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Full text of "L'empire sumatranais de Crivijaya"

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•^ 


L'EMPIRE  SUMATRANAIS 
DE  ÇRÎVIJAYA 


PAR 

GABRIEL    FERRAND 

MINISTRE    PLÉNIPOTENTIAIRE 


PARIS 

LIBRAIRIE    ORIENTALISTE 
PA  VL     GEVTHNER 

i3,  Rue  Jacob-VP 


MDCCCCXXll 


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L'EMPIRE    SUMATRANAIS 
DE  CRÎVIJAYA, 

PAR 

GABRIEL    FERRAND, 

MINISTRE   PLENIPOTENTIAIRE. 


.1  la  mémoire  de  Hendrik  KERN. 

On  chercherait  vainement  le  nom  de  l'ancien  empire  de 
(irivijaya  dans  les  dictionnaires  et  manuels  de  géographie  ou 
d'histoire  :  il  est  encore  inconnu.  Des  textes  orientaux  qu'on 
trouvera  plus  loin,  permettent,  cependant,  d'en  reconstituer 
huit  siècles  d'histoire.  Colonisé  par  l'Inde  à  haute  époque, 
comme  le  Camhodge  et  le  Campa,  l'empire,  le  premier  em- 
pire de  l'Indonésie,  est  en  plein  développement  culturel  dès 
le  vil''  siècle  de  notre  ère  :  nous  en  avons  pour  témoignage  le 
lécit  d'un  étranger,  le  grand  pèlerin  Yi-tsing. 

La  bibliographie  du  sujet  peut  tenir  en  (pielques  lignes  : 

kilâb  'ajàïb  al-Hind,  Livre  des  Merveilles  de  l'Inde,  par  le  capitaine 
BozoRfi  BiN  Saiiriyâr  (Ic  llâmiiormoz ,  ti-ad.  par  Marcel  Devic,  texte  arabe 
et  noies  par  P.  A.  van  der  Lith,  Leyde,  i883-i886,  in-/i°,  p.  2/17- 
253,  avec  une  note  ae  Beal. 

Les  religieux  éminenls  qui  alliirent  chercher  la  loi  dans  les  pays  d'Occi- 
dent, Mémoire  composé  à  l'époque  de  la  grande  dynastie  T'ang  par  I-tsing, 
Irad.  Ed.  Chavannes,  Paris,  iSy^i,  iii-8", 

M.  (..  i'i;r,r,.\.M).  i 


J.  Takakusu  ,  A  Record  of  the  Buddhist  religion  as  practised  in  India 
and  the  Malay  Archipelago  {A.  D.  6'ji-6g5)  by  I-tsing,  Oxford,  1896, 
pet.  in-A". 

Paul  Pelhot,  Deux  itinéraires  de  Chine  en  Inde  à  la  foi  du  vm'  siècle, 
dans  B.É.F.E.-O.,  t.  IV,  igoi. 

Gabriel  Ferrand,  Relations  de  voyages  et  textes  géographiques  arabes, 
persans  et  turks  relatifs  à  l'Extrême-Orient,  Paris,  in-8°,  t.  1,  1918; 
t.  II,  1914. 

N.  J.  Krom,  Een  Sumatraansche  Inscriptie  van  Koning  Krtanagara, 
dans  Verslagen  en  Med.  der  K.  Akademie  v.  Wetenschapen,  Afdeeling 
Letterkunde,  5e  Reeks,  Deel  II,  p.  Soô-SSg,  1916. 

r 

Georges  Coedès  ,  Le  royaume  de  Çrivijaija,  dans  B.E.F.E.-O. ,  t.  XVIIl , 
1918,  n"  6,  36  pages  avec  3  planches. 

Gabriel  Ferrand  ,  Compte-rendu  du  mémoire  précédent  dans  /.  As. , 
juillet-août  1919,  p.  1 49-200. 

N.  J.  Krom,  De  Sumatraansche  période  der  Javaansche  geschiedenis , 
Leyde,  1919,  33  pages  in-8°;  traduit  en  français  dans  le  B.E.F.E.-O., 
t.  XIX,  1919,  n°  5,  p.  127-135. 

J.  Ph.  VoGEL,  Het  koninkrijk  Çnvijai/a,  dans  Bijdragen  tôt  de  Taal, 
Land-  en  Volkenkunde  van  Nederlandsch-Indië,  deel  78,  1919,  p.  626- 
687  (l'auteur  analyse  le  mémoire  précité  de  CœdÈs,  Le  royaume  de 
Crivijuya,  et  donne  des  renseignements  peu  connus  sur  l'entrée,  à  la 
bibliothèque  de  l'Université,  de  la  rr grande  charte  de  Leyden ,  vide  infra, 
XXXIl,p.  46). 

G.  0.  Blagden,  The  Empire  of  the  Maharaja,  King  oj  the  Mountains 
and  Lord  of  the  Isles,  dans  Journ.  Straits  Branch  oJ  R.  A.  S.,  n°  81, 
1920. 

On  a  réuni  dans  les  pages  suivantes ,  les  textes  chinois ,  indo- 
nésiens, sanskrits,  pâlis,  tamouls,  arabes,  persans,  cambod- 
giens et  siamois  qui ,  sous  des  noms  divers ,  mentionnent  l'em- 
pire de  Çrivijaya  et  ses  dépendances.  Ces  textes  s'éclairent  les 
uns  par  les  autres  et  permettent  heureusement  d'arriver  à  des 
précisions.  Les  résultats  obtenus  à  la  suite  d'une  enquête  nou- 
velle portant  sur  un  plus  grand  nombre  de  documents,  modi- 
fient dans  une  certaine  mesure,  infirment  quelquefois   telle 


opinion  exprimée  dans  mon  compte  rendu  du  mémoire  de 
CoEDÈs  {^supra,  p.  2).  Mais  il  ne  s'agit  pas  ici  de  simples 
rectifications  personnelles  qui  auraient  pu  tenir  en  quelques 
pages;  la  question  est  plus  haute  et  vaut  qu'on  y  revienne. 
C'est  presque  une  opinion  courante  que  Java  a  été  le  foyer  et 
le  centre  d'expansion  de  la  civilisation  indienne  dans  l'Insu- 
linde.  Il  semble,  au  contraire,  qu'il  faille  en  faire  honneur  à 
l'empire  sumatranais  de  Çrivijaya,  dont  les  textes  et  l'épigra- 
phie  nous  montrent  la  haute  culture  et  l'incontestable  supré- 
matie politique,  militaire  et  navale  pendant  le  premier  millé- 
naire de  notre  ère.  Maître  encore  d'un  immense  territoire 
au  xnf  siècle,  l'empire  s'effondre  sous  les  défaites  que  lui 
infligent  les  Javanais  dans  la  métropole,  les  Thaïs  de  Sukho- 
daya  dans  ses  possessions  de  la  péninsule  malaise,  et  à  la  suite 
des  revers  éprouvés  dans  les  deux  expéditions  contre  Ceylan. 

TEXTES  CHI^OIS. 

Yi-TSiNG  ^^\  Ta  t'ang  siyu  k'ieou  fa  kao  seng  tchouan,  Les  Reli- 
gieux énnnents  qui  allèrent  chercher  la  Loi  dans  les paijs  d'Occident, 
Mémoire  composé  a  l'époque  de  la  grande  dynastie  T'ang,  trad. 
Ed.  Chavannes,  Paris,  i8f)/i,  in-S". 

I.  (P.  63-64.)  Maître  Ydn-k'i  est  originaire  de  la  province  de  ^ 
Kiao  I  autrement  dit  du  ^lîjf:  Kiao-lche,  le  Tonkin].  .  .  Il  est  revenu 
[de  Chine]  dans  les  1:1ers  du  sud  depuis  plus  de  dix  ans.  Il  s'enlond 
parfaitement  au  parler  ^  ^  k'ouen-loucn^'^^;  il  connaît  bien  la  langue 

(')  Dans  quelques  cas  où  lu  prtisenle  version  française  diffère  dos  traduc- 
tions de  textes  cliinois  que  j'ai  utilisées,  les  corrections  dont  il  s'agit  m'ont  été 
indiquées  par  M.  Pki.liot,  qui  a  bien  voulu  lire  une  épreuve  de  ce  mémoire. 
Il  s'en  faut  cepeudaiil  que  toutes  les  erreurs  aient  été  rocliiiées;  il  n'eutiait 
pas  dans  le  cadre  de  ce  travail  de  le  faire.  11  serait  désirable  qu'un  sinologue 
voulût  bien  se  charger  de  cette  néctîssaire  revision  des  textes  en  question. 

'-'  «L'appellation  k'ouen-lnuen,  dit  en  note  Chavannes,  peut  être  prisn  pour 
synonyme  de  Malais,  n  Dans  un  mémoire  postérieur  à  la  traduction  du  présent 

1 . 


sanskrite.  Dans  la  suite,  il  jugea  convenable  de  rentrer  dans  le  monde 
et  se  fixa  dans  le  pays  de  ^  ^Ij  f^  j^  Che-li-fo-yeou  [graphie  fautive 
pour  111^  Ghe-li-fo-chc].  C'est  là  qu'il  vit  encore  aujourd'hui 
[vers  692].  , . 

II.  (P.  76-77.)  .  .  .  Les  ouvrages  chinois  qu'ils  (les  Maîtres  de  la 
Loi  Pei-ngan  et  Tche-ngan)  avaient  pris,  le  Yôga-çâstra  (tdias  Yôgàca- 
rijûhhmni-çàslra)  et  d'autres  sûlras  et  çdstfas  se  trouvent  tous  dans  le 
pays  de  Ghe-li-fo-che. 

III.  (P.  119.)  .  .  .  Avant  que  vingt  jours  se  fussent  écoulés  [depuis 
notre  départ  de  Canton],  nous  arrivâmes  au  pays  de  Fo-che*'';  je  m'y 
arrêtai  pendant  six  mois  [,  en  671];  j'y  étudiai  par  degrés  la  science 
des  sons  [çabda  vidyà).  Le  roi  me  donna  des  secours  grâce  auxquels 
je  parvins  au  pays  de  ^  ^  J^  Mo-io-yu  [=Malâyu];  j'y  séjournai 
derechef  pendant  deux  mois.  Je  changeai  de  direction  pour  aller  dans 
le  pays  de  |||  ^  kie-tch'a  [=Këdah,  sur  la  côte  occidentale  de  la 
péninsule  malaise].  Lorsque  arriva  la  douzième  lune  [de  l'année  ôy'j], 
on  hissa  la  voile;  je  remontai  sur  un  bateau  du  roi  et  je  me  dirigeai 
petit  à  petit  vers  l'Inde  orientale  [à  destination  de  Tâmralipti,  l'actuelle 
Tamluk,  en  faisant  escale  au  pays  des  Hommes  nus  ou  îles  Nicobar]  .  .  . 

IV.  (P.  125.)  . . .  [Après  un  séjorn*  dans  l'Inde,  Yi-tsing  revient 


ouvrage  de  \i-tsing  (Sylvaia  Lévi  et  Edouard  Chavannes,  Les  seize  Arhat  pro- 
tecteurs de  la  Loi,  J.  As.,  XI"  série,  t.  VIII,  1916,  p.  /ig),  Chavannes  a  inter- 
prété le  texte  :  «Amoghavajra  partit  de  (janlon  sur  un  bateau  k'ouen-loueni; 
par  «...  sur  un  bateau  malais??.  L'équivalence  k'ouen-iouen  =  malais  n'est 
sûre  que  dans  le  premier  cas  où  il  s'agit  du  Che-li-fo-che  =  Çrivijaya  =  em- 
pire de  Palembaii.  Pour  la  seconde  citation,  la  même  interprétation  est  dou- 
euse,  car  le  lexte  ne  dit  pas  expressément  qu'il  s'agit  d'un  bateau  du  même 
pays.  On  sait,  en  effet,  que  les  Chinois  ont  indiqué  comme  |1|^  -^  1  ^  •^ 
k'ouen  louen,  variantes  ^  ^  hiue-louen,  'g'  ^  koti-loueii,  des  indigènes 
de  l'Indonésie  et  de  i'Inde  transgangétique  voisine.  Cf.  G.  Ferrand  ,  Le  K'ouen- 
iouen  et  les  anciennes  navigations  inlerocéaniq^tes  dans  les  mers  du  Sud,  J.  As., 
XI"  série,  t.  XIII,  p.  319  et  suiv. ,  en  rectifiant  ainsi  favant-dernière  phrase  : 
ff  .  .  .Par  langue  k'ouen-Iouen  à  Java,  au  vii°  siècle,  il  faut  entendre  le  kawi 
ou  vieux-javanais;  c'est  le  vieui-malais  qu'on  parlait  à  Palerabaii  à  la  même 
épo  ue,  ainsi  qu'eu  témoigne  l'inscription  de  Banka.  ,  .11.  Pour  cette  inscrip- 
tion, vide  inj'ra,  XXVII. 

(-)  Forme   abrégée  de    Che-li-fo-che.  Yi-tsing   emploie    tantôt  l'un,    tantôt 
Iculre. 


h  Târnralipti.]  Après  cela,  je  m'embarquai;  je  passai  par  le  royaume  de 
Kie-tch'a:  les  textes  sanskrits  du  Tripitaka  que  je  rapportais  formaient 
plus  de  cinq  cent  mille  stances  qui ,  dans  la  traduction  chinoise,  rempli- 
raient bien  mille  rouleaux;  je  les  pris  avec  moi  et  m'arrêtai  dans  le  pays 
de  Fo-che. 

V.  (P.  126.)  .  . .  'Maître  Chan-hing  était  un  de  mes  disciples.  A  ma 
suite  il  vint  dans  le  pays  de  Cbe-li-fo-cbe. . .  (cf.  également  p.  i3G). 

VI.  (  P.  làU.)  ...  Le  maître  du  dhyâna  Wou-umG  prit  le  maître  de 
la  discipline  Tche-hong  pour  compagnon,  et  au  temps  du  vent  d'est, 
ils  s'embarquèrent;  en  un  mois  ils  arrivèrent  au  ])ays  de  Che-li- fo-che. 
Le  roi  de  ce  pays  les  honora  fort  et  les  distingua  du  vulgaire.  Il  leur 
disliibua  des  fleurs  d'or;  —  il  répandit  pour  eux  du  millet  d'or'''  — 
Il  leur  fournil  les  quatre  choses  nécessaires  à  l'entretien  (le  manger  et 
le  boire,  les  vêtements,  la  literie,  les  médecines);  —  il  se  prosterna  de 
tout  son  corps  (pancânga)  pour  leur  dévoiler  son  cœur.  Lorsqu'il  apprit 
qu'ils  venaient  du  pays  du  Fils  du  ciel  de  la  grande  dynastie  T'ang, 
il  redoubla  pour  eux  d'honneurs. 

Puis  Wou-HixG  s'embarqua  sur  un  bateau  du  roi;  au  bout  de  quinze 
jours  il  aborda  dans  l'île  de  Mo-lo-yu;  au  bout  de  quinze  autres  jours 
il  arriva  au  pays  de  f§  ^  Kie-tch'a  [=  Këdah ,  sur  la  côte  occidentale  de 
la  péninsule  malaise].  Lorsque  le  dernier  mois  d'hiver  fut  venu,  il  clinn- 
gea  de  route  dans  sa  navigation  et  se  dirigea  vers  l'ouest.  Au  bout  de 
trente  jours,  il  parvint  au  pays  de  Na-kia-po-tan-na  [=  Negapatam  dans 
le  sud-ost  de  l'Inde];  i\  partir  de  ce  lieu,  il  arriva,  après  deux  jours  de 
navigation  sur  mer,  dans  l'île  du  Lion  (Simhala,  Ceylan). 

VIL  (P.  159.)  ...  La  deuxième  année  y ong-chouen  (=683  de 
notre  ère),  le  maître  de  la  Loi  Ta-tsîn  entreprit  de  partir  pour  les  mers 
du  sud ...  il  suivit  un  ambassadeur  impérial  ;  après  une  navigation  de 
plus  d'un  mois,  il  aborda  dans  l'île  de  Che-li-fo-che.  Il  demeura  là  [tiu- 
sieurs  années;  il  s'initia  à  la  langue  k'onen-louen^"-^',  il  étudia  un  grand 
nombre  de  livres  sanskrits.  .  . 

W  ffLes   fleurs  d'or  et  le  millet  d'or  avaient  une  sifynification  symbolique 
dans  la  relipion  bouddhique.  Ainsi  l'expression  -^  ^  Wi  .  l'iopr.  :  l'ombre 
(lu  millet  d'or,  si[i;riifi('  i'ombro  à\i  lioiiddlia  (St.  Jumkn,  lliiii'ii-lclioaiifr,  l.  II, 
p.  XV ).  D'aprôs  un  rcnsfi/Tnemcnt  oral  qui  m'a  été  donné  [lar  un  iettié  chinois 
on  appellerait  millet  d'or  les  jjraines  de  cannciier  (Cuavannks)». 

'-'   Vide  supra ,  p.  '? ,  tioIo  a. 


■-t9'(    6    )'C»- 

VIII.  (P.  176  el  suiv.)  Pour  moi,  Yi-tsing,  je  m'embarquai  à  l'em- 
bouchure du  fleuve  de  Fo-che  ...  Ce  que  j'ai  réuni  des  trois  Recueils, 
à  savoir  plus  de  cinq  cent  mille  stances'*^,  se  trouve  en  entier  dans  ie 
pays  de  Fo-che.  .  .  .  Puis,  le  premier  jour  de  la  11°  lune  de  cette  année 
(689),  nous  nous  embarquâmes  sur  un  bateau  marchand  et  nous  nous 
éloignâmes  de  Canton.  Nous  nous  dirigeâmes  vers  le  (5  '^  Tchan-po 
[=(lampa,  l'Annam  actuel]  en  hissant  nos  voiles;  —  nous  nous  pro- 
posions d'arriver  dans  le  pays  de  Fo-che  par  une  longue  course,  — 
...  (cf.  également  p.  182,  i83,  187,  188,  189,  190). 

Yi-TsiNG,  Nan  hai  ki  kouei  nei  fa  tcJiouan,  A  record  of  tJie 
Buddhist  religion  as  'practisedin  India  and  the  Malay  Archipelago , 
trad.  par  J.  Takakusu,  Oxford,  1896,  in-li°, 

IX.  (P.  10.)  ...  Dans  les  îles  de  la  mer  du  sud  où  il  y  a  plus  de 
dix  royaumes,  le  Mûlasarvâstivâdanikâija  a  été  à  peu  près  généralement 
adopté  ...  En  les  comptant  d'ouest  [en  est],  la  première  de  toutes  est 
^  '^  iilJ  IJ'I'I  l'île  *'6  P'o-lou-che  [=Baros,  sur  la  côte  occidentale  de 
Sumatra];  pms,  ^BM  M  (var.  M)  IP  4"  >P  M  fi  M  (gra- 
phie fautive  ^yeou)  ^  ^  l'île  de  Mo-lo-yu  [^^^MalayuJ,  c'est  main- 
tenant [vers  699]  le  pays  de  CheJi-fo-che  . .  .  ''^'. 

HouEi-JE  (né  en  680). 

X.  Ce  moine  chinois  effectua  un  voyage  de  Chine  en  Inde 
et  passa  par  Fo-che.  «Les  royaumes  maritimes  du  sud-est,  dit 
le  Song  kao  seng  tchouan  (éd.  de  Tôkyô,  XXXV,  5,  io3'; 
chap.  29)  :  iM  ^  K'ouen-iouen ,  %  %  Fo-che,  l'ile  de  Ceylan 
et  d'autres,  il  [Houei-je]  les  traversa,  les  parcourut,  et  il  attei- 
gnit l'Inde w  (cf.  mon  mémoire  sur  Le  K'ouen-louen  et  les 
anciennnes  navigations  interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud, 
/.y4s.,XP  série,  t.  XIII,  1919,  p.  2/16 ,  VIIUis). 

(>)  GiuvANNES  a  ici  «cinq  cent  mille  phrases 7) ,  mais  il  faut  lire  stances,  comme 
dans  Textrait  précédent  do  la  page  laB  de  sa  traduction  {vide  supra). 

(^)  Trlpit.  do  Tôkyô ,  boite  XXXV,  vol.  VII ,  p.  68 ,  col.  a.  Cf.  P.  Pelliot  ,  Deux 
itinéraires,  p.  828.  Il  faut  évidemment  entendre  par  cette  phrase  concise  quo 
le  Malâyu  est  passé  sous  la  suzeraineté  du  Che-ii-fo-che. 


.(  7  ) 


Vajrabodhi  (717). 

XL  Ce  moine,  qui  s'embarqua  à  Ceylan  pour  ia  Chine,  rf traversa  vers 
l'est  plus  de  20  royaumes,  dont  ceux  de  f^  %  Fo-che  et  des  |^  A 
Hommes  nus  {Song  kao  seng  ichouan,  dans  Tripiuika  de  Tôkyô,  ^ ,  IV, 
p.  70  v")''.  Selon  un  autre  texte,  parti  de  Ceylan  avec  35  navires  per- 
sans, ffen  un  mois  de  route  il  arriva  au  royaume  de  f^  3^  Fo-che. 
Le  roi  du  royaume  de  Fo-che  vint  au-devant  du  maître  avec  des  parasols 
et  dais  d'or  et  un  lit  d'or.  A  cause  du  vent  contraire,  [le  maître]  s'arrêta 
là  cinq  mois.  Quand  le  vent  fut  fixé,  alors  il  put  se  mettre  en  route 'i. 
Il  rencontra  d'ailleurs  des  tempêtes  terribles  et  erra  de  royaume  en 
royaume  pendant  trois  ans  avant  de  parvenir  en  Chine  daiis  le  courant 
de  l'année  720  [Tcheng yuan  sin  ting  che  kiao  mou  lou,  dans  Triint.  Tôk., 
^,VÏ,p.  78^)0. 

Ambassades  de  P  M  ^^  che-li-fo-che 

ET    DE    ^%  ^-    FO-CHE   À    LA    COUR    DE    CHINE  (^'. 

XII.  D'après  le  Sin  t'ang  chou  (k.  922  T  >  P-  '»  r°)i  'e  Che-h-fo-che 
envoya  des  ambassades  de  la  période /iîen4eHg' (670-678)  à  la  période 
k'ai-yuan  (71 8-741). 

XIII.  La  1"  année  tcheng-cheng  (695),  au  9'  mois,  le  5*  jour,  une 
décision  impériale  ordonne  de  distribuer  des  vivres  aux  envoyés  de  cer- 
tains pays  étrangers  qui  viendraient  à  ia  cour,  dont  ceux  du  Che-li-fo- 
che  [T'ang  houeiyao,  k.  100,  p.  22  v°). 

XIV.  Au  12°  mois  de  la  1"  année  tch'ang-ngan  (début  de  702)  et  en 
716,  ambassades  du  Fo-che  (Ts'ô  fou  yuan  kouei,  k.  970,  p.  18  r", 
pour  la  première  ambassade,  et  k.  971,  p.  9  r°,  pour  la  seconde). 

XV.  En  724,  au  7°  mois  de  l'année  chinoise,  ffle  roi  du  royaume  de 
Che-li-fo-che  envoie  en  ambassade  fil  j^  ||  Kiu-mo-lo  (peut-être 
kumâra  rrle  prince  héritier «)  pour  offrir  deux  nains,  une  fille  ff"  ijîft 
seiig-k'i  [c'cst-à-dirc  une  négresse  de  l'Afrique  orientale],  une  troupe 
de  musiciens  et  des  perroquets  aux  cinq  couleurs;  [l'empereur]  conféra 

(')  Apud  Paul  Pelliot,  Deux  ilinéraires ,  p.  336, 
<')  Apud  Paul  Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  33^-335. 


— f-a.(  8  )<-»— 

à  [Kiu-]mo-lo  [le  litre]  de  fjf  flj  ichô  tch'onfr  (général),  lui  accorda 
cent  pièces  de  soie,  et  le  renvoya  dans  son  pays  (Ts'ô  fou  yuankouei, 
k.  971,  p.  6  i'°;  cf.  aussi  Sin  i'nng  chou,  k.  222  f  ,  p.  h  r°)ri.  An 
huitième  mois  chinois  de  la  même  année,  l'empereur  conféra  à  P  ^Ij 
^  ^  JA  }'^  Ghe-li-l'o-lo-pa-mo  (Çrïndravai'man?),  roi  du  Che-H-fo- 
che,  le  titre  de  ^  J^  f|j  J^  -^  ^£  iso-ivei-wei-ta-tsiang-hiiin  (Ts'o  fou 
yuan  kouei,  k.  964,  p.  i5  v°;  k.  976,  p.  h  r°;  cf.  Sin  t'ang  chou, 
k.  222  HF  î  P-  ^  i"°)- 

XVI.  En  728,  le  roi  du  Fo-che  fait  de  nouveaux  dons  de  perroquets 
bigarrés  [Ts'ô  fou  yuan  houei,  k.  971,  p.  7  v°). 

XVII.  Au  12°  mois  de  la  29'  année  h' ai-yuan  (au  début  de  7^2), 
le  roi  du  Fo-che  envoie  son  fils  à  la  cour  chinoise  pour  offrir  le  tribut 
(  Ts'ô  fou  yuan  kouei,  k.  971,  p.  1 A  r°).  C'est  à  cette  occasion  sans  doute 
qu'en  cette  même  année  7''i9,  le  roi  du  Fo-che,  apoelé  ^ij  ^^  -^  ^ 
Lieou-t'eng-wei-kong,  fut  nommé  ^  H  ï  Prince  Pin-yi  et  reçut  le 
titre  de  iso-kin-wou-wei-la~tsiang-kiun  [Ts'ô  fou  yuan  kouei,  k.  9G5, 
p.  1  V). 

Tenon  fan  tche  de  Tchao  Jou-koua  (  1 2  2  5  ). 

Chau  Ju-kua,  His  work  on  the  Chmese  and  Arnb  trade  in  the 
twelfth  and  thirteenth  centuries,  entitled  Chu-fan-tciiï,  traduit  du 
chinois  et  annoté  par  Friedrich  Hirth  et  W.  W.  Rockhill,  Saint- 
Pétersbourg,  in-Zi",  1912.  Le  texte  chinois  en  a  été  posté- 
rieurement publié  par  Rockhill  à  Tokyo  (Rokumin  shimbun 
Press)  avec  une  postface  en  anglais  datée  du  1'' avril  191^. 
La  date  exacte  du  Tchoii  fan  tche  a  été  indiquée  par  Pelliot 
dans  son  compte  rendu  de  la  traduction  Hirth-Rockhill  (  T'oung 
pao,  t.  XIII,  1912,  p.  4/16-/181). 

H  f^   ^    SaN'FO-TS'i. 

XVIU.  (P.  60.)  San-fo-ts'i  gît  entre  le  ^  31  Tchen-la  (le  Cam- 
bodge) et  le  ^  ^  Cho-p'o  (Java).  Sa  suzeraineté  s'étend  sur  quinze 
provinces  (  jl'l'l  )•  Ce  pays  se  trouve  droit  au  sud  de  Ts'iuan-tcheou  [du 
Fou-kien]. 

Pendant  l'hiver,  avec  la  mousson,  [en  partant  de  ce  dernier  port,] 


vous  naviguez  pendant  un  peu  plus  d'un  mois  et  vous  arrivez  alors  an  "^ 

^  P^  (lélroit  de  Linfi-ya^'',  où  un  tiers  des  marchands  qui  elîectuent 

ce  voyajie  [font  escale?]  avant  de  pénétrer  dans  ce  pays  [de  San-fo-ts'i]. 

Un  grand  nombre  des  gens  de  ce  pays  ont  pour  nom  de  famille  Jf^ 

p'ou  ^'K 

Le  mur  de  la  ville  (la  capitale)  est  construit  en  briques  et  mesure 

plusieurs  dizaines  de  H  de  tour. 

Lorsque  le  roi  sort,  il  est  assis  dans  une  embarcation;  il  est  recon- 
vei-t  par  un  pagne  enroulé  autour  du  corps.  11  est  abrité  [du  soleil]  par 
un  parasol  en  soie  et  gardé  par  des  hommes  portant  des  lances  d'or. 

Les  habitants  [de  la  capitale]  vivent  soit  disséminés  hors  de  la  ville, 
soit  sur  le  fleuve  dans  des  maisons  flottantes  {lut.  :  des  radeaux)  cou- 
vertes avec  des  roseaux.  Ils  ne  paient  pas  d'impôls. 

Les  gens  du  pays  sont  habiles  à  combattre  sur  terre  et  sur  l'eau. 
Loisqu'ils  sont  sur  le  point  de  faire  la  guerre  contre  un  autre  état,  ils 
réunissent  et  expédient  le  corps  de  troupes  que  réclament  les  circon- 
stances. Ils  nomment  [alors]  les  chefs  et  commandants;  chacun  fournit 
son  propre  équipement  militaire  et  les  approvisionnements  nécessaires. 
Pour  affronter  l'ennemi  et  braver  la  mort,  ils  n'ont  pas  leurs  égaux  chez 
les  autres  peuples. 


(')  Le  détroit  de  Lifiga. 

(■^)  Les  traducteurs  disent  en  note  (p.  6i,  n.  3)  :  ^Fti  stands  for  Bu,  an 
al)l)rc\  iatiou  of  Abu  «fatliorw  ,  whicli  précèdes  so  many  Arabie  names.  The  phrase 
^  fÈ.  M  "•"^''iiy  ^''s  surnamed  Fiiv,  orcurring  hère  and  there  in  Chinese 
ethnographical  literature  may  safely  ho  taken  to  indicato  Arah  settlements. 
Hir.TH,  Die  Insel  Hainan,  /187,  note.»  Si  cette  interprétation  était  exacte,  il 
eu  résulterait  que  le  San-fo-ts'i  =  Paiembaù  du  commencement  du  xin"  siècle 
possédait  une  très  importante  colonie  musulmane ,  arabe  ou  d'origine  arabe  ; 
mais  il  n'en  est  rien  :  le  sens  de  la  phrase  est  tout  autre.  Par  «Un  grand 
nombre  [de  gens  de  ce  j)ays]  ont  pour  nom  de  famille  Fout)  ,  le  texte  veut 
faire  entendre,  à  la  chinoise,  que  beaucoup  de  noms  de  gens  du  San-fo-ts'i 
commencent  par  Fou.  Ce  Fou  n'a  rien  à  voir  avec  l'arabe  Abu  ;  il  s'agit  ici 
du  titre  nobiliaire  indonésien  Pu  ou  Mpu  (cf.  cam  Pô),  correctement  rendu 
par  f^j  .  Les  ff  Arab  settlementsn  du  San-fo-ts'i  au  début  du  xiii"  siècle  n'ont 
donc  pas  plus  de  réalité  historique  que  tfces  tnarrlmnds  sobérns  que  la  fertile 
imagination  de  Bkai.  avait  fait  venir  à  Ceylaii  au  temps  de  Fa-hikn  et  que 
LKiKiK  n'en  sut  pas  chassern  (Pklliot,  bulletin  crilicjue  du  T'oimgpao,  t.  XIII, 
1919  ,  p.  'i56);  que  h;  «Tigre  des  Thaisn  de  l'épigrajjhie  siamoise  (cf.  G.  Coedks, 
Uucutnetits  sur  la  dynastie  de  Sukkodaya,  dans  B.E.F.E.-O.,  t.  XVII,  1917, 
n°  2 ,  p.  5-6  )  et  autres  idola  libri. 


_^(  10  ).« — 

Us  n'ont  pas  de  monnaie  de  cuivre  enfdées  à  une  corde  [comme  les 
Chinois],  mais  ils  se  servent  de  morceaux  d'argent  coupé  pour  les 
transactions  commerciales. 

Pendant  la  plus  grande  partie  de  l'année,  la  température  est  chaude 
et  il  n'y  a  que  peu  de  temps  froid.  Leurs  animaux  domestiques  sont  très 
semblables  à  ceux  de  la  Chine. 

On  trouve  chez  eux  du  vin  fait  avec  des  fleurs,  du  vin  de  coco,  du 
vin  fabriqué  avec  des  noix  d'arec  et  du  miel;  tous  ces  vins  ont  fermenté, 
bien  qu'on  n'ait  employé  aucun  levain  de  quelque  sorte  que  ce  soit.  Ces 
vins  enivrent  quand  on  en  boit. 

Pour  la  rédaction  des  documents  officiels ,  ils  se  servent  de  caractères 
étrangers  (#)'''.  La  bague  du  roi  est  employée  comme  sceau.  Ils  con- 
naissent également  les  caractères  chinois  et  ils  les  utilisent  quand  ils 
envoient  un  mémoire  à  la  cour  [de  Chine]. 

(P.  61.)  Les  lois  du  pays  sont  très  rigoureuses.  L'adultère  expose 
rhomme  et  la  femme  [qui  le  commettent]  à  la  peine  la  plus  rigoureuse 
[,  c'est-à-dire  :  à  la  mort]. 

Quand  le  roi  meurt,  le  peuple  prend  le  deuil  en  se  rasant  la  tête. 
Cependant,  les  gens  de  la  cour  attachés  à  sa  personne  se  donnent  volon- 
tairement la  mort  en  se  jetant  dans  un  bûcher  funèbre  ardent;  cet  acte 
est  appelé  ff  vivre  et  mourir  ensemble  n  '•'K 

Il  y  a  [à  San-fo-ts'i,]  une  [sorte  de]  Buddha  [,  c'est-à-dire  :  une  sta- 
tue] appelée  :^  1^  |lj  ff  Montagne  d'or  et  d'argent ^i ,  qui  est  fondue 
en  or.  Chaque  nouveau  roi,  avant  de  monter  sur  le  trône,  fait  fondre 
une  statue  d'or  représentant  sa  personne.  Les  gens  du  pays  ont  giand 
soin  d'apporter  en  offrande  des  vases  d'or  à  ces  statues.  Les  statues  d'or 
et  les  vases  d'or  portent  tous  une  inscription  destinée  à  prévenir  les 
générations  futures  de  ne  pas  les  fondre  '■^K 

(1)  Comme  à  Java,  les  anciennes  inscriptions  de  Sumatra  sont  tantôt  rédi- 
gées en  sanskrit,  tantôt  en  indonésien  écrit  au  moyen  d'un  système  graphique 
emprunté  à  l'Inde. 

(^)  Sur  cette  pratique,  cf.  Livre  des  merveilles  de  l'Inde,  au  glossaire,  s. 
y"  j^i^,  p.  194. 

(•■"î  Ce  passage  n'est  pas  clair  dans  le  texte.  M.  Pelliot  en  propose  l'inter- 
prétation suivante  :  ffll  y  a  un  Buddha  qu'on  appelle  le  Buddha  de  la  Mon- 
tagne d'Or  et  d'Argent.  Sa  statue  est  fondue  en  or.  Chaque  roi,  [juste]  avant 
de  monter  sur  le  trône,  [fait]  fondre  sa  [propre]  image  en  or  pour  remplacer 
cette  statue.  On  fait  des  vases  et  de  la  vaisselle  en  or,  et  on  rend  [à  cette 
image]  des  hommages  solennels.  Les  statues  d'or  et  les  vases  et  vaisselle 
portent  tous  des  inscriptions  gravées  pour  que    les   générations  futures  ne  les 


-^«.(  11  ) 

Daus  ce  pays,  lorsque  quelqu'un  est  gravement  malade,  il  distribue 
aux  pauvres  du  pays  [une  somme  e'quivalente  à]  son  poids  en  argent. 
[Cette  pratique]  est  considérée  comme  un  moyen  de  retarder  la  mort. 

Ils  donnent  à  leur  roi  le  titre  de  f|  ^  long-lsing  ''^  Il  ne  doit  pas 

détruisent  pas.n  Pour  ces  statues  royales,  cf.  une  coutume  identique  chez  des 
tribus  turkes  dont  parle  Pelliot  dans  un  compte  rendu  de  Les  pays  d'Occident 
d'après  /e  Wei-lio,  de  Chavannes  (B.E.F.E.-O.,  t.  VI,  p.  892,  n.  3;  et  dans 
un  autre  compte-rendu ,  ibid. ,  p.  h  10). 

(')  HiRTH  et  RocKHiLL  out  cru  à  tort  que  long-Uing  transcrivait  un  terme 
protocolaire  (cf.  p.  65,  note  12).  «The  title  arun  [auquel  avaient  songé  les 
traducteurs  du  T chou  fan  tc/ie],  dit  G.  0.  Blagden  [Some  remarks  on  Chah 
Ju-kua's  Chu  fan  chi,  dans  J.R.A.S.,  1918,  p.  166),  is  used  in  Celebes 
and  is  not  Malay  at  ail.  What  Malay  vvord  is  transcribed  by  the  very  un-Malay- 
looking  long-tsing  I  cannot  imagine.  Possibly  thèse  are  simply  Gliinese  words 
intended  for  a  translation  of  some  Indian  title  beginning  with  «âg-a,the  équi- 
valent of  long.  Tsing  is  given  in  Giles  as  meaning  inter  alla  tt essence,  spirit». 
But  long  appears  there  also  in  phrases  whore  it  merely  means  ffimperial-i. 
Gannot  the  words  represent  some  conventional  expression  like  «His  Majestyn  hi 
La  remarque  est  fort  intéressante,  mais  partiellement  inexacte.  M.  Pelliot 
m'a  fait  savoir  que  long-tsing  (et  non  long-ts'ing,  comme  transcrivent  Hirtu  el 
Rockhill)  n'est  pas  une  transcription  d'un  nom  étranger  et  que  les  deux 
caractères  doivent  être  interprétés  avec  leur  valeur  sémantique  :  «esprit, 
sperme  de  dragonn,  c'est-à-dire  aesprit,  sperme  de  nâgav.  Cette  constatation 
a  une  haute  importance,  car  elle  rattache  l'origine  de  la  dynastie  de  San-fo- 
tsi  à  un  nâga.  Dans  son  important  mémoire  :  The  yupa  inscriptions  of  king 
Mûlavarman,  from  Koctei  [East  Bornéo]  [Bijdragen  toi  de  T.,  L.  en  Volken- 
knnde  van  Nederlandsch-Indië ,  deel  7A,  1918,  p.  178),!.  Ph.  Vogel  dit: 
ffll  y  a  une  curieuse  légende  que  nous  a  conservée  la  poésie  taraoule,  (pii 
rattache  l'origine  des  Pallavas  aux  anciens  souverains  du  Gororaandel.  Gettf 
légende  rapporte  que  le  premier  Tondaimân  (=Pallava)  était  le  fils  d'un  roi 
cola  et  d'une  nâgî  ou  démonne-serpent.»  Et  l'auteur  ajoute  en  note  :  «Le 
poème  lamoul  Manimegalai ,  dans  lequel  se  trouve  cette  légende,  mentionne 
également  une  ville  appelée  Nâgapuram  [  =  skr.  Nâgapura  «la  ville  du  nàgart] 
située  dans  le  Çâvaka-nâdu  [  =  pays  de  Gâvaka]  qui,  comme  le  dit  M.  Ven- 
kayïa,  semble  être  le  nom  tamoul  de  l'île  do  Java  [lire  :  Sumatra;  Çâvaka  est 
la  forme  tamoule  du  malais  Jàvaka^:>  Zâhag ,  ainsi  qu'on  le  montrera  plus 
loin].  Deux  rois  de  Nâgapuram  sont  mentionnés  :  Bhûmicandra  et  Punyarâja 
qui  prétendaient  descendre  d'Indraji.  {Archl.  Survey  A nmial  Report  for  1906'- 
1907,  p.  3  21,  n.  1.)  D'autre  part,  la  tradition  d'après  laquelle  la  première 
dynastie  du  Fou-nan  remonte  au  mariage  d'une  nâgi  avec  un  prince  indien 
a  été  étuflico  par  Finot  (Sur  rjurlqties  traditions  indochinoises ,  dans  Bull,  de  la 
Commission  archêol.  de  l'Indochine,  1911,  p.   3o    et   suiv.).    Ccenès   a    étudié 


manger  de  céréales,  mais  on  le  nourrit  de  sagou.  S'il  feisait  autrement, 
l'année  serait  une  année  de  sécheresse  et  les  céréales  seraient  chères.  11 
prend  des  bains  dVau  de  rose:  s'il  se  baignait  dans  de  l'eau  ordinaire, 
il  y  aurait  une  grande  inondatio'i. 

[Le  roi]  porte  une  haute  coiffure  dans  laquelle  sont  enchâssés  des 
centaines  de  joyaux  et  qui  est  très  lourde.  Dans  les  grandes  cérémonies 
de  cour,  le  roi  seul  est  capable  de  la  porter;  aucune  autre  personne  ne 
le  peut.  Lorsque  le  trône  devient  vacant,  tous  les  fils  du  roi  se  réunis- 
sent, la  coiffure  leur  est  présentée  et  celui  qui  peut  [eu  supporter  le 
poids  j  succède  au  souverain  défunt. 

Il  y  a,  dans  ce  pays,  une  ancienne  tradition  d'après  laquelle  le  sol 
s'est  une  fois  entr'ouvert  subitement;  de  la  crevasse,  sortii-ent  plusieurs 
myriades  de  bœufs  qui  se  précipitèrent  en  troupeaux  dans  les  montagnes; 
les  habitants  s'en  emparèrent  à  l'envi  et  les  mangèrent.  Ensuite,  la  cre- 
vasse fut  bouchée  avec  des  bambous  et  des  arbres,  et  il  n'en  resta  plus 
li'ace. 

Eu  dehors  des  produits  du  pays  qui  comprennent  l'écaillé  de  tortue, 
le  camphre;  le  tch'en,  sou ,  tchan  et  le  cheou  commun  (quatre  variétés  de 
bois  d'aloès);  le  ]dang-tchen^^\  le  girofle,  le  sandal,  le  cardamome;  on 
trouve  encore  des  perles,  de  Tencens,  de  l'eau  de  rose,  des  fleurs  de 
gardénia,  de  la  civette,  de  la  myrrhe,  de  l'aloès,  de  l'assa-foetida , 
du  putchuk,  du  stoiax  liquide,  des  défenses  d'éléphanl,  du  corail,  des 
œils-de-chat,  de  l'ambre,  des  étoffes  de  coton  étrangères  et  des  lames 
de  sabre.  Tous  ces  [derniers]  sont  des  produits  des  pays  étrangers, 
^C  ^  Tache  ( Arabes) ^^'  et  autres,  rassemblés  dans  ces  pays,  et  que 
les  marchands  étrangers  viennent  vendre  en  les  échangeant  contre  de 
l'or,  de  l'argent,  des  objets  en  porcelaine,  de  la  soie  brochée,  des  éche- 


également  la  Légenâp  de  la  Nâgî  dans  ses  Etudes  Cambodgiennes  [B.E.F.E -0., 
t.  XI,  1911,  p.  391-398)  et  conclut  ainsi  :  «De  quelque  façon  que  nous  i'en- 
visagions,  la  légende  cambodgienne  [de  la  nâgî]  nous  ramène  à  la  cour  des 
Pallavas .  .  .r>  L'interprétation  nouvelle  du  long-tsing  du  Tchou  fan  tche  et  ie 
Nâgapuram  du  poème  tamoul  montrent  que  ie  cycle  légendaire  du  nâga  ou 
de  la  ndgl  s'étend  à  rinsuhnde  occidentale  :  comme  l'ancien  Cambodge, 
Sumatra  a  dû  son  hindouisation  à  des  immigrants  veims  de  i'inde  sud-orien- 
tale. Le  fait  n'a  rien  d'inattendu;  mais  des  informations  dans  ce  sens  ne 
peuvent  être  que  les  bienvenues  et  on  y  reviendra  ultérieuremenl. 

C'  C'est  le  parfum  désigné  en  anglais  sous  ie  nom  de  laha-wood. 

'^)  Les  produits  d'importation  dont  il  s'agit  sont  ceux  qui  sont  énumérés 
après  :  on  trouve  encore  des  perles ,  .  ,  . 


.(  13  )<^ 


veaux  de  soie,  des  e'tolTes  en  soie,  du  sucre,  du  fer,  du  vin  [de  grains], 
du  riz,  du  galanga  séché ,  de  la  rhubarbe  et  du  camphre. 

(P.  62.)  Ce  pays  git  dans  l'océan  et  est  niaitre  des  détroits  par  lequel 
le  trafic  étranger  par  mer  et  par  terre,  dans  Tune  et  l'autre  direction''', 
doit  passer.  Autrefois,  on  utilisait  une  chaîne  de  fer,  comme  barrière, 
pour  se  gaier  des  pirates  des  autres  pays.  Cette  chaîne  pouvait  être 
maintenue  haute  ou  abaissée,  grâce  à  un  ingénieux  dispositif.  Si  un 
navire  marchand  arrivait,  on  l'abaissait.  Après  un  certain  nombre  d'an- 
nées de  paix,  pendant  lesquelles  elle  ne  fut  pas  utiUsée,  on  l'enleva  et 
[maintenant]  elle  gît  lovée  sur  le  rivage.  Les  indigènes  la  vénèrent 
comme  le  Buddha  et  les  navires  qui  arrivent  lui  offrent  des  sacrifices. 
Lorsqu'elle  est  frottée  d'huile,  elle  brille  comme  une  chaîne  neuve.  Les 
caïmans  n'osent  pas  passer  sur  la  chaîne  pour  [aller]  faire  du  mal. 

Si  un  navire  marchand  passe  devant  [San-fo-ts'i]  sans  y  faire  escale, 
les  bateaux  [du  pays]  sortent  pour  l'attaquer  d'après  une  manœuvre 
[jrévue;  ils  sont  prêts  à  mourir  [pour  réaliser  leur  entreprise].  C'est 
pour  cette  raison  que  ce  pays  est  devenu  un  imporlaul  centre  mari- 
time'''. 

Les  dépendances  [de  San-fo-ts'i]  sont  les  suivantes  : 

^^  P'eng-fong  [=  Pahan], 

^  ^  iÊ  Teng-ya-nong  [=Trëhganu], 

^^  ^  Wl  M  Ling-ya-sseu-kia  [=Lënkasuka], 

■^Mé-  Ki-lan-tan  [-Këlantan]'^', 

#J1^  Fo-lo-an(?), 

B  m^  Je-lo-ting (?) ("), 

(')  Des  pays  de  l'Ouest  eu  Chine  et  inversement. 

('^'  L'escale  de  San-fo-ts'i  était  ainsi  rendue  obligatoire  pour  tous  les  bâti- 
ments qui  passaient  à  proximité. 

(•'>  Ces  quatre  dépendances  sont  situées  sur  ia  côte  orientale  de  la  péninsule 
malaise.  La  suivante,  Fo-lo-an,  se  situe  cnalement  sur  ia  même  côte,  mais 
n'est  pas  localisée. 

('')  Jo-lo-ting  représente  un  ancieu  *Nit-la-din  ou  * Nil-ra-dih ,  c'est-à-dire 
*Ni'-ra-dih  ou  *  Ni' -la-din  =  *Niladinga  ou  *i\iradinga,  qui  n'est  pas  attesté 
par  ailleurs.  Peut-être  est-ce  du  même  pays  (pfil  s'ajjit  dans  ce  passajje  du 
Song  clie  où  il  est  dit  :  rr .  .  .  puis,  en  quinze  jours,  [de  ^j}  j^  P'o-ni  (Bor- 
néo)] on  arrive  au  royaume  de  San-fo-ts'i-,  puis,  on  sept  jours,  on  arrive  au 
royaume  de  '^  ^  Kou-lo;  puis,  en  sept  jours,  on  arrive  au  royaume  de  ^ 
^  ^  Tch'ai-li-tiu|{;  on  parvient  au  Kiao-tche  (Tonkin)  et  on  [fajjne  Kouaujj- 
tcheou  (Canton)'!  [Pklliot,  Deux  itinéraires,  p.  dijO  et  3o6];  ce  qui  situerait 
également  le  Je-lo-tiug  ou  Tch'ai-li-ting  sur  ia  côte  orientale  de  la  péninsule 


^(  U  ) 


•€-»- 


ï^ig  Ts'ieii-mai(?), 

Wi  ^  Pa-t'a  (^ 

^  M}  ^  Tan-ma-ling  [=Tambralinga]'^', 
MB^  Kia-lo-bi  [-  Grahi  :^  Jaya]  ('>, 
è  feîl  Pa-lin-fong  [==Paiemban], 

^^  ^^  Sin-l'o    [variante  9^^  ftlL  SoMen-f'w^Sunda,   partie  occiden- 
tale de  Java], 


^H  Kieu-pi[^Kampe](^ 


^  ^  H  Lan-wou-li  [=Lamuri] ''', 

$0  ^  Si-ian  [=  Ceylan]'"'. 

Ce  pays  commença  à  avoir  des  relations  avec  la  Chine  pendant  la 
période  t'ien-yeou  (90/1-907)  des  T'ang.  Pendant  la  période  hien-long 
(960-968)  de  la  présente  dynastie  [des  seconds  Soug],  il  a  envoyé  trois 
fois  le  tribut  [d'allégeance].  La  troisième  année  de  la  période  chouen-Jioua 
(992),  il  fit  savoir  qu'il  avait  été  envahi  par  Chô-p'o  (Java)  et  suppliait 
qu'un  édit  impérial  fût  envoyé  à  leur  pays;  cela  fut  accordé. 

Dans  la  sixième  année  de  la  période  hien^'ing  (ioo3),  on  fit  savoir 
au  Trône  [impérial  de  Chine]  qu'un  temple  buddhiste  avait  été  construit 
dans  ce  pays  afin  d'y  prier  pour  [la  prolongation  de]  la  vie  de  l'empe- 
reur; et  on  exprima  le  désir  que  ce  temple  reçût  son  nom  et  une  cloche 
[de  la  cour  de  Chine].  L'empereur  donna  son  approbation  à  cette 
requête,  ordonna  que  le  temple  porterait  le   nom  de   :^  ^  H  ^ 

malaise.  Mais  ce  n'est  là  qu'une  conjecture,  car  l'identité  du  Je-Io-ting  de 
'J'chao  Jou-koua  et  du  Tch'ai-li-ting  du  Song  che  n'est  pas  certaine. 

(''  Il  s'agit  peut-être  ici  des  Bataks  de  Sumatra,  comme  l'ont  indiqué  les 
traducteurs  (p.  66,  n.  8). 

(^)  Sur  la  cote  nord-orientale  de  la  péninsule  malaise,  au  sud  de  la  baie  de 
Bandon.  Cf.  Coedès,  Le  royaume  de  Çnvijaya,  p.  16-18. 

(')  Ibid. 

(*'  Sur  la  côte  orientale  de  Sumatra. 

'^)  Dans  le  nord  de  Sumatra. 

''')  Près  de  trois  siècles  avant  la  publication  du  TcJiou  fan  tche,  Mas'udî 
écrivait  déjà  dans  les  Prairies  d'or  (t.  I,  p.  170)  :  «...  le  Maharaja  roi  des 
îles  du  Zâbag,  de  Kalab  (=Kra  de  la  péninsule  malaise),  de  Sirandi'o 
(==  Ccylan),  etc.  :  ...Lô^-^cj  i_^.joj*«j  jd5^  ^iJlS'-jlyil  J.>L«  ■^\y^X\  ".  La  ren- 
contre est  curieuse ,  mais  aucun  témoignage  historique  n'atteste  par  ailleurs 
que  Ceylan  ait  été  une  dépendance  de  Sumatra  vers  le  milieu  du  x°  siècle 
Mas'ûdï)  et  le  premier  quart  du  xui°  (Tcuao  Joh-koca). 

«A  partir  de  la  dynastie  Ming,  et  encore  de  nos  jours,  on  écrit  f^  "^ 
Si-lan55  (Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  358). 


Tch'eng-tfien-^an-chou  a  Dix  mille  années  à  recevoir  du  Ciel»  et  lit  cadeau 
d'une  cloche. 

Jusqu'aux  périodes  king-tô,  siang-fou  et't'ien-hi  (1006-1022)  et  pen- 
dant les  périodes  ijuan-yeou  et  yiian-fong  (1078-109/1),  ce  pays  envoya 
un  certain  nombre  d'ambassades  apportant  le  tribut,  et  des  messages 
impériaux  lui  furent  adi-essés  à  titre  de  louange  et  de  réconfort. 

Dans  l'est,  ce  pays  [de  San-fo-ts'i]  est  limitrophe  de  J%^^^  Jong- 
ya-lou  [=  Jëngâlâ,  à  Java],  [^'ote  :  appelé  aussi  "M.  M  Ê.  Tchong-kia- 
lou.] 

SoNG  CHE  OU  Histoire  des  seconds  Song  (960-1279), 
chap.  cccGLXxxix'''. 

San-fo-ts'i. 

XIX.  Le  ^-^  royaume  de  San-fo-ts'i  ^''  est  l'un  des  royaumes  des  Bar- 
bares méridionaux.  Il  git  entre  le  Tchen-la  (Cambodge)  et  le  Chô-p'o 
(Java)  et  étend  son  autorité  sur  quinze  pays  différents. 

(1)  D'après  W.  P.  Groeneveldt,  Notes  on  the  Malay  archipelago  and  Malacca, 
dans  Miscellaneous  papers  relating  to  Indo-China  and  the  Indian  archipelago, 
second  séries,  t.  I,  Londres,  1887,  in-8°,  p.  187  et  suiv. 

Le  Song  che,  qui  a  été  compilé  au  xiv'  siècle,  a  fait  de  très  nombreux 
emprunts  à  la  notice  sur  le  San-fo-ts'i  de  Tchao  Jod-koca.  On  s'en  convaincra 
facilement  en  comparant  les  deux  textes. 

(•-)  Il  y  a  une  question  du  ^  |^  ^ij  Kan-t'o-li  du  Leang  chou  (var.  du 
Song  chou  :  Jp  [%  ^ij  Kin-t'o-li)  que  je  ne  traiterai  pas  ici  pour  ne  pas 
allonger  démesurément  ce  mémoire.  Cf.  sur  le  sujet,  Ghokneveldt,  Notes, 
p.  185-187;  G.  Ferrand,  Le  K'ouen-louen  et  les  anciennes  navigations  traiis- 
océaniques  dans  les  mers  du  sud,  J.  As.,  XP  série,  t.  XIV,  1 9 1 9 ,  appendice  III, 
p.  288-2^11. 

(')  Dans  un  commentaire  de  ses  Notes,  GROENEyELOT  dit  (loc.  cit.,  p.  içja)  : 
«In  transcribing  the  names  of  the  différent  kings  [mentionnés  dans  lo  Song 
che,]  the  oid  JNIandarin  pronunciation  has  been  foUowed,  because  thèse 
names  were  writtou  down  at  court  and  not  carried  to  China  by  merclianls 
from  Southern  China;  we  are  howcvcr  but  very  insufficientiy  acquainled  with 
the  pronunciation  of  that  period ,  and  so  our  transcription  may  often  not  be 
quite  correct.  .  .  n  En  fait,  presque  toutes  les  restitutions  de  Guoeneveldt  sont 
fautives.  Son  San-bo-tsai,  par  exemple,  à  côté  de  la  graphie  EL  i^  ^  ■<  ^^^ 
un  pur  harharisme.  La  prononciation  de  ces  trois  caractères  sous  les  seconds 
Song  devait  être  à  peu  près  *Sam-bud-ls'ui  (fallriquée  du  troisième  caractère 
pouvant  représenter  les  palatales  sourde  et  sonore,  soit  *is'ai<::jay  ou  cay) 


Ses  produits  sont  le  rolin,  le  kino  rouge,  Je  bois  d'aloès,  les  noix 
d'arec  et  les  cocos.  On  ne  s'y  sert  pas  de  monnaie  de  cuivre,  mais  on  a 
l'habitude  de  traiter  toutes  les  transactions  commerciales  avec  de  l'or  et 
de  l'argent.  Pendant  toute  l'année,  la  température  est  ordinairement 
chaude  et  rarement  froide;  en  hiver,  il  n'y  a  ni  gelée  ni  neige.  Les  gens 
se  frictionnent  le  corps  avec  de  l'huile  parfumée.  Le  pays  ne  produit  pas 
d'orge ,  mais  il  y  a  du  riz  et  des  pois  verts  et  jaunes.  La  volaille ,  les 
oies  et  les  canards  y  sont  à  peu  près  les  mêmes  qu'en  Chine.  • 

On  y  fait  du  vin  avec  des  fleurs,  des  noix  de  cocos,  des  noix  d'arec 
ou  du  miel;  et  tous  ces  vins  enivrent,  quoiqu'ils  soient  fabriqués  sans 
levain  ni  levure  *''. 

Pour  faire  de  la  musique,  ils  ont  une  petite  guitare  et  un  petit  tam- 
bour; les  esclaves  provenant  du  K'ouen-louen  ^"'  font  de  la  musique  pour 
les  gens  du  pays,  eu  sautant  sur  le  sol  et  en  chantant. 

lis  écrivent  avec  les  caractères  sanskrits  ;  le  roi  se  sert  de  sa  bague  en 
guise  de  sceau.  Ils  connaissent  également  les  caractères  chinois  et  ils  en 
usent  lorsqu'ils  présentent  des  lettres  avec  le  tribut  [à  la  cour  de  Chine]. 

Ils  ont  construit  une  ville  fortifiée,  entourée  d'un  mur  en  briques 
superposées  qui  a  plusieurs  dizaines  de  H  de  tour:  leurs  maisons  sont 
recouvertes  avec  des  feuilles  de  palmier.  Les  habitants  vivent  disséminés 
hors  de  la  ville  et  ne  payent  pas  d'impôts.  En  temps  de  guerre,  ils  choi- 
sissent immédiatement  un  chef  pour  les  commander;  chacun  fournil 
ses  propres  armes  et  approvisionnements.  Avec  un  vent  favorable ,  on  se 
rend  de  San-fo-ts'i  à  Canton  en  vingt  jours. 

On  donne  au  roi  le  titre  de  §  .^  tchan-pei  (''.  Dans  ce  pays ,  il  y  a 
beaucoup  de  gens  dont  le  nom  de  famille  est  ^  p'ou  '*'. 


et  permet  de  remonter  à  un  original  tel  que  *Samb%ijaxja.  En  dehors  de 
quelques  cas  spéciaux,  je  ne  reviendrai  pas  sur  les  restitutions  inexactes  de 
l'auteur  des  Notes  ;  elles  ont  été  corrigées  en  partie  par  Pelliot  dans  ses  Deux 
itinéraires. 

(•'  Le  Song  che  ou  Histoire  des  seconds  Song  a  été  compilé  par  T'o-t'o  au 
Mv"  siècle  (Pelliot,  Devx  itinéraires,  p.  3o/i).  A  peine  est-il  besoin  de  faire 
remarquer  que  de  nombreux  emprunts  ont  été  faits  au  Tchoufan  tche  (XVIII, 
p.  8). 

(■^)  Il  s'agit  ici  de  nègres  de  la  côte  orientale  d'Afrique. 

(3-4)  (3)  Ce  titre  royal  est  énigmaticjue  et  inconnu  par  ailleurs.  «D'après  leLmg- 

tvai  tai  ta  [de  Tchkou  K'ih-fei,  qui  a  été  rédigé  en  1178  et  dont  le  Tchou 

fan  tche  reproduit  textuellement  de  très  nombreux  passages,]  (k.  2  ,  p.  12  r"), 

en  1  179  [lire  :  1178]  le  royaume  de  San-fo-ts'i  envoya  «un  ambassadeur  du 


Vers  la  fin  de  la  dynastie  des  T'ang,  eu  l'année  goS,  ils  ont  envoyé 
le  tribut,  et  l'ambassadeur'''  qui  était  le  gouverneur  de  leur  capilaie, 
reçut  de  l'empereur  de  Gbine  le  titre  de  fcGénéral  qui  pacifie  les  pays 


éloignes  fl. 


Dans  le  9"  mois  de  l'année  960,  [le  roi  |  ^.  ^Ij  i§J  ic  ^  M  IS 
Si-!i  hou-ta  Hia-li-tan  [=  malais  :  Sëri  kuda  Haridana?]  envoya  un 
andjassadeur  pour  apporter  le  tribut'""';  ce  qu'il  lit  encore  pendant  Télé 
de  l'année  suivante.  Pendant  l'hiver  de  961,  le  tribut  fut  présenté  par 
un  roi  appelé  ^  ^ij  ,%  Jïjj  Che-li  Wou-ye  [=  Çrî  Wuja  ?]  '''. 

Au  printemps  de  l'année  962  '*',  le  roi  Ghe-li  Wou-ye  envoya  une 
ambassade  composée  de  trois  ambassadeurs,  pour  apporter  le  tribut. 
Ils  rapportèrent  [de  leur  visite  à  la  cour  de  Ghine]  des  queues  de  yak, 

royaume  de  Tchan-pei  pour  apporter  le  tribut 75.  Or  il  semblerait  que  ce  nom 
de  Tchan-pei  fût  les  deux  fois  [,  clans  le  Ling  wai  tai  ta  et  le  Sung  che,]  celui 
du  pays  même  de  San-fo-ts'i,  qui  dans  un  cas  aurait  été  faussement  pris  pour 
le  nom  du  souverain.  Plus  tard,  YHistoire  des  Ming  (k.  324,p.  11  v°;  Grokne- 
VKLDT,  Notes,  p.  196;  ScHLECiEL,  dans  Toung  pao,  II,  u,  p.  laS)  nous  dira 
encore  que  le  royaume  de  Jambi  [sur  la  côte  orientale  de  Sumatra,  au  nord 
de  Palemban]  tire  son  nom  de  tchan-pei  qui,  dans  la  langue  du  San-fo-ts'i, 
signifie  irsouverainn  (P.  Pi:lliot,  Deux  itinéraires,  p.  346)îî.  D'après  plusieurs 
testes  arabes  :  «l'île  de  Kilah  [=Kra]  appartient  au  royaume  de  Jâba  lin- 
dieuTi  (Ibn  Houdâ^beh);  Edrîsï  s'exprime  dans  les  mêmes  termes.  Ir.N  .it-WAHDî 
dit  que  «le  roi  de  la  ville  (sic)  [de  Jàba]  s'appelle  [aussi]  Jâba"  (pour  ces 
citations,  cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  I,  p.  27,  i84,  i85;  t.  II,  p.  621). 
Il  y  a,  je  crois  bien,  une  parenté  étroite  entre  ce  nom  royal  de  Jâba  et  le  titre 
de  Tchan-pei;  mais  je  ne  sais  quel  terme  protocolaire  ils  recouvrent  et  laquelle 
de  ces  deux  transcriptions,  arabe  ou  chinoise,  reproduit  le  moins  inexacte- 
ment l'expression  indonésienne.  On  verra  plus  loin  que  les  conclusions  de  ce 
mémoire  autorisent  un  tel  rapprochemenl.  —  W    Vide  supra,  p.  9,  n.  2. 

'')  D'après  le  Wcu  liicn  l'ong  kao,  l'ambassade  arriva  à  la  cour  eu  90/1; 
l'ambassadeur  s'appelait  ^^  gpj"  ^  Pou  Ho-sou;  Méridionaux,  trad.  d'IIeuvby 
DE  Saint-Denys,  Genève,  i883,in-/i°,  p.  56 1. 

'-'  D'après  le  Wen  hien  t'ang  k'ao  [Méridionaux ,  p.  56 1),  cet  ambassadeur 
s'appelait  ^  ^  '^  Li-tche-ti. 

'■'')  Le  Wen  hien  t'ong  k'ao  (Méridionaux,  p.  502)  ajoute  ici  :  «On  apprit 
par  CCS  ambassades  que  le  royaume  de  San-fo-ts'i'  était  appelé  aussi  royaume 
de  -^  •^  Sieu-lieou.5)  J'ai  proposé  déjà  de  corriger  ^  -^  Sien-lieou  en 
!^  ■^   iMo-licou  =  Malâyu  (cf.  J.  As.,  juillet-août  1919,  p.  i65). 

''')  D'après  Ma  Touan-lin  {Méridionaux,  p.  562),  cette  auibassude  aurait  été 
envoyée  par  le  roi  ^  ^  /^  ^  jtJc  0  ^  Li-si-lin-nan-mi-je-lai  [lire 
«Mi-je-lai,  fils  de  Li-si-lin«J. 

M.  G.    FERRAND,  U 


-^3.(  18  ).e^— 

de  la  porcelaine  blanche,  des  ustensiles  en  argent,  du  fd  de  soie  et  deux 
jeux  de  selles  et  de  brides. 

En  l'année  971,  i'un  des  précédents  ambassadeurs  fut  renvoyé  [à  ia 
cour  de  Chine]  pour  y  offrir  du  cristal  et  du  naphte.  Il  revint  à  la  cour 
en  972.  En  974,  on  apporta  comme  tribut  de  l'ivoire,  de  i'encens,  de 
i'eau  de  rose,  des  dattes,  des  pêches  plates  {s{c)^^\  du  sucre  blanc,  des 
bagues  en  cristal,  des  bouteilles  en  verre  et  du  corail.  En  976,  de 
nouveaux  ambassadeurs  vinrent  [à  la  cour],  où  on  leur  fit  présent  de 
coiffures  et  de  ceintures. 

Eu  980,  le  roi  de  San-fo-ts'i  ^  ^  Hia-tch'e  [=  vieux  malais  Haji 
frroii  (-']  envoya  un  embassadeur.  La  même  année,  on  apprit  de  Tch'ao- 
tcheou  (Swatow  du  Fou-kien),  qu'un  marchand  étranger  venu  de  San- 
fo-ts'i  était  arrivé  dans  ce  port  avec  un  chargement  de  parfums,  de 
médicaments,  drogues,  cornes  de  rhinocéros  et  d'ivoire.  Par  suite  de 
vent  contraire,  il  avait  mis  soixante  jours  pour  la  traversée  de  San-fo-ts'i 
à  Tch'ao-tcbeou. 

En  983,  ie  roi  i^  ^  Hia-tcb'e  [=  vieux  malais  Haji  cfroin]  envoya 
un  ambassadeur  qui  apporta  en  tribut  du  cristal,  des  étoffes  de  coton, 
des  cornes''^  de  rhinocéros,  des  parfums  et  des  drogues **'. 

En  985,  ie  capitaine  d'un  navire  arriva  et  offrit  en  présent  des  pro- 
duits de  son  pays. 

En  988 ,  un  ambassadeur  arriva  avec  l'intention  d'apporter  le  tribut. 
Pendant  l'hiver  de  992,  on  apprit  de  Canton  que  cet  ambassadeur'"' 
qui  avait  quitté  la  capitale  de  ia  Chine  deux  ans  auparavant ,  avait  appris 
dans  ie  sud  que  son  pays  avait  été  envahi  par  le  Cho-p'o  (Java)  et  que, 
en  conséquence  de  cet  événement ,  il  était  resté  pendant  un  an  [  à  Can- 
ton]. Au  printemps  de  992 ,  l'ambassadeur  était  allé  au  Campa  avec  son 


^')  Ma  Touan-lin  (Méridionaux ,  p.  Sôa)  a  :  des  confitures  de  pêches. 

'^^  L'/i  initiai  est  tombé  en  malais  moderne. 

^^'  Le  texte  a  ^  ,  iitt.  des  dents ,  dos  défenses. 

'*'  Chavannes  (Les  Inscriptions  chinoises  de  Bodh-Gand ,  dans  Revue  hist.  des 
religions,  t.  XXXIV,  n"  1,  1896,  p.  52  ,  note,  du  tirage  à  part)  donne  le  texte 
et  ia  traduction  de  ce  passage  du  Song  che  (chap.  /iSg,  p.  5  v")  où  il  est  dit  : 
«La  huitième  année  [t'ai-p'ing-Mng-kouo  =  988],  ie  roi  de  ce  pays  [de  San- 
fo-ts'i],  Hia-tch'e,  envoya  l'ambassadeur  f^  ^f  p^  M  ^^m  ïa-t'o-lo  [=  Pu 
Ya-da-ra  ou  -la\  apporlor  en  tribut.  .  .  n 

(^'  D'après  ie  Wen  hien  l'ong  k'ao  {Méiidionaux ,  p.  669),  cet  ambassadeur 
s'appelait  f^  $]]  Pl^  ^  P'ou  ïi-t'o-li  =  Pu  Yi-da-ri  ou  -li.  C'est  probable- 
ment ie  même  que  celui  de  l'ambassade  de  988.  Voir  la  note  précédente. 


.__^(  19  yc-t— 

navire,  mais  comme  il  n'y  recueillit  pas  de  bonnes  nouvelles,  il  revint 
[en  Chine]  et  demanda  [à  la  cour]  qu'un  décret  impérial  fût  promulgué 
mettant  le  San-fo-ts'i  sous  le  protectorat  de  la  Chine. 

Eu  ioo3,  le  roi  ^.  ||  ^%  ^  JE  if^  BM  ^-  Sseu-li-fchou- 
lo-wou-ni-fo-ma-tiao-houa  [=  skr.  Çrîculamanivarmadeva]  ^''  envoya 
deux  ambassadeurs  pour  apporter  le  tribut.  Ils  racontèrent  que,  dans 
leur  pays,  un  temple  buddhique  avait  été  érigé  afin  d'y  prier  pour  la 
prolongation  de  la  vie  de  Tempereur;  ils  demandaient  que  l'empereur 
lui  donnât  un  nom  et  [fît  présent]  de  cloches  pour  le  temple;  l'empe- 
reur montrerait  ainsi  qu'il  faisait  cas  de  leurs  bonnes  intentions.  On 
promulgua  un  décret  par  lequel  le  temple  reçut  le  nom  de  Tch'eng-fien- 
wan-chou  et  des  cloches  furent  fondues  pour  être  données  aux  ambassa- 
deurs ^"\  En  outre,  l'un  des  ambassadeurs  reçut  le  titre  de  n-Général 
qui  est  attiré  par  la  vertu n  et  l'autre,  celui  de  ff Général  qui  aime  ardem- 
ment l'influence  civilisafriccw. 

En  1008,  le  roi  ,g,  MB%  ÉC  (s?c)  Sseu-ii  Ma-lo-p'i  [=Çrïmâ- 
Ttwijaj/ottuhgavarman]  envoya  trois  ambassadeurs  pour  offrir  lo  tribut. 
On  leur  permit  de  se  rendre  au  T'ai-chan  (l'une  des  montagnes  saintes 
de  la  Chine,  dans  le  Chan-tong)  et  de  se  trouver  en  même  temps  que 
l'empereur  dans  la  salle  d'audience.  Finalement,  ils  furent  renvoyés 
[dans  leur  pays,  après  avoir  reçu]  de  généreux  cadeaux. 

En  1017,  le  roi  M'MM  ^^h  Ëï  M  Hia-tch'c  Sou-wou-lch'a- 
p'ou-mi  [=Haji  Sumatrabhumi  crie  roi  de  la  terre  de  Sumatrai^^'] 

(')  Ce  nom  royal  et  le  suivant  ont  été  restitués  par  CoeoÈs ,  Le  royaume  de 
Çnvijmja,  p.  7. 

W   Vide  supra,  p.  iA-i5. 

'^)  Pour  cette  restitution,  cf.  ma  note  :  La  pltis  ancienne  mention  du  nom  de 
file  de  Sumatra,  dans  J.  As.,  W  série,  t.  IX,  1917,  p.  33 1-335  et  la  cor- 
rection, au  sujet  du  caractôrc  ^  tvou,  dans  Le  K'ouen-hmcn  et  les  anciennes 
navifjations  inierocéaniqxiea  dans  les  tners  du  sud  [ibid.,  t.  XllI,  1919,  p.  377- 

278)- 

ffQue  Samudra,  Sumatra,  sijpiifie  l'île  de  VOce'an,  dit  Rouffaeu,  et  soit  à 

identifier  avec  la  ville  de  Samudra  sur  la  rivière  de  Pasei  de  la  côte  orientale 
de  Acch,  c'est  ce  dont  proscjue  personne  no  doute»  {Oudlwikundige  opmer- 
kingen,  dans  Bijdragcn  t.  T.,  L.  en  Volkenkimde  v.  Nederlandsch-Indië ,  decl  74, 
1918,  p.  i38).  J'imagine,  au  contraire,  que  celte  interprétation  ne  doit  pas 
avoir  beaucoup  de  partisans.  Le  skr.  samudra  signifie  bien  frmer,  océanw;  mais 
on  n'a  pas  encore,  à  ma  connaissance,  apporté  le  témoignage  qu'une  île  déter- 
minée a  été  jamais  appelée  *samndr(idripa  rîle  de  la  mer-o  et  que  c<^t  étrange 
toponymc  a  désigné  file  entière  ou  la  partie  septentrionale  de  Sumatra.  Dans 


envoya  des  ambassadeurs  avec  une  lettre  écrite  en  lettres  dore'es  et  un 
tribut  sous  forme  [de  présents  comprenant]  des  perles,  des  livres  san- 
skrits plies  entre  des  plancbettes  et  des  esclaves.  Par  édit  impérial ,  ils 
furent  autorisés  à  voir  l'empereur  et  à  visiter  quelques  édifices  impé- 
riaux. Lorsqu'ils  retournèrent  [dans  leur  pays],  on  promulgua  un  édit 
adressé  à  leur  roi  et  on  leur  remit  différents  présents  dans  le  but  de  lui 
être  agréable. 

En  1028,  au  S'  mois,  le  roi  ^  i^^  ^  ^  Che-li-tie-houa  [=Çrï- 
deva]  envoya  des  ambassadeurs  pour  porter  le  tribut.  Habituellement, 
.'es  ambassadeurs  venant  de  pays  éloignés  recevaient  une  ceinture  ornée 
d'or;  mais,  cette  fois,  on  donna  aux  ambassadeurs  de  San-fo-ts'i  des 
ceintures  entièrement  en  or. 

En  )  0(57,  arriva  en  Chine  un  ambassadeur  qui  était  l'un  des  plus 
haut  dignitaires  de  Sau-fo-ls'i  et  s'appelait  M  ^  {{iD  ^  Ti-houa  k'ie  lo 
[=DevakalaJ.  On  lui  conféra  le  litre  de  Grand  Général  qui  maintient 
l'obéissance  et  qui  aime  ardemment  le  renouvellement.  On  lui  accorda 
un  édit  impérial  conçu  en  ces  termes  :  cf  Notre  réputation  et  Nos  eusei- 

un  travail  postérieur  (un  important  mémoire  également  publié  dans  les 
Bijdragen,  que  je  n'ai  pas  encore  eu  le  temps  délire  à  loisir),  I^ouffaer  y 
revient  à  propos  du  présent  roi  de  San-fo-ts'i  :  Haji  Sumatrabhûmi.  L'auleur 
rappelle  l'interprétation  que  j'en  ai  donnée  et  ajoule  :  «d'après  moi,  [ce  com- 
plexe désigne]  plus  exactement  un  l^oi  du  pays  de  Samudra,  c'est-à-du'c  du 
pays  de  la  mer,  c'est-à-dire  du  pays  de  Tasik  [en  malais  «mer»],  Tëviasik, 
Tumasik  [formes  infixées  de  Tasik],  autrement  dit  de  l'de  de  Singapour;' 
^Was  Malaka  emi^orium  voor  lâoo  A.  D.  genaamd  Malajoer?  dans  Bijdragen, 
deel  77,  1921,  p.  75).  L'objection  est  la  même  que  dans  le  premier  cas  : 
comment  l'ile  de  Singapour  puurrail-eile  être  appelée  «pays  de  i'océan»  ?  Ce 
loponyme  est  aussi  impossible  que  le  précédent  :  une  île  déterminée  ne  peut 
pas  plus  être  dénommée  «Océanj)  que  «Terre  de  l'océan»,  surtout  quand 
(fOcéann  s'applique  au  nord-est  de  Sumatra  et  «Terre  de  Tocéann  à  Tite  de 
Singapour.  Le  ]\ àgarakërlàgama  (3°  édit.,  p.  5i)  a  bien  Tumasik,  qui  a  été 
identifie  à  Singapour  et  Johor  {ibid.,  p.  :2Go)  et  qui  est  sans  doute  le  |^  ^ 
^^  Ta7i-ma-si  du  Tao  yi  tche  lio  (notice  consacrée  au  j"^  Sien,  pron.  anc. 
*Syam,  l'ancien  royaume  de  Sukotliai,  dans  Rockuill,  JMotes  on  the  relations 
and  trade  oj  China,  T'uung  pao ,  t.  XV,  1916,  p.  100);  mais  il  n'est  aucune- 
ment démontré  qu'il  s'agisse  ici  d'une  île  qui  aurait  été  appelée  initialement 
Samudra  «la  mer,  l'océann.  Je  ferai  remarquer,  enfin,  que  le  premier  carac- 
tère du  toponyme  en  question  est  sou  =  su,  comme  celui  de  toutes  les  autres 
notations  chinoises  et  arabes  qui  transcrivent  le  nom  de  l'iie  et  de  l'état  suma- 
Iranais  de  la  côte  nord-est  [vide  injra,  LXXIK,  extrait  du  ms.  aa99,  la  note 
à  propos  du  nom  de  l'dc  de  Sumuira,  p.  81  ). 


gnemenls  projettent  leur  ombre  sur  tous  les  pays,  proches  ou  lointains; 
si  les  représentants  de  ces  pays  sont  seulement  loyaux  et  soumis,  Nous 
leur  donnons  toujours  des  titres  chinois,  en  leur  accordant  des  noms 
distingués  dans  le  but  de  marquer  notre  estime  pour  leur  pays.  Vous 
vous  êtes  joyeusement  soumis  à  Notre  haute  influence  et  vous  êtes  venus 
à  travers  la  mer,  pour  apporter  en  tribut  des  objets  précieux.  Nous  vous 
louons  de  cela  et  Nous  vous  avons  élevé  en  dignité  pour  vous  encourager 
à  être  loyal  et  soumis.  « 

Pendant  la  \)éviode  yuan-fong  (1078-1085),  des  ambassadeurs  vin- 
rent de  San-fo-ts'i  apportant  encore  de  l'argent,  des  perles,  de  l'huile 
de  camphre,  de  l'encens  et  d'autres  produits  du  pays.  La  lettre  qu'ils 
ap[)ortaient  fut  d'abord  envoyée  à  la  cour,  de  Canton  où  ils  attendaient 
que  [l'ordre  vînt]  de  les  faire  escorter  jusqu'à  la  capitale.  L'empereur 
se  rappelant  qu'ils  venaient  de  très  loin,  leur  donna  de  généreux  pré- 
sents et  les  autorisa  ensuite  à  s'en  retourner.  L'année  suivante,  il  leur 
donna  6/1.000  ligatures  de  monnaie  de  cuivre,  iS.ooo  laels  d'argent  et 
il  accoi-da  aux  deux  ambassadeurs  des  titres  honorifiques.  L'un  d'eux 
demanda  la  permission  d'acheter  des  ceintures  d'or,  différents  objets  en 
argent,  des  vêtements  de  pourpre  pour  moines  buddhistes  et  des  tablettes 
officielles^''  :  tout  cela  lui  fut  donné  comme  il  le  désirait'^'. 

En  1080,  un  étranger  du  sud  arriva  à  Canton.  Il  (Ht  qu'il  avait  la 
direction  des  affaires  dans  son  pays.  La  fdle  du  roi  envoya  [par  son 
intermédiaire]  une  lettre  en  caractères  chinois  au  surintendant  du  com- 
merce avec  [,  en  présent,]  du  camphre  de  Baros  et  des  cotonnades.  Le 
surintendant  n'osa  recevoir  ni  lettre  ni  présent  et  il  fît  un  rapport  au 
Trône;  sur  quoi  il  reçut  l'ordre  de  payer  ces  marchandises  à  leur  valeur. 
Le  surintendant  acheta  alors  de  la  soie  pour  une  valeur  égale  à  celle  des 
objets  donnés  en  présent ,  et  la  remit  à  l'étranger  en  question. 

En  1083,  trois  ambassadeurs  vinrent  de  San-fo-ls'i  pour  obtenir 
audience  de  l'empereur;  ils  apportaient  des  fleurs  de  lotus  en  or  ornées 
de  perles,  du  camphre  de  Baros  et  [ils  accomplirent  la  cérémonie  appe- 
lée] ^  ^  sa-tien  ^''.  On  leur  conféra  des  titres  honorifîquos  d'après  leur 
grade  personnel.  Le  troisième  ambassadeur  mourut  en  Chine,  après 

(>)   ÉiH  ^  •  Le  sens  de  ces  mots  n'est  pas  clairn  (Groeneveldt). 

(2)  Sans  qu'il  eût  rien  à  payer,  ajoute  le  Wen  hien  t'ong  k'ao  (  Méridionaux , 

p.  565). 

W  GuoENEVELnT  na  pas  compris  ce  passage,  qui  est  plus  explicite  clans  le 
Wen  hien  t'ong  k'ao  (Méridionaux ,  p.  505  et  n.  20).  Cette  cérémonie  consiste 
à  répandre  du  camphre  cl  des  perles  sur  les  degrés  du  Irône  de  l'empereur. 


avoir  quilié  la  capitale.  Le  g-ouvernement  chinois  fit  présent  de  cinquante 
pièces  de  soie  pour  ses  obsèques. 

En  io83,  trois  autres  ambassadeurs  arrivèrent;  il  leur  fut  conféré  à 
tous  des  titres  honorifiques  d'après  leur  grade  personnel. 

Pendant  la  période  chno-cheng  (109/1-1097),  une  ambassade  vint 
encore. 

En  11 56,  le  roi  ^  ^ij  B,M%  I^.'È  Si-li  ma-hia-lo-cho  [=  skr. 
Çaîmahârâja  >  malais  Sëri  Maharaja]  envoya  des  ambassadeurs  pour 
apporter  le  tribut.  L'empereur  dit  :  ff  Lorsque  des  gens  éloignés  se  sen- 
tent attirés  par  Notre  influence  civilisatrice,  on  doit  louer  leur  discerne- 
ment. C'est  de  cela  que  Je  me  réjouis,  mais  non  pas  parce  que  Je  veux 
tirer  bénéfice  des  produits  de  leur  pays.n  A  cette  occasion,  le  roi  de 
San-fo-ts'i  avait  également  envoyé  des  perles  pour  être  remises  en  pré- 
sent à  l'un  des  ministres  chinois  qui  mourut  à  ce  moment.  L'empereur 
donna  l'ordre  de  recevoir  les  perles  et  de  remettre  une  somme  égale  à 
leur  valeur^*'. 

