CHANT.
1er Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; 2G Morceaux :
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primes illustres. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
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On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du \" décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. Adresser franco
un bon sur la poste, à mm. il! llill, et cis, éditeurs du Ménestrel et de M Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ.CliarlesdeMourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volunre annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-Jacques Itousseau, 8.— 5910
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. Réouverture du Théâtre-Italien : Il matrimonio segreto. Paul Bernard. —
II. Rentrée de Roger a l'Opéra-Comique et débuts de Mllc Cico dans les Mousque-
taires de la Reine, i. Lovy. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur: Per-
fectionnements apportés dans le mécanisme des pianos par les Érard (2e article);
— IV. Les orgues du Palais-Ducal de Bruxelles. — V. Petite chronique : Lafont
et Paganini. — Etonnants effets de quelques instruments. — VI. Le monument
de Cherubini. — VU. Nouvelles, Nécrologie et Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le mimé rode ce jour :
POLKA-MAZURKA DES CLERCS,
Composée par Musard, sur la Chanson de Fortunio, opéra de
J. Offenbach.
Suivra immédiatement après : La Polka des Colombes, parL. Dessane.
CHANT:
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant :
CHARMANTS TYRANS DU CŒUR,
Paroles et musique de Dorval Valentino. — Suivra immédiatement
après : la Prise de Voile, scène du même auteur.
RÉOUVERTURE DU THÉÂTRE-ITALIEN.
IL MATRIMONIO SEGRETO.
Descendre du sommet des Alpes il y a quinze jours à peine ;
revenir en ligne directe d'une mer équinoxiale, c'est-à-dire
furieuse, et rentrer à Paris pour assister à la réouverture du
Théâtre-Italien, juste comme si l'on s'était donné rendez-vous
avec M. Calzado ; voila ce que les chemins de fer ont amené
dans nos mœurs, malgré et peut-être à cause de leurs accidents
fort à l'ordre du jour en ce moment ; car l'esprit de l'homme est
ainsi fait, qu'il ne dédaigne pas le danger et brave volontiers les
hasards de l'existence pour arriver à l'imprévu et éviter la mo-
notonie.
Voilà donc ce que j'accomplissais mardi dernier pour pouvoir
me dire un peu fils de mon siècle, et j'inscrivais sur mes tablettes,
non pas jour par jour, cela viendra, mais semaine par semaine :
Ascension des Alpes ; tempête en mer ; ouverture des Italiens.
Avouez que ce programme est au moins pittoresque, et que
l'ouverture des Italiens vient clore avec une certaine grâce cette
série d'événements.
C'en est toujours un, à Paris, que la réouverture de ce théâtre,
dont l'existence remonte si haut, puisque la Comédie-Italienne
fut en quelque sorte le point de départ de notre Opéra, et dont la
carrière brillante et dorée s'est toujours si bien alliée aux épo-
ques luxueuses et intelligentes de notre histoire parisienne.
Quel théâtre, en effet, que celui qui compte parmi ses direc-
teurs, Rossini ! — dans ses acteurs, Garcia, Donzelli, Galli,
Pellegrini, Bordogni, Rubini, Lablache, Tamburini, Levasseur,
Mario, Ronconi ; — dans ses cantatrices, Mmes Pisaroni, Mali-
bran, Damoreau, Sontag, Grisi, Persiani, Alboni; — et qui nous
fit connaître le premier les œuvres de Mozart, Cimarosa, Rossini,
Meyerbeer, Bellini, Donizetti, Mercadente, Verdi !
Voilà, certes, un livre d'or s'il en fut jamais, et une suite de
grandeurs comme il en existe peu, — comme il n'en existe pas,
ajouterait certainement Lagingeole.
H 1848 vint pourtant mettre en péril cette institution vraiment
nationale, en ce qu'elle participe si bien du caractère hospitalier
de la France. Tout ce qui est chevaleresque, tout ce qui est ar-
tistique n'est- il pas chez lui parmi nous? A ce dernier titre, le
Théâtre-Italien avait droit de noblesse , et il le tenait haut et
ferme. De tristes événements vinrent ébranler son existence
354
LE MÉNESTREL
jusque dans ses fondements. Les choses d'art demandent avant
tout le calme et le bien-être. Les tourmentes politiques les minent
et les anéantissent, d'abord parce que des préoccupations plus
graves viennent remplacer les questions artistiques, qui sont le
luxe de la vie ; ensuite parce que les transactions deviennent plus
rares et l'argent plus caché. La location à l'année, qui est le prin-
cipal élément vital du Théâtre-Italien, disparut complètement
vers cette malheureuse époque, et ce n'est qu'avec une persévé-
rance digne d'éloges que les directeurs de cette courageuse entre-
prise furent moins malheureux d'abord , dédommagés ensuite,
et enfin brillamment récompensés. Aujourd'hui, la salle Venta-
dour voit reparaître ses beaux jours, ou plutôt ses belles soirées.
La location est plus complète que jamais. Toutes les classes riches
s'y disputent les loges. La Chaussée-d'Antin et le faubourg Saint-
Germain y fraternisent sous l'œil cosmopolite des Champs-Ely-
sées et du faubourg Saint-Honoré. Mardi dernier, quoique la
capitale soit encore bien veuve , bien qu'une masse de touristes
manque h l'appel, et malgré l'automne, qui, par ses chasses et
ses derniers beaux jours, retient au loin les amateurs de cam-
pagne, la réunion était complète dans la salle des Italiens.
On jouait II Matrimonio segrcto , ce chef-d'œuvre toujours
jeune, cette musique toujours vivace et délicieuse. Gimarosa est
bien le père de Yopera-buffa. Quel naturel, quelle verve, quel
esprit de bon aloi ! et quelle grâce dans la mélodie, quelle finesse
dans les détails ! Le Mariage secret restera le type de cette co-
médie italienne dont Goldoni avait si bien le privilège dans les
lettres, et dont Gimarosa et Rossini seuls ont été les traducteurs
en musique.
L'exécution a été ce qu'elle doit être quand une troupe aussi
convenablement composée que celle des Italiens inaugure sa sai-
son d'hiver. MmesAlboni, Penco etMUo Marie Battu en formaient
le personnel féminin. Chacune, dans l'étendue de son rôle, y a
fait valoir ses qualités particulières. Mme Alboni a dit avec une
grâce incomparable son air du second acte. Mme Penco s'est
montrée dramatique, comme elle sait le faire quand l'occasion
s'en présente. M"e Battu a déployé beaucoup de tact et de bon
goût dans son rôle difficile, et toutes trois ont enlevé le trio du
premier acte avec une maestria, une verve et un fini dont depuis
longtemps déjà les frises de la salle Ventadour ont monopolisé
l'écho.
Les hommes ont fait ce qu'ils ont pu. Pourquoi faut-il que le
souvenir de Lablache, de Rubini et de Tamburini soit insépa-
rable de ce chef-d'œuvre? Toutefois, Zucchini est un chanteur
rempli d'intelligence, et Badiali rajeunit tous les ans de douze
mois. C'est l'eau de Jouvence adaptée à la musique. M. Belart,
qu'on a déjà eu l'occasion d'applaudir l'année dernière, parais-
sait ému et quelque peu gêné dans le rôle de Paolino. Nous l'at-
tendrons à une meilleure épreuve.
L'orchestre s'est montré gracieux et délicat, comme le réclame
le maître qu'il interprétait ce soir-là, et M. Beletti, le clari-
nettiste, a trouvé moyen de soulever quelques bravos bien sentis
dans une modeste ritournelle. Il n'est pas de petits succès qui ne
prouvent la valeur d'un homme, et les simples combats sont quel-
quefois plus difficiles à gagner qu' une bataille.
Paul Bernard.
OPÉRA-COMIQIE.
Reprise des Mousquetaires de la Reine.
Mlle Marie Cico.
■ Roger. — Débuts de
La reprise des Mousquetaires de la Reine, un des chefs-
d'œuvre d'Halévy, vient de consacrer la rentrée définitive de
Roger sur la scène de Favart. On se rappelle avec quel cachet
d'élégance et de distinction, avec quelle maestria dramatique et
vocale, Roger créa, il y a une quinzaine d'années, ce rôle d'Oli-
vier d'Entragues. Bien des ténors s'y sont succédé depuis, avec
plus ou moins de bonheur, mais aucun d'eux n'a pu effacer le
souvenir de Roger. Il a repris possession de son bien ; et telle
est la puissance de l'artiste inspiré, tel est le prestige du senti-
ment profond, que le public s'est à peine souvenu de ces quinze
années d'intervalle. Quelle diction chaleureuse ! Quel accent pas-
sionné ! Quel style ample et magistral! Avec quelle vigueur celle
voix, qu'on disait fatiguée, éteinte, domine encore les en-
sembles !
Les bravos ont éclaté dès son air d'entrée, et se sont renouvelés
dans le cours de la parution pour ne plus cesser. Le deuxième acte
a élé le signal d'un enthousiaste rappel. Mais Roger a surtout char-
mé la salle entière dans sa romance du troisième acte, et dans le
duo qui suit : A toi ma vie entière. Un nouveau rappel à la chute
du rideau, et des applaudissements réitérés, ont salué le retour
de l'enfant prodigue.
Salut aussi à la débutante, MUe Marie Cico, cette nouvelle fau-
vette, chargée des triples lauriers de la rue Bergère. Le rôle im-
portant d'Athénaïs de Solange n'a pas été jugé trop lourd pour
celte jeune artiste. Une émotion visible semblait cependant para-
lyser d'abord cet organe frais et sonore; mais la débutante n'a
pas tardé à vaincre cette crainte, et bientôt le public a pu appré-
cier celte voix si bien timbrée, cette limpide vocalisation et la
parfaite diction qui lui ont mérité sa triple palme de chant, d'o-
péra et d'opéra-comique.
Mlle Marie Cico est sortie presque victorieuse de cet air : Bo-
cage épais, la pierre de louche de nos cantatrices françaises.
Aussi l'auditoire n'a-t-il cessé, pendant toute la soirée, de lui
témoigner ses sympathies.
Un peu plus de rhythme et d'assurance dans son chant, un peu
plus d'abandon scénique, et M"e Cico, sans perdre de sa distinc-
tion, prendra rang parmi les étoiles de Favart. Le public a foi
en son avenir, et celte première épreuve ne fait que justifier ses
pressentimenls et ses espérances.
Troy, chargé pour la première fois du personnage du capitaine
Roland, a été bruyamment applaudi, bien qu'à notre sens il ait
parfois laissé à désirer, ce qui ne nous empêche pas de constater
le succès. Ponchard et MHe Bélia ont conservé leurs rôles, et ils
ont eu largement leur part du satisfecit général.
Yoilà donc une bonne soirée. Maintenant la parole est au Pos-
tillon de Lonjumeau , que l'affiche annonçait pour hier soir
samedi. Ce postillon ne sera que l'avant-coureur de Manon, l'o-
péra de M. Lefébure-Wély, dont les répétitions générales com-
mencent, et font augurer un succès de bon aloi.
J. Lovy.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
355
TABLETTES DU. PIANISTE ET DU CHANTEUR.
PERFECTIONNEMENTS APPORTÉS DANS LE MÉCANISME DU PIANO
LES ERARD
Depuis l'origine de eet instrument jusqu'à l'exposition de SS3G.
PIANOS DE VIENNE.
Quelques années après parurent aussi, à Paris, des pianos de
Vienne, principalement importés par les officiers français à la
suite des guerres d'Allemagne. Ils servirent de modèles a quel-
ques facteurs; mais ils n'eurent point de succès. Le point défec-
tueux de ce mécanisme est le manque de fixité dans le centre du
marteau, qui, monté sur la touche elle-même, a une certaine
distance de son centre, au moyen d'une fourche, devient vacillant
dès que le centre de la touche s'use un peu, et, par là, ne con-
serve plus la précision qui lui est nécessaire pour donner à la
corde un coup sûr et net.
Ce mécanisme, du reste à peu près semblable dans son effet
au dernier que nous venons de décrire, a le même défaut de ne
pouvoir reprendre le marteau qu'en laissant remonter la touche
au niveau des autres ; défaut certainement moins sensible que
dans le mécanisme anglais, la touche ayant très-peu d'enfonce-
ment; mais, par cela même, offrant un autre inconvénient, celui
de rendre des sons moins forts, de ne pouvoir les nuancer, et de
faire par conséquent de la répétition des notes un martelage sac-
cadé et sans moelleux.
En effet, la fourche qui sert de centre au marteau est montée
sur la touche elle-même; l'extrémité du marteau opposée à sa
tête est construite et pratiquée de manière à s'engrener sous le
levier ou pilote, mobile sur son centre, et maintenu dans sa
place par un ressort. Si on abaisse la touche, le marteau, trou-
vant une résistance, est lancé à la corde, et par ce mouvement
s'échappe et retombe jusqu'à ce que la touche remonte au niveau
des autres. Alors le marteau vient se replacer pour recommencer
l'opération par un nouvel abaissement de la touche.
Nous voyons donc deux principes de mécanisme se partageant
le monde musical des pianistes.
D'un côté, facilité du toucher et célérité dans la répétition.
De l'autre, précision et beauté du chant.
La perfection devait naturellement consister dans un nouveau
mécanisme qui, sans en avoir les inconvénients, réunît les avan-
tages de ces deux principes. Cette perfection, on devait l'attendre
de Sébastien Érard, qui avait déjà fait faire de si grands progrès
à l'instrument. Il se remit à l'œuvre avec une ardeur nouvelle,
et, après un travail assidu, beaucoup de recherches et des essais
sans nombre, il fit paraître un nouveau genre de pianos à queue,
d'un format plus petit et plus gracieux, le devant du clavier lais-
sant les mains à découvert, au lieu de former, comme dans les
pianos anglais, un coffre où elles étaient enfermées. Ces nou-
veaux pianos eurent beaucoup de succès à celte époque, et furent
choisis pour décorer les palais des Tuileries, de Saint-Cloud, de
la Malmaison ; et ce fut sur ces instruments que débutèrent, d'une
manière si brillante, nos premiers pianistes modernes, Henri
Herz, Hérold, etc.
Ce mécanisme se dislingue particulièrement des deux derniers
par un levier intermédiaire entre le marteau et la touche. Ce le-
vier permet d'augmenter à volonté la marche du marteau à la
corde, sans augmenter l'enfoncement de la touche. Lorsque
celle-ci est abaissée, il fait descendre avec lui la pièce en forme
d'étrier qui pose sur le marteau ; le marteau, guidé par ce mou-
vement, va frapper la corde ; mais aussitôt après les points de
l'étrier glissent sur les deux gorges ou plans inclinés formés
dans la contre-queue du marteau, et le laissent ainsi retomber à
une certaine distance de la corde ; mais les étriers ne perdent
pas pour cela leur action sur lui : de manière que l'on continue
toujours l'action du marteau sous le doigt, comme au pilote fixe,
et qu'avec la plus légère élévation de la touche à partir du fond
du clavier, on peut répéter les coups sans que l'étouffoir soit re-
venu à la corde. On a donc, comme avec le pilote, le pouvoir de
moduler les sons par le mouvement donné à la touche.
Ce perfectionnement était grand sans doute, mais il laissait
encore à désirer sous le rapport de la précision. Cette idée pré-
occupait Érard, dont le génie ne pouvait souffrir la moindre im-
perfection. En Angleterre, où le retenait alors le travail de sa
harpe à double mouvement, il s'occupait aussi du mécanisme du
piano. Les patentes qu'il prit à Londres à cette époque contien-
nent toutes des perfectionnements paur le piano aussi bien que
pour la harpe : et l'on peut dire que s'il a fait de la harpe un
nouvel instrument, il a aussi porté le piano à son plus haut degré
de perfection par le mécanisme actuel, dont nous soumettons
aujourd'hui au public et le détail et l'explication.
Il faut être familier avec ce genre de travail pour en sentir
toute la difficulté, car il ne s'agissait pas de simples innovations
de déplacement ou d'arrangement de pièces; il ne s'agissait pas
d'appliquer les principes d'un mécanisme connu à telle ou telle
forme de piano, de faire frapper le marteau, en dessus ou en
dessous, il fallait trouver ce qui avait rebuté les plus habiles mé-
caniciens de Londres, de Paris et de Vienne, et c'était un écueil
sur lequel ils avaient tous échoué, malgré les plus constants et
les plus louables efforts. Ceux de Londres, par exemple, avaient
produit des pianos de différentes formes, carrées et verticales,
où les marteaux frappaient en dessus ou en dessous des cordes,
avec un pilote mobile nommé par eux grass hopper, qui répétait
bien, mais qui avait l'inconvénient de laisser rebondir les mar-
teaux dans les uns, et d'étouffer la vibration dans les autres.
Lorsque, pour faire disparaître ce défaut, ils y appliquèrent un
arrête-marteau ou clieck, ces claviers, comme ceux de leurs
grands pianos à queue, devinrent incertains et d'une répétition
difficile : ne remédiant ainsi à un défaut que par un autre.
Voici l'invention que nous a laissée Sébastien Érard pour vo-
guer entre ces deux écueils. Elle consiste dans quatre points sé-
parés, qui se combinent ensuite ensemble.
Le premier est un point de contact entre le marteau et un res-
sort qui lui sert de support après qu'il a frappé la corde.
Le second consiste dans un autre point de contact entre le
ressort et le marteau, plus près du centre de celui-ci, pour pré-
parer la chute du marteau au moment de l'échappement.
Le troisième est' un point d'arrêt du mouvement du pilote,
monté sur le levier intermédiaire pour opérer l'échappament.
Le quatrième est un point de contact entre le marteau et le
levier intermédiaire, pour fixer le premier après qu'il a frappé
la corde, de manière qu'il ne peut ni ressauter à la corde, ni s'en
éloigner.
On peut se représenter a nouveau mécanisme ou échappement
35G
LE MÉNESTREL.
d'Érard au moment où les quatre points viennent de fonctionner
tous ensemble, par l'abaissement de la touche sur laquelle on a
laissé le doigt qui la tient au fond du clavier.
Supposons, pour faire sentir toute la perfection de ce méca-
nisme, qu'on laisse la touche remonter et quitter le fond du cla-
vier de l'épaisseur seulement d'une carte : aussitôt le point de
contact entre le marteau et le levier intermédiaire cessera. Le
ressort, au moyen du levier oblique, relèvera le marteau au ni-
veau du point de contact ; mais le levier oblique venant toucher
le second point de contact plus près du centre du marteau, celui-
ci, plus lourd à ce point, contre-balancera l'action du ressort, et
se trouvera ainsi soutenu au niveau de la tête du pilote; le pilote
rentrera au-dessous du marteau et sera prêt à le renvoyer à la
corde, dont il est resté rapproché. Il suffit donc, pour faire parler
le marteau faiblement, de lever le doigt de dessus la touche d'une
manière que nous pouvons appeler imperceptible. Veut-on aug-
menter sa force, on n'a qu'à laisser à chaque coup la touche se
lever un peu plus, et par degré, jusqu'à ce qu'on emploie la pro-
fondeur entière du clavier. Ainsi, l'enfoncement de la touche,
qui est un obstacle aux exécutants dans un échappement ordi-
naire, devient avec nous un véritable avantage, car on peut ob-
tenir beaucoup de force en faisant enfoncer le clavier, et cela
sans produire cet empâtement que l'on trouve dans les claviers à
échappement ordinaire.
Ce mécanisme est si merveilleusement combiné, qu'il ne laisse
rien à désirer aux pianistes. Avec un enfoncement convenable,
de trois lignes, par exemple, on obtient un coup plus fort que
dans l'échappement ordinaire. Le levier intermédiaire est là
comme puissant auxiliaire ; on en tire tout le secours possible
sans alourdir le clavier.
Ce poids, dont on se plaint dans les claviers ordinaires, vient
surtout de la position de l'étouffoir posé sur la touche à une
grande distance de son centre ; il pèse naturellement en propor-
tion de'cette distance ; et pour faire étouffer convenablement dans
les octaves de la basse, on est forcé d'augmenter sa pesanteur, et
d'ajouter par là à celle du clavier.
Dans l'échappement d'Érard, au contraire, l'étouffoir est atta-
qué par le levier, près de son centre, qui maîtrise l'étouffoir sans
que le doigt en sente le poids.
La supériorité de cet échappement, fruit des recherches con-
stantes de l'homme le plus capable dans cette application de la
mécanique, est une chose positive qu'on ne peut pas plus nier
que son existence. On y trouve enfin pour le clavier du piano
la perfection si longtemps désirée par les pianistes. Aussi pou-
vons-nous dire avec un juste orgueil que ce perfectionnement
fit une révolution dans la construction du piano ; et comme le
piano a fait oublier le clavecin, la harpe à double mouvement
d'Érard, celle à simple mouvement, le nouvel échappement
d'Érard est destiné à faire oublier l'échappement ordinaire.
En Angleterre, le succès de ces nouveaux pianos fut tel que les
grands pianistes Hummel, Moschelès, Mcndelsohn, Ilcrz, les
choisirent pour se faire entendre, et qu'à Windsor et à Saint-
James, comme aux Tuileries, ce furent les instruments préférés.
A Paris, ces instruments , exclusivement adoptés par Listz, sont
recherchés par tous les pianistes quine sont pas facteurs. Et quel
autre instrument pourrait répondre avec le même effet aux inspi-
rations de nos pianisles modernes?
Nous présentons donc avec assurance notre nouveau système
aux imitateurs du système anglais. Les copies de ce système, dont
on a tant parlé en 1827, étaient seulement une répétition de ce
que nous avions produit nous-mêmes trente ans auparavant. Et
ici nous ne pouvons nous empêcher, nous nous devons à nous-
mêmes, de faire remarquer que la plupart de ces inventions qu'on
annonce comme nouvelles ne sont que des inventions d'Érard,
pour ainsi dire, ressuscitées. Le barrage métallique, par exemple,
qui donne plus de solidité à l'instrument et lui fait mieux tenir
l'accord, avait été exposé par lui en 1823; importé en Angleterre
en 1824, il en a été réimporté en grande pompe en 1827.
L'application de ce principe dans les pianos d'Érard offre des
résultais bien plus satisfaisants que dans les pianos anglais ordi-
naires, où le barrage métallique n'avait été employé d'abord que
pour remplacer le barrage intérieur en bois, tandis que dans les
pianos d'Érard , les barres appliquées au-dessus du plan des
cordes dans toute l'étendue de l'instrument, établissent la résis-
tance presque sur le même plan que le tirage. Il sert en même
temps à soutenir les sommiers et à en assurer la solidité au moyen
des boulons qui, passant à travers la table, lient le barrage en
dessus à celui en dessous, de manière que les cordes se trouvent
tendues entre deux plans de résistance qui donnent une solidité
à l'instrument, qu'on ne pourrait obtenir en suivant un principe
différent de construction.
Au reste, tous ces systèmes, fussent-ils véritablement anglais,
fussent-ils cent fois meilleurs, les Érard peuvent se flatter qu'en
France on ne viendra pas les leur opposer, les comparer même
au leur, puisque , en Angleterre même , la supériorité de leurs
pianos y est généralement reconnue. Les Érard peuvent donc
hardiment répondre aux admirateurs nés de tout ce qui vient de
l'étranger : Vous pouvez avoir imité avec un rare bonheur,
mais nous avons surpassé même les modèles que vous avez
imités.
LORGUE DU PALAIS-DUCAL DE BRUXELLES.
L'Indépendance belge consacre tout un intéressant feuilleton
à l'inauguration de l'orgue du Palais-Ducal, à Bruxelles.
« Bruxelles, dit l'Indépendance, a l'honneur d'être la première
ville du continent qui possède un orgue dans une salle de con-
cert. Il y a longtemps que Londres et les grandes cités de l'An-
gleterre jouissent de cet avantage; mais la Franco et la musicale
Allemagne ont négligé jusqu'à ce jour de l'acquérir. Il était ré-
servé à la Belgique de leur donner l'exemple.
« C'est à l'initiative et aux efforts persévérants de M. Félis que
le Conservatoire est redevable d'avoir obtenu pour la salle de ses
exercices publics l'adjonction de cotte puissante voix à son or-
chestre. L'art musical reçoit là du chef illustre de notre floris-
sante école un service ajouté à tant d'autres. Enfin, c'est par le
concours simultané du gouvernement, du conseil communal de
Bruxelles et du conseil provincial qu'ont été donnés les moyens
de convertir l'idée en une mesure réalisée.
« Il y a une dizaine d'années, M. Fétis lisait à l'Académie une
notice sur la facture des orgues, dans laquelle il appelait l'atten-
tion des fabricants belges sur l'infériorité de leurs produits rela-
tivement à ceux des ateliers de l'Allemagne et de l'Angleterre, en
indiquant les perfectionnements introduits chez nos voisins dans
diverses parties essentielles du mécanisme, et négligés chez nous.
Cette communication a porté ses fruits, car ces mêmes perfec-
tionnements ont été introduits dans les ateliers de la Société
anonyme pour la fabrication des grandes orgues, par M. Mercklin,
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
357
qui était allé les étudier à l'étranger, et ils ont reçu leur application
dans le magnifique instrument qui vient d'être inauguré au Pa-
lais-Ducal. »
Quatre organistes, désignés par leur talent et par leur position,
avaient été conviés à prendre part à cette séance d'inauguration
dans la salle du Conservatoire: M. Lemmens tout d'abord,
MM. Mailly (organiste du Finistère et de Saint-Joseph), J. Cal-
laerls (cathédrale d'Anvers), etDuguet (cathédrale de Liège). Ces
quatre éminents artistes ont fait puissamment valoir les qualités
du bel instrument sorti des ateliers de la maison Mercklin, de
Bruxelles et Paris. Aussi ï 'Indépendance belge ajoute-t-elle dans
son compte rendu que la construction des orgues du Palais-Ducal
met, pour cette partie de la culture de l'art musical, la Belgique
sur le pied des nations les plus favorisées, comme on dit dans
les traités de commerce. Il peut y en avoir d'autres bonnes ail-
leurs, mais à coup sûr il n'y en a pas de meilleures.
PETITE CHRONIQUE.
PAGAN1NI & LAFONT.
M. de Rovray publie dans le Moniteur de très-intéressants
feuilletons sur la vie de Paganini, le plus grand virtuose des
temps modernes. Déjà nous avons emprunté plus d'un trait sail-
lant à cette fantastique figure. Voici une anecdote qui plaira
doublement à nos lecteurs, car elle donne en même temps un
souvenir à l'un de nos plus grands violonistes français.
Paganini passa une partie de l'année 1816 à Gênes, dans sa
famille. Il y prenait quelque repos nécessaire à sa santé, lors-
qu'on lui manda que Lafont, le grand violoniste français, venaij
d'arriver à Milan pour y donner des concerts. Paganini accourut,
très-curieux de l'entendre ; il l'admire, il l'applaudit; puis, dans
l'espoir que Lafont ne sera pas moins désireux que lui de le con-
naître, il donne lui-même un concert à la Scala. Ici, les bio-
graphes ouvrent de grands débats pour savoir qui des deux artistes
a été voir l'autre le premier ; j'imagine qu'ils ont cherché à se
rencontrer avec un égal empressement, mais enfin mettons que
Paganini faisait les avances. Il était chez lui et il devait des
égards a un illustre étranger. Le voilà donc chez Lafont... La
conversation s'engage ; des compliments sont échangés. Le fait
positif est que Lafont, le premier, offrit à Paganini de donner
un concert où ils joueraient ensemble.
Paganini s'excusa d'abord ; était-ce crainte ? Je crois que
c'était courtoisie. Lafont sans doute avait beaucoup de talent;
mais le prestige de son rival était immense, et on pouvait douter
de l'impartialité d'un public italien, juge dans sa propre cause,
puisqu'il regardait avec raison Paganini comme une gloire natio-
nale. Il y eut de la part de Lafont témérité chevaleresque, pour
ne pas dire présomption, dans un tel défi ; et dans le refus de
Paganini fierté généreuse et une sorte de scrupule qu'on ne pût
lui reprocher d'abuser de ses avantages. Lafont redoubla d'ins-
tances, de flatteries, de prières ; l'autre ne se laissait pas entamer,
lorsqu'une intervention qu'il n'avait point prévue mit fin, d'un
seul mot, à toutes ses résistances.
Mme Lafont vint en aide à son mari. Ceux qui ont l'honneur
de connaître et d'approcher cette charmante femme et qui sont
à portée d'apprécier son esprit délicat, ses attraits, sa grâce, peu-
vent juger encore aujourd'hui de ce qu'elle devait être à vingt
ans. Belle, grande, bien faite, un port de reine, une démarche
de déesse, la voix d'une douceur infinie, le teint, les yeux, les
bras admirables, elle n'eut qu'à se montrer pour éblouir et con-
vaincre. Paganini s'inclina, trop heureux d'obéir à ses ordres, et il
pria Lafont de vouloir bien régler le programme.
Tout ce que Milan possédait de personnages et d'amateurs dis-
tingués assistait à ce concert. Le silence était si grand, la curiosité
si vive, qu'on eût pu entendre le battement des cœurs et le bruit
des respirations. Deux nations, pour ainsi dire, deux écoles étaient
en présence, et les deux lutteurs paraissaient d'une force égale.
Paganini joua d'abord un concerto de sa composition, puis La-
font un des siens. Quand les deux artistes s'avancèrent devant la
rampe pour exécuter la symphonie concertante de Kreutzer, ils
furent accueillis par des applaudissements frénétiques. Lafont
salue, accorde longuement son violon, se tourne ensuite vers
Paganini et veut lui donner le la. Celui-ci sourit, lève légère-
ment les épaules, et attaque le morceau. Dans tous les ensembles
il joua exactement ce qui était écrit, mais dans les solos il s'aban-
donna librement à sa fantaisie; ce qui ne parut pas être du goût
de son illustre adversaire. Un point d'orgue prodigieux fit crouler
la salle, et si l'on avait admiré la qualité du son, la beauté du
style, la régularité et la pureté du jeu de Lafont, on fut trans-
porté par l'originalité puissante, les traits merveilleux, la poésie,
la fougue, l'ardeur et l'éclat du grand violoniste italien. A qui,
en définitive, demeura la victoire? Lafont disait souvent qu'il ne
croyait pas avoir été vaincu. Paganini ne disait rien ; mais il y
avait beaucoup de modestie dans son silence.
Quoi qu'il en soit, cette lutte ouverte et loyale, cette noble
émulation entre les deux grands artistes n'a jamais altéré du plus
léger nuage l'amitié qui s'établit entre eux dès qu'ils se connu-
rent et qui a duré tant qu'ils ont vécu.
A. de Rovray.
ÉTONNANTS EFFETS DE QUELQUES INSTRUMENTS.
LES OISEAUX VIRTUOSES.
L'Allemagne nous entretenait dernièrement des Métaux chan-
teurs, au seul point de vue acoustique. Aujourd'hui, le Guide
musical belge nous traduit les effets saisissants de ces métaux
mis en œuvre sous le double rapport de la facture et de l'exécu-
tion. Nos lecteurs remarqueront en particulier les sensations pro-
duites par les orgues gigantesques d'Haarlem et de Westminster,
sans regretter toutefois que nos grandes orgues paroissiales de
France n'atteignent pas de semblables effets.
■ Si de l'Eglise, — pour suivre le récit du Guide musical belge,
— nous passons à la gent volatile, déclarons aussi, toujours sans
regret, qu'en France le canard, le coq et le perroquet n'ont ja-
mais produit les effets qu'on leur prête en Allemagne et en An-
gleterre.
* *
La trompette , instrument dont peu de personnes savent tirer
parti, est devenue chez les Russes un instrument de concert. Le
célèbre Baillot, se trouvant à Moscou, fut conduit par le prince
Potemkin dans une galerie obscure, où devait avoir lieu un con-
cert de trompettes.
Que pensez-vous de cela? demanda le prince au virtuose, après
l'exécution du morceau.
Cela ne ressemble à rien de ce que j'ai jamais entendu : c'est
358
LE MÉNESTREL.
la musique d'un autre monde, et il m'est impossible de deviner
par quels moyens de tels effets sont produits.
On apporta des torches. Baillot aperçut, rangés sur une seule
ligne, deux cents soldats, tenant chacun une trompette dont la
forme était à peu près celle d'un éteignoir, et dont la dimension
variait de vingt pieds à un pouce de longueur. Chaque trompette
ne donnait qu'une seule note ; il en fallait deux cents pour exé-
cuter le concerto de Haydn, et les deux cents instruments avaient
si bien joué leur note, si bien respecté la mesure, que l'exécution
avait été parfaite, supérieure même à ce qu'on pouvait attendre
de musiciens consommés.
L'instrument des cathédrales, le roi des instruments, c'est
l'orgue. Nul ne l'égale en variété , en puissance, en étendue.
C'est le fils du moyen âge, l'organe de la musique chrétienne ; il
est profoud et sévère comme la foi, inimitable dans ses effets
grandioses.
Il existe dans la cathédrale d'Haarlem un orgue auprès duquel
tous ceux de France et d'Angleterre sont des pygmées et des
jouets. L'église est d'une étendue et d'une hauteur prodigieuse ;
du sol jusqu'aux architraves s'élèvent d'immenses tuyaux blancs
et polis, que l'on prendrait pour des colonnes d'argent, et qui
remplissent toute l'aile inférieure de la cathédrale. Ce sont les pou-
mons du géant ; c'est de là que sortent les tonnerres qui dirigent
la psalmodie puritaine de trois mille voix réunies. Un des jeux,
celui de la voix humaine, plus brillant et plus hardi que les
autres, se fait entendre au-dessus des doubles diapasons et plane
sur cet abîme d'harmonie. Les ornements que l'organiste intro-
duit entre les psaumes semblent les jeux d'un monstre sur les ri-
vages, ou le battement des flots dont l'Océan frappe les rocs.
L'orgue de Westminster est aussi un des plus gigantesques qui
existent en Europe. En 1824, le roi et la reine des îles Sandwich,
sauvages que l'on venait de conduire en Angleterre et q'ue le
christianisme avait à peine civilisés, entendirent pour la première
fois les sons de cet orgue. On apercevait auprès du doyen, dans
le chœur, un petit nègre, en habit noir, gilet blanc, gants vert-
d'eau, et les yeux stupidement fixés sur la voûte et ses encorbelle-
ments : c'était le roi. Plus loin se trouvait une femme colossale,
dont les traits étaient nobles et dont la physionomie était fière :
c'était la reine. Au premier son de l'orgue elle s'élança de sa
stalle, et la dame anglaise qui l'accompagnait eut beaucoup de
peine à. calmer la violente agitation de la pauvre femme. Toutes
les fois que les tuyaux de l'orgue exhalaient leurs mélodies et
leurs accords, même frénésie, même étonnement, mêmes excla-
mations de la part de la reine, qui semblait prête à entrer en con-
vulsions. On fut obligé de l'emporter ; tant cette musique pro-
duisait sur elle d'impression.
***
Les instruments à vent, à la tête desquels se trouvé le colosse
harmonique dont nous venons de parler, imitent dans leurs pro-
cédés la voix des oiseaux et celle de l'homme. Parmi les oiseaux,
quelques-uns, comme le canard, ont dans leur organisme le type
de la clarinette et celui du hautbois. D'autres, le coq, par
exemple, jettent leurs fanfares comme la trompette et le clairon.
Mais de tous les oiseaux chantants, le plus remarquable, en ce
qu'il imite la prononciation humaine avec talent et exactitude,
c'est le perroquet. Ses notes se forment au fond de son gosier.
Lord Kellis avait un perroquet qui chantait le God save the hing
tout entier sans une seule faute.
Le perroquet du chanteur anglais Braham n'était pas moins
élonnant. Une dame qui admirait beaucoup le talent de cet ar-
tiste, avait coutume de porter avec elle son perroquet dans sa loge
au théâtre. Le perroquet , à force d'entendre le chanteur, était
parvenu à imiter complètement sa manière. Un jour que Braham
dînait avec cette dame, un domestique apporta l'oiseau, qui, per-
ché sur son bâton, commença la conversation en ces mots :
— Chantez-nous un air, Braham.
Comme on ne répondait pas, le perroquet entonna \eRule Bri-
tannia d'une voix claire, sonore, avec des appogiatures et des ca-
dences perlées, à l'imitation de Braham, qui ne pouvait revenir
de sa surprise. Depuis, l'oiseau formé à son école, devint son pen-
sionnaire. C'est le même perroquet virtuose, devant lequel Mme Ca-
talani se précipita un jour-à genoux, étonnée de son talent et du
volume de sa voix (!!!)
LE MONUMENT DE CHERUBINI.
Dimanche dernier nous annoncions que le roi Victor-Emma-
nuel et le prince de Carignan avaient donné un noble exemple
en s'inscrivant en tête de la souscription ouverte en Italie pour la
fondation d'un monument à la mémoire de Chérubini. Bien que
ce monument soit destiné à Florence, la ville natale du grand
musicien , nous dirons dès aujourd'hui que non-seulement une
liste de souscription a été ouverte à notre Conservatoire impérial
de musique , mais que , de plus , la Société des concerts a décidé
de donner, en novembre prochain, une séance en dehors de
l'abonnement, et dont le produit serait consacré à la même fon-
dation.
Le programme de ce concert se composera des plus belles
pages de l'illustre directeur du Conservatoire, de celles des grands
maîtres du sanctuaire, et enfin d'une œuvre nouvelle de Rossini,
orchestrée expressément pour cette solennité. Le comité de la
Société des concerts a reçu à ce sujet une supplique par laquelle
le célèbre ami et compatriote de Chérubini sollicite en cette
mémorable circonstance l'honneur de faire entendre 79 mesures
inédites, sous le titre: Les Titans. Il demande pour interprètes
l'orchestre du Conservatoire et quatre basses de haute-taille de
l'Opéra.
Depuis trente-deux ans, Rossini n'avait rien orchestré et ma-
nifestait son embarras au moment de mettre ses instruments en
partition. Les cors l'inquiétaient, et même le tam-tam qu'il qua-
lifiait de petite flûte des Titans.
Cet hommage de Rossini à la mémoire de Chérubini nous rap-
pelle l'envoi récent, fait par lui, d'un portrait de Chérubini jeune,
à sa digne et honorable veuve. Il lui écrivait : « Voici, chère ma-
dame Chérubini, le portrait de ce grand homme resté aussi jeune
dans votre cœur que dans mon esprit. » On le voit, il est de ces
amitiés que le temps ne saurait altérer.
NOUVELLES DIVERSES.
— Ainsi que nous l'avons annoncé, Meyerbeer se rendra à Kœnigsberg
pour les fêles du couronnement. Il dirigera l'orchestre au grand concert
qui sera donné dans la salle moscovite du château. L'illustre maître a com-
posé pour cetle circonstance un hymne et une marche de couronnement,
qui sera jouée pendant que le roi se rendra du château à l'église et à son
retour. D'après le désir manifesté par Meyerbeer, la chapelle royale de
Berlin ellcDomclior se trouveront avec lui à Kœnigsberg.
— C'est par erreur qu'on avait annoncé le soixante-dixième anniversaire
de la naissance de Meyerbeer. Le chantre de Robert, des Huguenots el du
Prophète est né le !i septembre 1796 ; il est par conséquent âgé de soixante-
NOUVELLES ET ANNONCES.
359
cinq ans. Pour la vigueur du talent et l'âpreté au travail, Meyerbeer n'a
pas la cinquantaine.
— Les. sœurs Marchisio ont fait une entrée royale au Théâtre-Italien de
Berlin, dans el Trovatore, en compagnie du ténor Pcnsani, du baryton
Squarcia et dubassb Cosselli, qui tous trois ont été accueillis avec la plus
grande faveur. On annonce Norma et Sémiramis par les sœurs Marchisio,
ainsi que la rentrée de M1Ie Trebelli dans il Barbiere, avec les débuts du
ténor Montanaro.
— On écrit de Naples :
« L 'imprésario Montelli, n'ayant pu fournir son cautionnement, a été
finalement déchu, avec perte de 2,300 ducats déposés par lui d'avance.
L'administration provisoire doit cesser à la findu mois, et laissera le théâtre
San-Carlo dans un état déplorable, presque tous les bons artistes étant déjà
partis. »
■ — On lit dans le Trovatore, de Milan, que le ministère de l'instruction
publique a nommé une commission pour la réforme du règlement du Con-
servatoire royal de musique de Milan. ■
— Les journaux italiens parlent avec éloge des représentations du théâtre
de la Scala, sous la nouvelle direction de M. Merelli. Le public milanais a
fort bien accueilli Benvenuto Cellini, ballet du chorégraphe Monplaisir, mu-
sique du maestro Venzano. Dans Poliuto, de Donizetti, Mmo Colson a obtenu
un succès d'enthousiasme, mais les hommes sont faibles ; les chœurs et
l'orchestre laissent également à désirer. Heureusement le vent soufflait à
la clémence. On sait d'ailleurs que le public est peu sévère dans cette sai-
son.
— Une autre cantatrice française, MUe Casimir Key, vient de débuter avec
éclat sur le théâtre de la Scala ; elle avait choisi le rôle d'Isabelle, dans
Robert le Diable. Mlle Casimir Ney a été rappelée sept ou huit fois, et
inondée de bouquets.
— Un autre journal de Milan nous apprend que le théâtre de la Scala a
l'intention d'abaisser son diapason au niveau de celui de France.
■ — Suivant les correspondances de Saint-Pétersbourg, la mort du régis-
seur général de.l'Opéra-Italien, M. Cavos, aurait retardé l'ouverture de ce
théâtre. — On dit que le maestro Verdi se fait payer 80,000 fr. pour la
partition la Forza d'il destina.
— On écrit de Londres :
« L'éditeur de musique Robert Cocks s'est signalé par un acte de philan-
tropie en faisant construire un certain nombre de maisons destinées à être
habitées par des pauvres de Old Ruckenham, auxquels il en fera don. Cha-
que habitation se compose de trois pièces, dans lesquelles se trouveront les
meubles nécessaires et une tonne de charbon qui sera renouvelée tous les ans;
deux shillings seront, en outre, donnés chaque semaine aux locataires. »
— L'habile compositeur anglais Vincent Wallace est arrivé à Paris, et se
propose d'y passer l'hiver.
— Voici une nouvelle qui donne raison aux observations que nous avions
précédemment faites, et que nous nous empressons de porter à la connais-
sance de toutes les dames amateurs du Théâtre-Italien :
« Nous sommes heureux d'annoncer, dit l'Entr'acle, que Son Exe. M. le
Minisire d'Élat a bien voulu revenir sur la décision qui avait été prise au
sujet des fauteuils d'orchestre du Théâtre- Italien. Les dames continueront
à être admises à ces places comme par le passé.
« Pour notre part, nous n'avons jamais douté de ce dénotaient. Il y a
trente ans et plus, que l'orchestre, à Ventadour, est accessible aux femmes.
Ces places sont le refuge des personnes qui, pour une raison ou une autre,
veulent se dispenser des grandes toilettes exigées par les places d'apparat,
et de celles aussi qui n'ont besoin que de deux places (on ne louerait pas
volontiers des moitiés de loges; et d'ailleurs les loges sont facilement louées
entières par l'administration ; il n'y en a même jamais assez; on ne peut
satisfaire à toutes les demandes d'abonnements). — Plus de soixante-dix
abonnés, habitués à retrouver chaque année leurs stalles, attendaient avec
une véritable anxiété le résultat de cette démarche. »
— M. et Mn;e Ernest Lévi-Alvarès, rue Saint-Louis, au Marais, ont
donné jeudi dernier leur séance musicale annuelle à l'occasion de la
réouverture de leurs cours. Cette année leur programme offrait un attrait
tout particulier, car les dilettantes du Marais ont eu la bonne fortune d'en-
tendre la jeune et gracieuse pensionnaire de l'Opéra-Comique, M1'0 Balbi.
Inutile de dire que la suavité de sa voix et la douce flexibilité de son
gosier ont fait merveille. Un autre artiste de l'Opéra-Comique, notre
joyeux chanteur Berlhelier, dont l'obligeance est inépuisable,* ajoutait à
l'intérêt de la partie vocale. Il a singulièrement égayé l'auditoire avec ses
chansonnettes, notamment les Proverbes (musique de M. Rousselet). Un
habile baryton, M. Lafont, complétait le personnel chantant. La partie ins-
trumentale était représentée par Mme Ernest Lévi-Alvarès (piano) et M. E.
Colonne, un des premiers violonistes de l'Opéra, excellent musicien et vir-
tuose procédantde la bonne école. De son côté, Mm8 Lévi-Alvarès a traduit,
avec le sentiment de l'artiste et du professeur, un nocturne de Chopin, et
la Sicilienne de Ravina. Bref, les assistants n'ont eu qu'à se féliciter de
cette matinée.
— La nouvelle composition de M. L. Schlosser, l'Industriel, a été
exécutée au Palais de l'Industrie, ainsi que nous l'avons annoncé. Les or-
phéonistes dessociélés la Germania, X 'Harmonie maçonnique, Y Harmonie
de Paris, ont montré dans cette circonstance leur bon vouloir et leur ap-
titude progressive. M. Ferdinand Schlosser, le frère du compositeur, a
chanté le solo avec une voix sonore et sympathique. Le chœur de M. L.
Schlosser est une musique à la fois large et facile, et les paroles de M. La-
bourieu sont fort bien appropriées à la solennité. Nous recommandons ce
ehantaux Sociétés orphéoniques de nos départements.
— Notre excellent comédien Arnal, qui est poète à ses heures, vient de
réunir en un volume, sous le titre de Boutades, en vers, tous les produits
de samuse éparpillés depuis trente ans dans les journaux, almanachs, revues
théâtrales et littéraires. Nous avons parcouru ce volume avec un vif plaisir.
Beaucoup de bon sens, assaisonné de satire, une bonne dose de philosophie
pratique, même un grain d'érudition, une versification facile et correcte,
telles sont les qualités qui recommandent le livre de notre comédien-poëte.
Nous signalons aussi les notes, en prose, qui accompagnent ce recueil de
poésies, surtout celles qui suivent la spirituelle Êpître à Bouffé, la pièce
capitale du volume.
— SI. A. Elwart, professeur au Conservatoire, reprendra ses cours par-
ticuliers d'harmonie le 7 octobre, — et le 3 novembre il recommencera les
cours préparatoires aux examens de la commission pour ceux de messieurs
les militaires aspirant aux emplois de chefs et sous-chefs de musique de
l'armée. — On s'inscrit chez M. A. Elwart, 43, rue Laffltte.
— Cours complet de musique applique au piano , par M. Victor
Tirpenne. — Cet ouvrage didactique, approuvé par l'Institut de France, se
compose: 1° d'une méthode de piano; 2° d'un solfège élémentaire; 3° de
cent études graduées; 4° d'une grammaire musicale. — Prix de la sous-
cription : 40 fr., divisés en quatre payements de 10 fr.
On souscrit au Ménestrel.
— Mlle Marie Beaumetz reprendra ses cours de piano, à partir du 15 oc-
tobre, rue du Bac, 37.
— Langue italienne. — Mme Morelli, de Rome, enseigne l'italien dans
toute sa pureté. — 3, rue du Dauphin.
— Concert des Champs-Elysées. — Aujourd'hui dimanche, 6 octobre,
concert de jour de 2 à 4 heures du soir dans le beau jardin de M. de Besse-
lièvre. Arban conduira l'orchestre, et exécutera sur le Cornet à pistons une
cavaline et des variations sur Béatrice di Tenda.
M"*= Louise MATTMANN.
Encore une mort prématurée, et celle-ci atteint directement le monde
musical. Une de nos pianistes les plus célèbres, Mme Louise Mattmann,
vient de succomber, dans sa trente-quatrième année, après une doulou-
reuse maladie. Non-seulement elle excellait dans la musique classique,
mais elle élait de ce petit nombre d'artistes que le public de la Société des
Concerts a honorés de ses suffrages.
Mme Louise Mattmann qui, malgré un talent de premier ordre, n'a cessé
de supporter bien des vicissitudes, et comme femme, et comme artiste, s'est
vu mourir au sein des privations, et à l'insu de ceux qui, ayant tant de
fois en elle admiré l'artiste, se seraient empressés de venir adoucir les der-
niers moments de la pauvre malade. Cette triste fin double le regret de ceux
qui ont connu et apprécié cette pianiste classique entre toutes, l'un des
ornements de notre école de musique de chambre. N'est-ce pas en même
temps tout un remords pour nos artistes et dilettantes !
J.-L. Heugel, directeur
J. Low, rédacteur en chef.
Typ. Cliarles de Mourgues frères , rue Jean- Jacques Ito
EN VENTE au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, HEUGEL et Ce, éditeurs.
COLLECTION COMPLÈTE
DES
CHANSONS DE GUSTAVE NÀDAUD
Publiées en sept volumes grand in-8°, et une collection de chansons légères ,
Paroles et musique avec accompagnement de piano.
Prix net. Chaque volume : 6 fr. — Collection des 30 chansons légères : 8 fr. — Souscription aux huit volumes : 40 fr.
i Vieille histoire.
2 L'inconnu.
3 L'automne.
4 Une fée.
5 Trompette.
21 Le quartier latin.
22 Les dieux.
23 Le vieux tilleul.
24 Le château et la chaumière.
25 La ligue des maris.
41 Les pauvres d'esprit.
42 Est-ce tout?
43 La Kermesse.
44 La meunière et le moulin.
45 May.
61 Le voyage aérien.
62 Rose-Claire-Marie.
63 Mon héritage.
64 Paris.
65 Jaloux, jaloux.
81 La forêt.
82 Lanlaire.
83 Pêcheur silencieux.
84 L'aveu.
85 Des bêtises.
101 Les heureux voyageurs.
102 L'aimable voleur.
103 La vie moderne.
104 Le pot de vin.
105 La vigne vendangée.
121 L'histoire de mon chien.
122 Libre! stances à l'Italie.
123 Bernique.
124 Nuit d'été.
125 Mon oncle Gaspard.
1 Les amants d'Adèle.
2 Le souper de Manon.
3 Satan marié.
4 Toinette etToinon.
5 Ursule.
6 Les gros mots.
7 Quitte à quitte.
8 Le coucher.
6 Voilà pourquoi je suis garçon
7 Les mois.
8 Un propriétaire.
9 Le melon.
10 Je pêche à la ligne.
26 Bonhomme.
27 La ballade au moulin.
28 Perrette et le sorcier.
29 Les cerises de Montmorency
30 Je n'aime pas.
46 La solution.
47 Pa-torale.
48 Fantai.-ie.
49 Je grelotte.
50 Jean qui pleure et Jean qui rit
66 Mes mémoires.
67 L'été de la Saint-Martin.
68 La bayadère voilée.
69 Le jardin deTéhadja.
70 Souvenirs de voyage.
86 Le fou Guilleau.
87 La nacelle.
88 Père capucin.
89 La pluie.
90 Les plaintes de Glycère.
106 Le cigare.
107 Les lamentations 'd'un réverbère
108 La confidence.
109 Les pêcheuses du Loiret.
110 La chanson de gros Pierre.
126 L'attente,
127 L'oubli.
128 Le roi boiteux.
129 L'improvisateur de Sorrente.
130 Les côtes d'Angleterre.
VOLUME.
11 Au coin du feu.
12 Les grands-pères.
13 Les rats.
14 Je m'embête.
15 Ma femme n'est pas là.
8° VOLUME,
31 Rêves et réalités.
32 Les étrennes de Julie.
33 M. Bourgeois.
34 Louise.
35 Le docteur Grégoire.
3e VOLUME.
