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Full text of "Le Mois religieux et littéraire"

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LE 


MOIS  tlMÛIÎM^ 

ET  LITTÉRAIRE, 

PUBLIÉ  PAR  UNE  SOCIÉTÉ  DE  GENS  DE  LETTOES , 

sous  LE  PATRONAGE  DE  PLUSIEURS  PRÉLATS  ET  DE  HAUTS  PERSONNAGES  ,* 

ET  SOUS  LES  AUSPICES  DE  MM.  DE  CHATEAUBRIAND,  DE  CONNY,  DE  BONALD,  DE 
11ARC£L^US,  LACORDAIRE,  A.  RUINARD  DE  BRIMON,  P.  DE  CUAMPGRAND, 
DE  GRANDXAISON  Y  BRUNO,  DE  SEVALLOS,  FIGUEROA,  ETC.,  ETC. 


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SEPT  FRANCS  PAR  AN  , 

1  fr.BO  c.  en  sus  pour  les  dépar terriens  ,   Z  fr.  poitr  V étranger. 


Le  Mois  Religieux  parait  du  25  au  50  de  chaque  mois,  par  livraison 
de  trois  feuilles,  od  48  pages  iii-S*»,  imprimé  sur  papier  grand-raisin 
satiné. 


{On  ne  souscrit  pas  pêur  moins  (Tune  année,  à  partir  de  laprtmière  Uvr.  ) 


OK  S'ABOlffBJS  A  PARIS  ^ 

AU   BUREAU  DU  lOURNAL  ,  RUE  GIT^E-CŒUR  ,   5. 

i  DENTU,   LIBRAIRE,   PALAIS-ROYAL,   GALESIIE  VITRÉE^  13. 
ETCaSZ    l  HIVERT,   LIBRAIRE,   (iVAl  DES  AUGUSTINS ,   27. 

(  THÉ0D0RELECLERC,LI3RAIRE, PLACE  DU  PAR VIS-N .-DAME. 


M    DOCC  XXXVIL 


1^ 
p 


LE 


MOUS  ll]La©IIli02£ 

ET  LITTÉRAIRE. 


PÊT£  BE  KTOEX.. 

La  religion  de  Jésus-Christ  sait  que  le  cœur  de  l'homme,  toujours 
on  proie  sur  la  terre  à  la  douleur  et  aux  désirs,  a  besoin  en  tous  temps 
de  consolations  et  de  jouissances.  Aussi  dans  toutes  les  saisons  de  ce 
cercle  rapide  que  nous  nommons  année ,  elle  présente  à  ses  enfans  les 
pures  délices  de  ses  fêtes.  Au  printemps ,  quand  la  nature  semble  sor- 
tir d'un  sommeil  aussi  triste  que  la  mort,  la  religion  nous  montre  Jésus- 
Christ  sortant  des  ombres  du  tombeau.  Quand  les  chaleurs  brûlantes  de 
l'été  se  font  sentir ,  c'est  le  cœur  sacré  du  Sauveur  qu'elle  présente  à  nos 
adorations ,  c'est  son  ardent  amour  pour  nous  dont  elle  rappelle  le  sou- 
venir à  la  mémoire  de  nos  âmes.  A  l'automne ,  elle  nous  conduit  au  pied 
de  la  croix  et  nous  y  fait  voir  celui  qui  fut  foulé  pour  nos  iniquités  com  me 
le  raisin  l'est  au  pressoir  ;  puis  encore ,  élevant  nos  pensées  vers  le  ciel , 
soulevant  de  sa  main  divine  le  voile  qui  nous  en  dérobe  les  splendeurs , 
elle  rend  notre  foi  témoin  du  bonheur  des  saints  et  nous  laisse  voir  la 
part  qui  nous  attend,  si  nous  sommes  fidèles.  Enfin  quand  le  froid 
hiver  a  jeté  sur  la  nature  entière  un  linceul  de  tristesse,  la  religion  nous 
mène  à  la  Crèche ,  et  là ,  elle  nous  montre  le  petit  enfant  qui  nous  a  été 
donné.  Nous  voyons  ses  pleurs,  nous  entendons  les  vagissemens  que 
lui  arrachent  ses  premières  douleurs,  et  la  plainte  expire  sur  nos  lèvres, 
el  la  souftrance  nous  semble  un  bonheur. 

Non  ,  rien  de  plus  touchant  pour  une  ame  vraiment  chrétienne  que 
cette  nuit  de  Noël,  où  le  soleil  de  justice  venait  luire  au  milieu  des 
ombres.  Avec  quelle  joie  on  se  dirigeait  vers  le  saint  temple  !  Avec 
quel  transport  on  s'écriait  :  nous  vous  louons  ,  ô  Dieu ,  nous  confes- 
sons votre  puissance,  o  Seigneur!  Hélas,  aux  plus  doux  souvenirs,  il 
faut  donc  toujours  joindre  l'amertume  des  regrets.  Cette  annéeencore, 
Noël  est  venu ,  mais  vainement  les  échos  de  la  capitale  ont  porté  dans 
tous  ses  quartiers  le  bruit  douze  fois  répété  de  l'heure  cpii  ,  naguère, 
rendait  la  nuit  sainte  aussi  lumineuse  (|ue  le  jour.  Presque  partout  le 
sommeil  avait  remplacé  la  pvière,  et  le  vieillard  s'était  endornu'  ei  re- 
grettant les  momens  de  sa  jeunesse,  où ,  comme  les  bergers  de  Juda,  il 
entendait  le  silence  des  nuits  interrompu  par  ce  chant  de  triomphe  et 
de  bonheur  :  gloria  ni  cjccelsis ,  etc. 

T.    I.  4 


50  LE  MOIS  UELIGIEUX 

Pourtant  de  pieux  asiles  encore  étaient  ouverts  à  la  piété.  Dans  plu- 
sieurs communautés ,  dans  quehjues  hospices,  on  a  célébré  celte  messe 
proscrite  depuis  quelques  années.  A  l'hospice  Nccker,  entre  autres, 
une  pompe  calme ,  simple ,  mais  majestueuse ,  a  accompagné  la  tou- 
chante solennité.  Tout  y  fut  bon  pour  l'ame,  mais  un  moment  surtout 
donna  à  tous  les  cœurs  un  avant  goût  de  la  paix  du  ciel  ;  on  avait  récité 
laudes ,  le  célébrant  était  au  pied  de  l'autel ,  quand  tout-à-coup  l'ai- 
rain sacré  sonna  minuit  ;  le  prêtre ,  les  assistans ,  les  fidèles ,  tous  tom- 
bent à  genoux,  et  dans  le  recueillement  de  l'adoration,  attendent  que 
le  murmure  du  douzième  coup  soit  perdu  dans  les  airs.  Alors  le  sacri- 
fice commence,  et  bientôt  dans  la  Bethléem  catholique,  Jésus  prend 
une  naissance  nouvelle  ,  et  des  âmes  de  bonne  volonté  viennent  en  foule 
se  nourrir  du  pain  délicieux  des  anges.  De  touchans  cantiques,  puis  un 
silence  peut-être  plus  touchant  encore ,  se  partageaient  les  momens  trop 
courts  du  divin  sacrifice  :  quelques  mots  seulement ,  mais  pleins  d'onc- 
tion et  de  zèle ,  tombaient  à  chaque  messe  des  lèvres  du  prêtre  dans  les 
cœurs  des  fidèles  ;  puis  à  son  tour ,  tout  bas  l'enfant-Dieu  parlait  :  et 
que  ne  disait-il  point  !  !  !  L'aumônier  avait  réservé  à  quelques  agonisans 
le  bonheur  de  recevoir ,  à  ce  moment  où  Jésus  naissait ,  le  viatique  qui 
devait  rendre  leur  mort  douce  et  suave  ;  il  le  porta  vers  leurs  lits  de 
douleurs ,  et  les  esprits  célestes ,  en  voyant  ce  pieux  cortège ,  répétaient 
sans  doute  encore  l'hymne  qu'à  pareil  jour  ils  chantèrent  pour  la  pre- 
îTiière  fois  :  gloire  à  Dieu  au  plus  haut  des  cieux ,  et  paix ,  paix  sur  la 
terre  aux  hommes  de  bonne  volonté. 

Quand  fut  venue  l'heure  où  l'Église  sans  crainte  pouvait  faire  éclater 
les  transports  de  sa  gratitude,  elle  déploya  toute  sa  magnificence;  mais 
encore  et  toujours  une  ombre  de  douleur  au  sein  de  la  joie.  L'anti(pie 
métropole  était  privée  de  la  présence  du  premier  Pasteur ,  la  voix  amie 
du  Père  ne  bénissait  point  les  enfiins,  et  tandis  qu'on  aurait  eu  tant 
de  bonheur  à  jouir  de  sa  présence,  il  fallait  olfrir  des  vœux  pour  que 
Dieu  conservât  ses  jours! 

Dans  plusieurs  églises  de  Paris,  la  solennité  de  Noël  reçut  un  nouveau 
lustre  par  la  présence  des  prélats  (pii  vinrent  y  célébrer  les  saints  mys- 
tères. Monseigneur  l'évêque  de  Nancy  et  deToul  officia  ix)ntificaloment 
àSainte-Valère:  Monseigneur  févêque  d'Ajaccio,  à  Saint-Leu.  Partout 
une  foule  innombrable  se  pressait  sous  les  saints  portiques;  le  recueil- 
lement était  profond,  la  piété  tendre  et  sincère.  Ah!  puisse  cette 
époque  sacrée  être  celle  d'une  renaissance  parfaite  à  la  Foi  et  à  la  Re- 
ligion! Piiisse-t-on  sentir  enfin  que  seules  elles  peuvent  procurer  le 
bonheur  !  Où  le  chercher  hors  de  leur  sein  ?  Dans  la  grandeur!  !  0  qu'il 
s'en  faut  (pi'on  le  rencontre  dans  ces  |>alais  somptueux  où  habitent  un 
ranar  élevé,  une  fortune  brillante!  Oue  de  chagrins  cuisuns,  que  de 


ET  LITTÉRAIRE.  51 

larmes  secrètes  !  Et  ces  pleui*s  encore,  combien  de  fois  il  faut  les  em- 
jxiclier  de  s'échapper  ;  combien  de  fois,  si  l'on  pouvait  les  laisser  cou- 
ler en  liberté,  croirait-on  être  heureux!  Dans  les  plaisirs?  On  se  fa- 
tigue à  leur  poursuite,  et  quand  on  les  a  saisis  dans  leur  course  ra- 
pide, souvent  le  remords  les  empoisonne;  la  vanité  déçue  les  change 
en  tourmens  :  et  quand  on  aurait  goûté  dans  toute  sa  plénitude  l'eni- 
vrement  de  ces  jouissances  frivoles  ,  le  cœur  reste  vide  dès  qu'il  est 
passé,  ou  plutôt,  il  n'est  jamais  rempli.  Est-ce  donc  là  le  bonheur? 

Mais  en  supposant  que  la  grandeur ,  la  richesse ,  les  plaisirs  rendent 
véritablement  heureux ,  combien  peu  d'hommes  alors  pourraient  l'être. 
Membres  pauvres  et  souffrans  de  la  grande  famille ,  vous  qui ,  ranges 
dans  les  dernières  classes  de  la  société ,  ne  devez  qu'à  un  travail  pé- 
nible et  souvent  au-dessus  de  vos  forces ,  le  soutien  de  votre  triste  exis- 
tence, vous,  plus  malheureux  encore ,  à  qui  manque  cette  ressource  et 
qui  ne  pouvez  donner  que  des  larmes  aux  enfans  qui  vous  demandent 
du  pain,  si  c'est  au  sein  des  plaisirs ,  de  la  grandeur ,  des  richesses  que 
se  trouve  le  bonheur,  livrez-vous  au  désesix)ir,  car  il  n'est  pas  fait 
pour  vous!  !  0  Dieu  ,  pardonnez  ;  n'ai-je  pas  laissé  échapper  un  blas- 
phème? Quoi!  vos  créatures,  formées  par  vos  mains,  rachetées  par 
votre  sang  ,  vos  créatures,  en  qui  vous  avez  mis  une  soif  immense  do 
bonheur,  vous  les  laisseriez  sur  la  terre  sans  au  moins  quelques  gouttes 
de  ce  breuvage  pour  désaltérer  un  peu  leur  ame  !  Non ,  ce  n'est  pas 
quelques  gouttes,  c'est  une  source  de  bonheur  qui  a  été  donnée  à 
l'homme  exilé  sur  la  terre.  La  Religion  l'a  reçue  dans  son  sein ,  et  celui 
qui  en  a  soif  peut  venir  ;  elle  ne  se  tarit  point  :  plus  on  y  puise  et  plus 
elle  coule  ! 

Quel  charme  touchant  dans  ces  fêtes  consacrées  à  honorer  le  temps 
précieux  de  la  sainte  enfance  de  Jésus-Christ;  comme  elles  rappellent 
au  chrétien  sa  dignité,  le  prix  de  son  ame,  et  surtout  l'amour  do 
Dieu  et  sa  miséricorde!  A  peine  sorti  du  sein  virginal  de  Marie,  celui 
qui  avait  daigné  envelopper  sa  divinité  de  notre  chair  mortelle,  dési- 
reux de  ce  baptême  de  sang  qui  devait  laver  les  péchés  du  monde,  se 
haie  d'en  faire  couler  les  prémices  sous  le  fer  de  la  circoncision ,  et 
de  prendre  ce  nom  si  suave,  si  doux ,  si  grand ,  ce  nom  sacré  de  Jésus , 
qui,  par  sa  puissance,  fait  fléchir  tout  genou,  au  ciel,  sur  la  terre 
et  dans  les  enfers.  Ce  nom  incomparable  qui  annonce  à  la  terre  dé- 
solée qu'enfin  est  né  le  Réparateur  promis  depuis  tant  de  siècles,  et 
qu'un  Sauveur  lui  est  donné.  Hommes  qui  recherchez  la  gloire  avec 
tant  de  passion,  où  la  trouverez-vous  plus  grande,  plus  réelle,  (jue 
dans  ces  mystères  de  l'anéantissement  d'un  Dieu!  Tombés  ,  déchus, 
défigurés j)ar  le  i)éché  du  père  commun  du  genre  humain  ,  ses  enfans 
n'étaient  plus  que  des  victimes  vouées  au  plus  juste  des  analhèmes. 


52  LE  MOIS  RELIGIEUX 

El  cependant  le  juge  même  qui  venait  de  les  condamner,  les  trouve  si 
grandes,  si  sublimes,  qu'il  cherche  un  moyen  de  concilier  sa  justice 
et  son  amour.  Le  Verbe,  la  seconde  personne  de  Tadoraljle  Trinité, 
s'offre  pour  porter  nos  crimes  et  nos  offenses;  nous  sommes  pécheurs, 
et  il  sera  brisé  pour  nos  péchés.  INous  sommes  condamnés  à  la  mort , 
et  il  mourra  pour  racheter  notre  vie.  Le  sang,  les  humiliations,  la 
mort  d'un  Dieu,  voilà  ce  que  nous  valons  à  ses  divins  regards! 
Quelle  gloire!  quelle  grandeur! 

Jusqu'à  la  naissance  du  Messie  un  seul  peuple  avait  été  appelé  à  la 
connaissance  du  vrai  Dieu  ;  mais  à  peine  Jésus  a  touché  la  terre ,  que 
sa  mission  universelle  commence.  Les  gentils,  objets  des  mépris  de 
cette  orgueilleuse  synagogue  qui  devait  mettre  le  sceau  à   ses  crimes 
par  le  déicide,  les  gentils,  assis  dans  les  ombres  de  la  mort,  ont  vu 
tout-à-coup  une  grande  lumière.  Une  étoile,  aimable  avant-courièrc 
du  soleil  de  justice,  une  étoile  leur  apparaît;  à  ce  signe  sacré,  les 
sages  de  l'Orient  se  lèvent ,  et ,  quittant  tout ,  suivent  le  guide  céleste 
qui  conduit  leur  marche  incertaine.  Si,  pour  un  moment,  il  se  cache  à 
leurs  yeux,  leur  foi  n'est  point  ébranlée;  ils  demandent  hardiment 
au  roi  de  la  Judée  en  quel  lieu  ils  trouveront  celui  qui  est  né  roi  des 
Juifs,  et  quand  ils  savent  à  peine  où  est  cette  Bethléem  de  Juda  qui 
doit  voir  naître  le  Messie  promis ,   l'astre  bienfaisant  se  montre  de 
nouveau  à  leurs  regards;  ils  le  saluent  avec  transport  :  guidés  par  lui , 
ils  marchent ,  ils  marchent  encore ,  et ,  dans  une  pauvre  crèche ,  ils 
trouvent  un  faible  enfant ,  enveloppé  de  langes.  C'est  là  le  roi  qu'ils 
sont  venus  chercher  de  si  loin;   ils  se  prosternent  et  l'adorent!  Ils 
versent  devant  lui  l'or,  l'encens  et  la  myrrhe,  confessant  ainsi  sa 
royauté,  son  humanité  sainte  et  sa  divinité. 

Quelle  est  belle,  cette  fête  sacrée  de  l'Epiphanie,  où,  dans  la  per- 
sonne des  Mages,  nous  avons  été  appelés  à  la  foi!  C'est  pour  nous  le 
jour  de  la  joie;   c'est  vraiment  pour  nous  le  jour  que  le  Seigneur  a 
fait.  0  que  sa  miséricorde  éternelle  en  soit  louée!  Que  d'aujourd'hui  à 
jamais  nos  chants  de  reconnaissance  l'exaltent  et  la  publient!  Mais  ne 
l'oublions  pas ,  héritiers  de  la  foi  des  Mages ,  nous  devons  à  leur  exem- 
ple jusliiicr  cette  foi  par  nos  œuvres,  la  prêcher,  sinon  par  nos  pa- 
roles ,  du  moins  par  nos  exemples ,  à  tous  ceux  qui ,  chrétiens  de 
nom  ,  ne  suivent  pas  sa  divine  influence.  Elle  impose  des  sacrifices,  il 
est  vrai,  mais  son  onction  douce  et  puretés  rend  faciles,  et,  tandis 
que  la  magnificence  de  ses  promesses  encourage  et  fortifie,  un  charme 
secret  verse,  sur  tout  ce  qu'elle  inspire,  un  sentiment  de  bonheur  et 
de  consolation.  Le  monde  promet,  à  ceux  qui  le  suivent,  des  délices 
qu'il  ne  donne  pas;  la  Foi  donne,  à  ceux  (pii  marchent  sous  ses  éten- 
dards, dos  biens  qu'ollo  n'a  point  promis.  ÏTeureux  celui  dont  la  vie 


ET  LITTÉKAIRE.  53 

s'écoule  dans  ses  bras  nialcriiels!  De  son  lait  tout  pur  elle  nourrit  son 
enfance;  à  mesure  qu'il  grandit,  des  aliniens  plus  forts  sont  préparés 
par  ses  soins.  S*il  se  blesse  ,  elle  \g  guérit  ;  s'il  pleure,  elle  Le  console; 
et  quand  vient  pour  lui  l'heure  suprême,  elle  parle  plus  haut  à  son 
oreille  qui  déjà  n'entend  plus  les  voix  de  la  tcTre;  elle  montre  à  ses 
regards  éteints  la  patrie  des  récompenses  et  du  bonheur;  il  a  tout  vu , 
tout  entendu;  la  mort,  pour  lui ,  n'est  plus  qu'un  sommeil,  il  s'endort 
doucement  dans  le  temps  et  se  réveille  dans  l'éternité! 

0  vous  tous  qui  cherchez  le  bonheur,  venez  le  demander  à  la  Reli- 
gion. Seule  elle  le  possède;  seule  elle  peut  le  donner! 

E.  Brl'n. 


TRADUCTION    DU    PSAUME   SIXIEME. 

Remets  à  d'autres  temps  les  coups  de  ta  colère; 
Ne  me  fais  point  seiUir  les  traits  de  ta  fureur  ; 
Prends  pitié  de  mon  sort  et  monire-toi  mon  père  ; 
Guéris-moi  de  mes  maux,  laisse  fléchir  ton  cœur. 

Je  me  sens  agité  d'une  crainte  mortelle  ; 
Le  Irouhle  et  le  rem<;rds  me  viennent  déchirei'  ; 
Toi,  qui  peux  terminer  celle  épreuve  cruelle, 
Jusquesà  quand,  Seigneur,  la  ieras-lu  durer? 

Reviens  à  moi,  Grand  Dieu ,  pour  délivrer  mon  ame 
i)\ie  ta  miséricorde  arrête  la  rigueur  ! 
Si ,  de  mes  tristes  jours,  la  main  coupe  la  trame, 
Pourrai-je  chez  les  morts  célébrer  la  douceur? 

Vainement  à.  la  nuit,  témoin  de  mes  alarmes> 
Je  demande  un  sommeil  qui  calmerait  mes  maux, 
Et  sur  un  lit  de  cendre  ,  arrosé  de  mes  larmes , 
Je  me  fatigue  en-vain  à  chercher  le  repos  ! 

La  honte  et  la  douleur  o»t  obscurci  ma  vue  ! 
Vers  ton  trône  éternel,  comment  lever  les  yeux? 
J'ai  vieilli  dans  le  crime,  et  mon  ame  éperdue , 
N'aperçoit  qu'un  vengeur  dans  le  mailre  des  cieux  î 

Quoi  !  lu  daignes  sourire  à  mes  accens  funèbres , 
Ils  ont  pu  pénétrer  à  ton  cœur  plein  d'amour  ! 
Fuyez  de  ma  présence,  ouvriers  des  ténèbres. 
Le  Seigneur  m'a  rendu  tout  l'éclat  de  son  jour  ! 

A  la  voix  de  mes  pleurs,  son  oreille  propice 
M'entendra  plus  le  cri  de  mes  ini(|tiités, 
El  ma  prière  eniin  ,  désarmant  sa  juslic<' , 
Wi.  i'o:iverl  le  trésor  do  toulci  se3  bontés. 


54  LE  MOIS  RELIGFELX 

Fuyez ,  en  rugissant  et  de  honte  et  de  rage  y 
Ennemis  trop  cruels  qui  m'aviez  abattu. 
Tremblez  à  votre  tour  ;  Dieu  me  rend  mon  courage  : 
Redoutez  de  son  bras  la  force  et  la  vertu. 

Gloire  à  vous,  Père  Saint  ;  à  vous,  Fils  adorable, 
A  vous,  Esprit  d'amour,  source  de  tout  bonheur , 
Puissé-je  contempler  votre  gloire  ineffable 
Et  dans  l'Éternit}  vous  consacrer  mon  CDCurî 


M. 


=S>Si<?:<: 


IïOTRi:-DAZS£-P£-LORX:TTZ:r 

NotreTcuille  du  mois  dernier  était  entièrement  composée  et  à  la 
veille  de  paraître,  lorsque  nous  avons  reçu  le  Mandement  de  Monsei- 
gneur l'Archevêque  de  Paris  ,  sous  la  date  du  15  décembre  1836,  à 
l'occasion  de  la  consécration  de  l'église  paroissiale  de  Notre-Dame- 
de-Lorette.  Nous  sommes  encore  dans  un  temps  opportun  pour  re- 
cueillir et  faire  connaître  les  belles  paroles  du  premier  Pasteur  de  ce 
diocèse,  qui  ont  précédé  cette  cérémonie. 