En  1178,  on  envoya  encore  des  ambassadeurs  pour  apporter  en  tri- 
but, des  produits  du  pays.  A  cette  occasion,  l'empereur  promulgua  un 
édit  prescrivant  que  [les  envoyés  de  San-fo-ts'i]  ne  viendraient  plus  à  la 
cour  et  s'installeraient  à  Ts'iuan-tcheou  du  Fou-kien  ^^'K 

SoNG  CEE  ou  Histoire  des  seconds  Song,  chnp.  ccccxc,  dans 
Ed.  Chavannes,  Les  inscriptions  chinoises  de  Bodh-Gmjâ  (^Revue 
de  l'histoire  des  religions,  t.  XXXIV,  1896,  p.  Ba). 

XX.  La  huitième  année  t'ai-p'ing-hing-kono  =^  ^83 ,  le  religieux  f^ 
j^  Fa-yu,  revenant  de  l'Inde  où  il  avait  été  chercher  des  livres  sacrés, 

(')  Le  Wen  hien  fong  k'ao  mentionne  entre  l'ambassade  do  11 56  et  celle 
de  1 178  une  ambassade  dont  ne  parle  pas  le  Song  che  :  «La  8°  année  kion-lao 
(1173),  le  roi  [de  San-fo-ts'i]  sollicita  l'autorisation  d'acheter  du  cuivre,  d'en 
faire  charger  un  batetu  et  d'engager  aussi  à  son  service  un  cerlain  nombre 
d'ouvriers  chinois  sachant  fabriquer  dos  tuiles  avec  ce  métal.  L'empereur 
donna  son  consentement,  mais  sous  ia  condition  que  cette  demande  ne  serait 
pas  renouvelée.» 

'^)  Le  gouverneur  do  Ts'iuan-tcheou  les  recevrait  désormais  et  leur  servi- 
rait d'intermédiaire  {Wen-}den  t'ong  k'ao,  Méridionaux,  p.  566).  Ma  Touan- 
LiN  ajoute  {ibid.)  :  a  Le  roi  de  San-fo-ts'i  fit  connaître  [par  l'ambassade  de 
1178]  (|u'il  avait  succédé  à  son  père  depuis  la  k"  année  kien-tao  (1169).  Aus- 
sitôt l'investiture  lui  fut  donnée ,  avec  la  confirmation  de  tous  les  titres  dont 


arriva  à  H  f^  ^  San-fo-ts'i  et  y  rencontra  le  religieux  hindou  §^  J^ 
fi  ^  ^  Mi-mo-lo-che-li  (=  Vimalaçrl),  qui,  après  un  court  entre- 
tien, le  chargea  d'une  requête  dans  laquelle  il  exprimait  son  désir  de  se 
rendre  dans  le  Royaume  du  Milieu  ^'^  et  d'y  traduire  les  livres  saints. 
L'empereur  eut  la  bonté  de  rendre  un  édit  pour  l'appeler  auprès  de  lui. 
Fa-yu  quêta  ensuite  des  aumônes  pour  fabriquer  un  dais  précieux  et  un 
kasâija.  Gomme  il  se  proposait  de  retourner  eu  Inde,  il  demanda  qu'on 
lui  remît  des  lettres  officielles  pour  les  royaumes  qu'il  devait  traverser. 
[L'empereur]  lui  donna  donc  des  lettres  pour  iH  ^  Hia-tche  [p=  vieux 
malais  Haji  cfroii],  roi  du  pays  de  ^  f^  ^  San-fo-ts'i:  pour  ^  ^ 
fo  Ê"  Sseu-ma-ki-niang '"\  souverain  du  pays  de  ^  "é"  ^  Ko-kou- 


ses  ancêtres  avaient  joui  et  avec  les  présents  consistant  en  habits  de  cérémo- 
nie, ceinture  d'or,  chevaux,  selles,  soieries,  tracUtionnellemcnt  accordés  aux 
princes  de  son  rang  à  l'occasion  de  leur  avènement.» 

(1)  La  Chine. 

('^'  Dans  la  notice  i4  consacrée  au  Cho-p'o  =  Java ,  Tciiao  Jou-koda  dît  : 
(T Comme  mandarins,  il  y  a  [dans  ce  pays]  des  ^  >Sj  '^  ^  f n  jÈ  **''"" 
ma-kie-lo-ki-licn  qui  administrent  ensemble  les  affaires  du  royaume;  ils  sont 
comme  les  ministres  en  Chine»  (Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  3ii;  cf.  Chau 
Jur-kua,  p.  76).  Le  Si  ya»g  tch'ao  kong  tien  luii  de  Hooang  Sing-ts'eng  (1620) 
contient  une  notice  sur  Pahan  (côte  orientale  de  la  péninsule  malaise),  où 
une  note  au  texte  dit  :  wEn  l'année  1879,  P'eng-heng  (Pahaù)  envoya  à  la 
cour  de  Chine  ime  ambassade  avec  une  requête  [gravée]  sur  une  feuille  d'or 
et  un  présent  d'esclaves  et  de  divers  objets.  En  l'année  1/11  A,  il  envoya  le 
haut  fonctionnaire  ^  ||t  (11  P^  â'ù  M  Sou-ma-kou-mm-li-li  et  d'autres  avec 
le  tribut»  (Hockhill,  Notes  on  the  relations  and  trade  oj  China  with  the  eastein 
Archipelago  and  the  cnast  of  the  Indian  Océan  duiing  the  fourteenth  century, 
dans  T'oung pao ,  t.  XVI,  1916,  p.  131,  note).  De  ces  deux  litres,  la  seconde 
partie  du  premier  :  lo-ki-lien  a  été  correctement  restituée  en  j-rtAri/aw  (Pelliot, 
Deux  itinéraires,  p.  3ii-3ia),  qui  est  bien  connu  en  vieux-javanais  et  vieux- 
malais  {vide  infra  l'inscription  de  Banka);  les  trois  derniers  caractères  du 
second  :  jnen-ft-/î  représentent  le  titre  malais  mëntëri-<.  skr.  mantri  «ministre». 
Dans  les  deux  cas ,  les  trois  premiers  caractères 

sseu-ma-kie  lo-ki-lien  =  rakryan 
suu-ma-kou  men-ti-li  =  mëntSri   . 

sont  évidemment  apparentés,  mais  je  ne  sais  quel  terme  protocolaire  indoné- 
sien ils  transcrivent.  IIutTii  et  Rockhill  ont  traduit  le  passage  précité  du  Tchou 
fan  tche  :  (tOf  officiais  tliey  hâve  Ssi-ma-kié  (and)  Lo-ki-lien ...  n  (p.  7G), 
mais  cette  interprétation  ne  se  justifie  pas.  Pklliot  [ibid. ,  p.  3 11)  avait 
remarqué  déjà  que  le  Song  chc  et  le  Won  hien  t'ong  k'ao  (cf.  Méridionaux 


lo;  pour  ^  iH  H  Tsan-tan-lo  [=Candra]  du  pays  de  ^  ^  Ko-lan 
[=Kûlam  des  textes  arabes,  le  Quilon  de  nos  cartes],  et  pour  |^  ,^|ç 
fllj  Mou-t'o-sien  [=- Mudiasena],  fils  du  roi  de  l'Inde  de  l'Ouest;  on  le 
fit  partir  muni  de  ces  lettres. 

MiNG  CUE  OU  Histoire  des  Ming  (  1 3  6  8- 1 6  /i  3  ) , 
livre  CCCXXIV  (i). 

San-fo-ts'i. 

XXI.  San-fo-ts'i,  appelé  autrefois  ^  |ï^  ^ij  Kan-to-li^-',  envoya 
pour  la  première  fois  des  ambassadeurs  apporter  le  tribut  sous  le  règne 
de  l'empereur  Hiao-wou  de  la  dynastie  des  premiers  Song  [h^h-h'ok). 
Pendant  le  règne  de  l'empereur  VVou  de  la  dynastie  des  Leang  (5o2- 
669),  ils  revinrent  à  plusieurs  reprise^;;  et  à  l'époque  de  la  dynastie 
des  seconds  Song  (960-1279),  ils  apportèrent  le  tribut  sans  arrêt. 

En  1870,  l'empereur  de  Chine  envoya  un  ambassadeur  [au  roi  de 
San-fo-ts'iJ  pour  enjoindre  à  celui-ci  de  se  faire  représenter  [à  la  cour 
chinoise  par  une  ambassade].  L'année  suivante,  le  roi  qui  était  appelé'^' 
^  Ki  M  ^L  A  M  h  Ma-ha-la-tcha  pa-la-pou  [=  indonésien  Maha- 
raja Prabhu],  envoya  des  ambassadeurs  portant  une  lettre  écrite  sur 
une  feuille  d'or  et  apportant  en  tribut  des  ours  noirs,  des  cssoars,  des 
paons,  des  perroquets  de  différentes  couleurs,  plusieurs  sorles  de  par- 

p.  497)  ont  seulement  lo-ki-lien  au  Heu  de  sseu-ma-kie  lo-ki-lien;  le  passa{Te 
parallèle  du  Si  yang  tch'ao  hong  tien  lou  vient  lieureuseraent  résoudre  une  par- 
tie de  l'énigme  :  c'est  sseu-ma-kie  qu'il  faut  lire;  les  deux  premiers  caractères 
tseu-ma,  complexe  chinois  signifiant  tfchef  militaire,  général",  sont  hors  de 
cause. 

Le  Ko-kou-io  du  Song  che  qui  est,  sous  une  autre  graphie,  identique  au 
^  ^  ^  Ko-kou-lo  de  Ku  Tan  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  son 
homonyme  le  âJjIs  Kâkula  de  Ibn  Batûta,  est  à  situer  sur  la  côte  occidentale 
de  la  péninsule  malaise.  Le  nom  du  souverain  de  ce  pays  :  Sseu-ma-ki-raang, 
semble  bien  devoir  être  lu  :  Sseu-ma-ki  Maug,  le  premier  terme  de  ce  nom 
ou  titre  royal  étant  à  rapprocher  du  Sseu-ma-kie  du  T chou  fan  tche  et  du  Sou- 
ma-hou  du  Si  yang  tch'ao  kong  tien  lou. 

(')  D'après  Groeneveldt,  Notes,  lue.  cit.,  p.  199  et  sulv. 

'^)  Pour  le  Kan-t'o-li,  cf.  l'appendice  III  de  mon  mémoire  sur  Le  K'ouen- 
louen  et  les  anciennes  navigations  interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud,  dans 
J.  As.,  XI"  série,  t.  XIV,  1919,  p.  238-aii,  et  supra,  p.  i5,  n.  2. 

(■■'>  Il  faut  cnlt'ndre  :  (jui  portait  le  titre  de  Maharaja  Prabhu. 


--M.(    25    ).€^— 

fums,  (le  l'étoffe  ,"2^  pi ,  des  couverlures  en  laine  et  hraucoup  d'aulres 
objets.  LVnipereur  ordonna  de  leur  donner  une  copi(î  de  Talmanacli 
impérial  el  des  pièces  de  soie  [en  nombre  variable]  suivant  leur  grade. 
En  même  temps,  le  ministère  des  Finances  fit  savoir  qu'un  navire  avec 
des  marchandises  leur  appartenant,  était  arrivé  à  Ts'iuan-tcheou  [du 
Fou-kien]  et  voulait  leur  faire  payer  dos  droits  ;  mais  l'empereur  pres- 
crivit de  ne  rien  leur  faire  payer. 

En  1873,  le  roi  '\^  B  \^  M  M  ^  Ta-raa-cha-na-a-tcbô;') 
envoya  des  ambassadeuis  pour  porter  le  tribut,  avec  une  lettre  spéciale 
de  félicitation  pour  le  nouvel  an  suivant. 

A  cette  époque,  il  y  avait  trois  rois  dans  ce  pays. 

En  187/1,  le  roi  Mj  M  ^  ^  ^  ^  Ma-na-ha  Pao-lin-panj;-  [=  Ma- 
haraja (le  Palembaù]  envoya  des  ambassadeurs  pour  apporter  le  tribut, 
ce  qu'on  fît  également  le  1  ""  mois  de  l'annt'e  suivante. 

Au  9'  mois  de  l'année  1875,  le  roi  appelé  ff"  '({[JI  ^J,  ^  ^  Seng- 
h'ia-lie-yu-lan^-^  envoya  des  ambassadeurs  pour  appoi'ter  le  tribut.  Ces 
ambassadeurs  vinrent  à  la  cour  en  suivant  un  envoyé  impérial  qui  reve- 
nait de  mission  dans  un  autre  pays. 

En  1876,  le  roi  Ta-ma-cha-na-a-tchô  mourut  et  son  fils,  lit  §f)  ^ 
3?  M.  Ma-na-tchô  AYou-li  [=  Maharaja  Wuli  ou  Wuni?]  lui  succéda. 
L'année  suivante,  ce  dernier  envoya  en  tribut  des  cornes  de  rhinocéros, 
des  casoars,  des  singes  blancs,  des  perroquets  noirs  et  verts,  de  l'écailIe 
de  tortue,  du  girolle,  du  camphre  de  Baros  et  d'autres  objets.  Les 
ambassadeurs  dirent  que  le  fils  n'osait  pas  monter  sur  le  trône  de  sa 
propre  autorité,  c'est  pourquoi  il  en  demandait  la  permission  à  la  cour 
impériale.  L'empereur  fit  i'éloge  de  son  sentiment  du  devoir  et  ordonna 
à  des  envoyés  impériaux  de  lui  porter  un  sceau  et  un  brevet  de  roi  de 
San-fo-ts'i. 

Cependant,  à  cette  époque,  San-fo-ts'i  avait  été  déjà  conquis  par  J^ 


(')  GnoENEVELDT  a  lu  inexactement  Ta-ma-cha-na-a. 

(')  D'après  le  Yuan  che  (XXIX,  22°;  XXX,  2',  20°),  le  roi  de  Java  envo\a 
en  i3:'.5,  en  ambassade  en  Chine,  un  ministre  appelé  ^  ^"(J  f^  ^  W  .rfjji 
Si-la  6'ertg--Â.'ù(-/i-(/r' =  javanais  Sira  San  kaliya  (1).  En  i332,  une  autre  ambas- 
sade avait  à  sa  tête  un  ministre  du  nom  de  f^  ^  ^'|j  Seng  k'ia-la,  Htt.  San 
Gala  (ou  Kala)  (Yuan  che,  XXX,  21';  XXXVi,  4'').  Gomme  l'a  conjecturé 
WocKwiLL  (Notes  on  tlie  relations  and  trade,  dans  T'oung  pao,  t.  XV,  191^, 
p.  A/16-A/17),  il  s'agit  très  vraisemblablement  du  même  personnage.  Le  nom 
de  raml)assadeur  javanais  est  sans  doute  le  même  que  celui  du  roi  du  San-fo- 
ts'i,  mais  je  n'ai  pas  réussi  à  les  restituer. 


-•->.l 


(  26  } 


P^  Tchao-wa'*'.  Le  roi  de  ce  dernier  pays  apprenant  que  l'empereur 
de  Chine  avait  nommé  un  roi  de  San-fo-ts'i,  en  fut  extrêmement  irrité; 
il  envoya  des  gens  qui  guettèrent  au  passage  et  assassinèrent  les  envoyés 
impériaux.  L'empereur  ne  pensa  pas  qu'il  fût  juste  de  punir  le  roi  de 
Java  pour  cela. 

Après  cet  incident ,  San-fo-ts'i  devint  ce  plus  en  plus  pauvre  et  on 
n'apporta  plus  le  tribut  de  ce  pays. 

En  1897,  les  fonctionnaires  du  ministère  des  Rites  adressèrent  un 
mémoire  à  l'empereur,  disant  que  différents  Barbares  n'avaient  pas 
apporté  le  tribut  depuis  longtemps. 

L'empereur  répondit  en  ces  termes  :  ffAu  commencement  de  mon 
règne,  les  différents  Barbares  envoyaient  sans  cesse  des  ambassadeurs 
avec  le  tribut;  parmi  ces  Barbares  étaient  les  pays  d'Annam ,  du  Campa , 
du  Cambodge,  du  Siam,  de  Java,  de  Lieou-k'ieou '-',  de  San-fo-ts'i,  de 
[la  côte  septentrionale  de]  Bornéo,  de  Pahan,  de  [l'état  de]  Sumatra 
[sur  la  côte  nord-est  de  l'île  du  même  nom]  et  de  beaucoup  d'autres 
pays;  mais,  récemment,  San-fo-ts'i  se  prévalut  de  la  révolte  de  Hou 
Wei-yong  et  induisit  en  erreur  nos  envoyés  dans  ce  pays  par  de  faux 
rapports.  En  apprenant  cela,  le  roi  de  Java  envoya  des  gens  pour  faire 
remarquer  aux  envoyés  impériaux  qu'ils  avaient  été  trompés  et  on  les 
renvoya  [en  Chine]  avec  la  plus  grande  courtoisie.  Depuis  cette  époque, 
les  relations  commerciales  ont  cessé. 

(1)  Le  Tao  yi  tche  lio  de  Wang  Ta-yuan  (18/19)  contient  iino  notice  consa- 
crée à  Tchao-wa  =  Java  —  Rockuill  {Notes  un  the  relations  and  trado,  dans 
Toung  pao,  t.  XVI,  191 5,  p.  286)  a  imprimé  la  leçon  fautive  habituelle  )^ 
pi  Koua-wa  pour  jj^  |  Tchao-wa  qui  est  sans  doute  celle  du  texte  chinois 
—  où  il  est  dit  :  «C'est  le  royaume  de  |g  ^  Chô-p'o  d'autrefois. w  La  gra- 
phie I§  M  se  prononçait  sous  les  T'ang  *Z'a-b<va  ^dJawa;  au  xiu°  siècle, 
ces  deux  caractères  avaient  une  prononciation  à  peu  près  identique  à  celle  du 
chinois  mandarin  moderne  :  Chô-p'o,  qui  n'avait  plus  qu'une  lointaine  relation 
phonétique  avec  le  nom  de  la  grande  île  indonésienne.  Par  un  louable  souci 
de  rendre  aussi  fidèlement  que  possible  le  toponyme  étranger,  les  Chinois 
adoptèrent  une  nouvelle  transcription  :  Tchao-wa,  phonétiquement  Cao-wa, 
qui  représente  exactement  Jawa,  au  timbre  de  la  palatale  près,  sonore  en 
indonésien ,  sourde  en  chinois.  L'emploi  du  caractère  ^  tchao  -<  indonésien 
ja,  répond  à  une  particularité  de  Teuphonie  chinoise  d'après  laquelle  on  choi- 
sit de  préférence  un  mot  dont  le  phonème  final  soit  en  harmonie  avec  Tini- 
tiale  de  la  syllabe  suivante,  soit  tcha-o -{- iva  =  jawa. 

(2)  Sur  ce  pays,  cf.  l'appendice  I  de  mon  mémoire  Malaka,   le  Malàyu  et 
Malâyur,  dans  ./.  As.,  XI'  série,  t.  XII,  1918,  p.  126-1 33. 


---«.(  27  )k-^— 

ffLcs  (lidiireuts  pays  n  ont  pas  îa  même  mentalité  :  l'Annam,  le  Campa, 
le  Cambodge,  le  Siam  et  le  Lieoii-k'ieou  se  rendent  à  la  cour  et  apportent 
le  tribut  comme  par  le  passe';  mieux  encore,  le  Lieou-k'ieou  a  envoyé 
des  jeunes  gens  qui  viennent  s'instruire  ici.  Toutes  les  fois  que  les  pays 
barbares  envoient  des  ambassadeurs,  ceux-ci  sont  toujours  traités  avec 
courtoisie  et  Je  ne  suis  en  aucune  façon  indifférent  .à  leur  égard  ;  mais , 
actuellement.  Je  ne  connais  pas  leur  mentalité.  Si  Nous  envoyons  actuelle- 
ment des  porteurs  de  message  à  Java,  il  est  à  craindre  que  Saa-fo-ts'i 
ne  les  arrête  en  route.  Je  suis  informé  que  ce  San-fo-ts'i  était  initiale- 
ment un  pays  appartenant  à  Java.  Prenez  donc  note  de  ma  manière  de 
voir  et  faites-en  part  au  Siam,  en  lui  enjoignant  de  la  faire  connaître  à 
Java. n 

Sur  ce,  le  ministère  des  Rites  envoya  une  lettre  ainsi  conçue  : 
ff Depuis  que  le  ciel  et  la  terre  existent,  la  différence  entre  souverain  et 
sujet,  entre  haut  et  bas,  a  toujom's  existé.  Les  pays  qui  se  trouvent 
autour  de  la  Chine  sont  réunis  en  un  seul  par  notre  gouvernement  et 
autrefois  les  différents  Barbares  d'au  delà  de  la  mer,  venaient  régulière- 
ment jouir  de  son  influence.  Actuellement,  le  San-fo-ls'i  a  eu  de  mau- 
vaises intentions,  il  a  trompé  nos  fidèles  envoyés  impériaux  et  s'est 
rendu  coupable  de  trahison.  Notre  saint  Empereur  traite  tous  les  Bar- 
bares avec  la  même  bienveillance  et  justice;  comment  osent-ils  être 
ingrats  pour  ces  hautes  faveurs  et  oublier  les  devoirs  d'un  sujet  envers 
son  prince?  Si  la  colère  de  l'empereur  est  éveillée,  il  peut  envoyer  une 
armée  de  cent  mille  hommes  pour  mettre  à  exécution  la  punition  du 
ciel,  ce  qui  lui  est  aussi  facile  que  de  retoui'ner  la  main.  Pourquoi  ks 
Barbares  ne  se  raj)pellent-ils  pas  de  cela?  Notre  saint  Empereur  a  dit 
que  l'Annam,  le  Campa,  le  Cambodge,  le  Siam  et  le  Lieou-k'ieou  rem- 
plissent leurs  devoirs  de  sujets,  mais  le  San-fo-ls'i  seul  se  retourne 
contre  les  saintes  instructions  de  l'Empereur.  Quoi<ju'i]  soit  plus  petit 
que  les  autres  pays  précités,  il  se  risque  à  être  rebelle  :  il  sera  ainsi  la 
cause  de  sa  propre  ruine.  Mais  vous,  Siam,  comme  vous  remphssez 
respectueusement  vos  devoirs  de  sujet;  comme  le  gouvernement  prescrit 
parle  Ciel  vous  a  en  grande  estime,  il  vous  confie  le  soin  d'informer 
Java  que  ce  dernier  pays  doit  parler  au  San-fo-ts'i  de  ses  devoirs  [envers 
l'empereur]  et  de  lui  faire  savoir  que  si  celui-ci  modifie  ses  mauvais  pro- 
cédés, il  sera  aimablement  reçu  à  la  cour  comme  par  le  passé." 

A  cette  époque,  Java  avait  conquis  le  San-fo-ts'i  tout  entier  et  changé 
son  nom  en  celui  de  ^  f^  Kicou-kiang^''.  Lorsque  le  San-fo-ts'i  fut 

(')  Litt.  ffle  vieil  estuaire»,  le  vieux  port. 


-^{  28  )<^ 

ballu,  il  y  eul  des  troubles  dans  tout  le  pays  et  les  Javanais  ne  purent 
pas  l'occuper  entièrement.  En  raison  de  cela,  les  Chinois  qui  étaient 
établis  là,  se  révoltèrent  pour  leur  propre  compte,  et  un  Cantonnais  de 
Nan-hai,  appelé  ^  ^1;  Oj]  Leang  Tao-ming,  qui  avait  vécu  pendant 
longtemps  et  erré  sur  la  mer,  et  qui  avait  l'appui  de  plusieurs  milliers 
d'hommes  du  Fou-kien  et  de  Canton,  fut  choisi  par  eux  comme  chef. 
Il  régna  comme  maître  d'une  partie  du  pays,  et  son  fils  qui  renconti-a, 
une  fois,  un  ambassadeur  impérial  envoyé  en  mission  hors  de  Chine, 
fut  amené  par  celui-ci  à  la  cour. 

En  i/io5,  l'empereur  envoya  un  porteur  de  message  qui  était  origi- 
naire de  la  même  ville  que  Leang  Tao-ming,  invitant  le  chef  chinois  de 
Sau-fo-ts'i  à  se  présenter  à  la  cour.  Tao-ming  et  sou  allié  ff)  fé  ni 
Tcheng  Po-k'o  suivirent  l'envoyé  impérial  et  apportèrent  en  tribut,  des 
produits  du  pays  à  la  cour.  Ils  revinrent  ensuite  [dans  leur  pays]  après 
avoir  reçu  de  nombreux  présents. 

En  i/»o6,  le  chef  [chinois]  de  Kicou-kiang,  appelé  ^  fl  ^  Tch'en 
Tsou-yi,  envoya  son  (ils;  Tao-ming  envoya  son  neveu  qui  se  rendirent 
ensemble  à  la  cour.  Tsou-yi  était  également  un  Cantonnais  et  quoiqu'il 
envoyât  le  tribut  à  la  cour,  il  se  hvrail  en  même  temps  à  la  piraterie; 
les  ambassadeurs  d'autres  pays  qui  apportaient  le  tribut  en  Chine  en 
souffrirent  beaucoup. 

En  1/107,  l'envoyé  impérial  Tcheng  Ho'*'  qui  revenait  d'Occident, 
le  convoqua  par  un  porteur  de  message.  Tsou-yi  feignit  d'obéir  à  cet 
ordre,  mais  il  se  prépara  secrètement  à  dévahser  aussi  Tcheng  Ho. 
Celui-ci  en  fut  prévenu  par  un  autre  Chinois  appelé  f^  j§  l^p  Che 
Tsin-k'iug,  et  lorsque  Tsou-yi  l'attaqua,  il  le  fit  prisonnier,  l'amena 
à  la  capitale  où  il  fut  exécuté.  En  même  temps,  Tsin-k'ing  envoyait 
son  gendre  apporter  le  tribut;  sur  quoi  l'empereur  donna  l'oidi-e  de 
créer  un  bureau  de  Pacificateur  de  Kieou-kiang  et  nomma  Tsin-k'ing 
à  ces  fonctions.  Far  ordre  impérial,  on  remit  à  ce  dernier  un  sceau,  un 
chaj)cau  et  une  ceinture  [comme  insignes  de  ses  fonctions],  et  depuis 
lors  le  tribut  fut  appoi'té  à  la  cour  à  plusieurs  reprises.  Quoique  Tsin- 
k'ing  ait  reçu  une  commission  de  l'empereur,  il  était  en  même  temps 
soumis  à  Java.  Le  teri-itoire  de  son  gouvernement  n'était  pas  étendu  et 
n'était  en  rien  comparable  à  celui  de  l'ancien  San  fo-ts'i. 

En  1/124,  le  fils  de  Tsin-k'ing,  appelé  M'MM  Che  Tsi-souen, 
fît  savoir  que  son  père  était  moi-t  et  demandait  l'autorisation  de  lui  suc- 

(')  Sur  ce  célèbre  eunuque  et  ambassadeur  impérial,  cf.  Rockuill,  Notes  on 
t'np  -.xhUi'ins  and  (rnik ,  T'oung-  pao,  t,  XVI,  191  5,  p.  81. 


— «.(  29  )<s— 

cëder  :  elle  lui  fui  accordée.  En  ili-2o,  il  envoya  des  ambassadeurs 
pour  apporter  le  tribut.  Ceux-ci  direut  que  l'ancien  sceau  avait  été  dé- 
truit dans  un  incendie;  sur  quoi  l'empereur  ordonna  d'en  donner  un 
nouveau.  Depuis  lors,  le  tribut  fut  graduellement  apporté  plus  rare- 
ment. 

Vers  la  fin  de  la  période  kia-tsing  (i522-i56G),  le  fameux  bandit 
cantonnais,  ^  '^  Tcbang  Lien,  causa  des  troubles;  mais,  au  bout  de 
quelque  temps,  les  officiers  de  l'armée  firent  savoir  qu'ils  l'avaient  cap- 
turé. En  1677.  des  marchands  venus  à  Kieou-kiang  virent  que  cet 
homme  y  avait  une  rangée  de  boutiques  et  était  le  maître  de  navires 
indigènes  ;  un  grand  nombre  de  Chinois  du  Fou-kien  lui  étaient  attaches 
et  il  était  une  sorte  de  surintendant  du  commerce  avec  la  Chine. 

Ce  pays  est  un  endroit  de  grande  importance  pour  le  commerce  des 
Barbares.  Il  est  situé  à  l'ouest  de  Java  d'où  on  y  arrive ,  avec  vent  favo- 
rable, en  huit  jours  de  voyage  environ.  Le  pays  est  divisé  en  quinze 
districts;  le  soi  est  fertile  et  propre  à  l'agriculture;  d'après  un  dicton 
local  :  ffSi  vous  plantez  du  riz  une  année,  vous  avez  de  l'or  pour  trois 
ansn  ,  ce  qui  veut  dire  que  la  récolte  est  abondante  et  peut  être  vendue 
pour  beaucoup  d'argent. 

Les  gens  riches  sont  très  adonnés  à  la  débauche. 

Les  habitants  de  ce  pays  sont  habiles  à  combattre  sur  l'eau;  aussi 
leurs  voisins  les  craignent-ils. 

Le  pays  est  abondamment  fourni  de  [cours  d']eau.  Les  chefs  vivent  à 
terre;  le  peuple  habite  sur  la  rivière;  dans  ce  but,  on  construit  les  mai- 
sons sur  des  radeaux  qui  sont  attachés  à  des  pieux  de  telle  façon  que 
lorsque  la  marée  monte,  les  radeaux  s'élèvent  sans  être  submergés 
Lorsqu'on  veut  changer  de  place,  on  arrache  les  pieux,  ce  qui  ne  coûte 
pas  beaucoup  d'argent  ni  de  travail. 

Les  basses  classes  donnent  à  leurs  supérieurs  le  titre  de  @  ^ 
tchan-pei^^\  ce  qui  a  le  même  sens  que  ff souverain  du  pays^.  Postérieu- 
rement ,  l'endroit  où  le  jiremier  chef  vécut  fut  appelé  également  Tchan- 
pei'^'. 

L'ancienne  capitale  du  pays  a  été  changée  en  [l'actuel]  Kieou-kiang. 
Autrefois,  le  pays  était  riche;  mais  depuis  sa  conquête  par  Java,  il  est 
devenu  de  plus  en  plus  pauvre  et  peu  de  navires  marchands  s'y  rendent. 

(')   Vide  supra,  p.  16,  n.  3. 

(-)  C'est-à-dire  Jambi ,  au  nord  de  Palembaù,  qui  correspond  géographi- 
qucment  au  Malâju  de  Yi-tsing.  Cf.  mon  mémoire  Malaka,  le  Malàyu  et  Malà- 
yur,  dans  /.  As.,  mai-juin  et  juillet-août  1918. 


Ses    coutumes   et    ses   produits  ont   été   décrits    dans   illisloiie   des 
[seconds]  Song''>. 

Tao  yi  tche  Lio  (le  Wang  Ta-yuajn  (18/19). 
San-fo-ts'i. 

XXII.  En'-'  parlant  du  détroit  de  Long-ya  f|  ^  f^  *'',  on  arrive 
dans  ce  pays  après  un  voyage  de  cinq  jours  et  cinq  nuits. 

Beaucoup  de  gens  ont  pour  nom  de  famille  f^  p'ou  '*',  Ils  aiment  à 
se  battre,  sur  mer  et  sur  terre.  Les  combaltanls  avalent  une  drogue  qui 
empêche  les  épées  de  les  blesser.  Ce  sont  ainsi  les  gens  les  plus  auda- 
cieux du  monde. 

Le  pays  a  une  population  dense;  la  terre  est  fertile  et  splendide;  le 
climat  est  chaud.  Au  printemps  et  pendant  l'été,  il  pleut  continuelle- 
ment. 

Les  coutumes  y  sont  bienséantes  et  pures.  Hommes  et  femmes  coiffent 
leurs  cheveux  en  chignon  et  portent  une  courte  chemise  bleue  en  coton  ; 
ils  s'enveloppent  dans  une  pièce  d'étoffe  de  colon  [provenant  (?)]  de 
Tong-tch'ong  ^  /ffï  •^  .  Comme  ils  aiment  la  propreté,  ils  mettent  leurs 
maison  sur  des  charpentes  [flottant]  sur  l'eau'''.  lis  recueillent  les 
huîtres  pour  en  faire  du  |^  tcha  '"'.  Ils  font  bouillir  l'eau  de  mer  pour 
faire  du  sel  et  font  fermenter  le  riz  glutineux  f)ft  pour  faire  du  vin.  Ils 
ont  un  souverain. 

Les  produits  indigènes  sont  la  fleur  de  prunier,  les  morceaux  de 


(')   Vide  supra,  p.  i5  et  suiv. 

("-)  D'après  W.  W.  Rockhill,  Notes  on  the  7'elatwns  and  trade  of  China  ivith 
the  Eastem  Archipelago  and  the  coast  of  the  Indian  Océan  during  the  fourteenth 
centunj,  dans  T'oung pao,  t.  XVI,  i9i5,  p.  i34-iAo. 

(^'  Ainsi  que  Ta  montré  Rockhill  (/oc.  cit.,  p.  129,  n.  2),  il  s'agit  ici  du 
détroit  de  Singapour,  alors  que  le  ^  ^  f^  Ling-ya  men  du  Tchoti  fan  tche 
(vide  supra,  p.  9)  «le  détroit  de  Ling-yan,  désigne  le  détroit  de  Linga.  Le 
Long-ya-men  du  Tao  yi  tche  lio  signifie  littéralement  «détroit  de  ia  denl  du 
dragon».  Rockhill  situe  inexactement  San-fo-ts'i  à  Jambi;  c'est  Palembaù 
qu'il  faut  lire. 

W   Vide  supra,  p.  16,  n.  A. 

''')   Vide  supra,  p.  29  et  9. 

W  Sorte  de  condiment  colonial  appelé  en  anglais  chutney.  Cf.  Hobson-Job- 
soN,  S.  v°  Chulny, 


—-*-»'{    31    )»€l--  - 

camphre  de  qualité  moyenne,  le  bois  de  laque,  la  noix  d'arec,  les 
étoffes  de  coton  et  du  bois  artistiquement  sculpté. 

Les  marchandises  qu'emploient  [les  Chinois]  pour  faire  du  com- 
merce sont  :  les  taffetas  de  couleur,  les  perles  rouges,  les  châles,  les 
étoffes  de  coton  de  couleur,  les  mai-mites  en  cuivre  et  en  fer  el  d'autres 
encore. 

D'après  une  ancienne  tradition,  [une  fois,]  la  terre  s'ouvrit  subite- 
ment et  plusieurs  myriades  de  bœufs  en  sortirent.  Les  gens  s'en  empa- 
rèrent et  les  mangèrent  :  puis,  ils  prirent  des  bambous  et  comblèrent 
[la  crevasse]  pour  toujours  ''^ 

^  f^    KlEOU-KIÂNG. 

XXIII.  [En  partant]  de  f^  |^  Tan-kiang,  on  pénètre  dans  le  ^ 
^  P^  détroit  de  P'eng-kia  [=Banka]<''.  Les  habitants  se  servent  de 
[radeaux  en]  bambous  au  lieu  de  bateaux.  Le  long  des  routes,  il  y  a 
beaucoup  de  pagodes  en  briques.  Le  profit  qu'ils  retirent  de  leurs 
champs  est  le  double  de  celui  des  autres  pays.  C'est  un  dicton  populaire 
que  si  du  grain  est  planté  une  année ,  la  troisième  année  il  pousse  de 
i'or;  ceci  veut  dire  que  le  grain  a  été  changé  en  or.  Au  bout  d'un  cer- 
tain temps,  des  gens  de  l'Océan  occidental  ayant  entendu  parler  de  la 
fertilité  du  sol,  vinrent  dans  des  navires  et  prirent  dans  les  champs  un 
morceau  de  l'os  de  la  terre  (1^  ffl  ^  ^  i.  'W)  V^^^  ^®  transporter 
dans  leurs  propres  champs  et  établir  ainsi  des  relations  entre  eux  et  ce 
pays  (JtU  êi  ÎS  ffl  ;^'  2^  M);  mais,  quoi  qu'ils  aient  planté  du 
grain,  l'or  des  champs  de  Kieou-kiang  ne  poussa  pas.  Ceci  est  une 
étrange  chose  '^'  ! 

Le  climat  est  plutôt  chaud.  Hommes  et  femmes  coiffent  leurs  cheveux 
en  chignon  et  portent  un  pagne  de  coton  blanc.  Ils  fout  bouillir  l'eau  de 


(')   Vide  supra,  p.  12. 

(-)  «C'est-à-dire  :  «Quand  on  quitte  l'embouchure  de  la  rivière  de  Jambi 
«ou  Suni  Sunsan  (appelé  ici  «i'estuaire  à  i'oau  doiicen  ou  Tan-kiang),  on  entre 
«d'abord  (en  se  rendant  dans  la  mer  de  Java)  dans  le  détroit  de  Banka.w 

(ROCKIULL.) 

(■^)  «Le  Tong  si  yang  h'ao  (3,  li")  dit  :  « Kicou-kiang  était  appelé  ^  ^ 
«Yao  Cou  «le  pays  fertiiew,  parce  que,  d'après  le  dicton,  si  on  sème  du  grain 
une  année,  la  troisième  année  [suivante],  il  pousse  de  l'or;  ce  qui  veut  dire 
«que  les  récoltes  y  étaient  si  abondantes  qu'on  en  relirait  beaucoup  d'or  en  les 
«vendant."  (Rockuill.)  Vide  swpra,  p.  39. 


mer  pour  eu  faire  du  sel  et  fout  feimenlerie  jus  de  la  uoix  de  coco  pour 
en  faire  du  vin.  Ils  ont  un  souverain. 

Les  produits  indigènes  sont  :  le  bois  d'aloès,  le  parfum  -^  §^  Liu- 
yin''^\  du  coton  supérieur  à  celui  de  tous  les  autres  pays  étrangers,  de 
la  cire  d'abeille,  du  kiang-tchen  de  qualité  inférieuie,  de  très  grands 
buceros'"'  et  du  bois  d'aloès  de  qualité  moyenne. 

Les  marcbandises  qu'emploient  [les  Chinois]  pour  faire  du  commerce 
sont  :  de  petites  perles  colorées  de  P^  ^[5  %  1%  Men-pang  (?) ,  des  |jt 
1^  fji  noyaux  de  ki-lhi[l),  des  objets  en  pui'celaine  de  TcIi'ou-[tcheou- 
fou],  des  chaudrons  de  cuivre,  des  étoffes  de  colon  de  couleur,  d 
grands  et  petits  récipients  pour  l'eau,  des  pois  et  d'autres  choses  encore 

YiNG  YAl  CHENG  LAN  de  Ma  HoUAN   (  1 /|  2  5-1 /l3  2  ?). 


e 


K 


lEOV-KIANG. 


XX.IV.  On  l'appelait  anciennement  San-fo-ts'i.  On  l'appelle  également 
'i^  î$|{  ^  Po-lin-pang  [=^Paîemban]  et  il  est  sous  la  dépendance  de 
ïchao-wa  (Java).  A  l'est,  [ce  pays]  est  contigu  à  Tchao-wa;  à  l'ouest, 
à  ïpg  $lj  JjH  Man-la-kia  [=Malaka] '^';  au  sud,  se  trouvent  de  hautes 
montagnes  et  au  nord-ouest,  il  s'étend  jusqu'au  bord  de  la  mer.  Les 
navires  (venant  de  Kieou-kiang)  entrent  dans  le  f^  ^  Tan-kiang 
frl'estuaire  à  l'eau  douce^i;  puis  à  ^^  P'eng-kia  [=Banka].  Ils 
doivent  transborder  sur  de  petits  bateaux  pour  remonter  le  [Tan-]kiaug 
et  atteindre  la  capitale  "''. 

(^'  wLc  hin-yin  hinng,  litt.  «encens  d'argent  et  d'or?),  en  malais  kcmanjan, 
[lire  :  keminan,  cf.  Faviîe,  Dict.  malais-français ,  sub  verbis  (^y^JT,  ^^■i^,  (^'-^Ji 
est  le  benjoin  doux;  voir  Hir.TU  et  Rockhill  {Chau  Ju-hua,  p.  198  [où  il  est 
appelé  ^  |§  ^  kin-yen-hiang  «encens  de  couleur  d'orw];  ie  Tong  si  yang 
k'ao  (3,  17  a)  mentionne  le  naphte  ^^  ^  |t{|  parmi  les  produits  de  Kieou- 
kiang.??  (RoCKUlLL.) 

(^)  Pour  la  description  de  cet  oiseau,  vide  infra,  XXIV,  p.  3i. 

(')  Ma  Houan  oriente  Sumatra  de  Test  à  l'ouest,  alors  que  l'orientation  de 
Tile  est  du  nord  au  sud.  Une  erreur  identique  a  été  commise  par  le  muallim 
arabe  Ibn  Majid  (ms.  a^ga  de  la  Bibliothèque  Nationale),  qui  a  rédigé  ses 
Instructions  nautiques  dans  la  seconde  moitié  du  xv''  siècle  et  par  SdlaymAn  al- 
MAunl,  autre  auteur  d'Instructions  nautiques  de  la  première  moitié  du  xvi"  siècle 
(ms.  2  55f)  du  mê'me  fonds). 

''')  Telle  est  riutorprétation  de  Hockiiill,  mais  elle  doit  être  rectifiée  ainsi  : 
Les  navires  venant  de  Kieou-kianij  =  Palembaii  doivent  suivre  le  détroit  de 


■  ■  t  »»(    3"]    )»€i-  •  - 

Un  grand  nombre  des  habitants  sont  des  immigrants  de  Canton,  de 
Tchang-tcheou  et  de  Ts'iuan-tcheou  [,  ces  deux  derniers  au  Fou-kien]. 

Le  pays  est  fertile  et  la  population  dense.  Le  sol  est  bon  pour  la 
culture.  D'après  un  dicton  populaire,  si  on  cultive  le  sol  une  saison,  la 
troisième  saison  on  récolte  du  riz  i{^  |^  ;  le  mot  J(^  chou  signifie  «  mois- 
sonner un  grand  espace»  '''. 

11  y  a  [dans  ce  pays]  beaucoup  plus  d'eau  que  de  terre.  Les  habitants 
sont  adonnés  au  combat  sur  l'eau.  Les  maisons  des  hauts  fonctionnaires 
sont  seules  sur  les  berges  de  la  rivière;  le  peuple  vit  disséminé  sur  des 
radeaux  en  bambous  attachés  à  des  racines  d'arbres  ou  à  des  pieux;  ces 
radeaux  suivent  le  mouvement  de  la  marée,  du  flot  et  du  jusant''^. 

Les  mœurs  et  coutumes  '^^  et  la  langue  sont  les  mêmes  qu'à  Tchao-wa 
(Java). 

Sous  le  règne  de  l'empereur  Hong-wou  (des  Ming,  1 368-1898),  il  y 

Banka,  puis,  entrer  dans  le  Tan-kiang  ou  estuaire  de  la  rivière  de  Jambi.  Là, 
ils  transbordent  sur  de  petits  bateaux  pour  remonter  la  rivière  de  Jambi  et 
atteindre  la  capitale.  Le  texte  du  ïiuff  yai  cheng  lan  traduit  par  Gf.oeneveldt 
(Notes,  p.  197),  précise  que  ie  transbordement  s'effectue  «près  d'un  endroit 
où  se  trouvent  de  nombreuses  pa^jodes  construites  en  briques». 

(1)  ffTout  le  sel  de  l'histoire  a  disparu  dans  cette  version  [vide  supra, 
p.  39].  Au  lieu  de  tron  récolte  de  rhv  on  devrait  avoir  naturellement  «on 
récolte  de  for-i.  Ralph  Fitch  qui  écrivait  dans  le  dernier  quart  du  xvi"  siècle, 
dit  en  parlant  de  Jambi  :  trJamba  is  an  Island  among  the  Javao  aiso,  from 
whence  come  diamants.  And  the  king  hath  a  masse  of  earth  whicli  is  golde  ; 
it  growcth  in  the  middle  of  a  river  :  and  when  the  king  doth  lacke  gold,  they 
eut  part  of  the  earth  and  melt  it,  whereof  commcth  golde.  This  masse  of  earth 
doth  appeare  but  once  in  a  yeare;  wliich  is  when  the  water  is  iow  :  and  this 
is  in  the  month  of  Aprili  (Haklcït,  Principal  Naiigations,  V,  /199;  Hahlmjt 
Soc.  édit.).  Ceci,  conclut  Rockhill,  est  évidemment  une  autre  version  de  cette 
Iradilion.Ti  (Rockhill.)  Le  texte  traduit  par  Groeneveldt  {^otes,  p.  197)  a, 
plus  correctement  :  «Les  gens  de  ce  pays  sont  très  riches,  car  ie  sol  est  très 
fertile.  Un  dicton  populaire  dit,  en  effet  :  «Quand  quoiqu'un  sème  pour  une 
(tannée,  il  peut  récolter  pendant  trois  ans-:,  ce  qui  n'est  pas  exagéré  du  toul.îi 

(■-'  S'élevant  avec  le  flot,  s'ai)aissant  av.-c  le  jusant.  Le  texte  traduit  par 
Gr.oENEVELDT  {Notes ,  p.  197)  ajoute  ici  :  «Lorsque  les  habitants  de  ces  mai- 
sons flottantes  veulent  s'en  aller  cl  aller  vivre  dans  un  autre  endroit,  ils 
arrachent  les  poteaux  [auxquels  elles  sont  attachées]  et  se  déplacent  avec  leur 
maison  tout  entière,  ce  qui  est  très  commode.  La  rivière  a  deux  marées  par 
jour.n  Vide  supra,  p.  2g. 

(•')  Le  texte  traduit  par  Guoenetelot  [ibid.)  ajoute  ici  •.  «les  cérémonies  du 
mariage  et  des  funérailles-n 

M.  ( .  ferc.vnd.  3 


avait  à  Canton  un  homme  appelé  Tch'en  Tsou-yi,  qui,  étant  proscrit, 
s'enfuit  dans  ce  pays  dont  il  devint  le  chef,  pillant  impitoyablement  les 
voyageurs  de  passage.  Sous  le  règne  de  l'empereur  Yong-lo  (1608-1^2 4), 
l'empereur  ordonna  à  l'eunuque  Tcheng  Ho  de  prendre  le  commande- 
ment de  la  flotte  chinoise.  Lorsqu'il  arriva  à  [Kieou-kiang],  il  y  avait 
à  Canton  un  homme  appelé  ^  ^  Che  Tsin  qui  adressa  à  Tcheng 
Ho  une  plainte  contre  [Tch'en]  Tsou-yi.  Tcheng  Ho  ordonna  à  ses 
soldats  d'arrêter  celui-ci  et  [Tch'en]  Tsou-yi  fut  décapité.  Tcheng  Ho 
donna  à  [Che]  Tsin  des  fonctions  officielles  et  là-dessus  celui-ci  retourna 
à  Kieou-kiang  dont  il  devint  le  chef.  A  sa  mort,  sa  fille  lui  succéda 
et  eut  le  pouvoir  de  promouvoir  en  dignité  [les  gens  utiles]  et  de 
punir  ceux  qui  ne  servent  à  rien ,  comme  son  père  l'avait  fait. 

Ils  sont  passionnément  adonnés  aux  jeux  d'argent,  tels  que  le  ^Ei  ^ 
fa-houei,  les  échecs,  les  combats  de  coqs,  pour  lesquels  ils  engagent 
des  enjeux  en  argent. 

Dans  les  transactions  commerciales,  ils  font  usage  de  monnaie  de 
cuivre  [chinoise],  de  [pièces]  de  cotonnade,  de  soie  et  d'autres  mar- 
chandises de  ce  genre. 

Les  produits  du  pays  sont  :  les  buceros ,  le  houang-lien  (rhizome  du 
copiis  tecta),  le  kiang-tchen ,  le  bois  d'aloès,  la  cire  d'abeille,  le  parfum 
de  km-yin'-^'>  qui  a  l'air  d'un  objet  avec  incrustations  d'argent;  il  est 
de  couleur  noire  avec  des  parties  blanches.  La  meilleure  espèce  est 
celle  dans  laquelle  le  blanc  prédomine  sur  le  noir;  la  plus  médiocre, 
celle  qui  est  presque  noire.  Lorsqu'on  le  brûle,  ce  parfum  impressionne 
l'odorat  d'une  manière  irrésistible.  Les  Occidentaux  appelés  $^  H^ 
So-li  [=Cola]  l'apprécient  fort. 

Le  buceros  i|  j^  ,%  est  plus  grand  que  le  canard.  Ses  plumes  sont 
noires  et  il  a  un  long  cou.  L'os  de  sa  têle  a  environ  un  pouce  d'épais- 
seur; à  l'intérieur  il  est  jaune,  et  à  l'extérieur  rouge;  il  est  très  joli  et 
très  estimé. 

L'[oiseau  appelé]  ^  |,|  houo-Jà''^'''  (litt.  =  poule  de  feu)  est  plus 
grand  qu'une  grue.  Son  cou  est  aussi  très  long.  11  a  une  crête  charnue 
rouge ,  un  bec  en  pointe ,  des  plumes  de  la  couleur  d'un  mouton  noir 
(^  ^  ?),  de  longues  jambes  noires  avec  des  ergots  si  effilés  que  s'il 
blesse  quelqu'un  à  la  poitrine  celui-ci  en  meurt.  11  mange  des  charbons 
ardents.  Il  ne  meurt  pas  en  captivité. 


(''   Vide  supra,  p.  83,  n.  i. 
^-1  C'est  le  casoar. 


Le  ffcerf  des  fées»*'^  {îf^  M)  ^st  de  la  taille  d'un  grand  porc,  envi- 
ron trois  pieds  de  haut,  et  a  le  poil  ras,  un  groin  de  porc,  et  comme 
le  porc,  le  sabot  triflde  (sic).  Il  est  herbivore  et  n'approche  pas  des 
choses  qui  ont  une  odeur  forte. 

Leur  bétail  se  compose  de  moutons ,  porcs ,  chiens ,  poules ,  canards  ; 
leurs  comestibles  et  leurs  fruits  sont  les  mêmes  que  ceux  de  Tchao-wa 
(Java). 

SiNG  tch'a  cheng  LAN  de  Fei  Sin. 

KlEOV-KIANG. 

XXV.  L'ancien  nom  était  royaume  de  San-fo-ts'i.  On  peut  s'y  rendre 
de  Tchao-wa  (Java)  eu  huit  jours,  avec  vent  favorable.  On  y  parvient 
après  avoir  pénétré  dans  l'embouchure  de  la  rivière. 

La  terre  est  très  riche,  deux  fois  plus  riche  qu'ailleurs.  D'après  un 
vieux  dicton,  si  on  plante  du  grain  une  année,  trois  ans  après,  il 
pousse  de  l'or;  ce  qui  veut  dire  que  le  grain  est  récolté  en  telle  abon- 
dance, qu'on  retire  beaucoup  d'or'"'.  Aussi  les  habitants  sont-ils  à  leur 
aise. 

Ils  sont  habituellement  bruyants  et  très  débauchés.  Ils  sont  adonnés 
au  combat  sur  l'eau. 

D  y  a  Lt  beaucoup  d'eau  et  peu  de  terre  non  immergée.  Tous  les  chefs 
construisent  leurs  maisons  sur  les  berges;  les  personnes  de  leur  suite  et 
lem's  domestiques  sont  logés  dans  leur  entourage.  Le  bas  peuple  con- 
struit ses  maisons  sur  des  radeaux  en  bambous  qu'on  relie  à  des  pieux; 
quand  l'eau  monte,  les  radeaux  flottent  sans  danger  d'être  submergés. 
Les  habitants  de  ces  maisons  flottantes  veulent-ils  aller  ailleurs ,  ils  ar- 
rachent les  pieux  et  s'en  vont  avec  leur  maison ,  sans  peine  ni  dépense. 

Actuellement,  ce  pays  est  sous  la  souveraineté  de  Tchao-wa  (Java). 

Les  produits  naturels  sont  :  le  bois  d'aloès  des  espèces  houang-chou 
et  sou,  le  bois  de  laque,  le  bois  d'aloès  de  l'espèce  tch'en,  la  cire 
d'abeille,  les  buceros.  Les  marchandises  [étrangères  qu'on  y  vend] 
sont  :  les  perles  de  coulem-,  la  porcelaine  bleue  et  blanche,  les  chau- 
drons de  cuivre ,  les  étoffes  en  coton  de  couleur  et  en  soie ,  le  satin  de 
couleur,  les  grandes  et  petites  jarres  en  porcelaine  et  la  monnaie  de 
cuivre  [chinoise]. 

En  la  i3°  année  du  règne  de  l'empereur  Yong-lo  (i/n5),  Tcheng  Ho 

(')  Tapir  de  Suinatra. 

('-)   Vide  sitpra,  p.  33,  n.  i. 


et  d'autres  personnes  se  rendaient  avec  une  flotte  [chinoise]  à  l'étranger. 
Le  pirate  Tcb'en  Tsou-yi  et  d'autres  qui  pillaient  les  marchands  étran- 
gers à  San-fo-ts'i  projetèrent  de  les  attaquer;  mais  les  commandants  de 
notre  flotte  leur  tendirent  un  piège,  les  battirent,  prirent  les  pirates 
vivants  et  emmenèrent  les  chefs  à  l'empereur.  Depuis  lors,  du  nord  au 
id  et  de  l'est  à  l'ouest  des  mers  intérieures  et  extérieures ,  la  tranquil- 
le régna  partout. 

ToNG  SI  Y  AN  G  KAO  (  l  6  1  8  ). 

XXVI.  (Livre  m.)  Lorsqu'un  navire  arrive  à  Kieou-kiang,  on  offre 
en  présent  au  roi,  des  fruits  et  de  la  soie,  en  quantité  déterminée. 

Lorsque  les  gens  de  Jambi  traitent  l'achat  de  marchandises ,  le  prix 
convenu  est  indiqué  en  or,  mais  ils  ne  payent  qu'avec  du  poivre;  par 
exemple ,  si  quelque  cliose  coûte  deux  taels  en  or,  ils  payent  cette  somme 
avec  100  pikids  de  poivre  ou  à  peu  près.  Ils  achètent  volontiers  des 
femmes  du  dehors;  des  filles  provenant  de  pays  étrangers  sont  fré- 
quemment amenées  à  Kieou-kiang  et  y  sont  vendues  contre  du  poivre. 

Ils  se  servent  de  monnaie  en  plomb. 

San-fo-ts'i  était  autrefois  connu  comme  un  endroit  riche;  mais,  depuis 
qu'il  a  été  conquis  par  Java,  la  capitale  a  été  abandonnée  et  peu  de 
marchands  s'y  rendent  maintenant. 

INSCRIPTIONS    MALAISES,    SANSKRITES   ET   TAMOULES. 

Inscription,  envieux-malais,  de  Kola  Kapur  dans  l'île  de 
Banka  (côte  sud-est  de  Sumatra),  dans  H.  Kern,  Verspreide 
geschriften,  t.  VII,  1917,  La  Haye,  in-8°,  p.  2o5  et  suiv. 

XXVII.  (L.  9.).  .  •  Il  çakavarsalîta  608  dih  pratipada  çuklapaksa  vulan 
vaiçakha.  tatkâhvia  {].  lo)  yaii  mahman  sumpah  ini.  nipakat  di  velâm  yah 
valu  cri  vijaija  halivat  manàpik  yah  bhmni  jâva  ùda  bhakli  ka  cri  vijay<i. 
cf L'année  çaka  révolue  608  [=  68G  de  notre  ère],  le  premier  jour  de  la 
quinzaine  claire  du  mois  de  vaiçakha,  [telle  est]  la  date  à  laquelle  celle 
imprécation  a  été  gravée.  C'est  à  celte  [même]  époque  que  l'armée  de 
Çrï  Vijaya  vient  de  partir  en  expédition  [contre]  le  pays  de  Java  [qui] 
ne  [reconnaissait]  pas  la  suzeraineté  de  Çrï  Vijaya^''.» 

(')  Pour  rintorprétation  de  ce  passage ,  cf.  mon  compte  rendu  de  Le  royaume 
de   Çrîvijnyn   de    Co;:i)Ès,   dans  J.    As.,   juillet-aont    i  Ç)  i  y ,  p.    i52-i53.    Çrï- 


~^>{  37  ).«- 

D'après  le  Sin  t'ong  chou  ou  ISouveUe  histoire  des  Tang  (G  1 8 
c)o6),  «dans  la  ^év'ioàQ  chang-yunn  (Gy/i-ôyô),  les  gens  du 
royaume  de  g^  P^  Ho-ling,  appelé  également  m  ^  Clio-p'o 
[=Jawa,  Java  central],  élevèrent  à  la  royauté  une  femme  nom- 
mée ^^  Si-mo  [pron.  anc.  *Si^-mak  =  *Sira  Maka  ou 
Maga]''',  dont  le  gouvernement  plia  tout  à  la  règle;  sur  les 
routes,  on  ne  ramassait  pas  ce  qui  était  tombé.  Le  prince  des 
:}^  "^  Ta-che  [pron.  anc.  *T§zï  ou  *Tâjik'-)]  l'entendit  dire;  il 
fit  don  d'un  sac  d'or  qui  fut  placé  dans  une  avenue;  tous  ceux 
qui  passaient  l'évitaient  immédiatement.  Il  en  fut  ainsi  pen- 
dant trois  ans.  [Puis,]  le  prince  héritier,  en  passant,  foula  du 
pied  cet  or.  Si-mo,  furieuse,  voulut  le  faire  décapiter.  Les  mi- 
nistres intercédèrent  avec  insistance,  et  Si-mo  dit  :  «Puisque 
«la  faute  se  trouve  originairement  dans  les  pieds,  on  peut  lui 
«couper  les  doigts  de  pied.  55  Les  ministres  intercédèrent  à 
nouveau,  mais  on  lui  coupa  les  doigts  pour  l'exemple.  Les 

vijaya  est  mentionné  deux  autres  fois  dans  la  même  inscription  (t.  a  et  l)-5). 
Cf.  également  N.  J.  Krom,  Epigraphische  Aaiiteelceningen.  XVI.  De  inscriplie 
van  Karang  Brahi,  dans  Tijdschrift  voor  Indische  T.,  L.  en  Volkenkutide , 
deel  LIX,  1920,  p.  4aG-63i. 

^*'  GnoENEVELDT  {Notcs ,  p.  iSg)  3  inexactement  restitué  Sima.  Les  rappro- 
chements de  I^ouFFAER  avec  ie  vieux-javanais  sîma  (Oudheidkundige  opmer- 
kingen,  dans  Bijdragen,  deel  7^,  1918,  p.  lAo  et  suiv.)  sont  donc  à  écarter. 

(-'  tfll  y  a  dans  les  Histoires  des  Tang,  comme  dans  ie  Tong  tien,  dit  I^el- 
LiOT  {Deux  itinéraires,  p.  297),  de  longues  notices  sur  les  Ta-che,  d'où  il 
ressort  avec  la  plus  grande  netteté  que  les  Arabes  et  les  Arabes  seuls  sont 
désignés  par  ce  nom.n  11  est  au  moins  inattendu  de  voir  les  Arabes  mentionnés 
dans  un  texte  chinois  à  propos  de  Java,  en  (57/1-675.  A  cetle  époque,  le  prince 
des  Arabes  ne  peut  être  que  Mu'âwiya,  le  khalife  omeyyade  de  Damas,  qui 
mourut  en  G80.  Il  est  surprenant  que  cotte  dynastie  ait  été  connue  en 
Indonésie  du  vivant  même  de  son  fondateur.  Dans  les  textes  chinois,  la 
graphie  ^  fijj  Po-sseu  transcrit  tantôt  le  nom  de  la  Perse;  tantôt  'e  nom  d'un 
état  indonésien  presque  homophone  de  celui-ci  (cf.  Sino-iranica  de  B.  Laufer 
et  mon  compte-rendu  de  ce  travail  dans  J.  As.,  XT  série,  t.  XVlll,  1921, 
p.  279-39.3);  Ta-che  désigne  sûrement  les  Arabes,  mais  désigne  vraisembla- 
bbunent  aussi  un  pays  et  un  peuple  d'Kxtrème-Orient  de  la  région  de  Tlnsu- 
linde  ou  de  l'Inde  Iransgangétique.  La  question  (!st  d'importance  et  j'y  re- 
viendrai. 


_^5«(  38  ).c^^ 

Ta-che  apprirent  cela  et  craignirent  [Si-mo];  ils  n'osèrent 
pas  lever  de  troupes  [contre  elle]  55  ^^L 

Par  Ho-ling  également  appelé  Gho-p'o  ou  Javva,  il  faut  en- 
tendre le  centre  de  Tîle  de  Java,  ainsi  que  l'atteste  l'inscription 
de  Kalasan  [infra,  p.  3  9).  C'est  là  que  se  situe  en  toute  certi- 
tude le  royaume  de  Si-mo.  On  conçoit  aisément  par  la  descrip- 
tion qu'en  fait  le  Sin  t'ang  chou,  qu'un  tel  royaume  ait  été 
tout  à  fait  indépendant  vers  la  fm  du  vif  siècle.  L'inscription 
de  Banka  précise,  en  effet,  que  y  ah  bhûmi  jâva  tida  bhakti  ka 
çnvijaya,  «le  pays  de  Java  [==  C/iJ-j!>'o  du  Sin  ùing  chou\  ne 
[reconnaissait]  pas  la  suzeraineté  de  Çrï  Vijaya^n  C'est  cepen- 
dant contre  cette  redoutable  Si  -  mo  ou  son  successeur  que 
l'empire  sumatranais  voisin  dirige,  en  686  de  notre  ère,  l'ex- 
pédition mentionnée  dans  la  dernière  ligne  de  la  même  inscrip- 
tion. De  la  confrontation  de  ces  textes,  on  doit  conclure  que 
l'empire  de  Çrï  Vijaya  était  plus  puissant  et  plus  redoutable 
encore  que  celui  de  la  reine  javanaise ,  car  l'expédition  attei- 
p^nit  son  but  :  on  verra  plus  loin  que  le  royaume  javanais  fut 
occupé  jusque  dans  la  seconde  moitié  du  ix"  siècle  par  les  Çai- 
lendra  de  Sumatra. 

Inscription  sanscrite  de  Kalasan,  près  de  Yogyakarta  (Java 
central),  de  701  çaka^yyg  (cf.  J.  Brandes,  Een  nâgan-op- 
schrift  gevonden  tusschen  Kalasan  en  Pramhanan,  dans  Tidjdschnft 
voor  Indische  Taal-,  Land- en  Voîkcukunde,  Batavia,  deelXXXI, 
1886,  p.  2A0-260;  B.  G.  Bhandarkar,  a  Sanskrit  Inscription 
from  central  Java,  dans  Journ.  Bombay  Branch  of  B.  A.  S., 
t.  XVII,  1887-1889,  part  II,  p.  1-10;  N.  J.  Krom,  De  Suma- 
iraansche  période  der  Javaatische  geschiedenis  (leçon  inaugurale  à 
l'Université  de  Leyde) ,  3  décembre  1919,  p-  1 3  et  suiv.  '-'. 

XXVIII,    ...  (5).  Dans  le  florissant  royaume  du  roi  qui  estrorne- 

(')  Dans  Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  297. 
(-'    Vide  svpra,  p.  2. 


ment  de  la  dynastie  des  Çailendra ,  un  temple  de  Tara  a  été  construit  par 
le  guru  du  roi  de  la  dynastie  des  Çailendra  . . . 

(6).  C'est  lorsque  sept  siècles  de  l'ère  çaka  furent  révolus  (701  çaka 
==779)  'ï"^  ^^  Maharaja  fit  construire  le  temple  de  Tara  pour  honorer 
le  guru.  * 

(7).  Le  village  appelé  Kâlasan  est  donné  à  la  communauté  [du 
temple];  en  sont  témoins  les  notables  chefs  du  pays  :  pankiir,  tavan  et 
drip. 

(8).  Cette  incomparable  donation  en  terre,  faite  à  la  communauté 
par  le  Lion  Royal  sera  maintenue  par  les  rois  de  la  race  des  Çailendra. . . 

Cette  interprétation  n'est  exactement  ni  celle  de  Brandes  ni 
celle  de  Bhandarkar,  mais  on  a  utilisé  l'une  et  l'autre.  «Le 
Çailendra,  dit  Krom  en  résumant  ce  passage,  qui  a  fait  con- 
struire Kalasan,  dit  expressément  qu'il  agit  dans  son  propre 
royaume,  donne  des  terrains  au  sanctuaire,  bref  apparaît 
absolument  comme  le  roi  du  pays  [landsvorst,  loc.  cit., 
p.  i6)W.» 

Le  même  auteur  ajoute  : 

Un  demi-siècle  environ  avant  l'inscription  [ci- dessus]  de  Çailendra 
[,  vers  780],  nous  trouvons  dans  cette  même  région  centrale  de  l'île  de 
Java,  un  document  émanant  d'un  tout  autre  prince,  un  prince  çivaïte 
qui  se  donne  expressément  comme  le  roi  de  Java  et  qui  sait  qu'il  descend 
d'un  courant  d'immigrants  venus  du  sud  de  l'Inde.  Cette  contrée  est  connue 
comme  étant  le  berceau  du  culte  du  prophète  Agastya  ;  aussi  a-t-on  eu 
raison  d'établir  un  rapprochement'^'  entre  ce  roi  de  Java  central  et  un 
autre  prince  qui,  trente  ans  plus  tard  [,  en  689  çaka  =  760],  fit  ériger 
une  image  de  ce  prophète,  mais  dans  une  toute  autre  région,  dans  l'Est 
de  Java  [,  à  Dinaya].  En  revanche,  on  constate  dans  le  centre  de  Java 
un  phénomène  remarquable  :  après  ladite  inscription  çivaïte,  et  durant 
une  période  d'un  siècle  et  demi  [,  de  780  à  880  de  notre  ère],  on  ne 
trouve  plus  dans  le  centre  de  Java  aucune  charte  royale  authentique,  à 
l'exception  justement  des  inscriptions  des  Çailendra.  On  connaît  un 

0)  n.É.F.E.-O.,  t.  XIX,  1919,  n°  5,  p.  i3o. 

(-)  F. D.K.Hoscii,  De  Sanskrit-inscripik  oj)  dm  Steen  van  Dtnaja  {68a  çaka), 
dans  Tijdschrifl  voor  Indische  T.,  L  en  Volkenktmde ,  deel  LVII,  1916,  p.  ^'^i- 


nombre  assez  considt^rable  de  chartes,  mais  les  cérémonies  consécra- 
toires  ne  sont  jamais  accomplies  par  un  roi  :  eiles  le  sont  par  un  haut 
dignitaire.  Durant  cette  même  période  les  témoignages  chinois  rap- 
portent bien  quelques  ambassades  de  Java  central ,  mais  ne  disent  nulle 
part  qu'elles  aient  été  envoyées  par  un  roi,  et  ne  donnent  plus  aucun 
nom  de  roi,  comme  ils  le  font  d'ordinaire  si  volontiers.  La  première 
explication  qui  se  présente  provisoirement  est  que,  durant  cette  période, 
les  anciens  rois  de  Java  central  s'étaient  retirés  dans  l'Est,  Java  central 
étant  tombé  sous  la  domination  des  Çailendra  de  Sumatra,  qui  firent 
ériger  quelques  monuments  importants  en  leur  propre  nom ,  mais  s'en 
remirent  pour  le  reste  à  leurs  représentants  et  aux  autorités  locales.  Le 
témoignage  des  inscriptions  favorise  donc  l'hypothèse  d'après  laquelle 
Java  central  aurait  été  positivement  vassal  du  royaume  de  [Çrï  Vijaya 
ou]  Palemban.  Environ  cent  ans  après  la  fondation  de  Kalasan  [,  c'est-à- 
dire  vers  880  de  notre  ère],  se  manifestent  les  signes  que  la  période, 
que  nous  pouvons  appeler  la  période  sumatranaise,  a  pris  fin.  De  nou- 
veau se  montrent  des  chartes  royales  d'un  caractère  indigène,  et  il  appa- 
raît bientôt  que  les  mêmes  princes  gouvernaient  à  la  fois  l'est  et  le  centre 
de  Java.  La  disparition  de  l'influence  sumatranaise  semble  coïncider  avec 
la  reprise  de  Java  central  par  les  anciens  rois  de  Java  établis  alors  dans 
i'Est(/6/rf.,p.  i6-i8)('). 

Deux  textes  chinois  permettent  d'apporter  quelque  précision 
en  ce  qui  concerne  le  transfert  de  la  capitale  de  Java,  du 
centre  de  Tîle  à  la  partie  orientale.  Le  Sin  t'ang  chou  ou  Nou- 
velle histoire  des  T'ang  (618-906)  dit  (k.  222  HF,  p.  3  r°)  : 

ïMmMm^m-^my^mMiMm^mm-  «Le roi 

habitait  la  ville  de  Chô-p'o  [=Jawa];  son  ancêtre  Ki-yen  a 
transporté  [la  capitale]  vers  Test,  à  la  ville  de  P'o-lou-kia- 
sseu55  [pron.  anc.  *Ba-ru-ga-si,  litt.  «la  plage  de  sable »  = 
Grise  ou  Grisse,   le  port  de  la   Résidence  de  Surabaya]'^). 

(')  B.É.F.E.-O.,  t.  XIX,  1919,  n"  5,  p.  i3o.  M.  Krom  a  eu  l'obligeance  de 
me  faire  savoir  que  le  roi  Çailendra  est  également  mentionné  dans  l'inscrip- 
tion de  Kloorak  de  706  çaka  [vide  Brandes  apud  Groeneveldt,  Catalogus  Ba 
tavia,  1887,  p.  389). 

(-'  Pour  cette  restitution,  cf.  mon  mémoire  Le  K'ouen-louen  et  les  anciennes 
navigations  interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud,  dans  /.  As.,  XP  série,  t.  XIII, 
1919,  p.  3o'i. 


A  propos  du  môme  événement,  l'auteur  du  Yuan  che  lei  pion 
(k.  /i2,  p.  87  r'')  rapporte  que,  dans  la  période  Cien-pao 
(7/.2-755)  :  i  11  îi  n  mil  S/r  M  «on  déplaça  [la 
capitale]  de  Cho-p'o  à  la  ville  de  P'o-lou-kia-sseu  ?5  (dans  Pel- 
LioT,  Deux  itinérantes,  p.  2  25)'''. 

En  confrontant  ces  indications  avec  les  renseignements 
fournis  par  l'inscription  de  Banka  et  le  passage  du  Sin  t'ang  chou 
ayant  trait  à  la  reine  Si-mo  [vide  supra,  p.  87),  on  peut  en 
déduire  que  l'expédition  sumatranaise  de  608  çaka  =  686 
n'atteignit  son  but  qu'à  la  longue,  car  il  fallut  plus  d'un  demi- 
siècle  aux  envahisseurs  pour  occuper  la  capitale  et  provoquer 
ainsi  la  fuite  dans  l'est,  à  Grise,  de  la  famille  régnante,  repré- 
sentée alors  par  un  successeur  de  Si-mo,  le  roi  Ki-yen.  Ce  que 
nous  savons  par  la  Nouvelle  histoire  des  T'ang  du  royaume  java- 
nais, montre  que  la  victoire  finale  dut  être  chèrement  achetée. 
Mais  elle  alïirme,  d'autre  part,  la  puissance  incontestable  des 
Çailendra  de  Sumatra  qui  opéraient  loin  de  leur  pays  et  de- 
vaient avoir  une  remarquable  organisation  militaire  et  navale 
pour  mener  a.  bonne  fin  une  telle  entreprise  coloniale,  suivie 
bientôt  par  l'occupation  d'une  partie  de  la  péninsule  malaise 
et  la  campagne  contre  le  Cambodge. 

ÏNscRiPTroN  sanskrite  de  Vien  Sa  de  697  çaka==775  (côte 
orientale  de  la  péninsule  malaise,  au  sud  de  la  baie  de  Ban- 
don),  dans  G.  Cœdès,  Le  royaume  de  Çrivijaija  i^B.E.V.E.-O., 
\.  XVIII,  1918,  n°  6 ,  p.  29-82).  Je  n'en  reproduis  que  les 
passages  utiles. 

XXIX  .  .  .  Victoiieux  est  le  roi  de  Çrîvijaya,  dont  la  Çrî  a  son  siège 
échauffé  par  les  rayons  (îmanés  des  rois  voisins ,  et  qui  a  été  diligemment 
créé  par  Brahmâ  comme  si  ce  Dieu  n'avait  eu  en  vue  que  la  durée  du 
Dharma  renommé. 

O  Apud  Pklliot,  Deux  ilinéraire.s ,  p.  aaS,  n.  2 ,  ci  p.  A i3 ,  et  ma  commu- 
nication à  la  Société  Asiatique,  dans  /.  As.,  Xl°  série,  t,  XIX,  192J,  p.  l'.i"). 


Le  roi  seigneur  de  Çrîvijaya,  seul  roi  suprême  de  tous  les  rois  delà 
terre  entière,  a  élevé  ces  trois  beaux  édifices  de  briques,  séjour  de  Kaja- 
kara  (=Padmapâni),  du  Destructeur  de  Mâra  (=le  Buddlia)  et  de  Vaj- 
rin  (=  Vajrapâni). 

. . .  Ensuite  le  chapelain  royal  nommé  Jayanta  ayant  reçu  du  roi  cet 
ordre  excellent  :  crFais  trois  stupas  ri ,  il  les  fil. 

Quand  ce  (Jayanta)  fut  mort,  son  disciple  le  sthavira  Adhimukti  fit 
deux  cailijas  de  briques  près  des  trois  caitijas  (élevés  pai^  le  roi). 

(L'année)  çâkarâja  (désignée  par  les  (six)  saveurs,  le  nombre  neuf 
et  les  (sept)  munis  étant  révolue  (697  çaka  =  776),  le  onzième  jour  de 
la  quinzaine  claire  du  mois  de  Mâdhava,  le  Soleil  se  levant  en  compa- 
gnie de  Vénus  dans  le  Cancer,  le  roi  de  Çrîvijaya  semblable  au  roi  des 
Devas,  supérieur  aux  autres  rois,  ayant  l'aspect  du  cintâmani,  attentif 
aux  trois  mondes  a  élevé  ici  ...  stûpa  ... 

Ce  roi  suprême  des  rois  (râjâdhirâja) ,  le  seul  qui  par  son  éclat  soit 
comparable  au  soleil  (dissipant)  cette  nuit  qu'est  la  troupe  de  tous  ses 
ennemis,  ressemblant  par  sa  beauté  charmante  à  la  lune  d'automne  sans 
tache,  ayant  l'aspect  de  Kâma  incarné,  ayant  l'aspect  de  Visnu  .  .  .  chef 
de  la  famille  des  Çailendra ^'',  nommé  Çrï  Maharaja  {cailendravançapra- 
bh[u]  nigadatah  çrïmahârâjanâmâ)  .  .  .  (la  suite  manque). 

Manuscrit  népalais  à  miniatures  datant  au  plus  tard  du 
début  du  xf  siècle,  rédieé  dans  le  couvent  nommé  urï  Hlam 
(manuscrit  sanskrit  Additional  i6âS  de  la  bibliothèque  de  l'uni- 
versité de  Cambridge),  dans  A.  Foucher,  Etude  sur  l'iconogra- 
phie bouddhique  de  l'Inde,  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Hautes 
Etudes,  t.  XIII,  Paris,  1900,  in-S". 

XXX.  La  miniature  28  du  manuscrit  précité  est  ainsi  décrite 
par  FoucHER  :  «Bodhisattva  blanc,  debout,  à  quatre  bras  : 
1°  bras  inférieurs  :  main  droite  en  charité,  main  gauche  re- 

C'  CoEDÈs  {Le  royaume  de  Çnvijaya,  p.  3a)  a  traduit  çailendravançaprabhu 
par  ffclief  de  la  famille  du  roi  des  monts 57.  Je  préfère  lire  :  «chef  de  la  famille 
des  Çailendra»,  c est-à-dire  «chef  de  la  famille  du  roi  de  la  montagne'?,  et 
j'en  ai  donné  les  raisons  dans  mon  compte  rendu  {Jonrn.  .<4«(V(f.,  juillet-août 
1919,  p.  198-199).  Cette  nouvelle  interprétation  est  conforme  à  une  légende 
historique  bien  connuci 


pliée  tenant  le  lotus;  a"  bras  supérieurs  :  main  droite  tenant 
le  rosaire,  main  gauche,  le  livre;  à  sa  droite,  autre  lotus.  — - 
Deux  assistants  :  à  droite,  Bodhisattva  féminin,  verte  (Tara); 
à  gauche  :  [assistant]  terrible, sexe  indécis,  rouge,  coiffé  d'une 
tête  de  cheval  (Marïcï  ou  Hayagrïva).  —  Halo.  5?  La  miniature 
porte  l'inscription  suivante  :  Suvarmapure  Çri-Yijay apure  Loka- 
nâtha  k  Avalokiteçvara  à  Çri-Vijayapura  dans  Suvarnapura» 
(p.  198,  n°  2.3). 

FoucHER  ne  se  prononce  pas  entre  les  identifications  possibles 
de  Suvarnapura  à  Karnasuvarna  au  sud-ouest  du  Bengale, 
Suvarnabhùmi  en  Birmanie  et  Suvarnadvïpa  des  îles  de  la 
Sonde  {^ibid.,  p.  io5).  Pour  Goedès,  «Suvarnapura  peut  aussi 
bien  désigner  la  Birmanie  (Suvarnabhùmi)  que  Sumatra  (Su- 
varnadvïpa) [Le  royaume  de  Çrlvijaya,  p.  4]  ?5.  J'ai  dit  déjà  que, 
isolément,  Suvarnapura  ne  prête  pas  à  une  identification  déci- 
sive, car  on  peut,  en  effet,  hésiter  entre  la  Birmanie  et  Suma- 
tra; mais  quand  le  texte  précise  qu'il  s'agit  de  Çrivijayapura 
«ville  de  Çrivijaya??  situé  dans  Suvarnapura  «la  ville  de  l'or 55 
ou  «  la  ville  [du  pays]  de  l'or  55 ,  la  localisation  s'impose  :  il  s'agit 
de  Grivijaya  =  Palemban,  et  la  Birmanie  est  hors  de  cause. 
En  dernière  analyse,  l'inscription  me  semble  devoir  être  tra- 
duite par  :  «sAvalokiteçvara  à  Çrï-Vijayapura  (ville  de  Cri  Vi- 
jaya)  dans  Suvarnapura  (la  ville  [du  pays]  de  l'or^Pa- 
lemban).  55 

La  mention  de  Çrivijayapura  dans  un  manuscrit  népalais 
du  x^-xf  siècle  témoigne  que  la  connaissance  de  l'empire  suma- 
tranais  s'étendait  à  cette  époque  jusque  dans  le  nord-est  de 
l'Inde,  et  celte  constatation  a  son  prix.  La  première  miniature 
du  même  manuscrit  porte  celte  inscription  :  Yavadvïpe  Dïpan- 
kara,  «Dïpankara  à  Yavadvïpa»  (Fouciier,  ibid.,  p.  79  et  189; 
cf.  également  la  miniature  1 2  du  manuscrit  A.  1 5  de  Calcutta, 
avec  une  inscription  identique,  ibid.,  p.  309,  n°  12),  et 
il  s'agit  ici  de  Sumatra  ou  de  Java.  Or,  un  important  article 


publié  en  1  90 1  par  G.  A.  J.  Hazeu dans  la  Tijdschriftvoor  Indische 
Taal-,  Lancl-  eu  Volkenkunde  (t.  XLIV,  p.  2 8 9-8 5 'y),  sous 
le  titre  de  Het  oiid-javaansche  Adipariva  en  zijn  Sansknt-Origineel , 
nous  montre  la  littérature  javanaise  en  relations  étroites  avec 
le  nord-ouest  de  l'Inde. 

L'auteur  s'est  assigné  comme  tâche  la  recherche  de  l'origine  du  Mahâ- 
bhûmta  en  kawi.  Dans  son  présent  article,  il  compare  le  chapitre  Adipar- 
van  du  poème  vieux-javanais  avec  la  partie  correspondante  des  rédactions 
sanskrites  et  avec  la  Bhàratamanjan  de  Ksemendra.  Voici  ses  conclusions  : 
On  peut  admettre  que  dans  la  période  des  ix",  x'  et  xi°  siècles,  il  a  existé 
plusieurs  rédactions  ou  même  plusieurs  écoles  du  Mahâbhârata.  Une  de 
ces  rédactions ,  celle  qui  au  milieu  du  xi'  siècle  était  répandue  au  Kaç- 
mir,  nous  est  suffisamment  connue  par  l'extrait  qu'en  donne  Ksemexdra. 
Etant  donnée  l'étroite  parenté  qui  existe  entre  celte  rédaction  kaçmi- 
rienne  et  l'original  de  la  traduction  faite  un  siècle  auparavant  à  Java , 
on  est  autorisé  à  conclure  que  l'original  du  manuscrit  vieux-javanais 
était  lui-même  venu  du  Kaçmir  ou  d'une  région  limitrophe,  tout  au  moins 
du  nord-ouest  de  l'Inde  {B.E.F.E.-O.,  t.  II,  1902,  p.  3o5). 

Ainsi  aux  x^-xf  siècles,  l'empire  de  Çrîvijaya  est  connu  au 
Népal  et  on  traduit  à  Java  une  version  kaçmirienne  du  Maliâ- 
bhârata;  le  contact  est  donc  établi  entre  le  nord  de  l'Inde  et 
l'Indonésie  occidentale  depuis  au  moins  quelque  dix  siècles. 

Inscription  tamoule  de  Tanjore  (io3o). 

Elle  a  été  éditée,  traduite  et  commentée  par  E.  Hultzsch 
dans  Archaeolog/cal  Survey  of  India,  South-Indian  insmptions  : 
Tamil  inscriptions  of  Rajaraja,  Piajendrachola ,  and  others  in  the 
Rajarajesvara  temple  at  Tanjavur  (vol.  II,  parti,  Madras,  1891, 
in-^°,  p.  108)  et  Epigraphia  Indica  (vol.  IX,  part  V,  jan- 
vier 1908  :  n°  3 1 .  Tirumalai  rock  inscriptions  of  Rrijendra- 
Cholal,  p.  23o-23t). 