51 Les écus.
52 Pierrette et Pierrot.
53 Le phalanstère.
54 Les impôts.
55 Les réformes.
4e VOLUME.
71 Insomnie.
72 La vieille servante.
73 II faut aimer.
74 Ma philosophie.
75 Les deux notaires.
VOLUME.
91 Le vieux télégraphe.
92 Ma sœur.
93 Les ruines.
94 La mèreGodichon.
95 M. de la Chance.
G8 VOLUME.
111 Le puits de Ponlkerlo.
112 Les projets de jeunesse.
113 Le sultan.
114 La cuisine du château,
115 Chanson napolitaine.
VOLUME.
131 A propos d'annexion.
132 M'aimez-vous?
133 Le mandarin.
134 Elle.
135 Une histoire de voleur.
S
16 Je ris.
17 Nous sommes gris. •
18 Ivresse.
19 Aujourd'hui et demain.
20 Chauvin.
36 Chut.
37 Les hommes utiles.
38 Le Champagne.
39 Le carnaval à l'assemblée .
40 Beauté.
56 Le message.
57 Pandore.
58 L'histoire du mendiant.
59 La valse des adieux.
60 La première maîtresse.
76 Le bonsoir.
77 La petite ville.
78 Le chevalier à boire.
79 Flora cruelle.
80 Cheval et cavalier.
96 Ma voisine
97 Le vallon de la jeunesse.
98 La fille de l'amour.
99 Lettre d'un étudiant à une étudiante.
100 Réponse de l'étudiante à l'étudiant.
116 La bûche de Noël.
117 Macadam.
118 Le pays natal.
119 La lecture du roman.
120 Le nid abandonné.
136 La promenade.
137 La bruyère.
138 La ferme de Beauvoir.
139 Le vent qui pleure.
140 Florimond l'enjôleur.
COLLECTION DES 30 CHANSONS LEGERES
9 Les boutons.
10 Auguste, étudiant de 10e année.
11 Boisentier. •
12 La gaîté française,
13 Les poissons."
14 La chanson de trente ans.
15 Adèle.
16 La lorette.
17 La lorette du lendemain.
18 La chaumière.
19 Les reines de Habille.
20 Palinodie.
21 Les confessions.
22 Les deux.
23 Mes enfants.
24 Madeleine.
25 Les plaisirs sont trop courts.
26 Un mari malheureux.
27 Thérèse.
28 Le lion d'or.
29 Le dix-cors.
30 La toilette.
HUITIÈME VOLUME.
Prix net : 8 fr.
t de mois en mois au Ménestrel, 2 l)is, rue Vivienne, sous le titre : Une Chanson par mois ; 12 chansons par an, paroles, musique et accompagnement de piano.
Paris et province, abonnement d'un an, net : Gfr. (L'abonnement part du 1er septembre de chaque année.)
Chaque chanson séparée, en grand formai, prix marqué : 2 fr. 50 e.
LA VOLIERE
Pour ténor, basse, trial et soprano. — Prix net : 8 fr.
OPERAS DE SALON
Partitions in-8°, texte, client et piano.
PORTE ET FENETRE
Pour ténor, baryton, basse et soprano. — Prix net : 5 fr.
LE DOCTEUR VIEUXTEMPS
Pour deux ténors 3 basse et deux soprani. — Prix : 9 francs.
PARODIE 11E tiA lt€»JVI A NCK
Prix marqué : 5 fr.
• Les trois premiers volumes, la collection des Chanson s légères et les Opéras de salon seront en vente le l»r mai 1861, les autres volumes suivront de mois en mois.
— On souscrit au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, en adressant un bon sur la poste a MM. Heugel et O. — Les Yolumes sont expédiés franco.
787. — 28" Année.
N» 46.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 13 Octobre
1861.
Tt^TS\
MENESTREL
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeurs
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédaci' en chef.
LES BUREAUX , S bis, rue Titienne. — HEUGEL. et Ci», éditeurs.
(Aux Magasins et Abonnement do Musique du MÉNESTItEL. — Vente et location de Pianos et Orgues.)
CHANT.
ltT Mode d'abonnement : Journn\-TG\t<s , tous les dimanches; to Morceaux:
Scènes, Mélodies, Romances, paraissant de quinzaine en quinzaine; a Albums-
primes illustrés. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
2e Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches ; lO Morceaux t
Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; t Albums,
primes illustres. — Un an : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger : 21 fr.
CHANT l'.T PIAIYO REUNIS :
3° Mode d'abonnement contenant le Texte comjvict, les 5* Morceaux de chant et de piano, les 4 Albums-primes illustrés.
Un an : 25 fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser franco
un bon sur la poste, à MM. iii.tliF.I, et C'a, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ.CharlesdeMourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. —Volume annuel, relié: 10 fr. ) me Jean-Jacques Rousseau, 8. — 6035
SOMMAIRE. — TEXTE,
I. Troisième Lettre d'un bibliophile musicien. J. b'Ortigde. — II. Théâtres lyri-
ques. J. Low. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur: Notice sur les tra-
vaux de MM. Erard (3e article). — IV. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT :
NosabonnésàlamusiquedeCHANTrecevrontaveclenumérodecejour :
CHARMANTS TYRANS DU CŒUR,
Paroles et musique de Dorval Valentino. — Suivra immédiatement
après : la Prise de Voile, scène du même auteur.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
La POLKA DES COLOMBES,
ParL. Dessane. — Suivra immédiatement après : La Calabraise, de J.
ROSENHAIN.
LETTRES D'UN BIBLIOPHILE MUSICIEN
A M. LE DIRECTEUR DU MENESTREL.
III.
UN CANON RAYÉ.
Rassurez-vous , mon cher Directeur. Si ce canon a fait du
bruit, il n'a fait de mal à personne; au contraire, il a mis en
gaieté tout un grand séminaire ; il a réjoui tout un évêché, et Sa
Grandeur elle-même a daigné en rire aux éclats.
Vous devinez bien qu'il s'agit d'une de ces compositions mu-
sicales auxquelles on a donné le nom de canon: or comme j'ai
reçu ce canon très-correctement noté sur du papier réglé, il n'est
pas étonnant qu'on me l'ait envoyé sous le titre de canon rayé,
d'autant plus, je le répète, qu'il a retenti dans tout un diocèse.
La chose est pourtant assez extraordinaire, car on peut dire que
ce canon a fait du bruit sans avoir été chargé. Ne cherchez pas
à en savoir davantage pour l'instant ; l'explication de ce mot
viendra plus tard. Contentez-vous jusqu'alors de ranger ce canon
dans la catégorie de ceux que nous autres professeurs appelons
canons énigmatiques.
C'est donc l'histoire d'un canon musical que j'ai à vous faire
aujourd'hui. A vous dire vrai, mon cher Directeur, la chose est
un peu difficile à raconter, attendu que, par une de ces habi-
letés de langage, par un de ces tours de force de la plume, dont
je voudrais avoir le secret, il faut escamoter certains détails un
peu trop réels, en même temps qu'il faut s'arranger de manière
à faire arriver ces détails sous les yeux et les sens du lecteur.
Sans y toucher! L'outil léger! comme disait un jour J. Janin.
C'est là le mérite et la grâce de ces difficultés vaincues. Deman-
dez à Sévigné, à Lesage , à Gresset ; je ne nomme que ces trois
là. Ce sont véritablement, sous ce rapport, les Robert-Houdin
de la littérature. Au seizième siècle, on n'y aurait pas fait tant
de façons. Il y avait alors un vocabulaire ad hoc, où tout le
monde pouvait puiser. Aujourd'hui, si je venais à tremper le
bout de ma plume dans l'encre un peu bourbeuse de Rabelais
et de Molière, vous seriez le premier à m'interdire les colonnes
du Ménestrel, du Ménestrel qui est façonné à toutes les délica-
tesses de notre belle langue, qui se pique de la courtoisie la plus
parfaite , de l'urbanité la plus exquise, et dont l'oreille est aussi
chatouilleuse sur les licences du langage qu'elle se montre sévère
sur les « liaisons dangereuses » des notes et des accords.
Vous ne trouverez donc pas mauvais, mon cher Directeur, que
je cherche un peu mes termes avant d'aborder mon histoire du
canon rayé de M. Sigismond Neukomm (car il s'agit d'une
anecdote de M. Neukomm, dont aucun biographe n'a encore
parlé), et que je prenne le chemin de l'école pour dire à vos lec-
362
LE MÉNESTREL.
teurs quelques mots sur l'origine du canon, et sur ses diverses
espèces.
Le canon, appelé repetitio diverses vocis par Jean de Gar-
lande, est une composition musicale qui repose sur une imitation
rigoureuse de deux ou plusieurs parties les unes à l'égard des
autres, de -telle sorte que la mélodie de la première partie se
trouve exactement répétée dans les suivantes; chacune de ces
parties commence l'imitation peu après l'entrée de la mélodie
précédente, et l'harmonie la plus piquante naît du concours de
ces diverses mélodies, la même au fond, et parfaitement distincte
à chaque voix.
M. Fétis fait remonter le canon à la seconde moitié du qua-
torzième siècle. Il en cite un exemple assez grossier dans le
Traité anonyme de musique, de 1375, dont le manuscrit a ap-
partenu à Roquefort, et un essai plus régulier dans le Benedic-
lus de la messe Ecce ancilla dommi , de Dufay, publiée par
M. Kieseweter.
SuivantM. Th. Nisard, et peut-être aussi M. de Coussemaker,
le canon serait beaucoup plus ancien. M. Nisard signale un
exemple d'imitation canonique donné par Jean de Garlande, et
dont M. de Coussemaker a publié un fac-similé avec la traduc-
tion dans son Histoire de l'harmonie au moyenuge (Paris, in-4°,
1852, p. 53). De plus, le Ms. H, 196, de la bibliothèque de la
Faculté de médecine de Montpellier, que M. Nisard a recom-
mandé le premier à l'attention des savants, contient environ trois
cents motets-chansons des xie, xme et xive siècles, à deux, trois
et quatre voix, parmi lesquels, nous affirme ce musicologue, il
en est un certain nombre où l'artifice du canon musical est mis
en œuvre avec une certaine élégance.
Il est bien peu de nos lecteurs qui n'aient parcouru les savants
traités de contre-point et de fugue de nos maîtres en harmonie.
Je ne leur apprendrai donc rien de nouveau en leur énumérant
les diverses espèces de canon, les canons dits circulaires, perpé-
tuels (le canon circulaire est nécessairement perpétuel), les ca-
nons par augmentation ou par diminution, les canons appelés
polymorphos. Quelques-uns de ces canons sont à un très-grand
nombre de voix et tout à fait dépourvus de chant, et ils ne
roulent que sur l'accord parfait. On cite deux canons de Valen-
tini, dit M. Félis : le premier à trente-six voix, divisés en neuf
choeurs; le second à quatre-vingt-seize parties en vingt-quatre
chœurs. Dans ces canons, deux voix entrent toujours ensemble,
par un mouvement contraire à la quinte et à l'octave supérieure.
Il faut ajouter que Valentini a écrit deux gros volumes in-folio
sur ces puérilités, l'un et l'autre publiés à Rome : le premier en
1631, et le second en 1655.
Mais je dirai quelques mots du canon enigmalique, parce
qu'il y a ici certains détails que ceux qui les ignorent seront bien
aises d'apprendre, et que ceux qui les ont oubliés seront en-
chantés de retrouver.
Intlocti discant, et ament meminisse perili.
Le canon énigmatique, dit toujours M. Fétis, est « un canon
dont on n'écrit souvent que le sujet ou antécédent, en indiquant,
par quelque signe ou devise, le nombre de voix dont le canon se
compose, et la manière de le résoudre. Un canon écrit ainsi s'ap-
pelle canon fermé ou énirjmalique . Lorsqu'il est résolu et mis en
partition, on lui donne le nom de canon ouvert. »
Voici deux de ces énigmes -.Clama, ne cesses. — Otiadantvilia.
L'une et l'autre faisaient connaître que le conséquent devait ré-
pondre à toutes les notes de ['antécédent, en supprimant les silences.
Les deux suivants sont remarquables en ce que les mêmes
lettres retournées forment les mêmes mots , soit qu'on lise de
gauche à droite, soit qu'on lise de droite à gauche. C'est le canon
rétrograde, qu'on exécutait à rebours en retournant le livre ;
Signa te signa temere me tangis et angis.
'siShb j9 siSue] gui ajaiuai enSjs @] eaSis
Roma tibi subito molibus ibit amor.
•jouib )iqi snqjioui ojiqns jqii Biuoa
J'en passe et des meilleurs. Cherubini s'était amusé à résoudre
tous les canons qui servent de vignettes h Ylstoria délia Musica
du Padre Martini. On en trouve de fort curieux dans le Traité du
contre-point et de la fugue, de M. Félis, et dans le Dictionnaire
de musique de \' Encyclopédie méthodique.
Tout cela est-il de l'art, mon cher Directeur? J'en doute, ou
plutôt je ne doute nullement que l'art n'a rien a démêler avec ces
subtilités et ces jeux d'esprit. Ni vous non plus. Exercices utiles
néanmoins, puisque l'élève y apprend à se familiariser avec les
combinaisons de la science, et qui, comme dit M. Félis, devraient
être comparés à ces semelles de plomb que les anciens attachaient
aux pieds des coureurs, afin que ceux-ci fussent plus agiles lors-
qu'ils se trouvaient tout à coup débarrassés de ce poids incom-
mode. La forme canonique peut être fort belle en elle-même,
pourvu qu'elle serve d'encadrement à une belle idée. On sait
le parti que Rossini a tiré de cette forme, si ce n'est au point de
vue de la vérilé dramatique, du moins au point de vue musical.
Il est vrai que l'illustre maître a usé d'une grande liberté de
style. Le P. Martini, Cherubini, et plusieurs autres, ont écrit des
canons dans un style plus rigoureux. Reste à savoir si ce mérite
de difficulté vaincue, que j'admire tout le premier, peut valoir
une belle idée mélodique traitée avec plus de négligence et de
laisser-aller.
Les plus grands compositeurs anciens ont fait des canons, des
énigmes, comme de grands poètes ont fait des bouts-rimés et des
logogriphes ; et il est arrivé souvent qu'on a plus parlé d'un
homme à cause de ses énigmes et de ses bouts-rimés, qu'à
cause de ses œuvres sérieuses. Tel littérateur, dit-on, a du 5
un qualrain son entrée à l'Académie, et, ce qui vaut mieux, l'im-
mortalité de son nom ; car il arrive fréquemment que l'immor-
talité de plusieurs d'entre les quarante immortels se borne à la
durée de leur vie. Je me trompe : elle peut aller jusqu'au jour
de l'éloge; mais ce jour-là elle est bien et dûment embaumée et
enterrée".
Ockenheim, parmi les grands musiciens allemands (voir ce
nom dans la Biographie universelle des musiciens, do M. Fétis,
que pour le moment je n'ai pas sous la main), Ockenheim a été
victime d'une de ces erreurs de renommée. Je veux dire que la
renommée s'est jouée à tel point de la gloire de ce maître, qu'elle
a laissé dans l'ombre la plupart de ses meilleures compositions,
et qu'elle s'est contentée de lui infliger l'honneur de ses logo-
griphes. Puisqu'il est décidé que cette lettre doit avoir un côté
sérieux, laissez-moi, mon cher Directeur, vous transcrire à ce
sujet un passage curieux que j'emprunte à Y Histoire de la mu-
sique occidentale, de Kiesewetter :
« Je crois devoir, dit cet historien, justifier ces grands maîtres
d'un mérite si réel, Otkcnheim entre autres, du reproche qu'où
leur adresse de n'avoir produit que des canons et des énigmes.
Cette inculpation, qui semble d'abord assez foudée, vient de ce
qu'on les juge uniquement d'après les livres élémentaires, les
MUSIQUE ET THÉATKES.
363
compilations, et môme d'après les grands et savants traités des
théorididactitiens qui les ont suivis, ceux des Allemands surtout.
Ceux-ci n'ont cherché à recueillir, dans les œuvres de ces maîtres,
que des amphigouris harmoniques, si bien qu'on a fini par s'i-
maginer, à tort, qu'ils n'avaient jamais fait autre chose. En
effet, on n'a connu l'inimitable Ockenheim, comme l'appelle
Baini, que par un canon d'une exécution impossible, portant le
titre, de Fuga Irium vocum in Epidia tessarum, ou par la messe
ad omnem luum, fort ridicule du reste, et dans la notation de
laquelle il n'y a pas de clef. Ce sont là les seuls échantillons que
Glaréan, dans son Dodecachordon, nous a donnés de ce maître.
Le même Glaréan ne nous allègue autre chose, en faveur du génie
d'Otkenbeirn, si ce n'est qu'il a pris plaisir à faire dériver plu-
sieurs parties d'une seule ; il cite même à sa louange un Gar-
ritum quemdam Iriginla six vocum, qu'il déclare no pas avoir
vu. Sous celte dénomination, il ne faut pas entendre un motet à
trente-six voix effectives, mais bien un canon circulaire comme
ceux qui ont été déterrés depuis lors par les amateurs de ces sortes
décompositions. On n'a, il est vrai, conservé de ce maître qu'un
petit nombre d'œuvres, et très-peu de bibliothèques peuvent se
vanter d'en posséder. »
Pour réhabiliter la mémoire d'Ockenheim, Kiesewetter renvoie
aux planches de son livre, où il a donné des morceaux de ce
musicien, lesquels attestent la supériorité de ce compositeur sur
son prédécesseur Dufay.
Voilà, mon très-aimable Directeur, une introduction bien
longue et bien pédante pour en venir à une histoire plaisante et
bouffonne, qu'il faut enfin que je me décide à vous narrer. Pre-
ucz-en votre parti.
Il s'agit, je vous l'ai déjà dit, du chevalier Sigisraond Neu-
komm. Le bon et l'excellent homme! Il avait été l'ami et le
disciple de Joseph Haydn et de Michel Haydn, et très-certai-
nement il devait avoir de la bonhomie et de la finesse de l'au-
teur de la Création et des Saisons. M. Neukomm était un vrai
patriarche : c'est quelque chose d'être un patriarche, mais c'est
beaucoup de l'être, dans un siècle où l'on n'en fait plus.
M. Neukomm a été l'artiste le plus laborieux que j'aie connu,
et cela est d'autant plus surprenant que M. Neukomm a presque
toujours voyagé. Il n'est pas une cour en Europe, il n'est pas un
point du monde civilisé qu'il n'ait visités et parcourus; mais
M . Neukomm savait merveilleusement combiner la vie active et la
vie sédentaire. Il travaillait, il crayonnait du moins en wagon, dans
sa chaise de poste, comme dans sa chambre. Arrivé au lieu de sa
destination, il déployait son bagage, et il avait aussitôt la plume
à la main. Dès cinq heures du matin, en toute saison, il était au
•travail; à quelque heure de la journée qu'on se présentât chez
lui, on était reçu. Sa porte était toujours ouverte. Quelle que
fût son occupation, on ne le dérangeait jamais; il causait
avec une liberté entière d'esprit, une sérénité parfaite, une
exquise bienveillante, sans paraître préoccupé de la besogne
interrompue ; la visite finie , il reprenait sa lâche sans efforts,
comme si elle n'avait pas été disconlinuée. Je crois pouvoir dire
que M. Neukomm n'a jamais perdu un seul instant de sa longue
existence; et M. Neukomm était en même temps un homme du
monde ; il élait le commensal habituel des rois, des princes, des
ministres, des ambassadeurs. Je ne parlerai pas de son talent de
compositeur, de son talent d'organiste, de son instruction solide
et variée, de sa conversation toujours nourrie d'observations pré-
cieuses et égayée d'anecdotes piquantes. C'est pour cela que
M. Neukomm était si recherché, et qu'il n'était pas un palais, un
château, une élégante villa, où il ne fût retenu pour quelques
jours au moins de la saison de la villégiature.
i' Néanmoins, la retraite de prédilection de M. le chevalier Neu-
komm élait le grand séminaire de Beauvais, où sa mémoire est
aujourd'hui en vénération. C'est que M. Neukomm avait là un ami
de cœur, M. l'abbé M , alors directeur de ce grand séminaire;
c'est que M. Neukomm était un artiste aimant la religion ; c'est
que M. l'abbé M est un prêtre aimant les arts ; c'est que,
pour l'un comme pour l'autre, le vrai, le bien, le beau se con-
fondaient dans une même essence, et que le beau, comme le vrai
et le bien, est tout ce qui éclaire, tout ce qui élève, tout ce qui
purifie et régénère l'âme.
Me voici, mon cher Directeur, au moment périlleux de ma
narration. Je voudrais, par une heureuse transition, passer du
sévère au plaisant; mais, comme par l'effet d'une taquinerie de
mon sujet, je retombe toujours dans le sérieux. Que ne puis-je
prier l'auteur du Lutrin vivant de venir à mon aide! que ne
puis-je m'écrier avec lui :
Quoi qu'il en soit, ma Minerve légère
Adoucira ces grotesques portraits,
Et, les voilant d'une gaze légère,
Ne montrera que la moitié des traits.
Vous le voulez, mon cher directeur. Eh bien! donc,
Venons au fait : honni qui mal y pense!
Attention I j'ai toussé; je commence.
Mais voilà qu'un autre vers, un vers de Racine celte fois, vient
se mettre à la traverse :
Ciel! que vais-je lui dire? et par où commencer?
Eh bien, il faut que vous sachiez que tout glorieux artiste que
fût M. Neukomm, il ne participait nullement au privilège dont
jouissent les corps glorieux. Cette phrase vous semble obscure ;
attendez.
Certain jour du printemps de 1857, M. Neukomm, pour le
dire crûment, fut pris d'une incommodité si vous pouviez
me dispenser d'expliquer cette incommodité, vous me rendriez
un grand service. Voyez pourtant l'avantage d'avoir toujours un
volume de Mme de Sévigné sur sa table! Ce mal était un mal
auquel Mme de Grignan élait fort sujette. « Vous avez quitté
vos bains, ma fille; c'est une chose admirable que le soulage-
ment que vous en recevez pour vos coliques. » Bon ! voilà le
mot lâché, et par Mme de Sévigné encore ! Sur celte nouvelle du
malaise de M. Neukomm, tout est en rumeur dans la silencieuse
et hospitalière maison. On cherche, on s'interroge; il faut absolu-
ment qu'on se procure un certain meuble, qui n'est pas précisé-
ment une chaise, bien qu'il en porte le nom, qui n'est pas non
plus une chaise curule... On va chez l'économe, rien; chez les
professeurs, rien encore. Comment faire ! le cas presse ! vite on
envoie chez M. B , l'excellent organiste de la cathédrale. En
sa qualité d'organiste , il aura peut-être l'instrument désiré. 0
bonheur! M. B... avait justement cet instrument, et un instru-
ment neuf, intact.... Vous jugez de l'empressement de M. B...!
un instrument dont M. le chevalier Neukomm, un si grand com-
positeur, l'ami, l'élève des deux Haydn, jouera le premier!
quelle inauguration ! quel honneur! — Pars vite, mon ami, dit
M. B... au commissionnaire; et l'instrument traverse triompha-
364
LE MÉNESTREL.
lement la ville sur les épaules du drôle, qui court, vole, arrive au
séminaire, et va installer le meuble dans la chambre de M. Neu-
komm.
Ce dernier, toutefois, pendant ces pourparlers et ces allées et
venues, grâce à quelques gouttes d'aconit, avait senti le mal di-
minuer, puis se dissiper tout à fait; si bien qu'il put se dis-
penser de tout essai instrumental. Mais pour laisser un souvenir
àson ami M. B..., le chevalier Neukomm improvisa un canon à
quatre voix sur les vers d'Horace :
Quo semel est imbuta recens
Servabit odorem testa diù.
que je n'ai pas besoin de vous traduire. Il écrivit ce canon sur
un carré de papier réglé ou rayé, y apposa sa signature avec la
date du 14 avril 1857, et le colla au revers delà table d'harmonie,
de manière à dominer la concavité de l'instrument. Ce n'est pas
tout, le soir, après le souper de la communauté, la grande porte du
séminaire s'ouvrit à deux battants : c'étaient Monseigneur et ses
grands vicaires qui venaient passer la soirée. Grande réunion au
salon. Il n'est question que de l'événement de la journée. Le su-
périeur fait descendre l'instrument neuf, illustré d'un autographe
de M. Neukomm. Sa Grandeur demande l'exhibition du canon.
On ouvre le pupitre ; deux bougies sont placées sur les côtés du
corps sonore. Quatre séminaristes, excellents musiciens, lecteurs
exercés, s'agenouillent pour mieux voir, et exécutent le canon
avec un ensemble imposant et un sérieux plein de majesté.
THÉÂTRES LYRIQUES.
eg^e
m
^
?eïf
Quo se-melest im - bu - tare - censser-
4
va - bit o - do - rem tes - ta di - ù.
Arrière! arrière ! l'office de la Saint-Brice célébré dans le Lu-
trin vivant !
A livre ouvert, le chappier en lunettes
Vient entonner ; un groupe de masettes
Très-gravement poursuit ce chant falot,
Concert grotesque et digne de Callot.
Encore une fois, arrière 1 c'étaient quatre voix jeunes, vigou-
reuses, vibrantes, qui se poursuivaient et s'enchaînaient avec une
précision et un entrain digne du Conservatoire. Et puis, c'était
un mélange d'applaudissements et de rires si francs et si sincères!
Je suis allé cet été à Beauvais, sur l'aimable invitation de
M. l'abbé M..., aujourd'hui supérieur du grand séminaire et vi-
caire-général. J'ai occupé la cellule voisine de celle occupée
jadis par M. Neukomm. M. B m'invita à dîner, et me fit
servir, au dessert, le canon de M. Neukomm, qu'il m'envoya
quelques jours après à Paris, copié de sa main. Je le joins à cette
lettre. Voyez si vous voulez le donner à vos lecteurs.
Vous comprenez maintenant, mon cher Directeur, pourquoi je
vous ai dit en commençant cette lettre que ce canon a fait du
bruit sans avoir été chargé.
J. d'Oiitigue.
THÉÂTRE IMPERIAL DE L OPÉRA.
La reprise de Pierre de Médicis est ajournée de semaine en
semaine. Cette fois, c'est par indisposition de Mme Gueymard-
Lauters.
De son côté YAlcesle a subi plusieurs retards par suite de l'in-
disposition du ténor Michot.
Espérons que la fatalité qui pèse sur ces deux ouvrages ne se
prolongera pas, et que la seconde quinzaine d'octobre verra éclorc
les deux reprises si impatiemment attendues , — reprises que
suivra de près le nouveau ballet de Mme Ferraris.
On travaille jour et nuit rue Lepeletier ; poètes, musiciens,
artistes, décorateurs, tout est à l'œuvre, tout nous pronostique de
brillantes soirées d'automne.
Les répétitions d'Alceste, surtout, font augurer un véritable
événement, dont le ténor Michot prendrait sa bonne part, en
compagnie de Mme Pauline Viardot.
THÉÂTRE-ITALIEN.
La Sonnambula, — Semiramide.
Au chef-d'œuvre de Cimarosa viennent de succéder, sur la
scène de Ventadour, la Sonnambula, cette douce élégie de Belli-
ni, et Semiramide , celte page grandiose du cygne dePesare,
comme on disait naguère.
M"e Battu, qui nous est apparue dans le rôle d'Amina, semble
avoir beaucoup gagné en vigueur, et nous sommes heureux de
le constater, car au point de vue du style et de la vocalisation, la
gracieuse pensionnaire de M. Calzado était jugée. Les bravos
qu'elle vient de recueillir dans la Sonnambula achèvent déclasser
notre jeune élève de Duprez parmi les plus brillantes acquisitions
de la scène de Ventadour.
Une autre bonne fortune nous était réservée dans l'œuvre de
Bellini : c'est la rentrée de Tagliafico. Basso cantante favori de
Londres et de Saint-Pétersbourg, Tagliafico a retrouvé son public
parisien, son premier appréciateur, celui dont les suffrages lui
sont restés précieux. L'excellent chanteur a déployé dans le per-
sonnage de Rodolfo la distinction et les qualités qui ont fondé sa
réputation ; aussi le public a-t-il salué son retour des meilleurs
bravos.
M"e Battu a chanté avec une rare perfection l'air : Atediletta,
et surtout celui du troisième acte : Ah 1 non giunge. De son côté,
Bélart (Elvino), plus heureux que dans*/ Matrimonio segreto,
s'est fait applaudir dans son duo : Rendi Vânelti dono ; et l'air :
Tutto e sciollo lui a valu les honneurs du rappel.
Jeudi dernier c'était le tour de Semiramide. Tout a été dit sur
celle belle partition de Bossini , monument gigantesque où le
charme des mélodies le dispute à la pompe des chœurs, à la puis-
sance des accents dramatiques.
On comptait beaucoup sur le baryton Beneventano, qui débu-
tait dans le rôle d'Assur ; pour le juger définitivement, le public
devra l'attendre dans un ouvrage de Verdi. Le débutant pos-
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUH.
365
sède une fort belle voix et des notes énergiques dont il tire
parti, mais sa vocalisation est-elle bien h la hauteur du rôle
d'Assur? Il a su néanmoins obtenir un rappel au quatrième acte.
Mais le triomphe de la soirée" appartenait à Mmes Penco et
Alboni (Sémiramide et Arsace). L'une, par la puissance de son
jeu et de son chant, l'autre par sa perfection vocale et ses belles
notes de contralto , ont électrisé la salle entière. Leur duo du
quatrième acte a excité l'enthousiasme. Mmes Alboni et Penco
ont été plusieurs fois rappelées.
MM. Caponi (Oroe) et Belart complétaient le personnel. .
P. S. Le baryton Délie Sedie.qui doit partager avec M. Bene-
ventano la succession de Graziani, est de retour de Londres el
Dublin. A bientôt les débuts de ce chanteur de la grande école.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L OPÉRA-COMIQUE.
Reprise du Postillon de Lonjumeau.
On ne peut prononcer le nom de cette œuvre si populaire, et
dont le titre seul respire la gaieté française, sans donner un
nouveau regret à ce pauvre Adolphe Adam, enlevé à l'art dans
la maturité de sdn talent. Quels éclairs de bonheur illuminent
toutes les faces de cette partition ! Quelle verve mélodique ! Adam
a écrit des pages plus fines, plus gracieuses et plus complèles,
témoin le Chalet, Giralda et Si j'étais roi ; mais il ne nous en
a pas donné de plus conforme au sentiment des masses, de plus
en harmonie avec les traditions de la scène dont il était une des
légitimes gloires. Disons aussi que la bonne humeur des libret-
tistes, l'heureux type deChapclou, la jovialité du texte, n'avaient
pas peu contribué à inspirer le compositeur, qui s'assimilait les
canevas avec tant de tact et d'intelligence. Ce n'est pas que le
libretto du Postillon brille précisément par la distinction dans
la forme ou par la vraisemblance de la fiction ; mais ces défauts
sont si amplement rachetés par le comique des situations, par
l'originalité des détails, que nous ne nous étonnons pas du grand
succès qu'a obtenu cet ouvrage, — le compositeur aidant.
Il y avait déjà douze ans que le Postillon de Lonjumeau
n'avait paru sur l'affiche de Favart. Le Théâtre-Lyrique s'en
était un instant emparé en 1854, quand Cholet voulut reparaître
devant le public; et le talent de l'artiste vétéran fit revivre pen-
dant quelque temps l'antique vogue de cette partition.
Montaubry est le seul chanteur aujourd'hui qui ait gardé les
traditions de ChoIel*(son beau-père), — surtout pour le Postillon
de Lonjumeau. On sait que c'était son triomphe en province, et
Paris l'attendait dans ce rôle important. Les oracles de la pro-
vince n'ont pas été menteurs, et Paris vient d'acclamer le type
de Chapelou dans sa nouvelle incarnation. Montaubry a dit avec
beaucoup de charme le fameux air: Oh ! qu'il est beau! La
suavité de sa voix a fait merveille dans tout le cours de l'ou-
vrage, et particulièrement dans sa grande scène du second acte :
Assis au pied d'un hêtre, qu'il a très-finement rendue.
Mais Montaubry n'a point accaparé seul le succès de cette
soirée. Mmc Faure-Lefebvre l'a grandement partagé, et le rôle
de Madeleine ne pouvait trouver de plus séduisante interprète.
Ses couplets : Mon petit mari, le duo qui suit, surtout la grande
scène du troisième acte, où Madeleine et la marquise viennent
se confondre dans la môme personne, ont mérité à Mme Faure-
Lefebvre les plus chaleureux applaudissements.
Nathan est un Biju satisfaisant. Ambroise, chargé du rôle du
marquis, s'en acquitte en comédien. Palianti nousa fait retrouver
l'ancien Bourdon ; Palianti est inamovible, les années n'ont pas
dé prise sur ce pensionnaire, qui tient au mobilier de la salle
Favart; ni son talent, ni sa prestance, ni son embonpoint n'ont
diminué.
Les Mousquetaires et le Postillon vont alterner avec éclat sur
la scène de Favart, en attendant les nouvelles partitions en pers-
pective.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1835.
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE MM. ERARD.
III
La maison Erard a été fondée 5 Paris, vers 1780, par Sébas-
tien Erard.
Né à Strasbourg en 1752, Sébastien Erard reçut une excel-
lente instruction professionnelle dans les écoles de celte ville ; et
telles étaient son aptitude et sa facilité à exécuter ce que son ima-
gination concevait, qu'un professeur de l'École du génie, qui
l'employait à la construction des modèles dont il se servait pour
les démonstrations de son cours , lui disait souvent : « Jeune
homme, vous devriez entrer dans le génie ; votre place y est
marquée. »
Ce fut en 1768 que Sébastien Erard vint à Paris. Il commença
sa réputation par un clavecin mécanique, dont les dispositions
produisirent la plus vive sensation dans le monde musical de
Paris. Cet instrument avait été construit pour le cabinet de curio-
sités de M. de la Blancherie (1). L'abbé Roumir en fit une des-
cription détaillée, qui fut insérée clans le Journal de Paris.
Sébastien Erard avait à peine vingt-cinq ans, et déjà sa répu-
tation était fondée. Présenté à la duchesse de Villeroy, qui pro-
tégeait les arts et les artistes, cette dame voulut absolument qu'il
demeurât chez elle, et ce fut dans son hôtel qu'il construisit son
premier piano. La vogue de cet instrument, qui fut joué dans les
salons de Mme de Villeroy, fut prodigieuse.
(1) Ce clavecin était remarquable par plusieurs inventions dont on n'avait
pas d'idée auparavant. On y trouvait trois registres de plume et un de
buffle; une pédale y faisait jouer un chevalet mobile qui, s'interposant
sur les cordes à la moitié de leur longueur, les faisait monter tout à coup
d'une octave, invention qu'un facteur de Paris, nommé Schmidt, a renou-
velée dans le piano à l'exposition des produits de l'industrie de 1806, c'est-
à-dire trente ans après qu'Erard l'eut trouvée. En appuyant par degrés le
pied sur une pédale attachée au pied gauche du clavecin, on relirait le re-
gistre de l'octave aiguë, celui du petit clavier, celui du grand clavier, et
l'on faisait avancer le registre de buffle. En diminuant la pression du pied
sur la pédale, on avançait le registre de l'octave aiguë, celui du petit cla-
vier, celui du grand clavier, et l'on retirait le jeu de buffle. Enfin, lorsqu'on
voulait faire parler à la fois tous les jeux, on se servait d'une pédale atta-
chée au pied droit du clavecin, sans être obligé d'attirer le petit clavier au-
dessus du grand, et conséquemment sans interrompre l'exécution, comme
cela se faisait aux autres clavecins.
366
LE MÊNESTIlEb.
Le succès de Sébastien Erard était d'autant plus remarquable,
que la France, à celte époque, tirait de l'étranger le très-petit
nombre de pianos que l'on rencontrait dans les salons de Paris.
Celaient l'Angleterre et l'Allemagne qui avaient alors le privi-
lège de les fournir. Le clavecin, qui avait devancé le piano et sa-
tisfait les oreilles délicates de la cour de Louis XIV et Louis XV,
touchait à sa fin, détrôné par la supériorité de son adversaire.
Erard eut le grand mérite de tourner toutes ses facultés vers 'le
nouvel instrument, qu'il devait prendre dans un état peu diffé-
rent de celui auquel il se substituait, pour le porter au degré de
perfection où nous le voyons aujourd'hui.
C'est vers cette époque que Sébastien Erard associa son frère
Jean-Baptiste Erard à ses travaux. Leur premier établissement
fut fondé rue de Bourbon, faubourg Saint-Germain. !
La réputation qu'ils avaient acquise, et la prospérité qui en
était la conséquence, excitèrent la jalousie des luthiers qui fai-
saient le commerce des pianos étrangers. L'un d'eux fit pratiquer
une saisie chez les frères Erard, sous prétexte qu'ils ne s'étaient
pas rangés sons les lois de la communauté des éventaillistes, dont
l'état de luthier faisait partie. Ce fut alors qu'Erard obtint de
Louis XVI un brevet qui affranchissait son établissement des
entraves qu'on voulait lui imposer. Ce brevet est conçu dans des
termes trop flatteurs pour que nous ne le rapportions pas in
extenso (1).
Il est difficile, dit M. Fétis dans son excellente biographie
d'Erard, à laquelle nous empruntons beaucoup de détails, de se
faire aujourd'hui une juste idée de la vogue qu'obtinrent ses
instruments et qu'ils conservèrent même longtemps après que
Dusseck et Crammer eurent mis à la mode par leurs nouvelles
compositions les pianos à cinq octaves et demie. Ce n'était pas
seulement en France qu'ils étaient estimés ; on les recherchait
également dans les Pays-Bas et en Allemagne. Un seul marchand
de Hambourg qui en faisait le commerce en avait réuni plus de
deux cents en 1799. Le nom de piano d'Erard était si bien ré-
pandu, que beaucoup de personnes se persuadaient que ces deux
mots ne pouvaient être séparés et qu'ils formaient un terme gé-
nérique.
Continuellement occupé d'inventions et de perfectionnements,
(1) « Aujourd'hui, cinq février mil sept cent quatre-vingt-cinq, le roi
éiant à Versailles, informé que le sieur Sébastien Erard est parvenu par une
méthode nouvelle, de son invention, à perfectionner la construction de
l'instrument nommé forlé-piano, qu'il a même obtenu la préférence sur
ceux fabriqués en Angleterre, dont il se fait un commerce d;iri£ la ville de
Paris, et voulant, Sa Majesté, fixer les talents du sieur Erard dans ladite
ville et lui donner des témoignages de la protection dont elle honore ceux
qui, comme lui, ont, par un travail assidu, contribué aux arts utiles et
agréables, lui a permis de fabriquer, faire fabriquer et vendre dans la ville
et faubourgs de Paris, et partout où bon lui semblera, des forté-pianos, et
d'y employer, soit par lui, soit par ses ouvriers, le bois, le fer et toutes
autres matières nécessaires à la perfection ou à l'ornement dudil instru-
ment, sans que pour raison de ce il puisse èire troublé ni inquiété par les
gardes syndics et adjoints des corps et communautés d'arts et métiers pour
quelque cause et sous quelque prétexte que ce soit, sous les conditions
néanmoins, par ledit sieur Erard, de se conformer aux règlements et or-
donnances concernant la discipline des compagnons et ouvriers, et de n'ad-
mettre dans ses ateliers que ceux qui auront salisfait auxdits règlements ;
et, pour assurance de sa volonlé, Sa Majesté m'a commandé d'expédier
audit sieur Eraid 1* présent brevet qu'elle a voulu signer de sa main et être
contre-signe par moi secrétaire d'État et de ses commandements et fi-
nances.
« Signé LOUIS.
« Le baron de Bbeteuil. »
le génie de Sébastien Erard s'exerçait sur une multitude d'objets.
Ce fut ainsi qu'il imagina le piano organisé avec deux claviers,
l'un pour le piano , l'autre pour l'orgue. Le succès de cet instru-
ment fut prodigieux dans la haute société. Il lui en fut commandé
un pour la reine Marie-Antoinette, et ce fut pour ce piano qu'il
inventa plusieurs choses d'un haut intérêt, surtout à l'époque où
elles furent faites. La voix de la reine avait peu d'étendue, et tous
les morceaux lui semblaient écrits trop haut. Erard imagina de
rendre mobile le clavier de son instrument, au moyen d'une clef
qui le faisait monter ou descendre à volonté d'un demi-ton, d'un
ton, ou d'un ton et demi. De celte manière, la transposition s'o-
pérait sans travail de la part de l'accompagnateur.
A cette époque, un autre instrument, la harpe, commençait à
se répandre en France ; mais il était si défectueux dans son mé-
canisme qu'il faisait le désespoir des artistes et des exécutants. Le
plus célèbre d'entre eux, Krumpholtz, vint trouver Erard, et le
pria de vouloir bien s'en occuper. Pendant que toutes ses idées
étaient tournées vers ce travail, Beaumarchais vint voir Erard.
Cet homme célèbre, qui devait sa fortune à son talent sur la
harpe, et qui, ayant exercé la profession d'horloger, avait quel-
ques connaissances en mécanique, engagea fortement Erard à re-
noncer à son projet. Il lui dit qu'il s'en était occupé lui-même,
et qu'il n'y avait rien à faire. Erard, heureusement, ne se laissa
pas décourager, et il put bientôt montrer à Krumpholtz le résul-
tat de ses travaux.
Dans la harpe à crochets, dont on se servait alors, chaque corde
était représentative de deux sons, au moyen d'un jeu de pédales
qui faisait mouvoir sur la console, au-dessous du point d'attache
de la corde, un crochet qui, saisissant celle-ci, la raccourcissait
en l'attirant hors de sa position verticale primitive. Ce mécanisme
n'avait aucune solidité, et détruisait en outre la pureté des sons
par des frisements continuels. Erard fit disparaître les crochets
et substitua à leur place un disque en cuivre armé de deux bou-
lons en saillie entre lesquels passait la corde. Lorsqu'on voulait
élever la note d'un demi-ton, la pédale imprimait un mouvement
de rotation au disque, et les deux boutons saisissaient la corde et
la raccourcissaient en lui imprimant la flexion nécessaire sans la
déranger de sa position verticale, et sans rien ôter au son de sa
justesse.
Différentes circonstances étrangères à notre sujet ne lui ayant
pas permis de produire immédiatement en France sa nouvelle
invention, Erard songea à se rendre en Angleterre pour chercher
de nouveaux débouchés à sa fabrique de pianos, dont la réputa-
tion grandissait toujours. Ceci se passait en 1786. Retenu dans
cette ville par les travaux inséparables d'un nouvel établissement
à fonder, il ne put ensuite revenir en France qu'après le 9 ther-
midor. Ce fut pendant cet intervalle de 1786 à 1796 qu'il jeta les
bases de sa maison de Londres, digne émule de celle de Paris.
Son premier brevet pour le perfectionnement des pianos et des
harpes porte la date de 1794.
11 fit d'abord paraître la harpe à simple mouvement de son
invention, instrument parfait pour la justesse du mécanisme et
la solidité de sa construction, et qui eut la plus grande vogue en
Angleterre, puisqu'elle se substitua à toutes celles en usage alors.
A son retour à Paris, il fit fabriquer dans sa maison, dirigée en
son absence par son frère, les premiers grands pianos à queue
en forme de clavecin et à échappement que l'on ait vus à Paris.
La précision du coup de marteau faisait tout l'avantage de ce
mécanisme sur celui dit à pilote fixe, en usage alors. Mais ce der-
nier, à son tour, possédait une supériorité dans sa légèreté et sa
NOUVELLES ET ANNONCES.
3157
facilité de répétition ; car avec ce syslùmc le marteau étant tou-
jours sur la touche, et par conséquent aux ordres de l'exécutant,
était aussi toujours prêt à répondre au plus léger mouvement du
doigt, ce qui était un avantage incontestable ; mais le coup de
' marteau avait l'inconvénient de manquer de fixité et d'être exposé
à rebondir lorsqu'on frappait la noie avec force.
Celte différence dans la manière d'opérer des deux mécanismes
présentant chacun des avantages et des inconvénients a pendant
longtemps partagé les opinions des artistes et amateurs sur la
préférence qu'on devait leur accorder. Cependant la pureté et la
force du son des pianos à échappement construits par les frères
Erard les firent adopter de préférence par les grands pianistes
d'alors, Dusseck et Steibelt. Mais si ces artistes célèbres étaient
satisfaits, Erard ne l'était pas : il connaissait les défectuosités de
son œuvre, et il se proposait d'appliquer toutes ses facultés à les
faire disparaître.
[La suite au prochain numéro.)
NOUVELLES DIVERSES.
— On a placé rue Fiesolana, à Florence, une pierre qui rappelle l'habi-
tation du grand Florentin Cherubini, en attendant qu'on ait recueilli les
souscriptions suffisantes pour élever un monument digne de cette illustre
mémoire.
— Une correspondance de Florence nous entretient du chaleureux ac-
cueil qu'a reçu dans cette ville la Muette de Porlici : « La direction du
théâtre Pagliano, dit le correspondant, vient enfin de nous donner la Muette
de Porlici, qu'elle promettait depuis si longlemps. Le succès de l'opéra
d'Auber a été très-grand. Toutes ces mélodies si bien empreintes de la cou-
leur de notre pays, semblent écrites d'hier ; aussi les applaudissements et
les rappels ont-ils été pendant tout le cours de la représentation prodigués
aux artistes. Le ténor Mozzoleni s'est surtout surpassé; on a redemandé
sa romance et l'on peut dire qu'il a eu les honneurs de la soirée.
— On croit que les théâtres royaux de Naples vont être de nouveau acî
cordés à 81. Sanguinetti, par suite de l'impossibilité où s'est trouvé M. Mon-
telli de déposer son cautionnement.
— A Vienne, le chanteur de l'Opéra de la cour, M. Beck, vient d'être
nommé chanteur de la chambre de l'empereur, avec un traitement annuel
de i0,000 florins et une pension pour toute sa vie de 40,000 florins.
— En rectifiant l'erreur commise par la Gazette de la Croix , sur l'âge
de Meyerbeer, les Signale de Leipzick ajoutent ces mots :
« Nous espérons que le maestro pourra encore, de même que Fontenelle
dans sa quatre-vingt-dixième année, ramasser le mouchoir d'une dame et
lui dire, pour s'excuser de la lenteur de l'opération: Ah ! madame, si
j'avais encore mes quatre-vingts atis!... »
— On écrit de Kœnigsberg que le soir du jour où le roi et la reine de
Prusse feront leur entrée dans celte capitale, le théâtre donnera le Meunier
de Méran, de M. de Flotow.
— Un facteur d'instruments de Prague vient d'inventer un nouvel in-
strument pour les chapelles de musique militaire, et lui a donné le nom
de glugol.
— C'est de l'étranger que nous vient la lumière. Le Neue Berliner mu-.,
sikzeitung, de Berlin, informe ses lecteurs que le Théâtre -Lyrique de
Paris s'apprête à monter le Czar et le Charpentier, de Lortzing, elles
Joyeuses commères de Windsor, de Nicolaï. Déjà, ajoute ce journal, les
élégantes parisiennes demandent à grands cris ces deux partitions chez les
éditeurs de musique. (???)
— M. Fritz Gernsheim, un jeune pianiste de la grande école allemande,
quihabile Paris depuis six ans, vient d'être nommé directeur de musique
dans une ville d'Allemagne. On sait de quelle importance sont ces fonc-
tions : elles équivalent chez nos voisins au gouvernement musical d'une
ville, et comprennent la haute direction des concerts.
— Les dernières nouvelles de Constantinople avaient annoncé que le
nouveau sultan destinait le magnifique théâtre de Dolma-Bagtché à un dé-
pôt de canons. Cette nouvelle était sans fondement. Abdul-Aziz, au con-
traire, a ordonné des embellissements qui doivent rendre ce théâtre plus
beau qu'il ne l'était sous Abdul-Medjid, son prédécesseur.
— Les cours du Conservatoire de Paris sont rouverts depuis le 1" octobre.
— Jeudi dernier, l'excellente musique de la garde de Paris, sous la
direction de M. Paulus, est venue donner une aubade de jour au maestro
Rossini, dans sa villa du bois de Boulogne. Nombre de promeneurs et
d'amis de M. et Mme Rossini ont pris part à celte fête improvisée en
acclamant l'illustre maestro et chaque morceau du programme. On a sur-
tout remarqué l'ouverture de Guillaume Tell, que la musique de la garde
de Paris a dû dire deux fois, et la transcription de M. Paulus, pour har-
monie militaire, d'un admirable Tantum ergo de Rossini. Le grand maître
a vivement remercié et fécilité les artistes et son digne chef M. Paulus, en
disant à ce dernier « votre Tantum ergo vaut bien mieux que le mien. » Un
air varié, composé à l'intention des habiles solistes de la musique de la garde
de Paris, a mis en relief le talent de MM.Maury (sous-chef), Boulu (haut-
bois), Parés (clarinette), Heste (cornet à pistons), Handschu (flûte), etc., Puis
une collation a été servie aux artistes sous les auspices d'un splendide
soleil d'été.
— Hier samedi 12 octobre, a été tenue la séance annuelle de l'Académie
impériale des beaux-ars. Mtle Monrose, MM. Warot et Battaille ont chanté
la cantate couronnée de M. Dubois, élève de MM. Ambroise Thomas et Fran-
çois Bazin. Un morceau instrumental, de M. Bizet, élève de M. Halévy,
ouvrait la séance, qui a été complétée par uu discours de M. le secrétaire
perpétuel sur M. Simart.
■ — Les affiches préparatoires du Feslival National des huit mille orphéo-
nistes viennent d'être posées à Paris et dans les environs. Elles annoncent
conformément aux circulaires de la direction, que les trois concerts auront
lieu au Palais de l'Industrie, le vendredi 18, le dimanche 20 et le mardi 22
octobre. Les concours seront ouverts le lundi 21, et les récompenses seront
distribuées aux Sociétés couronnées durant le troisième concert. Les pré-
paratifs de cette solennité se poursuivent avec la plus grande activité.
— Les frères Lionnet ont terminé leur excursion dans les Pyré-
nées. Cette tournée artistique a été des plus fructueuses pour nos deux
chanteurs. Ils ont donné deux concerts à Cauterets, trois à Luchon. Le
public des Eaux-Bonnes, de Bigorre et de Saint- Jean de Luz a également
applaudi le duo fraternel, ainsi que le répertoire de Nadaud, cet insépa-
rable compagnon des frères Lionnet. La Bûche de Noël, les Pécheurs du
Loiret et le Pays natal, ont particulièrement charmé les dilettantes pyré-
néens.
— Mm* Gaveaux-Sabatier, de retour à Paris , vient de reprendre ses
cours de chant, qui seront bientôt, comme l'hiver dernier, l'occasion de
matinées musicales destinées à développer le talent de ses élèves. On sait
que,parfaite musicienne et disciple de l'école de M"18 Cinti-Damoreau et de
Nicou-Choron, c'est aux meilleures sources que Mm0 Gaveaux-Sahatier
puise les éléments de son enseignement, qui s'adresse aux jeunes artistes
_ comme aux gens du monde.