Elle  a  été  auguste  et  touchante  :  la  Religion  n'a  reçu  que  des  témoi- 
gnages de  respect  j  on  a  pu  le  remarquer  surtout  au  moment  où  Mon- 
seigneur l'Archevêque,  en  habits  pontificaux,  et  précédé  de  sou 
clergé ,  a  parcouru  en  dehors ,  le  tour  de  l'église ,  au  chant  des  an- 
tiennes ,  et  tandis  qu'on  encensait  les  reliques  des  saints,  portées  aussi 
en  procession  extérieure  par  deux  prêtres  de  la  paroisse.  L'autorité 
civile  avait  pris  ses  mesures  pour  maintenir  le  bon  ordre;  mais  son 
intervention  a  été  inutile.  Dans  l'église  on  a  vu  régner  un  grand  re- 
cueillement et  un  vif  esprit  de  foi  ;  heureux  présage  d'un  avenir 
consolateur;  et  au  dehors,  à  l'aspect  du  signe  du  Salut ,  les  specta- 
teurs se  sont  spontanément  découverts.  La  foule  a  gardé  un  silence 
religieux. 

M.  de  Paris,  après  la  consécration  ^  et  avant  de  célébrer  une  messe 
basse  ,  a  adressé  des  félicitations  au\  autorités  qui  ont  concouru  à 
élever  ce  monument ,  et  aux  artistes  (jui  ont  consacré  leurs  talens  à 
sa  décoration.  A  celte  cérémonie  étaient  présens  MM.  les  Evêcjues  de 
Nancy  et  d'Ajaccio,  M.  l'internonce  du  souverain  Pontife,  en  cos- 
tume de  prélat ,  et  MM.  les  curés  de  Sl-Roch,  de  Si-Nicolas  du  Char- 
donnet ,  de  Monlmarlrc  et  des  RalignoUes. 


ET  LliTÉUAlRE.  55 

MANDEMENT    DE    MONSEIGNEUR    L'AnCIlEVftQliE    DE    l'A  H 18    A    l/oCC\SION    DE    LA 
CONSÉCUATION    DE    l'ÉGLISE   PAROISSIALE   DE    NOIUE-DAME-DE-LOIVETTE. 

IIyacintiie-Louis  de  QUELEN,  parlaMiséricordo  divine  et  la  grâce 
(lu  saint  Siège  Apostolique,  Archovc(|ue  de  Paris,  etc. 

Au  Clergé  et  aux  Fidèles  de  notre  Diocèse  ,  Salut  et  bénédiction  en 
Notre  Seigneur  Jésus-Christ. 

Un  nouveau  monument  s'élève  maintenant  au  scinde  la  Capitale, 
Nos  très-chers  Frères,  un  Temple  remarcpiable  par  son  élégance  et 
sa  richesse  s'ouvre  à  la  piété  pres(jue  impatiente  des  Fidèles  d'une 
Paroisse,  resserrés  jusqu'alors  dans  une  étroite  Chapelle.  Les  soins  , 
les  sacrifices  n'ont  point  coûté  aux  Magistrats,  aux  Conseillers  (|ui 
ont  successivement  veillé  jusqu'à  ce  jour  aux  intérêts  et  à  l'embellisse- 
ment de  la  ville  de  Paris,  afin  de  le  rendre  digne  de  sa  destination,  digne 
de  la  Majesté  Suprême  qui  veut  y  habiter ,  digne  de  l'auguste  et  puissante 
Patronne  de  la  Franco  ,  en  l'honneur  de  laquelle  il  fut  érigé.  Les  arts 
ont  olfert  avec  empressement  à  la  Religion  l'hommage  et  le  magnifi- 
que tribut  des  talens  ;  la  Religion  vient  de  bénir  et  de  consacrer  les  chefs- 
d'œuvre  qu'elle  a  elle-même  inspirés;  heureuse  alliance,  puisse-t-ello 
se  resserrer  déplus  en  plusl  Le  Sanctuaire,  orné  par  la  main  des 
hommes,  a  reçu  delà  main  de  Dieu,  par  notre  ministère,  l'Onction 
sacrée  qui  l'a  sanctifié  pour  le  cuite  du  Seigneur,  sous  l'invocation 
de  Marie  honorée  dans  sa  très-pure  Conception  ;  et  la  dédicace  solen- 
nelle en  a  été  faite  en  ce  jour  de  l'octave  d'une  fètc  si  chère  aux  fer- 
vens  serviteurs  de  la  Vierge  immaculée. 

Cet  événement  doit  être  sans  doute,  pour  tous  les  Chrétiens,  le 
sujet  d'une  grande  joie;  mais  l'Eglise  do  Paris  surtout  en  doit  témoi- 
gner sa  vive  allégresse  et  sa  profonde  reconnaissance ,  elle  qui  fit ,  dans 
tous  les  temps,  une  profession  si  ouverte  d'honorer  d'un  culte  par- 
ticulier la  Conception  de  celle  que  le  Seigneur  a  possédée  dès  le  com- 
mencement de  ses  voies  (i),  de  celle  qui,  de  toute  éternité,  avait  été 
choisie  pour  porter  dans  ses  chastes  enlvaû\cs\e  Rédempteur  incompa- 
rable que  nous  a  valu  le  péché  d*Adam  (2).  Oui,  c'est  une  des  gloires 
de  l'Eglise  de  Paris.  Instruits  par  les  Pères  du  Concile  de  Trente, 
appuyés  sur  les  Décrets,  Bulles  et  Constitutions  des  souverains  Pon- 
tifes (3),  forts  de  la  faveur  accordée  par  le  Siiint  Siège  Apostolique  à 
leur  pieuse  croyance ,  ses  Docteurs  s'engageaient  autrefois  par  un 
serment  prêté  sur  les  autels,  à  enseigner,  à  soutenir,  à  déreiulre  le 

(1)  Prov.  vni.  22. 

(2)  Hymne  Exullct ,  Sahbalo  sanclo. 

^)  Sixle  1\ ,  Pie  Y,  Grégoire  XV,  Alexandre  \H  ,  Benoîl  X.UI:. 


56  LE  MOIS  RELIGIEUX 

privilège  glorieux  de  la  nouvelle  Eve ,  montrée  à  nos  premiers  parens 
après  leur  chute,  comme  un  rayon  d'espérance,  comme  l'instrument 
de  la  miséricorde  luttant  contre  la  justice,  comme  la  créature  (|ui 
seule  devait  avoir  la  singulière  prérogative  d'écraser  la  tète  du  serpent , 
de  triompher  de  la  ruse  infernale  par  la  grâce  anticipée  de  Jésus-Christ 
son  fds,  unique  et  divin  médiateur  des  hommes. 

L'Eglise,  nous  le  savons,  n'a  pas  défini,  n'a  pas  proposé  aux  Fi- 
dèles comme  un  dogme  delà  Foi  Catholique,  la  croyance  de  l'imma- 
culée conception  de  Marie  et  de  son  exemption  de  la  tache  originelle.  Fils 
soumis  et  dévoué,  nous  chérissonsjusqu'cà  son  silence  j  mais  nous  savons 
aussi  qu'elle  a  laissé  à  ses  enfans  la  liberté  de  satisfaire,  à  cet  égard, 
ce  que  leur  inspire  un  sentiment  si  légitime  de  respect  pour  le  Verbe 
fait  chair  dans  le  sein  toujours  virginal  delà  Mère  de  Dieu;  bien  plus, 
elle  ne  permet  pas  qu'ils  soient  contrariés  publiquement  dans  l'usage 
de  cette  liberté;  elle  sourit  à  leur  vénération  ,  à  leur  amour ',  à  leur 
conliance  pour  Marie,  lorsqu'ils  l'invoquent  sous  le  titre  de  sa  con- 
ception immaculée.  Non-seulement  elle  tolère ,  non-seulement  elle 
autorise ,  mais  encore  elle  encourage  par  ses  indulgences  (4)  les  prières 
qui  se  font,  les  sociétés  qui  se  forment  pour  propager  une  dévotion 
déjà  si  ancienne  et  si  répandue,  une  pratique  si  raisonnable  et  si  na- 
turelle à  ceux  qui  sont  habitués  à  méditer  le  consolant  mystère  de 
l'Incarnation;  si  douce  au  cœur  de  ceux  qui,  comme  nous ,  ont  ex- 
périmenté tant  de  fois  la  puissance  et  les  bontés  maternelles  de  Marie. 
Ohî  que  nous  aimons,  N.  T.  C.  F.,  à  vous  faire  entendre,  en  celte 
circonstance,  la  voix  puissante  de  notre  Bossu^t,  à  nous  associera 
ses  pensées,  à  entrer  dans  ses  sentimens,  à  nous  approprier  ses  pa- 
roles en  l'honneur  de  celle  que  l'E^îise  ne  se  lasse  pas  d'appeler 
toute  belle  et  pleine  de  grâces:  «  L'opinion  de  l'immaculée  conception, 
dit-il,  a  je  ne  sais  quelle  force  qui  persuade  les  âmes  pieuses.  Après 
les  articles  de  foi ,  je  ne  vois  guère  de  choses  plus  assurées.  C'est  pour- 
(juoi  je  ne  m'étonne  pas  que  cette  école  des  théologiens  de  Paris  oblige 
tous  ses  enfans  à  défendre  cette  doctrine.  Pour  moi ,  je  suis  ravi  de 
suivre  aujourd'hui  ses  intentions.  Après  avoir  été  nourri  de  son  lait, 
je  me  soumets  volontiers  à  ses  ordonnances,  d'autant  plus  que  c'est 
aussi,  ce  me  semble,  la  volonté  de  l'Eglise.  Elle  a  un  sentiment  fort 
honorable  de  la  conception  de  Marie.  Elle  ne  nous  oblige  pas  de  la 
<'roirc  immaculée;  mais  elle  nous  fait  entendre  que  cette  créance  lui 
est  agréable.  11  y  a  des  choses  qu'elle  commande,  où  nous  faisons  con- 
naître notre  obéissance;  il  y  en  a  d'autres  qu'elle  insinue,  où  nous 
pouvons  témoigner  notre   alfeclion.   II   esl  de   noire  piété,  si  nous 

{[)  Ui<5cril  du  Vi\i^o  Pic  \I;  21  novembre  ITOô. 


ET  LITTÉRAIRE.  57 

sommes  vrais  cnfans  de  l'Eglise,  non-seulement  d'obéir  aux  com- 
niandcmens,  mais  de  (léeliir  aux  moindres  signes  de  la  volonlé  d'une 
Mère  si  bonne  et  si  sainte  (5).  » 

C'est  un  (ait  que  nous  sommes  jaloux  de  constater,  et  nous  dési- 
rons cjue  la  connaissance  en  parvienne  jusqu'aux  lieux  les  plus  reculés 
du  monde  catholicpie  ;  dans  notre  Diocèse,  cette  dévotion  a  jeté  avec 
le  temps  des  racines  de  plus  en  plus  profondes;  les  malheurs  sont 
encore  venus  l'aiFcmir,  l'accroître  et  l'étendre  avec  un  merveilleux 
progrès  ;  les  faveurs  signalées,  les  grâces  de  guérison  ,  de  conservation, 
et  (Je  salut  paraissent  se  multiplier  à  mesure  que  l'on  implore  parmi 
nous  la  icndvc  pitié  de  M<irie  conçue  sans  péché, 

11  nous  a  donc  semblé  ,  N,  T.  C.  F.  ,  que  c'était  un  devoir,  comme 
c'est  un  bonheur  pour  nous,  que  de  vous  appeler  tous  aux  pieds  de 
cette  très-sainte  et  très-immaculée  Vierge,  au  jour  de  la  Consécra- 
tion du  Temple  enrichi  de  ses  images ,  qui  va  désormais  retentir  de 
ses  louanges  mille  fois  répétées,  qui  se  remplira  de  ses  souvenirs 
et  qui  deviendra  comme  un  lieu  de  pèlerinage  où  notre  aimable,  notre 
admirable  Mère  se  plaira  à  verser  par  torrens  toutes  les  bénédictions, 
toutes  les  grâces  dont  son  divin  Fils  l'a  établie  la  fidèle  et  généreuse 
dispensatrice  :  Totum  nos  volait  habere  per  Mariam  (Qt). 

A  CES  CAUSES ,  et  après  en  avoir  conféré  avec  nos  vénérables  Frères, 
les  Chanoines  et  Chapitre  de  notre  Métropole ,  nous  avons  ordonné  et 
ordonnons  ce  qui  suit  : 

1"  A  l'avenir,  la  Fcte  de  la  Conception  de  la  très-sainte  Vierge 
Marie  sera  célébrée  dans  l'Eglise  et  la  Paroisse  de  Notre- Dame-de- 
Lorette,  du  rit  annuel-mineur,  avec  faculté  de  faire  aussi  le  jour  de 
l'Octave  du  rit  double-majeur, 

2"  Le  Dimanche  18  de  ce  mois,  à  toutes  les  Messes  on  ajoutera 
les  oraisons  Pro  gratiis  arjendis, 

3°  Le  même  jour,  après  la  Messe  paroissiale  ou  après  la  Messe  de 
communauté ,  on  chantera  ou  l'on  récitera  la  Prose  Invlolaia  avec  les 
verset  et  oraison  de  la  Fête  de  la  Conception  de  la  très-sainte  Vierge. 

4 "Nous  exhortons  les  Fidèles  à  porter  sur  eux  la  médaille  frapi)ée 
depuis  quehjues  années  en  riionneur  de  la  très-sainte  Vierge,  et/ 
répéter  souvent  cette  prière  gravée  au-dessus  de  T image  :  0  Mii/'P> 
courue  sa)is  péché  y  priez  pour  nous  qui  avons  recours  à  vous. 

(1)  Sorm.  sur  la  Conceplion. 
{"2)  Saint  Bernard. 


58  LÉ  MOIS  RELIGIEUX 

FUBrÉRAII.I.£S  BU   ROI   CHAB.I.ES   X. 

Nos  lecteurs  ont  accueilli  favorablement  les  détails  dans  lesquels 
nous  sommes  entrés ,  touchant  la  mort  du  roi  Charles  X ,  et  les  der- 
nières épreuves  qui  précédèrent  la  fin  de  sa  noble  carrière  :  ces  suf- 
frages, pour  nous  la  plus  douce  comme  la  plus  belle  récompense  de 
nos  travaux,  ne  nous  ont  cependant  pas  surpris  :  nos  paroles  s'adres- 
saient à  des  Français  3  et  nous  parlions  d'un  prince  que  la  patrie,  dans 
sa  reconnaissance ,  a  placé  au  rang  des  plus  excellens  rois  qui  furent 
appelés  à  la  gouverner.  Notre  tâche  était  facile  :  nous  étions  assurés 
de  captiver  l'intérêt  :  le  nom  d'un  Bourbon,  le  récit  de  ses  belles  ac- 
tions ,  le  tableau  de  ses  vertus ,  agissent  toujours  puissamment  sur  les 
âmes  généreuses. 

Toutefois  il  est  à  regretter  que  les  bornes  dans  lesquelles  nous  étions 
resserrés,  ne  nous  aient  pas  permis  de  donner  plus  d'étendue  à  ceite 
notice  :  on  ne  tarit  guère  lorsque  le  cœur  parle  ;  l'oreille  n'est  jamais 
fatiguée  lorsqu'elle  écoute  avec  sympathie.  Dans  ces  instans  solennels 
on  voit  s'éveiller  tous  les  souvenirs;  chacun  s'estime  heureux  de  si- 
gnaler le  beau  trait  dont  il  fut  le  témoin,  et  mille  actes  de  bienfaisance 
sur  lesquels  une  modeste  générosité  imprima  jusqu'alors  le  cachet  du 
mystère. 

Mais  la  mort  affranchit  de  tous  les  liens  ,  brise  tous  les  secrets,  et 
c'est  sur  le  bord  de  la  tombe  qu'il  est  permis  à  la  reconnaissance  do 
faire  entendre  ses  accens ,  de  faire  éclater  ses  transports. 

La  fin  de  Charles  X  a  été  celle  d'un  grand  roi,  celle  d'un  chrd- 
tien  ,  digne  descendant  de  Louis  IX  ,  et  de  tant  d'autres  monar(|ues 
qui  n'ont  pas  moins  illustré  notre  patrie  par  leurs  vertus,  leur  piété, 
que  par  leurs  exploits. 

Dans  le  jour  lugubre  où  ses  restes  ont  été  confiés  au  silence  du  tom- 
beau ,  les  peuples  de  France  no  se  sont  point  portés  en  foule  vers  la 
basilicpie  de  Saint-Denis  :  la  musicpie  guerrière  de  nos  légions  n'a 
point  mêlé  sa  voix  plaintive  h  Tliarmonie  sacrée  de  nos  prêtres  :  nos 
mains  n'ont  point  épandu  l'eau  sainte  sur  le  cercueil  royal. 

C'est  dans  une  contrée  lointaine,  sur  une  terre  hospitalière,  il  est 
vrai  ,  que  le  fils  aîné  de  l'Église,  le  roi  très-chrétien,  a  reçu  les  hon- 
neurs de  la  sépulture  :  ils  ont  été  simples  ;  mais ,  malgré  leur  simplicité, 
r*^us  pensons  que  nos  lecteurs  n'en  verront  pas  le  récit  sans  inlérêl. 

^^.DUE  POtfH  LES  FUNÉRAILLES  DE  SA  MAJKSTI^.  LE  ROI  CHARLES  X. 

^-  ^  le  prince-Archevè(|ue  de  Corilz,  \onlaul,  assisté  de  son  cha- 
pitre, «'tout  son  clergé  et  des  ordres  religieux,  célébrer  les  funé- 
railles de;jj  Majesté  le  ïloi  Charles  X  j 


ET  LITTÉRAIRE.  5<) 

M.  le  comlc  de  Glcisbach ,  capitaine  du  Cercle,  et  les  chefs  mili- 
taires ayant  manifesté  l'intention  de  suivre  le  convoi  avec  la  garde 
bourgeoise,  la  noblesse,  les  notables  du  pays,  les  officiers  de  tout 
grade  et  les  troupes  de  la  garnison  ; 

L'ordre  des  cérémonies  est  ainsi  réglé  : 

Demain,  onze  novembre,  à  neuf  heures  et  demie  du  matin,  M.  le 
comte  de  Marnes  et  M.  le  comte  de  Chambord  se  rendront  de  leur 
logement,  hôtel  Strasoldo,  au  château  du  GralTenberg. 

Immédiatement ,  et  en  leur  présence ,  la  levée  du  corps  de  Sa  Majesté 
sera  faite  par  le  prince-archevêque  ,  assisté  du  chapitre. 

Le  convoi  se  mettra  en  marche  de  la  manière  suivante  : 

Un  détachement  de  troupes ,  avec  leurs  tambours  drapés ,  et  leur 
corps  de  musique; 

Vingt-quatre  pauvres  en  deuil  portant  des  torches  ; 

Les  frères  de  la  miséricorde  portant  des  flambeaux  ; 

Les  religieux  Capucins  portant  des  flambeaux  ; 

Les  religieux  Franciscains  portant  des  flambeaux  ; 

Le  clergé  des  paroisses  de  Goritzi; 

Le  chapitre  ; 

S.  G.  le  prince-archevôque  ; 

Le  char  funèbre  surmonté  d'une  couronne  et  attelé  de  six  che- 
vaux drapés  de  noir  ; 

M.  le  comte  de  Marnes  en  manteau  noir,  accompagné  do  M.  le 
duc  de  Blacas,  premier  gentilhomme  de  la  chambre  de  Sa  Majesté. 

M.  le  comte  de  Chambord,  en  manteau  noir,  accompagné*  de  M.  le 
comte  de  Bouille ,  aide  de  camp  du  Roi ,  et  remplissant  les  fonctions 
de  gouverneur  du  prince  ; 

M,  le  comte  O'IIégerthy ,  écuyer-commandant ,  dirigeant  la  marche 
du  char  funèbre; 

A  droite  et  à  gauche  du  cercueil  et  des  princes ,  douze  valets  de  pied 
portant  des  torches  ornées  d'écussons  aux  armes  de  Fi  ance  ; 

A  la  suite  et  ensemble  : 

MM.  le  mar(iuis  de  Clermont-Tonnerre ,  ancien   ministre  de  Sa        / 
Majesté ,  et  le  comte  de  Tonnerre ,  son  fils. 

Le  comte  de  Montbel,  ancien  ministre  de  Sa  Majesté; 

Billot ,  procureur-général  de  Sa  Majesté  ; 

Le  docteur  Bougon,  médecin  de  Sa  Majesté; 

Le  baron  de  Saint-Aubin,  premier  valet  de  chambre  de  Sa Majj?^*^  J 

L'abbé  Joc(|uarl ,  ciiapelain  de  Sa  Majesté  ; 

L'abbé    Trébu(iuet,    attaché  à    Féducalion  de  M.    le  co^^   .^^ 
Chambord  ; 

Le  colonel  du  génie  Mounier  j  idem; 


60  LE  MOIS  RELIGIEUX 

Le  chevalier  Caucliy ,  de  l'institut  de  France,  idem; 

Le  capitaine  Guîgnard; 

De  Sainte-Preuve,  ancien  garde  du  corps  j 

Henri  Billot; 

Les  valets  de  chambre  du  Roi,  portant  des  flambeaux; 

M.  le  capitaine  du  Cercle; 

MM.  les  officiers,  et  les  notables  en  deuil; 

Un  détachement  de  troupes. 

Des  soldats  borderont  la  haie. 

En  sortant  du  Graffenberg,  le  cortège  se  dirigera  par  le  chemin  de 
droite,  et  tournera  devant  le  grand  hôtel  du  comte  Attems;  il  par- 
courra la  grande  rue,  la  place  Saint-Ignace,  et  les  rues  suivantes, 
jusqu'à  la  cathédrale. 

Le  cercueil ,  porté  par  le  service  du  Roi,  sera  placé  sur  un  catafalque 
disposé  à  cet  eflet. 

Le  service  religieux  commencera  quand  les  princesses  seront  placées, 
dans  une  tribune  drapée  de  noir  au-dessus  du  chœur  ;  que  M.  le  comte 
de  Marnes  et  M.  le  comte  de  Chambord  seront  dans  le  sanctuaire, 
suivis  de  M.  le  duc  de  Blacas  et  de  M.  le  comte  de  Rouillé.  M.  le 
cardinal  de  Latil  et  M.  l'évêque  d'IIermopolis  se  rendront  aussi  dans 
le  sanctuaire. 

Les  autres  Français  et  les  notables  du  pays  se  rangeront  à  droite 
et  à  gauche  du  catafalque,  dans  des  places  drapées  de  noir. 

Après  la  messe  et  les  absoutes ,  le  cortège  se  dirigera  dans  le  niêmc' 
ordre ,  par  la  même  porte,  et  par  la  rue  à  gauche ,  vers  le  couvent  des 
religieux  Franciscains. 

Le  cercueil  sera  porté  dans  l'église  cl  déposé  dans  le  caveau  funé- 
raire de  la  famille  des  comtes  de  ïhurm ,  situé  devant  la  chapelle  de 
Notre-Dame  de  Mont-Carmcl. 

Fait  à  Goritz,  le  10  novembre  i83G.  Blacas  d'Aulps. 

Vienne,  18  décembre.   —  Le  corps  du  roi  Charles  X,  qui  doit  être 
déposé  au  caveau  de  Gratz,  y  sera  reçu  par  ordre  supiv^nc,   avec 
toute  la  solennité  et  la  pompe  dues  aux  cendres  du  monarque  dé- 
funt. Un  commissaire  de  la  Cour  a  reçu  la  mission  d'assister  à  la  cé- 
rémonie religieuse  de  l'inhumation    et  au  dépôt  du  corps  dans  le 
^^veau.  L'ouverture  du  cercueil  aura  lieu  avant  de  le  descendre  dans 
1<*  'ombe,  afin  que  le  commissaire  impérial  puisse  reconnaître  le 
Corp.;   \q  cercueil  sera  fermé  ensuite  avec  trois  diirérentes  clefs, 
dont  l,ne  sera  envoyée  à  la  Cour  de  Vienne,  la  seconde  sera  remise 
a  S.  A.  >    \^^  f\y^^.  d'Angoulème  ,  et  la  troisième  sera  placée  entre  les 
inanis  du  m>^\  ^^^^  Tèglise  où  le  corps  doit  être  déposé. 