XXXI.  Le  deux  cent  quarante-deuxième  jour  de  la  dix-neuvième  an- 
née [du  règne]  de  Ko-Parakesarivarman,  olias  le  Seigneur  Çrî-Râjëndra- 
coradeva  [1",  1012-10^9],  qui   ..  .   conquit  avec  sa  grande  et  belii- 


■  •t9'(    A 5    )•€-»—- 

queuse  armée  .  .  .  Ii-a-niai.HJalaai  (Ceylan)  ca  eutior  [siluéj  sur  la  mer 
transparente;  .  .  .  Odda-visayam  (province  d'Orissa)  qu'il  était  difficile 
d'approcher;  ...  le  bon  Kâçalai-nâdu  (?),  où  les  Brahmanes  s'assem- 
blaient; Tandabutli  (c'est-à-dire  Danda-bhukti  [?]),  dans  les  jardins  du- 
quel abondent  les  abeilles;  . .  .  Vangâladeçam  (le  Bengale) où  il  ne  cesse 
de  pleuvoir  ...  ;  la  Gangâ  (le  Gange)  ...  ;  et  [qui],  ayant  envoyé  de 
nombreux  navires  au  milieu  de  la  mer  ondulante  et  s'étant  emparé 
de  Samgrâmavijayottungavarman ,  roi  de  Kadâram,  avec  les  éléphants 
en  rut  qui  lui  servaient  de  montures  et  qui  dans  les  batailles  [étaient 
aussi  impétueux]  que  la  mer,  [prit  aussi]  une  immense  quantité  de  tré- 
sors que  [ce  roi  de  Kadâram]  avait  justement  accumulés;  le  Vidyâdha- 
ratorâna,  la  rr Porte  de  la  guerre n  de  la  grande  cité  ennemie,  la  rr Porte 
des  joyauxn  splendidement  ornée,  la  ff  Porte  des  grands  joyaux  i,  le  pro- 
spère Çrïvijayam;  Pannai  (Pane,  sur  la  côte  nord-orientale  de  Sumatra) , 
arrosé  par  la  rivière;  l'ancien  Malaiyûr'''  [avec]  un  fort  situé  sur  une 
haute  colhne;  Mâyirudingam '^^  entouré  parla  mer  profonde  [comme] 
un  fossé  plein  d'eau  entoure  un  château-fort;  llangaçogam  (Lëûkasuka, 
sur  la  côte  orientale  de  la  péninsule  malaise),  intrépide  dans  de  terribles 
batailles;  Mâppapâlam  (le  grand  Pappâ|am)  '^^  défendu  par  d'abondantes 
eaux  profondes  ;  Mevilimbangam  (?)  défendu  par  de  beaux  murs  ;  Valaip- 
pandûru  (?)  possédant  [à  la  fois]  des  terres  cultivées  et  des  (erres 
incultes;  Talaittakkolam  (le  Takkola  du  Milindapanha,  le  Tixj^Xa.  de 
Ptolémée),  loué  par  de  grands  hommes  [versés  dans]  les  sciences; 
le  grand  Damâlingam  (-=1^  ,^  -^  Tan-ma-ling  de  Tchao  Jou-koua, 
Tâmbralinga  de  l'inscription  de  Vien  Sa),  inébranlable  dans  les  grandes 
et  terribles  batailles;  Ilâniuri-deçam  (le  Lâmurï  des  textes  arabes,  au 
nord  de  Sumatra)  dont  la  terrible  force  fut  vaincue  par  une  impétueuse 
[attaque];  Mânakkavâram  (le  gi-and  Nakkavâram-=les  Nicobar)  dont 
les  jardins  de  fleurs  [ressemblaient]  à  la  ceinture  [de  la  nymphe]  de  la 
région  méridionale,  et  Kadâi-am  [=  ville  ou  état  du  Çrïvijaya]  à  la  force 
terrible  qui  était  protégé  par  la  mer  voisine  .  .  .  '''. 

(')  Cf.  mon  mémoire  sur  MalaLu,  le  Malàijn  cl  Muldijur,  daos  Journ.  AsiaL, 
XI"  série,  t.  XII,  p.  83  et  suiv. 

(-'    Vide  supra,  p.  i3  et  n.  ^i. 

(^'  Tamoul  Mdppappalam  —  Mahâ-l'appulam.  Pap[)âlam  est  soit  le  «.lis  Fafa- 
lam  de  Sulayman  al-Maiiiû  (manuscrit  nbbtj,  foi.  33  v°,  1.  lo)  =  J.9^9  Faw- 
fal  de  Ibn  Sa'id  —  ^  ^  ^  Pao-p'a-lai  de  TciiAo  Jou-koua  de  la  côte  nord- 
orientale  de  rinde;  soit  le  Ikipphâla  du  Mahàmmsa  au  Péyou;  mais  la  première 
identification  est  plus  vraisemblable. 

('"   Pour  ce   texte,  rf.  Coedès,   Le  roijaiDiie  de  Çrïvijaya,  p.  f)  et  suiv.,  et 


Inscription  sanskrite  et  tamoule  dont  la  partie  sanskrilc  est 
datée  de  lolih  et  la  partie  tamoule  de  lohS  de  notre  ère 
(^Archaeological  Survey  of  Southern  India,  vol.  IV  :  Tamil  and 
Sanskrit  inscriptions  with  some  notes  on  village  antiquities  collected 
chiejly  m  the  south  oj  ihc  Madras  Presidency,  par  Jas.  Burgess, 
trad.  de  S.  M.  Natesa  Sâstrî,  pandit,  Madras,  1886,  in-Zi", 
p.  2o5  et  218).  C'est  la  charte  appelée  «grande  charte  de 
Leyde55  oii  elle  est  conservée  dans  le  musée  de  l'université 
de  cette  ville. 

XXXII.  Partie  sanskrite  :  ...  En  la  21  "^  année  du  règne  [du  roi 
cola]  Pkâjarâja  Râjakêsarivarman  ^''  .  .  .,  à  Nâgïpattana  (Negapatam), 
par  Çrî  Mâravijayotlungavarman ,  fils  de  Cudâmanivarman  .  .  . ,  issu  de 
la  famille  de  Çailëndra  (Çailendravamça) ,  roi  de  Kalâha  (Katâhâdhipati) 
et  de  Çrï  Visaya  [Çrî  fisayâdhipati),  a  été  donné  au  Buddha  qui  se 
trouve  dans  le  très  beau  Cûdâmanivarman-vihara  '"'  —  ainsi  nommé 
d'après  son  père  —  le  village  de  Anaimaùgalam  situé  dans  le  même 
populeux  district  appelé  Pattanakkûrru ,  dont  les  quatre  limites-fron- 
tières ont  été  nettement  marquées  par  le  parcours  d'un  éléphant 
femelle  . . . 

Partie  tamoule  :  Salut!  Prospérité!  —  Nous,  [Râjarâja  Râjakêsari- 
varma]  Kônerinamaikonçlan ,  le  92"  jour  de  la  21°  année  de  notre  règne 
. .  .  nous  témoignons  que  le  don  [de  ce  village]  a  été  fait  par  le  roi  de 
Kidâra  {Kidârattaralijan)  pour  le  charitable  entretien  du  Çûlâmanipad- 

mon  compte  rendu  de  ce  travail  dans  Journ.  Asiat.,  juiilet-aoùt  1919,  p.  17a 
et  suiv.  Un  rapport  épigraphique  (Government  of  Madras,  G.  0.  gëi,  2  août 
1913,  p.  100,  n"  36)  mentionne  trois  inscriptions  consacrées  à  Ràjàdhi- 
râja  I"  (n°  75  de  189.5,  n"  96  de  1896  et  n"  343  de  1913)  dans  lesquelles 
on  rappelle  que  ce  roi  est  fils  de  Râjêndracôradeva  I"  (dont  il  est  question 
dans  XXXI,  sup^a)  et  que  ce  dernier  souverain  ffs'était  emparé  de  Ganga,  au 
nord;  Lanka  (Ceylan),  au  sud;  Mahôdaya  (=  Cranganore;  cf.  Ep,  Ind.,  vol.  VII, 
P"  97)'  à  l'ouest,  et  Kidàram  [identifié  inexactement  par  l'auteur  du  rap- 
port à  la  Basse  Birmanie]  (=  Çrivijaya),  à  l'est».  Je  reviendrai  plus  loin  sur 
ces  identifications  de  Kadâram ,  Kidâram  à  Çrivijaya. 

(1)  Râjarâja  I"  régna  de  gSS  à  1012  de  notre  ère.  La  21'  année  de  son 
règne  tombe  donc  eu  100 5  ou  1006. 

(^)  Monastère  [fondé]  par  Cudâmanivarman  (vide  supra,  p.  19,  pour  ce 
souverain  de  Çrivijaya  dont  le  nom  est  mentionné  dans  le  Soni'  che). 


ma-viliâi'a  construU  à  Nâgapattana  (Ncgapatam)  par  Çûlamânipadma 
...  Le  village  de  Anaimangalam  ...  a  été  donné  par  nous ,  le  roi  de 
Kadâra  {Kadârattaravjmj)  .  .  .  pour  le  charitable  entretien  du  Çûlâma- 
nipadma-vihâra  de  la  ville  de  Nâgapattana  .  . . 

En  d'autres  termes,  la  présente  charte  du  roi  cola  Râjarâja 
a  pour  but  de  commémorer  la  donation  du  village  de  Anai- 
mangalam  à  un  temple  buddhique  de  Negapatam.  La  construc- 
tion de  ce  temple  a  été  commencée  par  l'empereur  sumatranais 
Cûlâmanivarman  et  achevée  par  son  fils  et  successeur  Mâravi- 
jayottungavarman.  Le  temple  est  appelé  Çûlamanipadma- 
vihara,  du  nom  de  son  fondateur.  Dans  la  partie  sanskrite, 
Mâravijayottungavarman  est  titré  ç^roi  de  Kataha  et  de  (jri 
Visaya  =  Çri  Vijayaw;  dans  la  partie  tamoule,  «roi  de  Kidâra?? 
(1.  117),  K roi  de  Kadâra 5)  (1.  121). 

XXXIIL  Inscription  TAMOULE  de  io8/t  environ  [Archaeological 
Survey  of  Southern  India,  vol.  IV,  loc.  cit.,  p.  226-227). 

Cette  charte  du  roi  cola  Kôvirâjakesaripanma,  le  cahravarii 
Cri  Kulôttungaçoladêva,  a  pour  but  d'exempter  de  certaines 
taxes  le  village  donné  au  temple  buddhique  dont  il  est  question 
dans  la  grande  charte  de  Leyde  [vide  supra,  p.  46)  et  d'auto- 
riser un  échange  de  terrains.  Cette  mesure  gracieuse  fut  prise 
à  la  requête  du  roi  de  Kidâra  (^Kidàraitaranjar)  w présentée  par 
ses  envoyés  Râjavidyâdhara  Sàmanta  et  Abhimanôttuiiga  Sà- 
manla55  (1.  10-11).  Dans  cette  inscription,  le  temple  bud- 
dhique dont  il  a  été  question  ci-dessus  (p.  46),  est  appelé  Cri 
Çailêadracùdâmanivarma-vihâra  «monastère  de  S.  M.  Ciidama- 
nivarma  [de  la  famille]  des  Çailendra??. 

Pendant  la  correction  des  épreuves  de  ce  mémoire,  M.  G.  Jou- 
VEAu-DuBREuiL  m'a  aimablement  signalé  l'existence  dans  l'épi- 
graphie  de  l'Inde  d'inscriptions  qui  ont  trait  à  l'histoire  du  Çrï- 


vijayu.  Lu  collection  des  rapports  épigrapliiqucs  du  Gouverne- 
ment de  Madras  que  possède  ia  bibliothèque  de  la  Sociélé  asia- 
tique est  malheureusement  incomplète.  Dans  les  fascicules  que 
j'ai  consultés,  on  relève  les  textes  suivants  : 

Inscription  n°  588   de  1917,  datée  de  la  10"  année  du 
règne  de  Jatavarman  Vïra-Pândya=  126/1. 

XXXIll  bis.  [The  pânçlya  kiugj  Jalâvarnian  Vîra-Pânclya  is  repre- 
senled  by  a  dozen  inscriptious  in  ihe  collection.  Three  of  thèse,  viz. , 
n°"  439,  689  and  657  supply  détails  of  date  which  hâve  been  discussed 
by  Mr.  L.  D.  Swamikannu  Pillai  in  Appendix  F.  But  as  the  citations  are 
technically  wrong  in  certain  respects  the  records  do  not  help  us  to 
identify  the  king.  N°  588  of  1916  is  dated  in  the  tenlh  year  of  Jata- 
varman Vîra-Pândya,  o-who  was  pleased  to  take  the  Ghôla  country, 
Ceylon,  and  the  crown  and  the  crowned  head  of  the  Çâvaka  [=  Jâvaka]". 
To  identify  this  king  with  Vîra-Pândya  the  conqueror  of  Kongu  whose 
initial  date  has  been  fixed  as  i954  A.  D.,  we  find  that  the  record  under 
review  omits  cr  Kongu  75  among  the  conquests  of  Vîra-Pândya.  If  however 
he  is  to  be  identified  with  the  conqueror  of  Koùgu  as  the  paleographical 
évidence  tends  to  prove,  it  is  interesting  to  note  that  the  epithet  ffwho 
took  the  crown  and  crowned  head  of  the  Çâvaka n  is  found  for  the  first 
time  among  his  records  ...'*'  The  phrase  as  it  stands  means  frone  who 
eut  ofï  the  crown  and  the  crowned  head  of  the  Çâvaka  (king)ri.  Pro- 
bably  the  land  of  Çâvaka  (i.  e.  Java?  [sic]  '^))  or  a  king  of  narae  Çâvaka 
might  hâve  been  intended  .  .  .  (Government  of  Madras,  G.  0.  n"  io35, 
10  août  1917,  Epigraphy,  p.  5o  cl  111). 

Inscription  n°  356  de  1906,  datée  de  la  11'  année  du 
règne  de  Jatavarman  Vïra-Pàndya  =-  1265. 

XXXIII  1er.  To  retiu-n  to  the  records  of  Jatavarman  Vîra-Pândya, 
est-il  dit  dans  un  autre  rapport,  the  conqueror  of  Kongu,  Ham,  etc., 

(')  Dans  les  lignes  qui  suivent,  le  rapporteur  déclare  douteux  que  Çavaica 
soit  ici  pour  Çrâvaka. 

'-)  Çâvaka  ucst  aiilrc  que  la  transcription  régulière  en  tamoul  de  hmka> 
Zâha^  =  Çrîvijaya. 


Ihe  Kii(liimiyâmalai  inscription  n°  356  of  1906,  must  be  attribulcd  io 
him,  because  Lhere,  the  chief  adviser  of  tbe  king  in  making  the  grant 
w{is  Kâlingarayan  who  bas  been  already  referred  to  as  onc  of  Vîra- 
Pândya's  olficers.  This  epigraph  is  a  parlicularly  interesling  one  and 
supplies  for  Jafâvarman  Vïra-Pândya  a  historical  introduction  in  pool- 
ical  prose  beginning  witb  tbe  words  tiruviagal  valar.  We  loarn  from  Uic 
inlioduction  that  Vîra-Pândya  couqueied  the  kings  of  Gaiigam'"^,  G;ui- 
damC-),  Kadâram(^),  Kâsi^''',  Kongam'^),  Kudiram,  KoUamî^',  Çôna- 
gam,  Çïnam''',  Avanti''',  Karunadam  (Karnâta),  Ilam<'\  Kalingara, 
Telingam <"'',  Pundram*"',  etc.,  fought  witb  tbe  Cbôla  king  a  battle  at 
Kâvikkalam,  killed  one  of  tbe  two  kings  of  Geylon,  captured  bis  armv. 
cbariols,  treasures,  tbrone,  crown,  necklaces,  bracelets,  parasols,  chau- 
ns<'-'  and  olber  royal  possessions,  planted  tbe  Pandya  flog  Avitb  tbe 
double  fisb  on  Kônamalai  and  tbe  bigb  peaks  of  tbe  Trikûtagiri  moun- 
tain,  received  elepbants  as  tribule  from  tbe  otber  king  of  Geylon  (wbom , 
perbaps,  be  raised  to  tbe  tbrone)  and  subdued  tlie  Kêrala.  Trikûtagiri 
is,  vcry  probably,  tbe  name  applied  to  a  tbree-peaked  mountain  in  tlic 
Kandyan  bill  country  (Parker's  Cerjlon,  p.  9)  and  Kônamalai  is  tbe 
Tirukkônamâmalai  mentionned  in  tbe  Devaram.  This  bigb  eulogy  bes- 
towed  on  Vïra-Pândya  in  tbe  Kudunuyâraalai  record  justifies  at  least 
bis  more  modest  boast  of  having  conquered  Kongu ,  Ijam  and  tbe  Gola- 
mandaiam.  N°  i3i  of  1907  from  Kodumbâlûr,  in  a  shorter  poetical 
introduction,  also  states  that  Vïra-Pândya  took  Koiiganam,  devaslaled 
tbe  land  of  Vadugu,  (captured)  Gangai-nâdu  and  vvas  crowned  at  Puli- 

C'  Les  Gangas  orientaux  et  occidentaux. 

'-'  Bengale  orientai. 

'•^'  Çrivijaya. 

''*'  Bcnares. 

(^'  Salem  district. 

'*'  Le  Kûlam  des  géographes  arabes,  le  Quiion  de  nos  cartes,  sur  la  cote 
sud-ouest  de  l'Inde. 

(')  Il  ne  s'agit  pas  dp  la  Chine,  comme  l'a  cru  le  rapporteur,  mais  des 
Çinas  alliés  des  Kurus,  des  Kiràtas  et  du  roi  de  Prâgjyotisa  (d'après  un  article 
de  M.  JouvEAU-DuBREUiL  destiné  à  ÏAsialic  Review,  qui  m'a  été  obligeamment 
communiqué  en  manuscrit). 

^*)  Ljjain. 

C'  Ceylan. 

''")  Le  pays  lelugu. 

(")  Chotâ-nâgpur. 

t'^)  Chasse-mouches. 

M.   '•..    rKRIlAM).  A 


— M^  50  } 

yûr  [t.  e.,  Ghidambaram).  The  latter  record  makes  référence  to  the 
coins  palam-ÇoUyan-kâçu  and  Vira-Pândiyankâçu  (Government  of  Ma- 
dras, G.  0.  n°  919,  29  juillet  1912,  Epigraphy,  p.  72,  n"  89;  cf.  éga- 
lement p.  71,  n°  87). 

D'après  la  première  inscription  précitée(n''  588  de  1917), 
le  roi  pândya  conquit  le  pays  des  Colas,  Geylan  et  «s'empara 
de  la  com'onne  et  de  la  tête  couronnée  (c'est-à-dire  :  du  roi) 
de  Çàvaka  (=Çrivijaya)55.  La  seconde  inscription  (n"  356  de 
1906)  nous  apprend  que,  entre  autres  rois,  Jalavarman  vain- 
quit les  rois  des  Colas,  de  Geylan  et  de  Kadâram.  Ce  dernier 
texte  épigraphique  est  daté  de  laGS;  le  précédent,  de  126/1. 
Il  faut  donc  poser  :  Kadâram  ==Jâvnka  et  identifier  également 
celui-là  à  Çrïvijaya. 

Je  ne  sais  dans  quelle  partie  de  Sumatra  situer  cette  viiie 
ou  état  de  Kadâram,  dont  le  nom  varie  d'une  inscription  à 
l'autre  (je  supprime  la  désinence  tamoule  -m)  : 

Manuscrit  népalais  (cf.  XXX) Kalàha 

Inscription  de  Tanjore  (XXXI) Kadàra 

^,       1     1     ,     1    T      1    /vwTTN   (  Partie  sanskrite.     Katàha 

Grande  charte  de  LeYde(AAAll).  ]  Ti    .•    .         i         rz-'i- 
•'      ^  '   (  Partie  tamoule .      Kidara 

Inscription  de  io84  (XXXIII) Kidâra 

Inscription  de  126/i  (XXXIII  bis) Jâvaka 

Inscription  de  1266  (XXXIII  ter) Kadàra 

Kathâsarilsâfrara Katâha 

Poème  tamoul  Paddinappalai Kàlaga 

Poème  tamoul  Kalingattuparaui Kadàra 

Skr.  Katâha  et  tamoul  Kadâram  sont  sémantiquement  appa- 
rentés, comme  l'a  indiqué  Coedès  (Le  royaume  de  Çrïvijaya, 
p.  20),  et  signifient  également  «  poêle ,  chaudron  de  cuivre  »  ; 
tamoul  K  kadâram  a  aussi  le  sens  de  ce  couleur  brune  tirant  sur 
le  noirw;  or  hâlagam  a  précisément  le  sens  de  ç^ noirceur??,  et 
c'est  peut-être  uniquement  cette  synonymie  qui  a  incité  le 


— +s.(  51  )<ei- 

commentateur  du  Paddinappalai  et  les  lexicographes  à  gloser 
Kâlagam  par  Kadâramn  [ibid.).  Sans  qu'on  puisse  expliquer  les 
variations  vocaliques  de  la  syllabe  initiale,  Kadnrnm  et  Kidâ- 
ram  sont  évidemment  les  leçons  différentes  d'un  même  topo- 
nyme;  mais  ils  n'ont  aucune  parenté  phonétique  avec  Katâha, 
ni  avec  Kàlagam.  Ceux-ci  et  ceux-là  ne  peuvent  pas,  à  mon 
avis,  représenter  malais  Këddh  de  la  côte  occidentale  de  la 
péninsule  malaise  (cf.  J.As.,  juillet-août  1919, p.  178-182), 
auquel  avait  songé  Goedès.  Géographiquement,  Kadàram  et  Ki- 
dâram  sont  à  situer  à  Sumatra,  d'après  les  textes  tamouls 
(notamment  d'après  XXXIII  his  et  XXXIII  1er).  Les  seuls  noms 
sumatranais  qui  s'en  rapprochent  sont  le  ^  lî^  M  Kan-t'o-h 
du  Leang  chou  et  du  Ming \che  {vide  supra,  XXI,  p.  2/1),  le  Jt 
^  ^1J  Kin-to-li  du  Song  chou;  et  le  t^^\ÙK^S  Kaiidâri  de  la  Hâwiya 
de  Ibn  Mâjid,  ce  dernier  désignant  incontestablement  Sumatra 
(cf.  mon  mémoire  Le  K'ouen-louen  et  les  anciennes  navigations 
interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud,  J.  As.,  XP  série,  t.  XIV, 
1919,  p.  288-2/11).  Le  seul  nom  indigène  qui  réponde 
d'assez  loin  aux  transcriptions  chinoises  (Kan-io-li  =  *Kandal, 
*Kandar,  ''Kandali,  *Kandari)  et  arabe  [Kandâri),  est  le  topo- 
nyme  Andalus,  VAndaloz  de  Barros,  qui  se  situe  dans  le  sud  de 
la  grande  île  indonésienne  (cf.  mon  mémoire  Malaka,  le  Ma- 
lâiju  et  Malâyur,  J.  As.,  XP  série,  t.  Xll,  1  918,  p.  62  et  72). 
Quant  à  Katâha,  qui  figure  dans  la  titulature  du  souverain  de 
Çrivijaya  [supra,  XXXII),  un  passage  an  Kathâsaritsâgara  sem- 
ble le  placer  à  l'est  de  Suvarnadvïpa  =  Sumatra  (cf.  J.  As., 
juillet-août  1919,  p-  182  et  suiv.).  La  question  reste  donc 
ouverte  et  ne  sera  résolue  de  façon  décisive  que  si  on  découvre 
des  textes  plus  explicites  que  les  précédents. 


li. 


-^^{   52  )<^ 

TEXTES  ARABES  ET  PERSANS, 

IbN  HORDÂ^BEH  (8/i/i-8/i8). 

Kitâb  al-masâlik  wal-mamàUk ,  éd.  et  trad.  M.  J.  De  Goeje, 
Leyde,  1889,  in-S^Hl 

XXXIV.  (P.  i3.)  ...  Le  roi  de  Zâbag  giyi  s'appelle  o^à^J!  (var. 
cA^ijJl)'^';  ...  le  roi  des  îles  de  la  mer  orientale,  le  Maharaja''^  .  .  . 

(')  Tous  ces  textes ,  à  l'exeeplion  des  extraits  du  Nuzhat  al-kulûb  de  Ham- 
DULLAH  MusTAWFl  et  dcs  mss  2292  et  2559,  ont  été  étudiés  déjà  dans  les 
tomes  I  et  II  de  mes  Relations  de  voyages  et  textes  géographiques  avahes, 
■persans  et  turks  relatifs  à  l Extrême-Orient,  auxquels  je  renvoie  une  fois  pour 

toutes. 

(2-3)  (2)  Litt.  ^/-jfiT.. ./(.«,  var.  ^/-FïA.î.  Ces  deux  leçons  sont  fautives.  D'après 

une  suggestion  de  Kern,  De  Goeje  a  restitué  i~^.^LiJ\  Al-Fatijab  =  Pali-Jalia 
tfle  prince  de  Java«.  J'ai  dit  déjà  [Relations  de  voyages,  t.  I,  p.  28,  note  7) 
que  cette  restitution  est  impossible  :  le  Jaba  des  géographes  arabes  est  toujours 
écrit  ÂiU^  Jâba.  Pour  le  même  tiire  royal,  EdrIsî  {vide  infra,  XLVI,  in  fine, 
p,  66)  a  i-^a^j,  lilt.  F.n.j.b  ou  F.n.g.b.  En  adoptant  celle  dernière  leçon, 
vocalisée  v--^  *Fungaba,  on  aurait  *Piingaba,  forme  araliisée  de  *Pungaba 
<;skr  pwng-flî^a  trlaureau,  héros,  chef «> javanais,  malais,  sundanais,  etc. 
pungàwa  ou  puiigawa  «premier  ministre,  officier,  héros,  grand  de  la  cour» 
(cf.  Favre,  Dictionnaire  malais-français , ^^Sjù).  Un  passage  du  JS àgarakërtà- 
gama  mentionne  les  puiigavas  avec  d'autres  dignilaires.  Le  poêle  décrivant 
les  environs  de  Majapahit  (chant  XU,  strophe  1,  trad.  Kern,  éd.  Krom,  p.  /17- 
Zi8;  cf.  également  R.  NG.  Poerbatjaraka,  De  inscriptie  van  het  Mahâksobhya- 
beeld  te  Simpang  [Soei'abaya],  dans  Bijdragen  toi  de  T.,  L.  en  V.  van  Nedcr- 
landsch-Indië ,  deel  78,  1922,  p.  Ubo-hoi),  dit  :  «  .  .  .  A  fest,  [habitent]  les 
Brahmanes  çivaïtes  dont  le  plus  notable  est  le  Très  Révérend  Rrahmarâja. 
Au  sud,  [habitent]  les  Buddbisfes;  le  plus  notable  de  la  congrégation  est  le 
sthavira  Rëiikannadi.  A  l'ouest,  [liabitenl]  les  Ksatnyas,  les  Mantris,  les 
Pungavas  et  les  parents  de  S.  M.  le  roi»  {kulvan  ksalriya  mantri  pungava 
sagotra  çi-înarendràdhipa).  Dans  cette  hypothèse,  pungava,  haut  dignitaire  de 
la  cour,  aurait  été  inexactement  pris,  par  le  géographe  arabe,  pour  un  titre 
royal.  L'erreur  est  manifeste,  car  Ibn  Hordâ^beh  dit  plus  loin  [vide  infra)  que 
«le  roi  du  Zâbag  est  nommé  le  Maharajas.  Une  autre  conjecture  possible  est 
que,  dans  ie  premier  cas,  il  s'agisse  du  nom  personnel  du  souverain  régnant 
au  ix°  siècle;  mais  notre  documentation  actuelle  est  alors  trop  fragmentaire 


~-^(  53  ).«— 

(P.  /j5.)  ...  Dans  les  montagnes  du  Zâbag,  il  y  a  d'énormes  serpents 
qui  dévorent  les  hommes  et  les  buffles  ;  on  en  trouve  même  qui  dévorent 
les  éléphants.  Ce  pays  produit  des  camphriers  gigantesques;  il  y  en  a 
qui  peuvent  étendre  l'ombre  de  leur  feuillage  sur  environ  cent  per- 
sonnes. Pour  obtenir  le  camphre,  on  pratique,  au  sommet  de  l'arbre, 
une  incision  par  laquelle  l'eau  de  camphre  s'échappe  en  assez  grande 
quantité  pour  qu'on  puisse  en  remplir  plusieurs  jarres.  Après  l'avoir 
recueillie,  on  fait  une  autre  incision  au-dessous,  vers  le  milieu  de 
l'arbre,  d'où  découlent  les  morceaux  de  camphre;  c'est  la  gomme  de  cet 
arbre,  mais  elle  se  trouve  dans  le  bois  même.  Après  celte  opération, 
Tarbre  devient  inutile  et  se  dessèche. 

(P.  48.)  ...  Le  roi  du  Zâbag  est  nommé  le  Maharaja  ...  Le  Maha- 
raja perçoit  chaque  jour  un  revenu  de  deux  cents  mami  d'or;  il  ftiit 
fondre  cet  argent  en  une  seule  brique  et  le  jette  dans  l'eau  en  disant  : 
Voilà  mon  Trésor.  Une  partie  de  ce  revenu,  soit  cinquante  mann  par 
jour,  lui  vient  des  combats  de  coqs.  Une  des  cuisses  du  coq  vainqueur 
appartenant  de  droit  au  roi,  le  possesseur  la  rachète  à  prix  d'or. 

SULÀYMÂN  (85  i). 

Voyage  du  marchand  arabe  Sulaymân  en  Inde  et  en  Chine 
re'digé  en  85  i,  suivi  de  remarcpes  par  Abu  Zayd  Hasan  (vers 
916),  trad.  G.  Ferrand,  Paris,  1922,  in-8°  (t.  VU  des  Clas- 
siques  de  l'Orient). 

XXXV.  (P.  Al.)  ...  De  LangabâlQs  (les  Nicobar),  les  navires  appa- 
reillent ensuite  pour  se  rendre  à  un  endroit  appelé  Kalâh-bâr^'^  On  dé- 
signe également  sous  le  nom  de  hâr,  un  royaume  et  une  côte.  Le  Kalâh- 
bâr  I  fait  partie  de]  l'empire  du  Zâbag  qui  est  situé  au  sud  du  pays  de 
l'Inde.  Le  Kalâh-bàr  et  ie  Zâbag  sont  gouvernés  par  un  même  roi  ^"^^  . . . 

pour  nous  permettre  de  corriger  avec  certitude  les  leçons  fautives  des  manu- 
scrits arabes.  —  W  Les  textes  arabes,  comme  les  textes  malais,  ont  jr'jft^ 
iilt.  mahvdj.  J'ai  rétabli  partout  la  forme  initiale  sanskrile  vialidrâja. 

(')  ^U  »:>)S,  iitt.  le  pays  maritime  de  Kalâh  =  Këra  ou  Kra,  sur  la  côte  occi- 
dentale de  la  péninsule  malaise ,  d'après  lequel  est  nommé  fiadïme  de  Kra  de 
nos  cartes.  Pour  celte  identificalion,  cf.  mon  mémoire  Le  k'ouon-Louen  et  les 
anciennes  nav'ifalions  inlerocéiinirjui'g  dans  le»  mers  du  Sud,  J.  As.,  Xl°  série, 
t.  XIV,  i<)i<),  appendice  I,  p.  9,l'\-^^'^'^. 

('-)  On  a   vu  déjà  {supra,  \\l\ .  p.  fi\-h:'.)  par  l'inscription  sanskrile  de 


(P.  45.)  On  rapporte  que  près  du  Zàbag^'^,  ii  y  a  une  montagne 
appelée  montagne  de  feu  dont  il  est  impossible  de  s'approcher.  On  en  voit 
sortir  de  la  fumée  pendant  le  jour  et  des  flammes  pendant  la  nuit.  Au 
bas  de  la  montagne  sourdent  une  source  d'eau  froide  potable  et  une 
source  d'eau  chaude  potable. 

Ibn  al-Fakih  (902). 

Gompendium  libri  Kitâb  al-holdân  auctore  Ibn  al-Fakïh  al- 
Hamadhânï  quod  edidit,  indicibus  et  glossario  instruxit  M.  J.  de 
GoEjE,  Leyde,  i885,in-8*. 

XXXVI.  (P.  !•)...  Au  Zabâg,  il  y  a  des  perroquets  blancs,  rouges 
et  jaunes  qui ,  quand  on  le  leur  apprend ,  parlent  couramment  arabe , 
persan,  grec  et  hindou ^''>;  il  y  a  [également]  des  paons  verts  et  tachetés 
de  blanc  et  de  noir;  des  faucons  blancs  à  huppe  rouge;  de  grands 
singes  blancs  de  la  taille  d'un  bnfïïe.  On  y  trouve  des  êtres  à  forme 
humaine  qui  parlent  un  langage  incompi'éhensible ;  ils  mangent  et 
boivent  [comme  les  hommes].  U  y  a  des  chats  de  différentes  espèces, 
ailés  comme  les  chauves -souris  ;  [leurs  ailes]  vont  de  la  naissance  de 
l'oreille  (p.  Il)  à  la  queue  .  .  . 

(P.  \V)  ...  Le  navire  se  dirige  ensuite  vers  un  endroit  appelé 
Kalah-bàr '^'.  Celui-ci  fait  partie  de  l'empire  dn  Zâbag  qui  est  situé  au 
sud  du  pays  de  l'Inde.  Un  roi  les  réunit  [=Kalah-bàr  et  Zâbag  sont 
gouvernés  par  un  même  souverain]  ''''  .  .  . 

(P.  \\")  ...  Dans  le  voisinage  du  Zâbag  se  trouve  une  montagne 
qu'on  appelle  la  montagne  de  feu  et  dont  on  ne  peut  pas  s'approcher.  On 

Vien  Sa,  qu'au  vin°  siècle,  le  roi  de  Çrivijaya  étendait  sa  souveraineté  jusqu'à 
ia  baie  de  Bandon,  où  elle  se  maintenait  encore  en  iaa5  [supra,  XVIII. 
extrait  du  T chou  fan  tche ,  p.  ii). 

(1)  Ma  traduction  de  ce  texte  arabe  a  :  Zâbag<;  Jâwaga  =  île  de  Java.  J'ai 
dû  maintenir  l'identification  traditionnelle ,  ie  caractère  de  cette  publication  ne 
me  permettant  pas  de  présenter,  avec  arguments  à  l'appui,  la  thèse  nouvelle 
exposée  ici.  Ceci  s'applique  également  à  l'extrait  XXXIX,  infra,  p.  .56. 

(-)  AjjsJLiij  i^i^i  À^Aw^Lî;  '^-r^  -«S-»^  t*^^  \^xJLi  Lo  ^£  xciXxj'.  Ce  passage 
montre  que  la  langue  grecque  était  connue  en  Indonésie  occidentale  à  la  fin 
du  ix°  siècle. 

(')  ,L?  ao!  On  remarquera  plus  loin  d'autres  variantes  de  ce  toponyme. 

W   Vide  supra,  p.  .53,  XXXV. 


— •*■>{  55  )•€-!— 

en  voit  sorlir  de  la  fumée  pendant  le  jour,  et,  pendant  la  nuit,  de  la 
flamme.  Du  pied  de  cette  montagne,  sourdent  une  source  d'eau  froide 
potable  et  une  source  d'eau  chaude  potable  {vide  supra,  p.  54). 

(P.  \ù)  ...  On  va  ensuite  au  pays  du  Zâbag  dont  le  grand  roi  s'ap- 
pelle Mabârâja,  ce  qui  veut  dire  rrroi  des  rois'''^.  Il  n'y  a  personne 
derrière  lui  [dans  la  direction  du  sud],  car  il  est  dans  la  dernière  des 
îles.  C'est  un  roi  très  riche.  .  .  . 

(P.  m)  ...  Le  girofle,  le  bois  de  sandal,  le  camphre,  la  noix  mus- 
cade proviennent  du  Zâbag  —  pays  situé  du  cùté  du  sud,  dans  le  voisi- 
nage de  la  Chine  —  d'un  pays  [du  Zâbag]  appelé  Faneur '"'  [==Baros, 
sur  la  côte  occidentale  de  Sumatra]  .  .  . 

Ibn  Rosteh  (vers  908). 

Kitflb  al-alak  an-naflsa  VU  auctore  Abu  'Alï  Ahmed  ibn  'Omab 
IBN  Rosteh,  éd.  De  Goeje,  Leyde,  1892.  in-S". 

XXXVil.  (P.  iP'v)  ...  Le  grand  roi  [du  Zâbag]  s'appelle  Maha- 
raja, ce  qui  veut  dire  rrroi  des  rois'^^.  On  n'eu  compte  pas  de  plus 
grand  parmi  les  rois  de  l'Inde;  car  il  habile  dans  des  îles.  On  ne  connaît 
pas  de  roi  plus  riche,  plus  fort  et  ayant  plus  (p.  ir^)  de  revenus. 

IsHAK  BiN  'Imrân  (mort  vers  907). 

Cité  par  Ibn  al-Baytâr  (1 197?-! 2/18)  dans  son  Traité  des 
simples,  t.  lll  =  Notices  et  Extraits,  t.  XXVI,  i883,  trad. 
L.  Leclekg,  n"  1868,  p.  127. 

XXXVIII.  Le  camphre  est  apporté  de  Sofëla  et  du  pays  de  Kalà  ^"\  du 
Zâbag  et  de  Haranj  (ou  Harang)^''.  Or  Haranj  est  la  petite  Chine  et 
c'est  de  là  cju'on  en  exporte  le  plus .  . . 

Ce  passage  a  été  reproduit  presque  littéralement  par  Ibn 
Serapion  (cf.  mes  Relations  de  voyages   et   textes  géographiques 


(')  Le  sons  exact  de  ce  tonne  sanskrit  est  agrand  roin. 

(-)  \yn'-''> i  qui  représente  malais  Panêuv. 

W  Vide  supra ,  note  i. 

('■)  -c?-^.  var.  -^.^  llar'i)  ou  Hanf^.  Ce  pays  n'ost  pas  idenlifié. 


arabes,  persans  et  turks  relatifs  à  TExtrèine-Orient ,  t.  I,  iQiS, 
in-8°,  p.  112). 

Abu  Zaïd  Hasan  (vers  916). 

Voyage  du  marchand  arabe  Sulaymân  en  Inde  et  en  Chine 
rédigé  en  85  1,  suivi  de  remarques  par  Abu  Zayd  Hasan  (vers 
916),  trad.  G.  Ferrand,  Paris,  1922,  in-8°  (t,  VII  des  Clas- 
siques (le  lOrienty 

XXXIX.  (P.  95.)  Description  de  la  ville  (sic)  de  Zâbag.  Nous  com- 
mençons [ce  chapitre]  par  l'histoire  de  la  ville  de  Zâbag  parce  qu'elle 
est  située  en  face  de  la  Chine.  La  distance  entre  l'une  et  l'autre  est  d'un 
mois  de  route  par  mer,  et  même  moins  si  les  vents  sont  favorables. 

Le  roi  de  cette  ville  est  connu  sous  le  titre  [sanskrit]  de  maharaja 
(  ffgrand  roi^i  ).  On  dit  que  la  superficie  [du  territoire  dont  cette  ville  est 
la  capitale]  est  de  900  parasanges  [carrt^es].  Ce  roi  est  eu  même  temps 
souverain  d'un  grand  nombre  d'îles  qui  s'ëtendent  sur  1.000  para- 
sanges de  distance  et  plus  encore.  Parmi  les  états  sur  lesquels  il  règne , 
est  l'île  appelée  Sribuza^'',  dont  la  superficie  est,  dit-on,  de  ^00  para- 
sauges  [carrées],  et  l'île  appelée  Râmï^^',  dont  la  superficie  est  de 
800  parasanges  [carrées].  Dans  celle-ci,  on  trouve  des  ])lantations  de 
bois  du  Brésil,  le  camphrier  et  d'autres  essences.  Fait  également  partie 
des  possessions  du  Maharaja,  le  pays  maritime  de  Kalah  ''^  qui  est  situé 
à  mi-chemin  entre  la  Chine  et  l'Arabie.  La  superficie  du  pays  de  Kalah 
est,  dit-on,  de  80  parasanges  [carrées].  La  ville  de  Kalah  est  (p.  96) 
le  marché  où  se  centralise  le  commerce  de  l'aloès,  du  camphre,  du 
sandal,  de  l'ivoire,  de  l'étain,  de  l'ébène,  du  bois  du  Brésil,  de  toutes 
les  épices  et  aromates  et  d'autres  produits  dont  la  mention  détaillée 
serait  trop  longue.  C'est  dans  ce  port  que  se  rendent  actuellement  [,  au 

^')  Le  texte  a  ^j^j*  S.r.b.zœ,  var.  «jj^*  S. rira,  qui  sont  à  rectiOer  en 
Sjiy*".  •j:?7**'  est  la  leçon  fautive  habituelle  des  manuscrits  arabes. 

'■-'>  (f^\yi\,  plus  exactement  c^I-^Jl  que  Ibn  al-Fajçïh  vocalise  (^IJI  Ar- 
Râminl  (cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  I,  p.  56  et  u.  6).  C'est  un  des  noms 
de  l'île  de  Sumatra.  Abu  Zayd,  ni  les  géographes  antérieurs  et  postérieurs  ne 
se  sont  rendu  compte  que  Zàbag,  Sribuza,  RâminT  désignaient  un  seul  et 
même  pays  insulaire. 

'')  Ou  Kra,  sur  la  péninsule  malaise.  Vidcsiiprn,  p.  03,  note  i. 


commencement  du  x"  siècle,]  les  navires  de  T'Omân  el  c'est  de  ce  poit 
que  partent  les  navires  à  destination  de  T'Omân. 

L'autorité  du  Maharaja  s'exerce  sur  ces  îles.  Son  île  à  lui,  dans  laquelle 
ii  réside,  est  aussi  fertile  qu'une  terre  peut  l'être  et  les  endroits  peuplés 
s'y  suivent  sans  interruption.  Quelqu'un,  dont  le  témoignage  est  digne 
de  foi,  a  rapporté  que  lorsque  les  coqs  de  ce  pays  se  mettent  à  chanter 
à  l'aube,  comme  ils  le  font  en  Arabie,  ils  se  répondent  les  uns  aux 
autres  [sur  une  étendue  de  pays  qui  atteint]  jusqu'à  loo  parasanges 
et  plus  encore;  [il  en  est  ainsi]  parce  que  les  villages  sont  contigus  l'un 
à  l'autre  et  se  succèdent  sans  interruption,  car  il  n'y  a  ni  déserts,  ni 
ruines.  Celui  qui  se  déplace  dans  ce  pays  en  voyageant  à  pied  où  à 
cheval  peut  aller  où  il  lui  plaira;  s'il  lui  arrive  de  s'ennuyer  ou  (p.  97) 
que  son  cheval  soit  fatigué,  il  peut  s'arrêter  où  il  voudra  [,  il  trouvera 
toujours  un  gîte]. 

Parmi  les  choses  extraordinaires  qui  sont  venues  à  notre  connais- 
sance, en  ce  qui  concerne  les  traditions  de  cette  île  appelée  Zàbag  [,  je 
vais  rapporter  la  suivante].  Un  ancien  roi  de  cette  île  qui  portait  le  titie 
de  Maharaja,  avait  son  palais  qui  faisait  face  à  un  talâg^^^  communi- 
quant avec  la  mer  —  par  talâg,  on  désigne  un  estuaire  comme  celui  du 
Tigre,  le  fleuve  de  Bagdad  et  de  Basra,  où  pénètre  l'eau  de  la  mer  avec 
le  flot  et  où  l'eau  est  douce  au  moment  du  jusant.  —  De  ce  talâg,  se 
formait  un  petit  lac  contigu  au  palais  du  roi.  Chaque  matin ,  l'intendant 
se  présentait  devant  le  roi  et  lui  apportait  un  lingot  d'or  en  forme  de 
brique,  pesant  un  certain  nombre  de  mann  dont  la  valeur  m'est 
inconnue.  Puis,  devant  le  roi,  l'intendant  jetait  ce  lingot  dans  le  lac. 
Au  moment  du  flot,  l'eau  recouvrait  entièrement  ce  lingot  et  les  lingots 
identiques  qui  se  trouvaient  déjà  dans  le  talàg;  au  moment  du  jusant, 
quand  la  mer  se  retirait,  les  lingots  reparaissaient  et  brillaient  au  soleil. 

^')  Le  texte  a  la  leçon  fautive  ^^  pour  ^^j.  «Les  Indiens,  dit  MuTAniiAr, 
BIN  Tâiiir  al-MaçdisI  (Le  livre,  de  la  création  el  de  l'histoire,  texte  arabe  et  Irad. 
par  Cl.  HuART,  t.  IV,  Paris,  1908,  in-8°,  p.  .^9),  se  nourrissent  habituellement 
de  riz  et  de  sorgho;  ils  boivent  l'eau  des  mares  où  se  rassemblent  les  eaux  de 
pluie,  et  qu'ils  appellent  -^J  talàjn  [lire  :  talâg  avec  ^  en  fonction  de  guttu- 
rale sonore].  «C'est,  ajoute  en  note  le  traducteur,  le  sanskrit  tàdài^a,  hiudou- 
stani  Jljo'  tàdâg.n  Le  rapprochement  est  exact,  sous  cette  réserve  que  17  de 
la  transcription  arabe  ^5A.j  doit  remonter  à  une  forme  prâkrite  *tâlàg.  Pour 
l'équivalence  régulière  des  cérébrales  indiennes  et  indonésiennes  en  transcrip- 
tion arab(!,  cf.  l'appendice  I  de  mon  mémoire  sur  Le  k'ouen-lducn  el  les  an- 
ciennes navigations  interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud,  J.  As.,  XI'  série, 
t.  XIV,  p.  a  1/1-233. 


-^w.(  58  ).«— 

Le  roi  les  examinait  quand  il  siégeait  dans  sa  grande  salle  dominant  le 
lac.  Cette  coutume  se  maintenait  invariable  :  on  jetait  tous  les  jours  un 
lingot  d'or  dans  le  lac.  Tant  que  le  roi  vivait,  on  ne  touchait  pas  aux 
lingots.  A  sa  mort,  son  successeur  faisait  retirer  tous  les  lingots  sans  en 
excepter  un  seul.  On  les  comptait,  on  les  faisait  fondre;  puis,  on  en 
partageait  [une  certaine  quantité]  entre  les  membres  de  la  famille  royale, 
hommes,  femmes  et  enfants,  les  généraux,  les  esclaves  royaux,  en  tenant 
compte  de  leurs  rang  et  prérogatives  respectifs.  L'excédent  était  ensuite 
distribué  aux  pauvres  et  aux  malheureux.  Puis,  on  inscrit  officiellement 
le  nombre  des  lingots  d'or  et  leur  poids.  [  Dans  le  procès-verbal  rédigé 
à  cette  occasion,]  (p.  98)  il  était  mentionné  que  tel  roi  ayant  régné  à 
telle  époque,  pendant  tant  d'années,  avait  laissé,  après  sa  mort,  tant  de 
lingots  d'or  dans  le  lac  royal  et  que  ses  lingots  avaient  été  partagés, 
après  sa  mort ,  entre  les  princes  et  les  fonctionnaires  royaux  '^'.  Chez  les 
gens  du  Zâbag,  c'était  une  gloire  pour  un  roi  qu'eussent  été  longs  les 
jours  de  règne  et  que  fût  plus  grand  le  nombre  des  lingots  d'or  qu'il 
laissait  en  héritage'"'. 

D'après  les  annales  du  pays  de  Zâbag,  il  y  avait  autrefois  un  roi 

(')  Mas'ùdî  {Les  Prairies  d'or,  t.  I,  p.  175-177)  fournit  des  renseignements 
identiques.  D'après  Ibn  Sa'îd  {videinfra,  LX),  on  laisse  dans  l'étang  une  brique 
d'or  par  règne  et  le  nombre  des  briques  isolées  représente  ainsi  le  nombre  des 
rois  qui  ont  régné  sur  le  pays.  Cette  coutume  existait  également  au  Campa. 
Ma  Touan-lin  {Méridionaux ,  j).  /i3o;  cf.  également  G.  Maspero,  Le  royaume 
de  Champa,  T'oting  pao,  t.  XI,  1910,  p.  5i4)  rapporte  que  le  premier  em- 
pereur de  la  dynastie  des  Souei  (518-617),  Wen-ti,  fit  envahir  le  Lin-yi 
(Campa)  par  une  armée  chinoise  commandée  par  le  général  Lieou-fang. 
Celui-ci  s'empara  de  la  capitale  et  tcy  prit  dix-huit  tablettes  d'or  massif,  dans 
la  salle  où  le  roi  [cam]  honorait  la  mémoire  de  ses  ancêtres.  Ces  tablettes 
étaient  au  nombre  de  dix-huit  parce  que  '^  j^  Fan-tche  [,  le  roi  cnm 
vaincu,  ]  était  le  dix- neuvième  roi  du  Lin-yi  ...  5). 

'-'  «Ce  lac  aux  briques  d'or,  dit  Millies  (Recherches  sur  les  monnaies  indi- 
gènes de  l'archipel  indien  et  de  la  péninsule  malaise,  La  Haye,  1871,  in-û°,  p.  21), 
rappelle  tout  de  suite  plusieurs  noms  géographiques  de  Java ,  comme  le  Kali- 
mas  «la  rivière  d'or»  qui  passe  par  Surabaya;  le  nom  de  Banyou-mas  (lire  : 
Banu-mas)  «l'eau  d'or» ,  etc.;  soit  que  ce  conte  soit  un  mythe  étymologique,  soit 
que  la  mémoire  de  l'usage  ancien  ait  été  conservée  par  le  nom  géographique». 
C'est  celte  dernière  hypothèse  qui  est  à  retenir.  «Il  est  bien  connu,  dit 
RouFFAER  {Encyclopaedie  van  NederlandscJi-Indië ,  1"  éd.,  t.  IV,  p.  38a  ,  2°  col., 
fin  de  la  note  3),  que  les  princes  de  Java  et  de  Bali  avaient  l'habitude  de 
mettre  leurs  trésors  à  l'abri  sur  une  Pulo  gëdon  —  une  île  du  Trésor  (een 
Schatkamer  Eiland),  construction  en  maçonnerie  entourée  d'eau.» 


de  Khmèr  [doul  il  va  élre  question  plus  loin].  Le  Khmèr  est  le  pays 
d'où  ou  exporte  l'aloès  khmèr.  Ce  pays  n'est  pas  une  île,  mais  [il  est 
situé]  sur  la  partie  [du  continent  asiatique]  qui  confine  au  pays  des 
Arabes  (sic)  '■^\  Il  n'y  a  pas  de  royaume  qui  possède  une  plus  nombreuse 
population  que  celui  de  Khmèr.  Tous  les  Kbmèrs  vont  à  pied.  La 
débauche  et  toutes  les  boissons  fermentées  leur  sont  interdites;  dans  les 
villes  et  dans  l'empire,  on  ne  trouverait  pas  une  seule  personne  prati- 
quant la  débauche  ou  usant  de  boissons  fermentées.  Le  Khmèr  est  situé 
sur  la  même  longitude  que  le  royaume  du  Maharaja,  c'est-à-dire  l'ile 
qui  est  appelée  Zâbag.  Entre  ces  deux  pays ,  la  distance  est  de  dix  à  vingt 
jours  [de  route]  par  mer,  en  faisant  route  dans  la  direction  nord-sud  ou 
inversement;  [dix  jours  avec  bon  vent  et  vingt  jours]  avec  un  vent 
moyen. 

On  raconte  que,  autrefois,  un  roi  de  Khmèr  fut  investi  du  pouvoir; 
il  était  jeune  et  prompt  à  agir.  Un  jour,  il  était  assis  dans  son  palais  qui 
dominait  un  fleuve  d'eau  douce  semblable  au  Tigre  de  l'Trâk  —  entre 
le  palais  et  la  mer,  la  distance  était  d'un  jour  de  route  [par  le  fleuve]  — 
il  avait  son  ministre  devant  lui.  Il  s'entretenait  avec  son  ministre  et  il 
était  question  dans  la  conversation  du  (p.  99)  royaume  du  Maharaja, 
de  l'éclat  qu'il  jetait,  de  sa  nombreuse  population  et  des  îles  qui  lui 
étaient  soumises.  ffJ'ai  un  désir  [,  dit  alors  le  roi,]  que  j'aimerais  à  satis- 
faire, n  Le  ministre,  qui  était  sincèrement  dévoué  a  sou  souverain  el  qui 
connaissait  sa  promptitude  à  prendre  des  décisions,  lui  demanda  :  rrQuel 
est  ce  désir,  ô  roi'n  Celui-ci  reprit  :  ffJe  désire  voii'  devant  moi,  sur  un 
plat,  la  tête  du  Maharaja,  roi  du  Zâbag. 75  Le  ministre  comprit  que  c'était 
la  jalousie  qui  avait  suggéré  cette  pensée  à  son  souverain  et  il  lui  ré- 
pondit :  ff  Je  n'aimerais  pas,  ô  roi,  que  mon  souverain  exprimât  un  tel 
désir.  Les  peuples  du  Khmèr  et  du  Zâbag  n'ont  jamais  manifesté  de 
haine  l'un  pour  l'autre,  ni  en  paroles,  ni  en  actes.  Lo  Zâbag  ne  nous  a 
jamais  fait  de  mal.  C'est  une  île  lointaine  qui  n'est  pas  dans  le  voisinage 
de  notre  pays.  [Son  gouvernement]  n'a  jamais  manifesté  un  vif  désir  de 
s'emparer  du  Khmèr.  11  ne  faudrait  pas  que  qui  que  ce  soit  eût  connais- 
sance de  ce  que  le  roi  vient  de  dire  ni  que  le  roi  répétât  ce  propos.  «  Le 
roi  du  Khmèr  se  fâcha  [contre  son  ministre],  n'écouta  pas  l'avis  que  lui 

C  Mas'ûdî  qui  mentionno  également,  presque  dans  les  mômes  termes,  la 
campagne  du  Zabâg  contre  le  Khmèr  ou  ancien  Cambodge,  dit  plus  correcte- 
ment :  J'-'.s»-)  -a?  Cf^^  (s^  J^  5-^î~"  3^'t^  O*  '7^7^  i>2A.*Jl  »js^  ^j^i  ''Ce 
pays  [du  Khmèr]  n'est  pas  une  île  de  la  mer;  il  est  seulement  situé  sur  le 
bord  de  la  mer;  et  [ii  y  a  dans  ce  pays]  des  montagnes n. 


donnait  son  sage  et  Joyal  conseiller  et  il  répéta  le  propos  devant  ses 
[jénéraux  et  devant  des  grands  de  sa  cour  qui  étaient  présents.  Le  pro- 
pos passa  de  bouche  en  bouche  au  point  qu'il  se  répandit  partout  et 
qu'il  parvint  à  la  connaissance  du  Maharaja.  Celui-ci  était  un  souverain 
énergique,  actif  et  expérimenté;  il  était  alors  arrivé  h  l'âge  mûr.  11  fit 
appeler  son  ministre  et  l'informa  de  ce  qu'il  venait  d'apjirendre;  puis,  il 
ajouta  :  ff  Après  le  propos  que  ce  fou  [de  roi  khmèr]  a  rendu  public, 
devant  le  désir  [de  voir  ma  tête  sur  un  plat]  qu'il  a  exprimé  parce  qu'il 
est  jeune  et  léger,  après  la  divulgation  du  propos  qu'il  a  tenu ,  il  est  né- 
cessaire que  je  m'occupe  de  lui.  [Mépriser  ses  insultes,]  serait  me  faire 
tort  à  moi-  (p.  loo)  même,  me  diminuer  et  m'abaisser  devant  lui. n 
Le  roi  prescrivit  ensuite  à  son  ministre  de  garder  secrète  la  conversation 
qu'ils  venaient  d'avoir  et  de  faire  préparer  mille  navires  de  moyenne 
grandeur,  de  les  équiper,  de  mettre  à  bord  de  chacun  d'eux  des  armes 
et  des  troupes  vaillantes  en  aussi  grande  quantité  que  possible.  [Pour 
expliquer  ces  armements,]  il  déclara  ouvertement  qu'il  désirait  faire  un 
voyage  d'agrément  dans  les  îles  de  son  royaume;  et  il  écrivit  aux  gou- 
verneurs de  ces  îles  qui  lui  étaient  soumises,  pour  les  prévenir  qu'il 
allait  leur  faire  visite  en  effectuant  un  voyage  d'agrément  dans  les  îles. 
La  nouvelle  se  répandit  partout  et  le  gouverneur  de  chaque  île  se  pré- 
para à  recevoir  le  Maharaja  comme  il  convenait. 

Lorsque  les  ordres  du  roi  furent  exécutés  et  que  les  préparatifs  étaient 
terminés,  celui-ci  s'embarqua  et  avec  sa  flotte  et  ses  troupes  fit  route  à 
destination  du  royaume  de  Khmèr.  Le  roi  et  ses  compagnons  se  servaient 
du  cure-dent  ;  chacun  d'eux  s'en  servait  plusieurs  fois  par  jour.  Chacun 
emportait  un  cure-dent  et  ne  s'en  séparait  pas  ou  le  donnait  à  garder  à 
son  domestique. 

Le  roi  du  Khmèr  n'eut  soupçon  de  ces  événements  que  lorsque  le 
Maharaja  se  fut  emparé  du  fleuve  conduisant  à  sa  capitale  et  eut  lancé 
en  avant  ses  troupes.  Celles-ci  cernèrent  la  capitale  à  l'improvisle,  elles 
s'emparèrent  du  roi  et  entourèrent  son  palais.  Les  Khmèrs  avaient  fui 
devant  l'emiemi.  Le  Maharaja  fit  déclarer  par  des  crieurs  publics  qu'il 
garantissait  la  sécurité  de  tout  le  monde;  puis  il  s'assit  sur  le  trône  du 
roi  du  Khmèr  qui  avait  été  fait  prisonnier  et  le  fit  comparaître  devant 
lui  ainsi  que  son  ministre.  Il  dit  au  roi  du  Khmèr  :  ff  Qu'est-ce  qui  t'a 
poussé  à  formuler  un  désir  qu'il  n'était  pas  eu  ton  pouvoir  de  satisfaire, 
qui  (p.  ici)  ne  t'aurait  pas  donné  de  bonheur  s'il  avait  été  réahsé  et 
qui  même  n'aurait  pas  été  justifié  s'il  avait  été  facilement  réalisable ?n 
[Le  roi  khmèr]  ne  répondit  pas.  Le  Maharaja  reprit  :  ffTu  as  manifesté 
le  désir  de  voir  devant  toi  ma  lêle  sur  un  plat;  mais  si  tu  avais  égale- 


-— «.(  61  ).«— 

ment  voulu  t' emparer  de  mon  pays  et  de  mon  royaume  ou  seulement  eu 
ravager  une  partie,  j'en  aurais  l'ait  autant  au  Khmèr.  Gomme  tu  nas 
exprimé  que  le  premier  de  ces  désirs,  je  vais  t'appliquer  le  traitement 
que  tu  voulais  me  faire  subir  et  je  retournerai  ensuite  dans  mon  pays, 
sans  m'emparer  de  quoi  que  ce  soit  du  Khmèr,  quïl  s'agisse  de  choses 
de  grande  ou  d'infime  valeur.  Ma  victoire  [servira  de  leçon]  à  tes  suc- 
cesseurs ;  personne  ne  sera  plus  tenté  d'entreprendre  une  tâche  au-dessus 
de  ses  forces,  et  de  désirer  plus  qu'il  ne  lui  est  échu  en  partage  par  la 
destinée;  on  s'estimera  heureux  d'avoir  la  santé,  quand  on  en  jouira. ^^ 
Il  fit  alors  couper  la  tête  au  roi  du  Khmèr.  Puis  il  s'approcha  du  ministre 
khmèr  et  lui  dit  :  trJe  vais  te  récompenser  pour  le  bien  [cjue  tu  as 
essayé  de  faire]  en  agissant  en  [bon]  ministre;  car  je  sais  bien  comment 
tu  avais  sagement  conseillé  ton  maître  :  [cjuel  dommage  pour  lui]  qu'il 
ne  t'ait  pas  écouté.  Cherche  maintenant  quelqu'un  qui  puisse  faire  un 
bon  roi  après  ce  fou ,  et  mets-le  à  la  place  de  celui-ci.  " 

Le  Maharaja  partit  sur  l'heure  pour  retourner  dans  son  pays,  sans 
que  lui  ni  aucun  de  ceux  qui  l'accompagnaient  emportassent  quoi  que  ce 
soit  du  pays  de  Khmèr.  Lorsqu'il  fut  de  retour  dans  son  royaume,  il 
s'assit  sur  son  trône  qui  dominait  le  lac  [aux  lingots  d  or]  et  il  lit  mettre 
devant  lui  le  plat  contenant  la  tête  du  roi  du  Khmèr.  Puis  il  fit  con- 
voquer les  hauts  fonctionnaires  de  son  royaume  et  les  mit  au  (p.  lori) 
courant  de  ce  qui  s'était  passé  et  des  motifs  qui  l'avaient  poussé  à  entre- 
prendre cette  expédition  contre  le  roi  du  Khmèr.  [En  apprenant  cela], 
le  peuple  du  Zâbag  pria  pour  son  roi  et  lui  souhaita  toutes  sortes  de 
bonheur.  Le  Maharaja  fît  ensuite  laver  et  embaumer  la  tête  du  roi  du 
Khmèr;  on  la  mit  dans  un  vase  et  on  l'envoya  au  roi  qui  avait  remplacé 
sur  le  trône  du  Khmèr  le  souverain  décapité.  Le  Maharaja  fit  parvenir 
en  même  temps  une  lettre  ainsi  conçue  :  ff  J'ai  été  poussé  à  agir  comme 
je  l'ai  fait  vis-à-vis  de  ton  prédécesseur  à  cause  de  la  haine  qu'il  avait 
manifestée  contre  nous  et  nous  l'avons  châtié  [pour  donner  une  leçon]  à 
ceux  qui  voudraient  l'imiter.  Nous  lui  avons  appliqué  le  traitement  qu'il 
voulait  nous  faire  subir.  Nous  jugeons  bon  de  te  renvoyer  sa  tête,  car 
il  n'est  maintenant  pas  nécessaire  de  la  retenir  ici.  Nous  ne  tirons  aucune 
gloire  de  la  victoire  que  nous  avons  remportée  contre  lui."  Quand  la 
nouvelle  [de  ces  événements]  parvint  aux  rois  de  l'Inde  et  de  la  Chine, 
ie  Maharaja  grandit  à  leurs  yeux.  Depuis  ce  moment,  les  rois  du 
Khmèr,  tous  les  malins,  en  se  levant,  tournent  le  visage  dans  la  direction 
du  pays  de  Zâbag,  s'inclinent  jusqu a  terre  et  s'hiuuiiient  devant  le  Ma- 
haraja pour  lui  rendre  hommage. 


♦*-»»l 


(  6â  ). 


Mas'ûdï  (g/iS). 

Les  Prairies  d'or,  texte  et  trad.  par  C.  Barbier  de  Meynard  et 
Pavetde  Courteille,  t.  I,  i86t ,  in-8°;  t.  II,  i863,in-8''. 

XL.  (Tome  I,  p.  162,  in  fine.)  L'Inde  est  un  vaste  pays  qui  s'étend 
sur  la  mer,  le 'continent  (p.  léS)  et  au  milieu  des  montagnes;  ce 
royaume  est  limitrophe  de  celui  du  Zâbag,  qui  est  l'empire  du  Maha- 
raja, roi  des  îles.  Le  Zâbag,  qui  sépare  la  Chine  de  l'Inde,  est  compris 
dans  cette  dernière  contrée. 

(P.  207,  in  fine.)  ...  Les  crocodiles  abondent  .  .  .  dans  la  baie  du 
Zâbag,  [qui  se  trouve]  dans  les  états  du  Maharaja  .  .  . 

(P.  2/12.)  ...  Aux  environs  de  Kalah  et  de  Sribuza,  on  trouve  des 
mines  d'or  et  d'argent. 

(P.  343.)  .  .  .  Dans  l'empire  du  Maharaja  est  l'île  de  Sribuza  qui  est 
située  à  environ  600  parasanges  du  continent  et  enlièrement  cultivée. 
Ce  prince  possède  aussi  les  îles  de  Zâbag  ^'^  et  de  Râmnï  et  bien  d'autres 
encore  que  nous  ne  mentionnerons  pas;  au  surplus,  sa  domination 
s'étend  sur  toute  la  sixième  mer  ou  mer  de  Campa  (l'Annam  actuel). 

(P.  394.)  Nous  avons  déjà  parlé  .  .  .  dans  nos  Annales  historiques  et 
notre  Histoire  moijenne^'^  ...  du  Maharaja,  roi  des  îles,  ainsi  que  des 
parhims  et  des  plantes  aromatiques ,  et  des  autres  princes  de  l'Inde.  . . . 
ce  pays  [Mandûra-patan ''\  la  capitale  du  Madura,]  est  situé  vis-à-vis 
de  Ceylan,  comme  le  pays  de  Khmèr  l'est  des  îles  du  Mahâi-âja,  telles 
que  le  Zâbag  et  les  autres  .  .  . 

(Tome  II,  p.  5i.)  ...  On  rencontre  une  troisième  espèce  de  singes 
dans  les  nombreuses  criques  que  forme  la  mer  de  Chine  sur  les  côtes  du 
Zâbag  et  de  l'empire  du  Maharaja,  roi  de  ces  îles.  Les  possessions  de  ce 
dernier,  comme  nous  l'avons  (p.  62)  déjà  fait  remarquer  dans  cet 
ouvrage,  font  face  à  la  Chine  et  occupent  une  position  intermédiaire 
entre  ce  royaume  et  celui  du  Ballahrâ  [de  l'Inde]  ...  Les  marins  de 
Sirâf  et  de  l"Omân  qui  font  continuellement  le  voyage  de  Kalah  et  du 
Zâbag ,  connaissent  parfaitement  les  singes  de  cette  espèce  . . . 

(^)  Les  éditeurs  ont  lu  fautivement  g'iyi  Zandj. 

(2)  kuv^illj  yUJl  ;Lj^).  Ces  ouvrages  ne  nous  sont  malheureusement  pas 
parvenus. 

W  Les  éditeurs  ont  adopté  la  leçon  fautive  ^Ji3^fùJ^  Mandûrafïn,  qu'il  faut 
corriger  en  ^^xj^y^Xj». 


»«-»«l 


(  63  y 


Mas'ûdï  (955). 

Kitâb  at-tanbîh  wa'lisrâf,  éà.  M.  J.  De  Goeje,  Leyde,  189/i, 
in-S";  Le  livre  de  l'avertissement  et  de  la  révision,  trad.  Carra  de 
Vaux,  Paris,  1896,  in-8°. 

XLI.  (P.  90,  in  fine.)  .  .  .  Nous  avons  doané  dans  le  livre  des  Prai- 
ries d'or  et  des  mines  de  lierres  iirécieuses,  des  renseignements  sur  tous 
les  volcans  qui  se  trouvent  dans  la  partie  habitée  de  la  terre,  comme  .  .  . 
(p.  91)  ...  le  grand  volcan  qui  est  dans  le  royaume  du  Maharaja,  roi 
des  îles  du  Zâbag  et  d'autres  îles  dans  la  mer  de  Chine,  parmi  lesquelles 
sont  Kalah  et  Sribuza.  On  désigne  tous  leurs  rois  par  le  titre  de  Maha- 
raja. Cet  empire  [du  Mahâi-âja]  a  une  population  énorme  et  des  armées 
innombrables;  personne  ne  peut  en  deux  ans,  avec  le  vaisseau  le  plus 
rapide,  parcourir  ces  îles,  qui  toutes  sont  habitées.  Le  roi  [de  ces  îles] 
possède  plus  de  variétés  de  parfums  et  d'aromates  que  n'en  possède 
aucun  autre  roi.  Ses  terres  produisent  le  camphre,  Taloès,  le  girofle,  le 
sandal,  la  muscade,  le  cardamome,  le  cubèbe,  etc.  Quant  au  volcan,  il 
est  situé  dans  les  montagnes''^  qui  se  trouvent  à  (p.  92)  l'extrémito 
d'une  des  îles.  Il  paraît  noir  le  jour  à  cause  de  la  clarté  du  soleil,  et 
rouge  la  nuit;  sa  flamme  rejoint  les  nuages  du  ciel  tant  elle  est  haute 
el  tant  elle  monte  dans  l'air  .  .  . 

V 

Ibrâhïm  bin  WIsif-Sâh  (vers  1000). 

L'Abrégé  des  Merveilles,  trad.  de  l'arabe  d'après  les  manu- 
scrits de  la  Bibliothèque  Nationale  de  Paris,  par  Carra  de  Vaux, 
Paris,  i898,in-8°. 

XLII.  (P.  61.)  ...  Une  île  proche  du  Zâbag;  il  s'y  dresse  une  mon- 
tagne dite  montagne  du  feu,  d'où  sort,  le  jour,  de  la  fumée;  la  nuit,  de 
la  flamme  ;  personne  ne  peut  en  approcher. 

(P.  62.)  Les  îles  du  Zâbag.  C'est  un  g'rand  archipel,  fort  peuple, 
riche  en  moissons  et  en  denrées  diverses.  On  dit  que  lorsque  les  habi- 
tants de  la  Chine  étaient  ruinés  par  les  invasions  ou  les  guerres  civiles , 

'')  Il  semble  qu'il  s'agisse  ici  du  fameux  Bërâpi  de  Sumatra  (litt.  [la  mon- 
tajpie]  qui  est  en  feu),  Barapi  on  dialecte  minankabaw  (cf.  /.  As.,  juillet- 
août  i(,i(j,  p.  198-1  (j9). 


ils  venaient  [)illei'  l'une  des  îles  du  ZâbajT  et  que  tel  fal  le  soii  de  toutes 
les  îles  de  cet  archipel  et  de  toutes  leurs  villes  .  .  . 

Les  îles  du  Zâbag  sont  nombreuses  :  l'une  d'elles,  connue  sous  le 
nom  de  Sribuza*'',  a  une  superficie  de  hoo  parasanges  [carrées].  Elle 
produit  des  denrées  et  des  parfums  .  .  . 

L'île  du  Maharaja:  c'est  le  nom  du  roi  de  file.  C'est  une  grande  île 
très  prospère  et  très  fertile.  Des  commerçants  dignes  de  foi  ont  rapporté 
que  les  coqs  chantant  dans  les  arbres  s'y  répondent  à  cent  parasanges 
(p.  63)  à  cause  de  la  continuité  des  terrains  cultivés  et  du  bel  arrange- 
ment des  campagnes ,  que  n'interrompent  ni  déserts  ni  ruines.  Les  voya- 
geurs s'y  déplacent  sans  provisions  et  descendent  où  ils  veulent'"'*. 

BîRÛNï  (vers  1  o3o). 

Albervni's  India,  an  account  of  the  religion ,  philosophy, 
litleralure,  clironology,  astronomy,  customs,  law  and  aslro- 
logy,  about  A.  D.  io3o,  cdited  in  tlie  Arabie  original  by 
E.  Sachau,  Londres,  1887,  m-h°^^\ 

XLIII.  (P.  l-r)  Les  îles  orientales  de  cette  mer  [l'Océan  Indien]  qui 
sont  plus  rapprochées  de  la  Chine  que  de  l'Inde ,  sont  les  îles  du  Zâbag 
appelées  dans  l'Inde  sûwarndih^''\  c'est-à-dire  rrîles  de  ïovr,  .  .  , 

(P.  VtY^)  .  . .  L'épithète  d'or  (ou  de  l'or)  appliquée  à  la  forteresse, 
peut  être  de  pure  convention.  Il  est,  cependant,  possible  qu'il  faille  l'en- 
tendre au  sens  propre  du  mot,  car  les  îles  du  Zâbag  sont  appelées  cria 
terre  de  l'or^,  parce  qu'on  retire  beaucoup  d'or  en  lavant  un  peu  de 
terre  [de  ces  îles]. 

Du  même  auteur  :  Kkâb  at-tafhini  li  âwail  sanuat  at-tanjîm 
«Livre  de  l'instruction  sur  les  principes  de  l'astrologie  w,  dans 

(''  Les  mss  ont  sovjJv.»  Sadula,  »jj»*w  Sarira;  Carra  de  Vaux  a  restitué  Scr- 
boiah. 

'-'    FiV/p  supra,  p.  57. 

(■')  Traduit  en  anglais  par  Sachau  sous  le  litre  de  :  Aldehuni's  Lidia,  etc., 
an  English  édition,  vvilli  notes  and  indices,  a  vol.,  in-8°,  Londres,  1910, 
a"  éd. 

W  i^i  yi>-w.  C'est  la  forme  ara]>iséo  du  complexe  sanskrit  suvarnadvïp 
«île  de  i'orn. 


— f>(  65  ).«— 

mes  Relations  de  voi/agcs  et  textes  géographiques  arabes,  persans 
et  turlis  relatifs  à  l'Extrême-Orient,  t.  II,  Paris,  iQi^,  in-S", 
p.  600-601. 

XLIV.  .  .  .  Plus  loin  (au  delà  de  Ceylan),  sont  l'iie  de  Kalah  d'où 
on  exporte  l'étain  et  l'île  de  Sribuza  d'où  on  exporte  le  camphre. 

Des  pays  qui  se  trouvent  dans  les  climats  .  .  .  Nous  disons  que 
l'écpialeur  commence  dans  la  mer  au  sud  de  la  Chine;  passe  à  l'ile  de 
Zâbag-  qui  renferme  de  l'or,  entre  les  îles  de  Kalah  et  de  Sribuza  . .  . 

Harakî  (vers  1  iSa). 

Al-Batlânï  sive  Albatenii  opus  astronomicum,  éd.  et  trad. 
C.  A.  Nallino,  pars  prima,  Milan,  igoS,  in-/i%  p.  lxvii. 

XLV.  Parmi  les  îles  de  cette  mer  de  l'Inde,  sont  l'île  de  Zâbag  .  .  ., 
Pile  de  Kalah  d'où  l'on  exporte  l'étain,  l'île  de  Sribuza  d'où  l'on  exporte 
ie  camphre. 

Edrîsî  (1  i5/l). 

Kitâb  nuzhat  al-mukah  Jl  ihtirâk  al-afâk  k  Livre  de  la  récréa- 
tion pour  l'homme  désireux  de  connaître  les  paysw,  trad.  par 
Amédée  Jaubert  sous  le  titre  de  Géographie  d'Edrisi,  Paris, 
t.  I,  i836,  in-/i°  (t.  V  du  Recueil  de  voyages  et  de  mémoires 
publié  par  la  Société  de  Géographie  de  Paris). 

XLVI.  (T.  1,  p.  58.)  .  .  .  Les  habitants  des  îles  du  Zâbag  vont  au 
[)ays  du  Zang''^  dans  de  grands  et  de  petits  navires,  et  ils  s'en  servent 
pour  le  commerce  de  leurs  marchandises,  attendu  qu'ils  comprennent  le 
langage  les  uns  des  autres  *^^ 

(P.  69.)  ...  Au  nombre  des  îles  du  Zâbag  est  celle  de  Sribuza''^ 
dont  la  circonférence  est,  à  ce  qu'on  dit,  de  1.900  milles  et  où  l'on 
ti'ouve  des  péch(;ries  de  perles  et  diverses  sortes  d'aromates  et  de  par- 
fums, ce  qui  y  attire  les  marchands. 

(')  Côte  orientale  d'Afrique  au  sud  du  cap  Guardafui. 

^'■1  La  texte  araltc  a  »>5ji  Sarbuwa;  la  carte  aflérento  à  cette  section,  «jJ^^ 
Sarira ,  qui  sont  à  corriger  en  »jij.w  Sribuza. 

M.  G.    KKliRAND.  5 


__«.(  66  )^^— 

(P.  60.)  ...  On  dit  que  lorsque  l'état  des  affaires  de  la  Chine  fut 
troublé  par  les  rébellions  et  que  la  tyrannie  et  la  confusion  devinrent 
excessives  dans  l'Inde,  les  habitants  de  la  Chine  transportèrent  leur 
commerce  au  Zâbag  et  dans  les  autres  îles  qui  en  dépendent ,  entrèrent 
en  relations  et  se  familiarisèrent  avec  ses  habitants,  à  cause  de  leiu- 
équité ,  de  la  bonté  de  leur  conduite ,  de  l'aménité  de  leurs  mœurs  et  de 
leur  facilité  dans  les  affaires.  C'est  pour  cela  que  cette  île  [de  Zâbag]  est 
si  peuplée  et  qu  elle  est  si  fréquentée  par  les  étrangers. 

Auprès  de  cette  île  [du  Zâbag],  il  en  existe  une  autre  peu  considé- 
rable, dominée  par  une  haute  montagne  dont  le  sommet  et  les  flancs 
sont  inaccessibles,  parce  quelle  brûle  tout  ce  qui  s'en  approche. 
Durant  le  jour,  il  s'en  élève  une  épaisse  fumée,  et  durant  la  nuit,  un 
feu  ardent.  De  sa  base  coulent  des  sources,  les  unes  d'eau  froide  et 
douce,  les  autres  chaudes  et  salées. 

(P.  65.)  ...  Les  habitants  des  îles  du  Zâbag  et  des  autres  îles  envi- 
ronnantes viennent  chercher  ici  [à  Sofâla  de  la  côte  sud-orientale 
d'Afrique]  du  fer  pour  le  transporter  sur  le  continent  et  dans  les  îles  de 
l'Inde ,  où  ils  le  vendent  à  bon  prix ,  car  c'est  un  objet  de  grand  com- 
merce et  de  grande  consommation  dans  l'Inde  .  .  . 

(P.  78  infra.)  ...  Les  gens  de  Komr  (=  Madagascar)  et  les  mar- 
chands du  pays  du  Maliârâja  viennent  chez  eux  [les  Nègres  de  la  côte 
sud-orientale  d'Afrique],  en  sont  bien  accueillis  et  trafiquent  avec  eux  ... 

(P.  178.)  ...  Au  Zâbag,  les  rois  s'appellent <».^a '^'  ... 

Yâkùt  (122/1). 

Yacut's  gcographischcs  WôiHcrbuch  .  .  .   herausgegeben  von 
Ferdinand  WïsTEKFELD,  Leipzig,  G  vol.jin-S",  1866-1870. 

XLVII.  (T.  I,  p.  m)  ...  Dans  les  régions  de  l'est,  se  trouvent  les 
îles  du  Zâbag;  puis,  .  .  .  Sribuza''^  d'où  on  tire  le  camphre. 

(T.  II,  p.  1  ■  f)  Az-Zâbag  est  une  île  située  aux  confins  [orientaux]  du 
pays  de  l'Inde,  derrière  la  mer  de  Harkand  [=  golfe  du  Bengale],  et 
aux  confins  [occidentaux]  de  la  Chine. 

(T.  III,  p.  ^a)  Sribuza  est  une  île  dans  la  terre  de  l'Inde  dont  la 

(^)   Vide  supra,  p.  Sa,  n.  2. 

(-)  On  a  imprimé  Sj^ji/,  erreur  typographique  pour  5j^_^  Sarbuza,  qui  est 


a  corriger  en  s 


y  7- 


— -*-»•(  67  )•«— 

position  dans  le  monde  habile  est  sur  i'équateur.  On  en  exporte  le 
camphre. 

Kazwînï  (120 3- 1283), 

Kitâb  ajâïh  al-malilûkàt  iva  yarâïh  al-maujûdât  «  Livre  des 
merveilles  des  créatures  et  des  curiosités  de  l'univers  w,  dans 
Zakarija  BEiy  MuBAMMED  BE.\  Mabmvd  el-Cazwiim's  Kosmogra- 
phî'e,  éd.  WiJsTENFELD,  Gôttingen,  18/19,  ^'^"8%  Erster  Theil. 

XLVill.  (P.  l'A)  Les  îles  de  la  mer  de  Chine.  .  .  .  L'île  de  Zâbag^'^ 
C'est  une  grande  île  sur  les  frontières  de  la  Chine,  à  l'extrémité  du  pays 
de  l'Inde.  Elle  est  gouvernée  par  un  roi  appelé  le  Maharaja. 

XLIX.  MuHAMMÀD  BL\  Zakariyâ  ar-Râzî  [mort  en  928  ou  982]  dit  : 
«Le  Maharaja  reçoit  un  tribut  qui  s'élève  à  deux  cents  manu  d'or  par 
jour;  le  mann  vaut  600  dirhams.  11  fait  faire  des  briques  [avec  cet  or], 
et  les  jette  dans  l'eau  [d'un  étang],  et  cet  étang  lui  sert  de  maison  du 
Trésor,  v 

L.  Ibn  al-Fakïh  [902]  dit:  ffDans  cette  [île]  habitent  des  êtres  sem- 
blables aux  hommes,  mais  leur  caractère  ressemble  plutôt  à  celui  des 
bêtes  sauvages;  ils  parlent  une  langue  que  personne  ne  comprend.  11  y 
a  dans  cette  [île]  des  arbres  et  ses  [haljitants]  sautent  d'un  arbre  à 
Tautre."  Le  même  auteur  dit  ensuite:  ffll  y  a  dans  cette  [ile]  une 
espèce  particulière  de  chats  avec  des  ailes  comme  celles  des  chauves- 
souris  qui  partent  de  la  naissance  de  l'oreille  et  vont  jusqu'à  la  queue  ; 
il  y  a  aussi  des  antilopes  semblables  aux  bœufs  de  montagne,  dont  la 
couleur  est  rouge  à  points  blancs,  leur  queue  est  semblable  à  celle  des 
gazelles  et  leur  chair  est  d'un  goût  désagréable.  Il  y  a  encore  la  civetle 
qui  ressemble  au  chat  et  dont  on  tire  le  parfum  du  même  uom  ;  le  rat 
musqué;  la  montagne  appelée  Nasbâu''*  où  se  tiouvenl  de  grands  ser- 
pents dont  quelques-uns  peuvent  avaler  des  hommes,  des  bœufs  et  des 
buffles,  d'autres  [même]  des  éléphants;  des  singes  blancs  qui  ressem- 
blent en  partie  aux  buffles,  en  partie  aux  béliers,  et  d'autres  [singes] 
avec  la  poitrine  blanche  et  le  dos  noir'^^n 

'■)  Ici  et  iufi-a,  le  texte  a  fautivement  -fk  Zànaff  pour  -?l; . 

(^)  yLaiî_JI,  var.  yLa-JI,  yLài.,'! ,  yL.:sju3JJ!  ;  je  nc  sais  quelle  est  la  lionne 
ieçon  du  nom  de  cette  montagne,  qui  n'est  pas  identifiée. 

(')  Ces  deux  passages  ne  se  retrouvent  pas  iuLégralument  dans  le  texte  (lui 
nous  est  parvenu  et  qui  a  été  édité  par  De  Goeje  [vide  supra,  p.  5/i). 


