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Full text of "Le mystère de la passion d'Arnould Greban. Publié d'après les manuscrits de Paris avec une introd. et un glossaire"

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LE  MYSTERE  i 


LA   PASSION 

D'ARNOUL   GREBAN 


I .  y  0  N    ,  —   IMPRIMERIE    P  I  T  R  A  T   A  1  N  É  ,    RUE    0  E  .N  T  I  L ,    i. 


LE  MYSTÈRE 


DE 


T 


LA  PASSION 


D'ARNOULD  GREBAN 

P  U  U  1, 1  É 

d'aPUÉS    les    manuscrits    de    PARIS    AVEC    UNE    INTRODUCTION 
ET    UN    GLOSSAIRE 


GASTON  PARIS  et  GASTON  RAYNAUD 


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PARIS 

F.    VIEWEG,    LIBRAIRE-ÉDITEUR 

UUK    I>  K    RICHELIEU,    t>7 
BN    I    VCIi    nu    L\    HIBMOTHKQUB    N.VTIONALK 

1.S78 


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fu.62 

I  ^7? 


INTRODUCTION 


Nous  n'avons  pas  l'intention  d'apprécier  ici  la  valeur  et  l'importance  de  l'œuvrp 
que  nous  publions,  ni  de  lui  assigner  sa  place  dans  l'iiisloire  du  drame  religieux  au 
moyea-âge.  11  faudrait  pour  cela  retracer  cette  histoire  tout  entière,  et  ce  sujet, 
outre  qu'il  exigerait  des  développements  considérables,  ne  peut  être  traité  d'une 
façon  complète  avant  qu'on  ait  publié  un  grand  nombre  de  documents  indispensables. 
Parmi  ces  documents,  la  Passion  d'Arnoul  Greban  est  sans  contredit  un  de  ceux 
qui  méritaient  le  plus  d'être  mis  au  jour.  Nous  avons  voulu  remplir  un  vœu  qui 
avait  été  exprimé  depuis  longtemps'  et  plus  d'une  fois  répété,  qui  avait  dû  être 
accompli  par  d'autres  que  nous  il  y  a  déjà  bien  des  années  *,  et  dont  l'exécution  ne 
peut  manquer  d'être  bien  accueillie,  non-seulement  par  les  curieux  de  notre  ancienne 
littérature,  mais  par  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'histoire  du  tliéàtre  moderne. 
Nous  nous  bornerons  ici  à  donner  sur  l'auteur,  sur  son  œuvre  et  sur  les  manuscrits 
qui  nous  en  sont  parvenus,  les  renseignements,  malheureusement  trop  peu  nombreux, 
que  nous  avons  pu  recueillir. 


Le  plus  ancien  manuscrit  du  Mi/stèrc>  de  (a  Passion  que  nous  ayons  conservé, 
celui  que  nous  désignons  par  A,  contient  une  rubrique  que  nous  avons  imprimée  à  la 

'  «  la  publicaliou  de  ce  texte,  d  disait  M.  Paulin  Paris  en  1815,  «  auroit  un  vérita)>le  inteict;  c.-.r  on  ne 
peut  sempê.-lier  de  le  regarder  comme  le  plus  beau  monunien!  de  notre  ancienne  lilt^ralnrc  dramatique.  » 
(Les  Manuscrits  français  de  la  biblioUièqite  du  roi,  VI,  310.) 

*  i<  Kn  IS.î."»,  l'éditeur  de  la  Mbliotliè'jue  cl/.évirienne  annourail  le  Mystère  de  la  Passion  comme  dc- 
Tnnt  faraitre  dans  un  délai  rapproché.  Celte  puldication  aurait  été  faite  |iar  MM.  Charles  d'IIéricault  tt 
Louis  Moland,  deux  écrivains  distingués  et  familiarisés  depuis  longtemps  avec  la  lilténUure  du  moyen-àge  ; 
mais,  par  des  considérations  (pie  je  n'ai  pas  à  approfondir,  ce  travail  fut  abanUoaué.  »  (A.  Sorel,  Xoticesvr 
Arnoul  et  Simon  Greban;  Compiègne,  187.^,  p.  2'.) 


H  INTRODUCTION 

page  2  de  cette  édition,  et  qui  nous  fait  connaître  le  nom  de  l'auteur  :  maistre  A  rnoul 
Gresban,  notable  bachelier  en  théologie.  Cette  rubrique,  publiée  en  partie  pour  la 
première  fois  par  Vallet  de  Viriville^  puis  en  entier  par  M.  P.  Paris^,  avait  échappé 
à  tous  les  critiques  antérieurs,  qui  ne  savaient  à  qui  attribuer  l'œuvre  remaniée 
par  Jean  Michel  en  1486.  Le  manuscrit  étant  daté  de  1473,  l'ouvrage  de  Greban 
était  nécessairement  plus  ancien;  mais  un  autre  texte,  resté  inconnu  jusqu'en  1855, 
permit  d'en  reculer  la  composition  de  plus  de  vingt  ans.  Ce  fut  M.  P.  Paris  qui 
trouva'^,  dans  les  portefeuilles  de  Dom  Grenier*,  et  publia  avec  une  de  ses  leçons 
du  Collège  de  France^  la  curieuse  quittance  copiée  par  le  savant  bénédictin  dans 
les  archives  d'Abbeville'' et  ainsi  conçue '^  :  «Le  dernier  jour  de  décembre  1452, 
au  petit  echevinage,  en  présence  de  sire  Jean  Laudee,  majeur,  a  esté  conclu 
par  les  eschevius  en  grand  nombre  que  la  somme  de  dix  escus  d'or  que  avoit  et 
que  a  payé  Guillaume  de  Bonoeuil^  pour  avoir  les  jus  de  la  passion,  a  Paris,  a 
maistre  Ernoul  Greban  ^,  luy  fussent  baillé  et  délivrés  des  deniers  de  laditte  ville  ; 
oc  sont  iceulx  jeux  cloz  et  sellés  des  seaux  de  Jean  de  Limeu,  Mathieu  du 
Pont,  Cliretien  le  Guievre,  et  Jacques  d'Aoust,  echevins,  et  mis  en  un  coffre  en 
l'eschevinage  de  ladite  ville,  tant  et  jusques  a  ce  qu'on  vora  iceulx  juer,  laquelle 
somme  sera  desduite  sur  ce  que  messieurs  "*  vouront  donner  quant  on  joura  les 
dits  jeux.   » 

Ainsi,  en  1452,  l'œuvre  d' A  rnoul  Greban  était  non-seulement  composée,  mais 
célèbre.  C'est  sans  doute  le  succès  des  représentations  parisiennes  qui  engagea  les 
echevins  d'Abbeville  à  s'en  procurer  un  manuscrit  et  à  le  faire  jouer  dans  leur  ville. 


1  Bibl.  de  l'Ec.  des  Chartes,  III,  4'33. 

2  Les  Manuscrits  français,  \l,  281. 

3  Dés  183i  cependant,  Louandre,  dans  son  Histoire  d  AbbeeiLle  (i"  édit.,  p.  238),  avait  mentionné 
la  délibéralion  de  l'échevinage,  en  imprimant  Ilaoul  Greban  au  lieu  d'ArwoM?;  mais  cette  notice  avait 
passé  inaperçue. 

•*  On  sait  que  dom  Grenier,  qui  mourut  pendant  la  révolution,  avait  rassemblé  les  matériaux  d'une  his- 
toire de  Picardie  que  la  mort  lempècha  d'écrire  ;  tous  ses  manuscrits  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  nationale. 
I.a  copie  dont  il  s'agit  se  lit  au  i"  99  r"  du  volume  de  cette  collection  qui  porte  le  n»  XIV. 

'■'  Reçue  des  Cours  publics,  1855,  p.  33  et  50  ;  Journal  de  l'Instruction  publique,  1855,  n^"*  43 
et  17. 

•J  Les  recherches  que  nous  avons  faites  pour  retrouver  l'original  n'ont  pas  abouti;  Louandre  dit  déjà  en 
note  :  «  Ce  manuscrit  n'existe  plus  dans  les  archives.  »  La  Revue  des  Cours  publics  mentionne  une 
première  quittance,  donnée  par  Greban  à  Guillaume  de  Bonœuil;  nous  n'avons  pu  la  retrouver  dans; 
"S   portefeuilles  de  dom  Grenier,   et  nous    craignons  que   l'existence  de   cette  pièce,  qui  serait  précieuse, 

e  repose  sur  quelque  inadvertance,  comme  il  s'en  produit  dans  un  exposé  oral. 

'  Nous  donnons  ce  texte  d'après  la  copie  de  dom  Grenier,  rectifiée,  pour  les  noms  jiropres,  par  la  compa- 
r.iison  de  pièces  authentiques  qu'a  publiées  Louandre.  Ainsi  D.  Grenier  lit  Landee,  Brimeu,  le  Ouefure  el 
à'Aaast.  Le  texte  de  la  Reçue  des  Cours  publics,  imiirimé  dans  un  journal  et  d'après  des  notes  de  cours, 
offre  quelques  divergences   qu'il  est  inuiile  de  relever. 

'  La  Revue  des  Cours  publics  porte  Borneuil,  qui  doit  être  une  Taute  d'impression;  Louandre  a  lion- 
nœuil,  et  il  ne  travaillait  pas  sur  la  copie  de  dora  Grenier,  car  il  lit  Wille  le  prénom  écrit  par  dom  Grenier 
Guillaume. 

''La  copie  de  dom  Grenier  et  les  imiirimés  donnent  Grebain,  mais  Louandre  lit  Greban. 

'"  Messires  dans  la  copie. 


INTRODUCTION  m 

C'est  donc  un  peu  plus  anciennement  qu'il  faut  placer  la  composition  de  notre  mys- 
tère. 

On  remarquera  que  l'auteur,  qui  est  nommé  notable  bachelier  en  théologie  daoF 
la  rul)ri(}ue  du  manuscrit  A,  ne  reçoit  pas  ce  titre  dans  la  quittance  de  \Aô)i.  Il  est 
appelé  simplement  maislre,  ce  qui  indique  un  maître  es  arts.  En  effet,  un  document 
officiel  nous  apprend  qu'.\rnoul  Greban  ne  devint l)aclielier  en  tiiéologie  que  quelques 
années  i)Ius  tard.  Dans  le  registre  do  la  Faculté  de  tliéologie  de  Paris  pour  les  années 
1449-1404,  le  seul  du  quinzième  siècle  qui  se  soit  conservé',  nous  lisons  au  folio  UiJ  r° 

la  mention  suivante,  appartenant  au  mois  d'août  1450  :  Receplt primo  a  bac- 

calariis    cwsoribus  sequentibus Ma[gister]  Arnulj^hus    Greben    incipil 

prinium  ciirsum  die  xxviii"  septenihris  sub  magistro  Thoma  de  Courcellis, 
XX  ss. 

M.  Thurot,  dans  son  inappréciable  ouvrage  sur  l'organisation  de  l'ancienne  uni- 
versité de  Paris,  donne  des  renseignements  qui  nous  permettent  de  nous  rendre 
compte  delà  carrière  dans  laquelle  s'était  engagé  notre  auteur.  Pour  être  maître  es 
arts,  il  fallait  avoir  passé,  —  généralement  dans  la  même  année,  —  l'examen  de 
licence,  et  être  agréé  pai-  les  maîtres  plus  anciens.  Quant  h  la  licence,  elle  s'obtenait 
h  la  suite  d'un  examen  qui  portait  sur  des  matières  de  dialectique  et  de  piiilosophie 
naturelle*.  Les  candidats  juraient  en  outre  qu'ils  avaient  vingt-un  ans  accomplis, 
qu'ils  n'étaient  pas  mariés,  qu'ils  avaient  déterminé^  h  Paris  ou  dans  une  université 
comptant  au  moins  douze  régents,  qu'ils  avaient  soutenu,  rue  du  Fouarre,  deux 
argumentations  publiques  contre  plusieurs  maîtres,  enfin  qu'ils  avaient  étudié  à 
Paris,  dans  la  Faculté  des  arts,  pendant  trois  ans''.  «  Une  fois  admis,  le  licencié  se 
faisait  agréer  par  la  corporation  des  maîtres  dans  un  acte  appelé  inceplio...  Avant 
l'acte,  le  récipiendaire,  accompagné  d'un  bedeau  de  sa  nation,  parcourait  les  écoles 
delà  rue  du  Fouarre,  pour  demander  aux  maîtres  de  cliaque  nation  s'il  leur  plaisait 
qu'il  célébrât  son  inceptio.  Lorsqu'il  était  agréé,  il  prêtait  serment  entre  les  mains 


1  «  Le  grand  bedeau  [de  la  Faculté  de  théologie]  tenait  un  regisire  sur  papier  où  il  inscrivait,  pour  chaque 
année,  les  coni|ites  de  mise  et  de  recette,  la  liste  des  cursorcs,  des  sentenliarii,  des  licenciés  et  des  doc- 
teurs, avec  la  date  de  leur  réception  et  le  chiffre  des  sommes  qu'ils  payaient  à  l;i  Faculté.  La  Bibliothèque 
nationale  possède  (lat.  aiic.  f.  5657  C)  le  registre  tenu  par  le  grand  beJeau  pendant  les  années  i449-14()4.  » 
(ïhurot,  de  l'Organisation  de  l'eiiaeignement  dans  L'Vnicersité  de  Paris  au  muyen-ilge.  Paris, 
1850,  p.  136.) 

s  X  l'époque  où  Arnoul  Grebau  passa  sa  licence,  lescandid.ils  devaieni  avoir  suivi  des  cours  sur  l'iutro- 
duction  de  Porphyre,  les  catégories,  l'interprétation,  les  premiers  et  les  seconds  anal)  tiques,  les  traités  dt> 
Boéce  sur  les  toinques  et  la  division,  la  physique,  de  coelo,  de  generatione,  de  anima,  de  sensuel 
sensato,  de  memoria  et  reminiscentia,  de  lon^/itudine  et  hnwitate  vilae;  il  fallait,  en  outre,  avoir  en- 
tendu cent  leçons  si  r  les  mathématiques  et  1  astronomie  et  avoir  suivi  ou  dû  suivre  au  moment  de  l'examen  uu 
cours  de  métapliysii[ue  (Tliurot,  p.  51).  L  i  grammaire,  qui  avait  autrefois  été  demandée  pour  cet  examen, 
n'y  était  plus  comirise  depvùs  1306. 

^  C'est  à-dire  qu'ils  avaient  passé  le  premier  examen,  celui  qu'on  appeli  plus  tard  baccalauréat,  et  qui 
esf  devenu  notre  baccalauréat  es  lettrcsi 

*  TIauot,  p.  ô2i 


IV  INTRODUCTION 

du  recteur'.  »  Ce  serment  reproduisait  à  peu  près  celui  qu'il  avait  prêté  pour  la  licence. 
«  Le  jour  fixé,  le  récipiendaire  se  rendait  en  grande  pompe  aux  écoles  de  sa  nation, 
rue  du  Fouarre.  Le  maître  sous  lequel  il  avait  été  licencié  prononçait  une  harangue 
et  lui  imposait  le  bonnet,  insigne  de  la  maîtrise...  Dès  lors  il  portait  devant  son 
nom  le  titre  de  magister^.  » 

Beaucoup  de  maîtres  es  arts  passaient  dans  la  Faculté  de  théologie  et  travaillaient 
pour  obtenir  les  grades  qu'elle  conférait  et  qui  donnaient  accès  à  toutes  sortes  de 
positions  honorables  et  lucratives.  Ils  aspiraient  d'abord  à  être  bacheliers.  Le  bac- 
calauréat n'était  pas  un  grade,  mais  un  état^.  Les  bacheliers  répondaient  à  peu  près 
à  co  qu'on  appelle  dans  les  universités  allemandes  les  Privat-Docenten,  si  ce  n'est 
qu'ils  n'étaient  pas  docteurs  :  c'étaient  de  futurs  professeurs  qui  faisaient  leur  appren- 
tissage. Dans  la  Faculté  de  théologie  on  distinguait  trois  degrés  dans  cet  appren- 
tissage de  la  maîtrise  qu'on  appelait  baccalauréat;  à  ces  trois  degrés  correspondaient 
trois  classes  de  bacheliers  :  les  biblici  ordinarii  et  cwsores,  les  sententiarii  et  les 
fonnati  '.  Pour  être  admis  au  premier  degré,  c'est-à-dire  pour  être  baccalarius 
cursor  comme  Arnoul  Greban,  «  il  fallait  avoir  fait  six  ans  d'études  [dans  la  Faculté], 
être  âgé  d'au  moins  vingt-cinq  ans,  et  n'être  ni  bâtard,  ni  contrefait...  Vers  1452, 
les  séculiers  étaient  généralement  dispensés  de  la  sixième  année.  Le  candidat  devait 
comparaître  devant  la  Faculté,  représentée  au  moins  par  sept  maîtres,  et  justifier  de 
son  temps  d'études  par  des  certificats  signés  de  ceux  dont  il  avait  suivi  les  leçons, 
ou  par  trois  témoins  qui  garantissaient  sa  moralité  et  attestaient  les  six  ans  d'études. 
Après  avoir  vérifié  si  le  candidat  satisfaisait  aux  conditions  exigées,  la  Faculté  com- 
mettait quatre  maîtres  pour  l'examiner  sur  les  principes  de  la  théologie.  Sur  le  rap- 
port des  examinateurs,  elle  admettait  le  candidat  à  prêter  serment  et  k  commencer 
ses  exercices  de  bachelier...  Les  bacheliers  [non  réguliers]  n'étaient  pas  astreints 
[commeles  ordinarii  qvii  appartenaient  aux  ordres  mendiants]  k  lire  la  Bible  de  suite 
les  jours  ordinaires  ;  ils  ne  faisaient  que  des  leçons  extraordinaires,  et  ils  étaient 
appelés,  parce  motif,  baccalariicursores,  ou  simplement  cursares.  »  On  peut  voir  dans 
le  livre  de  M.  Thurot  le  texte  des  obligations  et  des  droits  des  cursores  ;  ils  ouvraient 
leurs  cours  sous  les  auspices  d'un  maître  qui  en  était  plus  ou  moins  responsable.  Le 
patron  qu'avait  choisi  Arnoul  Greban  était  Thomas  de  Courcelles,  picard  de  nais- 
sance, personnage  fort  important  de  l'éjwque,  curé  de  Saint-André  des  Arcs,  puis 
doyen  de  Notre-Dame  et  proviseur  de  Sorbonne,  gallican  fougueux  qui  représenta  au 
synode  de  Bourges  les  prétentions  anti-papales  du  concile  de  Bàle  et-  qui  eut  une 
grande  part,  en  1438,  à  la  rédaction  de  la  pragmatique  sanction  de  Charles  VIL 

Ces  documents  nous  fournissent  quelques  dates  pour  la  vie  de  notre  auteur  ;  ils 
nous  apprennent  en  outre  qu'il  n'était  ni  bâtard,  ni  contrefait,  mais  ils  laissent  dans 
une  obscurité  singulière  plusieurs  points  fort  importants.  En  général,  une  fois  qu'on 

i  Th    ot,  p.  59-60.  -  s  Thurot,  p.  00.  —  ■*  Tlmrot,  p.  I.S7.    -   '  Tliurot,  p.  iSS-lSO. 


INTRODUCTION  v 

était  hnccahiriux  rursor,  pour  pou  qu'on  eût  du  inérito,  on  ne  s'arrêtait  pas  là  :  ou 
(lovenait  senloiUinnus,  puis  formatiis,  on  passait  la  licence,  enfin  on  arrivait  ii  la 
maîtriso  après  une  quinzaine  d'années  d'études  dans  la  seule  P'aculté  de  théologie 
C'est  la  marche  que  nous  voyons  suivre  à  plus  d'un  des  jeunes  cursores  reçus  eu 
môme  temps  qu'Arnoul  Greban.  Pour  lui,  au  contraire,  il  s'arrêta  dans  cette  voie 
à  la  première  étape  :  nous  ne  rencontrons  plus  son  nom  dans  le  registre  du  grand 
bedeau,  qui  va  jusqu'en  14()i  '. 

Ce  qui  est  plus  étrange,  c'est  la  même  absence  du  nom  d'Arnoul  dans  le  registre 
de  la  nation  de  France  de  la  Faculté  des  arts.  Nous  possédons  le  registre  des  pro- 
cureurs de  cette  nation  pour  les  années  1444-1450*:  ce  registre  contient  les  noms 
de  tous  ceux  qui,  dans  cette  période,  ont  déterminé  et  ont  été  reçus  maîtres  es  arts-'', 
et  nous  y  cherchons  eu  vain  celui  qui  nous  intéresse.  Il  faut  donc  qu'Arnoul  ait  élo 
reçu  maître  avant  1444  ;  si  nous  supposons  qu'il  lo  fut  en  1443,  cela  fait  entre  sn 
gradiudion  et  son  admission  parmi  les  bacheliers  en  théologie  un  intervalle  do 
treize  ans  qui  est  tout  à  fait  inusité.  Quoi  qu'il  en  soit,  maître  es  arts  au  plus  tard 
en  1443,  âgé  alors  au  moins  de  vingt-un  ans,  il  n'a  pas  dû  naître  après  l'an  4420. 

Mais  où  est-il  né?  Nos  documents  officiels  ne  nous  en  apprennent  rien.  Si  nous 
possédions  son  inscription  comme  maître  sur  le  registre  de  de  la  Faculté  des  arts, 
nous  saurions  à  quoi  nous  en  tenir.  En  efi'et,  non-seulement  cette  Faculté  était  divi- 
sée en  nations,  mais  sur  le  registre  de  la  nation  de  France  la  patrie  ou  au  moins  le 
diocèse  de  chaque  étudiant  est  indiqué,  Ce  secours  nous  manquant,  nous  en  sommes 
réduits  à  des  témoignages  postérieurs,  mais  qui  cependant  auraient  depuis  long- 
temps suffi  à  produire  l'évidence,  si  leur  continuité  ne  se  trouvait  interrompue  de  la 
façon  la  plus  singulière. 

Pour  tout  le  monde,  jusqu'en  1584,  Arnoul  Greban  et  Simon,  son  frère  et  son 
collaborateur,  sont  des  Manceaux.  On  a  souvent  cité,  mais  nous  devons  reproduire 
encore,  l'épigramme  de  Marot  à  Salel,  où  il  leur  assigne  leur  patrie,  ainsi  qu'à  d'au- 
tres poètes  alors  célèbres  : 

De  Jean  d(!  Meuu  s'enfle  le  cours  de  Loii-o  ; 

En  maistre  Alain  Normandie  prend  gloire, 

Et  plainct  encor  mon  arbre  patci'nel  ; 

Octavian  rend  Cognac  éternel; 

De  Moulinet,  de  Jean  le  Maire  et  Georges 

Ceulx  de  Haynault  chantent  a  pleines  gorges; 

Villon,  Crétin,  ont  Paris  decoié; 

Les  deux  Grebans  ont  le  Mans  honoré  ; 


1  II  ne  se  trouve  pas  davantaj^e  dans  la  liste  des  licenciés  en  théologie  depuis  1373  qui  est  conservée  à  la 
Bibl   nat.  dans  un  manuscrit  moderne  (anc.  f.  5657  A). 

'^  Ce  registre  est  conservé  à  la  Sorbonrie,  aux  archives  de  l'Université. 

3  C'est  là  que  M.  Lrfjngnon  a  trouvé  à  trois  reprises  la  mention  de  ce  François  de  Monicorbier.  qui  devait 
faire  «  bruire  son  bruit  en  l'honneur  »  d'un  aulre  nom,  celui  de  Villon. 


VI  -  INTRODUCTION 

Nantes  la  biette  en  Meschinot  se  baigne  ; 
De  Goquillart  s'esjouyt  la  Ghampaigne  : 
Quercy,  Salel,  de  toy  se  vantera 
Et,  comme  croy,  de  moy  ne  se  taira.* 

Marot  mérite  évidemment  toute  créance;  il  avait  été  élevé  dans  le  milieu  poétique 
dont  il  rappelle  ici  les  principales  illustrations,  et  il  n'avait  aucune  raison  d'altérer 
un  fait  dont  il  devait  être  sûr.  C'est  ce  que  remarque  judicieusement  le  bon  CoUetet, 
on  répondant  à  ceux  qui  pensaient  que  Marot,  dans  le  vers  consacré  aux  Greban, 
avait  été  induit  en  erreur  par  le  fait  qu'ils  passèrent  au  Mans  les  dernières  années 
de  leur  vie.  «  Le  suffrage  de  Marot,  »  dit  l'auteur  des  Vies  des  Poêles  fran- 
çais, «  me  semble  d'autant  plus  recevable  que  dans  cette  épigramme,  où  il 
fait  état  de  plusieurs  poètes  tant  anciens  que  de  son  tems,  il  n'y  en  a  pas  un  seul 
duquel  il  ne  désigne  précisément  le  lieu  natal,  et  non  pas  le  lieu  de  sa  résidence 
ordinaire^.  » 

Le  même  C'jUetet'  a  le  premier  cité  un  autre  témoignage  qui  n'est  pas  moins  décisif 
que  celui  de  Marot.  Au  folio  103  des  Œuvres  poétiques  de  Jacques  Peletier  du 
Mans,  imprimées  à  Paris,  en  1547,  par  Michel  Vascosan,  on  lit  le  dizain  suivant  : 


J  .     I)  U  n  K  1. 1.  A  Y    A     LA     VILLE    DU    MANS 

Cesse,  le  Mans,  cesse  de  prendre  gloire 
En  tes  Grebans,  ces  deux  divins  espritz  : 
Trop  plus  sera  durable  la  mémoire 
De  ton  renom,  si  tu  donnes  le  prix 
A  Peletier,  sur  tous  le  mieux  appiis 
A  translater,  et  qui  d'invention 
N'a  pas  acquis  moindre  perfection. 
Mais  si  doutteuse  en  est  la  veiité 
Au  temps  pi'èscnt,  laissons  l'affection  : 
Je  m'en  rapporte  â  la  postérité. 

»  Œuvres  de  Cle'ment  Marot,  vallet  de  chambre   du  roy.  Lyon,  Scheuring,  ia-8',   t.  I  (1<^69),  p.  530-537. 

-  Ce  passage  se  lit  dans  l'abrégé  de  la  vie  des  Greban,  conservé  à  la  Bibl.  nat.  dans  un  manuscrit  (fr. 
nouv.  acq.  3073)  sur  lequel  nous  renvoyoas  à  la  notice  de  L.  Pannier  dans  la  liecue  critique  {I8'i0-1\, 
t.  II,  p.  326  ss). 

3  Les  deux  premiers  vers  étaient  cités  dans  la  vie  complète,  aujom'd'hu;  brûlée.  Ils  furent  relevés  par 
M.  Hauréau,  qui  les  imprima  dans  la  nouvelle  édition  de  son  Histoire  littéraire  du  Mairie  (t.  III,  p.  224), 
en  déclarant  d'ailleurs  que  du  Bellay  s'était  trompé,  et  en  refusint  d'admetti'e  les  Greban  ]iarmi  les  Man- 
ceaux.  M.  A.  Sorel,  dans  sa  notice  déjà  citée,  reproduisit  ces  deux  vers  en  les  appréciant  de  même.  Mais  oii 
se  trouvaient  ces  deux  vers?  A\icun  des  deux  écrivains  ne  le  disait.  Nos  recherches  dans  les  diverses  éditions 
de  Joachini  du  Bell  ly  furent  absolument  vaines;  plusieurs  connaisseurs  de  la  poésie  du  seizième  siècle,  in- 
terro^'éi  par  nous,  M.  Marty-Laveaux  ejitre  autres,  déclarèrent  ne  les  avoir  jamais  vus.  Nous  croyions  à  une 
erieur  de  Gollelet,  d'autant  plus  qu'il  nous  semblait  étrange  de  voir  les  Greban  traités  de  «  divins  esprils  » 
parle  grand  contempteur  de  la  poésie  du  quinzième  siècle;  nous  insérâmes,  en  désespoir  de  cause,  une  de- 
mande à  ce  sujet  dans  V Intermédiaire  dis  rhercheitrs  et  curieux (iO  avril  1870).  Le  numéro  suivant  nous 
apjiortaU  la  réponse,  due  à  M.  Prosper  Blanchemain.  auquel  nous  offrons  tous  nos. remerciements  (voy. 
V Intermédiaire,  1876,  col.  248). 


FNTROnUCTION  .  vir 

Ainsi  Joachim  du  Bellay,  s'adi'essant  ii  la  ville  du  Mans,  l'invite  à  renoncera  se 
targuer,  pour  toute  gloiro  littéraire,  do  l'honneur  d'avoir  produit  les  Greban,  et  l'en- 
gage à  prendre  j)lut()t  Jacques  Peletier,  son  ami,  pour  cliampion.  Il  est  clair  qu'il  ne 
pouvait  s'exprimer  ainsi  que  si  les  Greban  étaient  Maiiceaux  et  si  leur  ville  natale 
était  (le  longue  date  accoutumée  à  se  glorifier  d'eux. 

C'est  d'ailleurs  au  Mans  qu'ils  finirent  leurs  jours  comme  ils  les  y  avaient  com- 
mencés. Arnoul  Greban  y  fut  fait  chanoine  de  l'église  catliédrale  de  Saint-Julien'. 
Quant  h  Simon,  nous  le  voyons  figurer,  en  14(18,  parmi  les  officiers  du  comte  Charles 
du  Maine-;  un  témoignage  autorisé  nous  dit  même  qu'il  fut  secrétaire  de  ce  prince*; 
un  registre  de  l'église  Saint  Julien  nous  apprend  qu'il  occupait  en  1471-1472  une 
maison  au  Mans,  où  il  était,  comme  son  frère,  chanoine  de  cette  église  Saint  Julien*: 
nous  croirions  volontiers,  en  l'absence,  sur  ce  registre,  de  toute  mention  d' Arnoul, 
que  Simon  fat  nommé  chanoine  en  remplacement  de  son  frère,  et  que  celui  -ci,  par 
conséquent,  était  mort  en  1471.  Quand  Simon  Greban  mourut,  on  lui  éleva  dans  la 
catiiédra](s  devant  l'autel  de  saint  Michel,  un  tombeau  qui,  fut  détruit  avec  bien 
d'autres,  en  1502,  par  les  Huguenots"'. 

Voici  donc  les  points  principaux  de  la  vie  d'Arnoul,  tels  que  nous  pouvons  les 
assurer.  Il  naquit  au  Mans  vers  1420,  vint  étudier  à  Paris  et  se  fit  recevoir  maître  es 
arts  avant  1444.  Avant  1452,  jl  avait  composé  «  a  la  requeste  d'aulcuns  de  Paris,  » 
comme  dit  notre  manuscrit  A,  et  fait  représenter  avec  succès  le  Mystère  delà  Pas- 
sion. Il  fît  sans  doute  vers  le  même  temps  des  poésies  dont  une  seulement  nous  est 
parvenue  en  partie,  dont  une  autre  est  simplement  mentionnée;  nous  en  reparlerons 
tout  à  l'Iieure.  11  est  probable  que  son  goût  pour  la  poésie  et  spécialement  pour  la 
composition  de  mystères  l'empêcha  de  se  livrer  avec  assiduité  à  ses  études  tiiêologi  - 
ques.  Nous  ne  pensons  pas  qu'il  ait  jamais  mené  là  vie  désordonnée  de  certains 
écoliers  d'alors,  celle  dont  un  autre  maître  es  arts,  François  de  Montcorbier,  dit  Villon, 
traçait,  quelques  années  plus  tard,  le  saisissant  tableau;  nous  ne  croyons  pas  que, 
pour  composer  des  vers  et  des  mystères,  il  ait  jamais  été  confondu  parmi  ces  «  enfants 
de  mauvaise  vie,  «  avec  lesquels  il  devait  être  souvent  en  contact,  et  auxquels  le 
poëte  parisien  adresse  un  de  ses  plus  mordants  couplets  : 


'  C'est  c.>  fine  dit  I/ici-oix  du  Maine,  qui,  sui-  ce  point,  est  tiès-digne  de  foi  (voy.  ci-dessons,  p.  ix) 

2  État  de  la  maison  de  Charles  d'Anjou,  conVedu  Maini,  en  14G>i  (Bib'.  Nat..  M<s.  fr.  7.S.'i5,  anc. 
supp.  fr.  2340,  p.  708;  cité  par  Vallet  de  ViriviUe  dans  la  Biographie  générale,  et  par  ^[.  Soel.  p.  10)  : 
Autres  officiers...  M.  Simon  Greben  a  Ix"". 

^  Voy.  ci-dessone,  p.  ix,  la  notice  de  Lacroix  du  Maiir. 

■•  On  lisait  au  f'  35  d' s  Comptes  de  l'argenterie  de  1  église  Saint-Julien  du  Mans  (année  {k'i\.-\kli) 
à  l'article  des  maisons  canoniales  :  «  .V/nisO-e  Simon  Greban,  pour  la  maison  dans  laquelle  il 
demeure,  paye  X  livres.  »  Ces  comptes  n'existent  plus  aujoiird'lur  ;  l'extrait  qu'on  vient  de  lire  a  été  pris  au 
xvni"  siècls  par  un  érudit  inanceau,  l'abbé  Belin  de  Berre.  Nous  en  devons  la  connais^nnce  A 
l'ohll^'eante  érudition  de  M.  H.  Chardon,  dont  le^  travaux  sur  l'Iiisloire  et  l'histoire  littéraire  du  Mans  sont  si 
justement  estimés. 

5  Ces  deux  derniers  faits  sont  attestés  par  Lacroix  du  Maine;  doni  Piolin  a  transformé  la  tombe  en 
n  un  beau  monument,  d 


viii  INTRODUCTION 

Rynie,  raille,  cymballo,  luttes 

Comme  fols  faintis  eshontez, 

Farce,  broille,  joue  desflustes; 

Fais,  es  villes  et  es  citez, 

Fainctes,  jeux  et  moralitez  ; 

Gaigne  au  berlan,  au  glic,  aux  quilles  : 

Ou  s'en  va  tout  ?  Or  escoutez  : 

Tout  aux  tavernes  et  aux  filles  ' . 

L'ensemble  de  son  œuvre  respire  pour  cela  trop  de  gravité,  et  d'ailleurs  ces  «  en- 
fants perdus  »  ne  retrouvaient  guère  la  bonne  voie,  ne  devenaient  pas  bacheliers  en 
théologie  et  ne  finissaient  pas  par  un  de  ces  bons  canonicats  qu'ont  tant  convoités  les 
poëtes  besoigneux.  Cependant,  si  nous  examinons  la  partie  comique  et  familière  du 
Mystère  delà  Passion,  nous  voyons  que  Tauteur  n "était  pas  non  plus  un  per- 
sonnage trop  solennel,  et  qu'il  connaissait  à  fond  les  mœurs  et  la  langue  de  la  rue, 
des  tavernes,  des  brelans  et  des  prisons.  N'oublions  pas  aussi  que  nous  avons 
d'Arnoul  une  «  complainte  d'amour  »  dont  nous  parlerons  plus  tard,  et  qui  mêle  à 
des  réserves  au  sujet  du  Paradis  une  requête  fort  profane.  Considérons-le  donc 
comme  ayant  vécu  assez  librement  à  cette  époque,  ce  qui  n'avait  rien  d'exceptionnel 
pour  un  maître  es  arts,  ni  même  pour  un  futur  théologien.  Ce  qui  était  plus  rare  alors 
c'était  de  gagner  de  l'argent  avec  ses  ouvrages  autrement  que  par  la  faveur  des 
grands,  et  Aruoul  nous  semble  être  un  des  premiers  parmi  nos  poëtes  qui  aient  vécu 
du  théâtre.  Il  est  probable  que  ces  Parisiens  qui  lui  avaient  demandé  de  composer  son 
grand  mystère  lui  payèrent  bien  un  si  long  travail;  mais  ce  qui  dut  le  surprendre 
agréablement,  ce  fut  la  visite  de  Guillaume  de  Bonœuil,  lui  offrant,  au  nom  de  la 
ville  d'Abbeville,  dix  écus  d'or  pour  une  copie  de  son  œuvre.  Il  est  à  croire  que  la 
ville  d'Abbeville  ne  fut  pas  la  seule  à  en  agir  ainsi,  et  qu'Arnoul  tira  plus  d'un  bel 
écu  de  son  ouvrage.  Ce  fut  sans  doute  ce  qui  l'engagea  à  continuer  dans  celte  voie, 
et  à  composer,  cette  fois  en  collaboration  avec  son  frère  cadet,  Simon,  le  mystère  co- 
lossal des  Actes  des  Aj)ôtres,  qui  représente  le  plus  grand  effort  de  la  dramaturgie 
catholique  et  qui  se  maintint  en  faveur  jusqu'à  la  prohibition  des  mystères  eu  1548. 
Nous  n'avons  aucun  renseignement  sur  la  date  où  fut  écrit  cet  ouvrage  ^  mais 
nous  penchons  à  le  placer  dans  cette  période  de  la  vie  d'Arnoul,  certainement 
après  le  Mystère  de  la  Passion  et  vraisemblablement  avant  sou  baccalauréat  en 
théologie. 

11  semble  en  effet  qu'il  ait  reconnu  que  la  profession  de  faiseur  de  mystères  ne 
pouvait  assurer  suffisamment  sa  vie  et  qu'il  se  soit  décidé  à  reprendre  sérieusement 
ses  études  tliéologiques.  Nous  conclurions  volontiers  de  la  rubrique  du  manuscrit 

i  Œueres  de  Villon,  p.  p.  Januet,  Paris,  18(57,  p.  87. 

*  Les  frères  Parfait  (lltst.  du  théâtre  français,  II,  377)  ilisejit  qu'il  fut  écrit  en  1450;  mais  nous  croyons 
cette  "date,  que  d'ailleurs  nou^  aeceplerion;  volontiers,  donnée  au  liasard. 


INTRODUCTION  ix 

A  que  le  prologiio  du  ui^'slèrc  fut  ajouté  par  lui  h  des  exemplaires  exécutés  après 
1450:  il  voulait  faire  profiter  son  œuvre  de  son  instruction  plus  approfondie  et  en 
augmenter  la  valeur  religieuse  :  cette  partie  d'ailleurs  était  destinée  à  la  lecture  et 
non  à  la  représentation.  (>'est  sans  doute  à  cette  époque  qu'il  fut  nommé  chanoine  au 
Mans  et  qu'il  abandonna  pour  toujours  la  carrière  universitaire  dans  laquelle 
il  était  rentré.  Si  la  conjecture  que  nous  avons  proposée  ci-tlessus  est  fondée,  il 
mourut  avant  1471,  n'ayant  guère,  selon  toute  vraisemblance,  plus  d'une  cinquan- 
taine d'années. 

Là  se  bornerait  le  peu  que  nous  pouvons  dire  sur  la  biographie  d'Arnoul  Greban, 
si  nous  n'étions  obligés  de  réfuter  une  erreur,  répétée  sans  contradiction  depuis 
près  de  deux  siècles,  et  qui  enlèverait  les  deux  Greban  au  Maine  pour  en  faire  des 
natifs  de  Compiègne.  Gh  )se  étrange!  c'est  un  Manceau,  Lacroix  du  Maine,  qui,  sous 
l'empire  d'une  confusion  bizarre,  est  venu  contredire  la  tradition  universellement 
reçue  qui  lui  d  )nuait  pour  compatriotes  les  auteurs  des  deux  plus  grands  drames 
religieux  du  moven-àge. 

Dans  sa  Bibliothèque  française,  publiée  en  1584,  Lacroix  du  Maine  joint  au  nom 
de  Simon  Greban  '  la  aiotice  suivante  :  «  Simon  Greban,  secrétaire  de  Monsieur  lu 
Conte  du  Maine  Charles  d'Anjou^,  natif  de  Compiègne  en  Picardie,  qui  fut  cause 
qu'il  s'appella  Simon  de  Compiègne,  etc^.,  frère  d'Arnould  Greban,  chanoine  en 
l'Eglise  du  Mans,  comme  nous  avons  dit  cy  dessus  ^ 

«  Il  a  continué  le  livre  des  Actes  des  Apostres,  commencé  par  son  frère  Arnoul... 
lia  escrit  jjhisieurs  élégies,  complaintes  et  deploralions...  epitaphes  sur  la  mort  du 
roy  de  France  Ciiarles  7...  la  sphère  du  Monde,  qu'il  appelle  autrement  les  vertus 
de  l'Espère  du  monde,  imprimée  avec  un  vieil  calendier,  etc. 

«  lia  traduit,  parle  commandement  du  Roy  de  France  Philippes  le  Bel,  un  livre 
intitulé  le  Cœur  de  philosophie'^  imprimé  à  Paris  par  Philippes  le  Noir  l'an  1520, 
mais  je  ne  sçay  s'il  y  auroit  point  faulte  au  livre  imprimé.  Car  s'il  estoit  ainsi 


'  La  notice  sur  Anioul  Greban  (p.  24)  se  borne  à  dir^  :  «  Natif  de  Compiègne  en  Picardie,  chanoine  du 
Mans  l'an  1450  ou  environ,  frère  de  Symon  Greban,  duquel  nous  parlerons  ci-aprés.  »  Lacroix  du  Maine  ne 
parle  que  des  Actes  des  Apôtres  et  ignore  absolument  la  Passion. 

*  Colletet  contredit  cette  assertion,  en  croyant  plutôt  la  préface  des  Actes  composée  parle  libraire  Ala- 
liât  en  15HG,  qui  lappelle  docteur  en  théologie.  Mais  Aiabat  ne  savait  rien  des  Greban  et  en  parle  à  l'aven- 
ture. Le  téraoigna^'e  de  Lacroix  du  Maine  est  contirmé  par  un  document  officiel,  et  Simon  Greban  ne 
ligure  sur  aucune  des  listes  de  maîtres  ou  de  licenciés  en  théologie  qui  nous  sont  parvenus.  Il  était  seule- 
ment niaitre  es  arts,  comme  l'indique  la  notice  imprimée  ci-deSîUs,  p.  vu,  note  4. 

■'  Que  peut  vouloir  dire  ce  singulier  etf.  ? 

■•  Voy.  ci-dessus,  note  1. 

^  Lacroix  du  Maine  entasse  ici  confusion  sur  confusion.  L'Espère  du  Monde,  qu'il  donne  comme  un  ou- 
vrage distinct  du  Cuer  de  Philosophie,  n'est  qu'une  partie  de  ce  livre,  la  seule,  à  vrai  dire,  où  il  soit 
parlé  de  Simon  de  Compiègne  M.  Chassang  (Nouvelle  Biographie  générale)  a  enchéri  sur  Lacroix  ;  il 
attribue  à  Simon  Greban  (confondu,  comme  dans  Lacroix,  avec  Simon  de  Compiègne)  «  Aeuj.  poèmes  inti- 
tules, l'un,  la  Création  du  Monde,  l'autre  la  Sphère  du  Monde  ou  les  natures  (sic)  de  l'espèce  (sic) 
du  Monde,  et  une  traduction  d'un  ouvrage  latin,  le  Cœur  de  Philosophie.  »  Cet  article  est  d'ailleurs 
rempli  d'inexactitu<les. 


X  INTRODUCTION 

qu'il  eust  ihry  soiibz  le  règne  diulit  Pliilippes  et  de  Charles  7.  ce  seroit  chose 
trop  miraculeuse  :  qui  est  cause  que  je  pense  qu'il  y  ait  faxilte  en  l'impression 
du  livre,  qui  dit  sur  la  fin  que  ce  livre  du  Cœur  de  philosophie  aye  esté  traduit 
par  ledit  Simon  Greban  parle  commandement  du  Roy  Philippes  le  Bel;  car  c'est 
chose  toute  asseuree  qu'il  florissoit  soubs  le  règne  de  Charles  7.  lequel  mourut  en 
l'an  1461.  Nous  avons  plusieurs  de  ses  compositions  escrites  a  la  main  et  non 
encore  imprimées  ^  » 

Qui  a  pu  induire  Lacroix  du  Maine  a  reconnaître  dans  ce  Simon  de  Compiègne, 
qui  dédiait  son  ouvrage  à  Philippe  le  Bel,  Simon  Greban  qui,  de  son  propre  aveu, 
florissait  sous  Charles  VII  ?  c'est  ce  qu'il  est  impossible  de  deviner  ^  :  le  livre  qu'il 
avait  sous  les  yeux  ne  prête  en  aucune  façon  à  cette  confusion  ^.  Cette  identification 
absurde  est  cependant  la  seule  preuve  qu'il  apporte  à  l'appui  de  son  dire.  Pour  rendre 
possible  un  rapprochement  que  rien  au  monde  ne  justifie,  il  s'est  avisé  de  supposer  une 
faute  à  l'impression,  mais  cette  liypothèse  est  tout  à  fait  inadmissible.  Non-seulement 
le  Cuer  de  philosophie  '  porte  après  le  titre  :  Translaté  de  latin  en  françoys  a  la 
requeste  de  Philippes  le  Bel,  roy  de  France  ;  non-seulement  Vexplicit  {i"  144  v°) 
répète  la  même  formule,  non-seulement  dans  sa  dédicace,  évidemment  remaniée  par 
celui  qui  a  procuré  l'édition  de  Vérard,  mais  authentique  pour  le  fond,  Simon  de  Com- 
piègne s'adresse  à  son  «  souverain  seigneur,  Philippes  le  Bel,  roy  de  France,  »  mais 
le  style,  malgréle  maladroit  rajeunissement  qu'il  a  subi,  porte,  autant  que  les  idées, 
le  cachet  du  temps  de  Philippe  IV  et  non  de  Charles  VII  ou  de  Louis  XL  On  ne  peut 
pas  davantage  soutenir,  comme  l'avait  imaginé  Prosper  Marchand^,  et  comme  l'a 


1  La  Bibliothèque  du  sieur  de  la  Croix-du- Maine,  Paris,  Abel  l'Aiigelier,  1584,  in-f",  p.  456. 

2  A  le  lire,  on  croirait  que  le  Cuerde  Philosophie  fait  à  la  fin  mention  de  Simon  Greban;  il  n'en  est  rien. 
Il  n'est  parlé  que  de  Simon  de  Compièi/ne,  comme  on  le  verra  dans  le  passage  même,  cité  plus  loin. 

3  Noxis  avions  eu  l'iJée,  pour  expliquer  en  quelque  façon  l'étrange  erreur  de  Lacroix  du  Maine,  de  supposer 
qu'il  avait  trouvé  Simon  Greban  dans  l'exemplaire  du  Cuer  de  philosophie  dont  il  s'est  servi,  et  nous  ima- 
ginions, non  sans  vraisemblance  pour  qui  connaît  les  mœurs  typograjMques  d'alors,  qu'un  éditeur  du 
xvi"  siècle,  voulant  fiire  profiter  le  Cuer  de  philosophie.,  qu'il  réimprimait,  de  la  célébrité  de  Simon  Greb:in, 
avait  substitué,  soit  sur  le  titre,  soit  sur  Vexplicit,  son  nom  à  celui  de  Simon  de  Compiègne,  en  laissant 
d'ailleurs  subsister  ce  dernier  à  un  autre  endroit.  Pour  vérifier  cette  conjecture,  il  fallait  consulter  l'édition 
donnée  en  1520  par  Philippe  le  Noir,  puisque  c'est  celle-là  qu'a  eue  sous  les  yeux  Lacroix  du  Maine.  Mais 
c'est  plus  facile  à  dire  qu'à  faire.  Aucune  bibliothèque  de  Paris  ne  la  possède,  Brunet  la  décrit  minutieuse  ■ 
ment  et  ajoute  qu'il  la  décrit  d'après  l'exemplaire  de  l'Arsenal  :  or,  à  l'Arsen  il,  on  a  trois  éditions  du  Ciicr 
de  philosophie,  dont  aucune  ne  contient  d'ailleurs  le  nom  de  Greban,  mais  on  n'a  pas  celle  que  Brunet  dit 
y  avoir  vue,  et  les  conservateurs  assurent  qu'on  ne  l'a  jamais  possédée.  Nous  espérions  que  les  livres  de  1  a- 
(ivix  du  Maine  se  retrouveraient  à  la  bibliothèque  du  Mans;  mais  M.  H.  Gliardon  nous  apprit  qu'il  avait 
t  ansporlè  ses  livres  à  Paris  et  qu'on  n'en  possède  aucun  dans  sa  ville  natale.  Nous  eilmes  alors  recours  à 
l'obligeance  d'une  personne  fort  instruite.  Miss  L,  T.  Smith,  qui  voulut  bien  faire  pour  nous  des  recherches 
an  liritish  Muséum,  Elle  y  découvrit  en  effet  l'édition  tant  pourchassée,  mais  notre  conjecture  se  trouva 
fausse.  L'édition  de  Pliilippo  le  Noir,  1520,  ne  parle,  comme  les  autres,  que  de  Simon  de  Compiègne,  et 
ne  dit  pas  un  mot  de  Simon  Greban.  L'aberration  de  Lacroix  du  Maine  demeure  inexpliquée. 

■1  Paris,  Antoine  Vérard,  s.  d.  (Bibl.  Nat.  11.  -t-  721  C).  ■ —  Remarquez  que  Lacroix  du  Maine,  par  suite 
d'une  confusion  dans  ses  notes,  fait  deux  ouvrages  différenis  de  celui-là  et  de  V Espère  du  Monde, 
•qui  n'en  est  qu'une  partie. 

5  Dict.  historique,  t.  I,  p.  288,  note  E  (cité  par  M.  Sorel). 


INTRODUCTION  xi 

fait  M.  A.  Soi'el',  que  Simon  Greban  n'aurait  été  que  le  réviseur  d'un  livre  plus 
ancien,  dû  à  maître  Aignan  et  dédié  par  lui  à  Philippe  le  Bel.  C'est  bien  Simon  de 
Compiègne  qui  parle  dans  la  dédicace,  et  quant  h  la  notice  où  il  est  parlé  de  «  maistre 
Aignan  »  à  côté  do  «  maistre  Synion  de  Compiengne,  qui  fut  moine  de  Saint  Richier  en 
Ponthieu,»  il  faut  l'entendre  en  ce  sens  que  Simon  de  Compiègne  traduisit  une  partie 
de  sa  compilation,  celle  qui  est  relative  au  Conijml  et  au  Kalendier,  du  latin  d'un 
maître  Aignan  ^  qui  vivait  peu  de  temps  avant  lui,  et  dont  l'ouvrage  est  arrivé  jusqu'à 
nous'. 

Il  est  étonnant  qu'une  allégation  aussi  directement  contraire  à  l'évidence  que  celle 
de  Lacroix  du  Maine  ait  obtenu  autant  de  succès.  Elle  s'est  maintenue  en  faveur  jus- 
qu'à nos  jours;  non- seulement  Compiègne  a  revendiqué  les  frères  Greban  par  l'organe 
de  M.  Sorel  ''',  mais  M.  Hauréau  et  D.  l'iolin,  au  nom  du  Mans,  ont  renoncé  pour  leur 
ville  à  riioiiueur  de  les  avoir  vus  naître.  Pour  nous,  revenant  à  la  tradition  évidem  - 
ment  authentique  attestée  par  du  Bellay  et  Marot,  nous  regardons,  ainsi  que  le  fai- 
sait Pasquier^  vingt-quatre  ans  avant  la  publication  du  livre  de>  Lacroix  du  Maine, 
Arnoul  et  Simon  Greban  comme  «  frères  nez  de  la  ville  du  Mans.  » 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'un  point  à  examiner,  c'est  la  forme  du  nom  de  famille  de 
notre  auteur  et  de  son  frère.  On  l'écrit  le  plus  souvent  Gresban,  et  c'est  l'orthogra- 
phe adoptée  par  le  manuscrit  A  dans  sa  précieuse  rubrique.  Cependant  nous  ne  la 
trouvons  qu'exceptionnellement  aux  quinzième  et  seizième  siècles,  et  on  avait  à  cette 
époque  une  telle  manie  d'insérer  partout  des  s  prétendues  étymologiques  qu'il  ne 
faut  pas  s'étonner  de  cette  altération.  Les  documents  officiels  nous  donnent  deux 
formes  :  Greban  (registre  de  Saint-Julien  du  Mans  et  délibération  d'Abbeville)  *,  et 
Grehen  (registre  de  la  Faculté  de  théologie,  ms.  2340).  Cette  dernière  forme  n'est 
qu'une  façon  de  noter  le  son  du  mot  Greban;  la  bonne  orthographe  est  Greban, 
comme  on  le  voit  dans  la  dernière  stance  d'un  poëme  du  plus  jeune  des  deux 
frères,  dont  les  neuf  premiers  vers  forment  l'acrostiche  Simon  Greb,  qui  se 
complète  avec  la  première  et  la  dernière  lettre  du  mot  final  amen''.  Il  est  vrai 


'  Ouvr.  cit.,  p.  17. 

-  Voici  ce  passape.  tel  qu'il  doit  être  lu  :  «  Cy  fine  l'ordoniiemeut  du  monde  et  commence  rordoiniement  du 
coiiipoit  et  du  kalendier,  et  les  noms  do  ceuk  qui  le  firent,  si  comme  maistre  Symon  de  Compiengne,  qui 
fut  moine  de  saint  Richier  en  Poutliieu,  lequel  le  translata  de  latin  en  (rançois  (et)  selon  maistre  Aiguan.  » 
(f»  12G  i->  do  rexemi)laire  de  li  Bil.l.  nat.,  coté  R  +  721  C). 

3  B:bl.  Nat.  Mss.  lai.,  7i23.  8129,  8429  A,  15159.  On  voit  dans  ce  dernier  manuscrit,  entre  autres  {("  204),  que 
ni.'t:'e  «  magister  Auianus  »  n'avait  dit  lu'-mcMiio  qu'alireger  Alexandre  di-  Villedieu,  loquel  l'.orissait  dans 
la  première  moitié  du  xm'  siècle,  et  qu'il  avait  même  di\  écrire  un  certain  temps  après  lui. 

■>  M.  Sorel  (p.  9)  et  déjà  Vallet  d?  Viriville,  dans  son  article  Gresban  de  la  liiograpliie  Didot,  rattachent 
à  nos  auteurs  (au  moins  jiar  descendance  collatérale)  la  famille  encore  existante  de  Gréhan  de  Potltourny. 
Cette  famille  est  donnée  comme  originaire  de  Compiègne,  mais  il  faudrait  savoir  si  cette  origine  n'est  pas 
hypothétique  et  si  elle  n'a  pas  été  admise  par  la  famille  précisément  en  vue  de  se  rattacher  aus  Greban  du 
quinzième  siècle,  supposés  natifs  de  cette  ville. 

'■>  liecherches  de  la  France,  Paris,  éd.  1633,  I.iv.  vu,  ch.  5,  p.  CI2. 

"  Voy.  ci-dessus,  p.  ii  et  p.  vu,  note  4. 

"  Voy,  Sorel,  l,  c,  p.  15. 


XII  INTROnUCTION 

que  Geofroi  Tory  dit  avoir  vu  un  acrostiche  du  frère  aîné  qui  donnait  Araol- 
dus^  Grabans,  mais  il  ne  cite  pas  le  texte,  et  nous  sommes  portés  à  regarder  cetti 
allégation  isolée  comme  reposant  sur  une  erreur  de  copie  ou  d'impression. 

C'est  à  ces  pauvres  résultats  que  se  borne  la  biographie  d'Arnoul  Greban.  Qr.an 
à  ses  œuvres,  elles  lui  avaient  valu,  auprès  de  ses  contemporains  et  de  la  génératioi 
quileur  succéda,  une  renommée  considérable,  dans  laquelle  il  nous  apparaît  d'ailleur: 
presque  toujours  associé  à  son  frère.  La  plupart  des  témoignages  qui  l'attestent  on 
déjà  été  réunis  2;  nous  croyons  cependant  devoir  les  rapporter  encore  en  y  joignan 
quelques  observations. 

Ce  sont  d'abord  les  auteurs  d'ouvrages  de  rhétorique  et  de  critique  qui  nous  fon 
l'éloge  des  Greban.  Le  plus  ancien,  Henry  de  Croy,  ne  mentionne  qu'Arnoul  et  lu 
attribue  une  invention  dont  il  ne  mérite  sûrement  pas  l'honneur  :  «  Pour  faire,  »  nou 
dit-il  en  titre,  «  amoureuses  complainctes  et  aultres  doléances,  ainsi  que  a  fait  maistr 
Arnoul  Grebert  (sic),  qui  en  fut  premier  inventeur  de  belle  rhétorique.  —  Exemple 

A  TOUS,  dame,  je  me  complains  : 
Je  vois  pleurant  avau  les  plains  s. 
Car  ne''  congnois  que  pleurs  et  plains  : 

Puis  que  je  vis 
Votre  gent  et  gracieulx  vis, 
J'aime  mieulx  estre  mort  que  vifz  : 
Neantmoins,  que  voulentiers  qu'envis. 

Je  me  soubnics 
Au  dieu  d'amour,  qui  desorniès 
Me  fait  servir  d'estranges  mes 
De  danger  et  de  refus,  mais 

C'est  par  amer 
Vostre  beaulté  pleine  s  d'amer. 
Qui  a  fait  mon  cuer  entamer, 
Sy  que  je  vouldroie  en  la  mer 

Estre  perilz, 
Estre  noie,  mors  et  pourris, 
Mès^  avec  les  sains  esperis  " 
L'ame  dont  les  yeulx  ont  pou  ris 
Fusist  sauvée « 


'  Il  est  appelé   Arnulphus,    traduction    plus  correcte  à'Arnoitl,   dans  le   reg-istre  de  la  Faculté  il 
théologie. 

2  En  dernier   lieu  par  M.  Sorel,  dans  l'ouvrage  cité.  Nous  avons  vérifié  toutes  ces  citations  dans  les  livre 
auxquels  elles  sont  empruntées. 

3  L'imprimé  a  avant  pour  avau;  Et.  Pasquier  (l.  c,  p.  613)  donne  par  vaux  'et  plains. 
■*  L'imprimé  a  je,  qui  ne  va  que  difficilement  au  sens. 

^  Éd.  plainier. 
^  L"imprimé  ancien  porte  Mix. 

'  1,'Art  de  rhétorique  lit  acecques  les  sains  espris. 

s  L'Art  et  science  de  rhétorique  pour  faire  rigmes  et  ballades,  réimpression  de  Crapelet,  dans  les  Pol 
sies  des  xv  et  xvi'  siècles,  Paris,  1830-1832.  in-S»  goth.  (Bibl.  Nat.  Y  +  4397  +  Aa),  B.  III,  v". 


INTRODUCTION  xiii 

Il  s'en  faut  bien  que  Greban  ait  inventé  cette  forme  devers,  familière  h  Rutebeuf  et 
que  nous  trouvons  déjà  euipluyée  au  douzième  siècle  ;  on  pouri'ait  croire  qu'il  l'a  régu- 
larisée; cependant  le  DU  de  Poissy,  de  (^lirisline  de  Pisan,  nous montrCj  aussi  bien 
que  le  fragment  de  Greban,  des  groupes  de  vers  égaux  en  nombre  et  ratlachtts  de 
même;  il  faut  donc  supposer  que  toute  l'invention  d'Arnoul  consiste  à  avoir  appliqué 
cette  forme  à  la  complainle  amoureuse.  En  tout  cas  il  est  a  remarquer  qu'il  s'en 
est  aussi  servi,  avec  diverses  variations,  dans  le  Mystère  '.  Comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  cette  pièce  doit  se  rapporter  à  la  même  période  de  sa  vie  *. 

Pierre  Fabri  ou  plutôt  Lefèvre  semble,  comme  Henri  de  Croj,  ne  connaître  que 
l'aîné  des  deux  frères  qu'il  place  au  rang  des  yrands  orateurs  :  «  11  me  suffit  d'en 
dire  que  depuis  pou  de  temps  la  science  a  esté  amplement  magnifiée  en  noslre  lan- 
gage d(>  plusieurs  et  grans  orateurs,  et  mesmes  de  nostre  temps  de  maistre  Arnault 
Grebon  (sic),  de  Hurion,  imitateur  de  Georges  Castelain,  etc.^.   » 

L'entliousiasme  du  troisième  critique  qui  parle  de  notre  auteur,  Geofroi  Tory,  est 
bien  autrement  exalté  ;  maliiçureusement  il  ne  semble  pas  moins  factice,  et  Q  est 
permis  de  soupçonner  que  le  bon  typographe,  si  on  lui  eût  demandé  quelles  œuvres  il 
admirait  si  fort,  aurait  été  embarrassé  de  répondre.  L'étrange  anachronisme  dans  le- 
quel il  suit  naïvement  son  ami  René  Macé  à  propos  d'Arnoul  (les  Greban  semblent 
prédestinés  à  faire  commettre  ce  genre  de  bévues  !  )  prouve  combien  il  était  mal  informé 
de  ce  dont  il  pai'lait.  11  a  cependant,  ce  qu'on  n'attendrait  guère,  le  mérite  de  nous 
révéler  l'existence  d'un  petit  ouvrage  inconnu  de  notre  poète,  a  Arrière!  arrière!  » 
s'étrie-t-il,''«  autheurs  grecz  et  latins  :  de  René  Massé  naist  chose  plus  belle  et  grande 
que  le  Iliade.  On  pourroit  en  oultre  user  des  oeuvres  de  Arnoul  Graban  et  Simon 
Graban  son  frère.  Dantes.-Uigerius  Florentin, comme  dict  mon  susdict  bon  amy  René 
Massé,  faict  honorable  mention  dudict  Arnoul  Graban.  Et  d'icelluy  Arnoul  aj' veu 
en  l'esglise  des  Bernardins  de  Paris  ung  tableau  auquel  il  y  a  une  oraison  a  la  vierge 
Marie  qui  se  comnvAWCQ  En  protestant  ^^i  les  premières  lettres  des  versetz  du  dernier 
couplect  contiennent  son  nom  et  surnom  qui  sont  Arnoldtts  Grabans'^  me'^.  »  Il  est 


1  V.  9U9-9508,  11891-1U>05,  15456-15507,25350-25501. 

2  Cette  pièce  a  été  cité;  eu  pirtie  par  Pasquier,  qui,  après  avoir  constaté  que  les  Oreban  furent  grande 
metit  «  célébrez  par  les  iiostres,  »  et  avoir  cité  Jean  le  Maire.  Geoff  oy  Tore  (sic),  Mnrot,  etc.,  nous  donne  les 
trois  premiers  couplets  qu'il  avait  copiés  à  Blois  dans  «  l'autlieur  du  vieux  art  poétique  fraiiçols  »,  et  regrette 
do  n'avoir  pas  copié  le  reste.  An  reste,  Pasquier  se  trompe  en  croyant  que  la  pièce  était  complète  dans 
l'Art  et  science  de  rlœtorique,  et  M.  Sorel  tombe  dans  la  même  erreur  :  H.  de  Croy  ne  donne  que  le  détmt  : 
la  pièce  devait  être  bien  plus  longue.  —  11  est  probable,  d'après  les  variantes  rapportées  plus  haut,  que 
Pasquier  avait  copié  sur  un  manuscrit. 

''  Le  f/rant  et  vrai/  art  de  pleine  Rhétorique  utille,  proffilahle  et  nécessaire  a  toutes  f.ens  qui 
désir  nt  a  bien  eleganmient  parler  et  escrire...  Rouen,  1521  (Bibl.  Nnt.  X  3290),  P  m,  r"  (Prologue  de 
l'acteur). 

*  Champ  Ficury...  P.iris,  1529  (Bibl.  Nat.  V  4-  595in-f'),  f'  m,  r'. 

^  ïSur  cette  orlhogr.ipbe,  v.  ci-dessus,  p.  xii. 

''  Ce  me  pourrait  être  le  commencement,  seul  exprimé,  de  la  formub'  me  fecit.  Toutefo.s,  il  est  curieux 
d'avoir  un  «  coupleit  »  de  dix-sept  vers.  Ne  faut-il  pas  en  faire  deux  stances  de  huit  Ters,  qui  auraient  porté 
en  acrostiche  Arnoldus  Greb.inusf 


j^iv  INTRODUCTION 

probable  que  René  Macé,  qui  communiqua  si  généreusement  à  son  «  bon  am  j  »  la  belle 
découverte  qu'il  avait  faite  clans  Dante,  avait  parlé  ailleurs  des  Greban  ;  mais  l'œuvre 
littéraire  du  chroniqueur  de  François  I"  est  aujourd'hui  perdue  ou  au  moins  inconnue, 
et  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale  qui  contiennent  presque  tout  ce  "que 
nous  avons  de  lui  ne  font  aucune  allusion  à  ce  sujet  ' .  —  Quant  à  la  prétendue  mention 
honorable  faite  par  Dante  d'Arnoul  Greban,  il  est  clair  que  le  bon  Macé  a  été  trompé 
par  le  célèbre  passage  du  Purgntoire  (c.  xxvi)  consacré  à  la  gloire  d'Arnaut,  c'est- 
à  dire  d'Arnaut  Daniel  :  leu  sut  ArnaiU  que  itlor  e  vai  cantan^. 

Geofroi  Tory  est  le  dernier  cï-itique  qui  fasse  l'éloge  des  Greban  ;  avant  même  le 
triomphe  de  la  Pléiade,  leur  étoile  jumelle  s'est  éclipsée.  Thomas  Sibilet,  en  1548, 
dans  son  Art  poétique,  n'a  plus  même  un  mot  pour  eux.  Bientôt  ils  sont  enveloppés 
pour  toujours  dans  le  mépris, —  assez  justifié, —  dont  l'école  de  Ronsard  couvre  tous 
les  poètes  de  l'école  si  admirée  au  temps  de  Louis  XII.  Ces  poètes,  plus  jeunes  que 
les  Greban,  les  reconnaissaient  pour  leurs  maîtres  et  ont  célébré  leur  nom  en  mainte 
rencontre.  Le  signal  est  donné  par  le  plus  illustre  de  tous,  Jean  le  Maire  de  Belges, 
qui,  parlant  des  meilleurs  écrivains  français  antérieurs  à  lui,  cite  «  Jehan  de  Meun, 
Froissart,  maistre  Alain,  Meschinot,  les  deux  Grebans,  Millet,  Moulinet,  George 
Chastelain  et  autres  dont  la  mémoire  est  et  sera  longuement  en  la  bouche  des  hommes, 
sans  ceulx  qui  encore  vivent  et  florissent,  desquels  Guillaume  Crétin  est  le  prince'.  » 

A  la  suite  du  maître  viennent  les  disciples.  Jean  Bouchet  ne  manque  pas  de 
placer  les  deux  frères  dans  son  éuumération  des  «  inventeurs  et  aucteurs  des  ars  et 
sciences  »  : 

Scmblablement  je  vy  par  fantasie 
Les  inventeurs  de  l'art  de  poésie 
Et  les  aucteurs  qui  se  voulurent  mettre 
A  composer  premièrement  en  mètre 
Grec  et  latin  et  vulgarre  langage... 
Puis  je  apperceu  Milet  et  les  Grebans; 
Georges,  Castel  reposent  la  dedans,  etc*. 

Bouchet  fait  des  Greban,  associés  aux  mêmes  auteurs,  une  louange  plus  précise 
dans  une  de  ses  épîtres  familières  : 


'  Fr.  14492,  le  bon  Prince,  poëme  sur  le  voyage  de  Charles-Quint  en  France,  incomplet.  Ce  poëme. 
dont  il  existe  encore  deux  manuscrits,  l'un  à  Aixeji  Provence,  signalé  par  M.  L.  Delisle  (Voy.le  Bulletin 
de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris,  1875,  p.  2Î;),  lautredans  la  bibl.  de  Sir  Thomiis  Phillijjps,  sera  trés- 
procliainement  pulilié  pai-  l'un  des  éJiteurs  de  ce  volume,  -  Fr.  49(3o  et  2S2.3,  Chronique  en  vers.  — 
Lat.  8417,  Klégies  et  épUres. 

2  Cette  exiilieation  de  la  méprise  de  Macé  u  déjà  été  donnée. 

3  Prologue  du  Traiclé  intitulé  la  Concorde  des  deux  langaiges,  faisant  suitej  avec  d'autres  pièces,  aux 
Illustrations  de  Saule  dans  l'édilion  de  F.  Regnault,  Paris  (1506  ?). 

■i  Le  Temple  de  bonne  renommée  et  repos  des  hommes  et  femmes  illustres  .^  Paris,  a  l'Escu  de 
France,  lôlf ,  golh;,  ('■  xliiii  \"  et  xlv  r°; 


INTRODUCTION  xv 

Priant  a  Dieu  qu'il  to  donno  le  stylo 

Des  deux  Clrebaus,  dont  grant  doiilceur  distille, 

ICt  de  Castel  l'invention  des  laiz, 

De  Cicoigos  l'art,  la  veine  Sainct  Gcloyg'. 

Cléiiunit,  Mai'ot  se  rattachait  à  cette  école  par  ses  origines  et  croyait  encore  lui 
iipiiarUniir,  b'u'ii  ([u'il  s'en  fût  heureusement  dégagé  et  se  fîit  ouvert  une  voie  toute 
per.sunnelle.  Aussi  ne  faut  il  pas  s'étonner  qu'il  répote  les  éloges  accordés  aux  Ore - 
ban  par  ses  anciens.  Nous  avons  rapporté  plus  haut  l'épigranime  où  il  dit  qu'ils  ont 
honoré  U'ur  ville  natale;  il  les  loue  encore  ailleurs  en  compagnie  d'autres  poètes  : 

le  grave  Cliastellain, 

Le  bien  disant  en  ritlimc  et  prose  Alain, 
Les  deux  Grebans  au  bien  résonnant  stile, 
Octovian  a  la  veine  geutile, 
l.e  bon  Crétin  au  vers  équivoque,  cic  ». 

Dans  tout  le  milieu  littéraire  d'alors,  le  nom  des  Greban  était  en  grande  vénération. 
Il  était  invoqué  dans  les  discussions  poétiques.  Ainsi  dans  l'une  des  pièces  du  long 
débat  entre  Marot  et  Sagon,  l'auteur,  opposant  ;i  Marot  les  grands  poëtes  qui  l'ont 
précédé,  s'exprime  ainsi  : 

Venez  donc,  Ghartier  et  Crétin, 
Greban,  Mescliinot  et  I?ertiu  ■'. 

Ce  nom  figure  dans  cette  dispute  d'une  façon  plus  curieuse.  Les  partisans  de  Sagon 
se  plaisent  à  le  surnommer  «  l'autre  Greban,  »  comme  on  le  voit  par  les  deux  pas- 
sages suivants  : 

Ha  !  que  dis  je?  tu  es  l'autre  Greban, 
Qui  a  Marot  dénonce  arrière  ban^. 

Lettre,  va  t'en,  et  ne  faictz  long  séjour, 
Te  présenter  devant  l'autre  Greban  ^. 

La  gloire  des  deux  Greban  fut,  au  moment  de  s'éteindre,  brillamment  ra- 
jeunie par  le  succès  incomparable  qu'obtint,  sous  le  règne  de  François  L',  leur  mjs- 

I  Epistres  inorales  et  familiuyes  du  Trdvetseiir,  é\<.  LXl  (réponseà  ThiijauU,  nvocnt  de  Poitiers). 
Piiiliers,  1515,  in-l'",  III,  1^  xlij  r°  a. 

-  Kd.  citée,  t.  11  (1870),  p.  93-91. 
Le  Rabais  du  caquet  de  Fripelippes  (Harot,  éd.  Leiglet-Dufresnov,  t.  \I,  p.  104). 

■'  llescripl  a  François  de  Sagon,  l.  c^Wï,  SI. 

i  (Irande  généalogie  de  Fripelippes,  l.  c,  VI,  61.  —  Nous  devons  ces  trois  indications  à  l'obligeante 
érudition  de  M.  Émil-  Picot.  Il  e.st  porté  à  conclure  de  ce  surnom  d'  «  autre  Greban  »  que  Sigon  avait  com- 
posé des  ouvrages  dramatiques. 


XVI  INTRODUCTION 

tére  des  Actes  des  apôtres.  Dans  le  prologue  de  l'édition  de  1540,  on  fait  un  pom-^ 
peux  éloge  de  Simon,  qualifié  à  tort  de  docteur  en  théologie,  et  oji  ajoute  : 

Ung  frcie  il  eut,  Ariioul  Greban  nommé, 
Gentil  ouvrier  de  pareille  science, 
Kt  inventeur  de  grande  véhémence  ' . 


Enfin  nous  avons  vu  qu'en  1547  Joachim  du  Bellay  traitait  encore  les  deux  Gre- 
ban de  «  divins  esprits.  »  Du  Bellay  n'avait  alors  que  vingt-trois  ans  :  il  n'avait  pas 
conçu  les  théories  nouvelles  qu'il  allait,  deux  ans  plus  tard,  soutenir  avec 
tant  d'éclat.  Ce  dernier  admirateur,  —  admirateur  sur  parole,  probablement,  — 
de  nos  poètes  manceaux  devait  donner  le  signal  de  la  révolution  qui  allait  les  plonger 
dans  l'oubli  et  qui  eut  pour  premier  efîet  de  faire  périr  leur  principal  titre  de 
gloire  en  abolissant  la  représentation  des  mjstères. 


II 

Le  Mystère  de  la  Passion,  a.  nos  yeux,  ne  justifie  pas  ces  éloges.  C'est  un  ouvrage 
considérable,  travaillé,  mais  où  il  est  impossible  de  reconnaître  du  génie  ou  même 
un  talent  remarquable.  L'auteur  ne  fait  guère  preuve  d'originalité  que  dans  la  partie 
proprement  dialectique,  où  d'ailleurs  il  se  complaît.  L'interminable  discussion  entre 
Justice,  Vérité,  Miséricorde  et  Paix,  lieu  commun  légué  au  poëte  par  les  âgesprécé- 
dents,  nous  offre  le  tableau  fidèle  d'une  de  ces  disputes  scolastiques  qui  remplissaient 
alors  la  rue  du  Fouarre.  Le  drame  proprement  dit  est  encadré  dans  cette  discussion, 
engagée  au  début  et  pacifiquement  résolue  à  la  fin.  C'est  là  une  idée  qui  nous  semble 
neuve  et  qui  ne  manque  pas  de  grandeur.  Dans  la  mise  eu  scène  de  la  vie  du  Ciirist, 
Arnoul  Greban  suit  l'Evangile,  non  seulement  sans  invention,  mais  avec  une  remar- 
quable faiblesse.  Les  miracles  divers  qui,  sous  une  main  habile,  auraient  pu  donner 
lieu  à  tant  de  scènes  charmantes  ou  pathétiques,  sont  platement  dialogues,  et  beaucoup 
des  plus  intéressants  sont  omis.  L'absence  complète  de  caractère  personnel  chez  Jésuf 
était  imposée  au  poëte  par  la  façon  étroite  dont  le  moyen-âge  comprenait  la  figure 
de  l'Homme-Dieu,  mais  comme  celte  figure  occupe  presque  tout  le  temps  le  théâtre, 
il  en  résulte  une  froideur  constante.  Les  personnages  accessoires  ne  sont  guère  plus 
vivants.  Us  débitent  juste  ce  qui  est  nécessaire  pour  expliquer  leur  intervention  et 
leur  action,  sans  qu'on  trouve  chez  le  poëte  une  trace  d'eff"ort  pour  les  rajeunir  ouïes 
caractériser.  Quel  parti,  dans  ladonuée  où  l'auteur  étai^  nécessairement  assujetti, 

1  Triumphant  mystère  rfes  Actes  des  ap)stres,  l'jris,  1540,  ciiez  Ar.ioul  et  Cliailes  les  Aa'/elier< 
(2  vol.  iii-i".  Bil)l.  Xat.,  Y  4358;  I,  vei-j  16-S  du  Prologue  non  pagine. 


i 


INTRODUCTION  xvii 

ne  pouvait-il  pas  tirer  de  personnages  tels  que  Josepii,  Hérode,  Joan-Bapliste, 
Pierre,  Judas,  Madeleine,  Lazare,  Pilate,  et  autres  !  C'est  à  peine  s'il  a  développé  çà 
et  là  les  indications  qu'il  trouvait  dans  ses  sources.  Seule,  Marie  a  été  traitée  avec 
une  prédilection  particulière  et  qui  a  parfois  porté  bonheur  au  poëte.  La  complexité 
mystique  de  ce  caractère  de  vierge  mère,  de  ce  cœur  qui  dans  le  même  être  aime  son 
fils  et  vénère  sou  Dieu,  de  celte  ùme  qui,  tout  éclairée  des  presciences  de  la  gloire 
future,  n'en  est  pas  moins  meurtrie  par  les  angoisses  delà  douleur  présente,  cette 
complexité  qu'il  est  impossible  de  saisir  et  de  représenter  réellement,  Arnoul  Greban 
a  eu  le  mérite  de  l'imaginer  et  parfois,  si  nous  ne  nous  trompons,  de  l'indiquer  avec  un 
certain  succès.  Marie  est  la  figure  la  plus  pure  et  en  même  temps  la  plus  vivante  de 
son  œuvre. 

Tout  drame  suppose  une  lutte.  Dans  le  récit  de  la  i^assion,  il  n'y  a  en  réalité  pas 
de  lutte,  puisque  le  héros,  d'après  le  dogme  catholique,  va  volontairement  au  sup- 
plice et  n'est  même  devenu  iiomnie  que  pour  atteindre  ce  but  :  il  est  d'ailleurs  trop 
au  dessus  de  ceux  qui  l'entourent  et  l'aiment  pour  que  leurs  sentiments,  comme  dans 
Polyeucte,  osent  tenter  de  s'opposer  aux  siens.  Les  dramaturges  chrétiens  ont  été 
obligés  de  laisser  en  blanc,  pour  ainsi  dire,  en  sous-entendu  tout  le  côté  de  la  résis- 
tance ;  ils  n'en  ont  développé  qu'avec  plus  de  verve  le  côté  de  l'attaque.  Les  Juifs,  les 
bourreaux,  les  diables,  ces  trois  genres  d'ennemis  défrayent  à  eux  seuls  une  large 
part  de  l'action.  Les  derniers  surtout,  dès  avant  Arnoul  Greban,  étaient  en  posses- 
sion de  faire  rire  le  public  des  mystères,  que  la  vue  des  scènes  pieuses,  sans  inter 
mèdes,  aurait  ou  ennuyé  ou  trop  attendri.  Le  moule  des  plaisanteries  froides  et  mono- 
tones qui  font  toute  la  gaieté  des  scènes  d'enfer  était  trouvé  depuis  longtemps  : 
Greban  l'a  rempli  avec  une  certaine  discrétion,  si  on  le  compare  à  d'autres,  et  parfo's 
il  a  mêlé  à  ses  bouffonneries  grimaçantes  quelques  accents  plus  sérieux  et  plus  pro- 
fonds, comme  dans  le  rondel  :  La  dure  mort  éternelle  C'est  la  chanson  des  damnés. 
Mais  en  somme  il  n'a  i)as  innové.  Les  scènes  de  bourreaux  sont  également  plus  an- 
ciennes que  lui,  mais  il  s'y  est  particulièrement  complu.  Il  est  clair  qu'en  les  déve- 
loppant comme  il  l'a  fait  il  plaisait  à  ses  contemporains.  Pour  nous,  nous  ne  savons 
ce  qui  nous  repousserait  le  plus,  des  tortures  aussi  atroces  que  dégoûtantes  dont  Jésus 
estabreuvépendantsept  mille  vers,  ou  des  facéties  bestiales  de  ses  tortureurs;  le  public 
du  quinzième  siècle,  en  prenant  plaisir  aux  unes  et  aux  autres,  manifestait  certaine- 
ment deux  goûts  que  la  populace  n'a  pas  encore  perdus,  mais  notre  sentiment  moderne 
ne  peut  comprendre  comment  on  supportait  les  unes  et  les  autres,  appliquées  au  Ré- 
dempteur, au  {''ils  de  Dieu,  au  Christ  qu'on  adorait  chaque  jour'. 

'  M.  Paulin  Paris,  en  1805,  appréciait  à  peu  prés  de  même  cetle  partie  de  l'muvre  ileG.eban  «  Le  Sau- 
veur des  hommes  n'a  pas  soulïert  plus  loiiyiemps  en  réalité  que,  dans  le  Mystère,  celui  qui  le  représeiilr. 
Comment  pouvait-on  s'  complaire  à  d'aussi  interminables  tableaux?  Les  tourments  du  Fils  de  Dieu  arri- 
chaient-ils  des  larmes  ?  Les  grossiers  jeux  de  mots  des  tyrans  provoquaient-ils  des  éclats  de  rire  ?  N'eus  ne 
savons  :  les  uns  et  les  autres  peut-être;  mais  nous  sommes  surpris  quo  les  larmes  et  les  ra-es  ne  se  soieut 
pas  lassés  dés  la  première  de  ces  mortelles  heures  »  (Revue  des  Cours  xiv.bUcs.  h  c,  p.  51). 

6 


XVIII  INTRODUCTION 

Pour  les  Juifs,  les  docteurs,  les  pharisiens,  Arnoul  Greban  s'est  aussi  mis  en  frais, 
et  là,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  sa  dialectique  et  sa  science  ont  trioraplié.  Il  leur 
fait  pousser  et  soiidre  un  argument  avec  une  dextérité  incontestable.  A  ces 
scènes -là,  le  petit  peuple  ouvrait  de  grandes  oreilles,  mais  les  personnes  notables  et 
discrètes,  qui  d'ailleurs  avaient  pris  leur  part  du  rire  et  des  larmes  des  épisodes  sai- 
sissants, sentaient  qu'elles  avaient  affaire  à  un  iiomme  instruit  et  approuvaient  du 
geste  ses  irréprochables  syllogismes.  Son  instruction  historique  était  moins  forte  : 
il  n'hésitait  pas  à  faire  adorer  Mahomet  par  Pilate  ;  mais  qui  se  scandalisait  alors 
de  pareils  écarts? 

Enfin  le  fond  général  de  la  pièce,  attrait  sans  cesse  varié  pour  les  contemporains, 
qui,  à  d'autres  titres,  n'a  pas  cessé  d'agir  sur  nous,  c'était  la  représentation  naïve  de 
la  vie  de  tous  les  jours  et  de  tout  le  monde.  Depuis  les  rois  et  leurs  conseillers,  les 
grands  prêtres  et  les  chevaliers,  jusqu'aux  petites  gens  de  tous  les  états,  on  voyait  là  cir- 
culer, agir,  on  entendait  parler  toutes  les  classes  de  la  société  dans  une  procession  in- 
terminable et  sans  cesse  renouvelée.  C'était  un  spectacle  dont  on  ne  se  lassait  pas,  et 
qui  nous  plaît  encore,  bien  que  nous  le  regardions  avec  de  tout  autres  yeux.  Cette 
variété  infinie  donnait  aussi  occasion  au  poète  de  varier  son  style  et  son  langage,  de 
reposer,  par  des  cliangements  continuels  de  ton,  l'attention  des  si)ectateurs  d'alors 
et  d'accumuler  pour  le  lexicographe  d'aujourd'hui  des  trésors  dont  notre  glossaire 
peut  donner  l'idée.  . 

Ce  n'est  pas  à  coup  sûr  dans  ces  passages  familiers  que  les  admirateurs  d'Arnoul 
Greban  auraient  trouvé  «  le  bien  resonnant  stile  »  dont  ils  le  louent.  Mais  pour  nous, 
sans  nier  que  dans  la  partie  de  son  œuvre  où  il  prend  le  ton  élevé  et  oiî  il  se  montre 
vraiment  un  «  noble  rhetoricque,  »  il  y  ait  parfois  des  vers  bien  frappés,  des  élans 
poétiques,  un  maniement  heureux  durhythme,  nous  regardons  en  général  ces  mor- 
ceaux laborieux  comme  de  parfaits  échantillons  d'un  art  creux,  faux  et  puéril,  et 
nous  apprécions  surtout  chez  lui  les  passages  nombreux  où,  quittant  le  cothurne,  il 
parle  avec  aisance,  parfois  avec  gaieté,  la  bonne  et  franche  langue  populaire. 

En  résumé,  on  ne  peut  mieux  comparer  le  Mystère  de  la  Passion  qu'à  tel  ou  tel 
de  ces  vieux  tableaux  flamands  qui  représentent  le  même  sujet,  et  devant  lesquels 
nous  nous  arrêtons  longuement  avec  curiosité,  mais  sans  éprouver  ni  attendrissement 
ni  extase.  Sur  ces  antiques  panneaux,  travaillés  d'un  bout  à  l'autre  avec  un  soin 
minutieux,  Jérusalem,  vue  du  haut  de  la  colline  du  Calvaire,  ressemble  à  Paris  ou  à 
Bruges;  le  Christ,  entre  ses  bourreaux  grotesques  qu'un  rire  liideux  fait  grimacer, 
s'avance,  figure  plate  et  sans  expression,  parce  qu'elle  ne  doit  pas  marquer  de  dou- 
leur humaine,  autour  de  laquelle  est  plaquée  une  auréole  d'or  cru  ;  les  bourgeois  de 
la  ville  regardent  défiler  le  cortège  d'un  air  béat  ;  les  soldats  romains,  habillés  en  che- 
valiers, s'arrêtent  un  instant  pourboire  ;  les  voleurs  déjà  crucifiés  se  distinguent  par 
la  laideur  et  les  convulsions  de  l'un,  le  calme  relatif  de  l'autre  ;  les  croix  bien 
propres  se  dessinent  nettement  sur  un  ciel  d'un  bleu  monochrome;  seule   peut- 


IISTRODDCTrON  xix 

être,  dans  tin  coin,  la  mère  habillée  en  nonne  qui  se  pâme  dans  les  bras  de  ses  amies 
à  la  vue  du  cortège  fait  passer  uuo  synipatliie  poignante  dans  le  cœur;  mais  en 
regardant  en  haut,  on  voit  le  ciel  ouvert,  où  Dieu  le  père,  en  habit  de  pape,  une  co- 
lombe sous  ses  pieds,  attend  paisiblement  le  retour  de  son  fils,  entouré  de  ses  anges 
symétriques.  C'est  ainsi  que  l'imagination  d'alors  se  représentait  le  drame  du  Gol- 
gotha,  ot  c'est  ainsi  qu'avec  une  jouissance  et  une  édification  sans  bornes  le  pul)lic  de 
Paris  d'abord,  puis  de  presque  toutes  les  grandes  villes  de  France,  le  contempla  sur 
la  scèn(>,  grâce  h  maître  Arnoul  Greban. 

■^  La  mise  en  scène,  le  spectacle  !  voilà  quel  fut  le  grand  élément  de  cet  incompa- 
rable succès  des  mystères.  Les  conditions  dans  lesquelles  était  né  le  drame  chrétien 
l'avaient  amené  à  se  créer  un  logis  à  son  usage  propre,  qui  disparut  probablement 
sans  retour  avec  la  renaissance  du  drame  grec,  et  qui  cependant  marque  une  des 
formes  les  plus  remarquables,  peut-être  susceptible  de  renouvellement,  de  l'art  dra- 
matique. Au  lieu  d'être  successive,  si  l'on  peut  ainsi  parler,  la  mise  en  scène  est  si- 
multanée. Les  différents  liotix  où  se  passe  l'action  sont  tous,  dès  l'origine  et  jusqu'à 
la  fin,  sous  les  yeux  du  spectateur,  garnis  des  personnages  afférents.  Tous  ces  lieux 
communiqxient  entre  eux  par  le  devant  de  la  scène,  terrain  neutre  où  se  passent  les 
voyages,  les  marches,  les  actions  sans  lieu  définiT) Qu'on  se  figure  une  telle  scène 
livrée  au  génie  d'un  Shakespeare  :  n'en  aurait-il  pas  tiré  un  extraordinaire  parti  ?  et 
n'aurait-elle  pas  du  moins  été  préférable  à  ces  éternels  cliangements  de  décors  qui 
aujourd'liui  rendent  si  difficile  l'exacte  re[)résentation  de  Hamlei  ou.  de  Richard  IIH 
Devant  la  foule,  amassée  longtemps  à  l'avance,  s'étendait  ainsi,  sur  un  espace 
souvent  très-vaste,  le  coin  du  monde  où  se  déroulait  l'action  :  ici  une  ville,  là  une 
montagne,  une  plaine,  le  bord  d'un  lac  ou  de  la  mer,  la  chambrette  de  Marie,  la  pri- 
son de  .Jean,  la  salie  du  festin  d'IIérode,  l'étable  de  Bethléem,  etc.  D'un  côté,  sans 
doute  à  une  extrémité,  s'élevait  le  Paradis,  formant  un  étage  supérieur,  au-dessous 
duquel  des  tentures  dissimulaient  l'échelle  qui  le  faisait  communiquer  avec  la  terre  ; 
h  l'autro  bout  s'ouvrait  la  gueule  d'enfer  par  laquelle  sortaient  et  rentraient  sans 
cesse  les  diables  envoyés  parmi  les  hommes.  Ainsi  s'exprimait  aux  yeux  le  monde 
tel  que  l'esprit  le  concevait,  divisé  en  trois  règnes  distincts,  celui  du  boniieur  éter- 
nel, celui  du  malheur  sans  fin,  et  au  milieu  la  terre  où  l'homme  décide  par  sa  vie  à 
quelle  région,  céleste  ou  infernale,  il  appartiendra  pour  toujours,  où  les  diables  le 
tentent,  où  les  anges  le  soutiennent.  L^ ,  du  haut  des  cieux,  aux  rugissements  des  dé- 
mons, on  voyait  descendre  le  fils  même  de  Dieu  pour  livrer  à  Satan  la  grande  bataille 
dont  lesépisodesse  déroulaient  l'un  après  l'autre.  Oublions  ici  la  faiblesse  du  style,  la 
pauvreté  de  l'invention,  l'inconcevable  distance  où  l'exécution  reste  du  sujet;  ne  pen- 
sons qu'à  ce  sujet  et  aux  sentiments  qu'il  inspirait  aux  spectateurs.  Ce  drame  qui  se 
jouait  sur  la  scène,  c'était  à  la  fois  le  sj'mbole,  la  représentation  et  la  solution  terrible 
ou  bienheureuse  du  drame  dont  cliacun  de  nous  est  sans  cesse  le  protagoniste.  Aussi, 
quelle  participation,  quelle  attention  haletante  I  quels  gros  rires  quand  les  diable» 


XX  INTRODUCTION 

déçus  faisaient  en  enfer  «  grand  tumulte,  »  quel  enthousiasme  quand,  au  son  des 
orgues  du  Paradis,  le  chœur  des  anges  célébrait  les  victoires  de  Dieu  ! 

Le  grand  mouvement  des  mj'stères  commence  pour  nous  vers  1450  '  et  finit  en  1548, 
lors  de  l'édit  du  Parlement  qui  interdit  de  représenter  la  Passion  et  autres  sujets 
religieux.  Il  dure  un  siècle.  A  l'origine,  si  nous  ne  nous  trompons,  il  faut  placer 
l'œuvre  d'/Vrnoul  Greban  :  c'est  elle  qui  la  première  avait  excité  l'admiration  et  avait 
été  représentée  de  ville  en  ville.  Son  succès  lui  vint  sans  doute,  —  eu  outre  du  talent 
réel,  si  on  le  compai'e  k  ses  prédécesseurs,  qu'j  avait  montré  l'auteur,  —  de  ce 
qu'elle  inaugurait  la  grande  mise  en  scène.  Jamais  on  n'avait  vu  jusque-là  un  mystère 
durer  quatre  journées,  employer  plus  de  220  personnages,  déployer  une  action  si  riche 
et  tant  d'épisodes  variés.  Ce  n'était  rien  à  côté  de  ce  qui  suivit  :  les  Actes  des  Apolres 
sont  à  la  Passion  ce  que  celle-ci  était  aux  mystères  plus  anciens,  mais  Greban  avait 
donné  le  signal.  Plus  tard  on  trouva  qu'il  était  trop  timide  et  trop  bref,  et  quand  on 
voulut  représenter,  avec  une  pompe  qui  surpassât  tout  ce  qu'on  avait  vu  encore,  la 
Passioji  à  Angers,  en  1486,  on  chargea  le  docteuj;^ean  Michel  de  remettre l^v rage 
d'Arnoul  Greban  à  la  mode. 

Cette  refaçon  de  Jean  Michel  fit  rentrer  dans  l'ombre  le  texte  primitif;  c'est  elle 
qu'on  joua  presque  exclusivement  depuis  lors.  L'auteur  avait  moins  de  sérieux,  mais 
plus  de  verve  que  Greban;  son  travail  a  détruit  en  bonne  partie  le  caractère  reli- 
gieux de  l'œuvre,  mais  il  l'a  rendue  plus  riche,  plus  variée,  plus  touffue,  plus  inté  - 
ressante  en  beaucoup  de  points.  Ce  serait  une  étude  digne  d'intérêt  que  la  compa- 
raison détaillée  de  l'œuvre  du  docteur  angevin  à  celle  du  maître  es  arts  de  l'univer- 
sité de  Paris  ;  nous  ne  songeons  pas  à  l'entreprendre  ici,  nous  bornant  à  fournir  à 
cette  enquête  la  pièce  principale  vainement  demandée  jusqu'ici. 

Il  vaudrait  encore  plus  la  peine  de  rechercher  le  rapport  de  l'œuvre  d'Arnoul 
aux  essais  qui  l'avaient  précédé.  Nous  nous  sommes  déjà  excusés  d'entreprendre  ce 
travail.  Disons  seulement  que  Greban  ne  parait  pas  dépendre  beaucoup  de  la  tradi- 
tion antérieure.  11  est  très-probable  que  les  mystères  du  quinzième  siècle  publiés 
par  M.  Jubinal  nous  représentent  le  répertoire  des  confrères  de  la  Passion,  et  il  est 
également  vraisemblable  que  c'est  pour  eux,  pour  remplacer  ces  pièces  vieillies, 
qu'Arnoul  Greban  a  travaillé.  On  ne  voit  pas  cependant  qu'elles  aient  eu  d'influence 
sur  lui,  et  il  y  a  notamment  une  remarque  importante  à  faire.^Les  mystères  anté- 
rieurs font  aux  épisodes  étrangers  au  récit  évangélique,  empruntés  aux  apocryphes 
ou  à  des  légendes,  une  part  qu'Arnoul  Greban  leur  retire  presque  absolument.  Les 
quelques  traits  de  ce  genre  qu'il  admet  étaient  consacrés  par  l'enseignement  de 
l'Église  elle-même  ou  devenus  tellement  inséparables  de  la  représentation  de  la  Passion 


1  On  peut  le  rapport  r  à  la  période  de  calme  et  de  prospérité  qui  suivit,  notamment  à  Paris,  la  trêve 
d'Arras  (1444).  Les  Anglais,  qui  infestaient  les  abords  de  la  ville,  ne  reparurent  plus  dans  l'Ile-de-France. 
I.es  derniers  épisodes  de  la  guerr^>  de  cent  ans  se  passèrent,  i)lusieurs  années  après,"  en  Normandie  el  eu 
Guyenne. 


INTRODUCTION  xxi 

qu'il  était  impossible  de  les  en  exclurei[Jeaii  .Michel  se  nioulra  moins  sévère  :  les 
légendes,  les  épisodes  apocryphes,  les  développements  de  pure  invention  prennentchez 
lui  une  i)lac(' énorme  et,  en  rendant  son  œuvre  plus  neuve,  plus  diverse,  jdus  pallié- 
tique,  rejoignent  de  plus  en  plus  du  terrain  sévèrement  religieux  où  Arnoul  Grebaii 
avait  voulu  la  maintenir.  La  grande  innovation  de  celui  ci  avait  été  de  comprendre, 
dans  une  seule  œuvre,  qui  devrait  dès  lors  s'appeler  le  mystère  de  la  Rédemption  et 
non  de  la  Passion,  l'histoire  entière  du  Christ,  depuis  le  moment  mystique  où  Dieu 
décide  de  sauver  l'homme  en  s'inearnant  lui-même  jusqu'au  retour  triomphant  du 
Fils  dans  le  sein  de  la  Trinité. 

Quoi  que  nous  puissions  penser  aujourd'hui  de  cette  tentative  et  de  la  manière  dont 
elle  a  été  exécutée  par  Arnoul  Greban,  le  succès  immense  qu'elle  obtint  n'est  pas 
douteux.  Depuis  1452,  nous  voyons,  dans  des  documents  nombreux  qu'il  serait  inté- 
ressant de  rassembler  aussi  complètement  que  possible,  la  Piission  représentée  dans 
la  plupart  des  villes  du  nord,  de  l'ouestet  du  centre  delà  France'.  Sans  doute  il  n'est 
pas  absolument  sûr  que  ces  représentations  aient  toujours  porté  sur  l'œuvre  de  Gre- 
ban, mais  c'est  extrêmement  pi'obable.  En  tout  cas  nous  n'avons  conservé  aucun 
autre  ouvrage  sur  le  même  sujet  :  les  manuscrits  qui  semblent  s'écarter  des  nôU'es 
en  offrent  des  abrégés,  des  remaniements  ou  des  amplifications.  La  plus  célèbre  de  ces 
dernières  est  celle  que  fit  à  Angers,  en  1486,  le  (locteur  Jean  Michel,  et  qui  fut  im- 
primée peu  après  à  Paris.  Elle  Supplanta  sans  dtuite  l'ancien  mystère  dans  la  faveur 
générale  ;  au  moins  les  nombreuses  éditions  de  la  Passion  contiennent-elles  toutes, 
à  notre  connaissance,  le  rifacimento  et  non  l'œuvre  primitive.  C'est  aussi  la  Pos- 
sion  de  Jean  Michel  qui  fut  dans  le  seizième  siècle  représentée,  à  Paris,  parles  Con- 
frères; c'est  sur  elle  spécialement  que  porta,  en  1548,  l'interdiction  du  Parlement. 


III 

Nous  avons  donné  cette  édition  d'après  trois  manuscrits,  dont  voici  l'indication  : 
Le  manuscrit  de  la  l^ibliothèque  nationale  fr.  81G  (anc.  7206*)  est  un  volume 
in-folio  de  236  feuillets  sur  papier  ;  il  est  orné  d'une  miniature  et  de  deux  initiales. 
Ce  manuscrit  a  été  décrit  par  M.  Paulin  Pai-is',  qui  le  reconnaît,  d'après  les  armes 
peintes  dans  les  deux  grandes  initiales  des  feuillets  1  et  4,  comme  ayant  été  exécuté 
pour  le  connétable  de  Saint-Pol,  qui  eut  la  tète  tranchée  à  Parisle  19  décembre  1475. 
Sur  la  page  blanche  qui  précède  le  dernier  feuillet,  le  copiste  s'est  nommé  :  «  Fait, 
escriptet  accomply  par  moy  Jacques  Riche,  presbtre  indigne,  le  lundi  xxii''jour  de 

'  Mentionnons,  à  cause  Je  la  date,  la  repr<sontation  qui  eut  lieu  à  .\miens  en  1450:  il  est  probable  que 
les  bourgeois  d'Amiens  furent  piqués  d'émulation  par  le  succès  de  \aPassio>i  à  .\bl)eville. 
'  Les  Manuscrits  français,  VI.  580. 


xxii  INTRODUCTION 

février  l'an  mil  quatre  cent  soixante  et  douze,  »  c'est-à-dire  d'après  notre  compte  le 
22  février  1473.  —  Le  second  propriétaire  paraît  avoir  été  Plùlippe  de  Glèves,  dont 
on  lit  la  signature  au  bas  de  l'avant-dernier  feuillet. 

Le  manuscrit  815  (anc.  7206),  que  nous  appelons  B,  est  un  volume  in-folio  de 
277  feuillets  de  parchemin,  à  deux  colonnes,  contenant  plusieurs  miniatures.  11  a 
été  décrit  au  même  endroit  par  M.  Paulin  Paris.  Il  provient  de  la  bibliothèque  de 
Gaston,  duc  d'Orléans.  A  la  fin  on  lit  cette  note  :  Et  sic  est  finis  mysterii  Pas- 
sionis,  resiirreotionis,  ascensionis  et  eliam  missionis  sancti  sjnritus  domini 
nosiri  Jhesu  Christi,  scripta  anno  domini  M"  quinquagesimo  (sic,  lisez  quin- 
gentesimo)  septimo,die  septimo  januaHi,  favente  Altissimo  qui  est  trinus  et 
unusin  secula  secidorum.  Amen.  On  lit  sur  le  recto  de  la  dernière  garde  :  «  Ce 
présent  livre  appartient  a  madame  la  princesse  de  Roche  sur  Yon,  »  c'est-à-dire  à 
Louise  de  Bourbon,  fille  de  Gilbert  de  Bourbon,  comte  de  Montpensier,  morte  en  1561; 
et  au  verso  :  «  Marie  de  Malingres,  famé  de  noble  home  Hector  de  Moy,  a  fest  feres 
sete  passion.  »  Nous  n'avons  trouvé  nulle  part  aucun  rcLseignement  sur  cet  Hector 
de  Moy  (ou  Mouy),  dont  nous  avons  eu  grand  peine  à  déchiffrer  le  nom  effacé. 

Nous  désignons  par  G  le  troisième  manuscrit,  conservé  à  la  bibliotlièque  de 
l'Arsenal  (B.  L.  Fr.  270)  et  comprenant  287  feuillets  de  parchemin,  écrits  à  deux 
colonnes.  Ce  manuscrit,  qui  est  orné  de  nombreuses  miniatures,  abeaucoup  souffert  et 
a  notamment  perdu  un  assez  grand  nombre  de  feuillets.  Il  porte  sur  les  plats  les 
armes  de  l'intendant  Foucault,  et  à  l'intérieur  la  marque  imprimée  de  la  bibliotlièque 
de  l'abbé  de  Rothelin.  Le  catalogue  de  G.  Hsenel  donne  à  tort  Jean  Michel  pour  au- 
teur de  l'œuvre  contenue  dans  ce  volume. 

Dans  ces  trois  manuscrits  il  est  facile  do  distinguer  deux  groupes  bien  marqués, 
composés  l'un  du  seul  manuscrit  A,  l'autre  des  manuscrits  B  et  G.  Ges  deux  manus- 
crits ont  très -souvent  des  fautes  communes,  tandis  que  A  n'est  d'accord  avec  l'un 
d'eux  contre  l'autre  que  pour  des  leçons,  ou  évidemment  préférables,  ou  au  moins 
égales  à  celles  du  manuscrit  isolé.  11  en  résulte  que  A  d'un  côté,  B  G  de 
l'autre,  représentent  deux  familles  différentes.  Le  manuscrit  A  a  sur  les  deux 
autres  l'avantage  d'une  antériorité  considérable  (35  ans  sur  B,  plus  sans  doute 
sur  G)  qui  engageait  déjà  à  lui  donner  la  préférence,  mais  cette  circonstance  n'aurait 
pas  suflî  si  le  rapprochement  des  leçons  n'avait  pas  montré  que  B  G  représentent,  sans 
parler  des  fautes  nombreuses  qu'ils  partagent,  un  texte  remanié  et  surtout  ra- 
jeuni. La  comparaison  de  leurs  variantes,  que  nous  avons  toutes  indiquées  au  bas 
des  pages,  n'est  pas  sans  intérêt  pour  qui  veut  étudier  les  modifications  insensibles 
du  langage  et  du  style  dans  l'espace  qui  sépare  la  composition  de  Greban  de  cette 
première  retouche,  antérieure  à  la  grande  i-efonte  de  Jean  Michel  et  par  conséquent 
à  l'année  1486  '.  11  est  un  seul  point  sur  lequel  nous  nous  sommes  écartés  de  notre 

*  îJous  avons  pu  en  effet  nous  assurer,    par  la  comparaison  de  nombreux  passages,  que  Jean  Michel  a 
exécuté  son  travail  à.  Angers,  en  1486,  d'après  un  manuscrit  appartenant  à  la  famille  BC. 


I 


INTRODUCTION  xxiii 

principe  de  préférer  toujours  A  à  B  C  (sauf  bien  entendu  le  cas,  d'ailleurs  assez 
rare,  de  leçons  visiblement  fautives  dans  A),  c'est  l'accueil  que  nous  avons  fait  dans 
le  texte  aux  additions  nombreuses  de  B  G.  Quand  les  premiers  cas  de  ce  genre  se  sont 
l)rêsentés  à  nous,  dans  le  cours  de  cett(!  longue  impression,  nous  n'étions  pas 
peut  être  absolument  assurés  du  rapport  de  nos  trois  manuscrits;  il  semblait  d'ail- 
leurs possible  que  A  tout  en  étant  en  somme  la  reproduction  plus  fidèle  de  l'ori- 
ginal, y  eût  pratiqué  des  suppressions;  aussi  avons-nous  mieux  aimé  admettre 
ces  morceaux  que  de  nous  exposer  à  mutiler  le  texte.  Aujourd'hui,  en  considérant 
la  manière  dont  ils  sont  presque  tous  intercalés,  —  entre  deux  rimes,  —  nous 
jugeons  leur  interpolation  par  B  G  beaucoup  plus  vraisemblable  que  leur  suppres- 
sion par  A  ',  mais  on  peut  dire  qu'ils  ne  jurent  pas  dans  le  texte,  comme  d'ailleurs 
la  révision  conservée  dans  15  G  est  faite  dans  son  ensemble  avec  intelligence  et  so- 
briété, et  conserve  généralement  le  caractère  de  l'original.  Peut-éti'e  cette  l'évision 
émane-t- elle  de  Simon  Grcban  ?  car  divers  indices  ne  permettent  pas  de  l'attribuer 
à  Arnoul  lui-même.  Si  Arnoul  était  mort,  comme  nous  l'avons  supposé  plus  haut, 
vers  1470,  c'est  dans  les  années  qui  suivirent  immédiatement  que  Simon,  sans  doute 
au  Mans,  a  pu  donner  de  l'œuvre  de  son  frère  une  édition  revue,  corrigée  et  augmen- 
tée. —  Nous  avons  aussi  admis  dans  le  texte  les  indications  scéniques  qui  se  trou- 
vent à  peu  près  exclusivement  dans  B  G;  celles,  en  petit  nombre,  que  fournit  A,  ont 
été  rejetées  en  note. 

Nous  n'avons  connu  qu'après  l'achèvement  plus  ou  moins  entier  de  notre  travail 
trois  autres  manuscrits,  tous  incomplets,  qui,  heureusement,  n'en  auraient  en  rien 
modifié  l'exécution.  C'est  d'abord  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  nationale,  fr. 
1550,  manuscrit  sur  papier  de  206  feuillets.  Il  ne  contient  que  le  prologue  et  la 
première  journée.  11  se  rattache  à  la  famille  B  G;  comme  B,  dont  il  se  rapproche 
surtout,  il  commence  au  vers  223  de  .\et  place  les  vers  1-222  entre  les  vers  1732 
et  1741.  Le  seul  intérêt  de  ce  manuscrit  est  dans  ses  indications  scéniques,  diffé 
rentes  de  celle  de  B  G  et  beaucoup  plus  nombreuses;  elles  s'arrêtent  au  vers  2071  ; 
nous  les  donnons  en  note^. 


'  Plusieurs  de  ces  adilitions  consistent  eu  triolets  ;  il  était  aussi  facile  de  les  supprimer  que  do  les  ajouter  ; 
m  lis  le  second  parait  plus  vraiseinblaljle. 

*  Au  V.  311  ycy  se  parent  les  angeles  en  révèrent  devant  Dieu.  —  4ÎG  Ycy  doibt  avoir  grant 
tempeste  en  enfer,  puys  dit  Lucifer,  dyable  avecgues  les  aultres  ou  dit  enfer.  —  ô25  Ycy  fait  la 
bénédiction.  —  551  Ycy  fait  une  masse  de  terre  dont  il  faitVomme.  —  555  Ycy  est  créé  Adam  et 
se  lieve  a  genoux  devant  Dieu.  —  559  Ycy  parle  a  Adam.  —  570  Ycy  luy  monstre  et  le  maine 
Dieu  en  paradis  terrestre.  —  106  Ycy  s'endort  .Idam  et  Dieu  prent  une  coste  de  luy  et  crée  Eve. 
—  601  Ycy  se  lieve  Eve.  —  ti47,  Ycy  chantent  les  anges.  —  60i  Salhan  en  forme  de  serpent  sur  le 
pommier.  -  724  i>y  qucuille  une  pomme.  —  727  Ycy  mort  en  la  pomme.  —  730  Ycy  baiile  de  la 
pomme  a  Adam.  —  742  Ycy  2>rent  Adam  de  la  pomme  et  en  mamjeue.  —  Si-T  Ycy  ce  met  le  chéru- 
bin a  garder  paradis  terrestre  —  1079  Ycy  boulent  le  feu  chacun  en  soti  sacrifice.  —  1U4  Ycy 
s'en  vont  aux  cJtamps.  —  1101  Ycy  tue  Cayn  Abel  et  le  laisse  mort.  —  1203  Ycy  le  signe  Dieu  d'un 
signe  rouge  au  front.  —  12il  Ycy  trouvent  Abel  mort.  —  2071  Ycy  sont  cinq  dames  en  paradis 
et  s'en  doibt  lever  une. 


XXIV  INTRODUCTION 

Le  manuscrit  de  la  Bibliotlièque  nationale  fr.  15064  et  15065,  en  deux  vo- 
lumes, l'un  de  102,  l'autre  de  208  feaillets,  sur  parchemin  et  papier,  contient  les 
deux  premières  journées.  Ce  manuscrit  est  encore  de  la  famille  B  G,  et  il  a  les  mêmes 
indications  scéniques  que  ces  deux  manuscrits;  il  conmience  comme  B  au  vers  223 
de  notre  édition  '. 

Enfin  nous  avons  eu  entreles  mains  un  manuscrit  qui  se  trouvait,  au  mois  de  juil- 
let 1876,  en  la  possession  du  libraire  Techener,  et  qui,  après  avoir  fait  partie  de 
la  collection  Soleinne-,  a  longtemps  appartenu  à  M.  le  baron  Tavlor^.  Ce  manuscrit  se 
rattache  étroitement  par  toutes  ses  leçons  à  la  famille  B  C.  Il  commence  par  les  deux 
cent  quinze  premiers  vers,  qui  sont  communs  à  nos  trois  textes,  mais  tandis  que  B,  se 
contentant  d'omettre  les  vers  216-222,  conserve  les  vers  233  -1732,  et  les  place  avant 
le  vers  1  ;  que  C,  après  avoir  omis  216-222,  suit  le  texte  de  A  jusqu'à  232,  et  saute 
ensuite  233-1740,  le  manuscrit  Soleinne  omet  les  vers  216-1740  entièrement,  et  ne 
rejoint  le  texte  commun  qu'au  premier  vers  de  la  première  journée.  11  ne  comprend 
d'ailleurs  que  trois  journées,  et  il  a  sans  doute  été  fait  sur  un  manuscrit  incomplet  de 
la  rédaction  B  C  :  il  suit  fidèlement  cette  rédaction  jusqu'au  vers  27399,  mais  il 
remplace  la  fin  de  la  troisième  journée  par  cinquante-cinq  vers  qui  lui  sont  propres, 
et  il  termine  par  un  prologue  final  également  tout  différent.  Il  contient  de  nom- 
breuses indications  de  mise  en  scène  qui  ne  sont  pas  identiques  à  celles  de  B,  et  qui 
pourraient  offrir  de  l'intérêt. 

Nous  n'avons,  sur  un  septième  manuscrit  qui  se  trouve  à  Rome,  dans  la  biblio- 
thèque Corsini  (col.  44,  A.  7),  que  les  renseignements  qu'a  publiés  récemment 
M.  Ed.  Stengel*:  a  Nel  catalogo  délia  biblioteca  H.  Rossi  (Romœ,  1786,  p.  41) 
d' onde  provenne ,  porta  il  numéro  412  e  questo  bizzarro  titolo  :  Dramma  inti- 
tolalo  Adamo  al  limbo,  in  lingua  francese  anlica.  Il  codice  è  cartaceo,  del 
secolo  XVI,  di  circa  800  fogli  non  numeraii.  Per  quanta  posso  giudicare  da 
alcuni  appunti  presi  di  volo,  il  testo  si  avvicina  al  codice  fr.  815  di  Parigi, 
descrillo  da  P.  Paris  nei  mss.  fr.  vi.  280.  »  M.  P.  Paris  avant  réuni  dans  une 
seule  notice  les  manuscrits  815  (notre  B)  et  816  (A),  et  n'indiquant  pas  les  différences 
de  ces  deux  textes,  les  paroles  de  M.  Stengel  doivent  simplement  s'entendre  en  ce 
sens  que  le  manuscrit  de  Rome  lui  a  paru  contenir  la  rédaction  d'Arnoul  Greban,  et 
non  celle  de  Jean  Michel.  D'après  la  date  du  manuscrit,  il  est  ti'ès-probable  qu'il; 
appartieut  à  la  famille  B  C,  et  que  nous  avons,  par  conséquent,  pu  nous  en  passer 
sans  grand  inconvénient  pour  établir  notre  texte. 


*  îTous  devons  l'indication  de  ce  manuscrit  et  du  précédent  à  notre  ami  regretté  Léopold  Pannier. 

2  La  courte  notice  de  ce  manuscrit  dans  le  catalogue  Soleinne  (I,  p.  90,  n"  524)  ne  permet  pas  de  douter 
de  l'identité,  notamment  en  ce  qui  concerne  la  reliure. 

3  M.  P.  Par.s,  rei,Tettant  de  ne  jias  avoir  vu  ce  manuscrit,  ajoute  (l.  c,  p.  291).  «  On  dit  qu'il  remonte  aux 
premières  années  du  xv"  siècle.  »  C'est  une  faute  d'impression  pour  xvi". 

■'  Rivista  di  filologia  roma>i7a,  II,  p.  128. 


INTRODUCTION  xxv 

Un  manuscrit  du  Mystère  de  la  Passion,  conservé  autrefois  aux  archives  de 
riiotel  de  ville  de  Troyes,  et  maintenant  à  la  bibliothèque  municipale  de  celte  ville, 
où  il  porte  le  n»  '^2^2  (anc.  1410),  a  fait  l'objet,  il  y  a  trente- cinq  ans,  d'une 
notice  de  Vallet  do  Viriville'.  (W-'ice  à  l'obligeance  de  M.  Emile  Picot,  qui,  ayant 
emprunté  ce  manuscrit,  a  bien  voulu  nous  le  communiquer  ainsi  que  les  notes  qu'il 
en  a  tirées  en  vue  de  sa  grande  Bibliographie  de  l'ancien  Théâtre  français,  nous 
pouvons  en  donnei'  une  idée  plus  exacte.  Le  manuscrit  comprend  trois  volumes, 
dont  chacun  est  divisé  en  deux  parties;  il  est  écrit  par  deux  mains  contemporaines, 
mais  on  ne  doit  à  l'un  des  auteurs  qu'un  tiers  environ  du  premier  volume;  tout 
le  reste  est  l'œuvre  d'un  nommé  Brochard.  Cette  Passion  fut  exécutée  pour  une 
l'eprésentation  qui  eut  lieu  à  Troyes  au  mois  de  mai  1490;  dans  la  représentation 
sans  doute  il  se  perdit  un  volume,  car  le  trompette  Clérembault,  qui,  d'après  un 
acte  conservé  aux  archives  de  Troyes,  relia  l'ouvrage,  '«n  cette  même  année  1490, 
pour  le  compte  delà  ville,  ne  relia  que  les  trois  volumes  encore  existants  2.  Or,  entre  le 
second  etle  troisième,  il  en  manque  un,  comme  le  prouve  la  lacune  évidente  qui  existe 
précisément  dans  le  tableau  de  la  passion.  La  première  partie,  où  sont  racontés  la 
création,  le  péché  originel,  le  meurtre  d'Abel  et  la  mort  d'Adam,  est  fort  intéressante; 
elle  coïncide  au  début  avec  le  Mystère  du  Vieil  Testament  (jusqu'au  vers  1257  de 
l'édition  que  va  publier  M.  le  baron  James  de  Rothschild  pour  la  Société  des 
Anciens  Textes)-  à  partir  de  là,  elle  offre  une  rédaction  toute  particulière  qui  ne 
ressemble  ni  au  Vieil  Testament  ni  à  l'œuvre  de  Greban.  Si  on  rapproche  cette 
circonstance  du  nom  de  création  abrégée,  donné  par  Greban  h  l'introduction  qu'il 
ajouta  à  son  œuvre  (p.  2),  on  est  porté  à  soupçonner  qu'il  pourrait  bien  être  l'auteur 
en  tout  ou  en  partie  du  mystère  du  Vieil  Testament,  où  il  aurait  repris  en  partie 
une  Création  plus  anciennement  composée  par  lui,  existant  dans  le  manuscrit  de 
Troyes  et  insérée  dans  les  autres  sous  une  forme  abrégée.  C'est  une  question  qui 
sera  plus  facile  à  résoudre  quand  le  texte  du  Vieil  Testament  sera  à  la  disposition 
du  public.  —  A  partir  de  la  seconde  partie,  qui  comprend  la  conception,  la  nati- 
vité et  la  fuite  en  Egypte,  le  manuscrit  de  Troyes  ne  fait  que  reproduire  l'œuvre 
d'Arnoul  Greban,  d'après  la  rédaction  B  C,  en  l'abrégeant  assez  sensiblement  et 
surtout  en  rajeunissant  la  langue,  l'ne  preuve  curieuse  de  ce  rapport  se  trouve  dans 
le  fait  qu'en  plusieurs  endroits  le  vers  primitif  de  Greban  a  été  rayé  et  qu'un 
nouveau  vers  a  été  mis  à  la  place  (on  a  changé  la  rime  pour  faire  une  cou- 
pure). Ainsi,  le  v.  3650  :  Qui  moult  dignetnent  l'a  receu  a  été  rayé  et  remplacé 
par  :  Qui  l'a  receu  moult  dignement,  parce  que  le  remanieur  pour  son  travail 
avait  besoin  d'une  rime  en  ent.  De  même  le  v.  13132  :  Sa  majesté  le  (de)- 


'  Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes,  III,  448-i74. 

-  Voy.  Boutiot,  Recherches  sur  le  théâtre  à  Troyes  au  XV'  siècle,  dans  les  Mémoires  de  laSociete 
d'agriculture,  des  sciences,  arts  et  belles-lettres  de  l'Aube,  XVIII  (1854)  p.  430. 


XXVI  INTRODUCTION 

monstrera  a  été  remplacé  par  celui-ci  :  En  fera  demonstracion.  A  côté  des  sup- 
pressions, nous  trouvons  aussi,  notamment  dans  la  troisième  partie,  quelques 
passages  nouveaux.  —  Entre  la  deuxième  et  la  troisième,  devaient  s'intercaler, 
comme  nous  l'avons  dit,  la  cinquième  et  la  sixième  partie,  formant  un  volume 
aujourd'hui  perdu.  —  La  septième  partie,  qui  commence  le  tome  III  actuel, 
correspond  avec  la  huitième  à  la  quatrième  journée  de  Greban.  11  est  à  noter  que 
le  manuscrit  de  Troyes  permet  de  restituer  après  27498  trois  vers  que  nous  avons 
dû  indiquer  par  des  points  ;  il  faut  lire  :  Et  lui  firent  crudeUté  souffrir,  moult  fort 
obprobrier,  Et  des  Juifs  injurier.  La  dernière  partie  est  à  peu  près  exactement 
conforme  au  texte  de  Greban  et  la  fin  est  identique.  Le  manuscrit  de  Troyes  n'offre 
donc  ni  une  imitation  ni  une  simple  copie,  mais  un  véritable  remaniement  : 
certaines  parties  sont  conservées  sans  aucun  changement  ;  d'autres  sont  supprimées 
ou  refaites  :  ainsi  dans  la  scène  des  bergers  une  partie  du  dialogue  est  remplacée 
par  des  strophes  lyriques.  Le  rôle  du  sot,  dont  Vallet  de  Yiriville  a  exagéré 
l'importance,  se  borne  à  quelques  annonces  ;  les  vers  burlesques  qui  le  composent 
ont  été  ajoutés  en  marge  du  manuscrit,  à  l'occasion  de  quelque  représentation,  par 
une  main  légèrement  postérieure  à  celle  qui  a  écrit  le  texte  :  c'est  là  un  trait  intéres- 
sant pour  riiistoire  des  mystères.  Ce  personnage  adventice  était  fréquemment  ad- 
joint, dans  les  représentations,  aux  véritables  acteurs  du  mystère;  on  peut  dire 
qu'il  était  en  marge  île  l'œuvre,  comme  nous  le  montre  le  manuscrit  de  Troyes. 
Au  reste,  il  n'est  écrit  que  pour  la  première  partie;  dans  le  reste  de  l'ouvrage, 
on  lit  seulement  en  marge  :  le  sot,  ou  le  folace.  L'acteur  chargé  de  ces  intermèdes 
bouffons  improvisait  sans  doute  son  rôle  ou  le  composait  à  part  lui  ;  on  a  d'autres 
exemples  de  ce  procédé. 

A  l'aide  de  notre  ptAlication,  on  pourra  établir  avec  une  précision  absolue  le 
rapport  du  manuscrit  de  Troyes  à  l'œuvre  d'Arnoul  Greban  :  il  ne  pouvait  en  tout 
cas  servir  de  rien  à  une  édition  critique. 

A  plus  forte  raison  en  est -il  ainsi  du  manuscrit  de  Valenciennes,  où  Onésime 
Leroy  '  a  cru  reconnaître  une  rédaction  toute  particulière  du  Mystère  de  la  Passion, 
rédaction  qui  présenterait  un  caractère  tout  à  fait  flamand.  La  comparaison  des 
passages  qu'il  cite  avec  le  texte  de  Jean  Michel  nous  montre  que  ce  manuscrit  n'est 
qu'une  copie  abrégée  de  l'œuvre  de  ce  dernier,  qui  elle-même  est  un  remaniement  de 
celle  d'Arnoul  Greban.  Jean  Michel  s'est  d'ailleurs  servi,  comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut,  d'un  manuscrit  appartenant  à  la  famille  B  G  :  la  comparaison  de  son 
texte  ne  pouvait  donc  guère  nous  être  utile.  Nous  l'avons  cependant  consulté,  et  nous 
avons  eu  une  ou  deux  fois  l'occasion  de  le  citer  dans  nos  notes  ^. 


'  Etudes  sur  les  Mystères  (1837,  in-S),  p.  13J-101. 

-  Notons  ici  qu'un  fragment  manuscrit  du   Mystère  de  la  Passion,  quise  trouve  à  la  bibliothèque  Je 
Saint-Pétershourfr,  ajipartient  à  l'œuvre  de  Jean  Michel. 


INTHODUCTION 


Le  système  que  nous  avons  suivi,  dans  l'impression  du  Mystère  de  la  Passion, 
est  d'une  grande  simplicité.  Prenant  pour  base  le  manuscrit  A,  nous  l'avons  reproduit, 
sauf  les  cas  où  la  leçon  de  BG  nous  paraissait  meilleure:  les  variantes  des  trois 
manuscrits  ont  été  complètement  ndevôes.  Nous  avons  apporté  un  soin  particulier 
à  la  ponctuation,  grâce  à  laquelle  les  phrases  souvent  diffuses  de  Greban  ont  pris 
un  peu  plus  de  clarté.  Nous  avons  aussi  essayé  de  rendre  visible  la  construction 
ih\  thmique  des  parties  qui  ne  sont  pas  en  rimes  plates  :  une  initiale  rentrante 
marque  le  commencement  d'une  strophe  et  n'est  jamais  employée  dans  le  courant  du 
dialogue  ;  les  vers  qui,  dans  les  rondeaux  (triolets  pour  les  modernes),  sont  répétés 
une  ou  deux  fois,  ont  été  imprimés  en  caractère  espacé,  etc.  Nous  avons  essayé  de 
marquer  par  des  blancs  plus  ou  moins  grands  les  changements , de  lieu  qui  se  pro- 
duisent si  fréquemment  ;  nous  n'avons  pu  arriver  à  une  précision  parfaite,  parce  que 
les  personnages  qui  vont  d'un  lieu  à  un  autre  en  passant  par  le  devant  de  la  scène 
parlent  souvent  pendant  tout  le  temps  de  leur  voyage  et  empêchent  ainsi  toute  cou- 
pure nette,  et  pour  d'autres  motifs  analogues,  tenant  à  la  construction  de  l'an- 
cien théâtre.  On  ne  s'étonnera  donc  pas  que  la  division  indiquée  dans  la  Liste 
des  personnages  ne  coïncide  pas  toujours  exactement  avec  celle  qu'on  trouve 
dans  le  texte;  nous  appelons  particulièrement  l'attention  sur  cette  Liste,  qui, 
grâce  à  la  disposition  que  nous  lui  avons  donnée,  permet  d'embrasser  d'un  coup  d'œil 
la  distribution  des  lieux  et  des  personnages.  Enfin  le  Glossaire  apporte  une  contri- 
bution importante  à  la  lexicographie  du  quinzième  siècle;  nous  y  avons  fait  entrer, 
outre  les  mots  hors  d'usage  ou  pris  dans  un  sens  aujourd'hui  inconnu,  un  grand  nom- 
bre de  termes  empruntés  crûment  au  latin,  caractéristiques  pour  la  langue  littéraire 
de  l'époque,  et  dont  la  plupart  ne  se  sont  pas  maintenus  ;  nous  avons  aussi  cherché  h 
enregistrer  toutes  ces  locutions  populaires  et  pittoresques  dont  le  style  familier  d'.\r- 
noul  Greban  n'abonde  pas  moins  que  son  style  élevé  n'est  prodigue  de  prétentieux 
latinismes. 

Et  maintenant  nous  dirons  à  nos  lecteurs  ce  que  Greban  disait  à  ses  auditeurs  en 
prenant  congé  d'eux  : 

Se  rien  avons  dit  ou  cscrit 
t.  Ou  mal  fait  ou  mal  ordonné, 

F'  Pour  Dieu  qu'il  nous  soit  pardonné... 

S'orreur  disons  ou  expliquons, 

Tout  maintenant  la  révoquons, 

Soubraettans  nos  fais  et  nos  signes 

S.  vos  corrections  bénignes. 

Pari»,  janvier  IS78 


LISTE   DES  PERSONNAGES 


PROLOGUE 


DIEU  LE  PERK. 

SERAPHIN. 

CHKKUBIN. 

MICUEL. 

OADRIKL. 

RAPIIAEl.. 

LUCIFER. 
SATHAN. 
BEI.7.EBUTH. 
ASTAROTH. 

DIEU    LE   PERE, 

MICHEL. 

GABRIEL. 

LUCIFER. 

SATHAN, 

LUCIFER. 
SATHAN. 
BEl.ZEliUTU. 
ASTHAROTH. 

MICHEL. 

DIEU   I.E    PERE. 

ADAM. 

EVE. 

LUCIFER. 
SATHAN. 

EVE. 

SAl'HAN. 

ADAM. 

DIEU    LE   PERK 

CHERUBIN 


249 


.340 


395 


427 


451 


648 


<)85 


ADAM. 

EVE. 

SATHAN. 

LUCIFER. 

ASTAROTB. 

BELZKBUTU. 

ADAM. 

KVE. 

ABEL. 

CAYN. 

DIEU    LE   PERBa 

ASTAROTH. 

BELZEBUTH. 

LUCIFER. 

ADAM. 
EVE. 


ADAM. 

EVE. 

SKTH. 


ADAM. 

EVE. 

SETH. 

SETH. 
CUERUIIIN. 


902 


PIO 


m 


1214 

1230 

1286 
1327 

lAli 
1436 

1570 


ADAM. 
SETH. 
EVE. 


LUCIFER. 

SATHAN 

BELZEIiUTH. 


LISTE  DBS  PERSONNAGES 

i614  SETH. 


1642 


EVE. 

SETH. 

I.AMETH. 

SATIIAN. 
I.UCIEKU. 


1CD2 

1G62 
1698 


PREMIERE    JOURNÉE 


1 

.    ADAM. 

2 

EVE. 

3. 

,    YSAIK. 

4. 

EZECniKL. 

5. 

JHEREMIE. 

6. 

DAVID. 

7. 

MISERICORDE. 

8. 

DIEU    LE    PERE. 

9. 

JUSTICE. 

10. 

VERITE. 

H. 

PAIX. 

12. 

SAPIENCE. 

-   l.-î. 

GABRIEL. 

14. 

CHERUBIN. 

15. 

SERAPHIN. 

16. 

MICHEL. 

17. 

RAPHAEI. 

IS. 

UKIEL. 

i/l9. 

JOSEPH,  mary 

20. 

NOSTRE   DAME. 

GABRIEL. 

V2I. 

NOSTRE   DAME. 

ELIZABETH 

GABRIEL. 

- 

DIEU  LE   PERE. 

CHERUBIN. 

SERAPHIN. 

MICHEL. 

RAPHAËL. 

URIEL. 

22. 

LUCIFER. 

23. 

SATHAN. 

24. 

ASTAROTH. 

25. 

BERICH. 

16. 

liELZEBUTH. 

27. 

CERBERUS. 

1741 


2072 


3395 

3605 
3G45 


3705 


NOSTRE   DAME. 
ELIZABETH. 


JOSEPH. 
NOSTRE   DAME. 


3079 

3999 
4031 


DIEU   LE    PERE. 
GABRIEL. 

OABRIKL. 
JOSEPH. 

JOSEPH, 
NOSTRE    DAME. 

28.  CIRINUS. 

29.  LiGERET,  messager, 

JOSEPH. 
NOSTRE  DAME. 

30.  ELIACHIN. 

LIGERET. 

CIRINUS. 

JOSEPH. 
ELIACHIN. 
NOSTRE   DAME. 

31.  SADOC,  liostelain. 

32.  ALORis,  jj)'«wtVr  pastoreau. 

33.  YSAMRERT,  deuxigme  pastoreau. 

34.  PELLioN,  troisième  x'>astoreau. 

35.  RiFFLART,  quatrième  pastoreau. 

JOSEPH. 
NOSTRE  DAME. 

DIEU   LE    PERE. 

MICHEL. 

GABRIEL. 

RAPHAËL. 

ALORIS. 
YSAMBERT. 
PELLION. 
RIFFLART. 

NOSTRE    DAME. 

MICHEL. 
GABRIEL. 
RAPHAËL. 
URIEL. 


4197 

4211 
4255 
4281 
4375 

4 143 
4463 

4638 

4855 

4905 
5000 

4967 

4979 
5000 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


SERAPHIN. 
CBKni'IlIM. 

JOSEPH. 
NOSTRE    DAMK. 

GABRIEL. 

MICnEI.. 

HAPnAEL. 

ALORIS. 

YSAMBERT. 

PELLION. 

HIPFLART. 

OAHRIEL. 

RAPBAEL, 

L'RIKL. 

t 

NOSTRE  DAME. 
JOSEPH. 

3o.  JASPAH,  premier  roy. 
37.  ANTHioccs,  chevalier. 
3S.  CELSANOER,  checalier. 

39.  MEI.C10H,  deuxième  roy. 

40.  CADORAS.  chetalier. 

41.  POLIDORUS,  chevalier. 

4?.  BALTAZAR,  troisième  roy. 

43.  LiCANUs,  checalier. 

44.  piRoDES,  chevalier. 

ALORIS. 

YSAMRERT. 

PELLION. 

RIFFART. 

NOSTRE   DAME. 

JOSEPH. 

45.  OARNiER,cmîui«Jn«  bergier. 

46.  GOMBAULT,  sixième  bergier. 

ANTHlOCtS. 

JASPAR. 

CELSANDER. 

MELCIOR. 

CADORAS. 

POLIDOnUS. 

BALTA/.AR. 

LUCANU3. 

PIR0DE3. 

JOSEPH. 
ELIACHIN. 
4'.    ESDRAS. 

NOSTRE  DAME. 

BALTAZAR, 
MELCIOR. 
JASPAR. 
ANTHIOCCS. 

ELUcniN. 
ESDRAS. 
NOSTRE  DAMK. 
JOSEPH. 


5044 


5163 


5171 


5230 
5252 

53'4 

5430 

5476 


5752 


5858 


5982 


5978 


JASPAR. 
MELCIOR. 
BALTAZAR. 
ANTHIOCUS. 

48.  oamauel,  scribî  de  la  loy. 

49.  ROBOAN,  second  scribe. 

50.  zoROBABEL,  phoristen. 


M. 


52. 
53. 
54. 


XXZI 


SW8 


6024 


6050 


56. 
57. 


ZOROBABEL. 

BKRODE,  roy, 

JASPAR. 
MELCIOR. 

ADRACLs,  conte. 

HERMOOENES,  Uftg  chevolter  au  roy  Herode, 

ARPBAZAC,  deuxième  chevalier. 

BALTAZAR. 
OAMAUEL. 
ROBOAN. 

MALAQCiN,  messager. 

MALAQUIN.  6377 

ANNE,  preslre  de  la  loy. 
cAYPHE,  d-uxieme  prestre. 


MALAQUIN. 

ANNE. 

CAYPHE. 

HEROOK. 

XOROBABEU 

ROUOAN. 

OAMALIEL. 

HERMOOENES. 

JASPAR. 

MELCIOR. 

BALTAZAR. 

ANTHIOCUS. 

LUCANUS. 

CELSANDER. 

PIRODES. 

POLIDORUS. 

CADORAS. 

BERODR. 
ANNE. 
CAYPHE. 
OAMALIEL. 

BOBOAN. 
ZOROBABEL. 

ANTHIOCUS. 

JASPAR. 

LUCANUS. 

MELCIOR. 

CELSANDER. 

BALTAZAR. 

PIRODES. 

POLIDORUS. 

CADORAS. 

NOSTRE    DAME. 

JOSEPH. 

58.  ELEAZAR,  hostelier. 

LUCANUS. 

CELSANDER. 

PIRODES. 


6391 


G575 

6501 
eSBA 


6760 


XXXIl 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


59, 


rOLiDOBUS. 

CADORAS. 

DIEU   L15   PERE. 
RAl'HAEL. 

RAPHAËL. 

JASPAP. 

MELCIOR. 

ANTHIOCUS. 

LE    MATELOT. 

CELSANDER, 

BALTAZAR. 


6798 

6808 


60.  SAïKT  siMEOx,  le  propltele. 

JOSEPH. 
NOSTKE   DAME. 
ELIACHIN. 
ESDRAS. 

61.  AQuiLLAiNE, /'emme  Esclras. 

HERODE. 

HERMOGENES. 

ARPHAZAC. 

ELIACHIN. 
ESDRAS. 
JOSEPH. 
SIMEON. 

02.  jECONYAS,  prestre  du  Temjple. 
nostre  dame. 
aquilla;ne. 

63.  ANNE,  la  prophctesse. 

SATHAN. 
SIMEON. 

64.  JACOB,  scribe. 

OAMALIEL. 
ANNE. 

70R0BABEL. 
ROBOAN. 

DIEU    LE    PERE. 
GABRIEL. 

OAMALIEL. 

HERODE. 

ZOROBABEL. 

ROBOAN. 

ADRACUS. 

HERMOGENES, 

ARPHAZAC. 

GABRIEL. 
JOSEPH. 
NOSTRE    DAME. 

SATHAN. 

LUCIFER. 

BELZEBUTJI. 

CERBERUS. 

ASTAROTII. 

BERICn. 


6848 
6898 


0948 


6968 


7133 
7153 


7193 


7209 


7279 


7297 


JOSEPH. 
NOSTRE    DAME. 


7463 


05.  THEODAs,  premier  prehstre  des  idoles 

d'Egipte.  7474 

06.  TORQUATUs,    deuxième  prebstre. 


08, 
09. 
71) 
71. 
72. 
73. 
74. 
75, 
76. 


HERODE. 

NARiNART,  tirant. 

ADRACUS. 

HERMOGENES. 

ARPHAZAC. 

AGRIPART. 

ACHOPART. 

RECHIGNÉ. 

RAp,  nourrice. 

RACHEL,  nourrice. 

ANDROMETA,  nourrtce. 

ARBELINE,  tiourrice. 

MEDUSA,  nourrice  du  fils  Herode. 

SABINE,  sa  chamberiere. 

SATHAN. 
ASTAROTH. 

SALOMÉ,  seur  Uerode. 

SATHAN. 

ASTAROTH. 

LUCIFER. 


DIEU   LE   PERL. 
GABRIEL. 

GABRIEL. 
JOSEPH. 
NOSTRE    DAME. 

ADRACUS. 
HERMOGENES. 
ARPHAZAC, 
SALOMÉ. 

JOSEPH. 
NOSTRE   DAME. 

78.  jHEsus  enffant. 

"9,    MARIE    SALOMÉ. 

80.  MARIE   J,\COBY 

81.  ZEBEDEUS. 
AQUILL.VlNr, 
ESDRAS. 
ELIACHIN". 

ZOROBAllKL 
OAMALIEL, 
ROBOAN. 

82.  MANASSES. 

83.  NATHAN. 

84.  NACHOR. 

MARIE   JACOB  Y, 

NOSTRE   DAMK. 

JHESUS. 

MARIE    SALOSI:-:. 

AQUILI.AINE. 

JOSEPH. 
ESDRAS. 
2EBEDEUS. 


7510 


7982 


7590 


8C06 


8020 


8032 


8128 


8148 


?17o 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


ELIACUIN. 

ZOKOUAUKI..   . 

8AMAL1EI.. 

ROBOAN. 

MANASSES. 

NACHOH. 

NATHAN. 

JBESUS. 

JOSEPH. 
ZEBKDEUS. 
ESURAS. 
EUACHIN. 

AQUU.I.AINE. 
NOSTUE   DAME. 
MAHIE   JACOBV. 
MARIE    SALOMÉ. 

ZOROBABEL. 

OAMALIEL. 

ROBOAN. 

JHESUS. 

NATHAN. 

NACUOH. 

MANASSEii. 

AQUILLAINE. 
MARIE   JACOBY. 
MARIE    SALOMÉ. 
NOSTRE    DAME. 

JOSEPH. 
NOSTRE   DAME. 

NOSTRE   DAME. 
ZEBEDEUS. 
ESDRAS. 
AQUILLAINE. 


8190 


832S 
8338 


83fii 


8-U6 


9144 

9168 
9^49 


JOSEPH, 
8Ô.   ALPHEUS. 

MARIE   SALOMâ. 

NOSTRE  DAME. 

BLIACniN. 

AQUILLAINE. 

AQUILLAINE. 

ARRELINK, 

ANDROMETA 

JOSEPH. 

86.  pRiscus,    voisin. 

87.  RACHEL,  f^emmu  a  Prisrua. 


NOSTRE  DAME. 

AQUILLAINE. 

JOSEPH. 

NATHAN. 

MANASSE4, 

NACHOR. 

OAMALIEL. 

ZOROBABEL. 

JBESUS. 

ROBOAN. 

NOSTRE   DAME. 
JOSEPH. 

ZOROBABEL. 

JHESUa. 

OAMALIEL. 

MANASSES. 

NOSTRE    DAME. 

JOSEPH. 

NATHAN. 

ROBOAN. 


i/ 


XXXIII 

9315 
9347 
9369 
9393 

A 

'.'421 
95-^ 


9801 


9817 


SECONDE  JOURNEE 


1.  JEHAN    BAPTISTE. 

2.  ABIAS,  juif, 

JEHAN    BAPTISTE. 

3.  NATHAN,  pharisien 

4.  NACHOR,  pharisien. 

5.  sopHONiAS,  juif. 

6.  MANASSES,  juif. 

7.  jiiEsus  homme, 

f<.    NOSTKE    DA.ME. 

SOPHONIAS. 
JEHAN    BAPTl&TE. 
MANASSES.       ' 
NACHOR. 
NATHAN. 


10044 

10205 


10281 


10313 


ABIAS. 
JHESUS. 


9.    DIEU   LIi   PERE. 


JEHAN    BAPTISTE. 


DIEU    LE   PERE. 


JEHAN    BAPTISTE. 

JHESUS. 


10.  SATHAN. 

11.  BERICB. 


10399 
10411 
10115 
104  l'J. 

10143 
10151 


12.  LUCIFER. 

13.  ASTAROTH. 
SATHAN. 

14.  BELZEBUÏH. 
15.    CEKBERUS. 

BERICH. 

JHESUS. 

SATHAN. 

S 

LUCIFER. 
•SATHAN. 
BELZEBUTH. 

JHESUS. 
NOSTRE  DAME. 

ABIAS. 

JEHAN   BAPTISTE. 
MANASSES. 

JEHAN    BAPTISTE. 

16.  HERODE   ANTIPAS. 

17.  BERODiADE,  îtt  femme, 

18.  GRONONART. 

JHESUS. 
NOSTRE  DAME, 

19.  s.    PIERRE. 

20.  s.   ANDRY, 

JHESUS. 

21.  S.   JAQUES    ZEBEDEY. 

22.  S.  JEHAN  Vevangeliste. 

23.  zEBEDEUs  le  père. 

JHESUS. 

24.  s.    PHELIPE. 
JHESUS. 

25.  S.    EERTHELEMY. 
S.   PIERRE. 

S.   JEHAN. 

26.  s.   THOMAS. 
JHESUS. 

27.  s.    SIMON. 

28.  s.    JUDE. 

29.  s.  MATHIEU,  changeur  publicanus. 

JHESUS. 

30.  JUDAS  SCARIOTH. 

31.  S.    JAQUES    ALPHEY. 
JHESUS. 

JUDAS. 

JHESUS. 
S.    PIERRK. 

32.  AGRESTIN. 
NOSTRE   DAMB. 
JHESUS. 


LISTE  DES  PERSONNAGES 

10471 


10564 
10683 

10721 
10733 

10749 

10851 
10867 

10897 
10929 

10957 


AGRESTIN. 

33.  LE    SEIGNEUR   DES    NOPCES. 

34.  REMISSE,  servant. 

35.  RESPicE,  deuxième  servant. 

JHESUS. 
NOSTRE   DAME. 

AGRESTIN. 

REMISSE. 

35.    ARCHEDECLIN. 


JHESUS. 

le  seigneur  des  nopces. 
nostre  dame, 
l'espousee. 
agrestin. 

RESPICE. 
REMISSE. 
ARCHEDECLIN. 


11153 
11174 

11180 
11190 


37. 


s.    PIERRE. 
JHESUS. 
S.  ANDRY. 
NOSTRE   DAME. 

38.  EMiLius,  vendeur  d'oiseaux. 

39.  CELsiDON,  mercier. 

40.  RABANus,  changeur. 

JHESUS. 
s.   JEHAN. 

41.  NICODEMUS.  ; 
JHESUS. 

s.   PIERRE. 

42.  RAAB,  la  samaritaine. 

JHESUS. 

S.    ANDRY. 

S.    JEHAN. 

S.    PHELIPE. 

S.    JAQUES    ZEBEDEY. 

S,  PIERRE, 


11335 


11359 


H  432 


11542 


RAAB, 

43. 

CASTORIN, 

44. 

MICHEAS. 

10995 

S.    BERTHELEMY, 
JHESUS. 

11017 

S.   JAQUES    ALPHEY. 
S.    JEHAN. 

11078 

RAAB. 

MICHEAS. 
CASTORIN. 

11094 

45. 

YSMAEL,  prince  de  synagogue, 

JHESUS. 

46. 

FAUSTULUs,  varlet. 

11124 

47. 

LA   PILLE. 
S.    THOMAS. 
S.   PIERRE. 

11635 


11649 


11701 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


48.  LuciNE,  mère  a  Venffant  mort. 

49.  MAHIIRIKN. 
BO.    AIIIIION. 

LUCINE. 
JHESUS. 

ahihon. 

51.  i/enfpant  ressuscité, 
maiiiiuien. 

herodiadb. 

BERUDE. 

ORONONART. 

HUIlliliE. 

52.  RODiaoN,  co>lte. 

53.  AMvnivRUS,  chevalier. 

BERODIADE. 

54.  LA   FILLE. 

55.  ANDALUS,  maistre  d'ostel. 

LA    FILLE. 
ORONONART. 

IIERODE. 
AMPBIARUS. 

RODIOON. 

LA   FILLE. 
BERODIADE. 

BERODE. 
LA  FILLE. 
ORONONART, 
ANDALUS. 

ORONONART. 
JEHAN    ISAPTISTE 
LA    FILLE. 

LA   PILLB. 
BERODIADE, 

DIEU    LE    l'EBE. 

SOPHONIAS. 

MANASSES. 

ABIAS. 

ORONONART. 
BERODE. 

JUKSUS. 
S.   JUDE. 

56.  LA  FILLE  CBANANEE. 

57.  LA  CUANANEE. 

58.  YsoRE,  garde  de  la  fUU, 

JBESUS. 

LA  FILLE   CBAMANEB. 

LA  CBANANEE. 

YSORE. 

S.    PIERRE. 

JUDAS. 


11861 


imio 


59.  FEROALLs,  deable. 

LUCIFER. 
IIKLZEIIUTU. 


LA    CBANANEE. 

LA  FILLE. 

JBESUS. 

11980 

S.    ANDHY. 
S.    PBELIPE. 

12031 

60. 

LE    PARAI.ITIQUE. 

JBESUS, 

S.    PIERRE, 

NATBAN. 

12059 

LE  PARALITIQUE. 
NACBOR. 

1207.5 

JBESUS, 

LE   PARALITIQOB.  ~ 

NATBAN, 

NACBOR, 

61. 

jAcon,  scribe. 

62. 

JORRAN,  scribe. 

12107 

63. 

YSACAH,  scribe. 

s.   JEU.VN. 
s,    PIERRE. 

12119 

64, 
05, 

,  ABACUT,  disciple. 

,    MOAB. 
ABIRON. 

68. 

TUBAL. 

07. 

CKLIUS. 

12159 

08. 
69. 

SALMANAZAR. 

RUBEN, 

70. 

NEPTALIN, 

71. 

OEDEON. 

12187 

ABIAS, 
MANASSBS, 

72. 

NEMBROTB. 

12193 

JBESUS. 

1    07 

S.  THOMAS. 

S.    BERÏHELEMY. 

S,    JUDE, 

12217 

S.    SIMON. 

S,    PBELIPE. 

S,   JAQUES    ALPBEY. 

S.    ANDRY. 

12221 

73. 

l'eNFPANT    aux    PAINS. 
MANASSES. 

12229 

S.  JAQUKS  ZEBEDEY, 

S.    MATHIEU. 

JUDAS. 

ABACUT, 

MOAB, 

12265 

ABIRON, 

TUBAL, 

CELUS. 

SALMANAZAR. 

NEMBROTB, 

B.   PIERRE. 

XXXV 

12333 

1235 
123fri 

12371 

12461 

12491 


12611 


RUBEN. 
NEPTALIN. 
SALMANAZAR. 
TUBAL. 

CELIUS. 

OEDEON. 

ABIAS. 

MANASSES. 

ABACUT. 

JHESUS. 

S.    JEHAN. 

S.    PIERRE. 

S.    BERTHELEMY. 

ANDALUS. 

HERODE. 

RODIGON. 

JHESUS. 

S.    PIERRE. 

S.   JEHAN. 

S.  JAQUES  ZEBEDEY. 

74.  HELiE,  prophète. 

75.  MOYSE,  prophète. 

DIEU    LE    PERE. 

S.   THOMAS. 

JUDAS. 

S.  JAQUES  ZEBEDEY. 

S.    PIERRE. 

S.    ANDRY. 

JHESUS. 

76.  JHEROBOAN,  premier  pharisien. 

77.  MARDOCEUs,  deuxième  pharisien  ■ 

78.  NAASON,  troisième  pharisien. 

79.  ELiACHiN,  quatrième  pharisien. 

80.  BANANiAS,  cinquième  pharisien. 

81.  JOATHAN,  sixième  pharisien. 
NACHOR,  septième  pharisien. 
NATHAN,  huitième  pharisien. 
JACOB,  premier  scribe. 
JORRAN,  deuxième  scribe, 
YSACAR,  troisiem,e  scribe. 

NI  coDEMU  s,  p/iar  js  ten. 

JHESUS. 

82.  JHEZABEL,  la  pescherreise. 

83.  SIMON,  pharisien. 

JHESUS. 

S.    MATHIEU. 

SIMON,  pharisien. 
RUBEN,  juif. 
ABIRON,  juif. 

84.  SAFFRET,  varlet. 

JUD.\S    SCARIOTH. 

85.  MADELAINE, 

SAFFRET. 

SIMON. 

JHESUS. 


LISTE  DES  PERSONNAGES 

13023  MXDBLAINE. 


13047 


13133 


13165 


13353 


13409 


13757 


13787 


13807 
13862 


SIMON. 

SAFFRET. 

RUBEN. 

ABIRON. 

JHESUS. 

MADELAINE. 

86.  MARTHE. 

87.  LAZARON. 

madelaine. 

88.  l'aveuole  Né. 
s.  phelipe. 

S.    JUDE. 

S.    BERTHELEMY. 

JHESUS. 

l'aveugle  né. 

MOAB. 
NEPTALIN. 
RUBEN. 
ABIRON. 

ABIRON. 

MARDOCEUS. 

RUBEN. 

jheroboan. 
l'aveugle. 

NAASON. 

ELIACHIN. 

NICODEMUS. 

NEPTALIN. 

BANANIAS. 

MOAB. 

89.  TROTEMENU. 

TROTEMENU. 

TROTEMENU. 

90.  LE   PERE    DE    l'aVEUOLE. 

91.  LA  MERE. 

TROTEMENU. 
JHEROBOAN. 
LE    PERE. 
LA   MERE. 
MARDOCEUS. 

NAASON. 

jheroboan. 
l'aveuole. 
eliachin. 
bananias. 

JOATHAN. 

NACHOR. 

NATHAN. 

JACOB. 

JORRAN. 

l'aveugle. 

JHESUS. 
S.  JEHAN. 


13872 
13932 


14047 


14071 


14142 


14224 


14344 
14364 

14400 
14454' 


14556 


LISTI-:  DES  PERSONNAGKS 


xxxvn 


nuiiEN. 

ADIHON. 
SAI.MANA7.An, 
JIIESUS. 
YSACAR. 

JBESU3. 
g.  JF.IIAN. 

I.A7.AR0N,  malade. 

MARTHE. 
MADELAINK. 
2,    miUTAUMONT. 

LAZAUON. 

MAKTHB. 

MADEI.AINE. 

BRUTAUMONT. 
JHESU.S. 

LAZARON, 

MADEI.AINE. 

BRfTAUMONT. 

MARTHE. 

CB1.1US. 

ABACUT. 

TlIBAI,. 

OEDEON. 

NEPTAI.IN. 
RUBEN. 

93.  SIMON,  lépreux. 

CELIUS. 

MADELAINB. 

RUBEN, 

NEPTALIN, 

SIMON, 

MARTIU:. 

JHESUS, 

S,    PIERRE. 

S,  JAQUES  ZEBEDEY, 

S.    ANDRY. 

B.    THOMAS. 

SALMANAZAR. 

ABIRON. 

MOAK. 

BRUTAUMONT. 
MARTHE. 
JHESUS. 
MADELAINE. 

TUBAL. 

aEbEON. 

RUBEN. 

SIMON,  lépreux. 

ABIRON. 

MADELAINE. 

JBESUS. 

S.   BERTBELBMY. 


14582 

i407« 

14686 
147fO 

1472S 

1476(i 
14786 


14838 


148.-i: 


1488^ 


14926 


14936 


14980 


14996 


MOAB. 
NEHTALIN. 

TUBAI.. 

MARTHE. 

ABACUT. 

CEI.IUS. 

OEDEON. 

LAZARON. 
JHESD8. 
MARTHE, 
MADELAINE. 

SIMON,  lépreux. 

LUCIFER. 

BEI.ZEBUTH. 

ASTAROTU. 

BERICII. 

CERHERU.S. 

FEROALU.S. 

SATHAN. 

NEPTALIN. 
MOAB. 

SIMON,  lépreux, 

OEDEON. 

RUBEN. 

SALMANAZAR. 

ABIRON. 

TUBAL. 

CELIUS. 

94.  PHARES. 
ABACUT. 
NEMBHOTH. 

PHARK.S. 

NEMBROTH. 

JHEROBOAN. 

MARDOCEUS. 

NAASON. 

ELIACHIN. 

BANANIAS. 

JOATBAN. 

NACBOR. 

95.  MALABRIN. 

96.  CAYPBE. 

MALABRIN. 

NATHAN. 

JACOB. 

JHEROBOAN. 

CAYPHE. 

JORUAN. 

97.  MAUcoURANT,  messajcr. 

NOSTBE   DAME. 
JHESUS. 

NOSTRE  DAME. 

MAUCOURANT. 

98.  ANNE. 

^.  ROULLART,  premier  sergent. 

100.  DENTART,  deuxictne  sergent. 

101.  OADiFER,  troisième  sergent. 


15074 


15100 


15170 
15206 


15258 


15306 
15324 
15.^4 

15374 

15457 
15508 


XXXVIII 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


ANNE. 

CAYPHE. 

JEEROBOAN, 

YSACAR. 

MAKDOCEUS. 

NAASON. 

ELIACHIN. 

BANANIAS. 

JOATHAN. 

102.  MALcus,  sergent  a  Cayphe. 

103.  BRUYANT,  deuxième  serrjent. 

104.  ESTONNÉ,  troisième  sergent. 

ROULLART. 

JHESUS. 
s.    PIERRE. 

MADELAINE. 

LAZARON. 

MARTHE. 

JHESUS. 
NOSTRE   DAME. 
MADELAINE. 
MARTHE. 
LAZARON. 

SIMON,  lépreux. 

OADIPER, 

ROULLART. 

DENTART. 

MALCUS. 

ESTONNÉ. 

BRUYANT, 

SIMON. 
MARTHE. 
JHESUS. 
MADELAINE. 

OADIPER. 

CAYPHE. 

ROULLART . 

DENTART. 

ANNE. 

JHEROBOAN. 

SIMON,  lépreux. 

JHESUS. 

MADELAINE. 

JUDAS. 

S.    THOMAS. 

S.    DERTHELEMY 

S.    PIERRE. 

S.    JEHAN. 

S     PIERRE 

S.    JEHAN. 

JHESUS. 

S.    ANDRY. 

S.    BERTHELEMY. 

S.    PHELIPE. 

S.    SIMON. 

S.   JUDE. 

S.   JAQUES    ALPHEY. 

S.    MATHIEU. 


15542  RUBEN. 

OEDEON. 
NEPTALIN. 
MOAB. 
ABIRON. 
TUBAL. 
OELIUS. 
ABACUT. 

JACOB,  scribe. 

JORHAN. 
YSACAR. 
JHEROBOAN. 
MARDOCEUS. 
ANNE. 
CAYPHE. 
NAASON. 
ELIACHIN. 
NACHOR. 
NATHAN. 


16123 


162Ô3 


15'Î44 
15752 

15863 


15889 


15903 


15913 


RUBEN. 

105.  LE    PREMIER    ENFFANT. 

106.  LE  DEUXIEME   ENFFANT. 

107.  LE  TROISIEME  ENFFANT. 
NAASON. 

ELIACHIN. 
NACHOR. 
S.    PIERRE. 


JHESUS. 

MARTHE. 

MADELAINE. 

NOSTRE    DAME. 
S.    PIERRE. 
S.    JEHAN. 

NOSTRE    DAME. 
JHESUS. 
S.    JEHAN. 
MARTHE. 


JHESUS. 
15943  s.    SIMON. 

MARDOCEUS. 
CAYPHE. 

ANNE. 
JHEROBOAN. 

JHESUS. 
CAYPHE. 
16047  ANNE. 

ELIACHIN. 
JHEROBOAN. 
BANANIAS. 
NACHOR. 

NATHAN. 

ANDALUs,  des  gens  Herode. 

BANANIAS. 

NACHOR. 


16323 


16369 
16383 


16423 

16639 
16655 

16696 


17219 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


XXXIX 


nANANIAS. 

JHESIIS. 

NAcnon. 

NATHAN, 
s.    PIKRRE. 

BANAWIA3. 

ANUALUS. 

S.    JKHAN, 

jnEsus. 

a.    ANDRY. 

MARTHE. 
NOSTHE    DAME. 
JHESUS. 

SATHAN. 

LUCIFER. 

CEHBEHUS. 

SATHAN. 

HERICH. 

ASTAROTH. 

FKROALUS. 

NAASON. 

CAYPHE. 

NATHAN. 

ANNE. 

JHERODOAN. 

MAUDOCEOS. 


ELIACHIN. 

BANANIAS. 

JUDAS. 

ANNE. 

JOATHAN. 

CAYPHE. 

NACHOa. 

S.    PIERRE. 
JHESU.S. 
S.   JEHAN. 


17241 

17279 
17287 

17305 

17323 
17339 


17465 


17507 
17523 


108.  piRAOMDN,  porteur  d'eau. 

109.  URioN,  le  mai.itre. 

s.   PIERRE. 

S.   JEHAN. 

S.   JAQUES   ZEBEDEY. 

PIRAGMON. 

S.    PIERRE. 

URION. 

S.    JEHAN. 

S.   JAQUES    ZEBEDEY. 

PIRAOMON. 

ANNE. 

CAYPHE. 

JHERODOAN. 

ROULLAHT. 

DENTART. 


17599 

176)5 
17647 

17679 
17735 


OADIFER. 

110.  UAI.CUIDANT. 

111.  ORAOON. 
ESTONNÉ. 

112.  OUKUI.U. 
MAI.CUS. 
BRUYANT. 

S.    PHEUPE. 

JUDA8. 

S.    BEHTBELEMY. 

JHESUS. 
MARTHE. 
MADKLAINE, 
NOSTRE  DAME. 

MADELAINE. 
NOSTBE    DAME. 
MARTHE. 
I.AZAKON. 

3.    PIKRRE. 
JHESUS. 
URION. 
PIHAOMON. 

JUDAS. 

NOSTRE  DAME. 

S.   PIERRE. 

S.    JEHAN. 

S.   JAQUES   ZEBEDEY. 

JHESUS. 

PIRAOMON. 

JUDAS. 

S.    THOMAS. 

S.    PHEUPE. 

S.    ANDRY. 

S.   JAQUES    ALPHEY. 

S.    MATHIEU. 

S.    BERTHELEMY. 

S.    SIMON. 

S.    JUDE. 

SATHAN. 

URION. 

JUDAS. 
ANNE. 
CAYPHE. 

EMII.IUS. 

CELSIDON. 

RABANUS. 

NEMBROTB. 

SALMANAZAR. 

PHARES. 

ANNE. 

HOUI.I-ART. 

DENTART. 

OADIFER. 

CAYPHE. 

MAI.CUS. 

BRUYANT. 

JHERODOAN. 


17799 


17823 


17871 


17887 


17977 
17985 


18531 


18579 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


JUDAS. 

MARDOOEUS. 

BANANIAS. 

MALCUS. 

ESTONNÉ. 

MALCUIDANT. 

DRAOON. 

OUEULU. 

JHESUS. 
S.    PIERRE. 

JHESUS. 

S.   PIERRE. 

8.    JEHAN. 

S.    JAQUES    ZEBEDEY. 

DIEU    LE    PERE. 

113.  JUSTICE. 

114.  MISERICORDE. 

115.  MIGUEL. 

116.  GABRIEL. 


ANNE. 

CAYPHE. 

MALABRIN. 


18625 


18673 
1870 

18812 


MICHEL. 
JHESUS. 


JUDAS. 
MALCUS. 
ROULLART. 
DENT  ART. 
NATHAN. 

JHESUS. 

S.    PIERRE. 

JUDAS. 

OADIFER. 

JHEROBOAN. 

MALCUIDANT. 

BRUYANT. 

JUDAS. 

JHESUS. 

MARDOCEUS. 

DRAOON. 

OUEULU. 

S.  JEHAN. 

ROULLART. 

DENTART. 

OADIFER. 

MARDOCEUS. 

JHEROBOAN. . 

S.    PIERRE. 

S.    JAQUES    ZEBEDEY. 

EMILIUS. 

GELSIDON. 

RABANUS. 

MALCUS. 

S.  ANDHY. 


18928 

18946 

19008 
19016 

19034 
19046 

19076 


UERTHELEMY. 
S.    PHELIPE. 
S.    SIMON. 
S.    JUDE. 
BANANIAS. 
MALCUIDANT. 
ESTONNÉ. 

S.  MATHIEU.  19266 

s.    THOMAS. 

S.    JAQUES    ALPHEY. 

MALCUIDANT.  19286 

ROULLART. 

ESTONNÉ. 

OUEULU. 

OADIFER. 

S.    JAQUES    ALPHEY. 

EMILIUS. 

DRAOON. 

BANANIAS. 

JHEROBOAN. 

MARDOCEUS. 

JOATHAN. 

NACHOR. 

S.    JEHAN.  19340 

S.   PIERRE. 

JHEROBOAN.  1937 

117.  MARCELLE,  première  chamberierc. 

MARDOCEUS. 
ROULLART. 

118.  CASSANDRE. 
MALCUS. 
OADIFER. 
DENTART. 
BRUYANT. 
MALCUIDANT. 

JHEROBOAN.  19422 

■     ANNE. 
DRAOON. 
OUEULU. 

S.    JEHAN.  19450 

MARCELLE. 

S.    PIERRE. 

CASSANDRE. 

BANANIAS.  19508 

ANNE. 

JHESUS. 

DRAGON. 

OUEULU. 

ROULLART. 

OADIFER. 

DENTART. 

MARCELLE.  19638 

PHARES. 

S.    PIERRE. 

MALCUIDANT. 

SALMANAZAR,    COUSitl    O    MulCUS . 

ESTONNÉ. 


s.    PIERRE. 

ROUI, I. ART. 
OADIKE». 
DKNTART. 
ANNE. 


LISTE  DES  PERSONNAGES 
19702 
197iO 


ANNE. 
ROUI.LART. 


DENTART. 
OADl'rER. 
ROUI.I.ART. 


XLI 

19900 

19787 


TROISIEME   JOURNÉE 


1.  ANNE. 

2.  ROULLART. 

3.  DKNTAUT. 

4.  OADIPER. 

ANNE. 
ROULLART. 

OADIFER. 

ROULLART. 
DENTART. 

ANNE. 
ROULLART. 
DENTART. 
OADIFER. 

ROULLART. 
DENTART. 

5.  MALGUIDANT. 
OADIFER. 

6.  DRAGON. 

7.  OUEULU. 

8.  MALGOS. 

9.  BRUYANT. 

10.  ESTONNÉ. 

11.  CELSIDON. 

12.  JUDAS. 

13.  CAYPHE. 

14.  JBEROBOAN. 

ROULLART. 

CAYPHE. 

JBEROBOAN. 

15.  MARDOCEUS. 

16.  NAASON. 

17.  ELIACHIN. 

18.  BANANIAS. 

19.  JOATHAN. 

20.  NACHOR. 

21.  NATHAN. 

22.  .MAUGOURANT. 

23.  JACOB. 

MAUGOURANT. 

24.  EMILIUS. 

25.  RABANUS. 

26.  NEMiîRorn. 

27.  SALMANAZAR. 

28.  PHARES. 


20145 

29. 

RUBEr^ 

20174 

30. 

OEDEON. 

31. 

NEPTALIN. 

32. 

MOAB. 

33. 

ABIRON. 

20202 

34. 
35. 

TUBAL. 
CELIUS. 

20222 

36. 

ABAGUT. 

CAYPHE. 
NEMBROTH. 

20234 

SALMANAZAR. 
PHARES. 
JHEROBOAN. 
RABANUS. 

20270 

MARDOCEUS. 

NAASON. 

ELIACHIN. 

EMILIUS. 

JACOB. 

37. 

JORRAN. 

38. 

Y3ACAR. 

39. 

JHESUS. 
BANANIAS. 
JOATHAN. 
NACHOR. 

Î0300 

NATHAN. 
BRUYANT. 
MALCUIDANT. 
MALCUS. 

Î0318 

DRAOON. 

OUEULU. 

ESTONNâ. 

CELSIDON. 

MAUGOURANT. 

MAUOOURANT. 
ANNE. 
ROULLART. 
DENTART. 

JUDAS. 

20474 

40. 

S.    JEUAN. 

20490 

41. 

NOSTRE    DAME. 

42. 

OAHRIEL. 

43. 

MADELAINE. 

44. 

MARIE    JAOOBY. 

45. 

MARIE   SALOMÉ. 

20518 


20534 


21088 

2H20 
21182 


XLII 


LISTE 


CAYPHE. 

46.  BARRAQUIN,  huissier  a  Pilate. 

ANNE. 
BARRAQUIN. 

47.  PILATE,  prevost  de  Jhevusalem. 

BARRAQUIN. 

MARDOCBUS. 

PILATE. 

ANNE. 

CAYPHE. 

JHEROBOAN. 

PILATE. 
JHESUS. 

PILATE. 
CAYPHE. 
JHEROBOAN. 
BARRAQUIN. 

BARRAQUIN. 

48.  GRIFFON,  premier  tirant. 

49.  CLAQUEDENT,  deuxième  tirant. 

50.  ORiLLART,  troisième  tirant. 

51.  BRAYART,  quatrième  tirant. 

GRIFFON. 

PILATE. 

CLAQUEDENT. 

BRAYART. 

ORILLART. 

ANNE. 
CAYPHE. 


JUDAS. 
ANNE. 
CAYPHE. 

MARDOCEUS. 

NAASON. 

ELIACHIN. 

CAYPHE. 

BANANIAS. 

ANNE. 


52.  LUCIFER. 

53.  DESESPERANCE. 

DESESPERANCE. 
JUDAS. 

54.  BERICH. 

NOSTRE   DAME. 
MADELAINE. 
MARIE   JACOBY. 
MARIE    SALOMÉ. 


DES  ] 

PERSONNAGES 

21308 

LUCIFER. 
DESESPERANCE, 

55. 

ASTAROTH. 

56. 

FERGALUS. 

21326 

57. 

CERBERUS. 

21348 

58. 

BARRAQUIN. 

HERODE. 

GRIFFON. 

59. 

RODIOON. 

JHEROBOAN. 
MARDOCEUS. 

21442 

YSACAR. 
JACOB. 

21481 

60. 

HERODE. 
AMPHIARUS. 

61. 

ANDALUS. 

62. 

GRONGNART. 
RODIOON. 

21540 

JHEROBOAN. 
MARDOCEUS. 
ELIACHIN. 
BARRAQUIN. 

NOSTHE    DAME, 

21568 

MADELAINE. 
MARIE   JACOBY. 

BARRAQUIN. 
PILATE. 
GRIFFON. 
ANNE. 

21604 

CAYPHE. 
ANNE. 

21608 

CAYPHE. 

21656 

ANNE. 

RUBEN. 
CAYPHE. 
NEPTALIN. 

21690 

JHEROBOAN. 

EMILIUS. 

CELSIDON. 

MARDOCEUS. 

RABANUS. 

JORRAN. 

NEMBROII. 

21726 

PILATE. 

21768 

GRIFFON. 

CLAQUEDENT. 

BRAYART. 

21790 

63. 

BRUTAUI.T. 
GRIFFON. 

64. 

BAHRABAS. 

22030 

GRIFFON. 

PILATE. 

EMILIUS. 

CELSIDON. 

RABANUS. 

22066 

SALMANAZAR. 

22258 


22284 


22558 


22572 


22618 


22652 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


XMII 


pRARE». 

NEMIIKOTII. 

OnlI.I.AHT. 

BRAYABT. 

CLAQUKDENT. 

65.  iiiioYEFFORT,  vavlel. 

DAHHAQL'IN. 

riI.ATE. 

NATHAN. 

JHEROUOAN. 

EMILIUS. 

CAYPUE. 

ANNE. 

OELSIDON. 

MARDOCEUS. 

RAIIANUS. 

SALMANAZAR. 

NAASON. 

ELIACHIN. 

PILATE. 
JBESUS. 

PILATE. 

BANANIAS. 

JOATHAN. 

EMILIUS. 

CELSIDON. 

G6.    ADAM. 
07.    EVE. 

C8.    DIEU    LE    PERE. 

69.  MICHEL. 
ADAM, 
EVE. 

70.  YSAIE. 

71.  EZECHIEL. 

72.  JIIEREMIE. 

73.  DAVID. 

LUCIFER. 

BËRICB. 

CERDERUS. 

ASTAROTH. 

FEHOALTJS. 

74.  SATIIAN. 

SATHAN. 

75.  LA    FEMME   PII.ATE. 

LA    FEMME    PILATE. 

7G.  SARDINE,  chambrière. 

PILATE. 
SARDINE. 

PILATE. 

EMILIUS. 

JIIEUÛHÛAN. 

MARDOCEUS. 

CAYPHE. 

lîARRAQUIN. 

RABANU3. 


23010 


23108 
23122 

23180 
23204 


23270 


23409 
23448 
23486 
23530 


23660 


£3686 


23754 


23782 


2380C 


23824 


SAI.MANAZAR. 
•   NEMHROTII. 
NATHAN. 
ANNB. 
ORirVON. 

OHIFPON. 

77.  BRUTAUMONT. 

78.  niSMAS,  bon  larron. 

79.  OESTAS,  mauvais  larron. 

ORIFFON. 

PILATE. 

ORILLART. 

OESTAS. 

CAYPHE. 

jhekoiioan. 
uroyeffort. 

ORIFFON. 

80.  LE  CHARPBNTIER. 

BROYEFPORT. 

81.  LE    FEVRE. 

LE  CHARPENTIER. 
GRIFFON. 

LE  FEVRE. 
BROYEFFORT. 

PILATE. 
ANNE. 
CAYPHE. 
JHEROBOAN. 
ORIFFON. 
ORILLART. 
CLAQUEDENT. 
BRAYART. 
MARDOCEUS. 
NAASON. 
ELIACHIN. 
^2.    LA  TROMPETE. 

83.  CENTURION. 

84.  ASCANUS,  premier  chcralier. 

85.  MARC  ANTHOiNE,  deuxicme  chevalier. 

86.  EMILIUS,  troisième  chevalier. 


ORIFFON.  23984 

ORILLART. 

BRAYART. 

CLAQUÇDENT. 

BHOYEFFORT. 

87.  JULIE,  première  femme  de  Jheru- 

salem.  23996 

88.  vERONNE,  deuxième  femme. 

89.  PERUZiNE,  troisième  femme. 

90.  PAsiTHEE,  quatrième  femme. 

JHE3U3. 

ORIFFON. 

CAYPHE. 


2384C 


23964 


XLIV 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


NOSTRE   DAME. 
MADELAINE. 

91.  JOSEPH  d' Arismathie. 

NOSTRE    DAME. 
MARIE    JACOUy. 

ORII.LART. 

BRAYART. 

CLAQUEDENT. 

ANNE. 

GRIFFON. 

PILATE. 

VERONNE. 

92.  SIMON,  Cireneen. 

s.    JEHAN. 
NOSTRE    DAME. 
MARIE   JACOBY. 
MARIE    SALOMÉ. 
MADELAINE. 

GRIFFON. 
CLAQUEDENT. 
ORILI.ART. 
PILATE. 

BRAYART. 
S.    JEHAN. 

MADELAINE. 
MARIE   JACOBY. 

BROYEFFOKT. 

PILATE. 
GRIFFON. 
CLAQUEDENT. 
CENTURION. 

GRIFFON. 

SIMON,  Cireneen- 

ORILLART. 
CENTURION. 
BRAYART. 
SALMANAZAU. 

DIEU  LE   PERE. 
MICHEL. 

SATHAN. 
LUCIFER. 

CERBERUS. 

FERGALUS. 
ASTAROTH. 

MICHEL. 

GRIFFON. 

PILATE. 

CAYPHE. 

ANNE. 

JHEROBOAN. 

ORILLART. 

BRAYART. 

BROYEFFOUT. 

CLAQUEDENT. 


24110 

NOSTRE    DAMK. 

MARIE   JACOBY. 

MARIE    SALOMÉ. 

24162 

CENTURION. 

GRIFFON. 

ORILLART. 

MAUDOCEUS. 

24226 

CAYPHE. 

BRAYART. 

BHOYEFFORT. 

CLAQUEDENT. 

BANANIAS. 

ELIACHIN. 

NAASON. 

242/0 

MADELAINE. 

24282 

MARIE   JACOBY. 
MARIE   SALOMÉ. 

S.    JEHAN. 

GRIFFON. 

ORILLART. 

24304 

BRAYART. 
PILATE. 

BROYEFFORT. 

CLAQUEDENT. 

CENTURION. 

24312 

ANNE. 
CAYPHE. 

JACOB. 

JORRAN. 

YSACAR. 

24324 

DISMAS. 
GESTAS. 

SATHAN. 

PILATE. 

24371 

CENTURION. 

GRIFFON. 

JHEROBOAN. 

ORILLART. 

EMILIUS. 

CELSIDON. 

RABANUS. 

24450 

NEMBROTH. 

SALMANAZAR. 

PHARES. 

24480 

JHESUS. 

DISMAS. 

GESTAS. 

NACHOR. 

NATHAN. 

24530 

JACOB. 
YSACAR. 

24562 

MARDOCEUS. 
NAASON. 

ELIACHIN. 

BANANIAS. 

JOATHAN. 

ANNE. 

ROULLART. 

GADIFER. 

DENTAHT. 

MALCUIDANT. 

24630 


DBAOON. 
OUEULU. 
nnAYAUT. 

KSTONNÉ. 

93,  MAi.AimiN. 

MAUCOURANT. 
CLAQUEDENT. 
NOSTIIE    DAME. 
S.    JKHAN. 
MAnELAINE. 

SATHAN. 

SATHAN. 
ORIFFOX. 

GRIFFON. 
Onil.I.AHT. 
CI.AQUEDENT. 
BRAYARÏ. 

PII.ATE  . 

CENTURION. 

ANNE. 

HUHEN. 

ASCANUS. 

JHESUS. 

UHOYEPFOHT. 

YSACAR. 

JORRAN. 

JACOB. 

JOATHAN. 

RUBEN. 

SALMANAZAR. 
l'HARES. 

NEMBROTH. 
ASCANUS. 
«ABANUd. 
CENTURION. 

NOSTRE    DAME. 
MADELAINB. 

JUESUS. 


CENTURION. 

RUBEN. 

NOSTRE   DAME 

MADELAINE. 

GRIFFON. 

ORILLART. 

CLAQUEDENT. 

PII.ATE. 
CENTURION. 

HUHEN. 
ASCANUS. 
EMILIUS. 
CENTURION. 

94.  S.  DENIS  d'Alhenes. 

95.  EMPEDOCLKS. 


LISTE  DES.  PERSONNAGES 

UIBU    LE   PBRE. 

96.  RAPHAËL. 

97.  URIKL. 
MICHEL. 

GABRIEL. 
NOSTRE   DAME. 


25700 

25706 
25818 

25874 

2589*5 


25978 

26006 
26020 


26040 
26048 

26074 


100 


8ATBAN. 
LUCIFER. 

cerderus. 
fergalus. 
astaroth. 

98.  l'e.sperit  jiiesus. 

99.  les  amks  du  limbe, 
tous  les  deaiiles. 

ADAM. 

S.  JEHAN   BAPTISTE. 

EVE. 

DAVID. 

VSAIE. 

E7.ECBIEL. 

JHEREMIE. 

LUCIFER. 

ÇERBERUS. 

ASTAROTH. 

SATHAN. 

FEROALU3. 

BERICH. 


JHBROBOAN. 

CAYPIIE. 

ANNE. 

CAYPHE. 
PILATE. 
ANNE. 
BRAYAUT. 

ORILLART. 
CLAQUEDENT. 
GRIFFON. 
BROYEPFORT. 

LONOIS. 
BROYEFFOBT. 
BRAYART. 
CLAQUEDENT. 

DISMAS. 

0E8TAS. 

BRAYART. 

ORILLART. 

GRIFFON. 

CLAQUEDENT. 

.MICHEL. 
'  SATHAN. 

nROYEFFORT. 

BRAYART. 

OUIFFON. 

I.ONGIS. 

ORILLART. 

CENTURION. 


XVI 

26140 


Î6?02 
26/24 

26256 


101. 


26337 


26426 


264i9 


26o2| 


265:5 


26557 


266U9 
2661; 


XI.VI 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


MARC  ANTHOINE. 
EMII.IUS. 

LONOIS. 
EKOYEFFOET. 

JOSEPH  d'Arismaihie. 

PILATE. 
CENTUBION. 

JOSEPH. 

102.  NICODEMUS. 

103.  LA   MARCHANDE  DE   SOYE. 
JOSEPH. 

nicodemus. 

104.  l'espicier. 

nicodemus. 

JOSEPH. 

NOSTRE    DAME. 
S.    JEHAN. 
MARIE   JACOBY. 
MARIE    SALOMÉ. 
MADELAINE. 

JOSEPH. 
NICODEMUS. 
NOSTRE   DAME. 
S.    JEHAN. 
MADELAINE. 
MARIE    JACOBY. 

MARIE    SALOMÉ. 


26685 

26708 

26770 
268M 
26852 
26888 
26972 

27018 


27216 


NOSTRE    DAME. 
MADELAINE. 

CAYPHE. 
ELIACHIN. 

BARRAQuiN,  huissiev. 

CAYPHE. 

ANNE. 

YSACAR. 

BARRAQUIN. 
PILATE. 

BARRAQUIN. 
JHEROBOAN. 

CAYPHE. 

PILAÏE. 

ANNE. 

CENTURION. 

JORRAN. 

MARDOCEUS. 

CENTURION. 

ASCANUS. 

MARC   ANTHOINE. 

EMILIUS. 

CAYPHE. 

RUBEN. 

ANNE. 

JOATHAN. 

YSACAR. 

JHEROBOAN. 

ASCANUS. 

EMILIUS. 

MARC   ANTHOINE. 


27238 
27^46 

27266 

27286 
27290 


27363 


27418 


QUATRIEME   JOURNÉE 


1.  ASCANUS. 

2.  MARC  ANTHOINE. 

3.  EMILIUS. 

4.  JACOB,  scribe. 

5.  MARDOCEUS. 

6.  YSACAR. 

7.  JOATHAN. 

8.  CAYPHE. 

9.  BANANIAS. 

10.  JORRAN. 

11.  NAASON. 

12.  ANNE. 

13.  ELIACHIN. 

14.  NACHOR. 

15.  NATHAN. 

16.  JHEROBOAN. 

MARDOCEUS. 

17.  BRUYANT. 

18.  ESTONNÉ. 


27631 


27Î38 


27964 


19.  DRAGON. 

20.  MALCUIDANT. 

21.  GUEULU. 


GUEULU. 

CAYPHE. 

ESTONNÉ. 

JORRAN. 

MALCUIDANT. 

DRAGON. 

ELIACHIN. 

NACHOR. 

BRUYANT. 


i2.    MADELAINE. 

23.  MARIE   JACOBY. 

24.  MARIE   SALOMÉ. 

MALCUIDANT, 


27990 


28054 


28122 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


XLVll 


URAOON. 

25.  josKfH,  d'Arimathie. 

OUKULU. 
URliYANT. 

ESTONNÉ. 

OUKUI.U. 

josKi'n. 

CAYPHK. 

NAASON. 

ELIACHIN. 

ANNE. 

BRUYANT. 

ESTONNft. 

MALCUIDANT. 

JORRAN. 

DRAGON. 

26.  MALABRiN,  geôlier. 

OUEULU. 
BRUYANT. 

OAYPnE. 
KSTONNé. 
NACHOR. 
NATHAN. 

madklaine. 
marie  jacoby. 
marie  salomé. 

27.  l'espicier. 

madelaine. 
marie  salomé. 
marie  jacoby. 

28.  s.    JAQUES    ALPHEY. 

29.  RUBEN. 

30.  OEDEON. 

31.  NKPTALIN. 

32.  S.    PIERRE. 

S.   PIERRE. 

33.  S.    ANDIIY. 

34.  S.  JEHAN  l'evangeliste. 

35.  s.    JAQUES   ZEBEDEY. 

36.  s.    BERTHELEMY. 

37.  s.  THOMAS. 

38.  s.    SIMON. 

39.  S.    JUDE. 

40.  s.    MATHIEU. 

41.  s.    PHKLIPE. 

ASCANUS. 
EMILIUS. 

Marc  anthoinE. 

42.  LUCIFER. 

43.  SATHAN. 

44.  ASTAROTH. 

45.  BERicn. 


40, 

.    FEROALUa. 

47, 

,   CKRBERUS. 

LUCIFER. 
SATBAN. 
B£RU:n. 

28157 

ASTAROTH. 
FEHOAI.US. 
CERBERUS. 

48. 

DIEU    LE  PERE. 

49. 

MICHEL. 

50. 

RAPHAËL. 

51, 

IRIEL. 

52. 

SERAPHIN. 
EMILIUS. 

28342 

MARC   ANTHOINE. 
ASCANUS. 

53. 

NOSTRE  DAME. 

28372 

MICHEL. 
NOSTRE   DAME, 

54. 

JHESU3. 
MADELAINE. 

28390 

MARIE  JACOBY, 
MARIE    SALOMÉ, 

MICHEL, 

28456 

RAPHAËL. 

MARIE  JACOBY. 
MARIE   SALOMÉ, 

28466 

MADELAINE. 

ASCANUS. 

MARC  ANTHOINB. 

EMILIUS. 

28558 

MADELAINE. 

28613 

3.    PIERRE. 
■  S.   JEHAN. 
MARIE  JACOBY. 
MARIE    SALOMÉ. 

'3» 

S.  JEHAN. 
S.    PIERRE. 

MADELAINE. 

MICHEL. 

MADELAINE. 

28783 

JBESUS. 

S88M 


MADELAINE. 


28868 

MADELAINE. 

MARIE  JACOBY. 

28876 

MARIE  SALOMÉ. 

JHESUS. 

28987 

29086 

29112 
29144 

29182 

29259 
29283 

29299 

Î9405 

29429 

29465 

29487 

29527 
29542 

29571 


XLVIII 


LISTE  DES  PERSONNAGES 


MARIE   JACOBY. 
MABIE    SAI.OMÉ. 

MADELAINE. 
MARIE   JACOBY. 

S.   PIERRE. 

JHESUS. 
S.    PIERRE. 

MADELAINE. 

S.    ANDRY. 

MARIE   JACOBY. 

S.    JAQUES    ZEBEDEY. 

S.    BERTHELEMY. 

S.    THOMAS. 

S.    SIMON. 

S.    JUDE. 

S.    MATHIEU. 

S.    PHELIPE. 

S.    JAQUES    ALPHEY. 

JHESUS. 
RUBEN. 

OEDEON. 

NEPTALIN. 

S.    JAQUES    ALPHEY. 

RUBEN. 
OEDEON. 

JOSEPH  d  Arismathii:. 

JHESUS. 

JOSEPH. 
JHESUS. 

MARDOCEUS. 

NAASON. 

CAYPHE. 

ELIACHIN. 

MALABRIN. 

MALABRIN. 

BRUYANT, 

ESTONNÉ. 

MALCUIDANT. 

DRAGON. 

OUEULU. 

MALABRIN. 

CAYPHE. 

ANNE. 

BANANIAS. 

JOATHAN. 

ASOANUS. 

MALABRIN. 

EMILIUS. 

MARC   ANTHOINE. 

MALABRIN. 

CAYPHE. 

JOATHAN. 


ANNE. 

NACHOH. 

29596 

MALABRIN. 

ASCANUS. 

29603 

EMILIUS. 

29625 

CAYPHE. 

MARC   ANTHOINE. 

NATHAN. 

29649 

NACHOR. 
JACOB. 

ASCANUS. 

JORRAN. 

ANNE. 

YSACAR. 

MARDOCEUS. 

NAASON. 

BANANIAS. 

MALABRIN. 

JOATHAN. 

29807 

CAYPHE. 
JHEROBOAN. 

ANNE. 

NACHOR. 

NATHAN. 

MALABRIN. 

29837 

MALABRIN. 

ASCANUS. 

29841 

CAYPHE. 

EMILIUS. 

ANNE. 

29831 

MARC   ANTHOINE, 

MARDOCEUS. 

ASCANUS. 

29903 

NAASON. 

ANANIAS. 

OA    HaN. 

NACHOR. 

NATHAN. 

29929 

CAYPHE.       • 

ANNE. 

MARDOCEUS. 

JACOB. 

JORRAN. 

YSACAR. 

JHEROBOAN. 

29959 

CAYPHE. 

EMILIUS. 

JACOB. 

ANNE. 

MARC  ANTHOINE. 

29985 

ASCANUS. 

ELIACHIN. 

NAASON. 

55.    S.    LUC. 

30017 

50      CLEOPHAS. 

30039 


30043 


30293 


30389 
30393 


30556 


30589 


MARC  ANTBOINE, 


306:3 


30647 


LISTK  DKS  PKRSONNAOliS 


XLIX 


j7.  ni.ATE. 

KMII.IU». 
AflCANUS, 

MAIIC  ANTIIOINE. 

ASCANUS, 

(i.    IVQ. 
(JI.KOI'UAS. 


H.    I.UQ. 
CI.KOPHAS. 

CLEOPHAS, 
68,    I.'OSTB. 
S.    I.UC. 
JBESUii. 

ff.   LUC. 
l.'I.EOl'IIAS. 

CI.KOPHAS. 
I-'OSTS. 
».   IVS. 

CJ.EOriIAS, 

».    l.VQ. 

«,    ANDHV. 

S.   JAQUKS   ZEBEDEV. 

S-    PBELIPE. 

S.   MATBIKU. 

H.    HKRTHKLEMV. 

p.   THOMAS, 

S.   aiMON. 

«.EOPBAS, 

t!.    JUDE, 

».    LUG. 

JHESUS, 

8,    MATHIEU. 

a.    PHELIPE. 

a.   BERTHELEMY. 

S.   ANDHY. 

S.   JEHAN. 

S.    PIERRE. 

S.    JAQUES    ZEBEDEV. 

8.    JAQUES    ALPBEY. 

S.    SIMON. 

S.  JLDE. 

S.  MATHIEU. 

S.  PHELIPE. 

S.  ANDRÏ. 

S.  JAQUES    ZEBEDEV. 

S.  BERTHELEMY. 

S.  JAQUES    ALPHEY. 

S.  SIMON. 

S,  JUUE. 

S.   THOMAS. 

S.    PIERRE. 
S.    THOMAS. 
S,   JEHAÇ^,. 


30809 

30815 
.30931 

31141 

31157 
3U8!> 

31Ï83 


31345 


31466 


31521 
31535 


g. 

ANDHV. 

8. 

JAQUKH    ZRREOKY. 

JBK8US. 

H. 

BERTHELEMY. 

S. 

JAQUES   ALPHKY. 

». 

THOMAS. 

MADKI.AINK. 

NOSTIIE    DAME. 

MARIE   JAGOBY. 

MARIE   SALOMl':. 

g. 

PIERRE. 

H. 

ANDHY. 

K. 

JAQUE»   ZEBEDEV. 

H. 

BERTHELEMY. 

rt. 

JAQUES   ALPHKY. 

H. 

THOMAS. 

K. 

JEHAN. 

». 

SIMON. 

g. 

JUDE. 

». 

JEHAN. 

». 

ANDRY. 

». 

JAQUES    ZEBEDEV, 

». 

BERTHELEMY. 

». 

THOMAS. 

». 

PIERRE. 

». 

JAQUES   ALPBEY. 

». 

BERTHELEMY. 

». 

THOMAS. 

». 

PIERRE. 

»■ 

JAQUES   ALPHEY. 

S. 

JEHAN. 

». 

ANDRY. 

», 

' JAQUKS   iSEBEUKY. 

JHESUR. 

8. 

JEHAK. 

S. 

THOMAS, 

». 

PIERRE. 

B. 

ANDRY. 

g. 

JAQUES   ZEBEOEY. 

g. 

MATHIEU. 

S. 

PHELIPE. 

8. 

BERTHELEMY. 

S. 

JAQUES    ALPBEY. 

S. 

TBOMAS. 

S. 

ANDRY. 

s. 

PIERRE. 

s. 

JEHAN. 

s. 

PIERRE. 

JHESUS. 

S. 

ANDRY. 

S. 

JAQUES    ZEBEDEV 

JHESUS. 

S. 

BERTHELEMY. 

S. 

THOMAS. 

S. 

JEHAN. 

S' 

JJMJUES    ALPBPV. 

31003 


31617 


31693 


31785 


31757 


3180? 


31823 


31831 


31867 
31879 


s.    JAQUES   ZEBEDKY. 
S.    BERTHRI.EMY. 

SATHAN. 

LUCIFER. 

ASTAROTH. 

FEROAI.US. 

BERICH. 

S.    ANDKY. 
S.    JAQUES   ZEBEDEY. 
S.    JAQUES    ALPHEV. 
lUIBEN. 
;)9.    MOAH. 

OEDEO.X. 

S.    BERTHELEMY. 

NEPTALIN. 

60.  s.    M.VTHIAS. 

61.  JOSEPH  le  Juste. 

62.  ABIROX. 

63.  TUBAL. 

64.  CELIUS. 

65.  ABACUT. 
s.    PIERRE. 
S.    JEHAN, 
g.    SIMON. 

S.    MATHIEU. 

JHE.SUS. 
.S.    SIMON. 
S.    THOMAS. 

JOSEPH  le  Juste. 

MOAB. 

ABIRON. 

TUBAL. 

CELIUS. 

ABACUT. 

S.    PBELIPK. 

S.    MATHIAS. 
S.    PHELIPE. 
S.    PIERRE. 
S.    ANDHY. 
RUBEN. 

S.    SIMON. 
S.    JUDE. 

NOSTRE   DAME. 
MADELAINE. 
MARIE    JACOBY. 
MARIE    SALOMÉ. 

PILATE. 

66.  BARRAQUIN. 

67.  LA   FEMME   PILATE. 

68.  CENTURION. 

S.    ANDRY. 

S.    PIERRE. 

NOSTRE   DAME. 

S.    JEHAN. 

S.    JAQUES    ZEBEDEY. 

S.    BERTHELEMY. 

MADELAINE. 

S.    MATHIEU, 


LISTE  DES  PERSONNAGES 
31917 


31935 


32003 


s.    SIMON. 

S.    JUDE. 

S.    THOMAS. 

RUBE«. 

S.    JAQUES   ALPHEY. 

S.    PHELIPE. 

JHESUS. 
S.    JEHAN. 
S.    PIERRE. 
S.    ANDRY. 
NOSTRE   DAME. 

69.    NICODEMUS. 

JOSEPH  d'Arisjnathie. 

JHESUS. 

s.    PIERRE. 

NOSTRE   DAME. 

S.    ANDRY. 

S.    BERTHELEMY. 

S.    JAQUES    ZEBEDEY. 

S.    MATIIIAS. 

MARIE    SALOMÉ. 
MARIE   JACOBY. 


70. 

ADAM. 

3208!) 

71. 

EVE. 

72. 

YSAIE. 

73. 

JHEREMIE. 

74. 

EZECHIEL. 

75. 

DAVID. 

76. 

S.   JEHAN    BAPTISTE. 

38193 

77. 

LE  BON   LARRON. 

S.    PIERRE. 
S.    ANDRY. 

JHESUS. 
RUBEN. 
NEPTALIN. 

S.  JEHAN  l'evangeliste. 

NOSTRE    D.IME. 

32213 

MOAB. 

ABIRO.N. 

TUBAL. 

32221 

RAPHAËL. 

NOSTRE  DAME. 
ABACUT. 

32286 

RUBEN. 

S.    MATHIAS. 

S.    PHELIPE. 

JOSEPH  le  Juste. 

3248Ô 

JHESUS. 

DIEU    LE   PERE. 

MICHEL. 

78. 

OABRIEL. 
URIEL. 

79 

.    CHERUBIN. 
SERAPHIN. 
RAPHAËL, 

32600 


32662 

32728 
32760 


32778 
32784 


3294S 
32956 

33118 

33136 
33152 


33182 


LISTK   Di;S   FKRSONNAGES 


JIIEStlS. 

OIKU    I.E    PERE. 

».    IIKR'niKI.IMY. 
S.    MATHIAS. 
B.    JKHAN. 
M.    THOMAS. 

JosKi'ii  le  Juste. 

SATIIAN. 

A.1TAH0TII. 

HKUICII. 

l.UCIFKH. 

PKUOALL'S. 

CKRIIKUII.S. 

S.    l'IERRK. 

S.  JEHAN  l'evangeliste. 

».    MATUIAS. 

S.    JAQUES   ALPBEY. 

JOSKPH  le  Juste, 

a.    SI.MON. 

aUHKN. 

s.    JAQUKS    ZEBEDKV. 

S.    ANDRY. 

S.    JL'DE. 

NEPTAI.IN. 

S.    l'HELIPE. 

S.    MATHIEU. 

S.    BERTHELEMY. 

OEDEON. 

MOAB. 

ABIHON. 

TUBAL. 

OEHUS. 

AUACUT. 

JHESUS. 

DIEU   I.E  PERE. 


33389 


33383 


33492 


s.    ANDRY.      . 

8.    JAQIIKN    /.KHEDKV. 

.t.    HEHTHKIEMV. 

UADEI.AINK. 

S.    JUDK. 

S.    I-IIELIPE. 

RUHEN. 

S.    .MATHIAS. 

NO.STRE    DAME. 

.I.    MATHIEU. 

JOSEPH  le  Juste. 

s.    LUC. 

Cl.EGPBAS. 

OEDEON. 

NEITAI.IN. 

ABIHON. 

TUBAI.. 

CELIUS. 

ABACUT. 

MOAB. 

MARIE    JACOBY. 

MARIE    SALOMÉ. 

DIEU    LE    PERE. 

JHESUS. 

MICHEL. 


MICHEL. 
80.    JUSTICE. 


u 

33020 


33770 


81.  SAPIENCE. 
DIEU    LE    PERE. 

82.  MISERICORDE. 
JUSTICE. 
JHESUS. 

^^3.    VÉRITÉ. 
PAIX. 


34088 


34178 


34194 


84. 


LA  PASSION 


NOSTRE  SEIGNEUR  JHESU  GRIST 


» 


Ce  présent  livre  contient  le  commancement  et  la  creacion  du  monde  en  brief  par  parsonnages, 
la  nativité,  la  passion  et  la  résurrection  de  nostre  saulveur  Jhesu  Crist,  traictces  bien  au  long  se- 
lon les  sainctes  euvanfjiles.  Et  devez  savoir  que  maislre  Abnoul  Gresban,  notable  bachelier  en 
théologie,  lequel  composa  ce  présent  livre  a  la  regueste  d'aucuns  de  Paris,  fit  ceste  creacion  abrégée 
seulement  pour  monstrer  la  differance  du  péché  du  deable  et  de  l'omme  et  pour  quny  le  péché  de 
Vho'mme  ha  esté  reparé  et  non  j)as  celluy  du  deable.  Et  liourtant,  qui  vouldroit  jouer  ce  présent 
livre  par  parsonnages,  il  fauldroit  prendre  et  commancer  a  'ce  prologue  qui  s'ensuit,  et  ce  fait, 
delaissier  la  dicte  creacion  abrégée  et  commancer  a  Adam  estant  ou  limbs  qui  dit  ainsi  : 

O   souveraine  majesté 

Et  en  ce  point  l'ont  fait  ceulx  de  Paris  qui  ontja  par  trois  fois  joué  ceste  présente  passion. 


Ces  indications  ne  se  trouvent  qu'en  tête  du  m%.  A.  -~  Le  nis  C.  sans  les  reproduire  les  a  taises  à   lirofit    et  a  Si'^i- 
primé  le  prologue  (223-1 740). 


LA  PASSION 


NOSTRE  SEIGNEUR  JHESU  GRIST 


PROLOGUE 


Vciii  ad  liliciaiiduiii  jios. 
Ddiniiic  Dcus  vii  Uituiii  I 

Pmtr  Viiffeiicc  iht  premier  porif 
qxie  tout  le  gendre  hiimain  compère 
5  en  servitude  très  greraine. 
Volt  le  fils  de  Dieu  par  mistere 
couvrir  sa  divinité  clere 
du  voille  de  nature  humaine, 
Quand  de  la  majesté  liaultaine 
10  en  la  jxirre  vie  mondaine 
vint  pour  devenir  nostre  frère, 
Ou  sa  personne  d'honneur  plaine 
soubmist  a  traveil  et  a  jiaine 
et  en  fin  a  mort  très  amere. 

i:>       Long  temps  fut  huumine  nature 
soubmise  a  trop  dure  pointure 
de  puis  celhnj  transgrés  commis, 
Car  l'essence  qui  toujours  dure 
et  en  qui  n'a  fin  ne  mesure 

20  avoit  cest  edit  ainsi  mis 

Que  mesmes  ses  meilleurs  amis 
en  ténèbres  feussent  soubmis 
sans  terme  de  gloire  conclure, 
Et  fut  tel  discort  entremis, 

25  qu'il  ne  pooit  estre  demis 
par  angle  n'aultre  créature. 


■Quant  a  ce  discort  subvenir 
remède  ne  pooit  venir 
si  non  de  Dieu  tant  seulement  : 

30  Homme  n'y  pooit  advenir, 
pechié  l'en  avoit  fait  hanir 
et  forclorre  totallement  ; 
L'angle  n'y  pooit  bonnement 
pour  le  vice  qu'aucunement 

35  infiny  se  voulait  tenir, 

En  tant  que  son  deriglement 
s'estoit  adressé  plainement 
contre  cil  qui  ne  peust  fenir. 

Et  ainsi  durant  ceste  guerre 

SO  a  qui  Justice  tenoit  serre 
humanité  trop  se  douloit, 
Car  pour  supplier  ne  requerre 
ne  pooit  avoir  ne  acquerre 
félicité  qu'elle  voulait  ; 

45  Le  supplier  ne  luy  talloit. 
Miséricorde  lui  fallait, 
qu'aultre  aide  n'avait  en  terre. 
Et  se  qwlque  espoir  lui  hailloit, 
rigueur  de  Jttstice  y  saillait  : 

50  s'en  estait  privée  grant  erre. 

Ainsi  tous  humains  descendaient 


i  Les  m.is  portrnt  ces  nwts  :  Cy  coinmoncp  le  prolojçue  du  premier  livre  de  la  passion.  —  4  Quencor  tout  le  gendfe 
B.  C.  —  9  de    m.iii'/w  A.  -   19   nest  B.  G.  —  iS   lenbreu   A.  —31  pechin  luy  ot  fait  forbanir  B.  C.  le  pechie  A. — 

32  et  indigne  B.  C.  38  pouoit  B.  C.  contre  dieu  A.  —  43  scauoii  B.  C,  —  47  quant  a  i-e  riens  navoit  en  terr» 
B.  C.  —  51  se  rendoient  B.  C. 


MISTERE    DE   LA   PASSION 


en  enfer,  et  la  se  rendaient 

privés  de  consolacion, 

Si  non  de  l'espoir  qu'ih  avoici-t 
55  et  que  par  vraye  foy  savaient 

en  fin  avoir  redempcion  ; 

Mes  la  grande  dilacian 

de  la  pacificacion 

moidt  tristes  et  pensifs  2')laindoient, 
60   Car  la  maie  transgression 

leur  causait  la  privacian 

de  la  gloire  qu'ih  attcnda'cnt. 

Tant  grevable  estait  ceste  offence 
que  Justice  de  la  sentence 

65  ne  se  voulait  a  mercy  traire 
Et  tenait  la  cause  suspence, 
se  du  fait  n'avait  rec  .mpence, 
a  qui  qu'il  tournast  a  contraire. 
L'amme  n'avait  de  quay  la  faire, 

70  angle  n'y  pavait  satisffairc  : 
qui  restait  il  mes  d'apparence. 
Fors  qu,e  Bien,  qui  tout  peust  reffaire, 
venist  la  nature  parfaire 
qui  de  son  bien  ot  tel  carence  ? 

75       Les  patriarches  a  hault  son 
demandaient  ceste  ranson 
"pour  parvenir  a  vray  repos, 
Eulx  gem  issans  en  la  prisait, 
et  hanis  sous  leur  mesprisan, 

80  de  béatitude  forclos, 

Iceuloc  en  si  desplaisant  clos 
par  rigueur  de  justice  enclos, 
crians  sans  cesser  a  haidt  ton, 
Pooient  proférer  tels  mos: 
(     85  «  Veni  ad  liberauduni  nos, 
«  Uomine  Deus  virtutum  ! 

«  Ne  nous  laisse  plus  icy  vivre, 
«  bon  Dieu,  mes  vien,  si  nous  délivre, 
«  qui  tant  desirons  ta  venue  ; 

00  «  Vien  de  fait  et  oeuvre  le  livre 
«  ou  tu  sces  nostre  debte  csuyvre, 
«  jjar  qui  prison  avens  tenue.  » 
Quand  la  journée  fut  venue, 
leur  requeste  fut  obtenue 

95   et  de  servitude  délivre  ; 
Lors  fut  la  finance  randue. 


quand  en  croix  fut  moi'te  estandue 
la  char  de  cil  qui  tout  bien  livre. 

Lors  paya  le  dangereux  pris 
100  celluy  ou  tous  biens  sont  compris, 
c'est  Jhesus,  nostre  doulx  saulveur  : 
Lors  celluy  qui  prenait  fut  pris, 
lié,  conffondu  et  surpris 
sans  jamés  espoir  de  vigueur  ; 
105  Et  c'est  la  cause  sans  faveur 

qui  nous  meust  pour  bien  et  honeur 
d'avoir  cestuy  mistere  empris. 
De  vous  demonstrer  par  doulceur 
la  passion  et  la  douUnir 
110   que  pour  nous  tous  a  entrepris. 

Monstrer  voulons  par  parsonnages 
aucuns  des  principaux  ouvrages 
que  fist  nostre  seigneur  pour  nous, 
Les  pain  .'S,  travaulx  et  oultrages, 

115  temptacions  et  griefs  dommages, 
qu'il  voult  endurer  pour  nous  tous. 
Se  la,  reverance  de  vous 
faillie  y  voit  dessus  ou  dessoubi, 
trop  dit  ou  faulte  de  langages, 

120  Soie:  amiables  et  doidx 

et  nous  corrigez  sans  courroux: 
n'en  serons  auttreffois  plus  sages. 

Prenez  ce  que  ban  vous  sera 
et  le  surplus  l'en  laissera, 

125  car  tout  ne  paons  pas  attaindre  ; 
Nostre  procès  mieulx  en  vauldra 
et  plus  grant  proffit  en  sauldra, 
sans  nostre  matière  cantniindrc  ; 
Mes  pour  nostre  ignorance  estaindre 

130  ou  presumpcion  pourrait  maindre, 
ung  chacun  de  nous  requerra 
La  Yierge  quel  ne  veille  faindre 
a  nous  bien  régir  et  constraindrc, 
en  disant  Ave  Maria. 

[Ave  Mai-ia.] 

135       Vcni  ad  liberanduiii  nos, 
Domine  Deus  virtutum  ! 
Je  dis  encore  a  mon  propos 
par  le  thème  de  mon  sermon 


qûê~lés  prophètes  de  renom 


52  et  tous  en  enfer  descendoient  B.  C.  —  59  plaignoient  A.  ^  64  sa  C.  —  6S  a  qui  qui  A.  a  qui  que  lî.  —  75  les 
patriarches  a  grant  son  B.  —  76  raenson  B.  C.  —  78  tel  C.  —  81  et  eulx  en  tout  B.  C.  —  82  vertu  B.  —  f8  vien 
si]  viens  et  B.  —  105  sans  faneur]  beaulx  seigneurs  B.  C.  —  112  de  C.  —  113  sauueur  C.  —  132  que  ne  C.  — 
134  sen  dirons  B.  G.  Les  mots  entre  croclwts  manquent  A.  —  135  nos  etc.  G.  —  138  pères  sains  —  de  foy  et  espé- 
rance   sains  B.  G. 


PROLOGUE 


140  ou  limbe  aUemlans  la  journe» 
et  la  venue  désirée 
du  doulx  Messias  nostre-sirc 
pooient  tels  paroles  dire  : 
«  Bon  Dieu,  pour  nous  confort  livrer, 
,145   «  de  ceste  chartrc  yriefre  et  liinie 
*  vieil  ici/  pour  nous  délivrer 
«  par  ta  puissance  precellante.  » 

A  cestuy  j>oint  eomniancerons, 

et  premier  nous  vous  monstrerons 
150   les  plaintes  que  faire  pooient 

lesperes  qui  ou  limbe  estaient, 

attendaits  leur  rcdcmpcion 

par  la  haulte  incarnacion 

du  douh  et  benoit  filz  de  Dieu, . 
155  qui  leurs  plains  en  temps  et  en  lieu 

entendit  et  amodera 

pour  la  mort  q'uil  en  endura. 

Jlla  vo^ildrons  lahsier  l'istoixe 

par  moyen  d'interlocutoire 
100  et  moraliser  un  fetit        ^ 

pour  contenter  vostre  appétit. 

Nous  tneticrons  cinq  parsonnages 
de  cinq  dames  haultes  et  sayes, 
es  quelles  Paix  sera  propice, 

165  Miséricorde  avec  Justice, 
Vérité  et  puis  Sapience  ; 
et  ce  pour  juger  de  l'offense 
d'Adam  qui  fut  le  premier  homme, 
quelle  elle  fut  et  de  quel  somme, 

170  et  s'elle  est  digne  de  pardon 
ou  d'avoir  si  mauvais  guerdon 
que  jamès  ne  soit  retournée. 
Après  la  sentence  donnée 
orrez  raisons  haultes  et  bonnes, 

175   (i  la  quelle  des  trois  parsonnes 
Père,  Fils  et  saint  Esperit, 
pour  le  gendre  humain  qui  périt, 
ioist  faire  repparacion 
en  souffrant  mort  et  passion  ; 

ISO  et  pour  quoy  ce  divin  mistere 

appartient  au  Fils  plus  qu'au  Père 
ou  au  saint  Esperit  de  nom  ; 
s'arguerons  que  si,  que  non, 
comme  saint  Thomas  l'a  traictié 


1»  aoubtillemcnt  en  son  traictié 
~iur  le  tiers  livre  de  titntences. 
S<  orrez  argus  et  deffences 
pour  quoy  le  faulx  perhc'  dampnable 
du  deable  fut  irréparable, 

190  condampiu'  en  l'cternal  fu, 

et  pour  quoy  l'homme  allegic  fu 
non  obstant  son  péché  très  grief; 
et  ce  fait  déduit  ussés  brief, 
verres  conclure  en  audience 

105  par  la  divine  Sapience  ; 

le  rray  fils  de  Dieu  ordonne' 
divinement  estre  incarné 
ou  très  saint  ventre  virginal  ; 
et  puis  message  especial 

MO  commis  pour  anoncer  l'affaire 
a  la  très  doulce  et  débonnaire 
vierge  qui  mère  devait  estre 
pour  porter  le  doulx  fruit  celestre 
venant  du  trosne  supernel. 

205  Lors  vendra  l'angle  Gabriel 

faire  l'adnunciation 

et  après  ferons  mencion 

de  lu  doiclce  nativité, 

poiirsuyvans  sans  prolixité 
810   l'euvangile  a  noslre  sçavoir 

sans  apocriphe  recevoir. 

Si  vous  prions,  seigneurs  et  dames, 

cojointement  hommes  et  famés, 

que  silence  vueilles  garder 
215   et  brief  nous  orres  procéder 

a  l'ayde  du  créateur, 

le  quel  nous  doint  par  sa  doulceor 

si  bien  faire  et  vous  bien  ouir 

qu'a  la  parfin  puissions  jouir 
220  de  la  vision  éternelle 

de  Dieu  en  gloire  supernelle. 
Amen. 


Ouvres  vos  yeulx  et  regardes, 
dévotes  gens  qui  attendes 
825  a  oyr  chose  salutaire  : 

veilles  vous  pour  vo  salut  taire 
par  une  amoureuse  silence  ; 


158  iller  B.  C.  —  159  et  par  B.  C.  manière  A.  —  161  nostre  A.  —  169  elle  maniue  B.  est  C.  —  170  gi:erdon  B. 
—  172  pardonnce  A.  —  173  ordonnée  B.  C.  —  174  ourrons  B.  —  178  appurlient  A.  —  1S3  nous  A.  sargurons  B. 
que  si  et  que  non  B.  C.  —  188  le  mal  pechie  C.  —  193  conclu  A.  —  l'JO  lo  fils  de  Dieu  estre  ordo  nne  B.  C.  — 
ÏOS  vierge  qui  viert;e  B.  C.  —  206  dencneiacion  C.  —  208  sa  C.  —  £09  perplexité  A.  —  210  pouuoir  A.  —  211 
apoeasse  C.  —  215  verrez  B.  —  2ie-î22  man'iurnl  B.  C.  —  2231732  /bniicnf  le  prologue  dans  B.  e(  sont  placn 
en   tt'le  du   manus'^rit. 


6 


M  I  S  T  E  R  E  DE  LA  P  A  S  S  1 0  N 


si  verres  en  briefve  sentence 
le  fait  de  la  création 

230  et  la  noble  plasmacion 

du  ciel,  terre,  angles  et  humains, 
en  brie f  (car  cecy,  c'est  du  mains), 
et  comme  incident  littéral 
a  nostre  propos  principal  : 

2£  nostre  especialc  matere 

est  de  traictier  le  hault  mister  e 
de  Jhesits  et  sa  passion 
sans  prendre  aultre  occupassion. 
Mes  la  creacion  du  inonde 

840  est  ung  mistere  en  quoy  se  fonde 
tout  ce  qui  deppend  en  upprès  : 
si  la  monstrons  par  mos  exprès; 
car  la  manière  du  produyre 
ne  se  peust  monstrer  ne  déduire 

245  par  effect,  si  non  seulement 
grassement  et  figuraiilment  ; 
et  selonc  qu'il  nous  est  possible, 
en  verrez  la  chose  sensible. 


DIEU   LE    PERE 

Pour  louer  nostre  majestii 

250  et  départir  nostre  bonté 
non  principiee,  non  faicte, 
infinye,  seule  et  parfaicto 
et  qui  n'a  besoing  liens  quérir 
pour  gloire  totalle  acquérir, 

i55  nous,  ung  en  vraye  trinité, 
trin  en  equalle  etei'nité. 
Dieu  régnant  sans  fin,  sans  mesure, 
sans  indigence  ou  mespresure 
nostre  altitude  amcndrissant, 

260  tout  bon,  tout  sage,  tout  puissant, 
tout  beneuré,  tout  glorieux, 
esmeu  d'un  voloir  désireux, 
volons  faire  creacion, 
affin  que  la  relacion 

21)5   de  créateur  a  créature 
soit  realeraent  en  nature. 
Et  en  nous  seul  selon  raison 
par  celle  subtille  achoison, 
nous  produirons  nouvelles  choses 


270  dont  les  ydees  sont  encloses, 
reluisans  éternellement, 
en  nostre  seul  entendement. 
Et  pour  commancer  nostre  ouvrage, 
créons  le  ciel  en  hault  estage 

275  d'une  forme  ronde  espeiique 
affm  qu'il  conserve  et  implique 
dedans  soy  tous  les  aultrcs  corps 
et  que  riens  ne  se  monstre  hoi-s.   [ 
Après  créons  quatre  elemcns, 

280  qui  seront  les  commancemens 
concurrens  a  causer  la  masse 
de  toute  créature  basse, 
divers  en  leur  subtilité, 
en  vigueur  et  en  qualité  : 

285  le  feu  comme  le  plus  ysnel 
.soubz  la  circuité  du  ciel 
situons  pour  jjrendre  retrait  ; 
après  l'air,  qui  plus  luy  poui  trait, 
ara  dessoubz  place  oppoitune; 

290  et  après  l'eaue,  qxd  lepugne 
du  feu,  convendra  eslonger    - 
et  dessus  la  terre  loger, 
la  quelle  dernière  ordonnons, 
lieu  et  stabilité  donnons 

295  du  centre  de  nostre  facture, 
affin  que  sa  griefve  estature 
luy  doint  reposer  au  moyen 
de  ce  beau  lieu  celestien 
ou  toute  amcnité  rodonde. 

300  Et  ou  plus  beau  de  nostre  monde 
créons  angles  en  trois  parties 
et  en  faisons  trois  jherarchies  : 
en  la  première  sont  ydones 
chérubins,  séraphins  et  troues  ;  ' 

:«15  en  la  seconde  cstalilissons 
les  haultes  dominacions, 
potestés  et  principaultés  ; 
en  la  tierce  virtuaultés, 
archanges  et  après  les  anges, 

310  pour  sempiternelles  louanges 
de  nosti'e  service  obtenir. 
Or  sus  a  vostre  bien  venir, 
mes  amis,  mes  vrays  serviteurs, 
mes  champions  et  conducteurs, 

315  de  Ical  vouloir  viieillez  tendre 
a  nous  rétribuer  et  rendre 
le  service  que  me  devez  ; 
vostre  cliief  suis,  bien  le  savez. 


233-1740  manquent  C.  —  236  dinsisler  au  I!.  —  242  si  monstrerons  les  B.  —  247  qui  A.  —  249  le  Père  manriw 
toujours  A.  —  257  ne  B.  —  266  rcalinent  B.  relacion  A.  —  267-272  manquent  A.  —  286  en  B.  —  287  créons  pour 
prendre  le  A.  —  289  dessoulz  aura  B.  —  290  eau  A,  et  manque  A.  B.  G.  eaue  xem'ile  quelquefois  compter  pour 
trois  si/Uabes.  —  293  derraine  B.  —  301  danges  B.  —  304  Seraph.,  cher.  B.  —  307  princip.  et  pot.  B.  —  316  a 
moy  B.  , 


ROLOOUE 


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Xfô 


a  qui  (lovez  oboyssanec. 

SERAPHIN 

IIoiiiK'ur,  puissance  et  rovornnce 
soit  a  vous,  Dieu,  hault  créateur; 
a  vous  seul,  coinme  a  uostre  acteur, 
ilc'vous  louange  et  prefferancc. 

CHERUBIN 

Mil  la  vertu  d'obedianco 
moy  sachant  vostroserviteui-, 
honneur,  puissance  et  revoranco 
soit  a  vous.  Dieu,  hault  créateur. 

MICHEL 

Qui  souffira  tel  precellance 
assez  louer,  hault  plasmateur, 
o  prepotont  proliatcur, 
o  puissante  magnificence? 

GABRIEL 

Honneur,  puissance  et  revcrauce 
soit  a  vous,  Dieu,  hault  créateur; 
a  vous  seul,  comme  a  nostre  acteur, 
devons  louange  et  prefforance. 

RAPHAËL 

o  haulte  et  souveraine  essence, 
vrayenient  louer  vous  devons  ; 
car  tout  le  bien  que  nous  avons 
vient  de  vous,  créateur  et  père. 


S40 


3'ir. 


350 


LUCIFER 

Quand  mon  estât  liien  considère, 
je  suis  do  nature  plaisant, 
clere,  subtille  et  reluysant, 
de  hault  fait  et  puissance  ardue  : 
de  qui  qu"el  me  soit  descendue, 
de  moy  seul  le  tien  et  tendray, 
grâce  no  mercy  n'en  rendray  : 
trop  grandement  m'al)esseroyc, 
serviteur  me  re|)puteroye 
ou  je  suis  maistre  et  gouverneur. 

SATHAN 

Vous  estes  bien  digne  d'honneur, 
Lucifer,  nostre  principal  : 
en  ce  beau  lieu  celestial 
n'y  a  créature  si  belle 
que  vous. 


LUaPSR 

La  vérité  est  toile  ; 
.Ti5  au  moins  le  m'est  il  bien  advis. 

BBLZBBUTH 

Nous  no  voulons  cstrc  asservis 
a  aultre  nature  Imultaine  : 
vous  serez  nostre  capitaine, 
vos  sers  et  corapaignons  serons, 
afio  et  jnmès  nous  n'obeyix)ns 

a  aidtre,  quelque  grand  qu'il  semble  ; 
nous  tendrons  nostre  fait  ensemble 
contre  tous  puissamment  et  fort. 

ASTAROTH 

Je  suis  aasés  de  vostre  accord, 
365  que  de  riens  no  nous  asservons  : 
par  dessus  tous  nous  cslevons 
et  faisons  valoir  nosti'e  bende. 

LUCIFER 

Je  n'ai  pas  peur  que  je  descende  ; 
prestement  me  verrez  monter 
370  et  tous  les  haulx  cieulx  surmonter  ; 
user  puis  de  ce  piivilcge  ; 
en  aquilon  mettray  mon  siège  : 
la  seray  comme  primerain 
equiparant  au  souverahi. 
STTi  La  vouldiay  régner, 

valoir,  gouverner, 
tnimiphe  mener, 
drois  et  loys  donner 
en  ce  beau  reaime  : 
SSO         Ija  fpray  sonner 

ma  voix  et  tonner, 
commands  resonner, 
causes  terminer, 
sans  evocquer  ame  : 
.385  Dieu  ha  beau  mander  ; 

il  n"a  qu'esgai'der 
pour  moy  commander 
ses  commands  garder  : 
ce  me  seroit  blasmo 
390         De  moy  deffonder 
«    pour  son  los  fondei", 
quand  a  demander 
d'honneur  babonder 
son  pareil  me  clame. 


niEU    LE    PERE 

395  Par  vostro  orgueil  vil  et  infâme. 


3t9  renilrc  assistance  Ti.  —  321  et  327  et  créateur  B.  —  323  confrnoissant  vo  B.  —  328  Sainl-M.  toujouff  B.  — 
32U  linimteiir  B.  —  331  Je  salue  ta  mapniflcence  .\.  —  ?32  Ce  ters  et  la  prrmièri-  partie  du  rrrs  333  sont  attri- 
huéx  à  Michel  B.  —  337  vraieuient  bien  A.  B.  —  343  puissant  ardure  B.  —  3i4  de  qui  que  B.  —  347  me  A.  —  35*  L» 
rhose  A.  —  376  vouloir  A.  —  383  cause  A.  —  395  le  Père  ninn^uc  A. 


8 


MI  STERE    DE    LA    PASSION 


faulx  anges,  vous  serez  pugnis 

et  de  mon  règne  vous  banis 

a  tousjours  mais  sans  revocguior, 

et  vous  condampnons  tresbuchiei' 
400  la  bas  es  abismcs  soubz  terre 

et  la  tenir  prison  et  serre 

en  paine  et  grielVe  affliction. 

Michel,  mon  vaillant  champion, 

chasse  ces  dragons  venimeux 
405  par  puissance  ou  puis  ténébreux  ; 

il  est  appointé  par  sentence. 

MICHEL 

A  vostre  haulto  prepotence, 

mon  Dieu,  toujours  obéir  veil  : 

Lucifer,  faulx  prince  d'orgueil, 
410  et  les  compaignons  adherans, 

vos  faulx  tours  sont  trop  apparans, 

vostre  malice  trop  empire  : 

vuidez,  vuidez  du  hault  empire, 

desloyaulx  ennemis  de  Dieu  ; 
415  pas  ne  vous  appartient  tel  lieu. 

Vuidez,  deables,  vuidez,  vuidez  ; 

trop  hault  cslever  vous  cuidez 

contre  le  roy  omnipotent. 

Peine  et  traveil  si  vous  attent, 
480  feu  terrible  et  mort  pardurable. 

a  GA.BRIEL 

Vuidez,  faulce  tourbe  dampnable, 
maudiz  et  condampnés  serpens. 
LUCIFER,  en  cheant  et  trebuchaut 
a  terre. 
Je  m'en  repens,  je  m'en  rcpens, 
d'avoir  brassé  tel  appareil. 

SATHAN,  en  trébuchant. 
425  Et  nous  d'avoir  creu  ton  conseil 
sommes  de  gloire  tous  suspens. 
Icy  cheent  et  tresbuchent  les  mauvais  anges 
en  enfer  en  fourme  de  deables. 


LUCIFER 

Haro  !  j'enrage,  je  me  pens, 
je  forcené  de  dueil  et  d'ire  ; 
qu'ay  je  fait?  il  n'est  point  a  diie  ; 
430  ou  suis  je  ?  dont  viens  je  cy  ore, 
bani  de  l'éternelle  glore 
que  jamès  retourner  n'y  puis  ? 
0  pute  chartre,  o  hydeux  puis, 


ordo  et  puant  fomaise  horrible, 
435  O  mordant  flamme  inextinguible, 
quel  povre  esprit  te  portera  ? 

SATHAN 

Le  deable  nous  confortera  : 

par  vous  sommes  cheus  en  ces  las. 

BELZEBUTH 

Voire  sans  jamais  sourdre.  ' 

LUCIFER 

Helas  ! 
440  Or  n'est  espoir  d'en  saillir  hors  ; 
va  hors,  plus  de  cent  fois  va  hors, 
détestable  et  maudit  orgueil  ; 
tu  as  mué  ma  joye  en  dueil 
sans  jamais  remède  y  trouver. 

ASTAROTH 

445  Ha  !  quelle  orreur  ! 

BELZEBUTH 

C'est  pour  crever  ; 
tout  nostre  bien  est  trespassé. 

SATHAN 

Tout  tel  que  nous  l'avons  brassé 
le  fault  boire,  maistre  Agrijipart. 

ASTAROTH 

Que  le  sanglant  deable  y  ait  part  : 
450  allons  ce  loyer  recevoir. 
I       Icy  doivent  fere  grant  tempeste. 


MICHEL 

Pero  divin,  j'ay  fait  devoir 
de  bouter  hors  vos  ennemis. 

DIEU    LE    PERE 

Puis  qu'ilz  sont  de  gloire  desmis 
par  leur  offonce  et  leur  malice, 

455  affin  que  jamès  a  tel  vice 
ne  se  dispose  et  ne  s'applique 
nulle  autre  nature  angelique, 
mes  anges,  loyaulx  serviteurs 
et  obediens  auditeurs 

4G0  de  nos  misteriaulx  sermons, 
des  ore  en  bien  vous  conformons 
que  jamès  ne  pourrez  pécher 
pour  riens  qui  vous  puist  empeschcr, 
pai'  don  de  grâce  especialle. 

MICHEL 

465  Haulte  puissance  imperialle, 
humblement  ce  bien  recepvons. 


404  ses  A.  B.  —  407  Saint-^L  B.  —  423  425  etc.  Les  tndicaîion'i  scèniqu^s  rntre  crochets  n'existent  que  dans 
B.  —  426  chace  puis  que  je  me  frape  ens  A.  —  436  esperit  A.  B.  —  438  ses  las  B.  ce  las  A,  —  448  Agrappart  B. 
—  456  s'  man'ine  K,  —  458  mes  vrais  seruiteurs  B.  —  4fi6  du  don  louange  vous  deuona  B. 


l'ROI.OOITR 


475 


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490 


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505 


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niEU    I.E   PEUE 

Or  est  tciiip-s  quo  nous  uchevous 

iiostre  operaciou  grant  erre  ; 

ja  créé  avons  ciol  et  terre 

par  limitation  voi  tainc, 

mes  ccllo  terre  est  viiide  et  vaine, 

couverte  d'oauo  ties  parfondo, 

et  tenebrosité  habondc 

dessus  la  face  des  aliisnios; 

et  sur  celles  eaues  nicismes 

nostrc  esprit  se  jiorte  et  transftero 

])ar  liault  et  solenipnel  luistore. 

Soit  donc  lumière  devisoo 

et  de  tc^nehres  divisée, 

la  quelle,  pour  tant  quo  clcr  luyt, 

nouions  joK)'  et  ténèbres  imyt.  i 

Or  est  fait  vespie  et  matinée 

pour  nostie  première  journée. 

Après  voulons  que  soit  posé 

mi  firmament  ))ien  disposé, 

divisant  les  eaucs  terrestes 

contre  les  haultcs  et  célestes, 

uonnué  ciel  pour  plaisant  séjour, 

et  plus  n'en  produyrons  ce  jour. 

Après  voulons  que  terie  apperc 

et  qu'en  luig  singulier  reppero 

toute  eaue  se  tire  et  s'assamblo, 

et  cella  bien  conjoinct  ensemble 

sera  mer  très  bien  dénommée 

et  la  sèche  terre  nommée  ; 

terre  doncques  gouvernera 

herbe  vei'de,  et  pioduiia 

arbres,  pommiers,  pour  toujours  rendre 

ung  chacun,  fruit  selonc  son  gendre, 

ayans  semences  vertuables, 

prest/.  a  engendrer  leurs  saniblables  : 

atant  e:^t  fait  soir  et  matin 

et  nostre  tiers  jour  traict  a  fin. 

.\près  créons  ou  firmament 

deux  luminaires  noblement, 

et  soit  l'un  grand  et  l'aultrc  mendre 

pour  mieulx  discerner  et  conpreudro 

connneut  jour  de  la  nuit  diffère  : 

le  soleil  par  lumière  clerc 

au  jour  esclairier  servira, 

et  la  lune  de  nuyt  luyra 

habondanment  acconipaignio 

il'e.-toilles  a  gi  ant  compaignie  ;  ' 

or  puisque  chacune  enlumine, 

atant  nostre  quait  jour  termine. 

.\l)rès  atant  no  nous  ])assons  : 


pi'oduisout  eaucs  les  iMissonf, 
ballaiucs  it  aultre»  rcptillcs 
vivant  eu  eaue,  et  volatilles, 

rjïO  oyseaulx  de  diverse»  espèces 
a  grosHos  touilles  et  esi)csses, 
jiour  habitiu'  et  vie  querre 
les  uugs  en  mer,  aulti'cs  en  terre  ; 
et  pour  tant  que  bous  les  tenons, 

5Î5  ceste  beneysson  leur  donnons  : 
erescc/.  tous  (  t  multipliez 
et  nndtiplians  remplie/, 
lu  mer  tt  terre  en  habondauce, 
chacun  sclouc  son  ordoimance. 

530  Or  est  vespre  et  matin  levé 
et  nostre  quint  jour  achevé. 
Et  pour  nostre  oeuvre  tiairc  avant 
produysc  terre  ame  vivant 
en  divei's  gendres  bestiaulx, 

535  oeilles,  vaches  et  chevaulx, 
jumens  et  reptillcs  plusieurs, 
deux  et  deux  pour  estre  plus  scurs. 
Or  est  la  terre  prepaiee 
et  de  la  mer  bien  sepai-ee, 

5i0  la  terre  do  bestes  foruio, 

la  mer  de  poissons  bien  garnie, 
et  tout  bel  et  bon  et  bien  fait. 
Reste  ung  seul  point  a  nostre  fait  : 
faisons  un  homme  bel  et  sage 

5'i5  a  nostre  scmblaueo  et  ymage, 
qui  soit  seigneur  et  oultrepassc 
do  toute  créature  basse 
qui  se  meust  soub/.  le  firmament 
par  lumière  d'entendement  : 

550  du  limon  de  terre  formé 
sera  et  d'une  ame  imformé. 

Icy  fuit  home. 
Or  est  la  matière  assouvye  ; 
reste  inspiraciou  de  vie 
en  sa  belle  face  inspirer 
555  pour  le  veoir  vivre  et  respirer. 

Icy  fait  fourme  d'inspirer  le 
fait  d'Adam. 
Or  es  tu  formé  pour  le  mieulx, 
homme,  la  face  vers  les  cieulx, 
tout  droit  pour  noter  et  entendre 
la  région  ou  tu  dois  tendre  : 
500  c'est  ou  ciel  seul,  vers  aultro  non. 
Adam  sera  ton  pi'opre  nom. 

ADAM,  o  genoux. 
Mon  Dieu  et  mon  vi-ay  createur. 


4T0  esperit  B.  —  47S  diuisee  A.  —  479  séparée  A  —  495  plate  B.  —  498  pommes  A.  —  519  ame  A.  B.  —  587  raemplis- 
sez  B.  —  547  maniue  B.  —  554  la  A.  —  558  or  es  tu  ]  homme  or  es.  B.  —  557  la  belle  B.  —  559  contendra  B. 


10 


MISTERK    DE    LA    PASSION 


mon  seigneur  et  seul  plasmateur, 
très  humblement  je  vous  mercy, 
505  Vous  congnoissant  mon  seul  acteur 
ot  moy  vostro  humble  serviteur 
a  toùsjours  mais. 

DIEU    LE    PERE 

II  est  ainsi. 
Adam,  je  veil  que  tu  t'en  viengncs 
et  que  tu  habite  et  te  tiengnes 
570  en  ce  beau  paradis  terrestre.  | 

ADAM 

Plus  beau  lieu  ne  peust  en  terre  estro, 
plus  gracieux  ne  plus  serain  : 
0  mon  créateur  souverain, 
plaise  vous  que  toùsjours  y  soye  ! 

niEU    LE  PERE 

575  Pour  toy  institué  l'avoyo 
et  paré  d'arbres  dclitablcs  ; 
regarde  les  fi-uis  savourables  : 
tout  est  pour  toi,  tous  les  te  donne, 
tous  a  ton  gré  les  haliandonne 

580   pour  en  menger  quant  te  plaira. 
Ung  seul  deffendu  te  sei'a, 
qui  povoir  ha  especial 
de  faire  savoir  bien  et  mal  : 
c'est  cestuy  :  garde  que  n'en  uses, 

585  et  que  d'en  menger  ne  t'abuses  : 
quelconques  jour  en  mangeras, 
soies  seur  que  de  mort  mourras. 
Garde  t'en,  si  feias  que  sage. 

ADAM 

Mon  très  cher  sire,  sy  fera  je, 
590  puisqu'ainsy  m'est  expédient. 

DIEU   LE    PERE 

n  n'est  pas  bien  convenient 

que  l'omme  soit  seul  sans  subscide  : 

faire  luy  voulions  une  ayde 

en  espèce  pareille  a  luy. 

ADAM 

595  Le  sommeil  m'a  fort  cnvay  : 
l'eposer  me  fault. 

Cy  se  dort  Adam. 

DIEU    LR    PERE 

Nous  prendrons 
ccste  costc  et  l'cdifirons 
de  char  et  d'ame  intellective, 
et*  elle  raisonnable  et  vivo 
600  sera  femme  bien  dénommée. 
Femme,  or  es  tu  vivo  et  formée  ; 
si  vendrons  Adam  exiter 


et  toy  devant  luy  présenter, 
affin  que  recevoir  te  veille. 
605  Adam,  viens  ça  ;  si  t'appareille 
de  ceste  fenuîie  recevoir. 

ADAM 

0  Dieu,  j'ay  merveille  a  ce  voir  : 
cest  os  la  de  mes  os  yssi 
et  la  char  de  ma  char  aussi  ; 
610  virago  la  dy  par  raison. 

DIEU    LE    PERE 

Très  bien  ;  et  pour  ceste  aehoison, 

l'omme,  en  ung  temps  qui  s'ensuyra, 

père  et  mère  l'eîainquira 

pour  astre  a  sa  femme  conjoinct  : 
615  ainsi  vous  conjoins  par  ce  point, 

que  deux  en  ung  serez  hés  ; 

croissez  donc  et  multipliez 

tant  que  terre  ait  replecion 

d'humaine  gcneracion. 
620  Dessus  les  poissons  dominez, 

oyseaulx  et  bestes  gouvernez 

et  prenez  vostre  soustenance 

de  tous  fruis  a  vostre  plaisance, 

hors  rais  celluy  que  voiez  croistre, 
625  qui  est  pour  bien  et  mal  cognoistre  ; 

gardez  vous  en,  car  aultrement 

vous  mouri'ez  infailliblement 

a  vostre  dueil  irréparable. 

EVE 

0  hault  créateur  vertuable, 
630  de  qui  les  oeuvres  sont  parfaictes, 

du  grant  honneur  que  vous  nous  faictes, 
ne  vous  povons  louer  assés. 

DIEU   LE   PEKE 

Or  sont  nos  beaulx  cieulx  compassés, 

terre  estable  et  mer  terminée 
035   et  nostre  suprême  journée 

de  vespre  et  matin  faicte  et  close. 

A  ce  septième  ferons  pose  : 

de  tout  ouvrage  y  cesserons 

et  celluy  jour  sanctifirons, 
640  et  voulions  qu'il  soit  saint  et  digne 

observé  tant  que  monde  fine 

de  toutes  generacions. 

Sus,  mes  anges  par  légions,  \ 

mig  chacun  en  sa  jherarchie, 
645  a  nostro  haulte  monarchie 

accomplie  en  nobilité 

chantez  un  joyeux  silete. 


563  mon  principe  B.  —  569  habites  et  viengnes  B.  —  574  vous  plaise  B.  —  576  para  B.  —  5S6  qnen  B.  —  597  I' 
manr/uf  A.  —  602  vouldrons  A.  —  605  sa  A.  —  607  ad  A.  —  610  est  dit  A.  —  628  inrreparable  A.  —  640  qui  A.  — 
647  LHw^icatioii  srètilqu.c  manqua  B  et  se  trou-ve  A. 


P  11  0  [.  0  fi  U  K 


11 


[SlLETE.] 

Dieu  te  père  se  revient  en  son 

siège  et  chantent  les  anges. 


ne  Icuf  fay  mcngfor  a  toux  deux. 

i.uciPRn 
Or  va,  qu'en iioftir  piiiM  hideux 
puisses  tu  retourner  a  joyo  ! 


y 


¥ 


» 


LUCIFER 

Haro!  quoi  forscii,  quelle  larro, 
quel  horribilité  !  j'enni^e 
Ka  (le  «lueil  et  de  mortel  courroux. 

SATHAN 

Qu'est  la,  Lucifer?  qu'avez  vous? 
a  yl  chose  (nii  vous  ilosplaise? 

I.Uni''ER 

Oy,  lari-on,  la  plus  mauvaise 
que  jamais  nous  puist  advenir  ; 

firiT)  et  qui  la  lerra  parvenir, 

nous  sonunes  pardus,  liien  le  vois. 
f)ye/,,  deablcs,  oyez  ma  voix 
bruyant,  tonnant  comme  tempeste  ; 
oyez,  larrons,  dressez  la  teste, 

Ofio  sailliez  tous  sur  piez,  levez  sus.  j 
Ce  liault  triumpliant  de  lassus 
a  nostre  {j'iant  honte  et  diflame 
ha  vouUu  créer  honnne  et  famé 
doués  do  si  haulz  privilèges, 

i;65  qu'ilz  seront  pour  remplir  les  siojïes 
dont  nostre  toui'bn  est  fourbanie. 
Sathan,  faulx  chien,  je  te  regnic 
et  t'iray  sur  piez  devourer 
se  tu  les  laisses  demeurer 

TiTO  en  ue  point  sans  les  assaillir. 

SA.THAN 

Dispenccz  nioy  donc  du  faillir, 
se  voulez  que  je  les  combatc. 

LUCIFER 

Je  le  veil. 

SATHAN 

Levez  donc  la  pâte  : 
aultremeut  je  ne  vous  croy  point. 
LUCIFER,  en  levant  la  main. 
fii:>  La  voyla. 

SATUAN 

D'aller  eu  ce  point, 
on  vcrroit  trop  tost  ma  falacc  ; 
je  prendrai  virginalle  face, 
les  piez  et  le  corps  serpentin, 
et  ains  que  soit  demain  matin 
680  je  veil  estre  au  gibet  pendu, 
se  lin  fruit  a  eulx  deffendu 


BvR,  toutf  seule. 
085  Vecy  do  l)eaux  arbres  nionjoyo, 
et  de  fi'uis  assés  a  choisir. 
Jo  prens  a  les  voir  grant  plaisir  ; 
mes  celluy  par  cspecial 
de  science  de  bien  et  de  mal 
fiOO  nie  plaist  moult.  Et  se  j'en  niengoye  ? 
Las,  que  dis  je  ?  je  n'oscroyo  : 
Dieu  le  nous  deffend  par  ses  dictz. 
Icy  s'en  va  Sathan  a  quatre  pies 
comme  un  serpent  entortiller 
(tuteur  de  l'arbre. 

SATHAN 

Femme,  qu'est  ce  la  que  tu  dis  ? 
Pourquoy  n'osez  vous  bien  lueuger 
695  de  tous  frais  de  ce  beau  verger  ? 
Dieu  vous  a  il  riens  except»'  ? 

EVE 

II  nous  a  licence  preste 
d'user  et  meugcr  a  tous  dis 
de  tous  les  frais  de  paradis  ; 
700  mes  uiig  en  y  a  au  millieu 
qid  nous  est  d(!ffendu  de  Dieu, 
que  nous  n'en  mengous  n'y  touchons  ; 
et  pour  tant  point  n'y  approchons, 
car  espoir  mort  s'en  ensuyvi-oit. 

SATHAN 

705  Pourquoy  ? 

EVE 

Car  ce  frait  nous  seroit 
cause  de  savoir  bien  et  mal. 

SATHAN 

\'ous  avez  engin  bestial  : 
inengcz  en  tant  que  vous  pouiTez  ; 
jamès  pour  cela  ne  mourrez. 
710  Mes  uug  aultre  point  te  demande  : 
secs  tu  pourquoy  Dieu  vous  commande 
qu'a  ce  fruit  n'atouchez  en  rien  ? 

EVE 

Pourquoy  ? 

SATHAN 

Pour  cause  qu'il  scet  bien 
que  d(!  l'eure  qu'en  mangerez, 
715  tantost  comme  deux  ilieux  serez. 


G48  quel  foroe  A.    —  665  sont    fais  .\.  —  6C8  te  A.  —  673  doncqui'S  B. 
la  A.  qucst-cc  que  tu  me  B.  —  700  ou  millieu   B. 


675  11  v.iult.  Dy  îillor  B.  —  693  que»»» 


12 


MISTER  Iv   DE   LA    PASSION 
sachant  bien  et  mal  clerement  ; 


1 


720 


:> 


730 


7'10 


T50 


mengcz,  mangez  en  hardiment  : 
si  seront  vos  raisons  ouvertes. 

EVE 

N'est  ce  autre  chose? 

SATHAN 

Nonnil  certes  : 
vous  estes  follement  deceu. 

EVB 

Se  ja  pieça  je  l'eusse  seeu, 
j'en  eusse  essayé  a  mon  vueil, 
car  le  fruit  est  plaisant  a  l'ueil, 
et  cuide  qu'il  soit  bon  aussy  ; 
quoi  qu'il  soit,  j'aray  ceste  cy.    \ 
Icy  m  qunilU  et  mengue.   \ 
Vecy  pomme  moult  précieuse 
et  a  menger  tant  savoureuse 
qu'ung  morceau  en  doit  valoir  cent.! 
Tenez,  Adam,  essayez  ont  : 
meilleur  fruit  ne  pourrez  menger. 

ADAM 

Ha  !  seur,  il  y  a  grant  danger  : 
vous  en  pourrez  estro  l'eprise. 

EVE 

Ha  !  beau  sii'c,  a  mon  entreprise 
essayez  ent,  mon  cliei'  mary, 
ja  n'en  ayez  le  cueur  mari  y  ; 
le  serpent  m'a  dit  pour  le  mieulx 
que  nous  serons  comme  deux  dieux 
sachans  bien  et  mal,  c'est  grant  chose. 

ADAM 

Mal  en  vendra,  je  le  suppose  ; 
mes  pour  ce  qu'a  vous  amour  ay, 
a  vostre  veil  j'en  mengeray, 
seulement  pour  savoir  que  c'est.   , 

EVE 

Une  chose  trop  me  dosi)lcst  : 

j'ay  honte  qu'ainsi  nudz  nous  voye. 

ADAM 

Oneques  mes  pensé  n'y  avoye  : 
si  n'est  pas  bel,  a  vrai  jugier  ; 
prenons  des  fucilles  de  figuier, 
deux  et  deux  les  cousons  ensemble, 
très  bien  serviront,  ce  me  semble, 
a  nostre  humanité  couvrir. 
Icy  assemblent  des  fueilles  de  figiil  j  et 
en  colorent  leurs  natures. 


DIEU    LE    PERE 

Péché  a  fait  les  yeulx  ouvrir 
a  l'ommc,  et  bien  et  mal  savoir  : 
départir  me  veil  pour  le  voir, 
pour  lui  arguer  sa  folye. 

Icy  vient  par  decers  Adam. 

ADAM 

753  Las!  j'ay  la  voix  de  Dieu  ouyo 
qui  nous  espouvante  tretou». 

EVE 

Ha!  mon  cliier  aiiiy,  mussons  nous, 
de  grant  crainte  ne  sçay  que  dire. 
Cy  se  mussent. 

mEV    LE    PERE 

Adam,  ou  es  tu? 

ADAM 

Helas!  sire, 
700  j'ai  ouy  ta  voix  et  tes  dis 
resoner  ou  ce  paradis, 
dont  de  peur  ne  sçay  que  je  face  ; 
si  me  suis  musse  de  ta  face, 
de  honte  qu'ainsi  me  voy  nu. 

DIEU    LE    PERE 

765  Et  par  quoi  as  tu  recongnu 
que  nu  scies  en  ce  jiourpris, 
si  non  pour  ce  que  tu  as  pris 
du  fruit  contre  ma  volenté  ? 

ADAM 

La  femme  que  tu  m'as  preste 
770  pour  compaignie  lateialle 
ne  m'a  pas  esté  bien  Icalle, 
car  par  elle  j'en  ay  gout(!. 

DIEU    LE    PERE 

Et  toi,  femme,  d'aultre  costé, 
dont  as  tu  la  hardiesse  eue  ? 

EVE 

773  Sii'c,  le  serpent  m'a  deceue  ; 
c'est  i)ar  son  conseil  dccevable. 

DIEU   LE    PERE 

Mauvais  serpent  et  miseralde, 

par  ta  perverse  abusion 

recevras  malédiction  : 
7Si)  de  toutes  bestcs  aras  pis  ;  \ 

tu  te  trayneras  sur  ton  pis  '\ 

tous  les  jours  en  mengant  la  terre;   ! 

Si  mettray  continuel  guerre  ! 

qui  entre  femme  et  toy  se  tienne     1 
783  entre  sa  semence  et  la  tienne,        Il 

qui  jamès  ne  terminera.  n 

La  teste  te  soubzmarehei  a  • 


719  nesse  A.  —  724  qui  A.    —  741    a  vostre    emprinse  B.  —  753  de  porter  B. 
B.  —  776  mizerable  B.    —  777  deceuable  B.  —  779  receueras   A.  —  7S0  pie2  B. 


756  inespoanle    et  enterrit  tous. 


V  R  0  1.  0  G  L"  K 


13 


pt  t'cspyra  do  lVi<gnillion        I 
souvent  a  ta  confusion.  V 

790  Toy,  fcniiiic,  ne  seras  pas  quitte 
(le  ce  mal  :  en  peine  et  labite, 
a  griefz  dueilz  et  geniisscniens, 
tu  feras  tes  enfanteniens, 
et  seras  en  obeyssancc 

7Uj  (Icssoul)/.  l'omnic  et  soubz  sa  puissance, 
a  qui  résister  n'oseias. 
Adam,  pour  ce  qu'obey  as 
a  ta  femme  et  mongié  du  fruit, 
contre  ce  que  t'avoyo  iiistniit, 

soo  la  terre  en  ton  oeuvre  interdicto 
dev<'ndra  l)reliaigne  et  mauldite  : 
quanque  d'elle  recueilleras 
a  grand  labeur  et  peine  aras, 
et  ne  t'advienra  pour  tous  dons 

S05  sinon  espines  et  chardon» 
aucuneffdis  pour  ton  salaire. 
En  la  sueur  île  ton  viaire 
useras  ton  pain  chacun  jour, 
jusqu'à  temps  que  faces  retour 

810  en  la  terre  dont  tu  yssi  : 

car  |)Ouldre  es,  et  eu  pouldre  aussi    l 
te  fauldra  retourner  en  fin.  / 

f)  souverain  père  divin, 

haultainc  lumière  infaillible, 
815  quel  offencc  griofvc  et  torrilile 

ay  je  au  jour  d'uy  vers  toi  commis  ! 

en  quel  danger  nie  suis  je  mis  ! 

a  quel  meschief  suis  je  venu  ! 

Doulx  Dieu,  que  m'est  il  advenu 
820  d'estrc  allé  contre  ta  deffence  ! 

0  très  nolile  estât  d'innocence, 

trésor  hault  tt  (Ugne  sur  tous, 

or  es  tu  l)ien  pardu  pour  nous. 

l'ardu,  voire  1  helas!  comment  ? 
8ij  sans  fin,  irréparablement 

changé  en  dure  dolcance  ! 

0  griefve  desobeyssance, 

hydeux  serpent,  horrible  monstre, 

ta  faulcc  trayson  nous  monstre 
^îo  quel  grand  bien  nous  as  empescho  ; 

car  par  la  sente  de  péché 

et  les  desers  de  dur  reniort 

nous  niaines  au  terme  de  mort 

sortir  nostrc  honteux  demaine. 
SX,  ()  très  noble  nature,  humaine, 

pur  ruisselet  de  deité, 


miroir  do  pure  éternité, 
a  Tymoge  do  Dieu  molce, 
or  es  tu  par  moi  violée  ; 

8io  par  moy  ta  noblp»sc  eft  parduo. 
O  pur  effect  do  oflimo  ardue, 
fin  or  de  reppose  mynioro, 
ray  cler  d'éternelle  lumière, 
fontaine  y.s8ant  de  roche  vivo, 

S\:>  rosete  de  beaulté  nayve 

procédant  <lc  glorieux  ])lains, 
nature  humaine,  je  te  plains  ; 
au  plaindre  ay  la  bataille  prino 
qui  jaincs  ne  sera  desprise, 

850  tant  que  mort  fine  le  procès,     j 
EVE  F 

Je  suis  cause  de  cest  excès, 
cher  espoux,  je  le  congnoy  bien  : 
par  moy  est  pardu  UQstrc  bien, 
par  moy  sommes  mis  en  misère, 

855  mes  ou  nom  de  Dieu,  mon  cher  frerc, 
je  vous  supplie,  moi  indigne, 
que  fiagilité  femenyne 
vous  plaise  ung  peu  considérer. 

ADAM 

Ha  !  seur,  ne  cessons  de  pleurer 
860  par  tout  le  cours  de  nostrc  aage. 

SATHAN 

J'ay  bien  joué  mon  pai'sonuage: 
je  puis  bien  faire  retournée, 
car  jamès  si  haulte  journée 
ne  fera  deable  que  j'ay  faift. 

ADAM 

865  Seur,  j'ay  pensé  a  nostrc  fait  ; 
pour  vostre  grande  renommée 
veil  que  soiez  Eve  nommée 
comme  mère  de  toute  gent. 

EVB 

Sire,  le  nom  est  bel  ft  gent,  . 

870  fondé  sur  propriété  bonne.  | 

DIEU    LE    PERE 

Ces  deux  plices  icy  vous  donne  ; 

prenez  les  tost,  si  les  veste/. 

et  tantost  d'icy  vous  partez  : 

c'est  mon  veil,  plus  n'y  devez  cstro.   | 

ADAM 

875  Holas  !  l)cau  paradis  terrestre, 
beau  lieu  de  doulceur  refulcy, 
te  delaissci-ons  nous  ahisi 
par  nostre  coulpe  oi-dc  et  immonde  ? 


788  V'-rs  in':om,)IH   li.  que  U...  maint  s.iison.  /.  •  irrj  ((<■  A  piuvit  «iMsi  .i/lc'n'.  —  791  Ion  B.  —  Slï  tout    ung  B. 

—  815   horrible  ».  —  841  ii;noran.M  D.  —  832  grief  B.  —   833  miine  au  ler.ne  Je  la  m  jrl.  B.   —  Slî  reppoiee  A.   B. 

—  860  ilurant   A.  —  S70  iloulx  lieu  de  beaulté  B.—  878  très  immonde  A. 


14 


M  1  S  T  E  R  E 


EVE 


Adii'u  lo  plus  beau  lieu  du  monde, 

S80  adieu  aménité  seraine, 

adieu  terre  doulco  et  féconde 
pour  toute  plaisance  mondaine  : 
Helas  !  trop  a  esté  soubdaine 
nostro  demeure  en  si  beau  lieu  : 

885  or  allons  en  traveil  et  paine 

labourer,  puis  qu'il  plaist  a  Dieu. 


DIEU   LE   PERE 

Or  est  t'ait  Adam  par  offeneo 
comme  ung  de  nous,  ayant  science 
de  bien  faire  et  mal  retarder  ; 

890  si  nous  couvieut  bien  regarder 
que  sa  bouche  ne  soit  servye 
des  beaulx  fruis  de  l'arbre  de  vie, 
car  en  mengant  il  demourioit 
vivant,  ne  jaraès  ne  raourroit  ; 

895  Chei-ubin,  gardes  ceste  porte 
affin  qu'homme  ne  se  transporte 
jamos  pour  en  oser  cueUlir. 

CHERUBIN 

S'il  est  homs  qui  l'ose  assaillir, 
de  ceste  versatille  espee 
900   enflammée,  aura  dissipée 

la  teste,  et  tout  le  corps  aussy. 


ADAM 

Chère  seur,  laliourons  droit  cy 
pour  nostre  vie  soustenir  ; 
soit  de  houer  ou  de  fouir 
905   mig  chacun  se  mette  eu  dcvoii'. 

EVE 

Mon  cher  seigneur,  vous  dites  voir  : 

j'ay  trouvé  ung  engin  soubtil 

et  matière  a  faii-e  du  fil 

pour  couvrir  nos  deux  povres  corps. 


DE   LA   PASSION 

a  ceste  fois,  il  est  besoing. 
Petits  dcables,  baissez  le  groing, 
915  et  m'aourez  comme  ung  gobitre  ; 
j'ay  fait  lo  plus  cruel  besitre 
qu'onoques  fut  ne  janiés  sera. 

LUCIFER 

Oez  que  Sathan  preschera, 
progciiie  au  feu  condampiiee. 

SATHAN 

920  L'omme  est  happé  a  la  trainee  ; 
Lucifer,  il  est  pris  au  bric, 
il  est  pardu,  il  en  est  pic  : 
il  a  niengé  de  celle  pomme. 

LUCIFER 

As  tu  deceu  ce  meschant  homme  ? 
925  Sont  ilz  a  mourh-  destinés 
par  tes  abus  ? 

SATHAN 

Adevmez  ; 
tous  deux  sont  par  mon  faulx  conseil 
mauldis  en  peine  et  en  traveil  ; 
je  leur  ay  brassé  ce  brouet 
930  et  bany  du  lieu  quod  pro  et, 
ou  jamos  no  ferons  retour. 

LUCIFER 

Sus,  dcables,  chacun  a  son  tour 
aourez  Sathan  en  parsonne 
et  lui  affublez  la  couronne 
935   comme  au  roy  de  tous  nos  heraulx. 

ASTAROTH 

De  roses  ?  . 

LUCIFER 

Mes  de  gros  barreaux, 
ardans  comme  feu  de  tonnoh're. 

BELZEBUTH 

Les  vecy  cliquans  comme  ung  voirre, 
si  chault  ne  senty  de  cest  an. 

LUCIFER 

9i0  Or  affublez  maistrc  Sathan 
ce  dyademe  triumphal, 
car  nous  n'arons  jamés  vassal 
qui  face  plus  haulte  entreprise. 