ET  LITTÉRAIUK.  01 


LE  MEXDIAXT. 

Pa livre  ,  et  frusln'î  d'un  bien  ardommonl  onvié, 

l)(î  mes  désirs  tron.pés  j'exhalais  le  MiurrnnK^  ; 

Je  mo  plaignais  au  ciel ,  qui  m'avait  oublié. 

Sur  moi-môine  arrôlanl  un  regard  de  pitié , 

J'accusais  de  ses  dons  l'inégale  mesure. 

Je  contemplais  les  jours  de  ces  rares  humains , 

Sur  qui  le  sort  jeta  ses  dons  à  pleines  mains, 

Ou'on  voit,  nageant  au  sein  d'une  molle  abondance, 

A  leurs  vœux  sans  limite  égaler  leur  pouvoir , 

Qui,  le  soir ,  du  matin  couronnent  l'espérance. 

Et  rêvent,  le  matin,  les  délices  du  soir. 

Un  homme,  auprès  de  moi ,  dans  ce  moment  s'arrête  : 
Ses  traits  creux  et  flétris  attestaient  la  douleur  ; 
Vieilli  par  les  hivers  moins  que  parle  malheur, 
Une  neige  précoce  avait  blanchi  sa  tête. 

Sur  son  visage  sans  couleur 
Sa  barbe  s'amassait  à  longs  flots  répandue  ; 
Quelques  lambeaux  pendans  couvraient  son  corps  ;  sa  main 

S'ouvrait  immobile  et  tendue, 

Et  sa  voix  demandait  du  pain. 

Je  lui  donne ,  il  s'incline ,  il  me  bénit  et  passe , 
«  Infortuné!  pensai-je  en  le  suivant  des  yeux, 
»  Il  se  résigne ,  et  moi  j'importune  les  cieux. 
»  Oh  !  combien  mes  ennuis  sont  loin  de  sa  disgrâce  î 
»  Vain  jouet  des  frimats  ,  et  des  vents ,  et  des  eaux , 
»  Rebut  du  monde  entier  ,  voyageur  sans  asile , 
»  Citoyen  sans  patrie ,  étranger  dans  sa  ville, 

»  Isolé  parmi  ses  égaux , 
»  De  l'arbre  social  branche  nue  et  stérile, 
»  Sur  la  terre  féconde  il  naquit  mendiant. 
»  Du  malheur,  jusqu'au  bout ,  il  porte  la  livrée  : 
»  Dans  sa  marche  assidue,  incertaine,  ignorée, 
»  Traînant  de  ses  lambeaux  l'appareil  suppliant, 
»  Il  étale  aux  regards  sa  hideuse  infortune  ; 
»  Du  riche  qui  l'écrase  il  fatigue  l'orgueil  ; 
»  A  sa  porte  il  élève  une  voix  importune , 
»  Et  l'oubli  l'attend  sur  le  seuil  ! 
»  Et  l'opulence,  au  superbe  langage, 
»  Laissant  tomber  à  peine  un  œil  indifférent , 
»  Lui  reproche  un  destin  que  lui  S(nil  il  comprend, 
»  El  lui  jette  à  la  fois  le  bienfait  et  l'outrage  î 

»  Près  des  lieux  consacrés  où  l'homme  ,  chaque  jour 
»  Vient  adorer  un  Dieu  d'espérance  et  d'amour, 


62  LE  MOIS  RELIGIEUX 

»  Il  allond  le  fidèle ,  au  sortir  du  myslèro  ; 

»  Là  ,  pour  abri  le  nuir ,  la  borne  pour  soutien, 

»  Du  lamentable  cri  de  sa  détresse  amère, 

»  Il  appelle,  il  poursuit  l'aumône  du  chrétien  , 

»  Et  le  chrétien  n'a  pas  un  regard  pour  son  frère  ! 

»  Misérable ,  il  assiste  aux  plaisirs  des  heureux, 
»  Partout  il  voit  briller  la  pompe  de  leurs  jeux, 
»  Le  luxe  de  leurs  chars  ,  l'orgueil  de  leurs  parures  , 
»  De  leurs  riches  banquets  ses  haillons  sont  témoins; 
»  Leur  joie  irrite  ses  tortures, 
»  Leur  abondance  insulte  à  ses  besoins. 

»  Toujours  humble,  toujours  formant  à  la  prière 

»  Son  air,  son  geste,  son  accent, 
»  Du  château  fastueux  à  la  pauvre  chaumière , 
1»  11  va  cherchant  partout  la  porte  hospitalière 
»  Et  le  mortel  compatissant. 

>»  A  l'homme ,  son  pareil ,  demandant  sa  pâture, 
»  Déshérité  des  biens ,  où  tout,  dans  la  nature, 

»  Réclame  ses  droits  à  son  tour , 
»  11  ne  possède  rien  sous  l'astre  qui  l'éclairé , 

»  Rien  que  sa  place  au  sanctuaire, 

»  Et  sa  part  aux  rayons  du  jour. 

»  Image  de  la  brute ,  à  souffrir  destinée, 

»  Qu'abaissa  vers  le  sol  la  main  de  l'Éternel , 

»  Sous  un  joug  pesant  et  cruel 
»  11  sent  fléchir  sa  tjto,  et  sa  vue  inclinée 

»  A  perdu  le  chemin  du  ciel. 

»  Sur  son  front ,  par  degrés ,  le  sceau  divin  s'efface  ; 
»  Heurûux  si ,  dans  son  cœur ,  par  le  sort  abattu  , 

»  Le  malheur ,  de  sa  main  de  glace, 

»  N'éteint  pas  jusqu'à  la  vertu  : 
»  La  vertu  rarement  survit  à  l'espérance. 
»  Hélas  !  et  l'indigent  de  sa  longue  souffrance 
«  Demande  en  vain  le  terme  à  l'immense  avenir  : 
»  L'espérance  pour  lui  ressemble  au  souvenir. 
»  Chaque  soleil  nouveau,  qui  sourit  à  la  terre, 
»  Rend  le  monde  au  bonheur,  le  pauvre  à  la  misère. 
»  Devant  lui  se  prolonge  un  horizon  d'airain  : 
»  Toujours  le  dénùment ,  et  la  honte  et  la  faim  ! 
»  Toujours  la  solitude,  et  le  jour  qui  s'éveille 

>  Transmet  les  douleurs  de  la  veille 

»  A  l'aurore  du  lendemain. 

to  F.ncor  si,  dans  un  cxur,  du  chagrin  qui  l'inonde 

*  Son  cœur  versait  le  torrent  douloureux  ! 
»  Mais  le  pauvre  n'a  pas  un  ami  dans  le  monde  : 
V  Souffrir  n'est  rien  ;  souffrir  seul  est  affreux.  » 


ET  LIÏTÉUAIKE.  63 

Du  pauvro  ainsi  jo  mr;  Ira  ais  l'imago. 

Kl  la  pilié  m'enseignait  hi  courage  ; 
Et  mes  vœux  du  destin  n'accusaient  plus  les  torts, 
Et  si  de  l'opulent  j'(3nviais  les  trésors , 
C'était  pour  un  meilleur  usage. 

Ah  !  me  dis-je,  vers  moi  doucement  ramené, 
J)(;vantce  malheureux  qui  gémit  sans  murmure, 
()uv\  mortel  osera  se  croire; infortuné? 
Consolons-nous  ;  le  sort  dont  il  subit  l'injure, 
A  sur  nous  abaissé  des  regards  indulgens. 
Remercions  le  dieu  que  sa  prière  implore  , 
Et  ne  nous  croyons  pas ,  dans  nos  vœux  exigeans, 

Exclus  des  biens  qu'il  fait  éclore, 

Tant  qu'il  nous  reste  assez  encore 

Pour  secourir  les  indigens. 

A.  Gallmier. 


APPEL  FAIT  PAR  l'ÉVÊQIJE  d'aJACCIO  AUX  VRAIS  AMIS  DE  LA  RELIGION  POUR  L'ÉTABLIS- 
SEMENT   d'un    PETIT    SÉ3UNAIRE   DANS    SON   DIOCÈSE. 

De  toutes  les  œuvres  qui  doivent  intéresser  au  plus  haut  degré  les 
sincères  amis  de  la  Religion,  la  plus  importante  peut-être,  la  plus 
digne  de  leur  sollicitude  et  des  largesses  de  leur  charité ,  la  plus  mc- 
riloire  en  un  mot  aux  yeux  de  Dieu  et  de  la  société ,  c'est  la  fonda- 
tion d'une  École  ecclésiastique  dans  les  pays  qui  manquent  d'un  si 
précieux  établissement,  et  dans  lesquels,  par  une  conséquence  inévi- 
table, la  foi  languit  et  s'éteint,  les  mœurs  se  dépravent,  et  la  Reli- 
gion disparaît  progressivement,  faute  d'un  ministère  apostolique,  pré- 
paré d'avance  dans  la  retraite  du  sanctuaire ,  et  assez  nourri  de  science 
et  de  piété  pour  soutenir  sa  vocation  divine  et  se  mettre  à  la  hauteur 
de  sa  sublime  mission. 

Pénétré  de  l'importance  de  cette  vérité,  et  persuadé  qu'aucun  de 
ceux  à  (\m  il  s'adresse  ne  la  mettra  en  doute ,  l'évoque  d'Ajaccio  fait 
un  appel  aux  vrais  amis  de  la  Religion  et  à  tous  les  amis  du  peuple 
Corse,  en  faveur  du  petit  Séminaire  que  réclament  depuis  long-temps 
les  besoins  de  son  diocèse. 

De  tous  les  diocèses  de  France,  la  Corse  était  le  seul  qui,  depuis 
plus  de  quarante  ans,  manquât  de  Séminaires,  et  peut-être  n'y/*î 
avait-il  aucun  où  des  établissemens  de  ce  genre  fassent  plus  nf'^s- 
saires  et  promissent  de  plus  heureux  résultats.  Tout  Francai'n^*  il 
est  incontestablement  par  ses  sentimens,  par  ses  allections  ,f^^^'  ^^'s 
institutions  cpii  le  gouvernent,  et  i>ar  tant  d'autres  titres,-^  P^js , 
néanmoins ,  soit  à  raison  dos  coutumes ,  du  caractère  et'^  ^''^"g^gc 


04  LE  MOIS  RELIGIEUX. 

de  ses  habitans,  soit  à  cause  de  sa  position  isolée  au  milieu  de  la 
mer,  et  de  l'aspect  montagneux  de  son  vaste  territoire  partagé  autre- 
fois en  cinq  Évêcbés,  forme,  pour  ainsi  dire,  comme  un  peuple  dis- 
tinct et  une  nation  à  part.  Envisagée  sous  ce  point  de  vue,  la  Corse 
est,  sans  contredit,  celui  de  nos  diocèses  dont  l'administration  inté- 
resse le  plus  la  Religion  et  la  France. 

Mais  ce  qui  est  moins  douteux  encore  ,  ce  sont  les  immenses  avan- 
tages qu'on  doit  espérer  dans  cette  île  de  la  fondation  de  ses  sémi- 
naires. Il  s'agit,  en  effet,  d'évangéliser  un  pays  qui,  malgré  les  se- 
mences précieuses  et  les  racines  profondes  (jue  le  Christianisme  y  a 
jetées  et  que  l'esprit  d'irréligion  n'y  a  point  étouiïées ,  a  pourtant  le 
malheur  d'attendre  encore  aujourd'hui  qu'une  nouvelle  bénédiction 
du  Ciel  vienne  développer  les  germes  de  foi  et  de  salut  qui  s'y  sont 
conservés.  Il  s'agit  de  porter  à  une  nation  généreuse  et  brave  ,  ca- 
pable de  tous  les  genres  d'héroïsme,  comme  son  histoire  l'atteste, 
mais  réduite  juscju'ici ,  malheureusement,  à  regretter  l'absence  d'une 
éducation  religieuse  telle  qu'il  la  lui  fallait,  il  s'agit  de  lui  porter, 
non  le  présent  fatal  d'une  civilisation  corruptrice  qui  amollit  et 
énerve  les  cœurs  en  éclairant  les  esprits,  qui  irrite  et  enflamme  les 
passions ,  en  augmentant  les  moyens  de  les  satisfaire ,  mais  le  bien- 
fait inappréciable  d'une  civilisation  chrétienne,  la  seule  qui  puisse 
adoucir  les  mœurs  sans  les  corrompre,  resserrer  et  multiplier  les 
rapports  sociaux  sans  les  briser  ni  les  confondre,  et  préparer  le 
triomphe  paisible  et  le  règne  durable  de  la  vertu ,  en  réformant  effi- 
cacement les  vices  de  la  nature.  Il  s'agit  principalement  d'arracher  un 
peuple  infortuné  à  la  tyrannie  de  préjugés  funestes  qui  divisent  les 
familles  et  les  arment  quel([uefois  les  unes  contre  les  autres.  Il  s'agit, 
en  un  mot,  par  une  restauration  nîorale  si  désirable,  d'assurer  les 
intérêts  éternels  de  ce  peuple,  et  de  lui  ouvrir,  avec  les  trésors  de 
l'immortelle  félicité  ,  les  sources  d'une  prospérité  temporelle  qu'il  u'a 
point  goûtée  et  que  peut-être  même  il  ne  soupçonne  pas. 

Or,  ces  précieux  et  immenses  résultats,  de  l'aveu  de  tous  ceux  qui 
connaissent  le  pays  ,  on  doit  les  attendre  infailliblement  de  rinfluence 
de  la  Religion  par  le  ministère  d'un  bon  clergé,  et  on  ne  peut  les  at- 
tendre que  de  là.  Le  Corse  a  l'ame  trop  grande  et  trop  haute  pour 
céder  à  l'action  coercitive d'une  puissance  humaine;  mais  il  a  tmp  de 
•^ns  et  de  foi  pour  ne  pas  se  rendre  au  divin  ascendant  d'une  Reli- 
g^n  qu'il  aime  et  qu'il  n'a  besoin  (pie  de  mieux  connaître.   Ce  que 
ï^'o*  pu  jusqu'ici,  et  ce  que  ne  pourront  jamais  sur  lui,  ni  la  ter- 
reur Vs  tribunaux,  ni  l'aspect  menaçant  de  la  force  publique,  ni  les 
ressori ç.^ç,,çtg  d'une  police  vigilante  et  active,  un  bon  prêtre  tout 
seul  l  oi:(.jj(]p.^  gr^j^^  peine  par  la  puis^^tnce  de  la  parole,  et  par  la 


ET  LITTERAIRE.  05 

force  persuasive  dcscs  vertus  et  de  ses  exemples.  îl  \'ainora  les  préjugés, 
désarmera  les  haines,  réconciliera  les  partis,  et  formera  autour  de  la 
croix  de  Jésus-Christ  une  société  de  frères ,  unis  étroitement  par  les 
liens  delà  charité,  et  qui  ne  conspireront  plus  que  pour  le  bien  com- 
mun. Si  ces  assertions  n'étaient  pas  évidentes  par  elles-mêmes,  elles 
])ourraient  être  démontrées  par  des  faits  récens,  passés  sous  les  yeux 
même  de  l'évéciue  d'Ajaccio. 

Voilà  les  avantages  que  promet  à  la^Corsc  un  Clergé  renouvelé  dans 
la  perfection  de  son  état ,  un  Clergé  fortement  trempé  de  l'esprit  et  de 
la  grâce  du  sacerdoce.  Ce  Clergé  doit  sortir  nécessairement  des  Sémi- 
naires; car,  puisqu'il  faut  le  dire,  c'est  une  vérité  qu'on  ne  saurait 
ni  contester,  ni  dissimuler,  ce  ne  sont  pas  les  prêtres  qui  ont  manqué 
à  la  Corse,  ni  à  ceux-ci  les  dispositions  naturelles  pour  devenir  d'ex- 
cellens  prêtres;  ce  sont  les  moyens  de  cultiver  ces  dispositions,  ce 
sont  les  Séminaires  qui  ont  manqué.  Il  suffirait  pour  le  prouver  de  ci- 
ter les  nombreux  et  honorables  exemples  dus  uniquement  à  la  circon- 
stance exceptionnelle  d'une  éducation  cléricale  soigneusement  ména- 
gée. La  Corse  serait  indubitablement,  sous  le  rapport  de  la  régularité, 
de  l'instruction  et  du  mérite  de  son  clergé,  un  des  premiers  diocèses 
de  France ,  si  le  malheur  des  temps  n'avait  fermé  les  sources  de  la 
science  et  de  la  piété  dans  cet  infortuné  pays,  et  ne  l'avait  en  quelque 
sorte  frappé  de  stérilité,  en  le  privant,  aux  époques  môme  qui  sem- 
blaient le  plus  devoir  le  favoriser,  des  établissemens  ecclésiastiques  et 
d'enseignement  public  dont  jouissaient  tous  les  autres. 

L'évêque  d'Ajaccio,  à  qui  la  Providence  a  confié,  depuis  trois  ans 
l'importante   et  difficile  administration  de  ce  vaste  et  intéressant 
Diocèse ,  a  donc  dû  regarder  la  fondation  de  ses  Séminaires  comme 
l'œuvre  la  plus  essentielle  et  la  plus  urgente  de  son  épiscopat.  Il  peut 
même  dire  qu'un  des  motifs  qui  ont  le  plus  encouragé  sa  faiblesse  à 
accepter  le  redoutable  fardeau  qu'on  lui  a  imposé,  c'est  l'espoir  d'as- 
surer à  sa  patrie  des  établissemens  si  nécessaires  et  depuis  si  long- 
temps désirés.  Dieu  a  bien  voulu  bénir  ses  premiers  efforts!  le  grand 
Séminaire  qu'il  a  fondé  dès  le  mois  de  mai  1835  ,  n'aura  plus  désor- 
mais une  existence  précaire.  On  a  livré  enfin  le  bâtiment  qu'il  devait 
occuper,  et  il  y  a  été  transféré  le  18  octobre  dernier,  après  un  pro- 
visoire de  quinze  mois  passés  dans  la  maison  étroite  et  incommode  où 
il  avait  pris  naissance.  Tout  fait  espérer  que  le  Couvernement  ne  lais- 
sera pas  le  nouvel  édifice  incomplet ,  et  que  les  secours  nécessaires  pour 
y  faire  les  appropriations  et  les  agrandissemens  convenables,  seront 
alloués.  Mais  un  grand  Séminaire  ne  sullisait  pas  aux  besoins  de  l'É^^lise 
de  Corse.  Il  lui  fallait  une  Ecole  secondaire  ecclésiastique  pour  ali- 
menter le  premier  établissement,  pour  éprouver  d'avance  les  jeunes 


66  LE  MOIS  RELÏGIELX 

vocations^  pour  les  former  de  bonne  heure  et  les  mettre  à  l'abri  de  la 
contagion  du  monde ,  pour  les  nourrir,  dès  le  premier  âge ,  du  lait  de 
la  science  et  de  la  piété ,  pour  compléter,  en  un  mot ,  le  système  d'é- 
ducation cléricale  sans  lequel  on  se  flatterait  vainement  d'obtenir  un 
clergé  parfait  et  à  la  hauteur  de  sa  divine  mission. 

Un  petit  Séminaire  a  donc  été  ouvert  au  mois  de  novembre  dernier, 
et  l'affluence  considérable  des  élèves  qui  s'y  sont  présentés  dès  son 
ouverture,  a  prouvé  tout  le  prix  que  le  pays  attachait  à  celte  nouvelle 
création.  Mais  si  le  personnel  de  rétablissement  existe,  s'il  se  com- 
pose même  de  tous  les  éiémens  qui  peuvent  en  garantir  la  durée,  il 
n'en  est  pas  ainsi  de  la  maison  qui  doit  le  recevoir.  H  a  fallu  se  résoudre 
à  reprendre  provisoirement  le  local  que  vient  d'abandonner  le  grand 
Séminaire,  et  dont  il  faut  payer  un  énorme  loyer.  Déjà  le  court  essai 
qu'on  a  fait  de  ce  local ,  en  a  démontré  l'insuffisance  et  l'irrémédiable 
incommodité.  Si  ce  provisoire  devait  durer  deux  ans,  il  mettrait  en 
péril  l'existence  même  de  l'établissement.  C'est  une  vérité  aujour- 
d'hui reconnue;  l'avenir  du  petit  Séminaire  né  cessera  d'être  com- 
promis que  du  moment  où  le  Diocèse  pourra  disposer  en  sa  faveur  d'un 
édifice  construit  sur  un  plan  proportionné  à  la  grandeur  et  à  l'impor- 
tance de  sa  destination. 

11  est  donc  urgent  de  bâtir  un  petit  Séminaire  en  Corse.  Malheu- 
reusement les  ressources  derÉvêque  d'Ajaccio,  et  celles  que  peuvent 
lui  promettre  ses  diocésains,  sont  bien  loin  d'être  en  rapport  avec  une 
si  dispendieuse  entreprise.  Aussi ,  oserait-il  à  peine  en  former  le  des- 
sein ,  s'il  ne  comptait  que  la  divine  Providence  et  la  charité  chrétienne 
viendront  au  secours  de  son  Diocèse.  L'appel  qu'il  a  fait  l'année  der- 
nière à  la  piété  de  ses  compatriotes,  a  constaté  tout  ensemble  l'em- 
prcsscment  de  leur  zèle  et  l'impuissance  de  leur  bonne  volonté.  Ce 
double  résultat  a  été  tel  qu'on  devait  l'attendre.  La  Corse,  on  peut  le 
dire  sans  crainte  de  l'oirenser,  parce  qu'elle  n'a  point  à  rougir  de  sa 
pauvreté,  la  Corse  est  un  pays  dont  la  plus  grande  richesse  a  été  jus- 
qu'ici dans  la  vie  sobre  et  frugale  des  populations' qui  habitent  ses 
montagnes.  Le  clergé  n'y  est  pas  plus  aisé  que  le  peuple.  La  plupart 
des  paroisses  sont  sans  presbytère.  Les  églises ,  dans  un  grand  nombre 
de  cantons ,  tombent  en  ruines ,  ou  sont  dans  un  état  de  dégradation 
et  de  dénùmcnt  qui  fait  gémir  la  foi.  Au  milieu  de  tant  de  besoins  et 
d'une  si  grande  détresse,  c'est  une  nécessité  pour  le  premier  Pasteur 
de  ce  Diocèse,  de  recourir  à  la  générosité  des  vrais  amis  de  la  Reli- 
gion et  de  tous  les  amis  du  peuple  Corse. 