— Concert des Champs-Elysées. — Le troisième concert de jour donné
dimanche par M. de Besselièvre, avait attiré aux Champs-Elysées une af-
fluence considérable. Aujourd'hui dimanche, quatrième concert de 2 à 3 h.
Arban conduira l'orchestre et se fera entendre sur le cornet à pistons.
M. Demersemann exécutera un solo sur la flûte.
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joint à celui de la valse, et ce, sans étude préalable de pas universellement
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788. — 28" Année.
N> 47.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 20 Octobre
1861.
Sb>ga
TREL
JOURNAL
J.-L. HEKGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact' en chef.
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TEXTE.
I. Souvenirs de théâtre : Vicissitudes d'un librettiste de l'ancien Opéra. P.-A. Vieil-
lard. — II. Semaine théâtrale. J. Lotï. — III. Tablettes du pianiste et du
chanteur: Notice sur les travaux de JIM. Erard (4« article). — IV. Nouvelles et
Annonces.
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Nos abonnés à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour :
La POLKA DES COLOMBES,
ParL. Dessane. — Suivra immédiatement après: La Calabraise, de
J. ROSENMUN.
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Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
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La PRISE DE TOILE,
Paroles et musique de Dorval-Valentino. — Suivra immédiatement
après : Simple projet, paroles et musique de Gustave Nadaud.'
SOUVENIRS DE THÉÂTRE.
VICISSITUDES D'UN LIBRETTISTE DE L'ANCIEN OPÉRA.
(épisodes 1800-1830.)
Nous avons récemment publié quelques fragments des Souve-
nirs de théâtre de M. P.-A. Vieillard, lesquels ont fait suite à sa
belle étude sur Méhul et ses œuvres. Aujourd'hui nous emprun-
tons, à ces mêmes Souvenirs de théâtre des notes manuscrites
sur les vicissitudes d'un vénérable librettiste, qui n'est autre que
M. Vieillard lui-même, racontant au courant de la plume ses
déceptions d'auteur. Ces déceptions sont de tous les temps, mais
elles empruntent un double intérêt au contact des hommes et des
œuvres de cette première grande période du dix-neuvième siècle.
On y remarquera de plus, chose assez rare de nos jours, ce ca-
chet de vraie modestie qui était l'apanage de nos pères, et dont
nos lecteurs vont pouvoir juger.
J'ai précédemment exposé les singulières prédilections qui, dès
mon adolescence, m'ont fait cherchera la scène lyrique la source
des plus pures et des plus vives impressions de l'art. Ce penchant,
que je qualifierais avec plus de justesse en disant cette passion,
loin d'avoir jamais été enlièrement satisfait, m'a valu de bien
amères et fréquentes déceptions, et, si je n'eusse été soutpnu par
une foi aussi ardente et sincère, j'aurais voué à l'art autant de
haine que je lui ai prodigué d'amour. Mais, bien que constamment
frustré dans mon altente personnelle, je puis dire que je n'en ai
pas applaudi avec moins de cœur aux succès obtenus autour de
moi par des concurrents qui ne les avaient ni brigués avec plus
d'ardeur, ni poursuivis avec plus de persévérance.
La vocation qui, dans mes premières années, et sous l'influence
de ma passion pour la musique, se portait surtout vers le poème
lyrique, me fit, de très-bonne heure, tenter mes premiers essais
en ce genre , et j'avais à peine vingt ans lorsque, sur la recom-
mandation de François de Neufchâteau, alors ministre de l'inté-
rieur, je fus, le 29 thermidor, an VII (19 août 1799), admis à
faire entendre au comité de lecture de l'Opéra le poème de
Leucolhoé, soi-disant tragédie-lyrique en quatre actes. Le comité,
composé de sept ouhuit membres, dont pas un ne m'était connu,
accueillit ma lecture avec un silence complet et un sang-froid
glacial ; pas une observation désobligeante, mais pas un mot qui
pût m'encourager. J'espérais mieux ; Guillard, l'auteur d'OEdipe
à Colonne , qui avait bien voulu m'entendre chez lui,
m 'ayant donné de grandes espérances. J'avais aussi pleinement
réussi dans une soirée en ville, où la finance donnait le ton à la
littérature.
370
LE MÉNESTKEL
L'impassibilité de Monsigny, Martini, Gossec et Lays, me
surprit donc sans trop me déconcerter, et je fis bonne contenance.
J'ai a peine besoin de dire que, dans le courant de la décade, ma
pièce me fut renvoyée sans explication , au quartier latin où je
logeais avec mes vingt ans et l'espérance. Je dois ajouter que rien
n'était plus juste que ce refus; indépendamment de ce que le
sujet de Leucollwé était aussi crûment mythologique que fable
qui fût au monde, tous les défauts qui attestent et décèlent l'inexpé-
rience abondaient dans cette œuvre, premiers bégaiements d'une
vocation lyrique.
Une circonstance, toute de hasard, donna cependant à cette
lecture un caractère particulier. Au décadi suivant,. M. de Jouy,
encore peu connu, fit entendre au comité de l'Opéra le poëme de
la Vestale, accueilli avec empressement; de la Vestale, ce der-
nier chef-d'œuvre du grand drame lyrique moderne, et qui, huit
ans plus tard, parut devoir placer le nom de Spontini tout près
de celui de Gluck.
Or, la Vestale c'est la Leucothoé de l'histoire, puisque, comme
la fille du roi de Perse Orchame, la romaine Julie doit expier
dans les entrailles de la terre le même genre d'égarement. Aussi,
dans mon troisième acte mythologique, l'identité de la situation
m'avait fait rencontrer, comme mouvement de scène et péripétie
d'action , des effets analogues à ceux que MM. de Jouy et Spon-
tini surent si bien faire valoir. Seulement, ils connaissaient le
terrain sur lequel ils marchaient ; moi, dès les premiers pas, je
devais y faire une chute ridicule.
Si cet échec, trop bien mérité, n'enlevait rien à ma vocation
pour la grande scène lyrique, il ajournait, au moins pour long-
temps, mes espérances d'en faire le théâtre de mes premiers
succès, et, plus encore par nécessité que par prudence, je me res-
treignis subito au genre du vaudeville et de la parodie. Faut-il
le dire ? ce fut sur l'affiche de l'Ambigu-Comique que, dans les
derniers jours de 1799, mon nom parut, lui troisième, comme
révélant au public parisien l'un des auteurs d'Orviétan, parodie
A'Ariodant, grand drame lyrique en trois actes, représenté avec
un grand succès. à l'Opéra-Comique de la rue Favart, et dont
Hoffmann avait fait les paroles, et Méhul l'admirable musique.
Cette parade, qui était le début des trois auteurs, échappa à
l'affront d'une chute ; c'est tout ce que je puis dire de son succès.
C'en fut assez pourtant pour m'ouvrir, dans le cours de l'année
suivante (1800), les deux scènes du Vaudeville et des Variétés, et
enfin, le 30 décembre, celle de l'Opéra-Comique.
Ce fut là ma vraie initiation au théâtre. A vingt-deux ans à
peine, je me trouvais le plus jeune des auteurs qui entraient par
droit de conquête, c'est-à-dire de travail, au théâtre qui tenait à
Paris le troisième rang. La pièce qui me valut cette faveur eut un
succès d'autant plus bruyant, que ce fut un succès de scandale.
Quoique l'ouvrage eût été fait en collaboration, mon nom, livré
seul au public qui me força à reparaître , figurait seul sur l'af-
fiche ; c'était une mesure de précaution de mes complices, fort
empressés de renoncer à leur part de gloire, en conservant leur
part de profit, et laissant ainsi exclusivement à mon compte la
chance des horions : cette chance était réelle puisque la vogue de
l'ouvrage eut un duel pour dernière sanction , duel effectif, mais
non meurlrier. Cette pélarade à la porte Maillot entre M. Alissan
de Chazet et l'auteur avoué du Premier homme du monde ou la
Création du Sommeil, parodie du grand oratorio d'Haydn, la
Création du monde, exécuté avec fracas à la date néfaste du 3
nivôse an IX ; cette guerre de coulisses défraya pendant un jour
la chronique du théâtre de Paris, et j'en aurais tiré un bon
parti pour ma fortune dramatique, si, avec toute la confiance de
mon âge, je n'eusse eu toute son étourderie. Cependant, je me
trouvai immédiatement en relation avec la foule des auteurs et
des artistes en renom ; j'obtins mes entrées à plusieurs théâtres.
Dans mes compositions, j'entremêlais le vaudeville et la comédie
en un acte, tout cela à assez petite dose de mérite et de succès,
mais sans éprouver de ces échecs qui découragent ; somme toute,
ces prémices de travail et ces chances de réussite, sans m'y mener
à grands pas, m'acheminaient toujours vers le but ; je ne travail-
lais pas beaucoup, je gagnais fort peu, mais, soit par la pratique
du métier, soit par la fréquentation des modèles et de quelques-
uns de leurs meilleurs interprètes, j'acquérais toujours quelque
chose, et je moissonnais largement et à peu dé frais , à la faveur
de mes entrées gratuites, dans les jouissances de l'art.
C'a été là, en effet, par une combinaison de mon caractère
primesautier et des chances contraires qui m'ont harcelé à toutes
les époques de ma vie, le produit le plus net et le plus avanta-
geux de mes instincts dramatiques. Mais, si ce ne fut pas assez
pour arriver à la réputation et à la fortune , cela suffit pour m'i-
nitier à la vie de ceux qui exploitaient, pour l'une et pour l'au-
tre, une terre qui ne fut jamais que promise à mes désirs ; et
c'en fut assez aussi pour me permettre d'apprécier dans ses pro-
ductions les plus élevées, et dans ses plus heureux résultais, un
art à la gloire duquel il ne me devait pas être permis de contri-
buer. Grâce donc à la fréquentation continuelle du théâtre pen-
dant une grande moitié de ma longue carrière, grâce à des rela-
tions intimes et multipliées avec l'élite de nos artistes compositeurs
et exécutants, ayant la vocation innée, j'ai appris, par l'habitude
et par la réflexion, ce qu'il fallait pour comprendre l'art et pour
juger les artistes...
Je viens de dire quelle chance m'avait valu mon admission
dans la phalange des auteurs de l'Opéra-Comique ; il ne s'agis-
sait même plus alors de cette vocation précoce qui, à l'âge de
vingt ans, m'avait valu un échec au seuil de l'Académie royale
de musique, alors dénommé Théâtre des Arts; une simple pa-
rade : Colombine, Gilles et le serpent Arlequin, avait fait rire les
habitués de l'Opéra-Comique, taudis que j'aurais fort bien pu
endormir le public de la rue alors iVeuve-Lepelletier avec le spec-
tacle des royales infortunes de Leucothoé. Enfin , à vingt-deux
ans, je me voyais lancé dans le monde des coulisses, et j'avais mon
numéro d'inscription parmi les auteurs.
Je formai bientôt une liaison intime avec M. Binsse de Saint-
• Victor, qui donna à l'Opéra-Comique l'Habit de Grammont,
quelques jours après que j'eus fait représenter le Premier homme
du monde. M. J.-B. de Saint-Victor qui vient de mourir à l'âge
de quatre-vingt-six ans, était alors un des jeunes auteurs proté-
gés par Méhul ; excellent littérateur, il avait contracté une étroite
liaison avec le compositeur dont le nom n'en voyait alors aucun
au-dessus du sien parmi les contemporains. Je bénéficiai de cette
amitié, et les circonstances me permirent bientôt de changer ces
rapports de simple bienveillance en une intimité réelle.
N'étant cependant ni assez encouragé, ni assez hasardeux pour
faire du théâtre mon unique moyen d'existence, je ne m'avenlu-
rais guère que sur des scènes secondaires, et encore en compagnie
do collaborateurs plus aguerris que moi aux pratiques de la pro-
fession. L'opéra, le grand genre lyrique, était toujours la terre
promise, le rêve incessant de mon ambition ; mais, à plus de
trente ans, j'en étais encore aux tourments de l'attente et aux
MUSIQUE ET TOÉATlil-S.
371
jouissances de la perspective, relevés de temps en temps par le
succès de quelque vaudeville, comédie ou opéra-comique en un
acte. «
Enfin, dans l'automne de 1811, les loisirs d'un voyage en
Normandie me permirent de ramener ma pensée vers d'anciens
projets trop longtemps ajournés, sans que j'y eusse jamais renon-
cé ; je résolus, en un mot, de revenir à l'opéra et à ses pompes.
Il y avait longtemps que, frappé un jour par la vue du tableau
de Lesueur qui retrace la confiance héroïque d'Alexandre en son
médecin Philippe , je m'étais dit que ce fait indiquait une situa-
tion musicale qui ne le cédait peut-être en rien à celle dont
Méhul avait tiré dans Stratonice un parti si prodigieux ; et tout
en roulant de Rouen vers la Basse-Normandie, je commençai un
grand opéra en un acte, déjà fort avancé lorsque, arrivé à ma pre-
mière slation je pus en écrire quelques scènes, et que je termi-
nais quelques jours après.
A mon retour, j'emportais à Paris Alexandre à Tarse. Ce
n'était pas à Méhul que je proposai de le mettre en musique ; il
faisait alors répéter à l'Opéra lès Amazones, ou Amphion et
Zélhus, tragédie-lyrique en trois actes, de M. de Jouy ; celui-ci
régnait alors à peu près sans partage sur la noble scène de Qui-
naull, dont, en 1807, le succès colossal de la Vestale semblait
avoir fait son apanage exclusif, et qu'avaient encore inféodé à son
domaine les succès moins bruyants, mais encore très-réels et pro-
ductifs, de Fernand Çortez avec Spontini, et des Bayadères avec
Catel.
Méhul avait d'ailleurs pris des engagements avec Arnaultpour
un Sésoslris, depuis longtemps reçu à l'Opéra. J'aillai donc dis-
crètement frapper à la porte de Kreutzer, qui s'ouvrit immédia-
tement devant moi. J'aurais certainement pu tomber en de plus
mauvaises mains ; il n'en était même pas beaucoup de meilleures.
J'ai déjà, dans la première partie de ces Souvenirs, consacrés
particulièrement à Méhul, parlé de Kreutzer et de son entourage;
j'ai dit le rang distingué que cinq beaux succès à l'Opéra-Co-
mique et à l'Académie impériale, où il était premier violon, lui
avaient donné parmi les compositeurs français ; mais ma mé-
moire ne se lasse pas de se reporter vers ces hommes éminenls,
parmi lesquels il m'a été donné de vivre pendant un temps trop
court, et trouve aux moindres détails qui les concernent un char-
me que mon ambition serait de faire passer, par mes récits, dans
l'âme de mes lecteurs.
Les suites d'une chute faite, je crois, en 1810, dans les Pyré-
nées, ne permirent plus à Kreutzer de jouer les solos, mais son
frère Auguste, beaucoup plus jeune que lui, et à qui il donna
leçon tous les jours presque jusqu'à la fin de sa vie, hérita bien-
tôt de son pupitre à l'Opéra, et se montra tout à fait digne de lui
succéder. Ce même frère, à son tour, a formé, il y a quarante
ans, le talent du Liégeois Massart, que nous avons souvent ap-
plaudi au Conservatoire et dans les concerts publics. Enfin,
M. Léon Kreutzer, fils d'Auguste, déjà connu des amateurs par
de remarquables compositions pour la musique de chambre, vient
de prouver, par un coup d'éclat dont l'impression n'est pas près
de s'effacer, qu'il savait dignement porter le nom illustré par son
oncle et continué par son père.
P. -A. Vieillard.
{La fin au prochain numéro.)
SEMAINE THEATRALE.
Reprise de Pierre «ïc Médicis. — Débuts de M. Faure.
Nous avons enfin vu le terme de celle série d'indispositions
qui frappaient à tour de rôle tous les nobles gosiers de I'Opéra.
Le début de Faure s'est accompli lundi dernier avec un vif éclat
dans Pierre de Médicis. Le public a été surpris et charmé. La
voix a encore gagné, et dans toute l'étendue des registres; les
cordes graves ont acquis plus de sonorité ; les notes aiguës jail-
lissent avec plus de velouté; le débit, l'expression dramatique
et la tenue se sont également modifiés dans le sens de Yopera
reria. Dès le duo du premier acte, le nouveau Julien de Médicis
était jugé, apprécié, acclamé, et la belle scène du Campo Santo
a décidé le triomphe du chanteur. Il a phrasé dans la perfection
l'invocation du tombeau : Mère adorée, et imprimé un beau cachet
au tableau de la conjuration. Enfin, bravos enthousiastes et rap-
pels, tel a été le bulletin de cette permière soirée. Mme Gueymard,
avec sa voix suave et richement timbrée, avec sa vigoureuse
accentuation, a été la digne partenaire de Faure. — Gueymard,
puissamment excité par le voisinage, s'est tout à fait distingué,
notamment dans l'air nouveau que le compositeur a écrit pour
la scène finale. Obin, de son côté, a parfaitement traduit le type
de Fra Paolo. — Associons aussi au succès de la soirée l'auteur
de la partition. Son quatrième acte, ainsi que ses mélodieux airs
de ballet, ont, comme dans la primeur, enlevé tous les suffrages;
et l'air nouveau de Pierre de Médicis — une sorte de prière dans
le style italien — que viennent reprendre les artistes et les
chœurs, a produit un très grand effet. Mais nous commettrions
un crime de lèse-feuilleton si, dans le cours de cette reprise,
nous négligions de parler des prodiges opérés par Mme Ferraris
dans l'intermède des Amours de Diane. A elle aussi force bra-
vos et rappels, sans préjudice des applaudissements prodigués
à Mlle Fiocre, le modèle des Amours.
Demain lundi première représentation de l'Alceste de Gluck.
II Barbîere. — Un Ballo in niascliera.
Débuts de M. Delle Sedie.
Le Théâtre-Italien a également eu ses solennités. D'abord,
dimanche nous avons vu rentrer Mario dans II Barbiere. Le
public a fait un brillant accueil à l'élégant Almavivaet à Rosina-
Alboni. Beneventano, le débutant de l'autre soir, s'est acquitté
du rôle de Figaro comme de celui d'Assur; c'est dire qu'il a
continué de laisser à désirer. Quant à Zucchini, c'est toujours
l'excellent Bartholo que vous connaissez. — Jeudi, c'était le tour
d'un Ballo in maschera, avec les débuts de Delle Sedie.
M. Delle Sedie, — à la bonne heure! voilà un vrai chanteur
destiné à régénérer l'école italienne. Plus de cris, plus de vibra-
tions exubérantes, plus de déraillement vocal. Vous me direz
qu'il a de bonnes raisons pour préférer le style, le goût, le sen-
timent et le charme, aux extravagances vocales, au paroxysme
de la force. En effet, la verve de M. Delle Sedie est bien loin de la
sonorité stridente de celle de Graziani ; mais celte voix, si tem-
pérée qu'elle soit, accentue si admirablement chaque note,
chaque situation, que l'énergie lui est aussi naturelle que la
suavité. Quant au phraser, à l'exécution proprement dite, c'est
parfait. Ce chanteur tient son public comme suspendu à ses
lèvres. Ajoutez qu'en M. Delle Sedie, l'acteur a les qualités du
chanteur, une élévation, une distinction, qui en feront bientôt
le lion de la saison.
372
LE M EN EST.lt El.
Nous avons élé des premiers à signaler ce grand artiste à l'al-
lention de M. Calzado. C'est dans les salons du maestro Ros-
sini que M. Délie Sedie s'est d'abord produit à Paris, où il ne
pouvait tarder à prendre une première place. Son début dans
un Ballo in maschera est un vrai triomphe. 11 ne fallait rien
moins pour compenser les regrets que laisse Graziani après lui.
La reprise d'un Ballo in maschera a donc été des plus heu-
reuses. Mario a rajeuni depuis l'hiver dernier; c'est le privi-
lège des chanteurs italiens. Mme Penco est toujours la cantatrice
soigneuse par excellence des moindres détails, et MM. Tagliafico
et Caponi ont doublé la valeur des traîtres Samuel et Tom.
Quant à Mme Alboni, elle jouait pour la dernière fois le rôle trop
modeste de la Bohémienne, qui va passera Mme Filippi.dont les
débuts étaientannoncés pour hier soir samedi dans il Trovatore.
Mardi, jeudi et samedi de cette semaine, un Ballo in mas-
chera pour la continuation des débuts de M. Délie Sedie. C'est
prédire de belles soirées.
L'affiche de I'Opéra-Comique annonçait pour hier samedi la
représentation de l'opéra-bouffe de M. de Saint-Georges et de
M. le prince Poniatowski, Au travers du mur. Mais on avait
compté sans l'indisposition deMlle Pannetrat.
Les Recruteurs, de M. Lcfébure-Wély, nous sont promis pour
les derniers jours du mois. — Montaubry va reprendre prochai-
nement la Circassienne, à moins que le rôle d'Alexis ne soit
définitivement confié au jeune ténor Capoul, ou, ce qui est en-
core plus probable, que les recettes maximum du Postillon
et des Mousquetaires ne maintiennent longtemps encore l'affiche
du juur. — H est de nouveau question d'une partition en trois
actes, à laquelle M. Auber met en ce moment la dernière main,
et qui serait destinée à clore la saison d'hiver. Le poëme (nous
l'avons déjà annoncé) est la Fiancée du roi de Garbe, œuvre
posthume de Scribe, achevée par M. de Saint-Georges.
La première représentation du Neveu de Gulliver, avec les
débuts de M. Jules Lefort et ceux de M"8 Hortense Clavelle,
jeune ballerine de beaucoup d'espérance , est annoncée au
Théâtre-Lyrique pour mardi. — Un opéra-comique en deux
actes, intitulé: le Nid des Vautours, a été reçu par M. Rety
dans les conditions les plus favorables. Le poème est de
M. Edouard Plouvier; la partition, de M. Michel Bergson, com-
positeur connu dans le monde des concerts.
La Chanson de Fortunio, ce rival d'Orphée pour le succès, ce
vainqueur d'Orphée pour la grâce, va quitter l'affiche des
Bouffes-Parisiens, après plus de cent représentations. A la
place de cette ravissante opérette, — qui est destinée à bien des
reprises, — nous voyons apparaître depuis jeudi dernier Apothi-
caire et Perruquier, de MM. Frébault et Offenbach.
Apothicaire et Perraquier, opérette rlu temps jadis.
L'apothicaire Boudinet a promis sa fille en mariage au fils d'un
ancien confrère delà Palisse, M. Plumasseau. Le futur gendre
doit tout à l'heure arriver par le coche, et le mariage se fera le
jour même ; — les apothicaires n'y vont pas par quatre chemins.
Survient le perruquier Chilpéric pour coiffer la mariée. Bou-
dinet le prend pour le jeune Plumasseau et le traite princière-
ment. Première série de quiproquos. Arrive le vrai Plumasseau :
l'apothicaire et sa fille le prennent pour le perruquier. Jugez de
la scène! Heureusement les deux gars sont cousins germains,
et l'affaire matrimoniale s'arrange au profit du perruquier, qui
avait déjà ébauché quelques tendresses avec M"e Boudinet.
Sur ce canevas, Jacques Ofîenbach a étendu une couche de mu-
sique rétrospective à ravir l'oreille et à faire pâmer l'auditoire.
C'est comme une photographie des ariettes et du style symphoni-
que de nos pères. Ecoutez ces formules patriarcales, remarquez
ce dessin mélodique, savourez bien ces trilles du temps et cet
orchestre maigrelet, car c'est de la musique comme on n'en fait
plus ; elle a charmé deux siècles et bercé les amours de six ou
huit générations. Est-ce un pastiche? Est-ce une intelligente as-
similation? Ma foi, je ne saurais vous le dire. Toute cette bim-
1 beloterie de Lulli, de Rameau, de Délia Maria, de Dussek, ne
serait-elle pas plutôt éclose dans le cerveau d'Offenbach? Le fait
est que tout cela est sublime de vieilloterie, mais c'est vif, mélo-
dieux et délicieusement rhythmé. On a particulièrement applaudi
l'ouverture, les couplets : C'est elle que je vois partout, le duo :
0 bonheur suprême! le quatuor, et l'on a redemandé les couplets
de Mlle Gervais : C'est la vérité, papa.
Rref, un fort joli succès de gaieté, auquel ont concouru Des-
monts, Potel, Jean Paul et Mlle Gervais.
Le Théâtre-Français nous promet pour demain lundi la pre-
mière représentation d'une comédie de M. Léon Golzan : la
Pluie et le beau Temps, spirituelle pièce de salon qui a déjà fait
son chemin dans le monde. Dimanche dernier, les comédiens du
Théâtre-Français ont eu l'honneur de la jouer au château de
Compiègne, devant le nouvel hôte-souverain, S. M. le roi des
Pays-Bas. On y représentait, dans la même soirée, les Caprices
de Marianne, de feu Alfred de Musset. Leurs Majestés ont té-
moigné aux éminents sociétaires toutes les marques de la plus
vive satisfaction.
Un drame en quatre actes, en vers, de M. Amédée Rolland,
les Vacances du Docteur, remarquablement joué par Tisserant,
Ribes, Mlle Thuillier, a obtenu un fort beau succès à I'Odéon.
Bouffé, un des célèbres comédiens de ces derniers temps, vient
de remonter sur la brèche, après un long repos. C'est sur la
scène du Gymnase, et dans l'une des plus intéressantes pièces du
répertoire, Michel Perrin, que nous avons vu reparaître cet an-
cien artiste. C'est toujours le même art, la même finesse de dé-
tails, le même talent dans la composition de ses rôles. Aussi le
public a-til salué Bouffé de ses plus chaleureux applaudisse-
ments.
Au Vaudeville, M. Henri Meilhac nous a donné une comé-
die en trois actes : l'Attaché d'ambassade, qui ne peut manquer
de défrayer nombre de fructueuses soirées. — Dans cette intéres-
sante pièce on a vu les débuts de M"e Juliette Beau, qui nous
était déjà apparue aux Bouffes-Parisiens et a failli débuter ré-
cemment au Théâtre-Français. La belle débutante a été bruyam-
ment fêtée, rappelée à la fin du spectacle, et bissée dans sa chan-
son espagnole, qui est tout simplement une trouvaille mélodique
dont toutes nos cantatrices s'empareront à l'envi. Mme Brindeau,
MM. Febvre, Parade, Munie, Nertann elChaumont, tiennent
leurs rôles avec l'ensemble le plus parfait.
Arnal est engagé aux Variétés pour y créer le rôle principal
dans une pièce en trois actes de MM. Marc Michel et Delacour.
M"0 Alphonsine sera chargée du principal rôle de femme. — Il
est question aussi de la reprise de Prosper et Vincent, pour
Kopp.
La Gaîté a repris sa grande pièce de sauvetage , le Courrier
de Lyon, qui refait salle comble.
TAHLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
373
L'Ambigu a renouvelé soiralliche avec un drame de MM. Den-
nery et Boucicault , le Lac de Glénaslon, pour les débuts de
Charles Perey. La pièce et le débutant ont réussi de compte à
demi.
Ds son côté, le Théatre-Déjazet a repris les Chants de Bé-
ranger, un des triomphes de la reine du logis. La pièce, en émi-
graut des Variétés, a du être réduite en un tableau. Mme Déjazet
est toujours charmante dans le type de Roger Bontemps. Plusieurs
couplets lui ont été redemandés, et les rappels n'ont pas attendu
la chute du rideau.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE I80D.
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE MM. ERARD.
IV
Sébastien Erard retourna à Londres en 1808. Son génie in-
ventif allait y briller du plus vif éclat par la production de sa
harpe à double mouvement, chef-d'œuvre de mécanique et de
précision.
Après avoir terminé ce grand travail, Sébastien Erard se fixa
en France pour toujours. Il confia la direction de sa maison de
Londres à son neveu Pierre Erard, fils de son frère et associé
.T.-B. Erard, et dévoua son temps et ses facultés à la découverte
d'un nouveau mécanisme de piano qui réunirait les qualités de
celui à pilote et de celui à échappement, sans avoir leurs incon-
vénients.
A la première exposition, qui eut lieu en 1819, le jury donna
une médaille d'or à MM. Erard frères pour les quatre pianos et
les deux harpes présentés par eux à l'exposition, mais ce fut à
l'exposition suivante, en 1823, que Sébastien Erard fit paraître
son piano à double échappement, invention qui peut être placée
sans contredit au niveau du double mouvement de la harpe. Il ne
s'agissait pas, en effet, d'un simple déplacement de pièces, de
faire frapper le marteau en dessus ou en dessous des cordes ; il
fallait trouver ce qui avait rebulé les plus habiles facteurs de
Londres, de Vienne et de Paris, un mécanisme qui produisît un
frappé de marteau aussi vigoureux que précis et net, qui donnât
à la touche une sensibilité telle que l'exécutant pût nuancer son
jeu selon les impressions qu'il voulait faire passer de son âme
dans celle de ses auditeurs, enfin qui lui permît de faire avec le
piano ce qu'un habile violoniste fait avec son archet ou un chan-
teur avec sa voix. Ce but fut atteint par le double échappe-
ment.
Le piano qu'ils exposèrent possédait, outre ce mécanisme, un
autre perfectionnement qui n'a pas été sans influence sur l'avenir
des pianos" : nous voulons parler du barrage métallique au-dessus
du plan des cordes. Cette innovation importante, en donnant à
la caisse une plus grande solidité, permit d'employer des cordes
d'un diamètre plus fort, donnant une qualité de son plus ronde
et plus puissante, mais dont on n'aurait pu faire usage sur des
caisses ordinaires, à cause de la force de leur tirage. Ce qu'il y
a de plus curieux, c'est que ce perfectionnement, importé en An-
gleterre en 1824 par Erard, a été réimporté en grande pompe en
France, en 1827, par d'autres facteurs..
Voici comment le rapport du jury de l'exposition de 1823
parle de cette invention du double échappement qui devait, vingt
ans après, entre les mains du neveu de Sébastien Erard, prendre
un essor si grand :
« La fabrique la plus importante de toutes celles qui existent
en France pour la construction des forlé-pianos et des harpes est
sans contredit celle de MM. Erard frères. C'est de leurs ateliers
que sont sortis la plupart des habiles facteurs dont les produits
concourent aujourd'hui, avec ceux de MM. Erard, à fournir non-
seulement la France, mais encore une partie de l'Europe. Pen-
sant avec raison qu'ils n'ont pas assez fait tant qu'il reste quel-
que chose à faire pour perfectionner le mécanisme de leurs in-
struments, ces célèbres artistes ont fait des changements impor-
tants à l'échappement de leurs pianos, de manière à laisser au
musicien toute la facilité pour la répétition de la note et la
nuance du son.
« MM. Erard frères continuent à mériter la juste réputation
dont ils jouissent depuis longtemps, et les pianos et harpes qu'ils
ont présentés peuvent être placés au premier rang parmi les beaux
et nombreux instruments qui seront admis cette année à l'expo-
sition. »
Dès sa première apparition à Paris en 1820, et à Londres en
1825, la supériorité du nouveau mécanisme sur l'ancien ne fut
pas contestée. Elle ne pouvait l'être, car celui-ci ne peut pas fonc-
tionner sous les doigts comme le clavier d'Erard ; mais les per-
sonnes intéressées à soutenir l'ancien principe, sur lequel leur
fortune était basée, y trouvaient naturellement à redire. A les en-
tendre, ce mécanisme plus compliqué devait avoir moins de
chances de durée. Le temps et l'expérience ont prouvé le con-
traire. Si l'on avait cru les opposants, l'ancien système de méca-
nisme aurait dû rester stationnaire, alors que tous les arts méca-
niques se perfectionnaient. Mais comment admettre que les
claviers et les pianos dont les artistes se contentaient il y a qua-
rante ans puissent convenir aux artistes de nos jours? Le méca-
nisme du piano devait marcher de pair avec les progrès des pia-
nistes. Le triomphe du mécanisme d'Erard était donc assuré.
Ce fut en 182.5 qu'Erard prit à Londres son brevet pour le
nouvel échappemenl, et ce fut à son neveu Pierre Erard qu'é-
chut la tâche difficile d'établir la fabrication des pianos sur ce
nouveau principe.
A l'exposition de 1827, la maison Erard exposa non-seulement
des pianos et des harpes, mais un orgue qui attira l'attention de
tous les connaisseurs par son clavier expressif, de l'invention de
Sébastien Erard, aussi une nouvelle médaille d'or fut-elle décer-
née à M. Erard pour l'ensemble de ses produits.
S. M. Charles X voulut aussi récompenser l'homme éminent
qui avait rendu tant de services à son art, et il le nomma cheva-
lier de la Légion d'honneur.
Sébastien Erard, quoique doué d'une forte constitution, n'a-
vait pu concevoir et exécuter de si grands travaux sans porter
à sa santé de graves atteintes. Il avait déjà été opéré de la pierre
en 1824, par les soins du docteur Civiale. A peine rétabli, il
commença la construction de l'orgue dont nous venons de parler.
Cet instrument, chef-d'œuvre de précision et de fini, ne possédait
pas sa belle invention de l'expression par le toucher plus ou moins
léger, plus ou moins appuyé du clavier. 11 était cependant exprès-
MÉNESTREL
sif, mais autant que cet effet peut être obtenu parle moyen fie
pédales qui faisaient ouvrir ou fermer des jalousies pour laisser
le son se propager au dehors, ou pour le renfermer dans le corps
de l'instrument, et par celui de l'élargissement ou le rétrécisse-
ment progressif des conduits du vent sur les jeux d'anches. Ces
moyens étaient connus depuis plusieurs années, et M. Erard n'en
réclamait pas l'invention, mais une multitude de perfectionne-
ments se faisaient voir dans son instrument, où les registres
étaient ouverts et fermés par des pédales qui permettaient à
l'exécutant de ne point lever les mains du clavier pour modifier
à l'infini les effets de l'orgue. Plus tard, Sébastien Erard ajouta
à cet instrument un jeu expressif par le toucher, tel qu'il l'a exé-
cuté pour l'orgue de la chapelle des Tuileries, qu'il termina en
1830. Il s'occupait de le faire poser dans la chapelle des Tuile-
ries, lorsque survinrent les événements de Juillet. Le palais fut
envahi, l'orgue mis en pièces, et les débris furent transportés
au garde-meuble de la couronne , où son neveu Pierre Erard
les retrouvera vingt-cinq ans après , dans un tel état de détério-
ration, qu'il lui sera impossible d'en rien tirer.
Sur la demande d'Erard , une commission de l'Institut fut
nommée pour examiner cet instrument. Cette commission, com-
posée des membres de la section de musique, fit le rapport suivant,
qui fut adressé à M. Erard par M. Qualremère de Quincy, dans
les termes les plus flatteurs.
INSTITUT DE FRANCE.
ACADÉMIE ROYALE DES BEAUX-ARTS.
Rapport sur l'orgue expressif de SI. Sébastien Erard.
Conformément aux désirs de l'Académie, sa section de musique
s'est réunie pour procéder à l'examen de l'orgue expressif, inventé
et exécuté par M. Sébastien Erard.
Cet instrument fut demandé à M. Erard par feu M. le duc de
Damas, premier gentilhomme de la chambre du roi, pour être
placé dans la chapelle de Sa Majesté, au palais des Tuileries.
Comme les autres orgues, cet instrument possède un triple
clavier et un quatrième clavier, dit de pédales, posé à sa base.
Le clavier du haut est expressif, c'est-à-dire qu'en pressant
modérément la touche on entend faiblement le ton, et qu'on
l'augmente h volonté, selon l'accroissement de la pression. En
laissant remonter peu à peu la touche, le son s'adoucit, ce qui
donne à l'exécutant l'inappréciable faculté de pouvoir à son gré
varier et nuancer les inflexions, à l'instar des instruments à vent
ou à archet, et même de faire éprouver parfois à l'auditeur la
sensation que produit la voix du plus habile chanteur.
Le clavier du milieu se compose de flûtes, bourdon, prestant,
trompettes, basson, hautbois et cromome.
Le troisième, ou grand clavier, est composé de flûtes ouvertes,
de flûtes bouchées, prestant, quintes, fourniture, octaves et
trompettes.
Tous ces jeux peuvent se -réunir, se séparer et offrir, par cha-
que combinaison diverse, une nature différente de voix, surtout
une grande variété d'effets; l'on peut encore, par cette combi-
naison et le secours des pédales, augmenter ou diminuer à vo-
lonté le volume du son.
Messieurs, votre section croit ne pouvoir mieux faire l'éloge
de la belle découverte de M. Erard qu'en vous rappelant, dans
ce rapport, ce qu'en a dit et écrit l'un de ses plus illustres collè-
gues, le célèbre Grétry, dans ses'Essais sur la musique, imprimés
il y a plus de quarante ans.
« L'orgue, dit-il (IIIe volume, page 424), remplacera peut-être
un jour tout un orchestre de cent musiciens. Si Erard achève sa
superbe invention, si chaque tuyau d'orgue devient susceptible
de toutes les nuances sous les doigts de l'organiste, quel grand
parti ne relirera-l-on pas de cet instrument alors parfait! J'ai
touché cinq ou six notes d'un buffet d'orgues qu'Erard avait
rendues susceptibles de nuances, et sans doute le secret est dé-
couvert pour un tuyau comme pour mille. Plus on enfonçait la
touche, plus le son augmentait; il diminuait en relevant douce-
ment le doigt. C'est la pierre philosophale en musique que cette
trouvaille. Le gouvernement devrait faire établir un grand orgife
de' ce genre, et récompenser dignement Erard, l'homme du
monde le moins intéressé. »
En effet, Messieurs, de tous les instruments de musique de
celte nature, aucun encore ne nous a paru comparable à celui de
M. Erard. Ce magnifique instrument, sous tous les rapports, est
admirable; et votre section de musique, partageant entièrement
l'opinion du célèbre Grétry, a l'honneur de vous proposer d'ac-
corder votre approbation à son rapport.
Signé Catel, Auber, Lesueur, Boieldieu, Chérubini,
Breton, rapporteur.
L'Académie adopte les conclusions de ce rapport.
• Certifié conforme :
Le Secrétaire perpétuel,
Signé Quatremère de Quincy.
Ce fut le dernier ouvrage de Sébastien Erard. Le mal caleu-
laire dont il avait déjà été opéré reparut, et ni la science ni les
soins assidus dont il était entouré ne purent le sauver ; il mourut
le 5 août 1831, dans son château princier de la Muette, près
Paris, où il avait fixé sa résidence depuis plusieurs années, lais-
sant à son neveu et héritier, P. Erard, le soin de continuer ses
travaux et de leur donner cette perfection qui seule pouvait les
populariser.
« Sébastien Erard (son frère Jean-Baptiste l'avait précédé de-
puis quatre ans dans la tombe), dit M. Fétis dans la biographie
que nous avons eu déjà l'occasion de citer, n'était pas seulement
remarquable par son génie; il était doué en outre d'un caractère
noble et généreux ; aimant les arts avec passion, bienveillant
avec les artistes, il faisait un bel usage de sa fortune pour la
prospérité des uns et l'encouragement des autres. La musique et
la peinture étaient pour lui des objets de passion, Son oreille
bien organisée, son œil perçant lui révélaient les beautés de ces
arts, et l'habitude qu'il avait de vivre avec les musiciens et les
peintres les plus habiles avait perfectionné ses heureuses dispo-
sitions. La plus belle collection de tableaux que possède aucun
particulier en France est celle qu'il a réunie dans sa maison de
campagne de la Muette, où il a terminé sa longue et honorable
carrière. »
[La suite au prochain numéro.)
NOUVELLES DIVERSES.
— Tous les journaux annoncent qu'une innovation très-importante au
point de vue de la bonne exécution des ensembles sera faite à l'Opéra pro-
chainement. II s'agit du métronome électrique, invention bruxelloise que
nous avons déjà vu fonctionner à Paris en quelques circonstances extraor-
dinaires et notamment à certains concerts dirigés par M. Berlioz.
Grâce à cet appareil, la mesure battue par le chef d'orchestre se reproduit
exactement et instantanément à n'importe quelle distance et en autant d'en-
droits qu'on le désire. Le mouvement part d'un petit instrument placé sous
NOUVELLES ET ANNONCES.
37c
la main gauche du chef d'orchestre, et se communique, par un ou plu-
sieurs fils Électriques, à de petites baguettes qui battent ainsi la mesure
comme d'elles-mêmes.
En ajustant à cet appareil la pile voltaïque, forte de cent-vingt couples,
qui est dans les magasins do l'Opéra, on réduit à rien presque les frais de
cette innovation.
On conçoit de quelle utilité doit être à l'Opéra le métronome électrique :
pour les chœurs ou les artistes chantant dans la coulisse, pour la bande
militaire placée sur le théâtre, pour l'orgue qui répond ou se mêle de loin
à l'orchestre. C'est le seul moyen, et c'est un moyen bien simple, d'éviter
les contre-temps et les fausses attaques qu'on remarquait ordinairement
dans ces sortes d'ensembles.
Le métronome électrique sera employé pour la première fois dans Alceste,
et restera ensuite dans le service régulier du théâtre, pour toutes les pièces
du répertoire.
— L'association des artistes musiciens vient de publier son 18e annuaire.
Voici la composition et l'organisation du comité central pour l'exercice
1861. M. le baron Taylor, C. $Ç, fondateur de l'Association, président.
Présidents honoraires: MM. Auber, G. 0. !)? ; — Halévy, C. ^5; —
Meyerbeer, C. ^ ; — Ambroise Thomas, 0. i$ ; — Carafa, 0. 5&.
Vice-présidents: MM. Edouard Monnais, ^ ; — Premier père, ^ ; —
Charles de Bez ; — Georges Kastner, §j ; — Le Bel ; — Triébert.
Vice-présidents honoraires: MM. Reber, g$ ; — Clapisson, $£ ; — Ber-
lioz, •§.
Secrétaires: MM. Conrad; — Jancourt ; — Colmet-d'Aage ; — Ch.
Manry ; — Delzant ; — Chatenet.
Archivistes: MM. II. Gautier; — Bodin, adjoint; — Richard-Dambri-
court, adjoint.
Bibliothécaires : MM. Triébert ; =■ Premier fils, adjoint ; — Ancessy,
adjoint.
— Les journaux français reproduisent une correspondance de Madrid,
relative au théâtre Sarsuella, où l'on joue l'opéra-comique, avec une troupe
composée exclusivement d'Espagnols, et dont le répertoire ne comprend
que des œuvres d'auteurs nationaux, inconnus en deçà des Pyrénées. Parmi
les ouvrages qui méritent plus qu'une mention favorable, on cite les deux
opéras-comiques Catalina et una Vieja, par le senor Gastambide. Nous
ajouterons â ces détails que voilà déjà bien des années que ce théâtre lyri-
que fonctionne à Madrid, et avec un réel succès. Fondé par MM. Gastam-
bide et Barbieri, le premier en demeure aujourd'hui le seul impressario.
Mais les partitions de M. Barbieri n'en sont pas moins exécutées avec ou à
côté de celles de son collaborateur, car ces deux musiciens espagnols, pleins
de talent et de distinction, ont composé en collaboration tous leurs premiers
ouvrages, formant eux mêmes chanteurs et instrumentistes, afin de se pou-
voir faire interpréter.
— La nouvelle Gazette musicale de Berlin nous apprend que le théâtre
de Varsovie va monter deux opéras nouveaux dus à des compositeurs po-
lonais. Le premier sera intitulé : Les Flibustiers, musique du compositeur
J.-F. Dobrzynski; le second, Otto l'Archer, coup d'essai de M. Munch-
heimer.
— Une correspondance de Vienne, publiée par les Signale de Leipzick,
constate le succès que vient d'obtenir le nouveau ballet de Rota, la Com-
tesse d'Egmont, musique de Giorza et Strebinger. La musique de Giorza
est assez insignifiante, dit le correspondant, et les motifs, intercalés par
Strebinger, sont entachés de vulgarité ; mais le chorégraphe et la ballerine
MUo Couqui ont remporté les honneurs de la soirée.
— Le nouveau théâtre de Brunswick a été inauguré le l€r octobre par
le Tannhauser. Le public a été particulièrement satisfait de la nouvelle
salle, du bon goût des ornementations et de la disposition des places. Les
conditions d'acoustique ne laissent rien à désirer. La ville de Brunswick
possède maintenant une des plus élégantes salles de l'Allemagne.
— On écrit de Stuttgardt que M. Ch. Eckert a inauguré ses fonctions de
chef d'orchestre dans Guillaume Tell. La même correspondance ajoute que
M. Kucken, le maître de chapelle, a donné sa démission. La position déli-
cate que lui faisait l'avènement du nouveau fonctionnaire, laissait du reste
prévoir ce résultat.
— C'est dans le monde des arts surtout, où les luttes sont si vives, où
la vie est si fiévreuse, que nous voyons fréquemment les grands parents
survivre à leurs enfants. Nous avons annoncé tout récemment la mort de
Mme veuve Goria , mère de notre pianiste compositeur. Aujourd'hui nous
apprenons que Mme Justine Chopin, née Krzryzanowska, et mère de l'il-
lustre compositeur, est morte à Varsovie, le 3 octobre, à l'âge de quatre-
vingt-trois ans.
— Voici notre dernier courrier de Bade :
« La saison, il est vrai, se prolonge jusqu'à la fin d'octobre, mais à pat t
l'excellente musique que fait entendre l'orchestre de M. Miloslavkœnnèmann ,
devant ou à l'intérieur de la Maison de conversation, il n'est plus question
que de chasse à tir ou à courre. Nous laissons au Sport et au Journal des
chasseurs le soin d'en raconter à leurs lecteurs les diverses péripéties.
Après le concert du 9 septembre, dont nous avons rendu compte dans notre
numéro du 22, le théâtre a occupé la première place dans les plaisirs artis-
tiques de Bade. Une quatrième comédie inédite, dont l'auteur est un an-
cien agent de change, M. Blerzy, a obtenu un succès mérité. Une Nuit en
chemin de fer, tel est le titre de cjtte jolie petite comédie, a été interpré-
tée par Bressant et Mlle Fix. Le Feu au couvent, le Jeune mari, un Ma -
riage sous Louis XV, merveilleusement joués par Bressant, Régnier, Ste-
Foy, Lagrange, Berton, MlleFix, MUe Jouassain, M110 Defodon, etc. La ses-
sion dramatique s'est terminée par l'opéra-comique inédit, intitulé : Les
Amours de Silvio ou le Fruit défendu, paroles de MM. Jules Barbier et
Michel Carré, musique de M. François Schwab. La partition du jeune maî-
tre comprend une ouverture et huit morceaux de chant très-réussis. LL. MM.
le roi et la reine de Prusse , S. A. R. le prince de Galles, LL. AA. RR. le
grand-duc et la grande-duchesse de Bade, le prince royal et la princesse
Victoire de Prusse, ont honoré de leur présence les deux représentations
des Amours de Silvio, et ont donné plusieurs fois le signal des applaudis-
sements. Ces illustres personnages ont fait plus encore. Leurs félicitations
ont été transmises à M. Schwab, qui a le droit d'être fier de pareils suffrages.
S. M. la reine de Prusse est parmi lesgrandes princesses de l'Europe l'une
des plus compétentes en nature d'art et la princesse Victoire est ce qu'on peut
appeler une musicienne accomplie. Deux concerts ont été donnés les 5 et 1 1
de ce mois dans le salon Louis XIV. Mrae Wekerlin-Damoreau s'y faisait en-
tendre pour la première fois. Les princes et princesses y ont assisté. Le succès
de cette très-éminente cantatrice a été complet. Sa voix pure et suave, l'exquise
méthode de son illustre mère qui l'inspirait du regard et des souvenirs, ont
été acclamés en Mme Wekerlin-Damoreau dans tous ses morceaux, à com-
mencer par l'air de V Ambassadrice, qu'elle a dit de manière à ravir l'as-
semblée. Aussi, séance tenante, M. Benazet l'a-t-il réengagée pour les deux
prochaines saisons, concerts et théâtre. Deux autres artistes nouveaux à
Bade, M. Jacques Dupuis et Mllc* Mathilde Devançay ont mérité leurs épe-
rons. M. Charles Lebouc a été fort applaudi dans un choix d'airs irlandais
variés, pour le violoncelle, dont il est l'auteur. M11" Octavie Caussemille a
remarquablement exécuté un caprice brillant de sa composition, sur les
motifs du Trovatore. Et maintenant.... ajournons-nous à 1862. »
— Le grand festival national des Orphéonistes a commencé ses séances
vendredi dernier dans l'immense salle du Palais de l'Industrie. 8,000 chan-
teurs, — disait l'affiche, — venus de tous les points de la France, ont don-
né pour la seconde fois à Paris l'intéressant spectacle d'une masse impo-
sante d'exécutants , chantant comme un seul homme, sous la conduite de
M. Eugène Delaporto. Douze morceaux généralement bien interprétés, malgré
la difficulté matérielle attachée à une réunion aussi nombreuse, ont montré
que tous les styles étaient accessibles à nos sociétés chorales. Aujourd'hui
dimanche, deuxième séance; demain lundi, concoursentre tous les Orphéons
participant au festival ; enfin mardi, dernier concert et distribution solen-
nelle des récompenses. Dimanche prochain nous rendrons compte à nos
lecteurs de l'ensemble de ces réunions curieuses à plus d'un titre, et où l'on
a pu constater la présence de cinquante-quatre départements dans la per
sonne de leurs chanteurs-ambassadeurs. _,
— MM. Géraldy et Stockhausen sont de retour parmi nous , le premier
pour y reprendre le cours de ses soirées musicales et leçons de chant; le
second dans la seule intention de passer quelque temps à Paris avant de
regagner l'Allemagne.
■ — Concert des Champs-Elysées. — Le cinquième concert de jour a
lieu aujourd'hui dimanche 20 octobre, de 2 à S heures du soir. L'orchestre est
au grand complet, et les solistes, tous les mêmes, sont renforcés d'Arban,
le. premier corniste du monde.. Le programme annoncé pour ce jour par
M. de Besselièvre contient, entre autres morceaux, la fantaisie sur les Hu-
guenots, les ouvertures du Jeune Henri et de Guillaume Tell, et deux airs
variés exécutés sur le cornet à pistons et sur le hautbois par MM. Arban et
Lalliet.
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789. — "28e Année.
K» 48.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 27 Octobre
1861.
a»^a
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur,
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVIf,
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1" M
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S»TI.n.lEItF.
TEXTE.
I. Souvenirs de thél're : Vicis itudes d'un librettiste de l'ancien Opéra (suite et fin'.
P. -A. Yif.iu.ard. — II. Semaine lyrique : lre représentation de YAlreste de
Gluck à l'Opéra ; l,e représentation du Neveu de Gulliver au Théâtre-Lyrique.
J. Lovy, — III. Leltres d'un Bibliophile musicien : Rectification. A. Dcreac. —
IV. Pelite chronique : L'Emir Abd-el-Kader. — Musique des Bédouins. —
V. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT :
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La PRISE DE TOILE,
Paroles et musique de Dorval-Valentino. — Suivra immédiatement
après : Simple projet, paroles et musique de Gustave Nadaud.
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Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
La CALABRAISE,
de J. Rosexhain. Suivra immédiatement après : La Fée da Bal, polka-
mazurka d'ED. Viéxot.
SOIÎYEMRS DE THÉÂTRE.
VICISSITUDES D'UN LIBRETTISTE DE L'ANCIEN OPÉRA.
(épisodes 1800-1830.)