Icy  doivent  fere  une  bien  grande 
I        ■  tempeste  en  leur  enfer. 


SATHAN,  en  fourme  dyaboiicqwe. 
910  Hau  !  roi  Lucifer,  sailliez  hors 
n  grosso  tombe  d'ennemis  : 
bniyez  comme  toureaux  fainis  ; 


L  ACTEUR 

Or  vous  avons  en  brief  comprise 
945   la  matière  haulte  et  féconde 


898  Cil  A.  —  903  substanter  B.  —  904  planter  B.  —915  me  \i.  arbitre  B.  —  930  quod  est  dnnné  ]""'  «'K"  abréviation 
latine  A.  B.— 932sur  A:— 936de  bons  gros  A.  —  937  ung  feu  B,  —  944  L'acteur]  Pholoque  II"  B. 


PROLOG UK 


15 


de  la  creacion  dit  monde  ; 
puis  comment  homme  fut  formé 
et  comment  de  Dieu  informé 
inodebience  commist, 

950  pour  quoi/  Dieu  tantont  le  desmist 
de  paradis  en  aultre  terre 
pour  sa  vie  en  grant  labour  querrc. 
Son  labour,  sa  dure  grecance, 
sa  très  amere  penitance 

9J5  que  depuis  Adam  long  iemjis  fit, 
passerons  oultre,  et  nous  souffit 
monslrer,  pour  depescher  matière, 
comment  Cayn  occist  son  frère 
par  envye  ;  et  le  traicterons 

oao  tout  le  plus  brief  que  nous  pourrons. 


ADAM 

l'^vc,  ma  l'hcrc  scur  benigue, 
la  haulte  majesté  divine 
debvoiis  louer  do  bon  courage, 
qu'il  luy  a  [ileu  a  nostr<(  ymago 

iKij  nous  donner  generacioii 
Jiour  faire  l'augmentucion 
dos  suppos  de  nature  Imniainc  ; 
deux  filz  avons  en  no  deniaine, 
tous  grans  :  l'un  Cayn,  l'autre  Aboi, 

970  et  chacun  gracieux  et  Ijel, 

qui  se  portent  bien.  Dieu  niercy. 

EVE 

Dieu  mou  créateur  on  incrcy 
de  bon  cu<'ur  et  de  vrayo  humblcsse, 
non  oljstant  qu'on  dure  <lestret<se 
975  j'en  aye  fait  l'enflanteniont  ; 
si  prons  je  plaisir  grandement 
a  les  voir,  et  me  reconffoi'te, 
car  chacun  d'eulx  très  liien  se  i)orto 
ot  entendent  bien  au  labour. 

ADAM 

9S0   11  le  tault,  chacun  a  son  tour, 
nul  de  nous  n'en  est  excepté  : 
[)cchc  le  nous  a  apporté 
dont  jamès  quittes  ne  serons. 

EVE 

Assés  briefment  posscsserons 
985  de  moutons  en  grant  habondance, 
car  Abel  preut  fort  sa  plaisance 
a  les  conduyre  et  gouverner. 

ADAM 

Cavn  se  veult  déterminer 


aultroment  :  il  a  aiwernblcc 

990  foison  d'avcincH-  et  do  bic» 
et  fait  <tiligenc(!  très  bomic 
do  labourer  et  prendre  cnisoiine 
a  tous  lieux,  a  co  que  je  vois. 
Mo»  euffan»,  entendez  ma  voix, 

995  chacun  en  soy,  jo  vous  supplio  ; 
vou»  voyez  que  Dieu  multiiilie 
vos  biens  de  terre,  aussi  vos  bestus  ; 
par  quoy  iugras  et  mauvais  estcit 
et  plains  de  mauvaise  avarice, 
1000  se  no  luy  rendez  sacrifice 

des  grans  biens  qu'il  vous  a  presto. 

ABEL 

Quant  a  moy,  jo  suis  appresté, 
mon  chci'  p(n'o,  en  temps  et  en  lieu 
de  rendre  sacrifice  a  Dieu 
iOOj  au  miculx  quo  je  le  pourray  faire. 

CAYN 

•le  n'argue  pas  du  contraire 
quo  chacun  ne  face  devoir  : 
j'ay  des  jarbes  iiour  grant  avoir, 
je  suis  content  qu'il  en  ait  une. 

ABEL 

ioio  Faisons  ordomianco  conmiuiic 
du  sacrifice  qui  sera, 
savoir  couunent  il  se  fera, 
et  après  n'arresterons  point. 

ADAM 

Kuffans,  vous  ferez  par  ce  point  : 
1015  pour  plus  vray  sacrifice  rendre, 
vostre  oblaciou  devez  prendre 
elle  que  meilleure  veri'ez  ; 
et  puis  le  feu  tout  prcst  arez, 
ot  quand  vous  l'wez  présentée 
lOîO  et  devant  Dieu  snaguif.'stee 
jim-  pui'o  et  dévote  oroison, 
le  feu  ardant  a  grand  foison 
l'oblacion  consumera  ; 
lors  la  fumoc  montera 
loiâ  a  Dieu  qui  l'accepte  humblement. 

ABEL 

Choi'  porc,  vostre  enseignement 
vient  d'ung  entendement  t:-es  bon  ; 
vecy  grand  planté  de  charbon, 
le  feu  tout  alumé  et  prest  ; 
i030  si  m'en  vois  faire  mou  apprcst 
d'ung  aigncau  jwur  sacrifier. 

CAÏN 

Il  me  fault  mes  jarbes  tiier 
et  une  des  mendies  eslire 


953  en  labu\ir  \i.  ■ 
-  1030  mca  U. 


964  qui  A.  —  975  les  aje  ou  mon  Bt  —  997  bien  A.  —  998  quoj  nuxnqne  A.— 1019  que  quand  B. 


16 


MISTERE    DE    LA    PASSION 


pour  présenter  a  nostre  sire  ; 
1035  car  peine  parduc  seroit 

qui  des  meilleures  clioisiroit, 
puis  qu'au  feu  ardre  les  convient  : 
a  co  faii'c  autant  a  point  vient 
la  meschante  comme  la  bonne. 

ABEL 

1040  Dieu,  mon  créateur,  je  te  donne 
et  présente  d'entente  pure 
cest  agneau  masle  sans  soullieure, 
comme  ton  povrc  serviteur, 
en  toy  priant,  vray  créateur, 

1045  que  ce  présent  en  son  degré 
te  plaise  recevoir  en  gré 
et  ne  vueilles  regarder  l'offre 
mes  le  voulloir  de  cil  qui  l'offre. 
Bien  sçay  que  ta  puissance  excède, 

roso  et  de  toy  tout  vient  et  procède 
par  le  don  de  creacion  ; 
regarde  mon  intencion 
et  me  donne  grâce  de  faire 
chose  qui  me  soit  salutaire, 

1(S5  si  vray  que  tout  mon  desirier 
est  a  toy,  juge  droicturier, 
de  cueur  et  ferme  volenté. 

CAYN 

0  souveraine  majesté. 
Dieu  régnant  ctci'uellenieut, 

1060  sans  fin  et  sans  commencement, 
vray  chief  et  pei-e  de  justice, 
reçoy  en  gré  mon  sacrifice, 
et  vueillo  qu'il  soit  acceptalile 
a  toy,  et  a  moy  pourfitable 

lOfô  durant  ceste  vie  présente  ; 

car  de  bon  cueur  le  te  présente, 
en  espérant  qu'il  me  pi'offitc 
et  qu'en  fin  il  tourne  a  mérite 
de  mon  ame  et  falvacion. 

ABEL 

1070  l'our  achever  l'oblacion 

que  j'ay  a  mon  vray  Dieu  promis, 
temps  est  que  mon  agneau  soit  mis 
par  dedans  la  flamme  et  biidé, 
car  il  est  dcsja  immolé 

1075  et  offert  a  Dieu  sans  faintise. 

CAYN 

Ma  gerbe  aussi  y  sera  mise 
en  espérant  que  Dieu  la  prende, 
et  qu'il  voye  que  je  lui  rende 
le  devoii'  ou  je  suis  tenu. 


Cai/m  brulle  sa  ijerbe. 

ABEr, 

1080   N  ray  Dieu  dont  tout  làen  est  venu 
et  ou  tout  bien  a  résidence, 
or  voy  je  par  expérience 
que  mon  offrande  est  acceptée, 
car  la  fumée  en  est  montée 

1085  droit  en  hault  sans  aillieurs  retraire. 

CAYN 

La  mienne  va  tout  au  contraire, 
car  elle  s'abesse  et  s'espart, 
]iar  quoy  je  congnois  pour  ma  part 
que  Dieu  me  het  et  n'en  tient  compte. 

1090   Haro  !  oncques  mais  si  graut  honte 
ne  m'advint  u'advendia  jamais. 
Or  sui  je  tenu  pour  mauvais, 
pour  reffusé  tt  villené, 
et  mon  frère  qui  est  mainsné 

1005  est  tenu  pour  juste  et  plus  digne. 

Quand  Dieu  l'exausse,  c'est  ung  signe 
qu'en  fin  sur  moy  donùnera 
et  que  Dieu  mo  délaissera 
pour  octroyer  son  bon  désir. 

liOO  Haro  !  quel  mortel  déplaisir  ! 

haro  !  quel  courroux,  quelle  rage  ! 
mon  ame,  comment  en  fora  je  ? 
je  meurs  se  je  n'en  suis  vengé.  l 

Icy  s'appert  Dieu  le  père  a  Cayn.' 

DIEU    LE    PERE 

Ton  viairc  est  forment  change, 
U03   Cayn,  et  selonc  ta  manière 

tu  vas  ti'iste  et  a  basse  chère  ; 

ton  ris  est  mué  en  tristesse  ; 

dont  te  parvient  ceste  simplcsso  ? 

Maintenant  ne  scez  tu  pas  bien, 
1110  se  tu  fais  bien,  tu  aras  bien, 

et  que  juste  suis  en  mes  fais 

pour  rettribuer  tes  liicnffais  i 

Se  mal  fais,  ton  péché  sauldra 

et  tost  a  lumière  vendra, 
1115   car  pour  l'offence  simple  et  briefve 

s'cnsuyra  pugnicion  griefve, 

tt  se  l'appétit  sensual 

te  dctraict  et  encline  a  mal 

dont  forse  tu  soyes  deceuz, 
U20  tu  as  raison  qui  est  dessus 

pour  dominer  ton  appétit 

et  le  reffrener  ung  petit, 

afiin  qu'il  n'ysse  hors  des  termes; 

et  se  par  raison  le  couffermes. 


1057  et  lOCO  cour  A.  —    1065  man'iw  B.  —  1006  Après  <:c  Ken  vlrnt  :  deuant  loi  loffre  et  le  présente  B.  —  1074 
,  desja  est  il.  B.  —  1085  tout  droit  a  hault  sans  soy  distraite  B.  —  1089  Dieu  manque  A.  —  1121  ton]  cest  B.  —  1123 
qui  A. 


prologup: 


17 


iiîj  tu  lie  pcus  ciTor  nullement. 
Icy  se  départ  Dieu. 

CAYN 

.lo  n'ay  raison  n'entcndenieiil 
qui  de  ce  me  porte  defl'encc, 
soit  pour  mérite  ou  pour  ott'ence, 
que  je  n'eu  face  a  mon  voulloir  ; 
H30  mon  cueur  no  se  peust  plus  douloir 
qu'il  fait,  d'cstre  en  ccate  misère. 

ABEL 

Gomment  vous  va,  Cayn,  mon  frero? 
vous  me  semblez  tout  assimply. 

CAYN 

Aboi,  frère,  je  vous  supply, 
1133  allons  m'en  aux  champs  vous  et  moy, 
pour  passer  ung  peu  mon  esmoy  ; 
je  ne  suis  pas  bien  a  mon  aise. 

ABEL 

Frère,  s'il  est  riens  qui  vous  plaise 
ou  je  vous  puisse  secourir, 
1140  commandez  moy  vostre  plaisir, 
il  sera  fait  sans  longue  pose. 

CAYN 

Il  ne  me  plaist  oro  aultre  chose 
sinon  que  nous  allons  aux  champs. 

ABEL 

Allons  donc. 

Icy    s'en   vont   ensemble   aux 
champs. 


CAYN 

^  Hé  !  villain  mcschans, 

ll'i5  n'estes  vous  pas  le  malheuro 
que  Dieu  a  huy  plus  honoré 
qu'il  n'a  moy  ?  Vous  le  compaiTez, 
janiès  de  pain  ne  mangerez, 
puisque  je  vous  tiens  ore  cy. 

ABEL 

lljO  Hclas!  frère,  pour  Dieu,  mcrcy  ! 
Ne  me  veuillez  pas  huy  occire. 

CAYN 

Vous  n'cschapperez  pas  ainsi. 

'      ABEL 

Helas!  frero,  pour  Dieu,  mercy  ! 

CAYN 

Mort  vous  rcndray  taiiit  et  nercy  : 
11J5  sovez  a  la  dame  ou  au  sire. 


Holas!  frorc,  pour  Dieu,  mnrcy  ! 
No  me  veuillez  pas  huy  occire. 

/ci/  le  frappe. 
Ha  !  roy  du  souverain  empire, 
a  co  grand  besoing  to  reclame  : 
1100  ayos  huy  pitié  de  mon  amo  ; 

en  ta  garde  la  recommande.  | 

CAYN  ' 

Il  est  mort,  a  Dieu  le  commande; 
je  m'en  vois  a  tant  et  lo  Icsse. 
Mon  père  en  ara  grant  tristesse, 
1105  mes  de  son  courroux  ne  me  chault; 
d'aultre  part  aussi,  si  le  fault, 
je  m'cxcuseray  bien  et  bel.  I 

DIEU   LE   PERE 

Cayn,  ou  est  ton  frère  Aboi  ? 
Présentement  le  vuoil  savoir. 

CAYN 

1170  Je  ne  sçay,  sii'e,  a  dire  voir  ; 
l'ay  je  prins  en  garde  et  son  fait  ? 

DIEU    LE    PERE 

Ha  !  meschant  honmie,  qu'as  tu  fait  ? 

Le  sang  de  ton  frero  a  oultrance 

crye  a  moi  pour  avoir  vengonce 
1175  de  la  terre  ou  espandu  l'as  ; 

si  seras  mauldit,  triste  et  las, 

vacant  sur  terre  et  fugitif. 

Par  ton  faulx  cueur  vindicatif, 

tu  as  fait  ceste  occision  : 
1180  a  peine  et  a  confusion 

sur  la  terre  lalioureras 

et  ja  fruit  n'en  recueilleras 

fors  ordure  et  stérilité. 

CAYN 

Je  congnois  mon  iniquité 
1183  plus  grand  esti  c,  quant  la  rccordo, 

que  ne  soit  ta  miséricorde  ; 

je  voy  mon  énorme  poché 

et  sçay  bien  que  tant  ay  péché 

contre  ta  majesté  divine 
1190  que  je  suis  de  mcrcy  indigne. 

Or  suis  je  mauldit,  asservy  ; 

encores  plus  seray  jingny, 

car  jamès  pour  riens  que  je  face, 

ne  me  verray  devant  ta  face  ; 
1195  inesmes  tous  ceiilx  qui  me  verront 

tantost  occire  me  querront, 

et  bien  y  a  raison  aussi. 


1129  je  man'iue  lî.  —  1132  ooininont  vous  est  il,  mon  ohier  frere  11.  —  1133  ine  mnniw  k.  —  113*  te  B.  —  1141 
sans   autre  chose   B.  —  1106  |sii  le  l'ault  B.  —  1171  en  son  fait  B.  —   1179  qui  .-is  D.  —  1190  dieu  inerey  B. 


18 


Ml  STERE    DE    LA    PASSION 


DIEU   LE   PERE 

n  ne  se  fora  pas  ainsy  : 
(juiconcques  Cayn  occira 
1200  a  sept  doubles  pugny  sera, 

pour  l'orreui'  de  son  fol  oultrage. 

CAYN 

Helas  !  et  quel  signe  en  ara  je 
pour  quoy  congnoistre  le  pourront  ? 

DIEU   LE    PERE 

Gestuy  signe  aras  en  ton  front 
1205  pour  la  sëurcté  plus  aecroistre. 

CAYN 

Le  pourra  bien  chacun  cognoistre  ? 
j'en  ay  grant  double  a  desmesure  ; 
partir  me  veil  a  l'aventure 
et  erier  par  divers  pourpris. 
1210  Jamais  tant  que  mort  m'ara  piis, 
je  n'aray  reppos  no  séjour, 
ne  bien,  ne  plaisance  ung  seul  jour, 
poui-  le  péché  de  mon  affaire. 
Cy  se  départ  et  s^en  va. 


ASTAROTH 

Roy  Lucifer,  qu'est  il  a  faire 
1215  de  l'ame  Abel  a  nous  rendue  ? 
elle  nagaire  est  descendue  : 
ordonnez  qu'on  en  fora  doncques. 

BELZEBUTH 

C'est  la  première  qui  vint  oncques  : 
si  luy  fault  faire  grosse  feste. 

LUCIFER 

1220  Belzebuth,  deablo,  arreste,  arrcste  : 
il  ne  s'en  fault  ja  si  hault  bruyre, 
tu  n'as  puissance  de  luy  nuyre 
se  le  grand  deablo  ne  t'emporte. 
Elle  est  juste,  porte  la,  porte 

1225  lassus  au  limbe,  et  la  la  mectz. 

BELZEBUTH 

D'icy  ne  partirez  jamès, 
meschant  ame,  je  le  suppose  : 
la  poi'te  du  ciel  vous  est  close 
et  a  tout  le  lignage  humain. 


ADAM 

1230  Eve,  seur,  je  suis  iucprlaiu 

que  nos  deux  filz  sont  devenus  ; 


ilz  deussent  estre  revenus 
pieça  a  mon  intencion. 

EVE 

J'ay  au  cucur  grant  suspicion 
1235  qu'il  n'y  ait  danger  ou  moshaing  : 
Cayn  avoit  pris  en  dcdaing 
son  frère  puis  ung  peu  de  temps. 

ADAM 

C'est  ce  do  quoy  je  suis  doubtans 
et  dont  tout  lo  cucur  me  freraye  ; 
1240  allons  m'en  voir,  ma  doulcc  amye, 
en  quel  lieu  ilz  sont  maintenant. 


!  Icy  s'en  vont  aux  champs  et 

treutent  Abel  mort. 

EVE 

Helas  !  Abel,  mon  cher  enffant, 
or  gis  tu  mort  en  my  la  voye  ; 
jamès  de  chose  que  je  voye 
1245  n'aray  plaisir  ne  reconffort. 

ADAM 

Est  ce  Abel  qui  icy  gist  mort  l 
Doulx  Dieu,  or  suis  je  desconftis. 

EVE 

Certes  c'est  Abel,  nostre  filz. 
Helas  !  que  m'est  il  advenu  ! 
1250  Or  nous  est  le  raeschief  venu 
que  tant  ay  doublé  en  ma  vie  : 
Cayn  l'a  tué  par  envye 
sans  quelque  meffait  ou  mesdit. 

ADAM 

Ha!  Cayn,  tu  soies  mauldit 
1255  de  Dieu  !  or  si  es  tu,  ce  croy. 
As  tu  eu  hardiment  en  toy 
d'ainsi  meurdrir  ton  povre  frère  ? 
Parvers  sang,  parverse  matière, 
cueur  traictrc  et  très  inhumain, 
1260  as  tu  osé  mettre  la  main 

par  quoy  cy  gist  mort  et  deffais 
qui  valloit  mieulx  que  tu  ne  fais  ? 
Helas  !  Abel,  mon  très  cher  gendre, 
avec  toy  biief  vouldrai  descendre 
1265  en  enfer,  et  la  jamais  faindre 
de  toy  fort  lamenter  et  plaindre 
sans  consolacion  aucune. 

EVE 

0  envye  et  faulco  rancune, 


119S  ce  A.  —  1216  elle  est  maintenant  B.  —  1217  ordonnons  B.  —  1218  qui  vis  A.  —  1220  Vers  in-omptcl  B  :  Belze- 
buth, reste,  reste.  —  1224  trop  juste  B.  —  1226  partiras  A.  —  1235  qui  A.  meliaing  B.  .  —  1243  cy  mort  en  B.  — 
1246  Esse  A.  B.  gist  icy  A.  —  1251  a  ma  vie  B.  —  1255  se  A.  je  B.  —  1259  très  ]  cueur  Ai  —  1202  qui  mieux  valoit  B. 


PROLOGUE 


horrible  sei-pent  monstrueux, 
iî70  par  toy  fousnies  Imiii»  tous  doux 
(lu  beau  paradis  do  doliccs  ; 
cnvyo,  pir(!  do  tous  vio(>s, 
par  toy  fault  nostrc  pain  quérir, 
par  toy  sommes  sera  a  mourir 
1275  et,  qui  pis  est  au  résidu, 

l)ar  toy  ost  uostro  enflant  j)ardu. 
Ta  guorro  cy  nous  est  trop  dure  ; 
0  grief  dostrcsse  a  desmesure, 
quel  cueur  humain  te  portera  ? 

ADAM 

iiSO  Ma  seur,  Dieu  nous  confoi-tera,     . 
si  lui  plaist,  par  sa  doulco  grâce. 
Ne  reste  mes  qu'a  choisir  place 
et  l'enterrer  on  quelque  lieu. 

EVE 

Puisque  c'est  le  vouloir  do  Dieu, 
)i8j  aultro  remède  je  n'y  vois. 

Ici/  l'enterrent  et  puis  s'en  vont 
en  leur  hostel. 


CATN 

Or  no  sçay  je  en  quel  lieu  je  vois  : 
je  ne  voy  chose  qui  me  plaise  ; 
je  meurs  do  fain  et  de  iiiosaise. 
Je  suis  tout  deschaiilx  et  tout  nu, 

iiSO  ne  jamos  ne  suis  liion  venu 

pour  quelque  peine  que  j'embrasse 
chacun  me  fuit,  chacun  me  chasse 
pour  ma  ville  coulpe  et  maligne  ; 
se  Dieu  ne  m'eust  baillié  ce  signe, 

J»j  je  fousso  picva  délivré  : 

les  serpents  m'eussent  dévoré 
plus  de  mille  fois  d'ung  accort  ; 
a  haulte  voix  huche  la  mort, 
et  si  n'en  puis  venir  a  bout  : 

130()  je  randiray  tant  tout  par  tout, 
que  j'aray  ung  peu  de  repos. 

Icy  s'en  va  a  l'adoenture. 


10 


l'acteur 
Seigneurs^  selonc  nostre  propos^ 
nous  vous  avons  montré  le  fait. 


comment  Cayn  par  son  meffait 

1306  occist  son  frère  injustement, 
et  puis  le  grief  gémissement 
qu'Adam  et  Eve  pour  lui  firent; 
car  Abel  par  long  temps  plaindirent 
sans  prendre  consolacion. 

1310  Et  font  les  escrips  mencion 
que  depuis  la  mort  de  Venffant 
cent  ans  furent  en  gémissant 
tousjours  en  penance  cruelle 
sans  copulacion  charnelle. 

1315  Après  ce  temps  s' entrecongn curent, 
dont  ung  enffant  masle  receurent 
nommé  Seth  par  son  propre  nom, 
très  preudomme  et  de  bon  renom, 
et  très  bien  ressambloit  Abel. 

1320   Icelly  Heth  tindrent  a  bel, 
car  en  leur  deuil  les  depporta 
et  grandement  les  confiforia. 
A  celuy  Seth  cnmmancerons  ; 
le  trespas  d'Adam  traicterons 

1325  sans  nostre  matière  deffaire 

le  plus  brief  qui  se  pourra  faire. 


ADAM 

0  doulx  Dieu,  quand  je  considère 
les  gricfz  travaulx  et  la  misère, 
les  dcsplaisirs  et  les  ennuys 
i^m  que  j'ay  eu  de  jour»  et  de  nuys, 
puis  ceste  eure  que  j'offensay 
mon  doulx  createui',  je  ne  sçay 
comment  je  dure  .si  long  temps. 
Il  y  a  ja  neuf  cens  trente  ans 
1335  et  plus,  que  je  connnis  l'offence 

et  vice  d'inobedience, 

qui  de  la  mort  nous  maine  au  terme, 

dont  puis  ay  plouré  mainte  lerme. 

Plaise  au  hault  juge  pardurable 
1340  quo  la  penance  soit  vallable 

et  que  ma  coulpe  se  consomme. 

Consomme  ?  que  dis  je,  povre  homme  i 

que  je  suis  fresle  créature  ! 

Je  voy  toute  humaine  nature 
1345  ja  infecte  par  mon  seul  vice. 

Las  !  qui  contentera  Justice  ? 

En  ce  qui  passe  ma  puissance, 

je  me  metz  en  ton  ordomiance, 


B,  -  1321  IP,'  "    dueu^*  R  «9.  H~»  ';,*?^'"'J  Prologue  B.  -  1317  Selh  norame  B.  -  1319  «.«mbUnt 


20 

bon  Dieu  qui  tout  sces  et  tout  vois  ; 
1^0  car  se  par  grâce  ne  pourvois, 

aultre  remédier  n'y  peust. 

EVE 

Las  !  mon  cher  niary,  qui  vous  mcust 
de  tousjours  plaindre  et  doulouzer  ? 
temps  est  que  doyez  repposer  ; 
13to  assés  avez  pris  de  douleurs 
et  de  tristesses  en  vos  jours  : 
faictes  ung  peu  de  bonne  chère. 

ADAM 

Helas  !  Eve,  compaigne  chère, 
jamès  bonne  chère  ne  fis 

13G0  puis  la  mort  Abel  nostre  fil/-, 
ne  ne  feray,  ce  croy,  jamès  : 
meurdry  lut  en  piteux  remetz 
et  livré  a  mort  très  austère, 
et  mesmes  de  son  propre  frère, 

1365  qui  est  un  cas  lait  et  hydeux. 

Ainsi  pour  ung  en  pardons  deux  : 
le  povre  innocent  est  occis, 
l'aultre  est  fuitif  par  le  pays 
dont  jamès  nouvelles  n'orrons. 

EVE 

1370  Sire,  se  Dieu  plaist,  si  ferons, 
au  moins  y  ay  je  l'espérance, 
et  desja  nous  fait  demonstrance 
que  nostre  dueil  est  recouvré  : 
Dieu  nous  a  ung  beau  filz  donné, 

1375  nommé  S(  th,  comme  vous  savez  ; 
pourquoy  de  dueil  grant  masse  avez 
si  n'y  prenez  aultre  confToit. 

ADAM 

Seth  est  beau  filz,  membru  et  fort, 
bien  moriginé  et  bien  duit, 
1380  et  bricfment,  c'est  tout  mon  déduit 
et  mon  plaisir  quant  le  regarde. 
Je  pi'ie  Dieu  qu'il  le  nous  garde 
si  vray  que  j'en  ay  bon  mestier. 
Seth,  vien  ça,  mon  filz. 

SETH 

Volentier, 
1383  mon  père  ;  je  suis  appresté 
a  faire  vostre  volenté 
de  tout  mon  povoir,  se  m'aist  Dieux. 

ADAM 

!Mon  cnfi'ant,  je  deviens  fort  vieux, 
et  ay  en  la  vie  mondaine 
1390  vescu  en  traveil  et  en  paine. 

Neantmoins  quoique  j'ayc  souffert. 


MISTRRE   DE    LA    PASSION 


Dieu  m'a  tousjours  sa  grâce  ofieit 
et  aydié  a  tous  mes  besoings. 
Si  veil  que  tu  notes  ces  poins  : 

13^  ayme  Dieu  de  toute  ta  force 
et  a  son  service  t' efforce 
en  obédience  et  cremcur  ; 
aye  tes  parens  en  honneur 
tousjours  et  en  grant  reverance  ; 

liOO  et  Dieu  par  sa  doulce  clémence 
jamès  ne  te  délaissera, 
ainçois  en  ton  conffort  sera 
jusques  en  la  fin  de  ton  aagc. 

SETH 

Mon  très  cher  père,  si  fera  je  ; 
1405  vostre  bonne  admonicion 
de  toute  mou  affection 
veil  faire,  et  tenir  vo  doctrine. 

EVE 

C'est  pour  ton  bien  qu'il  t'endoctrine, 
mon  enffant,  tu  le  peux  congnoistre  ; 
1410  Dieu  te  doint  eu  vertus  accroistre, 
si  vrayment  que  je  le  désire. 


CAYN 

Je  me  deromps,  je  me  dessire 

et  souffre  tous  les  maulx  du  monde  : 

je  prie  a  Dieu  qu'il  me  confonde 

1415  briefment  et  ma  vie  termine, 
affin  que  ma  misère  fine 
ou  mon  vice  m'a  obligé. 
Que  n'as  tu  mon  cours  abrégé. 
Dieu,  et  pourquoy  me  signas  tu 

1420  pour  avoir  tant  de  raaulx  sentu 
que  j'ay  jusqu'à  l'eure  présente  ? 
J'ay  ja  des  cuffans  vingt  ou  trente, 
mal  endoctrinés,  mal  conduis  ; 
je  les  ay  si  mal  introduis 

1425  qu'ilz  font  de  très  mauvais  ouvrage  : 
je  double  bien  on  mon  courage 
que  la  grand  faulte  que  je  fis, 
quand  Abel  mon  frère  deffis 
et  le  meurdris  villainement, 

1430  ne  descende  présentement 
sur  moy  et  toute  ma  famille. 
J'ay  voulu  des  fois  plus  do  mille 
moy  occh'o  par  desespoir  ; 
et  bien  brief  le  feray,  espoir, 

1435   se  Dieu  ne  m'abrège  mon  cours. 


1350  se  manque  A.  —  1352  Ha    B.  —  1356  tristesse  A.  H.  —  1383  si  bien  A.  —  1384  sa  A. 
^—    1408  qui  A.  —  1411  si  voirement  que  le  désire  B.    —    1418    cueur  A,  B.  cf.  1435. 


1407    veil  croire  B, 


PROLOGUE 


a 


ADAM 

Rvo,  seur,  j'ai  ja  plusieurs  joui-s 
vescu  on  ce  siècle  présent, 
ou  mon  ])cchô  m'a  fait  présent 
(le  tant  ilo  peine  et  tant  irenconihro 
1*40  que  Dieu  seul  en  oongnoist  le  nombre  ; 
m(>s  puisqu'il  plaist  a  sa  clémence, 
j'ay  tout  porte  on  patience, 
le  plu»  doulccment  que  j'ay  peu. 
Nous  avons  plusieurs  enflans  eu, 
|1U5  filz  et  filles,  grant  multitude  ; 

mette/,  tousjours  bien  vostre  estude 
a  les  duyre  et  les  asservir 
principaulment  a  Dieu  servir 
honorablement  sans  reproche. 
\H50  Je  sçay  bien  que  ma  fin  approche, 
et  ne  puis  mes  longuement  vivre  ; 
je  prie  a  Dieu  qu'il  me  délivre 
des  misères  de  cestuy  monde, 
car  tant  de  misère  y  habonde, 
1455  que  le  plus  vivre  me  desplaist. 

EVE 

Cher  époux,  je  vois  bien  que  c'est  ; 
vous  vivez  tout  desplaisamment, 
et  fault  dire  qu'aucunement 
vous  ayez  chose  qui  vous  griefve. 

AD\M 

Ghere  seur,  pour  sentence  briefve, 
je  ne  puis  mes  maulx  oblier  ; 
je  me  sens  moult  affoiblier 
pour  vieillesse  qui  fort  m'assault. 
Je  sens  bien  que  mourir  me  fault 
«65  briefmcnt,  et  payer  le  truage 
a  quoy  mon  vice  et  mon  oultrage 
m'a  piteusement  obligé. 

EVE 

Vous  serez  tantost  allégé, 
cher  espoux,  ayez  espérance  : 
U70  Dieu  par  sa  liaultaine  puissance, 
si  lui  plaist,  vous  conffortera. 

ADAM 

Eve,  ma  fin  aiiprochera, 
bien  le  voy  et  le  considère. 

hETH 

Conmient  vous  va,  mon  très  cher  père  ? 
1475  Vous  me  samblcz  en  petit  point. 

ADAM 

Seth,  mon  enffant,  il  ne  va  point  : 


1480 


UK> 


U90 


1495 


1500 


1505 


1510 


1515 


1520 


vieiliesRo  m'a  foit  affoibly  ; 

j'ay  le  |)ovre  euour  defailly, 

et  n'a  vertu  qui  no  me  fuye. 

Je  suis  a  la  fin  do  ma  vie, 

nature  n'y  peut  secourir  ; 

mes  pui^qu'oinsi  me  fault  moui'ir 

et  passer  ce  dolant  esgard, 

j'ay  aussi  cher  tost  comme  tard  ; 

mieulx  me  vault  mouiir  vistemeut 

que  languir  ainsi  longuement. 

Je  Bçay  bien  au  point  que  je  suis 

James  liesse  avoir  ne  puis  : 

je  n'y  voy  point  d'aultro  remède, 

sinon  je  prie  a  Dieu  qu'il  m'aide 

et  me  pardonue  le  méfiait 

dont  je  congnois  que  j'ay  nieffait 

contre  sa  baulto  majesté. 

SBTll 

Las  !  père,  n'ayez  volonté 
de  nous  délaisser  si  soudain  ; 
en  ce  povre  règne  mondain 
avons  tant  de  durs  adversaires 
que  sans  vous  a  tous  nos  affaires 
n'avons  qui  nous  puist  confforter. 

ADAM 

Cher  filz,  vueillo  toy  dej^rter 

de  moy  plaindre  en  ccste  manière  ; 

prie  l'ineflable  lumière 

qu'elle  vucille  drecier  ma  voye 

et  que  la  fin  de  mes  jours  voye 

en  grâce  et  bonne  confidence. 

Noble  ot  digne  estât  d'iimocence, 

vraye  originalle  justice, 

holas  !  bien  mauldit  fut  le  vice 

qui  de  toy  me  deposscssa, 

a  ceste  mort  cy  m'oppressa 

et  m'asservist  a  ce  dm'  more  ; 

par  celle  ponmie  en  quoy  j'ay  moi"s 

me  rendz  a  la  mort  tributaire. 

SETH 

Las  !  mon  père,  se  peust  il  faire 
que  mon  secours  vous  puist  valoir  ? 
Tout  mon  désir  et  mon  povoir 
est  a  vous  servir  adonné. 

ADAM 

Mon  fJz,  il  en  est  ordonné  ; 
mes  pour  tant  que  bon  désir  as, 
je  te  diray  que  tu  feras  : 
va  t'en  et  fais  tant  que  l'entrée 
do  paradis  te  soit  monstree 


1450  que  ma  vie  approche  B.  —  1459  auez  B.  —  146»  serez  mnnquf  A.  —  n/u  souuei 
cueur  tout  B.  —  1479  et  nay  vertu  B.  —  1483  ce  manque  A.  —  1490  pry  a  Dieu  qui  me 
B.  —  1505  et  vraje  B.  —    1518  que  A. 


1468  serez   tnnnque  A.  —  1470  souueraine  B.  —  1478  j»y  j»  !• 

A.  —  1508  pry  liofaillaUe 


22 


MISTERK   DR   LA   PASSION 


dont  jadis  fus  haiitateur  ; 

et  si  plaist  Dieu,  mon  créateur, 

15S5   estre  ta  guide  et  bonuo  garde, 
l'angle  trouveras  qui  la  garde 
atout  une  espee  en  son  poing. 
Requiers  ly  qu'a  mon  grant  besoing 
de  moy  envoyer  se  reoorde 

1530  de  l'uille  de  miséricorde 

qui  est  doulce  et  souef  ilairant. 
'    Ce  me  pourroit  porter  garant, 
et  me  samble,  se  j'en  avoye 
tant  soit  peu,  tout  guery  seroye 

1535  et  pourroye  santé  recevoir. 

SETH 

Père,  j'en  feray  mon  devoir. 
Je  pry  Dieu  que  mon  fait  se  porte 
si  bien  que  je  treuve  la  porto 
de  ceste  gracieuse  place. 

ADAM 

1540  Or  va,  mon  filz,  Dieu  par  sa  graee 
te  veille  conduyre  et  mener. 
Je  ne  sçay  s'a  ton  retourner 
me  trouveras  encor  en  vie. 
Dieu  par  sa  puissance  infinie, 

1545  te  doint  sa  bénédiction 
et  la  pai'ticipation 
de  sa  grâce  qui  est  moult  grande  ; 
tous  tes  frères  te  recomnianile  : 
soye  leur  vray  amy  et  frère, 

1550  leur  fragilité  considère 

et  les  entretiens  en  amour  ; 
confforte  les  en  leur  clamour, 
et  les  aide  en  leur  doleance. 
Mon  enfant,  j'ay  la  grant  fiance 

1555  qu'ainsi  le  feras  loyaument. 

SETH 

Père,  Dieu  me  doint  sentement 
de  l'accomplir'  de  tout  mon  cueur  ; 
a  Dieu  vous  command. 

Icy  se  départ   Seth  et  s'en  va 
droit  au  paradis  terrestre. 

ADAM 

Chère  seur, 
je  sens  que  mon  mal  point  n'allège, 

1560  mes  tant  plus  va  et  plus  engroge  ; 
je  suis  de  la  mort  au  postis. 
Mes  enffans,  soiez  ententis 
de  prier  a  Dieu  pour  mon  ame, 
si  que  de  l'éternelle  flamme 

1565  la  préserve  en  temps  et  en  lieu. 


EVE 

Mon  amy,  je  requiers  a  Dieu 
qu'il  lui  plaise  vous  secourir 
et  que  briefment  puissiez  garir 
(lu  mal  qui  vous  torniente  ainsy. 


SETH 

1570  J'ay  tant  allé,  la  Dieu  mercy, 
que  j'ay  trouvé  le  lieu  et  l'estre 
du  noble  paradis  terrestre. 
Mes  je  voy  via  le  portier 
qui  samble  tant  orrible  et  fier 

1575  qu'il  me  fait  grant  paour  a  le  voir  ; 
je  luy  voy  une  espee  avoii" 
moult  grande  et  rouge  comme  flannne. 
Je  le  double  tant,  par  mon  anie, 
que  je  demeure  tout  surpris. 

CHERUBIN 

1580  Seth,  que  quiere  tu  en  ce  pourpris? 
N'aye  doutance,  approche  toy. 

SETH 

Helas  !  sire,  pardonnez  moy. 

Si  convient  que  mon  cas  vous  die  : 

mon  père  est  en  grand  maladie 

1585  moult  piteusement  desvoyé  ; 
si  m'avoit  vers  vous  envoyé 
prier  qu'en  pitié  et  concorde 
de  l'uille  de  miséricorde 
luy  veuillez  ung  seul  peu  donner 

1530  qui  puist  ceste  douleur  saner 
dont  il  est  tant  fort  assailly. 

CHERUBIN 

Mon  filz,  retourne  devers  ly, 
et  fais  ton  compte  sur  ce  point 
que  de  cest  huille  n'ara  point 
1595  qu'il  n'y  aist  encore  de  temps 

près  de  cinq  rail  et  cinquante  ans, 
et  lors  le  sauveur  qui  sera 
misericoi'de  lui  fera 
pour  le  délivrer  de  servage. 

SETH 

1600  Helas!  et  quel  signe  eu  aia  je 
sur  quoy  ma  credence  s'assigne  ? 

CHERUBIN 

Tien,  mon  filz,  tu  aras  ce  signe  : 
porte  ces  trois  grains  en  ta  main  ; 
et  quand  Adam  sou  cours  humain 
1605  ara  oxploitié  par  la  mort 


1524  sil  B.  —  1534  ung  seul  peu  B.  —  1550    tout  en  ce  point  comme  jespere  A.  —  1551-1554  minquent  A  —  15Ki 
que  tu  lo  A.  —  1558  Eve  li.  —  1507  qui  A.  —1570  alay  B.  —  1574  terrible  B.  —  1595  lij*  ans  B.  —  1604  corps  humain  B. 


PROLOGUR 


23 


qtii  tinit  tup,  tresparco  et  mord, 
plaiitfi  lo3  (lossus  son  tonibi^au  : 
uiig  arlji'c  en  sauldra  haiilt  et  1)pîiu 
on  quel  la  très  doulx  fruit  i)eudra 
Ifiio  qui  ceste  vraye  liuilo  rendra 
de  quoy  avoir  tant  to  soucye. 

•         SETH 

Très  cher  sire,  je  vous  mercyo  ; 
atant  m'en  vois,  c'est  lo  meilleur. 
Cy  s'en  retourne. 


ADAM 

Las  !  que  je  seuffre  grand  douleur 
1015  par  tout  le  corps  et  tous  les  membres  ! 
Las  !  se  de  raoy  uo  to  remembres, 
mon  Dieu,  tout  mon  fait  deperist... 
En  ta  main  niectz  mon  espnrist, 
souverain  juf^o  ti-iumphant. 

Cl/  arrive  Seth  a  Vostel  de  son 
père. 
SETH 

1620  Mero,  conuncnt  va? 

EVE 

Mon  cnffant, 
il  nous  va  moult  piteusement  : 
ton  père  est  moit  nouvellement, 
dont  toute  ma  joyo  est  finee. 
Hclas  !  dolente  destinée, 

liiffl   moi't  terrible  de  dur  alloy, 

sur  nous  as  prins  trop  dure  loy, 
que  par  ton  dai  t  nous  examines, 
nez  coui-s  et  nos  jours  détermines 
par  trop  inhumaine  sentence. 

l«30  O  mauvaise  inobedience, 

par  toy  sommes  en  peine  mis 
par  toy  sommes  a  mort  submis 
et  ployés  en  ceste  misère. 

SETH 

Helas!  mon  cher  et  amé  père, 
1635  or  ne  sçay  ce  que  je  feray, 

quand  en  ce  point  pardu  vous  ay 
si  tost,  sans  jamais  recouvrer  ! 

EVE 

Mon  cnii'aut,  cesse  de  pleurer. 
Il  convient  qu'il  soit  mis  en  terre, 
1M0  et  vueillons  humblement  requerre 
que  Dieu  luy  soit  misericors. 


Icy  l'enterrent  eulx  deuas  sans 
mot  dire. 


LUCIKEI» 

Saillicz  hors,  drable»,  Failliez  hors, 
ordc  prngenie  enfumée. 
Il  est  venu  a  ma  famée 
1845  oonunc  .\daiii  est  mort  a  ceste  hetirc. 

SATH*N 

Si  Tarons  brief,  je  vous  asseuvc  : 
il  n'est  qui  nous  en  puist  garder. 

BBLZGRUTH 

Se  nous  le  laissoas  eschappcr, 
et  que  no  l'ayons  tout  sur  piez, 
1850  je  veil  que  vous  me  rôtissiez 

aussi  rouge  comme, ung  charbon. 


SETH 

Il  m'est  advis  qu'il  sera  bon 
que  les  grains  a  moy  iiresentcs 
sus  mon  perc  soyent  plant'.'s, 

1655  comme  l'angle  me  l'enseigna. 
Or  sont  ilz  plantés,  les  vccz  la  : 
Dieu  les  doint  croistrc  en  tel  haultesse 
et  rendre  fruit  a  td  largesse, 
que  lo  fniyt  luy  soit  poui-iitable, 

1660  misericors  et  charitable 
au  salut  de  Iv  et  de  nous  ! 


Cy  est  Eve  mcdade  couchée  sur 
son  lict. 

EVE 

Mes  membres  s'aflfoiblissent  tous 

et  sens  bien  que  ma  fin  s'advance. 

Je  n'ay  mais  force  ne  puissance, 
1665  dont  je  me  puisse  soustenir  ; 

a  la  mort  me  fault  pai'vcnir 

briefment  par  le  cours  de  nature. 

Prens  pitié  de  ta  créature, 

hault  roy  qui  tout  prens  en  ta  garde, 
1670  et  ta  grant  bonté  ne  regarde 

le  vice  que  je  perpetray 


1810  tros  doulce    A.  —  1611  auoit  tant  te  soucye  A.  se  B.  —  16(3  pour  le  B.  —  1618  commands    mon   esprit  B. 

—  1027-1088  manqut^nt  A.  —  1029  et  A.  —  1031  vioe  voralif  et  faulifz   B.  —  1637  retourner  B.  —  1643  progenie»  A. 

B.  —  1044  mest  B.  —  1645  cest  A.  —  1648  la  A.  —  1649  que  nous  ne  B.    —    1635  me  les  bailla  B.    —    1688  se  A. 
manque  B.    —  1670  ne  retarde  B.  —  1671  jay  perpètre  A. 


24 


MISTRRR   DE   LA   PASSION 


quand  de  celle  pomme  goustay, 

conti'e  ton  command,  Dieu,  won  pei'O. 

Ma  fragilité  considère, 
1675  car  j'ay  trop  meffait  en  cecy  ; 

juge,  je  te  requiers  mercy 

et  a  ton  voulloir  me  submès  ; 

ma  cause  un  ta  grâce  je  mes 

par  si  que  pitié  la  termine 
J680  en  tant  que  la  bonté  divine 

a  esté  par  moy  offencee. 
Eve  cy  meurt. 

SETH 

Nostre  mcrc  est  huy  trespassee  ; 
frère,  vous  le  povez  bien  voir. 

LAMETH 

Elle  est  oultre,  vous  dictes  voir  ; 
1685  Dieu  en  a  fait  sa  volenté, 
dont  j'ay  tel  dudl  en  venté 
que  je  ne  sçay  que  je  dois  faire. 

SETH 

Aller  ne  poons  au  contraire  : 
contre  mort  remède  n'y  vault. 

LAMETH 

1690  Prestement  enterrer  la  fault 
par  honorable  sépulture. 
C'est  le  cours  d'humaine  nature, 
par  ce  point  nous  acquiterons. 

SETH 

En  ce  cercus  la  raecterons 
1695  au  plus  près  d'Adam  nostre  père. 
Je  pry  Dieu  que  son  ame  appere 
en  gloire  qui  jamais  ne  fine. 

Icy  Venterrent près  d'Adam. 


SATHAN 

Fronssez  de  vostre  ordc  narine, 
Lucifer,  dragon  furieux, 
1700  gcttez  souppirs  sulphurieux, 
brandonnez  de  flamme  terrible, 
cornez  prise  a  voix  très  horrible  ; 
nous  avons  eu  cruelz  vacarmes. 

LUCIFER 

Gomment  va  nostre  herault  d'armes  ? 


1705  Es  tu  venu,  roy  de  la  fève? 

SATHAN 

J'ay  admené  Adam  et  Eve, 
qui  sont  ja  du  siècle  transsis  -, 
ilz  sont  la  en  ce  limbe  assis, 
si  très  piteus  qu'il  n'y  fault  rien. 

LUCIFER 

1710  Laissez  les  moy  la,  ilz  sont  bien  : 
îlz  y  ont,  je  croy,  beau  poser. 
Dcables,  ne  vueillcz  repposer, 
randissez  moy,  grans  et  petis, 
courez  moy  tous  nos  appatis, 

1715  tout  le  monde  est  a  moy  donné. 

SATHAN 

Grand  mei-cy  a  moy,  Domine  : 
j'en  ay  esté  l'embassateur. 


L  ACTEUR 

Or  avons  monstre,  beau  seigneur, 
le  trespas  de  nos  premiers  pères  ; 

1720  mes  pour  abréger  nos  materes, 
d'Abraham,  Ysaac  et  Jacob 
laisserons,  qui  nous  tendrait  trop 
a  ce  que  nous  avons  a  faire. 
Souffice  vostre  doulx  affaire 

1725  qu'après  celle  transgression, 
voyez  la  repparacion 
par  la  puissance  precellante  ; 
c'est  nostre  singulière  entente, 
la  se  tourne  tout  no  désir; 

1730  pour  le  traictier  plus  a  loisir, 

nous  ne  voulons  pas  tant  comprendre 
de  fais  que  chacun  en  soit  mendre. 

Au  limbe  nous  commancerons         ' 
et  puis  après  nous  traicterons 

1735  la  haultaine  incarnacion 
pour  ve7iir  a  la  passion 
de  nostre  sauveur  Jhesu  Crist  ; 
après,  sa  résurrection 
et  l'admirable  ascension, 

1740   et  mission  de  saint  Esprist. 


1672  ioelle  B.  gouste  A.  —  1679  lacriraine  B.  —  16S1  L'indication  scènique  qui  suit  est  empruntée  au  manuscrit 
A.  —  1694  adjousterons  B.  —  1695  de  A.  —  1698  fronchez  B.  —  1700  et  geltez  B.  —  1702  très  manque  A.—  1705  Tu 
me  sambles  A.  —  1709  qui  A.  —  1715  tout  nostre  B.  —  1718  Le  mot  :  L'acteur  qui  procède  est  remplacé  par  :  Lb  pro- 
logue B.— 1729-1732  manquent  A.  —  1733-1740  manquent  B. 


PREMIERE  JOURNEE 


DE  LA  PASSION  NOSTRE  SAULVEUR  JHESU  GRIST 


ADAM,  estant  ou  limbe. 
0  souvoraine  majesté, 
bon  Dieu  qui  eu  éternité 
régnez  sous  jamos  prendre  fin, 
ci-eateur  et  pore  tliviu 

1745  dessus  toute  chose  créée 
quand  vendra  l'eure  dosirce 
que  de  cest  enfer  ysterons? 
Ne  sçay  se  toujours  y  serons  : 
l'attente  largement  me  tarde. 

1750  Helas  !  liault  plasmateur,  regarde 
nostrc  misère  et  la  consomme  : 
je  suis  Adam,  le  premier  homme, 
le  ](remier  do  tous  les  humains, 
que  tu  voulz  former  par  tes  mains. 

1755  Hault  juge,  ne  regarde  \>m 

mon  pesché,  mon  cruel  trespas  ; 
justice  modère  et  accorde 
par  doulccur  et  miséricorde  ; 
aultroment  mon  fait  est  piteux. 

1760  0  hault  triumphaut  vertueux, 
vertu  de  mirable  efficasse, 
casse  la  chcsnc  qui  nous  lasse, 
lâche  nostre  poix  trop  grovain. 
Helas  !  mon  juge  très  haultain, 

17K  bien  me  souvient  de  l'oxistenee 
et  du  noble  estât  d'innocence 
ou  vostre  grâce  m'ordonna, 
quand  tous  les  fruis  m'haliandonna 
fors  ung,  dont  je  fis  fol  essay, 

1770  quant  vostre  connnand  transgressay  : 
iuobedience  le  fist. 


1775 


1780 


qiù  de  tout  mon  bien  rao  deffist. 

Serpent  venimeulx,  plain  d'envye, 

ta  vie  qui  tout  bien  desvye 

fut  cause  do  mal  encourir, 

qui  me  rendist  serf  a  mourir. 

Neantmoins  de  ma  povre  puissance 

je  fis  au  monde  penitance 

grande  et  longue  pour  moy  purger  ; 

si  fust  temps  que  de  ce  danger 

fusse  hors,  des  longtemps  y  suis, 

et  trouver  remède  n'y  puis, 

qui  me  prive  de  tout  soûlas. 

Quand  vendras  tu,  doulx  Messias, 
1785  voir  la  peine  qui  nous  babondc  ? 

Quand  vendras  tu,  sauveur  du  niondu 

qui  des  pi'ophetes  es  promis, 

visiter  tes  povres  amis 

qui  tant  ta  venue  désirent 
1790  et  en  toy  désirant  souspirent 

par  douloureuse  desplais^ance  ? 

Quand  tu  vendias,  j'ay  cspei ance 

que  du  tout  nous  resjouyras 

et  tous  noz  cueui-s  consoleras 
1795  de  gloire  haultaine  et  parfaicte. 

EVE 

Doulx  Messias,  quand  sera  faicte 
la  redempcion  ou  tendons, 
et  que  tant  tristes  attendons? 
Il  est  bien  temps  que  l'eure  viengne  : 
1800  très  doulx  Dieu,  de  nous  te  souvieugue  ; 
icy  languissons  en  grant  peine 
qu'a  la  vision  souveraine 


1741  t'y  rommancf  le  premier  livre  de  ta  pcusion  nosire  saulreur  Jhesu  Crisl  dont  le  prologue  est  tout  au 
premifr  île  es  lirre.  l'M  ;  Veni.  etc.  A.  C</  commance  te  miHrre  de  la  pnMion  nostre  Sauveur  Jhesu  Crisl  B.  — 
1742  Iriiiilé  B.  —  1756  et  cruel  C.  —  1764  certain  B.  C.  —  1766  de  A.  —  1767  et  1768  in«  A.  C.  —  1770  trespasuy 
C.  —  i77i  du  tout  A.  —  1774  qua  B.  qui  a  tout  bien  obuie  C.  —  1781  fus  ce  A.  —  1784  lu  manque  A.  —  17« 
Vendras  tu  B.  —  1799-1981  manquent  C.  Le  feuillet  est  déehirè.  —  ItiOÏ  que  a  A. 


20 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


ne  pooiis  venir  ne  attaindre  ; 

en  ténèbres  sommes  pour  plaindre, 

1805  livrés  a  desolacion, 

sans  bien,  sans  consolacion, 
se  n'est  espoir  qui  nous  confforte 
qu'encore  verrons  nous  la  porte 
casser  qui  nous  tient  en  ces  las. 

ISIO  Hclas  !  et  quand  sera  ce  ?  helas  ! 
Cinq  mille  ans  y  a  que  cy  sommes 
sans  lumière,  femmes  et  hommes, 
tenus  a  desolacion. 
0  bon  Dieu,  pren  compassion 

i815  de  nostre  griefve  perte  et  dure  : 
la  dilacion  trop  nous  dure  ; 
pourvoyes  y  quant  te  plaii'a. 

YSAIE 

Eve,  le  terme  approchera 
que  d'ici  serons  rachetés, 

1820  car  en  plusieurs  lieux  bien  notés 
ay  presdit  en  mon  escripture 
que  d'une  vierge  nette  et  pure, 
ferme,  de  bonne  intencion, 
doit  naistre  sans  corrupcion 

1825  la  fleur  très  digne  et  précieuse 
qui  de  la  chaitre  ténébreuse 
tous  et  toutes  nous  ostera. 
11  vendra,  plus  ne  restera, 
car  les  escriptures  haultaincs 

1830  de  luy  sont  comblées  et  plaines  : 
si  fault  qu'il  les  viengne  accomplir. 

EZECHIEL 

Nous  Tarons  a  nostre  désir, 

si  plaist  Dieu,  et  la  saison  vient  ; 

et  quand  a  ce,  bien  me  souvient 

1835  comme»t  Dieu  par  sa  courtoisie 
sur  l'esperit  de  prophecie 
vision  me  monstra  jadis, 
bien  notant  les  fais  dessus  dis  : 
vers  Orient  vis  une  porte 

1840  riche,  belle  et  de  noble  sorte, 

par  la  quelle  img  roy  voult  passer 
sans  l'ouvrir  et  sans  la  casser, 
qui  signifioit  par  vray  signe 
que  d'une  vierge  très  bénigne 

1845  uaistera  virginallement 

le  roy  qui  de  ce  dampnement 
puissamment  nous  vendra  fortraire 
et  en  la  liaulte  gloire  attvairo 
qui  jamès  ne  nous  finera. 


JHEREMYE 

1850  Quand  ce  noble  trésor  sera 

descendu  pour  nous  sur  la  terre, 
lors  sera  finee  la  guerre 
que  nous  fait  l'original  vice 
contre  la  ilivine  justice 

1855   qui  nous  tient  ainsi  désolés. 
Mes  escrips  chantent  a  tous  lés 
que  la  redempcion  humaine 
par  la  puissance  souveraine 
alors  sera  parconsommee. 

1860  David,  roy  de  grand  renommée, 
s'aucuns  vers  savez  autentiques, 
dictes  nous  en. 

DAVID 

Tous  mes  cantiques 

en  sont  combles  de  toutes  pars  ; 

en  mes  pseaulmcs  sont  espars 
1865  beaulx  diz  de  la  nativité 

de  l'hoir  de  la  noble  cité 

qui  fera  nostre  délivrance. 

J'ay  moult  chanté  de  sa  naissance, 

de  sa  vie  très  vertueuse, 
1870  de  sa  passion  douloureuse 

qui  par  envye  luy  vendra, 

dont  grand  bien  nous  en  advendra. 

En  plusieurs  lieux  fais  niencion 

touchant  sa  lesurrection, 
1875  comment,  comme  uhg  lyon  très  fort, 

de  mort  vendra  casser  l'effort, 

et  comment  ou  ciel  montera 

ou  tous  ses  bons  amis  traira. 

J'ay  moult  chanté  d'une  pucelle 
1880  qu'a  Dieu  sera  si  vraye  ancelle 

que  son  digne  corps  sera  lieu 

et  temple  du  vray  filz  de  Dieu. 

0  la  très  bonne  et  bieneuree, 

0  la  vierge  très  désirée, 
1885  o  la  souveraine  princesse, 

quand  vendra  l'euro  qu'elle  naisse  ? 

pleust  a  Dieu  que  ce  fust  des  ore. 

0  saint  et  pur  reclinatore 

ou  tel  mistere  se  fera  ! 
1890  Loué  soit  Dieu  quant  ce  sera  : 

l'attente  nous  est  trop  grevaine. 

La  providence  souveraine 

par  sa  grâce  y  vueille  pourvoir  ! 

ADAM 

Las  !  mes  enft'ans,  vous  poez  voir 


1806  sans  eur  B.  —  1808  nous  Tnanque  A.  —  1810  et  manqw  A.  —  1817  poiiruoîs  y  quand  il  te  B.  —  1819  cy 
de  A.  —  1823  fiTine  et  B.  —  1831  qui  A.  —  1810  riclie  et  belle  H.  —  1S46  teneraent  B.  Le  vers  est  répété.  — 
1860  de  moult  grant  A.  —  1875  comment  un  lyon  grant  et  fort  A.  —  1889    ce  A. 


■R  ICMIERR    .lOrRNRK 


1895  a  quel  moschief  sommes  livrés  ; 
nei'ou»  noua  jaiium  délivras  ? 
Hvoun  nous  (juelquo  iiimrveance? 
Hola-i  !  or  vient  cesto  niescliance, 
pour  l'od'iuico  iju'a  Dieu  j'uy  fait. 

iiKX)  Kntfans,  vous  portez  mon  meilait  ; 
pai'  nioy  compare/,  ce  dommajro  : 
la  perte  vient  do  mon  oïdtrage, 
tel  n'en  peust  mes  qui  le  compère. 
0  dolaut  et  malheureux  père, 
c'est  (lonunage  et  pitié  qu'il  vist 
qu'ainsi  son  lig:nag(!  a.sservist. 
0  dure  pomme  et  intordicte, 
de  moy  dois  bien  estre  mauldite 
mille  fois,  quant  pour  uug  tel  l'ien 
je  peis  uug  tant  souverain  bien 
que  cucur  ne  le  sçaroit  penser 
ne  langue  humaine  recenser  ! 
Kt  a  mal  heure  je  creus  oncques 
le  conseil  de  ma  femme  adonc:ques  : 
dure  perte  m'en  est  venue, 
et  m'a  bien  foit  rigueur  tenue 
Justice  qui  ne  poust  ploissier 
ne  son  estandai  t  abaissier, 
qui  me  signe  guerre  mortelle. 
Au  moins  se  la  chose  fut  telle 
que  moy  seul,  qui  ay  fait  l'ofl'ence, 
en  fusse  pugny  par  sentence, 
la  chose  en  fut  plus  tollerable  ; 
mes  que  la  perte  dommageable 
ressortisse  a  tous  mes  enifans, 
bien  doyvent  estre  desplaisans 
et  sans  cesser  je  les  dois  plaindre. 
Helas  !  par  moy  deussent  attaindi'e 
et  venir  a  béatitude, 
mes  ma  folie  ville  et  rude 
les  admaine  a  peine  et  a  dueil, 
dont  j'ay  cause  se  je  me  dueil. 
Vive  fontaine  de  bonté, 
royal  ceptre  de  majesté, 
qui  règnes  sans  janiès  tarir 
tu  as  promis  nous  secourir 
par  ta  divine  providence  ; 
tiens  nous  la  voye  de  clémence  : 
Justice  nous  est  par  trop  fiere. 

EVE 

1940  0  très  souveraine  lumière 

qui  sans  terminer  toujours  dures 


KK» 


I9t0 


1915 


1920 


1925 


» 


1930 


19:15 


nos  peines  ennoyanR  et  dute« 
vucillcs  regaitier  en  pitié. 
Monstre  nous  signe  d'amitié, 

19^5  le  trésor  do  grâce  descueuvi-e, 
et  no  dcspriso  point  ton  oeuvre 
formée  a  ta  propre  samblance. 
Je  congnois  ma  povro  ignorance  ; 
je  congnois  que  par  moy  dampnés 

I9:i0   sont  tous  ceulx  qui  sont  d'Adam  nés  ; 
par  moy  cesto  pei-te  reçoyvent, 
par  moy  paient  ce  qu'ilz  no  doivent, 
par  moy  lamentent  sans  conduite. 
Helas  !  mon  Dieu,  je  fus  seduiti; 

1Kir>  du  faulx  serpent  ambitieux  , 

qui  par  ses  tours  malicieux 
me  fit  a  la  pomme  toucher, 
dont  le  goût  m'est  vendu  tant  cher 
en  regrès  durs  et  douloureux. 

1960  Ne  me  soies  pas  rigoreux, 
ma  fragiUté  considei-e, 
et  l'arc  de  Justice  admodere 
qui  si  long  temps  nous  est  tendu. 

YSAIE 

Helas  !  tant  avons  attendu, 
1905  en  ceste  obscure  mancion, 

en  pleur,  en  desolacion, 

sans  quelque  ame  qui  nous  resjoye  ! 

Quand  parvendrons  nous  a  la  joye 

qui  janiès  ne  dell'auldera  ? 
1970  Quand  naistra  celluy  qui  sera 

l'edemptcur  de  nature  humaine  ? 

quand  naistra  la  vierge  puraine 

qui  en  fera  renfTantement 

tant  purement  et  chastement, 
1975  que  nature  eu  ai'a  merveille  ? 

O  des  autres  la  non  pareille, 

0  trésor  de  virginité, 

o  temple  de  divinité, 

arche  d'excellante  haultesse, 
1980  quel  bien,  quel  plaisir,  quel  liesse 

arons  en  exultacion, 

quand  si  noble  creacion 

sera  foi'mee  eu  noble  centre 

de  ton  digne  et  précieux  ventre  ! 
1985  Nostre  chaigo  s'allégera, 

tout  paradis  s'esjouyra, 

et  tout  le  monde  fera  feste 

si  plantureuse  et  magnifeste 


1900  comparez  B.  —  1901  portez  cesluy.  B.  —  1905  qui  A.  —  1911-1918  manquent  A.  —  1913  je  manque  B.  —     1917 
voult   plaissier  B.   —    1935  finir    C.   —    1942    ennuyeuses   C.    —   1946    et    que    desprise  pas  C.  —  19M)  de    A.    — 
1952  painnt  manque  A.    —   1955-1956  serpent    malicieux,  tours  ambitieux  C.  —  1958  trop  C. 
sidère  C.   —   1963  est   manque  A.   —     1968  voye  C.  —    1969    deffauldra    lî.    deffinera  C.  ■ 
tant  chastement  C.  —  1S82  incarnacion  C. 


-1968  modère  B.  cen- 
•  197?  h»ult«in  A.  —  1974 


28 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


que  Paix  y  tendra  son  domaine. 
1990  Vien  donc,  rosée  souveraine, 
vien,  tendre  fleur  et  amyable, 
secourir  la  porte  dampual)le 
qui  sans  toy  ne  se  peust  reffaire. 

EZECUIEL 

0  doulx  Messias  débonnaire, 
1995  en  qui  est  nostre  seul  recours, 

approche,  vien,  si  nous  secours  : 

temps  est  que  ta  promesse  tiengnes. 

Pas  ne  doubtons  que  tu  ne  viengnes  ; 

tu  vendras,  il  nous  est  certain, 
8000  mes  le  jour  nous  est  moult  loingtain. 

En  .ténèbres  est  no  demeure, 

il  n'est  ame  qui  nous  sequeure. 

Soigneusement  t'avons  servy, 

et  haulte  gloire  desservy  ; 
2005  or  nous  trouvons  nous  empesché 

par  cest  originel  péché, 

coulpe  poignant,  foi'te  a  deffaire, 

a  qui  ne  povons  satiffaire  ; 

nostre  procès  pend  en  balance  : 
2010  doulx  Messias,  vien  et  t'advance, 

fais  que  ta  sentence  termine, 

qui  lassus  en  gloire  divine 

conjointement  nous  logera. 

JHEREMYE 

Tout  nostre  dueil  s'allégera 
2015  tant  seulement  de  la  nouvelle, 
quand  ceste  bénigne  pucelle 
au  monde  mortel  sera  née. 

0  très  noble  et  haulte  journée, 
bieneuree,  bien  adjournee, 
2020  quand  te  vouldra  Dieu  adjçurner  ? 
Quand  sera  la  saison  donnée  ? 
la  dilacion  foisonnee 
nous  lasse  de  tant  séjourner, 
Ne  savons  a  qui  retourner 
2025  pour  faire  passer  et  tourner 
le  temps  qui  ja  t'eust  admenee  ; 
Or  n'est  qui  nous  la  puist  donner, 
se  tu  ne  la  veulx  ordonner, 
mon  Dieu,  qui  ja  l'as  ordonnée. 

DAVID 

2030  0  haulte  essence  enluminée 

do  tout  bien  et  do  tout  honneur, 
considère  nostre  douleur, 
et  voy  le  lieu  ou  sommes  mis, 
ton  oeuvre,  tes  povrcs  amis. 


20.35  en  pleurs  et  lamentacions. 
Regarde  les  promissions 
que  tu  nous  as  fait  largement 
jiar  tout  l'ancien  testament  ; 
considère  comme  jadis 

2040  a  Abraham  promis  et  dis 

que  toutes  gens  en  sa  semence 
seroyent  benys.  Donc  commance 
a  ceste  benysson  estandre  ; 
nous  sommes  son  sang  et  son  gendre, 

8045  oste  nous  de  ce  grand  soucy. 
De  rechief  tu  lui  dis  ainsi 
pour  l'obédience  et  la  crainte 
que  trouvas  en  son  cueur  emprainto 
que  multipliroyes  de  ly 

2050  semen  sicut  stellas  celi. 
Or  as  la  promesse  tenu, 
mes  trop  mal  nous  seroit  venu 
se  la  multiplicacion 
avoit  tel  malédiction 

2055  que  tout  eu  enffer  descendist, 
avant  que  le  doulx  Crist  venist 
de  qui  tant  nous  gricfve  l'attente. 
0  sapience  precellante, 
affin  que  briefment  nous  resjoyc, 

2060  fais  que  du  tout  proférer  j'oye 
les  mos  dont  tant  nous  conffoi-tas 
disant  :  AttoUite  portas  ; 
ouvrez  les  portes  eternalles 
de  vos  régions  infernalles  : 

2065  si  entrera  le  roy  de  glore. 

ADAM 

Ha  !  pleust  a  Dieu  que  ce  fut  ore  ! 
La  voix  nous  seroit  moult  joyeuse, 
douice,  plaisant  et  savoureuse 
et  de  nos  maulz  cousolative  ; 
2070  la  puissance  suppcrlative 
la  nous  face  briefment  oyr  ! 


Icy  sont  cinq  personnaiges  en 
Paradis  et  premier  se  lèvera 
une  dame. 

MISEBICORDE 

Je  ne  me  puis  plus  contenir 
que  les  humains  ne  prengne  en  cure, 
et  pour  leur  bon  droit  maintenir 
2075  il  fault  que  leur  cause  procure.  « 


1990  donques  A.  —  1996  approche  et  B.  viens  et  si  C.  —  1998  nous  ne  doublons  point  que  ne  C.  —  2001 
faisons  demeure  C.  —  2002  homme  A.  —  2003  te  A.  —  2004  hault  gloire  C.  —  2013  allégera.  —  2019  manque  B. 
—  2020  vendra  A.  —  2023  laisse  .\.  B.  C.  —  2026  que  B.  qui  tant  a  le  durée  A.  —  2029  las  ja  B.  C.  —  2038  ton 
ancien  B.  tout  ton  ancien  C.  —  2045  cesluy  soucy  B.  G.  —  2049  tu  A.  B.  —  2059  du  tout  G.  —  2060  profaire  B.  brief- 
ment C.  —  2061  me  C.  —  2066  Helas  C.  —    2068  deliceuse  C.  —  8072  plus]  mais  C.  —   2073  preus  B. 


P  R  K  M  II-:  R  K    J  O  U  R  N  K  K 


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2103 


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2110 


2ii: 


2120 


C'est  grand  pitio  quand  créature 
ainsi  désordonné  son  vpil, 
qu'il  convient  sous  in  couverture 
de  jilnisir  sortir  si  grand  ducil. 

C'est  pitié  que  l'iiounno  fut  fait 
en  si  noble  et  haulto  exccllancc, 
quand  péché  ainsi  le  deffait 
et  prive  de  sa  profl'erancc. 
11  plaint  et  pleure  on  audience 
et  niaine  trop  cnnoyaut  vie, 
car  chose  qui  est  en  absence 
de  sa  fin  ja  n'est  assouvyo. 

11  plaint  sa  fin  qui  lui  dcfTault 
et  ja  niorcy  ne  s'i  accorde  ; 
il  languist  ou  son  bien  lui  fault, 
amo  de  luy  ne  se  recorde  ; 
Mes  je,  qui  suis  Miséricorde, 
la  plus  piteuse  de  jamès, 
luy  pense  a  desnocr  la  corde 
qui  le  tient  en  si  piteus  mes. 

Devant  vous  viens  et  mo  soubmœ, 
crccur  du  ciel  et  de  la  terre, 
vostre  cclsitudc  requcrrc 
qu'il  vous  plaise  exaucer  ma  voix 
sur  ung  article  que  je  vois 
csti-e  grandement  nécessaire 
ou  au  moins  convennlilc  a  faire 
pour  ester  voye  x-igourcuse. 

DIEU    LE    PBRE 

Dame  débonnaire  et  piteuse, 
dcliboroz  en  plaine  face 
ce  qu'il  vous  plaira  que  je  face  ; 
si  pourvoiray  sans  roffusor, 
car  de  riens  je  ne  veil  usci' 
qu'avec  moi  ne  soiez  unye. 

MISERICORDE 

Souveraine  essence  infinie, 

je  sçay  bien  que  sommes  tout  ung 

et  avons  uug  vouUoir  commun, 

et  pourtant  je  vous  voil  bien  dire 

qui  me  meust.  Très  rcdoubté  sire, 

vray  est  que  du  commancement 

ce  beau  monde  totallement 

voustes  créer  par  vray  désir 

et  mcu  d'un  gracieux  plaisir 

de  participer  vostre  bien 

a  aultruy  qui  de  soy  n'est  rien; 


non  pas  que  vous  otuaicz  betioing 
d'aultmy,  car  soit  ou  près  ou  loing 
vouH  estei!  tout  bien  par  cssance. 
Et  au  fait  do  ccslo  excellance, 
21K  ou  sont  mistcrcs  très  rcalles, 

ti'cuvo  deux  oeuvre»  principallcs  : 
d'une  part  est  la  terre  basse  ; 
dessus,  le  ciel,  qui  la  compassé 
et  la  circuit  et  la  cerne, 
£130  si  que  par  vertu  la  gouverne  : 
natiu'o  le  vcult  pour  le  mieulx. 
Kn  chacun  de  ces  deux  beaux  lieux 
voulstes  habitateurs  créer, 
pour  eulx  dcduii'e  et  recréer 

«135  et  sortir  <lu  bien  a  leur  gré, 
voire  chacun  a  son  degré. 
Ou  ciel  qui  est  noble  facture, 
fut  la  plus  noble  créature  ; 
ce  fut  la  nature  ajigelique 

21'i0  affin  que  le  lieu  autent'quc 

a  son  logé  mieulx  corresponde. 
Dedans  la  terre  et  au  bas  monde 
voulstes  l'orame  former  et  mettre, 
et  le  faire  seigneur  et  maistre 

2145  sur  tous  vivans  gcneralment  ; 
mes  do  la  manière  et  comment, 
je  m'en  tais  :  il  est  assés  sceu. 
Or  est  il  en  ce  point  mescheu, 
qu'en  la  nature  basse  et  haultc 

Î150  a  esté  trouvé  grand  deU'aulte  : 

les  anges  jusqu'à  très  grand  nombre 
ont  commis  oifence  soubz  umbre 
de  la  preflference  divine  ; 
orgueil  qui  puissance  termine 

•21m  les  a  tournés  en  impotence. 

L'homme  eu  son  estât  d'ignorance, 

a  oftencc  d'aultrc  costé 

vostre  divine  majesté, 

de  tant  que  savoir  appetoit 

2160   aultre  et  plus  qu'il  ne  competoit. 
L'un  a  pris  orgueil  de  povoir, 
l'aultre  boban  de  trop  sâvoii^ 
dont  tous  deux  sont  a  dampnement 
jugés,  voire  diversement  : 

2165  l'ange  par  sa  coulpe  mortelle 
est  darapné  a  peine  éternelle, 
peine  do  sens  qui  trop  lui  griefve  ; 
l'omrae  a  dampnaeion  plus  briefve. 


2070  souffrir  A.  —  |20S1  haulti^  et  noble  C.  —  2088  la  tin  qui  ny  B.  —  2091  et  ame  B.  —  2090  qui  A.  —  2105  pl»m 
A.  —  2114  et  ee  qui  me  meut,  1res  doulx  sire  C.  —  2118  esmeu  lî.  C.  —  2122  s»n»  aler  plus  loing  B.  C.  —  8125 
moult  C.  —  2126  moult  realles  C—  2128  le  B.  —  2134  solUcier  C.  —  2139  et  fut  C.  —  2141  corrunde  B.  —  Î147  il 
man'jttf,  assez  est  B.  C.  —  2150  trouuee  tleffaulte  C.  —  2154  de  puissance  extermine  C,  —  2150  son  manque  A.  B. 
—  2159  trop  plus  qua  luy  B.  —  2164  jugiez  sire  voire  C.  —  2160  mortelle  C.  —  2167  de  feux  C.  —  218S  obli- 
gacion    B.  C. 


30 


MISTERE   DE    LA   PASSION 


car  sa  peine  a  fin  se  comporte  ; 
2170  et  quand  a  la  peine  qu'il  porte, 

ce  n'est  fors  peine  de  dommage, 

en  tant  que  de  son  héritage 

est  privé  autant  qu'il  s'extend, 

ncantraoins  que  venir  y  prétend, 
2175   combien  que  la  chose  diffère. 

Desquelles  prémisses  j'infère 

conclusion  en  ce  point  cy  : 

qu'il  est  droit  que  l'homme  ait  niercy, 

veu  la  grand  douleur  et  la  perte 
2180  qu'il  a  ja  des  long  temps  soufferte, 

et  que  sa  coulpe  est  excusal)le 
~    grandement  par  raison  prouvable, 

que  je  diray  quand  sera  temps. 

De  l'ange  et  ses  cohabitans, 
2185  nommé  deable,  prince  d'oi'gueil, 

je  ne  dis  mot  ne  dire  vueil. 

Je  n'ay  cause  de  le  deffendre  ; 

mes  tant  qui  touche  l'humain  gendre, 

de  tant  qu'il  m'a  pris  a  garant 
2190  pour  son  offcncc  rop])arant, 

je  requier  ce  que  je  propose. 

JUSTICE 

Faictes  l'apoint  :  je  m'y  oppose, 
et  vous  dcffens  de  disposer 
quelque  bien  sans  moy  exposer 

2195  le  fait  :  j'en  doy  estre  avertyc 
et  des  ore  me  fais  partyo 
formelle,  et  veil  tenir  la  main 
contre  tout  le  lignage  humain, 
et  sa  délivrance  erapescher. 

2200  Guidez  vous  pour  vostro  prescher 
le  délivrer,  quand  au  surplus, 
pour  dire  «  je  le  veil  »  sans  plus  ? 
La  chose  ne  sera  pas  telle  : 
je  leur  feray  guerre  mortelle 

2205  pour  corriger  leur  mauvais  vice. 

MISERICORDE 

Quand  a  ce  point,  dame  Justice, 
je  ne  prétends  pas  les  ravoir 
du  tout  a  mon  premier  voulloir  ; 
mes  aussi,  ne  vous  en  desplaisc, 
2210  leur  cause  n'est  pas  si  mauvaise 
que  sentence  doyez  donner 
seuUe  sur  eulx  pour  les  dampner, 
sans  ce  que  ma  voix  soit  oye. 


JUSTICE 

Aussi  ne  le  sousticus  je  mye, 
2215  mes  tenir  me  fault  rigoreuse. 

MISERICORDE 

Et  moy  je  leur  suis  amoureuse, 
car  ilz  ont  eu  a  moy  reffuge. 

JUSTICE 

Ce  n'est  pas  cela  ;  juge,  juge, 
tu  es  la  rigle  de  droiture, 

2220  tien  raison,  fais  juste  pai-ture, 
tien  la  balance  entre  deux  fers, 
ne  t'abbaissc  point  pour  tes  sers. 
Rendz  a  chacun  qui  t'a  servy 
selonc  ce  qu'il  a  desservy, 

2225  ta  justice  ne  regarde  ame  ; 
et  quoy  que  dye  ceste  dame 
de  ce  gendre  humain  misérable, 
je  la  reppute  fav.îrable  ; 
par  ses  dis  la  pourray  confondre. 

MISERICORDE 

2230  Je  pourroye  a  ce  point  respondrc, 
puisque  tant  estes  espineuse, 
que  vous  estes  sa  grand  hayueuze, 
car  par  trop  le  voulez  grever  ; 
si  vous  pourroye  repprouver 

2235  de  tenir  trop  forte  rigueur 
comme  moy  de  porter  faveur, 
et  ainsi  vous  n'ariez  riens  dit. 

DIKU  LE  PERE 

Vostro  cause  est  en  contredit  ; 
affln  que  le  fait  soit  notoire, 

2240  laissez  cest  interlocutoh-e 
et  venez  au  fait  principal. 

jfsricE 
0  très  hault  juge  impérial, 
bien  puis  declai'er  ma  pensée, 
car  je  me  tiens  trop  offencee 

2245  dp  l'omme  et  ses  abusemens. 
Entendez  bien  mes  argumeiis, 
je  conclurray  par  loys  actives 
et  par  raisons  démonstratives, 
l'omme  devoir  estre  dampnc, 

ï^O  et  au  feu  d'enffcr  condampné 
tenir  éternelle  prison. 

MISERICORDE 

Justice,  vous  n'arcz  raison 
tant  soit  estrangcment  prouvée, 


2169  le  C.  -  2170  qui  A.  C—  2171  si'  A.  —  2173  au  temps  qui  A.  —  8174  y  man'iuf  B.  C.  —  2188  ja  dis  C.  --- 
2185  et  prince  C.  —  2186  ne  die  mot  ne  dire  ne  vueil  G.  —  2188  quil  B.  C.  —  2190  par  B.  C.  —  2201  les  deliurer 
C.  —  2206  ad  A.  —  2213  sans  que.. .y  soit  B,  C.  —  2216  PoUrquoy  C.  —  2217  et  ilz  ont  a  moi  leur  B.  tout  leur 
C.  —  2218  point  B.  C.  —  2;'22  en  rien  pour  C.  —  2226  je  dye  B.  —  2232  seriez  B.  C.  —  Î237  auez  A.  —  2238  Les 
mots  :  LE  PKRE  manciufiit  A.  B.  C  —  2241  si  B.  C.  —  2247  loy  a.'tiue  C.  —  2248  demonstratiue  C.  —  2249  oon' 
dampne    B.  —  2251  de  tenir  G  —  2252   voire  naue»  G.  —  2253  esprouuee  G. 


P  K  V.  M  I  K  R  K   J  O  U  R  N  K  E 


31 


se  Dion  plnist,  qti'cl  no  soit  sauvée. 
2255   Dictes  tout  ;  i  ioiis  no  l'nult  coler. 

JUSTICE 

Daiiio,  puisqu'il  vient  a  parler, 

par  vos  (lictz  il  est  niagnifosto 

qu'au  juge  avez  cy  fait  rcquesto, 

portant  troys  poin»  assés  terribles, 
ïîCO  des  quoi/,  les  deux  sont  impossibles 

et  le  tiers  vous  direz  pourquoy. 

Au  premier  point,  par  grand  eflroy, 

pour  tous  les  humains  requérez 

que  d'enfler  soient  sepparos 
iiGj  et  que  la  chose  est  convenable 

par  ne  sçay  quoi  raison  justable, 

ou  je  n'ai  gueres  arresté, 

car  c'est  content  do  vérité. 

Puis  roquerez  que  son  meifait 
SCTO  luy  soit  repparé  et  refl'ait 

je  ne  sçay  pas  pai'  quel  moyen  ; 

pourtant  que  vous  vous  doubtcx  bien 

que  sans  rcpparaison  patente 

je  ne  seroye  pas  contente. 
:'275  Au  tiers  point  requérez  merveilles, 

qui  voulez  doux  causes  pareilles 

tauxer  par  divers  jugement  ; 

vous  demandez  allégement 

pour  l'ommo  et  plaine  délivrance  ; 
2i80  mes  du  dcable  et  sa  dolcance, 

ne  falotes  quelque  mencion  ; 

jo  ne  svay  quel  distinction 

sçarcz  en  l'oflence  assigner, 

qui  voulez  l'un  mediciner 
2285  et  l'aultre  laissier  en  la  fange. 

MISERICORDE 

.lustice,  ne  vous  soit  estrange, 
ma  requeste  juste  trouvez  ? 

JUSTICE 

Non  fais  du  tout. 

MISERICORDE 

Or  l'iinprouvez 
se  quelque  déraison  s'i  trouve. 

JUSTICE 

22«0  Quand  au  premier  point,  je  l'impreuve, 
et  dis  que  l'omrae,  quoy  qu'il  face, 
n'est  pas  digne  d'obtenir  gi-aco, 
qui  en  rien  sa  peine  aniodero. 
Gonunent  !  hault  juge,  considère 

22œ  la  noblesse  ou  il  fut  formé 


et  soubtilleinent  informé 
de  lumière  d'entendement 
(X)ur  soy  conformer  justement 
a  la  divine  volonté, 

ffloo  le  sens  et  la  nobilit<5 

qu'il  ot  en  Testât  d'ignonceuce  : 
de  tous  biens  avoit  afllucnce, 
habandonné  luy  fut  tout  l'eMtrc 
du  noble  paradis  terrestre 

2305  ou  il  trou  voit  ce  qu'il  vonloit  : 
tout  avoit,  riens  no  luy  failoit, 
choisir  povoit  a  l)eau  loisir 
de  tous  les  fruis  a  son  dcsir  ; 
il  u'estoit  plaisance  mondaine 

2310  qu'il  n'eust  en  ce  joyeulx  dcmoino 
dont  il  ostoit  habitateur  ; 
tant  seulomcnt  son  créateur 
une  pomme  luy  defTcndist, 
a  quoy  tantost  la  main  tendist 

2315  et  comme  glouton  et  fifiommand 
trcspassa  le  divin  command, 
en  quoy  il  commist  triple  ofleiice  : 
tout  premier,  inobcdienco 
contre  vous,  puissance  iiifinye'  ; 

2320  la  seconde  fut  gloutonnie 

et  la  tierce  se  mcust  d'orgueil, 
quand  par  un  désordonné  veil 
appeta  le  savoir  divin. 
O  mauvais  cueur  plain  do  venin, 

2325  engin  export  devenu  inide, 
liberté  mise  en  servitude, 
noble  entendement  assourdy, 
comment  euz  lo  cueur  si  hardy 
de  connnettre  ung  tel  vitupère 

2330  contre  Dieu,  ton  juge  et  ton  yteve, 
qui  si  bien  t'avoit  introduist, 
de  quelque  heure  que  do  ce  fi-uit 
attoucheroycs  pour  on  menger,     , 
de  mort  encourroyes  le  danger 

2335  a  quel  peine  ot  quel  mort  dampnabic 
s'obhga  l'omme  misci'able. 
Qui  dira  qu'a  tort  est  lassés, 
je  dy  qu'il  n'en  a  pas  assés, 
et  requier  peine  plus  ague, 

23-50  et  briefjnent  voycy  que  j'argue  : 
quiconques  fait  iniquité 
contre  la  divine  bonté 
encourt  peine  ijerpetuelle  ; 
la  detfaulto  de  l'onmio  est  telle 


2254  qui  ne  soit  B.  C.  —  2255  dites  il  ne  faut  riens  celer.  —  2258  cy  manqur  A.  C.  —  226Ï  par  nng  B.  C.  — 
226S  cest  ou  A.  pour  content  U.  pour  conclud  C.  —  2273  repparance  B.  C.  —  2278  jugemens  C.  —  22ii7  bonne  C. 
—  2288  uic  prouueï  A.  —  2290  point  premier  je  le  preuue  A.  —  2291  qui  A.  C.  —  2292  de  A.  —  22U.t  ne  queu  rien 
M  peine  modère  B.  C.  —  2299  de  la  B.  -  2302  Influence  B.  —  2315  gouraient  B.  C.  —  2317  telle  A.  It.  —  2319 
toy  B.   C.  —  2331  te  A.  —  2333  attoucherez  B.  C.  —  2334  encourre»  B.  C.  —  2i35  a  queUe  peine  et  mort  A. 


MISTERE   DE    LA    PASSION 


2345  attendu  sa  gi  ant  mesprison  : 
si  conclus  par  cestc  raison 
que  remède  ne  luy  duyst  point. 
J'argue  contre  l'aultrc  point  : 
ofFenco  d'osgalle  action 

23S0  veult  esgalle  pugnicion. 

L'ange  et  l'omme  ont  esgal  commis  : 
soient  donc  egabncnt  pugnis, 
et  ainsi  se  l'omme  a  secours, 
l'ange  y  pourra  avoir  recours. 

2355  L'un,  dictes  vous,  est  importun? 
ergo  l'aultre,  car  c'est  tout  ung. 
Quand  a  la  satisffacion, 
je  fais  ceste  improbacion  : 
mal  se  peust  celluy  deslier 

2360  qui  doit  et  n'a  de  quoy  payer  : 
demeurer  doit  pour  les  ostages. 
L'omme  d.it  grans  et  pesans  gages, 
et  n'a  de  quoy  faire  raison  : 
si  conclu  qu'il  tendra  prison, 

2363  forclos  de  toutes  courtoisies. 
Et  pourtant,  mes  raisons  oyes, 
liault  juge  ou  tous  biens  sont  compris, 
je  l'equier  que  l'omme  soit  pi'is 
hoi's  du  limbe,  pour  tous  debas, 

2370  et  mis  en  enffer  au  plus  bas, 
s'il  n'a  qui  responde  pour  soy. 

MISEUICORUE 

Dea,  Justice,  pardonnez  moy  ; 
vous  estes  ung  petit  trop  fiere  ; 
mes  parlons  ung  peu  par  manière, 
2375  si  vous  plaist,  et  je  respondray. 

JUSTICE 

Ce  que  je  propose  est  si  vray 
que  tout  le  monde  en  est  tesmoing, 
et  sans  que  nous  allons  plus  loitig. 
Vérité  est  icy  présente, 
8380  très  sage  dame  et  très  prudente, 
qui  scet  bien  se  ma  cause  est  bonne. 

VÉRITÉ 

Je  croy  bien  que  mal  se  consonne 
au  propos  de  Miséricorde 
qui  de  soy  volentiers  s'accorde 
2385  a  pitié  et  a  penitance  ; 

mes  non  obstant  la  dissonance, 
si  fault  il  dire  a  l'abrégé 
que  Justice  a  très  bien  jugé 
et  que  l'ofi'cnce  est  détestable 


2390  quand  a  soy,  et  non  recouvrable  ; 
car  qui  ofl'cncc  l'infiny, 
sans  fin  requiert  estre  pugny, 
affin  que  la  peine  baboudant 
soit  au  délit  correspondant  : 

2395  tout  est  fait  a  juste  compas. 
Mes  touteffois  je  ne  dis  pas 
que  Miséricorde  en  la  fin 
n'y  trouvast  bien  plus  doulx  chemin, 
comme  elle  en  est  bien  coustumicre. 

JUSTICE 

2400  Ne  m'en  chault  riens  de  sa  manière  : 
il  me  souffit  que  mes  raisons 
infèrent  leurs  conclusions 
contre  les  dis  qu'elle  maintient  ; 
car  se  dampner  l'omme  appartient, 

2405  j'en  feray  l'execucion. 

iMISERICORDE 

Justice,  vostre  intencion 
me  samble  bien  dure  a  tenir  ; 
vous  parlez  assés  de  pugnir, 
mes  de  modérer  rien  ne  dictes. 
2410  Ce  ne  sont  pas  choses  petites 
qu'une  créature  tant  digne, 
faicte  a  la  samblance  divine, 
en  qui  reluist  la  propre  ymage 
du  haultain  créateur  et  sage, 
2415  fut  ainsi  parduo  et  dcffaicte 

de  la  fin  pour  quoy  elle  est  faicte, 
non  pas  une  et  pour  une  pièce, 
mes  sans  fin  et  toute  l'espèce, 
passés,  advenir  et  prcsens. 
2420  Vous  les  servez  de  durs  presens 
et  les  condampnez  bien  en  haste, 
et  si'l  leur  fault  une  advocate, 

ilz  ne  vous  prendront  pas,  ce  croy. 
0  très  bon  Dieu,  entendz  a  moy, 
2425  ne  discute  pas  de  ce  vice 

du  tout  au  voulloir  de  Justice  ; 

l'omme  aroit  trop  forte  partie. 

Je  requier  que  je  soie  oye, 

juge  très  prudent  et  Ical. 
2430  Je  sçay  bien  que  l'omme  a  fait  mal 

(s'a  esté  deceu  par  fallace) 

tellement,  se  ce  n'est  par  grâce, 

son  fait  est  du  tout  deppointié  ; 

se  ce  n'est  par  vostre  pitié, 
2435  Justice  le  vouUlra  confondre  : 


I 


2345-2346  mnïviurnt  C.  —  2347  doit  B.  C.  -  2350  pareille  C.  —  2351  qui  ogual  C.  —  2353  1'  manque  C.  —  2358 
je  y  fais  B.  C.  —  2300  quil  C.  —  2363  se  na  B.  si  C.  —  2364  qui  A.  —  2365  forclouses  toutr-s  B.  0.  —  2J66  mais  C. 
—  2372  Dya  B.  C.  —  2375  sil  B.  C.  —  2376  ey  C.  —  2380  humble  dame  sage  et  prudente  C.  —  2390  reoeuable  B.  se- 
courable  A.  —  2391  le  A.  —  2396  Mes  neantmoins  si  ne  dy  je  pas  B.  si  manque  C.  —  2400  Ne  ine  C.  —  2403  les 
quelles  C.  —  2412  fait  C.  —  2'il3  le  A.  —  2'il7  non  pas  ung  C.  —  2419  ou  presens  C.  —  242'»  O  très  doulx  juge  enten- 
dez moi  B.  O  très  bon  C.  —  2431  si  a  C.  —  2434  partie  B.  se  nest  par  grâce  et  par  pitié  C.  —  2435  me  C. 


PREMIERE  JOURNEE 


33 


2U5 


S450 


nios  par  bcaulx  poiiis  jo  puis  i  espondre 
et  sauver  ses  ruisoii»  lo  cours. 

UIEU  I,E  PERE 

NolJe  (lanio,  dictes  tousjoui  s, 
vostre  bon  <li'oit  seiay  gardant  ; 
ii'iO  ma  grâce  est  largo  et  liahondaiit 
sur  qui  elle  se  veult  csteudrc. 

MISEKICOnOE 

J'alleguo  a  sa  cause  ded'cudro 

plusieurs  poins  :  premier,  sa  noblesse, 

son  igiiorcnco,  sa  foiblesse; 

j'allègue  aussi  qu'il  estoit  mis 

entre  ses  mortels  ennemis 

qui  pai-  cnvye  qu'ilz  avoient 

do  tout  leur  pouvoir  le  grevoicnt. 

J'allègue  aussi,  hault  créateur, 

qu'il  pécha  comme  viateur, 

et  n'estuit  pas  faicto  du  tout 

sa  voye,  qui  l'excuse  moût. 

De  rechief  ramentevoir  puis 

la  peiiance  qu'il  lit  dei)uis, 
a4:iô  les  dueilz,  les  malédictions, 

les  corporelles  passi(  iis 

dont  il  fut  largement  scrvy  ; 

la  moi't  a  qu  ly  fut  asservy, 

qui  est  uug  dur  pa>  a  passer, 
2460  le  doit  uug  peu  rccompencer, 

et  beaucop  de  peine  inféconde, 

qu'il  a  poit'j  au  mortel  monde 

pour  cuider  Justice  appaisier, 

qu'encor  ne  ces?e  do  noisier, 
2105  qui  sanible  estre  crudelite. 
Et  quand  a  sa  nobilit'j 

que  premier  voulz  lamentovoir, 

je  dis  que  vostre  majesti', 

hault  juge,  y  doit  nionstrcr  devoir  ; 
2470  L(ing  temps  a  est  '  en  vieultô, 

vostre  graco  y  vueillo  pourvoir, 

car  chose  do  grant  royaulté 

grand  bien  et  royal  doit  avoir. 

JUSTICE 

Vostre  raison  qui  comracct  faulte, 
2'.7j  conclud  cjntre  vous,  belle  amye, 

et  comme  hors  des  termes  sault? 

je  no  vous  le  celleray  mie  ; 

Car  de  tant  que  chose  est  plus  haulte 

et  en  puissance  plus  unye, 
2480  s'il  chet  qu'elle  face  doH'aultc, 

de  tant  doit  estre  mieulx  pugnye. 


.MisERicoana 
Voire,  quand  la  cotilpe  provient 
do  son  pur  et  propre  malice 
et  par  orgueil  no  luy  souvient 
2485  de  la  haulteur  du  bénéfice, 
Pitié  ne  niercy  n'y  convient, 
ne  remède  a  tel  maléfice  ; 
mes  qui  a  mal  par  aultruy  vient, 
plus  excusable  çn  est  le  vice. 

JUSTICE 

S'iOO       De  richesse  en  grant  povretô 
venir,  quant  l'en  se  doit  parfaire, 
pai'  aultre  ou  par  sa  volent*^, 
si  n'excuse  en  riens  «on  afl'aire  ; 
Homme  n'est  jamcs  supplanté 

2495  s'il  ne  consent  a  soy  deffaire  ; 
car  qui  a  franche  volonté 
peut  choisir  le  faire  ou  non  faire. 

MISERICORDE 

Franche  voulenté  en  saisine 
avoit  l'onune  lors,  point  n'en  double; 

ZMO  mes  sensualité  voisine 

luy  estoit  et  contraire  toute, 
L'ennemy,  la  char  qui  domine 
le  monde  tost  croit  et  escoute 
comme  la  branche  qui  s'encline 

2505  au  veut  qui  le  plus  fort  la  boute. 

JUSTICE 

Ara  cil  excusacion 
a  qui  Dieu  ta  vie  compassé 
et  luy  predist  sa  passion, 
qui  luy  vendra  s'il  la  trespasse  ? 
8510  Or  en  vient  a  dampnacion 

et  puis  pour  retourner  a  grâce, 

allègue  sa  decepcion  ! 

l'ignorance  est  ung  peu  trop  grasse. 

MISERICORDE 

Vous  samble  il  fort,  se  dire  veult 
2515  estre  pai-  aultruy  confondu, 

son  oll'ence  confesse  et  deult, 

plaignant  ce  qu'il  a  otfendu  ? 

Dont  sa  penitauce  me  meust; 

car  en  jugement  bien  rendu, 
5!520  quand  cueur  loyal  fait  ce  qu'il  peust, 

raison  supplcsl  au  résidu. 

JUSTICE 

S'il  plaignoit  eu  nombre  aussi  hauh 
qu'arismetiquc  le  earcuUo, 
et  plouroit  toa«jours  son  deffault 


2436  cps  Jeux  li.  t.  —  2447  qui  C.  —  2450  et  2454  qui  A.  —  2467  voz  C.  —  2470  en  violence  a  este  C.  —  2482  Voir.' 
la  coulpo  proprement  C.  —  2401  dcust  ("..  —  24S2  sa  manque  C.  —  249J  ce  C.    -  24'>5  coutenil  A.  U.  —  2if6  et  2198 
libertiS  C.  —  2505  do  U.    C.  —  2507  voye  C.  —  250S  la  C.   —  2509  si  A.  —  2512  alléguer  B.  C.  —  2514  veuil  B.  — 
2516  complainl  deult   A.  deuil    C.  —  2518   recelé   B.  me  manque  C.  —  2521  le  résidu   C.  —  »2i  prioit  tousjour 
sans  B.  C. 


Pas. 


3 


34 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


25^  pour  soy  rayer  de  ma  ceduUe, 
Sa  penance  riens  ne  luy  vault, 
son  procès  n'en  va  ne  reculle, 
cai'  qui  en  souffisanco  fault, 
la  satisffacion  est  nulle. 

MISERICORDE 

S530       S'il  n'est  souffisant  a  vo  choi», 
bons  amis  a  a  mon  entente 
et  tel  qui  en  mourra  anchois 
qu'il  demeure  pour  ceste  rente, 
Ne  pour  vos  rigoreuses  loys 

3535  ne  lerrez  pas  estre  contente, 
car  puisque  vous  avez  vos  drois, 
ne  vous  chaillc  qui  vous  contente. 

JUSTICE 

Se  j'ay  ce  que  je  dois  avoir, 
ne  vous  poise,  c'est  mon  usage  ; 

ZM)  et  encore  pourray  je  voir 

qui  pourra  payer  si  fier  gage  : 
Lors  le  pourray  je  recevoir  ; 
encore  peust  estre  dira  je 
que  cil  qui  a  mal  fait  de  voii' 

2545  reppare  mesmes  son  oultrage. 

MISERICORDE 

Helas  !  Justice,  Ijieu  soufflt 
s'aultruy  paye  la  forfaiture  ; 
oultre  puissance  riens  ne  gist, 
c'est  une  maxime  en  nature  : 
2550  Vous  arez  cil  que  vous  promist 
le  juge  en  la  sainte  escripture, 
qui  pi'ccieux  change  vous  fit 
de  créateur  pour  créature. 

JUSTICE 

Se  l'omme  a  telz  solucious, 
2555  je  n'ose  dire  plus  avant  : 
si  haultes  satisflacions 
doyvent  souffire  au  recevant  : 
Mes  pour  oster  suspicions 
qui  me  peuvent  estre  mouvant, 
2560  bailliez  moy  donc  salvacions 
a  mes  argumens  de  devant. 

MISERICORDE 

Sy  feray  je  tout  en  syvant: 
il  n'y  a  raison  qui  m'empesche. 
Vous  arguez  :  quiconques  pèche 
2565  contre  la  majesté  haultaiue 
doit  avoyr  infinye  peine  : 
l'omme  a  fait  offence  sainblable, 
si  doit  avoir  peine  influable. 


Vous  péchez  en  conclusion 

2570  qui  nyez  repparacion  ; 
mes  très  bien  poez  inférer 
qu'il  convient  a  le  repparer 
que  cil  qui  on  ara  l'ottroy 
aist  puissance  infinye  en  soy. 

2575  Et  se  tel  le  rcppai'e  bien, 

vostre  argument  ne  conclud  rien 
ne  nostre  juge  en  riens  ne  meust. 
Vostre  seconde  raison  veult 
qu'offence  d'esgal  jugement 

2580  passe  par  esgal  vengcment; 

c'est  raison,  je  vous  le  concède  ; 
mes  vostre  mineur  mal  procède, 
que  l'ange  et  l'omme,  tout  pensé, 
ont  egallement  offencé  ; 

2585  et  pour  tant  que  faulce  la  treuve, 
je  la  vous  nye. 

JUSTICE 

Je  la  preuve. 
Se  l'ange  et  l'omme  aucunement 
ont  offencé  diversement, 
comme  vous  tenez  contre  droit, 

2590  ou  la  diversité  vendroit 

de  la  part  des  deux  offençans, 
ou  des  offences  transgrossans, 
ou  de  Dieu  vers  qui  l'ofléiice  est. 
Le  premier  dire  me  desplest, 

2595  car  tous  deux  estoient  substance 
noble,  de  clere  congnoissance, 
informés  de  haulte  lumière 
d'entendement  large  et  plainicre, 
dont  chacun  d'culx  povoit  vertir 

2600  son  vueil  et  en  bien  pervertir  ; 
se  l'ange  plus  clere  l'avoit, 
l'omme  pourtant  moins  no  savoit, 
car  avant  sa  transgression 
il  avoit  eu  moniclon 

2605  de  la  propre  bouche  de  Dieu, 
qui  luy  dit  en  temps  et  en  lieu 
ce  qui  luy  estoit  advenir. 
D'aultre  part  ne  sçaroz  tenir 
différence  en  l'offence  d'eulx, 

2610  car  par  orgueil  sont  cheus  ambdeux. 
Tant  aussi  que  l'offence  touche, 
quelque  ditferance  n'y  couche, 
car  l'oftenca  dos  deux  s'adresse 
contre  l'iufinye  haultesse, 

2015  qui  leur  tauxe  peine  infinye, 


2526  ne  me  B.  C.  —  2531  a  Hlanr/ite  B.  —  2533  qui  A.  —  2540  pourray  bien  G.  —  254Ï  Lors  je  le  C.  —  2546  il 
vous  soutTist  C.  —  2547  se  C.  —  2590  ce  quil  C.  —  2551  sa  C.  —  2570  qui  y  mettez  C.  —  2572  a  manriue  C.  —  2579 
de  quel  A.  —  2582  rigueur  C.  —  2586  je  le  nye.  Je  le  vous  preuue  C.  —  2587  Ihorame]  homme  C.  —  2592  des 
offençans  B.  —  2593  cil.  C.  —  26(K)  en  Dieu  ou  paruertir  C.  —  2606  bien  en  temps  et  lieu  G.  —  2607  a  aduenir  B.  que 
C.  —  2610  tous  deux  A.  —  2615  leur   peine  B,  Cauxa  C. 


PREMIERE 

ot  nioy  aussi. 

MISERICORDE 

Je  vous  le  uyo  : 
vous  faille/  eu  probacioii. 

JUSTICE 

Assignez  donc  distinction, 
affin  que  nous  nous  a|)pai»ons. 

MISERICORDE  » 

Ï6J0  Sy  feray  je  par  six  raisons, 

que  je  diray  :  dont  la  première 

est  fondée  sur  la  lumière 

(rontendomciit  que  Tange  avoit, 

qui  trop  plus  cleromont  congnoist, 
ïiiïj  car  touti!  sa  cognicion 

se  fait  sans  inquisicion  : 

on  soy  n'a  voillo  qui  rencombrc. 

I/onnno  congnoist  un  peu  soubz  l'ombre 

de  raison  qui  souvent  s'aljusc, 
W)30  pai'  quoy  ignorance  s'excuse. 

D'aultro  part  quant  a  l'affoctive, 

l'ange  l'a  tant  ferme  et  active, 

que  s'en  bien  ou  a  mal  la  mcct, 

il  y  demeure  et  s'y  soubmect  ; 
!Î635  or  la  voult  l'ange  a  mal  tourner, 

si  n'en  peust  jamés  retourner. 

L'homme  ne  l'a  pas  si  fermée, 

car  se  par  mal  l'a  difformee, 

toutcffois  la  iieust  rovertir 
2W0  on  Diou,  et  en  liicn  conveilir; 

ainsi  luy  a  Diou  ordonnée. 

JUSTICE 

Honne  raison  avez  donnée  ; 
venez  a  l'aulti'e,  si  vous  plaist. 

MISERICORDE 

La  seconde  raison  si  est 
2045  fondée  sur  leui's  deux  natures, 

car  les  anges  sont  créatures 
i'         nobles,  dont  le  parfait  connnun 

n(;  ilevoit  pas  descendie  d'mig 

par  quelque  genoracion  ; 
ï(«o  mes  toute  humaine  nacion 

venoit  d'ung  qui  l'avoit  deftaicte  : 

si  doit  par  uug  estr<!  reftaicto, 

ou  l'ange  ne  peut  (larvenir. 

VERITE 

Par  ceste  voye  maintenir, 
2(i5j  l'ommo  de  danipner  n'ai'a  garde. 

MISKRICORDE 

Ma  troisième  raison  regarde 


JOURNEE 

leur  poché,  que  dame  Justice 
appreuvo  egunl  en  maleflm  ; 
mes  la  (lifTercnco  eut  notoire  : 

8600  l'omnio  a  poché  par  vaine  gloire 
de  science  haulte  et  notable, 
dont  sa  nature  ostoit  capable 
miculx  que  le  mal  ango  n'estoit 
de  iniissance  qu'il  appctoit. 

2865  .\ussi  quand  a  la  circonstance, 
l'ange  queraut  ceste  puissance 
commist  vers  Dieu  oU'encement 
de  son  malice  i)roprement, 
et  par  luy  l'onune  fut  seduist, 

8670  par  quoy  remède  ne  luy  duist, 
ne  jamè»  je  ne  m'y  accorde. 

DIEU  I.E  PEIUS 

Vous  dictes  bien,  Miséricorde, 
et  moii.^trez  bien  vostre  sagesse. 

MISERICORDE 

Ma  quatrième  raison  s'adresse 

8075  vci-s  vous.  Justice  ;  vous  savez 
que  les  faulx  anges  repprouvés, 
tous  créés  et  estans  en  estre, 
offencerent  au  lieu  celestre 
chacun  de  proi)re  mocion  ; 

2680  mes  humaine  corrupcion, 

venant  d'Adam  par  son  trespas, 
seulloment  ne  s'estendoit  pas 
sur  luy  qui  estoit  ja  vivant, 
mes  sur  tout  le  gendre  ensuy vant  ; 

2685  par  quoy  n'estoit  pas  convenable 
a  voiLs,  .Justice  redoubtable, 
que  vostre  sentence  ci-uelle 
de  dampnacion  éternelle 
dessus  les  humaias  assignez, 

2690  qui  encore  ne  sont  pas  nés. 
Se  ceste  rigueur  se  tenoit, 
et  pitié  n'y  contrevenoit, 
tous  sont  a  toinient  invites 
des  avant  leui's  nativiuis, 

2095  que  jamés  ne  consentiroye. 

VÉRITÉ 

Vous  parlez  par  trop  bonne  voye 
et  bon  argtiment  avez  fait. 

MISERICORDE 

La  cinquième  touche  mon  fait, 
car,  quant  je  regarde  et  escoute, 
2700  nature  humaine  est  chouti!  toute 
et  tresbuchee  en  grant  mi.sere 


35 


201G  Je  le  vous  C.  —  2l)27  comble  C.  —  2631  la  factliie  C.  —  2633  se  a  bien  C.  —  8S30  iieantmoins  il  C.  —  86*8 
de  A.  —  3653  ne  pouoit  H.  —  2656  ma  raison  troisième  C.  —  SdôS  en  mnii'/ue  H.  C.  —  2659  est  manque  B.  —  2063 
lange  A.  —  2675  lontro  vous  Justioe  et  sauez  C.  et  sauez  B.  —  2678  en  0.  —  2680  1'  C.  —  8681  de  A.  son  mniviue 
A.  —  26.'<2  seulement  nentendoit  pas  C.  —  2685  pas  nestolt  B.  C.  —  2C92  coniretenoit  B.  C.  —  2893  inuite  A.  C,  — 
2691  naliuile  A.  B.  C.  —  2701  tel  U.  C. 


36 


MISTERE   DE  LA   PASSION 


pour  le  vice  du  premier  père  ; 

pour  ung  seul  toute  est  obligée. 

La  chose  est  aultrement  jugée 
2705  aux  anges  en  leur  action, 

car  la  dure  obligacion 

n'est  pas  a  tous  anges  sortyc  ; 

mes  seuUement  une  partie 

est  cheute  en  peine  obligatoire, 
Ï710  les  aultres  demourés  en  gloire  ; 

par  quoy  ce  seroit  grant  dommage 

se  le  total  humain  lignage 

tel  dampnacion  prcferoit 

plus  que  des  anges  ne  seroit 
2715  qui  ne  sont  qu'une  qualité. 

PAIX 

C'est  notablement  rapporté, 
dame  do  grâce  l'aulmonnierc  ; 
poursuyvez  par  ceste  manière 
et  l'orame  obtendra  guerison. 

MISERICORDE 

2720  Quand  a  ma  siziome  raison, 
c'est  ma  principalle  en  ce  cas  : 
elle  regarde  leurs  estas, 
et,  comme  devant  dit  j'avoye, 
l'omme  estant  encor  en  sa  voye 

2725  pécha  ;  par  quoy  cust  bien  puissance 
de  retourner  a  penitanco, 
car  en  terre  commist  l'oultrage, 
qui  n'estoit  qu'ung  pèlerinage 
et  une  sente  pour  venir 

2730  au  règne  qui  ne  peut  fenir. 

Mes  l'ange  estant  au  hault  estage 
et  au  terme  de  son  voyage, 
en  tant  parfaicte  mancion, 
et  qui  n'avoit  d'exempcion 

2735  fors  ce  qu'il  se  desordonna, 
commist  péché  qui  le  dampna 
sans  jamès  a  bien  reppairier. 
Et  pourtant,  juge  droiturier, 
mes  argumens  très  bien  prouvés 

2740  et  coulx  de  justice  saulvés, 
je  roquier  que  soit  consommée 
la  redempcion  prénommée, 
et  soit  mise  nature  humaine 
en  sa  noblesse  premeraine, 

2745  tant  au  moins  que  par  bien  servir 
puist  vostre  gloire  desservir 
et  que  vostre  grâce  entendez. 


DIEU  LE   PERE 

Justice,  plus  ne  respondez  ; 
voulez  vous  aultre  chose  dire  ? 

JUSTICE 

2750  Assés  pourroyc  contredire, 
et  querre  rigoreux  chemin, 
mes  je  vous  congnoy  tant  enclin 
a  Miséricorde  ensuyvir, 
que  je  n'en  sçaroye  chevir  ; 

2755  par  quoy  je  n'y  contredis  point. 
Reste  tant  seullement  ung  point, 
que  mon  admende  soit  tauxeo 
de  tant  que  je  suis  offencce  ; 
hault  pris  me  soit  ravallué. 

2760  Et  de  fait  j'avovc  argué 

que  l'omme  en  doit  payement  faire, 
et  il  n'a  de  quoy  satisffaire  ; 
par  quoy  doist  estre  retenu. 
■     Elle  m'a  ce  point  prévenu 

2765  que  s'il  est  do  soy  impuissant, 
il  ara  gage  souffisant 
qui  mon  respondant  en  sera  : 
je  veil  bien  voir  qui  ce  fera, 
car  assés  commect  la  besongno 

2770  qui  par  aultruy  oeuvre  et  besongne. 
Et  atant  m'en  tays  et  depporte. 

DIEU  LE  PERE 

Vostre  procès  très  bien  se  porte, 
qui  vous  trouvez  en  concordance  ; 
Vérité,  dame  d'excellance, 
2775  declairiez  aussi  vostre  entente. 

VERITE 

Juge  de  vertu  precellante, 

mon  vouloir  est  près  converty  ; 

j'ay  long  temps  tenu  le  pai-ty 

de  Justice  la  peu  piteuse, 
27S0  qui  fort  se  monstroit  désireuse 

de  venger  son  offencement  ; 

mes  quand  j'oys  si  doulcement 

la  piteuse  cause  debatre, 

pour  la  rigueur  Justice  abatre, 
2785  pitié  m'y  constraint  et  raniadue, 

que  la  redempcion  humaine 

se  face  par  paix  et  concorde, 

pourveu  que  Miséricorde 

aist  prins  souffisant  exposé, 
2790  ainsi  comme  elle  a  proposé, 

et  qir  Justice  ait  sacrifice 


2703  Io)it  A.  B,  C.  oblige  A.  B.  —  2704  juge  A.  —  2706  la  manque  C.  —  2709  sont  C.  —  2710  demeurent  C.  —  2711 
trop  seroit  C.  —  2713  proferoit  B.  perferoit  C.  —  2717  la  minière  C.  —  2722  et  regardez  leurs  deux  B  et  regarde  les 
deux  C.  —  2723  j'  C.  comment  B.  —  2725  parquoy  bien  et  puissance  C.  —  2726  de  reuertir  C.  —  2734  delection  B. 
dilectio'n  C.  —  2751  quérir  C.  —  2761  en  ]  qui  A.'—  2768  que  B,  que  se  C.  —  2773  a  B.  C.  —  2774  noble  et  franche 
B.  noble  dame  et  franche  C.  —  2780  despiteuse  A,  —  2782  si  très  B.  -  2788  pour  C.  —  2790   el  A. 


l'RKMIERF  JOURNEE 


37 


I 


solcnipucl  pour  le  malofico 
o)>liguiit  huiiminc  nature. 

DIEU  I.K  PERK 

Kt  vou.",  l'aix  cl(!  noble  cstnturo, 
27<Jj  (luino  dont  tout  l)icu  sourt  et  vient, 
vostre  raL^ou  dire  convient 
sur  eoste  requeste  prcuiise  : 
est  il  tcniiis  que  voua  soyez  mise 
entre  moy  et  ceulx  do  la  terre  ? 
2800  est  il  temps  de  cesser  la  guerre, 
qui  des  jadis  y  est  si  forte  ? 
est  il  saison  d'ouvrir  la  jiorte 
de  mon  hault  et  noble  royahne  ? 
délibérez,  notalilc  dame, 
8805  car  très  liien  vous  voulions  oyr. 

PAIX 

Je  ne  veil  querelle  tenir  ; 
juge,  je  suis  indifférente. 
S'il  est  qui  Justice  contente 
de  son  adraendc  qu'dle  quicrt 

Î810  et  Miséricorde  en  requiert, 
par  raison  m'y  devez  poser  ; 
et  encore,  a  l'ommc  excuser, 
je  vous  veil  bien  ramentavoir 
deux  points  qui  vous  doyvent  mouvoir 

£815  n  le  délivrer  de  servage. 

Car  premier,  ce  seroyt  dommage 
de  ces  beaulx  cieulx  qui  clos  seront 
et  inhabités  demourront 
se  l'oinme  n'y  peust  revenir, 

Ï820  qui  e^^t  formé  pour  les  fournir. 
Considérez  d'aultro  costé 
se  l'ommc  est  de  servage  osté, 
quant  parfais  homme  il  y  sera, 
combien  en  terre  naistera 

ÎSffi  de  femmes  de  haulte  vallue  ; 
or  sera  cesta  oeuvre  pardue, 
éternellement  condanipnee, 
se  remrde  n'y  est  donnée. 
La  terre  qui  tant  bien  s'attourne, 

Î830  ce  beau  soleil  qui  dessus  tourne 
accompaigné  d'aultres  planètes 
et  d'estoilles  clercs  et  nettes, 
seront  frustrés  de  leurs  ouvrages  : 
de  quoy  servent  leurs  grans  voyages, 

8833  leurs  tours,  leurs  revolueions, 
leurs  pardurables  moeions  ? 
Qui  m'en  demandera,  en  somme 
je  dis  que  tout  est  fait  pour  Tomme 


comme  Genesi»  lo  recite. 

8840  Mes  quoy,  do  combien  lui  profiito 
d'avoir  esté  servy  au  monde 
de  corps  do  vertu  si  parfonde, 
et  apprés  la  mort  corporeUo 
encouri'c  la  mort  eterncllo 

tsv>  sans  enti'er  a  port  do  valu  ? 
trop  petit  luy  aroit  valu 
le  service  tant  bien  paré. 

VÉRITÉ 

C'est  force  qu'il  soit  repparé, 
tant  poui'  les  raisons  ja  attainctes 
8850  que  pour  les  escriptures  saintes, 
qui  ne  peuvent  estro  frustrées, 
mes  par  oeuvre  de  fait  monstrees 
comme  il  est  au  sens  littéral. 

DIEU  1£  PERE 

Pour  rendre  jugepient  final, 
8855  a  la  requeste,  a  la  jjriero 
de  nostre  amee  tresoriere, 
Miséricorde,  nous  voulons, 
saulves  toutes  objections, 
que  nature  humaine  ait  escout 
8860  et  soit  repparce  de  tout, 

comme  il  est  dit  cy  en  commtui. 

JUSTICE 

Voire,  sauf  lo  droit  de  chacun  ; 
aultrement  je  m'opposeroye. 

VÉRITÉ 

Vous  tenez  rigoreuso  voye  : 
8806  en  gi-and  danger  est  qui  s'i  couche. 

JUSTICE 

Je  le  dy  poiu'  tant  qu'il  me  touche, 
qui  vauldra  en  temps  et  en  lieu. 

PAIX 

Loué  soyes  tu,  très  bon  Dieu, 
juge  qui  tout  tiens  en  ta  main, 

2870  quand  jugement  tant  doulx  et  pieu 
as  fait  pour  le  lignage  humain  ; 
Pren  joye,  trosne  souverain, 
teiTe,  fais  liesse  a  planté  ; 
vous,  anges  de  vouloir  serain, 

8875  doulcement  chantez  :  Silelg. 

VERITE 

Miséricorde,  vous  savez 
que  sentence  pour  vous  avez  ; 
loué  en  soit  Dieu  nostre  père. 
Or  est  il  temps  qu'il  nous  appere 
8880  par  quel  moyen  vous  entendez 


8794  «lature.  lî.  —  aSlfi  Et  promier  qui  B.  —  8819  ]' manque  C.  —  8880  le  C.  —  8?83  il  manque  A.  y  mnnquf  C. 

•  a>23  sic  A.  li.  C.  —  2827  et  etcinellpment  C.  —  2828  trouuee  A.  —  2,»29  se  trouue  C.  —  2S;U  dont  seniiront  C. 
2840  il  proufflte  C.  —  2844  encourir  A.  —  2853  ou  B.  C.  —  2!'55  et  la  prière  C.  —  28:8  sauluo  A.  —  8S(35  cy  B. 
I—  2866  quil  n.  —  28C8  soyez  vous  C.  -  2f69  la  main  C.  —  2873  fais  joye  C.  —  8874  et  anges  B.  C.  —  8877 
1  qui  A.  —  2879  qui  A. 


38 


MISTKRK   DE   LA   PASSION 


qu'a  Justice  son  droit  rendez  : 
aultr'ement  n'en  chevircz  point. 

MISERICORDE 

Mes  dames,  quand  est  ad  ce  point 
devant  vous  ne  veil  pas  pictendro 
2885  que  j'en  doyve  jugement  rendre  ; 
mes  allons  pour  avoir  sentence 
parler  a  dame  Sapicnce, 
qui  tantost  nous  ordonnera. 

PAIX 

Tous  les  moyens  y  trouvera 
2890  qui  seront  possibles  do  faire. 

VKRITÉ 

Dame  courtoise  et  debomiaire, 
ou  gist  de  savoir  la  monjoye, 
a  vous  adressons  nostre  voye, 
affin  que  d'ung  petit  procest 
2895  nous  mettez  d'accord,  si  vous  plaist, 
comme  bien  faire  le  sçarez. 

SAPIENCE 

Il  fault  que  le  fait  déclarez, 
affin  que  nous  en  ordonnons. 

VERITE 

Ma  dame,  devers  vous  venons 
2900  comme  a  ung  singulier  reffuge, 
pour  cause  que  Dieu,  nostre  juge, 
veult  sa  bcnigvolence  estendre 
de  racheter  tout  l'humain  gendre, 
comme  il  a  des  long  temps  promis  ; 
2905   et  est  nostre  fait  très  bien  mis  , 
mes  Justice  fait  action 
pour  avoir  repparacion 
de  l'offence  vers  luy  commise, 
dont  Miséricorde  est  soubmise 
2910  a  vous  pour  en  faire  l'accord. 

SAPIENCE 

A  le  bien  trouver  sera  fort, 
veu  ce  que  Justice  demande 
très  grand  et  sumptueuse  admende, 
et  l'homme  a  puissance  petite. 

PAIX 

2915  Comment  !  est  la  chose  ainsi  dicte 

que  pour  riens  que  l'omme  sceust  faire, 
il  ne  peust  pour  soy  satisffaire? 
est  tant  interdist  son  service  ? 

SAPIENCB 

Demandez  a  dame  Justice, 
2920  s'elle  s'y  scroyt  concordant. 

JUSTICE 

Nennil,  pas  en  cent  milliers  d'ans, 


et  fut  il  tousjours  en  penanco. 
L'omme  est  pcschour  plain  de  meschance, 
indigne,  vil  et  détestable  ; 
29^  son  fait  ne  m'est  point  acceptable  : 
querez  toure  plus  conveniens; 

PAIX 

Tousjours  vos  rigoreux  moyens. 
Justice,  vous  sont  en  saison. 

SAPIENCE 

Justice  a  très  bonne  raison, 

2930  s'elle  se  tient  bien  difficile  ; 
regardez  en  cause  civille 
s'ung  malfaictcur  par  son  desioy 
est  tenu  en  prison  de  roy 
et  tant  a  mal  faire  s'admort 

2035  que  sa  cause  est  digne  de  mort  : 

se  lore,  quand  il  se  voit  contraindre, 
commence  a  larmoyer  et  plaindre, 
soy  rcppontant  du  grief  meffait, 
la  reppentanco  rions  ne  fait, 

2940  ne  le  juge  en  riens  ne  retarde 
que  son  payement  no  luy  garde 
de  la  moit  qu'il  a  desservye , 
n'il  ne  peust  racheter  sa  vye, 
tant  se  peine  en  grant  haljondance  ; 

2945  et  non  pas  que  la  pénitence 

ne  soit  vraye  on  fait  et  en  signe, 
mes  pour  tant  que  cil  est  indigne 
dont  la  penitaiicc  procède, 
en  son  fait  n'a  point  de  remède, 

2950  a  sa  mort  ne  peust  contredire; 
et  forse  Justice  veult  dire 
que  le  cas  de  l'omme  est  pareil. 

JUSTICE 

C'est  mon,  ou  de  pire  appareil, 
si  ne  doit  pas  estre  accepté. 

VERITE 

2955  Voire,  mes  en  bonne  équité 

aidtre  voye  y  fault  csgarder, 

et  encores  me  veil  fonder 

sur  la  similitude  bonne 

que  dame  Sapience  donne  ; 
2900  car  posé  que  le  malfaicieur, 

qui  est  en  chartre  habitateur, 

ne  puist  satisflaire  a  son  mal  ; 

neantmoins  par  don  especial, 

le  roy  le  peust  permettre  vivre, 
2965  ou  forse  vient,  qui  le  délivre, 

le  prince  de  celle  cité 


2891  courtoisie  B.  —  2895  sil  C.  —  2908  elle  B.  —  2912  veu  que  A.  B.  —  2921  cent  «uuir/uc  A.  B.  —  2932 
se  A.  C.  —  29J3  saisi  B.  C.  —  2940  regarde  A.  —  2950  ny  C.  —  2951  forte  B.  force  C.  corrigé  en  eroy  que  par  un 
lecteur. 


PREMIERE  JOURNEE 


39 


(jui  onoqufts  n'y  ni'oit  osti'?. 
Sy  veil  a  co  point  parvenir 
quo  tnl  prince  pourroit  veiiii- 
Xnn  CM  liuiiinino  hahitacion, 

(jui  t'n  preiiiiroit  ooinpastiiou 
en  baillant  plaine  délivrance. 

SAI'IENCE 

Venté,  dame  d'exccllance, 
vous  arguez  de  bon  endroit, 

«975  et  pour  tant  le  plus  fort  vondroit 
quo  l'elluy  priuci^  fut  trouvé 
tant  noble  en  puissance  esprouvé 
qu'il  allast  fedre  cesto  grâce 
au  jirisonnier  qui  tant  se  lasse 

2080  de  la  dure  cliaitre  ou  il  gist. 

PAIX 

Est  il  ange  qui  y  soufflt  ? 
dictes  le  nous  en  briefvo  clause. 

.7USTICE 

Nennil,  certes. 

SAIMENCE 

Justice  a  cause, 
et  me  tiens  assés  de  sa  pai't, 

8985  se  Vérité  avec  nous  part. 

Briefment  je  dy  qu'il  fault  conclure 
que  createiu'  ou  créature, 
voire  clerc  d'enteudenient, 
voit  faire  ce  repparement. 

SMO  Encore  des  choses  créées 

qui  pourroyent  estre  ordonnées  : 
l'omino  n'y  doit  ne  peust  souffire, 
comme  Justice  a  sceu  descriprc  : 
ja  ne  consentira  ce  change. 

8flK5  Ne  reste  que  savoir  se  l'ange 
souffit  pour  repparacion  ; 
auquel  point  je  respons  que  non, 
car  il  a  puissance  finye, 
et  ceste  offense  est  inflnye 

3000  de  tant  que  vers  Dieu  fut  commise, 
en  qui  fin  ne  peult  estre  mise. 
Par  quoy  s'il  y  a  rédempteur, 
il  convient  qu'il  soit  créateur 
tout  tenant  en  sa  pi-ovidence. 

PAIX 

3003  0  souveraine  Sapience, 
dame  de  grand  auctorité, 
trésor  do  pure  dcité, 
noblement  avez  respondu  ; 
en  vos  dis  n'y  a  riens  pardu. 


S^to  tant  Dont  (mu  (lar  roaniero  gente. 
Touteffoig,  treH  noble  rcf^onte, 
n'ayez  conti-o  moy  mocion, 
se  je  fais  une  qui«tion 
|iour  contenter  l(>s  anfiialanB. 

SAPIBNCOt 

3015  Nennil,  ccitce. 

PAIX 

Pai-  vous  j'entcndz, 
qu'il  n'est  créature  tant  haulte 
qui  ceste  douloureuse  faultc 
peust  repparer,  tant  est  despitc  ; 
assavoir,  s'il  seroit  licite 
.■«80  et  80  Dieu  en  pourroit  faire  une, 
ftist  ange  ou  d'aultre  espèce  aucune, 
en  qui  fust  tel  jici'fection 
que  peust  faire  solucion 
de  ceste  debte  tant  g-revable  ? 

SAPIENCE 

30K)  A  nostre  hault  juge  honorable, 

attribuons  par  juste  loy 

tout  ce  qui  est  i>ossiblo  en  soy  ; 

neantmoins  quoique  créateur  puist, 

quelque  creatui'o  (-n  veni.st 
.1030  no  combien  de  vertu  puissante, 

elle  y  seroit  insuffisante 

pour  plusieurs  poiiis,  dont  l'un  la  vient 

que  toute  chose  qui  provient 

en  estre  par  creacion 
3035  toute  son  operacion 

doit  a  Dieu,  combien  qu'il  labeure  ; 

et  ainsi  riens  ne  luy  demeure 

dont  elle  puist  satiffier 

pour  l'admendc  d'aidtruy  payer. 
.3040  D'aultre  part  repparer  nature 

n'appartient  pas  a  créature, 

mes  tant  seulement  a  celuy 

qui  fit  nature  et  estably. 

Moif  engin  pourroye  employer 
3045  a  telz  raisons  multiplier, 

mes  je  m'en  tairay  du  surplus  : 

sur  quoy  finablement  conclus 

que  la  redompcion  humaine 

par  la  puissance  souveraine 
3030  se  fera  et  non  aultrcment. 

VEniTÉ 

O  noble  et  digue  jugement  ! 
benoit  soit  qui  t'a  prononcé  ! 


8907  avoit  li.  C.  —  2W2  par  baillant  C.  bonne  D.  C.  —  2973  nobla  et  franchfl  B.  noble  dame  et  franche  C  — 
2978  qui  A.  —  2088  chauso  C.  —  8985  aiieoques  A.  —  20S6  veoy  qu'il  C.  voiz  (luil  B.  2987  le  créateur  C.  —  8990 
irees  A.  B.  G.  —  a009  riens  nya  C.  —  3011  ma  B.  C.  —  3015  Nennil  voir  —  l'ar  vos  ditx  jentens  B.  C.  —  3010  qui 
A.  C.  —  3020  ou  so  C.  —  3021  ou  manque  A.  —  3023  peust  ]  pour  A.  B.  C.  —  3032  auient    B. 


40 


MISTERR    DE   LA   PASSION 


l'omme  sera  bien  advancé, 
s'il  parvient  a  ccste  querelle. 

PAIX 

«055  Dame,  puisque  la  chose  est  telle 
et  que  l'omme  est  tenu  tant  cher, 
ung  peu  plus  avant  veulx  toucher. 
La  redempcion  qui  sera, 
Dieu  et  non  aultre  la  fera 

3060  comme  ja  devant  dit  l'avez  ; 

'       mes,  noble  dame,  vous  savez 
qu'en  ceste  jiure  deité, 
en  ceste  parfaicte  unité 
et  très  puissant  magnificence, 

30Ô5  est  une  singulière  essence, 
ou  trois  personnes  sont  unies, 
en  noblesse  et  vertu  onnyes, 
le  Père,  le  Filz  qu'il  cherist, 
et  le  bonoit  saint^Esperist, 

3070  tous  trois  ung  :  tel  le  tiens  et  crois. 
Si  fault  savoir  le  quel  des  trois 
sera  commis  d'avoir  la  charge 
de  ce  voyage  grand  et  large, 
ou  se  les  trois  Tarent  ensemble. 

SAPIENCE 

3075  Honorable  dame,  il  me  samble 
que,  selonc  les  naturels  termes 
de  Justice  justes  et  fermes, 
quiconcques  oifence  commect 
a  pugnicion  se  submect, 

3080  et  luy  mesmes  sans  aultre  avoir 
en  doit  la  peine  recevoir. 
Or  est  il  que  l'omme  a  failly, 
si  fault  qu'il  trouve  homme  pour  ly 
qui  porte  la  peine  et  niartire, 

30fô  puisque  de  soy  n'y  peust  pouffire. 
Or  est  nostre  appointement  tel 
que  quelque  pur  homme  mortel 
jamès  ce  mal  ne  repparast, 
quelque  peine  qu'il  endurast  ; 

3090  sy  concluons  que  Dieu  l'achevé  ; 
et  pour  ce  que  peine  l'escheve 
^  et  fuit  (car  il  est  impassible, 
dont  souffrir  luy  est  impossible 
voire  quand  a  sa  doito), 

3095  sy  conclus  par  nécessité 
que  cil  qui  ara  ceste  somme 


sera  et  vray  Dieu  et  vray  homme 

par  divine  operacion. 

Or  viens  je  a  vostre  question 

3100  que  demander  estes  venue  : 

a  quelle  personne  est  mieulx  deue 
ceste  incarnacion  eraprondre, 
se  le  Père  ou  Filz  la  doit  prendre 
ou  le  saint  Esprist  simplement, 

3105   ou  se  tous  trois  coujointtcment  : 
je  dis  pour  sentence  finable 
qu'a  tous  trois  n'est  pas  convenable  ; 
car  pour  néant  par  plusieurs  se  fait 
ce  qu'ung  tout  seul  très  liien  parfait  ; 

3110  se  l'une  des  trois  l'entreprend, 
puisqu'en  luy  reçoit  et  comprend 
totalle  deité  parfaicte, 
aussi  noblement  sera  faiete 
la  redempcion  des  humains, 

3115  comme  par  trois,  ne  plus  ne  mains. 
Aussi  ceste  incarnacion 
présuppose  en  soy  mission, 
et  fault  que  celluy  soit  transmis 
qui  a  C3  fait  sera  commis  ; 

3120  or  ne  pourroit  estre  transmise 
Trinité  ou  d'aultrc  commise, 
car  point  n'aroit  qui  la  transmist 
ne  qu'a  ce  faire  la  commist  ; 
si  nous  fault  arrester  sur  Tune, 

3125  qui  ticngne  la  voye  opportune 
do  payer  ce  grief  payement. 

VERI  lÉ 

Vous  délibérez  haultcment, 
dame  des  haulx  ciculx  tresoriere  ; 
vostre  petite  chaniberiere 
3130  Philozophie  n'a  engin 

qu'a  ce  propos  hault  et  divin 
ne  fut  vain  et  obnubillé  ; 
mes  le  vostre  est  tant  bien  stillé 
que  tout  scct  tt  voit  sans  fallace. 

MISERICORUE 

3135  11  fault  doncq  que  l'ung  seul  la  face, 
puisque  la  chose  ainsi  s'ordonne  ; 
mes  qui  y  est  le  plus  ydonne, 
affin  que  le  cas  nous  appere  ? 

SAPIENCE 

Le  Filz. 


305  4  cil  A.  —  3065  et  B.  C.  —  3C67  oyes  B.  unies  C.  —  SC08  qui  A.  C.  et  son  fils  B.  C.  —  3069  le  lien  est  le  B.  C. 

—  3081  la  pomme  B.  —  3C82  sest  ainsy  B.  C.  —  3088  jamais  liomme  ne  C.  —  3090  savons  conclu  G.  —  3091  s'es- 
oh  eve  C.  —  SCSS  de  Dieu  le  tuiel  est  C.  —  30t5  je  concliidz  B.   C.  —  5097  et  maniiie  C.  —  3100  a  demander  A.  ou 

le  A.  B.  —  3108  car  manque  A.  —  3109  se  que  A.  ce  qu.iussi  bien  par  ung  est  fait  B.  C.  —  3110  ce  une  des  per- 
sonnes G.  —  3111  puisquen    soy  C.   —    3117  mension   C.  —    3119  qui  a  ce  faire  A.   B.  —  3181  daultruy  C.  —  3122 

nauroit  de  transmetant  B.  nauont  G.  —  3123  qua  ce  lenuoyast  et  pourtant  B.  C.  —  3124  si  maiiQue  B.  G.  —  3125 
trouue  C.  —  3126  daoheuer  B.  C.  —  S12S  de  beaux  yeux  G.  —  3132  obumbill  B.  —  31?5  Donc  fault  il  que  luy  seulC. 

—  3130  se  A.  —  :  139  Certes  le   filz    C. 


PREMIERE  JOURNEE 


41 


PAIX 

Pouiquoy  plus  qufl  1«  Pcre ? 

;ilM  ne  poust  il  fournir  <'(*t  oïlit? 

fAPlKNCE 

Cclla  no  vous  ny  jo  pas  ilist  ? 
ni(  s  je  titMW  ijar  rnisoii  prouvobh^ 
qu'il  oA  au  fiiz  plu^  convenable 
qu'aux  aultres  ileux,  sans  reppiouvor. 

nur)  J'adniaine  a  mon  propos  prouver 
quatre  propriet''s  :r.oult  belles 
qui  luy  eonveijfU'  nt,  qui  sont  telles  ; 
la  prcniiere  jiuis  estimer 
sclone  qu(^  /i'j  se  lait  nonmier  ; 

Sino  la  seconde,  qu'il  est  ymai^e 
(le  Dieu,  le  jiere  neble  et  sage  ; 
tiercenient,  est  parole  et  verbe 
de  Dieu  qui  est  noble  i)r()verl)e  ; 
et  la  quart",  qui  l)ii  ii  consonne, 

3ir)5  il  est  la  moyeime  parsonne 
en  la  Trinité  beneurco. 
La  prcniiere  dont  déclarée 
de  tant  qu'il  est  filz  naturel 
de  Dieu,  son  vray  père  éternel, 

3160  le  preuve  estrc  très  nécessaire 
a  cestc  rodcmpcion  faire  ; 
car  filz  denotft  obédience, 
huniilit''  ( t  ])acience, 
comme  filz  plain  de  charitt-, 

316.')  et  en  son  père  aucturité  : 

par  quoy  quand  incarné  vendra, 
prier  très  bien  luy  eonvcndra 
son  perc  et  satisffaire  aussy, 
qui  l'exsaucera,  et  ainsy 

3170  l'ordre  en  sera  n  iiulx  ordonnée 
que  s'au  contraire  estoit  tournée. 
Et  si  est  bien  d'utilité, 
que  luy,  qui  en  éternité 
est  lil/  de  Dieu  sanctismo  et  digne 

3171.  par  geueraeiou  divine, 

soit  filz  secondement  au  monde 
d'une  vierge  très  pure  et  monde, 
qui  sur  toutes  sera  choisie  : 
ainsi,  par  crste  courtoisie, 

3180  d'humanité  et  dcitii 

n'ara  qu'ung  filz  (n  trinité, 
qui,  vray  filz  et  naturel  hoir, 
jjourra  les  hiunains  promouvoir 
a  i^a:  ticipi  r  l'eritage 


3ia'>  (lu  haiilt  ciel  et  puissant  e8tag(^ 
dont  par  luy  seront  rc(;eptifz 
comme  Icaulx  filz  adoptifz. 
Quand  ymage  d(!  Dieu  se  nomme, 
jo  dis  qu'il  convient  bien  a  l'omnK*, 

3190  car,  comme  Genèse  maintient, 
l'omino  rejjresente  et  contient 
l'ymage  de  Dieu  imprimée, 
pai'  quoy  sera  plu»  sublimée, 
se  l'ymage  qui  tout  compassé 

3195  veult  prendre  en  soy  l'ymago  basie  ; 
par  e('  i)oint  l'ymage  increee 
joindra  cell(!  qui  est  creeo 
avec  soy  en  béatitude. 

misericoude 
De  sainte  et  benourec  estudo 

3200  ou  si  haulte  science  est  prise, 
par  dedans  nous  ave»  esprise 
pour  l'omme  paifalcte  espérance. 

SAPIENCE 

Au  tiers  point  j'ay  fait  demonstrance 

de  verbe  et  parole  divine, 
3205  qui  pour  donner  bonne  doctrine 

aux  humains  grandement  duyra, 

car  très  bien  les  intrwluyra 

de  nobles  predicacions. 

Quai-tement  luy  appropiioas 
3210  en  trinité  celestienne 

estre  la  parsonne  moyenne 

par  quoy  miculx  lo  puis  allier 

a  l'omme  reconsillier, 

affin  que  cil  ,  qu'en  tel  moyen 
321j   et  si  noble  a  pris  le  lien, 

soit  souffisant  médiateur 

de  créature  a  créateur. 

Mes  dames,  voyla  mon  devis; 

dictes  que  vous  en  est  advis, 
3220  car  la  matière  est  bien  doubteuse. 

PAIX 

0  Sapience  |)recieuse, 
fine  cscharbouelo  reluysant, 
vostre  dist  est  si  bien  duysant 
que  do  riens  ne  vous  desdisons  ; 
3225  ainssois  avec  vous  concluons, 
approuvans  ce  qui  est  dicté. 

SAPIENCE 

Miséricorde,  Vérité, 
.lustiee,  dame  do  valfur. 


3154  doux  autres  B.  C.  —  3145  S'amène  B.  G.  —  3146  moult  manque  G.  —  3148  et  premier  le  puis  B.  C.  — 
3149  ce  A.  ce  quil  G.  —  315'.  a  la  quarte  B.  G.  qui  bien  me  B.  —  3160  le  prouue  C.  —  3162  i-ar  il  B.  C.  —  3iœ  et  a 
A.  —  3166  incarner  A.  —  3167  le  C.  —  3171  est  A.  trouuee  C.  —  ri72  de  A.  B.  y  est  B.  —  3174  et  est  B.  —  3180 
do  A.  do  m'^n'/ur  C.  —  31S2  vray  Dieu  C.  —  3190  genesiB  B.  C.  —  3196-97  inoree,  cre«  A.  B.  G.  —  3802  1'  matupte 
C.  —  3214  tel  lien  B.  G.  —  3215  est...  prins  le  moyen  B.  G.  —  3217  au  créateur  C,  <—  3219  quil  vous  en  est  C,  — 
3221  0  Sap.,  dame  précieuse  G. 


42 


MISTRRR    DELA   PASSION 


Délibérez. 

JUSTICE 

C'est  le  iiioilleur, 
3230  de  vous  ne  me  discorde  point. 

MISERICORDE 

Ne  moy. 

VERITE 

Ne  moy. 

SAPIENCE 

Et  sui'  ce  point, 
nous  baillons  nostre  appointeraent  : 
que  le  filz  de  Dieu  proprement 
assumera  sa  créature 

3SS5  et  joindra  humaine  nature 
a  sa  deité  éternelle 
en  la  substance  personnelle, 
et  luy,  en  ce  point  incarné, 
au  lignage  humain  condampné 

3240  donnera  conffort  et  secours. 

PAIX 

Or  nous  convient  avoir  recours 
au  hault  juge  sans  contredire, 
et  luy  ceste  sentence  dire, 
assavoir  s'il  la  passera. 

SAPIENCE 

3245  Vérité  la  proposera, 

et  présente  avec  ly  seray. 

VERITE 

Volentiers  m'en  avanceray 
pour  le  fait  mieulx  expédier. 
Souverain  juge  droiturier, 

3850  qui  dominez  par  dessus  tous, 

nous  retournons  par  devere  vous 
pour  enquérir  se  bon  vous  samblo 
ce  qu'avons  ja  conclud  ensemble. 
Dit  est  par  sentence  commune 

.3255  que  pour  oster  la  grand  rancune 
que  Justice  aux  humains  soustient, 
vostre  filz  incarner  convient, 
qui  dessus  soy  la  charge  porte 
tjmt  que  soit  ouverte  la  porte 

3260  qui  forclost  les  humains  de  gloire. 

DIEU  LE  PERE 

0  mauvais  vice  obligatoire, 
en  inale  heure  fus  estauré  ! 
fault  il  que  mon  filz  beneuré 
pour  toy  repparer  tant  endure 
3265  et  doité  qui  toujours  dure 

soit  jointe  a  mortelle  substance 


pour  trouver  ceste  délivrance  ? 
Justice,  estes  vous  si  estroite, 
tenez  vous  la  glave  si  droite, 
3270  que  pour  racheter  l'umain  gendre, 
ne  prendrez  point  de  gage  mendro 
que  mon  filz  ?  faisons  aultrement 
avec  vous  et  plus  doulcement  ; 
vous  me  demandez  trop  hault  pris. 

JUSTICE 

3275  Aultre  par  moy  ne  sera  pris  ; 
en  ly  seul  mon  payement  gist, 
et  encores  s'il  n'accomplist 
sur  tout  son  corps,  nerfz  et  jointures, 
toutes  les  saintes  escriptures, 

32R0  tant  que  le  dernier  point  verray, 
ja  contente  no  me  tondray  ; 
ja  point  n'en  sera  mis  arrière  : 
regardez  donc  par  quel  manière 
et  comment  me  contenterez. 

DIEU  LE  PERE 

,3285  Or  donc,  Justice,  vous  Tarez, 
puisque  la  chose  est  ordonnée 
et  la  sentence  en  est  donnée  ; 
se  sur  luy  vous  recompensez, 
ne  vous  plaignez  plus,  c'est  assés, 
3290  la  recompense  est  bien  haultaine. 
0  très  chère  nature  humaine, 
en  ta  noblesse  priineraine, 
belle,  doulce,  clere  et  seraine 
enti'e  mes  fais, 
3295       Regarde  quel  honneur  te  fais, 
regarde  par  qui  tes  meffais 
seront  repparés  et  reffais 
au  parvenir  ; 
Bien  eureuse  te  dois  tenir, 
3300  quand  a  ton  fait  entretenir 
tu  aras  pour  toy  soustenir 
telle  potence  ; 
Pour  toy  mettre  en  magnificence 
n'argue  point  d'impacience  : 
3305  tu  as  le  tre.sor  de  clémence 
tout  descouvert. 
Le  don  de  mercy  t'est  ouvert, 
peulx  tu  mieulx  estre  recouvert, 
que  mon  propre  filz  soit  couvert 
3310  de  ta  nature  ? 

0  beneureo  créature, 
o  chère  et  amee  facture, 
quand  tu  verras  tel  couverture. 


3837  la  minqiie  A.  B.  C.  -  3240  dourra  vray  H.  C.  -  3243  et  a  lui  C.  -  32i5  si  la  C.  -  3247  me  A.  -  3253  j« 
manqua  A.  —  3269  le  glaiuo  ».  C.  si  droit  B.  —  3270  1'  manque  C.  —  3275  ne  sera  par  moy  C.  —  3277  encor  sil  ne 
l'ace.  B.  si  encores  sil  u'  C.  -  3280  vendray  B.  -  3284  esgardez  B.  -  3283-3390  manquent  C.  reuiHet  déchire.  - 
3288  sur   soy  B.  —  3289  ne  plaignez  plus,  car  B.  —  3304  ne,  de  A.  —  3308  estre  mieux  B. 


1'  U  K  M  I  !•;  R  I.;   .1  0  U  R  N  K  K 


43 


preus  y  chaloy, 
.tsir.       I";t  voy  que  j'aray  fuit  i)our  toy  : 
ma  graoc!  eonsidcro  et  voy 
qui  to  fait  plus  que  jo  no  doy  : 
tu  vois  lo  fait, 
l'iuioro  quand  tout  soi-a  fait, 
:!3Sn  ton  mal  |)ar(lonné  et  reflait, 

mon  fil/,  pour  toy  mort  et  défiait 
pour  ton  oflfiaudo, 
Pour  ccstp  grai'o  largo  et  grande 
riens  que  ton  amour  ne  demande  ; 
3:t$r)  se  tu  fais  ce  que  je  commande, 
il  to  vauldra. 

SAPIENCE 

Juge,  regarder  vous  fauldra 
le  moyen  de  plus  noble  affaii'e 
a  ceste  incarnacion  faire 
3XM>  qu'on  y  puist  trouver  par  l'aison. 

DIEU  LE  PERE 

Nous  ferons  par  ceste  achoison, 
dame  d'excellante  value  : 
une  noble  vierge  ay  cslue 
du  sang  et  gendre  de  David, 
atr)  Oncqnes  plus  humble  homme  ne  vit, 
j  idus  vénérable  ne  plus  sainte  ; 
si  vueil  que  briefment  soit  eusainte 
^  .    de  mon  cher  ûh  divinement, 
F       sans  quelque  humain  atouchenient  ; 
3340  virginalmont  l'enflantera, 
i  nouriiia  et  alaittera 
du  laict  do  sa  doulce  mamelle. 

MISERICORDE 

0  la  beneuree  pucelle, 
en  qui  tel  fleur  sera  posée, 
^irîiri  très  sainte  et  précieuse  ancelle 
combien  digne  es  d'estre  aloseo  ! 
A  bonne  heure  fus  composée  : 
*        pour  tel  noblesse  en  toy  poser 
est  ta  chambre  bien  disposée, 
3a-,0  quand  tel  prince  y  veult  repposer. 

DIEU  LE  PERE 

Gabriel,  allez  disposer 
en  teri'e  ce  divin  mistere 
a  la  vierge  qui  sera  mero 
de  mon  cher  filz  et  bien  amé. 
33:).-)  Gabriel  vous  ay  bien  nommé 
qui  fortitude  signifie  ; 
vostre  office  le  veriffie, 
vous  portez  nouvelle  certaine, 
la  plus  forte  et  la  plus  haultaine, 


3360  qu'oncques  fut  en  ten-c  evcoutce  : 
la  vierge  que  j'ay  acceptée 
I)ar  nom  Marie  ojit  appclleo 
et  native  do  Ualilcu  ; 
en  Nazareth  la  trouverez, 

8885  a  l'entrer  la  saluerez 

de  par  moy  par  un  doulx  langage 
et  I>ui8  la  cause  du  mossago 
luy  déclarerez  piiidemment. 

OAimiEL 

Créateur  du  hault  firmament, 
3370  ce  message  noble  et  tlivin 
voys  faire  de  eucur  entciin  : 
jo  luy  uoncei'ay  la  nouvelle 
la  plus  doulce  et  la  jilu»  nouvelle 
qui  jaraés  en  torie  jjuist  estre. 

CHERUBIN 

3375  Chantons  a  dextre  et  à  senestrc. 
et  menons  exultacion, 
'     car  ceste  annonciacion 

de  tous  poins  nous  resjouyra, 
ICIiançon.] 

SERAPHIN 

Quand  humanité  sera 
.3380      mise  en  vertu  primeraine, 
toute  la  court  souveraine 
parfaicte  joye  fera. 

MICHEL 

Paradis  resonnera 
de  lyesse  très  seraine, 
.3385       quand  humanité  sera 

mise  en  vertu  primeraine. 

RAPHA.EL 

Nostre  roy  la  pai-fera 
qui  va  prendre  char  humaine 
dedans  la  vierge  puraine 
3.390       qui  vierge  l'enfTantera. 

URIEL 

Quand  humanité  sera 
mise  en  vertu  primeraine, 
toute  la  court  souveraine 
parfaicte  joye  fera. 


JOSEPH,  mary  Nostre  Dame. 
33»  Marie,  il  ne  vous  desplaira, 
se  ma  volonté  vous  dcsclairc  ? 


:OÎ2  mon  B.  —  3325  ce  qui  to  B  —  .3,327  regardez  B.  —  33*6  es  manque  A.  —  33 W  t«  oh.  es»  bien  A.  ces» 
B.  —  3357  la  vciiflie  B.  —  3300  concques  A.  B.  —  3365  entrée  A.  —  3i68  declairei  prudoolement  B.  —  338*  de 
mélodie  seraine  B.  ~  3395  mary  Nostre  Dame  matique  A. 


44 


MISTERE    DE   LA   PASSION 


NOSTRE  DAMK 

Joseph,  mon  mary  débonnaire, 
dire  pouez  vostrc  prnsé. 

JOSEHH 

Très  chero  dame,  j'ay  pensé 
3400  et  considéré  nostre  estât. 

Vray  est,  arae  n'y  mect  dibat, 

que  par  la  volenté  divine 

j'ay  esté  esleu,  raoy  indigne, 

vostre  mary  ou  au  moins  garde. 
3405  Dieu  doint  que  si  bien  je  vous  garde 

que  la  garde  me  vaille  a  l'ame  ! 

Or  savez  vous,  notable  dame, 

que  la  loy  baille  par  usage, 

quand  deux  gens  viennent  eu  mcsnagc, 
3410  avant  qu'ilz  conviengnent  ensamble, 

doyvent  vacquer  comme  il  me  samblc 

en  oroyson  ung  certain  temps  ; 

si  seroye  assés  consentans 

que  nous  tenissons  ceste  rigle. 

NOSTRE    DAME 

3415   Ma  volenté  se  tient  et  ligle 
a  la  vostre,  mon  cher  cspoux  ; 
vos  poucz  ordonner  de  vous 
et  je  doys  estre  obeyssanto. 

JOSEPH 

La  rigle  est  bonne  et  suffisante, 
3420  et  puisque  vostre  vueil  y  est, 
nous  la  tendrons. 

NOSTRE    DAME 

Très  bien  me  plest, 
ne  je  n'y  dois  mettre  contraire. 

JO.-EPH 

Or  doncqucs  vueillons  nous  retraire 
une  espace  chacun  a  part, 
3425  tant  que  Dieu,  qui  tout  bien  deppart, 
arons  servy  ung  certain  terme, 
a  celle  fin  qu'il  nous  comfiorme 
en  amour  et  vraye  union. 

NOSTRE    DAME 

J'ensuivray  vostre  opinion, 
3430  la  vouldroy  je  estre  diligente  : 

voicy  chambrete  belle  et  gente 

pour  Dieu  mon  créateur  servir  ; 

et  pour  sa  grâce  desservir 
/je  vouldray  lire  mon  psaultiei\ 
3435V  pseaulnje  après  aultre  tout  entier  ; 

j'ay  maintenant  assés  espace. 

Au  commaneer  requier  ta  grâce. 


Dieu  d'équité  qui  tout  ordonnes, 
et  te  supply'que  tu  me  donnes 
3440  tel  lyesse  contemplative, 
que  la  joye  consolativo 
retourne  a  ma  salvacion. 

GABRIEL 

Ave  pour  salutacion, 

je  te  salu  d'affection, 
3445   Maria,  vierge  très  bénigne, 

Marie  de  devocion  ; 

gratia  par  infusion 

de  grâce  acceptable  et  condigne  ; 

Pleiia  par  la  vertu  divme, 
34r>0  pleine  quand  dedans  toy  recline 

Dominus  par  dilection  ; 

Nostre  sii-e  fait  ung  grand  signe 

tecum  d'amour  quand  il  assigne 

avec  toy  sa  perrnansion. 

NOTRE    DAME 

3455       Je  prens  grand  admiracion 
en  moy  d'estre  ainsy  saluée 
et  me  raectz  en  turbacion 
comme  chose  inacoustumee. 

GABRIEL 

Marie,  vierge  comprouvee, 

3460  asseure  toy,  n'ayes  cremeur, 
car  grâce  as  acquise  et  trouvée 
par  devant  Dieu  nos^tro  seigneur. 

En  ton  ventre  coucopveras 
et  enffanteras  ung  beau  filz, 

3465   le  quel  Jhesus  appelleras  ; 

onoques  si  haulte  oeuvre  ne  feis. 
Il  sera  grand  et  bien  rassis 
de  tout  bien  qui  est  en  enffant  ; 
en  ton  ventre  sera  assis 

3470   le  filz  du  très  hault  triumphaut. 
Et  lui  donra  Dieu  nostre  sire 
le  siège  de  David  son  père, 
et  tendra  son  règne  et  empire 
en  la  maison  joyeuse  et  clere 

3475  De  Jacob  ou  tout  bien  reppere, 
le  quel  règne  tant  durera 
que  de  l'eure  qui  luy  appere, 
jamès  ne  luy  terminera. 

NOTRE    DAME 

0  angle  de  Dieu  salutaire, 
34S0  nou  /elleté  vous  os  retraire 
de  haulte  et  mirable  faconde  : 
Go;r.mcnt  C2  poui'ra  ceoy  faire 


3398  pensée  B.  —  3401  ne  débat  C.  —  3405.  don  C.  —  34ii  ce  quil  me  semble  B.  —  3418  je  y  C.  —  3423  donc  C. 
—  S427  a  fin  telle  C.  qui  A.  —  3430  je  vouldroye  G.  —  3434  or  vouldre  C.  —  3437  au  commancement  C.  —  3438 
tout'  manque  G.  —  3440  celle  liesse  complantatiue  C.  —  3444  sa.ue  A  B.  C.  —  3'i60  afferme  toy  G.  —  c461  ta  graca 
C.  —  3466  plus  belle  G.  —  3407  et  agensiz  B.  agensis  C.  —  3409  sera  dit  par  mon  bien  assis  C.  —  3470  très  mangm 
C.  —  3477  de  quel  heure  il  y  B.  quelque  heurs  il  luy  G.  —  3481  nouuelle  G, 


PREMIERE  JOURNEE 


45 


3483 


3190 


»'i9j 


3500 


350r> 


3510 


3515 


3520 


3525 


que  je  soye  mère  au  parfaire, 

quand  homme  ne  congnois  au  monde  ? 

(iAnniEi, 
Le  saint  cspcrit  qui  rcdonde 
en  tout  cupur  devost  et  liabondo, 
te  seurveiidra  en  cest  affaire, 
Et  la  vertu  pleine  et  parfonde 
du  très  hault  ou  tout  bien  se  fonde, 
t"obuni))rora  sans  riens  mefl'airo  ; 

Pour  quoy  ce  qui  prendra  ton  gendre 
on  ton  saint  ventre  précieux 
se  pourra  nommnier  sans  niesprcndre 
le  vray  filz  de  Dieu  vertueux, 
Et  affin  que  tu  croycs  niioulx 
venir  ce  que  j'ay  maintenu, 
prcns  exemple  a  ung  ca^  joyculx 
qui  de  nouvel  est  advenu  : 

I';iizabcth  de  Dieu  voisine, 
la  chcrc  et  amce  cousine, 
fait  joyc  et  i  arfaicU;  liesse, 
Car  par  la  volenté  divine 
a  conceu  ung  filz  de  hault  signe, 
elle  ;a  venue  en  vieillesse  ; 
Ja  le  sizienie  mois  la  presse, 
tant  qu'elle  est  l)i('n  grosse  et  espesso, 
que  chacun  brehaigne  cuidoit  : 
En  cest  espoir  donc  le  relcsso, 
quelque  parole  a  Dieu  s'adresse, 
imiiossible  cstre  ne  luy  doit. 

De  tout  faire  il  est  suffisant  ; 
sans  luy  n'est  quelque  1  '.  ;.  luiy  ; 
il  est  tout  sachant,  tout  puissant 
et  en  ses  vertus  infiny. 

NOSTRE    DAME 

Ecce  aiicilla  Domini, 
l'ancellc  Uieu  suis,  sy  luy  plaist; 
j'ay  pavfaicte  credenco  en  luy 
et  sclonc  ton  mot  me  soit  fait. 

josEi'H,  a  genoux. 
0  Dieu  tout  bon  et  tout  parfait 
plus  que  cueur  ne  pourroit  comprendre, 
raercis  et  grâces  vous  doy  rendre 
de  ma  force  et  vertu  tolallo, 
de  ma  compaignie  loyale 
que  pour  potence  et  vray  secoui's 
m'avez  donné  en  mes  vie!/,  jours. 
Préservez  de  mal  et  d'ennoy 
Marie,  ma  compaigue  et  moy, 
si  vray  comme  j'y  ay  fiance. 


ouiniBi. 

Je  te  fais  la  signiflance 
3530  de  Marie,  noble  puccUe, 

■loscph,  que  n'atouches  a  elle 

pai'  charnelle  habitacion, 

car  de  certaine  intonciou 

a  fa  vii'giniti'  vouée 
3535  a  Dieu  le  poio  et  dedyee : 

laisse  la  donc  pcrsoverer, 

et  Dieu,  qui  scet  rémunérer 

tout  bon  cueui',  le  te  rendcra. 

JOSEPH 

Mon  corps  James  n'aiTcsteia, 
3540  s'aray  a  Marie  de  bouche 

déclaré  ung  point  qui  me  touche, 
dont  elle  et  moy  ferons  grand  joyc. 

NOSTRE   DAME 

0  do  science  la  raonjoye, 
o  dfe  vérité  droicto  voye, 

3545  puissance  de  deité  piue 

Jami's  n'est  nouvelle  que  j'oye 
qui  plus  doulccment  me  resjoyc 
que  ceste  divine  adventure. 
crest  <cuvre  jiar  dessus  nature  - 

3550  que  moy,  petite  créature, 
mon  créateur  enffanter  doyo. 
C'est  mon  bien,  c'est  ma  nourriture, 
qui  nie  promeust  a  l'estature 
du  plus  hault  fiiit  que  n'attendoye. 

:^3       Mon  Dieu,  ir.on  bien,  mon  sauvement, 
mon  recours,  mon  avancement, 
ma  seuUe  félicité  toute. 
Je  vov.s  reniercy  humblement 
de  ce  très  hault  assemblement 

^60  qu'en  moy  est  ja  fait,  point  n'en  doubte. 
0  mon  vray  Dieu  q<ie  tant  redouble, 
foy  tant  parfaicte  en  moy  se  boute 
sur  ce  que  l'angle  m'a  dicté, 
Que  je  croy  fermement  sans  doubte 

3565  qu'en  mon  ventre  gist  et  s'aboute 
le  filz  de  haulte  deité. 

Et  puis  donc  que  tu  m'as  cslcuc 
a  fait  de  si  haulte  vallue 
que  ton  filz  en  tes  flans  porter, 

S370  En  ceste  joyeuse  advenue 
fais  que  je  soye  entretenue 
humble  sans  en  orgueil  monter  ; 
Des  vices  nie  fais  absenter, 
en  toutes  vertus  augmenter, 


34<:0  te  A.  tobunbeia  IJ.  —  34'U  son  C.  —  3499  a  Dieu  B.  —  350'i  elle  est  C.  —  3505  saprcsse  C.  —  3507  sierille 
B.  stérile  la  C.  —  35118  en  est  H.  —  3511  tout  bien  faire  est  C.  —  3516  sil  B.  C.  —  3518  ta  parole  inc.  —  3528  gy 
«y  A.  jo  ay  P.  C.  —  353Ô  la  jouuencelle  B.  C,  —  3531  ne  touches  B.  C.  —  3535  et  a  Dieu  C.  —  3538  si  le  te  C.  — 
3540  tout  que  jayo  A.  —  3541  declaray  A.  —  3553  qui  ma  prouurent  B.  —  3554  du  plus  haut  que  je  n"  B.  —  3565 
que  mon  B,  et  manque  C. 


46 


MISTER EDE   LA   PASSION 


3573  tant  que  l'eure  soit  advenue 

Que  ton  cher  filz  puisse  enffanter 
et  le  très  doulx  fruit  présenter 
a  toy  dont  la  fleur  est  venue. 

JOSEPH 

Très  chore  espeuze,  j'ay  congnue 
3580  et  sceu  assés  près  vostre  entente 
par  la  puissance  precellente 
de  Dieu  qui  m'en  a  adverty  : 
vous  avez  choisi  le  party 
de  conserver  virginité. 

NOSTRE   DAME 

3585  Mon  cher  sire,  il  est  vérité  ; 

c'est  tout  ce  que  mon  cueur  désire. 

JOSEPH 

Or  je  voue  a  Dieu,  nostre  sire, 
que  pareillement  garderay 
la  myenne  tant  que  je  vivray  : 
3590  par  ce  point  serons  d'une  sorte. 

NOSTRE    DA.ME 

Mieulx  en  vauldra  nostre  consorle 
et  vendra  a  plus  hault  degré. 
Cher  époux,  s'il  vous  vient  a  gro, 
volontiers  visiter  allasse 
3595  ma  cousine,  par  vostre  grâce, 
Elizabeth,  en  la  montaigne. 

JOSEPH 

Si  y  allez,  chère  corapaigne, 
je  n'y  raetz  point  de  contredit. 

NOSTRE    DAME 

Bien  enssainte  est,  comme  l'en  dit  ; 
3600  si  ne  luy  fauldra  demander 

aultre  que  moy  pour  la  garder, 
qui  luy  sera  grant  courtoisie. 

JOSEPH 

Partez  quand  il  vous  plaist,  Marie  ; 
a  joye  puissiez  retourner  ! 

[SlLETE.] 


3610  en  ton  saint  ventre  convenant. 
Et  qui  fait  cecy  maintenant 
que  la  mère  de  mon  seigneur, 
de  mon  Dieu,  de  mon  créateur, 
viengne  icy  pour  moy  visiter  ? 

3615  Si  tost  que  j'ay  peu  escouter 
ta  voix  de  salulacion, 
en  joye  et  exultaciou 
l'enffant  de  mon  ventre  s'est  rais, 
congnoissant  cil  a  qui  soubmis 

3620  est  tout  ce  qui  au  monde  est  creu  ; 
et  benoite  es  tu  qui  as  creu, 
car  dedans  toy  seront  parfaictes 
les  paroUes  que  Dieu  t'a  faictes, 
et  les  verras  en  temps  et  lieu. 

NOSTRE  DAME 

3625  Mon  ame  magnifie  Dieu 
et  mon  esperit  se  resjoye 
en  Dieu,  mon  salut  et  ma  joye  ; 
car  il  a  regardé  l'umblesse 
de  son  ancelle  et  sa  simplesse. 

3630  De  ce  benoite  me  diront 

tous  gendres  qui  jamès  seront, 

car  grant  chose  m'a  fait  celluy 

qui  a  toute  puissance  en  luy  ; 

son  nom  soit  bcnist  dignement  ! 

ELIZABETH 

3635   Marie,  vostre  advenement 

m'est  plaisant,  je  vous  en  asseure  ; 
icy  demourrez  de  ceste  heure 
une  bonne  csj  ace  avec  nous. 

NOSTRE   DAME 

Mon  vouloir  est  du  tout  a  vous, 
3640  chère  cousine  débonnaire, 
et  se  service  vous  puis  faire, 
ne  m'e-spargnez  point,  je  vous  prie. 

ELIZABETH 

C'est  de  vostre  grâce,  Marie, 
qui  devers  moy  s'est  estandue. 


OSTRE   DAME 

3605  Bon  jour  vous  vueille  Dieu  donner, 
Elizabeth,  dame  honorée. 

ELIZABETH 

O  dame,  tu  es  bienouioe 

sur  toutes  les  femmes  du  monde 

et  le  fruit  bcnoit  qui  se  fonde 


GABRIEL 

3645  A  vous  soit  louange  rendue, 
père  du  ciel  puissant  et  sage  ; 
j'ay  accomply  vostre  message, 
pouifitablo  a  nature  humaine, 
a  la  vierge  do  giacc  plaine 

3650  qui  moult  dignement  l'a  receu. 


ibll  tilz  C.  —  3SS3  que  vous  C.  —  3585  espoux  A.  —  3601  de  moy  B.  —  36i)2  Cira  B.  —  3604  et  a  C.  Silete  mm- 
que  B.  C.  —  3614  cy  C.  —  3620  s.-eu  B.  C.  —  ?62l  tu  matujuc  A.  B.  C.  —  3628  1'  manf/ue  C.  —  3629  la  C.  —  3630 
benoîtes  A.  —  3635  auancement  B.  —  3636  en  manque  C.  —  3638  une  espace  de  temps  C.  —  3640  sans  deflWre 
B.  C. 


i 


PREMIKRE   JOURNEE 


47 


DlEi;   I.E  PERE 

Sa  foi  uo  l'aia  pas  dcceu, 
car  en  son  vontre  est  des  ja  mis 
lo  fruit  que  jo  luy  ay  promis, 
dont  grant  noblesse-  luy  vcndi'a; 

3G55  pourtant,  mes  angles,  il  fauldra 
que  souvent  vous  la  visitez, 
et  premicf  vueil  que  vous  chantez 
dietios  do  matière  joyeuse 
'  pour  la  nouvelle  gracieuse 

3660  que  (iabriel  a  dénoncée, 
cai'  la  matière  prononcée 
requiei't  grans  jubilations. 

CHEnUBlN 

Gloire  a  Dieu  donnons, 
et  nous  ordonnons 
3605         a  liesse  faire  ; 

Quanque  nous  pouons. 
Dieu,  nous  vous  loons 
de  si  nolJe  affaii'e. 

SERAPHIN 

Ce  noble  exemplaire 
3670         bon  Dieu,  vous  dcclairo 
aux  humains  enclin. 
Les  vueillans  rctraire, 
qui  a  grant  contraire 
vont  tous  a  déclin. 

MICHEL 

3675  Or  sont  en  chemin 

d'attaindre  la  fin 

qu'ilz  doivent  avoir. 

Quand  le  roy  divin 

leur  est  tant  begnin 
3680         a  les  promouvoir. 

RAPHAËL 

Précieux  avoir, 
gracieux  a  veoir, 
cler  a  regarder, 
Peust  apparcevoir 
3685         la  vierge  et  savoir 
bien  le  doit  gai'der. 

URIKL 

Boaulx  dictiés  fonder, 
doulx  chans  accorder 
devons  on  liesse, 
3690         Quand  pour  reffonder 
nature  et  monder, 
nostre  roy  s'abbesse. 


GABRIEL 

0  chère  maistrcsse, 
0  haulte  princesse, 

3<.95         dame  souveraine. 

Par  ta  grand  iiumblcssc 
s'osjoye  et  csdresso 
nostre  court  haultainc. 
Car  espoir  nous  mainc 

3700         que  nature  humaine 
l)ar  toy  se  radressc 
A  la  gloire  pleine, 
dont  coulpe  villaine 
luy  toit  sa  noblesse. 

[SlLKTE.] 


IXCIFER 

3705  Saultez  hors  des  ablsmes  noii's, 
des  obscurs  infernaulx  manoirs, 
tous  puans  de  fou  et  de  soutfre, 
deables,  sailliez  de  vostre  gouffi'o 
et  des  horiibles  régions  : 

3710  par  milUers  et  par  légions 
venez  entendre  mon  procès. 
Laissiez  les  chaisncs  et  croches 
gibès  et  larronceaux  pendans, 
fourneaux  fotirnis,  serpcns  moi'dans, 

3715  dragons  plus  ardans  que  tempeste  ; 
ne  vous  bruslez  plus  groing  ne  teste 
a  faire  ces  motaulx  couUer  : 
faictes  moy  bondir  et  crouller 
tout  le  liideux  infernal  porce, 

3720  de  hasto  de  venir  a  force 
oyr  ma  proposiciou. 

SATHAN 

Qui  fait  ceste  mutacion  ? 
Lucifer,  roy  des  ennemis, 
vous  hurlez  comme  ung  lou  famis, 
,'i725  quand  vous  voulez  chanter  ou  rire. 

LUCIFER 

Ha  !  Satlian,  Dieu  te  puist  maudire  ! 
Quand  est  de  mes  ris  et  mes  chans, 
ilz  sont  malheureux  et  meschans  ; 
ma  miblesse  et  ma  grant  braulté 
3730  est  tournée  en  lUftbi'mité, 
mon  chant  en  lainentacion, 
mon  ris  en  desolacion, 


0653  lenfant  C;  —  3055  pour  quoy  B,  C.  —  3657  chanties  C.  —  S662  grand  A.  —  3935  liesse  et  joye  C.  —  3661 
quant  nouuelle  ouons  B.  C.  —  .Sfifi9  Cest  B.  —  3676  a  la  lin  C.  —  3677  dcuoient  A.  —  3686  la  B.  —  3690  ressoulder 
B.  C.  —  3697  relesse  C.  —  3703  la  C.  —  370-1  Silcte  Manijuc  A.  —  3707  pugnais  B.  C.  —  3708  saulleï  B.  C.  -«3719 
porche  A.  B.  C.  —  3725  cuidez  B.  C    —  3727  mes  dicz  et  mes  champs  C. 


48 


MISTERE    DE   LA   PASSION 


ma  lumière  en  tcncbre  umbrage, 
ma  gloire  en  douloureuse  rage, 

3735  ma  joyo  en  incurable  dueil  ; 
ne  demeure  que  mon  orgueil 
qui  ne  m'est  mué  ne  changé 
depuis  le  jour  que  fus  forgé 
lassus  au  parduralslo  empire, 

3740  si  non  que  tousjours  il  empire, 
sans  soy  diminuer  en  rien. 

SATHAN 

De  ce  point  je  vous  croy  très  bien, 
jamès  n'y  attendez  reppos  ; 
mes  cecy  n'est  point  au  propos 
3745  sy  n'est  besoing  qu'on  le  reppete. 

LUCIFER 

Astaroth,  sonne  la  trompeté 
et  busine  par  telz  moyens 
que  tous  les  deables  de  céans 
saillent  dehors  tost  et  en  haste. 

ASTAROTH 

375     S'il  y  demeure  pié  ne  paste 
qui  tost  ne  viongne  a  la  meslce, 
je  suis  content  d'avoir  ])ruJeo 
ma  ville  et  puante  substance  : 
vous  orrez  de  quoy. 

SATHAN 

Or  t'avance, 
3755  si  qu'ilz  vienguent  au  mandement  ; 
que  de  rage  e*  de  mal  torment 
puist  il  mourir  qui  te  couva  ! 

ASTAROTH 

Or  va,  de  par  le  deable  va  ; 

Icy  trompecte. 
c'est  la  note  a  prendre  mon  ton. 

BERICH 

3760  11  y  ara  feste  a  bâton  : 
Belzebutli  la  busine  soime 
courons  y  veoir  s'on  y  ordonne 
quelque  appointemcut  infernal. 

DELZEBL'TH 

Le  mandement  est  gênerai, 
3765  si  fault  que  nous  y  comparons 
et  forse  que  nous  y  arons 
un  récépissé  mal  appoint. 

CERBERCS 

J'aymasse  mieulx  n'y  aller  point, 
pour  la  double  de  moy  crotter. 


BERICH 

3770  II  n'y  a  point  do  cul  frotter  : 
vous  y  vendi'ez  ou  ciu  ou  cuit 
payer  vostre  comparuit, 
ouyr  que  le  roy  parlera, 
ou  dealjle  vous  emportera; 

3775  entendez  vous,  niaistre  coureur  ? 

CERBERUS 

Y  plaidon  point  par  procui'eur  ? 
l'oi'donnance  mal  se  consonne. 

BELZEBUTH 

11  fault  comparoir  en  personne 
il  n'y  a  si  gros  ne  si  rouge  ; 
3780  tous  passent  par  la. 

CERBERUS 

Ne  te  liouge, 
je  suis  très  mal  aboissonné  ; 
nous  serons  ja  tost  torchonné, 
seurement,  ainsi  s'entent  il  ; 
et  d'excusacion  ? 

BERICH 

Nichil  ; 
37S5  puisque  Lucifer  est  fumé 
et  il  y  a  deable  sommé, 
s'il  ne  saulte,  il  reçoit  la  torche, 
et  encor  souvent  il  nous  torche 
sans  advis  fie  sommacion. 

CERBERUS 

3790  C'est  très  orde  institucion  ; 

mais  ce  sont  les  loys  de  l'ostel  : 
je  l'entens  ainsi. 

BELZEBUTH 

Il  est  tel, 
le  deable  les  acharia. 

CERBERUS 

Voire,  mais  aultre  point  y  a  ; 
3795  cil  qui  par  p!i  is  ou  nephas  fault, 
combien  paie  il  pour  son  deffault  ? 
respondez  moy,  maistre  advocatz. 

BERICH 

La  peine  est  bien  legiere  au  cas  : 
il  souffre  pour  toutes  promesses 
3800  estre  traisné  dessuz  ses  fesses 
travers  tous  les  gibés  d'enfer, 
et  d'estre  a  bons  croches  de  fer 
plougié  sept  foiz  au  plus  parfont 
du  i)uiz. 


3734  destreuso  rage  G.  destreteuse  B.  —  3738  en  moy  de  puis  quil  fut  B.  C.  —  3739  en  C.  —  3743  ny  attendez 
jamais  C.  —  3759  saultent  B.  G.  —  3750  Sil  y  B.  —  ù751  que  A.  tost  manqua  B.  G.  —  3754  Or  sus  or  t'  C.  — 
'  3757  puist  mourir  cil  qui  le  trouua  B.  C.  —  3759  bon  ton  B.  —  3762  se  on  B.  —  3764-G8  manquent  C.  —  3768  point 
manque  A.  ny  aller  ja  G.  —  3773  pour  oyr  que  le  roy  dira  G.  —  3774  thollera  B.  soûlera  G.  —  3775-76  en  tourment 
et  peine  dampnable  Brlzebutli.  Allons  y  donc  de  par  le  diable  A.  —  3777-3806  manqu'Ut  A.  —  3778  11  y  G.  — 
3781  apoissonne  C.  —  S7S6  il  ny  a  dyable  qui  ne  soit  sonne  G.  —  3787  si  ne  saulte  qui  nait  la  torche  G.  —  3788 
manque  G.  —  3792  jtel  C.  —  37'J6  ployé  B.  —  3800  destre  G.  —3801  autrauers  des  gibes  G. 


PREMIERE  JOURNEE 


40 


CERHEnUS 

Si  n'y  fauklray  pas  dont, 
3805  puisqu'il  y  a  si  grosse  j)cine  : 
alon»  !  que  le  deablc  nous  maine, 
nous  pairon.s  le  profpciat. 

ASTAROTH 

Roy  Lucifer,  do  vostre  estât 
par  dcclaiaciou  donnez  ; 
3810  vecy  tous  les  deables  dampnés 
rengés  pour  oyr  vostre  voix. 

LUCIKER 

Je  suis  joyeulx  quand  jo  les  vois 
combles  en  brigade  si  belle, 
voire  de  joye  telle  quelle, 
3815  joye  par  courroux  dcscont'fite, 
niesloo  de  rage  conffite 
tant  qu'esperist  en  peiist  charger. 

SATHAN 

Su.s,  sus,  pensez  de  dégorger 
de  vostre  gosier  mal  appris 
38i0  ces  beaux  propos  qu'avez  enipi'is, 
s'il  est  riens  qui  nous  puist  valoir. 

LUCIFER 

Sathan,  tu  es  de  bon  vouloir, 
c'est  dommage  que  n'as  puissance 
de  conmicltre  autant  de  grevanco 
3825   comme  tu  es  entallenté. 

SATHAN 

Ne  vous  chault  ;  bonne  volenté 
sera  repputee  pour  fait. 

LUCIFER 

.\vant  que  plus  avant  soit  fuit 
no  plus  déterminé  par  vous, 
3830  doablos,  arrengez  vous  tretous 
en  tourbe  a  grosse  quantité, 
et  me  chantez  un  silete 
en  vosti'e  horrible  diablerie. 

ASTAROTH 

^'ous  orrez  belle  chanterie 
835  tantost  et  ung  motet  d'onneur  : 
Sathan,  tu  feras  la  teneur 
et  j'asserray  la  contre  sus  ; 
Belzebuth  dira  le  dessus 
avec  Bericli  a  haulte  double 
et  Cerberus  fera  un  trouble 
continué,  Dieu  scet  comment. 

LUCIFER 

Sus,  fiappez  ens  ligierement, 
faut  il  faire  tant  d'agios  ? 
commencez  mes  petis  deablos, 


3845  gringotcz  et  ci'oqucz  vos  DOtW, 
et  barbotez  comme  manuotM 
ou  vielz  corbeaux  tous  afTamcs. 

BERICH 

Vous  orrez  dictiés  bien  rimes 
et  chant  couché  a  l'avenant  ; 
3850  sus,  Belzebuth. 

BELZEBUTH 

.\vant  ! 

CERBERUS 

Avant  ! 
je  pense  que  vous  l'orrez  belle  . 

\Cfiancon  ensemble  :] 

La  dure  mort  éternelle 
c'est  la  chançon  des  dampnés  ; 
Bien  nous  tient  a  sa  cordelle 
3855     la  dure  mort  éternelle; 
Nous  l'avons  desservy  telle 
et  a  luy  sommes  donnés  ; 
La  dure  mort  éternelle 
c'est  la  chançon  des  dampnés. 

LUCIFER 

3860  Haro  !  ribauls,  vous  m'estonnez, 
tant  menez  cry  espouventable  ; 
cessez,  cessez,  de  par  le  deable, 
vostre  chant  s'accorde  trop  mal. 

SATHAN 

C'est  le  silete  ferial  : 
3865  tous  les  joui-s  est  dit  a  l'ostel, 
mes  se  voulez  le  solempnel, 
vous  Tarez,  qui  est  bien  doucet. 

LUCIFER 

Nennil,  non,  je  sçay  bien  que  c'est: 
c'est  assez  pour  fendre  cervelles. 
3870  Je  vous  vueil  dire  des  nouvelles 
dont  je  me  donne  grand  soucy. 

ASTAROTH 

S'il  y  a  riens,  dictes  le  ey  : 
tantost  sera  exécuté. 

LUCIFER 

Mes  deables,  il  est  vérité 
3875  que  par  toui-s  et  soubtilz  moyens 
nous,  habitans  et  cytoiens 
de  la  région  désolée, 
chartre  de  détresse  appellee 
ou  de  mort  (tout  revient  a  ung), 
3880  ensemble  et  de  voloir  commun, 


3807  paier  nostre  A.  Ce  vers  /•(  le  précédent  mnt  ilit.i  yai-  Behehuth  C,  —  3Î-80  apris  B.  C.  —  3827  me  sera  A. 
—  3834  hurleiie  C.  —  3837  feray  le  contre  sus  C.  -  3839  haiilt  C.  _  3841  djable  C.  —  3842  Frappez  dedena  A.  — 
i;843  faut  faire  tant  dagio  C.  —  3815  sonnez  vos  nettes  C.  —  3848  bien  menez  C.  —  3850  sus  Belzebuth  vumque  B. 
sus  commancons  C.  —  3854  en  A.  —  3856  desseruie  B.  —  3862  cessez  vous  C.  —  3863  tr»s  mal  C.  —  3866  ce  A.  si 
B.  se  vous  vouez  C.  —  3876  noz  B. 


50 


MISÏERE   DE   LA    PASSION 


ti-ouvasmes  manière  do  traire 
nature  humaine  a  grand  contraiie, 
quand  par  nostre  ennort  meu  d'envye 
atoucherent  au  fruit  de  vie, 
3885  dont  la  generacion  toute 

descend  en  enffer  ;  mes  je  double 
luig  point,  qu'aucun  ne  les  délivre 
ou  qui  que  soit  conffort  leur  livre 
pour  nostre  puissance  deffaire. 

ASTAROTH 

3890  Délivrer  ?  il  ne  se  peust  faire  ; 
ne  doublez  point  de  ce  trespas  : 
car  encor  ne  s'en  vont  ilz  pas, 
mes  tous  les  jours  a  grans  monceaux 
il  en  arrive  de  nouveaux, 

3895  venans  quérir  leur  dernier  niés. 

LUCIFER 

Astaroth,  ne  parle  janiès, 
tu  es  encore  tout  novice  ; 
Sathan,  tu  es  un  gueux  propice, 
je  veil  oir  ta  voix  terrible. 

3900  Sathan,  te  samble  il  impossible 
de  délivrer  nos  prisonniers 
qui  sont  icy  tenus  cloistriers 
en  ce  limbe,  privés  de  glore  't 
neantnioins  je  ne  suis  pas  encore 

3905  bien  a>seur  qu'ilz  ne  nous  eschappent. 

SATHAN 

Maistre,  mes  griffes  en  alrappenl 
aucuns  mçschans  et  malheurés 
dont  nous  sommes  tous  asseurés 
que  jamès  n'en  départiront, 

3910  mes  a  nos  peines  partiront 
tant  que  Dieu  durera  sans  fin  ; 
mes  quand  est  de  l'autre  couvin 
des  prophètes,  des  patriarches, 
je  douljte  bien  que  de  nos  marches 

3915  n'yssent  en  aucune  saison. 

HBRICH 

Jamès  n'ysteront  de  prison  : 
il  a  raenty  par  sa  gargate; 
c'est  jugé  ung'  peu  trop  en  haste, 
je  ne  le  croiray  de  cest  an. 

LUCIFER 

3920  Achevé  ton  propos,  Sathan, 
car  je  nie  tr;ùs  assés  des  tiens: 
de  l'opinion  que  tu  tiens 
grand  soupeçon  en"moy  se  fonde  : 


quand  tu  cours  et  vas  par  le  monde 
3925  regardes  tu  point  escriptures, 
savoir  se  de  nos  adventures 
ne  font  aucune  niencion  ? 

SATHAN 

.le  respons  a  la  question, 
que  ces  prophètes  ont  prédit 

3930  merveilles  du  fait  dessusdit, 
et  qu'ung  fort  roy  s'eslievera 
qui  nostre  enffer  despoullera; 
je  ne  sçay  s'il  est  vray  ou  non, 
qui  sera  ne  quel  est  son  nom, 

3935  mes  l'escripture  en  fait  beaulx  ditii. 

LUCIFER 

Savez  vous  pourquoy  je  le  dis  ? 
jamès  n'oys  ces  prophètes  faindre 
de  fort  doulouser  et  complaindre. 
Si  claiment  tousjours  sans  cesser 

3940  secours;  or  ne  sçay  je  penser 
de  quel  part  leur  pourroit  venii' 
ne  qui  leur  pouri'a  soubvenir, 
considéré  leur  grand  offence 
et  que  Dieu  a  donné  sentence 

3945  qu'il  ne  peust  ne  doit  revocquer. 
Touttefois  pour  mieulx  applicquer 
puissance  a  garder  nostre  droit, 
Satliau  s'en  ira,  s'il  m'en  ci'oit, 
au  monde  faire  une  hurture  : 

3950  au  moins,  s'il  naissoit  d'aventure 
homme  de  vertu  si  parfaite 
que  par  luy  deust  estre  reffaicte 
la  transgression  des  humains, 
il  y  tiengne  si  bien  les  mains 

3955  qu'il  le  face  a  mal  incliner, 
car  se  tellement  peust  niyner 
que  par  péché  soit  corrumpu 
cest  homme,  son  fait  est  rompu  : 
car  quelque  rançon  qu'il  assigne, 

3960  liens  n'y  vauklra,  il  est  indigne 
a  faire  satitfacion. 

SATHAN 

Sans  longue  protestaciou 
je  m'offre  a  faire  tout  devoir 
en  fait  de  visitacion, 
3905  sans  longue  protestaciou. 

ASTAROTH 

Puisque  tu  as  devocion, 
autre  coureur  n'v  fault  avoir. 


3887  quame  B.  oa  G.  —  38?8  quelque  soit  B.  G.  —  3893  oaP  )danqM  A.  —  3893  et  tous  les  jours  C.  —  3898  engi- 
.gneux  G.  —  3904  je  manque  B.  —  3905  qui  A.  C.  —  3906  agrappent  A.  —  390Î  inaleureux  B.  —  3908  asseurs  B. 
—  3909  ne  sen  partiront  G.  —  3912  comuiin  G.  —  3915  nystront  G.  —  3920  a  ce  G.  —  3921  car  nlamjue  G.  —  3923 
satbnde  B.  —  3926  se  maiviuc  G.  —  3927  font  point  C.  —  3931  se  lyeuera  G.  —  3933  voir  ou  non  B.  —  3936  les  dis 
B.  —  3937  plaindre  C.  —  3939  se  crient  A.  —  3940  ne  scay  que  C.  —  3942  na  qui  deulx  B.  —  3943  bien  considère 
leur  C.  —  3945  qui  A.  —  3948  me  G.  —  3950  nestoit  A.  —  3955  qui  A.  —  3959  raison  A.  —  3960  sil  a  peohe  A.  — 
3061  pour  B.  G.  —  3U64  quant  au  C.  —  3900  tu  y  as  G.  —  3967  contre  couroux  B. 


PREMIERE   JOURNEE 


51 


8ATHAN 

Sans  longue  protestacion 
je  m'offre  a  faire  tout  devoir; 
.W70  mes  nie  fault  avant  lo  uiouvoir 
avoir  la  boueisson  houssuo 
de  vostre  orde  pâte  crochue, 
affin  que  mou  fait  mieulx  s'adi'esse. 

I.LCIKEn 

Or  t'en  va,  que  de  tel  radrcsso 
3U7Û  te  puissent  les  deables  mener, 
que  gros  dragons  au  retourner 
te  ramainont  tout  a  ton  aise 
ai'dant  connue  fou  de  foui  nuise!       i 


[POSB.] 


k 


JOSEPH 

()  créateur  de  hault  parago, 
:«)80  qui  m'as  forme  a  ton  ymago 
et  donné  hault  entendement. 
Donne  moy  vouloir  et  courage 
en  cest  humain  pèlerinage 
de  toy  servir  songneusemeut  ; 
Se  j'ay  failly  aucunement 
ou  non  pas  si  très  ardemment 
servy  que  doit  faire  honnue  sage. 
Donne  moy  cuour  et  pensement 
de  moy  purger  présentement 
3«90  qui  suis  desja  venu  sur  l'aage. 

Autant  qu'homme  de  mon  lignage, 
me  dois  esjouir  en  liesse, 
quand  Dieu  me  donne  en  ma  vieillesse 
espeuzc  tant  sainte  et  tant  bonne 
Muj  et  la  plus  bénigne  personne 
qui  soit,  je  pense,  soubz  la  nuci 
Je  m'esbahis  qu'el  n'est  venue  ; 
elle  a  ja  resté  long  termine. 


temps  est  que  je  lue  uiette  eu  \oye 
de  retourner  vers  mon  mary, 
1005   pour  doubtti  qu'il  ne  soit  marry 
de  ma  ti-op  longue  deiuource. 

KLIZAKETU 

Marie,  vierge  bien  euree, 
cent  mille  fois  vous  remercie 
de  la  bonté  et  couiiolsie 
WlO  que  m'avex  fait  eu  ma  gcsine. 

N08TRE   DAME 

Ma  chère  parente  et  cousiue, 
ma  compaigne  et  ma  doulco  seur, 
prenez  en  gi'é,  car  de  bon  cueur 
l'ay  fait,  ce  scet  Dieu,  nostro  sire, 
■1015  vei-s  qui  ma  piiere  se  tire, 

et  luy  requiers  d'umble  vouloir 
qu'il  vous  doint  en  santé  valloir, 
si  vray  que  je  ne  vous  he»  mye. 
Adieu,  cousine. 

EUZAB8TH 

Adieu,  ma  mye, 
Wio  ma  dame  et  ma  chère  maistresfie; 
au  départir  mon  cueur  larmye  ; 
adieu,  cousine. 

NOSTRE  DAME 

Adieu,  ma  mye. 

ELIZABETH 

En  moy  n'a  joye  ne  d'envye, 
puisque  j'eslongnc  vostre  humblesse. 

NOSTRE  DAME 

■4025  Adieu,  cousine. 

EI.1ZABETU 

Adieu,  ma  mye, 
ma  dame  et  ma  chore  maistresse, 
je  requier  a  Dieu  qu'en  lycsse 
et  a  la  joye  de  vos  yeulx 
puissiez  voh-  le  fruit  précieux 
i030  qui  en  vastrc  ventre  reppose. 


NOSTRE   DAME 

Elizabeth,  chère  cousine, 
4000  puisque  Dieu,  nostre  sauvcment, 
a  permis  vostre  enffantement 
venir  a  liesse  et  a  joye, 


JOSEPH 

En  mon  entendement  suppose 
que  j'apperçois  icy  Marie 
qui  retourne  ;  plus  n'y  varie  : 
c'est  elle,  je  la  conguois  bien. 
4035  Ma  mye,  mon  espoir,  mou  bien, 
et  la  plus  humble  qui  soit  née. 


3070  il  me  faut  preiiller  avoir  A,  —  3S7i  la  bénédiction  A.  —  3974  Or  va  que  do  telle  A.  radesse  C.  —  3975 
le  <leabl('  A.  ramener  C.  —  39S1  noble  C.  —  3i)S7  comme  B.  —  3988  sentement  G.  —  3998  mais  B.  —  3990  quil  A. 
lerte»  dessouliz  A.  soul«  C.  —  3997  quelle  I'..  —  -4003  a  voje  B.  je  twm'iuc  C.  —  4004  sur  B.  C^  —  1010  me  A. 
a.  Jiia  B.  —  4()U  voisine  B^  —  4015  te  \.  —  4017  ou  m.m'/icf  C.  —  4018  si  voir  C.  —  4019-4020  adieu  ma  dame  et  ma 
mje  et  ma  très  <?hicre  maistresse  C.  —  4022  adieu  ma  cousine  ma  mye  C.  —  4024  adieu  ma  cousine  —  adieu  m» 
dame  et   amye  C.  —  4023  et  ma   très  chiere  C.  —  4030  dans  A.  —  4033  ne  B.  —  4035  manque  B. 


52 


MISTERE   DE    LA   PASSION 


vous  soiez  la  bien  retournée  : 
moult  vault  la  présence  de  vous. 

NOSTRE   DAME 

Mon  mary  débonnaire  et  doulx, 
■4040  joye  et  lyesse  vous  ottroit 

le  souverain,  que  mon  cueur  croit 
estre  vray  Dieu  sans  variance. 

JOSEPH 

Ma  myc,  ma  doulco  alliance, 
ma  très  tendre  société, 
4045  vous  a  yl  toujours  bien  esté, 
puis  que  vous  partistes  d'icy  ? 

NOSTRE   DA.ME 

Oil,  sire,  la  Dieu  mercy, 

et  est  encores,  ce  scet  Dieux  ; 

et  vous? 

JOSEPH 

Si  bien  qu'on  no  peust  mieulx, 

4050  et  posé  que  mal  m'advenist, 
vostre  présence  m'esjouyst 
a  vous  veoir  tant  seulement, 
car  de  plus  beau  contenemcnt 
n'est  il  point,  ce  croy,  en  ce  monde. 

40ot  Comment  le  fait  la  pure  et  monde 
Elizabeth,  nostre  parente  ? 

NOSTRE   DAME 

Elle  est  maintenant  en  la  sente 
de  toute  beaulté,  soyez  fiz  ; 
elle  est  adjute  d'un  beau  filz, 
4060  nommé  Jehan  pour  vérité, 
a  la  quelle  nativité 
toute  ceste  noble  contrée 
a  si  grant  joye  demoustree 
qu'oncques  pareille  ne  fut  veue.    i' 

JOSEPH  f 

4065  Je  n'avoye  point  apparceue 
une  besongne  merveilleuse. 
Comment  Marie,  chère  espeuze, 
vostre  ventre  est  fort  engrossi  ; 
comment  est  entendu  cecy  ? 

4070  Vous  monstrez  vous  ainsi  pour  faiute 
ou  se  de  fait  estes  ensainte 
depuis  que  deppart  fait  avez  ? 
comment,  Marie  ?  vous  savez 
que  puis  le  temps  que  je  vous  ay, 

4075  oncques  a  vous  je  n'atouehay, 
ains  de  commune  volenté 
avons  voué  virginité, 
a  quoy  je  ne  vueil  contredire  : 
par  quoy  vous  ne  pouez  pas  dire, 


4080  que  s'aucun  fruit  en  vous  s'engendre 
il  ne  vient  pas  de  mon  engendre, 
tant  pour  nostre  emprise  commune 
que  pour  mon  aage  qui  répugne 
a  faire  geueracion. 

4085  0  dame  de  devocion, 

la  plus  doulco  et  la  plus  savant 
qui  soit  en  ce  monde  vivant, 
vous  estes  ensainte  tout  oulti'e  ; 
clcr  est,  vostre  venti-e  le  moustre. 

4090  Quel  pechié  vous  est  advenu? 
au  moins,  s'il  vous  est  mesvenu, 
excusez  vous  pour  vostre  honneur. 

NOSTRE   DAME 

Mon  mary  et  mon  cher  seigneur, 
ne  prenez  contre  nioy  courroux  : 

4095  je  confesse  que  moy  et  vous 
avons  conjointement  vouée 
virginité,  vertu  louée, 
la  quelle  je  n'ay  pas  enfrainte, 
mes  maintenue  sans  contrainte 

4100  de  volenté  franche  et  délivre. 

JOSEPH 

Holas  !  vostre  ventre  me  livre 
matière  a  croire  le  contraire. 
11  est  saison  de  nous  retraire 
et  de  nous  coucher  ceste  nuit  ; 
4105  couchez  vous,  si  ne  vous  ennuit, 
Marie,  dedans  vostre  celle, 
et  demain  vous  orrez  nouvelle 
de  ce  qui  sur  le  cueur  me  gist. 

NOSTRE   DAME 

Cil  Dieu,  qui  nous  créa  et  fist, 
4110  demeure  en  vostre  compaignie  ! 

JOSEPH 

Et  vous  veille  garder,  Marie, 
en  très  bonne  prosjierité  ; 
je  m'en  iray  d'aultre  costé 
en  ma  chambrete  repposer. 


NOSTRE    DAME 

4115       0  bon  Dieu,  qui  vouls  composer 
ce  beau  monde  par  ta  plaisance, 
et  puis  l'homme  dedans  poser 
pour  y  prendre  sa  soustenance. 
Tu  sces  que  par  haulte  alliance 

4120  ton  cher  filz  en  mes  flans  reppose  ; 


4040  accroît  C.  —  4043  et  ma  B.  mamour  et   C.  —  4044  et  ma  C.  —  4046  depuis  que  partistes  C.  —  4054  je  croy  C. 
—  4055  se  A.  se  porte  C.  —  4058  de  toute  liesse  honorée  A.  —  4059  dun  beau  fllz  elle  est  accouchée  A.  est  manque 

C.  4062  nostre  B.  manqw  C.  —  4064  conoques  A.  —  4071  se  matujii-  C.  —  4975  natouche  C.  —  4077  joue  A  — 

4083  nostre  B.  C.  -^  4086  saichant  B.  —  4090  pitié  A.  B.  C.  —  4097  vertu  bonté  B.  une  C.  —  4105  cy  A.  ne  numjuf 
B.  —  4109  Dieu  manque  C. 


PRKMIKRE  JOURNRK 


68 


r 


I 


donne  moy  vertu  et  puissance 
de  bien  garder  tant  noble  clioso. 

Noble  chose  en  nioy  pront  son  lieu, 
j'en  ay  forme  crediditi', 

4125  c'est  le  précieux  (ilz  de  Dieu, 
vray  héritier  de  deité. 
Qui  pour  vestir  humanité 
dedans  moy  se  voult  imprimer  ; 
o  tros  parfaite  humilité, 

4130  bouche  ne  te  peult  exprimer. 
Peult  exprimer  dame  nature 
ce  qui  passe  toutes  ses  loys  ? 
])eult  comprandre  la  créature 
les  haultains  et  divins  oxplois? 

4i;i5  ^es  toy,  bon  Dieu,  qui  les  prévois 
et  les  couguois  avant  le  faire, 
pense  a  mou  cas,  comme  tu  vois, 
qui  requiert  et  est  neccossaire. 


JOSEPH 

Mon  soucy  ne  se  peult  deft'aire 

4140  de  Marie,  m'espeuze  sainte, 
que  j'ay  ainsi  trouvée  ensainte, 
ne  sçay  s'il  y  a  mal  ou  non. 
0  dame  de  très  gi'ant  renom, 
pucelle  de  vertu  lleurie, 

4145  très  pi'udente  femme  Marie, 

la  plus  humble  et  sage  de  toutes, 
tu  metz  mon  cueur  en  fortes  doubtos. 
Je  ne  sçay  de  ton  fait  la  sonnne. 
Savoir  ?  que  dis  tu,  meschant  homme 

4150  que  je  suis  ?  Il  est  vérité 
et  par  pure  nécessité, 
puis  qu'engendre  est  en  elle  faicte, 
il  faut  qu'elle  se  soit  moffaicte, 
car  de  moy  n'est  il  pas  venu  : 

4155  sa  promesse  n'a  pas  tenu  ; 
elle  a  rompu  son  mariage. 
Rompu  ?  que  dis  tu,  dur  courage, 
trop  sainte  parsonne  esclandis. 
0  bouche,  garde  que  tu  dis  ! 

4160  toucheras  tu  l'onneur  de  celle 
qui  est  la  plus  doulce  pucelle 
qui  dessoubz  les  cieulx  soit  régnant, 
la  plus  sage  et  plus  advenant 


et  en  qui  bouche  gracieuse 
4185  oncques  n'oys  paroUo  oyHeuae  î 

as  tu  dit  que  tant  doulce  face 

et  tant  prudente  se  mefface  ? 

tu  meus,  il  luy  est  impossible. 

Mentir  ?  je  suis  bien  insensible, 
4170  quand  je  regarde  bien  son  fait, 

de  croire  qu'il  n'y  aist  mcffait  : 

elle  est  ensainte  ;  et  dont  vendroit 

l'engendre  ?  il  fault  dire  par  droit 

qu'il  y  ait  vice  d'adultero, 
■4175  puisque  je  n'eu  suis  point  le  pore. 

Dieux  !  quel  horreur  !  et  le  croiray  je  1 

nennil,  je  mens.  Encor  ne  sçay  je  ; 

elle  a  este  trois  mois  entiers 

hore  d'icy,  et  au  bout  du  tiere, 
4180  je  l'ay  toute  enssainte  receuo 

L'aroit  quelque  mauvais  deceue 

ou  de  fait  venu  eflbrcer  ? 

briefment  je  n'y  sçay  que  penser. 

Mes  j'ay  ma  resolucion 
4185  que  pour  la  grand  perfection 

que  j'ay  veu  en  elle  pour  vray, 

tant  que  je  vive,  ne  ci'oiray 

qu'en  son  fait  aist  eu  négligence  ; 

mes  au  fort  vecy  que  je  pense 
4190  pour  moy  de  tous  dangiers  oster  : 

mes  bagues  vouldray  apprestei' 

et  domain  a  l'adjournement 

me  pai-tir  tout  soubdainement, 

si  la  laisseray  tout  pai'  elle. 
4195  Donc  je  pry  l'essence  immoi-tello 

que  do  mal  la  veille  garder. 

Icy  est  couchié  Joseph. 


DIEU   LE  PERE 

Gabriel. 

GABRIEL 

Vueillez  commander. 
Père  puissant,  il  sera  fait. 

DIEU    LE   PERE 

J'ay  bien  considéré  le  fait 
4Î00  de  Joseph  le  juste  preudomme 

qui  de  doubles  met  très  grand  somme 
au  fait  de  la  vierge  bénigne  ; 


4124  creiMilo  G.  —  4127  humilité  C.  —  4132  ces  A.  —  4135  les  congnois  B.  C.  —  4136  preuois  auanl  lafliùn  B. 
vois  C.  —  4137  en  C.  —  4141  trouun  ainsi  C.  —  4145  saincte  B.  —  4149  dis  je  C.  —  4152  enpendreure  en  elle 
est  G,  —  4157  dis  je  C.  —  4158  car  saincte  B.  —  4161  saincte  C.  —  41C3  et  mnnqv»  C.  —  4165  qui  ne  dis  oncqnes 
chose  B.  noys  oncques  G.  —  41f;6  ay  je  dit  A.  —  4168  je  A.  luy  manque  C.  —  4171  qui  A.  C.  —  4173  le  gendre  C. 
—  4174  a  pecho  A.  —  4182  voulu  C.  —  4187 je  ne  C.  —  41f8  quil  ait  en  son  fait  nepligence  C.  —  4193  moy 
partir  si  B.  nien  G.  —  4197  Cy  (fort  Jotej  h  A.  Jry  .se  cnwitr  J.  G-  que  voulez  G.  —  4190  considoray  B.  —  4îOl 
très  manque  G. 


54 


MISTERE   DK   LA   PASSION 


et  de  fait  il  se  detei-mine 
a  la  laissier  secrètement. 
4206  Anoncez  luy  l'enffantement 

de  la  vierge  et  sa  grand  noblesse, 
et  que  pour  riens  il  ne  la  laisse, 
car  en  garde  luy  ay  donnée. 

GABRIEL 

La  chose  sera  ordonnée 
4210  a  vostre  vueil.  Père  divin. 


des  divins  secrets  bien  celler, 
qui  ne  se  do3'vent  reveller 
ne  déclarer  par  bouche  humaine, 
mes  laissier  la  vertu  haultaine 
'.œo  disposer,  qui  mieulx  les  entend. 
Encor  ne  suis  je  pas  content 
de  plaintes  que  je  sache  faire 
jusqu'à  ce  qu'a  ton  doulx  viaire 
en  aray  requis  le  pardon. 


[Pose.] 


rPosE.l 


.Joseph,  servant  de  Dieu  begnin, 
filz  de  David  de  noble  gendre, 
n'ayes  en  toy  crainte  de  prendre 
Marie,  ton  espeuze  chicre, 

4215  car  le  fruit  dont  elle  est  portière 
et  qui  en  elle  se  nourrist 
est  conceu  du  saint  Esperit. 
Vh'ginalment  enffantera 
son  cher  filz,  qui  par  toy  sera 

4220  nommé  Jhesus,  qui  par  povoir 
saulvera  son  peuple  pour  voir, 
et  par  luy  seront  depeschês 
do  tous  leurs  vices  et  peschés. 
Atant  me  pars,  et  ne  l'oublie. 

JOSEPH 

4225  0  haulte  puissance  anoblie, 
vraye  majesté  adorée, 
par  quel  point  sera  l'eparoe 
l'offence  d'incrédulité 
que  j'ay  eu  par  iniquité 

4230  contre  mon  espeuze  loyalle  ? 
0  sainte  pucelle  i-oyalle, 
des  prudentes  la  passe  route, 
que  ne  m'as  osté  ceste  doubte 
et  pourquoy  ne  nie  revellas  ? 

4235  pourquoy  ne  me  le  dis  ?  helas  ! 
que  ne  m'anonças  ce  mistere, 
que  tu  feusses  esleue  mère 
du  doulx  Crist  en  la  loy  promis  ? 
0  vouloir  de  femme  bien  mis, 

4240  constance  de  cueur  affermé, 
secret  en  fin  fermail  fermé, 
fermeture  fermement  faicte, 
forte  foy  franchement  parfaicte 
sans  quelque  dubitacion, 
.4245  tu  as  consideracion 


4255  Marie,  pour  vostre  guerdon, 

d'un  bon  jour  et  beau  vous  salue. 

NOSTRE   DAME 

Cher  espoux  de  haulte  value. 
Dieu  vous  acroisse  saintement  ! 
Vous  estes  niatineux  forment  : 
4260  dictes  dont  vient  ceste  achoison  ? 

JOSEPH 

Ha  !  dame,  il  y  a  bien  raison  : 
je  viens  devers  vous,  chère  dame, 
humilié  de  corps  et  d'amo, 
requerre  mercy  de  l'offence 

4265  que  j'ay  fait  a  vostre  innocence 
et  confesse  que  j'ay  doublé 
contre  vostre  virginité 
quand  ensainte  vous  ay  choisie. 
Mercy  par  vostre  courtoisie, 

4870  Marie,  ma  joye,  m'amour, 
jamèsje  n'en  doubteray  joiu'. 
L'angle  m'en  a  acertené 
et  revelacion  donné 
du  mistere  qui  en  vous  est. 

NOSTRE    DAME 

4275  J'en  loue  Dieu  puisqu'il  luy  plest 
que  du  cas  vous  soiez  certain. 
Le  mistere  est  noble  et  haultain  : 
je  requier  Dieu  qu'il  le  parface 
a  son  gré. 

JOSEPH 

Amen  par  sa  grâce 
4280  et  le  nous  doint  a  joye  avoir  ! 


ciRiNus,  prevost  de  Judée. 
11  faïUt  exploitier  mon  devoir 


4206  de  grand  A.  —  4207  et  quil  tiengne  bien  sa  promesse  G.  —  4211  L'indication  scénique  est  rfoiw  A.  —  4215 
dont  elle  sera  mère  A.  —  4236  me  A  pourquoy  G.  —  4238  la  toy  G.  —  4241  fort  A.—  4251  je  manque  A.  —  4253  de 
pleurs  tant  qua  son  A.  —  4262  a  vous  G.  —  4263  ignorance  lî.  G.  —  4267  contre  A.  —  4269  requier  par  A.  —  4275 
qui  A.  je  A.  —  4277  liault  Pt  G.  —  4278  qui  A.  G- 


PREMIERE    JOURNEE 


(lu  raaudemont  quo  j'ay  m  mains 
(lo  par  l'emperpui'  dos  Romains; 
Auguste,  mon  maisti'C  et  s('ign(!ur. 

42sri  Je  ])onso  qu'oucques  mes  groignour 
ne  l'ut  puljliii  eu  .lutleo  ; 
la  chose  est  forment  adraondcn 
ea  mains  do  oost  imperateur, 
car  il  est  huy  gubomateur 

090   do  la  totallc!  monarchie 

du  monde  ;  c'est  grand  seiguoric  : 
Alixandre  n'en  eust  pas  plus. 
Tout  le  monde  luy  doit  tribus, 
tout  le  monde  luy  doit  hommage  ; 

'lâO'i  personne  ne  luy  fait  donnuage  : 
paix  est  universellement 
en  son  noble  gouvernement  ; 
oncque  temps  ne  fut  si  féconde 
puis  la  creacion  du  monde  ; 

KM  nos  dieux  li^  veuillent  maintenir  ! 
LIGERET,  messager. 
Est  il  quelque  mand  a  fournir  ? 
dictes  le  moy,  sire  prevost, 
et  je  l'aray  fait  et  plus  tost 
quo  la  pie  n'a  fait  ung  sault. 
cmiNus 

4305  Es  tu  desjeuné? 

LIGERET 

Autant  vault. 
Dieu  scet  comment  je  me  gouverne  ; 
je  suis  vray  pillier  de  taverne, 
et  j'en  s<;ay  toute  la  doctrine. 

cmiNus 
Comment  ? 

LIGERET 

De  fournir  ma  poiti'ine 
'MO  a  l'envers,  de  paour  de  brouillas, 
j'ay  fait  ung  Deo  gracias 
a  ce  matin  d'une  saulcisse. 

CIRINUS 

Tant  feras  tu  mioulx  ton  office 
et  en  aras  plus'saiiio  voix. 
'.315  Pren  ce  mandement  que  tu  vois, 
et  t'en  va  par  toute  la  terre 
de  Judée,  bonne  et  grant  erre, 
genei'aulment  le  iiublier. 

LIGERET 

Laissez  le  mov  ostudier 


V«0  avant:  et  je  feray  merveille. 

CIRINU8 

Songne  touHJours  do  la  bouteille, 
comment  qui'il  voit,  pour  le  danger. 

LIGERET 

C'est  lo  mostier  d'ung  mesnager  ; 
il  n'est  mandement  qui  le  vaille: 
'i.t25  de  bien  Iwiro  et  do  bien  mangei-, 

c'est  le  mestier  d'ung  messager. 

CIRINUS 

Or  t'en  va  ton  mand  abréger, 
tu  songea  trop  de  la  mengeaille. 

LIGERET 

C'est  lo  mostier  d'un  messager. 
■4330  il  n'est  mandement  qui  le  vaille. 

Il  fault  desploicr  ma  piétaille, 

il  est  heure  pour  cestc  fois. 

A  Dieu  vous  command,  je  m'en  vois 

randir  villes,  chastcaux  et  foi-s  ; 
-4335  je  n'aray  ners  tant  soient  foi-s 

qu'ilz  ne  soient  tous  desnoués, 

avant  que  jamcs  vous  m'arcz. 

Atant  me  pars,  priez  pour  moy. 

CIRINUS 

Mahommet  te  garde  d'ennoy, 
■{.•MO  et  a  liesse  te  rapporte  ! 

LIGERET 

Je  sçay  que  mon  mandement  porte  : 
il  en  y  a  trop  longue  tire, 
si  n'est  ja  bcsoing  de  le  lire 
ainsi  qu'il  gist,  mais  j'ay  songié 

4345  que  j'en  feiay  un  abregié, 

et  pour  avoir  meilleur  mémoire 
et  mieulx  prononcer,  je  vueil  boire 
ung  tatin  ains  que  je  commance  : 
quand  on  arrouse  ung  tantôt  l'ance, 

4350  elle  en  pipe  plus  souplement. 


[Pose.] 


Ouez,  ouez  generalment 
et  entendez  que  je  vueil  dire  ; 
tous  vrays  subgetz  du  noble  empire 
des  Romahis,  je  m'adresse  a  vous. 


•1282  en  C.  —  42S4  César  mon  seigneur  A.  —  4285  concques  A.  mes  manque  C.  —  4288  entre  les  C.  —  4Ï89  est 
manque  C.  —  4292  doit  pas  plus  C.  —  4295  quelque  ame  ne  luy  face  B.  quelque  personne  C.  —  4296  uniuersable- 
moiit  A.  —  4301  Sil  fault  ung  mandement  A.  —  4302  ou  publier  A.  —  4303  je  laray  fait  biaucop  A.  —  4308  ear  A. 
—  4317  par  toute  la  terre  ràpMé  C.  —  4319  ung  peu  estudier  C.  —  4321  ta  B.  —  4327  va  ton  mandement  A.  —  4328 
penses  A.  hesongnes  trop  de  niangaille  G.  —  43?5  rains  tant  A.  —  4336  dosuoyez  A.  —  4.337  [I'osb]  A.  —  4337- 
4350  manquent  A.  —  4340  et  a  joye  si  C.  —  4341  Je  seay  bien  C.  —  4343  la  A.  —  4347  il  fault  C.  —  4349  jar- 
rouse    un   petit   lance  C.  —  4350  elle  en    pile   C.  —  4351  op7,  généralement  oueï  A.  —  4353  an  noble  C. 


56 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


4355  L'en  vous  fait  assavoir  a  tous 
que  l'impcrateui'  qui  se  nomme, 
souverain  par  dessus  tout  homme, 
veult  savoir  le  nombre  total 
de  tout  le  monde  en  gênerai, 

4360  c'est  quans  hommea,  enffans  et  femmes 
sont  obeyssans  a  luy  raesmes, 
affin  que  les  tribus  y  sache 
et  moderacion  il  face, 
s'il  fault  plus  ou  moins  recevoir. 

4365  Et  pour  ce  nombre  mieuls  savoir, 
chacun  se  tiengne  pour  cité 
de  soy  retraire  en  la  cité 
ou  il  a  prinse  sa  naissance, 
et  la  par  notable  ordonnance 

4370  seront  commis  clercs  en  commun, 
escripvans  les  noms  de  chacun 
pour  en  faire  juste  rapport. 
Et  les  negligens  a  mal  port 
arriveront,  n'en  doubtez  mye. 


JOSEPH 

4375  Marie,  ma  très  chère  amye, 
vous  avez  ouy  que  nous  mtmde 
l'empereur,  et  qu'il  nous  commande 
que  chacun  se  voit  faire  escripre, 
et  fault  que  chacun  se  retire 

4380  en  la  cité  dont  il  est  né. 

NOSTRE  DAME 

Puisqu'il  est  ainsi  ordonné, 
«her  sire,  nous  obeyrons  ; 
enBetleen  nous  on  irons, 
cité  de  David  haulte  et  belle, 
4385  nous  présenter,  car  dedans  elle 
avons  esté  né  et  nourry. 

JOSEPH 

Ha  !  dame,  j'ay  le  cueur  merry, 
qu'il  convient  que  je  vous  y  maine  ; 
car  vostre  saison  est  prochaine 
4390  d'acoucher,  comme  je  suppose  : 
si  doubte  dessus  toute  chose 
qu'il  ne  vous  tourne  a  doleance. 

NOSTRE    DAME 

Mon  cher  seigneur,  n'ayez  doubtance 
Dieu  nous  aydera,  s'il  luy  plest. 


JOSEPH 

4395  Ghere  espeuze,  puisqu'ainsi  est, 
mener  nostre  asae  convendra 
pour  vous  poi'ter  quand  la  vendra  ; 
s'irons  tout  doulcement  le  pas 
et  pour  ce  que  nous  n'avons  pas 

4400  tant  d'argent  qu'il  nous  fault  despendre,    (, 
nous  prenrons  ce  beuf cy  pour  vendre 
qui  nous  aidera  a  parfaire. 

NOSTRE  DAME 

Ce  qui  vous  plaist  me  doit  bien  plaire,    , 
je  n'y  metz  point  de  contredit. 

JOSEPH 

4405  Sy  sera  fait  comme  il  est  dit  : 
je  vois  exploitier  la  besongne. 

ELIACHIN 

Joseph,  cher  parent,  je  ressongne 
d'aller  en  Betleen  si  brief  ; 
le  chemin  y  est  grand  et  grief, 
4410  par  quoy  trop  mal  appoint  nous  viont._ 
Je  ne  sçay  de  quoy  il  souvient 
au  prevost  de  nous  traveillier 
et  de  tel  mandement  bailler 
qui  no  poi-te  guère  de  fruit. 

JOSEPH 

4415  Eliachin,  je  suis  instruit 

que  le  grant  prevost  de  Judée 

n'a  pas  ceste  chose  mandée 

a  tous  de  son  auctorité, 

mes  c'est  l'empereur  redoubté 
4420  qui  luy  a  transmis  cest  edit. 

ELIACHIN 

Par  moy  ne  sera  pas  desdit, 
j'y  serai  moy  et  ma  maignie. 

JOSEPH 

Nous  vous  y  tendrons  compaignie, 
Marie  et  moy,  mes  qu'il  vous  plaise. 

ELIACHIN 

4425  II  me  plaist  bien,  et  suis  très  aise 
de  vous  compaignier  en  voyage, 
car  nous  sommes  tous  d'ung  lignage 
dont  plus  affin  de  nous  serez. 

JOSEPH 

S'il  vous  plaist  dont,  vous  m'ayderez 
4430  a  charger  ma  femme  droit  cy 
sur  cest  asne. 

ELIACHIN 

Vostre  mercy, 
qu'il  vous  en  plaist  faire  requeste. 


4356  que  le  noble  empereur  de  Romme  A.  —  4359  nombre  B.  —  4360  quans  hommes,  femmes  et  cnfans  A.  — 
4361  sont  a  luy  mesma  obeyssans  A.  —  4332  il  sache  B.  face  C.  —  4303  que  B.  —  4364  plus  manqw  B.  —  4369 
très  belle  A.  —  4370  et  commun  B.  mis  clercs  ou  G.  —  4373  ceulx  qui  fauldront  a  mauuais  A.  —  4377  lequel  nous 
A.  et  qui  G.  —  4380  ville  A.  —  4382  cher  seigneur  A.  —  4;'83  nous  nous  C.  —  4392  qui  A.  C.  —  4399  nous  manguf 
C.  —  4401  icy  vendre  C.  —  44C3  quil  A.  B.  C.  —  4400  ma  C.  —  4415  tout  inslruil  G.  -  4il6  liault  B,  —  4421  Par 
ma  foy  C,  —  ',422  je  A    T.  C.  —  4'i50  ou  G,  —  442S  affm  A. 


PREMIERK 

O  trcs  noble  dame  et  hounesto 
vous  estes  grandement  enferme, 
/i435  eiisainte  et  près  de  vostre  terme. 
A  joye  en  puissiez  délivrer; 
c'est  grand  ])eché  de  vous  livi'ci' 
co  traveil,  et  bien  je  vous  plains. 

JOSEPH 

Or  cheminons  par  mons  et  plains, 
4-140  nostre  chose  est  toute  a|)prestee. 
La  majesté  de  Dieu  doubtco 
vueille  estre  en  nostre  sauvegarde  ! 
Icy  s'en  vont  en  Bethleen. 

[Pose.] 


UGERET 

Sire  prevost,  Mahom  vous  garde 
et  vous  tiengne  en  son  amitié  ! 
4445  J'ay  le  mandement  exploitié 
a  haulte  voix  par  toute  ville. 

CIRINUS 

Tu  es  mig  messager  habille, 
il  sera  temps  de  besongner. 

LIGERET 

Pensez  hardiment  do  songner 
4'.jO  a  vous  pourvoir  do  parcliemin  : 
il  vient  tant  do  gens  par  chemin 
qu'oncques  ne  vy  tel  multitude  ; 
tout  le  monde  met  son  estude 
a  soy  en  sa  ville  retraire  ; 
4455  n'a  si  grand  qui  voiso  au  contraire, 
tous  s'y  rendent,  chacun  pour  soy. 

ClRlNUS 

J'en  suis  bien  joyeux,  par  maloy  ; 
c'est  signe  que  puissamment  règne 
nostre  prince  et  roy  en  son  règne 
•4460  et  que  moult  bien  est  obey, 
car,  son  commandement  ouy,  . 
tout  le  monde  fait  diligence. 


JOSEPH 

Or  soit  louée  la  clémence 
de  Dieu  a  qui  sommes  tenus  ! 


JOURNKK 

U65  En  Betlcon  sommes  venus 
a  la  peine  do  nosli'c  corps. 

EUACHIN 

Joseph,  il  fault  pour  tous  accors 
queiir  le  logis  dos  premici*»  ; 
les  gens  sont  asscs  coustumiers 
4470  d'eulx  loger  tantost  en  venue, 
et  quand  la  place  est  retenue, 
ceulx  qui  viennent  en  sont  privés. 

JOSEPH 

Nous  sommes  bien  tart  arrivés, 
cai'la  cité  estja  comblée 
4475  de  gens  a  si  grant  assemblée 
qu'ilz  ne  se  scevent  ou  estendre, 
mes  l'advcnture  en  fault  attendre, 
et  trouver  logis  qui  pourra. 

NOSTRE    DAME 

Dieu,  s'il  luy  plest,  nous  aidera  : 
4480  mettons  en  luy  nostre  espei-ance. 

ELIACHIN 

Oncques  de  gens  telle  habondanco 
ne  vis  depuis  que  je  nasqui, 
car  l'on  ne  scet  comment  n'a  qui 
trouver  logis  pour  son  argent. 

JOSEPH 

4'i85  Cher  cousin,  soiez  diligent, 
allez  vooir  se  logis  arons  ; 
et  Marie  et  moy  vous  suyvrons 
querans  logis  d'aultre  costé.  . 

ELIACHIN  I 

J'ay  en  plusieurs  logis  esté, 
4490  mes  j'en  sercheray  plus  de  cent, 
ains  que  ne  trouve  lieu  décent 
pour  ceste  bonne  damoiselle. 

JOSEPH 

Eliachin,  j'ay  pitié  d'elle, 
je  vous  promets,  ])arfoudenient  ; 
4495  de  moy  ne  me  chault  pas  grannient  : 
une  nuyt  est  tantost  passée. 

ELIACHIN 

La  bonne  dame  est  bien  lassée  : 
il  y  pert  bien  a  son  affaire. 
Mais  laissez  moy  hardiment  faire  ; 
4500  je  trouveray  sa  place  a  part. 

JOSEPH 

Je  querray  aussi  d'autre  part 
sçavoir  se  lieu  pourray  trouver. 
Marie,  sans  vous  trop  gi-ever, 
suivez  moy  trestout  a  vostre  aise. 


57 


438  car  bien  A.  —  ViM.  louée  C.  —  4450  et  de  vous  C.  —  4455  qui  y  mette  contraire  C.  —  4456  foy  qaa  Tons<loy 
4407  se  seroit  mes  aeeorJs  C.  —  4469  Cest  la  eoustume  dos  estrangiers  C.  —  4470  tost  C.  —  4472  demeu- 
rent sont  fiustrez  C.  —  4473  mais  il  se  fault  auancer  G.  —  4476  ne  manque  C.  —  4478  do  C.  —  4483  Ne  nen  ne  scet 
B.  comment]  Irouuer  C.  —  4487  M.  et  moy  vous  suyuerons  A.  — 4491  que  je  ne  C.  —  4493  par  mon  serment  A- 
Ay  grant  pitié  C.  De  la  voir  en  peine  et  danger  A.  —  4494-4500  marviui-nt  A.  —  4504  tout  C. 


58 


MISTERE   DR   LA   PASSION 


NOSTBE  DAME 

4505  Jo  requiers  a  Dieu  qu'il  luy  plaise 
nous  secourir  en  ce  danger. 


ELUCHIN 

Cher  sire,  pourrions  nous  loger 

céans  pour  passer  la  nuyttee, 

et  que  place  nous  soit  prestec 
'ihiO  pour  nostre  argent,  je  vous  suppl)'  ? 
SADOc,  hostelain. 

Vous  n'y  pouez  :  tout  est  remply  : 

c'est  a  vous  grand  abusion  : 

vous  vcez  la  conffusion 

des  gens  qui  y  sont,  bon  gré  Dieu, 
4515  et  encor  vous  demandez  lieu  ! 

Vous  ne  deviez  pas  tant  attendre. 

ELIACHIN 

Je  commanco  le  fait  entendre  : 
povres  gens  n'ont  huy  pas  d'escout. 
Helas  !  sire,  gardez  par  tout 
4520  s'il  y  a  point  quelque  placete, 

quelque  retraict,  quelque  chanibrette  ; 
ne  sçara  estre  si  meschantn 
qu'el  ne  soit  assés  suffisante 
pour  y  prendre  nostre  repas. 

SADOC 

4525  Vous  n'y  pouez,  croyez  vous  pas  ? 
Et  quand  place  pour  vous  aroye, 
pourtant  ne  vous  y  logcroye  : 
ce  n'est  pas  ic}^  hospital, 
c'est  logis  poui"  gens  de  cheval 

45S0  et  non  pas  pour  gens  si  meschans  ; 
allez  loger  aval  les  champs, 
et  vuidiez  acop  ma  maison.  , 

ELIACHIN 

Ha!  sire,  vous  n'avez  raison 
de  vous  courroucer  ;  qui  vous  meult  ? 
4535  chacun  quiert  son  proffît,  qui  peust. 
Pardonnez  moy  :  je  prens  congé. 


JOSEPH 

Pour  Dieu,  serons  nous  cy  logé? 
pourrions  nous  avoir  place,  frère? 


SAIIOC 

Nennil  par  mon  ame,  beau  pero. 
4540  si  jo  ne  vueU  aultruy  deffaire. 

JOSEPH 

Helas  !  sire,  s'il  se  peust  faire, 
faictes  nous  aucune  amittié  ; 
regardez  ung  peu  en  pitié 
ma  femme  qui  tant  est  ensainte 
4545  et  de  lasseté  palle  et  tainte 
a  pou  s'elle  se  peut   ayder. 

SADOC 

.l'ay  pitié  de  la  regarder 
tant  humble  et  do  prudent  maintien  ; 
mes,  beau  père,  vous  savez  bien 
4550  que  ceulx  qui  prengnent  de  haulte  heure, 
la  place  par  droit  leur  demeure. 
Et  s'autrement  vouloyo  dii-e 
ilz  y  vouldroyent  contredire  : 
l'usaige  est  ancien  longtain. 

JOSEPH 

4555  Mon  hoste,  j'en  suis  tout  certain, 
je  ne  vueil  pas  quérir  mon  aise 
pour  mettre  aultruy  en  son  malaise, 
mais  le  droit  de  chacun  garder  ; 
dont,  pour  Dieu,  veuillez  regarder 

4560  quelque  place,  sans  grever  ame, 
ou  nioy  et  cestc  bonne  danio 
pourrons  logier  deux  ou  trois  nuyz. 

SADOC 

.l'y  regarde  quanque  je  puis, 

et  eusse  bonne  voulenté 
4565  de  vous  faire  aucune  bonté, 

mais  bricfment  pour  .somme  totale, 

je  ne  trouve  chambre  ne  sale, 

que  tous  ne  soit  plain  a  touz  lez  ; 

excusez  moy,  se  vous  voulez: 
4570  je  ne  sçaroye  que  penser, 

se  vous  ne  vous  voulez  passer 

d'ung  vieil  appentis  qui  cy  est. 

JOSEPH 

Que  n«us  le  voyons,  s'il  vous  plest  : 
[leut  ostro  y  serons  nous  bien  mis. 

SADOC 

4575  Regai'dez  illec,  beaux  amis, 
entrez  dedens,  l'uis  est  ouvert  ; 
il  est  tout  rout,  tout  descouvert  : 
ce  n'est  point  logis,  se  m'aist  Dieux. 

JOSEPH 

("est  vray,  mais  en  attendant  mieulx, 


4505  requier  Dieu  C.  —  4506  raanque  A.  —  4510  en  prv  C.  —  4515  encore  A.  —  4517  Je  pense  bien  ce  fait  A.  — 
451S  point  B.  (le  C.  —  4523  que  B.  —  4525  Tout  est  plains  me  croiez  vous  pas?  A.  —  4528  cy  ung  hospital  A.  — 
4538  Pourrons  B,  —  4545  et  de  lasse  tant  B.  —  4546  qua  peine  se  peut  elle  G.  pou  m.anqi<.e  A.  —  4547  ay  mnnrjur  A. 
—  4551  logis  la  place  leur  A.  —  4552-4569  manquent  A.  —  4554  et  loingtain  Ci  —  4557  a  son  malaise  C.  —  45(i5 
quelque  C.  —  4570  do  vous  penser  A.  y  C.  —  4574  liien  manqui'  B.  —  4577  rond  B. 


I 


PREMIERE 

<580  passer  se  fault,  n'en  doublez  point, 
ilo  ce  qu'on  trouve. 

SADOC 

C'est  le  point. 
Icy  doncqiios  vous  logerez? 

JOSEPH 

Ouy. 

SADOC 

Tre»  bien  servy  serez, 
mes  le  lieu  est  do  petit  pria. 

JOSEPH 

t5S5  Dame,  nostro  lofris  est  pris, 

vous  pouez  hardiment  descendre; 
l'on  pourroit  bien  loger  en  mendre 
qu'il  n'est,  et  aussi  en  meilleur. 

NOSTRE  DAME 

Loué  .-«oit  Dieu,  nostre  seigneur, 
4,^90  do  tous  les  biens  qu'il  nous  envoyé! 

SADOC 

Ce  n'est  jtns  mig  lieu  a  onneur. 

JOSEPH 

Loué  soit  Dieu,  nostre  seigneur! 

et  fut  il  mendre  de  valleur, 

si  vaut  il  niieulx  qu'il  nous  pourvoyo 

que  de  demourer  sur  la  voye, 

par  uuyt  en  froidure  et  malheur  : 

au  moins  la  place  est  assés  coye. 

NOSTRE   DAME 

Loué  soit  Dieu,  nostro  seigneur, 
de  tous  les  biens  qu'il  nous  envoyé! 
C'est  mon  espoir  que  meilleur  voye 
quand  Dieu,  nostre  seigneur,  plaira. 

JOSEPH 

Chère  seur,  l'on  s'en  passera  ; 

pour  moy  il  est  assés  poissant 

mes  a  vous  trop  insuffisant, 
4605  ce  scet  la  majesté  haultainc. 

0  vierge  loyalle  et  certaine, 

tresoriore  de  deité, 

doulce  fleur  de  virginité 

ou  gist  le  très  doulx  Messias, 
4810  je  voy  que  piteux  mes  cy  as 

et  logis  de  povre  vallue  : 

je  pry  Dieu  qu'il  le  ravallue 

a  vostre  ame  au  hault  firmament. 

NOSTRE  DAME 

Nous  porterons  paciemment, 
«15  attendans  la  grâce  divine. 


I 


JOURNEE  W) 

J088PH 

Ma  très  chero  cspou/e  et  bénigne, 

erapri's  le  fou  voa-*  ropoxe/. 

et  a  vostre  aise  tous  posez  ; 

je  sçay  que  forment  estes  lasM. 
'•A£0  11  convient  qu'a  ccsluy  coing  lasse 

nostre  boeuf  et  nostre  asno  ensemble, 

et  en  penser,  car  il  me  semble 

qu'ils  sont  de  faim  en  grand  danger  ; 

et  puis  j'iray  querro  a  manger 
'■«85  pour  nous  ;  si  ferons  l)onne  chère. 

NOSTRE  DAME 

Faictes  leur  appresto  prenûere  ; 
c'est  raison,  il  fault  penser  d'eulx. 

JOSEPH 

Ils  sont  très  bien  Ués  tous  dculx  ; 

jo  leur  fcray  icy  docoste 
'iKm  une  maugcouere  a  ma  poste 

pour  mettre  leur  viande  a  pnit  : 

avant  que  je  face  deppart, 

ils  seront  très  bien  ordonnés. 

Or  vous  tournez,  baudin,  tournez 
«035  le  museau  vers  la  maugcouere 

pour  jouer  de  la  machouere  : 

vous  avez  eu  peine  a  foison. 


ALOHIS,  premier  pastoreau. 
11  fait  assés  doulco  saison 
pour  pastoureaux,  la  Dieu  meroy. 
YSAMBERT.  deuxième  paslorenv. 
'MO  Se  les  bergiers  sont  de  raison, 
il  fait  assés  doulce  saison. 

PELLION,  troisième  pastoreau. 
Rester  ne  porroye  en  maison 
et  voir  ce  joyeulx  temps  icy. 

ALORIS 

Il  fait  assés  doulce  saison. 
40S5  pour  pastoureaux,  la  Dieu  raercy. 

YSAMBERT 

Fi  de  richesse  et  de  soucy! 
il  n'est  vie  si  bien  nourrie 
qui  vaille  estât  de  pastourrie. 

PELLION 

A  gens  qui  s'esbatent  ainsi, 
4050  fi  de  richesse  et  de  soucy! 

RiFFLART,  quatrième  pastoreau. 
.le  suis  bien  des  vostres  aussi 


'.5S0  son  A.  C.  —  4583  ouy  manque  A.  Au  surplus  bien  seruis  sercs  A.  syro,  oyl  C.  —  4588  qui  A.  greigneur  B. 
'•591  Ce  lieu  nest  de  grant  A.  —  4595  que  demourer  en  niy  A.  —  4599  qui  A.  —  4C00  mon]  bon  B.  C  —  4001 
1  iuo]i  irealeur  plaira  A.  —  4603  duysanl  A.  —  4612  qui  A.  C.  —  4613  rostre  A.  —  4615  attendons  B.  en 
utliMulanl  C.  —  4B17  ce  feu  A.  —  4620  qua  ci-.  <-oiiijr  enlace  A.  —  4623-4731  manijurtlt  C.  feuillet  déchiré.  —  4630 
une  manière  dune  coste  B.  —  4635  douera  B.  —  4637  vous  auen  bien  gaigne  a  boire  B.  —  4640  brebis  A.  —  4051 
voalre  A. 


60 


M I S  T  R  R  p:  de  la  p  a  s  s  I  0  N 


atout  ma  barbete  fleurie  ; 

quand  j'ay  du  pain  mon  saoïU,  je  orye  : 

fi  de  richesse  et  do  soucy  ! 

ALORIS 

■4655  II  n'est  vie  si  bien  nourrie 

qui  vaille  estai  do  pastourrie. 

YSiMBERT 

Est  il  liesse  plus  série 
que  de  regarder  ces  beaux  champs 
et  ces  doulx  aignelés  paissans, 
4060  saultans  en  la  belle  prairie? 

PELLION 

On  parle  de  grant  seignourie, 

d'avoir  donjons,  palais  puissans; 

est  il  liesse  plus  série 

que  de  regarder  ces  beaux  champs? 

RIFFLART 

4665  Quand  ma  pennctiere  est  fournie 
de  bons  gros  aux  et  nourrissaiis, 
de  ma  flûte  vous  fais  uns  chans, 
qu'il  n'est  point  de  tel  symphonie. 

ALORIS 

Est  il  liesse  plus  série 
4670  que  de  regarder  ces  beaux  champs 
et  ces  doulx  aignelés  paissans, 
saultans  en  la  belle  praerie? 
Quand  le  beau  temps  voyent, 
pastoureaux  s'esjoyent, 
4675       chantent  et  festoyent, 
et  n'est  esbas  qui  ne  soient 
entre  leur  déduis  : 
Leurs  chappeaux  cointoient, 
leurs  gippons  uestoicnt, 
leurs  moutons  pourvoient, 
leurs  chiens  retourner  envoient, 
ceulx  qui  sont  mal  duys. 
Le  jour  passe,  et  puis 
quant  viennent  les  nuis, 
leur'parc  cloyent  et  appoyent, 

et  se  loups  famis 
venoient  qui  les  guerroient, 
des  chiens  sont  remis. 

YSAMBERT 

En  gardant  leurs  brebietes. 

pasteurs  ont  bon  temps; 
on  gardant  leurs  brebietes, 
ilz  jouent  de  leurs  musettes, 

liés  et  esbatans, 
la  dient  leurs  chansonnetes  ; 


4680 


4685 


4690 


470O 


47) 


et  les  doulces  bergerettes, 

qui  sont  bien  chantans, 
cueillent  herbes  bien  sentans 

et  belles  fleurettes  ; 
qui  pourroit  vivre  cent  ans 

et  voir  telz  baguettes  ! 

pasteurs  ont  bon  temps. 

PELLION 

Bergier  qui  ha  pennetiere 
bien  cloant,  ferme  et  entière, 

c'est  ung  petit  roy; 
47(K  bergier  qui  ha  pennetiere 
a  bons  cloans  par  derrière 
fermant  par  bonne  manière, 

que  lui  fault  ?  quoy  ? 
il  a  son  chappeau  d'osiere, 
4710  son  poinssou,  sou  alleniero, 
son  croc,  sa  houllette  chère, 

sa  boite  au  terquoy, 

beau  gippon  sur  soy, 

et  par  esbanoy 
sa  grosse  fleute  pleniere, 

souUiers  de  courroy 
a  beaux  tacons  par  derrière  ; 
face  feste  et  bonne  chère  : 

c'est  ung  petit  roy. 

RIFFLART 

Forsetes,  cousteaux  pragois, 
grosses  mouffles  a  deux  dois, 

son  coffin  aux  nois, 

Icallendrier  de  bois, 

du  lart  en  ses  pois, 
4725  paletos  sarrazinois 

luy  vallent  ilz  rien  ? 
grosses  botines  a  plois, 
des  flajollès  deux  ou  trois, 
tabours  et  fleutes  de  chois, 
4730       patins  en  lourdois, 

lacés  au  gallois, 
pour  mener  aucunefibis 

Rriet,  leur  grand  chien; 
et  se  je  vouloye  bien 
47ffi  deviser  tout  leur  maintien, 
je  n'aroye  fait  des  mois. 

ALORIS 

Nous  chantons  cy  nos  serventois, 
mes  je  ne  voy  berger  qui  songne 
d'aller  exploitier  sa  besongne 
4740  et  mettre  ses  brebis  appoint. 


4720 


4053  Mais  que  jaye  du  pain  B.  —  4C59  ses  A.  —  4660  a  A.  —  4661  Len  B.  —  4662  et  do  portes  a  tours  B.  — 
4668  qui  A.  —  4682  retourner  ceulx  etc.  B.  —  4682-4683  puis  Quand  il  est  nuys  B.  —  4087  y  viennent  B.  —  4688 
ilz  sont  bien  remis  B.  —  .',708  il  faut  il  A.  —  4700  son  man'/ue  A.  —  4712  tart  quoy  A.  —  4714  par  lesb.inoy  B.  — 
4/17  tasseaulx  B.  —  4720  pradois  B.  —  4724  jatte  aux  pois  B.  —  4729  villes  de  bois  B.  —  .',731  laisses  A.  —  4737 
Nous  parlons  ey  bien  de  guingois  A. 


PREMIERE    JOURNEE 


61 


YSAMnERT 

Aloi'is,  lie  te  hasto  point  : 
encof  est  le  soleil  tout  hault; 
nous  nions  tantost  fait  ung  sault, 
80  nous  voyons  qu'il  on  soit  heure. 

PEIXION 

4745  Faisons  icy  nostie  demeure, 
hardiment  cncor  une  espace  ; 
il  n'est  point  de  plus  gente  place 
pour  nous,  sans  que  plus  hault  montons  : 
nous  voyons  paistre  nos  moutons 

'.750  et  nos  portières  i-uminer  ; 
ilz  ne  pourront  pas  cheminer 
que  tantost  on  y  remédie. 

RIKFI.ART 

Avant  qui  que  soit,  si  nous  die 
dos  nouvelles  en  attendant. 

AI.ORI.S 

'.7jj  N'a  pic  qui  en  sache  tant 

que  toy,  Rifflart  ;  tousjours  en  trouves , 
car  avant  les  fcroycs  neuves 
que  tu  n'en  feusses  bien  fourny. 

YSAMBERT 

11  ment  aussi  bien  quant  a  luy 
1760  que  voisin  qu'il  ait,  tant  soit  graus, 
et  aussi  bien  aux  jours  ouvranz 
qu'ung  aultre  foroit  au  dimanche. 

RIFFLART 

Voule/,  vous  donc  que  je  coramancc 
a  faire  ma  narracion? 

PEI.LION 

Ne  mens  point;  fais  en  conscience. 

RIFFI.ART 

Voulez  vous  donc  que  je  commance? 

AI.ORIS 

C'est  raison  qu'il  ait  audience, 
veue  la  supplicacion. 

RIFFLART 

Voulez  vous  donc  que  je  commance 

70  a  faire  ma  narracion? 

Je  vous  dys  qu'hier  soir,  environ 
soleil  couchant,  que  je  ne  monte, 
maistrc  Ysangrin  quei'oit  sa  rente, 
comme  il  en  est  bien  coustumier. 

75  A  mon  parc  s'adressa  premier 
et  saulta  tout  oultre  la  cloyc  ; 
se  n'eust  esté  que  je  veilloye 
d'adventure  cousant  ma  Juppé, 


il  avoit  trouMo  «ur  sa  crappc 
4780  un  gras  mouton  sans  dire  gare. 
Jo  criay  :  Biict,  haro  !  haro  ! 
tant  que  Robin  a  se»  choiti  couDtz 
lui  futnrraché  et  rcscoux; 
ou  aultremont  il  l'oust  mangé. 

YSAMBERT 

4785  As  tu  si  longuement  songé 

pour  dire  ce»  boimcs  nouvelles  ? 

PKLLKf.N 

Se  tu  n'en  comptes  do  jdus  belles, 
ton  faict  ne  vault  pas  ung  aillot. 

ALORI.S 

Est  ce  tout? 

RIFFIAUT 

Or  ne  soimoz  mot, 
'.790  et  vous  orrez  fais  bien  nouveaux. 
Je  monay  liior  bien  ti'ente  aigneaux 
vondi'e  en  Betteen  a  la  festo  ; 
mes  qui  n'aroit  vou  jamès  teste, 
voise  la,  on  on  voitassés. 
4795  Mes  quoy,  Ysambert,  tu  ne  scés? 
je  regarday  un  cschafrault, 
les  gens  assis  tout  au  plus  hault, 
vestus  dessus  do  robes  linges 
et  einmantelos  comme  sùiges 
4800  si  très  drus  qu'ilz  s'entretenoient  ; 
de  grans  fuoillios  ilz  retournoient 
et  s'apprestoient  pour  escripre, 
mes  quoy,  je  ne  sçay  pour  vrai  dire, 
et  qui  pis  est,  il  ne  m'en  chault. 

YSAMBERT 

4805  Fais  le  court. 

RIFFLART 

J'ay  fait,  autant  vault. 
Ainsi  que  rogardoye  amont, 
vint  ung  de  ceulx,  ne  sçay  qui  sont, 
coulx  qui  font  les  gens  enfermer... 
haro  !  ayde  moy  a  nommer... 
4810  qui  portent  ces  bâtons  d'argent, 
c'est,  c'est... 

PELLION 

Il  voult  dire  un  sergent, 
qui  maiue  les  gens  en  prison. 

RIFFLART 

Ne  plus  110  inoins,  tu  as  raison. 
11  me  mena  connue  contrains 
4815  par  devant  ces  gros  machcfraiiis. 


4741  ten  li.  —  4743  tost  fait  C.  —  4753  Au.int  que  (luil  que  soil,  nous  die  A.  et  auant  C.  —  4755  ny  a  A.  H.  il  ny 
a  C.  —  4*57  feroyes  tu  A.  B.  C.  —  4761  les  jours  A.  —  4765  Ne  mens  point  don*'  en  conscience  G.  —  4766  donc 
manque  C.  —  4774  en  manqua  C.  —  4775  sadressa  a  mon  parc  B.  C—  1776  une  B.  C.  —  4777  mais  se  ne  fust  B.  ne 
»iaii7iif  C.  —  4778  courant  C.  —  4781  je  huohai  B.  Baillet  A.  —  4784  1'  manf/u-  A.  —  4786  tes  B.  —  4788  tout  ne 
vault  pas  C.  —  478D  esse  tout?  A.  B.  C.  —  4791  bien  manque  B.  —  4793  oncques  B.  C.  —  4794  leo  il  en  verra  B. 
ilec  il  en  verra  C.  —  4796  je  regarde  C.  —  4797  et  gens  C.  —  4798  de  robes  dessus  linges  C.  —  4799  oinges  A.  — 
4800  qui  A.  —  4801  qui  ces  B.  si  grans  C.  —  4803  vous  dire  C.  —  4808  vont  A.  —  4811  Cest  chose  B.  ces  choses... 
tu  veulx  dire  C.  —  4815  machefoins.  H.    G.  4.'rans  C. 


62 


MISTERE    DE   LA    PASSION 


Dont  es  tu  ?  dit  l'un  ))ion  habille. 

—  Je  suis,  ce  dis  jo,  de  no  ville, 
tout  nourri  do  pois  et  de  lart. 

—  Et  comment  te  nomme  on?  —  Rifflart. 
4820  ce  dis  je,  ne  vous  en  chault?  —  Non, 

mes  il  rirent  tant  de  ce  nom 
(ju'oncques  folz  n'eurent  si  graut  ris  ; 
lors  me  mirent  en  leurs  escrips 
et  me  renvoyèrent  sans  boire. 

ALORIS 

4825  Et  sans  manger  ? 

RIFFLAHT 

Par  mes  ans,  voire, 
de  quoy  je  me  tins  bien  de  lire. 

YSAMBERT 

J'ay,  passé  huit  jours,  oy  dire 

que  je  ne  sçay  quel  grant  seigneur.... 

comment  le  nomme  on  ? 

PELLION 

L'empereur? 

YSAMhERT 

4830  Voire,  c'est  l'empereur  do  Romme, 
qu'il  fait  escripre  chacun  homme 
en  ses  iiapiers  ;  est  il  bien  sos  ! 

ALORIS 

Escripre?  mais  a  quel  propos? 
est  ce  pour  faire  une  bataille? 

RIFFLART 

4835  Voire,  ou  pour  payer  une  taille, 
hardiment,  qui  nous  sera  dure. 

PELLION 

Je  ne  sçay,  voist  a  l'aventure! 
se  gens  viennent  de  tant  de  lieux, 
nos  moutons  si  s'en  vendront  raieulx 
4840  en  Betleen  et  autre  part. 

YSAMBERT 

11  est  temps  de  faire  doppart 
et  de  nous  aller  habillier, 
car  ennuyt  nous  convient  veillier 
sur  le  troppeau,  chacun  par  soy, 

ALORIS 

4845  Je  suis  tout  prcst. 

RIFFLART 

Si  suis  je,  nioy, 
pour  veillier  jusques  a  matines. 

PELLION 

Mes  que  j'aye  prins  mes  botines, 
et  mes  mouffles  a  gros  noyaulx, 
'       s'il  gelloit  jusques  aux  crappauX, 


4850  je  no  craing  froidure  qui  viengne. 

YSAMBERT 

Nous  sommes  bien,  chacun  se  tienguo  : 
qui  verra  le  loup  maine  l)ruit. 

ALORIS 

S'il  vient  il  y  ara  déduit  ; 
chacun  se  garde  de  mespreiidro. 

[Pose.] 


JOSEPH 

48te  O  chère  dame,  vueillez  prendre 
ung  bien  petit  vostre  reppas, 
et  tant  ne  vous  traveilliez  pas, 
car  le  trop  grever  n'est  pas  bon  ; 
tousjours  estes  eu  oroison, 

4860  tousjours  priez  et  prenez  peine  : 
et  touteffois  nature  humaine 
n'est  pas  a  ce  faire  puissante  ; 
eucor  vous,  qui  estes  pesante, 
n'avez  do  grand  jtraveil  inestier. 

NOSTBE  DAME 

48()5  Joseph,  je  le' fais  volontier; 
et  j'ay  bien  cause  légitime, 
car  le  terme  est  forment  proxime 
de  mon  benoist  enffautcnieut, 
et  pense  que  présentement 

4870  l'eure  en  sera  parconsommee. 

JOSEPH 

0  dame  de  grand  renommée, 
sur  toutes  vertueuse  et  bonne, 
ceste  place  n'est  pas  ydonne, 
mes  très  ville  et  trop  mal  parce  : 

4S76  mes  puis  que  l'essence  increee 
a  le  terme  ainsi  ordonné     • 
et  au  terme  ce  lieu  donné, 
loué  en  soit  Dieu  mille  fois  ! 
Et  quand  en  cest  estât  vous  vois, 

4880  de  doulouzer  ne  puis  me  faindre. 

NOSTRE   DAME 

Cher  sire,  ne  me  vueillez  plaindre 
no  prendre  en  vostre  cueur  tristesse, 
car  joye  et  parfaicte  liesse 
sont  en  moy  très  habondammeut. 
4885  Pourj  crainte  j'ay  asseurement 


'•«16  don  C.  —  4817  se  A.  —  4819  coimiie  C.  —  4820  ce  Manque  B.  —  4822  oonoques  A.  —  4S31  qui  A.  B.  veull 
faire  escripre  tout  B.  0.  —  4832  pays  C.  -  4834  esse  A.  B.  C.  —  4838  ces  A.  — .  4S39  nostre  bestial  sen  vendra  A. 
—  4842  pour  B.  €.  —  4816  iusquâpres  0.  —  4S47  chausse  A.  —  4S49  et  gelast  B.  C.  —  4852  et  qui  C.  —  4853  y 
vient  il  ara  C.  —  4856  ung  petiot  B.  un  petit  C.  —  4858  peuor  B  penser  C.  -  4807  forment  mcspnme  B.  C.  —  4874 
aincois  ville  et  mal  parée  B  mais  ville  et  orde  et  mal  C.  —  4875  incree  A.  B.  C.  -  4876  et  le  terme  C.  -  4880  ne 
me  puis  C.  —  4881  mon  cher  C.  —  4882  a  vostre  B.  —  4884  ardamment  C. 


I 

^^m      certniu  do  non  oMic  gi'uvcc 

^^B     pai'  vii'giiiiti')  cuii8Ci'vco 

^^f     dont  ronfuntuiiient  He  féru 

^^^      qui  eu  riens  no  nie  grèvera; 
■1890  pour  pcsnnco  ay  ligereté, 
pour  foiljies.se  pleine  «anté, 
car  mou  corps  et  mon  ame  ensauiJjle 
sont  bien  disposés,  co  me  samblu, 

tet  ne  sens  chose  qui  me  grieve. 
JOSEPH 
Or  je  roquicr  Dieu  qu'il  abriefvo 
ce  niistcre  tant  gracieux, 
affin  que  le  fruit  précieux 
puissions  humblement  recevoir. 
Marie,  jo  vous  vois  pourvoir 
*vw  de  ce  qui  sera  nécessaire 

a  vous  aidior  dans  cest  aft'aire  ; 
le  pouoir  y  est  moult  petit, 
mes  neantmoins  j'ay  bon  appétit 
de  faire  touto  diligence. 
Ici/  se  met  Noxtre  Dame  sur  sa  couche,  Joseph 
va  songner  de  menues  choses  pour  l'enfant. 


DIEU    LE   l'EUE 

Le  temps  est  que  ma  providence 
ha  disposé  et  ordonne 
que  mon  cher  filz  Jhesus  soit  né 
do  la  noble  vierge  sacrée  ; 
et  affm  que  mieux  consacrée 
IIO  soit  si  noble  nativité, 
angles,  par  grand  agilité, 
pour  mener  feste  plantureuse, 
do  voix  doulce  et  mélodieuse 
prononcez  ung  beau  silete.  t 

Chançon  aux  angles  tous  ensamUe.     \ 

[SlLETE.] 

La  festlvité 
vient  que  le  seigneur, 
du  monde  et  sauveur, 
Doit  estre  enflante; 
u  sa  majesté      I 
soit  los  et  homieur  1 
C'est  humilité 
au  haïUt  créateur 
d'estio  viateur 
Et  a  deité 


PREMIERE   JOURNEE 


Viïj        joindre  liumaiiitt) 
pour  son  Hervittnir. 

m  EU    I.E   l'KKK 

l'our  monstror  noblesm>  et  haullcui- 

a  ccste  ))cnoito  journée, 

je  veil  qu'en  terre  soit  donnée 
11)30  grâce  de;  quoy  puissent  jouir 

les  humains  pour  culx  rc«jouir, 

et  vueil  que  d'angles  grant  i>artiu 

s'en  voisent  en  celle  partie 

ou  la  vierge  merc  se  gist, 
4«a5  et  le  lieu  qui  pas  ne  souffist 

estre  a  tel  fait  deternriné 

soit  noblement  enluminé 

et  fulcy  do  noble  lumière, 

et  nostro  amoc  tresoriere 
1940  de  tout  resjouye  et  reffaite, 

de  vraye  liesse  parfaipte 

et  noblement  accompaignie. 

Vous  luy  tendrez  tous  compaiguie, 

tant  que  l'entlantement  divin 
1915  soit  reveramment  traict  a  fin, 

comme  le  mistere  en  est  digne. 