En  s' adressant  aux  premiers  ,  il  les  prie  de  se  souvenir  que  le  Chris- 
tianisme ayant  appelé  les  peuples  à  l'unité  d'une  même  foi,  d'une 
même  espérance  et  d'une  même  charité,  a  foil  de  tous  les  fidèles  une 


ET  LITTÉRAIRE.  ©T 

seule  et  môme  famille  dans  laquelle  tous  les  hommes ,  à  quelque  pays 
qu'ils  appartiennent ,  doivent  se  considérer  et  se  traiter  comme  frères. 
C'est  à  ce  titre  qu'il  les  sollicite ,  au  nom  et  parles  entrailles  de  Jésus- 
Christ,  en  faveur  d'un  peuple  chrétien  où  les  besoins  et  les  ressources 
sont  dans  une  triste  et  presque  désespérante  disproportion.  Il  n*ignore 
pas  que  chaque  pays  a  ses  nécessites,  et  que  la  cliaritc  chrétienne  est 
partout  assiégée  de  sollicitations  nombreuses.  Mais  il  sait  aussi  que 
cette  même  charité,  inépuisable  dans  son  principe,  infatigable  dans 
son  action,  miraculeuse  dans  ses  œuvres,  n'est  jamais  implorée  en 
vain  par  aucune  infortune.  Si  elle  s'empresse  d'accomplir  en  détail 
chacune  des  œuvres  de  miséricorde  spirituelles  ou  corporelles  qui  lui 
sont  signalées,  que  ne  fera-t-elle  pas  spécialement  pour  une  œu\re  qui 
équivaut  elle  seule  à  toutes  les  autres?  Qu'on  essaie  de  compter  tous 
les  genres  de  bénédictions  qu'un  bon  prêtre  doit  porter  dans  une  pa- 
roisse où  la  divine  Providence  l'appelle ,  et  l'on  demeurera  convaincu 
que  l'éducation  d'un  bon  prêtre  est  l'œuvre  par  excellence,  et  que, 
s'associer  à  une  telle  œuvre,  c'est  coopérer  efficacement  à  toutes 
celles  que  peut  embrasser,  dans  sa  sollicitude,  la  plus  industrieuse  et 
la  plus  ardente  charité.  Que  sera-ce  s'il  s'agit,  non  d'un  prêtre  seul  à 
former,  mais  d'un  Séminaire  à  établir  ;  non  d'une  seule  paroisse  à  se- 
courir, mais  d'un  vaste  Diocèse  à  évangéliser!  L'œuvre  du  petit  Sémi- 
naire de  la  Corse ,  quoique  venue  après  tant  d'autres ,  peut  donc  es- 
pérer de  trouver  une  place  parmi  celles  que  la  charité  chrétienne  sou- 
tient de  ses  largesses. 

En  recourant  aux  amis  delà  Corse ,  Tévêque  d*Ajaccîo  s'adresse  par^ 
ticulièrement  à  ceux  qui ,  comme  lui ,  s'honorent  de  lui  devoir  le  jour. 
Il  les  supplie ,  au  nom  de  tous  les  souvenirs  et  de  toutes  les  affections 
qui  les  attachent  à  cette  commune  patrie ,  de  contribuer  de  tous  leurs 
efforts  à  lui  former  un  établissement  qu'elle  réclame  avec  une  si  juste 
impatience ,  et  dont  la  création ,  en  commençant  pour  elle  une  nouvelle 
ère  de  civilisation  et  de  prospérité ,  sera  pour  eux-mêmes  auprès  de  leurs 
descendans  un  litre  immortel  de  bénédiction  et  de  reconnaissance.  Ce 
qu'ils  viennent  de  faire  tout  récemment  par  un  élan  généreux  de  patrio- 
tisme (i)  ,  ils  le  feront  par  un  sentiment  de  patriotisme  plus  généreux 
encore  en  faveur  de  leur  propre  pays,  a(in  ([ue  la  religion  n'y  périsse 
pas ,  que  leurs  arrière-neveux  puissent  y  recueillir  pur  et  embelli  d'une 
plus  riche  culture ,  T héritage  de  foi  et  de  bonnes  mœurs  qu  ils  ont  reçu 
de  leurs  pères. 

S'il  était  permis  de  joindre  des  considérations  personnelles  à  des 

(i)  Une  souscription  vionl  (î*cU'o  ouverte  pour  élever  un  monument  en  Thon 
neur  de  Napoléon  :  toute  la  Corse  y  a  pris  part. 


68  LE  MOIS  RELIGIEUX 

motifs  d'inlérét  goncral  d'une  si  grave  et  si  liaute  importance ,  l'évêque 
d'Ajaccio  ,  s  adressant  enfin  à  ceux  qui  veulent  bien  lai  conserver  quel- 
que bienveillance ,  oserait  les  conjurer  encore  au  nom  de  ce  que  l'ami- 
tié  a  de  plus  tendre  /d'accorder  à  son  église,  à  cette  chère  épouse  à 
qui  Jésus-Christ  Ta  uni  par  un  contrat  solennel  et  divin ,  un  témoi- 
gnage d'intérêt  qu'il  ne  demande  pas  pour  lui-même,  mais  qu'il  appré- 
ciera infiniment  plus  que  tous  ceux  qu'il  pourrait  recevoir  personnelle- 
ment. 

Après  avoir  exposé  avec  franchise  le  tableau  des  besoins  de  son  dio- 
cèse, et  les  motifs  qui  justifient  l'importance  et  la  nécessité  de  le  se- 
courir ;  plein  de  confiance  en  celui  qui  tient  dans  sa  main  le  cœur  do 
tous  les  hommes,  et  dont  il  n'a  fait  ici  que  suivre  les  inspirations, 
l'évêque  d'Ajaccio  ne  doute  pas  que  sa  voix  ne  soit  entendue,  et  n'ex- 
cite les  vives  sympathies  de  tout  ce  qui  porte  une  ame  généreuse  et  un 
cœur  sincèrement  catholique.  C'est  surtout  vers  ses  vénérables  col- 
lègues dans  répiscopat  qu'il  tend  avec  confiance  ses  mains  suppliantes, 
et  les  conjure  au  nom  de  cette  solidarité  que  le  même  caractère,  la 
môme  mission  établit  entr'eux  et  lui ,  d'écouter  sa  voix  plaintive ,  de 
jeter  les  yeux  sur  sa  détresse,  et  de  diriger  pour  la  propagr.tion ,  pour 
la  conservation  de  la  foi  dans  son  diocèse,  quelque  faible  partie  des  se- 
v;ours  qui  rendent  si  florissans  leurs  établissemcns  ecclésiasticjues ,  et 
dont  les  parcelles  réunies  assureraient  à  l'une  des  portions  les  plus 
souiïrantes  de  l'iîgiise  de  France ,  le  moyen  de  sortir  de  l'état  désolant 
où  elle  languit. 

En  conséquence  une  Souscription  est  ouverte,  à  dater  de  ce  jour, 
pour  la  construction  d'un  petit  Séminaire  dans  le  Diocèse  de  la  Corse. 

Toutes  les  offrandes ,  quelle  que  soit  leur  valeur,  seront  accueillies 
avec  reconnaissance. 

Tous  les  souscripteurs  seront  inscrits  sur  un  registre  particulier,  qui 
sera  soigneusement  conservé  dans  les  archives  du  séminaire. 

L' Évoque  d'Ajaccio,  d'après  l'autorisation  qu'il  en  a  reçue,  se  fait 
un  devoir  d'annoncer  qu'en  tête  de  ce  registre  et  de  la  liste  des  souscrip- 
teur*^ se  trouve  déjà  placé  un  auguste  personnage  dont  le  nom  et  le  carac- 
tère vénérables  tout  seul,  seront  auprès  des  catholiques  une  puissante 
recommandation  en  faveur  de  l'œuvre  à  laquelle  il  a  daigné  s'associer , 
et  dont  le  succès  ne  pouvait  être  mieux  garanti  que  par  la  bénédiction 
qu'il  a  voulu  y  attacher. 

Tous  les  souscripteurs  connus  et  inconnus  seront  regardés  comme 
bienfaiteurs  du  Séminaire,  et  auront  part,  en  cette  (jualité  ,  à  toutes 
les  prieras  el  bonnes  œuvres  qui  se  feront  dans  l'étahiissoment.  Tous 
les  ans  à  perpétuité  ,  on  y  célébrera  un  service  solennel  pour  le  repos 
de  Tamc  des  bienfaiteurs  décèdes. 


ET    LlTTÉlLVUa:.  69 

Les  souscriptions  seront  adressées  directement  à  l'Évèriue  d' Ajaccio, 
ou  déposées  entre  les  mains  du  Curé  de  la  paroisse  des  Souscripteurs , 
s'ils  habitent  la  Corse;  ou  bien,  avec  la  permission  de  l'Évéque,  entre 
celles  du  secrétaire-général  de  l'Évéché,  s'ils  résident  dans  un  diocèse 
du  Continent.  Quanta  ceux  qui  habitent  Uonie  ou  Paris,  ils  pourront 
aussi  confier  leurs  dons,  les  premiers  à  M.  Uaphaël  Ferrucci,  rue  de 
Montcbrianzo ,  n°  20;  les  seconds,  à  M.  le  comte  Caccia,  régent  de  la 
Ban(jue  de  France  et  banquier  de  N.  S.  P.  le  Pape,  rue  Ncuvc-des-Pe- 
tits-Champs,  n°  66. 

Paris,  le  (i  jaiivioil8ô7. 
-f  X.  T.  PiAPilAEL,  Évéque  d'Ajaccio. 


I.£  TOMBEAU. 

Une  m'ère  pleurait  le  fils  de  sa  tendresse , 

A  la  fleur  de  ses  ans,  ce  fils  perdit  le  jour  ; 

Et  près  de  son  tombeau,  pour  calmer  sa  tristesse. 

Sans  cesse  elle  appelait  l'objet  de  son  amour. 

Déjà ,  pour  son  époux ,  la  croix  du  mausolée 

Avait  été  plantée  au  vaste  champ  des  morts. 

Inconsolable  veuve ,  et  mère  désolée, 

En  un  même  cercueil  renfermant  ses  trésors. 

Confondant  ses  amours  dans  la  même  prière, 

Chaque  jour  de  ses  pleurs  mouillant  la  froide  pierre , 

Elle  eût  voulu  vers  eux. , .  mais  un  fils  lui  restait. 

En  Paul  on  admirait  les  vertus  de  son  père, 

Avec  sa  loyauté ,  la  bonté  de  son  frère  ; 

Près  de  sa  mère  en  pleurs,  sur  la  tombe  il  pleurait  ; 

Il  partageait  son  deuil,  ressentait  ses  alarmes  ; 

Il  mêlait  ses  regrets,  aux  regrets  de  son  cœur  ; 

D'une  main  caressante  il  essuyait  ses  larmes. 

Et  sans  la  consoler  suspendait  sa  douleur. .  . . 

Mais  soudain  parmi  nous  la  trompette  guerrière 

Fait  entendre  un  signal  cher  à  tout  cœur  français  : 

Nos  braves  vont  courir  sur  la  terre  étrangère 

A  de  nouveaux  dangers ,  à  de  nouveaux  succès. 

Paul  veut  les  suivre  aussi  sur  la  rive  africaine, 

Il  ira  recueillir  sur  la  ))lag(^  lointaine 

Les  accens  d'Augustin  redits  par  les  échos. 

Là,  vit  du  nom  chrétii^n  la  puissance  innnortelle  ; 

Son  ame  y  puisera  quelque  vertu  nouvelle. 

11  croira  voir  encor  cet  essaim  de  héros 


70  LE  MOIS  RELIGIEUX 

Abandonnant  jadis  mère ,  famille ,  épouse , 
Pour  braver  du  Croissant  l'orgueilleuse  fureur 
Et  ravir  à  son  joug  le  tombeau  du  Sauveur. . . . 
Puis  il  verra  bientôt  la  fortune  jalouse 
Décimer  ces  guerriers ,  s'attaquer  au  saint  roi  : 
Il  le  verra  vainqueur ,  tout  en  perdant  la  vie  ! 
Oh  !  qu'un  si  beau  trépas  est  digne  encor  d'envie  ! 
En  plaignant  ses  malheurs  comme  on  bénit  sa  foi. . . 
Paul  sent  son  cœur  ému. . .  sa  piété  s'enflamme, 
Dans  ces  lieux,  des  Croisés  il  veut  respirer  l'ame , 
Il  part. , .  et  pour  sa  mère  encor  un  nouveau  deuil , 

11  rêve  le  bonheur elle  rêve  un  cercueil  !  . . . 

Nul  danger  n'a  pourtant  traversé  le  voyage  : 

Paul,  du  peuple  africain  a  touché  le  rivage. 

Tout-à-coup  des  combats  le  signal  est  donné. .  . . 

11  faut  du  Musulman  réprimer  l'insolence  , 

Et  de  nouveau  montrer  à  son  œil  étonné 

Ce  que  peut  dans  nos  cœurs  la  gloire  de  la  France. 

Constantine  est  la  proie  offerte  à  nos  guerriers  : 

Dans  ses  fertiles  champs  ils  or  t  vu  des  lauriers  ; 

Ils  vont  les  moissonner ,  ils  en  ceindront  leur  tête. 

Ils  courent  pleins  d'ardeur  à  sa  noble  conquête  ; 

Mais  contre  eux  tout  conspire  ;  ils  se  croyaient  vainqueurs 

Et  soudain  la  victoire  a  trahi  leur  audace  : 

La  retraite  a  sonné. . .  Tout  a  changé  de  face. 

La  tempête  et  les  vents  paralysent  leurs  cœurs  ; 

La  neige  tombe  à  flots. . .  ces  plaines  sirianles 

Sont  des  tombeaux  glacés ,  où  leurs  mains  expirâmes 

Creusent,  en  y  tombant,  un  sépulcre  d'iiorrcur. . . . 

Et  ton  fils,  ton  cher  fils ,  ô  mère  de  douleur, 

Ton  fils  qui  les  suivait. . .  .Dans  ton  ame  flétrie 

Viendra-t-il  rapporter  le  bonheur  et  la  vie? 

Pleure.  .  : .  hélas  !  il  n*est  plus!  Au  printemps  de  ses  jours 

Paul  est  mort  loin  de  toi ,  sans  les  pieux  secours. 

Ils  furent  vains ,  les  soins  d'un  serviteur  fidèle. . . . 

Dieu  t'avait  prêté  Paul  ;  c'est  Dieu  qui  le  rappelle  : 

Ton  fils  est  dans  son  sein.  A  son  dernier  soupir, 

Il  confondit  en  Dieu  Ion  tendre  souvenir 

Et  sa  mourante  voix  nommait  encor  sa  mère 

Quand  elle  murmura  la  dernière  prière  !. . . 

Et  c'est  près  d'un  tombeau  que  ce  nouveau  malheur 
Vient  comme  le  beffroi  retentir  à  ton  cœur  î 
De  Paul ,  ah  !  si  du  moins  la  dépouille  chérie 
Reposait  doucement  au  sol  de  la  patrie, 
Si ,  réunis  ensemble  à  l'ombre  de  la  croix, 
Tes  deux  fils  et  leur  père  y  sommeillaient  tous  trois!   '. 
Oui ,  c'est  là  le  seul  bien  que  ton  ame  désire. 
Bientôt,  couvert  de  deuil  paraîtra  le  navire 
Chargé  de  ce  dépôt  si  cher ,  si  précieux  ; 
Bientôt  les  compagnons  de  sa  noble  détresse 


ET  LITTÉRAIRE.  il 

Auront  rendu  ton  (ils  aux  vœux  de  ta  tendresse. . . 
Pour  supporter  ces  maux,  lixe,  fixe  les  cicux, 
Élève  jusques  là  ton  ame  et  ta  paupiùrc  ; 
Là,  règne  dans  la  gloire  une  femme ,  une  mère  . 
Elle  aussi  vit  périr  le  iils  de  son  amour. 
Il  voulut  expirer  pour  les  péchés  du  monde. 
Ce  fils,  c'était  un  dieu!  Sa  douleur  fut  profonde, 
Vaste  comme  la  mer  !..  .Du  céleste  séjour , 
Elle  aime  à  compatir  aux  douleurs  maternelles  : 
Verse ,  verse  en  son  sein  les  alarmes  cruelles , 
Et  bientôt  à  sa  voix  descendra  dans  ton  cœur 
Cette  paix  des  élus  qui  semble  le  bonheur. 

É-MiLiE  BRLX. 


ÉGScISE  CATIïOïiI§lJ33  DE  VEVSY. 

De  pieux  efforts ,  de  généreux  sacriftces ,  des  traits  de  dévouement, 
dignes  des  temps  apostoliques,  viennent,  par  intervalle,  consoler  les 
amis  de  l'Évangile  :  le  réveil  de  la  religion  de  nos  pères ,  dans  quelques 
cantons  de  la  Suisse,  est  un  de  ces  événemens  qui  font  époque  dans 
l'histoire  d'une  nation  :  grâces  soient  rendues  à  ceux  qui  les  premiers, 
par  la  force  de  leurs  exemples  et  de  leur  parole,  aplanirent  aux  peu- 
ples égarés  les  voies  qui  devaient  les  ramener  au  Christianisme  :  puisse 
le  ciel  faire  descendre  sur  ces  chrétiennetés  renaissantes  la  rosée  qui 
donne  l'accroissement  et  la  vigueur. 

Depuis  plus  de  trois  siècles ,  les  accens  de  la  vraie  foi  ne  se  faisaient 
plus  entendre  dans  le  canton  de  Yaud;  un  voile  de  mort  couvrait  en- 
core de  ses  ombres ,  et  dans  presque  toute  son  étendue ,  cette  belle 
contrée,  lorsque  les  membres  du  gouvernement,  revenus  de  leurs 
préjugés  contre  le  culte  ancien  que  professaient  leurs  pères ,  ont  enfin 
accordé  à  leurs  concitoyens,  ainsi  qu'aux  nombreux  étrangers  qui  s'y 
trouvent,  l'exercice  du  droit  reconnu  actuellement  par  leurs  lois  fon 
damentales,  d'élever,  dans  toutes  les  villes  de  leur  ressort,  des  tem- 
ples catholiques,  à  la  condition  (\u\\  n'en  résulterait  aucune  charge, 
ni  pour  l'État,  ni  pour  les  communes,  et  que,  par  conséquent,  tout 
pèserait  sur  les  paroissiens ,  les  fi  ais  de  construction ,  le  traitement  de 
leur  pasteur  et  l'entretien  de  l'église. 

Persuadé  de  l'impuissance  où  est  le  protestantisme  de  mettre  fin  à 
l'anarchie  des  opinions  religieuses  qui  le  dévorent,  le  peuple,  enhar- 
monie avec  le  pouvoir,  voit  avec  satisfaction  le  retour  des  principes 
conservateurs  du  catholicisme  :  déjà  plusieurs  protostans  ont  abjure 


72  LE  MOIS  UELIGIELX 

l'hérésie  :  quelques-uns  s'y  disposent  :  d'autres  ont  contribué  de  leurs 
deniers  à  l'édification  des  églises  catholiques  qui  se  sont  élevées  à  Lau- 
sanne et  à  \evey  :  dans  cette  dernière  ville  surtout,  le  zèle  et  l'enthou- 
siasme se  sont  manifestés  d'une  manière  extraordinaire.  La  veuve  et 
l'orphelin  ont  mêlé  leur  denier  à  l'offrande  du  riche ,  et  les  dames  ont 
confectionné  de  leurs  propres  mains  divers  ouvrages  qu'elles  ont  fait 
vendre  au  profit  de  cette  bonne  œuvre. 

La  ville  de  Yevey  contient  environ  six  mille  aines  :  c'est  un  des  plus 
beaux  comme  des  plus  agréables  séjours  de  la  Suisse  :  Yevey  se  re- 
commande par  ses  points  de  vue,  la  douceur  de  son  climat,  et  un 
concours  immense  d'étrangers.  Ils  y  affluent  journellement  et  y  de- 
meurent dans  la  belle  saison,  soit  pour  leur  agrément,  soit  pour  leur 
santé.  Il  n'y  a  rien  de  plus  pittoresque  que  l'aspect  de  cette  ville  située 
sur  la  grande  route  qui  conduit  aux  bains  d'eaux  thermales  de  Laïa, 
de  Lavay ,  près  de  Saint-Maurice ,  de  Louëche ,  près  de  Sion  en  Valais , 
et  en  Italie  :  elle  est  située  sur  les  bords  du  lac  Léman ,  à  quatre  lieues 
à  l'est  de  Lausanne.  Douze  familles  françaises  y  sont  domiciliées,  et 
plusieurs  autres  y  passent  l'été  pour  jouir,  entre  autres  avantages  ,  de 
l'air  pur  et  tempéré  qu'on  y  respire  :  durant  l'été,  le  nombre  des  ca- 
tholiques y  est  au  moins  d'environ  mille  âmes ,  et  tout  porte  à  croire 
qu'il  ne  poat  aller  qu'en  augmentant. 

Peu  favorisés  de  la  fortune ,  les  catholiques  de  Yevey  sont  dignes  du 
plus  haut  intérêt  :  après  avoir  épuisé  leurs  faibles  ressources ,  ils  ont 
été  obligés ,  comme  les  Missionnaires  des  Indes,  de  recourir  à  la  piété 
des  âmes  charitables  de  tous  les  pays,  pour  se  procurer  en  partie  ce 
qui  leur  man(|uait.  C'est  la  tâche  que  le  ciel  semble  leur  avoir  imposée 
pour  se  sanctifier  eux-mêmes ,  tout  en  s'efforçant  de  ramener  à  la  reli- 
gion ,  par  leurs  exemples  et  leurs  vertus ,  leurs  frères  égarés  dont  le 
sort ,  aux  yeux  de  la  Foi ,  est  aussi  à  plaindre  que  celui  des  infidèles. 
Mais ,  pour  couronner  leur  entreprise ,  une  école  catholicpie  devient  in- 
dispensable à  Yevey.  Quatre-vingts  enfans  sont  contraints  par  l'auto- 
rité de  fré(juentcr  l'école  protestante,  aussi  long-temps  qu'il  n'y  en 
aura  pas  une  de  leur  religion  :  dans  cette  fâcheuse  position  on  comprend 
combien  leur  foi  est  exposée,  et  quelle  est  l'urgente  nécessité  d'en 
prévenir  les  suites  funestes. 

Mus  par  ces  considérations,  les  catholiques  de  Yevey  recourent  avec 
conliance  à  la  cliarité  des  fidèles,  non-seulement  pour  fonder  une 
école,  mais  encore  pour  assurer  ce  qu'ils  ont  déjà  élevé  avec  tant  de 
peine ,  l'église  et  le  presbytère. 

M.  Sublet,  prêtre  du  diocèse 'de  Lausanne  et  curé  de  Yevey,  aussi 
distingué  par  sa  piété  i\\\q  par  ses  talcns  et  son  zèle ,  est  venu  au  mi- 
lieu des  catholiques  de  France,  se  rendre  l'interprète  Je  ses  pauvres 


ET  LITTÉRAIRE.  73 

paroissiens;  il  est  venu  faire  entendre  leur  voix  suppliante  ,  et  l'accueil 
honorable  et  touchant  (pie  ce  respectable  ecclésiastique  a  reçu  dans  les 
sommités  du  clergé  ,  et  dans  les  ranj^s  élevés  de  la  société ,  Tait  espérer 
que  la  moisson  sera  abondante,  malf,'ré  les  quêtes  qui  se  font  conti- 
nuellement, soit  à  domicile,  soit  dans  les  églises.  Dans  notre  patrie  lu 
charité  ne  se  lasse  jamais  :  ses  mains  s'ouvrent  incessamment  pour 
répandre  des  bienfaits  :  et  l'on  sera  toujours  écouté  favorablement 
lorsqu'on  plaidera  la  cause  des  autels  du  Seigneur,  ou  la  cause  des 
pauvres. 

Des  Dames  chrétiennes  ont  voulu  s'associer  à  l'œuvre  de  M.  le  Curé 
de  Yevey  :  elles  recevront  les  offrandes  que  la  charité  des  fidèles 
consacrera  aux  besoins  si  pressans  de  l'église  de  Yevey.  Des  prières 
particulières  auront  lieu  pour  les  bienfaiteurs. 