(Suite et fin.)
Grâce à Kreutzer, j'obtins sur-le-champ ma lecture; elle eut
lieu le 14 octobre 1811, douze ans après la déconvenue de Leu-
colhoé. Cette lecture fut pour moi la revanche la plus complète,
et, celte fois, l'aréopage de l'Académie m'accueillit avec un em-
pressement qui ne me laissa rien à désirer. Ce fut le bon et spi-
rituel Andrieux qui, au sortir du théâtre, m'annonça que j'étais
reçu à l'unanimité, mais qu'on exigeait que j'é'.endisse jusqu'à
trois actes la dimension de mon ouvrage ; il voulut bien m'indi-
quer lui-même quelques vues sur cette transformation, qui ne
fut pour moi que l'affaire de quelques jours. Picard, alors direc-
teur, voulut mettre un intervalle de trois semaines entre les deux
lectures, et, le 4 novembre suivant, le comité de l'Opéra admit
à l'unanimité Alexandre à Tarse, en trois actes.
Le soir du même jour. Picard médisait que jamais il n'avait
vu aucun ouvrage reçu avec autant d'approbation ; il insistait
surtout sur l'appui que lui avaient prêté Guillard et Baour-Lor-
mian, que la probabilité d'une prochaine concurrence n'avait
point empêchés d'être justeset bienveillants (1).
Ce résultat me mit dans la meilleure position au grand théâtre
lyrique, et je pus tout à mon aise m'enivrer d'espoir et d'illusions,
vivre enfin sur mes succès futurs. La réception d'Alexandre à
Tarse ne précéda que de deux mois les représentations des Ama-
zones. Rodolphe Kreutzer avait mis un grand empressement à
faire valoir mon ouvrage, sur lequel il comptait beaucoup. A
l'Opéra, Picard, le directeur, et Gardel, l'omnipotent maître de
ballets, ne me montraient pas moins de bonne volonté. A celte
époque (fin de 1811), Alexandre c'était encore Napoléon, et,
sans efforts, chacun des détails de la pièce aidait à ce rapproche-
ment; le duc de Rovigo, chef de la police des théâtres, s'était fait
lire la pièce, et sa complète approbation semblait me garantir la
prompte mise en scène.
(1) Cette bienveillance de la part de Lormian était d'aulant plus méri-
toire, qu'il préparait alors avec Lesueur un grand ouvrage intitulé Alexan-
dre à Babylone ; tous deux n'en patronnèrent pas moins Alexandre à
Tarse; on verra bientôt à quel point la chance tourna pour celui-ci. Quant
à Alexandre à Babylone, jamais Lesueur et Lormian n'ont pu parvenir à
le faire représenter, et, jusqu'à sa mort, Mme Lesueur a mis en vain la
plus honorable persévérance à poursuivre cette tardive réparation d'une
longue injustice. On connaît de cet opéra plusieurs morceaux admirables,
et qui, exécutés au Conservatoire, ont emporté tous les suffrages.
378
LE MÉNESTREL.
Mais arriva 1812 ; l'horizon politique se chargeait de sombres
brouillards; la tempête qu'ils précédaient grondait déjà dans le
lointain ; et, sans prévoir encore qu'elle dut faire sombrer le
modeste esquif poétique qui, jusque-là, avait semblé devoir me
porter à pleines voiles sur la scène orageuse de l'Opéra, je com-
mençais à me flatter moins d'y surgir en vainqueur.
Un fait très-simple en lui-même fera pressentir les grandes
épreuves auxquelles je touchais, en même temps qu'il démon-
trera la sûreté des rapports qui s'étaient si rapidement établis
entre la famille Kreutzer et moi. De prime abord, lorsque j'offris
à Rodolphe le poème d'Alexandre, il me prévint, en l'acceptant,
qu'il avait un engagement antérieur avec Vigée pour une Princesse
de Babylone, sur le succès de laquelle il me parut médiocrement
compter. En cela il avait bien raison. Donnée en 1815, pendant
les cenl-Jours, et mise en scène d'une manière pitoyable, la pièc^
n'eut pas le moindre succès. Mais les événements de 1812 avaient
enlevé au sujet à' Alexandre à Tarse ce caractère, ou plutôt ce
prestige d'à-propos qui semblait si bien recommander la pièce
pour lui faire obtenir un tour de faveur, ce qui seul aurait pu
dégager Kreutzer envers Vigée ; sans cela, prévoyant qu'un in-
tervalle de trois ans au moins devrait séparer la pièce de la Prin-
cesse de Babylone de celle d'Alexandre, Kreutzer m'en fit l'ob-
scrvalLin ; il me dégagea de toute obligation envers lui si cette
attente de trois ans me semblait trop longue. Avec la même fran-
chise et tout en lui témoignant mon extrême regret de perdre sa
collaboration, je repris ma liberté, et cette rupture amicale n'oc-
casionna pas la moindre altération dans l'intimité et la fréquence
de nos rapports de société ; la mort seule a rompu ces chers liens.
Des mains de Kreutzer, ma pièce passa d'abord entre celles du
maestro Paër, chef de musique de la chambre de l'Empereur et
de l'Impératrice, et qui gouvernait son déparlement avec toute
l'autorité d'un ministre. Une lettre de lui , restée entre mes
mains, et dalée du 29 janvier 1813, prouve avec quelle faveur il
accueillit mon ouvrage.
Après la déconvenue des Amazones , Méhul avait bien voulu
me dire : « Que n'ai-jeeu votre ouvrage à mettre en musique! »
J'ose dire que je crois en effet qu'il en eût tiré un parti magni-
fique ; au moins ne m'eût-il pas promené pendant deux ans,
comme M. Paër, qui essaya sur moi le système dont il abusa plus
tarda l'égard de M. Désaugiers l'aîné, puisque la signature d'un
dédit ne suffit pas pour l'obliger à terminer la musique d'OUnde
et Sophronie, dont il ne fit que deux actes sur trois. Notre
grande scène lyrique française inspirait un tel effroi à ce compo-
siteur italien, que le Maître de Chapelle, opéra-comique en un
acte, d'Alexandre Duval et de Mrae Sophie Gay, est le seul ou-
vrage français qu'il ait fait jouer à Paris. Le crédit et les succès
gigantesques de Sponiini étaient pour Paër un épouvanlail.
Mes espérances sur la destinée d' Alexandre à Tarse suivirent
le déclin des prospérités de l'Empire. L'astre d'un autre Alexan-
dre s'élevait bien à l'horizon, mais ses clartés boréales n'avaient
rien de commun avec l'éclat dont avait brillé le héros du Cydnus ;
d'ailleurs, après 1814, l'Opéra, passant de la préfecture du pa-
lais à la maison du Roi, changea de régime, de système et de ju-
risprudence : un homme d'un grand savoir et d'une infatigable
activité, Alexandre Choron, y remplaça le directeur Picard, sous
le litre plus modeste de régisseur général.
M. Chorou a sans doute rendu en France les plus grands ser-
vices à l'art musical en formant l'élite de nos chanteurs sous la
Restauration et sous le régime qui vint à la suite ; le nom seul de
Duprez suffirait pour faire voir ce qu'il était capable de faire
comme instituteur, et la fermeture de son école en 1831, par re-
fus d'allocation au budgel de la subvention de l'État, n'est guère
moins à déplorer dans l'intérêt de l'art que ne l'avait été, en 1815,
la mutilalion du Conservatoire.
Mais un professeur excellent peut bien ne pas être un directeur
sans reproche, et je crois que l'on peut, en toute sûreté de con-
science, en adresser plus d'un à la direclion, très-peu chanceuse
d'ailleurs, d'Alexandre Choron. N'ayant aucune connaissance
pratique du terrain qu'il était appelé à faire valoir", esprit systé-
matique, s'il en fût, Choron s'était imaginé, en 1814, que dès-
lors la tragédie-lyrique avait fait son temps à l'Opéra, et que le
public ne voulait plus de pièces en cinq, ni même en trois actes:
de grands ballets et de petits opéras .' Tel était le programme de
son administration.
En 1811, j'avais fait, en société avec Choron, une romance
intitulée les Adieux de Raoul de Concy à Gabrielle de Vcrgy ;
il en était fort content, moi aussi ; ce fut donc avec une certaine
confiance que, sitôt après son entrée en fonctions à l'Opéra, j'al-
lai le trouver et lui demander de prendre sous son patronage son
homonyme Alexandre ; il bondit comme un lion lorsqu'il sut
" qu'il s'agissait d'un ouvrage en trois actes, et me dit qu'un tel
sujet en comportait à peine un seul. J'eus beau lui faire observer
que quatre ans en deçà, le comité de lecture de l'Opéra m'avait
requis d'ajouter deux actes à l'acte unique que je lui avais ap-
porté, il n'en persista p;is moins, et, le lendemain, après avoir
entendu la lecture de ma pièce dans sa plus grande dimension,
il me signifia qu'à ces conditions il ne l'accepterait jamais ; tandis
que, si je consentais à la remettre en un acte, il me donnait sa
parole de la faire jouer trois mois après que la partition lui au-
rait été livrée. En même temps il s'engagea à la faire mettre en
musique par Chérubini ; j'ai entre les mains la lettre, datée du
9 janvier 1816, par laquelle ce grand musicien souscrit à cet en-
gagement.
Cependant, une nouvelle lecture du comité était nécessaire, le
régisseur général ayant, à son avènement, licencié l'ancien jury,
et déclaré que tous les ouvrages antérieurement reçus seraient
soumis à un nouvel examen. Dans le comité formé par Choron,
se trouvaient, en assez grand nombre, les premiers juges d'A-
lexandre; à l'unanimité, ceux-ci protestèrent contre la mutila-
tion d'un ouvrage complet qu'on voulait réduire à l'état d'avor-
ton, et demandèrent formellement qu'on lui rendît "ses grandes
proportions. Trois jours après, nouvelle séance, lecture de l'ou-
vrage eu trois actes, et quatrième épreuve qui donne pour résul-
tat la réception d' Alexandre à l'unanimité, moins une seule voix,
celle de Choron.
L'omnipotence de ce haut fonctionnaire ne pouvait fléchir
devant une pareille contradiction ; aussi s'empressa-t-il de dis-
soudre l'assemblée récalcitrante à ses volontés et d'annuler toutes
les décisions prises par elle. Rientôt, il établit un autre jury,
dans la composition duquel n'entrait aucun des membres de celui
qu'il venait de renvoyer, et il confia à ce nouveau sanhédrin,
presque tout entier sous son influence immédiate et sous celle de
M. Sponiini, la révision de tous les ouvrages reçus. Le 4 no-
vembre 1816, cinq ans jour pour jour après la réception qui
avait eu lieu sous l'administration de Picard, Alexandre à 'Tarse
est soumis à une cinquième épreuve. Avant mon arrivée pour la
lecture, Sponiini, qui ne connaissait pas un vers de la pièce, pré-
tendit cependant avoir refusé d'en faire la musique, et de cette
fois elle fut refusée à l'unanimité, moins une voix, celle de
Méhul!
MUSIQUE ET THEATRES.
379
Méhul, déjà malade, s'éleva, avec autant d'énergie que de
persistance, contre le déni de justice dont ses collègues se ren-
daient coupables à mon égard ; et il leur représenta tout ce qu'il
y avait de choquant, et même de ridicule, h repousser de la sorte
un ouvrage sorti victorieux de quatre épreuves antérieures; mais
ce fut en vain.
Je. dus être, et je fus en effet fort sensible au passe-droit dont
on me rendait victime ; plusieurs lettres qui se trouvaient entre
mes mains m'avaient donné le droit de compter sur un résultat
différent. Je dois dire, d'ailleurs, qu'il n'y eut aucun calcul de
malveillance dans le procédé de Choron. Quoique je l'eusse fort
peu ménagé dans mes plaintes, il ne me garda pas rancune, chose
rare, du mal qu'il m'avait fait ; loin de là , bientôt après il vint
me prier d'adapter à la scène de l'Opéra un drame du répertoire
de l'ancien Théâtre-Feydeau, la Caverne de Lesueur. Choron
me dit que mon travail était accepté d'avance , et qu'il m'en ga-
rantissait la rétribution, que je louchai, en effet, sur-le-champ.
L'administration de l'Opéra fit pour 20,000 fr. de dépenses en
décorations, frais de copie, etc., chiffre des plus éloquents à cette
époque.
Après trois mois de répétitions, un désaccord entre le composi-
teur et le nouveau directeur vint tout arrêter, et la pièce ne fut
pas donnée, ce qui vint mettre le comble à mes vicissitudes de
librettiste, et me faire renoncer à la vocation d'auteur pour me
conienler désormais des jouissances du dilettante, les seules
exemptes de soucis et d'amertume.
P. -A. Vieillard.
THEATRES LYRIQUES.
Reprise de l'Alceste de Gluck.
En remontant au dimanche 6 avril 1860, nous lisons, n° 17
delà 27e collection du Ménestrel, les lignes suivantes (1) :
« Alcesle fut représentée en 1776, mais cette fois le succès
ne répondit pas à la beauté de l'œuvre. La couleur sombre et
exclusivement tragique de cet opéra effraya les Parisiens. L'ac-
cueil fut froid. Mozart, à peine âgé de vingt ans, était alors à
Paris. Il assistait à la première représentation; il fut indigné de
l'insensibilité du public. Telle est la cause des impressions fâ-
cheuses qu'il conserva toujours contre la France, et qui plus lard
l'empêchèrent de revenir à Paris. « Les âmes de bronze! s'é-
cria-t-il en se jetant au cou de Gluck, que leur faut-il donc pour
les émouvoir? — Sois tranquille, petit, répondit Gluck, dans
trente ans ils me rendront justice. »
Or, l'événement a prouvé que Gluck n'eut pas trente ans à
attendre : Alcesle, mieux comprise, se relevait au bout de quel-
ques représentations, sans pourtant, il faut le constater, s'élever
jamais à la hauteur d'Ipligénie , d'Armide et d'Orphée, du
moins au point de vue du succès. Depuis 1776, la partition
d' Alcesle fut reprise à diverses époques par Mmcs Sainl-Huberty,
Branchu; par MM. Laine, Nourrit père et fils, et n'obtint cha-
(I) Ces lignrs ouvraient le xie chapitre de l'étude sur M. K. . ., sur l'O-
péra, et ce premier paragraphe se terminait ainsi : « Dans un temps plus
civilisé, on n'aurait pas manqué de calculer ce qu'une pareille chute pou-
vait faire perdre de droits d'auteur. »
que fois, malgré ces grands interprètes, qu'un accueil relative-
ment tempéré. Certes, on rendait justice au génie dramatique
de Gluck, à la puissance et à la vérité de ses moindres accents,
mais enfin cette interminable scène de ménage antique accu-
sait une triste monotonie dont le public ne pouvait se défen-
dre, malgré les beautés de la musique. Et remarquez , lecteurs,
que ce n'est point ici notre propre impression, c'est celle du public
dol.igrandcépnque de Gluck. Aujourd'hui, à trois quarts de siècle
de distance de la lre représentation d' Alcesle, avec des interprètes
moins faits pour représenter comme pour chanter les personnages
de Gluck, l'effet ne pouvait grandir, et cependant il ne s'est guère
affaibli. Cela tient à la religion du public pour nos monuments
d'art. Chacun est heureux de voir l'Opéra entrer dans la voie
du répertoire classique, et nous donner de temps à autre une
page de notre Corneille lyrique. Seulement Alceste ne devait-
elle point céder le pas à Armide? Ou bien encore Iphigénie na-
vait-elle pas des droits incontestables sur notre première scène?
Voilà ce que demandent les aristarques du jour?
Pour noiis, qui nous défions des ergoteurs qui battent en brè-
che les meilleures intentions, les plus louables efforts, nous nous
sommes donné le plaisir d'entendre dire la vérité sur la reprise
d' Alcesle par un artiste dont personne ne contestera la compé-
tence. C'est avec le doyen de nos grands chanteurs, à Ponchard,
qui a vu et entendu les ouvrages de Gluck dans leur splendeur, qui
en a étudié, commenté chaque page avec Garât, que nous avons
causé et que nous causons en ce moment de V Alceste. C'est lui
qui nous répétait que cette partition de Gluek n'avait jamais eu
sur le public l'attrait irrésistible de ses sœurs aînées ou ca-
dettes, et que cela tenait particulièrement au sujet, 3u poëme.
Aucun des admirables interprètes de Gluck n'a pu animer ce
tableau àl'égal de celui de ses Iphigénie, d' Armide ou d'Orphée.
Aujourd'hui, ajoutait M. Ponchard, c'est une lâche d'autant plus
difficile que la lran>position en contralto du rôle de soprano
d'Alceste est infiniment moins heureuse que celle d'Orphée.
A la scène française surtout, l'amour appelle les accents essen-
tiellement féminins, les notes aiguës et passionnées du soprano.
C'est ce que réclame avant tout le rôle d'Alceste, avec cerlaincs
exigences du chant français qu'il n'est guère permis d'enfreindre
et qui tiennent à la fois à la logique et h la prosodie. Or, écour-
ter la phrase par des respirations trop fréquentes, n'est-ce pas
détruire l'expression de Gluck? n'est-ce point pécher contre la
prosodie française? « Je sais bien, ajoutait le disciple de Garât,
que s'en tenir servilement à la lettre écrite — blanche, noire ou
croche, — c'est réduire le chanteur à une traduction maté-
rielle qui approche par trop de la leçon de solfège, mais enfin
il y a une mesure en tout. Garai se permettait de modifier même
une accentuation de Gluck, el je me suis permis, nous disait
Ponchard, de suivre l'exemple de mon maître pour certaines œu-
vres de Grélry, qui m'a enlendu el ne s'en esl jamais plaint. Mais
refaire un rôle à sa taille, à sa voix, n'est-ce point sortir des
limites posées aux' plus habiles interprètes? Voilà ce que l'on
peut reprochera l'Alceste de nos jours, sans méconnaître d'ail-
leurs de rares aptitudes et des élans remarquables. »
Admète, plus heureux qu'Alceste, est resté dans la voix du
ténor, mais il eût fallu là non-seulement une voix plus large,
plus expressive encore, mais surtout l'un de ces chanteurs capa-
blesde soutenir avec une grande autorité le caractère du per-
sonnage au double point de vue de la scène et du chant. Savoir
s'inspirer d'un grand rôle, d'une grande musique, en devenir
le digue héros, ce ne sont pas choses faciles et à la portée môme
380
LE MÉNESTREL
de nos plus charmants artistes. Les éludes ne sont plus assez
sérieuses aujourd'hui pour attaquer presque d'emblée les types
laissés par Gluck, notre grand maître en déclamation.
Voilà nos observations générales, et, nous le répétons, malgré
les difficultés inhérentes à la reprise à'Alceste, on peut dire que
le public a témoigné de sa sympathie pour celte légitime satis-
faction donnée à l'art classique pour ainsi dire chassé de notre
grand temple lyrique. Il demande que celte louable tentative
ne demeure pas sans lendemain, tout en souhaitant aussi qu'on
n'en exagère pas la dose. Quoi qu'on fasse, quoi qu'on puisse
dire et écrire, les œuvres dramatiques produites dans ce xixe
siècle réalisent toutes les conditions de chefs-d'œuvre complets,
et notre génération actuelle les savoure avec délices, sachant se
contenter des interprètes relativement secondaires qui ont succédé
à Nourrit, Levasseur, Duprez, Damoreau et Falcon. Tout en ho-
norant Gluck, ne soyons pas ingrats envers le génie contem-
porain.
Constatons, pour terminer, que Mme Pauline Viardot a été
accueillie en digne sœur de la Malibran, et qu'elle a eu des ac-
cents profondément pathétiques; que le ténor Michot a partagé
les honneurs de la soirée avec Mme Viardot; que le grand prêtre
Cazaux est taillé pour l'invocation à Apollon, et M. Borchard
pour le personnage d'Hercule, dont il a l'ampleur de voix et de
taille; qu'enfin M. Coulon n'a pas démérité du dieu Caron.
MIle de Taisy a bien dit ses couplets qui tranchent si agréable-
ment sur le chœur dansé. L'orchestre avec ses phalanges de cor-
des a fort bien manœuvré; les chœurs n'ont pas toujours été aussi
heureux. Faut-il s'en prendre au métronome électrique ? Parfois,
on le sait, le mieux est l'ennemi du bien.
Le public a suivi avec un vif intérêt les deuxième et troisième
représentations à'Alcesle, et chaque fois il a salué de ses enthou-
siastes bravos toutes les beautés de l'œuvre de Gluck. La scène
du temple d'Apollon, au deuxième tableau, produit toujours
beaucoup d'impression. Il en est de même de la scène aux portes
de l'enfer ; cotte note obstinée : Caron t'appelle, et l'écho sinistre
des cors en sons bouchés soit d'un effet vraiment saisissant. La
statue du commandeur de Don Juan et la Fonte des balles du
Freyschiitz se trouvent en germe dans cette belle scène, ainsi
que clans l'oracle du grand prêtre.
Le grand événement de la semaine ne doit pas nous faire ou-
blier le début de Morère et la rentrée de MUc Marie Sax, clans
le Trouvère, représenté, par' extraordinaire, dimanche dernier.
Le débutant a pleinement réussi : sa voix est d'un beau timbre ;
il chante avec goût et possède l'intelligence de la scène. On sait
queM"e Marie Sax rentrait après une longue maladie qui l'avait
éloignée du théâtre depuis plus de deux mois; son visage est
encore un peu amaigri, mais la voix a toujours son étendue et
sa sonorité merveilleuses. On lui a fait recommencer le Miserere
et on l'a rappelée avec Bonnehée après le duo du quatrième acte.
— Mme Tedesco chantait pour la première fois le rôle d'Azucena ;
elle y a mis une vigueur et un brio qui ne lui sont point habi-
tuels. Elle a été rappelée avec Morère, au deuxième acte, après
le grand duo d'Azucena et de Manrique.
Notre jeune ballerine, MUc Emma Livry, a été, l'autre semaine,
victime d'un accident plus grave qu'on n'avait pensé d'abord. C'est
en se posant du bout du pied au bord de la fenêtre, au premier
acte du Papillon, dans la scène où Farfalla voltige de place en
placo autour do la fée, que la jeune artiste a glissé et qu'elle est
tombée sur le coupant d'une traverse de bois. On craignait un
instant une fracture de la côte ; mais M"e Livry n'aurait pas eu
la force de continuer le rôle comme elle a fait ; toujours est-il
qu'il s'agit au moins d'une très forte contusion, avec déchirement
des membranes, des muscles et des tissus voisins delà côte.
M1Ie Livry ne pourra sans doute pas reparaître au théâtre d'ici à
un mois ou cinq semaines.
Le TnÉATRE-lTALiEN annonce la reprise de Marta pour la
continuation des débuts de M. Délie Sedie, et ceux deMmeVol-
pini, soprano, dont on nous dit beaucoup de bien, avec Alboni
et Mario, qui remplissent les autres rôles. Le maestro Flotow ne
pouvait confier son joli opéra à des artistes plus intelligents et
plus à même de bien interpréter les beautés que cette gracieuse
musique renferme.
Une indisposition do Mario a nécessité, jeudi dernier, un chan-
gement de spectacle aux Italiens. "On a remplacé Un Ballo in
marchera par la Sonnambula, par Mlle Battu, MM. Tagliafico et
Bélart.
Un journal donne comme devant avoir lieu, au 1er janvier pro-
chain, la translation du Théâtre-Impérial et du Théâtre-Lyrique
à la placo du Châlelet ; mais celte nouvelle n'est pas tout à fait
aussi aulhenliqueque l'assure notre confrère. M. Béty ne compte
pas s'installer dans sa nouvelle salle avant le mois d'avril, et
M. Hostein attendra lui-même celte époque pour procéder à
son déménagement. Les travaux du Théâtre-Lyrique se sont un
peu ralentis depuis quelque temps, et l'on s'occupe en ce moment
de résoudre une question de ventilation qui paraît devoir néces-
siter encore quelques éludes.
Il faut croire que les Bouffes comptent sur un grand succès
avec le Roman comique, car M. Offenbach vient de distribuer
tous les rôles en double. J- Lovy.
TI1ÉVTUE-L1RIQDE.
Le lèvera «le Gullivev , opéra-ballet en trois actes , de M. Henri
Boisseaux, musique de M. de Lajorte. — Débuts de Jules Lefort, de
Surmont, de MUc Clavelle.
Je ne sais ce que les femmes ont fait à M. Boisseaux quand il
a écrit ce librelto. Très-certainement il se trouvait dans de mau-
vaises dispositions à leur égard, car il nous les montre sous des
couleurs peu gracieuses. Elles sont bavardes, exigeantes, acariâ-
tres, despotiques et même barbares, non-seulement sur la terre,
mais aussi dans la lune. En vérité, le télescope de Herschel, dans
ses moments les plus excentriques, n'a jamais poussé la calomnie
aussi loin.
Il y avait pourtant quelques idées originales, quelques situa-
tions nouvelles à faire jaillir de cette fanlaisie du neveu do Gul-
liver; elles y étaient virtuellement, et ne demandaient qu'à sortir,
dût le sens commun y perdre la tramontane. Notre librettiste
s'est borné a rester dans les sentiers de la raison. Mais pour
écrire terre à (erre, était-ce bien la peine de faire un voyage dans
la lune?
Le célèbre Gulliver a laissé une maison à son neveu John et à
sa nièce Rebccca, à charge d'en hériter conjointement. John, qui
se soucie médiocrement d'épouser sa pie-grièche de cousine, s'est
mis à courir le monde à l'instar de son oncle, de glorieuse mé-
moire. Or, en passant à Lahore, il a recueilli une jeune bayadère
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
381
muelte qui remplace la parole par la plus expressive; pantomime
et les pirouettes les plus séduisantes. Il espère bien unir son sort
5 cette charmante ballerine, mais ce n'est pas le compte de la
cousine Rebecca. Celle-ci croyant le cousin mort, s'est fiancée à
un imbécile nommé Tom. Le retour de John dérange tous les
préparatifs de noce : Rebecca veut de son cousin h tout prix ;
elle se cramponne au testament de l'oncle. John se désole do cet
entêtement, car, s'il ne veut pas renoncer à sa bayadère, il ne
voudrait pas non plus perdre sa part d'héritage ; John est de son
siècle. Et le voilà qui visite les papiers de son oncle, dans l'espoir
de se tirer de celle perplexité... O surprise ! ô bonheur ! il trouve
une tabatière magique, avec la manière de s'en servir. Cette boîte
renferme la fameuse poudre d'escampeltc qui avait servi h Gulli-
ver pour aller dans la lune. A peine John en a-t-il aspiré une
prise qu'il s'envole dans l'air, au grand désespoir de la cousine
et do la bayadère.
La lune est habitée exclusivement par des femmes qui passent
leur temps à faire l'exercice et la charge en douze temps, à fumer,
à boire de l'absinthe et à bavarder. Il y a une vingtaine d'années
un homme était tombé dans la lune : c'était le fameux Gulliver.
Cet aérolithe vivant avait produit une vive sensation. Toutes les
femmes se l'arrachèrent, et on le fêta avec tant d'excès, qu'il se
hâta de regagner 1a terre. Une ovation non moins violente est ré-
servée aujourd'hui au neveu de Gulliver. La reine et ses sujettes
se le disputent avec rage. Heureusement la bayadère avait ramassé
la tabalière magique oubliée sur la terre par John, et s'en était
servie pour le rejoindre. Celte même poudre d'escampette les
sauve tous deux de la fureur des dames de la lune. Finalement,
John renonce à son héritage, et la cousine Rebecca se résigne à
épouser Tom, — dont je n'envio pas le sort.
M. de Lajarle, à qui le Théàlre-Lyrique doit déjà trois petites
œuvres qui ont reçu bon accueil, a écrit sur ce poëme une par-
tition facile, et qui se lient, comme on dit vulgairement, sur ses
jambes; c'est-à-dire une agréable musique d'opéra-ballet, — de
celle qu'affectionnait Napoléon Ier, parce qu'elle ne vous empêche
pas de penser à vos affaires.
Le groupe des jeunes compositeurs que nous voyons se mouvoir
dans notre firmament lyrique, — j'en excepte ceux de premier
ordre, — se divise aujourd'hui en deux catégories, et loules deux
nous semblent enlachées d'un vice normal, ou d'un défaut systé-
matique. L'une s'évertue à prouver qu'elle a fait de profondes
études musicales, et que la science lui a ouvert ses arcanes;
l'autre vise à la popularité, affecte l'allure simple, se complaît
aux mélodies faciles ; mais souvent, très-souvent hélas ! le souffle
divin, l'idée, l'inspiration, brillent par leur absence ; alors, on
devient diffus, nuageux, bruyant, ou l'on tombe dans le trivial,
on roule dans l'ornière des lieux communs et dès banalités.
Je crains que M. de Lajarle appartienne quelque peu à cette
dernière catégorie. Sa partition offre peu d'idées saillantes ; elle
n'a pas même profité de l'élément fantastique, car ce deuxième
acte, qui se passe dans la lune, se prêtait incontestablement à des
chants piquants, à des rhythmes bizarres, sinon prime-sautiers.
M. de Lajarte chante dans la lune comme on chanle sur la terre.
Disons pour sa justification, qu'il a subi la contagion du libretto.
Et néanmoins la soirée a été bonne. Deux importants débuts
l'ont signalée. Notre baryton Jules Lefort, qui abordait la vraie
scène lyrique pour la première fois, a obtenu le succès le plus
complet, le plus brillant. Il a joué le rôle de John Gulliver avec
aisance et naturel, et chanté d'une façon exquise ses couplets du
premier acte (qu'on a redemandés), son air du deuxième acte:
Ah! le beau voyage, et les couplets : Je veux vous choisir toutes
deux: Ce morceau, dont le refrain est repris par les deux dames
de la lune (Aventurine et Marcassite), mérite une bonne note au
compositeur.
De son côté, la débutante M"c Clavelle a été fort goûtée. Lé-
gèreté, parcours, ballon, pointes, tout ce qui constitue l'art de
la chorégraphie moderne, y compris la pantomime, semble fami-
lier à la jeune ballerine, et elle joint à ces qualités scolaires un
brin de cachucha française, — de celle qui a cours au Casino-
Cadet, et fait la joie des amateurs.
Jules Lefort et Mlle Clavelle ont été chaleureusement applau-
dis et rappelés à la chute du rideau.
Mmes Faivre, Vadé et le débutant Surmont, ont tiré le meilleur
parti de leurs rôles.
Ainsi nanti, le Neveu de Gulliver n'est certes pas plus dés-
agréable à voir que mainte autre œuvre sublunaire de notre
connaissance.
J. Lovy.
L'abondance des matières nous oblige à renvoyer à dimanche
prochain nos Tablettes du pianiste et du chanteur.
LETTRES D'UN BIBLIOPHILE MUSICIEN
A M. LE DIRECTEUR DU MÉNESTREL.
RECTIFICATION.
Mon cher Directeur,
L'autre jour, à cent soixante lieues de Paris, dans une forêt de
grands diables de pins, je parcourais quelques numéros du
Ménestrel, seule occupation qui me rappelât le monde civilisé,
lorsqu'il me vint à l'idée de rectifier, — le silence d'une forêt
excuse tout, — l'une des dernières notes bibliophiliques de
M. J. d'Ortigue sur le serpent... de bois... de nos églises. Votre
collaborateur indique comme dale probable de la création de cet
instrument, aussi triste que peu mélodieux , l'année 1605. Je
crois qu'il se trompe, et je lui demanderai la permission de dis-
puter avec lui sur le terrain même qu'il a choisi, celui de l'abbé
Lebeuf.
•Dans ses Mémoires relatifs à l'histoire d'Âuxerre, 1743,
2 vol. in-4°, tome 1er, page 643 (d'après Laborde), l'abbé Lebeuf
dit que « vers 1590, un chanoine de celte ville (Auxerre), nommé
Edme-Guillaume, trouva le secret de tourner un cornet en forme
de serpent. On s'en servit pour les concerts quon exécuta chez
lui, et cet instrument ayant été perfectionné devint commun
dans les grandes églises. »
Le père Mersenne, toujours d'après Laborde, a consacré
quelques lignes au serpent, dans son Harmonie universelle
probablement.
Enfin, M. d'Ortigue s'élonne d'une Méthode de serpent. C'est
qu'il ne connaît pas celle dont voici le titre : Méthode de serpent
adoptée par le Conservatoire (sic), 15 fr., chez Chérubini (s.d.).
Ne vous étonnez pas, mon cher Directeur, qu'un homme grave
comme votre serviteur ait songé à vous envoyer ces lignes peu
importantes ; mais le serpent se glisse partout, et pour tout dire,
382
LE MÉNESTREL.
— permettez-moi de prendre dale dans, le Ménestrel; — je tra-
vaille depuis longtemps a une histoire aussi complète que pos-
sible des divers instruments de la musique française, européenne,
voire patagonienne, etc. — Ma réclame est tout innocente,
mon travail n'étant point destiué au commerce.
Agréez, etc. A. Bureau.
PETITE CHRONIQUE.
L ÉMIR AED-EL-KADEB.
Mme Clémentine Balta vient de recevoir de l'émir Ahd-el-
Kader la lettre suivante, en réponse à l'envoi de l'une de ses der-
nières compositions :
« Louange à Dieu !
« Chère et excellente dame Clémentine Balta, salut à vous !
Après nous être informé de votre précieuse santé, nous vous dirons
que nous avons ressenti une très-grande joie de ce que vous avez
bien voulu nous écrire. Nous avons goûté les délices de vos pa-
roles et reçu avec bonheur la musique qui les accompagnait. Il a
été certes bien douloureux de voir se commettre en Syrie tant de
violences contre les faibles. Ce que nous avons fait pour venir
au secours des opprimés ne nous a pas été inspiré par l'ambition ;
nous n'avons écoulé que notre cœur.
« De même que le cheval et l'onagre, quand viennent le prin-
temps et les fleurs, bondissent dans les prairies, emportés par
leur naturel, de même lui , dans ce qu'il a fait, il n'a que suivi
l'impulsion de sa nalure.
« (Signé) Abd-el-Kader ben Moimy Eddine el Hadji.
« Écrit clans le mois de Rebyà-bamel de l'an de l'hégire 1278. »
LA MUSIQUE DES AFRICAINS.
Après les Bédouins faiseurs de tours qu'on a vus à Paris,
il serait peut-être curieux d'y voir des Africains jouer de leurs
instruments, chanter et danser. Le théâtre de Marseille a goûlé
il y a quelque temps ce plaisir, si plaisir il y a. Quoi qu'il en
soit, voici comment cette représentation s'est passée.
Cinq musiciens arrivent, coifrés du turban et armés chacun de
son instrument. Le premier porte un rabab, sorte de petite
guilare à qualre cordes doubles ; le deuxième un nul, ou man-
doline ; le troisième même instrument; le quatrième un tambour
de basque; le cinquième un tambour ou vase cylindrique ouvert
aux deux extrémités, sur l'une desquelles s'applique un parche-
min bien tendu. Nos musiciens, après avoir défilé devant le pu-
blic, qu'ils saluent en appuyant la main droite sur le cœur, vont
s'asseoir sur un divan, se croisent les jambes, et sans sourciller
se donnent l'accord.
Le joueur de rabab passe delà colophane sur un petit arc qui
lui sert d'archet ; celui-là c'est le maestro, le virtuose de la troupe;
c'est lui qui règle le mouvement, qui donne le signal. En effet,
à peine son archet frotté sur le rabab a-t-il tiré quelques sons
aigres et discordants, que ses camarades commencent l'accompa-
gnement. Semblables à peu près pour l'effel au chant des cigales,
les mandolines répondent par une seule et même note, le tam-
bour résonne sourdement sous les cinq doigts de l'exécutant, le
tambour de basque secoue ses grelots comme à l'ordinaire. Toute
cette harmonie une fois en train, il n'y a pas de raison pour
qu'elle s'arrête, seulement le mouvement se précipite ou se ra-
leniil.
Voilà la musique instrumentale telle qu'on la cultive au pied
du mont Atlas ! Le chant accompagne les instruments. Le chant,
en Afrique, se résume dans une une mélodie traînante et mono-
tone; ou dirait des chantres de paroisse fatigués de psalmodier
et achevant languissamment les derniers versets d'un cantique.
Un cicérone a dit qu'il s'agissait d'un chant de guerre; on ne
s'en douterait pas à la mollesse du rhylhme et de l'exécution, qui
rappellent bien plutôt un De profanais qu'une Marseillaise.
NOUVELLES DIVERSES.
— La deuxiÈme réunion des Orphéonistes de France n'a pas complète-
ment répindu aux promesses de ses organisateurs. Les journées du ven-
dredi et do dimanche ont laissé beaucoup à désirer. Cellede mardi a offert des
résultais plus satisfaisant au point de vue du chant d'ensemble; mais le'
festival en général est res'é au-dessous de son programme. D'abord, les
8,000 chanteurs annoncés se réduisaient à 4,000, par suite de la scission
survenue entre MM. Del porto et Vaudin , — scission doublement regret-
table attendu l'importance du but à remplir. Nos sociétés orphéonistes
pèchent principalement par les nuanres ; là, tout est à apprendre. Il nous
semble aussi que l'alliance des musiques militaires et des chœurs est d'un
fort mauvais effet ; les voix sont écrasées, et l'écho des instruments de
cuivre, répercuté par cet immen-e vaisseau du Palais de l'Industrie,
achève d'annihiler les masses vocales. — Espérons de meilleurs résultais
pour les séances futures.
— Nous empruntons au dernier rapport lu par M. Halévy, à l'Académie
des Beaux -Arts, les détails suivants, qui rentrent dans notre spécialité:
Grand prix décomposition musicale: Atula, cantate à trois personnages,
paroles de M. Victor Roussy. — 1er grand prix : M. Dubois, élève de
MM. Ambroise Thomas et Bazin ; 1er second grand prix : M. Salomé, élève
de MM. Ambroise Thomas et Bazin ; 2e second grand prix : M. Anlhiome,
élève de M. Carafa. Mention honorable à M. Constantin, élève de M. Am-
broise Thomas.
A la suite des prix de Rome , ont été accordées des récompenses prove-
nant des fondations dont dispose l'Académie.
L'un des prix fondés par le baron de Trémont (une somme de 1,100 fr.)
a été partagé entre MM. Léonce Cohen et Elwart.
— Voici une lettre de Rossini qui, tout intime qu'elle, est, aura bientôt
fait son tour du monde. Elle est adressée à M. Alphonse Royer, directeur
de l'Opéra :
« Monsieur et ami ,
o Après une demande adressée par moi au comité de la Société des Con-
cerls du Conservatoire de musique, je viens d'obtenir la faveur de faire
exécuter un petit morceau vocal de ma composition, qui doit être donné
par la susdite Société, pour l'élévation d'un monument en- l'honneur et
mémoire du savant et célèbre Cberubini.
« J'ai composé mon morceau pour quatre voix de basse (de haute taille)
à l'unisson. Son titre est le Cliunt îles Titans , et, pour celte exécution, il
me faut quatre gaillards ; je les réclame de vous, qui en êtes l'heureux di-
recteur. Voici les noms :
Bclval, \
Cazaux, ( a perfetta vicendal
Faute , l (de rang égal.)
Ouin , )
« Comme vous le voyez, je noie par ordre alphabétique, pour vous prou-
ver n'avoir point oublié le convenirnze t:utrall !...
«Voulez-vous, mon cher monsieur Royer, me donner une nouvelle
marque de votre sympathie en vous faisant mon interprète auprès de ces
messieurs, en les priant en mon nom de me prêter leur concours pour
l'exécution de mon Ch'int des Tilms, dans lequel, russurez-vous, il n'y a
pas la plus petite roulade, ni gamme chromali |ue, ni trille, ni arpège ; c'est
un chant simple , d'un rhylhme lilanique et un tant suit peu enragé. Une
petite répétition avec moi, et tout sera dit.
NOUVELLES ET ANNONCES.
H 83
« Si ma santé me le permettait, j'irais bien volontiers (comme il serait
de mon devoir! chez vos vaillants artistes réclamer la faveur que j'ambi-
tionne : hélas I cher âmi , mes jambes fléchissent autant que mon cœur
bondit, et ce cœur vient à l'avance vous témoigner toute sa vive reconnais-
sance ; il guide ma ma'ii pour vous réitérer les sentiments de la plus haute
estime et l'amitié sincère de
« Votre affectionné,
«GlOACHINO ROSSINI,
« Piaûiste de quatrième classe.
■ Passy, 15 octobre 1SG1. d
— Les journaux de Berlin nous apprennent que Meyerbeer, après avoir
dirigé les répétitions des morceaux qui devaient être exécutes à l'occasion
des fêtes du couronnement du roi, a été atteint d'une enflure aux jambes.
Les médecins ont du lut défendre d'une manière absolue le voyage de
Kœnigsberg.
— A Vienne, on se propose d'ériger un monument au chanteur popu-
laire frère Augustin, qui florissait dans cette capitale vers 1678. On lui
doit, entre autres productions, la fameuse chanson allemande Eij du liéber
Augustin, qui a déjà bercé plusieurs générations.
— On écrit de Londres que c'est au compositeur anglais J Barnett qu'a
été confiée la composition musicale destinée à représenter l'Angleterre à
la prochaine exposition de Londres.
— Notre poëte Méry a livré au jeune maître Deffès le libretto d'un grand
opjra, intitulé le Vampire. Cet ouvrage ne ressemble que par le titre au
drame joué sur les boulevards.
— Au concert des courses de Saint-Malo, un véritable steeple-chasse
s'est engagé entre MM. Gëraldy et Félix Godefroid. A eux seuls ces deux
grands ai tistes ont défrayé tout le programme : ni l'un ni l'autre ne s'étaut
laissé distancer, le public leur a décerné deux couronnes, aux acclamations
de tout l'auditoire.
— On annonce le retour de Sighicelli à Paris, après une tournée mu-
sicale en Italie des plus brillantes.
— MM. Lyon et Coche ont donné deux intéressants concerts à Lisieux.
A notre avis, dit le Leiovien, journal de la localité, M. Lyon s'est surpassé,
et M Coche, l'habile flûtiste, a largement partagé ce succès. De leur côté,
Mmc Lyon et MUe Coche ont été fort chaleureusement applaudies, notam-
ment dans leurs duos sur le piano. Mme Lyon est une chanteuse de mérite;
elle se montre la digne émule de son mari.
— La cour de cassation vient de rendre un arrêt duquel il ressort que
les cafés-concerts, sous quelque dénomination qu'ils se présentent, sont
réellement des spectacles de curiosités, et, comme tels, soumis à la rede-
vance, au profit des fhéà'res, de ?o pour cent dans leur recette brute, dé-
duction faite du droit des pauvres. Il est entendu que cet arrêt ne concerne
pas les cafés-concerts de Paris, mais seulement ceux de nos départements.
— L'association lilloise a donné le samedi 12 sa dernière séance d'été,
dans laquelle se sont fait entendre MIle Bergamine, cantatrice, et MIIe Dratz,
pianiste, toutes deux premiers prix du Conservatoire royal de Bruxel-
les. Mlle Bergamine, douée d'une voix sympathique, nous a fait en-
tendre l'air des Nozze de Figaro, du Domino noir, et la valse du Pardon
de Ploërmel. C'est surtout dans ce dernier morceau qu'elle a obtenu un
légi'ime sucrés. Quant à MUe Dratz elle se joue le plus naturellement du
monde des difficultés du piano ; aussi a-t-ellc provoqué de nombreux et
justes app'audissements.
Après le piano nous avons entendu avec le plus grand plaisir M. Hte
Chartain, accordéoniste renommé. Cet artiste exécute sur son instrument
les morceaux de violon de Mayseder, Alard, Bériot, etc., avec beaucoup
de goût et une dextérité de doigter prodigieuse. Applaudissements, rappels,
bis, rien ne lui a manqué.
— On nous écrit de Reims : « Il y a quelques jours, Mlle L. Micheli
. nous donnait un concert avec le concours de son frère, Jules Micheli, de
M. Allawlla et des artistes de la Société philharmonique de notre ville.
M. Jules Micheli, qui ne s'était fait connaître à nous jusqu'ici qu'en qua-
lité de bon chef d'orchestre, s'est révélé s<>us un jour tout à fait nouveau,
et nous a motilié un mérite réel de violoniste par l'exécution, pleine de
goût et de sentiment, du Rêve d'Artot et du duo de l'Eclair, avec piano,
de N. Louis. La barcarolle du Bullo in musellera, la tarentelle de Ros-
sini, et une romance inédite de J. Micheli, les Enfants et les Rosis, ont
éfé chantés par M. Allavilla de manière à lui mériter les applaudissements
et le rappel du public rémois. Quant à Mllc L. Micheli, elle s'est maintenue
à la hauteur du talent dont elle a déjà fait preuve à Paris, soit comme
compositeur, soit comme chef d'orchestre; et sous son habile direction les
artistes, parmi lesquels le plus grand nombre représentait dignement la
Société philharmonique de Reims, ont exécuté avec un ensemble parfait
les ouvertures de la Muette et du Cheval de bronze, ainsi que plusieurs
compositions de leur gracieux chef d'orchestre, entre autres : Benita,
le Clairon des Zouaves, l'Amazone de Crimée, les Viveurs, et". Nous ne
saurions enfin passer sous silencelesarlistes cl amatcursqui ont bien voulu,
dans celte circonstance, prêter l'appui de leur talent à la bénéficiaire.
Une mention honorable est due notamment à Mme Theresa, et à M. Carré,
pianiste, et Arnoult, hautbois. »
— La Gazelte.d'A ix-la-Chavelle parle en d'excellents termes d'un concert
donné dans celte ville, le 26 septembre, par M. Joseph Franck au bénéfice
■ d'une œuvre pieuse. M. Joseph Franck s'y est produit à la fois comme
compositeur, comme violoniste et pianiste. — Aujourd'hui cet artiste belge
a terminé sa tournée, et déjà dimanche dernier il a fait sa rentrée comme
organiste du grand orgue de No're-Dame d'Auteuil.
— La musique se popularise de plus en plus. Un de nos artistes les
plus actifs s'apprête à seconder l'œuvre de propagande par une nou-
velle entreprise qui mérite de sincères encouragements. M. Pasde-
loup vient de fonder des Concerts populaires de musique classique,
c'est-à-dire de mettre Haydn, M"zart, Beethoven, Weber, Mendelsohn.
à la portée de tous les porte-monnaie. La première séance aura lieu au-
jourd'hui à deuxbeures, au Cirque Napoléon. Le programme se compose
de l'ouverture â'Obêron, de la symphonie pastorale, d'un concerto de vior
Ion exécuté par M. Alard, d'un hymne de Haydn et de l'ouverture du
Jeune Henri.
— Le monde artiste et les familles dilettantes, que là belle saison avait
éparpillés à tous les horizons, reprennent successivement la route de Paris.
Les professeurs retrouvent leurs élèves et ceux-ci renouent le fil de leurs
études musicales interrompu par les vacances. Parmi les maîtres dont l'en-
seignement est toujours recherché, il faut citer Mme Lweins-d'Hennin ,
l'excellente artiste-professeur qui réunit à un égal titre la pratique et la
théorie. Mmo I weins-d' Hennin a repris ses leçons, boulevart de Sébaslopol , 62.
Comme le vent est à la musique dramatique, il nous semble utile de si-
gnaler une méthode pure d'exagération, une école de chant expressif qui
ne dégénère point en un système déclamatoire.
— Mrae Coche, l'excellent professeur du Conservatoire, également de
retour à Paris, annonce la reprise de ses leçons et la réouverture de son
cours de piano pour le 1er décembre prochain.
— Le dimanche 13 c'était fête à l'église d'Auteuil, qui vient de s'enri-
chir d'un excellent orgue sorti des ateliers de M. Stolz et Ce. M. Joseph
Frank, organiste titulaire, dont on connaît le talent et le savoir, a courtoi-
sement offert, pour cette fois, sa place au clavier à son confrère Ch. Hess,
qui a fait valoir avec habileté toutes les ressources de l'instrument.
— M. Alexis Dureau vient de faire paraître le premier volume d'une
publication fort utile et qui suppléera à l'inconstance de nos almanachs de
spectacles. Ce livre est intitulé : Noies pour servir à l'histoire du théâtre
et de la musique en France. M. Dureau continuera ces notes d'année en
année. Les annalistes futurs y puiseront de précieux renseignements. (Chez
Clandin, rue d'Anjou-Dauphine; et chez Joubert, passage du Saumon.)
— Demain lundi paraîtront, chez tous les marchands de musique, les
ouvrages suivants, pour le piano, de la compo ition de M. Henri Herz :
Op. 197, Air hongrois, avec introduction, variations et final martial;
op. 198, Guirlande de fleurs, valse de concert; op. 199, le Départ, fanfare
militaire. Le même à quatre mains; op. 201. Berceuse.
— Nous recommandons aux professeurs et aux mères de famille deux
nouveaux ouvrages élémentaires composés pour le Piano à quatre mains
par Adolphe Le Cahpextier. Ces ouvrages ont pour litres : Éléments de
Piano à quatre mains, et 2o Études dialorjuées. — M. A. Le Carpentier
rouvrira ses classes de piano et d'harmonie à partir du 1er novembre, rue
du Petit-Carreau, 8.
' — M. Félix Dumont lui aussi vient de faire paraître un recueil d'études
mélodiques d'un excellent style ei destiné aux élèves de moyenne force.
Ces études prouvent en M. Félix Dumont un musicien distingué en même
temps que le professeur connaissant bien l'enseignement du piano.
— MUc de Courcelles, professeur de chant, ancienne élève de Bordogni,
reprendra ses cours, à partir du 1er novembre, les mardis et vendredis.
J.-L. IIU.VGEL, directeur
J. Lovy, réducteur en chef.
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TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 3 Novembre
1861.
MEN
££»Oâ
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur,
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Ré(lactr en chef.
LES BUREAUX , S bis, rue Viwienne. — HEUGEL et C<% éditeurs.
(lui Magasins et Abonnement <lo Musique «lu MÉNESTREL. — Vente et location de Pianos et Orgues.)
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3" Mode d'abonnement contenant le Texte comeïet, les 53 Morccnux de chant et de piano, les «1 Albums prîmes illustrés.
Un an : 25' fr. — Province : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du Ier de chaque mois. — L'année commence du 1»' décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser franco
un bon sur la poste, a MM. HEIiaP.I. et Créditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ. ChadesdeMourgues frères, ( Texte seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-JacquesRousseau,8.— 6505
SOMMAIRE. — TEXTE.
I. Concerts populaires de musique classique. Amédée Méreaux. — II. Semaine théâ-
trale. J. Lovv. — III. Tablettes du pianiste et du chanteur: Notice sur les tra-
vaux de MM. Erard (5« article). — IV. Un nouvel organiste. Paul Bernard. —
V. Petite chronique : Sociétés musicales de la Belgique. Différentes manières
d'écouter la musique. — VI. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE PIANO:
Nos abonnésàla musiquedePiANorecevronlaveclenuméro decejour:
La CALABRAISE,
deJ. Rosenhain. — Suivra immédiatement après : La Fée du Bal, polka-
mazurka d'Er>. Viénot.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant:
SIMPLE PROJET
paroles et musique de Gustave Nadaud. — Suivra immédiatement après:
Jeanne d'Arc, poésie dos Messénieniies, de Casimir Delavigne, musique
de Mra8 la vicomtesse de Gbandval.