MICHEL 

Souveraine  essence  divine, 
vostre  conmiand  accompliron.s 
et  la  vierge  consoUerons 
■iDôO  on  portant  reverand  honnuage. 

GABRIEL 

Souverain  roy  de  hault  paragc, 
tout  ce  qu'avez  dit,  sera  fait 
et  de  très  grand  vouloir  parfait  ; 
c'est  bien  raison,  juge  très  sage. 

niEU   LE  PERE 

4955  Gabriel,  nostre  cher  message, 

si  tost  que  l'enrtant  dessus  dit 

sera  né  par  joyeulx  edit, 

la  nouvelle  soit  demousti-ec, 

aux  pastoureaux  do  la  contrée, 
4960  qui  leurs  troppeaux  gardent  et  veillent; 

car  il  me  plaist  qu'ilz  se  reveillent 

a  ceste  joyeuse  naissance. 

GABRIEL 

Kon  Dieu,  en  vostre  obeyssauee 

sommes  tous  de  grâce  remplis  ; 
49(38  vos  commands  seront  accomplis, 

comme  les  avez  connnandés. 
Icy  descendent  atout  torches  et  cierges  ardans 
et  eont  au  lieu  ou  gist  Nostre  Dame^ 


te*"  coiif.irmci'  C.  —  4S()0  pesiiiileur  jay  C.  —  4S!>5  abrepe  C.  —  4002  il  est  A.  —  490!  mes  iiimi'iur  A.  —  4904  (le 
rendre  toute  A.  —  4U05  L'iudirali'iii  n'i^iw/uf^  dan^  C  ''S<  ii  itmninte  :  /et/...  *■(  tatt'iiz  Josfph  ra  soigner  d-' 
eueunerhif/'  i)iHtr  Vi'nfaiit.  —  4907  cher  «Kiit/u  ■  C.  —  4aOS  haiilte  O.  —  49i7  et  manque  \.  —  49»<  <•«  A.  <le  V.. 
—  AaSt  voisent  a  lielle  coinpaiîfnie  I).  —  4934  la  douliw  dame  si  gist.  C.  —  493.S  fulfucy  0.  —  4939  a  nostre  T..  —  494U 
da  tout  C.  —  4941  lumièri-  A.  —  4943  Danges  a  uobli-  loirtpaignie  C.  —  4951-4951  wurt'/uoiU  B.  C.  —  -1957  unj 
Joyeulx  B.  (.:.  —  1958  soil  la  uouuelle  li.  C.  —  4960  bestes  C. 


XISTKKK  BS  LA  PASSIFS 


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rS.CL 


PREMIERE  JOURNEE  ■   «5 

et  uwoM.  ta  «  la  féem  et  h  tmde 


(PO».] 


SMS  il  est  temps  qpe  i^ummu  doTe, 
espoir  que  se  trop  atteodoye, 
Siariearoit 
O^oriewe 
qn*est  ce  que  je  tôt  a  cesia  teare  t 
l   UBO  rappençois  aag  cnfiat  qm  pleue, 
loat  Ma  »ar  le  fcrr»  giiawt         \ 
et  la  mère  a  goMndx  deraat      | 
radonotpar 
coaoBwladmDe 
3K5  defnrt  qni  loat  geaoal  s'twnMr  ; 
et  moy,  porre  pecfaenr  inili|;f', 

etoMB 
coarert  oe 

sa»  giMBt  en  td  fragilité, 
qn'ar  je  a~&ire  poar  le 
anoB  de  taoj  racr  a  tare 
et  adonr  le  Muamaa  aé 
qui  estre  et  Tte  m'a  doaaê  t 

sœ  Moohaakcfeatev,  mMaeaijage, 
,teltelieaB,ldteJBKe, 


lt>y< 
qui  m'i 
qa*a  hm  poMir  ame  ae  m  rniperf  : 

t  je  t'adoK  «t  te  dMne  a  «ois  | 

I  dnabt  i.  iilTtal ,  moB  TravDieaet  moapere. 

Ta  es  le  aaahear  da  monde, 
aiABtoa  te 
pardi 


Delof  ■DdrekîearedoiMfe:  fli  de  kMrit  pris  aè  de  pcfite 


Jtm%tùea»  C  —  SW7  «alm  C  —  S»»  ii«fce  B.  a  —  SU*  1*^  «dits  B- <^  —  SIM  Qm  Mb  r«Màr  at  ■«*>* 
MWC  —  son  fr  <«  t— »  C.  —  3»»  JoJ»  wiM  C  —  5K»-aWt  i—i»  r«r  C.  -SM»  JMVB.  Inft  ■•■«» 
C  —  son  raraMrt  C  -  SMt  ifiULUt  B.  —  MM  iii|ai  &  C.  —  51»  «wrf  A.  -  Sttl  ■^■'«f  A.  _  SBt 
fri*  C  —  SlSt  Q«i  arc«ftec  aws  hay  Twttv  aanOc  B.  -  5tB  Bff  I C  —  M»  &wt  C  —  9»  O  Km  B  C 

Pas.     .  à 


66 


que  puis  je  plus  ?  Je  t'adnouce  a  voix  saine 
mou  doulx  euflaut,  mou  vray  Dieu  et  mon  père 

JOSEPH 

Ta  naissance  nous  esjoye, 
a  tout  le  nioude  fait  joye 
5135  et  resjoye 

tous  les  trosnes  glorieux  ; 
Tout  paradis  en  festoya, 
n'est  angle  qui  no  s'employe 
a  moutjoyo 
5140     formel-  chaus  mélodieux. 
Ave,  fruit  très  précieux, 
ave',  saulveur  gracieux 

et  piteux, 
et  se  plus  dire  savoye, 
5145     De  cueur  humble  et  amoureux 
le  diroye  pour  le  mieulx, 

ce  scet  Dieux  : 
or  doint  qu'en  gloire  te  voye  ! 

NOSTRE   DAME 

Dieu  par  sa  grâce  nous  pourvoie  ! 
5150  Joseph,  en  ceste  mansiou 
a  si  povre  provision 
que  c'est  grand  pitié,  Dieu  le  scet. 

,  JOSEPH 

Veez  cy  des  drajipeaulx  six  ou  sept, 
telz  que  je  les  ay  pu  trouver 

5155  metez  l'enfifant  eus  sans  grever  : 
il  se  passera  bien  ainsi. 
J'ay  apporté  du  lait  aussi 
que  je  vois  bouillir  sans  targer, 
pour  luy  faire  ung  peu  a  manger, 

DlBO  affin  que  faim  ne  le  sui  prende. 

NOSTRE    DAME 

Ti'es  cher  sire.  Dieu  le  vous  rende 
vous  prenez  peine  largement. 


UAHUIEL 

Faire  vois  le  commandement 
de  Dieu  envers  les  pastoureaux 
5165  qui  veillent  huy  sur  leurs  aigneaux  ; 
si  leur  poi-teray  la  nouvelle. 

MICHEL 

Vous  avez  compaignie  belle 
a  vostre  mand  exécuter. 

UAPHAEL 

,  Jusque  la  me  veil  depporter 

5170  avec  vous,  pour  mener  liesse. 


MISTERE   DE   LA   PASSION 

Icy  s'en  vient  Gabriel  devant  atout  grand 
lumière  vers  les  bergiers  et  les  autres  vien- 
■nent  après  tout  bellement. 


ALORIS 

0  Dieu  d'Israël,  quel  chose  est  ce 
que  je  voy  devant  et  derrière  ? 
oncques  je  ne  vys  tel  lumière, 
bergiers,  regardez  que  voicy. 

YSAMBERT 

5175  Vertu  divine,  qu'est  cecy  ? 

qui  vit  oncques  mes  tel  merveille  l 

PEILI.ON 

Fol  est  qui  ne  s'en  esmerveille 
de  veoir  a  inynuit  ung  tel  signe. 

RIFFLART 

Je  cuide  que  le  monde  fine, 
5180  ou  la  lune  a  changé  son  cours. 

ALORIS 

Ha  !  doulx  Dieu,  donne  nous  secours  ; 

ceste  clarté  qui  lesplendit 

par  tel  façon  nous  esbayst, 

que  nous  ne  nous  osons  mouvoir. 

UABRIEL 

518j  Bergiers,  ne  veilliez  crainte  avoir  : 

bonnes  nouvelles  vous  anonee, 

grant  joye  et  pleine  vous  dénonce 

qui  a  tout  le  peuple  sera  : 

le  saulveur  qui  rachètera 
5190  le  monde  qui  trop  dépérit 

(c'est  nostre  seigneur  Jhesu  Grist) 

vous  est  au  jour  d'uy  né  sur  terre  ; 

et  se  du  lieu  voulez  cnquorrc, 

c'est  en  Bethleeu  la  citi', 
5195  et  en  signe  de  vérité 

quand  le  petit  enffant  verrez, 

cnvelloppé  le  trouverrez 

et  nu  en  la  croche  gésir. 

RAPHAËL 

Sus,  angles,  par  joyeulx  plaisir, 
5200  de  cestuy  mistere  tant  beau 

commançons  ung  chant  tout  nouveau 
pour  les  pastoureaux  resjouir. 

URIEL 

Chant  doulx  et  plaisant  a  ouir 
(Usons  ensemble,  je  le  lo. 

{Chantent  tous  ensemhh:  ;] 
5205    Qloria  in  excelsis  Deo 


5131  te  nouce  B.  a  liault  seine  C.  —  5142  vertueux  B.  C.  —  5151  petite  C.  —  5155  mettez  ens  B.  C.  —  5161  très 
manque  C.  —  5164  deuers  B.  vers  C.  —  5171  esse  A.  B.  C.  —  5175  quesse  cy  A.  B.  et  quest  cecy  C.  —  5179  Peut 
estre  C.  =-  5181  donnez  B.  —  5191  sire  B.  —  5197  vous  le  A.  —  5199  pour  B.  —    5202  pasteurs  C. 


PREMIERE    JOURNEE 


«7 


<:t  in  terra  pax  ho  ninibus 
bonee  voluntatis  ! 

MICHEL 

Gloir(^  soit  nu  hmilt  lieu  doniieo 
a  Dieu  qui  louti^  diose  ordomio! 
GAnniEi, 
52i0  l'^t  eu  Unie  )iiiix  ordwinee 

aux  hommes  de  volcnto  bonue  ! 
ficy  s'en  retournent  les  anffes  en  Paradis,   et 
en  doit  tousjuws  dcmourer  ung  avecques 
Nostre  Dame. 

ALonis 
0  crceur  de  toute  pai'sonuo, 
vecy  nouvelles  do  hault  pris  ; 
do  joyo  soiiuues  tant  esiiiis 
5215  (lue  ne  savons  que  doyons  faire. 

YSAMBRRT 

Qui  mon  conseil  voudra  parfaire, 
eu  Bethleou  nous  avoyons, 
affin  que  ce  sacre  voyons, 
(pie  Dieu  lia  fait  traire  a  uaissanco, 
[  5220  coniino  il  nous  fait  sigiiifiance  : 
nous  n'en  serons  gueres  grevés. 

PELLION 

Ysambert,  tl'es  bien  dit  avez  ; 
chacun  se  mette  en  appareil  ; 
'  nous  en  irons  par  mon  conseil, 
[58*8  (jui  vouldra,  nous  suyve  le  pas. 

RIFFLART 

Quand  a  moy,  je  n'y  fauldray  pas, 
j'y  scray  des  premiers  aussi. 

ALORIS 

Nos  brebis  demourront  icy  ; 
Garnier  et  Gombault  a  la  tasse 
1 5230  les  garderont  pour  une  espace, 
tant  que  nous  soyons  retournt's. 

YSAMBERT 

Sommes  nous  très  bien  atournés  ? 
Chacun  ha  il  ce  qu'il  fauldra  ? 
Partirons  nous? 

PEI.LION 

Quand  l'en  vouldra. 
0235  Cheminons,  (jue  Dieu  nous  conduyo! 


NOSTRE   DAME 

0  mou  clier  fllz,  trop  s'humilie 
ta  haultesso  pour  ceste  fois  ; 


trop  simplement  lugii  te  voiij, 
my  divin,  pure  majesU-, 
.5*40  quand  il  fault  que  par  povretô, 
en  la  ci'ocho  des  bcufz  te  couche  ; 
ton  indigence  au  cuour  me  touche, 
et  «i  ne  la  puis  amender. 

J08BPU 

Pitié  me  fait  a  regarder 
5Ï45  et  ne  puis  reffroner  mou  vneil 
que  par  haboiidaucc  de  ducil 
ne  fonde  d&s  larmes  dessus, 
quand  le  roy  des  angles  lassus 
soitist  place  tant  imparfaicto. 

.NOSTRE  DAME 

5Ï50  La  volenté  de  Dieu  soit  faicte  ; 
nous  ne  la  poons  trespasser. 

[PqSE.] 


JASPAR,  premier  roy. 
En  mon  cueur  ne  puis  trop  penser 
quel  signifianc;'  a  en  soy 
cette  estoillo  que  j'apper(,'oy 

5255  dessouhz  le  cerne  de  la  lune  ; 
ce  n'est  pas  estoillc  commune, 
car  les  aultres  do  commun  cour 
luysent  de  nuyt,  non  point  de  jour, 
et  ceste  a  toute  heure  se  monstre. 

5200  Si  fault  dire  qxi'cUe  demonsti'C 
quelijue  significacion, 
ne  quant  a  situacion 
aux  aultros  pas  ne  s'appareille, 
car  elle  est  moult  basse  a  merveille, 

5265  et  les  aultres  sont  hault  assises  ; 
irauitant  après  toutes  devises, 
il  fault  dire  qu'elle  nous  signe 
quelque  hault  et  mirable  signe 
qui  est  de  nouvel  advenu. 

ANTHIOCUS,  chevalier. 

5Î70-  Sù-e  roy,  c'est  très  bien  congnu 
et  jugé  de  bonne  prudence, 
et  jMur  renforcer  la  sentence, 
il  n'est  op))inion  qui  mette 
ne  (jui  la  tiengne  ostre  cornette, 

51875  car  combien  que  comette  vienguo 
paroir  en  l'air  et  la  se  tiengne 
jiar  nuyt  monstraut  lueur  planiorc. 


5212  iTcaleuiC.  —  5215  douons  ('..  —  5217  «a  yrons  C.  —  5218  li^  sacre  C  —  5220  inagnelicenip  C.  —  5225  si 
nous  C.  —  5227  jo  A.  B.  C.  —  5229  Cobc-rt  A.  lî.  —  5230  bien  une  H.  —  523;)  qui  A.  il  luy  H.  faull  C.  —  5236  se  A. 
B.  G.  —  5243  le  A.  —  5247  de  lermes  B.  —  5248  de  lassus  T..  -  5253  quelle  C.  —  5258  et  point  C.  —  5259  ceste 
cy  toujours  A.  —  5264  bas  B.  teste  est  C.  —  5267  qu«  U.  —  5272  omplier  B.  C. 


68 


5280 


5285 


5290 


5295 


5300 


5305 


5310 


5315 


5320 


par  jour  ne  rend  point  de  Inraiere  ; 
par  quoy  fault  dire  par  di-oiturc 
que  cestc  est  d'une  aultre  nature 
et  pour  aucun  niistero  faicte. 

JASPAR 

Elle  est  vrayc  estoille  et  parfaicte, 
clere  comme  seroit  Venus, 
et  croy  que  les  jours  sont  venus 
de  l'estelle  "que  moult  prisa 
Balaan,  qui  prophétisa 
que  de  Jacob  par  grand  mistere 
naisteroit  une  estellc  clerc 
et  d'Israël  devoit  descendre   ' 
une  vierge  pour  entreprendre 
les  princes  de  Moab  desti-uire. 
CELSANDER,  chevalier. 
Oncques  ne  veys  estellc  luyre 
par  si  admirable  vei  tu  ; 
si  me  suis  assés  consentu 
a  l'oppinion  que  tenez, 
sire  roy,  et  que  cil  soit  nés 
dont  les  prophètes  ont  escrijjt. 

JASPAR 

S'il  fut  par  dit  ou  par  escript 
que  je  sceusse  la  vérité 
du  fait  de  la  nativité 
de  renflant  des  long  temps  promis 
qui  doit  estre  roy  des  Juifz, 
jamcs  ioy  ne  resteroye 
jusqu'à  ce  qu'adoré  l'aroyc 
en  juste  et  vraye  obeyssance, 
car  des  le  temps  de  mon  enffance, 
je  l'ay  proposé  en  ce  point. 

ANTHIOCUS 

Sire  roy,  je  ne  doubte  point 

que  l'estelle  que  nous  voyon 

ne  face  demonstracion 

d'ung  très  hault  fait,  au  vray  jugiei 

et  croiroyc  assés  de  ligier 

que  l'enffant  dont  avons  parlé, 

vray  roy  des  Juifs  appelle, 

fust  Imy  en  terre  descendu, 

considéré  et  attendu 

qu'en  l'esperit  de  prophecie 

Balaan  le  nous  verrific, 

qui  ceste  estelle  nous  prouiist. 

CELSANDER 

L'estelle  qui  clor  resplondist 


MISTERE   DE   LA   PASSION 

a  ceste  heure  pas  n'enlumine 


se  ce  n'est  par  vertu  divine, 
et  croy  qu'elle  nous  monstre  aussi 
quelque  etfect  de  ce  monde  cy 
5325  qui  soit  de  divine  ordonnance  ; 
or  n'est  il  plus  haulte  alliance 
que  celluy  roy  en  terre  naisse 
en  qui  gist  la  plus  grand  haultesse 
que  jamès  nul  roy  peust  avoir. 

JASPAR 

5330  Celsander,  vous  avez  dit  voir, 
vous  faites  très  bon  sillogisme  ; 
ceste  estelle  en  mon  cueur  imprime 
qu'uiig  très  grant  bien  m'en  advendra. 
Et  pourtant  mettre  a  point  fauldra 
5335  bouges,  bahus,  fardeaux  et  malles 
et  les  besoiignes  principallcs, 
qu'il  nous  convient  a  voyager,  • 
car  jamès  ne  vouldray  targer 
tant  qu'en  vraye  devocion 
5340  j'aye  fait  adoracion 

a  cil  que  l'estelle  présente 
nous  signifie  et  représente. 
Je  ne  sçay  qu'il  est  ne  qui  non, 
ou  il  est,  ne  comme  est  son  nom  ; 
5345  mes,  se  possible  est,  je  feray 
tant  de  pas  que  le  trouveray, 
quelque  lieu  que  doye  vertir. 

ANTHIOCUS 

Sire,  quand  il  vous  plaist  partir, 
toutes  nos  besongnes  sont  prestes. 

CELSANDER 

5350  Ne  restez  plus  pour  les  apprestes, 
tout  est  prest  quand  il  vous  pleura. 

JASPAR 

Dieu,  s'il  luy  plaist,  nous  conduira, 
et  le  bon  roy  que  nous  querons  ! 
Et  voicy  comment  nous  ferons  : 

5355  a  giand  peine  vendrons  a  fin 
de  nostrc  voye,  mes  affm 
de  nous  rigler  aucunement, 
l'estelle  appert  en  oi'ient  : 
nous  nous  riglerons  dessus  elle, 

5300  cheminant  tousjours  vers  icelle 
sans  lien  nostre  chemin  muer; 
et  croy  que  par  continuer 
nous  vendrons  en  quelque  province, 
qui  de  si  hault  et  puissant  prince 

5365  nous  dira  quelque  bon  rapport. 


5280  quelle  est  tout  dune  autre  A.  —  5288  lequel  G.  —  5289  et  que  G.  —  5293  amiable  G.  —  5294  et  me  suis  G.  — 
5298  Sy  A.  —  5299  jen  G.  —  5300  ou  fait  G.  —  530i  de  G.  —  5302  lequel  A.  —  5303  narresteroye  G.  —  5305  et  juste 
et  G.  —  5314  haultalu  A.  —  5317  que  B.  G.  —  5321  ne  A.  —  5322  ce  se  A.  euure  B.  G,  —  5324  en  ce  monde  ycy  G.  — 
5326  nohle  B.  G.  —  5329  puist  B.  G.  —  5333  ung  grand  bien  qui  B.  G.  —  5337  qui  A.  B.  —  5340  aroy  B.  G.  —  5341 
qui  A.  B.  G.  —  5344  fomnient  C.  —  5347  qui  \.  —  534S  plaira  G.  —  5350  mais  B.  narrestez  G.  —  5352  si  A.  — 
53C4  ce   haull  C. 


l'RKMIKHK   .lOllRNKK 


«9 


ANTH10C.U8 

Dieu  nous  «ioint  venir  a  bon  pofi  I 
sire  roy,  voius  parlez  très  ))ipn, 
do  vous  un  discoiclons  en  lieu  ; 
n'y  a  que  de  nous  mettre  a  voye. 

CELSANDEIl 

5370  Je  requier  que  cil  nous  convoyé 
pour  qui  rcstello  est  composée, 
affin  que  sa  face  alosoc 
puissions  voir  et  magniffier. 

Ici)  se  mettent  a  la  voye 
devant  Vestoille. 


MELCiOR,  deuxième  roy. 
Quel  chose  vcult  signifier 

1375  ceste  estello  qui  est  tant  basse  ? 
il  semble  que  les  aultres  passe 
en  vei'tu  de  luyre  a  ccsto  heure  ; 
il  fault  dire,  je  vous  asseure, 
que  le  haultain  roy  couronné 

5380  des  Juifz  a  ceste  heure  est  né  : 
voy  la  le  signe  qui  ne  fault. 

CADORAS,  chevalier. 
Sire  roy,  vous  parlez  bien  hault, 
en  ce  cas  gardez  que  vous  dictes  ; 
ce  ne  sont  pas  choses  petites 

5385  de  prenostiquer  telz  explois  ; 
bon  fait  doubler  aucuucffbis, 
pour  avoir  plus  grand  certitude  ; 
si  vault  mieulx  bonne  doubte  et  mde 
que  savoir  trop  présomptueux. 

MELCIOR 

5390  Mes  ditz  sont  bons  et  vertueux, 
et  sont  fondes  sur  la  parole 
Balaaii,  qui  soubz  parabole, 
par  grand  deliberacion, 
nous  bailla  declaracion 

5393  d'une  cstoUc  qui  doit  descendre 
de  Jacob,  par  qui  puis  entendi'e 
une  vierge  qui  naistera 
et  ung  si  grand  roy  portera, 
qu'il  tendra  dessoubz  son  domine 

5100  toute  Judée  eu  discipline  ; 
sa  venue  est  pieça  promise 
par  toute  la  loy  de  Moyse  ; 


prophètes  en  t<'xte  et  en  glose 
ne  chantent  a  |)«u  d'aultre  rhoso  : 

5406  dont,  quand  j'ay  veue  C08t«  estelle 
en  cours,  en  lumière  nouvellis 
j'ay  jugé  qu'elle  nous  proteste 
la  nativité  magnifestc 
de  celluy  roy  ;  et  dis  ainsy 

5M0  qu'il  fault  qu'il  soit  né  au  jour  d'uy 
que  l'estello  s'est  apparue. 

P0LID0RU8,  chevalier. 
A'ostre  raison  ti'cs  bien  argue 
et  procède  d'un  très  bon  seas, 
puissant  roy  ;  asscs  je  consens 

5'il5  que  vostre  oppinion  soit  bonne, 
mes  se  la  chose  ainsi  s'ordonne 
qu'il  soit  né  par  quelque  avanture, 
quel  chose  voulez  vous  conclure 
•  affin  que  nostre  exploit  s'aroye  ? 

MELClOR 

5'i20  J'ay  propos  do  me  mettre  en  voye 

et  jamès  rester  en  voyage 

jusqu'à  ce  qu'honneur  et  hommage 

luy  aray  rendu  dignement, 

et  avec  ce  très  largement 
54S5  luy  poi-teray  de  mon  trésor. 

CADORAS 

Et  voulsissez  partir  des  or, 
nostre  chose  est  toute  apprestee. 

MELCIOR 

Fartons,  que  la  veitu  doubtee 
de  Dieu  soit  en  nostre  convoy  ! 
Icy  se  mettent  a  chemin  comme  les  autres 
et  cheminent  après. 


BALTAZAR,  troisième  roy. 

5'i30  Or  loué  soit  Dieu,  que  je  voy 
l'estelle  clere  et  bien  omee  ! 
o  benoite  soit  la  journée 
que  Dieu  la  m'a  donné  choisir  ! 
Long  temps  par  ung  ardent  désir 

5435  ay  attendu  ceste  venue, 
espérant  que  fut  advenue 
la  promesse  que  fit  jadis 
Balaan,  quand  en  ses  beaux  dis 
nous  proraist  l'estelle  future  ; 


5368  de  tout  C.  —  569  en  voye  A.  —  5370  cil  qui  B.  C.  —  5372  for.-e  C.  honor(>e  A.  —  5375  tant  est  B.  — 
5377  en  C.  —  5378  par  voye  seure  B.  C.  —  53ï0  est  a  ceste  heure  ne  A.  —  5386  aucnnetrois  C—  5390  par  quoy  C,  — 
5397  Que  dune  vierge  qui  naistra  C.  naistrera  A.  —  5398  l'ng  roy  et  si  grant  portera  C.  —  5399  qui  A.  —  5404 
d'  manque  B.  —  5411  cest  A.  —  5414  Sire  roy  et  asse»  B.  C.  —  5416  de  A.  —  5418  chose  en  B.  C.  —  5449  se 
A.  —  5420  moy  B.  a  voye  C.  —  5421  au  B.  et  de  C.  —  5426  Sire  se  voulez  C.  —  5430  La  deurifme  partie  de  l'indi- 
cation scénique  n'est  que  dans  C.  —  5431  aornee  A  —  5438  et  benoite  C.  —  5433  Dieu  manque  A.  —  5435  attendue 
la  B.   sa  C.  —  5438  par  A. 


70 


MISTKRK   DE   LA   PASSION 


5U0  or  la  voy  ;  le  Dieu  de  nature 

en  loue  de  cueur  et  pensée. 
LUCANUS,  chevalier. 

Quel  gaigne  y  avez  vous  pensée, 

noble  roy  qui  tant  la  prisez  ? 

moult  haultement  l'autorisez  : 
5445  je  ne  sçay  combien  vous  proffite. 

BALTAZAR 

La  noblesse  n'est  pas  petite, 
Lucanus,  en  ce  nouveau  signe, 
car  ceste  estelle  nous  désigne, 
selon  les  documens  plusieurs 

5'é50  q[u'ont  donné  nos  prédécesseurs, 
que  le  haultain  roy  naturel 
des  Juifz  au  monde  mortel 
est  no  ;  et  dieut  tous  en  somme 
que  celluy  roy  est  Dieu  et  homme  : 

5455  dont  jamès  je  ne  seray  aise 

pour  quelque  chose,  tant  me  plaise, 
jusqu'à  tant  que  l'aray  veii 
et  de  mes  trésors  pourveu, 
adorant  sa  haulte  noblesse. 
piRODES,  chevalier. 

5460  Vous  devisez  àc  bonne  adresse, 
noble  roy  ;  et  est  convena))le 
qu'un  roy  qui  est  tant  vcrtuable 
soit  honoré  a  grand  effort  ; 
mes  a  le  trouver  gist  le  fort, 

5'.65'  car  quelque  nouvelle  ne  court 
ou  il  gist  n'ou  il  tient  sa  couit  : 
sy  fait  bon  emploier  ses  jias. 

BALTAZAR 

Cela  ne  ra'arrestera  pas, 
car  un  ver  dit,  et  je  l'approuve, 
5'.70  que  celluy  qui  bien  quicrt  bien  trouve  ; 
ceste  estelle  assés  bas  se  trait 
et  vers  Judée  prent  son  traict  ; 
suyr  a  l'ueil  nous  la  convient. 

LLCANIS 

Je  requier  Dieu  dont  tout  bien  vient, 
5475  qu'a  joye  nous  y  doint  venir. 

[POSB.] 


ALOniS 

Bergiei-s,  de  tout  fault  souvenir 


quand  je  me  suis  bien  advisé, 
encor  n'avons  point  devisé 
quelz  presens  ne  de  quel  façon 
j'jSO  nous  ferons  a  cest  entfançon, 
mes  que  nous  soyons  la  venu. 

YSAMBERT 

Aloris,  c'est  bien  souvenu  ; 
il  y  fault  penser  en  présent. 

PELLION 

J'ay  bien  advisé  quel  présent 
5485  je  luy  feray,  qui  sera  digne. 

RIFFLART 

Quel,  je  te  pry  ? 

PELLION 

Or  adevine, 
et  tu  orras  bonne  sornette. 

RIFFLART 

Tu  luy  veulx  doiyier  ta  houlette 
ou  ton  beau  cliapolet  troué  ? 

PELLION 

5490  Encor  ne  l'as  tu  pas  trouvé  : 
ma  houlete  m'est  trop  propice  ; 
sans  elle  n'est  riens  que  je  fisse  ; 
encore  s'il  la  desiroit, 
je  me  doubte  bien  qu'il  l'aroit, 

5495  tant  est  bien  mon  petit  cousin. 

RIFFLART 

Luy  donras  tu  ton  chien? 

PELLION 

Nennin  ; 
qui  retourneroit  mes  brebis  ? 

RIFFLART 

Tu  luy  donras  donc  du  pain  bis 
et  des  chastaignes  ung  grant  mont  ? 

PELLION 

5500  Nenml. 

RIFFLART 

Que  luy  donras  tu  dont  ? 
est  ce  ung  don  si  au  lignollet  ? 

PELLION 

Je  luy  donray  mon  flageoUet 
tout  neuf  ;  il  n'est  pas  de  reffus  : 
oncq  puis  en  Betleen  ne  fus 
5505  qu'a  ung  de  ces  petits  mercière 
il  me  cousta  deux  bons  deniers, 
et  encore  pour  soy  esbatre 
ne  sçay  homme  qui  l'eust  pour  quatre  ; 
mes  neantraoins,  et  fust  il  plus  riche. 


»  5449  enseigneraens  G.  —  5452  en  ce  A.  —  5453  tout  B.  C.  —  5457  Jusques  a  tant  que  laray  B.  a  ce  que  G.  —  5458 
grans  trésors  A.  —  5459  noble  haultesse  B.  —  5466  ne  ou  A.  ou  B.  Ou  il  est  ne  ou  il  tient  sa  court  G.  —  5467 
fait  il...  ces  C.  —  5473  Suyr  nous  la  conuient  a  lueil  B.  —  5474  Je  requier  Dieu  donc  de  bon  cueur  A.  celuy  dont 
tout  B.  cil  dont  ton  G.  —  5475  qui  B.  —  5476  Voirement  de  tout  B.  G.—  5480  a  cel  C.  —  5481  Sen  Bethléem  sommes 
B.  G.  —  5482  sest  A.  B.  —  5486  ladeuiue  B.  —  5492  lis  ce  B.  —  5493  si  A.  Mais  encor  B.  G.  —  5494  qui  A.  —  5498 
dung  bon  B.  du  bon  G.  —  5500  N'ennil,  non  C.  —  5501  Esse  A.  G.  Gest  ung  B.  —  5504  Ains  puis  G.  —  5509  et 
manf/w*  A. 


PRP;MIERB    JOURNEE 


71 


5510  il  l'ara. 

Al.nni8 
IjO  lion  n'est  pas  chiclio, 
mes  fist  digno  de  grand  guordon. 

YSAMBERT 

.l'ay  advisé  ung  aultre  don 

d'une  aultre  bague  bien  doulcete  : 

je  luy  donray  une  hocheto 

si  très  bien  faicte  que  merveille, 

qui  (lira  die  clic  a  l'oreille  ; 

au  moins  quand  l'enfant  plorora, 

la  hochete  l'apaisera, 

et  se  taira  pour  une  pose. 

ALonis 
.le  lui  donray  bien  aultre  chose  : 
j'ay  ung'  lieiui  kalendrier  de  bois 
pour  savoir  les  jouin  et  les  mois, 
le  karesnie  et  le  nouveau  temps  ; 
par  luy  toutes  festes  entens, 
ne  trouve  si  juste  qu'il  est  ; 
chacun  saint  a  son  marmouset 
cscript  de  lettre  de  berger, 
qui  n'est  pas  lettre  pour  songer. 
Cella  luy  fera  avantage  : 
au  moins  s'il  vient  en  avant  aage, 
il  apprendra  a  les  savoir. 

RIKKLART 

C'est  mig  don  qui  vault  graut  avoir, 
et  ftist  pour  donner  a  ung  conte  ; 
mes  je  fais  a  part  moy  mon  compte 
de  luy  donner  une  sonetti; 
qui  est  pendue  a  ma  cornette 
depuis  le  temps  Robin  Fouet, 
et  puis  ung  très  beau  pirouet 
qui  est  dedans  ma  gibecière  ; 
il  n'y  a  bergier  ne  bergiere 
au  monde  qui  peust  point  fincr 
de  plus  beau  don  pour  l'cstriuer 
ne  de  plus  grant  nouvelleté. 

PELLION 

Or  sommes  nous  en  la  cité 
f5545  de  Betleen,  la  mercy  Dieu  : 
n'y  a  que  de  quérir  le  lieu 
ou  l'enffant  et  la  raere  sont. 

YSAMBERT 

Querons  fort  ;  les  angles  nous  ont 
baillé  signe,  quand  la  veudron, 
[_5K0  pour  savoir  se  c'est  il  ou  non. 


.W20 


5525 


PSiSn 


iKia-) 


L5j'.0 


dont  bien  nous  devons  esprouver 
8«  nous  ne  le  saToim  trouver, 
et  j'ay  OR|>crance  que  «y. 

Ai/)nis 
Le  cuoui'  me  dit  que  c'est  ioy  : 
SS55  entrons  dedans  a  l'aventure. 

HIKKI.ART 

C'est  jugé  do  bonne  nature, 
vee/,  cy  la  maison  proprement. 

PKI.I.ION 

Or  nous  mettons  tou-s  humblement 
a  geuoulx  en  niagniffiant 
nSflo  le  doulx  et  précieux  entrant, 
car  par  entendement  couguois 
qu'il  est  honnne  et  Dieu. 

YSAMBERT 

.lo  lo  crois  ; 
c'est  le  très  doulx  l<!mmanuel, 
le  Dieu,  le  aaulveur  d'Israël, 
5505  pour  quoy  présenter  luy  vouidray 
ung  dittier  tel  que  je  sçaray 
leaulment  selon  ma  mdesse. 

Enffaut  de  haultc  noblesse, 
bien  soies  tu  né  ! 
5570     cnffant  de  haulte  noblesse, 
par  douleiu'  et  vraye  humblessc 

bien  assai.sormé, 
en  tiy  est  toute  sagesse, 
tout  honneur,  toute  laigesse, 
tout  bien  t'est  donné  ; 
tu  es  ordonné 
pour  sourdre  nostro  foiblesse  : 

donc,  filz  aorué 
de  doulce  et  tendre  jeunesse, 
bien  soies  tu  né  ! 

ALORIS 

En  simplesse  de  savoir 

te  rendons  hommage; 
en  simplesse  de  savoir, 
cher  enffant,  te  venons  voir 

de  joyeulx  courage, 
pour  monstrer  nostre  devoir, 
pour  ta  bienveillance  avoir 

a  nostre  avantage  ; 

nostre  simple  usage 
veilles  en  gré  recevoir, 

roy  puissant  et  sage  : 
de  corps  et  d'ame  et  d'avoir. 


wJ75 


5,vsn 


5585 


5590 


5510  r  manTue  A.  Si  laura  il  ni™  B.  nicho  C.  —  5M3  chose  C.  —  5514  housetto  C.  —  r.jl7  le  petit  B.  C.  —  5518 
,  clochette  C.  —  5519  sera  taira  A.  se  taire  B.  —  5523  De  lannee  B.  C.  —  5524  En  plai-o  ou  je  seray  |C.  je  sojej 
kaultains  B.  C.  —  5527  pour  songier  B.  C.  —  5528  Mais  quelle  lettre  île  bergier  B.  C.  —  5530  quand  il  vendra  en  C. 
-  5531  II  lappendra  C.  —  553'.  Mais  jay  fait  tout  par  moy  C.  —  5536  Qui  a  B.  Que  jay  C.  —  5537  Four  le  temps  de 
Bultier  fouet  C.  —  5538  pilouet  B.  C.  —  5541  socusist  B.  en  sceust  C.  —  55'.2  estrenner  B.  C.  —  5550  »'  A —  5551 
«pprouuer  A.  —  5552  Et  se  nous  le  sauons  C.  —  5553  cy  B.  —  5561  par  manque  A.  —  5568  Ainsi  1«  croix  C.  — 
[6578  ourna  B.  et  donc  filz  orne  C.  —  5592  Car  de  corps  C. 


MISTRRF,   DR   LA    PASSION 


Îtj95 


5600 


5605 


5610 


5615 


to  rendons  hommage. 

PELL'.ON 

Tu  os  roy  de  tout  le  monde 

et  tel  te  croyons  ; 
tu  es  roy  de  tout  le  monde, 
nostre  espérance  s'i  fonde 

ou  que  nous  soyons  ; 
combien  que  mal  corresponde 
la  place  ville  et  innnondo 

en  quoy  te  voyons, 

nous  magnifions 
ton  los  en  simple  faconde, 

et  nous  conffions 
qu'en  toy  toute  grâce  habonde, 

et  tel  te  croyons. 

RIFFL*HT 

0  haulte  nativité, 

o  très  noble  enffant, 
0  haulte  nativité 
ou  tu  nous  as  invité, 

vray  Dieu  triomphant  ; 
quand  je  te  voy  alité, 
en  si  grand  humilité 

le  cucur  si  me  fent  ; 

mon  corps  croit  et  sent 
que  tu  es  vraye  deité 

qui  pour  nous  descent 
prendre  nostre  humanité, 

o  très  noble  enffant! 
Icy  prent  Nostre  Dame  l'enfant  et  s'assiet,puis 
le  met  sur  son  genou t,  et  les  pasteurs  l'ado- 
rent, chacun  faisant  son  présent. 

YSAMBERT 

5620   Chacun  de  nous  te  fait  présent, 
doulx  et  piteux  enffançonnet  ; 
reçoy  les  en  gré  pur  et  net, 
car  nulz  presens  ailleurs  n'avons. 

ALORIS 

Dame,  nous  vous  remercions 
5625  de  vostre  doulceur  et  clémence 
que  nous  avons  en  la  présence 
de  vostre  filz  que  tant  amez. 

PELUON 

Nous  nous  en  tendrons  bien  eurés 
tant  qu'en  ce  monde  pourrons  vivre. 

NOSTRE    DAME 

5630  Frères,  je  pry  Dieu  qu'il  vous  livre 
le  parfaict  de  vostre  désir  ; 
je  sçay  que  le  divin  plaisir 
le  vous  a  voulu  leveller, 


par  quoy  ne  puis  ne  vcil  celler 
5635  l'enffant  oultre  sa  volenté. 

RIFFLART 

0  filz  de  grant  autorité, 
chef  do  tous  les  mondains  roy  aimes, 
en  ton  amour  tant  fort  m'enflammes, 
que  me  fait  mal  de  toy  laisser. 

YSAMBERT 

5640  Du  retour  nous  convient  ponseï', 
s'yrons  a  nos  troppeaux  entendre. 
Adieu  mon  enffant  doux  et  tendre. 

ALORIS 

.\dieu  enffant  de  no))le  gendre. 

PEI.LION 

Adieu  filz  de  nobilité. 

BIFFLAHT 

0645  Adieu  fleur  pour  bonne  odeur  rendre. 

YSAMBERT 

Adieu  sens  pour  tout  bien  comprendre. 

PELLION 

Adieu  trésor  de  deité. 

ALORI.S 

Chef  de  foy. 

RIFFLART 

Feu  de  charité. 

YSAMBERT 

Loi  d'honneur. 

PELLION 

Bien  d'utilité. 
5650  Adieu,  plus  ne  pouons  attendre. 

ALORIS 

Adieu  très  humble  humanité. 

RIFFLART 

Adieu  haulte  divinité  ; 

nous  t'adorons  au  congé  prendre. 

JOSEPH 

Celluy  que  cueur  ne  peust  comprendre, 
5655  enffans,  soit  a  vostre  convoy  ! 

Ici/  s'en  retournent  les  bergiers. 

NOSTRE    DAME 

;  0  mon  cher  filz,  quand  je  te  voy, 
(  le  cueur  me  sautelie  de  joye, 
'  ne  jamès  ne  me  saouleroye 
de  ta  tendre  bouche  baisier  ; 
5660  pour  l'eure  ne  te  puis  aisier, 

ce  lieu  nous  est  ti  op  mal  propice, 
dont  il  me  poise  ;  or  te  soufflée 
la  substance  do  ma  mamelle, 
car  tant  qu'il  y  aist  goutte  en  elle, 
5665  reffusee  ne  te  sera. 


5599  corronile  B.  Creeur  de  la  terre  ronde  A.  —  5603  en]  et  B.  —  5605  grâce  manque  B —  5607-5619  manquent  B. 
C.  —  5620  Ces  poures  presans  te  faisons  B.  C.  —  5622  car  ce  nest  B.  C.  —  5623  Fors  pourtant  que  meilleurs  auons  B. 
C.  —  5630  qui  A.  Amys...  deliure  C,  —  5035  contre  B.  —  5637  mondains  manque  C.  —  5639  Quil  B.  Qui  C.  —  5643- 
5653  ne  sont  pas  en  dialogue,  austsi  coupé  dans  A.  —  5648-5649  Chicf...  chief  B.  C.  —  5653  te  A.  —  5057  aault  C.  — 
5662  or  manque  B.  C.  —  5664  Que  tant  quil  ait  B.  —  5665  Elle  ne  te  C. 


P  R  R  M  I  R  R  F,    .1  O  U  R  N  F  F. 


73 


JOSEPH 

Se  Dieu  plaist,  l'on  ou  pensera, 
tnllonifiiit  qiril  n'arn  «Inftiuiltc. 


ALOKIS 

ChoBC  avons  veuo  noble  et  haulto  ; 

la  puissance  Dieu  soit  loueo, 

honorée  et  magnifiée, 

quand  par  les  glorieux  messages 

il  nous  a  voulu  faire  sages, 

premiers  sur  toute  nacion, 

de  .«i  noble  iiicaniacion  ; 

il  n'est  chose  plus  authentique. 

YSAMBEHT 

La  monicion  augclique 
avons  trouvé  notoire  et  vrayo. 


GARNIER,  cinquième  bergier. 
Gomment  demainent  chère  gayo 
ces  gens  qui  cy  viennent  do  tire  ? 
Gombault,  et  regardez,  beau  sire, 
ung  peu  les  manières  qu'ilz  font. 
GOMBAtLT,  sixième  bergier. 
Certes  je  ne  sçay  qui  ilz  sont, 
mes  ilz  retournent  moult  joyeulx 
et  rcgai'dcnt  tant  vers  les  cieulx 
|!685  que  c'est  une  grande  merveille. 
Qui  sont  ilz? 

GARNIER 

Je  m'en  esraerveille, 
il  fault  que  nous  les  regardons  ; 
seroit  ce  point  nos  compaignons 
qui  retournassent  do  Judeo  ? 

GOMBAULT 

IB690  Leur  manière  bien  regardée, 
je  juge  que  ce  sont  ilz,  nioy. 

GARNIER 

Ce  sont  ilz,  je  les  recongnoy  ; 
veez  la  Pellion  et  Rifflart, 
Aloris  et  danip  Ysambart, 
1 5695  au  moins  leurs  houletes  sont  telles. 

GOMBAULT 

Ça,  gentils  bergers,  des  nouvelles, 
chaudement,  tandis  qu'elles  durent. 


PKLUO.N 

Lofi  plus  haulteti  qui  oncqucx  furent, 
et  n'y  mettez  ja  Miuppeçoiwi  ; 
5*00  car  jiour  certain  vous  anonçon» 
la  nativité  du  soigneur 
du  tout  le  monde  et  vray  saulveur, 
qui  |>our  nous  saulvcr  ext  venu. 

OABNIBR 

Est  il  vray  ? 

RIFFLART 

Nous  l'avons  tenu 
5705  et  adoré  en  sa  pei-sonne, 
car  nostro  eredenco  s'adonne 
qu'il  est  le  vray  Dieu  qui  tout  fit. 

GOMBAULT 

Il  fault  donc  dire  que  c'est  Crist, 
promis  des  prophètes  haultains  ? 

A  LORIS 

5710  C'est  il,  nous  en  sommes  certains, 
que  Dieu  le  père  a  envoyé  ; 
les  angles  l'ont  bien  tesmoignié 
qui  le  mistere  nous  noncerent; 
en  Bethlecn  nous  onvoierent 

57)5  et  sur  leur  mot  sommes  partis, 
et  nous,  venus  en  ces  partis, 
avons  trouvé  le  roy  de  gloire 
né  en  ung  povre  divoreoirc, 
(  n  la  cresche  des  beufz  gisant 

5720  et  la  mère  a  genoulx  devant 
l'adorant  de  cueur  piteable. 

OARNIER 

Vecy  nouvelle  raervcillable  : 
et  de  moult  grant  signifiance; 
Dieu  doint  qu'elle  soit  pourfltable  ! 

GOMBAULT 

5725  Vecy  nouvelle  merveillable  : 
le  filz  Dieu  ne  en  une  estable  ! 
0  pitié,  o  bénigne  euffancc  ! 

YSAMBERT 

C'est  humilité  chaiitable 

qui  le  maine  a  ceste  ordonnance. 

GOMBAULT 

5730  Vecy  nouvelle  merveillable 
et  de  moult  grand  signifiance. 

PELLION 

Vaillaus  bergiers,  chacun  s'avance 
a  son  ti'oppeau  songneusement, 
et  servons  Dieu  dévotement, 
57.15  chacun  selonc  nosti-e  simplesse. 


i  Seaa  bien  en  A.  —  5674  sa  C.  —  5075  Qui  C.  —  567S  demainent  ilz  C.  —  5882  qui  y  sont  A.  C.  -  5683  ill  maiiiiue*t 
—  56«  enuers  B.  deuers  C.  —  56S4  Si  souuent  que  cest  grant  B.  C.  —  5688  Seroient  re  B.  —  5692  S«  B.  —  5086 
A.  C.  —  5698  haultaincs   quoncques  B.  —  5704  vcu  B.    C.  —  5718  reuenui  C.  —  57Ï8-5787  Le  dinloguf  rtt  plHt 
upé  dans  B.  C.  —  5726  <1"  Dieu  C.  —  5729  son   C.  —  5732  se  A. 


74 


MISTRRE   DE   LA   PASSION 


JOSEPH 

Marie,  le  jour  nous  appresse 
qu'il  convendra  que  vostre  filz 
selonc  la  loj-  soit  circoncis  : 
il  est  la  huitième  journée. 

NOSTRE    DAME 

5740  La  loy  de  Dieu  fut  ordonnée, 
si  la  devons  entretenir. 
Joseph,  il  vous  fauldra  tenir 
l'enffant,  et  sans  dilaciou 
faire  sa  circoncision, 

5745  ainsi  comme  la  loi  nous  rigle. 

JOSEPH 

C'est  une  bien  estroite  rigle 
et  dure  a  jeunes  enflfançons, 
mes  affin  que  mieulx  le  façons 
je  vois  querro  une  quantité 
5750  de  gens  de  nostre  parenté  ; 
la  chose  en  sera  plus  honneste. 

[Pose.] 


ANTHIOCUS 

Sire  roy,  menez  joye  et  feste, 
si  plaist  la  puissance  infinye, 
nous  avons  trouvé  compaignie 
5755  qui  se  tire  a  nostre  chemin. 

JASPAR 

Loué  en  soit  le  roy  divin  : 
nostre  compaignie  en  sera 
plus  joyeuse  et  mieulx  en  vauldia. 
Ce  semblent  gens  de  noble  arroy. 

CEI.SANDER 

5760  J'entens  que  c'est  ung  puissant  roy, 
qui  nostre  chemiu  veult  aller  ; 
si  vous  plairoit  a  luy  pai'ler, 
vous  sçarez  son  intancion. 

JASPAR 

Nous  ferons  ioy  stacion, 
5765  tousjours  attendans  leur  venue. 

Cil  Dieu,  gouvernant  ciel  et  nue, 
sire  roy,  vous  tieugne  en  sa  grâce  ! 

MELCIOR 

Et  vous  entretieugue  et  perface 
en  honneur  et  puissance  deue 
5770  cil  Dieu  qui  gouverne  la  nue! 


JASPAR 

Se  nostre  vovo  avez  tenue 

ou  voulez  tenir  une  espace, 

nous  sommes  joyeulx  qu'il  se  face. 

MELCIOR 

Cil  Dieu  qui  gouverne  la  nue, 
5775  sire  roy,  vous  tiengne  en  sa  grâce 

et  vous  entretieiigne  et  perface 

en  honneur  et  puissance  deue! 

A  juger  selonc  vostre  veue 

attendu  la  voyc  présente, 
5780  nous  sommes  tous  deux  d'une  entente 

et  une  oppinion  avons. 

JASPAR 

Ou  alez  vous  ? 

MELCIOR 

Nous  ne  savons 
en  quel  terre  n'en  quel  pays, 
mes  le  nouveau  roy  des  Juifz 
5785  est  né,  comme  l'estelle  signe  :  . 
si  m'en  vois  ensuyvant  ce  signe 
l'adorer  et  hommage  rendre. 

JASPAR 

En  mon  cueur  ay  volu  emprendre 
voye  sarablable  comme  vous, 
5790  si  me  suis  meu  et  mes  gens  tous 
pour  y  venir  hastivcment. 

MELCIOR 

Loué  en  soit  Dieu  haultemeut, 
que  si  bien  rencontré  nous  sommes  ! 
Donc,  s'il  vous  plaist,  nioy  et  mes  hommes, 
5795  jusqu'à  la  vous  compaignerons  ; 
s'ay  espoir  que  nous  trouverons 
nouvelles  a  nostre  plaisance, 
car  l'estelle  nous  adevance, 
qui  la  nostre  guide  sera. 

JASPAR 

5800  J'ay  espoir  qu'elle  nous  menra 
jusques  au  lieu  déterminé, 
ou  celluy  noble  roy  est  né  ; 
or  cheminons  ysnel  le  pas. 

CADORAS 

Mes  seigneurs,  ne  vous  hastez  pas, 
5805  de  rester  soiez  diligens, 

je  voy  grand  biigade  de  gens 
qui  nous  suyt  a  toute  vigueur. 

POLIDORUS 

Peust  estre  c'est  ung  grand  seigneur 
qui  s'en  veult  venir  no^^tre  voye. 


5740  fut  de  Dieu    B.    G.  —  5744  Alez   faire   G,  —  5751  En  chose  A.  —  5753  Sil  B.  —  5759  Se  A.  —  5762  SU  B.  C. 

plaisoit  A.  —   5764  cy  G.  —  5766  qui  gouueriie  G.  5767  a    sa    B.  roy  manque  G.  —  5769  puissanoe  et  honneur  A, 

B.  G.  c/'.  5777.  —  5771  Sire,  nostre  C.  —  5774  Sire,  cil  C.  —  5775  roy  manque  G.  —  5776-5781  sont  atlribués  à  Jas- 
par  A.  —  5777  manque  C.  —  577S  A  jugier  selon  vostre  face  B.  C.  —  5779  Et  veue  B.  G.  —  5795  Jusques  la  B.  C. 
—  5796  Se  A.  Si  G.  —  5799  garde  C.  —  5805  Darrester  C.  —  5808  Esse  aucun  B.  G. 


PRKMIKUIi 


I 

5810  N()l)I(>s  sci(;iieiirs,  Dieu  vous  avoyi^ 
et  Joint  ce  que  vos  cueurs  désirent  ! 
(  )u  vont  mo8  chers  seigneui-s  ? 

JASPAU 

Hz  tirent 
au  vouloir  Dieu  et  son  aydo 

Il       après  l'estelle  qui  les  guide  ; 
■15  Dieu  doint  qu'a  bon  port  nous  amaine  ! 
m  BALTAZAR 

■     Ma  pensée  est  asscs  prochaine 
■     a  la  vostre,  rois  droituriers  : 
■     tantost  ara  dix  jours  entiers 
■      que  rcstcUc  en  ma  région 
58Î0  nous  a  fait  apparioion, 

par  quoy  j"ay  on  mon  cueur  conceu 
que  le  roy  <lu  ciel  est  receu 
et  né  (le  la  vierge  pucello  ; 
et  moy,  tousjour»  suyvant  l'estelle, 
5825  suis  v<'iiu  en  ceste  pai'tie, 
espérant  qu'elle  me  conduyo 

Iau  saint  lieu  ou  cecy  est  fait. 
MELCIOR 
Assés  semblable  est  uostre  fait  : 
quand  l'estelle  avons  apperceuo, 
raison  pareille  avons  conclue 
et  sommes  de  Tharsc  partis 
et  d'Aiabe  ou  sont  nos  partis. 
Sur  l'estelle  nous  avoyons 
et  jamès  tant  que  la  voyons, 
ne  cesserons  de  voyager, 
tant  que  la  sentirons  targer 
eu  quoique  province  loingtaine  ; 
si  avons  attente  certaine 
qu'au  lieu  ou  elle  targera, 
5840  la  vierge  mansion  fera 

Iqui  du  roy  est  mère  et  nourrice. 
BALTAZAR 
Grant  courtoisie  et  bénéfice 
me  ferez,  roys  de  noble  sorte, 
si  vous  plaist  qu'avec  vous  m'assorte, 
tant  que  j'aye  fait  mon  voyage. 
JASPAR 
Mes  joyeux  sommes  en  courage 
de  vostre  compaigni'e  noble, 
et  fust  jusqu'à  Constantinoble, 
loyaulment  vous  compaignerons. 
LUCANUS 

«850  Qui  m'en  croira,  nous  hasterons 
d'aller  nostro  chemin  le  cours, 


.lOURNKK 

car  l'estelle  s'en  va  teusjours  ; 
«le  séjourner  n'avons  loinir. 

PI  RODES 

Tant  que  nous  la  puissions  choiiiir, 
5806  de  desYoyer  nous  n'avons  garde. 

JASPAR 

Je  roquier  a  Dieu  qu'il  nous  garde 
de  donnnagc  et  mal  cnicombrier. 

fPo8E.] 


JOSEPH 

Eliachin,  mon  amy  chier, 
et  vous,  Esdras,  mon  bon  parent, 
5860  ung  cas  hastif  m'est  apparent, 
dont  il  fault  que  me  secourez. 

ELIACHIN 

Nous  ferons  ce  que  vous  vouldrez, 
Joseph,  et  do  loyal  vouloir. 

ESDRAS 

S'il  e.st  riens  en  iiostre  [louoir 
6865  qu'a  vostre  proffit  puist  tourner, 
dittos  le  sans  plus  séjourner, 
et  chacun  en  fera  devoir. 

JOSEPH 

Mes  amis,  vous  pouez  savoir 
comment  Marie,  mon  cspeuze, 

5870  par  la  volcnté  glorieuse 

de  Dieu  qu'ainsi  l'a  avancée, 

est  ceste  sopmaine  acouchee 

d'un  beau  filz,  gent  comme  une  fleur. 

Or  est  huy  le  huitième  joui- 

5875  qu'il  requieit  esti'c  ciiconcis ; 
si  vous  supply  tant  que  je  puis, 
qu'il  vous  plaise  y  estre  presens. 

ELIACHIN 

Nous  n'en  voulions  pas  estre  exemps, 
mes  servir  par  boime  oi-donnance, 
5880  s'il  est  riens  en  nostro  puissance 
a  quoy  emploier  nous  puissons. 

ESDRAS 

C'est  droit  que  nous  obeyssons  ; 
or  partons,  que  Dieu  nous  conduye  ! 


JOSEPH 

Marie,  ma  très  chère  amie. 


75 


'  5813  de  Dieu  A.  —  5814  nous  guide  B.  C.  —  r>81j  que  a  port  nous  maine  C.  —  5817  nobles  princiers  B.  C.  —  58Î6 
nous  C.  —  5829  parcoue  B.  —  58:!0  par  elle  U.  —  5830  le  B.  —  5838  Sauons  espérance  C.  —  5840  la  fera  C.  —  5843 
Me»  feres  A.  —  584/i  Sil  B.  —  5843  ay  A.  —  :848  jusquen  B.  —  5855  nauona  nous  C.  —  5856  qui  A.  —  585»  cher 
parent  B.  C.  —  5872  Elle  est  de  reste  C.  —  5875  Qui  A.  C.  —  5876  quanque  C.  —  5SS3  Partons  noua  B.  nona 
manquf  C.  —  5SS4  esgardez,  chore  amie  B.  C. 


76 


MISTRRE   DE    LA    PASSION 


5885  vcez  cy  aucuns  de  nos  amis 

apprestés,  comme  ilz  m'ont  promis, 
il .'  nous  aidicr  en  ceste  affaire. 

ELIACHIN 

S'il  est  chose  que  puissions  faire, 
qu'il  vous  plaise,  dittes  le  cy  : 
5890  il  sera  fait. 

NOSTRE   DAME 

Vostre  mercy. 
Seigneurs,  vous  voyez  mon  enffant 
en  la  cresche  des  beufz  gisant 
moult  povrement  ;  Dieu  soit  loué  ! 
S'est  le  logis  bien  cher  loué, 

5895  si  n'avons  pas  finances  moult, 

neantmoins  nous  voulions  faire  tout 
comme  la  loy  le  nous  commande. 
L'enffant  motz  en  vostre  commande  ; 
circoncisez  le  doulcement, 

5900  en  gardant  le  coimnandement 
que  Dieu,  nostre  sire,  a  donné. 

ELIACHIN 

Il  nous  est  de  Dieu  ordonné, 
c'est  raison  qu'il  soit  accomply. 

ESDRAS 

Chacun  le  doit,  n'y  a  celluy  : 
5905  nous  le  tenons  de  tous  nos  pères 
qui  ont  tenu  a  grans  misteres 
le  fait  de  circoncision. 

JOSEPH 

Pour  en  faire  expcdicion, 
seigneurs,  l'cnffançonnet  prenez  ; 
5910  icy  doulcement  le  tenez, 
tandis  que  je  l'abi-egeray. 

ELIACHIN 

A  vostre  vueil  vous  aideray 
a  mon  pouoir  lude  et  leal. 

JOSEPH 

Helas  !  mon  filz,  il  me  fait  mal 
5915  qu'il  te  fault  porter  ceste  paine  ; 
très  doulce  natui'e  puraine, 
se  d'humilité  ne  voulsisses, 
ceste  rigle  pas  ne  tenisses  ; 
nature  ne  t'y  peust  liei' 
5920  se  tant  te  veulx  humiUer 
que  porter  ceste  disciphne  ; 
pardonne  moy,  pécheur  indigne, 
se  de  la  main  t'ose  toucher 
pour  ta  char  saintisme  trancher, 
5925    car  comme  contrains  je  le  fais. 


ESDRAS 

Tous  nos  apprcstemens  sont  fais. 
.Joseph,  père  très  vénérable, 
faictes  conclusion  finable 
et  abrégez,  car  il  est  tart. 

JOSEPH 

5930  Or  le  tournez  ung  peu  appart, 
et  je  l'expedirai  grant  erre. 

[Pose.] 


BALTAZAR 

Je  ne  sçay  penser  en  quel  terre 
nous  sommes  ne  en  quel  pays. 

MELCIOR 

Oncques  mes  je  ne  m'esbahis 
5935  en  tout  le  voyage  tenant 

si  fort  que  je  fais  maintenant  : 
l'estelle,  qui  si  fort  luysoit 
et  en  luysant  nous  conduysoit, 
nous  est  tout  a  cop  deffaillie. 

JASPAR 

5940  Je  ne  sçay  ou  elle  est  saillie, 

mes  nos  yeulx  en  sont  bien  restrains, 
et  par  force  serons  contrains 
de  retourner  chacun  son  cours  ; 
se  Dieu  ne  nous  donne  secours, 

5945  nous  en  sommes  en  grant  balance. 

BALTAZAR 

Non  ferons,  car  j'ay  espérance 
en  Dieu  qu'il  nous  donra  conffort  ; 
et  ung  point,  qui  est  le  plus  fort, 
c'est  de  querre  songneusement 
5950  en  quel  heu  n'en  quel  tellement 
nous  sommes  venus  de  ceste  heure. 

ANTHIOCUS 

Nobles  seigneiu's,  je  vous  asseure, 
que  nostre  demeure  est  fondée 
pour  le  presens  dedans  Judoe  ; 
5955  et  que  cecy  soit  vérité, 
c'est  Jlierusalem  la  cité, 
que  nous  voyons  la  devant  nous. 

JASPAR 

Voire,  Anthiocus,  estes  vous 
tout  certain  que  la  chose  est  telle? 


5S88  riens  que  nous  B.  C.  —  58S9  Sil  vous  plaist  C.  —  5890  La  vostre  mercy  C.  —  5896  nous  manr/u<y  B.  —  5898 
Et  prouue  que  lenfant  est  tendre  C.  —  5900  obseruant  B.  C.  —  5903  qui  C.  —  5904  doit  faire  C.  —  5905  des  anciens 
pères  B.  C.  —  5908  faire  ent  B.  C.  —  5910  prenez  G.  —  5915  Qui  A.  —  5916  et  puraine  C.  —  5919  le  C.  —  5920  te 
manque  A.  —  5923  te  A.  —  5931  expediere  B.  —  5947  qui  A.  —  5954  Pour  ceste  lieure  cy  en  C.  —  5956Xest  droit 
la  Jlierusalem  la  cite  G.  —  5957  cy  B.  G.  —  5959  Certain...  soit  B.  Tout  nxanque  C. 


I 


1 


PREMIKRK    JOURNEE 


77 


ANTHIOCIÎS 

5960  Je  i-t'spons,  sii'p,  que  c'est  elle  ; 
je  coiignois  de  long  temps  ou  c'est. 

JASPAR 

Or  ça,  soigneui-s,  puisqu'ainsi  est, 
que  l'estollo  nous  a  laissés, 
puisque  nous  sommes  près  assé» 
5005  de  la  cit('  que  nous  voyons, 

Bqui  nie  croiia,  nous  entrerons 
dedans  In  ville  et  irons  voir 
aux  sages  pour  conseil  avoii- 
sur  le  fait  que  nous  demandons. 
MELCIOR 

5970  Du  tout  a  VOUS  nous  attendons 
et  seront  vos  conseils  tenus. 

lUI.TAZAR 

S'en  la  cit('  sommes  venus, 
nous  pourrons  enquérir  adoncques 
s'il  est  en  région  quelconques 
5975  ou  il  soit  de  ce  roy  nouvelle. 

.lASPAR 

L'opinion  est  bonne  et  belle, 
or  cheminons  sans  arrester. 


ELIACHIN 

L'eu  ne  sçarroit  niieulx  apprester 
ne  circoncir  plus  gentemcnt 
que  l'enffant  est. 

BSDRA8 

Benignement 
eu  soit  loué  Dieu,  nostre  pero  ! 

ELIACHIN 

Mario,  vous  estes  la  mère  : 
gardez  quel  nom  l'enfant  ara. 

NOSTRE  DAME 

Mutacion  ne  se  fera 
15  du  nom  haultement  assigné 
lequel  luy  est  prédestiné  ; 
des  que  l'angle  le  m'annonsa 
le  nom  me  dit  et  deuonsa  ; 
si  n'y  vcil  rien  ajouster  sus. 

ESORAS 

5990  Connnent  fut  celuy  nom  ? 

I  NOSTRE    DAME 

Jhesus. 
ELIACHIN 
Jhesus  est  nom  do  grand  valeur 
i 


et  vault  autant  coninio  Mulvcur. 
Or  Dieu  doint  qu'il  nouH  puist  saulver 
et  »i  bien  nos  pechi'-s  laver 
5995  qu'en  gloire  nous  puist  rrwvoir. 

JOSEPH 

Si  vi'ay  le  piiig.say  je  savoir, 
que  j'y  ay  parfaictc  uredence. 


JASPAR 

Seigneurs  de  notable  prudence, 
ou  est  le  lieu  de  grâce  plain 
cooo  ou  le  roi  des  Juifz  haultain, 
qui  est  né,  fait  sa  résidence? 

MELCIOR 

Nous  querons  estre  eji  sa  présence 
pour  aouror  ce  souverain  : 
seigneurs  de  notable  prudence 
6005  ou  est  le  lieu  de  grâce  plain? 

BALTAZAR 

Son  estelle  de  grand  puissance 
avons  choisie  pour  certain 
en  orient,  dont  en  soubdaiu 
venons  veoir  sa  magnificence. 

ANTBIOCUS 

0010  Seigneurs  de  notable  prudence, 
ou  est  le  lieu  de  grâce  plain 
ou  le  roy  des  Juifz  haultain, 
qui  est  né,  fait  sa  résidence? 

GAMALIEL,  scvibe  de  la  loi/. 
Vecy  merveilleuse  éloquence 

6015  et  de  grande  suspicion  ; 

seigneurs,  vous  faictes  question 
qui  a  respondro  de  legier 
ne  fait  pas,  mes  a  grand  dangier  : 
du  roy  des  Juifz  enquerrez 

6020  nouveau,  ne  dont  rien  ne  sçarez 
de  par  nous,  car  de  voix  commune 
icy  n'en  est  nouvelle  aucune; 
pourtant  respoudre  n'y  savons. 
ROBOAN,  second  scribe. 
Quant  est  pour  l'oure,  nous  n'avons 

0025  point  de  roy  de  nostre  lignée, 
ainz  est  la  terre  gouvernée 
d'ung  honunc  d'cstrange  i>ays 
qui  se  clame  roy  des  Juifz. 
car  a  la  jwinte  de  l'espee 

0030  la  terre  a  prise  et  usurpée 


Sa  A.  —  5966  en  yrons  lî.  —  5971  consaulx  lî.  —  5972  Se  eD  C.  —  5974  en  m-inqof  ("..  —  5978  soarroit  C.  — 
Regardez  quel  nom  il  ara  B.  ("..  —  59S7  me  A.  —  5989  Sil  B.  —  5993  qui  A.  B.  —  5997  py  A.  je  y  B.  C.  —  6000 
très  haultain  A.  —  6003  Pour  laourcr  comme  A.  ladorer  comme  B.  roy  tiouuerain  C.  —  6001-6005  manffucnt  A.  — 
8006  priidencB  H.  luisani'e  C.  —  6010-6013  tiKin'juenl  A.  —  6019  que  vous  querez  A.  —  6023  Par  quoy  respoodre  ncn 
B.  ny  C.  —  UOiS  réclame  A. 


78 


MISTEREDE    LA   PASSION 


(5070 


et  la  tieut  dessoubz  l'empereur 

de  Romrae,  qui  est  le  seigneur 

de  tout  le  monde  pour  ce  jour  : 

il  nous  maintient  en  son  amour 
6035  tant  qu'il  peust,  affin  que  n'allons 

contre  luy  et  nous  rebellons  ; 

Herode  par  nom  est  nommé, 

ne  sçay  se  tant  est  renommé 

que  son  renom  soit  parvenu 
6040  jusqu'au  lieu  dont  estes  venu; 

volentiers  le  vous  monstrcrons. 

JASPAR 

Ce  n'est  point  ce  que  nous  querous, 
mais  neantmoius  ce  seroit  il  bon, 
que  nous  oyssions  sa  raison, 
6045  savoir  s'il  en  scct  quelque  chose. 
ZOROBABEL,  pharisien. 
Se  la  nouvelle  est,  je  suppose 
qu'il  en  ara  ouy  la  voix  ; 
or  me  suivez,  devers  luy  vois 
pour  luy  iliro  vostre  venue. 

[Pose.] 

6050  En  force  et  honneur  maintenue, 

soit  vostre  noblesse,  cher  sire  ! 
HERODE,  roy. 

Le  bien  que  vostre  cueur  désire 

vous  octroit  le  Dieu  d'Israël  ! 

Quelz  nouvelles,  Zorobabel? 
6055  comment  le  font  nos  citoiens  ? 

les  scribes  et  pharisiens 

sont  ilz  en  paix?  leur  faut  il  rien? 

ZnnoBABEI, 

Sire,  je  ne  sçay  que  tout  bien  ; 
j'ay  par  devers  vous  admenés 
6060  trois  notables  roys  coui'onnés, 
les  quelz  ont  désir  et  propos 
de  parler  seulement  doux  mos 
a  vostre  majesté  royalle. 

HERODE 

La  nouvelle  est  cspecialle 
()Oi35  et  estrango,  a  ce  qu'il  nous  .samble  ; 
comment,  sont  ce  trois  roys  ensamble, 
venus  maintenant  cy  envers? 

ZOROBABEI, 

Ouy  ;  de  royaulnies  divers, 

6032  en  est  C.  —  6035  Ce  quil  peut  G.  —  6036  et  que  ne  nous  C.  —  6040  Jusques  au  lieu  estes  B.  C.  —  6042  pas  B. 

—  6043  ce  seroit  A.  seroit  il  B.  C.  —  6044  nous  manque  C.  —  6046  la  manqw  B.  C.  —  6049  Si  luy  tliray  B.  C.  — 
1)053  vostre  A.  —  6058  ny  B.  —  6062  De  vous  dire  deux  ou  trois  mos  C.  —  6065  qui  C.  —  6066  sont  ilz  B.  C.  — 
0069  Saba]  Sable  B.  —  6071  requérir  B.  C.  —  6072  vous  manr/ue  C.  —  6074  Sire  roy,  oyez  B.  C.  —  6075  qui  C.  —  6082 
raejiipli  de  saigesse  B.  C.  —  6083  Vostre  honneur  accroisse  celuy  C.  —  6084  Et  ne  soit  G.  —  6087  Qui  a  toute 
puissance  en  luy  njoiité  B.  C.  Sil  vous  plaist  vous  vous   serrez  B.  C.  Cil  A.  —  6000  cueur  mnnqar  \.  —  6091  sa  A. 

—  6093  de  vostre  chemin  B.  C.  —  6094  Quen  riens  ne  vous  sera  grief  B.  C.  —  609S  depuis  brief  temps  U.  G,  —  6100 
sceuent  A.  soullent  C.  —  6105  le  prophète  A.  B.  C. 


de  Saba,  d'Arabe  et  de  Tharse. 

HERODE 

Puisque  leur  voye  est  tant  esparce, 
c'est  pour  ung  grand  fait  enquérir  ; 
savez  vous  qu'ilz  viennent  quérir  ? 
vous  le  pouez  bien  reveller. 

ZOROBABEL 

Sire,  vous  les  orrez  parler 
6075   et  vous  orrez  qu'ilz  vous  diront. 

HERODE 

De  par  nous  visités  seront, 
savoir  qui  vers  nous  les  adresse. 

JASPAR 

Noble  roy  rempli  de  sagesse, 
vostre  honneur  accroisse  celuy 
6080  qui  a  toute  puissance  en  luy, 
et  vous  dnint  trésors  a  largesse  ! 

HERODE 

Nobles  roy  comblés  de  proesse, 
vostre  renom  hault  anobly 
ne  soit  jamès  mis  en  oubly, 
6085  ains  l'entretiengne  en  sa  haultesse 
Mahonnnet,  mon  dieu  infiny  ! 
S'il  vous  plaist,  vous  serrez  icy 
et  après  nous  deviserons. 

MELCIOU 

A  vostre  vuoil  obeyrons 
6090  do  bon  cueur  sans  y  contredire. 

HERODE 

Or  ça,  seigneurs,  vous  pouez  dire 
fi'anchement  et  de  cueur  affin 
la  cause  qui  vous  meult,  affin 
que  sachons  qui  nous  sera  grief. 

JASPAR 

6095  Sire  roy,  pour  ataindre  on  brief 
nostre  fait,  il  est  véi  ilé 
que  Dieu  nous  a  manifesté 
une  estelle,  n'a  pas  long,  temps, 
tout  aultrcraent  son  cours  portaus 

6100  que  les  aultrcs  ne  seullent  faire, 
et  quand  nous  avons  son  affaire 
choisi,  qui  est  clere  et  notoire, 
il  nous  est  venu  en  mémoire 
lie  l'estelle  que  nous  promist 

6105  Kalaan  prophète,  qui  dist 
que  de  Jacob  l'estelle  belle 
doit  naistro  en  ung  temps,  de  la  quelle 
le  hault  Crist  se  doit  incarner 


PREMIERE    JOURNEE 


7î> 


et  ilcssuz  los  Juil'i!  régner, 
6110  wiiiriu'  nos  cxpositcui-H  iliinit  ; 
or  nous  nionsticnt  et  Higiiificnt 
les  moyens  du  signe  donne, 
«ju'il  l'uult  que  celluy  roy  soit  né, 
veu  que  l'estelle  nionstroe 
Bil5  s'est  pur  toute  nostro  contrée. 
C'est  la  cause  qui  nous  adnmiiie 
pour  voir  sa  niajesti^  haultaine 
et  luy  présenter  aucuns  dons. 

»HEKODE 
Beaulx  seigneurs,  ung  peu  attendons; 

SiïO   vous  esti's  gens  prudcus  et  sages, 
no  profferci!  pas  tels  languages 
se  vous  n'y  sentez  fondement, 
car  il  nous  toudie  grandement 
s'il  advenoit  ce  que  vous  dittes. 
MEi.cmn 

61^5  Quand  des  raisons  qu'il  a  predittes, 
nous  le  savons  certainement, 
et  qu'il  soit  vray,  vecy  comment  : 
l'estelle  dont  il  nous  declaire 
n'eust  jias  mouvement  circulaire 

^30  comme  celles  du  firmament, 
mes  .alloit  tout  directement  : 
realcment  l'avons  j)eu  voir 
devant  nous  aller  et  mouvoir  ; 
admeni'  nous  a  jusqu'à  cy 
15  sans  di'vyer,  la  Dieu  mercy, 
et  tantost  la  cité  voue 
subtillement  s'est  disparue 
par  quoy  nous  en  sommes  plus  seuis. 

HEUODE 

Contes,  chevaliers  et  seigneurs, 
escoutez  cy  la  dealilerie 
qui  touche  nostrc  seigneurie 
largement  et  de  tous  costés. 
Seigneurs,  gardez  que  vous  comptez  ; 
ignorez  vous  uostre  i)uissance, 
U5  nostre  siège,  nostre  ordonnance  ? 
ignorez  vous  que  vray  roy  sommes 
de  Judée  et  do  tous  les  hommes 

«qui  sont  au  royaulme  appendens  ? 
en  quel  paît  estes  vous  tandons? 
uiôO  quel  prince,  quel  roy  querez  vous  ? 
Pest  il  huy  aultre  roy  que  nous  ? 
est  il  honmie  de  ça  la  mer 
si  haidy,  qu'il  s'osast  clamer 


roi  dos  Juilz  i  >'\  viongue  embatre  : 
6155  par  force  l'en  vouldr(ini4  comlmtre 

tcllonient  qu'il  s'en  desdira. 
APRACL'g,  conte. 

Qui  est  si  hardy  qu'il  dira 

que  roy  nous  gouverne  a  sa  mode 

aultre  que  nostro  roy  Hcrode, 
01(10  qui  cy  est.  Dieu  luy  ci'oisHO  lionn<>ur? 
HEKMouENES,  unif  ckevaliev  au  roy  Herudi. 

Nous  n'avons  aultre  gouverneur, 

aultre  roy  n'aultro  cap|iitainc 

qu'Herode,  c'est  chose  ceitainc, 

car  a  luy  seul  olieyssons. 

ARPHA.ZAC,  deuxième  chevalier. 
til05   11  n'est  homs  que  ne  desti-uissoi», 

s'il  vouloit  le  contraire  dire. 

ADRACUK 

L'en  ne  m'en  peust  plu»  faire  d'ire 
ne  ma  pensée  comturbor, 
que  d'empescher  et  destourbcr 
6170  nostro  roy  en  son  nobie  règne. 

HERODB 

Qui  doubte  que  tousjoui-s  ne  i-egne  ? 
J'en  pr<'niliay  débat  contre  tous. 

BALTAZAR 

Sire  roy,  ne  prenez  courroux  ; 
se  celluy  roy  voulons  trouver, 
6175  nous  ne  querons  ame  grever, 
ne  vous,  ne  vostre  royaulté, 
mais  enquerons  la  vérité, 
cmnno  gens  hors  de  leur  pays. 

HERODB 

Comment!  estes  vous  esbays 
6180  d'ouir  telz  mos  de  nosti^c  bouche  ? 

vous  samble  il  pas  que  près  nous  touche  ? 

Très  fort  nous  sentons  attouchéa, 

et  voulons  bien  que  vous  sachez 

le  royaulme  estre  en  uostre  main, 
6185  et  ne  congnoissons  souverain 

.se  ce  n'est  l'empereur  de  Ronime, 

qui  nostre  vray  seigneur  se  nonnne, 

et  nous  n'v  coutretUsous  pas. 

Et  p  ui'  vous  informer  du  cas, 
«190  ceste  contrée,  a  brief  parler, 

a  volu  long  temps  rebeller 

a  l'empereur,  et  sa  conduite, 

or  l'avons  pai*  force  reduictc, 

et  conquise  sanz  contredit. 


6109  tous  les  A.  —  6114  lestoille  sest  A.  —  6Hr>  l'ai-  trdoiite  A.  —  «125  Qnnnil  osl  des  raisons  qu'il  a  dictes  B.  G. 
—  6128  nous  A.  —  6130-6131  Comment  les  aultpes  bien  obseruent.  Qui  au  haultaiu  firmament  scruent  B.  G.  —  0148 
•ttendans  B.  —  6151  il  mannue  A.  —  6152  sa  C.  —  6153  qui  A.  B.  —  6154  Or  si  A.  —  6156  qui  A.  C.  —  «157  qui  A. 
B.  C.  —  6159  le  roy  li.  le  bon  C.  —  G102  ne  A.  —  0163  Cest  oeluy  qui  nous  garde  et  maino  B.  C.  —  6164  Et  a  qui 
(eul  B.  C.  —  6105  hors  que  B.  —  6168  de  A.  —  6171-6172  attrihuès  l'i  Hrrmogenes  1!.  C.  ny  B.  C.  Nous  lemporlerons 
contre  tous  B.  le  porterons  C.  —  6175  aultruy  B.  —  6177  nous  A.  —  6180  de  A.  vostre  B.  —  618Ï  nous  y  sentons 
touches  B.  greuez  G.  —  618i  est  B.  —  6186  Se  nest  lemperateur  B.  C.  —  6194-619&  Et  le  moyen  bien  confenne 
P«r  quoy  lempereur  prénomme  B.  C. 


80 

6193 


OSOO 


MISTERE    DE    LA    PASSION 


6203 


6210 


6215 


0220 


622 


0230 


6235 


l)ar  quoy  l'empereur  devant  dit 
nous  en  a  donné  la  couronne  ; 
et  donc  nous  ne  doublons  parsouuc 
qui  par  soy  ou  force  d'amis 
nous  en  puist  faire  estre  desmis 
par  quelque  mauvaise  rencontre. 

JASPAR 

Nous  ne  voulons  pas  aller  contre, 
mes  du  fait  tant  savoir  cuidons 
que  celluy  roy  que  nous  querons 
est  plus  grant  de  vous  et  plus  foit. 

HERODE 

A  ce  ne  mettons  nul  effort, 
s'il  a  grant  terre  et  grant  pays 
mes  qu'il  ne  soit  roy  des  Juifz, 
son  fait  liens  ne  nous  touchera. 

JASPAR 

Roy  des  Juifz  est  et  sera, 
et  qui  plus  est,  tout  ce  l)eau  monde, 
doit  gouverner  a  la  reonde 
comme  juge  et  refformateur. 

HERODE 

Seigneui-s,  escoutez  quel  horreur, 
quel  i)este,  quel  forsen,  quel  l'age  ! 
veez  cy  le  plus  mauvais  langage, 
le  plus  fier,  le  plus  desplaisant 
qu'oncques  fut,  et  le  plus  cuysant, 
d'ouir  si  terribles  l'aisons. 

AIÎPHAZAC 

Sire  roy,  nous  nous  en  taisons, 
car  point  n'y  adjoustons  de  foy, 
et  tenons  qu'il  n'est  aultrc  roy 
que  vous  sur  la  Juyverie. 

HERODE 

Farderons  nous  la  seigneurie, 
qui  tant  chère  nous  a  cousté  ? 
parderons  nous  la  royaulté 
dont  proesse  nous  monstre  digne  ? 
parderons  nous  nostie  domine 
vendue  par  si  dur  ehastoy  ? 
Fortune,  il  n'en  est  pas  en  toy. 
Fortune,  beste  morveillable  : 
toy  et  ta  roue  détestable 
mettons  au  sanglant  pis  tourner. 

GAMAI.IEI. 

11  ne  faut  pas  tel  dueil  mener  : 
qui  trop  de  courroux  en  soy  prend, 
nature  et  raison  l'en  repprond  : 
car  comme  Cathon  nous  afferme, 


ire  qui  excède  hors  terme 

empesche  fort  l'entendement 

qu'il  ne  face  vray  jugement. 
0240  Ceste  rigle  est  commune  a  tous  ; 

estez  donc  cesle  ire  de  vous, 

tant  que  j'aye  a  la  question 

fait  aucune  distinction, 

ou  forse  vous  porrez  ouir 
0245  aucun  point  pour  vous  resjouir 

sur  ceste  matière  présente. 

HERODE 

Toute  joye  est  de  moy  exempte, 
puisqu'on  fait  sur  moy  entreprise, 
car  chose  a  grand  peine  conquise 
0250  s'en  veult  plus  chèrement  garder. 

GAMALIEL 

C'est  vray,  mes  pour  vous  accorder 
avec  ces  notables  seigneurs 
qui  admainent  raisons  plusieurs 
pour  celluy  roy  qu'adorer  viennent, 

0555  je  ne  cuide  pas  qu'ilz  maintieiment 

qu'il  soit  pur  homme  en  quelque  empire 
autre  de  vous  qui  se  puist  dire 
roy  des  Juifz,  n'en  faictes  doubte; 
mes  ung  point  y  a  que  je  doubte,  ■ 

0200  que  celluy  roy  dont  ilz  nous  touchent 
et  dont  si  hault  language  couchent, 
ne  fut  Crist  né  nouvellement, 
dont  les  prophètes  plainenumt 
ont  afferme  qu'il  doit  venii', 

0263  et  vuellent  a  ce  parvenir, 

ce  samble,  car  leur  dit  se  fonde 
qu'il  doit  gouverner  tout  le  monde 
comme  Ciist,  car  quand  il  vendra, 
nostre  règne  en  paix  maintendra 

0270  et  sera  vray  roy  d'Israël. 

HERODE 

Vous  dites  bien,  GamalicI, 
et  nous  advertisscz  d'ung  point 
a  quoy  nous  ne  pensions  point, 
tant  qu'il  touche  celhiy  Cristus  ; 

0275  il  doit  estre  de  grans  vertus 
comme  vous,  Juifz,  le  tenez, 
et  par  vos  cserips  l'apprenez  ; 
chacun  scet  assés  son  regnoni, 
mes  savoir  s'il  est  né  ou  non, 

6280  la  gist  le  foi-t  et  le  danger. 

nOBOAN 

Do  ce  no  pouvons  nous  juger  ; 


0209  II  est  roy  des  Juifs  et  sera  B.  —  0211  II  doit  gouuerner  a  la  ronde  A.  —  0214  forée  A.  —  0217  Coiicques  A. 
le  manque  A.  —  6218  Pour  peu  que  ne  vous  despecons  B.  nous  ne  desperons  G.  —  0219  Artaz  vc  B.  —  0222  Sur 
toute  la  Juiferie  A.  G.  —  6228  Veult  dire  G.  —  0229  en  mnnqae  A.  B.  —  0231  uierueillable  B.  C.  —  0243  discussion 
G.  —  0247  de  nous  B.  G.  —  0248  anie  fait  s>ir  moy  emprise  B.  —  0251  11  est  vrai  ulti-ihuè  à  Adrams  B.  C.  mes 
iiuuuiur  B.  G.  —  6258  point  doubte  A.  —  6272  Et  aduerlissez  dun  grant  point  A.  —  6273  certes  ne  penssion  point  .\. 
—  0276  entre  vous  A.  —  i>277  approuuez  A.  C 


PREMIERE    JOURNEE 


81 


16S90 


I63!U5 


(«303 


l«310 


8315 


I63ii0 


G'Mô 


il  nVn  pst  faictc  mcncion  : 

vous  oc/,  la  rclnciou 

(le  CCS  notables  loy.s  icy, 

qui  sont  certains  qu'il  est  ainsi  ; 

ne  savons  »o  la  chose  est  voire. 

HKlllIDE 

Ce  qu"il/.  ilicnt  n'est  point  a  croire, 

se  tout  lo  nioude  l'acceptoit. 

lît  |)roniior,  se  Crist  nés  cstoit, 

nous  croyons,  sans  estie  deceu, 

que  les  .luifz  l'eussent  bien  sceu, 

s'eust  esté  sa  nativité 

f'aicto  a  si  giant  solennité 

que  si  grant  joyc  ne  fut  oncqucs  : 

or  n'en  est  nouvelle  quelconques  ; 

par  quoy  tels  parlées  ne  nous  montent. 

De  l'estolle  qu'il/,  nous  raiouti'nt 

qui  leur  a  esté  denionstrco, 

c'est  une  abusiou  notree, 

une  fantaisie  ou  ung  songe, 

espoir  cause  d'un  grand  mensonge 

a  cil  (jui  s'y  arrestc  et  croit  ; 

et  quand  vraye  cstello  seroit 

quelque  grant  mistcre  poi'tant, 

si  ne  s'en  suyt  il  pas  pourtant 

qu'honnne  puist  juger  en  sa  vie 

quel  niistere  elle  signifie, 

se  n'est  par  supposicion. 

G.VMALIEI. 

Noire,  ou  par  revelacion, 

que  Dieu  eust  monstre  (;i\  ovi  la. 

HERUDE 

Hz  ue  proposent  pas  cela  : 
leur  totaIl(!  raison  s'assigne 
que  l'estelle  leur  monstre  it  signe 
que  Cristus  doit  estro  venu. 

ADUAC.U.S 

Cela  est  poui'  néant  conclu, 
et  leur  raison  mal  se  modère 
de  fonder  ung  si  grand  mistere 
sur  si  très  petit  d'apparence. 

IIEnODK 

Quoy  qu'il  soit  de  la  conséquence, 
nous  vuuldrlons  très  bien  savoir 
en  quel  lieu  n'en  quel  terrouoir 
Cristus  est  prophetizé  uaistre  ; 
puisqu'il  doit  cstre  vostre  maistre, 
seigneurs  Juifz,  laison  suppose? 
que  vous  en  savez  quelque  chose, 
[lar  quoy  miculx  eu  pouez  parler. 


ZOnonADEL 

Sire  roy,  foietc»  n.ssciubler 
les  scribes  qui  cogiioissent  lettres, 
pharisiens,  princes  des  prebstrcs, 
0330  et  quand  tous  sei'ont  mis  appoint, 
iuterroguoz  les  sur  ce  point, 
car  bien  vous  on  s(,'aront  a  dire. 

iiKiioiie 
Il  sera  fait  sans  cuntredire 
tout  selon  vostre;  volent»'. 
6335  Maiaquhi? 

MALAQUIM,   messager. 
Sire  redoubti', 
quel  est  vostroconunandcnicnt? 

herode 
Tu  t'en  iras  tout  chaudement 
l'aire  ung  message  a  ])eu  de  nios. 

MALAQUIN 

Mes  que  je  sache  à  quel  propos, 
03i0  tautost  l'aray  exi)cdié. 

IlEltODE 

Tu  n'as  pas,  ce  ci  oy  je,  oublie 
l'hostel  d'Anne,  le  grand  pontiphe, 
et  de  sou  conqjaignon  (^aiphe 
atout  son  grant  chapeau  de  bievre  ? 

MALAQUIN 

6345  Je  le  syay  plus  courant  qu'ung  lievro 
passé  quatorze  ans  huy  matin  : 
j'y  ay  bcu  maint  godet  de  viu 
et  dancé  au  son  de  la  broche, 
tout  on  crocquant  une  ospinochc 

()3J0  d'ung  morc;det  filant  et  gras. 

HEUDUE 

Va  t'en  donc,  et  si  leur  diras 
tous  deux,  si  n'ont  aucune  charge 
ou  cnipeschcmcnt  qui  les  charge, 
qu'ilz  viennout  ung  [ion  devers  noui. 

MALAQUIN 

0333  Tautost  les  verrez  devant  vous, 
sire  i-oy,  je  le  vous  crcans. 


Messager  qui  va  par  les  champs 
doit  il  point  boire  par  coustumc? 
Il  doit  boire  des  |ilus  fiians, 
6360  messager  qui  va  par  les  champs; 
L'en  nie  parle  de  jeux  et  chants, 
mais  n'est  t.'l  que  souffler  la  plume. 
Messager  qui  va  par  les  champs, 


0389  primi's  B.  prenez  C.  —  6291  si  leussfiit  A.  —  6292-6293  Aii.isi  &  sa  naliuite  Eust  eu  grand  snleinnite  A.  —  6301 
Cause  fspoii-  lî.  C.  —  031;)  l't  lu'fii'/ue  B.  —  C315  pourement  C.  —  6321  lien  miin'/ur  A.  ou  en  11.  —  0324  la  raison  A. 
—  «32J  et  pi<.bslres  A.  —  63;i2  El  l)ien  C.  —  0347  voirro  A.  —  0331  se  U.  —  0334  icy  deuers  A.  —  0353  arcs  A.  — 
6202  Ai.^c  lu-  suis  se  vin  ne  hume  A. 

Pas.  6 


82  MISTERE    DE   LA   l'ASSION 

doit  il  point  boii'e  par  cousturae? 


G3')5  Qu'est  ceoy?  latc^^te  luo  fume, 
le  viii  m'a  piis  par  le  toupet, 
je  parle  seul  et  pers  mou  plel  ; 
je  m'en  vois,  je  suis  bien  hejaune, 
j'apperçois  via  l'ostel  d'Anne, 

0370  qui  est  des  Juifz  grand  poiitiiihe, 
et  si  eroy  que  vêla  Gayphe, 
qui  est  assis  dccoste  luy  : 
tant  eu  sera  plus  tost  founiy 
mon  niossagc  a  ce  que  je  vois, 

G37j  car  je  feray  a  mio  fois 

ce  qu'il  m'cust  fallu  faii'O  a  deux. 


Seigneurs  sages  et  vertueux, 
le  grand  Dieu  vous  ait  eu  sa  garde  ! 
Hcrode,  nostrc  roy,  qui  garde 
63S0   tout  le  l'oyaulme  do  .ludee 

vous  mande  que  sans  dcnioureo 
venez  ung  peu  par  devers  luy, 
s'il  vous  plaist. 

ANNE,  2ii'''sii'c  de  la  loij. 
11  n'y  a  celluy 
de  nous  qui  veille  contredire 
6385  au  conunaud  du  roy  nostrc  sire, 
ains  le  voulons  sei'vii'  et  craindre, 
comme  cil  qui  nous  peu,<t  contraindre 
et  a  son  voloir  gouverner. 

r.Aii'HK,  deuxième  prcstrj. 
Or  très  poussons  de  choniinei'  ; 
d.190  le  Dieu  d'Israël  nous  conduye  ! 

Icy  s'en  vont  vers  Herode. 


MALAQUIN 

Dieu  soit  en  vostrc  conipaiguie, 
roy  s,  et  la  déesse  Venus  I 
Vècz  cy  les  grans  prestres  venus 
eu  vostrc  roynlle  présence. 

ANNE 

();«»j  Honneur,  noblesse  et  reverancc 
soit  a  vous,  roy  de  grant  renom  ! 


6105 


O'.IO 


Cil  5 


CAll'HE 

A  vostrc  maudemeut  vcnon, 
comme  obeyssans  et  sougneux. 

HERODE 

Par  nm  kiy,  nous  sommes  joyeulx 
O'iOO  a  vous  veoir,  seigneurs  très  discrés; 
or  vous  venez  seoir  icy  près,  . 
puis  de  ce  qui  sera  mostier 
ilcvisei'ons. 

ANNE 

Ti'cs  voleutier  ; 
vo.<tre  voloirs  est  accordes. 

HERODE 

S(ùgneurs,  nous  vous  avons  mandés, 
cognoissant  vostre  coui-toisio, 
pour  une  grant  controvcrsie, 
qui  entre  nous  est  icy  mise. 
Vous  savez  qu'on  la  loy  Moyso 
Gi-ist  vous  est  promis  des  pi'ophctes  ; 
si  ont  esté  cy  doubtes  faictes 
que,  de  fait,  il  ne  soit  venu  ; 
mes  quoy  qu'il  en  soit  advenu, 
sur  ce  ne  nous  arrcsterons; 
tant  seulement  savoir  quorons 
qtiel  lieu  a  esté  assigné 
ou  celu\'  Ci-ist  doit  estre  né; 
or  vous  plaise  le  nous  espimdre. 

ANNE 

Sii'C  roy,  pour  vous  en  respondro, 
vray  est  et  voulons  soustenir 
que  Cristus  vrayment  doit  venir  : 
mes  qu'il  soit  desja  comparu, 
il  uc  nous  est  point  apparu, 
n'il  n'en  est  nouvelle  au  surplus, 
par  quoy  no  vous  on  ])arlons  plus  ; 
mes  du  lieu  et  de  l'ordonnance 
ou  il  doit  prendre  sa  naissance, 
les  sages  qui  bien  estudient 
les  prophètes  tiennent  et  dient 
qu'en  Botleen,  la  noble  teri-e 
de  Juda,  le  couvieiit  il  queri'e, 
dont  Miclieas  le  bon  prophète 
ceste  prophecio  en  a  faicte  : 
«  Retleeu,  teire  de  Judée, 

<i4:i5  (i  tu  n'es  pas  la  mendie  fondée 
<(  entre  les  princes  de  Juda  ; 
((  mig  prince  de  toy  ystcra 
«  pour  gouvi'rner  a  tous  jours  mes 
«  mon  peuple  d'Israël  en  paix.  » 

(l'i'iO  ^'eez  la  que  le  prophète  chante. 


0«0 


6'.Ï5 


6430 


6361  \\\'-i:  1).  ^  (VWl-niTI  i/i  ntiuei'.  I!.  C.  I.?  gi-aii'l  ponliphe  A.  —0372  Et  si  vi\v  Ciiiplie  auiîc  luy  H.  C.  —  6382  |in 
l»r  H.  —  (i'iOl  cy  B    —  6iO'É  Vos    vouloirs  vou-i  sont  A.  —  040U  jiiilue  U.  jui:i'  C.  —  Oill  Sont  esio  si  gi-aus  H.  C. 
1)4)1  Sur  uny  point  nous  A.  —  0121  voirement  doit  venir  B.  G-  —  64jJ  Les  proph'ciei  G.  —  6130  Q«'  )H\'n'i»-:   A,  — 
643i  il  man'itic  B; 


PREMIERE*  JOURNEE 


M 


HEUODE 

La  chani;oii  n'en  o»l  pa-i  mcschantc, 
iiioH  (le  bien  gi-ant  auturitû. 

CA.IPHK 

Il  vous  a  le  droit  point  uoto 
ijiii  parli^  (1(!  cesto  niaticro, 
01 '.5  ol  (lit  la  raison  tout  cnti(n'(', 
sur  la  qu(!lle  nous  nous  riglon». 

Z0R0I1A.IIEI, 

Mil  tout(!  la  loy  ne  trouvons 
laisou  no  vif  (msrignonicnt 
qui  assigno  si  proprcmont 
'■.'■■>0  ]()  lieu  bu  lo  saulv(;ur  doit  naistrc. 

ROBOAN 

Nous  tenons  tous  que  ce  doit  cstre 
en  Hctlccn,  comme  il  a  dit. 

HERODE 

Nous  prenons  bien  garde  a  son  dit, 
et  est  bien  de  legier  croyable. 

O'iJô   A  vostre  coniniand  honorable, 

))eaulx  seigneurs,  ne  veille  dosplaire, 
s'ung  petit  nous  voulons  retrairc 
pour  deviser  deux  nios  ou  trois 
en  secret  a  ces  nobles  roys  ; 

0'i60  nous  retournerons  ass(5s  brief. 

GAMALIEI. 

Nostre  roy  et  souvoi'ain  cliicf, 
faittes  tout  ce  qu'il  vous  plaira. 

HERMOGENES 

Nobles  roys,  suyvir  vous  fauldra 
lo  roy  qui  d'icy  fait  deppart  ; 
6Sfl5  il  veult  parler  a  vous  a  part 
a  ce  que  j'en  ay  entendu. 

JASPAR 

Or  sus,  plus  ne  soit  attendu, 
allons,  si  orrons  son  devis. 


HERODE 

Sages  roys,  tant  par  bon  advis 
S470  nous  sonnnes  icy  on  priv(3  ; 
est  il  certain  et  esi)rouv(; 
que-  cest  cstellc  avez  voue, 
et  (niVllo  vous  soit  apparue 
par  les  iuoy(>ns  que  vous  comptez? 

JASl'AR 

~T>  Sire  roy,  janu'w  n'en  doublez, 
qu'il  est  vorito  de  l'estelle. 


HBROnR 
Voiru,  mes  poust  <«tro  cstoil  elle 
do  natni'e  et  do  niuuveniont 
comme  cellen  du  firinaniont, 

IJ480  car  point  n'y  mettez  diirori'uco. 
MEi/yon 
Sire,  sauf  vostro  roverance 
et  se  parler  fault  a  la  lettre, 
trois  diffei'Onws  y  |)cu8  mettre, 
l'romioi',  celles  qui  ou  ciel  sont 

1)185  mouvemcns  circulaires  ont  : 
ccsto  cy  ne  tournoyé  point, 
ains  nous  precodoit  de  droit  |x)int. 
Secondement,  chaciui  par^'oit 
que  quelconque  ('«telle  qui  soit, 

()'i90  ou  ciel  tant  fort  tourne  et  s'avance, 
pour  la  haultc  et  grande  di-stancc 
nous  ne  les  voyons  iioint  mouvoir  ; 
et  ceste  cy  avons  peu  veoir 
mouvoir  si  ti'es  sensiblement 

(i'i«r>  que  sur  elle  tant  seulement 
nous  avons  riglé  nosti-e  voye. 
Tiereoment,  n'est  liotnmc  qui  voyo 
les  ofîtelles  do  jour  reluyre, 
car  lo  soleil  pour  son  clor  luyi'c 

6500  les  passe  et  met  en  impotence 
de  les  choisir  en  sa  présence  : 
or  nous  rendoit  ceste  lumière 
au  plus  clcr  jour  si  très  plainiere 
que  chacun  do  nous  la  veoit  : 

6305  si  dis  qu'elle  signitioit 

quelque  gi-and  mislere  advenu. 

HEUODE 

C'est  bien  son  proiws  soustenu 
et  prouve  par  une  raison  ;        ' 
mes  parlez  nous  de  la  saison 
6510  que  vous  la  veistes  par  exprés. 

BALTAZAR 

11  y  a  (Ux  jours  ou  bien  près 
que  premier  se  fut  présentant, 
et  nous  dure  jusques  a  tant 
que  do  l'ueil  avons  pou  choisir 
0515  Jhei'usalem  a  beau  loisir  ; 

lors  d'y  venir  feusmes  conclus. 

UERODB 
listes  vous  seui's  qu'il  n'y  a  plus? 
car  il  nous  touche,  pour  voir  dire. 

JASPAH 

11  n'y  a  no  plus  no  mains,  sire  ; 


IMI  Kl  la  chaiicoii  nesl  pas  B.  C.  —  0142  très  II.  C.  —  0115  plus  iMiliere  C.  —  0455  rouuent  B.  —  (Uo6  Seigneun: 

[.De  vo)M  veilhî  desplaii'f^  13.  —  (il57  pou  a  p:<rt  uous  l'anlt  II.  —  OlfVl  Stûgneïtrs  suiuir  vous  conuciulra  C.  —  0464  fait 

^Uiey  B.  C.  —  6165  Kl  vault  lî   C.  —  «107  uy  B.  C.  —  616'.)  Beaux  seipneurs  C.  —  0171  II  est  certain  A.  —  6480  vous 

ny  B.  C,  —  6193  uous  puet  veoic  B.  —  0196  Auous   règle  tout  C—  0.502  rouooil  B.  —  6509  façon   B.  —  6511  niaHqw 

'  ,  Nou»  vous  dison:!  sire  après  C.  —  6512  presenteuieul  C.  —  6513  a  dure  B.  —  0518  voir]  vous  .\.  vo(h  touche  B. 


84 


MISTERE 


6520  sur  la  foy  le  vous  affermons. 

HERODE 

Soigneurs,  très  bien  vous  en  croyons, 
et  vous  tenons  bien  pour  croyables 
pour  i)lus  grant  cas  et  gens  notables 
d'honneur  ou  il  n'a  que  reppi'endre  ; 

6525  et  pour  nostre  vouloir  entendre, 
nous  sommes  joyeulx  a  outrance 
de  cesto  noble  demonstrance, 
et  de  ce  roi  né  do  nouveau, 
quand  a  ce,  nous  plaist  bien  et  beau  ; 

6530  car  s'il  est  Cristus,  bien  sçavons 
que  vray  hommage  lui  devons  : 
jiar  quoy  vecy  que  vous  ferez  : 
en  Bethleen  vous  en  irez 
interroguer  diligemment 

6335  de  l'enffant,  de  son  naisscmont, 
comment  ses  parons  sont  fondés, 
et  principaulmcnt  demandez 
le  lieu  ou  il  prend  sa  demeure, 
et  quand  Tarez  trouvé,  en  l'curc 

6510  retournez  icy  par  devers  nous, 
affin  que  nous  et  nos  gens  tous 
lui  puissions  aller  faire  hommage, 
et  l'aourer  de  bon  courage, 
comme  nous  y  sommes  tenus. 

MELCIOR 

6545  Sire  l'oy,  nous  illec  venus, 
se  lo  vray  en  pouons  savoir, 
devers  vous  ferons  tel  devoir 
qu'il  vous  souffira  ;  soyez  seurs. 
Adieu,  sire. 

HERODE 

Adieu,  mes  seigneurs, 
6550  le  grant  Dieu  vous  veille  conduire  ! 


BALïAZAR 

J'apparçois  nostre  estelle  luyre, 
ce  me  semble,  elle  est  retournée. 

JASPAR 

Ha  !  benoîte  soit  la  journée 
et  loué  soit  Dieu  mille  fois  ! 

MELCIOR 

6355  C'est  elle  vraymcnt,  je  la  vois  : 
elle  a  la  forme  et.  la  clarté. 


DE   LA   PASSION 

le  cours,  la  haulteur,  la  beauté  ; 
loue  soit  Dieu  de  cueur  piteux  ! 

ANTHIOCUS 

Oncques  je  no  fus  si  joyeulx 
6560   que  do  la  revoir  en  inesent. 

LUCANUS 

Ce  nous  est  le  plus  beau  présent 
que  jamos  puissions  posscsser. 

CELSANDER 

11  n'est  point  saison  do  cesser  : 
cheminons  de  joyeulx  vouloir. 

PIRODES 

6365  Autre  guide  ne  fault  avoir 
pour  conduire  nostre  voyage. 

POLIDORUS 

Or  Dieu  doint  que  par  sou  ouvrage 
nos  soigneurs  puissent  porvenir 
ou  lieu  ou  est  tout  leur  désir, 
6570  si  vray  qu'ilz  y  ont  la  fiance  ! 

CA DORAS 

Ce  signe  a  grant  signiffianco  ; 

Dieu  doint  que  cil  qui  lo  nous  signe, 

nous  face  a  l'ame  médecine, 

si  vray  qu'il  a  i)uissanco  en  soy  ! 

Lt'oSE.J 


HERODE 

6575  Seigneurs  et  princes  do  la  loy 

qui  pour  nosti'o  salut  veillez, 

nous  vous  avons  fort  traveillés, 

mes  tout  bien  se  desservira. 

Allez  vous  ont  quand  vous  plaira  : 
6580  nostre  exploit  est  tout  abrogé. 

ANNE 

Sire  roy,   a  vostre  congé. 

S'il  vous  plaist  riens   en  quelque 

[jour, 
n'espargnez  point  nostre  labour. 

CAIPHE 

Vostres   sommes  a  l'abrégé 
6585  pour  servir  chacun  a  son  tour 
do  bonne  et  cordiallo  amour 
comme  chacun  est  obligé. 
Nous  serions  bien  ombosongné 


6522  pour  bien  B.  —  0324  Dun  grant  cas  [G.  faltl  ou  n.i  que  B.  —  6323  Et  a  nostre  vueil  faire  enteiidre  B.  C.  — 
(;530  II  est  crisl  très  Ijien  U.  C.  —  03:  5  et  de  son  naissance  C.  —  G33G  Comme  B.  C.  —  C549  Adieu  sr'ij.'iieurs  A.  — 
(1553  voireuient  C.  —  G33G  et  wm^/ur  B.  —  6539  ne  fusnies  B.  —  6560  présence  A.  a  présence  B.  C.  —  0361-6374 
manquant  A.  et  sont  yemp!<r-vs  p<rr  1rs  quatre  vrrs  sunants  : 

snyuoiis  la  tost  sans  deiaourance  car  elle  noua  menra  pour  voir 

et  cheiuinons  de  grant  vouloir  au  lieu  ou  est  ne  ce  hault  roy. 

6377  moult  B.  C.  —  0570  Ailes  eut  quand  il  B.  —  6581  coailic  C.  —  65S4  C  ajoute  le  ccrs  :  Sire  roy  a  vostre  congé. 


PRKMIRRE   JOURNEE 


85 


so  nous  no  vonions  pans  (feniouc. 

GAMAI.IBL 

("090  Sirn  l'oy,   nous  prenons  oonpé. 

UOBOAN 

S'il   vous   plnist  ri(Mis  on   quoiquo 

[jour, 
n'esiiargnez  point  nostrc  laliour. 

/.OROBAHEI, 

Vostros  souinies  n  l'nbrcgô. 
Jet/  s'en  vont  chicitn  en  son  lien. 


\ 


ANTHIOCtS 

Seigneui-s,  tant  avez  voyagé 
Oj95  quo  vostre  terme  fort  s'appresto, 
car  je  vois  l'csteile  qui  reste, 
et  ne  s'est  qu'en  ung  lieu  laonstroe, 
puisque  nous  avons  fait  entrée 
dedans  Hethlccn  la  cité. 

JASPAR 

6600  Je  conclus  par  nécessité 

quo  le  hault  roy  que  nous  quorons 
en  cesto  place  trouverons 
se  l'estelle  y  est  arrestee. 

I.UCANUS 

La  chose  est  si  manifestée 
6605  que  chacun  le  peust  voir  a  l'ueil. 

MEI.CI0R 

Or  sommes  hors  de  nostrc  dueil 

et  délivrés  de  grant  doubtance, 

et  avons  clerc  dcmonstrance 

de  nostrc  fait  par  deux  moyens  : 
fiCiO  les  scri))t's  et  iiharisiens 

nous  ont  leurs  rclacions  faictes, 

qu'il  est  conclu  par  les  prophètes 

que  le  hault  Grist  doit  naistre  cy  ; 

et  l'estelle  le  monstre  aussy, 
66tr)  qui  nous  haille  double  doctrine. 

CELSANDER 

La  haultc  puissance  divine 
en  soit  louée  dignement. 

BALTAZAR 

Regarder  fault  songneusemcnt 
dessus  quelle  lialiitacion 
0620  elle  fait  ores  stacion, 

car  se  l'ostcl  sçavons  choisir, 
nous  arons  tous  nostrc  désir  ; 
au  moins  j'y  ay  ceste  credenco. 

6591-3  iMribués  n  Camaliel  A.  —  C603  lesloille  si  C.  —  66C6  tout  dueil  B.  —  00)0  Les  juifz  «t  B.  C.  —6082  tout 
B,  —  0623  y  ay  je  la  B.  C.  —  6o20  a  petit  B.  —  6633  au  moins  quen  B.  C.  —  003.".  y  mettre  C.  y  nuxnque  A.  —  6611 
dont  a  tel  présent  B.  —  66/i7  pense  ]  note  B.  C.  —  664S  Na  cil  qui  ne  soit  de  grand  nocle  B,  C,  —  6649  magnifestions 
A.  —  6050  tel  le  vérifions  B,  G. 


PinODBR 
Il  nous  appert  par  cvidenctr 
OflK  selonc  quo  rewtello  s'affiche 
quo  c'est  00  petit  édifice, 
car  elle  est  de  di'oit  point  drwsus. 

I-OMDOni'S 

Nous  no  |iouons  entre  decom 
a  entrer  dedans  et  y  voir, 
0030  cai-  Dieu  peut  l>ion  faire  apparoir 
en  petit  lieu  niisteres  grandes. 

.lASPAR 

Apprcstons  i>roniier  nos  offrandes, 
affin  qu'au  moins  en  l'adorant 
prestement  chacun  soit  offi'ant 
0035  son  don  sans  mettre  y  delayanco, 
et  chacun  on  son  ordonnance. 
Or  donc,  sire  roy  Melcior, 
quoi  don  présenterez  vous  ? 

.MEI.CIOR 

Or, 
niierro,  et  encens  qui  très  doulx  fume 
OO'iO  luy  donray,  car  c'est  la  cousturae 
de  nos  marches  :  de  tel  présent 
Ton  doit  faire  a  tel  roy  présent. 
Et  vous,  sire  roy  Baltazar? 

BALTAZAR 

Pareillement.  Et  vous,  Jaspar, 
Ofl'iS  sont  vos  dons  dissonans  aux  nostres  ? 

JASPAR 

Ncnnil,  mes  telz  comme  les  vostros. 
Et  qui  bien  nos  dons  en  soy  pense, 
ilz  sont  de  grant  signifiance  : 
par  encens  le  magnifestons 
0650  vi'ay  Dieu,  et  tel  le  confessons  ; 
par  or  nous  le  demonstrous  roy , 
et  par  mierre  mortel  en  soy  ; 
ce  sont  trois  choses  de  hault  pris. 

CA DORAS 

Sire  roys,  entrez  ou  pourpris 
6655  quand  vous  plaira  dorennavant, 
tout  est  prost. 

MELCIOR 

Or  entrez  devant, 
sire  Jaspar,  en  la  maison  : 
vous  le  valez. 

BALTAZAR 

,  C'est  bien  raison, 

car  il  est  l'aisné  de  nous  trois. 

JASPAR 

6660  Ne  vous  desplaise,  nobles  roys. 


g6  MISTKRK   DK 

vous  me  portez  trop  grans  honneurs. 


Regardez  icy,  beaux  soigneurs, 
l'umilité,  la  paeience 
do  la  puissant  magnificonce 
0665   qui  tant  huniblemont  se  rabesso 
que  sa  doulce  et  tendre  jeunesse 
aux  asnes  et  beufe  se  sonbmette. 

MELClOn 

Que  chacun  a  genoux  se  mette 
et  offrons  nos  dons  gracieux. 

JASPAB. 

.Je  te  salue,  Dieu  du  ciel  glorieux. 
Dieu  immortel,  Dieu  siu-  tous  vertueux, 
vray  lilz  de  Dieu  qui  créas  ciel  et  terre  ; 
Je  te  salue,  roy  par  dessus  les  cieux, 
raonarchc  seul  du  monde  et  tous  les  ii<'ux 
que  cueur  humain  peut  penser  no  euquerre. 
Je  congnois  bien  que  nostre  char  humaine 
as  pris  ou  corps  do  la  vierge  p\u'aine 
pour  racheter  tes  amis  inuocons  : 
reçoy  mon  don,  si  vray  que  tu  le  sons 
offrir  do  cueur,  et  pour  totalle  somme 
présent  te  fais  d'or,  do  miorre  et 

I  d'encens, 
toy  demonsti'ant  roy,  Dieu,  et  mortel 

Ihonimo. 

MEI.CIOR 

Jo  te  salue,  cher  onffant  gracieux, 
très  noble  filz,  très  saint  fruit  précieux, 
des  beaulx  le  chois  ou  plus  l)eau  ne  fault  quorro. 
Je  te  salue  dos  doidx  plus  deliteux 
le  plus,  des  plvis  begnins  lo  plus  piteux, 
céleste  pain,  vraye  angulaire  pierre; 
Parfaicte  amour  par  devant  toy  m'admaine. 
recongnoissant  ta  puissance  haultaine, 
et  qu'aux  humains  délivrer  condescons, 
et  se  je  n'ay  dons  a  toy  bien  decens, 
excuse  moy  :  jo,  qui  ton  serf  me  nomme, 
présent  te  fais  d'or,  do  mierre  et 

[d'encens, 
toy  demonstrant  roy.  Dieu,  et  mortel 

[homme. 

HALTAZAR 

Je  te  saljie,  roy  du  ciel  plantureux, 
fruit  do  salut,  dès  riches  plus  euroux, 
liors  qui  tresm-  bien  ne  se  peiist  conquerre, 


LA   PASSION 

S'en  biens  mondains  es  nu  et  diseteux 
ot  dohoi's  pers  povre  enflant  souffreteux, 
tant  as  en  toy  que  nul  ne  peust  onquerro  : 
Car  du  plus  hault  de  l'arche  souveraine 
es  descendu  en  la  vie  mondaine, 
juge  et  régent  des  preseus  et  absens, 
et  non  obstant  que  tous  biens  sont  recens, 
en  toy,  saulvour,  no  temps  ne  les  consomme, 
présent  te  fais  d'or,  de  miorre  et 

[d'encens, 
toy  demonstrant  roy,  Dieu,  et  mortel 

[homme. 
Icy   tient  Noslre  Dame  l'enfant  en  son  giron 
et  chacun  des  trois  roys  fait  son  présent  en 
ordonnance. 

XOSTRK    DAME 

Seignoui's,  vous  pi'osentoz  granl  somme 

6710  d'avoir  a  mon  cher  filz  Jhesus  ; 
mes  povromcnt  estes  receus, 
dont  il  me  poise  en  mon  affaire 
do  ce  que  mieiUx  ne  vous  puis  faire  : 
vous  voyez  le  lieu  mal  honneste, 

071')  qui  n'est  pas  deu  a  faire  feste 
a  rois  do  si  noble  façon  : 
vous  voyez  le  povre  onffançon 
en  ces  povres  drapelez  mis  ; 
vous  voyez  ses  povres  amis, 

0720  sa  i)Ovre  more  qui  le  garde. 

JASPAR 

A  cela  ne  prenons  pas  garde, 
chère  dame,  jo  vous  promès  ; 
mes  heure  no  sera  jamcs 
que  bien  ne  nous  en  soit  escheu, 
0725  quand  vostro  enflant  avons  vou  ; 

son  povre  estât  riens  ne  nous  meust, 
mes  croions  que  tout  scet  et  peust 
comme  vray  filz  de  Dieu  lo  pore. 

MEI.CIOR 

Dame,  très  veneridjle  more, 
ei'XO  a  joye  le  puissiez  garder  ; 
tant  plaisant  est  a  regarder 
quo  cuem'  n'est  qui  le  puist  comprendre. 

lîALTAZAR 

Ma  noble  dame,  au  congé  prendre, 
nous  vous  saluons  humblement. 

NOSTRE    DAME 

073.")  Je  pry  au  roy  du  firmament 

que  le  bien  fait  vous  veille  rendre. 

JOSEPH 

Soigneurs,  vous  avez  peu  apprendre 


6668  tost  B.  —  6674  seul  mantur  C.  sur  tous  les  lieux  C.  —  6683  beneureux  B.  C.  —  6687  begnin  A.  B.  C.  des 
plus  piteux  B.  C.  —  6700  (le  hors  pays  B.  —  0701  Que  riens  ne  peuz  acquerre  C.  ~  6702  prinieraine  C.  —  0715  Qui 
ne  doit  pas  C,  —  6725  Que  vostre  B.  C.  enffancon  A.  —  6735  a  dieu  du  G. 


PRKMIKRE  JOURNKK 


97 


nostrc  potit  gouvonicmoul  ; 
lions  soiimics  ifi  simplomont  : 
0740  puisqu'un  !•(  tiiwr  voulez  eiitoiidrc, 
Diiu  vous  gaidc  dViicomhi'cniPiit ! 

JASI'AIl 

l'n'iidonR,  pensez  Roigneusoment 
lie  ec  saint  et  preoioulx  (gendre  ; 
t'uictes  laut  (pul  ii"aist  a  rcppreudio 
6T'.j  eu  sou  (loulx  eiitieteiicuieut. 
MEi.cion 
.Ma  noble  daino,  au  congé  prendi-e, 
nous  vous  saluons  humblement. 

NOSTUE   DAMK 

Je  pry  au  roy  du  firmament 

tjiie  le  bien  fait  vous  veille  rendre. 


n\i,TAZ\n 
"6750  Beaux  seigneurs,  il  nous  fault  entendre 
a  nous  loger  pour  costo  nuit, 
et  mener  liesse  et  déduit 
de  nostie  joyeusi?  advonturo, 

ANTIllOr.L'S 

Siiyvez  après  iiioy  bon  allure  : 
|87K  j'ay  ti'ouvé  logis  tout  propice 
de  puissant  et  noble  édifice, 
ou  vous  serez  liieii  a  vostri;  aise. 

MKI.CIOK 

l'entrez  dedans  mes  qu'il  vous  plaise, 
sire,  vous  estes  nostre  aisiii'. 


car  ei<l)a»  no  fcsto  n'y  voin 
puisque  je  n'y  niaH^un  ou  IkiIh  : 
«7r>  je  ne  veil  point  truffer  la  dent. 

ELEAZAR 

(Vost  pnrli'  droit  en  presidnnt  : 
il  n'est  l-epposeï'  qui  le  vaille  : 
ji?  vais  quérir  île  la  mnngcoille 
tant  que  vous  po\iri'ez  expenser. 
07S0  Laissez  la  vos  seipiimus  penser 
a  (lebitoribus  noslris, 
et  songnoz  de  fntctu  ventris, 
hardiment  je  lo  vous  conseille. 

HIBODES 

C'est  dit  d'une  franche  bouteille, 
8785  il  ne  muse  pas  d'un  coussin. 

EI.BAZAH 

Tenez,  suis  je  voti'e  cousin  ? 
reviens  je  point  la  main  fournie  ? 
depeschez  moy  ocîste  i«)ignie 
tandis  que  l'aultre  nieurira. 

I'OLID0Bi;.S 

6790  C'est  bien  dit,  l'en  y  pensera, 

au  moins  ay  je  l'inteneion  ; 

nos  seigneurs  font  eollacion 

maintenant,  comme  j'yningine, 

et  nous,  songnons  a  la  cuisine 
fi7rr>  diligemment. 

CA  DORAS 

lùi  ooui-t  d<;  l'oy, 
l)eaux  amis,  chacun  est  pour  soy  ; 
qui  ne  lo  fait,  il  n'est  pas  sage. 
Ici/  peuent  les  trois  rot/s  boire  nne  foi::  et  puis 
eulx  reposer  sur  leurs  couches. 


Ei.KAZAU,  hostelier. 

ïe7C0  Vostre  lieu  est  tout  assigné  : 
j'ay  tendu  lilz  et  oratoires, 
et  fait  telles  préparatoires 
qu'il  np|iarti('iit  a  vostre  estât, 
et  se  j'en  sçay  trouver  l)eau  jilat 

|6705  do  viande  fresche  venant 
et  de  bon  vin  a  l'avenant, 
vous  en  arez  vostre  leçon. 

HJCANUS 

C'est  parlé  d'osto  de  façon  : 
nos  seigneurs,  pour  vous  abréger, 
r6770  ne  veullent  boire  ne  manger  : 
ilz  ne  quiereut  que  le  reppos. 

CEI.SANDER 

'    Ce  n'est  pas  bien  a  mon  pi-opos. 


DIEU    LE   PEBE 

Raphaël,  faictes  ung  message 

aux  trois  roys  sages  et  discrés  : 
fisoo  allez  vei-s  eulx  et  leur  direz 

que  vers  Hei'ode  ne  retournent, 

ains  leur  chemin  vere  la  mer  tournent 

pour  aller  en  leur  région. 

car  lo  roy  mauvais  tt  fellon 
iiso:)  a  propos  d(^  perdre  l'enffant, 

s'il  pouoit. 

BAPHAEI. 

l'ère  triuniphant. 
il  sera  fait  tout  de  ceste  heure. 


07-'.l  de  tout  en.onibiicr  C.  -  674'.  v.s  nist  ,|ue  H.  C.  -  <S"A  ,l«.ieiior  C.  -  6756  <■%  boa  U.C.  -  C761  Say  B.  C 
0764  Si  ay  lait  la.re  un^r  C.  -  C770  le  ;i..nt  C.  -  0785  point  B.  C.  -  6787  <le  main  a  -  6S03  retournaos  B,  C. 
6806  tout  puissant  B,  G,  —  0807  8»ns   nul  Jemtiin  B.  C. 


MI  STERE   DE   LA   PASSION 
[Pose.]  '  eu  joyo  et  paifaicte  lyesso  1 


Nobles  roys,  en  caste  demeure 
Dieu  le  père  par  nioy  vous  mande 

OSIO  et  très  expressément  commando 
que  vers  Herode  n'alliez  pas  : 
vers  la  mer  adressez  vos  pas 
et  nagez  jusqu'à  vostro  terre, 
car  le  tirant  vouldroit  enquérie 

0SI5  rcnlFant  Jhesus,  non  jias  affin 

de  Taourer,  mes  pour  mettre  a  fin 
s'il  on  avoit  ceste  puissance  ; 
et  piurtant,  roys  de  grant  vaillance, 
donnez  vous  en  tretous  en  garde. 
Icy  s'en  retourne. 

JA.SPA.R 

CS20  Or,  beaux  seigneurs,  chacun  se  garde 
d'estre  son  chemin  attirant 
vers  Herode,  fellon  tirant, 
.  comme  l'anglo  nous  l'ammoneste. 

MELCIOR 

Sus  !  chevaliers,  chacun  s'appreste  : 
6823  il  est  grant  saison  do  partir  ; 
Dieu  nous  ha  volu  advertir 
d'ung  gi  ant  bien  a  ceste  journée. 

A^'THI0CUS 

Nostro  l)arg3  est  toute  attournee, 
nos  vivres  sont  prests  a  largesse  : 
6S30  sus!  matelot,  la  voile  dresse, 
metz  a  point  tes  habilemens. 

LE  MATELOT 

Avant!  seigneurs,  entrez  dedans: 
nous  avons  vent  de  si  bonne  erre 
que  plus  tost  qu'ung  cop  de'tonnni'ro 
0835  nous  serons  en  Tharsc  singles. 
Rangez  vous  et  vous  as.-^amljlez  : 
chacun.se  mette  bien  aposte, 
l'un  au  millieu,  l'aultre  decost?, 
vous  verrez  bel  esbat  tantost. 

CELSANDER 

C8'.0  Or  halle  !  halle,  matelot, 

halle  le  tref,  no  te  l'aing  point  ! 

LE    MATELOT 

Nous  avons  vent  si  bien  appoint, 
qu'homme,  tant  y  sceusist  viser, 
ne  le  sçaroit  mieux  deviser  : 
6345  n'y  a  que  de  singlcr  en  voye. 

iiALTAZAR 

Je  requier  Dieu  qu'il  nous  convoyé 


SAINT  SIMEON,  le  prophète. 
0  vieillesse, 
estât  de  ludesse, 
68"i0  d'impotence  et  de  grant  foiblesse, 
tant  ay  vescu  que  je  suis  en  tes  las  ; 
Ma  jemiesso 
est  morte  et  me  laisse, 
et  n'attens  que  la  mort  me  presse 
comme  homme  mort  et  pi'ivé  de  solas. 
'  Messias, 

mon  Dieu,  quand  vendras? 
doulx  Grist,  quand  te  verray,  helas? 
Dieu  immortel,  tu  m'as  fait  la  promesse 
6860  Que  des  las 

de  mort  matz  et  las, 
ma  vie  no  termineras 
que  n'aye  veu  Grist,  ton  fdz  do  noblesse. 
Tu  m'as  promis,  et  je  le  tiens  pour  vray, 
6805  que  du  monde  ne  fineray 
ne  mourray 
de  mort  corporelle, 
jusqu'à  ce  que  celluy  verray, 
et  sensiblement  le  tendray, 
que  je  sçay 
ma  vie  éternelle  ; 
Et  donc,  vray  Dieu,  si  ta  promesse  est  telle, 
j'ay  parfaicte  espérance  en  elle  ; 
no  me  celle 
ce  que  tant  cher  ay 
car  par  dessus  toute  chose  mortelle 
j'attens  qu'une  bonne  nouvelle 
me  revelle 
ee  dont  liés  seray. 
CS80  De  vous  prier  ne  cesseray  : 

bon  Dieu,  que  de  moy  vous  souviengne. 
et  vous  plaise  que  le  jour  viengne 
do  l'humaine  redertipcion. 
Envoyez  consolacion 
C885  aux  filz  d'Israël  vos  amis, 
ainsi  que  vous  l'avez  promis 
par  toute  la  icy  de  Moyse. 
0  filz  de  la  haulte  pourprise, 
Gristu-',  saulvcur,  Emmanuel, 
0S90  puissant  rédempteur  d'Israël, 
a  la  dextre  ton  perc  assis, 
Deits  fortis,  princeps  pacis, 


0870 


6875 


0808  de  vouloir  humain  B.  C.  —0813  en  B.  —  0810  paur  vinn/ur  C.  —  0817-8  maaiunit  B.  C.  —  0810  Et  pourUinl 
donnez  vous  en  A.  —  0822  le  félon  et  mal  tirant  B.  C.  —  flSjO  mathenot  parinat  B.  —  0838  a  la  ooustu  C.  — 
685î  Comme  ung  Jiomme  priue  de  soulas  A,  passe  et  priue  B.  —  6858  quand  voudras  B.  C.  —  0860  ses  pas  A,  —  6861 
De  la  mort  et  son  trespas  A.  helas  B.  —  0802  natermineras  B.  C.  —  6863  ton  doulx  fils  B, 


PREMIERE  JOURNEE 


qiiaiiil  vendra  l'heure  bien  curouae 
(liic  ton  ('ij(luiiiî(!  «loriouso 
fiSfl.'i  imissci  olioixir  iinrfuictonient  ? 
.)<■  rcquior  Diou  dévotement 
([lie  liricriiK'iit  lii  pforacsso  ticngnc. 

[SlI.KTK.] 


.inSEI'H 

Affiii  que  la  loi  s'eiiti'etiengno 
de  niiiis  sans  i'e|ii'elieneion, 

C900  vostro  imiifieacion, 

Marie,  nous  faiddra  parfaire, 
ja  soit  eo  que  droit  ordinaire 
ne  vous  y  lie  nullement  : 
il  est  huy  le  jour  proprement  ; 

0905  regardez  que  vous  voulez  dire. 
NOSTBE   DAME 

A  vostro  vouloir,  mon  cher  sire  ; 
j<'  ne  viieil  pas  esti'e  exemptée 
de  la  loy  qu(î  Dieu  a  donnée, 
ne  mon  estât  magniffier  ; 
liOlO  ains  me  vouldray  purifier 
selonc  la  loy  et  l'ordonnance. 

JOSEPH 

C'est  Inen  dit,  ma  doulee  alliance, 
1 1  imisqu'a  ce  vous  consentez, 
pour  faire  les  solempnités, 
C915  l'ii  Jhej-usalem  nous  menrons, 
et  .lliesus  o  nous  porterons 
au  tem|ile  pour  l'y  présenter. 

NOSTIiE    I>A\;E 

Nos  ortrandcs  y  fault  poiter  ; 
elles  sont  de  nécessité 
0920  pour  l'enffant. 

JOSEPH 

Il  e.st  vérité, 
dame,  bonne  raison  avez  ; 
mes,  chère  amye,  vous  savez 
que  nous  sommes  moult  indigens 
des  biens  du  monde  et  povres  gens  : 
6985  si  no  devons  pas  estro  ott'rans 
d'oblacions  que  font  les  grans  ; 
Beulement  deux  turtes  devons 
pour  nostre  oft'rando  ou  deux  pigeons 
si  nous  en  fault  faire  l'aiipreste. 

ELIACHIN 

G930  Veez  cy  la  chose  toute  prest.'  ; 
pour  cela  pas  ne  tarderon. 


ElinRAR 

Voez  cy  ung:  petit  paneron 
])oin'  le»  ]H)i-ter  tout  douleonient. 

AQUil.LAi.NE,  femme  Kndrns, 
So  c'est  vostre  conMenteuient, 
09X>   ma  eherc  voisine  Marie, 

je  VOU.S  y  tendray  coinpaignie 
<'t  d'aultres  dames  grnnt  foison 
qui  y  vendront. 

ESOBAS 

C'est  bieu  raison 
qu'elle  soit  de  nous  honorée 
€0W  a  eeste  saintisme  journée 
de  sa  noble  purgacion. 

NOSrnE    DAME 

Dames  de  grant  devocion, 
graeo  et  inerit(^  vous  doy  rendre, 
qui  tel  iieino  voulez  èmprendre 
0945  jwur  moy  :  Diou  le  tourne  eu  mérite. 

JOSEPH 

Dieu  veille  estre  en  nostre  conduite 
et  nous  doint  sa  grâce  aulmonnierc  ! 

[l'OSK.] 


HERODE 

Nous  n'entendons  point  la  manière, 
les  raisons  ne  les  drois  uiotis 
C950  pourquoy  ces  roys,  qui  sont  i)artis 
en  nostre  congé  grant  pièce  a, 
ne  .sont  retournés  par  de  i;a 
comme  promis  le  nous  avoient. 

HER.M0GE.SE3 

Je  double,  sire,  qu'ilz  ne  soient 
0955  deceus  de  leur  advision, 
et  n'estoit  qu'une  illusion 
do  leur  estelle  et  de  loin-  compte  ; 
par  quoy  je  croy  qu'ilz  ont  eu  honte 
de  retourner,  comme  je  tien. 

HEBODE 

C9fl0  Hermogenés,  vous  dittes  bien, 
ilz  ont  vrayment  esté  honteux  : 
dont  nous  sommes  liés  et  joyeux 
que  la  chose  est  a  néant  venue  : 
tant  que  de  Crist  et  sa  venue, 

C9.">  jamès  nous  n'i'n  croirons  paroles. 

ARPHAZAC 

Ce  sont  oppinious  frivoles  ; 
sii-e  roy,  n'y  pensez  jamès. 


0893   vertueuse  B.  —  0901  conuendra    faire  C.   —   0922  ohere  dame  C.  —  6987  teurtres  11.   —  0933  et  «mye  C. 
09:,J  a  flostre  B,  —  0(69  le  lien  B,  —  (1902  nous  manr/ne  .\,  B.  —  0901  mon'jn»»'  A.  Quant  est  C 


ÔO 


MisTERK  ni-: 


[Pose.] 


ELUrHIN 

Jiiyoïix  sommes  plus  qii'oiicquos  mes, 
que  vernis  sommes  au  saint  temple. 
Esun.\s 
<'>0;o  CVt  iinp:  saint  lieu  pour  prendre  exemple 
a  toutes  vertus  ensuyvir. 

.lOSEPH 

Chacun  pense  do  Dieu  servir 
eu  i)arfaicte  devocion, 
puis  ferons  nostre  ohlacion 
C97j  de  eueiu'  et  bonne  volenti'. 

Icy  se  mettent  a  genoux. 

SIMEON 

0  souveraine  majesté, 

de  qui  toute  lionti'  procode, 

de  qui  to\ite  haultesse  excède 

quanqu'il  est  par  dessus  les.cieuls, 
C9SÛ   mon  espoir  confermez  en  mieulx, 

élevez  mon  intelligence 

et  me  donnez  ferme  eredence 

que  Grist  l'enffant  est  né  pour,  voii', 

et  qu'a\i  jour  d'uy  le  pourray  voir 
f)9S5  présenter  au  temple  de  Dieu. 

.l'ay  grand  vouloir  d'aller  au  lieu, 

et  mon  ame  y  est  si  fermée 

qu'el  n'en  peust  estre  deffermee. 

Je  tiens  que  le  saint  Rsperit 
C990  le  m'enseigne  et  le  m'avcrit  ; 

je  requier  Dieu,  mon  créateur, 

qu'il  veille  estre  mon  conducteur. 

car  jamès  je  n'arresteray 

jusqu'à  ce  qu'au  temple  seray 
C995  pour  estre  du  fait  plus  certain. 

JECONYA.S,  prestre  du  temple. 

Dames,  qui  de  vouloir  humain 

ce  petit  enflant  apportez, 

.approchez  et  le  présentez 

a  l'aidtel  bien  l'overranmient. 

XO.-TRE    0.\MF. 
7000   Volentiei-s. 

.JECONYAS 

Au  eommancement 
la  loy  a  ainsi  ordonné 
que,  puisque  c'est  le  premier  né, 
il  est  deu  a  Dieu  sans  doubtanco 
en  signe  de  la  délivrance 


LA    PASSION 

7005  de  nos  lions  pères  anciens. 
Quand  Dieu  sur  les  Egipciens 
occist  par  dure  et  fiera  gueri-e 
tous  les  premiers  nés  de  la  teiTo 
et  ceulx  d'Israël  conserva, 

7010   ces  drois  lors  a  soy  réserva; 

neantmoins  qu'après  le  présenter 
très  bien  le  pouez  racheter 
|)our  une  offrande  coustumicre, 
et  en  a  de  double  manière, 

7010   conmie  chacun  le  scet  assés, 

AQUILLAINE 

Sus  !  Marie,  or  vous  avancez, 
offrez  voftre  enffanvon  petit 
selonc  la  forme  qu'il  a  dist  ; 
de  mon  (louoir  vous  aideray. 

NOSTRE    DAME 

7020  De  bon  vouloir  l'accompliray, 
c'est  très  bien  mon  intonciou. 

SIMEON 

A  toy  .soit  adoraeion, 
louange,  veneracion, 
Criste,  fili  Dei  viri, 
De  qui  la  presentacion 
et  la  doulce  recepciou 
i)î  spirilu  Dei  scivi. 
Tu,  es  nostre  salvacion, 
nostre  vrayc  redompcion, 
quam  ai'denter  conciipiri : 
Benoit  soit  le  Dieu  de  Syon 
qu'a  si  noble  incarnacion 
ùciiJos  meos  leravi. 
0  sainte  vierge  preelicte, 

7o:î:)  combien  ce  digue  fridt  proffite 
a  toy  ot  a  tous  les  humains, 
je  te  requiers  a  jomtes  mains 
que  ta  grâce  puisse  ol)tenir 
de  l'enffant  en  mes  bras  tenir  ; 

70'i0  plus  aise  en  fineray  mes  joui's. 

NOSTRE   DAME 

Le  vouloir  Dieu  soit  fait  tous  jours 
]ioint  n'y  metz  d'opposicion. 

SIMEON 

Nitiic  dimittis  servum  tiium. 
0  sire,  laisse  désormais 
70'.")  ton  sei-vant  reposer  en  paix, 
car  mes  yeulx  ont  vcu  ton  salu 
que  tu  as  paré  et  eslu 
en  la  face  de  tout  le  monde, 


7025 


70.'S0 


697;'  Et  lin  qui  la  C.  —  0979  Qu.'int  qui  li.  —  09S5  rrpi'tc  B.  —  0691  mon  doiilx  iTeateui'  C.  —  7IH)2  quil  est  B. 
7005  predwessem-s  B.  C.  —7007  serre  B.  C.  —  7013  l'ar  B.  C.  —  7017  enfant  C—  7027  s<-ini]  sancti  A.  —  70-M 
mais  B.  —  7045-59  Cfs  vers  ont  f^tr  corrigés  par  un  lecteur  plus  modertip  que  le  copiste  C.  —  70-47  prépare 
7048  force   C. 


désir 
C.  — 


» 


rRi;:\iiKHF.  .iothnek 


91 


TOM 


7ft;o 


TOfi- 


TOTl) 


Tosri 


:tm 


:«>:. 


luniii'i(!  ou  loii('l)i'o  n'halmiido 

pour  la  voyc  aux  gons  rovolei" 

et  Iii  gloire  pour  foiisolor 

1(111  pruplc  d'Ismol  m  joyc. 

O  clier  enffnnt,  coin  duro  vovi' 

lu  arns  n  passer  encore 

avant  ipio  viengno  In  tempore 

(juo  les  escrips  et  les  recors 

soient  ncconiplis  sur  ton  corps 

que  les  prophètes  ont  escript  ! 

Très  doulx  filz,  très  doulx  .Ihesu  (liisl. 

()n<(Hies  ne  tut  si  dure  sonuiie. 

JOSEPH 

Mario,  escoutez  co  saint  homme, 
ipielz  proverbes  il  nous  prononce  : 
iiiervcilles  de  .lliesus  anoncc 
qin  no  sont  pas  a  oublier. 

N'OSTRE    DAME 

C'est  liieii  chose  a  soy  merveillier, 
et  en  iiioy  liien  lo  considère. 

SIMEON 

De  la  dcxtre  île  Dieu  lo  pore 
soiez  bénis  entre  vous  doux. 
0  gens,  vous  estes  bien  eureux 
et  pour  bien  fortunés  vous  clame  : 
il  y  pert  bien  qiu^  Dieu  vous  anio 
qui  ung  tel  trésor  a  coniiiiis 
on  vostre  garde,  mes  amis  ; 
Dieu  vous  doint  faii-c  bonne  garde  ! 
Et  toi,  dame,  ton  fllz  regarde 
que  tant  cher  tiens  on  ta  saisine  : 
enoor  sera  mis  en  ruyne 
et  en  dolente  passion, 
causant  la  resun-ection 
do  plusieurs  gens  en  Israël  ; 
et  lors  ung  glaive  très  cruel 
tresperc(Ma  oultre  ton  anio, 
très  sainte  et  vénérable  dame, 
par  pitié  et  compassion, 
et  alors  revolacion 
de  mainte  pensée  aperra 
de  maint  cucur  qui  ti'iste  sera. 
\NN.\,  la  prophotffsse. 
Vray  Dieu,  vray  chicf  de  nostre  loy, 
tous  mes  péchés  confesse  a  toy, 
et  sçay  bien  que  ne  suis  pas  digne 
de  voir  personne  tant  divine, 
tant  saint,  tant  hault  médiateur 
que  le  souverain  rédempteur 
que  j'appei'çois  en  ma  pro.sence. 
0  très  sainte  et  pure  innocence, 


Crisl  Al»  pro])het««i  approuvi-, 
tu  nous  soi(!»  le  bien  ti'ouvi-, 
très  l)enigno  fleur  dcsii'oc  I 
la  puissance  Uieu  soit  louée 

71(10  do  ton  divin  adressement  ! 
Hsjouissez  vous  haultcnient, 
bon  peuple  do  .Ihenisalem, 
de  Syon  et  de  Kethlceui, 
fnittes  feste  grant  et  menu  : 

7105   vecy  vostre  saulveur  venu, 

vostre  délivrance  est  prochaine  ! 

AQl'II.I.AINE 

Comment,  dame,  estes  vous  coi  luiuc 
que  cest  euffant  que  uouh  voyous 
est  Crist  propre  que  nous  croions 
7110   venu  poui'  nostro  délivrance? 

ANNA 

C'est  il,  n'en  faittes  ja"  doubtaiice  : 
c'est  nostre  bien,  nostre  refl\igc, 
nostre  rédempteur,  nostre  juge, 
qui  vient  pour  tout  l'humain  lignage 
7)1.">   délivrer  <le  peine  et  servage. 

Dieu  doint  qu'ai)rès  ce  povre  coins 
il  face  n  nos  âmes  secours, 
si  vray  que  j'y  ay  espérance  ! 

ESDRAS 

Nous  avons  double  dcmonstraneo 
71S0  que  c'est  Crist  icy  proprement. 

AQUIU.AINE 

Je  le  tiens  et  crois  ft'rmement 
par  les  i-appors  que  ces  gens  fout, 
qui  devotz  et  saintes  gens  sont  : 
|)ar  qiioy  j'en  suis  plus  as.«euree. 

JOSEPH 

712")  Or  estes  vous  purifiée, 

dame,  comme  la  loy  commande. 

Puisque  fait  avons  nostre  oflVande. 

retourner  nous  fault  sans  arrest 

en  la  cité  de  Nazareth 
"l.'în  0)1  est  nostre  habitacion. 

NOSTHE  DAME 

Or  alons  sans  dilacion  ; 
Dieu  nous  conduye  par  sa  groce  ! 
Jcy  s'fin  vont  en  leurs  premiers  lie  nx. 


SATHAN 

.le  quiei-s  cy  toute  jour  et  trace, 
regardant  moyens  et  cautelles 
isr>  po\n'  parvenir  a  mes  querelles. 


707'.  fac,>    faire  C.  —  70S1  son  H.  —  7087  de  j  et  A.  B.  brise.  C.  —  7091  tant  (ligne   B.  —  7i)90  lie  .les  B.  —  7101 
liuiiibleraent  B.  C.  —  7111  1'  m^rn^ui-  B.  C.  —  712(')  Ma  senr  B,  i;.  —  7187  Sauons  parfaii'le  B. 


92 


MISTERE   DELA   PASSION 


nios  jo  ne  puis  trouver  moyen 
a  quoy  je  puisse  gaignei'  rien, 
s'i  prens  trop  grant  marmouserio; 
do  quoy  me  sert  ceste  Marie 

"l-iO   qui  ne  sçay  quel  filz  a  i)orté 
dont  l'eu  fait  tel  solemiité  ? 
l'engendrement  m'est  esconssé, 
renffantoment  du  tout  musse, 
de  la  manière  n'ay  rien  sceu  : 

71't5  s'ay  grand  double  d'estre  deceu, 
et  qu'il  n'y  ait  qu'a  exploitier     • 
quelque  chose  soubz  le  mortier, 
qui  cy  après  grand  dueil  me  face. 
11  n'y  a  moyen  que  je  sache 

7150  sinon  de  fouir  en  enffer 
moy  conseillier  a  Lucifer 
quel  remède  y  sera  trouvée. 


SIMEOX 

Jherusalem,  cité  louée, 
fille  de  Dieu  très  jjrecieuse, 

7155   fais  cliiere  et  joye  plantureuse: 
ton  rédempteur  est  né  au  monde  ; 
celluy  ou  ton  cspoii'  se  fonde 
et  ta  redempcion  suhmès 
est  venu,  n'en  doubte  jamès  ; 

7160  briefment  le  verras  de  cueur  pieu, 
h'sjouys  toy,  fille  de  Dieu, 
quel  plus  grant  bien  peus  tu  avoir? 
C'est  ton  trésor,  c'est  ton  avoir 
qui  t'est  livré  a  juste  terme  ; 

7105  il  est  venu,  je  te  l'afferme, 
et  n'est  chose  plus  vei'itable. 

JACOB,  scribe. 
Simcon,  saint  honnne  honorable, 
dittes  vous  que  celluy  Cristus 
qui  doit  faire  tant  de  vertus 

7170  est  venu  ?  c'est  ung  cas  haultain. 

SIMEON 

Jacob,  soiez  en  tout  certain, 
que  j'ay  tenu  entre  mes  bras 
Cristus,  no^tre  doulx  Messias  ; 
loué  en  soit  Dieu  et  son  nom  ! 

GAMAI.IEL 

7175  Simeon,  vous  avez  renom 

d'estre  homme  de  grant  conscience  : 
ne  proferez  pas  tel  loquenee, 
se  grant  vérité  n'y  sentez. 


ANNA,  la  propheiesse. 
Mes  seigneurs,  jamès  n'en  doubtez, 

7180  il  n'est  rien  plus  acertené 

qu'il  est  homme,  de  vierge  né, 
et  en  nostre  [n'esence  niesmes, 
voyans  plusieurs  hommes  et  femmes, 
a  esté  présenté  de  fait 

7185  au  temple,  tant  doulx  et  parfait, 
que  c'est  le  plus  beau  des  vivans. 

ZOnOHABEF, 

Nous  ne  .sommes  pas  estrivans, 
et  espoir  peust  bien  estre  ainsi; 
mes  qui  m'en  croira  sur  cecy, 

7190  a  Herode  Tirons  noncer  : 
forse  se  pourroit  courroucer, 
qui  du  fait  ne  l'advertiroit, 
et  peust  estre  qu'il  doubteroit 
que  feussions  joyeux  a  planté 

7195   qu'il  fut  de  son  règne  exempté, 
et  que  son  courroux  nous  fut  bel. 

ROBOAN 

C'est  bien  pensé,  Zorobabel, 
très  bien  v  voulons  consentir. 


DIEU    LE  PERE 

Gabriel,  allez  advertir 

7200  Joseph,  nostre  devost  concierge, 
qu'il  jn'engne  Marie  la  vierge 
atout  son  doulx  enfant  Jhesus, 
et  s'en  voit  sans  arrester  ]ilus 
manoir  en  la  terre  d'Egipte, 

7205  et  qu'il  y  demeure  et  habite 

jusqu'à  ung  temps  qu'on  luy  dira. 

GABRIEL 

Vostre  mand  accomply  sera, 
père  du  ciel  :  j'y  vois  tout  droit. 


GAMALIEL 

Vray  chief  de  justice  et  de  droit, 
7210  Dieu  vous  gart  et  vostre  bernago  ! 

HERODE 

Ganialiel,  bons  de  parage, 
vous  nous  soiez  le  bien  venu  ! 
qu'est  il  de  nouvel  advenu  ? 
vous  nous  samblez  tous  esgarés. 


71/.2  absconse  B.  C.  —  7161  peuple  de  B.  C.  —  7166  Jacob,  Juif  B.  C.  —  7H5  déboute  C.  —  7200  bon  concierge  C.i 
■  7202  Et  son  doulx  entt'aiieon  B.  C,  —  7207  coinniand  B.  C.  —  7208-9  man'iueni  Ç  -  7214  effraiez  B.  C, 


I 


PREMIERE  JOURNEE 


03 


mo 


Ti£ 


CiAMAMEL 

lilj  llaiilt  justifier,  vous  le  svaioz 
et  le  dirons  de  point  en  point. 

HEHOUR 

Couvi'oz  vous. 

ZOROBAIIEI. 

Il  u'appat'tient  point  : 
vostic  honnrui'  no  nous  est  pas  (irid'. 

(iAMAMKI, 

l'our  vous  (.•(inii)t('r  lo  cu.s  en  hiiof, 
sire,  vecy  ou  mon  point  vient  : 
ne  sçavous  so  mes  vous  souvient 
(le.s  trois  roys  qid  par  cy  passèrent 
et  du  fuit  Grist  vous  niioucerent, 
et  do  rcsti'llo,  soiiinie  toute, 
qui  le  denionstroit  iw  sans  douLt.' 
et  venu  eu  propre  |)ersonne. 

HEnODE 

Souvenance  en  avons  Inen  bonne, 
car  du  retoiu'iier  nous  mentirent  ; 
mes  au  fait  dont  nous  advertircnt 
7S30  ne  pensasmes  oucques  depuis, 

de  paour  que  ne  fcussions  soui'|iris 
do  quelque  folle  fantaisie. 

GAMAMEL 

Sire  roy,  je  vous  certiflie 
que  la  nouvelle  est  dévoilée 
7235  par  tout  le  pays  de  Judée 

que  celluy  roy  qu'il/,  demandoient 
est  ne  tout  ainsi  qu'ilz  disoieut, 
mes  du  lieu  l'en  ne  scet  eu  quel. 

HEROUK 

Que  dittes  vous  ? 

ZOROBABEL 

11  est  tout  tel, 
72'iO  ot  de  fait  aucuns  l'ont  veu 
qui  l'afl'ermi  ut  avoir  tenu 
en  leui's  bras  petit  cnfançon. 

HEIIODE 

Mes  sont  ilz  bien  gens  de  façon, 
ceulx  qui  sèment  itelz  langages  ( 

IIOUOAN 

7215  Des  plus  sains,  notables  et  sages 
qu'on  sccust  trouver  par  vérité 
en  -Iherusalom  la  citti, 
qui  dient  que  la  chose' est  telle. 

HERODE 

Vecy  deablerie  nouvelle, 
725()  vecv  ri  injreKcnient  de  dueil 


et  lo  rovora  do  iiostro  vucil, 
tout  comble  de  rngo  «Iftipilc  ; 
ha!  faulce  liguée  maudite 
des  traites  my»  Arabienx, 
7255  par  faulx  cl  cauteleux  moiciw 
nous  avez  voulu  deffrauder, 
et  bien  vous  estes  sceu  garder 
de  retournei-  par  devci-s  noiw. 

AORACUS 

Sii'c,  cessez  voslre  courroux  : 
7260  bonne  romedc  y  sera  mise. 

HERODE 

Ce  sera  niou  pai'  tel  devise, 
que  tout  le  monde  en  ara  crainte, 
et,  se  ne  fust  que  de  contrainte 
a  Ronnnc  nous  fault  comparoir 

7265  pour  raison  et  jus^tico  avoir 

de  nos  fllz  qui  noas  grjefvcnt  trop, 
nous  en  ordonnissions  a  trop 
de  ce  qui  sur  le  cueur  nous  gist, 
et  ci'oyez  qu'onique  honnue  ne  fist 

7270  si  douloureuse  discipline. 

HERMOOENES 

Te  iips  est  que  chacun  (s'achemine  : 
no  .13  avons  grant  voyage  a  faii'e. 

ARPIIAZAC 

Au  retourner  jwurrez  parfaire 
du  tout  vostrc  oxecucion. 

HERODE 

7275  Nous  n'avons  pas  intenciou 
de  l'oublier,  soiez  en  seure, 

ZOROBABEI. 

Adieu,  sire. 

HERODE 

Adieu,  beaulx  seigneui-s, 
au  retour  fei'ons  Iwnue  cliierc. 
/ci/  s'en  va  Uerode  et  sen  yens  vers  Ronune, 


(iABRlEL 

Joseph,  euteus  ma  voix  plainicre  : 
7280  lievo  toy  et  te  i)ars  d'icy, 

pn'us  l'enfl'ant  et  sa  mère  aussi, 
et  fuys  en  Kgipte  bat;mt 
et  la  demeure  jusqu'à  tant 
que  je  te  diray  ton  affaire  ; 
7285  car  le  tmnps  vient  dur  et  contraire 


7226  Kt  )  Kst  A.  H.  —  7227  bien  ]  1res  li.  G.  —  72:tl  seduiz  C.  —  723S  auquel  lî.  —  12X0  tout  tn.ui'/ui-  B.  —  72tO  si 
lont  A.  —  72»  voeubl's  D.  (",.  —  7245  ''t  des  plus  notubles  H.  ('..  —  7251  renuers  C.  —  7254  tristes  It.  —  '»M  telle 
guise  A.  —  7260  De  uostie  (ilz  qui  nous  trop  ■frilue  A.  —  7207  Nous  leissious  orilonnaucc  biiefuo  A.  —  7277  beaulx 
mmi'/icc  A.  —  7282  Ten  fuiz  C.  —  72S3  te  liens  D.  C. 


94 


MISTERE    DE   LA   PASSION 


qu'Hei'ode  se  voiililra  aherdre 

a  [irendru  l'ciifiaiit  pour  le  perdre, 

mes  Dieu  y  voiddi-a  prévenir. 

JOSEPH 

Icy  uo  vous  fault  plus  tenir  ; 
7290  Marie,  levons  nous  briefment, 
et  nous  en  allons  visteraont 
en  Egii>te  pour  luic  espace  ; 
l'angle  m'a  dit  qu'ainsi  le  face 
pour  doubte  d'une  grand  fortune. 

NOSTRE   DAME 

7205  La  nuit  est  bien  obscure  et  brune  ; 

allons  m'en  par  secrète  voye. 
hy  monte  Nostre  Dahie  sur  l'asnc  et  l'enfant, 
et  s'en  vont  en  Egipte. 


SATHAN 

Haro  !  deables,  a  grant  uionjoye. 
liar  tourbes  et  grosses  fumées, 
"  lie  sourtVo  etcrnal  onflaninices, 
7o00  venez  nioy  tantost  secourir. 

I.rC.lKKR 

Sus!  deables,  pensez  de  courir 
a  Sathau  uostrc  oinbassadeur  : 
il  crie  que  c'est  grand  hidour, 
il  y  a  quelque  grosse  enibuclie. 

HELZEHl  TH 

7305  S'iray  tantost  a  l'escarinucbe 
savoir  quel  dealjlc  le  couva. 

CERHEUUS 

Connnent  va,  Sathan,  conunent  va  ? 
es  1 1  enrage:  ou  desvé  ? 
que  te  lault  il  ?  qu'as  tu  trouve  ; 
7310  qui  te  rainaine  par  cbcniin  ? 

ASTAUOTH 

Descbargcz  sur  ce  pèlerin 
tordions  plus  drus  que  pois  en  pot. 

LLClFEn 

llola!  ne  lui  touclie,  Astarolli  : 
je  te  le  deffens  sur  la  hart. 

*:!ir>  Sathau,  gette  cy  ton  regard 

plus  trcspoiraiiL  qu'ung  basilique, 
et  en  horrible  i-ethoriquc 
oruee  de  termes  morteulx, 
nous  chante  on  motos  despiteus 

7320  la  manière  de  ta  besongnc. 

SATHAN 

Se  je  faulx,  ame  ne  me  grougno  : 
je  suis  a  moittié  hors  du  sens. 


r  Lucifer,  a  ce  que  je  sens, 
\  nostre  brigade  est  bien  taillie 
7325  '.d'avoir  très  ordo  conipaiguie, 
bins  que  passe  longue  saison. 

j       •  HELZEHLTH 

i'ar  quoi  moyen,  par  quel  raison? 
tu  ne  nous  dis  chose  qui  vaille. 

LUCIKER 

Laissez  le  dire,  ribauldaille  ; 
7330  qu'il  n'y  ait  ame  qui  l'empesche. 

SATHAN 

Roy  d'enffcr,  je  te  dis  et  pi'eschc 
I  qu'es  parties  de  Galilée 
est  ne  sçay  quel  famé,  appelée 
Marie,  assés  jeune  puecUe, 

7335  la  plus  courtoise,  la  plus  belle, 
la  plus  doulce,  la  plus  bénigne, 
la  plus  vertueuse  et  plus  digne 
(pii  soit  es  mondains  au  jour  d'uy  ; 
j'ay  i-egardé  et  circuy 

73'i0  de  l'avoir  par  aucun  malice, 
mes  il  n'est  mal  peclio  ne  vice, 
de  quoy  je  la  puisse  occuper. 

I.LT.IKEn 

i  Connnent  !  ne  la  sces  tu  tionqier  ? 
tu  os  tant  soubtil  et  tant  cault, 
7345  desloyal  Sathan. 

SATHAN 

Rien  n'y  vault  : 
c'est  merveille  que  de  sa  vie  ; 
sou  ame  est  tout  a  Uieu  ravie, 
et  mesmes  quand  je  la  regarde, 
advis  m'est  que  jo  Inulo  et  arde 
735')  endjrasé  de  cent  mille  fus  : 

et  lors  je  m'en  vois  tout  confi'us, 
hurlant  comme  ung  loup  forcené. 

LUCIKER 

Haro  !  fauls  serpent  condanipu'-, 
garde  que  U»  gorge  propose. 

SATHAN 

7355  Briefment  c'est  la  plus  sainte  chose 
que  bouche  s(,'aroit  racontei'  : 
je  vis  Judich,  je  vis  Hester, 
je  vis  Rachel,  je  vis  Lya  : 
riens  de  compuroison  n'y  a  : 

7300  c'est  icy  une  pa'sseroute. 

CERBERUS 

.    Sathan,  tu  nous  metz  en  grunl  doubte 
et  sur  le  point  de  desconffort. 

FATHAX 

Kucor  vous  diroy  je  plus  t'oit  : 


â9J  allons  nnus  l'ii   C.  -v  7291  Uleii  tusl  ot  huslineiiiL'iit   ('..  —  7295  so.Tele  et  C.  —  729j  m'  nUuiiH-  H.  —  73(W 
'[ui  deable  .\.  il  y  a  C.  —  7331  vous  B.  C.  —  7353  serpent  ]  ^atlian  A. 


l'RKMIliRp:  JOL'RNKK 


fl6 


oi'sto  viorge  a  eu  un  oudaiit, 
::i'.",  et  si  u'ay  seeu  coiiimoiit  uo  quant  ;  7400 

toutedbi»  si,'ay  je  bieu  en  sounue 

(lu'diKiIuo.s  n'oust  atouelicniont  d'honniu'  : 

i't  si  elle  a  ou  ung  beau  fiiz, 

iliiiit  no\is  soi'ons  tous  dcscouflis, 
7:;7(i  lai'  le  bruit  vole  maintenant 

i[ue  c'e.-t  Chi'istus  propre  venant 

|ionr  tous  les  bniiiaiu»  raehi'ter, 

et  il((  fait  l'ay  veu  liioseuler 

au  teniple,  et  dire  a  voix  publique 
:  '.:.  ipic  c'est  le  saulveur  autenlique  Tior) 

qui  doit  délivrer  les  .luif/.. 

I.I'CIKKU 

Kaulx  dragon,  l'aulx  matin  l'amis, 

perverse  toi'tue  mortelle, 

ni'ai)portes  tu  ceste  nouvelle 
TJSO  la  plus  despito  et  plus  mauvaise 

que  jamès  en  Tardant  fournmse 

gorge  do  deable  nous  pulilie^ 

Sus!  Hclzebuth,  viens,  si  le  lye  7110 

devant  moy  de  chcsues  de  fer 
TJSj  cmrtaniboes  du  feu  d'eufl'er 

pins  ardant  <iue  fou  de  tenqiesle, 

et  le  bâte/,  jiar  tel  moleste 

qu'il  soit  brulc  de  part  en  part. 

SATHAN 

lia!  nicrey,  maistre.  7515 

HEI./.EliUTll 

(l'est  trop  lart  : 
7390   vous  arcz  ung  ijurjnivimus 
sur  vostre  groing,  villain  soudart. 

SATHAN 

lia  1  mcrey ,  maistre. 

ASTAUOTH 

C'est  troi)  tart. 
I.LC.IKKR  7420 

Cliaulle  il  '. 

CERIIERL.S 

Mes  demandez  s'il  ai  t  : 
connue  brandons  au  vent  renms. 

hEKlCH 

•MC)  Veez  la  le  gallant  bien  camus  :  7'iir> 

je  eroy  qu'il  eu  a  bieu  sa  |>art. 

SATHAN 
lia  !    mercy  ,   maistre. 

i,ii<'.iFEr> 

C'est  Ircip  tart  : 
vous  arez  ung  jiu  f/  n  ii:  initis . 


Kii'tlez  desMUH,  h'i'o»  et  meniui, 
!(■  ribault  ext  liabandoniié. 

HEL/.KHLTH 

],on  ileables  l'ont  bien  rauieni- 
lK)ur  nous  rapporter  t^'l  langage. 
MCI  FER 

Sathan,  eouimenl  te  va  '. 

SATHAN 

•l 'enrage  ; 
iielas!   maistre,  miserieurde  ! 

LUCIFER 
.loues  lu  la  ton  pei-soniiage  ! 
Satlian,  comment  te  va? 

SATHAN 

.l'eniage. 

ASTAKOTII 

A  dneil,  a  passion,  a  rage 
convient  qu'on  le  tue  ,et  descorde. 

LUCIFER 

Traiiu'ï  le  d'une  grosse  eoi-dc 
tout  partout  l'iufernal  mesnagi', 
fiffiu  que  plus  ne  s'y  adniorde. 

CERHERLS 

.l'ay  si  grant  jiaour  qu'il  no  im'  morde 
que  je  preus  bien  cnvis  vinage. 

SATHA.V 

.le  mcvus,  je  forcené  eu  courage  ; 
il  n'est  ame  qui  s'en  rccoi'de; 

LLOIKER 

Sathan!  comment  te  va? 

SATHAN 

.J'enrage  ; 
lielasi  maistre,  miséricorde! 

I.bClFEU 

Cessez,  maignio  laide  et  orde  ; 
Sathan,  tourne  cy  ta  figuie 
et  me  parcompte  l'aventure 
(pie  tu  avoycs  commancé. 

SATHAN 

Ha!  maistre,  je  suis  .si  lassé 
de  butiner  et  torchouner 
qu'.*!  peine  imis  je  mot  sonner  ; 
le  dealJe  y  ait  part  au  voy.ngo  ! 
je  n'en  puis  plus. 

LrClKKU 

Sy  soies  sage 
ime  aullre  l'ois,  m'eulens  tu  bien  ? 
Or,  sire,  Herodo  scet  il  rien 
de  cest  ouffaut  dessus  noiuniô  ? 


7akS  i:.>tlc  qui  11!  tient  a  son  lilz  li.  C.  —  7;!l)0  j''  m-  liens  plus  II.  C.  —  7.177  fuiliz  C.  —  7:i.KW:J  Muniii  n'  0.  — 
73UO  pran»  et  lî.  I"..  —  7101  Tous  l''S  0  —  7.».!  tr^  „i  ntiuc  I!.  —  7W:i-17  m  '.if/:i'.i'  A.  7i0j-(>  m.r,,yif  «(  C.  —  7107 
A  tlurr  pas.iou  ris  niL-i-  C.  —  710S  Knult  i"..  —  711:1  Que  jy  [ireu  :  Ijieii  une  rage  C.  —  7111  jeiinipe  C.  —  711S  Cn 
.vubstance  villaiue  el  orde  li,  (J.  —  7111)  Tourne  ton  horrible  ligure  lî.  C.  —  71»)  i\  laueilture  A.  —  71Î1  Ce  nat  lu 
auoys   A.  —  Ti-ii  tant  eusse  B.  C.  —  TCCi    Uebatre  et  de  C.  ■»-  7i8S  Or  satliau  liurodo...  C. 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


SATHAN 

430  Ouy,  il  en  est  informé 

et  luy  fut  la  ehosc  nionsli'cc 
par  ti'ois  rois  d'cstrange  contrce 
et  aultres  plusieurs  ses  suppos. 

IXCIFEn 

Comment  !  n'a  il  point  en  pi'opos 
743j   (l'y  pourvoir  ? 

SATHAN 

Ouy,  mon  seigneur  ; 
mes  il  est  devers  l'empereur 
accusé  pour  aucun/,  meii'ais, 
qui  l'a  retardé  de  ses  fais, 
jusqu'à  ce  qu'il  soit  retourné. 
7440  Ung  point  luy  avoye  encorné  : 
que  tous  les  enffan(;ons  petis 
!  de  Bethlecn  et  des  partis 
j  par  mort  destruit  et  exillast, 
affin  qu'entre  eux  colluy  trouvast 
7445  qui  le  roy  des  Juifz  se  porte. 

LLCIFER 

O  quel  conseil  de  noble  sorte  ! 
fraude  et  malice  dccevable  ! 
eu  tout  nostre  enffcr  n'y  a  dcable 
qui  l'eust  sccu  songer  ne  trouver. 
7450  Or  sus!  Sathan,  va  achever, 

fais  qu'Hcrode  viengne  au  retour. 

SATHAN 

Astai'Oth  y  voise  a  son  tour  : 
si  parfourmera  le  seurplus. 

LUCIFER 

Tu  yras,  n'en  caquettes  plus  ; 
7453  tu  t'abuses  de  rebeller. 

SATHAN 

Et  souffrez  au  moins  qu'a  l'aler 
Bericli  me  ticngne  compaignie. 

LUCIFER 

Allez  I  que  l'orriblo  maignie 
(les  dampncs  vous  guident  et  mainent, 
7460  et  a  telz  tourmens  vous  raniainent 
qu'au  parfont  du  gouffre  infernal 
ardez  tous  en  souffre  cternal  ! 
Icy  s'en  vont  vers  Herode. 


JoSEl'H 
Dieu  mercy,  tant  sommes  venus, 
qu'assés  brief  s(>nunes  parvenus 


7465  en  Egii)te  sans  nul  danger.' 

NOSTRK    DAME 

Sire,  penssons  de  nous  loger 
en  caste  cité  cy  prochaine  ; 
nous  avons  eu  traveil  et  paine  : 
rcpposer  nous  fault  ung  petit. 

JOSEPH 

7470  Chère  dame,  a  vostro  appétit 
obeys  en  fais  et  en  dis, 
et  vous  plains  plus  que  je  ne  dis. 
Suyvez  moy,  je  m'en  vois  devant. 
hy  s'en  vont   logi>:r,  et  auprès  doit  estre  un  g 
temple  ou  il  y  a  plusieurs  ydoles,  qui  tres- 
hucherunt  a  leur  venue. 


THEODAS,  premier  preùstre  des  ydoles  d'Egiptc. 

11  est  après  soleil  lovant 
7475  cler  jour  et  belle  matinée  ; 
si  convient  que  ceste  journée 
sacriffions  a  nos  grans  dieux  ; 
allons  y  bien  tost. 

TORQUATUs,  deuxième  prebstre. 
C'est  le  mieulx. 
11  n'y  ara  dieu  ne  déesse 
74S0-  (ung  chacun  selouc  sa  haultcsse), 
qui  n'aist  sacrifice  plainier  : 
Mahomet  sera  le  premier, 
.\polo.  Venus  et  Mercure. 

THEODAS 

Allons  au  temi)le  bon  allure, 
7485   si  ferons  a  nos  dieux  honmiage. 

TORQUATUS,  estant  ou  temple. 
Qu'est  cecy  ?  vecy  fier  ouvrage 
dont  ne  suis  pas  accoustumés  ; 
vecy  tous  nos  grans  dieux  tumés 
et  renversés  les  piez  dessus  ! 

THEODAS 

74«0  J'ay  bien  regardé  jus  et  sus, 

mes  je  n'ay  ymage  trouvée 

qui  ne  gise  sur  la  pavée. 

Je  no  S(,^ay  qui  ainsi  les  met  : 

veez  cy  le  grand  dieu  Mahomet 
7405  qui  ha  la  teste  despecee  ; 

veez  cy  Venus  toute  cassée, 

veez  cy  .A^polo  et  Juppin. 

TORQUATUS 

Vooz  la  Saturne  et  Adoyn, 


7443  destruisist  C.  —  ' 
—  7452-54  ma,nf/LC''nt  A. 
jiffhfftri-  pairn  H.  G.  — 
tuine  A.  tum))cs  B.  C.  — 


4'i4  cslluy  J  il  A.  —  74'i5  Cil  ijui  A  C—  7450  laohouliT  C.  —  7451  au  retour  besongne  A. 
-  7i5'>  Ciinsontpz  qua  ccste  besoiigne  A.  —  7462  du  feu  eternal  C.  —  7471  difu  B.  —  7474 
'478  trestous  H.  C.  —  74bO  a  sa  haultcsse  G.  —  74S1  premier  B.  —  74SS  nostre  grand  dieu 
74yi-;i  Irouue,  le  paue  B. 


P  R  E  M  1  K  R  F. 


l'ana,  Cloto  ot  Lachcsis, 
7500  Dcmoguorguon  avec  Ysis, 
mis  |i;ir  tcrro  aveu  Ycaïus. 

THEODAS 

\i'(v,  oy  Flora  et  /Copliinis, 
•lui»),  Soclioii  et  Myiiorvc 
et  briefiiieiit  toute  la  catcrvo 
7">05  lies  (lieux  qui  sont  tous  rues  bas. 

TOHQUATUS 

Dont  leur  sont  venus  telz  debas 
qu'ainsi  sont  versés  doux  et  deux  '. 
est  il  venu  ung  plus  fort  d'eulx 
ou  quelque  dieu  en  ceste  terre, 
7510  qui  leiir  ait  fait  si  forte  guerre 
que  de  les  mettre  a  tel  reiivers? 

THEODAS 

11  fauMra  assembler  les  clcrs 
et  disputer  de  la  matière 
dont  cecy  vient. 

TORQUATl.S 

C'est  la  manière  : 
7510  par  ee  point  la  cause  eu  sçarons. 


Ici/  xc  met  Ilerode  et  ses  gens  a  chennii. 

HERODB 

Tantost  en  Judeo  serons: 
nous  eoinmançons  a  veoir  l'entrée 
de  uostre  cité  désirée; 
de  .Iherusalem  approchons. 
NARINART,   tirant. 
75Ï0  J'ay  grant  fain  que  nous  y  soions 

l)our  menger  ces  bons  gras  morceaux  ; 
nous  ne  mangons  que  pain  et  aux, 
a  passer  ces  haultes  niontaignes. 

ADRACUS 

Cela  n'est  pas  peller  châtaignes  : 
7525  tu  songnes  du  bec,  Narinart; 
quoi  gueux  a  porter  l'estendart 
S(iul)/.  une  vielle  capeline! 

NARINART 

Mes  que  co  soit  a  la  cuisine, 
VOUS  m'y  verrez  bon  champion. 

HEROUE 

7530  Or  avons  confii'macion 

en  nostrc  royalmc  haultaiu 

de  par  l'imperatcur  romain 

sur  nos  subgès  et  tous  nos  hoinmos, 

par  quoy  plus  assouris  nous  .sommes 


7540 


7V.5 


JOURNEE 

7535  de  faire  a  nosti-e  volenté. 
.\dracus,  conte  redoublé, 
et  vous,  nos  i)aren»  et  amis, 
vous  sçavez  que  nous  sommes  mis 
de  nouveau  en  possession 
do  ceste  nol)le  région, 
dont  bien  mal  au  cueur  nous  feroit, 
si  perdre  nous  la  convcnoit. 
Or  sçavez  vous,  n'a  pas  gramment, 
nous  eusmes  advei-tissement 
d'ung  enffant  né  en  cest  pays 
qui  s(!  clame  roy  dos  Juifz, 
qui  tourne  a  nostre  préjudice  : 
si  fault  par  rigueur  de  justice 
rabaisser  tel/,  abusemcns. 

ADRACUS      • 

7550  Sire  roy,  vos  comniandeniens 
•seront  fournis  sans  reffuser. 

HERMOOENES 

11  no  vous  faidt  que  devLseï', 
et  il  sera  fait  prestement. 

HERODE 

Avant  nostre  depai-tcmcnt 
7555  la  nostre  intencion  fut  telle 

de  mettre  a  mort  dure  et  cruelle 

tous  enffans  de  la  nacion 

de  Hethleen  et  d'environ, 

aflln  que  ce  roy  malheureux, 
7560  s'il  est  ué,  mourust  avec  eulx, 

sans  prétendre  a  nosti'o  coui-onne. 

ADRACUS 

L'ordonnance  estoit  belle  et  bonne  ; 
il  la  convient  exécuter. 

HERODE 

.Vdracus,  il  fauldroit  compt(M' 
7505  le  temps  que  l'ostclle  apparust, 
car  au  jour  qu'elle  comparust 
l'enffant  fut  m,  comme  aucuns  diént . 

HERMOGE.NES 

Ceulx  qui  bien  l'istoire  estudiont, 
tiennent  et  dieiit  par  exprés 
7570  qu'il  y  a  deux  ans  ou  bien  près, 
dont  le  second  est  entamé. 

HERODE 

C'est  assés  justement  sommé, 
et,  a  faire  cxocucion 
selonc  ceste  sommaciou, 
7575  occire  faiddroit  tous  enffans 
qui  soroient  dessoubz  deux  ans, 
tout  oniiv  sans  rien  exceiiter. 


97 


7.^00  (icinorgor^'on  .V.  -  7502  scoi-a  A.  -  7503  celyon  B.  0.  -  75IS  De  la  oite  1res  C.  -  7:,26  groing  C.  -  T,  i 
asseuis  en  )!.  C.  —  7536  sire  B.  C.  —  754li  réclame  A.  —  7557  Tous  les  enfants  <le  la  cloison  B.  G^  —  7559  me- 
'ureux    li.   -  73«!i  |,„   rais,.n  C.  —  7571  0:i  11   C.  _  757ii  A.i  .|.-ssoiih/  laspe  île  deux  ans  A. 

l'AS.  - 


98 


MISTEREDE  LA   PASSION 


ARPHAZAC 

C'est  bien  dist,  faictes  apprester 
vos  sergens  et  appariteurs, 
7580  et  nous  serons  leurs  conducteurs 
pour  leur  donner  ayde  et  port. 

HERODE 

Arphazac  fait  très  bon  rapport 
et  a  luy  nous  voulions  tenir. 
Adracus,  faictes  nous  venir 
7j85  nos  sergens  pour  les  introduii'C. 

ADRACUS 

Sus  !  Dragon,  viens  a  uostre  .sire, 
Rechigné,  et  toj-,  Achopart, 
et  n'oubliez  pas  Agripait  : 
il  servii'a  bien  avi  Imtin. 

AGRIPART 

7590  Mes  mieulx  Ja  moittic  au  butin  : 
je  ne  quicr  licns  que  la  cliquaillo. 

HERMOGENES 

Sus  !  venez  au  loy,  ribaudaille, 
ne  sçavez  vous  passer  avant  ? 

NARINART 

Nous  fault  il  point  armer  devant 
7595  et  endosser  nos  haiiberjons  ; 

HERMOGENES 

Et  pourquoy  i 

NARI.NART 

Pour  les  horions, 
je  prens  volontiers  ma  huvete 
et  mon  vieil  pourpoint  a  Ijoutons. 

ARPHAZAC 

¥A  pourquoy  ? 

ACHOPART 

Pour  les  horions. 

RECHIGNÉ 

7600  Ça,  mon  glaive. 

AGRIPART 

Ça,  mes  poinssons. 

NARINART 

Ça,  mon  mailliet. 

ACHOPART 

Ça,  ma  jùqueto. 

ADRACU8 

Et  pourquoy? 

ACHOPART 

Pour  les  horiousj 
je  prens  volontiers  ma  huvcte. 

RECHIGNÉ 

•   11  ne  fault  plus  qu'on  iiou.s  caqueté  : 
7605  armés  sommes  et  adoubés, 


aussy  fiers  que  coulons  tubes 
pour  faire  une  grosse  hemee. 

AGRIPART 

Quelz  compaignons  en  une  armée, 
pour  comljatrc  ung  homme  sans  teste  ! 

NARINART 

70i0  Quoy  qu'il  soit  de  guerre  ou  tempeste, 
je  suis  content,  pour  tous  potages, 
seulement  de  garder  les  gages 
et  regarder  le  lieu  de  loing, 
ou  au  fort  de  bouter  mon  groing 

7615  dedans  le  pot  a  la  moustarde. 

HERODE 

Sus  !  comiiaignons  de  l'avangarde, 

monstrcz  ung  peu  que  vous  valiez  : 

en  Bethleen  vous  en  allez, 

et  tous  enffans  dessoubz  deux  an? 
7620   que  trouverez  ilec  gisans 

mettez  a  mort  tout  a  l'onny  ; 

et  s'il  est  soudait  si  hardy 

qui  y  espargne  seur  ne  frère, 

ou  ait  pitié  de  pore  ou  mère, 
7625  ou  soit  corrompu  par  peccune, 

soit  seur  que  sa  meilleur  fortune 

sera  d'cstre  au  gibet  pendu, 

sans  jamès  estre  deffendu. 

Or  vous  en  allez  vistement. 
Ici/  demeure  Adracus  avec   lu  rui),  et  tons  ses 
autres  gens  s'en  ront. 


ARPHAZAC 

7630  Or  SUS  !  marchez  legiereinent. 
compaignons,  tost  a  la  besougne. 

ACHOPART 

Veez  cy  Agripart  qui  ressongno 
et  dit  que  ne  luy  chault  des  percs, 
mes  il  redoubte  bien  les  mores 
7635  qui  souvent  sont  de  grant  courage. 

AGRIPART 

11  ne  nous  demourra  visage 
qui  do  griffes  ne  soit  deifait. 

HERMOGENES 

Sus  !  sus  1  il  fault  ouvrer  de  fait  ; 
compaignons,  a  ceste  matrone  ; 
76iO  veez  la  ung  enffant  tout  ydone, 
tel  qu'il  fault  pour  expédier. 

RECHIGNÉ 

Sy  vouidray  donc  estudier 


75S4-5  les  venir  Uug  petit  li.  C.  —  75S7  happart  C.  —  759d  11  ne  quiert  rien  A.  que  la  iiluc(iimille  lî.  ('..  —  76'.H) 
pknssons  B.  C.  —  7603  liabillies  A.  —7606  coulons  liubez  C.  —  7608  a  une  A.  —  7615  ung  pot  lî.  —  7617  qui  B.  — 
7024  ait  manque  A.  B.  —  7625  Ue  niale  A.  —  7628  en  deffendu  B.  —  7638  ribaulx  ouurez  C. 


PREMIERE  JOURNEE 


99 


pour  esprouvcr  mon  bracqucmait. 
Dame,  bailliez  moy  ce  poupait, 
T6ij  mes  qu'il  no  vous  veille  desplaiie. 
iiAP,  nourrice. 
Mon  aniy,  que  voulez  vous  faire 
(le  mon  enflant,  quand  le  tendrez? 

NAIUNAUT 

Ne  vous  chaille,  vous  le  verrez  : 
il  ne  le  fait  que  pour  esbatrc. 

RAH 

7650  A  cela  no  voil  pas  dobatrc  ; 
tenez  le,  veez  la  bel  et  tendre  ; 
voiliez  le  tout  doulccraent  prendre  : 
tost  luy  forez  le  cuour  faillir. 

NABINART 

Or  tenez,  portez  le  boullir 
TKw  ou  en  faietcs  de  gros  pastcs. 
Icy  te  tue, 
HA[> 

Ha  !  faulx  meurtriers,  estes  vous  telz  ? 

faulx  larrons,  faulx  tirans  pervers, 

estes  vous  venus  cy  cnvei's 

pour  uiig  cas  tant  villain  et  let  ? 
7CC0  Hclas  !  mon  doulx  cnffançonnct, 

lielas  !  ma  très  doulcc  portée, 

lii'las  !  or  t'est  la  vie  ostee, 

lielas!  or  ne  te  puis  ravoir! 

■laniès  joye  no  quier  avoir 
7065  tant  que  la  mort  me  viengne  quorre. 

ACHOI'ART 

Ça,  dame,  sans  plainte  requcrre, 
cest  onflançon  que  vous  portez 
est  il  vostre  ? 

UACHEI.,  nourrice. 

Point  n'eu  doubtoz  : 
il  est  mien,  tel  le  tiens  et  crois. 

ACHOPART 

7G7U   De  quel  aage  ? 

RACHEL 

De  treze  mois  ; 
il  ne  passe  guei'cs  plus  liault. 

AGRIPART 

.Vchopart,  c'est  tant  qu'il  te  fault  ; 
tastc  ung  tantôt  combien  il  poise. 

ACHOPART 

.le  le  voil  :  ça  donnez,  bourgeoise  1 
7075  il  fault  qu'il  passe  par  mes  mains. 

RACHEI. 

Mes  amis  et  frères  humains, 
hclas  !  voulez  vous  faire  injuri? 
a  oeste  iwvrc  créature, 


a  co  povrc  onfTant  innoecut  ? 

ACHOPART 

7080  Or  luy  demandez  s'il  le  sent. 
Jcy  le  tue. 
Tenez  :  allez  rôtir,  cousine  : 
je  luy  ay  donne  médecine 
dont  jamos  ne  sera  malade. 

ARPHAZAC 

Sus  !  gallans,  virez  la  brigade  : 
7685  aux  aultrc»  plus  tost,  il  est  temps. 


RACHEL 

Ha  !  faulx  chiens  et  folons  tirans, 
ha  !  cucurs  de  meurtriers  desloyaux, 
gens  infajnes,  villains  bourreaux 
sur  la  doulcc  et  tendre  jeunesse 

761)0  qui  point  ne  vous  fait  de  rudesse, 
qui  oncquos  riens  ne  vous  meffit, 
je  requier  le  Dieu  qui  tout  fit 
qu'a  dure  mort  et  discipline 
puissiez  vous  mourir! 

ANDROMETA,  nourrice. 
Aibeliiie, 

7605  le  grant  Dieu  d'Israël  vous  gai  1 1 
saulvons  nos  euffans  quelque  part 
ou  oncques  tel  meschief  n'advint. 
Veez  cy  des  scrgons  seize  ou  vingt 
qui  mettent  tous  enffaiis  a  mort 

7/00  dessoubz  deux  ans. 

ARBELINE,  nourrice. 

Quel  dcscoutlbrt  ! 
helas  !  voisine  débonnaire, 
il'ou  vient  ce,  no  qui  leur  fait  faire  ? 
ne  sçay  en  quel  lieu  nous  allon. 

ANDROMETA 

C'est  Hcrode,  le  roy  folloii 
7705  qui  nous  a  baillié  cest  edit  : 
de  Dieu  puist  il  cstre  maudit 
et  finer  ses  jours  en  misère  ! 

ARBELINE 

(juc  foras  tu,  dolente  mei'o, 

quel  tour  querras  tu  pour  le  luiculx  .' 
7710  to  fault  il  veoir  devant  tes  yeulx 

mourir  ton  enffant  povremeut  ? 

Helas  !  filz,  mon  seul  pcnsemcnt, 

voicy  piteuse  destinée  '. 

Que  maudite  soit  la  journée 
7715   qu'oncqucs  en  mes  Hans  te  conceus, 


7653  To«l  m,in<iuc  C.  -^  705i  iimnqui-  C..  —  7660  sans  trop   C.  ^  7684  veez  la  H.  —  Î6g5  togt  il  cii  est  C.  —  76S? 
Iruaus  C.  —  76U0  Aue«  vous  montre  tel  rudesse  0.  -•  769'i  CUiore  voisine  B.  C.  —  7Î02  puel  fere  B. 


100 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


s'il  faut  que  tu  soies  rcceus 
es  mains  de  tes  pcrsf  cutcurs  ! 

ANDROMETA 

•  Ha  !  filz,  pour  toy  sens  telz  douleurs, 
que  je  ne  sçay  comment  il  m'est. 


RECHIGNE 

(720  Seigneurs,  escoutez  s'il  vous  plcst  : 
j'oy  des  femmes,  ce  m'est  advis 
ploror  et  faire  leur  devis, 
qui  rcdoul)teut  fort  la  foitun \ 

AGRIPART 

s'il  y  a  assamblee  aucune, 
7725  assés  tost  je  l'aray  trouvée. 
Y  avoit  il  telle  couvée, 
le  dcable  y  en  avoit  tant  mis  '. 

ARBELINE 

Las  !  que  querez  vous,  mes  amis  ? 
en  ce  manoir  vous  fault  il  rien  ? 

AGRIPART 

7730  Ne  vous  chault,  vous  le  sçarez  bien. 
A  ce  que  je  voy  et  suppose, 
vous  avez  muscé  quelque  chose  ; 
si  convient  bien  qu'il  nous  appere. 

ANPROMETA 

Non  avons. 

RECHIGNÉ 

^'ous  mentez,  comere  ; 
7733  faulces  sorcières  condampnees, 
de  nous  vous  estes  destournees  : 
mes  le  muscer  ne  vous  vauldra. 

AGRIPART 

s'il  y  a  enifant,  il  sauldra, 
et  fust  il  bouté  en  ung  puis. 

HERMOGENES 

7740   Avant  !  compaignons. 

ACHOPART 

Se  je  puis, 
j'en  rapporteray  pié  ou  elle. 

NARINART 

Ha  !  faulce  vieille  maquerellc, 
voulez. vous  im[iugner  la  loy 
et  le  commaudement  du  loy  ( 
7745  il  ne  vous  domourra  vivant 
.     au  jour  d'uy  enfl'ant  ne  suyvant  : 
vous  avez  partie  ti'op  forte. 

AGRIPART 

Regardez  cy  que  je  rap]iorte  : 
j'en  ay  une  paire  eu  ma  part. 


ARPHAZAC 

7750  Depescho  en  la  court,  Agripart, 
et  nous  en  allons  tout  courant. 

ARBELINE 

Que  feras  tu,  mauvais  tirant? 
laisse  le  povre  innocent  vivre. 

AGRIPART 

Se  je  ii'ay  tost  ung  secourant... 

ARIiELINE 

7755  Que  feras  tu,  mauvais  tirant? 

AGRIPART 

Geste  lisse  est  si  fort  tirant 

qun  j'ay  paour  qu'el  ne  me  délivre. 

ANDROMETA 

Que  feras  tu,  mauvais  tirant? 
laisse  le  povre  innocent  vivre, 

AGRIPART 

7760  Sçay  ji'  [las  la  leçon  sans  livre  ? 
suis  je  pas  ung  gentil  archer  ? 

RECHIGNÉ 

Voire,  ou  ung  habille  boucher  ; 
quand  a  ce  tu  en  sces  assés. 

HERMOGENES 

.\ux  aultres,  ceulx  la  sont  [jassés  : 
77G5  tant  moins  en  avons  a  dcstniire. 


ARBELINE 

0  vray  Dieu,  qui  pourroit  descrirc 
la  grand  détresse  que  je  sens  ? 
•Je  n'ay  entendement  ne  sens, 
qu'a  coste  fois  ne  me  doffine. 

ANDROMETA 

7770  ReconfFortcz  vous,  Arbeline  ; 

qui  vcult  bien  nostre  fait  entendre, 
mon  dueil  n'est  pas  du  vostre  niendre, 
mes  si  faut  il  qu'il  se  modère. 

ARBELINE 

O  povre  cueur  de  lasse  mère, 
7775  noyé  en  aliismes  de  plours, 

crevé  d'angoisse  et  de  douloui's, 

car  ainsi  ne  peus  plus  durer 

ne  la  grand  détresse  endurer, 

mou  filz,  qui  pour  ta  mort  m'appresse. 


MEDUSA,   nourrice  du  fil:  Utvjdc. 
7780  >  Sabine  ? 


7720  Agrippart  cesse  ton  caquet  B.  C.  —  7721  Joz  des  femmes  H.  C.  -  7734   soit  rapposli  B.  C.  —  7731  vous  auez 
menti  B.  C—  7755  iii'iifjuc  A.  B.  en  marge  C—  7757  quelle  me  B.—  7767  douleur  C  —  776y  dcsire  B.—  77S0  Mei'uni  A. 


PREMIERE    JOURNEE 


101 


SABINE,  sa  chamhericrr. 
Qui;  vous  plaist.  maistrosso  ? 
je  m'('sbut(n(î  uiig  [x^tiol, 

MEDUSA 

Approstoz  moy  le  chariot 
pour  a|)prendio  aller  monseigneur  ; 
il  amende  fort  en  gramleur 
7785   et  si  ne  va  n'en  ohanips  no  vovo. 

SABINE 

Ma  maistresse,  eu  pensoi'  l'avoyc  ; 
le  vecz  cy  ja  tout  api)resté. 
Sire,  trop  avez  arresté, 
il  vous  fault  esbattre  ung  petit. 

MEDl'SA 

7790  Or  le  niaine  a  ton  appétit, 

et  garde  bien  qu'il  ne  se  blesse. 

SABINE 

J'en  feray  bien,  mes  qu'on  me  lesse, 
l'roiez  qu'il  sera  bien  songné. 


AGRIPAUT 

Nous  avons  très  bien  besongné 
779')  en  briof  temps  sur  ceste  niardaille. 

ACHOPART 

Je  les  tue  plus  dru  que  paille  : 
j'en  ay  depesché  puis  ung  mois 
plus  de  deux  mille. 

NARINABT 

Et  moy  do  trois, 
voire  de  quatre,  a  mon  cuidiei'. 

RECHIGNÉ 

7800   Vous  appliquez  bien  a  plaidier, 

mes  quoy  ?  c'est  vostre  entente  toute. 

AGRIPART 

Pourquoy,  sire? 

RECHIGNÉ 

Voyez  vous  goûte  ? 
veez  la  ung  enffant  qu'on  promaine. 

ACHOPART 

S'entrera  en  maie  sepmaine, 
780)  se  j'y  puis  venir  plus  en  haste. 

RECHIGNÉ 

Or  regarde  ung  tour  de  ma  pasto, 
Narinart. 

NARINART 

Bec,  tu  y  metz  trop. 

RECHIGNÉ 

I,e  voyla  tranché  tout  d'ung  cop 


on  deux  pai*  ;  n'est  ce  pas  beau  fait  ? 

MEDl'SA 

78in   Ha!  faulx  nicurtrici's,  qu'avez  vous  fait? 
occis  avez  villainenicnt 
\i\  filz  Herode  proprement  : 
quel  horreur  vous  est  advenu  ! 

AORIl'ART 

Sy  ne  fust  i)as  si  près  venu  ! 
7815  les  deables  l'ont  bien  advoyé. 

ARI'HAZAC 

Encore  est  il  bien  employé  ; 
s'il  nous  eust  adverty  du  cas  ! 
et  aussi  il  n'appai'ticnt  pas 
do'commettre  tel  tiramiye. 

HERMOGENES 

7880  S'il  en  compère  la  folie 

et  le  boit  tel  qu'il  l'a  brassé, 
c'est  bien  pris, 

ACHOPART 

C'est  très  bien  farce. 
Sus  !  allons  aux  aultres  plus  tost. 

MEDUSA 

Compter  luy  vois  de  mot  a  mot, 
7825  si  luy  feray  bien  vostre  saulce. 

NARINART 

Adieu,  Belot  tire  ta  cllaulse, 
ja  tost  le  nous  feras  bien  braire. 


MEDUSA 

Sire  roy,  ung  très  grant  contraii'e 
nous  est  advenu  de  nouvel, 
7830  et  est  le  faict  tant  criminel 
qu'a  peu  se  je  l'ose  toucher. 

HERODE 

Gomment  va  ? 

MEDUSA 

Mal.  Vostre  filz  cher 
que  vous  m'avez  baillé  en  garde 
est  occis,  il  n'est  qui  l'en  garde, 
7835  voyans  plusieurs  hommes  et  femmes. 

HERODE 

Et  qui  a  ce  fait  ? 

MEDUSA 

Vos  gens  mesraes 
entre  les  aultres  l'ont  destniit. 

ADRACUS 

Quant  a  moy  je  suis  tout  instruit 
qu'ilz  ne  le  cougnoissoient  mye. 


7783  a  aller  C.  —  77S5  ne  champs  ne  B.  —  77S9  fault  manque  B.  —  7802  sire  manque  B.  —  7805  Se  icy  B.  —  7806  ma 
manque  C.  —  78(y7  be  B.  —  7809  bien  fait  C.  —  78J6  esse  B.  C.  -  7824  a  mort  P.  —  7826  belet  C.  —  7831  le  vogj 
«une  compter  B.  —  ''832  vostre  chier  fllz  p, 


105 


MISTRRE   DE   LA   PASSION 


HERODE 

784(1  Ha  !  fortune,  faulcc  ennemyo, 
foi-timc,  bcste  déguisée 
et  do  tout  mal  faire  advisec, 
c'est  les  tours  que  tu  sces  jouer  : 
mon  dueil  cuides  faire  muer  : 

7845  mes  encore  ce  rain  de  rage 
n'eschappera  ja  mon  courage 
pour  caste  persecucion 
ne  la  terrible  occision 
tjui  de  par  nous  est  commancee. 

MEDUSA 

7850  II  me  souffit  d'estre  acqiiitee, 
sire  :  je  me  deppars  atant. 


HERMOGENES 

Or  nous  en  allons  tout  bâtant 
par  devers  le  palais  royal, 
car  le  command  especial 
7855  du  roy  est  bien  exécuté. 

ARPHAZAC 

Je  ne  sçay  vill(?  no  cité 
par  tout  Bethloon  contenue 
qui  n'aist  ploré  nostre  venue  : 
oncques  ne  fut  tel  desconffort. 

HERMOGENES 

7860  Noble  roy  redoid)té  et  fort, 
vostre  command  est  accomply 
et  est  bien  le  peuple  assimply 
depuis  que  d'icx'  nous  partîmes. 

HEnODE 

Avez  vous  fait  comme  nous  dismes  ? 
7865  n'y  est  il  enffant  demouré  ? 

NARINART 

Tout  est  nioi't. 

HERODE 

C'est  bien  labouré. 
N'y  est  il  demouré  enffant 
soubz  l'aago  de  deux  ans  estant, 
qui  n'aist  passé  par  la  fenestie? 

AGRIPART 

7870  Tout  est  rifflé. 

HERODE 

C'est  dist  do  maistre  ; 
nous  sommes  joyeux  de  l'exploit 
'    autant  que  de  chose  qui  soit, 

sinon  qu'ung  seul  point  nous  remort 


7875 


7880 


7885 


7890 


7895 


7900 


790^ 


7910 


7915 


de  nostre  filz  qui  en  est  mort 
par  le  moyen  d'inadvertance 
qui  vient  do  nostre  négligence, 
sans  vous  le  meffait  imputer  ; 
mes  encor  voulons  nous  porter 
tout  ce  courroux  paciamment, 
mes  que  nous  sachons  fermement 
que  ce  Cristus,  nostre  adversaire, 
il  soit  deffiné  au  parfaire 
et  exillié  par  ce  point  cy. 

ADRACUS 

Il  fault  dire  qu'il  est  ainsi, 
car  puisque  tous  les  entfans  masles 
y  ont  eu  estraines  si  malles 
qu'ilz  sont  tous  par  mort  occupé, 
je  dis  qu'il  n'est  pas  reschapé, 
se  magique  n'y  a  eu  cours. 

HERODE 

Seigneurs,  en  qui  gist  le  recours 

de  nostre  plainiere  santé, 

très  fort  nous  sentons  molesté 

et  de  maladies  diverses 

les  plus  dures  et  plus  perverses 

qu'oncques  eust  corps  de  créature. 

ARPHAZAC 

Dont  procède  cesto  adventure  ? 
sire,  la  sentez  vous  pieça  ? 

HERODE 

Arphazac,  ol  nous  conniicnça 

des  ce  que  nos  trois  filz  tuasmcs, 

pour  ce  que  tendans  les  ti-ouvasmcs 

a  nous  vouloir  suppediter; 

puis  avons  ouy  raconter 

que  le  quatrième  d'habondance 

fut  ainsi  murtri  en  enffance, 

qui  beaucop  nos  dueilz  rengregea. 

HERMOGENES 

No  vous  en  desconffortez  ja, 
en  prenant  courroux,  sire  rois  ; 
encor  vous  en  demeure  il  tiois, 
hardis  princes  et  de  grant  famé, 
pour  bien  succéder  au  royalme 
que  paisiblement  vous  tenez. 

HERODE 

Vous  dittes  vray,  Hermogenés, 
mes  les  deux  qui  nous  ont  esté 
tousjours  en  contrariété 
ja  ne  vendront  a  nostre  règne  : 
nous  le  mettons  es  mains  du  jesne, 


7840  forte  onnemye  B.  C.  —  7814  Mon  veul  C.  —  7840  Ne  changera  ja  C.  —  7849  Qui  par  nous  est  encommencee  B. 
—  7873  seul  mot  G.  —  7877  Sauez  vous  le  B.  —  7881  ce  manque  C.  —  7886  Y  minque  A.  —  7S98  il  nous  B.  C.  —7904 
tue  A.  —  7905  rencharga  A.  —  7907  Ne  prenez  B.  C.  —  7909  porlans  heaulmc  A.  —  791G  Lautre  tendra  tout  le 
royaulme  B.  Dittez  donc  au  tiers  quil  le  prengne  C. 


PREMIERE   JOURNEE 


103 


voire,  mes  par  coiwlicioii 
(juo  janiès  i)ai"  proauiiipciou 
ne  so  face  couronnor  d'honinio 

7',«ii  so  n'est  par  l'ompercur  do  Rom  me 
i(ui  est  nostre  souveiaiii  ehçf. 
llari)!  seigneurs,  com  gi'aiit  nieschef 
et  dur  tourment  intollorable 
nous  tient,  et  n'est  no  Dieu  ne  deable 

:9i:<  qui  nous  laisse  prendre  repos  ! 

ARPHAZAC 

Couchez  vous. 


SATHAN 

C'est  bien  a  propos  ; 
je  ne  sçay  qui  le  couchera, 
mes  jamès  n'en  relievcra 
que  je  n'aye  aumusse  ou  chape. 

ASTAROTH 

7030  Garde  bien,  Sathan,  qu'il  n'cschapo, 
ce  faulx  oppresseur  d'innocens. 


HERODE 

Haro  !  quel  destressc  je  sens, 
haro  !  quelz  tourmens  importables  ; 
je  vois  plus  de  cent  mille  deables, 
7935  les  plus  hideux  qu'on  sceut  conqirendre, 
qui  n'attendent  que  jiour  moy  prendre 
et  moy  entrainoi'  avec  eulx. 

SALOMÉ,  seur  Herode. 
Mon  frero,  soicz  courageux, 
et  reprenez  ung  peu  de  cueur. 

HERODE 

79''.û  Ha  !  Salomee,  chero  scur, 
je  vis  et  la  mort  m'est  devant, 
je  meurs  et  je  suis  tout  vivant, 
j'enrage  et  je  suis  tout  sensible, 
et  cuido  qu'il  n'est  point  possible 

IW.t  qu'oncque  homme  fust  ainsi  pugny. 

ADRACUS 

N'approchez  point  si  près  de  luy, 
danio,  pour  le  mal  scntonient  : 
il  jiut  le  plus  horriblement, 
qu'il  n'est  huy  riens  plus  corruptil  : 
795(1  les  vers  le  manguent  tout  vif 


et  lui  Maillent  par  les  conduis. 

HERODE 

Or  Bçay  je  bien  que  les  .luifz 

do  ma  mort  feront  festo  grande, 

et  jiour  tant,  seur,  jo  vous  commande 

Torû  que  tous  les  nobles  de  grant  lo», 
qui  sont  en  nos  prisons  enclos, 
faciez  tuer  dessuz  ma  lame 
après  que  j'aray  rendu  l'amo  ; 
[jar  ce  point  les  pourrez  contraindre 

79(i0  d'y  venir  pour  ma  mort  complaindre 
et  solerinizer  mon  trespas. 

SAmMÉ 

Mon  frère,  jo  n'en  fauldray  pas  ; 
quoique  la  chose  pst  rude  et  ficre 
fait  sera  :  faictes  bonne  chiere 
7965  et  vous  excitez  de  ce  somme. 

HERODE 

Or  nous  donnez  donc  une  pomme 
et  ung  Cousteau  pour  la  peler. 

SALOMÉ 

\'ous  Tarez  sans  plus  appeler  : 
tenez  la,  veez  la  toute  preste. 

HERODE 

7970  Haro  mes  pies,  haro  ma  teste, 
despito  et  furieuse  rage  ! 
je  n'en  puis  plus  se  je  n'enrage  : 
voicy  ma  destresse  ou  je  rentre. 

SATHAN 

Et  meschant,  fiers  dedans  ton  ventre 
7975  ce  Cousteau  sans  plus  endurer. 

HERODE 

Deables,  je  ne  puis  plus  durer, 
il  fault  qu'a  vous  tous  obeyee. 
Ha  !  mort,  hastc  toy,  faulce  lice, 
voyla  fait  pour  toy  avancer  : 
7980  de  cueur,  de  corps  et  de  penser 
a  tous  les  deables  me  command  ! 
Icy  Herode  se  tue  d'ung  coxisteav. 


SATHAN 

Sus  !  troussons  nous  deux  saqueniout 
ce  faulx  meurtrier  désespéré. 

A8TAH0TH 

Son  logis  est  ja  tout  paré  : 
7985  portons  l'en  enffor,  droite  voyo. 


79Î2  Haro  qun  je  sens  grant  A.  —  7924  et  si  nest  dieu  13.  C.  —  7926  au  B.  C.  —  792S  il  neu  leuera  B.  C.  —  7931 
niurtr  er  C.  —  79i2  si  suis  B.  C.  —  79.19  lumis  plus  B.  —  7950  mangcussent  A.  —  7950-1  attribués  à  Hermogenea  B.  C. 
—  7952  Ma  seur  je  scay  bien  A.  — 7953  joye  B.  —  795^1  seur  minque  C.  —  7957  par  du  remort  A.  —  7958  Sur  mon 
tombeau  après  uni  mort  A.  —  7959  vous  pourres  A.  —  7900  Les  Juifs  de  venir  ma  mort  plaindre  A.  —  7971  effrénée  B. 
<;.  —  7974  en  ton  C-  —  7975  sans  tant  C.  —  7979  moy  auancer  C. 


104 


MISTERE    DE   T.  A    PASSION 


SATHAN 

Lucifer,  regardez  quel  proye 
nous  admenons  cy  au  chapitre, 

ASTAROTH 

C'est  Herode,  vostre  menistre, 
qui  vient  pour  quérir  son  loyer. 

LUCIFER 

T990  Sy  le  fault  très  bien  festoier  : 
il  vient  de  loing,  et  pour  salu 
estrenez  l'en  plonc  bien  boulu, 
conflit  en  métal  tout  ardaut  : 
nos  lois  a  esté  bien  gardant, 

7995  c'est  raison  qu'il  aist  ses  souldees. 
Icy  font  les  deables  tempeste. 


DIEU    LE   PERE 

Selonc  les  saisons  ordonnées 
pour  Jhesus  nostre  filz  régner, 
temps  est  qu'il  doyve  retourner 
d'Egipte  ou  il  fait  résidence 
8000  et  sa  mère  :  par  ordomianco, 
Gabriel,  allez  le  noncer 
a  Joseph  qu'il  veille  penser 
de  faire  en  Judée  retour. 

GABRIEL 

Je  le  feray  par  bonne  amour, 
8005  Père,  comme  faire  le  doy. 


[Pose.] 


Joseph,  mon  amy,  lieve  toy, 
prens  l'enffant  Jhesus  et  sa  mère, 
laisse  ce  pays  de  misère 
et  va  en  la  terre  Israël, 
80i0  car  mort  est  le  tirant  cruel 

qui  l'eufTant  queroit  a  destruire. 

JOSEPH 

Marie,  il  plaist  Dieu,  nosti'o  sire, 
qu'eu  nostre  pays  retournons. 

NOSTRE  DAME 

Siie,  puisqu'il  le  vous  plest  dire, 
8015  a  vostre  veil  nous  en  tournons  ; 
Puisque  le  vouloir  Dieu  sçavons 
*    tenons  son  conseil  vertuable. 

JOSEPH 

Je  luy  requier  que  nous  trouvons 


chose  qui  nous  soit  poui'fitable. 
Ici/  revient  Joseph,  Nostre  Dame  et  l'enfant  sur 
son  asne  comme  devant. 


ADRACUS 

8020  Oncques  mort  si  très  redoubtable 
n'endura  corps  de  créature. 

HERMOGENES 

Il  fault  prendre  en  gré  l'aventure  ; 
quand  a  moy,  ma  sentenc:;  assigne 
que  c'est  pugnioion  divine 
8025  qui  l'a  rabatu  par  tel  serre. 

ARPHAZAC 

N'y  a  que  de  le  mettre  en  terre 
fit  faire  les  solemiités 
qu'il  appartient. 

SALOMÉ 

Ne  vous  doubtez, 
que  j'ay  le  cueur  de  deuil  party 
8030  de  veoir  mon  frore  en  ce  party  : 
mes  je  ne  le  puis  admender. 


[Pose.] 


JOSEPH 

Pour  la  loy  tenir  et  garder 
a  laquelle  sommes  tenus, 
puisque  nous  sommes  revenus 

8035  en  Nazareth  nostre  cité 
pour  la  grande  solennité 
de  Pasques  liaultain  et  célèbre, 
qu'en  Jherusalem  se  celel)r(.' 
a  cestuy  jour  prochainement, 

8040  aller  nous  y  fault  promptemeut  : 
admcnez  Jhesus  avec  vous. 

NOSTRE  DAME 

.Ihesus,  vendrez  vous  avec  nous, 
mon  cher  et  gi'acieux  enffant  ? 
le  chemin  est  long  et  pesant, 
8045  si  crains  que  n'y  eussiez  gievance. 
JHESU8,  enffant. 
Chère  nierc,  n'ayez  doubtance  : 
au  vouloir  mon  père  divin, 
j'accompliray  bien  le  chemin 
selonc  ma  possibilité, 


7990  ung  pou  B.  C.  —  7992  Gettez  len  beau  plonc  boulu  A.  —  7997  garder  C.  -  7998  doyuenl  A.  —  8Ù00  par  assis. 
tance  B.  C.  —  8001  ladnoncer  B.  —  8009  irael  A.  disrael  C.  —  8014-15  manquent  C.  —  SC15  gre  en  retournons  B.  — 
80?8  Quil  y  C.  —8037  haulte  C.  —  8041  Et  mener  J.  auec  nous  B.  C.  —  8043  très  doulx  C. 


PRKMIKRK    JOrUNKK 


105 


iOM  car  a  toll(!  solcnnitc' 

devons  Uiou  louer  et  servir. 

.lOSKI'H 

.le  voy  tous  nos  parents  venir 

qui  nous  viennent  quérir  ensemble. 

NOSTRE  DAME 

Mes  deux  seiirs  y  sont,  e;'  me  semble, 
SiiV.  et  plusieurs  do  nostre  ligna^o 
qui  nous  tendront  en  ce  vuia^e 
oompaignie  jusqu'au  retour. 

JOSEPH 

Dieu  soit  loué  ! 

MARIE  SAI.0MK 

Bon  an,  bon  jour 
et  le  désir  de  vostro  cueur 
SûWl  vous  ottroit  Dieu,  ma  doidce  seur, 
et  au  (loulx  .lliesus  cnccment. 

MARIE  JAConv 
Honneur  et  tout  avancement 
doint  Dieu  a  toute  rasseml)lce  ! 

JOSEPH 

Kt  vous  accroisse  puissanmient 
S«ir.  honneur  et  tout  avancement! 

ZEHEnELS 

Cousine,  au  très  hault  firmament 
imissiez  vo>is  cstre  transportées 
avec  ceste  belle  portée 
dont  vous  feistes  l'engendi-ement  ! 

AQUILIAINE 

fO'O  Honneur  et  tout  avancement 
doint  Dieu  a  toute  l'assembleel 
car  je  croy  qu'elle  est  assemblée 
pour  aourcr  Dieu  reveramment. 

ESDRAS 

Or  nous  partons  ligierenient, 
S075  cliers  parens  ;  il  est  nécessaire  : 
nous  avons  grant  chemin  a  faire, 
et  pourtant  partir  nous  fauldra. 

JOSEPH 

Nous  sommes  pretz  quand  on  vouldra  : 
départons  nous,  c'est  trop  songé  ; 
iiuso  vcez  cy  mon  sachet  tout  chai'gc' 
de  pommettes  et  de  bon  pain, 
affni  que  se  .Thosus  a  fain, 
il  soit  secouru  sur  la  voye. 

ELIACHIN 

Mes  dames,  cheminez  en  voye, 
^)85   tirez  vous  a  part,  s'il  vous  plcst  ; 


vous  savez  que  la  coutume  est, 
et  la  loy  fait  enseignement, 
que  pour  allei-  plus  chastement 
a  ceste  souveraine  leste 
8090  et  mener  vie  plus  honneste, 
les  femmes  par  elles  s'en  vont, 
et  les  hommes  d'aultrc  part  sont 
sans  aller  en  leur  compaignie. 

JOSEPH 

Ma  très  cherc  dame  Marie, 
S005  puisque  sans  vous  cheminer  doy, 
envoyrez  vous  Jhesus  o  moy  ? 
si  ie  vous  plaist  a  me  lesser, 
j'en  cuide  si  très  bien  penser 
que  de  rien  deffaulte  n'ara. 

NOSTRE   DAME 

Stoo  Cher  sire,  ainsi  qu'il  vous  plaira  ; 

je  sçay  que  bien  en  penserez 

et  que  bien  penser  en  sçarez, 

mes  poui'  ce  que  sans  luy  n'ay  bien 

et  tout  bien  ay  quand  je  le  tien 
8105  et  liesse  paiiaicto  et  plaine, 

je  vous  supply  que  je  le  mainc 

(•este  fois  :  j'en  soray  plus  aise. 

JOSEPH 

Ha  !  Marie,  ja  Dieu  ne  plaise 
que  j'empeschasse  vostro'Mieil  : 
8)10  tout  ce  que  vous  voulez  je  veil; 
c'est  raison  qu'a  vous  me  modère. 
.Adieu,  cher  filz. 

JHESL'S 

.Vdicu,  mon  pei'C. 

JOSEPH 

l'àivis  vous  laisse,  n'en  doubtez, 
mes  avant  que  vous  départez, 
sir.  je  vous  donray  de  mes  chosettes, 
do  mes  pommes,  de  mes  uoisetos  ; 
tenez,  veez  la  pour  vous  desduire. 

JHESUS 

Mon  cher  père,  Dieu  vous  le  miio  : 

il  souffit  bieu,  j'en  ay  assés. 
Icy  le  baise  et  se  part  et  ca  avecqttes  les  hommes 
et    Nostre    Darne    avecques    les    femmes, 
comme  dit  est. 

ESDRAS 

MiO  Joseph,  se  ne  vous  avancez, 

nous  pourrions  demeurer  derrière  ; 
ne  voyez  vous  pas  la  manière 
de  nos  gens  qui  s'en  vont  devant  ? 


S1I51  ipicrir  C.  —  S()52  reinierir  C.  —  f'CBO  dieu  mnnritii-  A.  —  S0C6  ou  B.  C.  —  S()67  vous  «inii'^uc  li.  —  80"  Si  ne 
•-nuou<  ijuil  aduenrad  B.  C.  —  .'079  a  lahrej-'io  B.  C.  —  SOSl  de  ponilues  et  de  1res  bon  A.  —  8084  cheminons  B.  — 
M)96  Emmeneray  je  C.  —  8098  pense  B.  —  8106  prie  C.  —  8107  sen  B.  —  8111  El  la  cause  bien  considère  C.  —  8113 
Bien  enuis  vous  Iniz  l'.  ^  8114  Mais  puisque  vous  vous  flepartez  C, 


106 


MISTRRE   DR   LA   PASSION 


JOSEPH 

Hz  ne  sont  pas  si  très  avant 
S125  que  brief  ne  les  aoonsuyvons. 

ESDRAS 

Dieu  doint  que  la  voye  achevons 
au  ))ien  do  nostre  conscience  I 


ZOROBABEL 

Seigneurs  de  paifondc  science 
ou  tout  le  peuple  prcnt  exemple, 
SIM  retrayons  nous  devers  le  temple 
a  ces  haulx  jours. 

6AMALIEL 

11  le  convient, 
car  j'entens  que  le  peuple  y  vient 
soy  sanctifier  do  tous  lieux. 

ROBOAN 

Nos  o6frandes  en  vauldront  mieulx, 
813.")  se  le  peuple  y  vient  a  grans  sources. 

.MANASSES 

Voire,  et  par  conséquent  nos  hources, 
car  les  ohlacions  qui  viennent 
pour  une  part  nous  appartiennent  : 
s'en  arons  plus  grant  porcion, 

NATHAN 

Sl'iû  Partons  nous  sans  dilaeion  ? 
il  n'est  pas  saison  de  prescher, 
bien  arons  a  nous  ompescher 
avant  que  tout  soit  labouré. 

NACHOR 

Voire,  encore  considéré 
su^j  que  la  (este  huit  jours  s'extend. 

ZOROBABEL 

Allons,  le  peuple  nous  attend, 
la  puissance  Dieu  nous  convoyé  ! 
Icy  s'en  vont  cm  temple  et  seoir  en  haultes 
chaires. 


MARIE  JACORY 

Or  avons  tant  .allé  par  voyo 
entre  nous,  povres  femraeletes, 
S15D  et  si  bien  cheminé  souletes, 
que  nous  ari'ivons  au  saint  lieu 
en  la  noble  cité  do  Dieu  : 
loué  soit  le  liault  triomphant  ! 


XOSTRE   DAME 

Helas  !  Jhesus,  mou  cher  enffant, 
Sisn  grand  pitié  de  vous  me  remembre  : 
sur  tout  vostre  corps  n'y  a  membre 
qui  ne  soit  mat  et  plain  de  la«se. 

.IHESLS 

Chère  marc,  sauf  vostro  grâce, 
je  me  sons  assés  esvoillié, 
Sifio  et  ne  suis  pas  tant  traveillié 
que  je  me  rende  desconffls 
de  cheminer. 

NOSTRE   dame' 

0  très  doulx  filz, 
s'il  plest  Dieu,  j'ay  bien  en  propos 
que  vous  prenez  vostre  repos, 
si6r>  ains  que  jamès  cheminons  pas. 

MARIE  SALO.MÉ 

0  mes  seurs,  no  voyez  vous  pas 
ce  beau  temple  ?  quel  eilifficc, 
quel  chef  d'euvre,  quel  artiffice  ! 
qui  sçaroit  plus  beau  lieu  monstrer? 

AQUILLAINE 

8170  Or  je  requior  Dieu  qu'a  l'entrer 
en  nos  cueurs  sa  grâce  nous  donne, 
que  tous  les  meflfaits  nous  pardonne 
par  quoy  lui  avons  peu  meffaire. 

MARIE   JACOBY 

Or  allons  nos  olTrandes  faire 
8175  et  chacune  en  sa  qualité. 

Icy  vont  faire  leurs  offrandes. 


JOSEPH 

De  nostre  possibilité, 
seigneurs,  nous  avons  fait  devoir, 
car  devant  nos  yeulx  pouous  voir 
la  cité  que  Dieu  a  esleue. 

ESDRAS 

Siso  0  cité  de  haulte  vallue, 
o  sainte  terre  et  beueuree, 
que  forment  avons  désirée, 
a  joye  te  puissions  trouver. 

ZEBEDEUS 

Allons  au  saint  temple  achever 
S185  nos  ol)lacions  saintement, 
a  celle  fin  que  dignement 
le  grant  Dion  les  veille  acceptei'. 

ELIACHIN 

Si  ))ien  les  puissions  prcsentei' 


S127  l't  salut  de  nostre  ame   li.  —  8127-8218  inanrjuent  C.  feuillet  déchiré.   —  8128  de  rennmmee  i>t  ftime  B. 
8133  en  A.  —  8152  En  ]  El  B.  —  8165  cheminez  B.  —  8170  je  manque  A.  —  8173  Et  manque  A. 


P  R  1-;  M  I  R  R  E   .1  O  U  R  N  R  R 


107 


qu'elles  nous  soient  iiourfitaWc». 
Ii^ij  s'en  vont  les  hommes  (Vautre   coslé  fain 
Iriirs  oblacions. 


zouon\nEL 
•iiiK)  Seigneurs  tros  cxpeis  et  notables, 
tandis  que  bien  assamblcs  sommes 
l)lusieui's  docteurs  et  prudens  honuiios 
ou  gist  gravite"  et  science, 
je  vous  veil  dii'o  eu  audience 
Sl9ri   et  noter  ung  merveilleux  point 
u  quoy  plusieurs  ne  pensent  point, 
et  c'est  tout  commun  maintenant. 

GAMAI.IEI. 

Nous  serons  bien  lu  main  tenant 
a  ouir  la  relacion. 

ZOUOBAUEI, 

8200  Seigneurs  do  grant  discrccion, 

vous  savez,  et  est  tout  notoire, 

que  selonc  nostre  répertoire 

et  l'antiquité  des  escrips 

que  nous  ont  laissé  et  escrips 
s205  nos  prophètes,  anciens  peros, 

nous  trouvons  que  par  grans  misteres 

Christus  nous  est  de  Dieu  promis, 

par  lequel  doit  estrc  remis 

nostre  royaulme  en  sa  vigueur 
S2iû  qui  maintenant  par  grant  rigueur 

soubz  les  Romains  est  ti'ibutairo  : 

et  ne  s'en  voust  pas  David  taire 

qui  l'a  prononcé  gouverner 

Israël  et  sur  luy  régner 
8215  comme  vous  savez,  n'a  celluy  ; 

mes  de  l'advencment  de  luy, 

n'en  quel  temps  Dieu  le  vouldra  naistre, 

je  croy  qu'il  n'y  eust  si  grand  maistre, 

qui  l'osast  pour  vray  affermer. 
8220  Noantmoins  aucuns  veullent  semei- 

paroles  et  ont  maintenu 

que  de  fait  il  est  ja  venu, 

et  raisons  assés  y  aboutent, 

par  quoy  plusieurs  simples  gens  doubtent 
S22ri  que  Christus  est  né  pour  certain. 

r.AMALlEL 

Vous  mouvez  ung  propos  haultain, 

Zorobal)el,  et  sur  biicfs  termes, 

et  croy  que  peu  de  gens  sont  fermes 


en  la  matière  que  vous  dittos  ; 

SÎM  quant  aux  pi'ophccies  escriptes, 
nous  croyruis  tous  certainement 
que  Christus  vendra  voircmenl, 
mes  qu'il  soit  venu  de  cesle  heure, 
l'opiiinion  n'en  est  pas  seure 

sïST)  s'il  n'estoit  aultrcmont  prouvé, 
et  croy  que  ce  soit  controuvé 
de  sinqilo  gent  et  inexperte 
qui  parlent  a  gaing  et  a  perte, 
ou  c'est  oi)pinion  de  femmes. 

ZOROHAIIEL 

8240  Je  vous  dy  que  les  i)lus  gi-ans  mesmes 
en  font  com-ii'  ceste  nouvelle. 

nOBOAN 

Mes  dont  peust  venir  tel  querelle  '. 
c'est  depuis  ung  peu  do  saison. 

Z0ROBAHEL 

Ha  !  croyez  qu'ilz  ont  bien  raison, 
82'.'!  sur  quoy  ilz  se  sont  résolus. 

MANASSES 

Kt  quel  raison  ? 

ZOBOBABEL 

Je  n'en  sçay  plus  : 
j'ay  assés  d'autres  pensemens. 

NACHOR 

Recitez  nous  des  argumens 
sur  quoy  ilz  se  veuillent  fonder. 

ZOROBABEL 

8250  Cela  leur  fauldroit  demander, 
je  n'ay  pas  enquis  si  avant 
Hz  mettent  peust  cstro  au  devant 
aucuns  signes  qu'a  ce  les  meuvent, 
par  lesquelz  ilz  jugent  et  preuvont 

8253  ceste  haulte  nativité. 

NATHAN 

Se  cecy  fiist  la  venté, 
pour  dire  quel  signe  en  avons, 
nous  qui  l'escripture  savons 
et  congnoissons  et  texte  et  glose 
8260  en  deussions  savoir  quelque  chose  ; 
or  n'en  avons  nous  riens  congnu  : 
si  croy  qu'il  ne  soit  pas  venu, 
qui  que  soit  qui  nous  le  dénonce. 

ZOnOBABEL 

Nathan,  il  y  a  bien  l'esponcc 
8205  a  vos  ditz  ;  et  a  dire  voh" 

nous  ne  pouons  pas  tout  savoir  ; 
et  forse  aussy  qu'au  temps  passé 
nous  n'y  avons  guère  pensé  : 


8190  expers  et  vénérables  D.  —  8198  Kt  nous  serons  la  B.  —  8203  .inciennele  B.  —  8205  et  anciens  B.  —  8231  tout 
H.  —  82M  nest  pas  bien  G.  —  8252  peu  A.  —  8253  si(?nes  manque  A.  —  8fô4  treuuent  B.  O.  —  S259  le  texte  et  B.  C.  — 
S2Ô1  allons    rien  maintenu  R.  C. 


108 


MISTRRE   DR   LA   PASSION 


^i  vient  la  faulto  de  scione.> 
S270  entre  nous  par  inadvertance  ; 
mes  quand  nos  livres  sercherons 
et  les  signes  bien  noterons 
que  baille  la  sainte  escripture, 
nous  trouverons  par  adventure 
S275  que  Ghristus  est  né  voiremont. 

GAMALIEL 

Seigneur,  a  parler  proprement, 
a  ce  que  j'entens  de  nous  to\is, 
il  est  expédient  a  nous 
de  discuter  do  cest  affaire. 

ZOROBABEL 

8280  Je  vous  diray  qu'on  pourra  faire  ; 

je  vous  voy  icy  grant  foison 

de  docteurs  de  haultc  l'aison  : 

soit  la  matière  discutée 

et  par  arguniens  disputée 
8285  a  l'une  et  a  l'aultre  partie  ; 

pour  voir  s'avant  la  départie 

sçarons  trouver  la  venté 

de  la  haulte  nativité 

de  celluy  que  nous  attendons. 

ROBOAN 

8290  C'est  très  bien  dit;  or  procédons 
sur  ceste  yniaginacion. 

ZOROBABEL 

L'un  prengne  une  posicion 
sur  ce  point,  et  la  soustendra, 
et  lors  chacun  de  nous  vendra 
829."i  pour  l'arguer  et  improuver  ; 

sçavoir  se  nous  pouri'ons  trouvei' 
la  matière  estre  véritable. 

MANASSES 

Le  conseil  est  très  profitable, 
et  qui  bien  nous  avancera. 

ZOROBABEL 

S300  Or  donc,  qui  se  disposera 

a  respondre  sur  ceste  somme  '( 

NATHAN 

Zorobabel,  je  n'y  vois  homme 
qui  mieux  en  sceusist  langager 
que  vous  :  vueilliez  vous  en  charger, 
8305  et  ce  nous  fera  grand  jilaisir. 

ZOROBABEL 

Pour  complaire  a  vostre  desh' 
et  avoii'  vostre  bonne  grâce, 
seigneurs,  c'est  raison  que  je  face 
ce  qu'il  vous  plaist  me  commander, 
8310  non  obstant  qu'a  bien  regarder 


vous  estes  en  ce  mieulx  instruis 
et  résolus  que  je  ne  suis  ; 
mes  pour  ce  que  long  temps  y  a 
que  mon  engin  n'estudia 

8315  ceste  matière  en  son  degré,    - 
s'il  vous  plaist  et  c'est  vostre  gré, 
j'arroye  bien  mon  appétit 
de  la  receler  ung  petit 
affln  que  plus  récent  en  fcusse  ; 

8320  ainsi  vous  me  donrez  induce 
de  m'y  aller  ung  peu  esbatre, 
seulement  trois  heures  ou  quatre 
[jour  ma  mémoire  raffreschir. 

NACHOR 

Prenez  d'espace  et  de  loisir 
8325  si  longuement  que  bon  vous  semble, 
et  d'aultre  part  nous  tous  ensemble 
entenderons  a  nostre  fait. 


Icy  se  part  le  petit  Jhesiis  secrètement  d'avee- 

qxies  sa  mère  et  s'en  va  vers  les  docteurs. 

JHESUS 

Puisque  vers  Dieu,  mon  père,  ay  fait 

dévotement  mon  oroison, 
8330  d'icy  me  pars  ;  il  est  saison 

que  j'ensuyve  sa  volenté. 

Je  voy  de  docteurs  grant  planté 

assamblés  pour  mig  grant  niistere  : 

il  sera  bon  que  j'y  com])ere 
8335  ouir  leurs  proposicions 

et  leurs  argumentacious, 

qui  seront  de  la  loy  divine. 


.lOSEPH 

Loué  soit  la  puissance  digne 
du  grand  Dieu  des  Israhelites 
8.3W  que  nos  oblacions  petites 
avons  fait  a  nostre  povoir. 

ZEBEDEL'S 

En  gré  les  veille  i-ecevoir 
celluy  qui  règne  sans  flner. 

ESDRAS 

Seigneurs,  pensons  do  retourner 
8345  ung  chacun  dont  i,|  est  party  ; 
nos  femmes  tendront  leur  party 
et  s'en  vendront  plus  a  leur  aise. 


8277  vous  tous  C.  —  8278  fust  B.  C.  —  8286  Sauoir  sauant  B.  C.  —  8292  oppinion  B.  —  830-'i  vous  man'-iue  B.  —  8300 
accomplir  B.  —  8309  moy  B.  C.  —  8310  sest  B.  —  8323  le  [C.  la]  mémoire  B.  —  8340  nous  A.  —  834'.  eheminer  B,  -» 
8347  tout  a  leur  aise  C, 


l'RKMIKRK    JOURNKE 


109' 


ELIACHIN 

Josepli,  cher  pai'cnt,  il  vous  plaise 
que  le  petit  ciiffaii(,'Oiuiot 
8350  Jlicsus,  <jui  est  tant  clcr  et  net, 
s'en  vicngue  avec  uous  ceste  fois. 

JOSEPH 

l'^liacliin,  je  tiens  et  crois 
(ju'il  soit  pour  l'euie  avec  Marie, 
et  ([u'cilo  se  tondroit  marrie 
8355  se  je  luy  rcqucroyo  en  rion  ; 
laissez  l'avecq  elle,  il  est  bien, 
(  t  suis  tout  soeur  que  bien  en  pense. 

ESDRAS 

l'iliachin,  quant  je  [lourpensc 
i|Me  nous  avons  si  long  voiage, 
S;i60  hastons  nous,  nous  ferons  que  sage. 
tiMidis  que  la  journée  est  belle. 

ZEBEDEUS 

•le  prie  l'essence  éternelle 

qu'elle  soit  en  nostre  convoy. 

Icij  s'en  r.ont  les  hommes  ensemble. 


AQUILLAINE 

Cousines,  a  ce  que  je  voy, 
>!365  temps  est  de  laisser  ces  partis  : 
nos  maris  sont  pieça  partis 
et  s'en  retournent  bonne  allure. 

nlstre  hame 
0  trésor  de  deité  pure, 
ou  est  .Ihesus,  mon  doulx  enfFant  ? 

MARIE  JACOBY 

S370  11  cstoit  icy  maintenant 

mis  a  genoux,  le  chict"  tout  nu. 

NOSTRE  DAME 

Las  !  ma  seur,  qu'est  il  devenu  ? 
s'il  est  pardu,  que  forons  nous  '. 

MARIE    SALOMÉ 

Marie  seur,  a|)aisiez  vous, 
sins  car  je  cuide  estrc  bien  certaine 
que  Joseph  le  tient  et  le  maino  ; 
car  n'a  gueres  que  je  le  vis 
aller  vers  luy,  ce  m'est  advis, 
et  le  bon  homme  l'a  tant  cher 
."^aso  qu'amour  luy  a  fait  ompescher 
de  venir  a  nostre  assemblée. 

NOSTRE  DAME 

.l'estoie  de  douleur  coiublee, 
seur,  mes  vostre  responce  oye, 


V0U.S  m'avei!  toute  resjouye, 
8385  et  croy  très  bien  quant  a  cela 
(pie  .losepli,  nostro  mary,  l'a  ; 
par  quoy  j'en  suis  hors  de  soucy, 
car  il  on  i)eu.se  bien  aussi, 
il  ne  l'en  fault  point  advertir. 

«.qUlLLAINE 

8390  .\us»i  veiste»  qu'au  partir 
il  vous  requist  fort  de  l'avoir. 

NOSTRE  DAME 

.Vquillaiue,  vous  chttcs  voir, 
et  j'amay  mieuix  de  le  mener, 
et  i)cust  estre  qu'au  retourner 
8305  il  a  voulu  avoir  sa  fois  : 

et  l'enflant  est  doulx  et  courtois, 
si  n'y  a  point  mis  de  contraire. 

MARIE  JACOHY 

Mes  sem"s,  pensons  de  nous  retrairc  ; 
Marie,  seur,  mctez  vous  sus, 
8400  et  ne  pensez  plus  a  Jhesus, 

car  il  est  bien,  je  n'eu  fais  doubtc. 

NOSTRE    DAME 

11  n'y  a  qu'ung  point  que  je  doubte  : 
le  chemin  est  long  a  merveille, 
si  craint  que  troii  ne  se  traveille, 
SMKJ  veu,  mes  chères  seurs,  que  ces  hommes 
sont  trop  plus  durs  que  nous  ne  sommes, 
et  d'aller  fort  se  peineront. 

MARIE  SALOMÉ 

Taisiez  vous,  ma  seur  :  non  feront  ; 
lues  [lensez  on  vosti'c  courage 
8410  que  tous  sont  de  nostre  lignage  : 
si  n'y  a  anio  d'estranger, 
par  quoy  n'y  a  point  de  danger 
qu'il  ne  voit  tout  a  sa  santé. 

NOSTRE  DAME 

Je  requier  Dieu  par  sa  bonté 
8415  qu'il  le  deflende  de  grevance. 

Icy  retournent  les  fetnmes  a  leur  logeis. 


20R0BABËL 

Seigneurs,  mettons  par  ordonnauco 
nostre  fait  ainsi  qu'il  vous  plest  : 
je  suis  de  respondro  tout  prest, 
et  ay  ma  matière  advisee. 

GAMALIEL 

S'.iO  Or  nous  soit  doncques  dcvi^ee, 
et  quel  proiios  voulez  t  iiir  ; 


8361  la  majeslo  C.  —  8364  Cousine  A.  C.  —  8370  tout  maintenant  C.  —  S376  emniaine  H.  C.  —  8384  très  bien  resjove 
C.  —  8:«IU  veiz  te  au  partir  qnil  A.  veistes  vyus  li.  C—  83)1  moult  1!.  C.  —  S..93  aJnicner  B.  C.  —  S400  mais  a  B.  C  — 
^'.  5  Veu  encoreque  ses  B.  —  S4)3  losl  B. 


110 


MISTERE   DE 


s  425 


8130 


8135 


140 


8445 


8450 


8151: 


8465 


et  puis  i)ensez  du  soustenir  : 
vous  serez  a  force  iinpugué. 

ZOnOBABEL 

Je  soustious  que  Gristus  est  né 
et  vouu  pour  nous  tous  saulver. 

GAMALIEL 

Je  veil  le  contraire  prouver 

et  briefnient  j'argue  que  non  : 

la  loy  tient  que  le  hault  renom 

(le  celluy  dont  mencion  faictes, 

qui  nous  est  promis  des  pi'ophetes, 

sera  de  si  haulte  inonstrcc 

qu'au  monde  n'y  ara  contrée 

qui  ne  sache  parler  do  luy  ;, 

et  est  bien  droit  :  car  c'est  celluy 

par  qui  doit  estrc  refondee 

toute  la  terre  de  Judec, 

qui  de  présent  en  grant  donnnage 

est  sous  les  Romains  en  seivage : 

celluy  qui  nous  vendra  livi-er 

secoui's  pour  nous  tous  délivrer  ; 

et  suppose,  quand  est  a  moy, 

que  Gristus  sera  nostie  roy, 

nostro  duc,  nostrc  chevetain. 

qui  nostrc  royaulme  haultain 

entretendra  en  si  grant  paix 

que  si  bonne  ne  fut  jamais. 

l']t  que  cecy  soit  verit(', 

je  Ijaillo  pour  auctorité 

le  psaulmc  soixantj  douzieurj 

ou  David  en  fait  grant  pi-ohemo, 

et  est  l'intitulacion  : 

Deim  judiciuiii  tuum; 

la  parle  il  du  roy  a  venir, 

qui  son  royaulme  doit  tenir 

en  paix,  en  justice  et  concorde, 

en  doulceur,  en  miséricorde 

et  bricf  en  tout  bien  tlisposé. 

Kt  donc,  cecy  presuposé 

qu'il  soit  de  tel  gouvernement, 

je  fonde  ainsi  mon  argument  : 

tant  est  roy  de  plus  grant  puissance, 

et  tant  doit  cstre  sa  naissance 

plus  haultoment  solennizee 

et  [lar  con  equent  alozee 

par  tout  sou  rogne  universel  ! 

le  cas  n'est  pas  advenu  tel, 


LA    PASSION 

de  sa  naissance  n'est  nouvelle  : 
si  n'est  pas  no.  Ma  foy  est  telle. 
Item,  contre  ce  de  devant 

8470  je  veil  arguer  plus  avant  : 
l'escripture  dit,  sans  faillie, 
la  ligne  des  rois  est  faillie, 
et,  qui  nous  est  ung  piteux  change, 
nous  sommes  soubz  ung  roy  estrange, 

S1T5  Herode  ou  son  filz  qui  nous  a 
et  tient  sub  manu  ferrea  ; 
au  propos  nous  tous  concédons 
que  Gristus  que  nous  attendons 
sera  filz  d'ung  roy  noble  et  franc, 

84S0  car  s'il  n'estoit  do  noble  sang 
mal  luy  duyroit  la  seignorie 
que  la  lettre  lui  approprie. 
S'il  est  donc  né,  connue  vous  dittes, 
sans  plus  faii'c  tant  de  redites, 

8485  assignez  moy  de  quel  seigneur. 
Se  vous  dittes  de  l'empereur, 
l>ar  deux  points  je  le  jiuis  nycr  : 
premier,  qu'il  l'oust  fait  ])ublier 
aux  Juifz  pour  luy  faii'o  hommage  ; 

8490  secondement,  pour  le  lignage, 
que  les  prophètes  ont  prédit 
qu'il  naitra  du  gendre  David, 
dont  l'empereur  ne  dcscent  jias  : 
.Iheremie  parle  en  ce  i>as 

8195  qui  veult  on  ceste  forme  dire  : 
les  jours  vendront,  dit  nostrc  sire, 
que  David  vouldray  susciter, 
germe  juste,  et  ne  fault  doul)ter 
que  cela  s'entend  proprement 

?<50()  de  Gristus,  dont  final)lement 
je  preuve  et  soyez  assouffiz 
qu'il  n'est  pas  a  l'empereur  filz. 
Qu'il  soit  filz  a  Herode  aussi, 
je  dis  qu'il  no  peust  ostre  ainsi 

8505  pour  la  cause  ja  assignée, 
car  il  n'est  pas  de  la  lignée  ! 
et  dont,  puisque  mes  roy  n'avons, 
ne  prince  sur  nous  ne  s^avons 
digne  d'avoii'  si  noble  gendi'c, 

8510  je  veil  ma  conclusion  prendre 

que  Gristus  n'est  pas  né  encores  ! 
mes  raisons  sont  assés  notores  : 
s'il  vous  plaist,  vous  les  saulvercif. 


8422  de  A.  —8423  II  sera  B.  C.  -•  812t  briefuemeiit  B.  —  S4ai  grande  criée  B.  C.  -^  S437  a  graut  B.  C.  —  8139 
Luy  venu  B.  C.  —  8441  ja  quant  a  moy  B.  C.  —  8443  capitaine  A.  -^  8144  royaulte  haultaini'  A.  —  8148  par  A.  — 
84&5  en  concorde  lî.  G.  -*  84G2  Tant  plus  A,  —  8470  Car  comme  lescrijjture  espond  Nostre  maistro  qui  respoud 
m'inqiu-nt  A.  —  8471  Scest  asocz  je  nen  double  mie  B.  —  8472  lignée  A.  C.  —  S475  ou  les  siens  B.  G.  —  8477  tous 
nous  lî.  Cl  -'  8483  Quil  nous  dit  régir  frans  et  quittes  G.  —  8484  num'iue  C.  —  84SS  il  eust  A.  —  8489  A.  tous 
juifs  A.  —  8197  vouldra  B.  —  i-'M  cuide  cstre  tous  (iz  B:  C.  —  8510  Nous  pouons  dire  sans  niesiirendre  B.  —  8512 
Mais  B, 


PRRMIKRE    JOURNEE 


111 


^ 


I 


ZOROIIABEI, 

Les  moyens  bien  coiisidcro» 
srilT)  par  quoy  nnstro  iiiaistrc  itrosoiil 

m'argue,  jo  inV'ii  tiens  exempt 

do  saulvcr  sans  cstic  rcppris, 

car  trop  soubtillomotit  ?ont  piis, 

et  j'ay  petite  intelligence. 
S520   Non  obstant,  a  la  confidence 

de  mes  maistrcs  cy  assistans, 

je  diray  comme  je  l'entons, 

tousjours  soubz  leur  correction. 

Encontre  ma  conclusion 
ffiij  fondez  deux  argumcns  moult  fors  ; 

le  i)romicr,  se  bien  m'en  recors, 

est  qu'ung  roy,  tant  est  plus  graut  inaisti'o, 

tant  doit  il  plus  noblement  naistre. 

•Je  vous  nyc  ccste  majeur, 
S5TO  *t  voil  dii'c,  sauf  vostre  honneur, 

qu'il  n'est  point  de  ncccssité  ; 

et  que  cccy  soit  vérité. 

prenons  Romulus  et  Ronms 

qui  a  tel  los  furent  promus 
85;*5   que  d'cstrc  premiers  fondatoui-s 

de  Ronnnc  et  haulx  irapcratours, 

et  qui  tant  de  proesse  firent  : 

touteffois  simplement  nasquirci.t 

d'une  fillo  qui  les  conceu, 
sj'iO  n'oncques  leur  pei-c  no  fut  scou  : 

mes  puis,  pour  eulx  miculx  rcnonnnor, 

fil/,  de  ^lars  se  firent  nonuner. 

riusicurs  en  traroyc  a  garant, 

comme  d'Alixandrc  lo  grant 
S5'i5  qui  tint  tout  le  monde  on  possesse, 

et  toutofibis  quant  a  noblesse 

il  fut  d'ung  bien  simple  roy  né  ; 

encor  l'ont  auciuis  impugné, 

et  a  dit  maint  recitatcur 
sjôo  qu'il  fut  le  filz  d'ung  enchanteur, 

et  dont  pas  nécessite  n'est  ce 

que  Cristus  si  haultemont  naisse, 

se  n'est  l'escnpturo  qui  dit 

qu'il  naîtra  du  gendre  David. 
Sjjô  Cola  tiens  pour  voix  autontique. 

mes  que  son  naistre  soit  puljliquo 

no  que  tout  le  monde  le  sache, 

il  n'est  ja  besoing  qu'il  so  faccj 

car  tel  poust  eatre  le  sçaroit 
Km  qui  a  sa  mort  pourehasseroit, 

connue  de  l'empereur  de  Ronnno  ; 


8565 


8570 


8575 


8580 


8585 


8590 


8505 


8(500 


8005 


pensez  que  s'il  savoit  ung  homme 
qui  nostre  roy  franc  se  clamast, 
sans  que  ses  tribus  luy  payast, 
qu'il  n'y  voulsist  pas  contredire  ? 
ouy,  et  ix)ur  ce  je  veil  dire 
que,  posé  qu'il  naisse  en  secret, 
ce  ne  fi'ustre  en  riens  mon  deci'ct, 
ne  sa  naissance  trop  comnmne 
n'est  pas  bonne,  pour  la  fortune 
qui  le  pourroit  mettre  en  dessoubz. 

GAMAI.IEI. 

Vous  n'avez  pas  l'argument  .soubz 
ne  n'cschappcz  riens  par  ce  point  ; 
quant  a  nous,  nous  ne  doublons  point 
que  Cristus  qui  nous  est  promis 
no  soit  de  Dieu  propre  transrais, 
et  qu'il  ne  soit  prophète  saint, 
d'honneur  et  de  noblesse  saint, 
especial  amy  de  Dieu. 
Dont  j'argue  qu'en  quelque  lieu 
Dieu  sa  nativité  ordonne, 
il  est  possible  qu'il  luy  donne 
tel  grâce  qui  le  conduyra 
si  bien  qu'homme  ne  luy  nuyra, 
car  ce  que  Dieu  veult  conserver 
ame  vivant  no  peust  grever  ; 
dont,  posé  que  tant  saint  prophète 
fust  né,  et  feste  pour  luy  faicto 
telle  qu'a  tel  roy  est  bien  deue, 
pour  quelque  envye  qu'il  eust  eue 
il  fust  parvenu  a  sa  fin, 
veu  que  le  presçavoir  diviu 
qui  ha  prédestiné  son  rogne 
failUr  ne  peust,  mes  fault  qu'il  règne. 
Tous  ces  empeschemens  forclus, 
ainsi  comme  devant  conclus 
qu'il  n'est  pas  né,  qui  que  le  dyc. 
Aussi  ce  semble  musardic 
qu'ung  tel  prince  fust  né  pour  voir, 
et  Dieu  n'en  oust  rions  fait  s(,>avoir 
a  son  bon  peuple,  a  ses  amis  ; 
eonmient  qu'il  fust  des  ennemis, 
nous  en  eussions  eu  jilus  haidt  signe. 

ZOUOBABEL 

(Juant  a  la  puissance  divine 
que  ne  puist  en  cas  nécessaires 
le  garder  de  ses  adversaires) 
jamès  no  le  dis  ne  soustiens: 
seulement  contre  vous  maintiene 


R51S  Car  subtill.Miient  Sont  compris  A.  —  S520  en  la  It.  C.  —  85ï-i  Jen  IS.  C.  —  8528  Kt  tant  doit  [.lus  H.  —  Sô'.S 
l-cpugne  C.  —  8502  se  ja  scaroit  hoiiimu  U.  —  8564  Sans  ce  que  Iribus  .\.  —  8572  la 
li.  —  8579  Et  especial  G.    —  8580  sen  quelque  lieu  A.  —    8591  la  fin  A. 
A.  [wusl  B. 


.argement  A.  —  8573  Et  ueschappl-s 

8603  hault  signe  C.  —  86(»  No  lepuial 


112 


AlISTEUE    DE    LA    FASSION 


qu'il  no  fault  point  Dieu  attemptcr 
8610  en  chose  qu'on  puist  éviter 

et  fouir  par  humaine  voye. 

Or  prenons,  connnc  je  disoic, 

que  les  parons  do  cil  Cristus 

sachent  les  grâces  (t  vertus 
8615  que  le  souverain  triumi)hant 

a  donné  a  leur  saint  enffant  : 

est  il  besoing  qu'ilz  facent  fosto 

si  bruyant  et  si  manifeste 

que  tout  le  monde  s'i  assanible  '. 
8620  c'est  terapter  Dieu,  comme  il  me  sauible, 

de  le  lesser  sans  avant  garde, 

ou  présumant  que  Dieu  lo  garde  ; 

mes  vault  mieulx  que  tout  simplement 

lo  nourriceiit  et  quoyement, 
8625  en  attendant  que  plus  s'efforce 

et  Dieu  luy  donne  sens  et  foico 

pour  pervenir  au  résidu. 

ROBOAN 

C'est  pnidontement  respoudu 
et  do  grant  circonspection. 

ZOROBAIÎEL 

8630  Au  regard  de  l'objection 

ou  vous  dittes  :  s'il  estoit  vray 
Dieu  l'eust  fait  s(;avoir,  je  ne  sçay, 
no  telz  raisons  ne  sont  pas  clercs, 
car  Dieu  revellc  ses  misteres 

8635  quand  bon  lui  samble  et  temps  en  est, 
et  les  celle  quand  il  luy  plest  : 
on  no  le  peut  a  co  contraindre  ; 
ou  espoir  s'en  est  voidu  faindro 
jusqu'il  ait  aage  plus  parfait, 

8640   ou  forso  a  revello  lo  fait 

a  aucmis  ses  vrais  serviteurs. 

JHESUS 

Notables  maistres  et  docteurs 

qui  sçavez  toute  l'escripture, 

que  direz  vous  de  l'aventure 
8645  qui  advint  puis  douze  ans  en  ya 

ou  temps  qu'Herode  commeuva 

les  petis  enffans  dccolor  ? 

n'oystes  vous  point  lors  parier 

d'ung  enfi'ant  né  en  Bethloen 
8650  dont  par  toute  Jherusalen 

il  fut  si  grande  mencion  '< 

n'en  ot  pas  rcvelaeion 


saint  Simeon,  c'est  vrayc  exemple, 
quand  en  ses  bras  lo  thit  au  temple 

P655  et  le  prescha  publiquement 

qu'il  estoit  Ghristus  proprement 
venu  poui'  raison  ot  justice  ? 
d'Anna  aussi  la  prophetisse 
vous  souvient  il  point  qu'elle  en  dit  ? 

SG60  pensez  sur  ce  point  ung  petit 
et  vous  trouverez  quelque  chose. 

ROliOAN 

Oez  que  ccst  enflant  propose 
et  radvertissemcnt  qu'il  domic, 
et  fust  il  très  sage  personne, 
sooj  si  meult  il  très  bonne  raison. 

ZOROBABEI. 

^'oiro,  et  très  bleu  prinse  en  stiison  ; 
croiez  que  voulcntiers  l'escoutc 
car  il  m'advertist,  somme  toute, 
et  parle  de  bonne  façon. 

GAMALIEL 

8670  Oncqucs  je  no  vis  onffançon 

plus  propre  jour  de  mon  vivant. 

ZOROBABEL 

Mes  oez  qu'il  a  dit  devant, 
seigneurs,  il  fait  bien  a  noter, 
et  briof  je  m'y  voil  arrostor 

8073  pour  mieidx  la  vérité  onquerrc. 
Il  me  souvient  bien  qu'en  la  terre 
de  Bethloen  qu'il  a  nommée 
ung  enffant  de  grant  renommée 
vers  le  temps  qu'il  a  dit  nasqui, 

8680  je  ne  sçay  eu  quel  lieu  n'a  qui, 

de  quel  gendre  ou  do  quclz  parents, 
mes  plusieurs  signes  apiiarens 
qu'on  y  vit  firent  a  plus  sages 
semer  paroles  et  langages 

8085  que  né  fut  Cristus  en  enffanci'. 
et  n'y  voy  point  de  répugnance 
que  lo  fait  no  puist  ostre  vray. 

GAMALIEL 

Voire,  nies  je  demaudoray, 
comme  je  feiz  présentement, 
8090  qui  en  a  fait  rengendrement, 
s'il  est  né,  dont  est  il  sailly  ; 
le  gendre  des  rois  est  failly  : 
c'est  une  faute  espccialle, 
s'il  n'est  do  limée  rovale. 


8009  templer  A.  —  S6H  fuir  lî.  —  8612  le  B.  —  ,«614  la  grâce  et  les  B.   C.  —  S610  Donne  a  leur  beueuro  B.  C. 
—  8624  tout  quoiemcnt  C— 8627  venir  a  perfection  A.—  8628-8629  m'inquent  A.—  8Ki5  en  manque  B.—  8639daige 

B.  —  8647  Aux  petits  B.  C.  —  8648  Xoystent  vous  A  —  S653  cest  ]  et  B.  C.  —  8662  Seigneurs  oytz  C.  —  8064  Pour 
néant  fust  bien  saige  B.  —  8(!6S  Car  il  nous  a  meu  une  double  B.  C.  Aprca  ce  vers  B.  et  C.  ajoutent  :  A  quoi  je 
ne  pensoye  fîuere.  Man.  Zorobabel  faictes  le  taire  Ce  nest  pas  cy  ce  quil  nous  fault.  Znr.  Sire  Manasses  ne  vou'» 
chanlt  11  parle  (8609).  —  S670  Oncqnes  mais  plus  proj  re  B.  —  81)71  Je  no  vois  jour  B.  —  8682  Mais  les  grands  signes 

C.  -   S(iS3  vit  faire  des  plus  .\.  pluseuis  sages  C.  —  8091  il  est  B. 


PREMIERE   JOURNEE 


113 


8695  luy  qui  sera  roy  solonnol. 

ZOROBABEl, 

NostPO  raaistro  Gamaliol, 
vos  répliques  gucres  no  vaillent, 
car  posé  que  les  rois  nous  faillent, 
leur  gendre  ne  fault  pas  pour  tant  ; 

8700  vray  est  que  n'avons  roy  (lai-tant 
<lo  David  ou  ses  susccsscurs  : 
toutoffois  nous  sommes  tous  sccurs 
qu'en  Nazai-eth  et  aultre  part 
sa  generacion  s'cspart  ; 

8705  s'y  a  des  gens  de  son  lignage 

l)lusicurs  qui  sont  de  liault  ])arago 
des  quclz  Cristus  pourroit  dosccudi'C, 
et  ne  fault  ja  qu'ung  roy  l'engendre, 
mes  souffit  que  naissance  prendo 

8710  d'aucuu  qui  de  David  descende  : 
en  ce  point  le  maintenoui  nous. 

JHESUS 

Et,  mes  seigneurs,  que  diriez  vous 
d'une  haultaine  prophecio 
que  met,  ce  me  samblo,  Ysaic, 

8715  qui  ou  septième  chapitre  est  : 
Ecce  virgo  concipiet 
et pariet,  et  cetera? 
Dist  il  pas  que  le  temps  sera 
qu'une  vierge  gente  et  plaisant 

8720  doit  conccpvoir  ung  bel  enffaut 
et  rcnffanter  sans  fraction 
ne  charnelle  operacion  ? 
et  ce  filz  par  non  solennel 
se  doit  nommer  Emmanuel, 

8725  vous  savez  bien  que  c'est  a  dire. 
Or  ne  devez  pas  contredire 
ne  vouloir  au  contraire  aller 
qu'Ysaie  entend  a  parler 
de  la  nativité  de  Crist, 

8730  et  que  pour  luy  ces  mes  cscript. 
Dont  se  celle  vierge  enffantoit, 
et  son  enlfant  Cristus  estoit, 
qui  au  monde  vray  homme  appere 
né  sans  attouclienient  de  perc, 

8735  que  diriez  vous  do  la  favou  ? 

NATHAN 

Faictes  taire  quoy  ce  garçon  : 
sa  jeugle  ne  nous  sert  de  rien. 

ZOROBABEL 

Mes  rcspont  au  propos  très  bien, 
qu'il  n'est  riens  dit  plus  proproniont. 


NATnAN 

S7W  Comment? 

ZOROBABEL 

Je  vous  diray  comroeut  : 
sur  fourme  d'une  question 
il  baille  la  solucioii 
do  l'argument  qui  estoit  fait. 
J'cntons,  ce  me  sanible,  son  fait  : 

8715  nostre  maistre  tient  contre  nioy 
qu'il  fault  que  Crist  soit  filz  de  roy 
s'il  estoit  au  monde  venu, 
et  cest  enffaut  a  provenu 
allpg\iant  que,  se  Ciistus  naist 

8750  d'une  vierge,  ja  besoing  n'est 

qu'ung  roy  l'engendre  par  ce  point, 
car  de  père  n'ardit  il  point  : 
veez  la  comment  il  a  prouvé. 

NACHOH 

C'est  très  soubtiUemcnt  trouvé  : 
sres  maintenant  sommes  assouffis, 

OAMALIEL 

A  dea,  veez  la  trop  gentil  filz, 
comment  il  a  sèche  parole  ; 
s'il  est  maintenu  a  l'escole, 
il  sera  homme  de  hault  fait. 

ROBOAN 

8760  II  poite  engin  le  plus  parfait 

de  jeune  enli'ant  que  je  veiz  oncques. 
Mes  au  propos  vous  tenez  doncques, 
pour  cas  possible  suustenant 
que  Cristus  soit  né  maintenant, 

8765  etGnmaliel,  nostre  maistre, 
a  argué  qu'il  ne  peust  estre  : 
si  me  veil  sur  ses  ditz  fonder  ; 
mes  premier  je  veil  demander 
que  vault  a  dire  ce,  Cristus. 

ZOROBABEL 

8770  Cristus  vault  autant  comme  unctus, 
la  question  gueres  ne  point. 

UOBOAN 

Cristus  est  cil  qui  est  enoinct, 
ainsi  que  vous  l'interprétez, 
dont  aucunement  attestez 
8775  que  Cristus  sera  roy  régnant 
et  tout  Israël  gouvernant 
en  vraye  miion  et  concorde. 