Mesdames  les  quêteuses  sont:  la  Duchesse  de  Dalberg,  rue  de 
Bourbon ,  n"  92  ;  la  Marquise  de  Gabuiac  ,  place  du  Palais-Bour- 
bon ,  n°  89 ,  la  Comtesse  de  Marescalcih  ,  rue  de  Yarenncs ,  n°  29  ; 
Lady  Dalberg-Acton,  hôtel  de  Morlemart,  rue  de  Bourbon,  n°  72; 
la  Comtesse  de  Ciielincourt,  rue  de  Bourbon,  n*"  105;  la  Comtesse 
DE  La  Rousière,  rue  de  Sèvres,  n"  31. 


IiES  j£VʧU3S5  ©S'IiA  KrOUVSI;lE->OaiéAKïS  ST  Z>E  MAB.ONEX. 

Les  Feuilles  rehgieuscs  ont  annoncé,  il  y  a  plus  de  deux  mois,  le 
départ  pour  leurs  diocèses ,  de  NN.  SS.  Blanc ,  évoque  de  la  Nouvelle- 
Orléans,  etPompallier,  évèque  de  Maronée,  vicaire  del'Océanie.  Le  mé- 
rite apostolique  de  ces  prélats  est  connu  depuis  long-temps;  et  ce  qui  pou- 
vait nous  consoler  en  France  de  les  voir  s'éloigner  de  notre  patrie  où  le 
besoin  de  saints  prêtres,  d'hommes  capables  et  dévoués  se  fait  incessam- 
ment sentir,  c'était  la  pensée  qu'ils  franchissaient  les  mers  pour  aller 
exercer  dans  des  contrées  lointaines  un  apostolat,  non  moins  sublime, 
non  moins  fructueux,  non  moins  consolant  pour  les  amis  de  la  religion. 
Leur  cortège  excitait  aussi  tout  à-la-fois  notre  admiration  et  nos  regrets  : 
à  la  suite  de  Monseigneur  l'Évêque  de  la  Nouvelle-Orléans ,  marchaient 
deux  grands-vicaires,  des  jésuites  appelés  en  Amérique  à  l'éducation 
des  cnfans  du  sanctuaire,  et  des  religieuses  de  la  communauté  du 
SacnvCœur,  destinées  à  renouveler  dans  les  régions  d'outro-mer,  les 
merveilles  auxquelles  leur  saint  institut  nous  a  accoutumés  depuis 
long-temps  sur  les  points  les  plus  impoilans  de  l'Europe. 

Monseigneur  Pompallier  était  accompagné  de  (luelques  prêtres ,  Mis- 
sionnaires, et  de  simples  frères  qui  se  cousacrant  également  à  Dieu, 


H  LE  MOIS  RELIGIEUX 

aideront  les  prêtres  dans  toutes  les  fonctions  religieuses  qui  ne  ré- 
clament point  la  sublimité  des  saints  ordres  :  ils  montreront  aux  petits 
enfans  les  principes  de  la  lecture  :  c'est  par  les  enfans  qu'ils  commen- 
ceront l'édifice  de  la  maison  de  Dieu.  Ils  feront  les  catéchismes  et 
prendront  soin  des  ornemens  des  autels  :  ils  abattront  des  arbres  dans 
les  forêts  pour  en  bâtir  eux-mêmes  leurs  églises  ,  et  dans  ces  pénibles 
travaux,  ils  auront  l'assistance  des  prêtres  etdeleurévêque.  Là  il  faudra 
être  missionnaire  et  manœuvre.  C'est  au  milieu  des  peuplades  les  plus 
plus  sauvagesque  ces  apôtres  vont  planter  l'étendard  de  la  Croix  :  jamais 
dansées  lieux  le  nom  sacré  de  Jésus  ne  se  fit  entendre  :  c'est  une  im- 
mense conquête  offerte  au  Christianisme  :  puisse  le  ciel  bénir  les  tra- 
vaux des  bons  Missionnaires.  Pendant  que  devant  eux  nous  invoquions 
pour  le  succès  de  leur  parole  évangélique  les  bénédictions  d'en  haut , 
ils  nous  regardaient  avec  bonté  et  leur  sourire  semblait  nous  répondre  : 
que  la  volonté  de  Dieu  s'accomplisse  sur  nous  î  Si  nous  sommes  des- 
tinés à  soumettre  à  l'empire  de  la  Foi  des  âmes  jusque  là  plongées  dans 
les  ténèbres  de  l'idolâtrie,  nous  acceptons  cette  couronne  avec  recon- 
naissance; mais  elle  ne  sera  ni  moins  vive,  ni  moins  sincère ,  si  au  lieu 
de  cette  récompense  de  notre  apostolat ,  nous  cueillons  la  palme  du 
martyre  sur  les  rivages  de  l'Océanie,  à  l'instant  même  où  nous  des- 
cendrons du  navire  qui  nous  aura  amenés  d'Europe.  La  main  du  Christ 
aura  ceint  nos  fronts  des  bandelettes  du  triomphateur,  avant  même  que 
nous  soyons  descendus  dans  l'arène  des  combats  :  gloire  soit  rendue  à 
sa  munificence  :  que  la  volonté  de  Dieu  s'accomplisse  sur  nous. 

Voilà  les  hommes  que  la  France  a  vus  naître  :  que  le  Christianisme 
a  façonnés!  Heureuses  les  contrées  vers  lesqueîk^s  ils  dirigent  leur 
course  :  c'est  l'étoile  du  Salut  qui  va  briller  aux  nations  infidèles!  Avec 
quels  sentimens  de  respect  et  de  reconnaissance  ne  conservons-nous 
pas  les  saintes  images,  les  grains  de  chapelet  qu'ils  nous  laissèrentà 
leur  départ.  C'est  la  plume  qui  se  détache  de  l'aile  de  l'oiseau  qui  do- 
mine dans  les  airs  :  c'est  le  legs  pieux  des  enflms  du  Seigneur. 

En  voyant  partir  ces  évêques,  ces  prêtres,  ces  frères,  ces  religieuses , 
nous  pouvions  nous  écrier  :  le  Seigneur  a  choisi  parmi  nous  l'élite  de 
ses  enfans!  Il  en  a  formé  un  faisceau  de  lumières  pour  éclairer 
d'autres  mondes  ;  les  premiers  pas  de  leur  pèlerinage  ,  lorsqu'ils  étaient 
encore  sur  la  terre  de  France ,  ont  été  signalés  par  des  actes  de  religion, 
de  charité,  de  patience  ;  c'étaient  leurs  adieux  à  la  patrie  !  C'étaient 
les  derniers  feux  du  jour  qui  deviennent  plus  éclatans  et  plus  vifs  à  me- 
sure que  le  soleil  est  plus  près  de  terminer  sa  carrière. 

Ces  pieuses  colonies  furent  retenues  pendant  long-temps  dans  le 
port  du  Havre  par  les  vents  contraires  :  les  capitaines,  en  marins  ex- 
l>érimentés,  ne  voulurent  mettre  à  la  voile  que  par  un  vent  favorable 


ET  LIÏTÉRAIRE.  ^^ 

et  fait  :  la  Providence  veillait  sur  ses  onfans  :  si  on  eût  lové  l'ancre, 
il  est  probable  que  les  vaisseaux  auraient  eu  beaucoup  de  peine  à  sor- 
tir de  la  Manche,  à  cause  des  gros  temps  qui  ont  régné  à  cette  époque 
durant  plusieurs  semaines.  Alors  les  deux  évéques  consacraient  la  lon- 
gueur de  leurs  journées  d'attente  à  l'étude  et  à  la  prière.  Les  Mission- 
naires apprenaient  l'anglais  :  tous  s'occupaient  d'une  manière  utile  :  il 
est  des  vocations  dans  le  Christianisme  qui  ne  connaissent  ni  repos ,  ni 
trêve. 

Pendant  ce  séjour ,  Monseigneur  l'évèque  de  Maronée  paya ,  au  nom 
de  tous  les  Missionnaires  qui  partirent  du  Havre  depuis  bien  des  années, 
la  dette  de  reconnaissance  qu'ils  avaient  contractée  envers  une  dame 
chrétienne  de  cette  ville,  qui,  durant  quatorze  ans,  a  reçu  avec  une 
générosité  digne  des  premiers  âges  de  l'Église  ,  tous  les  prêtres  des  mis- 
sions étrangères,  des  établissemcns  de  Picpus,  du  séminaire  du  Saint- 
Esprit,  et  même  ceux  qui  entreprennent  des  voyages  d'outre-mer  sans 
appartenir  à  aucune  corporation  religieuse.  Nommer  madame  Dodard  , 
c'est  réveiller  dans  tous  les  coeurs  ie  souvenir  des  bienfaits  sans  nombre 
dont  elle  a  comblé  les  ministres  de  la  Religion  et  une  foule  de  commu- 
nautés auprès  desquelles  son  nom  et  sa  mémoire  seront  toujours  en 
vénération.  Plusieurs  évéques  se  rappellent  avec  plaisir  l'hospitalité 
(ju'ils  en  ont  reçue.  Cette  dame  demeurait  à  ingouville  et  depuis  long- 
temps se  trouvait  dans  un  état  de  santé  qui  donnait  les  plus  graves  in- 
quiétudes. Elle  a  reçu  le  Saint-Viatique  des  mains  de  Monseigneur 
révoque  de  Maronée  :  tous  les  Missionnaires  portant  des  cierges  allu- 
més ,  accompagnaient  l'auguste  sacrement  de  nos  autels.  Ce  fut  un 
touchant  spectacle  pour  les  habitansd  Ingouville  :  une  consolation  inef- 
fable pour  la  vénérable  infirme  ;  un  hommage  à  la  reconnaissance ,  bien 
digne  de  flatter  un  cœur  aussi  généreux  que  le  cœur  de  Monseigneur 
l'évêque  Pompallier. 

Quelques  jours  avant  Noël ,  les  vents  parurent  devenir  favorables. 
Les  évéques  et  leurs  cortèges  profitèrent  avec  empressement  de  la  sé- 
rénité qui  semblait  renaître  sur  la  mer  :  ils  s'embarquèrent  le  24  dé- 
cembre. Mais  on  apprit  que  plusieurs  navires  avaient  péri  le  lendemain 
corps  et  biens  sur  les  cotes  de  Normandie  :  que  d'inquiétudes,  que 
d'alarmes  sur  le  sort  des  apôtres  de  l'Évangile!  Cette  nouvelle  arriva 
promptement  à  Paris  et  jeta  dans  la  consternation  leurs  amis ,  leurs  Hv 
milles,  toutes  les  personnes,  en  un  mot,  qui  avaient  été  assez  heureuses 
pour  les  connaître ,  ou  simplement  les  voir.  Quatre  jours  se  sont  passés 
dans  les  incertitudes  les  plus  cruelles.  Ce  ne  fut  qu'au  bout  de  ce  terme 
qu'elles  furent  entièrement  calmées  par  des  lettres  reçues  du  Havre  : 
on  sut  que  les  batimens  qui  avaient  péri ,  et  dont  l'un  avait  sombré  sous 
voile  à  la  vue  de  la  côte ,  étaient  ceux  que  l'on  avait  vus  partir  à  la  marée 


T0  LE  MOIS  RELIGIEUX 

du  soir.  En  déplorant  amèrement  leur  perte,  car  leurs  passagers 
aussi  étaient  nos  frères  par  leur  naissance  chrétienne,  on  dut  se  féli- 
citer que  le  même  désastre  n'eût  pas  enveloppé  les  deux  évêques  et 
ceux  qui  les  accompagnaient.  La  Joséphine  portait  vingt-deux  ecclé- 
siastiques et  religieuses,  et  sur  la  Delphine  on  comptait  huit  Mission- 
naires, y  compris  les  frères  et  l'évèque  de  Maronée.  Heureusement  les 
deux  navires  avaient  pu  sortir  de  la  Manche  avant  que  la  temjiète  eût 
commencé  à  soulever  la  mer. 


DE    L'ÉCRIT    DE    M.    DE    MO.NTBEL   SLR  LES    DERNIERS    INSTANS    DE 

CHARLES    X  ET    DE    l'ÉLOGE    FUNÈBRE    DE    LOUIS    XVUI  , 

PAR    M.    l'abbé    LIAUTARD. 

L'écrit  de  M.  de  Montbel  a,  dès  les  premiers  jours  de  son  apparition,, 
excité  dans  les  cœurs  des  émotions  vives  et  profondes  :  il  était  fâ- 
cheux seulement  que  le  prix  trop  élevé  de  ce  volume  ne  permît  pas  à 
tout  le  monde  de  se  le  procurer.  C'est  donc  une  heureuse  et  excel- 
lente idée,  que  celle  de  le  mettre  à  la  portée  de  tous  les  lecteurs  sans 
rien  retrancher  du  texte,  ni  diminuer  en  aucune  manière  l'intérêt  qu'il 
inspire. 

Ainsi,  au  moyen  du  petit  in- 18  qui  se  publie  en  ce  moment,  il  n'y 
aura  personne  en  France,  parmi  ceux  qui  peuvent  lire,  qui  ne  soit  à 
même  de  connaître  toutes  les  belles  actions  que  Ton  cite  à  chaque  pas 
dans  la  longue  vie  de  Charles  X,  et  surtout  d'admirer  le  courage,  h 
grandeur  d'ame  et  la  résignation  dont  cet  excellent  prince  a  donné  de 
si  grands  exemples  dans  les  dernières  années  de  sa  carrière. 

C'est  ici  le  moment  favorable  de  rappeler  T oraison  funèbre  de 
Louis  XVUI,  par  M.  l'abbé  Liautard.  Elle  lit  dans  le  temps  une  grande 
sensation  :  le  sujet  par  lui-même  excitait  l'intérêt  au  dernier  degré  ,n 
et  personne  n'était  plus  capable  et  plus  digne  que  M.  Liautard  de  tra- 
cer le  portrait  du  prince  qui,  après  un  si  long  exil,  avait  fait  sortir 
la  monarchie  de  ses  ruines,  et  eut  assuré  à  jamais  le  bonheur  de  notre 
patrie,  si  la  franchise  et  la  loyauté  des  Bourbons  n'eussent  point  été 
surprises  par  les  manœuvres  des  ingrats  et  des  traîtres. 

Personne,  nous  le  répétons,  n'était  plus  digne  et  plus  capable  que 
M.  Liautard  de  remplir  cette  noble  tache:  la  renommée  de  ce  ver- 
tueux et  savant  ecclésiastique  n'estpoint  renfermée  dans  les  limites  de  la 
France  :  le  bruit  de  son  mérite  est  allé  frapper  au-delà  des  mers  les  échos 
les  plus  lointains.  Les  hommes  les  plus  distingués  de  l'époque  actuelle 
ont  appartenu  à  cette  bonne  et  parfaite  maison  qui ,  désignée  pendant 


ET  LITTÉHAmE.  77 

long-temps  p^r  le  titre  m od este  de  pension  de  M.  F^îaritard,  poursuit 
maintenant  ses  dcstinc'^es  sous  îe  nom  de  collège  Stanislas. 

Louis  XVlîl  ({ui  savait  apprécier  et  estinicr  son  fondateur,  avait 
voulu  que  sa  maison  j)ort;U  l'un  de  ses  prénoms,  en  même  temps  qu'il 
l'érigeait  en  collège.  C'était  une  récompense  bien  méritée,  et  celui  qui 
la  recevait  en  témoigna  sa  reconnaissance  dans  l'écrit  que  nous  rap- 
pelons à  cette  heure. 

En  rapprociiant  l'oraison  funèbre  de  Louis  XVI lï  de  l'écrit  de 
M.  de  Montbel,  sur  son  successeur,  on  aura  une  idée  parfaite  de  ces 
deux  princes.  Grâces  soient  rendues  aux  écrivains  qui ,  tout  en  sui- 
vant la  noble  et  touchante  impulsion  de  leur  cœur,  savent  si  bien 
faire  passer  dans  l'amc  du  lecteur  les  sentimens  qu'ils  éprouvent  eux- 
mêmes. 


LE     SÉMÎ^AIUE     DES    MISSîO:VS     ÉTI\A\GÈnES. 

Le  séminaire  des  Missions  ét'^angères  est  sur  le  point  de  faire  partir 
cin(|  prêtres  pour  l'Orient;  on  pense  que  leur  destination  est  pour  Siam. 
Ils  sont  allés,  il  y  a  quelques  jours,  demander  leurs  passeports  à  la  pré- 
fecture de  police.  Il  esld'usage  de  percevoir  un  droit  pour  tous  les  passe- 
ports à  l'étran  jor  :  les  cinq  missionnaires  ont  donc  déposé  chacun  dix 
francs.  Mais  M.  le  préfet  de  police,  instruit  du  but  de  leur  voyage,  n'a 
point  voulu  qu'on  reçût  cette  somme.  Il  était  trop  heureux,  a-t-il  dît, 
de  montrer  quel  intérêt  il  prenait  à  leur  généreux  dévouement.  Ce  pro- 
cédé est  d'autant  plus  remarquable,  que  M.  le  préfet  de  police,  on  le 
sait ,  est  protestant ,  et  qu'aux  époques  où  la  religion  paraissait  le  plus 
favorisée,  la  préfecture  de  police  n'avait  pas  montré  tant  de  bienveil- 
lance pour  les  pauvres  Missionnaires. 


DES  MABJAG^XS  C1V11.2. 

Une  des  choses  qui  affligent  le  plus  les  amis  de  la  religion  et  des 
mœurs,  c'est  la  licence  des  mariages  civils  et  la  funeste  habitude  qui 
prévaut  dans  quelques  pays  et  dans  quelques  classes,  de  négliger  l'in- 
tervention de  la  religion  dans  l'acte  le  plus  important  de  la  vie  domes- 
tique et  sociale.  Cette  plaie  désolante  est  le  sujet  d'une  circulaire  que 
M.  révêque  de  Versailles  a  adressée  le  12  décembre  dernier  à  ses 
cures  ; 


7S  LE  MOIS  RELIGIEUX 

«  Le  premier  effet  de  pareilles  alliances,  dit  le  prélat,  c'est  d'engager  les  ameâ 
dans  une  vie  criminelle.  Car  enfin  il  ne  faut  pas  ici  se  faire  illusion.  Le  contrat 
civil  produit  sans  doute  des  effets  importans  dans  l'ordre  civil.  Ce  contrat  est  bon  ; 
il  est  même  nécessaire,  suivant  nos  institutions  sociales.  Mais  qu'est-t-il  dans 
l'ordre  de  la  religion?  qu est-il  dans  l'ordre  du  salut?  Est-ce  à  ce  contrat  que 
Jésus-Christ  a  attaché  des  promesses?  et  sous  le  règne  de  l'Evangile,  est-ce  du 
Code  qu'il  faut  attendre,  pour  les  époux  chrétiens,  la  grâce  de  vivre  et  de  mourir 
saintement?  Non,  certes.  Depuis  que  le  Sauveur  du  monde  a  élevé  l'union  conju- 
gale à  la  dignité  de  sacrement ,  il  n'y  a  plus,  pour  les  vrais  disciples,  qu'une  seule 
manière  d'entrer  dans  le  mariage.  C'est  par  l'Eglise  qu'il  faut  passer  :  c'est  par 
le  ministère  du  prêtre  qu'il  faut  bénir  son  union.  Sans  quoi  l'iniquité  s'attache  au 
pacte  conjugal  :  en  devenant  époux  on  devient  parjure  ;  et,  pour  \ivre  sous  le 
manteau  de  la  loi ,  on  n'en  vit  pas  moins  dans  le  désordre ,  l'ignominie  et  le 
scandale. 

»  Un  autre  efTet  des  mariages  purement  civils,  c'est  la  haine  dont  s'arment 
contre  l'Église  les  personnes  engagées  dans  ce  mauvais  état.  Hérode  décapita 
St.  Jean-Baptiste,  parce  que  St.  Jean-Baptiste  condamnait  le  mariage  d'IIérode. 
I)e  même  il  est  bien  diflicileque  des  époux  criminels  ne  passent  point  de  la  ré- 
volte à  la  haine.  Il  y  a  un  noii  Ucet  qui  vient  sans  cesse  frapper  leurs  oreilles,  et 
empoisonner  leurs  joies  coupables;  et  dans  l'impuissance  d'étouffer  cette  voix 
importune,  il  leur  semble  que  c'est  déjà  quelque  chose  que  de  la  détester  et  de  la 
maudire.  D'ailleurs ,  ainsi  que  l'a  remarqué  un  ancien,  il  est  dans  la  nature  de 
l'homme  de  haïr  qui  l'on  a  offensé ,  proprium  est  ingenii  humani  odisse  quem  lœseris. 
Ces  époux  mal  obéissansont  méconnu  l'autorité  de  l'Église  :  ils  l'ont  blessée  au 
cœur,  en  ne  l'invitant  pas  à  leurs  noces;  il  est  donc  comme  nécessaire  qu'ils  se 
fassent  ses  ennemis  ;  et  que,  pour  éviter  l'anathème  dont  ils  se  croient  menacés, 
les  premiers  ils  disent  anathème  et  à  l'Eglise,  et  à  ses  sacremens,  et  à  son 
culte.  » 

M.  révoque  déplore  les  suites  de  cette  première  démarche,  l'éloi- 
finement  des  églises,  la  mauvaise  éducation  des  enfans  ,  l'habitude  de 
vivre  dans  l'oubli  de  la  religion.  Son  zèle  cherche  ensuite  les  moyens 
d'y  porter  remède.  Un  de  ces  moyens  est  rinstructionj  il  faut  éclai- 
rer de  bonne  heure  la  jeunesse  à  cet  égard  : 

«  L'instruction  des  autres  âges  ne  doit  pas  moins  éveiller  la  charité  d'un  pas- 
teur. Combien  en  effet  qui  ne  voient  dans  le  sacrement  de  mariage  qu'une  pra- 
tique arbitraire,  et  comme  un  luxe  de  dévotion!  11  faut  les  désabuser  sur  ce 
point;  leur  bien  faire  comprendre  que  si,  en  qualité  de  Français,  ils  sont  rede- 
vables aux  lois  de  l'état,  en  qualité  de  chrétiens,  ils  ne  le  sont  pas  moins  aux 
lois  de  l'Eglise  :  que  l'acte  civil  répond  à  la  première  de  ces  qualités,  et  l'acte  reli- 
gieux à  la  seconde;  et  qu'on  ne  peut  pas  plus  séparer  ces  deux  actes,  qu'on  ne 
peut  renoncer  à  son  origine  ou  à  son  baptême.  >'ul  ne  s'avise,  et  il  a  raison, 
de  ne  se  marier  qu'à  l'Église,  parce  que  notre  législation  s*y  oppose.  Mais  à  côté 
de  cette  législation  humaine ,  n'y  en  a-t-il  pas  une ,  plus  âgée  que  celle-là  de  dix- 
huit  siècles,  fondée  par  Jésus-Christ  lui-même,  laquelle  défend  aux  chrétiens 
de  ne  s'unir  que  devant  le  magistrat?  Pourquoi  donc  en  respeclanl  l'une,  croi- 
rait-on pouvoir  mépriser  l'autre?  Et  ne  serait-ce  pas  le  comble  de  la  démence  que 
de  craindre  les  mcnuccs  du  Code  pénal,  et  de  ne  pas  craindre  l'indignalion  du 


ET  LITTÉRAIRE.  7f 

ciel  ?  Qu'on  ne  s'y  trompe  pas  :  Dieu  est  patient,  mais  il  est  juste  ;  et  il  est  im- 
possible que  sa  coltiivi  n'éclate  pas  un  jour  sur  les  contempteurs  rie  ses  ordon- 
nances, qui  réduisent  le  mariage  à  des  élémens  tout  humains,  et  font  de  la  lé- 
galité comme  un  masque ,  pour  couvrir,  vaille  que  vaille,  la  corruption  de  leurs 
mœurs.  y> 


Le  sage  et  pieux  prélat  veut  aussi  que  Ton  éclaire  les  fidèles  sur  les 
peines  canoniques  et  les  incapacités  que  les  régies  de  l'Église  imposent 
à  ceux  qui  se  privent  des  grâces  du  sacrement.  11  engage  les  curés  à  trai- 
ter de  temps  en  temps  ce  sujet ,  et  il  termine  par  des  avis  où  on  recon- 
naîtra toute  la  sollicitude  d'un  charitable  pasteur. 