AVIS A NOS ABONNES
Nous commencerons dimanche prochain les Mémoires histori-
ques d'un musicien sur CHERUBINI, sa vie, ses travaux, et leur
influence sur l'art, par M. Dieudonné Denne-Baron. Cet impor-
tant travail, écrit expressément pour le Ménestrel, emprunte un
double intérêt aux manifestations qui se multiplient en France et
en Italie pour l'érection d'un monument à la mémoire de ce grand
musicien, qui fut l'honneur et la gloire de notre Conservatoire
impérial de musique et de déclamation.
Nous publierons aussi très-prochainement, pour faire suite
aux intéressantes études de Beethoven et F. Chopin, une nou-
velle notice de M. H. Barbedette, sur WEBER et ses immor-
telles œuvres, enfin nous préparons également les primes 1861-
1862, destinées à nos abonnés. Musique et texte inaugureront
dignement la 29e année du Ménestrel.
PREMIER CONCERT POPULAIRE
DE
MUSIQUE CLASSIQUE
[ Cirque Napoléon )
J'ai eu l'heureuse chance de me trouver à Paris dimanche
dernier, et de pouvoir assister a la belle solennité de musique
instrumentale qui, dans la salle du cirque Napoléon, a inauguré
la fondation des Concerts populaires de musique classique. Cette
fondation, aussi utile que remplie d'intérêt, est due au zèle intel-
ligent* et infatigable de M. Pasdeloup , le fondateur déjà et
le chef consciencieux de la Société des jeunes artistes. Rien n'est
mieux conçu, rien n'est mis en œuvre avec plus d'opportunité
que sa nouvelle entreprise, à laquelle doivent applaudir tous
les artistes musiciens et tous les vrais amis de l'art musical.
Les progrès de la musique en France s'accomplissent partout
avec une remarquable rapidité, et dans des proportions telles qu'il
est permis d'espérer que d'ici à peu d'années nous aurons recon-
quis tout le terrain que, dans ce domaine de l'intelligence artisti-
que et de l'éducation musicale, nos voisins d'outre-Rhin avaient
depuis si longtemps gagné sur nous.
Déjà la propagande de la musique vocale produit de notables
résultats. Nous venons d'en avoir une nouvelle et irrécusable
preuve dans la récente manifestation des sociétés chorales qui a
eu lieu au Palais de l'Industrie, où M. Delaporte avait réuui le
nombre imposant de plusieurs milliers d'orphéonistes de Paris et
des déparlements. Ces réunions chorales, répétées à Paris et dans
la province, sur la grande échelle adoptée par leur intrépide orga-
nisateur, ont déjà répandu en France le goût et l'étude de la mu-
sique dans les masses populaires, qui avaient été trop longtemps
privées chez nous de ce puissant mobile de moralisalion, et de ce
plaisir élevé dans lequel le travailleur trouve un agréable délas-
386
LE MÉNESTREL.
sèment, l'oubli de ses fatigues et de ses peines, et les bienfaits
de l'association intellectuelle.
Cette vulgarisation, si bien assurée à la musique vocale, il
était temps de la donner aussi à la musique instrumentale. Il y
avait là une mission délicate à remplir. Les instruments se font
comprendre des masses moins facilement que la voix. Fallait-il,
d'après des préjugés trop accrédités, essayer encore ce qu'on a
bien voulu appeler « mettre la musique instrumentale à la portée
des masses », c'est-à-dire la faire commune et banale sous pré-
texte de la rendre populaire? Fallait-il aux masses, que le goût
inné de la musique amènerait en foule à ces concerts, offrir l'au-
dition de plates symphonies, de pots-pourris décorés des noms de
fantaisies ou caprices, de. valses , de polkas, entremêlées de
chansonnettes comiques? Fallait-il, pour les concerts, se traîner
sur les errements suivis pour les spectacles, et réserver aux con-
certs populaires la musique triviale et de bas comique, comme
on réserve le crime et la charge aux théâtres de second ordre?
Non, cent fois non ! et M. Pasdeloup a droit à toutes les félicita-
tions possibles, pour avoir compris aussi dignement qu'il l'a fait
la question des concerts populaires, et la mission de l'artiste qui
entreprenait de les organiser.
Le titre seul qu'il a donné à sa fondation artistique faisait
bien augurer de la manière dont il la mettrait à exécution :
Concerts populaires de musique classique. Son programme était
le complément raisonné et pratique de son idée première ; la mise
en train était en rapport complet avec l'initiative ; le succès était
assuré. L'ouverture d'Ohcron, la Symphonie pastorale de Beetho-
ven, le concerto de Mendelssohn, l'Hymne d'Haydn, l'ouverture
du Jeune Henri, c'était de belle musique, et de la plus belle.
M. Pasdeloup était dans le vTai en s'adressant ainsi aux masses;
pour les émouvoir et les attacher, donnez-leur toujours ce qu'il
y a de meilleur, de plus grand, de plus beau, et choisissez pour
l'exécution de ces chefs-d'œuvre les plus habiles virtuoses. L'or-
chestre de M. Pasdeloup est depuis longtemps initié à l'interpré-
tation fidèle de la musique classique. Alard est, sur son violon
magistral, le plus éloquent organe d'Haydn, de Mozart, de Bee-
thoven ; il fallait son archet au magnifique concerto de Men-
delssohn.
M. Pasdeloup avait donc tout compris, tout prévu ; aussi la
réussite de son premier concert a-t-elle de beaucoup dépassé,
sans doute, ses espérances. Six mille personnes garnissaient du
haut en bas les immenses gradins de la rotonde du cirque Napo-
léon. Quel silence ! quelle attention ! A chaque trait de génie de
Weber, de Beethoven, de Mendelssohn, d'Haydn et de Méhul,
quelle fine et chaleureuse appréciation ! quel enthousiasme ! Les
bravos, prêts à éclater irrésistiblement, sont contenus dans la
crainte de perdre une seule de ces notes inspirées, puis ils font
explosion, ils redoublent, ils saluent cet orchestre, dont la voix
multiple vient de révéler aux six mille auditeurs transportés tant
de merveilles symphoniques qu'ils ne connaissaient pas. Enfin,
Alard est reçu comme l'illustre chef de notre école nationale de
violon ; il est accueilli en maître ; c'est en maître aussi qu'il dé-
taille toutes les richesses de mélodie et d'exécution que Men-
delssohn a prodiguées dans son admirable concerto. A la fin de
ce morceau, ce ne sont plus des applaudissements, ce sont des
acclamations qui suivent Alard, lorsqu'il quitte l'estrade, et qui
le rappellent ensuite pour lui décerner la plus sympathique ova-
tion.
Quand ce superbe concert a été terminé, c'est l'habile chef
qui l'a organisé et dirigé avec tant de zèle qu'on a rappelé, et à
qui l'on a payé en unanimes applaudissements tous les plaisirs
et toutes les émotions qu'on venait d'éprouver pendant les deux
heures trop courtes qu'a duré cette mémorable séance, qu'on
peut regarder comme le point de départ d'une nouvelle ère de
propagation pour la musique instrumentale, et pour les chefs-
d'œuvre classiques des grands maîtres.
Amédée Méreaux.
Aujourd'hui dimanche, 3 novembre, à deux heures précises,
2° Concert populaire de musique classique; en voici le pro-
gramme :
Ouverture de la Flûte enchantée Mozart.
Symphonie en ut mineur. Beethoven.
Fragment de concerto, pour violoncelle. . . Molique.
Exécuté par M. Léon Jacquard.
Invitation à la valse Weber.
Orchestrée par M. Berlioz.
Ouverture de Guillaume Tell Bossini.
Soli : MM. Léon Jacquard (violoncelle), Brunot (flûte),
Castagnet (cor anglais).
SEMAINE THÉATKALE.
Mercredi dernier, Alcesle avait attiré la foule à I'Opéra. Des
dilettantes accourent de cent lieues pour faire connaissance avec
ce chef-d'œuvre de Gluck. Il est évident qu'en adoptant un jour
de la semaine pour représenter A Iceste, la salle sera comble cha-
que fois, car Alceste intéresse le public parisien, et aussi
nos amateurs des départements, qui, pour la plupart, préfèrent la
musique sérieuse à celle qui se contente de chatouiller agréable-
ment l'oreille. En définitive, l'Opéra, par la reprise d' Alceste,
aura bien mérité de l'art dramatique. Michot s'élève chaque jour
davantage à la hauteur du personnage d'Admète, pendant que
Mme Viardot déploie toute sa verve, toute son âme, dans celui
d' Alceste. — Cazaux, le grand prêtre, partage avec Mme Viardot
et Michot les honneurs de chaque soirée.
L'Opéra nous promet toujours son nouveau ballet l'Étoile de
Messine pour le 15 de ce mois. Le chorégraphe Borri a terminé
son travail, et l'on procède aux répétitions à la scène. Le ballet
de Mn,e Ferraris sera donné, tantôt avec Alceste, tantôt avec deux
actes de M. Alary qui vont entrer en répétition. — Les études de
la Reine de Saba, de Charles Gounod, vont être poussées avec
une nouvelle vigueur. Cette semaine, les trois premiers actes ont
été lus au piano; mais M. et Mme Gueymard avaient leurs rôles
depuis longtemps, et les savent en grande partie. Voici la distri-
bution des personnages dans le drame de MM. Michel Carré et
Jules Barbier :
Mn,e Gueymard représentera la reine de Saba et Belval le roi
des Hébreux; M. Gueymard, un sculpteur du temple, et Mlle Ha-
makers, un petit sculpteur, rôle travesti; M"e de la Pommeraye,
confidente de la reine. II y a trois ouvriers au temple qui ont
quelque analogie avec les trois anabaptistes du Prophète; ce
triple rôle sera tenu par Marié, Coulon et Grisy.
Mardi dernier, le public du Théâtre-Italien a revu avec
grand plaisir Maria, ce gracieux lied en 3 actes que l'on a si
heureusement italianisé, en attendant qu'il se naturalise français.
— L'héroine de M. de Flotow était d'ailleurs représentée par
une débutante dont la voix et la physionomie ont excité la sym-
pathie générale. — Mme Volpini n'est cependant ni une grande
MUSIQUE ET THÉÀTKES.
387
artiste, ni une très-jolie femme ; mais le timbre de sa voix est si
agréable, elle s'en sert avec tant de goût et de distinction, que
toute sa personne en prend un cbarnie dont on ne saurait se dé-
fendre. Aussi la nouvelle Marta, bien que très-émue, a-t-elle été
accueillie avec une faveur marquée. Il en a été de môme pour
notre baryton Délie Sedie, et cependant son rôle est bien effacé
dans Marta. C'est dans le Barbier qu'on l'attend pour compléter
ses succès d'Un Ballo. Du reste, dès aujourd'hui l'administration
veut s'attacher ce chanteur hors ligne pour trois nouvelles années,
tandis qu'elle a dû résilier avec M.Benventano, engagé à de gros
appointements sur le bruit d'une réputation que Paris n'a point
confirmée.
Pour en revenir à Marta, c'est Mario qui en a récollé les hon-
neurs. Une indisposition nous avait privé de sa présence pendant
quelques soirées; il nous en a dédommagé par un véritable re-
tour de jeunesse. — On annonce la prochaine reprise de Don
Pasqaale pour la continuation des débuts de M. Délie Sedie.
MUe Battu prendra le rôle créé par Mmo Grisi.
La transmigration du désopilant opéra Au travers du mur
s'est enfin accomplie mardi dernier à I'Opéra-Comiqce. Hâtons-
nous de dire que la petite partition de M. le prince Poniatowski a
obtenu sur la scène de Favart un succès pour le moins égal à
celui qu'elle avait remporté au Théâtre-Lyrique, sous les auspices
de Battaille.
Le rôle du mélomane Thomassini est échu à Crosli, artiste in-
telligent qui s'est tout à fait distingué dans cette nouvelle lâche.
Crosli a vaillamment abordé lous les traits à l'italienne, toutes
les vocalises dont le compositeur a brodé son œuvre. Le rôle de
Blanche a eu pour interprète M"6 Marimon, qui chante et voca-
lise en cantatrice de primo- car tello. Gourdin, Ambroise, Lagel,
Mlles Pannetrat et Tuai complètent le personnel. Mlle Pannetrat
remplit avec beaucoup d'entrain le rôle de Theresine. Ambroise
est superbe avec son trombonne. Le fameux trio bouffe a fait fu-
reur. On a bissé les couplets naïfs de M"e Tuai ; enfin tous les
artistes ont été rappelés.
Au travers du mur défrayera gaiement les soirées de Favart.
Au Théâtre-Lyrique on répète l'opéra de MM. Méry et
Deffès, et une nouvelle partition en trois actes de M. Semet. — La
reprise de Jaguar ita est retardée par indisposition. — La Statue,
les Dragons de Villars, et Richard Cœur-de-Lion, ont parfaite-
ment défrayé les soirées de la semaine, avec le Neveu de Gulli-
ver, de M. de Lajarte.
Le théâtre des Bouffes-Parisiens est , depuis une dizaine de
jours, en pleine répétition du Pont des soupirs. On sait que cet
ouvrage a dû être interrompu à la 80e représentation , par le
départ des Bouffes pour l'Allemagne. La reprise du Pont des
soupirs se prépare avec décors renouvelés, costumes nouveaux,
ballet complet, et les premiers artistes dans les rôles principaux.
Le théâtre des Variétés vient de perdre un de ses meilleurs
artistes. Leclère est mort mardi matin, des suites d'une maladie
qui le retenait éloigné de la scène depuis quelques semaines. Ses
obsèques ont eu lieu mercredi à l'église Notre-Dame-de-Lorette,
où Gourdin, de l'Opéra-Comique, a chanté un requiem de Slra-
délia. Le deuil était conduit par M. Warambon, gérant de la
Gazelle des tribunaux, gendre du défunt, et par M. Hippolyte
Cogniard, directeur des Variétés. Tout le personnel du théâtre
est venu rendre les derniers devoirs à l'excellent artiste qui sera
longtemps regretté. On remarquait aussi dans l'assistance un
grand nombre d'artistes des autres théâtres, de directeurs, d'au-
teurs et d'hommes de lettres.
Après avoir enregistré ce triste événement, nous ne pouvons
mentionner que sommairement les dernières nouveautés repré-
sentées sur la scène des Variétés. Le Beau Narcisse, vaudeville
en un acte, de MM. Th. Cogniard et Deligny ; un Concert pour-
rire, folie-vaudeville, et enfin la reprise de Prospcr et Vincent.
Le Palais-Boyal, après avoir subi deux échecs dans la même
soirée, a pris une agréable revanche dès le lendemain, en offrant
à ses habitués les Deux rats, vaudeville en deux actes, de M. de
Biéville. Le comique Priston , transfuge du Gymnase, a débuté
avec bonheur dans cette pièce ; il a eu pour partenaire MUe Bil-
haut, une fringante soubrette qu'on a vue naguère à l'Odéon.
Paris va assister à un nouvel essai de théâtre allemand. Une
troupe d'artistes d'outre-Bhin, sous la direction de Mme Ida
Bruning, qu'on a justement surnommée la Déjaset allemande,
donnera, à partir du 11 novembre, Salle Lyrique, une série de
représentations.
Le répertoire de Mme Bruning se composera principalement de
comédies et d'opérettes dues aux meilleurs auteurs de la Germa-
nie. Espérons que cette nouvelle tentative sera plus fructueuse
que celles qui l'ont précédée dans ces dernières années.
Nous ne quitterons pas la Salle-Lyrique sans constater l'excel-
lent accueil qu'a obtenu récemment sur cette scène de la rue de
la Tour-d'Auvergne, MIle Aminta Sureau, élève de M"0 Augus-
tineBroban et de M. Talbot.de la Comédie-Française. Celte jeune
artiste a su captiver le public autant par les grâces de sa personne
que par la distinction de son jeu. On a reconnu là le germe
d'un avenir dramatique, que développeront sans doute le travail
et l'habitude de la scène.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1835.
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE MM. ERARO.
Si nous voulons, du point où nous sommes arrivés, jeter un
coup d'œil rétrospectif, et juger les services que les frères Erard
ont rendus à l'art qu'ils ont créé, nous verrons qu'ils ont fait
les premiers pianos à Paris de leurs propres mains. Us ont non-
seulement conçu et inventé les premiers instruments, mais encore
les moyens d'exécution. A mesure que leur commerce s'étendit,
il fallut qu'ils se fissent aider. On ne trouvait pas alors dans
cette partie des hommes habiles, il fallait les former. Us ont
établi, dès le principe, dans leurs ateliers, la division du travail.
I|s ont formé des faiseurs de caisses, des faiseurs de claviers, des
mécaniciens, des monteurs, des égaliseurs, des finisseurs, des
accordeurs, etc. Us ont distribué parmi ces différentes branches
388
LE MÉNESTRKL.
l'exécution des différentes parties formant l'ensemble de leurs
instruments dont ils composaient et dessinaient les modèles. Tan-
dis que Jean-Baptiste Erard surveillait la fabrication, donnait In
dernière perfection aux inslruments, l'autre frère, Sébastien, s'oc-
cupait d'inventions et de perfectionnements; et ceux qui l'ont
connu n'ont pas oublié avec quelle ardeur et quelle persévé-
rance il a continué, jusqu'à l'âge de près de quatre-vingts ans,
ses travaux d'investigations et de recherches, méditant, dessi-
nant, examinant toutes ses idées, faisant lui-même des modèles
dont il rejetait ensuite la plus grande partie, pour ne conserver
dans chacun que ce que la réflexion et l'expérience l'amenaient
à considérer comme parfait.
Cet esprit d'invention fut exercé sur une foule de sujets, non-
seulement sur la construction des instruments de musique, mais
encore sur des machines et outils de tout genre qu'il inventait
comme moyen de précision et de vitesse pour accélérer le travail
des ouvriers.
Dans toutes les branches de la musique que Sébastien a trai-
tées, il a laissé des traces de son génie. Pianos, harpes, orgues,
on peut dire qu'il a fait pour ces trois instruments, et surtout
pour les deux premiers, ce qu'aucun autre homme ne fera jamais.
Les classes de l'Institut , réunies pour faire un rapport sur ses
importants travaux, ont consacré sa réputation en s'exprimant
ainsi sur son talent : « Qu'il était du petit nombre des hommes
qui ont commencé et fini leur art. »
Nous ajouterons qu'occupé sans cesse de ses inventions, plus
artiste que commerçant, Sébastien Erard avait négligé considéra-
blement sa maison de Paris, qui, depuis la mort de son frère,
se trouvait entre des mains étrangères. Si elle avait conservé h la
mort de Sébastien Erard tout le prestige attaché au nom de l'hom-
me qui avait tant fait pour son art, son importance commerciale
était bien déchue. Une lourde tâche allait donc incomber à
P. Erard. Il fallait reconquérir pour la maison de Paris celte
importance industrielle qui seule peut mettre en relief l'impor-
tance artistique, et maintenir celle de Londres au degré de pros-
périté où elle était arrivée. Nous allons examiner comment cette
tâche difficile fut remplie.
Pierre Erard recueillit la succession de son oncle dans un mo-
ment extrêmement difficile. Il y avait à peine un an que la ré-
volution de 1830 avait eu lieu ; le commerce et l'industrie étaient
anéantis ; le gouvernement né de cette révolution était constam-
ment mis en péril par des émeutes formidables, et les valeurs
mobilières et immobilières ne se ressentaient malheureusement
que trop de cette situation.
Pour faire face aux obligations que lui avait laissées son oncle
en l'instituant son héritier, il fut obligé de vendre, dans des cir-
constances défavorables, cette magnifique galerie de tableaux que
des rois avaient visitée et admirée. Quoique ce sacrifice lui coû-
tât beaucoup, il n'hésita pas un seul instant à le faire.
Sa seconde préoccupation fut de relever cette fabrique de Paris,
dont la mort de son père et la maladie de son oncle avaient
singulièrement contribué à réduire l'importance. Pénétré d'admi-
ration pour le génie de Sébastien Erard, placé par son éducation
mieux que personne pour juger de la valeur de ses découvertes,
il apporta dans son œuvre une foi et une ardeur qui ne connu-
rent aucun obstacle.
La maison ne fabriquait alors que des pianos à queue, des
pianos carrés et des harpes. 11 s'occupa immédiatement de faire
le plan d'un piano vertical qui pût un jour se substituera la fa-
brication du piano carré, dont les grandes dimensions devaient
être un obstacle à la vente, par suite de l'exiguïté croissante des
appartements. Ces pianos n'eurent d'abord que six octaves, de
l'ut à \'ut ; nous verrons plus tard qu'il les étendit jusqu'à sept
octaves, du la au la.
Son attention se dirigea ensuite sur les améliorations de détail
à apporter à la mécanique à double échappement de Sébastien
Erard, dont ce dernier avait bien arrêté le principe, mais qu'il
n'avait pas eu le temps de développer complètement. Il fallait
lui donner une assiette plus solide, étudier les bois qui devaient
en composer les différentes parties, mettre ensuite toutes les par-
ties du piano en harmonie avec ce nouveau moyen d'action ; tâche
laborieuse et difficile à laquelle il dévoua tous ses instants.
A l'exposition de 1834, Pierre Erard exposa deux pianos à
queue, deux pianos carrés, deux pianos verticaux de petite di-
mension, et un piano horizontal de forme particulière. Voici
comment s'exprime le jury sur cette exposition :
« Tous ces instruments, exécutés avec un rare talent sur les
patrons et les dessins de Sébastien Erard, sont d'une très-belle
structure. Les deux pianos à queue ont été jugés de beaucoup
supérieurs à tous les instruments du même genre.
« Dans les pianos à queue, M. Erard emploie le double échap-
pement imaginé par son oncle. Ce mécanisme permet de repren-
dre le son avant que la touche soit entièrement relevée : par ce
moyen les exécutants habiles peuvent graduer à volonté l'inten-
sité du son et donner à leur doigter une légèreté et une vitesse
beaucoup plus grandes.
« Le piano horizontal, à forme particulière, présenté par
M. Erard, est considéré comme un très-bon instrument.
« Neveu du célèbre Sébastien Erard, mort il y a peu d'années
dans un âge fort avancé, M. Pierre Erard a relevé la fabrique
que son oncle avait fondée et qu'il avait laissée languir sur la fin
de sa carrière. L'établissement occupe aujourd'hui cent cinquante
ouvriers, et confectionne annuellement quatre cents instru-
ments.
« Cette fabrique a reçu la médaille d'or aux expositions pré-
cédentes, et le jury la juge autant que jamais digne de cette dis-
tinction. »
Ce fut à l'occasion de cette exposition que le roi Louis-Philippe
nomma Pierre Erard chevalier de la Légion d'honneur.
Pendant que Pierre Erard dévouait tous ses soins à sa maison
de Paris, il fut obligé de se rendre à Londres, où l'appelait une
affaire du plus haut intérêt. Le brevet qu'il avait pris pour le
mécanisme à double échappement allait expirer en 1835, et il
n'avait encore recueilli aucun fruit de son travail. L'opposition
formidable des facteurs anglais et les obstacles que l'esprit de
routine oppose aux plus utiles découvertes avaient principalement
contribué à ce résultat. Un acte récent du parlement donnait au
conseil privé de S. M. la reine le pouvoir de prolonger la durée
des brevets, lorsqu'il serait prouvé par une enquête sévère, d'a-
bord que l'objet était d'une utilité incontestable, et ensuite que le
breveté n'en avait pas retiré le fruit qu'il en devait justement at-
tendre. Pierre Erard fut le premier qui invoqua le bénéfice de
cette loi. Une commission s'assembla le 15 décembre 1835. Elle
était composée de lord Lyndhurst, lord Brougham, M. Peel, ba-
ron Parke, M. Cresswell, ingénieur, etc., etc. Elle entendit des
professeurs de musique et des ingénieurs célèbres sur les mérites
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
.'389
de l'invention, et, après une enquête minutieuse, elle accorda
la prorogation du brevet, « en considération du service que
M. Erard rendait à l'industrie, en créant une nouvelle branche
de fabrication supérieure à l'ancienne. »
Après avoir terminé cette importante affaire à sa satisfaction,
Pierre Erard revint à Paris où il s'occupa d'apporter à la harpe
des modifications qui, sans en altérer le principe, devaient lui
donner plus de force et de puissance.
Ce nouveau modèle de harpe fut bientôt adopté par tous les
grands harpistes, tels que Labarre, Gatayes, Godefroy, en France;
Alwars, Chatterton et Thomas, en Angleterre; et on peut le
classer aujourd'hui parmi les instruments les plus complets sous
tous les rapports.
En 1838, Pierre Erard introduisit dans son grand piano un
perfectionnement nouveau qu'il appela barre harmonique. Son
but était de donner aux dessus des grands pianos un degré de
pureté et d'intensité qui leur manquait pour que cette partie du
clavier fût en harmonie avec les basses et le médium. Il fut com-
plètement atteint.
Aussi le jury de l'exposition de 1839 décerna-t-il une nouvelle
médaille d'or à Pierre Erard.
La maison de Paris avait alors le rang industriel que compor-
tait sa réputation artistique. Ses débouchés s'élargissaient de plus
en plus. La solidité de sa fabrication faisait rechercher ses pianos
dans les climats les plus divers, et cependant son organisation
intérieure était telle que jamais il ne sortit de chez elle un piano
négligé, si nombreuses que fussent les demandes qu'elle eût à
satisfaire.
En 1849, Pierre Erard fut appelé à siéger parmi les membres
du jury de l'exposition, et la commission des instruments de mu-
sique le nomma son rapporteur. Il fit preuve, dans ces fonctions
délicates de la plus grande impartialité ; et il sut s'élever dans les
considérations préliminaires de son rapport à la hauteur de vues
que l'on devait attendre d'un homme aussi compétent que lui en
ces matières.
En 1850, M. Pierre Erard prit un nouveau brevet pour un
système de barrage en métal. Un sommier de bronze parallèle
aux chevilles forme avec le sommier d'attache en fer un châssis
en métal, maintenu par un barrage longitudinal dans le sens des
cordes, afin de supporter leur tirage.
Ce barrage fut appliqué ensuite par lui à un nouveau piano à
queue dit de concert, ayant des proportions un peu plus grandes
que celles du grand piano ordinaire. Ce modèle possède une
puissance de son remarquable, sans que le clavier qui fait agir
le marteau cesse un moment d'être facile à jouer et égal. Pierre
Erard imagina d'ajouter à ce piano un clavier de pédales de deux
octaves et demie, permettant à l'artiste, lorsqu'il exécute le chant
dans la partie du médium et des dessus, de faire l'accompagne-
ment des basses avec le pied, et de doubler à volonté l'octave s'il
le juge nécessaire pour l'effet qu'il veut produire. Cette invention
a été fort appréciée par MM. V. Alkan et Lefébure-Wély, qui
en ont tiré des ressources merveilleuses pour l'exécution de la
musique ancienne.
[La fin au prochain numéro.)
M NOUVEL ORGANISTE
M. ALEXANDRE OUILIWAIVT
Une réunion spéciale d'artistes avait été convoquée il y a quel-
ques jours pour entendre tout à la fois un nouvel orgue d'église
destiné à la cathédrale d'Arras, et un jeune organiste inconnu
jusqu'ici sur notre sphère parisienne.
Chacun sait ce que valent les grandes orgues de MM. Merklin,
Schûlze et Cie; on n'a pu que constater une fois de plus les belles
qualités obtenues déjà dans celles de Saint-Philippe-du-Roule
par ces habiles facteurs.
Mais ce que nul ne savait, et ce qui, il faut l'avouer, a étonné
tout le monde, c'est le mérite réel et incontestable du jeune artiste
qui, venant demander à Paris, la grande ville, ses conseils et ses
encouragements, y a trouvé mieux que cela, ses couronnes et sa
consécration.
M. Alexandre Guilmant, fils d'un organiste de Boulogne-sur-
Mer, devait être musicien avant de naître, tout comme la fleur
porte sa couleur avant de s'ouvrir ; sou premier pas a dû se for-
muler sur le pédalier d'un grand orgue. C'est dire que, dès son
enfance, M. A. Guilmant se familiarisait avec le caractère austère
et grandiose de ce clavier céleste, et aussi avec les difficultés ma-
térielles de son exécution. Porté par goût vers les œuvres des
grands maîtres, on sent en l'écoutant que ses études ont été sé-
rieuses et que l'initiation des belles choses est resté son but
constant. A vingt ans il rencontre M. Lemmens, le célèbre orga-
niste belge. Celui-ci l'adopte comme élève, lui inculque sa
grande manière, son jeu ferme et concis, son doigté, son mer-
veilleux emploi des pédales, et aujourd'hui, maître et élève se
glorifient l'un de l'autre. Bruxelles avait déjà salué ce jeune ta-
lent, mais M. Guilmant est Français, et c'est à Paris qu'il est ve-
nu réclamer son véritable baptême.
L'autre jour donc, pour armer ce nouveau chevalier, la réu-
nion était peu nombreuse, mais bien choisie. Présidée en quel-
que sorte par M. Fétis, le savant directeur du Conservatoire de
Bruxelles, elle offrait, dans ses rangs, MM. Benoist, Lefébure,
Adrien de la Fage, Elwart, Batiste et beaucoup d'autres encore.
Jugé ainsi par ses pairs, le jeune organiste boulonnais a dû être
satisfait de recevoir une sanction aussi éclatante, et, il faut bien
le dire, aussi méritée.
M. Guilmant joue les pédales d'une façon vraiment supérieure
et l'on est tout étonné d'y entendre se formuler les traits les plus
compliqués. Il pousse fort loin la science des jeux, leur agence-
ment, leurs oppositions ; à vrai dire, il orchestre avec ses doigts.
Du reste, M. Guilmant nous fait espérer un compositeur de pre-
mier mérite. Il a joué, entre autres choses, une méditation dans
laquelle le charme l'emporte peut-être , ce qui est rare, sur un
style contre-pointe persistant, le tout dans une couleur classique
très-prononcée. C'est là une de ces œuvres qui doivent prendre
rang à côté des belles pages consacrées, et, n'eût-il fait que cela,
n'eût-il pas joué en maître un instrument aussi difficile que l'or-
gue, nous nous empresserions de lui prédire ici une grande et
honorable place dans l'art musical religieux.
M. Alexandre Guilmant n'a fait que passer à Paris. Nous
sommes persuadé que, tôt ou tard, ce sera là le centre de ses futurs
travaux.
Paul Bernakd.
390
LE MÉNESTREL.
PETITE CHRONIQUE.
SOCIÉTÉS MUSICALES DE BELGIQUE.
M. Amédée Acbard nous donne, dans son feuilleton du Jour-
nal des Débats, de curieux et spirituels détails sur les « Sociétés »
de tout genre qui embellissent la Belgique. — Nos lecteurs nous
sauront gré de leur communiquer le passage suivant :
« Un perpétuel sujet d'étonnement, c'est la quantité de mu-
siques que peut renfermer une ville belge. Où donc a-t-on pu
trouver, avec tant d'instruments, tant de personnes qui savent
en jouer ? Les orchestres passent en remplissant l'air du bruit
de mille fanfares, el, tandis qu'ils s'éloignent, voici que de nou-
velles fanfares éclatent au bout de la rue.
« Ce ne sont que cortèges qui défilent au son des trompettes
et des hautbois. La musique marche en première ligne; sur le
flanc de la colonne dansent et sautillent des groupes de jeunes
filles qui se tiennent parla main; le cortège vient ensuite, ac-
compagnant les dignitaires qui portent majestueusement les
bannières de la Société. Çà et là d'autres dignitaires promènent
au bout de longues perches rehaussées d'enjolivements, ou sur
des coussins de velours, les prix offerts aux vainqueurs, montres
et couverts d'argent, pendules sous leur globe de verre et tim-
bales reluisantes, flambeaux et fusils d'honneur tout battant
neufs.
« Chaque cortège représente une société. Et quel homme en
Belgique n'appartient pas à une société? C'est ici la coutume de
se grouper, et nul ne manque à cette sage coutume. Que d'autres
rient de ces vieux usages pieusement conservés, on me permet-
tra de n'en pas avoir le triste courage. Rien de plus honnête
el de plus fertile en bons résultats. L'on se réunit pour tirer de
l'arc et de la carabine, pour élever des oiseaux ou cultiver des
fleurs, pour apprendre à chanter ou faire de la musique ; on se
connaît, on s'apprécie; des liens d'estime et d'amitié se nouent ;
on n'est plus un individu, on est un associé; on n'est plus seul,
on a des compagnons, des amis. On s'était groupé en vue d'un
plaisir éphémère; viennent les mauvais jours, on s'enlr'aide, on
se console, on se soutient. »
DES DIFFÉRENTES FAÇONS D ÉCOUTER LA MUSIQUE.
D'après le Guide musical belge, chaque nation a sa manière
d'entendre un concert.
« En Angleterre, le silence le plus profond règne dans toute la
salle... pendant les intervalles des morceaux. La conversation
commence avec la musique. Les dames surtout bavardent avec
frénésie tant que le chef d'orchestre bat la mesure, tant que
l'accompagnateur a les doigts sur le clavier. Au dernier accord,
les conversations s'arrêtent comme par enchantement. On ap-
plaudit avec plus ou moins d'entrain, suivant la réputation de
l'artiste, et on se tait jusqu'au prochain morceau. Cela seul ex-
plique le stoïcisme avec lequel les Anglais supportent des concerts
qui ont trois parties, vingt-cinq morceaux, et durent toute une
après-midi.
« En France, on écoute un peu, on lorgne beaucoup. La con-
versation accompagne la musique, mais elle ne s'arrête pas pen-
dant les entr'actes.
« En Italie, on écoute un ténor ou une prima-donna, on ap-
plaudit avec fanatisme.
«En Allemagne, on savoure la musique; on la digère, on la
médite.
«Aussi, au point de vue musical, l'Anglais est glouton, l'Italien
gourmet, le Français sceptique, l'Allemand philosophe, et il y a
dans sa philosophie un mélange de logique et de mysticisme
qu'on ne trouve pas ailleurs que là. »
Pour l'honneur du goût musical français, nous n'ajouterons
qu'un mot aux impressions du Guide musical belge : M. Schott,
le célèbre éditeur de Mayence, qui assistait l'hiver dernier à
l'une de nos séances de la Société des Concerts du Conservatoire,
fut non-seulement frappé de notre incomparable exécution des
symphonies de Beethoven, mais aussi du recueillement et de
l'enthousiasme des dilettantes français. Il voulut bien reconnaître
dans ce fidèle auditoire de notre Société des Concerts du Con-
servatoire le premier public du monde musical. — Il est vrai
que M. Schott s'empressa d'ajouter, avec une malicieuse bonho-
mie germanique, qu'il ne l'aurait pas soupçonné tel, ce qui est
bien l'expression de l'opinion générale des musiciens allemands
envers les dilettantes français.
NOUVELLES DIVERSES.
— S. M. le roi de Prusse a institué à Kœnigsberg, sous le titre tordre
de la Couronne, une nouvelle distinction destinée à un très petit nombre de
personnes. Les insignes de cet ordre viennent d'être conférés à l'illustre
maestro Meyerbeer.
— Un speetacle-gala, donné le 23 à l'Opéra de Berlin, a inauguré les
fêtes qui ont célébré le retour du roi dans la capitale de ses Etats. On a re-
présenté Olympie, opéra de Spontini. Mme veuve Spontini, arrivée la veille
de Paris, assistait à cette représentation.
— Les correspondances de Vienne nous apprennent que la Guerre do-
mestique, opérette posthume de François Schubert, a reçu un accueil en-
thousiaste au théâtre de la Cour.
— M. Alfred Musard a donné son premier concert à Vienne, le 19 octo-
bre. Il y a eu succès , mais aussi beaucoup d'opposition, comme on devait
s'y attendre.
— M. Carozzi vient d'être nommé directeur du Théâtre-Impérial de
Saint-Pétersbourg.
— Dans les derniers jours d'octobre a été célébré dans la chapelle russe,
à Paris, le mariage de M. le général Ratmanoff, conseiller d'Etat et cham-
bellan de S. M. l'empereur de Russie, avec M"e Wilden, jeune pianiste qui,
l'année passée, a obtenu le premier prix au Conservatoire , et dont le père
occupe en Russie une -très-honorable situation. C'est la seconde pianiste
que nous voyons, depuis peu, épouser de grands personnages. Autrefois
ce privilège était monopolisé par nos cantatrices en renom.
— S. M. l'empereur de Russie vient de faire remettre à MM. Léon et
Emile Waldteufel, deux bagues en diamants et en rubis. Les jeunes com-
positeurs avaient dédié à ce souverain deux marches intitulées : Alexandre
et Nicolas. M. le comte d'Adlersberg, ministre de la maison de l'empereur,
leur a exprimé dans une lettre des plus gracieuses les remerciements et la
satisfaction de S. M.
— Les journaux italiens annoncent que Verdi n'a pas accepté la prési-
dence de la commission instituée pour rédiger les nouveaux statuts du
Conservatoire de Milan.
— On annonce le retour à Paris de Mme Frezzolini, et son intention de se
faire entendre prochainement dans trois grands concerts, salle I-Ierz.
— L'Académie des Reaux- Ar ts avait proposé cette année, pour le concours
Bordin le sujet suivant :
Histoire de la Musique en France, depuis le quatorzième siècle jusqu'à
la fin du dix-huitième, en divisant ce travail en trois études: Travaux des
théoriciens ; Musique d'église; la Chanson, le Drame lyrique, la Sympho-
nie.
NOUVELLES ET ANNONCES.
391
L'Académie, n'ayant reçu pour ce concours que des ouvrages déjà publiés
qui ne remplissaient pas les conditions du programme, a remis ce sujet au
concours pour 1863, et elle a décidé que, cette année, la fondation Bordin
serait partagée en cinq médailles de 600 fr. chacune, décernées ex œquo à
autant d'ouvrages publiés récemment, ou en cours de publication, qui in-
téressent les beaux arts et se recommandent par des mérites différents.
Aucun ouvrage concernant la musique n'a reçu ce témoignage.
— M. Léon Kreutzer a cru devoir décliner l'honneur du prix d'encou-
ragement que voulait lui décerner la section de musique de l'Institut, pour
sa musique de chambre. M. Kreutzer, n'ayant point brigué cet honneur,
déclare n'y avoir aucune espèce de droit.
— Au concours d'opéra-comique ouvert à Bordeaux , dans lequel cin-
quante et une partitions ont été examinées, le prix a été décerné à
M. "Victor Chéri. Le jury a en outre accordé quatre mentions honorables
dans l'ordre suivant : La première mention honorable à l'auteur de la par-
tition ayant pour épigraphe : « Grand ne puis , artisan ne daigne, artiste
suis. » La deuxième mention honorable à l'auteur de la partition ayant
pour épigraphe : « Fais ce que dois, advienne que pourra. » La troisième
mention honorable à l'auteur de la partition ayant pour épigraphe : « Ce
que l'on conçoit bien s'énonce clairement. » La quatrième mention hono-
rable à l'auteur de la partition ayant pour épigraphe : « A la grâce de Dieu
et vive Henri IV. »
Les plis des quatre partitions qui viennent d'être indiquées par leur épi-
graphe ne seront décachetés et les noms des auteurs ne seront connus et
publiés qu'après avoir reçu leur assentiment. En conséquence, les auteurs
de ce$ quatre partitions pourront, s'ils le veulent, envoyer leur autorisation
à M. Adrien Sourget , secrétaire général de la Société de Sainte-Cécile, à
Bordeaux, rue d'Aviau. Une médaille d'argent, grand module, porlant l'in-
dication de la mention honorable et le nom de l'auteur couronné, sera re-
mise aux compositeurs qui autoriseront la rupture du pli cacheté.
— Notre baryton Géraldy, déjà retenu pour la prochaine saison de Bade,
vient d'èlre également engagé par les eaux d'Ems. On le voit, nos impres-
sarii d'été ne perdent pas de temps, surtout quand il s'agit d'artistes en ré-
putation.
.— Aujourd'hui dimanche, 3 novembre, à l'occasion de la fête patronale,
M. Hurand, maître de chapelle à Saint-Euslache , fera exécuter en cette
église, une messe à grand orchestre, composée par M. F. Benoist, profes-
seur au Conservatoire impérial de musique. M. Ed. Batiste, organiste de la
paroisse, tiendra le grand orgue.
— Nous nous empressons d'annoncer que M. Rubini, voulant procurer
aux amateurs de bonne musique le moyen de se réunir et de faire de la
musique d'ensemble, ouvrira chez lui, 14, rue de Berlin, les lundi et jeudi,
à partir du 15 novembre, un cours de chant et de musique d'ensemble.
Nous ne doutons pas que M. Rubini réussisse dans son entreprise ; il se
propose de faire exécuter un choix des plus beaux morceaux de l'ancienne
e£de la nouvelle musique, les moins connus à Paris. Son talent comme
professeur de chant, et le bon goût dont il fait preuve dans l'organisation
des plus belles soirées musicales qui se donnent dans nos principaux salons,
nous sont garants du succès.
— On se rappelle combien fut appréciée la nouvelle méthode au moyen
de laquelle M. Bernardin Rahn a rendu la science de l'harmonie et de la
composition musicale facilement abordable à tous et même attrayante; car,
dès la première leçon, il met ses élèves en état de composer un chant avec
accompagnement. Quelque extraordinaires que paraissent ces résultats,
M. Rahn a su les obtenir par des procédés rigoureusement scientifiques.
Désireux de faire juger par tout le monde les moyens qu'il emploie,
M. Rahn a donné mercredi soir au cercle des sociétés savantes, une séance
publique et gratuite qui a vivement intéressé l'auditoire.
■ — Mme veuve Lande jeune (née Massy), ancienne élève de MM. Ponchard
et Boulangé-Kunzé, nous prie de faire savoir qu'à la demande générale des
mères de famille, elle vient de reprendre chez elle, rue d'Aval Saint-
Antoine, 11 , le cours de ses leçons de chant. Nous félicitons Mme Lande
jeune, de cette résolution, qui nous permettra de compter un bon pro-
fesseùrîde plus. Mme Lande est disciple de l'école de Mme Hébert-Massy,
sa sœur; la reprise de ses cours est une bonne fortune pour les jeunes
personnes qui se confieront à son enseignement.
— La réouverture des cours de chant de M. Kœnig aura lieu le mardi
5 novembre, rue de Provence, n° 7.
— On lit dans VOrphëon : « Sous ce litre : les Caractéristiques, M. Paul
Wagner dont on connaît déjà les charmantes compositions, vient de publier
une série de douze petits morceaux de genre pour le piano. Ces douze
morceaux, destinés aux jeunes élèves, sont doigtés avec le soin le plus mi-
nutieux ; ils se distinguent par l'élégance et la fraîcheur de la mélodie, aussi
bien que par la variété et la simplicité de la forme. Ce sont douze petits
poèmes enfantins, pastoraux, sentimentaux ou joyeux , propres surtout à
former le goût de la jeunesse et à initier les enfants aux secrets de la grâce
et de l'expression. Voici les titres des douze morceaux do la série :
» N° 1, les Ëtrennes, valse ; n° 2, la Danse, polka ; n° 3, les Déguise-
ments , quadrille ; n° 4, le Poisson d'Avril , fantaisie ; n° 5, le Réveil du
Coucou, fantaisie; n° 7, Fête champêtre, quadrille; n° 8, Chanson des
Moissonneurs, fantaisie ; n° 9, la Chasse, fantaisie ; n° 10, les Vendangeurs,
fantaisie ; n" 11, la Veillée, fantaisie ; n° 12, Noël, fantaisie.
On peut se procurer chaque numéro séparément, ou la série entière, soit
aux bureaux de YOrpIiéon, rue Notre-Dame-de-Nazareth, 61, soit chez l'au-
teur, M. Paul Wagner, rue Feydeau, 1. »
— Deux quatuors nouveaux de C. Estienne paraîtront incessamment
chez Richault, éditeur. L'un de ces quatuors est dédié à Sivori, et l'autre à
Maurin.
— MM. Mangeot frères et compagnie, fabricants de pianos à Nancy, ont
obtenu une médaille de lre classe à l'exposition universelle de Metz. Cette
distinction est des plus significatives. On sait que l'industrie des pianos
était représentée à cette exposition par des fabricants renommés de Paris
et de Strasbourg.
— Voici l'état des receltes brutes qui ont été faites pendant le mois
de septembre dans les établissements soumis à la perception du droit des
indigents.
Théâtres impériaux subventionnés 241,267 fr. 33 c.
Théâtres secondaires de vaudevilles et petits spec-
tacles 795,341 20
Concerts, speclacles-concerts, cafés-concerts, bals. 151,683 75
Curiosités diverses 27,721 60 .
Total 1,216,013 88
— Concert des Champs-Elysées. — La dernière matinée musicale a eu
lieu dimanche dernier 27 octobre. L'orchestre conduit par Arban, est l'un
des meilleurs de Paris, et le répertoire musical, aussi varié que choisi, fait
honneur au goût et à l'intelligence de M. de Besselièvre, le directeur de
ce bel établissement. Les concerts donnés le dimanche pendant la deuxiè-
me quinzaine de septembre et pendant le mois d'octobre ont clôturé digne-
mrnt la saison de 1861.
— Deux nouveaux volumes des chansons de Gustave Nadaud viennent
de paraître au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, et seront bientôt suivis des
deux derniers qui viendront compléter cette piquante collection des chan-
sons populaires de notre poète-musicien. On sait que ces volumes réunis-
sent paroles, musique et accompagnement de piano de chaque chanson,
depuis le n° 1, Vieille Histoire, jusqu'au n° 140 Florimond l'enjôleur,
dans leur ordre d'apparition. Les Chansons légères, déjà publiées, forment
volume à part. La collection complète, composée de huit volumes, renfer-
mera 170 chansons revues par l'auteur et soigneusement gravées, au prix
net de souscription de 40 fr. ou de 6 fr. par volume. On y remarque, à
côté des premières chansons de Gustave Nadaud : le Quartier latin, Bon-
homme, le Souper de Manon, Boisentier, les Reines de Mabille, M. Bour-
geois, le Carnaval à l'Assemblée, les Réformes, Je grelotte, etc., etc.; ses
récentes et. dernières chansons : le Message, Pandore, l'Histoire du Men-
diant, le Voyage aérien, Paris, Y Insomnie, les Deux Notaires, Cheval et
Cavalier, la Pluie, le Vieux Télégraphe, la Mère Godichon, les Lettres de
r Étudiant et de l'Étudiante, l'Aimable Voleur, les Côtes d'Angleterre, le
Mandarin, le Sultan, le Nid abandonné, et tant d'autres devenues popu-
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N° 1. A B C musical.
N° 2. Suite de l'A B C,
N° 3. Solfège à deux voix. . . 25
N° 4. Solfège d'artiste 48
N° 5. Solfège sur la clé de fa
pour basse-taille et ba-
ryton 42
N° 6. Solfège d'ensemble à 2,
3 et 4 voix, 3 parties. 72
Chaque partie 25
N° 7. Solfège du pianiste
N° 8. Solfège du violoniste.
N° 9. Solfège concertant à 2
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A l'usage des orphéonistes, des classes d'ensemble
et des pensions.
N° 10. 50 leçons à changements de clés, fai-
sant suite au solfège d'artiste, avec
basse chiffrée , net. . .* 12
N° il. Solfège progressif à 2 voix, pour basse-
taille et baryton, sans accompagne-
ment , net 6
N°J12. Méthode de vocalisation en 2 parties,
pour soprano et ténor 42
N° 31. L'Art de moduler au violon
Toun les
48
60
N° 13. Méthode de vocalisation en 2 parties,
pour basse-taille , baryton est con-
tralto 42
N° 14. 25 vocalises faciles et progressives
pour mezzo-soprano, précédées de
25 exercices 25
N° 15. 12 études spéciales précédées de 12
exercices pour soprano ou ténor. . . 25
N° 16. 12 études spéciales précédées de 12
exercices pour basse-taille , baryton
et contralto 25
N° 17. 25 vocalises et 25 exercices progressifs
pourbasse-taille, baryton et contralto 25
N° 18. Traité d'harmonie pratique et de mo-
dulation, en 3 parties distinctes, ap-
prouvé par l'Institut et adopté pour
les classes du Conservatoire , net.. 40
lre partie. Traité d'harmonie, net. ... 15
2e partie. L'art de moduler, net 15
3e partie . Devoirs à faire par les élèves,
se composant de 50 leçons modèles
écrites; 18 id. do tous lés théoriciens
modernes; 60 basses chiffrées; 70
basses non chiffrées à faire, et une
sériede leçons pourapprendre à faire
des basses sous des chants 15
15 fr. net. — N° 32. L'École primaire à 2 et 3 voix. . .
ques 92, «o, 48 ou 42 fr. sont divisés en 2 01
N° 19. Solfège pour contralto, format petite
partition, net 12
N° 20. 36 exercices à changements de clés ,
faisant suite aux 50 leçons sur toutes
les clés , net 12
N° 21. Solfège pour mezzo-soprano, format
petite partition, net 12
N° 22. Méthodecomplètepour mezzo-soprano
format petite partition , net 12
N° 23. Album relié, de 10 romances et 5 noc-
turnes, 2e édition, net 10
N° 24. Grande messe pour 3 sopranos, avec
parties séparées, net 12
N° 25. 12 vocalises et 25 exercices, à 2 voix. 25
N° 26. Solfège à 2 voix, sur toutes les clés, net. 12
N° 27. Solfège difficile, à changements de clés
avec accompagnement de piano, net. 12
N° 28. Mois de Marie, 25 chants religieux,
latins, français, pour toutes les voix,
en solos, duos et trios, net 12
N° 29. A B C du pianiste , ou Méthode de
piano à l'usage des enfants 12
N° 30. 25 vocalises faciles pour un jeune té-
nor ou un jeune soprano 25
25 fr. — Petite édition, prix net. . . 2 fr. 50 c.
i 3 parties û 25 fr. chaque.
L'A B C ; la suite. ■
Les Chœurs et morceaux avec paroles du Solfège d'ensemble se vendent séparés en grand et petit format.
ÉDITION ESPAGNOLE.
■ Le Solfège à 2 voix; grand et petit format. — La Méthode de chant pour soprano et ténor, ainsi que l'A B C du pianiste.
791. — "28" Année.
N» 50.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 10 Novembre
1861.
T-**.TSi
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
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LES BUREAUX , S bis, rue Vivienne. — HEUGEL et C", éditeurs.
(Aux Magasins oit Altimncmcnt ilo Musique du MÉIVEÇTREI.. — Tente et locution de rinno» et Orgues.)
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M. Faure daDS Guillaume Tell, reprises de Don Pasquale, de la Sirène, de Ja-
guarila et du Pùht des soupirs. 3. Lovw — UI. Tablettes du pianiste et du
chanteur: Notice sur les travaux de MM. Erard ; rapport de S. Thalberg(6"»' et
dernier article). — IV. Fête patronale de Saint-Eustaclie ; messe en musique de
M. F. Benoist. Paul Bernard. — V. M™ Duprez-Vandenheuvel au Théâtre-Royal
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de Mme la vicomtesse de Grandval.
PIANO :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano:
La FÉE DU BAL
polka-mazurka d'ED. Viénot. — Suivra immédiatement après : Les
transcriptions, pour piario seul, par Paul Bernard, de la belle marche
religieuse et des couplets avec chœur dansé de V Alceste de Gluck.