ZOROBABKL 

11  est  vray,  je  le  vous  accorde, 
qu'il  soia  enoinct  sainttement 
8780  et  qu'il  régnera  voireuicnt, 


1-t  fiiH.,  .  n  ■•,r  ^'^t  '»"•■'"'  '°  A-  -  8^30  Pour  celluy  ces  mot^  rtsl  B.  Car  pour  lui  ce  mot  cscript  C.  -  8736 
S7M  ^  in.  .  ^  •  V::  ^™  """  '^*"  '''"'  ^-  ^-  -  ^"-  ""^  "  ^-  -  8'^  ''^  B.  -  8757  porte  il  seiche  B.  C.  - 
S7W  ma.nten.nl  L.  -  8,l.i  vo.re.nent  C.  -  8774  acceptes  C.  -  8775  vraj-  regi.aut  B.  C.  -  8780  rojaulment  C. 

Pas.  ^ 


114 


MISTERE  DE  LA  PASSION 


c'est  toute  jour  quanquc  je  dis. 

ROBOAN 

J'argue  donc  contre  vos  ditz  : 

quand  Cristus,  ce  l'oy  pur  et  inonde, 

sera  né  en  ce  mortel  monde, 
8783  les  rois  et  primas  de  la  terre 

le  vendront  adorer  grant  erre 

et  luy  rendre  hommage  et  ser%ice 

comme  au  haultain  chicf  de  justice 

qu'ilz  doyvent  requerra  et  prier  ; 
8790  et  se  vous  lo  voulez  nyer, 

je  vous  baille  David  en  preuve 

qui  très  liien  le  dit  et  l'approuve, 

desous  deux  vers  très  bien  assis  : 

ne  dit  il  pas  reges  Tharsis 
8795   et  insulc  que  venient 

et  thus  mimera  afférent? 

Les  rois,  dit  il  en  ses  psoaulraes, 

de  Tharse  et  des  aultres  royaulnies 

de  Saba,  d'Arabe  et  d'aillieurs 
8800  et  briefment  les  plus  grans  seigneurs, 

luy  vendront  offrir  dons  exprès  ; 

et  dit  encor  au  ver  d'après 

que  tous  les  rois  qui  lors  seront 

et  toutes  gens  le  sorvii'ont, 
8805  et  beaucop  de  los  autontiqucs 

luy  prophetize  en  ses  cantiques, 

que  je  lesse  pour  la  briefté, 

comme  de  la  transquilité 

et  de  la  paix  universelle 
8810  qui  a  son  temps  doit  cstre  telle 

que  c'est  le  choix  du  temps  futur 

juxta  illud  :  Orietur 

his  dichus  justifia 

et pacis  habundancia. 
8815  Sur  ces  deux  poins,  pour  traire  a  chiof, 

deux  argumens  vous  fais,  et  brief  : 

premier,  que  les  rois  que  j'ay  dist 

et  lesquclz  David  a  predist, 

ne  sont  point  venus  honorer 
8820  Cristus,  servir  et  adorer  : 

si  dy  par  vraye  congnoissancc 

que  Cristus  n'a  pas  pris  naissance  ; 

secondement,  la  paix  n'est  pas 

bonne  sur  nous  en  plusieurs  pas  : 
8825  nous  sommes  .gouvernés  par  force, 

et  chacun  jour  guerre  s'efforce 
'     de  nous  faire  payei'  tribus  : 

si  fault  ilire  que  c'est  aljus 


de  croire  qu'il  soit  né  encores. 
zonoiiAnEL 

8830  Vos  argumens  sont  tous  notorcs  : 
on  voit  la  faultc  de  l'aval 
dont  le  premier  procède  mal, 
car  en  vostrc  allegacion 
David  ne  fait  pas  mencion 

8835  du  temps  que  les  roys  s'y  rendront  ; 
trop  bien  dit  il  qu'ilz  y  vendront, 
mes  combien  l'enffant  ara  d'aage 
lorsqu'ilz  vendront  payer  l'ommage, 
nous  n'en  sommes  pas  bien  instruit. 

8840  Or  voyez  dont  se  bien  s'en  suit  : 
les  rois  n'ont  pas  offert  leurs  dons, 
ergo  Crist  que  nous  attendons 
n'est  pas  venu,  la  faulto  est  clere  ; 
et  forse  que  Dieu  considère 

S845  et  veut  qu'on  son  aagc  parfait 
l'hommage  des  rois  luy  soit  fait, 
aussi  est  il  plus  convenent  : 
de  quoy  sort  un  riche  présent 
fait  a  ung  pi'ince,  quel  qu'il  soit, 

SS50  se  le  prince  ne  le  conguoit? 
il  n'a  de  gueres  pourfité  ; 
mes  vault  mieulx  qu'il  soit  présenté 
en  aage  qu'il  a  congnoissancc, 
affin  que  sa  haulte  puissance 

8855  rétribue  a  ses  bien  vcillaus 

le  hault  bien  qui  luy  sont  baillans  : 
j'ay  ceste  ymaghiacion. 

ROBOAN 

^'ous  estes  donc  d'oppinion 

que  de  riens  il  n'est  nécessaire 
8860  que  l'hommage  se  doy ve  faire 

a  sa  nativité  de  grâce, 

mes  souffît  bien  que  l'en  luy  face, 

quand  il  sera  puissant  de  corps  ? 

Quoiqu'il  soit,  jamès  ne  m"accors 
SS65  qu'au  monde  nasquist  ou  tel  roy, 

et  il  n'y  venist  roc  ne  roy  ; 

j'entendz  que  lors  feront  l'acquit, 

et  ainsi  l'eutendist  David 

quand  les  paroles  dessus  dites 
8870  voult  prophetizer. 

ZOROBABEL 

Vous  le  ditteS) 
mes  au  prouver  gist  le  soubtil. 

JHESUS 

Mes  seigneurs,  vous  desplairoit  il 


S7S(>  et  querre  B.  —  8816  Vous  fais  deux  B.  G.  —  SSl'l  primes  B.  ^  8823  ne  ailorer  B.  C—  8821  conclus  A.  Si  dis 
i|uil  iiest  pas  en  enfance  B.  C.  —  8822  Ne  venu  ne  trait  a  naissance  B.  C.  —  8824  pas]  pars  B.  —  8826  Ciiacun  jour 
Icmperour  A.  —  8829  mmque  B.  —  88'i4  Et  ibrsun  A.  —  8847  pertinent  C.  —  8S50  Quand  lacceplant  ne  le  B.  — 
8865  ung  tel  roy  B.  C.  —  S866  Et  ny  venist  ne  rocq  B.  Et  quil  C. 


P  R  R  M  I  E  R  F,    T  0  U  R  N  ?:  E 


115 


se  je  clcniaiidoie  deux  mos 
qui  servent  ung  peu  nu  [iropos 
SS73  par  moyen  d'advertissonicnt  ? 

GAMAI.IEI. 

Nennil,  fil/.,  dittes  hardiment 
et  vous  arez  bonne  audience. 

JHESUS 

Chers  maistres,  rompUs  de  science, 
puisque  demander  le  conviexit, 

8880  je  no  sçay  se  point  vous  souvient 
de  ti'ois  roys  do  nolilo  renom 
depuis  dix  ans  ou  environ, 
qui  par  vision  d'une  estelle 
hiysant  en  l'air,  gente  et  ysnelle, 

8S85  on  cesto  cité  an'ivcreut 

et  publiquement  demandèrent  : 
ou  est  lo  hault  roy  couronné, 
le  roi  dos  Juif/,  qui  est  né  ? 
en  Orient  choisie  avons 

8890  son  cstelle,  et  vers  luy  venons 

10  servir  de  dons  honorables. 

Je  croy  que  seigneurs  si  notables 
ne  feussent  pas  venus  si  loing 
no  soy  traveillicr  sans  besoing'; 
SS93  or  pensez  bien  sur  ceste  clause. 

OAMALIEL 

L'cnffant  dit  très  bien  :  il  a  cause 
ot  ap|)reuve  très  bien  son  dit  : 
il  mo  souvient  bien,  comme  il  dist, 
comment  Herodo  nous  manda 

S900  et  nous  cnquist  et  demanda 

ou  Grist  devdit  naissance  prendre, 
et  pour  vrayc  responce  rendre, 
ung  de  nos  docteurs  plus  certains 
dit  que  selonc  prophètes  sahis 

S903  dovoit  naistre  poui'  vérité 
dedans  Bcthleen  la  cité. 
Ataut  les  trois  rois  se  partirent, 
mos  on  quclz  marches  ilz  vortircut, 
ne  de  leur  fait  ."avoir  n'en  puis, 

soie  car  ilz  ne  revindrcnt  depuis, 

mes  prindcnt  aidtro  part  leur  voye. 

ROBOAN 

11  m'en  souvient  bien,  j'y  estoie  ; 
Herodc  en  fit  lors  forte  enquesto. 

ZOROHAIÎEL 

Quand  je  n'avay  raison  que  cesto, 
801D  de  droit  point  elle  vous  couffout  j 
car  se  les  rois  venus  y  sont 
pour  exaulcer  .sa  soignorie, 
la  prophecic  est  adverie, 


et  ainsi  Christus  est  venu. 
jtiEsua 
89Î0  No  vous  est--il  point  souvenu 
de  l'cstcUe  dont  ilz  parlèrent, 
et  publiquement  lesmoigncrent 
l'avoir  veuc  en  l'air  clcrement  ? 

ZOROBABEI. 

Très  bien. 

JHESUS 

lît  quel  enseignement 
8925  pouoieut  ilz  prendre  par  elle 
qui  se  donnoient  peine  telle 
de  soy  si  loing  adventurer? 
que  pouoient  ilz  espérer 
s'aultre  chose  no  rcgardoiont  ? 

ZOROBAHEL 

8930  Mon  filz,  j'cnteuùz  qu'ilz  se  fondoient 
sur  une  pi-ophecic  faicte 
do  Balaan  qui  fut  prophète 
en  leurs  marches  do  par  de  la, 
lo  quel  dist  :  exibit  Stella 

S935  ex  Jacob;  la  fait  assavoir 
qu'une  cstelle  doit  apparoir 
a  la  nativité  joyeuse 
do  la  sahito  fleur  précieuse 
qu'Ysaic  nous  a  nonce 

89i0  florir  de  la  verge  Jcsso  ; 
si  virent  lors  par  advtnture 
une  ostollc  contre  nature 
mouvant  par  bas,  clerc  et  nouvelle  : 
si  conclurent  que  c'cstoit  celle, 

89'.5  et  lors  se  mirent  en  chemin. 

JHESUS 

C'estoit  ung  misterc  divin, 
si  fut  ainsi  qu'ilz  lo  disoient: 
car  sur  elle  se  conduisoient, 
et  les  admcna  jusqu'à  cy 

S950  sains  ot  saulvos,  la  Dieu  mercy  ; 
et  ainsi,  a  mon  simple  sens, 
a  ce  que  du  niistero  sens, 
doux  prophocies  décorées 
furent  en  ce  veriffiees  : 

8955  celle  a  Balaan  la  première 
en  tant  que  la  clore  lumière 
de  restcUe  leur  appanist 
qui  ou  chemin  les  secourust  ; 
celle  a  David  secondement, 

8900  car  il  fut  soeu  publiquement 
qu'ilz  furent  das  pays  yssus 
que  David  avoit  dit  dessus  : 
a  ce  ne  [loust  ou  coutrecUre. 


8882  Lesquelz  puis  dix  ans  enuit-on  6.  —  SSS3  par  la  B.  C.  —  8881  gente  et  belle  C.  —  8888  qui  ja  est  A.  —  8S95 
Or  y  pensez  sur  C.  —  8901  selon  les  C.  —  8905  Quil  deuoit  A.  —  8906  Dans  A.  —  8939  enoncie  C.  —  S9M  alore  A. 


116 


MISTEREDE   LA   PASSION 


ZOROBABEL 

Oncques  mes  jo  n'ouys  mieulx  dire, 
8963  et  a  l'ouir  pi-cnz  giant  liesse. 

GAMALIEL 

Oncques  enflant  de  sa  jeunesse 
n'cust,  je  ci'O}',  mémoire  si  bonne, 
car  au  temps  dont  il  nous  sermonne, 
il  fault  qu'il  fustbien  jeune  d'aage. 

ROBOAN 

8970  Jo  m'esbays  plus  du  langage 
et  la  naturelle  prudence 
qu'il  a  en  couchant  sa  sentence 
que  je  ne  fais  du  demeurant. 

NATHAN 

Or  ça  :  au  propos  de  devant, 
8975  venons  a  nos  conclusions. 

ROBOAN 

J'avoye  baillé  deux  raisons 
et  de  matière  assés  commune, 
dont  nostre  maistre  a  saulvé  l'une  : 
or  viengne  a  l'aultro,  si  luy  plaist. 

ZOROBABEL 

8980  11  me  souvient  bien  quelle  elle  est  : 
vous  faictes  une  objection 
de  la  paix'  et  grand  union 
qu'au  temps  de  Giist  doit  cstre  mise, 
comme  David  le  prs^plietise, 

8985  et  que  pas  celle  paix  n'avons 
pour  plusieurs  grans  cxtorcions 
qui  sont  longues  a  mettre  en  compte. 
En  tant  qu'a  ma  matière  monte, 
il  est  besoing  que  nous  sachons 

8990  qu'il  y  a  paix  de  deux  façons, 
il  y  a  2)ax  imperata 
et  pax  jilena  et  perfecta,        , 
J'appelle  une  paix  imperee 
quand  le  peuple  d'une  contrée 

8995  est  tenu  dessoubz  ung  princier 
si  serré  qu'il  n'ose  groncier, 
et  Bi  n'y  a  pas  paix  parfaitte, 
mes  est  quelque  paix  contrefaitte 
en  tant  qu'anie  ne  se  rebelle  ; 

9000  l'aultro  «t  trcp  meilleur  et  plus  belle, 
qui  est  quand  ung  peuple  d'honneur 
est  soubz  son  naturel  seigneur 
qu'il  ayrae,  sort,  honore  et  craint, 
et  que  le  seigneur  ne  constraint 

800j   SCS  subgetz  ne  les  tiranuisc, 

mes  les  maintient  en  leur  franchise 


en  faisant  a  chacun  droiture  ; 

et  ceste  paix  a  tel  nature 

et  est  de  si  hault  bénéfice 
9010  qu'el  ne  peust  régner  sans  justice, 

car  ou  que  justice  n'a  cours 

paix  ne  peust  délivrer'  secours, 
,         et  ou  que  justice  sera 

paix  sa  résidence  y  fera  ; 
9013  et  si  doulcement  se  complaisent, 

(Ut  David,  qu'elles  s'entrebaisent. 

Ces-te  paix  dont,  ditto  dernière, 

pourrons  avoir  vra yo  et  plainiei'C, 

se  le  temps  vient  que  Cristus  règne 
9020  en  parfait  aage  sur  son  règne, 

et  qu'il  aist  bouté  ses  nuysans 

et  vaincu  ses  contredisans  ; 

la  première  qui  est  trop  mendro 

a  présent  nous  fault  en  gré  prendre, 
9025  puisque  mieulx  ne  pouons  avoir. 

JHESUS 

Mes  seigneurs,  il  est  assavoir 
se  vous  entendez  que  la  paix 
soit  la  plus  grande  de  jamais, 
|)ar  quoy  j'entendz  l'especialle, 

9030  ou  qu'elle  soit  si  generalle 

qu'en  tous  les  climas  de  la  terre 
il  ne  soit  tant  soit  peu  de  guerre. 
Le  second  faire  ne  se  peust, 
car  tous  les  jours  guerre  se  meust 

9035  entre  seigneurs  et  habitans, 
eulx  pour  divers  cas  debataus  ; 
mes  que  la  paix  soit  par  deçà 
plus  grande  qu'el  ne  fut  pieça, 
ce  ne  pouez  vous  ignorer  ; 

9040  quel  paix  peust  on  plus  espérer 
quand  tout  le  monde  en  une  somme 
est  tributaire  a  ung  seul  homme  ? 
Tout  le  monde  joint  liuy  les  mains 
a  l'imperateur  des  Romains  ; 

9043  dont,  mes  seigneurs,  je  vous  demande 
s'oncques  nul  jour  fut  paix  jilus  grande 
ne  plus  générale  union  ? 

ROBOAN 

Certes,  mon  filz,  je  croy  que  non, 
et  bien  parlez  a  ma  plaisance. 

JHESUS 

9030  l'^t  dont,  pour  quelle  répugnance 
ne  pourroit  il  estre  advenu 
que  Crist  a  présent  fut  venu  ? 


8966  la  jeunesse  A.  —  S068  Que  il  C.  —  8970  lignage  C.  —  SOOÎ  Et  manque  A.  B.   —  8994  et  une  contrée  B.  C. 

—  8996  Se  serre  B.  —  8998  Sosse  quelque  B.  —  gcoO  trop  mnnquc  C.  —  9002  Obeyst  a  son  seul  B.  —  9003  Qui  laime 
A.  B.—  9012  son  cours  B.  —  9017  Ceste  dont  ditto  derrenicre  B.  —  9020  mrmque  B.  —  9035  seigneurs]  bourgois  B.  G. 

—  901S  Certes  fils  je  pense  B.  C.  —  9050-30»  attribuas  ù  Roboan  B  —  9052  Cristus  C. 


PREMIERE 


en  son  tomps  doit  i)aix  habondcr 
et  justice  se  doit  (Tarder  ; 
9055  et  puisque  ce»  deux  choses  sont, 
concluez. 

ZOROBARBL 

Grist  est  venu  dont, 
et  s'ensuit  très  Lien  par  vos  dis. 

JHESIIS 

Mes  seigneurs,  tout  ce  que  je  cli< 
c'est  soubî,  correction  bénigne 
9000  et  pour  avoir  forme  et  doctrine 
par  la  science  qu'en  vous  gist. 

NATHAN 

Certes  cest  enflant  m'esbayst 
et  le  grant  sens  qu'eu  luy  l'epose  : 
ce  m'est  la  plus  nouvelle  chose 
90()5  que  jamés  je  cuide  choisir. 

NACHOn 

Je  prens  grand  plaisir  a  l'ouir, 
que  de  riens  qu'oncques  mes  ouys 
tant  eu  cueur  ne  me  resjouys, 
tiuit  est  gent  de  corps  et  de  voix. 

MANASSES 

9070  Qui  est  il  ? 

NACHOR 

Je  ne  le  congnois, 
et  fust  il  yssus  d'ung  bergier, 
si  peust  on  plainement  jugier 
que  c'est  ung  enffant  de  hault  lieu. 

MANASSES 

Nostre  maistre,  au  vouloir  de  Dieu 

907j  vous  avez  maintes  raisons  fortes 
saulvees  et  de  plusieurs  sortes: 
mes  pour  enquérir  plus  avant 
de  Cristus  qui  est  dit  devant, 
s'il  est  né  ou  s'il  ne  l'est  mye, 

9080  exposez  moy  la  prophecie 
dont  Daniel  jadis  parla, 
quand  ung  angle  luy  revella 
qu'après  que  septante  sepmaines 
seront  acompUes  et  plaines, 

9083  nostre  péché  doit  terminer 
et  vraye  justice  rogner  ; 
prophecies  et  visions 
aront  lors  leurs  implecions, 
et  dit  qu'a  celuy  temps  futur 

S090  sanctus  sanctorum  ungetur, 
par  lequel  Cristus  entendons. 

ZOROBABEL 

Nostre  maistre,  ung  peu  attei;dons  ; 


JOURNEE 

vous  nous  mouvez  très  forte  doubto 
dont  j'ay  doublé  et  encor  double, 
gogr>  passé  des  ans  a  grant  foison  : 
il  fault  «jufesscr  par  raison 
que  Daniel  parle  eu  appert 
du  hault  Cristus,  et  bien  y  port, 
car  il  le  nomme  ]ilainement. 

MANA.SSBS 

910O  l-'t  veey  dont  mon  argument  : 
se  depuis  le  temps  que  ce  dist 
Daniel  jusqu'au  ten)ps  de  Crist 
n'a  de  sepraaines  que  septante, 
il  fault  par  i-aison  suffisante 

9105  que  Cristus  soit  venu  pieça, 
car  du  temps  que  ce  dénonça 
jusques  a  cy,  sans  riens  rabatre, 
il  y  a  trois  cens  ans  ou  quatre, 
et  ainsi  Crbtus  oppresse 

9H0  de  vieillesse  fust  trespassé, 
ou  il  soroit  per|)eluel, 
ou  la  vision  Daniel 
n'aroit  pas  esté  véritable. 
D'aultre  part  il  n'est  pas  croyable 

9115  qu'il  fust  venu  en  son  royalitie, 
et  si  n'en  sçaroit  parlerame  ; 
aultrement  vous  fault  évaser. 

ZCROBABEI. 

A  communément  exposer 
mie  sepmaine  pour  sept  jours 

9120  comme  l'en  fait  le  commun  cours, 
vostre  argument  bien  conclurroit 
mes  jamès  ne  s'i  deduiroit  ; 
ains  fault  que  la  sepmaine  monte 
largement  a  trop  plus  grant  compte 

9125  pour  venir  jusqu'à  nostre  temps. 

JHESUS 

Prenez  chacune  pour  sept  ans 
pour  voir  combien  a  bien  compter 
les  septante  pourront  monter: 
espoir  que  vous  y  trouverez 
9130  le  juste  temps  que  vous  querez 
depuis  la  revelacion 
dont  Daniel  fait  mcncion 
jusques  au  temps  que  nous  vivons. 

ZOROliAHEL 

Filz,  c'est  bien  dit  :  or  l'esprouvons, 
9135  savoir  qu'il  en  pourroit  aller. 

NATHAN 

Je  voys  tout  par  moy  calculer 


117 


9066  tel  plaisir  C.  —  9081  acomplis  toutes  pleines  A.  —  9093  ung  Irfs  bon  15.  une  bonne  C.  —  9095  Passe  ades  ans 
grant.  B.  —  9108  U  a  des  ans  trois  cens  B.  C.  —  9109  expresse  C.  —  9114  nestoit  pas  B.  —  9120  on  le  B.  —  9123 
Mais  B.  —  9124  manqxte  C.  —  9126  Or  prenez  chacune  a  B.  C.  —  9187  brief  compter  A.  —  9131  le  prenons  B. 


H8 


MISTER  F.   DE   LA   PASSION 


savoir  se  iiombrer  le  sçaray. 

NACHOR 

Et  tandis  je  coiicorderay 
nos  histoires  et  nos  cronicques 
9140  des  rois  et  des  ducs  autentiques, 
combien  ilz  ont  régné  sur  nous 
depuis  ce  temps. 

MANASSES 

Dépêchez  vous, 
il  est  grant  temps  d'aller  diner. 
Icy  font  semblant  d'estudier 
et  les  autres  de  nomhrar. 


AQUILLAINE 

0  Dieu,  qu'il  fait  dur  cheminer 
9145  en  ce  temps  d'esté  qui  est  chault  ! 
mes,  Dieu  raercy,  il  ne  m'en  chault, 
puisque  tant  nous  sommes  penees 
qu'au  logis  sommes  retournées  : 
loué  en  soit  le  Dieu  des  cieulx  ! 

MARIE  JACOBY 

9150  Je  voy  nos  maris, 

MARIE   SALOMÉ 

Tant  vault  mieulx  : 
regardez  les  venir  bâtant, 
ilz  ne  se  sont  pas  hastés  tant 
qu'il z  soient  devant  nous  logé. 

NOSTRE   DAME 

Chères  seurs,  a  vo^tre  congé, 
9155  et  aussi  vous,  dame  Aquiline, 
ma  chère  et  amee  voisine, 
je  me  pars,  et  ne  vous  desplaise, 
car  jamès  je  ne  seray  aise 
tant  que  Jhesus  mon  enffant  voye. 

MARIE   JACOBY 

9160  Seur,  je  pry  Dieu  qu'il  vous  convoyé  : 
chacune  voist  a  son  mesnage. 

MARIE   SALOMÉ 

Nous  VOUS  mcrcions  du  voyage 
ou  avec  nous  avez  esté. 

AQUILLAINE 

Je  pry  au  Dieu  de  majesté 
9105  qu'a  vous  toutes,  notables  dames, 
tourne  au  saulvement  de  vos  âmes 
et  de  moy  par  vostre  moyen  ! 
Icy  s'en  vont  chacune  en  leur  logeis. 

91,37  les  scaray  li.  —  9164  .a  dieu  de  B.  —  91G6  noz  B.  — 
petite  potence  C.  —  9177  vous  promet!  B.  G.  —  9178  Quf 
i;.  —  9183  Enoor    e  crus  je  bien  B.  G.  —  9184  Qui  moy  ma 


JOSEPH 

Marie,  ma  joye  et  mon  bien, 
Dieu  vous  tiengne  en  parfait  soûlas  ! 
9170  Je  viens,  je  vous  promos,  bien  las 
et  fort  traveillié  sans  doubtance. 

NOSTRE   DAME 

Et  Jhesus,  mon  cher  filz  ? 

JOSBÏ'H 

Je  pense, 
se  m'aist  Dieu,  qu'il  n'en  aist  pas  mains. 

NOSTRE   DAME 

De  le  regarder  trop  remains  ; 
9175  je  m'esbays  que  ne  le  voy. 

JOSEPH 

Ou  est  il? 

NOSTRE  DAME 

Dittes  le. 

JOSEPH 

Qui,  moy? 
•     jepromos  Dieu  qu'a  mon  advis 
depuis  le  partir  ne  le  vis. 

NOSTRE    DAME 

O  cher  espoux,  sans  plus  d'esmoy, 
9180  ou  est  il? 

JOSEPH 

Dittes  le. 

NOSTRE   DAME 

Qui,  moy? 
il  est  avec  vous,  je  le  croy  ; 
c'a  esté  tousjoui's  mon  devis, 
le  contraire  croy  bien  envis. 

JOSEPH 

Ou  est  il? 

NOSTRE    DAME 

Dittes  le. 

JOSEPH 

Qui,  moy  ? 
91S5  je  promus  Dieu  qu'a  mon  advis 
depuis  le  partir  ne  le  vis. 

NOSTRE    DAME 

0  tendre  bouche  et  riant  viz, 
forme  humaine  bien  disposée, 
la  plus  noblement  composée 
9190  sur  tous  ceulx  du  monde  mortel, 
enffans  des  vivans  le  plus  bel, 
le  plus  gent  et  plus  cher  tenu, 

9170  je  vous  creans  B.  G.  —  9171  manque  B.  Atout  ma 
puis  B.  G.  —  9179  en  bonne  foy  B.  G.  -  9182  Sa  A.  B. 
nyiic  B,  —  9187  et  manque  B. 


PRKMIRRR    JOURNEE 


119 


mon  cher  filz,  qu'es  tu  devenu  ? 

Doluiitc!  et  piteuse  journée 
0195  jiour  moy  si  est  huy  ndjournec 

quand  de  l'ostel  te  fois  bouger  ! 

quel  dueil,  quel  courroux,  qiiel  danger, 

quel  niartire,  quelz  durs  de|)ars 

nray  je,  filz,  si  je  te  pars  ? 
8200  0  cnll'ant  de  bonté  pnrfonde 

en  qui  tout  mon  espoir  se  fonde 

et  sans  qui  n'ay  plaisant  séjour, 

que  m'est  il  advenu  ce  jour  ? 

Très  auiourousc  créature, 
9205  t'ay  je  lessé  a  l'aventure 

sans  garde,  sans  protection, 

sans  vivres,  sans  provision, 

sans  toy  anoncer  mon  départ  ? 

et  encor  ne  sçay  en  quel  paît, 
9210  0  cher  fdz,  je  te  trouveray. 

JOSEPH 

Chère  espeuze,  je  vous  diray  ; 
pour  Dieu,  tenez  moy  excuse  : 
je  n'ay  pas  renft'aut  roffuso 
no  laissé  par  ma  négligence, 
9Î15  mes  cuidoie  en  ma  conscience 
(  ainsi  m'aide  Dieu  a  la  vie  !  ) 
qu'il  fust  en  vostrn  compaignie, 
et  a  vous  je  m'en  attendoye. 

NOSTRE    DAME 

Et  d'aultre  costé  je  cuidoye 
9820  (  ce  scet  Dieu  )  qu'il  fut  avec  vous. 
0  cher  espoux,  que  fei'ons  nous  ? 
tout  nostre  trésor  est  pnrdu  ; 
BC  ))ricfment  il  ne  m'est  rendu 
courroux  me  partira  le  cueur. 

JOSEPH 

922-5  Resconfortez  vous,  chiere  seur, 
(  t  vous  soufflée  qu'on  le  quorre. 
11  n'est  pas  demouré  derrière, 
je  le  cuide  sçavoir  de  vray. 

NOSTRE   DAME 

0  doulx  Jhesus,  ou  te  querray  ? 
9230  se  de  toy  puis  estre  certaine, 
je  n'y  plainderay  pas  ma  paine, 
et  deusso  jusqu'à  la  mort  querro. 

JOSEPH 

Cessez  vos  plains  :  allons  enquerro 
par  nos  congnous,  par  nos  voisins, 
9235  par  nos  affins,  par  nos  cousins, 
sçavoir  se  nous  le  trouverons. 


NOSTBB   DAME 

Allons,  jamès  ne  cesserons 
tant  que  nous  en  ayons  nouvelle. 

JOSEPH 

Dieu  doint  qu'elle  «oit  bonne  et  belle, 
98*0  si  vray  qu'il  nous  en  est  mcstier  ! 

NOSTRE   DAME 

Allez  d'ung  costé. 

JOSEPH 

Vol  entier  ; 
noua  ferons  icy  départie  : 
vous  en  ii'oz  d'une  partie 
et  j'iray  d'aultre  pour  sçavoir. 

NOSTRE   DAME 

9245  Pour  Dieu,  faictes  en  bon  devoir. 

JOSEPH 

Plaise  Dieu  qu'a  cela  no  tiengne, 
je  n'ay  pas  peur  qu'il  ne  reviengne 
sur  piez  devant  vostre  regard. 


NOSTRE   DAME 

Beau  frère,  le  grand  Dieu  vous  gard  ! 
9250  nous  sommes  moult  fort  desconffis. 

ZEBEDEUS 

Comment,  Marie  ? 

NOSTRE  DAME 

De  mon  filz 
Jhesus,  que  Dieu  veille  garder, 
que  ne  cessons  do  demander, 
et  si  n'en  oyons  vent  ne  voye. 

ZEBEDEUS 

92!xi  Par  mon  ame,  je  ne  sçaroyo 
pour  l'eure  le  vous  jissensor, 
ne  je  no  sçaroye  penser 
qui  lo  peut  avoir  retenu  : 
est  il  point  avec  vous  venu  ? 

9260  nous  tous  espérions  qu'il  y  fust. 

NOSTRE   DAME 

Je  cuidoye  que  Joseph  l'cust, 
et  luy  a  moy,  d'autre  costé. 

ZEBEDEUS 

Et  ainsi  l'enfifant  a  esté 

par  ce  moyen  mis  en  oubly  ? 

NOSTRE   DAME 

9265  Ça  mon,  mes  pas  je  ne  l'oubly  : 
Dieu  scet  combien  j'en  suis  dolente. 


Olft'i  Iristablo  B.  C.  —  9195  Par  moy  .is  mnleheiire  lî.  C.  —  9202  Sans  qui  nay  plaisance  B.  —  9210  ou  te  trouuay 
B.  —  92111  Nainsi  iiiaist  G.  —  9221  O  nirinr/iu-  C.  —  9225  belle  seur  A.  —  9233  salons  B.  —  9238  oyons  C.  —  92V4 
part  sauoir  B.  —  9215  faietes  y.  Joseph  mon  deuoir  B.  bon  manque  C.  —  9!K6  assener  C.  —  9261  Jentendoye  B.  — 
9262  Et  luy  moy  en  bonne  vérité  A.  —  9265  Sa  mon  A.  B.  C. 


120 


MISTERE   DE 


ZEBEDEUS 

En  bonne  foy,  chère  parente, 
sur  ce  ne  sçaroye  que  dire  ; 
bien  sçay  que  Joseph  le  bon  sire 
9870  cuidoit  de  vray  que  vous  l'eussiez. 

NOSTRE   DAME 

N'est  il  en  lieu  que  vous  sceussiez 
m'en  donner  advertissement  ? 

ZEBEDEUS 

Nennil,  dame,  certainement  : 
je  ne  vous  sçay  assigner  place. 


NOSTEE    DAME 

9275  0  père  du  ciel,  par  ta  grâce 

vueille  ton  cher  filz  prendre  en  garde 
et  la  povre  mère  regarde 
en  doulceur  et  vraye  amittié, 
car  se  de  mon  fait  n'as  pitié 

9880  a  peu  sçay  je  comment  il  m'est. 


LA   PASSION 

ne  le  vous  ramena  il  mye  ? 

NOSTRE    DAME 

Nennil,  ma  doulce  chère  amie; 
9300  c'est  de  quoy  je  me  debas  tant: 
il  s'en  est  venu  tout  bâtant, 
et  l'enffant  est  la  demouré. 

ESDRAS 

C'est  petitement  laboure  ; 
il  ne  l'eust  deu  laisser  jamès. 

AQUILLAINE 

9305  Ha  !  le  bon  homme  n'en  peust  mes  : 
il  en  pense  com  de  soy  mesmes  ; 
il  a  cuidé  qu'entre  nous  femmes 
l'eussions  par  de  ça  ramené. 

NOSTRE   DAME 

Voisin,  qu'il  me  soit  pardonné  : 
9310  je  vois  mon  enqueste  parfaire. 

AQCILLAINE 

Pour  meilleur  diligence  faire, 
voisine  et  ma  doulce  compaigne, 
je  vous  pry  que  je  vous  compaigne, 
car  vostre  dueil  me  gricfve  moult. 

NOSTRE    DAME 

9315  II  me  plaist  bien. 


Voisin. 

ESDRAS 

Ma  dame,  que  vous  plest  ? 
comment  vous  est,  je  vous  on  prie  ? 

NOSTRE   DAME 

Povrement,  je  suis  tant  merrye 

que  cueur  n'en  peust  plus,  beaux  amis. 

ESDRAS 

9885  Gomment  ce  ?  qui  vous  y  a  rais  ? 
vous  me  faictes  tout  espardu. 

NOSTRE   DAME 

Jhesus  mon  euffant  est  pardu, 
ce  sont  nouvelles  bien  maudites. 

ESDRAS 

Pardu  !  dea,  qu'est  ce  que  vous  dites  ? 
9890  no  proferez  pas  tel  langage  ; 
forsc  qu'il  est  en  ce  village, 
en  lieu  que  nous  no  sçavons  pas. 

NOSTRE   DAME 

Je  le  quier  partout  pas  pour  pas, 
mes  ame  n'en  scet  quelque  chose. 

AQUILLAINE 

9293   Et  certainement  je  suppose 

qu'il  n'est  de  gueres  eslongné  ; 
quant  Joseph  a  eu  besongné. 


JOSEPH 

Dieu  benist  tout  ! 
Chers  parents,  est  il  de  vous  nulz 
qui  me  sceut  enseigner  Jhesus, 
nostre  enffançonnet  tant  habille  ? 
nous  le  querons  par  tout  la  ville  ; 
9320  oncques  mon  corps  tant  ne  pena. 

ALPHEUS 

Quant  Marie  le  ramena, 

ou  l'a  el  laissié  n'en  quel  lieu  ? 

JOSEPH 

Elle  l'a  laissié,  de  par  Dieu, 
en  Jherusalem  la  cité. 

ALPHEUS 

9325   C'est  simplement  diligente  : 
il  y  a  plain  jour  de  chemin. 

JOSEPH 

Nous  doubtons  qu'aucua  bon  voisin 
l'aist  ramené  sans  nostre  sceu. 

ALPHEUS 

Certes  nous  n'en  avons  rien  sceu, 
9330  et  est  l'aventure  ennuyeuse, 


9271  ou  vous  B.  —  0276  en  grâce  B.—  9284  ne  B.  —  9288  Sont  ce  B.  C.  —  9290  ce  language  C.  —  9291  Forsan  A. 
dame  très  sage  A.  —  9298  vous  ne  scauez  pas  C.  —  9294  ne  B.  —  9309  il  me  B.  G.  —  9315  II  me  desplait  C.  —  9320 
tant    mon  B.  C.  —  9321  Alpheus'}  Zebedeus  B.  C.  —  9382  Ou  la  le  A,  Ou  la  elle  B.  C. 


PREMIERE   JOURNEE 


121 


car  la  more  est  forment  pitiu:)U  : 

si  croy  qu'il  no  luy  plaist  qu'uug  peu. 


MAlllE    SAI.OMK 

Qui  est  00  ? 

ALPHEUS 

C'est  voptro  ncpvou 
Jbcsus,  qu'on  quiert  de  tous  costés. 

JOSEPH 

9335  Nous  sommes  tant  doseonffortés 
en  nostro  hostol  de  ccst  annoy, 
que  je  ne  sçay  Marie  ou  nioy 
qui  plus  eu  a  de  dosplaisaiice. 

MARIE  SAIX)MÉ 

Or  regardez  quel  aggravance  : 
93'iO  tousjours  nouveaulx  desplaisire  viennent  • 
c'est  mal  fait  a  ceidx  qui  le  tiennent 
qui  ne  l'ont  ramené  en  l'euro  ; 
mes  quoy  qu'il  soit,  je  vous  asseure 
que  céans  il  n'est  pas  verty. 

JOSEPH 

9345  Je  querray  donc  aultro  paity 

tant  que  je  viengne  a  quelque  fin. 


tu  n'avoyes  plaisance  qu'une, 
ue  jamè»  plus  n'en  attendiz  ; 
9305  or  la  pers,  et  mal  y  tendiz  : 
tu  vois  le  danger  qui  en  sourt. 

AQUILLAINE 

Se  quelque  ame  n(!  nous  ressourt, 
cause  n'y  voy  d'y  faire  chère. 


Arbeline,  voisine  chère, 
8370  avez  vous  point  veu  cy  en  sus 
vostre  hostcl  le  petit  Jhesus  ? 
dites  le  nous,  je  vous  eu  prie. 

ARBELINE 

Qui,  Jhesus  ? 

AQUILLAINE 

Le  filz  do  Marie, 
qui  est  de  si  noble  renom. 

ARBELINE 

9375  En  vérité,  m'amye,  non, 
et  s'aucune  chose  en  savoie, 
autant  volontiers  le  diroie 
comme  vous  me  le  requérez. 


NOSTRE  DAME 

Kliachin,  mon  cher  affin, 

n'est  point  dedans  vostre  maison 

mon  filz  Jhesus  ? 

ELIACHIN 

Pour  quel  raison  ? 
9350  ne  sçavez  vous,  danio,  ou  il  est  ? 

NOSTRE    DAME 

Se  vous  l'avez,  et  il  vous  plcst, 
pour  Dieu  qu'amo  ne  me  le  celle, 
car  au  jour  d'uy  cuide  estre  celle 
qui  a  plus  de  ducil  a  porter. 

ELIACHIN 

9355  Se  vous  sceusso  réconforte!', 

dame,  je  le  feisse  en  brief  terme, 
mes  je  vous  promès  et  afferme 
que  je  ne  l'ay  veu  n'encontré. 

NOSTHE   DAME 

Vecz  cy  pour  avoir  tout  iiultré 
9360  le  cueur  par  desplnisance  amere  ; 
o  dolantc  et  piteuse  mère, 
que  feras  tu  de  ta  fortune  ? 


ANDROMETA 

Et  qui  est  ce  que  vous  querez 
0380  si  cbauldoment,  dame  Aquiline? 

AQLILLAINE 

C'est  Marie,  nostre  voisine, 
qui  a  pardu  tout  son  désir. 

ANDROMETA 

Qui? 

AQUILLAINE 

Son  enffant. 

ANDROMETA 

Quel  desplaisir  ! 
helas  !  qu'elle  est  en  grant  soucy  1 

ARBELINE 

9385  II  ne  peust  estre  loing  d'icy  ; 
avez  vous  bien  par  tout  enquis  ? 

AQUILLAINE 

Nous  l'avons  en  tant  de  lieux  quis 
que  ne  sçavons  mes  ou  quérir. 

ARBELINE 

Vous  pourray  je  en  riens  secourir? 
9:C0   n'ctpaigr.tz  tme  a  tel  hescing. 


9336  A  noslre  B.  —  93'<8  ims  B.  C.  —  93M  ou  il  se  tient  B.  C.  —  9551  Sauoun  bon  voisin  le  retient  B.  C.  —  9354 
plus  a  lie  dueil  Ji.  —  9363  fors  une  B.  G.  —  9365  entendiz  B.  —  937:!  supplie  B.  C.  —  9377  vous  Uiroio  B. 


122 


MISTERR    DE    LA    PASSION 


AQUIU.AINE 

Dame,  ja  n'en  irez  plus  loing, 
nous  en  avons  tourné  maint  tour, 


JOSEPH 

Avez  vous  point  veu  cy  cntour 
ung  onffant  (l'un  bien  (loulx  visage  ? 
PRiscus,  voisin. 
9395  Dittes,  beau  père,  de  quel  aage  ? 
et  après  nous  le  vous  cliron. 

JOSEPH 

Il  a  douze  ans  ou  environ, 
non  obstant  qu'il  est  grandelet, 
ung  beau  filz  assés  vermeillet, 
9400  les  yculx  vers,  la  char  blanche  et  tendre, 
les  cheveulx  blons,  et  a  tout  prencli'c 
il  a  la  bouchete  vermeille, 
et  est  bel  enffant  a  merveille  : 
en  luy  n'y  a  riens  a  redire. 

PRISCUS 

9405  Est  ce  Jhesus  ? 

JOSEPH 

Oy,  cher  sire  ; 
il  est  huy  de  nous  départy 
et  no  sçavons  en  quel  party 
l'aller  querrc  pour  le  meilleur. 

RACHEL,  femme  a  Priscus. 
Ha  !  que  la  mers  a  de  doleur,  • 

94)0  Marie,  la  bonne  maistresse  ! 
c'estoit  la  plus  belle  jeunesse 
d'enffant  qu'on  peust  regarder  d'ueil. 

PRISCUS 

Joseph,  je  plains  bien  vostre  dueil 
et  de  vostre  espeuze  ensemcnt  ; 
9415  mes  de  l'enffant  certainement 
en  riens  conffoiter  ne  vous  puis, 
ne  je  ne  le  vis  oncques  puis 
que  de  la  cité  nous  partismes. 

JOSEPH 

L'un  a  l'aultre  nous  attendismes  ; 
9420  ainsi  l'avons  demanevé. 


NOSTRE   DAME 

Aquiline,  avez  vous  trouvé 

mon  cher  enflant  en  quelque  place  ? 


AQUILLAINB 

Nennil,  dame,  sauf  vostre  grâce, 
la  vérité  n'en  fault  celer  ; 
9425  et  vous  ? 

NOSTRE  DAME 

Ame  n'eu  scet  parler  ; 
et  si  le  quiers  toute  journée, 

AQUILLAINE 

Je  ne  trouve  parsonne  née 
qui  m'en  sache  faire  raport  ; 
mes  prenez  un  bon  reconfort, 
9430  dame,  et  n'ayez  le  cueur  merry  : 
veez  cy  Joseph  vostre  mary 
qui  l'a  trouvé,  comme  je  tien. 

NOSTRE  DAME 

J'apperçois  bien  a  son  maintien 
qu'il  ne  l'a  trouvé  no  que  j'ay. 


9435 


0440 


9450 


9455 


AQUIIXAINE 

Gomment  va,  Josejih  ? 

JOSEPH 

Je  ne  syay  ; 
ma  chère  amye,  en  vérité, 
je  suis  en  tel  perplexité 
qu'a  peu  que  le  cueur  ne  me  part. 

NOSTRE    DAME 

Vous  ne  le  trouvez  quelque  part  : 
vostre  samblant  assés  le  juge. 

JOSEPH 

Ma  dame  et  singulier  reflTuge, 
pardonnez  moy  se  j'ay  mespris,, 
mes  j'en  ay  tant  de  peine  pris 
de  randir  derrière  et  devant, 
et  si  ne  treuvc  ame  vivant 
qui  sache  riens  de  son  affaire  : 
je  n'en  sçaroye  plus  que  faire 
et  s'en  deusist  ma  mort  onsuyvre. 

NOSTRE  DAME 

0  mort,  accours  et  me  délivre, 
mort,  vien  et  m'escrips  en  ton  livre, 
car  sans  mon  filz  je  ne  puis  vivre  ; 
vien,  je  le  veil  : 

Si  me  feras  cesser  le  dueil 
dont  tant  amèrement  me  dueil 
que  je  pleure  de  cueur  et  d'ueil 
par  grant  vertu. 

Filz  de  toute  bonté  vestu, 
ou  os  tu,  cher  filz,  ou  es  tu  ? 


9305  Bien   gentelet  Priscus   Et  de  quel  ange   B.  C.  —  9399  Ung  bel  enfant   C.  —  9404  Briefment  il  le   fault  ainsi 
aire  8.  Ç.  —  9406  sest  B,  C.  —  9409  a  grant  B.  G.  —  9480  desamene  B.  —  9455  Quant  je  B. 


PREMIERE   JOURNEE 


123 


94C0 


9i05 


9'i70 


9'.S0 


9485 


9490 


9 '.95 


9500 


950J 


doulx  Jhesug,  quo  n'as  tu  setitu 
les  gran»  ennuys 
Quo  j'aray  de  jours  et  de  iiuys, 
so  jnnù'S  ravoir  no  te  puis  ? 
mes  larm&s  foroient  ung  puis 
;i  la  durée. 
0  tendre  bouche  coulouree, 
douloo  forme  biou  figiireo, 
créature  très  bien  euroc 
qui  fais  cccy, 
N'as  tu  do  ta  merc  mcrcy, 
quand  tu  l'habnudouncs  ainsy 
tainte  d'ung  courroux  tout  noircy  ? 
fllz,  que  feray  ? 
Est  ce  le  guerdon  que  j'aray 
que  jaini's  jo  no  te  verray, 
mes  par  tciy  sans  fin  gemiray  ? 
qu'ay  jo  méfiait  ? 
Tu  es  tout  bon  et  tout  parfait  : 
filz,  regarde  en  pitié  mon  fait, 
sans  toy  mon  bien  vault  que  deffait, 
j'en  suis  cortaine; 
Sans  toy  vivre  ne  m'est  que  paine, 
sans  toy  santé  si  m'est  grevaine, 
et  par  toy  tout  bien  me  ramaine 
en  cstaturo. 
0  très  excoUanto  nature, 
précieux  fruit  qui  n'as  pointure, 
hault  trésor  de  deité  pure, 
t'ay  je  pardu  ? 
Mo  seras  tu  jamès  rendu  ? 
je  veil  savoir  au  résidu 
les  raisons  pourquoy,  attendu 
quo  doulcemont 
T'ay  nourri  et  songneusemcnt, 
pensant  de  toy  totallement  : 
»  haidt  porc  du  firmamcut 
qui  me  donnas 
Ton  cher  filz  et  le  m'ordonnas 
quand  en  mon  ventre  l'incarnas, 
se  do  moy  souvenance  n'as, 
il  m'est  ravy. 
Tout  mon  penser  luy  ay  plevy, 
tousjours  l'ay  amé  et  soi'vy  ; 
le  perdre  n'ay  pas  desservi 
par  négligence. 
Mes  j'ay  parfaicte  confidence 
que  ta  bénigne  providence 
le  me  restitue  on  présence 
quand  to  plaira. 


JOSEPH 

Chère  espeuzc,  qui  me  croira, 
»10  vous  lerrez  vos  plaintes  ester, 
car  par  plourer  et  lamcuter 
nous  ne  pouons  ronfTaut  ravoir, 
mes  pour  le  miculx  allons  syavoir 
en  Jheiusalom  sans  tai'der 
05i5  et  de  lieu  en  lieu  demander 
s'il  y  est  ;  veez  la  mon  conseil. 

NOSTRE  DAME 

.Mlons,  cher  espoux,  je  le  veil  • 
nous  le  trouverons  par  ce  point, 
car  quant  a  moy  je  ne  croy  point 
9580  qu'il  n'y  demourast  au  retour. 

JOSEPH 

Il  est  la  en  quelque  destour 
ou  il  a  fain  et  grant  mesaise. 

NOSTRE  DA.ME 

Or  je  requier  Dieu  qu'il  lui  plaise 
nous  en  donner  nouvelles  bonnes  I 


.] 


NATHAN 

9525  Seigneurs  et  discrètes  personnes, 
j'ay  ces  sepraaines  regardées, 
ainsi  quo  les  a  demandées 
cest  cnfFant  qui  est  cy  scans  ; 
mes  pris  chacune  pour  sept  ans, 

9530  so  mes  chiffres  no  me  forconiptent, 
les  septante  semaines  montent 
et  portent  des  ans  dessus  dis 
quatre  cens  quatre  vingtz  et  dis, 
autant  y  en  trouve  par  nond)rc. 

MANASSES 

9535  Or  fault  il  maintenant  qu'on  nombre 
combien  il  a  que  du  prophète 
ceste  prophocie  fut  faicte  : 
ce  nous  pourra  moult  avancer. 

NACHOR 

Je  trouve  qu'il  fault  commancer 
i»40  au  cinquième  an  ou  peu  plus  bas 
du  rogne  de  Sedechias, 
et  les  raisons  y  sont  notoires, 
car,  comme  on  voit  par  nos  histoires, 
plusieurs  de  nostro  nacion 
9545  par  divine  pugnicion 


9467  très  manqur  C.  —  9469  Que  nas  tu  C.  —  9479  que  fait  C.    —  9503  pordray  n.  —  9517  amis  je  le  conseil  B. 
9583  Je  requiers  a  B.  —  9530  Do  ce  mes  chiffres  ue  surcontent  B.  —  95'»0  peu  manque  B. 


124  MISTERE 

furent  monés  en  Babiloiiie, 
la  souffrirent  de  grant  essoino, 
de  servitude  et  de  meschief. 

GAMALIEI, 

Nostro  maistre,  faictes  le  Lrief  : 
SfôSO  long  procès  n'est  point  de  saison. 

NACHOR 

Je  le  dis  pour  ceste  raison, 

que  le  saint  de  Dieu  approuvé, 

Daniel,  estant  captivé 

en  celluy  estrange  pays 
95»  comme  plusieurs  aultres  Juifz, 

ung  jour  regardant  en  l'escript 

que  Jheremie  avoit  escript, 

trouva  qu'après  des  ans  septante 

de  leur  servitude  pesante 
9560  dévoient  estre  délivrés 

et  en  leur  terre  recouvrés, 

et  Daniel  qui  ce  veoit 

incessamment  a  Dieu  prioit 

que  si  haulte  promission 
9565  sortist  verificacion 

comme  depuis  y  a  paru, 

car  ung  angle  luy  apparu 

qui  luy  revella  plus  avant 

qu'il  n'avoit  demandé  devant  : 
9570  car  oultre  celle  délivrance 

que  depuis  orent,  congnoissance 

l'angle  de  Dieu  luy  voult  donner 

du  temps  que  Grist  devoit  régner 

comme  veillant  appropiier  : 
9575  Daniel,  tu  veulx  Dieu  prier 

que  ton  peuple  soit  évité 

d'exil  et  de  captivité, 

luy  demandant  ayde  et  conffort  : 

tu  Taras  ;  et  encor  plus  fort, 
9580  car  oultre  celle  cspecialle, 

la  délivrance  générale 

qui  par  Gristus  doit  estre  mise 

dessus  la  uacion  juifze 

par  moy  te  sera  magnifeste, 
9585  et  de  fait  je  te  magnifeste 

qu'en  ces  septaiitc  et  cetera 

Gristus  son  règne  acceptera. 

Septante  sepmaines  luy  mist 

jusqu'à  Tadvenement  de  Grist, 
9590  et  a  les  prendre  pour  sept  ans 

en  commançaut  a  celluy  temps 

de  Sedechias,  qui  bien  compte, 


DE   LA   PASSION 

il  vient  bien  près  do  nostre  compte  ; 
car  depuis  luy  a  temps  passés 

9595  et  d'ans  largement  et  assés 
pour  fournir  totallcs  et  plaines 
les  dictes  septante  sepmaines 
qu'a  Daniel  furent  données, 
et  chacune  pour  sept  années, 

9600  comme  par  nos  histoires  treuve. 

NATHAN 

L'enifant  a  bien  dist,  je  l'appreuve 
et  n'avoit  pas  mal  devisé. 

GAMALIEL 

Mes  soubtillement  advisé, 

on  ne  sçauroit  mieulx  exprimer. 

ZOROBABEL 

9605  Et  c'est  tousjours  pour  conformer 
la  conclusion  que  je  preus  ; 
et  soustiens  que  pas  ne  mesprens 
de  dire  que  Gristus  est  né 
et  au  mortel  monde  incarné, 

9610  puisque  le  temps  qu'il  fut  promis 
a  Daniel  ba  esté  mis 
a  sensible  execucion. 

JHESUS 

Seigneurs,  j'ay  une  question 
petite  que  volentiers  feisse, 
9615  se  vous  oflfencer  ne  craignisse  ; 
si  vous  plest,  vous  me  la  souldrez. 

ZOROBABEL 

Demandez  ce  que  vous  vouldrez, 
bon  filz,  et  vous  serez  ouy  ; 
est  ce  sur  la  matière  ? 

JHESUS 

Ouy. 

9620  Daniel  dit,  comment  il  m'est 
advis,  en  son  petit  livret, 
en  tel  forme  :  Quando  vel  cuin 
venerit  sanctus  sanr.lorum, 
cessabit  unctio  vestra. 

9625  Que  veult  il  pi'ouver  par  cela  ? 
veult  il  dire  que  l'onguoment 
des  roys  qui  s'est  fait  lougnemont 
en  Judée  pour  grand  raison 
doyve  faillir  en  la  saison 

9630  que  Gristus  vendra  en  ce  monde  ? 
exposez  moy  ou  il  se  fonde, 
car  il  m'est  ung  peu  difficille. 

ZOROBABEL 

Vostre  question  est  soubtille, 


9547  de  leur  personne  A.  —  9548  Do  seruUude  gvant  meschief  A.  —  9551  achoison  C.  ^  9555  des  aultres  A.  — 
9560  Si  deuoient  A.  —  9571  pleine  et  franche  B.  C.  —  9572  Congnoissance  luy  vol  donner  B.  C.  —  9578  En  lui  don- 
nant A,  —  9585  proteste  C.  —  9594  a  manrjue  B.  a  dans  G.  —  9595  Et  tant  C.  —  9601  deuise  C.  —  9615  cuidisse  11. 
craindisse  C.  —  9620  comme  il  me  sambie  B.  C.  —  9621  En  autre  lieu  qui  sentresamble  B.  G. 


PREMIERE  JOURNEE 


125 


mon  filz,  et  je  vous  y  rospons 
0635  que,  so  ces  inos  sont  bien  cspons, 
il  veult  dire  quand  Crist  vendra 
que  nostre  unction  dcifauldia, 
hoc  est  qu'alore  nous  n'arons  point 
de  roy  sur  nous  qui  soit  cnoiut, 
9640  mes  alors  sei'a  cessé  l'oindre. 

JHESUS 

Et  comment  se  pourra  il  joindre  ? 
^'ous  soustenez  qu'Emmanuel 
sera  vosti'e  roy  temporel, 
et  s'il  est  dont  qu'il  règne  ainsi, 

96lj  il  fault  qu'il  soit  cnoint  aussi  : 
donc  alors  pas  ne  cessera 
l'onction,  puisqu'enoint  sera  : 
cela  se  vouldroit  contredire, 
so  n'est  que  vous  voulsissiez  dire 

9650  que  Cristus  l'onction  receust 
et  puis  janiès  roy  ne  le  fust; 
mes  ainsi  n'entend  pas  sa  clause, 
et  si  fauldroit  assigner  cause. 
Mes  se  vous  voulez  condescendre 
155  qu'avant  que  Crist  doyve  descendre 
cesto  unction  soit  doperie, 
la  chose  est  ja  toute  adverio, 
car  roy  n'avons,  ce  sçavez  vous, 
qui  soit  enoint  par  dessus  nous, 

8660  n'oncques  Herode  ne  receust 
l'onction  ne  digne  n'en  fut, 
car  sa  ligne  n'est  pas  fondée 
ne  venant  des  rois  de  Judée  ; 
dont,  quand  Herode  avant  sailly, 
itnctio  nostra  doffailly: 
cela  se  pourroit  maintenir. 

ZOROBABEI, 

11  dit  bien,  c'est  pour  soustenir 
la  posicion  que  j'ay  fait 
que  Cristus  est  venu  de  fait  ; 
9670  car  puisque  nostre  unction  fault, 

I       Cristus  est  venu,  il  le  fault, 
c'est  Daniel  tout  a  la  lettre. 
JHESL'S 
Dittes  nioy  aussi,  nostre  maistro, 
ou  gist  une  aultre  autorité 
B75  qu'on  a  maintefTois  recité 
et  est  en  nostre  loy  commune. 
ZOnOBABEL 
Ou  est  elle,  mon  filz  ? 
JHESUS 
C'est  une 
fil 


9685 


9090 


WiO  i-ossora  le  monde  B,  leur  oindre  G.  —  9662  lignée  A.  II. 
souslrnir  lî.  G.  —  9671  y  le  lî.  —  «677  Quelle  C.  —  9079  Ou  il  a  B. 
nonr.1  1!.  C.  —  9695  auoit  donc  B.  —  9705  judce  G.  —  9706  Ncst 
soit  B.  C    —  9718  comme  B.  —  9719  Oncqucs  je  no>s  telle  A. 


qui  parlfl  aussi  du  temps  futur 
en  disant  :  A'on  aii/J'eretur 
9080  ceptrum  de  Juda. 

ZOROUADEL 

11  souffit  ; 
ce  fut  quand  Jacob  si  bcnist 
ses  douze  filz  :  lors  leur  prcscha 
et  du  temps  futur  annunça 
aucunes  choses  bien  obscures, 
prophetizant  leurs  adventures 
qui  en  après  leur  advcndroient 
ou  a  ceulx  qui  d'euix  descendroient; 
et  quand  a  Judas  son  filz  vint, 
ccstc  pi'oniesse  luy  maintint 
et  dist  que  le  ceptrc  royal 
(  c'est  le  royaulme  geuei'al  ) 
en  sa  ligne  ja  ne  faiddroit 
jusques  a  tant  que  Crist  vcndroit  : 
l'auclorité  est  bien  patente. 

JHESUS 

9C95  Jacob  donc  avoit  son  entente 

qtio  les  roys  de  Juda  venans 

dévoient  estre  parvenans 

de  ligne  bien  entretenue 

jusqu'à  celle  digne  venue 
0700   de  Cristus  '>. 

GAMALIEL 

Ainsi  l'entendons. 

JHESIS 

VX  donc,  mes  seigneui-s,  regardons  : 

le  ccptre  de  regaUté 

u'est  il  pas  substret  et  ostc 

de  la  lignée  de  Juda  ? 
9705  quel  roy  le  ceptre  de  Jude  a  ? 

il  est  d'estrange  nacion, 

de  langage  et  d'extraction, 

et  mesmement  d'estrange  loy 

repprouvé  et  de  faulx  alloy, 
9710  faulx  ydolatre  et  mescroant 

qui  est  img  point  l>ieu  mal  séant 

en  nostre  loy  tant  noble  et  digne. 

Et  de  recliief  c'est  img  grant  signe 

que  la  haultaiue  prophecic 
9715  do  Jacob  est  or  accomplie, 

et  que  Cristus  est  descendu. 

ROROAN 

Seigneurs,  avez  vous  entendu 
ccst  enffant  comment  il  propose  ? 

GA.MALIEL 

Oncques  mais  je  u'ouys  tel  chose, 

c.  —  9663  En  la  lignée  de  judee  B.  C.  —  9666 
C.  —  9681  jacob  quant  il  venist  B.  G.  —  96S3  leur 
il  A.  —  9709  faiilse  lov  B.  —  9715  et    9716  est 


1-26 


MISTERE   DE    LA    PASSION 


9720  et  fust  iing  homme  de  trente  ans, 
s'est  il  bien  son  propos  traictans 
et  d'ung  entendement  soabtil. 

MANASSES 

Mes  je  vous  prie,  qui  est  il  ? 
est  il  homme  qui  le  congnoisse  ? 

NATHAN 

07i5  Je  requicr  a  Dieu  qu'il  l'accroisse 
et  le  parface,  si  luy  plaist  ; 
je  ne  sçay  qui  ne  dont  il  est, 
mes  enffant  de  grant  bien  se  moustrc. 

JHESUS 

Seigneurs,  je  vous  demande  en  oultro 
0730  ung  aultre  point  tuut  simplement. 

ZOROBABEL 

Avant  !  mon  cnifant,  hardiment, 
nous  vous  orrons  de  bon  vouloir. 

JHESUS 

Or  je  vous  demande  assavoir 
se  la  loy  que  nous  maintenons 
9735  et  que  de  Moyse  tenons 
s'cntretondra  tousjours  ainsi 
sans  riens  changer  ? 

GAMALIEL 

Je  tiens  que  sy, 
car  la  loy  fut  de  Dieu  donnée 
et  par  sa  puissance  ordonnée. 
9740  Si  croy  qu'on  ne  pourroit  trouver 
qui  y  voulsist  riens  innover, 
car  elle  est  très  Wen  en  ce  point. 

MANASSES 

Quant  a  cela  je  ne  croy  ]ioint 
et  repute  a  très  grand  folye 
9745  que  nostre  loy  soit  abolye  ; 
mes  tousjours  ainsi  dui-era. 

ZOnOBABEI, 

Va  je  cuide  que  non  fera, 

et  qu'il  y  ara  changement 

devers  le  hault  advenement 
9750  de  Gristus  ;  et  ma  raison  fonde  : 

pourquoy  vendra  il  en  ce  monde, 

sinon  pour  régir  et  juge;- 

et  nos  deffaultes  corriger  ? 

et  quand  ainsi  corrigera, 
9755  je  tien  que  la  loy  changera, 

et  seront  alors  demollies 

beaucop  do  nos  eerimonies 

aux  sains  prophètes  révélées, 

a  tout  le  moins  renouvellees  ; 
07C0  plusieui-s  ont  ceste  oppinion. 


JHESUS 

Selonc  ceste  conclusion, 
simples  gens  conclurro  pourront 
que  Crist  fust  ne  ;  car  ilz  verront 
fort  approuchei'  ce  que  vous  dittes  ; 

97C5  et  pour  monstrer  les  choses  dittes, 
regardez  moi  vostre  prestrise, 
le  grand  pontiphe,  dont  Moysc 
Aaron  le  premier  consacra, 
l'ongnict  unctione  sacra 

9770  et  voulu  que  la  dignité 
qui  est  de  belle  auctorité 
descendist  par  succession 
a  celle  generacion 
qui  do  droite  ligne  vendroit 

9775  d'Aaron,  et  que  cil  la  tendroit 
tout  son  temps  sans  l'avoir  pointe 
a  qui  elle  seroit  escheute. 
Mes  puis  ne  sçay  quantes  années 
les  choses  sont  bien  retournées, 

9780  car  on  la  vend  puis  ça,  puis  la, 
puis  on  l'oste  a  celuy  qui  l'a  ; 
tous  les  ans  ou  tous  les  demys 
vos  hauls  pontiphes  sont  demis 
et  non  pas  par  élection, 

97S5  mes  par  belle  vendicion, 
car  celle  dignitcj  vendez 
et  au  plus  offrant  la  rendez  ; 
de  jour  en  jour  la  chose  change, 
et  doit  sambler  assés  cstrange 

9790  que  dignité  tant  noble  et  chère 
se  livre  ainsi  a  la  renchcrc. 
Les  ciremonies  légales 
dcffaillent  et  les  principales, 
qui  est  signe  de  loy  nonvolle 

9795  et  que  Gristus  les  renouvelle  : 
si  les  doit  estre  repparant, 
il  doit  estre  assés  apparaut 
qu'il  est  né  :  veez  la  ma  querelle. 

ZOROBAUEL 

Elle  me  semble  bonne  et  belle 
OSOO  tt  de  la  bonté  m'esmerveil. 

[Pose.] 


NO^tBE    t)AAlË 

Jtjseph,  a  peine  et  a  traveil, 
sommes  arrivés,  la  Dieu  gracCj 
en  la  sainte  et  beuoito  place 


9725  qui  le  croisse  C.  —  9733  .le  fais  question  C.  —  9739  sa  raowiur  B.  —  97in  iirouuer  B.  C.  —  9742  Yen  quelle  B. 
—  9769  Kt  fut  A.  B.—  9//0  Enoiiit  pour  la  grand  A —  9790  si  haulte  B.  C—  9793  faillent  donc  B.  C-  9803  beniile  B. 


PREMIERE    JOURNEE 


127 


de  Jhcrusalcrn  que  Dieu  gard. 
9805  Cictoiis  ijurtout  iiostre  regard, 
sçavoii'  se  nostrc  ciiffniit  verrons. 

JOSEPH 

Mai'io,  pi-cinier  lo  qucrons 

au  temple,  qui  est  uiig  saint  cstrc. 

NnSTRE   DAMK 

Je  pense  que  la  doit  il  csti'o 
9S10  s"il  est  en  toute  la  cité, 
car  il  a  de  propriété 
qu'avec  les  enffans  no  s'esbat, 
ne  se  joue,  no  se  desbat, 
mes  est  a  Dieu  totallenicnt. 

JOSEPH 

0S15  Or  y  allons  ligierenient  ; 

je  pry  Dieu  qu'il  nous  on  doiiit  joyc  ! 


Z0R0BA.BEL 

A  nostre  propos  je  disoie 
qu'il  est  bien  possible  a  tcnii' 
que  CristUR  doit  briofnient  venir 

'9820  (t  qu'il  est  venu  tout  pour  vray, 
et  pour  ce,  rccollei'  vouldray 
en  biief  les  signes  ordonnés, 
qu'a  présent  ont  esté  donnés, 
et  argue  :  premier,  veon 

[  9823  que  le  saint  honmie  Simeon 
a  prcsché  par  raison  notable 
ceste  chose  estre  véritable, 
et  d'aultrcs  aussi  plus  de  trois  ; 
nous  avons  aussi  dos  trois  roys 

i'9830  qui  vindront  de  loingtain  pays 
l'aourer  comme  roy  des  Juif/,  : 
nous  avons  de  l'estelle  après, 
que  Ralaan  met  par  exprès  ; 
nous  avous  la  paix  de  reclicf 

'  9835  qui  est  grande,  quant  a  uug  clif  f 
tout  le  monde  se  rend  loyal  ; 
nous  avons  du  ceptre  royal 
qui  de  nostre  ligne  est  chang'!' 
et  a  ung  estrange  adjugé  ; 

1 9810   MOUS  avons  de  nostre  unction 
qui  cesse,  et  n'en  est  mencion, 
car  la  manière  en  est  démise  ; 
nous  avons  de  l'archeprestrisc, 
comme  l'euffant  dire  vouloit, 
0845  (pii  no  va  [dus  comme  el  souloit, 
qui  sont  choses  assés  certiiincs. 


JHESUS 

Et  puis  des  septante  sepmaines 
quo  Daniel  voult  l'acomptcr. 

OAMALIEL 

11  dit  voir,  a  les  bien  noter  ; 
085»  selonc  les  motifz  iirccedons 
c'est  des  signes  i)lus  ovidcns 
et  qui  plus  la  chose  demonsti'e. 

MANASSES 

Nous  avons  aussi  raison  contre  : 
premier,  qu'a  sa  nativité 

9S55  n'avons  point  esté  invité 

n'anie  de  nous  n'y  est  venu  ; 
et  que  son  gendre  est  iucongneu, 
ne  scet  on  le  lieu  ne  la  ville, 
qui  samble  chose  diffîcille, 

9800  qu'uiig  roy  si  haultc  loy  décrète 
et  naisse  en  place  si  secrète 
qu'amo  n'en  doyc  riens  sçavoir. 


NOSTRE  DAME 

Ha  !  Joseph,  pour  Dieu  venez  voir 
grans  merveilles  et  bien  apportes. 

JOSEPH 

08C5  Est  ce  nostre  enflant  ? 

NOSTRE  DAME 

Oy  certes, 
c'est  Jhesus  mon  filz  débonnaire  : 
je  recongnois  son  doulx  viaire, 
sa  bouchete  et  ses  rians  yeulx. 

JOSEPH 

Or,  dame,  loué  en  soit  Dieux  1 
9870  vecy  ung  cas  bien  uouvclet, 
comment  il  se  sied  tout  seulet 
au  milieu  do  tous  ces  docteui-s. 

NOSTRE  DAME 

isolent  docteurs  ou  sénateurs, 
il  n'est  qui  red'raindre  m'en  sache 
9875  que  prestement  je  ne  l'embrasse, 
et  l'iray  baisior  devant  eux. 


Icy  vient  a  l'enfant  et  la  baise'. 
O  mon  doulx  enfTant  gracieulx, 
filz  do  toute  doulceur  pai-fait, 
mon  cher  (ilz,  quo  nous  as  tu  fait. 


9818  est  possible  el   a  tenir  D.  C.  —  9825   prophète  C.  —  9826  esUble    B.  —  9829  aussi  vou  des    ro>8  \.  —  gsVJ 
(ompler  B.  C.  —  9808  bouche  C.  —  9S0U  O  daine  A.  —  9S7i  Comme  B.  —  98Î4  me  fnco  B.  —  98T9  fllï  mun'jiue  A. 


128 

9880 


MISTER  E   DE   LA    PASSION 


0885 


0800 


9895 


9000 


0005 


9010 


991Ï 


qu'as  tu  fait  a  ta  povrc  mère? 
Dieu  scet  comment  je  et  ton  pcre 
t'avons  quis  dollans  et  irés. 

JHESUS 

Et  qu'est  ce  que  vous  me  querez 
si  fort  ?  no  sçavez  vous  pas,  niere, 
qu'es  choses  qui  sont  a  mon  père 
et  touchent  sa  magnificence 
il  me  convient  eslre  en  présence  ? 
n'en  ayez  la  chère  assimplye. 

ZOROBAUEL 

Cherc  dame,  je  vous  supplie, 

est  il  vostre  enffant  ce  beau  ficulx  l 

NOSTRE   DA.ME 

Oy,  mon  seigneur  :  ce  scet  Dieux 
que  je  l'ay  porté  en  mon  ventre. 

MANASSES 

Belle  dame,  gardez  qu'il  n'entre 
en  oyscuse  et  jeunesse  folle, 
mes  l'entretenez  a  l'escolle 
le  plus  songneux  que  vous  pourrez, 
et  en  temps  futur  vous  verrez 
qu'il  tendra  ung  nohle  chemin. 

NATHAN 

C'est  l'enffant  de  plus  bel  engin 

que  je  sache,  et  pour  miculx  complaiie. 

'  NOSTliE   DAME 

Seigneurs,  ne  vous  veille  desplaire 
se  l'enffant  avec  nous  s'en  vient  : 
ung  peu  festoier  le  convient 
après  que  retrouvé  l'avons. 

ROBOAN 

Bonne  mère,  bien  le  sçavons  : 

nous  prions  Dieu  qu'il  vous  conduyc. 

JOSEPH 

Mou  filz,  vous  n'y  demourrez  mye, 
avec  nous  vous  en  revendrez  : 
ferez  pas? 

JHESUS 

Comme  vous  vouldrez, 
mon  pero  :  je  veil  obéir 
a  vous  du  tout  sans  dcffaillir 
comme  je  suis  tenu  de  faire. 

NOSTRE   DAME 

C'est  parlé  de  très  bon  affaire, 
mon  cher  filz. 

JOSEPH 

Et  pour  ce  tenez 
du  pain  blanc,  et  vous  en  venez 


avec  nous  tout  resjouyssant. 

NOSTRE    DAME 

Loué  soit  le  Dieu  tout  puissant, 
de  ceste  noble  recouvrance, 
et  nous  doint  science  et  puissance 
0020  de  le  garder  doresnavantl 

Ict/  s'en  vont  a  leur  logeis. 


ZOUOBABEL 

Seigneurs,  ouy  avez  devant 

les  poins  sur  quoy  nous  demourons  ; 

il  fauldra  que  nous  labourons 

cy  après  tousjours  pour  penser 

9925  de  niiculx  la  matière  affoncer  ; 
mes  point  d'apparence  n'y  vois 
de  riens  conclurre  ceste  fois, 
car  la  matière  est  trop  soubtive 
et  la  journée  est  bien  tardive  : 

9930  temps  est  de  j)enser  du  diner. 

GAMALIEI, 

Il  nous  fauldra  jour  assigner 

cy  après  pour  y  revertir, 

mes  quoi  qu'il  soit  au  départir, 

je  prie  a  Dieu  qu'il  vous  maintienne. 

ROBOAN 

9935  Et  je  luy  requier  qu'il  vous  tienne 
en  amour  et  vraye  union  ! 


L ACTEUR 

Seigneurs,  en  la  déduction 
de  nostre  petit  abregié 
il  vous  a  esté  prolongic 

0940  a  nostre  possibilité 
la  divine  nativité 
de  Jhesu  Crist,  nostre  sauveur, 
la  charité  et  grand  ferveur 
qu'il  a  eu  a  l'humain  lignage, 

9945  quand  pour  l'oster  hors  de  servage 
voulut  en  la  vie  mondaine 
soy  couvrir  de  nature  humaine, 
estre  subjcct  aux  passions. 


9881  Combien  C.  moy  et  A.  —  9884  ne  scauez  vous  pas  donc  B.  C.  —  9885  qua  mon  père  sont  B.  C.  —  0890  f\h 
B.  —  9891  soyez  fiz  B.  —  9005  Belle  mère  A.  —  9906  Je  prie  a  Dieu  A.  —  9008  vendrez  C.  —  0014  cher  moii'/isc 
A.  —  9915  Du  bon  pain  B.  C.  —  0918-0910  inlenertis  A.  sauoir  et  puissant  A.  —  9923  nous  y  labourons  C.  —  '.02S 
trop  manque  B.  —  0937  Prologue  /înablc  B.  C.  —  9946  A  voulu  en  vie  B.  C. 


PREMIERE   JOURNEE 


120 


peines  et  tribulaeious, 
MSO  povretés  et  necessiti's 

a  quoi)  nous  sommes  invités; 

puis  avons  fait  ostencion, 

monstraiis  sa  circoncision, 

laquelle  humblement  toulc  souff'rir; 
OOjj  puis  luy  avez  vcu  dons  offrir 

par  les  trois  roys,  c'est  bel  exemple; 

et  en  après  offrir  au  temple, 

saint  Simeon  le  recevoir 

qui  moult  le  desiroit  avoir; 
9060  puis  avei  veu  l'orrible  loy 

d'Hcrode,  le  très  cruel  roy, 

qui  fit  tuer  tes  innocens, 

dont  puis  moiirust  hors  de  son  sens  ; 

l'enffant  Jhesus  reistes  porter 


9965  en  Egipte  pour  éviter 

la  fureur  qu'aultres  encoururent, 
ou  toutes  les  ydoles  rheurent, 
quant  en  la  terre  fut  entré; 
item  depuis  avons  monstre 

9970  comment  aux  docteurs  disputa, 
en  quoy  sagement  se  porta 
les  interrogant  sans  séjour  ; 
et  atant  fin  du  premier  jour. 
Demain  retournez,  s'il  vous  plest  : 

9975  ne  sçares  estre  si  tost  prest, 
que  nous  ne  venons  accourant 
pour  poursuir  au  demeurant. 

Fin  du  premier  jour  de  la  passion  nostre 
seigneur  Jhesu  Crist. 


9955  lauez  veu  au  temple  offrir  B.  C.  ■ 
frcmier  litre  A.  le  premier  jour  G. 


-  9956-9957  manquetU  B.  C.  —  'mt  Aux  iaterrogans  A.  —  9977  ExpticU  l» 


I 


Pas. 


SECONDE   JOURNEE 


DE  LA  PASSION  NOSTRE  SAULVEUR  JHESU  GRIST 


t^îv-Uj^  Si^>^ 


A  l'aide  du  créateur, 
Jhesia;  Piastre  vray  redemptiur , 
qui  de  sa  grâce  nous  régente, 
en  la  journée  précédente 
tous  fut  une  grant  pari  monstree 
des  fais  Jhesus,  et  a  l'entrée 
tous  feismes  xtng  procès  moral 
sur  l'appoi}ztemcHt  principal 
de  l'umaine  redempcion  ; 
puis  a  l'adnunciation 
venismes  sans  prolixité, 
et  après  la  nativité 
vous  fut  monstree  et  tes  arroi: 
des  pastourcaulx  et  des  trois  roys, 
qui  par  dons  portant  grant  substance 
vendrent  la  beneurce  enfance 
adorer  par  dévote  somme, 
le  confessans  vray  Dieu  et  homme  ; 
comment  aussi  fut  circoncis, 
et  puis  les  innocens  occis 
par  Herode  le  fel  tirant 
qui  ainsi  les  fut  martirant 
10000  soub:  timbre  du  sauveur  haullain 
qu'il  cuidoit  trouver  pour  certain 
lors  et  luy  faire  expirer  l'amc, 
doubtant  de  perdre  son  royalmc, 
mais  Dieu,  qui  les  choses  prévoit 
et  a  son  vouloir  y  pourvoit, 
de  Joseph  le  fait  révéla 
qui  en  Egipte  s'en  ala 


9985 


9990 


0995 


10005 


et  mena  l'enffant  et  sa  mère, 

doubtans  ceste  entreprinse  amere 
10010  que  le  fel  Herode  encouru, 

dont  puis  villainemeiit  mouru  ; 

après  d'Egipte  retournèrent 

et  en  Nazareth  demourerent  : 

s'avaient  coustume  en  leurs  loys 
10015  d'alcr  tous  les  ans  une  fois 

en  Jherusalem  sans  reffus 

et  mener  le  petit  Jhesus  : 

et  en  son  aage  de  douze  aiis, 

les  parents  mats  et  desplaisans 
10020  en  Jherusalem  le  perdirent, 

qui  moult  diligemment  le  quircnt 

par  trois  jours,  dont  moult  se  grcvcrcnt, 

et  finablement  le  troxtverent 

entre  les  docteurs  disputant 
10023  comme  peustes  voir  ;  et  atant 

fina  la  matière  assignée 

et  la  primeraine  journée. 

Or  vouldrons  par  ires  bo>inc  amour 

commancer  nostre  second  jour, 
10030  et  monstrer  en  temps  et  en  lieu 

du  benoist  Baptiste  de  Dieu 

comment  ou  désert  il  prescha 

et  a  voix  haullaine  adnonça 

la  venue  du  doulx  aigncl, 
10033  la  vray  rédempteur  d'Israël; 

d'ilec  par  fais  et  par  escript, 

poursuyr  des  fais  Jhesu  Criit, 

inonstrant  sa  chère  passion 
jusqu'à  la  résurrection. 


9978-10043  Prologas  xaper  srcund'i  die  pan.iionis  Domlni  lî.  T..  man'/udit  A.—  9982  partie  C  —  9984  propos  C.  — 
9987  nomliiaciou  C.  —  9988  prolixité  G.  —  10002  I^ors  pour  Ci  —  10011  finablement  C.  —  101U4  de  coustume  B.  — 
'0088  troa.  mmijue  I!.  —  10031  disciple  Ci  —  10033  haulle  B.  —  10038  ilerc  C. 


132 


iMISTERE   DE   LA   PASSION 


10050  La  sera  le  second  point  fait, 

et  pour  plus  tost  attaindre  au  fait, 
Jehan,  venes  Vûiis  advanccr, 
de  xostre  sermon  comtnancer. 


JEHAN    BAPTISTE 

Penitcnciam  agite  : 
10015  peuple  qui  par  iniquité 

as  laissé  voie  do  laisoii, 

Repens  toy  et  prens  charité 

tant  que  tu  as  temps  et  saison  : 

chacun  prépare  la  maison 
10030   de  sou  cueur,  de  sa  conscience  ; 

ung  chacun  mette  diligence 

de  faire  en  soy  la  très  digne  oeuvre 

de  penitanco,  car  je  trouve 

et  vous  anonce  pour  certain 
10055  que  le  règne  Dieu  est  prochain. 

Je  suis  la  voix  qui  crie  et  sert 

de  puhlier  par  le  désert  : 

parez  les  voyes  nostrc  sire, 

rectifiez  sans  contredire 
10060  les  sentes  du  saulveur  du  monde 

qui  vient  pour  nostrc  coulpe  immonde 

reparer  par  promission  ; 

c'est  tout  nostrc  salvacion 

ou  tout  nostre  espoir  conformons, 
10065  comme  il  est  escript  aux  sermons 

pai-  Ysaie  le  prophète 

qui  en  ces  termes  le  répète  : 

Omnis  vallis  implebitur 

et  mons  hiimiliabitur. 
10070  Go  prophète  dist  par  doulceur 

qu'a  la  venue  du  saulveur 

les  vallées  pleines  seront 

et  montagnes  s'humilieront  : 

par  colles  vallées  s'entendent 
10075  les  humbles  qui  vers  Dieu  se  rendent 

obeyssans  et  assimplis 

et  seront  de  grâce  remplis 

et  de  vertuable  doctrine 

a  ceste  venue  tant  digne  ; 
lOOSO  par  les  mons  qui  hault  s'entretiengnent, 

j'entens  ceulx  qu'en  orgueil  se  tiennent, 

les  haultains,  les  presumptueux, 

qui,  a  voir  les  fais  vertueux 


qui  d'icelluy  saulveur  vendront, 
1008»  humbles  et  jîourtois  dcveiidront 
et  a  sa  docti'ine  excellente 
soubnieteront  tout  leur  entente 
^  par  foy  et  vraye  obédience. 
Et  s'ensuit  en  celle  sentence 
10090  qu' Ysaie  magnifesta  : 

Erunt  prav.i.  in  directa, 
et  dit  que  les  chemins  mauvais 
seront  redressés  et  reffaiz; 
et  par  icenlx  chemins  tortus 
10095  s'entend  gens  vuides  de  vertus, 
dévoyés  par  leur  maléfice 
du  sentier  de  droite  justice  : 
ceulx  alors  seront  redressés 
et  par  beaulx  sermons  adressés 
lOiOO  a  la  droiture  d'équité, 
lectifiés  par  volenté, 
que  chacun  d'eulx  portera  foy 
a  son  prochain  si  comme  a  soy  : 
l'ung  ara  de  l'aultre  pitié 
10105  en  amour  et  vraye  amitié, 
en  doulceur  et  compassion  ; 
se  l'ung  voit  oceupassion 
dessus  son  prochain  encourir, 
prest  sera  de  le  secourir 
10110  et  le  reconfortei-  en  Dieu, 
et  ainsi  paix  ai'a  son  lieu 
et  pourra  estre  universelle, 
si  bonne  qu'oncques  ne  fut  telle. 
Puis  seront,  dist  Ysaias, 
10115  aspera  in  vias  planas  ; 

chemins  aspres  et  mal  onniz 
seront  a  l'cqualité  mis, 
et  seront  les  plaines  plus  dures, 
j'entendz  les  cueurs  des  ci'eatures 
10120  endurcis  d'obstinacion, 
par  laquelle  obduracion 
quelque  anionestement  divin 
n'y  pouoit  prendre  bon  chemin  : 
ceste  opressc  lors  cessera, 
10125  dit  le  prophète,  et  ce  sera 

quand  par  doulces  monicions, 
par  saintes  predicacious, 
se  convertiront  de  la  voye 
de  péché  qui  trop  les  desvoyc  ; 
10130  et  s'ensuit  eodetn  loco  : 
Et  eidcbit  omnis  cnro 


10043  Saint  J.  II.  A.  —  10052  les  digues  fruiz  B.  —  10053  je  truis  B.  —  10058  De  parer  la  voix  C.  —  10li(l  vostre  B. 
—  10062  preuision  B.  —  lOOSl  ceulx  maii'jur  A.  qui  orgueil  tiennent  C.  —10091  Krunt]  Contre  B.  C.  —  10098  si  seront 
dressez  A.  —  10099  redrossez  A.  —  11000  loviiulte  C.  —  10105  charité  A.  —  10100  amour  et  B.  —  10107  voit]  prend 
A.  —  10118  Et  seront  les  plus  dures  plaines  Faites  voves  doulees  et  plaines  l'ar  ces  voyes  aspres  et  dures  C-  —  10121 
induraeion  B    C.  -  10123  son  B.  C.  —  10120  dures  A."—  10128  a  la  A. 


SECONDE   JOURNEE 


133 


loiar. 


10140 


10U5 


10150 


10155 


10160 


10165 


10170 


10)75 


10180 


salutarn  Dei  nostri; 

et  lors,  dit  le  prophète  icy, 

tout  liomnie  verra  proprement 

le  saulvoui'  sans  omposdieiiieut, 

et  ce  peuist  double  sens  avoir  : 

ou  que  tout  hoiunie  le  puist  voir 

seusiblciiieut  en  char  humaine, 

mes  cesto  glose  n'est  ])as  saine, 

qui  n'entend  que  do  toutes  loys 

gens  le  pourront  voir  une  fois  ; 

ou  se  peust  entendre  aultrement 

du  jour  du  dernier  jugement, 

et  lors  tout  homme  le  verra  : 

adonc  a  tous  se  monstrera 

pour  rendre  a  chacun  son  loyer, 

pour  les  bons  et  mauvais  payer 

a  chacun  selonc  sa  di'oituro. 

Kt  [lourtant  selonc  l'escripturo 

vous  ay  dit  et  admonesté  : 

pcnitenciam  agite. 

Peuple  de  povre  remembrance, 

fais  penitance,  penitance, 

fais  penitance  austère  et  dur.e 

tant  que  ta  povre  vie  dure  : 

vivant  la  feras  se  tu  voulx, 

api'ès  la  mort  jamès  ne  peulx. 

Vice  au  vivant  est  réparable, 

mes  au  mort  irrémédiable. 

Je  ne  veil  pas  que  vous  fie/ 

n'en  disant  vous  glorifiez  : 

Abraham  avons  nostre  père, 

comme  pour  donner  vitupère 

au  peuple  d'aultre  nacion 

et  a  vous  dominacion  ; 

tel  louange  ne  vous  vauldroit, 

car  je  vous  dis  que  Dieu  pourrnit 

de  ces  pierres  cy  sans  aham 

susciter  les  filz  d'Abraham  ; 

et  s'au  cler  le  voulez  entendre, 

je  vous  dy  que  Dieu  pourroit  prendre 

les  publicans  et  les  payens 

et  les  vestir  en  telz  moyens 

qu'ilz  seront  mieulx  ydones  tous 

d'cstre  filz  d'Abraham  que  vous, 

car  s'en  péché  jierscverez, 

ja  SCS  leaulx  filz  ne  serez. 

Lieve  toy  donc,  peuple,  et  t'efforco 

de  faire  penitance  a  force  ; 

rends  toy  oheyssant  et  prest  : 

Jam  secxiris  posita  est 


ad  radicem,  Croy  ma  devise, 

car  la  coiguee  est  desja  mise 

auprès  des  racines  de  l'arbre, 
10185  et  feussent  culx  plus  dur»  que  marbre, 

briefment  les  tranchera  tout  ens  : 

par  l'arbre  le  i)euple  j'cnteus 

et  par  cesto  coignee  fine 

l'exploit  de  justice  divine 
10190  qui  est  preste  de  discuter 

sur  le  peuple  et  l'exécuter 

selon  son  operacion, 

et  a  ceste  execucion 

tout  arbi'e  qui  n'ara  fait  fruit 
10193  sera  decouppé  et  destruit 

et  mis  en  éternelle  flame. 

Pour  ca  est  ce  que  je  vous  proclame, 

veant  vostre  fragilité  : 

penitciiciam  agite. 
10200  Venez  donc  et  faictes  devoir 

du  saint  batesme  recevoir 

qui  disposés  vous  rendera 

a  l'aultre  qui  apri-s  vendra, 

qui  sera  fait  au  saint  Esprit. 


ABUS,  juif. 

10S05  Saint  prudhome,  il  nous  est  escript 
que  Cristus  pour  nous  racheter 
a  ndus  se  doit  manifester, 
enseigner  en  amour  divine 
le  peuple  par  bonne  doctrine  : 

10210  doneqiies  veus  vos  enseigncraens 
et  les  notables  preschemens 
que  donnez  aux  hommes  et  femmes, 
doublons  que  ne  soiez  vous  raesmcs 
qui  nionstrez  si  belles  vertus. 

JEHAN    BAPTISTE 

10215   Non  suis,  je  ne  suis  point  Cristus, 
mes  dessoubz  luy  je  m'humilie. 

NATHAN,  pharisien. 
Et  quel  chose  es  tu  donc  ?  Helye  ? 
te  dis  tu  Helias? 

JEHAN    BAPTISTE 

Non. 
SACHOR,  phiirisie,!. 
Non  ? 
qui  es  tu  donc  ?  quel  est  ton  nom  ? 
10220  yniagiuer  je  ne  le  puis  : 


10113  (Ifin-enier  II.  —  ICI  'l'i  (^1  1015/i  Alors  B.  —  101'.5  aspre  et  C.  —  10158  recouurobla  B.  —  10163  vitupère]  no»- 
tre  père  B.  —  1018/.  Empres  B.  —  10185  abre,  niabre  A.  —  10197  vous  manque  B.  C.  —  102»  prophète  A.  —  10208 
Et  semer  B.  —  10813  ce  niesnies  B. 


134 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


tu  es  donc  prophète? 

JEHAN    BAPTISTE 

Non  suis. 

NATHAN 

Qui  es  tu  donc?  or  le  dénonce, 
affin  que  nous  donnons  responce 
aux  scribes  et  pliarisiens 
d0225  qui  nous  ont  transmis  comme  siens  : 
que  nous  dis  tu  de  toy  ? 

JEHAN   BAPTISTE 

Ego 
tox  clamantis  in  deserto  ; 
la  voix  suis  au  désert  criant 
que  chacun  soit  rectiffiant 
10230  les  voyes  du  saulveur  haultain 
qui  vous  approche  pour  certain, 
et  n'y  metez  doubtcs  quelcoiicques. 

NACHOR 

Et  a  quoy  baptizcs  tu  doncques, 
si  tu  n'es  Cristus  n'Helias 
10235  ne  prophète  ?  aucun  droit  n'y  as 
de  faire  ce  baptizement. 

JEHAN    BAPTISTE 

Je  vous  baptize  seulement 

on  eaue  clerc,  mes  vous  avez 

tel  entre  vous  que  ne  savez  : 
10240  c'est  celuy  qui  vient  après  moy 

neantmoins  qu'il  fut  devant  (  n  soy  ; 

sa  puissance  passe  la  moyo, 

et  se  comparer  m'y  vouloie, 

pas  ne  suis  digne  a  dénouer 
10245  la  courroye  de  son  soler  : 

celuy  fault  aller  en  croissant 

et  nioy  tousjours  en  mendrissant. 

Cil  après,  vous  baptizera 

ou  saint  Esprit  et  portera 
10250  en  sa  main  ung  espurgement 

pour  espurger  le  bon  forment 

et  métro  en  sa  grange  a  couvert, 

et  la  paille  qui  riens  ne  sert 

au  terrible  feu  gettera 
10255   qui  jamès  ne  s'estaindera, 

tant  est  mordant  et  redouljtablc. 
SOPHONIAS,  juif. 

0  saint  Baptiste  vénérable, 

affin  que  ces  griefz  n'encourons, 

a  jointes  mains  vous  requérons 
10260  ce  saint  baptesme  vertuable. 


MANASSES,  juif. 
Puisqu'il  nous  est  tant  pourfitable, 
de  tout  nostre  cueur  le  querons, 
0  saint  Baptiste  vénérable, 
affin  que  ces  griefz  n'encourons. 

ABIAS 

10265  11  nous  sera  voie  notable 
a  cil  que  de  Cristus  arons. 

JEHAN    BAPTISTE 

0  chers  frères,  considérons 
ceste  meschante  vie  cstable, 
la  gloire  du  ciel  acceptable 
10270  et  les  tormens  que  nous  sçavons 
estre  en  enffer,  Icsquclz  avons 
pour  ung  meschant  délit  dampnable. 

ABIAS 

0  saint  Baptiste  vénérable, 
affin  que  ces  griefz  n'encourons, 
10275  a  joinctes  mains  vous  requérons, 
ce  saint  batesrae  vertuable. 

MANASSES 

Puisqu'il  nous  est  tant  pourfitable, 
de  tout  nostre  cueur  le  querons. 

JEHAN    BAPTISTE 

Vouloii's  avez  fermes  et  bons  : 
102S0  prestement  baptizés  serez. 

Icy  les  baptize  tout  bas. 


JHESUS,  homme. 
Ma  merc,  vous  entenderez, 
s'il  vous  pliiist,  mon  intencion  : 
j'ay  attaint  la  perfection 
d'aage  d'homme,  a  eo  que  je  vois, 

102S5  car  sur  mon  an  trentième  vois  ; 
par  quoy  il  est  temps  que  j'appere 
a  faire  les  oeuvres  mon  père 
et  moy  viay  filz  de  Dieu  prouver  ; 
et  pour  le  batcsme  approuver 

10290  dont  Jehan  nostre  précurseur 
est  ministre  et  vray  denonceur, 
en  Bethanie  m'en  iray, 
et  la  baptizer  me  feray 
par  luy  au  fleuve  de  Jourdain, 

10295  lequel  batcsme  pui'  et  sain 

sera  cause  après  d'ung  grant  bien. 

NOSTRE   DAME 

Filz,  vostre  vouloir  est  le  mien 


10284  phariseans  A.  —  10223  enuoyes  céans  A.  Qui  nous  ont  transmis  commissiens  B.  —  10229  vcriffiant  C.  —  102^^ 
clere  mnnque  B.  C.  —  10239  Tel  ou  meilleu  B.  C.  —  10249  Au  saint  A.  —  10257  et  102C3  0  vraj-  baptiste  verluabli> 
B.  G.  —  10260  vénérable  B.  G.  —  10208  instable  C.  —  10273  vertuable  B.  C.  —  10276  vénérable  B.  C.  —  10278  nos 
cueurs  le  requérons  G 


SECONDE  JOURNEE 


186 


et  chose  qu'il  vous  plaise  faire 

no  me  peust  ne  me  doit  desplnii'o, 
1030O  car  vostrc  haultesso  pnrfoiulo 

coiignois  miculx  q\io  tous  ceulx  du  monde. 

Je  sçay  vostre  coucepcion 

jiar  divine  oporacion 

avoir  esté  dedans  nioy  faicte  : 
10305  je  sçay  vostre  bonté  parfaicle 

qui  jarat's  ne  peust  dévier, 

par  quoy  je  no  puis  obvier 

a  vostre  volonté  planiere. 

JHESl'S 

Vostre  mercy,  ma  chère  niere, 
10310  et  atant  prens  congé  do  vous. 

NOSTBE    DAME 

Mou  cher  filz  amiable  et  doulz, 
a  joye  vous  puisse  revoir  ! 

Icy  s'en  va  vers  saint  Jehan. 


SOPHONUS 

Loué  soit  Dieu  d'humble  vouloir 
qui  nous  a  octroie  l'espace 
10315  de  venir  par  sa  digne  grâce 
au  saint  batesme  recevoir! 

JEHAN    BAPTISTE 

Cher  enftans,  il  vous  peust  valoir 
a  monder  l'onterine  face. 

MANASSES 

Loué  soit  Dieu  d'humble  vouloir 
10320   qui  nous  a  octroie  l'espacol 

NACHOR 

Nathan,  allons  faire  devoir, 
que  uostrc  message  se  face. 

NATHAN 

Mes  que  la  signagoguo  sache 
ses  fais  :  elle  y  vouldra  pourvoir. 

NACHOR 

10325  J'y  pense  a  faire  tel  devoir, 

au  retour  qu'on  vena  la  trace. 

ABIAS 

Loué  soit  Dieu  d'humble  vouloir 
qui  nous  a  octroie  l'espace 
de  venir  par  sa  digne  grâce 
10330  au  saint  baptosme  recevoir! 

JEHAN    BAPTISTE 

0  peui)le  de  Dieu,  venez  voir, 
cnffans  :  ecce  agnus  Dei, 
qui  tollit  peccata  mundi  ; 


voez  cy  le  doulx  ng^ieau  de  Dieu, 
10335  le  vray  rédempteur  humble  et  pieu 

qui  vient  poui-  porter  les  péchés 

dont  tout  le  monde  est  enteché». 

C'est  cil  do  quoy  j'ay  protesté 

moy  Buivir,  et  si  a  esté 
10340  devant  moy  sans  comparaison. 

JHESl'8 

Jehan,  par  dévote  oraison 
vous  pi-y  que  sans  arrestoison 
de  vostre  main  baptizé  soie. 

JEHAN    BAPTISTE 

Ha!  sire,  ce  n'est  pas  raison 
10315  que  moy  qui  suis  mendre  foison 
si  hault  seigneur  baptizer  doyo. 

JHESL'S 

Les  aultres  bapiizé  avez 
et  j'en  veil  bien  estre  lavés 
pour  mieulx  esprouvcr  la  loture. 

JEHAN    BAPTISTE 

10350  Ne  sçay  se  faire  le  devez, 

mes,  mou  cher  seigneur,  vous  sçavez 
qu'il  n'appartient  a  ma  nature  : 
Je  suis  creatm-e 
de  povre  facture, 
10355         de  simple  estature, 
mcschant  viatcur, 
C'est  chose  troj)  dure 
et  contre  droiture 
que  je  lave  ou  cure 
103C0         mou  hault  créateur. 
Tu  es  précepteur, 
je  suis  serviteur  ; 
tu  es  mon  pasteur, 
ton  ouaille  suis; 
10365         Tu  es  le  docteur,  ' 
je  suis  l'auditeur  ; 
tu  es  mon  ducteur 
sans  qui  rions  ne  puis. 
Et  posé  que  si  digne  feusse, 
10370  que  ton  saint  corps  baptizer  deusse, 
o  haulto  clémence, 
tu  n'as  indigence 
de  prendi-e  lavement  humain, 
car  ta  corpulence 
10375         n'a  quelque  apparence 

du  péché,  tant  es  pur  et  sain  ! 
Car  du  lieu  haultaiu 
au  règne  mondain 
viens  cy  pour  laver  nostre  offence 


102<.;9  Ne  mo  duit  uu  poiirroit  11.  C.  —  10310  a  vous  B.  —  1032-4  y  manqur  li.  —  10325  Jen  B.  —  10335  doulx  A. 
preu  B.  O.  —  10358  ariicrt  B.  —  10354  estaturo  A.  -  10355,  10358,  103C5,  10360  «mn7uf»(  A.  —  10303-1Û3G4  «iitn-- 
■certis  A.  —  10367  Mon  vray  coaductour  A.  —  103C9  si  »ion7U<'  B.  —  10379  cy  manque  A.  B. 


136 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


10380         dont  a  bon  droit  crain 
de  toucher  la  maiii 

a  si  haulte  magnificence. 

Mes  par  plus  juste  conséquence, 

sire  que  chacun  doit  priser, 
10385  tu  me  dois  niesmes  bapti/.er 

sans  estre  devers  moy  venant. 

JHESUS 

Jehan,  seuifre  toy  maintenant  ; 
combien  que  vers  moy  peu  te  prises, 
si  veil  je  que  tu  me  baptizes  : 
10390  en  l'eauo  me  baptizeras  ; 
mes  après  baptizé  seras 
au  ?aint  Esprit  dont  tout  bien  vient, 
car  par  ce  moyen  nous  convient 
parfaicte  justice  accomplir. 

JEHAN   BAPTISTE  f 

10395  Je  ne  veil  pas  désobéir, 

mes  a  vostie  gré  je  suis  prest  : 
jjrcparez  vous  quant  il  vous  plest 
et  puis  je  feray  diligence. 
Icy  se  deivest  Jhesus  et  entre  en  l\  au 
et  saint  Jehan  le  bctptiie. 


DIEU  LE  PERE 

En  l'honneur  et  la  révérence 
10400  de  Jhesus,  mon  filz  vertueux, 
a  son  batesme  précieux 
qui  se  fait  au  fleuve  Jourdain 
nous  vendrons  au  règne  mondain 
deraonstrer  par  une  puissance 
10405  vraye  lumière  et  congnoissance 
de  uostre  unie  trinité 
et  de  nostre  trine  unité, 
et  apparoir  sensiblement 
a  ce  très  saint  baptisement, 
10410  affin  qu'il  soit  plus  hault  prisé. 


DIEU  I.E  PERE 

Hic  est  filius  meus  diteclus, 
in  quo  michi  bene  complacui. 
C'est  cy  mon  fliz,  le  beneuré  Gristus 
qui  me  bien  plest  :  ma  plaisance  est  eu  luy. 
Jcy  descend  le  saint  Esperit  en  espèce 
de  coulon   sur    Jhesus   dans    ledit 
fleuve. 


JEHAN    liAPlISTE 

0  vray  saulveur  et  nostre  recouvrance, 
médiateur  et  parfaicte  espérance 

pour  nous  pourvoir  ; 
Vray  filz  de  Dieu  tu  me  fais  demonstrauce 
que  te  soubmùs  a  nostre  délivrance 

pour  peine  avoir. 
Tu  es  mon  Dieu,  jamos  n'y  mes  doubtance, 
tu  os  Gristus  né  de  la  viergp  franche  ; 

et  qu'il  soit  voir, 
La  voix  du  père  on  fait  siguifiance, 
le  saint  Esprit  du  coulon  eu  seœblancQ 

le  fait  sçavoir. 

JHESUS 

Jehan,  faictes  vostre  devoir 
de  publier  en  plaine  face 
que  chacun  penitance  face, 
et  baptizez  sougnousement  ; 
1043J  car  au  saint  admonnestement 

du  saint  Esprit  qui  me  conseille, 
il  fault  que  mon  corps  s'apparcillo 
d'aller  au  désert  demourer. 

JEHAN  BAPTISTE 

Dieu  me  doint  si  bien  labourer 
10440  que  mon  service  pou  vallable 
nie  soit  vallont  et  acceptable  : 
j'en  fei  ay  mou  petit  pouoir. 


JEHAN    BAPTISTE 

Sire,  vous  estes  baptizé 
qui  a  vostre  haulte  noblesse 
ne  doit  pas  ne  a  ma  simplesse 
du  fleuve  deussiez  estre  vssus. 


JHESUS,  au  desfirl. 
En  ce  desort  me  fault  manoir 
et  lianter  pour  cause  certaine  ; 

104'.5  si  jeuneray  la  quarantaine 

sans  manger  goutte  ne  dcmyo," 
comme  fit  le  prophète  H(>lie 
qui  jeûna  les  quarente  jours  : 
ainsi  seront  cy  mes  séjours 

10150  tant  que  le  terme  soit  venu. 


10390  et  10399  Et  en  C.  —  10416  complacuit  B,  _  10417  jhesus  C. 
10442  deuoir  Q. 


- 10434  baptisier  B.  —  \Qm  plaisapt  et  C. 


SECONDE 


SATHAN 

Deables  dampiuis  gros  et  menu, 
RO  bricf  confort  ne  m'est  doaué, 
je  suis  par  rage  forcené, 
et  sont  ni  s  cxplois  confondus. 

HKUICH 

lO'iSJ  Quel  deahlo  d'iioninie  est  ce  Jhesus? 
en  tout  le  monde  universel 
n'y  en  a  pas  encor  luig  tel  : 
il  vit  purement  et  sans  vice, 
et  n'est  do  quoique  nialofico 

10460  d;'  quuy  jo  le  soousse  charger. 

SATHAN 

Tes  toy,  tu  me  fais  enrager 

quand  tu  m'en  parles  grain  ne  goûte. 

«EUICH 

Et  pourquoy  ? 

SATHAN 

Pour  ce  que  je  doubte 
qu'en  fin  jo  n'en  soie  désert  : 
104O  laissons  le  cy  en  ce  désert, 
et  nous  on  courons  eti  entier 
nous  conseillier  a  Lucifer 
sur  deux  nios  que  je  luy  veil  dire. 

BERICH 

Le  deable  nous  veille  conduyre 
10470  a  l'aller,  s'en  serons  plus  sceurs. 


i.rciKEn 
J'ai)pergoy  nos  ambassadeurs 
qui  reviengncnt  moult  empeschés. 

ASTAROTH 

N'oulo/.  vous  qu'ils  soient  torchés  ? 
vee/.  cy  les  instnunens  tous  près. 

LUCIFER 

lO'iTj  Dea,  ne  te  hasto  pas  si  près 
de  fraper  derrière  et  devant  : 
ouyr  fault  leur  rapport  avant, 
sçavoir  s'il  y  a  perte  ou  gaigne. 

SATHAN 

Lucifer,  je  crevé  d'engaignc 
10480  des  fortunes  qui  nous  surviennent, 
et  se  les  deables  ne  me  tiennent. 


JOURNEE 

je  desveray  et  pi»  encore. 

LUCIFER 

Sathan,  tien  ung  ])cu  ta  nicmorc, 
et  compte  tes  fais  par  manière. 

BELZERUTH 

1048^)  Fais,  fais  hardiment  bonne  chiero  : 
nous  sommes  cy  plus  d'ung  millier 
pour  ce»  deux  gallans  estrillier 
si  n'y  a  rapine  ou  conqueste. 

CËRRERUS 

J'ay  ma  plommee  toute  picstc  : 
10490  je  n'attens  mes  que  l'un  d'eulx  entre 
pour  les  batre  tant  dos  et  ventre 
que  jamos  n'emportent  santé. 

LUCIFER 
Deables,  ung  [icliV  silcle  : 
vous  leurs  estes  mig  peu  trop  fermes. 
1049J  Sathan,  compte  nous  en  briefz  ternies 
se  ce  Jhesus  est  point  fine. 

SATHAN 

Nennil,  jo  l'ay  tant  butiné, 
tant  poursuy,  tant  ospio, 
tant  regardé,  tant  costoié  ! 

10500  Mes  mon  fait  n'y  vault  une  nois  : 
plus  le  voy  et  moins  le  congnois, 
plus  le  i-ogarde  et  plus  le  crains  : 
brief  il  excode  tous  humains. 
Ung  jour  doubte  qu'il  ne  soit  auge, 

10505  et  l'aultre  fois  mon  propos  change, 
et  me  doubte  d'une  aultrc;  somme, 
qu'il  ne  soit  Dieu  eu  forme  d'hommo 
voue  la  sainteté  qu'il  tient, 
et  briefment  ma  raison  maintient 

lOjiO  qu'il  est  quelque  chose  bien  haullc, 
car  oncquos  il  ne  commist  faulte 
dont  je  le  sceusse  réprouver. 

LUCIFER 

Ha  !  larron,  ne  sces  tu  trouver 
quelque  faulce  soubtilité  ? 

IlEI.ZEnUTH 

10515  Voulez  vous  qu'ilz  soient  escroté 
par  manière  de  jiasse  temps  ? 

ASTAROTH 

Cinq  ou  six  torchons  bien  hurtans 
ne  seroient  pas  mal  assis. 

LUCIFER 

Va  hardienient  jusqu'à  six, 
10580  ou  cent  ou  deux  cents  tout  comptant. 
beij:ebuth 
Et  a  son  compaignon  ? 


137 


Id'iOO  ppusse  B.  —  10465  mnniue  C.  —  iOViS  soient  bien  A.  —  1048Ï  ou  pis  B.  jenraperay  C.  —  10487  les  deux 
U.  C.  —  10488  Sil  y  a  B.  —  10510  chose  mnnqw  A.  —  10511  ne  l'oinniis  deffaulte  B.  C.  —  10514  Quoique  mauuaise 
joutiente  B.  —  10515-4?  nhiH'iwnt  A.  —  10519  di.t  C. 


ï 


138 


MISTER  E   DE   LA    PASSION 


LUCIFKR 

Autant  ; 
si  l'cstuvcz  en  ce  brasier  : 
ung  tantet  pour  les  niioulx  aisier 
brûlez  ces  serpens  plains  d'envie. 

BERICH 

105J5  Ha  !  Sathan,  vecy  dura  vie  : 
il  nous  convient  estre  housses. 

SATHAN 

Ha!  mercy,  maistre. 

LUCIFER 

C'est  assés, 
je  leur  pardonne  la  fortune. 

ASTAROTH 

Passez,  ribauldaille,  passez. 

BERICH 

10530  Ha!  mercy,  maistre. 

LUCIFER 

C'est  assés. 
Les  turez  vous?  cessez,  cessez! 

CERBERUS 

Encor  aront  ilz  caste  prune. 

SATHAN 

Ha!  mercy,  maistre. 

LUCIFER 

C'est  assés, 
passez,  ribauldaille,  passez. 
105.35  Les  turez  vous?  cessez,  cessez  i 
je  leur  pardonne  la  fortune, 

ASTAROTH 

Je  pense  qu'ilz  en  ont  pour  une  : 
ils  sont  frotés  a  grosse  cloche. 

LUCIFER 

Comment  te  va,  Sathau  ? 

SATHAN 

.Je  cloche, 
10540  maistre,  je  ne  puis  hay  avant  ; 
je  ne  seray  plus  poursuivant  : 
les  gages  sont  trop  mal  courtois. 

LUCIFER 

Si  feras  oncoi'  une  foiz, 
il  le  fault,  je  te  le  commande. 
105i5  Or  me  respons  a  ma  demande  : 
ou  tient  ce  Jhesus  son  ménage 
maintenant? 

SATHAN 

Dedans  ung  bocage  ; 
il  s'est  en  ung  désert  logé, 
au  quel  lieu  n'a  beu  ne  mangé 
10550  depuis  l'heure  qu'il  y  entra. 


LUCIFER 

Par  mon  conseil  on  le  tentra 
par  trois  ou  par  quatre  façons, 
affin  au  moins  que  nous  sachons 
s'il  est  Dieu,  homme  ou  autre  chose. 

SATHAN 

10555  Tost  y  courusse,  mes  je  n'ose, 

pour  doubte  qu'on  ne  me  torchonne. 

LUCIFER 

Se  tu  laiilx,  je  te  le  pardonne 
par  tel  que  tu  t'y  emploiras. 

SATHAN 

Ça  donc,  le  congé. 

LUCIFER 

Tu  Taras. 
10560  Or  va,  que  pour  toy  coufermer 
tous  ceulx  de  l'air  et  do  la  mer 
te  ramaincnt  a  sauvegarde 
plus  tost  que  pierre  de  bombarde  ! 


Icy  vient  Sathan  devers  Jhesus. 

JHESUS 

Quarante  jours  ay  jeune  plains, 
10;i65   dont  aucunement  me  complains, 

car  la  fain  me  commance  a  prendre. 

SATHAN 

Je  ne  sçay  ton  fait  bien  comprendre, 
Jhesus,  mes  dy  nioy  de  quoy  sert 
qu'ainsi  te  tiens  en  ce  désert  ? 

10570  es  tu  homme  bien  abusé  ? 
en  quarente  jours  n'as  usé 
I  quelque  viande  corporelle. 

Se  tu  es  l'essence  éternelle 
et  vray  filz  de  Dieu  souverain, 

10575  puisque  tu  souffres  et  as  fain, 
que  ne  prens  tu  ces  pierres  cy 
et  en  fais  pain  ?  car  par  ainsi 
tu  éviteras  ce  tourment. 

JHESUS 

Homme  ne  vit  pas  seulement 
105S0  du  pain  que  nature  luy  livre, 
\  ■,_'  mes  aucunellbis  peust  il  vivre 

„  •'  de  la  sainte  parole  digne 

venant  de  la  bouche  divine  : 
donc  se  le  pain  matériel 
105S5  me  fault,  j'ay  le  pain  éternel 
de  Dieu  le  perc  tout  puissant 


105'i3-43  S.  Il  ny  a  tour  dabileto  Sa  saintele  est  trop  grande.  L.  Viens  oa  sathan  je  te  demniide  A.  —  10,547  et  que 
deable  scay  je  B.  C.  —  10551  Ion  le  temptcra  B.  —  10554  dieu  maniuc  A.  U.  quelque  autre  A.  —  10559  conuoy 
B.  G.  —  10560  infirmer  A.  —  10567  entendre  C.  —  105S1  preut  il  C. 


SECONDE  JOURNEE 


139 


qui  est  ydone  et  suffisant 
a  parfouruii'  lo  rosulii. 

SATIUN 

C'est  subtillcmetit  rcspuiidu 
10J90  et  m'apperçois  bien  que  tu  scez 

des  cavillacious  assés 

])Oui'  uioy  (.ollor  tout  ton  afFaire, 

mes  je  pense  tellement  faire 

que  je  sçaray  aiiis  le  départ 
10595  que  tu  es  ore  ou  de  quel  pai't 

se  tu  n'eschappes  par  miracle. 

Regarde  ce  liaultain  pinacle 

de  ce  beau  temple  tant  massis  : 

proiiiptemont  seras  sus  assis 
10600  pour  niieulx  esprouver  ta  vertu. 

Monte  sur  raoy  ;  que  restes  tu  ? 

as  tu  paour  a  raprochenicnt  ? 

je  l'y  porterai  franchement  ; 

ne  prens  en  toy  merencolyo. 

JHESCS 

10605  Se  tant  a  ton  voil  m'humilie 

et  vers  toy  me  veulx  supporter 
que  je  te  seuftVe  me  porter, 
mon  fait  n'en  empirera  pas. 

SATHAN 

Je  pense  qu'il  y  a  mains  pas  : 

10010  tu  es  cy  pour  faire  uug  beau  sault. 

Oi'  regarde  do  bas  ou  hault  ; 

fa  eestc  fois  t'esprouveray  : 
se  tu  es  le  filz  de  Dieu  vray, 
saulte  d'icy  jusques  a  terre, 
106).")  dommage  n'y  pourras  acqucrro, 
car  Dieu  a  do  toy  commaudi; 
aux  angles  que  soies  gardé 
en  toute  voye  nécessaire, 
et  en  tant  que  tu  as  a  faire  : 
lOOSO  ja  blossier  ne  te  laisseront, 

ains  eu  leurs  mains  te  porteront, 
affin  que  ton  pio  no  se  blesse 
aux  pierres  par  quelque  rudesse  ; 
saulte  donc  hardiment  en  bas, 
10025  affin  que  voient  tes  esbas 

les  simplo.><  qui  tes  fais  désirent 
et  ta  puissance  plus  remirent, 
et  plus  exaussé  en  seras. 

JHESUS 

En  l'escripture  trouveras, 
10030  et  est  esoript  en  certain  lieu, 

que  ne  devons  pas  tempter  Dieu 

ne  quérir  par  voye  baultaino 

ce  qu'aussi  bien  par  voye  humaine 

10591  De  B.  —  10597  piiiaglo   D.  pignacle  C.  — 
—  10650  en  sommacion  B.  C.  —  10673  fortraire  B. 


BC  peust  faire  et  exécuter  : 

10035  ton  conseil  ne  peust  pourfitcr,    . 

si  m'est  ta  voyo  réprouve. 

8ATUAM 

C'est  bomie  évasion  trouvée, 

et  voy  bien  qu'en  ton  cueur  emprainte 

est  toute  l'escripture  sainte  : 

10640   tu  la  congnois  de  pas  en  pas  ; 
mes  atant  n'eschaperas  |>as, 
tu  aias  encor  ung  assault  ; 
je  ne  vouldi'ay  que  faire  ung  sault 
a  toy  porter  en  aultre  marche. 

Ici/  l'emporte  sur  la  ynontaiyne  et  dit  encore: 

10045  Or  vien  ça,  monte  dessus  l'arche 
de  ceste  montagne,  au  plus  hault 
et  regarde  tost  combien  vault 
lo  pays  que  tu  vois  a  l'ueil  ; 
,  et  brief  distinguer  le  te  vueil  : 

10650  premier,  vois  le  mont  de  Syon, 
la  terre  de  promission 
qui  est  terre  ou  tout  bien  habonde 
et  n'a  plus  doulce  en  tout  le  monde  ; 
vers  ça  est  la  terre  d'Europe, 

10655  vers  la  la  terre  d'Ethiope, 

tous  royaulmes  de  noble  arroy, 
de  quoy  je  suis  seigneur  et  roy  ; 
Rome  tiens,  firece  a  moy  applique, 
Arabe,  Tliarse,  Asie,  Auffrique, 

10660  Egipte  et  la  grant  Kabilonne  ; 
tout  est  a  moy  et  tout  te  donne, 
mes  que  seulement  tu  t'enclines 
et  m'aoures  et  me  domines 
comme  tu  sces  que  je  le  puis, 

10GC5  et  moy  ton  Dieu  et  seigneur  suis  : 
jamès  nul  jour  delfaulte  n'as 
s'ainsi  le  fais. 

JHESUS 

Va,  Sathanas 

en  ta  peine  horrible  et  cruelle, 

en  ta  dure  mort  éternelle  : 
10670  escript  est  :  tu  adoreras 

ton  seul  Dieu  et  le  serviras 

do  cupur  sans  toy  vers  aultre  traire  ; 

pai-  quoy  je  ne  veil  pas  soubstrairc 

la  gloire  du  hault  créateur, 
10075  pour  toy,  faulx  angle  distracteur, 

a  qui  n'est  deu  ne  los  n'hommage. 

SATHAN 

Haro  !  haro  !  haro  !  j'enrage  : 
sur  ciel  ne  sui'  terre  ne  tien  ; 
je  suis  plus  vaincu  qu'un  viel  chien  ; 

10606-7  manquent  I!.  C.  —  10019  manque  C.  —  1Û0.^0  Si  mesl  A 
C.  —  10674  plasmaleur  B.  C. 


uo 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


lOCSO  en  mon  fait  n'a  point  de  recours, 
en  enfler  m'en  vois  le  grant  cours 
plonger  au  fons  de  la  chaudière. 


Ll'ClFEK 

Sathan  a,  je  croy,  vent  derrière  ; 
il  revient  cy  moult  raideraent. 
^0685  Comment  va,  Sathan  ? 

SATHAN 

Malement, 
je  reviens  conffus  en  enffer, 
mes  j'ay  bien  fait  plus  fort  que  fer 
jiar  devers  ce  mauldit  .Ihesus. 

LUCIFER 

Qu'as  tu  fait  ? 

SATHAN 

Le  deable  tout  sus  ; 

10090  au  désert  me  suis  transporté 
ou  il  estoit  et  l'ay  tempté 
do  trois  péchés  par  compaignie  : 
premièrement,  de  gloutonnie  ; 
puis  l'ay  cuidé  mettre  en  la  loiro 

-:0695  d'elacion  et  vaine  gloire  ; 

au  tiers  point,  pour  le  mieulx  combatre, 
je  l'ay  cuidé  faire  ydolatre, 
contondant  qu'il  m'eust  adoré  ; 
mes  il  m'a  chassé  si  serré 

10700  biiefment  que  je  n'y  ay  peu  plus. 

LUCIFER 

Et  ainsi  doncques  tu  conclus 
qu'il  est  Dieu,  non  pas  créature  ? 

SATHAN 

Maistre,  je  ne  sçay  que  conclure, 
mes  je  ne  croy  point  quant  au  fait 
lOTOj  qu'homme  puist  faire  ce  qu'il  fait  : 
je  n'en  trouve  nul  de  tel  sorte. 

BELZEBUTH 

Encore  la  doubto  plus  forte 
qui  soit,  puisqu'il  fait  tplz  vei'tus, 
c'est  qu'il  ne  soit  celuy  Gristus 
10710  que  ces  prophètes  veulent  dire. 

LUCIFER 

Va,  Sathan,  Dieu  te  puist  maudire  ! 

fay  diligence  de  sçavoir 
•         se  sur  luy  pourras  riens  avoir  : 

de  le  poursuir  ne  séjourne, 
10715  et  souvent  par  de  ça  retourne 

pour  nous  rapporter  des  nouvelles. 


SATHAN 

Se  je  puis,  vous  les  orrez  telles 
que  la  feste  sera  vilaine. 

LUCIFER 

Or  va,  que  le  deable  te  maine 
10780  a  peiije  et  terrible  misère  ! 


Icy  retourne  Jhesus  vers  sa  mère. 

JHESUS 

Paix  soit  a  vous,  ma  chère  mère, 
et  vous  doint  tout  vostre  désir  ! 

NOSTRE    DAME 

Mon  filz,  ma  joyo  et  mon  plaisir, 
long  temps  ay  esté  en  absence 
10725  de  vous,  mes  de  vostre  présence 
j'ay  le  cueur  tretout  resjouy. 

JHESUS 

11  fault  que  me  gouverne  ainsi 
que  Dieu  mon  père  le  m'ordonne, 
et  que  mon  estât  se  consonne 
10730  a  ce  que  l'escripture  chante. 

NOSTRE    DAME 

Et  je  m'y  reus  oboyssante, 

ne  mon  veil  n'v  discorde  en  rien. 


[Pose.] 


ARIAS 

Ileiode  tient  mauvais  moyen, 
le  tetrarche  de  Galilée, 
10735  dont  la  seignoiie  est  foulée 
et  nous  qui  sommes  ses  subgis 
en  sommes  pirement  régis. 

JEHAN    BAPTISTE 

Par  quel  moyen  ? 

ABIAS 

La  chose  est  clore, 
qu'il  tient  la  femme  de  sou  frère 
107i0  et  luy  a  mallement  ravye 

par  quoy  jamès  en  nostre  vie 
n'avons  espoir  que  bien  nous  vicngne 
on  son  pays  tant  qu'il  la  tiengne, 
ains  nous  va  tout  en  empirant. 

MANASSES 

10745  C'est  fait  d'ung  très  mauvais  tirant 


10681  tout    le  cours  C,    —  10684  doulent  radement  B.    G.    —  10694  luy    cuiday  B.  —   10697  le  ouiilay  B.  —  107C0 
puis  plus  C.  —  10703  ny  A.  nen  B.  —  10721  auec  vous  chère  mère  B.  C.  —  10725  mes  pour  B.  —  10745  desleal  B-  C. 


s  E  C  0  N  D  K   J  0  U  R  N  K  K 


141 


• 


et  de  perverse  conscience. 

■   JEHAN    BAPTISTE 

Je  liiy  vois  n'iiionstrer  l'offence 
avant  qu'aultrc  chose  je  face. 

[Pose.] 


: 10750 


10755 


10760 


10765 


I 

I 


Cher  sii'c,  Dieii  vous  doint  sa  grâce! 
Je  vien.s  a  vostie  tiibunal 
pour  vous  remonstrer  aucun  mal 
ou  vostro  parsonno  pi'etcnd 
dont  vostre  peuple  est  mal  content 
et  Dieu  iircniier.  V.t  quant  au  point, 
je  dis  qu'il  iic  t'appartient  point 
la  femme  a  ton  frère  tenir. 
Tu  te  veulx  prince  maintenir, 
tetrarche  et  de  justice  chef, 
et  tendrois  pour  ung  graiit  meschef 
s'ung  do  tes  suhgès  le  faisoit  : 
ta  justice  l'en  pugniroit 
comme  d'ung  vice  ort  et  infâme, 
et  toy  doncques  chef  du  royalme, 
que  noblesse  doit  introduyi-c, 
en  qui  vertus  doyvent  reluyre 
comme  en  l'or  fait  le  dyanient, 
ton  frère  n'aymes  loyalment, 
quand  par-  cautellc  ambicieuse 
luy  as  ravye  son  espeuzc  : 
tel  cas  n'est  pas  fraternité, 
mes  plus  que  bestialité. 
Tu  vois  les  oiselcs  petis 
qui  eu  soy  ont  cueurs  si  gentilz 
que  chacun  se  tient  a  son  per 
10775  sans  l'aultre  frauder  ne  ti'omper  ; 
et  conmietz  un  tel  adultère, 
et  encore  contre  ton  frero  : 
ne  sçay  qui  t'en  peust  excuser. 

HERODK   ANTIPA.S 

Jehan,  bien  sçave/.  proposer 
10780  et  s(;ay  bien  qu'entre  vous,  hermites, 
tant  de  cerimonies  dites 
que  chacun  s'en  pourra  lasser. 
(Jultre  bien  vous  pouez  i)asser 
lie  nioy  proscher  de  cest  att'aire  ; 
10785  s(;ay  je  pas  bien  que  j"ay  a  faire  ? 
Ne  me  tenez  plus  ceste  voyc, 
car  s'il  convient  que  j'y  pourvoyc, 


jami-s  n'en  cschapcrez  quitte. 

JEHAN    BAPTI.STE 

11  me  souffit  que  je  m'acquitte, 
10790  et  i)OUi'  moy  acquittier  te  somme 
que  c'est  fait  d'ung  désirai  homme 
do  tenir  celle  que  tu  tiens, 
et  fais  grant  villenie  aux  tiens, 
non  pas  seulement  vilenie, 
10795  mes  advoutrie  et  tii-annic 
ou  il  n'a  voye  de  raison. 

HERODE 

Jehan,  passé  longue  saison, 
j'ay  souslcnu  en  mon  courage 
que  vous  estes  saint  homme  et  sage, 
losoo  et  faisiez  ])our  les  simples  gens 
beaucop  de  beaux  ensoignemeus, 
mes  je  vous  voy  trop  avancer  ; 
vous  pensez  sans  contrepenser 
devant  qui  vous  couchez  vos  dis. 

.lEHAN    BAPTISTE 

10805  Je  t'ay  dit  et  encor  te  ditz 

qu'il  te  vient  d'ung  mauvais  vouloir 
de  frauder  ton  frère  et  vouloir 
tenir  sa  femme  devers  toy  : 
mauvais  homme,  prens  y  chastoy, 

10810  reparc  l'ofTence  et  luy  rendz, 
et  a  ton  père  exempld  prens 
qui  a  sy  pute  fin  parvint 
par  la  cnidelité  qu'il  tint 
et  garde  qu'ainsi  ne  t'en  prende. 

HERODIADE,  la  femme. 
Il  n'est  pas  doubte  qu'il  se  rende  : 
il  dist  tousjours  de  pis  en  pis. 
Ësbahir  assés  ne  me  puis 
de  telz  vielz  bigos  réputés, 
comment  ainsi  les  escoutcz  : 
il  rassote  a  ce  que  je  vois  : 
il  a  tant  jeune  en  ce  bois 
qu'il  n'a  en  Soy  fil  de  cervelle. 

JEHAN    BAPTISTB 

0  pei-verse  femme  et  cruelle, 
faulce  serpente  venimeuse, 
10825  tortue  mordant  et  hideuse, 
pal'  toy  es  ainsi  séparée 
et  mourras  de  mort  maleuree, 
se  bricfmcnt  tu  n'en  fais  départ. 

HERODIADE 

Hahay  !  ce  meschant  papelart 
10830  nous  rompcra  ineshuy  la  teste. 


10815 


10820 


107',3  frère  H.  —  10755  Te  dis  quil  ne  loyst  B.  te  fault  point  C.  —  10765  noblesse  doit  R.  justice  C.  —  10766  fait 
miiifiw  A.—  10767  nest  pas  vravanient  B.  Krero  nés  pas  ne  vrayamenl  C—  10772  ojsillons  B.  C—  10796  il  maiv)ur 
A.  _  1080'.  toucliiez  C.  —  lOSOS"  encore  dis  H.  —  10Ï09  prens  ung  B.  C.  —  :0!>3;î  <>  penierse  tortue  uiortelle  \.  — 
10825  Cciuleuure  .\.  h.njdeuse  A. 


142 


MISTERE    DE    LA    PASSIOX 


HERODE 

Grongnait. 

GRONGNART 

Hola! 

HERODE 

Quelle  orde  beste  ! 
c'est  bien  respondu  a  l'honneur, 
n'est  pas  ? 

GRONGNART 

Que  vous  plest,  monseigneur  ? 
Pardonnez  moi,  car  ma  narine 
10835  estoit  au  pot  a  la  cuisine  : 
si  ne  vous  entcndoye  point. 

HERODE 

Empoigne  moy  par  son  pourpoint 
ce  prescheur  et  le  mctz  en  chartre. 

GRONGNART 

Il  n'y  fault  mandement  ne  chartre  : 
10S40  il  vous  sera  fait  volentier  ; 
passez  avant,  frère  Gaultier, 
vous  arez  sanglante  sepmaine  ; 
entrez  la. 

JEHAN    liAPTlSTE 

Majesté  haultaine, 
en  ta  garde  me  recommandz. 

GRONGNART 

10845  J'ay  bien  accomply  vos  commandz, 
l'ermitte  n'a  garde  d'issir. 

HERODIADE         ' 

Il  est  très  bien  a  mon  plaisir  : 
face  hardiment  bonne  cliiere, 
car  se  j'y  sçay  trouver  maniera, 
10850  il  mourra  de  mauvaise  mort. 

[Pose.] 


JHESUS 

Déporter  me  veil  jusqu'au  port 
dessus  la  mer  de  Galilée 
et  prescher  par  toute  contrée 
le  règne  de  Dieu  sans  cesser  : 

10855  c'est  le  temps  qu'il  me  fault  penser 
de  faire  cougrcgacion 
de  gen  ^  de  bonne  intencion 
qui  mes  disciples  veuillent  eslre, 
affin  qu'en  la  vie  terrestre 

10860  ilz  me  soient  coadjuteurs, 

vrais  prescheurs  et  informateurs 


du  fait  de  ma  ueufve  doctrine  ; 
et  pourtant,  ma  mère  bénigne, 
a  vostre  congé  me  dépars. 

NOSTRE    DAME 

10865  Vostre  vouloir  en  toutes  pars 

me  plest  bien,  mon  filz  débonnaire. 


s.    PIERRE 

Andry  frère,  il  nous  fault  retraire 
a  la  nave,  si  pescherons 
quelque  chose  dont  nous  arons 
10870  pour  soustenir  la  povre  vie. 

s.    ANDRY 

Pierre  frère,  pas  n'y  obvie  ; 
je  vouldray  pescher  avec  vous, 
le  temps  est  gracieulx  et  doulx  ; 
se  nostre  roix  est  attournee 
10875  nous  gaignerons  nostre  journée, 
se  Dieu  nous  laisse  consomcr. 

s.    PIERRE 

Or  gettons  la  roix  en  la  mer. 
Andry  frère,  entendez  de  la. 

JHESUS 

Enffans,  que  besongnez  vous  la 
10880  maintenant  de  si  grans  façons  ? 

s.    PIERRE 

Sire,  mon  frère  et  moy  peschons  ; 
povres  gens  sommes  de  mestier, 
mais  nous  laborous  volentier 
pour  gaigner  ce  dont  nous  vivons. 

JHESUS 

10885  Laissez  ces  operacions, 

suyTez  moy,  soiez  diligens  : 
je  vous  feray  pcscheurs  de  gens,- 
en  lieu  de  pescher  les  poissons, 
par  belles  predicacions 

10890  et  loyaulx  admonestemens. 

s.    ANDRY 

Sire,  par  les  beaidx  documens 
qui  de  vous  procèdent  et  ysseiit 
nos  cueurs  a  vous  se  convertissent 
et  laissons  tcut  pour  vous  servir, 

s.    PIERRE 

10805  Je  ne  veil  aultre  desservir 

pour  riens  qui  m'en  sache  empcscller. 


10S55  ou  pot  de  la  B.  C.  —  10S50  ssnglante  mort  C.  —  10860  conduitteurs  C.  —  10867  Les  nams  des  apôtres 
Sont  irrégutiri-emeiU  précédés  dans  A.  B.  du,  mot  Saint.  —  10874  raiz  A.  —  10S75  bonne  journée  B;  —  10891  endoc- 
trinemens  C^  —  10805  JaiiiaU  no  \ucil  autre  seruir  B,  G, 


SECONDE  JOURNEE 


143 


s.  JAQUES  ZEOEUEY 

Jehan,  il  nous  convient  pescher 
ccste  nuit,  su  lo  temps  Tadonne, 
mes  uostre  roix  n'est  pas  trop  bonne, 

10900  elle  est  ou  plusieurs  lieux  deffaicte. 
s.  JEHAN,  Vevangcliste. 
Il  fauldra  qu'elle  soit  reffaictc, 
mon  frère,  un  tantôt  par  dessoubz, 
et  vcez  cy  mon  père  avec  nous 
qui  nous  aydera,  si  luy  plest. 
ïEBEOEUS,  le  père. 

10005  Ouy,  mes  cnfïïms,  je  suis  prcst 

et  est  bieu  raison  que  j'en  songnc  : 
or  nous  mettons  tous  en  besongne, 
et  chacun  y  ticngne  la  main. 

JHESUS 

Amis,  ne  faictes  mes  l'cmain 
10910  au  mestier  que  pour  l'heure  avez  : 
venez  vous  en  et  me  suyvez  : 
je  vous  désire  moult  ensemble. 

s.    JEHAN 

Jaques  frère,  que  vous  en  samble  ? 
j'ay  mon  cueur  tant  enluminé 
15  'que  je  suis  tout  déterminé 
de  suivir  ce  bonoist  prophète. 

s.    JAQUES    ZEHEDEY 

La  conclusion  eu  est  faicte, 
je  feray  comme  vous  fereï. 

ZEBEDEUS 

Comment  donc,  vous  me  laisserez, 
820  enffans.  pour  suir  ung  estrangc  ? 

s.    JEHAN 

Il  nous  convient  passer  ce  change  ; 
père,  prenez  en  pacience, 
car  nous  tenons  en  conscience 
qu'en  ce  gist  nostre  sauvemeut. 

ZEllEDELS 

1925  Je  requicr  le  Dieu  qui  ne  ment, 
mes  chers  enffans,  que  sa  doctrine 
vous  poite  a  l'ame  médecine 
tant  que  vostre  salut  s'y  face. 


B.   PHËLlt'E 
Tandis  que  j'ay  temps  et  espacç, 
830  a  la  mer  m'en  vois  bcsongner  ; 
si  me  fault  penser  de  gaigner 
pour  ma  maignco  entictenir. 


JHESUS 

Amy,  vouldras  tu  point  venir 
0  moy  et  estre  de  ma  sorte  ? 

8.    PHELIPE 

10935  Sire,  a  vosti-c  vcil  m'en  rap|>oite 
et  m'offre  a  vous  faire  service 
leal,  s'il  est  riens  que  je  puisse. 
Par  mon  nom  l'helipe  me  nomme  ; 
non  obstant  que  je  suis  simple  homme, 

10940  j'en  feray  ma  povre  puissance. 

JHESUS 

Amy,  de  moy  suir  l'avance, 
laisse  ces  oeuvres  terriennes, 
tu  verras  les  celestiennes 
qui  plus  te  pourront  pourfiter. 

s.    BERTHELE.MY 

109'i5  Puisqu'il  vous  ptet  moy  inviter, 
sire,  vostre  suis  sans  contrainte  ; 
vostre  renommée  est  tant  saincte 
que  c'est  tout  bien. 

s.    PIERRE 

Bertheleiny, 
bien  viengnez  vous,  mon  cher  amy, 
10950  en  nostre  simple  compaignie  ! 

JHESi:S 

Par  ainsi  croist  nostre  niaignic 
et  nostre  colegc  simplet, 
mes  encore  n'est  pas  complet 
le  nombre  que  nous  roquerons. 

s.    JEHAN 

10955  Vostre  plaisir  faire  querons, 
sire,  sans  jamais  départir. 


s.   THOMAS 

Il  sera  grant  temps  do  partir 
l)Our  aller  ma  nef  apprester, 
tandis  que  le  temps  veult  rester 
10960  et  tourner  en  tranquillité. 

JHESUS 

Thomas,  homme  de  charité, 
laisse  de  tout  point  ton  manoir, 
avec  moy  t'en  viens  remanoir  : 
de  tout  bien  seras  eurichy. 

s.   THOMAS 

lOOœ  Saint  homme,  la  vostre  merci, 
moult  volentier  vous  os  parler  ; 
et  a  moy  ainsi  appeler 


10900  enseigne  B.  —  10912  auoir  1!, 
'—  10903  Et  auec.i...  in.iiioir  B.  C. 


1093'i  A  moy  H.  —  1003S  je  me  A.    -  10958  iiaue  B.  C.  —  10064  to  A. 


144 


MISTERE   DE   LA    PASSION 


me  faictes  honneur  grandement  : 
je  laisse  tout  cntioreraent 
10970  pour  vous  suivir  a  tousjours  mes. 

JHESUS 

Et  vous  deux  ne  restez  jamès 
en  la  vie  que  vous  tenez  : 
nostre  compaignie  prenez  ; 
si  vendrez  a  perfection. 

s.    SIMON 

10975  C'est  toute  nostre  intoncion, 
sire,  d'estre  o  vous  habitans  : 
Simon  suis  nommé  de  long  temps  ; 
et  veez  cy  Judas  Xclotés, 
mon  frère,  a  qui  honneur  portez 

10980  de  nous  evocquer  en  ce  point. 

s.    JUDE 

Nous  ne  vous  délaisserons  point, 
sire,  pour  purger  nos  meffais, 
car  chacun  parle  des  haulx  fais 
qui  viennent  de  vostre  parsonne. 

JHESUS 

10985  Ma  volenté  veult  et  ordonne, 
frères,  que  d'icy  nous  partons, 
et  la  parole  Dieu  portons 
par  devers  toute  créature 
pour  ramener  a  leur  nature 

10990  tous  povres  pescheurs  desvoyés, 
affin  qu'ils  soient  ravoyés 
a  la  vérité,  vie  et  voyo 
qui  de  sa  grâce  les  pourvoye 
par  pitié  et  compassion. 


s.  MATHIEU,   changeur,  publicanus. 

10995  Je  prens  grant  occupacion 

d'assortir  monnoies  pluscurs  ; 
nous,  publicans  et  colecteurs 
des  tribus  et  des  maies  taultes, 
pouons  commettre  moult  do  faultes 

11000   devers  l'empereur  des  Romains, 

qu'en  tant  de  lieulx  mettons  les  main.'- 

que  le  peuple  en  est  molesté. 

Or  ça,  qui  se  sent  endebté 

de  tribus,  de  drois  et  do  restes, 

11005  viengne  paier,  j'ay  les  mains  prestes  : 
tout  prens,  je  ne  refuse  riens. 

JHESUS 

Délaisse  tout  et  si  t'en  viens  : 


suis  moy  et  tu  feras  que  sage. 

s.   MATHIEU 

Mon  cher  seigneur,  aussi  fera  je  ; 
11010  quanque  je  tiens,  je  laisse  et  donne 
aux  povres  pour  Dieu  en  aulmone  : 
jamès  ne  m'en  veil  entremetre  ; 
me  suffit  que  soiez  mon  maistre 
ne  jamès  ne  veil  aultre  avoir. 

JHESUS 

11015  S'en  pourras  le  trésor  avoir 
qui  jamès  ne  deffinera. 


JUDAS  SCARIOTH 

Ne  sçay  se  Dieu  me  danipnera 
avec  le  mauldit  Sathanas, 
et  ma  vie  m'abrégera 
11020  par  mort  villaine,  veu  mon  cas  ; 
Je  suis  le  malheureux  Judas 
en  qui  tant  de  mal  se  contient 
que  je  m'esbahys  hault  et  ))as 
comme  la  tei'i'C  me  soustient. 
11025       Je  suis  le  pire  et  plus  infâme 
qui  soit  n'en  ville  n'en  royalmc 
et  l'homme  plus  mal  fortuné  : 
La  terre  m'ai'gue  et  diffame, 
le  ciel  encontre  moy  proclame 
11030  comme  ung  meurtrier  habandonné. 
0  pervers  cueur  infortuné, 
en  tout  mal  commetre  obstiné, 
quand  en  toy  recongnois  tel  blasme, 
mauldis  mille  fois  corps  et  ame 
11035  et  l'heure  quand  oncques  fus  né. 
A  la  dame  de  beau  maintien 
qui  oncques  me  fit  plus  de  bien 
et  me  nourrist  de  ma  jeunesse, 
j'euz  en  mon  faulx  cueur  hardiesse 
11040  que  de  tuer  son  propre  filz. 

0  mauvais  meurtrier,  que  mal  fis  ! 
Par  les  ditz 
que  tu  dis 
trop  hardis, 
11015  tu  rendis 

mal  pour  grant  bonté. 
Et  l'empris 
ou  pourpris 
ou  tu  pris 
11050  los  et  pris. 


10971  narre.-itiiz  C.  —  1097-4  Se  H.  —  10979  A  qui  grant  amistio  portez  B.  C.  —  11007  Laisse  B.  Mathieu  lai.sse  C.  - 
11010  Tant  que  .\.  —  11018  malheure  B.  —  11022  maintient  B.  C.  —  11032  Le  vert  se  réditit  au  seul  mol  obsti^^ 
B.  —  11039  en  mon  cueur  tel   C. 


SECONDE   JOURNEE 


145 


paix  et  chanté. 
S'en  cuft'or  en  es  député 
et  des  grans  deablcs  emporté, 
en  la  fin  ce  sera  liion  pris. 

H055       Nouveau  dueil,  nouveau  vitupère, 
nouvelle  rage  composée  ! 
puis  cella  j'ay  tué  mon  pero 
et  ma  propre  merc  espousce  ; 
mes  ma  coulpe  eu  (  st  excusée 

11060  quant  au  ilomourant, 

car  vray  ignorant 
ay  fait  ce  trespas  ; 
mes  pourtant  ne  s'ensuit  il  pas 
que  ceste  malédiction 

11065  ne  se  retourne  pas  a  pas 
a  mon  dueil  et  confusion. 
Suis  je  de  tout  bien  interdit, 
suis  je  des  hommes  plus  raauldit, 
suis  je  né  pour  toute  misère  ? 

11070  au  fort  aller,  je  considère 

par  quel  moyen  je  tourneray  ; 
jamès  je  ne  sejourneray 
tant  que  Jhesus  aye  trouvé 
et  luy  mon  fait  tout  approuvé  : 

11075  car  s'il  est  par  sens  et  par  voye 
que  de  sa  compaignie  soye, 
mes  poché»  me  seront  remis. 


s.  JAQUES  AM'HEV 

Trop  longuement  ay  icy  mis 
que  je  n'ay  faicte  diligence 

11080  de  quérir  la  sainte  présence 
de  Jhesus  par  aucuns  moyens  : 
chacun  dit  qu'il  fait  tant  de  biens 
que  tout  le  peuple  s'en  adniende. 
Sans  ce  que  jamcs  (ilus  attende, 

11085  je  vois  voir  se  le  trouvcray, 
et  de  ses  disciples  seray 
s'il  est  que  j'y  puisse  advenir. 

JHESUS 

Mon  amy,  veux  tu  |)urvenir 
au  règne  du  ciel  glorieux  ? 

s.  .I.VQIES   AI.PHEV 

[  llosio  Sire,  je  ne  roquier  pas  mieulx  : 
j'y  submetz  ma  volenté  toute. 

JHEijUS 

Or  me  suis  donc,  et  riens  ne  doubte, 
car  tu  vendras  a  ton  désir. 


JUDAS 

Sire,  se  c'est  vostro  plaisir, 
uoas  volentiere  des  vostrcs  scroio 
et  humblement  vous  sei-viroye, 
se  mon  service  vous  plaisoit. 
Le  pire  suis,  je  croy,  qui  soit, 
a  tout  mal  suis  condescendu, 
11100  mes  pour  ce  que  j'ay  entendu 
que  des  povres  pescheurs  avez 
mercy  et  que  les  recevez, 
je  viens  demander  vostre  grâce. 

JHESUS 

C'est  raison  que  je  te  la  face 
11105  puisque  tu  te  veulx  adraender  : 
pense  des  commandz  Dieu  garder 
et  tu  aras  misei'icorde. 
Et  des  maintenant  je  t'acorde 
que  tu  soies  nostre  bouraier 
11110  mesouen  et  le  despensier 

de  tout  ce  qu'on  nous  donnera  : 
tretout  par  tes  mains  passera, 
fay  prudommement  ton  devoir. 

JUDAS 

Mon  cher  raaistre,  sachez  de  voir 
11115  que  vous  me  trouverez  leal. 

JHF.SIS 

l'uisque  j'ay  le  nombre  total 
des  apostrcs  que  je  vouloie, 
retourner  vouldray  droite  voye 
en  Nazareth  pour  visiter 
11120  ma  mère  et  mes  gens  conforter, 
qui  mon  absence  plaignent  moût. 

s.    PIERRE 

Sire,  nous  vous  suyvrons  par  tout 
ou  que  vous  prenez  vostre  adresse. 
Icy  s'en  retourne  vers  Nostre  Dame 


AtilUSSTI.N 

Mai'ic,  devers  vous  m'adresse, 
111Ï5  pour  vous  dire  que  vous  allez 
aux  nopccs,  et  pas  n'y  faille/, 
dont  nagueres  estes  priée. 

NOSTKE   DAME 


Et  quand  ? 


11065   par  compas  11.  C.  -    11074  Et  dit  mon  luit  lovit  ri-prouue  (.'.  —  11(1^3  moult  de  pcupl.-  I!.  C.  -  1H13  pruden- 
Icmoiit  B. 


Pas. 


10 


146 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


AGRESTIN 

Demain  est  la  journée  ; 
et  s'il  chct  que  Jhesus  retourne, 
11130  et  a  vostre  traveil  ne  tourne, 
vous  luy  pourrez  signifier 
que  l'esiiouzé  le  fait  prier, 
luy  et  tous  ses  gens  ensement. 

NOSTRE   DAME 

Je  luy  diray  certainement  : 
11135  veez  le  cy  ou  il  Tient  de  tire, 

vous  mesmes  luy  pouez  bien  dire  : 
s'acheverez  tout  d'une  voye. 

AGRESTIN 

Sire,  le  grand  Dieu  vous  avoye  ! 
Vostre  bon  amy  et  voisin 
11140  vous  supplie  de  cueur  affin 
qu'a  ses  nopces  soiez  présent, 
car  je  sçay  bien  qu'il  n'est  présent 
dont  il  puist  estre  plus  joyculx. 

JHESUS 

Mon  ami,  soiez  curieulx 
11145  de  dire  au  sire  sans  remaiu 
qu'a  la  journée  de  demain 
très  volentiers  nous  serons  la. 

AGRESTIN 

Il  m'estoit  dit  avec  cela 
que  tous  vos  disciples  y  feussent, 
11150  car  moult  volentiers  les  y  eussent 
le  sire  et  la  dame  de  pris. 

JHESUS 

Tous  ensemble  y  seront  compris 
en  ceste  journée  ensuyvant. 

AGRESTIN 

Et  je  m'en  voy  tousjours  devant 
11155  pour  anoncer  vostre  venue. 


Seigneurs,  a  ma  bien  revenue 
de  fournir  viandes  pensez, 
car  vous  arez  des  gens  assés 
se  ceulx  qui  sont  priés  y  viennent. 

LE  SEIGNEUR  DES  NOPCES 

1U60  Mes  que  les  choses  s'entretiennent 
nous  avons  provision  haulto  ; 
si  ne  craiiigz  point  qu'il  y  ait  faulte  : 
nous  avons  nietz  de  toutes  guises. 

REMISSE,  servant. 
Toutes  les  tables  sont  ja  mises 

H165  et  les  nappes  bien  cstandues. 


salles  parées  et  tandues  : 
il  n'y  a  plus  que  besongner. 

RESPICE,  deuxième  servant. 
11  y  ara  bien  a  manger 
et  de  nouveaulx  et  divers  mes. 

REMISSE 

111/0  Respice  ne  songnc  jaincs 

et  n'a  le  cueur  qu'a  la  cuisine, 
c'est  son  fait. 

RESPICE 

La  suis  je  bien  digne 
de  dancer  au  son  d'une  broche. 


JHESUS 

Chère  mère,  le  temps  approche 
11173  qu'il  nous  convient  aux  nopces  rendi-e, 
affin  que  ne  façons  attendre 
la  conipaignie  qui  sera. 
Partons  nous  ? 

NOSTRE   DAME 

Quand  il  vous  plaira, 
mon  filz  ;  il  est  maintenant  heure. 


AGRESTIN 

11180  Sus  !  seigneui's  ;  ame  ne  demeure, 
que  chacun  se  siée  ou  il  veult, 
chacun  prengae  place  qui  peust, 
raetez  vous  cy  cinq  et  cy  six. 

REMISSE 

Voire,  car  les  premiers  assis 
11185  ont  tousjours  les  plus  gras  lopins, 
et  s'il  y  a  point  de  bons  vins 
ilz  en  sont  les  premiers  servis. 

ARCHEDECLIN 

Sans  faire  foison  de  devis 
je  prendray  icy  mon  about. 


JHESUS 

H190  Paix  soit  en  ccst  ostcl  par  tout 

et  a  tous  ceulx  qui  dans  habitent  1 

LE  SEIGNEUR  DES  NOPCES 

Je  requier  a  tous  qu'ilz  s'acquitent 
a  faire  chère  plantureuse. 


11132  le  sire  lî.  C.  -  11134  diligemment  B.  C.  —  11138  vous  dointjoye  B.  —11145  Dictes  au  seigneur  B.  -  11147 
serons  ila  B.  —  1HSS3-11233  manquent  C.  feuillel  décliiré,  -  11160  L'es}>ouzé  A  -  11175  cliies  Icspeux  E.  -  H188 
Tantôt  archedeclin,  tantôt  l'arcliedelin  B, 


SECONDE  JOURNEE 


147 


NOSTKE   DAMK 

Damo  gracieuse, 
11105         (jui  estes  es|ieu/.e 

pour  ce  joyeux  joui', 

au  rogne  majeur 

sciez  boueureuse, 

dame  gracieuse. 
i.'kspousee 
11200  Estraiiie  joieuse, 

vie  vertueuse, 

Marie,  m'aniour, 

ayez  par  honnour, 

sans  vie  ennuyeuse 
11805         ostraine  joyeuse. 

AGREsTlN 

Vous  serez  cy  cniprès  l'espeuze, 
danio,  pour  duyi'e  son  maintien 
car  de  sens,  d'honneur  et  de  bien, 
sçavez  plus  que  fanie  qui  vive. 

NOSTHE  DAME 

11210   A  vostro  vouloir  pas  n'estrive, 
j'obciray  a  vostre  vucil, 
mes  avant  tout  oeuvre  je  voil 
que  .lliesus  s'assisc  a  la  foste. 

LE  SEIGNEUR  DES  NOPCES 

Veez  cy  sa  place  toute  preste, 
11215  assés  près  de  vous,  chero  dame. 
Icy  s'assiet  chacun  a  table. 

«ESPIGE 

Or,  messeigneurs,  qu'il  n'y  ait  amc 
qui  ne  pense  de  soy  gorger  : 
faictes  moy  ces  pos  descharger, 
depcschez  le  premier  venant. 

REMISSE 

11220  Pour  faire  ces  barlies  nager, 

faictes  moy  ces  pos  descharger. 

AGRESTIN 

Kt  se  vous  avez  a  manger 
peu,  buvez  bien  a  l'avenant. 

IIESPICE 

Faictes  moy  ces  pos  descharger, 
112;5  depeschcz  le  premier  venant. 

AUCHEDECLIN 

Nous  sommes  très  bien  maintenant 
en  paix  et  aise,  Dieu  mercy. 

RESPICK 

Je  croy  qu'il  fait  meilleur  icy 
qu'il  ne  fait  aller  peller  l'orme. 

REMISSE 

11230  s'il  y  a  homme  qui  s'endorme. 


jo  luy  soufHcrny  la  cliandclle. 

ARCHEDROLIN 

La  compaignic  est  l)unnc  et  belle 
et  bien  assemblée  a  propos. 

AOUESTIN 

Vcez  cy  tros  mauvaise  nouvelle, 
U235  il  n'y  a  plus  de  vin  es  pu»  : 
ces  coquars  sont  cy  a  repot* 
a  jouer  de  la  chalcmelle, 
et  par  leur  meschante  querelle 
le  vin  fault  ;  sont  ilz  pas  bien  sos  ? 

REMISSE 

11240  Veez  cy  très  mauvaise  nouvelle 
et  grevablo  pour  les  supos. 

LE  SEIGNEUp   DES  NOPCES 

Que  vous  faut  il  ? 

REPPICE 

La  faulte  est  telle  : 
il  n'y  a  plus  de  vin  es  pos, 
et  qui  pis  est,  pour  remplir  bros, 
11245  n'avons  point  taverne  prochaine. 

ARCHEDECLIN 

Nous  sommes  icy  a  grand  peine 
de  soif,  qui  ne  nous  secourra. 

NOSTRE  DAME  / 

/  Mon  filz,  grand  esclandre  encourra        y 
/  l'espeux,  si  vous  n'y  pourveez  ; 
11250|  son  vin  lui  fault,  vous  le  veez  : 
J  pour  Dieu,  saulvcz  luy  cest  ennoy. 

JHESUS 

Femme,  que  te  touche  il  n'a  moy 
se  la  deffaulte  est  survenue  ? 
mon  heure  n'est  myc  venue 
11255  de  monstrer  mes  fais  vertueux. 

NOSTRE   DAME 

Servans,  approchez  vous  tous  deux 
et  la  besongno  amendera  ; 
ce  que  Jhesus  connnandera 
accomplissez  le  vistement. 

REMISSE 

11260  Die  ce  qu'il  veult  hardiment, 

et  nous  l'accomplirons  bonne  erre. 

JHESUS 

Prenez  moy  ces  cruches  de  pierre 
et  d'eau  clore  jusques  au  bort 
les  emplissez. 

RESPICE 

Je  suis  d'accord  : 
11265  Remisse,  porto  ceste  paire. 

Mon  jo  m'apense  qu'il  veult  faire 


11219  le  maii'iur  1!.  -  11222  Se  vous  aueï  peu  H.  —  11223  Se  buueï  B.—  11225  Les  vers  11217,  11218,  11219  sont  répétés 
ici  B.—  11227  Et  iiaix  A.  B.—  11239  folz  B.—  11242  te  faut  il  B.  C.  la  chose  A.—  11243  Qui'  B.  G.—  11244  bros]  broches  B.— 
11247  seul' A.  —  1124S  sera  A.  —  11257  Ojez  ce  que  len  vous  dira  B.  C.  —  11861  nous  maniur  A.  —  11202  de  terre  A- 


148  M  I  S  T  E  R  E 

do  cestc  eau  clere. 

REMIS.SE 

Je  ne  s^ay. 

RESPICE 

La  veult  il  baillier  pour  essay 
pour  eschauffer  leur  appétit? 
11270  le  bruvage  est  par  trop  petit, 

il  ne  plest  point  a  bons  grommés. 

REMISSE 

L'envoiroit  il  quérir  jamès 
pour  aller  brasser  du  bouillon  ? 

HESPICE 

11  souffit  que  nous  lui  baillion, 
112/5  puis  en  face  brouet  et  souppes; 

y  mouille  qui  vouldra  ses  souppes  : 
mes  se  j'en  boy  je  puisse  estrc  ars. 

REMISSE 

C'est  bruvage  pour  les  canars, 
non  pas  pour  gentilz  compaignons. 

RESPICE 

11Ï80  Tenez,  sire,  nous  apportons 
de  l'eauc  assés  a  grant  foison  ; 
disposez  en  selonc  raison 
ce  qui  vous  sanible  pour  le  mieulx. 
Jhesus  benist  l'eaue  et  puis  dit  : 

JHESUS 

Pour  louer  les  fais  vertueulx 
11285  de  mon  perc  le  roy  divin, 

ccste  eaue  icy  deviengne  vin. 

Amis,  versez  du  vin  par  tout 
et  premier  a  vostre  chemin 
portez  en  a  Archedeclin 
11290   qui  fait  la  dessus  son  about. 

Jcy  boit  Arcliedeclin,  puis  dit  : 

ARCHEDECLIN 

Veez  cy  ung  vin  de  très  bon  goût, 
le  meilleur  et  plus  agoutans 
qu'oncques  je  goutay  on  nul  temps  : 
oncques  meilleur  vin  ne  fut  beu. 
11295  Sii-e  des  nopces,  j'ay  argu 

d'ung  point  ou  je  vous  voy  enclin. 

LE    SEIGNEUR    DES   NOPCES 

Or  dictes,  sire  Archedeclin, 
tout  ce  que  sur  le  cueur  avez. 

ARCHEDECLIN 

Tout  au  couti'aire  nous  servez 
11300  que  los  maistios  d'hotol  si  font: 
'        en  ce  pays  coustumiei's  sont 
de  servir  quand  vient  l'asseoir 


DE   LA   PASSION 

du  meilleur  vin  qu'on  puist  avoir, 

tant  qu'iceulx  soient  onyvrés  ; 
li;,Oô  après  sont  ser^'is  et  livrés 

du  pire,  et  par  voye  soubtivc 

se  frustre  la  judicativo 

do  ceulx  qui  Ixtyvent  largement  ; 

mais  vous  faictes  tout  aultrement, 
11310  car  petit  vin  meistes  premier, 

et  vecz  si  bon  le  dcinier 

qu'il  n'est  point  de  meilleur  bejisson. 

LE   .SEIGNEUR   DES  NOPCES 

Je  n'entendz  point  ceste  fasson; 
mes  d'où  pcust  ce  bon  vin  vciiii"? 

RE.MISSE 

11315  Sire,  j 'ose  bien  soustonir 

que  Jhesus  qui  la  sict  a  table 
a  en  soy  vertu  mei'veillable 
par  dessus  toute  créature, 
car  certes  il  a  fait  d'eau  pure 

11320  le  propre  vin  que  vous  buvez. 

ARCHEDECLIN 

Est  il  vray  ? 

RESPICE 

Ja  n'e'n  ostrivez, 
il  est  tel  que  le  vous  tesmongne, 
car  a  jiarfaire  la  besongne 
nous  deux  avons  teiute  l'eau  quise. 

LE   SEIGNEUR    DES   NOPCES 

11325  La  chose  est  haultaine  et  exquise 
et  ne  se  peust  faire  tel  signe 
se  n'est  par  puissance  divine, 
dont  je  le  croy  vray  possesseur. 

ARCHEDECLIN 

Loué  soit  Dieu  nostre  seigneur, 
11330  qui  telz  fais  nous  veult  départir. 

JHESUS 

Mes  frères,  temps  est  de  partir, 
puisque  la  festo  est  defi'aillie. 

LE   SEIGNEUR    DES   NOPCES 

Jhesus,  humblement  vous  mercie 
de  vostre  visitacion. 

Se  partent. 


s.  PlEUnE 
11335  0  inaistre,  grant  perfection 

gist  en  vous,  vos  oeuvres  l'aiipiviivout 


11267  clere  manque  A.  B.  C.  —  Hï7)  fçueres  ]i.  C.  —  11273-0  maiiqwnl  A.  —  11Î84,  11285  et  112SG  monr/ueni 
lî.  C.  —  H2S7  en  plusieurs  lieux  li.  C.  —  H2S9  Portez  deuant  li.  C.  —  1129D  Kt  quil  en  dye  son  entente  B.  C.  — 
H291  liqueur  ires  excellente  B.  G.—  11297  De  quel  point  B.  C.  —  11298  Dictes  ce  que  sur  cueur  B.  C.  —  11299  a 
lass5oir  C. —  11305-6  Kt  lors  sert  nen  du  pire  après  Car  par  ceste  B.  C.  —  11307  ladju<licaliuo  B.  —  11309  Et  .\.  — 
11315  maintenir  B.  —  11316  vosire  comensable  B.  C.  —  11317  vertuable  -V. 


SECONDE  JOURNEE 


IW 


et  ostic  fil/-  Jft  Dieu  vous  preuveiit : 
et  nous  le  croyons  cstro  ainsi. 

JHKSUS 

Mes  fi-ert's,  pmlons  nous  cl 'ii'v  : 
»3*0  en  Judée  nous  fault  veitir 

pour  le  iicuplo  Uicu  convertir 
<t  l)apti/,er  tous  vrais  pruffé» 
qui  sont  rcponlans  et  couffcs 
do  Icui's  luaulx  et  iuiqidti's. 

s.   ANDRY 

[  UMj  Sire,  nous  souuues  approstés 
de  vous  suivir  en  tout(^  place. 

JHESLS 

Chère  niere,  par  vostre  graeo 
en  ceste  cité  vous  tendrez 
et  nostre  retour  attendrez. 
1 11350  11  n'est  janiès  temps  que  je  reste, 
ainçois  me  dispose  et  apiireste 
d'anoncer  par  noble  niistcro 
la  parole  de  Dieu,  mon  père, 
car  pour  ce  suis  je  né  au  monde. 

NOSTRE  DAME 

\ii35ô  Mon  filz  et  ma  joye  féconde, 
vostre  volenté  en  soit  faicte  : 
lors  de  tout  bien  seray  reffaitte 
quand  vostre  retour  se  fera. 


JHE8US 

Mes  frère»  chiei's, 
la  haulte  fcste  solennelle 

11375  de  Fasqucs  qui  est  annuelle 
aux  Juifz  et  de  grant  memore 
approchera  en  bi  iof  tempère  : 
nu  temple  donc  nous  en  irons, 
et  la  le  peuple  i  nseiffiierons 

ll3,so  chose  dont  il  puist  mieuls  valoir. 

s.  JEHAN 

Nous  sommes  a  vostre  vouloir, 
si  no  (levons  pas  contredire. 
le;/  rient  Jhesus    et  fait  comme  xing  souffle- 
ment  de  la  bouche,  et  lors  toutes  tes  tables 
des  vendeurs  cheenl  et  treslntchent  hors  du 
temple. 

CELSIDOX 

Vecy  bien  poui  enrager  d'ire, 
a  brief  dire, 
11385  mes  qui  nous  fait  cest  eneombrier? 

RABANUS 

Tous  nos  estaulx  sont  chcus  a  tire  ; 

qui  les  tire  ? 
Vecy  bien  pour  enrager  d'ire, 

a  brief  dire. 

CELSIDON 

11390  Je  n'ay  boiste  ne  tirelire, 
seau  ne  cire 
qu'il  ne  m'aist  tout  fallu  vuidier. 

EKIILIVS 

Vecy  bien  pour  enrager  d'ire, 
a  brief  dire  ; 
llROTi   mes  qui  nous  fait  cest  eneombrier? 

JHESUS 

Pas  ne  deussi-cz  appi'oprier 
ce  lieu  a  marchandise  rendre  : 
allez  ailleurs  vos  coulons  vendre 
et  de  la  maison  honorée 

ll'iOO  qui  a  mon  pei-e  est  préparée 
n'en  falotes  pas  vostre  marché. 
Se  l'escripture  avez  serché, 
il  est  escript  que  ma  maison 
se  nomme  maison  d'oroison, 

lUOj  et  vous  la  faictes  de  rancune. 

RABANirS 

Donnez  au  moins  raison  aucune 
en  quel  signe  et  signifianco 
vous  usez  de  ceste  puissance  : 
si  prendront  les  aullres  exemple. 
jHEsrs 
liuo  Quel  signe?  Deffaictcs  ce  temple, 

U339   nous  maruiue  A.  —   11340  partir  B.  —  1135ï-ll'i45  manquent  C.  feuillet   déf-hirè.   —  11398  ces  roulons  B. 
—  11403  ma    manque  A.  —  11405  trop   i-ommune  B.    —  11407  Ou  B 


Ici/  doit  estre  a  l'entrée  du  t<.mple  foison 
de  changeurs  et  vendeurs. 
EMiLius,  tendeur  d'oiseaux. 
Nostre  vente  s'approchera, 
[ll360  Gelsidon,  se  peuple  s'assamble, 
et  a  mon  advis  il  me  samble 
qnc  nous  ferons  nostre  pourfit. 

CELSinoN,  mercier. 
Voisin,  je  suis  tout  desconflit 
conunent  fortune  m'est  tournée, 
[  11365  car  je  ne  feiz  l'aultre  journée 

comme  riens  de  ma  marchandise. 

RABANUS,  changeur. 

Nous  avons  bonne  mancndise 

en  ce  temiilo  cy  tout  ouvert  : 

au  moins  sommes  nous  a  couvert 

[  11370  et  n'avons  garde  de  la  pluye. 

Ça.  qui  ve\ilt  changer  si  le  dyj  : 
je  le  fourniiay  de  deniers 
s'il  a  de  l'or. 


150 


MISTER E   DE   LA   PASSION 


et  par  puissance  je  feray 
qu'eu  trois  jours  le  redifieray  : 
ce  ne  sont  pas  vertus  petites. 

EMILIUS 

Comment  grans  merveilles  vous  dictes  ! 
H415  Par  nos  prédécesseurs  savon 
que  le  puissant  roy  Salomon 
mist  quarente  six  ans  a  faire 
ce  temple,  et  tu  le  veulx  reffaire 
en  trois  jours  !  ce  seroit  trop  fort. 

CELSIDON 

H420  Qui  Youldra  croire  mon  raport, 
nous  nous  en  irons  vous  et  raoy 
devers  les  princes  de  la  loy 
de  ceste  offence  murmurer, 
car  se  cest  homme  peust  durer, 

H425  la  loy  sera  tout  abolye. 

UABANUS 

11  fault  prévenir  sa  folye 
soubtillement,  car  plusieurs  l'ayment 
et  pour  saint  prophète  le  claiment, 
qui  peust  estre  le  porteroient 
il430  et  forse  le  revangcroient 

s'il  estoit  pour  mort  convenu. 


NICODEMUS 

Puisque  le  soir  m'est  survenu 
et  la  nuit  m'est  assez  obscure, 
vers  Jhesus  m'en  vois  bonne  allure 
H435  pour  sçavoir  que  c'est  de  son  fait  : 
chacun  dist  que  merveilles  fait, 
tant  est  en  puissance  haultain. 


[Pose.] 

Maistre,  nous  sçavons  de  certain 
que  tu  es  venu  pour  pécheurs 
11440  de  Dieu  propre  et  non  pas  d'aillieurs, 
car  homme  ne  sçaroit  parfaire^ 
les  signes  que  te  voyon.s  faire, 
se  Dieu  n' estoit  avecques  ly. 

JHESUS 

Mon  amy,  tu  n'as  pas  failly  : 
■{1445  prudentemcnt  couche  tes  ditz, 
mes  certainement  je  te  dis  : 
qui  ne  sera  de  nouveau  né. 


quoi  qu'il  ait  bien  fait  no  pené, 
le  règne  Dieu  ne  pourra  voir. 

NICODEMUS 

11450  Voicy  ung  fort  point  a  savoir  : 

comment  peust  naistre  un  homme  ancien  ? 
est  il  possible  qu'au  gré  sien 
dedans  les  flans  de  sa  mère  entre 
et  naisse  encore  de  son  ventre  ? 

11455  ce  chemin  ne  samblc  pas  ferme. 

JHESUS 

Encore  te  dis  je  et  afferme  : 
qui  régénéré  ne  sera 
de  l'eaue  qui  le  lavera 
en  la  vertu  du  saint  Esprit, 

11460  au  livre  de  vie  est  escript 

que  jamès  le  haultain  royalme 
ne  verra  en  corps  ne  en  ame; 
qui  de  char  est,  char  se  dénomme, 
qui  de  l'esprit,  esprit  se  nomme, 

114©  et  doncques  ce  renaissement 
s'entend  espiritualment  : 
donc  mon  dit  ne  dois  admirer, 
qui  vous  semont  régénérer. 
Le  saint  Esprit  franchement  peust 

11470  aspirer  en  tel  lieu  qu'il  veult, 
et  os  sa  voix,  mes  tu  ne  s  ces 
d'où  il  vient  n'ou  sont  ses  accès  ;         ' 
tu  as  les  escriptures  faictes 
ou  par  la  bouche  des  prophètes 

11475  le  saint  Esprist  parler  convient, 
mes  du  principe  dont  il  vient 
n'a  quel  fin  celuy  sermon  tend 
en  ton  sçavoir  pas  ne  s'extend  ; 
tu  vois  aussi  un  mortel  corps 

11480  clerement  laver  par  dehors, 
mes  au  lavement  plus  parfait, 
qui  par  grâce  en  l'eaue  se  fait, 
ton  sens  ne  se  peust  pas  estendre. 

NICODEMUS 

Cher  maistre,  je  ne  sçay  entendre 
11483  le  moyen  de  vostre  argument; 
est  il  bien  possible  ? 

JHESUS 

Comment  ! 
tu  es  en  Israël  docteur, 
prince  de  la  loi  et  ducteur 
qui  doit  sçavoir  les  esciiptures  : 
11490  dis  je  paroles  si  obscures 
que  tu  les  deusses  ignorer  ? 
et  premier  dois  considérer 


11414  nous  B.  —  11415  Que  nos  B.  —  11430  forsan  A.  —  11431  conuaincu  B.  —  11439  aux  pécheurs  B.  —  11443 
mis  auec  B.  —  11448  Combien  quil  ait  pour  son  salut  pêne  B.  G.  —  11457  regenepay  A.  —  11458  Deaue  C.  —  11465 
regenerement  B.  C.   —  H4T0  Espirer  B.  —  11478  sentend  B.  —  11481  Mes  du  A.  B.  C.  —  11482  par  ce  B.  en  |lame  B 


coiunio  tu  a«  dit  par  dessus 
que  de  Dieu  viens  et  suis  yssus, 

1U95  par  quoy  tu  peulx  dire  pour  vray 
que  je  parle  ce  qu(!  je  sçay 
et  tosnioiigu(^  ce  que  i'ay  veu  ; 
iicantnioins  vous  n'avez  pas  rcceu 
le  tesmoiignage  que  je  porte, 

iirjOO  et  se  je  vous  presche  et  exhorte 
d'aucun  ouvrage  terrien 
et  de  celluy  ne  croyez  rien, 
tant  soit  il  évident  et  cler, 
se  je  voulloye  rcvcller 

1)505  les  haulx  secrés  celestiaux 
qui  sont  bien  plus  especiaux, 
connue  y  ariez  vous  credcnce  ? 
encor  dis  je  ceste  sentence, 
qu'homme  mortel  n'est  de  soy  digne 

H510  de  monter  en  gloire  divine, 

fors  seulement  le  filz  de  l'honnae 
qui  est  au  ciel  de  droite  somme  ; 
et  pour  ce  qu'il  n'est  créature 
qui  le  ciel  ait  do  sa  nature, 

H  51 5  ce  baptesnic  porte  efficace 

que  l'homme  l'acquière  par  grâce, 
posé  que  nature  luy  nye  ; 
et  affin  que  soit  accomplye 
grâce  dont  le  ciel  est  concquis, 

11520  ung  aultre  point  est  cy  requis  : 
car  connue  Moyse  exaussa 
le  serpent  d'airain  et  haussa, 
voyant  tout  le  peuple,  au  désert, 
affin  que  du  venin  couvert 
des  serpens  no  feussent  periz, 
aussi  fault  pour  aultrcs  perilz 
que  le  fdz  de  l'homme  elçvé 
soit  en  l'arhre  mat  et  grevé, 
affin  que  tous  ses  l'egardans 
des  serpens  soubtilz  et  mordans 
soient  délivrés  et  sanés, 
et  fuiablement  admenés 
au  reppos  de  vie  éternelle. 

NICODEMUS 

Maistrc,  vostrc  doctrine  est  belle, 
111535  pour  quoy  a  elle  me  souhmos 
et  l'entreteudrez  desormès 
selonc  ma  possibilité. 

JHESUS 

Kreres,  il  est  nécessité 
qu'en  Galilée  retournons. 

s.   PIERRE 

l^lViO  Sire,  a  vous  seul  nous  adonnons. 


SECONDE  .lOTTRNER 

cheminez  quand  il  vous  plaira. 


151 


11525 


«530 


RAA.B,  la  samaritaine. 
Aller  au  puis  me  convendra 
querro  do  l'eau  pour  mon  mesnagc, 
et  ceste  cruche  en  mon  voyage 
11545  porteray,  qui  tendra  assés, 

JHESUS 

Frères,  no>i»  sommes  moult  lass<;s, 
a  moy  reposer  fort  varie. 

s.    ANDRY 

C'est  la  terre  de  Samarie 
ou  nous  sommes  venus  a  cop. 

JHESUS 

11550  Veez  cy  la  fontaine  Jacob  : 

au  plus  près  me  vouldray  poser 
pour  mon  coi'ps  ung  peu  reposer. 
Mes  chers  frères,  vous  irez  tous 
acheter  des  vivres  pour  nous 

11555  dedans  la  cité  de  Sicliar, 
et  je  demourray  icy,  car 
.je  ne  puis  cheminer  de  lasse. 

S.    JEHAN 

Nous  revendrons  eu  brief  espace, 
car  la  cité  n'est  gtieres  loing. 

JHESUS 

11560  Femme,  regarde  mon  besoing 
et  me  donne  de  ce  bruvage. 

RAAB 

Comment,  sire?  oe  samble  outrage, 
de  requerre,  qui  es  Juifz, 
moy  qui  Samaritaine  suis 
11565  pour  boire,  car  tu  es  certains  ' 
que  Juifz  et  Samaritains 
sont  peuples  divers  et  contraires 
qui  ne  veuUent  en  leurs  affaires 
l'ung  l'aultre  de  riens  secourir. 

JHESUS 

11570  Ne  t'esbahis  du  requérir  : 

se  tu  sceusses  la  vertu  grande 
de  celuy  qui  te  le  demande, 
forse  comme  femme  soubtivo 
luy  eusses  requis  l'eaue  vive, 

11575  et  elle  te  fust  octroyée. 

RAAB 

Ce  seroit  chose  desguisee 
que  ceste  caue  vive  trouvisses  ; 
tu  u'as  dont  espuisier  la  puisses, 
car  haidt  est  et  parfont  le  puis. 


11493  Comment  H.  C.  -  11494  venus  C.  -11507  Comment  B.  G.  areï  A.  D.  -  1152»  fault  il  C.  -11516  fort  A.- 115K 
cycar  B.  rhichar  C-  11503  toy  qui  A.  -  11573  forsan  A.  force  C.  -  11577  truisses  B.  -  11579  Sest  hault  et  bien  B- 


152 


M  I S  T  R  R  E   D  !•:  LA   PASSION 


H58Û  par  quoy  imaginer  ne  puis 
dont  elle  te  pourroit  venir. 
Te  vouldrois  tu  plus  g-rant  tenir 
que  ne  fut  .lacob,  nostre  père, 
le  quel  but  de  ceste  eaue  clere, 

11585  ses  enft'ans  et  ses  bestes  toutes? 
et  ne  fait  l'escripture  doubles 
que  ce  puis  mesmes  nous  donna. 

JHESUS 

Geste  eaue  cy  pas  tel  don  n'a, 
quand  l'eu  on  boit,  que  le  buvant 

H590  n'aist  aprt's  soif  comme  devant, 
après  qu'elle  ara  fait  son  cours  ; 
mes  celle  durera  tousjours 
que  je  donne,  et  ja  soif  n'ara 
cil  qui  de  cueur  la  buvera, 

H595  ains  luy  sera  une  fontaine 

pour  saillir  en  gloire  haultaine 
sans  imperfections  quelconques. 

RAAR 

Ha  !  sire,  donne  la  moy  doncques, 
si  que  la  soif  plus  ne  me  tiengne 
H600  et  jamès  a  ce  puis  ne  viengne 
pour  remplir  cruche  ne  bary. 

JHESUS 

Va  donc,  si  huche  ton  mary. 

BAAB 

De  mary,  sire,  n'ay  je  point  : 
[il  est  de  ce  siècle  finy]. 

JHESUS 

11605  Tu  dis  très  bien  quant  a  co  point. 
Cinq  maris  as  eu  d'ung  tenant 
et  cil  que  tu  as  maintenant 
n'est  pas  tien,  dont  tu  t'es  meffaitte. 

BAAB 

Sire,  je  te  tiens  vray  prophète, 
H610   car  impossible  est  de  sçavoir 
ce  que  de  moy  te  vois  sçavoir 
se  n'est  par  divine  science, 
et  bien  juge  en  ma  conscience 
que  briefment  Messias  vendra, 
H615  qui  du  tout  nous  anonccra, 
ce  qui  nous  sera  pourfitable. 

JHESUS 

Ta  credence  est  bien  verjtablc, 
et  je  suis  celuy  mesmenient 
qui  parle  a  toy  présentement  ; 
11620  n'y  mes  jamès  point  de  doubtance. 

s.    PHELlPE 

Veez  cy  merveilleuse  ordonnance: 
n'est  co  pas  nostre  niaistre  yla 


qui  parle  a  ceste  femme  la  ? 
mes  soçons,  regardez  y  bien. 

s.    JAQUES    ZEBEDEY 

11625  Oy,  c'est  il,  ne  dittes  rien, 
allons  luy  ces  vivres  porter. 

RAAB 

Jamès  je  ne  veil  arrester 
tant  que  dedans  la  cité  soyo, 
et  pour  plus  abréger  la  voye 
116S0  et  raconter  ceste  manière, 

je  lairray  ma  cruche  derrière, 
tant  que  je  soye  retournée. 

s.    PIERRE 

Nous  avons  fait  bonne  journée, 
cher  maistre,  veez  cy  a  manger. 


RAAB 

U635  Mes  seigneurs,  venez  sans  targer 
veoir  ung  homme  de  grand  mérite 
qui  toute  ma  vie  m'a  ditte 
et  tant  que  j'ay  fait  en  mon  aage. 

CASTOBIN 

Ou  est  ce  qu'il  tient  sou  ménage? 
11640  moult  volentiors  je  le  verray. 

MICHEAS 

Ce  prophète  qui  est  tant  sage 

ou  est  ce  qu'il  tient  son  ménage? 

RAAB 

Se  vous  ne  croyez  mon  langage, 
suyvez  moy,  je  vous  y  menray. 

CASTORIN 

11645   Ou  est  ce  qu'il  tient  son  ménage? 
moult  volentiers  je  le  verray, 
et  selon  que  je  trouveray, 
je  trairay  vers  luy  mon  courage. 


s.  BERTHELEMY 

Vous  avez  fait  un  grand  voyage, 
11650  maistre,  et  souffert  grand  passion  : 
*        prenez  ung  peu  reffection 

pour  vostre  appétit  conforter. 

JHESUS 

Frères,  j'ay  viande  a  goûter 
dont  vous  n'estes  pas  advertis. 

s.    JAQUES   ALPHEY 

11655  Luy  a  quelque  ame  en  ses  partis 


11590  soeuf  A.  —  flOOl  Dont  sonnent  oyle  cueur  marry  B.  C.  —  11C04  monde  A.  Ce  vers  nous  semble  interpolé.  — 
11620  variancp  U.  C.  —  11624-5  Mais  regardez  un  petiot.  J.  OyI  cest  il  ne  sonnons  mot  B.  C.  —  11638  quanques  C 


SRCONDR   JOURNEE 


1.-3 


adiiiiiiistro  viaiiilo  nucuno  ? 

8.   JEHAN 

Jp  no  S(;ny. 

JHESUS 

Viaiidfi  coinmuno 
avez  vous  tousjours  corporcUo  ? 
iim  viande  cspirituello 
liaco  est  qno  la  volcnti!  i)arfaicte 

(Ifi  mon  pore  soit  partout  faicte 
fit  qu'a  SCS  oeuvres  je  m'employe. 

lUAB 

Vee/,  cy  l'honime  dont  je  pavloyo  ; 
oez  le  parler,  mes  amis  : 
11065  Dieu  en  luy  te!  science  a  mis 
qu'en  son  dit  n'a  que  verit". 

MICHEAS 

Il  est  de  grand  auctorité 

a  ce  que  son  semblant  appo:  te. 

JHESUS 

Je  m'csjouys  et  me  déporte 
f  11670  d'ouvrer  tout  oeuvre  vertuable 

qu'a  mon  père  sens  agréable  : 

c'est  la  parole  et  le  doulx  vivre 

do  quoy  j'appete  plus  a  vivre. 

No  dit  pas  la  commune  voix 
11675  qu'ilz  sont  encore  quatre  mois 

jusques  au  temps  de  moissoimer, 

qu'il  fauldra  son  corps  ordonner 

a  conçut  illir  les  biens  de  terre  ? 

mes  qui  veult  en  son  cueur  conqucrro 
11680  la  moisson  que  plus  mon  père  ame, 

qui  predicacion  se  clame, 

elle  est  presto  et  assaisonnée 

et  on  saison  d'estre  donnée  ; 

regardez  aval  et  amont 
11685  les  cités  qui  ja  blanches  sont, 

prestes  pour  moisson  recevoir, 

et  cil  qui  fera  son  devoir 

de  les  moissonner  par  sermons, 

signes  et  prodicacions, 
H690  en  ara  l)on  loior  on  fin. 

CASTORIN 

C'est  icy  ung  homme  divin, 

veu  les  boaulx  parle\s  qu'il  nous  somme. 

MICHEAS 

Bien  le  nous  disoit  ceste  femme 
qui  nommer  propliete  le  veult, 
lioori  mais  son  parler  trop  plus  me  meult, 
car  je  voy  de  vray  et  m'y  fonde  ' 

que  c'est  cy  le  saulveur  du  monde, 


qui  vient  pour  nous  donner  secours. 

JHESI'.S 

Frères,  adi'essons  nostrc  cours 
11700  poui'  aller  en  aultre  contrée. 


Y8MABL,  prince  de  siiiayogue. 
Sire,  oez  raoy,  s'il  vous  agrée  : 
ma  fille  est  a  ce  jour  d'uy  morte 
dont  mon  cueur  tout  se  desconfoi'te; 
mes  j'ay  en  vous  parfait  espoir, 
11705  que  s'il  vous  plest  la  venir  voir 
et  nietre  vostre  main  sur  elle, 
elle  vivra. 

JHESUS 

A  la  pucelle 
secours  prochainement  ferons  : 
allez  devant,  nous  vous  suivrons, 
11710  nous  serons  illec  maintenant. 

YSMAEL 

Veez  cy  le  prophète  venant, 
mes  amis,  pour  nous  recouvrer. 

KAUSTULUS,  vartet. 
Quel  chose  y  pourra  il  ouvrer  ? 
la  fille  gist  la  toute  roide 
11715  et  de  fait  est  ja  toute  froide, 
par  quoy  n'y  a  point  de  rei)it. 

JHESUS 

Dont  estes  vous  sy  desconffit  ? 
dont  menez  vous  tel  doleance  ? 
Yssez  dehors  sans  demourance  : 
11720  la  fille  n'est  pas  trespassee, 
mes  tenez  de  forme  pensée 
qu'elle  est  seulement  endormye. 

FAUSTUI.LS 

Je  suis  tout  sceur  que  ne  dort  mye, 

ou  s'elle  dort  par  tel  sera 
11725  que  jamès  n'en  esveillera  : 

la  conclusion  on  est  faicto. 

Et  est  ce  cy  ce  saint  prophète 

que  le  peuple  tant  fort  renomme  ? 

ce  n'est  pas  parlé  d'ung  sage  homme 
11730  de  juger  de  chose  improveue 

si  en  hasto  sans  l'avoir  veye; 

mes  au  fort  vecz  cy  que  je  pense  : 

de  fol  juge  briefve  santence, 

l'on  le  voit  souvent  advenir. 

JHESUS 

11735  Or  me  laissiez  sa  main  tenir 


11662  me  ploie  C.  —  11675  Qui  A.  Quil  soit  B.  —  11677  emploier  A.  —  11679  son  man7i<«  A.  —  11684  a  moult  C. 

—  11687-11804  m'Tnquenl  C.  feuillet  déchiré.  —  1169ïnous  mnnque  lî.  —  11693  Plus  ne  me  B.  —  1172:!  FaiurnlHS  A. 

—  11724  par  si  H.  —  117S5  ne  seueillera  B.  —  11729  de  sape  B.  —  11730  impounieue  B  —  11731  et  sans  B. 


154 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


affin  que  la  puisse  exciter. 

FAUSTULUS 

Il  n'y  fault  ja  tant  caqueter  : 
riens  n'y  vauldra  la  médecine 
après  la  mort. 

JHESUS 

Fille  bénigne, 
11740  je  veil  que  mon  vouloir  achieves, 
et  que  prestement  tu  te  lieves 
devant  ceulx  qui  te  vouldront  voir. 

LA.    FILLE 

0  très  souverain  presçavoir, 
0  très  puissante  majesté 
HT45  ou  ay  je  esté? 

Bon  Dieu  qu'on  ne  peust  décevoir, 
grand  doulccur  et  bénignité 
m'as  présenté  : 
J'estoye  en  grand  perplexité, 
11750  or  m"as  fait  grâce  recevoir 
pou;'  mieulx  avoir, 
Vray  Dieu,  vi  aye  félicité  ; 
tu  m'as  la  vie  fait  ravoir, 
c'est  noble  avoir. 
11755  Saint  prophète,  je  vous  mercio 
de  la  bonté  et  courtoisie 
Que  m'avez  fait 
de  cueur  parfait  ; 
vous  veil  servir  toute  ma  vie 
11760  Et  n'ay  envye 

d'estre  asscrvye 
a  aultro  par  dit  ne  par  fait. 

KAUSTULUS 

Je  sens  que  mon  corps  s'est  forfait 
d'avoir  du  saint  homme  mesdit; 
H7C5  maintenant  croy  je  ce  qu'il  dit, 
et  si  vray  qu'il  n'y  a  que  dire. 

YSMAEL 

Vostre  serf  me  rendz,  très  cher  sire  ; 
et  parce  que  vos  oeuvres  vois 
je  vous  dénonce  a  haulte  voix 
11770  saulvcui'  pour  nostre  deKvrance  ; 
et  s'il  est  riens  en  ma  puissance 
qui  a  vostre  vouloir  s'adonne, 
corps  et  biens,  tout  vous  abandonne 
et  submetz  a  vostre  plaisir. 

JHESUS 

11775  De  tes  richesses  n'ay  desii', 

mes  sers  Dieu  de  toute  ta  force, 
de  le  craindre  et  amer  t'efforce, 
et  ton  devoir  me  souffira. 


Frères,  partir  nous  couvendra 
11780  et  parfaire  nostre  voyage. 

s.    THOMAS 

Nous  sommes  prestz  de  franc  courage, 
cher  sire,  quand  il  vous  plaira. 

YSMAEL 

Qui  plus  esjouir  me  pourra, 
dont  puis  je  mener  plus  grant  chère, 
11785  que  de  vous  ravoir  fille  chore 
en  planiere  et  bonne  santé  ? 

LA   FILLE 

La  parfaicte  bénignité 
du  créateur  en  soit  louée; 
je  ci'oy  de  volenté  fermée 
11790  que  Jhesus  le  pretUcateur 

est  vi'ay  saulveur  et  rédempteur 
venu  pour  l'humaine  nature. 

JHESUS 

Mes  chers  amis,  il  est  droiture 
que  je  pense  de  vostre  affaire 

11795  et  vous  die  qu'il  est  a  faire 

affin  que  vous  vous  gouvernez 
comme  vrays  filz  de  Dieu  amés. 
Et  premier,  tous  en  gênerai, 
de  vouloir  franc  et  libéral, 

11800  je  vous  donne  puissance  pleine 
sur  toute  la  tourbe  villaine 
des  esperis  de  Dieu  mauldis, 
et  veil  qu'a  vos  fais  et  vos  ditz 
les  deables  dampnés  obeyssent 

11805   et  hors  des  créatures  yssent 
a  vostre  vouloir  plainement  ; 
et  a  parler  sommierement, 
sur  tout  mal  legier  ou  grevain 
que  pourroit  souffrir  corps  humain 

11810  vertu  vous  ottroye,  et  si  veil 
que  les  sanez  a  vostre  veil. 
Par  le  monde  vous  en  irez 
et  a  haulte  voix  prescherez 
que  le  hault  royaulrae  des  cieulx 

11815  approche  pour  jeunes  et  vieulx. 
Visitez  les  maladis  corps, 
mondez  lépreux,  suscitez  corps, 
gettez  deables  hors  créatures, 
et  veil  que  vos  fais  et  vos  cures 

11820  ne  vendez  ne  mettez  a  pris, 
car  pour  néant  les  avez  pris. 
Ne  pocessez  riches  parures, 
trésors  ne  dorées  saintures  ; 
mallete  en  voye  ne  portez. 


11739  Elle  est  oultre  B.  —  11754  Ce  B.  — .  11756  courtoise  A.  —  11763  mesfoit  B.  corps  maa'iue  A.  —  11765-6  que 
ce  quil  dit  Est  si  vray  A.  —  IISOO  command  B.  C.  —  11807  tout  seurement  B.  —  11817  lèpres  B.  lardres  G.  —  11818 
horsl  des  B.  C.  —  11821  manriue  B. 


SECONDE   JOURNEE 


f55 


H825  ne  de\ix  vcstonimis  ii'nqucstez, 
voigo  110  cliau(r<>iiicnl  ou  piez; 
et  est  raison  quo  vous  sachie/. 
que  tout  l)on  ouvrier  mercenaire 
est  digne  d'avoir  son  salaire. 
11830   S('  par  cas  de  nouvolcté, 
venez  on  aucune  cité, 
logez  vous  en  quelque  manoir 
ou  dignement  puissiez  manoir, 
et  dites  ce  salut  icy 
11835  a  l'entrer  :  Pax  huic  domtti .' 
S'iiinsi  est  que  tel  maison  doyvc 
estre  digne  que  jiaix  reçoyve, 
vostro  paix  sur  elle  vendra  ; 
se  ce  non,  a  vous  revendra. 
11S/|0  S'aucuns  sont  qui  ne  vous  l'ecueillent 
ne  vos  sermons  oir  ne  vueillent, 
yssez  hors  et  vous  en  allez, 
et  la  pouldro  que  vous  pillez 
scouez  sur  culx  en  tesmongnage 
11845  do  leur  rudesse  et  fier  courage. 
Ainsi  je  vous  envoie  tous 
comme  brebis  entre  les  loups  ; 
soiez  dont  sages  et  prudens 
a  la  manière  dos  serpcns 
11850  et  simples  comme  les  coulions, 
tousjours  begnins,  non  pas  félons. 
Les  princes  et  juges  des  villes 
vous  enmenront  en  leurs  concilies, 
sinagogues  ou  tribunaulx 
11855  ou  [lar  divers  gendres  de  maulx 
serez  flagelos  la  dcdons, 
et  devant  rois  et  presidens 
serez  menés  sans  espargner 
pour  eulx  vérité  tesmoignor  ; 
11860  et  quand  vous  cuideront  confondre, 
ne  sognez  que  devez  respondre, 
car  l'on  vous  donrra  a  ceste  heure 
responce  contre  eulx  forme  et  sceui'o, 
et  n'estes  pas  qui  respondez, 
In865  mes  veil  bien  que  vous  l'entendez 
que  c'est  l'esprit  Dieu,  vostro  père, 
qui  vostre  paiole  modère. 
Vous  verrez  guerres,  pestilences, 
divisions,  giiefves  offences, 
(«870  frères  trahir,  frères  livrer, 
porc  a  mort  son  fils  délivrer 
et  le  père  des  filz  occis. 
Et  ainsi  vous  serez  havs 


de  tous  le»  hommes  pour  mon  nom, 
11875  mes  qui,  par  feirno  intcncion 
jusqu'en  fui  pemeverera, 
en  gloire  seurement  ira. 
S'une  cité  vous  fait  injure, 
fuyez  a  l'aultre  bonne  alure, 
11880  et  faictcs  ce  que  vous  jwurrez, 
car  jamès  ne  consumerez 
toutes  les  cités  d'Israël 
tant  qu'en  son  jugement  cruel 
le  filz  de  l'homme  soit  venu. 

s.    PIERRE 

11885  Maistre,  nous  avons  entendu 

les  enseignemens  que  nous  dites, 
et  sans  mettre  aucunes  redites, 
pretz  sommes  de  les  acomplir. 

JHESUS 

Frères,  il  nous  convient  vertir 
11890  devers  ccstc  cité  prochaine. 


LUCiNE,  mère  a  Venffant  mort. 
Ha  !  fortune,  chose  soubdaine, 
plus  variable  et  incertaine 
que  chose  née. 
Trop  diversement  t'es  tournée 
11895  devers  la  povre  infortunée 
qui  plus  n'attens 
Que  la  mort  me  perse  tout  ens  ; 
jamès  a  joye  ne  protendz, 
quand  mon  conffort, 
11900       Mon  onffant,  mon  bien,  mon  déport 
voy  devant  moy  gésir  tout  mort  ; 
o  lasse  merc, 
Tant  souffre  de  douleur  amere, 
que  quand  mon  grief  dueil  considère, 
11905  le  cueur  me  part. 

MARBRIEN 

Dame  qui  prent  plus  que  sa  part 
de  dueil,  son  cueur  en  a  le  pis  ; 
se  la  mort  a  i)ris  vostro  filz, 
ja  n'en  fault  toi  duoil  démener, 
11910  veu  qu'il  n'en  peust  nulz  retourner  ; 

c'est  le  cours  de  nous  :  mortelz  sommes, 
tous  ensemble,  femmes  et  hommes  ; 
riens  n'y  vault  le  dcsconfortor. 

ABIRON 

Il  le  fault  en  terre  porter. 


11833  mnn'/ite  B.  —  11S44  Sera  sur  eulx  C.  —  11845  de  courage  B.  —  11860  Lors  vous  verrez  confondre  C.  —  11861 
iNc  pensez  B.  C.  —  11863  aitiue  et  B.  C.  —  11865  apreiidrez  H.  C.  —  11877  ara  B.  sauuement  ara  C.  —  llSSl  con- 
liommerez  B.  G.—  11889  venir  A.  —  11895  fortunée  A.  —  11898  parlons  C.  —  11901  gesant  B.  C.  —  11903  Tant  ]  Tu 
|A.  Tant  tu  C.  -  11907  depis  B.  du  pis  C. 


d56 


MISTKRR   DE   LA   PASSION 


11915  aiiltre  conseil  n'est  que  j'y  voyc. 
Icy  l'emportent. 


LLCINE 

Helas  !  mon  enffant  et  ma  joye, 
sur  tous  gracieux  et  plaisaus, 
t'en  vas  tu  en  tes  jeunes  ans 
finer  et  en  terre  pourrir  ? 

119^0   Helas  !  dévoyés  tu  mourir 
si  tost  ?  faulce  mort  forcenée 
espiois  tu  ceste  journée 
pour  moy  priver  de  tout  plaisir  ? 
Ou  parfont  puis  de  desplaisir 

11925   en  toy  me  fault  finer  mes  jours. 

JHESUS 

Je  prens  grant  pitié  des  dolouis 
que  ceste  femme  a  son  cueur  donne  ; 
c'est  nature  qu'ainsi  l'ordonne 
qui  ne  peust  a  son  sang  mentir. 
11930  Femme,  vueillc  toy  revertii' 
du  ducil  qui  est  en  toy  enclus, 
appaiso  toy,  ne  [Jcure  plus, 
et  Dieu  t'aidera  de  ceste  heure. 

LUCINE 

Ha  !  sire,  se  je  plains  et  pleure, 
11935  le  motif  est  bien  suffisant  : 

je  n'avoye  qu'ung  seul  enffant 
que  feu  mon  mary  me  laissa 
tout  seulet  quand  il  trespassa, 
et  huy  la  mort  le  m'a  toUu  ! 

JHESUS 

11940  C'est  Dieu  qui  ainsi  l'a  voulu 

pour  y  monstrer  oeuvre  plus  grande. 
Arrestez,  je  vous  le  commande, 
ne  portez  plus  la  bière  avant. 

ABIRON 

Sire,  selonc  vostrc  command, 
11945  voulons  exploitier  ceste  fois. 

JHESUS 

Adolescent,  eutendz  ma  voix, 
affîn  que  mon  command  achevas  : 
je  te  command  que  tu  te  levés  ; 
en  ce  tomb^-au  plus  ne  t'absconce, 
11950  mes  donne  a  ta  mero  responce 
et  t'appers  vivant  en  ce  lieu. 

l'e.nffa.nt  res-lscité 
0  doulx  Jhesus,  vray  filz  de  Dieu, 
en  vous  est  vertu  infinie  : 


par  vous  suis  retourne  en  vie 
11955  et  ramené  d'ung  grand  danger  ; 
jamès  ne  me  veil  retarger 
de  vous  servir  et  honorer. 

JHESUS 

Tu  n'as  matière  de  plourer, 
femme  ;  prens  ton  fils  et  l'emmaine. 

LUCINE 

11960  0  iniissance  de  Dieu  haultaine, 

qui  est  cueur  qui  vous  puist  comprendre  ? 
Doulx  Jhesus,  je  ne  vous  puis  rendre 
le  bien  dont  vous  estes  acteur, 
mes  Dieu,  mon  père  créateur, 

11965  en  loue  en  ma  povre  simplcsse. 
0  cher  filz,  a  joye  et  liesse 
soies  tu  vers  moy  retourné  ! 

MAHBRIEN 

Oncques  homme  de  mère  né 
ne  vit  oeuvre  si  merveillable 
11970  no  si  notable. 

ABIRON 

A  Dieu,  mon  père  vertuable, 
en  soit  los  et  mercy  donné, 

qui  ordonné 
nous  a  prophète  tant  vallable 
11975  par  qui  son  peuple  misérable 
est  au  port  de  salut  mené. 

LUCINE 

Oncques  homme  de  mère  né 
ne  vit  vertu  si  merveillable. 

l'enffant 
A  Dieu,  mon  père  vertuable, 
îioso  en  soit  los  et  mercy  donné. 

JHESUS 

Fi'cres,  mon  veil  s'est  adonné 
do  vertir  en  aultro  contrée 
affin  qu'a  plusieurs  soit  monstree 
la  iiarole  de  Dieu,  mon  père. 

[Pose.] 


HERODIAUE 

11985  Trop  grand  dueil  en  mon  cueur  repère 

de  Jehan,  cest  hermitto  infâme, 
qui  tousjours  me  desprise  et  blasme 
et  me  vcult  faire  sepai'cr 
du  lieu  ou  mieulx  veil  reparer  ; 
11990  temps  est  qu'il  en  aist  sa  déserte  : 


11980  et  deuoyes  A.  C.  deuies  B.  —  11924  parfait  B.  G.  —  11965  de  ma  A.  —  11969  chose  B.  -  11970  manîue  B. 
11972  loue  C.  —    11982  nostre  B.  vostre  C. 


SECONDE   JOURNEE 


157 


sire  roy,  vous  y  are/,  perto, 

so  bricfmoiit  vous  n'y  pourvoie  /. 

HKllODE 

Ma  chcrc  ilaïuc,  vous  voie/, 
que  tant  qu'est  de  rexpcdicr, 

li'.wj  il  n'y  si;aroit  remédier 

qu'il  ne  niouiu^it  prochainement  ; 
mes  le  i)eupli'  l'aynie  forment, 
pour  quoy  je  craingz,  se  je  traictoio 
son  mal  ou  a  mort  le  niettoyc, 

12000  qu'il  n'en  sourdist  scdiciou. 

HEUOmADE 

Faictes  eu  expcdicion 
conmient  q\i'il  en  doyve  advenir  : 
il  me  vcult  de  vous  forbanir, 
tou.sjours  nie  bla.sme  et  vitupère 
l£00j  et  vous  ;  si  fault  qu'il  le  conipore, 
ou  janiès  au  cuciu'  u'aray  joye. 

HEUODE 

Dame,  vee/.  cy  que  j'esgardoic  : 
il  est  huy  la  festivité 
du  jour  de  ma  nativité, 
ISOiO  auquel  jour  je  fais  volentiers 

ung  souper  a  tous  mes  princiers 
pour  la  fe  te  mieulx  approuver: 
si  fauldra  manière  trouver 
que  l'en  en  face  un  abrégé. 

HERODIADE 

1Î0I5  Sire  l'oy,  j'avoie  songé 

ung  moien  assés  cotivenable  : 
que  tautost  que  serez  a  table, 
ma  fille  qui  est  bien  inobillc, 
souple  de  corps,  gente  et  habille, 

1Î020  veuist  faire  ung  esbatement 

devant  vous  saultant  genteraent  ; 
et  lors  quant  l'esbat  ara  fait, 
ainsi  comme  ignorant  du  fait, 
vous  la  mettrez  a  l'abandon 

lj;0;5  de  vous  demander  quelque  don 

qui  mieulx  a  son  veil  pourra  duyrc  ; 
et  lors  je  la  vouidray  instruire 
quel  chose  elle  demandera. 

hErodE 
A  vostrc  veil  fait  eu  sera 

l20;to  et  la  devise  bien  me  plest. 


(iROXONAUT 

Sire,  venez  seoir,  tout  est  [ircst. 


la  viande  grant  et  menue, 
on  n'attend  que  vostrc  venue  ; 
si  sont  Tenus  tous  les  seigneurs. 

I         HBROOE 

iîOS'i  Vous  estes  vaillaos  serviteurs 
et  qui  faictes  ung  grand  devoir. 
Seigueur.s,  lavons  ;  puis  irons  seoir 
to>t  a  cop. 

RODiGON,  conte. 

Nous  n'avons  pas  luu-te. 

SRONGNART 

Seez  vous,  la  viande  se  gaste  : 
1Î050  qu'or  en  eusse  le  |ilus  beau  plat, 
j'en  troasseroye  tel  csclat, 
qu'il  y  perroit  bien  au  retour. 

HERODE 

Seigneuis,  en  cordialle  amour 
faict(>s  tous  chère  plantureuse, 

120i3  car  la  conipaignie  joyeuse 

nous  tient  en  uug  plaisant  séjour. 

noniGON 
C'est  do  vostrc  bien  et  honnour, 
sire  roy,  qu'il  le  vous  plest  dire. 

AMPHIARUS,  chevalier. 
Se  la  festc  est  de  grand  valeur, 

12050  c'est  de  vostre  bien  et  honnour. 

IIEROUE 

Vous  sçavez  qu'il  est  huy  le  jour 
qu'il  a  pieu  a  Dieu  nosti'c  sire 
nous  faire  naistre,  et  puis  l'atour 
de  tetrarche  faire  et  eslire, 
12055  et  vosti'c  noblesse  et  couleur, 
par  quoy  plus  festoier  désire. 

RODIGON 

C'est  de  vostre  bien  et  honnour, 
sire  roy,  qu'il  le  vous  plest  dire. 


HEROUIAUE 

Fille,  ne  me  vueillez  desdire  ; 
lïOOO  allez  vous  en  a  ma  requestc 
devant  le  roy  en  plaine  feste 
faire  ung  sault  gentil  et  niignot, 
et  je  suis  sceuro  que  tantost 
il  vous  fera  quelque  promesse . 

L\    FILLE 

120G5  Ma  more  et  ma  noble  princesse, 
a  vosti-e  vouloir  je  fei'ay 
le  plus  beau  jeu  que  je  s^aray  ; 


12001  i-n  scuremenl  C.  —  15019  Km.ilie  lie  B.  C.  et  iiiiinobile  C. 
12012  parroit  H.  —  1204S  roy  iii'in'jue  A.  —  12056  fostoiir  vous  C. 


12023  innocent  C.  —  120Î6  a  sou  dueil  B.  — 


158 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


voiez  comment  je  m'y  dispose. 

HERODIADE 

S'il  vous  promect  aucune  chose 
12070  ne  demandez  ne  ce  ne  quoy, 

mes  retournez  par  devers  moy, 
et  je  vous  diray  quel  demande 
vous  luy  ferez. 

LA   FILLE 

Je  ne  demande 
qu'a  faire  vostre  volonté. 


ANDALUS,  maistre  d'oslel. 
12075  Seigneurs,  menez  joyeuseté, 
comme  a  tel  feste  le  convient. 
Veez  cy  un  entremès  qui  vient 
pour  la  compaignio  esjouir. 

LA    KILLE 

De  joye  puist  tousjours  jouir 
12080  le  roy  et  la  noble  consorte  ! 

GRONGNART 

Qu'est  cecy,  dea  ?  que  nous  aportc 
ceste  morveuse  ?  Dieu  la  gard  ! 

HERODE 

Laisse  l'esbatre,  dy,  Grongnart  ; 
c'est  quelque  habilité  nouvelle. 

GRONGNART 

12085  Sus  de  par  Dieu,  baille  luy  belle  : 
elle  nous  fera  beau  sabat. 

HERODE 

Gardez  se  gentement  s'esbat, 
est  ce  bien  sailly  a  devis  ? 
que  vous  eu  samble  ? 

AMPHIARUS 

A  mon  advis, 
12090  oncques  mes  je  ne  vis  mieulx  faire  ; 
le  tour  qu'elle  a  fait  la  declaire 
habille  de  corps  et  ligiere. 

RODIGON 

Elle  tient  la  meilleur  manière 
que  jamès  homme  puist  choisir. 

HERODE 

12093   c'est  si  bien  fait  a  mon  plaisir 
que  pour  impossible  m'appert 
que  corps  d'hoimne,  tant  soit  appert, 
sceut  faire  chose  plus  nouvelle. 
Or  venez  ça,  gcnte  puccUe  : 

12100  par  vostre  habilité  prouvée 

ce  jour  avez  m'amour  trouvée, 


et  sur  la  foy  de  gentil  homme 
que  doys  a  l'empereur  de  Rorame, 
demandez  finance  ou  avoir, 
12105  ou  tel  don  qu'il  vous  plest  avoir, 
soit  la  moitié  de  mon  royalme  : 
donné  vous  sera. 


LA    KILLE 

Noble  dame, 
le  roy  m'a  voulu  accorder 
ung  don  :  que  doy  je  demander  ? 
12110  faire  veil  par  vostre  moyen. 

HERODIADE 

Demandez  luy  sur  toute  rien 
qu'il  vous  délivre  sans  arrest 
le  chef  Jehan  qui  en  prison  est, 
et  se  vous  en  venez  a  chef, 
12115  aportez  moy  le  propre  chef: 
si  sera  mon  courroux  vengé. 

LA    FILLE 

Je  m'en  pars  a  vostre  congé, 
j'en  feray  ce  qu'en  moy  sera. 


HERODE 

Or  ça,  que  nous  devisera 
12120  ceste  joieuse  damoiselle  ? 

LA   FILLE 

Entretenez  vostre  querelle, 
sire  roy,  mon  droit  soit  gardé. 
Vous  m'avez  ung  don  accordé  : 
c'est  bien  raison  que  j'y  parviengne. 

HERODE 

12123  Je  n'ay  riens  dit  que  je  ne  tiengne 
franchement  sans  y  mettre  gloses. 

LA   FILLE 

Je  demande  pour  toutes  choses 
en  ce  plat  que  j'ay  préparé 
le  chef  hors  du  corps  séparé 
12130  de  Jehan  que  l'en  nomme  Baptiste. 

HERODE 

0  par  mon  ame,  je  suis  triste 
de  la  demande  proposée. 
Hal  fille,  ti'op  estes  osée  : 
querez  aultre  don  plus  liaultain. 


12076  Comment  a  tel    feste  A.  —  12083  Laisse  la  B.  C.  —  120S4  tinesco  B.  C.  —   120S7  Veez  A.   Kegardez  C.  — 
12094  sceust  B.  C,  —  12096  nappert  C.  —  12097  fust  Bi  C.  —  12113  de  jehan  B>  C;  —  12118  ce  qui  vous  plaira  G. 


SECONDE  JOURNEE 


159 


I 


LA    KII.I.B 

18135  Aultro  110  vcil. 

HBROOE 

Il  est  villoin, 
jo  110  8çay  dont  il  pcust  venir  ; 
toutcffois  li;  fiiult  il  tenir, 
car  cxpi'ossoiueiit  l'ay  juré. 

QRONGNART 

11  a  trop  longuement  tluré, 
18140  j'en  feray  fin  a  peu  do  noise. 

HEllODE 

0  que  la  demande  nie  poisc, 
0  que  j'ay  le  eueur  romply  d'ire 
qu'il  fault  qu'ung  si  saint  homme  iiiuyro 
pour  une  plaisance  volage  ! 

ANDAI.US 

12U5  Oncques  n'advint  si  grand  dommage 
par  tout  le  pays  de  Judée. 

UERODE 

Puisque  la  chose  est  accordée, 
il  fault  poursuir  sa  parole  : 
Grongnait,  va  tost,  sy  le  decole 

1Ï150  que  jamès  n'en  oyons  parler. 
ghongnaut 
Créiez,  puisqu'il  m'y  fault  aller, 
sa  besongne  sera  bien  mise , 
et  fust  il  plus  saint  que  Moysc, 
de  cestc  espee  giant  et  large 

12155  luy  pense  donner  tel  décharge, 
qu'il  ne  le  sçara  ja  porter. 

LA    FILLE 

J'iray  pour  le  cliiof  i  aporter, 
mes  qu'il  soit  séparé  du  corps. 


GRONGNART 

Ça,  maistre,  ça  passez  dehors  ; 
[12100  je  vous  baudray  le  dernier  mes, 
ce  croy,  que  vous  arez  jamès  : 
baissez  vous,  vous  estes  trop  hault. 

JEHAN    BAPTISTE 

Aniy,  puisque  faire  lo  fault, 
pour  tenir  justice  et  raison, 
'  12165  accorde  moy  une  oroison 
a  Dieu  par  pensée  dévote. 

GRONGNART 

Or  le  fais  court,  qu'il  ne  se  crote  : 
j'ay  a  faire  en  aultro  pays. 
JEMAN  BAPTISTE 
Mon  créateur,  on  qui  mercy  je  suis» 


que  j'ay  servi  et  sers  taut  que  jo  puis 
com  précurseur  de  ton  filz,  moy  indigne, 
Pour  toy  servir  a  la  mort  suis  produis 
et  on  mourant  pour  ta  loy  me  déduis, 
pensant  au  bien  qui  jaint»  no  deffine 
Ou  jo  m'attons  par  ta  grâce  bénigne 
et  de  l'espoir  ne  puis  cstro  séduis, 

car  tu  conduis 
tout  cueur  contrit  a  vrayc  médecine 

qui  médecine 
le»  doleans  :  en  ce  point  me  réduis. 

GRONGNART 

Or  tien  ce  horion,  et  puis 
l'en  va  caqueter  a  la  feste. 

LA   FILLE 

Grongnart,  délivre  moy  la  teste, 
car  je  ne  l'ose  recueillir. 

GRONGNART 

121S5  Tenez,  or  la  portez  bouillir, 
et  puis  en  faictes  des  pastés. 


LA   FILLE 

Ma  dame,  vous  n'avez  pas  telz 
presens  que  je  vous  les  apporte. 

UERODIADE 

Ha  !  perverse  charogne  morte, 
12190  faulx  bigot  de  mauvais  chastoy  ; 
or  suis  je  vengée  de  toy 
a  ton  dueil  et  confusion. 


DIEU  LE  PERE 
Or  est  la  decolacion 
du  benoit  Baptiste  parfaicte  ; 

12iœ  or  est  fine  le  saint  prophète, 
et  si  fault  que  sa  gloire  attende 
et  la  bas  au  limbe  descende 
jusqu'au  temps  de  miséricorde  ; 
et  raison  asscs  s'y  concorde  : 

12200  car  ainsi  qu'il  fut  precurseui- 
de  mon  filz  et  vray  denonceur 
au  monde  a  tous  mes  loyaulx  serfs, 
ainsi  sera  il  aux  enffcrs 
dont  plusieurs  dcmenront  liesse 

12205  de  la  nouvelle  de  noblesse 
qu'aux  prophètes  anoncera. 


'     12147  proposée  A.  -  12157  apporter  C.  -  12163  finer  me  fault  B.  C.  -  12167  Faictes  le  oourt  B.  C.  -  12175  pour 
ta  B.  —  12188  comme  je  vous  B.  C    —  12200  Si  comme  B.  C—  12202  mes  beaux  serfs  C. 


i«0 


MISTERK   DE   LA    PASSION 


SOPHONIAS 

Helas  !  qui  nous  conffoitcra, 
frères  ?  nostre  maistrc  est  fine. 

MANASSES 

Le  mauvais  tiiant  obstiné, 
12210   Herode,  que  Dieu  puist  confonfire, 
l'a  fait  mou'ir. 

ABIAS 

Allons  espondrc 
son  digne  corps  en  un  scrcus, 
car  quant  les  tirans  l'ont  perçus, 
ilzîo  laissent  sur  le  pave, 

SOPHONIAS 

12215  S'il  plcst  Dieu  que  l'ayons  trouvé, 
nous  y  monstrei'ons  diligence. 


GRONGNART 

Sire  loy,  j'ay  vcstre  sentence 
exécuté,  comme  il  fut  dist. 

HERODE 

11  me  poise  moult  de  l'editt  ; 
ls'2S0  mes  il  n'est  douleur  qui  ne  passe. 


JHESLS 

Frères,  il  n'a  pas  grant  espace 
que  la  voix  comraance  a  courir, 
comment  Herode  a  fait  mourir 
Jehan  le  saint  Baptiste  et  digne  : 
12225  je  veil  laisser  gent  si  maligne 
et  en  lieu  désert  habiter. 

s.    JUDK 

Ou  qu'il  vous  plaira  fréquenter, 
suivir  vous  voulons,  mon  cher  maistre. 


l.A    KILLE    CHANAXKE 

Haro  !  les  pastcs  sont  en  l'aistre... 

122:i0  Gardez  le  chat  pour  les  souris... 
Plus  de  cent  deablcs  sont  flouris 
au  sanglant  fons  do  ma  cervelle... 
Ha  !  larreu-,  garde  la  cordelle, 
ta  gorge  sent  tout  le  happart. . . 

12235  Ce  sont  florins  :  a  pai  t,  a  part  : 
j'ay  veu  musscr  le  pot  en  terre  .. 


Gens  d'armes  vont  ilz  a  la  guerre 
pour  apprendre  a  piller  des  pois  ^.. 
11  est  pi'is  !  haro  !  je  le  vois. . . 

12240  Hey  dea,  gelines  et  cauars, 

voulez  vous  menger  les  renais  ? 
or  gardez  qu'ilz  ne  vous  mengusscnt  !.. 
J'os  bien  les  Vaudois  qui  me  huchent 
pour  chevaucher  ung  viel  ballet... 

12245  Turz  !  tuez  !  maistre  et  vallet, 
jamès  n'aiont  respit  ne  trêve... 
Noël  !  j'ay  cy  trouvé  la  fève 
dedans  la  corne  d'une  chievre  : 
que  de  sanglante  forto  fièvre 

12250  puissent  espouser  les  chevros  ! 

LA   CHANANEE 

Ha  !  fille,  veez  cy  piteux  mos  : 
or  ne  sçay  je  qui  me  deflfend 
que  de  dueil  le  cueur  ne  me  fend 
quand  le  deable  ainsi  vous  tourmente  ! 

12255  Helas  !  je  vous  ay  veu  tant  gente, 
tant  courtoise,  tant  bien  apprise, 
et  maintenant  estes  surprise 
de  tel  demoniaclerie 
dont  jamès  ne  serez  guérie, 

12200  se  Dieu  n'y  estand  son  miracle. 
YSORE,  garde  de  li  fille. 
Oncques  mes  nul  demoniacle 
ne  vis  si  mauvais  a  nul  jour  ; 
jamès  n'a  repos  ne  séjour 
par  l'ennemi  qu'ainsi  l'ordonne. 


JHESUS  \ 

12265  Nous    piirochons  Tire  et  Sidonne, 
tant  avons  nous  fait  de  voyage. 

LA    FILLE   CHANANEE 

Meslez  du  di'agaut  avec  rage, 
pour  sçavoir  s'il  est  dur  ou  sur... 
Ostcz  les  fondemens  du  mur, 
12270  que  le  i)lancher  ne  viengne  en  bas... 
Ha  !  Fergalus,  que  tu  ni'abas  ! 
Bas,  bas,  qu'est  ce  que  tu  barbetes  ? 
Elles  sont  d'aulne  les  pilletcs... 
Hz  sont  cuys,  allez  les  plumer. 

LA    CHANANEE 

12275  Veez  cy  bien  mos  pour  moy  fermer 
en  désespérance  mortelle. 

\S0UE 

Maistresse,  la  nouvelle  est  telle 


12228  vous  vauldray  C.  —  12229  )fslrc  B.  atre  C.  —  12232  de  la  A.  - 
B.  C.  —  l??e5  sodoiiiine  C  —  12271  se  lu  B.  —  12273  les  plumettes  C. 


1225'  iiuinquc  A.  —  12261  Ouoques  nul  jour 


SECONDE   JOURNEE 


161 


que  Jhosus,  en  prophète  saint, 
en  qui  tant  de  puissance  maint, 
itiso  vient  visiter  ceste  contrée  ; 

se  la  chose  hiy  fust  nionstreo, 
il  la  guerist,  n'en  douhtcz  pas. 

lA    r.HANANEE 

James  je  n'arrcstcray  pas 
tant  que  j'aye  veu  sa  présence. 

LA.   FllAJS, 

1Î285  Deables,  mettez  vous  en  deffence, 
ung  lyon  vous  vendra  combatrc... 
Hz  sont  couchés  au  piastre,  au  piastre.- 
Devant  matines  sonnez  prime. 

LA   CHANANEE 

Filz  de  David  digne  et  saintisme, 
12290  ayez  de  mon  fait  remcmbrance  : 

ma  fille  est  vexée  a  oultrance 

du  deable  qui  l'a  en  ses  las  ! 

Il  ne  me  respont  mot  !  helas  ! 

Saint  prophète  très  vertuable, 
12293  entendez  mon  fait  piteable  ; 

doulx  Jhcsus,  oez  moy  parler. 

S.    PIERRE 

Faictes  ceste  femme  en  aller, 
sire,  ou  luy  passez  sa  demande. 

JUDAS 

Elle  nous  fait  ung  grant  esclandre, 
12300  do  hucher  ainsi  après  nous. 

JHESUS 

Mes  chers  enffans,  ne  sçavez  vous 
que  je  ne  suis  pas  envoyé 
a  quelque  troupeau  dcsvoyé 
fors  de  la  maison  d'Israël  ? 

LA   CHANANEE 

12305  Ha  !  sire,  mon  cas  est  cruel  : 

aydez  moy  pour  Dieu  et  son  nom. 

JHESUS 

Femme,  tu  sces  qu'il  n'est  pas  bon 
prendre  le  bien  des  enffans  siens 
et  le  vouloir  donner  aux  cliiena. 
12310  Les  vertus  qui  sont  ordonnées 

pour  cstre  au  fdz  de  Dieu  données 
ne  se  doyvent  monstrer  ne  faire 
devant  gens  de  loy  adversaire, 
ne  ne  sont  dignes  de  les  voir. 

LA  CHANANEE 

112315  Helas  !  sire,  vous  dites  voii', 
mes  les  povres  chyennès  famia 
qui  dessoubz  la  table  sont  mis 
aucuneffois  se  peuvent  paistre 


de  miette  qui  de  leur  maistre 
12320  dessoubz  la  table  leur  desccnt  : 
aussi  co  no  m'est  pas  décent 
de  voir  les  paifaicte»  doctrines, 
do  quoy  les  Juifz  sont  plus  dignes  : 
a  cause  de  pi'ovision 
12325  une  petite  porcion, 

si  vous  plest,  en  recoveray, 
considère  la  foy  que  j'ay 
de  parvenir  a  ma  demande. 

JHESUS 

0  femme,  ta  foy  est  moult  grande  : 
12330  il  te  soit  fait  comme  tu  veulx. 

LA    FILLE 

0  doulx  Dieu  qui  tant  vaulx  et  peux 
par  essence  qui  toUsjours  dure  !... 


PERGALUS,  deable. 
Kn  peine  et  dueil  et  griefve  ardiu-e, 
plus  ardent  que  barre  de  fei', 
12335  m'en  revois  courant  en  enffer 
moy  plonger  au  fond  du  palus. 

LUCIKER 

Qu'est  il  advenu,  Fcrgalus, 
quel  sanglant  deable  te  ramaine  ? 

KERGALUS 

Ha  !  maistre,  j'enrage  de  paine  : 
12340  ce  Jhesus  qui  règne  sur  terre 

nous  maine  la  plus  forte  guerre 

qu'oncques  fit  homme  en  ce  party  ! 

J'avoye  mon  lieu  assorty 

en  une  fille  chananee, 
12345  et  malgré  ma  face  dampnee 

il  m'en  a  fallu  desloger. 

LUCIFER 

Portez  rôtir  ce  messager 

par  tous  les  brasiers  infernaulx. 

BELZEBUTH 

Oncques  larron  n'eust  tant  de  maulx, 
12350  ne  peine  tant  dure  et  amere. 


LA    CUANANEE 

Goumient  va,  fille  ? 

LA   FILLE 

Chère  mère, 
il  va  très  bien,  la  Dieu  mercy  : 


12282  snnast  13.  —  12298  Kille  on  luy  B.  luy  hkok/iw  A.  —  12306  pour  et  en   son  nom  C.  —  12303  scions  A.  B.  — 
|1123U  Nilz  ne  B.  —  12310  Mes  les  petiz  chiens  faitiz  C.  —  12318  peullent  A.—  12319  Des  miettes  A.  B.  C.  —12331  m<in- 
-  12332  e/raco  dans  B  et  remplacé  à  Vena-e  rouge  jwr  12340.—  123'.0  De  jhesus  B.  —  12346  contraint  B.  C. 

Pas.  U 


Bue  D. 


162 


MISTERE    DE   LA    PASSION 


mon  corps  est  sano  et  guary 
du  deable  qui  le  tourmentoit. 

LA.   CHANANEE 

12355  La  majesté  qui  tout  pourvoit 
eu  aist  louauge  et  préférence. 
0  Jhesus,  j'ay  ferme  credence 
que  tu  es  le  vray  Messias 
qui  de  ta  doulce  mercy  as 

12360  ma  fille  entièrement  sauee. 


JHESUS 

Frères,  retournons  en  Judée, 
le  temps  le  veult  et  la  saison, 
affin  de  donner  gueiison 
a  plusieurs  qui  la  sont  posés, 
12365  mal  haitiés  et  mal  disposés 

tant  de  Tame  comme  du  corps. 

s.   A.NDRY 

Nous  tous  sommes  de  vos  accors 
sans  jamès  voidoir  dissontir. 

s.    PHELIPE 

Touteffois  qu'il  vous  plest  partir, 
12370  nostre  chose  est  tout  ordomiee. 


LE    PARALITIQUE 

Helas  !  com  dolente  journée 
fut  pour  moy  faicte  et  adjournee, 
quand  Dieu  me  volt  traire  a  naissance, 
Veue  ma  vie  fortunée, 
12375  en  rigueur  de  fortune  née, 
et  en  bruit  de  désespérance  ! 
Je  vis  comme  en  tranco 
et  n'ay  espérance 
qui  soit  retournée, 
12380  car  elle  a  sa  roue  tournée 
de  tous  poins  a  ma  doleance. 

Helas  !  or  suis  je  a  la  piscine 
qui  mepeust  donner  médecine 
et  ma  maladie  guérir  ; 
12385  Plusieurs  y  treuvent  très  bon  signe 
et  les  guerist  et  médecine 
et  leur  fait  santé  acquérir  ; 
J'y  cuiday  quérir 
respit  de  mourir, 
12390         mes  j'en  suis  indigne, 
car  d'attendre  cy  je  ne  fine 
et  si  n'y  puis  liens  conquérir. 


12395 


12400 


12403 


12410 


12415 


12420 


124;^ 


12430 


12435 


Trente  et  huit  ans  y  a  passés 
que  j'en  ay  attendu  assés, 
languissant  en  piteulx  martire  : 
or  me  doint  huy,  Dieu  nostre  sire, 
que  mes  malz  soient  respassés 
et  guéris  comme  je  désire  ! 

JHESUS 

Pitié  m'esmeust  quand  je  remire 
cestuy  povre  honnue  mat  et  fade 
qui  cy  gist  en  son  lit  malade  : 
ame  de  luy  ne  se  recorde  ; 
si  luy  feray  miséricorde 
maintenant,  mon  veil  s'i  consonne. 

s.    PIERRE 

Sire,  vous  ferez  grant  aulmonne  : 
santé  luy  seroit  bien  duysaut. 

JHESUS 

Amis,  que  je  voy  cy  gisant 
si  piteusement  démené, 
vouldroys  tu  pas  estre  sané  ? 
tu  en  as,  je  croy,  bon  besoing. 

LE    PARALITIQUE 

Helas  !  sire,  j'en  suis  bien  loing  : 
j'ay  fait  icy  ja  longue  attente 
a  ceste  piscine  présente 
en  qui  malades  grant  foison 
treuvent  santé  et  garison. 
L'angle  descend  en  la  fontaine 
et  en  aucune  heure  certaine 
esmeust  l'eaue  quand  il  luy  plest, 
et  le  malade  qui  est  prcst 
a  descendre  premier  dcdens 
est  sané  de  tous  ses  tourmens. 
Chacun  y  trouve  sa  manière  : 
tousjours  je  demeure  derrière. 
Trente  et  huit  ans  a  que  j'altcns  : 
si  ne  trouve  qui  me  mette  ens  ; 
tous  les  aultres  treuvent  amis, 
mes  tousjours  arrière  suis  mis  ; 
de  malades  telle  assamblec 
y  a,  que  se  l'eaue  est  troublée 
et  je  me  cuide  mettre  avant, 
ung  aultre  se  boute  devant  : 
ainsi  demeure  icy  hé 
comme  ung  malheureux  oublié 
et  demourray,  comme  je  croy, 
a  tousjours. 

JHESUS 

Amy,  levé  toy 
et  te  dresse  dessus  tes  piez, 


12354  me  surprenoit  C.  —  12355  tout  croist  C.  —  12356  reiierenoe  C.  —  1Î3ÎS  nulle  espérance  G.  —  12380  roUe 
manque  B.  Le  vers  num'jue  C.  —  12397  ti-espassez  A.  —  12398  sanez  B.  C.  —  12421  11  est  sane  de  tous  B.  —  12425  amc 
qui  me  C.  —  12427  suis  arrière  B.  G.  —  12432  demouray  je  A.  —  12436  en  piez  et  despurte  B. 


I 


SECONDE  JOURNEE 


163 


et  puis  prcns  ta  couche  surpiez 
et  l'enipoi'to  ligioivment. 

I.K    PAtlAMTlQUE 

0  Lault  pcro  du  firmament, 

ii'M  coin  grant  graco  m'est  descendue  ! 
santt!  m'est  plaincment  rendue, 
quand  sans  enipcschemcns  quclconcques 
j'andjulo  miculx  que  no  fis  oncqucs. 
Je  vois  sainement  par  la  voie 

12445  sans  quelque  mal  qui  me  convoie. 
Helas  !  et  qu'est  ja  devenu 
cil  par  qui  ce  bien  m'est  venu  ? 
au  moins  se  trouver  le  sceusisse, 
de  bon  cueur  mercy  luy  rendisse, 

lï-450  ainsi  que  bien  faire  le  doy, 
mes  certes  je  ne  le  congnoy  ; 
si  n'en  puis,  dont  forment  me  poise. 
11  est  grand  temps  que  je  m'en  voise 
atout  ma  couche  sur  mon  col  ; 

12455  encor  ne  suis  je  pas  si  fol 

que  je  la  laisse  a  la  harpaille. 
Je  suis  chargé,  vaille  que  vaille  : 
atout  mon  fardeau  m'en  iray 
qui  poise  :  c'est,  je  vous  diray, 

124G0  a  longue  voye  pesant  fais. 


NATHAN 

Dea,  amis,  qu'est  ce  que  tu  fais  ? 
ton  offence  trop  la  loy  touche  : 
tu  ne  dois  pas  porter  ta  couche 
a  tel  jour,  la  loy  y  débat. 

I.E   PARALITIQUE 

1 124G5  Non  ?  et  pourquoy  ? 

NACHOR 

Pour  le  sabai 
qui  est  huy,  feste  soleimelle, 
en  quoy  tout  oeuvre  manuelle, 
tout  labeur  et  peine  de  corps 
doit  cesser. 

LE   PARALITIQLE 

Je  le  vous  accors  : 
[12470  Dieu  l'a  eu  ce  point  ordonné  ; 
mais  cil  qui  tantost  m'a  sané 
m'a  de  fait  commandé  et  dit 
que  je  m'en  voise  atout  mon  lit  ; 
et  je  l'emiiorte  a  son  conunand. 

NACHOU 

[12470  Mes,  beau  sire,  je  te  deniand 


qui  est  il,  il  fault  qu'on  lo  sache  ; 
car  il  n'est  pas  raison  qu'il  face 
tel  transgression  en  la  loy. 

LE   PARALITIQUE 

Mes  seigneurs,  je  ne  le  congnoy, 
12480  n'en  ayez  ja  le  cueur  marry, 

mes  je  suis  sceur  qu'il  m'a  guary 
d'une  très  griefvc  maladie, 
par  quoy  est  force  que  je  dyc 
qu'il  a  en  soy  vertu  parfaictc  ; 
12485  et  qu'il  soit  quelque  grand  prophète, 
il  m'en  a  monstre  vray  exemple. 
Retraire  me  voil  vers  le  temple, 
pour  Dieu  mercier  de  cueur  lyé 
du  grant  bien  qu'il  m'a  envoyé  ; 
12490  il  n'est  qui  m'en  saclie  empcscher. 


Icy  vient  Jhesus  au  temple. 
JHESUS,  OU  temple. 
Or  regarde,  mon  amy  cher, 
la  grâce  que  Dieu  t'a  donnée 
qui  en  la  présente  journée 
t'a  rendu  plus  sain  que  devant. 

124%  Garde  toy  donc  dorénavant 

de  pécher  et  plus  ne  t'aviengne, 
affin  que  pis  ne  te  surviengne, 
car  tu  sces  que  péché  encombre, 
tousjours  portant  mortel  cncombic 

12500  pour  celluy  qui  do  luy  se  çaint. 

LE   PARALITIQUE 

0  Jhesus,  vray  prophète  saint, 
maintenant  croy  je  moy  indigne, 
que  par  vostre  vertu  divine 
ay  eu  de  mon  mal  alegence, 

lfô05  par  quoy  j'ay  parfaicte  espérance 
que  vous  estes  le  vray  saulveur 
que  Dieu,  nostre  vray  créateur, 
a  transmis  au  règne  mondain  ; 
et  pour  le  prescher  plus  a  plain, 

12610  je  le  vois  dénoncer  et  dire 
a  ces  Pharisiens  plains  d'ire 
ou  tant  de  répugnance  avez. 

Icy  s'en  vient  aux  Pharisienx. 
Ha!  mes  seigneurs,  vous  ne  sçavez 
depuis  que  d'icy  me  party, 

lfôl5  je  suis  grandement  advcrty 
qui  m'a  gary  par  ceste  voye  ; 


12437  leiuporte  B.—  12138  Tu  iiaras  [loinl  deinpesohemonl  B.  C.  —  12448  sreusse  C.  —  1245C  ehappaille  lî  C.  — 
12459  Quil  poise  voimiient  dit  on  vray  B.  C.  —  12474  sa  commande  A.  —  12475  demande  A.  —  12488  pracier  C.  — 
12490  manque  B.  ~  12499  encontre  B.  —  12507  hault  créateur  B.  C.  _  lïoll  inauuais  juif»  B.  C.  —  12516  une  B. 


164 


MI  STERE   DE   LA   PASSION 


n'a  gueres  que  riens  n'en  sçavoye, 
mes  maintenant  j'en  suis  tout  ferme. 

NATHAN 

Qui  a  ce  fait  ? 

LE    PARALITIQUE 

Je  vous  afferme 
12520  que  c'a  fait  celluy  qui  se  nomme 
Jhesus,  qui  est  le  plus  saint  homme 
qui  soit  dessoubz  le  firmament. 

NACHOR 

A  ce  fait  Jhesus  ?  et  comment  ! 
il  se  monstre  bien  homme  infâme, 
12525  quand  la  loy  transgresse  et  diffame, 
faisant  tel  operacion. 

NATHAN 

Il  y  chet  bien  pugnicion 
quand  ainsi  le  sabat  transgresse. 
C'est  a  toy  donc  que  je  m'adresse, 
12530  Jhesus  :  nous  sommes  en  débat 
pour  cause  que  le  grant  sabat 
vielles  en  faisant  cestc  oeuvre. 

JHESUS 

Mon  père  jusqu'à  ores  oeuvre, 
et  j'oeuvre  a  l'instance  de  luy, 
12535  et  ensuys  l'oeuvre  do  celluy 
qui  au  monde  m'a  envoyé. 
JACOB,  scribe. 
Oez  du  meschaut  desvoyé 
les  blasphèmes  qu'il  nous  prétend  ! 
il  n'est  pas  seulement  content 
K40  de  nostre  hault  sabat  enfraindre, 
mes  de  fait  il  nous  veult  contraindre 
de  croire  qu'il  soit  a  Dieu  filz. 

JHEÎUS 

En  ceste  oeuvre  lùens  me  meffis, 
car  vrayement  je  vous  declaire 

12545  que  le  filz  ne  peust  de  soy  faire, 
se  n'est  chose  qui  bonne  appere 
et  qu'il  a  veu  faire  a  son  père  : 
en  cç  que  le  père  fera 
le  filz  ensuyvant  le  sera  ; 

12550  le  pcre  ayme  son  filz  tout  oultre, 
et  tout  tant  qu'il  fait  il  ly  monstre, 
et  encore  oeuvres  plus  ardues 
demonstrera  que  n'avez  veues, 
pour  vous  tk)nncr  crainte  et  merveille. 
JOURAN,  scnhc. 

l'ïû55  Mes  amis  feaulx,  je  conceillo 
que  pour  ceste  fuis  le  laissons 
et  de  riens  nous  ne  l'oppressons, 


car  veez  cy  peuple  a  grant  effort 
par  quoy  il  seroit  le  plus  fort 
12560  s'il  en  mouvoit  sedicion. 

YSACAR,  scribe. 
Je  suis  de  vostro  oppinion 
pour  le  présent  de  le  laisser  : 
laissons  ceste  Pasques  passer  ; 
ime  aultre  fois  vendra  par  cj'. 

JACOB 

12565  Je  suis  content. 

JORRAN 

Et  nioy  aussi  : 
la  chose  est  ainsi  bien  sortye. 

JHESUS 

Mes  amis,  faisons  départie 
d'icy  et  faisans  no.-tre  allée 
oultre  la  mer  de  Galilée  ; 
12570  le  peuple  y  fault  endoctriner. 

s.    JEHAN 

Cher  maistre,  aussi  le  séjourner 

ne  nou3  est  point  ici  propice, 

car  ces  scribes  plains  de  malice 

vous  heent  tant  qu'il  n'est  point  a  dire. 

s.    PIERRE 

12575  Après  vous,  Jhesus,  nostre  sire, 
voulons  nous  tous  vivre  et  mourir. 
Icy  doiient  suicir  Jhesus  tous  tes  Juifs 
cy  dénommés. 
ABACLT,  disciple. 
Amis,  pensons  de  le  suivir; 
grant  pourfit  y  pourrons  avoir, 
et  ne  fust  seulement  qu'a  voir 
12580  les  haulx  fais  qu'il  monstre  partout. 

MOAB 

Suivir  le  veil  pour  faire  escout 
de  ses  belles  monicions. 

ABIRON 

Ses  haultes  predicacions 
nous  peuvent  foison  profiter. 

TUBAL 

1x585  Honnne  ne  les  peust  escouter 
que  Eon  ame  mieulx  ne  dispose. 

CELIUS 

C'est  une  moult  haultaine  chose 
que  de  son  fait,  chacun  le  voit. 

SALMANAZAR 

Nous  le  suyvrons  comment  qu'il  voit, 
12590  sçavoir  quelz  signes  il  fera. 

RUBEN 

S'il  scet  riens,  il  le  monstrera 


12543  En  ce  faisant  B.  C—  12540  ensuiuantj  insoqutur  (sii^)  B.  —  li560  Sil  sen  B.  —  125G2  maniur  C.  —  1£33  C. 
ajoute:  Sans  limpugner  ne  transgresser   C.        'n^~-»  i---»    ..    ^         .,  ..  . ..       _     _         .. 


B.  —  12570  fault  A.  —  12581  faire  tout  C. 


■  12572  licite  B.  C.  —  12573  Car  ceste  lignée  mauldite   B.  C.  —  12578  ilz 

■  12582-12689  manjuent  C.  feuillet  déchiré.  — 12589  quel  lieu  quU  B. 


» 


SECONDE  JOURNRR 


165 


en  Galilcc  Imultcraent, 

car  c'est  le  pays  proprement, 

ou  il  a  pris  sa  nacion. 

NEl'TALIN 

12r>95  Maint  signe  d'aduiiradon  12635 

a  demonstrô  en  ceste  terre, 
et  si  n'y  peust  jamès  conqucrrc 
l'amour  de  plusieurs  opposans. 

OEDEON 

11  a  largement  de  nuysans  ;  12040 

12800  Dieu  doint  que  jamès  ne  luy  nuisent. 

ABUS 

Il  sarable  droit  qu'ilz  se  déduisent 

a  luy  faire  anoy  et  griefté, 

cai'  quant  il  leur  dit  vérité  12045 

si  l'impugnent  ilz  a  puissance. 

MANASSES 

12605  C'est  de  leur  mauvaise  arrogance, 
qui  jamès  ne  se  peust  jiloyor. 

NEMHnonn  12650 

Sus  !  pensons  de  le  eonvoier  : 
luy  et  ses  gens  s'en  vont  de  tire  ; 
il  fault  que  chacun  de  nous  tire 
12610  de  le  suivir  diligemment. 

Icys'en  vont  trestous  après  Jhosus,  et  lors  Jhesus       12655 
et  ses  disciples  montent  sur  une  montaigne. 


12660 

JHESIS 

Mes  amis,  au  commencement 

do  ceste  predicacion, 

devez  faire  invocaciou 

a  Dieu,  vostre  souverain  père,  12665 

[12615  si  que  sa  grâce  vous  appere 

et  vous  donne  sens  et  sçavoir 

de  ma  parole  recevoir 

a  vostre  edificacion 

et  la  glorificacion  12670 

fl2620  do  luy,  qui  eu  l'oternel  rcgno 

sans  terminer  domine  et  règne  ; 

car  sans  grâce  ne  pouez  faire 

chose  qui  vous  soit  salutaire. 

Grâce  est  la  ]irecieusc  ointure  12675 

'  12625  qui  le  eueur  de  la  créature 

assouplist,  et  donne  vouloir 

d'ouir  ce  qui  luy  peust  valoir  ; 

grâce  est  donc  lant  noble  rosée 

que,  quand  l'ame  en  est  arrousee,  12680 

12630  tousjours  croist  et  plus  se  parfait 


en  vertus  par  dit  et  par  fait; 

sans  grâce  n'est  vertu  pai'faictc, 

sans  vertu  l'ame  est  im|)arfaicte 

du  bien  qui  plus  la  doust  parfaire 

et  sans  vertu  no  peust  parfaire. 

Peuple,  donc  esleve  ta  face 

a  Dieu,  et  roquier  ceslo  grâce 

qui  l'ame  en  bon  eslat  maintient  ; 

tu  Taras,  sy  a  toy  ne  tient  ; 

se  contre  sa  haulto  clémence 

as  commis  péché  et  ofl'enco 

ou  contre  ton  prochain  aussi, 

requiers  luy  humblement  mercy 

en  bonne  et  humble  repeut;mce, 

toy  soubmctant  a  pcnitauce 

en  prometant  admendcment 

de  jamès  renchoir  ensement  : 

ta  coulpe  sera  pardonneo 

et  te  sera  grâce  donnée 

pour  dampnacion  éviter 

et  pour  tousjours  niieulx  pourfiter 

et  admeuder  en  temps  et  lieu 

dessoubz  la  parole  de  Dieu. 

Les  nobles  predicacious 

et  doulccs  exhortacions 

du  hault  fiuit  du  ciel  descendues 

sont  diversement  entendues 

selonc  divers  entendemeus, 

et  de  cecy  enseignemens 

vous  veil  baillier  par  parabole  ; 

et  entendez  bien  ma  parole. 

Ung  père  de  famille  sage, 

entendant  a  sou  labourage, 

pieça  de  sa  maison  yssi 

pour  semer  aillieurs  et  icy 

son  grain,  comme  il  est  coustumier 

et  le  grain  qu'il  sema  pi-emior 

si  cheut  en  divei'scs  parties 

selonc  les  places  assoi-ties  : 

l'une  part  cheut  en  plaine  voye, 

mes  tanstost  fut  ravye  en  voye 

des  oiseaulx  du  ciel  qui  voilèrent 

et  tout  celuy  grain  recueillerent  ; 

l'aultre  part  sur  les  pierres  cheut 

et  celle  tost  sechee  fut, 

car  le  souleil  par  sa  chaleur 

le  sécha  par  faulte  d'humeur  ; 

une  aultre  part  cheut  es  espincs, 

mes  par  leurs  pointures  malignes 

creurent  sus  et  le  suffoquèrent 

tant  que  croistre  ne  le  laisseront  ; 


12606  vcult  B.  —  12625  oorps  A.—  12033  nest  lame  parfaii-te  B.  —  12631  In]  luy  A.  —  12638  Qui  tant  clément  vers 
toy  se  B.  —  12639  Que  tu  laras  sen  toy  ne  tient  B.  —  12^7  manqur  B,   —  18675  cette  part  A.  «-elle  tantost  B. 


106 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


l'aultre  part  cheut  en  terre  bonne, 
et  celle  croit  et  si  foisonne  ; 
l'une  a  cent  pars,  l'aultre  a  soixante, 
18685  l'aultre  a  quarente,  l'aultre  a  trente, 
selon  qu'elle  chet  bien  appoint. 

S.    THOMAS 

Cher  maistre,  nous  n'entendons  point 
pourquoy  a  ces  gens  assemblés 
en  telz  paraboles  parlez 
12690  qui  sont  tant  rudes  créatures, 
et  encore  sont  tant  obscures 
que  nous  ne  les  sçavons  comprendre, 

JHESUS 

Mes  amis,  vous  devez  entendre 
et  vous  ay  dit  en  aultre  lieu 

12695  qu'il  vous  est  ordonné  de  Dieu 
de  congnoistre  par  voies  cleres 
les  haultains  et  divins  misteres, 
si  ne  vous  en  veil  riens  celer  ; 
mes  aux  aultres  me  fault  parler 

12700  en  paraboles  et  proverbes 

affin  qu'a  mes  motz  et  mes  verbes 
les  voyans  aveugles  se  rendent 
et  les  oyans  rien  n'y  entendent. 
Ysaie  le  prononça 

12705  quand  en  tel  forme  le  nonça  : 
Yos  auditu  audietis 
nec  tamen  intelligetis, 
dist  ce  prophète  :  vous  orre7^ 
mes  pourtant  vous  ne  l'entendrez, 

12710  pour  vos  grans  obstinations. 

s.    BERTHELEMY 

Cher  maistre,  nous  vous  supplions 
puisqu'il  plaist  a  Dieu,  nostre  père, 
nous  reveller  ce  hault  mistere 
et  nous  fait  digues  de  choisir 

12715   ses  secrcs  par  vostre  plaisir, 
exposez  nous  a  quoy  profite 
la  parabole  dessus  ditte, 
car  nous  la  créions  vertuablo 
et  très  grandement  véritable, 

12720  comme  vous  l'avez  proposée. 

JHESUS 

Maintenant  Tarez  exposée, 
mes  chers  enffans,  pour  valoir  mieulx, 
et  certes  benois  sont  vos  yeux 
a  qui  telz  dons  sont  ottroiés 
12725  que  de  voir  ce  que  vous  voyez, 
et  vostre  oye  est  sainte  et  digne, 
a  qui  la  majesté  divine 

12688  quoy  manque  B.  —  12697  diuers  B.  —  12704 
pouez  A.  auez  a  B.  vous  ouez  G.  —  12-42  propine  B.  — 
P.  —  12769  multiplier  A. 


donne  d'ouir  a  sens  ouvert 

ce  qui  nous  sera  descouvert. 
12730  Et  certainement  je  vous  dis 

que  maint  prophète  de  jadis, 

mains  justes  et  saintes  parsonncs 

ont  désiré  par  grans  ensonnes 

de  voir  ce  que  ja  veu  avez 
12735  et  si  en  ont  esté  privés, 

et  de  ce  que  ouez  ouir, 

et  si  n'y  ont  peu  advenir. 

Or  m'entendez  donc  proposer' 

et  la  parabole  exposer  : 
12740  premier,  par  le  seminateur 

j'entens  tout  bon  prédicateur  ; 

par  la  semence  qu'il  somine, 

j'entens  la  parole  divine 

que  le  prescheur  semé  et  espart 
8745  en  maint  lieu  et  en  mainte  part, 

qui  de  tout  humain  sentemcnt 

n'est  pas  reoeue  également  ; 

par  celle  qui  chet  en  la  voye, 

j'entens  du  peuple  grant  moujoyo 
12750  qui  se  cuide  mettre  en  devoir 

des  paroles  Dieu  recevoir, 

mes  les  oyscaulx  du  ciel  y  viengnent  : 

ce  sont  les  deables  qui  surviengnont, 

qui  la  semence  encommancee 
12755  estent  surpiez  de  leur  pensée  ; 

par  la  semence  nette  et  pure 

qui  chet  dessus  la  piçrre  dure, 

j'entens  peuple  mal  doctrine, 

long  temps  en  son  mal  obstiné, 
12760  lequel,  quand  luy  vient  mocion 

d'une  bonne  admoniciou, 

aucuneffois  bien  le  conçoit 

et  a  grant  joye  le  reçoit 

et  promet  admender  son  grief; 
12765  mes  la  semence  meurt  trop  brief, 

car  si  tost  qu'il  luy  sourt  contraire, 

il  est  tant  apris  a  mal  faire 

qu'il  laisse  tout  mortifier 

le  bon  grain  sans  fructifier  ; 
12770  par  le  grahi  en  lieu  espineux, 

j'entens  peuple  délicieux 

qui  tout  sur  vanité  s'arreste, 

lequel  tantost  qu'on  luy  appreste 

predicacion  bien  notore, 
12775  posé  que  très  bien  l'incorpore 

et  la  propose  a  effect  mettre, 

il  n'est  pas  de  son  vouloir  maistre, 

car  il  a  si  fort  son  estude 

Le  prophète  isaie  G.  —  12733  par  pensées  bonnes  A.  —  12736 
12744  Que  sur  le  peuple  A.  —  127()5  meut  B.  —  12767  fort  aprins 


SECONDE   JOURNEE 


167 


en  inondaino  snlicitudo 

12780  pour  SCS  licliosses  amasser, 

qu'il  n'a  loisir  d'ailleui-s  penser  : 
tels  richesses  fort  cmiioignans 
sont  <lonc  les  cspincs  poignans 
qui  les  bons  es|)is  fimt  ploiex 

12785  sans  les  laisser  nmltipliei'  ; 

le  grain  qui  chet  en  bonne  terre 
et  la  s'ongrossit  et  enteri-e 
tant  qu'il  ait  ses  racines  dures 
scgnifie  les  créatures 

1Ï790  qui  humblement  et  de  cueur  pieu 
oyent  la  paroUe  do  Dieu 
et  en  l'oant  moult  bien  |)roffitent 
et  en  profitant  so  délitent  ; 
puis  quand  humblement  l'ont  oye, 

18793   quoy  qu'il  soit,  no  l'oublient  mye, 
mes  vont  de  vraye  intencion 
la  metti'e  a  execucion  ; 
et  s'ilz  ont  oy  quelque  vice 
de  quoy  la  divine  justice 

1Ï800  les  puist  reprendre  et  arguer, 
tautost  se  vont  esvertuer 
de  l'extirper  et  expurger, 
ou  s'on  leur  monstre  le  danger 
ou  leur  aine  a  trop  arresté, 

12805   d'inio  très  bonne  volenté 
jamais  narout  joie  do  corps 
tant  qu'ilz  en  soient  tiré  hors  ; 
s'on  leur  presche  aussi  de  la  joye 
de  lassus  qui  tout  cueur  resjoye, 

18810  de  bon  cueur  se  peinent,  affin 
qu'ilz  y  puissent  venir  en  fin  ; 
s'on  leur  presche  de  pardonner, 
tout  prestz  sont  a  niercy  donner  ; 
s'on  leur  conseille  faire  aulmonne, 

12815  chacun  très  volentiors  la  donne  ; 
s'on  leur  conseille  faire  june 
jamès  leur  vouloir  n'y  répugne, 
mes  se  mettent  en  la  Dieu  grâce  : 
veez  cy  la  bonne  terre  et  grasse, 

1J820  bien  labourée  et  bien  hantée, 
en  quoy  la  sonience  gettee 
apporte  a  cent  doubles  le  fruit  ; 
en  tel  terre  labourer  duit 
puisque  fruit  de  labour  appert, 

12825  mes  en  aultrc  son  labour  perd 
cil  qui  grain  en  cuidcî  cueillir. 
Qui  oreilles  a  pour  ouir 
entende  ce  que  je  sermonne. 


a.  .il'DE 
La  parabole  est  hnulto  et  bonne, 
l£830  cher  maistre,  ou  tous  biens  sont  compris  ; 
grans  biens  en  nous  avons  espris 
de  la  noble  exposicion. 

s.    SIMON 

Oncques  si  grant  colection 
de  peuple  je  ne  vis  ensemble 
12835  que  je  voy  icy,  ce  me  samble, 
jiour  nosti'e  précepteur  entendre. 

s.    PHELIPE 

Encor  en  voyez  vous  descendre 

tousjoui's  nouveaux  de  toutes  pars, 

et  ai  sont  cy  si  drus  cpars 
12840  qu'il  n'y  en  peust  plus  aborder. 
JHEsrs 

Pitié  prens  a  les  regarder, 

car  bons  vouloir  leur  cueur  incline 

pour  venir  oir  ma  doctrine, 

et  touteffois,  pour  abréger, 
12845  vous  voyez  qu'ilz  n'ont  que  manger 

et  s'en  ont  grant  nécessité. 

Phelipe,  frère,  en  vérité 

respondez  cy  a  ma  demande  : 

ou  pourrons  nous  trouver  viande 
12850  pour  ce  peuple  cy  contenter 

ou  argent  pour  en  acheter? 

car  fain  grandement  les  traveille. 

s.    PHELIPE 

Sire,  vous  demandez  merveille, 

qui  voulez  saouler  cestc  gent  ; 
12855  nous  n'avons  comme  point  d'argent 

non  pas  pour  nous  a  quart  n'a  tiers, 

et  touteffois  deux  cens  dcniere 

ne  souffiroieut  pas  au  plain 

seulement  pour  avoir  du  pain 
ISSGO  a  toute  cestc  grant  famille. 

s.    JAQUES   ALPHEY  i  ^     -^ 

Hz  sont  icy  plus  de  cinq  mille, 
sans  les  enfifans  et  sans  les  femmes  ; 
fort  seroit  d'avoir  de  nous  mesmes 
vivre  a  tel  peuple  souffisant. 

s.    ANDRY 

18866  11  y  a  cy  ung  jeune  euffant 

qui  porte  icy  en  demussons 

cinq  pains  et  deux  petis  poissons, 

lesquelz  on  aroit  de  léger  ; 

mes  que  seroit  ce  pour  manger 
12870  entre  tant  de  peuple  et  si  grant? 