,(  68  )•€-!-- 

LI.  Zakariyâ  bin  Yahyâ  bin  Hâkan*''  dit  :  rrDans  l'île  de  Zâbag-,  il  y  a 
une  espèce  de  perroquets  blancs,  rouges  et  jaunes,  qui  parle  toutes  les 
langues  possibles;  il  y  a  également  des  paons  noirs,  tachetés  de  blanc, 
et  verts;  une  espèce  d'oiseau  appelé  al-hawâri,  plus  grand  que  celui  du 
Soudan,  plus  petit  que  le  pigeon  à  collier,  à  bec  jaune,  ailes  noires, 
ventre  blanc  et  jiattes  rouges,  qui  parle  mieux  encore  que  les  perro- 
quets. Il  y  a  également  dans  [cette]  ile  des  créatures  à  forme  humaine  qui 
parlent  une  langue  incompréhensible;  ils  mangent  comme  les  hommes  ; 
il  y  en  a  de  blancs ,  de  noirs  et  de  verts ,  avec  des  ailes  au  moyen  des- 
quelles ils  volent  <^^n 

LU.  Mâhân  bin  Baiir'^'  de  Sîrâf  dit  :  rr  J'étais  sur  l'une  des  îles  du  Zâbag 
et  je  vis  de  nombreuses  roses  rouges,  jaunes,  bleues  et  d'autres  cou- 
leurs. Je  pris  un  morceau  d'étoffe  rouge  et  mis  dedans  quelques  roses 
bleues.  Lorsque  je  voulus  les  emporter,  je  vis  du  feu  dans  l'étolTe  qui 
consuma  toutes  les  roses  qui  s'y  trouvaient,  mais  l'étoffe  ne  brûla  pas. 
Je  questionnai  les  gens  du  pays  à  ce  sujet  et  ils  me  dirent  :  ffCes  roses 
ffont  beaucoup  de  propriétés  utiles,  mais  il  est  impossible  de  les  em- 
ff  porter  hors  de  la  roseraie,  n 

LIIL  Mdhammad  bin  Zakariyâ  [ar-Râzï]  dit  :  ff Parmi  les  merveilles  de 
celle  ile  [de  Zâbag],  il  faut  compter  l'arbre  à  camphre.  Il  est  extrême- 
ment grand  et  couvre  de  son  ombre  cent  hommes  et  même  davantage. 
L'arbre  étant  percé  dans  sa  partie  la  plus  élevée,  il  en  coule  Veau  de 
camphre  de  quoi  remplir  une  quantité  de  cruches.  [Quand  la  récolte  de 
la  partie  supérieure  est  terminée,]  on  perce  un  peu  plus  bas,  au  milieu 
de  l'arbre,  et  on  en  fait  sortir  des  morceaux  de  camphre;  car  c'est  dans 
cette  partie  que  se  trouve  la  résine  de  l'arbre  et  il  n'y  en  a  qu'à  l'inté- 
rieur du  camphrier.  Quand  on  l'a  récolté,  l'arbre  se  dessèche.» 

LUI.  (P.  l<5>i)  ...  La  montagne  de  Jâba,  dans  l'Inde.  C'est  une 
montagne  au  sommet  de  laquelle  se  trouve  un  feu  qui  brûle  [sur  un 
espace  de]  900  coudées  carrées.  Pendant  le  jour,  [il  en  sort]  de  la 
fumée.  Il  y  a  là  des  collines  qui  produisent  des  parfums  qu'on  trans- 
porte dans  les  [autres]  pays  et  dans  l'univers  entier. 


'')  Cet  auteur  ne  m'est  connu  que  par  la  présente  citation. 
t^)   Vide  supra,  p.  5/i,  le  passage  de  Ibn  al-Façïu  qui  est  vraisemblablement 
à  la  base  de  ces  informations. 
^')  Inconnu  par  ailleurs. 


— H^(  69  )^H— 

Kttâb  âOâr  al-bilâd  iva  ahhâr  al-ibâd  «Livre  des  monuments 
des  pays  et  des  renseignements  sm-  les  hommes  jî,  dans  Zaka- 

RIJA   BEN    MuHAMMED    BEN    MaHMUD    EL-CaZWINi's    KosmOgmphw , 

éd.  WûsTENFELD,  Zvveiter  Theil,  Gôttingen,  18/18,  in-8''. 

LIV.  (P.  1^)  Jâwa  est  un  pays  [situé]  sur  le  rivage  de  la  mer  de 
Chine,  limitrophe  du  pays  de  l'Inde.  De  notre  temps,  les  marchands 
[voulant  trafiquer  avec  la  Chine]  n'arrivent  que  jusqu'à  ce  pays;  toute 
autre  région  de  la  Chine  leur  est  inaccessible  à  cause  de  la  grande  dis- 
tance et  de  la  différence  des  religions.  Lés  marchands  exportent  de  ce 
pays  l'aloès  [appelé] /âwî  (ou  aloès  sumatranais),  le  camphre,  le  nard  , 
le  girofle,  le  macis,  les  vases  chinois.  On  exporte  [ces  derniers]  dans  le 
monde  entier. 

LV.  {P.  h)  L'île  de  Zâbag.  C'est  une  grande  île  à  la  frontière  de  la 
Chine,  limitrophe  du  pays  de  l'Inde.  Elle  contient  des  choses  extra- 
ordinaires. C'est  un  royaume  étendu.  Son  roi  est  puissant;  il  s'appelle 
le  Maharaja. 

LVI.  MuHAMMAD  BiN  Zakariyâ  dit:  ffLe  Maharaja  perçoit  chaque  jour 
un  impôt  qui  s'élève  à  200  mann  d'or;  il  fait  [avec  cet  or]  des  briques 
et  les  jette  dans  l'eau.  C'est  l'eau  qui  lui  sert  de  maison  du  Trésor. « 
11  dit  aussi  que  parmi  les  merveilles  de  cette  île  est  l'arbre  à  camphre. 
Il  est  très  p-rand  et  couvre  de  son  ombre  cent  hommes  et  plus.  L'arbre 
dans  sa  partie  la  plus  élevée,  étant  percé,  il  en  coule  l'eau  de  camphre, 
de  quoi  remplir  une  quantité  de  cruches.  [Quand  la  récolte  de  la  partie 
haute  est  terminée,]  on  perce  un  peu  plus  bas,  au  milieu  de  l'arbre,  et 
on  en  fait  sortir  des  morceaux  de  camphre;  car  c'est  dans  cette  partie 
que  se  trouve  la  résine  de  l'arbre  et  il  n'y  en  a  que  dans  l'intérieur  du 
camphrier.  Quand  on  l'a  récoltée,  l'arbre  se  dessèche '^'. 

LVII.  Mâhân  BIN  Bahr  de  Sîrâf  raconte  ceci  :  rr J'étais,  dit-il,  sur  l'une 
des  îles  du  Zâbag  et  je  vis  de  nombreuses  roses  rouges,  jaunes,  bleues 
et  d'autres  couleurs  .  .  .  [vide  supra,  LU,  p.  68).» 

LVIII.  Ibn  al-Fakïh  dit  (p.  t^')  :  ff II  y  a  dans  cette  île,  un  peuple 
semblable  aux  hommes,  si  ce  n'est  que  leur  caractère  ressemble  à  celui 
des  bêtes  féroces.  Ils  parlent  une  langue  qu'on  ne  comprend  pas. 
Ils  sautent  d'arbre  en  arbre  .  .  .  {vide  supra,  L,  p.  67). 

(')  Vide  «Mpî-rt,  XLIX  et  LUI,  p.  67  et  68. 


— H>.(  70  )^--- 

LIX.  Zakariyâ  bin  Mchahmad  bin  Hâkân'^'  dit  :  cfDaas  l'ile  de  Zâbag, 
il  y  a  des  perroquets  blancs,  jaunes  et  rouges  qui  parlent  toutes  les 
langues  possibles.  Il  y  a  également  des  paons  noirs,  tachetés  de  blanc, 
et  verts  ;  un  oiseau  appelé  al-havoân,  plus  petit  que  le  pigeon  à  collier, 
à  ventre  blanc,  aux  ailes  noires,  aux  pattes  rouges  et  à  bec  jaune. 
11  parle  mieux  encore  que  le  perroquet.  Allah  seul  sait  la  vérité  !n 

Ibn  Sa'îd  (1208  ou  121/1-127/1  ou  1286). 

Extraits  du  ms.  228/1  du  fonds  arabe  de  la  Bibliothèque 
nationale  de  Paris  qui  est  intitulé  :  c^  Livre  qu'a  réuni  et  résumé 
'Alî  bin  Sa'îd  le  Maghrébin  l'Espagnol  —  qu'Allah  l'ait  en  sa 
miséricorde!  —  du  Livre  de  la  Géographie  [de  Ptolémée], 
en  sept  chmats;  et  il  y  a  ajouté  les  longitudes  et  les  latitudes 
exactes  d'après  le  Livre  de  Ibn  Fâtima  ^2)  —  qu'Allah  l'ait  en 
sa  miséricorde  !  51 

LX.  (Fol.  '2 II  v°).  1"  chmat.  ...  Les  îles  du  Zâbag  sont  célèbres 
chez  les  voyageurs,  La  plus  grande  est  l'île  de  Sribuza,  dont  la  lon- 
gueur, du  nord  au  sud,  est  de  4oo  milles,  et  dont  la  largeur,  soit  au 
nord,  soit  au  sud,  est  de  160  milles.  On  y  accède  facilement  de  la  mer'"'. 
Sa  ville  [appelée  aussi]  Sribaza,  jusquoii  pénètie  un  golfe  de  l'île,  est 
située  au  centre  de  l'île.  Elle  est  [située]  sur  un  fleuve.  Sa  longitude  est 
de  88°  3o'  et  sa  latitude  de  3°  ho'.  Dans  cette  île,  se  trouvent  d'autres 
villes  dont  nous  ignorons  les  noms.  ...  Au  sud-est  de  Sribuza,  se 
trouvent  un  nombre  infini  d'îles  qui  font  partie  de  l'archipel  du  ZâJjag. 
Le  plus  grand  nombre  de  ces  îles  sont  habitées  par  des  noirs . . . 

LXl.  (Fol.  27  Y°.)  ...  Les  îles  du  Maharaja  sont  nombreuses  et  on 
en  parle  dans  les  livres.  On  y  trouve  de  l'or  excellent.  Leur  souverain 
compte  parmi  les  rois  les  plus  riches  de  l'Inde  et  c'est  celui  qui  possède 
le  plus  d'éléphants.  (Fol.  27  v°.)  La  plus  grande  des  îles  de  cet  archipel 
qui  contient  la  ville  du  Maharaja,  a  200  milles  de  long  et  environ 
100  milles  de  large.  La  ville  est  située  sur  son  côté  occidental  et  est  par 

(1)  C'est  évidemment  le  même  personnage  qui  est  appelé  précédemment 
(LI,'p.  68)  bin  Yahyâ. 
(^)  Inconnu  par  ailleurs. 
(')  Litt.  elle  a  des  entrées  dans  la  mer. 


— «.(    71    )»€-»— 

i5i°  de  longitude  et  13°  3o'  de  latitude.  A  l'est  de  la  ville ,  se  trouve  un 
estuaire  qui  vient  de  .la  montagne  qui  est  au  nord.  On  raconte  que  le 
palais  de  ce  roi  se  trouve  sur  un  vaste  canal  dont  il  a  tapissé  le  fond  avec 
de  l'argent.  Il  l'a  clos  aux  deux  extrémités  pour  que  ce  qu'on  y  dépose 
ne  puisse  pas  sortir.  Depuis  qu'ds  gouvernent  ces  îles,  la  coutume  de 
chacun  des  rois  de  cette  dynastie  est  de  jeter  une  brique  d'or,  chaque 
année,  [dans  le  canal].  Après  la  mort  [du  roi],  on  compte  les  briques 
et  on  connaît  [ainsi]  la  durée  de  son  règne.  On  remet  [dans  le  canal] 
une  des  briques  et  on  distribue  le  reste  aux  soldats ,  en  l'honneiu"  du 
nouveau  roi.  Les  briques  isolées  [  représentant  chacune  un  règne ,  ]  sont 
mises  d'un  côté,  et  les  briques  [annuelles  mises  dans  le  canal  par  le 
souverain  régnant,]  sont  mises  d'un  autre  côté.  Quand  ou  veut  indiquer 
coml)ien  de  leurs  rois  ont  régné,  on  compte  les  briques  isolées  [qui 
représentent  chacune  un  règne  '^^].  On  sait  quelle  est  la  durée  du  règne 
du  roi  régnant  au  moyen  d'une  baguette  [graduée  comme  un  maréo- 
mètre].  On  ne  la  sort  pas  de  sa  place,  car  elle  se  trouve  dans  un  endroit 
exposé  au  soleil  levant;  et,  dans  la  matinée,  cet  or  brille  au  milieu  de 
l'eau.  On  trouve  des  corindons,   des  émeraudes,  de  grandes  perles  dont 
d  [le  Maharaja]  dispute  la  possession  aux  autres  rois  et  dont  il  s'en- 
orgueUlit.  Cet  endroit  (fol.  28  r°)  est  le  Trésor  des  richesses  [du  roi^^'  ]. 
On  dit,  sans  le  prouver,  que  cette  île  a  été  enlevée  à  une  race  pour 
passer  à  une  autre.  Pour  cela,  ils  montrent  de  la  fierté  à  leurs  voisins. 
Le  titre  de  Maharaja  est  un  surnom  [lire  :  titre]  que  [les  rois]  se  trans- 
mettent héréditairement. 

LXII.  Au  sud  des  îles  du  Maharaja  est  l'île  de  Jâwa^^',  grande, 
célèbre,  où  les  navires  se  rendent  à  cause  des  nombreuses  drogues 
indiennes  qui  s'y  trouvent  et  parce  que  ses  habitants  sont  bien  connus 
par  leur  façon  de  traiter  les  voyageurs.  Son  extrémité  occidentale  est 
par  ihh°  de  longitude  et  dans  ce  coin  [nord-occidental],  parmi  ses 
villes,  est  celle  qui  est  célèbre  pai-mi  les  voyageurs,  Lâmurï'*''.  Cette 


O    Vide  supra,  p.  58,  n.  1. 

('^'    Vide  supra,  p.  58,  n.  a. 

(')  SflÀ'^  ~  Sumatra. 

(*)  <5jv»i),    que  je  lis   ^^^is)  d'après  les   notations   chinoises.   C'est   le    ^ 


_g  [sic)  Lun-li  du  Lin^  wai  lai  <«.  le  ^  ^  ^  Lan-ivou-li  du  Tchou  fan 
tche  (cf.  HiRTH-RocKHiLL,  Chau  Ju-kua,  p.  G2,  6(3,  79  et  73)-,  le  P^  PÂJA  n|| 
Nan-wou-li  du  Tao  yi  Iclie  lio ,  le  ^  ^^  _g  Nan-po-li  du  Yitiff  ijai  cheng  tan 
(  cf.  RocKiiiLi. ,  NoiPs  on  Ihfi  relations  and  (rade,  dans  Toung  pao,  t.  XVI,  1916  , 


,(72  )^— 

dernière  est  par  5"  de  latitude.  Dans  le  sud  de  l'île,  dans  le  coin  sud- 
ouest,  se  trouve  la  ville  de  Pan6ûr''>  qui  donne  son  nom  au  camphre 
[iippelé]  pancfiri.  Elle  se  trouve  sur  le  même  méridien  que  l'autre  [Lâ- 
muri]  en  ce  qui  concerne  sa  longitude.  Sa  latitude  est  de  i"  i5o'.  Les 
Montagnes  du  Camphre  s'ëtendent  de  la  ville  [de  Pancûr]  jusqu'à  peu 
près  à  l'extrémité  de  l'île,  de  l'ouest  à  l'est.  Au  milieu  de  l'île  [de  Jàwa], 
sur  les  Montagnes  du  Camphre,  se  trouve  sa  capitale,  la  ville  de  Javva. 
Là,  réside  le  roi  de  cette  île  et  des  îles  qui  l'entourent  et  qui  se  rattachent 
[h  l'île  de  Jâwa].  De  cette  ville  tire  sou  nom  l'aloès  [appelé]  jâwl;  il  est 
noir,  lourd ,  plonge  dans  l'eau  comme  s'il  était  une  pierre.  On  dit  que 
l'aloès,  c'est  la  racine  de  l'arbre.  (Fol.  28  v°.)  Cette  ville  [de  Jâwa]  est 
par  1/19°  20'  de  longitude  et  3°  de  latitude. 

KuTB  AD-DÏN  As-SïRÂzi  (mort  en  1 3 1 1). 

Nihâyat  al-idrak  fi  dirayat  (d-ajldk  «La  plus  parfaite  compré- 
hension de  la  connaissance  des  sphères»,  d'après  le  ms.  1106 

p.  1/48  et  1^9  ;  cf.  également  Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  827,  note  3);  ie 
Lamuri  du  Nâgarakêrlâgama  (chant  XIII,  strophe  2,  édit.  Krom  ,  p.  r)o),  etc. 
(')  Cod.  ^y^2^  pour  -^^xi,  litt.  Faneur  avec  ^  =  t.  C'est  le  fameux  port 
du  camphre  de  la  côte  occidentale  de  Sumatra ,  l'actuel  Baros  ou  Barus.  Les 
Chinois  l'ont  connu  sous  ce  dernier  nom  :  ^  •'^  ^ifi  Fo-lou-che  (Yi-tsing), 
W'M  M  M  Lang-p'o-lou-sseu  [Sin  t'ang  chou);  c'est  aussi  Baros  qu'il  faut 
restituer  dans  le  complexe  ^  f^  ^  signifiant  «onguent  de  P'o-lu)i  et  dési- 
gnant le  camphre,  qui  remonte  au  plus  tard  an  temps  des  Leang  (5oa- 
556)  (Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  3io-34i).  Quant  au  ^  ^  Pin-sou  du 
xni°  siècle,  au  |ÈÉ  ^  Pan-tsou  du  Tao  yi  tche  lio  (cf.  Rockhill,  Noies  on  the 
relations  and  trade,  T'oung  pao,  t.  XVI,  191 5,  p.  i33);  au  |||  2^  Pan-tsou, 
ou  Jlï  2$^  3J  Pan-tsou-eul  du  xv°  (cf.  Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  3^1 1), 
il  faut  évidemment  restituer  également  Pancur;  mais  si  j'en  juge  d'après  le 
passage  du  Ming  che  (apud  Groeneveldt,  Notes,  p.  i64)  et  la  notice  lik  du 
Tao  yi  tche  lio,  il  ne  peut  s'agir  dans  ces  deux  cas  du  Pancur-Baros  de  la  côte 
occidentate  de  Sumatra  que  son  exportation  de  camphre  avait  rendu  célèhre. 
Le  passage  du  Ming  che  dit  :  «Ahout  that  time  (i6i5),  some  followers  of  the 
impérial  envoys  (envoyés  à  Java)  had  been  driven  hy  a  storm  to  the  country 
Pan-tsou-cul))  (Groeneveldt,  Notes,  p.  i64).  L'itinéraire  des  missions  chinoises 
se  rendant  à  Java  n'a  pu,  en  aucim  cas,  passer  au  large  de  la  côte  occidentale 
de  Sumatra;  ce  Pan-tsou-eul  =  Pancur  n'est  donc  pas  le  Pancur-Baros  d'où 
s'exporte  le  camphre,  La  notice  lia  du  Tao  yi  Iche  lio,  traduite  par  Rockhill, 
dit  :  ff  Pan-tsou.  This  locality  is  the  hill  back  of  f|  ^  f^   Long-ya-mcm^ 


de  Leyde  et  le  ms.  5682  de  Berlin,  dans  Eilhnrd  Wiedemann, 
Bcitrâge  zur  Geschichte  der  Naturwissenschaften,  XXVII,  tirage 
à  part  des  Sitzungsherichte  der  pliysikalisch-medicinischen  Societdl 
in  Erlangcn ,  t.  hh  ^  19^2. 

LXIIÏ.  (P.  3^.)  L'ëquateur  commence  à  l'est  de  la  Chine  et  passe 
par  une  île  que  les  Indiens  appellent  Jamkût;  puis,  par  les  parties 
méridionales  de  la  Cliine;  puis  par  Dizkank  [ouKankdiz];  — '''  par 
l'ile  de  Zâwa  '-\  nom  qui  signifie  trie  pays  de  l'om  ;  ensuite,  par  le.  sud 
de  l'ile  de  Sirandib  (Geylan);  entre  les  îles  de  Kalah  et  de  Sribuza;  ... 

DiMASKÎ  (vers  1825). 

Cosmographie  de  Cuems  ed-din  Abou  Abdallah  Mohammed 
ED-DiMiCHQi,  texte  arabe,  éd.  Mehren,  Saint-Pétersbourg, 
1866,  in -4°;  Ma7iuel  de  cosmographie  du  moyen  Age,  trad. 
Mehren  du  texte  précédent,  Paris,  187/1,  in-S". 

LXIV.  (P.  9  de  la  trad.)  . .  .  [L'équateur]  passe  aux  îles  Dïbajât  (les 
Maldives),  entre  les  côtes  me'ridionales  de  l'ile  de  Sirandib  (Geylan)  et 
l'ile  de  Sribuza;  après  lîle  de  Zâbag,  il  touche  la  côte  méridionale  de  la 
Chine  et  aboutit  à  l'extrême  frontière  de  l'Orient  .  .  . 

(P.  22.).  .  .  .  D'après  Abu'l-Faraj  bin  Kodâma  [,  mort  en  922,]  .  .  . 
parmi  les  fleuves  situés  au-delà  de  l'équateur,  nous  trouvons  .  .  . 
deux  fleuves  de  l'île  de  Sribuza. 

(P.  199.)  L'île  de  Sribuza,  d'une  circonfe'reuce  de  1.200  milles, 
contient  beaucoup  de  villes,  parmi  lesquelles  Sribuza  est  la  plus  célèbre; 
on  y  trouve  la  meilleure  espèce  de  camphre. 

(P.  206.)  L'île  de  Maharaja  est  la  plus  considérable'^';  sa  longueur 

[litt.  :  (rdétroit  de  la  dent  du  dragon  (long-ya),  vide  supra,  p.  3o,  note] 
.  .  .  n  Ces  indications  permettent  de  situer  ie  Pan-lsou  ou  Pan-tsou-eul  du  Tao 
yi  tclie  lia  et  du  il/m^  clw  sur  la  côte  oi'ienlalo  de  Sumatra  où  il  existe,  eu 
effet,  une  île  Pancur,  homonyme  et  homographe  du  port  du  ccmphre  de 
la  côte  occidentale  de  la  même  île. 

(')  Ce  qui  suit  est  une  addition  marginale  au  manuscrit  de  Leyde  (Wiede- 
hann). 

('^)  Le  texte  l  donc  Sjl; . 

•et  w  P 

(^)  Le  texte  a  p.  l<M=  :  *-o^!j4i!  jSl-^1  A  ^^  z}t^^  'r'r?'*'  '^^''  ^'"'^  ^^ 
l\lalirirfija  est  la  mère  des  îles  malirirfijicnncs-'  (.ipparlenant  au  Maharaja). 


est  de  12  journées  [de  mai'che]  sur  une  largeur  de  5;  à  son  extrémité, 
est  (p.  207)  situé  un  grand  volcan  qui  lance  des  étincelles  comme  des 
pierres,  avec  un  bruit  de  tonnerre  et  des  éclairs;  à  cause  du  feu,  il  n'y  a 
ni  lieu  d'habitation,  ni  passage  jusqu'à  une  distance  d'une  parasange. 
Ce  volcan  est  le  plus  grand  du  monde,  et  il  n'y  en  a  pas  de  pareil  :  la 
place  qu'il  occupe  s'appelle  lie  du  volcan,  et,  comparée  avec  le  reste  de 
l'île ,  elle  ressemble  au  pied  en  proportion  de  la  jambe  . . . 

Abûlfidâ  (1273-1 33  1). 

Géographie  ctAsoviFÉDA,  t.  II,  2'  part.,  trad.  St.  Guyard, 
Paris,  1 883,  in-/i°. 

(P.  126.)  Iles  de  la  mer  orientale. 

LXV.  ...  On  lit  chez  Ibn  Sa'ïd  :  Les  îles  du  Zâbag  sont  célèbres  par 
les  récits  des  marchands  et  des  voyageurs  <'l  La  plus  grande  est  l'île 
de  Sribuza  qui  a  hoo  milles  de  longueur  du  nord  au  sud  et  environ 
160  milles  de  largeur  sur  toute  son  étendue '-'.  Des  bras  de  mer  y  pé- 
nètrent. Sa  capitale  Sribuza  est  située  en  son  milieu ,  sur  un  estuaire  et 
sur  un  fleuve.  Sa  longitude  est  108°  3o'  et  sa  latitude  3°  ho'. 

LXVI.  (P.  127.)  Le  même  auteur  rapporte  que  parmi  les  îles  de  la 
mer  de  l'Inde,  il  faut  citer  celle  de  Jâwa,  grande, île  célèbre  par  l'abon- 
dance de  ses  drogues  '''.  La  côte  [nord-]  occidentale  de  cette  île  a  pour 
longitude  i45°  et  pour  latitude  5°.  Au  sud  de  l'île  de  Jâwa  on  remarque 
la  ville  de  Pancûr,  d'où  le  camphre  [appelé]  pancûri  tire  son  nom.  La 
longitude  de  Pancûr  est  ihb"  et  sa  latitude  1°  3o'. 

LXVII.  (P.  i3o.)  ...  Ile  de  Zâbag.  D'après  VAtrvâl  [=^  Livre  des  lon- 
gitudes et  des  latitudes  attribué  à  Al-Faris,  x°  siècle],  11 5"  de  longitude. 
Au  sud  du  1"  climat.  Dans  la  mer  Verte. 

On  lit  dans  YAtwâl  :  il  y  a  dans  les  îles  du  Zâbag  des  serpents  ca- 
pables d'engloutir  un  homme  et  même  un  buffle ,  et  des  montagnes  en 
ignition  perpétuelle.  Les  feux  de  ces  montagnes  se  voient  sur  la  mer 
à  plusieurs  jours  . .  . 

(')   Vide  supra,  LX ,  p.  70. 

(2)  Les  chiffres   donnés  par  le  manuscrit   de  Ibn   Sa'îd    s'accordent   ayec 
ceux-ci.  Vide  supra,  LX,  p.  70. 
(')   Vide  supra,  LXIT,  p.  71- 


••t9'(    75    )•€-»—- 

LXVIII.  Ile  (lu  Maharaja  ou  de  Sribuza  '*'.  D'après  le  Kânûn  [de  Bîrûnî  j 
i/io°  de  longitude  et  i°  de  latitude.  Au  sud  du  premier  climat.  Grande 
île  de  la  mer  Verte. 

Ou  lit  chez  Ibn  Sâ'îd  :  Les  îles  du  Maliârâja  sont  de  nombreuses  îles. 

Leur  souverain  est  un  des  plus  riches  rois  de  l'Inde  et  celui  qui  pos- 
sède le  plus  d'or  et  d'éléphants.  La  plus  grande  de  ces  îles  est  le  siège 
de  sa  royauté-  D'après  le  Kitâb  al-Atœâl,  l'île  de  Sribuza,  c'est  l'île  du 
Mahârâj 


(2) 


LXIX.  MuHALLABï  [fin  du  x°  siècle]  dit  que  Tîle  de  Sribuza  est  une 
des  dépendances  de  la  Chine.  11  ajoute  qu'elle  est  prospère  et  peuplée , 
et  que  lorsqu'un  vaisseau  en  part  pour  se  rendre  en  Chine  il  trouve  en 
face  de  lui,  dans  la  mer,  des  montagnes  étendues  et  qui  pénètrent  dans 
la  mer,  cela  pendant  dix  jours.  Quand  les  voyageurs  s'approchent  de  ces 
montagnes,  ils  y  trouvent  des  passages  et  des  chenaux  qui  aboutissent 
chacun  à  une  contrée  quelconque  de  la  Chine  '^'. 

Hamdullah  Mustawfï  (i3/io). 

The  geographical  part  of  the  Nuzhat  al-Qiilùb  composed  hy 
Hamd-Allàb  Mvstawfî  of  Qazwîn  in  jâo  (iSâo),  texte  persan 
et  Irad.  anglaise  par  G.  Le  Strange,  E.  J.  W.  Gihh  mémorial 
séries,  n"  XXIII,  2  vol.,  in-S",  parti,  1916  (texte);  part.  II, 
1918  (trad.  et  notes). 

LXX.  (P.  2  29  de  la  trad.)  Iles  de  Jâba  et  de  Zâbag'*\  Elles  sont 
situées  sur  la  frontière  de  l'Inde  et  leur  roi  est  appelé  Maharaja.  Ibn 
IJcrdâSbeh  assure  qu'il  est  le  souverain  d'un  si  grand  nombre  d'îles  et 
si  peuplées  que  son  revenu  quotidien  s'élève  à  200  mann  d'oi-'^^  Dans 

(')  Le  texte  a  :  [sic)  s-jj*  '^y^'y^  cs^i  îi't*^'  ^t^T^  KVi\Q  du  Maharaja, 
c'est  l'île  de  Sribuzan,  c'est-à-dire  :  île  du  Maliârâja  et  île  de  Sribuza  sont  les 
deux  noms  d'une  même  île.  Le  texte  a,  en  plus,  cette  phrase  que  Guyaud  n'a 
pas  traduite  :  ~lj4^l  Sj^jr^  cs^i  {sic)  s^vau  '»\t>j=^  Jljl^i)!  t_>Uj  ^  JU^  «d'après 
le  Livre  des  longitudes,  l'île  de  Sribuza,  c'est  l'île  du  Mahârâjan. 

(')  Cf.  la  note  précédente  et  vide  supra,  LXI,  p.  70. 

(')  Ces  passages  sont  géniTalement  appelés  :  Inertes  de  la  Chine.  Cf.  mes 
Relations  de  voyages,  à  l'index  du  tome  tl,  sous  :  (Jhinc  (Portes  de  la  -    ). 

''')  Le  texte  a  gk  que  Le  Strange  a  fautivement  rendu  eu  translittération 
anglaise  par  Zâbij. 

(■')   Vide  sxipra,  XXXIV,  p.  53. 


-^(  76  ).«^ 

l'île  de  Jâba,  il  y  a  une  montagne  au  sommet  de  laquelle  se  trouve  un 
endroit  de  loo  aunes  carn'es  de  superficie,  qui  est  entièrement  éclairé 
par  le  feu.  Pendant  la  nuit,  ou  voit  ce  feu  s'élevant  à  la  hauteur  de  deux 
longueurs  de  lance  et  [se  développant  sur]  loo  aunes  de  long;  pendant 
le  jour,  on  aperçoit  comme  de  la  fumée;  il  ne  s'éteint  jamais.  Sni-  celte 
île  il  y  a  des  hommes  ailés  qui  peuvent  voler. 

Ibn  al-Ward!  (vers  i  34o). 

Mandat  al-ajâïb  wa  faridat  al-yaraih  «La  perle  des  mer- 
veilles et  le  joyau  des  choses  extraordinaires».  J'ai  utilisé  l'édi- 
tion du  Caire  de  l'^So-^iSôS  et  l'édition  Tornberg  (2  vol., 
in-8°,Upsal,  1835-1839). 

LXXI.  (P.  II.)  .  .  .  Parmi  les  îles  de  la  mer  de  Chine,  est  l'île  de 
Zâbag  qui  comprend  de  nombreuses  îles  cultivées  et  fertiles,  situées  aux 
confins  extrêmes  de  la  Chine  et  des  régions  les  plus  éloignées  de  l'Inde. 
On  n'y  voit  pas  de  ruines:  on  peut  y  voyager  sans  [emporter]  ni  eau  ni 
provisions  en  raison  de  la  fertilité  [du  pays].  Elle  a  environ  100  para- 
sanges. 

LXXII.  MuHAMMAD  BiN  Zakariyâ  [  ar-Râzî]  dit  quc  le  roi  de  cette  île 
s'appelle  le  Maharaja.  11  perçoit  chaque  jour  un  tribut  de  3oo  mann 
,|'or  —  le  mann  est  de  600  dirhams.  —  Son  produit  net  quotidien  est 
de  plus  de  126.000  midkâl  qu'on  [fond  et  qu'on]  transforme  en  briques 
et  qu'on  jette  [ensuite]  dans  la  mer  qui  [  sert  ainsi]  de  Trésor^''. 

LXXIII.  Ibn  al-Fakîh  dit  :  «Dans  cette  île  habitent  des  [êtres]  qui 
ressemblent  aux  hommes,  mais  ils  ont  le  caractère  des  bêtes  sauvages  et 
parlent  uu  langage  incompréhensible.  [Dans  cette  île,]  se  trouvent  des 
arbres  et  ses  habitants  sautent  (lilt.  volent)  d'un  arbre  à  l'autre.  Il  y  a 
aussi  une  espèce  de  chat  sauvage  [de  couleur]  rouge,  tacheté  de  blanc, 
qui  a  une  queue  comme  celle  des  lézards.  Une  autre  espèce  de  chat  est 
pourvue  d'ailes  comme  la  chauve-souris.  11  y  a  également  des  bœufs  sau- 
vages rouges,  tachetés  de  blanc;  leur  chair  est  acide;  des  civettes  qui 
sont  une  espèce  de  chat  et  des  rats  musqués.  Sur  une  montagne  connue 
de  l'île,  appelée  An-Nasân  ''',  se  trouvent  des  serpents  d'une  telle  gran- 

(')  Vide  supra,  p.  .^)3,  Sy,  67,  fig  et  76. 

'-)  y'.*.-ai.'l.  Vide  siiprn  .  T[).  C^'^. 


deur  qu'ils  pcuveni  avaler  un  «éléphant;  des  singes  de  la  taille  d'un 
buffle  et  de  grands  béliers.  Parmi  les  singes,  les  uns  sont  blancs  comme 
du  papier;  d'autres  ont  le  dos  blanc  et  le  ventre  noir;  d'autres,  au  con- 
traire, ont  le  dos  noir  et  le  ventre  blanc;  d'autres,  enfin,  sont  noirs 
comme  les  rats  [sic).  Il  y  a  (p.  m)  des  perroquets  en  grand  nombre, 
blancs,  rouges,  jaunes,  verts,  qui  parlent  toutes  les  langues  qu'ils 
entendent.  Il  y  a  des  créatures  à  forme  humaine,  blanches,  noires, 
rousses ,  vertes ,  qui  mangent ,  boivent  et  parlent  un  langage  incompré- 
hensible. Elles  ont  des  ailes  avec  lesquelles  elles  volent 


(1) 


.  n 


LXXIV.  Ibn  as-Sîrâfï '"'  dit  :  «Je  fus  dans  une  des  îles  du  Zabag  et 
je  vis  des  roses  en  grand  nombre,  rouges,  blanches,  bleues ,  jaunes  et 
niuiticolores.  Je  pris  un  manteau  et  j'y  mis  des  roses  bleues.  Lorsque 
les  roses  furent  [dans  le  manteau],  je  vis  du  feu,  dans  le  manteau, 
qui  brûla  toutes  [les  roses]  qu'il  contenait  sans  que  le  manteau  fût 
brûlé '^'.n 

J'ai  questionné  des  gens  à  ce  sujet  qui  m'ont  répondu  que  ces  roses 
sont  très  utiles ,  mais  que  jamais  personne  n'a  pu  les  sortir  de  cette  rose- 
raie. 

On  trouve  dans  celte  île  l'arbre  à  camphre  qui  est  si  extraordinaire- 
ment  grand  qu'un  seul  camphrier  peut  couvrir  de  son  ombre  cent 
hommes  ou  même  davantage  .  .  . 

LXXV.  L'ile  de  Jâba  est  (p.  \rv)  grande.  On  y  trouve  la  banane,  le 
coco,  le  riz,  d'excellentes  cannes  à  sucre  et  l'aloès  ...  11  y  a  [dans  cette 
île],  une  grande  montagne.  La  nuit,  il  en  sort  un  grand  feu  visible 
à  1 5  parasanges  ;  et  le  jour,  de  la  fumée.  11  est  impossible  de  s'approcher 
de  la  montagne,  [même]  à  5  parasanges,  sans  en  mourir  [,  tant  la  cha- 
leui'  est  intense].  Le  roi  decette  ville  (sic)  [de  Jâba]  s'appelle  [également] 
Jâba'*'.  11  est  revêtu  de  vêtements  en  or  et  [coiffé]  d'une  couronne  en 
or,  ornée  de  perles,  de  corindons  et  de  pierres  précieuses  de  grand  prix. 
Ses  dirhams  et  ses  dinars  sont  fi'appés  à  son  effigie.  11  adore  les  idoles. 
Le  culte  des  gens  de  cette  île  consiste  en  chants  et  mélodies  [accompa- 
gnés] de  battements  de  mains.  Les  jeunes  filles  les  plus  jolies  se  réu- 


(')    Vide  supra,  p.  .5A  et  68. 

(■-)   H  s'ajjit  sans  doute  de  MiiiÂN  din  Bahi»  AS-SïnÀFï  (de  Sîrâf)  dont  il  a  été 
question  précédemment  (s«p-aj  p.  GH). 
'')   Vide  supra,  p.  68  et  69. 
W    Vide  sup\-a,  p.  72. 


__t^(  78  ).e^~- 

nisseut  et  dansent  en  variant  les  mouvements  du  corps  et  en  balanrant 
le  corps  devant  l'idole.  Dans  le  temple  où  se  trouve  l'idole ,  il  y  a  de 
belles  jeunes  filles  qui  dansent  en  faisant  de  nombreuses  inclinaisons  du 
corps.  Lorsqu'une  femme  met  au  monde  une  belle  fille  et  que  celle-ci 
est  devenue  adulte,  sa  mère  la  revêt  de  vêtements  splcndides,  [la  pare] 
de  bijoux  et,  accompagnée  de  ses  parents,  hommes  et  femmes,  conduit 
sa  fille  à  l'idole  et  la  lui  offre  en  hommage.  Ensuite,  les  serviteurs  [de 
l'idole]  remettent  [la  jeune  fille]  à  des  maîtres  qui  enseignent  à  danser 
et  à  faire  des  mouvements  de  corps  harmonieux  <''. 

Bâkuwï  (commencement  du  xv''  siècle). 

Kitdl)  talhîs  alâOâr  wa  '^ajaih  al-malik  al-kahhàr  «Livre  de  l'exa- 
men des  monmïients  et  des  merveilles  du  roi  tout-puissant  55, 
trad.  DE  Guignes,  dans  Notices  et  Extraits,  t.  II,  1789. 

LXXVl.  (P.  397.)  Jâwa.  Pays  sur  le  bord  de  la  mer  de  Chine,  du 
côté  de  l'Inde;  les  marchands  en  tirent  le  bois  d'aloès  nommé  jâwi,  le 
camphre ,  le  nard ,  le  girofle ,  le  macis  et  les  vases  de  la  Chine  dont  on 
fait  commerce. 

LXXVll.  L'île  de  Zâbag.  Cette  île,  qui  est  grande,  est  située  sur  les 
frontières  de  la  Chine ,  du  côté  de  l'Inde.  Ses  productions  sont  étonnantes  ; 
c'est  un  royaume  fort  étendu  ;  on  y  trouve  le  camphre  qui  est  un  arbre 
si  grand  que  100  hommes  peuvent  y  être  à  l'ombre,  et  qui  rend  beau- 
coup de  liqueur;  on  fait  une  ouverture  au  tronc  et  on  en  tire  des  mor- 
ceaux de  camphre  qui  est  une  sorte  de  gomme.  Il  y  a  dans  ce  pays  une 
espèce  de  chat  qui  a  des  ailes  comme  celle  de  la  chauve-souris,  qui 
s'étendent  d'une  oreille  à  l'autre  (sic);  des  chèvres  qui  ressemblent  a  des 
bœufs  de  montagne,  elles  sont  rouges  marquées  de  blanc;  la  civette; 
dans  une  montagne  appelée  Nasbân  '■^\  de  grands  serpents  qui  attaquent 
les  bœufs  et  les  buffles;  des  singes;  des  perroquets,  les  uns  blancs, 
d'autres  rouges  ou  jaunes,  qui  parlent  très  bien,  et  de  beaux  paons. 

LXXVllI.  (P.  410.)  .  .  .  L'île  de  Jâba.  Ile  de  l'Inde  dont  les  habi- 
tants sont  roux.  On  y  voit  une  haute  montagne  qui  pendant  la  nuit  jette 

(')  Cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  Il,  p.  l\2'2,  n.  i. 
(')    Vide  supra,  p.  76,  u.  2. 


du  feu,  et  de  ia  furaëe  pendant  le  jour.  Il  y  a  du  bois  daloès,  des  cocos, 
des  bananiers  et  des  cannes  à  sucre. 


Ibn  Majid  (l/l8(j). 

LXXIX.  Le  muallim^^^  ou  maître  de  navigation  Sihâb  ad-din 
Ahmad  bin  Mâjid^-^  est  l'auteur  à' Instructions  nautiques  sur  les 
mers  du  Sud  (Océan  Indien,  mer  de  Chine  occidentale  et 
mers  du  grand  archipel  d'Asie)  que  nous  ont  conservées  les 
mss  2992  et  255t)  du  fonds  arabe  -de  ia  Bibliothèque  Natio- 
nale de  Paris. 

Le  passage  suivant  est  extrait  d'un  traité  nautique  du 
ms.  2292  ,  intitulé  :  *X^tjJLJI^  j^^Ji  ^  ^Jr*o\  ^  «XjtyUî  oU^ 
«  Livre  des  renseignements  utiles  sur  les  bases  et  les  principes 
de  la  science  nautiques,  daté  de  896  de  l'hégire  =  1/1 89-1  Age. 
Au  chapitre  consacré  à  la  description  des  dix  plus  grandes 
îles  des  mers  du  Sud,  qui  sont,  d'après  Ibn  Mâjid  :  la  pres- 
qu'île arabique ,  j.iUî  Al-Komr  =  Madagascar,  Sumatra,  i^U^ 
Jâwa  =  Java,  j^î  Al-yùr  =  Formose ,  Ceylan,  Zanzibar;  Bah- 

w 

'''  *J-«-*'.  Au  sens  classique  :  «précepteur,  moitre,  professeur,  instituteur; 
celui  qui  est  arrivé  à  la  maîtrise  dans  son  art  ou  son  métiern.  En  termino- 
lojjic  nautique,  le  mu'allim  répond  à  TofTicier  de  navijjation  de  ranciennc 
marine  à  voiles  qui  élait  spécialement  charjjé  de  la  conduite  du  navire.  Dans 
son  Ayn-i-Akbari ,  Ar.cY-FAZL  en  donne  la  définition  suivante  :  «Le  muallim 
ou  capitaine.  Il  doit  être  informé  des  endroits  |)rofonds  et  peu  profonds  de 
focéan  et  doit  connaître  l'astronomie.  C'est  lui  qui  guide  le  navire  vers  sa 
destination  et  l'écarle  des  dangers^  {The  Âm  i  Akbari  liy  Abcl  Fazl  'Allami, 
trad.  Blochmann,  Calcutta,  1878,  in-S",  p.  280).  Cf.  également  mes  Relations 
de  voyages,  t.  II,  191  A,  in-8°,  p.  5^1 8,  el  Ilobson-Jobson ,  a'édit. ,  s.  v"  mahim. 
Sur  Ibn  Màjid  et  le  muallim  suivant,  SilaïmAn  al-MaiirT,  cf  mes  Relatiom  de 
voyages,  ibid.,  p.  ^18 5  et  les  auteurs  cités. 

(^)  Sur  IiiN  Majid,  cf.  mon  article  Le  -pilote  arabe  de  Vasco  de  Gama  et  les 
instructions  nautiques  des  Arabes  au  xv'  siècle,  dans  Annales  de  géogi-aphie, 
XXX°  année,  n"  172,  i5  juillet  1929,  p.  289-807. 


rayn  et  Ibn  Gâwân,  dans  le  golfe  Persique,  et  Socolora;  l'au- 
teur décrit  ainsi  Sumatra  : 

3^  ^JJ!  i^^  ^y  (')»pa^  ïyj^  iiiJliJI  »j^  ...  (Fol.  68  v".) 
JliULUwl  tSxs.^  ^3^l*!i.ii  ^*  L^yJÎvNj:*!  <X>^  ^i^^  i^^^J^  «XïLxi  :>|^ii^ 

l..«-iû  Jo  i^ytr*^  ^  (J*»'^^^  (J-^^iA^^  t^jl—^j'  liJl-»-^^   (J^y^  lïj-9   ^AaÀwwJÎ 
^jAjitNjb  «XjtXKAM  Ia^j!  ^^vwuj  <_^tX3-Aw  c^'^'^  t^^V'  J^  [jX*«i))  Las». 


Cj  Sans  doute  pour  ëCLiû,  qui  désigne  ici  l'île  de  Sumatra  tout  entière. 
L'état  du  même  nom  sur  la  côte  nord-est  de  l'île  est  appelé  par  Ibn  BatCta 
ïJa^  Sumutra,  var.  ïJisJsi,  Sumutra. 

(-)  Cod.  i_o0^jv^.  Je  corrige  la  vocalisation  de  l'initiale  d'après  les  nota- 
tions chinoises  :  ^|,  '^  Si-lan  du  Ling  wai  tai  ta  [Chau  Ju-kua,  p.  ']li.,n.  a), 
i^H  M  '^*"'""  et  surtout  i^0  !^  ^  Si-louen-tie ,  pron.  anc.  *Si-lun-dep,  qui 
est  la  transcription  correcte  du  toponyme  arabe  Sirandîb  (cf.  Pelliot,  Deux 
itinéraires,  p.  SôS-BSg;  Chau  Ju-kua,  p.  7a,  78  et  7^,  n.  8). 

'■')  Cod.  (jii*^.  Voir  la  note  précédente. 


-^>{     81      )<H 

^^^_A_x_j>Jl  ,^3  (fol.   69  r°)  »jj_^— «Jî  (jb^i) l^_i_Sl_5  c-o<XJ^  tS'^'J 

^ii_5  5--0  /waLs^îAaw  »*X£  l^  sJa^^Nij  Xjçi  iUiî_5  l-gjl-»  f»l.*w.Ji  /w»  (jàxj^j 
(j^y->   çLx^-»}^  (jol=i  iWî_5  ^'' iu-U-wo^  >_jilXl!_5  (>ï>yJi  JLiili  y*>sJC« 

^^^  ^j^i^i  «J^Ur  «XsLjIÎI  xaAc  Lg^JUsi^  ijCii  L^lioi  ^^^  cxiû  JJî 

La  troisième  île  est  l'ile  de  Sumutra*"^  C'est  Tile  où  passe  l'e'quatcnr. 
Un  ignorant  a  dit  qu'il  passe  au  nord  de  l'île;  mais  nous  disons  qu'il 
passe  au  sud.  La  position  exacte  [de  l'équaleur]  est  par  5  isba  (iitt. 
doigts)  des  Farâkid''^',  au  moment  de  leur  passage  au  méridien  vers 
l'est  et  au  moment  de  la  culminatiou  fie  l'Epi  (la  Vierge  du  zodiaque) 
au-dessus  du  cap'^'.  Là,  les  deux  pôles  sont  à  la  même  distance'^'.  [Les 
pôles]  ne  sont  pas  deux  astres,  mais  ce  sont  deux  endroits  qui  séparent 
les  régions  de  l'est  de  celles  de  l'ouest  ''''. 

[L'ile  de  Sumutra]  est  la  résidence  de  Al-Hâtï,  le  sultan  de  tout  le 

0)  Cod. 


(-)  Cette  vocalisation  est  en  accord  avec  les  transcriptions  chinoises  du  nom 
de  l'état  de  Sumutra ,  homonyme  de  celui  de  l'île  tout  entière ,  que  donnent  le 
Tao  yi  tche  Ho  :  ^  jj^  ^  ^ij  Siu-wen-ta-la  ;  le  Ying  y  ai  cheng  lan  et  le 
Sing  tch'a  cheng  lan  :  ^  P^  ^  ^ij  Sou-men-ta-la  (cf.  Rockhill,  Notes  on 
llie  relations  and  trade ,  T'oung  pao,  t.  XVI,  igiS,  p.  i5i-i57;  et  Pelliot, 
Deux  itinéraires,  p.  827,  n.  à).  Je  reprendrai  la  question  prochainement.  Vide 
supra,  p.  80,  n.  1. 

(•'J  5  isba  des  Farâkid  (j3  et  7  ou  les  Gardes  du  la  Petite  Ourse)  =  environ 
0"  53'  Nord.  Pour  ces  calculs,  cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  11,  p.  hgli  et  les 
auteurs  cités. 

^'')  Cet  essai  de  traduction  n'est  en  rien  certain.  Les  textes  nautiques  des 
mss  2993  et  2559  contiennent  un  très  grand  nombre  d'expressions  techniques 
tout  à  fait  inconnues  par  ailleurs.  Je  n'ai  pas  réussi  encore  à  les  interpréter 
toutes. 

('■>)  Là  =  l'équateur,  qui  est  à  égale  distance  des  deux  pôles. 

'"'  Il  y  a  ici  confusion  entre  pôle  cl  innidirii. 

M.   G.   FEniiA.NU.  (i 


pays  d'Abyssiuie '''.  Certains  sultans  sont  en  lutte  contre  lui;  mais  il  est 
le  plus  grand  de  tous. 

On  diffère  d'opinion  en  ce  qui  concerne  le  nom  de  Sirandib.  Les  uns 
disent  que  c'est  le  nom  de  l'île  de  Silân;  d'autres,  celui  de  [l'île  de] 
Sumutra  *^'.  Ce  qui  est  certain ,  c'est  que  l'équateur  se  confond  avec  la 
vallée,  [c'est-à-dire]  la  vallée  de  Sirandib  ''^l  [Cette  dernière  île]  est  égale- 

(')  Cette  phrase  et  la  suivante  n'ont  rien  de  commun  avec  la  description  de 
Sumatra.  Je  ne  sais  par  quelle  confusion  elles  ont  été  interpolées  dans  ce  pas- 
sage. Ce  titre  royal  éthiopien  (en  gë'ëz  <||2  hade)  est  mentionné  dans  le  oU5 
^giill  ^Js  de  Kalkasandî,  qui  est  du  xiv'  siècle  (l'auteur  est  mort  en  iii8)  : 
«Rois  d'Abyssinic  de  notre  temps.  Tous  les  rois  d'Abyssinie  s'appellent  i^^  {sic) 
hattî;  c'est  le  titre  qui  est  mentionné  daus  la  correspondance  à  eux  adressée 
par  la  cour  des  sultans  [mamluks  du  Caire]»  (édit.  du  Caire,  t.  V,  191 5 1 
p.  l^'^ô).  Pour  l'une  des  lettres  auxquelles  fait  allusion  ce  passage,  cf.  Qoatre- 
MÈRE,  Histuii'e  des  sultans  mamlouks  de  l'Egypte ,  écrite  en  arabe  far  Taki-eddin 
Ahmed  Makrizi ,  t.   I,    s°  part.,   Paris,  1887,   in-/i°,  p.  12a,  n.  i5i  :  «En 
1374,  rapporte  MakrïzI,  on  reçut  une  lettre  adressée  au  sultan  [Malik  Zâhir 
Bibars]  par  le  roi  d'Abyssinie  qui  prend  le  titre  de  (J^^  al-hatî,  c'est-à-dire 
khalife. n  Albuquerqde  (lettre  XLI,  en  date  du  h  décembre  i5i3,  dans  Cartas 
de  Affonso  de  Albuqverqve ,  seguidas  de  dociimentos  que  as  elucidam,  t.  I, 
i884,  in-4°,  Lisbonne,  p.  929)  écrit  :  «Les  Maures  et  les  Abyssins  appellent 
le  souverain  d'Abyssinie  généralement  [connu  sous  le  nom  de]  Prêtre  Jean, 
Elaty,  [ce  qui  répond]  au  titre  d'empereur;  ils  ne  l'appellent  pas  Prêtre  Jean. 51 
Dans  une  autre  lettre  non  datée,  adressée  à  Duarte  Gualbâo  (sic),  il  dit 
encore  :  «Le  Prêtre  Jean  s'appelle  [en  réalité]  elayre  {sic,  pour  elaty),  ce 
qui  répond  au  titre  d'empereur;  son  nom  [personnel]  est  David,  roi  d'Israël" 
[ibid.,  p.  600).  Une  lettre  adressée  au  roi  de  Portugal  par  Francisco  d'ALBU- 
querqce  (un  juif  converti  qui  avait  sans  doute  pris  le  nom  de  son  parrain,  le 
chef  d'escadre  cousin  du  grand  Albuqucrquc),  en  date  du  20  octobre  i5i3 
{Carias  de  Affonso  ve  Alduquerque ,  t.  III,  1908,  Lisbonne,  in-i",  p.  872, 
^tili),  porte  ceci  :  «Si  Votre  Majesté  désire  savoir  comment  s'appelle  le  roi 
Prêtre  [Jean,  qu'EUe  sache]  qu'ils  (les  indigènes)  l'appellent  «ell  hati  danti- 
«nellque  {sic)  ysraell» ,  ce  qui  signifie  «David,  roi  d'Israëljî.n   Les  Commen- 
tarios  do  Grande  Afonso  D^tBOQt'B/tQPE  (réimpression  de  177/1,1.  IV,  chap.  vu, 
p.  Al)  disent  également  :  «Les  Abyssins  n'appellent  le  Prêtre  Jean  que  Elati, 
ce  qui  répond  au  titre  d'empereur,  n 

(^)  C'était  une  erreur  courante  au  moyen  âge. 

(')  Pour  Ibn  Màjid,  Ceylan  est  sur  l'équateur.  Sédillot  décrit  dans  ses 
Matériaux  paur  servir  à  l'histoire  comparée  des  sciences  niathémaliques  chez  les 
Grecs  et  les  Orientaux  (Paris,  1  SA 6-18/19,  in-8°,  t.  I,  p.  8/19),  un  astrolabe 
en  laiton  acheté  à  Alep  qui  porte  l'inscription  suivante  sur  un  côté  du  premier 
disque  :  «Pour  l'ile  de  Sirandib  (Ceylan),  qtii  n'a  pas  de  latitude  puisqu'elle 


— -«.(  83  )k-i— 

ment  appelée  Sirandîd  avec  deux  d'^^''  et  [Sii-andîb]  avec  un  d  et  un  b. 
Dans  les  deux  cas,  elle  est  située  pai"  /i  ùba  des  FaiTikid.  Si  tu  ap- 
pliques le  mot  ffla  vailéen  ,  c'est-à-dire  la  vallée  de  Siraudib  [au  nom  de] 
cette  île,  c'est  exact.  Les  latitudes  sont  prises  du  pôle;  elles  ne  sont  pas 
prises  de  l'étoile  Al-Judayy''\  qui  s'appelle  également  As-Sumiyyâ  [en 
arabe]  et,  en  persan,  Gâli''\  Le  pôle,  les  observateurs  ne  le  voient  pas 
et  cependant  c'est  du  pôle  qu'on  prend  les  latitudes.  On  eu  a  la  direction 
par  une  étoile  toujours  visible  qui  fait  partie  des  étoiles  boréales ,  telles 
que  Mîb  '''\  Gâb  et  Faràkid  '"'.  Quand  on  observe  la  hauteur  méridienne 
et  le  maximum  de  déclinaison  d'une  étoile,  on  apprend  que  l'axe  [de  la 
sphère]  est  entre  les  deux  points  observés  et  qu'elle  [l'étoile]  est  à  tant 
de  degrés  de  l'horizon  d'après  l'observation  faite  avec  l'astrolabe.  La  ligne 
de  l'équateur  [qui  s'étend]  à  l'est  et  à  l'ouest,  est  traversée  parla  ligne 
du  méridien  et  divise  ainsi  la  terre  en  quatre  parties.  La  ligne  du  méri- 
dien est  sur  les  deux  bords  des  ténèbres '*\  La  ligne  de  l'équateur  [com- 
mence] à  l'est,  aux  îles  de  Silâ^''  et  [se  termine]  à  l'ouest,  aux  iles  For- 
tunées; et  ces  deux  lignes  [,  c'est-à-dire  le  méridien  et  l'équateur,]  se 

est  dans  la  ligne  équinoxiale,  son  heure  la.n  L'autre  côté  porte  :  tfPour  lati- 
tude OG",  heure  24n,  c'est  la  durée  du  plus  long  jour  de  l'aimée  sous  ce  paral- 
lèle. 

(^^  Celte  indication,  inexacte  d'ailleurs,  ne  se  retrouve,  à  ma  connaissance, 
dans  aucun  autre  texte  arabe. 

'^'  L'étoile  polaire.  Cette  affirmation  est  inattendue,  car  presque  toutes  les 
latitudes  boréales  sont  déterminées  par  des  observations  de  l'étoile  polaire; 
cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  II,  p.  5i.ô-5,39. 

'^'  En  persan  »l5gàh,  litt.  fie  lieu)).  Quelques  pages  avant,  au  fol.  27  r°, 
1.  i3  et  suiv. ,  Ibn  Mijid  dit  : 

jO_4i  <-r^-»'2-»-J  (^■>^5  U^l  >>v^:Os-û.j<^  A^i!  JIjJI  «-.^j^'j  jo^  ^o  nl  ^^  t5'>^ 

L;.twJ)   JkJyiail    ^L),>J1   JJÎi\   .>vJLc  (^fv*Jj  Vj-*^  is*"y^  C^'    ^^^i  '-0»."   f-f^ 

tcAl-Judayy,  c'est  le  gâli.  Al-jadi  [avec  lequel  il  ne  faut  pas  le  confondre,] 
est  un  signe  du  Zodiaque  (le  Capricorne),  qui  [s'étend  sur]  deux  mansions  et 
un  tiers-,  c'est  l'une  des  douze  divisions  du  ciel.  Gâh  est  un  nom  persan  ara- 
bisé-, les  Égyptiens  l'appellent  as-simiijijâ  (sic). 

W  Litt.  trie  clou^,  étoile  voisine  de  la  polaire. 

(')  Litt.  cflcs  Veauxn.  Vide  supra,  p.  8),  n.  3. 

(*)  Il  faut  sans  doute  entendre  que  les  extrémités  nord  et  sud  du  méridien 
sont  plongées  dans  les  ténèbres  des  deux  pôles. 

^')  La  Corée. 


coupent  à  la  vallée  de  Sirandïb.  La  plus  grande  partie  de  la  terre  habitée 
(fol.  69  v°)  se  trouve  dans  les  deux  quarts  boréaux  et  la  plus  grande 
partie  des  deux  [quarts]  austraux  est  occupée  par  l'eau,  sauf.  .  .''^  de  la 
terre  comme  l'Abyssinie  et  une  partie  de  la  Syrie,  car  l'eau  pénètre  très 
avant  [dans  les  terres]. 

Sumutra  a  un  grand  nombre  de  rois  infidèles.  C'est  le  pays  par  excel- 
lence (''  des  éléphants  blancs ('>,  du  camphre,  du  macis,  du  musc  excel- 
lent de  cette  île  qu'on  vend  au  poids  de  l'or.  Au  nord  [de  l'île],  les 
Farâkid  sont  par  7  [isba]  3/6 ;  au  sud,  les  Farâkid  sont  par  un  peu 
moins  de  û  [isba]'-''''. 

Ibn  Iyâs  (i5i6). 

Kilftb  nasak  al-azhâr  fi  'ajâïb  al-aktâr  et  Livre  de  l'odeur  des 
parfums  dans  les  merveilles  des  paysw,  éd.  Arnold,  dans  sa 
Ckrestomathia  arabica,  Paris,  i853,  in-8". 

LXXX.  (P.  66.)  ...  Le  royaume  [de  l'Inde]  est  voisin  immédiat  du 
royaume  de  Zâbag''^  la  résidence  du  Maharaja,  [qui  est  situé]  entre 
l'Inde  et  la  Chine ... 

(P.  71,  infra.)  ...  La  ville  du  Zâbag(°>  est  grande;  elle  est  située  sur 
une  île  aux  confins  de  la  Chine,  du  côté  de  l'Inde.  Elle  contient  des  mer- 
veilles. Il  y  pousse  (p.  72)  l'arbre  à  camphre.  Cet  arbre  est  si  grand 
qu'un  seul  [camphrier]  peut  couvrir  100  hommes  de  son  ombre.  Le 
camphre  coule  du  sommet  de  l'arbre  [après  l'avoir  incisé]  et  on  le  met 


(2)  Je  traduis  par  tfpays  par  excellences  i'arabe  y-xx»,  qui  a  le  sens  de 
nmlneTî ,  «endroit  où  quelque  chose  se  trouve  spécialement  et  eu  grand  nombre?;. 

'•■')  On  sait  que  l'éiéphant  dit  éléphant  blanc  est  un  simple  albinos,  d'où  sa 
rareté.  On  sait  aussi  la  vénération  qu'ont  les  bouddhistes  pour  1  éléphant  blanc, 
en  lequel  se  serait  incarné  Çàkyamuni  pendant  sa  longue  ascension  vers  le 
nirvana.  Autant  que  je  sache,  il  n'a  pas  été  trouvé  de  nombreux  éléphants 
blancs  à  Sumatra;  il  en  existe  actuellement  quelques-uns  à  la  cour  de  Bangkok 
et  au  Cambodge. 

W  Pour  les  latitudes  du  nord  et  du  sud  de  Sumatra,  vide  infra  les  extraits 

du  ms.  aSBg. 

(S)  Le  texte  a  la  leçon  fautive  gjJl  J-U  pour  gly)!  liLU. 
(")  Le  tf  xto  afaulivomont  g-'lj,  pour  jj!^  . 


■  ■■•*>{  85  )•€-+-— 

dans  des  jarres  pour  y  être  desséché  et  solidifié.  C'est  une  résine  de  cet 
arbre  qui  ne  se  trouve  qu'à  l'intérieur  [de  l'arbre].  Il  y  a  dans  celte 
[ville],  des  chats  ailés  comme  les  chauves-souris.  Il  y  a  aussi  une  espèce 
de  démon  qui  ressemble  à  une  vache  de  montagne;  il  est  de  couleur 
rouge,  tacheté  de  blanc,  ses  chairs  sont  amères  (sic).  Il  y  a  également 
un  félin  à  musc,  semblable  au  chat,  dont  le  musc  se  trouve  sous  l'ais- 
selle. 11  y  a  une  montagne  appelée  An-Nâsbân  '^'  où  se  trouvent  de  grands 
serpents  qui  avalent  éléphant,  vache,  veau  et  buffle.  II  y  a  des  singes 
blancs  semblables  aux  buffles  et  aux  grands  béliers.  Il  y  a  des  oiseaux 
blancs,  rouges,  jaunes  qui  parlent  toutes  les  langues  :  on  les  appelle 
des  perroquets.  H  y  a  des  paons  au  plumage  tacheté  de  blanc  et  de  noir, 
verts,  aussi  grands  que  les  grandes  autruches. 

SuLAYMÂN  al-Mahp.î  (i"""  moitié  du  xvf  siècle). 

Les  textes  arabes  qui  suivent  sont  empruntés  au  ms.  aBog 
de  la  Bibliothè(|ue  Nationale  de  Paris.  Ils  ont  pour  auteur  un 
muallm^-^  arabe  nommé  Sulaymân  ibn  Ahmad  al-Maiihi  Al- 
MuHAMMADÎ,  qui  est  inconnu  par  ailleurs.  Nous  savons  seule- 
ment par  un  passage  du  Midût  de  Sïdï  'Alî,  que  ce  muallim 
était  déjà  mort  en  i553  '^^. 

Le  premier  texte  est  extrait  d'un  traité  nautique  daté  de 

t5i2,  intitulé  :  i^j^î  -^IxJl  Isj^jo  ^  «J^^^î  »<Vj!j|  ^c  Le  sou- 
tien des  Mahara  (de  l'Arabie  méridionale;  ce  sur  quoi  s'ap- 
puient les  Mahara,  en  quoi  ils  ont  confiance)  et  la  fixation  des 
sciences  nautiques  ??. 

Les  variantes  au  texte  arabe  indiquées  en  note  sont  don- 
nées :  A,  d'après  le  ms.  2299  du  même  fonds  arabe  de  Paris 
i^vide  supra,  p.  '79);  B,  d'après  un  extrait  du  texte  lurk  du 
Mtihit  d(!  SiDÎ  'Alî  (ms.  de  Naples)  publié  par  Luigi  Bonelli^''^; 

(')   Vide  supra,  p.  78,  n.  2. 

(^)   Vide  supra,  p.  79,  n.  1. 

^''  Le  Muhît  n'est  en  réalité  que  la  version  lurke  dos  textes  nautiques  arabes 
de  Ihn  MàJîd  et  Sulavmàn  al-MauiîT.  Cf.  mes  Relulions  de  voyages,  t.  II, 
p.  /i85,  n.  3. 

('')   /)('/  Muhît  0  '-Desniziotu'  dei  mari  délie  hidie-^  deU'ammiraglio  turco  Slnf 


^      0 


-^^(  86  ).«^ 

C,  d'après  la  traduction  allemande  du  Muhît  par  Maximilien 
BiTTNER  (1),  qui  a  quelquefois  corrigé  les  lectures  de  l'éditeur  du 
texte  turk  en  utilisant  le  manuscrit  de  Vienne,  plus  correct 
que  celui  de  Naples. 

l.^^!  (''(sîc)(_^Ja^  h^¥?^  (sîc)oé^*«  ^i  tS"*ai  (Fol.  27  v",  1.  6.) 
x_»^  i)î  J^-ï^  (j-jf  ^\  ibfiU;  A^js-^  ^l<>J>jA)l  t^^  J<>=?-  JUwJI  ^^ 
/j_^_X_JCJ^  ^AwL»  ^  y'^l^  '^^  «X«yi  ^Siff'i  ^^^wJ  't'.j-»^^  (^y*  '"^^'^^'b 

'AlÎ  detto  Kidtib-i-Rûm ,  dans  Rendiconti  délia  R.  Acad.  dei  Lincei,  Classe  di 
scienze  morali,  storiche  e  Jilologiche,  Série  quinta,  vol.  III,  189^,  p.  751-777. 
Le  texte  en  question  se  trouve  aux  pages  771-773. 

(')  Dans  Die  topoi>raphischen  Capitel  des  Indischen  Seespiegels  Mohît,  trad. 
M.  BiTTNER,  avec  introduction  et  3o  cartes  par  Wilheim  Tomaschek,  Vienne, 
1897,  in-foi.  La  traduction  du  passage  en  question  est  aux  pages  71-73. 

W  Cette  graphie  incorrecte  :  ^  final  =  ï ,  se  présente  à  plusieurs  reprises 
dans  les  mss  9392  et  aSSg.  B  a  sjaii  «jjj^  yA'>-  Le  nom  de  l'île  n'est  voca- 
lisé que  dans  A  et  B.  Les  trois  textes  ont  la  sifflante  palatale,  s^la^  "p^ir?"  7^-^ 
est  à  traduire  par  rrroutes  [maritimes]  de  Tile  de  Sumutra^.  L'arabe  s^.>>, 
plur.  jj'j>,  a,  en  terminologie  nautique,  le  sens  de  «route?).  Sïdï  'AlI  le  glose 
par  i^jjl^  «route,  chemin».  Le  sens  de  ces  deux  mots  est  en  effet  identique, 
celui-ci  étant  employé  pour  la  terre  et  celui-là  pour  la  mer. 

La  phrase  suivante  du  texte  turk  n'existe  pas  dans  le  ms.  sSBg  :  elle  a  élé 
ajoutée  par  Sîdï  'Alî  au  texte  arabe  :  «Schiffswege  (jj.i)  an  der  Insel  Sumutra. 
Mit  den  Schiffswegon  an  der  Insel  Sumutra  verhalt  es  sich  folgenderraassen  : 
Zuerst  sei  kund,  dass  es  daselbst  Zibeth,  nàmlich  Moschus-Galia  (c^ju  .ibj 
LiLSw»  *:Jlc),  in  unermesslicher  Menge  gibt.n  Le  ghcdiya  est  un  parfum  com- 
posé de  musc  et  d'ambre;  c'est  également  un  médicament.  Cf.  mes  Relations 
de  voyages,  t.  I,  p.  286  et  t.  II,  p.  61/4-620. 

Ce  texte  sur  Sumatra  a  été  reproduit  en  traduction  seulement  dans  le 
t.  II  de  mes  Relations  de  voyages,  p.  5oi-5ii,   d'après  B,  C  et  le  ms.  2559. 

(•'')  B  a  à^MJj  ySji^  que  G  a  lu  Ntkû  Tarmid.  Le  ms.  2669  avait  o^^y  >^, 
sans  points  diacritiques.  Ils  ont  été  ajoutés  par  un  correcteur  inconnu.  Les  cor- 
rections de  cotte  nature  et  les  additions  en  marge  y  sont  nombreuses.  Il  semble 
bien  qu'après  avoir  été  copié  par  un  scribe  quelconque,  le  2559  a  été  colla- 
tionné  avec  le  texte  reproduit,  car  quelqu'un  y  a  ajouté,  d'une  autre  encre, 
les  points  diacritiques,  les  passages  sautés  par  le  copiste  et  a  rectifié  les 


->^(  87  )K-^ 
(_^l_i  A_x-Lfij  x_>u-ot  xj^î  yî*XSytJ)  ^jî  J^ilî  JyJI  J!y»i  iUb"  ^^ 
t_>*_»Jî  A-jç-Lfi:^  ^^A^  iUjjî  «aAa  yij«*ï^À)i  y!  c^jl-^'  JyiJ'j  '''  ^j-*4^' 
j-^i  v.jL*aj^  iuÀj  <xj|  (^yxiJi^i  ifoXs.^  e*]UJî  Jyiiîj  ''^  ^jLJj^i  q^xj^ 


erreurs  de  copie.  Cette  revision  n'a  été  cependant  que  partiellement  faite  et 
laisse  à  désirer.  A ,  fol.  53  r°,  1.  8 ,  a  :  o^-^'  ^<^'  Tabâkû  tarmad.  Je  suis  la 
leçon  du  ms.  2r>59  sans  en  garantir  l'exactitude. 

(^)  B  a  seulement  :  ^u>XL)^j^l  J^l  t-^jc^  ^Jij^yi  y,>«-^A3l  ci>^^u>  jlà  J^ï,  que 
C  a  traduit  par  rtnach  Angabe  der  Araber  nicht  ganz  'i". 

'•'')  Ce  passage  a  été  mal  rendu  par  Sïdi  'Ali,  qui,  en  outre,  y  a  ajouté  ce 
qui  suit  :  B  j_j  '  ^   ..-=>l  yX  .«  th  t  ^)  ^jol_a_*sI  ^^^^  ^1  sj^^Lj  wLjàjo  ciJLi  Jjji 

L«joL-  1^3  r>^^i^  ^s-*^  ^•>^'-j  tJjt^J^  yi  ■J^.-^.'^  ^'^£+^'  s^j'  8j^a^  'î^in^ 

-  1  ■  ,L>i  «  ^j  '->-'>-?  ,'^-:-*gl  "^y^  L«JL«j  j  tSJLcà  i_Mâ!  ^^Oo^à  8JsJ-«;LJ5  (Ul<'  y^j!  y->i 

^jl  :   -î-  I j  wjI;^^  ^li^-^  *-^  XJ  xJjjl  ^j  tijji^  «^^  soJj  JojC  L)^  xJ)!  u-où 

xJ^I  J^  »,^L51  v^"';!  xxjjj^jj,  que  C  traduit  par  :  «  .  .  .  und  nach  dor 
Behauptung  etlicher  3  1/2  Finger  hoch.  Einige  haben  sogar  gesagt,  er  stùnde 
auf  dem  Siidende  der  Insel  Sumutra  nur  3  Finger  hoch.  Nach  meinem  Dafiu-- 
halton  ist  dies  ailes  richtig  :  Denn,  wie  schon  frùher  erwahnt,  bewegen  sich 
die  Flxstcrne  mit  dem  achten  Himmel.  Dies  beweist  auf  Folgendes  :  Bei  der 
Bestimmung  der  Fingerhôhe  (des  Kleinen  Baren)  an  jcnem  Punkte  fanden 
nàmlich  die  Inder  zu  unserer  Zeit  den  Klninen  Baren  Ix  Finger  hoch  slehend , 
wàhrond  vor  diesen  die  Araber  den  Kleinen  Barcu  3  3//i  Finger  hoch  stehend 
gefunden  hatten;  einige  sagten,  er  stùnde  nur  3  1/2  Finger  hoch,  und  wieder 
einige  fanden  am  Ende  der  Insel  nur  3  Finger.  Es  steht  also  fest,  dass  die 
Hohenbcstimmung  immer  strittig  ist,  denn  es  ist  évident,  dass  der  Kleine 
Biir  sich  mit  der  Bowegung  des  achten  Himmcls  bewegt.  Mau  sollte  also  mit- 
telsl  des  Astrolab's  odor  «antworteuden  Quadranten?)  die  geographische  Brcite 
eines  jeden  Platzes  bestimmen  und  verzeichuen,  aber  auch  mit  Beriicksichti- 
gung  der  goographischcn  Breitn  eine  Karte  conslruiren,  die  aile  Ilohen,  Insein 
und  Weltgegendon  je  am  richligcn  Orte  briiigt,  und  sich  nacli  dicser  orion- 
tirpnn  (p.  7  1)  Bittnk»  traduit  ^-^=1  par  «Fingern  ,  ce  qui  est  son  sens  httéral. 
Cf.  mes  Relations  de  voyajjes,  t.  II,  p.  /197,  n.  6. 

(*)  -4I3  signifie  littéralement  rdosA.   Appliqué  à   une  grande  îlo  orientée 


-^.i-&.(  88  )^— 
tiJljL.i&  y\«X_j^JI^  '-'  j*.3,^LoIJux>   (^yfVkO  '*'  iyy^S'  ij^y^  v^^  0-* 
a^.^2^  j^^  Uy-H^^  '*'j)^^*-  ;»^5  (j^'^^-*^^  u^yjr"  *^^='  '''  f^  **^^ 

nord-sud,  ctdosn  désigne  la  côte  qui  fait  face  à  la  haute  mer  (la  côte  occiden- 
tale de  Sumatia  et  la  côte  orientale  de  Madagascar,  par  exemple).  ^^ 
«veutren,  désigne  la  côte  opposée  (orientale  de  Sumatra  et  occidentale  de 
Madagascar).  On  retrouve  une  terminologie  à  peu  près  identique  et  sans  doute 
empruntée  aux  Arabes  dans  les  anciens  routiers  portugais.  Cf.  «Portos  que  ha 
na  ilha  de  Sâo  Lourenço  pela  banda  de  dentron  =  côte  occidentale  de  Mada- 
gascar =  K ventre"  des  instructions  nautiques  arabes  (dans  G.  Pereira,  Roteiros 
Portuguezes  da  viagem  de  Liboa  à  India  nos  seculos  xvi  et  xvii ,  Lisbonne,  1898, 
in-8°,  p.  84  )-,  ff  Viagem  de  Goa  para  o  cabo  de  Boa  Espcrança  por  Moçambique 
por  dentro  da  ilha  de  Sào  Lourenço 55  [ihid.,  p.  160);  tr Viagem  de  Goa  para  0 
cabo  de  Boa  Esperança  por  fora  [=cfdos"]  da  ilha  de  Sào  Lourençoji  {ihid., 
p.  ii8).  Ces  expressions  parallèles  sont  courantes  dans  les  textes  arabes  et  les 
routiers  portugais. 

("  Le  texte  avait  initialement  »^>.5' «grande» ,  qui  a  été  corrigé  en  iy^ 
pour  Sj^JiJ  «nombreux'!. 

(^)  A  a  la  même  leçon  dans  ce  vers,  fol.  io5  v°,  1.  8  : 

«et  leur  nom  [de  ces  îles],  ô  ami,  est  MïkâmârQs-,  Mârûs,  à  Sumutra,  est 
une  montagne  qui  nous  est  familière». 

(■■*)  Le  passage  depuis  yLy^  ,xso  ^  jusquà  ylo^ï^iJl  ^,^;^L«ULy«  avait  été 
sauté  par  le  copiste.  11  a  été  ajouté  en  marge  par  le  correcteur. 

(4)  G  a  lu  Andar-Sàbûr.  Aucun  des  textes  n'est  vocalisé;  mais,  par  analogie 
avec  r>KJol,  qui  est  sûrement  à  lire  3y';^l  /«Jra/w-a  =  Indrapura ,  je  voca- 
lise r^Lw^^xJ!  Indra-sâhîir. 

(^)  B  a  la  même  leçon;  G  a  c^^UaJ^  Mantâwi,  qui  est  le  nom  des  îles  Men- 
tawei,  Mantawai  ou  Mantawei.  (S)^i^  est  un  complexe  malais  bien  connu  : 
mata-hâri,  litt.  «l'œil  du  soleil,  le  soleil».  Il  s'agirait  donc  d'une  île  appelée 
«île  du  soleil».  Bittner,  qui  a  adopté  la  correction  c^jlLa^,  lit  Mentàivî  (p.  71); 
ToMASCHEK  inscrit  Maidàivï  sur  la  carte  XXV.  Graphiquement,  la  correction  de 
(5,t.g^  en  c^jLLjl.*  est  dilTicilement  acceptable,  car  le  4  médial  ne  peut  guère 
être  confondu  avec  la  médial.  Au  surplus,  il  serait  extraordinaire  que  le 
ms.  2559  et  le  manuscrit  turk  fussent  tous  deux  fautifs  en  donnant  une  leçon 
qui  représente  le  complexe  malais  précité.  Enfin,  géographiquement ,  l'île  de 
Matahari  ou  île  du  Soleil  est  située  dans  ces  deux  textes  par  W  A3'  nord  et  les 
îles  Mentawci  sont  par  Ta  3°  sud.  Tomaschek  a  donc  été  obligé  d'inscrire  une 


._^(  89  )<-^ 
^^  yii  (s?c)  '^' A.2S.5A.A.J  lLg_A.Awio  <îu^!5Aj  L2.3^.4w.j  i^J^Î^  ^^jùU  ^jAà 


île  Mantâwï  contre  Ja  côte  nord-occidentale  de  Sumatra,  alors  qu'aucune  rela- 
tion de  voyage ,  ancienne  ou  moderne ,  n'a  signalé  un  nom  de  ce  genre  à  cette 
lalilude.  Je  ne  suis  pas  on  mesure  d'identifier  Tile  de  Matahâri;  mais  il  me 
parait  plus  prudent  d'en  maintenir  provisoirement  le  nom  sur  la  foi  des  textes 
arabe  et  turk. 

'■'  ts^!>^  (JLaJ^,  qui  a  été  ajouté  en  marge,  ne  figure  ni  dans  B  ni  dans  C. 

^-)  ^J^,  en  terminologie  nautique,  désigne  un  ffbanc  plat  s'étendant  devant 
la  terre"  (cf.  Instructions  nautiques  sur  la  mer  Rouge  et  le  golfe  d'Aden ,  Paris, 
i885,  in-8°,  n°  681,  à  l'index  des  mots  arabes,  p.  xv,  s.  v°  Rak). 

'^)  i_-jui,  plur.  yLoi-i  =  trrécif  de  roches»  (cf.  Instructions  nautiques ,  op. 
laud.,  s.  v°  Shah).  » 

(*)  Manque  dans  B  et  C. 

'^)  C  a  :  ffMan  nennt  sie  Fulô  Bâniq;  bci  den  Indern  heissen  sie  Talàgili, 
weil  sie  den  zu  Gùgarât  gehôrigen  Talâgih  ahulich  sind.» 

(")  Le  texte  a  *a.3A^ . 

t')  A  a  Mi  ,j^^  Gâmis-falak,  fol.  Sa  v",  dernière  ligne;  Ma  J^^  Gâmis- 

fallah,  fol.  109  r°,  1.  7;  109  v",  1.  18;  111  r",  1.  a;  *Jj  ^«jiLi  G  âmûs-f allait , 
fol.  io5v°,  L  11  et  kI^  (jMy>\^  Gâmûsî-ftilah ,  fol.  54  v"  infra.  Cette  der- 
nière leçon  est  un  hybride  composé  de  j'allah ,  déformation  du  malais  ^^j 
pîilaw,  pïilo  «rîlcTî,  et  du  perso-arabe  ^^U...  rrhuillc".  La  syntaxe  malaise  et 
arabe  exigerait  *jallah-gâmûs ;  mais  l'inversion  gmtm-fallah ,  dont  on  retrouve 
d'autres  exemplaires  dans  la  toponomastique  ancienne  de  l'Inde  trausgangé- 
tique ,  a  été  faite  sur  le  modèle  de  sanskrit  Yavadmpa. 

W  ^1  al-barr  a,  dans  certains  textes  géographiques,  le  sens  de  ffconti- 
nont,  terre  feiinon,  par  opposition  à  la  mer  et  aux  terres  insulaires.  Ici,  il  est 
employé  avec  son  sens  initial  de  tr terre,  par  opposition  à  la  mer.  Cf.  les 
exemples  classiques  ><*îJlj  tJl  «la  terre  et  la  mern;  itarj  lo  tfpar  terre  et 
par  mer». 


— «.(  90  )<^ 

^U  II  JjJiJI  Wc_,^jui!  ^^  4^i)l  J^iJi  Jiyî  A^)ci-  AAÀi  '''^'li^^li 
^1  Juk-^A«  xJJa^  ij\  ^£<>JA^  ii^S4***  «-^^ï  cuJUJl  Jj.xîî^  J"*4^  (*^^ 

xAJa-*  ^LUI  Jj-A-JI^  -AjJI  jxJJo*  Jj^l  Jj,iJI  J!yl  iuAjfAAii  iLWi 

(jUj^^ija  ^uuî^  j^iii  j^Jii  vy^î  ^^  ^^^  J^iJ'^  J^^î 

(j*K^L:a>.  (wi  L^-Â-Lao  5oi>  Uî^  i^^^JI^  iJyoL^Î^  Vt*^  c^aJujI  J^Jut^ 
XA-ii  iL.lafw  ^♦Kix)  t^*x»i)  ^^^  (fol.  38  v°)  cjJi*!)  *XLi«  <^j«^U  A.Xi 
SvJa-i^  >*X_JLj  (j--*5  r-*-^5  xÀla^  J*^^^^  *^jl>  •  ('^"^  u&Jv:*.!  y^l^ï 
^   »  JLa..çw  ^«Xjo  «j)_j.^iî  liû^iUj  Uî^j  c^JixJÎ  i^dk^  t-JUJI  U>-ài.ii 

(')  A  a  la  leçon  fautive ,  fréquente  dans  les  textes  arabes ,  ^yJ^i^i  Payeur, 
fol.  53  r°,  1.  5  ;  et  la  bonne  leçon,  ^yùiXi,  fol.  111  r",  1.  5. 