AVIS A NOS ABONNÉS
Nous remettons h dimanche en huit te premier chapitre des
Mémoires historiques d'un musicien sur CHERUBINI, sa vie, ses
travaux, et leur influence sur l'art, par M. Dieudonné Denne-
Baron. Cet important travail, écrit expressément pour le Mé-
nestrel, emprunte un double intérêt aux manifestations qui se
multiplient en France et en Italie pour l'érection d'un monument
à la mémoire de ce grand musicien, qui fut l'honneur et la gloire
de notre Conservatoire impérial de musique et de déclamation.
Nous publierons aussi très-prochainement, pour faire suite
aux intéressantes études de Beethoven et F. Chopin, une nou-
velle notice de M. H. Barbedette, sur WEBER et ses immor-
telles œuvres; enfin nous annonçons dès aujourd'hui (voir aux
annonces 7e et 8e pages) , les Primes do Ménestrel (année
1861-1862), destinées à nos abonnés, primes qui leur seront re-
mises à parlir du 1er décembre 1861.
GLUCK
LA PARTITION DALCESTE
Et moi aussi, dès mon retour à Paris, j'ai voulu entendre,
réentendre Alceste ; j'ai voulu écrire mes impressions et les
communiquer aux lecteurs du Ménestrel, qui me pardonneront
de revenir sur un sujet d'ailleurs intarissable à tant de titres.
Alceste ! un grand nom dont la légende remonte aux temps
héroïques ; un grand dévouement dont Sophocle a fait le sujet
d'une de ses immortelles tragédies ; un sublime amour conjugal
sur lequel notre Corneille lyrique, le chevalier Gluck, est venu à
son tour écrire l'une de ses plus belles partitions ; Alcesle! c'est-
à-dire une réunion de grandes choses, de grands caractères, de
grands auteurs, et de grandes œuvres !
Voilà tout simplement ce que notre Académie impériale de
Musique a eu l'idée louable de remettre en scène, en l'honneur
d'une jeune génération trop ignorante au point de vue musical
des choses du passé, et aussi à la grande joie de quelques vieux
mélomanes qui, dans leurs plus anciens souvenirs, se rappelaient
avoir vu représenter cette pièce. ■
Il faut le reconnaître, c'est au théâtre national de l'Opéra
que revient de droit ce rôle de conservateur des grandes œuvres
classiques. De même qu'au Théâtre-Français un certain nombre
de représentations sont acquises aux ouvrages de Corneille, de
Molière, de Bacine, de Voltaire, de même il faudrait que sur
la scène de l'Académie impériale de Musique quelques soirées
fussent réservées aux anciens maîtres du genre, à Rameau, à
Piccini, à Gluck, à Spontini. A l'Opéra aussi bien qu'aux Fran-
çais une subvention fait de cetle mission un devoir, et en mu-
sique comme en littérature la jeunesse a besoin d'être formée au
contact des chefs-d'œuvre consacrés et des formes pures et pri-
mitives.
395
LE MÉNESTREL.
Arrière donc les petites considérations de recelte et d'abon-
nement! L'Opéra -vivra quand même, parce que c'est un théâtre
aussi national que la Comédie-Française elle-même. Qui sait
d'ailleurs si le public ne prendra pas goût à ces représentations
rétrospectives? Orphée est là pour en témoigner au besoin.
Cependant on peut craindre que la partition d'Alceste ne soit
pas aussi bien comprise que l'a été celle d'Orphée. Elle ne ren-
ferme pas, comme celle dernière, des oppositions ausi tranchées;
elle n'offre pas un tableau aussi saisissant que celui des enfers;
elle n'a pas dans son écrin un joyau aussi mélodique que l'air :
J'ai perdu mon Eurydice; et pourtant que de beautés plus éle-
vées et sans nombre! quel sentiment inné de la vérité ! quelle
juslesse dans l'expression ! quelle grandeur de style! quelle force
de conception ! Ce qui étonne surtout l'auditeur attentif, c'est
l'immense effet obtenu avec d'aussi faibles moyens. C'est bien
là le triomphe du sentiment dramatique par la vérité de l'accent
et de l'expression. Une note seule vous fait tressaillir, comme le
fameux Qu'il mourût! des Horaces. Avec Gluck la musique
pleure et sanglote, et les instruments peignent véritablement les
situations lés plus fortes, les tableaux les plus émouvants. D'un
bout à l'autre la partition d'Alceste est taillée dans le roc et cou-
lée dans le bronze. C'est là, musiciens, qu'il vous faut apprendre
à parler. Demandez à l'Italie le charme de ses fraîches mélodies,
à l'Allemagne le secret de ses savantes harmonies, chantez avec
tous les pays, mais revenez à Gluck pour posséder l'art de bien
dire. Depuis lui l'art musical a progressé ; par malheur le
goût n'a pas fait de même,, et la forme banale l'a souvent éga-
ré. Mais toutes les fois qu'un grand compositeur a produit une
grande œuvre, on a pu y. constater, en même temps que de nou-
velles conquêtes dans l'art, la présence de cetle vérité d'expres-
sion dont Gluck restera toujours le lype. Nous en prenons pour
preuves Mozart et son Don Juan , Spontini et sa Vestale ,
Rossini et son Guillaume Tell, Bellini et sa Nornia , Halévy et
sa Juive, Meyerbeer et ses Huguenots.
Certes la mélodie a fait un pas immense depuis l'illustre protégé
deMarie-Anloinette. Elle s'est habituée à marcher droit, à compter
ses périodes et ses mesures comme les vers comptenl leurs hémis-
tiches; de jeune fille qu'elle était, à la démarche incertaine et
irrésolue, elle est devenue une femme faite ayant tous les gen-
res de beautés , loules les espèces de séductions. Mais combien
celte irrésolution mélodique porte en elle-même de charme et de
grandeur naïve, et comme souvent , si la couleur générale y
perd de la teinte, en revanche le mot y double de force !
Nous sommes sorti enthousiasmé de la représentation d'y! Iceste.
Certains pourront déplorer la monotonie du spectacle, le senti-
ment uniforme et triste qui préside à toute la pièce, l'absence des
rhythmes variés, des duos, trios, et morceaux d'ensemble à
la moderne , l'abus du récitatif, et d'autres choses encore que
j'entendais dire autour de moi ; mais à ceux-là je répondrai en
leur citant tout simplement les morceaux qu'ils ont applaudi
avec nous. Au premier acle, la superbe marche religieuse ; le récit
du grand prêtre (Cazaux) et le chœur :
Dieu puissant, écarte du trône ;
l'air d'Alceste,
Non, ce n'est point un sacrifice:
où le pathétique arrive jusqu'au sublime, et enfin le magnifique
air:
Divinités du Styx,
l'une des plus giandes inspirations que je connaisse.
Au second acle, un délicieux chœur dansé avec accompagne-
ment de pizzicali; l'air d'Admèle, expressiveinent rendu par
Michot :
Bannis la crainte et les alarmes ;
ce que nous appellerions aujourd'hui une romance :'
Je n'ai jamais chéri la' vie ,
chantée par Alcesle, et précédée d'un récitatif qui se termine par
ce vers, que Mrac Viardotdit d'une manière si touchante et qui
transporte la salle entière :
Ils savent, ces dieux, si je t'aime !
Au troisième acte, l'entrée d'Alceste aux enfers ; la phrase si
palpitante sur ces paroles :
La mort a pour moi trop d'appas,
Elle est mon unique espérance,
Ce n'est pas vous faire une offense
Que de vous conjurer de hâter mon trépas.
puis l'air de Caron dont la couleur lugubre donne le frisson avec
ses appels répétés par les sons bouchés du cor, et enfin le chœur
lointain des dieux infernaux se débattant contre Hercule qui
Tour arrache la sensible Alceste et la ramène auprès de son époux.
Voilà des beautés sans nombre et qui rachètent mille fois les
formes vieillies ou absentes de l'œuvre de Gluck. Comment pen-
ser à s'armer de puérilités contre une musique tellement grande
qu'un siècle de progrès n'a pu la renverser, et quand aujourd'hui
encore elle reste l'exemple le plus frappant de la vérité scénique
et de l'expression dramatique !
Honneur à l'administration de l'Opéra ; c'est un acte de haute
intelligence qu'elle vient d'accomplir. Du reste, sa mission est
grande, car tout en arrachant aux cendres de l'oubli des œuvres
qui sont la gloire dp passé et un exemple pour l'avenir, il faut
qu'elle n'oublie pas les producteurs d'aujourd'hui, et qu'elle
tende parfois les mains même aux néophytes de l'art.
Paul Bernard.
SEMAINE THEATRALE.
Guillaume Tell. — M. Faure.
Mercredi dernier, I'Opéra nous a donné Guillaume Tell pour
le deuxième début de M. Faure. Cette nouvelle tentative a été
des plus favorables à notre excellent transfuge de l'Opéra-
Comique. Faure a bien posé la phrase d'entrée : // chante en
son ivresse; il a lancé avec une grande puissance vocale la stro-
phe : Quand l'Helvélie, etc.; enfin il a dit avec beaucoup
d'onction l'adagio du troisième acte : Sois immobile. II a été
moins heureux dans la phrase : L'avalanche tombant duhaut
de ces montagnes, et ceci est un second avertissement. Sans rien
sacrifier de la franchise de sa voix, du fini de son style, il faut
que ce chanteur se montre plus sobre dans les expansions de son
organe : point de ces notes hasardées en dehors du registre, et qui
faillirent déjà compromettre son succès dans Pierre de Médicis.
Espérons que désormais cet artiste intelligent, éclairé par le
danger, ne dépassera pas les limites assignées à la nature de sa
voix, qui est bien assez belle, bien assez étendue pour se passer
de toute exagération vocale. — Gueymard a été parfaitement
accueilli dans le rôle d'Arnold; Mme Duprez-Vandenheuvel,
MUSIQUE ET THEATRES.
39S
dans celui de Malhilde, a déployé toules les finesses de l'art ;
Obin est toujours un Walter modèle ; enfin Mmcs Lapommeraye
et Amélie Rey ont vaillamment fourni leur contingent de talent.
La soirée de vendredi appartenait au Trouvère, si remarqua-
blement interprété par le quatuorTedosco, Sax, Miohot et Ron-
nehée. — Le nouveau ballet destiné à Mme Ferraris est définiti-
vement promis pour le lundi 18.
Reprise de Dora Pasquale. — M11<! Marie Battu. — MM. Zucchini ,
Delle Semé et Bélart.
A la sentimentale Marta vient de succéder le joyeux Don Pas-
quale, écrit au courant de la plume par le si regrettable Doni-
zetti. C'est à Paris, rue de Grammont, hôtel Manchester, que
l'auteur de la Favorite écrivit pour notre Théâtre-Italien de
Paris cette adorable et facile partition , exempte de soucis, de
préoccupations scolastiques. Le dessin mélodique coule d'abon-
dance, familier sans être banal, et l'harmonie en forme le tissu
naturel, inséparable, si bien que ces deux éléments n'en font
qu'un, condition essentielle de toute bonne musique. Chacun se
rappelle la création de Don Pasqutth, par le non moins regret-
lé Lablache. Quel type irretrouvable ! Cependant Zucchini s'y
fait applaudir, et n'étaient tant de jabot, si peu d'habit, — au
jeu comme au costume, — on applaudirait bien davantage encore.
Rélart qui n'a ni la grâce, ni la distinction de Mario, n'en a point
la voix non plus, et lui aussi pourtant, s'est fait justement ap-
plaudir. N'en a-t-il pas été de même de M1Ie Marie Ratlu qui n'a
certes pas l'étoffe de la Grisi? A part son air d'entrée, M"e Battu
a élé relativement charmante d'un bout à l'autre de la partition.
Dans la salle, on n'entendait que ces mots : Progrès au double
point de vue du talent et de la voix.
Quant à Delle Sedie, le rôle de Tamburini est évidemment
écrit trop bas pour sa voix. Il ne s'en tire qu'à force d'adresse
et de talent, au moyen d'une vocalise aussi nette que rhythmée,
aussi fine que distinguée. Par malheur, sa romance d'entrée, qu'il
chante à ravir, arrive trop tôt dans la partition pour être goûtée
du public qui n'est encore ni complet ni même casé dans ses loges.
A propos de M. Delle Sedie, citons en passant l'éloge qu'en fait
M. de Rovray dans son feuilleton du Moniteur. Cet éloge est
tout simplement une précieuse leçon de chant à l'adresse de bien
des artistes qui font fausse route :
« Artiste excellent comme il ne nous en vient pas beaucoup
d'Italie et comme il ne s'en produit guère en France, le débutant
nous paraît avoir été élevé à la grande et belle école qui ne sa-
crifie pas l'expression, le style et le goût à des effets de sonorité
brutale ou de vibration chevrotante , à des tours de force ou à
des roulements de gosier. 11 sait ce qu'il dit, chose rare ! Il a du
sens commun, mérite extraordinaire! Sa phrase est correcte, son
émission pure et naturelle, sa diction d'une pureté irréprochable;
son jeu et son accent ne se contredisent jamais ; son geste, me-
suré et sobre, accompagne et soutient le chant ; il n'a l'air ni de
mendier les bravos, ni de provoquer le spectateur.
« Sans doute il n'a pas une de ces voix prodigieuses qui, par
la beauté et la fraîcheur de leur timbre, dispensent l'artiste assez
heureux pour les posséder de tout autre souci. Chacune de ses
victoires est le résultat d'une étude approfondie et d'un art con-
sommé ; il ne livre rien au hasard ; toujours maître delui-même,
il contient son émotion dans de justes bornes, également éloigné
des deux extrêmes où tombent la plupart des artistes, une froi-
deur glaciale ou des emportements et des convulsions d'énergu-
mène. Il ne confond pas les genres : dramatique et touchant dans
la musique sérieuse, enjoué, léger, souple dans la musique-
bouffe, il donne à chaque phrase sa couleur et son relief. Enfin,
tous ses morceaux ne se terminent pas par le même point d'or-
gue : il a un choix de cadences remarquables par leur variété et
leur nouveauté, qui s'ajustent parfaitement aux airs, dont ils
sont pour ainsi dire la péroraison brillante et le couronnement
lumineux. On comprend la sensation qu'a dû faire un sujet si
rare, et qui tranche d'une façon si nette sur le commun des
chanteurs. Delle Sedie a été fort applaudi, et adopté, d'un avis
unanime , comme une des meilleures acquisitions du Théâlre-
Iialien. »
ILa Sirène. — M. G. Roger; — M"0 Maiumon.
L'Opéra-Comique nous a rendu la Sirène, un des plus char-
mants ouvrages dus h la collaboration de Scribe et Auber. Roger
a repris possession de ce rôle de Marco Tempesta qu'il a créé
avec tant de supériorité, et M"e Marimon nous est apparue dans
le gracieux personnage de Zerlina. Cette reprise est tout un évé-
nement, et le public l'a pressenti en faisant le siège de la salle
Favart. Et comme il battait des mains aux premières notes de
cette ouverture, qui résume avec tant de grâce et d'esprit les
mélodieux éléments de la partition ! En disant que la Sirène n'a
rien perdu de sa fraîcheur et de son éclat, nous ne sommes que
l'écho de ls salle entière.
Roger a rendu à ce type de Marco Tempesta ce cachet de
noblesse et de grandeur qui constitue la poésie dans l'art. 11 a
été beau comme comédien et comme chanteur; aussi, les plus
chaleureuses marques de sympathie, les bravos les plus sincères
l'ont salué pendant tout le cours de la soirée. Dans le quatuor
final du premier acte : 0 bonheur qui m arrive! dans ses cou-
plets : 0 dieu des flibustiers ! dans ses deux duos avec Zerlina,
il a rappelé l'époque de ses plus belles années et nous a rajeuni
de quinze ans.
Mlle Marimon est une des plus séduisantes Zerlina que nous
ayons vu se mouvoir sur la scène de Favart. Elle a dit avec
un charme pénétrant ses couplets : Prends qarde, montagnarde,
ses duos avec Scopetto, et sa cavaline : Ah! je n'ose pas. Elle a
largement partagé les ovations décernées à son partenaire; seule-
ment, nous répéterons à M"e Marimon ce que nous disions plus
haut à M. Faure : pourquoi chercher des notes et des traits im-
possibles?.. De l'âme, — elle en a prouvé dans sa romance :
Reviens! reviens! — une énergie contenue et infiniment de
grâce, voilà ses attributs natifs ; et nous ne croyons pas que son
organisation délicate lui permette de franchir ces bornes, qui
sont, du reste, celles de son emploi. Pourquoi tenter au-delà?
Que M|le Marimon, comme M. Faure, veuille bien ne pas for-
cer sa nature, et la scène de Favart sera fière de la compter parmi
ses artistes de prédilection.
Du reste, l'ensemble de la Sirène a été des plus satisfaisants.
Ponchard, dans le rôle de Scipione, Prilleux en duc de Popoli,
et Nathan dans le personnage de Rolbaya, ont rempli leur lâche
en artistes consciencieux.
Le Théâtre-Lyrique a dû retarder de jour en jour la reprise
de Jaguarila. Mais enfin Mme Cabel paraît être remise de son
indisposition, puisque l'affiche d'hier samedi nous annonçait la
reprise si impatiemment attendue de cet ouvrage.
396
LE MÉNESTKKL.
Les Bouffes-Parisiens ont repris ces jours-ci le Pont des
soupirs, cette désopilante opérette de M. J. Offenbaeh, qui alterne
avec Forlunio et Choufleury , en attendant le Roman comique.
— Ce théâtre perd malheureusement une de ses meilleures ar-
tistes. Mlle Tautin passe aux Variétés. Un emploi de Malibran
est donc vacant sur la scène du Passage-Cboiseul. Avis aux can-
tatrices des deux mondes. En revanche, le comique Pradeau va
revenir au bercail. Cette nouvelle ne peut s'annoncer qu'avec un
éclat de rire.
L'Odéon a offert jeudi dernier à ses habitués une comédie en
trois actes de MM. Belot et Journault, intitulée les Parents ter-
ribles. C'est une esquisse un peu chargée, appartenant h l'école
réaliste. La pièce a été très-bien jouée par Pierron, Thiron, Saint-
Léon, MUes Delahavé, Debay et Berlin.
L'excellente troupe du Gymnase a été appelée cette semaine à
Compiègne, où elle a représenté les meilleures pièces de son ré-
pertoire courant.
Le public du Vaudeville a revu avec plaisir les Femmes
fortes, un Mariage de Paris, et V Amant aux Bouquets, spiri-
tuelle comédie de MM. Lurine et Raymond Dcslandes, délicieu-
sement jouée par Saint-Germain et Mlle Brindeau.
La rentrée d'Arnal vient de s'effectuer aux Variétés dans un
vaudeville en trois actes de MM. Marc Michel et Delacour : Les
Voisins de Molinchart. Le premier acte a été spécialement goûté,
les autres sont moins réussis ; mais Arnal, dans le rôle principal,
s'est montré plein de finesse et de naturel. Mlle Alphonsine,
sa partenaire, a joué le rôle d'Honorine avec cette verve et
cette originalité qui ne l'abandonnent jamais. — Une bonne nou-
velle pour ce théâtre, et que nous enregistrons avec plaisir, c'est
celle du rengagement d'Ambroise, que Favart va restituer à la
scène des Panoramas.
Le Palais-Royal ne compte pas précisément des chefs-d'œuvre
dans sa dernière fournée de pièces. La Belle-mère a des écus
(trois actes de MM. Delacour et Morand), a essuyé quelque oppo-
sition à la première soirée ; pourtant, grâce à d'intelligentes cou-
pures, la pièce s'est relevée le lendemain. Est-ce que le public du
Palais-Royal demanderait maintenant des œuvres du premier or-
dre?..Nous ne savons pas d'où lui pourrait venir cette exigence...
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHâNTEUH.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1855.
NOTICE SUR LES TRAVAUX DE MM. ERARD.
Rapport de S. Thalberg.
VI
A l'exposition universelle de Londres, en 1851, les pianos
d'Erard se trouvèrent en rivalité avec les facteurs du monde en-
tier, et principalement avec les grands facteurs anglais, dont la
fabrication et les relations ont une si grande importance. Chaque
piano fut l'objet d'un examen attentif non-seulement sous le rap-
port du volume et de la qualité du son, mais encore sous celui de
la construction et de la supériorité de l'agent qui transmet à la
corde l'impression de l'exécutant. La seule grande médaille accor-
dée à ce genre d'instruments le fut aux pianos d'Erard, et parti-
culièrement à cause du mérite de l'invention. Nous allons donner
le rapport du célèbre Thalberg, dont on n'oserait décliner la par-
faite compétence en ces matières. L'on pourra le comparer à la
mention plus que modeste que fit de cette invention le jury de
l'exposition de 1823, lors de sa première apparition officielle
dans le monde musical :
« Pour donner une idée du degré de perfection que l'on a at-
• teint de nos jours dans la construction du piano, nous décrirons
un des grands pianos de l'exposition, celui de MM. Erard.
« Cet instrument a huit pieds un quart de long et quatre pieds
et demi de large dans sa plus grande largeur. La caisse est d'une
solidité extraordinaire, si on la compare aux anciens instru-
ments. Elle est barrée en bois debout sous la table d'harmonie,
et elle a en outre un barrage métallique complet parallèle et au-
dessus du plan des cordes, composé de barres longitudinales for-
tement arc-boutées à leurs extrémités. Le côté cintré de la caisse
est formé de plusieurs pièces de bois collées ensemble dans un
moule, pour augmenter leur solidité. La table d'harmonie rem-
plit tout l'espace vide de la caisse, sauf la partie qui sert de pas-
sage aux marteaux. Les cordes sont en acier et d'un diamètre si
fort, que la tension nécessaire pour les mettre au ton produit un
tirage égal à un poids de douze tonnes. Elles traversent des sil-
lets ou agrafes vissées dans une barre de métal. Ces sillets don-
nent à la corde un support tel qu'il empêche son déplacement,
quelle que soit la force du coup de marteau qui la met en vibra-
tion. Les cordes sont montées sur l'instrument d'après un système
appuyé sur des expériences acoustiques et de manière à ce qu'elles
soient frappées par le marteau au point précis pour produire le
son le plus pur. L'étendue du clavier est de sept octaves du la au
la. La mécanique de ce piano est décrite par le docteur Lardner,
dans un ouvrage publié sur la mécanique, comme un magnifique
exemple de levier complexe qui unit la touche au marteau. L'ob-
jet de ce mécanisme est de faire passer du point où le doigt agit
sur la touche, au point où le marteau agit sur la corde, une déli-
catesse de toucher telle que le piano participe jusqu'à un certain
point de la sensibilité de toucher que l'on remarque dans la har-
pe, et qui est la conséquence de l'action immédiate du doigt sur
la corde de cet instrument, sans l'intermédiaire d'un autre mé-
canisme. La puissance de cet instrument dépend de la quantité
de matière mise en vibration ; la qualité de celte vibration dé-
pend de l'harmonie mathématique de toutes ses parties, et la
pureté du son de la nature du barrage, de la longueur des cordes
el de leur disposition relativement au coup de marteau. Or,
toutes ces différentes parties s'harmonisent avec un art admi-
rable.
« Par son ingénuité, le mécanisme surpasse tont' ce qui a été
fait ou essayé en ce genre. 11 permet à l'exécutant de communi-
quer aux cordes tout ce que la main la plus habile et la plus déli-
cate peut exprimer. Il traduit toutes les nuances du sentiment,
en passant des sons les plus puissants aux plus doux et aux plus
délicats.
« Ce mécanisme est si parfait, surtout dans. l'expression de ré-
pétition délicate, que si l'exécutant manque une noie, c'est par
sa faute et non par celle de l'instrument. Beaucoup de gens s'i-
maginent que la puissance d'expression du piano est bornée ;
c'est à tort, car il possède tous les éléments d'expression qui dis-
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
397
tinguent les autres instruments, et il en a plusieurs qui lui sont
particuliers. Selon la manière dont ou attaque la touche, ou dont
on se sert des pédales, on peut produire des effets bien différents,
surtout avec un instrument comme celui que nous venons de
décrire, qui réunit à des sons puissants et riches d'harmonie un
mécanisme aussi favorable pour en tirer parti. »
S. TnALBEBG.
Par l'exposé ci-dessus, l'on voit que MM. Erard ont porté suc-
cessivement leur attention sur toutes les parties fondamentales du
piano, jusqu'à ce qu'ils en eussent fait un instrument parfait et
pouvant se plier aux exigences des compositions les plus difficiles.
Aussi leurs pianos à queue du nouveau principe sont-ils adop-
tés depuis longtemps et dans tous les pays par les pianistes les
plus éminents.
S. M. l'empereur daigna récompenser le triomphe obtenu par
M. Erard à Londres en le nommant officier de la Légion d'hon-
neur. C'est alors que la pensée lui vint de reconstruire l'orgue de
Sébastien Erard et de lui rendre la place qu'il occupait en 1830.
Il s'adressa en 1853 à S. M. l'empereur pour obtenir l'autorisa-
tion d'entreprendre ce travail. Elle lui fut gracieusement accor-
dée, et le 14 juin 1854, ce travail immense était terminé, et
M. Erard en donnait avis par lettre à Son Excellence M. le mi-
nistre d'Etat, en lui demandant la permission de faire porter
l'orgue aux Tuileries pour sa mise en harmonie et la pose de la
soufflerie, deux opérations qui ne peuvent être faites que sur
l'emplacement définitif de l'orgue.
En s'occupant de la reconstruction de l'orgue de son oncle,
Pierre Erard préparait les instruments qu'il se proposait de pré-
senter à l'exposition universelle française qui allait s'ouvrir. Il
avait adopté la forme et les dessins d'un piano à queue Pompa-
dour, dont la richesse devait frapper tous les yeux (1). Il avait
également deux magnifiques pianos obliques, l'un orné dans le
style sévère de Louis XIII, et l'autre dans le genre plus coquet
de Louis XV. Ayant mérité et obtenu toutes les distinctions et
récompenses qui peuvent honorer l'artiste habile et le manufac-
turier heureux, son seul but, en préparant une aussi riche et
aussi coûteuse exposition, était de témoigner à S. M., de la seule
manière qui fût en son pouvoir (c'est-à-dire en contribuant dans
la mesure de ses forces et de son zèle à l'éclat d'une solennité
dont Elle était le promoteur), toute la reconnaissance qu'il lui
devait pour les distinctions dont il avait été comblé. Mais, hélas!
la Providence ne lui permit pas de jouir de l'effet que cette bril-
lante exposition devait produire. — Cette activité incessante, cet
esprit constamment tendu vers de nouveaux objets, devaient finir
par triompher de sa bonne constitution. Il mourut après une
longue maladie, le 16 août 1855, dans sa maison de la Muette.
Plus heureux que son oncle, il laissa ses établissements de Paris
et de Londres au plus haut point de prospérité.
(1) Mme Erard a offert cet instrument à S. A. I. le prince Napoléon pour
le soulagement de l'armée d'Orient. Sa lettre était conçue en ces ternies:
A S. A. I. LE PBINCE NAPOLÉON.
« Monseigneur,
« Pour contribuer au soulagement de l'armée d'Orient, je viens vous
prier de vouloir bien accepter le piano à queue style Louis XIV, orné de
peintures et de bronzes dorés, qui figure à mon exposition dans la nef.
Quelque beau que soit cet instrument, la dernière pensée de mon mari, je
regrette, Monseigneur, qu'il ne le soit pas davantage pour une si noble des-
tination. »
Au milieu de tous ses succès, Pierre Erard ne montra jamais
le moindre orgueil. Plein de reconnaissance pour le parent dont le
génie inventeur les avait préparés, c'était à lui qu'il en reportait
tout le mérite. Il ne se réservait que la part modeste d'avoir su
l'aire apprécier les découvertes de ce génie si fécond.
Il était extrêmement obligeant. Aimant les arts et les artistes,
il saisissait toutes les occasions de leur être utile. En cela il obéis-
sait autant à ses instincts généreux qu'aux traditions de sa famille.
Il avait un caractère loyal et sûr que l'on appréciait d'autant
mieux que l'on pénétrait davantage dans son intimité. La bonté
de son caractère peut être constatée par ce seul fait, que, parmi le
nombreux personnel de ses établissements de Londres et de Paris,
un grand nombre d'ouvriers y sont depuis leur enfance, après
avoir succédé à leurs parents.
C'est à sa veuve , dépositaire de ses pensées d'avenir, que
Pierre Erard a laissé ses établissements de' Paris et de Londres.
Aidée des conseils éclairés de M. Scheffer, son beau-frère,
et du concours d'un persounel intelligent et dévoué, Mme Erard
saura remplir religieusement les intentions de son mari, et elle
espère que ses efforts, couronnés de succès, lui permettront de
remettre intact à son successeur le précieux dépôt qui lui a été
confié.
FIN
FÈÏE PATRONALE DE SAINT-EUSIACHE.
MESSE EN MUSIQUE DE NI. F. BENOIST
Dimanche dernier, l'église Saint-Eustache célébrait la fête du
saint dont elle porte le nom, et c'était pour elle l'occasion de
déployer ces grandes pompes dont le culte catholique est si
riche. Où trouver un spectacle plus grandiose et plus saisissant?
Monseigneur l'évèque d'Ajaccio officiait en personne; la nef de
cette superbe église s'était parée des rayons d'or du soleil; les
vitraux resplendissaient; le clergé avait revêtu ses plus beaux
ornements, et la musique, dont les accents se prêtent si bien à
la sublimité religieuse, avait été conviée à apporter sa part
dans l'offrande générale qui s'adressait au ciel.
Saint Eustache, le héros de cette fête, n'avait pas seulement
les vertus chrétiennes qui le firent canoniser ; c'était un grand
capitaine, et l'un des soutiens de cette Rome chancelante des pre-
miers siècles de Jésus-Christ. Aussi la prose particulière à ce jour,
tout en racontant le glorieux martyre du grand saint, porte-t-elle
un cachet d'audace et de virtualité qui n'est. pas ordinaire; on
dirait la messe au camp. Rien de beau comme cette prose se
répondant de toute part, au grand chœur, en solo, à l'orches-
tre, au grand orgue.
La messe en musique exécutée à grand orchestre était de
M. F. Benoist. Jusqu'ici je n'avais rien entendu de ce maître,
et j'ai été heureux de faire avec ses œuvres une connaissance
aussi bien commencée. En revanche, nous connaissions l'homme
et le tenions en grande estime. M. Benoist professe depuis
longtemps au Conservatoire l'orgue, conséquemment le contre-
point, la fugue et l'improvisation. Dans celte haute position ar-
tistique, il a vu passer sous sa direction la plupart de nos com-
positeurs modernes, et son influence, toujours aussi élevée que
sage et correcte, a dû nécessairement avoir un grands poids sur
398
LE MÉNESTREL.
la jeune école française de composition. D'une modestie à toute
épreuve, consacrant à former des élèves un temps que l'arl
aurait pu lui réclamer pour s'enrichir de ses propres travaux,
M. Benoist n'a demandé que de loin en loin la consécration du
public, se contentant de l'estime générale des artistes et de l'ab-
négation paternelle du rôle de professeur. Cependant l'œuvre
que nous avons entendue dimanche dernier renferme toutes les
qualités d'un maître. Élévation de style, grandeur de forme,
orchestration bien entendue, tout s'y trouve, et la mélodie reli-
gieuse, si belle quand elle arrive à l'inspiration soutenue, n'y
fait jamais défaut. Un Gloria vigoureusement conçu, un char-
mant 0 salutaris et un Kyrie eleison d'un grand effet, telles
sont les parties saillantes d'une œuvre que nous aimerions à
réentendre souvent pour l'apprécier mieux encore.
Sous la direction de M. Hurand, maître de chapelle, l'exécu-
tion a été fort bonne, et M. Ed. Batiste a, comme toujours,
tenu le grand orgue avec la supériorité que réclame ce magni-
fique instrument, l'un des plus beaux que nous possédions.
Paul Bernard.
MmcDMZ-VANDENHElJVEL
AU THEATRE-ROYAL D'ANVERS
« Nous concevons que cette tendre Lucie ait tenté le gracieux
talent de Mmc Vanden Heuvel-Duprez, et que cet opéra ait été
l'un des premiers dans lesquels elle ait voulu paraître lorsqu'elle
aborda la carrière théâtrale.
« Fille de l'un des plus remarquables chanteurs de notre temps,
dont elle a de bonne heure appris les secrets de l'art auquel
elle se consacrait, Mlle Caroline Duprez était bien jeune encore
lorsqu'elle débuta en 1850 dans la Sonnambula. Bientôt après
elle abordait cette Lucie que son père avait créée à Naples en
1835 avec Mme Persiani; puis elle passait au Théâtre-Lyrique,
où elle jouait Joanita, opéra de son père, qui n'eut qu'un suc-
cès passager. Entrée ensuite à l'Opéra- Comique elle y créa
Marco Spada et Jenny Bell, deux œuvres d'Auber, Valentinc
d'Aubigny, page langoureuse et faible, quoique délicate, de
Halévy, et surtout le rôle de Catherine de l'Etoile du Nord,
qui est sa seule création considérable, les autres ayant suc-
cessivement disparu du répertoire.
« C'est dans cet opéra que Bruxelles l'applaudit au théâtre du
Cirque, peu après l'incendie du théâtre de la Monnaie, et depuis
lors le grand succès de M1Ie Duprez, devenue Mme Yanden Heu-
vel, a été le rôle de- la comtesse dans les Noces de Figaro, repri-
ses d'une manière si brillante auThéâlre-Lyrique avec M"K'S Mio-
lan-Carvalho et Ugaldo.
« On le voit, Mme Yanden Heuvel a abordé divers genres, mais
c'est spécialement dans les rôles tendres et un peu vaporeux que
son talent a trouvé son véritable développement.
« Mme Vanden Heuvel est une des rares cantatrices qui aient
du style. Sa voix a un caractère d'exquise délicatesse et une
pureté cristalline. Avec un volume limité et auquel on ne devrait
pas demander des effets puissants, elle arrive cependant à une
force d'expression qui étonne et ravit à la fois. Le sentiment
dramatique est profond chez cette jeune et intéressante artiste.
Sous cette gracieuse et frêle enveloppe se cache une passion con-
tenue, et elle possède à un haut degré l'art d'émouvoir l'audi.
teur, parce que l'on sent qu'elle est émue elle-même et que ce
sont des accents véritables qui s'échappent de sou cœur. Elle
s'assimille avec un rare bonheur ce rôle charmant de la chaste
Lucie, et l'on dirait qu'il a été créé pour elle et pour mettre en
relief toutes les qualités délicates qu'elle doit à sa nature d'élite
et à la simplicité des moyens qu'elle emprunte à son art.
« Combien on sent l'influence puissante d'un grand maître dans
tous les détails d'exécution et quel goût parfait on retrouve dans
cette manière de phraser, dans ces traits corrects et gracieux,
dans cette diction distinguée, qui dénotent de suite l'artiste du
premier rang.
« Le finale du second acte a enlevé tous les applaudissements.
Avec quel accent déchirant Lucie a prononcé ce oui fatal qui va
briser sa vie, et combien l'on suit, sur celle physionomie mobile
et intelligente, toutes les angoisses d'une âme brisée !
« Le public paraissait si charmé de rencontrer un aussi fin
joyau, qu'il ne se lassait pas d'applaudir et de rappeler. L'as-
semblée était nombreuse et avait voulu prouver que ce n'est
pas en vain qu'on convie le public anversois à ce qui est vraiment
beau. Aussi pendant tout le temps que Mmo Vanden Heuvel
était en scène, on respirait dans la salle une atmosphère sereine,
à laquelle, hélas l' nous ne sommes plus guère habitués.
« On a naturellement demandé à grands cris une seconde repré-
sentation à la charmante artiste, qui s'y est prêtée avec le plus
gracieux empressement. Ce soir, le Barbier: la mutine et coquette
Rosine d'abord, avec l'air àesVêpres siciliennes à la leçon de mu-
sique, puis enfin la scène de folie de Lucie, qui restera du reste
son triomphe, et qui doit être, nous en sommes convaincu,
l'objet de ses plus vives et de ses plus intimes prédilections. »
Lionel.
(Le Précurseur d'Anvers.)
NOUVELLES DIVERSES.
— Les correspondances de Saint-Pétersbourg nous parlent des succès
éclatants qu'obtiennent, au Grand-Théâtre, MM. Tamberlirk, Graziani et
MmG Lagrua. — Les chanteurs italiens recrutés par Tamberlick pour Mos-
cou, paraissent être également fort goûtés du public de cette ville. M. et
M"11' Gassier, M. Frizzi, dit-on, sont particulièrement fêtés.
— Les lettres de Russie nous parlent aussi de Mlle Stella Colas. Le Roman
d'un jeune homme pauvre lui a mérité jusqu'à quatorze rappels successifs.
— Ou nous écrit de Berlin, 30 octobre: « Hier au soir, Ml,° Barbara
Marchisio a obtenu un nouveau succès dans la Cenerentola. Le rondo final
surtout, lui a valu d'enthousiastes bravos. — Les soeurs Marchisio ont
chanté à deux concerts à la cour. On a particulièrement fêté leurs duos de
Semiramide et de Mathilde de Shabran. Le roi et la reine leur ont donné
toutes les marques de leur haute satisfaction. »
— Les représentations de la troupe Lorini ont commencé au Théâtre-
Victoria de Berlin, le 1er novembre. Mmes Artot, Cordier et le baryton
Merli, font partie du personnel. On parle aussi des débuts (dans un Ballo
in maschera) , d'une élève de Roger , Mllu Maria Majo.
— A propos de l'opéra posthume de François Schubert , la Gurrre do-
mestique, ou les Conspirateurs, représenté à Vienne, les Signale nous ap-
prennent que le défunt compositeur a laissé quatorze opéras. La feuille de
Leipzick donne les titres de ces ouvrages en exprimant le vœu qu'ils soient
sauvés de l'oubli.
— Les correspondances de Vienne disent que cent trente concerts sont
déjà annonces dans cette ville pour la saison d'hiver.— Nous ne savons pas
-encore le chiffre de ceux que la saison de Paris nous lient on perspective ;
on ne l'annonce pas, de peur de nous effrayer.
NOUVFXLES ET ANNONCES.
.'199
— Noire pianiste-compositeur William Kruger à donné, le 30 octobre,
à Suttgardt, sa ville natale, un fort intéressant concert, auquel assistait la
cour. Le bénéficiaire a récolté les bravos auxquels il est habitué. Son
frère, l'habile harpiste, s'y est fait entendre également ; la Danse des Syl-
phes, de Godefroid, lui a valu de vifs applaudissements. Quelques jours
avant ce concert, M. Kruger avait été appelé chez le prince royal, à une
soirée intime dont il a fait tous les frais. — Cet excellent pianiste est de re-
tour à Paris.
— Mme Borghi-Mamo, actuellement à Florence, vient d'être engagée au
Théâtre-Royal de Turin pour la saison prochaine.
— A Londres on va inaugurer un nouveau théâtre : The new Rotjaltij
Theater. Son répertoire se composera d'opérettes anglaises, de drames et
de pièces bouffonnes. Ce sera donc une concurrence à la scène de Drury-
Lane.
— Au Royal-English-Opéra, c'est le Ruy-Blas d'Howard Glover qui a
servi de pièce d'ouverture. L'opéra nouveau est monté avec splendeur. Le
compositeur a été rappelé ; même ovation aux principaux artistes.
— Comme nous l'avions annoncé, Mme Cinti-Damoreau est définitive-
ment réinstallée à Paris. C'est sous son patronage, et avec ses précieux
conseils que sa fille, Mme Wekerlin-Damoreau, va continuer rue Laval, 22,
les cours et leçons de chant qui portèrent si haut l'école Damoreau
dans ces dernières années. Cette méthode, si pure et de si bon goût, arrive
à propos pour combattre les exagérations vocales du jour. Nos jeunes fem-
mes du monde surtout y trouveront une salutaire protestation contre les
tristes enseignements du théâtre moderne. On sait que Mme Wekerlin-
Damoreau, comme sa mère, sait joindre l'exemple au précepte, et qu'elle
a hérité en droite ligne de tous les trésors d'une méthode que l'on a qua-
lifiée incomparable, et à juste titre.
— On assure que MUo Caroline Ferni renonce au violon pour se vouer à
l'étude du chant dramatique. Elle possède, dit-on, une fort belle voix de
mezzo-soprano ; on ajoute même qu'elle sera bientôt en mesure de débu-
ter sur l'une de nos scènes lyriques. — Une pareille transformation pourrait
bien s'opérer chez la jeune Maria Boulay, dont la voix paraît devoir se dé-
velopper aussi d'une manière miraculeuse.
— L'entreprise de M. Pasdeloup est décidemment une des plus heureu-
ses qu'on ait vu éclore dans le cours de ces dernières années. Tout an-
nonce que les Concerts populaires de musique classique sont nés viables
et destinés à de féconds résultats. Même affluence dimanche dernier qu'à la
séance du 27. La vaste enceinte du cirque était comble, et la foule se pres-
sait jusqu'aux derniers gradins. Même enthousiasme pour tous les numéros
du programme , même ovation pour l'armée instrumentale et son digne
chef. L'ouverture de la Flàle enchantée, de Mozart, et la symphonie en ut
mineur de Beethoven ont recueilli les premiers honneurs, et c'était justice.
Le violoncelliste Léon Jacquard a été parfaitement accueilli, bien que son
morceau ne fût pas approprié à cette vaste salle ; mais le grand succès de
la matinée appartient à l'Invitation à la valse, de Weber, orchestrée par
Berlioz. Ce chef-d'œuvre, enlevé avec une vigueur, un ensemble des plus
remarquables, a été unanimement redemandé. Enfin, l'ouverture de Guil-
laume Tell terminait splendidement la séance. M. Pasdeloup a été rappelé.
— Le 29 du mois dernier, la salle de concerts d'Adolphe Sax, rue Saint-
Georges, réunissait un publjc d'élite, appelé à entendre l'excellent orchestre
de la garde de Paris, sous la direction de son habile chef, M. Paulus. Six
morceaux ont défrayé celte intéressante séance. On a surtout remarqué un
andante et un scherzo d'Haydn, parfaitement instrumentés par M.' Emile
Jonas, professeur au Conservatoire. M. Mori, le sous-chef, s'est tout à fait
distingué dans la partie de saxhorn du Carnaval de Venise. M. Paulus a
reçu à plusieurs reprises les félicitations de l'auditoire, dans lequel on
comptait MM. le général Mellinet, Berlioz , Ambroise Thomas, Georges
Kastner, Léon Kreutzer et Lassabathie, administrateur du Conservatoire.
— Mme Ugalde qui est, on le sait, aussi excellent professeur que grande
artiste, vient de rouvrir ses salons à ses élèves. Nous croyons rendre
service aussi bien aux jeunes personnes du. monde qu'à celles qui se des-
tinent au théâtre, en leur faisant part de cette bonne nouvelle.
J.-L. Heugel, directeur
J. Lovy, rédacteuren chef.
Typ. Chark-s île Mourgnes fie
rue Jean-Jacqucslto
Pour paraître le 1er décembre 1861 (39me AMjIÉE).
PRIMES- I862- DÛ MÉNESTREL
qui seront remises nu envoyées franco à chaque abonné , sur renouvellement de l'abonnement d'un an, à compter du 1er décembre prochain. Pour la province,
écrire franco à MM. HEUGEL. et Cc, éditeurs du Ménestrel, en accompagnant chaque demande d'un BON sur la poste avec supplément d'un franc
pour affranchissement des primes.
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lre SEME. EDITION
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2. Tre Giorni Pebgolèse.
3. Adélaïde Beethoven
4. Air d'église du célèbre chanteur Straoella.
5. Laerymosa et les Noces de Figaro Mozart.
6. Duetto de Zelmira Rossini.
[m S:; s. T
SIMPLIFIÉE PAR CH. CZERNY 2e SÉRIE.
7. Bella adorata Mercaoente.
8. Le Meunier et le Torrent F. Schubert.
9. Il mio tesoro de Don Juan Mozart.
10. Chœur des Conjurés du Crociuto Meyerbeer.
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Quarante-deux exercices et mélodies-types sur les difficultés de l'art du chant ; trente exercices mélodiques sur les broderies, fioritures, traits et formules
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(Avec le libretto de MM. Hector Crémieux et Ludovic Halévï )
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(voir ci-contre) CHANSONS DE GUSTAVE NADAUD W* «>-«»■«)
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et Rossini 1860). et les dessins représentant les principales scènes de l'ouvrage ; 2° pour l'abonnement simple, Piano ou Chant, par la partition complète des
Saisons, de J.Haydn, traducliou française de G. Roger, seule édition conforme à l'exécution des concerts du Conservatoire, et ornée du portrait de l'auteur.
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1 Vieille histoire.
2 L'inconnu.
3 L'automne.
4 Une fée.
5 Trompette.
21 Le quartier latin.
22 Les dieux.
23 Le vieux tilleul.
24 Le cliâteau et la chaumière.
25 La ligue des maris.
41 Les pauvres d'esprit.
42 Est-ce tout?
43 La Kermesse.
44 La meunière et le moulin.
45 May.
61 Le voyage aérien.
62 Rose-Claire-Marie.
63 Mon héritage.
64 Paris.
65 Jaloux, jaloux.
81 La forêt.
82 Lanlaire.
83 Pêcheur silencieux.
84 L'aveu.
85 Des bêtises.
101 Les heureux voyageurs.
102 L'aimable voleur.
103 La vie moderne.
104 Le pot de vin.
105 La vigne vendangée.
121 L'histoire de mon chien.
122 Libre ! stances à l'Italie.
123 Bernique.
124 Nuit d'été.
125 Mon oncle Gaspard.
1 Les amants d'Adèle.
2 Le souper de Manon.
3 Satan marié.
4 Toinette et Toinon.
5 Ursule.
6 Les gros mots.
7 Quille à quitte.
8 Le coucher.
6 Voilà pourquoi je suis garçon
7 Les mois.
8 Un propriétaire.
9 Le melon.
10 Je pêche à la ligne.
26 Bonhomme.
27 La ballade au moulin.
28 Perrette et le sorcier.
29 Les cerises de Montmorency.
30 Je n'aime pas.
46 La solution.
47 Pastorale.
48 Fantaisie.
49 Je grelotte.
50 Jean qui pleure et Jean qui rit
66 Mes mémoires.
67 L'été de la Saint-Martin.
68 La bayadère voilée.
69 Le jardin deTéhadja.
70 Souvenirs de voyage.
86 Le fou Guilleau.
87 La nacelle.
88 Père capucin.
89 La pluie.
90 Les plaintes de Glycère.
106 Le cigare.
107 Les lamentations ;d'un réverbère
108 La confidence.
109 Les pêcheuses du Loiret.
110 La chanson de gros Pierre.
126 L'attente,
127 L'oubli.
128 Le roi boiteux.
129 L'improvisateur de Sorrente
130 Les côtes d'Angleterre.
VOLUME.
11 Au coin du feu.
12 Les grands-pères.
l.t Les rats.
14 Je m'embête.
15 Ma femme n'est pas là.
S" VOLUME.
31 Rêves et réalités.
32 Les étrennes de Julie.
33 M. Bourgeois.
34 Louise.
35 Le docteur Grégoire.
3e VOLUME.
51 Les écus.
52 Pierrette et Pierrot.
53 Le phalanstère.
54 Les impôts.
55 Les réformes.
-5e VOLUME.
71 Insomnie.
72 La vieille servante.
73 II faut aimer.
74 Ma philosophie.
75 Les deux notaires.
Se VOLUME.
91 Le vieux télégraphe.
92 Ma sœur.
93 Les ruines.
94 La mère Godichon.
95 M. de la Chance.
VOLUME.
111 Le puits de Ponlkerlo.
112 Les projets de jeunesse.
113 Le sultan.
114 La cuisine du château,
115 Chanson napolitaine.
7e VOLUME.
131 A propos d'annexion.
132 M'aimez-vous ?
133 Le mandarin.
134 Elle.
135 Une histoire de voleur.
a
16 Je ris.
17 Nous sommes gris.
18 Ivresse.
19 Aujourd'hui et demain.
20 Chauvin.
'36 Chut.
37 Les hommes utiles.
38 Le Champagne.
39 Le carnaval à l'assemblée.
40 Beauté.
56 Le message.
57 Pandore.
58 L'histoire du mendiant.
59 La valse des adieux.
60 La première maîtresse.
76 Le bonsoir.
77 La petite ville.
78 Le chevalier à boire.
79 Flora cruelle.
80 Cheval et cavalier.
96 Ma voisine
97 Le vallon de la jeunesse.
98 La fille de l'amour.
99 Lettre d'un étudiant à une étudiante.
100 Réponse de l'étudiante à l'étudiant.
116 La bûche de Noël.
117 Macadam.
118 Le pays natal.
119 La lecture du roman.
120 Le nid abandonné.
136 La promenade.
137 La bruyère.
138 La ferme de Beauvoir.
139 Le vent qui pleure.
140 Florimond l'enjôleur.
COLLECTION DES 30 CHANSONS LEGERES
9 Les boutons.
10 Auguste, étudiant de 10e année.
11 Boisenlier.
12 La gaîté française,
13 Les poissons.
14 La chanson de trente ans.
15 Adèle.
16 La lorette.
17 La lorette du lendemain.
18 La chaumière.
19 Les reines de Mabille.
20 Palinodie.
21 Les confessions.
22 Les deux.
23 Mes enfants.
24 Madeleine.
23 Les plaisirs sont trop courts
26 Un mari malheureux.
27 Thérèse.
28 Le lion d'or.
29 Le dix-cors.
30 La toilette.
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792. — 28e Aimée.
i\« si.
TABLETTES
DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche il Novembre
1861.
3~»>ï.S-S>
JOURNAL
J.-L. HEUGEL,
Directeur.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact' en chef.
(\u\ lli
LES BUREAUX , S bis, rue Vi vienne. — HEUGEL, et C'% éditeurs.
gasina et Abonnement <le M«i*>i«|iie du Hl \ISIIUI, — Tente et locntion «le Pianos et Orgues.)
CHANT.
Ier Mode d'abonnement : Jonrnul-Testc, tous les dimanches; in îflorcen
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un bon sur la poste, à MM. Illt|ir.l!l, et (;>e, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, % bis, rue Vivienne.
Typ.CharlesileMourgues frères, ( Teste seul : 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. )
3e Mode d' ationnement r
: Jean-Jacques Rousseau , 8. — 6812
SOMMAIIIE.
TEXTE.
I. Quatrième Lettre d'un bibliophile musicien. J. d'Ortigce. — II. Semaine théâ-
trale : Guillaume Tell, M. Dulaurens ; reprise de Jaç/uarita. J. Lovï. — Ta-
blettes du pianiste et au chanteur: Deux lettres de Mendei.ssohn-Barthoi.dy.
— IV. Variétés : Une vente d'Autographes. A. Dureau. — V. Nouvelles et An-
nonces.
■MUSIQUE DE PIANO :
Nos a bonnes à la musique de Piano recevront avec le numéro de ce jour:
La FÉE DU «AI.
polka-mazurka d'ED. Viénot. — Suivra immédiatement après : Les
transcriptions, pour piano seul, par Paul Bernard, de la belle marche
religieuse et des couplets avec chœur dansé de VAlceste de Gluck.