T   -,,- 


12782  Ses  richess.es  A.  —  127S4  vont  ploicr  A.  payer  C.  —  12785  In  souffrir  B.  C.  —  12790  preu  C.  —  12805  Dune 
bonne  et  vraye  C.  —  12S07  nient  [0.  ayant]  A.  H.  tire  [B.  C.  traictie]  A.  —  12814-15  manquent  C.  —  12810  l'aire  |  la 
B.  jeune  A.  B.  C.  —  12829  parole  C.  —  12839  Kt  si  sont  si  druz  et  espars  B.   —  12847  cher  frère  A.  B.  charité  B.  C- 


168 


MISTER  E  DE   LA   PASSION 


JHESUS 

Allez,  Andiy,  et  faictes  tant 
que  de  l'enffant  les  acheter, 
et  en  présent  les  m'apportez, 
car  pour  cause  avoir  je  les  veil. 

s.    ANDRY 

12875  Mon  très  cher  sire,  a  vostre  veil 
les  vous  vois  quérir  sans  plus  dire. 
Mon  enflant? 

l'enffant  aux  pains 

Que  vous  plaist  il,  sire  ? 
dittes  le  moy  sans  plus  attendre. 

s.    ANDRY 

Ces  pains  icy  sont  ilz  a  vendre, 
12880  que  tu  les  pourportes  ainsi  ? 
l'enffant 
Oy,  et  les  poissons  aussi, 
s'il  est  qui  acheter  les  veille  : 
il  ne  m'en  chault  qui  les  recueille, 
mes  que  j'en  aye  argent,  beau  frère. 

s.    ANDRY 

12885  Que  les  fais  tu  ? 

l'enffant 

Veez  cy  mon  père 
qui  tantost  vous  les  vendera 
luy  mesmes  autant  qu'il  vouldra  : 
il  s'en  sçara  mieulx  entremetre. 

MANASSES 

Que  demandez  vous  ? 

s.    ANDRY 

Nostre  maistre, 
12890  pardonnez  moy,  je  demandoie 
a  vostre  filz  et  marchandoie 
d'uug  tautet  de  vivre  qu'il  porte  ; 
il  fault  qu'au  maistre  les  transporte, 
par  en  bien  payant  vos  dessertes. 

MANASSES 

12895  Est  ce  pour  Jhesus  ? 

s.    ANDRY 

Oy  certes, 
c'est  pour  luy  et  pour  aultre  non.. 

MANASSES 

Andry,  pour  luy  et  pour  son  nom 
donroye  chose  plus  honneste 
et  de  plus  grand  valeui'  que  ceste, 
12900  car  en  luy  tant  de  bien  repose 

qu'il  vaut  bien  d'avoir  plus  grant  chose  ; 
et  pour  l'honneur  de  sa  parsonne, 
emportez  tout,  je  les  vous  donne  : 
ja  denier  ne  vous  coustera. 


S.    ANDRY 

129(B  Cher  sire,  il  le  deservira 

devers  vous,  je  vous  certifie, 

et  de  par  luy  je  vous  mercye 

humblement  et  a  jointes  mains. 

Nostre  maistre,  veez  cy  les  pains 
12910  que  m'avez  envoie  quérir  : 

faictes  en  a  vostre  plaisir 

et  des  poissons  pareillement. 

JHESUS 

Faictes  asseoir  ysnellement 
tout  le  peuple  par  ordonnance  : 
12915  si  pi-endront  pour  leur  soutenance 
repas  :  ilz  en  ont  bien  mestier. 

s.    PHELIPE 

Nous  l'accomplirons  volentigr, 
ja  ne  leur  convient  siège  querre. 
ilz  s'asserront  icy  a  terre, 
1S920  et  s'en  passeront  au  surplus. 

s.    JAQUES   ZEBEDEY 

Au  moins  y  a  il  du  foin  sus 
a  graut  largesse  et  habondant. 

S.    MATHIEU 

En  tel  danger  hatif  et  grant 
on  se  passe  de  ce  qu'on  trouve.. 
12925  Or  ça,  seigneurs,  chacun  s'appreuve 
a  soy  ranger  par  bon  devis, 
et  après  vous  serez  servis 
des  biens  que  Dieu  vous  envoira. 

s.    JAQUES   ALPHEY 

Seez  vous,  on  vous  servira 
12930  prestement  et  de  cueur  joyeulx. 
Icy    fait  Jhesus    beneisson    sur  le  pain   et    le 

baille  a  ses  disciples,  et  puis  ils  servent  le 

peuple. 

JHESUS 

Mes  frères,  metez  devant  eulx, 
et  les  servez  par  diligence. 

JUDAS 

Hz  prendront  bien  en  pacience, 
ou  ilz  ont  bien  haul  tains  courages  ; 

12935  ilz  sont  trop  plus  eureux  que  sages, 
Dieu  les  a  cy  bien  admenés. 
Or  tenez,  mes  seigneurs,  tenez, 
mangez  fort,  faictes  bonne  chère  : 
vivres  ne  sont  pas  a  renchere. 

12940  Tant  qu'on  vous  baille  telz  loppins, 
tenez,  fourrez  vos  canepins 
tout  en  cocquois  et  en  lourdois  ; 
il  n'a  si  bonne  freze  au  bois, 


12883  Et  ne  raen  B.  —  12884  Mes  quen  ayez  A.  —  12895  pour  manque  B.  —  12909  Mon  chier  sire  B.  C.  — 
12923  corrundant  B.  correspundant  C.  —  12926  long  dcuis  B.  —  12938  Boutez  B.  G.  —  12941  cauequins  C.  —  12943 
noix  aux  bois  B.  C. 


SECONDE 


affin  quo  vous  l'entendez  bien  ; 
1Î945  si  ne  veistes  aujourd'uy  cliieu 
qui  le  donnast  pas  a  sa  niero. 

ABACUT 

Il  fnult  qu'il  y  aist  grant  misterc 
en  lu  puissance  do  Jhesus, 
dont  nous  sont  tant  de  bions  venus 
129J0  cy  en  secret  et  en  couvert  : 

nous  sommes  en  ung  lieu  désert 
et  si  n'y  a  ne  pain  ne  paste. 

MOAB 

Mes  d'où  sont  sailli  si  en  hasto 
telz  vivres  a  grand  habondance? 
AiimoN 
12^5  II  n'est  qui  en  aist  congnoissance, 
se  ce  n'est  Jhesus  seulement. 

TUBAL 

Avoit  il  fait  preparenieut 

de  ces  biens  pour  nostre  repas  ? 

CELIUS 

Nennil,  car  il  ne  s^avoit  pas 
1Î960  nostre  venue  en  ce  paity, 
mes  qui  plus  est,  il  est  party 
avec  nous  sans  aucun  obstacle. 

ABACUT 

Il  fault  dire  que  c'est  miracle 
le  plus  noble  a  tous  vrays  sentans 
JS965  qui  fut  monstre  passé  cent  ans  : 
mercions  en  Dieu,  mes  amis. 

SALMANAZAR 

N'a  guère  estoie  tant  famis 
que  plus  n'en  pouoie  sans  mort, 
mes  viengnc  donc  qui  peust  :  au  fort, 
18970  puisque  j'ay  ma  panse  fournye, 
il  ne  m'en  chault. 

JUDAS 

Quel  chère? 

NEMBROTH 

Lye: 

nous  buvons  et  mangons  très  bien . 

JIDAS 

A  bon  droit  :  il  ne  couste  rien  ; 
armez  vous  bien  pour  la  froidure, 
12975  je  le  conseille. 

SALMANAZAR 

Tant  qu'il  dure, 
nous  ne  nous  faindrons,  n'en  doublez. 

JHESUS 

Or  ça,  mes  chers  frères,  ostez 
de  ces  vivres  le  résidu  ; 
affin  que  riens  no  soit  pardu, 


JOURNEE 

12980 


109 


12985 


12990 


12995 


13000 


13005 


13010 


13015 


13020 


pensez  de  mettre  tout  a  point. 

8.    PIERRE 

Aussi  nous  ne  le  perdrons  point, 
car  ce  scioit  chose  honteuse 
que  viande  si  précieuse 
et  par  si  noble  fait  venue 
ne  fust  chèrement  retenue, 
car  les  reliques  y  sont  grandes. 

s.    ANDRY 

Nous  avons  trouve  douze  mandes 
pour  bouter  ce  qui  demourra. 

S.    PHELIPE 

Je  ne  sçay  se  tout  y  pourra, 
car  les  biens  sont  fort  plantureux 
qui  sont  demeurés  devant  eulx  ; 
ça,  fi'eres,  or  nou?  abrégeons. 

ABACUT 

Jhesus,  nous  vous  remercions 
des  biens  haultement  apprestés 
que  nous  avez  icy  prestes, 
car  grant  besoing  nous  en  avions. 

CELIUS 

Pour  ce  que  nous  rccongnoissons 
la  grant  vertu  que  vous  portez, 
Jhesus,  nous  vous  remercions 
des  biens  haultement  apprestés. 

JHESUS 

En  samblables  afflictions 
vos  cueui's  par  fermes  volantes 
en  Dieu  de  parfait  veil  entez, 
et  vous  arez  provisions. 

TUBAL 

Jhesus,  nous  vous  remercions 
des  biens  haultement  apprestés 
que  nous  avez  icy  prestes, 
car  grand  besoing  nous  en  avions. 

s.    SIMON 

Très  cher  sire,  nous  revenons 
d'accomplir  vostre  veil  errant  ; 
nous  avons  pris  le  demeurant 
des  viandes  cy  assemblées  : 
mes  douze  mandes  bien  comblées, 
nous  en  avons  ja  raporté. 

JHESUS 

Louée  en  soit  la  majesté 
de  Dieu,  mon  porc  de  lassus  ! 
Mes  frères,  tirons  nous  en  sus 
de  ce  peuple  sans  demeurée  ; 
allons  nous  en  vers  Cesaree 
la  parole  Dieu  anoncer. 


12909  il  peust  B.  G.  —  12U88  tous  eus  qui  vouldra  B.  C.  —  12990  sumptueux  B.  G.  —  13011  pris  maiique  B. 


170 


MISTERE   DE   LA    PASSION 


s.    PIERRK 

n  est  temps  de' nous  avancer, 

se  mcshuy  y  voulons  contendre. 
Jcy  se  part  Jhesus  et  ses  disciples   et  laisse  le 
peuple  qui  s'en  ta  d'autre  costé. 


RUBEN 

Mes  seigneurs,  je  ne  sçay  entendre 
le  fait  au  vray  de  ce  Jhesus 
13025  qui  présentement  a  repus 

plus  de  cinq  mille  hommes  ensemble 
de  cinq  pains  sans  plus. 

NEPTALIN 

Il  nie  samble 
que  c'est  ung  signe  bien  terrible  ; 
mes  comment  est  cecy  possible, 
13030  je  n'en  sçay  riens  quant  a  ma  part. 

SALMANAZAR 

Seroit  ce  point  par  mauvais  art? 
aussi  de  tout  fault  demander. 

TUBAL 

Le  vray  Dieu  me  veille  garder 
d'avoir  tel  mauvaise  pensée  ; 
13035  mes  croy  fermement  en  pensée 
que  c'est  par  miracle  haultain 
venant  de  Dieu. 

CELIUS 

11  est  certain  : 
c'est  tout  bonté  que  de  son  fait 
et  tant  de  belles  oeuvres  fait 
13040  qu'il  convient  dire  eu  somme  faicto 
que  c'est  le  souverain  prophète 
promis  en  la  loy  des  Juifz. 

GEDEON 

Ainsi  le  croy. 

ABIAS 

Autel  vous  dis  : 
j'y  ay  mon  espérance  toute. 

MANASSES 

13045  C'est  le  vray  Cristus. 

ABACUT 

Point  n'en  doubte, 
toute  ma  foy  y  est  tournée. 


JHESUS 

Frères,  passé  mainte  journée 


presché  et  baptizé  avez 
par  quoy  des  nouvelles  sçavoz: 
13050  que  dient  les  hommes  de  moy 
et  qui  je  suis  ? 

s.    JEHAN 

Hz  ont  en  soy 
grand  diversité  sur  ce  cas  : 
les  ungz  vous  dient  Helias, 
aultres  vous  dient  Jheremie, 
13055  les  aultres  que  de  mort  a  vie 
Jehan  Baptiste  est  ressuscité 
et  soutiennent  pour  vérité 
que  o'estes  vous  et  aultre  non. 

JHESUS 

Et  quel  est  vostre  oppiniou 
13000  do  moy  ?  de  quel  part  suis  je  yssus  ? 
qu'en  dites  vous  ? 

s.    PIERRE 

Tu  es  Cristus, 
la  vray  filz  de  Dieu  le  vivant  ; 
ainsi  le  portons  en  avant 
et  nul  de  nous  aultre  foy  n'a. 

JHESUS 

13065  Benois  es,  Simon  Barjona  ; 

la  char  et  sang  qu'en  toy  repose 
ne  t'a  pas  revellé.tel  chose 
que  de  deité  soie  yssus, 
mes  Dieu,  mon  père  de  lassus, 

13070  si  te  l'a  revellé  grant  erre  ; 
et  je  te  dis  que  tu  es  Pierre, 
et  sur  ceste  pierre  feray 
mon  église  et  edifiray, 
laquelle  les  portes  d'enffer 

13075  ne  pouri'ont  vaincre  ne  grever, 
et  te  donray  pour  valoir  mieulx 
la  clef  du  royaulme  des  cieulx, 
et  si  ne  veil  pas  oublier 
que  ce  que  tu  vouldi^s  lyer 

13080  en  terre,  sentence  sera 
qu'au  ciel  lyé  se  trouvera, 
et  tant  que  deslier  vouldras 
ou  de  la  sentence  absoudras, 
de  la  clef  aras  pouoir  tel 

13085   qu'il  sera  deslié  ou  ciel, 

tant  sera  ton  pouoir  haultain. 

S.    BERTHELEMY 

Sire,  nous  sommes  tout  certain 
que  tu  n'es  Moyse  n'Helie, 
mes  plus;  car  ta  vertu  nous  lye 
13090   que  tu  es  Cristus  propi'ement. 


13027  De  cinq  pains  et  de  deux  poissons  Sans  plus  C.  —  13037-4â  maiiqueht  G.  —  13061  S.  P.  Qui  en  double 
tu  es  cristus  B.  C.  —  13068  Mais  de  dieu  seul  las  peu  conquerre  B.  C.  —  13069-70  manquent  B.  C.  —  13079  quanque 
B.  C.  —  13081  Ou  ciel  A.  Et  ou  B. 


SECONDE  JOURNEE 


171 


JHE8UR 

Enffans,  vous  i)arlez  sagoment, 
mes  mou  vouloir  pas  ue  cousoime 
que  vous  eu  touchez  a  pai'sonno 
jusqucs  a  mig  temps  qui  vendra. 

ISOK)  Uriefmcnt  aller  uiVîn  convendra 
eu  .Iherusalem  moy  oflrir 
a  peines  et  touruicus  souffrir 
par  scribes  et  pharisiens, 
qui  trouveront  cruelz  moyens 

13100  de  moy  mettre  a  terrible  mort; 
et  non  obstant  tout  leur  effort, 
au  tiei-s  jour  ressusciteray. 

s.  PIERRE 

Sire,  cecy  ne  soit  pas  vray, 
jamès  tel  douleur  ne  t'adviengne, 
13105  que  la  siuagoguo  te  tieugne 
quand  la  mort  dessorvye  u'as  ; 
a  quoy  cecy  ? 

JHESUS 

Va,   Sathanas, 
après  moy,  tu  os  mon  esclandre  : 
ton  entendement  ne  demande 

13110   que  les  terriennes  doctrines 
et  vcult  ignorer  les  divines. 
Qui  veult  venir  a  voye  active 
ny<!  soy  mesmes  et  nie  suyvo 
]iortant  sa  croix  et  passion 

13H5  en  peine  et  persécution; 
qui  son  ame  trop  amera 
en  la  fin  il  la  perdera, 
et  qui  pour  moy  l'ara  pardue 
en  gloire  luy  sera  rendue. 

13120  Le  filz  de  l'homme  est  a  venir 
en  fin  pour  jugement  tenir 
et  ses  angles  en  sa  présence, 
et  lors  par  terrible  sentence 
vouldra  bons  et  mauvais  payer 

13125  ung  chacun  selonc  son  loyer. 

Chacun  note  en  son  cuer  ces  ditz, 
et  certainement  je  vous  dis 
que  des  assistans  aucuns  sont 
qui  de  la  mort  ne  goustei'ont 

13130   tant  qu'ilz  voient  le  filz  do  l'hommo 
venir  en  son  règne,  si  comme 
sa  majesté  le  monstrera. 


ANUALU8 

Siro  roy,  merveille  advendra 
se  ce  Jhcsus  longuement  rcgue  : 

13135  il  convertit  tout  vostre  règne 
par  ses  pai'oles  vertueuses 
et  fait  oeuvres  tant  merveilleuses 
que  cueur  ne  pourroit  reciter, 
comme  de  mors  ressusciter, 

13140  saner  boiteux,  paralitiques, 

aveugles,  contraictz,  ydropiques  ; 
brief  il  fait  oeuvre  non  pareille. 

HERODE 

J'en  os  tant  parler  que  merveille  ; 
si  sceussc  volentiers  que  c'est. 
13145  Que  dient  les  gens  qui  il  est, 
ce  Jhesus  ? 

ANDALU8 

Plusieurs  ont  tenu 
que  c'est  Helie  revenu  ; 
les  aultres  n'y  consentent  mye, 
mes  dient  que  c'est  Jheremie 
13150  ou  ung  des  prophètes  anciens, 
qu'ainsi  trait  le  peuple  des  siens  ; 
aultres  dient,  hommes  et  femmes, 
que  c'est  Jehan  Baptiste  mesmes 
qui  est  yssus  de  son  tombeau. 

HERODE 

131K  Cela  est  menty  bien  et  beau  : 
je  mesmes  l'ay  fait  decoler, 
par  quoy  jamès  n'en  fault  parler. 
Mes  quoiqu'il  soit,  cest  homme  saint 
qu'en  soy  tant  de  vertus  empraint, 

13160  si  volontiers  ne  mengeroie 

que  par  devant  moy  le  verroie 
pour  la  grant  famé  qui  en  court. 

ROUIQON 

Espoir  qu'il  vendra  a  la  court 
quelque  temps,  lors  le  pourrez  voir. 


JHBSUS 

13165  Je  vouldray  compaignie  avoir 
pour  aler  en  certain  affaire 
en  lieu  secret  ou  j'ay  a  faire  : 
Pierre  et  vous,  Jehan,  vous  y  vendrez, 
et.  Jaques,  aussi  me  tendrez 

13170  compaignie  pour  une  espace, 
elle  seurplus  en  ceste  place 
attendera  uostre  retour. 


13100  en  terrible  A.  —  13113  Preijrne  C.  —  13129  cousteront  B.  —  13136  Pour  ses  B.  —  13138  les  scet  B.  —  13151 
Qui  lire  le  peuple  <iez  sciens  A.  Quainsi  tout  le  peuple  des  sciens  B.  —  13152  Aucuns  B.  manque  C.  —  13156  Moy 
Mesmes  A.  —  13163  vendra  il  B.  C.   —  13167  manque  B.  —  13172  Attendra  A.  B.  G. 


172 


MISTER.E   DE   LA  PASSION 


s.   PIERRE 

Nous  sommes  ja  mis  en  atour 
pour  vous  suivi r  par  tous  sentiers. 

JHESUS 

13175  Or  cheminons,  mes  amis  chiers, 
tandis  que  nous  avons  loisir  ; 
si  pouez,  clerement  clioisir 
Tiiabor,  la  puissante  montaigne  : 
montons  dessus,  nul  ne  s'y  faigne  ; 

13180  je  m'y  veil  aller  déporter. 

s.    PIERRE 

C'est  grand  peine  de  crupeter 
montaigne  de  si  grosse  masse. 

s.    JEHAN 

A  pèlerins  tout  plains  de  lasse, 
mal  chaussés  pour  peine  éviter, 
13185  c'est  ung  grant  traveil  a  porter. 

s.    JAQUES  ZEBEDEY 

Le  cueur  fait  l'homme  suppoitei' 
quand  joyeusement  se  repasse, 
mes  quand  desplaisant  on  y  passe 
c'est  grand  peine  d'ainsi  monter 
13190  montaigne  de  si  grosse  masse. 

JHE5US 

Tant  avons  penc,  la  Dieu  grâce, 

que  le  plus  hault  avons  saisy. 

Veez  cy  le  lieu  que  j'ay  choisy, 

mes  amis,  pour  vous  informer 
13193  d'aucun  point  qui  peust  conformer 

la  foy  que  vous  avez  en  moy  : 

tenez  vous  en  ce  lieu  tout  quoy, 

et  de  chose  que  vous  voyez 

trop  esbayssans  ne  soyez  ; 
13200  mes  regardez  dévotement 

l'admii'able  contenement 

que  tantost  me  verrez  sortir. 
Icy  doivent  venir  tes  habiz  de  Jhesus  blans  et 
sa    face   resplendissante    comme    d'or,    et 
doivent  estre  Moyse  et  Helie  devant  Jhesvs. 

s.     PIERRE 

Frères,  je  ne  m'ose  partir 
pour  la  merveille  que  je  vois. 

s.  JEHAN 

13203  Veez  cy  de  beaulté  le  droit  chois, 
veez  cy  de  liesse  l'eslite  ; 
si  très  plaisamment  y  habite 
qu'il  n'est  ennoy  qui  me  mefface. 

,  s.    JA  :UES  ZEBEDEY 

Mes  frères,  regardez  la  face 
13210  de  nostre  maistre  clarissant  : 
onques  soleil  resplendissant 


plus  clerement  ne  resplendy. 

s.    JEHAN 

C'est  ung  paradis  assouvy, 
une  gloire  excellant  et  plaine 
13215  de  voir  sa  doulce  face  humaine 
passant  le  soleil  eu  lueur. 

s.    PIERRE 

Ses  habis  ont  changé  couleur: 
maintenant  sont  de  tel  samblance 
qu'oncques  nege  ne  fut  plus  blanche, 

13220  tant  sont  beaux  et  délicieux. 
HELIE,  prophète. 
Filz  de  Dieu  hault  et  précieux, 
paix  soit  a  vous,  honneur  et  gloire. 

MOYSE,  prophète. 
Puissance,  excellance  et  victoire 
soit  a  vostre  corps  glorieux, 

13225  filz  de  Dieu  hault  et  précieux. 

JHESUS 

Helie,  servant  curieux, 
Moyse,  légiste  notoire, 
bien  venez  en  ceste  oratoire 
approuver  nos  faiz  vertueux. 

HELIE 

13230  Pour  veoir  vostre  atour  gi'acieux, 
sertissons  ce  lieu  peremptoire. 

MOYSE 

Filz  de  Dieu  hault  et  précieux, 
paix  soit  a  vous,  honneur  et  gloire. 
Vos  povres  amis 
13235         qu'en  enffer  sont  mis 
forment  vous  désirent, 
plaindent  et  souspirent 
qu'ainsi  sont  submis 
a  leurs  ennemis 
13240         qui  les  vous  fortirent  ; 
pas  ne  les  martirent, 
seulement  les  tirent 
en  lieux  ténébreux  ; 
la  font  plains  piteux, 
13243         forment  désireux 

qu'enfin  vous  remirent  ; 
oncques  ne  choisirent 
jour  si  beneurcux. 
0  journée  très  désirée, 
13850  bien  adjournee  et  beneuree 
pour  les  humains, 
quand  nous  seras  tu  préparée, 
que  la  coulpe  soit  repparee 
dont  valons  mains  ? 
13255  en  pleurs  et  plains 


13181  graoïper  C.  —  13182-13293  manquent  C.  feuillet   déchiré.  —  13193  Daucun  fait  pour  vous  B.  --  13202  Icy 
se  transfigure  Jhesus  A.  —  13222  ou  vous  B.  —  13223  excellente  B. 


SECONDE  JOURNEE 


173 


(le  (louleur  plains, 
tant  gcniist  la  povro  assemblée 
et  n'en  pcust  estre  desscmblce, 

dont  je  me  pleins. 
13260       Or  ont  oy  doiilce  nouvelle 
do  la  très  precellent  pucclle 

qui  t'a  porté  : 
Saint  Siiueon  le  nous  rcvello, 
saint  Jehan  Baptiste  ne  lo  celle, 
13265  ains  a  ditté 

pour  vérité 

qu'il  a  getté 
la  très  jmrc  caue  et  naturelle 
à  baptizer  ta  char  nouvelle 
13270  d'humanité. 

IlELIE 

()  parfaicte  bénignité, 
com  passion  dure  et  amero 
•  ara  celle  saintisme  merc 
quand  pourra  voir 
13275  la  i)reciouse  char  et  clerc 
endurer  martire  et  misère 
pour  nous  ravoir  ; 
et  doit  pour  voir 
tout  cueur  sçavoir 
1,18280  que  l'esci'ipture  considère 

que  la  mort  sera  très  austère 
a  l'ccevoir. 
Tu  souffreras  peine  excessive, 
la  plus  dure  et  penetrative 
85  qu'oncques  homme  mortel  porta  ; 
envie  en  sera  prnmotivc, 

Iet  ire  la  judieativo 
en  qui  trop  petit  déport  a, 
Et  ne  cessera 
13290        jusqu'elle  t'ara 
livré  a  oultrance 
en  haulte  halance 
de  la  croix,  arbre  de  puissance, 
qui  tout  nostre  salut  fera. 

JHESIÎS 

13205  Sur  mon  corps  aocomply  sera 

ktout  ce  que  las  prophètes  sains, 
de  foy  et  d'espérance  sains, 
ont  adnoncé  de  ma  venue; 
la  promesse  sera  tenue 
13300  que  mon  pero  aux  humains  a  faicte. 

s.    JEHAN 

Vecz  cy  une  gloire  pnrlaicte 
ou  toute  lyesse  est  hantant. 


s     PIBRBE 

Siie,  ce  lieu  ci  nous  plaist  tant 
que  jamès  n'en  voulons  pni-tir; 

13305  se  vous  lo  voulez  consentir, 
jamès  ne  nous  en  l)ougeroiw  ; 
trois  tal)ernacles  y  ferons, 
l'ung  poiu'  vous,  l'aultrc  pour  Moyso, 
et  le  tiers  tendra  sa  pourpiisc 

13310  pour  Hclie  dedans  tenir. 

Ici/ vient  une  nuée  couvrir  la  montaigne. 

s.    .)AQUE.S   ZEBEDEY 

Frères,  regardez  cy  venir 
la  clere  nueo  qui  s'euvre 
et  toute  la  montigne  cueuvre 
et  l'enlumine  par  vertus. 

[SiLEtE.] 
DIEU   LE    PERE 

Hic  est  filius  meus  dilectus 
in  quo  michi  bene  complacui ; 
c'est  cy  mon  fllz,  le  bien  amé  Cristus 
qui  bien  me  plaist,  ma  puissance  est  en  ly, 

et  commande  qu'il  soit  oy 
13320  en  honneur  et  grant  reverance. 

s.    PIERRE 

0  quel  merveilleuse  éloquence  ! 
do  crainte  no  sçay  quo  je  face  : 
il  me  convient  choir  sur  ma  face 
par  force  d'esbayssement. 

s.    JAQUES   ZEBEDEY 

13325  Et  raoy  aussi  pareillement  : 
je  pers  sens  et  ma  force  toute. 

/  y  prennent  congié  reveramment  les  deux  pro- 
phètes sans  parler  et  s'en  xa  Moysa  ou 
limbe  et  Helye  autre  part  ;  et  lors  vient 
Jhesus  touchier  ses  appostres, 

JHESUS 

Levez  sus,  enffans,  n'ayez  doubte  : 
temps  est  que  nous  fas.sons  départ. 

s.    PIERRE 

Je  regarde  de  part  en  part, 
13330  mes  je  ne  voy  ame  en  cost  estre 

fors  vous  seulement,  nosti'e  maisti'e. 
Ou  sont  les  prophètes  tournés  ? 

JHESUS 

Hz  sont  en  leura  lieux  retournés  ; 
sus  !  frères,  ame  ne  se  faigne 
13335  do  devaller  ceste  montaigne 

qui  est  bien  pénible  et  bien  grande. 
Or,  mes  amis,  je  vous  commande 
que  la  vision  advenue 


13259  Je  les  plains  B.  —  13261  très  manque  B.  —  13268  très  man'/KC  A.  B.  —  132S1  m<iH7U«  B.  —  13286  primi- 
tiiie  A.  —  13297  et  de  loyaulle  lî.  C.  —  13300  man'/uo  A.  —  13302  chantant  B.  —  13316  coinplaïuit  B.  C—  13326  /cy 
s'absconce  Moysc  et  Ilclie,  et  Jhesus  en  ses  habits  j  remicr:  dist  A. 


174 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


soit  secret  en  vos  cueiirs  tenue; 
13340  ne  la  déclarez  ja  en  sommé 

jusqu'à  ce  que  le  filz  de  l'homme 
sera  ressuscité  de  mort. 

s.    JEHAN 

Sire,  vérité  nous  remort 
de  confesser'  pour  ce  mistere 
13345  que  filz  estes  de  Dieu  le  père, 
et  de  la  haulte  advision 
jamès  ne  ferons  mencion, 
se  de  vostre  vouloir  ne  vient. 

JHESUS 

Mes  amis,  aller  nous  convient 
13350  en  Jhei'usalcm  besongner 

pour  tousjours  le  peuple  enseigner 
et  tii'er  a  paît  de  salu. 


s.    THOMAS 

Nostre  maistre  s'est  bien  voulu 
muscer  de  nous,  comme  j'entens  ; 
13355  plusieurs  ne  sont  pas  bien  contens, 
je  ne  sçay  pour  quel  aohoison. 

JUDAS 

Aussi  n'a  il  point  de  raison  : 
il  en  a  prius  trois  a  sa  poste 
et  nous  peust  sambler  qu'il  nous  oste 
13360  affin  que  ne  voyons  ses  signes  ; 

mes  a  quoy  sijnt  ces  trois  plus  dignes 
que  nous  ?  n'y  a  cil  en  tout  bien 
de  nous  qui  ne  les  vaille  bien  ? 
et  samble  qu'on  nous  fait  injure. 

s.   JAQUES  ZEBEDEY 

133œ  N'ayez  pas  contre  nous  murmure  ; 
nostre  maistre  scet  bien  qu'il  fait, 
et  n'a  point  de  faulte  en  son  fait 
dont  arguer  nous  le  devons. 

s.    PIERRE 

Mes  frères,  que  targer  n'avons  : 
13370  nostre  maistre  est  tout  au  plus  près 
du  temple. 

s.    ANDRY 

Or  allons  donc  après, 
Je  voy  foison  do  peuple  ensemble, 
qui  a  sa  venue  s'assemble 
oir  sa  predicacion. 


JHESUS 

13375  Oste  la  malédiction, 

peuple,  qui  en  toy  s'enrracine; 
prens  la  très  sainte  médecine 
qui  se  fait  nommer  penitance,         , 
car  le  règne  do  Dieu  s'advance,      ' 

13380  comme  dit  saint  Jehan  au  désert  ;  ''; 
cil  qui  Dieu  de  tout  son  cueur  sert 
et  en  sa  loy  est  bien  instruyt, 
ne  peust  qu'il  ne  face  bon  fruit, 
et  le  fruit  qui  en  sourdera 

13385  au  règne  divin  trouvera. 
Pharisiens,  durs  ypocrites, 
les  lois  des  prophètes  escriptes 
preschez  a  la  gent  populaire  ; 
de  quoy  vous  ne  voulez  rien  faire  ; 

13390  fardeaux  leur  sçavez  apprester,' 
dont  vous  ne  voulez  rien  porter  ; 
très  bien  sçavez  vous  regarder 
aux  cerimonies  garder 
qui  sont  grosses  et  corporelles, 

13395  mes  les  loys  espirituelles 

sont  en  vous  faillies  et  mortes  ; 
le  monde  servez  et  ses  sortes 
et  de  Dieu  servir  ne  vous  tient  ; 
par  dehors  vostre  corps  maintient 

13400  signe  de  penitance  dure, 

et  par  dedans  c'est  tout  ordure, 
et  comme  ung  monument  pai'c 
par  dehors  de  beau  drap  doré 
et  par  dedens  pert  la  cliarongne. 

13105  Ypocristes,  ceste  besongnc 
en  la  fin  vous  decepvera 
et  chacun  en  recepvera 
de  tel  déserte  tel  salaire. 


JHEROBOAN,  premier  pharisien. 
Seigneurs,  grandement  doit  desplaire 

13410  aux  scribes  et  pharisiens 
et  brief  a  tous  les  citoiens 
contenus  en  la  sinagogue 
le  despit  et  mauvais  prologue 
que  ce  Jhesus  fait  sans  séjour 

13415  On  voit  que  de  nuit  et  de  jour 
il  blasmc  nostre  loy  haultaine, 
et  samble  qu'il  ait  pi-is  ataine 
de  destruire  nostre  oi-donnance, 
et  croy  que  s'il  avoit  puissance 


io^A^^?  '^"''''''  '^•^  ^^^^  ^*  sembler  A.-  13371  donc  mangue  A.-  13388  r'resnhier  B.-  13393  O  vot  seigneuries  C- 
13*03  de  drap  prépare  A.  -  13411  Et  briefment  a  tons  citoyens  B.-  13414  sans  science  B.'-  13ilU  croy  Manque  A, 


SECONDE    JOURNEE 


170 


13*80  volentiei's  la  voiiUist  emblor. 
Si  fust  bon  de  nous  assoniblcr 
jjour  traictier  de  ceste  matière, 
affin  de  trouver  la  manière 
que  le  peuple  eu  fust  doposché. 
MARnocEUS,  deuxième  pharisien. 
iMïj  Nous  en  sommes  tant  erapesché 

briefment  que  je  n'en  sçay  que  dire. 
11  ne  scet  parler  sans  mesdins 
de  nostrc  appareil  suffisant; 
luy  qui  est  povre  homme  et  nieschant, 
13430  connnont  a  hardemcnt  en  soy 
de  blasmer  princes  de  la  loy, 
les  présidons  et  les  docteurs, 
gouvernans  et  législateurs 
en  qui  tant  de  sons  se  compront  ? 
NAASON,  troisième  pharisien. 
13435  C'est  folie  qui  le  surprent 
et  qui  en  fin  le  trompera 
par  la  mort  qui  Tatrapiiera 
a  dueil  et  a  conflusion. 

ELUCHIN,  quatrième  pharisien. 
C'est  une  malédiction 
134'i0  qui  temprement  luy  courra  sus 
se  nous  en  venons  au  dessus, 
et  ouy,  combien  qu'il  demeure, 
je  me  doubto  bien  qu'il  n'en  meuie 
en  finalle  conclusion. 

BANANIAS,  cinquième  pharisien. 
13445  Pouoit  il  trouver  action 

plus  briofve  pour  le  depescher 
que  do  nos  cditz  empeschcr 
et  la  guerre  a  nous  entreprendre  ? 
Pire  party  no  pouoit  prendre 
13450  car  se  sa  cause  est  assortie, 
nous  serons  juges  et  partie 
pour  traictier  sa  mort,  s'il  le  fault. 
JOATHAN,  sixième  pharisien. 
Mes  encor  le  plus  grand  dcffault 
que  je  sache  et  qui  plus  luo  picque, 
13455  c'est  qu'il  nous  reprend  en  publique 
si  tost  que  nous  sommes  venu, 
et  tantost  le  peuple  menu 
qui  croit  bien  de  legior  et  trop 
nous  on  prise  de  moins  boaucop  ; 
\  13460  s'est  nostre  honneur  mendre  tenue 
NACHOR,  septième  phirisien. 
Pis  y  a  :  nostre  revenue 
en  diminue  et  nostre  avoir; 


car  jadis  nous  soullions  avoir, 
nous  I'hari.siens,  la  cryeo 
13405  d'estre  sainte  gent  et  riglee, 
de  faire  jeusnes,  abstinences, 
devocions,  obédiences, 
do  tomr  la  loy  au  destroit, 
et  aiiLsi  chacun  ministroit 
13470  offrandes  largement  au  temple  ; 
chacun  prenoit  sur  nous  exemple, 
nous  estions  appelés  seigneui-s 
et  avions  les  pi-emiers  honneur»  ; 
et  or  par  ceste  homme  mauldit 
13175  nostre  fait  est  comme  interdit  : 

chacun  le  suit,  chacun  l'honneurc, 
tout  luy  vient,  riens  ne  nous  demeure, 
tout  le  peuple  luy  -fait  grant  chiere 
et  nous  sonmies  mis  en  derrière  : 
13480  il  cure  et  sanc  hauit  et  bas 

et  fraint  nos  loys  et  nos  sabas  : 
encor  n'en  osons  nous  parler, 
car  qui  l'en  vouldroit  mutiller, 
nous  serions  tantost  assailly, 
13485  car  il  a  le  peuple  pour  ly 
qui  est  totalement  séduit. 

NATHAN,  huitième  pharisien. 
Se  nostre  exploit  bien  se  conduit 
et  sommes  tous  d'une  alliance, 
il  est  bien  eu  nostre  puissance 
13490  de  luy  rabaissier  son  oultrage  ; 
et  l'en  voit  aussi  par  usage 
telz  séducteurs  régner  ung  temps, 
soit  quatre,  cinq,  six  ou  sept  ans  ; 
mes  enfin  vient  justice  vraye 
13495  qui  de  leurs  désertes  les  paye, 
et  vient  en  temps  et  en  saison 
leur  maléfice  a  marrison; 
et  croy  qu'ainsi  luy  eu  vendra. 
JACOB,  premier  scribe. 
Croyez  qu'a  uous  pas  no  tendra  : 
13500  n'a  cil  de  nous  qui  ne  s'emploie 
de  trouver  moyen  qu'en  le  ploie 
a  martyre  et  a  passion  ; 
laissans  toute  occupacion 
qui  nous  en  pourroit  retarder. 

JHEROBOAN 

13505  Vous  estes  tenus  de  garder 

la  loy,  ung  chacun  en  droit  soy  ; 
vous  estes  scribes  de  la  loy  : 
emploier  vous  y  devez  tous, 
car  il  vous  touche  comme  a  nous. 


13423  tout  C—  1343Ï  les  discuteUis  G.—  13433  Conducteurs  et  C—  13442  Et  ojlB  combien  quil  diffère  B.C.—  13443 
infère  B.  G.—  13444tres  mauuaise  B.  C—  13450  se  manqite  C— 13461  II  y  a  pis  C  —  13469  nous  donnait  C— 13471  a 
neus  B.  C— 13479  aU  derrière  B.—  13497  Tout  leur  maléfice  a  raison  A.—  13500  qui  seinploye  A.—  13503  Laissons  V. 


176 

13510 


MISTERE    DE    LA    PASSION 


13520 


13525 


et  comparez  ses  maléfices. 

JORRAN,  deuxième  scribe. 
Mes  plus,  car  par  luy  nos  offices 
eu  vallent  moins  la  quarte  part  : 
le  peuple  do  nous  se  deppart 
pour  suivir  ce  raeschant  infâme, 
13515  et  se  ne  fust  crainte,  il  n'est  arae 
qui  ne  laissist  nos  drois  aller 
pour  le  suivir. 

MARDOCEUS 

A  brief  parler 
tout  la  sinagogue  s'en  sent, 
et  n'y  en  a  pas  ung  de  cent 
qui  ne  soit  séduit  par  ce  point, 
et  cncor  je  no  doubte  point 
qu'il  n'empire  de  jour  en  jour, 
car  il  s'efforce  sans  séjour 
de  nos  subgetz  traire  et  séduire  : 
a  brief,  il  nous  le  fault  destruire, 
ou  tout  nostre  fait  ne  vault  rien. 
YSACAR,  troisième  s.ribe. 
Mes  soigneurs,  vous  dittes  très  bien 
et  notalilement  proposez  ; 
mes  les  moyens  pas  n'exposez 

13530  de  venir  a  nostre  querelle  : 
pour  fournir  une  chose  telle, 
est  bien  requis  ung  grant  conseil. 
Cest  homme  cy  est  non  pareil  : 
au  peuple  beaux  documcns  donne, 

13535  et  quoy  qu'il  soit  de  sa  personne, 
il  fait  merveileuses  verlus  : 
il  redrosse  clops  et  tortus, 
paralitiques  médecine, 
les  gens  aveugles  enlumine  ; 

135'.0  plus  fort  :  aucuns  font  leurs  recors 
qu'il  a  ressuscite  les  mors  ; 
briefvoment  il  n'est  mal  si  grief 
qu'il  ne  garisse  tost  et  brief. 
Or  voit  ceste  oeuvre  ncmpareille 

13545  le  peuple,  et  la  tient  a  meiA'cille, 
et  bien  l'ayme  et  pour  saint  le  tient 
pour  le  grant  bien  qu'il  en  l'etient  : 
cai'  l'homme,  s'il  n'est  imparfait, 
doit  amer  cil  qui  bien  luy  fait  ; 

13550  et  donc  se  le  peuple  apparçoit 
que  de  par  nous  la  mort  reçoit 
sans  tiltre,  sans  discussion,  ' 

sans  tesmoingz,  sans  probacion, 
mendre  bien  de  nous  en  tendra. 


13555 


13560 


NAASON 

Voire,  ou  peust  estre  le  vouldra 
délivrer  de  fait  ou  de  force, 
et  se  leur  puissance  s'efforce 
nous  le  pourrons  bien  comparer 
tant  qu'on  ne  pourroit  reparer 
le  dommage  qui  en  vendroit. 

ELÏACHIN 

Naason,  vous  parlez  a  bon  droit, 
car  le  peuple  est  sedicieux, 
si  n'est  pas  le  fait  gracieux 
de  celuy  qu'ung  commun  encharge  ; 
13565  et  pourtant  il  fault  trouver  charge 
sur  ce  Jhesus  et  mortel  vice, 
et  puis  le  livrer  a  justice, 
et  lors  n'y  vauldra  l'opposer. 

BANANIAS 

L'en  ne  sçaroit  mieulx  proposer  : 
13.570  Elyachin,  je  vous  enssuis. 

JOATHAN 

De  vostre  querelle  je  suis, 

ou  ne  trouve  point  qui  mieulx  die, 

NACHOR 

11  n'est  ame  qui  vous  desdie, 
chacun  l'accorde  comme  vous. 

ELIACHIN 

13575   Or  regardons  donc  entre  nous  ; 
s'il  est  qu'il  le  faille  juger 
de  quoy  le  pourrons  nous  charger  ? 
icy  gist  la  difficulté  : 
de  quoy  peust  il  estre  noté 

13580  pour  le  bien  vivement  attaindre  ? 

NATHAN 

Cela  ne  nous  fault  il  pas  craindre, 
nous  avons  des  filtres  foison  : 
tout  premier  par  une  raison, 
car  il  est  sceu  qu'en  plusieurs  pas 

1S85  il  a  commis  plusieurs  ti-espas 
contre  la  loy  pour  la  casser, 
comme  du  saljat  transgresser 
et  y  oeuvrer,  comme  je  treuve, 
que  la  loy  deffent  et  repreuve  ; 

13590  si  peust  estre  aussi  entechés 

qu'il  veut  pardonner  les  péchés, 
par  quoy  il  ne  peust  contredire 
qu'il  se  veult  Dieu  ou  son  filz  dire, 
qui  est  blasphème  tout  appert 

13595  et  beaucop  de  venin  couvert 

qu'on  luy  pourra  lors  ramener. 


13518  sasent  A.  —  13525  et  y  nous  le  fault  A.  —  13537  tors  C.  —  13551  deux  mors  B.  —  135/i2  Brief  il  nest  pas 
mal  tant  fort  tenans  B.  C.  —  13513  Dont  il  ne  cure  tous  venans  B.  C.  —  13546-7  le  tiennent  saint  Pour  le  grant  bien 
quen  lui  remaint  C.  —  13549  cil  a  cil  B.  —  13553  tesmoignaige  B.  —  13564  quen  A.  —  13568  vendra  B.  —  13571 
Très  bien  de  vo  B.  —  13573  le  desdie  C.  —  135S3  Tous  prouuez  B.  C. 


SHCONDIC    .)()L'KNKH 


177 


YSACAR 

N'y  a  'lito  'f  pi'Pndi'o  et  mener 
et  le  faire  eu  chartre  saillir  ; 
alors  ne  pourrons  nous  faillir, 
fMÀM  car  se  n'avons  fais  criminaulx 
avaiit,  les  ferons  tous  nouveaiilx 
par  faulx  tesnioingz  ou  aultrenient, 
qu'il  ou  meure  viUaiuement 
connue  ung  faulx  meurtiier  recreu, 
|i»Oj  car  tousjours  nous  serons  creu 
ou  il  n'ara  point  d'audience. 

.IHEKOBOAN 

Uemourons  sui'  celle  sentence, 
qu'en  quoique  lieu  qu'il  soit  trouvé 
coni  homme  infâme  et  reprouvé 

f  13610  soit  admcné  en  consistoire. 

NicoDEMiîs,  pharisien. 
Seigneurs,  il  n'est  pas  bien  notoire 
que  les  moyens  qu(!  vous  queroz 
soient  par  droit  délibérés 
du  fait  de  ce  Jhesus  icy, 

[l36ij  car  posé  qu'il  fust  ore  ainsi 

qu'il  eust  plus  grans  mefl'ais  commis 
que  ceulx  que  luy  avez  sus  mis, 
la  loy  nous  d'JFent  et  remort 
de  juger  a  l'homme  sa  mort 

El3U20  ne  discuter  do  son  offence 
jusqu'il  soit  oy  en  présence, 
affiu  qu'il  soit  questionné 
et  sagement  examiné, 
car  il  est  de  droit  qu'il  rosponde, 

|l36ij  affiu  que  le  juge  se  fonde 
dessus  sa  deposicion. 
Saulve  meilleur  oppinioii, 
par  mon  conseil  soit  appoiiitié, 
avant  que  de  riens  soit  traittié 

|l3630  du  fait  de  la  mort  d'iccluy, 
qu'il  soit  premièrement  oy, 
et  peust  estre  qu'en  sa  deffence 
vous  trouverez  si  peu  d'oft'euce 
qu'a  mort  ne  l'oserez  juger. 

MARDOCEUS 

flSKSô  Tant  qu'est  de  l'oir  langager, 
nous  en  sommes  tous  endurcis  ; 
nous  contcndons  qu'il  soit  occis 
pourtant  que  nosti'e  loy  blas[)hcme. 
Nous  sçavons  très  bien,  Nicodeme, 

\VXA{)  que  le  portez  a  rccellee 

l)our  ce  qu'il  est  de  Galilée 
et  vous  estes  d(>  son  pays  ; 


vous  csU  s  prince  des  .luifz 

qui  les  esci'ii)tures  sçavez  : 
13645  cerchcz  les  bien,  vous  ne  trouvez 

que  prophète  de  cougnoissaucc 

en  Galilée  ait  prins  naissance  : 

le  pays  en  est  fortuné. 

Or  en  est  ccstuy  .Ihcsu»  né  ; 
ia(i50  si  peust  conséquence  esti'o  faicte 

qu'il  n'est  Cristus  ne  viay  prophète  : 

si  ne  s'i  fault  point  arrester. 

NAA8(JN 

J'ay  advisé  pour  le  tempter 

par  une  voye  assés  exquise  : 
136S5  nous  avons  une  femme  prise 

et  en  adultei'C  trouvée  ; 

bon  est  qu'elle  luy  soit  menée 

au  temple  voir  qu'il  en  dii-a. 

Soubtillement  respondera 
13660  s'il  évite  cesto  falacc  : 

s'il  dit  qu'elle  doit  avoir  grâce, 

il  dcsdit  la  loy  de  Judée 

qui  dit  qu'elle  soit  lapidée 

et  l'ordonne  a  perdre  la  vie  ; 
13665  s'il  dist  qu'elle  a  mort  desservyo 

ou  doit  souffrir  lapidement, 

il  se  desdit  et  se  desraent  : 

car  en  ses  sermons  no  rocordc 

que  doulceur  et  miséricorde 
13670  et  que  [litié  soit  en  vigueur, 

et  il  usera  de  rigueur 

qui  luy  sera  ung  grand  esclandre. 

ELIACHIN 

Veez  la  si  très  bonne  demande 
qu'on  ne  sçaroit  trouver  meilleure. 

IIANAMAS 

13CT5  Allons  la  fournir  de  cestc  heuie, 
tandis  qu'il  est  au  temple  assis, 
et  affiu  qu'il  soit  plus  pensis 
se  le  peuple  le  voit  conffus. 
Icy  mectent  la  fetnmc  ou  millieud'eulx  tous 
mr  la  terre,  et  dit 

NAASON 

Cher  maistiv,  oncques  repiis  ne  fus 
136S0  do  sentence  non  véritable, 

et  monstre  ta  bonté  notable 

que  tu  es  de  hault  lieu  venu. 

Sur  ung  cas  qui  est  advenu 

nous  voulons  bien  oir  ta  voix  : 
13685  ceste  fennne  icy  que  tu  vois 

a  esté  prise  en  adultère  ; 


13B97  In  tHiinr/uc  A.  —  136(W  recpu  C.  —  ISTO')  nous  to\is  A  —  ISfilfl  mciir  ou  A.  —  '3C19  uiig  lioiiiiiu'  n  mort  A.  -- 
l'rf()35  de  1h  loy  lengaiger  C.  —  13645  trouuere)!  U.  C.  —  13656  dadultere  achoiaonuee  B.  C.  —  13686-87  aduUaire  Or 
nous  voult  moyse  escripre  U.  G. 

Pas.  12 


178  MISTERE   DE 

or  nous  dist  Moyse  et  dcclcro 
en  la  loy  qui  fait  a  garder 
que  telz  gens  devons  lapider  ; 
i3690  mes  avant  l'execucion 

nous  pussions  bien  devocion 
d'en  ouir  ce  qu'il  vous  on  samble, 
car  nous  congnoissons  tous  ensemble 
que  vous  estes  sage  et  soubtil. 
Icij  escript  Jhesus  en  terre  de  son  doit. 

JOATHAN 

13095  Mes  quelle  oppinion  prent  il 
d'escripre  de  son  doit  a  terre  ? 

NACHOR 

Je  n'y  sçay  apparence  querre  : 
dont  vient  ryniaginacion  ? 
Maistre,  saulvez  la  question 
13700  que  ce  seigneur  vous  a  touché. 

JHESUS 

Cil  de  vous  qui  est  sans  péché 
et  sans  faulte  viengnc  bon  erro 
et  gette  la  première  pierre  : 
autre  sentence  je  n'y  couche. 

NATHAN 

13705  11  a  proféré  de  sa  bouche 
les  propres  paroles  et  dittes 
qu'il  avoit  en  la  terre  eseriptes, 
et  nous  a  bien  soUu  et  brief. 
laj  Jhesus  escript  de  rechef  de  son  doit 
en  terre. 

JACOB 

Encor  escript  il  de  rechief  : 
13710  ne  sçay  d'où  vient  ceste  funiee. 

JHEROBOAN 

C'est  de  sa  rage  acoustumee, 
qu'il  ne  daigne  parler  a  nous. 

JORRAN 

Comment,  seigneurs,  ne  voyez  vous 
quelz  escriptures  il  nous  point  ? 
13715  11  escript  tout  de  point  en  point 
nos  péchés,  vous  le  voiez  bien. 

MARDOCELS 

J'y  recongnois  très  bien  le  mien 
qu'oncques  a  personne  ne  dis. 

YSACAR 

Si  fay  je  les  miens  plus  de  dix, 
137!;0  qu'il  a  escript  en  certain  pas. 

JHEROBOAN 

Et  moy. 

NAASON 

11  ne  m'oublye  pas. 


LA    PASSION 

et  atant  me  pars  de  la  fcste. 

ELIACHIN 

Je  voys  après. 

BANANIAS 

Je  suis  bien  beste 
de  moy  tenir  en  ces  partis  ; 
13725  tous  mes  compaignons  sont  partis 
a  ducil  et  a  confFusion. 

JOATHAN 

Mes  par  quel  revelaciou 
peust  il  congnoistre  nos  meffais  ? 
grant  admiracion  en  fais  ; 
13730  or  est  la  chose  bien  nouvelle. 

NATHAN 

C'est  le  doable  qui  luy  revelle  ; 

il  use  de  l'art  magicalle, 

et  sera  la  chose  très  malle 

se  nos  haulx  princes  n'y  pourvoient. 

JHESUS 

13735  Femme,  ou  sont  ceux  qui  t'accusoient 
tu  n'as  d'amo  esté  condampiiec. 

JHEZABEL,  la  pescherresse. 
Sire,  grant  grâce  m'est  donnée, 
considei'é  mon  grant  oultrage  ; 
et  par  vostre  soubtil  language 

13740  ilz  n'ont  osé  sur  moy  assoir 
leur  sentence. 

JHESUS 

Tu  as  dit  voir, 
et  comme  ilz  ont Jîait  je  feray, 
car  point  ne  te  condampneray  : 
va  et  te  garde  de  meffaire, 
i:f745  ne  pèche  plus,  veille  bien  faire, 
et  bien  t'en  vendra  en  la  fin. 

JHEZABEL 

0  prophète  doulx  et  begnin 

ou  gist  toute  miséricorde, 

de  mon  grand  méfiait  me  recoi'de 
13750  ou  mon  corps  s'estoit  adonne  ; 

or  m'est  doulceraont  jiardonné, 

par  quoy  tant  que  je  viveray 

au  vice  ne  retourneray 

dont  tant  ay  esté  diSamee, 
13755  et  est  ma  volenté  fermée 

de  servir  Dieu  dorénavant. 


SIMON,  le  pharisien, 
Grant  temps  a  que  suis  désirant 


13688  qui  fut  B.  —  13708  en  brief  G. 
B.  Et  moy  aussi  C.  —  13730  Et  est  G. 
déchiré. 


-  13720  a  manque  B.  —  13721-22  man'iuent  G.  —    13723   Et  moy  apivs 
13746  ne  C.  —  13750  ordonne  B.  —  13T57-13866   maivjuent    C.  feuillet 


SECONDE    .lOURNEE 


179 


d'avoir  Jhesu»  on  ma  poui'iirisc  : 
le  peuple  pi'andcment  le  pi'i«o, 

13760  car  il  fait  des  vertu»  foison  ; 
maintenant  ay  Iwnnc  achoison 
quand  je  le  voy  en  ma  présence. 
Ne  sçay  s'il  fera  conscience 
de  venir  mon  lieu  visiter  ; 

13765  devant  luy  me  vois  présenter, 
si  luy  fcray  une  l'equeste. 
Sire,  j'ay  ma  viande  preste 
et  bien  prépare';  mon  manoir, 
s'il  vous  y  plest  venir  manoir 

13770  et  y  prendre  la  pacience, 
selonc  mon  petit  do  science 
je  vous  tendray  honnestemcnt, 
et  vous  pry  aniourousemeut 
qu'il  ne  me  soit  point  escondit. 

JHESU8 

13775  Simon,  ainsi  que  tu  l'as  dit, 
ta  demande  soit  accomplie. 

SIMON 

Or  me  suyvez,  je  vous  supplie, 
et  admenez  toute  vo  gent, 
et  tandis  seray  diligent 
13780  d'aller  faire  la  preparance. 

JlIESl'S 

Frères,  nous  avens  grant  pcnance 
souffert  ce  jour,  je  le  sçay  bien  : 
allons  sur  le  pharisien 
prendre  nostre  rcffection. 

s.    MATHIEU 

13785  De  toute  nostre  affection 

accomplirons  vostre  vouloir. 


SIMON,  pharisien. 
Or  ça,  sire,  venez  vous  seoir 
et  toute  vostre  compaignie, 
et  nous  ferons  cherc  jolie 
13700  de  telz  biens  que  pourrons  avoii-. 
RUBEN,  juif. 
Icy  ne  gaignons  riens  a  voir, 
chacun  prengne  place  a  la  table. 

AIÎIRON,  juif. 
Ue  ma  place  me  vois  pourvoir, 
icy  ne  gaignons  rions  a  voir. 
SAKPRET,  varlet. 
13795  Ça,  s'il  fault  riens,  je  fais  devoir 


d'en  servii-,  s'il  est  proftitable  : 
buvez,  foictcs  chero  notable, 
mon  maistre  le  veult. 

JUDAS   KCARIOTH 

Il  dit  voir  : 
icy  no  gaignons  ri«ns  a  voir, 
13800  chacun  prengne  place  a  la  table. 

SIMON 

Jhesus,  prophète  venei'able, 
vous  me  soiez  le  bien  venu. 

SAFFRET 

Chacun  tranche  di-u  et  menu 
tant  que  viande  durera  : 
13805  s'il  n'en  y  a,  on  en  rara, 
j'ay  fait  bonne  provision. 


MAUELAINE 

Or  voy  je  la  confusion 

des  grans  pèches  dont  je  suis  plaine  } 

or  voy  la  malédiction 
13810  de  l'horreur  ou  poché  me  maine  ; 

Or  voy  je  la  destniction 

de  ma  povre  nature  humaine, 

et  s'il  n'y  a  provision, 

en  malheure  fus  Madelaùie. 
13815       Madelaino  suis  je  nommée, 

jadis  gente  et  bien  renommée 

de  bonne  goneracion  ; 

Or  me  suis  je  en  tout  mal  fermée, 

tant  que  partout  je  suis  blasmee 
13820  pecherresse  en  perdicion  ; 

Ma  beaulté,  ma  perfection 

est  tournée  en  tel  vitupère 

Que  c'est  alwminacion 

par  quel  moyen  et  raocion 
13825  j'ay  tant  courroucé  Dieu,  mon  pore. 
<)  dolente  et  mesohantc  famé, 

o  des  aultrcs  la  plus  infâme, 

par  quel  point  pourras  éviter 

La  dure  et  destresseuse  flamc 
13830  d'enfer,  ardant  le  corps  et  l'ame 

sans  jamès  ame  respiter? 

Ta  conlpe  t'y  veult  ja  citer, 

justice  t'y  veult  inviter, 

raison,  verit<;  t'y  proclame  ; 
13835  II  n'est  en  moy  d'y  résister 

s*a  vous  ne  me  viens  présenter. 


13769  bil  vous  plaist  dy  li.  —  13770  Ce  jour  prcmirez  la  B.  *-  18774  point  manque  U.  —  13778  tout  vostre  A.  — 
13792  prende  B.  et  plux  hin.  138110  prengne  B.  —  13819  sUis  Innommée  B.  —  13821  II  mniiqttc  un  lers  pour  la  régu* 
lorité  ih:  la  strophe  A.  B.  —  13835  a  moy  B. 


180 


MISTKRr:    DK    LA    PASSION 


niisci'icordo,  liaulto  daine. 
Rivicrc  de  miséricorde, 
par  qui  tout  pécheur  se  racoide 

las'.o  a  Dieu  pour  son  péché  laver, 

Ruisseau  do  paix  et  de  concorde, 

pour  amollir  la  dure  corde 

de  justice  qui  peust  grever, 

en  quel  lieu  vous  pourray  trouver  ? 

13845  Je  vous  quicrs  assés  inceitainc, 
mes  Jhesus  en  est  la  fontaine 
comme  j'os  en  tous  lieux  prouver. 
Et  pour  ma  pensée  achever, 
jamés  jour  je  ne  cesscray 

I3S50  jusqu'à  ce  que  trouvé  l'aray  ; 
c'est  ccUuy  qui  me  pei^st  donner 
grâce  et  ma  coulpc  pardonner, 
et  je  le  croy  pour  ma  partie. 
Or  suis  de  nouvel  advertie 

13855  qu'il  est  en  l'ostel  de  Simon, 
le  pharisien  de  grant  nom  : 
s'y  vois  sans  rester  longuement 
atout  ma  boitte  et  l'ongnement 
qui  est  moult  cher  et  vertueux, 

13S(J0  duquel  son  saint  corps  précieux 
sera  atouché  et  onoinct. 


SAKKRET 

Qu'est  eecy  ?  vous  no  buvez  point  : 
ilz  sont  simples  connue  pucelles  ; 
et  buvez  fort  :  vignes  sont  belles, 
138fô  et  pensez  do  vous  appliquier. 

SIMON 

Mon  cher  maistre,  je  vous  requicr 
et  vostre  compaignie  chère 
que  vous  fassiez  très  bonne  chère, 
et  vous  me  ferez  bien  joyeulx. 

JHESUS 

13870  Simon,  les  biens  sont  plantureux, 
s'est  la  feste  bien  maintenue. 


MADELEINE 


Helas  !  or  suis  je  parvenue 

a  l'ostel  que  tant  desiroie, 

1 1  parfois  mon  bJn  et  ma  joie, 


13S75  le  recours  de  ma  giant  dcstressc, 
et  si  n'ay  cueur  ne  hardiesse 
de  luy  declaircr  mon  affaire. 
Povre  famé,  que  dois  tu  faire  ? 
seras  tu  hardie  d'entrer 

138S0  et  ta  maladie  monstrer 

a  cil  qui  en  est  le  vray  mire  ? 
lînti'er  !  comment  l'as  osé  dire  ? 
pecherrossc  désordonnée, 
a  tout  mal  faire  habandonnee, 

13885  se  doit  elle  trouver  en  place 
devant  tant  digne  et  sainte  faco 
comme  le  benoit  filz  do  Dieu  ? 
suis  je  digne  d'occuper  lieu 
devant  le  trésor  de  tous  biens, 

13890  qui  suis  puante  comme  fiens 

])ar  péché  qui  ainsi  m'attourne  ? 
c'est  mon  meilleur  que  je  retourne. 
Retourner  1  femme,  que  dis  tu  ? 
cueur  vuide  de  toute  vertu, 

13895  qu'est  il  de  ta  bouche  sailly  ? 
aras  tu  donc  le  cueur  failly  ? 
veulz  tu  faiie  ta  demourance 
au  chasteau  de  désespérance  ? 
veulz  tu  prendre  ta  mansion 

13900  au  puteau  de  perdicion  ? 

mourras  tu  de  soif  asservye 
devant  la  fontaine  de  vie  ? 
Nennil,  il  n'yra  pas  ainsi  : 
tu  Tiras  requerre  mercy 

13905  franchement,  puisque  tu  l'as  dit, 
car  oncques  il  ne  l'escondit 
a  cueur  conffès  et  repentant  ; 
helas  !  et  je  me  repens  tant 
qu'a  mal  ay  volu  consentir  ! 

rjgio  Ne  tendra  il  qu'au  repentir  ? 
ha!  si  fera,  car  veez  cy  honte 
et  paour  qui  si  fort  m'affronte 
qu'a  peu  qu'ilz  ne  me  font  retraire. 
J'ay  deux  poins  de  sorte  contraire  : 

13915  l'ung  est  que  se  j'entre  dedens 

esclandrir  pourray  plusieurs  gens 
et  le  saint  homme  qui  y  dine, 
et  aussi  que  j'en  suis  indigne  : 
et  d'autre  part  se  je  remains, 

139i0  mes  péchés  vilz  et  trop  grevains 
me  demourront,  et  en  fin  mort 
éternelle,  qui  me  remort. 
Le  meilleur  sens  que  je  y  voie 


13830  qui  iifiniu''  A.  —  13840  son  min'iw  A.  —  13840  qui  pst  B.  —  13848  querelle  B.  —  13849  resleraj  B.  —  13S59 
mon  cher  A.  —  13871  Est  la  l'esté  B.  Et  si  est  la  C.  —  13875  liesse  A.  —  13880  luy  demonstrer  C.  —  13883  que  je 
suis  C.  —  13S90  ,Ie  suis  A.  —  13990  ponsseau  B.  de  ta  niencion  C.  —  13901  soyef  C.  assoyuie  B.  —  13915  se  man- 
'juc  G.  —  1:922  qui  fort  me  C.  —  l.i92t  ronseil  que  jy  C. 


SF.CdNDr.    .lOURM'.r. 


l«l 


cVst  (le  tenir  luoycnno  voie  ; 
l.'iftjr.  j'ontrerny  détiens  voireiiieiil 

mes  ce  sera  secrètement, 

et  ne  soray  pas  au  dessus, 

mes  aux  \nc/.  du  très  doulx  Jliosus 

in'iray  (j^oter  tout  en  pleurant, 
i.WM   hund)lcnient  inercy  requérant 

du  nieffait  qui  me  (çriefvo  moult. 
Icy  entre  dedens  aux  piis  Jliosus,  et  les  oinct 
et  lavi'  de  larmes,  et  les  essuie  de  ses  chtf- 
rei0\ 


SIMON 

Saflfret,  verso  du  vin  partout, 
il  me  samble  qu'amc  ne  boit. 

SAFKRET 

11  ne  fault  que  lever  le  doit, 
13935  je  suis  prest  comme  ung  chandelier. 

Ri:HEX 

Simon,  a  vérité  pai'ler 
ceste  compaiguie  est  iufame. 

SIMON 

Comment,  Rulien  ? 

nUBEN 

Ue  ceste  famé 
qui  est  entrée  en  ceste  court: 
13W0  vous  sçavez  la  voix  qui  en  court 
et  comment  elle  est  diffamée. 

ABIRON 

Elle  est  si  très  mal  renommée 
que  c'est  grand  pitio  de  son  fait, 
et  s'a  mon  gré  en  estoit  fait, 
13915  elle  allast  quérir  auti'es  lieux. 
nuHEN 
Vostre  honneur  n'en  vault  pas  de  miculx, 
vcu  la  compagnie  haultaine. 

SIMON 

Ce  me  samble  a  voir  Madelaine, 
qui  est  si  plaine  do  jeunesse. 

ABIRON 

i;t9jfl  C'est  voir,  c'est  celle  pecherressc, 
qui  en  Judée  n'a  pareille. 

SIMON 

Kt  comment  dea,  je  m'esmerveille 
comment  Jhesus  que  l'en  renomme 
tant  saint  et  tant  vertuable  homme 
13955  la  seuffre  si  près  aproucher  : 


c'est  bien  pour  son  lo»  reproiichor  : 
j'en  ay  en  mon  cucur  gi-ant  anguoisse, 
car  posé  qu'il  ne  la  conguoisse 
de  renommée  ne  de  famé 

13900  (non  obstant  qu'elle  est  tant  diffamo 
que  tout  lo  monde  le  rep(te), 
nentinoins  s'il  estoit  vray  prophète, 
comme  plusieurs  ont  dénoncé, 
cecy  ne  luy  fust  pas  musse, 

13965  aiii»  en  eust  vraye  eongnoissanee. 

JHESIIS 

Simon,  ne  te  tourne  a  grevance, 
img  i)eu  de  chose  t'ay  a  dire. 

SIMON 

Or  le  dis  tout  a  ta  plaisance  : 
volontiers  l'cscouteray,  sire. 

JHESUS 

13970       Je  te  dis  que  jadis  estoicnt 

deux  dobteurs  qui  foison  dévoient 
de  finance  a  ung  usurier  : 
Les  debtes  de  l'ung  qui  restoient 
l)ien  a  chiq  cens  deniers  montoient  ; 

13975  l'aultrc  a  cinquante  a  nombre  entier. 
Or  n'ont  do  quoy  paicr  tous  deux  ; 
s'il  leur  quitte  que  riens  n'y  clame, 
si  te  demande  lequel  d'eulx 
plus  ferme  son  créditeur  aine  ? 

SIMON 

13980  11  me  samble  a  mon  jugement 
que  cil,  a  qui  plus  largement 
a  donné,  luy  est  plus  tenu. 

JHESUS 

Juste  jugement  as  rendu 
et  cecy  vient  a  mon  entente. 

13985  Vois  tu  ceste  femme  présente? 
quand  en  ta  maison  suis  entré, 
tu  ne  m'as  pas  administré 
de  l'eaue  pour  mes  pies  laver  : 
et  celle  est  venue  arrouser 

i;ie90  de  larmes  a  grant  haboudance 
mes  pies  par  vraye  penitance  ; 
baisié  ne  m'as  pas  a  l'entrée  : 
ceste  de])uis  qu'elle  est  entrée 
ne  scet  son  vouloir  appaisier 

l.'«)95  de  mes  piez  tenir  et  baisier  ; 

tu  n'as  pas  enoint  mou  chief  d'huile  : 
ceste,  comme  sage  et  soubtille, 
a  enoint  mes  piez  souffreteux 
d'oingnement  cher  et  précieux  ; 

l'.OOO  dont  pour  cause  qu'en  moy  a  mis 


139*2  si  mau'/ue  C—  139iC  de  ni'xniw  C.  —  13M7  Vme  A.  C  —  13955  atoii.'liicr  A.  —  13959-00  foriiip.  difforme  A. 
Np  ses  fais  ne  sa  renommée  Nonobtant  elle  est  tant  diffames  C.  —  ia:6SOr  dites  a  vostre  C— 13975  .1  ]  en  B.  C.  —  139TO 
l'hisser»  son  créditeur  nvnie  C.  —  1398S  I.tiv  clonne  C—  13983  masC  — 1398S  Y>p  manqiir  B.  C.  —  13989  Que  cette  C. 


18g 


MI  STERE   DE  LA  PASSION 


très  grant  amour,  luy  sont  remis 
plusieurs  péchés  et  paidennés. 
Tu  as  tes  jugemons  donnés 
que  cil  a  qui  l'en  fait  mains  grâce 

llOOS  doit  moins  amer  cil  qui  la  passe  : 
or  a  ceste  amour  très  parfaicto, 
et  grant  grâce  aussy  luy  est  faicte. 
Femme,  pars  toyet  va  en  paix  : 
pardonnes  te  sont  tes  meffais 

14010  et  remis,  je  te  le  dénonce. 

RUBEN 

De  quoy  nous  sert  ceste  responce? 
qui  est  cest  homme  qui  sermone, 
qui  ainsi  les  péchés  pardonne  ? 
ic'est  trop  parlé  en  président. 

ABIRON 

14015  C'est  blasphème  tout  évident 
contre  la  majesté  divine  ; 
je  n'entendz  point  ceste  doctrine  : 
c'est  parlé  trop  parfondement. 

MADELAINE 

Je  vous  remeroy  humblement, 

14020  sire,  de  la  miséricorde 

qui  par  vostre  doulceur  s'accorde 
que  grâce  me  soit  départie, 
et  des  maintenant  je  vous  prie 
que  bien  souvent  nous  venez  voir  : 

14025  corps  et  biens  et  tout  nostre  avoir 
pour  vous  servir  obligeron, 
Marthe,  ma  seur,  et  Lazaron, 
mon  frère,  qui  ne  vous  het  pas  ; 
logis  avons  de  grmit  compas 

14030  et  richesse  assés,  Dieu  mercy  ; 
encor  serons  plus  enrichy 
de  vostre  visitacion. 

JHESUS 

Marie,  j'ay  intencion 

de  vous  aller  brief  visiter. 

MADELAINE 

14035  Dieu  nous  veille  grâce  prester 
que  brief  vostre  veil  s'i  assigne, 
et  aussi  que  nous  soions  digne 
de  vous  dignement  recevoir. 

JHESUS 

Simon,  de  vostre  bon  vouloir 
14040  vous  mercions  d'affection, 
car  tous  en  predicacion 
allons  chacun  eu  son  degré. 


SIMON 

Mon  cher  maistre,  ayez  prins  en  gré  : 
l'ostel  et  tout  le  tenonient 
14045  est  eu  vostre  commandement 
toutes  les  fois  qu'il  vous  plaira. 


MARTHE 

Ne  sçay  que  nous  signifiera 
l'atour  dont  Marie  est  ornée  : 
^  il  a  passé  mainte  journée 

14050  que  je  ne  la  vis  ainsi  simple  ; 

mes  de  quoy  luy  sert  ceste  guimple 
sur  son  palliot  surauré  ? 

LAZARON 

Elle  a  le  vis  tout  esplouré  : 
d'où  vient  ceste  merencolie  ? 

MARTHE 

14055  11  me  poiso  de  sa  folie 

tant  que  d'ennoy  le  cueur  me  font. 

MADELAINE 

Marthe,  chère  seur,  mes  jours  sont 

tournés  en  lamentacion  : 

divine  visitacion 
l'iOfio  s'est  dedens  mon  cueur  imprimée, 

qui  de  tous  poins  m'a  réprimée 

de  la  povre  vie  et  immonde 

que  j'ay  mené  long  temps  au  monde  ; 

mon  cueur  est  tout  a  Dieu  enclin  : 
11065  Jhesus,  le  prophète  begnin, 

m'a  pardonné  tous  mes  deffaultes. 

MARTHE 

Nouvelles  sont  bonnes  et  haultes, 
Marie,  Dieu  en  soit  loué. 

LAZARON 

Vous  avez  bon  conseil  trouvé 
14070  et  grant  bien  vous  en  ad  vendra. 


L  AVEUGLE   NE 

Helas  !  qui  me  conffortera  ? 
helas  !  et  qui  m'apportera 
quelque  povre  petite  aulmone? 
Helas!  et  qui  m'estrainera? 
14075  mon  corps  pour  luy  Dieu  priera 
que  chevance  et  santé  lui  donne. 


14003  oy  donnez  G.  —  14012-13  Ces  deux  rers  dans  A.  viennent  oprès  le  vers  14017.  —  14020  Cher  sire.  C.  —  14024 
me  venez  C.  —  14025  tout  mon  C.  —  14029  Nous  auons  logeis  a  compas  B.  C.  —  14053  visaige  tout  empleure  G.  — 

14055  de  sa  grant  C.  —  140r>7  jeuz  15.  yeux  G.  —  14059  Dune  grant  visitacion  G 14066  pardonnecs  mes  B.  Qui  ma 

C.    —  14070  sourdera    B.  sauldra  C.  —  14075  cueur  C. 


SRCONDR   JOURNEE 


183 


iiosn 


11090 


U09J 


Je  ci'io  et  permoiino, 

je  prie  et  jni-gomic  j 

j'ay  beau  sermonner, 

Jo  110  voy  i)crsonnc 

qui  son  oueiir  adonne 

a  me  liciis  donner. 
11  ne  tient  pas  a  demander  : 
de  braire  mes  voisins  estonne. 
11083   Ho  !  a  ce  povro  nveufflo  n('', 
tant  potitemont  fortuné, 
veillez  quelque  donier  donner  I 
helas  !  il  ne  scet  que  disiier, 
et  s'a  toute  vuide  sa  i)cau. 
Je  taste  cy  sui'  mon  dra])cau 
se  l'en  m'a  jette  quelque  maille  : 
oy,  tantost,  baille  luy  baille, 
il  n'y  a  denier  ne  demy  : 
ung  povre  homme  n'a  point  d'aniy, 
si  no  s'i  convient  point  attendre. 
Hé  !  veillez  vostre  aulmomie  estendrc 
sur  le  povre  qui  ne  voit  goûte. 
A  ce  jour  anio  ne  m'escoute, 
ma  teste  pour  néant  se  combat. 

s.    PHELIPE 

Cest  aveugle  fort  se  débat 
et  fait  sa  voix  voiler  au  vent. 

s.  JUDE 

Je  cuide  qu'il  n'a  pas  souvent 
intanco  tousjours  a  son  aise. 

s.   RERTHELEMY 

Nostro  maistre,  no  vous  desplaise 
Uia5  s'ung  point  je  vous  veil  demander  : 

je  vous  ay  veu  fort  regarder 

ce  povre  homme  icy  avougly  ; 

qui  pécha,  ses  jjarens  ou  ly, 

dont  il  est  ainsi  mal  mené 
14H0  comme  si  d'estre  aveugle  né? 

oe  luy  vient  par  aucun  péché. 

JHE.SUS 

Luy  ne  ses  parons  n'ont  péché 
chose  dont  tel  privacion 
aist  eu  par  generacion  ; 
ains  a  reste  faulte  ap])orteo 
affin  que  soit  manifestée 
et  en  luy  se  monstre  et  descucuvre 
la  voituable  et  divine  oeuvre. 
A  l'oeuvre  me  fault  estre  mis 
de  mon  ])ere  qui  m'a  transmis 
tandis  que  la  journée  dure  ; 


UlOO 


un 


14120 


la  nuit  vendra  binino  et  obscure, 

que  quand  l'honime  voulilra  ouvrer 

alors  n'y  pourra  recouvi'er, 
1MÎ5  et  par  cesto  nuit  proprement 

s'entend  le  dermcr  jugement, 

car  apn'-H  icelluy  temporo 

oeuvre  ne  sera  meritoro  : 

tant  qu'on  ce  monde  durer  puis, 
14130  sa  parfaicte  lumière  suis 

et  sans  luoy  n'est  il  riens  qui  voie. 
Icy  Jhesus  crache  en  terre  et  fait  de  la  boe  de 
sa  salire  et  de  la  terre,  et  enoinct  les  yeux 
de  l'aveugle  né. 

Mon  aniy,  adresse  ta  voie 

es  nageoueres  de  Siloé, 

et  tes  yeulx  qui  Sont  enboé 
14135  lave  par  bonne  diligence. 
i,'aveugi.e 

Cher  sire,  en  vostre  confidence, 

es  baingz  de  Siloé  iray 

et  mes  deux  yeulx  y  laveray, 

car  ung  très  grant  bien  y  espoire. 
14140  Dieu  doiiit  que  la  chose  soit  voire  . 

j'y  vois  tastant  a  l'aventure. 


Helas  !  et  n'est  il  créature 

qui  me  conduit  oultre  ces  rues  ? 

ce  sont  bien  paroles  parduos, 
14145  mauvais  garçons  me  desvoiroient 

plus  tost  qu'ilz  ne  m'y  conduiroient  ; 

j'y  vois  tout  seul,  c'est  mon  meilleur. 

Se  je  feussc  ung  petit  seigneur, 

vai'lès  me  menassent  par  tout, 
14150  mes  povres  gens  n'ont  [wint  d'escout  : 

qui  a  assés,  tout  bien  l'assault, 

et  qui  n'a  riens  chacun  luy  tault  ; 

povres  gens  ne  sont  nés  de  merc 

que  pour  porter  peine  et  misère  ; 
14155  quand  ilz  ont  bien,  c'est  contre  droit. 

Dieu  mercy,  j'ay  allé  si  droit 

que  suis  venu  a  mon  désir. 

Pour  accomplir  le  bon  plaisir 

de  Jhesus,  cy  m'abesseray, 
14160  et  mes  yeulx  tous  deux  laveray 

ainsi  qu'il  le  m'a  commandé. 

Icy  se  lace  et  reçoit  reue. 


1408S  A  moy  B.  C.  —  l'iOOfi  mon  aiilmonp  lî.  —  I4n<17  poure  homme  A.  —  14098  A  cf  mur  C.  —  14103  du  tout 
n.  0.  —  14107  Cest  liommc  A.  —  14109-10  Dont  tel  faillie  hiy  soit  esi-h<-ue  Que  ilestre  ne  priue  de  veiie  B.  C.  - 
14122  brieue  et  A.  —  14120  Jentens  B.  —  14)38  dresse  la  voye  C.  —  14133  Ens  nogueres  de  siboe  B.  Et  ten  v«  es 
banoueres  do  syloo  C.  —  l'.145  my  saryeroient  C.  —  141SS  fault  B.   —    141S7  Que  jay  attalnt  a  C. 


184 


MISTKRK   DK    LA    PASSION 


Or  ay  je  le  command  gardé 
de  .Ihesus  le  prophète  saint, 
dont  ung  trcs  graiit  hien  me  reniaint, 
mcû  et  m'a  bien  sa  grâce  estendue 

quand  ma  veuc  m'est  huy  rendue. 
Loué  en  soit  Dieu  et  son  nom 
et  le  prophète  de  renom 
a  qui  Dieu  donne  tel  vertu  ! 

MOAB 

U170  Neptalin,  que  regardes  tu 

eest  homme  qui  s'en  va  de  tire  ? 

NEPTAI.IN 

Qui  est  il  ? 

MOAB 

Se  j'osasse  dire, 
j'eusse  jugé  tout  maintenant 
que  c'est  ce  povro  mendiant 
m75  qui  a  passé  cinq  ans  ou  six 
sur  le  chemin  du  temple  assis 
tousjours  pour  demander  l'aumonne. 

NEITAUN 

11  pourtraict  bien  a  sa  personne, 
et  a  voir  son  conteneniont 
•l'ilSO  je  dy  que  c'est  il  proprement  ; 
aultre  differance  ne  boute 
fors  que  l'aultre  n'y  veoit  goûte, 
et  cestuy  il  voit  bel  et  liien. 

MOAB 

Quant  au  veoir,  cela  n'y  fait  rien, 
l/.i85  car  posé  qu'aveugle  fust  né, 
espoir  l'ara  Jhesus  sané, 
comme  il  fait  de  vertus  très  belles. 

RU  BEN 

Vous  tenez  bien  folles  querelles 
de  dire  que  ce  soit  celluy. 

ABIRON 

l'ilOO  II  pourtrait  assés  bien  a  luy 
qui  de  voir  ne  seroit  soubtil, 
mes  de  croire  que  ce  soit  il 
c'est  grant  folie  et  grant  besoing. 

NEPTALIN 

Messeigneurs,  il  n'est  pas  si  loing 
14195  que  ne  le  puissions  bien  savoir. 
l'aveugle 
Beaux  seigneurs,  vous  avez  dit  voir  : 
je  suis  coluy,  n'en  faictes  doubte, 
qui  oncques  nul  jour  ne  vy  goûte  ; 
.  je  suis  celuy  qui  me  seoye 

14200  emprés  le  temple  et  mendyoie. 


aveugle  de  droite  nature. 

RUBEN 

Et  d'où  vient  donc  ceste  avantiuo 

que  tu  es  a  veoir  escheus  ? 
l'aveugle 

Très  bien  :  l'homme  qu'on  dist  Jhesus 
14205  de  terre  et  de  sa  cressemento 

fit  de  la  boe,  et  sans  attente 

présentement  m'a  envoyé 

laver  es  baingz  de  Siloé  : 

lavé  m'y  suis,  et.  Dieu  mercy, 
l'iïio  je  voy  tout  der. 

ABlRON 

Comment  cecy  ! 
dis  tu  que  t'a  fait  ce  Jhesus  ? 
et  ou  est  il  ? 

l'aveugle 
Je  n'eu  sçay  plus  : 
très  volentiers  je  le  verroye, 
au  moins  je  le  remerciroye, 
14215  se  j'y  sceusse  adresser  mes  pas. 

RUBEN 

Ainsi  ne  t'en  iras  tu  pas  : 
tu  vendras  compter  ces  moyens 
par  devant  les  pharisiens, 
assavoir  qu'ilz  ou  vouldront  dire. 
l'aveugle 
14220  Pour  homme  qui  sache  mesdire 
ne  lerray  pour  don  ne  promesse 
que  la  vérité  ne  confesse 
tout  ainsi  qu'elle  est  advenue. 


ABIRO.N 

Seigneurs,  a  vostre  bien  venue 
UÏ85  vous  gard  le  grand  Dieu  d'Israël  ! 

MARDOCEUS 

Qu'est  il  advenu  do  nouvel, 
Ruben,  et  vous,  sire  Abiron  ? 

BU  BEN 

Messeigneurs,  nous  vous  le  diron 
sans  vous  faire  long  dialogue  : 
14230   en  vostre  haulto  sinagogue 

cest  homme  vous  est  présenté, 
lequel  se  dist  avoir  esté 
aveugle  le  cours  de  sa  vie  ; 
or  par  ne  sç^y  quel  fantaisie. 


14170  ne  reganles  tu  B.  —  14171  manque  B.  —  14172  Ouy  qui  C.  —  14176  Estoit  sur  le  ohemin  assis  Du  temple 
demandaut  A.  —  141S1-S2.  Je  ny  nietz  quelque  différence  Fors  que  lautre  estoit  en  caranoe  B.  G.  —  14187  très 
manque  C.  —  14200  De  lez  le  C.  —  14202  Et  dont  te  vient  ceste  C.  —  14211  ce  fust  jhesus  C.  —  14213  le  trouueroye. 
B.  C.  —  14217  Tu  rendras  compte  de  ces  C.  —  14289  faire  longue  dialogue  B. 


SECONDK    JOrUM'K 


183 


1  '.sn: 


UÎW 


ÎMi^ 


UKÛ 


»*S55 


um) 


WIMK, 


IHÎTO 


Wî:s 


iju'il  vous  ooiniit(n'a  plus  u  plain, 
que  JliUHUs  u  fait  de  sa  nmiii, 
PU  costo  preseuto  jouniee 
t<»snioiugue  qu'il luy  a  doiune 
voue  dont  oncquos  ne  joy, 

JHEUOIIOAN 

Rubeii,  nous  avons  bieu  oy 
le  cas  qu'en  termes  vous  mettez 
dont  hnultemeut  vous  acquite/ 
et  faictes  comme  gcnt  notable. 
Oi-,  vien  ço,  lionuuo  miseiablo 
et  de  fresle  condicion. 
As  tu  ceste  imperfection 
a  ta  gcncraoion  eue 
que  d'estre  né  privé  de  veuc, 
cf  mme  cest  homme  cy  raconte  ? 

l'aveugle 
Sire,  non  obstant  que  soit  honte 
de  revollcr  sa  turpitude, 
j'ay  mis  mon  sens  et  mon  estude 
que  du  tout  vérité  diray  ; 
ce  qu'il  vous  a  dit  est  si  vray, 
qu'il  n'y  a  riens  desordonné  : 
je  fus  voirment  aveugle  né, 
je  nasquis  en  ccste  miseï  e  ; 
aveugle  m'enffanta  ma  mère, 
natui'e  m'y  voulut  lyer, 
et  se  le  vouloye  nyer 
il  seroit  prouvé  par  plusieui's. 

MARIWCEUS 

Voire,  mes  pour  estre  plus  scurs, 
dis  nous  doncques  comment  tu  vois. 

l'aveugle 
.le  l'ay  desja  dit  une  fois, 
et  afiin  qu'il  soit  plus  notore 
reppetcr  le  vous  veil  encore 
pour  vous  bien  du  cas  informer. 
Cil  qui  Jhesus  se  fait  nommer, 
que  vous  avez  veu  en  maintz  lieux, 
mist  de  la  boe  sur  mes  yeulx 
et  m'envoya  sans  moy  grever 
es  baingz  do  Siloé  laver  ; 
j'y  allay  et  mes  yeulx  lavay, 
et  quand  lavé  fus,  me  trouvay 
veant  bien  et  beau,  Dieu  mercy. 

NAASON 

Et  quand  te  fit  Jhesus  cecy, 
je  ne  le  tiens  point  a  esbat  ? 

l'aveugle 
Ce  jour. 


H»sn 


USST) 


EI.IACIIIS 

Comment  !  il  est  salmt 
Cest  honmie  n'est  iias  en  la  garde 
de  Dieu,  qui  le  sabat  ne  garde  ; 
i:'est  ung  pécheur,  un  homme  infâme, 
ung  bons  maudit  de  corps  et  d'ame, 
qui  ce  jour  a  oeuvre  conmiis»? 
contre  le  command  de  Moyse. 
Conmient  ne  scet  il  recouvrer 
sur  ung  aultre  jour  pour  ouvrer  ? 
il  est  de  faulce  conscience. 

NICODEMUS 

Kliachin,  vostro  sentence 
bien  ligerement  consommez, 

l'iSflO  qui  cest  homme  i>echeur  nomnn«/. 
Se  pécheur  est  et  liomme  indigne, 
comment  peust  il  faire  ung  tel  signe 
ne  tel  médecine  donner 
que  d'ung  aveugle  né  saner? 

14Ï95  il  n'est  raison  qui  s'i  applique. 

ELIACHIN 

C'est  &ntosme  ou  art  de  magique, 
par  ce  point  fault  il  qu'il  ce  face. 

NICODEMUS 

Ha  !  monseigneur,  c'est  vostre  grâce, 

vous  sçavez  bien  mieulx  que  ne  ilittes 
14300  plusieurs  maladies  petites 

par  charmes  se  peuvent  guérir 

et  peust  le  deable  secourir 

aucuneffois  apparamment  ; 

mes  de  guérir  reallement 
14305  ung  si  très  merveilleux  deffault, 

il  fault  qu'il  viengne  de  plus  hault  ; 

jamès  ne  m'y  consentiroye. 

NEPTALIN 

Nicodenms,  et  j'ensuyvroyo 
assés  bien  vostre  oppinion. 

BANANIAS 

ivîio  C'est  truffe  et  grant  abusion 
do  Jhesus  le  prédicateur  ; 
c'est  ung  brouleur,  ung  séducteur 
et  par  telz  fais  le  peuple  affolle. 

NICODEMUS 

Tel  le  confesse  de  parole 
i'.3iri  que  son  cueur  desroent  et  dcsdit  ; 
ttîl  le  blasphème  et  mal  en  dit 
qui  voit  plainement  le  contraire 
et  qui  ja  tant  vouldroit  atraii-e. 
Mon  amy,  quel  chose  en  dis  tu 
14320  de  ce  Jhesus  ? 


,  11Ï41  nous  mettes  lî.  —  14245  fiagille  C.  —  142:5  Je  mis  C.  —  14*59  voult  B.  C.  —  14266  le  veil  bien  U.  C.  — 
B42K)  consonne/  B.  —  14S92  pourroit  0.  — 142&5  U  .'sl  raison  quil  sy  B.  —  14310  tout  Inifle  et  abusion  B.  C.  —  1(301 
'■^  iwuufiil  C—  14304  soner  B.  C.   —  14318  tm  A.  B, 


186 


MISTER  R    DE    LA    PASSION 


L AVEUGLE 

J'ai  bien  s-entu 
qu'il  est  prophète  vci  tuable. 

JHEROBOAN 

Seigneurs,  quoy  que  cest  homme  fable 
croire  ne  puis  qu'il  soit  ainsi 
aveugle  né  :  qui  dit  cecy, 
l'isaj  il  nous  sert  d'une  decevancc. 

MOAB 

Se  do  son  fait  avez  doubtaucc, 
n'en  soiez  janiès  estrivans  : 
il  a  père  et  mère  vivans  ; 
envolez  les  qucrre  surpiez, 
14330  et  s'ilz  sont  bien  interroguiés, 
ilz  diront  voir  ;  si  feront  sens, 

JHEROBOAN 

Qu'en  dites  vous  ? 

MARDOCEUS 

Je  m'y  consens  : 
l'oppinion  est  belle  et  bonne. 

JHEROBOAN 

Trotemenu,  plus  ne  sermonne  ; 
i4:«5  il  te  fault  faire  ce  voyage. 

TROTEMENU 

J'en  feray  bien  mon  parsonnage, 
tellement  qu'il  n'y  fauldra  lien. 

MARDOCEUS 

Gongnois  tu  ses  parens  '. 

TROTEMENU 

Très  bien, 
car  ce  sont  deux  très  povres  gent 
i'.340  qui  ont  de  l'or  et  de  l'argent 

tout  autant  que  s'il  n'en  fust  point. 

JHEROBOAN 

Or  te  pars  doncques  sur  ce  point, 
et  comment  qu'il  soit  les  admainc. 


TROTEMENU 

Dieu  leur  envoie  pute  estraine  ! 

1W45  me  fault  il  courir  sur  les  champs 
pour  admoner  tolz  deux  nieschans, 
ou  il  n'a  gaignage  ne  plue  ? 
se  j'alasse  vci's  roy  ou  duc, 
pour  ma  peine  me  fut  livrée 

14350  ou  hucque  ou  robe  de  livrée, 
mais  je  perds  icy  tous  mes  pas. 


Quoi  qu'il  soit,  je  n'oubliray  pas 
a  reprendre  ici  mon  allaine  : 
je  sens  ma  bouteille  trop  plaine, 

14355  il  luy  fault  ung  peu  donner  vent  : 
de  boire  grans  traictz  et  souvent, 
c'est  mie  ngle  en  médecine 
pour  avoir  tantost  sa  poitrine 
plate  comme  ces  gros  baris. 

14360  Je  suis  armé  pour  tous  péris, 

j'en  vois  uiig  peu  plus  grant  emblure  ; 
je  crois  que  vecy  ma  monture, 
si  fault  que  mon  mand  s'i  appere. 


Le  grant  Dieu  vous  saulve,  beau  pore, 
14365  et  vous  eschcve  de  danger. 

LE   PERE   DE   l'aVEUGLE 

Bien  viengne  ce  gent  messager 
en  uostrc  povre  maisoncelle. 
Que  vous  plaist  il  ? 

TROTEMENU 

La  chose  est  telle  : 
que  les  pharisiens  vous  mandent 
14370  et  très  expressément  commandent 
que  vous  veniez  par  devers  eulx 
ligerement  entre  vous  deux  ; 
ainsi  m'est  la  charge  baillée. 

LA    MERE 

Helas  1  qu'a  si  noble  asseml)leo 
14375  a  faire  de  si  povres  gens  ? 

TROTEMENU 

Je  ne  .si,ay  :  soiez  diligens 

et  vous  orrez  qu'ilz  vous  diront. 

LE    PEIIE 

Ne  sçay  qu'ilz  nous  demanderont, 
nous  n'avons  méfiait  quelque  chose. 

TROTEMENU 

14380  Je  n'en  sçay  riens,  mes  je  suppose 

que  c'est  pour  vostre  filz  qu'ilz  tiennent, 
dont  ilz  avec  plusieurs  maintiennent 
que  Jhesus  l'a  renluminé  : 
vous  en  serez  exan\iné, 

1  (385  gardez  de  sagement  respondre. 

LE   PERE 

Ha  !  seur,  ilz  nous  vouldront  confondre 
s'en  nos  faisane  sommes  pourveus  : 
les  scribes  heent  ce  Jhesus 


143a2  quil  soit  voir  ou  fable  A.  soit  liomine  fable  B.  —  14S29  tout  surpiez  C.  —  14339  labouriers  B.  C.  —  14340  ne 
mailles  ne  deniers  B.  G.  —  14344  sanglante  B.  mal  C.  —  14346  marohans  A.  —  14347-50  manquent  A.  —  14351  Je.  ny 
parderai  que  mes  pas  A. —  14359  un  beau  gros  B.  G.  —  14370  Et  empressement  vous  B.  G.  —  14372  Le  P,  Moy 
tout  seulot  T.  mes  vous  tous  deux  B.  G. 


SECONDE   JOURNEE 


•^87 


rt  ont  Pilit  qilfi,  s'il  fist  hommo 
i  WM  qui  Cristt  nu  proijlii'to  lo  nomitio, 
il  est  ])ar  vertu  de  l'edit 
do  la  sinagopio  maudit, 
privo  ot  excoiimionié. 

LA   MERE 

Bien  y  sera  remédié  : 
14395  s'ilz  nous  demandent  sur  ces  termes, 
soions  tous  assourés  et  fermes 
que  nous  n'en  diions  bien  ne  mal. 

LE   PEHE 

C'est  nostre  moyen  principal, 
aultrement  n'eschaperons  nous. 


TBOTEMENU 

U'iOO  Seigneurs,  veez  cy  par  devant  vous 
les  gens  dont  vous  m'avez  chargé. 

.IHEROBOAN 

Sié  toy,  lu  as  bien  besongné; 
s'en  seras  paie  liien  et  beau. 
Or  vien  <;&,  petit  bonhommeau  ; 
U'iOS  es  tu  tout  certain  et  tout  fidz 
que  ce  soit  icy  vostre  filz  ? 
regarde  y  bleu  de  point  en  point, 
et  comment  qu'il  soit  no  meus  point, 
car  il  touche  ung  fait  très  haultaiu. 

LE    PERE 

l'.'iio  Sire,  sciez  aussi  certain 

comme  Dieu  est  au  firmament 
que  c'est  nostre  filz  proprement  ; 
il  n'est  qui  m'en  sceust  décevoir. 

JHEROBOAN 

Toy,  bonne  dame,  dit  il  voir? 
IV1I5  vien  dire  ton  oppinion. 

LA    MERE 

C'est  il,  sire,  et  nul  aultre  non, 
c'est  mon  filz,  son  corps,  sa  figure, 
et  qu'il  soit  vray  je  vous  le  jure, 
soiez  en  tout  acertené. 

.IHEROHOAN 

l'i'iM  Voire,  mes  il  ne  fut  pas  né 

aveugle,  comme  on  nous  disoit  : 
je  tiens  qu'il  le  contrefaisoit 
affin  qu'on  eust  pitié  de  ly. 

LA   MERE 

Siro,  il  fut  né  tout  avcugly 
l'i'i25   ne  puis  qu'au  monde  fut  venant 
il  ne  vit  jusqu'à  maintenant. 


tia  mero  suis  qui  lo  portay 
et  qui  aveugle  l'enffantay  : 
honte  no  m'en  fora  dewliiv» 
l'iVW  et  s'aultrement  vouloio  dire, 

plusieurs  scevent  bien  lo  contraire. 

MAHDOCEUS 

Et  comment  se  pourroit  il  faii-e 
qu'il  fust  né  aveugle  ensement? 
il  voit  maintenant  clairement  ; 
l/i'iSi  si  fault  que  vous  nous  rendez  cx)mpt(! 
d'où  cecy  vient. 

LE   PERE 

Quant  a  moy  monte, 
aultre  compte  n'en  rondorons  ; 
publiquement  confesserons 
quo  c'est  nostre  enlFant  seui-ement  ; 

uuo  aveugle  né  fut,  mes  comment 
il  voit  huy  no  par  quel  moien 
de  par  nous  vous  n'en  sçarez  rien  : 
interroguez  le  sur  le  fait, 
il  a  attaiut  aage  parfait, 

144-45  c'est  raison  qu'il  parle  par  soy. 

JHEROBOAN 

Aultre  chose  n'arons  de  toy  ? 
tu  n'en  diras  pro  ne  contraf 

LA    MERE 

Se  l'enffant  veult,  il  vous  comptra 
de  son  euluniinacion  : 
14450  il  a  sens  et  discreciou, 

responde  comme  bon  luy  âamble. 

MARDOCEUS 

Allez  vous  on  tous  deux  ensemble, 
puisqu'autro  chose  ne  nous  dites. 
Ils  s'pn  vont. 


NAASON 

Seigneurs,  ce  ne  sont  que  redittes 
1M55  de  nostre  fait,  nous  pardons  temps. 
S'a  mou  veil  estes  consentons, 
pour  cestuy  miracle  dcscroitro 
nous  ferons  par  force  congnoistrc 
a  ce  meschant  icy  dessus 
14460  que  ce  n'a  pas  esté  .Ihesus 
qui  lo  veoir  luy  a  restauré. 

JHEROBOAN 

Or  vien  ça,  homme  malheuré, 
si  tourne  devers  nous  ta  face. 


li;i>!'j  Sont  fait  cdit  I!.  C.  —  14396  asseurs  B.  —  14401  Les  deux  dont  mauiei  B.  C.  —  14414  femme  C.  —  14417 
mon  corps  ma  A.  —  14418  Sa  coul«ur  et  son  estature  B.  C.  —  14484  tant  B.  —  14485  Que  puis  B.  C.  —  14488  Je 
loi  nourrv  H  allaicle  G.  —  14436  ii  nous  C.  —  14439  purement  C,  —  14448  dira  C.  —  14463  deuers  moy  A. 


1RS 


M  I  S  T  E  R  K  D  E   LA   PASSION 


L  AVEUGLE 

Et  que  voulez  vous  que  je  faoo  ? 

JHEnonOAN 

U46d_  Nous  voulons  que  tu  donnes  gloire 

a  Dieu  du  miracle  notoire 

dont  tu  vois  maintenant  ainsi, 

nou  pas  a  ce  Jh?sus  icy  ; 

ne  luy  en  donne  ja  l'honneui', 
U4T0  car  nous  sçavons  qu'il  est  pescheur, 

homme  qui  n'est  prudent  no  saige. 
l'aveugle 

S'il  est  pécheur  cella  ne  sçay  je, 

mes  je  sais  sceur  que  moy  estant 

aveugle  né,  il  m'a  fait  tant 
Ui75  qu'homme  au  monde  ne  peut  voirmiotdx. 

ELIACHLN 

Et  comment  ouvrit  il  tes  yeux  ? 

dis  nous  la  droite  vérité  ? 
l'aveugle 

Une  fois  vous  Tay  recitj  ; 

quel  bien  pouvez  voua  présumer 
l'ilSO  aie  tant  de  fois  résumer? 

le  voulez  vous  tenir  a  niaistre? 

voulez  vous  ses  disciples  e.~tre? 

voulez  vous  sçavoir  ses  doctrines? 

vous  enquerez  moult  doses  signrs, 
1M85  ne  sçay  se  les  voulez  apprendre. 

JHER0B0AN 

Nous  fais  tu  tel  erreur  entendre? 

honmie  infâme  de  put  alloy, 

mauldit  de  Dieu  et  de  la  loy  ? 

et  de  rechief  te  maudissons  : 
14490  as  tu  pensé  que  nous  feussions 

disciples  d'ung  tel  frivoUeur  ? 

a  ta  griefve  perte  et  douleur 

soie  serf  a  cil  que  tu  nommes, 

disciples  a  Moyse  sommes, 
1 4495  non  a  aultre  ;  et  sommes  certains 

que  Dieu  ses  mystères  haultains 

a  Moyse  si  revella 

et  que  souvent  a  luy  parla, 

mes  de  Jhesus  dont  tu  tiens  plest, 
14500  nous  tous  ne  sçavons  dont  il  est, 

mes  très  fort  le  peuple  traveille. 
l'aveugle 

En  ce  me  donne  grant  merveille 

que  dont  il  est  vous  ne  sçavez  ; 

et  touteffois  vous  en  avez 
145(6  probacion  si  très  parfaicte 

par  la  miracle  qu'il  m'a  faicte. 


Mes  ung  point  qui  vous  peust  mouvoir 

c'est  que  ne  le  voulez  sçavoir  ; 

et  jjour  ce  je  vous  prouveray 
14510  que  ce  que  distes  n'est  pas  vray. 

Cest  homme  sur  moi  créature 

a  fait  oeuvre  dessus  nature  ; 

or  vient  le  miracle  total 

de  Dieu  par  don  espccial  ; 
14515  or  estes  vous  certains  et  sceurs 

que  Dieu  n'entend  point  les  pécheurs  ? 

dont  puisque  cest  homme  seroit 

pécheur.  Dieu  ne  l'exausseroit  : 

or  l'a  voulu  tant  exausser  ; 
14580  par  quoy  il  nous  fault  confesser 

que  c'est  ung  homme  saint  et  digne, 

que  la  haulte  bonté  divine 

noas  a  en  ce  monde  envoyé. 

BANANIAS 

Va,  meschant  pescheur  desvoyé, 
14585  homme  forfait,  desplaisant  monstre, 

ton  aveugleté  note  et  monstre 

que  tu  es  en  ce  péché  né. 

Es  tu  donc  si  bien  forcené 

qu'a  nous  enseigner  tu  présumes, 
1 1530  qui  sçavons  les  lois  et  coustumes 

que  .Tuifz  doivent  maintenir  ? 

JHEB0B0AN 

Qui  rigueur  luy  vouldroit  tenir, 
il  fust  amèrement  pugny. 

JOATHAN 

Il  soufflra  qu'il  soit  bany 
14535  de  la  sinagogue  notable. 

JHEROBOAN 

Or  va  donc,  pécheur  détestable, 
après  tes  malédictions  : 
ensemble  t'excommenions 
et  te  nonçons  pour  débouté 
14540  de  tout  nostre  société, 

habandonné  d'ame  et  de  corps. 

NACHOR 

Chassez  le  faulx  villahi  dehors, 
il  est  digne  par  son  oultrage 
que  chacun  luy  crache  au  visage, 
14545  puisque  nostre  vouloir  ne  fait. 
l'aveugle 
Helas  !  et  je  n'ay  riens  meffait, 
seigneurs,   que  me  demandez  vous? 

NATHAN 

11  deust  estre  par  mort  deffait. 


14469  manf(ue  C.  —  144"9  Que  bien  C.  —  144S1  manque  B.  quil  soit  vostre  maistre  C.  —  1448S  orreur  C.  —  14497  A 
cil  moyse  B.  Icelui  C.  —  14511  Sur  iiioy  cest  homme  i,oure  créature  C.  —  14513  DoDt  vient  B.  C.  —  14529  en  B.  le  U^ 
—  14531  les  juifz  A.  B,  C.  tenir  K.  C,  —  14540  toute  A.  B,  C.  —  14542  Cliassier  fault  le  C. 


SHCd.MJK   J0UIINH1-: 


183 


I.  .VVELGLE 

Hclas!  et  jo  n'ay  riens  incffnit. 

•  JACOH 

14JD0  Va,  faulx  aveugle  conlrefl'ait, 
janiès  ne  to  voy  devant  nous. 

i.'aveuqle 
Helas!  et  je  n'ay  riens  meffait, 
seiRneurs,  que  me  demandez  vous 

jonnAN 
Laissons  IVn  paix,  partons  nous  tous, 
liôjj  c'est  povreté  que  do  son  fait. 


I  'ir>G5 


14570 


Uhi: 


14,'>.su 


i.'aveuole 
O  (loulx  créateur  ti-es  parfait, 
vuciilcz  moy  envoier  conffort  : 
tu  vois  que  sans  cause  et  a  toi  t 
porte  pugnicion  cruelle 
tout  pour  soustenir  la  quorollo 
du  doulx  Jhesus  qu'on  doit  amer. 
Icy  vient  Jhesus. 

JHESLS 

Amis,  ton  ducil  est  moult  amer, 
mes  porto  tout  en  pacience  ; 
n'as  tu  pas  parfaicle  credenco 
au  fllz  de  Dieu  ? 

i.'aveugle 
Helas  !  cher  sire, 
qui  est  cil  veuillei!  le  moy  dire, 
si  que  j'y  croye  pour  le  mieulx. 

JHESUS 

Tu  l'as  veu  de  tes  propres  yeulx, 
ut  est  celluy  qui  parle  a  toy. 

i/aveugle 
Sire,  de  bon  cueur  je  le  croy 
ne  jamès  n'en  arez  doubtance, 
et  en  parfaicte  obeyssance 
comme  a  mon  Dieu  et  vray  saulveur 
je  vous  rendz  louange  et  honneur 
en  très  humble  adoracioii. 

JHEPrs 

Frères,  j'ay  mon  inteiicion 
d'aller  au  temple  des  Juifz 
affin  que  d'eulx  je  soye  ouys 
pour  faire  aucune  remonstrance. 

■S.    JEHAN 

Sire,  tout  a  vostre  plaisance, 
nous  vous  suyvi-ons  ligerement. 


llSSô 


li  5i   le  la   C,  _  l'.5tiS(l.-  .orporol/    D.  C.  -  145». 
J.nO  dro.l  ma  C.  -  J'.601  nosirc  loy  C.  _  r,005  vous 


RUHEN 

Seigneui's,  selonc  mon  jugement, 
veez  la  Jhesus  ce  séducteur 
qui  de  tant  de  maulx  est  acteui- 
en  destruisaiit  la  loy  Moyse, 
qui  se  promène;  a  sa  devise 
dedans  le  porchet  Salomon. 

ArmoN 

Il  m'est  bien  advis  que  c'est  mon, 
et  qui  vouldra  croire  mon  dit 
14590  nous  en  irons  tout  en  subit 
luy  faire  aucune  question. 

SALMANAZAH 

J'ay  d'y  aller  devocion, 
et  s'aucun  de  nous  l'iatcrroguc 
il  sera  bien  fier  et  bien  rogue 
14595  s'il  ne  baille  responce  aucune. 

nUBEN 

Maistre,  nous  avons  grand  rancune 
qu'aultrement  a  tes  fais  ne  penses  : 
tendras  tu  nos  anies  suspences 
en  ce  point  tousjoui-s  jusqu'en  fin  ? 
14«K)  se  tu  es  Cristus,  dis  le,  affin 

que  nostre  foy  en  toy  s'applique. 

ABIRO.V 

Se  Giistus  es,  dis  le  en  publique  : 
ce  n'est  point  ung  fait  a  celer. 

JHESUS 

Tant  clerement  m'oez  parler 
14(305  et  jamès  ne  me  voulez  croire  j 
et  que  ma  parole  soit  voire 
mes  oeuvres,  mes  fais,  mon  ouvrago 
baillent  de  moy  vray  tesmongnage  ; 
mes  pas  ne  créiez  telz  merveilles, 

14610  car  point  n'estes  de  me»  oeilles  : 
mes  brebis  entendent  ma  voix, 
me  suyvent  et  bien  les  congnois, 
par  moy  vie  ctcrnclle  arout, 
ne  jamès  ne  dépériront, 

14815  et  de  l'heure  que  les  aray 
jamès  heure  ne  les  lerray  : 
grant  don  m'a  donné  Dieu,  mon  peio, 
a  qui  riens  n'est  qui  se  comi)ere, 
et  ce  que  mon  père  ara  pris 

14620  jamès  ne  luy  sera  surpris  ; 

et  mon  père  et  moy  sonnnes  uug. 

SAI.MANAZAn 

Concueilloz  pierres  en  connnun  ! 
^plakir  c.  -  14386  pourniaino  D.  C.  -  145!«  Jy  a.v  droit  ma   U 


190  MI  STERE 

sus  !  Juifz,  lie  vous  faindez  raie  ! 
oez  vous  pas  la  blasphoinio 
14625  dont  cest  enchanteur  ey  nous  sort  ? 

RUBEN 

Très  bien  le  lapider  dessert  : 
sus  !  seigneurs,  chacun  s'i  emploie. 

ÏSACAR 

Il  fault  que  son  cuidier  se  ploie  ; 
lapidez  le  blasphémateur, 
11630  lapidez  le  faulx  détracteur 
qui  la  loy  totalle  destruit. 

JHESUS 

Mes  amis,  je  vous  ay  instruit, 
fait  et  monstre  oeuvres  très  belles, 
et  se  me  lapide^  pour  elles, 
i/i635  tel  vice  fait  motilt  a  reprendre. 

ABIRON 

Comment  veulx  tu  cecy  entendre  ? 
du  bien  pas  ne  te  lapidons, 
mes  pour  tant  que  nous  entendons 
blasphème  partir  de  ta  bouche 
U640   qui  trop  aigrement  la  loy  touche  ; 
si  desers  lapidement  tel, 
car  toy  qui  es  homme  mortel 
te  veulx  faire  Dieu,  c'est  troii  dit. 

.IHESUS 

N'est  il  pas  en  la  loy  escriiit 

U645  (s'a  l'entendre  estes  ententis)  : 
ego  dixi  :  dii  estis? 
Dieu  enseigne  par  le  prophète 
qui  sa  volonté  ara  faicte 
se  pourr'à  nommer  scurement 

14650  Dieu,  voire  participalment. 
Or  ne  peust  faillir  l'escripture 
qui  assigne  deité  pure 
a  celluy  qu'a  sanctifié 
mon  pore  et  au  monde  envoyé, 

146»  qui  le  nomme  Dieu  par  essence. 
Vous  dittes  que  je  fais  offence, 
et  pourtant  ay  Dieu  blasphémé 
que  filz  de  Dieu  me  suis  nommé. 
Se  l'oeuvre  mon  pore  ne  fais, 

14660  ne  croyez  n'en  moy  n'en  mes  fais  : 
et  s'fln  moy  ses  oeuvres  voyez 
et  en  moy  croire  ne  daignez, 
ayez  en  mes  oeuvres  créance, 
si  que  vous  ayez  congnoissance 
.T4665  que  dedans  moy  Dieu,  mon  père,  est 
et  moy  en  luy. 


DE   LA   PASSION 

SALMANAZAR 

Tant  me  desplaist 
le  parler  que  costuy  revelle 
qu'il  me  ront  toute  la  cervelle  : 
il  n'est  mauvaistié  qu'il  ne  sache. 

RUBEN 

14670  Affin  que  justice  s'en  face, 
je  vous  prie  qu'il  soit  tenu. 

Icy  s'aconsc  Jhesus  d'eux. 

ABIRON 

Qu'est  cecy  '.  qu'est  il  devenu  ? 
s'il  n'est  pris,  j'en  seray  marry. 

YSACAR 

Soyez  sceurs  qu'il  est  escarry 
14675  si  tost  que  nous  sommes  levé; 
mes  se  jamès  il  est  trouvé, 
le  loudier,  nous  le  destruirons. 


JHESUS 

Frères,  d'icy  nous  en  irons 
oultre  le  fleuve  do  Jourdain 
14680  pour  ce  peuple  dur  et  soudain 
qui  fort  désire  mon  contraire. 

s.  JEHAN 

Sire,  il  est  bon  de  nous  retraire, 
car  ces  Juifz  ont  telle  envyo 
sur  vous,  qu'ilz  vous  toldront  la  vie, 
14685  si  vous  tiennent  en  leur  jnercy. 


LAZARON,  malade. 
Lassé,  dolent,  et  qu'est  cecy? 
com  grief  mal  le  corps  me  dedre  ? 
je  languis  en  peine  et  martire 
qui  m'a  jusques  au  cùeur  attaint. 
14690  0  prophète  saint, 

en  qui  tout  bien  maint, 

qui  conffortes  maint, 
Jhesus,  ou  es  tu  de  cest  heure  ? 

Le  mal  qui  m'estraint 
14695        et  le  cueur  me  taint 

me  fust  brief  restraint 
se  tu  feusses  en  ma  demeure, 
mes  se  ta  personne  demeure 
longuement,  la  mort  me  contramt. 


14623  no  vous  y  A.  —  14635  Cela  sera  C.  —  14642  Que  tu  qui  tà.  —  14654  ma  au  monde  C.  —  14661  Et  sans  moyse 
oeuures  C.  —  14666  Et  je  en  luy  B.  G.  —  14671  Hic  Jhesus  transieas  per  médium  iUoi^um  ibot.  A.  en  marge.  —  1468S 
grant  enuye  G.  —  14687  dédire  B.  —  14693  tu  mdtviue  B.  —  14698  manque  G. 


s  E  C  0  N  D  K    .)  O  U  R  N  E  K 


m 


MARTHE 

14700  Laiiaroii,  iiiuu  l'roro,  se  plaint 
du  gi'icf  mal  qu'il  a  a  porter  ; 
ma  scur,  allons  lo  visiter, 
s^avoir  qu'il  voiill  no  qu'il  dosire. 

MABKI,A1NK 

Son  mal  do  plus  on  plus  s'etiipirc 
14706  et  tousjours  en  son  mal  regrets 

qu'il  veult  veoir  Jhesus  le  prophète  ; 
il  luy  sanible  qu'il  guoriroit. 

MARTHE 

Las  !  uiig  grant  bien  pour  luy  scroit 
se  Jhesus  on  fust  advertis  ; 
liTlO  mes  il  n'est  point  en  ces  partis, 
pur  quoy  il  le  puisl  venir  veoir. 

MADELAINE 

Nous  lui  forons  très  bien  s(;avoir, 
jo  sçay  assés  près  ou  il  est. 
Ui"utaumont? 

BRUTAUMONT 

Damo,  que  vous  plest  ? 
14715  devisez,  et  je  lo  feray. 

MADELAINE 

Mon  amy,  jo  lo  vous  iliray  : 
le  fleuve  Jourdain  passerez 
et  do  sorcher  no  cesserez 
jusqu'à  ce  que  Jhesus  voyez, 

I47ï(i  et  s'il  est  que  trouvé  l'ayez, 
recommandez  moy  bien  a  luy, 
ot  luy  dittos  que  sou  amy 
Lazaron  est  en  piteux  point, 
et  que  pour  Dieu  ne  laisse  point 

14725  qu'il  no  le  viengne  secourir. 

BRUTAUMONT 

s'il  MO  tient  qu'a  le  bien  quérir, 
vous  en  orrez  nouvelle  briefve. 


r.735        et  trop  me  sourvient 
et  la  mort  me  vicut 
ferir  de  sa  darde, 
largement  me  larde 
quand  il  me  souvient 
14740         <lii  mal  qui  me  tient 
eu  sa  dure  garde. 
0  Jhesus  do  grant  vertu, 
de  toute  bonté  vestu, 
ou  es  tu? 
14745     a  mon  singulier  besoing 
se  tu  feusscs  descendu, 
mon  bien  me  fiist  prétendu 

et  rendu, 
si  feusse  hors  d'ung  grant  soing  ; 
14750    helas  !  or  es  tu  si  lomg 
que  justice  a  destendu 
son  arc,  et  au  résidu 
la  mort  me  tient  par  le  poing. 

MADELAINE 

Mon  tios  cher  ot  honore  frerc, 
14755  vostre  dueil  ung  pou  se  modère  : 
Jhesus  vendra  brief  ceste  fiart. 

LAZARON 

Ha  !  seur,  j'ay  dolour  tant  amere, 

que  quand  bien  je  le  considère, 

je  craing  qu'il  no  viengne  trop  tai-t. 

MARTHE 

14760       Frère,  prenez  cueur  dcsonnès  ; 
guéri  serez,  je  vous  promès, 
briefment,  se  Jhesus  est  venu. 

LAZARON 

Marthe,  veoz  cy  mon  dernier  mes  ; 
croyez  qu'il  ne  vendra  jamès 
14765  que  la  mort  ne  m'aist  prévenu. 


LAZARON 

Ha  !   quo  mon  estomac  me  griefve, 
mon  ventre,  mes  rains  et  mon  pis. 

MARTHK 

Comment  vous  est  ? 

LAZARON 

De  pis  en  pis, 
quelque  viande  que  jo  gouto, 
en  moy  ne  remaint  grain  ne  goûte, 
Et  quand  je  regarde 
lo  mal  qui  mo  larde 


BRUTAUMONT 
Siro,  ung  grant  mal  est  survenu 
a  cil  que  vostro  amy  clamez  : 
c'est  Lazaron  que  bien  amez 
qui  est  malade  a  grant  foison, 
14770  et  se  par  vous  n'a  guerison, 
il  n'est  qu'a  son  mal  remédie, 
ains  vault  que  mort. 

JHESUS 

Sa  maladie 
n'est  pas  a  mourii-  proprement, 
ainsois  est  pour  l'exausscment 


llTOi  s'  mitni/ui'  H.  C.  —  11714  Ilruminhiont  li.  G. 
rendu  C.  —  14707  lazaron  clames  A.  Bi 


—  14721  nous  B.  C.  —  14727  aures  C.  —  14751  ilessuuilu  B.  tlel- 


192  MISTKRK    D  li 

14775  de  la  Dieu  gloire  en  temps  et  lieu, 
et  affin  que  le  filz  de  Dieu 
en  soit  par  luy  gloriffié. 

nnUTAUMONT 

Tenez  pour  tout  certiffié 
que  ses  deux  seurs  Marthe  et  Marie 
1 4780  font  chère  hien  mate  et  marryo 
de  l'absence  de  vostre  corps. 

JHESIJS 

Va,  mon  amy  ;  si  leur  record/, 
que  briefment  les  visiteray. 

BRUTAUMONT 

Vostre  vouloir  accompliray, 
14785  cher  sire,  et  atant  me  dépars. 


LAZARON 

Le  cueur  me  part  de  toutes  pars  ; 
seui"s,  priez  pour  moy  :  plus  n'en  puis, 
je  suis  ja  de  la  mort  a  l'huis, 
en  mon  fait  n'a  point  de  retour. 

MADELAINE 

14(90  Ha!  frère,  vecy  piteux  jour; 

nous  lairrcz  vous  de  tel  manière  ? 

BRUTAUMONT 

Mes  dfimoiselles,  faictcs  cliierc, 
car  pdur  certain  je  vous  anonce 
que  Jhè^us  m'a  baillié  responce 
14705  de  vous  venir  brief  visiter. 

MARTHE 

Las  !  que  nous  pourra  pourfiter, 
quand  nostre  frère  tend  a  fin  ? 

CELIUS 

Mes  notables  dames,  affin 
que  plus  n'y  pensez  de  ceste  heure, 
14800  je  vous  respond  et  vous  asseuro 
qu'il  est  mort  et  passe  le  pas. 

ABACUT 

Dieu  doint  qu'après  celluy  trespaa 
l'ame  do  luy  soit  bienheureuse  ! 

MADEr.AINE 

0  moit  douloureuse, 
1 4S05         o  mort  rigoureuse 

qui  t'a  fait  emprendi-c 
De  si  tost  saillir 
pour  moy  ja  tollir 
et  mon  frcle  prendre  ? 

MARTHE 

14810  0  amittié  tendre, 


LA    PASSION 

t'es  tu  voulu  rendre 
et  sans  coup  fcrir  ; 
Cil  qm  te  deubt  prcndie 
s'en  va  rendre  en  cendre  ; 
14815         o  quel  desplaisir  ! 

CELIUS 

Puisque  mort  l'a  voulu  saisi)- 
cessez  vostre  dolent  tristesse  : 
la  mort  est  de  tclz  fais  maistresse, 
que  riens  n'en  revient  pour  gémir 

ABACUT 

14820  N'y  a  que  de  l'ensevellir 

comme  il  affiert  a  sa  noblesse  ; 
non  obstant  que  sa  mort  nous  blesse 
il  en  fault  feire  ung  abrégé. 

CELIUS 

Il  n'est  armé  ne  haubrego, 
14825  n'oncques  bons  si  hault  ne  parla, 
qui  en  fin  n'aist  passé  par  la, 
et  tous  y  passerons  après. 

ABACUT 

Cclius,  prenez  yla  près  : 
si  soit  en  son  suaire  mis. 

TUBAL 

14830  Nous  sommes  ses  prouchains  amis, 
prenons  le  corps  conjointement 
et  l'empoi-tons  reveramment 
en  son  sercus  pour  l'enterrer, 

GEDEON 

A  ce  je  veil  bien  labourer  : 
14835  or  chacun  le  levé  a  puissance, 
et  le  portons  par  ordonnance, 
en  disant  nos  devocions. 

Ict/  remportent  en  son  sercus, 

[Pose.] 


NEPTALIN 

Ruben,  pour  les  suspicions 
qui  peuvent  nos  amis  mouvoii', 
14840  par  mon  conseil  nous  ii'ons  voir 
Marie  et  Marthe,  nos  parentes, 
qui  sont  tristes  et  moult  dolentes 
de  leur  bon  frère  Lazaron 
qui  est  trespassé. 

RUBEN 

Nous  iron, 


14780  bien  morle  C.  —  14781  Tour  la  sente  de  vostre  eorps  15.  —  14785  chef  mon'/ue  1!.  —  147117  tinit  C.  —  14802 
restuy  lî.  C.  —  11813  Ce  qui  C  —  .14816-17  l'our  vous  noyer  de  desptaisir  Kt  vous  estraindre  jtnr  tristesse  B. 'C. 
—  14822  Nous  obstant  A.  —  14S:i4  vcil  je  1!.  C.  —  14835  se  leue  A.  C.  —  14S;'0  Kt  alons  tous  B.  C—  14844  defflne  B.  C. 


,SECONUE    JOURNEE 


103 


Iigi5   qui  m'en  cruiia,  saim  pliu  parler 
pour  les  uug  petit  consoler, 
car  bien  sçay  que  moult  leur  onuuyo. 

SIMON,  lépreux. 
.le  vous  y  tcndray  conipaigiiie, 
mes  chers  soigneurs,  mes  qu'il  vous  plaise. 

NEPTALIN 

1 1850  Simon,  nous  en  sonnncs  bien  aise  : 
de  nous  serez  acompaigué. 

SIMOxN 

Or  cheminons  donc  do  bon  pié, 
que  Dieu  soit  nostre  conducteur. 


CELIU.S 

Or  est  le  notable  seigneur 
14SK  mis  en  terre,  comme  il  appert, 
et  le  scrcus  bien  recouvert  : 
retourner  poons  quand  on  veult. 

MAPELAINE 

Tant  a  mon  cutur  que  plus  n'eu  peust 
d'ennoy  et  de  mellancolic. 

RUBEN 

14860  Ma  chero  dame,  c'est  folie 

de  toi  dueil  en  vous  amasser  ; 
riens  n'est  qu'il  ne  faille  passer  : 
nous  n'avons  cy  pas  nostre  cours 
au  monde  poui'  cstre  tousjours. 

14SGJ  Ce  vostre  frère  ostoit  mortel  : 
c'est  l'usage,  tout  homme  est  toi, 
que  la  mort  prcut  tout  par  effort  ; 
mes  prenez  ung  bon  reconffort 
en  Dieu  par  bonne  pacience. 

NEPTALIN 

14870  Marie,  ce  n'est  [las  science 

de  prendre  destresse  inféconde, 
car  par  coustume  elle  redonde 
au  cucur  de  cil  qui  plus  en  prent. 

SIMON 

Oultrc  plus  ce  que  Dieu  emprent 
1  'i875  ne  peust  estre  mis  en  deffault  ; 
nostre  edit  est  que  mourir  fault  : 
qu'i  vault  donc  le  desconfoi  ter  ? 

MARTHE 

Dieu  doint  que  le  puissons  porter 
en  bonne  pacience  et  vrayc, 
14880  car  jainès  n'est  joye  que  j'aye, 
tant  que  j'y  mette  ma  pensée. 


JHE8U8 

Frères,  retournons  en  Judée 
besongncr  pour  aucuns  affaires. 

8.    PIERRE 

Comment,  niaistrc,  Juifz  nagaircs 
14885  vous  queroient  pour  lapider, 
et  si  ne  vous  sçariez  garder 
d'y  retourner  ? 

s.   JAQL'ES  ZEBEDEY 

Comme  je  sens, 
ilz  ont  appliqué  tout  leur  sens 
a  vous  faire  desloyaulté  ; 
14890  comment  avez  vous  volonté 
de  faire  en  tel  peuple  séjour? 

JHESUS 

N'est  il  pas  douze  heures  au  jour 
qui  en  plusieurs  lieux  et  parties 
ne  sont  pas  cgalment  parties  ? 

14895  s'en  l'une  ont  aucun  mal  songé, 

en  l'aultre  ont  leur  vouloir  changé, 
dont  ccluy  qui  de  jour  amliuUc 
ne  doit  doubter  offence  nulle, 
car  la  lumière  le  conduit  ; 

14900  mes  cil  qui  chemine  de  uuyt 
tost  offence  ou  commet  deffault, 
l)0ur  tant  que  lumière  en  luy  fault. 
Et  ainsi  jamés  ne  pensez 
qu'en  ina  compaignie  offeuoez  : 

14905  lumière  vous  suis  et  conffoi-t. 
Lazaron,  le  nostre  amy,  doi-t 
et  je  m'en  vois  pour  l'exciter 
de  son  somme. 

s.    ANDRY 

Moult  pourfiter 
luy  peust  cette  dormicion  ; 
14910  s'il  dort,  c'est  sa  salvacion, 
car  quant  ung  malade  repose 
l'eu  le  tient  pour  très  bonne  chose 
et  ung  signe  qu'il  sera  sain. 

JHESUS 

Pour  vous  le  dire  tout  a  plain, 
14915  Lazaron  est  mort  et  finy, 

dont  pour  vous  suis  bien  resjouy, 
affm  que  vous  ayez  credence 
que  pas  je  n'estoie  en  présence  ; 
mes  allons  et  le  visitons. 


11847  qui  A.  —  14S71  l'ci-oiiile  A  —  14884  les  juifz  A.  —  14887  De  retourner  en  ees  assens  H.  C—  14893  jours  cl  A.— 
14896  Laultie  espoir  a  leur  veil  13.  C.  —  14900  Mes  celuy  B.  —  149J6  est  mort  C.  —  14913  qui  est  très  sain  B.  C—  14915 
et  enfouy  C. 


Pas; 


13 


194 


MIS  TE  RE    DE    LA    PASSION 


S.    THOMAS 

14920  11  l'ault  que  nous  nous  ap))restous 
ut  allons  avec  ly  mourir  : 
bien  part  qu'il  veult  sa  mort  quérir 
puisqu'il  nous  remaino  au  pays 
de  ces  faulx  et  mauldis  Juifz 

14925  qui  l'ont  en  hayne  mortelle. 


SALMANAZAR 

Seigneurs,  par  tout  court  la  nouvelle 
que  Lazarou,  le  terrien 
de  Bethanie  et  citoien, 
est  de  ce  monde  deffiné. 
14830  Si  ay  mon  veil  déterminé 
d'aller  sçavoir  s'il  est  ainsi. 

ABIRON 

Et  nous  y  allons  veoir  aussi, 
car  son  fait  si  touche  a  pluseurs. 

MOAB 

Et  je  vous  suivi'ay,  mes  seigneurs  : 
14935  j'ay  toute  ma  chose  apprestee. 


URUTAUMONT 

Marthe,  ma  dame  redoubtee, 
je  vois  Jhesus  venir  illec 
et  tous  ses  disciples  avec  : 
vous  deussiez  aller  a  l'encontro, 
11940  veu  que  tousjours  il  vous  demonstre 
sig^e  de  grant  dilection. 

MARTHE 

.l'y  vois  donc  sans  dilacion, 
car  moult  sa  parsonne  désire. 
Jhesus,  mon  très  honoré  sire, 

14945  se  vous  eussiez  icy  esté, 
je  croy  de  ferme  volenté 
que  mon  frère  ne  fust  pas  mort  ; 
mes  ung  point  me  donne  conffort, 
c'est  que  je  cuido  liien  sçavoir 

14950   que  tant  que  vous  vouldrez  avoir 
de  Dieu,  il  vous  le  donnera. 

JHESUS 

Ton  frère  ressuscitera, 

Marthe,  n'y  metz  doubtance  aucune. 

MARTHE 

•  Sire,  l'oppinion  commune 
14955  est  qu'au  derrenier  jugement 


tous  ressusciterons  voirment, 
et  alors  croy  je  sans  doubler 
qu'il  debvera  ressusciter, 
mes  cela  ne  me  souffit  mye. 

JHESUS 

14960  Tu  dois  croire  que  je  suis  vie 

et  vraye  résurrection  : 

qui  croist  en  moy  sans  fiction, 

s'il  est  mort  par  mort  coi"porelle, 

il  ara  la  vie  éternelle  ; 
14965  et  toute  parsonne  vivant, 

s'en  moy  est  fermement  créant, 

jamès  n'a  garde  de  mourir 

ne  mort  éternelle  encoui'ir. 

Crois  tu  ce  que  tu  as  ouy  ? 

MARTHE 

14970  0  mon  bien  cher  seigneur,  oy  ! 
fermement  en  mon  cueur  ay  creu 
que  tu  es  Crist,  le  filz  de  Dieu, 
qui  au  monde  est  venu  pour  nous. 
Icy  retourne  a  Vostelet  huche  Marie,  sa  seur. 
Madelaine,  seur,  levez  vous  : 

14975  Jhesus,  nostre  maistre,  est  venu  ; 
venez  a luy. 

MADELAINE 

Bien  revenu 
soit  le  prophète  vertueux  ! 
mon  corps  sera  bien  curieux 
de  l'aller  voir  incontinant. 


TUBAL 

149S0  Ou  va  Marie  maintenant 
qui  se  part  si  hastivenient  ; 

GEDEON 

Elle  s'en  va  au  monument 
de  Lazaron  a  mon  outeuto, 
affln  que  son  frei'C  lamente 
14985  et  pleure  toute  sa- saoulée. 

RUBBN 

La  bonne  dame  est  désolée 
de  ce  que  fortune  luy  baille  : 
tant  qu'il  n'est  couftort  qui  luy  vaille, 
tant  est  sa  tristesse  mortelle. 
.SIMON,  lépreux. 
14990  Beaulx  seigneurs,  allons  après  elle 
]iour  la  garder  de  desespoir. 

ABIRON 

Nous  la  confforterons  espoir. 


14928-24  muwiuant  U.—  14925  si  mortelle  B.  C—  14927  le  grant  terrien  C—  1492S  Et  de  A.— 14934  beaulx  B.C.-  14955 
«  lexlreme  B.  C.  —  14970  bien  maiv/uc  B.  —  14979  tout  dun  tenant  B.  C.  —  14986  bien  désolée  C.  —  14988  qui  naist  A. 


SEGOiNDE    JOURNEE 


leb 


suyvons  la  brief,  je  vous  »ui)ly, 
car  cueur  lU:  dcstresso  reraply 
14906  vault  niieulx  de  bonne  compaiguio. 


laj  se  gecle  Madelaine  aux  pies  de  Jhesus. 

MADELEINE 

Ha  !  sir(>  plain  <lo  courtoisie, 

comniout  nous  avo/  eslongnc  ? 

comment  avez  vous  tant  targé  ? 

comment  nous  laissez  vous  ainsi  ? 
15000  se  vous  eussiez  esté  icy, 

mon  /rere  ne  fust  pas  fine, 

car  bien  l'eussiez  médecine 

seulement  de  vostrc  parole. 

J'en  prens  tel  dueil  que  je  m'affole 
15005  quand  il  me  vient  en  souvenir. 

.IHESUS 

De  plduror  ni;  mo  puis  tenir 
et  de  frémir  dedans  moy  mosmes 
quant  je  vois  tant  d'hommes  et  femmes 
qui  pour  Lazaron  tel  dueil  niaineat. 

s.    HERTELEMY 

15010  Moult  piteusement  se  deraainent, 
et  tous  ses  plus  (irochains  amis 
en  font  dueil. 

JHESLS 

Ou  l'avez  vous  mis? 
dites  le,  je  le  veil  sçavoir. 

MOAH 

Très  cher  sire,  venez  le  voir  : 
15015  veez  cy  le  sercus  ou  il  gist. 

JHESUS 

Le  cueur  de  pitié  me  fremist, 
tant  que  pour  appi'ouver  ce  dueil 
les  lai'mes  me  chceut  de  l'oeil  : 
amittié  veult  qu'ainsi  le  face. 

NEPTALIN 

15040  Regardez  la  bénigne  face 

(le  Jhesus  mouillée  do  lermes. 

MOAl) 

Uien  poons  juger  par  ces  termes 
qu'il  l'amoit  de  lealle  amoui'. 

TUBAL 

Je  n'entendz  point  ccste  douleur  : 
15025  Jhesus  qui  a  renluminé 

celui  qui  aveugle  estoit  né 
ne  pouoil  il  faire  aussi  fort 


que  son  oniy  no  fuHt  pas  mort, 
puisqu'il  l'amoit  tant  chèrement  '. 

JHESUS 

150.S0  Descouvrez  moy  ce  monument  : 
ostez  la  pierre  de  dessus. 

MARTHE 

Ha  !  sire,  ilz  seroient  deceus  : 
des  quatre  jours  y  est  gisant, 
par  quoy  peust  cstre  si  puant 
15035  qu'âme  ne  le  scjnroit  sentir. 
JHE.su  s 
Pieça  t'ay  voulu  advei-tir 
que  quand  |>arfaitcmeut  croiras 
la  gloire  Dieu  parceveras 
et  te  sera  manifestée. 

ABACUT 

15040  Sus  donc!  la  pieri-e  soit  ostee  ; 
mes  seigneurs,  chacun  s'i  attire. 

GEUUS 

Et  fust  l'odeur  quatre  fois  pire, 
si  metterons  jus  ce  perron, 
et  après  cella  nous  verron 
150-'i5  de  Jhesus  quel  pouoir  il  a. 
Sus!  levez  ! 

TDBAL 

Mes  levez  de  la  ! 
vous  ne  faictes  que  caqueter. 

ABACUT 

Mes  vous  nous  faictes  craventer 
par  vostre  plet. 

GEDEON 

Est  ce  cela  '. 
15060  Sus  !  levez! 

CELIUS 

Mes  levez  de  la  ! 
Halle  aiuout  ! 

ru  BAI. 

\'a,  de  par  Dieu  va  ! 
elle  commance  a  dcsmouter. 

ABACUT 

El  n'est  pas  ainsi  a  oster. 
Sus  !  levez  ! 

UEOEON 

Mes  levez  de  la! 
15055  vous  ne  faictes  que  caqueter. 

CELIUS 

Mes  vous  nous  faictes  craventer. 
Ça,  a  moy  !  encor  ung  peu....,  la  !.. 
(  )r  garde  ses  piez  qui  vouldra 
l»our  double  d'un  pinsson  tout  vert. 


15013  le  moy  je  0.  —  15011  ll.i  sire  venez  le  veoir  C.  —  15018  perlent  de  lueil  0.  —  15031  Kt  estes  C.  —  15035  jkiui- 
roit  B.  C.  —  15037  prestement  C.  —  15043  mettrons  notis  B.  —  15046  tenez  0.  —  15062  monter  C.  —  ISOfa  Kt  nest  p«« 
aussi  B.  —  15055  fautes  tuer  C.  —  15059  {Jarde  A.  li. 


196 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


TUBAL 

15060  Veez  la  le  sercus  tout  ouvert  : 
sire,  faictes  vostre  plaisir. 

JHESUS 

Père  du  ciel,  par  vray  désir 
vous  rons  grâces  com  vous  gravez 
que  ma  voix  exaucée  avez  ; 

15065  touteffois  je  congnois  très  bien 
que  jamès  ne  reffusez  rien 
et  m'oez  en  tout  mon  affaire  : 
mes  la  prière  vous  veil  faire 
pour  les  assistans  qui  me  voient, 

150T0  affin  que  fermement  ilz  croient 
qu'en  ce  monde  m'avez  transmis. 
Lazaron,  vien  hors,  beaux  amis, 

A  hauHe  voix  : 
je  le  veil  et  te  le  commande. 

[Pose.] 

Icy  est  Lazarun  atout  son  suaire, 

LAZARON 

O  que  tu  as  puissance  grande, 
15075  o  que  tes  fais  sont  vertueux, 

benoist  filz  de  Dieu  glorieux 

qui  ciel  et  la  terie  comprens  ! 

louanges  et  merci  te  rendz 

de  la  haulte  miséricorde 
15080  que  ta  doulce  bonté  m'accorde 

de  raoy  en  vie  ramener. 

JHESUS 

Desliez  le  sans  sejcjurner 
et  le  laissez  aller  sa  voye. 

MARTHE 

0  frère,  com  parfaicte  joye 
15085  avons  de  vous  veoir  en  vie! 
La  haulte  bonté  infinie 
en  ait  grâces  a  grant  monjoye! 

LAZARON 

Mes  seurs,  en  piteux  lieu  estoie  : 
Jhcsus  m'a  fait  grant  courtoisie. 

MADELAINE 

15090  O  frère,  com  parfaicte  joye 
avons  de  vous  veoir  en  vie! 
Jamès  de  nouvelle  que  j'oye 
je  ne  seray  plus  i-esjoye. 

l.AZARON 

'    A  bonne  heui'e  ay  la  voix  ouie 
15093  du  filz  de  Dieu  qui  tout  resjoye. 


MARTHE 

0  frère,  com  parfaicte  joye 
avons  de  vous  veoir  en  vie! 

SIMON,  lépreux. 
La  haulte  bonté  infinie 
en  ait  grâces  a  grant  monjoye  ! 


Tonnerre. 

LUCIFER 

15100  Haro  !  deables,  par  quelle  voye 
nous  est  Lazaron  eschapés  ? 

BELZEBUTH 

Je  ne  sçay,  nous  sommes  trompés 
le  plus  lourdement  de  jamès  : 
il  estoit  mis  au  limbe,  mes 

15105  il  est  venu  tout  maintenant 
une  voix  haultement  tonnant, 
tant  terrible  et  espouvantable 
qu'en  tout  nostre  enffer  n'y  a  deablo 
qui  de  paour  ne  se  soit  musse, 

151)0  laquelle  a  haultement  huche  : 
Lazai'on,  vion  acop  dehors  ! 
Si  ne  feusmes  pas  assés  fors, 
qu'il  est  vuidé  de  nostre  porche 
maulgré  nous  de  fait  et  de  force, 

15115  et  s'en  est  yssu  tout  joyculx. 

LUCIFER 

Hwo  !  faulx  serpent  venimeux, 
ardent  de  rage  forcenée, 
que  maudite  soit  la  journée 
de  ma  pi-ime  creacion  : 
15120  nos  drois  vont  a  perdicion, 

nous  pardons  tout  et  sus  et  jus. 

ASTAROTH 

C'est  ce  faulx  prophète  Jhesus 
qui  nous  a  brassé  ce  brassin. 

LUCIFER 

Nous  en  serons  destruis  en  fin, 
i»i25  cela  ne  peut  hors  de  ma  teste  : 
par  ces  fais  il  est  manifeste 
que  c'est  propre  celluy  Cristus 
qui  par  ses  divines  vertus 
doit  racheter  l'humain  lignage. 

BERICH 

15130  On  congnoist  l'ouvrier  a  l'ouvrage  : 
puisqu'il  a  puissance  si  haulte, 
c'est  il,  je  l'approuve  sans  faulte. 
Vous  voyez  comment  il  exite 


15060  descouuert  B.  C.  —  15092-y5  manquent  B.  G.  ri  sont  remplacés  par  les  vers  suivants  attribués  «  Lazare  :  Kn 
grans  ténèbres  habitoye  Auec  Jautres  grant  roinpaignie  Et  se  jeusse  plaoe  assouuye  Grans  merueilles  vous  en  diroye 
—  15100  Haro  ho  deables  par  quel  voye  C.  —  15121  partout  jus  et  sus,  G.  —  15123  verse  ce  B. 


SECONDE    JOURNEE 


197 


les  mors  et  qu'il  les  ressuf>cito 
15135  tout  par  aultrcs  moyens  et  ditz 

que  n'ont  fait  couU  du  temps  jadis. 

11  nous  livre  griefves  batures 

et  hors  des  corps  des  creatui'cs 

nous  (léchasse  et  boute  au  doriùere, 
15140  non  pas  par  requestn  ou  prière, 

mes  nous  banist  hastivcment 

de  sa  puissance  pi-oprement 

et  do  sa  propi'e  auctoiité. 

l.UCIFBR 

Autreffois'  l'a  Sathan  tompté 
15145  par  diverse  instigacion, 
mes  quant  fit  sa  relacion, 
il  dist  bien  que  c'estoit  grant  chose. 

CERBEftlIS 

Ou  est  il,  Sathan  ? 

LUCIFER 

Je  suppose 

qu'il  le  suyt  partout  et  l'espie 

15150  s'il  pourra  point  avoir  coppic 

de  quelque  meffait  qui  luy  viengne. 

FERGAI.US 

J'ay  bien  grand  désir  qu'il  reviengne 
affin  que  s'il  ne  l'a  trompé 
il  puist  avoir  un  recipe 
15155  si  que  le  grant  deable  l'emporte. 

LUCIFER 

Cerberus,  songne  de  ta  porte, 
clos  la  bien,  soie  sur  ta  garde, 
et  quoy  qu'il  soit  souvent  regarde 
qu'aucun  ne  te  serve  de  lobe 
15160  qu'après  ne  te  pille  et  desrobe  ; 
le  fait  nous  touche  de  trop  près. 

CERBERUS 

J'ay  mes  habillemens  tous  prestz, 
mes  barres,  mes  grosses  ferrures, 
mes  verrous,  mes  clefz,  mes  serrures  ; 
15165  et  s'il  est  hardy  d'y  venir 

et  mon  crochet  le  poust  tenir, 
jumès  il  n'en  eschapcra, 
je  vous  reepons. 

LUCIFER 

Or  y  perra, 
je  m'attens  a  ta  diligence. 


SATHAN 

15170  Se  le  deable  a  mon  fait  ne  pense. 


je  suis  sur  le  point  d'enrager  : 
tous  les  jours  ay  nouveau  danger 
par  ce  Jhesus,  que  Dieu  confonde, 
qui  me  fait  tous  les  maulx  du  monrio. 

15175  Je  pers  cy  mon  temi)8  après  ly 
et  touteffois  l'ay  je  assailly 
jiar  champ  de  diverse  bataille, 
et  si  ne  sçay  venir  a  taille 
de  le  faire  a  mal  pervertir  : 

15180  il  fait  tous  mes  gens  convertir, 
il  jjresche,  il  jeune,  il  se  traveille, 
il  fait  miracle,  il  fait  merveille; 
encore  de  nouvelleté 
Lazaron  a  ressuscité 

15185  et  tiré  d'enffer  le  pullant. 
Ha  !  que  Lucifer  est  dollant 
maintenant  et  remply  do  rage 
quand  il  apperçoit  tel  ouvi-age 
qu'il  pert  ainsi  son  prisonniei-  : 

15190  il  n'en  est  pas  bon  a  .seignier, 

tous  les  deables  y  chantent  messe  ; 
il  n'y  a  deable  ne  deablesse 
qui  ne  bondisse  au  fons  du  puis  ; 
il  me  vient  bien  que  pas  n'y  suis  : 

1.5195  j'eusse  bien  des  poires  d'angoisse. 
Il  n'est  moyen  que  j'y  congnoisse 
pour  ravoir  mes  loix  coustumieres 
sinon  de  trouver  les  manières 
que  ce  Jhesus  soit  mis  a  mort, 

15800  car  tant  a  moy  nuyre  s'admoit, 
que  tout  pers  se  je  n'y  pourvois  : 
aux  princes  de  la  loy  m'en  vois 
pour  les  esmouvoir  et  tempter  : 
quand  ilz  orront  ce  fait  compter, 

158(fi  il  y  ara  belles  matines. 
Ici/  .l'en  ra. 


NEPTALIN 

Enti'e  tous  les  merveilleux  signes 
qu'oncqiies  furent  a  la  Dieu  gloire, 
cestuy  est  digne  de  mémoire 
et  bien  esprouvé  pour  miracle. 

MOAB 

15810  Maintenant  voyons  sans  obstacle 
la  puissance  du  doulx  Jhesus. 

SIMON,  lépreux. 
Il  est  fîlz  de  Dieu  de  la  sus, 
son  oeuvre  bien  le  manifeste. 


15138  Et  pluseurs  m.iulx  et  injures  C.  —  151'il-2  Mes  nous  fait  le  bannissement  B.  C.  De  sa  puissance  seulement  B.  — 
15144  compte  A.—  IMr*  la  C—  1516'i  doux  C—  15185  puant  C—  1511S8  apperoeust  B.  C—  15198  Se  nest  B.  11  nest  C.  — 
15800  injurier  seffort  C. 


m 


MISTRRR   DK   LA    PASSION 


•   GEnEO.N 

Seigneurs,  démenons  joye  ot  feste, 
152i5  loons  Dieu  de  volenté  plaine 
quand  de  sa  grâce  souveraine 
nous  veult  si  haulx  fais  reveller. 

RUBEN 

Salnianazar,  a  brief  parler, 
nous  avons  fort  tenu  querelle 
15220  contre  Jhesus  et  sa  séquelle, 

dont  nous  avons,  je  croy,  mal  fait  : 
nous  voyons  les  vertuz  qu'il  fait 
et  la  grant  puissance  qu'il  a. 

SALMANAZA.R 

Ruben,  pensez  vous  a  cela  ? 
15225  avez  vous  admiracion 
d'une  meschante  fiction  ? 
vous  seriez  tous  les  coups  séduit. 

RDBEN 

Je  prens  la  voie  qui  mieulx  duit  ; 
qui  vouldra  si  s'en  tire  arrière, 
15230  mes  je  croy  de  pensée  entière 

qu'il  est  filz  de  Dieu  tout  puissant. 

ABIRON 

Je  n'en  suis  pas  csbayssant  ; 
Ruben,  qui  vouldra,  si  s'en  fume  : 
se  cueur  n'est  plus  dur  qu'une  enclume, 
15235  il  fault  dire  pour  vérité 
que  la  puissante  dcité 
est  en  luy  noblement  unye. 

TU  BAL 

Ainsi  le  croy. 

SALMANAZAR 

Et  je  le  nye, 
ce  n'est  rien  qu'une  abusion. 

CEUUS 

15840  Jhesus  a  puissance  infinye, 
ainsi  le  croy . 

PHARES 

Kt  je  le  uyc, 
ce  n'est  rien  qu'une  fantaisie. 

ABACUT 

C'est  divine  operacion. 

NEMBROCH 

C'est  magique  ou  enchanterie. 
SIMON,  lépreux. 
15245  Mes  vraye  demonstracion. 

SALMANAZAR 

Qui  le  croit,  c'est  très  grant  folie. 

TU  BAL 

Mes  pour  avoir  siUvaciun, 


ainsi  le  croy. 

PHARES 

Et  je  le  nye, 
ce  n'est  rien  qu'une  abusion. 

NEMBROCH 

15250  Phares,  j'ay  bien  inteucion 

que  nous  en  allons  vous  et  moy 
compter  aux  prestres  de  la  loy 
ce  fait  icy  qui  leur  compote. 

PHARES 

11  est  bosoing  qu'on  leur  répète, 
15855  car  il  leur  touche. 

SALMANAZAR 

Il  est  tout  vray, 
et  je  vous  accompaigneray, 
affin  que  le  fait  mieulx  se  porte. 


PHARES 

Seigneurs,  vostre  noble  consorte 

vueille  le  grand  Dieu  conserver  ! 
15200  Nous  venons  pour  vous  approuver 

ung  cas  do  nouvel  advenu 

qui  sur  tous  aultres  est  tenu 

de  terrible  admiracion, 

et  quant  a  la  narracion 
15265  veez  cy  qui  bien  la  sçara  faire. 

NEMBROCH 

Seigneurs,  pour  vous  compter  l'affaire, 

puisque  je  suis  a  ce  commiz, 

plusieurs  abusemens  sont  mis 

au  jour  d'uy  en  la  loy  Moyse 
15270  pour  cause  que  n'avez  pas  prise 

vengence  des  controdisans, 

et  ains  qu'il  soit  oultro  dix  ans, 

vous  verrez  que  tout  périra 

qui  de  fait  n'y  remédiera  ; 
15275  et  qu'il  soit  vray  ce  que  je  chante, 

celluy  Jhesus  qui  souvent  hante 

en  ceste  nobille  cité, 

a  de  nouveau  ressuscité 

Lazaron,  le  vaillant  seigneur  ; 
15280  dont  le  peuple  est  on  telle  erreur, 

brief,  qu'il  n'est  pas  né  de  bonne  eure 

cil  qui  ne  l'adore  et  honeure, 

et  tous  pour  prophète  le  tiengnent. 

JHEROBOAN 

Tous  les  jours  nouveaux  cas  surviengnent 


15220  querelle  B.  cordelle  C— 15222  quel  vertu  il  fait  0.-15228  me  (luit  A.—  15232  obejss.int  C  — 15246  très  manque 
C.  —  i5Sx>  tout  maur/ue  A.  —  15259  confermer  C.  —  15260  raconter  C.  —  15265-76  manquent  A.  —  15272  passe  dix  ans 
C.  —  15277  Je  vous  denonoe  pour  verile  A.  —  15278  Que  jhesus  a  A.  —  1528i  loue  et  honeure  C.  —  1.5283  ti.usjours  G. 


SFCONDE  JOIJRNEK 


1528:.  par  co  malheureux  boninie  cy 
qui  le  peuple  si'duit  oitui  : 
je  ne  sçay  que  uous  eu  ferons. 

MAllDOCEUS 

Kii  la  lia  destruis  on  serons, 
se  n'est  que  justice  s'en  face. 
15290  Le  peuple  l'a  si  fort  en  grâce 

qu'il  n'est  riens  que  pour  ly  no  foissinit. 
et  ainsi  nos  drois  dépérissent 
pur  faulte  do  provision. 

NAA.SON 

.)c  suis  trop  bien  d'oppinion, 

iSiftj  affi'n  qu'en  ce  conseil  ayons, 

qu'cnsauiblc  nous  nous  retrayons 
devers  nos  princes  souverains, 
nos  cvesques,  nos  souverains, 
et  lors  sous  ombre  pastoral 

1.5300  tendrons  ung  conseil  général 
pour  tuer  cest  homme  mauldit. 

ELIACHIN 

Qu'on  dites  vous  ? 

IIANANIAS 

11  a  bien  dit 
fit  bien  devisé,  ce  nous  semble. 

JOATHAN 

Or  nous  on  allons  tous  ensemble 
•15305  besongner,  ains  qu'il  soit  jJus  tard. 


N'ACHUK 

Malabrin,  amy,  Dieu  to  gard  ! 
Comment  le  fait  uostro  pontipho 
et  nostre  hault  prin«e  Gayphe  ? 
est  il  point  fort  cmbcsongno  ? 

MALABIUN 

15310  Je  croy  qu'il  est  bien  emposelio 
do  plusieurs  cas  a  dire  voir  ; 
mes  non  obstant  je  vois  sçavoir 
Se  vous  arez  point  audience. 


Cher  sire,  la  haulte  clémence 
15315  vous  accroisse  i  ouncur  et  tous  bieus  ! 
Messeigncui-s  l.s  pharisiens 
sont  venus  a  ce  matinet, 
et  croy  qu'ilz  ont  ung  tantinet 
a  faire  de  vostre  conseil. 

CAYPHK 

15320  Metz  ces  bancquiers  on  appareil, 


n,  n  ri  r. 

oeH  coussinH,  ces  Iwncs,  ces  scabelles, 
et  puis  leur  porte  les  uouvellet' 
ipi'ilz  entrent  hardiment  dodeau. 


MAI.AHRI.N 

Soigneurs,  scribes  et  présidons, 
15325  il  ennuyé  trop  qui  attcnt: 
entrez. 

NATHAN 

Est  monseigneur  content  ? 
nous  n'avons  pas  hasto  trop  grande. 

MALABRIN 

Entrez  eus,  puisqu'il  le  commande, 
pour  vostre  fait  ne  plus  no  mains. 
15330  II  ara  gi'ant  besongno  en  mains, 
quand  pour  vous  ne  la  laissera. 

JACOB 

Ses  serviteurs  nous  trouvera 
a  touto  heure  i)areillemont. 


JHEBOKOAN 

Sire,  le  grant  Uieu  qui  ne  ment 
15335  de  chose  qu'il  aist  a  congnoistre 

vous  veille  honneur  et  sens  accroistre, 
comme  vostre  parsonue  est  digne  I 

CAYPHE 

Seigneurs,  chacun  son  lieu  assigne, 
chacun  siée  sans  remanoii' 
153/10  et  en  nostre  petit  manoir 

vous  sciez  tous  les  bien  venus. 

JHEROBOAN 

Sire,  grans  fais  sont  advenus 
et  ilo  morveilleuso  matière 
qui  la  loy  touche  tout  ontiei'C 
I53'i5  par  quoy  plus  en  fault  enquérir. 

CAYPHE 

11  fault  donc  envoyer  quérir 
Anne,  nostre  prédécesseur  : 
c'est  ung  bon  consoillier  et  sceur 
qui  a  beaucoup  veu  en  son  temps  : 
1.53.50  si  ne  seray  pas  consentons 

que  nous  concluons  riens  sans  ly. 

JOB  R  AN 

Il  est  bon  qu'il  y  soit  aussi 
et  n'a  cil  qui  ne  le  désire. 

CAYPHK 

Maueourant. 


19W 


15292  nppelisseiit  C.  —  15294  tre?!  U.  C.  —  15,303  mo  B,  mnnqw  C. 
se  siée  A.  C,  —  15348  ronseil  G. 


15321  corssins  B. 


15330  donne  n  C.  —  1SS39 


200 


MISTKRR   DE   LA   PASSION 


MA.UCOURANT,  messager. 

Quevous  plaist  il,  sire? 
15355  laissez  moy  parfournir  mes  bouges. 

CAYPHE 

Va  t'en  quérir  Anne  de  tire. 
Maucourant? 

MAUCOURANT 

Quevous  plaist  il, sire? 

CAYPHE 

Passe  avant  ;  le  fault  il  tant  dire  ? 
Tu  dis  :  je  vois,  et  no  te  bouges. 
15360  Maucourant? 

MAUCOURANT 

Que  vous  plaist  il,  sire? 
laissez  moy  parfournir  mes  bouges 
pour  ce  qu'on  y  prent  les  plus  rouges 
a  soy  partir  sans  le  desjung  ; 
j'ay  prins  deux  moreeaulx  en  lieu  d'ung 
15305  pour  fournir  ung  peu  le  pourpoint. 

CAYPHE 

Va  en  haste,  et  ne  reste  point, 
noncer  a  Anne  de  par  moy 
que  tous  les  maistres  de  la  loy 
l'attendent  céans  et  qu'il  viengne. 

MAUCOURANT 

15370  Mes  qu'a  aultre  chose  ne  tiengne 
qu'a  mon  devoir,  tantost  Tarez. 

CAYPHE 

Messeigneurs,  vous  attenderez 
s'il  vous  plaist  jusqu'à  son  retour. 


Icy  vient  Nostre  Dame  a  Jhesus  humblement 
et  le  saille  en  ceste  fourme, 

NOSTRE   DAME 

Mon  enffant,  mon  bien  et  m'amour, 
15375  la  chose  que  plus  je  reclame, 

que  mon  cueur  plus  désire  et  ame, 

le  recours  de  mon  espérance, 

ma  doulce  et  parfaicte  alliance, 

comment  vous  est  par  vosti'c  advis  ? 
15380  long  temps  a  que  je  ne  vous  vis  ; 

par  quoy  j'en  suis  assés  dolante. 

JHESUS 

Ma  chère  mère  révérante, 
puisque  je  vois  vostre  présence, 
j'ay  de  joye  tel  aflluence 
15385  qu'au  monde  u'ay  chose  plus  chère. 

NOSTRE   DAME 

0  filz,  je  feiz  piteuse  chère 


15',oo 


f 


1540,1 


des  paroles  qu'oy  tous  les  jours  : 
pour  ce  que  le  peuple  a  recours 
a  vous  et  que  le  secourez  : 
15390  ces  mauvais  Juifz  malheurés 
vous  heent  a  telle  habondance 
qu'ilz  quicrent  a  toute  puissance 
vous  faire  quelque  desplaisir. 

JHESUS 

Hz  parvendront  a  leur  désir 
15395  et  fault  que  de  ma  mort  chevissent, 

mes  non  pas  si  tost  qu'ilz  vousissent  ; 
mon  père  ne  l'a  pas  permis  ; 
et  de  fait  tous  mes  ennemis 
s'assemblent  au  jour  d'uy,  affln 
de  traictier  ma  mort  et  ma  fin  : 
c'est  la  chose  que  plus  desiront 
et  quelque  bien  qu'en  moy  remirent 
tous  le  tirent  a  mauvaistié. 

NOSTRE  DAME 

Filz,  le  cueur  me  fend  de  pitié 
quand  j'os  ceste  parole  amere  : 
V      regardez  la  petite  mère 

qui  en  ses  flans  vous  a  porté; 
I  ne  me  faictes  pas  tel  durté 
t  que  je  voye  gent  tant  villaine 

15410  livrer  vostre  nature  humaine 
a  martii-e  et  a  passion  : 
pensez  que  la  compassion, 
qui  de  vous  me  departiroit, 
le  cueur  en  deux  me  partiroit  : 

I5'il5  le  dueil  me  seroit  importable. 
0  mon  cher  enffant  amiable, 
mon  vouloir,  mon  bien,  mon  soûlas, 
ne  souffrez  pas  tel  mal,  helas  ! 
regardez  la  crudelité 
et  la  grant  infidélité 
que  ces  faulx  Juifz  vous  feroient 
s'a  leur  volonté  vous  tenoient  ; 
hors  de  leurs  mains  vous  en  allez, 
bien  l'evittez  se  vous  voulez 
par  la  deité  tout  puissant 
dont  je  vous  sçay  vray  possessant 
des  la  vostre  conception. 

JHESUS 

N'ayez  en  vous  turbacion, 
ma  chère  mère  débonnaire, 
I5'i30  car  le  voyage  me  fault  faii'e 
pour  lequel  je  suis  envoyé, 
et  que  par  moy  soit  ravoyé 
le  peuple  forclos  des  jadis 
du  royaulme  de  paradis. 


15420 


15'!^ 


15357-59  man'iuent  B.  —  15365  prepoint  B.  —  15375  La  rien  née  que  B.  C.  —  15379  Comme  A.   —  153S7  que  joy  A. 
15390  manque  C.  -  15'ins  tnnt  A,  —  15412  quen  C.  —  15'.13  Que  B.  —  15421  vous  manque  A. 


SECONDF   JOURNRE 


201 


is'itis  Toutes  les  nobles  prophccies 
dessus  moy  seront  accomplies 
et  sus  mon  corps  mat  et  lasso 
n'en  ai'a  ja  point  trespasso 
que  tout  no  iiorto  et  accomplisse 

15'.'iO  comme  la  divine  justice 
a  proposé  et  ordonné 
ains  qu'en  ce  monde  fusse  né. 
Or  n'est  pas  ceste  heure  venue 
que  Dieu,  mon  père,  a  retenue 

15445  en  sa  prescience  divine, 

et  pourtant,  ma  merc  bénigne, 
il  fauldra  que  d'icy  me  parte. 
Je  vous  lorray  Marie  et  Marthe 
pour  vous  consoler  de  vos  ileulz  ; 

15450  demoui-ez  avec  elles  deux 

tant  que  nostre  retour  vendra. 

NOSTRE    DAME 

Filz,  mon  vouloir  obeyra 

a  vous  sans  y  mettre  contraire. 

JHESUS 

De  .ludee  me  fault  retraire 
15455  pour.fuir  mes  persécuteurs. 

Icy  s'en  vx  Jhesus  et  ses  apostres. 


NOSTRE  DAME  '"' 

0  mauvais  .luifz  traditeurs, 
0  très  desleaulx  détracteurs, 
peuple  deffait, 
Que  vous  a  mon  cher  filz  mefi'ait 
154C0  qui  trestant  de  bien  vous  a  fait? 
et  vous  querez 
Sa  mort  et  la  délibérez  1 
petitement  considérez 
sa  charité, 
15465      Son  sens  et  sa  nobilité 
et  sa  très  doulce  humanité 
très  bien  unye 
A  la  deité  infinye  ; 
pute  et  perverse  progenie, 
15470  vostre  faulce  bouche  le  nye 
desloyaulment. 
Mes  vostre  vif  entendement 
vient  au  contraire  évidemment 
et  la  faulce  bouche  desment, 
15475  car  les  haulz  signes 

Dont  vos  raoï-telz  yeux  sont  indignes 


monstrcnt  bien  ses  oeuvres  divines  ; 
mes  il  estend  miel  sur  espines, 
dont  ne  vous  monte  : 
15480       De  ses  oeuvres  ne  tenez  compte 
par  faulx  orgueil  qui  vous  surmonte, 
dont  a  confusion  et  honte 
vous  tournei'a. 
Faulx  peuple,  qui  t'excusera 
15485  quand  mon  cher  fllz  te  jugera  ? 
vivement  lors  t'aleguera 
qu'il  t'a  fait  nùculx 
Qu'a  i)euple  qui  soit  sous  les  cieulx  ; 
et  néanmoins  tes  fais  sont  tieulx 
15490  que  desloyaulment  en  tous  lieux 
tu  l'as  hay, 
Regnyé  et  dc^obey, 
et  s'il  est  de  toy  envay, 
se  tu  pculz  il  sera  trahy  ! 
15495  o  faulce  envye,  j 

Seras  tu  jamès  assouvye, 
trahison  qui  tout  bien  devye  ? 
quiers  tu  la  lumière  de  vie 
pour  mettre  a  mort  ? 
15500       La  veulz  tu  banir  de  son  fort 
et  la  bouter  hors  par  effort? 
puisque  ta  vie  hez  si  fort, 
la  mort  te  viengne  ; 
La  mort  saille  qui  te  retiengne 
15505   et  ton  faulx  vouloir  la  mort  tiengne, 
affin  que  jamès  ne  parviengne 
a  mon  entl^nt. 

[l'OSE.] 


MAUCOURANT 

Anne,  le  haultain  triumphant 
vous  ci'oisse  haultesso  et  honneur. 
l»10  Gayphe,  mon  vaillant  seigneur, 
fust  volontiers  ains  qu'il  fut  nonne 
coppié  de  vostre  pei-sonne, 
pour  appointier  aucuns  moyens. 

ANNE 

Messeigneurs  les  pharisiens 
15515  n'y  sont  ilz  pas  a  ce  matin  ? 

MAUCOURANT 

Oy,  il  y  a  gros  hutin  : 

je  ne  sçay  que  deable  il  leur  fault, 


15438  naura  C.  —  15439  naccomplissp  B.  —  15449  vous  deux  C.  —  15400  partant  U.  C.  —  15470  pute  bouche  B.  — 
15478  Très  hnulles  de  mémoire  dignes  A.  —  15481  faulx  manque  C.  —  15484  te  pensera  C.  —  154y6  O  faulse  racine 
assaruye  B.  C..  —  Ir5li9  valeur  H.  G.  —  15513  daucuns  B.  G. 


202  M  I  S  T  R  R  R 

et  d'aultre  part  il  ne  m'en  rhault  : 
j'ay  d'aultres  pensées  assés. 

ANNE 

i.'iSïo  .le  te  sieulx. 

MAUCOURANT 

Or  vous  avancez, 
car  ilz  n'attendent  que  pour  vous. 

ANNE 

Ça,  mes  gens,  apprestcz  vous  tous  : 
il  nous  fault  aller  au  conseil, 
mettez  vous  tous  en  appareil, 
15525  Roullart,  Dentart  et  Gadifer  ; 
prenez  ces  gros  maillés  de  fer 
et  vous  en  venez  la  grant  trot. 

ROULLART,  premier  sergent. 
Vous  ne  sçarez  aller  si  tost 
que  ne  soions  a  vos  talions. 

DENTART,  deuxième  sergent. 
15530    Puisqu'il  fault  que  nous  y  allons, 
il  fust  bon  do  son  bec  saisir 
au  mouvoir. 

,  GAWKER,  troisième  sergent. 

Nous  n'avons  loisir  : 

nostre  maistre  sans  nous  s'en  va. 

ROULLART 

Le  sanglant  gibet  le  couva  ! 
15535  n'y  pouoit  on  faire  sans  ly  ? 

DENTART 

Se  quelque  meschant  cust  failly, 
qu'il  faulsist  ja  mettre  en  prison, 
fust  a  raison  ou  sans  raison, 
ce  fust  le  fait  de  nous  sergens. 

GADIFER 

15540  II  ne  nous  chaille  des  perdans, 
mes  que  nous  y  ayons  gaignage. 

[Po.^E.] 


ANNE 

Seigneurs,  tout  ce  noble  bornage 
gard  Dieu  de  mal  et  d'eneombrier  1 

CAÏHHE 

.\nne,  i-everand  conseillii'r, 
15d/i5  a  joye  soiez  descendu. 

Pieça  vous  avons  attendu. 


DR    LA    PASSION 


15550 


li^55 


15560 


15565 


15570 


15575 


15580 


15585 


15590 


ces  haulx  et  notables  seigneui-s 

et  moy,  pour  aucuns  grans  erreurs 

de  quoy  vous  orrez  le  procest. 

ANNE 

J'ymagine  assés  près  que  c'est 
|)uisque  j'y  vois  tel  asseraWee. 

JHEBOBOAN 

N'ous  devez  sçavoir  qu'a  l'emblee, 
en  lieu  secret  et  en  couvert, 
en  lieu  publique  et  descouvert, 
Jhesus,  ce  meschant  séducteur, 
est  de  tant  d'outrages  acteur 
que,  s'es  gens  avoient  puissance, 
les  ])ierres  criroient  vengence 
contre  luy  pour  le  deppointier. 
Si  sommes  venus  pour  traittier 
sur  ce  fait  pour  trouver  remède, 
et  est  de  force  qu'on  procède 
a  sa  mort,  nous  n'en  poons  plus. 

YSACAR 

Qui  ne  veult  perdre  le  surplus 
et  laisser  le  peuple  séduire, 
il  est  nécessaire  qu'il  muyre      • 
ou  aultrement  nous  nous  perdons. 

ANNE 

Messeigneurs,  ung  peu  attendons 

a  juger  d'une  tel  besongne  : 

n'est  pas  sage  qui  ne  ressongne. 

11  fault  avant  la  depai-tie 

ai'guer  chacune  partie 

pour  la  vérité  concevoir. 

Rt  premier,  vous  devez  si^'avoir 

que  cest  homme  cy  que  vous  dittes, 

ne  sçay  par  quelz  fais  ou  mérites, 

monstre  signes  tant  redoubtables 

que  les  plus  grans  et  plus  notables 

a  très  grandes  merveilles  tiengnent 

dont  si  grandes  vertus  luy  viengnent. 

Vous  avez  veu  de  fors  miracles 

sur  meseaulx,  sur  demoniacles, 

sur  ladres,  clops  et  contreffais, 

lesquelz  a  sanés  et  reffais  ; 

de  la  fille  oyste,s  compter 

qu'il  fit  aussi  ressusciter  ; 

puis  a  finablement  donné 

lumière  au  povre  aveugle  né 

qui  oncques  jour  n'avoit  veu  goûte  ; 

mes  encore  la  passeroute 


15521  pour  manque  C.  —  13532  Au  partir  A.  —  155'i0  clmult  C.  —  15546  Grant  pièce  nous  C.  —  13547  mnnquf  C. 
—  15548  Et  inoy  pour  aucuns  grans  dangers  B.  Et  nioy  or  font  aucuns  dangiers  C.  —  15554  En  publique  et  a  descou- 
uert  B.  G.  —  13556  Si  est  de  tant  niaulx  acteur  A.  Est  tant  de  transgresse  acteur  B.  Est  de  tant  de  destragees  acteur 
C.  —  15337  (Jue  se  ces  gens  nauoient  B.  Que  ses  gens  et  luy  avoient  C.  —  13571-72  arguer  en  partie  A.  lune  et  a 
lautre  partie,  B,  C.  -  15577  très  C.  —  13582  muez  C, 


SECONDR    JOTIRNER 


•>on 


(In  tous  les  fais  que  nous  savon, 
c'est  du  bon  seigneur  Lazaron 
qu'il  a  fait  de;  mort  rt^lever  ; 
et  pour  son  fait  niioulx  approuver, 

ir^g:.   il  avoit  csto  plaincment 

quatro  jours  en  son  monument  : 
cela  a  tout  le  monde  sceu. 
Or  donc,  considftr(i  ot  veu 
les  cas  qui  sont  a  préférer, 

15600  aucuns  poiu-roient  inférer 

qu'il  fust  Gristus,  comme  j'ay  dit, 
et  si  l'est,  cil  seroit  mauldit 
qui  la  main  oscroit  toucher 
de  riens  sa  personne  cmpescher. 

15605  Ov  veil  aidtrcs  l'aisons  attraire 
et  arguer  la  part  contraire  : 
s'il  est  Gristus,  comme  on  maintient, 
a  luy  compete  et  appartient 
tout  le  royaulmo  de  Judeo, 

15610  connne  l'oscripture  est  fondée, 
laquelle  tesmongne  en  son  nom, 
que  Cristo  debetur  regnum  ; 
et  ainsi  se  nous  concédons 
qu'il  soit  Grist,  mal  y  procédons 

15615  se  nous  no  venons  par  arroy 
le  prendre  et  faire  nostre  roy 
en  ferme  et  vraye  obeyssance. 
Mes  veez  cy  une  répugnance 
par  quoy  faire  ne  le  poons  : 

15620  chacun  scet  comment  nous  avons 
perdu  plusieurs  prérogatives 
et  loys  efficaces  et  vives, 
dont  nostre  fait  vault  beaucoup  mains, 
par  la  puissance  des  Romains 

15625  qui  guerroier  nous  ont  vouliu 
et  nostre  royaulme  toUu, 
tant  que  n'avons  seigneur  ne  maistre 
fors  ainsi  qu'il/,  le  veulent  mettre, 
et  ainsi  nous  tiemient  en  getz 

150.'i0  leurs  tributaires  et  subgetz, 

et  pour  nous  plus  mettre  en  danger, 
font  nostre  roy  d'ung  estranger, 
qui  n'est  que  comme  lieutenant 
dessoubz  l'empereur  mantenant  ; 

15635  et  donc  se  l'empereur  peust  voir 
qu'aultre  roy  nous  vueillons  avoir 
que  cil  qu'il  nou^  commet  et  baille, 
il  vendra  a  grosse  bataille 
suhvertir  toutes  nos  cités 


inwo 


15(M5 


15650 


15655 


15660 


15665 


15670 


15875 


15680 


15685 


et  mettre  en  tclz  ncsoessit's 
que  morR  ou  vifz  il  nous  prendra  : 
et  alors  qui  nous  detfendra  '! 
sera  ce  Jbesus  assés  fort, 
luy  qui  n'a  puissance  no  |iort, 
n'alliance  a  prince  du  monde  ? 
Par  quoy  mon  argument  se  fonde 
qu'il  nous  doit  estre  reffu»»', 
et  seroit  le  peuple  abusé 
de  soy  mettre  soub/.  la  baniere 
d'ung  roy  qui  en  telle  manière 
ne  luy  pourroit  porter  sa  bende. 

MAnOOCEL'S 

S'il  est  qui  vostre  fait  entende, 
Anne,  vous  ))i'oposoz  très  bien. 
Il  fait  moult  do  signes,  combien 
que  nous,  qui  congnoissons  les  loys, 
n'arrestons  point  sur  ces  explois 
que  nionstrent  luy  et  ses  courlwns  ; 
et  posé  qu'ilz  fcussent  très  bons 
et  pour  le  peuple  endoctriner, 
s'est  il  bon  de  les  impugner 
pour  éviter  plus  grant  dommage, 
et  quant  est  au  commun  langage 
qui  Grist  le  veult  appropiior, 
ce  point  leur  voulions  nous  nyer. 
Grist  n'est  pas  ;  et  quand  le  seroit, 
le  rogne  ne  luy  debveroit 
tant  pour  sa  personne  meschante 
com  pour  sa  force  insuffisante, 
dont  ses  gens  seroient  fouUés. 

NAASON 

Doubtes  nous  sourdont  de  tous  lés, 

misères,  craintes  et  eiTours  ; 

comme  ont  bien  dit  ces  deux  seigneurs 

concluans  sur  cest  homme  infâme, 

qu'il  n'est  pas  digne  du  royalme. 

Quant  est  de  ly,  de  sa  parsonne, 

vrayment  il  n'y  est  pas  ydonne 

(cest  point  est  approuv<''  de  maint), 

et  touteft'ois,  s'ainsi  remaint, 

tout  nostre  peuple  le  croira 

et  peust  estre  roy  le  fera 

par  une  entreprise  inexperte  ; 

et  ainsi  nous  vendra  la  perte 

que  ces  bons  seigneui's  ont  toucliié. 

CAYPHE 

Messeigneurs,  qui  avez  serchié 
les  meurs  et  vertus  autentiques 


15600  Autres  C.  —  15602  celuy  C.  —  15603  de  In  main  C.  —  15604  «iiproucher  C.  —  15006  Argue  a  la  pour  C.  — 
15CI3  consentons  A.  procédons  C.  -  l.">fi29  es  getz  C.  —  15637  Que  cil  qui  nons  a  baille  et  commis.  C.  —  15638  Sur 
nous  atout  ses  amis  C.  —  15052  dict  B.  C,  —  15657  caubons  C.  —  15672  mes  C.  --  15<i75  a  luj  et  B.  Qui  nest  pas  luy  ne 
C.  —  15076  Voirement  B.  C.  —  15079  en  luy  lî.  C. 


MISTEREDE   LA   PASSION 


que  baille  Aristote  es  Etiqucs, 
vous  ne  raonstrez  pas  en  venue 
que  vous  ayez  bien  retenue 
sa  docti'ine  en  moyen  aucun. 

15690  Dit  il  pas  que  le  bien  commun 
précède  le  particulier 
par  droit  et  doit  devant  aller, 
car  bien  plus  a  communaulté 
et  plus  sortist  de  dignité? 

15695  Et  pour  tenir  ce  document, 
je  dis  qu'il  est  expédient 
de  tuer  ung  homme  et  destruyre, 
si  que  tout  le  peuple  ne  muyre  ; 
mieulx  vault  qu'ung  homme  soit  grevé 

15700  et  ung  puissant  peuple  sauvé 

que  pour  ung  seul  homme  sauver 
ung  peuple  se  doye  grever  ; 
et  atant  fais  conclusion. 

EUACHIN 

Tenons  ceste  provision 
15705  que  le  peuple  en  fault  délivrer. 

BANANUS 

Se  le  voulions  a  mort  livrer, 
le  meilleur  nous  est  le  plus  brief, 
car  il  nous  porto  si  grant  grief 
que  nostre  loy  se  pert  en  vain. 

CAYPHE 

15710  Et  je  doncq,  comme  souverain 
de  la  loy,  baille  cest  edit 
que  ce  mauvais  homme  et  maudit, 
en  quelque  lieu  qu'il  soit  trouvé, 
soit  prins  comme  ung  larron  prouvé 

15715  et  admené  par  devers  nous. 

JOATHAN 

A  ce  nous  consentons  nous  tous  : 
il  n'est  moyen  plus  abrègent 

CAYPHE 

Or  sus  doncq  !  il  n'y  aist  sergent 
bedeau  courant  n'aultre  menistro 
157S0  qui  ne  s'en  voit  guettier  au  tiltrc, 
voire  tout  quoy  sans  mener  bruit, 
sçavoir  s'il  vendra  ceste  nuit 
au  temple  faire  ses  sermons. 

ANNE 

Estes  vous  pretz  ? 

MALCiis,  sergent  a  Cayphe. 

Nous  nous  armons, 
ISTfô  mes  soiez  sceurs,  s'on  le  rencontre, 
qu'il  ara  si  très  mal  encontre 
qu'oncques  il  ne  fut  a  telz  nopces. 


BRUYANT,  deuxième  sergent. 
Allons  m'en  faire  mes  approches 
portans  nos  haches  tout  en  bas. 

ESTONNÉ,  troisième  sergent. 
15730  A  quoy  faire  ? 

BRUYANT 

Pour  les  debas  : 
on  ne  scet  du  remontrement. 

CAYPHE 

Allez  vous  en  secrètement 

et  faictes  comme  riens  n'en  fust. 

ESTONNÉ 

Se  je  pensasse  qu'il  y  eust 
15735  danger,  fust  d'arc  ou  d'arbalestre, 
j'allasse  croupir  en  nostre  estre, 
en  nos  charbons  estudier. 

MALCUS 

Allez  prendre  xmg  tel  souldoier 
a  faire  vostre  garde  corps  ! 

ESTONNÉ 

157'.0  Les  plus  hardis  sont  premiers  more  : 
ne  me  parlez  point  de  combattre. 

ROULLART 

11  n'est  point  saison  de  débattre  ; 
allons  faire  nostre  envaye. 
Icy  s'en  vont  etdx  six  au  temple. 


JHESUS 

Retourner  veil  en  Bethanie  : 
157'i5  frères,  mettons  nous  en  chemin; 
le  temps  s'en  va  fort  a  déclin, 
et  mon  heure  s'approchera. 

s.    PIERRE 

Cher  maistre,  quand  il  vous  plaira, 
nous  sommes  pretz  de  mettre  en  voye, 
15750   et  que  chacun  de  nous  s'employe 
comme  vostre  veil  délibère. 


MADBLAINE 

Lazaron,  mon  très  amé  frère, 
puis  que  feustes  ressuscité, 
d'esbat  ne  de  joyeuseté 
15755  ne  feistes  signe  ne  manière. 

LAZARON 

Seur,  j'ay  raison  assés  planiere, 
car  depuis  ma  mort  corporelle 


15686  en  A.  —  15700-1  sane,  saoer  B.  —  15704  conclusion  B.  —  15710  Je  le  dy  C.  —  15727  mais  ne  fust  B.  C.  —  157Î8 
nos  approches  B.  —  15729  baious  contre  bas  C.  —  15733  se  riens  C.  —  15737  En  mes  B. 


SECONDE   JOURNEE 


305 


15760 


lal»0 


j'ay  von  mainte  ohoso  cruelle  ; 
par  quoy  quand  on  co  |)Cnsei'  suis, 
de  rions  csjouir  ne  me  puis. 
Je  penso  aux  peines  et  tonueiis, 
aux  |)lours  et  aux  gemisseuions, 
aux  dures  destresscs  <l(mnees 
aux  povres  anios  condanipnocs, 

15765  au  ternie  de  pci'dicion, 
au  lieu  de  deaolacion, 
au  lieu  de  troj)  terrible  ardure, 
au  lieu  de  mort  qui  tousjours  dure 
sans  son  pacicnt  alléger  ; 

15770  quand  je  pense  a  ce  dur  danger 
ou  j'ay  choisy  tant  de  dampnés, 
et  puis  nous  voy  tous  d'Adam  nés 
eu  co  péril  vivre  sur  terre, 
qui  vouldi-a  voit  liesse  querre  : 

15773  je  ne  la  sçaroye  sortir. 

MARTHE 

Cher  frère,  pour  nous  advertir 
de  nostre  vie  misérable, 
et  s'il  no  vous  est  trop  grevable, 
dictes  nous  aucunes  nouvelles 
de  ces  peines  tant  criminelles 
en  quoy  ces  povres  âmes  sont, 
des  cris  et  des  pleurs  qu'elles  font  : 
ce  nous  sera  bel  exemplaire. 

LA.ZAR0N 

Marthe,  seur,  c'est  ung  lieu  sans  plaire  ; 

et  a  vous  deviser  les  peines 

dures,  horribles  et  villaincs 

dont  ce  malheureux  lieu  habonde, 

toutes  les  langues  de  ce  monde 

ne  le  sçaroient  l'ocenser 

et  parlassent  eulx  sans  cesser. 

C'est  ung  abisme  de  destresse, 

ung  hideux  gouffre  de  tristesse 

ou  toute  misère  survient. 

Rt  puisque  parler  en  convient, 
sçavoir  devez  en  ce  party 
que  l'enffer  total  en  ce  vient 
qu'il  est  on  quatre  pars  party  ; 
et  comment  qu'il  soit  depparty, 
chacune  des  pars  assés  nuit  : 
ou  enffer  est  peine  s'ensuit. 

Et  en  la  plus  haulte  partie 
qui  le  limbe  des  pores  est, 
sont  des  piophctes  grant  pai'tie 
et  d'aultres  a  qui  moult  desplest 


15785 


115790 


ri5795 


15800 


15805 


15810 


15815 


15820 


15825 


15SaO 


15835 


158 'lO 


158'.5 


15850 


que  l'en  diffère  leui-  procest, 
eulx  qui  sont  de  gloire  attentis  : 
mes  espoir  repaist  les  chctis. 

Vient  espérance  la  prudente 
qui  ung  seul  i)etit  les  esjoye, 
puis  ung  vent  do  trop  longue  attente 
vient  fei'ir  leur  bien  et  leur  joye  ; 
et  lors  Dieu  scct  s'il  leur  ennoye 
qu'ainsi  sont  privés  de  lem*  bien  : 
car  qui  n'a  son  Dieu,  il  n'a  rien. 

Kn  l'aultre  lieu  qui  est  notoire 
et  bien  ordonné  par  raison, 
est  l'enfer  qu'on  dit  purgatoire 
ou  il  y  a  d'ames  foison 
pugnies  par  grant  achoison, 
comme  chacun  a  deaservy  : 
nul  mal  ne  demeure  impugny. 

La  sont  en  piteuse  ordonnance 
les  âmes  des  bons  ti-espasscs 
ix)ur  paracomplir  leur  penance 
d'aucuns  de  leurs  vices  passés  : 
la  ont  ilz  des  tormens  assés, 
selonc  ce  que  leurs  péchés  sont  : 
la  peine  au  délit  correspont. 

L'aultre  enfer  qui  plus  bas  desceut, 
ou  les  sièges  sont  mal  ornés, 
est  lieu  par  ténèbre  indécent 
et  la  sont  les  enffans  morsnés 
moult  piteusement  atornés, 
qu'âme  jamès  ne  les  decoulpe  : 
fort  plaint  qui  porte  l'autruy  coulpe. 

Au  plus  bas  est  le  hideux  gouffre 
tout  de  désespérance  taint 
ou  sans  fin  art  l'éternel  souffi'e 
de  feu  qui  janiés  n'est  estaint  ; 
la  sont  les  malheureux  contraint 
porter  pardurablc  tempcste  : 
ou  espoir  fault  la  mort  est  preste. 

Hideux  puis,  abismes  parfons, 
Chartres  de  piteux  for  bandées, 
tous  plains  de  pecheui-s  jusqu'au  fons, 
illec  recevant  leurs  souldeos  ! 
la  crient  âmes  malheurees 
en  leur  créateur  blasphémant  : 
a  trop  poindre  fault  l'aymant. 

Leurs  armes  sont  mort  [lardurable 
et  leur  cry  d'un  piteux  helas, 
leur  chançon  d'un  dueil  misérable 
sans  jamès  espoir  de  soûlas  ; 


15767  destre-sseure  B.  oruellp  C.  —  15769  se  jamais  pouoir  C.  —  15774  voise  crosse  C.  —  15780  tant  cruelles  C.  — 
15791  tristesse  n.  C.  —  15792  destresse  B.  C.  —  IjSO/i  et  qui  C.  —  15810  ung  vient  C.  —  15SH  qui  par  pou  les  noyé  B.  C. 
—  15826  La  sont  par  torineus  renuersez  B.  0.  —  15827  les  offences  B.  C.  —  15828  ou  le  délit  C.  —  15831  incedent  C.  — 
15835  qui  par  ce  laultre  G.  —  15843  Hideux  fer  B.  C.  —  15846  Sont  lec  B.  C.  —  15849  C«r  a  trop  B.  C. 


•306 

le  deablo  les  tient  en  ses  las 
15855  (jui  est  tout  prest  de  les  payer  : 
de  tel  service  tel  loyer. 

MADELEINE 

Krere,  moult  se  doit  (wniayer 
cil  qui  ot  faire  ung  tel  rapport  ; 
je  pry  Dieu  que  de  si  dur  port 
15860  nous  vueille  en  la  fin  préserver 
et  en  tel  estât  conserver 
qu'on  sa  gloire  puissions  manoir. 


JUESUS 

Paix  soit  en  ce  noble  manoir 
et  a  l'assemblée  notable  ! 

NOSTRE   DAME 

15865       0  fiiz,  combien  est  delitablc 
vostre  corps  de  vei'tu  orné. 

MADELAINE 

0  mon  cher  maistre  charitable, 
vous  soyez  le  bien  retourné. 

MARTHE 

•Jhesus,  mal  nous  est  agréable 
15870  que  tant  nous  avez  séjourné. 

LAZARON 

Vostre  venue  poui-fitable 
a  ce  dueil  en  joye  tourné. 
SIMON,  lépreux. 
Puisque  Dieu  vous  a  ramené, 
vray  saulveur,  pour  nous  enseigner, 

15875  pour  vous  et  vos  gens  bienveigner 
je  vous  semons  en  ma  maison 
a  souper,  et  est  bien  raison 
que  je  vous  serve  main  et  vespre, 
car  guery  m'avez  de  ma  lespre, 

15880  il  y  a  des  jours  grant  foison. 

JHESUS 

iiiraon,  sans  nulle  aultre  achoi^^oll. 
nous  vous  irons  tous  visiter. 

MARTHE 

Allons  le  souper  apprester, 
Simon,  veez  cy  ma  seur  Marie 
15885  qui  a  ce  ne  vous  fauldra  inio  : 
elle  nous  aidera  aussi. 

SIMON 

N'oisine,  la  vostre  mercy 
que  pour  moy  tant  vous  occupez. 
Icy  mcctent  Us  tables  et  ce  qu'il  y  failli. 


MI  STERE   DE    LA    PASSION 


GADIFER 

Gompaignons,  nous  sommes  trompés  ; 
15890  retourner  tout  court  nous  convient, 
car  ce  Jhesus  ne  va  ne  vient  : 
si  n'y  poons  faire  escarmuche. 

ROULL.IRT 

Peust  estre  scet  il  bien  l'embûche  : 
si  s'est  ung  iicu  trait  d'une  i>art. 

DENTART 

15895  C'est  ung  malicieux  poupart  ; 

il  n'est  pas  en  ce  point  a  prendre. 

MALCUS 

Se  vous  luy  sçavez  huy  apprendi'o 
sa  leçon,  vous  serez  soubtis. 

ESTONNÉ 

Puisqu'il  ne  vient  en  ces  partis, 
15900  retournons  devers  nos  seigneurs. 

BRUYANT 

Nous  n'avons  huy  moyens  meilleurs: 
nous  pardons  cy  nostre  procest. 

[Pose.] 


SIMON 

Sire,  vostre  souper  est  prest, 
venez  seoir,  nous  vous  serviron. 

MARTHE 

15905  Prenez  place  quand  il  vous  plest  : 
sire,  vostre  souper  est  prest. 

jhesus 
Icy  ne  ferons  mes  arrest, 
de  souper  nous  abregeron. 

SIMON 

Prenez  le  souper  tel  qu'il  est. 
15910  et  une  aultre  fois  mieulx  aron. 

MADELAINE 

Sire,   vostre  souper  est  prest, 
venez  seoir,  nous  vous  serviron. 
Icy  s'assient  tous  en  ordonnance  et  sowpeut. 


'JADIKBH 

Seigneurs,  devers  vous  retournon 


.•enfsli'r  Tt  v;.,r  îf  f  '"''"'■'"'^  ^-  "''"'''"  ^-  -  ^^'*™  '""""  «•  ^-  -  1^82  Briefment  vous  irons  H    C  -  15900 
lepjs  B.  l..  M  vous  iiionseiL'niur  ]azaron  veis  oioulé  fn-nnt  l'VHV)  n    r        jtiruo   i  >'""»"""o  r>.   u.       loauy 

15913  Seigneurs  ^mhes  B.  C.  '"""♦"  """"f  1«W9  B.  C.  -  15912  7cy  6o«;,<.n(  A.  ),i,mî!i<- B.  C.    - 


•SECONDE  JOURNKE 


207 


(lu  lion  ou  nous  avoz  transmis, 
1J915  mes  saclie/.  ijuo  .llu'sus  s'est  mis 
hors  lie  la  voye  a  son  privé. 

CAYPHE 

Vous  ne  l'avez  dont  point  trouvé  ! 
«i'ou  vient  cecy  ? 

nOULIAUT 

Il  a  tenu 
qu'il  n'est  pas  uu  temple  venu 
159Ï0  ces  jours  le  peuple  sermonner. 

DENTART 

Pour  vous  advertanco  donner, 
l)lusicurs  font  giant  solennité 
do  ce  qu'il  a  ressuscite 
ce  Lazaron  do  Bethanye, 

15925  et  vont  a  grosse  compaignie 

tous  les  jours  cniploier  leurs  pas 
syavoir  la  vérité  du  cas, 
et  quand  ilz  le  trouvent  vivant 
le  tiengnent  a  merveille  grant  : 

15930  si  croyent  on  luy  par  ce  point. 

ANNE 

Seigneurs,  nous  ne  chevirons  point 
pour  machiner  no  par  onvye 
tant  que  Lazaron  soit  en  vie  ; 
car  comme  il  a  dit  cy  dessus, 
15935  plusieurs  croyent  en  ce  Jhesus 
a  le  voir,  et  qui  m'en  croira, 
«oubtil  moyen  trouve  sera 
de  ce  Lazaron  cy  destruire. 

JHEROHOAN 

11  est  nécessité  qu'il  muyre 
159W  ])our  conserver  nos  citoiens, 

mes  dangereux  sont  les  moyens  ; 
s'i  penserons  de  longue  main. 


SIMON,  lépreux. 
Mon  cher  maistre  doulx  et  humain, 
prenez  en  gré  la  pacience  : 
15945  il  me  poisc  en  ma  conscience 

qu'il  n'y  a  biens  jjIus  largement. 

JHESUS 

Des  biens  avons  habondamment, 
Simon,  vostre  mercy,  beau  sire. 

MADEI.AINE 

Je  vien  d'ung  ongnenient  eslire 
15850  dessus  tous  aultres  précieux. 


a  odoi'er  délicieux 
et  poui-  mon  volloir  mctti'o  a  chicf 
le  vois  espandre  sur  le  chief 
du  doulx  Jhesus  en  pleine  table. 
15955  O  choi-  filz  de  Dieu  amiable, 
recevez  en  gré  a  présent 
le  doulz  et  gracieux  présent 
dont  sur  vous  fais  l'effusion. 

JUDAS 

Dont  sert  cesto  pcrdicion  ? 

15960  n'est  ce  pas  ongnenient  pardu  f 
il  vaulsist  mieulx  qu'il  fust  vendu, 
et  donné  aux  povres  le  pris  : 
de  l'ai'gent  que  l'on  en  eust  pris 
n'est  ce  pas  supertluité  ? 

15965  mes  frères,  en  bonne  équité 
dittes  qu'il  vous  en  est  advis  ; 
onc  plus  grant  folie  ne  vis  : 
elle  cuide  faire  ung  grant  bien, 
et  ce  qu'elle  fait  ne  vault  rien 

15970  ne  ne  porte  quelque  avantage. 

s.    THOMAS 

Ce  me  saniblc  bien  grant  oultrage 
et  largesse  trop  plantureuse 
que  de  liqueur  si  précieuse 
perdre  ainsi,  c'est  très  grant  donmiage 

s.    BERTHBLEMY 

15975  Elle  monstre  qu'el  n'est  pas  sage, 
ainsi  connue  Judas  argue  : 
c'est  toute  chose  superflue 
qui  ne  vient  a  quoique  prouffit. 

JUDAS 

Oncques  femme  aultrenient  n'en  lit  : 
15980  c'est  leur  nature,  a  tout  compter, 
que  de  perdre  bien  et  gaster. 
N'est  ce  pas  mal  fait  ?  attendu 
que  ce  qu'elle  a  cy  respandu 
eust  este  vendu  en  brief  temps 
15985  trois  cens  deniers  d'argent  contons  ; 
or  est  pardu,  dont  n'ay  pas  feste. 

JHESUS 

A  quoy  portez  vous  tel  moleste 
contre  cesto  femme  bénigne? 
Bonne  oeuvre  et  de  mérite  digne 

15990  a  vollu  exploitior  en  moy, 
et  n'en  devez  avoir  annoy  : 
eai'  se  tant  des  povres  pensez, 
tousjour»  est  des  povres  assés 
auxquelz  chacun  de  vous  poui-ra 

15995  faire  aulmonnc  quand  il  vouldra  ; 


15926  cas  C.  —  15941  tminijue  C.  —  15048  la  vosli-e  iiiel'i'y  siie  C.  —  15U51  IH  iloileur  moiiJt  ilelicieiis  li.  C.  —  15954 
De  jhesns  droit  B.  C.  —  15s>55  aprH.ihle  C.  —  15972  si  IS.  —  15974  [.oui-  noaut  .est  (loiiiiiiago  B.  C.  —  15982  Ijibii  fait 
C.     -  15980  Or  le  iieil  B.  C.  —  i:.98»  oeuiiro  ilo  mérite  0. 


208 


MISTERE    DE    LA   PASSION 


16000 


16015 


mes  vous  ne  m'arez  pas  tousjouis  : 

si  ne  vous  doit  cstre  a  rebours 

se  sa  devocion  la  nieust 

me  bien  faire  quand  elle  peust. 

En  mon  corps  a  fait  cest  ungture 

segnifiant  ma  sépulture, 

car  quant  oingdre  me  cuidera, 

alors  pas  ne  me  trouvera  : 

si  l'a  provenu  maintenant. 

16005  Encore  vous  dis  plus  avant 

qu'en  quelque  lieu  que  soit  preschee 
ceste  euvangille  et  demonstree, 
par  tout  sera  mencion  faicte 
de  la  bonté  qu'elle  m'a  faicte  : 

16010  tout  le  monde  en  orra  nouvelle. 

JUDAS 

Suis  je  ainsi  ravallé  pour  elle  ? 
or  avant  donc,  je  m'en  tairay  ; 
mes  se  je  puis,  j'exploiteray 
de  faire  telle  trahison 
que  je  raray  ma  porcion 
que  j'ay  pardu  a  ceste  fois  ; 
mes  il  fault  reffraindre  ma  voix, 
tant  que  j'aye  lieu  convenable. 

JHESUS 

Nous  avons  fait  chcre  honorable,       , 
Simon,  vostre  mercy,  beau  sire. 

SIMON 

11  n'est  besoing  de  cella  dh-e, 
cher  maistre  :  tout  mon  tenement. 
est  en  vostre  commandement 
a  faire  vostre  bon  plaisir. 

JHESUS 

Chers  frères,  il  m'est  prins  désir 
d'aller  pour  noncer  vérité 
en  Jherusalem  la  cité  : 
nous  y  sommes  bien  désirés. 
Pierre  et  vous,  Jehan,  vous  en  irez 
en  ce  chasteau  icy  dessoubz 
que  vous  voiez  encontre  vous, 
lllec  trouverez  une  ancsso 
et  sou  asnon  qui  ne  la  losse  : 
desliez  et  la  m'admenez. 

s.    PIERRE 

10035   Sire,  ainsi  que  vous  l'ordonnez, 
il  sera  fait  sans  attendue. 

JHESUS    ■ 

S'il  est  qui  vous  en  redarguc 
ou  vous  repreigne  en  cest  affaire, 


16020 


16025 


16030 


dittes  :  le  seigneur  a  a  faire 
16040  de  ces  deux;  guerre  n'en  fera, 
et  tantost  vous  les  laissera 
et  vous  en  vendrez  sauvement. 

s.    JEHAN 

Vostre  begnin  commandement, 
cher  maistre,  irons  exécuter  : 
16045  Pierre,  il  est  temps  de  nous  haster, 
mettons  nous  a  chemin  bon  erre. 


s.    PIERRE 

Allons  acop  ces  asnes  querie 
ainsi  qu'il  nous  l'a  commandé  ; 
mes  quand  j'ay  bien  tout  regardé, 

leœo  je  m'esbays  qu'il  en  dispose  : 

nous  n'avons  point  appris  tel  chose 
qu'il  prengne  asnes  pour  soy  porter  ; 
de  riens  ne  se  veult  supporter, 
tousjours  traveille,  tousjours  peine, 

16<^  et  sa  doulce  nature  humaine 
au  monde  n'a  point  de  repos. 

s.  JEHAN 

Tant  qu'il  touche  de  ce  propos, 
je  pense  en  moy  et  considère 
que  c'est  pour  aucun  giant  mistcre 
10060  qui  n'est  point  a  nous  assavoir  : 
allons  faire  nostre  devoir 
et  sa  bonne  grâce  en  arons. 

s.    PIERRE 

Veez  cy  l'asne  que  nous  querons, 
et  emprès  son  asnon  petit, 
16065  comme  nostre  maistre  avoit  dit. 

Jehan,  regardez,  c'est  ung  grant  signe 

que  la  prescience  divine 

est  en  luy  :  tesmoing  en  avons. 

s.    JEHAN 

Fermement  croire  le  devons  ; 
16070  aussi  je  n'y  metz  point  doubtauce. 
Pierre,  je  vous  pry  qu'on  s'avance, 
gardons  que  ne  séjournons  trop. 

s.    PIERRE 

Je  l'aray  deslié  acop  : 
ainsi  l'anesse  s'en  vendra 
16075  et  l'asnon  après  la  suyvra, 
comme  nature  luy  enseigne. 

s.    JEHAN 

J'ay  grant  désir  que  l'heure  vicngne 


10009  manque  C.  —  16011  reparle  B.  ramponno  C.  —  16014  producion  B.  perdidon  C.  —  16019  notable  B.  —  16026 
Daller  pour  anonoer  A.  prononcer  C.  —  16033  faon  B.  —  16038  contredit  C.  —  10040-41  De  ces  deux  bestes  que 
qucrez  Et  lantost  vous  seront  laissez  C.  —  16042  seurement  B.  C.  —  16046  bonne  B.  grant  C.  —  16047  rest  agne 
B.  —  1605S  Tant  quesl  a  moy  B.  C.  -   16064  faon  B.  —  16071  Or  sus  pierre  le  temps  sauance  B.  C. 


SECOND  !•:   J  0  V  R  N  K  K 


2W 


que  vers  iiostro  maistre  soyons. 

s.  PiEnnp. 
Hastons  nous  tant  que  nous  pouons, 
1G080  aultro  renicde  je  n'y  vois  ; 
je  reminainc. 

s.    JEHAN 

Après  je  m'en  vois, 
la  chassant  un  pou  le  graiit  pas. 

s.    PIERRE 

Se  Dieu  plaist,  nous  ne  fauldrons  pas 
de  venir  assés  de  bonne  heure. 

s.  JEHAN 

16085  Se  nous  faisons  longue  demeure, 
nostre  maistre  est  doulx  et  begnin  : 
si  prendra  garde  au  long  chemin 
que  si  tost  n'avons  peu  parfaii'e. 

s.    PIERRE 

Mon  très  cher  maistre  dcbonuaii-e, 
16090  vostre  command  fourny  avon; 
veez  cy  l'anesse  et  son  faon  : 
faii'e  en  pouez  a  vostre  veil. 

JHESUS 

Frères,  j'ay  disposé  et  voil 
monter  sus  pour  cause  certaine, 
1G095  et  dedens  la  cité  haultaine 
nous  en  irons. 

s.    ANDRY 

S'il  vous  plest,  maistre, 
nos  vestemens  y  voulons  mettre 
et  vous  vous  serrez  par  dessus. 
Ici/  metent  leurs  robes  sur  l'anesse  et  monte 
Jhcsus  sus  et  s'en  vont  en  Jherusalem. 

JHESUS 

Vous  dittes  bien. 

s.    BERTHELEMY 

Or  montez  sus, 
16100  et  chacun  y  tendra  la  main. 

.s.    PHELIPE 

Frères,  suy  vous  sans  nul  remain  : 
nostre  maistre  s'en  va  devant. 

s.    SIMON 

Tantost  serons  appercevant 

les  peuples  de  liesse  plains 
1C105  faire  joye  par  mons  et  plains 

a  ceste  venue  nouvelle, 

car  partout  court  fort  la  nouvelle 

de  la  grant  résurrection 

du  vaillant  seigneur  Lazaron 
16110  que  chacun  tient  a  grant  merveille. 

s.  JUDE 

La  joye  sera  nonpareille 


que  le  i)cuplc  y  fera  sans  double, 
car  volenticrs  ses  dilz  cscouto 
et  ja  pioça  no  l'ont  jieu  voir, 
16115  et  doncq,  mes  qu'ilz  puissent  sçavoir 
sa  venue,  ilz  feront  grant  feste. 

s.  JAQUES   ALPHEY 

Pour  monstrer  joye  manifeste, 
chacun  porte  dedans  ses  palmes 
de  vcrdoicns  rainsseaux  de  palmes  : 
16120  ce  sera  signe  de  liesse. 

s.  MATUI^ 

Nous  en  avons  a  grant  largesse  : 
alloua  nous  en  le  grant  chemin. 


RUBEN 

Gedeon,  et  vous,  Neptalin, 
bonnes  nouvelles  vous  apporte. 

GEDEON 

16125  Est  ce  chose  qui  nous  confforte 
ou  porte  consolacion  ? 

RUBEN 

Oy,  et  grant  perfection, 
et  puisque  dire  le  convient, 
Jhesus,  le  saint  prophète,  vient 
16130  la  sainte  cité  visiter. 

GEDEON 

Est  il   vray? 

HUBEN 

Plus  n'en  fault  doubler  : 
il  vient  pour  nostre  remonstrance 
et  ses  bons  amis  confforter. 

NEPTALIN 

Est  il  vray  ? 

MOAB 

Plus  n'en  fault  doubler  : 
16135  sur  l'asncsse  est  volu  monter, 
et  vient  par  humble  contenance 
sans  monstrer  orgueil  ne  bobance  ; 
nous  y  pourrons  moult  profflter. 

ABIRON 

Est  il  vray? 

TUBAL 

Plus  n'en  fault  doubler  : 
16140  il  vient  pour  nostre  remonstrance. 
Partons  nous  en  belle  ordonnance, 
allons  a  l'encontre  de  luy. 

CELIUS 

Abacut,  n'est  ce  pas  celluy 


16078-86  mawiu,enl  A.  —  16082  En   la  chassant  le  C.  —  16088  Que  nostre  voyc  puissions  faire  A.  —  16108  De  sa 
noble  ressussitacion  C.  —  16137  bombance  B. 


Pas. 


14 


•2[Q  MISTEÎIE 

qui  tel  gloire  manifesta 
16145  quant  Lazaron  ressuscita, 
le  benoit  prophète  Jhesus  ? 

ABACLT 

C'est  il  proprement,  Celius  : 
allons  à  sa  doulcc  présence 
luy  faire  honneur  et  révérence 
16130  comme  a  nostre  souverain  roy. 

RUBEN 

Chacun  se  mette  en  bel  arroy  : 
prenons  de  palrncs  lieaux  rinceaux, 
draps  dorés  exquis  et  nouveaulx, 
et  les  cstandons  en  la  place, 
16155  affin  que  l'asne  dessus  passe 
du  vray  rédempteur  d'Israël. 

GEDEON 

Vcez  cy  le  doulx  Emmanuel, 
veez  cy  le  rédempteur  du  monde, 
veez  cy  le  sauveur  pur  et  monde 
16100  qui  nous  doit  a  gloire  avoyer. 

NEPTALIN 

O  saint  et  bcneuré  loyer 
de  nostro  attente  désirée, 
bcnoite  soit  ceste  journée 
que  nous  te  poons  convoyer! 

MO  Al! 

16165  Corps  et  biens  voulons  cmploier 
a  ta  loange  bien  eurec, 
o  saint  et  ))oneuro  loyer 
de  nostre  attente  desirec. 

JHESUS 

Pitié  me  constraint  larmoier 
18170  dessus  toy,  cite  malheuree  : 
se  tu  sceusscs  ta  destinée, 
de  lermes  te  deusses  noyer. 

ABIRON 

0  saint  et  beneuré  loyer 
de  nostre  attente  désirée, 
16175  benoite  soit  ceste  journée 

que  nous  to  poons  convoyer! 

TUBAI. 

Cause  n'avons  de  simploier  : 
veez  cy  nostre  roy,  nostre  sire, 
le  bien  que  nostre  cucur  désire, 
16180  que  les  prophètes  ont  prédit. 
Osanna  filio  David/ 
a  joye  soiez  vous  receu  ! 

CELIUS 

Hcnoif  soies  qui  es  venu 
ou  nom  de  Dieu,  nostre  vray  pero  ! 
16185  benoit  soit  le  divin  niistcre 


DE    LA    PASSION 

qui  ung  tel  trésor  nous  envoyé  ! 

ABACUT 

Gcstcz  ces  rinceaux  par  la  voye, 
faisons  jeus  et  esbatomens, 
et  estandons  nos  vestemens 
16190  a  la  venue  du  seigneur. 

RUBEN 

O  benoit  saulvcur, 
o  vray  rédempteur 
d'humaine  nature, 
A  toy  soit  honneur, 
16195         puissance  et  valeur 
sans  fin  no  mesure  ! 

GEDEON 

Chantons,  menons  joye, 
chacun  se  resjoye 
a  ceste  venue. 

JHESUS 

16200        Le  peuple  festoie 

et  mon  cueur  larmoyé  : 
c'est  liesse  nue. 

NEPTALIN 

Saulveur  benedict, 
gendi-e  de  David, 
16205         bien  soiez  venu. 

JHESUS 

Ce  joyculx  conduit 
sera  mal  conduit 
et  bien  .cher  vendu. 

MOAB 

Chacun  se  concorde 
16210         et  sa  voix  accorde 
faire  beau  record. 

JHESUS 

0  maie  concorde, 
qu'en  faulcc  discorde 
vendra  cest  accord  ! 

ABIRON 

16215  Fille  de  Syon, 

en  devocion 
ton  niaistre  reçoy, 
qui  vient  mettre  en  toy 
visitacion. 

JHESUS 

16220  Lameulacion, 

dcsolacion 
et  piteux  convoy 
sur  toy  venir  voy, 
fille  de  Syon. 

TUBAL 

10225  0  noble  cite, 


16132  et  rinsseaux  C.  —  IflKiO  mener  C.  —  161';7  leriiuijer  C.  —  161S2  vous  maii'iac  B.  —  16190  de  nostre  G. 
16Î10-12  manquent  B.  —  16213  inalle  B.  —  16223  benoite  C. 


SECONDE 


grant  joyeusete 
doys  en  toy  avoir, 
qui  vas  recevoiiT 
ta  félicité. 

JHESUti 

16230  l'^n  perplexité, 

eu  adversité 
te  voy  promouvoir  : 
c'est  piteux  avoii-, 
0  noble  cité. 

CEI.IUS 

16235  Filz  David,  roy  de  majesté, 
en  qui  gist  puissance  divine, 
qui  les  aveugles  enlumine 
et  aux  mors  sces  la  vie  rendre, 
a  honneur  puisses  luiy  descendre, 

10240  et  nous  doint  Dieu  qu'a  tousjours  mais 
dessoubz  toy  puissions  vivre  en  paix 
connne  nous  y  avons  fiance. 

ABACUT 

C'est  uostrc  bien,  nostre  espérance. 
Osanna  filio  David! 
16245  et  benet/iclus  qui  venit 

au  nom  du  triumphant  haultain  ! 
Maintenant  sonnues  tout  certain 
de  la  nostre  rcdompcion. 

.IHESUS 

Pour  faire  predioacion 
162S0  et  le  peuple  vers  Dieu  attrairo, 
vers  le  temple  me  fault  retraire, 
car  il  y  a  des  gens  foison. 


Jacob,  scribe. 
Veez  cy  la  plus  forte  poison, 
la  rage  plus  desmesurcc 

161856  qu'oncques  fortune  ait  mesurée 
depuis  l'heure  que  me  congnus  : 
tout  le  monde  suyt  ce  Jhesus, 
tout  le  monde  luy  fait  hœmeur 
et  le  tient  pour  roy  et  seigneur, 

1G260  et  nous  sommes  mis  au  derrière. 

JORRAN 

To\it  le  peuple  luy  fait  tel  chiere 
pour  ce  que  pic(,a  ne  le  vy 
que  tout  son  courage  est  ravy 
de  luy  dons  et  honneur  parfaire, 


JOURNEE 

10265  et  bi'iefnient  il  n'en  peut  |ilu»  faire 
s'il/,  ne  le  i)ortent  en  leurs  bran. 

Y8ACAR 

Ou  luy  estant  robes  et  draps, 
on  luy  chante  moté»,  ]i8ealmes, 
on  luy  gette  rainceaux  do  palmes, 
16270  comme  eo  fust  Dieu  de  lassus. 

JHEROBOAN 

Briefinent  nous  en  sommes  deccus, 
que  tout  nostre  fait  n'en  vault  rien  ; 
nous  en  pardons  tout  nostre  bien. 
Vous  voyez  qu'ilz  le  suyvent  tous, 
10275  et  l'en  ne  tient  compte  de  nous 
ne  de  la  justice  civille 
a  cent  pars,  non  pas  a  dix  mille 
que  l'on  souloit  faire  jadis. 

MARDOCEUS 

Nous  ne  procédons  que  par  ditz 
102SO  et  menaces  de  longue  main  : 
telz  fabuzes  sont  tout  en  vain, 
nostre  fait  n'a  point  de  conduitte  : 
nos  princes  l'ont  ainsi  conduite  ; 
ce  sont  tousjours  de  leurs  fa(,'ons. 

ANNE 

1G285  Que  voulez  vous  que  nous  façons  ? 
nous  sommes  dollans  de  ces  festes 
ne  plus  ne  moins  comme  vous  estes  : 
tant  on  avon  coin  vous  avez. 

CAYPHE 

S'aucunc  remède  y  sçavez, 
16290  pour  Dieu  veilliez  le  nous  appi'endre. 

MARDOCEUS 

Oy  :  il  ne  le  fault  que  prendi'e 
prestement  i)ar  cruel  effort 
et  l'occire. 

CAYPHE 

11  seroit  bien  foi't  ! 
Et  quand  est  a  ceste  pensée, 

10295  c'est  msi  advisé,  Mai-docee  ; 
et  mal  conduit  son  avangarde 
celluy  qui  la  fin  no  regarde  ; 
mes  il  ne  vient  aultres  consaulx 
par  coustume  de  jouvenceaux  : 

16300  si  ne  s'en  fault  pomt  esbayr. 
Comment  pensez  vous  envahir 
cest  honnne  cy  soit  près  ou  loing, 
quand,  s'il  venoit  qu'il  eust  bcsoing, 
tout  le  monde  seroit  pour  luy  ? 


211 


16230  Ta  A.  —  16232-16235  nwii'iufnt  C.  —  16235  de  dauid  A.  H.  —  1623(i  luist  C.  —  1623S  fais  la  veue  C.  —  168^ 
il  nen  pcueul  A.  —  16266  porte  entre  ses  br.ns  B.  —  16268  notes  B.  »t  psealines  B.  C.  —  10260  et  palmes  B.  — 
16283-4  Ce  sont  tousjours  nos  redicte  Ce  sont  nos  ditz  et  nos  façons  C.  —  10201  Ouy  bien  .1.  et  ooinuicnl  M.  le  preudrb 
Ui  C.  —  16295  très  mal  aduises  B.  très  mal  pense  C. 


212 


MISTICUK   DE   LA   PASSION 


A>NE 

16305  II  n'est  pas  bon  a  faire  ainsi  : 
bien  fault  aultre  heure  regarder 
a  le  prendre  et  appréhender. 
Tant  que  le  peuple  ainsi  le  suyvo, 
ne  doublez  jamés  qu'il  n'cstrivc 

16310  a  le  prendre  tant  qu'il  pourra. 

CAYPHE 

La  chose  se  reffroidira 
encor  ung  tantôt  pour  le  miculx, 
et  tandis  nous  choisirons  lieux 
pour  le  surprendre  a  pié  levé. 

NAASON 

16315  Puisqu'il  est  au  temple  arrivé, 
je  vois  oir  qu'il  vouldra  dire. 

ELIACHIX 

Et  je  vous  cnsuivray  de  tire, 
non  pas  pour  oir  ses  paroles, 
car  a  toutes  ses  paraboles 
16320  je  n'y  acompte  pas  ung  ail. 

NACHOR 

J'y  vois  aussi. 

NATHAN 

Et  se  j'y  fail, 
mes  deulz  en  seront  plus  pesans. 


RLBEN 

Resjouissez  vous,  mes  euffans  : 
veez  ey  vostre  roy  supernel. 

LE    PREMIER   ENKFANT 

16325  Bien  viengne  le  roy  d'Israël 

pour  son  beau  royaulmc  ordonner; 
a  joye  luy  doint  Dieu  régner 
et  face  son  règne  éternel! 

LE   DEUXIEME   ENKFANT 

Oncques  Jherusalem  ii'ot  tel, 
16330  et  pour  luy  plus  grant  los  donner 
bien  viengne  le  roy  d'Israël 
pour  son  beau  royaulme  ordonner. 

LE   TROISIEME   ENFKANT 

C'est  le  piteux  Emmanuel 
que  Dieu  a  voulu  admener 
10335  pour  nous  régir  et  gouverner  : 
cnffans,  faisons  ce  chant  nouvel. 

LE    PREMIER   ENFFANT 

Bien  viengne  le  roy  d'Israël 

pour  son  beau  royaulme  ordonner; 


a  joye  luy  doint  Dieu  régner 
16340  et  face   son  règne  éternel! 

NAASON 

Os  tu  point  le  chant  soUennel 
que  ces  enffans  icy  te  font  ? 
comment  pour  toy  esjouis  .sont 
et  font  grant  feste  et  resverie? 

ELIACHIN 

16343  C'est  une  droite  mocqueric 
de  les  oir  chanter  et  braire. 

NACHOR 

Tu  les  deusses  bien  faire  taire 
de  l'eure  que  tu  les  enteus, 
car  plusieurs  en  sont  mal  contens 
16350  qui  n'y  voient  raison  quelconques 
ne  cause. 

JHESUS 

Ne  leustes  vous  oncques 
David  en  ses  pseaulmes  chantans 
que  de  la  bouche  des  enffans 
est  parfaicte  la  Dieu  loange? 

163K  et  pour  tant  ne  vous  soit  estrange 
s'ainsi  font  ;  car  se  plus  sçavoient, 
moult  volentiers  l'aduonccroicnt  ; 
et  tel  loange  est  mieulx  prisie 
que  vostre  faulce  ypocrisie 

16360  qui  ne  contend  qu'a  mal  venir. 
Frères,  plus  ne  me  veil  tenir 
en  ceste  austère  compaignie; 
mes  retournons  en  Bethanye 
ou  Marthe  tousjours  nous  reçoit. 

s.    PIERRE 

16365  II  est  bien  besoing  qu'ahisi  soit, 
car  depuis  que  cy  arrivasmes 
nous  ne  beusmes  ne  ne  mangeasmes, 
et  s'est  tantost  souleil  couchant. 


JUDAS,  a  part  bj. 
Je  suis  malostru  et  meschant, 

16370  quant  mon  estât  bien  considère, 
de  moy  tenir  en  tel  misère 
en  ceste  meschante  consorte  : 
beaucop  de  povreté  j'y  porte 
qu'il  n'est  mestier  do  revcller, 

16375  comme  de  venir  et  d'aller, 
de  mourir  de  froit  et  de  fain  ; 
et  qui  pis  est,  suis  incertain 


16305  bon  manqui'  A.  nest  bon  a  le  prends  B.  G.  —  16318  serinons  B.  C.  —  16319  Car  a  ses  fabuses  par  mons  B.  C. 
—  16325  Bien  viengnant  A.  —  10329-40  manruçnU  C.  —  16351  II  est  ainsi  B.  C.  seigneurs  leustes  C.  —  16352  son 
psaulticr  A.  —  10358  choisie  B.  C.  -  16362  progenie  C.  -  16368  tousjours  B.  -  16309  malheureux  A. 


SECONDE  JOURNEE 


213 


quel  Lion  en  la  fin  m'en  vendi'a. 
Jusiju'au  mourir  me  souvendra 
10380  de  cest  ohiguenient  espandu, 
et  se  mon  engin  n'est  pardu, 
je  parveudray  a  mes  attaintcs. 


JHESUS 

Comment  le  font  ces  dames  saintes 
en  leurs  bonnes  dcvocions  ? 

MARTHE 

16385  Très  bien,  puisque  nous  vous  voyons, 
nostre  vray  baston  pastoral. 

MADELAINE 

11  ne  nous  pourroit  estro  mal 
tant  que  de  vous  ayons  coppie  ; 
mais  la  vostre  mère  Marie 
10390  ne  peust  prendre  en  son  cueur  liesse, 
ains  pleure  joui'  et  nuit  sans  cesse  : 
quelque  chose  a  qui  luy  dcsplaist. 

JHESUS 

Ghere  mère,  comment  vous  est? 
le  viaire  avez  osplouré. 

NOSTRE    DAME 

16395  Mon  filz,  moult  avez  deraouré 
en  la  cité  dont  vous  venez  ; 
vous  et  vos  gens  estes  penés, 
dont  j'ay  en  mon  cueur  grant  cnnuy 
et  sy  croy  que  de  ce  jour  d'uy 

Ift'iOO  ne  trouvastes  en  la  cité 

qui  ung  peu  vous  ait  présenté 
de  pain  pour  la  fain  estancher. 

JHESUS 
11  est  ainsi. 

NOSTRE   DAME 

0  mon  filz  cher, 
tu  es  pain  de  vie  éternelle, 
16405  et  s'endurcs  souffrete  telle  ! 

mon  cueur  se  doit  bien  douiouzer. 

MARTHE 

Jhosus,  venez  vous  reposer 
ung  tantôt  a  vostre  devise  ; 
tout  est  prest  et  la  table  mise, 
16410  prenez  ung  peu  retlection. 

s.   PIERRE 

C'est  bien  grant  malédiction 
a  ces  Juifz  de  put  alloy 
qui  ont  fait  si  noble  convoy 


a  nostre  maistrc  ccstuy  jour, 
16415  mais  quand  est  venu  au  séjour, 
il  n'a  eu  amy  si  certain 
qui  ung  seul  morceau  de  son  pain 
luy  ait  donné;  sont  ilz  bien  chiens  ! 

s.   JEHAN 

Hz  craignent  les  phai'isions, 
16420  les  scribes  et  pontificaux 

qui  sont  malicieux  et  caulx  : 
si  les  destruiroiont  du  corps. 


Icy  se  tire  Jhesus  et  Nostre  Dame  a  pari. 

NOSTRE   DAME 

0  cher  filz,  quant  je  me  recoi-s 

des  piteux  motz  et  douloureux, 
16425  destresseux  et  mal  savoureux 

dont  aultreffbis  m'avez  servye, 

en  disant  que  do  coste  vie 

briefnient  vous  fauldra  départir, 

mon  anic  se  voulsist  partir 
16430  de  mon  povre  corps  qui  lui  griefve, 

et  se  la  promesse  s'achève 

je  sçay  bien  qu'ainsi  en  sera. 

JHKSUS 

Mère,  l'heure  s'aprochera 
que  la  chose  soit  accomplie. 

NOSTRE   DAME 

16435  Helas  !  mon  fllz,  je  vous  supplie 

que  jamès  vostre  corps  n'habite 

en  ceste  cité  tant  maudite, 

en  qui  tant  avez  d'ennemis  ; 

vous  n'y  avez  si  bons  amis 
16440  qui  pour  double  de  mal  avoir 

vous  y  osent  pas  recevoir  ; 

vous  voiez  qu'il  n'y  a  personne 

qui  ung  morceau  de  pain  vous  donne, 

et  deussiez  vous  de  fain  périr 
16445  nul  ne  vous  ose  secourir. 

Chacun  dit  huy  :  «  .Te  le  regny,  » 

pour  la  doubte  d'estre  pugny  ; 

et  sont  ainsi  accouardis 

par  ces  pharisiens  maudis 
10450  dont  riens  fors  trahison  ne  vient, 

et  dont,  se  la  chose  parvient 

qu'en  leurs  mains  vous  soiez  livré, 

par  qui  serez  vous  délivré  ? 

pourra  le  peuple  contredire  ? 


16386  Nostre  ]  Vostre  A.  —  16392  chose  manqur  A 
B.  C.  —  16441  voulsissent  C. 


16406  te  n.  C.  —  16412  sot  aloy  C.  —  16421  forment  subtili  et 


214 


MISTRRR    DE   LA    PASSION 


1&455 


1Û460 


16465 


16470 


16475 


164S0 


16485 


16490 


16495 


16500 


VOUS  voyez  qu'il  u'oze  mot  dire 
pour  ces  pharisiens  mauvais. 
0  mon  filz,  n'y  allez  jamais, 
ne  veillez  pas  habandonner 
vostre  niere,  pour  vous  donner 
a  ceulx  qui  vous  veuUent  destruire. 

JHESUS 

Ma  mère,  il  me  convient  conduii'e 
selon  l'ordonnance  et  la  vigie 
a  quoy  l'escripture  me  rigle, 
et  pour  endurer  ceste  peine 
ay  je  formé  ma  char  humaine 
en  vostre  ventre  vénérable, 
et  de  ceste  gent  misérable 
Ysaie  disoit  ainsi  : 
IIos  filios  enutrivi  ; 
ipsi  autem  spreverunt  me  ! 
Dit  le  prophète  prénommé  : 
J'ay  nourri  mes  enffans  assés, 
puis  eslevés,  puis  exaulcés, 
et  puis  m'ont  desprisé  en  fin. 
Vous  y  voiez  ce  peuple  enclin 
qui  quiert  que  je  soie  deffait, 
et  si  convient  qu'ainsi  soit  fait 
pour  l'humaine  redenipoiou, 
et  s'il  y  a  dilacion 
il  n'est  ame  qui  les  délivre. 

NOSTRE  DAME 

Ja  Dieu  ne  me  laisse  tant  vivre, 
mon  cher  filz,  que  je  le  retarde  ; 
et  mesmement  quand  je  regarde 
que  pour  elle  a  etfect  mener 
vous  estes  voulu  incarner 
en  moy,  noble  journée  feis. 
Ja  Dieu  ne  plaise,  mon  cher  filz, 
que  j'empesche  si  haulte  chose  ; 
mes  ce  que  mon  vouloir  propose 
par  la  bouche  qui  est  ministre, 
c'est  vraye  amour  qui  l'administre 
et  dilection  si  ardente 
que  nature  est  insouffisante 
a  ce  que  reparer  l'en  puisse. 
Filz,  c'est  raison  que  j'obeysse, 
ne  je  ne  répugne  jamès 
a  vostre  veil,  mes  m'y  soubmès  ; 
mais  aussi  n'est  il  pas  licite 
que  moy,  vostre  mère  petite, 
ne  debvez  ung  petit  oir 
et  en  aucuns  cas  obéir, 
ou  au  moins  passer  ma  requeste. 
O  filz  tant  doulx  et  tant  honneste. 


16505 


10510 


16515 


16520 


iœ25 


16530 


16535 


16540 


16545 


16550 


ou  amour  a  mon  cueur  enté, 
voy  le  ventre  qui  t'a  porté, 
voy  les  mameles  en  pitié 
qui  t'ont  nourry  et  alaitié 
le  temps  de  ta  tendre  jeunesse, 
et  considère  ma  foiblesse 
qui  ja  résister  ne  pourroit 
au  grief  dueil  qui  me  survendroit 
a  toy  voir  la  mort  endurer. 
0  cueur,  y  sçarois  tu  durer? 
te  sçaroit  constance  deffendre? 
nennil  :  douleur  te  feroit  fendre 
et  depaitir  par  le  millieu. 
0  très  beneuré  filz  de  Dieu, 
se  ma  requeste  est  opportune, 
je  quier  de  quatre  choses  l'une  : 
vous  n'avez  excusacion. 

JHESUS 

Faictes  vostre  iicticion, 

ma  chère  mère  révérante.  ., 

NOSTRE    DAME 

Pour  ester  ceste  mort  dolanto 
qui  deux  cueurs  pour  ung  occiroit, 
il  m'est  advis  que  bon  seroit 
que  sans  vostre  inoii  et  souffrance 
se  fist  l'humaine  délivrance  ; 
ou  que  s'il  vous  convient  mourir, 
que  ce  soit  sans  peine  souffrir  ; 
ou  se  la  peine  vous  doit  nuyre, 
consentez  que  premier  je  muyre  ; 
ou  s'il  fault  que  mourir  vous  voyo, 
comme  pierre  insensible  soie. 
Filz,  humblement  vous  ay  servy  : 
si  n'ay  pas  vers  vous  desei'vy 
chose  par  quoy  doyez  débattre 
a  m'ottroier  l'un  de  ces  quatre, 
car  tous  sont  en  vostre  puissance. 

JHESUS 

Ma  mère  et  ma  doulce  aliance, 
a  qui  obeyssance  doys, 
ne  vous  desplaise  ceste  fois 
s'il  fault  que  je  desobeysse 
et  vostre  requeste  escondisse  : 
ces  quatre  ne  vous  puis  passer, 
non  pas  l'une  ;  et  devez  penser 
que  l'escripture  ne  ment  point. 
Et  pour  respondre  au  premier  point 
que  requérez,  que  sans  mourir 
les  humains  doyve  secourir, 
mourir  me  convient  par  envj-e 
en  adverissant  Ysaie 


16461  me  fault  C.  —  16474  decharpy  B.  deguerpy  C.  —  164S4  oflert  C.  —  1G48S  jobiiie  a  lî.  G.  —  1G503  considérez  la 
queste  B.  G.  —  16508  ma  A.  B.  —  10515  le  cueur  te  A.  —  10519  requier  B. 


SEGONDK   JOURNEK 


21Î 


lfi555 


I 


16500 


qui  en  RC8  eaintiHincs  devis 
a  (lit  (lo  moy  :  Sicut  ovis 
<id  occidcndum  ducitur. 

NOSTIIE   I)\MK 

0  filz,  que  ce  parler  m'est  dur 
et  mal  savourant  a  merveille  ! 

.IHESUS 

Il  dit  ainsi  :  Gomme  l'oucille, 
est  mené  a  l'occision  ; 
il  fault  que  l'exécution 
de  la  mort  sur  moy  se  termiue. 
he  second  point,  mero  bénigne, 
auquel  requérez  que  je  nmyro 
sans  i)eine  qui  me  juiisse  iiuyre, 
force  est  que  ja  ne  l'obtenez  ; 
lor^ô  cai'  comme  tous  ceulx  d'Adam  nés 
ont  pesché  jusqu'à  vous  et  moy, 
je,  qui  rinnnanitc  ro(,'oy 
pour  tous  les  humains  délivrer, 
doy  sur  tout  mou  corjis  endurer 
excessive  peine  et  amei'c  : 
oez  Ysaie,  ma  mère, 
et  vous  contentez  a  ses  dilz  ; 
dit  il  pas  :  A  2)lanta  pedis 
iisque  ad  verticU  meta.i 
■   non  est  in  eo  s.initjs? 
il  me  dénonce  esti'O  blecié 
t;int  que  de  la  plante  du  pic 
jusqu'au  cliief  en  la  part  haultaine 
n'y  domourra  partie  saine 
qui  n'ait  souiFrcte  riostresseuze. 

NOSTKE   DAME  j  j/ 

O  dolente  mei-e  angoisseuze  !   i 
o  pitié,  o  compacion  ! 
pourras  tu  voir  tel  passion 
sur  ton  clier  fdz  exécuter  ? 
0  dueil  incappable  a  porter, 
quel  cueur  te  sçara  soustenir  ? 

JHESUS 

Lo  tiers  ne  i)oez  obtenir, 
ne  jamès  permettre  ne  doy 
que  mort  vous  piengne  devant  mov, 
cai-  vosti-e  arae  fauldroit  descendre 
la  bas  au  limbe  et  moult  attendre 
eu  plainte  et  lamentacion 
jusques  a  mon  asceiicion, 
qui  seroit  chose  moult  obscure 
et  sambleroit  que  n'eusse  cure 
de  vostre  bien  et  vostre  honneur. 
Du  quart  no  puis  cstre  donneur 
non  obstant  qu'il  me  fust  possilile. 


10570 


105- 


ICÔSO 


10585 


10590 


10595 


10000 


10005 


10010 


c'est  que  voua  feussiez  inoensible  : 

il  ne  seroit  pas  i)ei-tinent 

que  niere,  qui  si  tendrement 

ayme  son  filz,  vist  tel  pitié 

et  son  filz  a  tel  mort  traictié, 

et  do  sa  dure  i)assion 

n'eust  en  son  cueur  compassion. 

Mes  sur  ce  point  vous  confortez, 

ma  more,  et  constamment  portez, 

car  du  dueil  do  vostre  pensée 

serez  du  tout  recompeucoe 

en  joie  et  exultacion 

après  ma  resurrt  ction  ; 

cai'  alors  vous  visiteray 

et  vostre  cuem\  confoiioray 

de  joye  et  i)arfaicte  lumière. 

NOSTKE    DAME 

10015  Cher  filz,  quoi  que  je  vous  lequiore, 
pardonnez  ma  sim])licité  ; 
puisqu'il  est  de  nécessité, 
vostre  bon  vouloir  en  soit  fait. 

JHESl'S 

Frères,  pensez  à  vostre  fait  : 
10020  ung  peu  reft'cction  prenez, 

si  qu'avec  moy  vous  on  venez  ; 
car  il  est  de  nécessité 
do  retourner  en  la  cité 
l)our  aucuns  affaires  certains. 

s.    JEHAN 

166?5  Maistre,  le  plus  doulx  des  humains, 
ne  faictes  ja  dilaciou  : 
tant  qu'a  nostre  reffection, 
nous  la  tenons  pour  toute  prise. 

JMESLS 

Chero  mère,  en  cesto  pourprise 
10030  ung  petit  je  vous  laisseray, 
et  briefment  je  retourneray 
par  dcvei-s  vous,  n'en  ayez  double. 

NOSTRE  DAME 

Mon  filz,  <le  ma  volonté  toute 
a  vous  je  me  vcil  consentir. 

MARTHE 

10635  Ma  dame,  laissez  le  paitir 

hardiment,  comme  il  ly  plaira  : 
il  vous  promcet  qu'il  revendra, 
je  m'en  tien  pour  tout  asseureo. 


10550  malueiUe  C.  —  l(5.->8  meneo  A.  D. 
16030.il  voua  C.  —  10<.3S  Iwnueiit  B,  C. 


•  16572  conscrlcs  U,  conlermes  C.       105S5  A  dueil  A.  B.  -  16600  me  B.  - 


216 


MISTERK   DE    LA    PASSION 


Icy  se  part  Jhesiis  et  tous  ses  appostres  et  s'en 
vont  vers  Jherusalem. 

JHESUS 

J'ay  la  char  moult  fort  martirec 
16640  de  fain  et  ne  sçay  que  mangier  : 

j'apperçois  icy  ung  figuier 

auprès  de  cesto  sente  la  ; 

je  vois  sçavoir  se  rien  y  a 

pour  ma  doUant  fain  estancher. 
Icy  vient  regarder  soubz  les  feuilles  et  dit 
Jhesus  de  rechief  : 
16645  J'ay  beau  ce  figuier  esplucher, 

il  y  a  des  feulles  grant  somme, 

mes  sans  fruit  ;  arbre,  jamès  homme 

ne  mengeusse  fruit  que  tu  portes, 

et  soient  tes  racines  mortes, 
16650  tu  soies  maudit  et  destruit, 

tant  que  jamès  ne  portes  fruit 

pour  ta  grant  imperfection  ! 

s.    SIMON 

Veez  la  grant  malédiction  : 
je  ne  sçay  qu'il  en  advendra. 
Icy  vient  Jhesus  au  temple,  et  doit  avoir  grant 
foison  Juifz  ;  c'est  assavoir  Ruben,  Nepta- 
lin,  Moab,  Abiron,  lîabanus,  Emilius, 
Tubal,  Celius,  Manasses  et  d'autres  plu- 
sieurs. 


nous  n'en  poons  plus  endurer. 

ANNE 

Sire,  fault  tout  considérer  : 

niieulx  vault  de  souffrir  ung  tel  fol 
10075  que  d'emprendre  sur  nostre  col 

ung  fardeau  qui  n'est  point  portable  ; 

il  y  a  peuple  innumcrable 

qui  a  force  revancheroit 

ce  Jhesus,  qui  le  greveroit. 
10080  Mes  vecy  comment  on  fera  : 

on  l'orra,  on  l'escoutera 

diligemment  sans  l'estriver, 

a  savoir  s'on  pourra  trouver 

a  son  parler  erreur  aucun, 
10685  et  s'on  y  en  treuve  nesung, 

nos  gens  lors  l'iront  assallant 

qui  sur  forme  d'ung  beau  samblant 

luy  proposeront  questions 

soubtilles,  ou  solucions 
10690  ne  sçara  trouver  sans  danger. 

CAYPHE 

C'est  bien  dit,  il  fault  abréger, 
qu'il  ne  soit  du  fait  adverty. 

JHEROBOAN 

Nous  deussions  ore  ostre  party 

d'y  aller  a  grant  compaignie  : 
10095  partons  tost,  que  Dieu  nous  conduio  ! 
Icy  s'en  vont  tous  escouter  le  sermon  de  Jhesus. 


MARDOCEUS 

16655  Au  temple  aller  nous  convcndra 
hastivement,  je  le  conseille  : 
on  m'a  ja  soufflé  en  l'oreille, 
aucun  bien  mon  amy  privé, 
que  Jhesus  y  est  arrivé 

10660  qui  fait  merveilles  de  prescher 
et  d'abatre  et  de  tresbucher 
nos  ediz  et  nos  drois  legaulz. 

CAYPHE 

Oncques  homme  ne  fit  les  maiilx 

et  la  destourbance  infinie 
16065  que  ce  Jhesus  et  sa  meignie 

nous  perpètre  de  jour  en  jour  ; 

et  si  n'y  sçavons  trouver  tour 

pour  en  depescher  le  pays. 

Bons  amis  et  leaulx  Juifz, 
16670  faisons  jusqu'à  la  une  vouste 

et  l'empoignons  combien  qu'il  couste  : 


JHESUS 

Erunt  novissimi  primi,         '>     l 
erunt  primi  novissimi. 
Mes  amis,  par  ceste  paroUe 
je  vous  exhorte  et  vous  recolle 

16700  ce  qu'aultreffois  vous  ay  compté, 
c'est  que  parfaicte  hmnilité 
soit  en  vous  en  toute  manière 
et  orgueil  débouté  derrière, 
et  vous  gardez  bien  des  sermons 

10705  des  orgueilleux  pharisiens, 
c'est  a  dire  de  leur  doctrine, 
qui  leur  volonté  ont  encline 
d'avoir  les  grans  presumpciçns, 
les  los,  les  salutacions, 

10710  les  grans  honneurs  en  plaine  rue, 
affin  que  de  la  gent  menue 
soient  tenus  pour  bons  et  sages 


/^ 


10645  cestuy  arbre  B.C.— 16650  Subitement  B.Soubtillement  C.  —  lOfioSprouuo  C.  —  IGMO  Font  cbaoun  jour  de  jour  en 
jour  C— 10669  Mes  amis  B.  G.  —  16678  sur  ce  B.  repugneroit  C.  —  16086  assemblant  B.  C— 16690  On  ne  saura  se  C  — 
16695  Bananicas.  I.e  dieu  iHsrael  nous  B.  G.  —  16697   Et  primi  nouissimi  A.  B.  C.  —  16700  recite  C.  —  16710  vue  C. 


skcondf:  journrk 


21'; 


10715 


16720 


167Î5 


1G730 


16735 


16740 


16745 


16750 


167» 


16700 


et  gens  plains  do  soubtilz  langages  : 

les  lois  esti'oites  prcschcr  seuUent, 

mes  tant  soit  pou  tenir  ne  veulleuf, 

il/,  lèvent  nstatus  grovains, 

ce  sont  enlx  qui  en  font  le  mains  ; 

les  grans  fardeaux  au  peuple  affullent, 

mes  au  porter  tousjours  lecullent; 

ilz  faignent  une  vie  sainte, 

mes  c'est  ypociisio  faintto 

soubz  l'habit  do  papclardie; 

comment  ont  la  char  si  hardie 

eulx  qui  sont  miroir  et  exemple 

et  premiers  gouverneurs  du  temple, 

et  mettent  rigorouses  lois, 

rudes  editz,  status  e^^trois, 

dont  eulx  mesnies  no  tieiment  rien  ? 

Mes  amis,  gardez  vous  en  bien, 

n'ayez  ymaginaeion 

en  leur  mauvaise  elacion  : 

tout  vendra  a  néant  a  la  fm. 

S'ilz  tiennent  orguilleux  chemin  : 

s'ilz  ont  argent,  chovaulx  et  di'aps 

et  les  grans  honneurs  a  plain  bras, 

ce  no  dure  ne  que  fumco 

saillant  de  la  flanmie  allumée  : 

se  lèvent  si  hault  qu'ilz  vouldront, 

de  néant  viennent,  a  néant  vendront  ; 

de  leur  oeuvre  rien  no  so  pert, 

car  Dieu  qui  voit  tout  en  apert 

rétribue  a  ces  ypocrites 

leurs  loiers  selonc  leurs  mérites  ; 

quant  sont  au  temple  et  a  la  table, 

vueuUent  seoir  a\i  lien  plus  notable; 

pour  sambler  gens  d'auctorités, 

estrivent  pour  leurs  dignités 

et  veullent  les  bras  trop  hault  tendre  ; 

mes  Dieu  les  fera  bien  descendre, 

et  si  au  bas  se  trouveront 

que  jamés  no  relieveront  : 

lors  sera  mon  dist  accompli  : 

Erunt  primi  novissimi. 

C'est  a  dire  que  les  premiers, 
au  monde  querans  les  liaulz  lieux, 
seront  logés  tous  les  derniers 
dedans  le  royauliiie  des  ciculx. 
Mes  le  danger  est  qu'a  leurs  yeux 
ne  voyent  les  humbles  et  lions 
levés  es  haultes  régions 
pour  sans  fin  en  joye  rogner, 
et  eulx  descendre  et  tresbucher 


au  fons  de  l'onffer  pardurable. 

CAYPHK 

Cest  lioMunc  icy  compte  le  deablc 
10765  et  dit  niotz  qui  sont  a  cremir, 
tant  qu'il  me  fait  le  cueur  frémir 
et  tressuer  de  fhie  angoisse. 

ANNE 

Pourquoy  ? 

CA.YPHE 

Se  Dieu  honneur  vous  croisse, 
entendez  vo\is  pas  bien  son  cas  ? 
10770  oez  vous  pas  les  predicas 

et  la  pensée  qu'il  nous  garde  ? 

ANNE 
Sy  faisons  très  bien  ;  il  nous  larde 
et  nous  attaint  aucunement. 

CAYPHE 

Ce  fait  mon,  le  plus  vivement 
16775  qu'oncques  feusmes  en  nostre  vie. 

Haro  !  j'enrage,  je  desvye, 

le  cueur  dedans  me  va  partant  : 

il  n'est  homme,  tant  fust  constant, 

qui  ne  pardist  cy  pacieuce  ; 
16780  en  corps,  en  cueur,  eu  conscience, 

il  nous  a  cecy  dit  tout  oultre, 

on  le  voit. 

ANNE 

Au  moms,  il  le  moutro 
par  sa  parolle  coustuniiere. 
Mes,  monseigneur,  tenez  manière, 
10785  ne  descouvrez  point  telz  rancunes, 
nous  vendrons  très  bien  a  nos  unes 
et  s'y  samblera  qu'on  n'y  touche. 

CAYPHE 

Je  tarde  a  grant  peine  ma  bouche 
car  son  parler  trop  fort  me  point. 

JHESIIS 

16790  Or  veil  poursuyr  l'aultre  point 

par  lequel  je  veil  inimer 

et  sensiblement  arguer 

que  les  humbles  et  les  piteux 

précéderont  les  orguilleux. 
10795  Dieu,  mon  pore,  d'oi  gueil  n'a  cure, 

car  la  plus  noble  créature 

qu'on  paradis  avoit  formée 

par  orgueil  est  tant  dittbrmee 

qu'elle  est  en  l'eternal  palu 
10800  sans  jamès  espoir  de  salu. 

Entre  la  meiguie  dampnee 

orgueil  est  la  première  née, 


1071S  uffublenl  H.  —  16720-27  loiz  si  rigoreuses  Si  rudes  si  mal  aiiioureusos  B.  C.  —  16732  sur  neaul  B.  C.  en  fin  A. 
—  16740-1  part,  apparl  A.  —  16745  honnorable  C.  —  16756  les  derreniers  B.  C.  —  16759  Ne  voyez  A.  —  16774  Se  fait 
A.    —   16781  cy  mary/ur  A.  B.  C.  —  16791   Et  lorguilleux  C. 


218 


MISTER  E    DR    LA    PASSION 


et  de  tant  comme  orgueil  desplaist 
a  Dieu,  humilité  luy  plaist  : 

16805  aux  humbles  doit  le  hault  royalme, 
aux  enfflés  rctoriielle  flamme  ; 
orgueil  l'amc  en  enfler  déprime, 
mes  humilité  lui  exprime 
sa  béatitude  :  c'est  Dieu. 

16810  Or  mettons  chacun  en  son  lieu, 
l'humble  régnant  en  paradis, 
l'orgueilleux  avec  les  mauldis  : 
ceulx  qui  se  cuidoient  ^rî'îjn' 
sont  bien  alors  novissimi. 

16815  Traire  le  puis  a  aultre  sens 

pour  ce  que  je  congnois  et  sens 
que  plusieurs  qui  sont  empeschés 
de  divers  vices  et  péchés 
ou  de  leur  temps  ont  mis  grant  jiart, 

16820  quant  ilz  per(,'oient  qu'il  est  tart 
ne  font  compte  d'culx  amender, 
cuydans  que  Dieu  doive  garder 
justice  si  destroite  icy 
qu'il  ne  leur  peust  faire  mcrcy. 

168Î5  Si  fait,  mes  amis,  pour  certain, 
car  son  pouoir  est  tant  haultain 
qu'il  peust  faire  tous  les  derniers 
aussi  bien  saintz  com  les  premiers, 
et  pour  adverir  ma  paroUe, 

16830  je  donne  ccstc  parabolle. 

Le  règne  du  ciel  pardurable 
est  comparé  et  fait  semblable 
au  père  de  famille  ainsi 
qui  au  premier  matin  yssi 

1C835  pour  trouver  ouvriers  a  loyer 
qu'il  puist  en  sa  vigne  envoyer. 
Vignerons  trouva  quant  la  vint 
avec  losquelz  du  pris  convint, 
qui  en  labourant  sans  séjour 

16810  gaignoient  un  denier  pour  jour. 
Sagement  en  oeuvre  les  mist 
et  en  sa  vigne  les  transuiist, 
puis  a  tierce  d'aultres  trouva 
lesquelz  en  sa  vigne  envoya, 

16845  prometant  que  paies  seroient 

justement  ce  qu'ilz  gaigneroient  ; 
a  sixte  aucuns  aultres  choisy 
tt  a  nonne  en  transmist  aussy. 
Finablemcnt  se  transporta 

16850  a  onze  heures  et  enhoita 
a  aucuns  aultres  laboureux, 
disant  :  «  Qu'estes  vous  cy  oiseulx, 
toute  jour  perdans  vostre  temps?  » 


Ceulx  dirent  :  «  Nous  sommes  restans, 

16855  car  ame  ne  nous  embesongne.  » 
«  Allez,  dit  il,  en  ma  besongne 
en  ma  vigne,  et  quant  la  serez, 
avec  les  aultres  labourrez.  » 
Lors  chacun  besongner  s'en  va, 

16860  et  quand  la  nuittee  arriva, 

ce  hault  maistre  et  soulitil  seigneur 
si  va  dire  a  son  procureur  : 
«  Huche,  dit  il,  mes  labouriers, 
et  paye  a  chacmi  leurs  deniers, 

10S05  et  fay  que  les  derniers  entrés 
soient  les  premiers  contentés.  » 
Lors  vindrcnt  ceulx  qui  labouroient 
qui  a  onze  venus  estoient, 
lesquelz  ung  plain  denier  receurent 

16870  com  les  plus  grans  ouvriei's  qui  furent. 
Lors  pensserent  les  princiiiaulx 
estre  payés  a  plus  hault  taulx, 
qui  avoient  toute  journée 
ouvré  depuis  la  matinée: 

16875  mes  quand  ce  vint  a  les  payer, 

ilz  n'eurent  chacun  qu'ung  denier  ; 
lors  en  les  payant  murmuroiont 
contre  le  seigneur  et  disoient  : 
«  Ces  ouvriers  cy  derniers  venus 

16880  ont  ouvré  une  heure  sans  plus  : 
si  nous  tourne  bien  a  courroux 
qu'ilz  gaignent  autant  comme  nous 
qui  avons  eu  toute  la  peine 
et  l'ardeur  du  souloil  grevaine.  » 

16885  Alors  le  seigneur  respondy 

a  l'un  d'eulx  et  dit  :  «  !Mon  amy, 
je  ne  te  fay  injure  aucune 
en  distribuant  ma  peccune  : 
convenisnKK  nous  pas  du  pris 

16890  entre  nous  deux,  quand  je  te  pris, 
que  pour  peine  de  ton  labour 
tu  eusses  ung  denier,  par  jour  ? 
or  es  payé  de  bout  en  bout  : 
emporte  le  et  t'en  vas  atout  ; 

16895  s'a  cestuy  derrain  donner  veil 

tant  comme  a  toy,  qu'en  as  tu  dueil  ? 
puis  je  pas  faire  a  mou  vouloir 
du  mien,  qui  qu'en  doyvc  douloir? 
et  ainsi  voy  ton  oeil  mauvais, 

10900  et  je  suis  bon  en  tous  mes  fais.  » 
Et  par  ce  point,  mes  bons  amis, 
ces  motz  bien  en  substance  mis 
vous  declairent  par  bonne  voye 
ce  que  nagueres  vous  disoie 


ieS27  ses  derreni  rs  13.  G.  — 
—  16873  toute  la  A.  G.  —  1687 


16828  Autant  saints  coiunie  li.  G. 
i  toute  la  A. 


1684S  A  lionne  rjuil  .\.  —  10808  onze  heures  A.  C. 


SRCONDK  JOURNER 


219 


lOSKKi  qu'nu  rogno  du  ciel  aoquorir 
ne  fault  craiiidro  le  tait  venic, 
car  certes  les  desrains  ouvrière 
gaigncrout  comme  les  preniiei'a 
ainsi  :  Nociisimi  primi 

10910  sunl,  etprimi  novissimi  ; 

mes  idusieurs  y  sont  ovocqui'S 
et  hault  appelés  et  huches, 
nios  très  peu  en  y  a  d'eslus. 

CAÏPHE 

Jhesus,  to  soufflée  au  sui'|)lus  : 

16915  tu  prens  a  sernioniior  giant  peine; 
noua  croyons  ta  doctrine  saine 
sans  aucune  hesitacion  ; 
mes  une  duljitaciou 
te  voulons  bien  faii'C  mouvoir  : 

16980  neccessaire  fust  do  sçavoir 

en  quel  vertu  c'est  que  tu  monstres 
les  grans  signes  que  tu  deraonstres, 
s'ilz  sont  célestes  ou  terrestres, 
.le  suis  le  hault  prince  des  prostrés, 

16925  et  pour  tant  sçavoir  m'appartient 
comment  nostre  loy  se  maintient  : 
nagaires  il  nous  fut  compté 
ung  signe  de  grant  cruaulté 
que  tu  fis  au  temple  en  entrant, 

16930  car  sans  y  toucher  peu  ne  gi'ant 
tu  gestas  hors  tous  les  vendeurs, 
oiselleux,  morciei-s  et  changeux-s 
et  tombas  trestout  leur  baguage. 
Par  tout  aussi  court  le  langage 

1C935  que  tu  ressuscites  les  mors  : 
donc  de  faire  signes  si  fors, 
qui  t'en  a  donné  le  pouvoir? 

JHESUS 

Une  question  veil  avoir 
puisqu'a  demander  procédez, 

16940  et  se  bien  vous  me  respondez 
a  celle  que  je  vous  feray, 
a  la  vostre  responderay 
sans  dift'erer,  soiez  en  sceurs. 
.le  vous  demande,  messeigneurs, 

169-15  se  le  baptesme  que  prescha 

Jehan  Baptiste  et  hault  anonça, 
estoit  il  de  Dieu  suporncl, 
c'est  a  dire  venant  du  ciel, 
ou  d'humaine  institucion  ? 

ANNE 

16950  Entendez  bien  sa  question, 

elle  est  bien  doubteuse  a  espondi'e  ; 


ne  vous  hastoz  i)oint  de  l'espondre  ; 
il  est  rouge  i)Our  vous  tromper, 
et  si  n'en  sçarez  escbappei- 
189K)  s'au  rcs|)ondre  n'estes  soubtil. 