(-)   Vide  supra,  p.  87,  n,  k. 

(^'  C'est  la  bonne  leçon  qu'ont  également  A,  B  et  C.  Vide  supra,  p.  86, 
n.  9. 

C")  A  a  lijLc,  fol.  111  r°,  1.  6;  B  et  C  ont  »^ys.  Cette  notation  est  tout  à 
fait  inattendue,  car  le  Nâgarakërtàgama  (i365)  a  Harœ  (cf.  G.  Furrand, 
Relations  de  voyages,  t.  II,  p.  662),  qui  est  passé  à  Haru,  puis  à  Aru,  dans 
la  langue  moderne.  D'après  le  poème  kawi  précité,  ^^i^^  et  Sjjc  sont  à  lire 
SjnLii  'Àrûh  et  s^jc  'Arûh;    Ijjlc,  'Ai'û. 

(=■)  A  a  pS:4^  Mahkafang,  foi.  53  r°,  1.  1,  et  ^JSi^  Mahhafing,  foi.  n  1  r°, 
1.  3.  B  et  G  ont  la  même  leçon  que  le  ms.  aôôg.  Bittner  a  lu  Mâhôfdnag. 

(')  C'est  l'un  des  32  ^^  hann  (plur.  yUii.1  a^nân)  ou  rumbs  de  vent  de  la 
boussole.  L'expression  arabe,  litt.  triever  du  Scorpion)',  a  été  rendue,  en  tra- 
duction, par  le  terme  équivalent  usité  dans  les  marines  occidentales.  Cette 


'+9*\ 


.(  91  )<4< 


L^-^  ,j-^;UU.A-«  ;jj.=:^  Ji  ^\^  (W)i)l  **J;Î  ^jÎJ^â^l  V>^5  Oj^^^ 

^  ^àJl  JS  ;ôau  (^'  ^1  ^  jUù  ^:>i)i  y^lj  t^U!^ 

LXXXJ.  Le  soutien  des  Mahara. 

Section  traitant  de  la  connaissance  de  l'île  de  Sumntra. 

Elle'''  commence,  au  nord'®\  à  la  montagne  de  Lâmurî  où  les  Far- 
question  sera  traitée  en  détail  dans  la  traduction  intégrale  des  mss  2-299  et 
2559,  qui  sont  actuellement  en  cours  de  publication. 

(')  B  a  :  ,i>r^4-i-o  aLj!  Jov£  cs^^^  )'^)i-^i  ^;>oo.'>-^  ;'^-»^  et  C  :  «...  ein 
neuer  und  bewolmter  Hafeu,  dessen  Gouverneur  durch  Gerechtigkeit  bekannt 
ist  ...  ». 

(2)  B  a  la  même  leçon;  A  a  yiili,  fol.  53  r°,  1.  7  et  111  r°,  1.  9;  C  a 
Menang-hdbà  (sic),  rectifié,  entre  parenthèses,  en  Manqâbôh,  ce  qui  repré- 
sente SjjLLLo,  comme  dans  le  ms.  2  5  69.  Le  Nâgarakërtàgama  a  Manankabiva 
(cf.  G.  Ferrand,  Relations  de  voyages,  t.  II,  p.  652),  qui  permet  de  corriger 
les  leçons  précédentes  et  de  rétablir  Sj^ij^jJ  Manangl^âbwa  =  Mananhabwa. 
Dans  un  manuscrit  malais  daté  du  i3  safar  12^0  =  octobre  182^,  le  même 
nom  est  écrit  ^.JjLl*  =  Mënaiikabaw  (H.  H,  Jdïnboll,  Catalogus  van  de  Ma- 
leische  en  Sundanesche  handschnjten  der  ieidsche  Universtteits-bibliotheek ,  Leyde, 
1899,  in-8°,  p.  2/i5,  GGLVl). 

W  B  et  G  ont  la  même  leçon  fautive,  que  Tomaschek  a  identifiée  à  Tile  de 
Banka.  Le  ms.  2 559  ^t  B  ont  tous  deux  ^  ^  ^^J^  vh  port  de  Falu  Baug»  -, 
il  ne  s'agit  donc  pas  d'une  île,  mais  d'un  port  de  la  côte  sud-orientale  de 
Sumatra.  ^  ^  est  à  corriger  en  ^  ^ .  A  a ,  en  effet ,  ^  (jgiS  au  fol.  1 1 1  r", 
1.  11,  et  J^  au  fol.  53  r°,  1.  8.  L'iiu  et  l'autre  et  les  leçons  précédentes 
sont,  sans  doute,  pour  ^4^  Falimbang  =  V'd\emh3ih. 

C')  Même  leçon  dans  G;  B  a  fautivement  ^J^j. 

(5-6)   (5)  Les  documents  utilisés  pour  le  commentaire  de  ce  texte  sont  : 

Itinerario  voyage  ofte  schipvaert  van  Jan  Huygen  van  Linschoten  naer  oost 
ofte  Portugais  Indien  i5jQ-i5g2,  édit.  H.  Kern,  VGraveuliago ,  in-8°,  1910, 
t.  1,  chap.  19  :  Van  't  Eylandt  Samatrn,  eertijts  Taprnhana  glieheeten,  p.  7/1-7(5 
et  la  carte  do  la  page  70  du  même  volume-, 

La  carte  de  Sumatra  de  Valentyn  reproduite  dans  le  n"  22  du  Journal  of 


kadayn  (les  deux  Gardes  =  (S  et  7  de  la  Petite  Ourse)  sont  par  7  M  et 
y/8  [=  5"  AS'  nord  environ],  d'après  les  uns;  par  7  isba  3/4  [=  5°  34' 

t/ie  5<raùs  iranc/i  0/ «/le  Royal  Asiatic  Society,  décembre  1890,  intitulée  : 
Nieuwe  kaart  vnn  het  eyland  Sumatra  verbeterd  door  François  Valentyn,  J.  van 
Braam  et  (sic)  GouDER  de  Linden; 

Le  Petit  Atlas  maritime ,  recueil  de  cartes  et  de  plans  des  (juntre  parties  du 
monde,  Tome  III,  contenant  :T  l'Asie,  W  l'Afrique,  avec  les  détails  intéressans 
de  ces  deux  parties,  176'!,  sans  nom  d'auteur  ni  de  iieu  d'impression  (je  n'ai 
pas  encore  pu  retrouver  les  deux  premiers  volumes  de  cette  publication,  dont 
le  présent  volume  m'est  seul  connu); 

A  new  directory  for  the  East  Indies  containing  gênerai  and  jmrticular  charts 
of  the  océans,  seas  ,  straits ,  coats,  islands,  capes,  golfs,  bays,  harbours,  rocks, 
sands,  soundings ,  etc.,  necessary  to  be  hnoivn  in  sailing  to,from  and  throughout 
the  East  Indies,  the  whole  (originally  begun  and  carried  on  from  the  most 
approved  charts  and  plans,  by  M'  W.  Herbert,  M'  W.  Niciielson  and  others) 
much  improved  and  augmented  by  Samuel  Dunn,  Londres,  5'  édition,  1780; 
Tlie  Oriental  Pilot;  or  a  sélect  collection  of  charts  and  plans,  both  gênerai  and 
pnrticulars;  calculated  for  the  navigation  of  the  couniry  trade  in  the  seas  beyond 
the  cape  of  Good  Hope  :  including  the  Indian  sea,  with  the  Arabie  and  Persian 
golfs,  the  China  sea,  the  castern  sea,  etc.,  etc.,  etc.  Dratvn  chiefly  from  the  last 
édition  of  the  Neptune  OniENTAL  of  Mons.  d'Amies  nE  Mannevillette ;  with 
important  additions  and  several  improvements ,  extracted  from  mimerons  Journals 
of  the  Honourable  the  English  East  India  Company;  and  from  actual  siirveys  by 
officers  in  that  service  ;  as  also  from  the  original  drafts  of  the  Dutch  East  India 
Company  with  sailing  directions.  Londres,  sans  date  (vraisemblablement  des 
dernières  années  du  xvin°  siècle). 

Ce  sont  les  seuls  documents  cartographiques  que  j'aie  à  ma  disposition.  — 
W  D'après  le  texte  de  Linschoten  (p.  7^-75),  la  pointe  nord  de  Sumatra 
est  par  5°  nord  et  l'extrémité  méridionale  de  l'île  par  6°  sud.  L'île  aurait 
170  milles  de  long  et  60  milles  de  large.  Sur  la  carte  de  Linschoten,  la  pointe 
nord-ouest  et  la  pointe  sud  de  Sumatra  dépassent  respectivement  de  près  d'un 
quart  de  degré  le  cinquième  parallèle  septentrional  et  le  sixième  parallèle 
méridional.  La  partie  nord  de  Sumatra  est  à  peu  près  parallèle  à  l'équateur  et 
divisée  en  trois  états  :  Daia,  au  nord-ouest;  Achem  =  Acin,  communément 
Atchin,  au  centre;  et  Pedir,  au  nord-est. 

Sur  la  carte  de  Valentyn,  l'extrême  pointe  nord-ouest  est  par  environ 
5°  30'.  Tout  le  nord  de  l'île  constitue  l'état  d' Atchin  {Tryk  van  Atsjen),  avec 
la  ville  d'Atchin  à  la  pointe  nord-est,  sur  la  rive  droite  et  à  l'embouchure 
d'une  rivière  non  dénommée. 

D'après  le  Petit  Atlas  maritime ,  l'extrême  pointe  nord-ouest  est  par  5°  et 
quelques  minutes.  Mêmes  indications  que  dans  Valentyn.  La  rivière  est  appelée 
ff  rivière  d'Achem». 

La  carte  XTII  du  New  Directory  {A  particular  plan  of  Acheen  road  with  the 


—!-».(  93  )<^ — 

environ],  d'après  d'autres.  Elle  finiL  au  sud,  [avec  le  pays  ou  le  cap 
de]  Tïkû  Tarmad^'l  En  ce  qui  concerne  la  latitude  de  ce  dernier 
endroit,  les  opinions  fUiïèrent  :  il  y  en  a  trois,  La  première  est  que,  m 
cet  endroit,  les  Farkadayn  sont  par  k  isba  [=  o"  62'  sud  environ];  cest 
l'opinion  de  la  majorité  des  Indiens  [de  la  côte  occidentale  de  l'Inde]. 
La  seconde  est  que,  en  cet  endroit,  les  Farkadayn  sont  par  un  peu  moins 
de  A  isba  [=  un  peu  moins  de  0°  62'  sud]  ;  c'est  l'opinion  des  Arabes  et 
des  Colas'-).  La  troisième  est  celle  de  ceux  qui  l'ont  vérifiée  :  [les  Far- 
kadayn sont  en  cet  endroit]  par  3  isba  1/2  [=  1°  A3'  sud  envii-on].  Cer- 
tains disent  que  l'extrémité  méridionale  de  l'île  de  Sumutra  est  [même] 
par  3  isba'  [=  1°  34'  sud  environ]  ^'l 

Sache  que  sur  la  côte  occidentale,  il  y  a  de  nombreuses  iles  appelées 

Islands  adjacent)  désigne  l'extrême  pointe  nord-ouest  sous  le  nom  de  «kings 
Pointw,  la  ville  d'Atchiu  est  à  0°  10'  à  l'est.  Ce  «Kings  Point»,  ia  moderne 
fflète  d'Atchinîi ,  est  à  peu  près  entre  5°  a3'  et  5"  a-V.  VOriental  Pilot  (carte  ia  , 
A  chart  of  the  strails  of  Matacca  and  Siiigapore)  appelle  également  cette  pointe 
«tlio  King's  Point  or  Cape  Ashimn  et  la  situe  par  environ  5°  20'.  La  ville  de 
«Acliem  or  Ashimn  est  à  un  degré  de  longitude  à  l'est,  sur  le  delta  d'une 
rivière  non  dénommée. 

tf .  .  .  the  great  Island  Sumatra,  whicli  Extendeth  from  o5°  lio'  South 
Latitude  to  oô"  io'  North  Latitude,  soc  that  the  Equinoctiall  Line  dividelli 
this  Island  into  2  Equall  parts..."  {A  Geographical  account  of  cuuntries  round 
ihe  baij  oj  Bengal,  iÔGq  to  iGjg,  by  Thomas  Bowrey,  édit.  Sir  Richard  Caiinac 
Temple,  Halduyt  Society,  a"  série,  t.  XU,  Londres,  1906,  p.  286). 

(')   Vide  supra,  p.  86,  n.  3. 

'-'  Le  J^->e^\  ù-~f^  (yï  J>=îJI  *Às?'  ^j-i  t-jLx5'  de  Sulaymân  ibn  Ahmad  al- 
iMatirî,  que  contient  également  le  ms.  a55g,  a,  au  fol.  167  r",  1.  9  et  suiv.  : 

rLes  Sùliyàu  [=  Cola]  sont  les  gens  du  Sùlamandala  [=  Colamandalam  = 
Coromandel].  La  plus  célèbre  de  leurs  villes  est  celle  de  Kâyâl.  C'est  la  ville 
do  leurs  savants.  Kâyâl  est  un  port  célèbre  depuis  l'antiquité.  11  est  situé  dans 
le  pays  do  Kankara  (ou  Karaykara,  le  Kailukari  de  nos  cartes).» 

Kâyal  est  le  Cail  de  Marco  P01.0  (cf.  édil.  \Li.i:-C()iiDn;u,  t.  11,  1903, 
p.  372-373).  La  notation  arabe  reproduit  exacloment  le  nom  tamoul  de  cet 
ancien  port  :  Kâyal  (cf.  Impérial  Gazelteer  of  Indiu,  Madras,  t.  II,  Calcutta, 
1908,  p.  283). 

(')  Toutes  ces  latitudes  sont  inexactes.  L'extrémité  méridionale  de  Sumatra 
est  aux  environs  de  6". 


Mîkâmârûs''';  les  Farkadayn  sont  là  par  7  isba  [=li°  18'  nord  environ]. 
Viennent  ensuite  deux  îles  appelées  Indrasâbùr '"'.  Entre  ces  îles  et  la 
côte  occidentale  de  l'île  de  Sumutra,  il  y  a  8  zàm'^>  [de  distance].  En- 
suite, au  sud  de  ces  îles,  se  trouve  une  île  appelée  Matahârï'''^  là  où  les 
Farkadayn  sont  par  7  isba  i/k  [=-  k"  kB'  nord  environ].  Après  celle-ci, 
au  sud,  il  y  a  de  nombreuses  îles  appelées  Mïkâmârûs <^',  là  où  les  Far- 
kadayn sont  par  7  degrés  de  hauteur  [=  k"  18'  nord].  Là  où  les  Farkadayn 
sont  par  6  isba  iji  [=  3°  26'  nord],  se  trouvent  deux  grandes  îles  :  ce 
sont  des  montagnes  élevées.  A  mi-chemin  de  l'île  septentrionale  de  ces 
deux  îles ,  il  y  a  de  petites  îles.  A  l'est  de  ces  deux  îles ,  il  y  a  peu  de 
fond,  des  récifs  de  roches  et  (fol.  28  r°)  des  barrages  dans  l'eau ('\  On 
appelle  ces  deux  îles  Pulaw  BânyakC*.  Les  Indiens  les  ajjpellent  Talâgîh 
parce  qu'elles  ressemblent  aux  Talâgih  [du  Guzerate]'"*;  car  dans  l'île 
septentrionale,  les  montagnes  qui  s'y  trouvent  apparaissent  semblables 
aux  Talâgih.  Les  précautions,  toutes  les  précautions,  il  faut  que  les 
prenne  en  cet  endroit,  celui  qui  vient  de  Gâmis-fula '^',  car  il  ne  peut 

(1)   Vide  supra,  p.  88,  n.  a. 

(^)   Vide  supra,  p.  88,  n.  4. 

(')  8  zàm  =  zh  heures  de  route ,  à  raison  de  3  heures  au  zâm. 

'*)   Vide  supra,  p.  88,  n.  5. 

'^)  Ce  sont  les  dernières  îles  méridionales  de  l'archipel  dont  il  vient  d'être 
question. 

C)  Il  s'agit  vraisemblablement ,  soit  de  hauts-fonds ,  soit  de  bancs  de  sable. 

(')  Ce  sont  les  îles  que  nos  cartes,  reproduisant  servilement  la  transcription 
hollandaise,  appellent  Banjak,  qui  est  à  prononcer  Banale,  ^j-ob,  que  Bittneu 
a  lu  Bâmk  (p.  71),  est  donc  à  lire  J-oLj  Bânyak.  C'est  un  bon  exemple  de 
Iranscriplion  de  la  nasale  palattllo  -)-  a. 

'*)   Vide  supra,  p.  89,  n.  5. 

(')  Vide  supra,  p.  89,  n.  7.  C'est  la  Gaucnispola  de  Marco  Polo  (édit.  Yule- 
CoKDiEH,  t.  II,  p.  3oo  et  807);  la  Gomespola  de  Linschoten  (édit.  H.  Kekn, 
carte  de  la  p.  70,  t.  I);  la  Poulo  Goiiws  du  Neiv  Directory  (carte  XIII)  et  de 
ÏOrienlalPilot  (carte  liz).  ff[Achin],  rapporte  Thomas  Bowrey  (.4  geographical 
account  of  countries  round  the  bay  of  Bengal,  166g  to  16^ g,  édit.  Sir  Rich. 
Carnac  Temple,  Hakluyt  Society,  1906,  p.  286-287),  hath  likewise  a  very 
Excellent  Roade  or  bay  in  which  there  is  roome  Enough  for  many  hundreds 
of  Ships  and  in  great  Safety,  where  they  may  ride  in  12, 10, 8, 6,  4  fathoms 
depth ,  very  cleare  ground ,  and  almost  land  locked  with  the  head  of  Sumatra 
[=Tête  d'Atchin],  Pullo  Way,  and  Pullo  Gomus,  and  2  or  3  Small  Islands 
and  rocks."  Sic  Carnac  Temple  ajoute  en  note  :  «Cf.  Dampier,  William,  A  new 
voyage  round  the  worldn  (Londres,  1696,  t.  II,  p.  122)  :  «Pulo  Gomcz  is 
another  large  island  about  20  miles  West  from  Pulo  Way,  and  about  3  leagues 


-«.(  95  )-^ 

se  sauver  que  sur  la  côte,  c'est-à-dire  sur  la  côte  occidonLale  de  Tile  de 
Sumulra,  s'il  veut  arriver  à  Pancur^'^ 


from  the  N.  W.  point  of  Sumatra^.  Cf.  also  the  foUowing  from  «Abstiacl  of 
Captain  Aitkins  Jourualn,  0.  C.  N°  io/iS,  «tiSth  April  i675n.  As  soon  as  wee 
were  shott  without  the  island  Polo  Gomos,  wee  mctt  with  a  slrong  stream??. 
Horsburgh,  East  India  Directory,  vol.  II,  p.  ia,  cd.  i8o5,  lias  «Pulo  Gomez, 
vvhere  there  are  regular  soundings  and  good  anchoring  ground,  from  lo  to 
17  fathoms'i.  Cf.  Captain  Alexander  Hamu.ton  {A  new  account  of  the  East 
Indies,  Edinbourg,  1727,  vol.  II,  p.  112),  «Between  Atchcen  Head  an  higli 
steep  Promontory,  and  the  South  End  of  Gomus  Islands ,  there  are  two  Chu- 
nels  to  corne  from  the  Westward  into  the  Road.n 

C)  ;>«ai9,  litt.  Fansûr  =  Faneur -<:  Pancûr.  Vide  supra,  p.  90,  n.  1.  Dans 
une  note  de  son  Account  of  the  Malay  Mss  belonging  to  the  Royal  Asiatic  Society 
(Miscellaneous papers  relaling  to  hido-China  and  the  Indian  arcliipelago ,  û"  série, 
t.  II,  1887,  p.  5i),  H.  N.  Van  der  Tdnk  dit  à  propos  de  Hamzah  de  Baros 
appelé  Hamzah  tg^yai  tH  parce  que  »Fantsur  est  Tancicn  nom  de  Baros;  d'où 
le  camphre  de  Baros  est  appelé  en  arabe  ^^yaJULlI  ^^i^  «camphre  de  Pancuri^. 
YcLE,  qui  a  utihsé  cette  citation,  ajoute  {Marco  Polo,  éd.  Cordier,  t.  II, 
p.  302)  :  «It  is  highiy  probable  that  Fansûr  and  Barûs  may  be  not  only  the 
same  locality  but  mère  variations  of  the  same  name.  The  place  is  called  in 
the  Shijarat  Malayu,  Pasuri,  a  name  which  the  Arabs  certainly  made  into 
Fansûri  in  one  direction,  and  which  might  easily  in  another,  by  a  very  com- 
mon  kind  of  Oriental  metathesis,  pass  into  Barfisi.n  Ydle,  qui  n'était  pas  ara- 
bisant, n'a  pas  pris  garde  que  ïs,  en  transcription,  de  Fansûr  et  de  Barûs, 
sont  deux  lettres  différentes.  La  première  est  un  ^_J^  qui,  dans  le  cas  présent, 
rend  la  palatale  malaise  c,  transcrite  par  les  Hollandais  //;  la  seconde,  une 
sitllante  dentale  que  les  Arabes  ont  également  rendue  pur  j-  s.  En  réalité, 
malais  *Pancur  >  arabe  ^ynSi  n'a  absolument  aucun  rapport  avec  malais 
Barus  ou  Baros  >  arabe  ^y.yli  Balûs.  Les  deux  noms  désignent  le  même  port 
occidental  de  Sumatra,  mais  il  u'y  a  aucune  parenté  phonétique  de  l'un  à 
l'autre.  Sur  Balûs  et  Faneur,  cf.  les  deux  premiers  volumes  de  mes  Relations 
de  voyages  et  textes  géographiques  arabes,  turks  et  persans,  passim.  Le  doublet 
Baros-Pancur  s'explique  ainsi.  Baros  qui  est  situé  par  environ  a"  de  latitude 
Nonl ,  en  pays  batak,  est  le  port  d'exportation  et  la  têlo  de  ligne  de  la  route  à 
destination  de  la  région  du  benjoin  et  de  celle  du  camiilire.  Les  premières 
étapes  sont  :  Kampoù  Mudik,  Lubuk  Tuwa  et  Pansur,  le  long  de  la  rive 
gauche  de  la  rivière  Batu  Garigis.  Les  Bataks  écrivent  Pansur,  mais  prononcent 
Patsur,  d'où  la  forme  malaise  Pancur  qui  a  confondu  l'un  et  l'autre  et  que  les 
Arabes  ont  rendu  par  ;>«i^  (cf.  L.  van  Vuuren,  De  handel  van  Baroes,  als 
oudste  haven  op  Sumatra' s  westhust,  vei-klaard;  en  voor  de  toehomst  hesehouwd, 
dans  Tijdschrift  v.  Kon.  Nederlandsch  aardrijicskundig  Genotschap,  a"  série, 
t.  XXV,  lyoB,  afl.  6,  p.  1389  et  suiv.,  avnc  carte  et  plans). 


_.o.(  96  ).€^— 

Sui'  la  colc  orientale  de  Sumutra,  la  mer  a  peu  de  foud,  particulière- 
ment autour  du  port  de  Aru. 

[Voici]  la  route  [à  suivre]  sur  la  côte  occidentale  de  lile  de  Sumulra. 
De  Gâmis-pula  à  Mâkûfâug^'',  d  y  a  trois  opinions  :  la  première,  [faii-e 
route]  au  sud-est;  la  seconde,  au  sud-sud-est;  et  la  troisième,  au  sud. 
D'après  moi,  c'est  la  route  au  sud  qui  est  la  meilleure.  De  Mâkùiâng  — 
c'est  uue  montagne  sur  la  côte  occidentale  de  l'ile  de  Sumutra.  Les  Far- 
kadayn  sont  là  par  7  isba  1/2  [=  5°  9'  nord  environ],  d'après  les  uns: 
7  isba  i/à  [=  II"  /i3'  nord  environ],  d'après  les  autres  —  de  Mâkufang 
à  Pancur,  la  route  est,  d'après  les  uns,  au  sud-est;  d'après  les  autres, 
au  sud-est- i/4-sud  :  c'est  la  première  qui  est  la  meilleure.  De  Pancûr  à 
l'extrémité  de  l'île  de  Sumutra,  la  route  est,  d'après  les  uns,  à  l'est-sud- 
est;  d'après  d'autres,  au  sud-est- i/4-est  et  d'après  d'autres  encore,  au 
sud-est.  La  première  et  la  seconde  opinion  est  celle  des  Colas  ;  et  la  troi- 
sième, celle  des  Arabes,  des  gens  de  Hormuz  et  des  Indiens  [delà  côte 
occidentale  de  l'Inde]. 

[Voici]  la  route  [à  suivre]  sur  la  côte  orientale.  De  Gâmis-fula  à 
Lâmurï,  au  sud-est'"'.  De  Lâmurî  au  port  de  Sumutra,  les  uns  disent 
[qu'il  faut  faire  route]  à  l'est- i//i-sud;  les  autres,  à  l'est-sud-est'"'.  Du 
port  de  Sumutra  à  l'extrémité  de  l'ile ,  l'opinion  dominante  est  de  faire 
route  au  sud-est. 

V 

Les  ports  de  l'ile  les  plus  connus  sont  :  le  port  de  Sumutra  sur  la 
côte  orientale  —  les  Farkadayn  sont  là  par  7  isba  1/2  [=:=  5°  09'  noj-d 
environ];  le  port  de  Mandara'^'  qui  est  proche  de  Lâmurï,  également 
sur  la  côte  orientale  —  c'est  un  port  nouveau,  célèbre  par  sa  prospéiité 
et  par  le  bon  ordre  qui  y  règne  — ;  le  port  de  Pancûr,  sur  la  côte  occi- 
dentale—  les  Farkadayn  sont  là  par  6  isba  [=  a°  34'  nord  environ];  le 
port  de  Manankâbwa  '''\  également  sur  la  côte  occidentale  —  les  Far- 


(')  C'est  le  Mancopa  de  Barros  (Da  Asia,  décade  III,  iiv.  V,  chap.  i,  Lis- 
bonne, 1777,  p.  5i  1). 

(-)  La  direction  donnée  à  la  route  est  inexacte ,  car  la  petite  de  de  Gâmis- 
fida  est  au  sud-ouest  de  la  pointe  la  plus  septentrionale  de  la  Tête  d'Atchin. 
Vide  infra  le  texte  arabe  suivant. 

^^  Celte  route  indique  nettement  que  Lâmurï  est  à  l'est  de  la  Tête  d'Atchin , 
donc  sur  la  côte  orientale  de  Sumatra,  en  prenant  comme  point  de  séparation 
entre  les  doux  côtes  la  pointe  la  plus  septentrionale  de  l'île. 

('')  Ce  port  est  inconnu  par  ailleurs. 

(*)  Vide  supra,  p.  gi,  n.  2.  Linschoten  l'a  également  inscrit  sur  sa  carte 
comme  port  de  la  côte  occidentale  :  Manancabo.  C'est  aujourd'hui  le  nom  d'une 


— «.(  97  ).«^— 

kadayn  sont  là  par  5  isba  [=o''52'  nord  environ];  le  port  de  Pulaw 
Bang^'',  sur  la  côte  orientale  —  les  Farkadayn  sont  là  par  3  isba  Zjk 
[=  1°  i8'  sud  environ]. 

Sache  que  dans  les  îles  Mïkâraârûs,  se  trouvent  des  gens  semblables 
aux  bêtes  féroces  qui  maugent  les  hommes.  11  en  est  de  même  des  gens 
de  la  côte  occidentale  de  l'ile  de  Sumatra  :  ce  sont  des  brutes  anthropo- 
phages qu'on  appelle  Batang^^'  [=Batak].  Prends  garde,  prends  bien 
garde  1 

Le  texte  suivant  est  extrait  également  du  ms.  aSSg.  C'est 
une  des  sections  du  chapitre  m  d'un  autre  ouvrage  nautique 
de  SuLAYMiN  al-Mahrî,  intitulé  ^rs^JI  ^s.  ^9  ysJsl\  ^14^1  v^ 
yi^lJl  «Livre  de  récits  de  voyages  précieux  ou  science  de  la 
mer  en  fureur».  Il  n'est  pas  daté,  mais  il  est  postérieur  au 
texte  précédent.  C'est  au  Khâh  al-minhâj  que  Sîdî  'Alî  a  em- 
prunté les  trois  importantes  sections  :  sUi  j-Ls  ^J>  J^ai  Sec- 
tion de  la  latitude  d'après  l'étoile  polaire  (du  fol.  (U  v^à  70  r°); 
/oJoJdi  (j-Lï  ^^  Jbwai  Section  de  la  latitude  d'après  les  Far- 
kadayn ou  les  deux  Veaux  = /S  et  7  de  la  Petite  Ourse  (du 
fol.  70  r"  à  7  1  v°)  et  jiotjL]!  ^Lo  ^i  Ju^i  Section  de  la  latitude 
d'après  a,  /3,  7,  <J  de  la  Grande  Ourse  (du  fol.  7  1  v"  à  72  r°). 
On  trouvera  la  traduction  de  ces  trois  sections  d'après  le  MuiiU 
de  Sîdî  'Alî,  dans  mes  Relations  de  voijages  et  textes  géogi-ophùpies 
arabes ,  persans  et  turks,  t.  II,  p.  5i5-53(). 

Le  chapitre  11  du  .  <j  t  j!  ^L^_àJIî  ljLlj:}  commence  ainsi 
(fol.  6/1  r",  1.  9  et  suiv.)  : 

^^jLi  ^^-LoiJ!  ^J»l^  ^  V;-*^'^  4>J4J!  Jtf>!  ^JM  Làjl  o^Axà.!  J^^^»-^ 

peuplade  de  celle  réf[ion,  que  les  anciens  marins  avaient  sans  doute  donné  au 
porl  par  lequel  on  pénélrail  dans  le  pays. 

'*)  A  corriger  en  Palemhanjj  ==  Palemban.  Vide  supra,  p.  91,  n.  3. 

'*)  Il  s'a(Til  sans  di)iilo  des  Balaks,  dont  le  nom  a  élé  inexactement  transcrit. 
Cf.  le  texte  aralie  stiivanl,  p.  100  et  loa. 

M.    G.   FERRANU.  7 


__^(  98  )<^-^ 

LeiXjiJî  Jj,.S  OOUaJ  cjbdOl  Î<X£&  ^j  yLJj,*ïJJ   IX9Î_^   »«xjJ!   ^b:^ 

Lgj  qIoî  a*jS^^\  (j«jj)l  (jiî*j  ^  '^^jT'  C5J'  -î^^yj  ;^^^'  (J^^  C5* 

Chapitre  11  traitant  de  la  latitude  [des  ports  situés]  sur  les  côtes  habi- 
lées  connues.  Sache  que,  au  sujet  de  la  hauteur  du  Gâh  (l'étoile  polaire), 
il  y  a  des  divergences  entre  les  gens  des  pays  sous  le  vent  et  ceux  des 
pays  au  vent^'',  en  ce  qui  concerne  certains  caps.  Il  en  résulte  également 
des  divergences  entre  les  gens  de  l'Inde  [occidentale]  et  les  Arabes  au 
sujet  de  la  hauteur  fondamentale  [,  c'est-à-dire  de  la  hauteur  de  la 
polaire  à  tel  ou  tel  endroit].  Dans  mon  livre  intitulé  Al-'Umda  {vide 
supra,  p.  85),  [les  latitudes  données]  sont  conformes  à  celles  des 
[marins]  Colas '^';  dans  le  présent  livre,  j'ai  reproduit  l'opinion  des 

(')  Dans  la  terminologie  nautique  de  Ibn  Màjid  et  de  Sulaymân  ai.-Mahrî,  le 
point  de  séparation  entre  les  pays  au  vent  et  les  pays  sous  le  vent  est  le  cap 
Comorin.  Cette  expression ,  qui  est  sans  doute  empruntée  au  malais ,  a  pris  en 
arabe,  comme  on  vient  de  le  voir,  un  sens  géographique  assez  différent.  Pour 
les  Malais,  le  point  de  séparation  des  deux  sortes  de  pays  est,  au  conlraire, 
la  pointe  nord  de  Sumatra.  Modifier  dans  ce  sens  la  note  2,  p.  ^96,  de  mes 
Belalions  de  voyages,  t.  II. 

TcHEOD  K'iD-FEi,  dans  son  Ling  ivai  tai  ta  [II,  la""),  indique  une  répartition 
spéciale  des  pays  de  la  mer  de  Chine  et  du  grand  archipel  d'Asie  en  «pays  de 
la  haute  côte  et  de  la  basse  côte»  :  «Le  royaume  de  Chô-p'o,  appelé  égale- 
ment f^  ^  ^1  P'ou-kia-Iong  [=  P'u-kia-lon  <  Pëkalonan],  git  dans  le 
sud-est  de  la  mer.  Sa  position  étant  en  bas  (c'est-à-dire  dans  le  sud  par  rap- 
port à  l'Annam,  qui  est  au  nord  et  qui  est  dit  être  «en  haut»),  fait  qu'il  est 
appelé  la  côte  basse»  (dans  Chau  Ju-kua,  trad.  Hirth-Rockhill,  p.  79  infra). 
Le  T chou  fan  tche  contient  des  indications  identiques,  évidemment  emprun- 
tées au  Ling  mai  tai  ta.  «On  a  l'habitude,  dit  Tchao  Jou-koua  (ibid.,  p.  2o4, 
notice  11),  de  distinguer  entre  la  «haute  côte»  et  la  «basse  côte».  Le  Tchen- 
la  (Cambodge)  et  le  Tchan-tch'eng  (Campa)  sont  appelés  [pays  de  la]  haute 
côte;  [le  pays  de]  Ta-che,  le  San-fo-ts'i  (Palemban)  et  Cho-p'o  (Java)  sont 
appelés  [pays  de  la]  basse  côte.» 

(-'  11  existait  donc  aux  xv°  et  xvi°  siècles  des  textes  nautiques  colas  sur  la 
navigation  dans  l'Océan  Indien,  les  mers  de  Chine  et  de  l'Indonésie,  assez 
importants  et  utiles  à  connaitre  pour  que  les  auteurs  d'Instructions  nautiques 
arabes  se  soient  crus  obhgés  de  les  étudier  et,  dans  certains  cas,  de  les  prendre 
pour  base  de  leurs  propres  publications.  Je  ne  crois  pas  que  cette  littérature 


Anciens  [qui  ont  rédigé  des  Instructions  nautiques,]  pour  toutes  les  côtes 
parce  que  je  les  ai  vérifie'es  pour  certains  caps  que  je  supposais  avoir 
été  situes  au-dessous  de  leur  latitude  vraie,  par  exemple  Midawwar  et 
Zagad,  J'ai  trouvé  ces  deux  caps  pai-  lo  et  ii  [isba],  et  même  à  un 
peu  moins  [de  lo  et  1 1  isba] .  .  . 

(j^  l-^»i\  sJLwi  »Ja^  h^'f^  i^jJi^  (^  tK»^  (Fol.  78  r°,  1.  10.) 
y.j<S  yyA.  jj^^  xL»  (j**Lo  Vy-^  ijl:2.^  (jAiK  ^^Lfiî  (j*»vî  l«xô  vy^^ 
aJJlj  (fol.  78  v°)  ylJ^jyiJi  L£»-a^Tyî^Ai)l  Jyl\  Ji«i  iJJ^jJi  ^i 

x-Lk-il  ^  A-1-9  (j«Ll  <xXi  (j^^^W-  Q*  U-^^^  ^r?.^  '-«b  V,^**^'  aXIxo 
k-l_)Lj  iv-la-^  (:J-^^  li?  •  (^^'*  S-Sujfié  yù\j>jJ  <îJj  (j**L«  (^3  ^^A»«oi)î 
xAia-«  '^'r^  *7-!^^  ixAjfcjj  qx»^  JUamj  yî«Xïyl)i  J^X^^sii  ^^la/s  «Lû^ 
»  Ja>^  (^  ^^  iolJi  »*:>0>J!  Loî^   '^^^^  »;J«>Jî  »*>^  ^i  J^^' 

j,_aJ|  iJa_X-«  /v5j  <_>J>  /j-o  ;ïiy  XiUw  tXsi-iJi  <.i*xa.  ^\y4'  (*^^^^  (:)^ 

jjLojJi  ivX^  ^  jj^.;i^  -Afi  '^'j)^jj*Xjî  ^jvXàj  :i^\^  yjJ^S  cAiûi)^«XÀj 

spéciale  ait  été  consultée-,  je  n'ai  même  pas  souvenir  qu'on  en  ait  signalé 
l'existence. 

('J  Le  texte  a  fautivement  j-^. 

^*^  God.  r^*a.u . 


(')  Cod.  8^ 

W  Cod.  lp;Ool. 


— ^  100  ).♦*— 
_j,jÔ5  (fol.  79  r°)  8^1=^  ^iSXi  J.xXxi\  ^tXÀi  yû|^  tfy*^  li-î^  o^^yftj 

^tXJLj  ^~£Û_5  (J-^  J*^^-*-?  J•■^*^  ^»^»^  ^'^^  *JL5  ^*^^  ^■'^  ^••^^  ^'^J 
>LjLAaJ!  ^i)LÀ_Aj|  ^ilyôj  jjoU»  ^Osxj  Liaj|_^3  '^^  ^?  45-^  _J"-^^  jfr*^ 
«XJLâ  jiULxJl  cyl*«lo  Loli  ^^:a.|yJ!  diXï  ^^^  ^rft^J  ^^-    )^^  ("^^ 

^  U*>oo  *S-  p'^jî  iojLc  Uy^  -xiLJlî^  '''^'li^U  xbLsL»  ^^  Jx^ 
yî»XJ>-iJ!^  '"'  jjgii^UlJùyo  ^tfwô'  ^^Iàjj  )^^^  t^^'^  *;^^  *Td3^  V>*^ 

j^!  oJ»  ^1  ci^Ul^j-à.^  (^UAaw:i\j  »jJV^^  ^jJ  >^  '>^»J  jMj  (^''<^)  à^ 
x-o^  ^^^'  itX;Û5  (.juajj  *Jù«<  U;û  y!*XS»x!î  (*^  jX>-w  ^tXô^^l  ^^ 
*AjIJu  ^d)^  '^jri'fT-  (fol.  79  v°)  vy^I  ^il  ;v4^  *i|^di  *N^5  yU*^' 
^j!  (tf>^U  (sîc)  jijij)lJiJL^  ^yC^'  («^ji)^  *^^'  ;'»NJ^  Uy'^^^  ^''^^^âaoa) 
(^  qXJ  -.ajJI  xJIm  ^^'> ^yaXi  ^\  {sic)  q*.^j1JU/b  *;^)"^  O^  <é^^' 


(')  Cod.  ^.>  J~9. 

('^)  Cod.;^U,  Jo!. 

W  Cod.  gU^U. 

W  Cod.  j-j^LiUu.. 

(0  Cod.  iU^^-. 

t«)  Cod.  jjCi. 

W    Cod.    ^_^JyaU. 
")    Cod.  r>*a^  • 


— «.{  101  ).e*— 
Livre  de  récits  de  voyages  précieux. 

V 

LXXXII.  Section  traitant  de  ia  connaissance  de  l'ile  de  Surautra. 

Sumutra  commence,  au  nord-ouest,  là  où  les  Farkadayn  sont  par  un 
peu  moins  de  8  isba  [=  6°  nord  environ].  Gâmis-fula  est  à  l'ouest  de  ce 
cap  [nord-occidental].  Proche  de  ce  cap,  c'est-à  dire  du  cap  [septen- 
trional] de  Sumutra,  gisent  les  îles  de  Mâs-fula'^'.  Ce  sont  des  îles 
grandes  et  petites.  En  ce  qui  concerne  la  latitude  de  l'extrémité  méridio- 
nale de  l'île  de  Sumutra,  il  y  a  plusieurs  opinions  que  j'ai  rapportées 
dans  [l'ouvrage  intitulé]  Al-'Umda ''''.  L'opinion  la  plus  répandue  est 
qu'elle  se  termine  là  où  les  Farkadayn  (fol.  78  v°)  sont  par  3  isba  1/2 
[=  1°  63'  sud  environ]. 

[Voici]  la  route  à  suivre  sur  la  côte  occidentale  :  de  Gâmis-fula  à 
Mâkûfâng,  au  sud-sud-esl;  de  Mâkûfâng  à  Pancûr,  au  sud-est- i/4-sud; 
de  Panèûr  à  l'extrémité  méridionale  de  l'île,  au  sud-est. 

[Voici]  la  roule  à  suivre  sur  la  cote  orientale  :  de  Gâmis-fula  à  Mâs- 
fula,  au  [)lein  est^^';  de  Mâs-fula  au  port  de  Sumutra,  à  l'est- 1/4 -sud; 

W  Cod.  Uco, 

(^'     Cod.     ryoJu». 

W  Mâs-J'ula  est  un  complexe  dont  les  mots  sont  malais  et  la  construction 
sanskrite,  signifiant  «île  de  i'orn.  L'aire  d'expansion  de  mâs,  correctement 
ëmûs,  amas  et  mets  en  malais,  s'étend,  en  dehors  de  l'Indonésie,  à  ia  pénin- 
sule malaise  et  à  l'Indochine.  Cf.  javanais  emas;  blsaya,  dayak,  tagal  amas; 
makassar  amasa;  batak  ornas;  khmèr  mâs;  bahnar,  jaral,  halafi  mah;  cam 
mo'h;  rade  ma;  péninsule  malaise  amas ,  mas,  mâs  (cf.  Aymonier-Gabaton,  Dic- 
tionnaire cam-français ,  p.  365,  sub  verbo,  et  C.  Otto  Bi.aoden,  Comparative 
vocabulary  qf  aboriginal  dialects,  dans  Pagan  races  of  ihe  Malay  peninsula, 
Londres,  1906,  in-8°,  t.  II,  p.  621,  s.  v°  gold).  La  Lijst  van  de  voornaamste 
aardrijkskundige  namen  in  den  Nederlandsch-Indischen  archipel  (Bailaiyia,  1906) 
mentionne  trois  îles  du  môme  nom  :  l'une  dans  l'archipel  des  îles  Aru  (Rési- 
dence d'Amboinc)-,  la  seconde  dans  la  résidence  de  Timor,  et  la  troisième  sur 
la  côte  orientale  de  Sumatra,  dans  la  Résidence  de  Riouw  et  dépendances. 

(*'   Vide  supra,  p.  85. 

''J  Litt.  «à  l'est  fondamental T». 


[du  port]  de  Sumutra  à  Pulaw  Barhaia,  au  sud-est- i/i-est  —  les  Far- 
kadayn  sont  là  par  7  isba  [=  k"  18'  nord  environ];  —  de  [Pulaw]  Bar- 
haia à  l'ile  de  jumur,  au  sud-est-i/i-est  également.  Celte  route  est  [dite 
la  route]  du  large'''. 

La  route  le  long  de  la  côte  [orientale]  est  la  suivante  :  [du  port]  de 
Sumutra  à  Aru  où  les  Farkadayn  sont  par  6  isba  1/2  [=  3°  26'  nord  envi- 
ron], au  sud-est;  de  Aru  aux  environs  de  Rakan'->,  à  l'est-i/isud  — 
les  Farkadayn  sont  là  par  6  isba'  i/k  [=  3°  00'  nord  environ].  A  partir 
des  environs  de  Rakan,  la  terre  s'avance  dans  la  direction  du  pôle  [sud] 
et  de  ses  environs,  jusqu'à  l'extrémité  de  l'ile.  On  dit  cela  et  on  dit  aussi 
autre  chose. 

Les  porls  connus  de  l'île  sur  la  côte  occidentale,  sont  : 

Le  port  de  Panèar;  c'est  le  port  du  camphre.  .  .'^',  de  l'or  et  d'autres 
produits; 

Le  port  de  Pariyaman '^',  célèhre  parmi  les  hommes  [et  qui  est  situé 
dans  le  pays]  de  Manankabwa;  c'est  le  port  de  la  poudre  d'or  et  de 
l'aloès; 

Le  port  de  Indrapura'^^  qui  n'est  plus  connu  à  cette  époque-ci,  mais 
qui  était  célèbre  autrefois. 

Les  ports  de  la  côte  orientale  sont  : 

Le  port  de  Pedir'^',  sous  la  montagne  de  Lâmuri;  c'est  le  port  du 
poivre  ; 

Le  port  de  Sumutra;  (fol.  79  r°)  c'est  le  plus  célèbre  des  ports  de 
l'île.  C'est  une  grande  ville.  C'est  le  port  du  poivre,  de  la  soie  et  de  l'or. 
C'est  un  port  fréquenté; 

(1)  C'est-à-dire  la  route  par  le  milieu  du  détroit,  opposée  à  la  route  du 
cabotage  le  long  de  la  côte.  Pulaw  Barhaia  est  sans  doute  le  petit  groupe  d'îles 
à  l'est  de  l'embouchure  de  la  rivière  de  DeU,  plus  exactement  Dëh,  au  sud 
du  k'  degré  de  iatitmle  nord,  que  YOriental  Pilot  j; carte  la)  appelle  «Pulo 
Varela,  cali'd  by  Ihe  Sailors  Pulaw  Verura».  Pulaw  Jumur,  exactement  Pulaw 
Jëmur,  est  l'une  des  îles  de  l'archipel  des  Aru.  Cf.  Tomaschek,  carie  XXV,  et 
mes  Relations  de  voyages,  t.  II,  p.  A89,  note;  Age,  note;  iga,  igç),  533, 
oîi  8jjr  Gumrah,  ^  Gamar,  etc.;  Gumar,  Gamar,  doivent  être  rectifiés  en 
j57  Jumur  <  malais  Jëmur. 

f^)  Malais  Rëkan  ou  Rokan. 

(')  Le  texte  a  ^,  qui  peut  signifier  tf camphre  vivantn ,  mais  je  n'ai  trouvé 
cette  expression  nulle  part  ailleurs. 

W  Ou  Pariaman ,  généralement  appelé  Priaman. 

(M  Indrapura ,  la  ville  d'Indra  ;  exactement  Indrôpurô  et  IndërôpurÔ. 

'•)  Litt.  Fîdir;  en  atchinais  Pidië. 


__«.^  103  ).«— 

Le  port  de  Aru;  c'est  un  petit  port; 

Le  port  de  Rakan;  c'est  un  petit  port; 

Le  port  de  Palemban''';  c'est  également  un  petit  port.  Parmi  ces 
petits  ports  sont  les  ports  du  benjoin'^'  et  d'autres  produits  de  ces 
re'gions. 

En  ce  qui  concerne  la  latitude  ^''  de  ces  ports ,  je  l'ai  indiquée  au  cha- 
pitre des  latitudes  et  il  n'y  a  pas  à  y  revenir. 

Attention'*'.  Sache  que  sur  la  côte  de  l'ile  de  Sumutra  qui  fait  face  à 
la  haute  mer,  du  côté  de  l'ouest,  il  y  a  une  série  d'iies.  [Voici  quelle 
est]  la  route  au  large  :  de  Gâmis-fula  aux  îles  de  Indrasâhûr  qui  sont 
les  premières  en  commençant  par  le  nord,  au  sud-sud-ouest  —  elles 
sont  en  face  de  Mâkûfâng;  —  la  distance  entre  ces  deux  points  est  de 
8  zâm.  Ensuite,  au  sud,  une  grande  île  aux  nombreux  criques'*'  et 
ports,  appelée  Mîkâmârûs  où  les  Farkadayn  sont  par  6  isba  3/4  [—  3°  62' 
nord  environ].  C'est  le  pays  dont  sont  originaires  les  Batak  anthropo- 
phages. —  Nous  implorons  d'Allah  le  pardon  et  la  sécurité  I  —  Entre 
cette  île  et  la  côte  occidentale  de  Sumutra,  il  y  a  également  8  zâtn  de 
distance.  Si,  de  cette  île,  tu  fais  route  à  l'est-i/i-sud,  tu  arrives  dans  un 
groupe  d'îles  parmi  lesquelles  sont  :  Pulaw  Bânyak'^',  Pulaw  Lumbû'''', 


'''  Le  texte  a  Falî-bang. 

'*)  Le  texte  a  ^^lA  ■^ùli^. 

(''  Le  texte  a  euLwUiJI,  pluriel  de  o-Uï,  qui  signifie  simplement  «mesure" 
et,  dans  le  cas  présent,  avec  le  sons  de  «mesure  de  hauteur  d'étoile  à  tel 
endroit  pour  en  déterminer  la  latitude». 

'*'  *->>Jij'  signifie  au  propre  «avertissement,  admonition,  avisî5.  Je  l'ai  tra- 
duit par  le  terme  nautique  équivalent  :  «attentions,  qui  est  imprimé  en 
caractères  gras  dans  les  Instructions  nautiques  modernes.  Les  instructions  qui 
suivent  ce  titre  mis  ainsi  eu  relief  ont  pour  but  de  mettre  en  garde  les  marins 
contre  les  dangers  de  la  navigation  en  tel  ou  tel  endroit. 

(^'  D'après  Birûnî,  <_».c  yubb,  plur.  vU-èl  aybàh,  signifie  «golfe,  baie»  et 
^>i.  hiir,  plur.  ;l>^l  ahwàr,  «estuaire  de  fleuve  formant  golfe»  {Albebdni's 
India,  cdit.  et  trad.  E.  Sachau,  p.  UY  du  texte  arabe  et  p.  208,  t.  I,  de  la 
traduction  anglaise).  L'indication  est  exacte  du  point  de  vue  géographique; 
mais,  en  terme  de  marine,  hûr  a  le  sens  de  «lagune,  crique».  Cf.  Instructions 
nautiques  sur  la  mer  Rouge  et  le  golfe  d'Aden,  n"  G81,  i885,  p.  xv,  sub  verbo. 

'*)  Pulo  Banak.  Vide  supra,  p.  gi  et  note  7.  Le  texte  a  ici  la  leçon  fautive 
^b  Bànî  pour  jï^jLj  Bânyak. 

<')  Je  n'ai  pas  à  ma  disposition  de  document  cartographique  me  permettant 
de  situer  ciaclemeat  cette  île.  Il  s'agit  sans  doute  du  groupe  insulaire  gisant 
en  face  de  Baros. 


Pulaw  Lûlû  ''',  i'île  de  Talâgïh  <''  et  des  îles  désertes  <''  jusque  près  de  la 
côte.  Sur  la  côte,  se  trouve  le  port  de  Sinkil'''',  là  où  les  Farkadayn  sont 
par  6  isba  1/2  [=3°  26'  nord  environ].  C'est  un  endi'oit  à  récifs  de 
roches.  Après  ces  îles,  en  se  dirio;eant  vers  le  sud,  (fol.  79  v°)  se  trouve 
une  île  située  en  face  de  Panèûr  —  entre  ces  deux  points,  il  y  a  environ 
8  zâm  —  appelée  Mankârûs  ^^K  Sache  que  la  route  de  l'île  de  Mankârùs 
à  Panèûr  est  à  l'est-sud-est ;  mais  prends  bien  garde  [aux  parties]  mai- 
saines'"'  dans  ces  endroits. 

(^)  Voir  la  note  7  de  la  page  précédente. 

W  Ibid. 

(')  Le  texte  a  cabl^^,  de  la  racine  v^  «être  ruiné,  dévasté,  dépeuplée . 
«[The  Moorish  pilot],  rapporte  Teixeira,  though  repuled  the  best  in  those 
narrow  seas  [il  s'agit  du  golfe  Persique],  neariy  pul  us  high  and  dry  at  a 
pass  wliirh  the  Moors  cail  Karab  [lire  v'7^  harâb],  that  is,  «broken?)  or 
«ruinedn.  They  say  that  there  veas  a  great  city,  that  was  overflowed  by  reason 
of  ils  low  positions  {The  travels  of  Pedro  Teixeira,  trad.  et  annoté  par  William 
F.  Sinclair  et  Donald  Fergcson,  Haklmjt  Society,  2*  série,  n°  IX,  1902  ,  p.  26). 
La  traduction  de  caUl^  par  «désertes»  implique  que  les  îles  en  question  ont 
été  dévastées  et  dépeuplées. 

W  Exactement  Siàkil,  mais  communément  appelé  Sinkel.  La  notation  arabe 
Sinkil  est  fautive ,  car  la  sifflante  palatale  n'existe  pas  dans  les  langues  de  Sumatra. 

(^)  Dans  le  même  traité  du  ms.  2659,  au  fol.  70  v°,  1.  ih  etsuiv. ,  Solaïmân 
cite  les  ports  et  îles  suivants,  qui  sont  situés  à  l'endroit  où  les  Farkadayn  sont 
par  6  isba'  :  J-.}^L•  8tt>j=>-  ^  ^yo.i.i>  ^0^  *j  »jL<ii  ^^Lj  ^^  ^JS^  ^0^  *i  *ïiU 

»Ja*4  cii^-i-»  ^y•  ^^^^  ^  cy<^«^  J^î  «Malâka  [sur  la  côte  occidentale  de  la 
péninsule  malaise]-,  puis  le  port  de  Rakan  sur  la  côte  orientale  de  [l'île  de] 
Sumutra;  puis  le  port  de  Pancîir;  puis  l'île  Rlàrûs,  qu'on  dit  s'appeler  aussi 
Fulo  Bàbik  [et  qui  est  située]  à  l'ouest  de  [l'île  de]  Sumutra. n  Mankârûs 
est,  sans  doute,  une  erreur  de  graphie  pour  Mârûs  et  l'île  en  question  est  à 
identifier  à  Pulaw  Babi,  au  large  de  Fancûr-Baros.  Vide  swpra,  p.  88,  n.  2. 
W  ^Lw;i)l,  pluriel  de  g^,  signifie  au  propre  «saleté,  mai  propreté  n  ;  c'est  le 
contraire  de  vJi;>jià-5  «propre».  Ces  deux  mots  répondent  en  terminologie  nau- 
tique française  à  «sain»  et  «malsain»,  avec  le  sens  de  «endroit  où  la  naviga- 
tion est  ou  n'est  pas  dangereuse».  Cf.  les  passages  suivants  des  ^mlructions 
nautiques  sur  la  mer  Rouge  et  le  golfe  d'Aden,  n°  681,  i885  :  p.  56  «Au  sud 
des  îles  Djifatin  jusqu'à  Kosseïr,  la  côte  a  comme  direction  générale  le  S.  S.  E 
et  est  assez  saine»;  p.  70  «le  chenal  en  dedans  de  Makaoua  ...  est  sain»; 
p.  85  «Le  passage  entre  Shab  [=sa'b]  Gousser  et  Shah  Touil  paraît  sain»; 
p.  65  «La  BAIE  MALSAINE  ...  cst  pleine  de  récifs  et  de  roches  sous  l'eau»; 
p.  86  «Approche  de  Suouakin  par  l'est.  —  Le  chenal  ...  est  malsain  pour  les 
navigateurs  qui  ne  sont  pas  pratiques  de  la  localité;  on  conseille  donc  de  ne 
pas  le  prendre  jusqu'à  nouvel  ordre». 


[161]  -^«.(  105  ).«— 

Parmi  les  iles  connues  [sont  les  suivantes]  :  l'ile  Nihâ''^  qui  est  située 
au-dessus  [=au  sud'-']  du  port  de  Pancûr;  l'ile  Bâsalâr  qui  est  au  sud 
et  au  large  de  Pancûr  '^'.  Il  se  trouve  dans  cette  dernière  île  un  cours 
d'eau  qui  ne  tarit  jamais  <^'.  Mais  combien  il  y  a  encore  d'iles  non 
mentionnées  ici  et  de  récifs  de  roches  ! 


Abû'l-Fazl  (1095). 

The  Ain  i  Ahhari  hy  Abvl  Fazl  Allami ,  texte  persan  édité 
par  H.  Blocumann,  2  vol.,  in-Zi",  Calcutta,  1872  et  1877; 
trad.  anglaise  :  t.  I,  par  Blochmann,  in-8°,  Calcutta,  1878; 
t.  Il  et  III,  par  le  colonel  H.  S.  Jarret,  Calcutta,  1891  et 
189/1. 

LXXXllI.  (T.  111,  p.  46.)  Table  pour  la  détermination  des  longitudes 
et  des  latitudes  des  endroits  situés  dans  le  quart  habité  du  globe. .  . 

Pays  situés  au  sud  de  l'équateur. 

L'ile  de  Lâmurî,  dans  l'Inde, 

qui   produit    le   bois    du 

Brésil long.  i3o'  00'     lai.    9"  00' 

L'ile  de  Kalah,  dans  rinde.  .  lio'oo'  8°  00' 

L'iledu  Maharaja,  dansl'Inde.  iBo"  00'  1°  00' 

Premier  climat. 
L'ile  de  Zâbag io/j"oo'  iS"  oo'[nord<')] 

(')  Le  texte  a  L^^ ,  que  je  lis  L^vj .  On  sait  que  le  nom  indigène  de  l'ile  de 
Nias  est  Niha. 

'■^'  Les  cartes  arabes  ont  une  disposition  différente  des  nôtres.  Le  sud  est  en 
haut  de  la  carte;  ie  nord,  en  bas;  l'est,  à  la  gauche  du  lecteur  et  l'ouest,  à  b'a 
droite.  Tel  endroit  au-dessus  de  tel  autre  est  donc  au  sud  de  celui-ci.  Pour  des 
expressions  de  ce  genre,  cf.  Ibn  KhaldCn,  t.  II  de  mes  Relations  de  voyages, 
p.  A61. 

(''  Il  s'agit  d'une  île  Pancûr  de  la  côte  orientale  de  Sumatra,  dont  le  nom 
est  homographe  de  celui  du  célèbre  port  du  camphre  de  la  côte  occidentale  : 
Pancur-Baros. 

^*)  Litt.  qui  coule  toujours. 

(^'  Toutes  ces  indications  sont  inexactes.  Les  pays  situés  dans  le  i""  climat 
sont  au  nord  de  l'équateur.  D'après  les  latitudes  données  par  Ado'l-Fazl,  le 

M.  G.   FEnnAND.  8 


■^i  106  ).«—  [162J 


Mille  et  une  nvits'^^K 

LXXXIV.  Au  cours  de  son  premier  voyage,  Sindbâd  arrive  dans  une 
île  inconnue.  Il  y  rencontre  des  j3alefreniers  qui  lui  dirent  :  ffNous 
sommes  les  palefreniers  du  roi  [appelé]  le  Maharaja  à  qui  celte  île 
appartient.  .  .  ri  Dès  que  les  juments  du  roi  eurent  élé  saillies  par  l'éta- 
lon sorti  de  la  mer,  ffles  gens,  montés  chacun  sur  une  jument,  formèrent 
une  troupe  nombreuse  et  partirent,  en  m'amenant  de  compagnie,  pour 
la  ville  du  roi  [appelé]  le  Maharaja,  où  nous  arrivâmes  tous  ensemble. 
Ils  m'introduisirent  vers  ce  roi  et  me  présentèrent  devant  lui.  Il  me 
demanda  qui  j'étais,  et  je  lui  racontai  tout  ce  qui  m'était  arrivé"  (texte 
et  trad.  de  Langlîîs,  dans  Savauv,  Grammaire  de  la  langue  arabe,  Paris, 
i8i3,  in-/i°,  p.  /i75-/i76). 

liIVRE  DES  MERVEILLES  DE  lInDE. 

Kitâb  %ij(nb  al-Hind,  Livre  des  merveille,'!  de  l'Inde  par  le  capi- 
taine BozoRG  BiN  Sahriyâr  de  Râmhormoz,  trad.  par  Marcel 
Devic,  texte  arabe  et  notes  par  P.  A.  van  der  Lith,   Leyde, 

i883-i886,in-/i°(2l 

LXXXV.  (P.  187.)  Yunus,  fils  de  Mahrân,  de  Sïrâf,  'e  marchand 
qui  a  été  au  Zâbag,  m'a  dit  :  ffDans  la  ville  où  réside  le  Maharaja,  roi 
du  Zâbag,  j'ai  vu  une  quantité  innombrable  de  rues  marchandes.  Dans 
[la  rue]  des  Changeurs,  j'ai  compté  jusqu'à  800  changeurs,  outre  ceux 
qui  sont  établis  çà  et  là  dans  les  autres  rues.n  II  ajoutait  bien  d'autres 
choses  sur  cette  île  du  Zâbag,  ses  campagnes  cultivées,  la  multitude  de 
S2s  villes  et  de  ses  villages,  qui  passent  toute  description. 

LXXXVl.  (P.  176.)  J'ai  déjà  parlé  de  Sribuza  qui  est  située  à  l'ex- 
trémité de  l'ile  de  Lâmurï,  à  1 20  :âm  [=  060  heures  de  route]  de  Kalah. 

Zabâg  serait  à  16"  au  nord  de  i'ile  du  Maliâraja,  à  28°  au  nord  de  Kalah  = 
Kra  de  la  péninsule  malaise  et  à  2  A"  au  nord  de  Lâmurï  =  pointe  nord  de 
Sumatra  ! 

C  Le  texte  des  Mille  et  une  nuits  n'est  pas  daté,  mais  son  ancienneté  est 
incontestable  (cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  II,  p.  564). 

'■-)  La  date  de  ce  texte  est  incertaine;  j'en  ai  donné  les  raisons  dans  mes 
Relations  de  voyages,  t.  Il,  p.  564-565. 


[163]  --«.(  107  )^^— 

Allah  seul  coanait  la  vérité!  La  baie  de  Sribuza  pénètre,  dit-on,  de 
5o  parasanges  dans  l'île.  C'est  un  fleuve  beaucoup  plus  large  que  le 
Tigre  à  Basra,  ses  eaux  sont  douces  comme  celles  du  Tigre.  Il  n'y  a 
point  de  baie  plus  longue  dans  toute  l'ile.  Le  flux  s'y  fait  sentir  de 
douze  en  douze  heures.  On  y  trouve  des  crocodiles;  mais  ceux  qui  sont 
dans  la  partie  qui  avoisiue  les  habitations,  ne  font  aucun  mal,  ayant 
été  enchantés,  comme  nous  l'avons  dit<'',  tandis  que  les  parties  situées 
en  dehors  des  constructions  sont  inabordables,  à  cause  de  ces  animaux. 
Quelques  maisons  sont  bâties  sur  terre:  mais  la  plupart  flottent  sur 
l'eau,  soutenues  sur  des  pièces  de  bois  reUées  ensemble,  en  forme  de 
radeaux,  et  d'une  durée  infinie.  Ils  font  cela  par  ciuinte  du  feu;  car 
leuis  habitations,  construites  en  bois,  sont  fort  sujettes  à  l'incendie; 
que  le  feu  prenne  quelque  part,  tout  brûle.  Placées  sur  l'eau,  les  mai- 
sons sont  mieux  protégées;  si  le  feu  se  déclare  en  un  point,  chaque 
propriétaire  peut  couper  ses  amarres,  déloger  et  s'aller  fixer  ailleurs, 
loin  de  l'incendie.  Lorsqu'il  se  déplaît  quelque  (p.  177)  part,  il  peut 
de  même  changer  de  quartier.  Ces  habilalions  de  la  baie  sont  rangées  de 
manière  à  former  comme  des  rues.  L'eau,  entre  les  habitations,  coule 
avec  abondance.  C'est  de  l'eau  douce  qui  arrive  du  haut  pays  pour 
pénétrer  dans  l'estuaire  et  se  jeter  dans  la  mer,  de  la  même  manière  que 
le  Tigre. 

V 

ClÛrUAYA  >  CuE-LI-FO-CHE  =  ZâBAG  <  JâVAKA. 

L'empire  de  Çrïvijaya  avait  sa  capitale  à  Palemban  même 
ou  aux  environs  de  l'actuelle  Palemban.  C'est  ce  qui  résulte 
des  itinéraires  de  Yi-tsing(III  et  VI,  p.  k  et  5).  Celui-là,  de 
Chine  en  Inde,  part  de  Canton,  avec  escales  à  Fo-che  ou  Che- 
li-fo-che,  Mo-lo-yu,  Kie-tch'a,  l'une  des  Nicobar,  pour  aboutir 
à  Tâmralipti;  autrement  dit  Canton-PalembaiWambi-Këdah- 
INicobar  et,  enfin,  Tamluk.  Celui-ci,  de  Chine  à  Ceylan, 
emprunte  l'itinéraire  suivant,  le  port  chinois  d'embarquement 
n'étant  pas  explicitement  indiqué  :  Canton,  Che-li-fo-che,  Mo- 
lo-yu,  Kie-tch'a,  Na-kia-po-tan-na,  Ceylan;  c'est-à-dire  :  Can- 
ton-Palemban-Jambi-Këdah-Negapalam-Ceylan.  Dans  ce  der- 

'')   Vida  p.  iGS-iOo  du  même  ouvrage. 


-^>.(  108  ).€^—  |1G4] 

nier  cas,  il  est  dit  que  la  durée  du  voyage  entre  les  deuxième, 
troisième  et  quatrième  escales,  fut  de  quinze  jours  de  Clie-li- 
fo-che  à  Mo-Io-yu  et  de  quinze  jours  également  de  Mo-lo-yu  à 
Kie-tch'a^".  Si  le  voyage  paraît  un  peu  long  entre  ces  escales 
qui  sont  relativement  proches,  on  se  rappellera  que  Palembaii 
et  Jambi  sont  des  ports  fluviaux,  situés,  comme  Bangkok, 
Saigon  et  Canton,  en  amont,  à  quelque  cent  milles  de  l'em- 
bouchure, et  que  la  navigation  dans  ces  fleuves  et  rivières 
d'Extrême-Orient  est  extrêmement  lente,   malgré  l'assistance 

V  ^ 

des  pilotes  locaux.  En  fait,  de  Palemban  à  Jambi,  près  d'un 
quart  du  voyage  s'efl"eclue  dans  l'estuaire  et  la  partie  basse  du 
fleuve  oii  les  apports  d'alluvions  et  les  déplacements  constants 
des  bancs  de  sable  et  de  vase  sous  l'influence  du  courant  varial)le 
avec  les  saisons  (saison  des  pluies  ou  saison  sèche),  de  la 
mousson,  des  cyclones,  rendent  la  pratique  du  fleuve  extrême- 
ment diflicile  et  malaisée  pour  les  bâtiments  de  haute  mer.  Je 
n'ai  navigué  ni  sur  le  bas  fleuve  de  Palemban,  ni  sur  celui  de 
Jambi,  mais  je  connais  assez  bien  le  bas  Menam;  et  je  sais 
combien  la  montée  de  la  mer  à  Bangkok  et  la  descente  du 
fleuve  à  la  mer  exigent  de  précautions,  même  de  la  part  des 
marins  du  commerce  qui  font  régulièrement  la  navette  entre 
Saigon  ou  Singapour  et  la  capitale  siamoise,  avec  des  vapeurs 
de  faible  tonnage.  On  peut  ainsi  facilement  imaginer  combien 
cette  navigation  était  plus  délicate  encore  pour  les  voiliers  et 
jonques  de  mer  du  vn^  siècle. 

Çrïvijaya  et  Che-li-fo-che  ou  Fo-che  se  situent  donc  à  Pa- 
lemban. D'après  l'inscription  de  Vien  Sa  (XXIX),  le  roi  de 
Çrïvijaya  est  titré  Maharaja;  le  texte  épigraphique  dit  en  efl'et, 

C  Vùli!  supra,  LXXXVI.  p.  162  ,  le  passage  du  Livre  des  merveilles  de  l'Inde 
où  ii  est  dit  que  Kalali  ou  Kra  de  la  péninsule  malaise  est  à  120  zàm  de 
route  =  36o  heures  =  i5  jours  de  route  de  Sribuza;  mais  il  s'agit  sans  doute 
ici  d'un  voyage  direct,  sans  escale  intermédiaire  entre  les  deux  ports  de  départ 
et  d'arrivée. 


[165]  -—«•(  109  )<*— 

expressément  :  çrmahârâjanàmâ  i^vide  supra,  p.  /12).  C'est 
exactement  le  titre  par  lequel  les  textes  arabes  désignent  le 
souverain  du  Z;ibâg  et  nous  en  avons  de  nombreux  témoi- 
gnages :  Ibn  1Jorda(Jbeh  (XXXIV^),  Ibn  al-Fakïh  (XXXVI, 
p.  lô),  Ibn  Rosteh  (XXXVII),  Abij  Zayd  (XXXIX,  §  9),  Mas'ùdî 
(XL  et  XLI),  Kazwînî  (XLVIII  et  LV),  Ibn  Sa  m  (LXI,  infne), 
Abîjlfidâ  (LXVIII  et  LXÎX),  Ibn  al-Wardï  citant  Muhammad 
BiN  Zakariyâ  AR-Rizi  (LXXII),  qul  s'étendent  du  milieu  du 
i\.^  siècle  au  milieu  du  xiv% 

D'autre  part,  Abîjlfidâ  affirme  que  «l'île  du  Mabârâja,  c'est 
l'île  de  Sribuza?),  c'est-à-dire  que  «île  du  Maharajas  et  «île 
de  Sribuza?)  sont  les  noms  différents  d'une  même  île  (LXVIII, 
p.  75,  et  n.  1  ).  Le  même  auteur  rapporte  également  un  pas- 
sage du  Livide  des  Io?igitiides  attribué  à  Al-Faris  (x^  siècle)  dont 
Abûlfidâ  ne  fait  sans  doute  que  reproduire  le  témoignage 
(p.  7/1).  DiMASKÏ,  qui  fut  contemporain  du  prince  de  Hamât, 
s'exprime  dans  des  termes  équivalents  :  «L'île  du  Mabârâja, 
dit-il,  est  la  mère  des  îles  mabâràjiennesjj  (LXIV,  p.  78,  et 
n.  3),  ce  qu'il  faut  entendre  par  :  l'île  du  Mabârâja  [=Sri- 
buza]  est  la  capitale  de  tous  les  pa^s  dépendant  de  ce  souve- 


rain. 


( 


L'é(|ualion  :  île  du  Mabârâja  =  Zâbag  =  Sribuza  est  du 
reste  attestée  par  ailleurs.  Abu  Zayd  décrit  en  détail  la  ville  [sic) 
de  Zâbag  (XXXIX);  Ibrahim  bin  Wâsif-Sâii  (XLII)  s'exprime 
lansles  mêmes  termes  en  parlant  de  l'île  du  Mabârâja.  D'après 
Abu  Ziiyd,  le  palais  du  Mabârâja  du  Zâbag  est  situé  sur  un 
fleuve  dont  l'estuaire  est  semblable  à  celui  du  Tigre  (XXXIX, 
p.  67);  le  Livre  des  merveilles  de  l'Inde  en  dit  autant  du  fleuve 
de  Sribuza  (LXXXVI),  que  l'auteur  trouve  «beaucoup  plus 
large  que  le  Tigre  à  Basra??.  Le  même  ouvrage  arabe  parle 
des  maisons  llottanles  ancrées  dans  le  fleuve  de  Sribuza;  le 
Tchou  fan  tche  en  fuit  également  mention  dans  la  notice  consa- 
crée au  San-fo-ts'i  (XVllf,  p.  (j). 


_^5.(  MO  )^-,—  [166] 

Ibn  Sa'iû  décrit  le  lac  ou  étang  aux  briques  d'or  et  le  situe 
dans  la  ville  (s/c)  du  Maharaja  (LXI,  p.  '70);  c'est  ce  même 
lac  ou  étang  dont  parlent,  à  propos  du  Zâbag,  Ibiv  Hordâ<5'beh 
(XXXIV),  Abu  Zayd  (XXXIX,  p.  67;  cf.  également  Les  Prai- 
ries d'or  de  Mas'ûdî,  t.  I,  p.  175-176),  Kazwïnî  (XLIX)  et 
Ibn  al-Wabdï  (LXXII),  ces  deux  derniers  d'après  la  même 
source. 

Ces  constatations  sont  décisives  et  on  en  peut  conclure  à 
l'identité  de  Che-li-fo-che  ou  San-fo4s'i,  Zâbag,  Sribuza,  île 
du  Maharaja  et  du  Çrïvijaya.  Dans  tous  les  cas  et  à  partir  de  la 
fin  du  vn"  siècle  (cf.  IX),  il  s'agit  d'un  puissant  empire  dont  la 
capitale  se  trouvait  dans  la  région  de  Palembon;  la  dynastie 
régnante  des  Çailendra  se  rendit  maître  de  l'île  de  Sumatra 
tout  entière  et  étendit  ses  conquêtes  coloniales  à  Java,  d'une 
part,  et  à  la  péninsule  malaise,  d'autre  part.  Le  texte  du  Tchou 
fan  tche  (XVIIl,  p-  i3  )  est  suffisamment  explicite  à  cet  égard. 
Les  géographes  arabes  sont  moins  précis.  Un  seul,  Ibn  al-Fakïh 
(XXXVI,  p.  54),  rapporte  que  Kalah  de  la  péninsule  malaise 
et  le  Zâbag  font  partie  du  même  empire  ^^*;  les  autres  se  con- 
tentent de  vanter  la  puissance  et  la  richesse  du  Maharaja  :  «roi 
des  îles  du  Zâbag  et  d'autres  îles  dans  la  mer  de  Chine??,  dit, 
par  exemple,  Mas'ùdï  (XLl),  sans  y  apporter  plus  de  précision. 
Mais  si  on  lit  ces  textes  avec  la  préparation  nécessaire,  on 
s'aperçoit  aisément  que  Sumatra  a  été  morcelée  en  plusieurs 
îles  qui  ne  sont  en  définitive  que  des  régions  différentes  de  la 
grande  île  indonésienne.  Le  nord  de  Sumatra  est  décrit  comme 
une  île  indépendante  appelée  Râmi,  Râmnï,  Râmini'-),  Lâmurî^^'; 


O  EdrIsî  donne  implicitement  un  renseignement  identique  en  disant  que, 
dans  l'île  de  Kalah,  «demeure  un  roi  qu'on  appelle  le  Jâba  [al-hindi]  ou  prince 
indienn  (cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  I,  p.  i84). 

^-'>  Pour  d'autres  mentions  de  l'ile  de  Râmi,  cf.  l'index  du  t.  II  de  mes 
Relations  de  voyages ,  s.  v"  Ràml,  Ràmvi,  Râmnî. 

^'J   Ibid.,  s.  v°  Làniiiru 


[167]  —«•(  111  )•«— 

nie  de  Pancûr  ou  Bâliis  désignent  également  Baros,  le 
port  fameux  du  camphre  de  la  côte  occidentale;  par  l'ile  de 
Sribuza,  il  faut  entendre  plus  particulièrement  le  sud-est  de 
Sumatra.  De  même,  dans  le  JSdgarakërtâgnmn,  le  poète  de  cour 
Prapanca  donne  comme  ^îlesw  [nmn)  vingt-quatre  villes  ou 
états  du  Malayu  =  Sumatra  dont  quelques-uns  sont  situés  dans 
l'intérieur  de  l'île  [vide  infra,  p.  i83).  Sans  indiquer  qu'ils 
font  partie  d'une  même  île,  Yi-tsing  cite  trois  pays  :  P'o- 
lou-che,  Mo-lo-yu  et  Che-li-fo-che  (IX,  p.  6)  dans  son  ISan 
liai  kl  kouei  nei  fa  tchouan,  en  indiquant  que  c^le  i\Io-lo-yu, 
c'est  maintenant  [=a  été  soumis  par]  le  Che-li-fo-che».  Aussi, 
dans  son  Ta  t'ang  si  yu  h'ieou  fa  kao  seng  tchouan,  divise-t-il 
Sumatra  en  deux  pays  ou  royaumes.  c^Deux  hommes  du  Sin-lo 
(Corée)  .  .  .  partirent  de  Tch'ang-ngan  (capitale  de  la  Chine) 
et,  après  une  longue  route,  arrivèrent  dans  les  mers  du  sud. 
Ils  se  rendirent  en  bateau  dans  le  royaume  de  Fo-lou-che 
[==  Baros],  à  l'ouest  du  royaume  de  Che-li-1'o-che »  [Religieux 
émincnts,  p.  86-87).  Kia  Tan,  au  contraire,  n'a  qu'un  nom 
|)Our  Sumatra  :  #  Jt  Fo-che  :  «  .  .  .  Puis,  après  cinq  jours 
de  route,  dit-il  dans  son  itinéraire  par  voie  de  mer,  on  arrive 
à  un  détroit  que  les  barbares  nomment  ^  Tche  (détroit  de 
Malaka).  Du  nord  au  sud,  il  a  cent  li.  Sur  la  côte  septentrio- 
nale, c'est  le  royaume  de  ^  ^  Lo-yue  (pron.  anc.  *LavaS  ou 
*LawaS)  ;  sur  la  côte  méridionale ,  c'est  le  royaume  de  Fo-che  » 
(Pelliot,  Deux  itinéraires ,  p.  878). 

Le  Tao  yi telle  Ho  de  Wang  Ta-yuan  (18/19)  contient  1  00  no- 
tices dont  99  sont  des  notices  géographiques.  Les  suivantes 
sont  consacrées  à  différentes  parties  de  Sumatra.  On  verra  par 
leur  numéro  d'ordre  que  l'auteur  n'a  pas  eu  le  sentiment  qu'il 
s'agissait  d'une  même  terrcinsulaire:  99.  San-fo-ts'i;  /ii.  Kieou- 
kiang;  /i/(.  Pan-tsou[-eur|  f^';  58.   ^,  yj^  B^  Ki-chouei-ivan  ^h 

(')   Vide  supra,  p.  7-3,  n.  t. 


-^*^{  112  )^H—  [168] 

baie  aux  eaux  furieuses  55  ('';  bà.  ^M  M  Houa-mien  kouo  rIc 
pays  des  hommes  au  visage  fleurie  [=  tatoués]  =  pays  des 
Bataks;  55.  ^i^-W  Tan-yang  (l'embouchure  de  la  rivière  de 
Tamian);  56.  H  ^  :^  ;$lj  Sm-iven-ta-la  (état  de  Sumatra  de 
la  côte  nord-est);  5 9.  ##M  T'6-fan-U,  peut-être  Tapanuli 
de  la  côte  sud-ouest  (?);  62.  Pj^  P3Â  M  lSan-wou-li  =  LÂmun^^K 
Dans  le  Ying  yaicheng  lan  de  Ma  Huan  ,  sur  1  8  notices,  5  sont 
consacrées  à  Sumatra  (3  ,  6,7,8  et  9).  Le  Sing  tch'a  cheng  lan 
de  Fei  Sin  est  divisé  en  à  chapitres  contenant  ensemble 
ho  notices  géographiques  (1-12,  i3-2i,  22-81,  82-/10).  Les 
5  notices  suivantes,  insérées  au  hasard  dans  les  trois  premiers 
chapitres,  sont  consacrées  à  Sumatra  :  10,  20,  21,  22  et  28. 
Il  en  est  de  même  dans  le  Si  yang  tcJiao  kong  tien  lou  de  Houang 
Sing-ts'eng  ^^^  et  même  dans  le  Tchou  fan  tche  (trad.  Hirth-Rock- 
HiLL,  cf.  la  table  de  la  page  vii)^^'. 

Les  textes  qui  précèdent  désignent  successivement  l'empire 
sumatranais  sous  les  noms  de  : 

Chinois    :    Che-li  Fo-chc  ou  Fo-che,    Che-U  P'i-che,  jusque' 
dans  les  premières  années  du  x"  siècle;  à  partir  des  dernières 
années  des  T'ang,  en   90/i,  apparaît  la  leçon  San  Fo-ts'i  on 
Fo-ls'i,  qui  se  maintiendra  sous  les  Song  postérieurs  (960- 
1279)  et  jusqu'au  début  des  Ming  (fin  du  xiv'  siècle); 

Indonésien,  sanskrit  ettamoul  :  Çrl  Vijaya  (tamoul  Çrl  Visa- 
yam,  qui  est  l'exacte  représentation  phonétique,  en  tamoul,  de 
la  leçon  indonésienne); 

Arabe  :  Sri  Buza^z^Sri  Buja  (restitution  des  graphies  fau- 

C'   A  la  pointe  nord  de  Sumatra. 

(-)  Pour  ces  notices  et  les  suivantes,  cf.  Rockhhx,  f^otes  on  the  relations 
and  trade ,  T'oung  -pao,  1916,  t.  XV,  p.  6^1  et  suiv. 

'''  Dans  RocKHiLi,,  ISoles  on  the  relations  and  trade,  T'oung  pao,  t.  XVI, 
1915,  p.  79. 

-')  Pour  la  conception  qu'avaient  les  Chinois  de  la  situation  des  îles  de 
rindonésie,  cl.  l'étrange  carie  à  la  fin  du  t.  11  du  Si  yu  ki,  trad.  St.  Juukn. 


|169j  — «.(  113  ).«— 

tives  i'-rijM»,  ^jjj-*»-?  \^^  Sarhaza,   Sarhuza,    Surira)  et   Zâ~ 
bag; 

Javanais  :  Sam  Boja,  Sëm  Boja^^K 

Plusieurs  de  ces  lerons  sont  étroitement  apparentées.  F^e  '^ 
M  Wù  jS  Che-li  P'i-che  du  T'ai  p'ing  houan  yu  là  est  incontes- 
tablement une  transcription  chinoise  parfaite  du  Çrl  Yijayn  de 
l'inscription  indonésienne  de  Kota  Kapur  (XXVII).  A  celte 
notation  correcte  s'oppose  celle  de  Yi-tsing  et  d'autres  textes  : 
^  (ou  fï)  ^ij  1^  à-  (ou  ^)  Che-li  Fo-che,  qui  représente 
Clie-li  <z*  Çri  et  Fo-che  <  *Bu''^-jaif,  l'implosive  dentale  du  carac- 
tère \%  fo  <  ancien  *hud,  étant  en  harmonie  avec  la  palatale 
sonore  initiale  du  mot  suivant  cAe<  ancien  *jay;  c'est-à-dire 
*Çri  Bujatf.  Phonétiquement,  l'alternance  viz^-hu  est  incon- 
testablement fautive  et  d'autant  plus  inexplicable  que  Yi-tsing 
a  longuement  séjourné  dans  le  pays  où  il  apprit  le  sanskrit  et 
la  langue  indigène;  une  erreur  de  ce  genre  de  la  part  de  ce 
moine  lettré  et  polyglotte  échappe  à  tout  commentaire.  Force 
nous  est  donc  de  constater  une  divergence  pour  laquelle  on 
n'entrevoit  aucune  justification.  A  partir  de  la  fin  des  Tang, 
les  transcriptions  chinoises  présentent  la  même  difficulté  et 
une  autre  encore.  H  #  ^  San  Fo-tsi  est  la  stricte  notation 
d'un  ancien  *Sam.  Bu'^-jay".  H  san,  pron.  anc.  *sam  avec  im- 
plosive  nasale  labiale,  tient  ici  la  place  du  clie-li>çri  de  Yi- 
tsing  et  d'autres  textes.  De  çrl  à  *sam,  on  ne  peut  songer  à  une 
alternance  phonétique  *sain<:çrl  que  rien  ne  justifierait.  La 
seule  explication  possible  est  la  suivante  :  des  textes  javanais 
tardils  ont  Samhoja  et  Semhoja,  qui  sont  très  voisins  de  San-fo- 
tsi<z*Sam  Bujaya.  Ceci  permet  de  conjecturer  que  la  leçon 
javanaise  remonte  peut-être  au  x"  siècle,  date  de  l'apparition 
de  cette  nouvelle  notation  chinoise,  qui  aurait  suivi  une  évolu- 

W  J'ai  déjà  traité  la  question  en  détail  dans  le  /.  A».,  juillet-août  1919, 
[t.  iTiS-iCi,  aii(|uel  je  renvoie. 