CHANT :
Nous publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Chant:
JEANNE D'ARC
poésie des Messéniennes, de Casimir Deéavigne, musique de Mme la vi-
comtesse de Grandval. — Suivra immédiaiemeniaprés : La Voix des
montagnes, 9mo Tyrolienne de J.-B. Wëkerlin, paroles de M. Paul Juil-
LERAT.
AVIS A NOS ABONNÉS
Dimanche prochain le Ménestrel publiera le premier chapitre
des Mémoires historiques d'un musicien sur CHERUBINI, sa vie,
ses travaux, et leur influence sur l'art, par M. Dieudonné
Denne-Baron. Nous commencerons aussi prochainement, pour
faire suite aux intéressantes études de Beethoven et F. Chopin,
une nouvelle notice de M. H. Barbedette, sur WEBER et ses
immortelles œuvres; enfin nous annonçons dès aujourd'hui (voir
aux annonces 7e et 8e pages) , les
Primes du Ménestrel
(année 1861-1862), destinées à nos abonnés. Ces primes leur
seront remises à partir du 1er décembre prochain, et seront sui-
vies, comme l'an dernier, de la publication, en morceaux déta-
chés, chaque dimanche, des recueils de Chant et Piano consacrés
par nos meilleurs compositeurs au journal le Ménestrel.
LETTRES D UN BIBLIOPHILE MUSICIEN
A M. LE DIRECTEUR DU MÉNESTREL.
UNE LETTRE DE GLUCK. — RÉPONSE A UNE RECTIFICATION.
Mon cher directeur.
Vous savez que je suis perdu dans les rochers et dans les bois
à plus de huit cents kilomètres de Paris, et qu'il n'y a guère que
le Ménestrel qui me mette en communication avec le monde ci-
vilisé. Notre aimable confrère J. Lovy m'apprenait hier que des
Irains spéciaux s'organisent pour que les amateurs des départe-
ments puissent entendre VAlceste , comme jadis certaines villes
s'inscrivaient pour les représentations des Noces de Figaro et
d'Orphée, au Théâtre-Lyrique. Je ne veux pas être un des der-
niers ; comptez [donc sur ma prochaine arrivée. En attendant,
je crois vous faire plaisir en vous envoyant la copie exacte d'une
lettre que Gluck écrivait en 1777 , un an après VAlceste , à
V Anonyme de Vaugirard, pour le prier de le défendre contre
certains lettrés ses ennemis. Je crois être bien assuré que cette
lettre a été omise par l'auteur de l'intéressante étude sur Gluck,
que vous avez publiée il y a deux ou trois ans. La voici :
« Monsieur,
« Lorsque j'ai considéré la musique, non pas seulement comme
l'art d'amuser l'ouïe, mais comme un des plus grands moyens
d'émouvoir le cœur et d'exciter les affections, et qu'en consé-
quence j'ai pris une nouvelle méthode, je me suis occupé de la
scène, j'ai cherché la grande et forte expression, et j'ai voulu
surtout que toutes les parties de mes ouvrages fussent liées entre
elles. J'ai vu contre moi d'abord les chanteurs, les cantatrices et
un grand nombre de professeurs ; mais tous les gens d'esprit et
402
LE MÉNESTREL.
de lettres, d'Allemagne et d'Italie sans exception, m'en ont bien
dédommagé par les éloges et les marques d'estime qu'ils m'ont
donnés. Il n'en est pas la même chose en France. S'il y a des
gens de lettres dont, à la vérité, le suffrage devrait bien me con-
soler de la perte des autres, il y en a beaucoup aussi qui se sont
déclarés contre moi.
« Il y aappareneeque ces messieurs sont plus heureux lorsqu'ils
écrivent sur d'autres matières; car si je dois juger par l'accueil
que le public a eu la bonté de faire à mes ouvrages , ce public
ne tient pas un grand compte de leurs phrases et de leur opinion.
Mais que pensez-vous, monsieur, de la nouvelle sortie qu'un
d'eux, M. de la Harpe, vient de faire contre moi ? C'est un plai-
sant docteur que ce M. de la Harpe. 11 parle de la musique de
manière à faire hausser les épaules à tous les enfants de chœur
de l'Europe, et il dit : je veux, et il dit : ma doctrine.
<c Et pucri nasum rhinonronlis habent,
« Est-ce que vous ne lui dites pas un petit mot, monsieur,
vous qui m'avez défendu contre lui avec un avantage si grand ?
Ah ! je vous prie, si ma musique vous a fait quelque plaisir,
mettez-moi en état de prouver à mes amis connaisseurs en Alle-
magne et en Italie, que, parmi les gens de lettres en France, il
y en a qui, en parlant des arts, savent du moins ce qu'ils disent.
« J'ai l'honneur d'être, avec une grande estime et reconnais-
sance, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Le chevalier GLUCK. «
Cette lettre est toul-à-fait de circonstance, comme vous voyez.
Vous n'ignorez pas que ['anonyme de Vaugirard n'était autre
que Suard. Suard répondit à cette lettre. Un jour peut-être je
vous donnerai quelques extraits de sa réponse.
Maintenant, un petit bout de polémique, et avec le Ménestrel
encore !
M. A. Bureau s'étant.dans le Ménestrel du 27 octobre, don-
né la peine' de rectifier ce que j'avais dit touchant l'origine du
serpent des églises que, d'après une assertion de l'abbé Lebeuf,
j'avais fait remonter environ h l'an 1605, voici, mon cher direc-
teur, ce que j'ai à répondre à mon nouveau correspondant. Et
d'abord, je suis tout disposé à admettre la rectification qu'il me
propose. J'avais cité un mémoire de l'abbé Lebeuf, inséré dans
le Mercure de 1725 ; M. Dureau m'oppose un texte du même
abbé Lebeuf, tiré de ses Mémoires relatifs à l'histoire
d'Auxerre, publiés en 1743 (je prends cette date telle que la
donne M. Dureau). Que s'ensuit-il? il s'en suit que je ne con-
naissais, relativement au serpent, que l'opinion qu'avait l'abbé
Lebeuf en 1725, et non celle qu'il a eue en 1743. Je remercie
M. A. Dureau d'avoir déterré un renseignement qui ajoute en-
viron quinze ans de plus à l'âge déjà vénérable du serpent des
paroisses.
Mais, mon cher directeur, n'y a-t-il pas ici, quelque confusion
dans les termes? M. Dureau prétend que Lebeuf a donné ce der-
nier renseignement d'après Laborde, et que le P. Mersenne, lou-
jours d'après Laborde, a également parlé du serpent probable-
ment dans son harmonie universelle. Ce probablement indi-
que que M. Dureau n'est pas bien sûr de son fait. Quant à moi,
au moment où je vous écris , je ne suis pas non plus en me-
sure de contrôler les assertions de mon honorable contradicteur.
Je 'ne puis ni vérifier le texte de l'abbé Lebeuf, ni consulter le
P. Mersenne et Laborde. Je crois pouitant que lorsqu'on ci:e
Lab .nie, on entend le Laborde, ou pour micus dire le La Borde,
auteur d'un Essai sur la musique, en 4 vol. in-4°, publié, si je
ne me trompe, en 1780. Bien que cet ouvrage soit plus que su-
perficiel et soit très peu estimé des savants, il est cependant fort
connu, a cause de la vogue dont il a joui alors que les connais-
sances musicales étaient peu avancées.
Or, il faut de toute nécessité qu'il y ait un autre La Borde,
un Laborde qui m'est inconnu, mais que M. Dureau connaît cer-
tainement, et qu'il aurait bien dû désigner par son prénom, ou
par toute autre qualification, car, comment supposer que le fu-
tur historien des divers instruments de lamusique française, eu-
ropéenne, et cœtera, ait prétendu que Lebeuf, écrivant en 1743,
s'est appuyé sur une opinion de Laborde qui écrivait en 1780,
et, ce qui est mieux encore, que le P. Mersenne qui donnait en
1636 son grand in-folio sur l'Harmonie universelle ait invoqué
le témoignage d'un écrivain qui se révélait au monde cent qua-
rante-trois ans après lui ?
Voilà une lettre bien courte, mon cher directeur, vos lecteurs
ne s'en plaindront pas, ni vous non plus. N'attribuez pourtant le
mérite de cette omission qu'aux préparatifs de mou prochain
départ.
J. d'Outigue.
SEMAINE THEATRALE.
Guillaume Tell. — M. Dulaurens.
Après M. Faure, Guillaume Tell a servi de début ou plutôt
de rentrée à M. Dulaurens. Ce ténor avait fait acte d'apparition,
cet été, dans Guillaume Tell et Robert. C'est sur les justes espé-
rances données par cette tentative que I'Opéra s'est décidé à en-
gager M. Dulaurens d'une manière définitive. Cet engagement ne
s'est point réalisé sans peine, car le théâtre de Strasbourg reven-
diquait son ténor favori. Un ordre ministériel avait même fait
abandonner ou tout au moins ajourner ce projet. Mais la Banque
deFrance s'est chargée de reprendre et terminer 1rs négociations
pendantes : vingt billets, à l'estampille de mille francs l'un, ont
soldé le dédit fixé par acte, et M. Dulaurens a cru pouvoir re-
prendre sa liberté en Alsace, dans le but de rapatrier Paris, où
déjà nous l'avions vu et suivi des bancs du Conservatoire au
Théâtre-Lyrique. Strasbourg n'en a pas moins protesté; le tribu-
nal de commerce a été saisi; mais la caution réalisée des vingt
mille francs se chargera de répondre. — Passons donc et arri-
vons à la barre du public parisien. Il a bien accueilli le nouvel
Arnold , dont l'organe, sans être d'une grande ampleur, répond
cependantà toutes les exigences du rôle. Bien timbrée, la voix de
M. Dulaurens porte, et son ebantmixte plaît infiniment. Ilasur-
tout très-bien dit son duo avec Mathilde. Les notes de tête laissent
encore à désirer, mais le débutant les travaille ; il est jeune, l'a-
venir est à lui. Son style, son accentuation se modifieront promp-
tement, et comme sa voix est d'une émission facile, d'une grande
étendue, on peut affirmer que le nouveau ténor est appelé à ren-
dre de réels services à l'Opéra. — Qu'il soit donc le bienvenu !
C'est Mmc Duprez-Vandenheuvel qui reprenait possession du
personnage de Mathilde, à côté de MM. Faure et Obin. Comme
toujours, Mmc Vandeuheuvel a prouvé ce qu'elle est, une véri-
table grande artiste. Pourquoi cependant orner comme elle le
fait la pure et suave mélodie de Sombres forêts? 11 est de ces inspi-
rations auxquelles il faut bien se garder de loucher. Sous ce rap-
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
403
port, nous ne saurions trop invoquer les traditions : Mme Damo-
reau excellait dans le rôle de Matbilde par nne exquise sobriété
de la fioriture, et chacun sait pourtant qu'elle en était la reine
au double point de vue de l'exécution et du goût.
M"e François qui a fait en très-peu de temps de grands pro-
grès, et qui vient de tenir avec avantage le rôle de Matbilde pen-
dant quelques représentations, s'est cru autorisée par ce succès à
refuser un engagement des plus honorables. Nous pensons que,
mieux conseillée par ses véritables intérêts, elle reviendra sur ce
refus, et qu'il y aura bientôt entente cordiale entre les parties
intéressées.
Nous souhaitons qu'il en soit de même entre M. Beaumont,
directeur de I'Opéra-Comique, et Mme Faure-Lefebvre. Voilà
certes un théâtre et une artiste faits pour s'entendre, car ils nous
paraissent indispensables l'un à l'autre. L'entente cordiale a ce-
pendant complètement disparu, et les représentations du Postil-
lon de Lonjumcau se sont trouvées arrêtées. Fort heureusement,
la Sirène est arrivée à point nommé pour tirer l'administration
d'embarras, et voilà la Circassienne qui promet de beaux lende-
mains. — N'importe, la défection de Mme Faure--Lefebvre n'en
est pas moins regrettable à tous les litres. On l'avait d'abord
attribuée à une question de chiffres, un simple Jjillet de banque;
mais on nous assure que la question de congé et autres détails
importants ont été les causes de rupture. — Aujourd'hui les chan-
teurs demandent volontiers leurs congés aux meilleures époques
de l'année, d'autres les sollicitent illimités, et à ce propos nous
nous rappelons le dernier engagement de M1Ie Déjazet avec
M. Dormeuil. Elle en était arrivée à des prétentions de congé
telles que son directeur dut lui répondre, bien à regret sans
doute : « Ce n'est pas assez, mademoiselle, je vous accorde douze
mois. »
L'affiche du Théâtre-Italien annonçait hier, pour la pre-
mière fois de la saison, Rigolelto, avec Mario , Tagliaûco ,
Mmes Alboni, Battu , et la continuation des débuts de M. Délie
Sedie. A dimanche prochain le compte rendu de cette importante
reprise. — Ce soir, par extraordinaire, il Barbiere, avec Mme Al-
boni, MM. Mario, Zucchini et Badiali, qui reprend le rôle de
Figaro, l'un des meilleurs de son répertoire. Nous regrettons de
n'en pouvoir dire autant du rôle de don Bazile, tenu par M. Ca-
poni. — On nous promet pour la fin de la semaine prochaine
l'Anna Bolena de Donizetti, une véritable nouveauté pour notre
génération, car il y a une vingtaine d'années que cet opéra, un
des ^chefs-d'œuvre du maître, n'avait été représenté. C'est une
étude absolument nouvelle pour tout le monde, même pour les
choristes de la maison. Les principaux interprètes seront Mme Al-
boni (Anna Bolena). Mlle Battu (Jeanne Seymour) , Mme Filippi
(Henri VIII), et Bélart (Richard Percy).
Reprise de Jaguarita.
La reprise de Jaguarita a été chaleureusement accueillie au
Théâtre-Lyrique. Nous n'avons pas à revenir sur la valeur de
cette partition, sur la richesse de ses chœurs. On sait que
Jaguarita, pour la puissance des accents, pour l'ampleur du
style, peut marcher de pair avec les grands drames lyriques
dont notre maître Halévy a enrichi l'Opéra. Tous les morceaux
fêtés à l'époque de leur primeur ont été salués comme des amis,
reçus avec la même ardeur et la même sympathie ; et dans ce
nombre il faut citer le chœur du premier acte : 0 nuit lulélairel
qu'on a lissé, l'air du second acte avec accompagnement de
chœur à bouche fermée, et la scène originale de l'oracle des
Anacotas. N'oublions pas les deux romances de Jaguarita, no-
lamment celle : Je te fais roi, et le grand duo final.
Monljauze et Mme Cabel, qui ont créé les deux principaux
rôles, ont retrouvé leur succès d'autrefois. Nous ne connaissons
pas, dans les sphères chantantes, de gosier plus prodigieux, plus
intrépide que celui de Mmo Cabel. Il n'est pas de casse-cou vocal
imaginé par les compositeurs que cette gracieuse gymnasiarque
ne franchisse et ne dépasse. Par bonheur, le chant suave et
simple est également dans ses cordes, elle nous le prouve dans
chacun de ses rôles, mais avec trop de sobriété, Mme Cabel a fort
bien dit sa chanson du colibri, ses couplets : Je le fais roi, et le
duo du dernier acte. Les ovations du rappel ne pouvaient lui
faire défaut, ainsi qu'à Monljauze, qui s'est acquitté de la façon
la plus louable du personnage de Maurice. Il a chanté ses cou-
plets du premier acte avec une expression bien sentie et s'est
montré pathétique dans le grand duo final. Balanqué (Jumbo)
n'est pas précisément doué des proportions physiques de ce co-
losse de Junca qui naguère faisait la joie des habitués du Théâ-
tre-Lyrique, mais il a reproduit le type avec toutela vigueur pos-
sible. — Nous serions injuste si nous ne donnions un satisfecit
à Lesage (très-agréable haute-contre) pour ses couplets du second
acte : Dans mon pays Von mange, ici l'on est mangé.
L'autre soir, au Théâtre-Français, M1,e Augustine Brohan a
fait une rentrée splendide dans le charmant rôle deSuzanne, du
Mariage de Figaro ; M'Ie Augustine Brohan, on le sait, est la
personnification vivace de cette spirituelle création de Beaumar-
chais, aussi a-t-elle été la reine de la soirée , — nonobstant les
mérites de Mmes Judith et Fix, de MM. Samson, Régnier, Le-
roux. — Mais pourquoi M. Roque, le chef d'orchestre du Théâ-
tre-Français, ne défraye-t-il pas les entr'acles du Mariage de
Figaro avec la musique des Nozze de Mozart? ne serait-elle pas
légitimement adaptée ici? — On annonce une bonne nouvelle,
et un acte de justice un peu tardif: l'engagement de MUe Far-
gueil, l'excellente comédienne du Vaudeville ; mais on ne dit pas
si M. Dormeuil consent à céder sa pensionnaire.
Le Gymnase va mettre à l'étude une pièce de M. Dumanoir ,
les Invalides du mariage , titre piquant.
L'affiche du Vaudeville annonçait hier la première représen-
tation de Nos Intimes, la nouvelle comédie de M. Victorien
Sardou, avec Mlle Fargueil pour héroïne.
Aux Variétés, on répète Triolet, de MM. Clairville et Pol
Mercier, joué d'origine au Vaudeville.
La Porte-Saint-Martin vient de prendre possession du fa-
meux mélodrame la Grâce de Dieu. M"e Victoria du Gymnase
est engagée pour tenir le principal rôle. M. Mabille a été chargé
des divertissements.
Le théâtre de la Gaité a offert à ses habitués un drame in-
time : Valenlined'Ar meulières, cinq actes de MM. Dumanoir et
Dennery. La pièce a été fort bien accueillie ; elle est jouée, du
reste, d'une façon remarquable par Dumaine, Clarence, Mme La-
croix, Mlle Duverger, qui interprète le personnage de Valentine
avec beaucoup de distinction. Alexandre et Mlle Adorcy dé-
frayent agréablement l'élément comique.
40i
LE MÉNESTREL.
Lundi dernier, la compagnie dramatique allemande dirigée
par Mme Ida Bruuinga inauguré ses soirées au Théâtre des
jeunes aktistes, rue de la Tour-d'Auvergne. Le spectacle se
composait de trois pièces :
1° Das Salz der Elle (la salière renversée), plaisanterie en un
acte de Gœrner ; 2° Die famille Fliedermuller (la famille Flic-
dermuller), vaudeville en un acte de Schneider ; 3° Die Wiener
in Berlin (les Viennois à Berlin) , vaudeville en un acte de
Holley.
Mme Ida Bruning a particulièrement brillé ; cette artiste cul-
tive avec un égal succès la comédie, le chant, la danse et la pan-
tomime. Elle a dit des couplets français sur un motif de tyro-
lienne; ils lui ont valu un bis et un rappel. On a aussi remarqué
un acteur comique qui possède une façon toute spéciale de faire
le tour de la scène. En somme, la compagnie allemande a été
goûtée. — La presse parisienne avait de nombreux délégués
à cette intéressante soirée ; même ceux qui ne savent pas l'alle-
mand appréciaient le jeu des artistes et applaudissaient... de
confiance. — Nous souhaitons bonne chance à Mme Ma Bruning
et à sa courageuse entreprise.
J. Low.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
DEUX LETTRES DE
IHENDELSSOIIrV - BARTHOLDï
EDOUARD DEVRIENT.
C'est comme avant-goût d'une notice projetée par M. H. Bai-
bedette sur Mendelssohn et ses œuvres, — notice qui doit succéder
à celle de Weber, dont nous commencerons prochainement la pu-
blication,— que nous communiquons dès aujourd'hui à nos lec-
teurs la traduction de quelques lettres adressées par Mendelssohn
à son ami Edouard Devrient, artiste dramatique et auteur re-
nommé en Allemagne (1). Ces lettres remontent à 1831, époque
à laquelle l'auteur du Songe d'une nuit d'été ne sentait qu'une
vague aspiration vers le théâtre, tandis que les grandes compo-
(1) On sait que l'ami intime auquel ces deux lettres sont adressées,
M. Edouard-Philippe Devrient, est un des trois fils du célèbre acteur
Louis Devrient, mort en 1832, et chef d'une dynastie d'artistes qui ne sem-
ble pas près de s'éteindre.
Après avoir débuté avec succès comme baryton, Edouard Devrient se
renferma dans les rôles de la comédie parlée; mais bientôt il quitta le
Théâtre Royal de Berlin pour accepter la direction du théâtre de Dresde. En
1846 il résigna ces fonctions et se mit à écrire, et jouer lui-même, des
eqmédies qui se distinguent par l'entente de la scène et des ressources
dramatiques. Il compo-a aussi quelques libretti d'opéra, entre autres
Huns Heilinij, musique de Marschner, qui eut un très-grand succès. Enfin
Edouard Devrient publia plusieurs ouvrages très-estimés sur l'art drama-
tique en Allemagne,
Les deux frères H Edouard, Devrient sont des artistes dramatiques de
grande réputation : l'un, Charles-Auguste, qui avait contracté un mariage
avec la célèbre cantatrice Mlle Schroeder, fait partie du théâtre du Hano-
vre ; il a déjà un fils qui a embrassé la même carrière, Frederick Devrient,
attaché au théâtre municipal de Vienne; l'autre, Gustave-Emile, joue les
premiers rôles comiques à Dresde.
sitions instrumentales exerçaient déjà sur lui une attraction in-
vincible. Nos lecteurs y verront avec quelle vivacité de concep-
tion, quelle dignité d'artiste, le Chopin de l'oratorio appréciait
les choses d'ici-bas, avec quelle ingénuité germanique il expri-
mait sa pensée, — ingénuité charmante, qui se maintient dans sa
forme naïve, alors même qu'elle s'attache aux idées les plus
élevées.
C'est au très-intéressant volume des Lettres de Mendelssohn,
publié à Leipzick par l'éditeur Hermann Mendelssohn, que nous
devons cette traduction écrite au courant de la plume par une
gracieuse main , non moins habile à traduire sur le clavier les
peosées musicales qu'à reproduire fidèlement sur le papier les
expansions littéraires du poète symphoniste dont l'Allemagne
déplore la mort si prématurée.
Milan, lé 15 juillet 1831.
Tu me fais des reproches qu'ayant déjà vingt-deux ans, je ne sois
pas encore célèbre. Je ne puis répondre autre chose que, si Dieu
avait voulu que je fusse célèbre à vingt-deux ans, je le serais vrai-
semblablement devenu : je n'y puis rien, car je n'écris pas plus
pour devenir célèbre que je n'écris pour obtenir une place de
maître de chapelle. Ce serait beau si les deux pouvaient venir
ensemble ! Tant que je ne mourrai pas précisément de faim,
ce sera un devoir pour moi d'écrire ce qui m'est dans le cœur
et d'en laisser la direction à celui qui a soin de choses meilleures
et plus grandes. Je crois toujours davantage et de plus en plus
sincèrement que je dois composer comme je sens et avoir de
moins en moins égard aux considérations extérieures ; et quand
j'ai écrit un morceau selon mon cœur, il me semble que j'ai fait
mon devoir : si ensuite cela me rapporte gloire, honneur, or-
dres, tabatières, etc., je ne m'en soucie guère. Mais si tu penses
que dans l'exécution de mes compositions j'ai négligé ou perdu
quelque chose, dis-moi exactement et clairement ce que c'est, et
en quoi cela consiste. Ce serait certes un plus dur reproche.
Tu dis que je ne devrais écrire que des opéras, et que j'ai tort
île ne pas l'avoir déjà fait depuis longtemps. Je réponds : Donne-
moi dans la main un bon poëme, et en quelques mois ce sera com-
posé, car chaque jour il me larde de nouveau d'écrire un opéra.
Je sais que cela deviendrait quelque chose de frais, de gai, si
je le trouvais en ce moment; mais les paroles ne sont pas là;
et sans un poème qui me mette tout en feu , je ne veux rien
composer. Si tu connais un homme en état d'écrire un opéra,
nomme-le-moi, pour l'amour de Dieu; je ne cherche pas aulre
chose. Mais jusqu'à ce que j'aie un poëme, ne dois-je donc rien
écrire (même si je le pouvais)? — Ainsi justement je viens
d'écrire plusieurs morceaux de musique sacrée; cela a été pour
moi une nécessité impérieuse, de même que parfois on se sent
poussé à lire précisément tel ou tel livre, la Bible, par exemple, ou
autre chose, et qu'on s'y trouve à l'aise. Si mon œuvre a de la res-
semblance avec Sébastien Bach, je n'y puis rien non plus, car je
l'ai écrite comme je l'ai sentie, et si, à ces paroles, j'ai senti
comme le vieux Bach, j'en suis d'autant plus content. Tu ne pen-
seras pas que je copie ses formules sans me préoccuper du fond :
j'en aurais une telle répugnance, que je ne pourrais écrire un
morceau jusqu'à la fin ; il ne me viendrait pas une idée.
J'ai aussi composé, depuis, un grand morceau, qui pourrait
produire quelque effet au dehors {aeusserlich) : la Première
Nuil de Walpurgis, de Goethe. Jel'ai commencé seulement, parce
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
405
qu'il m'a plu et m'a réchauffé l'âme, et je n'ai pas pensé à
l'exécution; mais maintenant qu'il est là, terminé, devant moi,
je vois que cela pourra convenir pour un grand morceau de con-
cert, et dans mon premier concert d'abonnement à Berlin, il faut
que tu chantes le Prêtre païen et barbu; je l'ai fait entrer dans
Ion gosier avec ta permission, il faut que tu l'en fasses sortir;
et comme j'ai fait l'expérience que ce que j'ai le moins composé
en vue du public est précisément ce qui lui a plu davantage, je
crois qu'il en sera ainsi de ce morceau. Je te dis ceja pour le
faire voir que je pense au positif, sans doute toujours un peu lard;
mais qui diable peut composer de la musique, c'est-à-dire la
chose la moins positive du monde (et c'est pour cela que je
l'aime) et ne penser qu'au positif? Ce serait comme si l'on met-
lait une déclaration d'amour à sa bien-aimée en rimes et en
vers, et qu'on la lui récitât.
Je vais partir pour Munich, où l'on m'a offert de composer un
opéra ; j'y vais pour voir s'il y a par là quelque poète, car je ne
demande qu'un homme qui ait un peu de feu sacré et de talent;
il n'est pas nécessaire que ce soit un géant, et si je ne Irouve per-
sonne, je ferai peut-être la connaissance d'Immermann unique-
ment pour cela : s'il n'est pas l'homme qu'il me faut, j'essaierai
à Londres. Il me semble toujours que c'est ce vrai gaillard [der
redite Kerï) quf me manque; mais que dois-je faire pour le dé-
couvrir? Il ne demeure pas à l'hôtel Reichmann, ni dans le voi-
sinage : où le trouver? Ecris-moi à ce sujet. Quoique je croie que
le bon Dieu nous envoie tout et même des poèmes d'opéra aussitôt
que nous en avons besoin, cependant nous devons faire notre de-
voir et chercher partout. Je voudrais que le lexle fût déjà là! En
attendant, j'écris d'aussi bonnes choses que je puis ; j'espère faire
des progrès. Quant au reste je n'en suis pas responsable; c'est ce
dont nous sommes convenus dans ma chambre.
Maintenant, assez sur cet aride sujet. Vraiment je suis devenu
presque grognon et impatient, et pourtant je m'étais promis de
ne plus l'être.
Lucerne, le 27 août 1831.
Je sens clairement qu'un opéra que j'écrirais maintenant
serait moins bon qu'un second que j'écrirais ensuite, et qu'il
faut d'abord que je marche dans la nouvelle voie à laquelle je
pense, et que je la parcoure pendant un certain temps avant do
savoir où elle me conduira et en combien de temps ; tandis que
je commence déjà à savoir pour la musique instrumentale c
que je dois vouloir, et là je vois les choses plus clairement et
avec plus de calme, parce que j'y ai plus travaillé; en un mol,
cela me pousse.
Il faut dire aussi que j'ai été très-humilié ces jours-ci, par un
hasard sans doute, mais qui reste gravé dans ma mémoire. J'ai
trouvé dans la vallée d'Engelberg Guillaume Tell de Schiller, et
comme je le relisais ici , je fus de nouveau tout charmé et heu-
reux au contact de ce divin chef-d'œuvre, si plein de génie, d'en-
thousiasme et de feu. Je me souvins tout à coup d'une parole de
Goethe, qui, dans un long entretien sur Schiller, me disait un
jour : « Schiller aurait pu livrer chaque année deux grandes tra-
gédies, sans compter d'autres poëmes. » Celte expression mer-
cantile livrer me frappa tellement, pendant que je lisais cette
œuvre si fraîche et si chaude (dus frische warme SlucU), et cette
activité me parut si énorme, qu'il me semblait que je n'avais
encore rien produit de bien dans ma vie. Tout y est encore si
isolé! J'ai pourtant le pressentiment que moi aussi je dois un jour
livrer quelque chose. Ne Irouve pas cela immodeste, je te
piie, mais crois que je ne le dis que parce que je sais ce qui
devrait être et ce qui nesl pas. Où trouverai-je l'occasion de
commenter? Jusqu'à présent, je n'en sais rien. Si c'est ma des-
tinée, l'occasion se présentera, je le crois fermement, et si je ne.
la trouve pas, elle devra être trouvée par un autre; mais alors
j'ignore pourquoi je me sentirais attiré dans cette voie.
Si tu réussis à représenter non pas des chanteurs, des décors
et des situations, mais les hommes, la nature et la vie, je suis
convaincu que tu dois écrire le meilleur poëme d'opéra que nous
ayons; car quelqu'un qui connaît la scène comme toi ne peut
tien écrire qui ne soit dramatique, sinon je ne sais pas ce
que lu pourras faire de les vers. Si elle a le sentiment de la na-
ture et de la musique, ta poésie sera musicale, même quand elle
serait boiteuse dans le texte. Pour moi tu pourrais même écrire
en prose, nous saurions bien nous en tirer. Mais si une forme
doit se fondre dans l'autre, si les vers sont écrits musicalement et
non musicalement pensés, si les belles paroles ne s'y rencontrent
qu'extérieurement, tandis que la belle vie intérieure leur man-
que, alors tu as raison, — c'est un étau d'où aucun homme ne
peut sortir. Aussi sûrement qu'un mètre pur, de bonnes pen-
sées, de beau langage ne font pas toujours de belle poésie sans
un certain éclair poélique qui traverse le tout, de même un
opéra ne peut être complètement musical que par le sentiment
tle la vie dans tous les personnages, et c'est aussi ce qui le
rend vraiment dramatique. Il y a à ce sujet un passage dans
Beaumarchais où on l'accuse d'avoir donné trop peu de belles
pensées à ses personnages, et de leur avoir mis dans la bouche
trop peu de sens poétique. Il répond que cela n'est pas sa faute;
il avoue que, pendant la composition, il est toujours dans la
conversation la plus animée, par-dessus son bureau, avec ses
personnages; qu'il leur crie : « Figaro, prends garde! le comle
sait tout. — Ah! comtesse, quelle imprudence ! — Ah ! sauve-toi,
petit page! — Et ce qu'ils lui répondent, alors il l'écrit, et rien
de plus. Cela me paraît très-joli et très-vrai.
Je connaissais déjà le plan d'opéra avec le carnaval italien et
le dénoûment suisse, mais je ne savais pas qu'il fût de toi.
Aie la bonté de faire la Suisse bien puissante, et fraîche à l'excès
(ueber die massen frisch). Si tu penses à une Suisse doucereuse
avec des la la itou et des langueurs comme j'ai été condamné à la
voir hier soir au théâtre dans la Famille suisse (1), et si les mon-
tagnes et les cors des Alpes deviennent sentimentals, je prendrai
sur moi de te critiquer sévèrement dans la gazette de Spener. Je
t'en prie, fais-la joyeuse et donne-m'en des nouvelles.
F. MENDELSSOnN.
VARIÉTÉS
UNE VENTE D AUTOGRAPHES.
Mon cher directeur,
Une vente de sept cent vingt-trois numéros concernant la lit-
térature, et plus généralement la musique et l'art dramatique, va
avoir lieu le 23 de ce mois, sous la direction de M. Laverdet.
Voici quelques extraits de son calalogue :
M. Auber écrit au baron do Trémont : « 26 juin 1831. »
Il voulait lui écrire le jour de la première représentation de son
|l) Opéra de Weigl.
406
LE MÉNESTREL.
nouvel ouvrage. C'est une bataille que l'on donne ces jours-là,
et il a toujours remarqué qu'en s'éveillant, lorsqu'on a une
journée chanceuse, décisive, périlleuse à passer, on s'examine,
on a un petit tête-à-tête avec sa conscience, et que l'on ne se
ménage pas.... 11 passe toujours son temps à peu près de
même, s'ennuyant en travaillant en attendant qu'il s'ennuie
quand il ne travaillera plus. Il s'occupe maintenant de ce pauvre
Opéra -Comique, qui va bien mal, et qui n'ira peut-être pas
mieux avec ce qu'il va bientôt lui donner ... « Je viens dépas-
ser par la plus terrible épreuve pour un paresseux! Pour avoir
fini mon ouvrage à temps, j'ai été obligé de me lever, pendan)
trois semaines, à quatre heures du matin. Tu vois bien qu'il ne
faut jamais désespérer des vauriens, et qu'il y en a qui sont
susceptibles encore de se corriger. »
Boïeldieu nous donne de très-intéressants détails sur un de
nos pianistes d'élite. Il écrit d'Hyères à un ami : « 31 décem-
bre 1831 Nous avons un prince allemand, frère du gou-
verneur du duc de Reichstadt, qui est bien le meilleur des
êtres... H a avec lui une dame allemande sur laquelle on dit
quelques mots.... De plus il a un jeune homme qu'il a élevé et
que l'on dit être son fils, qui a un talent très-remarquable pour
le piano... Ce jeune homme, nommé Thalberg, a vingt ans ; il
est joli garçon, bien élevé, de l'esprit, je lui prédis du succès
dans le monde.... »
Choron écrit à l'évêque de Soissons une fort jolie lettre sur la
forme et le caractère de la musique religieuse. (Renvoi au Con-
grès récemment constitué.)
Un auteur dramatique, M. Carmouche, écrit do Londres à
l'un de ses amis à Paris... « qu'il lui faut un homme sérieux,
bête, peu bavard, et qui puisse être second régisseur et ne pas
faire de calembours avec les acteurs, ne pas prendre la taille aux
actrices, et être enfin à son affaire... Il me faut un chien de ber-
ger, exact, important et sérieux avant tout; un homme qui rit
avec moi me paraît impossible au théâtre ! «
MM. les seconds régisseurs parisiens possèdent-ils toutes ces
précieuses qualités? Je deviens indiscret et vais me rabattre sur
nos chanteurs d'Opéra. Pourquoi ne suivent-ils pas les conseils de
Dérivis? 11 écrit à M. Duponchel, qui lui offre le rôle de Pha-
raon lors d'une reprise de Moïse : « Je ne veux pas dénaturer
ma voix en chantant tantôt des liasses graves, tantôt des bah-
tons... Ce rôle d'ailleurs serait retiré à son ami Alizard, pour lui
faire jouer celui du grand prêtre; mais il vient lui dire qu'il
s'opposera de toute la force de sa volonté à faire une chose qui
lui est aussi désagréable qu'elle serait pénible à son camarade. »
Si la carrière d'artiste lyrique offre des difficultés du côté des
hommes, que dire quant aux femmes, s'il faut s'en rapporter à
M"e Duplant ? « Quel abominable métier que celui de chan-
teuse d'Opéra ! Je fais un travail forcé pour rendre le plus diffi-
cile des rôles; j'ai plein succès au dépend de mes nerfs qui, après
chaque représentation, me font des douleurs si multipliées que
les cent pistoles ne me les pairoient pas un sol chaque...; je ne
puis prendre d'alimens ny de sommeil ; ma tête est exaltée , elle
me rend mon métier détestable et me porte avec transport à la
vie la plus opposée; je suis effrayée des malheurs qui me me-
nacent; ou sans voix et sans moiensje serai huée à la rentrée.»
Alexis Dukeau.
[La fin au prochain numéro.)
FESTIVAL DE L OPÉRA.
Un magnifique festival, au profit de la caisse des pensions, est
annoncé à l'Opéra, pour samedi prochain 23. C'est surtout au
riche programme de cette soirée qu'on pourrait appliquer l'ex-
pression anglaise : Attraction combinée. Qu'on en juge par cette
variété d'éléments qui s'étalent sur l'affiche :
Ouverture de la Flûte enchantée (Mozart) ; — Prière de la
Muette (Auher); — duo du Stabat Mater (Rossini) , par
jjmes Xedesco et Marie Sax ; — scène du Siège de Corinlhe, solo
Relval ; — ouverture de Léonorc (Beethoven) ; — Colinelte à la
cour (Grétry), Mme Vandenheuvel et Cazaux ; — air de danse
A'Ârmide (Gluck) ; — marche du Songe d'une nuit d'été (Men-
delssohn) ; — air de Britannicus (Graun), par Mme Pauline
Viardot ; — chœur de Castor et Pollux (Rameau) ; — duo de la
Reine de Chypre, Michot et Faure; — menuet d'Arlaxercès
(Hasse), Mme Pauline Viardot ; — fragments de Romeo (Berlioz);
— 1er acte des Huguenots ; ■ — la Sylphide, ballet ; Mlle Livry.
NOUVELLES DIVERSES.
— Au nombre des invités au château de Compiègne, nous citerons
M. Charles Gounod, l'auteur de Faust. Les répétitions de ta Reine de Saba
n'en sont pas moins poursuivies avec la plus grande activité; trois actes
sont déjà sus. Quant à l'orchestre, il apportera d'autant moins de retard
aux répétitions de l'ouvrage, que Charles Gounod a la rare et précieuse
faculté de livrer une orchestration aussi définitive qu'irréprochable.
— La séance extraordinaire de la Société des Concerts du Conservatoire,
dont le produit est destiné à la souscription Cherubini, est fixée, dit-on,
au samedi 28 décembre. Nous n'avons pas besoin de rappeler que l'un des
événements de ce concert sera l'œuvre nouvelle de Rossini , les Titans. On
exécutera en outre une ouverture et des fragments de messe de Cherubi-
ni, et la symphonie en ut mineur de Beethoven.
A propos de l'œuvre inédite de Rossini, on lisait dans le dernier feuille-
ton musical du Moniteur :
« II n'est bruit que du chant des Titans, composé par le maître des maî-
tres et dédié à la mémoire de Cherubini. Ce chant, qui sera exécuté, selon
toute apparence, vers la moitié du mois prochain, a été écrit, il y a deux
ans, par Rossini sur de très-beaux vers italiens de M. Torre (le mari de
j[me Ferraris). Je n'en citerai ici que la première strophe, dont la véhémente
énergie et le superbe élan ne pourraient être qu'amoindris par une traduc-
tion française :
Guerra . . . tterminio ! è queslo
Sol ciel Titano il grido ,
Quanta son numi io sfido,
Giove côn lor cadra.
« Le chant primitif n'était d'abord que pour une seule voix de basse avec
accompagnement de piano. Rossini l'a transcrit pour quatre voix , et l'a
instrumenté avec tant de science et tant de génie que l'effet en est centuplé.
Ah 1 si M. Torre, si M""1 Ferraris, celle-ci avec ses pas, celui-là avec ses
vers, pouvaient désider Rossini à écrire un opéra! Voilà un triomphe et
voilà un miracle! Ce serait là le vrai réveil du Titan ! »
—Les répétitions de la Sociétés des Concerts du Conservatoire ont com-
mencé hier samedi. La série des concerts s'ouvrira le dimanche 12 janvier.
— L'empereur d'Autriche vient d'accorder au Maenner Gesang-Verein,
de Vienne, la grande médaille d'or pour les arts, avec l'autorisation de la
porter suspendue à sa bannière.
— La Tonhalle de Manheim a décerné, le 23 octobre dernier, le prix
qu'elle avait mis au concours pour le meilleur trio pour piano à M. Julius
Schapler, à Tliorn ; parmi les vingt-sept concurrents : M. Bach, à Vienne ;
Spindler, à Dresde ; Bùchnor, à Leipzig, et Mllc Emilie Mayer, à Steltin, ont
reçu des montions honorables.
— On écrit de Dresde : « Le brillant succès xVIphigénie en Tauride, au
Théâtre de la Cour, aurait décidé l'administration du théâtre, dit-on, à
monter successivement Iphigënie en Aulide et Alcesle. »
NOUVELLES ET ANNONCES.
407
— L'an dernier, à l'occasion de la Sainle-Cécile, l'Association des Artistes
musiciens de France a fait exécuter, dans l'église de Saint-Eustache, une
messe à grand orchesle de la composition du maestro Bonelti. La partie
vocale de cette messe a eu pour interprètes Mmes Alboni et Penco, MM. Gar-
doni, Badiali et Coulon. Un grand nombre d'amateurs de musique ayant
manifesté leurs regrets de n'avoir pu assister à cette brillante audition, le
comité de l'Association des Artisles musiciens a cru devoir choisir une
seconde fois cette messe pour la solennité de cette année. L'exécution de
cette œuvre remarquable aura lieu en l'église Saint-Eustache, le vendredi
22 novembre, à onze heures. Le produit de la quête et des chaises est des-
tiné à la caisse de secours des Artistes musiciens.
— On écrit d'Orléans : « Notre société de Ste-Cécile vient de donner Sun
quatrième concert; le programme se- composait du Désert, de Félicien
David (2me audition) , dont l'exécution a été bonne , l'orchestre et les
chœurs, sans excepter les solistes, sont dignes d'éloges. On a surtout
applaudi la Marche de la caravane, la Tempête au Désert , ainsi que
ï 'Hymne à la nuit, fort bien iuterpiété par un amateur, M. C... La mar-
che triomphale de la symphonie, en ut mineur, si bien dépeinte par
M. Barbedette, dans son travail sur Beethoven et ses œuvres [Ménestrel-
11 mars 1860), a été exécutée d'une manière remarquable et parfaitement
dirigée par M. J. B. Salesses, l'excellent chef d'orcheslre de la société. Nos
meilleurs professeurs, Mme l.huillier et sa sœurMIle Labarre s'étaient char-
gées delà partie vocale et ont recueilli d'unanimes bravos ; cette dernière,
surtout dans l'air de Pygmalion, de Galathêe, a été bien appréciée. M. Mo-
reau a exécuté. un air varié de clarinette, par Bressant, avec accompagne-
ment d'orcheslre, avec beaucoup de vigueur et une bonne qualité de son.
Enfin, M. Tournaillon a charmé l'auditoire avec une romance sans paroles,
pour l'harmonium, dont il tire de si merveilleux effets. »
— Troyes et Chaumont viennent d'ouvrir la saison des concerts dans nos
villes départementales. Mlle Joséphine Laguesse, pianiste-compositeur, le
violoncelliste Nathan et M,le Tillemonl ont fait les honneurs de ces deux
concerts. Nos trois artistes parisiens ont été chaleureusement accueillis, et
les journaux l'Aube et l'Echo de la Haute-Marne leur ont payé le lende-
main un large tribut d'éloges. En sa qualité de cantatrice, M"e Aimé Tille-
mont est surtout fêtée. Son succès est signalé sur toute la ligne.
— Le Société instrumentale de Thias a donné, le dimanche 27 octobre,
dans la salle Réveillon, à Choisy-le-Roi, une grande matinée musicale à
laquelle ont coopéré MM. Forestier aîné, première flûte du Théâtre-Ita-
lien: Noirault, hautbois du Conservatoire; Lefebvre, Veillet, Bloch ,
M""3 Chardon, Boisgontiet. Le duo de Guillaume Tell, par MM. Lefebvre
et Veillet, et le Message de Nadaud (par M. Lefebvre) ont valu à ces deux
chanteurs des bravos de bon aloi.
— L'éditeur Gambogi vient de publier une élude de piano appelée à un
véritable succès : Le Ruisseau, nouvelle œuvre de M. Salvator, l'auteur de
l'opéra l'Esprit du Foyer.
— Le 5 novembre, M. Camille Stamaty a repris chez MM. Pleyel,
Wollf et Cie, 95, rue Richelieu, ses cours spéciaux pour les jeunes per-
sonnes et pour les jeunes gens se destinant à suivre la carrière artistique
et professorale. Dans chacun de ces cours, les travaux sont alternative-
ment individuels et collectifs; ils embrassent tous les genres de musique
ancienne et moderne, en se fondant sur une étude approfondie et dé-
taillée du mécanisme, d'après le ihythme des doigts. — 11 n'y a ni âge
ni degré de force déterminés pour l'admission des élèves. — Des épreu-
ves trimestrielles servent à classer ceux-ci entre eux, et à la fin de l'an-
née scolaire, il est décerné des récompenses aux plus méritants. Les cours
d'artistes durent du 1" novembre au 1er août, et ont lieu deux fois par se-
maine, les mardis et samedis , à 9 heures du matin pour les jeunes gens, à
midi pour les jeunes personnes. — Il n'est pas admis plus de huit élèves
en deux heures.
— C'est le 13 de ce mois que M. Emile Durand, professeur au Conserva-
toire, a recommencé ses cours d'haimonie pour les jeunes gens et pour
les jeunes peisonnes.
J.-L. Hiïugel, directeur.
J. Lovv, rêducleuren chef.
Foui* imvsàtve Se 1er tîéceisiïwe 1§©1 (Seme ATfc'MEE).
qui seront remises ou envoyées franco à chaque abonné , sur renouvellement de l'abonnement d'un an, à compter du 1er décembre prochain. Pour la province,
écrire franco à MM. Î3EUGEL et O, éditeuis du Ménestrel, en accompagnant chaque demande d'un BON sur la poste avec supplément d'un franc
pour affranchissement des primes.
1» PRIMES, MUSIQUE DE PIANO:
lrc SÉ11IE.
Jf^Li^SyT appliqué au Q f
L?Sl«3>i S Piano, pau Q. \
ÉDITION SIMPLIFIÉE PAR CH. CZERNY
1 . Quatuor d7 Puritani Bellini.
2. Tre Giorni Pergolèse.
3. Adélaïde Beethoven.
4. Air d'église du célèbre chanteur Stradella.
5. Laerymosa et les Noce* de Figura Mozart.
0. Duetto de Zelmira Rosslni.
7. Bella adorata '. . . Mercadente.
8. Le Meunier et le Torrent F. Schubert.
9. Il mio tesoro de Don Juan Mozart.
10. Chœur des Conjurés du Crocinto Meyerbeer.
1 1 . Ballade de Preciosa Weber.
12. Duo du Freyschiitz : "Weber.
L5
OU AU CHOIX DE L ABONNE
[«FP du Piano Sfï
! I t 1" livre de f" S
Méthode de chant appliquée au Piano, contenant avec théorie
Quaranle-deux exercices et mélodies-types sur
difficultés de l'art du chant ; trcnle exercices mélodiques sur les broderies, fioritures, traits et formules
de mécanisme des maîtres du Chant et du Piano.
(Voir çi-conlre)
S° PRIMES, MUSIQUE DE CHANT :
Sf% partition in-8° | ^PPFMDfi/
iU Piano et Chant, de J. U T T £ PI 13 A l
(Avec le libretto de MM. Hector Crémeux et Ludovic Halévy)
ET UN' VOLUME IN-8° AU CHOIX DAXS LES SEPT PREMIERS VOLUMES DES
[Paroles, Musique et accompagnement de Piano.)
(Voir ci-contre)
N. B. Comme l'an dernier, les primes ci-dessus désignées pourront être remplacées au choix de l'abonné : 1° Pour l'abonnement complet, par la
belle partition illustrée de Scmirumis, piano et chant, paroles italiennes, et traduction française de Méry, avec les deux portraits de G. Rossini (Naples 1820
et Rossini 1860), et les dessins représentant les principales scènes de l'ouvrage ; 2° pour l'abonnement simple, Piano ou Chant, par la partition complète des
Saisons, de J. Haydn, traductiou française de G. Roger, seule édition conforme à l'exécution des concerts du Conservatoire, et ornée du portrait de l'auteur.
EN VENTE au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, HEUGEL et Ce, éditeurs.
COLLECTION COMPLÈTE
CHANSONS DE GUSTAVE NADAUD
Publiées eu sept volumes grand in-8°, et une collection de chansons légères ,
Pnroles et musique avec accompagnement de piano.
Prix net. Chaque volume : 6 fr. — Collection des 30 chansons légères : 8 fr. — Souscription aux huit volumes : 40 fr.
1 Vieille histoire.
2 L'inconnu.
3 L'automne.
4 Une fée.
5 Trompette.
21 Le quartier latin.
22 Les dieux.
23 Le vieux tilleul.
24 Le château et la chaumière.
25 La ligue des maris.
41 Les pauvres d'esprit.
42 Est-ce tout?
43 La Kermesse.
44 La meunière et le moulin.
45 May.
Cl Le voyage aérien.
62 Rose-Claire-Marie.
63 Mon héritage.
64 Paris.
65 Jaloux, jaloux.
81 La forêt.
82 Lanlaire.
83 Pêcheur silencieux.
84 L'aveu.
85 Des bêtises.
101 Les heureux voyageurs.
102 L'aimable voleur.
103 La vie moderne.
104 Le pot de vin.
105 La vigne vendangée.
121 L'histoire de mon chien.
122 Libre 1 stances à l'Italie.
123 Bernique.
124 Nuit d'été.
125 Mon oncle Gaspard.
1 Les amants d'Adèle.
2 Le souper de Manon.
3 Satan marié.
4 Toinette etToinon.
5 Ursule.
6 Les gros mots.
7 Quitte à quille.
8 Le coucher.
6 Voilà pourquoi je suis garçon
7 Les mois.
8 Un propriétaire.
9 Le melon.
10 Je pêche à la ligne.
26 Bonhomme.
27 La ballade au moulin.
28 Perrelte elle sorcier.
29 Les cerises de Montmorency.
30 Je n'aime pas.
46 La solution.
47 Pastorale.
48 Fantaisie.
49 Je grelotte.
50 Jean qui pleure et Jean qui rit
66 Mes mémoires.
67 L'été de la Saint-Martin.
68 La bayadère voilée.
69 Le jardin deTéhadja.
70 Souvenirs de voyage.
86 Le fou Guilleau.
87 La nacelle.
88 Père capucin.
89 La pluie.
90 Les plaintes de Glycère.
106 Le cigare.
107 Les lamentations 'd'un réverbère
108 La confidence.
109 Les pêcheuses du Loiret.
110 La chanson de gros Pierre.
126 L'attente,
127 L'oubli.
128 Le roi boiteux.
129 L'improvisateur de Sorrente.
130 Les cotes d'Angleterre.
VOLUME.
11 Au coin du feu.
12 Les grands-pères.
13 Les rats.
14 Je m'embête.
15 Ma femme n'esl pas là.
8' VOLUME.
31 Rêves et réalités.
32 Les étrennes de Julie.
33 M. Bourgeois.
34 Louise.
35 Le docteur Grégoire.
3e VOLUME.
51 Les écus.
52 Pierrette el Pierrot.
53 Le phalanstère.
54 Les impôts.
55 Lr,s réformes.
4" VOLUME.
71 Insomnie.
72 La vieille servante.
73 II faut aimer.
74 Ma philosophie.
75 Les deux notaires.
VOLUME.
i91 Le vieux télégraphe.