CAYI'HE 

J'entens  bien  qu'il  y  a  péril 
et  congnoy  bien  la  maladie  : 
s'il  est  aucun  de  nous  qui  die 
que  ce  baptesme  vient  des  hommes, 

10900  et  nous  l'ensuivons,  destmis  sommes 
et  nous  fera  le  peuple  ahan, 
car  ilz  ont  tousjours  tenu  Jehan 
pour  ung  saint  prophète  esproiivé, 
qui  n'eust  pas  le  peuple  lavé 

10905  de  ce  hault  baptesme  an()l)ly 

se  Dieu  ne  l'eust  mesnie  estalily  ; 
et  se  nous  estoit  ddveuu 
dire  que  du  ciel  fust  venu, 
tantost  ses  responces  seront  : 

16970  «  Que  ne  creustes  vous  en  ly  dont  ?  » 
Ainsi  quoy  qu'ayons  nntrei)ris 
de  respondre,  nous  sommes  pris, 
car  par  falace  nous  procède. 

ELIACHIN 

Je  vous  ay  trouvé  bon  remède 
16975  i)ar  quoy  ce  danger  eschevons  : 
respondons  que  nous  ne  sçavons, 
tous  ses  argumens  sont  sollus. 

ANNE 

C'est  très  bien  dit,  n'en  parlons  plus, 
vêla  très  bonne  évasion. 

CAYPHE 

16980  Raby,  l'interrogacion 

que  tu  nous  fais  de  ce  baptesme 
et  dont  il  sert  a  homme  ou  femme 
nous  est  chose  toute  incongneue, 
et  puisque  ne  l'avons  cougnue, 

16985  nous  ne  dirons  riens  sur  ce  pas. 

JHESUS 

Aussi  ne  vous  diray  je  pas 
en  quel  pidssance  fay  mes  fais. 
Une  aultre  question  vous  fais  : 
ung  homme  fut  qui  deux  filz  ot  ; 

16990  au  premier  dist  :  «  Va  t'en  bien  tost 
ouvrer  en  ma  vigne  que  j'ay.  » 
Cil  luy  respondist  :  «  Non  feray  ;  » 
mes  depuis,  meu  de  penitance, 
(it  a  son  père  obeyssance  ; 

16995  si  alla  et  bien  besongna. 

A  l'aultrc  filz  vint  et  chargea 


16911  Mais  les  plusieurs  y  sont  voyez  B.  G.  —  16919  faire  et  niouuoir   G.  —  16928  Ung  grant  signe  de  A.  —  1 
I,es  oysclliers  et  les  ihnngours  B.  G.   —  10960  Se  nous  le  disons  A.  —  16970  C.  Comment  Ji.  disons  que  ncscauon» 
B.  C.  —  16982-S3  La  resjionoe  te  fais  moy  mesme  Ne  scauons  dont  il  est  venu  A.  —  16WS  congnu  A. 


■220 


MISTERR    DR   LA    PASSION 


qu'en  la  vigne  allast  faire  exploist  ; 
cil  respondist  :  «  J'y  vois  tout  droit  ;  » 
neantmoins  il  n'y  entra  oncques. 
17000  Or  lequel  de  ces  deux  fils  doncques 
fit  mieulx  la  volenté  du  père  ? 

JHEROBOAN 

Le  premier. 

JHESUS 

Gens  plains  de  misère, 
cecy  demande  pour  vous  mesmes  : 
les  puhlicans  et  folles  femmes 

17005  vous  précèdent  et  vallent  mieulx 
que  vous  au  royaulme  des  cieulx. 
Jehan  pour  vostre  grant  bénéfice 
vint,  qui  la  voye  de  justice 
vous  prescha,  et  ne  creustes  rien  ; 

17010  les  publicans  le  creurent  bien 
et  les  meschantes  pescheresses  ; 
et  par  vos  langues  janglerresses 
dittes  :  «  En  la  vigne  m'en  vois 
pour  bcsongner  comme  je  dois,  » 

17015  mes  vous  n'y  allez  ne  venez 
ne  poinct  de  la  loi  ne  tenez, 
ains  répugnez  toute  saison 
a  vérité  et  a  raison  ; 
vostre  fait  m'est  tout  apperceu. 

17020  Ung  pcrc  do  famille  feu 
qui  jadis  sa  vigne  planta 
et  d'une  haye  l'acosta 
et  fouy,  et  fit  ens  assoir 
une  tour  et  ung  beau  pressoir 
et  tout  loua  a  laboureux 
pour  la  gouverner  tout  par  eulx  ; 
puis  s'en  alla  en  long  voyage. 
Quand  vint  au  temps  de  moissonnage, 
qu'il  fallut  cueillir  la  vandange, 
le  maistre  du  pays  cstrange 
aucuns  ses  serviteurs  transmist 
et  leur  enjoint  et  leur  commist 
qu'a  sa  vigne  se  transportassent 
et  que  les  fi'uis  luy  rapportassent  ; 

17035  mes  quand  vindrent  en  ce  pourpris, 
par  les  laboureurs  furent  pi-is: 
l'un  bâtirent,  l'aultre  navrèrent, 
l'aultre  occirent  et  lapidèrent 
par  leurs  rebellions  cruelles. 

I70i0  Quand  le  maistre  oyst  ces  nouvelles, 
leur  transmist  aultres  serviteurs 
cueillir  son  fruit,  mes  trop  plusieurs 
qu'il  n'avoit  fait  la  fois  première  ; 


17025 


17030 


17060 


17005 


mes  tout  jiar  semblable  manière 

17045  en  firent,  dont  luy  cnnoya. 
Finablement  leur  envoya 
son  filz  pour  voir  qu'ilz  en  feroient, 
et  pensa  qu'ilz  s'ahontiroient 
de  faire  a  son  filz  dcsplaisir  ; 

17030  mes  quand  ce  filz  peurent  choisir, 
commancerent  entre  eulx  a  dire  : 
«  Veez  cy  son  filz,  allons  l'occire, 
tant  qu'il  est  a  nostre  avantage; 
ainsi  arons  son  héritage.  » 

17(fâ5  Lors  le  prindrent  et  le  boutèrent 
hors  la  vigne,  la  le  tuèrent. 
Et  dont  quand  ce  seigneur  vendra 
en  sa  vigne  et  cecy  verra, 
que  fera  il  aux  laboureux 
qui  ont  esté  tant  rigoreux 
vers  son  filz  et  vers  sa  megnie? 

ANNE 

Il  n'est  hom  de  nous  qui  ne  die 
que  leur  maie  condicion 
est  digne  de  pugnicion, 
et  que  ceulx  qui  l'ont  voulu  nuyro 
fera  exillier  et  destruirc 
et  que  sa  vigne  baillera 
a  laboureux  qu'il  trouvera 
plus  doulx  et  de  meilleur  façon 
17070  pour  luy  envoler  sa  moisson 

en  temps  et  lieu  ;  c'est  bien  droiture. 

JHESUS 

■    Leustcs  vous  oncques  l'escripture 
parlant  d'une  pierre  trouvée, 
aux  ediffians  réprouvée, 
qu'ilz  ne  daignèrent  mettre  en  oeuvre  ? 
touteflfois  elle  se  decueuvre 
si  riche  après  a  ung  besoing 
qu'elle  est  posée  au  chief  du  coing  : 
Dieu  a  fait  cest  oeuvre  notable 
qui  est  a  vos  y  eulx  merveillable. 
Pour  ce  vous  dis  et  vous  proclame 
que  la  vigne  (c'est  le  royalme 
de  Dieu)  vous  sera  dopcsti, 
et  a  gens  d'ung  aultre  parti 
17085  sera  donné  pour  faire  fruit 

meilleur  que  faire  ne  vous  duit  ; 
tout  bon  fruit  est  en  vous  estaint. 

CAYPHE 

Oez  comment  il  nous  attaint 
soubtilleraent  de  fors  lardons  ; 
17090  pour  Dieu,  messeigneurs,  regardons 


17075 


17080 


17012  glangeresscs  C.  —  17013  Direz  B.  —  17014  Pour]  Et  B.  C.  besongnerai  C.  —  17025  le  loua  B.  C.  —  17026  a 
par  A.  —  17029  Puis  fallut  B.  —  17053  manque  B.  —  17062  homme  de  nous  qui  die  A.  —  17071  11  y  a  trop  grant 
t^onjeeture  B.  C.  —  17077  a  manque  A.  —  17082-83  est  le  royalme  Que  dieu  vous  fera  desposti  C. 


s  U  C  O  N  D  li 

sans  plus  différer  qu'on  le  tiengnc  ; 
quoy  qu'il  soit  no  quoy  qu'il  adviongne, 
jo  n'en  puis  plus  sans  dcspaisior. 

ANNE 

Sire,  vueillcz  vous  lapaisicr, 
17095  la  journée  n'est  pas  pour  nous  : 
vous  voiez  dessus  et  dessoubz 
qu'il  est  entre  ces  gens  tapis. 

CAYPHK 

Dea,  c'est  tousjours  de  pis  en  pis 
qu'en  ce  point  nous  vient  agresser. 

ANNE 

17100  Ne  vous  chault,  laissons  tout  passer, 
une  aultre  fois  le  prendrons  miculx. 

JHESL'S 

Encor  le  royaulme  des  ciculx 

est  fait  samblablc  a  ung  grant  roy 

qui  les  nopces  de  grant  arroy 
17105  fit  pour  son  filz  mettre  a  honneurs, 

et  envoya  ses  serviteurs 

dire  aux  invités  qu'ilz  vcnissent 

et  bricf  aux  nopces  se  rendissent, 

lesquelz  coujparoir  n'y  voui'oient. 
17110  Quand  ce  roy  vit  qu'ilz  diffei'oient, 

envoya  des  aultros  servans 

ausquelz  il  a  fait  tcz  commandz  : 

«  Allez  et  nouvelles  portez 

a  tous  ceulx  que  j'ay  invités, 
17115  que  mon  disner  et  tout  est  prest 

et  qu'il/,  se  rendent  sans  arrost 

aux  nopces.  »  Mais  ocz  qu'ilz  firent: 

les  aucuns  en  oubly  le  mirent, 

les  aultres  se  sont  transportés 
17180  en  leurs  villes  et  leurs  cités 

ou  en  leurs  affaires  pluseurs, 

aultres  prindrcnt  les  serviteurs 

les  batiient  et  mutilèrent, 

aultres  les  prindrent  et  tuèrent. 
17lfô  Le  roy  ces  nouvelles  oy 

qui  n'en  fut  pas  trop  resjoy, 

mes  envoya  ses  fors  guerriers 

et  mist  a  mort  tous  les  meurtriers 

et  fit  tout  leur  cité  ardoir. 
17130  Ce  fait,  voulst  son  propos  mouvoir 

et  dit  :  «  .l"ay  fait  tout  mon  appresle, 

mes  les  invités  a  la  feste 

ne  sont  pas  dignes  d'y  venir 

n'a  si  très  grant  bien  parvenir  ; 
i     17135  allez,  »  dit  il  lors  a  ses  sers, 

«  aux  voies,  places  et  desers  ; 


J  0  i;  R  N  H  li 

soiez  d'assambler  diligens 
de  toutes  manières  de  gens.  » 
Ataiit  ses  servans  s'en  allèrent 

17140  et  bons  et  mauvais  assembleront 
et  tant  en  quirent  par  leurs  paincs 
que  leurs  nopces  sont  toutes  plaines. 
Lors  le  roy  entra  et  voulst  voir 
quplz  gens  il  pouoit  la  avoir  : 

17145  si  en  choisit  ung  a  la  feste 
atout  ung  habit  deshonnestc, 
auquel  tantost  vint  remonstrer  : 
«  Amy,  comment  osas  entrer 
dedans  ce  noble  hostel  royal 

17150  sans  ton  vestcment  nupcial  ?  » 

Cil  se  teust,  ne  sceut  que  respondi-e, 
et  lors  le  roy  pouj'  le  confondre 
dit  a  ses  ministres  prochains  : 
«  Liez  le  moy  tost  piez  et  mains, 

17155  et  envoyez  le  malheureux 
en  lieu  obscur  et  ténébreux 
ou  sont  pleurs  et  douleurs  dedans 
et  grief  estraignement  do  dens.  » 
Pourtant  multi  sunt  vocati, 

17160  plusieurs  sont  appelés  a  gloire, 
patici  vrro  sunt  eletti, 
peu  en  vient  a  la  jiossessoire. 

CAYl'HE 

Qu'est  cecy  ? 

ANNE 

Escoutcz  encoire, 
voir  qu'il  conclurra  au  surplus. 

CAYPHE 

I7lfô  Quant  a  nioy,  je  n'en  ourray  plus, 
c'est  pour  faire  sentence  briefve. 
Advis  m'est  que  le  cueur  me  crieve 
quand  je  l'os  cy  faire  son  compte, 
et  me  sanible  a  nous  très  grant  honte 

17170  que  tant  le  permettons  a  vivre. 

ANNE 

Nous  en  sarons  en  brief  deUvro, 
qui  m'en  croira  ;  mes,  monseigneur, 
vous  sçavcz  qu'il  nous  fault  couleur 
de  luy  imposer  rage  aucune. 

CAYPHE 

17175   II  est  vray. 

ANNE 

J'en  ay  trouvé  une 
pour  le  bien  mettre  a  contredit  : 
vous  sçavez  qu'il  est  ung  edit 
par  toute  Judée  imposé, 


■>i\ 


17099  iciigresscr  C.  —  17100  laissez  B.  —  17124  Les  aultres  piindrent  A.  —  17133-34  de  tenir  Si  ijranl  bien  lie  dy  pa- 
rueiiir  B.  C.  —  17145-6  entre  cent  Atout  un);  abit  indescend  B.  C.  —  17158  estandenicnt  B.  estraiuemcns  C.  —  17171 
briel'ment  B,  C.  Toute  cftte  tirade  eut  attribuée  à  Cuyphe  G. 


222 


MI  STERE    DE   LA   PASSION 


que  s'il  est  homme  si  osé 
17180  qu'il  vuoillc  empcscher  les  tribus 
de  l'empereur  par  quelque  abus, 
il  est  jugié  a  mort  cruelle. 
Veez  cy  doncques  par  quel  cautelle 
frauder  et  prendre  le  pourrons  : 
17185   embassadeurs  luy  envoirons 
pour  luy  demander  et  prier 
qu'il  nous  die  s'on  doit  payer 
tribus  a  l'empereur  de  Romme. 

BANANIAS 

Mes  pourquoy  cela  ? 

ANNE 

0  simple  homme, 
17190  entendez  vous  point  celle  trompe  ? 
faillir  ne  peust  qu'on  ne  le  trompe, 
se  bien  attaindre  le  sçavons  : 
car  s'il  dit  que  nous  les  devons, 
il  asservit  la  loy  juifze 
17195  et  faulce  la  loy  de  Moyse 

qui  nous  décrit  qu'on  quelque  lieu 
nous  ne  debvons  riens  fors  a  Dieu, 
et  sommes  francs  de  tous  impos  ; 
s'il  respont  a  l'aultre  propos 
17200  que  nous  n'en  devons  rien  baillier, 
il  ne  s'en  fault  plus  traveillier  : 
il  est  tout  ordonné  qu'il  muyre. 

CAYPHE 

11  n'est  hom  qui  sceust  niieulx  conduire 

nostre  fait  par  bonne  ordonnance, 
17205  mes  encor,  sauf  la  reverance 

de  monseigneur  qui  cy  propose, 

pour  mieulx  faire  et  fournir  la  chose, 

quand  l'cmbassade  la  ira, 

il  m'est  advis  que  bon  sera 
17210  qu'il  ait  avec  eulx  six  ou  sept 

des  gens  Herode. 

ANNE 

Dieu  le  scet : 
au  moins  s'il  fault  en  aucuns  peins, 
ilz  en  pourroient  estrc  tesmoings 
pour  relater  qu'il  ai-a  fait. 

JHEROBOAN 

17215  Mes  le  prendre  tantost  de  fait 
et  l'admener  saulve  tous  drois. 

CAYPHE 

Ça,  Nachor,-  vous  irez  vous  trois, 
vous,  Nathan,  et  Banauias. 

NACHOR 

Nous  le  voulions. 


Icy  se  partent  ces  trois  aux  gens  Herode. 


NATHAN 

Vecy  le  cas  : 
17220  Andalus  et  vostre  meignie, 

s'il  vous  jjlaist  tenir  compaignie 
a  nous  trois  et  nous  convoier, 
nous  vous  en  voulions  bien  prier 
pour  le  recongnoistre  tout  sus. 
ANDALUS,  des  gens  Herode. 
17225  Pour  ou  est  ce  aller  ? 

BANANIAS 

Vers  Jhesus  ; 
pour  ce  qu'il  est  bien  mal  en  grâce, 
messeigneurs  vuellent  qu'on  luy  brasse 
ung  brassin  mal  apotagé. 

ANDALUS 

Puisque  vous  en  estes  chargé, 
17230  avec  vous  volontiers  irons 
et  la  vous  accompaignerons, 
mes  gens  et  moy,  sans  nulle  faulte. 

NATHAN 

C'est  pour  une  entreprise  haulte, 
qui  en  pourra  venir  a  chef. 

NACHOR 

17235  Je  voy  la  Jhesus  de  rechef 
qui  fait  sa  predicacion  : 
proposez  luy  la  question, 
Bananias,  bon  conseillier. 

BANANIAS 

Pour  vous  me  veil  je  traveillier 
17240  de  tout  ce  que  je  pourray  faire. 


Icy  s''en  vient  a  Jhesus  et  dit  de  rechief  . 
Jhesus,  cher  maistre  débonnaire, 
homme  très  saint  et  vertualile, 
nous  sçavons  par  raison  prouvable 
qu'en  ton  fait  n'a  que  vérité 

17245   et  que  par  très  bonne  équité 
la  voye  de  Dieu  nous  enseignes, 
sans  ce  que  la  parsonnc  preignes 
plus  que  l'aultre  :  tu  fais  tout  ung 
du  roy  et  du  petit  commun. 

17250  Pour  ton  oppinion  avoir 

devers  toy  venons,  pour  sçavoir 


17203  honiine  .jui  inimilx  .■oiiduioe  B.  -  17201  prouiden.-e  C.  -  17210  ayent  A.  Il  y  ait  C.  -  17219  Nous  le 
voulions  manque  C.  -  17226  en  manque  13.  -  17232  quelque  B.  C.  -  17235-38  attribués  à  yathan  B.  C.  -  17239  veil 
plus  G. 


se  devons  tribus  a  CeMi* 

ou  se  nous  no  devons  point,  tar 

plusieurs  doublent  les  choses  dites. 

JHE8US 

17255  Que  'ue  teinptc/  vous,  ypocrites, 
(jui  nie  monstre/,  ce  beau  sanililunt 
pour  aller  venin  assanihlant? 
Haillez  nioy  cy  quelque  mounoyc, 

HANANIAS 

Puisqu'il  a  désir,  qu'il  la  voye, 
172(30  assavoir  qu'il  eu  vcult  jugicr. 

NACHOR 

Cher  sire,  vcla  ung  denier, 
faictes  en  comme  bon  et  sage. 

JHESUS 

Que  signifie  cestc  ymage 
et  ceste  superscription  ? 

NATHAN 

17265  C'est  la  representacion 

de  César,  l'empereur  de  Romme. 

JHESLS 

Donc  je  vous  admoneste  et  somme 
qu'a  César  rendez  tel  honneur 
qu'il  appartient  a  tel  seigneur, 

17270  et  d'aultre  part  rétribuez 

a  Dieu  ce  que  vous  luy  debvez  : 
si  tendrez  la  voye  i)lus  sceure. 
Frères,  ne  faisons  plus  demeure 
en  ceste  faulcc  conipaignic, 

17275  mes  retournons  en  Bethanic 

ains  qu'il  soit  plus  tard,  je  le  veil. 

s.    PIERRE 

Nostre  cher  maistre,  a  vostre  veil  ; 
nous  avons  beaucop  attendu. 
Icy  s'en  retourne  Jhesus  et  ses  apostres 


HANANIAS 

Est  ce  rougement  rcspondu? 
17280  c'est  ung  soubtil  officiai. 

ANDALUS 

C'est  ung  homme  qui  scet  de  mal 
tant  qu'il  n'est  point  a  concevoir. 

BANANIA8 

On  ne  le  Bçaroit  décevoir 
par  voye  qu'on  y  sceust  trouver. 
,17285  Pourtant  penssons  de  retourner  : 


SECONDE    JOURNEE 

U0U8  y  avons  pardu  nos  pas. 


223 


Icy  s'en  retourne  chacun  en  son  lUu  sans  mot 
dire,  et  Jhesus  et  ses  apostres  passent 
devant  le  figuier  mauldit  de  Dieu. 

s.   JEHAN  //  '~' 

Nostre  maistre,  voyez  vous  pas 
une  chose  de  grant  merveille 
qui  tous  si  fort  nous  esmerveille 
17200  qu'il  n'est  qui  le  sceust  alleguier  ? 

JHESUS 

Qu'est  ce,  frères  ? 

s.  JEHAN 

Do  ce  figuier 
que  nagueres  voulstes  mauldire  : 
le  vêla  tout  sec  a  bi'icf  dire, 
que  jamès  ne  reverdira. 

s.   ANDRY 

17295  Jamès  fueuUe  ne  portera 

ne  fruit,  et  y  fust  il  cent  ans. 

JHESUS 

Pensez  a  vostre  fait,  enffans 
et  considérez  vostre  afl'aire, 
car  autant  puis  des  hommes  faire 
17300  que  du  figuier  avez  veu  tous  ; 
et  pourtant  ayez  foy  en  vous 
part'aicte  et  la  vueiHez  garder  : 
chose  ne  sçarez  demander 
a  Dieu  qui  ne  vous  soit  passée. 


MARTHE 

173(»  Dame,  de  cueur  et  de  pensée 

faictes  cherc  et  ne  soyez  mournc  : 
veez  cy  vostre  filz  qui  retourne 
et  ses  frères,  c'est  chose  clcre. 

NOSTRE  DAME 

Or  loué  soit  Dieu,  nostre  père, 
17310  mon  cher  filz,  de  vostre  retour. 
Hclas  !  j'ay  tant  plouré  ce  jour 
que  je  n'ay  bien  eu  vostre  absence  ; 
mes  vostre  très  doulce  présence 
a  ma  joye  ung  peu  recouvrée. 

JHESUS 

17315  Cessez,  ma  mère  beueuree, 

car  reconfibrter  vous  vouldray  ; 


17fô8  Son  doit  li's  tribus  li.  C.  —  17259  le  voye  C.  —  17268  tout  liomieur  C.  —  17276  que  le  vuel  C.  —  172S0  Qno  vous 
semble  duii  lel  iiustal  U.  C,  —  172S2  receuoir  C.  —  172S3-8Ô  "llriOués  A  Antiulua  C.  —  17289  loue  fort  que  C.  —  17309 
vostre  U. 


MISTERli    DE    LA    PASSION 


tant  comme  avec  vous  me  tendray, 
tristesse  ne  vous  blessera. 

NOSTBE   DAME 

Je  ne  sçay  combien  ce  sera, 
17320  dont  j'ay  en  mon  cueur  peu  de  joye, 
mes  Dieu,  vostro  père,  y  pourvoye 
a  vostre  désir  plus  paifait. 

[Pose.] 


SATHAN 

Je  ne  sçay  que  c'est  de  mon  fait 
ne  quel  deable  me  contredit  ; 

17325  je  suis  le  deable  plus  maudit 
qui  soit  es  infernaulz  abismes  : 
je  faulx  a  tous  mes  sillogismes  ; 
•     pourchasser  ne  sçay  trahison 
qui  puist  venir  a  meurison  ; 

17330  je  vois,  je  tourne,  je  tompestc, 
je  me  romps  le  groing  et  la  teste 
et  si  ne  fais  chose  qui  vaille, 
ne  jami's  je  ne  ches  a  taille 
de  ce  faulx  Jhesus  engigner; 

17335  et  brief  il  n'y  vault  le  grongner, 
je  m'en  vois  en  enffer  le  cours 
a  Lucifer  querro  secours, 
combien  que  je  seray  froté, 
cent  contre  ung. 


LUCIFEU 

Faictes  silele, 
17340  faulx  ennemis,  il  le  convient, 
car  j'apperçoy  Sathan  qui  vient. 
Cerberus,  ouvre  luy  la  poi-te, 
car  je  suis  tout  sceur  qu'il  apporte 
nouvelles  dignes  de  mémoire. 

CERBERUS 

17345   S'il  a  failly  a  l'accessoire, 
il  ara  cy  sou  principal, 
mais  ce  sera  d'ardant  métal 
dont  il  sera  bien  cstuvé. 

LUCU-EU 

Qu'est  ce,  Sathan  ?  qu'as  tu  trouvé  ? 
17350   d'où  viens  tu  ore  et  de  quel  règne  ? 


SATHAN 

Je  ne  sçay,  maistre,  je  forcené, 
j'ars,  je  brulo  de  part  en  part, 
je  m'en  voy  pendre  a  ung  hapart, 
se  je  ne  suis  tenu  a  force. 

BERICH 

17355  11  cuide  eschapper  de  la  torche 
pour  faire  fort  l'ensongniié. 

LUCIFER 

Astaroth,  qu'il  soit  manie 
ung  tantinet  en  bourgeoisie. 

ASTAROTH 

Le  voulez  vous  ? 

LUCIFER 

Mes  je  t'en  prie  : 
17360  sus  !  acop  vien  le  moy  saisir. 

FATHAN 

Helas  !  maistre,  je  n'ay  loisir  ; 
retourner  me  fault  en  courrio, 
car  ce  Jhesus  nous  contrarie 
et  nous  combat  sy  par  delà, 
17365  par  la  grant  puissance  qu'il  a, 
que  tout  se  pert  se  ne  le  suis  : 
c'est  la  cause  pourquoy  je  suis 
devers  vous  venu  si  en  haste. 

LUCIFER 

Dis  tu  vray  ? 

SATHAN 

Oy,  par  ma  pats  ; 
17370  toute  jour  ne  fay  que  trayner. 

FERGALUS 

11  ment. 

BERICH 

Si  le  fault  estrainer 
d'une  boulaye  bien  assise. 

SATHAN 

Ne  me  jouez  point  de  mam  mise  : 
j'appelle  de  tout  le  couvent. 

FERGALUS 

17375  Appeaulx  y  counoient  souvent, 
qui  les  y  vouidroit  recevoir  ; 
sus  !  venez  ung  tantet  sçavoir 
que  c'est  d'ung  joyeulx  bring  sentir. 

SATHAN 

J'appelle. 

CERBERUS 

Il  fauldroit  donc  namptir 
17380  et  bien  garnir  la  main  du  roy  ; 

mais  puisque  vous  n'avez  de  quoy, 
certes  vous  passerez  par  cy. 


17318  ploissera  13.— 17320  a  merrison  A.  aineusiron  B.  en  ma  r.iison  C— 17333  Ne  je  ne  puis  cheir  a  taille  C— 17335  niy 
fault  besongner  C—  17340-41  monqunlt  C— 1:344-97  manquent  C— 17353  prendre  A. —17356  ensongnie  A.  essonnye  B.— 
17f06  je  ny  suis  B.  —  17370-1  Se  je  mens  faictes  moy  frotcr  Toute  jour  ne  fay  que  troter  A.  —  7372- 'illl  ruanqucnl  A. 


SECONDE  JOURNEE 


225 


S\THAN 

Hclas!  maistro,  niorcy,  mercy  ! 
CCS  ribcaulx  icy  )ne  dctirent, 
173S5  ilz  nie  cravantent  et  dcchiront 
par  tcniblo  puguicion 
saiis  lettre  no  commission  : 
jo  u'ay  point  apris  tel  usaigo. 

LUCIKEU 

Appelle,  Sathan. 

SATHAN 

Aussi  fay  je, 
17390  Lucifer,  mes  il  no  me  vault. 

ASTAROTH 

Demandez  luy  s'il  y  fait  chault  : 
voicy  ung  heaulmo  en  ))Ourgeois, 
plus  rouge  que  n'est  feu  grégeois, 
qu'il  ara  en  lieu  de  chappel. 

LUCIKE» 

17395  Sathan,  relieve  ton  appel 
et  tu  aras  provision. 

SATHAN 

Toute  l'orrible  légion 

des  deables  s'en  puisse  tuer  ! 

LUCIFER 

Ghauffeil? 

CEHBERLS 

Il  commance  a  suer  : 
17400  venez  le  veoir  se  vous  voulez. 

LUCIFER 

Or  le  frétez  donc  a  tous  les 
et  luy  faictos  sa  couverture 
en  beau  brasier. 

ASTAROTH 

C'est  la  moulture, 
afflu  qu'il  ne  soit  morfondu. 

SATHAN 

1740J  Je  suis  danipné,  je  suis  perdu, 
je  suis  en  rage  sans  séjour  : 
mauldite  soit  l'eure  et  le  jour 
que  le  triumphant  rad  créa. 

BERICH 

Escoutcz  le  beau  chant  qu'il  a, 
17410  comment  il  est  doulcement  mis. 

ASTAROTH 

Ce  seml)lc  ung  vieulx  matin  faniis, 
huilant  huit  Jours  en  \ing  tenant. 

LUCIFER 

Sathan,  or  me  dis  maintenant 
ou  est  ce  Jhesus  n'en  quel  place. 


SATHAN 

17415  Je  ne  sçay  :  le  dcable  le  sache  ! 

il  ne  fait  rions  que  sermonner  ; 

bricfmcnt  s'en  no  le  fait  flner, 

nous  en  serons  tous  accroupis. 

II  va  tousjour»  de  pis  en  pis  : 
17420  il  prcsche,  il  enseigne,  il  sermonne 

et  n'est  pas  huy  bonne  personne 

qui  n'est  des  siens. 

LUCIFER 

Voii-e  !  mes  quoy  ? 
les  haulx  gouverneurs  de  la  loy 
ne  sont  ilz  pas  de  son  accord  ? 

SATHAN 

17425    Neunil,   ilz  le  hecnta  mort  : 
arae  d'iceulx  ne  s'i  encline, 
car  de  luy  ne  do  sa  doctrine 
ilz  ne  veullent  oyr  parler. 

LUCIFER 

Tant  vault  mieulx  ;  il  t'en  fault  aller, 
17430  toy  et  Berich,  par  bons  moyens 

par  devers  ces  phaiisiens  • 

qui  l'ont  tousjours  persécuté, 

affin  qu'il  soit  exécuté 

et  mis  a  mort  sans  plus  sommer  ; 
17435  et  les  allez  bien  enflammer 

comme  bien  faire  le  sçarez. 

BERICH 

Ça  donc,  le  congé. 

LUCIFER 

Vous  Tarez  ; 
estes  vous  tous  deux  mis  appoint  ? 

SATHAN 

Nennil,  je  vous  veil  dire  ung  point 
17440  qui  est  a  dessus  et  a  triple  : 

ce  Jhesus  cy  a  mig  disciple 

qui  se  fait  appeler  Judas  ; 

oncques  nul  jour  lo  roy  Mydas 

ne  fut  plus  remply  d'avarice  : 
17445  or  luy  a  il  donne»  l'office 

dessus  tout  son  gouvernement. 

LUCIFER 

Est  il  point  mauvais  garnement, 
ce  Judas  qui  est  aulmonnier  ? 

SATHAN 

Si  mauvais  qu'il  ne  vault  denier, 
17450  le  plus  traistro  qui  puisse  naistre, 
et  brief  il  n'ayme  point  son  maistro, 
mes  tousjoui-s  en  murmure  et  hongne. 


17385  délirent  B.  —  17403  i"ost  sa  nourreture  B.  —  17412  Vtieillant  C.  Apres  luy  je  vous  ronoenant  A.  —  17413-14  Ot 
ca  ou  est  maintenant  Ce  jesus  satlian  ueu  quel  [tlai'e  A.  —  17415-16  Que  lo  sanglant  dyablc  le  saiche  11  ma  trop  bien 
fait  ronssiner  B.  erissiner  C. 


Pas. 


15 


226 


MI  STERE   DE   LA   PASSION 


LUCIFER 

Ha  !  que  c'est  Jjien  nostre  bosongne  ! 
Sathan,  il  fault  quon  le  bâtisse 
17455  si  bien  que  son  maistre  trahisse 
et  le  vende  a  bons  deniers  secs. 

SATHAN 

Laissez  nioy  fournir  le  procès  : 
je  le  niettray  en  telz  moyens, 
et  Berich  les  pharisiens 
17460  que  nous  en  serons  honourés. 

LUCIFER 

Courez,  ribaulx,  courez,  courez 
comme  chiens  a  mont  et  a  val  ; 
qu'en  l'orrible  puis  infernal 
puissiez  vous  revenir  a  joye  ! 
Icy  s'en   va  Berich  aux  pharisiens  et  Sathan 
poursuit  Jitdas. 


NAASON 

17465  Seigneurs  légistes,  a  monjoye 

vous  doint  Dieu  honneur  a  jamès  ! 
Advis  m'est  que  ne  parlez  mes 
de  ce  Jhesus,  qu'en  dites  vous  ? 

CAYPHE 

Nous  nous  en  esbayssons  tous, 
17470  et  briefment  je  n'en  sçay  que  dire. 

NATHAN 

Ne  sçay  qu'il  y  a  a  redire 
n'en  quel  lieu  il  prent  son  hantin, 
mes  il  n'est  point  a  ce  matin 
au  temple  venu  sermonner. 

ANNE 

17475  11  se  convient  garde  donner 
qu'il  ne  se  vousist  estranger 
de  ce  pays,  pour  grant  danger 
qui  de  ce  se  pourroit  ensuivre  ; 
car  s'il  eschappe  ainsi  délivre, 

17480  il  pourra  aultres  nacions 
tirer  par  predicaeions, 
et  quand  plus  fort  se  trouveront, 
contre  nous  le  deffenderont  ; 
si  vouldroit  nostre  loy  grever 

17485  pour  ses  fabuscs  eslever 

dont  le  peuple  est  ainsi  deceu. 

CAYPHE 

Anne,  c'est  soubtilment  concau, 
et  pour  doubter  de  l'cschapper 


il  le  convient  anticiper 
17490  et  faire  sa  prinse  première. 

JHEROBOAN 

Voire,  mes  il  y  a  manière 
de  le  prendre  et  apprehendei', 
et  sur  tout  se  fault  bien  garder 
de  le  prendre  au  jour  de  la  feste 

17495  n'en  heure  qui  soit  magnifeste. 

La  pasque  est  près,  vous  le  sçavez, 
et  se  la  volenté  avez 
de  le  prendre  en  celle  saison, 
il  y  ara  peuple  foison 

17500  qtii  très  grant  tumulte  fera, 
et  forse  le  nous  estera 
a  nostre  grant  confusion. 

MARDOCEUS 

Or  prenons  donc  conclusion 
et  ung  chemin  soubtil  et  sage 
17505  pour  l'avoir  a  nostre  advantage, 
et  chactm  y  pense  en  droit  soy. 

[Pose.] 


JUDAS 

Je  pers  cy  mon  temps,  bien  le  voy  : 
je  n'ai  drap  ne  robe  qui  vaille, 
je  jeune  toute  jour  et  baille 

17510  et  sans  souldees  recevoir  : 

briefment  il  m'y  convient  pourvoir 
et  gaigner  ou  prendre  en  pourray. 
.l'ay  advisé  que  je  feray  : 
les  princes  de  la  loy  ensamble 

17515  sont  au  jour  d'huy  comme  il  mo  samble  ; 
je  m'en  iray  tout  a  l'erablee 
moy  présenter  a  l'assemblée  ; 
mes  se  je  puis  venir  a  chef, 
je  brasserai  ung  tel  mcschef 

17520  que  mes  despens  seront  recoux, 
mes  ce  sera  bien  aux  chers  coustz 
de  mon  maistre  :  et  vienne  qui  peult  ! 


ELIACHIN 

Seigneurs,  i)uisque  le  conseil  veult 
procéder  a  toute  rigueur 
17525  a  la  mort  do  ce  séducteur, 


17454  la  bâtisse  B.  le  liaptise  C.  —  17458-59  nKnviueiit  B.  C.  —  17460  Hricfraent  nouuellos  en  ourrez  B.  C.  —  17470 
hen  soauons  B.  C.  —  17'.94  au  delà  feste  A.  en  jour  de  feste  C.  —  17500  très  bien  C.  —  17501  forsnn  A.  —  17521 
l'eups  A. 


SECOND!-:   JOURNEE 


227 


pour  éviter  niale  foituiic 

il  convient  le  iiicndro  a  la  bi'unc, 

nffin  que  le  peuple  n'enchante. 

IIANANIAS 

Voiro,  mes  îles  lieux  ou  il  hante, 
17530  qui  nous  en  poui'ia  informer  ? 

(juant  nous  ferons  nos  gens  armer, 
en  quel  lieu  adresseront  ilz? 

JI'DAS 

Seigneurs,  vous  estes  mal  soubtilz 
qui  tant  mettez  doubles  a  prendre 

17535   ung  homme  ;  je  vous  veil  apprendre 
les  tours  par  quoy  briefment  Tarez. 
Dites  moy  combien  m(>  donrez 
de  finance  franc  et  delivi'e 
ou  cas  que  ce  .Ihesus  vous  livre 

17540  franchement  a  vostre  vouloii'. 

ANNE 

En  aras  tu  bien  le  pouoir 
ains  que  procédons  au  surplus  ? 

jmiAs 
De  cela  ne  vous  doulitez  i)lus  : 
je  le  pense  si  bien  livrer 
17545   qu'il  ne  s'en  sçai'a  délivrer 

se  vous  avez  gens  bien  hal)illes  ; 
je  s(,'ay  ses  fais  et  s(,'ay  ses  stilles 
et  ou  il  tient  son  obanye. 

JOATHAN 

Tu  es  doncques  de  sa  maignie, 
17^0  son  disciple,  a  ce  que  j'entens  ? 

JUDAS 

Ne  vous  chaille  ;  soiez  contens 
qu'il  vous  soit  délivré  et  pris. 
Convenez  avec  moy  du  pris  : 
c'est  le  plus  foi't  de  mon  affaire. 

CAYPHF. 

17555  Le  pris  y  est  très  bon  a  faire  : 
qui  te  donra  trente  deniers, 
le  feras  tu  ? 

JUDAS 

Très  volontiers, 
je  n'en  requicr  pas  ung  avec  : 
mes  je  seray  payé  tout  sec 
17560  avant  q\ie  j'en  face  ja  couise. 

ANNB 

Voicy  de  quoy  ;  mes  en  ta  bourse  ; 
y  sont  ilz  trente  bien  comptés  ? 

JUDAS 

Et  aussi  vous  me  prometoz, 
se  danger  y  est  apparant, 
17565  m'en  porter  dcffense  et  garant 


encontre  tous  mes  adversaires  ? 

CAYHHE 

S'il  y  suiTicnt  cas  neccessaii'cs, 
nous  serong  a  ton  avangarde. 

JUDAS 

Oi-  «oiez  donc  sur  vostre  garde 
17570  et  vous  pourvoiez  do  gens  d'armes 
cstoffés  de  bâton»  et  d'armes 
en  multitude  plantureuse  ; 
car  la  chose  est  bien  dangcreu.se 
s'il  n'est  bien  fait  a  rcocllee  : 
17575  plusieurs  de  ceulx  de  (ialilec 
sont  icy  qui  sont  ses  amis 
a  cause  qu'il  est  du  pays, 
qui  forsc  y  monstroront  effors, 
et  se  vos  gens  sont  les  plus  fors, 
17580  ilz  en  vendront  a  leur  dessus. 

NACHOn 

En  quel  lieu  hante  il,  ce  Jhesus, 
pour  l'avoir'  droit  a  l'avantage  ? 

JUDAS 

11  a  de  coustume  et  d'usage 
de  hanter  sur  le  tartUvet 

17585  vers  la  montagne  d'Olivet 

en  ung  jardin  qui  est  l)ien  près. 
Tenez  vos  gens  <rai'mos  tout  près 
a  celle  fin  qu'au  retourner 
je  les  puisse  bien  emmener, 

17590  quand  la  chose  sera  bâtie. 

ANNE 

11  y  en  ara  grant  partie, 

de  cela  ne  fault  point  doubler. 

JUDAS 

Et  je  m'en  voy  exécuter 
mon  fait  par  soulilille  cautclle, 
175fô  et  brirf  orrez  de  moy  nouvelle, 
tenez  vous  pour  tout  asseuros. 

CAVPHE 

Et  nous  avons  gens  estorés, 
tous  près  i)our  toy  acompaignier. 


S.    PIEHIIE 

Cher  raaistre,  il  est  temps  de  songnlcr 
17600  ou  nostre  pasquo  se  fei'a  ; 
ja  tost  au  soir  l'heure  sera 
que  la  loy  nous  rigle  et  ordoime 
que  chacune  bonne  parsonne 
doit  l'aigneau  de  pasques  manger. 


17547  et  SOS  stiUps  A.  B.  C.  —  1755i   iiostre  affaire  B.  C.  —  175(«  De  meo  C.  —  1757S   inonstreruient  .\.  B.  Qui  r 
inonstreront  leurs  cirjrs  C.  —  175S1  janlinet  G.  —  17589  tous  ainmener  B.  C.  —  17392  ne  fault  il  B. 


228 


MI  STERE   DE   LA  PASSION 


i7B05  S'il  vous  plaist,  voiliez  moy  charger 
en  quel  manière,  en  quelz  façons 
et  ou  voulez  que  nous  fassons 
la  pasque  :  il  faut  faire  l'apreste. 

JHESUS 

Pierre,  je  veil  qu'elle  s'appreste 

17610  pai'  la  manière  accoustumee  : 
et  affin  que  soit  exprimée 
la  place,  vous  l'appresterez. 
Pierre,  et  vous,  Jehan,  vous  en  irez 
avec  Jaques,  nostre  cousin, 

17615  en  la  cité  le  droit  chemin  ; 
en  allant  vous  rencontrera 
ung  homme  lequel  portera 
ung  vaisseau  d'eauc  remply  : 
suivez  le,  et  allez  avec  ly, 

17620  et  entrez  ou  propre  demeure 
ou  vous  sentirez  qu'il  demeure  ; 
et  lors  au  seigneur  de  l'ostel 
direz  par  moy  :  «  Le  cas  est  tel  : 
nostre  maistre  a  dit  et  te  mande 

17625   que  tu  nous  monstres  place  grande 
en  laquelle  il  puisse  parfaire 
sa  pasque,  qu'avec  toy  veult  faire 
et  tous  ses  disciples  unis.  » 
Alors  vous  monstrera  logis 

17630  et  ung  cénacle  grant  et  hault  ; 
la  préparez  ce  qu'il  nous  fault, 
et  puis  nous  nous  y  renderons. 

s.    JEHAN 

Cher  maistre,  nous  appointerons 
tout  ce  qu'il  nous  est  commandé. 


PiRAGMON,  porteur  d'eaue. 

17635  J'ay  bien  longuement  retardé 
d'aller  ma  besongne  accomplir  ; 
temps  est  que  je  voisc  remplir 
mes  deux  vaisseaux  a  la  fontaine, 
car  la  haultc  teste  est  prochaine 

17640  qu'il  m'en  fauldra  beaucop  avoir. 
Je  m'en  voy  faire  mon  devoir 
d'en  quérir  tandis  qu'il  est  heure. 

URiori,  le  maistre. 
Ne  faictes  point  longue  demeure, 
Piragmon,  retournez  bien  tost. 

PIRAGMON 

17645  Je  n'y  veil  riens  que  faire  ung  trot  : 
vous  me  rarcz  cy  pris  cy  mis. 


s.    PIERRE 

Mes  chers  frères  et  bons  amis, 
nous  sommes  très  bien  ariivc, 
et  croy  que  nous  avons  trouvé 
17650  ce  que  nostre  maistre  avoit  dit. 

s.    JEHAN 

Je  n'y  metz  point  de  contredit  : 
veez  cy  ung  homme  atout  deux  seaulx 
ou  cruches  ou  aultres  vaisseaulx 
qui  s'en  va  de  l'oaue  cspuisiei'. 

s.  JAQUES   ZEBEDEY 

17655  11  nous  le  fault  laissier  puisier, 
et  puis  le  suivrons  bonne  allure. 

PIRAGMON 

Veez  cy  fontaine  clere  et  pure  ; 

grant  plaisir  prens  a  la  vcoir  naistre. 

Pour  ma  panse  ung  petit  rcpaistre 
17660  voicy  de  pain  ung  bon  loppin 

a  bouter  en  mon  canepin  ; 

mais  pour  estre  plus  frais  aux  dens, 

je  le  moilleray  cy  dedens, 

s'en  ara  saveur  plus  friande. 
17665  Ha  1  Dieu  d'Israël,  quel  viande  ! 

c'est  bien  pour  avoir  clere  voix. 

Or  suis  je  chargé,  je  m'en  vois 

pour  doubte  de  moy  faire  attendre. 

S.    PIERRE 

Fi'eres,  il  nous  convient  entendre 
17670  a  suir  nostre  homme  de  tire. 

s.    JEHAN 

Gardons  en  quel  logis  il  tire 
affin  que  pas  ne  le  pardons. 

s.    JAQUES 

'  Pierre  et  moy,  bien  y  entendons 
et  avons  l'oeil  tous  doux  ensemble. 

s.    PIERRE 

17675  II  est  arresté,  ce  mo  samble  : 
son  logis  est  icy  emprès. 

s.   JEHAN 

Il  nous  convient  euti'er  après 
acop  sans  nous  tourner  ailleurs. 


s.    PIERRE 

Paix  soit  on  cest  hostel  ! 


17605  nous  charger  B.  C.  —  17614  vostre  B.  C.  —  17632  tous  nous  y  C.  —  17634  portew-  d'eaue]  valet  A.  —  17054 
Qui  vient  de   leaue   puisier  B.   —  17658-65  man'/uent  A.  —  17671  quel  lieu  G.  —  17G78  sans  diuertir  B.  C. 


SECONDE   .lOURNEE 


'220 


un  ION 

Seigneui's, 
17080  vous  nie  soioz  les  bien  venus  : 
vous  estes  fort  las  ot  rocreus, 
repposez  vous,  mes  qu'il  vous  plaise. 

s.  JEHAN 

Nous  somnties  très  bien  a  nostre  aise; 
Dieu  veille  garder  le  domaine  ! 

URION 

nos.'i  Or  me  dittes  qui  vous  admaine 
et  la  cause  aussi  quelle  est  elle. 

s.    PIERRE 

Sire,  la  vérité  est  telle 
que  nostre  maistro  droite  voye 
iey  devers  vous  nous  envoyé 
17690  pour  l'amittio  qu'il  a  a  vous, 
et  vous  supplie  de  par  nous 
qu'il  puist  en  vostre  hostel  assoir 
et  faire  sa  pasque  ce  soir, 
comme  son  vouloir  le  désire. 

URION 

17695  Ha  !  .Ihesus,  le  bon  et  douls  sire, 
je  pry  a  Dieu  qu'il  le  conserve 
et  qu'envye  ja  ne  l'asserve 
au  veil  de  ses  contredisans. 
Groiez  qu'il  a  moult  de  nuysans 

17700  et  d'envieux  en  la  cité  ; 

mes  puisque  c'est  sa  volonté, 
il  me  soit  le  très  bien  venu  ; 
grandement  a  luy  suis  tenu, 
et  repute  a  très  grant  honneui' 

17705  que  le  bon  et  vaillant  seigneur 
me  daigne  venir  visiter. 

s.    JAQUES 

Il  est  temps  de  tout  apprester 
et  que  chacun  son  devoir  face 
do  besongner. 

URION 

Veez  cy  la  place 
17710  en  laquelle  serez  logés, 

et  ne  veil  que  vous  espargnez 
utencille  de  mon  hostel  ; 
])renez  on  d'autant  et  d'autel  : 
tant  qu'il  y  a  vous  habandoiaic. 

s.    PIERRE 

17715  La  place  est  très  notable  et  bonne 
et  très  grandement  nous  souffit  ; 
celuy  qui  ciel  et  terre  fit 
vous  rende  vostre  bienveillance. 

URlON 

S'il  vous  fault  argent  ne  (manco 


177Î0  ou  viande  a  la  ceno  faire, 

sur  quanque  me  voulez  meffairo, 
ne  m'espargnez  en  nul  endroit. 

s.   JEHAN 

Neunil,  sire. 

unioN 
Vous  avez  droit, 
car  je  le  fais  de  bon  couraige. 

I77i85  Certes,  messeigneui"s,  encor  ay  je 
des  biens  pour  Jhosus  soustenir, 
et  s'il  fault  aller  ne  venir, 
employez  ce  maistre  valet 
et  prenez  en  gré  tel  qu'il  est, 

17730  car  autre  faire  ne  le  puis. 

PIRAGMON 

Maistre,  je  suis  tel  que  je  suis, 
prestde  bien  boire  et  bien  mengier. 

s.    PIERRE 

Chacun  pense  de  mesnagiei', 
car  le  temps  pas.se  tout  a  cop. 


17735  Messeigneui's,  nous  demourons  trop 
ot  sommes  très  mal  diligens 
que  ne  faisons  armer  nos  gens 
et  mettre  en  point  a  l'aventure, 
car  ja  tost  a  la  nuit  obscure 

17740  nostre  marchant  fera  l'ospreuve  ; 
et  s'il  vient  et  il  ne  nous  treuve, 
tout  nostre  exploit  sera  rompu. 

CAYPHE 

11  est  bien  villain  corrompu 
qui  si  forte  trahison  baille 
17745  a  son  maistre. 

JHEROBOAN 

Ne  vous  en  chaille  : 
vous  souffice  que  nous  venons 
a  nostre  fait. 

ANNE 

Sus  !  conipaignons  ! 
il  ne  soit  si  hardy  soudart 
qui  n'aist  ou  javeline  ou  dart 
17750  et  tout  prest  son  harnois  de  cojps, 
affin  que  s'il  fault  aller  hore 
vous  soiez  tous  pretz  sans  attente  : 
oyez  vous  ? 

ROULLART 

C'est  bien  mon  entente. 


17C93  a  ce  soir  C.  —  17700-88  mnnqui-nt  G.  feuillet  déchiré.  —  17725-32  inanfjuenl  A.  • 
lo  incsn,ige  A.  —  17735  séjournons  B.  —  17753  nostre  B. 


■  17733  S.  J.  Pensons  de  faire 


230 


MISTKRE  DE    LA    PASSION 


homme  de  nous  n'y  met  roffus  ; 
1T755  j'ay  en  lieu  de  mon  viel  paffus 
prins  mon  arc  et  ma  javeline. 

DBNTART 

Et  j'ay  ma  vielle  capeline 
plus  rouge  que  le  feu  d'enffer, 
avec  mon  gros  maillet  de  fer 
17760  qui  a  la  pointe  bien  aguo. 

GA.DIFER 

Et  j'ay  ma  vielle  besague 
et  une  espee  mal  taillant 
qui  a  bien  sept  piez  de  saillant  : 
c'est  quanque  je  puis  raraonner. 

ANNE 

17765  Cayphe,  faictes  atourner 
acop  vostre  meignie  toute. 

CAYPHE 

Mes  gens  sont  prêt/,,  n'en  faictes  double, 
n'a  cil  qui  ne  soit  ordonné. 
Malcus,  Bruyant  et  Estonné, 
17770  Dragon,  Malcuidant  et  Gueulu, 
dormez  vous  ?  qu'en  lieu  de  salu 
soyez  sains  de  maies  estraines  ! 

MALCUIDANT 

Happe,  Dragon,  c'est  pour  tes  vaines, 
entens  tu  ? 

DRAGON 

Mes  tout  au  prieur. 

ESTONNÉ 

17775  Qui  est  ce  la  ? 

GUEULU 

C'est  monseigneur 
Cayphe,  qui  tous  ses  gens  huche. 

MALCUS 

Il  fault  aller  a  l'escarmuche  : 
briefment  il  n'y  vault  le  hongner  : 
armons  nous. 

BRUYANT 

A  quoy  besougiier? 
17780  y  a  il  bataille  ou  assault  ? 

ESTONNÉ 

J'amasse  mieulx  a  faire  ung  sault 
pour  aller  garder  la  cuisine, 
car  puisqu'on  y  frape  ou  butine 
j'ay  tel  paour  que  le  cueur  me  part  : 
17785  armons  nous. 

•  MALCUIDANT 

.  Le  deable  y,  ait  part  ! 

nous  fault  il  aller  a  la  guerre  ? 

MALCUS 

Bé,  nennil,  c'est  pour  aller  querre 


ce  .Ihesus,  que  mal  jour  luy  viengne  ! 
mes  s'il  eschet  que  je  le  tiengno, 
17790  il  luy  sera  bien  cher  vendu. 

GUEULU 

Aussi  ont  ilz  trop  attendu 
a  le  faire  pieça  destruire. 

CAYPHE 

Est  tout  prest  ? 

DRAGON 

N'oez  vous  pas  bruire 
nos  armures  et  cliqueter  ? 
17795  nous  sommes  pretz  pour  emporter 
une  ville  sans  assiéger. 

CAYPHE 

Sy  hardy  homme  de  bouger, 
et  vous  tenez  sur  vostre  garde. 


s.   PHELIPPE 

Il  m'est  advis  que  je  regarde 
17800  Judas  qui  vient  tout  assymply. 
D'où  venez  vous,  je  vous  supply. 
Judas  ?  moult  avez  demeuré. 

JUDAS 

•Fay  depuis  beaucop  labouré 

pour  nostre  maistre  et  pour  nos  frères 

17805  j'endure  beaucop  de  misères 
pour  vous  et  a  vostre  faveur  ; 
a  mal  heure  fus  receveur, 
oncques  ne  vint  de  mon  conseil  : 
j'en  ay  la  peine  et  le  travail 

17810  quand  les  aultres  sont  a  reppos. 

s.    BERTHELEMY 

Ne  tenez  jamès  ce  propos  : 
qui  bon  maistre  sei-vir  entend 
par  droit  bon  loier  en  attend. 
Nous  souffi'ons  voirmènt  de  la  paine, 

17815  mais  combien  qu'elle  soit  grevaine 
vray  espoii'  nous  donne  science 
de  la  porter  en  pacience, 
et  que  pour  nostre  affliction 
arons  la  retribucion 

17820  de  gloire  en  parfaicte  aUiance. 

JUDAS 

Quant  a  moy,  c'est  mon  espérance 
et  est  tout  le  confFort  que  j'ay. 


17764  retourner  B.  —  17793  Estes  vous  [irestz  C.  —  17797-98  manquent  C.  —  17822  Et  tout  le  coaffort  que  jy  ay  C 


SECONDR    JOURNEE 


231 


JHESUR 

Mes  trcs  cher»  amis,  jo  proiulray 
congé  a  vostrc  coiupaiguie, 

178K)  a  vous,  Marthe,  et  a  vous,  Marie, 
et  a  vous,  sire  Lazaron  ; 
moy  et  mes  frères  eu  irou 
en  la  sainte  cité  de  Dieu 
parfaire  uostre  ccue  au  lieu 

17830  que  j'ay  ordonné  pour  ce  faire. 

MARTHE 

Helas  !  et  nous  faut  il  dcifaira 
de  vostrc  compaigiiie  ainsi? 
si  la  vous  oust  pieu  faire  cy 
nous  en  eussions  fait  meilleur  chère. 

JHESUS 

17835  Marthe,  ma  bonne  hostesso  et  chcre, 
cela  n'ay  je  peu  consentir, 
mais  je  vous  laisse  au  départir 
ma  mère,  et  vous  la  recommans. 

MA.DELA.INE 

Cher  sire,  tous  vos  bons  connnandz 
178'i0  accomplirons  sans  rions  niosprendre. 

NOSTRE   DAME 

0  filz,  c'est  donc  au  congé  prendre  ? 
com  triste  ces  parlers  cscoutc  : 
encore  du  congé  me  doubte 
qu'il  ne  soit  pour  tout  et  final, 

I78'i5  dont  jo  sons  mon  cuour  si  tros  mal 
qu'a  peu  quo  do  larmes  ne  font  ; 
mes  puisque  ces  choses  se  fout 
par  la  providence  divine, 
jamès  Dieu  mon  vouloir  n'encline 

17850  qu'il  soit  par  mon  veil  retargé. 

Mon  filz  doncques,  jo  prens  congé 
pleurant  de  pensée  parfonde 
comme  a  la  chose  de  ce  monde 
do  qui  jilus  me  plcst  le  reppere. 

17855  Je  roquier  a  Dieu,  vostre  pore, 

qu'il  vous  conserve  et  vous  convoyé 
si  bien  que  briefment  vous  renvoyé 
a  la  joyo  de  mon  désir. 

JHESUS 

More,  ne  prenez  desplaisir 
178GO  du  deppart,  n'en  soyez  morrio  : 
confortez  vous  avec  Marie 
et  avec  Marthe  doulcement 
en  atte.idant  bonignomont 
que  la  volonté  Dieu  se  face. 

NO.STRE    DAME 

1780'.  Très  .sîdnte  et  précieuse  face, 


pour  mon  ilollant  cicur  appaiaier 

au  doppartir  prens  ung  baisier 

puisqu'aultr(!  chose  n'en  aray, 

car  jamès  tant  que  vous  yerray 
17870  je  u'aray  liesse  on  mon  ame. 
Icy  s'en  ra  Jhesus  et  tous  sêt  appostres  au  lieu 
de  la  cène. 


MADBLAINE 

Reconfortez  vous,  chère  dame  ; 
j'ay  espoir  que  brief  le  verrons 
et  que  du  voir  possessei-ons 
parfaictc  joyo  en  nostre  cueur. 

NOSTRE   DAME 

17S75  Helas  !  Marie,  chère  seur, 

quel  reconfort  pourray  je  avoir, 
quand  tout  le  bien  et  tout  l'avoir 
que  jamès  je  pouoye  attendre 
se  part  de  moy  ? 

MARTHE  * 

Le  congé  prendre 
17880  ne  doit  pas  sambler  si  mauvais 
veu  que  ce  n'est  pas  pour  jamais  : 
ung  peu  de  temps  va  tost  passant. 

NOSTBE   DAME 

Dieu  le  scet  qui  est  tout  puissant, 
mes  j'en  fais  amere  doùbtance. 

LAZARON 

17885  Je  requier  Diou  par  sa  puissance 
qu'il  le  garde  d'adversité. 


s.    PIERRE 

Bien  appoint  avons  appresté  : 
veez  cy  nostre  maistre  Jhesus 
et  nos  frères  tretous  venus  ; 
17890  n'y  a  que  de  se  seoir  a  table. 

JHESUS 

Paix  soit  en  cest  hostel  notable 
et  a  tous  habitans  en  luy  ! 

URION 

Hienveignant  sire,  il  n'a  celluy 
de  ma  famille  et  de  nous  tous 
178»5  qui  ne  soit  très  joyeux  de  vous 
beaucop  plus  qu'on  ne  penseroit. 


17834  Nous  eussions  fait  meilleure  A.  —  17SV4  tousjours  et  C.  —  17847  les  choses  B.  C.  —  17849  vueil  C.  —  17859 
Ma  inere  G.  —  17801  Déportes  vous  'b.  C.  —  17868-69  autre  nen  puis  auoir  Car  tant  que  vous  pourray  reuoir  C.  — 
17878  pouoye  «uoir  B.  —  17890  11  ny  a  ([vie  de  seoir  B.  Il  nest  que  C. 


232 


MISTERE   DE   LA    PASSION 


PIRAGMON 

Sire,  qui  se  tlespescheroit 
de  souper,  ce  seroit  bien  fait  : 
vos  gens  ont  paré  et  parfait 
17900  vostre  cenc  très  bien  et  beau  : 
il  y  a  ung  très  bon  agneau, 
du  pain,  des  laictues  sauvages, 
et  si  a  de  divers  bruvages, 
et  ne  fust  que  l'eaue  et  le  vin. 

JHBSUS 

17905  Loué  soit  le  père  divin 

qui  de  tant  de  biens  nous  pourvoit  ! 

s.    PIERRE 

Tout  est  prest,  comme  chacun  voit  : 
venez  vous  seoir,  grands  et  menus. 

JHESUS 

Benedicite. 

TOUS  respondent. 
Dominus. 

JHEStlS 

17910  Posita  et  apponenda 
benedicat  Dei  dexlra. 

'  URION 

Or  ça,  seigneurs,  chacun  se  tiie 
a  son  lieu,  et  vous  premier,  sire, 
metez  vous  en  ce  lieu  présent, 
17915  et  puis  nous  vous  forons  présent 
des  biens  qui  sont  appareilliés. 
Icxj  chacun  se  siet. 

JUDAS 

Cher  maistre,  trop  vous  travailliez  ; 
laissez  moy  servir  le  couvent  : 
c'est  a  moy,  je  le  fais  souvent, 
17920  sans  vous  donner  si  grand  ensonne. 

PIRAGMON 

Et  moy,  qui  suis  sage  personne, 
y  sçaray  je  de  riens  servir? 

JUDAS 

James  ne  suis  las  de  servir  ; 

puisque  je  sens  mon  maistre  assis 
17925  je  prens  plus  de  peine  que  sis 

et  suis  bien  content  de  jeûner 

pour  luy  son  mes  bien  oi-donner. 

Voist  hardiment  ou  il  vouldra, 

jamès  liomine  no  trouvera 
17930   qui  consonc  mieulx  a  ses  fais 

ne  qui  face  ce  que  je  fais  ; 

et  si  ne  luy  plains  point  ma  peine. 

•  URION 

Sa  personne  est  si  très  haultaine 
qu'on  no  le  pourroit  trop  prisier. 


JUDAS 

17935  Aussi  m'a  il  fait  son  bourcier 
et  gouverneur  de-sa  dospenco: 
c'est  signe  qu'il  a  confidence 
en  moy  sur  tout  le  demeurant. 

URION 

II  vous  a  fait  honneur  très  grant  : 
179'i0  gardez  que  n'en  soiez  ingrat  ! 

PIRAGMON 

Or  tenez,  asseez  ce  plat 
et  le  mettez  ou  il  doit  estre. 

JUDAS 

Recevez  en  gré,  nostre  maistre  ; 
veez  cy  les  preparacions 
179'.r)  que  vous  ont  fait  nos  compaignons  : 
les  mes  sont  suffisans  et  beaux. 

JHESUS 

Mes  frères  et  amis  leaulx, 
que  sur  tous  ay  voulu  choisir, 
j'ay  désiré  par  vray  désir 
17950  ceste  pasquo  avec  vous  manger 
avant  que  viengno  le  danger 
de  la  passion  que  j'attens. 

URION 

Pour  Dieu,  soigneurs,  soicz  contens 
du  povre  hostel  qui  vous  reçoit 
17955  et  n'espargnez  riens  qui  y  soit  : 
je  le  fais  liberallement. 

JHESUS 

Nous  sommes  honorablement 
bien  serns  et  de  bonne  sorte. 

JUDAS 

Ça,  qui  veult  boire  ?  j'en  apporte, 
17960  Pierre,  Thomas,  Berthelemy, 

Jehan,  et  vous,  Andry,  mon  amy, 
ame  son  compaignon  n'attende  : 
qui  veult  boire  le  haiiap  tende, 
je  le  serviray  tout  surpicz. 

s.    PIERRE 

17965  Judas,  beaucop  vous  traveilliez  : 
pour  avoir  consolacion 
prenez  ung  peu  reffoction  ; 
nous  avons  de  vous  grant  pitié. 

JUDAS 

Je  suis  trop  aise  la  moitié  : 
17970  ne  vous  chaille  que  je  inangeusse. 

JHESUS 

Frère,  prenez  ung  peu  d'induce, 
et  venez  au  manger  entendre 
de  cest  agneau  tant  doulx  et  tendre  : 
la  serimonie  le  vcult. 


17911  Amen,  ajoute  m  marge  A.  li.  —  17933  Ires  humaine  C.  —  I79'i5  mes  compaignoiis  C. 
X.  —  17970  ment'ue  li.  menj.asse  C.  —  17973  A  cest  B.  —  17974  La  compiiignie  si  G. 


17908  auons  manque 


SECONDE    JOURNEE 


233 


JUDAS 

17975  Sire,  vosti'o  parler  me  iiieust 

et  je  n'y  veil  pas  obvier. 
Icy  menjuent  tous  en  taii/  plat  l'aigneau    do 
pasques  et  tandis  parle  Nostre  Dame. 


NOSTBE  DAME 

Filz,  je  no  te  puis  oublier  ; 
mon  cher  filz,  do  mes  biens  le  mieulx, 
las  !  ou  es  tu  ?  consente  Dieux 
17580  que  briefmcnt  puisse  avoir  copie 
(le  ta  présence  drguerpio 
a  ma  doleur  très  singulière, 
et  d'envye  ton  advei'sicre 
te  veille  saulver  et  garder  ! 


Icy  se  lieve  Jhesus  de  la  table  et  met  ses  pans 
a  sa  çiinture  et  se  çaint  d'une  touaille. 

8.    PIERRE 

17985  Frères,  il  nous  fault  regarder 

que  Jhesus,  noRtr(!  maistre,  pense  : 
il  s'est  levé  portant  silence 
de  table  pour  aucun  misterc. 

s.    JEHAN 

Ce  nous  seroit  graut  vitupère 
17990  de  deniourer  assis  ainsi. 

s.    JAQUES  ZEBEDEY 

Levons  nous  donc  tretous  aussi, 
si  verrons  de  ce  fait  la  fin. 

JHESUS 

Mette/,  moy  en  ce  grant  bassin 
de  l'eaue  une  quantité. 

PIUAGMON 

17995  Vous  en  arcz  a  graiil  plante 

puisqu'il  ne  tient  a  aultre  chose  : 
tenez,  ce  n'est  jias  oaue  rose, 
mes  frescho  venant  du  beau  puis. 

JIIE.SUS 

Approchez  vous,  Judas,  et  puis 
18000  si  verrez  que  je  vous  feray. 

JUDAS 

Et  quoy,  sire  ? 

JHESUS 

Je  laveray 
vos  piez  humblement,  venez  près, 
et  a  tous  vos  frères  après. 


qui  vous  sera  bel  exemplaire, 

JUDAS 

18005  Ce  qui  vous  plaist  me  doit  bien  plaire  ; 
sire,  je  n'y  contredis  \)as. 

s.    THOMAS 

Vêla  bien  ung  merveilleux  cas 
et  de  grant  admiracion. 
N'est  ce  pas  grant  presumpcion 
18010  a  Judas  de  vouloii'  souffrir 

que  son  maistre  se  viengne  offrir 
devant  luy  pour  tel  chose  faire  ? 

.s.    PHELIPE 

liriefment  on  ne  s'en  pourroit  taire  : 
apparence  n'est  que  j'y  voyc. 

s.    PIERRE 

18015   A  quans  coutz  je  le  souffreroyel 
ja  Dieu  no  donne  qu'il  ni'adviengne 
que  mon  maistre  devant  moy  viengno 
pour  moy  si  bassement  servir. 

JHESUS 

Pierre,  il  vous  convient  ensuivir  : 
1S020  baillez  vos  piez,  si  le  serez. 

s.    PIERRE 

Ha  !  sire,  et  vous  me  laverez 
les  piez  ?  est  ce  chose  advenant  \ 

JHESUS 

Ce  que  je  te  fuis  maintenant 
tu  ne  sces;  après  le  sçaras. 

s.    PIERRE 

18085  Sire,  ja  ne  me  laveras 

les  piez,  ne  souffrir  ne  le  doy. 

JHESUS 

Tu  n'aras  point  part  avec  moy 
se  laver  tu  ne  te  permetz. 

s.    PIERRE 

Sire,  en  vostre  vouloir  me  metz 
18030  non  pas  les  piez  tant  seulement, 
mes  mains  et  teste  plainement  : 
lavez  tout,  ainsi  qu'il  vous  plest. 

JHESUS 

Cil  qui  nettement  lavé  est 
n'a  point  nécessité  du  corps, 

18035  mes  des  piez  laver,  et  alors 
il  sera  tout  mondifié. 
Si  peust  estre  certifié 
que  vous  estes  netz  entre  vous 
et  bien  mondés,  mes  non  pas  tous; 

18040  tel  y  a  que  peclié  encombre. 

s.    JEHAN 

Veez  cy  humilité  sans  nombre 
et  parfaictc  amour  entérine. 


17997  .1.1  li'nuo  A.  —  1S002  ni  v(!ncz  C.  —  18013  nrief  C.  —  18015  coups  A.  C.  —  1801C  d.iinl  T..  —  ISOSO  les  prcs  B.  C. 
—  18027  Si  nanis  li.  C.  —  1803G  .lu  tout  G.  —  18037  Sil  B. 


234 


MI  STERE    DE    LA    PASSION 


que  nostre  vray  maistro  s'encline 
(levant  nous  pour  nous  nettoyer. 

s.    ANDRY 

lS0'i5  C'est  tousjours  pour  nous  advdyer 
a  dileetion  fraternelle. 

s.    JAQOES   ALPHEY 

La  chose  ne  fust  pas  itelle 
se  je  l'osasse  reffuser. 

s.    PHEUPPE 

11  ne  s'en  fault  point  excuseï": 
18050  vous  ouez  qu'il  a  respondu 
a  Pierre  qui  a  contendu 
soy  excuser,  cuidant  bien  faire. 

s.    MATHlEr 

II  nous  le  fault  laisser  parfaire, 
puisque  son  vouloir  s"i  adonne. 

s.    BERTHELEMY 

18055  II  scet  quel  chose  luy  est  bonne 
et  la  fin  pourquoy  il  le  fait. 

s.    SIMON 

Ce  me  semble  ung  estrango  fait  : 
grant  signe  de  charité  tient. 

s.    JUDE 

Il  fait  ce  qu'il  nous  apportient 
18060  et  que  faire  nous  luy  deussons. 

Icy  les  /aie  tous  et  essuyé  de  la  iouaille 

dont  il  est  çainct. 

JHESUS 

Frei'es,  je  los  que  parfassons 
nostre  souper  en  briefve  espace  : 
chacun  se  remette  en  sa  place, 
et  nous  servez  du  demeurant. 

JUDAS 

18065  La  vouldray  estre  labourant  : 
servis  serez  a  soubhaidier. 

PIRAGMON 

Se  je  vous  puis  de  riens  aydier, 
soit  de  porter  ou  bancs  ou  tables... 

JHESLS 

Mes  frères  chers  et  amiables, 

18070  avez  vous  entendu  le  fait 

de  ce  qu'orendroit  vous  ay  fait  ? 
Chacun  de  vous  me  porte  honneur 
et  m'appelle  maistre  et  seigneur, 
passé  maintz  jours  et  mamtcs  nuys, 

18075  et  bien  dittes,  car  je  le  suys  ; 

et  donc  se  je,  seigneur  et  maistre, 
tant  humblement  me  veil  submeti'c 
que  d'avoir  tous  vos  piez  lavés, 


par  moy  bel  exemplaire  avez 
18080  que  tant  plus  devez  estre  doulx 

et  sorviables  entre  vous 

pour  laver  les  piez  volcntier 

a  ceulx  qui  en  aront  mestier  ; 

c'est  exemple  quant  a  ces  fais 
18085  que  vous  faciez  comme  je  fais. 

N'a  gaircs  que  je  vous  disoie 

comment  fort  désiré  avoie 

de  faire  avec  vous  ceste  feste 

en  laquelle  est  assez  honneste 
18090  que  je  paye  ma  bien  allée 

a  ceste  dévote  assemblée 

en  prenant  ung  congé  piteux  ; 

et  m'est  ce  souper  deliteux, 

car  je  n'ay  plus  iutencion 
1S095  de  prendre  o  vous  reftéction, 

ne  buveray  ne  mangeray 

jusqu'à  ce  que  je  le  feray 

par  nouveau  moyen  ou  hault  règne 

ou  mon  pcre  domine  et  règne. 
18100  Touteffois  avant  le  partir 

a  tous  vous  vouldray  départir 

mon  corps  sacramentalement, 

et  faire  le  grant  sacrement 

qui  a  vostre  salut  vauldra 
18103  et  au  peuple  qu'après  vendra. 
Icy  prent  Jhesus  le  pain  et  benist  et  leur  baille 
tout  en  ordre  et  a  Judas  avec. 

Chers  enffans,  prenez  et  mangez, 

car  cccy  est  mon  corps;  jugez 

qu'il  n'est  refleetion  plus  digne. 

s.    PIERRE 

0  haulte  pi-udence  divine, 
18110  quel  viande  vallable  et  bonne, 

quand  nostre  maistre  si  nous  donne 
son  corps  précieux  par  ses  mains  ! 

s.    JAQUES 

Je  n'y  en  croy  ne  plus  ne  mains 
en  ce  sacrement  de  noblesse 
1S115  que  la  vierge,  nostre  maistresse, 
en  enffanta  virginalenient. 

s.    ANDRY 

Et  moy  je  le  croy  fermement 
et  ay  parfaicte  confidence. 
Icy  prent  Jhesus  le  vin  et  le  benist  sembla- 
blement. 

JHESUS 

Voicz  ce  calice  en  présence 


18050  voiez  A.  —  1S052  S™  C.  —  18059  II  a  fait  ce  qnil  appai-tient  C.  —  18062  brief  B.  C.  —  18060  souhaitinr  C.  — 
18070-85  man'iweiil  C.  —  18075  Bien  dictes  car  ainsy  le  suis  li.  —  18081  seniissables  B.  —  18086  comme  vous  A.  a  que 
je  vous  C.  —  18089  En  manque  A.  —  18090  Que  man^ue  A.  —  18095  auec  C.  --  18103  saint  sacrement  H.  C  —  lâlU 
bon  maistre  nous  B.  G. 


SECONDE    JOURNEE 


235 


18120  et  buvez  <ie  oueur  pur  et  fi'nnc, 
car  c'est  i<^y  mon  propio  sang;, 
(le  nouveau  tostnmont  establo, 
qui  pour  moult  do  gont  pourfitablc 
piteusement  s'eflbndora, 

ISlïj  par  quoy  au  peuple  fondera 
do  ses  péchés  rémission. 
Icy  leur  donne  a  boire  son  sanr/. 

s.    JEHAN 

G  divine  potacion, 
quand  je  t(!  reçoy  en  mon  ame, 
clmrit('  tout  lo  cuour  nrcnttamnic 
18130  en  l'amour  do  mon  créateur. 

JHBSUS 

Ce  pain  donc  et  ceste  liqueur 
qui  mon  corps  et  sang  représente 
prenez  par  vraye  et  bonne  eutonto 
en  la  remonibiance  de  moy. 
18135  Mes  eiiti'ans,  chacun  pense  a  soy, 
et  oez  ce  qu'on  vous  dii'a  : 
l'ung  d'entre  vous  me  trahira 
et  me  livrera  aux  Juifz. 

s.    PIERRE 

0  maistro,  serez  vous  trahis 
18140  par  homme  de  la  compaignie? 
se  c'est  ung  de  votre  meignie, 
dittes  le  :  nous  le  saisirons 
et  voyans  tous  lo  destruirons  ; 
s'i  prendront  les  autres  exemple. 

JHESUS 

l8Ur)  Ma  parole  est  bien  clere  et  ample  : 

l'un  do  vous  s'applique  et  amord 
-  a  trouver  ma  lin  et  ma  mort  ; 

et  non  pourtant  le  iilz  do  l'homme 
rigle  son  fait  et  va  si  comme 

18150  l'escripture  parle  de  ly  ; 
touteftbis  douleur  pour  cely 
par  qui  j'aray  la  traliison  ! 
il  puurriiit  vouloir  par  raison 
qu'oncques  de  mero  ne  fust  né. 

s.    PHELIPPE 

18155  Veez  cy  un  cas  mal  ordonné 

qui  argue  en  nous  grant  dcffaulto. 

s.   HERTHELEMY 

No  sçay  dont  peut  venir  la  faulto  : 
nous  sonmios  plusieurs  en  la  sallo 
tant  de  sa  sorte  commensalle 
18160  comme  de  coulx  qui  n'en  sont  point  ; 
je  no  sçay  penser  sur  ce  point 
auquel  ces  paroles  s'adressent. 


JHBSU8 

Affln  que  doubtes  ne  tous  presiicnt 
je  parle  de  mes  commensaulx  : 
1816S  l'ung  de  mes  douze  principaulx, 
qui  de  sa  main  ose  toucher 
avec  moy  au  plat  pour  manger, 
me  trahira  sans  nulle  doubte. 
Et  notez  ici  que  tous  les  aposlres  ont  muin  de- 
dans  le  plat  et  menjue  Jhesus  et  Judas 
aussi. 

s.   PIERRE 

Si  grant  courroux  eu  moy  se  bouto 
181*0  que  boire  ne  manger  ne  puis. 

Pour  Dieu,  mon  maistre,  se  je  suis 

celuy  qui  vosti'e  mort  procure, 

dittes  le  cler,  car  je  n'ay  euro 

que  me  celiez  vmg  tel  meffait, 
18175  affin  se  j'ay  vers  vous  méfiait 

tous  mes  compaignons  me  dcstruisont. 

S.  JEHAN 

Sire,  vos  parlors  trop  nous  cuisent, 
,         que  l'ung  de  nous  traître  sera. 

Seray  je  cil  qui  ce  foi'a, 
18180  déclare  l'en  i)laiuc  audience? 

s.  JAQUES  ZEBEDEY 

Ferai  je  vers  vous  tel  offouce, 
sire?  qu'il  me  soit  dit  icy. 

s.  ANDRY 

Sire,  déclarez  en  présence  : 
foray  je  vers  vous  tel  offouce? 

s.   HERTHELEMY 

18185  Suis  je  traître  en  conscience  ? 

s.   PHELIPPE 

Et  moy  suis  je  traître  aus.si  ? 

s.  THOMAS 

Ferai  je  ver»  vous  tel  offence, 
sire?  qu'il  me  soit  dit  icy. 

s.  JAQUES  ALPHEY 

Et  moy  ay  je  traitto  cocy, 
18190  sire?  a  vostre  dit  m'en  raporte. 

s.  SIMON 

.le  n'en  veil  pitii'^  no  morcy, 
sire,  se  j'ay  traitté  cecy. 

s.  JUUE 

Se  j'ay  le  villaiii  cas  baty, 

il  soit  dit  sans  ce  qu'on  me  porte. 

s.   MATHIEU 

18195   Et  moy ,  ay  je  traictié  cecy , 

sire  ?  a  vostre  dit  m'en  raporte. 


1S123  charitiible  13.  C.  —  181iiC-i!32  mnnqiunt  C.  feuillel  déchiré.  —  18138  deliuiera  A.  —  1S145  clere  «i  i»7Uc  A.  — 
18147  Do  trmmer  H.  —  181(i2  .ndiessent  B.  —  18167  ou  plat  a  mengiiT  B.  —  1S1G9  se  double  B.  —  18176  se  deslrui- 
beiit  li.  —  1817S  traite  A.  —  18180  Deliurez  leu  U.  —  1819i  A  mov  se  B. 


I 


236 


MISTERD    DR    LA    PASSION 


Puisqu'on  fait  enqueste  si  forte, 
numquid  tune  ego  sum,  raby'? 
suis  je  pas  leal  en  la  sorte  ? 
18200  serez  vous  de  par  moy  trahy  ? 

JHESUS 

Tu  l'as  dit. 
Icy  fait  S.  Pierre  ung  signe  a  S.  Jehan  affin 
qu'il  le  demande   a   Jhesus,    et  doit  estre 
S.  Jehan  emprès  Jhesus. 

s.  JEHAN 

Mon  maistre  et  amy, 

sur  l'amour  qu'a  vous  puis  avoir, 

vous  pry  que  je  puisse  sçavoir 

soit  par  paroles  ou  par  signe, 
1S205  celuy  qui  contre  vous  machine 

de  faiie  telle  trahison. 

11  me  prent  inclinacion 

do  dormir  (ne  sçay  que  peust  estre) 

sur  le  geron  de  mon  doulx  maistre  ; 
18210  humblement  m'y  rcposeray. 

Icy  se  couche  sur  la  poitrine  de  Jhesus. 

.lUDAS 

Trop  grant  dcspit  en  mon  cueur  ay 

de  ce  malheureux  serviteur 

qui  doit  estre  ainsi  proditeur 

et  son  maistre  en  ce  point  séduire  : 
18215  il  est  digne  de  le  destruiro 

qui  sçaroit  son  cueur  desloyal. 

Il  m'en  fait  au  cueur  bien  grant  mal 

quand  j'os  reciter  cest  article  ; 

que  ne  dit  il  en  plain  bouticlc 
18220  qui  c'est,  affin  qu'il  fust  lyé, 

pris,  raeurdry  et  expédié, 

pour  en  depescher  le  partage  ? 

s.  MATHIEU 

Nostre  maistre  est  très  bon  et  sage  : 
il  l'en  fault  laisser  convenir. 

s.    JL'DE 

18225  Bien  scct  que  luy  est  advenir, 

si  bien  qu'il  n'est  plus  sceure  chose  : 
cil  qui  la  trahison  propose 
dira  bien  quand  il  sera  temps. 

s.    JEHAN 

Choses  grans  misteres  portans 
18230  habondamment  et  en  grant  somme 
ay  veues  en  mon  présent  sompno 
qui  en  temps  futur  advendront, 
qui  revellees  ne  seront 


par  moy  a  parens  ne  amis, 
18235  tant  qu'il  me  soit  de  Dieu  commis 
dont  ce  hault  bien  m'est  procédé . 

JHESII.S 

Jehan,  nagaires  m'as  demandé 
pour  sçavoir  qui  celuy  sera 
qui  faulcement  me  trahira  ; 
18240  et  de  mon  gré  tu  le  sçaras  : 
regarde  a  qui  tu  me  verras 
donner  un  morceau  de  pain  taint, 
c'est  celuy. 
Ici  baille  Jhesus  le  morceau  de  pain  brun 
a  Judas. 

Or  le  tiens  estaint 
et  secret,  n'en  fais  mencion 
182''i5  devant  ce  que  ma  passion 
soit  faicte  com  je  le  désire. 

s.  JEHAN 

C'est  de  vostre  bonté,  cher  sire, 
qui  me  monstrez  signe  d'amour. 

SATHAN 

Tu  fais  icy  trop  long  demour, 
18250  meschant  homme  couart  et  nice  ; 
que  n'achevés  tu  ton  office 
dont  tu  as  ja  receu  l'argent  ? 
que  fais  tu  en  tel  meschant  gent  ? 
va  t'en  achever  ton  ouvrage. 

JUDAS 

18255  La  trahison  de  mon  courage 

ne  se  peust  oster  ne  roffraindre  : 
le  feu  n'en  sçaroient  ostcdndrc 
toutes  les  goûtes  de  la  mer. 
11  la  me  convient  consommer, 

182C0  je  ne  me  puis  plus  contreffaire. 
jHE.srs 
Ce  que  tu  fais  haste  de  faire, 
Judas,  sans  plus  dilacion. 

JUDAS 

Il  cuide  ma  dctraction 
abastre  par  son  langager, 

18205  mes  il  ne  soet  point  le  danger 

que  je  luy  pourchasse  a  oultrance, 
car  gens  d'armes  a  grant  puissance 
m'en  voy  qucrre  pour  le  charger. 
Je  ne  puis  cy  plus  attargcr, 

18270  le  deable  me  pourmaine  et  guide, 
il  est  mon  ducteur  et  ma  guide 
et  j'obeys  a  ses  commandz  : 
mon  ame  et  mon  corps  luy  commandz 


18198  Nonquid  A.  Nunquam  B.  —  18200  Pour  faire  tel  prodifion  B.  —  18210  me  li.  —  18212  iiialhcnre  B.  —  18210  il 
mnnqae  A.  —  18222  parcage  A.  —  18227  Et  qui  B.  —  18233  Que  C.  —  18235  de  dieu  mmiqui'  C.  —  18238  que  C.  —  18243 
Icy  donne  Jhems  a.  Judas  la  soupe  en  vin  A.  —  1S250  eornard  lî.  —18259  II  le  B.  —  18261  h.->ste  toy  de  C.  —  18863  par 
dilaeion  C.  —  18267  grant  manque  G.  —  18268  ce  charger  B.  —  18269  arrester  C.  —  18272  mnnijuc  C. 


SKCONDK   .lOURNKE 


237 


comme  du  fait  \o.  droit  motif. 

s.    JAIJI'ES   AI.I'IIEY 

18275  Ou  s'en  va  Judas  si  liatif? 

il  est  moult  fort  cmbcsongnc. 

s.    BERTHELBMY 

Nostre  niaistro  luy  a  chai'gi! 
quelque  chose  soubdaiMemcnt, 
mes  je  no  s(,>ay  quoy  no  comment, 
182S0  sinon  que  j'ymagine  et  pense 
que  c'est  au  fait  de  la  despense 
dont  il  a  le  gouvernement. 

s.    A.NDRY 

•le  ne  l'ontrndz  point  aulti'emcnt, 
cai'  il  a  grant  bcsongno  eu  mains. 

JHESUS 

i^2Sô  Clicis  aniiz  et  fiercs  humains, 
entretenez  fraternité 
on  vraye  et  ferme  charité  ; 
ne  portez  courroux  ne  rancune, 
et  s'il  advient  par  chose  aucune 

18290  que  disccncion  s'i  csmeuve, 

la  crainte  do  Dieu  vous  promeuve 
a  vostro  prochain  ordonner 
si  que  tout  veUliez  pardonner  ; 
car  qui  n'ara  a  son  prochain 

182^  charité,  sache  de  certain 

que  Dieu  ne  luy  pardonnera, 
^  ne  de  son  mal  pardon  n'ara. 

Faix  soit  toute  vostre  possesse, 
paix  soit  toute  vostre  richesse  : 
paix  est  ung  trésor  et  avoir 
que  meilleur  ne  pouez  avoii'  ; 
et  sur  quancque  je  vous  commande, 
charité  je  vous  recommande  : 
se  de  celle  vous  vous  armez, 
vrais  filz  de  Dieu  estes  clamés  ; 
par  charité  poucz  merir, 
sans  elle  ouvrer  n'est  que  périr. 
Ghors  enrt'ans,  entendez  moy  tous, 
encor  ung  peu  suis  avec  vous 

18310  et  brief  do  vous  me  partiray, 
et  au  lieu  ou  je  sortiray 
ne  poez  venii'  de  Of'sto  heure. 

s.   PIERRE 

Sire,  en  quel  lieu  n'en  quel  demeure 
allez  vous  ?  quel  deffaultc  avons 
18315  pour  quoy  suivir  no  vous  poons 
quant  chacun  a  vous  se  présente  ? 

JHESt:S 

Ou  je  vois  pour  l'heure  présente 


18300 


18305 


maintenant  pas  ne  me  suyvroz, 
mes  cy  après  bien  le  forez 
18320  quand  plus  grand  force  vous  vendra. 

s.  PIERRE 

l'ourquoy,  sire,  et  a  quoy  tendra  ? 
allez  vous  si  de.stroito  voye 
que  suivi'o  je  ne  vous  i)ouri'oye  ? 
s'a  la  mort  vous  habandonnez, 
18325  crainte  pour  ce  ne  me  donnez, 
cal'  j'ay  ma  pensée  ravye 
de  mettre  ma  mort  et  ma  vie 
pour  vous,  et  je  ne  m'en  desdis. 

JHE,SUS 

Et  vrayement,  Pierre,  je  te  dis 
18330  qu'ains  que  le  coq  chante  deux  fois 
ceste  nuit  tu  m'en  nyras  ti-ois, 
et  garde  comment  t'enhardis. 

s.    PIERRE 

Sire,  sauf  vostro  honneur,  mes  dis 
et  mon  oppinion  est  telle 
18335  que  pour  porter  peine  mortelle 
et  mourir  avec  vous  en  place 
ne  vous  regniray,  que  je  sache  : 
mon  intencion  y  est  ferme. 

.IHESU8 

Et  a  vous  tous  dis  et  afferme 
18340  que  tous  ceste  nuit  me  lairrez 

et  par  crainte  m'esclandii-ez, 

que  disciple  avec  moy  n'aray  ; 

car  est  escript  :  Je  frapperay 

le  pasteur  ;  lors  s'espanderont 
18345  les  ouailles  et  s'en  fuyront. 

Mes  quand  je  sei'ai  exciti" 

et  de  la  mort  ressuscité, 

je  vous  verray  en  (îalilee. 

s.   PIERRE 

Et  se  toute  ceste  assemblée 
I8:fô0  vous  nye  de  cueur  inconstant, 
je  ne  vous  nyrai  pas  pourtant, 
mes  me  tendray  de  vostro  accord 
et  suivray  a  vie  et  a  mort  ; 
je  suis  en  ce  point  affermé. 

8.  JEHAN 

18355  Quiconquos  en  soit  defformé, 

je  tendray  tousjours  sa  querelle. 

s.   ANDRY 

De  le  suivir  suis  tout  fermé, 
quiconcques  en  soit  deffermé. 

s.   JAQUES  ZEBEDEY 

Mon  vouloir  est  tout  conferraé 


18298  Ircloiit  A.  —  18304  Kt  se  délie  A.  —  18305  proilameï  0.  —  18323  Quensujure  B.  —  18326  toute  rauyo  C.  — 
18328  ja  B.  —  18329  brielment  C.  —  18330  Quaunnt  C.  —  18341  meselandrirez  A.  poUr  paour  vous  inensiiyures  C. 


238 


Ml  STERE   DE   LA    PASSION 


18380  tenir  loyauté  naturelle. 

s.   UERTHELEMY 

Quiooucques  eu  soit  defformé, 
je  tcndray  tQusjours  sa  querelle. 

s.    PHELIPE 

Que  je  comnictte  fuytc  telle! 
janiès  je  ne  vcil  vivre  après. 

s.    THOMAS 

18365  Ja  ne  doint  l'essence  immortelle 
que  je  commette  fuyte  telle! 

s.    J\Ql=ES   ALPHEY 

Seray  je  reiirouché  par  elle, 

il  me  tient  au  cucur  de  trop  près. 

s.    MATHIEU 

Que  je  commette  fuyte  telle! 
18370  jamès  je  ne  veil  vivre  après. 

.s.    SIMON 

Et  j'ose  affermer  par  exprès 
que  pour  paine  ou  pour  mort  avoir 
on  ne  me  sçara  remouvoir 
d'entresuyvir  sa  compaignie. 

s.    JUDE 

18375   Je  n'ay  garde  que  je  regnie 
la  foy  que  je  luy  doy  porter. 

JHESUS 

Il  est  temjjs  des  tailles  oster, 

frères  et  amis,  levons  nous  ; 

si  me  veil  mettre  a  doux  genoux 
18380  et  faire  a  mon  père  prière 

humblement  en  oeste  manière  : 

Fere  puissant,  d'où  puissance  procède, 
ou  tout  l)ieii  tend  et  ou  tout  bien  précède, 
l'oy  éternel  sans  jamès  prendre  fin. 
Grâce  et  salut  a  mes  amis  concède, 
et  les  pourvois  de  si  très  bon  remède 
que  leur  vouloir  ne  se  tourne  a  déclin  ; 
Abba  p^ter,  mon  hault  père  divin, 
le  monde  laisse  et  dresse  mon  chemin 
par  devers  toy  que  sans  fui  je  possède  ; 
Geulx  qui  croiront  en  moy  de  cucur  affiu 
te  recommans  en  temps  futur,  affin 
que  l'ennemy  ne  les  griefvc  ou  deprede. 

s.    PIERRE 

Frères,  veez  cy  aultre  raison  : 
183K)  j'ay  eutendu  par  l'oroison 
que  nostï-e  niaistre  a  fait  icy 
que  briefment  nous  laii'ra. 

s.    JEHAN 

Gocy 
me  fait  grant  mal  quant  je  l'cscoute. 


s.    .I.VQUES   ZEnEDEY 

Et  pour  la  cause  faisons  double, 
18100  et  devons  aller  enqueraut 

qui  de  nous  sera  le  plus  grant 
et  le  chef  après  son  départ. 

s.    PHELIPE 

Vous  parlez  de  très  bomie  part, 
car  il  est  assés  jiaitinent 

18405  qu'après  celluy  département 

l'ung  de  nous  soit  chef  et  recteur, 
auquel  comme  au  gubernatcur 
tous  les  aultrcs  aront  recours, 
et  qui  pourra  donner  secours 

18410  a  cculx  qui  l'en  vouldront  requerre. 

s.    BERTHELE.MV 

Qui  est  le  plus  ydoine? 

S.    THOMAS 

Pierre  ; 
car  nostre  medstre  aussi  jadis 
du  royaulme  de  paradis 
le  fit  claviger  atferant. 

s.    SIMON 

18415  N'y  scroit  pas  Jehan  plus  séant, 
qui  est  son  parent  bien  prochain 
et  son  amy  le  plus  certain 
qui  soit  en  toute  la  maignie  ? 

s.    4UUE 

Cher  sire,  ne  l'oubliez  mie 
18420  a  dire  avant  vostre  recès  : 
nous  sommes  icy  en  procès 
qui  de  nous  sera  le  [ircmier. 

JHESUS 

Frères,  l'usage  coustuniier 
est  tel  que  les  rois  de  la  terre, 

18425  quant  les  pays  peuent  conquerrc, 
doniiuent  sur  coulx  dessoubs  culx, 
et  ceulx  qui  sont  plus  curieux 
d'avoir  sur  les  aultres  puissance 
a  ceulx  qui  en  ont  congnoissance 

18430  sont  tenus  les  plus  beneureux  ; 
pas  ne  vueil  que  soiez  de  cculx  : 
vostre  fait  est  tout  aultre  chose. 
Je  veil  que  celluy  qui  propose 
a  la  majorité  coutendre 

18435  devant  vous  soit  comme  le  mendre, 
et  celluy  qui  est  [irecesseur 
soit  comme  le  ministrateur. 
Qui  vous  samble  le  plus  notable, 
ou  celluy  qui  siet  a  la  table 

18440  ou  celluy  qui  sert  devant  luy  ? 


18363,  18366,  18369  faulli'  I!.  —  1S374  Entretenir  B.  C.  —  183S4  omii'/iir  C.  —  18386  les  ]  le  A.  —  18404  Jaque  il  est 
C.  —  18405  Apres  son  A.  —  18414  affreant  B.  G.  — 18415  niieulx  seaut  B.  G.  —  18418  en  tout  la  compaiguie  A.  —  18-426 
Régnent  et  sont  dessus  it'eulx  A.  —  18433  Mais  vueil  B.  G.  —  18436  possesseur  G. 


s  !•:  C  0  N  D  !•:    J  0  l]  R  N  R  K 


239 


vous  nie  «lirez  que  c'est  celuy 
a  qui  est  lo  sei'vicc  fait  ; 
or  regardez  donc  a  mon  fait  : 
je  suis  entre  vous  et  ministre 

18S45  comme  serviteur  et  ministre, 
et  vous  estes  les  biencurés 
qui  avccquos  moy  dcmourez 
et  avez  fait  permansions 
en  toutes  mes  tem()tacioiis  ; 

is'iDO  et  comme  mon  porc  me  donne 
le  règne,  je  vous  l'abandonne, 
affin  qu'a  ma  table  seez, 
avec  moy  buvez  et  mangez 
en  mon  hault  royaulmo  de  joyo  ; 

is'ijâ  finableraont  séant  vous  voye 
sur  les  trosnes  do  majesté 
jugeans  par  voye  d'équité 
les  douze  tribus  d'Israël. 

s.    PIERRE 

Doulx  Jhcsus,  vray  Emmanuel, 
lS'i60  fils  de  Dieu  qui  tous  sces  et  vois, 
a  oir  ta  juteuse  voix 
nostre  disoord  devient  paisible, 
et  cuide  qu'il  est  impossible 
que  discord  soit  en  ta  présence. 

.IHESUS 

18165  Pierre,  soies  sur  ta  deffence, 
car  Satban  ses  engins  assamblo 
l)our  vous  tempter  tretous  ensemble, 
et  ja  l'ung  de  tous  a  ravy  ; 
mes  pour  ce  que  bien  m'as  servy, 

ISiTO  pour  toy  ay  supplié  sans  faille 
affm  que  ta  foy  ne  deti'aillp; 
et  toy  convcrty  et  fait  ferme 
a  la  foi  tes  frères  conferme 

kalïin  que  ja  ne  dépérissent, 
s.    PIERRE 

18475  Sire,  vos  ditz  trop  m'esljaysscnt  : 
ne  vous  ay  je  pas  dit  devant 
que  quelque  homme  au  monde  vivant 
ja  ne  me  sçara  séparer 
de  vous  pour  tormont  endurer  ? 

18'iSO  je  suis  prest  de  vous  secourir 
soit  eu  chartro  ou  soit  a  mourir  : 
j'abandonne  lo  résidu. 

JHESIS 

Pierre,  je  t'ay  ja  respondu 
que  ta  force  est  insuffisante 
184S5  et  qu'avant  que  eoste  nuit  chante 
lo  coq,  si  grant  douleur  aras 


que  plainement  me  regnira» 
combien  que  ja  vaillant  te  faces. 
Or,  mes  chers  frères,  rendons  grâces 
18190  des  biens  que  Dieu  nous  a  promus. 
Icy  dient  grâces  tout  bas. 

IIRION 

Seigneurs,  bien  soiez  vous  venus 
et  lo  logis  prenez  en  gré. 

pinAaMoN 
Tous  ensemble  graus  et  menus, 
seigneurs,  bien  soiez  vous  venus. 

s.    PIERRE 

18195  Nous  sommes  a  vous  fort  tenus, 
un  chacun  selon  son  degré. 

URION 

Seigneurs,  bien  soiez  vous  venus 
et  lo  logis  prenez  en  gré. 

JHESUS 

Puisque  le  jour  est  advespré, 
iSôOO  mes  amia,  nous  nous  partirons 
d'icy,  et  a  la  part  irons 
qui  bien  de  coustume  nous  est. 

s.    .IEHA.N 

Il  dit  au  jardin  d'Olivet  : 
volontiers  s'i  va  detrier 
18505  iiour  Dieu,  son  [lere,  deprier 

tousjours  quand  le  soir  est  venu. 

JHESLS 

Mes  amis,  vous  avez  congneu 
comment  je  vous  ay  envoyés 
prescher  aux  peuples  desvoyés 
18510  en  mainte  saison  dure  et  malo, 

sans  sac,  sans  souliei's  et  sans  malle 
et  sans  avoir  liourse  ou  pocune  : 
vous  a  il  fallu  chose  aucune 
sur  la  voye  allant  et  venant  ? 

.s.    JAQUES   ZEHEDF.Y 
18515   Riens. 

JHBSUS 

Aultre  temps  est  tnaintenant  ; 
je  vous  dis  (et  vous  en  souviengne)  : 
qui  ara  son  sac,  si  le  prengne, 
et  qui  n'a  glaves,  bien  en  haste 
vende  sa  robe  et  en  achate, 

1S520  car  tant  de  niachinacions 
douleurs  et  persecucions 
verrez  en  un  temps  qui  vendra, 
que  maulgré  vous  il  convondra 
qu'avec  vous  poitoz  vostro  vivre 

18525  par  les  champs  se  vous  voulez  vivre. 


1841-1-45  le  ministre  Coninie  s^îruont  qui  administre  A.  —  18-451  }é  le  vous  ordonne  B.  —  18452  que  ma  B.  —  18457 
vraye  C.  —  18458  lignées  A.  —  18461  manque  B.  —  18483  et  je  tay  C.  —  18495  moult  B.  C.  —  18515  Non  B.  Sire  nennil 
C.  —  18516  rliacun  y  entende  C.  —  18518  Ici  se  i>lace  un  ctrs  ijui  ne  rime  ù  rien  :  Kt  sa  iiiale  pareillement  C. 


I 


240 


MISTEKE    DK    LA    F  AS  S  ION 


tant  serez  do  co  monde  esclaves. 

s.    PIERRE 

Sire,  quand  vous  parlez  de  glaves, 
veez  en  cy  deux  bien  amassés. 

JHESUS 

11  peut  souffire,  c'est  asscs  ; 
18530  or  nous  mettons  donc  a  chemin 
et  nous  transportons  au  jardin 
ou  aller  avons  entrepris. 

[Pose.] 


JUDAS 

Seigneurs,  je  revien  tout  surpris, 
et  sachez  que  puis  le  partir 
18535  j'ay  eu  grant  peine  de  bâtir 
mon  fait  pour  éviter  dangiers  ; 
je  n'ay  pas  pour  néant  les  deniers  : 
j'ay  a  faire  a  ung  trop  fin  hoste. 

ANNE 

Comment  va  la  besongnc? 

JUDAS 

A  poste, 
18540  non  obstant  qu'elle  est  dificille  ; 

mes  s'il  y  eu  avoit  dix  mille, 

s'est  il  prins,  je  n'en  double  point. 

Sont  vos  gens  d'armes  mis  a  point? 

sont  ils  armés  et  fervostus? 
18545  vous  me  verrez  faire  vertus 

ja  tost  en  fait  de  les  conduire. 

CAYPHE 

Il  les  fauldra  ung  peu  instruire 
affin  qu'ils  ne  soient  trop  leurs. 

JUDAS 

Faictes  les  inoy  saillir  tousjours 
18550  et  ne  vous  chaille  ou  je  les  maine  : 
je  veil  ostre  leur  capitaine 
tout  seulet  pour  les  bien  mener; 
pour  avoir  prise  plus  certaine, 
je  veil  estre  leur  capitaine. 

ANNE 

18555  Sus!  compaignons,  chacun  se  peine 
de  soy  très  bien  enjliatonner. 

JUDAS 

Je  veil  estre  leur  capitaine 
tout  seulet  pour  les  bien  mener, 
et  vous  me  verrez  ramener 
18560  ja  tost  vostre  fort  adversaire. 


CAYPHE 

Es  tu  bien  sceur? 

JUDAS 

Laissez  m'en  faire  : 
je  n'abairay  point  a  mon  oriibre, 
mes  bailliez  moy  gens  a  grant  nombre, 
faictes  saillir  soudars  piétons, 

1S565  atout  arcs,  atout  viretons, 

gens  de  commun  et  bons  hommeaux, 
variez,  souillons,  gardechevaulx, 
bedeaux,  garsons  et  coquinaille  ; 
n'y  ara  si  meschant  mardaille 

18570  que  tout  ne  viengne  a  bon  prouffit  ; 
car  comme  aultro  fois  vous  ay  dit, 
je  double  qu'il  ne  soit  recous, 
et  co  seroit  a  mes  chers  couslz  : 
j'en  humeroie  la  purée. 

CAYPHE 

18575  La  chose  sera  asseuree 

présentement,  ne  t'en  soucie, 
car  tu  aras  grant  compaignie 
qui  te  secourra  au  besoing. 


18537  lo  deniers  A.  —  18544  fort  vestus  A.  —  18: 
18578  secourront  IJ.  —  18580  lost  banye  C.  —  18580 


EMILIUS 
Aloul  ce  mailliet  on  mon  poing 
18580  je  vouldray  suivir  l'obanye. 

CELSIDON 

Et  j'iray  pour  deffendre  ung  coing 
atout  ce  mailliet  en  mon  poing. 

RABANUS 

Et  fust  ce  quatre  fois  plus  loing 
tretout  ainsy  qu'on  s'esbanye, 
185fô  atout  ce  mailliet  en  mon  poing 
je  vouldray  suivir  l'obanyo. 

NEMBROTH 

J'y  vois. 

SALMANAZAR 

Et  je  n'y  fauldray  mie, 
j'ay  bâton  assés  pour  nous  deux. 

PHARES 

Puisqu'il  y  a  tel  escremie, 
18590  j'y  vois. 

EMILIUS 

Et  je  n'y  fauldray  mie  : 
je  porte  ma  picque  jolie 
pour  moy  frapper  au  milieu  d'eulx  ; 
j'y  vois. 

NEMBROTH 

Et  je  n'y  fauldray  mie, 

i2  je  nobeiray  G,  —  18573  coups  A.  —  18577  geiit  yrant  partie  B. 
la  baiiye  G.  —  18589  escannye  B. 


SliCONDK    JOIJIINEK 


241 


j'ay  bâton  nsscs  pour  nous  deux. 

ANNE 

1855e  Sont  nirs  gens  los  plus  mal  songncux? 
ou  sont  trolous  mes  guisarmicrs? 

ROULLAUT 

Nous  avons  esté  les  premiers 
et  tous  armés  do  pié  eu  cappo. 

DENTART 

Se  co  séducteur  nous  eschappo, 
18000  on  nou>'  dcbvroil  les  yeux  crever. 

GADIKEH 

N'est  doubte  que  do  le  trouver, 
qu'il  no  soit  ja  fouy  arrière. 

CAYPHE 

Mes  gens  demeurent  ilz  derrière  ? 
Malcus,  Estonné  et  Bruyant  ! 
18605  Dragon,  Gueulu  et  Malcuidant  ! 
ou  sont  ja  ces  l'ibaulz  meschans  ? 

MALCUS 

Nous  avons  e.*té  par  les  champs 
par  devant  toute  la  couvée. 

CAYPHE 

l'i'cnez  torchas  grant  assemblée, 
18610   lanteines,  lirandons  et  fallos 
a  grant  quantité. 

ANNE 

Je  le  los, 
car  la  nuit  est  ung  petit  brune, 
si  fault  redoubler  la  fortune 
qu'ilz  ne  faillent  a  leurs  assens. 

BRUYANT 

18615  Nous  en  avons  plus  de  cinq  cens, 
tous  ardans,  je  vous  en  asseure. 

CAYPHE 

Pour  avoir  conduite  plus  sceure, 
Banaiiias  et  vous,  Nathan, 
Mardocee  et  vous,  Joathan, 
18620  Jheroboan  et  vous,  Nachor, 
vous  iiez  avec  eulx  oncor, 
et  le  fait  niieulx  s'en  portera. 

JHEROnOAN 

Nous  ferons  ce  qu'il  vous  plaira, 
veez  cy  nos  bâtons  tous  chargés. 


JUDAS 

18625  Sus!  seigneurs;  sus!  plus  n'atargez, 

suivez  moy  tous  en  ordonnance, 

n'homme  si  hardy  no  s'advance 


fors  ainsi  que  je  luy  diray; 
tous  droit  au  lieu  vous  conduiray 
18630  ou  nous  chargerons  nostre  prise; 
mes  a  le  prendre  est  la  maistrise. 

MARDOCEUS 

l'ar  quel  moyen  ? 

JUDAS 

Four  ce,  seigneui-s, 
qu'il  a  des  disciples  plusieurs, 
et  l'ung  d'icculx  qui  sont  ensemble 

18635  si  très  proprement  luy  ressemble 
que  vous  ne  sçariez  distinguer. 
Or  le  congnois  je  au  vray  jugier 
aussi  tost  que  je  le  regarde, 
et  pourtant  donnez  vous  de  garde  : 

18640  celuy  que  baisier  me  verrez 
a  l'entrer,  vous  le  saisirez  ; 
c'est  le  signe  que  je  vous  don. 

BANANIAS 

Le  signe  est  très  bol  et  très  bon 
et  qui  très  bien  la  chose  enseigne. 
18645  Retendras  tu  bien  ce.st  enseigne, 
Malcus  ? 

MALCUS 

Oy  dea,  bien  et  beau  : 
je  n'ay  pas  oreille  de  veau 
ne  sourde,  que  bien  ne  l'entende  ; 
mes  je  prie  Dieu  qu'on  me  pende 

18650  parmy  la  gorge  d'ung  licol 
que  se  je  tiens  le  paillard  fol 
je  l'estrtdnderay  de  si  près 
que  le  sang  en  sauldra  après 
par  tous  les  joinctures  des  mains 

18655  et  des  poingz. 

ESTONNÉ 

Cela,  c'est  du  mains  ; 
il  ara  bien  d'aultres  hurtui-es 
qui  luy  seront  un  peu  plus  dures 
et  plus  dolentes,  se  Dieu  plaist, 

JUDAS 

Compaignons,  cessez  vostre  plaist  : 
18660  le  moins  bniit  nous  est  le  meilleur  : 
vous  sçavez  qu'ung  tel  cabuseur 
a  beaucoup  de  mauvaitié  veu; 
si  le  nous  fault  prendre  improveu 
se  nous  eu  voidlons  bien  chcvh-. 

MALCUIDANT 

18665  Se  je  le  puis  acousuivir 

et  se  m'attent  que  je  le  lye, 
il  sçara  moult  d'onchantorio 
s'il  on  part  sans  laisser  les  plumes. 


18611  A  grant  puis^s.•^nl•e  B.  C.  —  18612  ung  pi-tit  peu  \.  —  18614  nhsens  B.  —  1S63S  Tout  tantost  B.  C.  —  18648  rien 
ne  A.  —  18654  joinglurcs  A.  —  18601   séducteur  B. 


Pas. 


16 


242 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


DRAGON 

Malcuidant,  ce  sont  tes  coustumes, 
18670  tu  no  fais  tousjours  que  baver. 

OUEULU 

Suyvons  pour  danger  eschcver 
les  aultres  qui  devant  s'en  vont. 
Icy  se  partent  pour  aler  au  lieu. 


JHESUS 

Frcres,  vos  fais  dangereux  sont  : 
demeurez  cy  en  ce  retirait 
18675  t£uit  que  je  me  soie  retrait 

ung  peu  pour  prier  Dieu,  mon  père, 
dessus  la  passion  aniero 
que  je  sens  moult  fort  approchant  ; 
et  pour  tant  qu'il  vous  est  touchant, 
18680  priez  par  humble  affection 
pour  éviter  temptacion 
affin,  se  vous  estes  tentés, 
que  du  cucur  pas  n'y  consentez  : 
pai'esse  est  mauvaise  de  soy. 
18685  Pierre,  venez  avecques  moy, 

vous,  Jchau,  et  Jaques,  vostre  frère. 
Icy  maine  ces  trois  ung  peu  plus  en  avant. 
Quand  la  peine  bien  considère 
par  laquelle  me  fault  passer, 
j'ay  tel  paour  qu'il  n'est  a  penser  : 
18690  mon  ame  se  doulouze  fort 
et  est  triste  jusqu'à  la  mort  ; 
trist-is  est  anima  mea: 
l'ame  qui  mon  corps  amé  a 
sur  toutes  les  formes  du  monde 
18695  sent  en  soy  douleur  si  pai'fonde 
qu'au  siècle  n'est  point  de  pareille. 
Mes  chers  amis,  je  vous  conseille 
qu'en  ceste  place  vous  tenez 
et  tousjours  vous  entretenez 
18700  en  oroison  comme  j'ay  dit  ; 
cslongner  me  veil  ung  petit 
de  vous,  car  prier  Dieu  désire. 

8.    PIERRE 

A  vostre  vouloir,  mon  cher  sire  : 
ung  chacun  y  tendra  la  main. 
Icy  se  retrait  Jhesus  encore  plus  loing 
et  se  met  a  genoux. 


JHESUS 

Père  du  ciel,  créateur  souverain, 
de  ces  beaux  cieulx  ornateur  primerain, 
qui  tout  congnois  par  ton  hault  presçavoir, 
Regarde  moy,  ton  filz  doux  et  humain, 
fort  engoissé  d'un  ennuy  trop  grevain 
qu'il  n'est  en  cueur  d'homme  de  le  savoir  ; 
J'apperçois  bien  la  passion  honteuze, 
la  dure  mort,  la  peine  despiteuze 
qui  s'appreste  pour  mon  corps  consommer  : 
Ce  calice  m'est  durement  amer  ; 
père  piteux,  s'il  te  samble  possible, 
oste  le  moy  qui  tant  me  veulz  amer, 
car  le  goûter  me  samble  moult  terrible. 
Terrible  m'est  et  la  mort  plus  cruelle 
qu'oncques  portast  créature  moitellc ; 
je  la  congnois,  je  la  sens,  je  la  vois, 
La  deitc  me  la  présente  telle, 
la  fresle  char  la  redouble  et  sautelle 
et  tant  la  craint  que  n'a  mes  que  la  voix  ; 
L'ame  reftuit  a  ta  protection 
qui  de  son  corps  prent  tel  compassion 
que  son  grand  dueil  ne  veult  ou  scet  retraire  : 
Si  te  requier,  père  très  débonnaire, 
père  jjiteux  et  des  bcgnins  le  plus, 
passe  ce  point  s'il  se  peut  ou  doit  faire  : 
j'ay  moult  de  i)rine,  suffise  le  surplus. 

Le  surplus  est  d'mie  cnvye  soubdaine 
qui  me  banit  de  la  vie  mondaine, 
et  mes  amis  me  pourchassent  cecy  ; 
Mes  moy  voyant  toute  nature  humaine 
tant  obligée  a  dommageable  paine 
qui  sans  cccy  ne  jieust  avoir  mercy, 
Je  suis  tout  prest  et  a  toy  me  submis  ; 
le  sensuel  qui  n'y  consent  jamcs 
raison  survaint  et  le  corps  n'y  rebelle  ; 
L'esprit  est  prompt,  non  obstant  la  char  frellc 
et  se  submet  a  ta  bénignité, 
ja  mon  vouloir  sensuel  ne  s'en  mesle  : 
soit  faicte  donc  ta  haulte  volenté. 
Icy  se  lic've  et  vient  aux  trois  apostres 
et  les  trewcc  dormans. 
C'est  a  toy  grant  fragilité, 
18745  Pierre,  de  si  fort  sommeillier  ; 
n'as  tu  peu  avec  moy  veillier 
une  povre  heure  seulement  ? 
Veilliez,  cnfTaus,  songneusemcnt, 
faictes  a  Dieu  prière  forte 
18750  a  celle  fin  qu'il  vous  coniTorto 
si  bien  que  par  son  confforter 


1SB72  sen  vont  deuslnt  C.  —  186S7  la  grKnt  peino  B.  C.  —  18703  voulente  cher  C.  —  1S70C  De  i-e  monde  A.  —  18708 
humble  et  B.  C.  —  18709  Fort  mnnciue  B.  C.  -  18721-23  ntnuîuoii  G.  —  18733  procurent  B.  C.  —  18734  martire  C.  — 
18737-38  maiviuent  B.  —  18751  confforte  A. 


s  K  C  0  N  D  R   J  0  i;  R  N  K  E 


243 


puissiez  passer  et  éviter 
les  tcmptacions  survonans. 

Icy  retourne  Jhesxts  prier. 
s.  pikrhe 
Frères,  nous  sommes  moult  posans  : 
is7j3  nosti-e  maistro  est  icy  venu. 

s.   JKHAN 

A  prier  Dieu  somme»  tcim  : 
bien  ni('S(^liant  ost  cil  qui  sommeille 
quand  le  uiai>tro  peine  et  trnveillc 
pour  les  tcmptacions  fuir. 
Ici/  prient  ung  peu,  puis  se  dorment  comme 
dessus. 

JHE.SUS 

18760   l'ere,  par  ton  divin  plaisii-, 

pour  la  grant  paour  qui  me  maistrie, 

encore  de  recliicf  tu  prie 

ipie  ce  calice  point  ne  boyve 

n(>  la  passion  ne  re<,'(iyve 
1S765  que  forment  crains  en  mon  courage  ; 

non  obstant  se  l'humain  lignage 

par  aultre  point  n'est  racheté, 

soit  soubmise  ma  volante 

et  la  tienne  faicte  et  tenue. 

Jcij  retourne  a  scu  apostrcs. 
18770  Pierre,  peu  avez  maintenue 

vdstre  al)stinence  de  dormir  ; 

temptacion  devez  crerair  : 

veillez  ung  petit,  l'heure  est  briefve. 
Jhe.iiis  s'en  retourne. 

s.    .UQUE.S   ZEBEDEV 

Vecz  cy  pénitence  moult  griefvc  : 
1S77D   mes  frères,  ung  peu  vous  levez. 

s.    JEH.VN 

Nous  avons  les  yeux  t^uit  grevés 
qu'a  pou  les  poons  nous  ouvrir. 

s.    PIERRE 

C'est  d'ennoy  et  de  desplaisir, 
qui  de  grant  sommeil  nous  abat. 
Icy  prirnt  ung  peu  et  se  dorment  comme 
dessus. 

JHKSUS 

18780  En  moy  sens  le  plus  fort  débat 

qu'oncques  endurast  créature 

pour  le  fait  d'immaine  nature, 

qui  ceste  passion  piteuse 

attent  tant  triste  et  donloureuze 
18783  qu'a  peu  que  raison  luy  scet  mettre 

moyen  que  s'y  veille  submettre, 

tant  crsiint  la  sensualité. 


0  tresor  de  divinité, 

l)ere  qui  tout  cueur  a.<;suffi8, 

18790  regarde  ton  benouré  ftlz 
et  la  tristesse  de  mon  amo 
qui  a  ce  bosoing  te  réclame 
n  son  besoing  très  singulier. 

le;/  Jhesus  sue  sang. 
Regarde  les  goûtes  uouUer 

18705  de  sueur  pénible  a  merveille, 
de  sueur  connue  sang  vermeille 
qui  de  tout  mon  corps  me  deppart 
par  la  crainte  qu'en  moy  s'espart. 
0  père,  ne  ni'oublye  niye, 

18800  regarde  la  forte  agonie 

en  quoy  tu  ni'.is  constitué  : 
tel  sang  ne  peust  estrc  sué 
que  la  cause  n'en  .'■■oit  active, 
si  très  dure  et  pcnctrativo 

18805  que  le  cueur  ne  peust  plus  souifrir. 
0  père,  a  toy  me  viens  offrir, 
o  père,  a  toy  me  recommans  : 
obéir  vcil  a  tes  commandz, 
mes  ceste  passion  me  meult  : 

18810  mon  pero,  se  faire  se  peust, 
allégez  moy  ceste  sentence. 


DIEU    LE   HERE 

J'ent(>ns  la  ))iteuso  éloquence 
de  mon  filz,  le  benoit  Jhesus, 
qui  ses  plainctz  a  vers  moy  promus, 

1S8I5  soy  recommandant  a  ma  grâce  : 
c'est  l)ien  raison  que  je  luy  face 
comme  pore  a  son  filz  ami' 
quand  tendrement  est  reclamé  ; 
mes  poui"  ce  que  dame  Justice 

18820  quiert  admende  du  maléfice 
qui  les  humains  a  fait  baiùr, 
sou  oppinion  veil  oyr, 
savoir  s'atant  luy  souffira. 
Justice  ? 

JUSTICE 

Ce  qu'il  vous  plaira 
188fô  commandez  moy,  pore  divin. 

DIEU    LE    PERE 

Est  il  plus  amoureux  chemin 
que  vous  nous  sceussiez  ja  trouver 
pour  nature  humaine  saulvcr  ? 


1S763  Queii  ce  A.  —  1S773  Une  heure  petite  et  liriefue  C.  —  187S7  ma  lî.  —  18793  mnnque  C.  L'oiilication  seinlqw^ 
qui  nuit  ne  se  tyotivr  que  tians  A,  écrite  pitr  extriiordinnire  à  iVii-rc  roitfff.  —  18800  a^ruyc  B.  .utoyblie  C.  —  It^&t 
uionjue  B.  —  1S818  sest  A. 


244 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


18830 


18835 


18840 


18843 


18850 


18855 


18860 


18865 


18870 


18875 


VOUS  poez  vous  a  mains  passer 

n'a  mendrc  pris  recompenser  ? 

fault  il  pour  les  humains  réduire 

que  Jhesus,  mon  cher  enffant,  muyre  ? 

voiez  en  quel  point  il  est  mis. 

JUSTICE 

Vous  sçavez  que  m'avez  promis  : 
je  ne  requier  or  ne  richesse  ; 
tant  seulement  vostre  promesse 
tenez,  et  je  suis  assuffie. 

DIEU    LE   PERE 

0  Justice,  très  bonne  amye, 
voiez  la  grant  perplexité 
que  son  digne  corps  a  porté 
puis  sa  haulte  incarnacion, 
l'envye  et  pcrsecucion 
dont  oncques  ne  fut  exempté, 
mes  persécuté  et  tenipté 
a  esté  tousjouis  jusqu'à  cy 
puis  l'eure  qu'en  teri'e  nasqui. 
Justice,  il  a  beaucop  souffert  ; 
Justice,  il  s'est  tousjours  offert 
a  porter  ceste  dure  charge 
dont  nature  humaine  le  charge  : 
oncques  jour  n'ot  joie  mondaine, 
oncques  n'ot  que  traveil  et  painé, 
oncques  des  siens  ne  fut  prisé, 
mes  despité  et  desprisé 
a  esté  tousjours  et  sera 
tant  que  mort  l'adevancera 
se  ceste  rigueur  luy  tenez. 
0  Justice,  pitié  prenez 
de  cil  qui  porte  le  meffait 
d'aultruy  et  qui  n'a  riens  meffait, 
et  vostre  rigueur  détendez. 

MISERICORDE 

0  Justice,  condescendez- 
au  vouloir  de  Dieu,  nostre  juge  : 
son  filz  qui  n'a  aultre  reffuge 
par  une  crainte  douloureuze 
redoubte  la  mort  angoisseuse 
dont  il  est  auprès  de  la  porto  ; 
regardez  la  douleur  qu'il  porte 
et  qu'il  souffre  sans  riens  nieffaire, 
quand  de  son  précieux  viaire 
le  sang  jusqu'en  terre  dégoûte. 
Or  advisez  donc  s'il  redoubte 
passer  le  pas,  et  quelle  guerre 
le  sens  et  le  voulloir  luy  serre  : 
Justice,  tauxez  la  valeur 
de  si  précieuse  licqueur  ; 


n'a  goûte  qui  ne  deust  souffire 
a  vostre  rigueur  desconffiro 
et  qui  ne  soit  bien  souffisant 
18880  aux  humains  cstre  garissant. 

Se  plus  luy  voulez  de  dommage, 
je  proteste  de  vostre  oultragc, 
a  discuter  quand  sera  temps. 

JUSTICE 

Quoy  que  vous  soiez  protestans, 

18885  Miséricorde,  belle  amye, 

mon  droit  ne  se  perdcra  mie, 
no  pour  vostre  hault  langager 
ne  poez  mon  droit  engager  : 
c'est  mon  pris,  c'est  mon  payement 

18890  et  le  total  repparement 
duquel  ne  quitteroye  rien. 
Et  de  fait  vous  arguez  bien 
qu'il  n'a  goûte  qui  de  luy  ysse 
qui  notablement  ne  soufflée 

18895  a  trouver  ce  haultain  remède  : 
il  est  vray,  je  vous  le  concède, 
mes  pour  montrer  plus  grand  pointure 
d'amour  a  humaine  nature 
et  plus  ardente  charité, 

18900  je  veil  qu'il  me  soit  présenté 
en  l'arbre  de  la  croix  pendu, 
fiché,  cloué,  mort  estandu 
tant  que  Famé  a  son  pei'e  l'cnde, 
et  n'est  adniende  que  j'en  prende 

isoœ  tant  qu'en  ce  party  le  verray. 

DIEU  LE   PERE 

Justice,  et  jc-le  vous  donray 

tout  a  vostre  peticion, 

ne  jamès  jour  dilacion 

n'y  sera  quise  au  retarder, 
18910  mes  pour  le  deffendre  et  garder 

en  ses  très  ameres  douleurs, 

je  luy  veil  envoler  secours. 

Michel,  illec  vous  transportez, 

et  Jhesus,  mon  filz,  conffortez, 
18915  comme  il  luy  sera  bien  mestier. 

MICHEL 

De  bon  vouloir  ferme  et  entiei' 
accompliray  vostre  command. 

DIEU    LE   PERE 

Et  pour  fournir  au  demeurant, 
Gabriel,  prenez  vostre  adresse 
18920   a  la  vierge,  vostre  maistrcsse, 
et  d'elle  prenez  cure  et  soing, 
car  il  y  sera  bien  besoing 
de  vostre  consolacion. 


la  mort  G.  —  1SS72  regardez  donc  C.  —  1S919-20  inlcncrlis  G. 


SECONDE  JOURNEE 


245 


quand  verra  l'oxecucion 
18925  (le  son  chej'  tih  aterminer. 

GAimiEI. 

Itoii  Dieu  qui  rognez  saus  fincr, 
j'en  feray  toute  ililigouce. 
Icy  s'en  vont. 


ANNK 

Nos  genz  font  bien  leur  négligence 
d'amener  Jhesus  de  bon  heure  ; 
18930  ilz  font  par  trop  longue  demeure, 
je  ne  sçay  en  quel  point  ilz  sont. 

CAYPHE 

Sciez  soeurs  qu'ilz  besongneront, 
puisqu'ilz  demeurent  tel  tempore, 
mes  ilz  ne  vendront  pas  encore  : 
18935  ilz  espient  je  ne  sçay  ou. 

ANNE 

Je  m'en  vois  reposer  un  pou  ; 
s'ilz  l'admainent  en  mon  manoir, 
je  le  vous  foray  assavoir, 
et  puis  nous  penserons  au  fait  : 
i89/i0  oez  vous? 

CAYPHE 

Ce  sera  bien  fait  ; 
Malabrin,  va,  si  le  ramaine. 

MALABRIN 

Dieu  le  mette  en  maie  sepmaine  ! 
faut  il  la  maintenant  troter?. .. 
Que  c'estoit  bien  pour  moy  fréter, 
18945  s'il  m'eust  ja  cela  oy  dire  ! 


[Pose.] 


MICHEL 

Jhesus,  mon  maistro  et  mon  vray  sire, 
homme  de  très  haulto  vallue. 
Dieu,  vostre  père,  vous  salue 
et  me  fait  icy  transporter 

18950  pour  vous  ung  petit  confforter, 
non  obstant  que  j'y  soie  indigne  : 
car  une  personne  divine 
estre  conffortee  d'ung  ange, 
c'est  moult  peu  et  ung  piteux  change, 

18955  car  anges  et  archanges  tous 

doyvent  prendre  conffort  de  vous  ; 


1S960 


18965 


18870 


18975 


18980 


18985 


18990 


18995 


19000 


19005 


mes  je  vous  parçois  en  tel  crainte 

par  dedans  vostre  cueur  empreinte 

que  si  peu  de  conffort  n'arez 

que  mieulx  a  vostre  aise  serez. 

Filz  de  Dieu,  parfaicte  puissance, 

prenez  en  vous  ferme  constance  ; 

venez  entrer  en  la  bataille 

de  laquelle  sans  nulle  faille 

eschaperez  victorieux  ; 

o  hault  filz  de  Dieu  glorieux, 

ne  doubtez  pas  tant  cest  assault, 

que  n'ayez  h;  vouUoir  plus  hault 

d'avoir  l'ennemy  desconffit  ; 

considérez  quel  grant  prouffit 

en  ensuivra  par  ce  moyen  ; 

ce  beau  rogne  cclestien 

seia  par  ce  point  restably  : 

homme  honoré  et  tmobly, 

qui  en  tel  noblesse  venu 

sans  fin  sera  vostre  tenu, 

et  du  bien  qu'il  possédera 

tousjours  grâces  vous  rcndera. 

Levez  sus,  hault  médiateur, 

allez  estre  repparateur 

de  l'ofTence  tant  misérable 

qui  sans  vous  n'est  point  recouvrable; 

venez  rendre  la  chère  paye, 

puisque  sans  vous  n'est  qui  la  paye  ; 

pi-enez  tost  la  pierre  et  la  fonde 

qui  Golias  tue  et  conffonde 

sans  jamès  vertus  recouvrer; 

venez  a  ceulx  confort  livrer 

qui  sont  en  la  chaitrc  attendans 

et  de  tout  leur  vouloir  tendans 

a  voir  vostre  doulce  présence. 

JHESUS 

0  père  de  magnificence, 
bien  voy  que  vers  moy  t'humilies 
et  qu'au  besoing  pas  ne  m'oublies 
qui  ce  conffort  m'as  envoyé  : 
je  ne  me  tiens  pas  oublié  ; 
ton  benoit  message  m'efforce 
et  me  donne  vigueur  et  force 
de  paier  ce  dangereux  pris 
qui  pour  les  humains  ay  empris  : 
père,  a  ton  vouloir  me  conforme, 
selon  la  manière  et  la  forme 
que  tu  le  m'as  constitué. 

MICHEL 

De  par  luy  soyez  salué, 

mon  maistre  et  mon  roy  supemel  ; 


1S953  par  ung  A. 
19003  le  manriue  C. 


-  1S954  et  moult  petit  change  A.  - 
•  19005  royal  B. 


18956  en  vous  C.  —  18970  comme  B.  C.  —  18988  donner  B.  ~ 


246 


MIS  T  ERE    DE    LA    PASSION 


devers  vostre  père  éternel 
m'en  revois  au  haultain  estage. 
Icy  s'en  va  l'ang;  et  Jhesus  vient  a  ses  trois 
disciples. 


.IHESUS 

Mes  amis  esveillier  vouldray, 
19035   cai"  je  voy  venir  la  caterve 

des  Juifz  mauvaise  et  proterve 
qui  vient  pour  moy  foi't  traveillier. 
Frères,  veillez  vous  esveillier  : 
le  traditeur  qui  ma  mort  vcult 
19040  s'aproche  de  cy  tant  qu'il  peust 
et  toute  sa  puissance  monstre  : 
levez  sus,  allons  a  l'eucontre 
pour  leur  baillier  plus  plaine  entrée. 

s.    PIERRE 

Cher  sire,  ainsi  qu'il  vous  agrée: 
19045  le  propos  nous  est  moult  grevain. 


.THESUS 

Frères,  délaissons  ce  partage, 

venez  avec  les  autres  seoir, 
19010  et  nous  entretenons  ce  soir, 

ensemble  attendans  l'aventure. 
Jcy  s'assemblent  tous  ensemble. 

Grevés  estes  oultre  mesure,: 

pour  conforter  vostre  appétit 

reposez  tretous  ung  petit  ; 
19015  tantost  orrons  quelques  nouvelles. 

Icy  se  reposent  tous  ensemble.  jiius 

Nous  n'avons  pas  couru  eu  vain  : 
seigneurs,  je  voy  la  compaignie 
de  Jhesus  tout  ensemble  unie  ; 
regardez  les  a  beau  loisir. 

GADIFER 

19050  11  le  nous  fault  aller  saisir  : 

j'en  ay  si  grant  fain  que  j'enrage. 

JUDAS 

Se  vous  voulez  tout  le  ménage, 
ilz  sont  bien  a  vostre  vouloir. 

JHEROBOAN 

Des  disciples  n'en  peut  chaloii', 
19Cfi5  ce  sont  povres  gens  de  labeur  ; 
nous  ne  voulons  que  le  docteur 
pour  corriger  sa  discipline. 

JUDAS 

Or  vous  souviengne  donc  du  signe 
que  je  vous  baillay  au  partir  ; 

19060  sus  !  compaignons,  il  fault  sortir: 
chacun  se  mette  en  ordonnance, 
chacun  appointe  dart  et  lance 
et  vous  maintenez  par  advis. 
Regardez  bien  celluy  au  vis 

19065  que  je  baiseray  maintenant, 
et  y  soiez  la  main  tenant 
et  le  liez  a  grant  effort, 
car  il  est  homme  grant  et  fort, 
bien  membre,  agille  et  délivre  : 

19070  se  de  vos  mains  il  se  délivre, 
vous  ne  le  rarez  pas  tantost. 

MALCUIDANT 

Nous  entendons  au  premier  mot 

19008  parage  C.  —  19013  Et  pour  C.  —  19015  autres  lî.  C.  —  19023  t'I  fait  A.  tel  frmir  B.  —  19086  vioil  lupart  C. 
19027  tel  f«  V  G.  —  19032  larez  beau  repailer  B.  —  19(J60  faietes  sortii-  A. 


JUDAS 
Par  diligences  telles  quelles, 
il  m'est  advis  que  nous  avon 
passé  le  torrent  de  Gedron, 
et  veez  cy  au  plus  près  de  ly 
19020  la  ville  de  Gessemagny  : 

j'espoir  que  nous  y  trouveions 
nostre  maistre. 

MALCUS 

Sy  le  prendrons 
et  l'amenrons  tel  feur,  tel  vente  ; 
ferons,  Roullart? 

ROULLART 

C'est  mon  entente 
19085  qu'il  vendra  par  devers  nobis. 

DENTART 

Oncques  vieulx  lieppars  arrabis 
n'orent  tel  fain  de  dévorer 
que  nous  avons  de  labourer 
a  la  mort  du  faulx  ypocrite. 

NATHAN 

19030  Son  nom  tant  forment  nous  despite 
que  n'en  poons  oir  parler. 

.    JUDAS 

Tantost  et  sans  plus  loing  aller 
en  vos  poingz  le  vous  livreray. 


SECOND 


tout  ce  qu'il  nous  faut  bosongner. 

limVANT 

11  110  vous  en  fault  plus  songnor  ; 
19075  monstre/,  le  et  il  sera  saisy 
Cy  pria  cy  mis. 


JUDAS 

Ave,  Rahy  t 
maistre,  d'ung  bon  jour  vous  salu  ! 
Iry  baise  Jhcsiis  a  la  bouche. 

JHESUS 

Amice,  ad  quid  venisti, 
qui  me  fais  ce  dévot  salu? 
19080  II  t'ai-a  moult  petit  valu  : 
o  Judas,  veey  Jure  somme  : 
soubz  ombre  d'un  baisier  polu 
tu  viens  trahir  le  filz  de  l'ommo. 

MARDOCEUS 

Nostre  prinse  se  parconsomme  : 
19085  soudars,  prenez  le  et  le  liez  ; 
que  séjournez  vous  ?  vous  voicz 
que  le  vendeur  le  vous  enseigne. 

DRAGON 

Ne  sçay  quel  seing  ne  quel  enseigne, 
mes  nous  sommes  tous  esbays. 

JHESUS 

19090  Que  querez  vous  cy,  mes  amis, 
maintenant  ? 

GUEULU 

Nous  vous  le  dirons  : 
Jhesus  de  Nazareth  quei'ons, 
pour  le  prendre  et  appréhender. 

JHESUS 

11  ne  le  fault  plus  demander  : 
19095  ce  suis  je  tout  certainement. 
Jcy  cheent  tous  a  la  renverse  et  Judas  aussi. 

s.    JEHAN 

V'eez  cy  grant  esbayssement, 
frères,  et  chose  bien  diverse  : 
ilz  sont  tous  cheus  a  la  renverse 
au  seul  mot  qu'il  ha  i)roferé, 

ROUI.LART 

19100  Qui  deablo  nous  a  ateré  ? 
vecy  bonne  trosbucherie. 

DENTABT 

Quand  j'ai  bien  tout  considéré, 
qui  deable  nous  a  ateré? 

JUDAS 

Aultroffois  vous  ay  dccleré 

190S4  parsonne  C.  —  l'JiOO.  1!1|0S  QupI  B.  C.  —  191?1  que 
lOlSUflaUiisC.  --  iai',1  Q.Ki  jic.ii  ((»,.  ivlfui-i-  me  puis  G, 


E    JOURNEE  247 

19105  qu'il  scet  beaucop  d'enchanterie. 
Levez  sus,  pute  progenio  ; 
vous  a  ja  la  crainte  altéré  ? 

GAUIKER 

Qui  doable  nous  a  ateré? 
vecy  bonne  tresbucbcrie. 

JUDAS 

19110  II  scet  beaucop  d'enchanterie, 

aultreffois  l'ay  je  decleré. 

Sus  !  ribaulx.  Dieu  en  ait  maugré, 

vous  eschappera  le  villain  ? 

sailliez  sus,  s'i  mettez  la  main  : 
19115  jamès  ne  Tarez  en  si  belles. 

MARDOCEUS 

Les  choses  n'ea  ii'ont  pas  telles, 
nous  le  trousserons  sans  demeure. 

JHESUS 

Que  demandez  vous  de  ceste  heure? 
que  querez  vous  en  ce  retret, 
19120  seigneurs? 

JHEHOBOAN 

.Jhesus  de  Nazareth  : 
nous  ne  voulons  aultre  que  ly. 

JHESUS 

J'ay  ja  dit  que  je  suis  celluy, 

souffice  que  vous  le  sachez. 

Icy  cheent  de  rechef  comme  dessus. 

S.    PIERRE 

Hz  sont  de  rechief  tresbuchés  ; 
191Ï5  j'ay  esté  fort  espovpnté, 
mes  le  cucur  et  la  volenté 
me  revient  a  les  ainsi  voir. 

s.    JAQUES   ZEBEDEÏ 

Sire,  quel  mal  peust  il  avoir, 
se  de  nos  espees  petites 
19130  nous  frappons  sur  ces  salalites 
qui  ainsi  vous  sont  dcspitans  ? 

JHESUS 

Souft'rez  encore  ung  peu  de  temps 
que  leur  emprinse  se  parface. 
Levez  vous  sus  de  ceste  place, 
19135  gens  :  par  moy  confortés  serez  ; 
Jhesus  de  Nazareth  querez, 
et  je  vous  dis  que  je  le  suis. 

EMILIUS 

A  peu  se  relever  me  puis, 
tant  ay  la  cervelle  estourdie. 

CELSIDON 

19140  J'ay  pris  belle  caille  de  puis  : 
a  peu  se  relever  me  puis. 

mnniu"  A.  —  19122  que  je  le  suv  C.  —  19IS5  ospaote  A.  — 


248 


MISTERE    DE   LA   PASSION 


JUDAS 

Meschaus  gens,  mal  estes  induis  : 
prenez  ce  trompeur,  quoi  qu'il  dyc, 
car  d'arrester  sur  ces  devis 
19145  ce  n'est  riens  qu'une  coquardie. 

RABANUS 

A  peu  se  relever  me  puis  : 
tant  ay  la  cervelle  estourdie. 

MALCUS,  parlant  a  Jhesvs. 
Yillain,  vous  y  lerrez  la  vie  ; 
c'est  a  vous  que  nous  en  voulons  : 
18150  venez  moy  aidier,  compaignons, 
il  vault  que  prins,  se  j'ay  secours. 

BRUYANT 

J'appointe  les  cordes  tousjours 
pour  le  lier  bien  et  en  haste. 

MALCUS 

Sus  !  chacun  y  mette  la  pâte, 
19155  nous  Tarons  saisi  tout  a  cop. 

s.  PIERRE 

Ce  meschant  cy  s'advance  trop, 
et  pour  sa  grant  presumpcion 
il  en  ara  ce  horion  : 
voist  une  aultre  fois  plus  arrière. 
Icy  luy  coppe  l'oreille. 

MALCUS 

19160  Je  n'ay  talant  de  faire  chiere, 

j'ay  ung  mauvais  coup  a  merveille; 
haro  !  et  je  n'ay  qu'une  oreille, 
le  ribault  m'a  l'aultre  coupée. 

JHESUS 

Pierre,  rehoute  ton  cspee  : 

19165  cil  qui  de  glave  frappera 
de  glave  aussi  pardu  sera  : 
du  glave  as  la  commission 
mes  non  pas  l'execucion. 
Penses  tu  que  tant  m'esbaysse 

19170  que  mon  père  prier  no  puisse, 
et  a  mon  veil  transmettera 
nombre  d'auges  qui  montera 
a  plus  de  douze  légions  ? 
Fault  il  pas  que  les  visions 

19175  aux  sains  prophètes  révélées 
soient  en  moy  verifflees? 
s'a  ma  passion  tu  obvies, 
comment  seront  paracomplics 
les  escriptures  de  mon  fait  ? 

19180  car  il  convient  qu'ainsi  soit  fait. 
Mon  amy,  approche  de  moy  : 
j'ay  grant  compassion  de  toy 


du  cop  qui  t'a  esté  donné, 
et  pour  ce  tu  seras  sané 
19185   maiiftenant  sans  quelque  moyen. 

Icy  luy  remet  Jhesus  son  oreille. 

MALCUS 

Ma  besongne  se  porte  bien, 
puisque  mon  oreille  est  remise  ; 
mes  nous  vous  jourons  de  main  mise, 
vous  n'eschaperez  pas  pour  tant. 

MARDOCEUS 

19190  Souldars,  prenez  le  tout  bâtant  : 
se  vous  valiez  riens,  il  est  vostre. 

ROULLART 

Qui  en  doubte  qu'il  ne  soit  uostre  ? 
je  luy  ay  ja  lié  les  poings 
si  très  destroit  et  si  fort  joinctz 
19195  que  le  sang  en  sault  a  pissot. 

DENTART 

Ton  fait  ne  vault  rien,  meschant  sot, 
s'il  n'est  bien  estraint  d'une  corde 
par  tout  le  corps. 

ROULLART 

Je  te  l'accorde  ; 
mes  il  convient  faire  en  faisant. 
19200  Approchez,  villain  paysant, 
pugny  serez  a  la  rigueur. 

JHESUS 

Comme  a  ung  larron  malfaicteur 

qui  de  preudomie  n'a  cure, 

estes  yssus  pai'  nuit  obscure 
19205  embatonnés  habondamment 

pour  me  prendre  furtivement. 

Touteffois  ce  mauvais  désir 

avez  peu  pieça  accomplir  : 

quand  tous  les  jours  au  temple  estoie 
19210  et  que  le  peuple  admonestoie, 

pourquoy  ne  m'avez  vous  tenu  ? 

mes  vecz  cy  vostre  point  venu  : 

vostre  puissance  ténébreuse 

ou  vostre  envye  hayneuze 
19215  voulez  dessus  moy  achever  ; 

mes  puisque  me  voulez  grever, 

vostre  subget  me  retenez 

et  a  mes  gens  congé  donnez  : 

en  vostre  volenté  me  metz. 

S.    PIERRE 

19220  Frères,  saulvons  nous  ou  jamès  : 
veez  cy  gent  toute  forcenée  : 
ja  ne  verrons  aultre  journée 
s'ilz  nous  tiennent,  je  vous  proraès 


19159  Ictj  le  coppe  l'oreille  A.— 19160  De  glaue  aussi  périra  A.— 191 98  Par  my  B.—  19200  vous  villain  paisant  B.  C— 19217 
me  tenez  A.  Retenez  moy  vostre  subje  B.  C— 19218  Et  donnez  a  mes  gens  congé  B.  C— 19223, 19235  je  vouspromes]  en  leurs 
âmes  B.  G. 


SECONDE  JOURNEE 


249 


s.   JEHAN 

Remède  n'y  voy  desormés  : 
19225  la  puissance  leur  est  donnée. 

8.   JAQUES  ZEBEDEY 

Frères,  saulvons  nous  ou  jamès  : 
▼eez  cy  gent  toute  forcenée. 

s.    ANDRY 

Je  m'en  vois. 

s.    BERTHEI.BMY 

Et  je  m'en  dcsmès; 
la  force  m'est  liabandounec. 

s.    PHELIPE 

19230  Nostre  mort  est  toute  ordonnée, 
se  ne  fuyons,  c'est  piteux  mes. 

8.    SIMON 

Frères,  saulvons  nous  ou  jamès  : 
veez  cy  gent  toute  forcenée. 

s.    JDDE 

Ja  ne  verrons  aultre  journée 

19835  s'ilz  nous  tiennent,  je  vous  promès. 

Icy  s'en  fuyent  tous  les  disciples,  et  S.  Pierre 

et  S.  Jehan  regardent  de  loing. 

JHEROBOAN 

RouUart,  par  trop  longuement  mes 
a  lier  ce  fauli  garnement. 

HOULLART 

Il  le  fault  lier  sceurement  : 
que  scet  on  qu'il  peust  advenir  ? 

MALCUS 

19S40  S'il  s'en  scet  maintenant  fuii-, 

je  suis  content  que  l'on  me  tonde. 

MARDOCBUS 

Est  il  bien  ? 

DBNTART 

Mes  le  miculx  du  monde  : 
regardez  dessus  et  dcssoubz. 

BANASUS 

Or  l'admenez  donc  après  nous; 
19245  acoup  chacun  face  devoir. 

MALCLIDAVr 

Ce  ne  sera  pas  sans  avoir 
des  honons  belle  moncelle  : 
RouUart,  tien  ce  bout  de  cordelle 
et  je  tendray  cest  aultre  cy  ; 
19SS0  tire  de  la. 

ROULLART 

Or  tire  aussi, 
suyvons  les  aultres  qui  s'en  vont. 

OADIFER 

Mes  de  quoy  ser\irons  nous  dont, 
nous  sept  on  huit  ?  je  m'en  esmaye. 


MALCUIDANT 

Prenez  moy  gros  bâtons  de  hayc 
10C55  ou  vos  guisarmcs  a  rêvera, 
et  frappez  a  tort,  a  travers, 
si  tost  que  le  verrez  rester. 

BSTONNÉ 

Sus  !  troussez  avant,  magister  : 
voiu  venrez  sei-monner  ailleurs. 

JUDAS 

19260  Âme  ne  sonne  mot,  seigneurs; 
en  la  cité  faisons  entrée; 
car  se  la  chose  estoit  monstree 
au  peuple,  il  s'y  opposeroit. 

DRAGON 

Par  pièces  nous  desi>eceroit  : 
19266  pourtant  allons  sans  faire  noise. 


s.   MATHIEU 

Hela.s  !  chei-s  frères,  il  me  [xiLse 
de  nostre  roaistre  doulx  et  chei' 
que  l'on  veult  ainsi  empescher 
sans  occasion  ne  sans  tiltre. 

s.    THOMAS 

19270  Ha  !  Judas,  le  mauvais  trabitre, 
il  l'a  bien  faulcement  vendu  I 

S.    JAQl'ES   ALPHEY 

C'est  desloyalmeut  entendu 
les  advantages  et  bienffais 
que  par  cy  devant  luy  a  fais, 

19275  et  l'en  a  mal  rémunéré. 

C'est  a  nous  mal  considéré 
de  l'avoir  ainsy  deguerpy  ; 
et  pour  estre  vif  decherpy 
et  y  finer  par  mort  chetive, 

19280  je  ne  lairray  que  ne  le  suyve 
pour  danger  qui  soit  apparent  : 
il  est  mon  cousin  et  parent, 
de  forme  et  de  corps  luy  ressemble, 
et  veil  que  nous  mourons  ensemble, 

19195  puisque  mieulx  ne  poons  finer. 


MALCUIUANT 

Ce  paillai't  ne  veult  cheminer  : 
comment  va  il  a  pas  d'evesquel 

ROCLLART 

Il  vient  bien  envys  a  la  tresque, 
il  voulsist  tirer  de  l'arriére. 


19229  sorta  A.  fuila  C.  —  192fô  Ou  il  ne  laroit  pas  un*  n«i«e  B.  C. 


230 


MISTER  E    DE    LA    PASSION 


MAI.CUIDA.NT 

19290  Que  no  chassez  vous  par  derrière? 
n'espargnez  point  ces  gros  bâtons, 
frappez  dessus. 

ESTONNÉ 

Nous  le  bâtons 
a  puissance,  mes  riens  n'y  vault. 

GUEULU,  a  S.  Jaques  qui  suit. 
Que  quiert  ce  maistre,  que  luy  fault, 
19295  qui  cy  nous  suit  et  nous  espie  ? 

GADIFER 

Prenez  garde,  c'est  ung  espie 
qui  nous  poursuit  sans  dire  mot. 

s.    JAQUES  ALPHEY 

Ha!  messeigneurs,  pour  Dieu,  la  vie  ! 

EMILIUS 

Prenez  garde,  c'est  ung  espie. 

DRAGON 

19300  Nous  en  arons  taïUost  coppie: 
je  le  tiens  par  le  palliot. 

BANANIAS 

Prenez  garde,  c'est  ung  espie 
qui  nous  poursuit  sans  dire  mot. 

s.    JAQUES   ALPHEY 

J'aray  ung  très  mauvEiis  escot, 
19305  je  l'entendz  bien,  se  je  n'eschappc  : 
j'ayme  mieulx  a  laisser  la  chappe 
que  mon  corps  y  soit  retenu. 

DRAGON 

Ha  !  le  ribault  s'en  fuit  tout  nu  ; 
regardez  comment  il  labeure. 

BOULLART 

19310  Au  moins  le  manteau  nous  demeure, 
il  ne  s'en  va  pas  trop  chargé. 

ESTONNE 

Il  sera  tantust  engagé 
en  la  taverne  ou  nous  irons 
pour  doffraior  les  compaignous 
19315  au  revenir  de  l'ambassade. 

GADIFER 

Ce  villain  cy  est  douleui'  fade  : 
il  ne  veult  chominoi'  du  pie 
s'il  n'est  butiné  et  torchié 
tousjours  a  chacun  pas  qu'il  marche. 

JHEROBOAN 

19320   Seigneurs,  regardons  en  quel  marche 
nous  le  menrons,  ou  sur  Gayphe 
qui  est  pour  ccst  an  grant  pontiphe, 
ou  sur  Anne  son  preccsseui'. 


MARDOCEUS 

Il  me  semble  pour  le  plus  seur 
19325  qu'il  est  bon  qu'Anne  l'aist  premier 

c'est  ung  bon  juge  et  coustumier 

ancien  et  de  vie  rusée  ; 

et  si  a  sa  fille  espousec 

Cayphe,  qui  content  sera 
19330  de  cest  honneur  qu'on  lui  fera  ; 

pardonnez  moy  se  je  dis  mal. 

JOATHAN 

Cayphe  est  notre  principal, 
mes  a  cause  d'antiquité 
il  est  bon  qu'il  soit  jircscnté 
19335  a  Anne,  son  suire,  devant. 

NACHOR 

Or  le  faictes  marcher  devant  : 
tout  surpiez  serons  en  son  atre. 

ESTONNÉ 

11  ne  tendra  pas  a  bien  batre, 
entré  est  en  maie  sepmaine. 


Notez  que  S.  Pierre  et  S.  Jehan  suyvent  Jhesus 
de  loing. 

s.   JEHAN 

19:mo  Pierre,  vous  voiez  qu'on  admaine 
nostre  maistre  trop  mal  traictié. 

s.    PIERRE 

J'en  ay  au  cucur  si  grant  pitié 
que  le  cueur  mo  font  tout  en  lermes, 
et  nous  sonunes  monstres  mal  fermes 
19345  de  le  laisser  a  son  besoing. 
.le  le  vouldray  suivir  de  loing 
[lour  voir  quel  chose  Hz  en  feront. 

s.    JEHAN 

.le  pense  bien  qu'ilz  le  meurent 
sur  Anne  pour  l'examiner. 

s.    PIERRE 

19350  Helas  !  se  tant  puissions  miner 

que  dedans  la  cour  entreissoiie 

secrètement  en  demussons, 

nous  veissions  au  moins  la  conduite, 

et  comment  mal  sera  conduite 
19355  la  sentence  sur  l'innocent. 

s.    JEHAN 

J'ay  esté  des  fois  plus  de  cent 
leans  pour  porter  du  [loisson  : 
Anne  et  to\is  ceulx  de  sa  maison 


19292  Chai-g.'Z  B.  C.  —  19297  suit  i-y  U.  i'.y  mnwjue  C.  —  19310  nous]  y  B.  C.  —  19318  ii-y  est  moult  fade  A.  —  19320 
regardez  B.  —  19323  prédécesseur  C.  —  19324  le  meilleur  A.  —  19326  et  viani/ue  B.  —  19335.  son  sire  A.  B.  C.  —  19349 
Chies  B.  Sus  C.  —  19350  Se  tant  nous  iiuissions  eheminer  A.  —  19357  porter  poisson  nouueau  B.  C.  —  li)35S  me  congnoist 
bien  et  beau  B.  (î. 


SECONDE   JOURNEE 


251 


ino  coiignoissoiit  par  loi  manière 
19300  qu'il  n'y  a  porto  ne  barrière 

qu'ilz  no  rn'oeuvrent  isnel  lo  pas. 

s.   PIERRE 

Et  il/,  ne  me  oongnoissent  pas, 
par  quoy  jamès  n'y  entreroye. 

s.    JEHAN 

Si  feriez  se  j'en  requeroio  : 
19305  ilz  vous  lairront  mes  qu'ilz  me  voient. 

s.    PIERUE 

Mes  pis  y  a,  cai'  s'ilz  savoient 
que  je  t'eusse  de  la  eonsorte, 
il/,  m'enclorroient  dans  la  porte 
et  la  mo  feroient  mourir. 

s.    JEHAN 

19370  \'ous  n'avez  garde  d'encourir 
ce  danger  qui  n'est  pas  menu, 
car  vous  n'y  estes  pas  congneu  : 
ne  vous  voient  gueres  de  fois. 

s.    PIERRE 

J'ay  peur  do  ma  peau  toutoffois  : 
19375  Jehan,  ne  m'est  pas  jeu  de  parture; 
mes  au  fort,  voist  a  l'aventure  : 
je  m'eiihardiray  avec  vous. 


.IHEROBCVN 

Hau  !  portière,  entendez  a  nous, 
_  venez  ^a  et  nous  ouvrez  l'huis. 

■  MARCELLE ,  première  chamberiere, 

19380  Qui  estes  vous  la? 

JHEROBOAN 

Qui  je  suis  ? 
je  ne  suis  pas  seul,  ue  te  chaille  : 
nous  sommes  de  gens  grant  batiiille 
cjui  avons  graut  besongne  faicte. 

MARCELLE 

Admenez  vous  ce  faulx  prophète 
que  le  peuple  appelle  Jhesus? 

MARUOCEUS 

Oy. 

MARCELLE 

Si  serez  bien  venus  : 
mou  maistre  eu  aia  grant  plaisir, 
car  bien  syay  qu'il  a  tel  désir 
de  le  voir  que  c'est  uiig  droit  songe. 

ROULLART 

19390  Regardez,  lo  veoz  cy  qui  songe 


^TÎiSSS 


le  moron,  est  il  bien  pileux? 
CASSANDBE,  ficuxieme  chamberiere. 
Il  fait  très  bien  le  marmiteuz, 
mes  regardez  quel  contenance. 

MARCELLE 

Or  entrez  |)ar  belle  ordonnance, 
19395  vous  et  vostre  mesgnio  toute  ; 
mes  gardez  qu'aine  ue  a'i  boute 
s'il  n'est  de  céans  ou  d'empros  : 
il  m'est  defFcndu  par  exprès 
de  la  bouche  de  monseigneui'. 

MALCUS 

19400  Nous  sommes  tretous  gens  d'honneur, 
do  franc  courage  comme  contes, 
n'en  doubtez. 

CASSANDRE 

Et  di.nc  tu  t'y  comptes? 
os  tu  gens  d'honneur  et  de  nom, 
sanglant  bedeau  ? 

MALCUS 

Et  pourquoi  non  ? 
19405  suis  je  de  veil  fer  ou  de  poaultre  ? 

je  vaulx  ung  homme  comme  ung  aultre 
a  bouter  en  ung  viel  dcstroit. 

OADIKER 

RouUart,  il  fait  le  gibet  froit, 

le  cueur  me  tremble  de  destress*. 

ROULLART 

19410  Veez  cy  des  fagos  a  largesse, 
il  n'y  fault  que  bouter  le  feu. 

GAOIFER 

Le  veulx  tu  ? 

DE.NTART 

Goimueut  !  le  veulx  tu  ? 
et  par  Dieu  voila  bien  songé  ! 
luy  en  faut  il  prendre  congé, 
19415   qui  est  plus  volage  que  plume? 

BRUYANT 

Or  souftie  dedans  et  l'ahmie 
d'ung  bon  soufflet. 

DENTABT 

Je  n'eu  ay  nul  ; 
mes  ou  souflleray? 

BRUYANT 

Eu  mon  cul  : 
le  tuyau  y  est  d'avantage. 

MALCUIDANT 

19420  l'ar  la  prengiio  lo  feu  passage 
pour  onti'or  dedans  la  cité. 

Icif  alume  le  feu  en  la  place. 


19,359  I.ts  v.irli>tz  it  la  .■liiiinliii.'ii-  B.  C.  — 19361  Si  fevz  qunnl  U.  C— 19373  Hz  ne  A.  C.  -  1937S  a  mniiqui'  A.  —  19379 
ca  munque  A.  —  19380  la  »i  i.i/iic  li.  C.  -  19395  couipaiijuie  .\.  -  194(18  j/raiit  l'ioit  C.  19'ilO  bourrées  C.  —  19413-14 
intervertit  B.  C.  —  19419  un  est  C. 


252 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


s,  JEHAN 

19450  Dame,  vers  moy  soyez  humaine  : 
s'il  vous  plaist,  la  porte  ouvrerez. 

MARCELLE 

Qui  est  ce  la? 

s.  JEHAN 

Vous  le  sçarez, 
c'est  des  serviteurs  de  céans. 

MARCELLE 

Estes  vous  ce,  Jehan,  entrés  ens  ? 
19455  allez  ung  peu  chauffer  le  doit 
a  nostre  feu. 

s.    JEHAN 

Le  temps  le  doit  ; 
pieça  n'eus  si  froit  que  je  sache. 

s.    PIERRE 

Vous  plairoit  il  point  que  j'entrasse, 
dame,  par  vostre  courtoisie? 

MARCELLE 

19460  Quête  fault  il? 

s.    PIERRE 

Par  vostre  grâce 
vous  plairoit  il  point  que  j'entrasse? 
Il  fait  si  froit,  je  me  chauffasse, 
et  je  suys  icy  a  la  pluye  ; 
^    vous  plairoit  il  point  que  j'entrasse, 
I9'i05  dame,  par  vostre  courtoisie? 

MARCELLE 

Vuydez,  vous  n'y  entrerez  mie 
se  de  vous  connaissance  n'ay  ; 
qui  es  tu  ? 

s.    PIERRE 

Certes  je  ne  sçay  ; 
je  suis  ung  povre  advanturé, 
19470  qui  suis  cy  tant  ontfroiduré 

que  je  ne  sçay  comment  il  m'est. 

s.    JEHAN 

Dame  Marcelle,  s'il  vous  plaist, 
laissez  l'entrer  a  ma  requesto  : 
il  est  bon  preudhomme  et  honnestc, 
19475  aussi  bon  que  vous  veistes  huy. 

MARCELLE 

Le  congnoissiez  vous  bien  ? 

s.  JEHAN 

Oy, 

et  vous  respons  de  sa  personne. 

MARCELLE 

Sur  vostre  asseurcment  luy  donne 
congé  d'entrer  ens  ceste  fois. 

s.    PIERRE 

19480  Vostre  mercy,  et  je  m'en  vois 

19440  Car  la  grant  faullc  quoii  _v  voit  B.  C.  ~  19448  qui  A.—  19450  souueiaine  C.  —  19454  Ha  estes  vous  entrez  dedans 
A.  —  194dl  Vous  plaisoit  il  C.  —  19478  Sur  vostre  rapport  je  luy  B.  G. 


JHEROBOAN 

Honneur,  bonne  prospérité 
et  ce  que  vostre  cueur  désire 
vous  doint  Dieu,  mon  redoublé  sire  1 
19425  joyeulx  serez  comme  je  tien. 

ANNE 

Avez  vous  besongné  ? 

JHEROBOAN 

Très  bien, 
si  bien  que  vous  serez  content. 

ANNE 

Et  ce  Jhesus  ? 

JHEROBOAN 

Il  vous  attent 
la  en  bas  en  vostre  auditoire. 

ANNE 

19430  Bien  lyé  ? 

JHEROBOAN 

Vous  le  poez  croire  :     ♦ 
les  sergens  le  gardent  enclos. 

ANNE 

L'ont  ilz  point  batu  ? 

JHEROBOAN 

Ventre  et  dos, 
tant  comme  ilz  ont  peu  descharger. 

ANNE 

Il  n'y  a  pas  trop  grant  danger, 
19435  non  obstant  qu'a  bonne  justice 
sergent  excède  son  office 
qui  touche  sur  le  malfaicteur  ; 
mes  de  ce  paillart  séducteur 
il  ne  me  chault  oomment  il  voit; 
19440  car  cil  qui  le  peuple  déçoit 

ne  peust  trop  de  mal  recevoir. 
Je  le  vouldray  maintenant  voir 
pour  luy  faire  des  questions. 

JHEROBOAN 

11  a  ses  excusacions 
19445  toutes  prestes  pour  vous  respondre. 

DRAGON 

Ça,  villain.  Dieu  vous  puist  confondre, 
venez  parler  a  vostre  juge. 

GUEULU 

Vous  estes  taillié  qu'il  ne  juge 
vostre  dure  mort  et  villaine. 


SECONDE  JOURNEE 


253 


chauffer  uug  peu  de  l'aultre  lez  : 

j'ay  les  ongles  tant  cngeltM 

que  je  ne  sçay  comment  j(!  dure. 

CASSANDRE 

Cest  homme  a  douleur  grant  froidure  : 
19i8ô  comment  se  boute  il  près  du  feu  ! 

11  m'est  advis  que  je  l'ay  veu 

bien  souvent  en  cestc  cité. 

Vien  ça,  homme,  dis  vérité  : 

n'es  tu  pas  disciple  a  celluy 
lOiOO  que  monseigneur  tient  devant  luy? 

je  te  voy  tout  ainsy  vestu. 

s.    PIERRB 

Qui,  moy? 

CA.SSA.NDRE 

Voire  toy,  qui  es  tu? 
le  t'oseray  je  demander  ? 
Messeigncurs,  venez  regarder 
laiOJ  cest  homme,  car  je  tiens  qu'il  est 
des  gens  Jhesus  de  Nazareth  ; 
car  avec  luy  rstoit  tousdis. 

s.    PIERRE 

Femme,  regarde  que  tu  dis  : 
advis  m'est  que  le  sens  te  fault. 

CASSANDRE 

19500  Je  te  congiiois  bien,  ne  te  chault  : 
je  t'ay  veu  autrelï'ois  au  temple 
avec  luy. 

s.   PIERRE 

C'est  bourde  tout  emple, 
qu'il  ne  la  fault  ja  contredire, 
ne  je  ne  sçay  que  tu  veulx  dire  ; 
19505  qui  est  ce  Jhesus  ?  quant  a  moy 
je  ne  sçay,  je  ne  le  congnoy, 
n'oncques  son  disciple  ne  fus. 
li:y  chante  le  coq  hi  première  fuis. 


BANANIAS 

Veez  cy  ce  Jhesus  tout  confus  : 
sire,  vous  ferez  grant  science 
19510  d'examiner  sa  conscience, 

sçavoir  comment  il  s'est  conduit. 

ANNE 

Vien  ça,  meschant  homme  et  mal  duyt  ; 
est  il  vray  ce  qu'on  nous  rapporte 
de  ton  fait  qui  mal  se  comporte 
19515  envers  nous  ])ar  prcsumpcion  ? 


19520 


19525 


19530 


On  nous  a  fait  rclacion, 

je  ne  sçay  «'elle  est  véritable  : 

par  une  voye  détestable 

en  la  loy  et  bien  répugnant, 

tu  prens  disciples  maintenant 

lesquelz  enseignes  a  ta  poste 

par  une  doctiine  reposte 

que  tu  leur  apprens  a  l'emblee  ? 

de  quoy  te  sert  ceste  assaniblee  ? 

a  quel  cause  les  as  tu  pris? 

quel  doctrine  leur  as  appris? 

te  souffit  il  pas  avoir  prise 

la  doctrine  et  la  loy  Moyse 

sans  maintenant  tenir  querelle 

de  forger  une  loy  nouvelle? 

On  nous  dit  que  tu  estudies 

a  rompre  nos  cerimonies 

pour  prescher  no  sçay  quelz  fabuscs 

si  tu  les  enffrains,  tu  t'abuses, 

19535  car  jamès  n'en  pourroies  chevir, 
mes  plus  tost  la  mort  encourir. 
De  qui  nous  fut  la  loy  donnée  ? 
fut  elle  par  homme  ordoimee  ? 
crois  tu  qu'homme  nous  la  donna? 

19540  tu  faulx,  car  Dieu  seul  l'ordonna  ; 
et  puisque  Dieu  la  pretendy 
comment  as  le  cueur  si  hardy 
que  d'auzer  prescher  le  contraire  ? 
c'est  vouloir  le  peuple  retraire 

19545  de  la  loy  de  son  créateur 
et  frauder  le  législateur, 
en  quoy  tu  commetz  cas  do  crime. 
Encor  t'es  tu  pris  toy  trezime 
de  meschans  avec  qui  tu  mains 
et  dis  que  n'en  veulx  plus  no  mains, 
par  quoy  a  plusieurs  sambleroit 
que  ce  nombre  te  serviroit 
pour  faire  aucunes  sorceries 
ou  charmes  ou  enchanteries 
dont  tu  es  ouvrier  moidt  soubtil. 
De  quel  chose  te  servent  il  ? 
tu  les  maines  de  ville  en  ville, 
mal  vestus  d'une  robe  ville, 
et  vont  truandant  d'huys  en  huys 
par  oyseuse  a  quoy  les  induiz  ; 
maigres  sont  et  meurent  de  fain  ; 
que  ne  vont  ilz  gaigner  leur  pain  ? 
ne  de  quoy  t'estoit  il  mestier 
de  les  tirer  de  leur  mestier 


19550 


ire55 


19560 


19482  enfreslez  H.  rugelcj  C.  —  19485  Commo  C.  —  19487  Souucnt  auau  B.  auant  C.  —  19488  bon  homme  A.  —  19491 
manqnr  C.  —  19i98  O  femme  esgardo  B.  C.  —  10512  et  WKmr/ui!  B.  mauldit  C.  —  19530  De  songier  C.  —  195:i5  pourriez 
A.  —  19546  Et  fraude  A.  B.  A  frauder  C.  —  19547  eongnois  A.  —  19550  Et  que  neu  viulx  ne  plus  ne  mains  C.  — 

19559-70  mtinqit^nl  A. 


254 

19565 


M  1 S  T  E  R  E   DELA    PASSION 


dont  haultcment  pouoient  vivre 
pour  ccste  nicschant  vie  ensuivre? 
En  quoy  je  ne  voy  point  de  chois, 
advis  m'est  que  tu  les  doçois  : 
et  pour  mon  sermon  abroger, 

19570  tu  les  metz  en  ung  grant  danger  : 
car  s'en  ta  doctrine  y  a  vice, 
et  ilz  sont  tenus  par  justice, 
ilz  n'en  eschapei'ont  jamais, 
et  les  meschans  n'en  pcuent  mais. 

19375  Dis  nous  ])ar  certaines  enseignes 
quel  doctrine  tu  leur  enseignes, 
a  quel  fin,  et  d'où  tu  la  tiens. 

JHESl'S 

Juge,  dedans  ton  cueur  maintiens 
moult  grant  ardoncc  de  savoir 

19580   ce  que  tous  les  jours  as  peu  voir. 
Tu  demandes  de  ma  doctrine, 
et  comment  le  peui)le  endoctrine, 
de  quoy  tu  pculx  congnoistre  assés 
sans  interroguer,  car  tu  sces 

19585  que  j'ay  fait  tout  mon  preschemcnt 
plainemcnt  et  publiquement; 
j'ay  fait  mes  sermons  et  prologues 
au  temple  et  en  vos  sinagogues, 
qui  a  tout  le  peuple  est  ouvert, 

19590  et  n'ay  rien  presché  en  couvert  : 
a  moy  celer  n'ay  consentu. 
Et  donc  que  m'interrogues  tu  ? 
mes  va  et  interrogue  ceulx 
qui  tant  m'ont  oy  devant  culx  : 

19595  ceulx  la  te  diront  que  j'ay  dit 
et  se  j'ay  bien  dit  ou  mesdit, 
ou  se  ma  doctrine  est  entière. 

DRAGO.N 

Et  villain,  est  ce  la  manière 
de  rcspondr  '  au  pontiphc  ainsy  ? 
19600  a  qui  parlez  vous,  sire,  a  qui  ? 
est  ce  le  bien  que  vous  sçavez  ? 
et  pour  ce  que  mespris  avez, 
vous  en  arez  ceste  soufflace. 
Il  le  frappe. 

ANNE 

Tu  dis  vray,  tu  e^  en  ma  grâce, 
19603  c'est  fait  d'ung  très  gentil  vassal. 

JHESU.S 

Se  j'ay  mcspris  ou  parlé  mal, 
baille  du  mal  tcsmoing  ou  preuve  ; 
et  se  mon  parler  bon  se  trouve, 
a  quel  cause  m'as  tu  féru  ? 


GUEULU 

1%10   Oez  du  villain  malotiii, 

s'il  ne  se  vouldroit  rebeller. 

DRAGON 

Paix,  vielz  matin!  faut  il  parler? 
se  ceste  nuit  icy  vous  dure, 
vous  en  arez  mainte  plus  dure, 
19613  mes  que  nous  en  ayons  l'ottroy. 

ANNE 

Sus  !  ostez  le  de  devant  moy  : 
riens  ne  fais  de  l'examiner, 
car  je  ne  puis  déterminer 
de  son  fait  ne  de  ses  erreurs, 

19620  se  tous  nos  scribes  et  seigneurs 
ne  sont  a  l'examen  pi'esens  : 
ilz  ne  doy vent  pas  cstre  excmps  ; 
et  pour  ce  qu'il  est  gramment  tard, 
RouUart,  Gadifer  et  Dentart, 

19625  voiez  ceste  coloin|)np  haulte 

qui  soustient  au  milieu  la  vaulte  : 
menez  l'i  tost  comment  qu'il  soit 
et  le  liez  si  très  estroit 
qu'il  n'ait  pooir  de  s'en  defFaire. 

ROULI.ART 

19030  N'en  parlez  plus,  laissez  nous  faire  ; 
s'il  eschappc,  il  sçara  de  l'art. 
Passez  avant,  niaistro  paillart, 
a  ce  coup  serez  vous  soudé. 

GADIFER 

Prcn  le  de  la,  dy,  coquidé, 
19635  et  nous  aydc  ung  peu,  s'il  te  plest. 

DKNTART 

Songne  de  toy,  tu  n'as  que  jJet  ; 
je  le  tiens  ferme,  ne  te  chault. 


MARCELLE 

11  ne  fait  point  icy  trop  chault, 
je  m'en  voys  pour  chauffer,  ma  fois.. 
19640  II  m'est  advis  que  je  congnois 

cest  homme  cy  qui  est  tant  simple, 
et  croy  de  vray  qu'il  est  disciple 
a  .Jhesus  et  qu'il  est  son  maisti'e. 

PHARES 

Par  celuy  Dieu  qui  me  fit  naistre, 
19615  je  le  croy  a  le  voir  au  viz. 

MARCELLE 

Dy,  bon  homme,  il  nous  est  advis 


19594  tant  moult  oy  C.  —  19596  maldit  B.  —  19603  Cfste  A.  —  19610  malouslru  B.  -  1!)C21  i-xaininer  C.  —  19632  vieulx 
l)npelârt  B.  C.  —  19635  iiuotniidi^  B.  —  19643  et  que  ccat  G.  —  19644-43  Em'orcs  pourroit  il  liicu  nstro  II  lo  fault  regarder 
nu  vis  B.  C. 


qiic  tu  c^  ilisciplc  a  Jhoaus  : 
est  il  vray,  ne  lo  ccle  plus  ? 
riens  ne  gaignes  a  le.celei'. 

s.    PIRRRE 

10650  Fcinni(>,  gardo  ilo  mcsparler  : 
tu  1110  fais  luio  giaiit  offciice; 
je  to  jure  en  ma  conscience 
et  par  le  Dieu  de  paradis 
qu'il  n'est  rien  de  ce  que  tu  dis, 

19655  ne  je  n'eu  sçay  choses  quelconques  : 
Jhesus  ne  congnois,  no  vis  oucques, 
ne  de  riens  oncques  ne  luy  feus. 

MALCUIDANT 

C'est  grant  jilaisir  d'avoir  telz  feus 
a  gens  de  graut  froidure  plains  : 
19660  j'ay  tel  froit  aux  picz  et  aux  mains 
que  le  cueur  du  ventre  me  tranible. 
SALMANAZAR,  coiisin  a  Mitlcus. 
Bon  honmic,  vrayemcnt  il  me  saniblo 
que  tu  es  disciple  et  faeteiu' 
a  Jhesus,  ce  graut  enchanteur  ; 
19665  le  sujet  en  rien  ne  t'excuse  : 
tu  en  es,  ta  langue  t'accuse, 
et  est  la  chose  deccleo 
que  tu  es  né  en  Galilée  : 
on  te  congnoist  a  la  parole. 

ESTONNÉ 

19(570  II  est  do  la  maignie  folle, 

cent  contre  uug,  ce  meschant  badin. 

.SALMANAZAU 

Ne  te  vois  je  pas  au  jardin 
avec  luy,  quand  il  fut  saisy? 
advis  m'est  que  je  te  choisy 
19675  couppant  l'oreille  a  mon  cousin. 

PHAllES 

r.t  dea,  vcoz  ey  trop  bon  lourdin  : 
il  fait  le  sourt;  et  viou  ça,  dy  ; 
ne  te  veis  je  pas  au  jardin 
avec  luy  quand  il  fut  saisy? 

s.    PIERRE 

196S0  Kt  je  vous  respons  que  ncimin; 
sur  mon  serment  je  vous  affy. 

SALMANAZAR 

l 'ourlant  ne  suis  pas  assuffy, 
il  faull  chanter  d'aultre  raartin  ; 
ne  te  veis  je  pas  au  jardin 
196S5  avec  luy,  quand  il  fut  saisy? 
advis  m'est  que  je  te  choisy 
couppant  l'oreille  a  mon  cousin. 

s.    PIERRE 

Tourner  puisse  je  a  imte  fm, 

19674  II  mest  aduis  C.  -  19682  assouy.  C.  -  196SS  puissnv 
mmvue  c.  -  19704  »ui,  pp,u,,uu  B.  C.  -  19712  Je  recongueu 


255 


SECONDE  JOURNEE 

et  mourir  de  Dieu  regnié, 
10690  mauldit  et  cxcommuni.-, 

se  puis  l'euro  do  ma  naissance 
j'eus  do  cost  homme  congnoissance, 
de  quoy  me  voulez  accuseï^ .' 

8ALMA.NAZAB 

Tu  t'en  SCO»  trop  bien  excuser  • 
1W5  je  ne  sçay  qu'il  .-n  est  on  som.ne. 

l'HARES 

Advis  m'est  qu'on  doit  croire  ung  homme 
a  jurer  si  hoirihlement  ; 
espoh' que  nostre  jugement 
fault  aussi  :  et  qu'il  n'est  i,as  viav 
19700  il  est  possible. 

SALMANAZAR 

Jo  ne  sçay, 
mes  il  y  a  grant  conjecture 
Inj  chante  le  coq  la  de.a^ieme  fois,  lors  Jhesus 
regarde  a  S.  Pierre. 


Icy  sa  part  S.  Pierre. 

s.    PIERRE 

0  jwvre  et  fresle  créature, 
quel  horreur  m'est  il  advenu! 
a  quel  meschief  suis  je  venu  ! 
10705  Or  congnois  je  que  j'ay  faulsee 
la  foy  quo  dousse  avoir  monstrec 
a  mon  niaislro  leal  et  cher  : 
qui  p(.ust  plus  griefvoment  pécher  ? 
est  il  créature  mortelle 
19710  qu'oncques  eut  inconstance  telle? 
A  ung  seul  regard  qu'il  m'a  fait 
j'ay  recongueu  que  j'ay  meffait  ; 
et  pourtant  je  me  partiray 
et  on  quelque  aultro  jyart  iray 
19715  mou  olience  plourcr  et  plaindre, 
ne  jamès  ne  m'en  vouidray  faindre 
tant  que  je  sente  avoir  le  don 
par  mon  maistrc  de  vray  pardon  : 
mon  vouloir  est  a  ce  soubmis. 
Icy  s'en  va  plorer  S.  Pierre  en  la  fosse. 


HOULLART 

19«0  Gadifer,  to  sandjlo  il  bien  mis  f 

GADIKER 

Il  me  samble  qu'on  ne  peust  mieulx  ; 

je  A.  —  19689  A'  (li,.u   uublve  B.  -  19694  veulx  B.  trop 
A.  Jay  cougneu  B.  C. 


•256 


19725 


19730 


19735 


19740 


19745 


19750 


M I S  T  E  R  E 

il  voUeroit  avant  aux  cieulx 
qu'il  se  scoust  de  la  depeschcr 
ou  s'en  voist  maintenant  prescher, 
brouiller  et  ramener  les  mors. 

DENT ART 

S'il  a  puissance,  viengne  hors 
et  desploie  son  mauvais  art. 

ROULLA.RT 

Luy  qui  fait  miracles  si  fors, 

s'il  a  puissance,  viengne  hors. 

GADIFER 

11  est  de  travers  et  de  tors 
si  fort  lié,  le  faulx  musart, 
qu'il  sçara  beaucop  de  regnart 
s'il  s'en  fuit. 

DENTART 

Alors  comme  alors, 
os  tu  que  je  luy  dis,  RouUart  ? 
s'il  a  puissance,  viengne  hors, 
et  desploye  son  mauvais  art. 

ROL'LLART 

Et  il  fera  sa  malle  hart; 
il  a  bien  a  penser  aillicurs  : 
c'est  la  façon  de  telz  brouilleurs 
que  le  sens  leur  fault  au  besoing. 

GADIFER 

Veulz  tu  voir  ung  beau  cop  de  poing 
luy  assoir  droitement  pour  rire  ? 

DENTART 

Bé,  tu  ne  scaroles. 

GADIFER 

Mon  beau  sire, 
me  tiens  tu  encore  si  beste  ? 
ou  le  veulz  tu  voir? 

ROULLART 

Sur  la  teste. 
Or  avant  donc,  que  je  le  voye. 

GADIFER 

Non  feray,  je  me  blaisseroye 
a  frapper  :  il  y  a  trop  d'os. 

DENTART 

Et  en  quel  lieu  donc  ? 

GADIFER 

Sur  le  dos. 
Or  tien  celoppin. 

RODLLART 

Torche. 

GADIFER 


Attache. 


S'il  lie  fust  lié  a  l'atache. 


DE   LA   PASSION 

tu  l'eusses  envoyé  par  bas. 

GADIFER 

Vous  arcz  de  si  fais  csbas 
pnnuyt  toute  vostre  saouUee  : 
19755  vostre  cruppe  sera  fraullee 
a  poste  mocquaut  et  jouant. 

ROULLART 

Mes  regardez  Tort  vil  truant, 
comment  il  fait  bien  la  grimace  ; 
je  n'eu  ay  pitié  ne  pitace 
19760  ne  que  de  la  peau  d'une  vache. 

ANNE 

Est  il  bien  lié  a  l'atache  ? 
je  le  veil  ung  peu  aller  voir. 

DENTART 

A  peu  s'il  se  peust  remouvoir, 
tant  est  serré  près  du  pillier. 

GADIFER 

19765  11  est  quitte  de  desbillier 
son  habit,  il  est  bien  atout. 

ROULLART 

l'ourquoy? 

GADIFER 

11  gerra  tout  debout, 
pour  estre  ung  petit  mieulx  a  l'aise. 


ANNE 

Venez  ça,  maignie  mauvaise, 

19770  oez  que  je  veil  proposer  : 
je  m'en  vois  ung  peu  reposer 
t:int  que  l'aulbe  du  matin  viengne. 
De  cest  homme  oy  vous  souviengne  : 
tant  que  vous  amez  vostre  vie, 

19775  gardez  le  bien,  qu'il  ne  s'enfuye  ; 
veillez  cmprès  toute  la  nuyt 
et  affin  qu'il  ne  vous  emiuyt, 
esbatez  vous  a  quelque  jeu. 

ROULLART 

Nostre  esbat  est  ja  tout  pourveu  : 
19780  a  riens  ne  nous  voulions  esbatre 
si  non  a  le  torcher  et  batrc 
et  nous  en  mocquer  entre  nous. 

ANNE 

De  cela  je  m'altens  a  vous 
de  luy  faire  peine  et  butin  ; 
19785  mes  gardez  que  demain  matin 

vous  m'en  sachez  rendi'c  bon  compte. 
Icij  s'en  va  Anne  en  sa  chainbre. 


19730  C  ajoute  :  Pour  estre  mieulx  n  laise.  —  lO'Sl  faulx  dantart  C.  —  19739  manière  a  B.  C.  - 
A.  —  19753  fraiz  B.  —  19755  coulpe  B.  oroppe  C.  —  19760  vielz  asne  B.  C. 


19743  sarcz  A.  scaras 


SECONDE  JOURNEE 


257 


DENTART 

Villain,  vous  ai-cz  tant  de  honte, 
avant  que  ccst(!  nuit  se  passe, 
s'arcz  la  charongne  si  lasse 
19700  que  vous  ne  vous  sçarez  bouger. 

QADlFEn 

11  est  tant  mauvais  lo/.ongor 
et  de  nature  si  villaine 
qu'on  ne  luy  peust  faire  de  peine 
selon  ce  qu'il  a  desservy. 

ROUI.LART 

19795  Ça,  il  est  temps  qu'il  soit  servy 

puisque  nostrc  maistrc  est  en  voye. 

DENTART 

Puisqu'il  n'est  ame  qui  nous  voye, 
•  pour  la  doubte  du  sommeillier 

il  le  fault  ung  peu  resvcillier. 

GADIKER 

19S0O  11  y  convient  dresser  la  voye, 

puisqu'il  n'est  anie  qui  nous  voye. 

ROtLLART 

Comment? 

DENTART 

De  torchons  a  monjoye, 
dont  il  ara  plus  d'ung  millier. 

OADIFER 

Et  fust  il  fllz  d'ung  chevalier, 
19805   puisqu'il  n'est  amo  qui  nous  voye, 
pour  la  doubte  du  sommeillier 
il  le  l'ault  ung  peu  resveilUer. 

ROULLART 

Qui  commencera  le  premier? 
qui  m'en  croira,  nous  sortirons. 

^^  DENTART 

^H'198l0  Tirons  a  les. 

^^B  GADIFER 

I^^K  Avant,  tirons  : 

«^^Ê  veez  cy  a  chacun  ung  fostu. 

V^^Ê  ROULLART 

«^K^         Par  quel  manière  le  fais  tu, 
I^^B  aius  que  pi'ocedons  jilus  avant? 

I^^V  DENTART 

I^H  Le  plus  long  a  le  coup  devant 

I^V  19815  ot  le  plus  long  après  le  suyt. 

I  OADIFER 

Afiîn  qu'il  n'y  ait  point  de  vent, 
,  le  plus  long  a  le  coup  devant. 


ROULLART 

Je  l'ay. 

OADIPBR 

Je  tireray  avant, 
et  puis  on  verra  le  déduit; 
19820  je  l'ay. 

DENTART 

N'eu  va  plus  estrivant  ; 
il  m'est  deraouré  etmio  duit  : 
comment  est  le  marché  déduit? 

ROULLART 

Le  plus  long  a  le  coup  devant 
et  le  plus  long  après  le  suyt. 

DENTART 

198S5  J'ay  le  plus  long,  sept  piez  ou  huit  : 
mesurez. 

GaDIFER 

C'est  par  trop  menty. 
Par  le  marché  qui  est  sorty 
tu  doys  le  premier  cop  eslii'e  ? 

DE.NTART 

C'est  vray. 

ROULLART,  eii  luy  baillant  en  la  joue. 
Or  tien  donc. 

DENTART 

Qu'est  ce  a  dire  ? 
19830  dea,  Roullart,  tu  t'advances  trop. 

GADIFBR 

Tu  dois  avoir  le  premier  cop  : 
n'est  il  pas  ainsy  devisé? 

DENTART 

As  tu  ce  malice  advisé  ? 

le  deable  y  ait  part  tout  a  bout. 

ROULLART 

19835  C'est  a  tromperie  et  atout; 

comment,  n'cntens  tu  point  le  jeu? 

DENTART 

Le  coquin  pour  qui  je  l'ay  eu 
le  comperra,  ou  je  fauldray  : 
a  quel  costé  luy  asserray 
19840  une  brongneo  sans  farcer? 

GADIfER 

Ha  1  que  volentiei-s  le  verray  ! 

DENTART 

A  quel  costé  luy  asserray? 

OADIFER 

De  la,  et  je  luy  en  donrray 
une  de  ça  pour  radresser. 

DENTART 

19845  Tien,  va  jouer. 


118789  tant  lasse  B.  G.  —  1079!  trop  de  C.  —  19S04  de  .•h.'UolicT  M.  —  108111  au  lus  A.  —  19SH  son  iVsdi  C.  —  19Sl.'i 
le  mrtrt'/uc  lî.  —  19819  tu  verras  lî.  —  198S9  /(  frappe  sur  luy  lî.  — 19S31  Martin  voj  t  près  le  dcable  y  court  B.  y  croit  C. 
i 


[  —  19810  faillir  1).  —  19S'il-'i2  »u'H7«<hI  A. 

Pas. 


i7 


258 


M  I  S  T  E  R  E  D  !■:   LA   PASSION 


GADIFER 

Tien,  va  dancer. 

ROULLART 

Ha  dea,  mon  tour  garder  vouldray  : 
il  m'en  fault  ung  petit  penser  ; 
a  quel  costé  luy  asserray 
une  brongnee  sans  farcer? 

DENTART 

19850  Or  tien,  vella  pour  toy  armer, 
je  te  donne  caste  huvete. 

GADIFER 

Ha  dea,  vecz  cy  bonne  sornette  : 
ad  vis  m'est  que  mon  tour  cschappc. 

ROULLART 

Qui  premier  y  vient,  premier  frappe. 
19855  Je  mo  commance  a  eschaufer. 

DENTART 

Dca,  tu  nous  trompes,  Gadifer  : 
mo  sers  tu  maintenant  de  truffes  ? 
tu  luy  as  bien  baillic  dix  buffes, 
ou  je  n'en  ay  baillié  que  six. 

GADIFER 

19860  Aussi  sont  tes  coups  mieulx  assis, 
par  quoy  tu  en  dois  avoir  mains  : 
lu  n'y  assiés  coup  de  tes  mains 
que  les  dois  n'y  soient  escrips. 

ROULLART 

Combien  sont  ce  ?  Dentart,  escrips  : 
19865  advis  m'est  que  tu  me  seurmains. 

DENTART 

Aussi  sont  tes  coups  mieulx  assis, 
par  quoy  tu  en  dois  avoir  mains. 

GADIFER 

Je  n'ay  cure  do  vos  escrips  : 
je  frappe  ou  premier  je  l'attains. 

ROULLART 

19870  Et  c'est  ce  de  quoy  je  me  plains 
que  je  demeure  tout  pensis. 

DENTART 

Aussi  sont  tes  coups  mieulx  assis 
par  quoy  tu  en  dois  avoir  mains: 
tu  n'y  assiés  coup  de  tes  mains 
19875  que  les  dois  n'y  soient  escrips. 

GADIFER 

11  samble  qu'il  soit  tout  cspris 
de  lepi'o  conune  uug  vieil  meseau, 
tant  a  boursoufflé  le  museau 
de  horions  qu'il  a  recous. 

ROULLART 

19880  Je  ne  puis  mes  frapper  dessus, 
tant  suis  las  de  peine  et  despit. 


DENTART 

Si  nous  repposons  ung  petit 
icy,  et  en  lieu  do  batures 
combatons  le  de  gians  injures, 
19885  tant  que  ceste  nuit  soit  parfaicte. 

GADIFER 

N'est  ce  point  icy  le  prophète 
qui  doit  faire  tant  de  vertus  ? 

ROULLART 

Mes  n'est  ce  pas  celluy  Cristus 
qui  doit  racheter  Israël  ? 

DENTART 

19890  Comment  Cristus  sera  il  tel  ? 
sera  ce  ung  larron  tant  infâme 
qui  Dieu  et  le  monde  diffame  ? 
le  propos  me  samble  bien  lourt. 

GADIFER 

Rcspondez,  villain. 

DENTART 

11  est  sourt, 
19895  Roullart  ;  eutens  tu  point  cela  ? 

ROULLART 

Non  est,  mes  je  croy  bien  qu'il  a 
ung  peu  les  oreilles  massives. 

GADIFER 

11  a  espaules  portatives 
tout  juste  a  porter  horions. 

DENTART 

19900  Dist  il  pas  ses  breborions? 
il  barbote,  ce  m'est  advis. 

ROULLART 

Preschez  nous  cy  de  vos  devis, 
maistre  docteur  de  Galilée. 

GADIFER 

11  n'a  plus  si  grant  assemblée 
19905  de  gens  après  luy  qu'il  souloit. 

DENTART 

N'est  ce  pas  celluy  qui  vouloit 

faire  en  trois  jours  ung  nouveau  temple  ? 

maistre,  baillez  nous  en  exemple 

qui  estes  si  prompt  au  mesticr. 

ROULluVRT 

19910  Fy  du  coquin. 

GADIFER 

Fy  du  putier. 

DENTART 

Fy  du  paillait. 

ROULLART 

Fy  du  vray  fol. 
Beau  sire,  assiés  luy  sur  le  col 
droitement  ung  très  bon  tatiii, 


lOS-se  lia  ]  Am  A.  An  B.  lion  G.  —  19S51  manque  C.  —  19853  sorte  C.  —  19S56  fraudes  B.  —  19865-69  maniuent  A.  - 
10878-75  manquent  A.  —  19892  Que  A.  B.  —  19913-14  beau  hatiplart,  papelart  B.  C. 


SECONDE    JOURNEE 


2o9 


affin  qu'a  ce  villain  matin 
19915  faces  toute  la  char  frémir, 

nENTAUT 

Il  nous  fault  ung  petit  dormir  ; 
on  ne  peut  pas  tousjours  fraper  : 
si  tu  veulz,  vas  t'y  occuper, 
nous  dormirons,  qui  m'en  croira. 

OADIKER 

19920  l'endu  soit  il  a  qui  tcnilia  : 

nous  sommes  las  oultrc  mesure. 


L  ACTEUR 

Seigneurs  en  qui  sens  s'admcswe , 
sçavoir  et  vraye  congiioissance, 
par  nusire  simple  demonstrmice 
I992J  et  assés  simplement  bâtie 
(ivef  peu  toir  une  partie 
de  ta  vie  de  Jhesu  Crist 


comme  l'ont  baillié  par  cscript 
les  bons  euvangelistes  sains, 

19930  de  foy  et  de  charité  gains  ; 
et  pour  éviter  vostrc  cnnuy 
nous  ferons  fin  de  ce  jour  d'uy 
aux  très  grief ves  extorcions, 
peines  et  blasphemacions 

19935  qu'en  la  maison  d'Anne  endura 
tant  comme  celte  nuit  dura, 
ou  sa  benoitc  char  offry 
et  tant  de  hontes  y  soufj'ry 
qu'il  n'est  pas  en  humaine  bouche 

19940  que  l'ofjcnce  iotatle  touche. 

Donc,  s'il  vous  plaist,  en  gré  prenez 
ce  qui  est  fait;  et  retournes 
demain  a  l'heure  accoustumee  : 
si  vous  sera  parconsommec 

19945   la  très  pileuse  passion 
jusqu'à  la  résurrection. 

Fin  du  second  jour  de  la  passion  nostre 
seigneur  Jhesu  Crist. 


191)20  soit  a  qui  il  B. 
1994U  Qui  A. 


l',W23  Siauoir  est  C.  —  19925  Kst  asses  A.  —  19930  taincts  13.    —    19932  lin  manque  A.    — 


TIERCE    JOURNEE 


DE  LA  PASSION  NOSTRE  SAULVEUR  JHESU  GRIST 


Prologue. 

Pour  continuer  la  matière 
qui  est  proffitabli'  et  entière 
a  cueurs  plains  de  devocion, 

19950  Laquelle  traictc  la  manière 
de  la  passion  dure  et  fiere 
qui  fit  nostre  rédemption 
Pour  la  nostre  salvacion, 
avant  ceste  incohacion, 

19955  chacun  de  nous  saluera 

La  vierge  en  contemplacion, 
et  dirons  sans  dilacion 
humblement  :  Ave  Maria. 
[Ave  Maria.] 
Ce  dévot  salu  accomply, 

19960  seigneurs,  humblement  vous  supply 
qu'ung  peu  de  silence  prestes 
et  l'entendement  apprestez 
a  incorporer  la  doulour, 
charité  et  parfaicle  amour 
1 19965  ou  ceste  passion  admaine 

etjoinct  nostre  nature  humaine; 
pense:;  que  celuy  qui  s'instruit 
en  ceste  oeuvre  porte  grant  fruit, 
et  qu'il  n'est  histoire  en  ce  monde 
\  19970  si  fertille  ne  si  féconde, 

ne  qui  doyve  mieulx  faire  entendre 
le  cueur  au  bien  ou  il  doit  tendre; 
qui  bien  Vescoute  et  bien  l'entend 
a  nul  mal  faire  ne  prétend. 


19075  mes  juge  tout  plaisir  mondain 
mauvais,  decevable  et  soubdain, 
et  n'est  adversité  si  forte 
que  tout  paciemment  ne  porte  : 
car  quant  en  memore  luy  vient 

19980  la  fortune  qui  luy  survient, 
aucunement  se  desmodere, 
mes  après  quand  il  considère 
que  le  fils  de  Dieu  beneuré 
a  tant  souffert  et  enduré 

19985  pour  mondifier  nostre  ordure, 
il  treuve  que  ce  qu'il  endure 
n'est  riens  en  regard  de  ta  somme 
que  Jhesus  voust  porter  pour  l'homme. 
Ainsi  va  son  veil  modérant 
en  ce  miroir  considérant 
ou  tout  cueur  pour  son  dueil  mirer 
se  doit  doulcement  remirer; 
et  affin  que  vous  y  mirez 
et  humblement  la  remirez, 
ce  derost  miroir  pour  le  mieulx 
vous  ramenons  devant  les  yeulx 
sensiblement  par  parsonnages  : 
mirez  vous,  si  serez  bien  sages  ; 
chacun  sa  forme  y  entrevoit  ; 

ÏOOOO  qui  bien  se  mire,  bien  se  voit. 

Dieu  doint  que  si  bien  nous  mirons 
que  par  mirer  nous  remirons 
après  ceste  vie  mortelle 
l'essence  divine  immortelL; 

20005  qui  règne  sans  jamès  tarir. 


19990 


19995 


19947  Prologus  super  tercia.  etc.  I).  C.  —  19949  compassion  B.  C.  —  19950  par  manière  B.  Et  de  plaine  contrition 
C.  —  Iflont  I.a  hanlte  passion  plainiere  B.  C.  —  19958  Quendura  A.  —  10953  manque  B.  C.  —  19963  doulceur  B.  C.  — 
19968  En  ce  liure  B.  C.  —  19989  ses  dueulz  B.  son  ducil  C.  —  20004  I.a  puissant  essence  immortelle  B.  C—  80Û(S  Qui 
règne  en  éternelle  gloire  A. 


262 


MI  STERE   DE   LA    PASSION 


Seigrieurs,  pour  ung  pou  recourir 
Se  ce  qui  vous  fut  hier  monslré, 
au  premier  vous  fut  demonstré 
le  baptesme  cler  et  expert 

20010  que  saint  Jehan  prescha  au  désert 
comme  nnnistre  et  précurseur 
de  Jhesu  Crist,  nostre  seigneur  ; 
puis  eustes  figure  certaine 
quant  au  fait  de  la  quarantaine 

200)5  laquelle  Jhesu  Crist  jcuna, 
ou  le  deahle  fort  l'impugna  ; 
après  eustes  ostencion 
comment  ]}ar  reprehencion 
que  saint  Jehan  a  Herodc  fist, 

20020  il  le  décolla  et  occist  ; 

puis  veistes  que  Jhesus  cueilla 
ses  disciples  et  assembla  ; 
et  puis  mua  l'eaue  en  vin 
aux  nopces  de  l'archedeclin  ; 

20025  au  temple  le  veistes  venir 

et  les  vendeurs  dehors  bannir, 
dont  contre  luy  furent  esmeus  ; 
et  après  de  Nichodcmus 
comment  de  nuyt  la  voye  emprist 

20030  d'estre  disciple  a  Jhesu  Crist; 
et  puis  de  la  Samaritaine 
qui  vint  puiser  a  la  fontaine 
qu'il  converti  par  son  preschier  ; 
puis  de  la  fille  au  hault  princier, 

20035  et  du  fih  de  la  veufce  dame 

auquel  par  grâce  rendit  l'ame  ; 
après  fut  par  Jhesu  sanee 
la  fille  de  la  Chananee  ; 
après  fut  faicte  mencion 

20040  de  la  transfiguracion 

ou  il  resplendy  comme  l'or 
en  la  montagne  de  Thabor  ; 
puis  veistes  de  la  Magdeluine 
qui  des  sept  pechiés  mortels  jilaine 

20045  ot  son  pardon  par  bon  moyen 
sus  Simon  le  pharisien  ; 
après  comment  l'aveugle  né 
fut  de  p:-ir  luy  renluminé, 
en  quoy  grant  envye  cueillirent 

20050  les  Juifz  qui  en  murmurirent  ; 
puis  eustes  demonstracion 
du  vaillant  seigneur  Lazaron 


que  Jhesus  de  mort  excita 
et  puissaument  ressucita, 

20055  dont  les  pharisiens  plus  fort 
tendirent  a  trouve^'  sa  mort; 
et  après  non  pas  longuement 
vous  fut  montra  de  l'ongnement 
de  quoy  Marie  le  vint  oingdre, 

20060  dont  Juda^s  se print  a  desjoindre 
de  l'amour  du  très  doulx  Jhesu 
pour  le  grant  despit  qu'il  en  eu  ; 
après  le  peustes  voir  monté 
sur  l'asnesse  en  humilité 

20065  et  vint  en  la  cyté  louée 

ou  grant  joye  fut  démenée; 
puis  avez  veu  plusieurs  consaulx, 
plusieurs  moyens  mauvais  et  faulx 
que  les  pervers  Juifz  queroicnt, 

20O70  sçavoir  comment  Jhesus  tendraient  ; 
entre  lesquels  s'entrelarda 
Judas  et  a  eulx  marchanda 
que  par  vaillant  trente  deniers 
il  leur  baillerait  volontiers  ; 

20075  après  ce  fut  la  cène  faicte 

ou  grant  humilité  purfaicte 
sur  ses  disciples  reprouva 
quant  a  tous  leurs  piez  leur  lava  : 
la  fut  estably  proprcmciit 

20080   le  saint  et  divin  sacrement 
qui  a  tous  disciples  vallu, 
furs  Judas,  qui  estoit  poilu, 
lequel  tanlost  veistes  partir 
pour  sa  trayson  assortir, 

20i)85   et  puis  en  ung  lieu  jollivet, 
que  l'on  dit  jardin  d'Olivet, 
Jhesus  veistes  humilier 
et  Dieu,  son  père,  deprier 
pour  la  double  et  terrible  crainte 

20090  qu'il  avoit  en  son  cueur  emprainte, 
ou  l'ange  se  magnifesta 
et  doulcement  le  conforta  ; 
après  veistes  Judas  induire 
ses  satelites  et  conduire, 

20095  pour  venir  prendre  a  la  rigueur 
Jhesus,  nostre  benoist  sauveur, 
et  aussi  tost  qu'ils  l'approucherent 
veistes  comment  ils  tresbucherent, 
et  puis  de  saint  Pierre  en  avant 


20006-112  remplacés  A  par  les  vers  saivanls  : 

Pour  rafifi-esciiir  vostro  mémoire 
ou  nostre  jeu  hier  fliia 
vous  sauc-z  que  la  deiuoura 
que  jliesus  par  la  ^'eiit  félonne 
fut  lie  a  une  eolonipne 


et  la  toute  nuit  villene 

hatu  piteusement  mené 

et  déboute  comme  ung  viel  asno 

par  ks  gens  do  ce  niauldit  aune. 


20013  creatiue  C.  —  20021  oonsilla  C.  —  20029  aprist  C.  -  '.OOSS  Fui  achelte  le  doulx  G,  —  20073  baillant  G. 


TIERCR  JOURNKK 


263 


20100  qui  couppa  l'oreille  au  servant; 
rie  la  le  peustes  veoir  mener 
et  piteusement  d 'mener 
par  les  minisires  Sathimas 
jusqiies  en  la  maison  d'Annas, 
Ï0105  OH  saint  Pierre  ot  si  faible  foi: 
qu'il  la  renyn  par  trois  foiz  ; 
puis  veistes  Anne  aller  coucher 
et  a  sei  serv  mis  eiieharyer 
qu'ils  le  gardassent,  comme  ils  firent, 

20110  et  grans  villenies  lui/  dirent  ; 
et  par  aussi  tant  labourasmes 
que  dessus  ce  point  demourasmes. 
Maintenant  nous  voidlons  poursuivre 
de  Jhesus,  comment  on  le  livre 

Ï0H5  a~Cayphe pour  le  myner, 
affoncer  et  exaininer  : 
la  verrez  inquisicions, 
faulx  tesmoings,  acctisacions 
et  tous  les  tours  qu'on  peust  quérir 

20120  a  faire  ung  innocent  mourir. 
Après  vous  ferons  ckmonstrance 
de  la  dive  désespérance 
a'  laquel  Judas  s'est  donné 
quand  son  rnaistre  vit  eondampué. 

20125  /Vous  terrezjde  Pila  te  ausstj 

qui  se  donna  moult  grant  soucy 
de  trouver  le<  tours  et  moyens 
pour  appaiser  les  citoicns, 
et  fort  a  labourer  se  prist 

iOi'M  potir  faire  eschaper  Jhestt  Crist. 
Et  pour  ce  prolougiie  abréger 
et  venir  au  fait  sans  targer, 
nostre  vouloir  se  délibère 
a  ce  très  glorieux  mistere 

20135  pour suir  jusqu'à  celle  part 
que  le  corps  ara  fait  deppart 
de  la  croix  par  ses  bons  amis 
pour  eslre  en  son  sépulcre  mis  ; 
et  luy  au  sépulcre  posant, 

80U0  atant  nous  serons  repposant. 
Si  vous  prionijres^  humblement 
qu'avant  nostre  commencement 
~sîTence  nous  veillie;  prester, 
et  brief  nous  verrez  nprester. 


ANNE 

£0145  Or  a  Phebus  tout  chcminô 
par  l'iiotoii  qui  a  pourniené 
ses  chi'vaulx  do  laidessc  isnclle, 
que  par  na  course  iialurello 
il  a  circoHvolu  grant  erre 

20150  et  cii-cuy  toute  la  terre, 

tant  que  par  «a  face  luysant 
ce  doulx  luatlnot  et  plaisant 
a  si  richement  couloré 
qu'il  sanible  pro|)renient  doré. 

80155  Le  très  gracieux  Hespcrus 
et  Auroia  sont  apparus 
qui  la  nouvelle  ont  assignée 
lie  la  très  douice  matinée 
ou  tout  cueur  jôyeulx  prent  déduit. 

20160  Et  me  samble  que  ceste  nuit 
en  ha  bien  séjourné  quarante 
pour  la  grant  pensée  et  ardente 
que  j'ay  d'aeooniplir  une  chose 
que  je  sens  en  mon  cueur  enclose, 

20IC5  que  pour  dormir  ne  sommeillier 
jami's  ne  la  puis  oublier; 
et  tant  1110  touche  ce  propos 
que  je  n'ay  point  pris  de  repos 
ceste  nuit  sinon  a  mal  aise , 

20170  et  n'est  huy  chose  qui  me  plaise 
tant  que  la  mienne  intaiicion 
soit  mise  a  execucion 
et  parconsommee  du  tout. 


nOILLART 

(juaut  je  regarde  ce  faulx  glout 
£0175  qui  a  semé  tant  de  discordes 
et  tant  fait  de  besongnes  ordes, 
mes  deus  me  claquent  do  despit. 

DENTART 

Aïoit  il  hardiment  res;)it, 
le  mauvais  trahistre  qu'il  est? 

GADIKEH 

20180   11  aroit  son  sanglant  gibet  : 

nos  seigneurs  l'ont  trop  mal  en  grâce. 

ROLLLART 

Il  ne  scet  gueres  qu'on  luy  brasse 
d'avoir  les  bonnes  gens  gastés  : 
on  luy  a  fait  tous  ses  pastés  ; 


-. J  S03  seruilours  U.  Aux  qm-h  i-o  irnanil  i  que  bien  ehier  C.  —  2J113  nous  voulons 

ilile  C.  —  20115  mener  <;— 2(H2:i  A  quelle  A.  A  la  quelle  U.  C.  —  20137  po"!-  '  '  ■>•.■•• 


20107  a  le  coucliiiir  C.  —  2J10S  F.i  a 
lile  C.  —  20115  mener  <;   - 
281 '«7  raileur  C.  —  201 W  tru 


-  ..  -, ._  ., .„.  po"i'  ses  Ijwns  A.  —  20144  conuntilicer  A.  — 

- -.       — ,—,  ..-'S  moulu  C.  — 20155  vesperus  1).  —  2J10."  <ej  le  C.  —  20174  jesgonlc  «e  niauuais  B.  —  20177 

eraequent  U.  C.   —  20184  li.  Et  quoy  l)   il  a  fait  ses  pastcs  II.  C. 


264 


M  I  S  T  E  R  R    n  F,    LA    PASSION 


2018Û  voist  hardiment  chauffer  le  four. 

DENT ART 

Je  creveray  bien  de  doulour 
s'ung  sanglant  gil)et  ne  l'atrappe. 

GADIFER 

RouUart,  avant  qu'il  nous  eschappe, 
vesperions  le  ung  tantinet  ; 
20190  cinq  ou  six  coups  d'ung  bon  fouet 
ce  seroit  droitement  sa  charge  ; 
il  a  si  beau  dos  et  si  large 
pour  assoir  beaux  cops  de  bâton  ! 

EOULLART 

Avant  donc  !  or  nous  csbaton 
20195  a  le  fournir  de  belles  buffes. 

DENTART 

Dea,  RouUart,  comment  !  tu  le  buffes  ! 
tu  n'attendz  point  tes  compaignons  ? 

ROULLART 

Je  n'en  puis  mes  :  frappons,  frappons 
sur  ce  faulx  truant  séducteur. 
20200  Tien,  villahi. 

nENTART 

Tien,  faulx  enchanteur, 
et  taste  quelz  poires  ce  sont. 


ANNE 

Je  m'apense  que  mes  gens  font 
a  ce  matinet  gracieux  : 
ilz  sont  nices  et  paresseux , 
20805  je  m'attens  qu'ilz  sont  endormis. 
Oncques  gens  ne  furent  remis 
si  bien  qu'ilz  seront  s'ainsi  est. 
Je  vouldray  aller  voir  que  c'est 
pour  en  estre  ung  petit  plus  soeur. 


ung  tantet  cest  officiai  : 
pour  ceSque  le  chef  luy  fait  mal, 
20215  nous  ly  renfformons  ung  i)etit  ; 
est  il  pas  bon? 

ANNE 

C'est  si  bien  dit 
qu'on  ne  sçaroit  mieulx  jargonner. 
Or  ça,  il  nous  fault  ordonner 
de  son  fait  ;  nous  séjournons  trop  : 
20220  desliez  le  do  la  a  cop 

et  prestement  le  m'admenez 
par  devant  moy. 


GADIFER 

Or  ça,  venez, 
nosire,  deslier  vous  fault  ; 
mes  vous  serez  lyé  plus  hault 
2022j  avant  que  viengne  la  vcspree. 

RgULLART 

Vostre  orde  charongne  est  entrée 
en  mal  au  par  vostre  péché. 

DENTART 

Comment  estoit  il  ataché  ! 
il  n'avoit  garde  de  fouir. 

GADIFER 

20230  Sus  !  passez,  il  vous  fault  venir 
parler  a  notre  président. 
Il  rit! 

ROULLART 

Voire,  du  bout  du  dent  : 
c'est  lisee  d'ung  antcnois. 


20210  RouUart? 

ROULLART 

Que  vous  plaist,  monseigneur? 

ANNE 

Dormez  vous  ? 

ROULLART 

Nrnnin,  nous  veillons. 

ANNE 

Que  faictos  vous  ? 

ROULLART 

Nous  resveUIons 


ANNE 

Aultrc  remède  je  n'y  vois 
20235  pour  en  avoir  brief  jugement 
que  de  le  mener  prestement 
au  prince  des  prostrés  Cayphe, 
qui  pour  cest  an  est  grant  pontiphe  ; 
si  vault  mieulx  luy  mener  tout  droit. 

ROULLART 

202'i0  Qui  luy  faisist  justice  et  droit, 
on  le  pendist,  pour  abréger. 

ANNE 

Ce  n'est  pas  a  ni  us  a  juger 

en  tant  qu'il  touche  son  meffait  ; 


20195  brngps  B.  —  20197  répélé  B.  C.  -  2(>201  poix  C.  —  20211  nennil  B.  C.  _  20252  en  sirp  C.  —  2022S  est  il  bien 
B.  C.  —  20232  de  la  dent  C.  —  20239  Pour  lexaminer  a  son  droit  B.  C.  —  20240  Qui  luy  tist  B.  G.  On  luy  faisist  A.  — 
20241  Qui  le  A. 


TIERCE  JOURNEE 


265 


son  piocos  luy  sera  tout  fait 

20215  selon  justice  et  équito 
et  pugiiy  a  l'égalité 
qu'il  a  ott'eneé  et  mal  fait; 
et  afiin  que  tout  soit  pai  fait 
selon  les  termes  do  raison, 

20250  scrgeus,  menez  le  en  la  maison 
tlo  Gayiihe  en  cest  appareil. 

DENTART 

Aussi  y  est  tout  le  conseil 
<les  pharisiens,  dos  seigneurs, 
des  scribes  et  des  gouverneurs 
20255  qui  au  jour  d'uy  tiennent  estât. 

ANNE 

Saluez  le  pontificat 
do  par  raoy  a  honneur  et  joye, 
et  dittes  que  je  luy  envoie 
par  vous  ce  raeschant  homme  cy, 
ï02on  et  qu'il  on  face  tout  aussy 

qu'il  luy  samlilo  qu'il  est  licite. 

GADIKEn 

Voulez  vous  point  qu'on  luy  recite 
ung  peu  de  ses  beaux  fais  passés  ? 

ANNE 

Nennin  non,  il  en  scet  asscs  : 
20265  il  n'y  fault  ja  qu'on  luy  declere, 
et  aussi  no  demourra  guère 
que  j'iray  pour  voir  l'assemblée. 

ROULLART 

Liesse  vous  soit  acconiblee 
et  honneur  tout  vostre  vivant  ! 


20280  mes  je  no  goray  pas  si  grue 
que  je  n'y  paye  ma  corvée. 

MALCUS 

Et  ou  s'en  va  ccstc  couvoe 
maintenant  ainsi  espar  duc? 

DENTAUT 

Tu  n'es  qu'une  bc-ite  vestue  : 
20285  voys  tu  point  que  nous  emmenons 
ce  papelart  que  nous  tenons 
présenter  a  uostro  hault  chef? 

BRUYANT 

Ce  ne  sera  pas  sans  meschof, 
car  nosseigneurs  ne  l'ayment  goûte. 
20290  11  sera  puguy. 

GADIKEU 

Qui  s'en  double  ? 
ne  chet  il  pas  pugniciou 
a  sa  folle  presumpcion 
par  quoy  nostre  loy  destiniit  toute  ? 

ESTONNÉ 

Ça,  coinpaignons,  chacmi  s'i  boute  ; 
20295  suyvons  pour  voir  que  ce  sera  : 
jamès  il  n'en  escbappera, 
les  deables  l'ont  bien  avoyé. 

CELSIDON 

11  sera  de  nous  convoyé 

pour  ouir  qu'on  en  vouldra  faire. 

[FosK.] 


202T0  Sus  !  SUS  !  faictes  marcher  avant 
ce  malheureux  :  il  est  grant  heure. 

DENTAUT 

Marchez,  que  le  deable  y  acqucurc 
allez  vous  a  pas  d'espousee  ? 

MALCUIDANT 

Et  ou  s'en  va  ceste  couvée 
20275   maintenant  ainsi  esparduc? 

GADIKEU 

Nostre  proye  est  toute  trouvée. 

DRAGON 

Et  ou  s'en  va  costc  couvée  ? 

ROULLART 

Nous  allons  faire  une  levée 

Isur  Gayphe. 
GUEULU 
[  On  no  scct  qui  rue, 

I 


20244  tost  C.  —  202'in  la  qualitu  G.  — 202TO  ainsy  G. 
Woir  que  ce  fi>r.'>  li.  iiuil  fera  C,  —  20207  eimoye  C.  - 


JUDAS 

20300  Seigneurs,  p  usez  a  vostre  afTairc: 

veez  cy  celluy  que  heez  tant 

qu'on  vous  adniaine  tout  bâtant 

a  grand  multitude  et  grant  bruit. 

Je  leur  ay  livré  cesto  nuit 
20305   en  leurs  mains  si  très  bien,  je  pense, 

qu'il  n'y  a  sccu  mettre  deffence 

qu'il  n'ait  esté  pris  et  lyé  ; 

se  j'ay  bien  fait  ou  folio, 

ma  conscience  y  est  tenue  : 
20310  toutefFois  je  vous  insynue 

que  vere  vous  mo  suis  acquité. 

CAYPHE 

Tu  es  de  ton  marché  quitti  : 
riens  demander  ne  t'en  sçavons  ; 
il  souffit  puisque  nous  l'avons  : 
20315  la  besongne  est  très  bien  fournie. 

-20274  '•(  20277  ceste  année  C.  —  20279  Chies  B.  -  20295  le  pour 
20299  veoir  B.  sauoir  C.  —  20310  le  vous  B.  institue  C. 


906 


MISTRRE   DE   LA    PASSION 


jLn.vs 
Je  m'en  vois  donc. 

JHEROnOAN 

Dieu  te  conduye  ! 
tu  tVs  acquitt'  Ijion  tt  bel. 


ROUI.I.ABT 

Sire,  le  grand  Dieu  d'Israël, 

vous  doint  faire  sa  volonté  ! 
20320  Anne,  mon  maistre  rcdoubté 

et  vostro  bon  aniy  féal, 

pour  ung  présent  especial 

vous  envoie  ce  malfacteur 

comme  au  hault  examinateur 
20325   a  qui  telz  causes  ressortissent  ; 

quelz  ses  fais  sont  ne  qu'ilz  sortissent 

vous  en  estes  bien  adverty, 

comme  il  dit. 

CAYPHE 

11  n'a  pas  menty: 
je  s(,'ay  de  son  gvicf  maléfice 

20330  bcaucop  plus  que  je  ne  voulsissc  ; 

mes  quoy?  tout  le  monde  en  mui'mure  : 
si  fault  par  nécessité  pure 
que  son  abus  et  son  desroy 
soit  parvenu  jusquos  a  moy. 

20335  Or  vien  ça,  homme  infortuné, 
bien  a  malheure  fus  tu  né 
pour  mener  la  vie  et  la  ruse 
de  quoy  tout  le  monde  t'accuse  : 
non  obstant  que  je  ne  croy  pas 

20340  le  mal  rapport  on  plusieurs  cas  : 
la  mauvaistié  seroit  trop  grande  ; 
or  respons  donc  a  ma  demande  : 
est  il  vray  que  par  ton  preschor 
tu  veulx  dosti'uire  et  empeschei' 

20345  la  haulto  ordonnance  et  la  riglo 
ou  la  loy  nous  conduit  et  rigle  ? 
as  tu  ton  arrogance  prise 
encontre  la  loy  do  Moyse  ? 
on  nous  dit  que  toy  et  les  tiens 

20350  la  blasmes  et  compte  n'en  tiens, 
et  fais  une  nouvelle  loy 
dont  on  he  scet  parler  que  toy  : 
si  convient  que  tu  nous  dénonces 
d'eu  vient  la  loy  que  tu  adnonces, 

20355  ou  se  Dieu  le  t'a  revellee, 
ou  se  tu  l'as  apostillee. 
Se  tu  nous  dis  que  de  toy  vicngne 


ce  n'est  pas  raison  qu'en  la  tiengne, 

car  tu  n'es  pas  d'auctoi  ité 
20360  pour  la  faire  a  ta  volonté  ; 

se  tu  nous  dis  que  Dieu  l'a  faicte, 

tu  te  tiens  donc  pour  grant  prophète 

quand  Dieu  t'approche  de  si  près 

qu'il  te  revello  ses  secrés, 
20305  et  te  tiens  comme  tu  conclus 

aussi  saint  que  Moyse  ou  plus, 

in  tant  que  tu  veulx  refformer 

ce  que  Moyse  voult  former. 

Or  te  dispose  de  respondre 
20370  et  do  nous  les  moyens  espondre 

de  ton  fait  connue  tu  l'entcns. 

Respons,  qu'est  ce  que  tu  allons  ? 

os  tu  point  ma  peticiou  ? 

JHERODOAN 

11  n'a  point  de  dovocion 
20375   de  vous  faire  responsc  aucune. 

MARDOCEUS 

Si  a,  mes  il  craint  la  fortune  ; 
si  pense  qu'il  respondera. 

NAASON 

Rien  soubtilment  s'i  conduii'a, 
s'il  vous  respond,  qu'il  ne  mesprende, 
20380  car  a  quelque  party  qu'il  tende 
il  encourt  inconvenieiit. 

CAYPHE 

Ne  parleras  tu  aullreraent  '. 

tu  es  a  justice  soidimis  : 

est  il  vray  que  tu  as  commis 

20385  les  fais  dont  tu  es  accusé  ? 
on  dit  que  tu  as  abusé 
le  peuple  par  ung  faulx  pratique 
et  que  tu  sces  l'art  de  magique 
pour  en  user  quand  il  te  plest. 

20'jfM  Respons. 

ELUCHIN 

Il  n'a  gueres  do  plait  : 
il  est  bien  que  vous  le  lardez. 

CAYPHE 

Qu'est  cecy,  seigneurs  ?  regardez 
comment  C3  meschant  se  maiiilient  : 
il  samble  que  compte  ne  tient 
20395  de  choses  que  je  luy  demande. 
11  y  pert,  car  a  ma  demande 
il  no  daigne  respondre  mol, 
et  si  est  tout  cei'tain  qu'il  m'ot 
hault  et  cler  faire  mon  onquesle. 

BANANIAS 

10400  Aultre  voye  y  convient  que  ceste, 


20328  pas  trop  C.  —  2,)343  tout  C.  —  20.ÎC0  s.i  A.  —  20373  Oy  li.  ~  20377  Se  A.  -  20378  si  mamue  B.  se  C.  —  20380 
pvende  B.  prutenilc  C.  —  2ti3S7  portiquo  G.  —  20398  si  suis  B.  C. 


TIERCE  JOURNEE 


2(17 


car  vmis  vnin/  quant  n  co  point 
qu'il  ne  \nu-U-  ne  rnspont  point, 
et  est  pnust  estro  uiig  toui'  d'oscollc, 
nfliu  qu'il  no  dyo  parole 
20'i05  qui  luy  soit  préjudiciable. 

CAYI'HE 

Hannilias,  homme  notable, 
s'il  vous  plaist,  dittos  les  moyens 
meilleurs  et  plus  cspediens 
pour  venir  a  nostre  querelle. 

BANANIAS 

SO'.IO   Cher  sire,  la  manière  est  telle, 
puisqu'il  vous  plest  que  je  le  dye, 
que  puisqu'il  met  son  estudie 
a  celer  ses  abusions, 
que  nous  prenons  conclusions 

20'il5  do  le  sçavoir  par  aultro  liout 

et  do  serchor  tesmoingz  i)ar  tout 
qui  de  son  fait  ont  peu  congnoistre  ; 
[lar  ce  point  pourrons  nous  accroistrc 
son  danger  et  le  repprouver, 

20'i20  car  quand  se  vendra  au  prouver 
il  ne  peust  qu'il  n'y  ait  pluseurs 
qui  tesmoingz  seront  des  erreurs 
en  qiioy  il  a  picça  vescu, 
et  alors  s'il  est  convaincu 

20'i2r)  d'a\ieun  cas  qui  la  mort  requière, 
il  ne  fault  plus  qu'on  en  enquicre  : 
nous  avons  nostre  intencion. 

RAYPHE 

Vostre  considoracion 
procède  d'un  sons  très  soubtil  : 
E0430  .loathan,  que  vous  en  samble  il  ? 
je  vous  veil  bien  oir  encor. 

JOATHAN 

11  dit  très  bien. 

CAYPHE 

Et  vous,  Nachoi-, 
déclarez  en  vostre  pensée. 

NACHOn 

La  manière  e.st  si  bien  pensée 
2ûia')   que  jamès  meilleur  tour  n'arez. 

i  NATHAN 

Vecz  cy  donc  connue  vous  ferez  : 
huchez  moy  vostre  poui-suivant 
et  luy  chargez  tout  d'ung  suivant 
qu'il  voist  publier  liault  et  cler 
80440  que  s'il  est  qui  sache  parler 

des  fais  Jhesus,  pour  luy  ou  contre, 
viengne  devant  vous  et  se  monstre 


l)our  faire  sa  relacion 
sur  peine  de  privacion 
soiiâ  de  biens  et  grant  peine  de  corps. 

CAYPHK 

C'est  ti-es  bien  dit  et  je  l'accors  : 
il  sera  fait  sans  nul  deffault. 
Maucourant  ? 

MAurounANT 
Holn! 

CAYPHE 

Quel  burgault! 
flcz  la  manière  qu'il  a, 
20'ijO  qui  rcspont  aux  seigneui-s  :  liola  ! 
est  il  plain  de  bien  et  d'honneur  ? 

MALCQURANT 

Qui  est  ce  la  ? 

JACOB 

C'est  monseigneur 
qui  te  huche  ;  l'as  tu  ouy  ? 

MAUCOUHANT 

Qui  s'en  doulite?  my  Dieux,  ouy, 
20455  mes  qui  c'estuit  je  ne  sçavoye. 

Mon  cher  seigneur.  Dieu  vous  doint  joyc, 
vous  plaist  il  riens  me  connnandor  ? 

CAYPHE 

Si  fait  ;  mes  il  te  fault  mandei- 

connue  ung  seigneur,  ainsi  qu'il  samble. 
20400   Or  t'en  vas  [jublicr  grant  amble 

par  ceste  cité  haultc  et  bonne 

que  s'il  est  huy  quelque  personi.c 

a  qui  ce  .Ihesus  aist  meffait, 

si  se  viengne  opposer  de  fait 
20105  plainement  a  sa  délivrance, 

et  s'il  est  anie  qui  s'advance 

a  soy  plaindre  de  son  malice, 

il  ara  raison  et  justice 

tellement  qu'il  sera  content. 

MAUCOIUANT 

20170  Sire,  mon  vouloir  ne  eontend 
qu'a  faire  vostre  bon  plaisii'  : 
je  voiz  vosti'c  niand  accomplir 
tout  ainsy  que  le  devisez. 


Oez,  oez,  oez,  oez, 
20175  et  soiez  très  bien  escoutans, 
tous  citoieus  et  habitans 
de  ceste  cité  renommée. 


t0411  la   dye   B.  —20428  Vostre  noble  C.   —  20431  en  cuer  C.  —  2MM  bien  compassée  C.  —  204H  ou  tiinH7U<- 


,  —  8J447  delay  C.  —  20448  brugault  B. 
«tind  A.  Et  en  eust  il  tel  X  tant  C. 


S0459  et  il  me  B.  se  nie  C.  —  ï04(5(Usl  maai.,c  A    homme  B.  C.  —20470 


268  M  I  S  T  E  R  E 

Chose  par  moy  vous  est  sommcc, 
par  Gayphc,  nostro  princier, 

20480  qui  grandement  vous  peust  touchier  : 
sachez  que  nosseigneurs  ont  ore 
Jhesus  devant  leur  consistore, 
lequel  ont  fait  prendre  et  saisir 
pour  ce  qu'il  a  fait  desplaisir 

£0485  a  beaucop  de  gens  et  dommage  ; 
s'il  est  homme  a  qui  il  dommage 
ou  aist  dommage  ja  pieça, 
le  viengno  accuser  par  deçà, 
et  il  ara  bonne  audience. 


EMILIUS 

20490  II  vault  que  mort  comme  je  pense, 
et  y  en  eust  il  telz  dix  mille. 

RABANUS 

Cecy  se  fait  a  fin  civile 
pour  oyr  les  contredisans 
et  ceulx  qui  luy  seront  nuysans  ; 
20495  se  j'y  puis,  je  n'y  fauldray  pas. 

NEMBROTH 

Et  je  vous  suivray  le  grant  pas: 
ja  tost  arons  bien  besongné. 

RABANUS 

Comment  ? 

NEMBROTH 

Nostre  escot  est  gaigné 
se  vous  onsuyvez  ma  chançon. 

EMILIUS 

20500  Par  quel  point  ? 

NEMBROTH 

Veez  cy  la  façon  : 
nos  seigneurs,  comme  vous  sçavez, 
se  tiennent  moult  fort  aggravés 
de  ce  Jhesus  qui  trop  les  mort; 
et  brief  ilz  le  hccnt  a  mort  ; 

20505  donc,  se  bien  voulions  besongner, 
il  ne  nous  fault  que  tesmongncr 
contre  luy  de  quel  lieu  qu'il  sourde, 
soit  bien,  soit  mal,  soit  vray,  soit  bourde 
ou  menterie  tout  apporte, 

20510  mes  qu'a  ce  Jhesus  tourne  a  jierte  : 
nous  arons  leur  grâce  sans  faille 
et  se  la  bourde  chet  a  taille 
nous  arons  quelque  don  appart. 

SALMANAZAR 

Ce  n'est  pas  parlé  en  eoquart, 


DE    Lk   PASSION 

20515  mes  Ijien  pensé  a  la  pratique. 

PHARES 

Sus  !  il  est  temps  qu'on  s'i  applique, 
qui  veult  riens  faire  :  partons  nous. 


RUBEN 

Gedeon,  mou  amy  très  doulx, 
j'ay  mauvaise  nouvelle  appris  : 
«0520  on  nous  dit  que  Jhesus  est  pris 
et  mis  en  la  main  des  seigneurs. 

GEDEON 

Ce  sont  mauvais  persécuteurs  ; 
s'ilz  peuvent,  ilz  le  destruiront. 

NEPTALIN 

Allons  sçavoir  qu'ilz  en  feront  : 
20525  ilz  sont  caulx  et  malicieux. 

MOAB 

Helas  !  qu'a  il  meffait  vers  eulx, 
qu'ilz  en  ont  si  forte  hayne  ? 

ABIRON 

C'est  tout  jiour  la  bonne  doctrine 
dont  il  a  le  peuple  introduit. 

JUBAL 

20530  Allons  y,  tout  le  monde  y  fuit, 

c'est  ung  grant  signe  qu'il  est  vray. 

CELIUS 

J'y  vois. 

ABACUT 

Et  je  vous  ensuivray, 
car  a  le  voir  forment  désire. 


CAYPHE 

Or,  messeign?urs,  je  vous  veil  dire, 
20535  puisque  je  vous  voy  tous  ensemble, 
pour  quel  cause  je  vous  assemble 
par  le  conseil  des  gouverneurs 
qui  sont  cy  assistans  pluseurs. 
11  est  certain  et  vérité 
20540  qu'on  a  devant  moy  présenté 
cest  homme  de  mauvais  renom 
nommé  Jhesus  de  propre  nom, 
comme  plusieurs  en  sont  certains, 
chargé  do  plusieurs  cas  hautains 
20545  a  discuter  selon  les  lois  ; 
non  obstant  cola  touteffois, 
nous  voulions  bien  de  vous  enquerre 


20479  princher  A.  In  grant  B.  —  20588  Ril  C.  —  20494  De  ociilx    A.  —  20498  nostre  estre  est  regaignc   G.  —  20510 
ce  mangue  B.  C  —  205Î2  exécuteurs  B.  0.  —  Sfi5'i0  moy]  nous  B.  —  205Vi-4  tesinoingz,  du  moins  A. 


TIERCE  JOURNEE 


269 


s'il  ost  homme  do  quelque  terre 
qui  sache  parler  do  ses  faultea 
2(»50  do  cinq  ou  do  six  dos  plus  haultes, 
cai-  a  dire  tout  en  ung  cop 
je  croy  hion  qu'il  y  en  a  trop, 
si  no  scroit  point  fait  on  ha?te. 

NEMimOTH 

Mcsseiguours,  je  vous  dy  qu'il  gastc 

20555  toute  la  loy,  et  est  perie 

par  sa  fraude  et  sa  tromperie  : 
il  fait  une  grant  assaniblee 
<lo  simples  gens  do  (ialilcc 
qui  de  la  loy  ne  tiennent  compte 

20660  pour  le  suivir. 

SALMANAZAR 

Ce  qu'il  vous  compte 
est  vray  comme  il  vous  signifie  ; 
et  do  fait  je  vous  certifie 
que  j'ay  esté  en  lieu  et  place 
ou  il  a  dit  en  plaine  face 
20565  ou  le  peuple  estoit  aune 

qu'avant  ce  qu'Abraham  fust  né 
il  estoit  engendré  au  monde; 
sachez  ou  sa  raison  se  fonde, 
car  elle  m'est  mal  enteudible. 

CAYPHE 

20570   Vecz  la  chose  bien  impossible 
et  la  plus  folle  de  jamès, 
s'il  est  vray. 

SALMANAZAR 

Je  le  vous  promcs  : 
plusieurs  parsonnes  l'entendirent 
dont  les  aucuns  luy  respondii'ont 
20575  qu'il  avoit  ou  corps  Bolzebus. 

CAYPHE 

Je  croy  que  voila  beaux  abus 
contre  raison  et  contre  Dieu. 

PHARES 

Et  je  fus  en  ung  aultre  lieu, 

non  pas  moy  seul,  mes  cinq  ou  six 

20580  ou  il  a  sanés  et  guéris 

malades  par  ne  sçay  quel  signe 
et  usé  d'art  de  médecine 
l  en  nostre  sabbat  transgressant, 

et  quand  du  peuple  la  passant 

20585  fut  requis  pourquoy  le  faisoit, 
respondit  que  bien  le  pouvoit 
et  que  Dieu  ou  rogne  majeur 
bosongnoit  bien  a  celluy  jour  : 
parquoy  bien  y  pouvoit  ouvrer. 


CAYPHE 

£0690  Aussi  a  bien  considérer, 
il  80  vcult  portoi"  ou  avant 
estrc  filz  de  Diou  le  vivant, 
pui.squ'il  a  samblable  puissance. 

JHBROBOAN 

11  en  donne  assés  demonstrancc 
20595  a  soy  armer  do  toi  vantisc. 

RABANUS 

C'est  tout  son  tiltre  et  sa  devise  : 
il  a  dit  on  ))lus  do  dis  lieux 
qu'il  est  descendu  dos  haulx  cieulx, 
et  affin  qu'il  fust  plus  commun, 

20600  dit  que  son  père  et  luy  sont  ung. 
Et  ainsi  usurpe  et  assigne 
a  luy  la  puissance- divine 
qui  est  ung  cas  bien  cnormal, 
et  dont  il  vendra  u.ig  grant  mal 

20605  se  remède  n'y  est  donnée. 

CAYPHE 

Veez  cy  chose  mal  ordonnée', 
seigneurs,  et  1res  mauvais  rapjjoi't  ; 
ung  lions  qui  n'aroit  point  de  port 
en  pa.sseroit  de  mort  l'espreuvo, 

20610  oncor  attendu  qu'on  luy  preuve 
par  tesmoingz  tous  ces  cas  icy. 
Que  vous  en  samble  do  cccy  ? 
je  vous  supply  que  vous  pensez 
s'il  y  a  point  couleur  assés 

Î0615  d'en  faire  l'execucion. 

JHEROBOAN 

Sire,  soubz  la  correction 
de  vous  et  messcigneurs  presens, 
je  vous  diray  ce  que  j'en  sens  : 
il  m'est  advis  que  tous  ces  tiltros 
20620  qu'ilz  ont  x'olatés  par  chappitres 
n'ont  pas  couleur  bien  souffisante 
pour  ceste  parsonne  mcschante 
traictier  a  mort  selouc  la  loy. 

MARDOCEUS 

Il  le  me  samblo  quar.t  a  moy  : 
80625  quoy  qu'il  ait  ainsy  transgressé, 
pour  chose  qu'on  l'ait  aggressé, 
il  n'en  confesse  quelque  chose; 
et  nostre  loy  vcult  et  dispose 
que  le  pécheur  son  mal  gehisse 
20030  et  confesse  avant  qu'il  périsse  : 
et  il  ne  s'en  advance  pas. 
Et  d'aultro  part,  mettons  le  cas 
qu'il  oust  parlé  d'Eve  et  d'Adam 


120551  a  manque  G.  —  20556  sa  manque  A.  —  2(»0i  afiie  B.  —  20565  assamble  A.  —  20672  Sil  est  vray  m<iivquf  B.  y- 
Vous   R.  C.  —  20r.<!3  tr.'s  passmil  n.  C.  —  20595  faiiilisp   C.  —   2;i5n',>-Gnn  manquent  .\.  —  20603  inorn»!  C.  -  20004 
Ong  point  iiiiil  C.  —  20(''â5  qui  lait  crprcssc  E.  car  pose  quil  C.  —  20U32  uyc^  tous  lus  <as  C. 
\ 


270 


MISTERE   DE    LA    PASSION 


ou  de  Noe  ou  d'Abraham, 
206S5  qu'il  eust  esté  no  devant  eulx  : 

00  sont  mos  d'ung  fronasieux 

ou  d'ung  becjauuc  ou  d'ung  folati-o, 

qui  requièrent  de  le  bien  bastre 

sans  pitié  ou  miséricorde 
20640  affin  que  l)lus  ne  s'i  adniorde; 

mes  de  l'aller  a  mort  juger 

je  ne  l'oseroie  songer. 

D'aultre  part,  s'on  dit  qu'il  s'csbat  ' 

a  enffraindro  nostre  sabat, 
20655  il  doit  de  la  peine  encourir 

aucune,  mes  non  pas  moui'ir  ; 

par  quoy,  qui  sa  mort  luy  vouldra, 

aultre  chemin  quérir  fauldra 

qui  soit  ung  petit  plus  pointu. 

CAYHHE 

20650  Povre  homme,  que  ne  respons  tu  ? 
es  tu  sourt,  muet  ou  aveugle 
qui  te  tiens  icy  confme  ung  bugle, 
sans  ce  que  tu  ton  fait  procures  ? 
n'os  tu  point  cy  les  grans  injures 

20655  que  ces  gens  contre  toy  tesmoignent  ? 
n'os  tu  point  comment  ilz  te  poignent  '. 
qu'as  tu  que  tu  ne  leur  respons, 
ou  ne  leur  fais  aucuns  respons, 
se  tu  sens  avoir  quelque  droit  '. 

N.VASON 

20660  11  n'en  dira  ja  mot  a  droit  ; 

regardez  luy  baissier  la  chiere 
vere  la  terre. 

ELIACHIN 

C'est  sa  manière  : 
n'y  prenez  point  de  si  près  garde. 

nembroth 
Je  vous  asseure  qu'il  letarde 

20665   et  empesche  a  toute  rigueur 
les  drois  de  César  l'empereur, 
et  ne  cesse  de  machiner 
vers  luy  pour  le  peui)le  encliner 
que  la  couronne  soit  fraudée 

20670   et  qu'il  soit  fait  roy  de  Judoe, 

qui  vous  doit  mouvoir,  messeigueurs, 
comme  gardes  et  [irotecteurs 
des  haultains  drois  imperiauls. 

CAYPHE 

As  tu  perpètre  tant  de  maulx, 
•20675  meschant  séducteur  et  infâme  ? 
pretendz  lu  a  nostre  royal  me  ? 
quel  droit  y  peulz  tu  reclamer  ? 
es  tu  homme  pour  gouverner. 


qui  es  plain  de  toute  misère? 

EMILIUi? 

20680  Seigneurs,  avant  qu'on  délibère 
de  son  fait,  vueillez  nous  ouir, 
car  nous  le  voulons  convainquir 
publiquement  de  cas  de  crisme. 

C.iYPHE 

(Jr  sus  donc  !  tost,  qu'on  nous  l'exprime, 
20685  affin  que  nous  expédions. 

EMILIUS 

Sire,  nous  vous  certifions 
pour  vi'ay,  mon  compaignon  et  moj', 
que  devant  plusieurs  de  la  loy, 
il  dit  et  a  fait  la  voix  bruire  : 
20600   «  J'ay  bien  puissance  de  destruire 
ce  temple  et  du  tout  deslier, 
et  puis  de  le  roediffier 
tant  seulement  en  trois  journées.  » 

GAYPHE 

Veez  la  mensonges  bien  cornées 

20695  et  vantise  bien  évidente, 

que  parsonne  tant  imprudente 
composast  eu  trois  jours  entiers 
tel  oeuvre  ou  plus  de  mil  ouvriers 
ont  ouvré  quarente  ans  passés  : 

20700  vous  samble  ce  pas  tiltre  assés 
pour  l'occire  de  mort  grevaino  ? 

JACOB 

Ce  n'est  qu'une  parole  vaine, 
cher  sire,  et  a  bien  discuter 
il  ne  s'i  fault  point  arrester  ; 
20705  ne  de  le  mettre  a  mort  pourtant 
je  n'en  suis  pas  bien  consentant  ; 
la  loy  ne  l'y  peust  promouvoir 
et  si  seroit  pour  esmouvoir 
le  peuple  a  nostre  honte  grande. 

JORRAN 

211710  Ce  nous  seroit  trop  grant  esclandre 
de  l'occire  pour  si  petit, 
et,  comme  nostre  maistre  a  dit, 
la  cause  est  ung  petit  bien  maigre, 
mes  pour  le  jioindre  ung  peu  plus  aigre, 

20715   il  vault  mieulx  que  nous  enqucrou 
s'il  est  ne  nieurtiier  ne  larron, 
espio  ou  guaitour  de  chemins  : 
telz  moyens  sont  trop  mieulx  affins 
a  nostre  honneur  pour  le  deffaire. 

YSACAR 

20720   11  n'y  aroit  gueres  a  faire, 

veu  qu'il  emmaiuo  aval  les  chauips 
une  grant  tourbe  de  meschans 


■2m3S  le  manque  B.  — 20642  sarojB  C  — 20662  sa)  la  B.— 20674  ces  deffaulx  B.  G.  — 20684  faictes  vostre  prohesme  B.C. 
-20694  ornées  B.  aournes  C.  —  20695  vantesie  B,  —20707  luyA.  B.  C.  y  mouuoir  C.  —20717  esjiieur  C.  —  20721  maine  C, 


TIKRCI-;    .lOURNlîE 


«71 


207i5 


î()730 


2073j 


207 'lO 


20750 


20755 


I 


20760 


Ï07C5 


qui  sp  vivent  sans»  labourer  : 
quant  ilz  ne  socvont  que  disncr, 
et  incluent  do  tain  et  de  froit, 
ilz  sont  bien  tost  en  ung  destroit 
l)outés  pour  faire  uuc  finesse. 

CAVHIIE 

Je  meur  de  demi  et  de  dostresRe 
de  ce  cas  qui  forment  ino  touche; 
les  dens  me  serrent  en  la  bouche 
et  ni'enfrto  le  cueur  de  despit  ; 
s'il  fault  que  ccst  lionniio  ait  rcspit, 
mes  jours  finorout  a  douleur. 
Vien  va,  homme  jilaiu  de  malheur  ; 
que  ne  respons  tu  aux  argus 
qui  sont  tant  poignans  et  agus 
contre  ta  renonniiee  et  famé? 
ne  crains  tu  honto  ne  diflamo? 
Tu  os  que  ton  honneur  se  lilesse, 
et  par  ta  bestise  et  simplesse, 
tu  le  laisses  habandonner  ! 

JllEROnOAN 

Vous  y  avez  lieau  sermonner, 
il  n'en  fera  ja  aultro  chose. 

CVYPHE 

Ça,  est  il  homme  qui  propose 
contre  luy  de  l'avoir  trouvé 
faisant  quelque  larciu  prouve, 
ou  robe  ou  meurtry  aucun, 
ou  luy  ou  ses  gens  (c'est  tout  ung)  ? 
S'il  en  est  qui  sache  nouvelle, 
tout  publiquement  le  revelle  ; 
c'est  tout  tant  que  nous  demandons. 

M.VUDOCEIiS 

Monseigneur,  nous  nous  abusons  : 
ame  ne  respont  sur  ce  point. 

CAYPHE 

Si  grant  courroux  au  cueur  me  point 

que  je  ne  puis  cest  homme  attaindre 

qu'il  semble  qu'on  me  doyve  estaindre. 

le  cueur,  tant  m'est  il  fort  pressé; 

mes  j'ay  ung  aultro  tour  pensé 

l)ar  quoy  je  le  pourray  confondre 

et  le  contraindray  a  l'cspondre. 

Or  vien  ^a,  meschant  créature, 

approche  de  moy  :  je  t'adjure 

par  le  Dieu  vivant  qui  créa' 

ciel  et  terre  et  quanqu'il  y  a 

que  tu  me  dies  en  ce  lieu 

se  tu  es  Grist,  le  filz  de  Dieu, 

qui  des  prophètes  est  prédit  ? 


Or  me  rospons  la. 

JUE;U8 

Tu  l'as  dit. 

Me»  je  vous  dis  bien  plus  avant 
20770  que  vous  verrez  dorénavant 

le  filz  do  l'homme  en  gloire  clerc 

seoir  a  la  dexti-e  Dieu,  le  père, 

et  venant  du  lieu  superncl 

dedans  les  imc4  du  ciel 
20775  en  puissance  et  vertu  active. 

CAYI-HE 

Veez  cy  blasphème  la  plus  vive 
<}.u'oncqucs  mes  j'ouysso  en  mon  âge! 
11  blasphème  par  son  oultrage  ; 
qu'est  il  b&soing  d'aller  plus  loingz 
207S0  pour  trouver  contre  lui  tesmoingz  ? 
puisque  le  filz  de  Dieu  se  dit, 
pul)liquement  i/axphemavif. 
Ici/  d<;schire  Ciiyp}ie  ses  vesteinciis. 
Vous  mesmc  la  blasphème  ocz  :    • 
que  vous  en  samble? 

JHEROIIOAN 

Ostez,  ostez, 
20785  il  est  coupable  de  mort  griefve  : 
vous  voicz  comment  il  s'eslievo 
contre  la  loy  do  tous  costés. 

CAYPHE 

Seront  telz  erreurs  supportés 
dont  ce  meschant  nostre  loy  griefve  ? 
Ï0790  que  vous  en  samble? 

MARDOCEUS 

Ostez,  ostez, 
il  est  coupable  de  mort  griefve  ! 

CAYPHE 

Se  provision  n'y  mettez, 
et  sa  grant  mauvaitié  s'achève, 
vous  nous  verrez  en  saison  bricfve 
20795  i)ardus,  exilliés  et  gastés  : 
que  vous  eu  samble? 

NAASON 

Ostez,  ostez , 
il  est  coupable  de  mort.griefve  : 
vous  voyez  comment  il  s'eslievc 
contre  la  loy  de  tous  costés. 

CAYPHE 

20800   Kt  ainsi  donc  vous  consentez 
sa  mort  pour  le  cas  abréger. 
Ne  reste  que  do  le  juger 
de  par  le  prevost  criminel  : 
dis  je  bien  ? 


20726  HiW.  sont  tantosl  A.  —  20733  n]  on  B.  C.  —  20744  sopposi!  B.  —  20746  En  faisant  larrei-in  prouup  B.  C—  20T4(^M 
Miiiijwnt  A.—  2075!)  peusse  B.  G.  -  20772  dieu  manqw  B.  C.  —  20773  Ptornfl  B.  C.  —  20781-82  «l«n7it<-iiJ  B.  C.  —  Ï0788 
les  erreurs  C.  —  20791  en  faisant  briefuc  C. 


212 


MISTERE   DE   LA    PASSION 


ELIACHIN 

Mes  très  bien  et  bel  ; 
20805  nous  sommes  tous  de  ccst  aocoid 
qu'il  est  très  coulpable  de  mort 
sans  ce  que  plus  Tcxaminez. 

CAYPHE 

Bananias,  déterminez  : 

vous  samblc  il  que  sa  mort  soit  bonne  ? 

BANANIAS 

80810  Oppinion  de  mort  luy  donne 
et  en  suis  du  tout  consentant. 

CAYl'HE 

Et  vous,  Joathan  ? 

JOATHAN 

Tout  autant, 
a  sa  mort  très  consentant  suis. 

CAYPHE 

Et  vous  la,  Nachor  ? 

NACHOR 

Je  l'ensuys. 

CAYPHE 

20815  Jacob  ? 

JACOB 

11  le  nous  fault  dfffaire. 

CAYPHE 

Nathan? 

NATHAN 

Sa  mort  est  nécessaire 
et  très  proffitable  a  nous  tous. 

CAYPHE 

Ysacar  ? 

YSACAR 

Qu'interroguez  vous? 
chacun  de  nous  tous  se  consent 
20820  que  s'il  peust  de  morts  souffrir  cent, 
qu'on  les  y  face  recevoir. 

CAYPHE 

Il  ne  fault  plus  conseil  avoir 
a  ceste  besongne  conduyre  : 
vous  estes  tous  contons  qu'il  muyre 
20825  sans  ce  que  riens  nous  discordons? 

TOUS    ENSEMBLE 

Ftal  !  fiai  !  nous  l'accordons 
et  sommes  tretous  d'une  ligue. 

CAYPHE 

11  n'y  fault  plus  quérir  de  brigue  : 
nous  sommes  d'accord  sur  ce  point. 
'  S0830  Sergens,  mettez  vous  en  pourpoint, 
Dragon,  Bruyant  et  Estonné. 


BRUYANT 

Est  ce  villain  habandoimé 
a  nostre  bon  commandement  ? 

CAYPHE 

Oy  ;  faictes  luy  hardiment 
20835  du  sanglant  pis  que  vous  pourrez  : 
ja  tant  de  mal  ne  luy  ferez 
que  nous  n'en  soions  bien  content. 

BRUYANT 

Il  suffit,  puisqu'on  vous  entend, 
nous  nous  tenons  pour  tous  preschés. 

MALCUIDANT 

20840  Dieux  !  qu'il  est  bien  cheus  sur  ses  piez 
pour  cstrc  souldé  de  ses  gages  ! 

MALCUS 

Ozes  tu  semer  telz  langages, 
tiuant  plus  que  ratruandy? 

DRAGON 

Devant  nos  seigneurs  haulx  et  sages, 
20845  ozes  tu  semer  telz  langages? 

GUEULU 

Au  peuple  preschés  et  langages 
tout  contre  la  loy. 

Icy  Hz  bâtent  Jhfsits  et  luy  crachent 
ail  visage. 

ESTONNÉ 

Truant,  dy, 
ozes  tu  semer  telz  langages, 
truant  plus  que  ratruandy? 

BRUYANT 

20850       Paillard  plus  que  rappaillardy. 

MALCUIDANT 

Fy  du  faulx  trahitre  enchanteur. 

BRUYANT 

C'est  dommage  qu'on  ne  l'ardy 
passé  dix  ans,  ce  faulx  barteur. 

DRAdON 

Fy  du  larron. 

GUEULU 

Fy  du  menteur. 

ESTONNÉ 

S0855  Fy  du  desleal  garnement. 

BRUYANT 

Fy  du  plus  mauvais  scducteui' 
qui  soit  dessoubz  le  fii'mament. 

CAYPHE 

Avant,  compaignons,  hardiment! 
abillez  le  com  vous  sçavez. 


20807  examiner  Le  faille  (sic)  C.  —  20812  autretant  B.  C.  —  20814  la  numrjue  lî.  C.  —  20826  Fiat  nons  nous  v  B.  C.  — 
20827  liphe  B.  —  20828  brighe  B.  rebriche  C.  —  20844  qui  sont  sages  A.  —  20846  Kt  au  peuple  presi'licr  fralroulages 
t,\  —  20847  L'indic'Hio'i  scèuniu-c  n'rxt  pnx  placée  de  mrme  dans  les  ît  inss.  —  20S50  rapparlarJy  A.  —  20853  baraleur 
C.  —  20850  plus  l'aulx  C.  —  iOSiS  roidement  C. 


TIERCE    JOURNEE 


273 


MAI.CUIIlANT 

Î0S60   Nous  1(!  combaloiis  roidcmciit. 

JHEROBOAN 

Avant!  coinpaigiions,  hardiment! 
livi'tv.  lo  a  peine  ot  a  tormcnt 
sans  flcschir,  congé  m  ave/.. 

JIAt-CUS 

Il  a  (les  coups  si  largement 
20805  qu'il  a,  ce  croy,  les  yeux  crevés. 

CAYPHE 

Avant,  conipaignons,  hardiment! 
abillez  lo  com  vous  sçavez. 
Se  je  voy  que  voua  y  faignez, 
larronceaux,  je  vous  feray  prendre. 

BRUYANT 

20870  Et  puis  après  cela,  quoy  ? 

CAYPHE 

Pendre 
a  ung  gibet  pies  contre  mont. 

BRUYANT 

Sy  ne  nous  y  faindrons  pas  dont, 
mes  qu'il  ne  tiengne  qu'a  cella. 
Estonné,  prens  lo  par  delà, 
20875  asscons  le  cy  tout  en  bas, 

et  puis  nous  prendrons  nos  esbas 
a  luy  croqueter  sur  la  teste. 

ESTONNÉ 

Seez  vous  cy,  soi'cier  deshonneste, 
faictes  un  humiliatc. 
20880  Fy  ! 

MALCUIDANT 

Qu'as  tu  ? 

ESTONNÉ 

Il  est  tant  gasté 
de  cracher  amont  et  aval 
que  le  cueur  me  fait  très  grant  mal 
a  le  regarder  en  la  face. 

DRAGON 

C'est  très  mal  dit,  saulve  ta  grâce  : 
|î0885  ce  mot  la  luy  est  par  trop  beau. 

ESTONNÉ 

A  le  regarder  ou  museau, 
veulx  tu  que  je  l'appelle  ainsy  ? 

DRAGON 

C'est  bien  dit. 

GUEULO 

Hé  !  laissez  cecy  : 
vous  fondez  ung  maigre  débat  ; 
[î0890  il  est  demain  jour  de  sabat: 


ho  !  com|)aignous,  advisons  nous. 

MALCI'S 

Pour  ce  fault  il  qu'il  soit  escoux 
ung  peu  plus  solemnellement. 

BRUYANT 

Je  veil  sçavoir  premièrement 
20895  dont  on  veult  que  nous  le  batom. 

JHEROBOAN 

De  poingz? 

BRUYANT 

Mes  de  bons  gros  bâtons: 
sy  ne  nous  blesserons  pas  tant. 

ESTONNÉ 

Or  frappons  sur  luy  a  tâtons. 

MAI.CUIDANT 

De  poingz? 

ESI  ON  NÉ 

Mes  de  bons  gros  bâtons. 

DRAGON 

20000  Ha  !  compaignons,  nous  nous  gâtons  : 
rifflou^"  sans  aller  caquetant. 

GIEUI.U 

De  poingz? 

DRAGON 

Mes  de  bons  gros  bâtons: 
sy  ne  nous  blesserons  pas  tant. 

GUEULU 

Tout  en  jouant  et  esbatant, 
20905  je  luy  asserray  ceste  prune. 