(La  suite  au  numéro  prochain.  ) 


En  Vente  chez  F.  LEJEUNE,  Graveur,  Éditeur  de  Sujets  de  Piété  aux 
prix  les  plus  modérés ,  rue  Perdue,  9 ,  près  la  Place  Maubert. 

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AU  MOMENT  DE  LA  MORT  DU  SAUVEUR,  ET  ENTOURÉ  d'uN  TEXTE  EXPLICATIF  DES  LIEUX, 
TELS  qu'ils  ÉTAIENT  ALORS  ET  QU'iLS  SONT  DE  NOS  JOURS  ; 

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Ce  sujet  important,  cjcécutc  d'après  un  dessin  correct ,  est  gravé  en  taille-douce  avec  le 

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On  trouvera  chez  F.  Lejeune  ^  une  riche  collection  de  sujets  relipjieux  ,  tels  que 
saints ,  saintes  en  bustes  et  en  pieds ,  emblèmes  bons  pour  les  Catéchismes  et 


80  LE  MOIS  RELIGIEUX 

les  écoles ,  dons  et  fruits  du  Saint-Esprit ,  cachets  de  première  communion  et 
de  confirmation  des  deux  sexes  ;  le  ifiois  de  Marie ,  composé  de  trente-deux  sujets 
représentant  les  fêtes  et  les  principaux  mystères  de  la  vie  de  la  Sainte-Vierge, 
depuis  sa  nativité  jusqu'à  son  couronnement  dans  le  ciel,  avec  prière  pour  chaque 
jour;  le  scapulairede  la  sainte  vision,  gravé  d'après  la  médaille  dite  miraculeuse;  joli 
buste  de  sainte  Plnlomèlc;  là  Semaine  pieuse,  avec  prière  pour  chaque  jour,  et  une  jolie 
suite  de  sujets  in-4. 

La  collection ,  gravée  en  laille-douce  avec  le  plus  grand  soin,  contient  1,  4, 
8, 12,  1(>,  25  sujets  à  la  feuille,  au  prix  de  5,  10, 15,20  et  e"0  fr.  le  cent  de  feuilles 
au  choix.  Le  cent  peut  se  composer  de  feuilles  différentes.  Ces  prix,  bien  inférieui*sà 
ceux  des  autres  marchands,  permettront  à  MM.  les  ecclésiastiques  de  diminuer 
de  plus  de  moitié  les  dépenses  qu'ils  consacrent  annuellement  à  l'achat  des 
images  pour  les  enfans. 

Nous  avons  sous  les  yeux  une  carte  des  principaux  lieux  qu'a  parcourus 
IS.  S.  J.-C.  pendant  sa  Passion.  On  y  voit,  parfaitement  gravés  et  accompagnés 
d'un  texte  explicatif  du  plus  vif  intérêt,  les  principaux  monumens  de  Jérusalem 
au  temps  du  Sauveur,  et  le  mont  sacré  de  Golgotha  dominant  la  plus  grande 
partie  de  la  viîle.—  Nous  avons  surtout  remarqué  la  salle  du  Ccnacle ,  la  grotte  de 
C Agonie,  Va  maison  d^Anne,  changée  maintenant  en  monastère  aussi  bien  que 
celle  de  Caïphe,  le  palais  d'Hérode  y  la  salle  de  la  flagellation,  le  prétoire  de  Pilate^ 
dont  les  marches  de  marbre  ont  été  transportées  à  Rome ,  le  saint  Sépulcre ,  le 
mont  des  Oliviers,  où  l'on  voit  encore  le  vestige  d'un  pied  de  >.  S.  imprimé  sur 
le  roc ,  etc.  Avec  Viacrucis  de  M.  Lejeune ,  on  peut  suivre  des  yeux  et  de  l'esprit 
toute  l'histoire  de  la  Passion,  et  l'on  y  trouvera  en  même  temps  de  précieuses 
notices  sur  les  circonstances  de  ce  drame  douloureux. 


PaïiiSj   F.  LEJELIVE,  Gr.ivcur-odîtcur  de  sujets  de 
piété 5    9,    rue   Perdue. 

Nous  recommandons  à  nos  lecteurs ,  Y  Alphabet  et  Syllabaire  des  Enfans  chré- 
tiens, orné  de  24  sujets  en  taillcHÏouce  et  de  oGjyages  de  texte,  contenant  Ie>  premiers 
élémens  de  la  lecture  en  caractères  variés  :  capitale ,  romain ,  itaUipw  ,  ronde ,  an- 
glaise et  gothique  formant  un  choix  de  prières  édifiantes  à  la  portée  de  Tonfance, 
iavec  l'explication  des  principaux  dogmes  de  la  foi.  In  joli  volume  in^l8  broché, 
couverture  imprimée.  Prix  :  20  Cent. 

Ce  livre,  que  plusieurs  prélats  ont  propagé,  manquait  à  l'enfance  chrétienne  ; 
nvec  lui ,  (^ile  apprendra  d«^  bonne  heure  à  connaître  les  vérités  fondamentales  de 
la  rehgion  et  le  respect  qu'elle  prescrit  aux  entans  envers  leurs  parens  et  leurs 
supérieurs. 


ET  un  i:  Il  AI  lu:,  8i 

Suite  (lu  Précis  historique  sur  le  Monastère  tle  La  Tuappl. 


Ce  que  l'on  no  saurait  conlosler,  c  est  qu'il  fut  atti-iiU,  elLosbailos  (|ui 
([levaient  lui  donner  la  inoit  frappèrent  contre  l'acier  de  sa  cuirasse. 
il  fut  ainsi  sauvé  :  iiélas  !  s'écria-il,  avec  l'acctînt  de  la  reconnaissanc(î , 
que  serais-je  devenu  si  Dieu  n'eut  eu  pitié  de  moi  ! 

A  travers  les  belles  (jualités  de  Rancé,  que  nous  avons  sigm>lé4^s 
vers  le  couiniencenient  de  cet  écrit ,  on  remarquait  une  certaine  fierté 
de  caractère,  ,une  prompte  et  vive  détermination  qui  ne  s  alliaient  pas 
toujours  avec  les  règles  de  la  sagesse. 

Dès  le  berceau  de  la  monarchie,  la  chasse  fut  toujours  le  plus 
agréable  passe-temps  des  gentilsiiommes  :  ils  avaient  sur  ce  point  (h*. 
très-grands  pri\ilégGS,  et  ils  y  tenaient  presqu'auîant  qu'à  leur  arbre 
généalogique.  Ilancé  s'en  nionlra  toujours  fort  jaloux  :  on  croirait 
diflicilement  jusqu'où  pouvait  le  porter  ce  sentiment  qui  dégénérait 
en  passion.  Des  genlilshomnies  s'étaient  introduits  sur  ses  terres  pour 
ehasser  :  Armand  les  aperçoit  :  il  court  à  eux  ,  seul,  sans  armes; 
il  parvient  à  les  mettre  en  fuite.  L'un  d'eux,  l'homme  le  plus  déter- 
miné de  la  contrée,  honteux  de  céder  le  terrain  à  un  seul  cavalier, 
se  retourne  et  dirige  son  fusil  vers  le  jeune  seigneur,  comme  s'il  eut 
voulu  faire  feu.  Sans  éprouver  le  moindre  effroi,  Rancé  se  précipite 
sur  lui  cl  le  force  à  lui  remettre  son  arme.  Ce  gentilhomme  avoua  de- 
puis que,  dans  cette  circonstance,  il  ne  s'était  pas  reconnu  lui-même  : 
il  avait  lété désarmé,  disait-il,  par  une  force  irrésistible,  qui  n'était  point 
celle  de  son  adversaire  :  il  rceonnaissait  dans  cet  événement ,  une 
main  puissante  surnaturelle. 

La  dissipation  de  l'abbé  de  Rancé  ne  faisait  qu'obscurcir  les  lu- 
iniéres  de  son  ame  ;  par  intervalle  ses  ténèbres  se  dissipaient  :  alors, 
comme  un  autre  Augustin  ,  il  gémissait  sur  ses  égarcmens,  il  procla- 
mait avec  transport,  la  miséricorde  du  Seigneur,  qui  lui  avait  conservé 
la  vie,  dans  tant  de  périlleuses  occasions;  mais  il  n'avait  pas  encore 
assez  de  force  ,  pour  faire  briller  dignement  sa  reconnaissance.  Toute- 
fois, il  marchait  à  grands  pas  et  pour  ainsi  dire  à  son  insu,  vers  une 
conversion  éclatante. 

Ln  écrivain  crédule ,  ({ui  a  puisé  ses  docuuiens  dans  les  libelles  pu- 
bliés par  les  ennemis  du  saint  Réformateur,  a  cru  trouNcr  un  des 
grands  motifs  de  sa  C4>n version  ,  dans  la  mort  de  la  duchesse  de  Mont» 
bazon,  àwv.  la^pielle,  dil-il ,  il  a\ail  eu  une  liaison  inliu\o  durant  piiyi» 

sieurs  années. 

•       ,  ■       ■  •  ... 


82  LE  MOIS  RELlGliEljX 

Un  auteur  plus  luoderne  a  copié  celte  opinion  dans  presque  tous 
SCS  détails;  il  ajoute  m^rne  qu'à  La  Trappe,  on  conservaft  avec  grand 
soin,  la  tête  de  la  duchesse,  comme  un  monument  delà  grâce  qui 
avait  fait  rentrer  Rancé dans  les  voies  du  salut. 

Tout  porte  à  croire  que  ces  récits  ne  proviennent  que  de  la  malveil- 
lance. Peut-être  encore  un  cerveau  malade  les  aura  supposés  pour 
ajouter  du  merveilleux  à  la  |>énitence  de  l'abbé  de  La  Trappe. 

«  Au  lieu  du  roman  que  débite  Daniel-Delaroque ,  dans  :  ^cs  véritables 
motifs  de  sa  conversion,  imprimés  à  €ologne,  en  1685  ,  du  cercueil 
que  Rancé  trouva  dans  l'appTirtement  de  la  dudîesse ,  en  y  entrant 
à  rimproviste ,  de  sa  tête  sanglante ,  tomljée  par  hasard  de  dessous  le 
firap  dont  on  l'avait  couverte  avec  beaiicoup  de  né^igciK^e,  et  qu'on 
avait  détachée  du  reste  du  corps ,  afin  de  gagner  la  longueur  du  cou  et 
faire  un  nouveau  cercueil  qui  fût  plus  long  que  celui  dont  on  se  servait 
et  donton  avait  si  mal  pris  la  mesure,  qu'il  se  trouvait  tropcourtd'un 
demi-pied  ;  au  lieu  de  tout  cela ,  Gorvaise  dit  formellement  :  que  l'abbé 
(le  Rancé  assista  la  duchesse  à  ses  derniers  momens  ,  la  pressa  de  faire 
une  fin  chrétienne,  et  qu€  rentrant  chez  elle  à  cinq  heures  du  matin, 
après  l'avoir  quittée  à  deux  ,  il  arriva  qu'elle  rendit  le  dernier  soupir 
clans  cet  intervalle.  '> 

La  conservation  de  la  tête  de  la  du€hesse  à  l'abbaye  de  La  Trappe  n'a 
pas  plus  de  fondement  :  cette  fable  s'évanouit  comm<î  la  précédente  : 
d'ailleurs,  les  Trappistes  en  attestent  toute  la  fausseté  ;  et  la  vie  et  la 
mort  de  M.  l'abbé  de  Rancé,  no  sont  pas  assez  éloignées  de  nous, 
pour  que  la  tradition  de  tout  ce  qui  s'y  rapporte  se  soit  altérée  d'une 
manière  aussi  grande.  ^ 

Pourquoi,  d'ailleurs,  aîlerchercherdanslemerveilleux  des  motîfsd'un 
retour  sincère.  Le  doigt  de  Dieu,  ses  miséricordes,  ne  s'étaient-ils  pas 
assez  souvent  manifestés  en  fiiveur  du  jeune  Routhillier?  Pouvait-il  le 
méconnaître?  non.  Les Ixîllesames  ne  persévèrent  pasdansl'ingratitude. 

A  ces  raisons  qui  paraissent  suflisantes ,  l'Histoire  en  ajoute  d'autres 
que  personne  ne  conteste.  Je  l'ai  dit  plus  haut,  Rancé  remplissait  au* 
près  de  Gaston  d'Orléans,  frère  du  roi  ,  les  fonctions  de  premier  au- 
mônier :  ce  prince  avait  pour  lui  ralTection  la  plus  tendre,  mais  à  ce 
'.entiment  du  cœur,  se  joignit  une  confiance  aveugle,  lorsque  le  bruit 
commença  à  se  répandre  et  parvint  jusqu'à  son  Altesse  Royale  ,  que 
•abbé  de  La  Trappe  avait  formé  le  plan  d'une  conduite  plus  régulière, 
cl  plus  en  harmonie  avec  les  liens  sacrés  qui  l'unissaient  à  l'Église, 
comme  prêtre  et  comme  abbé  commendataiix\  A  celte  nouvelle,  Gaston 
fit  écrire  à  son  aumônier  de  venir  le  trouver  à  Blois  où  il  était  alors 
dangereusement  malade.  Rancé  accourut;  sa  conduite  fut  admirable  :  il 
limiplit  sa  mission  en  digne  ministre  de  J.-G.  Son  zèle  fut  grand  ,  vif, 


i:t  Mni:ri\irif:,  x?> 

ftfiuTciix,  comme  son  aUix-tion ,  <n  ie  prince  tit  (iuns  ses  brus  une  lin 
livs-iclinHieniK3  :  c'était  le  dernier  aNerlissenienl  de  la  Provid«'nce  : 
ra])iréd'e  La  Trappe  ne  reçnt  \Hni){  en  Mîin  \n\  si  ♦jrîuid  enseignement; 
<'e  spectacle  resta  gravé  dans  sa  pensée.  I^a  jjreniiére  place  du  rovaume, 
après  celle  du  roi,  les  litres  les  plus  pompeux,  les  jjonneurs  les  plus 
niagnili(|ues,  ce  <pii  peut  rendre  la  vie  heureuse,  soit  du  côté  des  ri- 
chesses, soit  du  coté  de  la  naissance,  tout  venait  d(î  disj)araitre  sans 
retour  ,  avec  hî  prince,  auijuel  la  Providenceavait  départi  tantd'avan- 
tîigcs.  Le  silence  et  le  deuil  de  la  tombe  succédaient  aux  bruyantes  ac- 
clamations des  courtisans  ;  un  j)rince  adoré  devenait  tout-à-coup  une 
jTOussière  vile  et  insensible  :  les  llatteurs,  renccnsoir  à  la  m.ain  ,  se  di- 
rigeaient vers  d'autres  autels  :  (jue  de  leçons  sublimes  renfermées  dans 
le  trépas  d'un  seu'  homme! !î 

Ce  fut  donc  sur  le  lit  de  mort  de  son  maître  que  se  consomma  la 
conversion  de  Uancé  :  c'est  là  qu'il  stî  fit  solitaire:  c'est  là  qu'il  fit  à 
Dieu  serment  de  \ivre  et  de  mourir  dans  les  austérités  de  la  pé- 
nitence. Les  conseils  du  pèr€  de  Mouchy,  l'une  des  lumières  de  l'ora- 
toire, conlirmèrent  l'œuvre  du  la  grâce.  Peu  de  temps  auparavant,  ce 
nouveau  converti  se  ircriait  en  présence  d'un  vertueux  prélat,  sur 
l'impossibilité  ÙQ  vivre  à  Paris  sans  un  carrosse,  une  suite  nombreuse, 
et  un  revcfiu  considérable  ;  à  cette  heure,  il  ne  craint  plus  aucun  sa- 
crifice: il  n'hésite  pas  :  il  donne  sa  démission  des  abbayes  de  Saint- 
Symphorien  et  de  Notre-Dame-du-Val  :  ses  prieurés  de  Saint-Cîémentin 
et  de  Boulogne  sont  résignés  :  il  ne  conserve  que  son  titre  d'abbé  de  La 
Trapj>e.  Ge  ne  fut  qii'apivs  avoir  surmonté  de  grandes  diflicullés  qu'il 
obtint  du  roi  la  permission  de  tenir  soti  abbaye  en  règle.  Celte  fa>eui- 
toutefois  ne  fut  pas  sans  restriction  ;  il  fut  stipulé  qu'à  sa  mort,  k* 
monastèixî  du  Perche  iiHDurnerail  en  com monde. 

Celui  qui ,  (pielcpies  années  auparavant ,  s'était  écrié  devant  mon- 
seigneur de  Comminges:  vio'i ,  me  faire  frocard ,  \m[  généreusement 
il-ans  l'abbaye  de  Pcrseigne,  l'habit  de  l'Élroite-Obscrvance  de  Cîteaux. 
Cette  grande  l<x'on  fut  donnc^c  au  monde,  le  13  juin  i()03.  Alors  k- 
novice  était  âgé  de  37  ans  et  cinq  mois. 

Lorsque  l'année  do  son  noviciat  fui  expirée,  il  reçut  du  Saint-Siège 
deii  bulles  d'abbé  régulier  :  un  da  ses  anciens  domestiques  voulut  le 
suiviHi  dans  la  Thébaïde  moderne  :  il  lit  profession  a>ec  son  maître  ; 
0  ivligion  sublime!  (pii  rap[)roches  ceux  que  les  préjugés  du  monde 
tiennent  à  une  si  grande  distance  ! 

Ce  fut  à  Séez,  dans  l'église  de  SainMIartin  de  la  congrégation  de 
Saint-Maur,  que  Uancé  reçut  la  bénédiction  abbatiale  des  mains  de 
Maurice-Planlvclt ,  évèque  d'Ardack,  en  Irlande:  merveilleux  spec- 
tacle  ménagé  par  la  Pro^ideI>ce  :  un  cltef  d'oriïr^  suscite  dans  sa  |ju- 

C. 


84  Li:  MOIS  UELlGliaX 

Iric  pour  la  iVrormedos  ordres  nionasti(|ues,  rox^evant  l'onction  sainte 
(les  mains  d'un  évc({iie  étranger,  dont  les  disciples  ont  été  établis  dé- 
|)0sitaires  du  feu  sacré  de  la  Foi ,  pour  le  transmettre  plus  tard  à 
leurs  persécuteurs  ;  et  les  temps  ne  sont  point  éloignés  où  la  puissance 
(H  la  miséricorde  de  Dieu  seront  manifestées  d'une  manière  éclatante. 

IlÉFORME. 

J'ai  décrit  Télat  d'abjection  ,  de  désordre  et  de  délabrement  où 
était  descendu  le  monastère  de  La  Trappe. 

Dieu  touclia  le  cœur  d'un  autre  Augustin  ,  et  le  députa  vers  ces  nou- 
veaux infidèles  pour  les  rappeler  à  leurs  sermens,  à  l'honneur,  à  la  Foi. 
A  l'aspect  de  maux  si  grands  et  si  aifreux,  Rancé  s'humilia  devant 
le  Seigneur  :  il  s'accusa  de  tous  les  désordres  qui  frappèrent  ses  re- 
gards :  il  se  reprochait  avec  amertume  d'avoir  possédé  ce  monastère 
en  commende  pendant  27  ans,  sans  avoir  rempli  l'ombre  de  sa  mission. 
Si  ses  religieux  étaient  tombés  dans  la  licence,  se  disait-il,  c'est  que 
jamais  la  voix  de  leur  Père  spirituel  ne  s'est  fait  entendre  parmi  eux. 
Si  de  toute  part  on  ne  voyait  que  des  ruines  ,  c'est  qu'au  lieu  de  veil- 
ler à  l'entretien  du  monastère  ,  il  en  avait  dévoré  la  substance  au  mi- 
lieu de  la  dissipation  et  des  plaisirs. 

Il  n'y  a  rien  d'impossible  à  liiomme,  quand  il  est  animé  par  l'esprit 
le  Bien.  Moïse  fit  jaillir  une  source  d'eau  vive  de  la  pierre  d'Iloreb  ; 
David  terrassa  le  géant  Goîialii  ;  fort  de  la  protection  du  ciel,  qui  s'était 
manifestée  pour  lui  dans  tant  de  circonstances ,  Rancé  ne  désespéra 
point  damollir  les  cœurs  de  ses  frères,  de  terrasser  ces  enfans  re- 
belles à  la  religion. 

Que  de  difficultés  à  vaincre  pour  ramènerai' Étroite-Observance  de 
Cileaux,  ces  moines  indociles  et  scandaleux,  qui  se  sentaient  appuyés 
dans  la  résislanccî  qu'ils  opposèrent  d'abord  à  ses  efforts ,  par  les  ca- 
lomnies sans  cesse  renaissantes  contre  l'abbé  de  Rancé  depuis  sa  con- 
version, par  la  malignité  et  la  censure  du  monde,  honteux  de  sa  fai- 
blesse, comme  de  la  générosité  de  ceux  (}ui  le  quittent  pour  le  ciel, 
et  surtout  par  les  manœuvres  des  ecclésiastiques  et  des  religieux  re- 
lâchés, qui  ne  se  sentaient  pas  le  courage  d'imiier  un  aussi  bel  exemple. 
Rancé  se  présenta  à  la  rencontre  de  ses  enfans  endurcis ,  avec  les 
armes  des  apôtres  ,1a  patience  ,  la  mansuétude  et  la  persuasion. 

Il  appela  ses  religieux  au  chapitre  j  ils  étaient  au  nombre  de  six  avec 
un  frère  convers.  11  leur  exposa  le  dessein  qu'il  avait  conçu ,  de  mettre 
la  !  élorme  dans  le  monastère  :  ils  furent  frappés  d'étonnement  à  cette 


m    ïJ'iTÉUAlllE.  Sr, 

jproposilion,  H  leur  réponse  l'iil  une  protcslation  éiicrgi(|iie,  aîliniKni! 
qu'ils  s'opposeraient  à  l'inUodiiction  de  la  rclbrine,  par  toute  espèc(î 
(le  voie. 

Il  voulut  insister  :  ils  se  soulevèrent  :  sa  vie  courut  les  plus  grands 
dangers  ;  mais  aussi  impassibh;  (jue  le  Prophète  dans  la  fosse  aux 
lions,  il  vivait  en  paix  au  milieu  de  ces  iionunes  féroces,  lis  le  mena- 
cèrent du  poison  et  du  poignard  :  leur  fureur  alla  si  loin  qu'ils  furent 
sur  le  point  de  le  précipiter  dans  les  étangs  qui  entouraient  le  monas- 
tère, en  plus  grand  nombre  ({u'aujourd'iiui.  Ces  violences  ne  Tépou- 
vantèrenl  pas.  Elles  se  répandirent  cependant  au.  deiiors  et  parvinrent 
jusqu'à  M.  Louis,  brigîxlier  des  arméos  du  roi  :  il  se  trouvait  alors 
dans  les  environs  de  Mortagne  et  vint  olfrir  à  Raneé  son  secours  contie 
ses  moines  rebelles. 