— ««(  114  ).e4—  [170] 

tion  parallèle  à  celle  du  nom  indigène  :  Çrî  Vijayaz^- Samhoja , 
Sëmboja.  Mais  cette  hypothèse  soulève  des  objections  assez 
graves.  Tout  d'abord,  nous  ne  possédons  aucun  texte  indoné- 
sien du  début  du  x^  siècle  et  l'épigraphie  n'a  révélé  rien  de 
pareil;  enfin  et  surtout,  les  inscriptions  tamoules  du  xf  siècle 
ont  toutes  Çrî  Vîsnya=Çrï  Vijaya.  ce  qui  montre  que  le  nom 
de  l'empire  sumatranais  attesté  par  l'inscription  malaise  de 
Kota  Kapur  se  maintenait  intact  et  n'avait  pas  varié  au  mo- 
ment où  les  Chinois  commençaient  à  le  rendre  par  San  Fo-ts'{-<. 
*Sani  Bujaya.  Le  désaccord  phonétique  de  ces  différentes 
leçons  du  nom  d'un  même  pays  reste  ainsi  irréductible  en 
l'état  de  nos  connaissances f^'. 

Sous  les  réserves  précédentes,  on  peut  donc  poser  géogra- 
plnquemenl^-^  :  Çrl  Vijaya  =  Çri  Visaya  =  Che-li  Fo-che  ou  Fo-che 
=  San  Fo-ts'i  ou  Fo-ts'i  =  Sri  Buza'<*Sn  BuJa^^Sam  Boja, 
Se  m  Boja. 

L'autre  nom  sons  lequel  les  Arabes  désignent  l'empire  suma- 
tranais :  ^1)  Zâbag,  est  également  la  transcription  d'un  terme 
indigène.  Le  j  z  transcrit  la  palatale  sonore  indonésienne  j,  le 
<_>  peut  représenter  un  v  initial  et  le  g;  en  fonction  de  guttu- 
rale sonore  =§•.  On   conçoit  que  les  premiers  transcripteurs 

(1)  Ihid.  La  mémo  énigme  phonétique  se  présente  dans  la  loponomastique 
du  Campa.  L'une  des  capitales  du  pays  est  appelée  |^  ^  Fo-che  —  *Bu  -jay' 
( sino- annamite  PaW/iç)  par  les  textes  annamites;  j^  ^  Fo-che  =:*Bu''-jay'', 
par  le  Song  che  ;  le  Tao  yi  tche  lio,  dans  la  notice  sur  Pin-l'ong-long  =  Pându- 
ranga,  a  [BU;  ^  Fi-ts'i  =  *Vijay''.  ttOr,  dit  Goedès  {Le  royaume  de  Çnvijaya, 
p.  2 4),  on  sait  d'une  façon  certaine  par  l'épigraphie  qu'à  cette  époque  la 
capitale  came  était  au  Binh-dinh  et  s'appelait  Vijaya.-n  Le  cas  est  exactement 
semblable  à  celui  des  transcriptions  du  Çrivijaya  sumatranais  et  la  divergence 
vocalique  est  également  inexplicable.  [Cf.  cependant  skr.  mâna>  arabe  busàn, 
dans  mes  Relations  de  voyages,  t.  II,  p.  676,  qui  présentent  une  alternance 
identique  i  >  u  après  v.  Le  procès  est  évidemment  le  même  dans  Vijaya  >> 
Fo-che  ]. 

(^)  îbid.,  p.  i52-i55,  oii  il  est  montré  que  le  Çrl  Vijaya  de  l'inscription 
de  Kota  Kapur  ne  peut  se  traduire  que  par  «Sa  Majesté  Vijayan  et  qu'il  s'agit 
donc  d'un  nom  de  souverain. 


[171]  -^^(  115  ).«— 

dont  le  parler  arabe  avait  conservé  au  ^  sa  prononciation  guttu- 
rale (qui  s'est  palataiiséc  en  dehors  de  T'omânais  et  de  l'égyp- 
tien) et  qui,  par  conséquent,  ne  possédaient  pas  de  palatale 
sonore,  aient  employé  le  ;  -  pour  rendre  approximativement  le 
j  indonésien.  C'est  ce  que  firent  les  Grecs,  qui  se  trouvaient 
dans  le  même  cas  (cf.  skr.  Ujjayim>0^ïjvtj,  Kanyakubja^ 
KoLvoyî^tj).  ^î)  Znbng  a  donc  régulièrement  à  la  base  malais 
*Javaga.  Parfois,  à  la  gutturale  sourde  d'un  mot  étranger, 
l'arabe  répond  parla  sonore.  Ainsi,  skr.  çaka  «teck 55  a  donné 
en  arabe  ^L»,  litt.  sâg;  skr.  nârikela  «noix  de  rocow  >  Jjy^^li 
nôrgû;  et  celle  alternance  se  retrouve  en  grec  :  Kafoy/^j;  <c 
skr.  Kanynkubja,  le  ^Canoge-o  de  nos  caries;  Bapuya^a  <;  skr. 
Bhanikacclin,  la  ville  maritime  de  «Broach».  D'après  ces 
exemples  où  l'alternance  k>^-^g  est  nettement  attestée,  on 
peut  également  poser  g'ijj  Zâhag-<*Jâvaka^^\  Cette  restitution 
théorique  est  confirmée  par  un  texte  de  basse  époque,  il  est 
vrai,  le  Mahâvcnnsa ,  où  il  est  question  (LXXXIII,  3 6-4 8,  et 
LXXXVIII,  62-76)  d'une  armée  de  Jâvakaqui,  à  deux  reprises, 
envahit  Cevlan  dans  la  seconde  moitié  du  xm^  siècle.  Les  Jâ- 


W  L'allernance  j  étranger  >  ^  z  et  ^  =  gutturale  sonore  représentant  une 
sourde  initiale  étrangère  est  attestée  par  le  cas  suivant.  Le  nom  du  cap  nord- 
occidenlal  du  Kathiawar  est  Ov^^  Zagad  d'après  Sulaïmân  al-Mauiiî  (vide 
supra,  p.  98);  mais  la  traduction  turke  de  Sïdï  'Alî  (cf.  mes  Relations  de 
voyages,  t.  11,  p.  .5 1 5,  n.  g,  et  689,  n.  5)  a  oJl^  Jakad;  et  celui-ci  est  évi- 
demment à  la  base  do  la  transcription  précédente  pour  un  Arabe  dont  le  parler 
ne  connaît  pas  la  palatale  sonore.  J^^  et  .>X^  sont  ainsi  deux  notations  plio- 
nétiquement  égales.  Le  cap  en  question  est  désigné  par  Barros  [Da  Asia, 
décade  IV,  1"  pari.,  liv.  IV,  chap.  iv,  p.  891  de  la  potite  édition  de  la  fin  du 
xvni"  siècle)  sous  le  nom  de  fra  ponla  de  Jn<fuele  [=.lakct],  que  he  aquelle 
nomeado  lemplo  dos  liesbulos,  la  pointe  de  Jaket  qui  est  appelée  temple  des 
Rajputsv.  Le  major  Hknnkl  {Recueil  de  caries  fréo^raphiquos  pour  la  description 
de  l'Indoustan,  revues  par  le  Citoyen  Buaciik,  Paris,  an  viii  [1800])  écrit 
Jifrat  =Ji^r(ii,  On  peut  donc  poser  en  toute  certitude,  comme  pour  Zàbng, 
Zagad  -ccJatiud.  Pour  It;  cap  en  question,  cf.  Instructions  nautiques,  n°  85:2, 
Océan  Indien,  Mer  d'Oman  (partie  Est),  Paris,  igoS,  in-8°,  p.  3go,  sub 
Temple  de  Dwarlirt. 


— H^(  116  ).€^—  [172] 

vaka  étaient  commandés  par  le  roi  Candrabhânu  (^jâvakarâjeko). 
Lors  de  la  seconde  invasion,  les  troupes  qui  débarquèrent  à 
Ceylan  comprenaient  une  armée  jâvaka  et  une  «  grande  armée  v 
levée  «^dans  les  royaumes  Pândya,  Cola,  etc.,  ainsi  que  des 
soldats  tamouls...  ».  Le  roi  jâvaka  Candrabhânu  et  les  troupes 
jâvaka  sont  évidemment  des  roi  et  troupes  du  Zâbag,  c'est-à- 
dire  de  Sumatra.  Jâvaka  et  Zâbag  soniles  deux  seuls  noms  géogra- 
phiques de  l'Océan  Indien  qu'on  puisse  rapprocher  avec  certi- 
tude; celui-ci  désigne  authentiquenienl  l'île  de  Sumatra;  celui- 
là  ne  peut  désigner  que  la  même  île  et  Candrabhânu  est  ainsi 
un  roi  sumatranais^''. 

KDans  le  T'ongtien  (k.  188,  p.  a/i  v^-aô  r°)  [encyclopédie 
compilée  à  la  fin  du  viii"  siècle  par  Tou  Yeou  (785-812)]  et 
le  T'ai  ping  yu  lan  (k.  788,  p.  17  r")  [rédigé  pendant  la 
période  977-988],  ^\{Veluot  [Deux  itinéraires ,  p.  275),  il  y 
a  des  notices,  à  peu  près  semblables  d'ailleurs,  sur  le  pays  de 
îfefc  M  Tou  po,  qui  se  trouvait  dans  le  Tchang-hai  [iitt.  «la 
mer  immense»^ mer  de  Chine  occidentale],  à  l'est  du  Fou- 
nan  [==en  gros,  le  Cambodge  et  le  Siam  actuels] '2'.  On  y 
arrive  après  avoir  voyagé  sur  mer  plusieurs  dizaines  de  jours. 
Les  femmes  y  tissent  des  cotonnades  à  ramages.  Sur  l'île  de 
Tou-po,  il  y  a  plus  de  dix  villes  royales,  ou  du  moins  dont  les 

C'î  Vide  infra,  p.  aaS,  pour  ces  deux  expéditions  à  Ceylan.  Kern  {Twee 
krijgslochten  uit  den  Indischen  Archipel  tegen  Ceilon,  paru  en  1896  dans  les 
Bijdragen  et  réimprimé  dans  ses  Veispreide  geschriflen,  t.  III,  igiS,  p.  29  et 
suiv.)  a  traduit  jâvaka  par  «javanaise.  Ce  mol  considéré  comme  un  complexe 
java-[-ka,  sur  le  modèle  de  romaka  =  roma -{- ka  trromain»  a,  en  efl'et,  ce 
sens  dans  les  langues  de  l'Inde.  Mais  jâvaka  est  inséparable  des  transcriptions 
arabe  Zâbag  et  chinoise  Chô-po,  pron.  anc.  *Ja-bak,  qui  désignent  Sumatra. 
11  est  donc  au  moins  inattendu  de  rencontrer,  à  côté  de  Yava  et  Java,  une 
forme  Jâvaka,  dont  la  finale,  attestée  par  trois  sortes  de  textes  différents, 
est  tout  à  fait  inexplicable. 

W  L'orientation  est  inexacte,  mais  les  Chinois  ont  très  fréquemment  com- 
mis des  erreurs  de  ce  genre  pour  la  situation  des  pays  étrangers  les  uns  par 
rapport  aux  aut.es. 


[173]  --«•(  117  )^-»— 

chefs  prennent  le  titre  de  rois.  On  aurait  entendu  parier  de  ce 
pays  au  temps  des  Souei  (689-6 18).  «  tfc  fou,  comme  l'a 
indiqué  Pelliot  [ibid.),  se  confond  fréquemment  avec  jfd:  c/w; 
on  est  donc  autorisé,  Tou-po  ne  répondant  à  rien  de  connu,  à 
restituer  fi  vH  Cliô-po,  représentant  un  ancien  *Ja-bak^^l  *Ja- 
hah,  il  n'est  pas  nécessaire  d'y  insister,  est  une  transcription 
parfaite  de  Jrwaha> Zâhag;  il  s'agit  donc  encore  de  Sumatra. 
Mais  d'autres  textes  nous  permettent  de  remonter  plus  haut. 
«Le  nom  de  Tou-fo  [à  corriger  en  Chô-po],  dit  Pelliot  [ibid., 
p.  977  et  n.  2),  nous  est  encore  fourni  par  une  citation  du 
Nan  tcheou  yi  ivou  tche  [de  Wan  Tgiien  ,  qui  vivait  au  ni'  siècle  t^)] 
et  parles  fragments  subsistants  du  Fou-nan  t'ou  sou  tchounn  de 
K'ang  Tap^'  qui  fut  envoyé  en  mission  au  Fou-nan  avec  Tchou 
Ying,  vers  2/i5-2  5o  de  notre  ère^^lî' 

La  forme  Yava  du  complexe  Yavadvipa  qu'on  interprète  par 
«île  de  Java»,  nous  est  connue  de  longue  date.  Elle  apparaît 
pour  la  première  fois  dans  le  Râmfnjnm.  On  la  retrouve  ensuite 
(Unis  le  H  M  Yie-tiao,  pron.  anc.  *Yap-div=  Yavadvipa,  dont 
il  est  question  au  début  de  182  de  notre  ère  dans  le  Heou  lum 
chou  (26-220)  et  le  Tong  houan  ki  ou  Tong  kouan  lian  ki  de  la 
seconde  dynastie  des  Han'^';  le  laëdSiov  de  Ptolémée  e^',  le  g|l 
M^  Ye-p'o-ti  {^ron.  anc.  ''Ya-b'^a-de,  pratiquement  *Kai;flJ?') 
de  Fa-hien  (/i  12-/11  3)  qui  sont  encore  des  transcriptions  cor- 
rectes de  Yavadvipa.  Or,  les  descriptions  qu'en  donnent  le  Râ- 
mâyana  et  Ptolémée  sont  heureusement  assez  précises  :  le  texte 

(')  Deux  ainéraircs,  \).  270-271  et  -277-278.  L'implosivc  finale  -k  représenlo 
également  uno  gutturale!  étrangère  sourde  ou  sonore. 

'-)  Deux  itinéraires,^.  377. 

(''  Ibid.,  p.  269-270. 

l")  Ibid. 

W  Cf.  Pbliiot,  Deux  itinéraires,  p.   266. 

(«)  La  finale  -<î/ow  de  la  notation  de  Ptomîméb  est  une  prâkritisatîon  du  skr. 
rfuîpa.  Cr.  Klun,  Java  en  het  (ioudeiland  luAjn'ns  de  oudsle  berichten,  article  de 
1869,  réimprimé  daus  les  Verspreide  ijeschnj'ten ,  t.  V,  ujiO,  p.  Sof). 


— M.(   118   ).€^—  [llh] 

sanskrit  qualifie  Yava  de  «l'iie  de  l'or  et  de  l'argent,  parée  de 
mines  d'or  71  ;  le  texte  grec  s'exprime  dans  les  mêmes  termes  : 
«elle  produit  beaucoup  d'or 55.  Cette  indication  dicte  notre 
choix  entre  «Java  la  mineure 57  et  «Java  la  majeure jj  de  Marco 
Polo  :  c'est  évidemment  ici  de  Sumatra  qu'il  s'agit,  dont  la 
richesse  en  or  est  bien  connue,  alors  que  la  production  d'or  de 
Java  a  toujours  été  nulle  ou  insignifiante.  Je  sais  bien  qu'il  y  a 
une  inscription  sanskrile  de  Cangal  (K.ôdu,  à  Java),  datée  de 
65/i  çaka=732,  où  il  est  dit  :  «H  y  avait  (s/c)  une  île  excel- 
lente, incomparable,  appelée  Yava,  ferlile  en  céréales  et  en 
autres  grains,  riche  en  mines  d'or  [kanakâkara)  ...»  Kern, 
qui  l'a  éditée,  traduite  et  commentée,  a  naturellement  rap- 
proché celte  description  de  celle  du  Yavadvïpa  du  Râmriyaua 
et  rappelé  ce  qu'il  avait  déjà  dit  à  cet  égard  :  «Les  expressions 
du  Iiâmfnjnna  au  sujet  de  l'ile  de  l'or  et  de  l'argent  ne  sont  pas 
exemples  d'ambiguité  dans  l'original,  mais  elles  ne  le  sont  pas 
davantage  dans  la  traduction.  Ce  serait  donc,  à  mon  avis,  une 
explication  très  forcée  si  nous  vouhons  conclure,  soit  du  texte, 
soit  de  la  traduction,  qu'il  y  est  question  d'une  autre  île  que 
Yavadvïpa»  [=Java  de  nos  cartes] '^l  Quinze  ans  après  (en 
i885),  Kern  ajoutait  :  «Ce  que  j'ai  dit  alors  (en  1869)  a 
acluellement  une  double  force.  Quoique,  tant  Ptolémée  que  les 
informations  chinoises  nous  aient  appris  que  l'or  fait  partie  des 
produits  de  Java,  le  fait  a  été  révoqué  en  doule.  En  face  du 
témoignage  de  notre  inscription  [de  Cangal]  tout  doute  rai- 
sonnable doit  disparaître '-1  » 

J'avoue  ne  pas  être  convaincu.  En  face  des  indications  four- 
nies par  le  Rnmâyuna  et  Ptolémée,  où  manquent,  cependant, 
des  précisions  géographiques  décisives,  il  y  a  lieu  de  recher- 

'^'  Java  en  het  Goudeiland  volgens  de  oudste  berichten,  1869,  réimprimé 
dans  Verspreide  geschriften,  l.  V,  1916,  p.  807. 

'"1  De  Sanskrit-inscriptie  van  Canggal  {Kèdu),  uit  65à  çaka,  i885,  réim- 
primé dans  Verspreide  geschriften,  L  VII,  1917,  p.  128. 


[175]  — *-5-(  119  )k^— 

cher  quelle  est  l'iIe  d'Extrême-Orient  suvarnarûpijakadv'ipmn 
siivarnà hammam] I tam ,  ev(popct)TOiTï]  Ss  Xé-yerai  ))  vîja-os  sivai  aat 
ht  irlsTalnv  xp^^^^  Tsaieh.  Le  choix  est  aisé,  car  il  n'existe 
qu'une  seule  terre  insulaire  à  laquelle  s'appliquent  ces  textes  : 
c'est  la  #  '^11  kin-tchcou  kTiIc  de  l'orw  de  Yi-tsing,  qui  en  par- 
lait en  pleine  connaissance  de  cause,  la  suvarnahhûun  cela  terre 
de  l'or»  d'une  inscription  sumatranaise  (^uifrn,  XC,  p.  179), 
c'est-à-dire  Sumatra  (''.  Dans  les  textes  sanskrit  et  grec,  la  carac- 
téristique principale  du  Yavadvipa  est  d'être  «î'ile  de  l'or,  parée 
de  mines  d'or»,  de  «produire  beaucoup  d'or 55.  Sumatra  seule, 
par  sa  richesse  en  or,  peut  entrer  en  ligne  de  compte.  L'argu- 
ment tiré  des  informations  chinoises  (^Chineesche  berichten)  fait 
sans  doute  allusion  à  ces  passages  du  Sm  tang  chou  ou  Nou- 
velle histoire  des  Tang  (618-906,  compilée  en  io6o)  disant  : 
kLc  pays  de  M  Pâ  Ho-ling  appelé  également  (il  ^^  Chô-p'o 
(^=Jawn)  produit  de  l'écaillé  de  tortue,  de  l'or  cl  de  l'argent, 
des  cornes  de  rhinocéros  et  de  l'ivoire»;  et  du  Sang  che  ou 
Histoire  des  seconds  Song  (960-1279,  compilée  au  xiv*  siècle) 
où  il  est  dit  :  «Le  pays  de  [g  ^  Cho-p'o  (=  phonétiquement 
Jaœa)  produit,  en  outre,  de  l'or,  de  l'argent,  des  cornes  de 
rhinocéros,  de  l'ivoire,  le  hois  d'aloès,  le  sandal,  l'anis,  le 
poivre,  la  noix  d'arec,  le  soufre,  le  hois  du  lîrésil^-'.  »  Mais 
l'or  n'a  pas  une  place  éminente  dans  cette  énuméralion  de 
produits  javanais  et  ne  justifierait  en  aucune  façon  la  qualifica- 
tion de  suvarnàkaramandilam.   On  a  trouvé  et  on  trouve  sans 

•  •  • 

doute  encore  de  l'or  à  Java,  comme  dans  tous  les  pays  du 
monde.  Nous  avons,  par  exemple,  nos  orpailleurs  du  Rliône; 
mais,  de  ce  fait,  la  France  n'a  jamais  été  considérée  comme 
une  suvarnabhûmi.  Knfin,  le  Te  hou  fan  tchc,  qui  donne  généra- 
lement une  liste  étendue  des  produits  des  pays  étrangers,  ne 


(')   Pour  Yi-TS!Mi  cl  rinscripliuii  sumali-anaisc,  vide  iiifm,  {>.  178  cl  s.iiv, 
t-)  Cf.  Gkoknkvkldt,  Mole»,  jt.  183  el  l'ia. 


_«.(  120  )<4—  [1761 

mentionne  pas  l'or  parmi  les  produits  énumérés  dans  les  no- 
tices ih  et  i5,  qui  sont  consacrées  à  Java'^l 

Le  cas  de  l'inscription  de  Cangal  est  beaucoup  plus  embar- 
rassant; à  dire  vrai,  le  problème  est  insoluble.  Ainsi  que  le 
fait  remarquer  une  note  de  Kern,  la  phrase  commence  par  âsît 
«il  était w,  au  lieu  de  asti  «il  estw,  alors  que  le  mètre  n'est  pas 
en  cause,  et  l'éditeur  déclare  ignorer  pourquoi  le  poète  emploie 
le  passé  au  lieu  du  présent'-'.  D'autre  part,  le  texte  attribue 
au  Yavadvlpa  une  richesse  en  or  que  Sumatra  et  Sumatra  seule 
possède.  La  seule  explication  qu'on  entrevoit,  c'est  que  les  deux 
grandes  îles  indonésiennes  ont  dû  porter  en  même  temps  un 
nom  identique  '^'  et  que  les  produits  de  l'une  ont  pu  être  ainsi 
inexactement  attribués  à  l'autre '^l 

Les  Arabes  ont,  en  effet,  connu  la  forme  Yava^-Java^ 
Sumatra.  On  la  retrouve  encore  au  début  du  xv*  siècle  dans 
BâkuwI,  sous  deux  formes  phonétiquement  apparentées  »^U- 
Jâwa  (LXXVl,  p.  78)  et  a^l:^  Jâha  (LXXVlll,  p.  78),  dont 
l'ignorance  de  l'auteur,  qui  reproduit  des  informations  anté- 
rieures, al  fait  deux  îles  distinctes,  indépendantes  du  Zâbag- 
Sumatra  (cf.  également  Ibn  Sa'ïd,  LXll,  p.  71,  et  Ibn  al- 
Wardï,  LXXV,  p.  77).  Jâwa  ou  Jâha  est  devenu  dans  certains 
textes  arabes  le  nom  d'une  île  ou  pays  maritime,  de  sa  capi- 
tale et  même  du  roi  du  pays^^'.  Dans  Ibn  Batûta,  au  contraire, 


(')  Cf.  Chau  Ju-kua,  trad.  Hirth-Rockhill,  p.  70-87. 

'-)  Loc.  cit.,  p.  193  ,  n.  a. 

(^)  Cf.  les  deux  Java  de  Marco  Polo  et  iiifra,  les  notations  arabes. 

('')  Au  fond,  je  crois  que  le  rédacteur  de  Tinscriptiou  de  Cangal  a  tout  sim- 
plement mis  au  compte  de  Java,  la  description  du  Yavadvipa  du  Râmâyana, 
sans  se  préoccuper  du  désaccord  avec  la  réalité. 

(5)  Cf.,  par  exemple,  Ibn   Sa'ïd  (LXII,  p.  71-72),  Ibn  al-VVardï   (LXXV, 

P-  77)- 

L'identité  de  Jàba  et  Zâbag  avait  été  signalée  déjà  par  De  Goeje  dans  son 

édition  de  Ibn  Hobdâ<Îbeh  (p.  l\6  et  n.  3).  On  peut  faire  la  même  remarque  à 

propos  du  volcan  qui  est  situé  à  Jàba  par  Ibn  Hord1<îbeh,  V Abrégé  des  Mer- 


[177]  -^>{  121  )k^— 

Jâiva  désigne  nettement  l'île  de  Sumatra  et  il  n'est  plus  ques- 
tion de  Jâba  ni  du  Zâhag  (cf.  mes  Relations  de  voyages ^  t.  II, 
p.  /i3/i  et  suiv.).  Enfin  ,  à  partir  de  la  fin  du  xv^  siècle,  les  deux 
miialUm  Ibn  Mâjid  (LXXIX)  et  Sulaymân  al-Maurî  (LXXXI  et 
LXXXII)  inaugurent  la  loponomastique  moderne  :  Sumutra  et 
Jfiivaj,  que  feront  définitivement  prévaloir  les  marins  et  voya- 
geurs européens  des  xvf ,  xvu^  et  xviif  siècles. 

En  malais,  la  grande  île  indonésienne  occidentale  est  géné- 
ralement désignée  dans  les  textes  sous  l'un  des  trois  noms  sui- 
vants  :  Pûlaw  Emds  et  l'île  de  l'or»,  Ptdaiv  Përca  «l'île  de  la 
gutta-perchajj  et  Pâlaiv  ou  Tânah  Andalas  «  l'île  ?5  ou  "^pays  de 
Andalas^j;  en  javanais,  sous  celui  de  Malayu  (cf.  Nâgarakërtâ- 
gama  et  Pararalon,  infra,  p.  i83  et  326). 


SvvABi 


NADVIPA. 


L'île  de  Sumatra  a  été  quelquefois  désignée  sous  les  noms 
sanskrits  de  Suvanjadvlpa  «l'île  de  l'or»,  Siwarnahhûmt  «la 
terre  de  l'or»,  Suvarnapura  «la  ville  de  l'or».  Dans  les  deux 
derniers  cas,  ce  complexe  désigne  plus  spécialement  la  partie 
méridionale  de  l'île.  A  l'inscription  déjà  reproduite  du  manu- 


veilles,  Kazwïnï,  Ibn  al-WaiadI  et  Bâkuwî;  et  au  Zâba{i[  ou  près  du  Zâbag  par 
SdlaymAn,  Ibn  al-Fakïh,  Mas'Ddï,  V Abrégé  des  Merveilles  et  AbllfidA.  L'Abrégé 
des  Merveilles  situe  d'abord  ce  volcan  (tvis-à-vis  de  l'ilc  de  Jâbu"  et,  quclipu'S 
pages  plus  loin,  «dans  une  ile  proche  du  Zâbagn  (cf.  J.  As.,  juilict-aoùt  1919, 
p.  188,  n.  1).  il  y  a  lieu  de  rappeler  ici  uue  très  inléres.santo  note  de  De  Goeje 
publie'e  en  hollandais  dans  le  Feestbiindel-Vt:in  (Leyde,  189^1)  et  traduite  en 
français,  en  appendice  à  son  Mémoire  sur  les  mijp-alions  des  Tsiganes  à  travers 
l'Asie  (Leyde,  1903,  pet.  in-8°,  p.  86-91).  VMa  traite  des  Snyâbija,  au  sing. 
Sâbaj  (qui  est  à  Wr^Sâhag),  et  que  fauteur  a  rapproché  du  Zâbag  do  Sumatra. 
Ces  descendants  de  Malais  sumalranais  vivaient  au  ix*  siècle,  au  témoignage 
de  BEi.ÂDonï,  dans  le  golfe  Persique  et  en  'Irak.  Je  n'ai  pas  ici  la  place  de  re- 
produire les  texies  arabes  qui  en  font  mention;  on  étudiera  ailleurs  cet  autre 
témoignage  de  l'activité  des  Sumalranais  à  l'étranger. 

U.   U.  FKRRANO.  0 


—«.(  122  )^-^^  [178] 

scrit  népalais  à  miniatures  (supra,  XXX,  p.  62),   s'ajoutent 
les  inscriptions  et  les  textes  suivants  : 

Yi-TSiNG,  Ta  t'ang  si  yu  k'ieou  fa  kao  seng  tchounn,  iraà. 
Ed.  Chavannes  (vide  supra,  p.  3). 

LXXXVII.  (P.  179.)  .  .  .  Puis,  le  premier  jour  de  la  onzième  hine 
de  cette  amiée  (689),  nous  [,  maître  Tcheng-kod  et  moi  Yi-tsing,] 
nous  nous  embarcjuâmes  sur  un  bateau  marchand  et  nous  nous  éloi- 
gnâmes de  P'an-yu  (Canton).  Nous  nous  dirigeâmes  vers  le  [5  'M 
Tclian-po  (Campa)  en  hissant  nos  voiles;  —  nous  nous  proposions 
d'arriver  dans  le  pays  de  Fo-che  par  une  longue  course,  —  ...  (p.  181) 
TciiENG-Kou  fut  mon  excellent  compagnon;  —  nous  arrivâmes  ensemble 
à  -^  M  l'île  de  Tor  ''>.  —  Si  nous  pûmes  accomplir  notre  voyage  vers 
les  pays  hindous,  —  ce  fut  grâce  à  notre  parfaite  amitié.  —  ... 

LXXXVIII.  (P.  i85.)  ...  Lorsque  Tao-hong  apprit  que  moi,  Yi- 
TSiNG,  j'étais  arrivé  [en  Chine] ,  il  se  rendit  à  pied  (au  temple)  Tchouang- 
yen  pour  s'y  informer  où  je  demeurais;  on  lui  dit  que  je  m'étais  établi 
dans  le  temple  Tche-lche.  A  peine  se  fut-il  acquitté  des  salutations 
d'usage  qu'il  s'éprit  de  l'idée  du  départ  ...  (p.  186)  ...  Alors  il  ne 
songea  plus  qu'aux  mers  du  sud,  —  au  voyage  que  nous  ferions 
ensemble  à  l'île  de  l'or  ...  ([).  187)  ...  Lorsqu'il  arriva  au  pays  de 
Fo-che,  il  s'appliqua  de  tout  son  cœur  au  recueil  de  la  discipline  .  .  . 

Vie  de  Dîpamkara  Atïça,  en  tibétain,  résumée  par  Sarat 
Ghandra  Das  dans  Indian  Panàils  in  tlie  land  of  snow,  Calcutta, 
1893. 

Atïça  naquit  au  Bengale  en  980  de  notre  ère. 

LXXXIX.  (P.  5o.)  Ou  account  of  thèse  divers  allainments  Avhich 
moved  bis  miad  variously  in  dilTerent  directions,  he  resolved  to  go  to 
Àchârya  Chandrakîrti,  the  High  Priest  of  Suvarnadvïpa  (''.  Accordingly 
in  the  company  of  some  merchants  he  embarked  for  Suvarnadvïpa  in  a 
large  vessei.  Tlie  voyage  was  long  and  tedious,  extending  over  severai 

(')  Chavannes  a  traduit  «Tile  d'orn  ici  et  plus  loin. 

l^)  S,  G.  Das  dit  on  note  :  trSudharmauagara  in  Pegu,  now  calicd  Thaton.n 
La  remarque  est  inexacte  :  il  s'agit  de  Sumatra. 


[179]  --«.(  123  )^-i— 

months  during  which  the  travellers  were  overlaken  by  terrible  storms. 
At  this  lime  Suvarnadvîpa  was  Ihe  head  quarter  of  Buddhism  in  ibe 
East,  and  its  High  Priest  vvas  considered  as  ihe  greatest  scholar  of  his 
âge.  DîPAMKABA  resided  tliere  for  a  period  of  twelve  years  in  order  to 
completely  master  the  pure  teachings  of  Buddha,  of  Avhich  the  key  Avas 
possessed  by  the  High  Priest  alone.  He  returned  to  India  accompained 
by  some  nierchants  in  a  sailing  vessel,  visiting  Tâmradvîpa  (Ceylon)  and 
the  island  of  forests  in  his  way. 

Inscription  en  vieux-malais  de  1208  çaka=i286  trouvée 
dans  la  plaine  de  Padan  Roco,  près  de  Sunay  Lansat,  sur  la 
rive  gauche  du  Balan-Hari,  dans  la  subdivision  (^on(lerafdeeUng\ 
des  rçBatan-Hari-districten55  de  la  résidence  des  «Padangsche 
Bovenlanden 75 ,  dans  l'ouest  de  Sumatra,  par  environ  i°3o' 
Sud. 

Cette  inscription,  découverte  en  1911  par  L.  C.  Westenenk, 
a  été  publiée  et  traduite  en  hollandais  par  N.  J.  Krom  dans  sa 
magistrale  étude  :  Een  sumatraansche  Inscriptie  van  Konîng  Krta- 
nagara,  dans  Verslagen  en  Mededelingen  Sev  K.  Akademie  van 
Weien.,  Afdeeling  Letterkunde,  5'  reeks,  deel  II,  Amsterdam, 
1 916,  p.  3o6-33(). 

XC.  (1  a)  Il  svasti  çahavarsâtîia ,  iao8,  bhâchavâda  niâsa ,  ti 

(b)  thi  pratipada  çiddfqmksa,  mavidu,  vâge,  vrhaspati  vâra,  madahku- 
han,  grahacâra  naiiilistha ,  viçâkâ 

(c)  naksatra,  cakra  [devata,  7na]ndala,  çubha 

(9  a)  yoga,  kuveva  purbeça ,  kinstughna  inuhûrlla,  kamjà  râçl,  i 

{h)  nan  tatkâla  pâduka  bharâla  âryijâmoghapaça  lokeçvara,  caîurdaçâ- 
mitkâ  saptnratnasahita ,  diântuk  [ 

(c)  dnii  bhûmi  jâva  ka  svarmabhûmi  (sic)  dipratistha  dt  dharmmâ- 
çraya,  akan 

(3  ft)  punya  çri  viçvarûpa  kumârn,  prakâranah  dilîtah  pâduka  cri  ma 

(b)  hârâjadiiirâja  çiï  krtanagara  vikraina  dharmmottuhgadeva  maiiirth- 
kan  pâduka  bharâla,  raknjân  mahâmantri  dyah 

(c)  advayabrahma,  rakryân  srikan  dyah  sugalabrahma ,  mûah 

{h  a)  ,  samagat  payâtmn  hah  dipahkaradâsa ,  rakryân  damuh  pu 
vira , 


-~M.(  124  )k^—  [180] 

(b)  hunah  punyeni  yogija  dianumodanânjaïeh  sukapraja  di  bhûmi  ma- 
lâyû,  brâhmanah  ksatruja  vaiçija  sûdra,  à 

(c)  ryyâmaddyât,  cri  maharaja  çrimat  Iribhuvanarâja  maulivarmmade 

(d)  va  pramukha  //. 

Salut!  En  çaka  1208,  au  mois  de  bhâdrapada,  premier  jour  de  ia 
quinzaine  claire,  jour  de  la  semaine  de  six  jours  :  Mavulu;  de  la  se- 
maine de  5  jours  :  Vâge;  le  jeudi;  witku  (période  de  l'annëe  civile)  Ma- 
dankunan  ;  position  de  la  planète ,  dans  le  sud-ouest  ;  mansion  lunaire , 
Viçàkhâ;  sous  la  divinité  çakra  appartenant  au  cycle  de  .  .  . ,  yoga  Çubha  ; 
seigneur  de  la  jonction  (astronomique),  Kuvera;  heure,  Kimstughna; 
signe  du  zodiaque,  la  Vierge;  c'est  à  cette  date  que  (l'image)  du  Haut 
Seigneur  l'Àryya  (le  noble)  Amoghapâçalokeçvara  avec  ses  1 3  compagnons, 
accompagné  des  sept  joyaux,  venant  du  pays  de  Jâva'^'  à  destination 
de  Suvarnabhûmi  (crie  pays  de  l'or i:  =  Sumatra),  fut  érigée  à  Dharm- 
mâçraya  ^'\  en  tant  que  don  de  Son  Altesse  le  prince  héritier  Cri  Viçva- 
rûpa.  A  cet  effet.  Sa  Majesté  Çrî  Mahârâjadhirâja '■>  Çrï  Krtanagara 
Vikrama  Dharramottungadeva  donna  l'ordre  d'accompagner  la  sainte 
image  aux  hauts  fonctionnaires    suivants   :   le  Rakryan^''^    Mahâman- 

(')  Le  texte  a  bhûmi  jàva  construit  à  la  malaise,  et  il  s'agit  ici  de  l'île  de 
Java  de  nos  cartes.  C'est  t'équivalent  exact  de  i'iudonésien  moderne  tcmahjàwa, 
iitt.  aterre,  pays  de  Javan,  où  le  caractère  insulaire  de  Java  n'est  pas  marqué. 
Ce  genre  d'expression  est  commun  à  tout  le  domaine  linguistique  de  l'indo- 
nésien; cf.,  par  exemple,  en  malgache  :  tnni  Madarrasikara  «la  terre,  le  pays 
de  Madagascar;)  (malg.  tâni  répond  à  indonésien  occidental  tânah,  avec  le 
même  sens).  ^ 

'-)  Situé  par  Rouffaeu  dans  le  haut  pays  du  fleuve  de  Jambi  (cf.  mes  Rela- 
lions  de  voyages,  t.  II,  p.  602 ,  n.  3  et  i). 

(')  On  remarquera  que  le  fameux  souverain  javanais  Krtanagara  est  titré 
ici  Çrî  Mahàrâjadhirâja ,  iitt.  rrSa  MajcsLi-  le  grand  roi  des  rois»,  titre  dont  le 
souverain  du  Zàbag  =  Çrivijaya  avait  le  privilège.  Mais  ce  texte  est  daté  de 
i3o8  çaka=  1286  de  notre  ère  et  c'est  l'époque  où  le  Zâbag-Çrivijaya  entre 
en  pleine  décadence  et  succombe  sous  les  coups  de  ses  adversaires  Javanais, 
Thaïs  de  Sukhodaya  et  Singalais.  A  cette  même  époque  les  rois  javanais  sont 
assez  forts  pour  repousser  l'attaque  prochaine  des  troupes  chinoises  de  Hubilaï 
Hân  et  c'est  dans  la  même  période  que  se  fonde  le  puissant  empire  de  Maja- 
pahit,  qui  sera  l'héritier  de  la  souveraineté  exercée  par  le  Çrivijaya  depuis  le 
début  de  notre  ère. 

(4)  C'est  le  titre  javanais  que  le  Tchou  fan  tche  et  le  Song  che  mentionnent 
sous  sa  forme  chinoise  ^  f^  j£  lo-ki-lien  (cf.  Pelliot,  Deux  itinéraires, 
p.  3 11,  et  C'/iau  Ju-kua,  trad.  IIiuth-Rockhill,  p.  76). 


[181]  — «•(  125  ).€^~ 

<n'''  Advayabrahma,  le /îa/.T^a«  sinkan  chjah  Sugatabrahraa ;  puis,  au 
dyah  Saingèt'''^  patjânan  hah  Dipaùkaradâsa  et  au  Rahryan  démuhpu  Vïra. 
Ensuite,  à  cause  de  ce  don  convenable,  tous  les  sujets  du  pays  de 
Malâyu  se  réjouirent  :  brahmanes,  ksatriya,  vaiçya  et  sudra  et,  au 
milieu  des  Arya  (nobles),  Çrî  Maharaja'^'  Çrïmal  Tribhuvanarâja  Mau- 
livarmadeva  s'en  réjouit  le  premier. 

Inscription  cambodgienne  gravée  sur  le  piédestal  d'une 
grande  statue  de  Buddha  provenant  du  Vat  Hua  Vien,  une  des 
pagodes  de  Grabi  (le  j}j^  ^  ^  Kia-lo-hiAw  Tchoufan  tche,  vide 
supra,  p.  i/i,  et  du  Song  che),  du  pays  de  Jaiya  (siamois  : 
Xaya),  qui  est  situé  dans  la  partie  septentrionale  de  la  baie  de 
Bandon,  sur  la  côte  orientale  de  la  péninsule  malaise  (cf.  G.  Goe- 
DÈs,  Le  royaume  de  Çrïvijaya,  (oc.  cit.,  p.  33-36).  L'inscription 
est  incorrectement  datée ,  mais  «  un  fait  semble  certain ,  c'est 
qu'elle  ne  saurait  guère  être  postérieure  au  milieu  du  xiii'  siècle  » 
i^ihid.,  p.  36). 

XCI.  En  11006  {sic)  çaka,  année  du  Lièvre,  par  ordre  de  Kam- 
raten  An  Maharaja  çrïmat  Trailokyarâjamaulibhusanavarmadeva,  le 
3°  jour  de  la  lune  croissante  de  Jyestha,  mercredi,  le  Mahâsenâpati  Ga- 
lânai  (?)  qui  gouverne  le  pays  de  Grahi,  invita  le  Mrateii  Çrî  Nâno  à 
faire  cette  statue.  Le  poids  du  samrit  est  1  hhâra  2  tula  et  la  valeur  de 
l'or  (employé  pour  la  dorure)  est  10  tamlih.  Cette  image  a  été  érigée 


(')  Litt.  «le  grand  manlri  ou  ministre». 

(-)  D'après  une  heureuse  suggestion  de  M,  I'eluot,  satngët  semble  Lien  être 
le  titre  indonésien  qui  est  à  ia  base  de  la  transcription  chinoise  sseu-ma-kie 
(vide  supra,  p.  ^3,  n.  2),  dont  ie  troisième  caraactère  est  à  implosive  finale 
dentale. 

(')  Le  roi  de  Malâyu  n'est  titré  que  Çn  Maharaja  «Sa  Majesté  le  grand  roin 
à  côté  du  Çri  Mahâràjadhiràja  de  Krtanagara  {vide  supra,  p.  180,  n.  3). 
C'est  que  le  Malâyu  a  été  envahi  et  vaincu  en  1  i(j7  çaka  =  1275  et  que  l'am- 
bassade de  Krtanagara  est,  en  somme,  envoyée  à  un  vassal  (cf.  Pararaton, 
Irad.  IkiNDEs,  édit.  Kkom,  p.  92).  Krtanagara  fut  le  premier  prince  javanais 
qui  prit  le  titre  de  prabhu  [ibid.,  p.  78  et  8-'i),  dont  les  Çailendra  de  Çrivi- 
jaya  usaient  depuis  des  siècles,  car  il  ligure  dans  l'inscripliou  de  Vieù  Sa 
{vide  supra,  XX.1X,  p.  hi). 


-~^^{  126  )<^-~  [182] 

afin  que  tous  les  fidèles  s'en  réjouissent,  la  vénèrent  et  l'adorent  ici  . . . 
obtiennent  l'omniscience  '''. 

Het   oud-javaansche   lofdicht   Nâgarakrtâgama   van    Prapanca 
(i365  A.  D.)  [Le  panégyrique  en  Aieux-javanais  intitulé  Nàga- 

(')  Une  inscription  sanskrite  découverte  sur  le  territoire  du  Minankabaw, 
et  qui  se  trouve  actuellement  à  Pajjar  Ruyon,  est  au  nom  de  :  Çrïmat  çri 
A[  Jyâdityavarma  .  .  .  râjendramaulimanivarmadeva  mahârâjâdhirâja,  et  datée 
de  1978  çaka  =  i356  (cf.  Commissie  in  Nederlandsch-Indië  voor  oudheikundig 
onderzoek  op  Java  en  Madoera.  Oudlteikundig  verslag  iQi^,  2'  trimestre, 
p.  5 1-52  et  A  a;  le  titre  royal  précédent  est  aux  lignes  6-7;  aux  lignes  18-19, 
le  même  souverain  est  appelé  :  Adityavarmanrpatemanivarmadeva).  Cet  Adi- 
tyavarman  nous  est  connu  par  ailleurs.  Sous  le  titre  général  de  Het  zoogenaamde 
rolinschrift  van  vBalu  Bëragung-n  in  Mënangkabau  {126g  en  isgj  çaka),  dans 
Verspreide  geschriften,  t.  VI,  1917,  p.  aig-aGS,  Kern  a  réuni  deux  articles 
intitulés  :  "f  Opschrijt  van  Batoe  Beragong  op  Sumatra  et  Het  opschrift  van 
Batoe  Bei^agong  opriieuw  onderzoclu,  publiés  dans  les  Bijdragen  tôt  T.,  L.  en  V. 
V.  N-I  en  1872  et  1877,  oii  il  est  question  de  ce  souverain.  Cf.  également,  du 
même  auteur,  De  n'ij-inscriptie  op  het  Amoghapaça-beeld  van  Padang  Candi 
(Midden-Su)natra)\  i^Gq  çaka  (dans  Verspreide  gescitriflen,  t.  Vil,  1917, 
p.  173),  où  ce  roi  est  appelé  :  Çrimat  çiï  Udayâdityavarman  râjendramauli- 
mâlivarmadeva  maliârâjâdhirâja,  et  où  il  est  fait  mention  de  Malaijapura, 
erreur  de  graphie  pour  Malaynpura  {ibid.,  p.  17^^).  Par  une  autre  inscription 
également  publiée  par  Kern  (Het  sanskril-inscitrift  op  den  grafsteeu  van  Vorst 
Adityavannan  te  Kubur  Baja,  Mënangkabau  ;  ±  i3oo  çaka,  dans  Verspreide 
geschriften,  t.  Vil,  p.  2i5-32i),  nous  savons  que  ce  roi  était  fds  de  Advaya- 
varman  et  titré  Kanakainedinlndra  «souverain  de  la  terre  de  l'or».  Nous  savons, 
enfin,  que  ce  dernier  souverain  eut  un  lUs,  Anafigavarman,  qui  fut  probable- 
ment son  successeur  (cf.  N.  J.  Krom  ,  Eine  sumatraansche  Inscriplie  van  Koning 
Krtanagara,  loc.  cit.,  p.  338).  D'après  ces  textes  épigraphiques ,  on  peut 
établir  la  liste  suivante  des  rois  de  Malâyu  au  xiii"  siècle  çaka  : 

Çrïmat  Tribuvana  râjamaulivarmadeva,  qui  règne  en  1208  ç.  =  1  286  (supra, 
XC,  p.  179); 

Advayavarman ,  père  du  roi  suivant; 

Çrimat  çrl  A[  jyâdityavarma  (var.  Udayâdityavarman)  râjendramaulimani- 
varmadeva (  var.  râjendramauHmâlivarmadeva),  qui  régnait  en  1269  ç.  =  13/17 
et  mourut  vers  i3oo  ç.  =  1378. 

Anangavarman. 

Le  Maharaja  çrimat  Trailokya  râjamaulibhûsanavarmadeva  de  l'inscription 
cambodgienne  de   Grabi  était  certainement  un  roi  de  Malâyu,  car  ses  titres 


[183]  — «•(  127  ).«— 

RAKRTÂGAMA  (le  Prapanca,  daté  de  1287  caka  =  i365  de  notre 
ère],  texte  en  transcription,  traduction  et  commentaires  par 
H.  Kern,  avec  annotations  et  indices  de  N.  J.  Krom,  La  Haye, 
i9i9,in-8%  avec  une  carte  des  dépendances  de  l'empire  de 
Majapahit  et  un  fac-similé  de  quelques  feuilles  du  manuscrit 
kawi. 

XGII.  L'île  de  Sanialra,  l'une  des  dépendances  de  l'empire  de  Maja- 
pahit, y  est  désignée  sous  le  nom  de  frpays  de  Malayu  (tanah  ri  Malayii)n 
par  le  poète  javanais  qui  en  mentionne  les  vingt-quatre  villes  ou  étals 
suivants  :  ffLes  principales  îles  {sic)  qui  sont  sous  la  souveraineté  (de 
Majapahit)  dans  le  pays  de  Malayu  sont  les  suivantes  :  Jambi,  Palemban , 
Karitan,Tëba  (Toha),  Dharmmâçraya  (Dharmâçraya),  Kançlis  (Kandis), 
Kahwos  (Kawai),  Manankabwa  (Mënankabaw  ou  Minankabaw),  Siyak 
(Siak),  Rëkân  (Rokan),  Kâmpar,  Pane  (Paney),  Kâmpe  (Pulaw  Kom- 
pai),  Haru  (Aru),  Mandahiliù  (Mandaihù),  Tumihan  pour  Tamihan 
(Tamian),  Parllâk  (Përlak),  Barat,  Lwas  lâwan  (Padan  Lwas  ou  Gayu 
Luas),  Samudra  (l'ancien  état  de  Sumutra,  sur  la  côte  nord-est  de  l'île 
dont  on  retrouve  encore  les  ruines  près  de  Lho'  Seumawé),  Lamuri 
(Grand-Aceh),  Batan  (peut-être  l'île  de  Batam),  Lampun  (Lampon)  et 
Barus  (Baros).  Telles  sont  les  plus  importantes  dépendances  du  pays  de 
Malayu  tout  entier;  tous  ces  pays  dépendent  [de  l'empire  de  Majapahit]. n 
(Chant  i3,  p.  5o;  cf.  également  chant  h\,  strophe  5,  p.  io5,  et 
chant  h'2  ,  strophe  9,  p.  107;  pour  les  identifications  précédentes,  voir 
p.  267-259,  et  mes  Relations  de  voyages,  t,  II.  p.  662,  oii  la  note  8  : 
trPane  ou  Panei  dans  l'ouest  de  Sumatra  «  est  à  corriger  en  :  rfsur  la 
côte  orientale  de  Sumatra,  en  face  de  l'île  de  Jamar  =  Jumur  de  \ Oriental 
Pilotr>  I  cartes  A2  et  43],  et  p.  671.) 

Les  noms  entre  parenthèses  représentent  la  forme  malaise 
moderne  des  notations  du  texte  kawi. 

Les  deux  complexes  sanskrit  et  cliinois  sont  parallèles  au 
double  point  de  vue  sémantique  et  syntaxique  :  ^  ^\  hn- 
tcheou  recouvre  exactement  suvarna-dvïpa ;  Tun  et  l'autre  repré- 

protocolairos   sont    remarquablement   idonliques    à  ceux  des    rois    do    celte 
dynastie  sumalranaiso  alk'sl(;s  par  les  iiisniptiims  qiip  nous  possédons. 


-><«.(  128  )<^—  [184] 

sentent  littéralement  or4/e,  le  premier  terme  étant,  par  anté- 
posilion,  complément  du  second.  Chavanncs  a  traduit  kin-tcheou 
par  t^île  d'or»,  mais  cette  interprétation  n'est  pas  à  retenir  : 
c'est  ç^île  de  l'or??  qu'on  doit  lire,  et  c'est  ainsi  qu'il  faut  éga- 
lement traduire  le  suvarnadvipa  des  textes  sanskrits.  En  chinois 
et  en  sanskrit,  le  sens  du  complexe  est  un  peu  flou  :  il  peut 
s'agir  aussi  bien  d'une  île  riche  en  mines  d'or  que  d'une  île 
dont  le  sol  et  la  flore  sont  en  or.  Mais,  dans  le  cas  présent, 
il  n'y  a  pas  place  au  doute;  l'information  s'appuie  sur  un  fait 
concret  bien  connu  :  la  richesse  aurifère  de  Sumatra,  et  nous 
n'avons  pas  affaire  à  un  thème  de  folk-lore.  On  vient  de  voir 
(supra,  p.    177)  que  l'un  des  noms  malais  de  la  grande  île 
indonésienne  est  Pûlaw  Emus  Kile  de  l'or»  (cf.  un  toponyme 
de  formation  parallèle  :  Pidaw  Bfitu  td'île  de  la  pierre»,  ainsi 
appelée  parce  qu'il  s'y  trouve  une  pierre  remarquable  et  non 
parce  qu'elle  est  constituée  par  un  bloc  de  rocher;  Pûlaw  Pinah 
«île  de  l'aréquier»,  etc.).  Pûlaw  Emâs  répond  à  Kin-tcheou  et 
à  Suvarnadvipa,  construit  suivant  les  exigences  de  la  syntaxe 
indonésienne,  à  l'inverse  du  sanskrit  et  du  chinois;  et,  comme 
il  vient  d'être  dit,  le  sens  en  est  clair  et  ne  comporte  aucune 
amphibologie  (cf.  également  Birûnî,  XLIII,  p.  64). 

Pour  Yi-TsiNG  (LXXXVII  et  LXXXVIII,  p.  178),  l'île  de  l'or 
=  Fo-che  ou  Che-li  Fo-che,  c'est-à-dire  la  partie  méridionale 
de  Sumatra.  Dans  l'inscription  malaise  de  1208  çaka  [supra, 
XG,  p.  179),  le  pays  où  se  rend  la  mission  javanaise  est 
appelé  Suvarnabhûmi  «la  terre  de  l'or»  (1  c)  et  il  est  dit  expli- 
citement plus  loin  que  le  pays  en  question  est  le  Malâyu  (àb), 
c'est-à-dire  la  partie  de  Sumatra  également  désignée  sous  le 
nom  de  Minankabaw^^l  L'auteur  du  Kitâb  al-minhâj,  Sulaymân 
al-Mahrî,    compte  parmi    les  ports  de    Sumatra   (LXXXII, 

(1)  Cf.  mon  mémoire  Malaka,  le  Mâlayu   et  Malâyur,  J.  As.,  XP  série, 
t.  XII,  p.  5i  et  suiv. 


[185]  —«.(  129  )^H^ 

p.  103),  trois  ports  par  lesquels  s'exporte  l'or  :  Pancùr,  à 
l'ouest;  Pariyaman  «célèbre  parmi  les  honimes  [et  qui  est 
situé  dans  le  pays]  de  Manankabwa  [=Minankaba\v]  »,  au 
sud-ouest;  et  Sumutra,  au  nord-est'^'.  Les  anciennes  relations 
portugaises  sont  plus  explicites  encore  : 

Arrivèrent  également  [à  Malaka] ,  dit  Gaspar  Gorrea  (Lendas  da  India, 
t.  Il,  p.  9 66),  quatre  barques  du  royaume  de  Manancabo,  qui  ne  pro- 
duit pas  d'autre  marchandise  que  l'or  en  poudre  et  en  barres,  que  les 
gens  du  pays  apportent  [à  Malaka]. 

L'or  qui  est  importé  à  Malaka ,  disent  les  Commentaires  d'Albuquerque 
(^Commentarios  do  Grande  Afoxso  Dalboquerqve,  édit.  de  1776,  t,  III, 
chap.  XXXII,  p.  161),  provient  en  majeure  partie  d'une  mine  [du  pays] 
de  Menamcabo,  qui  se  trouve  à  l'extrémité  de  l'île  de  Samatra,  du 
côté  du  sud,  en  face  de  Malaka,  à  six  jom's  de  mer.  . . 

A  ce  moment,  arrivèrent  trois  joangajaoas  (navires  à  rames  et  à  voiles) 
du  royaume  de  Menamcabo ,  qui  est  situé  à  l'extrémité  de  l'île  de  Gama- 
tra,  sur  l'autre  côte  méridionale  [que  celle  qui  fait  face]  à  Malaka 
[=  côte  sud-ouest].  Ils  apportaient  une  quantité  d'or  {ibid.,  chap.  xxxvii, 
p.  182).  [Pour  d'autres  témoignages  portugais  de  la  richesse  en  or  du 
Minaùkabaw,  cf.  mon  mémoire  Malaka,  le  Malâjju  et  Malàyur,  dans 
/.  As.,  XP série,  t.  XII,  1918,  p.  80-81.] 

Il  est  plusieurs  fois  question  des  fameuses   «Iles  de  Xov-n 
[Ilhas  do  ouro)  dans  les  relations  portugaises  de  la  période  des 

t')  M.  Eilhard  Wiedemann  a  récemment  publié  et  a  eu  l'obligeance  de  me 
faire  parvenir  un  article  sur  les  drojjues  employées  par  les  Arabes,  où  fifjuro, 
en  traduclion,  un  important  extrait  de  i'oncyclopédio  de  NuwayrI  (mort 
en  i33a).  A  propos  du  camphre,  l'auteur  arabe  dit  :  «En  ce  qui  concerne  son 
habitat  orijjiuel,  il  y  a  plusieurs  ofiinions.  Les  uns  disent  cpie  le  camphre  pro- 
vient do  Faneur  [=I5aros,  sur  la  côte  occidentale  de  Sumatra],  une  île  de 
700  parasan(jes  de  tour  qui  est  connue  comme  le  pays  de  l'or.  .  .-n  {Beilruge 
zur  Geschichte  der  Naturwissenschaften ,  XLIX.  IJber  von  den  Arabern  benutzte 
Drofren,  dans  Silzitnfrsberichte  der  pltysih(discJt-n>ediz{n{schen  Sozietdt  in 
Erlangen,  Band  hS,  i(ji6,  p.  17.)  Cette  information  dont  j'ai  eu  connais- 
sance pendant  l'impression  du  présent  mémoire,  contirme  heureusement  le 
témoignage  de  Yi-tsing  et  de  l'inscription  malaise  de  1208  çaka  :  l'île  de 
Sumatra  est  bien  le  pays  ou  l'île  de  l'or. 


— 1^(  130  ).€^—  [186] 

découvertes.  En  fait,  les  découvreurs  étaient  surtout  préoccupés 
de  recueillir  des  informations  sur  l'Eldorado  oriental  pour  pou- 
voir s'y  rendre  et  en  rapporter  les  fabuleuses  richesses  qu'une 
légende  plus  que  millénaire  situait  dans  des  îles  indétermi- 
nées ^^l  Joâo  de  Barros,  Thistoriographe  royal  du  xvi^  siècle, 
en  parle  à  trois  reprises  dans  la  décade  III  : 

. . .  Diog'o  Pacheco,  dit-il  (liv.  III,  cliap.  m,  p.  964),  peu  de  temps 
après  son  arrive'e  de  Malaka  [à  Sumatra],  avait  apporté  d'importantes 
informations  sur  les  lies  de  l'or  qui,  d'après  un  bruit  général  dans 
l'Inde,  gisaient  au  sud  de  Sumatra.  C'est  à  l'effet  de  les  découvrir  que 
Diogo  Lopes  [de  Sequeira]  envoyait  Diogo  Pacheco,  parce  que  celui-ci 
était  très  versé  dans  les  choses  de  la  mer  et  extrêmement  habile  décou- 
vi'eur,  étant,  en  outre,  un  parfait  gentilhomme.  Dans  ce  but,  on  lui 
donna  l'ordre  d'armer  un  navire  à  bord  duquel  il  serait,  et  un  brigantin 
dont  serait  capitaine  Francisco  de  Sequeira. . . 

Pacheco  se  met  en  route  et  touche  à  Daya,  sur  la  côte 
nord-ouest  de  Sumatra,  où  le  brigantin  se  met  au  plein  et  se 
perd  corps  et  biens,  à  l'exception  d'un  esclave  canarin  (^ibid., 
p.  266).  Avec  son  seul  navire,  le  marin  portugais  descend  le 
long  de  la  côte  et  fait  escale  au  port  de  Baros  : 

(P.  268.)  .  .  .  Tandis  qu'il  se  trouvait  là,  il  ne  se  préoccupait  que 
de  deux  choses  :  se  tenir  sur  ses  gardes  de  peur  que,  pendant  la  nuit,  à 
l'instigation  des  Maures  [=miisuiQians]  de  Cambaya  [qui  se  trouvaient 
là],  il  ne  fût  victime  de  quelque  traîtrise;  et  s'informer  auprès  des  gens 
du  pays  de  ce  qu'ils  savaient  et  disaient  des  lies  de  l'or  qui  gisaient  au 
sud  de  l'île  de  Sumatra.  D'autant  que,  à  Malaka  où  se  rendaient  cer- 
tains marchands  de  ce  royaume  de  Baros,  l'opinion  générale  était  que 
ce  pays  de  Baros  ne  produisait  pas  autant  d'or  qu'ils  en  apportaient, 
mais  que  la  plus  grande  partie  était  obtenue  par  échange  dans  les  Iles 
de  l'or  où  ces  marchands  se  rendaient  par  mer.  Quoique  les  Maures  et 
les  gens  du  pays  fussent  très  jaloux  [de  conserver  le  secret]  de  ce  com- 

^^)  Sur  ces  îles  légendaires,  cf.  Pomponius  Mêla,  Pline  l'Ancien,  Solin, 
Isidore  de  Séville,  dans  Coedès,  Textes  d'auteurs  grecs  et  latins  relatifs  à  l'Ex 
trême-Orient ,  Paris,  if)io,  in-8°. 


[187]  ->«.(  131  )^^K- 

merce,  Diogo  Paclieco  piil  cependant  acheter  deux  ou  trois  indigènes 
qui  s'y  étaient  rendus  et  qui  finirent  par  lui  dire  ce  qu'ils  avaient  vu  et 
ce  qui  s'était  passé.  (P.  269.)  Ils  racontèrent  que,  à  peu  près  à  100  et 
des  lieues  au  sud-est  du  port  de  Baros,  gisait  une  ligne  de  hauts-fonds 
et  de  bancs  de  sable,  au  milieu  desquels  se  trouvait  une  île,  légèrement 
accidentée,  dont  les  cotes  étaient  couvertes  de  palmiers;  à  l'intérieur 
de  l'ile,  vivait  une  nombreuse  population  noire  avec  laquelle  ils  échan- 
geaient de  l'or  sur  le  rivage,  parce  que  ces  gens  ne  permettaient  à  per- 
sonne de  se  rendre  où  ils  habitaient.  Pour  celte  raison,  [les  commer- 
çants de  Baros]  ne  connaissaient  ni  l'intérieur  de  l'ile,  ni  la  façon  de 
vivre  des  insulaires.  Ceux-ci  donnaient  une  grande  quantité  d'or  en 
échange  de  pièces  d'étoffes  de  Cambaya,  de  la  même  sorte  que  celles 
que  Pacheco  avait  apportées  :  vespicias  (toiles),  viantazes  (draps)  et 
beiHangis  (toiles)  bleus  et  rouges^'*.  Quoiqu'on  se  procurât  de  l'or  à 
très  bon  marché  en  l'échangeant  pour  des  étoffes  de  qualité  inférieure, 
cependant,  beaucoup  de  marchands  qui  s'y  étaient  rendus  une  fois, 
malgré  la  grande  quantité  d'or  qu'ils  en  avaient  }-apporté,  n'y  retour- 
naient plus  de  peur  d'y  perdre  la  vie.  En  général,  de  vingt  navires  qui 
partaient  pour  les  lies  de  l'or,  il  n'en  restait  que  le  quart,  ces  voyages 
étant  extrêmement  périlleux;  on  ne  pouvait  les  effectuer  que  pendant 
une  mousson  qui  durait  trois  mois  et  seulement  avec  des  navires  de  très 
faible  tonnage  à  cause  des  nombreux  hauts-fonds  et  bancs  de  sable  qu'il 
y  a  là,  [entre  lesquels]  se  trouvent  de  très  étroits  passages  par  où  l'on 
fait  route.  Ces  passages  changeaient  de  place  chaque  année  par  suite  du 
déplacement  des  sables  (p.  370)  sous  l'action  des  courants  marins  pen- 
dant la  période  d'hiver  de  cette  région.  Quand  les  marins  étrangers 
arrivaient  à  entrer  ou  sortir  par  ces  passages,  un  jour  où  il  ne  faisait 
pas  très  beau  et  calme,  la  mer  furieuse  engloutissait  tout  ce  qu'elle  ren- 
contrait. Cependant,  bien  que  les  indigènes  de  Baros  lui  exposassent  les 
très  grands  dangers  qu'on  courait,  jaloux  [qu'ils  étaient  de  se  réserver] 
ce  commerce,  comme  il  le  comprit,  Diogo  Pacheco  ne  cessait  de  leur 
poser  de  nombreuses  questions,  autant  pour  son  instruction  personnelle 
que  pour  se  rendre  compte  s'il  n'y  avait  pas  quelque  contradiction  dans 
ce  qu'ils  racontaient.  Après  qu'il  en  eut  tiré  ce  qu'il  put,  comme  cette 
enquête  était  la  principale  raison  qui  l'avait  fait  s'arrêter  à  Baros  pen- 
dant quelques  jours,  il  piit  congé  du  roi  et  de  ses  gouverneurs  et  fil 
roule  en  longeant  la  côte  de  l'Ile. .  . 

'')  Pour  ces  étoffes,  cf.  mon  mémoire  Los  poids,  mesures  et  monnaies  des 
mers  du  Sud  aux  xvi'  et  wii'  siècles,  J.  As.,  dér.  190.0,  p.  203-2o3. 


-^H^(  132  )^-8^  [188] 

Pacheco  contourna  Sumatra  par  le  sud  et,  remontant  la 
côte  orientale  de  l'île,  retourna  à  Malaka,  sans  avoir  tenté  de 
découvrir  les  lies  de  l'or. 

En  juin  1621,  rapporte  encore  Barros  (décade  III,  liv.  IV,  chap.  m, 
p.  4i2),  arriva  de  Portugal  un  navire  apportant  des  instructions  du  roi 
D.  Manuel,  fr Entre  autres  choses,  le  roi  invitait  Diogo  Lopes  [de  Se- 
queira]  ...  à  charger  quelqu'un  d'aller  découvrir  les  lies  de  l'or  préci- 
tées qui  gisent  par  le  travers  («  través)  de  l'île  de  Sumatra;  car,  plusieurs 
personnes  qui  étaient  allées  dans  cette  région  de  l'Inde  {naquellas  partes 
da  India),  avaient  donné  grand  espoir  qu'on  pourrait  les  découvrir. . .  -n 

Les  Lenchs  da  India  «Les  légendes  de  l'Inde»  ont  trait  à  la 
période  comprise  entre  1/197  ^^  i55o.  Nous  savons  par  une 
indication  de  l'auteur  lui-même  qu'il  travaillait  encore  à  la 
rédaction  de  ses  Lendas  en  i56i  (cf.  1. 1,  p.  2  65).  Elles  ont 
été  publiées  par  les  soins  de  l'Académie  des  Sciences  de  Lis- 
bonne, le  t.  III  en  1862,  le  t.  IV  en  186/1;  'm-k\ 

(T.  III,  1"  partie,  p,  288,  chap.  11.)  Des  navires  de  France. 

En  l'année  qui  précéda  1697,  trois  navires  armés  en  corsaires  dont 
l'un  commandé  par  le  Portugais  Esteuâo  Dias  Brigas ,  partirent  de  France 
et  firent  route  à  destination  de  l'Inde . . . 

(P.  2  4o.)  ...  Le  second  navire  se  sépara  du  convoi  au  cap  de  Bonne- 
Espérance,  du  côté  du  Sud,  ne  sachant  plus  où  il  allait.  Il  prit  le  che- 
min des  côtes  de  l'île  de  Sumatra  et  arriva  à  l'Ile  de  l'or  dont  le  sable 
du  rivage ,  gros  et  petit ,  est  tout  en  or.  La  végétation  y  est  luxuriante  ; 
il  Y  a  de  grands  bois  (aruoredos),  des  rivières  d'eau  excellente,  beaucoup 
d'arbres  fruitiers  dont  les  fruits  sont  savoureux.  Les  habitants  sont  nus 
et  sauvages ,  ne  se  couvrant  que  d'étoffes  fabriquées  avec  des  feuilles 
d'arbres  (follias  d'heruas).  Ils  ne  mù-ent  aucun  obstacle  à  ce  qu'on  prît 
ce  qu'on  voulut.  Les  [marins  du  navire  français]  embarquèrent  autant 
d'or  qu'ils  voulurent  et  s'en  allèrent,  faisant  route  sans  savoir  dans 
quelle  direction  le  vent  leur  serait  le  plus  utile.  Ils  arrivèrent  ainsi  sur 
la  côte  de  Sumatra  en  pleine  détresse,  la  plupart  d'entre  eux  étant 
morts  ou  malades.  Le  navire  faisait  tant  d'eau,  qu'il  était  sur  le  point 
de  couler.  Ils  mirent  le  cap  sur  la  terre  pour  s'y  échouer;  mais  avant  d'y 
arriver,  ils  s'échouèrent  sur  un  banc  (de  sable  ou  de  roches)  oii  le 
navire  se  perdit.  Ceux  qui  pouvaient  travailler,  mirent  la  chaloupe  en 


189]  -^^«.(  133  ).«^~ 

état  et  vinrent  à  terre  avec  beaucoup  d'or  que  chacun  y  avait  rais.  [En 
arrivant]  à  terre ,  ils  moururent.  Des  barques  de  pêcheurs  qui  les  ren- 
contrèrent par  hasard,  emportèrent  i'or.  On  apprit  cela  à  MalaJia  par 
des  marchands  de  Sumatra  qui  venaient  y  trafiquer,  que  partout  on 
parlait  de  cotte  chaloupe  que  des  pêcheurs  avaient  trouvée  pleine  d'or 

et  que  les  hommes  qui  en  parlaient (e  que  os  homens  que  falauâo 

como  bombardeiros?).  On  amena  un  de  ces  individus  au  roi  d'un  pays 
(sic)  qui  le  fit  empaler  parce  qu'il  disait  qu'il  ne  saurait  pas  retrouver 
l'Ile  [de  l'orj.  On  apprit  e'galement  que  ceux  qui  découvrirent  celte 
Ile  de  l'or  n'appartenaient  pas  à  l'équipage  du  navire  commandé  par  le 
Portugais  Brigas. 

(T.  IV.  p.  3o6.)  [En  i5Zi3]  ...  [le  gouverneur  Martim  Afonso  de 
Sousa]  donna  l'ordre  à  Jeronymo  de  Figueiredo  de  partir  avec  un  galion 
et  trois  fustes ,  à  la  découverte  de  l'Ile  de  i'or  qu'on  disait  être  par  le  tra- 
vers (atraués)  de  i'ile  de  Sumatra,  au  large  de  Sumatra,  du  côté  de 
l'Ouest.  .  .  Au  moment  de  partir,  le  navire  [désigné  pour  cette  expédi- 
tion] faisait  tant  d'eau  que,  pendant  la  nuit,  il  coula  dans  la  rivière  [de 
Goa  oh  il  était  ancré  ...  On  le  remit  à  flot]  et  il  fut  réparé  et  prit 
ensuite  la  mer.  Le  directeur  des  finances  fit  informer  Diogo  Cabrai  qu'il 
avait  fait  faire  secrètement  des  trous  au  navire  et  celui-ci  coula  [en  mer]^'^ 

Il  est  question  d'îles  de  l'or  dans  un  curieux  mémoire  de 
Godinho  de  Eredia  (ou  Heredia)^-'  intitulé  :  Declaraçam  de 
Malaca  e  India  Méridional  com  o  Cathay  em  III  tract.  Le  texte 
portugais  avec  traduction  française,  sans  notes,  a  été  publié 
sous  ce  titre  :  Malaca,  l'Inde  Méridionale  et  le  Cathay,  édit.  et 
trad.  Léon  Janssen  d'après  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
Royale  de  Bruxelles,  avec  une  préface  de  Gh.  Ruelens;  Bru- 
xelles, in-/i°,  i88;i,  XIV  pages -f  8a  folios -[-  loo  pages,  avec 
ho  cartes  et  plans  cl  19  illustrations  de  l'auteur.  Ce  mémoire 
est  adressé  à  Philippe  111  de  Portugal  et  daté  de  Goa,  le  â/i  no- 
vembre 1610  (la  traduction  porte  par  erreur  :  a/i  décembre). 
Dans  ce  texte,  Inde  mcridionak  désigne  une  terre  et  des  îles 

(')  Ce  fonctionnaire  portujjais  avait  un  intérêt,  que  nous  ne  soupçonnons 
pas,  à  cmpèchor  le  d('part  du  galion. 

'-)  Sur  ce  porsonnnjjc,  cf.  Hamy,  Le  descohridor  Godinho  de  Eredia,  dans 
Bull.  Soc.  Géojrr.  de  l'avis,  juin  1878,  p.  5i6. 


-^«.(  13Zt  )<^—  [190] 

imaginaires  situées  au  sud  du  i  o^  degré  de  latitude  australe. 
La  seconde  partie  (p.  5/i  et  suiv.)  est  consacrée  à  cette  Inde 
méridionale.  Il  y  est  question  de  deux  îles  riches  en  or  :  Luca- 
antara  (lire  :  Luça  y4«tora=  javanais  Nusa  Anlara  «l'île  du 
milieu 77,  litt.  «l'île  entre  [d'autres  îlesjw)'^'  et  Luca  (^=-Luça, 
pour  Nusa  «île 55)  Veacli  =  Veak.  Dans  la  première,  oii  se 
rendit  un  prince  javanais,  «il  y  vit  beaucoup  d'or,  de  girofle, 
de  noix  muscade  imassanos=massa  nos'j,  de  sandal  blanc  et 
rouge,  d'autres  épices  et  aromates,  et  en  prit  des  échantillons  w 
(p.  58). 

La  description  de  l'île  de  Luca  Veach  vaut  d'être  reproduite 
intégralement  : 

Chapitre  vn.  De  l'île  de  Loca  Veach. 

(P.  63.)  ...  La'"'  navigation  était  suivie  entre  les  îles  d'Ende  (Flo- 
rès) et  Luca  Veach '^\  terre  produisant  de  l'or  eu  grande  quantité  :  on 
en  tirait  de  nomJjreux  lingots  de  ce  métal  par  des  échanges,  ainsi  que 
le  racontent  les  vieillards  d'Ende.  Ces  vieillards  rap[)ortent  l'aventure  de 
cette  harque  d'Ende  qui,  faisant  voile  vers  Luca  Veach,  fut  prise,  à  la 
hauteur  de  l'Ile  de  Saho'*',  par  une  violente  tempête.  Elle  ne  put  entrer 
nia  Saho,  ni  dans  le  port  deRajoam'^'  ni  à  Lucachancaua '"',  rivages 
qui  sont  en  vue  l'un  de  l'autie.  La  tourmente  l'entraîna  et  lui  fit  perdre 
de  vue  toutes  ces  îles.  Ensuite  ie  temps  se  calma,  les  vents  tombèrent. 
Pendant  trois  jours,  la  bai-que  égarée  navigua  de  part  et  d'autre,  puis 


(^)  C'est  l'ancien  nom  de  Madura ,  appliqué  ici  à  une  île  imaginaire. 

(^)  Je  reproduis  la  traduction  de  Janssen  en  la  rectifiant  par  des  notes. 

(^'  Pour  cette  ile ,  vide  infra. 

'*■)  God.  Sabbo.  La  carte  du  fol.  52  a  Sabo.  C'est  l'île  appelée  Savu,  Sawu  ou 
Rai  Hawu,  la  Savoe  de  nos  cartes,  entre  Sumba  et  Timor. 

(^)  Cod.  ilha  Rajoam  «l'île  de  Rajoam».  La  carte  du  fol.  5:2  a  Rajoan.  C'est 
l'île  Ranjmva  ou  Rai  Jua  du  groupe  des  îles  Savu. 

(^)  Luca  est  pour  /»m  =  javanais  mtsa  «îlen;  Chancana  est  vraisemblable- 
ment à  corriger  en  *Canc/ian«  =  À'flHtana.  Sur  la  carie  du  fol.  5tî,  ces  trois 
îles  et  une  quatrième  non  dénommée  sont  situées  par  Godinbo  au  nord  et  à 
peu  de  distance  de  l'île  de  Petau  et  au  Nord-Nord-Oucst  de  la  pointe  de 
Beacb. 


[191]  — «.(  135  ).«— 

elle  fut  poussée  à  Luca  (p.  64)  Veacli  où  les  marins  qui  montaient  rem- 
bai'cation,  débarquèrent  dans  un  village.  Ils  voulaient  faire  de  l'eau  et 
des  vivres  car,  pendant  la  tempête.  Us  avaient  tout  perdu  sauf  une  cer- 
taine quantité  de  fruits  d'une  espèce  de  [talmier  nommée  SivaUas'-^^  qui 
servaient  de  lest  au  bâtiment.  Ces  fruits  du  Sivallas  étaient  très  estimés 
h  Luca  Veach.  Ils  obtinrent  en  échange  de  leurs  Sivallas  ^-'>  autant  d'or 
qu'ils  en  voulurent  :  ce  métal  est  très  commun  à  Luca  Veach  où  le  gra- 
vier qui  se  trouve  au  pied  des  arbres  est  du  minerai  d'or  '^'. 

Cette  île  de  Luca  Veach  mesure  environ  8  lieues  espagnoles  de  circon- 
férence. Sa  terre,  qui  produit  des  minerais,  est  fraîche  et  en  partie 
boisée''^  :  elle  est  très  fertile  en  riz  et  en  grains  de  toutes  sortes,  bien 
plantée  de  palmiers ,  de  cocotiers  domestiques  '^'  et  d'une  grande  variété 
de  cannes  à  sucre.  De  nombreuses  et  fraîches  rivières  où  coule  une  eau 
excellente  et  où  se  trouvent  des  rochers  aurifères,  arrosent  le  pays,  et 
les  marins  d'Ende  y  firent  de  l'eau  ^°'. 

Une  autre  partie^''  des  habitants  sont  des  blancs  à  cheveux  blonds, 
avec  des  yeux  bleu  clair,  petits  de  taille,  nus  ou  mal  vêtus.  Ils  habi- 
taient des  maisons  couvertes  de  paille  et  vivaient  du  fruit  de  leur  tra- 
vail, cultivant  des  jardins  légumiers^''.  Parmi  eux  se  trouvent  égale- 
ment des  hommes  bruns,  mais  tous  parlent  la  même  langue  qui  est 
celle  de  Sabo  et  de  Rajoam  ''>.  Ils  emploient  le  fer  pour  fabriquer  les 
armes,  les  frondes,  les  dards  et  les  lances  dont  ils  munissent  la  pointe 
de  dents  de  poisson.  C'est  le  plus  riche  et  le  plus  puissant  d'entre  eux 
qui  gouverne  le  pays. 

Le  long  de  la  côte,  sur  une  largeur  de  i5o  pas  géométriques,  la  mer 

^'^  Cod.  dafructa  sivallas. 

'-)  Cod.  sivallas,  fructa  de  palmm  bravas  «sivallas,  fruit  de  palmiers  sau- 
vages. . .  ». 

'^)  Cod.  era  de  mettaes  de  ourn,  Htt.  ff était  do  métaux  d'or»,  était  en  or.  Il 
n'est  pas  du  tout  question  de  minerai. 

('')  Cod.  estava  fresca  echea  de  bosques  arvoredos  welle  était  fraîche  et  cou- 
verte de  forêts  [et]  de  bois:i. 

'^)  Cod.  de  cocos  domeslicos,  c'est-à-dire  de  cocotiers  cultivés. 

W  Cod.  e  tem  muytas  e  fresca  ribeyras  de  excelente  agoa  do  rochas  de  ouro, 
onds  fizerâo  aguada  trot  il  y  a  de  nomlircuses  et  fraîches  rivières  d'oau  excel- 
lente [sourdant]  de  rochers  on  or,  où  [les  marins  étrangers]  liront  de  l'eau». 

'')  Cod.  E  a  gente  algua  «(juel(jues-uns  des  habitants». 

(^)  Cod.  com  grangeria  de  orlas,  ils  vivent  de  leurs  labeurs  et  travaux  [qui 
consistent]  «ou  «ullure  do  jardins»  ;  ils  vivent  du  produit  de  leurs  jardins. 

^°'  Cod.  de  lla,joa6  (sic,  pour  lia]oâo)  e  Sabbo. 


.(  136  ).^+—  [192] 

qui  baigne  cette  île  est  remplie  d'une  espèce  de  corail  '''  recouvert  de 
varech,  ce  qui  gêne  le  débarquement  dans  le  port  de  Luca  Veach.  Pour 
que  l'embarcation  pût  atterrir,  il  fallut  couper  les  branches  de  ces  varechs 
et  s'y  frayer  un  passage.  De  cette  façon,  la  barque  toucha  terre  el  revint 
sans  encombre ,  car  il  n'y  avait  pas  d'autres  récifs  ni  bancs  de  sable  sur 
iacôte''-'. 

Après  que  l'embarcation  eut  un  chargement  suffisant  d'or,  elle  quitta 
Luca  Veach.  Mais,  assaillis  par  une  nouvelle  tempête,  les  marins  furent 
obligés  de  jeter  leur  or  à  la  mer  '^^  Ils  n'en  gardèrent  que  ce  qui  était 
nécessaire  pour  lester  la  barque  et  regagnèrent  Sabbo  quand  le  temps 
se  calma.  Us  y  déchargèrent  leur  or  dont  il  y  avait  encore  une  telle 
quantité  que  tous  les  habitants  de  Sabbo  en  furent  frappés  (p.  65) 
d'étonnement.  La  vue  de  ces  richesses  leur  donna  l'intention  de  faire 
une  nouvelle  expédition  vers  Luca  Veach,  mais  ils  ne  donnèrent  pas 
suite  à  leur  projet  à  cause  de  l'ignorance  des  habitants ,  qui  ne  savaient 
ni  la  latitude  ni  la  configuration  de  Luca  Veach.  EnGn  cette  île  s'appelle 
ainsi  parce  que,  dans  la  langue  de  Sabbo  et  de  Java^''^  Luca^^''  signifie 
(fîlen  et  Veach  veut  dire  cfd'om  ^^K 


(^)  Cod.  de  certos  coraes  falsos  «de  certains  faux  coraux». 

'^)  Cod.  per  nào  haver  outras  restingas  «car  il  n'y  avait  pas  d'autres  récifs". 