MAIXiUS 

Et  comme  v;ullant  combatant, 
je  luy  en  donray  aussi  une. 

BRUYANT 

Et  dea,  puisque  chacun  le  paye 
si  serré,  il  fault  que  j'y  voise  : 
80910  a  ce  coup  faut  il  qu'il  cs-saye        . 
ung  petit  combien  ma  main  poiso. 

MALCUIDANT 

Par  les  patins  Dieu  quel  jorroise  ! 
oncques  coup  ne  fut  mieulx  assis. 

BRUYANT 

Luy  en  donray  je  jusqu'à  six 
20315  d'ainsi  faictes  pour  desjeuner? 

DRAGON 

On  le  pourroit  bien  desjeuner 

de  plus  joyeulx  raotz  pour  l'anaordro. 

GUEULU 

Dea,  Bruyant,  tu  no  tiens  pas  d'ordre  : 
tu  y  vas  ung  peu  trop  on  haste. 


2C8fi3  en  auant  A.  —  208611  penJrn  C.  —  20S71  les  pieï  C.  —  20872  y  matique  A.  C.  —  21S79  Fiiicloz  y  C.  —  20880  lia  de 
Spnr  le  deable  fy  C.  —  2l)SSI  El  dccrarhe  ainont  aual  A.  —  2088'.  sauf  vostre  A.  —  208P6  I)e  bons  poinpi  C.  —  208J8-99 
I  mnniuent  C.  —  2S9()i  et  en  mocquant  B.  C.  —  20906  Comment  dea  C.  villain  B.  —  20910  E.  Que  veux  lu  U.  je  vueil 
j  quil  essaye  B.—  20915-16  m;m7«oi«  A.  —  20917  De  si  fois  pour  le  mieulx  amordre  A. 

Pas.  18 


274 


MISTERE  DE   LA   PASSION 


20920 


20925 


20930 


ESTONNE 

Voiro  encore  qu'il  a  la  pâte 
dure  comme  ung  maillet  de  fer. 

DRAGON 

C'est  la  pâte  au  deable  d'enfer  : 
elle  rompt  tout  ce  qu'elle  ataint. 

GUEl'LU 

Ce  villain  cy  est  tout  estaint 
et  tout  difforme  do  figure, 
et  pour  peine  ne  pour  bature 
il  ne  murmui'e  ne  se  plaint. 

CAYPHE 

Que  fait  Malcuidant? 

BRUYANT 

11  se  faint  ; 
je  croy  qu'il  quite  la  parture. 

MALCUIDANT 

Et  Dieu  t'envoist  maie   adventure! 
me  vas  tu  Laillier  ce  reffraint? 

EsTONNÉ 

Ce  villain  cy  est  tout  estaint 
et  tout  difforme  de  figure. 

DRAGON 

11  a  le  groing  trop  bien  empraint  : 
20935  il  y  appert  mainte  escripture. 

GUEULU 

Ce  n'a  pas  esté  sans  hurtuie, 
il  a  bien  lourdement  restraiut. 

JHEROBOAN 

Que  fait  Estunné? 

MALCUIDANT 

11  se  faint, 
je  croy  qu'il  quite  la  parture. 

ESTONNÉ 

20940  Et  Dieu  t'envoist  maie  adventure! 
me  vas  tu  baillier  ce  rcflfraint? 

BRUYANT 

Il  a  le  visage  si  taint, 
si  enfflé  et  si  bien  nourry, 
que  ce  samble  ung  nieseau  pourry, 
20945  tant  est  let  et  deffiguré. 

ESTONNÉ 

11  est  laidement  painturé  : 

j'ay  grant  horreur  du  regarder. 

MALCUIDANT 

Gela  est  bon  a  admender  ; 
Estonné,  n'es  tu  non  plus  sage  ? 

ESTONNÉ 

80950  Gomment? 


MALCUIDANT 

Mussons  luy  le  visage, 
qu'on  ne  le  voye  tant  soit  peu, 
et  puis  je  sçay  ung  très  bon  jeu 
a  quoy  nous  nous  occuperons. 

ESTONNÉ 

Quel  jeu  est  ce  ? 

MALCUIDANT 

Nous  frapperons 
20955  sur  sa  teste  jusqu'au  brisier  ; 
si  luy  ferons  prophetisier 
qui  luy  ara  baillié  la  touche  : 
l'accordez  vous  ? 

ESTONNÉ 

Quant  a  moy  touche, 
j'en  suis  content.  Or  regardez 
209Ù0  s'il  a  pas  les  yeulx  bien  bandés  : 
on  ne  luy  voist  nez  ne  menton. 

DRAGON 

C'est  très  bien  dit  :  la  les  veut  on  ; 
il  n'y  a  que  de  frapper  sus. 

GUEULU 

Or  nous  prophétise,  Jhesus, 
20965  qui  t'a  baillé  ceste  merolle. 

BRUYANT 

Par  mon  serment,  il  l'a  eu  belle  : 
tu  as  fait  la  cloche  lever. 

GUEULU 

Il  n'y  sçaroit  moyeu  trouver, 
il  a  sa  science  pardue. 

ESTONNÉ 

20970  Non  a,  mes  elle  est  descendue 
en  son  talion,  tout  en  ung  coing, 
tellement  quant  vient  au  besoing 
il  ne  s'en  ayde  pou  no  grant. 

MALCUIDANT 

Or  prophetize  maintenant 
20975  qui  t'a  baillé  cest  horion. 

DRAGON 

Tu  es  tant  sage  et  advenant  : 
or  prophetize  maintenant. 

GUEULU 

Je  sçaray  tout  on  ung  tenant 
se  son  sens  vault  un  porion. 
20980  Or  prophetize  maintenant 
qui  t'a  baillé  cest  horion. 

BRUYANT 

Il  nous  songe  icy  le  moron, 

nos  fais  ne  luy  samblent  que  truffe^  | 

resveillons  le. 


20924  ribault...  destraint  C.  —  20928  fais  tu  B.  G.  —  20930  mal  dauenturs  B.  G.  —  20933  la  ligure  C.  —  20938  fais  tu  G. 
—  20g4r)  poincture  B.  —  20947  de  y  G.  —  20956  adeuiner  G.  —  20965  mezelle  B.  —  20967  la  bosse  lacer  C.  —  20971  joinct 
B.  —  20979  potiro    B. 


TIERCE  JOURNEE 


275 


ESTONNÉ 

De  quoy? 

BRUYANT 

De  liuffes , 
20985    tant  que  nous  pourrons  ramonnor. 

MALCUIDANT 

Pour  raplatir  ses  grosses  juffes 
resveillons  le. 

DRAGON 

De  quoy? 

MALCUIDANT 

De  buffes. 

BRAGON 

Et  dea,  Malcuidant,  lu  te  truftes, 
tu  ne  fais  point  tes  coups  sonner  : 
20990  resveillons  le. 

GUEULU 

De  quoy? 

DRAGON 

De  bufl"es. 
tant  que  nous  pourrons  ramoner. 
Tien,  tien. 

BRUYANT 

Tien,  tien,  va  sermonner 
et  puis  te  fais  appeler  Grist. 

CAYPHE 

Hola  !  conipaignons,  il  soufût  ; 

80995  cessez  hardiment  ce  débat  ; 

ce  que  voua  faictes  n'est  qu'esbat  : 

il  en  fault  abréger  la  court 

et  tiaictier  sa  mort  le  plus  court 

que  nous  pourrons,  c'est  notre  entente  ; 

21000  le  batrc  riens  ne  nous  contente 
se  la  mort  ne  vient  en  suivant. 

,  JHEROBOAN 

Tant  qu'il  soit  sur  terre  vivant 
au  cucur  ne  serons  resjouys. 

CAYPHE 

Qu'en  dittos  vous,  soigneurs  juifz, 
21005  de  ce  malheureux  séducteur  ? 

n'avez  vous  pas  ung  beau  ducteur 
et  ung  endoctrineur  notable  ? 
vous  voyez  la  fin  miseraljlc 
a  quoy  il  fault  qu'il  soit  mené. 

SAI.MANAZAR 

21010       C'est  ung  mauvais  bons  forcené  ; 
mettez  l'a  mort  comment  qu'il  tourne. 

PHARES 

Le  peu[)le  en  est  si  fort  mené, 
gardez  que  jainés  no  retourne. 


NEMBROTH 

Toute  la  loy  gaste  et  destournc, 
81015  si  nous  veult  do  son  erreur  paistre. 

EMILIUS 

Ainsi  va  qui  ainsi  s'atourne  : 
péché  ront  le  col  a  son  maistre. 

CAYPHE 

  ce  que  de  vous  sentons  naistre, 
nos  bons  citoiens  et  amis, 
81020  vous  tous  consentez  qu'il  soit  mis 
en  la  main  de  Ponce  Pilato  ? 

CELSIDON 

Il  n'est  arae  qui  y  debate  : 
nous  le  requorous  a  puissance, 
affin  qu'il  nous  faco  vengence 
81025  des  maux  qu'il  nous  a  apportés. 

CAYPHE 

Il  vous  sera  fait,  n'en  doublez, 
et  Tarez  tout  a  vostrc  vueil  ; 
car  oncques  no  voulus  ne  veil 
contredire  a  vostre  désir. 
21030  Sergens,  tost  venez  moy  saisir 
ce  malfacteur  cy  par  sa  chappe, 
et  gardez  qu'il  ne  vous  eschappe 
sur  grans  peines  que  vous  arez. 

BRUYANT 

Qu'en  ferons  nous  ? 

CAYPHE 

Vous  l'amenrez 
21035  après  nous,  le  vous  faut  il  dire  ? 

ESTONNÉ 

Nostro  maistre  est  douleur  plain  d'ire, 
je  ne  sçay  que  dcablo  il  y  fault. 

MALCUIDANT 

Et  c'est  par  ce  villain  marpault, 
a  qui  Dieu  doint  sanglant  mal  an  ! 

CAYPHE 

81040  Naason  et  vous,  .Iheroboan, 
Eliachin,  Bananias, 
Jacob,  Ysacar,  Pellia», 
Nachor,  Mardocee,  Nathan, 
Jorran,  sire,  et  vous,  Joathan, 

21045  si  vous  plest,  de  vo  courtoisie, 
venez  moy  tenir  compaignie 
a  parfournir  ccstc  besongue, 
car  très  grandement  je  ressongne 
que  n'en  venons  a  nostre  honneur. 

JHEROBOAN 

2iœo  Très  hault  prince  et  puissant  seigneur, 
a  vostro  command  le  ferons. 


81005  m«lheure  B.  —  21012  tips  fort  ponc  B.  C.  —  21015  Et  nous  fait  A.  —  21019  Mes  vous  C.  —  21028  Et  aussi 
croy  que  point  ne  vueil  O.  —  21033  Sur  la  peine  désire  enfferrez  B.  C.  —  21036  doUnl  C.  —  21038  pour  ce  B.  trayant 
crapault  C.  —  21043  niardoceus  A. 


276 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


et  grandement  joyeulx  serons, 
se  vos  vouloirs  sont  assouvis. 
Mes  veez  cy  qui  m'estoit  advis  : 

21055  Anne,  vostre  prédécesseur, 

est  ung  bon  conseillier  et  sccur 
qui  a  vcu  beaucop  de  procès 
do  grans  et  terribles  excès. 
Si  seroit  bon  qu'il  y  venist, 

21000  affin  que  la  main  y  tenist 

quand  se  vendra  a  l'accuser. 

CAYPHE 

Ou  ne  sçaroit  mieulx  deviser  : 
il  est  moult  honorable  et  vieulx, 
dont  le  juge  nous  croira  mieulx 
21065  quand  nostre  rapport  entendra. 
!Maucourant  ? 

MAUCOURANT 

Sire. 

CAYPHE 

Il  te  fauldra 
quérir  Anne  tout  prompteracnt, 
et  luy  dis  que  présentement 
se  viengne  rendre  brief  et  tost 
21070  dessus  Pilate  le  prevost, 

et  que  pour  la  cause  qu'il  scet, 
il  nous  truuvei'a  plus  de  sept, 
illec  attendans  pa  venue. 

MAUCOURANT 

Se  mon  entente  n'est  pardue, 
21075  vous  en  orrez  nouvelle  brief. 

Qu'on  a  de  peine  et  de  meschief 
a  servir  ces  seigneurs  icy  ! 
puis  qu'ilz  ont  ung  peu  de  soucy, 
variez  ne  font  que  troteler. 

CAYPHE 

21080  II  est  temps  de  nous  en  aller  : 
le  prevost  est  levé,  je  croy. 
Seigneurs,  mettons  nous  en  arroy, 
allons  nous  en  tousjours  devant. 
Sergens,  faictes  marcher  avant 

210S5  ce  malfacteur,  entendez  vous , 
et  vous  en  venez  après  nous 
sans  plaidier  :  il  n'est  pas  saison. 


MAUCOURANT 

Je  croy  que  veez  cy  la  maison 
ou  Anne  tient  sa  manandie: 


21090  il  est  grant  temps  que  je  luy  die 
mon  message  sans  plus  parler. 
Sire,  Dieu  vous  veille  garder 
et  dcffendre  vo  corps  de  mal  ! 
le  gi'ant  prince  fai'crdota', 

21095  aconipaigné  des  citoiens, 
des  scribes  et  pharisiens, 
vous  prie  que  plus  n'attendez 
et  que  tout  surpiez  vous  rendez 
dessus  Pilate  le  grant  juge. 

ANNE 

21100  Qu'i  font  ilz? 

MAUCOURANT 

Hz  vont  a  refuge 
pour  ce  moschant. 

ANNE 

Ho  !  je  l'entens, 
c'est  la  chose  a  quoy  je  contendz 
plus  qu'a  nulle  chose  qui  soit. 

MAUCOURANT 

Il  ne  m'en  chault,  comment  tout  voit, 
21105  mez  ilz  m'ont  dit  qu'après  cela 
que  pour  vray  les  trouverez  la  : 
pourtant  venez  y,  si  vous  plest, 
et  vous  hastez. 

ANNE 

Je  suis  tout  prest. 
Ça,  mes  gens,  chargez  ces  bâtons  : 
21110  il  fault  que  nous  nous  esbatons 
d'aller  le  grant  pas  et  ysnel 
dessus  le  prevost  criminel  ; 
il  me  samble  qu'on  nous  y  huche. 

ROUI.LART 

C'est  signe  qu'il  y  a  embûche 
21115  puisqu'on  nous  mande  a  l'assemblée  : 
ilz  y  ont  mené  a  l'emblee 
hardiment  ce  frère  frappart. 

DENTART 

Le  sanglant  gibet  y  ait  part  1 
nous  en  avons  beaucop  de  peine. 


JUDAS 

21120   \'oy  la  mon  maistre  qu'on  admaine 
assés  piteusement  traictié, 
et  m'est  advis  que  son  traictié 
piteusement  se  chevira 
et  que  la  mort  s'en  cnsuira  : 


21056  hault  justicier  B.  C—  2105S  Et  de  grans  fais  lî.  C—  21Ù6C  .1/.  liau  monseigneur  C— 21069  bien  et  B.  C—  21070 
En  lostel  B.  —  21074  paruenue  C.  —  21079  vadeler  B.  brider  C.  —  21081  Et  nous  amenez  quant  et  quant  G.  —  21089 
iiialandie  C.  —  210.)3  le  corps  B.  G.  —  21100  Quils  l'ont  ilz  A.  —  211C1  hola  C.  —  Ï1102  pretens  A.  —  2U20  oninaine  B. 
—  21123  se  portera  C. 


TIERGR  JOURNEE 


277 


811Î5  il  n'y  a  romcdo  a  son  fait. 

0  mauvais  meurtrier  qu'as  tu  fait  ? 
cueur  dosleal  qu'as  tu  pensû  ? 
que  t'es  tu  meffait  ? 
qu'as  tu  oft'cnce  ? 
ÏU30         tu  as  commancé 

un  si  grant  meffait 
que  jamès  n'en  seras  reffait 
ne  l'innocent  rcscomponsé. 

Par  mon  mauvais  cucui'  et  terrible 
81135  qu'oncques  bien  ne  voust  concevoir, 
j'ay  fait  l'oftcnce  plus  horrible 
que  jamès  oeil  peust  parcevoir  : 
le  juste  innocent  et  paisible 
ay  fait  par  fraude  docevoii', 
21140  et  cuido  qu'il  n'est  pas  possible 
de  jamès  pardon  recevoir. 

Saint  homme  juste  et  diligent, 
Jhesus  ou  tous  biens  sont  compris, 
je  fus  de  ta  gcnt 
81145         jadis  et  me  pris; 

et  or  pour  ung  pris 
de  meschant  argent 
mon  pervers  cueur  et  négligent 
t'a  vendu  ;  c'est  par  trop  mespris. 
81150       Maudite  et  perverse  pecune, 
quel  bouche  asscs  te  maudira, 
cause  de  dueil  et  do  rancune 
et  en  qui  tant  a  maudire  ha  ? 
maudit  soit  le  serf  de  fortune 
21155  qui  de  la  terre  te  tira, 

quand  par  toy  tel  dcil  me  fortune 
que  jamès  ne  me  partii'a. 

0  maistre  de  vraye  doctrine, 
jadis  a  ton  escoUo  fus, 
2U60         haulto  discipline, 
non  pas  de  reftus  ; 
mal  y  entrcfus, 
je  n'en  suis  pas  digne, 
quand  par  ma  trahison  maligne 
21165  je  m'en  party  triste  et  confFus. 

Ha  !  chault  brasier  de  convoitise, 
plus  ardant  que  brandons  de  fer, 
qui  cueui's  humains  brase  et  atize 
d'estincelles  de  feu  d'enfTer, 
81170  de  quel  ardeur  as  tu  esprise 
ma  volenté  pour  l'envorser  ? 
tu  m'as  adressé  la  poui'prise 
d'enffor  pour  sans  fin  converser. 


J'ay  horreur  de  toy  poBsessor, 
21175  faulce  pecune  misérable  : 

tu  m'as  fait  faire  oeuvre  de  dcablo 

dont  jamès  quitte  ne  seray; 

pourtant  je  te  repporteray 

a  ceulx  qui  de  toy  me  doueront 
81180  et  qui  les  moiens  me  donneront, 

dont  condampné  me  trouveray. 
Icy  s'en  ta  Judas  pour  reporter  l'arijent  ; 
item  vient  Saint  Jehan  a  Nostre  Dame. 


8.    JEHAN 

Ma  maistresse,  je  vous  diray 
nouvelle  qui  de  mal  lieu  vient 
et  me  poise  bien  qu'il  convient 
21lS>  que  j'en  soye  le  messager  : 

nostre  maistre  est  en  grant  danger; 
ces  desleaulx  Juif/,  le  tiennent 
en  leurs  mains,  dont  aucuns  maintiennent 
qu'ilz  ont  a  sa  mort  pris  adveu. 

NOSTRE  DAME 

fl 

21190  0  Jehan,  mon  très  amo  nepveu, 
le  sçavez  vous  de  vérité  ? 

s.  JUHAN 

Oy,  ma  dame,  j'ay  esté 

en  sa  compaignie  tiusjours 

jusqu'atant  que  les  traictours 
21195  le  vindrent  saisir  au  jardin 

ou  Judas  monstra  le  chemin, 

et  alors,  nous  qui  la  estions, 

pour  la  mort  que  trop  redoubtions, 

nous  tournasmes  tretous  en  fuite , 
81200  voyans  qu'a  si  forte  conduite 

nous  ne  pourriesmes  résister. 

De  la  l'ont  venu  présenter 

devant  Anne  le  vieil  pontiphe  ; 

de  la  l'ont  mené  a  Caypho 
81805  ou  il  a  souffert,  comme  on  compte, 

largement  de  peine  et  de  honte, 

sans  qu'en  rien  se  soit  deffendu  ; 

et  maintenant  j'ay  entendu 

qu'ilz  le  mainent  par  grant  fureur 
81810  sur  le  prevost  de  l'empereur 

pour  l'occire  de  mort  honteuze. 

NOSTRE  DAME 

Yeez  cy  nouvelle  moult  piteuse 
qui  au  cueur  me  touche  tant  fort. 


81128  Comment  ti'g  tu  C.  —  21120  Lns  tu  C.  —  21155  dira  C.  —  211C5  traite  et  A.  —  21179  donnèrent  B.  C.  —  21181 
ley  gecte  Juilas  l'ari/enl  i(a:r  Juif:,  etc.  C.  —  21187  si  le  A.  —  211!<9  rimci  u  C.  —  21191  bien  pnr  vi-rite  A.  —  2H94 
jusques  a  A.  C.  —  21200  force  conduite  B.  —  21Ï01  Noua  ne  pourrions  B.  C.  —  21£02  lonl  aie  B.  fui  mené  C.  —  81803 
lancien  B,  C.  —  21213  griefuc  B.  C. 


278  M  I  S  T  E  R  E 

qu'il  n'y  a  moyen  de  conffort 
21815  si  non  do  moy  mettre  en  prière 
devant  la  divine  lumière, 
qu'elle  me  veille  conserver 
et  mon  cher  enffant  préserver. 


0  Dieu  glorieux, 
21220        0  père  piteux, 

0  divine  essence, 
qui  de  vostro  doulce  clémence 
m'avez  eslargi  et  donné 
Filz  tant  beneureux, 
81225        filz  tant  précieux, 
de  toi  prefFerenoe 
qu'il  est  une  magnificence 
avec  vous  du  tout  adonné. 
Luy  estant  es  cieulz 
21230         ains  qu'il  fust  mortieulz, 
j'ay  ferme  credeuce 
qu'il  estait  en  vostre  présence 
sans  estre  a  moy  habandonné  : 
Or  m'avez  fait  mieulx 
21235        car  mes  heurs  sont  ticulx 
que  j'y  ay  part  en  ce  : 
si  vous  requier  pour  sa  delience 
de  tant  qu'il  me  fust  ordonné. 
Quand  tel  grâce  vers  vous  conquis, 
81240   ce  fut  vostre  bonté  divine 

par  quoy  ce  haultain  filz  acquis 
qui  vostre  estoit  sans  nul  termine  : 
si  dis  qu'a  bonne  heure  uacquis 
d'avoir  ung  filz  de  si  hault  signe  ; 
21245  père,  oncques  ne  le  vous  r'equis, 
n'oncques  ne  m'en  repputay  digne. 
Et  donc,  mon  père  divin, 
qui  ce  filz  doulx  et  béguin 
très  enclin 
21850     M'avez  donné  sans  requeste, 
a  ma  prière  et  affin 
qu'il  me  soit  tousjours  affin 
jusqu'en  fin, 
f  Rendez  le  moy,  c'est  ma  queste  : 
81855     je  ne  quier  aultre  conqueste, 
je  n'ay  trésor  ne  acqueste 

fors  que  ceste 
Qui  se  rend  a  vos  commandz  ; 
dont  je  le  vous  recommandz, 
21860     aultrement  sa  mort  est  preste. 
0  père  du  ciel  triumphant, 


DE   LA   PASSION 

ivueilliez  huy  garder  mon  enflant 
de  ceste  gent  dure  et  villaine, 
et  se  la  délivrance  humaine 

21265  se  peust  trouver  par  aultre  voie, 
vostre  doulce  grâce  y  pourvoye 
comme  il  est  en  vostre  puissance  : 
pour  vostre  haulte  obeyssance, 
a  quoy  vostre  filz  veult  contendre  ; 

21270  il  ne  contend  a  soy  deffendre 
du  peuple  qui  l'a  onvay. 
Mon  très  doulx  Dieu,  pourveez  y, 
par  voie  plus  expediente. 

GABRIEL 

Noble  maistresse  et  reverente, 
81275  pour  Dieu  car  vous  reconfibrtez 
et  tout  paciamment  portez 
quant  au  fait  du  benoit  saulveur, 
vostre  filz  et  nostre  seigneur  : 
aultreffbis  vous  a  il  bien  dit 
21280  qu'il  fault  qu'en  piteux  contredit 
il  se  voit  a  la  mort  livrer 
pour  le  gendre  humain  délivrer, 
par  quoy  vous  ne  pouez  venir 
a  vostre  requeste  obtenir, 
21285   mes  grant  conSbrt  pourrez  avoir 
de  moy,  car  je  feray  devoir 
vers  vous  et  vous  conflbrteray 
en  vos  dueilz  ce  que  je  pourray, 
et  seray  en  vostro  avantgarde. 

NOSTRE  DAME 

81290  Gabriel,  ma  très  chère  garde, 
certes  je  ne  m'en  double  mie. 


Madelaine,  ma  doulce  amie, 

et  vous  mes  seurs  bonnes  et  belles, 

avez  vous  ouy  ces  nouvelles 
21295  qui  me  font  au  cueur  grant  couri'oux? 

que  vous  samble  il  ?  que  ferons  nous  ? 

lerrons  nous  mon  cher  filz  mourir 

sans  l'assister  ne  secourir 

en  sa  passion  très  amere? 
21300  Compaignez  la  dolente  mère 

qui  de  dueil  ne  scet  ou  vertir. 

MADELAINE 

Je  ne  pourroie  consentir 

que  sans  moy  feissiez  deppart. 

MARIE  JACOBY 

Je  vous  suivray  en  quelque  part 


21216  lineffable  B.  G.  —  21235  oueurs  A.  jours  C.  —  21236  ny  A.  couqueste  C.  —  2125S  se  règle  B.  G.  —  21875  car]  que 
A.  G.  — 21282«ianîiieB,  -81289  sere  B.—  21296  sembil  B,  —  21303  vous  feissiez  A.  — 81304  par  toute  part  B,  ma     ^ue  C, 


TIERCE  JOURNEE 
2)305  que  VOUS  allez,  quoy  qu'il  adviengne. 

MARIE  SAI/)MK 

La  graco  de  Dieu  nous  surviengne 
et  nous  doint  tics  bien  adresser  ! 
Icy  s'en  vont  vers  l'ostel  Pilate. 


879 


CAYPHE 

Barraquin,  il  te  fault  dresser 
nostre  chemin  brief  et  en  haste. 
HAURAQuix,  huissier  de  Pilate. 
21310  Que  vous  fault  ? 

CAYPHE 

Monseigneur  Pilate 
n'est  il  point  en  place  sailly 
ou  nous  puissions  parler  a  ly, 
tant  seidement  ung  mot  ou  deux  ? 

HARRAQUIN 

\'ous  estes  forment  matinculx  ; 
21315  mes  quel  besongne  vous  achasso 
maintenant  ? 

ANNE 

Nous  voulions  qu'il  face 
ung  petit  exploit  de  justice 
qui  ressoitist  a  son  office  : 
or  le  va  quérir  bien  subit. 

BARRAQUIN 

81320  Je  croy  qu'il  soit  encor  au  lit, 
affln  qu'il  n'y  ait  point  d'estrif. 

CAYPHE 

Dis  luy  que  le  cas  est  hatif 
et  qui  bien  luy  compotera. 

BARRAQUIN 

Je  ne  sçay  s'il  s'en  hastera, 
21325  mes  je  luy  diray  sans  séjour. 


Monseigneur,  Mars  vous  doint  bon  jour 

et  la  grant  déesse  Venus  ! 

Veez  cy  tous  ces  Juifz  venus 

et  leurs  princes  sacordotaulx 
21330   qui  sont  plus  enfilés  que  crappaux  : 

je  ne  sçay  qu'il  y  a  a  dire. 

PILATE,  prevost  de  Jherusalem. 

Est  ce  bien  la  parlé,  beau  sire? 

tu  monstres  bien  que  tu  sces  peu  : 

se  tu  eusses  quelque  bien  sceu, 
21335  on  eust  ung  peu  d'honneur  de  toi. 

2130j  Et  no  vous  l.iirray  quoy  quil  vienpno  B.  man 
2f3i3  chaîne  B.  cUieje  C.  —  21  iJO  qui  vient  C.  —21359 


Or  leur  va  dire  de  par  moy 
que  je  vendray  tout  maintenant. 

BARRAQUIN 

C'est  pour  ung  cas  qui  est  bien  grant, 
ce  me  samble  a  ce  qu'on  en  voit. 

PILATE 

Î1340  Ne  te  ehaille  pourquoy  ce  soit  ; 

dis  leur  seulement  que  je  vien, 

s'appareille  sur  toute  rien 

ma  chayere  honorablement  ; 

si  metz  des  tappis  largement 
81345  comme  tu  sces  qu'il  sera  bon. 

BARRAQUIN 

J'entendz  très  bien  vostre  sermon  ; 
venez,  vous  trouverez  tout  prest. 


Seigneurs,  attendez,  s'il  vous  plest 
ung  bien  petit,  il  le  convient. 
81350  Voicy  monseigneur  qui  s'en  vient 
mes  qu'il  aist  atourné  son  corps  : 
s'il  vous  ennuyé  la  dehoi's, 
que  n'entri'z  vous  en  ce  prétoire? 

MARDOCEUS 

Il  est  en  nostre  loy  notoire 
21355  et  serimonies  avons 

que  pas  faire  ne  le  devons, 
car  ceste  nuit  devons  manger 
la  Pasque  :  si  aroit  danger 
que  poui'  ce  ne  feussions  poilus. 

PILATE 

21360  Seigneurs,  reverance  et  salus 

vous  doint  le  Dieu  que  vous  tenez  ! 
Qui  est  ce  que  vous  m'admenez 
maintenant  si  hastivement  ? 
est  il  malfacteur  ou  comment  ? 

81365  quelz  accusacions  en  somme 

apportez  vous  contre  cest  homme  ? 
de  quelz  meffais  le  chargez  vous  ? 

ANNE 

Vous  en  pouez  attendre  a  nous 
que  s'il  n'estoit  gi-and  malfaicteur 
81370  et  de  grans  maulx  perpetrateur, 
nous  ne  feussions  pas  traveillie 
de  l'avoir  en  vos  mains  baillié  : 
cause  y  a  jilus  que  ne  pensez. 

CAYPHE 

Juge,  tu  peulx  entendre  asaés 
21375  que  cest  homme  de  feulx  alloy, 


'lue  C—  21316  sni-he  1).  -  21328  t^3tous  A. 
Se  pourtant  13.  0, 


■  21389  poures  B. 


MISTERR   DE   LA   PASSION 


21380 


81385 


81390 


maudit  de  Dieu  et  de  la  loy, 
n'avons  pas  icy  admcné 
qu'il  ne  soit  bien  examiné 
d'examiuacion  bien  foitJ 
en  tant  que  nostrc  loy  coniport?, 
et  avons  fait  giant  diligence 
d'enquérir  de  sa  griefve  offence  : 
très  digne  de  mort  le  trouvons, 
mes  pour  ce  que  pouoir  n'avons 
de  l'occire  et  expédier, 
maxime  de  crucifier 
(a  quoy  de  tous  poins  contendons), 
nous  te  le  livrons  et  rendons 
pour  sentencicr  du  meffait. 

PII.ATE 

S'il  a  en  vostre  loy  meffait 
et  commis  aucuns  cas  de  cr  snies, 
que  ne  le  prenez  vous  meisnu  s 
et  par  vostre  loy  no  jugez? 

JHEROUOAN 

Nous  voulons  que  vous  l'abiege/, 
81395  car  comme  vous  dit  nostre  maistre, 
la  mort  a  quoy  le  voulons  mettre 
ne  chet  point  en  nostre  sentence. 

P1LA.TE 

Donnez  moy  doncques  advertance 
de  quclz  maulz  s'est  voulu  racsler  : 
8l'i00  d'arrêter  sur  votre  parler 
ce  n'est  point  mon  intenciou. 

CAYPHE 

Nous  avons  accusacion 

de  fait  tout  certain  et  prouvé. 

Et  premier,  nous  l'avons  trouvé 

214(fô  nostre  peuple  subvei  tissant 
et  faulcement  pervertissant 
nos  tradicions  paternelles, 
preschant  et  sermonnant  contre  elles, 
cueillant  familles  et  meignies 
qui  nos  haultes  ccrimonics 
vueullent  cmpescher  et  enfraindro. 
Secondement,  il  veult  contraindre 
le  peuple  par  autres  abus 
qu'ilz  ne  payent  point  de  tribus 
qui  sont  deubz  a  très  grosse  somme 
a  César,  l'empereur  de  Romme  ; 
et  dit  que  les  Juifz  sont  francs 
et  qu'a  tort  les  sommes  soufFrans. 
Et  tiercemeut,  qu'cncor  vault  pis, 

81420  il  se  nomme  roi  des  Juifz 


81410 


21415 


que  par  raison  ne  doit  ne  peust. 
Lesquelz  cas  se  nyer  les  veult, 
nous  avons  pour  probacion 
une  belle  informacion 
81425  toute  prouvée  par  tcsnioingz. 

PILATE 

Quoy  qu'il  soit  des  deux  jircm'ers  poins, 

le  tiers  que  vous  m'avez  noté 

est  cas  de  leze  majesté, 

car  l'imperateur  des  Rommains, 
81430  mon  maistre  soubz  qui  je  remains, 

toute  la  terre  de  Judée 

a  de  royaulme  defibndee 

et  divisé  en  trois  parties 

lesquelles  sont  trois  tctrarchics, 
21435  et  quand  en  ce  point  la  party, 

il  décréta  en  ce  party 

que  quiconques  roy  se  diroit 

briefment  de  mort  le  pugniroit; 

par  quoy  je  me  vueil  appiestor 
81440  sur  ce  point  cy  pour  enquester 

s'il  a  ceste  presumpcion. 


Icy  interrogue  Pilate  Jhesus  a  part  au  prétoire. 

Homs  de  fi'esle  condicion, 

il  fault  que  tu  soies  ouys  : 
Te  dis  tu  le  roy  dos  Juifz? 
81445  usurpes  tu  le  nom  de  roy? 

JHESUS 

Est  ce  de  toy  que  tu  le  dis, 
ou  s'aultrcs  le  t'ont  dit  do  moy  ? 

PILATE 

Que  sçai'oy  je  parler  de  toy  ? 

je  ne  suis  pas  de  ces  partis, 
21450  pourquoy  de  rien  ne  te  congnoy 

s'aultre  ou  toy  ne  m'en  advertis. 

Se  tu  presches  ou  pervertis, 

se  tu  as  usé  mal  ou  bien, 

penser  dois  que  je  n'en  sçay  li;  n  : 
21455  Juif  ne  suis  pas  de  naissance, 

ce  que  je  dis  c'est  a  l'instance 

des  pontiphes  et  de  ta  gent 
.  qui  t'accusent  publiquement 

d'estre  malfaicteur  desloyal 
21460  et  usurpeur  de  nom  royal  ; 

je  ne  sçay  pas  se  si  grant  nom 

t'appartient,  je  pense  que  non  : 


81379  très  forte  C.  —  213S2  Do  scrutiner  B.  De  seauoir  et  oyr  de  C.  —  2138S  baillons  A.  —  21397  vostre  A.  —  21102 
Presche  et  sermonne  A.  B.  C.  —  21417  Car  il  A.  -  21420  le  roy  A.  —  21432  Est  de  ce  royaulme  fondée  C.  —  21436  11 
diuisa  et  depparty  A,  —  21459  arrester  Ç,  '-  21444  estre  roy  A.  --  81453  ouurç  G.  -r-  81455  Je  ne  suis  pas  A.  — 2140 
cuide  C. 


T  1  !•:  R  C  E  J  0  U  R  N  E  K 


281 


c'est  ou  ma  demande  so  fonde. 

JHRSUS 

Mon  rcgno  n'est  pas  do  ce  monde  : 
SHK)  Be  mes  hault  >sses  y  estoient, 
mes  ministii's  bataiUi'ioient 
que  les  Juil'z  n'eussent  l'ottroy 
de  nioy  tenir. 

PILVTE 

Tu  es  donc  l'oy? 
(Iqui  bien  recueille  tes  dis, 
21470      Is'eusuit  très  bien. 

JUESUS 

Tu  le  dis, 
et  m'as  le  nom  do  roy  doimé  ; 
et  pour  ce  suis  je  au  monde  né, 
pour  porter  en  tout  mon  langage 
a  vérité  vray  tesmongnage  : 
ei'i75  tout  vray  suppost  d'humanité 
qui  tient  la  part  de  vérité 
volentiors  escoute  ma  voix. 

PlLiVTE 

Puisque  la  vei'iti'  congnois 
et  que  si  fort  advery  t'as, 
giiSO  beau  sire,  guid  est  veritas? 


Jcy  se  Itère  Pilote  et  vietit  dehors  bien  en  haste 
et  dit  aux  Juifz  : 

Seigneurs  Juifz  et  gouverneurs, 

qui  pour  pugnir  vos  malfaicteurs, 

pour  juge  m'avez  suljrogué, 

j'ay  ce  povre  homme  interrogué 
SUKJ  de  qui  la  mort  avez  requis 

et  examine'  et  enquis 

de  son  fait  au  mieulx  que  j'ay  peu, 

mes  je  ne  trouve  tant  soit  peu 

qu'il  soit  coulpable  des  péchés 
|U90  dont  l'accusez  et  l'empeschez  ; 

il  me  samble  bonne  parsomio 

et  oroy  que  vous  feriez  aulmonno 

de  le  laisser  pour  tel  qu'il  est  : 

se  sa  vie  trop  vous  desplest, 
jl<95  qu'il  soit  bany  pour  son  trespas. 

C.^.YPHE 

Ha  !  prevost,  il  ne  soufflt  pas  ; 
cela  n'est  pas  solucion  : 
il  a  fait  grant  conimocion 
pour  soy  faire  roy  promouvoir  ; 
JI500  il  a  fait  le  peuple  csniouvoir 


et  diviser  a  grant  mesleo 
puis  la  terre  do  Galilée 
jusque»  cy,  qui  trop  nous  reinord. 
C'est  ung  homme  digne  de  mort, 
21505  dcsloyal  et  suspicieux, 

querant  moyens  sedicieux, 
brouUeur,  noiscur  et  scismatique, 
qui  est  contre  le  bien  publique 
s'il  cschappe  par  ce  moyen. 

PILATE 

21510  Puisqu'il  est  donc  Galileen, 

en  tant  qu'il  touche  ceste  marche 
c'est  a  Herode  le  tetrarchc, 
a  moy  riens  :  je  n'y  ay  que  voir  ; 
mes  pour  acquitter  mon  devoir 

21315  et  monstrer  qu'a  vous  amour  ay, 
très  volentiors  luy  envoiray 
de  tous  ces  cas  icy  chargé, 
affin  que  par  luy  soit  jugé 
s'il  a  peine  ou  moi't  desservye. 

JHEROBOAN 

21580  Vous  tenez  sa  mort  et  sa  vie  : 
n'estes  vous  pas  prevost  commis 
pour  pugnir  tous  les  ennemis 
de  l'empereur  ?  donc  puisqu'on  trouve 
cest  homme  faulx  et  qu'on  luy  preuve 

21525  souffisamment,  cause  n'y  voy 
qu'il  faille  user  de  ce  renvoy  : 
advis  m'est  que  c'est  ung  jamès. 

PILA.TE 

Quant  est  a  moy,  je  m'en  desmés  : 
soie  puissant  ou  non  puissant, 

81530  Herode  est  assés  suffisant 
pour  en  faire  pugnicion  ; 
c'est  de  sa  juridicion 
et  je  ne  l'emposcheray  mie. 
Barraquin,  huche  ma  mcignie, 

21535  fais  les  moy  cy  saulter  avant. 

BARRA.QLIN 

On  les  laisse  dormir  devant, 

car  ilz  sont  encore  en  leurs  plumes. 

PILATE 

Je  t'en  croy,  ce  sont  leurs  coustumes 
de  dormir  belle  matinée. 


BARRAQUIN 

21540  Griffon? 

GRiFKo.\,  premier  tirant. 
Hola! 


11467  neussenl  pas  A.  eussent  B.— 21476  voye  de  A.  —  21479  aduerty  A.  B.  C.  mas  A.  —  21493  proiiiocion  A. 
ay  ay  riens  (juc  C.  —  21515  amour  a  vous  B.  —  21530  laisser  G. 


91513 


282 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


BARRA  QUIN 

Malle  journée 
te  vueille  envoyer  Tervagant  ! 
Vêla  monseigneur  tout  vagant, 
aussi  esseullé  qu'ung  vielz  chien, 
et  tu  dors  cy? 

GRIFFON 

Et  je  croy  bien: 
21545  suis  je  trop  petit  pour  ce  faire? 

BARRAQUIN 

Glaquedent? 

CLAQUEDENT,  deuxième  tirant. 
Bé,  je  vien,  je  vien. 
BAnaxQuiN 
Et  tu  dors  cy? 

CLAQUEDENT 

Et  je  croy  bien  : 
ne  te  chault,  ce  n'est  rien  du  tien  ; 
ne  sçay  je  pas  bien  mon  affaire? 

BARRAQUIN 

81550  Orillait? 

ORlLLART,  troisième  tirant. 
Mes  qu'as  tu  a  braire? 

BARRAQUIN 

Monseigneur  te  huche,  tien,  tien  : 
et  tu  dors  cy? 

ORlLLART 

Et  je  croy  bien  : 
suis  je  trop  petit  pour  ce  faire? 

BARRA  (JUIN 

Brayart,  tu  fais  la  le  haussaire  : 
£1555  vendras  tu  parler  au  prevost? 

BRAYART,  quatrième  tirant.     , 
Est  ce  pour  escumer  le  rost? 
j'ay  ma  narine  toute  preste. 

BARRAQUIN 

Veez  cy  meignee  bien  honneste! 
gardez  cy,  se  Dieu  vous  secourt , 
21560  ung  peu  quelz  escuiera  de  court  1 
ilz  samblent  qu'ilz  y  soient  nés. 

GRIFFON 

Va,  va,  .si  te  cliie  en  ton  nez! 
rigoles  tu  les  compaignons  ? 
ou  sera  ce  que  nous  irons , 
21565  affin  que  chacun  y  entende? 

BARRAQUIN 

C'est  monseigneur  qui  te  demande  : 
le  vous  ay  je  pas  recité  ? 


GRIFFON 

Monseigneur  le  preposite, 
boita  dies  a  ce  matin  ! 

PILATE 

21570  Qu'est  cecy,  parlez  vous  latin, 

maistre  Griffes?  ce  sont  beaux  mots. 
Ça,  ça,  entendez  au  propos  : 
il  n'est  point  saison  de  baver; 
pensez  de  mon  vueil  achever 

21575  en  la  forme  qu'on  vous  dira. 

CLAQUEDENT 

Nul  de  nous  n'y  contrctUra, 

soit  bien  ou  mal,  damp  président. 

PILATE 

Tu  es  ung  vaillant,  Glaquedent  ; 

oncques  tel  de  bruhier  n'yssi. 
21580   Prenez  moy  ce  meschant  icy 

en  ce  point  que  vous  le  voiez 

et  prestement  le  convoyez 

sur  Herode  avec  ces  seigneurs  ; 

menez  luy  et  vous  tenez  sceurs 
21585  qu'il  n'eschappe  par  quelque  voie. 

Dittes  luy  que  je  luy  envoie 

comme  subget  de  sa  justice 

a  celle  fin  qu'il  le  justice, 

selon  qu'il  s'en  informera. 

GRIFFON 

21590  Monseigneur,  on  le  vous  fera 
en  ce  point  que  vous  le  voulez  ; 
Glaquedent,  pren  a  l'aultre  lez, 
et  l'admenons  a  nostre  mode. 

CLAQUEDENT 

Ou  pourrons  nous  trouver  Herode, 
21595  a  qui  doit  estre  présenté? 

PILATE 

Il  est  venu  en  la  cité 

pour  voir  la  feste  solemnelle. 

BRAYART 

Nous  en  orrons  bonne  nouvelle  : 
je  sçay  bien  ou  il  est  logé. 

ORlLLART 

21600  Or  en  ferons  ung  abrégé  : 

séjour  ne  nous  est  point  licite. 
Ghassez  avant  cest  ypocrite 
raidement,  il  en  est  saison. 


ANNE 

Seigneurs,  puisque  rien  ne  faison, 
21605  au  temple  nous  convient  retraire. 


21554  Brians  C.  le  mun'/tie  B.  —  21557  ma  iiiiou  toute  appreste  C.  —  81565  Ne  nous  fais  point  note  truande  B.  C. 
-  21572  entendons  B.  —  21579  de  Ijruohier  B.  de  bouclie  C.  —  21598  bien  nouuelle  G. 


TIERCE    JOURNEE 


nés 


CAYPHK 

Nous  n'y  mettons  point  do  contraire, 
bien  y  avons  a  bosongner. 


j'aray  bien  la  char  si  hardie 
do  la  ro|i|iortor  on  ung  mont 
aux.  faulx  nicui'di'icrs  qui  dcceu  m'ont 
iiee>i  et  sont  cause  de  ma  rancune. 


JUDAS 

Ha  !  traitre  cueur  et  mensonger, 

quel  trahison  as  tu  batio? 
21010    comment  as  tu  tant  pervertye 

ta  conscience  pour  gaigner 

que  de  frauder  et  cngignci' 

cil  qui  te  tint  de  sa  partie? 

helas  !  t'en  estoit  il  mestier? 
21615   Helas  !  il  t'aroit  fait  dos  biens 

autant  ou  plus  qu'a  tous  les  siens, 

comment  n'as  tu  eu  souffisance  ? 

Tout  se  passoit  par  tes  moyens, 

les  aultres  n'en  avoient  riens 
21020  se  n'estoit  par  ton  ordonnance  ; 

Et  par  ta  misère  et  mescbance, 

tu  l'as  este  vendre  aux  faulx  cliiens 

qui  ne  quierent  que  sa  grevance  ! 

l'eccune  de  maie  accointance, 
21025  peccune  a  mal  heure  inolleo, 

peccunc  de  sang  vioUee 

de  qui  trahison  me  chargea, 

inauldit  soit  cil  qui  te  forgea 

et  qui  en  trouva  la  manière  ! 
21630  et  mauldite  soit  la  minière, 

la  terre  et  le  lieu  ou  tu  creus  ! 

et  l'heure  quand  oncques  te  creuz. 

0  a  quel  port  suis  pervenu  ! 

0  quoi  horreur  m'est  advenu  ! 
21035  o  désespérée  monnoye  ! 

l'erreur  de  toy  le  cueur  me  noyé; 

tu  es  pris  de  si  haulte  chose 

qu'a  peu  se  regarder  je  t'oze. 

Puis  je  donc  a  repos  cesser 
2l6'i0  pour  toy  tenir  et  possesser  ? 

nennin  :  l'horreur  de  toy  tenir 

me  veult  de  ce  monde  banir 

et  cnvoier  avec  le  deable 

au  fons  de  l'enfer  pardurable  : 
210A5  je  n'attens  mes  que  l'heure  viengne. 

Peccune,  jamès  ne  te  tiengne, 

peccune,  jamès  ne  te  voie 

car  tu  m'as  adressé  la  voie 

d'éternelle  dampnacion. 
210U)  Je  voy  la  congr'ogacion 

des  faulx  Juifz  que  Dieu  maudie  : 

21608  cueur  trite  G.  —  21022  las  astre  B.  —  81630  maniera  C.  —  81632  manque  B.  G.  —  «639  donc  manque  C. 
21653  forluns  B.  C.  —  21o50  exil  C.  —  21660  mais  que  nous  touche  il  B.  Ç.—  21001  Se  tu  as  fait  de  toy  C. 


Seigneurs,  tenez  vostre  peccune; 
peccavi,  helas!  j'ay  péché 
et  fait  tant  énorme  péché 
qui  est  cause  de  mon  péril. 
ANNE 

21660  Quid  ad  nos? 

CAYPHB 

Que  nous  en  chaut  il  ? 
se  tu  as  deUnqué  par  toy 
ou  fait  folie,  si  la  boy  ; 
ton  fait  a  toy  seul  appertient  : 
boy  le,  car  il  ne  nous  en  tient 
21605   ne  de  toy  ne  nous  doit  chaloir. 

JUDAS 

Ha  !  gens  de  terrible  vouloir, 
je  vous  ay  livré  en  vos  mains 
le  plus  juste  sang  des  humains, 
et  s'il  fault  qu'a  la  mort  parvieugne, 
81670  c'est  ma  coulpe. 

ANNE 

Bien  t'en  con  viengne  ; 
fais  en  le  mieulx  que  tu  pourras, 
de  nous  aultre  conffort  n'aïas  ; 
se  tu  as  bien  fait,  a  bonne  heure  ; 
se  mal  as  fait,  mal  te  demeure 
21675  et  en  descherras  en  l'ordure. 

JUDAS 

Helas  !  voicy  response  dure. 
Ceulx  a  qui  j'ay  fait  grant  plaisir 
sont  contens  de  mon  desplaisir  : 
ne  leur  chault  de  ma  marrison. 

81680  Telle  est  la  fin  de  traliison, 

car  quand  ung  trahitre  déchet, 
chacun  se  rit,  s'il  luy  meschet, 
et  ma  trahison  decherra, 
car  en  la  fin  m'en  mescherra. 

81685  D'icy  me  pars,  car  tant  ra'ennoye 
que  se  plus  icy  demouroye, 
mon  cueur  tant  gros  se  trouvei-oit 
que  de  dueil  il  se  creveroit  : 
ailUeurs  m'en  vois  quérir  pasture. 


284 


MISTEREDE   LA   PASSION 


MARDOCEUS 

Î1C90  Soigneurs,  vous  voicz  l'adventure, 
que  nostre  argent  nous  est  rendu  : 
ayons  conseil  au  résidu 
pour  trouver  moiens  et  façons 
qu'il  est  bon  que  nous  en  façons, 

21C95  car  le  perdre  n'est  pas  décent. 

NAASON 

Mon  oppinion  condescent, 
veu  le  cas  ou  sommes  submis, 
qu'ilz  ne  doyvent  pas  estre  mis 
ou  tronc  avec  les  aultres  dons 

81700  qu'au  temple  donnons  et  rendons. 
Que  je  n'ay  cause  après?  sy  ay, 
car  ilz  ont  sang  apprécié, 
et  sont  le  pris  de  mort  humaine, 
par  quoy  la  peccunc  est  villaine 

81705  et  indigne  de  si  saint  lieu. 

ELIACHIN 

James  ne  tourne  a  nostre  preu  : 
aultrement  villenés  serons, 
mes  veez  cy  que  nous  en  ferons. 
Achetons  en  ung  champ  de  terre 

21710  auquel  on  enfoue  et  enterre 
les  povres  pèlerins  passans 
aval  les  chemins  trespassans, 
et  cest  achat  parconsommé, 
Alchedemac  sera  nommé 

21715  le  jardin,  pour  cause  certaine. 

CA.YPHE 

Vostre  raison  est  bonne  et  saine 
et  de  cela  suis  bien  a  vous. 

BA.NANIA.S 

Si  sommes  nous  entre  nous  tous. 
Ce  Judas  est  mal  tempesté  : 
21720  voiez  comment  il  a  gotté 

l'argent  par  terre  en  rappoi-tant. 

ANNE 

11  n'y  demourra  pas  pourtant  ; 
lever  le  fault  et  séquestrer 
tant  que  nous  puissions  rencontrer 
21725  marchant  qui  le  champ  nous  delivi'e 


21730 


21735 


et  tient  mon  corps  a  si  grant  charge 

qu'il  convient  qu'elle  s'en  décharge, 

et  ne  quiert  que  moyens  de  faire 

affin  qu'elle  s'en  puist  doffaire. 

Leur  très  humaine  compaignie 

qui  jadis  fut  d'amour  unye 

se  tourne  en  portubacion, 

en  pleur,  en  lamentacion 

tant  que  mon  ame  het  son  corps 

et  le  corps  l'ame  ;  et  sont  concors 

de  faire  leur  département 

villainement  et  putement, 

a  douleur,  a  honte,  a  diffame. 

217-10  N'y  a  que  de  trouver  quelque  ame 
qui  en  face  la  deppartie  ; 
mon  ame  fust  desja  partie 
s'elle  eust  sceu  a  qui  recourir 
qui  en  ce  l'eust  peu  secourir. 

81745  Mon  ame,  ou  sçaras  tu  sercher  ? 
tu  ne  peulz  mieulx  que  de  hucher 
tous  les  deables  d'enffer  dampnés, 
ennemis  a  ceulx  d'Adam  nés  ; 
car  se  tu  as  vei's  eulx  recours, 

21750  ne  double  point  d'avoir  secours  : 
n'y  a  que  do  les  compeller 
venir  par  force  d'appeller 
et  vecy  proprement  la  forme  : 
Terrible  meignie  et  difforme, 

21755  deables  ou  bas  abisme  enclos, 
faulx  e?pritz  de  gloire  forclos, 
gendre  mauldit  et  misérable, 
dampné  sous  peine  interminable 
qui  jamès  ne  vous  peust  finer, 

21760  venez,  pensez  de  cheminer  ! 
Venez,  deables!  venez  avant, 
venez  aidier  vostre  servant 
qui  très  hault  vous  huche  et  appelle  ! 
venez  sa  substance  mortelle 

21765  tuer,  destruire  et  exilicr 
ou  atout  le  moins  conseillier 
comment  je  m'en  depescheray . 


[Pose.] 


JUDAS 

Mon  ame  est  si  lasse  de  vivre 


LUCIFER 

Deables,  oez  :  je  prescheray 
deux  mos  de  gracieux  devis. 
21770  J'ay  entendu,  ce  m'est  advis, 
la  voix  de  nostre  serviteur, 


21701  cause  bonne  C—  21700  nostre]  grant  C.  —  21710  seno  C.  —  21720  tant  B.  C.  —  21734  pleur  et  B,  G.  —  21735 
son  ame  A.  et  son  recors  C.  -  21746  dinuocquer  B.  C.  —  21748  a]  et  A.  B.  C,  —  21*56  esperiz  A.  B.  C.  —  21761  ca  B. 
—  21767  despereray  B, 


TIERGK  JOURNEE 


285 


Judas,  le  mauvais  traditeur, 
qm  de  l'orl-eur  qui  le  rcmofd 
a  liaultc  vois  huche  la  niorf, 

21770  si  n'est  anie  qui  iuy  coinpollc  ; 
l'ung  après  l'aultrc  nous  ai>p<'llo, 
mes  nous  no  sommps  pas  trop  loing 
pour  Iuy  aidier  a  ce  besoing  ; 
secourir  Iuy  fault  a  puissance. 

81780  Saultoz  dehors,  Désespérance, 

ma  fille  et  mon  très  amtî  gendre, 
venez  a  mon  servant  entendre 
qui  nous  tous  appelle  si  hault 
et  Iuy  bailliez  ce  qu'il  Iuy  fault 

21785  comme  vous  sçavcz  la  manière, 
et  en  estes  bien  coustumiere 
de  les  admcner  par  trouppcaux. 

DESESPERANCE 

Père  Lucifer,  se  j'y  faulx, 
jamès  ne  me  veil  voir  en  place. 

[POSB.] 


21790       Meschant,  que  veulx  tu  que  je  face  ? 
a  quel  port  veulz  tu  aborder  ? 

JUDAS 

Je  ne  sçay  :  je  n'ay  oeil  en  face 
qui  oze  les  cioulx  regarder. 

DESESPERANCE 

Se  de  mon  nom  veulz  demander, 
21795  briefment  en  aras  demonstiance. 

JUDAS 

D'où  viens  tu  ? 

DESESPERANCE 

Du  parfont  d'enffer. 

JUDAS 

Quel  est  ton  nom  ? 

DESESPERANCE 

Désespérance. 

JUDAS 

*  Terribilité  de  vangenco, 

horribilitc  do  danger, 
Î1800  approche,  et  me  donne  allcgence, 

se  mort  peust  mon  duoil  alléger. 

DESESPERANCE 

Oy,  très  bien. 

JUDAS 

Et  dont  t'advance 


pour  mes  joui's  maudis  kallonger. 

DESESl'EnANCB 

Je  suis  preste  sans  deccvancc 
ïisœi  pour  faire  ton  cas  abréger. 

JUDAS 

Désespérance,  beto  horrible, 
le  samblo  mon  cas  si  terrible, 
qu'il  me  tient  le  cueur  nmor  cy  ? 

DESESPERANCE 

II  est  do  ligier  entendible 
81810  qu'a  ton  péché  est  impossible 
de  jamès  acquérir  mercy. 

JUDAS 

Helas  !  mon  maistre  est  tant  begnin 
et  a  pardonner  tant  enclin, 
se  j'aloye  mercy  prier 
21815  Le  me  pardonroit  il  ? 

DESESPERANCE 

Nennin, 
car  qui  sert  do  couvert  venin, 
la  mort  le  suit"  pour  son  loior. 

JUDAS 

James  no  l'oys  sermonner 
fors  de  pardonner,  pardonner  : 
81820  c'est  signe  qu'il  ayme  le  don. 

DESESPERANCE 

Quand  est  de  pardon  ordonner, 
jamès  ne  te  le  peust  donner  : 
ung  trahitre  n'a  point  de  pardon. 

JUDAS 

Helas  !  voirment,  je  l'ay  trahy 
21825  et  a  son  mand  desobey, 

mes  pitié  est  en  sa  commande. 

DESESPERANCE 

Mes  tu  es  de  Iuy  tant  hay 
que  de  t'ozcr  vcoir  devant  ly, 
oncqucs  honte  ne  fut  plus  grande. 

JUDAS 

21830      11  sembleroit  donc  qui  t'orroit 
que  pardonner  ne  me  pourroit, 
Iuy  qui  a  puissance  divine  ? 

DESESPERANCE 

Jo  confesse  que  si  fcroit, 
mes  jamès  n'y  consentiroit. 

JUDAS 

21835  Et  pourquoy  ? 

DESESPERANCE 

Tu  n'en  es  pas  digne. 


n   r        94Tîfi  innorane  B.  C.  —  21780  mon  espérance  C. 
21773  me  C.  -  21774  s»  A.  -  21775  Se  A.  Iuy  «""«"l"»  l^,  ^'^^^cT^l^  maulx  m»ul.U,  C.  -  21S04  Si  fait 

:^^\:':z.::Tri'-..m?LJ^c:-n^^^^^  --y  c.  -  8i.15ee.es  „e„„i„  c.  _  8is8.t.o. 

quest  B.   C. 


286 


MISTERE   DE  LA   PASSION 


JUDAS 

Quand  a  moy,  j'argue  que  si, 
et  pourroit  estre  soustenu, 
car  souvent  il  a  dit  ainsi 
qu'il  est  pour  les  pécheurs  venu, 
21810  et  se  pour  pecheui-s  descendy, 
et  il  a  mon  péché  congnu, 
puisqu'a  tous  sa  grâce  estendy, 
je  l'aray,  il  y  est  tenu. 

DESESPERANCE 

Or  prenons  la  que  du  gré  mien 
21845  je  confesse  ta  raison  bomie  : 
entre  péchés  a  grant  moyen  : 
l'ung  est  petit,  l'aultre  foisonne  ; 
il  n'en  est  nul  tel  que  le  tien 
car  il  touche  trop  sa  parsonno, 
21850  par  quoy  s'il  fait  aux  aultres  bien, 
cela  ne  te  toit  ne  te  donne. 

JUDAS 

Et  quand  mon  ame  se  traira 
vers  la  doulce  vierge  Marie 
et  sa  douleur  luy  retraira, 
21835  requérant  mercy,  je  varie, 
a  son  filz  grâce  m'acquerra 
car  elle  est  sa  mère  et  s'amye, 
et  ce  que  mère  requerra, 
•  le  filz  ne  l'escondira  mye. 

DESESPERANCE 

21860       Oncques  tel  rage  ne  conffis 
se  ton  veil  a  ce  condescent, 
car  filz  et  mère  as  desconffis  ; 
c'est  a  la  mère  tout  récent 
ne  jamès  tu  ne  l'assuffis 

21865  pour  prier  mille  fois  ou  cent, 
car  qui  blesse  le  corps  du  filz, 
le  cueur  de  la  mère  le  sent. 

JUDAS 

Tu  fais  doncques  conclusion 
que  de  mort  doy  estre  ravy, 

21870  comment  j'ay  fait  confession 
en  tant  que  je  dis  :  peccavi, 
puis  ay  fait  satisffacion 
en  tant  que  les  deniers  rendy, 
et  puis  eus  tel  contricion 

21875  qu'a  peu  que  cueur  ne  me  fendy  ? 

DESESPERANCE 

Geste  confesse  instituas 
sans  devocion  de  pensée; 
et  tout  l'argent  restituas 


non  pas  a  partie  offensée  ; 
21880  du  contrire  t'esvertuas, 

mes  ce  fut  par  rage  amassée  ; 
par  quoy  quanque  brassé  tu  as 
n'est  riens  :  la  fleur  en  est  passée. 

JUDAS 

Et  dont  mon  ame  est  toute  au  deable, 
21885  a  sa  dampnacion  ? 

DESESPERANCE 

C'est  force. 

JUDAS 

Et  dampnee  au  puis  pardurable 

ne  du  remédier  n'ay  force  ? 

Rage  restiainte,  redoubtable 

rendant  redoulilee  renforce  ! 
21890  rouge  rage  plus  ragiable 

que  la  rage  qui  me  refforce  ! 
Mort,  mort  que  me  tiens  tu  suspens  ! 

vien  moy  tost  ferir  de  ta  dai'de  : 

je  me  repens,  je  me  repens, 
2)895  et  Désespérance  me  larde. 

DESESPERANCE 

Il  ne  fault  ja  qu'elle  frappe  ens 
de  dard,  mes  tien  toy  sur  ta  garde, 
et  puis  après  va,  si  te  pens  : 
vecy  ung  las  que  je  te  garde. 

JUDAS 

21900  Mourray  je  ainsi  las 

cstranglé  d'ung  las, 
sans  quelque  espoir  de  soûlas  ? 
o  désespérance,  helas  ! 
la  celle  as 
21905     ou  la  mort  me  veult  attraire  ! 
Dueilz  de  tous  estas, 
me  quierent  a  tas  ; 
convoitise,  grant  tort  as 
qui  les  moyens  m'apportas 

et  notas 
dont  je  seuffre  tel  contraire. 
Las  !  que  doy  je  faire  ? 
me  fault  il  deffaire  ? 
m'est  ceste  mort  nécessaire  ? 
pitié,  m'es  lu  advereaire 

<jui  reffaire 
me  deusses  ains  mon  trespas  ? 

DESESPERANCE 

Riens  n'y  vault  le  braire 
n'a  mercy  rctraire 
21920     va  t'en  brief  par  mort  deffaire, 


21910 


21915 


21836  que  si  manque  B.  —  21845  trahison  C.  —  21847  forcenne  B.  —  21853  Deuers  B.  —  21856  Que  son  filz  B.  Qua  C. 

—  21860  confus  B.  C.  —  21865  une  foiz  C.  —  21S76  Telle   C.  constituas  B.  —  21SS0  Contrii-tion  csuertuas  A.  —  21881 
par  une  B.  C.  —  218S5  coiidempnacion  B.  C.  —  21888   destrainte  C.  —  21S89  redouble  B.  C.  —  21S9t  ma  garde  B.  C. 

—  21904  La  semble  as  C.  —  21920  ta  mort  portrairë  B.  C. 


TIERCE  JOURNEE 


287 


de  ton  bon  gré  voluutaire 

faii'c  et  taire, 
il  te  fault  passer  ce  pas  ! 

JUDAS 

lit  coiuraent  ? 

DESESPERANCE 

No  l'on  (loubtc  pas  : 

21925  je  te  monstrcray  ))ieii  les  tours. 
Or  regai'do  cy  mes  atours, 
se  je  suis  pourTeue  d'outilz 
qui  sont  a  mon  mestier  soubtilz  : 
j'ay  mon  rasoii',  mon  grant  Cousteau, 

21930  n'a  cil  qui  no  soit  bon  et  beau, 
bien  tranchant  et  de  bonne  forge 
pour  toy  copper  acop  la  gorge  ; 
s'il  te  fault  dagues  ou  poinssons, 
j'en  ay  de  diverses  façons  : 

21935  tiens  cestuy  cy,  fiers  en  ta  pence 
bien  serrement  et  si  t'avence  ; 
voicy  les  cordes  et  çaignons 
que  j'appareille  aux  compaignons 
pour  oulx  cstranglcr  tout  acop  : 

219'.0  choisis,  car  tu  ai'rostes  trop  ; 
bas  le  fer  tandis  qu'il  est  chault. 

JUDAS 

Puisque  désespérer  me  fault 
Cl  priver  de  toute  espérance 
et  que  le  don  d'espoir  me  fault, 
21945  je  n'ay  plus  mestier  d'assurance  : 
al)rege  moy,  Désespérance  ; 
il  est  temps  qu'a  ma  mort  entendes. 

DESESPERANCE 

Quel  mort  est  mioiUx  a  ta  plaisance  ? 

JUDAS 

Je  te  requier  que  tu  me  pendes. 

DESESPERANCE 

21950  A  celle  fin  que  trop  n'attendes, 
ce  las  icy  me  chargeras, 
et  toy  mesmes  te  penderas, 
c'est  le  plus  beau  de  ton  mestier  ; 
et  je  t'aidcray  volentier 

21955  pour  toy  depescher  plus  en  haste. 

JUDAS 

Sus  doncl  je  requier  qu'on  se  haste 
ou  mon  cueur  partira  de  rage  ; 
a  quoi  gibet  me  pondéra  je  ? 
W  Désespérance,  qu'en  dis  tu  ? 

DESESPERANCE 

21900   Voicy  ung  vieil  sehur  tortu 
qui  a  des  bi'anches  largement 


et  te  soustendra  puissamment  : 
monte  sus,  et  je  t'ayd(,'ray. 

JUDAS 

A  ce  sehur  me  penderay 
21065  et  m'estrangleray  par  le  col, 
mes  avant  nouray  le  licol 
pour  abroger  le  domoui'ant. 

DESESPERANCE 

Est  il  bieu  fait  ? 

JUDAS 

A  las  courant, 
et  est  fort  pour  porter  le  fais. 

21970  Deabics  horribles  et  deffais, 
tourbe  villainc  et  interdite, 
orde  compaignie  et  maudite 
en  enffer  pardurablcment, 
je  ne  fais  aultre  testament 

21975  si  non  qu'en  l'éternelle  flamme 
vous  habandonne  corps  et  aine 
sans  jaraès  espoir  d'eschapper. 

BERICH 

Affin  qu'on  ne  me  puist  tromper 
je  suis  content  d'estre  notaire 
21980  a  ce  noble  testament  faire  : 
veez  cy  mon  papier  appresté. 

JUDAS 

0  grief ve  ponderosité 

de  rage,  qui  cueur  me  depporte, 

fault  il  que  desormes  te  porte 

21985  en  éternelle  desplaisance  ? 
haulte  tour  de  désespérance, 
bastillee  de  cris  piteux, 
couverte  de  pleurs  dcspitcux, 
enclose  de  mur  pardurable 

21990  forgé  et  fait  de  main  de  deable, 
fossoyee  de  puis  parfons, 
d'abismes  sans  rive  ne  fons, 
dont  les  salles  pour  tout  soûlas 
sont  paintes  tout  de  las,  helaa, 

2i9ffj  attens  moy,  terrible  manoir  : 

par-  dedens  toy  m'en  vois  manoir  ; 
attens  moy,  très  horrible  gouffre, 
car  sans  fin  en  l'eternal  souffre 
vois  mourir  de  mort  douloureuse  ; 

22000  attens  moy,  chartre  rigoreuse, 
fourneau  rouge  de  feu  ardant, 
fosse  de  serpens  habondant, 
rivière  de  puant  bourbier  : 
a  mon  grief  duoil  et  destourbier 

tiOOj  par  dedans  toy  plonger  m'en  vois  ; 


21921  mnnjw  A.  bon  grief  B.  -  21936  jusquaU  manche  B.  C.  —  21940  Choisis  brief  lu  B.  G.  —  21950-51  maniuent  C. 
—  21960  vielz  sus  G.  —  21964  A  cestuy  oy  C.  —  2i970  manque  B.  —  21971  eompaigne  interdicte  B.  —  21973  pardorables 
U.  —  21984  je  porte  C.  —  219'Jl  fossillec  B.  feSsiliee  C.  —  21993  salas  B.  —  21995  répété  B.  -»  21996  manque  Bi  G. 


288 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


mes  au  partir  a  haulto  voix, 
deablcs,  dont  j'ay  fait  les  commaudz, 
et  corps  et  ame  vous  commandz. 
Jcy  se  pend  Judas. 

BERICH 

Désespérance,  chcre  seur, 
«2010  est  il  mort? 

DESESPERANCE 

J"attcns  que  le  cueur 
soit  crevé  et  par  niy  party  ; 
et  puis  tantost  sera  sorty, 
il  s'en  vendra;  tira  ■cia. 

BERICH 

Je  ne  sçay  que  diable  il  y  a, 
Ï201Ô  je  ne  l'os  pousser  ne  toussir, 
et  touteffois  n'en  peust  issir 
son  ame;  mes  qui  la  retient? 

DESESPERANCE 

Haro  !  je  sçay  Jùen  a  quoy  tient  : 
quand  le  lourdier  sa  foy  brisa, 
22020  il  vint  et  son  maistre  baisa, 
et  par  ceste  bouche  maligne 
qui  toucha  a  chose  tant  digne 
l'ame  ne  doit  ne  peust  passer. 

BERICH 

Si  luy  fault  la  pance  casser, 
22025  fendre,  et  tous  les  boyaulx  tirer, 
affin  qu'il  puist  mieulx  expirer  : 
le  veulx  tu,  ma  seur  ( 

DESESPERANCE 

Je  l'ottroie. 
Courons  nous  eu,  j'ay  uostre  proie  ; 
n'y  a  que  de  tirer  pays. 


très  belles  filles  de  Sion, 
s'ame  vous  en  fait  mencion, 
que  le  me  vueillcz  enseigner. 

MADELAINE 

Aucuns  nous  vuellent  tesmongner 

220i'i  qu'il  a  esté  mené  tantost 
devant  Pilate  le  prevost, 
lequel  bien  cauteleusement 
s'est  dcpporté  du  jugement 
et  pour  mieulx  trouver  la  manière 

22(K0  il  l'a  fait  ramener  arrière 
sur  Herode,  le  fel  payen. 

NOSTRE   DAME 

Pour  Dieu,  que  nous  trouvons  moyen 
de  le  suivir,  ma  chère  amye, 
car  je  u'ay  joye  ne  demye, 
22055  se  je  ne  sçay  comment  il  va. 

MARIE   JACOBY 

Helas  !  oncques  ne  les  greva 
le  bon  seigneur  ne  leur  nuysy, 
et  si  le  tormentent  ainsi, 
sans  y  avoir  cause  assignée. 

MARIE   SALOMÉ 

22060  Hz  ont  de  long  temps  machinée 
sa  mort  et  ja  ne  s'en  te  ndront 
jusques  a  ce  qu'ilz  parvendront  : 
je  requier  a  Dieu  qu'il  l'en  garde. 

NOSTRE    DAME 

Amen  !  mes  seurs,  l'heure  me  tarde 
220œ  que  nouvelle  en  puissions  ouir. 

[Pose.] 


[Pose  ] 


NOSTRE  DAME 

22030  0  mauvais  et  fêlions  Juifz, 
peuple  bany  de  vérité, 
ou  est  mon  cnffant  transporté  ? 
Helas  !  en  quel  lieu  le  querray  ? 
helas  !  et  ou  le  trouveray  ? 

22035  helas  !  qui  m'en  dira  nouvelle? 
Lignée  mauvaise  et  cruelle, 
que  ne  me  rendez  vous  des  or 
mon  filz,  ma  joye,  mon  trésor, 
que  tant  j'aymc  n'aultre  ne  quier. 

22040  Helas  !  humblement  vous  requier, 

22015  tousser  ne  poussir  A.  —  22018  voy  bien  B. 
22076  vostre   fille  désespérance  C. 


BERICH 

Dcables,  pensez  du  resjouir 
de  joie  par  rage  meslee, 
et  hurlez  a  grande  goullee 
comme  vielz  loups  tous  affamés  : 
22070  vostre  servant  que  tant  anicz 
s'en  vient  icy  de  grant  randon 
pour  estre  ensaisiné  du  don 
de  quoy  vous  payez  vos  soudas. 

LUCIFER 

Qui  est  ce,  Berich  ? 

BERICH 

C'est  Judas, 
22075  le  trahitre  plain  d'arrogance. 

LUCIFER 

Qui  l'admaine? 

—  22011  Chies  B.  -  22066  vous  desjouyr  A.  —  22068  huilez  C. 


TIERCE    JOURNEE 


HERICH 

Désespérance  : 
vous  eu  on'oz  tantost  l'espitrc. 

DESESl'EHANCE 

Le  vora  cy,  le  mauvais  tiahitre, 
le  veez  cy,  le  faulx  convoitcux, 

22080  le  veez  cy,  je  croy,  bien  piteux, 
le  faulx  ministre  dcsleal. 
Lucifer,  mon  pore  iufei'nal, 
je  le  vous  rciidz,  je  le  vous  livre, 
pour  sans  fin  a  destrosso  vivre 

2i085  comme  vostre  subget  tenu. 

LUCIFER 

Il  me  soit  le  très  mal  venu. 
Désespérance,  chcrc  fille, 
vous  estes  prouvée  soublillo  ; 
or  le  me  baillez  a  sentir, 
•22090  je  le  vueil  acop  engloutir 
et  du  trahitro  larronceau 
ne  vouldray  faire  qu'un  morceau, 
puisque  je  le  tiens  de  ma  pâte. 

ASTAROTH 

Veez  la  merveilleuse  gargate  : 
22095  comment  il  l'a  tost  dévoré. 

KERGAU'S 

C'est  ung  goulfro  desmesuré 
ou  il  n'a  live  ni  mesure  ; 
ce  samble  une  vielle  masure, 
tant  a  grans  mâchoires  et  lees. 

CERBERliS 

22100   Dix  millions  d'amcs  dampnoes 
n'y  font  no  que  f«ve  en  ung  puis, 
et  si  ont  les  museaux  miculx  cuis 
et  les  cervelles  miculx  brûlées 
que  d'estre  cent  ans  affulees 

22105  d'ung  fourneau  de  métal  ardant. 

ASTAROTH 

Lucifer,  vielz  serpent  mordant, 
fier  roy  détestable  et  infâme, 
quand  vous  arez  fait  de  cestc  ame, 
rendez  la  nous  a  ung  brief  mot 
22M0  pouc  nous  jouer  ung  petiot, 
di-oit  par  manière  do  raviaiilx. 

LliCIFER 

Tenez,  mes  pctis  driigonncaulx, 
mes  jeunes  disciples  d'escolle, 
jouez  en  ung  peu  a  la  solle 
22113  au  lieu  de  crouppir  au  fumier. 

DERICH 

Ça,  je  veil  soulier  le  premier. 


c'est  droit  qu'il  me  soit  présenté. 

KEROAI.U8 

Pourquoi,  dea  î 

BKRICR 

Je  l'ay  apporté 
et  fait  toutes  les  diligences. 

LUCIPBR 

22120  Ocz  Borich  en  ses  deffcnces  : 
c'est  raison  qu'il  y  ait  sa  part. 

CEKBERUS 

Il  ai-a  son  sanglant  happart  : 
vostre  puant  plet  nous  afTolIe. 

KBRGALU.S 

Qui  premier  y  vient,  premier  soUe  : 
22125  des  premiers  soit  premier  férus  ; 
n'est  ce  pas  bien  dit,  Cerbenis  ? 
il  ne  fault  point  porter  faveur. 

CERBBRUS 

C'est  le  plus  court. 

ASTAROTH 

C'est  le  meilleur  ; 
Beiich,  au  moins  as  tu  failly. 
22130  Sus!  deables,  sus!  a  ly  ! 

FEROAI.US 

A  ly  : 
Temps  est  de  commancer  l'osbat. 

ASTAROTH 

Le  trahitre  soit  assailly, 
sus  !  deables,  sus  ! 

OERICU 

A  ly!  a ly! 

CEKBERUS 

Puisque  chacun  y  est  sailjy, 
22iœ  il  me  fault  courir  au  débat, 
sus!  deables,  sus!  a  ly  ! 

ASTAROTH 

A  ly  ! 
Temps  est  do  commancer  l'esbat. 

LUCIFER 

Vous  menez  ung  cmel  sabat, 
deables,  fault  il  ainsi  hurler  ? 
22140  vous  faictes  bondir  et  crouUer 
tous  les  abismes  infernaulx  : 
cessez,  cessez,  cessez,  ribaulx  ; 
tarez  vous  nostie  souldoier? 

KERGALUS 

Nennin,  c'est  pour  le  festoier 
22145  en  sa  gracieuse  estraince. 

CERBERUS 

Laissez  parfaire  la  trainee  : 


22078  Veez  cy  le  raaiiii.iis  lu  .\.  veej  le  i-y  partout  C.  —  22086  bien  venu  C.  —  22088  première  C.  —  SS089  serair  C.  — 
22094  ung  diable  de  (;.  —  22106  sernent'c.  —  22109  ung  petit  B.  C.  —  22110  ung  tantinot  C.  —  28111  reuiaux  B. 
reuiaulx  C.  —  22112  liy.ibloz  C.  —  2213'<  terrible  B.  C. 

Pas.  ^  19 


290 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


Lucifer,  donnez  nous  adveu. 

LUCIFER 

Vous  avez  trop  joué  d'ung  jeu, 
il  vous  fault  esbatrc  d'ung  aultre  : 
22150  menez  le  moi  lance  sur  faultre 
au  puteau  de  perdicion, 
et  pour  son  exeoucion 
jusques  au  fin  fons  le  plongez. 

BERICH 

Si  ara  les  bras  bien  rongés 
22155  de  serpens  de  maintes  espèces  : 
il  y  en  a  do  toutes  pièces 
plus  haut  que  les  mons  d'Arménie. 

LUCIFER 

Passez  avant,  pute  meignie  ; 
allez  le  moy  ça  chipotrer. 

ASTAROTH 

22160  II  fust  bon  qu'il  eust  a  l'entrer 
la  bénédiction  jolie. 

LUCIFER 

Se  ma  pâte  ne  m'est  faillie 

et  mon  crochet  ne  m'est  rompu, 

il  l'ara  :  Serpent  corrompu, 

22165  ministre  de  prodicion, 
occis  par  desperacion, 
privé  de  grâce  et  tout  espoir, 
va  t'en  au  lieu  de  desespoir, 
au  lieu  de  mort  dure  et  villaine, 

£2170  porter  interminable  paine 
et  dueil  sans  espoir  de  salu, 
et  du  desespei'é  palu 
ne  te  partes  jour  de  ta  vie, 
mes  a  tous  deables  compaignie 

22175  tenras,  compaignon  et  affm, 
tant  que  Dieu  durera  sans  iin. 

[Pose.] 


BARRAQUIN 

Sire  tetrarche  de  grant  bruit, 
Jupiter  qui  le  ciel  conduit 
.et  le  fait  tournoi'  a  son  veil 
22180  vous  garde  de  mal  et  de  deil! 
Pilate,  mon  maistre  et  seigneur, 
commis  do  Gesar  l'empereur, 
grand  prevost  de  cesto  cité, 


par  ung  cas  de  nouvelleté 
22185  ung  nouvel  homme  vous  envoyé. 

HEHODE 

Et  qui  est  il,  que  je  le  voie  ? 
que  scet  il  faire  de  présent, 
que  Pilate  m'en  fait  présent  ? 
il  fault  qu'il  soit  soubtil  tout  sus. 

BARRAQUIN 

22190  11  se  fait  appeler  Jhesus  ; 

vous  le  verrez  cy  sans  arrest. 

HERODE 

Est  ce  Jhesus  de  Nazareth, 
qui  fait  tant  de  signes  si  grans  ? 

BARRAQUIN 

Oy,  cher  sire,  je  vous  crans, 
22195  c'est  il  propre,  il  n'en  fault  doubtcr  ; 
et  pour  mieulx  le  vous  présenter, 
sommes  grant  foison  gens  venus. 

HERODE 

Par  ma  dame  sainte  Venus, 
a  qui  je  doy  foy  et  hommage, 

22200  non  obstant  la  perte  et  dommage 
que  jadis  Pilate  me  fît 
quand  mes  gens  destruit  et  occist, 
joyoulx  suis  pour  l'heure  présente 
do  cest  homme  qu'il  me  présente  ; 

22203  admcnez  le  cy  devant  moy. 

GRIFFON 

Barraquin,  compte  luy  pourquoy 
nostre  prevost  luy  a  transmis. 

BARRAQUIN 

Sire,  il  a  beaucop  d'ennemis  : 
les  pharisiens  fort  l'impugnont 

22210  et  de  tout  leur  pouoir  répugnent 
qu'il  n'aist  délivrance  plainiorc  ; 
Pilate  voyant  la  manière 
que  les  Juifz  qui  luy  obicent 
a  juger  sa  mort  ne  soufficent, 

22215  et  qu'il  est  de  vostre  contrée, 
vostre  subget  de  Galilée, 
et  luy  s'en  voullant  depeschier, 
le  vous  transmet  pour  justicier 
s'en  son  fait  y  a  que  redire. 

HERODE ' 

22220  Par  ma  loy,  on  ne  peust  mieulx  dire  ; 
c'est  signe  de  benivolenco 
qu'il  nous  on  remect  la  sentence 
et  nous  porte  honneur  et  haultessc. 
Jhesus,  c'est  a  toy  grant  simplesse. 


22150  Menez  le  battre  plus  que  peaultre  Prenez  inoy  lance  sur  lautre  C.  —  22152  Menez  le  a  execucion  B.  C.  —  22156-B7 
I)e  grosses  oouluures  espesses  Qui  luy  tendront  bien  compaignie  A.  —  22159  chipostrer  B.  ca  mnKque  chappitrèr  C.  -^ 
221&4  II  ara  tost  le  eol  rompu  C.  —  22105  perdicion  G.  —  22175  Seras  A.  C.  —  22200  manque  C.  —  22213  Et  que  les  A- 
—  22215  pays  B.  C.  -•  22216  De  vos  teuans  et  Vos  subjitz  B.  C. 


TIKRGK   JOURNEE 


201 


Ï2225  co  nie  saniblo  a  dire  lo  voir, 
que  pieça  ne  m'es  venu  voir, 
veu  qu'en  ma  terre  et  seignorie 
as  prins  ta  jeunesse  licurio  : 
tu  es  de  ma  terre  natif, 

î!!230  par  quoy  dois  estre  plus  actif 
do  moy  congreer  et  complaii'e, 
faisant  cliose  qui  me  puist  plaire; 
touteffois  assés  grant  pièce  a 
que  tu  as  régné  par  deçà, 

22235  et  si  n'es  allé  ne  venu 

ne  jusqu'à  ma  court  pervenu, 
qui  samble  desobeyssance. 
Or  vois  tu  que  j'ay  la  puissance 
de  ta  vie  ou  ta  mort  juger  : 

22240  es  tu  donc  Lien  en  mon  danger  ? 
C'a  esté  mal  considéré, 
car  do  long  temps  ay  désiré 
de  toy  voir  et  nul  aultre  non, 
car  tu  as  le  plus  grant  renom 

22245  do  tous  ceulx  qui  sont  a  l'empire  : 
si  as  pris  de  deux  poins  le  pire, 
qu'aultrement  ne  m'as  fréquenté. 
Or  me  dy  pourquoy  c'a  esté  3 
parle,  excuse  toy  hardiment, 

2aJS0  et  je  t'orray  btnignenient  : 
de  ton  bon  los  me  resjoys, 
car  c'est  l'honneur  de  mon  pays 
et  de  moy,  il  s'ensuit  très  bien. 
Que  dis  tu  ?  parleras  tu  rien  ? 

22255  baille  solucion  aucune. 

RODIGON 

Ne  sçay  s'il  vous  porte  rancune, 
advis  m'est  qu"il  ne  rospont  point. 


.IHEROUOAN 

Messeigneurs,  j'ay  pensé  ung  point 
qui  nuyre  nous  pourroit  bien  tost  : 

222C0  vous  avez  veu  que  le  prcvost 
a  devers  Ilerode  envoyé 
Jhesus,  ce  matin  desvoyé, 
pour  luy  faire  tout  son  procès  : 
si  fault  redoubler  les  accès 

22265  qui  nous  seroient  dangereux  : 
Herode  est  assés  curieux 
et  désire  fort  a  ouir 


uouTcllcs  pour  lo  resjouir, 

et  prent  plaisir  de  voir  grans  signes 

22270  par  art  ou  par  oeuvres  divine»  ; 
donc  s'il  advient  que  Jhesus  face 
aucun  signe,  il  l'ara  en  grâce, 
et  peust  estro  qu'il  trouvera 
moyen  qui  le  délivrera  : 

22275  si  nous  fault  aller  opposer 

et  tousjours  plus  fort  accuser, 
affîn  qu'il  n'eschappe  pourtant. 

MARDOCEUS 

De  ce  suis  je  bien  consentant  : 
c'est  parlé  d'ung  homme  ruzé. 

YSACAR 

22280   C'est  soubtillement  advisc  : 

allons  pour  fournir  la  besongne. 

JA.C0B 

11  est  force  qu'on  y  besongne, 
ou  nostre  fait  est  abatu. 


HERODE 

Ça,  Jhesus,  que  ne  respons  tu  ? 

22285  tu  dois  avoir  en  toy  grant  honte  : 
est  il  vray  ce  qu'on  nous  raconte 
de  ton  fait  et  de  tes  meiitos  ? 
on  dit  que  les  moi-s  ressuscites  : 
se  tu  as  tel  oeuvre  entrepris, 

22290  c'est  ung  miiacle  de  hault  pris. 
Or  me  dis  donc  la  vérité 
combien  en  as  ressuscité, 
et  ou,  et  quel  gens  ilz  estoient. 

AMPHIARUS 

Pour  liens  que  vos  ditz  le  côtoient, 
22295  il  ne  respont  ne  mot  ne  son. 

ANDALUS 

Je  n'entens  point  ceste  leçon, 

je  croy  qu'il  dort  ou  qu'il  sommeille. 

GRONGNART 

Voulez  vous  que  je  le  resveille 
d'une  grongnee  bien  assise  ? 

HERODE 

2Ï300  Grongnart,  je  deffens  la  main  mise  : 
garde  de  luy  toucher  sur  l'oeil. 

GRONGNART 

Et  ou  ?  sur  le  nez  donc  ? 

HERODE 

Je  veil 
que  tu  le  laisses  tel  qu'il  est. 


22237  me  semble  C.  ^  22254  bailleras  tu  13.  —  28262  ce  fnulx  chien  renoye  B.  ce  faulx  traistre  C.  —  £2868  pour  aoy 
B.  —  22291  toute  la  C. 


292 


MISTERE   DE   LA    PASSION 


grongnaut 
Le  faulx  villain  tant  me  desplest 
2230j  qu'il  m'enffle  le  cueur  de  despit  : 
on  procède  pour  sou  pourfit 
et  ne  daigne  encore  respondre. 
Le  feu  d'enffci'  le  puist  confondre  ! 
c'est  ung  villain  rébarbatif. 

HERODE 

22310  Jhesus,  tu  sambles  moult  pensif  : 
parle  a  moy,  et  je  t'en  supplie. 

RODIGON 

Laisse  ceste  mélancolie, 
parle  a  monseigneur  quelque  chose  : 
tu  os  l'horreur  qu'on  te  propose, 
22315  dont  très  bien  délivrer  te  peust. 

GRONGNART 

Ou  il  ue  daigne  ou  il  ne  voust  : 
oncques  mes  ne  vy  plus  rebelle  ; 
ha!  que  je  luy  donroic  belle 
mes  que  je  l'eusse  a  gouverner  ! 

HERODE 

Sces  tu  pas  bien  renluminer 
les  aveugles?  c'est  chose  grande  ; 
c'est  pour  bien  que  je  le  demande, 
car  plusicui-B  en  ay  on  ma  terre, 
que  j'envoiroye  tantost  queiTe 
se  tu  t'y  vouloies  occuper, 
car  c'est  une  vertu  sans  per  : 
se  tu  l'as,  il  convient  conclure 
que  tu  es  Juppin  ou  Mercure 
ou  ung  du  collège  divin; 

22330  et  si  dois  estre  plus  enclin 
d'avoir  ung  aveugle  sané 
eu  la  terre  dont  tu  es  né 
que  de  faire  oeuvres  si  haultaines 
en  ces  aultres  marches  lointaines 

22335  dont  tu  n'as  pas  sorti  ton  gendre, 

mes  plus,  car  tu  peulz  cy  comprendre 

que  ceulx  devant  qui  tu  as  fais 

tes  miracles  et  tes  haulx  fais 

sont  ceulx  qui  plus  fort  me  requièrent 

22340  et  qui  ta  mort  veullent  et  quierent, 
dont  tu  as  trop  mal  employé 
le  bien  que  tu  as  desployo 
devant  eulx  en  si  hnult  degré 
quand  ilz  ne  t'en  scovcnt  ja  gré. 

22.Î45  Mes  fais  devant  moy  signe  aucun  : 
il  me  suffit  seulement  d'ung, 
mes  qu'il  soit  bien  admiratif  ; 
il  pourra  bien  estre  si  vif 
que  je  te  donray  plain  congé. 


22320 


22325 


22355 


22360 


22365 


RODIGON 
22350  C'est  assi's  longuement  songé, 
s'oncques  songeur  assés  songea. 

JHEROBOAN 

Sire,  ne  vous  arrestez  ja 
sur  ses  signes  et  brouleraens  : 
ce  ne  sont  riens  qu'enchantomens 
causés  par  art  dyabolique. 

MARDOCELS 

Quanqu'il  broulle,  c'est  par  magique 
et  convocacion  de  deables, 
qui  sont  vers  luy  tant  agréables 
qu'ilz  font  quanqu'il  veult  demander. 

HERODE 

Feras  tu  riens  pour  commander  ? 
maintendras  tu  ceste  arrogance? 
beau  sire,  se  tu  as  puissance, 
monstre  moy  cy  quelque  sinacle, 
soit  par  magique  ou  par  miracle, 
et  je  te  promès  par  ma  loy 
que  je  besongneray  pour  toy 
encontre  tous  tes  adversaires. 

ELIACHIN 

Quant  a  luy,  en  tous  ses  affaires 
il  est  i-ebelle  et  obstinât 

22.170  et  a  villains  du  pays  plat 

monstre  plus  tost  signes  greigncurs 
qu'il  ne  feroit  aux  grans  seigneurs  ; 
il  ne  suyt  ({u'oisouses  et  testes, 
publicans,  pecheure  manifestes, 

22375  folles  femmes  habandonnees  : 
la  va  il  faire  ses  menées 
et  c'est  ce  qui  plus  nous  desplest. 

HERODE 

Je  voy  bien  maintenant  que  c'est  : 
ce  n'est  qu'ung  bemus,  ung  songeart, 
ung  ypocrito,  ung  fol  coquart  ; 
il  est  tout  fol,  je  le  suppose. 
Et  comment  dea!  n'est  ce  autre  chose? 
j'ay  cuidé  passé  des  ans  maint 
que  ce  fust  ung  homme  très  saint, 
fn  qui  fust  venue  des  cieulx 
la  puissance  d'ung  de  nos  dieux, 
mes  j'ay  maintenant  bien  sentu 
qu'il  n'a  puissance  ne  vertu 
et  que  son  fait  n'est  qu'ung  abus. 
22390   Et  pourtant  comme  ung  coquibus 
et  comme  ung  vray  fol  et  testu, 
je  veil  qu'il  soit  do  blanc  veslu  : 
je  ne  luy  sçay  habit  meilleur. 
Grongnart  ? 


22380 


22385 


22306  respit  B.  C.  —  22310  tu  es  douleur  pensif  B.  G.  —  22317  nojz  C.  —  22320  enluminer  A.  —  22327  las  et  B. 
22.338  Telz  miracles  et  telz  B.  C.  —  22303  moy  man'iue  C.  —  22379  venus  G.  —22386  dung  motiquc  B. 


TIERCK   JOURNEE 


ao3 


GRONGNART 

J'entcns  bien,  monaeignour 
28390   vous  commando/,  que  je  le  veste 
(le  blaiio  comme  uik!  sote  boste 
qui  n'a  no  sens  n'cntcndemcut. 

HERODK 

Tout  juste  ;  prens  l'habillement 
d'ung  de  mes  ses  le  plus  cornu, 
ÏS!400  et  le  metz  d(?ssus  son  corps  nu 
comme  bien  faire  le  sçaras. 

GRONGNART 

Ung  habillement  riche  aras  : 
vecz  cy  justement  ta  monture. 
Regardez  cy  quel  pourtraicture  : 
îï'iOJ  il  est  tout  sot  a  voir  de  loing  ; 
oncques  je  ne  vy  si  sot  groing  : 
monseigneur,  regardez  quel  myne  ; 
est  l'abit  bon  ? 

RODIQON 

11  y  est  digne 
et  droitement  fait  en  lourdois. 

GRONGNART 

iHiO  II  a  lourde  teste  et  lours  dois; 
mes  qu'il  faisist  une  l'isee 
bien  estrange  et  bien  dcsguisee, 
ce  seroit  pour  rire  son  sol. 

RERODE 

Sus!  sergens,  prenez  vostre  fol, 
2Ï415  il  est  digne  do  mener  paistro  : 

vous  le  nienrez  a  vostre  maistro 

atout  ceste  roble  blanchie, 

et  luy  direz  que  le  mercye 

du  grant  honneur  qu'il  m'a  donné, 
ÏS4Ï0  et  que  tout  luy  est  pardonné 

quanqu'il  me  fust  oncques  grevant, 

et  bons  amis  comme  devant, 

ne  jamès  mal  talant  n'arons. 

BAHRAQUIN 

Vostre  vouloir  accomplirons, 
22'iî3  sire  tctrarehe,  a  chère  lye. 
.luno,  la  déesse  jolie,' 
vous  ait  en  sa  protection. 


NOSTUE   DAME 

Mon  filz,  plain  de  dilection, 
ma  très  doulco  fruiction 
22430  que  jamos  siuil  veil  conquérir, 
Ou  es  tu  n'en  quel  iransion  ? 


ou  pi-ens  tu  habitacion? 

las  !  je  ne  te  sçay  ou  quérir. 

MADRLAI.NE 

Se  Dieu  vous  veille  secourir, 
2S435  ma  dame,  |>cn8ons  de  courir  : 

j'apperçois  des  gens  ung  grant  ost, 
Kt  pense  qu'ilz  vont  requérir 
le  faire  juger  a  mourir 
dessus  Pilate  le  prevost. 

NOSTRB   DAME 

îï-iiO  Helas  !  ilz  le  tendront  repost 
et  le  feront  si  fort  celer 
que  ne  pourrons  a  luy  parler, 
car  la  porte  clorront  trop  près 
et  nous  dehors. 

MARIE  JACOB  Y 

Allons  après, 
22445  et  auprès  de  luy  nous  tenons. 


BARRAQDIN 

Monseigneur,  nous  vous  ramenons 
tout  acop  nostre  magisier. 

PIIATE 

Ha  !  mau  gré  en  ait  Jupiter  ! 
fault  il  qu'exécuter  le  doye  ? 
22450  c'estoit  tout  ce  que  je  craignoie, 

et  poui-  m'en  do  tous  poins  desmettre, 
l'avoye  la  voulu  transmelti'c, 
et  il  m'est  transmis  de  rechief  ! 

GRIFFON 

Pour  vous  compter  le  cas  en  brief, 
22455  pour  riens  qu'Herode  ait  contendu, 
il  no  luy  a  mot  respondu 
ne  donné  signe  ne  parole, 
et  pour  sa  contenance  folo 
il  l'a  fait  adouber  ainsi. 

PII.ATE 

28460  Haro  !  quel  desplaisir  voicy  ! 
a  peu  que  je  n'enrage  d'ire. 

BARRAQUIN 

Et  si  vous  oublioyo  a  dire 
qu'Herode  et  toute  sa  famille 
vous  remercye  des  fois  mille 
82465  de  l'honneur  qu'en  vous  il  a  veu, 
et  très  bon  gré  vous  en  a  sceu 
et  est  vostre  amy  de  ceste  heure. 

HILATE 

list  il  vrav  ? 


22400  vesl  C.  —  22'.04  rc>t;ariliuo  B.  G.  —  2241.S  dire  A.  remercje  B.  C.  —  22441  couler  C.  —  82446  lamenom  B.  — 
22'.ô6  rions  A.  —  82459  habiller  B.  —  22462  Et  vous  oy  oublie  C.  —  28465  auez  eu  B.  C.  —  28'.68  oy  je  vous  A. 


MISTRRE   DELA   PASSION 


BARUAQUIN 

Jo  VOUS  en  asseure, 
et  s'ung  besoing  vous  sourveiioit, 
22W0  il  se  mauldit  s'il  ne  venoit 
vous  secoui'ir  sans  supplier. 

PILATE 

Haro  !  je  ne  puis  oublier 

ce  meschant  quoy  qu'il  ait  ineffait  : 

ne  me  chault  qu'Herode  en  eust  fait 

8247b  mes  que  j'en  feusse  deschargo 
car  le  cueur  m'a  tousjours  jugé 
qu'enfin  un  grand  mal  m'en  vendra. 
Or  ça,  seigneurs,  il  convendra 
ung  peu  vostre  fait  moderei'  : 

82480  vous  avez  peu  considérer 

mon  fait  et  mes  moyens  en  somme  ; 
vous  m'avez  admené  cest  homme 
chargé  de  plusieurs  desmerites, 
digne  de  mort  comme  vous  dites 

22485  comme  d'avoir  fort  subverty 
vostre  peuple  et  tout  pcrverty 
et  beaucop  de  mal  impourveu, 
et  touteftbis  vous  avez  veu 
que  de  toute  ma  diligence 

82490  luy  requis  en  vostre  présence, 
conjuré  et  examiné, 
neantmoins  il  n'a  déterminé 
riens  qui  tourne  a  son  préjudice 
ne  dont  la  royale  justice 

22495  doyve  sa  mort  sentencier. 

ANNE 

Il  ne  s'en  fault  ja  soucier 

qu'il  vous  confesse  chose  aucune 

qui  tourne  a  sa  maie  fortune  ; 

il  se  taist  pour  tant  qu'il  luy  touche, 

22500  car  on  doit  maudire  la  bouche 
qui  fait  a  son  coips  encombrier; 
mes  pourtant  ne  dois  tu  targier 
de  le  juger,  qui  le  juge  es, 
et  vois  le  mal  de  tes  subgès 

82505  informé  pai'  probacion. 

PILATE 

Quant  est  a  l'informacion, 
se  je  tout  seul  l'eusse  parfaicte 
'vous  la  pourriez  dire  mal  faicte 
en  moy  de  faveur  arguant  ; 
22510  mes  nennin,  j'ay  fait  plus  avant  : 
a  Herode  l'ay  fait  mener 
qui  est  sage  homme  pour  régner, 
et  neantmoins  a  ce  que  je  voy, 
cause  n'y  trouve  ne  que  moy  : 


22515  qu'il  soit  vray,  raison  s'i  consent, 
car  en  forme  d'ung  innocent 
le  m'a  renvoyé  de  son  veil, 
pour  en  faire  ce  que  je  veil  ; 
et  quand  je  n'y  voy  point  de  filtre, 
22520  n'Herode,  no  loy  ne  chapitre 
ne  conseille  sa  mort  a  juge, 
voulez  vous  donc  que  je  le  juge 
a  mort  souffrir  pour  vostre  edit? 
nennin,  raison  y  contredit 
22525  et  tous  nos  drois  pareillement. 
Mes  voicy  pour  faire  aultrement 
ung  bon  moyen  que  j'ay  trouvé 
ou  il  n'ara  ame  grevé 
et  tendrons  la  voye  moyenne  : 
22530  vous  avez  coustumc  ancienne 

que  quand  j'ay  plusieurs  prisonniers, 
malfaiteurs,  larrons  ou  meurtriers, 
qui  pour  leur  mal  mouiir  convient, 
quand  vostre  haulte  Pasque  vient, 
22535  se  j'en  ay  quatre,  ou  trois,  ou  deux, 
vous  pouez  eslire  l'ung  d'eulx, 
celuy  qu'il  vous  plest  je  vous  livre, 
et  par  ce  point  il  est  délivre, 
en  signe  de  la  délivrance 
22540  d'iîgipte  que  vous  eustes  franche, 
connne  mieulx  que  moy  le  sçavcz  : 
en  la  loy  escripte  l'avez. 
Or  en  y  a  en  mes  prisons 
plusieurs  qui  par  leurs  mesprisons 
22545  sont  dignes  que  la  mort  les  tance, 
ne  reste  que  de  la  sentance  ; 
entre  lesquelz  y  en  a  ung 
qui  encontre  le  bien  conmiun 
a  fait  sedicieulx  debas 
22550  et  est  meurtrier,  c'est  Barrabas  ; 
vous  le  congnoissiez  n'a  celluy  : 
sy  vous  metz  a  choisir  de  luy 
ou  de  Jhesus  qu'on  dit  Christus. 

CAYPHE 

Nous  nous  conseillerons  dessus,) 
22555  et  puis  vous  orrez  la  responce. 

PILATE 

Or  abrégez,  ou  je  vous  nonce 
que  j'y  querray  ung  brief  moyen. 


ANNE 

Nostre  fait  se  porte  très  bien  : 


22477  grant  masohief  B.  C.  —  22490  Lay  C.   cyte  B.  inaile  C.  —  22498  a  manque  B.  C.  —  22502  charger  B.  G. 
22510    aultrement  A.  —  22513  Et  manque  A.  —  22525  dieux  G.  —  22528  ame]  homme  B.  C.  —  22542  escriiJt  B. 


n'y  a  que  do  porsuador 
ÎÎ500  tout  le  peuple  pour  demander 
liarrabus,  et  .Ihesus  destruire. 

CAYl'HK 

11  fault  tout  le  commun  instruire 
de  le  requerre  a  toutes  fins  : 
allons  a  parons,  a  cousins, 

Î2565  a  oncles,  germains  et  nepveux, 
et  n'y  espargnons  foy  no  veux 
ne  sermons  fais  ou  doux  ou  trois  : 
il  fault  bcsongner  ceste  fois 
que  Harrabas  nous  soit  rendu 

2Ï570  et  en  Jhesus  en  crois  pendu  : 

vous,  raesseigncurs,  pourveez  y. 


ANNE 

Mes  amis,  vous  avez  ouy 
l'offre  que  le  provost  nous  fait  ? 

RL'BEN 

Bari'aLas  doit  estre  deffait  ; 
22575  il  est  lari'on  ambicieux, 

faulx  meurtrier  et  ccdicieux, 
et  Jhesus  doit  estre  recous. 

CAYPHE 

Ha  !  meschans  gens,  que  dittes  vous  ? 
ce  Jhesus  nostre  loy  destruit  ; 
22580  il  vous  déserte,  il  vous  séduit  : 
s'il  n'est  occis,  vous  vous  pardcz. 

ANNE 

Avant,  meschans  gens  I  demandez 
Barrabas  d'uug  commun  accord. 

NEPTALIN 

Vêla  ung  merveilleux  recort  ! 
82585  vostre  parler  pas  ne  souffit  ; 
oncques  Jhesus  ne  nous  meffit: 
pourquoy  requerrons  nous  sa  mort  ? 

.IHEROHOAN 

S'il  y  a  honmie  qui  .«"admort 
d'aller  contre  no.stro  vouloir, 
22590  nous  l'en  ferons  si  cher  douloir 
que  jamès  ne  l'admendera. 

EMILIUS 

Nous  ferons  ce  qu'il  vous  plaira, 
messeigneurs,  sans  quelque  rabas. 

CELSIDON 

Qui  requerrons  nous  ? 

MABDOCELS 

Barrabas, 


TIRRCR  JOURNEE 

22595  voire  qu'il  voufi  soit  délivré. 

nARANUS 

Et  Jhesus,  quoy  ? 

jonnAN 

A  moi't  livré 
la  plus  cruelle  qu'on  pourra. 

NEMimOTH 

Soiez  sceurs  qu'on  le  l'equerra 
comme  vous  vouldrez,  j'en  suis  plege. 


296 


PILATE 

22600  Griffon? 

(iRlKFON 

Monseigneur. 

*  PILATE 

Or  t'abrège 
comme  ung  diligent  cscolier  : 
va  t'en  et  dis  au  geoUier 
que  Barrabas  soit  desserré, 
et  l'admeine  tout  enferré 
•>2605  par  devant  moy  tost  et  errant  : 
je  croy  qu'il  est  en  danger  grant 
qu'il  n'y  retourne  mes  en  pièce. 

GRIFFON 

Ha  !  que  c'est  une  fine  pièce 
pour  ung  gibet  bien  affamé  ! 

CLAQIEDENT 

22610  C'est  ung  larron  si  mal  famé 
que  chacun  en  est  mal  content. 

BBAYART 

Aussy  ung  vielz  gibet  l'atteut 
pour  luy  faire  sa  sépulture. 

GRIFFON 

Brayart,  vien  tost  a  l'aventure  : 
22615  si  m'aydcras  a  l'admener. 

BRAYART 

Ou  a  mener  ou  a  trainci', 

il  ne  m'en  chault  lequel  ce  soit. 


BRUTAULT 

Ou  vas  tu.  Griffon,  qui  te  voit? 
tu  sambles  fort  embesongné  : 
22620  tu  as  le  museau  rechigné 

comme  le  groing  d'un  vielz  lymier. 


22559  a  manque  B.  —  22565  niepoes  et  li.  C.  -  2Kp68  Kt  tant  faire  cosle  foiz  B.  C.  —  22572  Ca  mes  amis  »u««  B.  C. 
—  22579  De  jhesus  qui  B.  —  22593-9'4  altiihué.i  tout  «tliVrs  à  K.  A.  —  2?605  ouraiit  C.  —  22608  forte  pièce  B,  — 
22617  pourquoy  ce  soit  A- 


296 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


GRIFFON 

Han  dea,  tu  es  sur  ton  fumier, 
pour  ce  brais  tu  a  si  liault  son  : 
baille  moy  ce  nieschant  garson 
22625  que  tu  as  en  prison  la  bas. 

BRUTAULT 

Quel  garson  dis  tu  ? 

GRIFFON 

Ban  abas  ; 
tu  n'entens  non  plus  qu'une  giive. 

BRUTAULT 

Tien,  tien,  beau  sire,  plus  n'estrive  : 
tu  me  fais  trop  laide  grimace. 

GRIFFON 

22630  Ça,  maistre,  ça,  saultez  en  place 

tant  que  je  vous  empoigne  ung  peu  : 
vous  serez  roisin  de  Vimeu, 
vendangé  serez  a  l'eschelle.        * 

BARRABAS 

Helas  !  qu'est  ce  ? 

GRIFFON 

Qu'a  mort  cruelle 
22635  mourras  ;  entens  tu  mon  sermon  ? 

BRAYART 

Et  par  ma  loy  ce  feras  mon  ; 

croy  qu'il  est  maint  plas  beau  chapeau 

que  d'avoir  affublé  ta  peau  : 

jamès  ne  veil  tel  affulure. 

BARRABAS 

22640  Je  m'en  vois  mourir  bone  allure, 
je  m'en  tiens  pour  tout  asseuré  ; 
pieça  l'ay  je  bien  espéré 
et  grandement  l'ay  desservy  : 
oncques  Dieu  n'amay  ne  servy, 

22615  oncques  bien  ne  feis  en  ma  vie, 
mes  en  rancune  et  en  envye 
et  en  yre  ay  tousjours  vescu. 

BRAVART 

Et  le  blason  de  ton  escu 
sera  d'ung  beau  gibet  croisié, 
22650  ou  tu  aras  le  corps  brisié 
et  y  mourras  villainement. 


GRIFFON 

Sire,  veez  cy  ce  garnement 
que  j'admaine  très  bien  lié. 

PILATE 

11  ne  sera  pas  oublié  : 


22655  je  croy  qu'il  sortira  aillieurs 

prestement.  Or  ça,  mosseigneure, 
veez  cy  Bairabau  le  lobcur, 
le  faulx  meurtrier,  le  desrobeur 
de  toute  mauvaitié  noté  ; 

22660  veez  cy  Jhesus  d'aultre  costé 
qui  vous  a  presché  et  instruit 
et  monstre  oeuvres  de  grant  fiuit, 
vostre  Cristus,  vostre  saulvour  ; 
choisissez  sans  porter  faveur 

22665  lequel  des  deux  voulez  avoir 
en  Pasque. 

EMILIUS 

Il  est  bon  a  savoir  : 
c'est  Barraban  que  nous  querons. 

CELSIDON 

Barraban  nous  te  requerrons  : 
nous  voulons  qu'il  nous  soit  rendus. 

PILATE 

22670  Et  que  feray  je  de  Jhesus, 
vostre  prophète,  qui  cy  est  ? 

RABANU.S 

Porte,  porte,  porte  au  gibet, 
et  surpiez  le  nous  cruciffie. 

PILATE 

Vostre  l'oy  ? 

SALMANAZAR 

Ce  mot  nous  desplest; 
22675  porte,  porte,  porte  au  gibet. 

PILATE 

Seigneurs,  attendez,  s'il  vous  plest  ; 
cause  n'y  voy,  je  vous  affie. 

PHARES 

Porte,  porte,  porte  au  gibet, 
et  surpiez  le  nous  cruciffie. 

PILATE 

22C80  Comment,  seigneurs,  je  me  confie 
a  vous  comme  a  gens  de  conseil, 
par  quoy  de  vous  plus  m'esnierveil 
qui  voulez  que  je  me  consente 
de  juger  parsonne  innocente, 

22685  sans  sçavoir  comment  ne  pourquoy. 
Vous  prisez  tant  hault  vostre  loy, 
tant  fort  les  aultres  deffiez, 
et  tant  fort  vous  justiffiez 
qu'il  samble  qu'âme  ne  vous  vaille  : 

22690  regardez  se  vostre  loy  baille 
que  je  face  telz  jugemens  ; 
ce  n'est  pas  fait  de  justes  gens  : 
pensez  y,  je  vous  en  supplie. 


22655  Que  tu  boutas  arsoir  la  bas  B.  C.  —  2262T  grue  ii,  —  22628  Tien  que  plus  neu  C.  —  22()3d  se  A.—  22644  ayme  C. 
—  S2647  Et  en  larrecin  ay  A.  —  22659  Qui  le  peuple  a  tant  infeste  B.  G.  —  22666  En  vostre  pasque  C.  —  2«672"ll  soit 
tost  mené  au  gibet  C.  —  22674  Le  qui  vostre  roy  C.  —  22677  asseure  B.  —  22687  desprisies  A. 


T  I  F,  R  C  K  .1  O  U  R  N  E  K 


•297 


NEMnnOTH 
Pi'cns  lo  tost  cl  le  criioiffîo 
82095  et  loyc  sou  nom  do  la  tori'c. 

Pir.ATK 

Et  comment  l'osez  vous  requorre? 

vous  estes  forcenés,  ce  croy  : 

cmcifn-ay  je  vostre  roy  ? 

la  croix  est  la  mort  plus  villaino 
2Ï700   que  puist  porter  nature;  humaine  ; 

par  quoy,  s'il  a  mort  desservye 

et  il  convient  finir  sa  vie, 

passer  vous  pouez  a  mort  mendi'e 

que  si  noble  sang  en  ci'oix  pendre 
22705  qui  du  sang  royal  se  renomme. 

JHEROBOAN 

Ha  !  prevost,  jamès  ne  luy  nomme  : 
ce  langage  trop  près  nous  pince  ; 
noâtre  roy  n'est  ne  nostre  prince, 
nous  le  nyons  et  régnions, 

22710  maudissons  et  excommenions, 

car  nous  n'avons  roy  ne  seigneur 
se  ce  n'est  Gesar  l'empereur 
a  qui  seul  voulons  obéir  ; 
et  toy  mcsmes  le  dois  hair  : 

22715  car  puisque  notre  roy  se  dit. 
César  offence  et  contredit, 
ton  maistre  qui  t'a  cy  commis. 

PILATE 

Or  je  vous  diray,  mes  amis  : 
pour  complaire  a  vostre  désir 

82720  et  nionstrer  que  vostre  plaisir 
est  le  mien,  et  ne  veil  desplaire 
a  vous,  mes  de  tous  poins  complaire, 
Barraban  vous  delivreray  ; 
mes  de  Jhesus  je  vous  dii'ay  : 

22725  pour  ce  que  do  juger  sa  mort 
ma  conscience  me  remord, 
ung  petit  difl'crer  vouldray 
mes  on  tel  point  le  vous  mcttray 
ou  feray  par  mes  bedeaux  metti'o 

22730  qu'il  ne  s'ozera  onti-emettre 
de  jamès  sortir  nom  de  roy. 
Sergens,  mettez  vous  en  arroy  : 
il  vous  fault  cy  faire  ung  exploit. 

GRIFFON 

u  ne  nous  eu  ehault  quel  il  soit  : 
22735  surpiez  l'ii'ons  expédier. 

PILATE 

Allez  raoy  doiicqucs  tost  lier 


ce  Jhesus  icy  a  l'atacho 

et  que  serrement  on  l'atacho 

de  bonnes  cordes  bas  et  hault, 

OnlFKON 

iinw  Tout  ainsi  vestu? 

PILATE 

Quel  burgault! 
entens  tu  riens,  mouton  cornu  ? 

GRIFFON 

11  le  fault  despouillicr  tout  nu  : 
j'entens  bien  vostre  maladie. 
Ça,  villain,  Juppin  vous  maudie  ; 
82715  faictes  vous  cy  le  marmiteux? 
Vostre  paillart  corps  despiteux 
sera  maintenant  refForraé. 

ORILLART 

11  a  beau  corps  et  bien  foimc, 
c'est  dommage  qu'il  n'est  bien  sage. 

BR4.TART 

82750  11  a  dos  tout  a  l'avantage 

pour  recevoir  beaux  horions. 

CLAQUEDENT 

11  en  ara  dix  millions 
avant  le  diner. 

GRIFFON 

Je  l'accorde  : 
or  tire  donc  ce  bout  de  corde 
88755  pour  le  nouer  a  ce  pillier. 

CLAQUEDENT 

S'il  s'en  savoit  deseharpillier, 
je  dis  qu'il  c  croit  bien  soubtil. 

GRIFFON 

Regardez,  sire,  vous  plest  il  ? 
est  il  bien  lyé  par  amont  ? 

PILATE 

227P0  Bien  et  beau. 

GRIFFON 

Or  devisez  dont 
que  vous  en  avez  en  propos. 

PILATE 

Je  le  vous  diray  en  briefz  mos  ; 
saultcz  en  piez  quatre  bedeaulx, 
des  plus  grans  et  plus  fors  ribaulx, 

28765  faictes  moy  dos  verges  friandes 

huit  ou  dix  bien  longues  et  grandes, 
et  des  courgees  cordellees, 
'  de  petis  neuz  tout  dentelées, 
et  quant  tout  arez  assorty, 

28770  batcz  le  moy  par  tel  pai  ty 


22694  brief  B.  C.  —  22097  rnragcr,  C.  —  22702  Et  y  A.   —  2270()  Hacilt    prpuost   B.  C.  —  î?723-4  mnniuent   B.  C. 

—  22729  minr/ur  C.  —  22736  P.   Griffon  O.  sire  P.  va  moy  lior  B.  C.  —  2ïTa8  liieii  serrcinont  a  relie  B.  C.  estache  B. 

—  22740  lini?ault  C.  -  23744  Ca  sire  C.  —  22740  gaiUart  G.  —  22755  Ijer  C.  —  28763-4  mangueni  A.  —   «8767  de»  ed- 
rourgees  A. 


298 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


22780 


22785 


que  sur  tout  son  corps  n'y  ait  place 
ou  il  n'appere  plaie  ou  trace  : 
sçarez  vous  bien  faire  cela  ? 

GRIFFON 

Tant  que  vous  nous  direz  hola, 
22775  nous  ne  cesserons  de  frapper. 
BROYEFFORT,  varlet. 
Et  je  me  vouldray  occupei-, 
tandis  que  vous  l'estrillercz, 
a  faire  verges  au  plus  près 
pour  avoir  tousjours  de  nouvelles. 
Tenez,  veez  en  cy  quatre  belles  : 
chacun  en  preigne  une  pour  soy. 

GRIFFON 

Veez  cy  pour  nioy. 

CLAQUEDENT 

Et  cy  pour  moy  : 
je  m'en  sçaray  trop  bien  aidier. 

PILATE 

Griffon,  tu  ne  fais  que  plaidier  : 
fiers  dessus. 

GRIFFON 

Ne  vous  hastez  point  : 
il  nous  convient  mettre  en  pourpoint 
avant  que  nous  puissions  i-iens  faire. 

PILATE 

S'il  y  a  larron  deputaire 
qui  se  faigne  a  le  bien  escourre, 
il  n'est  qui  le  sache  rescourre 
qu'il  ne  soit  pendu  tout  bâtant. 

ORILLART 

Et  il  ne  tendra  pas  a  tant  : 
je  vois  commancer  la  meslee. 

GRIFFON 

11  a  ja  la  peau  crénelée 

des  horions  que  je  luy  baille. 

PILATE 

Frapez  fort,  frapez,  ribaudaille: 
homme  ne  se  mette  en  oubly. 

CLAQUEDENT 

Vous  samble  il  donc  que  je  luy  faille  ? 

BARRAQUIN 

Frapez  fort,  frapez,  ribaudaille. 

BRAYART 

Nous  le  deschirons  maille  a  maille  : 
on  ne  voit  riens  que  sang  sur  ly . 

PILATE 

Frapez  fort,  frapez,  ribaudaille  : 
homme  ne  se  mette  eu  oubly. 
Rendez  le  moy  tant  affaibly, 
22805  tant  mat  par  destresse  grevaine 


22790 


22795 


que  sur  tout  son  corps  n'y  ait  vaine 
qui  ne  soit  a  la  mort  navrée. 

ORILLART 

Il  ara  de  nostre  livrée 

assés,  qui  ne  luy  plaira  guère. 

GRIFFON 

22810  Ça,  des  verges. 

BROYEFFORT 

Combien  ? 

GRIFFON 

Deux  paire  : 
les  myennes  ne  valent  plus  rien. 

CLAQUEDENT 

Broyeffort,  tu  nous  fais  bien  braire  : 
ça,  des  verges. 

BROYEFFORT 

Combien? 

CLAQUEDENT 

Deux  paire. 

BROYEFFORT 

Haro  !  et  tant  dire  ! 

ORILLART 

Et  tant  faire  ! 
22815   nous  festons  cy  par  ton  moyen. 
Ça,  des  verges. 

BROYEFFORT  ^ 

Combien? 

ORILLART 

Deux  paire: 
les  myennes  ne  valent  plus  rien. 

BROYEFFORT 

Ôrillart  l'escout  doleur  bien  ; 
il  y  pert  bien  de  son  eosté  : 
22820  il  en  a  tant  do  sang  esté 

qu'on  n'y  congnoit  ne  cul  ne  teste. 

ORILLART 

Il  ne  fait  qu'entrer  a  la  feste  : 
au  premier  vendra  le  plus  fort. 
Baille  des  verges,  dy,  Broyeffort, 
22825  ou  tu  seras  mis  en  deffault. 

BROYEFFORT 

Haro  !  deables,  qu'il  vous  en  fault  ! 
qui  gibet  vous  sçaroit  fournir  ! 

BRAYART 

Ce  n'est  point  cy  pour  le  punir, 
verges  ne  sont  que  pour  enffans  : 
22830  a  telz  ribaulz  gros  et  puissans 

il  fault  bien  retraintes  plus  fortes. 

GRIFFON 

Or  nous  devisons  de  quelz  sortes, 
affin  que  nous  le  combatons. 


2*789  secourre  G.  -  22790  manque  C.  —  22811-3  manquent  A.  —  22822  en  la  B.  —  22827  Qui]  Qu-îl  B.  C. 


TIKUGR   JOURNEE 


290 


ORII.IAUT 

Est  co  do  poingz  ou  do  bâtons, 
8Ï835  affln  que  tu  le  nous  assignes  ? 

BnAYAUT 

Ncnnin,  mes  d'eacourgoos  fines 
ung  peu  nouées  par  les  bous 
de  beaux  gros  nouz. 

BROYEFKOUT 

Que  plaidez  vous  ? 
veez  cy  tant  que  vous  demandez. 
p:late 
2Ï840  Avant,  garçons,  vous  vous  rendez  : 
reprenez  nllaino  et  vortu 
et  le  me  rendez  tant  batu 
de  tous  lez  qu'il  n'y  ait  que  batre. 

GRIFFON 

Kmpreu. 

ORILLART 

Et  deux. 

nUAYAUT 

Et  trois. 

CLAQLEDENT 

Et  quatre, 
2iS'k:>   et  le  cinquième  de  surcroix. 

GRIKKON 

Telz  mes  faut  il  a  ung  folâtre  : 
empreu. 

ORILI.ART 

Et  deux. 

BRAYART 

Et  trois. 

CLAQUEDKNT 

Et  quatre. 

BROYEFKORT 

Griffon,  tu  comptes  sans  rabatre  : 
pour  ung  cop  tu  en  frappes  trois. 

GRIFFON 

228no  Quand  ce  sont  dix,  fais  une  crois, 
je  no  le  fais  que  pour  esbatre  : 
empreu. 

ORILLART 

Et  doux. 

BRAYART 

Et  trois. 

CLAQUEDENT 

Et  quatre  ; 
et  le  cinquième  do  surcroix 
qui  lui  donna  ? 

GRIFFON 

Se  tu  m'en  crois, 
22833  baUlo  luy  hardiment  la  touche. 


BllOVEFFOnT 

Il  samblc  que  Brayart  n'y  touche, 
mes  par  l'ame  de  mon  bon  perc, 
il  ne  frapiio  cop  qu'il  n'appero 
une  ployé  de  quatre  dois. 
Icy  le  bâtent  une  espace  sans  parUr. 
[Pose.] 

PILATE 

22860  Ho  !  il  souffit  pour  cesto  fois, 

compaignons,  cessez  le  souiplus  : 
il  en  a  tant  qu'il  ne  pcust  plus  ; 
j'ay  du  regarder  grand  hidcur. 
Seigneurs,  regardez  quel  horreur, 

22865  comment  ce  meschant  est  traitié  : 
n'est  cueur  qui  n'en  prengno  pitié, 
et  fust  plus  dur  que  l'ayment. 

GRIFFON 

Chargez  nous  par  vostre  commaud 
que  nous  ferons  après  cecy. 

PILATE 

22870  II  me  desplaist  a  voir  ainsy, 
tant  porte  terrible  chastoy  : 
va,  povre  homme,  va,  revès  toy  ; 
je  croy  que  tes  accusateurs 
sont  contons  dos  griefvos  doleurs 

22873  dont  tu  es  asprement  pugny. 

ORILLART 

Ne  reste  mais  qu'il  soit  bany, 
tant  que  jamés  n'en  soit  nouvelle. 

GRIFFON 

Je  l'ay  advisé  bien  plus  belle, 
mes  que  monseigneur  le  permette. 

PILAI  E 

22880  En  quelz  point  veulz  tu  qu'on  le  mette, 
Griffon  ?  dis  nous  en  le  motif. 

GRIFFON 

Sire,  j'outous  que  ce  chetif 

s'est  vanté  par  tout  ce  pays 

qu'il  est  sire  et  roy  dos  Juifz, 
828ffi  c'est  ung  des  poins  qu'on  luy  declaire  : 

donc,  se  vous  voulez  bien  complaire 

aux  Juifz  qui  de  ce  l'accusent 

et  qui  le  uycnt  et  reffusent, 

je  vous  diray  que  nous  ferons  : 
22890  d'habit  do  roy  le  vestirons 

le  plus  villement  qu'on  pourra, 

et  aloçs  on  leur  monstrora 

ensanglanté  de  toutes  pai-s, 

et  sera  le  roy  dos  conars 
22893  en  signe  do  dorrision. 

Dis  je  bien  ? 


23844  Empreaf  B.  C.  - 
B.C. 


■  Ï8864  Seigneurs  juil'i  voyeas  A.  —  22867  Ou  il  seroit  G.  —  82884  seigneur  et  A.  —  2SS94  conura 


300 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


PILATE 

Ton  oppinion 
me  plaist  bien  et  me  samble  bonne. 

CLAQUEDENT 

Veez  cy  ung  habit  tout  ydonne 
dont  il  sera  trop  bien  doué  : 
22900   cest  ung  viol  pourpre  tout  troué, 
plus  deschiré  qu'ung  viel  haillon. 

BRAYART 

Or  ça  doneques,  or  luy  bâillon, 
puisque  monseigneur  y  consen  . 
Il  est  propre  ! 

GRIFFON 

Il  en  vault  ung  cent 
22905  pour  luy  bien  faire  la  grimace. 

Ça,  faulx  paillart,  saultez  en  place  : 
voicy  dont  vous  serez  vestu. 
Tendez  les  bras. 

CLAQUEDENT 

Que  ne  fiers  tu 
si  tost  que  tu  vois  qu'il  recuUe  ? 

BRAYART 

22910  Or  tien,  tien,  papelart,  affullc  : 
cest  habit  est  a  l'aventage. 

ORILLART 

Dieux  !  quel  roy  ! 

GRIFFON 

Dieux  !  quel  parsonnage  ! 
il  est  trop  bon  a  voir'  de  loing. 

CLAQUEDENT 

Il  luy  fault  baillier  en  son  poing 
2S915  le  ccptre,  ou  nous  n'avons  riens  fait. 

BRAYART 

Veez  cy  ung  roseau  très  bien  fait 
pour  faire  ung  ceptre  droit  apposte. 

ORILLART 

Or  l'asseons  icy  de  coste, 
en  estât  de  regalité. 

GRIFFON 

22920  De  fièvres  soit  il  alité 

que  tant  il  nous  donne  de  peine  ! 

CLAQUEDEXT 

Jupiter  vous  doint  maie  estreine  ! 
folz,  vous  oubliez  le  meilleur  : 
puisqu'il  est  roy  et  gouverneur', 
229>:5  ne  fault  il  point  qu'on  le  couronne  ? 

BROYEFFORT 

Je  luy  vois  faire  une  cour'onne 
bien  pi'opre  selon  son  estât. 


BRAYART 

Tandis  nous  prendrions  nostrc  csbat 
a  luy  ci'oqueter  sur'  la  teste 
22030  de  gros  roseaulx. 

ORILIART 

Or  menez  feste, 
sire  roy,  maistr'e  Aliboron. 

GRIFFON 

Hé  !  ace  rex  Judeorum  ! 
n'est  pas  la  terre  de  Judée 
bien  eureuze  et  bien  gouvernée 
229^  d'avoir  ung  tel  guberrrateur ? 

Icy  luy  crachent  au  visage. 

CLAQUEDENT 

Fy  du  r'oy. 

BRAYART 

Fy  du  faulx  menteur. 
Fait  on  le  roy  d'ung  tel  conart  ? 
c'est  dommage  et  pitié  qu'on  n'ar't 
telz  folz  qui  s'eslievent  si  hault. 

BROYEFFORT 

22910  Tenez,  veez  cy  ce  qu'il  vous  fault 
pour  le  couronner  haultement. 

ORILLART 

Veez  cy  riche  coui'onnement 
avec  ces  notables  habis  : 
il  n'y  a  saphir  ne  rubis 
229i5  mes  grosses  espines  piquantes. 

GRIFFON 

J'en  voy  icy  je  ne  sçay  quarjtes 
qui  luy  feront  mOult  de  meschicf  ; 
or  luy  asseons  sur  le  chief  : 
couronnons  ce  roy  autentique. 

CLAQUEDENT 

22950  Hay,  deable  ! 

BRAYART 

Qu'as  tu  ? 

CLAQUEDENT 

Je  me  picque  : 
veez  cy  pour  nous  mauvais  abus. 

BROYEFFORT 

Que  vous  estes  bien  coquibus 
et  bien  brutes  et  bestiaulx  I 
n'y  sçavez  vous  aultres  consaulx  ? 
229Ô5  le  remède  y  est  cler  et  plain. 

ORILLART 

Et  quel  ? 

BROYEFFORT 

Prenez  en  vostre  main 
bons  gros  bâtons  cours  et  corsus, 


22902  habillon  B.  —  22yi6  rolleau  li.  -  22917  droit  manque  C—  22i)31  alixsboron  B.  Sire  moistre  aiborura  C.  —  22932 
He]  salue  B.  C.  —  22937  cornard  B.  C.  —  22940  luy  fault  B.  -  22951  ung  très  C.  -  22957  Jours  et  torcuz  B.  longs  et 
corissus  C. 


TIERCE    JOURNEE 


301 


et  frappez  a  puissance  sua, 

tant  qu'elle  y  entre  ou  qu'elle  brise. 

ORIM.ART 

22Ï60  C'est  parlé  de  bonne  devise/ 
nous  en  ferons  en  cos-te  forme. 
Sus  !  sus!  il  failli  qu'on  luy  enfornie 
a  force  comment  qu'il  en  voit. 
Frappez  de  la. 

GRIKFON 

Qui  bien  le  voist, 
?2«55  il  grigne  de  fine  destressc  : 
veez  cy  couronne  d(^  noblesse 
pour  uiig  grant  prince  séculier. 

CI.AQUEDENT 

Elle  est  a  tel  pot  tel  eulicr 
et  selon  la  jambe  la  chausse  ; 
22970  de  plus  frappons  et  plus  se  hausse, 
je  ne  sçay  qui  dealjle  l'arreste. 

BRAYART 

11  a  le  gibet  grosse  teste  : 

a  grand  peine  luy  peut  on  joindre. 

ORILLART 

Regardez  les  espines  poindre  : 
22975  il  y  en  a  de  bien  notrecs 
et  de  telles  qui  sont  outrées 
jusques  au  fin  fons  du  cerveau. 

GRIFFON 

Et  vive  nostre  roy  nouveau 
qui  tient  maintenant  court  l'oyalle  ! 

CLAQUEDENT 

22980  II  porte  ung  bien  riche  chappeau, 
mes  l'abit  est  ung  petit  salle. 

BRAYART 

Ou  .sont  ses  escuiei's  de  salle  ? 
qu'ilz  ne  viennent  icy  par  mens. 

ORILLART 

Sa  grant  meignie  commeusalle 
229SJ   cuide  qu'il  face  ses  sermons. 

Je  vous  requier  que  nous  l'armons 
de  coups  pour  recapituler. 

GRtl'KOX 

Regardez  le  sang  rideler 
qui  le  museau  luy  ensanglante  : 
22990  ho  !  faulcc  parsoniio  ineschanto, 
je  n'ay  pitié  do  ta  douleur 
non  phi;*  que  d'un  vi(>lz  fiiv<ilpui- 
qu" ung  gibet  disiuo  on  lieu  de  jarbo. 

CLAQUEDENT 

Jouons  nous  a  plumer  sa  barbe? 
22995  elle  est  par  trop  longue  saillant. 

229S6  manque  R    —  S2990  et  senglanle  U.  — 
23020  inhumanité  B.  C.  -  2:t022  forineuî  A. 


BRAYART 

Celiiy  sera  le  plus  vaillant 
qui  en  ara  plus  giaiit  poignée. 

ORILLART 

Je  l'ay  ja  si  ferme  empoignée 
que  la  char  est  venue  après 
£3000  et  le  sang  cler. 

GRIFFON 

Souffle,  va  près, 
et  ne  fault  il  pas  que  j'y  soie? 
je  ne  sçay  a  quoy  je  pensoio  : 
je  le  veil  visiter  ung  peu. 

PILATB 

Sergens,  il  souffit  de  ce  jeu, 
23005  il  a  grant  temjjs  qu'on  commança  : 
admencz  le  moy  par  de  ça 
tout  juste  en  Testât  ou  il  e."t. 
Son  martire  tant  me  desplest 
qu'a  peu  se  regai'der  le  puis. 


[Pose.] 


23010  Regardez  cy,  seigneurs  Juifz, 

je  cuide  que  vous  direz  ho 

a  ceste  foiz.  Ecce  homo  ! 

regardez  cy  quel  douleur  dure, 

regardez  que  cest  homme  endure, 
23015  s'oncques  homme  porta  tel  somme  : 

ayez  ung  regard  qu'il  est  homme, 

homme  voire  bien  misérable. 

Toute  beste  ayme  son  samblable  : 

le  regard  donc  d'hiunanité 
23020  modère  vostre  cruaulté  ; 

vostre  frère  est,  vous  le  voiez, 

et  s'il  est  que  fort  meuz  soiez 

et  avez  pris  rancune  d'ire 

qu'il  s'est  vostre  roy  voulu  dire, 
23025  regardez  royaultc  piteuse, 

royaulté  la  plus  malhcm-eusc 

qui  soit  huy  no  jamès  sera. 

James  plus  roy  no  se  fera  : 

trop  aspre  chastoy  en  raiiporte. 
23030  Regardez  quel  couronne  il  porte, 

quel  manleau,  quel  ceptre  royal  : 

en  tout  son  corps  seul  tant  «le  mal 

que  janu's  de  niembro  qu'il  ait 

no  s'aydoi  a  :  il  en  est  fait. 
23035  Acquito  suis  de  mou  office, 

si  vous  i-equier  qu'il  vous  sufïico, 

22992  fiinilleur  C.  —  22995  miiiujue  C.  —  23010-1  maiviiurU  B.  C.  — 


302  M  I  S  t  E  R  E 

et  pardonnez  le  résidu. 

NATHAN 

Il  fault  qu'il  soit  eu  croix  pendu, 
ou  nous  ne  sommes  point  contentz. 

JHEROBOAN 

23040  Prévost,  ce  no  sont  que  contens, 
qui  l'excuses  et  justifies  ; 
il  fault  que  tu  le  crucifies, 
ou  le  peuple  braira  toujours. 

PILATE 

Ha  !  haulx  dieux  des  temples  majeurs, 

23015  conseillez  nioy  ;  las  !  que  fera  je  ? 
veez  cy  la  plus  ardente  rage 
de  peuple  qui  oucqucs  fust  veue; 
veez  cy  rago  tant  desprouveue 
que  plus  vient  avant,  plus  s'espart  : 

23050  oncq  leonesse  ne  lieppart 
ne  porta  tel  austérité. 
Comment  !  seigneurs,  en  vérité 
je  m'esbahis  de  vostre  affaire  : 
quel  douleur  pouvez  vous  plus  faire 

23055  a  ce  povre  homme?  qui  vous  nieust? 
il  soutfre  tant  que  plus  n'en  peust  : 
ja  ne  fault  qu'il  soit  despointié, 
il  est  dcsja  mort  a  moittié  ; 
a  sa  mort  tiavellicr  ne  fault, 

23060  il  est  desja  mort,  autant  vault  ; 
c'est  ung  povrc  honune  raffolé, 
tout  desmenbré,  tout  aifollé 
qui  u'attent  que  la  mort  le  happe. 

EMILIUS 

Prévost,  garde  bien  qu'il  n'eschappe  ; 
23065  s'il  n'est  cruciffié  très  bien 

et  mis  a  mort,  tu  ne  fais  rien  : 
voyla  nostre  peticion. 

CAYPHE 

Tu  quiers  pour  néant  dilacion  : 
tu  vois  que  le  peuple  s'efforce 
23070  et  qu'il  fault  qu'il  muyrc  :  c'est  force  ; 
depesche  nous  de  telz  erreurs. 

PlLATE 

Ha!  messeigneurs. 

ANNE 

Quclz  messeigueurs 
s'il  a  dure  mort  desscrvye 
et  lu  luy  fais  finer  la  vie, 
23075  c'est  la  fin  de  telz  malfaicteurs. 

CELSIDON 

Il  a  tant  fait  de  telz  horreurs 
qu'il  eu  mourra. 


DE    LA    PASSION 

PlLATE 

C'est  par  envye. 
Ha  !  messeigueurs. 

MARDOCEUS 

Quelz  messeigueurs, 
s'il  a  dure  mort  desservye? 

RABANUS 

230SO  11  a  tant  fait  cy  et  aillieurs 
que  le  peuple  despacifie. 

SALMANAZAR 

Porte,  porte,  et  le  crucifie  ; 
veulx  tu  espargner  telz  broulleurs  ? 

PlLATE 

Ha!  messeigueurs  ! 

NAASON 

Quelz  messeigueurs? 
23085  s'il  a  dure  mort  desservye 
et  tu  luy  fais  finir  la  vie, 
c'est  la  fin  de  telz  malfaicteurs. 

ELIACUIN 

Tu  os  cy  les  accusateurs 

par  lesquelz  les  meffais  sçavons  ; 

23090   d'aultre  part  bonne  loy  avons 
que  nostre  Dieu  a  ordonnée 
et  sentence  en  elle  donnée 
qu'il  fault  qu'il  muyre  en  temps  et  lieu, 
car  il  s'est  fait  le  iîlz  de  Dieu, 

23095  et  dit  beaucop  d'aultrcs  blasphèmes. 

PlLATE 

Que  no  le  prenez  vous  vous  mesmes 

et  le  menez  crucifier  ? 

vous  m'en  voulez  ensongnier, 

mes  briefmeut  ce  n'est  point  ma  charge. 

ANNE 

23100  Tu  os  le  cas  dont  on  le  charge  : 
il  s'est  nommé,  pour  valoir  mieulx, 
le  filz  de  Dieu  en  plusieurs  heux, 
ou  cause  de  mort  est  enclose. 

PILATE 

Filz  de  Dieu,  dea  !  c'est  aultre  chose  : 
23105   quand  devant  l'avez  accusé, 
ce  point  n'avez  pas  proposé  ; 
si  le  fault  examiner  sus. 


Icy  rentre  Pilote  ait  prétoire  et  y  maine  Jhesiis. 
Or  vien  ça,  parle  a  moy,  Jhesus, 
respons  moy  a  ung  tout  seul  point  : 

23110  dont  es  tu  ?  tu  ne  parles  point? 


23049  auilnt  maniuc  A.  —  23051  antioipite  C.  —23052  messeignetirs  A.  —  23055  que  vous  A. 


TIERCE    JOURNEE 


303 


me  portes  lu  tel  arrogance  ? 
secs  tu  pas  quo  j'ay  la  puissance 
do  toy  prcstcnu'iil  délivrer 
ou  destruire  et  a  mort  livrer  ? 
23115  si  portos  on  vain  toi  rancune. 

JllESUS 

Sur  nioy  n'aroyos  puissance  aucune 
se  do  lassus  ne  l'eusses  prise  ; 
donc  se  ta  raison  est  niesprise, 
péché  y  a  tout  apparant  : 
23120  toutcftbis  l'a  colluy  plus  graut 
qui  a  toy  m'a  mis  ot  bailliô. 


Pilate  tient  aux  Juifz. 

PILATB 

Seigneurs,  je  suis  csmcrveillic 

que  raison  ne  vouliez  entendre, 

mes  indirectement  contendi'e 
23125  a  la  mort  de  cest  homme  icy  ; 

et  s'est  chastié  par  tel  sy 

que  c'est  cruaulto  de  le  voir  : 

que  veult  on  de  luy  plus  avoir  ? 

Son  méfiait  en  riens  ne  s'ai)prcuvc  : 
23130  plus  l'examine  et  moins  le  treuvo 

coulpable  d'estro  a  mort  jugié. 

Pour  Dieu,  qu'on  luy  donne  congié, 

ou  se  faire  ne  le  voulez 

admenez  le  et  vous  en  allez 
23135  le  juger  par  vostre  justice, 

cai'  de  moy  ne  de  mon  office 

le  jugement  n'appartient  pas. 

BANANIAS 

Prévost,  tu  commet/  giant  trespas 

os  mandemens  imperiauls, 
23140  quant  apperçois  publiques  maulx 

et  no  les  pugnis  par  rigueur. 

Se  tu  laisses  ce  faulx  brigucur, 

tu  n'es  pas  amy  a  Gesar  : 

il  est  legier  a  prouver,  car 
23145  tout  homme  qui  roy  se  veult  dire 

aux  lois  César  veult  oontrcdire, 

et  tu  le  veulx  icy  souffrir. 

JOATHAN 

Se  ne  le  fais  a  mort  offrir, 
César  mauvais  gré  t'en  soara 
23150  et  peut  cstre  te  privera 

de  l'office  qu'il  t'a  commise. 

l'ILATE 

Veoz  cy  gent  a  tout  mal  soubmise, 

23116  aucune  manque  A.  —  23122  moult  merucillo  G.  — 
—  83171  1res  mmque  A.  —  23182  A  ta  beuigne  créature 


veez  cy  gent  bien  désespérée, 

vecz  cy  gent  la  pis  modérée 
83155  qui  soit,  je  croy,  dessus  la  terre  : 
tout  le  cueur  du  ventre  leur  serre 
de  vcoir  ce  meschant  homme  en  vie, 
et  si  n'est  quo  pour  une  envye 
qu'ilz  ont  contre  luy  pour  ung  rien. 


[Pose.] 


23160  0  povre  homme,  il  me  desplest  bien 
qu'il  convient  qu'a  la  moi't  te  juge  ; 
en  malheure  en  fus  oncques  juge, 
mes  il  mo  fault  obtempei'cr 
I)our  doubto  de  le  comporcr  : 

23165  ce  peuple  en  paix  ne  me  laii'ra 
jusqu'à  ce  qu'a  son  vcil  l'ara. 


[PosE.l 


Or  beaux  seigneure,  oez  ma  voix 

puisque  vosti'e  courage  vois 

qui  pour  riens  ne  se  veult  reffraindrc 

23170  de  ce  povre  homme  a  mort  contraindre, 
neantmoins  qu'il  me  sonne  très  mal, 
je  m'en  vois  seoir  au  tribunal 
pour  le  juger  comme  il  fauldra  : 
pourtant  y  viengne  qui  vouldra 

23175  ouir  la  sentancc  finable. 

EMILIU.S 

Ha  !  faulx  prophète  misérable, 
a  ce  cop  seras  tu  deffait. 

CELSIDON 

Suivons,  suivons,  c'est  nostre  fait, 
pour  voir  la  chose  teiininer. 


ADAM,  ow  limbe. 
83180      Doulx  Dieu  qui  règnes  sans  finer 

et  qui  tous  bien  voulz  assigner 

a  moy  ta  povre  créature, 

Quand  vouldras  tu  l'heure  signer 

quo  tu  nous  dois  mediciner 
83185  ropparant  notre  fortfaicture  ? 

Quand  vendra  la  bonne  adventure 

23139  Es]  Et  B.  —  83142  l'aulx]  fort  B.  —  23155  soit  ne«  B.  0. 
B.  A  ta  poure  et  petite  C.  —  231S6  tminquc  C. 


304 


MISTERE    DE   LA    PASSION 


que  ton  cher  filz  la  mort  endure 
pour  nostre  peiiie  attcrminer? 
L'attente  nous  est  griefve  et  dure, 
23190   et  si  grant  espace  nous  dure 
que  ne  le  sçavons  affiner. 

EVE 

Souveraine  et  divine  essence 
qui  tous  sces  en  ta  prescience 
et  vois  ce  qui  nous  est  mestier, 

23195  Regarde  nostre  pcstilance 
et  douloureuze  pacience 
en  quoy  tu  nous  seuffres  traictier. 
Quand  sera  celuy  temps  entier 
que  de  ta  grâce  et  volentier 

23200  verrons  ta  divine  présence  'i 

Helas  !  quand  tendrons  le  sentier 
que  David  dedens  son  psaultier 
chante  en  ta  gi-ande  révérence  ? 

[SlI.ETE.] 


DIEU    LE    PERE 

Temps  est  que  la  très  griefve  otfence 

23205  dont  le  gendre  humain  est  taché 
soit  adnullee  et  son  péché 
pardonné  et  le  pécheur  quitte 
par  le  très  glorieux  mérite 
de  la  passion  a  quoy  s'offre 

23210  mon  filz  Jhesus,  et  m'en  fait  offre 
comme  pris  de  redcmpcion  ; 
et  pour  faire  exultaciou 
a  ce  gendre  humain  qui  l'attent 
ou  limbe  forclos  et  latent, 

23215  Michel,  mon  glorieux  message, 
vous  irez  faire  le  voiagc 
jusquos  au  limbe  ou  ilz  sont  mis, 
et  la  conifortez  mes  amis  : 
si  leur  direz  que  bien  et  brief 

23220  seront  allégés  de  leur  grief 
ou  longtemps  ilz  ont  habité. 

MICHEL 

Très  souveraine  trinité 
qui  régnez  en  gloire  paifaiclo, 
vostre  volonté  sera  faicte 
2:!225   nans  quelconque  intoi'mission. 


[POSB 

tant  qu'il  soit  au  limbe.] 


Reprenez  consolacion, 

amis  qui  cy  estes  livrés  : 

temprement  serez  délivrés  ; 

vostre  redempcion  puissants 
23230  très  ydonne  et  très  suffisante 

est  preste  de  faire  rapport 

a  Dieu  pour  vous  mener  a  port; 

le  fdz  de  Dieu  très  beneureux, 

Jhesus,  le  doulx  et  gracieulx, 
23235  s'est  baillié  de  gré  vohmtaires 

en  la  main  de  ses  adversaires 

et  s'humilie  soul)z  leur  main 

pour  toy  délivrer,  gendre  humain  : 

monstre  toy  loyal  serviteur 
23240  et  mercye  ton  créateur 

qui  vient  pour  toy  livrer  secours. 

ADAM 

0  seul  et  souverain  recours 
a  qui  seul  au  bcsoing  recours 
en  ma  destresse  criminelle, 
23245  Mercy  altens  passé  maintz  jours 
en  longs  et  ennoyans  séjours  : 
or  m'esjouit  caste  nouvelle. 

EVE 

Haulte  majesté  éternelle, 
qui  de  ta  bonté  supernplle 
23250  nous  donnes  ccst  espoir  joyculx, 
Gloire  te  rendons  perhennelle 
et  l'ange  qui  le  nous  revelle 
mercions  do  cueur  gracieux. 

YSAIE 

Menons  feste  et  jeuz  plantureux 
23255  a  ceste  nouvelle  apportée, 
qui  a  toute  reconffortee 
l'assemblée  des  douloureux. 

EZECHIEl. 

Longtemps  avons  esté  piteux, 
mes  comme  gent  bien  conffortee 
23260  menons  feste  et  jeuz  plantureux 
a  ceste  nouvelle  apportée. 

JHEUEMIE 

Dieu  sur  tous  fort  et  veitucux, 
haulte  puissance  redoublée 
en  nous  as  tel  j(}ye  boutée 
23265   que  nous  nous  tenons  bien  heureux. 


23196  prosistonre  B.  C.  —  2ii'01  Ilelas  manriiw  C.  —  23212  oxiillaoloii  C.  —  23219  Kt  leur  C.  —  23:22  eternilo  G.  — 
23235-6  volontaire,  son  aduersaire  B.  C.  —  23237  .Soubz  sa  B.  C.  —  2323S  te  C.  —  23233  très  joyeux  G.  —  23260  jove 
et  A.  —  23264  tel  gloire  A.  —  232G5  Que  nous  nous  tenons  pour  joyculx  A. 


T  I  !•:  K  G  H    J  O  U  K  N  K  K 


305 


UAVIU 

Menons  fosto  et  jfiuz  planturoiix 
a  cestc  iionvcllo  apportée, 
qui  n  toutes  reconffoi'tec 
rasscnil)l('o  dos  douloureux. 
Ici/  doivent  chanter  quelque  motet. 


l.UCIKKR 

S3i70   Doahlos  oliscurs  et  teiiobroux, 
tourbe  dospiteusc  et  villaine, 
qui  est  ce  qui  tel  joye  inaine 
en  nostre  chartre  horrible  et  noire  ? 

HERir.H 

C'est  le  gendre  humain. 

LbCIKER 

Haro!  voire, 
23275  est  ce  cela  que  j'ay  ouy  ? 
quel  doable  l'a  cy  resjouy 
ne  quel  maufl'és  l'a  fait  chanter  ? 

CEniiERUS 

Je  cioy  qu'il  nous  cuido  enchanter 
pour  nous  flajoller  en  l'oreille. 

ASTAROTH 

232S0  C'est  le  deable  qui  les  resveille 
et  les  fait  dancer  a  l'ostol. 

KERGAI.US 

Voire,  ou  ung  desespoir  mortel 
dont  ilz  sont  ainsy  forcenés 
quand  ilz  se  sentent  condanipnés 
23285  sans  lin  aux  eternaul/.  palus. 

I.UCIKER 

Ne  m'en  parle  plus,  Fergalus, 

ne  vous  aultres,  tour))es  maudites  : 

il  y  a  pis  que  ne  me  dittes; 

je  craing  d'avoir  ung  quid  pro  quo. 

23290  Haro  !  deables,  haro  !  haro  ! 
dragons  venimeux  et  mauvais, 
seurment  ne  me  créez  jamais 
s'ilz  n'ont  en  eulx  ferme  espérance 
d'avoir  bien  briefve  délivrance 

23295  et  d'eschapper  d(>  nos  prisons. 

BERICH 

Lucifer,  riens  ne  nous  prisj>ns 
s'ilz  y  scevent  trouver  cautolle, 
car  quant  la  chose  scroit  telle 
prestement  y  remedyrons. 
I.UCIKER 

23300  Faulx  serpcns,  nous  les  pcrdcrons 


et  en  serons  dessaisiné  : 
je  l'ay  tousjours  yrnaginé, 
et  ainsi  nous  en  advendra 
et  que  ce  faulx  Cristus  vendra 
233œ  despoiller  tout  nostre  héritage. 

ASTAROTH 

Ha  !  inaistre,  vous  nous  dictes  rage  : 
tclz  parler»  nous  sont  mal  scans  : 
puisqu'il?,  sont  condempnés  céans 
a  quel  cause  en  pai'tiront  ilz  ? 

LUCIFER 

23310  Deables,  vous  n'estes  point  subtilz  : 
autreffois  vous  ay  fait  cnqucrre 
se  Cristus  estoit  né  en  terre 
dont  tant  de  livres  sont  escripz, 
et  après  arguz  et  astrifz 

23315  fut  dit  que  pour  cause  certaine 
cil  qui  jeûna  la  quarantaine 
estoit  Cristus  et  le  monstroit 
par  les  haulx  faiz  qu'il  demonsti-oit 
passans  les  oeuvres  de  nature  ; 

23320  or  ne  sçay  je  se  d'aventure 
il  est  mort  ou  mis  a  mai'tirç, 
et  puis  venist  de  fresche  tire 
délivrer  tous  nos  prisonniers  ? 

KERGALUS 

Je  ne  le  crains  pas  deux  dçniers 
$3325  se  c'est  cil  qui  est  dit  dessus. 

LUaFER 

Il  se  fait  appeler  Jhcsus, 
ung  homme  saint  et  vertuablc  : 
en  tout  nostre  enfler  n'y  a  deable 
a  peine  qui  ne  le  congnoisse, 
23330  et  a  qui  n'ait  fait  tant  d'angoisse 
qu'il  n'est  a  dire  ne  sommer. 

HERICH 

Je  le  congnois  bien  au  nommer: 
c'est  ung  homme  de  haulte  taille  ; 
mes  s'il  vient,  il  ara  batttillc 
23335  forte  et  terrible  non  pouiquant. 

CERIIERUS 

Tout  on  jouant,  tout  en  mocquanl 

je  vueil  tenir  ma  porte  close 

a  celle  fin  que  je  m'oppose 

s'il  vient  cy  nos  fors  bourgs  piliior. 

LUCIFER 

23340  Cerberus,  il  t'y  fault  voillier  : 
pendu  seras  se  tu  n'y  suis. 


23277  Not«  le  fuit  1!.  in-nufeu  G.  -  23280  qui  In  B.  -  232.S3  forinenez  B.  G.  -  23292  Seulement  A.  B   .ne  xuiniw  C. 

-  23293  Silz  nous  .V.  -  232-)5  no.tr.-  puis  A.  -  2:t2'.X3-»ll  .«..n/uciU  A.  -  23300  perJrous  B.  C.  -  2331S  quil  faisoit  C. 

—  23322  puisl  B.  —  23330  il  uait  C.  —  23339  l'aulz  bourgs  B. 


1>.^S 


20 


306 


MI  STERE   DE   LA   PASSION 


SATHAN,  qui  est  au  monde. 
Haro  !  comment  joyeulx  je  suis  ! 
haro  !  que  j'ay  joye  attraiiiee, 
confitte  de  rage  enflammée 

23345  d'avoir  si  très  bien  besongné  ! 

j'ay  tout  gaigné,  j'ay  tout  gaigné  ; 
j'ay  fait  ung  hault  fait,  ung  chef  d'oeuvre 
tant  que  tout  le  courage  ra'euvre, 
quand  j'ay  bien  songé  rie  a  rie  : 

iïeso  Jhesus  est  mort,  il  est  eu  pic  : 
Pilate  le  va  pour  juger, 
il  ne  me  fault  plus  cy  songer  : 
en  enfler  m'en  vois  tout  bâtant 
moitié  hurlant,  moitié  chantant; 

83355   car  quand  Lucifer  le  sçara, 
bien  sçay  que  tel  liesse  ara 
que  je  seray  la  couronné, 
car  oncques  ennemi  dampné 
n'exploita  plus  belle  besongne. 


23360  Lucifer,  horrible  segongne 

au  nit  d'orgueil  sans  fin  couvant, 
esmouvcz  deri'iere  et  devant 
deables  plus  dru  que  père  et  niere. 

LUCIFER 

Gomment  te  va,  Sathan,  beau  frère  ? 
23365  nous  diras  tu  quelque  miracle  ? 

SATHAN 

J'ay  fait  le  plus  cruel  massacle 
que  deable  d'enffei'  sçaroit  faire. 

LUCIFER 

Comment? 

SATHAN 

Jhesus,  nostre  adversaire, 
est  prins,  lyé  et  bretecqué, 
23370  et  est  taillié  d'esti-e  croqué 
se  le  deable  n'y  met  la  pâte  : 
il  est  de  ceste  heure  a  Pilate 
qui  le  va  condampner  a  mort. 

LUCIFER 

Que  me  dis  tu,  dea  ? 

SATHAN 

Mon  rapport 
23375  est  vray  comme  je  le  vous  compte. 

LUCIFER 

Ha  !  faulx  ennemy  plain  de  honte, 
nous  as  tu  cecy  rapporté  ? 
faulx  Sathan,  tu  as  tout  gasté  ; 


faulx  ennemy  terrible  et  noir, 

23380   tu  as  destruit  nostre  manoir. 
Se  tu  ne  trouves  les  moicus 
que  de  ce  fait  cy  ne  soit  riens: , 
ce  Jhesus  cy  nous  destruira, 
ce  Jhesus  nous  desrobera  : 

23385  c'est  pour  ly  que  tous  ces  prophètes 
ont  maintenant  telz  joyes  faictes  ; 
c'est  pour  ly  qu'ilz  jouent  et  chantent: 
c'est  pour  ly  que  tout  haalt  se  vantent 
d'eschapper  briefment  malgré  noua  ; 

23390  par  luy  pensent  estre  recous  : 
nouvelle  leur  en  est  venue. 
Substance  ville  et  corrompue, 
chien  enragé  puant  que  fiens, 
retourne  bien  tost  d'où  tu  viens 

23395  et  treuve  moyen  de  deffaire 
ce  que  tu  as  cy  voulu  faire 
ou  villement  le  comperras. 
A  la  femme  Pilate  iras 
qui  encore  en  son  lit  sommeille, 

23400   et  luy  monstre  par  grant  merveille 
que  tous  ceulx,  qui  entenderont 
et  couppables  se  renderont 
de  la  mort  Jhesus  le  prescheur, 
seront  condampnés. 

SATHAN 

Soiez  sceur 
23405  que  j'en  feray  devoir  très  grant. 

LUCIFER 

Or  t'en  va  bruyant  et  tonnant  : 
que  de  tout  l'àbisme  dampné 
soies  tu  conduit  et  mené  ! 
Icy  s'en  va  Sathan  a  la  femme  Pylate 
qui  doit  estre  en  son  lict. 


SATHAN 

Je  n'ay  pas  mis  trop  longue  espace 
23410  a  venir  jusqu'en  ceste  place, 
c'est  Jherusalem  la  cité  : 
si  m'est  bien  de  neccessité 
de  quérir  moiens  pai"  tromper 
pour  faire  Jhesus  eschapper, 
23415  ou  aultrement  je  suis  destruit, 
Lucifer  m'en  a  bien  histruit  : 
si  ne  puis  faillir  a  mes  gloses. 
Femme  qui  droit  cy  te  reposes, 
enteus  cy  une  advision 


23342  Nous  avons  reporté  ici  l'indication  scénique  attribuée  par  G.  à  Lucifer  v.  23340.  —  23344  meslee  A.  —  23366 
inarchacle  G.  —  23367  deable  denger  G.  —  23369  bochequie  G.  —  23394  Fuys  liabillement  dont  B.  Kuis  hastluement 
C,  —  23406  courant  et  bruyant  li.  brayant  G.  —  23413  par]  pour  A. 


TlliUGt:  JOURNKl 


307 


ii'iiO   on  point  n'y  a  irabusiou. 

Enlcns  donc  co  (juc  ji^  to  sonnni'  : 
ton  niaiy  tient  nng  tros  saint  honnnu 
innocent,  ^n'onoijucs  ne  mcflit  : 
c'est  Jhcsus  qui  s'aiipelic  Crist, 

23120  et  par  envye  qui  le  mord 

on  le  veult  condanipiicr  a  mort, 
dont  ton  niary  doit  estro  juge. 
Garde  bien  que  point  ne  le  juge, 
car  s'il  luy  assiet  la  sentence 

23'.30  c'est  contre  Dieu  et  conscicuce, 
et  cy  après  le  temps  verrez 
que  toy  et  luy  destruis  serez 
et  porterez  pugnicion 
de  la  faulce  execucion 

23 '.35  qu'il  en  fera  :  bien  t'en  souvieugne; 
garde  que  ja  ne  luy  adviengne, 
cmpesche  le  tant  que  pourras 
ou  villmnement  en  mourras, 
et  brief  je  le  te  certiffie. 

LA    FEMME    PIL.VTE 

23i'â0  O  Venus  en  qui  ji!  nie  fye, 
l'alas,  Jupiter  et  Mercure, 
com  vision  laide  et  obscure 
ay  veu  ennuit  en  mon  dormant  ! 
a  vous,  mes  dieux,  me  recommand  : 

23145  j'ay  bien  mestier  de  vostro  ayde, 
car  le  cueur  me  tramlilc  de  hide 
do  ce  que  m'avez  rcvellé. 


que  c'est  pitié  do  les  ouir. 

LA    KEMME    IMLATE 

O  Sardine,  il  te  fault  courir 
23465  a  mon  mary,  sang  nul  moyen 
luy  dire  qu'il  se  garde  bien, 
dessus  quauqu'il  se  pcust  melfairc, 
do  traveil  a  cest  homme  fair<', 
quoique  ce  i)euple  après  ly  crie  ; 
23470  et  luy  diz  bien  qui^  je  luy  prie, 

s'il  peust,  que  de  leurs  maiua  l'exempte, 
et  que  ceste  nuit  cy  présente 
j'ay  eu  de  luy  vision  briefve,' 
si  très  pondérable  et  si  griefvc 
23475  qu'encore  le  cueur  m'en  fi'CHiist, 
laquelle  en  briefz  termes  me  mist 
que  quiconque  sera  coupable 
de  sa  mort,  las  et  misérable 
en  douleur  finera  ses  jours. 

SABDINE 

23480  Ma  dame,  sans  faire  séjours, 
eu  liens  il  n'y  ara  failly. 

LA   FEMME    l'II.ATE 

Reconmiande  moy  bien  u  ly, 
et  qu'il  pense  bien  a  son  fait. 

SABDINE 

N'en  doubtcz  plus,  il  sera  fait 
231S5  du  tout  a  vostrc  volenté. 

Icy  s'en  vient  vers  l'ilute. 


[l'OSE.I 


hy  se  lieve. 
Je  voy  la  grant  peuple  assamble 
qui  mainc  grant  noise  et  grant  cry 

23450  Sardine,  qu'est  ce,  je  te  pry  ? 
dis  moy  que  c'est,  si  le  sçaray. 

SARDINE,  chamberiere. 
Ma  dame,  je  le  vous  diray 
ainsi  que  je  le  puis  entendre  : 
ce  sont  Juifz  q\n  ont  fait  prendre 

23455  Jhesus,  le  saint  homme  et  divin, 
par  ung  vouloir  (ilain  de  venin 
qui  meust  d'envye  dessus  ly, 
1 1  pourchassent  vostre  mai-y , 
et  r(!quierent  sans  délayer 

23lfo  pour  le  mener  crucifier, 

dont  les  aucuns  sont  bien  joyculs 
et  les  aultres  tant  douloureux 


l'ILATE 

Or  suis  je  assis  en  majesté 
ou  siège  de  haulte  justice, 
comme  il  affiert  a  mon  office 
pour  faii'e  jugement  égal. 

23490  Neantinoins,  seigneurs,  il  me  fait  mal 
du  fait  de  ce  i)ovre  homme  icy 
que  n'eu  voulez  prendre  niercy, 
ne  pour  batre  no  fort  nieucr  ; 
ne  poucï  en  vous  reffrener 

23495  l'ardeur  qui  le  cueur  vous  enflanmic, 
se  ne  luy  voiez  pai'tyr  l'ame 
hors  du  corps  sans  quelque  reppas  ? 

SARniNE 

Monseigneui-,  vous  plairoit  il  pas 
que  je  vous  comptasse  deux  mos 
Î3500  ung  peu  appart  ? 

PILATE 

Sur  quel  pTOfiOB  ? 


23425  iiui  lea  juif»  mord  A    -  23154  Ce  sont  Ii-s.  A.   —  23492  yui  .\.  —  2ii9i  vo»  ctteur»  le  rcuti-  B.  C. 


308 


MI  STERE    DE    LA    PASSION 


dis  le  biiof,  je  to  lo  commande. 

SARDINE 

Ma  dame  a  vous  se  recommande, 
sire,  et  vous  prie  en  sa  clamour 
que  sur  le  plaisir  et  l'amour 
23:03  que  jamès  faire  luy  sçavez, 

que  ccst  homme  que  vous  avez 
puist  estre  de  la  mort  recous, 
et  comment  qu'il  soit,  gardez  vous 
de  le  juger  s'il  fault  qu'il  muyre. 

l'II.ATE 

23510  Je  ne  luy  veil  aidier  ne  nuyre, 
je  ne  m'en  mesle  quant  a  moy  ; 
mes  je  te  prie,  par  ta  loy, 
qui  la  meust  de  faire  ce  maad  ? 

SARDINE 

Elle  a  veu  ennuyt  en  dormant 
23515  grans  merveilles  et  de  grant  monte 

de  ce  Jhesus,  comme  elle  compte, 

et  les  vous  dira  cy  apprcs  ; 

mes  conunent  qu'il  soit,  par  cx])ré9 

m'a  dit  que  vous  en  deschargez, 
23520  et  gardez  que  ne  le  jugez 

pour  quelque  couleur  qu'on  vous  baille. 

PILATE 

Nous  en  ferons  bien,  ne  te  chaille, 
se  pourvoir  y  puis  nullement. 
Va  t'en  et  luy  dis  hardiment 
23525  que  du  fait  de  sa  délivrance 
j'en  feray  ma  plahie  puissance 
a  sa  requeste. 

SARDINE 

Monseigneur, 
nos  dieux  vueillent  qu'a  vostre  honneur 
en  puissiez  vostre  main  lever. 
Icy  s'en  retourne  a  samaistresse. 


PILATE 

23330  Encore  vouldray  je  esprouver 

se  ce  peuple  tant^^aisié 

se  seroit  jamès  rappaisié 
■  ou  qu'il  se  voulsist  revocquicr. 

Or,  beaux  seigneurs,  je  vous  requicr 
23535  en  amour  et  vi-aye  aniittié 

que  vous  legardez  en  pitié 

vostre  roy,  et  vous  modérez, 

et  ung  petit  considérez 

sa  malheuree  seignoric. 


EMILIUS 

235'.o  Oste  le  et  le  crucifie  : 

il  nous  fait  mal  a  regarder. 

.IHEROBOAN 

Riens  ne  gaignos  au  retarder, 
prevost,  poui'  néant  fai.s  le  souit : 
plus  restes  et  plus  noise  sourt, 
235'i5  plus  diffères  et  plus  s'efforce 
le  peuple  de  crier. 

MARDOCEl'S 

C'e>t  force 
qu'il  muyre,  on  n'y  peu.st  secourir, 
et  se  tu  ne  le  fais  mourir, 
tu  pei'S  ton  temps  quant  a  ce  point. 

PILATE 

23350  Ha  !  gens,  vous  ne  regardez  point 

en  quel  danger  juge  s'afuste 

qui  juge  a  mort  ung  homme  juste  ; 

tel  mort  se  doit  bien  soupeser 

et  a  la  balance  peser  : 
23555  c'est  grant  chose  que  de  mort  d'honuno. 

CAYPHE 

Nous  tendras  tu  en  ceste  somme? 

demourrons  nous  icy  nieshuy  ? 

Briefment  lu  n'es  point  vray  amy 

a  César  ne  bien  cordial, 
23560  se  cest  homme  tant  bestial 

ne  fais  mourir  de  mort  amere. 

II  s'est  fait  roy,  c'est  chose  clere, 

et  quiconcques  roy  se  confesse. 

la  majesté  de  Gesar  blesse  : 
23565  tu  le  sces  mieulx  qu'aultre  quelconques; 

et  pourquoy  diffères  tu  doncques 

de  juger  sa  mort  détestable  ? 

PILATE 

Voyla  ung  terrible  notable  ; 

voyla  tout  mon  fait  abatu; 
23570  je  pour  néant  me  suis  debatu 

a  ce  povre  homme  depescher  ; 

je  crains  tant  César  offcncer 

que  je  n'oze  désobéir  : 

si  le  nie  convient  envair 
23575  et  le  juger  soit  tort  soit  droit; 

aultrement  grand  mal  m'en  vendroit 

cy  après  :  je  voy  bien  que  c'est. 

Or,  mes  amis,  puisqu'il  vous  plrst, 

pour  avoir  vostre  bonne  grâce, 
23380  il  fault  que  ce  jugement  face  ; 

mes  avant  veil  laver  mes  mains 

a  la  coustume  des  Romains 

qui  ont  cest  usage  incité 


23523  il  puis  A.  —  23524  Vu  donc  B.  C.  —  23540  Osle  lay  C.  —  23553  sapeser  I"..  —  2353S  Biief  C,  —  235'35  que  nous 
quelconques  G.  —  23570  Je  me  suis  pour  riens  B.  je  juttn^ue  .\,  —  2c57I  A  su  deliuranoe  penser  B.  C. 


TIKRCE  JOURNKE 


309 


en  signe  do  mondicitii, 
83585  et  mes  mains  Ijji  n  laver  en  puis, 
car  do  sa  mort  acteur  ne  suis 
n'en  riens  consentant  n'adhérant. 
Rnrraquin  ? 

IIARRAQUIN 

Sire  reverand, 
quel  chose  vous  plaist  il  avoir  ? 

PILATE 

23590  Metz  de  l'eaue  ou  pot  lavoir, 
appresto  bassin  et  touaille, 
et  quand  c'est  fait,  si  mo  le  baille  ; 
j'ay  grant  liaste,  abroge  bien  tost. 

BAIIRAQUIN 

Voicy  tout  |)rest,  sire  prevost  : 
23595  or  lavez  en  bonne  santé. 

Icy  lave  Pilate  ses  mains. 

PII,ATE 

Seigneurs,  je  me  tiens  exempté 
et  mon  courage  net  se  sent 
de  la  mort  do  cest  innocent 
homme  juste  que  vous  deffaictes  ; 
23600  pourtant  regardez  que  vous  faictes  : 
en  me  lavant  je  m'en  descharge 
de  tout  son  sang  et  vous  en  charge, 
et  m'en  tiens  imiocent  et  monde. 

EMILIUS 

Tout  son  sang  dessus  nous  rodonde, 
23605  sur  nous  tous  et  sur  nos  enffans, 
tant  que  jamès  n'en  soions  frans, 
se  péché  ou  coulpe  s'i  fonde. 

PILATE 

Vous  voiez  comment  je  me  monde 
pour  CCS  cas  qui  sont  moult  pesans. 

RABANUS 

23610  Tout  son  sang  dessus  nous  redonde, 
sur  nous  tous  et  sur  nos  enffans. 
Le  crains  tu  tant  ? 

•  PILATE 

Le  plus  du  monde. 

SALMANAZAR 

Pourquoy  ? 

PILATE 

Les  dangers  y  sont  grans  : 
car  vous  vous  monstrez  trop  engraus 
23615  a  trouver  tours  qu'on  le  confonde. 

NEMBROTH 

Tout  son  sang  dessus  nous  redonde, 
sur  nous  tous  et  sur  nos  enffans, 
tant  que  jamos  n'en  soions  frans. 


se  péché  ou  coulpe  s'i  fonde. 

PILATE 

ïMJO  Je  feray  ma  pieri-e  et  ma  fonde 
auffort  s(ur  ceste  obligatoire  ; 
jiar  vostre  responce  notoire 
vous  vous  obligez  grandement, 
et  sur  elle  mon  jugement 

23625  je  vouldi-ay  asseoir  bien  eu  haste 
en  ce  point  :  Je,  Fonce  Pilate, 
garde  par  chartro  bien  fondée 
de  la  prevosto  de  Judée, 
soubz  César  mis  en  ces  paities, 

23C30  les  accusacions  ouyes 

contre  Jhesus  eu  sa  présence, 
je  le  condampne  par  sentence 
en  la  croix  pendre  et  ressortir, 
et  de  la  jamès  ne  partir 

23635  tant  que  sa  vie  y  soit  finee. 

NATHAN 

Or  est  la  chose  terminée, 

dont  grant  liesse  en  mon  cuour  ay. 

PILATE 

Or  entendez  que  je  diray. 
Seigneurs  Juifz,  a  vostre  Tcil 

236'i0  et  a  mon  très  singulier  dueil, 
ay  condampne  cest  imiocent, 
mes  puisque  chacun  s'y  consent, 
je  n'y  puis  ne  doy  obvier  ; 
touteffois  pour  expédier] 

23615  tout  ensamble  proci's  plusieurs, 
j'ay  encore  deux  malfaicteurs, 
ifiauvais  garuomens  et  larrons  : 
regardez  se  nous  les  lairrons 
ou  s'ilz  iront  a  la  justice. 

ANNE 

23650  Cher  sire,  il  fault  qu'on  les  justice 
avant  ceste  feste  prochaine. 

PILATE 

Griffon,  va  tost,  si  les  admaine  ; 
sces  tu  qui  ilz  sont? 

GRIFFON 

Bien  et  beau  : 
j'en  vouidray  estre  le  Iwurreau 
23655  ja  tost  pour  les  loger  amont. 
Icy  s'en  va  au  g<olie>\ 


Kuvre  ta  chartre,  Bi-utaulraont, 

et  baille  ces  <loux  pèlerins 


23:,00  lauouiT  B.  —  ?3591  Et  nppreste  C.  —  23593  aliivge  moy  B.  C.  -  2359'.  Vcez  tout  A.  —  ?;f597  ne  se  C.  —  Ï.'ÎOOI-IO 
manquent  H.  C-  23025  biief  et  en  C.  -  23P30-1  révélés  C.  -  236'.3  ne  ne  C.  -  236;0  Javl  Je  A.  -  23651  Dcnant  B.  C. 
—  23657  El  me  0. 


310 


MISTKRK    DR    LA    TAS  S  ION 


qui  ont  cspié  les  chrniins 
et  desrobé  maint  bon  marchant  ; 
SiiCGO  je  croy  qu'il/  seront  approchant 
au  gibet,  puisque  je  l'emprens. 

BRUTAUMONT 

Voyla  l'huis  ouvert  :  or  les  preus 
et  les  tire  hors  ung  a  ung. 

GRirKON 

Ha  !  Tervagant,  qu'il  y  fait  brun  ! 
S3&a  elle  est  basse  comme  ungz  cnffers. 

BRUTAUMONT 

Hz  sont  bien  enfferrés  de  fers 
et  bien  fermement  atachiës. 

GRIKKON 

Oste  leur  hardiment  les  pies  : 
je  croy  bien  qu'il  le  convendra. 

nr.UTAUMONT 

23670  Pourquoy  ? 

GRIFFON 

Pour  ce  qu'on  les  pendra 
par  my  le  fons  de  leurs  cerviaulx. 
Ça,  passez  avant,  larronceaux, 
vous  serez  acoup  dcpeschés. 

DiSMAS,  bon  larron. 
Dieu  nous  pardoint  tous  nos  péchés, 
23675  dont  nous  avons  fait  grosses  sommes  ! 

GRIFFON 

Vous  estes  mainteuant  preudommes, 
mes  c'est  quand  vous  n'en  pouez  plus. 

GESTAS,  maicvais  larron. 
Comment  donc  !  sont  nos  joure  conclus? 
n'a  il  remède  a  nostre  fin  ? 

DISMAS 

23680  Frère,  je  voy  bien  que  nennin  : 
n'y  a  que  nous  recommander 
a  Dieu,  qu'il  nous  veille  garder 
nostre  part  en  son  hault  royaulme. 

GRIFFON 

Ouy,  ouy,  c'est  a  Guillaume  ; 
23685  vous  en  irez  régner  aillieurs. 


Prévost,  veez  cy  ces  deux  pillicurs  : 
pensez  de  pourvoir  a  leur  fait. 

PILATE 

Leur  procès  si  est  pieça  fait  : 
nous  les  jugeons  en  la  croix  pendre 
23690  et  estre  jusqu'à  l'ame  rendre 


et  que  la  leur  vie  doffinc 
d'amere  mort. 

ORII.LART 

Qu  "1  médecine 
pour  confforter  ung  pacicnt  ! 

(iESTAS 

C'est  doncques  a  bon  essicnt  : 
23093  il  nous  fault  passer  ces  destrois. 

GRIFFX)N 

Et  vous  ne  parlez  point  des  crois, 
messeigneurs,  icy  en  commun  ? 
il  leur  en  fault  une  a  chacun  : 
regardez  ou  nous  les  querrons. 

PILATE 

23700  Tu  dis  vray,  nous  y  penserons. 
Seigneurs,  regardons  entre  nous 
par  quel  moyen  entendez  vous 
que  ces  meschans  que  vous  voiez 
soient  tous  trois  cruciffiés  ? 

23703  les  voulez  vous  tous  d'une  sorte, 
ainsi  que  la  coustume  porte, 
et  qu'on  l'a  fait  le  temps  jadis  ? 
Et  cecy  pour  cause  je  dis, 
car  selon  le  crucifiment 

23710  il  fault  que  les  croix  proprement 
soient  aposte  charpentées. 

CAYPHE 

Les  croix  qui  seront  adjoutees 
pour  les  deux  larrons  a  fin  mettre 
peuent  bien  d'une  manière  estre 
23715  selonc  la  forme  aceoustumee, 
mes  celle  qui  sera  nommée 
a  Jhesus,  ce  meschant  garçon, 
nous  la  voulons  d'aultre  façon, 
pour  luy  faire  plus  grand  cselande. 

PILATE 

23720  Gomment? 

CAYPHE 

Nous  la  voulons  plus  grande, 
plus  lourde  et  aussi  plus  espesse, 
et  pour  luy  mettre  d'aultre  espèce 
qu'aultres,  et  pour  plus  grant  tourment 
il  y  sera  mis  aultrement  : 
23725  par  piez,  par  mains  sera  percié 
et  bien  serrement  affichié 
en  la  ci-oix  de  grande  haultesse 
pour  mourir  en  plus  grant  destresse, 
douleur,  peine  et  conffusion. 

PILATE 

23730  Avez  vous  ceste  oppinion  ? 


83662  or]  va  et  B.  — 23666  en  ferrez  de  bon  fer  C.  —  23680;croy  C— 236SS  vault  ja  que  tout  f.nit  B.  C— 23690  jusqua  1,1 
mort  rendre  A.  —  23695  passer  manque  A. — 23699  la  G. —  23708  vous  dis  B.  G.— 23710-1  a  parler  proprement  (jue  les  crois 
soient  charpentées  B.  G.  —  23712  adressées  B.  ou  nous  ordonnées  G.  —  23718  Sera  tout  dung  aultre  A.  —23723  grief  B.  G. 


T  I  K  R  C  K   .1  0  IJ  R  N  R  R 


311 


n  ost  point  up.'ifno  a  voir. 

.IHEROHOAN 

Nous  le  voulions  ninsy  avoir 
pour  son  grant  renom  plus  abati'c. 

PILATB 

Kt  je  n'y  veil  pas  donc  debatro  : 
2;i735  tantost  le  foi'ay  exploiticr. 

Griffon,  va  a  mon  charpentier, 
et  luy  fais  ti'ois  croix  composer 
pour  ti'ois  inalfaiclcius  exposer, 
et  s'il  n'en  a  point  de  parfaictcs, 
237'i0  dis  luy  que  les  deux  soient  faictes 
en  la  manière  accoustumee, 
et  que  la  tierce  soit  formée 
jilus  grande  beaucop  et  plus  lourde. 

GRIFFON 

Sans  vous  tenir  cy  plus  de  bourde, 
23745  tout  sei'a  briefment  apprcsté. 

PILATE 

liroyeffort,  va  d'aulti'e  costé 
au  fevro  et  te  rens  a  sa  forge  : 
si  luy  dis  que  surpicz  me  forge 
trois  clous  gi'ans  et  longz  et  pointus. 
1150YEFFORT 
23750  Puisque  c'est  pour  clouer  Cristus, 
je  ne  vouldroye  pas  manger 
pour  les  aller  faire  forger, 
car  il  l'a  desservy  picça. 


(illIFKON 

Chaipeutier,  mon  amy,  vien  ça  ; 
23755  as  tu  maintenant  nulles  crois  ? 

I.E  CIIAHPENTIER 

Combien  t'en  faut  il,  Griffon  ? 

GlUFFON 

Trois, 
pour  trois  meschans  plains  de  fourbet, 
que  je  vois  mener  au  gibet 
comme  infâmes  et  deshonncstes. 

LE   CHARPENTIER 

23760  Veez  en  cy  ja  deux  toutes  prestes, 
tant  pesantes  que  c'est  hideur. 

GRIFFON 

Elles  sont  de  bonne  grandeur, 
c'est  droit  ma  besongne  sans  faulte; 
mes  il  m'en  fault  une  plus  haulte 


23765  pour  ung  aultre  fol  qui  la  est. 

IS,  CHARPENTIER 

Je  n'ay  point  de  bois  qui  soit  prost 
de  si  hault  tronc  ou  haulto  branche, 
se  ce  n'est  une  vieille  planche 
qui  est  près  de  ccste  maison 
23770  des  le  temps  du  roy  Salomon, 
et  est  tant  belle  que  merveille. 

GRIFFON 

Prens  la  doncqucs  et  l'appareille  : 
faire  la  fault  comment  qu'il  soit, 
car  se  monseigneur  se  coursoit, 
23775  ton  fait  aroit  bien  mal  fine. 

LE   CHARPENTIER 

J'aray  tout  a  cop  machiné 
mon  fait,  je  m'en  vois  mettre  a  l'euvro  : 
il  me  samble  que  le  cueui'  m'euvre 
de  joye,  quand  je  gaigne  argent. 

GRIFFON 

23780  C'est  la  coustume  de  tel  gent  : 
vous  ne  pensez  qu'a  la  pcccune. 

[Pose.] 


BROYEFFORT 

Fevre,  le  souleil  et  la  lune 
'     te  gardent  avec  Vulcanus  ! 

nouveaulx  cas  nous  sont  survenus 
23785  bien  hatifz  ainsi  qu'il  advient, 
dont  neccessairement  convient 
que  brief  tu  besoingnes  a  nous. 

LE  FEVRE 

A  quoy  faire  ? 

BROYEFFORT 

A  forger  trois  clous 
desquel  z  nostre  prevost  propose 
23790  faire  ung  grant  fait. 

LE   FEVRE 

N'est  autre  chose, 
et  si  m'en  fais  ung  si  grant  cry  ? 
'■  quelz  clous  te  fault  il,  je  te  pry  ? 

-clous  a  huis  ou  clous  a  fenestre? 
ou  a  ferrer  chevaulx  a  destre  ? 
23795  di  le  tost  pour  expédier. 

BROYEFFORT 

Nenuiu,  c'est  pour  ci-ucifier 


23738  manque  B.  —  23739-'i4  remplncès  pnr  (?<•«  quatre  vers  :  Sil  neii  .nuoit  qui  feussent  seiennea  Lp?  iU-ux  seront 
assez  moyennes  Kt  lii  tii-ri'iî  plus  granile  assez  G.  Jentcns  mieulx  que  vous  ne  pensez  B.  C.  —  23756  Combien  ten  fault 
O.  il  nien  fault  trois  B.  C.  —  23701  firant  hideur  C.  —  23775  mal  beson|.'no  A.  —  237S7  quil  fault  que  bosongnei!  pour 
nous  A.  —  23';93  ou|  ot  A. 


312  MISTERE    U 

ung  mauvais  loudier  entre  mille 

qu'on  a  saisy  eu  ceste  ville, 

pour  clouer  eu  crois  pies  et  mains. 

LE    FEVRE 

23800  Est  ce  Jhesus  ? 

BROYEPFORT 

Ne  plus  no  mains  : 
mourir  le  fault  par  son  oultrage. 

LE    FEVRE 

Il  n'y  a  pas  trop  grant  dommage, 
mes  qu'on  en  aist  fait  bonne  enqueste. 

imOYEFFORT 

Forge,  forge  et  plus  ne  caqueté 
23805  tout  entre  baves  et  risées. 

Icy  forge  les  clous. 


LE   CHARPENTIER 

Veez  cy  trois  croix  bien  composées, 
s'oncques  homme  bien  composa. 

GRIFFON 

Cil  qui  le  nom  leur  imposa 
se  monstroit  appert  et  sensible, 
23810  car  c'est  torment  le  plus  horrible 
qui  soit  en  ce  monde  régnant. 

LE   CHARPENTIER 

Nous  veulx  tu  preschcr  niainlffliant? 
tu  es  ung  très  bon  coquai'deau. 
Songne  d'avoir  ung  tombereau 
83815  pour  les  trayner  tautost  en  sus. 

GRIFFON 

Vcez  cy  de  quoy. 

LE   CHARPENTIER 

Or  chargeons  sus 
incontinant  a  peu  de  noise. 

GRIFFON 

Ha  !  Jupin  !  que  ceste  cy  poise  ! 
je  n'en  vis  pieça  nulle  telle. 

LE    CHARPENTIER 

83820   Elle  est  grosse  et  matérielle, 

grande  et  largo  de  bout  en  bout. 

GRIFFON 

Il  souffit,  je  m'en  vois  atout, 
puisque  j'ay  prins  ma  fourniture. 
Icy  eminaine  les  trois  croix  en  ung 
tumbereau. 


E    r.  A    PASSION 

LE    FEVRE 

Voicy  clous  a  bonne  pointure, 
23825  et  fust  i)Our  perser  marbre  bis, 
s'ilz  ne  sont  forgés  en  gros  bis, 
je  n'en  demande  rien,  beau  sire. 

BROYEFKORT 

Encor  y  sçay  je  ung  point  a  dire 
qui  me  desplest  et  m'euargue. 

LE   FEVRE 

23830  Comment? 

BROYEFFORT 

La  pointe  est  trop  ague  : 
fais  les  moy  ung  peu  plus  camus, 
affin  que  ce  meschant  Jhesus 
aist  plus  de  peine  et  de  tormens 
.  quand  se  vendra  a  l'entrer  ens 
23835  pour  luy  percier  membre  après  membre. 

LE    FEVRE 

Ton  corps  jamès  ne  se  remembre 
fors  de  sanglante  mauvaittié. 
Or  tien,  sont  ilz  bien  atiaitif!  ? 
que  t'en  samble  ? 

BROVEFFORT 

Hz  sont  bien  appoint. 

LE   FEVRE 

23840   Et  d'argent  ? 

BROYEFFORT 

Il  ne  s'en  fault  point, 
je  n'en  ay  point  de  charge,  moy  ; 
monseigneur  parlera  a  toy 
qui  te  fera  satisffier. 

LE   FEVRE 

Ce  sera  a  jamès  payer, 
23845  puisque  je  suis  la  assigné. 

[POSE.I 


HILATE 

Il  est  temps  qu'il  soit  ordonné 
de  la  mort  de  ces  malfaicteurs  : 
tout  est  prest  ;  pourtant,  messeigneurs, 
faictcs  les  admener  ariiere, 
23850  et  advisez  par  quel  manière, 

VOUS  voulez  qu'ilz  soient  conduis. 

ANNE 

Nous  voulions  que  Jhesus  soit  mis 
au  milieu  de  la  compaignie, 


238C9  expert  B.  C.  —  23811  viuant  A.  —  23813  Et  dea  voicy  beau  B.  —  23^20  grande  et  A.  -  23S21  grosse  et  A.  — 
23823  Le  mol  tumbereau  de  l'indication  seniique  est  remplacé  dans  C  par  huterel.  —  23S28  peu  a  direB.  C.  —  23835 
membre  a  membre  B.  C.   —  23838  appointie  A.  ' 


TIERCK   .lOfRNKF 


:il3 


aftiii  que  sa  graiit  villcnio 
3855    soit  a  dextre  ilc  deux  larrons, 
et  en  ce  point  nous  les  nicrnons 
tous  trois  conjointement  dcffaii'O 
sur  la  montagne  de  Calvaire  23895 

qui  est  niout  propice  a  tel/,  gens. 

CAYPIIE 

2381)0  Se  nous  sonmies  l)icn  diligens, 

affin  qu'il  soit  niieulx  reeonguu 

de  ceulx  qui  pour  saint  l'ont  tenu, 

ostons  luy  ccst  abit  de  roy, 

et  le  vestons  en  tel  arroy 
Ï38fi5  qu'il  souloit  aller  jiar  la  voye,  Î3900 

affin  que  chacun  si  le  voyo 

en  ses  habis  accoustûmés. 

.IHEROBOAN 

Monseigneur,  bien  déterminez  : 
eu  ses  habis  le  fault  avoir, 
23870  affin  que  chacun  le  puist  voii- 
et  congnoistre  plus  de  léger. 

PII.ATE 

Sus!  sergens,  allez  abréger  :  '      2330Ô 

devestez  moy  ce  malheureux, 
ou  je  n'aray  point  paix  a  eulx  : 
S387D  je  voy  bien  que  c'est  de  leur  fait. 

GRIKKO.N 

Monseigneur,  il  vous  sera  fait, 

ne  vous  doublez  plus  de  cela.  83910 

Orillart,  tire  par  do  la  : 

que  tu  es  ung  uicc  hardel  ! 

OUILLART 

-.3880  Le  faut  il  mettre  en  pourpointel? 
il  est  a  malhcurc  venu. 

ORIFFON  83915 

Mes  le  fault  desiioulier  tout  nu  : 
ainsi  le  veult  la  seiguorie. 

CLAQUEDENT 

Sire,  que  le  deable  s'en  rie  : 
83885  n'en  arons  nous  meshuy  la  fin? 

GRIFFON 

Or  tire  la,  tire,  cousin  ; 
Claquedeut,  tu  ne  sers  de  rien. 

fI.AQUEDE\T 

Je  ne  puis. 

lillIFFON  Î3920 

l'ourquoy? 

HRAVART 

11  dit  bien, 
car  la  r.  be  fort  s'entretient 
23890  et  tellement  a  son  dos  tient,  83925 

aux  playcs  qu'il  a  sur  le  corps. 


que  ne  la  (lourrons  avoir  hors, 
KO  nous  ne  l'arrachons  a  force. 

ORll.l.AnT 

Ce  samble  ung  mouton  (ju'on  escorchc 
la  peau  s'en  vient  avec  l'abit. 

CI.AQUEUENT 

Tant  a  il  plus  nouveau  labit  : 
ses  playes  luy  sont  ramentue». 

ORIfKON 

Ses  robes  luy  sont  deve8tu(  s  : 
sire,  commandez  plus  avant. 

P1I.ATE 

Prenez  ses  habis  de  devant 
et  l'en  reveste/,  tout  a  l'iicuie. 

GRIFFON 

Il  sera  fait,  je  vous  asscure, 
ainsi  que  vous  le  commandez. 

PII.ATE 

Or  marchez  devant. 

ORILLART 

Attendez 
qu'il  soit  lyé  bien  et  estroit. 
Qui  ses  maulfais  ne  congnoisti-oil, 
il  pouiroit  décevoir  le  monde. 

HRAYART 

S'il  s'en  fuyt,  je  veil  qu'on  me  fonde. 
Mes  regardez  cy  quel  docteur, 
quel  notable  prédicateur, 
quel  excellant  roy  nous  ai'on. 

MARIWCEUS 

Ave  tu,  rex  Judeorvm  .' 
Citoiens  Juifz,  ça  venez 
et  humblement  vous  encliuez 
devant  ce  roy  plain  de  vertus. 
Icy  s'enclinent  devant  luy. 

NAASON 

Are,  rex! 

ELIACHIN 

He!  ave,  Cristus .' 
hault  roy  des  .luifz.  Dieu  te  gart  1 

GRIFFON 

Dittes  :  ace,  maistrc  coquart  ; 
ce  nom  luy  siet  roieulx  la  raoittié. 

PILATE 

Seigneurs,  il  est  assés  mocquié, 
et  si  bien  qu'a  tout  expliquier 
il  n'y  reste  i)lus  que  mocquier  : 
il  est  traictié  a  peine  telle 
qu'il  n'est  créature  mortelle 
qui  n'aist  hideur  du  regai-dei'. 
11  ne  le  convient  mes  larder  ; 


23S01  que  soit  nus  C.  —  2389U  en  auant  15.  G.  — 
hel  et  B. 


83902-8'.  manquent  C.  fruillet  déchiré.  —  231M8  .\ve  donc  R.  -  2U910 


314 


M  I  S  T  K  R  E    DE   L  A    P  A  S  S  I  0  N 


menez  le  mourir,  je  vous  prie, 
si  ferez  aulmone  fleurie, 
se  vous  abrégez  son  trcspas; 
23930  vous  luy  verrez  passer  le  pas 
et  mourir  icy  en  présent. 

ANNE 

Prévost,  chacun  de  nous  consent 
qu'il  soit  admené  bonne  allure; 
mes  nous  avons  voulu  conclure 
23935   qu'il  soit  mené  droit  au  milieu 
des  deux  larrons  jusques  au  lieu  ; 
et  oultre,  pour  peine  plus  forte, 
nous  avons  ordonné  qu'il  porte 
sa  croix  mesmes  sans  aultre  ayde. 

PILATE 

23940   Par  tous  nos  dieux,  j"ay  moult  grant  liide 
de  la  durté  que  vous  luy  faictes 
comme  dures  gens,  et  telz  estes 
qui  n'avez  pitié  ne  demye  ; 
mes  je  ne  vous  desdii'ay  mie, 

239'i5  j'en  suis  content  auffor-t  aller  : 
allez  le  meurtrir,  affoller, 
je  ne  le  pense  ja  deflendre. 

GRIFFON 

Tien,  Jhesus,  il  te  fault  entendre 
a  poi'ter  ce  jolis  fardeau. 

CLAQUEDENT 

23950  11  le  portera  bien  et  beau, 
et  se  vistement  ne  le  charge, 
je  luy  donray  si  grant  descharge 
que  je  luy  romperay  l'eschigne. 

PILATE 

Trompeté,  sonne  la  busine 
23îfâ5  bien  haultcment  a  voix  effree, 
affin  que  ceulx  de  la  contrée, 
officiers  tout  en  gênerai, 
montent  prestement  a  cheval 
pour  s'en  venir  a  la  justice. 

LA   TROMPETE 

23960  A  cela  ne  seray  pas  nice: 
si  haultemcnt  la  sonnoray 
que  par  sonner  esbairay 
tous  ceulx  qui  sont  en  la  citci. 

Icy  sonne  la  irompcle,  , 


pour  la  mort  de  .Jhesus  traittier. 

ASCAMUS,  premier  chevalier. 
Les  Juifz  l'ont  tant  fait  guaittier 
qu'ilz  l'ont  prins  a  leur  avantage, 

23970  et  le  mainent  a  grant  oultrage 
crucifier  villaincment. 
MARC  ANTHOINE,  deuxième  chciudier. 
.\  lions  après  habillement  : 
si  fault  que  nous  y  comparons, 
de  paour  que  ne  le  compparons 

23975  du  prevost  de  l'imperateur. 

CENTLHION 

Regardez,  vêla  grant  hideur  : 
qu'il  est  mis  en  piteux  destrois, 
quand  ilz  y  font  porter  sa  croix 
en  ung  tant  pénible  chemin  ! 

EMILION,  troisième  chevalier. 
23980  Ils  l'ont  pris  en  quelque  larcin, 

car  entre  deux  larrons  l'emmainent. 

ASCAMUS 

Hz  font  bien  doncques  s'ilz  se  peinci  t 

de  ti'aictier  sa  mort  sans  respit. 

Icy  s^en  vont  aii  mont  de  Calv  lire. 


GRIFFON 

J'ay  au  cueur  dolour  grant  despit 
23985  que  ce  vielz  matin  afFaictié 

ne  marche  habillement  du  pié  : 
il  est  tant  nice  que  le  doablo. 

ORILLART 

Marchez,  viel  truant  détestable  : 
portez  vostre  gibet  avant. 

BRAYART 

23990  11  fait  trop  bien  du  cayment  : 

sus!  passez,  ribault;  marchez  fort. 

CLAQUEOENT 

Tire  la  devant,  Broy effort  : 
fais  le  monter  ceste  carrière  ; 
tire  fort. 

BROYEFFORT 

Mes  boutez  derrière  : 
23995  vous  ne  faistes  riens  que  bourder. 


CENTURION 

Mes  gens,  il  est  nécessité 
23965  que  nous  allons  a  l'assamblee  ; 
j'entens  qu'elle  s'est  assamblee 

23934  nous  onnnqiif  A.  —  23946  meurtrier   B. 
Ï3990  le  cayement  A.  —  23995  que  flagollar  C, 


JULIE 
première  femme  de  Jherusalem. 
0  femmes,  venez  regarder 

23953  l'ompay   B.  —23900  Jattens  A,  —  239CS  aguaittier  A,  — 


TIKRCH   JOURNEK 


m: 


la  gi'niit  pilio  ;  nvancpz  vous  : 
•Iliosus,  lo  saint  prophète  et  doulx, 
(jui  tant  (le  biens  nous  souloit  faire 
S'iiKX)  et  qui  estoit  tiiiit  nécessaire 
au  povre  peuple  secourir, 
s'en  va  piteusement  mourir 
a  terrible  exccucion. 

VEnoNNE,  deuxième  femMe. 
J'en  ay  si  grant  compassion, 
iUX)5  Julio,  ma  chère  compaigne, 

qu'il  n'est  huy  condbrt  que  je  preigne, 
'  tant  ay  grant  pitié  en  mon  cueur. 
PEIUJZINE,  troixiemc  femme, 
Helas  !  S'eronne,  cherc  seur, 
helas  !  qui  nous  conffortcra  ? 
2'iOio  helas  !  et  qui  nous  moustrera 
la  sainte  parole  divine  ? 

Ha!  très  desli-able  conviue, 
Juifz  desloyaulx  et  maudis, 
occirez  vous  homme  tant  digue  ? 
21015  arez  vous  les  cueurs  si  hardis  ? 
0  très  doulx  Dieu  de  paradis, 
je  te  requior  par  ta  puissance  : 
vueillos  huy  exaucer  mes  dis 
et  donne  a  ton  filz  pacience. 

PASITHEE,  quatrième  femme. 
i'iOsifl  En  pleurs  et  en  plains, 

Jhesus,  je  te  plains, 
saint  honune  et  begniu, 
Et  fais  mes  reclains, 
car  ces  gens  voy  plains 
$4025         de  couvert  venin. 

JULIE 

Saint  homme  et  divin, 
expert  et  enclin 
de  nous  contt'orter, 
Tu  t'en  vas  a  fin, 
qui  sera  affin 
de  nous  supporter. 

VERONNE 

Helas!  doulx  Jhesus, 
de  toutes  vertus 
noblement  ourué, 
que  sont  devenus 
les  fais  chers  tenus, 
le  bien  ordonné 
que  tu  as  donné 
a  tes  bons  amis  ? 
c'est  mal  guerdonné 
d'estre  ainsi  mené 


2'.03O 


i'iOX, 


i'Mù 


ÎW 


i',o:M 


2'i055 


rt  a  mort  submis. 

PEIirZINE 

Jhesus,  vray  prédicateur, 

après  toy  pleurons; 
JhesuB,'vray  prédicateur 
et  très  soicmpnel  docteur, 

sans  toy  dcmuurons; 
tu  toloyes  estre  ducteur 
et  du  peuple  conducteur  : 

or  te  parderons; 

helas!  que  ferons 
qui  n'avons  consolateur  ? 

de  douleur  mourrons, 
et  pour  ce,  très  bon  pasteur, 

après  toy  pleurons. 

PASITHEE 

Deconfortees  demeurons 
en  la  conduite  de  destresse, 
destituées  de  liesse 
de  ce  piteux  département. 

JULIE 

S'iOOO  Lamente  très  piteusement, 
Jherusalem,  cité  louée. 

Plains  la  piteuse  destinée 
qui  t'adviont  a  ce  pileux  jour  ; 
complains  et  pleure  sans  séjour, 

Î4065   dolenle  cite  malheuree  ; 
Se  tu  es  triste  et  esplouroe 
tu  as  bien  cause  de  doulour, 
car  tu  pers  le  bien  et  l'amour 
dont  tu  deiBsses  estre  parée. 

VERONNB 

24070  0  haulte  parsonne  honorée, 

la  plus  sainte  dessoubz  Its  cieuy, 
on  te  fait  giand  tort,  se  m'aist  Dieux 
chacun  le  voit,  chacun  le  juge. 
Maudit  soit  le  desleal  juge 

24075  qui  le  jugement  assigna, 

et  quand  la  sentence  assis  n'a 
par  droit,  Dieu  luy  envoit  mal  au  ! 

JHE3US 

0  filles  de  Jhei-usalem, 

dames  de  grans  devocious, 
24080  cessez  vos  lamcntaeions 

dont  au  cueur  prenez  tel  ennoy  : 

ne  vueillez  plus  plourer  sur  moy 

ne  lamenter,  dévotes  femmes  ; 

mes  veilliez  plorer  sur  vous  mesmes 
24085  et  sur  vos  enffans  ensement; 

car  les  longs  jours  vendront  briefment 


24000  liuy  ''f'i'iM  C.  —  UOH  j.?  »nmi</«.'  C.  —  2402.1  Des  juifï  im-  <'omi>liiiiis  A  —  2102.4  Car  ce  sont  g<>ns  plnins  A. 
—  240j:t  Nous  nous  perdions  C.  —  24054  très  vray  B.  vray  0.  —  24058  Desuuees  C.  —  24072  On  te  fait  tort  ainsy  iny 
liieux  C.  —  240W  l'ar  justes  causes  assignées  B.  C.  —  24078.  Killes  de  jherusalem  nées  B.  C.  —  24081  adnoy  B.  annoy  (:• 


316 


MISTERK    DE    LA    PASSION 


qu'il/,  diront  par  dolentes  voix  ; 
«  De  Dieu  sont  les  ventres  benois 
sterillcs  qui  oncq  n'engendrèrent 

24000  et  mamelles  qui  n'allaitèrent.  » 
Et  lors  par  grant  destresse'd'ire, 
ensamble  se  prendront  a  dire  : 
«  Haultes  montagnes,  hastez  vous 
et  tresbuchez  par  dessus  nous;  » 

2'iO!)3  et  aux  basses  :  «  Or  vous  ouvrez, 
et  pour  la  terreur  nous  couvrez.  » 
Car  s'en  moy,  qui  suis  arbre  vert, 
tel  fust  de  peine  est  descouvei't 
et  me  traveille  en  ses  accès, 

84100  en  eulz  qui  sont  arbres  tout  secz 
et  vuides  d'humeur  vertuable, 
que  sera  ce  ? 

GRIFFON 

Par  vosti'e  dealile, 
marchez  avant,  villain  puant  : 
nous  allez  vous  cy  arguant? 
24105  vous  arez  ja  beaucop  d'argus 
et  serez  plus  soubtil  qu'Argus 
se  vous  eschappez  de  la  leste. 

CAYPHE 

Fi'appez  fort  sur  dos  et  sur  teste, 
s'il  ne  marche  ligierement. 


NOSTRE    DAME    '  ,       . 

24110       0  mon  filz,  mon  seul  peiisement, 
mon  seul  bien,  mou  avancement 
et  le  seul  resjouissement 
que  jamos  voye  ; 
Mon  bien,  m'amour,  ma  seule  joye, 
84115  ou  es  tu  ore  n'en  quel  voye  ? 
la  triste  nouvelle  m'envoye 
qui  la  sçara. 
O  mon  filz,  ou  te  trouvera, 
en  quel  place  te  serchera, 
84120  te  tendra  et  embrassera 
ta  mère  chère. 
Qui  pour  toy  a  dueil  a  renchere 
et  fait  la  plus  dolante  chère, 
la  plus  dure  et  plus  adversiere 
84125  a  desmesure 

Qu'oncques  endurast  cieatui'e ? 
mon  filz,  ma  doulce  pourtrnictuie 


et  ma  très  araee  nature, 
t'ay  je  pardu  ? 

MADELAINE 

24130       Mon  doulx  maistre,  mon  doulx  Jhesu, 
a  quel  port  es  tu  pervenu  ? 
helas  !  et  qu'es  tu  devenu  ? 
cueur  doloui'eux. 
Triste,  pensif  et  langoreux, 
24135  estaint  de  soupii's  l'igoreux, 

reinply  de  pleurs  mal  savoureux, 
que  dois  tu  faire? 
Ton  maistre  pers  de  qui  l'alfairc 
estoit  pour  toy  faire  et  parfaire  ; 
24140  or  le  pers  sans  luy  riens  meffaire: 
la  mort  le  presse. 
Quel  dueil ,  quel  courroux,  quel  tristesse, 
quel  haulte  masse  de  destresse 
mon  cueur  charge  par  tel  oppresse 
24145  que  plus  n'en  peust! 

0  fêlions  Juifz,  qui  vous  meust 
d'occire  cil  qui  vous  promeust 
a  tout  bien  et  tout  bien  vous  veult  ? 
detraction, 
S'ilSi)       C'est  tousJOTirs  ta  coudicion  : 
devant  sers  d'adulac-ion, 
mes  tu  poins  comme  escorpiou, 
voire  en  absence. 
0  Jhesus,  remply  de  science, 
24155  souverain  trésor  de  clémence, 
qui  de  mes  pochés  indulgence 
m'avoyes  donné. 
Es  tu  de  moy  habandonné 
et  pour  estre  en  habandon  né? 
24160  Dieu  a  qui  filz  es  ordonné 
te  veille  aidier  ! 

[Pose.] 


JOSEPH    D  ARISMATIE 

Chères  dames,  a  mon  cuidier, 
se  vous  ne  vous  estes  hatans, 
jamès  vous  ne  vendrez  a  temps 
24165  que  Jhesus  ne  soit  a  mort  mis  : 
je  et  plusieurs  de  ses  amis 
l'avons  ja  veu  mener  sans  faulte 
chargé  d'une  croix  grande  et  haidte 
qui  piteusement  le  traveille. 


240&S  De  dieu  ventres  soient  benois  B.  C.  —  24089  ame  n'B.  —  24095  vallées  or  chus  A.  —  24096  pour  la  terre  B. 
Kt  soubz  la  terre  C.  —  24097  sans  moy  C  —  24098feu  C.  —  24106  que  nulz  C.  —  24116-7  Ma  douleur  mes  que  je  te  vove 
Sallegera  A.  —  241S2  et  renchere  C.  —  24128  sainte  nourreture  B.  mnnquc  C.  —  24134  douloureux  B.  —  2413r>-6  man- 
quent B.  G.  —  24138  qui  mtmr/iie  A.  •—  24143  manque  G,  —  2H44  apresse  B,  C,  —  24151  oWaejon  G.  —  23159-60  ijt- 
tertertis  A,  —  24160  est  B,  C, 


T  1  E  R  G  !•;    J  O  IJ  U  N  E  E 


Ml 


241  ;o 


21175 

i 

2'ilS5 
24190 
24195 
24200 


24205 


21210 


2'i2i:) 


et  n  tel  tourbe  que  mei'veille 
a  11!  iiKMioi'  crueifior. 

NOSTRE    DAME 

Hou  I)i(  u  (lu  je  nie  dois  fier, 

conifoflo  iiioy  par  ta  niorcy  : 

(ioulx  Dieu,  «luel  nouvelle  est  ce  cy  ? 

Iray  je  ou  se  je  demourray  ? 

je  suis  seuro  que  je  niouir'ay 

se  je  vois  voir  la  passion 

et  riiorii))lc  pxccucion 

qui  se  fait  sur  mon  cher  cnfTaut  ; 

le  domourer  m'est  mieulx  séant  : 

ja  soit  ce  que  pourtant  ne  vive, 

car  mon  ame  a  mon  corps  estrivo 

ot  mort  no  les  veult  séparer. 

Domourer  !  comment  demourcr  ? 

s'en  ira  mon  fil/,  a  mort  rendre 

sans  ce  que  je  doye  contendrc 

a  le  suivir  et  secourir 

et  conforter  jusqu'au  mourir? 

Conforter  !  helas  !  non  feroye, 

mes  plus  le  dosconfortoroye 

mille  fois,  car  quand  me  verra, 

le  cueur  de  dueil  luy  fendera 

et  occira  la  triste  mère. 

Helas  !  que  pleust  a  Dieu,  mon  père, 

puisqu'il  l'ault  qu'a  la  mort  se  rende, 

qu'aml)dcux  conjointement  nous  prende 

sans  faire  separacion  ! 

J'iray,  c'est  mou  intencion. 

Mon  filz,  lealle  coinpaignie 

t'ay  tenu  en  ta  pleine  vie, 

et  de  toy  laisser  a  la  mort 

maintenant  j'aroye  grant  tort, 

et  n'aroit  excusance  lieu. 

MARIE    JACOBY 

Helas  !  seur,  demourez  pour  Dieu  : 

douleur  le  cueur  vous  partiroit  ; 

si  vault  mieulx,  puisqu'il  fault  qu'il  soit, 

ung  dollant  que  deux  desconffis  : 

nous  irons,  ma  seur  et  mon  filz, 

si  rapporterons  do  la  clioso. 

NOSTRE    DAMB 

Ma  doulce  seur,  je  m'y  oppose  : 
pour  rien  je  n'en  vcil  estre  exempte  ; 
mes,  si  plest  Dieu,  seray  présente 
a  Unit  00  qui  fait  en  sera  : 
Dieu,  si  luy  plaist,  conUbrtera 
les  cueurs  de  douleur  affolés. 

JOSEPH    d'aRISMATIE 

Dame,  se  venir  y  voulez. 


il  nous  convondra  mettre  paino 
(l'aller  cestc  rue  foraine 
pour  le:(  aller  adevanccr, 
21220  car  jam('8  ne  pourrons  [lasser 
jiar  ceste  grant  rue  ou  ilz  vont 
pour  la  presse  îles  gens  qui  sont  : 
suyvez  moy,  et  je  vous  nicnray. 

KOjTRE   DAME 

Joseph,  volontiers  le  feray  : 
21225  Dieu  iiar  sa  grâce  nous  y  mainc! 

H'OSE.] 


ORILI.ART 

Ce  paillart  icy  nous  promaine 
trop  longuement,  ce  m'est  advis 

nUAYART 

Si  luy  fault  donner  des  renvis 
d'ung  bâton  travers  ses  costés, 
242,'»  car  oncques  plus  nice  ne  vis. 

CLAQUEDENT 

Si  luy  fault  donner  des  renvis. 

ANNE 

Il  n'yra  ja  que  son  devis, 
scrgcns,  se  vous  ne  le  bâtez. 

GRIFFON 

Si  luy  fault  donner  des  renvis 
24235    d'ung  bâton  travers  ses  costcs. 

PILATE 

Abrégez  vous  et  le  hastoz, 
vous  voiez  ja  qu'il  est  grant  heure  : 
ou  se  ce  non  je  vous  assoure 
que  torchons  voileront  sur  vous. 

GRIFFON 

21240  Que  gibet  le  hasterons  nous  ? 
il  porte  ung  fardeau  si  pesant 
qu'a  peu  s'il  peust  plus  hay  avant, 
mes  va  tout  courbé  soubz  le  fais. 

VERONNE 

0  le  plus  paifait  clés  parfais, 
21245  0  très  vray  Cristus  a  Dieu  filz, 
oncques  a  ame  ne  meffis, 
et  si  portes  peine  tant  dure 
et  ton  corps  béguin  tant  endure 
qu'il  n'est  liuy  plus  piteux  regard. 
24850  Je  rcquier  a  Dieu  qu'il  te  gard 
et  te  doint  bonne  pacience, 
si  vray  qu'en  parfaicto  binocencc 


24196  Que  nous  A.  —  212IW  Sp  A.  —  24212  eslrp  pieSPiito  H.  fl.  —  24î20  pourries  B.  C.  —  24221  ou  y  vont  \.  —  Î422S 
lin  remis  B.  C.  —  21239  torches  B.  C.  —  24240  yuel  B.  C.  —  24245  très  muniiie  C.  —  34Î51  innoran.Vc. 


318  MISTKRE   DE 

toute  ta  vie  as  voulu  maindro. 

Helas  !  ton  cas  est  bien  a  plaindre  ; 
2'i255  quand  ton  corps  es  parties  toutes 

gette  sueur  a  grosses  gouttes, 

il  fault  qu'il  sente  grief  meschief  : 

si  vouldray  do  ce  cueuvrechief 

torcher  sa  face  précieuse, 
■Ui60  qui  jadis  fut  tant  gracieuse 

et  ore  est  tant  decouloree. 
Icy  demeure  la  face  âe  Jhesiis  on,  meurrechief. 
[Pose.] 
Or  m'est  l'cmprainte  demouroe 

du  saint  viaii'o  précieux 

dont  je  me  tiens  bien  honorée 
24^05  d'avoir  joyau  tant  vertueux  ; 

Si  sera  mon  corps  curieux 

a  le  garder  de  ma  puissance 

pour  le  doulx  patron  gracieux 

dont  il  me  monstre  la  samblancc. 


LA    PASSION 

par  quoy  se  la  mort  s'en  ensuit, 
cherc  seur,  tout  pardu  avons. 

MARIE   SALOMÉ 

21290  Seur,  pour  Dieu,  que  nous  la  levons, 
et  par  bouter  ou  par  tirei' 
faisons  la  ung  peu  respirer 
se  nous  poons,  ma  seur  bénigne. 

MADELAINE 

0  sainte  créature  et  digne 

2'i295  et  des  beneurees  la  plus, 

or  par'dons  vostre  filz  Jhesus, 
mon  doulx  maistre,  mon  doulx  amy, 
sans  qui  n'avons  bien  ne  demy, 
mes  vivons  sous  tunbre  de  mort  ; 

2'.300  et  s'il  fault  que  par  dur  l'emort 
nous  vous  perdons  avecques  luy, 
mort,  perce  mon  cueur  plaiu  d'ennuy 
pour  la  grant  douleur  qui  le  mord. 


SIMON,  Cireneeii. 

21270  11  est  grant  temps  que  je  m'advance 
et  que  je  voise  besongner 
en  Jherusalem,  pour  songner 
de  ce  qui  touche  mon  affaire  ; 
et  m'est  grandement  ueccessaire 

24275  que  g'y  voise  tout  maintenant. 
Je  voy  cy  grant  peuple  venant, 
mes  qu'ilz  vont  faire,  je  ne  fi^ay  ; 
auffort  ja  ne  retourneray  : 
j'iray  passer  tout  par  my  eulx, 

24280  car  je  tiens  qu'il  n'y  a  nul  d'eulx 
qui  me  face  ja  desplaisir. 


GIUKFOX 

Marchez,  villain. 

CLAQUEDENT 

Je  croy  qu'il  dort 
24305  comment  s'en  va  il  chancellant  1 

ORILLART 

C'est  quand  il  a  veu  en  allant 
ces  plaidoires  pleurer  si  fort  : 
il  on  a  pris  tel  desconfFort 
qu'il  demourra,  je  croy,  derrière, 

PILATB 

243)0  Que  ne  les  chassez  vous  arrière  ? 
ce  samblent  femmes  forcenées. 


v 


s.    JEHAN 

Ha  !  ma  dame,  venez  choisir 
vostre  cher  cntFant,  s'il  vous  plest  : 
regardez  en  quel  point  il  est, 
24285  comme  sa  face  est  difformee. 

NOSTRE    DAME 

0  mon  filz  1 

Elle  chet  jMsmee. 

MARIE  JACOBY 

La  veez  la  pasinee  : 
le  cueur  luy  fault,  do  sang  luy  fuit, 


BRAYARÏ 

Fuyez  vous  en,  vieilles  daiupnees, 
ou  vous  arez  des  coups  massis 
sur  vostre  dos  si  bien  assis 
24315   qu'il  n'y  fauldra  point  renvoyer. 

s.    .lEHAN 

Plus  ne  le  poons  convoier  ; 
mes  dames,  vous  voiez  le  cas. 

MADELAINE 

Helas  !  Jehan,  nous  ne  lairrons  pas 
Marie,  vostre  honorée  ante, 
24320  qui  le  suit  si  très  dcsplaisanto 


24255  es]  en  B.  C.  —  21257  samble  A.  —  24263  gracieux  C.  —  24204  euree  C.  —  24277  qui  vous  A. 
24286  pauliuee  A.  —  24295  Kt  de  plus  A.  —  24300  par  maleure  sort  B.  G.  —  24301  Que  nous  vous  C.  - 
G.  —  24307  plaidoyeries  C.  • 


-  24280  ceulxC.— 
•  24302  aueugly  B. 


TIEUCE    JOURNKK 


319 


qu'oni'qucs  la.~  ciicur  plus  n'ciiduia. 

MARIE   .lACOliY 

Se  Dieu  [ilaist,  ou  In  ooiiduiia 
tant  qu'il  luy  plaira  choniinor. 


BBOYEKKORT 

Nous  lie  faisons  que  trotinor  : 
2'i3œ  je  no  «reii  cosse  de  dilwti'o. 

Ou  eu  doust  avoir  pendu  quatre 
depuis  que  nous  sommes  pai'ty. 

PILATE 

Demouire/  vous  ou  ce  party  ? 
sergons,  im  peu  vous  avoye», 

GRIFFON 

!;4330   11  u'cn  peust  plus,  vous  le  voyez  : 
fault  il  qu'il  soit  tant  replicqu(;  ? 

CLAQUEDENT 

11  demeuri'o  cy  tout  picqué 
et  si  mourra  aval  les  champs. 

CENTURION 

Prévost,  vous  perdez  vostrc  temps 
24:î35  qui  ainsi  le  chassez  :  holas  ! 
vous  voyez  qu'il  est  si  très  las 
qu'on  ne  luy  peust  plus  peine  offrir 
n'aultre  ti'aveil  sans  moi't  soufiVir. 
Regardez  le  fardeau  qu'il  porte  : 
21340  il  n'est  créature  si  forte, 

tant  oust  le  courage  haittié, 
qui  n'eust  assés  a  la  moittié 
de  la  charge  qu'il  a  sur  luy  ; 
il  en  est  si  fort  affoibly 
24345  qu'il  n'attent  que  la  mort  le  prehdo. 
Commandez  ung  pou  qu'on  attende 
pour  y  mettre  provision. 

PILATE 

^'ous  dittos  bien,  Centurion  : 
s'il  porte  charge  et  pesant  fais, 
24350  ce  ne  suis  je  pas  qui  le  fais, 

mes  Juifz  qui  l'ont  mal  en  grâce  ; 
que  vous  saniblo  il  bon  qu'on  en  face  ! 
et  sur  co  nous  conseillei\)ns. 

CENTURION 

Je  vous  diray  que  nous  ferons 
24355  pour  éviter  plus  grant  donnnage  : 
vêla  ung  paysant  de  village 
qui  s'en  va  droit  a  la  cité  ; 
il  sera  do  necccssité 
qu'on  le  charge  de  ceste  croix 


24300  et,  mais  qu'il  la  (Wi-tc,  je  crois 
qu'il  ira,  vou  qu'il  n'y  a  guaire, 
ires  bien  jusqu'au  mont  do  Calvaire, 
et  luy  sera  ung  grant  conffort. 

PII.ATE 

Il  est  bou  homme,  grant  et  fort 
24:i65  poui'  ung  tel  faideau  soustenir. 
Griffon,  va,  va,  fais  le  venir, 
et  luy  dis  qu'il  viengne  exploitier 
ung  peu  de  chose. 

ORIKFON 

Volontier  : 
je  luy  diray  bien  a  la  lettre. 


24370   Venez  ça,  venez,  nostre  maistre  : 

il  vous  fault  suivir  nostre  i-outo. 

Hay  !  hau  !  bon  hommeau,  os  tu  goûte  ? 

vien  t'en  parler  a  nosseigneurs. 
SIMON,  Circncen. 

J'ay  assés  a  entendre  aillicurs  : 
24375  aller  m'en  fault  a  ma  besougne. 

ORILLART 

Et  fault  il  que  ce  villain  hongnc  ? 
passez  avant,  vous  y  vendrez. 

SIMON 

Ha  !  messeigueui-s,  vous  attendrez 
que  j'ay e  de  mon  fait  chevy. 

GRIFFON 

24380  Nous  n'attendrons  pas  ne  demy  : 
vous  on  vendrez  de  grant  randou. 

SIMON 

Helas  !  et  que  me  demande  on, 
qui  m'clforcez  par  tel  moyen  î 

ORILLART 

Tes  cspaulles  le  sçaront  bien 
243S5  avant  le  retour,  ne  te  chaille. 

GRIFFON 

Sire,  je  vous  commetz  et  baille 
ce  bon  hommeau  en  vostrc  main. 

CENTURION 

Or  vien  ça,  pai'le  a  moy,  villain  : 
tu  vas  par  les  champs  tout  oiseux 
24390  comme  ung  mcschant  avautureux  : 
il  to  convient  mettre  a  l'ouvrage. 

SIMON 

Helas  !  messeigne'us,  que  fera  je  ? 
vous  m'avez  si  espovantc 
que  je  n'ay  cueur  ne  volenlé. 


Ï4325  i-ombalru  B.  C—  24339  qufl  fardeau  il  B,  —  24344  Xoaulirioins  quil  est  si  B.  C.  —  84351  les  juil*  A.  ces  juif»  (".. 
—  24357  yui  l'y  seii  va  en  la  B.  son  vient  C.  —  24369  tout  A  lit  B.  C.  —  24372  nous  lu  B.  uoi  C. 


320 

24395 


MISTKRl':    DK    LA    1' AS  S  ION 


ne  membre  que  puisse  lever  : 

et  se  vous  me  voulez  grever, 

j'appelle  pour  ma  sauvegarde. 

CENTURION 

Nennin,  bon  homme,  tu  n'as  gaide ; 
mes,  pour  ce  Jhesus  supporter 
2»00  qui  ne  peust  mes  sa  croix  porter 
et  demeure  icy  sans  subside, 
il  fault  que  pour  ly  faire  ayde 
tu  portes  ccste  croix  sur  toy. 

SIMON 

Ha  !  messeigneurs,  pardonnez  moy  : 
24105  pour  riens  jamès  ne  le  feroye, 
car  tant  repproché  en  seroye 
que  jamès  jour  n'aroye  honneur  : 
vous  sçavoz  le  grant  deshonneur 
que  c'est  huy  de  la  croix  porter  : 
24410  certes  j'aymeroye  plus  cher 
mourir  que  faire  tel  office. 

GRIFFON 

Ort  viel  truant  fctard  et  nic,^, 
et  remply  de  rébellion, 
vous  porterez,  veillez  ou  non, 
24415  ceste  croix  :  chargez  tost  ce  fais. 

SIMON 

Je  m'oppose. 

ORILLART 

Villain  parfais, 
jouez  vous  de  la  reculoire? 

SIMON 

S'on  me  fait  tort  sans  mes  meffais, 
je  m'oppose. 

BRAYABT 

Villain  parfais, 
24420  vous  arez  tant  de  coups  bienffais 
qu'on  vous  cassera  la  mâchoire. 

SIMON 

Je  m'oppose. 

CLA-QUEDEN  r 

Villain  parfais, 
jouez  vous  de  la  reculoire? 

BROYEFFORT 

Tu  quiers  pour  riens  eschapatoire  : 
244J5  il  te  convient  passer  par  la. 

SIMON 

Or  avant  donc,  puisqu'ainsi  va, 
je  feray  vostrc  volenté  ; 
mes  il  me  poiso  en  vérité 
de  la  peine  que  vous  me  faictes. 
24430  0  Jhesus,  de  tous  les  prophètes 


le  plus  saint  et  le  plus  begnin, 
vous  venez  a  piteuse  fin 
vou  vostre  vie  vertueuse  ; 
quand  vostre  croix  dure  et  honteuse 
24435  pour  vostre  mort  fault  que  je  poi-to, 
se  c'est  a  tort,  je  m'en  rapporte 
a  cculx  qui  vous  y  ont  juge. 

GRIFFON 

Monseigneur,  il  est  bien  chargé  : 
cheminons  raidement  en  voye. 

SALMANAZAR 

24440  J'ay  grant  désir  que  je  le  voye 
fichié  en  ce  hault  tabernacle, 
assavoir  s'il  fera  miracle 
qui  l'en  sache  ramener  jus. 

CENTURION 

Sergens,  hastez  moy  ce  Jhesus 
24i45  et  ces  deux  larrons  aux  costés  : 
s'ilz  ne  vueillent,  si  les  bâtez 
si  bien  qu'il  n'y  ait  que  redire. 

CLAQUEDENT 

A  cella  ne  tendra  pas,  sire  : 
nous  eu  faisons  nostre  pouvoir. 

[Pose.] 


DIEU    LE    PERE 

24450   Pitié  doit  tout  cueur  esmouvoir 
a  lamenter  piteusement 
le  inartire  et  le  grief  tonnent 
que  Jhesus,  mon  cher  filz,  endure  ; 
il  porte  destresse  tant  dure, 

24455  que  puis  que  le  monde  dura 
oncques  homme  tant  n'endura, 
laquelle  ne  peust  mes  durer 
sans  la  mort  honteuse  endurer, 
et  n'ara  son  saint  corps  durée 

24460  jusqu'à  ce  qu'il  l'ait  endurée  ; 
il  appert,  car  plus  va  durant 
et  plus  va  tousjours  endurant 
sans  quelque  conffort  qui  l'allège  ; 
si  convient  que  la  mort  l'aljrege 

2'.46j   et  de  l'exécuter  s'appreste 
pour  satiff'aire  a  la  rcqiioste 
de  dame  Justice  la  flore, 
qui  pour  requeste  ne  pi'iere 
ne  vcult  riens  de  ses  drois  quitter. 


24398  Neniiil  B.  C.  —  21403  poui-  soy  lî.  C.  —  24412  Et  vieulx  B.  Kt  vici 

"  ■  ■    .■  ■    '"   -         24424  néant  B.  —  24436  St  _  . 

-  24402  tousjours]  toUrnieut  C. 


eillard  truant  et  C.  —  2A'ii't  Vous  sortirez  B.  C. 
—  24415  Chargez  ysnelliMuent  le  fais  B.  C.  —  24424  néant  B.  —  24436  Se  s.'est  A.  —  24449  ileuoir  C.  —  24450  Onrques 
si  dure  13.  Homme  si  dure  C.  —  24460  ail  A. 


TIKUCli   JOURNEE 


321 


■i'i'.70  Mk'licl,  allez  donc  coiiffortcr 
en  ccste  anicrc  passion 
mon  filz,  i)lain  do  dilcctiiin, 
mon  ciillant,  mon  tics  anu-  gendre, 
qui  sa  doulco  char  va  cstendie 

21'i75  ou  puissant  arbre  de  la  ci'oix. 

MICIIKI. 

Pore  du  ciel  et  roy  des  roys, 
humblement  a  cherc  assiniplyr 
sera  paifaicte  et  accomplye 
vostre  volento  haulte  et  bonne. 


S.U'HAN 

2'i'i80  Lucifer,  qui  tiens  la  couronne 
de  l'horrible  abisnie  infernal, 
nostre  fait  se  porto  très  mal, 
car  tout  nosti'e  gouffre  est  deffait. 

LUCIFER 

I^ar  quel  moyen? 

SATHAN 

Je  n'ay  riens  fait  ; 

24485  ce  Jhcsus  est  a  mor't  livré 
et  n'a  peu  estre  delivio 
par  moyen  que  j'y  ayo  mis  : 
toutcffois  très  fort  m'entremys 
"du  temiiter  la  femme  l'ilate, 

21 '.90  mes  la  dosleable  gargate 
des  Juif/,  oncquc»  n'a  cessé, 
et  ont  Pilate  tant  presse 
qu'il  l'a  jugic  a  la  mort  rendre. 

LUCIFER 

Ha  !  mauldit  Sathau,  va  te  pendre 
24495  a  ung  gibet  de  feu  ardant, 

quant  aultrement  tu  n'es  gardant 

les  drois  et  les  lois  de  l'ostel. 

Va,  dragon,  serpent  immortel, 

et  solicite  de  rechief 
2'.500  se  jamrs  par  coup  de  meschief 

l'iourroit  eschapper  le  surplus. 
s.n-HAN 

11  en  est  picq,  n'y  pensez  plus  : 

il  n'est  qui  l'on  scout  retarder. 

11  n'y  a  que  de  bien  garder 
24505  nos  huis  et  nos  portes  a  force, 

affin  au  moins  s'il  nous  efforce 

que  nous  y  puissions  résister. 

LUCIFF.U 

Cerborus  '. 


(EIIIIEIILS 

Hola!  maginler. 

LUCIFER 

l')t  vous,  mes  drablos,  dormez  vous  ? 
24510  barrez  nos  huis  a  gros  verrous, 

tenez  nos  portes  bien  fermées, 

et  soie/,  a  grosses  armées 

devant  pour  les  entretenir, 

car  tomproment  verrez  venir 
24515   nostre  adversaire  faire  rencz. 

CERHERUS 

Laissez  le  venir  :  s'il  entre  cns, 
je  veil  qu'on  m'arde  le  museau. 

FERGALUS 

Tout  y  est  barré  bien  et  beau  : 
comment  donc  y  entreroit  il  ? 

ASTAROTH 

24520  Ou  il  sera  trop  plus  soubtil 

que  nous  doables  trctous  cnsendjio, 
ou,  par  mon  crochet,  il  mc^amble 
qu'il  y  demourra  s'il  y  vient. 

SATHAN 

Mon  maistre,  on  ne  scet  qu'il  advient  : 
21525  solicitez  toujours  icy 

et  pour  voir  la  (in  de  cecy, 
je  m'en  ii'ay  faire  une  course. 

LUCIFER 

Affin  que  ton  chemin  s'accouree, 
le  deablc  te  puisse  guider  ! 


MICHEL 

Icy  s'en  vient  a  la  crois-. 

24530  Filz  de  Dieu  en  qui  regarder 
tous  les  angles  prennent  liesse, 
et  dont  la  paifaicte  noblesse 
bouche  ne  sçaroit  reciter, 
qui  pour  les  humains  racheter 

24535  as  ton  précieux  corps  offert 

et  tant  de  gi-icfz  tormens  souffert 
que  Dieu  seul  en  congnoit  le  nombre, 
et  ce  pour  les  ostor  de  l'ombre 
de  mort  et  les  mettre  a  reiws, 

24540  et  qui  encore  a  ce  propos 

veuls  la  mort  pour  eulx  recevoir, 
achevé  et  parfais  ton  devoir 
et  fais  que  ton  vouloir  appere 
obeyssant  a  Dieu,  ton  père, 

24545  qui  fera  a  dame  Justice 


2i470  .Vliohcl]  .Mon  lilz  It.  —  ;'4179  juste  et  H.  —  244S0  Kny  deiifer  B.  0.  —  244flS  va  serpent  i-riicl  B.  C.  —  245J5 
Nous  huis  \.  —  24512  a]  en  C.  —  24515  r.mis  B.  rcns  C.  —  2l,M6  Laissez  hanlieuient  U.  C.  —  24522  aroliei  C.  —  2453S 
Kt  pour  tous  les  .\.  du  lunilu'e  C.  —  21511  reeeuoir]  endurer  B. 


P.VS. 


21 


322 


MISTERE  DE   LA   PASSION 


présent  de  ce  saint  sacrifice 

plus  que  tous  aultres  acceptable, 

très  vénérable  et  agréable 

en  odeur  de  suavité. 
24550       Jadis  estoit  en  grand  vilté 

et  tenue  en  grant  orfanté 

la  croix  et  de  chacun  maudite  : 

Or  sera  son  nom  l'edoubté 

esaulcé  et  manifesté 
24555  par  ce  très  glorieulx  mérite  ; 

Jadis  très  villaine  estoit  ditte 

et  toute  parsonne  interdite 

qui  son  corps  y  ot  présenté  : 

Or  sera  de  ton  sang  conffitc 
24560  par  lequel  sera  desconffite 

la  mort  et  enffer  desmonté. 

Icy  demeure  Michel  avec  Jhesu  Crist, 
avec  aucuns  autres  anges. 


GKIFFON 

Or  avons  nous  tant  cruppeté 
que  sonmies  venus  a  grant  haire 
sur  la  montagne  de  Calvaire 
245G5  a  belle  et  grosse  compaignie. 

PILATE 

Sus!  sergens,  perverse  meignie, 
vous  fault  il  maintenant  fester  ? 
vous  deussiez  tretout  apprester, 
entendis  que  vous  estes  cy. 
24570  Ou  sont  ces  trois  croix  ? 

GRIFFON 

Les  veez  cy 
tantost  appert  les  vous  trairons. 
Ceulx  cy  sont  pour  les  deux  larrons, 
et  veez  cy  pour  cest  ypocrite. 

GAYPHE 

Il  convendra  qu'i  soit  écrite, 
24575  sans  ce  que  plus  y  attendons, 

la  cause  pour  quoy  nous  pendons 
ce  Jhesus  par-  ceste  manière. 

PILA.TE 

Vostre  requeste  est  bien  ligiere  : 
veez  cy  ung  tableau  tretout  prc.-;t 
24580  OU  je  l'escripray  s'il  vous  plest, 
et  après  nous  l'atacherons 
sur  la  croix. 

ANNE 

Nous  vous  en  plions, 


que  vous  y  veillez  consentir. 

JHEROBOAN 

Prévost,  je  vo\is  veil  advertir 
24585  qu'il  sera  bon,  se  sommes  sages, 
de  l'escripre  en  divers  langages, 
affin  au  moins  que  les  passans 
estrangiers  ne  passent  pas  sans 
"  entendre  qu'il  signifii'a. 

PILATE 

24590  Nous  ferons  tant  qu'on  l'escripra 
par  très  bonne  subtilité. 

GRIFFON 

Messeigneurs,  tout  est  appresté  : 
croix  ensemble,  cordes  et  clous. 
Pour  tant  regardez  entre  vous 
24595  auquel  vous  voulez  qu'on  commance. 

CAYPHE 

11  me  samble  en  ma  conscience 
que  le  plus  court  est  le  meilleur 
de  despecher  ce  frivoleur  ; 
car  plus  tost  mourir  le  ferons 
24600  et  plus  tost  esjouis  serons  : 
encor  il  a  trop  attendu. 

GRIFFON 

Le  voulez  vous  avoir  pendu 
tout  vestu  ou  en  sa  chemise  ? 

ANNE 

Nennin,  ce  n'est  pas  la  devise 
24605  en  quoy  nous  sommes  consentu  : 
nous  voulions  qu'il  soit  devestu 
tout  aussi  nu  qu'ung  ver  de  terre, 
et  pour  prier  ne  pour  requerre 
ne  luy  laissez  ne  hault  ne  bas 
24610  grmis  ne  moyens  ne  petis  draps, 

dont  il  sceust  couviir  ung  seul  point. 

ORILLART 

Vous  le  voulez  avoir  au  point 
qu'il  yssi  du  ventre  sa  mère  ? 

JHEROBOAN 

Justement. 

GRIFFON 

C'est  grand  vitupère  : 
24615  mes  neantmoins,  soit  honneur  ou  blasme, 
vous  Tarez. 

BRAYART 

Il  est  tant  iufarne 
qu'on  ne  le  peust  trop  villener. 

CLAQUEDENT 

Abrégeons,  sans  plus  mot  sonner. 
Ça,  villain,  venez  a  la  feste  : 
24620  il  n'y  ara  ne  cul  ne  teste 


24556  estri;  B.  —  24562-662  manijuent  0.  feuilM  déchiré. 


TIKRCE   JOURNKE 


323 


qui  ja  vous  demeure  a  couvert. 

OUU,I,ART 

Gcst  habit  cy  ci-t  mal  ouvert  : 
je  u'on  vey  uul  lie  tel  esi)ece. 

imOYBKKORT 

Fourquoy? 

CI.AQUEDENT 

Il  est  tout  d'une  pièce 
24625  tissus  tout  en  bas  et  dessus. 

imOYEKFOHT 

Ne  t'en  chault,  non,  oste  luy  jus  : 
ce  sera  pour  nostre  butin. 
Tendez  les  bras,  villain  matin, 
laissez  vous  uug  peu  desbillier. 
\f  Icy  le  détestent  tout  nu. 


1/ 

NOSTUE    DAME 

2'.630       Las  !  qui  me  s^ara  conseillier 
et  de  mou  grief  dueil  resveilliei', 
en  quoy  mon  povro  cueur  se  uoye 
Kt  est  sur  point  de  perillier  ? 
se  mort  le  veiiist  exillier 

24035  je  la  quier  et  si  me  rcuoyc  ; 

Hé,  mon  filz,  quand  je  te  tenoyc, 
eu  toy  tout  mon  soûlas  ])rcnoye 
et  tout  bien  pour  moy  rallier  ; 
Or  te  pers  par  (liteuse  voye  : 

2i«iO  or  convient  il  que  ta  mort  voye  : 
filz,  je  ne  te  puis  oublier. 
Mes  seurs,  je  vous  veil  supplier 
ou  nom  de  Dieu  le  triumphant 
que  nous  approchons  mon  enifant 

21645   et  passons  oultre  ceste  presse. 

MARIE   JACOBY 

Pour  quelque  tourment  ou  destiesse 
ne  vous  lairrons,  ma  seur  bénigne, 
mes  ou  que  vostrc  corps  chemine, 
nous  vous  ensuivrons  do  bon  cueur. 

MARIE  SALOMÉ 

2'i650  Regardez  la,  ma  chère  seur, 

la  plus  graut  pitié  qu'oncques  fut  : 
ilz  ont  ja  i)reparé  le  fust 
ou  il  doit  (>stro  a  inoi't  tiaittié  ; 
si  l'ont  si  très  nu  despointié 

246Bj  que  sur  tout  son  corps  n'a  ilenrec. 

NOSTRK   DAME 

O  faulce  gent  désespérée, 


246- 


£4680 


o  trayson  desmesureo 

qui  a  son  vouloir  vous  demoinc, 

Honneui-  as  trop  vitupérée 

24060  et  bien  est  de  toy  séparée  : 
rage  d'envye  te  surmaine. 
Dure  gent  de  cruel  domaine, 
prens  pitié  do  nature  humaine  : 
«'honneur  eusses  considérée, 

24665  Tu  ne  feusses  pas  si  villaiue 
de  la  desnucr  si  très  plaine, 
tu  l'as  par  trop  déshonorée. 

Icy  met  Nostre  Daine  ung  drap  devant  Jhesus, 
Helas  !  mon  enifant  débonnaire, 
mou  cher  trésor  très  necccssaire, 

84670  du  plus  doulx  et  begnin  affaire 

qu'oncques  iiaquist  dcssoubz  les  cieuls, 

A  toy  couvrir  me  fait  retraire 
maternelle  amour  voluntaire, 
et  se  plus  je  te  pousse  faire, 
de  bon  cueur  fust  fait,  ce  scet  Dieux. 

Mes  nennin,  on  te  veult  deffaire 
et  a  ta  merc  tant  meffaire 
que  de  meurtrir  et  a  mort  traire 
son  cher  enffant  devant  ses  yeulx. 

Quel  dueil  !  quel  piteux  exemplaire  ! 
mon  filz,  ne  te  vueille  desplaire, 
s'au  partir  pour  tout  mon  salaire 
te  baise  quand  je  ne  puis  mieulx. 

CENTURION 

Griffon,  tu  es  bien  cochevieulx 
24685  que  tu  ne  fais  sortir  arrière 
ces  femmes, 

C.RIFKON 

Saultez  la  bai'iiere, 
plaidoires,  il  vous  est  besoing, 
ou  vous  arez  sur  vostre  groing  ; 
que  tous  les  dcables  y  aient  part! 

ORII.LART 

24690  Seigneurs,  or  vous  triez  appai-t, 
voir  comment  nous  besougnerons, 
et  se  bien  le  crucifirons, 
ainsi  que  vous  le  demandez. 

MARDUCEL'S 

Il  est  bon  que  vous  l'estcudcz 
24695  sur  terre  et  l'atachez  du  tout 
avant  qu'on  le  dresse  sur  bout  ; 
vous  en  serez  mieulx  a  vostre  aise. 

CAYPBB 

L'oppinion  n'est  pas  mauvaise  : 
ilz  en  |>ourront  mieulx  besouguer. 


V 


21623  voy  A.  B.  —  21025  pardessus  U.  —  241)64  Se  lioiiu«ur  asseï  cuiisideie  0.  —  240OS  /•■;/  jxii     t  a  Jheaus  uh<j  ce»- 

(nclief  \ mect  le  bras...  U.  -^  24074  sceusse  A.  —  21081  bieu  perisseu»  A.  «ivhe  vieulx  C.  —  246S&  ne  maïujue  A.  -• 

24689  tous  luy  diables  B.  C. 


324 


MISTERE    DE    LA    PASSION 


BRAYABT 

2iT0O  11  ne  vous  en  fault  plus  songner, 
mes  nous  en  ferons  tout  ainsi. 
Sus  !  villain,  estandcz  vous  cy  : 
il  fault  que  vostre  oïde  chaiongne 
soit  prestement  mise  en  besongne 

24705  a  vostre  sanglant  encombrier. 

GRIFFON 

J'attacheray  ce  bras  premier 
affln  que  la  chose  se  haste  ; 
truant,  estendez  ceste  pâte  ; 
je  vous  pense  si  bien  serrer 
•.4710  que  ne  vous  sçarez  desserrer. 
Broyeffort,  de  quoy  sers  tu  la  ? 
ou  sont  ces  trois  clous? 

BROÏEFFOBT 

Les  voyla 
si  très  jires  de  toy  :  voys  tu  goûte  ? 

GRIFFON 

Fault  il  pourtant  qu'on  me  les  boute 
24715  au  visage  ?  quel  demiseau  ! 

or  me  baille  ung  peu  ce  marteau, 
et  pviis  tu  verras  fjùre  rage. 

OBILLABT 

Frappe  tout  ens. 

GRIFFON 

Aussi  fera  je 
mes  qu'on  me  laisse  faire  ung  pou  . 
24720  veez  cy  le  plus  rebelle  clou 

dont  oncques  mes  je  feusse  accointe. 

CLAQLEDENT 

Le  fevre  les  forgea  sans  pointe. 
Est  il  tout  dedens  ? 

GRIFFON 

Seurement  : 
il  tient  si  bien  et  serrement 
24725  qu'il  n'est  qui  le  sceust  arracher. 

BROYEFFORT 

Je  vouloye  icy  attachei' 
et  clouer  ceste  main  deçà, 
mes  bien  trois  dois  d'instance  y  a 
de  la  paulme  jusqu'au  pertuis, 
247?G  pourquoy  attacher  ne  luy  puis 
s'aultruy  no  m'y  dresse  la  voye. 

GRlFFùN 

Tu  n'es  qu'ung  droit  ours  de  Savoie  : 
laisse  nioy  tout  seul  convenir, 
je  luy  feray  bien  advenir, 
24735  ou  n'y  demourra  vaine  entière. 


BUAYABT 

Or  nous  devise  la  manière 
pour  voir  se  nous  y  accordons. 

GRIFFON 

Prenez  moy  ces  deux  gros  cordons 
que  j'ay  a  son  poignet  serrés, 
24740  et  tirez  tant  que  vous  pourrez, 

vous  quatre,  jusqu'aux  nerfz  desjoindre, 
tant  que  vous  faciez  la  main  joindre 
au  partuis  qui  est  fait  pour  elle. 

CLAQL'EDENT 

L'oppinion  est  bonne  et  belle  : 
24745  benist  soit  qui  telle  la  baille. 

GRIFFON 

Or  tirez  fort,  fort,  ribauldaille  : 
la  main  y  vient,  ou  peu  s'en  fault. 

BROYEFFORT 

11  n'est  pas  bcsoing  que  j'y  faille. 
Or  tirez  fort. 

BRAYART 

Fort,  ribauldaille. 
24750  J'ay  paour  que  cueur  ne  luy  faille 
au  tirer. 

CLAQUEDBNT 

Mes  que  nous  en  chault  ? 
Or  tirez  fort. 

GRIFFON 

Fort,  ribauldaille  : 
la  main  y  vient,  ou  peu  s'en  fault. 

ORILLART 

Y  vient  elle  droit  ? 

GRIFFON 

Autant  vault  : 
24755  mes  que  ce  clou  y  soit  souldé, 
oncques  arbaleste  bondé 
ne  tendit  de  meilleur  façon. 

BANANIAS 

Le  coquin  ne  dit  mot  ne  son 
pour  chose  que  faire  sachiez. 

GRIFFON 

24760  ^'cez  en  la  deux  très  bien  fichiés  ; 
allons  aux  piez  lance  sur  faultre. 

ELIACHIN 

Il  les  fault  croisier  l'un  sur  l'aultre, 
pour  l'avoir  depesché  plus  brief. 

GRIFFON 

Au  prime  veez  cy  le  meschief  : 
247fô  lourdement  faillions  a  nos  trais. 

ELIACHIN 

Comment  ? 


21710  detîerrer  I!.  —  24713  voy  A.  B.  C.  —  24723  Si  entre  ung  peu  plus  ini'ement  B.  C.  —  24725  .ibatic  B.  C.  —  2472B 
,Ie  ine  A.  me  vouloye  icy  esbatro  B.  G.  —  24731  "lyj  luy  C.  —  24737  accorderons  C,  —  24747  il  vient  A.  —  24754  elle 
encore  B.  C.  —  24755  fonciez  C    —  21761  lani'ez  C  ' 


T I V.  a  c  !•;  .1 


GRIFKON 

Les  piez  sont  tous  rctrais 
qui  ne  se  pourront  atiror 
jusqu'au  trou. 

iNAASON 

11  les  tault  tirer 
tretout  ainsi  ne  plus  ne  mains 
8i770  comme  vous  avez  fait  les  mains  : 
par  ce  point  vous  les  y  mcnrez'; 
m'entendez  vous  ? 

GRIFFON 

Vous  le  verrez, 
mes  que  j'aye  noué  ma  corde. 


MADELAINE 

0  pitié,  0  niisci'icorde, 
2477')  o  doulx  .Ihesus  par  qui  s'accorde 
tout  pécheur  a  rémission, 
Uoulce  fontaine  de  concorde, 
quant  de  tes  haulx  fais  me  recorue 
on  te  fait  grant  cxtorcion. 

MARIE    JACOBY 

24780  Faulcc  et  perverse  nacion 

et  plaine  d'obstinacion, 

comment  as  tu  ozé  penser 

De  mettre  a  execucion 

cil  qui  pour  ta  salvaoion 
84785  a  tousjours  pcné  sans  cesser? 

MARIE   SALOMÉ 

Kn  la  fin  en  seras  (lugnie, 
cruelle  et  fausse  progenie, 
et  desja  le  t'a  bien  noté  ; 
Lignée  a  tout  mal  faire  unye 
2'i790  et  de  tout  honneur  dos-garnie, 
tu  as  tout  nostre  bien  osté. 

s.    JEHAN 

0  fontaine  de  charité, 
lumière  sans  obscurité, 
vous  délaissez  nostre  partie 
24795  En  si  gi'ande  perplexité 
que  toute  joyc  en  vérité 
est  de  nostre  cuem*  départie. 


GRIFFON 

Nostre  besongne  est  assortie 
1res  bien,  .lupitor  soit  loué  ! 


0  U  R  N  E  K  3i5 

H9no  je  tiens  qu'il  est  si  bien  cloué 
que  jamès  vif  n'en  juirtira. 

OHII.LART 

Oncques  corde  a  arc  ue  tira 
mieuix  que  font  les  nerfz  de  son  corps  : 
ou  coinpteroit  bien  par  dehors 
24805  ung  a  ung  les  os  qui  y  sont. 

HRAYART 

Je  regarde  aval  et  amont 

se  les  clous  tiennent  bien  dedens. 

GRIFFON 

Or  y  va  essaier  aux  dens, 
savoir  comment  tu  les  aras. 

PILATB 

248(0  Ça,  (,«,  laissez  moy  ces  fatras  : 

puisque  l'escript  est  ataché, 

faittes  que  l'arbre  soit  fiché 

et  asceuré  de  toutes  pars  ; 

ne  faictes  plus  oy  les  coquars, 
■îiSiri  dresse/,  inoy  croix  et  crucifis, 

affin  que  soient  ussuffis 

•es  Juifz  qui  tant  l'ont  grevé. 

BROVEFFORT 

Il  sera  tout  surpifz  levé 
amont,  bien  honteux  etconffus. 

PII.ATE 

24S20  Prenez  moy  lances  et  pall'us, 
guisarnies,  picquts,  estondars, 
eschelles,  grans  perches  et  dare  ; 
chacun  soudart  la  main  y  tiengno 
et  chacun  son  costé  soustiengne 

24825  de  bonne  puissance  et  reaile. 
Amont! 

GRIFFON 

Amont  ! 

■     rl-AQUEDENT 

Halle  bois! 

ORILLART 

Halle! 
Soustehez  la. 

BRAYART 

Mes  soustenez! 
tout  le  fais  dessus  nou-<  devalle. 
Amont  ! 

BROYKFFORT 

.\mont  ! 

GRIFFON 

Halle  bois  ! 

CLAQUKDKNT 

Halle! 


247G7  ptuent  li.  G.  -  24770  iinus  auons  fait  B.  —  24787  FaulsB  pl  inaiHlite  B.  C.  —  247J7  rorps  B.  —  84803  nerfi 
foibles  pt  fors  B.  C.  —  24!-04  On  nomliroroit  par  tout  son  corps  B.  C.  —  2'..'13  Et  attarlife  B.  —  84820  moy  mnnqur  B. 
.—  24822  çr.ins  perrhps]  f  suillons  B.  C, 


320 

24830 


MI  STERE   DE   LA    PASSION 


oncques  je  n'euz  charge  sy  malle: 
je  me  romps  se  vous  ne  venez. 
Amont  ! 

ORILLART 

Amont  ! 

BRA.YART 

Halle  bois! 

BROYEPFORT 


Soustenez  la. 

GRIFFON 

Mes  soustenez! 

CENTURION 

Ha!  compaignons,  vous  vous  penez 
8*835  et  prenez  peine  largement  ; 
mes  vous  arez  bon  payement 
ja  tost,  mes  que  vous  retournez 

CLAQUEDENT 

Nous  sommes  si  bien  attournés 
qu'avons  tant  fait  que  veez  le  la. 

ORILLART 

24840  II  est  amont  cahu  oaha  : 

nous  en  pouons  bien  depporter. 

BBAYART 

Le  deable  l'en  puist  emporter, 
que  tant  il  nous  a  fait  do  paine  ! 

BROYEFFORT 

S'il  ne  l'emporte,  si  l'entraine  : 
24845  je  n'en  fais  mise  ne  recepte. 

Regardons  se  la  croix  est  droite, 
et  puis  la  bloquerons  par  bas. 

GRIFFON 

Es  tu  la  Jhesus  ?  or  t'esbas  ; 
as  tu  beau  temps?  es  tu  bien  aise? 
24850  presche  nous  cy,  mes  qu'il  te  plaise, 
de  tes  fais  du  temps  ancien, 

ANNE 

Prévost,  nous  n'entendons  pas  bien 
la  cause  de  cest  escriptel  : 
il  ne  debvroit  pas  estre  tel 
24855  comme  il  est,  soubz  correction  ; 
tu  metz  l'intitulacion 
en  trois  langues  comme  je  voy  : 
Jhesus  de  Nazareth,  le  roy 
des  Juifz  ;  ainsi  l'as  escript  : 
touteffois  ce  n'est  pas  bien  dit 
et  nous  tourne  a  grant  préjudice. 

CAYPHE 

En  l'escriptuie  a  très  grant  vice, 

et  ne  debvroit  pas  estre  telle 

qu'il  soit  roy,  mes  qu'il  s'y  appelle 


248G:)  contre  droit  et  a  très  grant  tort, 
par  quoy  pugnicion  de  mort 
a  encouru,  comme  il  appert. 

JACOB 

Il  dit  vray,  nostre  honneur  s'y  pert  : 
prevost,  il  n'est  pas  bien  ainsi. 

PILATE 

24870       Messeigneurs,  quod  scripsi  scri'psi. 
Halle  !  et  en  murmure  qui  vouldra, 

car  ce  que  j'ay  escript  icy 
est  fait  et  escript  demourra. 

JORRAN 

Soyez  doue  seur  qu'il  tournera 
24875  a  la  confusion  de  tous, 

car  tout  homme  qui  le  lira 

en  tendra  mains  compte  de  nous. 

PILATE 

Je  n'en  puis,  mes  souffice  vous 
qu'a  vous  ay  obtempéré  trop  ; 
24880  encore  me  poise  il  beaucop 

quant  oncques  j'en  fus  empesché. 


Puisque  Jhesus  est  depesché, 
commandez  nous  que  nous  ferons. 

CENTURION 

Crucifiez  ces  deux  larrons 
24885   en  la  forme  qu'on  les  doit  mettre  : 
l'un  a  dextre,  l'aultre  a  senestre; 
c'est,  je  cioy,  leur  intencion? 

YSACAR 

Vous  dittes  vray,  centurion  : 
la  les  voulions  nous  avoir  mis. 

GRIFFON 

24890  Hz  sei'ont  tantost  bien  remis, 

puisqu'ilz  sont  en  mes  mains  livrés  ; 
ilz  seront  surpiez  délivrés 
et  pendus  a  deux  beaux  gibi's. 
Venez  ça,  larronccaux  mauvais, 

24895  maudis  de  Dieu  et  de  nature, 
veez  cy  pour  vostre  sépulture  : 
jamès  vous  ne  sçai'ez  saillir. 