Le  saint  Réformateur  jugeant  inutiles  les  armes  séculières  dans  une 
cause  qu'il  soutenait  au  nom  et  pour  la  gloire  de  Dieu ,  le  remercia  d« 
son  attention  :  mais  ce  pieux  et  brave  olïicier ,  ami  depuis  long-temps 
de  M.  de  Rancé  ,  reconnaissant  les  merveilles  que  îa  grâce  avait  opé- 
rées en  lui ,  vint,  admirateur  de  sa  patience  et  de  sa  charité,  se  sou- 
mettre dans  la  suite  sous  sa  discipline,  à  toutes  les  austérités  du  cloître. 
Il  y  mourut  en  odeur  de  sainteté,  après  un  séjour  de  37  ans  :  il 
survécut  peu  à  son  abbé  ,  et  son  corps,  comme  iU'avait  demandé,  fut 
déposé  à  ses  côtés. 

Cependant  désespérant  de  convertir  ces  aines  flétries  par  la  dcbauclic 
et  la  dissipation^  Rancé  finit  par  leur  dire,  que  s'ils  persistaient  dans 
leur  opiniâtreté,  il  se  verrait,  malgré  sa  répugnance ^  contraint  d'en 
informer  le  roi  :  que  ce  prince  avait  trop  de  zèle  pour  la  gloire  de  Dieu 
et  l'honneur  de  l'Église,  pour  tolérer  davantage  le  scandale  de  leurs 
déréglemens.  Cette  menace  les  fit  pâlir  :  leur  fureur  se  calma  :  les 
armes  leur  tombèrent  des  mains.  Ne  se  sentant  pas  le  courage  de  suivre 
leur  abbé  dans  les  sentiers  d'une  véritable  et  sincère  pénitence,  ils 
consentirent  à  se  retirer  ;  quand  ils  sortiront  du  monastère,  on  leur 
assura  une  pension  de  400  livres.  A  leur  place,  vinrent  des  religieux 
de  r Etroite-Observance  que  Rancé  appela  sur-le-champ. 

Dans  le  nombre  do  ces  moines  fugitifs ,  il  y  en  eut  un  <pn  consola 
Rancé  par  sOâi  repeutir  :  Joseph  Rcrnicr,  natif  de  Morlagne,  fut  tou- 
ché des  conseils  paternels  de  l'abbé.  Il  atteignait  sa  quarantième  année , 
lorsqu'il  fit  un  second  noviciat  à  Porseigne  :  sa  pénitence  fut  grande  : 
comme  le  Pro})hète  royal ,  il  arrosait  sa  couche  de  ses  larmes  :  ses  dé- 
réglemcîîs  passés  étaient  la  cause  de  ses  géniissemens  conlinuels.  Il  de- 
vint un  modèle  de  résignation  et  d'humilité  :  il  poussa  si  hun  Vanneur 
de  ces  vertus ,  qu'élaiU  couché  sur  la  coudre  et  sur  le  point  do  rendvt» 
le  dernier  soupir,  il  dcuiiuida .  comme    une  grâce,  (rèlre  jeté  à  1m 


Sfi  Lr«:  MOIS   UELIGIELX 

\oii*ic,  irélanl  [jus  (ligii(i  que  ses  ossemens  an  mêlassent  à  ee<i\  ih  scîs 
frères. 

A  une  épo<îuc  où  le  luxe  faisait  en  France  de  si  rapides  et  de  si. 
«grands  progrès,  où  les  mœurs  de  la  Cour  semblaient  autoriser  de  toute 
part  le  relâchement  de  la  morale  ,  dans  un  siècle  où  un  grand  nombre- 
de  maisons  religieuses  n'étaient  point  à  l'abri  d'une  juste  censure^ 
c  était  un  spectacle  tout-à-fait  extraordinaire,  que  le  rappel  de  La 
Trappe  déréglée,  aux  austérités  primitives  de  Saint-Bernard. 

Le  bruit  de  celte  réforme,  après  avoir  retenti  d'un  bout  de  la  Franco 
à  l'autre ,  franchit  les  montagnes  et  les  mers  ;  elle  alla  frapper  au  loin 
tous  les  échos  de  la  Chrétienté. 

Les  ennemis  de  Rancé  ne  voulurent  voir  eu  lui  qu'un  amant  nwil- 
lieureux  ,  imposant  à  ses  moines  les  peines  de  sa  douleur  et  le  chali- 
nient  de  ses  anciens  désordres,  qu'un  hmnmevain  et  ambitieux  (pii 
aspirait  au  titre  de  chef  d'ordre  :  qu'ua  insensé,  un  esprit  faible  qui 
croyait  aux  rêveries  de  l'astrologie  Judiciaire  :  qu'un  prêtre  indocile,, 
(pii ,  après  avoir  soustrait  à  la  juridiction  de  son  évé(pie  le  couvent 
({u'il  gouvernait,  prétendait  tout  bouleverser  et  ramener  les  ordres  re- 
ligieux à  une  réforme  qui  n'était  plus  en  harmonie  avec  les  mœurs  di\ 
siècle. 

Rancé  s'était  placé  dans  une  région  inaccessible  aux  orages  :  c'était 
aux  pieds  du  Crucilix  qu'il  avait  puisé  les  principes  de  sa  conduite  ; 
il  poursuivait  donc  ses  destinées  sans  éprouver  la  moindre  atteinte, 
ni  des  murmures,  des  sarcasmes,  des  calomnies,  des  violences  de  ses 
ennemis  ,  ni  des  conseils  timides  dont  l'amitié  souvent  l'entoura.  H  lui 
suffisait  de  l'approbation  de  celui  qui  règne  au  plus  haut  des  cieux. 

Toutefois  les  sulîragesde  la  terre  ne  lui  mancpièrent  pas  :  Innocent  xi 
lui  porta  constamment  un  vif  et  paternel  intérêt  :  il  lui  donna  mill^ 
marques  de  son  aifection.  L'abbé  de  Rancé  lit  une  chute  grave;  elle 
porta  à  concevoir  des  in(piiétudes  pour  ses  jours  :  informé  de  cet  acn. 
cident ,  le  Pape  ordonna  au  cardinal  Cibo  d'écrire  aux  Trappistes  qu'il 
les  autorisait  à  dispenser  leur  abbé  de  tout  ce  qui  paraîtrait  nécessaire) 
pour  la  conservation  d'une  vie  aussi  chère  à  l'ICglise.  Innocent  xi  lui 
destinait  le  chapeau  do  cardinal  :  ce  projet  ne  s'exécula  point,  par  la 
mort  du  Pape.  Saiîs  doute,  l'ollre  decetteéminente  dignité  eût  été  pouï 
le  saint  Réformateur  une  occasion  nouvelle  demanifester  son  humilité,, 
sans  doute,  il  eut  refusé ,  comme  s'en  regardant  indigue,  une  distinc-r 
tion  à  laquelle  on  aspire  (|uel([uefois  avec  trop  peu  de  modération. 

La  réforme  des  Trappistes  dont  la  ferveur  allait  toujours  croissant, 
ne  fut  pas  le  vseul  service  (pu)  la  religion  reçut  de  Rancé  :  à  mesure  que 
ses  travaux  se  multipliaient;  que  les  infirmités  s'accumulaient  sur  son 
corps,  déjà  anéanti  par  les  rigiieurs  de  la  pénitence,  son  courage,  seul 


ET  LnntIUlUE.  87 

ïAàïv  pour  la  gloire  (Je  Dieu  ,  semblaient  prendre  une  nouvelle  vigueur. 
\\  fit  rentrer  dans  ses  attributions  la  direetion  de  l'abbaye  des  Clairets, 
au  diocèse  de  Chartres  :  ce  couvent  était  alors  composé  de  trente-quatre 
religieuses  de  Chœur,  dont  il  était  le  pèrcimmtHjiat^  ainsi  que  Tavaicril 
été  ses  prédicesseurs ,  juscju'au  moment  où:  les  ordres  religieux  furent 
soumis  à  des  abbés  commendataire?w 

Dès  cette  épo(|ue  il  opéra  >ies  prodiges  dans  celte  maison,  à  l'aide  d<^ 
madame  de  Valencey  ,  qui  en  était  ab{:)esse  ;  la  première  de  ses  visit(r-i 
eut  lieu  en  1GÎ)0  ,  et  la  seconde  ,  Tannée  suivante  :  c'est  alors  qu'il  iii 
passer  ce  monastère ,  de  l'oUservauce  commune,  à  la  stricte  ou  étroit'^ 
observance. 

Ainsi  rivalisaient  pour  la  gloire  de  Dieu  ,  deux  ordres  auxquels  KancC* 
consacrait  avec  le  plus  grand  zèle  et  ses  travaux  et  sa  santé. 

Dans  le  premier,  1<îs  religieux  réformés,  de  concert  avec  leur  saint 
abbé  ,  levaient  les  mains  au  ciel  pour  le  remercier  des  changemens  qui 
s'étaient  opérés.. 

On  voyait  l'accomplissement  de  ces  paroles  qui  s'échappaient  naguère 
de  la  bouche  des  prophètes  de  Dieu  :  je  vous  rendrai  desju(jes-^  f/.'/v  qHiL^ 
iHaient  dans  les.  premiers  temps  y  je  vous  donnerai  d^s  Publeurs  selon  mo*^ 
vœnr  ,  et  après.,,  vous  serez  appelés  :  la  ci  lé  du^  juste,  la  ville  fidèle.  Dans 
les  cavernes  où  les  dra^jons  liabitaienk,.  on  verra  naître  la  verdeur  des  ro- 
seaux ctduJQiiC'yClilijaura  un  sentier  et  une  voie  qui  sera  appelée  la  voie 
sainte. 

De  telles  consolations  devaient  avoir  un  grand  empire  sur  Ife  cœu*- 
de  liancé  et  le  bien  dédommager  des  sarcasmes  du  monde.  Sembiabli.' 
à  un  capitaine  infatigable,  il  était  toujours  le  premier  à  son  poste. 

On  dit  de  saint  Bernard  ,  que ,  lorsqu'il  eut  édilié  un  monastère  dans 
la  vallée  de  Cbjrvaux ,  il  vit  plusieurs  religieux  de  dilîl'rens  ordjies, 
et  d'un  mérile  distingué,  venir  se  ranger  sous  sa  conduite.  On  reriiar- 
quale  même  empressement  au  tour  du  révérend  père  abbé  de  La  Trappe. 
C'était,  il  est  vrai  ,..u  ne  école  angélique.  Que  la  calomnie  se  taise  en  face  de 
la  vérité  :  loin  d'imposer  à  ses  frères  aucun  fardeau  dont  il  n'avaitluL- 
mèmesenti  tout  le  poids,  il  selivrait  auxexcès  d'une  sainte  ferveur,  que 
sa  dignité  lui  ptM'mettait  de  suivre,  sans  avoir  à  redouter  aucune  obser- 
vation, puis(ju'il  était  le  maître.  Il  n'était  aucun  point  de  la  règle,  qu'il 
ne  prêchât  autant  [y^r  l'ascendant  de  l'exempie  ,  ([ue  pai  l'éloquence  do 
ses  discours.  H  se  trouvait  toujours  le  premier  à  l'oilice  et  aux  autres 
exercices  delà  communauté  :  ses  fatigues^  ses  inlirmités,  lui  f.iisaier.r 
un  devoir  de  prendre  (iuel(|U(nidoucissomonl  :  le  Saint-Siège  l'avait  pr/- 
vu  :  loin  de  là ,  il  ne  se  nourrissait  (jue  d'alinicns  grossiers  et  peu  sub^- 
tanliels,  do  légumes^  de  racines  :  le  poisson  et  les  œufs  étant  inloi  - 
dits.  Il  choisissait  les  travaux  les  plus  hujudians.  La  ProYidrnce  sca'^f 


88  LF:  mois   UELfGlFJX 

(le  son  soufïîc  soiUenait  ce  héros  delà  réforme,  aiitrenieul  il  eut  été  im- 
possible (jit'ily  résistât.  Les  immensesocciipationsqii'il  s'était  imposées, 
auraient  eu  même  de  quoi  étonner  un  religieux  bien  portant.  Malgrf» 
(les  maladies  iré({iientes ,  des  infirmités  continuelles,  dont  l'aspect 
excitait  la  compassion ,  il  ne  se  contentait  pas  d'observer  la  règle 
exactement;  il  écoutait  en  direction  ses  religieux,  qui,  du  reste,  se 
présentaient  tous  à  lui  au  tribunal  de  la  pénitence.  Il  veillait  à  tous  les 
intérêts  du  couvent.  îl  dirigeait  les  travaux,  accueillait  les  étrangers; 
consolait  les  pauvres ,  adressait  aux  pèlerins  des  paroles  de  foi  et  de 
mansuétude.  Toute  la  correspondance  extérieure  roulait  sur  lui  :  il 
donnait  des  conseils,  soit  de  vive  voix,  soit  par  écrit,  à  tous  ceux  qui 
réclamaient  le  secours  de  ses  lumières.  Outre  cela  ,  il  composa  une 
foule  d'écrits  sur  la  vie  religieuse,  qui  sont  encore  pour  ses  enûms  un 
testament  auguste  où  ils  viennent  se  formera  la  vie  monastique.  L'in- 
crédule lui-même  est  obligé ,  à  l'aspect  de  tant  de  merveilles ,  d'incliner 
son  front  et  de  reconnaître,  dansée  prodige  sans  cesse  renaissant,  le 
doigt  du  Très-Haut. 

Enfin ,  après  quarante  années  de  travaux  excessifs  et  d' une  pénitence 
qui  rappelait  les  déserts  de  la  Thébaïde,  couvert  d'ulcères,  frappé  de 
paralysie  dans  une  grande  partie  de  son  corps  ,  il  mourut  dans  la  11" 
année  de  son  âge ,  au  milieu  de  ses  religieux ,  qui  se  regardaient  comme 
des  orphelins  dans  cette  vallée  de  larmes  :  chacun  de  ses  enfans  eiit  fait 
volontiers  le  sacrifice  de  sa  vie  ,  pour  conserver  des  jours  si  pleins  ,  si 
utiles  à  la  religion  et  au  salut  des  hommes.  Son  ame  reprit  son  vol  vers 
son  créateur,  le  27  octobre  1700. 

Rancé  descendit  dans  la  tombe,  treize  ans  avant  que  l'abbé  de  Ci- 
teaux  n'approuvât  ia  réforme  de  La  Trappe  :  si  la  Providence  lui  refusa 
la  satisfaction  de  la  voir  sanctionner  par  ses  suj>érieurs ,  il  emporta  du 
moins  en  mourant  la  consolante  certitude  que  son  ouvrage  ne  serait  pas 
exposé  à  être  détruit  par  la  prise  do  possession  d'un  abbé  commenda- 
taire.  Le  monastère,  parla  volonté  du  roi,  continua  à  être  soumis  à 
un  abbé  n'guiier. 

CHAPITRE  VI. 

I. A   tiîapîm;   nr.î'i  is   hanck   ji  s(}!   a    i.  \   ni  voi  i  Tn>\. 

Pendant  l'espace  déplus  de  quatre-vingts  ans,  La  Trapjx^  dountiau 
monde  le  spectacle  leplusédiliant  :  l'humilité  de  ses  religieux  ne  put  ren- 
fermer dans  l'enceinte  du  monastère  l'éclat  de  tant  de  vertus  :  IcbriiK 
son  répandit  dans  l'univers  par  les  pèlerins  de  toupies  âges  et  de  tous  les 
iangs,(pii  venaient  dans  la  solitude  du  Perche  demandei' à  Dieu  le  par- 


flon  de  leurs  l'aules  et  la  traii(|uillité  d'aine  :  ils  retoiirnaionLdans  leurs 
provinces  en  frappant  leurs  poitrines  :  ils  publiaient  (pi'ils  étaient  indi- 
gnes de  porter  le  nom  de  soldats  de  Jésus-Christ ,  après  avoir  admiré  ces 
içénéreux athlètes  dont  lesconibats  et  la  pénitence  n'avaient  de  terme  que. 
leur  vie.  Grand  Dieu  !  que  vos  desscûns  sont  impénétrables  !  Vous  con- 
duisez vos  élus  par  des  routes  inconnues  à  la  sagesse  du  siècle  :  combien 
de  chrétiens  durent  leur  salut  à  un  pèlerinage  au  tombeau  de  Rancé? 

Les  pères  de  l'Étroite-Observance  de  Cîteaux,  délégués  pour  faire  les 
visites  du  monastère  de  La  Trappe,  ces  pères,  ordinairement  la  ter- 
reur et  l'ellroi  des  abbayes  en  décadence  et  relAchées,  ne  trouvèrent  dans 
celle-ciquedes  sujets  d'admiration.  Leurs  cartes,  au  lieu  de  censures,  ne 
contenaient  que  des  éloges  :  ils  reportaient  dans  leurs  propres  monas- 
tères la  bonne  odeur  de  Jésus-Christ.  Leurs  frères  écoutaient  avec  un 
pieux  recueillement  leurs  récits  sur  la  solitude  du  Perche;  (jucde  reli- 
gieux tièdes ,  relâchés ,  et  sur  le  point  de  tomber  dans  l'abîme ,  se  rctrem  • 
pèrent  dans  leur  vocation  ,  renouvelèrent  intérieurement  leurs  vœux 
sacrés  aux  pieds  des  autels.  0  saint  Monastère  î  Maison  chérie  de  Dieu  : 
Arche  de  Noé  :  vous  portiez  dans  vos  flancs  la  précieuse  semence  qui 
devait  repeupler  les  abbayes,  de  religieux  saints  et  fervens. 

La  citation  de  quelques  cartes  de  visite  sera  le  meilleur  historique  de 
La  Trappe  pendant  cette  longue  période  de  ferveur.  Celui  qui  a  vécu 
durant  une  année  dans  un  monastère  bien  réglé ,  peut  se  faire  une  idée 
de  ce  qu'il  sera  l'espace  d'un  siècle  s'il  conserve  son  esprit.  L'histoire 
de  La  Trappe  ne  peut  pas  ctre  variée  comme  celle  des  empires  :  là,  ni 
révolutions,  ni  troubles,  ni  cabales,  ni  trahisons,  ni  chutes,  ni  divi- 
sions :  ce  sont  toujours  et  perpétuellement  de  bons  et  paisibles  reli- 
gieux qui  marchent  en  silence  devant  le  Seigneur  :  la  mortilication , 
la  charité,  le  travail  des  mains,  la  prière  ;  voilà  leur  unique  sollicitude  , 
voilà  le  cercle  continuel  dans  lequel  tourne  leur  existence  ;  ils  ignorent 
ce  qui  se  passe  dans  le  monde  qui  les  entoure  et  ils  meurent  comme 
ils  ont  vécu,  dans  une  paix  ineflable. 

Carlos  de  visites  lailos  à  La  Trappe  par  les  délégués  de  rEiroile-Observance 

de  C fléaux. 

Première  Carte. 

H  Frère  Hervé  Dutcrlre ,  abbé  de  Notre-Dame  de  Prières  de  1» 
»  troite-Observance  de  l'ordre  de  Citeaux ,  vicaire-général  des  monas- 
^>  tèrcs  dans  les  provinces  de  Bretagne  et  de  Normandie,  etc. 

»  Savoir  faisons  que  visitant  le  dévot  monastère  de  la  Maison-Dieu 
>  iNotrc-Damede  La  Tra[)pe,  accom[)agné  de  noire  vénérable  confrère 


î)0  LE  MOIS  RELltilELX 

»  Doiii  BeniaiH,!  C-orbière,  etc.  ,  nous  avons  Irouv^  les  religieux  si 
►>  unis  ensemble  parles  liens  de  la  charité  fraternelle,  si  uniformes 
>»  en  toutes  choses,  si  également  portés  à  leurs  devoirs,  et  si  univer- 
»  sellement  zélés  pour  l'observance  régulière,  et  jouissant  enseniblo 
•>  d'une  si  profonde  paix,  que  pendant  trois  jours  consécutifs  cm- 
w  pldyés  à  notre  scrutin  régulier  y  nous  n'avons  reçu  aucun^e  plainte 
»  ni  des  supérieurs  contre  les  inférieurs ,  ni  des  inférieurs  contre  les 
»  supérieurs,  ni  des  inférieui^  les  uns  contre  les  autres,  et  n'v avons 
'  aperçu  ni  remarqué ,  non-seulement  aucun  mécontentement ,  mur» 

>  mure,  division,  aversion  ou  dégoiit  les  uns  des  autres,  mais  non 
»>  pas  même  la  moindre  apparence  ou  ombre  de  tout  cela ,  dont  ils  oui 
'•  un  très-pressant  et  indispensable  sujet  de  remercier  continuelle- 

>  ment  le  Seigneur  avec  nous.  Et  ainsi ,  tout  bien  considéré  et  exa- 

>  miné,    nous  n'avons  pas  cru  devoir  leur  faire  aucune  ordonnance 

»  ni  règlement,  mais  seulemx^U  les  exhortera  persévérer etc.  De 

»  tout  quoi  nous  avons  bien  voulu  avertir  lesdits  religieux  et  le  leur 
»  donner  par  écrite  aftn  que,  d'un  coté,  ceux  qui  sont  maintenanl 
»  dans  les  saintes  dispositions  où  nous  les  avons  trouvés ,  s  eiicou- 
»  ragent  de  plus  en  plus  à  s'y  affermir ,  et  que  ceux  qui  viendroni 
»♦  après  eux ,  en  étant  informés ,  comme  ils  pourront  l'être  par  la  pré- 

»  sente  carte  de  visite apprennent  quels  ils  doivent  être,  en  con- 

>»  sidérant  l'heureux  état  où,  par  la  grâce  de  Dieu,  nous  avons  trou- 
»  vé  ceux  que  la  divine  Providence  a  choisis  pour  être  les  réforma- 
»  teurs  et  les  restaurateurs  de  la  maison,  etc.  ,  etc. 

»  Fait  et  prononcé  à  La  Trappe,  le  7  février  iOTG.  » 

Sujnv.  du  visiteur  et  du  seerctairc. 

Deuxième  Qirte. 

«  Nous  frère  Hervé,  etc. 

»  Savoir  faisons  (pie  visitant  le  Monastère  de  Lii  Trappe —  jxu'  le 

»  scrutin  que  nous  y  avons  fait  pendant   trois  jours,   nous  y  avons 

»  eu  cette  consolation  de  reconnaître  et  d  être  obligé  d'avouer  que 

)•  le  doigt  de  Dieu  est  dans  la  maison,  et  (juela  main  même  du  Sei- 

»  gneur  est  tout  entière  avec  ceux  (jui  y  demeurent,  pour   les  sou- 

>»  tenir  et  appuyer  dans  la   vie  pénitente  (pi'ils   y   ont  embrassée  ; 

•   >  d'autant  plus  que  tous  les  religieux  ,  (pioi(|u  il  y  en  ait  de  fort  âgés , 

*  et  même  pins  qu'octogénaires , de  petite  et  faiblc^complexion,  et  in- 

>»  lirmes,  nous  n'en  avons  trouvé  aucun  qui  nous  ait  rien  dit,  exposé, 

»  ou  demandé,  ou  même  insinué,  (|ui  tende  tant  soit  peu  aurcldchey 

"  mais  bien  proposé  ,  remontré  et  demandé  d'augmenter  leurs  |)éniten- 

'  ces,  austérité?  cl  mortilications...  et  entre  autreschoses  qu'on  les  irai- 


ET   LITTÉIlAlllE.  ni 

»  làt  rgaloinont  sains  ol  nialados ,  on  sorte  (lu'on  ne  leur  donnât  r'um 

»  d'exlraordinaire otc —  etc....  (lo  que;  nous  déclarons  et  cer- 

•>  tilions,  non  pour  leur  donner  sujet  d'en  tirer  vanité,  mais  pour 
»>  les  avertir  de  la  part  de  Dieu,  au  nom  ducpiel  nous  sommes  venu  les 
•'  visiter,  qu'ils  ont  une  obligation   indispensable  de  l'en  remercier 

»  toute  leur  vie et  ce  qui  étant  ainsi  attesté  et  certiîic  par  nous 

»  comme  véritable,  devant  Dieu,  nous  n'avons  pas  ju^m*  à  propos  du 
»  leur  faire  aucune  nouvelle  ordonnance. 