^^'  Le  jet  de  l'or  à  la  mer  a  pour  but  d'apaiser  la  tempête.  C'est  un  thème 
de  folklore  bien  connu,  qui  est  généralement  à  trois  motifs  :  I.  Motif  de 
l'arrivée  dans  une  île  ou  un  pays  inconnus;  II.  Motif  de  l'enlèvemont  par  les 
étrangers  du  produit  caractéristique  de  l'île;  III.  Jet  obligatoire  du  produit 
en  question  pour  apaiser  la  tempête  occasionnée  par  l'enlèvement  de  ce  pro- 
duit. Dans  le  cas  présent,  comme  il  s'agit  d'un  voyage  de  chercheurs  d'or, 
Godinho  raconte  qu'il  en  fut  conservé  une  certaine  partie  à  titre  de  lest ,  pour 
montrer  aux  indigènes  de  Sabo  que  Luca  Veach  est  l'île  de  l'or  qu'on  recherche. 
Sur  un  thème  de  folklore  parallèle,  cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  II,  p.  299, 
3 10  et  4 10.  Dans  ces  trois  passages,  les  roses  magiques  disparaissent  par  com- 
bustion instantanée  dès  qu'elles  sont  portées  hors  de  la  roseraie  {supra,  LU, 
p.  68;LVII,p.  69;LXXIV,  p.  77). 

W  Le  texte  a  :  chez  les  indigènes  de  Ende  =  Flores,  de  Sabbo  et  de  Java. 

W  Luca  est  pour  /«ça  =  javanais  nusa  «île».  Nusa  n'est  usité  qu'à  Java, 
Madura  et  à  Madagascar  (nûsi).  Partout  ailleurs,  «île"  est  généralement  désigné 
sous  le  nom  de  pulaw,  pulo  ou  par  une  variante  dialectale  se  rattachant  à  ce 
thème. 

W  En  indonésien,  le  nom  de  l'or  se  rattache  aux  types  suivants  : 

I.  Malais  mas,  ^mas ;  javanais  ëmas;  bisaya,  dayak,tagal  amas;  batak  ornas; 
makassar  amasaq;  vieux-bugi  masa;  bësëmah  ëmas,  rëmas.  Cf.  khmèr  wuw, 


[193]  -^>{  137  )k^»— 

Chapitre  viii.  Certificat  relatif  à  l'île  de  Luca  Veach. 

Pendant  que  je  commandais  la  forteresse  d'Ende  [ou  Flores],  les 
habitants  les  plus  honorables  et  les  mieux  placés  de  celte  Chrétienté 
rendirent  compte,  à  moi,  Pedro  de  Cai'valhaes,  comme  il  suit,  du  fait 
de  la  découverte  de  l'Ile  d'or  [lire  :  Ile  de  l'or]  ou  Luca  Veach. 

Une  petite  embarcation  avec  quelques  marchands,  chassés  du  port  de 
Sabbo  par  les  vents,  la  tempête  et  de  violents  courants,  s'égara,  perdit 
de  vue  la  terre  et,  naviguant  la  proue  au  Sud,  pendant  environ 
3o  lieues '*',  rencontra  Pulo  Cambin<"\  une  île  dans  laquelle  il  n'y  a 
que  des  chèvres.  Puis  continuant  sa  route  au  Sud ,  après  avoir  parcouru 
environ  la  même  distance  encore ,  elle  trouve  Pulo  Nhior  ^^\  autre  île 
déserte  dans  laquelle  croissaient  des  cocotiers.  Plus  avant,  la  barque  en 
question  rencontra  l'île  Pulo  ïambini''',  peuplée  de  femmes,  et  puis 
après,  apparut  Luca  Veach. 

cam  m(yh;  bahnar,  jarai  (chréai),  halaii  de  rindochine  mah;  mas,  mds,  amas 
dans  les  dialectes  de  la  péninsule  malaise,  trorn;  kawi  mâs. 

II.  Dayak,  katinan  bulan;  magindanao  et  bolaaii-moàondu  bulawan;  bugi 
ulaivëii;  bontenaii  wulën  «orn. 

III.  Vieux-bugi  taneyo  ou  tuhkexjo <Cey()h  «briller». 

IV.  Vieux-bugi  wara-wara  <CvDara  «charbon  ardent)?. 

V.  Malgache  vulamena,  litl.  argent  rouge,  sumba  amas  rara,  Htt.  or  rouge 
=  tt  or». 

VI.  Vieux-bugi  rupajati,  magindanao  kancana,  dayak  (mot  religieux)  rawia 
«or»,  empruntés  respectivement  à  skv.  jâta  rûpa  «or»,  kâncana  «or»,  ilravya 
«objet,  richesses». 

Cf.  R.  Brandstetter,  Mata-Hari,  Lucerne,  1908,  in-8°,  p.  8-9;  Aymoniek- 
Caiîaton,  Diclionnah-e  cam-français ,  s.  v°  mo'h;  G.  0.  Blagden,  Comparative 
vocahulary  of  aboriginal  dialects,  dans  Skkat  et  Blagden,  Pagan  races  of  ihe 
Malay  peninsula ,  Londi'cs,  1906,  in-8°,  t.  II,  p.  621,  n°  G^,  s.  v°  gold.  Veach 
n'a  donc  rien  de  commun  avec  le  nom  de  i'or  en  indonésien. 

'')  Cod.  pouco  menas  de  3o  legoas  «un  peu  moins  de  3o  lieues». 

^^)  Cod.  Pulo  Cambim  (  sic)  de  cabras  «l'ulo  Cambim  [ou  île]  des  chèvres». 
Pulo  Cambim  est  la  transcription  portugaise  de  Pulaw  Kambih,  qui  signifie  en 
effet  «île  des  Chèvres».  Celle  île  figure  sur  la  carie  de  Godinho,  du  fol.  /i8  v°  : 
elle  est  située  au  Nord  de  la  pointe  orientale  de  ïimor.  Il  existe  en  effet  une 
île  de  ce  nom  dans  la  Résidence  de  Timor  et  dépendances.  Elle  est  également 
appelée  Hoogciland. 

'^'  Cod.  Pulonkior  de  cocos  «Pulonhior  [ou  ile]  des  cocos»  =  Pa/aw  niynv, 
qui  signifie  «île  des  Cocos».  Celle  île  el  la  précédente,  où  reparaît  le  terme 
malais  pulaw,  au  lieu  du  javanais  nusa,  ne  figurent  pas  sur  la  carte  du  fol.  52. 

'*'  Cod.   i^alo  lambini  de  molhcres  «Pulo  Tambiul  [ou  ile]  des  Femmes».  Lu 

M.  G.    KLnRANl).  10 


^«.(  138  ).«—  [194] 

Les  uavigateurs  y  aperçurent  notamment  riieureiise  montagne  d'or, 
et  les  gens  de  Sabbo  qui  montaient  la  barque  mirent  pied  à  terre  dans 
le  port,  où  ils  virent  une  telle  quantité  d'or  qu'ils  en  demeurèrent 
frappés  d'étonnement.  Ils  en  chargèrent  autant  qu'ils  voulurent  et  tant 
que  le  navire  en  put  supporter  le  poids.  Puis,  poussés  par  les  vents  du 
Sud,  la  barque  regagna  le  port  de  Sabbo.  Cette  expédition  enrichit  cette 
terre,  qui  n'était  pas  très  riche  par  elle-même.  Aujourd'hui  encore,  tout 
l'or  qui  se  trouve  à  Sabbo  est  celui  qui  provient  de  l'expédition  de  cette 
dite  barque  à  Luca  Veach. 

(P.  66.)  Les  susdits  navigateurs  rapporleut  qu'il  se  trouve  à  Luca 
Veach  un  pic  élevé,  qui  est  une  montagne  massive  d'or.  C'est-à-dire  que 
ce  métal  s'y  trouve  en  telle  quantité  qu'il  est  répandu  dans  les  pierres 
en  gros  filons  et  en  veines  considérables. 

Sous  l'action  du  temps,  cet  or  a  été  mis  à  nu  et  fait  resplendir  la 
montagne  à  tel  point  que  de  loin,  sous  la  réverbération  du  soleil,  elle 
apparaît  comme  un  brasier  eu  feu. 

Sur  CCS  informations,  je  fis  apprêter  de  suite  doux  embarcations  à 
rames,  bien  approvisionnées,  avec  des  pilotes  et  des  marins  d'Ende  [ou 
Flores]  et  d'autres  officiers  pour  faire  le  voyage  de  Luca  Veach.  Alors 
que  les  embarcations  étaient  déjà  prèles  à  lever  i'aucre  et  à  faire  voile, 
les  pères  de  l'ordre  des  Dominicains,  comme  vicaires  de  cette  Chrétienté 
et  administrateurs  des  pays  du  Sud,  me  supplièrent  avec  la  plus  grande 
insistance  de  ne  pas  elîectuer  ce  voyage,  disant  que  les  Chrétiens  qui 


carte  du  fol.  52  a  :  Lucatambini  =  Nusa  TamLim,  I.  de  Molheres.  C'est  la 
légendaire  lie  des  Femmes  dout  Ercdia  a  voulu  parler.  Le  javanais  bini  signifie 
bien  «femelle,  femme 55;  mais  tambini  n'a  pas  ce  sens.  La  géo[jraphie  légen- 
daire des  Javanais  à  laquelle  Ercdia  a  fait  cet  emprunt  maladroit  connaît  une 
Nusa  Tambini.  C'est  la  Nusa  Tambini  où  Aji  Çaka,  fbindou  civilisateur  des 
Javanais,  s'établit  en  fan  10  do  l'ère  qui  porte  son  nom  [=  88  de  notre  ère] 
(cf.  Raffles,  Historij  of  Java,  Londres,  1817,  in- A",  t.  II,  p.  ?.3i),  la  Nusa 
Tambina  du  cycle  léjjcndaire  de  Panji  oîi  le  brahmane  Kanda  (appelé  aussi 
Sakendo  et  Salirli),  protecteur  du  râja  de  Nusa  Kancana  ttl'ile  de  i'or» ,  alla 
faire  pénitence  au  ix°  siècle  [ibid.,  p.  90).  Dans  un  manuscrit  en  javanais 
moderne  contenant  un  fragment  du  cycle  de  Panji,  il  est  question  de  Wando, 
princesse  de  Teml)ini  {apud  ms.  cmlix  [cod.  Si^a],  dans  H.  H.  Jcynboll, 
Supplément  op  den  catalogus  van  de  Javaansche  en  Madoereesche  Handschriften 
der  Leidsche  Universiteits-Bibliothcch,  t.  II,  Leyde,  1911,  in-8%  p.  78).  Et  c'est 
évidemment  cette  Nusa  Tambini  ou  Tëmbini  qui,  par  un  contre-sens,  est 
devenue  rSile  des  Femmes»  de  Eredia. 


[195]  --«.(  139  )<^— 

s'y  aventureraient,  ne  connaissant  pas  la  navigalion  de  cette  raer<''  et 
la  situation  de  Luca  Veacli ,  courraient  à  une  perte  certaine  et  trouve- 
raient la  mort  sur  cet  océan.  Par  respect  pour  la  requête  solennelle  de 
ces  religieux,  j'abandonnai  mon  dessein  et  le  voyage  vers  cette  île  si 
riche  de  Luca  Veach  ou  ile  d'or,  n'eut  pas  lieu^">. 

Le  descobridor  Emanuel  Godinlio  de  Eredia  m'ayant  demande  cette 
de'claration  pour  le  bien  de  son  voyage  et  de  son  entreprise  et  pour 
le  service  du  Roi,  je  jure  par  les  Saints  Evangiles  que  tout  ceci  est  la 
vérité  et  j'ai  scellé  les  présentes  de  mon  sceau  ci-dessous. 

Malaca,  le  h  octobre  1601. 

Pedro  de  Carvalhaes. 

Pedro  de  Carvalhaes  était  sans  doute  de  bonne  foi;  mais  il 
va  de  soi  que  l'île  de  l'or  en  question  est  purement  imaginaire; 
imaginaire  aussi  le  voyage  de  Eredia  à  Luca  Veach.  Tout  cela 
est  du  folk-lore  transformé  en  réalité  par  un  métis  ambitieux  à 
la  recherche  de  dupes.  Le  résultat  final  est  décisif  dans  ce  sens  : 
Godinho  de  Eredia  ne  retourna  jamais  dans  l'ile  en  question. 

Les  Portugais  navaient  naturellement  pas  découvert  les 
fameuses  Iles  de  l'or.  Les  Hollandais  eurent  sans  doute  vent 
des  projets  d'expédition  en  Eldorado  de  leurs  prédécesseurs  et 
mirent  aussi  la  question  à  l'étude.  Le  Dagh-Register  gehouden 
int  Casteel  Batavia  vaut  passeremk  cher  ter  plaetse  ah  ovcr  te 
geheel  Nederlants-Iitdia  anno  1  636  ^f.  Journal  tenu  dans  le  Château 
de  Batavia  de  ce  qui  s'est  passé  à  Batavia  même  ainsi  que 
dans  les  Indes  néerlandaises  tout  entières  pendant  l'année  i636  » 
(édit.  H.  T.  CoLENBRANDER,  's-Gi'avenhage ,  18 9 9,  gr.  in-8°, 
p.  10/1)  fait  mention,  au  mois  de  juin,  d'un  projet  de  décou- 
verte de  l'ile  riche  en  or  et  argent  (^fiet  goiit  ende  sdverrljck  eij- 
landiy^K  On  songe  à  charger  de  ce  soin  le  commandaut  Ma- 

(')  Cotl.  como  ignorantes  daqudla  narifraçâo. 

'"^)  La  raison  invoqm-e  pour  empêcher  ce  nouveau  voyage  à  Luca  Veach,  est 
dilliciiement  acceptable.  11  y  a  lieu  de  remarquer  qu'il  n'est  pas  question  dans 
ce  procès-verbal  de  la  tempête  qui  oblifrea  les  marins  de  Sabbo  à  jeter  à  la 
mer  la  plus  [jra.ule  partie  de  i'or  recueilli  dans  l'ile  mcrveilltuse. 

(^'  L'édileur  ajoute  en  note  :  «Cf.  Lbv)pk,  Ileue  van  Maarlen  Gemlz»,  p.  3 


10. 


_^  lliO  )k^—  [196] 

ihijs  QuAST  avec  les  navires  Grol  et  Waterloose  Werve.  Suit  ce 
curieux  renseignement  :  «On  rapporte  que  l'île  aurifère  et 
argentifère  gît  par  87°  1/2,  à  environ  /loo  milles  à  l'est  {^bij 
oosteii)  du  Japon.  ?) 

D'après  les  renseignements  recueillis  par  Diogo  Pacheco 
sur  la  côte  occidentale  de  Sumatra ,  les  Iles  de  l'or  devaient  se 
trouver  «à  peu  près  à  cent  et  des  lieues  au  sud-est  du  port  de 
Baros»  (^supra,  p.  187).  Pendant  les  cent  et  quelques  années 
qui  ont  suivi  l'infructueux  voyage  du  capitaine  portugais,  la 
région  au  sud-est  de  Sumatra  a  été  parcourue  en  tous  sens  et 
aucune  île  aurifère  n'y  a  été  découverte;  mais  la  légende  de 
l'Ile  ou  des  Iles  de  l'or,  que  justifient  dans  une  certaine  mesure 
les  arrivages  de  poudre  et  de  lingots  d'or  à  Malaka,  conserve 
ses  fidèles  parmi  les  gens  de  mer  et  les  marchands  européens. 
Les  îles  de  l'Indonésie  n'ont  pas  fourni  encore  de  richesses  com- 
parables aux  fabuleux  trésors  des  Indes  occidentales;  mais 
l'enthousiasme  des  découvreurs  n'en  est  pas  atteint  :  leur  foi 
reste  entière  et  leur  zèle  ne  se  dément  pas.  Ceux  qui,  comme 
le  signataire  de  ces  bgnes,  ont  vu  de  près  les  prospecteurs  du 
Transval  et  de  Madagascar,  peuvent  témoigner  de  la  touchante 
crédulité  des  chercheurs  d'or;  et  leurs  lointains  prédécesseurs 
des  xv'  et  xvi°  siècles  n'étaient  pas  moins  crédules.  L'insuccès 
des  expéditions  portugaises  n'a  découragé  personne.  Leur 
unique  résultat  pratique  est  d'avoir  montré  qu'il  n'y  a  pas 
d'Iles  de  l'or  dans  i'InsuHnde;  mais  qu'à  cela  ne  tienne;  elles 

et  35-io;  Heeres,  Life  and  labours  of  Abel  Jansz.  Tàsman,  p.  i5-305).  Je  n'ai 
pas  eu  occasion  de  consulter  ces  deux  ouvrages.  M.  Paul  Pelliot  a  eu  Tobli- 
geance  de  me  signaler  le  mémoire  de  0.  Nachod,  Ein  unentdeckles  Goldland 
{  Mittheilungen  dcr  Deutschen  Gesell.  fiir  Nalur-  und  Volkerkunde  Oslasiens, 
Tokyo,  t.  VII,  3'  part.,  p.  3ii-i5i),  où  on  retrouvera  l'historique  des  expédi- 
tions envoyées  à  la  recherche  de  la  légendaire  lie  de  l'or,  depuis  le  projet 
hollandais  de  Versteegen,  en  i635,  jusqu'aux  voyages  de  La  Péiîouse,  Anson, 
Brocguton,  von  Krhsenstebn,  John  Meares;  et  la  liste  des  documents  et 
cartes  ayant  trait  à  l'Ile  de  l'or,  de  i587  à  iSgT)  !  La  première  des  expéditions, 
celle  de  Diogo  Pacueco  {supra,  p.  i8(3),  n'y  figure  pas. 


[197]  — «•(  làl  ).€-H— 

n'en  existent  pas  moins  et  la  recherche  continue.  L'Ile  de  l'or 
ne  peut  être  que  difficilement  accessible  :  la  rumeur  publique 
la  situera  donc  à  Aoo  milles  à  Test  du  Japon,  dans  quelque 
terre  insulaire  du  Pacifique,  où  on  ne  la  trouva  pas  davantage. 
La  vraie  merveille  de  la  légende,  c'est  que  les  Portugais  et 
Hollandais  des  xvf  et  xvn"  siècles  ne  soupçonnaient  pas  encore 
la  richesse  aurifère  du  sud  de  Sumatra,  où  tant  de  fois  ils 
firent  escale.  Le  secret  fut  rigoureusement  gardé,  tant  par  les 
Sumalranais  que  par  les  trafiquants  musulmans  avec  lesquels 
ils  traitaient.  En  Indonésie  comme  en  Afrique,  l'européen  est 
considéré  comme  un  ennemi;  le  musulman  ou  l'hindou  ont 
seuls  la  confiance  de  l'indigène.  Ainsi  ce  trafic  d'or  qu'on  cache 
jalousement  aux  marins  d'Europe,  a  été  connu  d'un  moine 
chinois  dès  la  fin  du  vn^  siècle  (LXXVII,  LXXXVIII,  p.  178) 
et  il  est  révélé  aux  marins  arabes  par  Bîrûnî  (XLIII,  p.  6/j) 
et  surtout  par  les  Instructions  nautiques  de  Sulaymân  al-Maurî 
(sufra,  p.  102),  quelque  cent  ans  avant  l'époque  où  le  com- 
mandant Mathijs  QuAST  est  chargé  d'aller  rechercher  l'Ile  de 

l'or  à  l'est  du  Japon. 

Le  Kitâh  al-minhftj  de  Sulaymân  al-Maharî  a  une  courte  section 
(Juâj)  consacrée  aux  distances  entre  certains  ports  de  l'Océan 
Indien  (ms.  2 5 69,  fol.  22  r°).  Aux  lignes  G-7,  il  est  dit  ceci  : 
4^«>Jî_5  (_^^jJO()yxj  J-iL^^  ^y^  ijy-^*-^  Jjwt^-uJî^  (^^3  j5j-^  JJl^ 
^b  u^y^^  «comme  [entre]  les  îles  Zurïn  et  les  Sawâhil  (côte 
orientale  d'Afrique),  il  y  a  60  zmn  [=  180  heures  de  route] 
de  distance;  comme  entre  [l'ile  de]  Tayzam-turî  et  les  Mal- 
dives, il  y  a  20  zâm  [==  60  heures  de  route]  de  distance 55. 

Dans  la  Hâwiija  de  Ibn  Mâjid  qui  est  datée  du  1 3  septembre 
1/162,  la  même  île  est  également  mentionnée  (ms.  2292, 
fol.  107  v°,  vers  10)  : 

^';  U^/^  iS^y  («'0  fj^''  (:J^^  U-^^ 

Entre  elle  (Fane  des  Maldives  cilée  au  vers  précédent)  et  Tayzam- 
tûrï,  il  y  a  20  zâm. 


— «.(  142  ).«—  [198] 

En  marge  de  ce  vers,  une  main  étrangère,  très  différente 
de  celle  du  copiste,  a  écrit  :  t-^*x)l  Sjj^rs- =  o>jft<xM  iy^  «l'île 
de  Torw.  Sïdï  'Alï,  dans  son  Miihït,  nous  a  conservé  la  légende 
de  cette  île  de  l'or  : 

[Le  sol  de]  l'île  de  Tayzam-tùrï  est  connu  comme  terrain  aurifère, 
comme  il  ne  peut  pas  y  en  avoir  un  second  au  monde.  On  raconte  qu'une 
fois,  un  commerçant  indien  était  ailé  pour  affaires,  du  port  de  Surat  de 
la  province  de  Guzerate,  dans  les  districts  du  Bengale.  Comme  il  reve- 
nait du  Bengale  [à  Surat]  avec  des  marchandises,  sa  route  le  fit  passer 
devant  l'île  de  Tayzam-tûrï.  Le  marchand  jeta  l'ancre,  vint  sur  l'île  et 
s'empressa  de  faire  cuire  son  repas.  La  chaleur  du  feu  fit  entrer  l'or  en 
fusion  et  il  coula  de  tous  les  côtés.  Lorsque  celui-ci  vit  cela,  il  jeta  par 
dessus  bord  toutes  les  marchandises  qui  se  trouvaient  sur  le  navire  et 
le  chargea  avec  la  terre  de  l'île.  Lorsque,  avec  l'aide  d'Allah,  il  fut  de 
retour  dans  le  port  de  Surat,  il  donna  au  Fadisâh  du  Guzerate  une  par- 
tie [de  la  leri'e  lapportée]  et  fit  construire  dans  le  port  de  Surat  un 
talàw  profond,  c'est-à-dire  un  gigantesque  bassm  tout  en  pierre  pour 
lequel  il  avait  dépensé  sur  la  part  qui  lui  restait  un  kulûr,  c'est-à-dire 
100  lak  [=  lo  millions  de  pièces  de  monnaie].  On  n'avait  jamais  vu 
encore  dans  le  monde  entier  une  construction  semblable  (trad.  Bittner, 
dans  mes  Relations  de  voyages,  t.  II,  p.  54 1). 

En  fait,  ni  Ibn  Mâjid,  ni  Sulaymân  al-Mahrî  ne  men- 
tionnent cette  île  de  l'or  purement  légendaire;  leurs  Instruc- 
tions nautiques  sont  des  travaux  scientifiques  où  la  réalité  seule 
est  enregistrée.  L'amiral  turk,  au  contraire,  ne  néglige  pas 
le  folk-lore;  il  a  Intercalé  cette  disgression  sur  l'île  de  Tay- 
zam-tùri  dans  le  passage  du  Kilâb  al-minhâ]  qu'il  est  censé  tra- 
duire, sans  prévenir  le  lecteur  qu'il  s'agit  d'une  addition  de 
fon  cru. 

Cette  croyance  en  l'île  de  l'or  était  si  fortement  ancrée  dans 
l'esprit  des  découvreurs  des  xvii'  et  xvnf  siècles,  qu'on  la  trouve 
portée  sur  des  cartes  européennes  et  même  sur  des  caries 
marines.  Godinlio,  par  exemple,  inscrit  près  de  la  côte  occi- 
dentale de  sa  ç^ Sumatra  moderne»  (fol.  2/1  v"  de  la  Decinraçam) 


[199]  — «.(  U3  )^-»— 

un  archipel  situé  entre  i°  et  ;2°  de  latitude  Nord  et  correspon- 
dant à  peu  près  à  l'ile  de  Nias,  au-dessous  duquel  est  noté 
«ouroîi.  Non  loin  de  là,  entre  l'équateur  et  i°  Sud,  une  autre 
île  est  appelée  «Pulomâs 55  =  malais  Pûlaw  mas,  «île  de  l'or 55 
—  c'est  probablement  la  Tanah  Masa  de  Tarchipel  des  Batu. 
Linschoten,  qui  a  beaucoup  emprunté  aux  Portugais,  a  inscrit 
sur  sa  carte  de  l'Extrême-Orient  une  «Beach  prouincia  auri- 
fera»,  située  droit  au  sud  de  Java,  entre  16°  et  20°  de  latitude 
méridionale.  C'est  évidemment  la  Veach  ou  Beach  de  Go- 
dinho;  la  partie  méridionale  de  cette  «province  aurifère»  se 
confond  avec  le  cadre  de  la  carte  et  l'on  ne  sait  s'il  s'agit  d'une 
île  ou  d'un  continent.  Cette  hantise  des  îles  de  l'or  se  manifeste 
encore  à  la  fin  du  xvnf  siècle  dans  les  cartes  marines  de 
\ Oriental  Pilot.  Elles  figurent  sur  la  carie  82  ,  entre  1° et  2" Nord 
et  respectivement  par  92°  3  0',  87°  et  83°  de  longitude  : 
«Ouro  according  to  the  Dutch.  [Incertain  55 ,  «Another  Ouro 
equally  uncertainw,  «Ouro  or  Owra.  According  to  the  English. 
Ils  Situation  and  existence  Uncertain  »  (cf.  également  la  carte  /i  7 
du  même  atlas).  La  carte  1  7  est  intitulée  :  A  chartofthe  Indian 
ïslands,  with  the  Coasts  of  the  Continent  from  Cahninera  Point  to 
Amoye  in  China,  draivn  from  the  Best  Journals  and  Remarks  of 
Navigators,  ascertained  hij  astronomical  observations,  and  improved 
from  the  last  édition  of  the  Neptune  Oriental  o/'Mons''  D'après  de 
Mannevillette.  Sur  celte  carte,  entre  82"  et  93°  de  longitude 
orientale  de  Londres,  et  o''3o'  et  2°  de  latitude  nord,  sont 
inscrits,  de  l'est  à  l'ouest,  trois  îles  ou  groupes  d'îles  avec  les 
inscriptions  suivantes  :  «Ouro  [portugais  «orw]  according  to 
the  Dutch»,  «another  Ouro  e(|iially  uncertain»  et  «Shoal  of 
Ouro  uncertain».  C'est  évidemment  un  souvenir,  transmis  par 
les  Hollandais  (d'après  le  cartographe  anglais),  des  lies  de  l'or 
que  chercha  vainement  Diogo  Pacheco. 

Le  ioWLî  ics^l\  et   le  ^l^i  v^  ^^  Sulaymân  al-Maharî 
consacrent  chacun  une  section  aux  îles  Zarîn. 


-_«.(  IM  ).«^  [200] 

Le  premier  texte  (ms.  a 55 9,  fol.  92  v°,  i.  12)3: 

Ci>L>l^3  v-»<:îs£\i  *m    vAX>  kii^lfi  '-â>>y»  <L«^\£  /s^^  3Jt^  (^**'  (J^j3  ^r?*" 

Jj-^js!  caJ^  (jl5C«  JS"  yî  jt^î^  J^^  ^  (^î  ^i  /*^>^ï*j  (^^  J^W 

Section  traitant  de  la  connaissance  des  îles  Zarïn.  Elles  gisent  par 
a  xshd  des  Farâkid  [—environ  h"  18'  snd].  On  dit  que  ces  îles  Zaïïn 
sont  au  nombre  de  7.  En  ce  qui  concerne  les  abords  de  ces  îles  [,  ils 
sont  les  suivants]  :  quand  on  en  approche,  l'eau  change  [de  couleur] 
et  elle  devient  verle.  Comme  [autre]  abord  des  côtes  [de  ces  îles],  il  y 
a  encore  des  jàijât  (algues).  Entre  ces  îles  et  la  côte  [africaine],  il  y  a 
60  zàm  \=  180  heures  de  route].  J'ai  entendu  dire  par  des  gens  dignes 
de  foi  que  par  3,  â,  5  uhd  des  Farâkid,  gisent  des  îles  (fol.  28  r") 
éparses ,  échelonnées  depuis  l'alignement  des  îles  Zarîn  dans  la  direction 
de  la  côte  [d'Afrique].  Certains  disent  que  ce  sont  des  îles  de  sable. 
Sache  que  toute  région  écartée  est  inconnue  1 

Le  second  texte  (ms.  2559,  fol.  78  v"  mjra)  est  identique 
au  précédent  : 

^^jf^  ^Sà^s.  i^j^i^  (jUx.«î  (^^^  yi^XSjiJI  c^;;;))^  (5*  jSa:> 

ci>l-«!5VjcJl  *Jui  (j-g-^Afi  tjj.J>  i^A^  ^\^  {j*^  [j^'j  *^.^  (:^â-*^^  ')j^ 

J.AÎ  /vJr^  vLaMrf  ^^  cyiJ^'-^^  ejlij.ÀA^  ^j^  X»M^^  **0l5 

Section  traitant  des  îles  Zarïn.  Elles  gisent  par  2  ishd  des  Farâkid 
[=  environ  4°  18'  sud].  On  dit  que  ces  îles  sont  au  nombre  de  7.  Entre 
ces  îles  et  la  [côte  africaine],  il  y  a  60  zâm  [=  180  heures  de  route]. 
En  approchant  de  ces  îles,  surviennent  des  abords  comme  l'abord  des 
terres.  J'ai  entendu  dire  à  qui  connaissait  ces  questions  par  expérience ,  que 
par  3 ,  4 ,  5  ishd  des  Farâkid ,  gisent  des  îles  éparses  qui  s'échelonnent 
depuis  l'alignement  des  îles  Zarin  dans  la  direction  de  la  côte  [d'Afrique]. 


[201]  --«.(  1/j5  ).«— 

D'après  la  position  de  ces  îles  indiquée  par  Sulaymân  al- 
Mahrï,  on  ne  peut  guère  les  identifier  qu'au  groupe  insulaire 
des  Seychelles,  au  nord  de  Madagascar.  Leur  nom  de  ^^,j^  ^y^ 
juzr  Zarln  est  intéressant.  Zarïn  n'est  pas  arabe,  mais  il  est 
aisé  d'y  retrouver  le  persan  ;)  zer  «orjj,  ^^jj  zerîn  «d'or» 
(aureus).  Les  Instructions  nautiques  arabes  sont,  à  ma  connais- 
sance, les  seuls  textes  orientaux  qui  en  fassent  mention.  Les 
Seychelles  n'ont,  je  crois,  jamais  livré  un  gramme  d'or.  Ce 
toponyme  injustifié  est  sans  doute  la  localisation  dernière  de 
la  légende  des  Iles  de  l'or,  qu'on  a  successivement  situées  au 
sud-est  de  Sumatra,  au  sud  de  Java,  à  l'est  du  Japon,  au  sud 
de  l'Inde,  entre  Sumatra  et  Geylan  et  enfin  aux  Seychelles, 
l'événement  montrant  chaque  fois  que  les  indications  fournies 
par  les  indigènes  étaient  erronées  :  le  secret  était  hien  gardé. 
Ce  n'est  que  plus  tard  que  fut  révélée  la  richesse  aurifère  de 
Sumatra  :  les  marchands  sumatranais,  musulmans  et  hindous 
avaient  réussi  à  la  cacher  aux  découvreurs  européens  en  quête 
de  l'Eldorado  oriental. 

ESQUISSE  HISTORIQUE. 

D'après  les  textes  qui  précèdent  et  quelques  autres  qu'on 
utilisera  plus  loin,  il  est  possible  de  retracer  dans  ses  grandes 
hgnes  l'histoire  de  l'ancien  empire  sumatranais  de  la  seconde 
moitié  du  vii^  au  xv^  siècle.  La  période  antérieure,  du  début  de 
notre  ère  à  &lili,  date  de  l'envoi  de  la  première  ambassade  à 
la  cour  de  Chine  par  le  Malâyu,  est  reconstituée  grâce  à  une 
interprétation  nouvelle  de  documents  sanskrits,  grecs  et  chi- 
nois. J'ai  indiqué,  pour  chacun  d'eux,  le  coellicient  de  certitude, 
de  presque  certitude  ou  de  vraisemblance  que  présentent  les 
solutions  qu'on  propose.  Quant  aux  origines  mêmes  du  Çrivi- 
jaya  et  du  Malâyu,  elles  nous  restent  complètement  inconnues, 
faute  de  documentation  à  cet  égard. 


__^(  U6  )k^—  .  [202] 

Le  nom  de  Çrivijaya  est  adopté  déjà  en  orientalisme  pour 
désigner  l'empire  sumatranais  qui  avait  sa  capitale  dans  le 
sud-est  de  111e,  à  Palemban  même  ou  dans  la  région  de  Pa- 
lemban  :  on  l'a  donc  maintenu  dans  ce  travail.  Son  histoire  est 
intimement  liée  à  celle  de  l'ancien  royaume  voisin  de  Malâyu, 
l'actuel  Minankabaw,  qui  fut  tantôt  suzerain ,  tantôt  feudataire 
de  celui-là  et  dont  la  capitale  se  trouvait  sur  le  haut  Batan 
Hari,  à  Pagar  Ruyon  ou  aux  environs  de  cette  ville.  Il  sera 
donc  alternativement  question  de  ces  deux  états  qui  furent  en 
permanente  interdépendance  mutuelle.  On  rappelle  enfin  que 
l'île  de  Sumatra,  _le  Çrivijaya  et  le  Malâyu  ont  été  connus  sous 
des  noms  différents  par  les  Chinois  et  les  Arabes  et  notam- 
ment sous  celui  de  Java  et  ses  variantes.  Ce  témoignage  nous 
permet  de  remonter  à  haute  époque,  jusqu'à  Ptolémée,  au 
Heou  han  chou  et  au  Râmâyam. 

Vers  le  début  de  notre  ère,  «notre  Rômàyana,  dit  Syl- 
vain LÉvr(PoMr  lliistoire  du  Râmâyam,  J.  As.,  XP  série,  t.  XI, 
1918,  p.  i5o),  composé  à  une  époque  encore  indéterminée, 
sort  dans  ses  multiples  recensions  d'une  édition  publiée  aux 
environs  de  l'ère  chrétienne,  v 

Le  texte  sanskrit  dit  :  t^De  tous  vos  efforts  gagnez  l'île  de 
Yava,  embellie  de  sept  royaumes,  l'île  de  l'or  et  de  l'argent 
(suvarnarûpyakadvlpain^,  parée  de  mines  d'or  (^suvamâkara- 
manrjitam);  puis,  par  delà  l'île  de  Yava  est  la  montagne  appe- 
lée Çiçira  (litt.  :  fraîche)  dont  le  sommet  (lilt.  :  la  corne, 
çrhga)  touche  le  ciel  et  qui  est  visitée  par  les  dieux  et  les  dé- 
mons. »  «Le  mont  Çiçira,  dit  Kern  {^Java  en  het  Goudedand  vol- 
gens  de  oudste  herichten,  dans  Vcrspreide  geschriften,  t.  V,  1916, 
p.  307),  est  nettement  fabuleux  [zuiver  fahehchtig)\  il  consti- 
tue la  limite  extrême-orientale  des  connaissances  géographiques 
du  poète,  car,  au  delà,  on  ne  cite  ni  terres  ni  mers  légen- 
daires. 11 


1 


[203]  ■—«.(  l-^i7  ).«— 

Yamdvlpn  a  été  idenfilîé  à  Java  et,  autant  que  je  sache,  au- 
cune objection  n'a  été  élevée  contre  cette  identification.  Voyons 
plutôt  si  l'examen  du  texte  sanskrit  la  justifie  autant  qu'on  le 
croit.  Le  Râmâyana  note  deux  particularités  de  l'île  de  Yava  : 
1°  elle  est  embellie  de  sept  royaumes;  2°  c'est  l'île  de  l'or  et 
de  l'argent,  parée  de  mines  d'or.  La  première  information 
este  sans  objet  :  il  y  manque  les  noms  des  sept  royaumes. 
D'autre  part,  nous  ne  savons  pas  s'il  y  eut  sept  royaumes  à  Java 
ou  ailleurs,  il  y  a  quelque  vingt  siècles*^';   la  question  ainsi 

(^)  Sylvain  Lévi  {ibid.,  p.  81-82)  n'a  pas  manqué  de  citer  ici  la  description 
de  Java  par  Odoric  do  Pordenone ,  qui  rappelle  de  très  près  les  indications 
fournies  par  le  Râmâyana.  Le  moine  dit,  en  effet  :  «Rex  hujus  Jauœ  habet 
bene  sub  se  septem  reges  coronae??  (sic) ,  et  l'emprunt  au  texte  sanskrit  est  évident 
et  indiscutable,  jlais  ni  le  texte  latin  ni  la  version  française  éditée  par  H.  Gon- 
BiER,  ne  parlent  explicitement  de  richesse  aurifère  du  pays.  Voici,  par  exemple, 
la  description  du  palais  royal  qui  a  do  grands  escaliers.  ffGraduum  unus  est 
aureus,  aller  vero  argenteus.  Pavimenlum  autem  ejus  unum  laterera  habet  de 
auro,  alterum  vero  de  argento.  Murus  vero  istius  palatii  totus  est  lamatus 
interius  laminis  aureis  in  quibus  lamis  sculpti  sunt  équités  solum  de  auro 
babentes  circa  caput  unum  magnum  circulum  aureum.  .  .  Insuper  tectum  ejus 
totum  est  do  auro  puro.»  C'est  exactement  ce  que  rapporte  le  Sin  l'ang  chou 
(k.  222  "]»,  p.  h.  v")  dans  la  notice  sur  le  royaume  de  P'iao  =  Birmanie  qui 
contient  un  itinéraire  finissant  'au  Chô-p'o  =  Java  :  Le  pays  de  ^  |^  |J[]  J^ 
P'o-bouei-kia-lou  [graphie  fautive  pour  ^  ^  ffni  Sfr  P'o-lou-kia-sseu,  dans 
l'est  de  Java,  vide  supra,  p.  ho]  est  chaud;  aux  carrefours  et  sur  les  routes  on 
a  planté  des  cocotiers  et  des  aréquiers;  eu  levant  la  tète,  on  ne  voit  pas  le 
soleil.  A  l'habitation  du  roi,  les  tuiles  sont  faites  en  or;  les  cuisines  sont  cou- 
vertes de  tuiles  d'argent.  On  brûle  des  bois  parfumés.  Les  salles  sont  ornées 
de  perles  brillantes.  H  y  a  deux  étangs  dont  les  berges  sont  en  or;  les  rames 
des  bateaux  sont  entièrement  garnies  d'or  et  de  joyaux  [apiul  Pelliot,  Deux 
itinéraires,  p.  22^).  «Cette  abondance  de  l'or  et  de  l'argent,  dit  Sylvain  Lévi 
en  commentant  la  citation  d'Ononio  de  Pordenone,  semble  gloser  suvarna- 
rûpyalcadvîpan  {il/id.,  p.  S;',).  A  mon  avis,  la  question  n'est  pas  là;  l'ancien 
palais  d'un  llàrQu  ar-RasTd,  d'un  doge  de  Venise  ou  le  Louvre  d'un  Louis  XIV 
aurait  pu  valoir  dans  la  relation  d'un  voyageur  hindou,  l'épithète  de  SMvama- 
rîipyali-a  a[)i)\k\uéG  à  Bagdad,  Venise  cl  Paris.  Ce  qui  importe  dans  le  passage 
du  Râmâyana,  c'est  le  suvarnâharamandita.  Or,  ni  le  Sin  t'anu  chou,  ni  Odouic 
ne  p;irlenl  de  mines  d'or.  La  Java  des  T'ang  et  d'ODonic  était  riche  et.  prospère; 
le  palais  de  ses  princes,  fastueux;  et  c'est  encore  le  cas.  Mais  sa  richesse  auri- 
fère est  à  peu  près  nulle.  Peut-ôlre,  la  description  d'Onouic  a-t-elle  été  influ- 


__«.(  1/48  )<4—  [204] 

posée  reste  donc  ouverte  et  il  est  peu  vraisemblable  qu'on  y 
trouve  réponse  quelque  jour.  La  seconde  information  est,  au 
contraire,  précise  et  il  est  aisé  d'en  vérifier  l'exactitude  :  la 
seule  île  de  l'Insulinde  occidentale  «parée  de  mines  d'or», 
c'est  Sumatra:  sa  richesse  aurifère  lui  vaudra  le  nom  de  «île 
de  Yoni  dans  un  grand  nombre  d'inscriptions  et  de  textes  qui 
ne  prêtent  pas  à  discussion. 

Sumatra  est  l'île  la  plus  occidentale  du  grand  archipel 
d'Asie.  Située  à  l'avancée  des  terres  indonésiennes,  voisine  de 
la  péninsule  malaise ,  c'est  évidemment  l'île  qu'ont  colonisée 
d'abord  les  immigrants  venus  de  l'Inde,  quelques  siècles  avant 
notre  ère.  Leur  premier  atterrissage  en  Indonésie  est  inscrit 
sur  la  carte  et  aussi  certain  que  si  l'épigraphie  nous  en  donnait 
l'assurance  explicite,  qu'ils  soient  venus  directement  par  mer 
ou  qu'ils  aient  longé,  en  cabotant,  la  côte  occidentale  de  la 
péninsule  malaise.  Les  «  sauvages  v  sumatranais  de  la  période 
antérieure  à  l'hindouisation  de  l'île,  ne  pouvaient  ni  ne  de- 
vaient faire  mystère  de  l'abondance  de  l'or  dans  leur  pays, 
s'ils  en  exploitaient  déjà  les  mines  :  avant  que  l'ère  des 
échanges  internationaux  ait  pris  naissance,  l'or  n'est  qu'un 
métal  comme  un  autre,  moins  utile  que  le  fer.  Peut-être, 
comme  le  rapporte  Ibn  HoRDie^^BEH  des  Wâkwâk  orientaux, 
étaient-ils  «  tellement  riches  en  or,  que  les  habitants  fabriquent 
avec  ce  métal,  les  chaînes  de  leurs  chiens  et  les  colliers  de 
leurs  singes 55(1).  Dans  cette  hypothèse,  les  Hindous  immigrés 

encée  par  celle  de  Vàlmïki;  en  tout  cas,  le  moine  voyageur  reproduisait  une 
opinion  courante,  non  dénuée  d'exactitude,  qui  vantait  la  splendeur  des  palais 
royaux  de  Java  au  xiv°  siècle,  en  termes  à  peu  près  identiques  à  ceux  de  la 
Nouvelle  histoire  des  Tang.  Et  ceci  n'infirme  pas  la  localisation  à  Sumatra  du 
Yavadvîpa,  aux  environs  de  notre  ère. 

'')  Cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  I,  p.  3o-3i ,  et  t.  II,  p.  67^  pour  la  rec- 
tification à  la  p.  3i,  1.  3.  C'est  dans  ce  «pays  de  l'orn  que  je  compte  situer  les 
Vâkwâk  orientaux.  Il  en  sera  longuement  traité  dans  un  excursus  du  t.  III  de 
mes  Relations  de  voyages. 


[205]  — «♦(  UO  )k^— 

ne  pouvaient  pas  ne  pas  être  frappés  de  cette  richesse  qui 
s'étalait  en  toute  innocence,  au  grand  jour.  Si,  au  contraire, 
les  premières  exploitations  aurifères  ont  été  inaugurées  par 
les  immigrants  hindous  qui   connaissaient  la  valeur  de  l'or, 
le  résultat  reste  le  même.  Je  veux  dire  que  dans  l'une  ou  l'autre 
hypothèse,  les  civilisateurs  de  l'Inde  ont  su  de  bonne  heure 
qu'ils  avaient  découvert  Vile,  terre  ou  pays  de  l'or  et  c'est  ainsi 
qu'ils  la.  désignèrent  le  plus  souvent  :  suvarnadvipa  ou  suvarna- 
è/mm/(".  Et  à  ce  propos,  on  doit  ajouter  ici  que  la  date  de 
rédaction  initiale  du  Râmàyana  serait  la  bienvenue  pour  cette 
autre  cause  :  elle  tiendrait  lieu  d'une  sorte  de  terminus  a  quo 
qui  nous  manque  encore,  pour  fixer  approximativement,  mais 
sur  une  base  certaine,  l'époque  où  fut  colonisée  l'Insuhnde. 
Enfin,  Sumatra  s'est  appelée  aussi  Java<z.Yava,  nous  le  sa- 
vons de  source  certaine;  ce  fut  le  pays  des  Jàvaka,  ce  qui  est 
également    attesté   sans  conteste'-'.   On  conçoit  donc  que  le 
Râmàyana  puisse  parler  d'un   Yavadvlpa  suvarnâkaramandita  et 
qu'il  s'agisse  de  Sumatra.  Mais  si  nous  continuons  à  situer  Ya- 
vadvipa  à  Java,  le  texte  sanskrit  est  incompréhensible,  parce 
que  matériellement  inexact.  Une  tradition  déjà  longue  a  con- 
sacré l'équivalence  Yavadvïpa  =  i\e   de  Java  de  nos  cartes.  Il 
semble  que  l'identification  est  définitive  et  inattaquable  quand 
un  Kern  et  un  Sylvain  Lévi  l'ont  adoptée  sans  réserve.  Reve- 
nons ,  cependant ,  au  Râmàyana  et  aux  environs  de  notre  ère , 
alors  que  la  tradition  n'est  pas  encore  établie.  Les  colons  hin- 
dous sont  à  Java,  s'y  étabhssent  et  constatent  qu'il  n'y  a  pas 
d'or  ou  qu'on  l'y  trouve  en  petite  quantité,  ce  que  nous  savons 
par  ailleurs.  C'est  ce  qu'on  peut  conclure  de  la  phrase  du  Sin 
t'ang  chou  et  du  Song  clic  où  sont  énumérés  les  produits  du 
pays  [supra,  p.   176).   Or,  l'épopée  sanskrite  parle  d'un  Ya- 

(')  Pour  cette  dernière  expression,  cf.  notamment,  rinscriptlon   de   iao8 
çalca  =  ia86  trouvée  dans  le  Minahkabaw  [supra,  p.  179). 
(')   Vide  infra,  p.  iiii8-2a(j  cl  supra,  p.  47-68. 


—*->(  150  ).€^—  [206] 

vadvipa  suvarnàkaramandita ,  c'est-à-dire  d'un  suvarnadvîpa , 
d'un  ^  §\\  kin-tcheou,  d'une  «île  de  l'orw;  et  «l'île  de  l'or??, 
c'est  Sumatra.  Si  on  maintient  Fidentification  traditionnelle, 
il  faut  admettre  que  Yavadvïpa  =  Jaya  a  été  pourvue  par  erreur 
d'une  richesse  en  or  que  Sumatra  seule  possède.  On  voit  im- 
médiatement combien  une  telle  explication  manque  de  base  et 
prête  à  la  critique.  Car,  enfin,  de  deux  choses  l'une  :  on  con- 
naissait sûrement  Sumatra  à  l'époque  où  écrivait  Vâlmïki  : 
c'est  ce  qu'autorise  à  poser  son  suvarnàkaramandita;  peut-être, 
sans  doute  même,  connaissait-on  aussi  Java;  mais  le  poète 
hindou  informé  de  la  richesse  en  or  de  celle-là,  n'a  pas  pu 
l'attribuer  à  celle-ci  parce  qu'il  n'avait  aucune  raison  de  le 
faire.  En  dernière  analyse,  Yavadvlpa  a  désigné  Sumatra;  nous 
en  avons  la  certitude  par  des  formes  dérivées  de  Yava  dont  j'ai 
parlé  déjà'^^;  mais  la  richesse  aurifère  de  la  Yava  du  Rfwiâ- 
yana  est,  à  mon  sens,  l'argument  décisif  pour  rejeter  l'identi- 
fication traditionnelle  et  adopter  celle  qu'on  propose  ici  ^-\ 

En  utilisant  les  renseignements  fournis  par  Edrîsî  [supra, 
p.  65),  Ibn  Sa'îd,  Diogo  de  Couto,  le  Père  Luiz  Marianno, 
Manuel  Freire  de  Andrade  ,  le  Père  Nacquart,  Flacourt  et  les 
témoignages  linguistiques  que  fournissent  les  dialectes  mal- 
gaches anciens  et  modernes  (cf.  mon  mémoire  Le  K'ouen-louen 
et  les  anciennes  navigations  interocéaniques  dans  les  mers  du  Sud, 
dans /.  is.,  XI"  série,  t.  XIV,  191  9,  p.  62-68,  et  les  ouvrages 
cités),  je  suis  arrivé  à  la  conclusion  que  «Madagascar  a  été 
colonisé  vers  le  début  de  notre  ère  par  des  Indonésiens  occi- 
dentaux hindouisésî)  [ilnd.,  p.  68).  J'ai,  depuis  1919,  repris 
l'étude  de  l'inscription  en  vieux-malais  de  Kota-Kapiir,  dans 
l'île  de  Banka  [supra,  p.  36;   cf.  également  /.  As.,  juillet- 


<^)   Vide  supra;,  p.  lyG. 

'''    Vide  supra,  p.  2o3,  n.  i. 


[207]  — «•(  151  ).«— 

août  1919,  p-  i53,  note).  Les  affinités  remarquables  de  ce 
texte  avec  le  malgache  ancien  et  moderne,  à  l'exclusion  de 
toute  autre  langue  du  domaine,  tant  au  point  de  vue  de  la 
phonéticjue  que  de  la  morphologie  et  de  la  syntaxe,  permettent 
de  préciser  davantage.  A  k  Indonésiens  occidentaux  hindoui- 
sés5i,  on  peut  substituer  maintenant  «Sumatranais  bindoui- 


sés  V  '^' 


La  date  de  cette  migration  par  la  voie  de  mer  est  naturelle- 
ment approximative;  mais  la  migration  d'est  en  ouest  ne  peut 
se  situer  dans  le  temps  qu'à  très  baute  époque  et  il  est,  en 
somme,  de  peu  d'importance  qu'il  faille  un  jour  la  faire  des- 
cendre d'un  siècle  ou  deux.  Nous  en  connaissons  les  points  de 
départ  et  d'arrivée,  et  c'est  un  résultat  appréciable  en  pareille 
matière.  Les  Indonésiens  occidentaux  qui  ont  colonisé  Mada- 
gascar alors  peuplé  de  nègres  parlant  une  langue  bantoue, 
ont  imposé  aux  anciens  habitants  de  la  grande  île  africaine 
leurs  langue,  mœurs  et  coutumes,  religion,  et  profondément 
modifié  leur  type  somatique.  Le  fait  est  incontestable,  car 
nous  en  avons  des  témoignages  certains  que  l'anthropologie, 
l'ethnographie  et  la  hnguistique  ont  enregistrés.  Il  restait  à 
retrouver  le  pays  d'origine  des  immigrants  et  c'est  en  Indoné- 
sie que  devait  s'effectuer  l'enquête.  La  traversée  de  l'Océan  In- 
dien de  bout  en  bout  et  à  haute  époque  suppose  chez  les  ma- 
rins qui  vont  l'entreprendre,  une  connaissance  parfaite  de  la 
mer,  un  matériel  navigant  perfectionné  par  rapport  à  l'arme- 
ment rudimentaire  à  la  pêche  ou  au  rabotage;  en  bref,  l'exis- 
tence de  tout  ce  qu'exige  la  navigation  haulurièrc.  Une  telle 
préparation  ne  peut  se  concevoir  que  chez  un  peuple  de  haute 
culture,  identique,  par  exemple,  à  celle  des  marins  d'Hiram, 

(')  Ceci  conGrme  l'interprétation  que  j'avais  indiquée  précédemment  du 
mal{jaclie  Ramini,  Raminia  par  «le  Sumatranais,  la  Sumalranaisen  (cf.  mon 
article  Les  Uns  Ràmnif,  Ldmevji,  Wakwak,  Kvmor  des  néu^n-aphes  arabes  et 
Madaguscar,  dans  J.  As.,  V  série,  t.  X,  1907,  p.  Ulii  et  suiv.). 


— «.(  152  )k^^—  [208] 

roi  de  Tyr,  qui  se  rendaient  à  la  mystérieuse  Ophir  pour  le 
compte  de  Salomon.  Je  pense  avoir  montré  dans  mon  mémoire 
sur  Le  K'ouen-îouen  et  les  anciennes  navigations  interocéaniques 
dans  les  mers  du  Sud,  que  les  mers  de  Chine,  du  jjrand  archipel 
d'Asie  et  l'Océan  Indien  ont  été  parcourus  aux  environs  de  notre 
ère  par  des  navires  de  pays  différents  et  notamment  de  i'In- 
sulinde  occidentale.  Au  fur  et  à  mesure  que  progressent  les 
études  entreprises  dans  ce  domaine  spécial  de  l'activité  extrême- 
orientale,  des  faits  se  précisent  qui  étaient  ignorés  ou  restés 
dans  l'ombre.  La  révélation  par  les  textes  d'un  puissant  empire 
sumatranais  au  vn^  siècle,  nous  est  un  précieux  témoignage 
permettant  de  remonter  dans  le  passé  et  de  retrouver  dans  le 
glorieux  Çrivijaya  de  Yi-tsing,  la  descendance  des  lointains 
ancêtres  qui  colonisèrent  Madagascar  et  l'Afrique  orientale 
(cf.  le  mémoire  précité).  C'est  également  à  l'île  de  Sumatra 
tout  entière  ou  plutôt  à  une  partie  de  l'île  non  expressément 
indiquée,  que  s'appliquent  trois  textes  chinois  (^Heou  han  chou, 
k.  6,  p.  3  v°;  Tong  kouan  hi,  k.  3,  p.  h  v";  Tsien  han  chou, 
k.  1 1 6 ,  p.  3  v°-/t  r°)  ayant  trait  à  la  même  ambassade  et  qu'on 
peut  résumer  ainsi  : 

1  32.  «La sixième  année  7j07ig-kiende  l'empereur  |^  Chouen, 
au  12*  mois  [=tout  au  début  de  i32  de  notre  ère],  le  roi  du 
^  m  Ye-tiao  (pron.  anc.  *Yap-div=Yavadvîpa^,  ^  Pien , 
envoya  en  ambassade  êi  '^  Che-houei  (phonétiquement  Se- 
hwi)  pour  se  rendre  à  la  cour  de  Chine  et  offrir  le  tribut.  De 
Che-houei,  on  fit  un  «maître  de  la  ville  de  Ye-tiao  soumis  aux 
«Han 55.  L'empereur  de  Chine  accorda  au  roi  Pien  un  sceau 
d'or  et  un  ruban  violet  ^^'.» 

(1)  Apud  Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  266.  Le  même  auteur  dit  plus  ioin 
{ibid.,  p.  268,  n,  2)  :  «  .  .  .En  proposant  de  retrouver  Yavadvïpa  dans  Ye-tiao, 
je  ne  veux  naturellement  pas  dire  qu'il  faille  y  voir  Java  même  plutôt  que 
Sumatra;  c'est  pour  moi  le  pendant  du  nom  donné  par  Ptolémée  et  rien  de 
plus.  » 


[209]  —>«•(  153  ).«— 

2'  moitié  du  ii^  siècle.  «Déjà  même  au  if  siècle,  dit  Syl- 
vain Lévi  (^Pour  l'histoire  du  Râmâifana ,  ./.  As.,  XI"  série,  t.  XI, 
1918,  p.  82),  la  notice  de  Ptolémée  (VII,  2,  29)  semble 
traduire  en  langage  positif  les  données  du  Râmâyana  et  du 
Saddharmasmrtyupasthanasutra  (^^  :  «labadiou,  ce  qui  signifie 
«l'ile  de  l'Orge î5,  est,  dit-on,  d'une  fertilité  extraordinaire,  et 
«produit  beaucoup  d'or;  la  capitale  est  ArgyrO  «[la  ville]  de 
«l'argent^i  située  à  l'extrémité  occidentale  par  167°  de  longi- 
cttude],  8°3o'  sud  [de  latitude],  l'extrémité  orientale  de  l'île 
«étant  par  169%  8"  3  0' sud '-' a  (cf.  également  G.  Coedès,  Textes 
d'auteurs g^recs  et  latins  relatifs  à  l'Extrême-Orient,  Paris,  1910, 
in-S",  p.  61).  Le  Rûmnijana  et  la  Géugraphie  de  Ptolémée  notent 
également  la  richesse  aurifère  de  Yavadvîpa;  il  ne  peut  donc 
s'agir  que  de  Sumatra. 

2/i5-2  5o.  «Dans  les  fragments  subsistants  du  Fou-nan  t'ou 
sou  tclwuan  de  K'ang  T'ai  (2/i5-25o),  il  est  question  à  plu- 
sieurs reprises  du  pays  de  i#  f#  Tchou-po,  pron.  anc.  *Cu-hak 
(transcription  fautive  i^our  *Sô-bah<cJâvaka),  à  l'est  duquel 
on  arrivait  à  l'île  ,^  ^  Ma-ivou  [?].  Selon  le  Waikouo  tchouatf 
(qui  doit  remonter  au  in"  siècle),  les  femmes  de  Tchou-po 
savent  tisser  des  cotonnades  à  ramages.  Ce  pays  de  Tchou-po, 
est-il  dit  dans  d'autres  textes  qui  remontent  indirectement  à  la 
mission  de  K'ang  T'ai,  se  trouvait  à  l'est  du  Fou-nan,  dans  le 

C  Dans  un  article  que  ne  connaissait  pas  Sylvain  Lévi,  publié  en  1869 
dans  les  Bijdragen  et  qui  a  été  réimprimé  dans  le  tome  V  des  Veisprmde 
geschriften  {Java  en  het  Goudeiland  volgens  de  uudsln  bcrichtcn,  191 0,  p.  807 
de  cette  dernière  publication),  Kkun  dit  éjjalement  :  «Quand  on  compare  les 
données  du  Râmâyana  avec  celles  de  Ptolémki;,  on  peut  poser  avec  uue  suffi- 
sante certitude,  ce  qui  peut  également  s'entendre  de  YavadvTpa,  que,  dans 
tous  les  cas ,  le  Yavadvîpa  riche  on  or  des  Hindous  et  la  labadiu  ricbe  on  or  du 
géographe  alexandrin  ne  sont  qu'une  seule  et  môme  île.»  Kehn  et  Sylvain  Lévi 
la  situent  à  Java;  mais  je  l'identilie,  ay  contraire,  à  Sumatra. 

'-)  Ce  (jui  (loin  e  à  l'ile  une  longueur  do  -i  degrés  eu  longitude.  Lu  réalité, 
Java  s'étend  sur  près  de  10  degrés  en  longitude. 

M.  G.    FElUiANU.  1  1 


-—«.{  154  ).«—  [210] 

Si  ']#  Tchang  liai,  qui  est  noire  mer  de  Chine  de  Hainan 
au  détroit  de  Malaka.  ?5  (Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  269- 
270.)  Vide  supra,  p.  l'ya-iyS. 

F 

892.  Le  Oie  eul  yeou  king  ou  «SCitra  sur  les  Douze  Etapes 
du  Buddliajj,  traduit  en  892  par  le  moine  Kâlodaka.,  contient 
une  notice  sur  le  Jambudvipa  qui  est  insérée  dans  le  King  hu  yi 
siang  compilé  en  5 1 6  et  où  il  est  dit  ceci  :  ç^  Dans  la  mer,  il  y  a 
2.5oo  royaumes.  .  .  Le  premier  roi  a  pour  nom  ^jf  M  Sseu-h; 
ce  royaume  ne  sert  que  le  Buddha  et  il  ne  sert  point  les  héré- 
tiques. .  .  Le  quatrième  roi  a  nom  ^  %^  Chô-ye;  la  terre  y 
produit  le  £jï  ^  pî-pa  «poivre  long 55  et  le  jUM  hou-tsmo 
«poivre»...  (Sylvain  Lévi,  Pour  l'histoire  du  Râmâyana, 
J.  As.,  XP  série,  t.  Xî,  1918,  p.  83).  «Le  glossaire  Fan  fan 
yu,  compilé  au  vf  siècle,  à  la  fin  du  livre  IV,  section  1  2,  cite 
trois  de  ces  noms  :  «roi  de  Kia-lo,  roi  de  Pou-lo,  roi  de  Chô- 
ye?)  (mêmes  caractères  c|ue  ci-dessus)  en  se  référant  à  un 
«Sùtra  sur  les  cinq  Songes  du  Prince  Royal»  [Ta\  tseu  wou 
tnong  king)  qui  ne  se  retrouve  pas  dans  nos  collections.  Il 
glose  le  nom  de  kia-lo  par  M  «  noir»  (skr.  hâla),  pou-lo  par  ^ 
wville5)  (skr.j^Mm),  chô-ye  par  ^ff.  r^ victoire»  (skr.jaya)»  {^ibid.). 
Sylvain  Lévi  ajustement  identifié  Sscu-li  à  Ceylan,  le  Siele- 
diba  de  Cosmas,  dont  «la  dévotion  au  Buddha  est  bien  un  des 
traits  traditionnels  de  l'île».  En  ce  qui  concerne  Chô-ye,  le 
maître  indianiste  considère  que  la  notation  chinoise  est  une 
altération  du  nom  de  Java.  Je  renvoie  au  fascicule  du  Journal 
de  juillet-août  1919  (p.  162-163)  où  j'ai  donné  les  raisons 
pour  lesquelles  l'identification  de  Chô-ye,  glosé  par  skr.  jaya 
«victoire»,  à  Vijaya  (qui  a  également  le  sens  de  ^victoire»)  = 
Çrïvijaya,  me  paraît  préférable. 

lixli.  «Fa-hien  [revenant  de  l'Inde,  via  Ceylan]  arriva 
[,  en  /-i  lA,]  dans  un  pays  appelé  MM^  Ye-po-t'i[=  Yava- 


[211]  --«^(  155  )<x— 

dvlpaY^\  Dans  ce  pays,  les  brahmanes  hérétiques  sont  fort 
nombreux;  quant  à  la  religion  buddhique,  elle  n'y  a  pas  assez 
d'importance  pour  qu'il  vaille  la  peine  d'en  parler.  11  s'arrêta 
là  pendant  près  de  cinq  mois  et  s'embarqua  ensuite  sur  un 
autre  navire  marchand  qui  avait  un  équipage  d'environ  deux 
cents  hommes.  On  prit  à  bord  pour  cinquante  jours  de  vivres 
et  on  mit  à  la  voile  le  1 6' jour  du  k^  mois  [chinois  de  Zii/i]. 
Fa-hien  s'installa  à  bord  du  navire.  On  fit  route  au  nord-est 
pour  se  rendre  à  Kouang-tcheou  (Canton)  w  (cf.  Si  yu  hi,  trad. 
S.  Beal,  Londres,  t.  I,  in-S",  1906,  p.  lxxxi). 

De  Ceylan  à  Canton  la  route  habituelle  passe  par  Che-li-fo- 
che,  c'est-à-dire  le  détroit  de  la  Sonde  et  Palembaii.  Tcheou 
K'iu-FEi  l'indique  nettement  au  xn*  siècle  [vide  infra,  p.  y  16) 
et  il  n'y  a  aucune  raison  de  croire  que  tel  n'était  pas  l'itiné- 
raire des  marins  du  v*  siècle.  Yavadvïpa  désigne  donc  ici  Su- 
matra et  non  Java. 

«Dans  le  Kao  seng  (chouan  ou  Biographie  des  religieux  émi- 
nents,  compilé  en  5  1  9  (  Tripilaka  de  Tôkyô ,  ^ ,  II ,  k.  3 ,  p.  1 5- 
16),  dit  Pelliot  {^Deux  itinéraires,  p.  27/1-975),  se  trouve 
entre  autres  la  biographie  de  ^M^ÂM  K'ieou-na-pa-mo, 
Gunavarman.  Gunavarman,  petit-fils  de  PpI  ii  i^  PÉ  Ho-li-pa- 
t'o,  Haribhadra,  et  fils  de  ff  |[iD  ^  H  Seng-kia-a-nan ,  San- 
ghânanda,  appartenait  à  la  famille  royale  du  Ki-pin  (Cache- 
mire). Il  se  consacra  de  bonne  heure  à  la  vie  religieuse.  Quand 
il  eut  trente  ans,  le  roi  du  Cachemire  étant  mort  sans  enfant, 
on  voulut  le  mettre  sur  le  trône,  mais  il  refusa  et  partit  pour 
Ceylan,  oii  il  habita  un  village  appelé  il]  '^  M  Kie-po-li.  En- 
suite il  se  rendit  dans  le  royaume  de  |§  ^  Cho-p'o.  La  nuit 
qui  précéda  son  arrivée,  hi  mère  du  roi  vit  en  songe  un  reli- 
gieux qui  entrait  dans  le  royaume  sur  une  jonque  volante.  Au 


(')   Bkai,  ajoute  entre  parenthèses  :  «Java  or,  pe?-/iap«,  Sumatra 5).  Cf.   éga- 
leuient  Pelliot,  Deux  itinéraires,  p.  -271. 

11. 


r 


1 


■~^«.(  156  ).«—  [212] 

matin,  Gunavarman  arrivait,  et  la  reine-mère,  convaincue  par 
son  rêve,  se  convertit  au  bouddhisme.  Elle  usa  de  son  influence 
sur  son  fils  pour  qu'il  l'imitât;  elle  parvint  à  le  persuader. 
Des  ennemis  ayant  envahi  le  royaume,  le  roi  demanda  à  Gu- 
nuvarman  s'il  n'était  pas  contraire  à  la  loi  rehgieuse  de  lutter 
contre  eux;  Gunavarman  répondit  qu'on  devait  châtier  les  bri- 
gands; le  roi  partit  alors  en  guerre  et  remporta  la  victoire.  Peu 
à  peu  le  bouddhisme  se  répandit  dans  tout  le  royaume,  et  le 
roi,  qui  voulait  entrer  en  religion,  ne  renonça  à  ce  projet  sur 
les  instances  de  ses  ministres  qu'à  la  condition  que  dans  le 
royaume  entier  on  cesserait  de  mettre  à  mort  des  êtres  vivants. 
La  renommée  de  Gunavarman  s'était  répandue  au  loin;  en 
li'2k,  des  bonzes  chinois  demandèrent  à  l'emperem'  d'inviter 
Gunavarman  à  se  rendre  en  Chine;  des  messagers  furent  dépê- 
chés à  cet  effet  à  Gunavarman  et  au  roi  de  Chô-p'o,  ^  ^  #11 
P'o-to-kia.  A  ce  moment  Gunavarman   s'embarqua  ou  s'était 
embarqué  pour  aller  au  Lin-yi  (Campa)  sur  le  navire  du  mar- 
chand ^111^  Tchou  Nan-t'i  (l'Hindou  Nandin);  quand  le 
vent  fut  favorable,  il  gagna  Canton.  Il  arriva  à  Nankin  en  43  i, 
et  dut  mourir  quelques  mois  après,  âgé  à  la  chinoise  de  65  ans. 
Voilà   la  version    de  l'hagiographie,  ajoute   Pelliot,    et  sans 
doute  elle  a  quelque  peu  déformé  pour  le  bon  motif  la  vérité 
historique.  Il  n'en  reste  pas  moins,  si  le  Chô-p'o  est  bien  Java, 
qu'entre  la  visite  de  Fa-hien  qui  en  /ii  A  trouve  dans  l'ile  si 
peu  de  bouddhistes  que  «ce  n'est  pas  la  peine  d'en  parler»  et 
l'arrivée  de  Gunavarman  à  Nankin  en  /i3i,  une  active  propa- 
gande avait  dû  s'exercer  à  Java  en  faveur  de  la  Loi.  »  La  locali- 
sation du  Ye-p'o-t'i  de  Fa-hien  à  Sumatra  supprime  toute  diffi- 
culté, car  il  s'agit  alors  de  deux  îles  ditîérentes. 

v"  siècle  (fin  du  — )  ou  commencement  du  vi".  L'astronome 
Aryabuata  qui  est  né  en  k^6  de  notre  ère,  dit  dans  son  Arya- 
hhalvjam[\S ,  vers  i3)  :  «Lorsque  le  soleil  se  lève  sur  Ceylan, 


[213]  — «•(  157  ).«-»— 

il  se  couche  dans  la  ville  des  Bienheureux  (aux  îles  Fortunées, 
à  180"  de  longitude  Ouest  de  Geylan);  il  est  midi  à  la  pointe 
de  Yava  [Ynvakoti)  et  minuit  dans  le  pays  des  Romains  [Roma- 
havisaije)^)  [apud  Kern,  Java  en  het  Goudeiland  volgens  de  oudste 
berichten  dans  Vespreide  geschriften,  t.  V,  p.  3 08).  Kern  inter- 
prète Yavakoti  par  «pointe  de  Yava 55  =  Java.  En  l'absence 
d'indication  décisive,  il  peut  tout  aussi  bien  s'agir  de  Sumatra. 
Cf.,  à  l'appui  de  celle  nouvelle  identification,  ce  passage  du 
Sûrya-Siddhânta[\\\,  vers  38,  de  l'éd.  Fitz-Edward  Hall, 
Calcutta,  1859 ,  Bibliotheca  Indica)  où  il  est  dit  :  ç^Sur  un  [des] 
quarts  de  la  circonférence  de  la  terre,  gît,  à  l'est,  dans  la 
partie  du  monde  des  Bhadrâçvas,  la  ville  fameuse  de  Yavakoti 
dont  les  remparts  et  les  portes  sont  en  orw  [opiidKEm,  ibid., 
p.  309).  Et  Kern  ajoute  dans  son  commentaire  [ibid.)  :  «Ces 
remparts  et  portes  en  or  semblent  être  un  ornement  emprunté 
à  la  description  [du  Yavadvïpa]  du  Râmâyanaw,  et  conclut  que 
nous  manquons  d'indications  pour  décider  s'il  s'agit  de  Java 
ou  de  Sumatra. 

Après  ce  qu'on  vient  de  lire,  il  me  semble  que  la  traduction 
de  Yavakoti  par  «pointe  de  Yava  =  Sumatra w ,  peut  être, 
tout  au  moins  provisoirement,  adoptée.  A  la  date  où  écrivait 
Âryabuata,  nous  ne  savons  pas  par  ailleurs  si  la  description  du 
Sin  t'angchou  [vide  supra,  p.  9o3,  n.  1)  était  déjà  applicable  à 
Java.  11  est  hors  de  doute,  au  contraire,  que  le  Çrivijaya  que 
nous  dépeindra  Yi-ïsing  à  la  fin  du  vu"  siècle,  était  en  puissance 
dans  celui  de  la  fin  du  v*,  sans  remonter  jusqu'à  Ptolémée  ni 
au  Râmâyana. 

6/i/i.  En  6/1/1  ou  tout  au  début  de  6/i5,  le  nom  de  Mo-lo- 
yeou  apparaît  pour  la  première  fois  dans  les  textes  chinois. 
«La  18"  année  tcheng-hoiian  (6/1  A),  dit  le  Ts'ô  fou  yuan  kouei 
(k.  177,  p.  i/i  r°),  au  nVmois,  le  royaume  de  l!'^!^  ^  M  Mo- 
lo-yeou  (=Malayu)  envoya   un   ambassadeur  (à  la  cour  de 


__„.(  158  )k+>-  [2U] 

Chine)  offrir  des  produits  du  pays^^  (^apud  Pklliot,  Deux  itiné- 
raires, p.  Sq/i  ). 

D'après  Hobson-Jobson  (^2"  éd.,  s.  v°  Java,  p.  /i55,  co- 
lonne 9),  il  faudrait  rappeler  ici  l'inscription  de  Pagar  Ruyoii 
datée  de  678  çaka  =  656,  publiée  par  R.  H.  Th.  Friederich 
dans  les  Verhandclitigen  van  het  Bataviaasch  Genootschap  van  K. 
en  W.  (deelXXVI,  iSô/i-Sy,  p.  3  1-8 6)  où  il  est  question  d'un 
roi  appelé  Adityadharma,  demi  de  la  première  Yava  =  Suma- 
tra; mais  il  n'existe  rien  de  pareil  :  nom  royal,  «première 
Yava?)  et  date  proviennent  de  fausses  lectures  de  Friederich. 
Kern  a,  en  effet,  montré  depuis  longtemps  que  le  véritable 
nom  du  souverain  en  question  est  Adityavarman  et  que  l'in- 
scriplion  est  datée  de  1278  çaka=i356  (cf.  Verspreide 
geschriftcn,  t.  VI,  1  9  1  7,  p.  259-276).  fJne  transcription  com- 
plète de  ce  texie  épigraphique  a  été  publiée  par  N.  J.  Krom 
dans  Commissle  in  Nedcrlandsch-Indië  voor  oudheikundig  onderzoek 
op  Java  en  Madoera  (Oudheikun<!ig  Verslag,  1912,  2"  tri- 
mestre, p.  5  1-52).  J'y  reviendrai  plus  loin  i^infra,  p.  289). 

670-7/»  1 .  Le  Che-li-fo-che  envoie  des  ambassades  en  Chine 
de  Çt'-jO  ^A '-jhi  [mpra,  XII,  p.  7). 

686  =  608  çaka.  L'armée  de  Çrïvijaya  part  en  expédition 
contre  le  pays  de  Java  (==Java  central)  qui,  à  cette  époque, 
ne  reconnaissait  pas  la  suzeraineté  de  Çrïvijaya  (sMpm,  XXVIl, 
p.  36). 

?.  Le  poème  tamoul  Manimegalai  cite  le  nom  de  deux  rois  : 
Bhûmicandra  et  Punyarâja,  qui  régnèrent  à  Nâgapura,  capi- 
tale du  pays  de  Çâvaka  =  Jâvaka  =  Zâbag  {^vide  supra,  p.  1  1, 
n.  1. 

689-692.  Lo  moine  Yi-tsing  voyagea  de  Chine  en  Inde  et 
d'Inde  en  Chine  de  671  à  696  oie  notre  ère.  Il  fit  un  premier 


[215]  — -«.(  159  )-^~- 

séjour  de  six  mois  à  Ghe-li-fo-cbe  en  6 7 1-6 7  a  ;  un  autre  de 
(|uatre  ans  en  686-689  et  un  troisième,  à  son  retour  de  Can- 
ton, à  la  fin  de  689  qui  fut  également  prolongé.  Les  deux  ou- 
vrages du  pèlerin  chinois  dont  il  a  été  précédemment  question 
(I,  p.  3,  et  IX,  p.  6)  ont  été  composés  dans  la  période  com- 
prise entre  689  et  699  (c'est  à  cette  dernière  date  que  le 
manuscrit  en  fut  envoyé  en  Chine  par  l'auteur).  Dans  le  Nan 
haï  ki  kouei  nei  fa  tchouan  (^supra,  IX,  p.  6),  Yi-tsing  dit  : 
cr  L'île  (ou  l'état)  de  Mo-lo-yu==Malâyu  {^alias  le  pays  de  Minan- 
kabavv),  c'est  maintenant  (de  689  à  692)  le  pays  de  Che-li- 
fo-chew,  autrement  dit  :  le  Malâyu  qui  était  antérieurement 
l'état  souverain  de  Sumatra,  est  passé,  sans  que  nous  sachions 
pourquoi  ni  comment,  sous  la  dépendance  du  Çrïvijaya.  Yi- 
ïsiNG  désigne  le  Fo-che  =  Çrïvijaya  sous  le  nom  de  «l'île  de 
l'or»,  ce  qui  assure  son  identification  au  Yavadvipa  de  Ptolé- 
MÉE  et  du  Râmâyana. 

D'après  certains  renseignements  que  donne  incidemment 
Yi-TsiNCx  (ds  ont  été  relevés  par  Takakusu,  dans  l'introduction 
de  A  Record,  p.  xl-xli),  le  Che-li-fo-che  avait  atteint  un  haut 
degré  de  culture  dès  la  seconde  moitié  du  vii^  siècle.  Ainsi , 
le  pèlerin  chinois  s'y  arrête  pendant  six  mois  en  671-673; 
trj'y  étudiai  par  degré,  dit-il,  la  science  des  sonsw,  c'est-à-dire 
la  grammaire  sanskrite  i^mpra,  III,  p.  A).  çrDans  la  ville  for- 
tifiée de  Fo-che,  dit-il  encore,  il  y  a  plus  de  mille  prêtres  bud- 
dhistes  dont  l'esprit  est  tourné  vers  l'étude  et  les  bonnes 
actions.  Ils  scrutent  et  étudient  tous  les  sujets  possibles,  exac- 
tement comme  dans  le  Madhyadeça  («le  pays  du  milieu jj, 
l'Inde);  les  règles  et  les  cérémonies  y  sont  identiques  [à  celles 
de  rindej.  Si  un  prêtre  chinois  veut  se  rendre  en  Occident 
[=dans  l'Inde]  pour  y  entendre  (des  leçons)  et  y  lire  (les 
textes  buddhiques  originaux),  il  ferait  mieux  de  séjourner 
[d'abordj  à  Fo-che  pendant  un  an  ou  deux  et  d'y  prati(juer 
les  règles  convenables;  il  pourrait  se  rendre  ensuite  dans  l'Inde 


-^^>{  160  ).«—  [216] 

centrale»  [A  Record,  p.  xxxiv).  De  tels  conseils  donnés  jiar  un 
moine  chinois  qui  parle  en  pleine  connaissance  de  cause,  ont 
pour  nous  une  signification  évidente  :  l'enseignement  du  sans- 
krit et  l'interprétation  des  textes  buddliiques  étaient  organisés 
avec  tant  de  soin,  de  méthode  et  de  science  que  la  réputation 
des  maîtres  de  Che-li-fo-che  les  faisait  préférer  à  ceux  de  l'Inde 
propre  par  un  buddhiste  chinois  aussi  éminent  que  Yi-tsing. 
Celui-ci  apprit  également  la  langue  indigène  :  le  vieux-malais, 
et  son  exemple  fut  suivi  par  plusieurs  religieux,  notamment 
par  le  tonkinois  Yun-k'i  (I,  p.  3)  et  le  chinois  Ta-tsin 
(VII,  p.  5). 

Mais  ce  n'est  pas  tout.  Cette  maîtrise  dans  l'enseignement 
du  malais,  du  sanskrit  et  de  la  Loi  qui  est  l'indice  certain  d'un 
haut  développement  intellectuel,  va  de  pair  avec  une  égale 
maîtrise  dans  l'armée  et  la  marine  dont  témoignent  incontes- 
tablement les  campagnes  A-ictorieuses  à  Java,  sur  la  péninsule 
malaise  et  au  Cambodge.  Le  commerce  et  la  marine  marchande 
ne  sont  pas  moins  florissants  :  Che-li-fo-che  est  l'escale  en 
quelque  sorte  obligatoire  entre  l'Inde  et  la  Chine.  Tcheou  K'iu- 
FEi  dira  en  1178,  dans  son  Lingivai  tai  ta,  que  «le  San-fo-ts'i 
est  l'escale  maritime  la  plus  importante  pour  les  étrangers. 
Qu'ils  viennent  de  Java,  dans  l'Est,  ou  du  pays  des  Ta-che 
(Arabie)  et  de  Kou-lin  (Quilon  du  sud-ouest  de  l'Inde),  dans 
l'Ouest,  tous  passent  par  là  en  se  rendant  en  Chine 57  [Chau  Ju- 
kua,  p.  63,  n.  1).  Enfin,  si  on  en  juge  par  l'attitude  du  Maha- 
raja de  Zâbag  vis-à-vis  des  Cambodgiens  vaincus  {supra, 
XXXIX,  p.  56-6  1),  la  noblesse  morale  et  la  sagesse  politique 
de  ces  souverains  Çailendra  ne  sauraient  être  trop  admirées. 

Telle  est  la  situation  de  l'empire  sumatranais  au  vu*  siècle. 
Cette  prospérité  éclatante  dans  tous  les  domaines  est  tellement 
inattendue  dans  la  Sumatra  actuelle,  qu'elle  resterait  insoup- 
çonnée sans  le  témoignage  décisif  des  historiens  et  géographes 
étrangers.  L'étude  et  la  confrontation  des  textes  nous  a  révélé 


[217]  -^«.(  161  y^- 

l'existence  d'un  nouveau  centre  de  civilisation  dans  les  mers  du 
Sud.  Comme  au  Cambodge  et  au  Campa,  l'Aima  mater 
indienne,  à  haute  t^poque,  v  «avait  apporté  ses  dieux,  ses  arts, 
sa  langue  littéraire,  enfin  l'appareil  complet  de  sa  civilisa- 
tion (^^».  Et  pendant  plus  d'un  millénaire  de  notre  ère,  ces 
disciples  de  l'Inde  firent  grand  honneur  à  leurs  éducateurs. 

696.  Une  décision  de  l'empereur  de  Chine  prescrit  de 
donner  six  mois  de  vivres  aux  envoyés  du  Che-li-fo-che  crui 
viendraient  à  la  cour  (XIII,  p.  7). 

702  et  716.  Ambassades  du  Fo-che  à  la  cour  de  Chine 
(XIV,  p.  7). 

717.  Fo-che  est  visité  par  le  moine  Vajrabodhi  se  rendant 
en  Chine  (XI,  p.  7).  C'est  peut-être  vers  cette  époque  que  le 
moine  chinois  Houei-je,  se  rendant  de  Chine  en  Inde,  passa 
également  par  Fo-che  (X,  p.  6). 

72/1.  P  M^^t^f^  Che-li-t'o-lo-pa-mo  (Çrindravar- 
man),  roi  du  Che-li-fo-che,  envoie  une  ambassade  en  Chine 

(XV,  p.  7). 

728.   Nouvelle  ambassade  quatre  ans  après  (XVI,  p.  8). 

782^65/1  çaka.  C'est  la  date  que  porte  l'inscription  trou- 
vée à  Java  et  qui  a  été  publiée  en  i885  dans  les  Bijdragen  par 
Kern  (^De  sanskrit- inscri plie  van  Canggal  (Kë(hi),  uit  çaka  65â 
(dans  Verspreide  geschrijten,  t.  VII,  1917,  p.  it/i-128). 
Le  passage  intéressant  pour  ce  mémoire  est  le  suivant  dont 
je  reproduis  le  texte  en  transcription,  d'après  Kern  : 

âsîddvîpavaram  \javâkhijamalula)ulhâ{inja)  divijâdkikarn 
smwpannam  kanakâknraistadamarai ... 

Il  était  (sic)  une  île  excellente,  incomparable,  appelée  Yava,  fertile 

'')  Sylvain    Li'vi,    Pour  l'histoire  du  Uâmâxjana ,  J.  As.,   XI*  série,  t.  XI, 
1918,  p.  i53. 


— M.(  162  ).«--  [218] 

en  céréales  et  autres  graines ,  riche  en  mines  d'or  ;  les  immortels  s'en 
sont  emparés  par etc.  (sic)  ... 