92 Ma sœur.
93 Les ruines.
94 La mère Godichon.
95 M. de la Chance.
6» VOLUME.
111 Le puits de Ponlkerlo.
112 Les projets de jeunesse.
113 Le sultan.
114 La cuisine du château,
115 Chanson napolitaine.
T« VOLUME.
131 A propos d'annexion.
132 M'ai niez-vous?
133 Le mandarin.
134 Elle.
135 Une histoire de voleur.
5
1 16 Je ris.
17 Nous sommes gris.
18 Ivresse.
19 Aujourd'hui et demain.
|20 Chauvin.
36 Chut.
37 Les hommes utiles.
38 Le Champagne.
39 Le carnaval à l'assemblée.
40 Beauté.
56 Le message.
57 Pandore.
58 L'histoire du mendiant.
59 La valse des adieux.
60 La première maîtresse.
76 Le bonsoir.
77 La petite ville.
78 Le chevalier à boire.
79 Flora cruelle.
80 Cheval el cavalier.
96 Ma voisine
97 Le vallon de la jeunesse.
98 La Pille de l'amour.
99 Lettre d'un étudiant à une éludianle.
100 Réponse de l'étudiante à l'étudiant.
I 116 La bûche de Noél.
117 Macadam.
118 Le pays natal.
119 La lecture du roman.
I 120 Le nid abandonné.
136 La promenade.
137 La bruyère.
138 La ferme de Beauvoir.
139 Le vent qui pleure.
140 Florimond l'enjôleur.
COLLECTION DES 30 CHANSONS LÉGÈRES
9 Les boutons.
10 Auguste, étudiant de 10e année.
11 Boisentier.
12 La gaîlé française,
13 Les poissons.
14 La chanson de trenle ans.
15 Adèle.
16 La lorette.
17 La lorette du lendemain.
18 La chaumière.
19 Les reines de Mabille.
20 Palinodie.
21 Les confessions.
22 Les deux.
23 Mes enfants.
24 Madeleine.
25 Les plaisirs sont trop courts.
26 Un mari malheureux.
27 Thérèse.
28 Le lion d'or.
29 Le dix-cors.
30 La toilette.
HUITIÈME VOLUME.
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. de mois en mois au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, sous le titre : Une Chanson pur mois ; 12 chansons par an, paroles, musique et accompagnement de piano.
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Les trois premiers volumes, la collection des Chansons légères el les Opéras de salon seront en vente le ±"' mai 1861, les autres volumes suivront de mois en mois.
— On souscrit au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne, en adressant un bon sur la poste a MM. Heugei. et O. — Les volumes sont expédiés franco.
793. — 28e Année.
N° 53.
TABLETTES
OU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
Dimanche 24 Novembre
1861.
r~»>v5~Bt
JOURNAL
J.-L. HEUGEL.
MUSIQUE ET THEATRES.
JULES LOVY,
Rédact' en chef.
EES BUREAUX , S bis, rue Vi vienne. — HEUGEL et Ci", éditeurs.
(Aux Magasin» ot Abonnement <Ic Musique <lu MÉNESTREL. — Tente et location «le Pianos et Orgues.)
CHANT.
er Mode d'abonnement : Journal-Texte, tous les dimanches; î« Morceaux:
Scènes, Mélodies, Komances, paraissant de quinzaine en quinzaine; * aIIjuiiih-
primos illustrés. — Un an : 15 fr.; Province : 18 fr. ; Etranger: 21 fr.
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Fantaisies, Valses, Quadrilles, paraissant de quinzaine en quinzaine; * AlbuniB-.
Iirhues illustrés. — Un au : 15 fr. ; Province : 18 fr. ; Étranger: 21 fr.
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Un an : 25 fr. — Provflice : 30 fr. — Étranger : 36 fr.
On souscrit du 1er de chaque mois. — L'année commence du 1er décembre, et les 52 numéros de chaque année — texte et musique, — forment collection. — Adresser franco
un bon sur la poste, à MM. IIEUGEI. ot C'e, éditeurs du Ménestrel et de la Maîtrise, 2 bis, rue Vivienne.
Typ.CliarlcsileMourgues frères, (Texte seul: 8 fr. — Volume annuel, relié : 10 fr. ) rue Jean-JacquesI\ousseau,8. — 6971
SWIVOIAIKE. — TEXTE.
I. Premières représentations de la semaine : VEtoile de Messine, Rigoletto, le
Café du Roi, la Fête des Gondoles, On ne badine pos avec l'amour et Nos In-
times. J. Lovy. — II. Tablettes du pianiste el du chanteur: Deux autres lettres
de Mendei.ssohn-Bartholdy ; Paris et Londies. — III. Variétés : Une vente d'au-
tographes (suite et. fin). A. Dureau. — IV. Petite chronique : Lablache a vingt-
trois ans. — V. Nouvelles et Annonces.
MUSIQUE DE CHANT :
Nos abonnés à la nuisible de Chant recevront avec le numéro de ce jour:
JE YWi; D'ARC
poésie des Messéniennes, de Casimir Delavigne, musique de Mme la vi-
comtesse de Grandv al. — Suivra immédiatement après : La Voix des
montagnes, 9lne Tyrolienne de J.-B. Wekerlin, paroles de M. Paul
JUILLERAT.
PIANO :
Nons publierons, dimanche prochain, pour nos abonnés à la musique
de Piano :
La marche religieuse de i'AECESTE DE GLUCK
transcritie, pour piano, par Paul Bernard. — Suivra immédiatement
après la transcription des couplets avec chœur dansé du même opéra.
AVIS A NOS ABONNES
Les premières représentations de la semaine nous obligent à
renvoyer de nouveau le premier chapitre des Mémoires histori-
ques d'un musicien sur CHERUB1NI, sa vie, ses travaux, et
leur influence sur l'art, par M. Diebdonné Denne -Baron. Par
compensation, ce dernier ajournement nous permettra de com-
mencer la 29me année du Ménestrel (dimanche prochain), par ce
travail intéressant et de suivre sans interruption.
PRIMES DU MÉNESTREL
A compter du lundi 2 décembre, les primes du Ménestrel
(années 1861-1862), seront délivrées à nos abonnés. (Voir aux
annonces 7me page.) Ces primes seront suivies, comme l'an der-
nier, de la publication, en morceaux détachés, chaque dimanche,
des Recueils de Chant et Piano consacrés par nos meilleurs
compositeurs.au journal le Ménestrel.
LES PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS DE LA SEMAINE
OPERA
L'ETOILE DE MESSI1YE
Ballet-pantomime en deux actes et six tableaux. — Livret de M. Paul
Foucher, chorégraphie réglée par M. Borri, musique de M. le comte
Gabrielli.
Voici venir, avec un nouveau ballet, un chorégraphe nouveau,
du moins pour nous. Depuis une douzaine d'années, M. Borri
jouit d'une grande réputation au delà des Alpes. Milan, Flo-
rence, Rome et Venise faisaient bruit de l'originalité de ses bal-
lets, de la hardiesse de ses conceptions. Il ne s'agissait ni plus ni
moins que d'un grand réformateur, d'un Messie, — que dis-je?
d'un révolutionnaire.
Et en effet, tel vient de nous apparaître le chorégraphe Borri,
dès les premières scènes de l'Étoile de Messine. Voyez ce bal
masqué du premier tableau ; regardez ce kaléidoscope de pierrots
et de pierrettes, de bergers et de bergères, de magiciens et de
magiciennes, et de masques de toutes sortes ; examinez surtout
ce premier couple solo : ô prodige ! l'homme est remplacé par
la femme! Ce danseur aux formes séduisantes, c'est MUe Schlos-
ser qui enlace et fait tournoyer sa danseuse. Charmante surprise,
révolution complète et radicale. Le ballet, voué dans l'origine à la
plus laide moitié du ganre humain, va passer exclusivement aux
mains... je veux dire aux pieds des femmes. Hurrah pour le
maestro Borri ! voilà le Messie demandé.
Hélas ! ce n'était que l'émotion d'un moment, car, quelques
minutes après, on a revu M. Mérante avec ses mâles pirouettes. . .
M. Mérante, soyons juste, a supérieurement pirouetté.
Mais le grand météore de la soirée, l'astre du ballet, l'étoile
de Messine et de Paris, vous l'avez deviné, c'est Mrae Ferraris.
C'est la danse dans toute sa perfection, c'est la grâce, le moelleux,
410
LE MÉNESTREL.
le brio, combinés avec une agililé inouïe et des bonds de gazelle.
Au premier tableau, elle a eu des poses et de ces renversements à
faire descendre le ciel sur terre ; elle est étourdissante de verve
et de vivacité dans la tarentelle du troisième tableau. Au diver-
tissement de la révolte des Fées, où elle remplit le rôle de Fiam-
ma, la messagère aérienne, elle réalise ce mythe avec une fidé-
lité qui donne le vertige. Ces deux tableaux seuls ont valu deux
rappels à Mme Ferraris, sans compter le reste. Dans la scène de
l'hôtellerie, où la fiction se dramatise, notre sylphide se révèle
excellente mime et ajoute à la poésie de ses pas le pathétique du
jeu. Elle est tragédienne au dernier tableau quand, désespérée en
présence du cortège nuptial de don Raphaël, elle étourdit sa dou-
leur dans un tournoiement frénétique, qu'où peut appeler à
juste titre le galop de la folie.
Mais résumons en peu de mots l'histoire sicilienne qui sert de
canevas au ballet de VÊtoile de Messine.
Gazella (Mme Ferraris), est la première danseuse d'une troupe
nomade appelée à Messine pour les fêtes du mariage de Don
Raphaël de Lemos, fils du gouverneur, avec la comtesse Aldini.
Mais Don Raphaël se prend d'amour pour Gazella, et celle-ci ne
se montre pas insensible. Ils se décident à fuir ensemble; mais
au moment où Gazella va monter dans une barque pour rejoindre
Raphaël, elle est arrêtée par son frère Gianni, qui l'accable de
reproches et s'emporte jusqu'à lever la main sur elle. Le peuple,
en voyant qu'on malmène son idole, se jette avec rage sur
Gianni; mais Gazella fait à son frère un rempart de son corps.
Il n'est pas inutile de vous dire ici que Gianni nourrit une passion
secrète pour notre héroïne, qui n'est nullement sa sœur, mais
une pauvre orpheline qu'il a recueillie.
Au deuxième acte, nous voici chez le vice-roi. Là, on a con-
struit un théâtre pour la représentation du divertissement que
doit donner la troupe de Gazella. Ce divertissement est à peine
terminé, quand Gazella voit Don Raphaël entrer dans la salle, et
prendre place à côté de sa fiancée, la comtesse Aldini. Dans son
trouble, Gazella interrompt le spectacle et accourt auprès de Ra-
phaël. La comtesse, indignée, demande vengeance d'un tel scan-
dale. On emporte Gazella évanouie. — La troupe nomade est
retournée à son hôtellerie. Raphaël arrive ; Gianni le provoque ;
un duel s'engage; la comtesse paraît et réclame de Raphaël la foi
des serments. Alors Gazella abdique généreusement ses droits sur
le cœur du bien-aimé, et va rejoindre ses camarades. — Le der-
nier tableau représente le dernier jour de carnaval, jour fixé pour
le mariage de Raphaël avec la comtesse. Danses populaires et
nationales. Gazella danse avec frénésie, pour oublier l'ingrat.
Mais à la vue des époux sortant de l'église, ses forces la trahis-
sent... et elle expire entre les bras de Gianni !
Sans doute ce dénoûment manque de gaieté ; mais avant d'y
arriver, avant de vous assombrir l'âme, quelle splendide et
rayonnante épopée vous avez à traverser ! Six cents costumes
neufs, cinq décors prestigieux, une légion de sylphides et de fées,
des groupes chatoyants, des masses reflétant toutes les couleurs
de l'arc-en-ciel ; que vous dirai-je ? un tourbillon dans un Océan
de merveilles. Le deuxième acte surtout s'ouvre par un tableau
véritablement féerique. La, vous voyez tout un essaim de nym-
phes et de fées massées sur une pelouse, comme noyé dans la
gaze, baigné dans la lumière électrique . Ce coup - d'œil est
éblouissant.
Les triomphes de Mme Ferraris ne doivent pas nous faire ou-
blier Mme L. Marquet, très-belle et très-élégante dans le rôle de
la comtesse; puis Mllcs Sclilosser (déjà nommée), Fiocre, Pille-
vois, Parent, Morendo, Rousseau, Reaugrand, Stoikoff, Carabin,
Yilleroy, etc., etc.
Dans le personnel masculin, après Mérante, citons Chapuy,
qui a mimé avec intelligence le rôle de Raphaël, puis Berthier et
Corally, chargés d'égayer, — modérément, — cette histoire sici-
lienne.
Quant à la musique de ce ballet, elle se compose de mélodieu-
ses valses, d'agréables polkas, d'entraînants galops, de fougueu-
ses tarentelles ; c'est un contingent instrumental tempéré de façon
à ne point distraire l'attention des splendeurs de la scène.
Il n'en a pas été de même pour l'ouverture de Guillaume Tell
dont on a fait la surprise au maestro Rossini le soir de la répé-
tition générale de l'Etoile de Messine. Toute la presse, grande
et petite, a redit les acclamations qui ont accueilli l'œuvre et la
présence du grand maître à l'Opéra. Que n'était-il donné aux
auteurs de renouveler cet épisode à la première représentation ?
THÉÂTRE-ITALIEN
RIGOLETTO
Celte reprise, par l'importance du début de M. Délie Sedie,
avait le mérite d'une première représentation. On était impatient
dejugersi, en définitive, le successeur de Graziani était apte à
traduire les grandes pages dramatiques, si sa voix ne fail-
lirait pas à la tâche. Aussi l'émotion de M. Délie Sedie était-elle
visible, et jusqu'au point d'altérer un instant la pureté et la
suavité de son chant mixte. Mais cette hésitation n'a pas été de
longue durée. En grand artiste qu'il est, le nouveau Rigoletto a
bientôt dominé la situation en se dominant lui-même. C'est à ce
point qu'au duo final du second acte, électrisée par la situation,
la voix de M. Délie Sedie a trouvé de ces accents énergiques
qui remuent toute une salle. On n'aurait jamais soupçonné en
lui de pareils effets. Le bis de la strette a été unanime et partagé
par M"e Rattu, dont le talent et la voix grandissent chaque soir.
M. Rélart, qui remplaçait à l'improviste Mario, indisposé, a
d'abord été l'objet d'une manifestation peu agréable, bien qu'elle
ne s'adressât pas à lui directement, mais il s'en est immédiate-
ment vengé en forçant, à plusieurs reprises, les applaudissements
les plus mérités. La réaction a été aussi prompte que chaleureuse.
Comme de coutume, le public a salué l'apparition del'Alboni,
en compagnie de Tagliafico, au troisième acte, et comme tou-
jours aussi le quatuor a fait sensation et a été redemandé.
Pour en revenir à M. Délie Sedie, cette soirée l'a définitive-
ment classé parmi nos illustrations dramatiques et lyriques.
Non-seulement il a chanté en grand chanteur, mais il s'est
montré grand comédien, — malgré l'affreuse perruque dont il
s'était affublé. Décidément l'artifice des cheveux n'est point en
progrès au delà des Alpes.
Avant de passer aux deux premières représentations du Théâ-
tre-Lyrique,nous annoncerons à nos lecteurs une bonne nouvelle,
la réception toute spontanée par M. Raumont d'un opéra-comi-
que en trois actes, libretto de M. Victorien Sardou, musique de
M.Vaucorbeil.C'est sur une audition del'œuvre, — M. Sardou le
poëme en main et M. Vaucorbeil au piano, — que M. Raumont
s'est empressé de recevoir un ouvrage dont les mérites, au dou-
ble point de vue musical et littéraire, pourraient bien décider
une sorte de révolution dans le genre actuel de l'opéra-coraique.
MUSIQUE ET THÉÂTRES.
411
Nous n'en dirons pas davantage aujourd'hui, nous bornant à
conslater combien la réception d'un opéra aussi important, pro-
voquée par le seul mérite de l'œuvre, honore à la fois le direc-
teur et les auteurs.
THÉÂTRE-LYRIQUE
Il CAFÉ DU KOI
Opéra-comique en un acte, de M. Henri Meillac, musique de M. Deffès.
Le public parisien n'a pas eu la primeur de ce Café du roi ;
déjà la société aristocratique d'Ems l'avait goûté en premier. Les
eaux thermales se permettent depuis quelque temps ces préli-
bations. Il est vrai qu'il est une époque de l'année où Paris s'ap-
pelle Bade, Ems, Hombourg, etc., et le baptême des succès a le
droit d'émigrer un instant.
Le Théâtre-Lyrique vient de consacrer le succès obtenu à Ems.
Libretto et partition ont été cordialement accueillis. Un imbro-
glio galant, dont Louis XV est le héros, forme le sujet de la
pièce. Le jeune monarque se fait appeler le baron de Gonesse,
et c'est grâce à ce pseudonyme de fantaisie que M1Ie Gilberte, une
naïve jeune fdle, échappe aux séductions de Sa Majesté. —
Presque tous les morceaux de la partition ont été applaudis. Citons
d'abord l'introduction d'orchestre, dont la couleur s'adapte par-
faitement à l'époque où se passe l'action ; les couplets de Mlle Gi-
rard (Louis XV), sur les vertus du café ; un air imité de Lully ;
un autre air de Rameau, dont le motif est connu : Quel déses-
poir ! fort ingénieusement traité en variations, et très-agréable-
ment vocalisé par M"e Baretti (Gilberte) ; mais mentionnons
surtout une romance en deux couplets qui a été redemandée à
Mlle Girard avec acclamation.
Wartel, chargé du rôle d'un marquis intrigant, s'est montré,
comme toujours, amusant comédien.
IV NUIT AUX GONDOLES
Opéra-comique en deux actes de JIM. J. Barbier et Prosper Pascal.
La Nuil aux Gondoles est, quant au libretto, une œuvre de
fantaisie pure. L'action peut se passer dans tous les pays du
monde, à Venise, à Ispahan, en Bohème, en Chine, à plus forte
raison sur une scène lyrique. Le jeune poète allemand Frantz a
délaissé son vieux père et sa blonde fiancée, pour aller mener
une vie de dissipation. Sa bien-aimée se met à suivre ses traces.
Frantz reconnaît sa voix lorsqu'elle passe masquée dans sa gon-
dole, il la poursuit, ce qui excite le courroux de la belle Rosa-
linde. Celle-ci, — une courtisane peu tendre, — charge le mar-
quis Stefano de la venger de l'infidèle ; et Frantz serait infailli-
blement tué en duel, sans le hasard d'un faux pas combiné avec
l'intervention du prince Juliani qui s'intéresse au jeune poëte et
l'unit avec sa blonde fiancée.
M. Prosper Pascal a jeté sur ce canevas un tissu mélodique des
mieux colorés. On a particulièremeni remarqué l'air de Rosalin-
de : 0 nuit parfumée, que Mlle Moreau a phrasé d'une voix
brillante, les couplets du prince (Grillon), la romance de Frantz
(Peschard) : Elle est si touchante et si belle! l'air de Bettina dans
la gondole, et enfin un trio dont M"e A. Faivre a gracieusement
détaillé le cantabile.
Le Café du roi et la Nuit aux Gondoles pourront alterner
fructueusement avec les soirées de Jaguarila.
ON NE BADINE PAS AVEC L'AMOUR. — NOS INTIMES
Nous ne pouvons clore le chapitre des premières représenta-
tions de la semaine sans parler du Théâtre-Français, qui vient
d'emprunter au répertoire d'Alfred de Musset une œuvre très-
piquante, — et du Vaudeville, que M. Victorien Sardou a doté
d'une de ces pièces dont l'affiche s'empare pour six ou huit mois.
On ne badine pas avec l'amour dépasse les proportions des
œuvres que le Théâtre-Français avait détachées jusqu'à pré-
sent du riche écrin de notre défunt poëte. C'est une comédie en
trois actes, mais la fantaisie y domine en souveraine, comme dans
les Caprices de Marianne. Des modifications ont été jugées né-
cessaires pour l'approprier à la scène ; oh a même dû se décider
à quelques coupures et esquiver surtout la multiplicité des
changements de décors, — tâche dont M. Paul de Musset, le
frère du défunt, s'est fort habilement tiré. — L'œuvre a pour
interprètes MM. Provost, Delaunay, Monrose, Barré, E. Pro-
vost, Mmes Favart, Jouassain, Emma Fleury. Vanter les perfec-
tions et les mérites de cette interprétation serait presque com-
mettre un pléonasme.
On sait que la pièce du Vaudeville, Nos Intimes, comédie
en quatre actes de M. Sardou, a reçu un accueil enthousiaste le
soir de la première représentation. Or, les bureaux de location
se sont immédiatement ressentis du retentissement de ce grand
succès. Plaudite cives! car c'est ici la bonne comédie de mœurs
et de caractères; c'est la sève comique combinée avec le
drame ; c'est l'esprit relevé par le style. Ajoutez que la pièce
est jouée avec une verve qui fait le plus grand honneur au per-
sonnel de ce théâtre, et vous] prouve à quel point les artistes ont
été captivés par leurs rôles. M"e Fargueil (Cécile Caussade) est
admirable de vérité et de vigueur dramatique ; Febvre (Maurice)
est son digne partenaire. Parade (Caussade) se montre plein de
naturel, de sentiment et de bonhomie. Ce rôle le place très-haut
dans l'estime des connaisseurs. Numa trouve, dans le personnage
de Marecat un type merveilleusement adapté à son tempéra-
ment et à son débit suigcneris. Quant à Félix (le docteur Tolozan),
c'est sur lui en grande partie que pèse la responsabilité de tout
l'esprit, de tous les mots satiriques semés à profusion dans la
pièce, et l'on sait avec quel brio et quelle sûreté cet artiste lance
ses boutades morales. Enfin Munie, Chaumont, Boisselot ,
jyjmes piersor]) Duplessis, Léonide Leblanc, complètent fort bien
le personnel de Nos Intimes, que tout Paris voudra connaître.
J. Lovy.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CHANTEUR.
DEUX AUTRES LETTRES DE
MENDELSSOHN - BARTHOLDY
PARIS
(2S décembre 1831.)
Chère dame Fanny,
Depuis trois mois je veux t'écrire une lettre sur la musique,
mais le retard se venge sur le coupable; car maintenant, que je
suis ici depuis quinze jours, je ne sais pas du tout si je puis
encore t'écrire. J'ai déjà eu à Paris toutes sortes d'impressions,
celles d'un voyageur curieux et étonné, d'un petit maître , d'un
Français, voire d'un pair de France, — mais pas encore
412
LE MÉNESTREL.
celles d'un musicien. Peut-être celui-là reslera-t-il tout à fait en
route, car, pour la musique, cela semble prendre ici un mauvais
aspect. Les concerts du Conservatoire, auxquels je tenais par-
dessus tout, n'auront probablement pas lieu, parce que la Com-
mission du Ministère voulait donner à la Commission de la
Société la commission de céder une partie de la recette à une ■
commission de professeurs; à quoi la Commission du Conser-
vatoire a répondu à la Commission du Ministère qu'elle se
fasse pendre (suspendre), et maintenant ils ne veulent plus rien
faire. Les journaux se livrent a ce sujet à d'amères réflexions,
que tu n'as pas besoin de lire, parce qu'elles sont défendues chez
vous : tu n'y perds rien.
L'Opéra-Comique a fait banqueroute, et jusqu'ici il y a eu
relâche. Au grand Opéra ils ont donné de petites choses, qui
m'ont amusé, mais ni troublé ni excité. — Armide a été le
dernier grand opéra, mais ils la donnent en trois actes, et il y
a deux ans de cela. L'institut de Choron est tombé; la chapelle
royale s'est éteinte comme une chandelle : dans tout Paris pas
une messe le dimanche, si ce n'est avec accompagnement de
serpent. La Malibran paraîtra la semaine prochaine pour la
dernière fois.
Bon, diras-tu, alors relire-toi en toi-même et écris ta musique
sur : « Ach! Gott vom himnel, » ou bien une symphonie, ou
enfin ton nouveau quatuor de violon, dont tu me parles dans
ta lettre du 28, ou autre chose de sérieux ; — mais cela se peut
encore moins, car ce qui se fait au dehors est si intéressant que
cela vous attire, vous donne à penser, à vous souvenir, et dévo-
re tout votre temps. Ainsi, je suis allé hier à la Chambre des
pairs, et j'ai compté les voix qui ont brisé une antique préroga-
tive. Tout de suite après j'ai dû courir au Théâtre-Français, où
depuis plus d'un an Mlle Mars a reparu pour la première fois.
Elle est gracieuse au-dessus de toute imagination ; elle a une
voix qui ne pourra jamais être imitée, qui vous fait pleurer et
vous réjouit en même temps. Aujourd'hui, il faut que je revoie
encore une fois la Taglioni, qui, avec la Mars, représentent les
deux Grâces (si je rencontre la troisième dans mes voyages, je
l'épouse). Ensuite il faut que j'aille dans le classique salon de Gé-
rard. Dernièrement, j'ai entendu Lablache et Rubini, après qu'O-
dilonBarrot s'était chamaillé avec le ministère; puis j'ai été chez
Baillot, après avoir vu le matin les tableaux du Louvre.
Comment pourrait-on avec tout cela rentrer en soi-même?
Au dehors tout est trop beau ; mais pourtant viennent certains
moments, comme par exemple à la veille de Noël, où Lablache
a bien chanté, ou comme au lendemain, — il n'y avait ni sonne-
ries de cloches ni réjouissances, — ou quand la lettre de Paul est
arrivée de Londres, dans laquelle il m'invite à aller chez lui au
printemps prochain, — mais seulement au printemps; — alors on
rentre profondément en soi-même, on s'aperçoit que tout cela
n'est pourtant qu'extérieur, que l'on n'est ni un politique, ni
un danseur, ni un comédien, ni un bel esprit, mais tout bonne-
ment un musicien, et il vous arrive le courage d'écrire à votre
chère petite sœur une lettre du métier. La conscience me tour-
mentait lorsque j'ai lu ta nouvelle musique, dirigée par toi pour
la fête de notre père, et comme je me reprochais de ne pas t'a-
voir dit un seul mot sur ta précédente musique, tu n'en seras
pas quitte ainsi, mon collègue ;
LONDRES
(Le 11 liai 1832.)
Je ne puis vous décrire combien ces premières semaines ont
été heureuses ici. Quand de temps en temps tout ce qui est le
mal s'accumule, comme cet hiver h Paris, où j'ai dû perdre mes
meilleurs amis, où je ne me suis jamais senti chez moi, et où
finalement je suis tombé très-malade (1), le contraire arrive aussi,
et il en est ainsi dans ce cher pays où je retrouve mes amis, où je
me sens parmi des hommes bienveillants, et où je jouis pleine-
ment de la sensation du retour à la santé. Avec cela il fait chaud,
l'es lilas sont en fleur, et il y a de la musique à faire : imaginez
mon bonheur!
Il faut que je vous décrive une gaie matinée de la semaine
dernière ; c'est, de toutes les impressions extérieures que j'ai
eues jusqu'ici, celle qui m'a réjoui et touché le plus, et la seule
peut-être dont je me souviendrai toujours avec un nouveau plai-
sir. Samedi malin, il y avait répétition à la Philharmonique,
dans laquelle on ne pouvait rien donner de moi, parce que mon
ouverture n'était pas encore copiée. Après la Symphonie pasto-
rale de Beethoven, pendant laquelle j'étais dans' une loge, je
voulais aller dans la salle pour saluer quelques vieux amis. A
peine élais-je au bas que quelqu'un de l'orchestre cria : There
is Mendelssohn! et là-dessus ils se mirent tous à crier etapplau-
nir, tellement que pendant quelque temps je ne savais que faire;
et lorsque ce fut fini, un autre s'écria ; welcome to /«m /et ils
recommencèrent le même vacarme, Je fus obligé de traverser la
salle et de grimper dans l'orchestre pour remercier. Allez, je
n'oublierai pas cela, Cela m'a été plus agréable que toute autre
distinction; cela montrait que les musiciens m'aimaient et se
réjouissaient de ma venue, et cela a été pour moi un sentiment
de joie plus vive que je ne puis exprimer.
F. Mendelssohn.
VARIÉTÉS
UNE VENTE D AUTOGRAPHES.
(Suite et fin j
Nous avons laissé MUe Duplant léguant à la postérité ses plain-
tes de chanteuse d'Opéra. L'excellente Mme Guillemin, qui a
quitté récemment la scène du Vaudeville, est bien un peu du
même avis.
« Je ne crois pas, écrit-elle, que le succès même puisse
compenser les angoisses que cela nous cause. Quant à moi, mal-
gré les bontés du public et des journaux, je ne serai heureuse
que hors de scène et dans mon petit chez moi.. . »
La lettre suivante de Joanny, de la Comédie-Française, a-
t-elle encore de l'actualité ? « Mes appointements (1823) ont été
calculés sur 130 représentations, ce qu'un acteur, jouant le pre-
mier emploi tragique ne peut fournir dans une année... tous sont
premiers rôles, on ne trouve personne pour les petits Il
n'existe chez nous, ni ordre, ni harmonie, ni subordination ; les
engagements, mal conçus, semblent autoriser un désordre dont
il résulte absence de répertoire, défaut d'ensemble. »
(1) Mendelssohn avait eu une attaque de choléra dans les dernières se-
maines de son séjour à l'aris.
TABLETTES DU PIANISTE ET DU CUANTKUK.
il S
La Chabeaussière (Poisson) donne quelques conseils aux chan-
teurs italiens. « La perfection de ces chanteurs tient à l'immobi-
lité constante de Faction dramatique, à l'insignifiance des paro-
les, qui n'excitant aucune passion, ne peignant exactement que
des sons, laissent le chanteur et son gosier dans un état de calme
plat... Je ne me rappellerai jamais sans hausser les épaules de
pitié, qu'ayant été vivement frappé du chant délicieux de
Mme Barilli, dans un opéra, mais n'ayant pris garde qu'à sa voix
et à son chant, je m'avisai de vouloir entendre les paroles à l'or-
chestre pour la deuxième représentation, et j'entendis cette voix
mélodieuse et légère roucouler de la manière la plus agréable,
que son tourment était pis que la mort .'... »
Miss Kemble est assez facétieuse pour une Anglaise. Elle re-
commande un artiste: « Je certifie que le possesseur de ces li-
gnes est en état de tenir les rôles les plus forts, attendu qu'il m'a
soutenue deux fois dans ses bras, sans manquer de courage. »
M.Meyerbeer donne à M. Germain Delavignesa très-belle
opinion sur Nourrit : « Pour la facilité vous en avez autant qu'il
en peut avoir (Scribe) et si nous étions ensemble, nous n'aurions
besoin de personne. Cela n'étant pas, voilà ce que je propose.
Revenons à notre première idée de mettre Ad. Nourrit en colla-
boration. Il s'entend divinement en coupe musicale; il est plein
d'intelligence, et, en outre, comme homme, du caractère le plus
noble et le plus élevé.. . »
Teresa Milanollo, qui à quatorze ans jouait parfaitement du vio-
lon et comprenait parfaitement ses intérêts, écrit à sa bonne ma-
man qu'à Giésen « les étudiants allemands ont voulu tréné la
voiture, mais le coché qui était bête n'a pas voulu, de sorte qu'ils
ont couru derrière la voiture jusqu'à l'hôtel en criant : Bravo
Milanollo!... »
Voici un billet de Baptiste aîné, de la Comédie-Française, sur
les pièces de son temps : « Le mauvais goût nous gagne, ou la
poltronnerie. On veut exécuter sans trop d'attention , pleurer
sans être ému et rire sans franche gaieté. Un style papilloteux,
de l'esprit sur des pointes d'aiguille, des paquets de roses ou
d'assa fetida, enfin de la comédie de salon, et par conséquent bien
insignifiante, voilà ce qu'il faut au peuple d'Israël et à nous. »
L'idée suivante de Bayard se recommande d'elle-même,
2 août 1830, à son ami Valout... Au milieu de tous ces avides
solliciteurs qui le prient de les recommander à l'entourage du
nouveau roi, veut-il lui permettre à lui qui n'a rien, n'est rien,
et ne demande rien, de lui parler un tout autre langage... C'est
une idée qui m'est venue... conservera-t-on la censure drama-
tique ? il le craint, c'est un mal peut-être inévitable. Mais telle
qu'elle a existé jusqu'à présent, elle a tant fait crier qu'il sera
nécessaire d'en changer l'allure et l'esprit, aujourd'hui que tout
se fait par l'élection libre, et que les autenrs sont réunis en corps,
ne peuvent-ils pas choisir un certain nombre d'hommes de let-
tres qui seraient chargés d'examiner les pièces de théâtre *?. .. »
Kalkbrenner se plaint, à la date de 1848, de certains abus
qui existeront encore quelques années, croyons-nous. « On ne
peut trouver de place au Conservatoire ni pour jouer, ni pour
faire entendre une symphonie... Je dois vous dire que ceci est
un bien singulier pays, tout se fait par intrigue et par les fem-
mes; le talent n'est qu'en seconde ligne;' il faut écrire dans les
journaux, crier bien haut : Je suis un grand homme; à la fin il
y a des gens qui disent : Mais puisqu'il le dit, il faut que cela
soit,... c'est un grand homme ! »
Nous avons là aussi une fort belle lettre de Lesueur, qui de-
mande vivement au ministre le rétablissement des maîtrises, et
qui fait observer que Legros, Chéron, Lais, Rousseau, Durante,
Pergolèse, Piccini, Sacchini, Paisiello, Hasse, Bach , Gluck et
Mozart, ont été élevés les uns dans îles conservatoires religieux
et cloîtrés, les autres dans les séminaires de musique. »
Je m'arrête ici, mon cher directeur, et m'excuse tout d'abord,
des quelques lignes qui vont suivre. Mais je ne puis citer Le-
sueur et parler du rétablissement des maîtrises sans songer à l'ho-
norable bibliophile qui m'a fait l'honneur de répondre à ma rec-
tification sur le serpent d'église. — Voici ma réponse à la sienne,
en m'excusant, je le répète, d'entretenir vos lecteurs de choses
aussi insipides que celles des dates et des noms, au seul point de
vue chronologique :
Un bibliophile, quel qu'il soit, connaît parfaitement la date de
naissance du P. Mersenne, de Lebeuf et de Laborde. S'il les
oublie, il doit lui suffire d'étendre la main et de consulter Bru-
net, Quérard, Fétis, Didot-Hœfïer, ouvrages que tout bibliophile
possède dans sa bibliothèque. .
J'ai écrit (voir mon article) : « Dans ses Mémoires relatifs à
l'histoire d'Auxerre, tome 1er, page 643 (d'après Laborde),
l'abbé Lebeuf dit que le serpent, etc., » ce qui signifie évidem-
ment pour tout bibliophile musicien: « A cette page 643! ! I
{selon Laborde, s'il faut en croire Laborde), Lebeuf dit que, etc. »
Si j'avais voulu insinuer à vos lecteurs que Lebeuf avait copié
Laborde , qui naissait cent-quarante ans après lui ! j'aurais
écrit : « Dans ses mémoires, Lebeuf dit , d'après Laborde (Essai
sur la musique, tome 1er, page 274), que le serpent, etc. »
J'aurais ainsi indiqué le volume et la page de l'autorité citée, et
non pas le volume et la page de celui qui citait, et le d'après La-
borde. suivait le verbe dire. — Il en est de même du P. Mer-
senne : J'ai écrit pour tout le monde que, s'il faut en croire La-
borde, le P. Mersenne, etc., et je puis ajouter que Laborde a
raison.
Maintenant, mon cher directeur, m'accusera-t-on encore d'a-
voir rendu au P. Mersenne et à l'abbé Lebeuf le mauvais ser-
vice de les faire revivre cent ans et plus, après leur entrée eu
Paradis?
A. DURKAU.
PETITE CHROMQIjE.
LABLACHE A VINGT-TROIS ANS.
La Gazette musicale de Milan publie depuis quelque temps
une série de lettres d'auteurs, compositeurs et artistes célèbres,
adressées à M. G. Ricordi, l'éditeur de musique, Dans le dernier
numéro de ce journal nous trouvons une lettre de Donzelli dans
laquelle ce chanteur recommandait à Ricordi la basse-taille La-
blache qui était alors presqu'inconnu. Voici cette curieuse
é pitre :
« Palerme, 15 octobre 1S17 .
« Cher ami,
» Je vous préviens que l'artiste que je vous adresse est un
primo buffo ; il s'appelle Luigi Lablache. Il n'a que vingt-trois
ans, mais je puis vous assurer qu'il est, à cette heure, du calibre
du brave ami Galli, tant de figure que de voix. Voyez ce que
4i4
LE MÉNESTREL.
vous pourrez faire pour lui ; je vous assure que ni vous ui moi,
en lui procuvant un engagement , nous ne ferons mauvaise
figure. Le théâtre qui me paraîtrait le mieux convenir à Labla-
che serait la Scala ; il remplirait cette salle de sa grande voix, et
il rappellerait Galli.
» Votre ami, Donzelli. »
NOUVELLES WIVEHSES.
— A Vienne, on joue régulièrement deux fois par semaine la Clochette
de l'Ermite (les Dragons de VUlars], de M. Aimé Maillart. Cet opéra et le
Faust de Gounod sont en grande faveur en Allemagne.
— On écrit de Vienne : « Le célèbre pianiste Alexandre Dreyschock se
trouve ici, et se propose de faire une nouvelle excursion artistique en Al-
lemagne, en Hollande, en Belgique ; de là il se rendra à Paris où il ne
s'est pas fait entendre depuis plusieurs années.
— Antoine Rubinstein est retourné à Saint-Pétersbourg. Il espère, dans
le courant de l'hiver, pouvoir mettre en scène un nouvel opéra en trois
actes, intitulé Lala Roohh. Le sujet plaît beaucoup au compositeur, qui en
a donné l'idée au poète.
— Nous avons une erreur à rectifier au sujet des dernières fêtes don-
nées à Berlin. Ce n'est pas Olympia, de Spontini, mais bien Nurmahal,
opéra à grand spectacle, de cet illustre maître, qu'on a représenté au
Théâtre -Royal de cette ville.
— La basse Karl Formés , l'un des meilleurs chanteurs des théâtres al-
lemands, vient de recevoir du duc de Nassau les insignes de l'ordre d'A-
dolphe.
— A Francfort on a inauguré le i8 de ce mois la nouvelle salle de con-
certs par la Création, de Haydn.
— L'inauguration du nouveau théâtre que M. Benazet fait construire à
Bade s'effectuera par un ouvrage en deux actes, Erostrate, paroles de
Méry, musique de M. Ernest Reyer, et d'un opéra en deux actes imité de
Shakspeare, dont Berlioz a composé le poëme et la partition.
— La Société néerlandaise pour l'encouragement de l'art musical, qui
compte en France, parmi ses membres de mérite, MM. D.-F.-E. Auber,
H. Berlioz, G. Kastner, et parmi ses membres correspondants honoraires,
MM. M. Bourges, B. Damcke, F. Danjou, C. Gounod, P. Scudo, à Paris, et
M. E. de Coussemaker, à Lille, a réouvert son concours , auquel les étran-
gers aussi sont invités, sur la question suivante : « Esquisses historiques
sur l'art musical en Hollande au seizième siècle, pour servir de matériaux à
une histoire de l'art. » Ces esquisses devront joindre la solidité du fond à
l'attrayant de la forme. Le prix offert est de 25 à 200 florins, selon l'éten-
due et la valeur des pièces. L'envoi doit avoir lieu avant le 31 décembre
1862, à l'adresse de M. le docteur Heye, secrétaire de la direction en chef
de la Société, à Amsterdam.
— On écrit de Milan : « Le ministre de l'instruction publique vient d'ac-
corder une faveur insigne à deux élèves du Conservatoire de Milan,
MM. Faccio et Boito ; il leur a alloué une pension.de 2,000 francs pour les
aider à continuer leurs études musicales , et « se perfectionner (disent les
considérants du décret) dans l'art qu'ils cultivent déjà avec succès. »
— Florenxe (correspondance particulière).
Monsieur,
Je prends la liberté de vous adresser, comme abonné à votre journal,
quelques renseignements sur la saison musicale de Florence, à l'occasion
de l'exposition italienne. Au théâtre de la Pergola, après le Ballo in Mas-
chera on a joué pour la première fois Martha, par Flotow. Cet opéra a eu un
succès des plus brillants, ainsi que les interprètes, Mme Lotti délia Santa et
M. Graziani, ténor. Le publie florentin doit être reconnaissant à l'impressa-
rio Lanari d'autant plus, qu'il fait goûter en Italie une des plus charmantes
productions allemandes, et pour la première fois. Au théâtre Pagliano, la
Borghi-Mamo a chanté dans Barbiere di Siviglia et dans Othello. Le
public a été plus que jamais enthousiasmé de cette célèbre cantatrice. Les
critiques minutieux trouvent seulement qu'il faudrait ajouter à cette per-
fection d'exécution plus de goût dans le choix des variations et des
fioritures.
. Mrae Vera-Lorini qui avait si heureusement chanté dans le Capileli et
Montecchi, de Bellini, a continué son engagement au théâtre de la Pergola
dans Lucrezia Boryia.
Je ne vous parlerai pas de la masse des concerts qui journellement ont
lieu. Camille Sivori a donné quatre soirées au théâtre Niccolini à la grande
satisfaction des amateurs. C'est un digne disciple de Paganini.
Mlle Elviva del Bianco, pianiste, a donné un grand concert dans la salle
philharmonique avec le concours de Mmc Grisi.
Les concerts qui ont eu lieu dans le palais de l'Exposition ont été des
véritables médiocrités. La commission, chargée pour engager tous les artistes
italiens même qui sont à l'étranger, après avoir présenté un projet gran-
diose pour quatre grands concerts, a été remerciée pour ces travaux, at-
tendu la dépense trop forte en prévision.
J'espère que vous voudrez, si vous le voulez bien, placer ces petits ren-
seignements dans les Nouvelles diverses, et heureux si je pouvais continuer
à insérer dans votre intéressant journal quelques nouvelles musicales ita-
liennes.
J'ai l'honneur de vous saluer. L. Niccolini Alamanni.
— On écrit de Tiflis (Géorgie russe) : « Les représentations d'une troupe
d'opéra italien ont commencé ici par Lucrezia Boryia, avec MUe Edenska
comme prima donna.
— La reconstruction du théâtre du Liceo à Barcelone, qui fut détruit par
un incendie au mois d'avril dernier, est presque terminée. La réouverture
aura lieu en janvier prochain.
— La saison italienne de Nice est déjà en pleine activité. Les concerts
commencent aussi à donner signe de vie. Mlle Perez de Brambilla, pianiste
des plus distingués, professeur de piano au Conservatoire de Marseille,
vient d'obtenir l'un de ces succès de femme et d'artiste qui font époque.
Nous regrettons, faute de place, de ne pouvoir reproduire les éloges qui lui
sont adressés par M. Léopold Amat, dans sa chronique théâtrale de Nice.
— Nous lisons dans le Guide musical helge : « Mme Duprez-Vandenheu-
vel qui vient de donner quelques représentations au théâtre d'Anvers, y a
été remplacée dimanche dernier par Mme Miolan-Carvalho. Les représenta-
tions de Mme Miolan-Carvalho, dit le Précurseur, marqueront dans les an-
nales de notre théâtre ; pour aujourd'hui nous nous bornerons à constater
un succès immense et un enthousiasme indescriptible. VAve Maria de
Gounod, exécuté par Mme Miolan-Carvalho et le violoniste Vizentini (avec
accompagnement de piano, orgue et orchestre) a fait sensation et enlevé
la salle. Ce chef-d'œuvre a été bissé. »
— Le ténor Lefranc que Duprez vient de former aux splendeurs du
grand opéra , a voulu débuter à Marseille, sa ville natale , par le rôle
d'Arnold de Guillaume Tell. Son célèbre professeur est venu le patronner
en personne, et le public en a profité pour rappeler, à la fin, le maître et
l'élève. Cette soirée a été pleine d'émotions et des plus agréables pour tout
le monde.
— Les journaux de théâtres nous apprennent qu'on a célébré cette se-
maine, en l'église Notre-Dame-de-Lorette, le mariage de M. Ch. Ballaille,
artiste de l'Opéra-Comique , avec Mlle L. D. Les témoins de M. Battaille
étaient MM. de Saulcy et Nogent de Saint-Laurent, avocat à la Cour impé-
riale de Paris.
— On annonce un grand concert à Nantes pour lequel notre jeune vir-
tuose violoniste Sarasate vient d'être engagé. On avait également sollicité
le concours de M"e Marimon , mais le répertoire actuel de l'Opéra-Comi-
que la retient forcément salle Favart.
— M. Lyonjvient de nouveau d'être appelé à Lille par la Société philhar-
monique. Il reviendra tout aussitôt pour la réouverture de ses cours de
chant, 30, rue de Montholon.
—Une attrayante matinée musicale a eu lieu le dimanche 3 dece mois dans les
salons de M. Bouillet, au château de Montaleau. Elle a été donnée au profit
des pauvres sous le patronage de M. le maire de Sucy, par M. etMm0Alard-
Guerette, avec le concours de M. Pierre Benoît, Mme Baudillon-Diette et
î 'Orphéon de Sucy. Tous les artistes ont été très-fêtés, sans en excepter
M. Aurèle, le jeune comique des Variétés, chargé d'égayer les auditeurs
avec ses chansonnettes.
• — La messe de M. Pierre Benoît, dont nous avons constaté le grand
succès à Bruxelles, sera, dit-on, exécutée cet hiver à Paris, dans un de nos
concerts spirituels. — On nous annonce aussi que le Théâtre -Lyrique
jouera cet hiver l'opéra de M. Pierre Benoît, le Roi des Aulnes. Le talent
NOUVELLES ET ANNONCES.
415
de ce compositeur recevra ainsi un double baptême devant le public
parisien.
— En attendant que nous rendions compte du nouveau livre de M. J.
d'Ortigue, la Musique à l'Eglise, qui vient de paraître à la librairie acadé-
mique de MM. Didier et Ce, constatons le légitime succès que cet ouvrage a
obtenu dès sa publication. Ce n'est pas une simple collection d'articles
réunis dans la seule pensée de faire un volume, et que l'on peut feuilleter
avec plus ou moins de curiosité et d'intérêt ; c'est un vrai réquisitoire con-
tre la fausse et mauvaise musique d'église que M. d'Ortigue lance hardi-
ment aujourd'hui, et qu'il adresse, sous les formes les plus respectueuses,
mais en termes énergiques et sincères, au haut et au bas clergé, aux ecclé-
siastiques compositeurs, aux maîtres de chapelle, aux organistes, aux fidè-
les et au public. La musique, aux yeux de M. d'Ortigue, est le premier et
le plus noble des arts ; c'est une transformation et un auxiliaire de la pa-
role, et les tonalités sont les divers idiomes du langage musical. La tonalité
grégorienne est la langue des choses divines, du culte qu'on rend à Dieu ;
la tonalité mondaine est la langue des sentiments et des passions qui agitent
les hommes. M. d'Ortigue est partisan déclaré du plain-cbant qui , dans le
sanctuaire, cède peu à peu la place aux fredonsdes théâtres. C'est au point
de vue de cette théorie élevée que le critique juge les œuvres religieuses
de Palestrina, de Mozart, de Cherubini, et de nos plus célèbres compositeurs
contemporains. Il dénonce le mauvais goût qui préside au choix des can-
tiques vulgaires, et il assimile les Mois de Marie à des solennités profanes.
La Musique à l'Eglise est bonne à consulter pour tout ce qui se rattache
à la musique religieuse de notre époque. On y trouve des documents ori-
ginaux qui attestent la part qu'ont prise, les gouvernements et le clergé,
au rétablissement des maîtrises et des bas-chœurs, à l'amélioration des cha-
pelles, à la construction et à la réparation des grandes orgues et des orgues
d'accompagnement.
— M. Gouffé, notre habile contre-bassiste, va reprendre ses matinées du
mercredi. La première séance de celte saison aura lieu le mercredi 26 no-
vembre, dans son nouvel appartement de la rue Jean-Baptiste Say.
— Voici l'état des recettes brutes qui ont été faites pendant le mois
d'octobre 1861, dans les établissements soumis à la perception du droit des
indigents.
Théâtres impériaux subventionnés 448, ObO fr. 23 c.
Théâtres secondaires de vaudevilles et petits spec-
tacles 896,965 60
Concerts, spectacles-concerts, cafés-concerts, bals. 144,990 25
Curiosités diverses ' 17,665 70
Total 1,507,671 78
— Mmc Scott-Morel est de retour à Paris, et a repris rue Fontaine-Saint-
Georges, 32, le 'cours de ses leçons de chant, d'autant plus appréciés qu'elle
joint l'exemple au précepte. M™ Scott s'est déjà fait entendre celte année
dans quelques soirées intimes, et y a reçu les éloges des juges les plus
compétents.
— Mlle Laguesse, de retour à Paris, annonce la réouverture de ses cours
de piano et de musique d'ensemble, qui auront lieu deux fois par semaine,
à partir du lundi 18 novembre, Chausséed'Antin, 19.
— Le cours de chant de Mme Labadie a commencé le 15 de ce mois et
finira le 15 mai. Le cours de piano de Mme etMlle Vanden Heuvel a lieu le
même jour et dans le même local, rue Saint-Lazare, 79.
— Nous nous empressons de rectifier le nom de Mme veuve LkVDEJeune,
née Massy, nom que la typographie a défiguré dans l'un de nos derniers
numéros. Mme Laude jeune, ancienne élève de MM. Ponchard et Boulangé-
Kunzé, et disciple de l'école de Mme Hébert-Massy , sa sœur, a repris avec
succès ses leçons de chant, rue d'Aval-Saint-Antoine, 11.
— A céder, belle clientèle de professeur de piano, dans une localité à une
heure de Paris. S'adresser à M. Chaillot, éditeur de musique, 2, rue de la
Feuillade, place des Victoires.
J.-L. Heugel, directeur.
J. Lovy, rédacteur en chef.
rue Jean-JacqucsRou
Pour paraître le 1er décembre 1861 (£9me AXXÉSE).
PRIMES- I862~DU MÉNESTREL
qui seront remises ou envoyées franco à chaque abonné , sur renouvellement de l'abonnement d'un an, à compter du 1er décembre prochain. Pour la province,
écrire franco à MM. HEUGEL, et Ce, éditeurs du Ménestrel, en accompagnant chaque demande d'un BON sur la poste avec supplément d'un franc
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2. Tre Giorni Pergolèse.
3. Adélaïde Beethoven.
4. Air d'église du célèbre chanteur Stradella.
5. Lacrymosa et les Noces de Figaro Mozart.
6. Duello de Zelmira Rossini.
7. Bella adorata Mercadente.
8. Le Meunier et le Torrent F. Schubert.
9. Il mio tesoro de Von Juan Mozart.
10. Chœur des Conjurés du Crociutu Meyerbeer.
1 1 . Ballade de Preciosa "Weber.
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Piano et Chant, de
J. OFFENBACH
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neufs sont rigoureusement interdits. — 3° Les Abonnés qui auront reçu des morceaux neufs et qui les apporteront tachés, déchirés, doigtés ou incomplets, devront
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