»  Fait  et  prononcé  à  La  Trappe,  le  18  septembre»  1078. 

^  Sif/iic  frère  lii:uvé.  •♦ 

Troisième  prorcs-verbal  f'c  Te  lal  api  ri  lu  ri  dr  La  Trappe,  drcsic  pnr  Dmn  D'nn'ni'jnr, 
(icoryes  ,  Abhé  du  Vof-Richer  ,  Supérieur  et  ricairc-f/ùu'ral  de  l' ElroUc-Obatr- 
vance^  dans  la  visite  (jn'ilft  dd  ce  Monaalère  ,  le  W  novembre  U)So  y  et  présenté 
au  chapitre  (jénéral  tenu  à  Cileaux  : 

X  Sur  la  fin  de  ngtrc  visite,  le  10  novembre  1085,  j'arrivai  à  La 
»  Trappe,  et  j'y  trouvai  le  révérend  père  abbé,  etc.  On  nous  dit  que 
n  les  religieux  étaient  tous  de  diverses  provinces  du  royaume,  et 
>•  même  des  pays  étrangers,  de  professions  et  de  nucurs  très-diffé- 
>}  rentes,  n\ais  la  charité  les  unit  si  parfaitement  entn»  eux  (pi'ils 
>'  j)ortent  tous  ensemble  le  joug  du  Seigneur  d'un  même  esprit  et 
>?  d'une  môme  volonté,  comme  dit  le  Prophète;  car  ils  n'ont  qu'un 
»  cœur  et  qu'une  ame;  ils  ne  désirent  que  de  mourir  au  monde  et  à 
y*  eux-mêmes,  et  vivre  pour  Dieu  seul;  ils  aiment  leur  abbé —  ,  ils 
»  mettent  toutes  leurs  délices  à  lui  demeurer  attachés,  à  lui  faire; 
^»  connaître  le  fond  de  leur  conscience,  et  à  lui  obéir  en  tout;  cecjui 
X  fait  qu'ils  jouissent  d'une  paix  profonde,  d'un  souverain  repos  et 

))  d'une  tranquillité  que  rien  ne  peut  troubler Comme  la  règle 

»  l'ordonne,  ils  se  rendent  les  uns  aux  autres  à  l'envi  toute  l'obéis- 
»  sance  et  tout  le  respect  qu'on  peut  désirer,  sans  faire  jamais  par 
)»  paroles,  par  signes  ou  par  gestes  la  moindre  contradiction.  Cet  heu- 
>»  reux  accord  de  volonté  les  appli(|ue  aux  mêmes  choses  :  ils  prient 
>»  et  méditent  ensemble,  ils  oIVrent  ensemble,  la  nuit  et  le  jour,  le 

>»  sacrifice  de  louanges ils  sont  tous  exercés  par  les  corrections, 

>^  les  répréhensions  et  les  humiliations.  Que  dirai-j(»?  on  n'y  voit 
»  (pi'une  ame  qui  aninie  plusieurs  corps.  Ce  bonheur  inoui  et  cette 
»  charité  si  parfaite  n'ont  point  d'autre  source  (pie  la  pralicpie  sainte 
»  du  silence  perpétuel  dont  la  loi  est  si  inviolable,  (pi' ils  n(;  parlent 
«  jamais  qu'à  leurs  supérieurs,  mais  si  volontairement  observée,  (pie 
«  si  on  leur  permettait  deparlei',  ils  ne  pourraient  jamais  y  consentir, 
\  comme   ils  l'ont  représenté  plus  d'une  fois;    car  ils  connaissent 


9t>  LE  MOIS  KELIGIEIV 

»  parCailemenl  rexcellence  des  fruits  précieux  el  inestimables  de  cet 
»  arbre  de  vie » 

ABBÉS  DE  LA  TRAPPE  DEPUIS  LA  RÉFORME. 

Le  lîouibre  des  abbés  de  La  Trappe,  depuis  la  réforme,  a  été  de 
dix,  (jui  sont  : 

1",  Le  Réformateur,  Armand-Jean  de  Rancé,  fut  vingt-huit  ans 
abbé  commendataire,  ensuite  trente-deux  ans  abbé  régulier;  après 
(juoi ,  à  raison  de  son  âge,  de  ses  infirmités,  et  surtout  dans  le  désir 
de  vaquer  plus  librement  à  sa  propre  perfection ,  il  se  démit  en  faveur 
du  suivant. 

2%  Zozime  1",  connu  dans  le  monde  sous  le  nom  de  Pierre  Foisil , 
né  à  Beîlesme,  ne  posséda  la  charge  d'abbé  qu'environ  dix  ans,  au 
bout  desquels  il  mourut.  Tan  1090,  âgé  de  trente-cin(|  ans,  après 
quinze  ans  de  profession. 

3%  François-Armand  Gervaise,  né  à  Paris,  d'abord  Carme  dé- 
chaussé, puis  Trappiste,  il  donna  sa  démission  en  1608,  après  deux 
ans  d'investiture  de  cette  charge,  et  mourut  en  1701. 

4%  Jacques  de  La  Cour,  né  à  Boissons,  devint  abbé  en  1698,  se 
démit  en  1713,  et  mourut  en  1720. 

5%  Isidore,  dans  le  monde  Maximilien  Dannetière,  né  à  Tournai. 
D'abord  chanoine  régulier  de  Sainte-Geneviève,  après  avoir  été  abbé 
de  La  Trappe  environ  treizeans,  il  mourut  en  1727,  à  l'âge  de  soixante- 
six  ans,  après  vingt-deux  ans  de  profession. 

()%  François-Augustin  Couche,  né  à  Eu,  nommé  en  1727;  il 
mourut  en  1734,  âgé  de  cinquante-deux  ans,  après  dii-huit  ans  de 
profession. 

7%  Zozime  H  (Hurel),  du  Vexin  français,  lîéni  en  1735,  iiîourut 
en  1747,  âgé  de  soixante-dix-sept  ans,  après  quarante  ans  de  pro- 
l'ession. 

8%  Malachie  Brun,  élu  abbé  en  1747,  mourut  en  1760,  à  Tàge  de 
soixante-sept  ans ,  après  vingt-neuf  ans  de  profession. 

9%  Théodore  Chambon  prit  possession  en  1766.  L'époque  de  sa 
mort  nous  est  inconnue. 

10',  'Pierre  Olivier.  Sa  bulle  de  nomination  est  du  2  janvier  1781. 
Il  était  encore  à  la  tète  de  la  communauté ,   lors  de  sa  suf>pressiou. 
en  1790. 

CEAPIT3LE  VII. 

NOBLES    IIÙTES    DE    LA    TRAPPE. 

N(ks  pcres  avaicul  la  foi!  Que  cette  justice  rendue  aux  anciens  àges^ 
ne  fasse  pas  sourire  finipie:  la  foi,  c'est  un  don  de  Dieu  :  c'est  le  don 


î:t  litti':îiaikî:.  ^ti 

J)ar  (^xcclkîiico  :  iiialluMîr  à  oclui  (jiii  le  prostitue  et  le  foule  aux  pieds 
peuîiant  (|iie  ses  jours  sont  pleins  de  santé  et  s'écoulent  dans  Tivresse 
<ies  plaisirs.  Il  l'invoquera  trop  tardivement  sur  son  lit  de  mort  :  et 
la  mort  de  l'impie  est  alïVeuse. 

Nos  pères  avaient  la  Coi  :  quchpies-uns  pouvaient  tomber  comme 
Menri  IV  et  Louis  XIV;  comme  eux,  ils  se  relevaient  :  comme  eux  ,  ils 
savaient  a{)rès  leurs  fautes,  vivre  et  mourir  en  disci}>les  du  Ciirist. 

Leurs  faiblesses  ne  prenaient  pas  leur  source  dans  des  opinions  phi- 
losophi([ues,  mais  dans  des  illusions  du  cœur,  et  lecœur  de  l'iiomme 
^'st  si  prompt  à  s'égarer..  1 

Que  de  puissans  seigneurs,  que  de  grands  capitaines,  que  de  gé- 
néraux illustres,  après  avoir  scandalisé  le  monde  par  leurs  désordres, 
venaient  dans  le  cloître.  Les  uns  y  passaient  le  reste  de  leurs  jours, 
les  autres  ne  faisaient  que  le  traverser:  et  de  môme  que  l'abeille  ne  se 
repose  pas  sur  une  fleur  sans  reporter  à  la  ruche  un  butin  précieux  , 
<]e  même  ces  illustres  piMiitens  retournaicnl  dans  le  monde  ave(;  la 
ferme  volonté  d'y  donner  l'exemple  de  toutes  les  vertus. 

Le  duc  de  Saint-Simon ,  l'une  des  célébrités  du  grand  Siècle,  s'éloi- 
gnait souvent  de  la  cour  ,  pour  venir  s'ensevciir  dans  la  solitude  du 
Perche.  Plus  tard,  cemêmeexemplefuldonnépar  le  duc  de  Pentliièvre, 
fils  du  comte  de  Toulouse.  Ce  prince  qui  comballit  vaiilaniment  à  la 
bataille  de  Dettingucs,  qui  fut  le  Mécène  de  Florian  ,  avait  fait  con- 
struire près  le  Monastère  une  habitation ,  qui  a  porté  depuis  le  nom 
d'Abbatiale,  et  faii  actuellement  partie  delà  Maison  des  Retraites  ecclé- 
siastiques,  fondée  par  Monseigneur  de  Nancy. 

0  noble  duc  de  Pcnthièvre ,  dont  le  nom  est  encore  béni  sous  la 
cabane  du  pauvre,  comme  sous  les  lambris  dorés,  nom  sacré  que 
la  bouche  môme  des  méchans  n'osa  jamais  flétrir  ,  vous  ne  veniez  pas 
à  La  Trappe  pour  expier  vos  crimes  :  votre  modestie  ,  votre  douceur  , 
vos  vertus,  édifiaient  les  religieux  eux-mêmes  :  vous  veniez  goûter  cette 
douce  paix  ,  cet  air  pur  de  la  solitude  que  vous  cherchiez  vainement 
dans  les  palais  des  rois.  Nos  orages  politiques  ,  en  renversant  les  cloî- 
tres, vous  privèrent  de  cette  retraite  ;  votre  douleur  ne  se  prolongea  pas  : 
la  terre  n'était  pas  digne  de  vous  posséder  ;  Dieu  vous  rappela  bientôt 
dans  son  sein. 

Une  pieuse  tradition  raconte  que  saint  Bernard  visita  cette  solitude. 
Non  loin  du  Monaslère  et  dans  une  grotte  ,  (jui  porte  le  nom  de  ce 
saint  fondateur,  Uancé  convoquait  ses  religieux  à  de  pieux  entretiens: 
Bossuet,  plus  d'une  fois,  vint  à  la  suite  du  moindre  novice,  s'asscx)ir 
sur  le  banc  de  pierre,  revêtu  de  l'habit  monastique,  Bossuet,  l'ami  de 
Rancé,  le  compagnon  de  son  enfîmce  et  son  émule  dans  les  luttes  li!t<'*- 
raires  du  jeune  Ag<?. 


k 


9  4  LE  MDIS  KtJJGlElX 

On  montre  encore  près  de  la  grotte,  rallée  dans  laquelle  se  prome- 
nèrent le  saint  Réformateur  de  La  Trappe  et  le  prince  des  orateurs 
sacrés;  les  grands  arbres  qui  ombrageaient  cette  avenue,  ont  dis- 
paru depuis  long-temps  ,  mais  le  souvenir  de  ces  hommes  illustres  est 
vivant  dans  cette  solitude;  on  croirait  voir  encore  leurs  ombres  majes- 
tueuses ;  il  semble  que  l'écho  vient  de  répéter  les  derniers  sons  de  leurs 
entretiens  sublimes. 

Jac(|ues  H ,  descendu  du  faîte  des  grandeurs  dans  la  vie  privée ,  vint 
souvent  à  La  Trappe  ,  avec  la  reine  sa  femme.  On  remarcpie  encore 
dans  le  Monastère  du  Perche  deux  portraits  de  ce  prince  :  il  est  aussi 
représenté  dans  une  estampe  du  réfectoire,  mangeant  à  la  table  du  Père 
Abbé,  avec  son  aumônier,  le  maréchal  de  l>ellefonds  et  le  duc  do 
Berwick. 

Dans  cet  asile  de  toutes  les  vertus  ,  ce  prince  apprenait  à  mépriser 
les  grandeurs  de  la  terre  ;  s'il  avait  perdu  une  couronne,  si  le  sceptre 
avait  été  brisé  dans  ses  mains  ,  il  s'en  consolait  par  respérance  d'unci 
couronne  immortelle,  et  d'un  trône  impérissable. 

0  la  belle  réponse  de  ce  prince!  Qu'il  était  bien  digne  de  régner 
sur  ce  noble  pays  d'Irlande,  si  pur  dans  sa  foi  ,  si  constant  dans  une 
persécution  de  trois  siècles,  si  hospitalier^  malgré  ses  propres  pri^ 
valions. 

On  lui  proposait  de  feindre  d'embrasser  le  protestantisme  pour 
conserver  son  trône ,  et  pouvoir  même  protéger  le  catholicisme  : 
«  A  Dieu  ne  plaise  j  répondit-il  ,  que  je  me  rende  coupable  d'une 
telle  lâcheté  :  je  préfère  la  couronne  qui  m'attend  au  ciel  ,  à  celle 
(pie  je  perds  sur  la  terre  :  mon  slnitagème  ne  sauverait  pas  la  religion  ; 
ce  soin  regarde  Dieu.  » 

Ainsi,  nouvel  Éléazar,  il  ne  voulut  pas  même  descendre  à  rarlifice. 

Dieu  lui-même,  dans  cette  paisible  retraite ,  se  plaisait  à  le  consoler. 
Ce  monarque  assista  un  jour  à  tous  les  ollices,  communia  à  la 
grand'messe,  et  fut  frappé  d'entendre  ces  paroles,  qiii  s'appliquaient 
si  bien  à  sa  position  :  conjundanuir  siipcrhi  y  quia  injuste  iniquilalrm  ff- 
ct'runt  super  mt"^  ego  aulem  exercebor  in  mandiilis  tuis.  Que  mes  superbes 
ennemis  soient  coiil'ondus  de  leur  injustice  à  mon  égard,  j'en  laisse  à 
Dieu  le  soin  ;  quant  à  moi ,  je  m'exercerai  dans  la  i>ratiipie  des  di\ins 
préceptes. 

Le  roi  Charles  X  vint  aussi  visiter  le  monastère  de  La  Ti*a[)pe  :  on  ne 
prévoyait  point  alors  (pi'il  monterait  un  jour  sur  le  trône  :  il  en  était 
séparé  par  deux  de  ses  frères  dont  l'un  avait  lui-même  des  en- 
fans  :  on  prévoyait  encore  moins  les  malheurs  cpii  devaient  lefrap[)er 
et  établir  une  si  juste  comparaison  entre  lui  et  l'infortuné  Jacques  !  L 

Dans  un  voyage,   ce  prince  passa  plusieurs  jours  au  moiîasU're  :  il 


KT  LlTlTiKAlRK.  «r» 

.Suivit  tous  les  exercices  ,  assista  à  ceux  de  la  nuit ,  manj^eu  dans  le  ré- 
fectoire avec  les  religieux  :  sa  nourriture  fut  la  niônie  <|ue  la  leur  ; 
tjuel(|ues  pères,  qui  ont  survécu  à  ces  grands  orages,  se  l'appellent 
l'avoir  vu  assis  à  la  table  du  père  Abbé. 

Rentré  en  France  avec  sa  famille  ,  et  n'étant  encore  que  Monsieur, 
Charles  n'avait  point  oublié  la  vieille  hospitalité  du  couvent  du  Perche  : 
fl  ht  le  plus  gracieux  accueil  aux  députalions  de  Trappistes  (jui  furent 
successivement  présentées  à  la  Cour.  Il  savait  que  le  monastère  avait 
été  pillé ,  ravagé,  renversé  de  fond  en  comble  :  il  contribua  généreu- 
gement  à  son  rétablissement  :  dans  cette  occurrence  ,  Louis  XVlll  sn 
conduisit  en  roi ,  et  les  autres  princes  de  la  Maison  de  Bourbon  prou- 
vèrent qu'ils  étaient  héritiers  de  la  générosité,  comme  des  autres  wr- 
tus  de  Saint-Louis  et  de  Louis  XIV. 

CHAPITRE  VIII. 

QL'TÈLQLES   COWFRSIONS   f:C!.ATA?<TES. 

En  Tannée  1G89,  La  Trappe  fut  le  théâtre  delà  mort  de  dom  Muer, 
tîonnu  dans  le  monde,  sous  le  nom  de  Pierre,  ou  l'raneois  Fnure, 
fiatif  de  Sauzet,  dans  le  diocèse  de  ^alence.  Il  passa  de  l'onlro  de 
€luny  à  La  Trappe,  et  y  fit  sa  profession,  le  40  février  1080. 

Ce  religieux  avait  consumé  ses  premières  années  au  milieu  de  la  dé- 
bauche et  dans  les  plus  grands  déréglemens.  Il  passa  plus  tard  en  qua- 
lité de  sous-lieutenant  dans  un  corps  de  grenadiers,  que  tout  U' mondée 
sait  être,  dit  Rancé  dans  son  instruction  sur  la  mort  de  don  Muce  ,  les 
plus  déterminés  entre  ceux  qui  font  le  métier  de  la  guerre.  Il  s'engagea  dans 
initie  affaires  pires  les  unes  que  les  autres;  il  fut  blessé  dans  plusieurs 
«rencontres  où  il  aurait  du  perdre  la  vie.  Une  lettre  de  l'archevêque  de 
Vienne,  sous  la  date  du  0  février  1603,  atteste  qu'à  cette  époque,  il 
était  poursuivi  par  dix  ou  douze  sentences  de  prises  de  corps  :  cepen- 
dant il  forma  le  dessein  de  changer  à  la  fois  de  conduite  et  d'état  :  il  se 
f  {religieux  dans  le  prieuré  de  Saint-Marcel ,  fut  élevé  au  sacerdoce,  eut 
aussi  un  olfice  dans  l'abbaye  de  Crevés ,  au  diocèse  de  Viers  ,  «  et  par 
»  une  profanation  digne  des  derniers  supplices,  continue  le  vénérable 
>  abbé  de  La  Trapi)e,  il  osa  toucher,  doses  doi;^ts  sacrilèges,  le  Saint  des 
»  saints.  »  Le  panégyriste  de  Pierre  Taure,  tout  en  prenant  delà  occasion 
de  faire  ressortir  les  merveilles  de  la  miséricorde  de  Dieu  et  la  toute 
puissance  de  sa  grâce,  dit  qu'il  se  précipita  dans  l'abîme  du  désordre 
et  qu'il  alla  jusqu'au  crime.  Ce  grand  coupable  en  vint  au  |)ointque, 
dans  son  état  d'erreur  et  d'aveuglement,  il  fut  quehpie  temps  incer- 
tain s'il  chercherait  un  asile  en  Angleterre,  en  \llen)agne  on  en  Mon- 


i 


m  LE  MOIS  UEI.IOIEIX 


grie,  ou  bion  s'il  irait  apostasicr  an  milieu  des  troupes  oUoîuanes,  et 
(.lemander  le  turban  à  ces  (iers  et  implacables  ennemis  du  Christ  et  de 
ses  serviteurs.  Il  n'alla  pas  plus  loin.  Ici  se  brisa  l'horrible  chaîne  de 
ses  passions.  Il  fut  tout-à-coup  effrayé  par  l'idée  d'un  supplice  igno- 
minieux et  d'une  mort  infâme  qui  flétrirait  l'honneur  de  sa  famille. 

Quand,  par  l'ordre  de  Dieu,  l'heure  du  salut  vient  à  sonner  pour 
une  ame  coupable ,  rien  ne  saurait  la  retenir  plus  long-temps  dans  les 
voies  de  l'iniquité. 

Un  ecclésiastique,  encore  préoccupé  d'une  visite  qu'il  venait  de  fairo 
à  La  Trappe,  dont  l'histoire  était  alors  très-célèbre,  arraciia,  parle  récit 
qu'il  lui  fit  de  ses  merveilles ,  le  bandeau  qui  couvrait  ses  yeux. 

L'éclair  céleste  a  dissipé  les  ténèbres  de  son  cœur;  il  est  frappé  des 
a\istérités  du  monastère  de  La  Trappe.  U  reconnaît  que  c'est  là,  là  scut 
lement  qu'il  peut  expier  ses  crimes,  apaiser  les  remords  de  sa  con- 
science ,  et  commencer  à  mener  une  vie  nouvelle. 

Cette  révolution  spirituelle  s'opérait  vers  la  fin  de  l'hiver  :  à  l'heure 
même  ce  nouveau  pénitent  se  dirigea  ,  guidé  par  cette  étoile  du  salut  : 
ni  les  rigueurs  de  la  saison,  ni  les  chemins  affreux  qui  se  rencontrerit 
pendant  un  espace  de  quatre  cents  lieues;  rien  ne  l'arrête;  il  sur- 
monte tous  ces  obstacles  en  peu  de  temps  :  il  n'était  plus  séparé  que  de 
quatorze  lieues  du  terme  de  son  voyage,  il  les  franchit  en  un  jour;  la 
Trappe  se  présente  à  lui,  mais  il  y  entre  en  moribond  :  il  était  affecté 
d'un  catarrhe  :  cette  indisposition  se  change  en  fluxion  de  poitrine  : 
bientôt  il  devait  descendre  dans  la  tombe. 

On  vint  annoncer  à  l'abbé  de  La  Trappe  qu'il  se  présentait  aux 
portesdu  monastère,  un  homme  se  disant  Bénédictin  et  aspirant  à  l'habit 
denovice  de  La  Trappe,  et  qui  n'en  avaitpas  moinsl'œil  hagard,  une  ex- 
pression hautaine  et  dure ,  un  sourcil  haut  et  fier,  et  une  contenance 
rude  et  farouche  qui  convenait  mieux  à  un  homme  de  guerre  qu'à  un 
religieux.  Rancé  s'aperçut  bien  que  la  peinture  n'avait  point  été  exa- 
gérée; toutefois  il  ne  Taccueillit  pas  avec  moins  de  tendresse  et  de 
bonté,  lorsqu'il  se  fut  assuré  que  sa  vocation  était  sincère,  et  qu'elle 
venait  d'en  haut. 

Il  n'y  a  pas,  au  monastère  de  La  Trappe,  de  temps  déterminé  durant 
lequel  les  postulans  doivent  garder  les  habits  du  siècle,  quoiqu'ils 
;aient  été  admis  aux  exercices  de  la  communauté  :  le  plus  ou  le  moins 
dépend  de  la  ferveur  du  sujet ,  <le  la  connaissance  que  l'on  a  de  ses 
mœurs  et  de  sa  conduite  passée.  Ce  ne  fut  (pi'au  bout  de  trois  semaines 
<|ue  Faurc  quitta  son  pre.riier  habit  pour  recevoir,  des  mains  doUancé, 
celui  des  Trappistes  :  rien  n'échappait  à  l'œil  exercé  du  Réformateur; 

{La  mile  an  nmuiro  procku'iu.  ) 


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