Après  avoir  noté  que  le  texte  devrait  avoir  asti  au  lieu  de 
âsît  (vide  supra,  p.  176),  Kern  dit  en  note  :  «La  traduction  est 
défectueuse  et  incertaine  (gebrekkig  en  onzeker);  il  manque  un 
mot  que  je  ne  sais  pas  comment  suppléer  parce  que  je  ne  puis 
pas  deviner  l'intention  du  poète.  La  première  syllabe  peut  être 
aussi  bien s/Ar7  quesvân  {ibid.,  p.  122,  n.  2).  Ce  passage  rap- 
pelle singulièrement  celui  de  Râmdyana  sur  Yavadvïpa  et  Kern 
n'a  pas  manqué  de  signaler  la  concordance  (mV/e  supra ,  p.  17^). 
Je  n'ai  rien  à  ajouter  à  ce  que  j'en  ai  dit  déjà  i^supra,  p.  176): 
il  s'agit  ici  delà  Yava  =  Java  de  nos  cartes  etl'épithète  de  kana- 
kàkara  «riche  en  mines  d'or  55  est  absolument  injustifiée  et  inex- 
plicable. La  richessse  en  or  est  un  fait  spécifiquement  sumatra- 
nais  qui  a  été  gratuitement  transporté  à  Java  sans  qu'on  puisse 
entrevoir  la  raison  cjui  a  dicté  de  tels  vers  au  poète. 

7/12.  Le  roi  de  Fo-che,  Witê  ^M  Licou- t'eng-wei-kong, 
envoie  son  fils  à  la  cour  de  Chine  pour  offrir  le  tribut  (XVII, 
p.  8). 

776.  L'inscription  sanskrite  de  Vien  Sa  (XXIX,  p.  ki) 
commémore  la  construction  de  trois  stupas  effectuée  sur  l'ordre 
du  roi  de  Çrïvijaya.  Le  texte  épigrapbique  donne  au  souverain 
les  titres  de  :  «roi  suprême  des  rois  55,  «Çrï  Maharaja»  et  ajoute 
qu'il  est  «le  chef  de  la  famille  des  Çailendra  (^litlér.  :  roi  de  la 
montagne) f^' 55.  On  a  vu  déjà  (p.  i65)  que  le  second  de  ces 
titres  est  celui  sous  lequel  fut  connu  par  les  Arabes,  le  roi  du 
Zâbag<:Jâvaka  qui  est  un  autre  nom  de  l'empire  de  Çrïvijaya. 

?  D'après    l'inscription    précédente,  l'empire    sumatranais 

'^'  Pour  la  traduction  «roi  de  ia  montagne^  au  lieu  de  «roi  des  montsn, 
cf.  mon  compte  rendu  de  Le  royaume  de  Cnvijaya  de  Coedès  dans  /.  As.. 
juillet-août  1919,  p.  198-199. 


[219]  -^.(  163  JK-i— 

s'étendait  jusqu'à  Vien  Sa  dans  la  seconde  moitié  du  viii'' siècle. 
Le  texte  ne  le  dit  pas  expressément,  mais  le  fait  de  la  posses- 
sion du  pays  par  l'empereur  sumatranais  me  paraît  résulter 
assez  clairement  des  titres  souverains  qui  lui  sont  attribués 
dans  ce  document;  un  prince  étranger  indépendant  ne  s'en 
serait  cerlainement  pas  accommodé  dans  son  propre  pays  (cf., 
par  exemple,  l'inscription  cola,  XXXII,  p.  /i6).  Viefi  Sa  est 
donc  sinon  une  colonie  de  Çrîvijaya,  tout  au  moins  un  pays 
de  protectorat  de  l'empire  sumatranais. 

Si  l'empire  de  Çrîvijaya  fait  acte  de  pouvoir  souverain  dans 
la  baie  de  Bandon  au  viif  siècle,  c'est  évidemment  que  ce  terri- 
toire alors  cambodgien  et  de  langue  cambodgienne  (cf.  l'in- 
scription de  Grahi,  supra,  XCI,  p.  181)  a  été  conquis  par 
l'empereur  sumatranais,  qui  s'est  également  emparé  des  autres 
états  ou  provinces  maritimes  de  la  péninsule  malaise.  C'est 
vraisemblablement  vers  cette  époque  qu'a  dû  avoir  lieu  l'expé- 
dition du  Mabârâja  du  Zâbag  ou  Çrîvijaya  contre  le  Cambodge. 
La  relation  qu'en  donne  Abv  Zayd  (XXXÏX,  p.  69-61)  a  été 
rédigée  au  début  du  x''  siècle;  Mas'îjdï  rapporte  les  mêmes  faits 
dans  ses  Prairies  d'or,  qui  ont  été  rédigées  en  g  4 3  {^swpra, 
p.  62).  L'un  et  l'autre  s'expriment  dans  les  mêmes  termes  : 
les  faits  dont  il  s'agit  se  sont  passés  -Uiii  ^oj-xï  ^  «dans  les 
temps  anciens 5?.  L'expression  est  aussi  vague  que  t^ jadis,  au- 
trefois 55  et  ne  peut  se  traduire  cbronologiquement  par  une 
reculée  déterminée;  des  informations  complémentaires  per- 
mettent seules  de  situer  les  faits  dans  le  temps.  L'inscription 
de  Vien  Sa  me  semble  en  tenir  lieu.  C'est  donc  au  vin*  siècle 
qu'on  peut  placer  l'expédition  victorieuse  du  Maharaja  contre  le 
Cambodge.  A  prendre  à  la  lettre  le  récit  de  Mas'ûdï  et  de  Abu 
Zayi)  qui  sont  identiques  dans  le  fond  et  la  fonne,  le  Maharaja 
avait  prétexté  «un  voyage  d'agrément  dans  les  îles  de  son 
royaumes,    pour   cacher  le  véritable  but  de  ses  armements 

ninriiiuK's  (^.wpra,  p.  60).  Le  terme  arabe  employé  :  jjU-=>-  bit. 


„.H^(  164  )^-H^  [220] 

«îles»  peut  s'appliquer  à  des  possessions  de  la  péninsule 
malaise  qui  est  elle-même  une  iiyyf^  «île 55  ou  rc presqu'île». 
Ce  voyage  d'agrément  dans  des  possessions  du  Zâbag  devait 
s'effectuer  dans  la  direction  du  Cambodge  pour  pouvoir  servir 
utilement  les  projets  du  Maharaja.  Comme  la  seule  terre  con- 
tinentale ou  insulaire  qui  remplît  ces  conditions  est  la  pénin- 
sule malaise,  on  en  est  amené  à  conclure  que  le  Zâbag  était 
déjà  souverain  d'une  partie  de  la  péninsule  sinon  de  la  pénin- 
sule tout  entière  au  moment  où  le  Maharaja  allait  venger  l'in- 
sulte de  ce  «  fou  »  de  roi  klimèr. 

779  =  701  çaka.  L'inscription  sanskrite  de  Kalasan 
(XXVIIÏ,  p.  38-/n)  nous  renseigne  sur  les  résultats  de  l'ex- 
pédition entreprise  en  686  contre  l'île  de  Java  (XXVII,  p.  36), 
plus  exactement  contre  le  roi  javanais  du  centre  de  l'île.  Qu'elle 
ait  précédé  ou  suivi  l'expédition  contre  le  Cambodge,  cette 
nouvelle  campagne  fut  également  victorieuse,  car  le  texte  épi- 
graphique  précité  présente  le  roi  «  de  la  dynastie  des  Çailen- 
dra»,  c'est-à-dire  de  la  dynastie  régnant  à  Çrïvijaya,  comme 
le  véritable  maître  de  Kalasan ,  faisant  une  donation  à  un  temple 
situé  en  son  propre  royaume.  Cette  situation  de  fait  est  impli- 
citement confirmée  par  un  passage  du  Sin  fang  chou  i^ihd.)  qui 
relate  le  transfert  à  Grise  (Java  oriental)  de  la  capitale  de  Java 
central,  abandonnée  au  Çailendra  victorieux  dont  l'occupation 
se  prolongea  pendant  environ  un  siècle. 

803-869.  L'inscription  bilingue,  sanskrite  et  khmère,  de 
Sdok  kak  thom  qui  contient  la  date  de  97/1  çaka=  1062  — 
«c'est  sans  doute  en  cette  année  même  qu'elle  fut  rédigée:?  — 
a  été  éditée,  traduite  et  commentée  par  Finot  (^B.E.F.E.-O., 
t.  XV,  1915,  II,  p.  53  et  suiv.).  Il  est  dit  dans  la  partie 
khmère  [ibid. ,  p.  71  ;  pour  le  texte,  p.  61  et  68-78;  pour  la 
traduction,  p.  87  et  88):  c^Alors  S.  M.  Parameçvara  (=  Jaya- 
varman   II,   72^-791    çaka  =  80 2 -86 9)  vint  de  Java  pour 


[221]  —M  ^65  )'€4~- 

régner  dans  la  cité  d'Indrapiira  .  .  .  Alors  un  brahmane  nom- 
mé Hiranyadâma,  savant  dans  la  science  magique,  Aant  de 
Janapada ,  parce  que  S.  M.  Parameçvara  l'avait  invité  à  faire 
un  rituel  pour  que  le  Kambujadeça  ne  fût  plus  dépendant  de 
Java  et  qu'il  y  eût  [dans  ce  royaume  de  Kambuja]  un  souverain 
cakravartin .  .  .  v  L'identification  de  Çrwijaya  à  Zâhag  <:  Jâ- 
vaka  =  Yava  =  Jâba  =  Jàwa  des  textes  arabes,  entraîne  auto- 
matiquement, pour  ainsi  dire,  l'interprétation  de  Java  par 
Java  =  Sumatra.  C'est  à  la  suite  de  la  campagne  du  Maharaja 
au  Cambodge  —  l'expédition  ayant  eu  lieu  vers  la  fin  du 
viif  siècle ,  ce  qu'autorisent  à  poser  l'inscription  de  Vien  Sa  et 
la  relation  de  Mas'ùdi  et  Abu  Zayd  —  que  l'empereur  sumatra- 
nais  vainqueur  aurait  imposé  au  Kambujadeça  un  souverain  de 
son  choix.  Le  Zâbag  se  situant  à  Sumatra,  Java  propre  est 
hors  de  cause,  car  ce  que  nous  savons  historiquement  ne  per- 
met en  aucune  façon  d'attribuer  un  tel  rôle  à  l'un  des  souve- 
rains javanais  contemporains  de  Jayavarman  IL 

8/i4-8/i6.  Première  mention  du  Maharaja  du  Zâbag  dans 
un  texte  arabe,  par  Ibn  Hordâ^beh  [supra,  XXV,  p.  52). 

85 1.  Texte  arabe  du  marchand  Sulaymân  (^supra,  XXV, 
p.  53). 

ix"  siècle  (fin  du  — ).  Isiiâk  bin  'Imrân,  mort  en  907,  fait 
mention  du  camphre  du  Zâbag  (^supra,  XXVIIl,  p.  55). 

909.  Ibn  al-Fakïh  donne  quelques  renseignements  sur  la 
situation  elles  produits  du  Zâbag  [supra,  XXXVI,  p.  bh). 

908  (vers  — ).  Ibn  Hosteii  décrit  l'ordahe  du  feu  en  usage 
dans  le  pays  du  Maharaja,  à  Pancur  ou  Baros  de  la  côte  occi- 
dentale de  Sumatra  (cf.  mes  Relalions de voijages ,  t.  I,  p.  79-80). 
C'est,  dit-il,  «un  pays  de  l'Inde  [hic)  bien  connu 55  (XXXVII). 


---«.(  166  )<s^  [222] 

90/i  (ou  906 ).  Envoi  d'une  ambassade  en  Chine  par  le 
San-fo-t'si  [supra,]-),  ili,  lyetn.  1). 

916  (vers  — J.  Abu  Zayd  fait,  pour  la  première  fois,  une 
description  un  peu  détaillée  du  Zâbag  {^supra,  XXXIX,  p.  56 
et  suiv.)  et  de  la  cour  du  Maharaja.  Suit  la  très  importante  re- 
lation de  la  campagne  du  Maharaja  contre  le  Khmèr  ou  Cam- 
bodge. Dans  ce  texte  arabe  apparaît  le  nom  de  la  ville  ou  état 
de  Sribuza  =  Çrmjaya. 

9/13  et  955.  Dans  les  Prairies  d'or  et  le  Livre  de  l'avertisse- 
ment (XL  et  XLI,  p.  62  et  63),  Mas'^ûdï  donne  des  renseigne- 
ments à  peu  près  identiques. 

960-962.  Le  roi  de  San-fo-ts'i,  ^.  M  ili  ^  ^  H  'fl  Si-li 
hou-ta  hia-li-t' an  =  Çrl  Kuda  Haridana  (?],  envoie  une  ambas- 
sade en  Chine.  Autre  ambassade  envoyée  pendant  i'hiver  de 
la  même  année  par  le  roi  ^  ^1J  ,%  Jf^  Che-li  Wou-ye=-Çvi 
Wuja(?),etau  printemps  de  962.  Le  dernier  ambassadeur  dit 
que  le  San-fo-ts'i  s'appelait  également  ^  ^  Sien-lieou,  vrai- 
semblablement pour  5^^  Mo-&oM  =  *yiirt'-//eoif  =  Malâyu 
(^swpra,  p.  ly,  n.  3). 

971,  972,  97^,  975-  Quatre  ambassades  envoyées  par 
un  ou  des  rois  non  dénommés. 

980 ,  983.  Ambassades  envoyées  par  les  rois  ^  '-^  Hia-tch'e 
ai  'M  ^  Hia-tch'e  (dans  les  deux  cas  il  s'agit  du  titre  indo- 
nésien Haji  «roi 55). 

983.  Passage  du  religieux  Fa-yu  se  rendant  d'Inde  en 
Chine.  Il  s'y  arrêta  encore  en  retournant  de  Chine  en  Inde 
[supra,  XX,  p.  22). 

988-992.  Autre  ambassade  en  988.  A  son  retour  de  Chine 
en  990,  l'ambassadeur  apprit  ctdans  le  Sud^;,  en  retournant  à 


[223]  — «.(  167  )<^— 

San-fo-ts'i,  que  son  pays  avait  été  envahi  par  les  Javanais  qui 
l'occupaient  encore  au  commencement  de  992.  Du  Campa  où 
il  recueillit  ces  fâcheuses  nouvelles,  l'ambassadeur  revint  à  la 
Cour  et  demanda  à  l'empereur  de  rendre  un  décret  mettant 
le  San-fo-ts'i  sous  le  protectorat  de  la  Chine.  L'invasion  du  San- 
fo-ts'i  par  les  Javanais  est  vraisemblablement  la  revanche  de 
l'invasion  du  centre  de  Java  en  686  et  de  l'occupation  de  cette 
partie  de  l'ile  par  les  Çailendra  jusque  vers  880  (supra,  XXVIII, 
p.  3 8-/11).  Autant  que  nous  sachions,  l'occupation  javanaise 
du  San-fo-ts'i  fut  de  courte  durée. 

x'  siècle.  Al-Faris  affirme  l'identité  de  Sribuza  et  de  l'ile  du 
Maharaja  (supra,  LXVII,  p.  'jk). 

1000  (vers  l'an — ).  V Abrégé  des  Merveilles  (^XLll,  p.  63- 
G/i)  fournit  des  informations  sur  le  pays  du  Maharaja,  Sribuza , 

V  ' 

Jàba  et  le  Zâbag. 

1  00 3.  Envoi  d'une  ambassade  en  Chine  par  le  roi  de  San- 
fo-ts'i  Çrïculamanivarman  (supra,  p.  19). 

ioo5  ou  1006.  La  21"  année  du  règne  de  Râjarâja  P"" 
(980-1012)  une  inscription  est  gravée  commémorant  la  dona- 
tion d'un  village  à  un  temple  buddhique  de  Negapatam  dont 
la  construction  fut  commencée  par  le  roi  de  Çrîvijaya  Cûlâma- 
nivarman  (le  souverain  précédent)  et  achevée  par  son  tUs  et 
successeur  Çrimâravijayotlungavarman  (sM/;m^  XXXII,  p.  /i6). 

ioo'7=-=92  9  çaka.  La  capitale  de  Java  est  détruite  et  son 
roi  tué.  Il  s'agit  vraisemblablement  d'une  campagne  heureuse 
du  Çrîvijaya,  en  représailles  de  l'invasion  du  San-fo-ts'i  par 
les  Javanais  une  quinzaine  d'années  auparavant  (cf.  P.  V.  van 
Stein  Callenfels,  De  veroveraar  vun  Dhurmmawangça's  kralon, 
dans  Oudlieiliumlig  verslag,  1919»  P-  i^^  et  suiv.). 

1008.   Envoi  d'une  ambassade  en  Chine  par  le  roi  Çrimâ- 


_„^5.(  168  ).«^  [22i] 

ravijayottungavarman ,  fils  et  successeur  du  précédent  i^supra, 

P-  19)- 

1017.  Haji  Sumatrabhûmi  wle  roi  de  la  terre  de  Sumatra  » 
envoie  une  ambassade  en  Chine  (^supra,  p.  19). 

1028.  Le  roi  Çrideva  envoie  en  Chine  une  ambassade 
{^supra,  p.  90). 

io3o.  Le  roi  Râjendracola  P'  (10  1  2-10/19)  au  cours  d'une 
heureuse  campagne  s'empare  des  possessions  métropolitaines 
et  coloniales  de  l'empire  de  Çrivijaya  {^supra,  XXXI,  p.  kk). 

io3o  (vers  — ).  Birùni  rapporte  cjue  les  îles  du  Zâbag 
sont  appelées  dans  l'Inde,  suvarnadvlpa  {\\A\\ ^  p.  64).  Cf.  éga- 
lement les  informations  contenues  dans  son  Kânûn  (^supra, 
p.  75). 

1067.  Devakala,  l'un  des  plus  hauts  dignitaires  de  San-fo- 
ts'i,  se  rend  en  ambassade  en  Chine  {^supra,  p.  90). 

1068.  Un  des  successeurs  de  Râjendracola  P"",  son  fds  (?) 
Vïrarâjendra  P",  prétend  aussi,  en  10G8,  avoir  conquis  Kadà- 
ram  et  l'avoir  ensuite  rendu  à  son  roi  (le  souverain  de  San-fo- 
Is'i;  cf.  HuLTZscH,  Soulh-lndian  Inscriptions,  t.  III,  p.  192, 
iq5,  90  2,  dans  CœoÈs,  Le  royaume  de  Çrivijaya,  p.  h,  n.  à). 

1068-1077.  D'après  le  Wen  hien  t'ong  k'ao  (Ma  Touan-lin, 
Méridionaux,  p.  586),  le  ^  ^  Tchou4ien  (ou  pays  des  Co- 
las) était,  à  cette  époque,  vassal  du  San-fo-ts'i. 

1078-1085.  Pendant  cette  période,  des  ambassadeurs 
sont  envoyés  en  Chine  (^supra,  p.  21). 

1080.  Un  étranger  du  Sud,  qui  avait  la  direction  des 
affaires  de  son  pays,  apporte  à  Canton  une  lettre  de  la  fille 
du  roi  écrite  en  caractères  chinois  [supra,  p.  91). 


[225]  — «.(  169  ).«-- 

1  oSa.  Arrivée  en  Chine  de  trois  ambassadeurs  du  San-fo-ts'i 
i^supra,  p.  2  i). 

io83.   Nouvelle  ambassade  en  Chine  {^supru,  p.  22). 

io8ii±.  Le  roi  de  Kidâra  =  Çrïvijaya  envoie  deux  ambas- 
sadeurs auprès  du  roi  cola  pour  demander  une  exemption  de 
taxes  au  bénéfice  du  village  donné  au  temple  buddhique  élevé 
par  les  soins  d'un  de  ses  prédécesseurs,  Çriculamaiiivarman 
[supra,  XXXIII,  p.  /ly). 

1088=  1010  çaka.  Une  inscription  tamoule  de  cette  date 
a  été  trouvée  sur  la  côte  occidentale  de  Sumatra,  à  LobuTawa, 
près  de  Baros.  Elle  rappelle  un  don  fait  par  un  groupe  de  per- 
sonnes qui  y  sont  appelées  ^des  i5oo??.  C'est  tout  ce  que  le 
mauvais  état  de  l'inscription  apermisàHuLTzscH  delire(cf.  ^cwr. 
v4s.,  juillet-août  1919,  p.  19^)- 

1 09/1-1 09  7, ''Autre  ambassade  pendant  cette  période  (p.  2  2). 

1182.  Harakî  cite  Tîle  de  Sribuza  d'où  l'on  exporte  le 
camphre  (^supra,  p.  Ghy 

11 5/1.  Vide  supra,  XLVI,  p.  65-66,  les  informations  re- 
cueilhes  et  transmises  par  Edrisî,  notamment  sur  les  relations 
du  Zâbag  avec  la  côte  orientale  d'Afrique. 

11 56.  Ambassade  envoyée  en  Chine  par  le  roi  du  San-fo- 
Is'i  que  le  texte  chinois  désigne  sous  le  titre  de  Çrïmaharâja 
{^supra,  p.  22). 

1178.  Autre  ambassade  [ibid.y  C'est  en  cette  année  que 
paraît  le  Ling  wai  lai  ta  de  Tcueou  K'iu-rEi  dont  le  Tchoii  fan 
tche  de  Tchao  Jou-koua  reproduit  textuellement  le  plupart  des 
informations  (p.  8-1  5). 

1Q2I1.   Le  Mujam  al-buldân  de  Yâkût,  qui  a  été  terminé  le 

H.  G.   FERIUND.  13 


-^.^(  170  )<^^  [226] 

i3  mars  de  cette  année,  contient  de  brefs  renseignements  sur 
Râmî,  Zâbag  et  Sribuza  (^supra,  p.  66). 

12  25.  Description  du  royaume  de  San-fo-ts'i  et  de  ses 
quinze  dépendances  dans  le  Tchou  fan  tche  de  Tchao  Jou-koua 
[supra,  XVIII,  p.  8-1 5). 

i2  5od=.  D'après  l'inscription  khmère  de  Jaya  {^supra, 
p.  i8 1  )  qui,  dit  CoEDÈs  (Le  royaume  de  Çr'wijaya,  p.  36),  «  ne 
saurait  être  postérieure  au  milieu  du  xiif  siècle  55,  régnait  à 
cette  époque  un  roi  du  Malâyu  appelé  Kamraten  Ail  Maharaja 
çrimat  Trailokyarâja  Maulibhusana  Varmadeva. 

1208-1286.  Ibn  Sa'id  fournit  d'intéressantes  informations 
surl'lijsulinde  occidentale  (^supra,  p.  70-72). 

126/1-1265.  Conquête  du  Jâvaka  =  Çrïvijaya  par  le  roi 
Jatâvarman  Vïra-Pândya  i^supra,  XXXIII  Us  et  XXXIII  ter, 
p.  /i8  et  suiv.),  qui  Tit  prisonnier  le   souverain  sumatranais. 

1275-1293.  c^  Quelques  dix  jours  après  [,  en  1293],  rap- 
porte le  Pararaton  (trad.  Brandes,  éd.KROM,  p.  92),  les  troupes 
[javanaises  de  Tumapel]  qui  étaient  allées  conquéiir  le  Malâ- 
yu''^, revinrent  avec  deux  princesses  [du  pays  vaincu].  L'une 
d'elles,  Raden  (la  princesse)  Dara  pôtak,  devint  la  hinihaji 
(femme)  de  Raden  Vijaya  \^aUas  Çrï  (Sa  Majesté)  Kertarajasa]. 
L'aînée,  [la  princesse]  Dara  jinga,  épousa  un  (leva  [=roi]  et 
fut  la  mère  du  roi  de  Malâyu,  Tuhan  (le  Seigneur)  Janaka, 
dont  le  nom  {Jiasirlasir  =  ravis"^  était  Çrï  Marmadeva  et  dont 
le  nom  de  règne  fut  Aji  Mantrolot.  La  campagne  entreprise 
contre  le  Malâyu  et  la  chute  de  Tumapel  eurent  lieu  dans  la 
même  année  çaka  1 1  97  [=  1275]   ...5? 

Ce  texte  imporlanl  demande  quelques  explications  et  recti- 
fications. La  date  du  début  de  l'expédition  javanaise  contre  le 

'*)  Le  Malâyu  du  lexle  javanais  désigne  Sumatra.  Vide  supra,  p.  i83. 


■r-**- 


[227]  — «.(  171  )■- 

Malâyu  ,1197  çaka  =  1  q  7  5  ,  est  exacte.  Cette  guerre  fut  entre- 
prise parle  roi  de  Tumapel  Cri  Kertanagara  (nom  posthume  : 
Çivabuddha),  le  ^è  M  âj  M  M^  /JP  ^'J  Ha-fche  Ko-ta-na-kia-la 
du  Yuan  che  (k.  169,  p.  5  v^j^Haji  (le  roi)  Kertanagara. 
Raden  Vijaya  (le  ±  ^  iÈJ»  llî  T'ou-han  P'i-chô-ye  =  Tuhan 
(Seigneur)  Vijaya  du  Yuan  che  \apud  Groeneveldt,  Notes, 
p.  1^9]),  nom  de  règne  Çrî  Kërtarajasa,  entre  en  scène 
l'année  de  la  prise  de  Tumapël  :  121/1  =  1992  (cf.  Pararaton, 
éd.  Krom,  p.  92,  n.  8).  Mon  savant  confrère,  le  professeur 
N.  J.  Krom  a  eu  l'obligeance  d'attirer  mon  attention  sur  le  fait 
que  le  Nâgarakèrtâgama ,  dont  l'auteur  était  mieux  renseigné 
que  celui  du  Pararaton,  contient  des  indications  préférables 
aux  données  de  ce  dernier  ouvrage  qui  sont  incontestablement 
inexactes.  Kertanagara ,  d'après  Prapanca  ,  est  mort  en  121/1  = 
1292  ,  l'année  même  de  la  prise  de  Tumapël  (cf.  Nâgarakërtâ-' 
gama,  trad.  Kern,  éd.  Krom,  chant  43,  strophe  5 ,  p.  112), 
C'est  dans  ce  sens  que  doit  être  modifiée  la  note  de  Pelliot, 
Deux  itinéraires,  p.  332  ,  et  mon  Malaka,  le  Malâyu  et  Malâyur 
(/.is.,XPsérie,t.  XI,  p.  /i8i-/i83,ett.  XII,  p.^  68-70). 

«Les  troupes  javanaises,  dit  le  Pararaton,  étaient  allées 
conquérir  le  Malâyu.  55  Que  faut-il  entendre  ici  par  Malâyu 
(telle  est  la  graphie  du  texte  sans  â  long)  ?  S'agit-il  du  Malâyu 
propre  (avec  ïâ  long  des  Malais),  c'est-à-dire  du  Minankabaw? 
La  réponse  n'est  pas  douteuse  :  Malâyu,  en  javanais,  désigne 
l'île  de  Sumatra  ;  nous  en  avons  pour  témoignage  certain  le 
chant  i3  du  Nâgarakèrtâgama  (2°  éd.  Krom,  p.  5o  et  1  2-1 3), 
où  Tanah  ri  Malâyu  et  le  pays  de  Malâyu  55  désigne  incontesta- 
blement l'île  de  Sumalra  tout  entière.  Il  faut  donc  entendre 
ainsi  la  phrase  précédente  :  «Les  troupes  javanaises  étaient 
allées  conquérir  le  Malâyu  =  Sumatra.»  Il  est,  cependant,  à 
peu  près  certain  que  la  campagne  ne  s'étendit  pas  à  toute  l'île, 
mais  fut  dirigée  contre  la  capitale  de  l'état  souverain,  en  l'es- 
pèce le  San-fo-ts'i  =Çrïvijaya.  C^ctte  interprétation  est  confirmée 

13. 


.(  172  )<^—  [2'28] 

par  le  passage  da  Ming  che  où  il  est  dit  à  propos  du  San-fo-ts'i  : 
«A  cette  époque  (iSyô)  le  San-fo-ts'i  avait  été  déjà  conquis 
par  Java 55  (^supra,  p.  aS,  etinfra,  p.  287).  Il  s'agit  ici  du 
même  événement,  c'est-à-dire  de  la  conquête  de  layô-iayS, 
enregistrée  dans  l'histoire  javanaise  sous  le  nom  de  conquête 
du  Malayu.  Si  le  Nngarakëriâgama  et  le  Pararaton  s'expriment 
ainsi,  c'est  que  le  Malâyu-Minankabaw,  pays  d'origine  des  Ma- 
lais, a  été  autrefois  l'état  suzerain  de  l'île  entière  jusqu'au  mo- 
ment oii(Yi-TSiNG  le  dit  expressément  [supra,  p-  6])  la  suze- 
raineté est  passée  au  Che-li-fo-che^Çrivijaya,  dont  on  sait 
l'éclatante  fortune  sous  la  dynastie  des  Çailendra  qui  étaient 
eux-mêmes  originaires  du  Minankabaw.  On  verra  plus  loin  que 
l'influence  politique  du  Malâyu  sur  les  anciennes  colonies  de 
la  péninsule  malaise  fut  utilisée  encore  au  xix''  siècle  par  les 
administrateurs  anglais  des  Etablissements  des  Détroits  i^Slraits 
settlementsy 

12  55  et  années  suivantes.  Le  Mahâvamsa  nous  a  conservé 
le  souvenir  des  faits  suivants  :  «  La  1  1"  année  du  règne  de  Parâ- 
kramabâhu  II  (roi  de  Ceylan  qui  régna  de  12/10  à  12^5  ^^*)  fut 
celle  où  un  certain  ro'\  jâvaka  (^jâvaharâjeko  [=roi  de  Zâbag]), 
appelé  Candrabhânu,  débarqua  avec  une  armée  de  Javaka  à 
Kakkhalâ,  après  avoir  traîtreusement  affirmé  :  «Nous  aussi, 
nous  sommes  buddhistes.  55  Les  guerriers  jâvaka ,  qui  étaient 
tous  munis  de  flèches  empoisonnées  comme  d'horribles  ser- 
pents,  se  rendirent  maîtres  de  tous  les  passages  de  rivières, 
tourmentèrent  cruellement  sans  relâche  tous  ceux  qu'ils  ren- 
contrèrent, se  répandirent  partout,  parcourant  en  furieux  l'île 
entière  de  Lanka  (Ceylan)  qu'ils  ruinèrent  .  .  .  Ayant  obligé 
les  Jâvaka  à  prendre  la  fuite,  le  régent  Vïrabâhu  hbéra  d'en- 
nemis tout  le  territoire  de  Lanka. 55  Quelques  années  après, 

(')  Pour  celle  rectification  à  l'cirlicle  de  Ki:rn,  cf.  Rouffaer,  Was  Malaka 
emporium  .  .  .,  dans  Bijdragen,  deel  77,  1  gai,  p.  83,  n.  1. 


[229]  --««(  173  )k-.— 

rapporte  encore  le  Mahâvnmsa ,  «ce  fut  à  cette  époque  que  le 
roi  (landrablmnu  qui,  précédemment,  avait  été  contraint  de 
s'enfuir  après  une  grande  bataille,  débarqua  à  Mahâlirtha  avec 
une  armée  de  Jâvaka,  après  avoir  rassemblé  une  grande  armée 
dans  les  royaumes  Pândya,  Çoja,  etc.,  ainsi  que  des  soldats 
tamouls  ...  55.  Cette  nouvelle  armée  fut  encore  battue  par 
VïraJjâhu  (^apud  Kern,  Twee  hrijgslochten  uii  des  Indischen  Archi- 
pel tegen  Ceilon,  paru  en  1896  dans  le  tome  XLVI  des  Bijdra- 
gen,  ààns  Verspreide  geschriften,  t.  III,  iQiS,  p-  29  et  suiv. 
Ces  deux  passages  du  Mahâvamsa  sont  dans  LXXXIII,  36-/i8, 
et  LXXXVIII ,  6  '2-7  5  ;  vide  supra,  p.  171).  Comme  nous  savons 
par  les  inscriptions  des  rois  colas  (rtV/e  supra,  p.  hh),  que  le 
Çrïvijaya  a  été  en  relations  fréquentes  avec  la  côte  orientale 
de  l'Inde,  que  Jâvaka  est  à  la  base  de  la  notation  arabe  Zâbag 
(^supra,  p.  171),  il  est  permis  de  supposer  que  Colas  et  Suma- 
tranais  étaient  alliés  vers  1260  pour  aller  piller  ensemble  l'île 
de  Ceylan;  cf.  également  le  témoignage  du  T chou  fan  tche  qui 
compte  Ceylan  comme  l'une  des  i5  dépendances  du  San-fo-ts'i 
{^supra,  p.  1  hy^\ 

1286=  1208  çaka.  Une  statue  de  Amoghapâça  Lokeçvara 
est  envoyée  par  le  roi  javanais  Kërlanagara  à  Suvarnabbûmi  = 
Malâyu  =  l'actuel  pays  de  Minaiikabaw  dont  le  souverain  est 
Çri  maharaja  çrîmat  Tribuvanarâja  Maulivarmadeva  {vide 
supra,  p.  179). 

On  a'^'groupé  ensemble  ci-dessous  ,^des  textes  chinois  et  une 
inscription  siamoise  portant  sur  les  années  1281-1801  qui 
nécessitent  un  commentaire  spécial  : 

1281.  «La  17^  année  Iche-i/uan,  au  12^  mois  (c'est-à-dire 
tout  au  début  de  1281),  dit  le  Yuan  che  (k.  11,  p.  h  r°),  au 

(>'  Les    inscriptions    de    Jatâvarman   Vira-Pândya    (supra,    XXXIII   bis   et 
XXXIII  Ivv,  j).  /18)  rapjielanl   la  confuuHc  do  Jâvaka  pur  ce  souverain,  peu- 


— ^«.(  ]lli  W—  [230] 

jout"  meou-ym,  de  ^  i^lj  ^-  Sou-ia-man  (Sulaymân),  chargé 
d'une  mission  au  royaume  de  /j'C  ^Ij  ^  Mou-la-yeou  [=  Ma- 
lâyu],  et  d'autres,  on  fit  des  tchao-t'ao-che;  ils  portèrent  à  la 
ceinture  une  tablette  d'or»  (^apud  Pelliot,  Deux  itinéraires, 
p.  826). 

1281.  «  La  1 8'  année  tche-ijuan,  au  6"  mois  (1281),  quand 
"i^  >§,  T  Chan-sseu-ting  (c'esl-à-dire  ^^i'^^  ij^^  Samsu  d-diii) , 
chargé  de  mission  pour  le  royaume  de  Mou-la-yeou,  arriva  au 
Campa,  son  navire  fut  détruit;  il  envoya  un  messager  demander 
pour  lui  un  navire,  des  approvisionnements  et  des  soldes  sup- 
plémentaires; un  ordre  impérial  lui  donna  plus  de  i./i 00  pi- 
culs  de  Y\zii  (Yuan  che,  k.  1 1,  p.  6  r",  dans  Deux  itinéraires, 
p.  826). 

1  292  ±1.  A  la  fin  de  la  fameuse  inscription  siamoise  dite  de 
Râma  Khamheng  (cf.  C.  B.  Bbadley,  The  oldest  known  writing 
in  Siamese,  thc  inscription  of  Phra  Ram  Khamaeng  of  Sukholhai 
I2g3  A.  D.,  The  Journal  of  the  Siam  Soc,  vol.  VI,  part.  I, 
1909,  p.  3o  ;  pour  la  date  :  G.  Coedès,  Notes  critiques  sur  l'in- 
scription de  Râma  Khamheng,  ibid.,  vol.  XII,  part.  I,  1918, 
p.  i3-2  5),  le  texte  épigraphitjue  rappelle  les  conquêtes  faites 
par  le  roi  aux  quatre  points  cardinaux,  çt  Dans  la  direction  du 
sud,  il  conquit  .  .  .  Sithammarat  et  le  rivage  de  la  mer 
océane.  n  Sithammarat  est  la  forme  siamisée  du  skr.  Çridhar- 
marâja[7iagara],  c'est-à-dire  de  Ligor'^^  sur  la  côte  orientale  de 
la  péninsule  malaise,  par  un  peu  plus  de  8°  nord^-'. 

vent  donner  à  croire  que  Gandrabliânu  était  un  simple  allié  du  roi  pânijya 
dans  les  opérations  entreprises  contre  Ceylan.  Tous  ces  textes  épigraphiqucs 
de  rinde  du  Sud  devront  être  étudiés  comparativement  pour  en  tirer  des  pré- 
cisions, tant  au  point  de  vue  des  faits  historiques  que  de  la  chrouoio^jie. 

(1-2)  (i)  Le  sanskrit  ûagara  «villes  a  abouti  en  cambodgien  et  siamois  aux 
formes  nohor,  Hgor,  lakkôn.  On  sait  également  que  Aiikor,  vulgairement  Aiigkur, 
est  également  issu  de  nagara.  Cf.  PiiLLioi,  bulletin  critique  du  T'oung  pau, 
t.  XIII,  191a,   J).   A6G-/1G7.    Çndhannarâja  [nagara]  rla  ville  de  sa  Majesté 


[231]  -^>{  175  ).«— 

1293.  Yi-k'o-mou-sou,  alias  Ye-hei-mi-che ,  l'un  des  gêné" 
raux  chinois  qui  faisaient  campagne  à  Java,  «envoya  Tclieng- 
kouei  notifier  les  ordres  impériaux  au  TJv  ^  |^  Mou-lai-yeou 
[=Malâyu]  et  à  d'autres  petits  royaumes;  tous  (les  rois  de  ces 
pays)  envoyèrent  leurs  fils  ou  leurs  frères  pour  faire  leur  sou- 
mission 55  (  Yuan  f/«e,  k.  1 3  1 ,  p.  8  v",  upud  Pelliot,  Deux  itiné- 
néraires,  p.  3  2  6-3  2 '7  ). 

129/1.  Le  10°  mois,  «au  jour  yi-sseu,  on  renvoya  les  am- 
bassadeurs du  ^  2E  M  Nan-wou-li  (le  Lâmurî  des  Arabes,  au 
nord  de  Sumatra),  du  }^:^^M  Sou-mou-tou-la  (état  de 
Sumatra,  sur  la  côte  nord-est),  du  |^  -^  $lj  ^  Ki-mo-ia-mao 
(vraisemblable  erreur  de  graphie  pour  \^  $lj  -^  Mo-la-yu  = 
Malayu)  et  du  ^  f^f  Tan-yang  (sur  la  côte  orientale  de  Suma- 
tra) pour  qu'ils  retournassent  dans  leurs  pays.  On  leur  fit  don 
de  tablettes  au  tigre  avec  double  perle,  de  tablettes  d'or  et 
d'argent,  d'or,  de  soieries,  de  vêtements  suivant  le  rang  de 
chacun.  Antérieurement,  lorsque  Ye-hei-mi-che  allait  en  cam- 
pagne contre  le  Tchao-wa  (Java),  il  avait  appelé  (à  se  sou- 
mettre à  l'empereur)  les  royaumes  situés  au  bord  de  la  mer. 
Sur  quoi,  le  Nan-wou-li  et  autres  (pays)  envoyèrent  des  gens 
pour  faire  acte  d'obédience.  Comme  on  interdit  (aux  navires) 
de  commerce  de  prendre  la  mer,  (ces  gens)  restèrent  à  la 
capitale.  A  ce  moment  (c'est-à-dire  en  129/1),  on  rapporta 
l'embargo  (mis)  sur  le  commerce;  c'est  pourquoi  on  les  ren- 
voya tous»  [Yuan  che,  k.  18,  p.  à  r°,  apud  Pelliot,  Deux  iti- 
néraires, 3  2  "7-3  28). 

1296.   La  1''°  année  yuan-tcheng  (1  295)  de  Tch'eng-tsong, 

Dharmarâja  (pâli  :  Dhammarâja)  «le  Roi  de  la  Loi'?,  a  été  fondée  ou  plutôt 
peut-ôlre  simplement  nommée  par  un  roi  siamois  de  ce  nom  (cf.  Coedès,  Docu- 
ments sur  la  dyiiattia  des  Sukiwduyu,  dans  B.li.F.E.-O.,  t.  XVII,  1917,11, 
p.  -'i/i-45).  —  '-'  Au  mémoire  cité  dans  la  note  précédente,  ajouter  un  autre 
article  de  Goedè^,  Les  origines  de  la  dynastie  de  Sukhodaija,  dans  7.  i4«.,  avril- 
juin  igao,  p.  233-2/i5, 


_.«.(  176  )^-i—  [232] 

le  royaume  de  j'S  Sien  [pron.  anc.  *Syam,  khmèr  Syâm^  pré- 
senta une  supplique  en  lettres  d'or,  priant  la  cour  [chinoise] 
d'envoyer  une  mission  dans  ce  royaume.  Or,  avant  que  cette 
supplique  n'arrivât,  on  avait  déjà  envoyé  une  mission;  c'est 
sans  doute  que  ceux-là  (c'est-à-dire  les  gens  du  Sien)  ne  le  sa- 
vaient pas  encore.  On  donna  à  l'envoyé  une  tablette  en  or  uni 
pour  qu'il  la  portât  à  la  ceinture.  L'envoyé  s'en  retourna  immé- 
diatement; un  ordre  impérial  envoya  une  mission  pour  partir 
avec  lui.  Comme  les  gens  du  Sien  s'entreluaient  depuis  long- 
temps avec  les  m  M  '^  5i  Ma-li-yu-eul  [=  Malâyur] ,  tous  à 
ce  moment  se  soumirent.  Il  y  eut  un  ordre  impérial  disant  aux 
gens  du  Sien  :  «Ne  faites  pas  de  mal  aux  Ma-li-yu-eul  afin  de 
tenir  votre  promesse:?  {Yuan  che,  k.  210,  p.  5  v°,  dans  Deux 
itinéraires,  p.  2/12). 

1299.  t^La  3"  année  ta-tô  (1299),  au  printemps,  le 
i*""  mois,  au  i*""  jour  qui  était  houei-wei ,  les  royaumes  barbares 
Sien,  des  ^%\\  {^  Mo-la-yeou  et  du  H  ^  Lo-hou  (sur  le 
bas  Ménam)  vinrent  chacun  apporter  en  tribut  des  produits  du 
pays.  On  accorda  au  prince  héritier  des  barbares  Sien  une 
tablette  au  tigre»  [Yuan  che,  k.  20,  p.  1  r°,  dans  Deux  itiné- 
raires, p.  2/18). 

i3ot.  «C'est  encore  du  même  pays  [de  Malâyu]  qu'il  doit 
s'agir,  dit  Pelliot  [Deux  itinéraires,  p.  828),  quand  il  est 
dit  {Yuan  che,  k.  20,  p.  5  r°)  que  la  5°  année  yuan-tcheng 
(1801),  le  8^  mois,  «au  jour  meou-wou,  ,||  ^  ^^  Ma-lai-hou 
et  d'autres  îles  de  la  mer  envoyèrent  des  ambassadeurs  à  la 
cour.  » 

Dans  mon  mémoire  sur  Malaka,  le  Malâyu  et  Malâyur 
(/.  As.,  XP  série,  t.  XII,  1918,  p.  i84  et  suiv.),  j'ai  déjà 
étudié  ces  textes  et  l'interprétation  qui  en  a  été  donnée  n'a  pas 
cessé  de  me  paraître  vraisemblable.  En  1296,  au  témoignage 


[233]  --«.(  177  )^-»— 

du  Yuan  che,  les  Ma-H-yu-eul  «s'entretuaient  depuis  long- 
temps» avec  les  gens  du  Sien,  c'est-à-dire,  à  celte  époque, 
avec  les  Thaïs  ou  Siamois  de  l'empire  de  Sukhodaya.  Or,  ni 
texte,  ni  inscription  ou  tradition  d'où  que  ce  soit,  n'indique 
explicitement  ou  implicitement  que  les  gens  du  Sien  aient 
jamais  fait  campagne  à  Sumatra.  L'argument  est  décisif  et  il 
faut  situer  ces  Ma-li-yu-eul  ailleurs  que  dans  la  grande  île 
indonésienne.  Comme  l'inscription  siamoise  de  Râma  Kham- 
heng  donne  comme  limites  à  l'empire  de  Sukhodaya  =  Sien, 
à  la  fin  du  xiif  siècle  :  au  nord,  Luang  Phrabang  sur  le  haut 
Mékong,  et  au  sud,  Ligor  =  Silhammarat,  sur  la  côte  orientale 
de  la  péninsule  malaise ,  c'est  au  sud  de  Ligor  qu'il  faut  recher- 
cher ces  Ma-li-yu-eul  =  Malâyur  (appelés  également  Mou-lai- 
yeou,  Mo-la-yu,  Mo-la-yeou,  Ma-lai-hou  =Malâyu).  La  loca- 
lisation de  ces  Ma-li-yu-eul  ou  Malâyu  est  précisée  par  les  an- 
ciennes relations  portugaises  et  le  Ming  che.  ç^Les  navires  du 
Siam,  rapportent  les  Commentaires  d'ALBUQUERQUE  i^Commenla- 
rios,  t.  III,  chap.  xvni,  p.  cjli),  ne  viennent  plus  à  Malaka 
avec  leurs  marchandises  parce  que  [les  Siamois]  ont  été  con- 
stamment en  guerre  avec  les  Malaios  (les  Malâyu  de  Malaka).  55 
Et  plus  loin  (^ibid.,  chap.  xxxvi,  p.  179)  :  i^ Le  roi  [de  Siam]  a 
toujours  été  en  guerre  avec  celui  de  Malaka;  à  cause  de  cela 
il  ne  fut  pas  fâché  de  voir  [Malaka]  détruit  [par  les  Portugais].» 
Dans  la  notice  que  consacre  à  f^  $lj  >&p  Man-la-kia  =  Ma- 
laka ,  le  Ming-clie  ou  Histoire  des  Ming,  il  est  dit  que  «  en  1^19, 
le  roi  de  Malaka  vint  à  la  cour  ...  En  s'en  allant,  il  affirma 
que  le  Siam  paraissait  disposé  à  attaquer  son  pays.  En  consé- 
quence, l'empereur  envoya  l'ordre  au  Siam  [de  ne  pas  atta- 
quer Malaka]  et  ce  pays  s'y  conforma»  (cf.  Groeneveldt, 
Notes,  p.  2  5o). 

Les  gens  de  Malaka  sont  donc  des  Mahujo  qui  étaient  «con- 
stamment en  guerre  »  avec  le  Siam.  Leur  pays  est  limitrophe 
des  possessions  thaïs  de  Sukhodaya  =  Sien,  que  les  Thaïs  ont 


-^(  178  ).«-.-  [23/t] 

conservées  après  leur  descente  sur  le  bas  Ménam  et  que  con- 
servent encore  leurs  descendants,  les  Siamois  modernes.  Il  me 
paraît  hors  de  doute  que  ces  Malaijo  sont  identiques  aux  Ma- 
li-iju-eul  du  Yuan  che  qui,  à  la  fm  du  xnf  siècle,  r^ s'enlretuaient 
depuis  longtemps»  avec  les  gens  du  Sien  =  Siam.  La  concor- 
dance de  ces  informations  de  sources  différentes  me  semble 
décisive  dans  ce  sens.  Le  passage  du  Yuan  che  a  trait  à  la  pé- 
riode antérieure  à  1296;  les  deux  extraits  des  Commentaires 
font,  au  contraire,  allusion  à  des  faits  postérieurs  à  la  fin  du 
xiif  siècle,  à  ceux  que  signale  le  Ming  che.  Les  textes  chinois 
et  portugais  témoignent  ainsi  que  l'état  d'hostilité  entre  le 
Siam  et  ses  voisins  Malâyu  de  Malaka  s'est  maintenu  pendant 
des  siècles,  malgré  les  interventions  répétées  de  la  cour  de 
Chine  pour  le  rétablissement  de  la  paix  entre  les  belligérants. 
On  sait,  enfin,  qu'à  l'époque  mongole,  V Histoire  des  Yuan 
(1 280-1868)  ne  fait  aucune  mention  exphcite  de  relations 
entre  la  cour  de  Chine '^^  et  le  Malâyu  ou  le  San-fo-ts'i  de  Su- 
matra. 

En  1225,  TcHAO  Jou-KOUA  énumèrc  dans  son  Tchou  fan 
tche,  quinze  dépendances  du  San-fo-ts'i  ou  Çrïvijaya  dont  huit 
sont  situées  sur  la  côte  orientale  de  la  péninsule  malaise 
[supra,  p.  i3).  Quelque  cinquante  ans  après,  les  Thaïs  de 
Sukhodaya,  autrement  dit  les  Siamois,  se  rendent  maîtres  de 
la  basse  vallée  du  Ménam  et  de  la  partie  septentrionale  de  la 
péninsule  malaise  jusqu'à  Ligor.  Cette  dernière  conquête  en- 
lève au  Çrïvijaya  ses  possessions  coloniales  de  la  péninsule 
qu'il  occupe,  au  plus  tard,  depuis  le  vnf  siècle <2)  ^cf.  supra, 

(1)  Cî.  mon  mémoire  Malaka,  le  Malâyu  et  Malâyui',  dans  J.  As.,  XI'  série, 
t.  Xll,  1918,  p.  83  et  suiv. 

(2)  L  ambassade  chinoise  envoyée  au  Cambodge  en  1296,  trouve  la  cam- 
pagne dévastée  par  la  guerre  siamoise.  «  Dans  la  récente  guerre  avec  les  Sia- 
mois, dit  le  Tchen-la  fong  tou  ki,  le  pays  a  été  entièrement  dévasté;?  {Mé- 
moires sur  les  coulumes  du  Cambodge  par  Tcueou  Ta-kouan,  trad.  et  annoté  par 


[235]  — «•(  179  )<^->- 

XXIX,  p.  Al,  l'inscription  de  Vien  Sa).  La  progression  du 
Si;im  vers  le  Sud  ne  s'arrèla  pas  là  et  se  poursuivit  jusqu'aux 
détroits,  car  le  Ming  clie  rapporte  qu'en  lAoS,  Malaka  payait 
au  Siam  un  tribut  annuel  de  quarante  taels  d'or  (cf.  Groene- 
VELDT,  Notes,  p.  2^8  et  un  renseignement  identique  dans  le 
Ying  yni  cheng  lan,  ihicL,  p.  9  63).  Dans  son  *Xj|yUi  iJca^ 
daté  de  i/iSy-i/i^o ,  Ibn  Mâjid  dit  également  (ms.  9992, 
folio  53  r",  1.  5-6)  :  -L<^i  '^■.i  ^sjû\^  iu-^  Jvji  {sic)  ^^L^-l^ 
«Singapour  est  par  plus  de  5  ^^inha  des  Farkadayn]  et  c'est  là 
que  se  termine  la  côte  du  Siamw.  Sulaymân  al-Mahrî,  dans  son 
^l^i  cjU^,  qui  est  de  la  première  moitié  du  xvi^  siècle,  s'ex- 
prime dans  le  même  sens  (ms.  2  55(),  folio  71  r°,   1.  5-6)  : 

cj^-j^Ji  (jj-o  f»U-w*5^  j?  f--^  ij^^  ^^iLs^.*«  'ss>*J^  yijviyiJî  «[Là  où] 
les  Farkadayn  sont  par  5  \jshd,  gît]  Singapour;  elle  [est  située] 
à  l'extrémité  de  la  côte  du  Siam,  dans  le  sud  55. 

Pendant  le  dernier  quart  du  xnf  siècle ,  le  glorieux  empire 
sumatranais  s'écroule.  La  longue  campagne  des  Javanais 
(1275-1293)  a  mis  fin  à  l'hégémonie  politique,  militaire  et 
navale  du  San-fo-ts'i  en  Insulinde  et  aboutit  à  une  sorte  de 
protectorat,  car  Tuhan  Janaka,  roi  du  Malayu  de  Sumatra, 
était  fils  de  la  princesse  sumatranaise  Dara  Jinga  ramenée  par 
les  troupes  victorieuses,  qui  épousa  un  roi  non  dénommé,  sans 
doute  javanais^'l  A  la  même  époque  (1276  et  années  sui- 
vantes), Candrabhânu  envahit  deux  fois  Ceylan  et  éprouve 
une  double  défaite '-l  Enfin,  les  Thaïs  de  Sukhodaya  s'empa- 
rent de  toutes  les  possessions  coloniales  du  San-fo-ts'i  sur  la 
péninsule  malaise.  Les  ambassades  à  la  cour  de  Chine  qu'on 
trouvera    mentionnées  plus   loin    ne   doivent   pas   donner  le 

Paul  PelUot,  datls  B.É.F.E.-O.,  l.  H,  1902,  p.  173-,  cf.  épalonicnt  p.  i3i). 
Ces  faits  de  {;uerro  sont  de  la  môme  période  que  la  conquête  des  coloules  suma- 
Iranaises  de  la  péninsule  malaise. 

^''    Vide  supra,  p.  ;!r>G. 

(-)   Vide  supra,  p.  2(!8  et  p.  17-.!,  n.  1. 


-i-^l 


{  180  )<^~-  [236] 

change  :  l'empire  a  vécu  et  la  cour  impériale  recevra  désormais 
l'hommage  d'un  simple  vassal  de  Java.  Raden  Vijaya  dont  le 
nom  de  règne  fut  Çrï  Kërtarajasa,  fonde  en  1216  çaka  = 
129/1  l'empire  de  Majapahit  dont  il  est  le  souverain  [prahhu, 
cf.  Pararaion,  trad.  Brandes,  éd.  Krom,  p.  1  28).  Il  avait  succes- 
sivement épousé  les  quatre  filles  de  Kertanagara  et  la  princesse 
sumatranaise  Dara  pëtak  ramenée  par  les  troupes  javanaises 
victorieuses  {^supra,  p.  226).  Un  second  grand  empire  se  lève 
en  InsuHnde,  héritier  des  possessions  de  l'ancien  Çrivijaya. 
Dans  son  Nâgarakërlâgama  qui  est  daté  de  1287  çaka  =  1 365 , 
Prapanca  les  énumère  complaisamment  à  la  louange  de  son 
maître  Hayam  Vuruk,  alias  Çrï  Râjasanagara  et  Saii  hyan  Vëkas 
in  sukha^^',  dans  les  chants  i3,  là,  i5,  16  (cf.  Nâgarahër- 
tàgama,  éd.  et  trad.  Kern,  2*  éd.  Krom,  p.  5o  et  suiv.)  et  83, 
strophe  k  (^ibid.,  p.  186)  :  ce  sont  l'Insulinde  et  la  péninsule 
malaise  à  peu  près  tout  entières;  le  Campa,  le  Cambodge  et 
d'autres  pays  de  l'Inde  Iransgangélique  Ksont  des  amis  con- 
stants 55  (chant  i5);  «sans  arrêt,  venaient  en  foule  toutes 
sortes  de  gens  des  autres  pays;  du  Jambudvïpa  (l'Inde),  du 
Cambodge,  de  la  Chine,  du  Yavana,  du  Campa,  du  Karnâ- 
taka,  etc.,  du  Gauda  (l'actuel  Gaur  en  Inde  orientale)  et  du 
Siam  ;  ils  venaient  par  des  navires  avec  de  nombreux  marchands , 
des  moines  et  de  distingués  brahmanes;  ceux  qui  vinrent  furent 
accueillis  et  restèrent  volontiers  [dans  le  pays]»  (chant  83, 
strophe  k).  Ce  sont  les  termes  mêmes  du  poème  vieux-java- 
nais. La  réalité  historique  est  naturellement  un  peu  en  deçà  des 
exagérations  attendues  d'un  poète  de  cour.  La  ^^Xa  ^^\^  ool5i^ 
ou  Histoire  des  rois  de  Pâsè  (cf.  mes  Relations  de  voyages,  t.  II, 
p.  666-669)  donne,  semble-t-il,  un  tableau  plus  exact  de 
l'expansion  territoriale  de  l'empire  javanais  en  Insulinde;  mais, 
cette  rectification  faite,  il  n'est  pas  douteux  que  les  souverains 

^''  Pour  ce  nom,  cf.  N.  J.  Krom,  De  hegraaf'plaaU  von  Hayam  Wuruh,  dans 
Bijdragen  tôt  T.,  L.  en  V.  van  Nederlandsch-Indië ,  deel  'jb,  1919,  p.  25-27. 


[237]  -H^(  181  )kh— 

de  Majapahit  fussent  en  relations  avec  tous  les  états  de  l'Ex- 
trême-Orient à  l'exception  du  Japon,  et  que  de  l'Inde  à  la 
Chine,  on  tînt  en  juste  considération  le  pays  et  les  hommes 
qui  avaient  victorieusement  repoussé  l'attaque  des  troupes  de 
Hubilaï  H  an. 

1825.  Information  sur  l'Insulinde  occidentale  dans  la  cos- 
mographie de  DiMASKi  (^supra,  p.  yS). 

1 273-183 1.  Autres  informations  fournies  par  Abdlfid 
(supra,  p.  7/1). 

?.  Récits  consignés  dans  les  Mille  et  une  nuits  [supra, 
p.  iG-j)  et  le  Livre  des  Merveilles  de  l'Inde  {supra,  \^.  62-68). 

i865=  1287  çaka.  Le  Nâgarakërtâgama  fournit  des  ren- 
seignements détaillés  sur  l'île  de  Sumatra  qu'il  désigne  sous  le 
nom  de  Tanali  ri  Malayu  ^^pays  de  Malayu»  [supra,  p.  i83). 

1  878.  Le  roi  du  San-fo-ts'i  '[Ë  B  fP  M  PrJ  #  Ta-ma-sa- 
na-a-tchô  envoie  une  ambassade  en  Chine.  Il  y  avait  alors  trois 
rois  dans  le  pays  [supra,  p.  2  5). 

187/1  et  1875,  au  1^'- mois.  Le  roi  .Ç|  iI5  R&  ^  #  #15  Ma- 
na-ha  Pao-lin-pang  =  Maharaja  de  Palemban  envoie  deux 
ambassades  (sMpra,  p.  26). 

1875,  au  9°  mois,  ambassade  envoyée  par  ff  flni  ^^  ^  1^ 
Seng-k'ic-lie-yu-lan,  l'un  des  trois  rois  du  San-fo-ts'i  [supra, 
p.  2,5  ,  et  cf. /.  yl.9,,  juillet-août  1919,  p.  196,  n.  2). 

1876.  Mort  du  roi  Ta-ma-sa-na-a-tcho  auquel  succède  son 
li!s  BM'^  Wi  M.  Ma-na-tcho  Wou-li  --  Maharaja  Wuli  (?) 
qui  envoie  une  ambassade  à  la  cour  de  Chine  l'année  suivante 
pour  demander  son  cxcqualur  à  l'empereur.  «A  cette  époque, 


~-*^{  182  )k^^  [238] 

ajoute  le  texte ,  le  San-fo-ts'i  avait  été  déjà  conf|iiis  par  Java. 
Le  roi  de  ce  dernier  pays  [c'est-à-dire  l'empereur  de  Maja- 
paliit]  apprenant  que  l'empereur  de  Chine  avait  nommé  un  roi 
pour  le  San-fo-ts'i ,  devint  très  en  colère  et  envoya  des  gens 
qui  tendirent  une  embuscade  aux  envoyés  impériaux  [appor- 
tant l'exequatur  de  la  cour  de  Chine]  et  les  assassinèrent,  v 
Le  Ming  che  ajoute  ensuite  cette  curieuse  phrase  :  «  L'empereur 
de  Chine  ne  pensa  pas  qu'il  eût  le  droit  de  punir  le  roi  de  Java 
pour  cela.  Après  cet  événement,  conclut  YHistoire  des  Ming,  le 
San-fo-ts'i  devint  peu  à  peu  de  plus  en  plus  pauvre  et  n'envoya 
plus  de  tribut  w  {^supra,  p.  2  5-2  6). 

XV*  siècle.  A  partir  de  i/io5,  des  désordres  se  produisent 
et  des  Chinois  établis  dans  le  pays  s'emparent  du  pouvoir  avec 
l'aide  de  compatriotes  du  Fou-kien  et  de  Canton.  L'ancienne 
dynastie  des  Çailendra  n'existe  plus  ou  ses  représentants  dégé- 
nérés passent  complètement  inaperçus  et  disparaissent,  tels, 
au  xix''  siècle,  les  derniers  successeurs  des  grands  Mongols  de 
l'Inde. 

Reste  le  Malâyu  propre,  je  veux  dire  l'ancien  suzerain  du 
Çrivijaya  au  vif  siècle ,  l'actuel  pays  de  Minaiikabaw.  L'épigra- 
phie  ne  nous  fournit  c|ue  quelques  noms  de  souverains  aux  xnf 
et  XIV*  siècles.  Les  inscriptions  sont  généralement  assez  déve- 
loppées, mais  leur  contenu  est  totalement  dénué  d'intérêt  en 
dehors  du  nom  royal  et  de  la  date.  Celle  de  1208  çaka 
(^supra,  p.  1  y^)  est  extrêmement  importante;  celle  de  1  260  rh 
est  importante  aussi,  car  elle  est  rédigée  en  cambodgien  et  a 
été  trouvée  dans  une  ancienne  possession  de  l'empire  suma- 
tranais.  Les  autres  textes  épigraphiques  n'ont  de  valeur  que  par 
les  noms  des  rois  dont  elles  commémorent  les  règnes.  En  voici 
la  trop  courte  liste  : 

1  2  5  G  i  ?  :  Trailokijarâja-maidihhûsana-varmadcea  =  le  Var- 


[239]  — «.(  183  > 

madeva  —  ornement  du  diadème  —  du  roi  des  3  mondes 
i^supra,  p.  i8i). 

iao8ç.  =  1286:  Tribuvanarâja-mauli-varmadeva  =  \e\ar- 
madeva  — diadème  —  du  roi  des  3  mondes  [sufra ,  p.  181). 

?.  Advayavarman,  père  du  roi  suivant. 

1969  0=13/17:  Àdityavarman  (ou  Udayàdityavarman, 
ou  encore  A[  jyâditynvarma)  rnjendra-maidimam  (var.  mauli- 
maUyvar madeva  =  le  Varmadeva  —  joy^^u  du  diadème  de 
rindra  des  rois.  Il  en  est  question  dans  les  inscriptions  de 

1278  ç.  =  i356,  1269  ç.  ==  13/17.  L'inscription  de  sa  pierre 
tombale  de  Kubiir  Raja  (Minankabaw)  est  datée  de  1  3oo  d=  ç.  = 

1378  et  il  y  est  titré  Kamhamcdinmdra  w  souverain  de  la 
terre  de  l'or  55  =  suvarnabhûmi  du  Malâyu  de  Tinscription  de 

1208  çaka  ci-dessus  (^supra ,  p.  182). 

?.  Anangavarman,  fils  du  précédent;  il  fut  probablement 
son  successeur  (ibid.). 

1/189.  Description  de  Sumatra  par  le  mualUm  Ibn  Mâjid 
{^supra,  p.  79-8/1). 

xvi°  siècle  (première  moitié  du  — ).  Description  de  Sumalra 
d'après  «j-qJII  s^iJî  et  ^l^li  (J^i  du  mualUm  Sulaymân  al- 
Mahrï  (^supra,  p.  8 3- 10 A). 

Nous  sommes  redevables  à  Newbold,  l'auteur  du  Pohtical 
and  slatisiical  account  oftlie  Brilish  scttlements  in  the  Straits  oj  Ma- 
lacca  (•2"  vol.,  in-8%  Londres  1839),  de  la  connaissance  d'un 
document  de  haute  importance  appelé  Trumba  piisaka  «loi  de 
succession  n,  Trumba  pusaka  Minnitkabaw  «loi  de  succession  du 
Minankabaw w,  ou  encore  Trumba  Minahkabaw  «loi  du  Minan- 
kabaw», dont  j'ai  récemment  donné  une  traduction  nouvelle 
(dans  Malaka,  le  Mnlài/u  el  Mnldi/iir,  ./.  As,,  XI"  série,  t.  XII, 


•—«.(  184  )k-ï^-  [240] 

1918,  p.  5i  et  suiv.).  Ce  document  a  été  rédigé  vers  1826; 
c'est  une  lettre  d'intronisation  de  Raja  Lâbu  comme  Yah  di- 
përtuan  (iitt.  :  «celui  qui  est  fait  maître,  qui  est  reconnu 
comme  maîtres,  le  souverain  suprême)  des  quatre  états  dissi- 
dents de  la  péninsule  malaise  qui  continuaient  à  reconnaître 
l'autorité  traditionnelle  du  Minankabaw.  Le  signataire  du 
Trumha  pusaka  est  le  Grand  Sultan  Maharaja  di  râja  de  Minan- 
kabaw. Il  affirme  une  suzeraineté  purement  nominale,  mais 
qui  rappelle  une  ancienne  suzeraineté  effective,  sur  l'île  de  Su- 
matra tout  entière  et  sur  l'état  javanais  de  Bantën  ou  Bantam 
qui  faisaient  partie  de  l'ancien  Çrïvijaya.  Si  on  se  rappelle 
qu'en  1826,  le  sultan  de  Minankabaw  était  un  simple  souve- 
rain indigène  soumis  à  la  Hollande  et  qu'il  intronisait  un  autre 
souverain  indigène  résidant  en  territoire  colonial  anglais,  on 
pourra  juger  du  prestige  qu'avait  conservé,  longtemps  après 
la  conquête  étrangère,  l'héritier  des  titres  et  prérogatives  du 
grand  empire  sumatranais  disparu.  Quatre  Yah  di-përtuan  de 
la  péninsule  malaise  furent  successivement  désignés  et  intro- 
nisés par  le  sultan  de  Minankabaw  :  Adil  qui  mourut  en  1796 
ou  1796;  Hïtam,  mort  en  1808;  Leiigan  Laut,  mort  en 
1824.  Râja  Lâbu  intronisé  en  1826,  ne  régna  que  six  ans. 
A  partir  de  1882,  son  successeur  fut  désigné  dans  le  pays 
même  et  on  n'eut  plus  recours  au  sultan  de  Minankabaw.  Les 
exigences  de  la  politique  coloniale  mirent  fin  à  la  pratit[ue  qui 
consistait  à  demander  à  un  souverain  soumis  à  la  Hollande,  la 
nomination  du  chef  des  sujets  britanniques  indigènes  de  la 
péninsule  malaise. 

Tels  sont  les  renseignements  que  nous  fournissent  les  textes 
sanskrits,  pâhs,  chinois,  tamouls,  arabes,  persans,  cam- 
bodgiens, siamois  et  indonésiens  pendant  quelque  quinze 
siècles.  Ces  informations  présentent  de  grandes  lacunes  que 
l'avenir  comblera  peut-être;  mais  les  faits  parvenus  à  notre 


[2Û1]  — *9.(  185  )<^— 

connaissance,  ceux  surtout  qu'a  rapportés  Yi-tsinf^,  sont  assez 
nets  et  précis  pour  faire  revivre  la  grandeur  de  l'ancien  empire 
sumatranais.  Le  Çrîvijaya  entre  dans  l'histoire  générale  de 
l'Asie  orientale  au  moment  où  régnent,  en  Chine,  la  grande 
dynastie  des  T'ang  (618-906);  à  Bagdad,  les  illustres  kha- 
lifes abbassides  Hârûn  ar-Rasid  (786-809)  et  son  fils  Al- 
Mâmûn  (81 3-8 3 3),  tous  deux  contemporains  de  Chaiiemagne. 
L'Inde  a  accompli  cet  autre  miracle  insoupçonné  :  la  création 
à  Sumatra  d'un  centre  de  civilisation  indonésienne,  qui  dès 
le  VIII*  siècle,  avait  pour  roi  un  souverain  cakravartin  dont  la 
renommée  s'étendra,  au  x%  jusqu'au  lointain  Népal. 

On  aurait  dû  s'en  douter  plus  tôt^');  mais  nous  avons  tous 
été  victimes  d'une  illusion  d'optique.  Les  relations  occidentales 
sur  rinsulinde  de  la  fin  du  xiii"  et  du  xiv*  siècles  (Marco  Polo, 
Odoric  de  Pordenone)  et  des  siècles  des  découvertes  (relations 
portugaises,  hollandaises,  anglaises  et  françaises),  présentent 
généralement  Java  comme  une  île  riche,  prospère  et  d'antique 
civihsation;  Sumatra,  au  contraire,  est  un  pays  de  sauvages  et 
d'anthropophages.  Cette  impression  s'accentue  et  se  précise  au 
fur  et  à  mesure  qu'on  retrouve  à  Java  des  ruines  de  palais  et 
de  temples  d'une  incontestable  grandeur;  elle  s'étabHt  défini- 
tivement et  s'impose  par  la  découverte  de  ce  splendide  monu- 
ment qu'est  le  Boro-Bodur,  achevé  dans  le  courant  du  ix*  siècle '^l 


(')  Dans  une  note  à  sa  traduction  du  Ta  t'ang  si  yu  k'ienu  fa  kao  teng 
Ichouan  de  Yi-tsing,  Chu^kj^urs  {Religieux  éminenls ,  189/1,  P-  ^o^)  avait  mon- 
tré l'identité  du  Che-li-fo-che  et  du  Zabedj  [sic)  et  rappelé  le  passage  do  Birûni 
sur  le  suvarnadvïpa  {supra,  p.  6i).  Ainsi  présentée,  l'identification  n'allait 
pas  de  soi,  car  il  n'y  a  aucun  rapport  piionéticiuc  entre  les  transcriptions  chi- 
noise et  arabe;  elle  ne  fut  pas  adoptée.  Quinze  ans  après,  Gkiuni  la  reprit 
dans  ses  Reseavches  on  Plolenu/s  geography  of  Easlern  Asia  (Londres,  1909, 
in-8°;  voir  à  l'index,  s.  v°  Zàbej)  où  il  transcrit  également  Zâbej.  A  son  habi- 
tude ,  l'auteur  restitue  toutes  les  formes  imaginables  sans  s'arrêter  à  la  seule 
correcte  avec  ^  en  fonction  de  gutturule  sonore;  et  on  n'en  tint  pas  compte. 

'''  Cf.  Archaeologisch  Onderzoek  in  Nedurlamhch-ïndié.  III.   Bcschriiving  van 

H.   G.    FKnn.l.ND.  i3 


— «.(   186  ).«—  [242] 

Tout  récemment  encore ,  l'île  voisine  ne  présentait  rien  de  pareil. 
Ses  titres  sur  pierre  à  une  ancienne  culture  étaient  peu  nom- 
breux et  inconnus,  donc  inexistants  pour  l'historien.  Sa  popu- 
lation actuelle  ne  conserve  pas  de  traces  d'un  glorieux  passé  : 
Atchinais  du  Nord,  Bataks  de  l'Ouest,  Malais  de  l'Est,  Minan- 
kabaws  et  Lampons  dn  Sud  ont  tout  à  fait  allure  de  barbares. 
Les  textes  chinois  qui  ont  tant  à  nous  apprendre  sur  Sumatra 
n'avaient  pas  été  traduits;  les  inscriptions  tamoules  et  les  géo- 
graphes arabes  étaient  mal  interprétés.  Nous  sommes  enfin 
mieux  informés  grâce  aux  recherches  entreprises  sur  place  et 
à  l'étude  d'un  grand  nombre  de  documents  orientaux.  La 
réunion  de  tous  ces  témoignages  est  singulièrement  instructive 
et  il  s'en  dégage,  presque  automatiquement,  un  point  de  vue 
nouveau  qui  est  exposé  dans  ce  mémoire. 

Kern  termine  son  article  intitulé  :  Java  en  het  Goudeiland 
volgens  de  oudste  berichten^^^  par  les  conclusions  suivantes  : 
«  1°  D'après  la  conception  dominante,  Suvarnadvîpa  et  Yava- 
dvîpa  étaient  une  [seule  et  même  île];  q°  deux  îles  initiale- 
ment différentes  furent  confondues  l'une  avec  l'autre;  3°  au 
sens  propre,  Suvarnadvîpa  est  Sumatra,  et  Yavadvïpa,  Java; 
li°  Sumatra  (ou  une  partie  de  Sumatra)  et  Java  ont  été  consi- 
dérées comme  un  tout,  peut-être  parce  que  les  deux  îles  fai- 
saient partie  d'un  même  groupement  politique;  5°  par  Yavakoti 

Barabudur,  samengesteld  door  N.  J.  Krom  en  T.  van  Erp.  1"  deel.  Archaeolo- 
gische  Beschrijving  door  N.  J.  Krom,  s'Gravenliage,  1920,  gr.  in-4°,  viii- 
791  pages,  avec  atlas  de  liks  planches  in-folio.  Sur  cette  magistrale  publication, 
cf.  le  compte-rendu  de  Finot,  dans  B.É.F.E.-O.,  t.  XX,  1920,  IV,  p.  iSS-i/ig. 
D'après  l'étude  paléographique  des  épigraphes,  Kern  fixait  la  date  de  construc- 
tion du  Boro-Budur  vers  85o;  Kkom  indique  760  à  800  de  notre  ère.  11  est 
à  peu  près  certain  que  ce  temple  fameux  a  été  achevé  dans  le  courant  du 
ix°  siècle  (Finot).  D'après  une  récente  note  de  Coedès  {A  propos  de  la  date 
d'édification  d'Angkor  Vat,  dans/,  is.,  janvier-mars  1920,  p.  96-99),  wAng- 
kor  Vat  ne  saurait  être  antérieur  à  ma  A.  D.n. 

(')  Publié  en  1869  dans  les  Bijdragen,  réimprimé  en  1916  dans  le  t.  V 
des  Verspreide  geschi'iften,^.  it'4. 


[243]  ^-«.(  187  ).«— 

«la  pointe  de  Yava»''*,  on  a  désigné  proprement  le  cap  orien- 
tal de  Java. 5)  A  mes  yeux,  ces  conclusions  ne  sont  pas  entière- 
ment justifiées.  Sumatra  et  Java  ont  été,  il  est  vrai,  désignées 
sous  le  même  nom  :  Yava  et  ses  dérivés;  nous  en  avons  l'as- 
surance certaine  pour  Sumatra  par  Marco  Polo  et  les  textes 
arabes  jusqu'au  xiv'  siècle  (voyage  de  Ibn  Batûta).  Mais,  dans 
les  passages  du  Râmâyana  et  de  la  Géographie  de  Ptolémée 
que  j'ai  reproduits  (supra,  p.  202  et  209),  Yavadvipa  est 
pour  moi,  Sumatra.  Des  environs  de  notre  ère  à  la  seconde 
moitié  du  11'  siècle,  Java  était  vraisemblablement  moins  bien 
connue  que  Sumatra  dont  la  richesse  en  or  est  notée  comme 
un  fait  remarquable  par  Vâlmîki  et  par  le  géographe  alexan- 
drin. Ce  n'est  que  beaucoup  plus  tard  que  cette  richesse  a  été 
inexactement  attribuée  à  Java,  grâce  sans  doute  à  l'identité  de 
nom  des  deux  îles  et  parce  que  Yava  >  Jâiva  désigna  postérieu- 
rement la  seule  île  de  Java.  Enfin,  Yavahoù  me  semlDle  plutôt 
devoir  être  interprété  par  «pointe  de  Yava  =  Sumatra  ». 

Cet  article  a  été  écrit  en  pieux  hommage  à  la  mémoire  de 
Hendrik  Kern  (2).  Le  maître  regretté  auquel  l'Institut  royal  de 
La  Haye  élève  le  beau  monument,  perennius  aère,  que  sont  les 
Verspreide  Geschriftcn,  était  un  orientaliste  illustre;  mais  il  fut 
aussi  un  grand  citoyen  épris  de  vérité  et  de  justice,  inflexible 
en  matière  de  droit  et  d'honneur,  affectueux  et  tendre  dans 
son  milieu  familial,  fidèle  et  dévoué  à  ses  amis  et  ses  élèves, 
inlassablement  obligeant  à  tous,  ainsi  qu'en  peut  témoigner, 
avec  bien  d'autres,  le  signataire  de  ces  lignes '^l.  Le  savant  était, 
chez  lui,  de  premier  ordre;  fhomme  fut  toujours  égal  au  sa- 

'■'   Vide  supra,  p.  21 3. 

(^)  ^é  le  8  avril  i833,  Kern  est  décédé  le  /i  juillet  1917.  Cf.  l'arliclc  nécro- 
logique auquel  il  est  fuit  allusion  dans  la  noie  suivante. 

'')  Cf.  l'article  nécrologique  de  S«odck  HuncnoNJE,  dans  Uijdiafrcn  loi  de  T., 
L.  en  V.  van  A'.-/.,  deel  73,  1917,  uolammeut  [>.  vu. 


— «.(  188  ).€^—  [244] 

vant.  Tel  parmi  nous  son  souvenir  demeure,  admirable  modèle 
et  perpétuel  enseignement '^l 

(''  MM.  N.  J.  Krom  et  Ph.  S.  van  Ronkel,  de  rUniversité  deLeyde;  Gaude- 
froy-Demo.mbynes  et  Paul  Pelliot  m'ont  obligeamment  fourni  de  très  utiles 
indications.  Je  leur  en  exprime  ici  mes  plus  cordiaux  remerciements. 


[Extrait  du  Journal  asiatique,  juillet-septembre  et  octobre-décembre  igaa.) 


[2/15] 


.{  189  > 


TABLE   DES   MATIERES. 


Introduction i 

TEXTES   CHINOIS. 

Yi-tsing 3 

Houei-je " 

Vajraliodhi 7 

Ambassades    en    Chine    (7i3- 

7^12) 7 

Tchou  jan  tche 8 

Song  che 1 5 

Ming  che a^ 

Tao  yi  tche  lio 3o 

Ying  y  ai  cheng  lan 3  a 

Sing  tch'a  cheng  lan 35 

Tong  si  yang  k'ao 36 

INSCRIPTIONS   MALAISES, 
SANSKRITES    ET   TAMOULES. 

Inscription  de  Baiika 36 

La  reine  Si-nio  de  Java 87 

Inscription  de  Kalasan 38 

Les  Çailendra  à  Java 89 

Inscription  de  Vieii  Sa ^1 

Manuscrit  népalais /ia 

Inscription  cola  de  Tanjore..  .  .  A/i 

Grande  charte  de  Leyde 46 

Inscription  cola  de  io8ù ^17 

Inscription    de  Jatâvarman   de 

1364 '. 48 

Inscription    de    Jatâvarman  de 

ia65 .' 48 

TEXTES   ARABES   ET    PERSANS. 

Ibn  Hordàiîbeh 5u 

Sulaymân 53 


Ibn  al-Fakih 54 

Ibn  Rosteh 55 

Lsliak  bin  'Imrân 55 

Abu  Zayd  Hasan 56 

Mas'ûdi 62 

Ibrahim  bin  Wâsif-Sâh 63 

Bïrûni 6^ 

Harakï 65 

Eilrisï 65 

Yâkût 66 

Kazvvinî 67 

Ibn  Sa'id 70 

Kutb  ad-din  as-Sirâzï 72 

Dimaskî 73 

Abûlfidâ TU 

Hamdullah  Mustawfi 70 

Ibn  al-Wardi 7^ 

Bàkuwï 78 

IbnMàjid 79 

Ibn  lyâs 84 

Sulaymân  al-Maliri 85 

Abul-Fazl 161 

Mille  et  une  nuits 162 

Livre  des  Merveilles  de  l'Inde..  169 

ÇRlVlJAYA  >  CIIE-LI-FO-CHE 
=  ZÂBAG<;jiVAKA=  SU- 
MATRA   i63 

SUVARNADViPA  =  SUMATRA. .  177 

Yi-tsing 178 

Vie  de  Dipanikara  Atiça 178 

Inscription  malaise  de  1286.  .  179 
Inscription  cambodgienne   de 

Grahi 181 


.(  190 


Nâgarakrtâgama i8a 

Textes  portugais i85 

Les  îles  de  l'or i85 

Voyage  de  Pacheco 186 

Lendas  da  India 188 

Godinho  de  Eredia 189 

Voyage  de  Quast 196 

Sulaymàn  al-Mahrï 197 

Ibn  Mâjld 197 

Le  Muhlt  de  Sîdi  'Ali 198 

Les  îles  Zarïn a 00 

ESQUISSE  HISTORIQUE.  .  ,  201 

Râmâyana aoa 

Heou  han  chou 908 

Ptolémée 309 

Mission  de  K'ang  T'ai 209 

Che  eut  yeou  king 210 

Fa-hien 210 

Gunavarman ,..  211 

Àryabhata 912 

Le  Malâyu  en  644 2i3 

Inscription  de  Pagar  Ruyon  de 

656 2)4 

Ambassades     en     Chine     au 

vii°  siècle 2i4 

Poème  tamoul  Manimegaîai, . .  9 1 4 

Yi-tsing 2i4 

Ambassades     en     Chine     au 

viii°  siècle 217 

Inscription  de  Cafigal  (Java).  .  217 

Inscription  de  Vieù  Sa 218 

Campagne  contre  le  Cambodge.  9 1 8 

Inscription  de  Sdok  kak  thom.  920 

Les  textes  arabes 921 


).«—  [246] 

Expédition    contre     Java     en 

1007 228 

Ambassades  en  Chine 228 

Campagne  victorieuse  de  Râ- 

jendracola  en  io3o 294 

Autre    campagne     victorieuse 

des  Colas  en  1068 29  4 

Colonie  tamoule  à  Baros 9  95 

Ambassades      en     Chine     au 

xii'  siècle 225 

Campagne  victorieuse  de  Jatâ- 

varman  Vîra-Pândya 226 

Campagne  victorieuse  des  Ja- 
vanais en  1275-1293 226 

Campagne       contre       Ceylan 

d'après  le  Mahâvamsa 228 

Envoi  d'une  statue  au  Malâyu 

par  Kërtanagara 229 

Textes  chinois  sur  le  Malâyu 

ou  Malâyur 229 

Inscription    de   Râma    Khara- 

heng 280 

Textes  chinois  sur  le  Malâyu.      281 
Situation  de  ce  Malâyu  sur  la 

péninsule  malaise 2 3a 

Ambassades     en     Chine     au 

xiv'  siècle 287 

Conquête   du    San-fo-ts'i    par 

Java 288 

Le  Malâyu  =  Minaiikabaw. .  .  .      288 

Java  et  Sumatra 24i 

Les  conclusions  de  Kern a4a 

Rectifications  proposées 94a 

Hommage    au   maître   hollan- 
dais       348 


r\ 


l 'ta'  t   m   t^  %^>^  f   «^ririr 


D3  Ferrand,  Gabriel 

6/^6       L'empire  sumatranais  de 

.1  Grivijava 
F4. 


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