DISMAS 

Se  par  mort  nous  fault  deffaillir 
a  estre  eu  la  croy  asservy, 
25000  plaindre  n'en  devons  ne  gémir, 
car  nous  l'avons  bien  desservy. 

GESTAS 

Trop  mallement  avons  cbevy 
de  nous  en  bien  faire  emploier. 

ORILLART 

Ung  mauvais  inaistre  avez  servy 

i  en  arez  A.  —  24S39  que  le  vêla  B.  G.  —  24S40  quahuin  G.  —  24854  debueroit  A.  —  24855  soulz]  sans  B.  —  24877 
comptel  de  bien  B.  C.  —  24880  prise  il  B.  —  24894  larronceux  A.  —25004  Cest  ung  mauuaie  maistre  seruy  B.  G. 


24860 


T  I  R  R  G  R 

«5005  dont  rocovo/.  si  diii'  loyer. 

imWART 

Qui  doit  poiidro,  il  no  poust  noior 
se  le  gibet  no  va  nouant  ; 
cola  c'est  ung  ver  tout  truant  : 
tout  le  monde  le  doit  savoir. 

GRIKFON 

25010   ^"ous  vous  tenez  la  au  bavoii-, 
et  si  ne  m'aidez  peu  ne  gi'ant. 

CLAQUEDENT 

Nous  y  venons  tout  accourant 
Sus  !  compaignons,  chacun  s'i  boute  : 
pendons  ces  deux  lan-ons  en  route 
85015  tout  ainsi  qu'a  mcsscigneurs  plest. 

HliOYEKKORT 

Aussi  est  .Ihesus  tout  seulet  : 
il  n'attent  riens  que  compaignie. 

(iniKFON 

Si  l'ara  tmtost  bien  série 
et  de  gens  do  haultc  taçon. 
25020  Vcez  cy  ung  aussi  faulx  garçon 
qui  soit  de  ci  a  Pampelune. 

OniLI.AHT 

Gestuy  no  vault  niioulx  d'une  plume  : 
c'est  juste  a  tel  pot  tel  cullier. 

GRIFFON 

Aydez  raoy  a  les  habillier, 
25025  et  puis  les  dresserons  amont. 
Ici/  les  lUtil  aux  croix  et  tendis  pirlera  Sathan, 

et  quant  il:  seront  liés,  les  dressent  sans 

parler. 


SATHAN 

Tout  mon  entendement  se  fout 

et  se  rongo  de  malle  rage 

que  j'ay  cy  brassé  ung  ouvrage 

qui  toute  ma  science  excède, 
25030  et  n'y  ay  peu  mettre  remède 

quand  je  l'ay  cuidé  retarder. 

Jadis  par  soubtilment  larder 

le  monde  feis  cheoir  en  ruyne 

et  bannii-  de  gloire  divine 
fô035  par  iennne  et  par  decepcion  ; 

et  ore  sa  redenipcion 

j'ay  cuidé  par  femme  empescher, 

mes  il  ne  m'y  vault  le  prescher  ; 

j'ay  du  tout  failly  a  mes  trais, 
25040  car  Juifz  ont  les  ciieurs  pourtrais 

85010  ou  bauoir  B.  C.  —  25021  de  si    A.  jusques  a  B.  C. 
sin  Dauoir  brasse  tel  mal  brassin  B.  C.  —  25063  sus]  sur  B. 


JOURNEE  327 

de  sanglante  onvyc  si  fort 

qu'il  fnult  que  .Ihesus  seuffre  mort. 

Le  voyla  ja  cruciffié 

le  doal)]o  m'a  bien  avoyé 
£5045  d'avoir  tant  quis  et  tant  trass 

que  j'ay  ce  brouet  cy  brassc'i 

qui  nous  tournera  a  tel  perte  ! 

Que  dira  la  tourbe  disporte 

de  dampnés  quant  cecy  sçara  ? 
25050  quelz  plains  !  quelz  hideux  cria  ara, 

se  par  puissance  vertueuse 

despouille  la  chartre  hideuse 

des  habitateurs  anciens  ! 

miculx  me  vaulsist  livrer  aux  chiens 
25055  que  de  moy  trouver  en  tel  fouUe. 

Kncore  tendray  pié  a  boulle 

et  ne  m'en  iray  point  si  tost, 

mes  me  tendray  icy  rcpiiost 

autour  de  ceste  croix  maudite 
25060  pour  veoir  la  fin  et  la  conduite 

que  ce  Jhcsus  cy  sortira  ; 

et  quand  son  ame  partira, 

se  je  puis  asseoir  sus  ma  pâte, 

elle  s'en  vendra  Ia.sse  et  matto 
25005  avec  moy  au  puis  ténébreux. 


PII.ATE 

Sont  pendus  ces  deux  maleureux 
compaignons?  sont  ilz  depeschés? 

CENTURION 

Respondez,  folz  pre.sumptueux  : 

sont  pendus  ces  deux  malheureux? 

GRIFFON 

25070  Mes  que  j'aye  lie  ce  gueux, 

vous  n'en  serez  plus  empeschés. 

JHEROBOAN 

Sont  pondus  ces  deux  malheureux 
compaignons?  sont  ilz  depeschés? 

OniLLART 

Je  croy  qu'ilz  y  sont  atachés 
£5075  et  si  bien  a  leur  aise  pendent 
que  se  jamès  ilz  en  descendent, 
ilz  sçaront  bien  du  bas  voiler. 

EMII.IUS 

Jhesus,  tu  as  beau  flajollor, 
car  tu  as  le  vent  d'avantage 
fôoso  regarde  le  noble  ménage 

de  quoy  tu  es  accompaigné. 

—  fôO'iO  CCS  juifz  A.  —  25045-0  El  ay  bien  uiuse  dun  cous- 
C. 


328 


M  I  S  T  E  R  E    D  K    LA    PASSION 


CELSIDON 

Tu  n'es  guercs  embcsongné  : 
sermonne  deux  raos  au  besoing, 
tu  sei'as  ouy  de  bien  loing, 
25085  car  tu  es  logié  hault  assés. 

RABANUS 

Or  descend  de  la  si  tu  sces 
et  saulte  droit  cy  au  milieu  ; 
aultroflbis  t'es  fait  filz  de  Dieu, 
vien  bas  en  celle  confidence. 

NEMBROTH 

25090  II  n'entend  pas  ceste  loquence, 

il  a  bien  a  penser  ailllieurs. 

Dieu  gart  ce  roy  des  frivoUeurs, 

le  séducteur  de  Galilée, 

qui  a  nostrc  loy  adnullee 
25095  et  gasté  de  tout  son  pouvoir  ! 

SALMA.NAZAR 

Ja  ne  luy  fault  ramontevoir, 
puisqu'il  en  a  sa  ponitance. 

PHARES , 

C'est  ung  prophète  d'ignorance  : 
s'il  eust  sceu  les  choses  futures, 
25100  SOS  peines  qui  tant  luy  sont  dures 
eust  bien  évité  de  haulte  heure  ; 
mes  nennin,  c'est  raison  qu'il  pleure 
et  lamente  ses  vioulx  delis. 

JHESUS 

Pater  mi,  dimitle  illis, 
25105   nam  nesciunt  quod  fuciunt  ; 
pore  qui  tes  servans  eslis, 
en  qui  mains  toutes  choses  sont, 
tu  vois  de  quelz  gens  je  suis  pris 
qui  piteusement  me  defFont  : 
25H0  pardonne  leur  s'ilz  ont  mespris, 
car  ilz  ne  sceveat  pas  qu'ilz  font. 

DISMAS 

0  vénérables  citoiens 
de  Judée  la  noble  terre, 
vous  voiez  les  piteux  moyens 
25115  do  la  mort  qui  ja  nous  vient  querro  ; 
bien  l'ay  desservy,  je  le  tiens, 
ma  coulpe  m'y  oblige  et  serre  : 
priez  Dieu  qu'entre  ses  hauls  biens 
le  don  de  mercy  nous  dessei're. 

GESTAS 

25120       0  terrible  mort  forcenée, 

ta  dai  de  doncques  m'attaindra  ? 
et  ne  m'y  vault  il  force  née  ? 
ame  a  mon  secours  ne  vendra  ? 


m'as  tu  donné  tel  destinée, 
25125  Dieu,  qui  de  pi'csent  m'adveudra  ? 
que  maudite  soit  la  journée, 
quand  oncques  père  m'engendra! 

NACHOR 

Ung  peu  saluer  nous  fauldra 

nostre  Cristus  qui  est  si  sage. 

25130  Regardez  ung  peu  au  visage, 

seigneurs,  vostre  roy  bien  piteux, 
le  senglant  fol  pi-esuuiptueux, 
qui  tant  nous  a  fait  de  dommage. 

NATHAN 

Tient  il  maintenant  son  barnage, 
25135  et  sa  grant  court  entre  ces  deux? 
regardez  ung  peu  au  visage, 
seigneurs,  vostre  roy  bien  piteux. 

JACOB 

C'est  ung  notable  parsonnage 
pour  faire  ung  roi  bien  soignorcux, 
25140  je  ne  s^ay  de  quel  héritage. 

s'il  n'est  le  roy  des  malheureux, 

YSACAU 

Ce  sont  filtres  de  hault  parage  : 
mes  l'oy  qui  se  renomme  d'eux 
tient  il  maintenant  son  barnage 
25l'.5  et  sa  grant  court  entre  ces  deux? 

JHEROBOAN 

Vaast  du  mauvais  fol  périlleux 
qui  a  voulu  le  peuple  instruire 
de  pouoir  le  temple  dcstruire 
et  en  trois  jours  recdiffîer  ! 

MARDOCEUS 

25150  Tu  t'es  par  trop  voulu  fier 

en  ton  faulx  art,  j'en  suis  tosmoing; 

car  quand  c'est  venu  au  besoiug, 

le  deable  a  qui  tu  as  servy 

te  laisse  a  la  mort  asservy, 
25155  tant  qu'il  n'est  par  art  de  magique 

ne  par  mal  ou  ton  corps  s'applique 

que  tu  en  saches  eschapper. 

NAASON 

Ainsi  scet  l'ennemy  tromper 
ceulz  qui  usent  de  telz  abus  ; 
25160  ou  est  ore  ton  Belzebus 

en  qui  puissance  boutoycs  hors 
les  aultres  ennemis  dos  corps  ? 
en  quel  party  est  il  latent  ? 

ELIACHIN 

Au  bas  enlfor  ou  il  l'attent 
£5165  pour  ardoir  au  feu  eternal. 


25092  des  malheureux  G.—  25105  Quia  A.  —  Jam  B.  C.  — 2:;111  pas  man'iue  B.  G.—  25115  Qua  A.  —  25128  conuendra 
B.  G.  —  25132-7  mnnqumt  A.  —  25U3  dieux  A.  —  Î5146  Va  B.  Vath  G.  —  25151  tesmoing]  certain  A.  —  25152  est 
venu  A.  —  Î5161  Qui  par  puissance  hau'.a  hors  A.  —  25163  pitié  est  il  a  tant  B.  G. 


T  1  !•:  R  C  !•;    .JOURNEE 


320 


Rfgaido,  .Iliesu.",  se  ton  iiinl, 
011  ta  nialico  cstoit  bien  preste, 
iiiaintenant  redomle  en  ta  teste  : 
cuidoicK  tu  tDusjouis  rogner? 
25170  ouidoies  tu  tousjours  ineiior 
guerre  contre  la  sinaguoguo  ? 
ouidoies  tu  estre  si  roguo 
que  nous  no  te  puissions  grever  ? 

BANANIAS 

Va,  va  sermonner  et  bavei' 
«)t75  contre  la  loy  et  nos  decrés  ; 
va,  si  revelle  nos  secrés 
pour  complaire  au  peuple  menu  : 
regarde  s'il  est  cy  venu 
pour  toy  délivrer  de  nos  mains  ; 
85180  sains  domourons  et  tu  remnin» 
a  mort,  a  ta  confusion. 

JOATHAN 

Est  ce  cy  ce  hault  champion 

et  ce  puissant  Ennnanucl 

qui  doit  régner  en  Israël  ? 
8')1S5  est  ce  cy  ce  trésor  haultnin 

que  les  prophètes  pour  ceitain 

ont  adn()nc(i  venir  au  monde  ? 

Dieu  et  nature  le  conftbnde  ! 

il  n'est  pas  digne  do  tel  nom 
25100  ne  tel  honneur. 

ANNE 

Je  croy  que  non, 
et  pense  liien  qu'il  se  modère 
et  que  son  mettait  considère 
dont  il  a  le  peuple  abusé. 

ROm.LART 

Est  ce  cy  cest  ouvrier  rusé, 
25105  cest  artiste  de  hauls  séjours, 

qui  doit  maçonner  en  trois  jours 
ung  si  hault  temple  et  si  massis  ? 

GADIKER 

11  est  illec  trop  mal  assis 
pour  l'avoir  tantost  achevé. 

DENTABT 

25200  Es  tu  ce  la,  dis,  fol  desvé       • 
qui  as  fait  voiler  tel  vantise 
que  de  destruire  la  pourpriso 
du  noble  temple  Salonion  ? 
je  pense  que  ce  feras  mou 

25205  tantost,  mes  qu'on  te  laisse  faire. 

MAI.Cl'IDANT 

S'il  en  veult  un  nouveau  reffaire 
sur  trois  joui-s,  connno  il  s'est  vanté, 
il  est  la  très  bien  attinté. 


Jhesus,  fay  ung  tein|>le  nouveau 
25210  acou|),  car  au  lieu  de  marteau 

tu  as  trois  elous  a  grosso»  [wintos 
au  travers  de  tes  nieiiibres  pointe», 
et  en  lieu  do  bois  pour  ouvrer 
tu  peuz  d'ung  gibet  recouvi'ei" 
85215  qui  t'estoiid  les  nerfz  et  les  vaines. 

DRAGON 

Ou  sont  tes  tromperies  vaincs, 
•Jhesus,  et  tes  enchantemens  ? 

OUEUI.U 

Toi  qui  as  peines  si  grcvaines, 

ou  sont  tes  tromperies  vaincs? 

BKAYART 

85220  Tes  cuvrcs  n'ont  pas  esté  saines, 
on  le  voit  aux  departeraens  ; 
et  se  tu  les  soustiens,  tu  mens 
quant  pour  elles  suett'res  tclz  paincs. 

ESTONNÉ 

Ou  sont  tes  tromperies  vaines, 
85225  Jhesus,  et  tes  enchantemens? 

on  voit  que  les  cabusemens 

dont  tu  t'es  faint  faire  miracles 

sui'  mors  et  sur  demoniacles 

n'avoient  |)as  l)on  fondement, 
'25230  mes  ont  esté  fais  faulcemeut 

par  deables  énormes  et  pesmes  : 

il  y  iiert,  car  pour  ton  cas  mesmes, 

tu  ne  scez  les  moyens  trouver 

do  toy  délivrer  et  saulver, 
85235  mes  te  laisses  mourir  a  honte. 

MALABRIN 

Tu  ne  vaulx  rions  pour  fin  de  compte, 
Jhesus,  ne  ta  pute  meignie. 

MAUCOUBANT 

Prophète,  os  tu  que  je  te  compte  ( 

tu  ne  vaulx  riens  pour  fin  de  compte. 

JHKROBOAN 

25ï'.o  Vostre  parler  riens  ne  luy  monte  : 
il  a  trop  beu  de  villenio. 

EMILIL'S 

Tu  ne  vaulx  riens  pour  fin  de  compte, 
Jhesus,  ne  ta  pute  meignie. 
Se  ta  pute  bouche  le  nye 
85245  et  veult  a  ce  mettre  debas, 

descend  d'illec  et  vien  en  bas  : 
si  tendrons  ta  puissance  seuro 

CELSIDON 

11  n'a  loisir. 


RABANIS 

11  n'est  pa 


s  heure: 


2J1KJ  scjours]  atours  IS.  toius  C.  —  25212  Dont  tu  as  tes  orJcs  m.iius  joinctes  U.   C.    —  ?r.2l7  enseignemens  C    — 
ffi318-ï5  maii'/ueiit  A.  —  ;522<5  )•.■;«•(<!  C.  —  252  '0  fainteinent  C. 


330 


MISTERE    DE    LA    PASSION 


il  f  ault  l)ion  qu'il  pence  aultre  part. 

ORIFFON 

25250  Se  tu  y  peuz  riens,  si  lal)eure. 

NEMBROTH 

11  n'a  loisir. 

ORIU.AUT 

Il  n'est  pas  heure. 
S'il  y  scettour,  je  vous  asseurc, 
qu'il  en  sauldra  ou  tost  ou  tart. 

SALMANAZAR 

11  n'a  loisir. 

CLAQUEDENT 

11  n'est  pas  heure: 
85855  il  fault  hien  qu'il  pence  aultre  part. 

GESTAS 

Jhesus,  n'as  tu  point  de  regard 
a  ton  danger  qui  est  patent  ? 
os  tu  devenu  tant  begard  ? 
vois  tu  point  la  mort  qui  t'attcnt  ? 
25260   Chacun  a  toy  raourdrir  content: 
merveille  n'est  qu'il  ne  te  meust, 
car  sage  qui  son  fait  entend 
esohappe  la  mort  quand  il  peust. 

DISMAS 

0  meschant  et  malheuré  homme 
25265  OU  toutes  bontés  sont  pei'ies, 

porte  pas  Jhe-jusassés  somme 

sans  que  plus  avant  l'injuries  ? 

Par  tes  paroles  mal  séries 

tu  le  blasphèmes  grandement, 
25270  et  sur  ton  fait  riens  ne  varies 

qui  est  sur  point  de  dampnenient. 

GESTAS 

Va,  meschant,  es  tu  si  engraut 
de  mourir  icy  devant  tous  ? 
voys  tu  point  nostre  doleur  grant 
25275  se  par  luy  ne  sommes  rescoux  ? 
.  Se  tu  es  Gristus,  ça  dessoubz 
descendu  pour  nature  humaine, 
que  ne  te  saulves  tu  et  nous 
qui  mourrons  cy  de  mort  villaine  ? 

DISMAS 

25280       Chctif  de  faulco  conscience, 
grant  tort  as  de  l'iujuriei-  : 
se  nous  mourons  poui'  nostre  offi  nco, 
desservy  avons  tel  loyer; 
Mes  luy  qui  est  sans  dévier 

25285  saint  et  juste,  plain  d'innocence, 
meurt  a  tort  sans  riens  foher  : 
s'a  grant  tort  donc  qui  plus  l'otfence. 


Nous  avons  la  mort  desservie 
et  il  oncques  ne  meffit  rien  ; 

25290  il  n'a  que  mal  en  nostre  vie, 
et  il  oncques  ne  fit  que  bien. 
0  doulx  Jhesus,  que  j'ayme  et  tien, 
en  qui  j'ay  parfaitte  fiance, 
quand  seras  au  royaume  tien, 

25295  ayes  de  mon  fait  souvenance. 

JHESUS 

Grans  biens  a  ceste  heure  meris 
pour  ta  créance  et  ferme  foy  ; 
pour  ce  hodie  mecum  eris 
in  paradiso  ;  or  me  croy, 
25300  car  certainement  je  te  dis 

que  pour  le  désir  qu'en  toy  voy, 
ceste  journée  en  paradis 
seras  coUocqué  avec  moy. 

DISMAS 

Mon  Saulveur,  mon  souverain  roy, 
25303  en  celle  attente  désirée 

paciamment  la  mort  reçoy  : 
Dieu  doint  qu'elle  soit  beneuree  ! 


25310 


25315 


25320 


25325 


25330 


NOSTRE   DAME 

Parfonde  tristesse  enserrée, 
comment  soustenir  te  pourray  ? 
Ou  iray  ? 
que  feray  ? 
que  diray  ? 
tant  d'ire  ay 
que  le  cueur  me  part  ; 
Je  ne  sçay 
se  l'essay 
que  j'essay 
commençay 
ou  s'il  fait  dcppart. 

Se  mort  qui  espart 
et  qui  tout  deppart 
me  prent  pour  sa  part, 
mon  dueil  si  se  part 
et  ma  vie  languoi'ee  ; 
Se  vie  me  gard 
que  mort  n'ait  regard 
de  passer  l'esgard, 
je  commence  tart 
ma  douleur  desmesuree. 
0  rigueur  enrigouree, 
mort  d'un  grief  mors  couloureo, 
moult  tarde  ta  demeurée 
a  la  triste  et  csplouree 
qui  liens  qu'a  sa  fin  ne  regarde  ; 


V 


25258  coquait  A.  —  25209  bliismes  trop  B.  G.  —  25285  S.nint  et  juste  en  s,on  B.  C.  —  2528C  lexouier  G.  —  25296-9 
manrjuint  B.  U-  —  25300  Car]  Et  B.  G.—  25301  voy)  vien  B.  —25305  manque  B.  G.  —  25312  martr/ue  A.  —  25317 
manque  A.  —  25321  (jue  C.  —  25323  se  départ  B.  —  25326  nait]  nen  G, 


TIKRCK    JOIJRNRR 


331 


;r,.iHr>     Tu  es  lùcii  dcsespcree, 
de  ci'udolitô  parée: 
quant  tu  me  vois  préparée 
et  do  tout  bien  séparée 
que  no  nie  fiers  tu  de  ta  darde  ? 
25:uo       Faulco  mort  de  terrible  garde, 
c'est  ta  coudicion  paillarde 
d'cstre  tousjours  niée  et  fctarde 
a  ceulx  a  qui  leur  vie  tarde, 
qui  sans  cesser  t'aiipcllcnt  en  plourant  ; 
ïjliS   Et  ceulx  que  le  monde  plus  gaidc 
et  qui  quiei'ent  leur  avangarde 
contre  toy,  ton  oeil  les  regarde 
et  au  parfont  du  cueur  les  larde 
si  très  serre  qu'ilz  cheont  tout  mourant. 

Ainsi  me  fais,  tu  me  vois  labourant 
ou  ung  fier  dueil  qui  me  vient  acourant 
et  ne  me  veulz  ce  piteux  deraonrnnt 
expédier. 
Mon  (ilz,  mon  filz,  a  vous  veil  obvier, 
mon  doulz.enliant,  mon  beneuré  loyer, 
est  ce  bien  fait  de  sa  mère  oublier 
en  tel  manière? 
Regardez  moy,  filz,  je  vous  fais  prière  : 
recougnoissez  vostre  mero  très  cherc 
qui  pour  vous  fait  si  très  dolente  chère 
en  plains  piteux  ! 
Jhesus,  mon  filz,  mon  enlfant  gracieux, 
ma  portée,  mon  trésor  précieux, 
se  fait  ainsi  le  départ  do  nous  deux  ? 
25363  o  départie 

A  grief  torraent  et  douleur  départie, 
au  descontibrt  et  courroux  de  paitie! 
raere  du  filz  estre  par  mort  partie, 
quel  dur  l'emort  ! 
Filz,  regardez  coste  terrible  mort 
ou  s'il  vous  fault  par  cnvye  estre  mort, 
atout  le  moins  que  nous  mourons  d'acort  1 
ainsi  le  veil. 
Filz,  passez  moy  le  désir  de  mon  veil  ; 
vivre  sans  vous  ne  me  sera  que  dueil, 
mourir  o  vous  jamos  ne  plains  ne  dueil  : 
ce  m'est  aqueste. 
Il  ne  me  chault  de  la  mort  deshounesto  : 
il  me  suffit,  je  ne  veil  mort  que  ceste  ; 
mon  cher  enfiant,  passez  ceste  requeste, 
je  vous  supplie. 
Ung  corps,  ung  sang  et  une  nicsme  vie 
par  une  mort  requiert  estre  ravye  : 
tout  ung  sommes,  vous  ne  l'ignorez  mie, 


«K«î5  je  le  »vay  bien. 

Ung  corps  sommes,  car  le  Tostre  est  du  mien, 
vostre  pur  sang  de  moy  engendre  lien  ; 
01'  se  respand  tant  qu'il  n'y  a  mes  rien  : 
o  quel  destresse  ! 
Et  ainsi  pers  mon  trésor,  ma  richesse, 
se  ceste  mort  vous  surprcot  et  me  lesse  ; 
ha  !  rude  mort,  tourne  a  moy  ta  rudesse  : 
fais  tout  onny 
'  Sans  séparer  ce  qui  est  tant  uny  : 
ou  laisse  tout,  assés  il  est  pugny, 
ou  prcns  mon  filz  et  me  happe  avec  luy, 
je  suis  heureuse. 
Mort  despite  de  despit  rigoreuse,. 
mort  dolente  de  douleur  douloureuse, 
mort  hardie,  hardiesse  oultrageuse, 
veulx  tu  desjoiudre 
Les  deux  conjoints  qu'amour  a  voulu  joindre, 
l'ung  séparer,  l'aultre  de  ton  ilart  poindre? 
iissanible  tout,  ou  tout  poindre  ou  despoiudrc  : 
S540J  (ilz,  non  fera  ; 

Face  la  mort  du  pis  qu'elle  pourra, 
pende  ton  corps  si  hault  qu'elle  vouldra, 
ja  séparer  de  toy  ne  me  s(;ara 
pour  quelque  peine. 
Se  ton  corps  pend  en  ceste  croix  haultaine, 
mon  ame  y  pend  par  pitié  qui  m'y  mai  ne, 
et  n'as  sur  toy  plaie  tant  soit  grevaiiic 
que  je  ne  sente. 
Filz,  ta  douleur  m'est  au  cueur  bien  récente; 
du  dueil  me  dueil  qui  t'occist  et  craventc, 
mes  trop  plus  crains  que  la  mort  ne  l'absente 
avant  que  moy. 
0  dure  mort,  j'ay  dcffiance  a  toy  : 
je  te  detl'y,  mort  de  Ires  put  alloy, 
fais  moy  passer  par  la  plus  dui'c  loy 
que  tu  sçaras  ; 
Lesse  mou  filz,  gremt  chai'ité  feras  ; 
fais  moy  Iraussir,  très  doulcc  me  seras  : 
le  plus  granl  dueil  d'ung  cop  abesseras 
8M25  qu'oncques  fust  ué. 

Filz  beneuro,  filz  bien  assaisonné, 
fllz  gracieux,  filz  bien  moriginé, 
corps  des  vivans  mieulx  complectiouué, 
o  beauté  pure, 
Choix  des  humaius,  fleur  de  toute  nature, 
riche  couleur,  parfaicte  pourtrailure, 
rcgai-d  piteux,  très  bénigne  stature, 
face  sacrée, 
Face  luysant,  franchement  figui'ee, 


Î5351  flol  dexil  C.  —  25301  En]  El  C.  —  fô36G  a  grant  deppartie  A.  dure  dcparlie  C.  —  25307  et  (fiief  dueil  B.  — 
2536S  mnnque  lî.  C.  —  25376  ce  dueil  B.  C.  —  253»)  moy  la  B.  0.  —  25384  njez  mie  B.  —  25390  pars  A.  liesse  C.  — 
Ï53»2  tourne  inoy  A.  —  25405  manque  B.  C.  —  2â41J  ton  pouoir  ne  oongnoy  B.  C 


332 


MISTERE    DE   LA    PASSION 


es  tu  ce  la  si  très  desfiguree, 
blesme  des  yeux,  tout  de  sang  purpureo, 
dur  entreniès  ? 
Filz,  es  tu  ce,  je  ne  te  congnoy  mes, 
qui  vas  mourant  ?  ne  fadviimgno  jamès  : 
en  croix  te  rendz,  a  la  mort  te  submcs 
sans  desservir. 
Hardie  mort,  veulx  tu  mon  filz  tollir, 
mon  fort  miner,  mon  trésor  demollir  ? 
c'est  la  vie,  l'ozes  tu  assaillir, 
25U5  mort  aljsourdie, 

Prompte  a  grever,  a  mal  faire  hardie  ? 
helas  !  mon  filz,  il  fault  que  je  le  die, 
ce  mal,  ce  dueil,  colle  grant  maladie 
par  moy  vous  vient  ; 
Par  moy  est  ce  que  cecy  vous  survient  ; 
par  moy  est  ce  que  douloir  vous  convient  ; 
peine,  traveil,  tout  cecy  vous  advient 
par  fraelcté 
D'avoir  en  moy  prins  vostre  humanité, 
car,  elle  ostee,  vostre  divinité 
tenant  le  lieu  second  en  trinité 
mise  a  délivre, 
Ke  vous  seroit  que  de  régner  et  vivre, 
joye  sortir,  gloire  parfaicte  enssuyvre  ; 
humanité  a  ccste  mort  vous  livre 
ou  vous  régnez. 
C'est  donc,  mon  filz,  quanque  de  moy  tenez 
douleur,  langueur,  peine  que  soustenez 
et  mort  finalle  a  laquelle  venez  ; 
85'iC5  et  de  vous  tiens 

Joye,  santé,  honneur  en  tous  maintiens, 
vivre,  régner,  et  ce  dont  me  soustiens  ; 
et  donc,  mon  filz,  se  j'ay  part  a  vos  biens 
especiaulx. 
Souffrez  au  moins  quej'aye  pai-t  aux  niaulx, 
car  les  plus  grans  me  sont  les  principaulx  : 
mourons  tout  ung  :  aultrenient,  se  j'y  faulx, 
tort  me  ferez. 
0  mon  enifant,  mon  fait  considérez, 
donner  ma  part  jà  ne  delibei'ez  ; 
j'ay  part  en  vous,  se  bien  la  modérez, 
trop  plus  féconde 
Qu'aultres  raercs,  plus  précieuse  et  monde  : 
car  aux  cnffans  qu'elz  engendrent  au  monde, 
n'ont  qu'une  part,  le  père  a  la  seconde  : 
tout  estes  mien,- 
Homme  mortel  n'y  peust  reclamer  rien  : 
se  père  avez,  il  est  celestien  ; 


et  donc,  mon  filz,  pour  Dieu  gardez  vous  bien 
25485  par  tel  pointure 

D'haliandonner  ainsi  a  l'aventure 
mon  droit,  ma  part,  mon  sang  et  ma  nature  ; 
s'ainsi  est  fait,  a  la  dure  parture 
je  m'y  oppose. 
Pervers  Juifz  ou  envie  reppose, 
trahitres  chiens,  contre  vous  je  propose  : 
valiez  vous  huy  d'habandonner  tel  chose  ? 
respondez  tous. 
Helas  !  mon  filz,  je  retourne  vers  vous, 
voiez  mon  dueil,  mon  tristable  courroux, 
et  de  vos  yeux  tant  précieux  et  doulx, 
regardez  celle 
Qui  vous  conceut  pure  vierge  et  pucelle, 
qui  vous  nourrit  de  sa  tendre  mamelle, 
et  me  dittes  de  ma  douleur  mortelle 
qui  reste  plus. 

JHESUS 

Mnlinr,  ccce  filius  tut<s: 
femme,  ayez  cueur  et  pacience  bonne, 
cessez  ce  dueil  ;  se  de  mort  suis  perçus 
prenez  en  gré  le  filz  que  je  vous  donne, 
Vostre  nepveu,  qui  de  vostre  parsonne 
songnera  bien  après  mon  grief  trcspas  : 
t  (  .  prenez  la,  Jehan,  vostre  mcre  l'ordonne, 
servez  la  bien  et  ne  la  laissez  pas. 

s.    JEHA.N 

25510  Helas  I  quand  j'esgarde  mon  cas, 

mon  maistrc  et  mon  très  doulx  seigneur, 
vous  me  faictes  moult  grant  honneur 
de  moy  ainsi  recommander 
vostre  mère  et  moy  commander 

255)5  qu'a  maistresse  et  mère  la  tiengne; 
ja  Dieu  ne  plaise  qu'il  ni'adviengne 
que  ma  mère  et  chère  maistresse 
pour  quelque  perte  je  delesse  ; 
volontiers  l'acompaigneray 

25520  et  pour  ma  mère  la  tendray, 

non  obstant  que  ne  suis  pas  digne 
que  dame  tant  sainte  et  bénigne 
soit  bailliee  et  mise  en  ma  garde. 
0  mon  maistre,  quand  je  regarde 

255i5  vostre  mort  sans  quelque  avangarde, 
je  m'esbahis, 
N'assés  esbayr  ne  me  imis, 
quand  ces  faulx  et  mauvais  Juifz, 
remplis  d'envye, 

2rrâ30       Vous  veuUent  huv  tollir  la  vie 


25A3')   Kilz  es  tu  cp  qui  on  ce  point  te  moiz  lî.  G,  —  25'.50  Par  moy  souffrez   par   moy  mort   vous  seurnient  Fi.  C.  — 
25453  i'ragelite  C.  —  25456  Séant  B.  —  25457-60  maniuent  A.  —26461  Ou   vous  venez  B.  C.  —  25463  tous  prenez  B.  C. 
-  25470  au  moin:  )  aussi  B.  C.  —  25471  les  plus  ç-ranb]  les  meilleurs  B.  C 25479  quelles  .\.  quelle  B  quell  nbré- 


flé  C.    —  25490  enuie]   rain  de  mort  B.  C. 
85525  Vostre  fait  et  ce  que  je  partie  B.  C, 


35507  Pensera  C,    —25509  Gardez  h  B-  C  —  25521  Comlnen  que  C, 


T  1  !•:  H  C  !■;   J  0  U  K  N  !■:  K 


333 


sans  nvoir  la  mort  dossiTvyc, 
<l(>iit  vosti'e  iiioro 
Porte  (lestresse  tant  amere 
qu'il  n'est  cueur  qui  le  considère  ; 
S553ri  quoi  dosconrtbi't  ! 

Kt  cucor  me  saiiihle  bien  fort 
que  pour  luy  donnei-  resconfort 
vous  m'avez  i>ns, 
Qui  suis  do  douleur  tant  espri» 
25540  que  je  ne  sçay  en  quoi  pouri)ris 
traire  me  puisse. 
Pensez  vous  donc  que  je  souffi.sse 
a  ce  que  reoonfibrt  luy  feisse 
do  ces  griefz  deulz, 
ijS'iô       Quand  je  ne  s<,ny  qui  do  nous  deux, 
veu  la  grant  multitude  d'culz, 
doit  plus  soutiVir  ? 
On  doit  sou  reconllort  querii' 
de  celluy  qui  peust  secourir 
io^iho  et  donner  joyo; 

Mes  quand  a  nioy,  je  ne  pourroye, 
car  de  tout  mon  bien  la  monjoye 
pcrs  a  ce  jour. 
O  haultc  dame  de  valour, 
25555  très  sainte  et  précieuse  flour, 
corps  bencdict, 
Vous  oez  que  mon  mnistic  a  dit  : 
il  vous  a  voulu  par  son  dit 
ma  more  eslire. 

NOSTRE   DAME 

25560  Jehan,  je  n'y  veil  pas  contredire  : 
ja  soit  ce  que  moult  piteux  change 
je  face  au  jour  d'uy,  quand  je  cliauge 
pour  mon  partait  filz  naturel 
ung  filz  adoptif  et  nouvel, 

S5565  pour  Dieu  pur  honmie  viatiur, 
pour  le  seigneur  le  serviteur 
et  pour  le  maistrc  le  disciple, 
ma  triste  contenance  et  simple 
refrène  sa  perplexité; 

25570  a  la  divine  volonté 

du  tout  mon  vouloir  se  conforme  : 
faco  de  mon  filz  en  In  forme 
que  son  perc  l'a  préparée. 

MA.DEIAINE 

0  dame  de  vertu  parce 
25575  et  des  aultres  la  plus  consUmte, 
vostro  rcsponce  est  tant  plaisante 
que  tout  cueur  en  est  allégé. 

PHARES 

Jhcsus,  c'est  a  toy  trop  songé, 

25535  Quel]  Kt  lî.  C.  -  25539  surpris  B.  C.  —  25542 
2>)579  est  reiu-oui'hu  C.  —  255U;i  bric f  Je  B.  C.  —  25615 


et  08  rcprouché  grandement 
25580  qui  demeures  ey  longuement 

en  cestc  croix  tant  diffamée  ; 

que  n'as  tu  ore  réclamée 

l'ayde  de  Dieu  a  ta  misei-e  '! 

puisque  tu  dis  qu'il  est  ton  pore, 
25.585  il  te  secourra  sans  faillir. 

RABANUS 

Ci'eez  que  s'il  eust  peu  saillir, 
il  n'y  eust  pas  tant  attendu. 

ORIFKON 

Je  l'y  ay  si  bien  cstendu 

qu'il  ne  s'en  sçaroit  remouvoir. 

.IHEROHOAN 

25590  Avant,  .Ihesus  !  fais' ton  devoir, 
abroge  le  cas,  il  n'est  tel  : 
se  tu  es  le  roy  d'Israël 
descend  jus  de  ceste  croix  haulte, 
et  nous  croirons  a  toy  sans  faulte  : 

25595  or  besongne  acop  sur  ce  point. 

ORILLART 

Parlez  hault,  il  ne  vous  ot  point  : 
il  pense  a  sa  merencolie. 

MAR1)0CEU.S 

Maintenant  on  voit  sa  folie 
ot  le  venin  qu'il  a  couve  : 
25600  il  a  bien  les  aultres  saulvc, 
et  il  en  demeure  en  la  fange. 

GESTAS 

Jhesus,  il  me  vient  bien  esti-ange, 
toy  qui  as  fait  les  more  revivre, 
que  ta  force  ne  nous  dclivi'e  : 

256(6  s'a  ce  faire  estoics  puissant, 
tu  os  bien  maudit  et  meschant 
que  tu_  ne  nous  fais  délivrance  ; 
mes  tu  n'as  pouoir  ne  puissance 
et  es  povre  homme,  ainsi  le  crois. 

^610  Ha!  villaine  et  mauditte  croix, 
fault  il  qu'en  toy  fmo  mes  jours  ? 
he  !  n'est  il  confort  ne  socoui's 
qui  de  mort  respitei'  me  puist? 
ne  me  chausist  dont  il  vonist, 

25615  fust  par  faux  tours  ou  véritables, 
fust  de  Dieu  ou  de  tous  les  deables, 
mes  que  de  mort  eschaper  peusse. 

KRAYART 

Compaignons,  moult  volentier  sceusse, 
après  jeux  et  esbatomeus, 
25620  que  nous  ferons  des  vestemens 
de  Jhesus  et  de  ses  consoi-s. 

iloiic  Hum'/itc  A.  —  25561    moult)  ninu  C.  —  3S5G4  adobtil  C.  - 
verluablos  A.  —  25617-8  ptuKe,  si-uli  c  A. 


334 


Ml  STERE   DE  LA  PASSION 


GRIFKON 

Il  n'y  convient  brigues  ne  sors  : 
ilz  sont  tous  miens  selon  raison. 

CLAQUEDENT 

Mes  pourquoy  dea  ? 

GRIFFON 

Pour  l'achoisou 
25625  que  je  les  ay  exécutes  : 

c'est  l'usage  en  toutes  cités 
que  le  bourreau  a  la  despouiUe. 

BROYEFFORT 

Sces  tu  qu'il  est  ?  riens  ne  nous  brouille  : 
comment  qu'il  voist  de  ces  larrons, 
25630  des  habis  de  Jhesus  arons 
nostre  part,  et  sera  sorty. 

0R1LI.ART 

C'est  raison  que  tout  soit  party  :  , 

chacun  de  nous  y  a  son  droit  : 
se  tu  les  as  pendus,  bien  soit  ; 
25635  aussi  t'avons  nous  bien  aidié. 

CLAQUEDENT 

Autant  a  celluy  qui  tient  pié 
comme  celluy  qui  escoicboit. 

GRIFhX)N 

Je  suis  bien  content  qu'ainsi  soit  : 
regardons  brief  sans  nous  debatre 
25640  que  nous  sommes. 

ORILLART 

Nous  sommes  quatre 
qm  sommes  cy  trotous  ensemble. 

BROYEFFORT 

Nous  sommes  cinq,  comme  il  me  semble  : 
niesseigneurs,  comptez  a  vostre  aise. 

GRIFFON 

Tu  n'en  es  point,  ne  te  desplaise, , 
25645  tu  as  ung  peu  trop  lourt  mus^eau. 

BROYEFFORT 

Au  moins  eu  aray  je  un  moiceau  : 
j'ay  esté  icy  sans  séjour 
et  vous  ay  servis  tout  ce  jour  : 
qu'aray  je  pour  toutes  mes  paines  ? 

CLAQUEDENT 

25650   Tu  aras  les  fièvres  quartaines, 
pour  affubler  en  lieu  de  chappe. 

BROYEFFORT 

Prens  ce  marché,  qu"il  ne  t'eschappe  : 
tu  n'aras  do  ce  mois  si  bon. 

BRAYART 

Ay  je  bien  party  do  façon? 


25655  veez  cy  quatre  pars  divisées 
et  si  justement  composées 
qu'on  n'y  sçaroit  oster  ne  mettre. 

GRIFFON 

Veez  cy  pour  moy. 

ORILLART 

Voyla  bon  maistre  : 

il  scet  bien  prendre  le  meilleur. 

BRAYART 

25660  Et  ça  pour  moy. 

CLAQUEDENT 

Quel  gouverneur  ! 
et  puisque  chacun  prent  la  sienne, 
j'aray  ceste. 

ORILLART 

Et  veez  cy  la  mienne  : 
je  ne  perdcray  meslmy  tout. 
Mes  pour  achever  tout  a  bout 
25665  tandis  que  nous  sommes  tous  prestz, 
partissons  ceste  robe  apprès, 
et  que  chacun  en  ait  sa  pièce. 

GRIFFON 

11  n'est  pas  bon  qu'on  la  despiece, 
veu  qu'elle  est  d'estrange  facture, 
25670  tout  d'une  pièce  et  sans  cousture  ; 
mes  jouons  nous  a  jeu  de  sort 
qui  l'ara. 

ORILLART 

J'en  suis  bien  d'accord 
sans  que  de  rien  te  contrcdie  ; 
si  convient  donc  qu'on  cstudie 
25675  de  quel  sort  nous  la  sortirons. 
Tirons  au  los. 

BRAYART 

Avant!  tirons  : 
qui  a  le  plus  long  il  emporte. 

CLAQUEDENT 

Ce  jeu  la  n'est  point  a  ma  sorte, 
pour  les  grans  fraudes  qui  y'sont. 

BRAYART 

25680  Or  en  devise  ung  aultre  dont 

qui  soit  ung  jietit  plus  joyeulx. 

Griffon,  tu  as  veu  tant  de  jeux. 

et  sces  des  fatras  plus  de  dix  : 

se  tu  sces  riens  si  le  <ious  dis 
25685  et  nous  ensuyvrons  ta  querelle. 

GRIFFON 

Nostre  conduite  sera  telle, 
comme  vous  orrez  deviser  : 


2563Ï  quil  soit  ileparty  0.  —  25037  Par  raison  que  cil  qui  escorehe  IS.  C.  —  25638  G.  FaUlt  il  quil  soit  iiinsi  B.  cest 
force  II  est  coquart  qui  ne  le  croit  O.  Puisquil  fault  passer  ce  destroU  B.  C.  —  25639  Esgardoiis  B.  G.  —  25640  A  auolr 
gaiges  B.  C.  —  25t)47  Sil  a  en  vous  bieii  ne  honnour  B.  C.  —  25652  Prens  la  si  B.  —  25658  aga  du  B.  C.  —  25663  man'jue 
C.  —  25664  tout  debout  B.  debas  C.  —  25666  ceste]  ce  A.  ceste  cy  B.  C.  —  25676  a  loz  B.  —  25681  Qui  soit  ung  peu 
plus  joyeulx  jeu  B.  C.  —   25682  Griffon  tu  en  as  beaucoup  veu  B.  C, 


TIKRGE   .lOURNKE 


335 


il  me  l'ault  ung  peu  rctounier 
en  la  cité  comnio  jVspoirc 

25600   pour  quorre  ma  grande  douloirc 
dont  je  coup[)c  les  haatereaux, 
])our  froissier  n  ees  larroiiceaux. 
les  genoulz  tantost  au  scrain  ; 
pensez  quelque  jeu  bien  souldain, 

25005   et  en  allant  ii  la  cité 

je  penseray  d'aultre  costé 

se  jo  trouveray  quelque  esbat. 

ORII.l.AUT 

Aino  de  nous  n'y  met  débat: 
va  et  retourne  ygncUcmout. 


SATHAN 

25700  Changer  me  fault  habillement 
et  muer  ung*^cu  ma  figure, 
affin  que  malice  procure 
contre  ce  meschant  qui  s'en  va  : 
se  le  deable  ne  le  couva, 

25705  je  luy  feray  tantost  injure. 


Povre  homme  de  fresle  nature, 
en  quel  lieu  te  V(>ulz  tu  retiairo ? 

GRIKKON 

Eu  ung  lieu  ou  j'ay  bien  att'aire  : 
laisse  iiKiy  aller  mon  chemin. 

SATHAN 

25710  Arrostc,  arreste,  mon  cousin, 
je  veil  parler  a  toy  deux  mos  : 
bien  sçay  que  tu  as  en  pi-Ofios 
et  sur  quoy  t'en  vas  garmentant. 

«niPKON 

Le  seps  tu  bien? 

SATHAN 

•le  t'en  dis  tant  : 
25715  tu  te  ronges  la  teste  fort 

poui'  trouver  quelque  jeu  do  sort 
dont  si  bien  puisses  besonguer 
qu'a  celluy  jeu  puisses  gaigner 
ung  meschant  et  bien  simple  habit 
25720   qui  fut  Jhcsus. 

GRIFFON 

C'est  très  bien  dit  : 


no  s(,'ay  qui  te  l'a  i-evcllc. 

SATHAN 

Rien  uc  me  peust  estre  celle, 
jo  l'ay  bien  sceu  appcrcevoir. 
Se  tu  veulx  ung  bon  jeu  savoir, 
257K)  ung  t'en  apiu-endray  bien  appoint 
par  lequel  tu  ne  fauldras  point 
de  gaigner  surpiez  celle  i-obc, 
et  n'est  tiichci'ie  ne  lobe 
qui  ja  t'en  sache  faire  tort. 

GRIFFON 

25730  Tu  m'csbahis  de  ton  rapport  : 
si  n'y  ay  créance  ne  fois. 

SATHAN 

Je  te  dis  encore  une  fois 
que  quand  ce  gentil  jeu  s<;aias 
et  par  mon  sens  en  useras, 
^735  tu  ne  fauldras  point  de  crocquicr 
la  robe. 

CHIFFON 

Kt  donc,  je  te  requiei' 
que  tu  me  monstres  la  manière. 

SATHAN 

Elle  est  assés  ample  et  plainiere. 
Geste  cy  tes  yeulx  grans  et  gros  : 

25740  voy  tu  ceste  piecete  il'os 

de  six  quarrures  bien  quarree? 
mes  que  je  l'aye  ung  [wu  («u'ee, 
tu  verras  et  diras  de  fait 
qu'oncques  plus  beau  jeu  ne  fut  fait. 

25715  Regarde,  est  il  bien  a  l'ecquarrc? 
Premièrement  en  ceste  quarrc 
metz  ung  point,  affin  qu'il  appere 
que  c'est  en  despit  Dieu  le  père; 
en  ceste  ara  deux  points  assis 

25750  en  despit  du  l'ere  et  du  Fils  ; 
puis  trouves  trois  en  ce  costé 
en  despit  de  la  triuité  ; 
les  quatre  icy  aront  leurs  gistcs 
en  despit  dos  cuvangelistes 

25755  qui  la  loy  de  Dieu  esciHpront  ; 
a  ceste  aultre  coste  seront 
cinq  |>oints  bien  assis  en  despit 
des  cinq  [ilayes  de  .llicsu  Crist 
que  tu  vois  en  ceste  croix  la. 

GRIFFON 

25700  Des  cinq  playes  ?  comment  cela  ? 
tu  ne  monstres  pas  que  veu  l'ayes 
il  a  plus  de  dix  mille  playes  ; 
en  trop  bas  nombre  les  ravalles. 


25690  giaat  douloueie  .\.  —  25692  «•[•oqilici-  1),  .ouppor  C.  —  25009  vistcmeiit  A.  —25706  l'oible  C.  —  2371Ï  si'Hy 
uvov/ur  A.  —  25719  hien  nufti'juc  C.  —25735  gaigner  C.  —  25739  GoUe  tes  yeulx  qui  suiit  «i  gros  B.  C.  — £741 
rarruzes  C.  —  2574S  ou  iiuni  de  B.  —  £5756  Huître  manque  C.  —  25757  bieu  munyue  B.  —  2576S  11  en  y  a  C 


336 


257Gj 


Ml  STERE    UE    LA    PASSION 


2577; 


25780 


25785 


25790 


25795 


25800 


SATHAN 

Je  te  parle  dos  principall-s 

qui  percent  les  membres  Jhesus. 

GRIFFON 

Et  doucq  tu  mens  comme  dessus, 
car  se  des  grandes  me  devises, 
il  n'en  y  a  que  quatre  assises  ; 
j'ay  bien  regardée  chacune. 

SATHAN 

Il  en  ara  bricf  encore  une 
qui  la  cinquième  parfera  : 
te  souffise  que  cinq  sera 
en  dcspit  dos  cinq  playes  diltcs; 
et  autant  de  fois  ces  mos  distes 
que  vbus  getterez  de  pointure. 

GRIFFON 

Veez  cy  encore  une  quari'ure  : 
quans  peins  y  fault  il  au  surplus  ! 

SATHAN 

11  y  fault  six  poins  et  non  plus, 
et  c'est  la  pointure  plus  haulte, 
laquelle  y  est  pointe  sans  faultc 
eu  despitant  eu  fais  et  dis 
toute  la  court  de  paradis. 
Je  n'y  sçaroie  plus  prcscher, 
et  pourtant  je  te  veil  noncer 
que  tu  ne  sçaras  soubz  les  cieulx 
trouver  jeu  qui  te  vaille  mioulx 
pour  gaigncr. 

GRIFFON 

Je  croy  bien  que  non. 
Et,  beau  sire,  dy  moy  son  nom 
de  ce  beau  jeu  nouveau  fondé. 

SATHAN 

Tu  le  dois  appeler  ung  dé, 

qui  est  ung  nom  de  grant  haultcur. 

GRIFFON 

Et  s'on  enquiert  de  l'inventeur, 
que  diray  je? 

SATHAN 

Sans  quérir  fable, 
tu  diras  que  c'a  fait  le  deable  : 
ja  mensonge  n'en  encourras, 
et  touteiibis  que  tu  jourras 
ou  toy  ou  aultruy  par  bon  hct, 
et  chance  ne  vient  a  souhet, 
se  c'est  ung  point,  par  vitupère 
si  dy  :  va  en  despit  du  l'ero  ! 
s'il  n'y  a  que  deux  poins,  si  dis  : 
va  en  despit  le  Dieu  le  filz 


et  du  Père  conjointement  ! 
et  ainsi  tout  consequemment 
25805  comme  devant  monstre  t'avoyc  ; 
et  s'en  ce  point  dresses  ta  voye, 
quiconquos  en  veille  hongner, 
tu  ne  fauldras  point  do  gaigncr 
autant  qu'il  voudra  de  financ:. 

GRIFFON 

25810  J'en  feray  ma  plaine  puissance 
de  maugréer  et  regnier, 
et  poui'  plus  tost  expédier, 
amy,  d'icy  nous  partirons  ; 
je  m'en  voy  vers  mes  compaignons 

25S15  pour  leur  apprendre  le  mcstier. 

SATHAN 

Hz  y  jourront  si  voulentier 
qu'on  no  les  en  sçara  lavoir. 

[l'OSE  ] 


GRIFFON 

Compaignons,  voulez  vous  sçavoir 
ung  jeu  bien  jolis  et  notre  ? 

GRILL  ART 

25820  Or  avant,  qu'il  nous  soit  monstre, 
car  nous  ne  demandons  pas  mieulx. 

GRIFFON 

Gettez  tretous  icy  vos  yeulx  : 
regardez  quel  outil  veez  cy. 

CLAQLEDENT 

Ou  deable  as  tu  trouvé  cecy, 
25825  Gridbn?  grandement  m'esmerveil: 
oncques  mes  je  ne  vy  pareil 
ne  si  beau  jeu  dont  m'en  souviengne. 

GRIFFON 

Ne  vous  doit  clialoir  dont  il  vienne  : 
prenons  la  robe  de  Jhosus, 
25830  et  puis  gettons  ce  dé  dessus, 
et  cil  qui  pourra  si  la  gaigne. 

ORILLART 

Il  fauldra  donc  qu'on  nous  enseigne 
comment  le  jeu  ci  se  comporte. 

GRIFFON 

Cil  qui  a  plus  do  points  l'emporte  : 
25835  je  n'y  voy  point  d'aultre  ordonnance, 
et  se  deux  gettent  une  chance, 
il  fault  qu'ilz  gettent  de  nouveau. 


25765  le  corps  de  G.  —  25772  Te  sut/i.sh-  quainsi  11.  —  25777  l':iiilt]  a  B.  —  2577S  i-in(|  poins  B.  —  25797  ton  lait  B.  C.  — 
25798  a  ton  hait  B.C.—  257t9-800  si  delihcre  P:t  iliz  B.  C.  —  25801  Se  ce  sont  deux  mal  cntresis  B.  entresaisis  C,  —  25815 
leur  manque  \.  —  25821-2  Nous  uattendons  autre  denrée  a.  Voicy  juste  nostre  marée  B.  C.  —  258ÏS-31  manquenl  C. 


TIEUCK  JOIRNKE 


3.T7 


CI.AQliEDENT 

Lo  jeu  me  semble  bon  et  beau  : 
jo  m'y  jourray  très  volontier. 
!;58'.o  Qui  commaiicera  le  premier  ? 

il  nous  le  fault  dire  en  commun. 

GniFKON 

Il  ne  peust  chaloir,  c'est  tout  uug  : 
qui  l'a,  si  grtto  a  l'aventure. 

BKAYAUT 

Veoz  la,  commance  la  parture 
25845  puisqu'on  ne  m'y  contredit  point. 
Haro  !  je  n'ay  gcttc  qu'ung  point, 
qu'en  dcspit  de  Dieu  ce  puist  estro  ! 

GniFFON 

Comment  !  os  tu  ja  si  bon  maistre, 
et  sans  ce  qu'on  le  faist  appris  ? 

ORILLART 

25850  Kt  je  n'en  ay  guère»  plus  pris  : 

j'en  ay  deux,  ma  part  en  est  faittc  ; 
mau  gré  en  ait  lo  faulx  prophète 
que  je  voy  la  crucifié  ! 

CLAQUEDENT 

.le  suis  uiig  peu  i)lus  hault  monté, 
25855  j'en  ay  trois  pour  toute  ma  paine  ; 
que  la  trinité  souveraine 
en  ait  mau  gré  et  nialc  graco  ! 

GRIFFON 

Laissez  moy  geltor,  faictes  place 
tant  que  jo  soye  ung  peu  as.<is. 
25860  Tenez  la,  j'en  ay  getté  six  : 
il  n'en  fault  plus  tenir  sermon, 
ceste  robe  est  myonne. 

BRAYART 

C'est  mon  : 
le  deable  en  puist  romi)re  sa  pâte  ! 
l'avons  nous  pardu  si  en  liatc 
25865   par  tes  t'alaces  et  tes  trompes  ? 

et  ce  l'aulx  jeu  dont  tu  nous  ti'ompcs, 
maudit  soit  qui  lo  composa  ! 

ORILLART 

Voire,  et  qui  appris  le  nous  a  ! 
du  perdre  tout  le  cueur  me  deust. 

GRIFFON 

25870  Ne  m'en  cliault,  soit  maudit  qui  peust! 
puisque  j'en  tiens  la  grigneur  pièce, 
vous  ne  la  verrez  mes  en  pièce  : 
elle  s'en  vendra  avec  moy, 


l'II.ATE 

Messeignours,  grans  merveilles  voy, 
Ï5875  je  n'ay  point  appris  ceste  chose  : 
la  journée  s'est  bien  tost  close  ; 
on  ue  voit  comme  point  sur  terre. 

CENTURION 

Tout  le  cueur  ou  ventre  me  serre 
do  la  crainte  qu'en  moy  s'espart  ; 
85880  gardez  comment  il  samble  tai  t 
et  comment  ténèbre  foi.sonne, 
et  si  n'est  pas  encore  nonne  : 
si  fault  que  le  cifel  se  desvoye. 

ANNE 

Messeigneurs,  so  Dieu  vous  doint  joye, 
25885  ja  tant  de  plait  n'en  fault  tenir  : 
veystes  vous  oncques  advenir 
eschpse  de  soleil  ?  créez 
que  c'est  cela  que  vous  veez  : 
si  ne  s'en  fault  point  esbahir. 

RUHEN 

»890   Et  deusist  le  monde  faillir 

sans  jamès  avoir  temps  futur, 
si  fait  il  un  temps  bien  obscur, 
bien  ton-iblo  et  esbahissant. 

ASCANUS 

Toiyours  va  en  obscurcissant  : 
fô895  il  n'est  cueur  qui  n'en  soit  estnus. 


JHESUS 
Deus  meus,  Deux  nwtts, 
ut  quid  dereliqxiisti  me  ? 
mon  Dieu,  mon  père  de  lassus, 
qui  vois  quanque  tu  as  forme, 
25900  Regarde  ton  fils  trop  pugny, 
qui  n'a  inefTait  ne  folié  ; 
he'y!  lama  sabathatiy  ? 
Dieu,  comment  m'as  tu  oublié  ? 

BROYEFFORT 

Oez,  seigneui-8,  il  a  huchié 
25905  Helias,  ung  de  vos  prophètes  ; 

pourtant  regardez  que  vous  faites  ; 
s'il  vient,  il  le  délivrera. 

YSACAK 

Or  laissez  voir  s'il  y  viendra  : 
il  nous  y  convient  tous  entendre. 

JORRAN 

Î6910  Je  pense  qu'il   a  bel  attendre: 
il   est  bien  loing  de  son  secours- 


25S'.l  Si  sabrege  il  est  oppuiluii  li,  C.  —  ïâffiO  Toute  la  cour  B.C.  —  25^(30  tenei  la  de  qaoy  veo  la  six  B.  Tel»  C. 
-  25Se5  fabusi's  li.  C.  —  tlimi  couiptcs  li.  —  25872  mes]  iiieii  A.  —  255^81  fiisoniio  B.  —  25S95  freiiieux  B.  fonneux  f. 


Pas. 


22 


338 


M  1  S  T  E  H  E  D  E    I^  A   PASSION 


.lACOU 

S'il  huche  Helyas  pour  descendre, 
je  pense  qu'il  a  bel  attendre. 

JOATHAX 

Helyas  lui  pourroit  bien  rendre 
2591Ô  les  champs,  s'il  y  a  son  recours. 

YSACAR 

Je  pense  qu'il  a  bel  attendre  : 
il  est  bien  loing  do  son  secouri 
Nous  y  serons  avant  trois  jours 
que  la  fin  n'en  soit  reniiree. 

JHESUS 

25920       Nature  humaine  désirée, 

mon  très  cher  et  très  anié  gendie. 
i-icio,  j'ay  soif  très  serrée 
de  toy  ton  héritage  rendre  ; 
J'ay  ma  char  pour  toy  martiree 

2j9*  autant  qu'elle  se  peust  conaprendro  : 
la  langue  seule  est  demouree 
qui  n'en  ara  pas  sa  part  mendi-e. 

RU  BEN 

Ce  Jhesus  se  commanco  a  rendre  : 
il  se  complaint  de  soif  qu'il  a. 

SALMANAZAR 

28930  Je  pourvoiray  bien  a  cella, 

puisque  je  l'ay  en  mon  mémoire  : 
je  luy  donray  tantost  a  boire 
assés  pour  sa  soif  estaucher  : 
veez  cy  bruvage  riche  et  cher 

^935  pour  bien  engresser  homme  maigic  : 
il  est  de  fiel  et  de  vin  aigre 
avec  du  niyerre  mis  par  niy.  __ 

PHARES 

Tu  dis  vray,  tu  es  mon  auiy  ; 
mes  comment  luy  en  donras  tu  '. 

SALMANAZAR 

25940  Très  bien  :  j'ay  icy  revestii 
une  espouge  d'ysope  amerc  ; 
si  convient  que  je  la  modère 
sur  ung  beau  roseau  droit  et  long 
pour  lui  mcniistror,  et  adonc 

25945  il  n'ara  garde  d'cnyvrer. 

JORRAN 

Avant,  pense  de  labourer  ; 

acop  :  c'est  fait  d'homme  do  bien, 

SALMANAZAR 

Or  tien  la  donc,  prophète,  tien, 
boy  de  ce  gentil  vin  paré: 
25950  ce  n'est  ypocras  ne  claré, 

c'est  bruvage  d'autre  manière. 


NEMHUOTH 

Il  retourne  la  teste  arrière  : 
il  en  a  ung  petit  tato, 
mes  si  tost  qu'il  en  a  gout(^ , 
25955  ce  n'est  point  bien  ce  qu'il  demande. 

ASCANUS 

11  a  la  langue  trop  friande  ; 
il  auiast  mieulx  ung  bon  loppiii 
de  pain  et  ung  godet  de  vin 
a  fourrer  ung  petit  ses  dens. 

SALMANAZAR 

25900  Je  luy  boute  a  force  dedens, 

mes  tant  qu'il  peut  il  y  répugne. 

RABANl'S 

11  a  assés  maie  fortune; 
puisque  ce  boire  ne  luy  plaist, 
laissez  le  la  pour  tel  qu'il  est  : 
25905  il  souffit  qu'il  ait  essayé. 

CENTURION 

Chacun  doit  bien  cstre  eft'rayc 
d'esgarder  le  souleil  ou  ciel  : 
ne  sçay  se  c'est  temps  naturel, 
mais  la  ténèbre  m'esbahit. 

JHESUS 

25970       Co>isummalum  est!  il  suffit  : 
toute  l'escripture  sommée 
qu'oncques  homme  de  moy  escript 
est  de  ceste  heure  consommée  : 
Maintenant  est  aterminee 

25975  ce  mistere  et  la  passion, 
dont  la  fin  est  deteiininee 
do  l'humaine  redempciou. 


NOSTRE  UAME 

0  grievfe  separacion, 

des  dolentes  la  plus  piteuse  ! 

25980  o  mort  terrible  et  despiteuse, 

regai-de  en  quel  langueur  je  suis  : 
je  te  reclame  et  tu  nie  fuis  ; 
mort,  comment  peulz  tu  consentir 
mon  cueur  tel  destresse  sentir? 

25985  que  ne  l'abas  et  desconffis  ? 

Mon  enflant,  mon  gendre,  mon  filz, 
lielas  !  tu  t'en  vas  au  trespas  ! 
Helas  !  et  ne  me  laisse  pas, 
qui  par  toy  seul  me  dois  conduyre  ; 

25990  il  me  souffit  qu'avec  toy  muyre  : 


25912-15  maiviii-nt  A.  —  259ï2  saiee  H.  —  25923  lonl  iiio»  C  — 25931  Kt  puisque  je  lav  en  mémoire  C,  —  25937  mirre 
8.  luen-e  C.  —  25U42  Fichie  pai-  lame  do  ma  iiierc  A.  laT  le  B.  —  25915  de  si-iiyurei-  C.  —  25001  tant  miiiquc  A.  — 
25965  assaye  C.  —  25968  lomps  imuviiic  B.  —  25972  moy]  mon   1!.—  25973  aoheuee  C. 


TIKRCK   JOURNEE 


SJ9 


tout  bien  ai-ay  quand  j'y  inourray, 
et  quand  sans  loy  je  dcmoui-ray, 
ce  nio  sera  mort  plus  que  dure. 

MADRLAIN'R 

Tout  son  cor|)s  tel  destresse  endure 
2590,')  qu'il  n'en  peust  plu»  sans  rendre  l'anio  : 
confl'ortez  vous,  dévote  dame, 
ung  peu  sur  votre  piteux  cas. 

JHESUS 

U  Pater,  in  ma  nus  tuas 
cuiriiiiand'i  Kiiirittim  mcum: 
Î6000  par  la  puissance  que  tu  as, 

mon  père,  et  par  ton  digne  nom, 
Je  n'ay  mes  jour  se  cestuy  non, 
je  me  pars  du  règne  mondain, 
et  au  partir,  par  piteux  son, 
2C005   mon  espcrit  rendz  en  ta  main. 

Ici)  encline  Jhestis  le  chef  et  rend  l'esperit  ; 
et  doit  tramhler  la  terre,  les  pierres  se 
fendre ,  jilusieurs  mors  ressuscitei-;  le 
voile  du  temple  doit  partir  et  rompre  en 
deux. 


SATH.V.N 

Veez  cy  ung  cas  si  très  soubdaiu 
que  je  ne  syay  trouver  conseil  ; 
de  ce  Jhosus  cy  m'esmerveil  : 
il  est  mort,  sa  fin  est  venue, 

ïooio  mes  que  son  ame  est  devenue, 
je  n'en  s^ay  rien,  n'en  quel  party 
il  s'en  va,  non  il  est  verty  ; 
si  non  que  je  fais  très  grand  double 
qu'en  nostrc  manoir  ne  se  boute 

26015   pour  rompre  portes  et  verroux 
et  nous  de^truirc  et  pillicr  tous, 
et  crains  que  ja  ne  soit  bien  près  : 
et  pourtant  je  m'en  cours  ajjprés 
])our  le  devancer  si  je  puis. 

/(•(/  s'en  tu  en  enff'er. 


ULHK.N 

Oncques  mais  dont  je  me  recors 
aïo»  n'oys  voix  humaine  si  forte. 

NOSTBE   DAHR 

O  mon  fllz,  troi>  me  desconfoiU» 
ma  dure  et  desplaisantc  vie  : 
ou  es  tu  î 
Ictj  chiet  pasmee  soutii  la  croim, 

MAUELAINB 

La  vêla  ravye 
«t  uheute  pasmee  sur  terre. 

«lUFKON 

26030  Cueur  n'est  qui  de  pitié  ne  serre 
a  voir  cestc  femme  esplourec, 
qui  est  sur  terre  demeurée 
evanouye  de  courroux. 

ORII.LART 

Hoitons  la  arrière  entre  nous, 
26035  que  nous  n'oyons  plus  tel  brarie. 
Vuidez  d'icy. 

MAUBLAINE 

Vierge  Marie  ! 

CLAQUEDENT 

Poussez  avant,  vuidez  cest  estre  : 
se  vous  voulez  voii-  vostre  maisti'e, 
si  l'nllez  de  loing  regarder. 
hy  emportent  Nostre  Dame  arrière. 


IMLATE 

«io^o   Centurion,  veillez  gardei' 

ces  malfaiteurs  pour  une  espace  ; 
je  me  dépars  de  ceste  place, 
car  les  grans  signes  que  je  voys 
m'esbaysscnt  et  sens  et  voix, 

26045  tant  qu'a  i)eu  s^ay  je  ung  seul  mot  dire. 

CENÏIKION 

Je  le  feray  volontiers,  sire  : 
a  mou  devoir  pas  ne  tendra. 
Icy  s'en  va  Pilate  et  ses  gens  avec. 


CKNTUHION 

wioïu   Ksmerveillii'  très  fort  je  suis 
de  ce  Jhesus  qui  en  mourant 
a  geste  ung  cry  si  puissant 
veu  la  foiblesse  de  son  corps. 


26050 


KUBKN 

Je  croy  que  le  monde  fauldra  ; 
oncques  tel/,  fais  ne  fin-ent  veus  : 
la  terre  tramljle  sus  et  jus, 
tant  que  tout  homme  est  esbahy  ; 


i  ce  cestuy  A.  C,  —  20020  Graus  inerueilles  eu  mou  «^ueur  traU  B.  C.  —  200aîl-2  Do  t'est  homme  ioy-  eu  mou- 
lu a,  gelle  ung  my  si  graut  li.  C.  —  26028  Or  es  (u  A.  —  26036  oi'Oe  mesgnie  B.  C.  —  Ï6037  Vous  ne  poue»  plue 
cstre  lî.  C,  —  2Gl.>Vi  d*3  ceste  plat-ej  pour  une  espace  A.  —  26015  se  Je  scay  mot  dire  B.  C; 


26002  ce  cestuy  A.  C. 
faiit  Qui 
si  près 


340 


Ml  STERE    DE    LA    PASSION 


les  lierres  se  fendent  iiar  niy 
tant  que  riens  ne  demeure  entier. 

ASCANUS 

Le  fouir  nous  cust  bien  mestier 
26055   ou  muscer  dessoubz  les  montaignes  ; 
oncques  plus  liorribles  enseignes 
ne  furent  sur  terres  nionstrces  : 
ténèbres  se  sont  donionstrecs 
encore  plus  fort  que  devant. 

EMILIUS 

26000   Cheminez  de  cy  en  avant 

pour  voir  graus  csbaysseraens  : 
vous  verrez  plusieurs  monuniens 
tous  ouvers,  je  vous  certiffic  ; 
mes  que  cela  nous  signifie, 

26063   il  n'est  qui  en  sache  parler. 

CENTURION 

Le  vray  ne  se  poust  plus  celer  : 
qui  n'a  créance,  c'est  simplessc  ; 
le  fait  de  Jhesus  est  tout  cler, 
qui  tous  nous  esbahit  et  blesse  : 
26070  Desservy  n'a  pas  tel  destresse 
qu'il  a  enduré  en  ce  lieu  : 
par  quoy  vrayement  je  confesse 
qu'il  estoit  le  vray  fils  de  Dieu. 

[Pose.  | 


s.  DENIS,  d'Athènes. 
Seigneurs,  oncques  mais  ne  fut  veu 

26075  que  Nature,  la  bonne  ouvrière, 
se  devoyast  en  tel  manière 
que  nous  la  voyons  au  jour  d'uy  ; 
vous  savez  tous,  n'y  a  celluy, 
que  Jupiter,  le  dieu  haultain 

26080  séant  ou  trosne  souverain, 
a  gouverné  le  firmament 
de  long  temps  si  très  justement 
qu'en  ceste  monarchie  haulte 
oncques  ne  fut  veue  deffaulte: 

20085  tout  est  fait  a  juste  compas, 
jamais  n'y  fut  trouvé  trcspas, 
ne  que  rien  delaissast  son  ordre 
ou  astronomie  peust  mordre, 
ne  ti'ouvei'  quelque  defl'aillance, 

26090  comme  bien  eut  la  conguoissance 
nostre  Aristole  Lautenticque 
qui  dit  ou  segond  de  phisicque 
en  ce  point  :  Se  nous  comparons 

2605i  eust]  est  .V.  —  26058  admonstreeij  B.  C.  — 
force  15.  —  26122  Et  le  dl'oit  U.  —  26128  assiinplje 


tout  le  temps  que  congueu  avons 
20095  au  temps  de  philosojjhes  seurs, 
nos  plus  anciens  predecesseui's, 
et  avons  ce  bien  retenu 
que  nous  et  eulx  avons  congnu, 
nous  ne  trouvons  par  rigle  aucune 
26100  qu'où  ciel  soit  riens  fait  par  fortune  ; 
et  comme  s'il  voulsist  prouvei- 
qu'on  n'y  sçaroit  faulte  trouver. 
Oncques  n'y  ot  faulte  que  ceste, 
qui  est  tant  clere  et  magnifeste 
26105  qu'oncques  horreur  n'y  advint  tel  : 
ceste  esclipse  est  desnaturel 
voire,  et  si  fort  contre  nature 
qu'il  n'est  tant  saige  créature 
qui  le  sceust  sauver  par  raison. 

EMPEDOCLES 

26110  Vous  parlez  de  bonne  achoison, 
Denis,  nostre  docteur  très  sage  ; 
oncques  ne  fut  en  nostre  eage 
ce  que  de  ceste  heure  seurvient  : 
que  vous  en  samble  il? 

s.   DENIS 

11  convient 
26115  et  est  de  foice  de  conclure 

que  la  lune  se  desnature 

et  ait  changié  tout  nouveau  cours 

car  elle  est  de  quatorze  jours 

assise  en  l'opposicion 
26120  du  souleil  pour  la  manssiou  ; 

or  est  de  son  lieu  remuée 

et  de  droit  point  interposée 

entre  la  terre  et  le  souleil, 

qui  par  ung  moyen  despareil 
26125  nous  cause  ceste  esclipse  cy. 

EMPEDOCLES 

Et  que  jugez  vous  par  cecy, 
nostre  maistre  ?  je  vous  supplie, 
car  la  chiere  avons  assouplie 
très  tant  que  nous  ne  pouons  plus. 

s.  DENIS 

26130  Quant  a  moy,  je  dis  et  conclus 
qu'il  fault  que  le  haut  moniteur, 
dieu  de  la  terre  et  gouverneur, 
sueufire  par  aucune  adventure, 
ou  que  la  totale  facture 

26135  du  monde  ainsi  qu'elle  est  constrmcte 
soit  brief  résolue  et  destruicte  : 
je  n'y  voy  point  d'autre  motif. 

EMPEDOCLES 

L'argument  est  bon  et  actif 

20059  Eiicor  liliis  fortes  B.  —  2007'i-13y  nwiniui-iU  A.  —26115  est 
B.  —26131  iiniioueur  B. 


TIKIIGR   .lOURNRR 


341 


l't  ost  la  cause  assés  prouvablo. 

ISlI.KTE.j 


niEi;  LE  PERE 

261 M  Or  est  mon  clier  filz  veiierablo 
passé  le  pas  très  destresscux 
do  la  mort,  las  et  angoissoiix, 
par  piteuse  cxecusion  ; 
ilemenoz  lamentacion, 

2M'àh  anges,  en  très  piteux  arroy 

pour  la  mort  de  vostre  bon  roy 
qui  a  a  ceste  heure  souffert 
et  son  précieux  corps  offert 
a  la  passion  douloureuse  ; 

26150  lamentez  sa  moi't  rigoreuze, 
le  doulouzer  ne  cessez  mie, 
mes  averissez  Ysaie, 
qui  de  vous  a  ces  vers  assis, 
en  disant  :  A  ngeli  pacis 

26155  dolentes  amare  flchunt; 

tous  ceulx  qui  furent  et  seront 
ne  se  pourroient  trop  contraindre 
a  sa  mort  lamenter  et  plaindre  : 
toute  nature  y  condescont, 

86160  toute  nature  sa  mort  sent 
et  maine  tristesse  et  douleur 
de  la  itiort  de  son  créateur; 
et  bien  sçay  qu'ainsi  la  sentez, 
si  veil  que  chant  de  pleur  chantez 

26165   sans  autre  cousolacion. 

Ici/  chantent  les  anges  Kyrie  eleison 
de  ténèbres,  ung  ver  ou  devx. 

RAPHAËL 

Cité  de  Syon, 

exultacion 

et  joye  délaisse, 

Desolacion 
26170         et  confusion 

prens  pour  ta  liesse; 

Quand  ton  roy  te  lesse, 

ta  couronne  cesse, 

ton  bien  se  deppart, 
26175         Tu  pers  ta  noblesse, 

tu  pers  ta  richesse, 

tu  n'y  as  mais  part. 

L'RIEL 

Jherusalem  belle, 


201  so 


88185 


26190 


86195 


26200 


26805 


26210 


cite  solempnello, 
quel  mal  as  tu  fait? 
Serpente  cruelle, 
poignant  et  mortelle, 
recongnois  ton  fait  ; 
Combien  as  meffait 
qui  as  huy  defl'ait 
ton  Crist,  ton  saulvenr! 
Pleure  ton  meffait 
vil  et  controffait, 
congnoy  ton  erreur. 

MICHEL 

O  noble  Judée, 
noblement  fondée 
d'ancienneté. 
Lors  fus  bien  mondée  ; 
or  as  mal  gardée 
la  nobilité. 
Quand  par  cruaullé 
tu  as  débouté 
ton  leal  pasteur 
Tout  pour  sa  bonté  ; 
venge  tel  durté, 
haultain  créateur. 


QABRIEL 

0  vierge  bénigne, 
des  aultres  plus  digne, 
prenez  reconffort  ; 
Se  la  gont  maligne 
a  mis  en  ruyne 
vostre  cher  conffort. 
Prenez  ung  remort 
que  sa  chère  mort 
est  tant  pourfîtablc  : 
Car  gendre  humain  mort 
sera  mis  a  port 
de  gloire  notable. 

NOSTRE  DAMS 

Gabriel,  ma  gai'do  amiable, 
86215  combien  que  ceste  mort  compère, 
la  volonté  de  Dieu,  mon  père, 
soit  faicte  et  sa  digne  plaisance  ; 
car  j'ay  en  moy  ferme  espérance 
que  mon  filz  ne  me  laissera, 
20220  mes  au  tiers  jour  suscitera 
et  revendra  de  mort  a  vie  : 


201/iO  Or  est  mon  cher  filz  humble  et  pieu  A.  —  26147  Qui  tel  examen  n  B.  C.  —  26152  auertisseï  B.  C.  —  26163  la] 
le  n.  les  C.  —  86172  ta  lesse  C.  —  Ï6185  huy  manque  B.  —  26192  Et  danciennete  C.  —  20197  As  de  loy  boule  B.  C. 
—  26207  cliei|  chief  H.  —  26211-2  Que  sans  ce  hault  port  Lomme  ne«st  depport  B.  C—  26213  flnahle  B.  C.  —  268U 
feablo  B.  C.  —  26220  ressuscitera  C. 


MISTRUR    DK    LA    PASSION 


c'est  ma  foy,  m'anie  y.  est  ravye, 
il  n'est  qui  m'en  sceust  séparer. 

IPosE.l 


S.VTHAN 

Je  n'ay  gueres  mis  a  virer 
20825  jusque»  en  l'infernal  abisme. 
Lucifer,  oez  que  j'exprime  : 
fort  bâtir  nos  portes  convient  : 
veez  cy  l'ame  Jhesus  qui  vient 
pour  nous  despoullier  cent  contre  uug. 

LUCIFER 

26830  Sus  !   deables,  horrible  commun, 
serrez  ces  portes  a  puissance, 
bendez  verroux  en  habondance, 
chargez  barres  plus  d'ung  millior 
et  gardez  bien  de  sommillier  : 

26235  tantost  verrez  nostre  advei'sairc. 

CERBERUS 

Roy  Lucifer,  laissez  moy  faire  : 
pour  pouoir  qu'il  sache  moustrer 
je  luy  deffendray  bien  l'entrer  ; 
j'ay  atTuté  nostre  portai 
862''é0  de  grosses  roches  de  métal 

aussi  grandes  que  haulx  chasteaux, 
et  mis  plus  de  mille  barreaux 
tout  an  travers  de  l'ouverture. 

FERGAI.US 

Metz  y  encor  a  l'aventure 
86245  ce  gros  levier  fiché  de  bout. 

ASTAROTH 

Aventurons  tout  contre  tout  : 
ennemis  danipn(;s,  il  est  heure, 
il  est  besoing  qu'on  y  laboure, 
car  s'il  y  entre  a  sa  demande, 
86250   nous  avons  la  perte  plus  grandi- 
que  jamès  nous  puist  advenir. 

CERBERUS 

Or  laissez  hardiment  venir  : 
se  tout  le  deable  ne  l'emporte 
il  ne  rompera  pas  la  porte  ; 
26855  il  y  a  defFense  beau  tas. 


L  ESPERIT  JHESUS 

Attolite  portas. 


principes,  reslras  et  elenamini,  porte  eternal>'!!, 
et  introibit  rex  glorie. 

LES  AMES  DU  LIMBE 

Quis  est  iste  rex  glorie  ? 

i.'esperit 

Dnminm  fortis  et  potens,  dominus  potens 

in  prelio  :  Attolite  portas,  etc. 

LES  AMES 

Quis  est  iste  rex  glorie  ? 
i.'esperit 
Deus  virtutKin  ipse  est  rex  glorie:  Attolite,  etc. 
l'y  doivent  cheoir  les  portes  quand  Jhesus 
/'rappera  sa  croix  encontre. 
Kaulx  deable  de  gloire  privé, 
pour  riens  as  vers  moy  estrivé 
/V,   et  clos  encontre  moy  tes  portes  : 
26260  la  conffusion  en  repportes, 
et  j'ay  la  victoire  obtenue  : 
i\   longtemps  as  icy  détenue 
humaine  lignée  enfermée, 
qui  i)ar  moy  sera  deffermee 
262as   niaugré  toy  sans  riens  empesclior  : 
le  pris  m'est  vendu  assés  cher  : 
j'en  ay  dure  mort  endurée, 
fs)     par  quoy  puissance  m'est  livrée 
de  ta  possession  pillier, 
86270  toy  desrober  et  despoullier 

des  bons  habitants  que  tu  tiens  ; 
trop  es  encontre  eulx  esroguié   . 
et  sans  fin  seras  subjuguié 
a  cesto  crois  puissante  et  digne, 
20275  a  ce  hault  et  terrible  signe 

dont  a  présent  me  vois  saisy  : 
par  la  croix  seras  dessaisy 
de  toute  la  force  et  vertu 
dont  trop  as  esté  revestu, 
26280   et  frustré  de  tous  tes  faulx  las. 
TOi:s  les  deahles 
Helas!  helas!  helas!  helas! 
veez  cy  ung  teri'ible  chastoy  ! 

l'esperit  jhesus 
prent  Adam  par  la  main  et  dit  : 
Adam,  amis,  paix  soit  o  toy 
et  tous  tes  filz  justes  et  bons  : 
86285  en  ces  ténébreuses  prisons 
avez  lamenté  grant  espace  : 
je  vous  menray  en  aultre  place 
ou  tout  vostre  soûlas  prendrez, 
et  en  ce  lieu  tous  m'attendrez 
86290  jusqu'à  ce  qu'au  ciel  monteray  ; 
et  loi"s  je  vous  transporteray 


I  affaicte  G.  —  26259  forbatu  vers  moy  B.  G. 
■  2G2S9   Et   illeo  tous  inatt(>ndei-ez  B.  C.      ' 


—  26262  retenue  B.  0.  —  2626S  donnée  A.  -  26272  arrotruie  C. 


T  1 1',  R  C  R    .1  0  M  R  N  F  K 


Mis 


en  mon  royaiilmo  pardiirnbli'. 

ADA.M 

0  nolile  secours  agréable, 
[iris  de  ehore  reilenipcion, 
2029;)  souverain  confort  charita})le, 
liaultainc  repparacion  ! 
^;   O  parfaicte  compassion 

trop  enclinec  vers  les  hommes  ! 
benoite  soit  la  passion 
î(>»X>  par  laquelle  rachatés  sommes  I 

s.  JEHAN   IIAI'TISTK 

0  souverain  mediateui" 
de  Dieu  et  de  nature  humaine, 
jadis  fus  prcuonciat(iur 
de  ta  venue  souveraine  ; 
26305  Ma  parole  ne  fut  pas  vaine 
quant  te  nonnnay  agmts  Dei, 
lîar  par  ta  bonté  d'amour  plaine 
ht  follis  pecalii  Mundi. 
EVE 

Benoite  soit  la  digne  ancelle 
et  le  ventre  en  Dieu  conforté 
de  la  beneuroe  pucelle 
qui  si  digne  fruit  a  porté  ! 
Nous  voyons  sa  divinité 
qui  (le  servitude  nous  livre, 
et  par  elle  est  huy  présent»; 
ce  hault  bien  qui  nous  en  délivre. 

DAVID 

0  secours  de  doité  pure, 
long  temps  vous  avons  attendu 
et  clamé  par  songneuse  cure 
ïtt;i20   comme  don  de  Dieu  prétendu  ; 
Or  y  avons  tant  attendu, 
tous  couvers  de  dueil  a  monjoye. 
que  vous  y  estes  descendu 
a  nostre  siiigiiliere  joye. 

\SAIE 

sa^iir,       Ov  n'est  il  riens  qui  nous  eunoyc. 
puisq\ie  nous  voyons  la  présence 
de  la  haulte  magnificence 
qui  a  sa  gloire  nous  avoye. 

K7.KCHIEI. 

Tout  nostre  grief  dueil  est  en  voye 
Sfimo  et  avons  de  joye  afflnence, 
contemplans  la  divine  essence 
'      dont  le  voir  tout  bon  cueur  esjoye. 

JHEREMIE 

Hcnoit  soit  il  qui  ceste  joie 
nous  a  dressé  a  nostre  otleuce  ! 


56310 


«631.-) 


2ftm  c'est  la  divine  providence 

du  doulx  Jhesus  qui  noua  couToyn. 
le;/  Ic'x  emmtiine  Jhcsus  hors  d'enfer  rt  les 
)iiet  en  quelque  lieu  rli'terinini',  ut    tandin 
font  grnnt  tempeste  les  diables  en  rnfer. 


I.DCIKRn 

Dcables,  j'enrage,  je  me  noie, 
j'ai-s  tout  comme -rouge  fomaise, 
je  forcené,  je  me  despnige 
26340  par  le  coun-oux  qui  me  dctoil. 

CERRERI.'S 

On  nous  fait  tort,  on  nous  fait  tort, 
et  de  cestuy  desrobemcnt 
j'en  appelle  au  grant  jugement, 
car  le  fauls  .Ihesus  n'y  a  droit. 

I.IIOIPEU 

Ï634S   Ton  appel  riens  ne  nous  vauldroit  : 
Jhesus,  qui  la  chose  a  ba«tie, 
si  seroit  la  juge  et  partie  ; 
mes  pour  l'avoir  ce  qu'il  nous  cmble 
suivez  apprès  luy  tous  ensemble  : 

26350  si  pourrez  la  proye  resconrre. 

ASTAROTH 

Apres  coup  perdu  n'est  nul  courre  : 
nous  sommes  cy  tant  courbatus 
et  de  rage  tant  abatns 
qu'il  no  nous  tient  plus  de  courrie. 

CERBERUS 

263rK.  Haro  !  quel  forte  deablerie 
et  quel  rage  desmesuree  ! 
or  est  comme  désespérée 
la  fontaine  de  Taitarus. 

I.DOIKER 

Quel  cherc  fais  tu,  Cerberus  ? 
26360  que  tout  le  deable  te  couva  ! 

tout  est  pardu?  comment  en  va^ 
a  il  tout  pillii'  au  depitart  ? 

CERIlEUrS 

Nennin,  que  le  deable  y  ait  part! 

il  demeure  encore  a  foison 
2636r.  do  dampnés  en  nostre  maison 

au  fons  de  nostre  entfer  la  bas  ; 

mes  il  a  joué  du  cabas 

trop  lourdement  pour  une  foU. 

car  il  emporte  le  droit  chois 
26370  et  la  fleur  de  nostre  héritage. 


262y7  paifonde  B.  C.  —  25307  ta  voyi'  C.  —  26309  dijrnn  ccll»-  B.  —  26311  la  mnn.iu,r  B.  —  26313  mMviur  U.  •'..  — 
26332  le  veu  G.  icsjoye  B.  —  2o345  ny  peniendroU  B.  —  26:'.i7  11  seroit  la  juge  B.  C.  —  9W58  lomhnhis  B.  C.  - 
Ï03C0  Quel  B.  tous  les  deablcs  A.—  26362  A  il  tout  pillie  &<•  part  en  paît  B.  C, 


344 


MISTRRE   DE   LA   PASSION 


W 


LUCIFER 

Ha  !  rain  de  redoublée  rage 
en  ville  substance  enserrée, 
mortel  et  venimeux  bruvage, 
poison  puant,  mort  desserrée; 
26375  Mort,  mort,  ou  es  tu  enserrée? 
gette  l'oeil  au  dueil  ou  je  suis  : 
ma  fille  de  raoy  engendrée, 
partout  te  quiers,  et  tu  me  fuys  ! 
Passe  ça,  Sathan. 

SATHAN 

Je  ne  puis  : 
26380   le  hault  braire  ne  vous  y  vault  : 
je  suis  tué  ou  peu  s'en  fault  ; 
plus  ne  remue  pié  ne  teste. 

LUCIFEB 

Dragon  pourry,  puante  beste, 
serpent  hideux,  vieulx  cocodrille, 
26385  ta  substance  puant  et  ville 

ne  mourra  pas  si  doulcement  : 
vien  test. 

8ATHAN 

Je  ne  puis  aultrement  ; 
encore  vois  je  trop  en  haste. 

LUCIFER 

Pourquoy  ? 

SATHAN 

Je  cloche  d'une  pâte  : 
26390  a  peu  me  puis  je  remouvoir. 
Hclas  ! 

LUCIFER 

Fergalus,  dit  il  voir? 
cloche  il  si  fort  qu'il  va  huant  ? 

FERGALUS 

Nennin,  mes  il  fait  le  truant, 
si  très  bien  que  c'est  grand  pitié. 

BERICH 

26393  C'est  ung  faulx  larron  affaictié  : 
il  en  rôtira  la  lainproye, 
car  c'est  par  ly  que  nostre  proye 
est  pardue  si  meschamment. 

LUCIFER 

Me  dis  tu  vray  ? 

SATHAN 

Le  ribault  ment 
26400  par  le  faulx  cueur  de  sa  tripaille, 
et  l'appelle  en  champ  de  bataille 
s'il  me  charge  de  tel  meschanee  ; 
car  j'ay  fait  ma  pleine  puissance 
par  moyens  cauteleux  et  faulx 


SO'iOâ  de  garder  les  droits  infernaulx 
sur  tous  les  deables  de  l'ostel. 

LUCIFER 

Laissons  ce  desespoir  mortel 
qui  le  cueur  de  rage  me  noyé  : 
plus  en  parlons  et  plus  m'ennoye  ; 

26'.t0  ce  qui  est  paidu  est  pardu; 
mes  poussons  bien  au  résidu, 

w,    de  le  garder  inieulx  qu'il  pourra. 

BERICH 

C'est  bien  chante. 

LUCIFER 

Or  y  perra 
qui  fera  meilleur  ambassade. 
26415  Sathan,  va  faire  une  passade 
et  rapporte,  se  tu  me  crois, 
ces  deux  larrons  qui  sont  en  croix 
ilz  ne  pouent  longuement  vivre. 

SATHAN 

Se  tout  surpiez  ne  les  vous  livre 
26420  tous  deux  liés  et  bretecqués, 

j'accorde  que  vous  m'applicquez 
par  tous  les  infernaulx  manoirs. 

LUCIFER 

Or  va  doncques,  que  tous  les  noirs 
de  l'orrible  lieu  désolé 
26425  te  ramainent  ars  ou  brûlé  ! 

|1'0SE.| 


JHEROBOAN 

Seigneurs  de  la  loy  de  Judée 
qui  la  chose  avez  regardée 
du  fait  de  l'execucion 
de  Jhesus  et  sa  passion, 

26430  vous  pocz  voir  signes  moult  grans, 
au  point  de  sa  mort  apparans 
dont  chacun  se  peust  esbayr, 
et  me  font  tout  le  cueur  frémir  ; 
et  briefment  je  n'en  sçay  que  dire, 

264;s  si  non  que  je  doute  et  admire 

qu'enfin  ung  grant  mal  ne  nous  vienguo, 
mes  au  moins  quoy  qu'il  en  adviengne, 
puisqu'il  va  en  la  croix  mourant, 
il  fault  pourvoir  au  demeurant 

26440  pour  l'expédier,  qui  pourra. 

'CAYPHE 

Devisez,  et  on  vous  orra  ; 


26371  Ha  dur  rain  A. 26387  Vien  tost  manqueat  C.  —  26395  repprouue  A.  —  26399  mescliant  B.  C.  —  26402 

me  reste  B.  C.  —  26408  mesnoye  C.  —  26412  sauluer  B.  besongner  C.  —  Ï6420  broquetiers  C,  —20421  mapplicquiers 
C.  —  26127  tormitiee  A.  —  26M1  Qui  me  fait  tout  B.  Qui  me  font  C.  —  20441  oscoutera  C. 


TIKRGR   .lOURNRR 


345 


Jhei'oboan,  comptez  le  cas. 

JHEnOBOAN 

J'advij'c,  siro  Gayphas, 

qu'il  est  par  coustumo  annuelle 

80'iij  nostre  festo  ti-es  solennelle 

(le  l'asques  que  très  fort  gardon  ; 
si  m'est  ad  vis  qu'il  n'est  pas  bon 
a  nous  qui  sommes  les  pasteui's, 
que  les  corps  de  ces  malfaicteurs 

2C'i50  demeurent  eu  la  croix  pendus 
ce  sabat. 

CAYPHE 

Vos  dit/,  entendus, 
vous  dittes  bien  a  l'abrégé  ; 
mes  il  nous  fault  avoir  congé 
do  Pilate,  nostre  prevost, 
2Ci55  et  qu'il  les  aljrege  plus  tost 
de  mourir,  si  ne  sont  fines. 

ANNE 

C'est  bien  dit,  or  vous  en  venez  ; 
nous  en  allons  tousjours  devant. 

fPoSE.] 


Icy  s'en  viennent  les  pharisiens  a  Pilate. 

CAYPHE 

Sire  prevost,  le  hault  mouvant 
20100  qui  ce  beau  ciel  gouverne  et  guide 
vous  envoyt  conffort  et  aydo, 
et  veille  accroistre  tos  honneurs. 

PILATE 

Que  demandent  ces  bons  seigneurs 
qui  cy  viennent  en  nostre  bostel  ? 

CAYPHE 

2e'.fl5  Sire  prevost,  le  cas  est  tel  : 

vous  s(,'avez  qu'a  nostro  requeste 

trois  gens  de  vie  deshonneste 

sont  mis  en  la  croix  pour  mourir  : 

si  vous  venons  cy  requérir 
20470  pour  éviter  jjIus  grant  danger 

qu'il  vous  pleust  leur  mort  abréger  ; 

car  ilz  ont  langui  longuement 

en  leur  croix  a  très  grant  torment  ; 

leur  peine  doit  assés  souffire. 
20'.75   Et  aussi  vous  sçavez,  cher  sire, 

qu'il  est  nostre  sabat  et  feste 

que  chacun  sabbatize  et  feste 


haultement  en  faisant  devoir  : 
si  seroit  grant  honte  de  voir 
86480  leurs  cor|)s  la  poser  tout  ce  jour  ; 
et  pourtant  sans  plus  de  séjour 
envolez  rompre  leurs  gcnoulx, 
affin  qu'ils  meurent  voyan»  tous, 
et  puis  seront  ostés  arrière. 

Pll.ATE 

2M85  Ti'es  chers  seigueui"»,  vostre  prière 
m'est  commandement  ;  et  pensez 
que  j'ai  du  desplaisir  assés 
du  fait  de  Jhesus,'  ce  prophète, 
ne  qu'oncques  sentence  en  fust  faite  ; 

86490  je  m'en  vois  beaucoup  souciant, 
mes  en  moy  toujours  conffîant 
que  me  serez  coadjuteui-s, 
vrais  amis  et  bons  protecteurs, 
s'aucun  grief  me  souigt  de  ce  fait  : 

864^  par  vous  j'ay  fait  ce  que  j'ay  fait, 
et  suis  content  qu'ainsi  demeure. 

ANNE 

Sire  prevost,  je  vous  asseure 
que  jamès  jour  plus  n'en  sera, 
et  quand  la  chose  se  fera 
86500  qu'aucuns  sa  pai-tie  tendront 

ou  que  sa  mort  venger  vouidront, 
vous  et  nous  de  voloir  commun 
nous  tendrons  et  serons  tout  ung 
pour  porter  bende  a  tous  vcnans. 

PILATE 

86505  C'est  bien  dit.  Venez  ça,  sergens, 
si  ferez  ung  petit  d'office  : 
allez  vous  en  a  la  justice 
atout  douloires  et  cousteaux, 
et  desmembrez  ces  larronceaux 

26510   comme  vous  en  sçavez  l'usagé. 

BRAYART 

Et  .Ihesus,  quoy  ? 

PILATE 

Es  tu  peu  sage  ! 
escoutez  quel  butoi'  veez  cy  : 
tu  le  depeschcras  aussy  ; 
il  n'entend  goûte,  ce  villain. 

BRAYART 

26515   Et  si  le  dittes  plu»  a  plain  : 
ainsi  demande  qui  ni>  scct, 
el  y  en  eust  il  trente  et  sept, 
je  les  depescheray  surpiez. 

PILATE 

Sus  !  compaignons,  marchez,  marchez, 


26'i51  vos  ilitz  entendus]  soient  des  'enJus  B.  G.  —  86i56  si  seront  A.  —  264SÏ  eouper  les  A.  erocquicr  lenrs  B.  —  Ï6483 
douant  tous  A.  —  ÏG'iUO  Que  je...  soullraiit  B,  —  30192  conducteurs  B.  —  204»3  Vrais  ndjutours  ot  B.  —  864M  manque 
C.  —  2d500  Kt  ([uaucuns  .V.  B.  C. 


S'iC, 


MISTF.  RR    DR   LA    PASSION 


26520  alloz  luy  tenir  compaitmie. 


ORILI.ART 

Et  moy  la. 

CLA.QUEDENT 

Je  n'y  fauldray  raie  : 
j'y  porteray  ma  grant  douloire. 

GRIFFON 

Rt  moy  après  donc. 

BROYEFFORT 

Mi  dieux  voire, 
la  chose  en  vauldra  mieux  d'asaés. 


LONGIS 

20525  Messcigneurs,  qui  par  la  passez, 
ou  allez  vous  tout  de  ceste  heure  ? 

BROYEFFORT 

Sire  Longis,  Dieu  vous  secuoure  ! 
qu'en  voulez  vous  maintenant  faire  ? 
nous  allons  au  mont  de  Calvaire 
2(i53n  pour  la  mort  de  Jhesus  haster  ; 
s'il  vous  y  plaisoit  transporter, 
nous  vous  y  tendrons  bonne  route. 

LONGIS 

Ah  !  messeigneurs,  je  ne  voy  goutte, 
vous  le  sçavez  do  temps  ancien. 

^R\YART 

2(i535  Ne  vous  chault,  nous  vous  menrons  bien  : 
la  voie  y  est  très  belle  et  plaine. 

LONGIS 

En  vouidriez  vous  jirendre  la  paino? 
et  se  grever  ne  vous  cuidoie, 
volentier  prendroie  la  voie 
26540  atout  ma  lance  que  je  tien. 

BRAYART 

Cela  ne  nous  grèvera  rien 
s'il  vous  y  plest  acheminer  : 
je  me  chargé  de  vous  mener 
et  ramener  se  mestier  est. 

LONGIS 

26545  Me  demandez  vous  s'il  me  plest  ? 
mes  très  grandement  vous  supplie. 

BROEYFFORT 

Or  cheminons. 

LONGIS 

Et  je  l'ottrie, 


car  des  longtemps  ay  eu  désir 
de  faire  a  Jhesus  desplaisir, 
26,">50  et  se  vous  me  donnez  licence 
encore  luy  feray  je  offence, 
comment  qu'il  en  doye  advenir. 

CLAQUEDENT 

On  ne  le  peust  trop  bien  pugnir, 
et  comme  ung  meschant  condam|)né 
26555  on  veult  qu'il  soit  habandonné 
a  tout  le  monde  en  gênerai. 


DISMAS 

Helas  !  que  je  poi-te  ung  grief  mal 
et  une  peine  longue  et  dure  ! 
ma  vie  trop  longuement  dure 
26560  en  ceste  terrible  misère  ; 
je  demande  la  mort  amere 
qui  mes  regrés  ne  veult  ouyr. 

GESTAS 

J'ay  douleur  tant  dure  a  souffrir 
que  je  ne  puis  mourir  ne  vivre. 

BRAYART 

26.565  Tu  en  seras  tantost  delivie, 
fais  bonne  chère  haidiement  : 
veez  cy  ton  dernier  .sacrement 
de  ceste  heure  tout  préparé. 

ORILLART 

Assiezly  ung  coup  bien  serré 
26570  qui  le  mette  en  son  dernier  point. 

BRAYART 

Va,  va,  ne  t'en  soucye  point, 
il  en  ara  bien  plus  de  dix. 

GRIFFON 

Et  je  depeschoray  tandis 
cest  aultre  meschant  par  deçà. 

BRAYART 

20573  Passez  ça,  ribauls,  passez  ça  ; 
vous  n'aurez  si  bon  os  en  cuisse 
qu'on  ne  rompe,  mes  que  je  puisse  : 
veez  cy  mon  instrument  tout  prest. 

0ISMAS 

Loué  soit  Dieu,  puisqu'il  luy  plest 

26580  moy  mener  a  ceste  fortune  ; 

ce  n'est  pas  Dieu  qui  me  fortune, 
mais  mon  mauvais  gouvernement  : 
je  meurs  a  juste  jugement, 
j'ay  très  bien  la  mort  desservye. 

26585       Pour  quoy,  Jhesus,  doulx  fruit  de  vie, 


26522  Je  porte  ma  grant  douloiiere  C.  —  20523  Et  nous  après  B.  mait  dieu  B.  ■ 
pnpleroye  B.  C.  —  S6546  en  prie  B.  en  supplie  C.    —  26566  hardiment  A. 


■  26537  vouldrez  B.  —  265.'S9  iny  Irons. 


TIRRCF.   .10  II  H  NFF 


3'i: 


qui  ton  paradis  rae  promèf, 

a  cesto  (liiro  departio 

n\oii  nme  en  ta  gai-dc  coniiuet/.. 

HRAYART 

Vous  ne  caquetoicz  ja  mes  : 
SfiSflO  jambes  n'arez  qun  je  ne  froisso. 

CLAQLEUENT 

Il  a  bien  dos  poires  d'angoisse  : 
achetez  en  se  vous  voulez  ; 
le  sang  en  raye  do  tous  lés 
jusqucs  au  plain  de  la  niontaigni\ 

GRIFFON 

afir>95  Kt  cestuy  cy,  pelle  il  châtaigne  ? 
regardez  comment  j'y  labeure. 

OE8TA8 

Ha  !  maudit  soit  le  jour  et  l'heure 
que  Dieu  au  monde  mo  fit  naistre  ! 
je  no  deusse  pas  icy  esti'e, 
S66no  se  ce  misérable  Jhesus 

eust  volu  montrer  ses  vertus  : 
mes  nennin,  senshiy  est  failly. 
et  laisse  mourir  nous  et  ly 
de  mort  honteuze  et  malheureo. 

GRIFFON 

iti60.i  Ta  chan, ligue  est  a  mort  livrée: 
tu  pers  temps  de  braire  si  hault. 

ORIIXAHT 

11/  sont  tous  deux  moits,  autant  vault  : 
il/,  commencent  a  pipeter. 

[PosE.l 


HniiVKKFORT 

Ça,  lergctts,  il  nous  t'ault  hastrr  ; 
puisque  ces  deux  mauvais  larrons 
sont  depeschcs,  nous  les  lerruns, 
Î66Î0  et  irons  meurtrir  ce  .Ihcsus 
hastivement. 

HRAYART 

Je  m'y  conclus  ; 
veez  cy  ina  grande  liesague 
qui  est  bien  tranchant  et  ague  : 
je  l'aray  ciocquio  prestement. 

GRIFFON 

88625  Nostro  fait  est  rompu. 

HRAYART 

Comment  ? 
tu  en  fais  par  ti-op  l'esbahy. 

GRIFFON 

Jhesus  est  mort,  regardez  y  : 
l'ame  luy  est  du  corps  saillie, 
ce  seroit  a  nous  grand  foUio 
Ï6630  de  luy  casser  i  s  ne  jointures  ; 
laissons  le  a  toutes  adventures  : 
puisqu'il  est  mort,  il  nous  souftit. 

I.ONGIS 

Oncques  vivant  no  me  meffit, 
mes  ncaiitmoins  si  ne  plains  je  pas 

266.S5  qu'il  ait  ore  passe  le  pas  ; 

chacun  dit  que  sa  mort  est  bonne, 
mes  au  cueur  grant  onnuy  mo  donne 
que  je  n'ay  sa  mort  provenu. 
Auftbrt,  puisque  j'y  suis  venu, 

88640  je  vouldi-ay  emploier  ma  voye, 
car  s'il  est  de  vous  qui  m'avoyo 
et  veille  ma  lance  conduyre, 
ung  coup  ara  affin  qu'il  nmyre, 
s'il  n'est  mort  de  ceste  heure  cy. 

Onil.I.ART 

S06«5  J'en  suis  content. 

HRAYART 

Kt  moy  aussi. 
Ça,  venez,  je  vous  conduiray, 
et  boutez  fort  quand  je  diray  : 
bien  vous  metti-ay,  je  vous  proraès. 

LONQIS 

Suis  je  bien  ? 

BRAYART 

Le  mieulx  de  janiès, 
geœ-O  tout  en  droit  le  dextre  costé. 

LONGIS 

Aussi  y  est  ma  volonté  ; 

tu  n'as  pas  mal  choisy  le  lieu  : 

SflCOl  sa  vertu  B.  C.  —  2(>602  son  sens  est  B.  C.  —  S6608  pipoler  B.  —  «ViU  sublime  A.  —  Î6681  lUstiuement 
Je  le  veil  et  B.  C.  —  20020  trop  fort  B.  C.  —  26641  est  mmviue  C.  —  2661S  en  bon  «mai»  B.  en  bi^n  endroit  C. 


MICHEL 

Cesto  anie  voiUdray  emporter 
26610  au  lieu  de  gloire  «îiUuminé 
ou  le  doulx  Jhesus  a  mené 
ses  amis  pour  les  confforter. 

SATHAN 

Kt  ceste  vouldray  transporter 
au  lieu  do  rago  fulminé, 
20615  ou  le  deablo  est  déterminé 
de  ses  souldoiers  torraenter. 
Icy  emporte  saint  Michel  le  bon    larron  au 
lieu  ou  les  prophètes  sont,  et  Sathan  em- 
porte le  mauvais  larron  en  enfer. 


348 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


or  entre  doncques  de  par  Dieu  ; 
s'il  vit,  j'ay  paour  qu'il  ne  le  sente. 

BROYEFFORT 

26655  Vous  y  avez  fait  belle  sente  : 
le  sang  en  descend  a  oultrance 
tretout  au  long  de  vostre  lance  ; 
tel  coup  fait  Inen  a  ressongner. 

LONGIS 

Comment  peut  homme  mort  soigner  ? 
86660  je  le  tiens  a  bien  grand  merveille. 

GRIFFON 

La  lance  en  est  toute  vermeille, 
tant  est  couUo  habondarament. 

CENTURION 

11  n'y  a  pas  sang  seulement, 
mes  avec  le  sang  eaue  clere, 

86665  qui  signifie  aucun  mistere 

dont  nous  n'avons  pas  la  science  ; 
et  me  samble  eu  ma  conscience 
que  cest  homme  qui  cy  est  mort 
est  injustement  et  a  tort 

86670  condampné  a  tel  vitupère  : 

n'est  si  beste  a  qui  il  n'apperc, 
les  signes  l'ont  bien  tesmoignié; 
vray  fllz  de  Dieu  l'ay  je  jugié, 
je  l'ay  dit  et  encore  dis, 

86675  quand  le  hault  roy  de  paradis 
monstre  pour  luy  ces  signes  cy. 
Mes  gens,  doppartons  nous  d'icy  : 
quand  Jhesus  et  ces  deulx  regarde, 
ilz  n'ont  mes  que  faire  de  garde  : 

86080  ilz  sont  tous  mors  do  mort  cruelle. 

MARC   ANTHOINE 

Allons  en  porter  la  nouvelle 
a  Pilate,  nostre  prevost. 

EMILItS 

Mes  qu'il  l'oye  dire  tantost, 
il  s'en  donra  moult  grant  soucy. 
Icy  s'en  reviennent  devers  Pilate, 


LONGIS 

86685  0  Jhesus,  je  te  cry  mercy 
de  tant  que  je  t'ay  offensé, 
ne  jamès  n'avoye  pensé 
que  tu  feusses  si  haultc  chose 
comme  Centurion  propose. 

26690   Tu  es  doulx  et  plain  de  clémence, 
et  en  icelle  confidence 


le  pur  sang  qui  de  toy  dégoûte, 

la  chère  et  précieuse  goûte 

prendray  et  mettray  sur  mes  yeux, 
26695  espérant  qu'il  m'en  soit  de  mieulx 

et  que  ma  veue  se  ravoye. 

Ly  reçoit  veue, 

0  Jhesus,  vérité  et  voye 

et  salut  qui  point  ne  desvoye 

pour  tous  pécheurs  enluminer, 
86700  Raison  veult  que  louer  te  doye 

car  nagueres  point  ne  veoie  ; 

or  m'as  voulu  grâces  donner 

Et  ta  pitié  habandonner, 

quand  ma  veue  destituée 
26705  m'as  rendue  et  restituée. 

BROYEFFORT 

Nostre  besongne  est  achevée  : 
compaignons,  pensons  du  retour. 
Icy  s'en  vont  les  tirans  devers  Pilate, 


JOSEPH  d'Arismathie. 
Charité  et  parfaicte  amour 
ne  se  peust  tenir  enfermée, 

26710  mes  fault  qu'elle  soit  deff'ermee 
et  que  doulcement  s'abandonne 
vers  cil  a  qui  elle  s'adonne  ; 
pour  ce  le  dis  que  loyalment 
ay  servy  et  celeemcnt 

86715  le  doulx  Jhesus  durant  sa  vie  : 
si  ne  le  delaisseray  mie 
qu'a  sa  digne  et  sainttisme  face 
service  apprès  sa  mort  ne  face 
pour  monstrer  que  son  servant  soye. 


26664  1e  maïuiue  B.   C.  —  26668  i-e  jliesus  qui  B, 
A.  si  reuoye  G.  ~-  26714  receleeinent  A. 


Icy  s'en  vient  a  Pilate. 
26720  Sire  prevost,  Dieu  vous  doint  joye 
et  soit  vostre  honneur  maintenu  ! 

PILATE 

Vous  soiez  le  ties  bien  venu, 
sire  Joseph  d'Arismathie  ! 
Qui  vous  chasse  en  ceste  partie 
20725  maintenant  si  hastivemeut  ? 

JOSEPH 

Le  terrible  esbahissement 
des  signes  qui  sont  apparus 
au  point  de  la  mort  de  Jhesus 

-  26677  départez  vous  B.  C.  -  26685  te  prie  B.  -  26696  manque 


qui!  tout  cliacim  craint  et  admire, 
SOTM  m'mlinaineiit  devers  vous,  cher  sii'O, 
pour  une  i-cquestc  obtenir. 

PILATE 

Joscpli,  il  convient  la  venir 
que  la  chose  s'est  mal  conduicto, 
combien  que  j'en  doye  estre  quictc  : 
Î6735  en  riens  coupable  je  n'en  suis  : 
ç'ont  fait  ces  envieux  Juif/, 
qui  m'ont  fait  faiie  jugement 
de  force  et  violentemeut 
pour  complaire  a  leur  arrogance. 

JOSEPH 

267'i0  Quant  au  regard  de  l'excusance, 
s'il  est  mort  a  droit  ou  a  tort, 
je  n'en  argue  riens  :  au  fort 
Dieu  scet  tout,  le  juste  jugeur. 

PlIATK 

Il  est  vrav. 

JOSEPH 

Poui'  ce,  monseigneur, 

«6745  pour  le  peuple  pacifier 
je  viens  icy  vous  supplier 
que  si  grant  grâce  me  soit  faicte 
que  le  corps  d'icelluy  prophète 
me  soit  ottroyé  et  rendu  : 

86750  de  par  moy  sera  deppendu 

pour  l'honneur  d'humaine  natui'e, 
et  puis  mis  en  sa  sépulture, 
comme  la  loy  a  conunandé. 

PILATB 

Joseph,  c'est  très  bien  demandé 
26755  et  vous  en  sçay  gré  a  merveille, 
mes  certes  fort  je  m'esmerveille 
se  Jhesus  est  desja  passé 
et  par  mort  oultre  trespasssé 
ainsi  que  vous  le  maintenez. 
26700   Centurion,  qui  en  venez, 

dittes  nous  s'il  est  mort  ou  non. 

CENTURION 

Prévost,  pour  faire  brief  sermon, 
Jhesus  si  a  fine  sa  vie. 

PILATE 

Or  ça,  Joseph  d'Aiismathie, 
26765  pour  l'onneui-  de  vostre  parsonne , 
le  coips  de  Jhesus  je  vous  donne  : 
aile/,  et  si  l'ostez  Ijien  tost. 

JOSEPH 

Vostre  mercy,  sire  prevost. 


TlKRCt:    JOURNEE 

tout  surpic/.  m'en  vois  abréger. 


340 


Î6770  Or  Dieu  me  doint  l)ien  bcsongncr  ! 
oncqucs  mes  je  n'obtins  requcsto 
dont  mon  cuour  si  eust  plus  grant  festc  ; 
quel  bien  puis  je  plus  demander  ? 

NICOUEMUS 

Joseph,  Dieu  vous  veille  garder 
26775  de  honte  et  de  mauvais  blasphème  ! 

JOSEPH 

Bien  soiez  venu,  Nicodemc, 

et  receu  a  joye  haultaine  ! 

je  cuide  que  Dieu  vous  admaine 

pour  moy  conduire  en  ceste  affaire. 

NICODEMUS 

26780  Comment  va?  qu'avez  vous  a  faire, 
qui  vous  en  allez  si  en  hastc  ? 

JOSEPH 

Je  reviens  du  prevost  Pilate 
devers  lequel  j'ay  obtenu 
de  ravoir  le  corps  de  Jhcsu, 
26785  et  s'il  vous  plest  ung  peu  attendra, 
vous  m'aydere/.  a  le  despendre, 
car  tout  seul  fournir  n'y  pourroyc. 

NICODEMUS 

De  la  nouvelle  j'ay  grant  joye, 
cai'  maint  yver  et  maint  esté 
26790  j'ay  son  povrc  disciple  esté 
secrètement,  dont  joyeux  suis 
s'aucun  service  faire  puis 
qui  luy  soit  bon  et  acceptable. 

JOSEPH 

Querons  le  moyen  convenable 
26795  qu'il  nous  fault  en  ce  fait  avoii-. 

NICODEMUS 

Il  fault  premièrement  savoir 
en  quel  lieu  le  pourrons  i>orter. 

JOSEPH 

De  cela  ne  fault  point  doubler  : 
j'ay  ung  jardin  bien  jolict, 

26800  assés  près  du  lieu  ou  il  est, 

auquel  j'ay  fait,  n'a  pas  gramment, 
massonner  ung  beau  monument 
pour  moy  mettre  et  mes  bon  amis  ; 
ncautmoins  oncq  homme  n'y  fut  mis  : 

Î6805  s'il  y  est,  le  premier  sera. 


20731-46  maniuiiit  A.  —  267'ili  si-igneur  C.  —  267'.7  Allln  que  grao<>  B.  —  26753  on  In  loy  est  B.  C.  —  itîTj5-6i  maa- 
i/uent  H.  C.  —  26760  Vostru  petiiioii  vous  B.  C.  —  20767  et  len  osIpz  tanlost  H.  ostcrfl  C.  —  26771  roquesle  jo  neiii 
B.   C.  —  26772  Dont  uion  eueui-  feust  au^sy  joyoul.\  H.  i-st  aussi  joyeulx  C.  —  26775  inauuai.'<  blosiiie  C.  —  S67U7  bou- 

tiT  ij.  r.. 


350 


MISTERE    DE    LA    PASSION 


NICOUEMUS 

S'ou  me  ci'oist  on  s'advancera 
do  Ty  mettre  très  noblement  ; 
veez  cy  la  manière  comment  : 
pour  le  saint  corps  ensevelir, 

215810   Joseph,  vous  en  allez  quérir 
ung  drap  ou  une  toillc  fine, 
de  la  meilleure  dont  on  fine  : 
sera  pour  Tenvellopper  ; 
taudis,  je  me  vois  occuper 

26815  pour  acheter  en  quelques  lieux 
d'ongnemens  les  plus  pi'ecieux 
qu*on  sache  trouver  pour  finance 

JOSEPH 

Apportez  en  grant  hahondance, 
})Our  le  fait  richement  fournir. 

NICODEMUS 

26820  Laissez  harcUment  convenir  : 

combien  qu'il  m'en  doye  couster, 
j'ay  empcnssé  d'en  api)ortei* 
si  largement  qu'il  suffira. 


lA   MARCHANDE  DE  SOYE 

Je  pense  que  grant  temps  sera 
26835  de  mètre  avant  ma  marchandise  : 
j'ay  de  toilles  de  mainte  guise, 
de  sidonnes  et  de  cendaulx, 
soyes,  satins  blancs  et  vermaulx, 
joyeuls  et  plaisans  au  regart. 
JOSEPH 

26830   Dame,  nostre  grant  Dieu  vous  gail 
et  croisse  chevance  et  honneur  ! 

LA  MARCHANDE 

Hien  viengnez  vous,  noble  seigneur 
vous  fault  il  huy  chose  que  j'aye  ? 
voulez  vous  fin  cendal  ou  soye 
2(3835  ou  quelque  aultre  fine  denrée? 
voicy  toile  si  bien  ouvrée 
que  de  meilleure  n'est  il  point. 


26808  J.  Or  dittes  donc  N-  vo'icy  comment  B.  C  -  268^4-87  remplacés  datxs  A  par  les  vers  suivouts  : 


JOSEPH 
Chacun  de  nous  se  reudera 
mes  quil  ait  fourni  ses  exploU. 
justement  aux  pies  de  la  croix, 
pour  faire  nostre  volonté. 
.Mumyê,  dieu  vous  doint  santé! 
monstrez  moy  ung  beau  drap  de  lin 
le  plus  délie  et  plus  fin 
quon  trouue  large  de  trois  lez. 

viiiioNNi': 
Puisque  si  riche  le  voulez, 
monseigneur,  certes  vous  larez; 
36  cuide  bien  que  vous  direz 
quoncques  ne  veistes  tel  quil  est. 
Or  le  desployons,  si  vous  plest, 
pour  le  voir  du  long  et  du  large; 
si  verrez  se  (-est  vostre  charge 
aftin  que  ja\ e  vostre  argent. 

JOSKPH 

Certes  le  drap  est  bel  et  gent 
pour  faire  ce  que  ja y  compris  : 
mamye,  or  me  dites  le  prix 
quil  coustera,  je  vous  en  prie 

VERONMK 

Sire  Joseph  darismathie. 
six  deniers  dor. 

JOSEPH 

Il  Itîs  vaull  bien  . 
veronne,  suns  rabalre  rien, 
tenez,  les  veez  la  tout  contint. 

VK BONNE 

Orjepry  dieu  omnipotent 
qua  tel  oeuure  les  puissiez  metlie 
qu«n  la  fin  dieu  vous  doint  transmettra 
en  son  règne  celestiel. 

NICODEMUS 

Mon  amy,  le  dieu  disrael, 
te  maintienne  en  prospérité  ! 

LESPICIER 

Monseigneur,  dieu  vous  doint  santé! 
vous  plait  il  rien  de  nïon  mcstier? 


je  vous  seruiray  volentier 
daucunc^espece  aromatique, 
se  vous  voulez  nardus,  pistique, 
flu  baulme,  odorant  synanomme, 
et  si  ay  dongnoment  grant  somme 
fais  de  myerre  et  dalloue. 

NICODEMUS 

De  cest  ongnement  tant  loue 
il  couuient  que  tu  me  deliures. 

LESPICIER 

En  voulez  vous  beaucoup  ? 

NICODEMUS 

Cent  liureù 
ou  enuiron  auoir  men  fault, 

LHSPICIER 

Vous  serez  seruy  sans  deffault 
de  ces  oingtures  souueraines  : 
veez  cy  deux  boites  toutes  plaine.-s 
de  myerre  et  dalloues  très  fine  ; 
tenez,  sentez  a  la  narine, 
monseigneur,  silz  nont  pas  bon  goût. 

NICODEMUS 

Combien  me  coustera  tretout  ? 
gy  veil  desploier  mou  trésor. 

LESPICIER 

Monseigneur,  deux  cens  besaus  dor 
vous  cousteront  ces  ongnemens. 

NICODEMUS 

Or  tien,  les  voyla  tout  contans, 
dedans  ce  sachet  bien  comptes, 

LESPICIER 

A  vous,  sire,  hien  men  attens 
quilz  y  sont  comme  recomptes  : 
quant  vous  plaist,  si  les  conportez. 
ces  ongnemens  tant  précieux  ; 
le  hault  gubernateur  des  cieulx 
vous  les  doint  si  bien  emplier 
quilz  vous  faeent  multiplier 
vos  biens  en  pardurable  gloire  ! 
Cest  pour  faire  oeiiure  de  mémoire, 
puisque  tant  at:lit'tc  en  lia. 


r 1 K  R  CK    J  O  L  R  N  E  E 


351 


JOSBPH 

Vecy  qui  ihc  vieutbien  a  |H)iut: 
que  me  coustoi'a  ce  gidonne  ? 

L\  .MA11CHAN[)E 

26810  Celtes,  inonsgeigneur,  il  se  donne 
pour  dix  bcsans  d'argent  content. 

.lOSEI'H 

C'est  beaucop. 

LA.  MARCHANDE 

Il  cousteta  tant, 
ou  je  le  vous  donne  on  fin  don  ; 
mais  aussi  s'il  n'est  bel  et  bon, 
•■len'ij  pour  lo  prix  le  mo  rcndorc/. 

JOSEPH 

i'uisque  l'ien  n'en  i-abaterez, 
vêla  vostre  argent  tout  compté. 

I,A   MARCHANDE 

•lo  prie  au  roy  de  niajoslo 
qu'il  le  vous  doint  a  joye  user  : 
Ï6S50  on  ne  vous  en  peust  abuser, 
la  denrée  est  saine  et  entière. 


on  ue  aauroit  nniulx  recouvrer 
que  l'ongnement  que  je  vou»  baille. 

NICODEMUS 

Que  coustera  tout  ? 

l'espioier 

Ne  vous  cliaille, 

ï687â  monseigneur,  je  vou»  congnois  bien, 
après  vou»  ne  puis  perdre  rien  : 
je  voy  a  vostre  chlore  active 
que  vostre  besongne  est  liastive  ; 
aie/,  ou  vous  ave/,  empi'is, 

mm  et  en  tant  qu'il  toiichc  du  pris, 
bien  d'acort  en  serons  tousjoui-s. 

NICODEMl'S 

Je  m'en  revoys  doncques  le  couiv  ; 
niaistre,  le  grant  Dieu  vous  avant  ! 
.\  ce  que  je  vois  percevant, 
«6885  [j'ay  trop  longuement  séjourné  :J 
je  voy  Joseph  la  retouru", 
et  u'attent  sinon  après  moy. 


II'OSK.) 


MCODEMUS 

Se  vous  avez  liqueur  bien  chiere 
en  fait  d'ongnemens  excellans, 
liien  flairrans  et  bien  redolans, 
26855  niaistrc  espicier,  je  vous  supply 
que  mon  vouloir  soit  accomply, 
et  que  m'en  monstre/,  largement. 

1,'E8P1C1ER 

11  fault  savoii'  premiei-ement 
laquelle  espesse  plus  louez. 

NICODEML'S 

26860  Je  veil  du  mine  et  aloés 

nieslés  en  ongnement  décent, 
bien  quatre  vins  livres  ou  cent, 
selon  qu'on  m'en  fera  raison. 

l'espicieu 
Celuy  qui  en  prent  grant  foison 

268*»  en  a  meilleur  compte  par  droit  : 
est  ce  cy  ce  qu'il  vous  fauldroit  ( 
l'ongnement  e?t  de  grant  valeur. 

.NICODEMLS 

•le  demande  tout  du  meilleur, 
et  que  j'en  donne  ce  qu'il  vault. 
l'espicier 
Ï0870  Tenez,  vêla  quanqii'il  vous  fault; 
pour  denier  qu'on  sceusist  trouver. 


Sire  Joseph,  comme  je  voy, 
vous  monstrez  bonne  diligence. 

JOSEPH 

*6S90  Nicodeme,  il  fault  qu'on  counnance 
acop  a  faire  nostre  appreste  ; 
veez  cy  l'eschielle  tonte  preste, 
tenailles  de  fer  et  martcaulx. 

NICOUEMUS 
I/Cs  bras  di^  la  croix  sont  bien  liaulx  . 

ï68»5  autrement  n'y  peut  on  avaindre. 

JOSEPH 

Ur  i^a,  il  ne  se  fault  point  faiiidre  : 
je  m'en  vois  a  force  de  corps 
aiTacher  ces  gros  clous  dehors  ; 
tenez  vous  ung  petit  plus  bas  : 
26900  quand  j'aray  d.'scloué  ung  bi-as, 
il  vous  convient  forme  tenir 
de  ce  digne  corps  soustenii-, 
affm  qu'il  ne  chee  par  terre. 

NICODEMUa 

Il  ne  vous  en  fault  phis  l'equerre  : 
26905  j'y  monstrcrai  très  bon  devoir. 

JOSEPH 

Ce  clou  n'est  pas  bon  a  ravoir, 
ne  sçay  qui  si  bien  l'a  fiché. 


ÏSS43  rapportez  C.  —  26853  daournemens  B.  —  26857  iiionstriez  B.  —  26861  de  cens  C.  —  M880  f>i'i>w/i««  C. 
rr«iil  cours  C.  —  268.*5  iiw.if]iu-  B.  C.  n'existe  pus  A.  —  26888  comiiient  v»  A.  —  2691*  Je  y  (er»y  C. 


-26882  le 


352 


Ml  STERE    DE    LA    PASSION 


NICODEMUS 

Joseph,  a  ce  que  je  puis  veoir, 

ce  clou  n'est  pas  bon  a  ravoir. 

JOSEPH 

26910  Que  froide  nuit  puist  il  avoir 
qui  si  fort  l'y  a  ataché! 

MCODE.MUS 

Ce  clou  n'est  pas  bon  a  ravoir. 

JOSEPH 

Ne  sçay  qui  l'a  si  bien  fiché. 
Auffort  j'en  ay  ung  depesché, 
26915  mes  vccy  qui  ne  tient  pas  moins. 

NICODEMUS 

Il  n'est  pas  si  tost  deffiché. 

JOSEPH 

Auffort  j'en  ay  ung  depesché. 

NICODEMUS 

Mes  que  cil  la  fust  arraché, 

il  ne  prndist  plus  par  les  mains. 

JOSEPH 

26920  Auffort  j'en  ay  ung  depesché, 

mes  vecy  qui  no  tient  pas  moins. 

NICODEMUS 

La,  tirez  fort. 

JOSEPH 

Point  ne  m'y  fains, 
mes  aussi  devant  soustenez. 

NICODEMUS 

Vous  avez  paine,  je  le  plains  : 
26925  la,  tirez  fort. 

JOSEPH 

Point  ne  m'y  fains; 
il  m'est  avis  que  je  l'atain  , 
baillez  moi  mou  marteau. 

NICODEMUS 

Tenez  ; 
la,  tirez  fort. 

JOSEPH 

Point  ne  m'y  fains, 
mes  aussi  devant  soutenez. 

NICODEMUS 

26930  Je  le  tiens,  or  vous  en  venez 

aux  pies,  et  puis  vous  arez  fait. 

JOSEPH 

Pour  mettre  nostre  oeuvi'e  au  parfait, 
je  vois  tirer  le  clou  des  pies 
de  puissance. 

NICODEMUS 

Ne  vous  faigniez, 
20935  car  le  clou  qui  y  est  bouté, 


je  croy  bien  qu'il  est  vérité, 
est  terrible,  grant  et  pointu. 

JOSEPH 

Je  tirerai  de  tel  vertu 
que  je  l'aray  ains  que  je  fine. 

NICODEMUS 

209io  0  saint  corps  précieux  et  digne, 

maint  grant  bien  nous  as  prétendu. 

JOSEPH 

0  faulx  Juifz  et  gent  maligne, 
pour  bien  mal  luy  avez  rendu. 

NICODEMUS 

Toute  sa  vie  a  contendu 
269'.5  le  très  doulx  et  piteux  Jhesu 

de  leur  donner  ayde  et  conffort. 

JOSEPH 

Helas  !  or  luy  est  cher  vendu, 
car  janiès  ilz  n'ont  attendu 
tant  qu'ilz  aient  traictié  sa  mort. 
26950  Le  cueur  me  remord 

de  toy  tenir  mort, 
saint  corps  honoré, 
Qui  pour  nostre  apport, 
salut  et  depport, 
28955         as  tant  labouré. 

Ta  noble  ame  cstoit  ravie 
et  plevic 
a  Dieu  souverainement; 
Or  es  tu  mort  par  envye, 
26960         fruit  de  vie, 

par  injuste  jugement. 

NICODEMUS 

Il  ne  se  peust  faire  aultrement, 
c'est  fait,  le  conseil  en  est  pris  : 
nosseigneurs  ont  par  trop  mespris 
26965  qu'il  osast  vers  eulx  contredire  ; 
mes  vrayement  on  peust  bien  dire 
qu'oncques  homme  de  mère  né 
ne  fut  si  durement  pené 
qu'il  a  esté  ains  le  trespas. 

JOSEPH 

26970  11  est  clair,  ne  le  voit  on  pas  ? 
le  corps  en  porto  les  enseignes. 

[POSB.J 


NOSTRE   DAME 

Mes  seurs  et  mes  chères  compaignes, 


26908-9  nuiii/jtti'nl  A.  —  26912-3  manquent  A.  —  2ii0i6-7  mimquciU  A.  —26918  ce  dou  A.  ocslu>-  C.  —  26920-1 
munnaenl  A.  —  2692'i-9  maifiu,cnt  A.  —  26932  Je  eroy  bien  quil  tient  fort  X  fait  B.  C.  —  26933-4  maii'/uenl.B.  C.  — 
•-0933-6  i.itcn-crtL-i  B.  C.  —  20'J36  C^iiinie  on  peust  cougnoistre  en  vérité  A.  —  2o944-6  mait'iucnt  C. 


TIERCE   J  0  U  R  N  E  E 


353 


tirons  nous  ung  peu  vers  la  croi»  : 
il  m'est  advis  que  j'apperçois 
20'j75  la  Joseph  Cl  Nicodemus, 

qui  do  Icallc  amour  pi'onius 
dospeudont  le  corps  de  mon  filz 

s.  JEHAN 

Ma  dame,  il  est  vi'ay,  ce  sont  ilz  ; 
j'en  parle  ainsi  comme  il  me  sanible. 

MARIE   JACOBY 

2G980   Nous  irons  devers  eulx  ensemble, 
mes  se  me  créez  sur  ce  point, 
cherc  seur,  vous  n'y  vendrez  point, 
car  quand  despendre  le  verrez, 
je  suis  sceure  que  vous  merrcz 

86985  le  ducil  amer  et  hors  des  termes, 
et  tel  haboudance  do  lermes 
que  vostre  cueur  se  fondera. 

NOSTRE  DAME 

s'il  plaist  Dieu,  ma  seur,  non  sera  ; 
a  mon  pouoir  m'entretendray, 

26990  mes  pour  rions  je  no  me  tendray 

quo  mon  fil/,,  mou  sang  et  mon  gendre, 
que  j'ay  nourri  souof  et  tendre, 
mon  aray,  de  mes  bienz  le  mieulx, 
ne  voye  despendre  a  mes  yeux  ; 

26995  je  voil  savoir  qu'il  doveudra, 
qui  l'ara,  qui  le  retendra 
et  en  quoi  lieu  il  sera  mis 
de  ses  bons  et  leaulx  amis. 
Dieu,  son  père,  m'a  invité 

27000   présente  a  sa  nativité, 
présente  a  circoncision 
et  a  sa  i)resentacion 
au  temple  et  digne  receptoire, 
pi'esente  a  sa  vie  notoire 

270(S  en  amour  et  parfait  soûlas, 
et  présente  a  sa  mort,  holas  ! 
com  dur  l'emort  et  angoisseux 
et  oom  tresperçant  angoisse  euz, 
cueur  do  mère  triste  et  dolente  ! 

27010  et  doncques  ja  Dieu  ne  consente 
que  fi'agilito  d<!  nature 
me  toile  a  vooir  sa  sépulture 
et  quo  [iresente  je  n'y  soie  ! 

MARIE   SAI.OMÉ 

Suy  vro  la  nous  fault  droite  voye  : 
27015  elle  y  va  sans  i)lus  prolonger. 

MADEI.AINE 

Riens  ne  l'on  feioit  altarger  : 
anu>ur  naturelle  l'v  maino. 


JOSEPH 

Ha  !  que  co  clou  m'a  fait  de  paino  ! 
il  estoit  fichié  si  pai-font 
27020  que  la  sueur  m'en  vient  au  front 
de  tii'cr  et  des  traveulz  foi's 
que  j'y  ay  pris. 

NICODEMUS 

Puisqu'il  est  hora, 
c'est  le  plus  fort  do  mes  debas  ; 
n'y  a  que  le  poi'ter  embas, 
270Î5  qui  noua  sera  assés  grevant. 

JOSEPH 

Or  descendez  doncques  devant, 
et  soustenez  a  toute  force 
vostre  costé  la. 

NICODEMUS 

Je  m'efforce 
de  mon  pouoir  quant  a  cella, 
27030  mes  aussi  soie/-  sceuis  do  la  : 
emploicz  vostre  force  toute, 
il  est  bien  besoing. 

JOSEPH 

N'aiez  doubte, 
je  n'y  serai  pas  cndormy. 

NOSTRE  DAME 

Ça  mon  enffant,  ya  mon  amy, 

27035  ça  mon  trésor,  ça  ma  richesse  ! 
Rendez  moy  la  seule  iwssesse 
que  jamos  au  monde  je  quier  ; 
helas  !  humblement  tous  requier 
que  je  l'ayc  do  ma  partie, 

27040  et  ja  n'en  face  deppartie 
de  le  baisier  et  accoller 
tant  que  mon  cueur  se  puist  saoller 
et  ung  bien  petit  resjouir, 
pidsque  de  luy  n'ay  peu  jouir 

27015  vivant  comme  j'eusse  voulu, 
puisque  vivant  me  fut  toUu, 
et  violentement  ravy, 
ot  mort  sans  l'avoir  desservy, 
au  moins  qu'a  sa  dolente  mère, 

27050  après  celle  mort  tant  amere, 

son  très  cher  cnrt'ant  soit  rendu. 

JOSEPH 

Nous  avons  beaucoup  attendu, 
dame:  ensevelir  le  convient. 


261)81  .Si'  vous  ne  U.  vous  me  C.  —  26984  uiourrej!  A.  II.  meure»  C.  —  Î6985  de»]  de  C.  —  26897  icmendra  C.  —27001 
Il  sa  A.  c.  —  27008  iiitini/Hi;  C.  aii(:oisseux  H.  —  27021  de  trnvaulx  A.  —  i7024  a  bas  C.  —  ?7043  unu  Unt  soit  peu 
B.  C.  —  270'i9  ([lie  sa  A.  C.  ((ui  sa  U. 


I'as. 


i3 


354 


27055 


MISTERE    DE   LA   PASSION 


27060 


27065 


27070 


27075 


27080 


27^85 


27090 


27005 


27100 


on  ne  scet  qui  va  no  qui  vient  : 
s'il  vous  plest-,  vos  pleurs  cesserez, 
et  ataut  vous  en  passerez, 
tant  qu'il  soit  mis  en  son  sercus. 

NOSTRB    DAME 

en  tenant  Jhesus  sur  son  giron. 
.Ihesus,  mon  cher  enflant  Jhesus, 
m'aniour,  de  mon  bien  le  seurplus 

et  riens  plus, 

qui  tant  plus 
vivant  a  ta  mère  très  chiere, 

Mon  bien,  ma  parfaicte  lumière, 
ma  joye  dernière  et  première, 

las  !  quel  chiere, 

quel  manière 
tient  mon  cueur  plain  de  desconfort, 

Quand  j'ay  perdu  tout  mou  confort, 
mon  amy,  mon  fJz,  mon  deppoi't, 

que  tiens  mort  ? 

fauke  mort, 
comment  as  tu  eu  l'hardement 

De  prendre  mon  filz  seulement 
sans  moy  tuer  conjointement  ? 

maisenient, 

faulsement, 
tu  t'es  encontre  moy  portée. 

Mon  enflant,  ma  tendre  portée, 
tu  me  laisses  desconffortee, 

absentée, 

desmontee 
de  tout  bien  qui  me  peust  venir. 

Helas  !  mon  très  doulx  souvenir, 
jadis  te  souloie  tenir 

en  désir 

et  plaisir, 
au  temps  de  ta  tendre  jeunesse. 
Sur  mon  giron  a  grant  liesse, 
en  regardant  ta  doulce  espesse, 

ton  humblesse, 

ta  simplesse 
qui  de  beaulté  cstoit  monjoye  ; 

Et  la  mille  fois  te  baisoye, 
en  baisant  mon  cueur  appaisoyo, 

te  pensoye, 

te  gardoye 
moult  songneusement,  ce  scet  Dieux, 

Tant  que  mère  ne  pourroit  mieulx  ; 
las  !  CCS  baisiers  ne  sont  pas  tieulx, 

roy  des  cieulx, 

quand  mes  yeulx 


te  voyent  mort  de  mort  honteuse, 
De  mort  terrible  et  doulouieuac, 
et  ta  sainte  char  précieuse, 
27105         vertueiise 
et  piteuse, 
deschiree  de  tous  costés. 

NICODEMUS 

Ma  dame,  pour  Dieu  escoutez  : 
vous  voiez  que  la  nuit  approche, 
27110  et  ces  Juifz,  plains  de  reproche, 
nous  pourroient  bien  empescher  ; 
pour  Dieu,  souffrez  nous  depescher 
d'enoiudre  ce  précieux  corps. 

NOSTRE    DAME 

Mes  chers  amis,  je  m'y  accors, 
27115  mais  Dieu  scet  que  c'est  bien  envis. 
0  mon  filz,  ou  sont  les  devis, 
les  doulx  parlers,  les  très  beaux  ditz 
dont  tu  me  conffortoies  jadis 
pour  mon  povre  cueur  resjouir? 
27120  helas  !  or  n'ay  je  peu  jouir 

de  toy  quand  au  monde  vi voies, 
ja  soitce  que  tout  mien  estoies, 
homme  rien  n'y  pouoit  clamer  ; 
ce  m'est  maintenant  moult  amer 
27125  qu'après  la  mort  et  ce  grief  dueil 
ne  te  puis  tenir  a  mon  vueil 
pour  passer  ma  dure  destresse. 

s.    JEHAN 

Ma  dame  et  ma  chère  maistresse, 
pour  Dieu  appaisez  vos  doleurs. 

27130  et  souffrez  que  ces  bons  seigneurs 
parfacont  ce  qu'ilz  ont  empris. 

Icy  l'ennoignent  et  puis  le  mettent  ou  suaire. 

MADELAINE 

0  mon  cher-maistre  de  hault  piis, 

descendu  du  souverain  règne, 

le  plus  parfait  qui  jamés  règne, 
27135  quel  chose  avez  vous  desservye 

qu'ainsi  vous  voy  privé  de  vie, 

dont  mon  cueur  veult  de  larmes  foudre  ? 

Faulx  Juifz,  Dieu  vous  pui^t  confondre! 

pensez  bien  que  vous  avez  fait  : 
27140  oncques  ne  fut  vou  tel  meffait, 

oncques  ne  fut  euvye  telle, 

n'oncques  hayne  plus  mortelle 

ne  fut  monstree  a  creatui'e  : 

c'est  vostre  perverse  nature 
27145   qui  jamès  en  paix  n'a  dure, 

tant  qu'il  ait  la  mort  enduré 


27061  Que  C.  —  27068  a  fort  C.  —  27070  Que]  Et  B.  G.  ^  27075-3  Mauuaisiîineiit  Et  faulsseineiit  C.  —  271 IS  tu  rac 
i-onsoloyes  B.  Dont  ine  soulojes  [larlur  C.  —  27121-2  viuoys,  estojb  C.  —  2712J  pouoil-  G.  —  27141  mainjue  C.  —27142 
Oncques  ne  fut  liayue  plus  mortelle  G.  —  27146  Tant  que  cil  a  mort  endure  B.  G. 


TIERCK  JOURNEE 


355 


qui  onuquos  ne  l'a  desservy, 
dont  enfin  vous  soro/.  servy 
(lo  i)eine  et  terrilile  vangencc  ; 
271M  c'est  nia  tby,  c'e^t  mou  esperanco  : 
que  le  croatcui'  infiny 
délaisse  ung  tel  fait  iinpuguy, 
jamès  croire  ne  le  pourroye. 

JOSEPH 

Or  ça,  seigncui-s,  chacun  s'emiJoic 
a7J55  de  nostre  besongne  parfaire  : 
le  corps  est  mis  en  son  suaire, 
enoinct  tics  précieusement. 

NICODEMUS 

Portons  le  donc  au  monument 
doulcement  par  bonne  manière  ; 
27160  levez  devant  et  nioy  derrière, 
nous  l'y  arons  prestement  rais. 

NOSTRE   DAME 

O  mes  très  chers  et  vrays  amis, 
ne  me  hastez  [loint  de  si  près 
mon  entrant,  car  je  meurs  apprès, 
27ifô  si  j'eslongne  sa  di)ulce  face. 

MARIE  JACOBY 

{Ihcre  seur,  il  fault  qu'il  se  face, 
vous  ne  lo  faictes  que  grever  ; 
pour  Dieu  soiiIVrez  les  achever  : 
ce  qu'ilz  font  porte  grant  mistere. 
Icy  lo  mettent  dins  le  monument. 

NO.^TRE    DAME 

ÏTiro  0  vray  Dieu  et  éternel  père, 
qui  de  riens  ciel  et  terre  fis, 
pourquoy  me  donnas  oncques  fllz 
qui  point  ne  te  le  demandoie, 
quant  sur  terre  fault  que  je  soie 

^7175  dosoUee  de  telz  dejiors 

qu'a  tel  desplaisir  je  te  pers  ? 
0  saint  archange  Gabriel, 
o  message  espiritucl 
do  la  souveraine  contrée, 

27180  ou  est  celle  joye  notrec 

que  me  promis  en  ton  salut  ? 
il  semble  que  peu  me  valut  : 
povrement  treuve  ta  promesse, 
quand  pour  liesse  j'ay  tristesse 

î/isr»  plus  grande  que  femme  vivant, 
et  est  ma  povre  ame  estrivant 
a  la  mort  qui  ne  la  vcult  prendre. 

JOSEPH 

Il  est  si  bien  qu'a  tout  comprendre 


on  ne  l'y  syaroit  miculx  poseï'. 

NICODEMUS 

miOO  Volenticrs  vous  os  proposer, 
mes  faulte  y  a  eu  nosti-e  fait, 
car  encor  n'avons  nous  riens  fait 
se  le  monument  ne  fermons. 

JOSEPH 

Vostre  oppinion  confermous  : 
27195  fermeture  n'y  convient  querro 
aulti-e  que  cesto  grosse  pierre  : 
tout  justement  y, fermera. 

s.    JEHAN 

Vous  dittes  vray,  mes  tant  y  a 
qu'elle  est  a  merveille  pesante. 

NICODEMUS 

87Î00  Nous  avons  force  suffisante 
assés  pour  l'y  bien  convoyer. 

JOSEPH 

Se  chacun  s'i  veult  employer, 
nous  en  vendrons  bien  au  dessus  ; 
or  levez  fort  de  la,  sus  ! 

s.    JEHAN 

Sus! 
27205  Elle  est  presque  bien  en  sa  place  ; 
oncques  mes  nul  jour  que  je  sache 
je  ne  levay  si  grant  fardeau. 

JOSEPH 

Seurement  elle  est  bien  et  beau  : 
nostre  ex|>loit  est  bien  abrégé, 
47210  et  atant  nous  pi'endrons  congé 
a  ces  vaillans  daines  et  bonnes. 

NOSTRE  DAME 

Discrètes  et  sages  personnes, 
messeigneuis  remiilis  de  science, 
de  vostre  bonne  diligence 
27215  vous  remercions  de  bon  cuew. 


JIAUlE  SALOME 

Partons  nous  d'icy,  belle  seur, 
vous  et  ces  bonnes  dames  saintes, 
et  cessez  vos  cris  et  vos  plaintes 
au  nom  du  haultain  créateur. 

NOaTRE   DAME 

«220  0  mon  filz,  o  mon  vray  ducteur, 
ou  mon  cueui'  a  son  seul  renvoy, 
me  fault  il  séparer  de  toy  ? 


27148  soiez  B.  —  27160  saur  m^inque  A.  —  27175  de  toutes  para  A.  —  271S2  11  semble  qui'  pou  niait  vallu  B.  — 
27197  seruira  li.  C.  —  27198  vra^]  bien  B.  C.  —  87201-2  maiviuent  A.—  27203  Pour  un  venii-  A.  —  W207  leue  A.  U.  - 
27216  belle'  .hierc  B.  C. 


356 


MISTERE   DE 


Helas  !  quel  départie  amci'c, 

quand  celle  que  tu  tiens  a  mcrc 
27225  te  laisse  de  la  mort  perçus 

et  rasolu  en  ton  sarcus! 

moult  envis  m'eslongno  du  lieu  ; 

je  requier  ton  père,  c"est  Dieu, 

que  brief  de  toy  nouvelle  j'oye, 
27230  et  que  brief  mon  cueur  se  rcsjoye 

a  voir  ta  résurrection. 

MADELA.INE 

Allons  en  nostre  mansion, 
ma  dame,  il  est  bon,  ce  me  samble  ; 
et  la  nous  conseillons  ensemble 
27235  de  nostrp  destresse  grevaine. 

NOSTRE   DAME 

Dévote  dame  Madolaine, 

très  bien  je  m'y  veil  consentir. 


CAYPHE 

Seigneurs,  je  vous  veil  advertir 
d'ung  point  qui  fort  touche  la  loy  : 
27240  s'il  vous  plest  venez  avec  moy, 
deux  mots  vouldiay  diie  tantost 
a  Pilate,  nostre  prevost, 
qui  forment  touchent  nostre  cas. 

ELIACHIN 

Nous  ne  vous  délaisserons  pas, 
27245  mes  vous  suyvrons  cy  et  aillieui's. 


BARRAQUIN,  huissiev. 
Que  demandent  ces  bons  seigneurs 
qui  cy  viennent  en  si  grant  haste  ? 

CAYPHE 

Bairaquiu,  monseigneur  Pilate 
est  il  bien  foTt  embesoingnié  ? 

BARRAQUIN 

27250  Nenuil,  mes  il  est  renfifroignié 
si  qu"a  pou  qu'il  ne  pisse  sang  : 
il  est  appuyé  sur  son  banc 
ou  il  est  en  sa  fantasio, 
et  tellement  se  fantasie 

27255  que  depuis  nonue  no  fina  ; 
je  no  S(,'ay  que  gibet  y  a  : 


LA    PASSION 

pieça  ne  fut  si  mal  bailly. 

ANNE 

Pourrons  nous  ja  parler  a  luy,    • 
seulement  deux  mots  ?  fais  l'essay. 

BAIlRAQtlN 

27260  J'en  fais  grand  double  et  si  ne  sçay, 
car  il  est  mallement  fume 
plus  que  je  n'ay  accoustumé, 
mais  au  fort  j'en  foray  devoir. 

YSACAR 

Aussi,  beau  sire,  allez  sçavoir 
27265  s'on  y  pouri-a  trouver  moyens. 


BARRAQUIN 

Cher  sire,  ces  pharisiens 
sont  icy  a  grant  compaignio. 

PILATE 

Tay  toy,  beau  sire,  je  t'en  prie, 
de  leur  venue  n'ay  je  cure  ; 
27270  mau  gré  Jupiter  et  Mcrcui-e, 

quant  oncques  je  n'entremis  d'culx  ! 

BARRAQUIN 

Harau  !  comment  il  est  cnieulx  ! 
on  n'osera  tantost  mot  dire  ; 
et  deust  U  ore  euraigicr  d'ire, 
27275  si  diray  je  comme  j'entcns. 

Monseigneur,  entreront  ilz  ens, 
ou  se  l'en  leur  donrra  congié? 
ilz  ont  la  hors  assés  songié  : 
penssez  ung  petit  sur  cela. 

PILATE 

27280  Attendent  ilz  encores  la  ? 
je  l'avoye  ja  oublié  ; 
je  suis  tant  merencolié 
que  je  ne  sçay  que  devenir. 

BARRAQUIN 

Que  diray  je  ? 

PILATE 

Fay  les  venir: 
87285  que  Juppin  en  aist  bonne  feste  ! 


BARRAQUIN 

Ça,  seigneui's,  vostre  place  est  preste 
entrez  ens,  monseigneur  l'ordonne. 


27241-2  inail'jucHt  A.  —  272'i3  Jusque  sur  le  [ireUDst  bon  pas  A. —  2r2-i4  Kl  nous  ne  B. 
27246-S9  maii'jiu'dt  A.  —  27274  ore  manque  B.  —  272S5  bouue]  nulle  C 


.  27, 


oueur  bejrnin  A . 


TIKRCK    lOURNRE 


357 


JHEnOBOAN 

Nous  luy  clonuons  l)eaiicop  d'cssonno, 
mes  tout  desservirons  en  fm. 


CAYPHE 

87890  Cher  sire,  le  trosne  divin 

vous  soit  mansion  pardui'ablo  ! 
a  vostre  parsonno  honorable 
venons  de  rechief  a  refuge  ; 
mes  pour  Dieu  ne  vous  poiso,  juge, 

872fl5  se  poui"  nous  avez  tant  de  peine. 

PILATE 

Venez  au  point  qui  vous  admaine  : 
c'est  assés  inte rlocuté. 

CAYPHE 

Monseigneur,  il  est  vérité 
que  pour  le  fait  de  ce  Jhesu 

27300  qui  de  la  croix  est  despendu 
nous  est  survenu  en  subit 
comment  eu  son  vivant  a  dit 
que  de  l'heure  que  mort  seroit 
dans  ti'ois  jours  rcssascitei'oit, 

ï'Mj  qui  nous  donne  un  très  grant  soucy. 

PILATE 

l'it  bien,  quand  il  seroit  ainsi, 
que  voulez  vous  que  je  vous  face  ? 

CAYPHE 

Qu'il  vous  plaise  de  vostre  grâce 
nous  baillier  des  gens  esprouvés, 

87310  des  plus  hardiz  que  vous  avez, 
lesquelz  bien  et  songneusenient 
voisent  garder  le  monument  : 
nous  sommes  contens  de  paier 
a  chacun  d'iceulx  bon  loior, 

87315  mes  qu'ilz  facent  devoir  très  bien. 

PILATE 

Quant  a  moi,  je  n'y  entens  rien  : 
pour  quel  cause  a  cecy  pensez  ? 

ANNE 

Cher  sire,  il  y  a  cause  assés  ; 
j'eiitens  nostre  maistre,  je  croi  : 
87330  il  se  double,  aussi  fay  je,  moy, 
que  les  disciples  de  celluy, 
qu'il  a  assamblé  et  cueuUy 
grant  foison,  par  malice  aucune 
ne  viengnent  par  nuit  a  la  brune 


87385  l'emblcr,  emporter  et  mu.icier, 

et  puis  au  peuple  publier 

et  pi-escher  de  commun  accort 

qu'il  est  ressuscité  de  mort. 

Or  seroit  ceste  erreui-  dernière 
87330  pire  beaucop  que  la  première, 

car  tout  le  monde  en  luy  croiroit 

et  en  croyant  nous  laisseroit  : 

ainsi  de  riens  n'aroit  servy 

la  mort  ou  l'avons  asservy, 
87335  mes  vendroit  ceste  occision 

a  nostre  grant  confusion 

et  de  la  sinagoguc  toute. 

PILATE 

Se  vous  y  mettez  si  grant  doubte 
que  ses  disciples  ne  s'assemblent, 

87340  qu'ilz  viennent  de  nuit  et  qu'ilz  emblent 
par  malice  que  vous  pensez, 
vous  avez  des  gardes  assés  : 
prenez  trois  de  nos  chevaliers 
des  plus  espars,  des  plus  legiers 

87345  qui  en  facent  la  diligence. 

CENTURION 

Se  croire  voulez  ma  science 
et  donner  gaiges  competens 
tant  que  mes  gens  soient  contens, 
j'ay  ti'ois  chevaliers  esprouvés, 
87350  hardis  et  vaillans,  gens  trouvés, 
qui  ne  quierent  que  telz  hemees 
et  pnt  fait  grant  foison  d'armées 
ou  haultement  ce  sont  portés. 

JORRAN 

Par  vosti'e  gré  les  nous  prestez, 
8735Ô  vaillant  seigneur  Centurion  : 
tous  ensamble  vous  en  prion, 
en  payant  haultement  leui-s  gaiges. 

CENTURION 

Ne  me  servez  point  de  langaiges 
pom-  décevoir  les  compaignons. 

MARDOCEUS 

87360  Quoy  qu'il  soit,  nous  responderons 
de  les  contenter  piaincment. 

CENTURION 

Sy  les  arez  donc  prestement. 


Or  ça  venez  donc,  Ascanus, 


87888  de  peine  C.  —  87805  tant  de]  de  la  B.  —  87307  quon  voua  en  B.  C.  —  27309  Prendre  rhenaliers  esprounei 
n.  C.  —  87314  son  B.  C.  —  87325  et  le  nous  desiioyer  B.  C.  —  87388  B  et  C  ,ijoulent  cm  drux  n'i-s  :  Qui  nous  porteroil 
pranil  enoombre  C.  Il  dit  bien  si  (rrant  que  sans  nombre  ;  liuiemf  les  tfrn  ^^33-6  prrrrilnnl  87389.  —  Î7360  res- 
pondons  A.  0. 


358 


MISTRRE   DE   LA   PASSION 


Marc  Aiithoine  et  Emilius, 
27365  ces  bous  seigneurs  biep  ontendez 

qui  vous  pi'ient  que  vous  gardez 

le  monument  ou  Jhesus  gist  ; 

trois  jours  seulement,  il  souffit 

qu'âme  du  monde  ne  le  prende  ; 
27370  et  faictes  si  bien  qu'on  leur  rende 

la  dedans  au  bout  de  trois  jours. 

ASCANUS 

Nous  y  ferons  si  bons  séjours 
et  guaites  si  continuelles 
qu'ilz  en  orront  bonnes  nouvelles, 
27375  et  deussions  nuit  et  jour  veillier. 

MARC  ANTHOINE 

11  fault  nos  harnois  babillier 
et  aboucler  bien  nos  cuirasses  : 
prenons  nos  mailletz  et  nos  hacbes 
et  nous  en  allons  tous  surpiez. 

EMILIUa 

27380  Nous  sommes  si  bien  habilliés 
qu'il  n'y  fault  pièce  de  ferraille  : 
allons  nous  en  vaille  que  vaille 
sur  le  lieu  veoir  que  ce  sera. 

ASCANUS 

Seigneurs  Juifs,  ung  point  y  a, 
27385  que  j'ay  cy  tout  par  moy  noté  : 
se  le  corps  estoit  ja  osté 
ou  qu'on  l'eust  ravy  de  cestc  heure, 
le  blasme  nous  tourneroit  seure  ; 
toutefFoiz  nous  n'en  pourrions  mais. 

CAYPHE 

27390  De  ce  ne  vous  doubtez  jamais  : 

pie  a  pié  avec  vous  yrons 

et  le  corps  nous  vous  livreions 

en  son  tombeau  reallenient  : 

puis  signerons  le  monument 
27395  de  nos  seaulx  ensiauble  tous, 

affin  que  pour  vous  et  pour  nous 

n'y  puist  avoir  decepcion. 

RUBEN 

C'est  dit  de  bonne  oppinion  ; 
or  nous  partons  donc  sur  ce  point. 
Icy  s'en  vont  les  pharisiens  avec  les  chevaliers 
jusques  au  monument. 

ANNE 

27400  Nous  sommes  venus  bien  a  point  : 
de  doubler  plus  n'est  ja  mestier, 
car  vecy  le  corps  tout  entier 
et  le  monument  bien  fermé. 

CAYPHE 

Or  fault  il  qu'il  soit  confermé 


27'i05  de  seaulx  et  de  signatures 

(car  on  ne  scet  des  adventures), 

au  moins  qn'on  n'y  puist  emblcr  rien  : 

ung  chacun  y  mette  le  sien, 

et  laissons  ces  bons  seigneurs  cy. 

JOATHAN 

27 '(10  J'en  suis  content. 

YSACAR 

Et  moy  aussi  : 
j'ay  icy  ma  place  assignée. 

JHEROBOAX 

La  pierre  est,  je  croy,  bien  signée; 
il  n'ystera  pas,  je  suppose, 
que  nous  n'en  saichons  quelque  chose  : 
27415   bien  les  pouons  laissier  ainsi. 

CAYPHE 

Seigneurs,  nous  vous  laissons  icy 
et  a  Dieu  vous  recommandons. 
Icy  s'en  retournent  les  pMrisiens  en  teun 
lieux. 


ASCANUS 

Or  ça,  mes  enffants,  or  gardons, 
que  nous  n'ayons  point  de  repproche. 

EMILIUS 

27420  S'il  y  a  villain  qui  ajjproche 
ne  disciple  ne  papelart, 
je  luy  donray  tel  hatiplart 
que  le  deable  l'emportera. 

MARC  ANTHOINE 

On  verra  qui  vaillant  sera 
27425  et  qui  portera  la  baniere  : 

guaitez  devant  et  moy  derrière  : 
lune  luit  et  la  nuyt  est  pieste. 

ASCANUS 

Qui  vouldra  avoir  sui-  la  teste 
viengne  cy,  j'eserye  chacun. 


L ACTEUR 

27430       Seigneurs  et  notable  commun, 
qui  vous  estes  tenus  comme  unf/ 
peuple  de  rassize  p>~udence, 
Et  avez  sans  moleste  aucun 


273S:l-'tlS  mirt /!»■!«(  A.  —  273iS  Le  dv'ahle  B. 
27432  notable  B.  C, 


•87122  tel  harat  C.  —  27430  l'actkur]   pbolooue  finable  B.  C.  — 


TIRRCR    .lOURNRR 


:iô\) 


entendu  le  fait  opportun 
27i35  de  la  parfaicte  obédience 

Que  Jhesus  tint  en  la  présence 
lie  son  père,  quand  mort  souff'ry, 
■mirez  vous  en  ta  pwiience 
a  laquelle  pour  nostrc  o/fence 
87'i'.û  sa  précieuse  char  ouffry. 
Ci  finerohs  la  passion 
que  par  grant  occupacion 
avons  par  devant  vous  tnonstree  ; 
Dimanche  avons  intencion 


CT445  que  de  sa  résurrection 

partie  vous  soit  demonslree  : 
Prions  a  la  vierge  honorée 
que  si  bien  la  nous  doint  monstrer 
qu'en  ta  région  bieneuree 

«7*50  la  digne  face  et  décorée 

de  son  fiU  nous  puist  demonatrer. 


Fin  du  tiers  jour  de  la  passion  nostre 
stigmur  Jhisu  Crist. 


27'i'i4-6  manqui'itl  A.  —  Ï7'i47  Piinnt  n  In  A.  -  274'i8  layons  peu  A.  If  nous  B. 


QUARTE  JOURNEE 

DE   LA  PASSION  NOSTRE  SAULVEUR  JHESU  GRIST 


Prologue  ou  Adam,  iiostre  premier  père, 

nous  obligea  par  sa  meschance  : 

Resurrexi  et  adhuc  tccum  sum.  David  en  eust  bien  congnoissance 

Avant  que  façons  mencion  quand  il  prononça  si  serré  : 

de  la  hiulte  exposicion  87iKj  Astiteiiint  rcgcs  terre; 

27/i55   du  thcume  de  nostrc  matière  les  Juifz,   les  Saduceens, 

Qui  sert  a  la  déduction,  les  scribes  et  pharisecns 

moyen  et  consommation  se  dévoient  tous  eslever 

de  gloire  parfaicte  et  entière,  pour  Crist  exillier  et  grever, 

La  hfiulte  vierge  tresoriere,  27490  lesqueh  si  grairt  guerre  luy  firent 

27'.GO  Marie  de  grâce  aulmonniere,  qxCen  guerroiant  a  mort  le  mirent  ; 

qui  oncq  a  mal  ne  varia,  et  ce  fut  ce  que  vous  moustrasmes 

Saluerons  par  bonne  manière  le  dernier  jour  que  nous  jouasmes 

et  en  devocion  planiere,  joyeusemint  unis  ensamble, 

en  disant  :  Ave  Maria.  Ï74œ  et  comnteiisasmes,ce  me  me  samble, 

[Ave  Maria.  I  comment  Anne,  le  chien  félon, 

Resurrexi  et  ailhuc  tecuin  sum.  traicta  le  doulx  Jfu-su  selon 

Les  paroles  cy  proposées  rudesse  et  inhumaniti', 

proffitablement  exposées  

peuent  grandement  proffiter,  

et  les  volt  jadis  reciter  

?7'i70   David,  le  psalmiste  autentique,  toute  nuys  sans  avoir  repos, 

lequel  en  esprit  prophétique  87500  et  pour  ataindre  a  son  propos, 

les  vit,  les  proposa  et  dit  au  matinet  a  fadjourner 

longtemps  ains  que  Crist  descendit  vous  le  peustes  voir  admener 

touchant  sa  résurrection,  chiés  Cayphe,  la  le  laissèrent 

87175  après  qu'il  eust  fait  mencion  ou  ses  peines  renouvellerent, 

de  la  passion  douloureuse  87505  car  la  fut  il  questionné, 

et  repprouche  ygnomenieuse  mocqué,  batu  et  viUonné, 

que  le  fih  Dieu  devait  souffrir  crachié  son  precieulx  visaige, 

et  son  précieux  corps  offrir  nccusé  pav  faulx  tesmoignaige, 

27180  pour  nous  oster  de  la  misère  rt  pui^  finabUment  transmis 

27'i52-584  iii.m'jruciK  C.  feuillet  déchir,'.  —  87460  maïuiue  B.  —  87471  esi)(!rit  .^V.  B.  —  27477  iuhomineuse  li.  —  27487 
ei;  les  B.  —  27488  Deuoipiit  porter  et  leuer  B.  —  27495  Et  lina  le  jeu  A.  —  ï7'.<,)G-5ÔO  moit'iueiU  .\.  —  XH^^  Sa  rudesse 
B.  L'i  pince  des  troix  verx  eAt  Ini-tsée  en  bhinr  R.  --  87501  a  lailjouniee  B. 


362 


MISTRRE    DELA    PASSION 


27510   a  Pilate  pour  estre  mis 

a  la  mort  par  terrible  instance  ; 
après  veistes  la  repentance 
de  Judas  qui  mal  contendy 
quant  j^ar  desespoir  se  pendy; 
87515   après  peustes  considérer 
Pilate  très  fort  différer 
de  la  mort  du  benoist  Jhesus, 
nonobstant  les  cri;!  et  aryus 
que  les  Juifz  lui  obissoient, 
27520  qui  sa  mort  vouloir  ne  cessoient  ; 
après  le  fit  Pilate  bàtre 
par  mauvais  tyrans  trois  ou  quatre 
pour  euider  Juif--  appaisier 
qui  plus  s'efforçaient  de  noysier, 
27525   mais  avant  peustes  voir  la  mode 
comment  de  Pilate  a  Herode 
la  paix  fut  faicte  bel  et  bien 
par  Jhesus  qui  en  fut  moyen  ; 
de  la  femme  Pilate  aussy 
27530  vistes  la  crainte  et  le  soucy 

dont  elle  print  moult  largement 
pour  doubte  que  ce  jugement 
ne  fust  rendu  par  son  mary, 
dont  puis  orent  le  ciieur  marry  ; 
27535  après  toutes  dilacions, 
si  fortes  opposicions 
furent  par  les  Juifz  fermées 
et  tant  de  menaces  formées 
que  Pilate  comme  contrains 
27540  le  jugea  en  lavant  ses  tnains; 

puis  le  veistes  sa  croix  chargier, 
mener  mourir  a  l'abregier 
entre  deux  larrons  tous  infâmes, 
plaindre  et  gémir  les  bonnes  femmes 
27545  sa  doulce  mère  regreter, 

ses  amis  moult  fort  lamenter 
de  leur  maistre  qu'ils  ont  perdu 
dont  leur  cueur  ont  moult  esperdu  : 
la  fut  le  fil:  de  Dieu  loué 
27550  piteusement  en  croix  cloué, 
la  souffry  grans  desrisions, 
grans  hontes,  grans  illusions 
*         et  finablemen  t  mort  amere, 

voyant  sa  doulce  et  chiere  m-ere  : 
27555  d'ilec  le  veistes  despendv, 

son  corps  en  sépulcre  estendu 
par  Joseph  et  Nicodemus 
de  vraye  charité  esm,us  ; 


lors  fid  le  sépulcre  signé 
275C0  par  Juifz  au  cueur  obstiné, 
et  gardes  a  l'entour  commis 
pour  la  doubte  que  ses  amis 
ne  s'i  venissent  assambler 
par  nuit  obscure  pour  l'ambler  ; 
27560  ou  chacun  sergent  laboura 
et  la  nostre  jeu  demoura. 
Or  peiist  donc  feablement  dire 
le  doulx  rédempteur,  notre  sire  : 
■Mon  peuple,  j'ay  pour  toy  souffert 
87570  pour  toy  me  suis  en  croix  offert, 
pour  toy  ay  la  mort  endurée, 
mon  ame  du  corps  séparée, 
mon  costé  perde  et  fendu; 
quand  tu  l'aras  bien  entendu 
87575  et  votilu  en  ton  cueur  fermer, 
tu  es  bien  tenu  de  m'amer 
sur  toutes  les  choses  mondaines, 
mes  noti  obstant  toutes  ces  paines 
a  ton  salut  ires  nécessaires 
27580  que  m'ont  baillié  mes  adversaires, 
contendens  a  ce  point  venir 
pour  moy  de  ta  sorte  banir 
comme  oublié,  mort  et  transi, 
j'ay  fait  plus  fort  :  resuirexi, 
27585  et  primus  dormiencium 
vivo  et  adhiic  sum  tecum. 

Or  viens  a  l'exposicion  : 
apprcs  la  dure  passion 
que  j'ay  endurée  sur  moy, 
27590  j'ay  fait  ma  résurrection, 
et  encore  suis  avec  toy  : 
ressuscité  suis,  et  le  croy, 
et  par  ma  puissance  infinye 
ay  mon  ame  au  corps  reunie 
87595  en  vraye  unité  parsonnelle 
par  conversion  immortelle, 
car  mon  corps  est  gloriffiê 
et  de  tous  deffatdx  expié 
qui  n'attent  que  monter  en  glore; 
27600    neantmoins  avec  toy  suis  encore 
par  visitacion  et  grâce; 
ne  te  lerray  quoy  que  je  face, 
quoy  qu'au,  trosne  tnon  père  soie, 
que  de  gra-^e  ne  te  pouri-oye 
27605  pour  toy  conduire  et  gouverner 
et  finabliment  admener 
en  mon  royaulme  perdurable. 


27538  fermées  B,  — 27545  lamenter  B.  Nous  suppIt*ons  regreter.  —  27555  veistes]  peustes  veoir  B.  —  87Ô5G  Et  son 
B.  —  27557  Ou  Joseph  et  A.  —  2755S  A  ajoute  deux  vers  :  Jhesus  de  la  croix  deppelijirent  Et  dans  le  sépulcre  le 
mirent.  —  27559  Lors]  La  B.  —  27560  les  "juifz  A.  —  27561  mani/ue  B.  —  27502  douMe  que  ses  bons  B,  —  27505  ser- 
gent] garde  .A,  _  27594  a  mon  corps  A.  remise  G.  —  27598  expire  B.  C, 


Q  n  A  R  T  R 

Et  puisque  tant  est  pourfilahlc 

tel  résurrection  havllnine 
870)0  a  iotalle  nature  humaine, 

il  est  assés  expédient 

qu'après  tel  accomplissemciit 

que  nous  avons  fait  ctj  devant 

en  la  passion  descripvant, 
87615   que  sur  elle  nous  arrestons 

et  subtilloment  la  traictons 

selon  qu'a  Jhesu  Crist  plaira 

et  la  science  nous  donra  ; 

et  pour  In  traittier  et  déduire, 
fitSd  je pry  Dieu  qu'il  veille  conduire 

tous  nos  entendemens,  affin 

que  nous  la  puissons  traire  a  fin 

a  l'honneur  du  très  doulx  Jhesu 

et  a  nostre  bien  et  salii. 
srKX>  La  matit  re  en  est  bien  joyeuse, 

bien  proffitableet  fructueuse; 

seigneurs,  pour  Dieu,  or  l'entendez, 

quois  et  paisibles  vous  rendez, 

et  sur  briefs  moti  de  cueur  entier 
27630  tantost  la  nous  verrez  traittier. 


ASCANUS 

Ghevaliei's,  seigneurs  et  amis, 
vous  sçavez  qu'on  nous  a  commis 
a  garder  cestuy  monument  ; 
[irenons  y  gai'dfî  telloraent 
que  nostre  honneur  y  soit  saulvé 
et  le  cori)s  de  Jhesus  trouvô 
dedans  cette  tierce  journée 
qui  nous  a  esté  ordonnée 
pour  le  rendre  et  restituer. 

MARC   ANTHOINE 

27040  Mieulx  nous  fauldroit  faire  tuer 
qu'il  y  eust  faulte  de  par  nous  ; 
oniploier  nous  y  devons  tous, 
car  nostre  honneur  y  pend  très  fort  : 
vous  sçavez  le  terrible  effort 
de  ces  Juifz  do  put  alloy 
qui  contre  le  dict  de  leur  loy 
l'ont  occts  par  voye  ilhcite  ; 
si  donliteiit  qu'il  ne  ressuscite 
a  leur  grande  confusion  : 
et  ainsi  par  provision, 


_    S7635 


87645 


27650 


lOT'RNEE 

lK)ur  avoir  leur  chemin  <lrc«fiié, 
ce  sont  a  l'ilato  adreH^iô 
qui  onsanihle  nous  a  livi-c» 
pour  gens  vaillans  et  asseurés, 
S76&5  renommés  do  proesse  liaidte  ; 

et  dont,  s'il  vient  qu'il  y  ait  faulte, 
no8tre  bon  loz  s'abaissera 
et  de  tel  heure  ce  sera 
qu'a  jamés  serons  delx)utés. 

EMII.U!.S 

27060  Marc,  je  croy  que  vous  vous  doublez, 
qui  nous  faictes  cy  si  grant  compte  ; 
«o  la  chose  si  près  vous  monte, 
il  ne  fault  qu'escarrir  la  place. 

MARd  ANTHOINE 

Emilius,  sauf  vostre  grâce, 
87605  ne  me  bailliez  [loint  ce  tatin  ; 
je  croy  s'il  venoit  au  hutin 
ou  il  eust  gens  d'armes  grant  somme, 
j'y  vauldroyc  aussi  bien  ung  homme 
comme  vous,  voyla  mon  record. 

ASCANUS 

27670  Sus  !  mcsscigneurs,  soyons  d'accord, 
il  ne  fault  ja  parler  si  hault  : 
chacun  de  nous  vault  ce  qu'il  vault, 
on  congnoist  vos  fais  et  vos  ditz, 
et  se  n'estiez  hommes  hardis, 

27075  vous  n'eussiez  pas  eu  ceste  charge 
de  quoy  Centurion  vous  charge 
au  commandement  du  prevost. 
Et  consentiroye  assés  tost 
avec  vous,  Marc  Anthonius  : 

27080  chacun  scct  que  celluy  Gristus 
avoit  des  disciples  foison, 
et  dit  on  que  de  sa  maison 
on  avoit  dix  ou  douze  au  mains, 
que  ses  jirivés,  que  ses  germains, 

27685  et  encore  a  l'aydo  d'eulx 

en  avoit  bien  soixante  et  deux 
tous  a  luy  comme  l'on  suppose. 
Or  prenons  donc  au  pis  la  chose, 
que  tous  ses  disciples  s'unissent 

27690  et  a  gx-ant  puissance  veuissent 
ouviir  et  rober  le  tombeau, 
quel  remède  la  ? 

EMILIIJS 

Parlez  beau  : 
quand  la  chose  en  ce  point  vendi-oit. 
laisser  faire  les  convendroit, 


.303 


87610  larrestons  li.  —  27620  l'rii'Z  dieu  quil  nous  C.  —  27628  puissions  A.  —  87027  or]  car  U.  —  27689  Kt  voulcntien 
B.  C.  —  27(J39  restorer  B.—  27645  ces  faulx  juifz  A.  —  27a5'i  afferme!:  B.  —  87055  Et  gens  dune  H.  T..  —  87058  r«nera  B. 
l'e  fera  C.  —  87607  il  y  eust  li.  —  27672  nous]  vous  C.  —  87675  nestcs  B.  —  Ï7i)76  vous]  nous  B.  —  87680  cristus] 
jhesns  B.  C.  —  276*<7  Tous  en  son  roininauii  r-e  suppose  B.  C.     -  87690  oy  venissent  B.  G. 


364 

27G95 


27700 


27705 


27710 


27715 


27720 


27725 


27730 


MIS  T  ERE    DE 

car  c'est  fait  d'homme  mal  sensible 
d'assaillir  ce  qui  n'est  possible, 
car  en  fin  luy  en  vient  contraire; 
n'y  aroit  que  de  nous  retraire 
devers  les  princes  bonne  alleure 
pour  leur  racoinpter  l'aventure 
affin  d'y  poui-voir  par  grant  seing. 

MARC  ANTHOINE 

Et  pour  tant  est  il  bien  besoing 
de  penser  a  tous  telz  baguettes 
et  de  nous  tenir  aux  aguettes  : 
au  moins,  s'en  le  vient  deff'ermer, 
que  nous  puissions  bien  attermer 
que  ce  n'est  pas  nostre  pai'esse. 

A.SCANUS 

11  n'y  ara  pas  si  grant  presse; 
le  corps,  ce  croy,  nous  demourra. 

EMILIUS 

On  ne  scet. 

AiCANUS 

Viengue  qui  pouiTa  : 
au  point  ou  je  nous  voy  assis, 
mes  qu'ilz  ne  viengnent  plus  de  six 
contre  nous  trois,  c'est  deux  contre  ung, 
je  croy  tant  de  nostre  commun 
que  nous  les  euvoirons  pour  bas. 

MAKC  ANTHOINE 

Je  ne  s^ay  du  fait  des  debas 
qui  aroit  la  part  plus  mauvaise, 
mes  il  ne  l'aront  pas  bien  aise 
qu'il  n'y  ait  ung  bel  espourris. 

EMILIUS 

Ces  harnois  cy  sont  ilz  pouriys  ? 
ces  salades  nous  siéent  ilz  mal  ? 
sont  ces  brancs  a  ruer  lavai  ? 
sont  ces  espees  vermoulues  ? 

ASCANUS 

Ce  sont  armeures  esmolues, 
aussi  cleres  que  fin  argent  : 
preu,  deux,  et  trois. 

MARC  ANTHOINE 

Vive  tel  gent, 
telz  chevaliers,  vaillans  soudars  1 
or  viengne  de  ces  papellars 
cy  hardiment  demy  douzaine  ; 
s'ilz  eschappent  maie  sepmaine, 
onoques  je  ne  fus  si  dollant. 

EMILIUS 

Venir  ?  ilz  n'en  ont  pas  tallant. 


LA    PASSION 

je  croy  qu'il  ne  leur  en  souvient. 

ASCANUS 

Comment  qu'il  soit,  il  nous  convient 
27735  garder  que  sommeil  ne  nous  prende. 

MARC  ANTHOINE 

C'est  bien  dit,  chacun  y  entende 
pour  autant  qu'il  luy  peut  touchier. 


JACOB,  scribe. 

Cayphe,  notable  princier, 

le  grant  Dieu  vostre  honneur  maintiengne! 
27740  il  est  besoing  qu'il  vous  souviengne 

d'ung  peu  de  chose  survenue 

qui  de  nouvel  est  advenue 

et  touche  fort  la  sinagogue  ; 

et  pour  abréger  mon  prologue, 
27745  vous  sçavez  que  par  nostre  cnhort 

Jhesus  a  esté  mis  a  mort 

et  en  la  croix  exécuté 

par  le  moyen  et  volonté 

de  la  justice  criminelle. 
27750  Or  court  maintenant  la  nouvelle, 

tant  qu'elle  est  a  nous  advertie, 

comment  Joseph  d'Arimathie 

l'a  despendu  furtivement 

et  mis  en  ung  beau  monument 
27755  euoinct  de  myrro  et  d'alloué, 

et  brief  il  l'a  autant  loué 

qu'il  eust  fait  ung  bien  notable  homme, 

luy  encore  qui  se  renomme 

mis  en  office  impérial. 
27760  Par  quoy  je  dis  qu'il  a  fait  mal, 

et  croy  que  ne  l'ignorez  mie, 

car  homme  mort  en  infamie 

ne  doit  homme  de  bien  toucher 

s'il  ne  veult  son  bien  empescher. 
27765  Or  est  le  dit  Joseph  venu, 

a  prins  le  corps  et  retenu, 

tout  sans  nostre  sceu  et  sçavoir, 

par  quoy  je  dis  qu'il  doit  avoir 

pugnicion  sur  toute  rien. 

MARDOCEUS 

27770  Jacob,  vous  proposez  très  bien, 
mes  avant  que  nous  concluons 
d'ung  tel  fait,  oyons  et  voyons 
deux  motz,  car  il  y  a  danger 


27696  Denuoycr  B.  C.  —  27701  Pour  leur  ponruoir  a  leurs  boas  poins  B.  G.  —  27703  tous  manque  B.  —  27707  lacesse 
n.  lachesse  C.  —  27719  esprouue  B.  —  27721  mallettes  B.  G.  —  27722  a  val  C.  —  27724  vermolues  B.  —  27725  Aussi  cler 
que  le  bel  argent  B.  C.  —  277i6  Preuf  B.  C.  —  27727  houspailliers  B.  houssepailliers  C.  —  27729  une  douzaine  C.  — 
27732  Venir  voire  ilz  nont  B,  G.  —  27735  preigne  G.  —  27751  diuertie  B.  G.  —  27753  songneusement  C. 


Q  U  A  U  T  E 

(l'ung  hoiniiic  de  bien  Icdangor 
27775  s'il  n'y  a  caimu  suffisante; 

Josepli  est  parsonne  puissante, 
ung  lionuno  de  bien  et  d'honneur, 
et  officier  de  l'cnipereiH' 
des  plus  anciens  de  •ludce. 

JACOU • 

277S0  11  est  vray,  et  la  s'est  fondée 

ma  raison,  qui  point  ne  deffault  : 
car  de  tant  que  l'omnie  est  plus  hault, 
et  a  plus  grnnt  bien  cvocqué, 
quant  il  chct  qu'il  a  delinqué, 

27783   sa  pugnicion  est  plus  griefve. 

YSACAK 

Vostrc  raison  est  bonne  et  Ijriefve 
et  vient  de  bon  entendement  : 
Josei)h  a  failly  grandement 
s'il  a  commis  ce  que  vous  dittes; 
277W  ce  ne  sont  pas  choses  petites 
a  luy  qui  tant  se  loue  et  prise 
do  commettre  une  telle  emprise, 
se  n'est  par  le  congé  de  nous. 

JOATHAN 

Kt  messeigneurs,  que  diriez  vous, 
27795  s'il  fault  que  le  lait  se  dcscueuvi-e, 
se  Joseph  avoit  fait  cest  oeuvre 
par  la  licence  du  prevost  ? 
fust  en  publique  ou  en  repost, 
il  m'est  advis  qu'il  le  peut  faire. 

YSACAR 

27800  Non  fait. 

JOATHAN 

11  fault  donc  qu'on  declaire 
les  causes  qui  l'empescheront. 

YSACAH 

Tout  surpiés  bailliés  vous  seront 
ainsi  que  je  le  puis  entendi-e. 
Je  confesse  quant  au  despendre 

27805  que  Pilate  licitement 

en  peust  donner  congé  vrayement, 
voire  a  gens  qui  sont  dessoubz  soy 
ne  ne  sont  point  do  nostro  loy, 
comme  sergens  et  gens  d'office, 

27810  bourreaux,  exploitour.s  de  justice  : 
ceulx  la  doyvont  exécuter, 
pendre,  deppendre  et  emporter; 
mes  a  nous  qui  bien  maintenons 
la  loy  (jue  du  grant  Dieu  tenons, 

27815  si  no  la  devons  viollor, 

no  nous  en  devons  point  meslcr  ; 


.1  O  U  K  N  E  li 

et  s'il  estoit  necuessité 

connue  pour  bien  de  la  cité 

ou  pour  quoique  autre  grant  affaire, 

27820  encor  no  le  devons  point  faire, 
si  non  par  congé  des  recteui'H 
des  princes,  des  législateurs 
qu'ilz  ce  voulsissent  consentir. 
Oi'  veil  au  propos  rovortir  : 

27826  Joseph  de  nostre  loy  se  tient 

et  nostio  ordonnance  entretient; 
si  dy  qu'il  ne  pouoit  de  fait 
achever  le  fait  qu'ii  a  fait 
se  n'estoit  par  nostre  vouloir, 

27830  et  qui  brief  l'en  feroit  douloir, 
on  ne  luy  foroit  que  raison. 

CAYPHE 

J'entendz  assés  près  l'achoi-son, 
seigneui-s,  qui  vous  meult  a  ce  dire  ; 
mes  poui-  la  chose  miculx  conduire, 

27835  avant  que  j'en  puisse  ordonner, 
ouyr  vous  vcil  déterminer 
s'il  est  rai.son  qu'il  soit  pugny  ; 
et  par  le  vray  Uieu  infiuy, 
s'il  est  coupable  sur  ce  pas, 

27840  la  mer  no  l'en  laveroit  pas 
qu'il  n'en  ait  sa  pugnicion. 

BA.NANIAS 

Cher  sire,  soubz  correction, 
a  bien  le  fait  considérer, 
on  peust  par  droit  délibérer 

27815  que  Joseph  par  ses  mesprisons 

convient  pugnir  par  deux  raisons  : 
l'une  en  tant  qu'il  a  fait  office 
do  gent  de  la  laye  justice 
dont  l'eu  peust  arguer  sa  famé 

27850  puisqu'il  despend  ung  homme  infâme, 
et  encore  que  costc  olFence 
a  commis  sans  nostre  licence 
et  si  pies  du  haultahi  sabbat; 
la  seconde  raison  l'abat, 

278OT  et  veil  qu'elle  soit  exprimée  : 
car  la  commune  renommée 
a  ja  passé  grand  temps  couru 
qu'il  est  des  disei|ilcs  Jhesu 
ses  ceriinonies  tenant  ; 

27860  il  le  montre  bien  maintenant  : 
chacun  le  juge  qui  l'entend, 
car  il  n'a  pas  esté  content 
de  l'avoir  servy  en  sa  vie 
s'il  n'a  après  sa  mort  ravye 


365 


27779  iifluaiicfz  B.  C.  —  2779i)  li.iles  B.  C.  —  27798  ou  eu  reposl  B.  —  27806  voiii-meut  C.  —  27808  (jui  H.  C.  —  27S2J 
<:i:]  si  B.  se  C.  —  27827  poniroit  B.  deflairo  C.  —  27828  le  fait  ne  latTairo  C.  —  27849  eu  glose,  iiu-dessiu  Ua  mot  faine  : 
.1.  renouiiuee.  A.  —  27859  teuu  U. 


I 


366 

27865 


MISTEKE    DE    LA   PASSION 


«7870 


27875 


27880 


27885 


27890 


27895 


27900 


^7005 


27910 


sa  char  uiiu'to  jus  de  la  croix; 

par  quoy  sans  plus  douliter,  je  crois 

qu'il  est  de  cculx  de  sa  cordelle. 

JORRAN 

Quant  a  cela,  la  chose  est  telle 

que  Josi  ph  passé  grant  espace 

a  la  ronoramce  et  la  grâce 

d'avoir  ce  Jhesus  bien  a  main 

et  de  luy  faire  soir  et  main 

moult  de  services  beaux  et  gens  ; 

et  tant  a  luy  comme  a  ses  gens 

il  s'est  monsti'é  tousjours  bien  large: 

par  quoy  s'on  l'occupe  et  le  charge 

d'avoir  failly  en  ceste  clause, 

je  tiens  que  ce  n'est  point  sans  cause, 

car  il  est  ung  de  ses  complice-. 

NAA.S0N 

Pour  mieulx  advertir  ses  malice», 
dont  il  y  poust  avoir  foison, 
il  soit  mis  en  bonne  prison 
par  mon  conseil  très  bien  serré, 
bien  encepé,  bien  enfferré 
tant  qu'il  n'eu  saille  de  ce  mois  ; 
lors  s'il  se  voit  en  telz  destrois, 
il  congnoistra  de  ces  meffais, 
lesquelz  a  perpètres  et  fais 
au  dommage  de  nostrc  loy, 

ANNE 

Voire,  mes  je  me  doubte,  moy, 

qu'il  n'en  sourde  sedicion 

après  la  malédiction 

que  do  ce  Jhesus  avons  eue  : 

le  peuple  très  fort  s'en  argue 

et  en  font  a  part  leur  recort 

que  c'est  sans  cause  et  a  grant  tort 

que  Jhesus  a  pardu  la  vie 

et  que  ("'a  esté  par  envye, 

ne  la  sentence  n'est  pas  bonne; 

mes  cela  ne  nous  toit  ne  donne, 

car  on  ne  peust,  au  fort  aller, 

aux  folz  deffendre  le  parler  : 

tousjours  bavent  gens  en  derriei'e; 

mes  je  le  dy  pour  la  manière 

que  se  ce  Joseph  faisons  prendre 

si  brief,  nous  pourrions  bien  mesproudre 

veu  qu'il  est  homme  bien  cremeu 

et  que  le  peuple  est  tant  esraeu 

qu'il  n'y  a  manière  en  son  fait. 

EUACHIN 

Toutcffois  fault  il  qu'il  soit  fait 


et  qu'il  soit  pris  comment  qu'il  soit, 
car  brief  s'on  ne  l'en  pugnissoit, 
maulx  en  pourroient  venir  grant  somme  : 
n'est  ce  pas  fait  d'ung  mauvais  honune, 

27915   luy  qui  est  de  nostre  alliance 
de  nostre  loy  et  cognoissance, 
de  soy  allier  a  l'omblee 
a  ceste  maudite  assemblée 
de  Jhesus  et  ses  compaignons 

279i0   que  toujours  tant  hay  avons  ? 
Bien  veult  nostre  loy  despiter  : 
quand  il  a  veu  exécuter 
cest  homme  cy  par  son  malice 
et  mourir  par  vraye  justice 

2792J   au  gibet  de  la  croix  pendant, 
l'a  voulu  estre  deppendanl 
et  sans  nous  cvocquer  au  faire. 

NACHOR 

U  se  monstre  nostre  adversaire 
comme  on  peust  juger  par  ce  iioint  ; 

27930  puisqu'a  nostre  ennemy  se  joint, 
il  ne  se  monstre  pas  amy, 
mes  ainçois  se  monstre  ennemy 
et  est  digne  qu'on  le  pugnice 
ou  qu'a  toujours  on  le  banice 

27935  de  nostre  congregacion. 

CAYPHE 

C'est  doncques  vostre  intencion 
qu'il  soit  prins  a  toute  rigueui', 
et  comme  ung  desleal  brigueur 
soit  pugny  de  prison  cruelle  ? 

NATHAN 

279i0   Nous  sommes  tous  do  la  querelle  : 
qu'il  soit  prins  tout  présentement 
et  admené  soubtillemont 
loger  par  dedens  nos  prisons, 
et  alors  que  nous  le  tondrons, 

27945  nous  jugerons  de  son  oifence, 

s'il  doit  souffrir  moit  par  sentence 
ou  sn  la  prison  doit  souffire  ? 

CAYPHE 

Estes  vous  tous  de  ceste  tire  ? 
n'y  mest  pardonne  contredit  ? 

JHEROBOAN 

27950  Nous  ensuyvons  ce  qu'il  a  dit, 
il  n'y  a  celluy  qui  réplique  : 
puisqu'a  nous  grever  il  s'applique, 
nous  luy  devons  guerre  mener. 

JACOB 

FaictcB  le  prendre  et  admener 


27879  couiplices;  discipli-s  U.  -  27880  aooinplir  A.  —  27881  a  foison  C.  —  27923  son]  sa  B.  —  27930  qua]  que  A.  — 
27932  se  rend  B.  C.  —  27933  bannisse  B.  C.  —  27934  Et  que  ja;nais  il  ne  se  unisse  B.  G.  —  27938  tel  mauuais  brigueur 
B.  très  mauuais  trompeur  C.  —  279-43  lojjie  B.  G.  —  27916  lobtendrons  K.  —  27952  guerroier  B.  C. 


Qb'ARTIi  JOURNEE 

?7W>3  tandis  qu'il  csl  eu  cesto  ville  : 
la  ooulpo  est  si  oi'do  et  si  ville 
(ju'oii  110  l'on  [xiiirioit  trop  [Higiiii'. 

GAYPHE 

Faictos  moy  mes  sorgoiis  venir 
en  assos  grosse  coniiiaigiiie, 
i7960  et  pour  dimbto  de  l'escariuyi-, 
faictes  les  armer  uiig  petit. 

MAUUOCEUS 

J'en  feray  a  vostre  appétit  : 

vos  comuiand/-  ne  sont  pas  cliargeii». 


367 


aUBULU 

Ou  veri'a  ja  qui  en  ara 

s'il  HOU»  fault  vii-or  a  l'esquart. 


Levez  sus,  bedeaux  et  sergeus, 
279()5  courcux,  piétons  et  godoiinaillo, 
armez  vostre  timbre  d'escaille, 
si  venez  devers  monseigneur. 

BRUYANT 

Je  ne  suis  pas  trop  bien  as.sour, 
se  je  n'ay  ma  teste  ferrée. 

ESTONNK 

27970  Qui  que  soit  hardy  batailleur, 

je  ne  suis  pas  trop  bien  asseur. 

DRAGON 

Maleuidaiit,  tu  trembles  de  peur, 
que  tu  as  la  gorge  .serrée  ? 

MALCUIDANT 

Je  ne  suis  i)as  trop  bien  asseur, 
Ï7975  se  je  u'ay  ma  teste  ferrée. 

GLEl'LU 

Puisque  j'empoigne  ma  plommee, 
je  suis  hardiz  comme  ung  héron. 

BRUYANT 

Une  teste  est  tost  assommée, 
I  puisque  j'empoigne  ma  plommee. 

ESTONNÉ 

27980  S'il  convient  qu'il  y  ait  armée 
Dieu  scet  quel  butin  nous  aron. 

MALCUIDANT 

Puisque  j'empoigne  ma  plomnioe, 
L  je  suis  bardy  comme  ung  héron. 

r  DRAGON 

Qui  voudra,  nous  nous  en  iron 
27985  devers  monseigneur  qui  nous  huche  ; 
nous  sommes  pris  pour  fere  embusche 
_  a  tous  propos,  tarabara. 


27090  Monseigneur,  Dieu  vous  sauft  et  gard  ! 
veez  cy  vostre  gent  assemblée. 

CAYPHB 

II  y  a  notable  assamblee 
quand  vous  estes  tous  assanjblos  ; 
a  vosti'c  samblant  vous  samblez 
27995  tretous  eschappés  de  bon  heu  : 
il  le  me  samble. 

ESTONNÉ 

Voir  a  Dieu, 
nous  samblons  ain.si  qu'il  vous  plaist  : 
au  fort  ce  qui  y  est  y  est; 
je  croy  qu'on  n'y  a  pris  no  mis. 

JORRAN 

SSOOO  Ils  no  sont  point  trop  endormis 
et  croy  que  s'il  venoit  au  boire, 
ilz  aroient  tantost  memoiic 
de  recorder  une  leçon. 

CAYPHE 

Ça,  soigneurs,  vecy  .la  façon 
28005  et  la  matière  a  quoy  je  vicn  : 

je  croy  que  vous  congnoissez  bien 
ung  officier,  ung  gouvei-ncur 
de  nostre  sire  l'empereur, 
nommé  Joseph  d'Arismathie  ? 

MAIXIUIDANT 

28010  Je  sçay  bien  en  quelle  pai-tic 
il  est  de  ceste  heure  présente, 
et  quant  a  moy,  je  me  présente 
de  l'aller  quérir,  si  le  faidt. 

BRAGON 

.Nous  le  congnoissons  sans  dert'ault 
28015  tretous  ensemble  sus  et  jus  ; 
c'est  cil  qui  despendist  Jhesus 
et  le  niist  en  son  monument. 

CAYPHE 

Tu  dis  vray,  c'est  il  voirement, 
et  pour  cause  qu'il  a  failly, 
2S020  c'est  raison  qu'il  soit  as.«ailly 
pour  mettt-e  a  execucion  ; 
si  avons  prins  conclusion 
que  vous,  sergens,  allez  grant  erre 


27900  cscreniie  B.  C.  —  279()5  eocuiiiuiille  C.  —  27'.170  Mtilleur  A.  —  27070  jai  hapiw  A.  —  87U77-8S  iiKiii-jucnl  A.  — 
27987  taribara  C.  —  279.^9  Je  suis  uiif?  dangereux  coquart  A.  —  Î799e  Or  laissons  ceoy  de  par  dieu  A.  —  HOW-ÏSOOl 
manquent  A.  —  28005  Sergens  «  mou  propos  reuien  A.  —  ÎSOi-4  11  eu  ii  parle  bien  et  hauU  B.  C.  —  88018  justement  lî.  C. 
^  2S02;i  grant  erre]  bâtant  A. 


368  M  1  S  T  E  K  E 

en  la  cité  ou  sui'  la  terre, 
28025  ou  que  vous  en  arcz  nouvelle  ; 
le  prendre/!  par  bonne  cautellc 
et  l'adnienez  par  devant  nous. 

GUEULU 

Et  après  ? 

ELUCHIN 

Et,  sire,  est  ce  a  vous, 
que  nous  en  devons  rendre  compte  ? 
28030  allez  faire  ce  qu'il  vous  compte, 
et  puis  retournez  droite  voye. 

GUEL'LU 

Pardonnez  moy,  je  me  jouoye 
et  aloye  a  la  bonne  foy  ; 
mais  atendez  vous  bien  a  moy 
28035  qu'avant  qu'il  soit  heure  de  nonne 
vous  Tarez  en  propre  parsonne, 
ou  jamès  je  ne  vueil  mangier. 

NACHOR 

Sus!  soudars,  allez  abregier  : 
admenez  le  présentement, 
28040  et  vous  maintenez  tellement 
qu'au  peuple  n'en  soit  mencion 
pour  doubtc  de  sedicion 
qui  tost  se  pourroit  esmouvoir. 

BRUYANT 

Le  fault  il  tant  ramentevoir  ? 
28045  nous  sçavons  bien  jusques  a  la.    ■ 

Sus  !  compaignons,  qui  l'a  il  l'a, 

au  jour  d'huy  est  nostro  journée  : 

alons  m'en  faire  une  traineo 

et  fuster  lieux  dru  et  menu  ; 
28050  se  le  faulx  mastin  est  tenu. 

Dieu  scet  qu'il  sera  pourbondy. 

ESTONNÉ 

On  verra  qui  sera  hardy, 
s'il  vient  aux  horions  donner. 

[Pose.] 


MADELAINE 

Helas  !  bien  doy  grand  dueil  mener, 
28055  et  par  tristesse  démener 

mon  povro  cueur  qu'en  pleurs  se  noyé  ! 


DE    LA    PASSION 

Qui  pourra  mon  dueil  extimer 
et  le  grand  courroux  exprimer 
qui  tout  mon  corps  trouble  et  dcsvoye  ? 

2S060  Moult  me  tarde  que  je  te  voye, 
doulx  Jhesus,  vérité  et  voye 
aux  pécheurs  et  port  de  salu  ; 
Ta  doctrine  ensuivre  soulo  e 
et  toy  oir  quand  je  vouloie  : 

28065  helas  !  maistre,  or  t'ay  je  pardu  ! 

MARIE   JACOBY 

0  doulx  Jhçaus,  que  feray 
ou  iray 
a  ma  dure  desplaisance  ? 
en  ta  deft'aulte  niourray 
28070  et  chei'ray 

en  i)iteuse  doleance  ; 
Jadis  fug  nostre  espérance 

soure  et  franche 
pour  nos  deffaulx  corriger  ; 
28075     or  es  tu  mort  sans  doubtance  : 
ta  puissance 
ne  l'a  volu  retarger. 

MARIE   SALOMÉ 

Vray  Jhesu  Crist ,  proiihete  saint  et  digne, 
aux  malades  très  sainte  médecine, 
port  de  salut  aux  périls  de  la  mer. 
Tu  m'as  nourry  en  ta  sainte  dqctrine, 
et  j'ay  receu  ta  doulce  discipline 
que  tout  bon  cueur  doit  fermement  amer  ; 
Or  t'ay  i)ardu,  qui  forment  m'est  amer, 
or  t'ay  pardu,  n'y  vault  le  reclamer, 
dont  j'ay  tel  dueil  qu'a  peu  que  je  no  fine  ; 
Faulce  envye,  qui  tan  fais  a  blasmer, 
quand  tousjours  fais  tes  ministres  armer 
contre  les  bons  et  les  poingz  connue  espine  ! 

MADELAINE 

28090  Seurs,  de  voslre  grâce  bénigne 
oez,  s'il  vous  plaist,  ma  raison  : 
pour  faire  des  plaintes  foison, 
nostre  cher  maistre,  a  dire  voir, 
ne  pouons  trouver  ne  ravoir  ; 

28095  vous  sçavez  que  la  mort  l'a  piis 
dont  les  Juifz  ont  tant  mespris, 
qu'il  n'est  bouche  qui  le  sceut  dire  ; 
mes  pour  honorer  le  bon  sire 
après  sa  moi't  comme  devons, 

28100  puisqu'en  vie  ne  le  trouvons. 


28024  Partout  et  que  vous  querez  tant  A.  —  28025  Que  de  luy  vous  ayez  nouuelle  B.  C.  —  28026  Et  puis  par  soubtille 

A.  —  28027"  Prenez  le  et  nous  ladmenez  A.  —  280i8  Monseigneur  ne  vous  souciez  A.  —  28029-34  mongiient  A.  —  28031 
rauenez  C.  —  28035  Auant  A.  —  28044-53  remplacés  dans  A.  par  les  quatre  vers  suàanls  :  Nous  y  ferons  si  bon  deuoir 
Que  vous  en  serez  bien  eoulens  Sus  partons  seigneurs  il  est  temps  Chacun  pense  de  cheminer.  —  28048  hayniee  C.  — 
28051  prebojidy  li.  —  28056  cueur]  corps  B.  Mon  corps  quant  en  C.  —  28059  mon  sens  touclie  et  siniploye  B.  C.  — 
28060  manque  B.  C.  —  28069  deffense  B.  —  28075  en   grant  constance  B.  —  2t079  maladifz  B.  —  28084  niest  manque 

B.  —  28088  amer  C.  —  28096  les  faulx  juifz  A. 


QUARTIi    JOURNEK 


369 


allons  inVii  de  coimumis  accois 
oindre  SDii  très  précieux  corps 
au  saint  «epulcre  ou  il  est  mis. 

MAUIK   JACOHY 

Marie,  je  vous  ai  |)roiiiis, 
28105  et  aussi  a  fait  nia  seur  ehcrc 
do  vous  suivir  en  tel  manière 
qu'il  vous  |ilaira  nous  osmouvoir. 

MAUIE   SAI.OMÉ 

Nous  forons  par  1res  bou  devoir 
qu'il  vous  plaira  que  nous  façons, 
28110  et  nous  ensuivrons  les  façons 
comme  vous  les  deviserez. 

MAUELAINE 

Clierc  sour,  avec  moy  vendrez: 
l)icnez  vostrc  boite  chacune, 
et  vous  fournissez  de  pecune 
28115  pour  acheter  oiignemcns  chiers  ; 
nous  irons  sur  les  cspieiei's 
quérir  ce  qui  est  nécessaire 
pour  oindre  le  corps  debouuaire 
de  Jhesus,  nostre  doulx  seigneur. 

MARIE    JACOBY 

S8120  Le  plus  brief  nous  est  le  meilleur  : 
allons  m'en,  que  Dieu  nous  conduie  ! 

[Pose.] 


de  quel/,  jculz  vous  sçavez  jouer  ; 
vostre  pi'occ»  est  ja  tout  fait. 

BRUYANT 

Chacun  congnoisl  ja  vostre  fait, 
vous  no  si'i'ez  pas  oul)lir'. 
œiw  Sus!  compaiguous,  qu'il  soit  lyé 
par  les  |>oinga  d'une  bonne  corde. 

ESTONNÉ 

J'en  suis  coûtent. 

MALCIilUANT 

Et  je  l'accorde  : 
il  n'est  point  seuremcnt  ainsi. 

JOSEPH 

Comment  !  je  n'entendz  point  cccy  ; 
88145  en  quoy  ay  je  peu  tant  nicsprcudrc  ? 

DRAGON 

On  le  vous  fera  bien  entendre 
avant  qn'il  soit  guaires  d'espace  ; 
sus!  sus!  escarrissez  la  place, 
il  n'est  pas  saison  de  pi'cschcr  : 
Î8150  il  fault  le  i)ays  depescher 

de  vostre  sanglante  charongne. 

JOSEPH 

Veez  cy  douloureuse  besongne 
de  moy  si  nidement  tiaictier, 
et  feusse  je  ung  mauvais  meurtrier, 
28155  si  me  grevez  vou.*,  ce  scet  Dieux. 

OUEULl' 

'Aussi  ne  vauls  tu  guaires  inieulx. 


28125 


MALCUIUANT 

Compaignons,  menons  chère  lye  : 
veez  la  .loseph  que  nous  querons. 

DRAGON 

Tu  dis  vray,  tantost  prcstz  serons 
pour  l'agripper  par  son  poui-point. 
Ça,  maistre,  ne  rebellez  point  : 
faictes  vous  icy  le  gro.sbis  ? 
vous  verrez  par  devei^s  nobis  : 
passez  avant  Icgcrcmont. 

JOSEPH  rl'Arixriiathie, 
28130   Messeignours,  allez  doulccment  : 
quel  chose  me  demandez  vous? 

GUEULIJ 

Vous  le  sçaroz  a  vos  chers  coutz 
avant  qu'il  soit  guaires  plus  tard; 

Ivous  estes  ung  mauvais  paillard  : 
Ï8I35  ce  scet  on  bien,  sans  plus  huer, 


Seigneuis,  veez  cy  vostre  adversaire  : 
regardez  qu'on  en  vouldra  faire 
pour  l'abréger  tout  d'une  tire. 

JOSEPH 

2SI60  Gaypho,  et  vous  Anne,  beau  sire, 
est  ce  de  vostre  asscntement 
qu'on  me  traicte  si  rudement 
par  (lovant  vostre  smagogue  ? 

CAYPHK 

Josei)h,  ne  soyez  point  si  rogue  : 
i»i(&  il  n'en  fault  ja  si  hault  parler; 
lions  110  vous  en  voulons  celer 
aflin  qu'il  n'y  aist  tant  sougio. 
Ouy,  c'est  do  nostre  congié, 
et  non  pas  sculonient  de  nous, 
Î8170  mes  par  l'cnhortemeut  de  tous 


2S101  I.yons  nous  de  H.  C.  —  28102  Daler  oiiigiire  son  digne  B.  C.  —  2S107  pourinouuoir  lî.  C.  —  28108  II  nons 
fault  la  rliose  esinouuoir  U.  C.  -  28100-10  manqu-iit  A.  —  28U1  Tout  ce  que  A.  —  28127  greliis  A.  grobis  B.  —88138 
coups  A.—  28135  parler  C.  —  28130  pas]  bas  B.  —  iSUi  dacturd  A.  —  ïSliS  aourdez  <le  eesle  C.  —  ÏS167  soit  proloDgi» 
'  B.  0. 


Pas. 


370 


MISTERE    DE   LA    PASSION 


les  scribes  et  pharisiens. 

JOSEPH 

Volontiers  orray  les  moyens 

de  quoy  vous  me  voulez  charger. 

NAASON 

Joseph,  pour  le  cas  abregei', 

28175   messeignours  les  princes  haultains 
sont  informés  et  bien  certains 
d'uug  cas  bien  villain  et  bien  ort 
qui  par  vous  et  par  vostre  enhort 
a  esté  de  nouveau  commis. 

28180  On  dit  que  vous  avez  desmis 
et  deppendu  de  la  croix  jus 
le  corps  de  ce  mauvais  Jhesus 
que  la  justice  avoit  fait  pendre  : 
cj  n'est  pas  a  vous  a  deppendre, 

28185  comme  il  samble  a  mes  bons  seigneurs  ; 
et  pour  les  faultes  et  eri'eurs 
de  vous  qui  sont  désordonnées 
et  qui  nous  sont  des  or  données 
par  très  btlle  infoimacion, 

28190  vous  en  arez  pugniciou 

correspondant  a  vostre  ottVnce. 

JOSEPH 

Messeigneurs,  de  vostre  licence 

vous  m'orrez  ung  peu,  s'il  vous  plaist  : 

je  ne  sçay  pas  s'il  vous  desplest 

28195  de  mon  cas  a  si  dure  somme 
que  pour  ensevelir  ung  homme 
vous  me  doyez  si  fort  pugnir  ; 
et  a  la  vérité  venir 
je  ne  veil  pas  nyer  le  fait  • 

28200  moy  mesme  ne  l'ayo  fait  : 

je  l'ay  fait  on  propre  pai'sonne 
voire  pour  Dieu  et  en  aulmonne, 
comme  en  ayant  compassion 
de  la  piteuse  passion 

28205  qu'il  a  euduree  et  soutferte 

sans  inelFait  ne  quelque  desserte, 
comme  l'en  dit;  je  n'en  sçay  plus. 
Et  pour  ni'excuser  au  surplus, 
j'ay  raisons  en  quoy  je  me  fonde  : 

28210  des  le  commencement  du  monde 

vous  sçavez  que  nos  premiers  pères 
ont  tenu  a  bien  graiis  misteres 
de  baillier  noble  sépulture 
au  corps  d'humaine  créature  ; 

28215  de  Seth  avez  leu,  n'a  cely, 
comment  jadis  ensevely 
noblement  son  cher  pcre  .Vdani  \ 


28220 


28225 


vous  lisez  aussi  d'Abraham 
comment  Ysaac  et  Ysmael, 
ses  filz,  luy  firent  ung  tombel 
bien  riche  et  d'apparence  grosse, 
en  quoy  y  avoit  double  fosse 
lequel  au  champ  d'Esron  assirent 
ou  quel  après  sa  mort  le  mirent  ; 
de  David  aussi  avez  leust 
que  riche  sépulture  il  eust, 
et  d'autres  une  infinité 
qui  leur  notable  parenté 
ont  décoré  finablement 
28230  par  les  enterrer  noblement 
et  baHlier  riche  sépulture. 

ELUCHIN 

J'entendz  que  vous  voulez  conclure, 
mes  tout  ne  vault  jias  une  amende  ; 
nous  sçavons  bien  que  Dieu  commende 

28235  que  nos  mors  devons  ordonner 
et  riches  monumens  donner 
voire  a  chacun  selonc  son  cas, 
mes  la  loy  ne  commande  pas 
qu'ung  homme  deffait  et  infâme, 

28240  mort  en  croix  a  très  grand  diffame 
a  la  confusion  de  ly, 
soit  en  ce  point  ensevely 
que  vous  avez  fait  ce  Jheeus; 
mes  deust  avoir  esté  mis  jus 

28245  par  bourreaulx  et  par  gens  meschan*, 
et  entrayné  aval  les  champs, 
bouté  en  terre  comme  ung  chien. 

JOSEPH 

Messeigneurs,  je  l'ay  fait  pour  bien, 

pour  honneur  de  nature  humaine 

et  pour  la  fcste  souveraine 

de  Pasque  qui  nous  est  présente, 

en  quoy  n'est  pas  chose  décente 

qu'ung  corps  mort  en  croix  demouiast, 

que  le  sabbat  ne  violast; 

et  ne  cuide  en  riens  avoir  vice, 

car  par  licence  de  justice 

du  prevost  a  qui  je  l'ay  pris 

je  l'ay  lait. 

JACOB 

C'est  par  trop  mespris, 
et  veil  bien  que  vous  soiez  ;?age 
28260  qu'oncques  si  très  mauvais  brassage 
ne  brassâtes  en  vostre  vie. 

ANNE 

Vous  avez  la  mort  desservye, 


28250 


28255 


28178  aci'orl  B.  C.  -  28181  El  jus  de  l.i  croix  despeudu  B.  C.  —  28186  faulses  erreurs  G.  —  28213  noble]  nostre  A.  — 
28214  de  Ihuinaine  nature  B.  —  28223  daffrau  G.  —  28225-6  leu,  en  B.  G.  —  28230  Par]  Pour  B.  —  28214  deust]  daust 
"     ^°ust  B.  peut  C.  —  28260  ouur.igo  B.  C. 


Q  U  A  U  T  K 

Joseph,  et  la  proue/,  en  gi'é  ; 

vostre  cas  et<t  au  hault  degré 

ïSios  iiiig  i)eu  plus  que  vous  ue  pensez. 

JOSEPH 

De  colla  in'osbahis  assés 
que  de  mort  doyve  estre  attern; 
seulement  d'avoir  enterré 
ung  homme  juste  et  innocent  : 
28270  quand  il  y  en  aroit  ung  cent, 
si  n'y  chet  pas  telle  amertume. 

C.VYPHE 

Joseph,  c'est  tousjours  vo  coustunie 
de  vous  seivir  de  vos  brocquars  : 
vous  nous  tonci!  poiu-  bien  cocqunrs, 
2S275  qui  coulpables  nous  exprimez 
d'ung  houime  que  vous  exstime/. 
si  très  innocent  que  vous  dictes. 

JOSEPH 

Se  de  la  bouche  y  contreditte», 
vostre  cueur  nyer  ne  le  peust  ; 
282S0   et  ne  sçay  .se  de  riens  vous  nieus^t 
l'eccUpse  et  les  horribles  signes 
et  merveilleuses  disciplines 
que  toute  la  terre  encourut 
a  l'heure  que  Jho.sus  mourut  : 
28285  telz  merveilles  a  grant  foison 

monstrent  qu'il  est  mort  sans  raison, 
quand  toute  nature  s'admoit 
a  iilaindrc  et  doulouzei-  sa  mort  ; 
vous  l'avez  veu,  vous  le  sçavez, 
28290  très  bien  congnoisaance  en  avez, 
et  encor  ne  voulez  gehir 
qu'a  grant  tort  l'avez  fait  niourii' 
et  passer  ce  destresseux  j)as  ; 
mes  plus,  il  ue  vous  souffit  i)as 
88295  de  l'avoir  grevé  en  sa  vie, 
s'encor  par  vostre  rude  envye 
vous  ne  voulez  nyer  la  terre, 
nu  i)ovre  corps  qu'on  ne  l'enterre  : 
et  me  voulez  a  mort  livrer 
28300  pour  l'avoir  voulu  délivrer 
de  la  croix  après  son  trespas  ! 

ANNE 

Dea,  Joseph,  parlez  par  compas  : 
vous  nous  servez  de  gros  lauguaige, 

JOSEPH 

Je  dis  vray  et  assés  langue  ay  je 
2S305  pour  vous  tcsmoiugner  veriti'  : 
c'est  par  vostre  infidélité 
que  le  bon  prophète  est  deftait  ; 


JOURNEE 

oncques  riens  ne  vous  a  mettait, 
et  tousjours  vous  l'avez  hay, 
«8310  et  finableraent  fut  trahy 

par  vous,  n'y  vault  le  contredit. 

CAYPUB 

llaro!  et  plus  dit  et  pis  dit  : 
bon  gré  Dieu,  venez  ça,  Bergen.s, 
prenez  le  et  le  mcctez  leans, 
28315  boutez  l'en  bien  fortes  prisons  : 
janiès  nostre  loy  ue  prisons 
s'il  n'en  ineui-t  av^nt  qu'il  eschappe. 

BRUYANT 

N'ous  estes  mieulx  pris  a  la  trappe 
qu'un  viel  rcgnard,  oit  pautonnier. 

ESTONNB 

28320  Je  croy  que  maille  ne  denier 
ne  l'en  sçaroit  faire  eschapper. 
Chassez  avant. 

MALCUIDANT 
11  fault  frapper 
dessus  luy  autant  qu'on  pourra, 
ou  aultremeut  il  deniourra, 
2S325  car  il  y  vient  par  trop  envis. 

JOSEPH 

Dncques  si  graut  rigueur  ne  vis 
ne  justice  si  très  cruelle  ; 
et  quand  est  a  inoy,  j'en  appelle 
a  la  court  de  l'imperateur. 

JORRAN 

28330  Allez  tousjours,  maislre  docteur  ; 
on  ot  bien  vos  conclusions, 
mes  sauves  vos  bonnes  raisons 
vous  aâ'ullerez  la  tournelle. 

JOSEPH 

O  haultc  puissance  éternelle, 
28335  vray  gubernateur  de  justice, 
tu  vois  la  terrible  injustice 
dont  a  présent  je  suis  servy, 
et  sans  avoir  riens  desservy 
mes  tant  seulement  pour  bien  faire  1 
28340  tu  secs  ce  qui  m'est  ueccessaire  : 
confforte  moy  par  ta  morcy. , 


UHAQON 

Malabriu,  tien  ce  maistre  cy 
et  le  me  loge  la  dcssoubz 
détiens  celle  boite  a  caillouz  : 


371 


î;S2()7  estrc  Hitintjur  C.  —  ZSStiH  Sans  plus  pour  1(.  L.  —  28272  Josi-ph  mati^iue  C.  —  28274  l)i<Mi  a  C.  —  2^^^88  Pc  faire 
luleur  a  B.  0.—  28iyi  gésir  C.  —  28296  Sapres  (Jub  sa  mort  csl  rauye  H.  C.  —  28299  EtJ  Or  A.  —  28319  orl  viiulx  B.  C. 
-  28333  afflubcrea  C .  —  2!>338  le  auoir  C.  —  28344  Dans  cesto  boite  de  .\.  voulte  C. 


372 

28345 


MISTER  P:   de  la   PASSION' 


et  t'en  tien  seur,  je  m'en  desrnès. 

MALABRIN,  geoUer. 
Il  no  m'eschappei-a  janiès 
qu"il  ne  paie  sa  bien  venue, 
puisqu'il  est  de  la  retenue 
et  des  habitaus  de  l'ostel. 

GUEULU 

28350  Pour  toy  dire,  le  cas  est  tel 
que  nos  souverains  citoiens 
les  scribes  et  pharisiens 
l'ont  très  gi'audement  mal  en  grâce  : 
garde  donc  comment  qu'il  se  face 

28355  qu'avarice  ne  te  surmonte; 

sur  ta  vie  rend  leur  bon  compte, 
quand  ilz  le  te  demanderont. 

MALABRIN 

Le  demandent  quand  ilz  vouldront. 
je  le  pense  si  bien  serrer 

28360  et  si  fermement  enferrer 
que  jamès  il  n'en  partira, 
ou  il  fault  dire  qu'il  sera 
ung  bon  joueur  de  passe  passe  ; 
et  a  celle  fin  qu'il  ne  passe 

28365  hors  des  prisons  sans  m'appeller 
ne  qu'on  ne  puist  a  luy  parler 
ne  le  visiter  jour  ne  nuys, 
je  vouidray  très  bien  sceller  l'huis 
pour  en  estre  plus  sccur  encore. 

BRUYANT 

28370  Puisqu'il  est  en  ton  oratore, 

garde  le  au  niieulx  que  tu  pourras. 
Icy  s'en  revont  les  sergens. 


CAVPHE 

Comment  va? 

ESTONNÉ 

11  est  mis  la  bas, 
enferré  de  fers  bien  pesans, 

NACHOR 

Ce  n'a  pas  esté  a  luy  sens 
i8375  d'impugner  nostrc  majesté  ; 
mes  qui  croira  ma  volonté, 
pour  le  brassin  qu'il  a  brassé. 


le  jour  de  la  pasque  passé, 
villainenient  il  en  mourra, 
283S0  et  puis  en  parle  qui  pourra, 
car  il  n'en  ara  aultre  chose. 

CAYPHE 

Soyez  sceur  que  je  le  propose 
et  l'ay  bien  en  intencion. 

NATHAN 

Ce  sera  demonstracion 
28385  aux  autres  et  terrible  exemple 

que  nous,  guberuateurs  du  temple, 
avons  puissance  manifeste; 
mes  en  tant  qu'il  touche  la  feste, 
nous  la  lairrons  passer  ainçois, 

[Pose.] 


MADELAINE 

28390  11  m'est  advis  que  j'apperçois 
l'ostel  ou  devons  adrecier. 

MARIE   JACOBY 

Je  congnoy  très  ))ien  res))icier  : 
il  est  vray,  veez  la  sa  maison; 
il  n'y  a  pas  longue  saison 
28395  qu'il  me  vendit  de  l'ongnement. 

MARIE   SA  LOMÉ 

Pi'endre  nous  en  fault  largement, 
mes  seurs,  et  du  plus  précieux, 
affin  que  le  coi'ps  du  piteux 
Jhesus  soit  doulcenient  enoint. 
l'espicier 

28400  Ça,  mes  dames,  vous  fault  il  point 
de  mes  denrées  gracieuses  ? 
car  j'en  ay  d'aussi  précieuses 
et  d'aussi  joyeuses  a  veoii' 
qu'on  sçaroit  trouver  pour  avoir  : 

28405  veez  cy  baulme  fin  et  loué, 
veez  cy  de  myrre  et  d'aloé 
ongnement  doré  très  décent, 
et  briefment  j'en  ay  plus  de  cent  : 
vous  y  avez  très  beau  choisir. 

MADELAINE 

28410  11  parle  bien  a  mon  plaisir  ; 


28346  Auant  quil  meschaiipe  B.  C.  —  28347  11  me  paiera  13.  C.  —  2S351-2  manquenl  A.  —  28353  Nosseigjieurs  loiit  très 
A. —  28355  Que  malioe  B.  G.  —  28356  Mais  en  saiches  rendre  13.  G. —  28302-3  seara  Des  encliantemens  belle  masse  13.  G. 
—  28374  Je  pensse  quil  cliaee  aux  fouans  B.  eourans  G.—  283S3  bonne  C.  —  28389  ensois  A.  —  28398-9  très  piteux  De 
jhesus  en  soit  partout  oingt  B.  C.  —  28402  de  très  A.  —  28403-4  maH'jucnt  A.  —  2S'jU7  Uigneur  dore  et  très  C.  — 
28408-36   )-cm2>lacés  dans  A  par  h's  sept  cers  suivants  : 


tlourcz,  mes  dames,  eomme  il  sent  ; 
veez  la  noble  ongnemeiil,  ce  croy, 
et  fut  pour  oindre  ung  puissant  roy 
ou  Icmpereur  de  tout  le  monde. 


MADEL.VI.M, 

Lodcur  qui  dicelluy  redonde 
nous  trespereo  jusques  au  eueuv. 
Or  nous  dictes,  mon  bon  s  iu'neur 


g  i;  A  K  T  K 

saichons  se  nous  pourrons  rions  faire. 

MAIllK   JACOBY 

Mon  très  chiei'  ninistro  (l('l)onnaire, 

sans  tenir  si  lonfçs  parleniens, 

monstrcz  nous  de  vos  oignemons 
*S415  bien  chiei-s  et  grande  quantité', 

car  nous  avons  grant  voulcnté  • 

d'y  eniploior  uiig  très  lion  pris. 
l'espiciku 

Vous  en  aroz  d'aussi  liien  pris 

qui  soit  en  ce  monde,  je  croy  ; 
28'iiO  et  fust  il  pour  cnoingdrc  ung  roy, 

s'est  il  bien  prcciculx  et  digne  : 

toneu,  sente/,  a  la  nai'ine, 

si  vous  semblera  sans  mentir 

ung  paradis  a  le  sentir  ; 
SS'.aT)  si  a  tel  oignement  céans 

que  s'ung  roy,  prinee  ou  autre  gens 

en  sont  bien  enoings  «ne  fois, 

on  les  gardera  plus  d'ung  mois 

sans  quelque  putréfaction. 

MARIE    SALOMÉ 

Î8430  Vêla  une  digne  unction 

qu'on  doit  bion  garder  on  renchierc. 

l'espicier 
Aussi  coustc  elle  pour  bien  chiere  : 
mesehans  gens  jamais  n'en  ont  goutte. 

MADEI.AINE 

Ne  nous  chault  combien  elle  couste  : 
Î8'i35  nous  sçarons  bien  ou  l'argent  prendre  ; 

mais  dictes  nous  sans  plus  attendre 

quel  argent  de  nous  vous  arez, 

et  ces  ti'ois  boistes  emplirez 

de  cil  qui  est  de  piis  plus  hault. 
l'espicier 
ssv'iO   Le  seurfaire  riens  ne  vous  vault, 

tout  a  ung  mot  je  vous  diray  : 

vos  trois  boittes  vous  enipliray 

pour  cent  besans,  sans  riens  laisser. 

MARIE   JACOBY 

N'en  pourroit  on  riens  rabaisser  ? 
284'iD  cher  raaistre,  soiez  nous  bognin. 
l'espicier 
En  loyaulté,  dame,  nennin  ; 
oroiez  que  je  n'y  gaigne  guaire, 
et  se  pour  moins  le  pousse  faire 
vous  n'en  iriez  pas  escoudites. 

MARIE   SALOMÉ 

28450  Or  avant!  puisque  vous  le  dictes: 
veez  la  vostre  argent  tout  content. 


.1  0  IJ  R  N  K  K 

l'espicier 
S'il  vous  en  faiilt  cnourc  autant 
après  la  fin  de  cestuy  ci, 
venez  moy  voir. 

MADRLAI.NB 

Vostre  mercy  : 
'  iSKf)  si  nous  en  faiilt,  noii.s  revendrons. 


Or  ya,  mes  seurs,  considérons 
quel  chose  avons  a  besongner. 

.MARlIi    SALOMÉ 

Nostre  fait  est  d'aller  songner 
de  mcctre  gentement  ap|ioint 
28400  ces  fins  ongiKnnens. 

MADELAINE 

C'est  le  iM)inf, 
et  regarder  qu'il  nous  fauldra  ; 
et  si  tost  que  le  jour  sauldra, 
au  monument  nous  eu  irons, 

MARIE  JACOBY 

Vostre  bon  conseil  ensuyvrons, 
28465  et  sera  de  nous  deux  tenu. 

Jcy  vont  mètre  apoint  leurs  oignemens. 


8.    JAQUES  ALPHBY 

Vray  Dieu,  que  m'est  il  advenu  ? 
qu'est  mon  cher  maistre  devenu, 
Jhesus,  tout  mon  affection  ? 
Qui  m'a  mon  seigneur  retenu, 
88470  qui  long  temps  m'a  entretenu 
en  vraye  consolacion  ? 
0  pute  et  faulce  nacion, 
.luifz,  plains  d'obstinacion, 
quel  rigueur  avez  maintenu 
Î8475  D'avoir  livré  a  passion 

vostre  roy  sans  compassion, 
par  vous  mort  en  la  croix  tout  nu  ? 
O  faulce  gent  et  nephaire, 
preste  a  faire 
Î8480     tout  mal  et  iniquité, 
as  tu  osé  tant  meffaire 

que  deffaire 
le  juste  plain  d'équité  ? 
Cueui's  plains  do  crudelité 


373 


28420  manque  C.  —  2S438  boiietes  C.  —  284:tfl-40  De  cpst  ongncniput  noble  et  .li^Mif  Lespii-irr  En  vente  dame  b«ui- 
gne  A.—  2844(1  vérité  B.  C—  28449  irez  A.  B.  séries  G.  —  28454  «dieu  vous  dv  A.  —  28458  penser  C.  —  2S465  trei  bien 
retenu  B.  —  18470  endootrine  C.  -  28473  Foulx  juifz  A.  —  Ï84ï3  en  tel  eruaiilte  li.  C. 


37'. 


M  I  S  T  R  R  I'.    n  F.    L  A    P  A  S  S  I  0  N 


28485  et  durté, 

luy  rendez  vous  tel  salaire 
que  pour  monstrer  vérité 

a  porté 
la  mort  qui  plus  doit  dcsplaire  ? 

RU  BEN 

28490  Jaques,  cher  frero  débonnaire, 
cessez  vos  lanieutacions  ; 
tels  dueilz  et  telz  afflictions 
bien  souvent,  qui  n'y  remédie, 
sont  cause  de  grant  maladie 

28495  et  d'inconvenians  bien  grans  : 
ne  sciez  donc  point  si  engraus 
de  vous  en  telz  pleurs  esmoiivoir, 
qui  vous  pourroient  promouvoir 
en  maladie  très  grevaine. 

GEDEON 

88500  Beau  frère,  il  vous  fault  mettre  paiup 
de  vous  ung  peu  reconforter  : 
l'omme  ne  doit  jamès  porter 
tant  de  dueil  en  son  cueur  exprès, 
qu'il  luy  en  soit  de  pis  apprès 

S8&0&  ne  dont  il  puist  blecier  sou  sens. 

s.    JAQUES   ALPHEY 

La  plus  grand  douleui"  que  je  sens 
est  quand  me  vient  en  remenbrance 
que  je  poi'toie  sa  samblanco 
de  sa  doulce  face  vermeille 

28510  si  très  proprement  que  merveille  : 
et  estions  tout  d'une  estature 
et  cousins  germains  par  nature  : 
or  ont  ces  faulx  Juifz  ouvré 
tant  qu'ilz  l'ont  a  la  mort  livré 

28515  sans  cause  et  très  injustement. 

NEPTALIN 

Pour  pleur  ne  pour  gémissement 
que  vostre  cueur  puist  recorder, 
ne  pouez  sa  mort  retarder  ; 
c'est  fait,  le  conseil  eu  est  prins, 
28580  mes  s'ilz  ont  bien  fait  ou  mesprins, 
ilz  le  trouveront  en  la  fin. 

RUBEN 

Ilz  sont  plains  de  couvert  venin 
et  de  mauvaise  ypocrisie, 
car  soubz  l'ombre  de  sainte  vie 
285S   et  par  une  fainte  justice 

ont  trouvé  le  plus  grant  malice 
dont  jamès  homme  s'advisa. 

s.    JAQUES   ALPHEY 

0  Jhesus,  moult  peu  te  prisa 


ceste  gent  terrible  et  mortelle, 
28530  que  de  toy  livrer  a  mort  telle 
sans  loy  et  sans  riens  confesseï'. 

GEDEON 

11  convient  vostre  pleur  cesser 
et  prendre  ung  peu  rcfl'cction  : 
chacun  scet  bien  l'exactiou 

28535  a  quoy  ilz  l'ont  voulu  conti'aindre  ; 
mes  se  tousjours  le  voulez  plaindre 
et  tousjours  tristesse  endurer, 
celtes  vous  n'y  pourrez  durer  ; 
vous  l'avez  grant  pièce  plouré 

28540  sans  mengcr,  c'est  trop  labouré  : 
au  moins  prenez  quelque  substance. 

s.    JAQUES   ALPHEY 

Ghers  frères,  créez  sans  doubtanco 
que  le  boire  ne  le  manger 
ne  pourroit  mes  deulz  allogei-, 
28545   tant  en  ay,  Dieux  en  soit  loué: 
et  de  fait  j'ay  a  Dieu  voué 
que  jamès  je  ne  mangeray 
jusqu'à  tant  que  je  le  verray 
ressuscité  devant  ma  face. 

NEPTALIN 

88550  Auffort  vostre  vouloir  se  face  ; 
vous  avez  doncqucs  vray  espoir 
qu'il  ressuscite,  et  de  le  voir 
briefment  par  divine  puissance  ? 

s.    JAQUES   ALPHEY 

J'y  ay  si  pai'faicte  espérance 
28555  qu'on  ne  m'en  pourroit  remouvoii'. 

RUBEN 

Dieu  nous  en  doint  briefment  avoir 
nouvelle  qui  soit  poni-fitable. 


Jcy  est  S.  Pierre  en  la  fosse  tout  par  soy. 

s.    PIERRE 

O  fragille  homme  et  variable, 

des  meschans  le  plus  misérable, 
28560  ou  est  ton  cher  maistre  envoyé, 

Jhesus,  le  doulx  et  amiable, 

qui  t'avoit  si  très  agréable  ? 

pourquoy  ne  l'as  tu  convoyé  ? 

Ton  cueur  doit  bien  estre  ennoyé, 
g85fô  en  pleurs  et  en  larmes  noyé 

pour  sa  grand  douleur  importable. 

Quand  si  tost  as  esté  ployé 


28497  duelz  G.  —  2S503  exprès]  porter  G.  —  2S504  Qui  luy  en  scet  A.  n  supporter  G.  —  2SM0  qu.i  mor.ioiUe  A.  —  2S51i 
tous  a.  C.  —  28513  maudis  A.  —  2S526  la  plus  G.  —  28535  ont  A.  —  28538  pourriez  G.  -  28510  et  fort  laboure  B.  C.  — 
2S534  fiance  C.  —  28555  desmouuoir  B.  C.  —  28558  fraille  C.  —  28564  auoye  B.  C 


que  par  trois  fois  l'as  rognoyé  : 
doulx  Dieu,  soies  nioy  pitoialtle. 

8*570       0  Jhosus,  vraie  sa|jieuco, 

j'ay  envers  toy  coniiiiis  oH'cuso 
laquelle  nuit  et  jour  recordo  ; 
Je  t'ay  laissié  par  négligence, 
dont  j'ay  blcssié  ma  conscience 

8S575  et  me  tient  peehié  de  sa  corde  ; 
Mes  en  toy  est  miséricorde, 
laquelle  tous  pécheurs  concorde 
a  ta  doulce  benivolence  ; 
Se  désespoir  ne  me  discoi'de, 

«8580  j'ay  bon  espoir  qu'il  me  raccorde 
a  toy  par  vraie  confidence, 
•l'ay  souftei't  par  grant  pacience 
en  Cfiste  fosse  longuement 
en  plorant  très  amèrement 

88585  sans  manger  ne  prendre  pasture 
pour  la  douloureuse  avanture 
qui  m"a  nouvellement  sourpris. 
Partir  me  veil  de  ce  pourpri», 
assés  y  ay  fait  stacion  ; 

88590  par  pleur  no  lamentacion, 

ne  par  regret  que  sache  faire, 
mon  très  cher  maistre  débonnaire 
nullement  ravoir  no  pourroye. 
Pourtant  je  me  veil  mettre  en  voye  : 

28595  j'iray  mes  frères  visiter 

losquelz  me  pourront  conffortor 
dp.  mon  douloureux  dcseonffort; 
car  homme  seul  n'a  nul  confibrt: 
s'est  bon  que  sui-  sa  douleur  forte 

ïSfiOfl  il  quiere  qui  le  reconfforte. 

Mes  chiers  frères  doncques  querray 
ne  s<^^ay  ou  je  les  trouveray 
n'en  quel  pai't  ont  leur  tabernacle, 
se  ce  n'est  au  lieu  du  cénacle 

28S05  auquel  .Ihesus  sa  cène  fit. 
//  s'en  va. 


[Pose..! 


Loué  soit  le  doulx  .Icsu  Crist 
qui  de  sa  grâce  m'a  mené 
si  très  bien  que  j'ay  assen(; 
di'oit  au  lieu  ou  mes  frères  sont  : 
SSfitû   il  m'est  advis  que  grand  dueil  font 


QUARTE.IOURNEE 

de  nostrc  maiotre  comme  moy. 


375 


|F08E.1 


Frères,  Dieu  vueille  vostrc  amioy 
convertir  en  parfaictc  joye  ! 

s.    ANDRY 

Pierre,  Dieu  nous  doint  trouver  voie 
28815   par  quoy  nous  soyons  resjoy», 
car  nous  sommes  Ai  très  merris 
que  ne  sçavons  quel  part  tourner. 

s.    PIERRE 

Mes  frères,  bien  devons  mener 
grand  dueil  et  graus  pleurs  démener 

28020  quand  nostre  fait  bien  considère  ; 
Quand  cil  qui  nous  souloit  donner 
doctrine  et  reffcctionner 
nos  âmes  par  divin  mistere, 
Est  mort  en  si  gr-ant  vitupère  ; 

88825  or  demeurons  nous  cy  sans  père, 
sans  pasteur  pour  nous  gouverner  ; 
■  II. n'est  ducteur  qui  nous  appere  : 
si  doublons  que,  ne  le  compère 
nostre  amo  avant  le  deffiner. 

8.    ANDRY 

28630        .Ihesus,  or  es  tu  pai  ty 
et  verty 
hors  de  nostre  compaignie  ; 
en  quel  lieu  n'en  quel  party 
es  sorty, 
28635     nous  ne  le  congnoissions  mie  : 
Si  menons  dolente  vie 

et  ravye 
en  telz  lamentacions 
que  par  deslealle  envye 
28640  qui  devye 

as  souffert  tclz  passions. 

8.  JEHAN,  l'evangi-listt-. 
.Ihesus,  nostre  bon  conducteur, 
nostre  maistre,  nostre  pasteur, 
que  si  long  temps  avons  servy, 
886'i5   luifz  t'ont  monstre  leur  vigueur, 
et  ont  destendu  leur  rigueur 
de  t'avoir  a  mort  asservy, 
Eulx  que  tousjours  tu  as  servy, 
de  bien  et  d'houneui'  resservy, 
88650  comme  leal  prédicateur  : 
Or  t'ont  de  vie  descvrv  : 


28577  péchez  C   —  28594  me  inett  ay  a  la   B.    C.  —  88619  plains  C.  —  2s625  demourra   nuslre   repère  B.  C.  —  ÏSOaj 
gouuerneur  B.  —  88(i?8  double  A.  —28648  que]  qui  A.  C.  lu]  les  A.  B.  C. 


376 


MISTERE    DE    LA    PASSION 


lielas  !  qu'avoics  tu  desscrvj', 
quand  pour  bion  portes  tel  douleur  ? 

s.    JAQUES   ZEUEDEY 

Noua  plaignons  en  ton  absence 
28655  ta  présence 

que  plus  no  poons  avoir, 
et  plorons  sans  arrestauce 

la  sentence 
que  t'avons  veu  recevoir  ; 
28660     Nous  poons  bien  concevoir 
tout  pour  voir 
que  nul/,  lions  qui  janiès  dure 
ne  se  pouri'oit  promouvoir 
pour  avoir 
28665     peine  plus  terrible  et  dure. 

s.    HERTHELEMY 

Quand  jadis  avec  nous  régnas, 
doulx  Jhcsus,  tu  nous  gouvernas 
si  bien  et  si  paisiblement  ; 
Si  douloement  nous  ordonnas 

28670  et  ta  doctrine  nous  donnas 

qui  est  de  tout  bien  fondement  ; 
Or  demourrons  piteusement 
sans  chief  et  sans  gouvernement 
en  doubte  du  faulx  Sathanas 

£8675  Qui  nous  peust  grever  grandement 
et  blessier  iiostre  entendement, 
se  de  nous  compassion  n'as. 

s.    THOM.iS 

Gens  la  plus  flore  du  monde, 
toute  immonde, 
28680    quel  horreur  avez  vous  fait? 

faulz  Juifz,  Dieu  vous  confonde  ! 

vostre  fonde 
a  bien  l'innocent  défiait 
Le  plus  saint,  le  plus  parfait 
28685  en  son  fait 

qui  jamos  on  vous  se  fonde  : 
si  convient  que  tel  mefFait 

tout  mal  fait 
Bn  vostre  teste  redonde. 

s.    SIMON 

J88690       O  gent  a  tout  mal  ordonnée, 
que  maudite  soit  la  journée 
qu'envye  ton  sens  retourna. 
Quand  nostre  lumière  donnée 
dont  nostre  anie  est  enluminée, 

28695  par  toy  de  nous  se  destourna  ! 


Jadis  il  nous  enlumina 
et  la  gloire  détermina 
de  la  haultaine  jubilee  ; 
Nostre  bien  oncq  puis  ne  régna 
28700  ne  nostre  foi  lumière  n'a 
puisque  tu  l'as  obnubilée. 

s.    JL'DE 

Gomment  s'enflame  courage 
de  tel  rage 
comme  ces  Juifz  maudis, 
28705     quand  ung  homme  juste  et  sage 
tout  son  aage 
leur  monstre  beaux  fais  et  ditz. 
Sans  leur  porter  contredis 
ne  mesdis 
28710     mes  très  utille  language? 
comment  iceulx  interdis 

si  hardis 
firent  faire  tel  oultrage  ? 

s.    MATHIEU 

C'a  fait  cnvye  la  fetarde 
28715  qui  toute  bonne  oeuvre  retarde 
et  jamès  ne  songe  que  mal. 
Qui  janiès  a  bien  ne  regarde, 
mes  tousjours  rancune  en  eueur  garde 
meue  d'ung  vouloir  desleal. 
0  Jhesus,  pasteur  cordial, 
qui  du  liault  ciel  impérial 
descendis  pour  nostre  avant  garde. 
Quand  en  ce  misérable  val 
fus  no  ducteur  especial, 
de  nos  ennemis  n'avions  garde. 

s.    PHELIPE 

Or  remaint  nostre  assamblee 
ainsi  comme  la  gallee 

esseulleo 
sans  gouvernail  sur  la  mer  ; 
287,'iO     Ce  inonde  est  bion  mer  sallee  : 
a  la  longue  et  a  la  lee 

grand  niesleo 
de  ventz  y  peust  on  sommer  ; 
Fortune  y  veult  droit  calmer, 
28735     et  si  fait  fort  reclamer 

et  nommer  • 

sa  très  variable  allée; 
Or  nous  y  veust  comprimer, 
et  n'y  sçavons  reprimer 
287'éO  ne  rimer, 

car  nostre  guide  est  fallee. 


28720 


28725 


G.  —28631  Pour  tout  voir  C.  —  28681  Maudis  A.  —  28691  la  maniui'  C.  —  28695   Est  par  toy 
,  —  28700  Ne]  Quî  B.  G.  -  28710  prouffltable  eniiort  B.  C.  —  28711  assourdi/  B.    C.  —   28713 


28657  résistance   B.  G. 
morte  et  retourna  B.  C.  —  2S7UU  -Nej  yuj  b.  g.  -  ÏS710  proutHtable  eniiort  B.  C.  —  28711  assourdi/  B.    C.  —   28713 
Que  de  auolr  mis  a  mort  B.  G.  —  2S72I  ciel"]  lieu  C.  —  2872i  nostre  A,  C.  —  28728  Exillee  .\.  —  28738  expri'iier  A 
88741  allée  C. 


g  i;  A  R  T  !•:  jour  n  i-;  k 


28745 


28755 


S.  ANDRY 

Puisque  la  chose  est  la  tournoo 
pt  tjun  l'a  voulu  Dieu  ainsi, 
par  [ileurs  no  par  quelque  soucy 
certes  ne  le  poons  avoii'. 

s.  JAQUES  ZEBKDEY 

Certes,  Amlry,  vous  dictes  voir  : 
riens  n'y  vault  ne  plorer  ne  plaindre, 
combien  que  je  no  m'en  puis  faiudre 
toutes  les  fois  qu'il  m'en  souvient. 

s.    IlERTHELEMY 

SST^O  Or,  mes  frères,  il  nous  convient 
icy  secrètement  tenir, 
et  pour  nos  vies  soustenir 
ensemble  nos  inestiers  ferons, 
jusques  a  tant  que  nous  orrons 
aucune  joyeuse  nouvelle. 

s.  THOMAS 

Vostre  raison  est  bonne  et  belle  : 
no«s  le  ferons  très  volentier. 

s.   MATHIEU 

En  tant  qu'il  touche  mon  mostier 
qui  estoit  de  change  et  de  compte, 
quant  est  a  moy,  je  n'en  tien  compte  : 
jamès  je  n'y  retourneray, 
mes  volentiers  vous  ayderay 
on  vosti'e  besoing  et  affaire, 
soit  a  prescher  ou  soit  a  faire 
quelque  mestier  que  vous  vouldrez. 

S.  SIMON 

Avecques  noua  donc  vous  tendrez, 
Mathieu,  nostre  frère  très  cher, 
et  vendrez  avec  nous  prescher, 
s'il  est  besoing  pour  nostre  vie. 

s.   JUDE 

A  cella  nul  de  nous  n'obvye  : 
chacun  est  tenu  d'y  penser 

s.   PHELIPE 

Premier,  nous  fauldra  conunaucer 
en  nous  tenir  en  oroison 
sans  vuidier  de  nostre  maison, 
pour  double  de  ces  fnulx  Juifz 
desquels  nous  sommes  tant  hays 
qu'ilz  n'en  peuent  oir  parler. 

.s.   AN  DRY 

Il  est  bon  de  nous  recelei' 
pour  double  de  peine  encourir  : 
28780  Jhesus  nous  veille  secourir, 

SI  luy  plaist,  par  sa  doulce  grâce  : 


377 


[PoM.l 


287G0 


28705 


28770 


28775 


A8CANUS 

Chacun  sa  diligence  face 

do  garder  très  bien  son  costé. 

EMIUU8 
Affin  qu'âme  ne  nous  mefface, 
Î8785  chacun  sa  diligence  face. 

MARC  XNTHOINE 

Trassons  tout  autour  de  la  place, 
que  le  corps  ne  nous  soit  osté. 

ASCANUS 

Chacun  sa  diligence  face 

de  garder  très  bien  son  eosté. 

EMILIUS 

«8790  Chacun  s'i  est  très  bien  posté 

jusqu'à  ceste  heure  et  en  grant  point 
si  nous  vendroit  très  mal  appoint 
qu'il  nous  fust  eniblé  a  la  fin. 

MARC  ANTHOINE 

Pourquoy  le  dittcs  vous  ? 

EMIMVS 

Afifin 
Ï8795  que  chacun  si  soit  sur  sa  garde  ; 
car  le  fait  nostre  honneur  regai-de, 
et  y  pend  fort,  vous  le  sçavez. 

ASCANUS 

Kniilius,  se  paour  avez, 
il  n'y  a  miculs  que  d'escarrii-, 
28800  car  quand  est  a  moy,  pour  mourir 
de  la  place  ne  bougeray. 

EMILIUS 

Pourquoy  dittcs  vous  que  paour  ay? 
no  meraillez  point  de  ce  blasme  ; 
quand  a  moy,  jusqu'à  partir  l'ame 
28805  le  monument  ne  laisscray. 

MARC  ANTHOINE 

Si  vaillanmicnt  m'y  conduiray 
que  je  cuide  qu'il  y  perra. 

ASCANUS 

Qui  y  vendra  on  le  verra 
si  hardy  d'y  mettre  le  pié, 
28810  s'il  ne  se  trouve  escanaouchic 
tellement  qu'il  s'en  sentira. 

EMILIUS 

Homme  ne  s'i  embatora  : 

nous  en  poons  estre  tous  sccui-s. 


mf  ^V""l«-1''  P»""!»"^  ;;">■»»•  1--  -  Ï8r.-,1  sooremem  A.  -  ÏS;5i  aurons  C.  -  isn^  l.„..r  )s   K.  -  28Î79  pein.l 
.     a  qui  vomira  qui  ven.lra  H.  Or  ,-.1  «r  vieugne  qu.  p  )ur,«  G.  -  88818  e,nb.trera  B. 


0 


37S 


MISTKRK    DE    I.  A    PASSION 


MARO  ANTHOINE 

Il  a  des  disciples  plusieurs  ; 
28815  se  tout  estoit  bien  assamblé 

le  corps  nous  pourroit  estre  eniblé 
et  l'avy  a  grosse  bataille. 

ASCANUS 

Ayez  vous  peur  do  tel  gcntaille? 

EMILIUS 

S'il  y  a  si  hardy  qui  faille, 
888?0  VOUS  le  verrei!  bien  respillier. 

MARC  ANTHOINE 

Trestout  n'en  vault  pas  une  maille  : 
je  ne  craing  point  telle  piétaille, 
et  fussent  ilz  plus  d'ung  millier. 
Pour  le  guet  ung  pou  resveillier, 
28825  levons  nous  tous  d'une  brigade, 
et  allons  faire  une  virade 
tretout  autour  du  monument 
par  moyen  de  resveillement, 
savoir  s'il  y  a  quelque  émbusche. 

ASCANUS 

S'il  est  ribault  qui  s'i  enibuscbe, 
quelqu'il  soit,  estrange  ou  pi'ive, 
et  il  y  puet  esti-e  trouvé, 
il  ne  fauldra  pas  a  la  feste, 
car  les  espaulles  et  la  teste 
je  luy  pourfenderay  tout  cns. 

EMILIUS 

11  n'y  a  ne  bestes  ne  gens  : 
nous  y  avons  beau  tournoyer. 

MARC  ANTHOINE 

11  est  bon  de  soy  emploier, 
et  n'y  venist  il  jamès  arae, 

88840  car  nous  serions  trop  infâme 
de  le  perdre  négligemment  : 

Car  on  dit  tout  communément 
en  ung  ver  que  j'ay  retenu, 
qu'il  vault  raieulx  au  commancement 

288 'i5   prévenir  qu'estre  prévenu. 

EMILIUS 

Le  guaitier  souvent  et  menu 
nous  est  le  meilleur  par  raison  ; 
mes  je  le  que  nous  reposon 
ung  petit  après  ce  traveil  ; 
28850  mes  gardons  bien  que  le  sommeil 
ne  nous  surprengne.  Vous  voyez 
que  nous  sommes  tant  advoyés 
que  nous  ne  sçavons  desquelz  traire: 


28830 


288,S5 


je  prendray  mon  graut  badelaire, 
28855  si  le  metray  soubz  ma  caboche, 
a  celle  fin  que  s'on  approche 
je  soye  plus  prest  au  hutin. 

MARC  ANTHOINE 

Vecy  pour  donner  beau  tatin 
a  ung  villain  quand  je  m'argue: 
28860   c'est  une  vieille  besague 

qui  poise  comme  ung  vieulx  mortier. 

ASCANUS 

Viengne  qui  vouldra  nous  guettier, 
nous  sommes  bruyans  comme  feu. 

EMILIUS 

Oncques  ribaulx  escoux  ne  fu 
28865  par  la  manière  qu'il  sera. 

MARC  ANTHOINE 

Qui  en  ara,  il  en  ara  : 
il  s'en  fault  rapporter  au  juge. 
Icy  se  rassient  et  leurs  hâtons  soiibz  eiilx. 


LUCIFER 

Deables  de  Finfernal  déluge, 
en  cruelz  tormens  estaudus, 

28870  serpens  dampnés  et  confondus 
en  feu  ardant  et  pardurable., 
niauldis  soubz  peine  interminalile 
tant  qu'éternité  ara  cours, 
venez  moy  bien  tost  a  secours, 

98875  car  la  rage  m'a  pénétré. 


SATHAX 

Haro  !   Lucifer  est  entré, 
ce  m'est  advis,  en  sa  fumée  ; 
escoutez  la  quelle  hemee  : 
il  maine  ung  très  cruel  sabbat. 

ASTAROTH 

28880  Ainsi  fait  il  quand  il  s'esbat; 

ce  sont  les  beaux  jeux  qu'il  scet  faire 
que  de  crier,  hurler  et  braire 
comme  ung  lou  de  rage  affamé. 

BERICH 

Qui  est  ce  qu'il  a  reclamé 
28885  maintenant  a  si  grans  destrois  ? 


2881S  B.  et  C.  ajoutent  le  vers  28821.  —  28819-21  manquent  A.  —  28825  toute  la  C.  —  28828-41  nianiuent  A. 
—  28835  pourfendre  C.  —  28837  tournier  B.  —  28842  Et  si  dit  on  B.  C.  —  28851-67  remplacés  A  par  les  vers  suivants  : 
Ne  nous  surprende  M.  A,  emilius  Cest  bien  dit  or  nen  parlons  plus  Et  esi'outons  tout  bas  et  hanit  Car  certes  sil  v 
vient'ribault  Oncques  ne  fut  a  tel  reffuge  —  2SS71  linfernal  feu  B.  C.  —  28873  trinite  C.  —  28877-9  roullecte  Escoutez 
la  quel  chanconnecte  11  nous  chante  au  proficiat  B.  0. 


>)V  ARTK    .lOURNKK 


■.n'.> 


FERGALUS 

11  n'en  huche  no  deux  ne  trois  : 
il  a  tout  d'ung  cop  appelée 
la  grant  région  désolée 
de  tous  ceulx  qui  sont  en  enfer. 

CEKIIERUS 

2S890  Laissons  cosauios  reschauH'cr 

en  ce  braisier,  eu  ccst  chault  estie  : 
il  fault  aller  parler  au  maistrc 
a  ce  mandement  gênerai. 


LUCIKKU, 

Couvin  maudit,  gendre  infernal, 
288»r>  monstres  divers,  substances  villes, 
ors  sorpeus,  hideux  cocodrilles, 
vieulz  aspics,  horribles  dragons, 
vendrez  vous  point  ? 

SATHAN 

Nous  nous  bousous  ; 
j'ai  desja  chaussé  mes  grans  botes 
ïsaûo  aussi  ternyes  qu'oscarbotes 
de  ratizer  en  ces  fourneaulx. 

l.UCIKEU 

Ung  tel  larron  porto  il  houseaux 
qui  n'a  cheval  n'autre  mouture  ? 

SATHAN 

Si  ay,  d'aussi  belle  statui'e 
28905  qu'on  sçaroit  finer  pour  denier. 

LUCIFER 

Kt  de  quoy  ? 

SATHAN 

D'ung  vieil  usuiier, 
du  fin  fonds  du  puteau  party, 
qui  a  le  dos  si  trcs  rosty 
qu'on  y  cuiroit  bien  eschaudés. 

'  LUCIFER 

18910  Dis  tu  donc  ? 

SATHAN 

Gomment  l'entendez  ? 
Et  s'ay  mes  belles  haquenees 
do  ces  putains  hal)andonnoos 
crouppans  au  bordeau  pour  l'argent. 

LUCIFER 

Fais  tu  tes  chevaulx  de  tel  gent  ? 
28915  tu  no  dois  pas  croupir  au  peaultre. 

SATHAN 

Maistre,  j'en  ay  puis  d'ung,  puis  d'autre, 


qui  n'ont  ne  séjour  no  repos. 
Mes  ce  ne  fait  rions  au  pro|>o.>>  ; 
veez  cy  tous  les  deables  ouneinblo. 
289Î0  et  n'y  a  celluy  qui  ne  tranibln 
a  vous  ouir  braire  si  hault; 
dictes  leui-  quel  chose  il  vous  fault, 
et  ilz  fourniront  la  demande. 

LUCIFER 

Ha  !  Sathan,  la  cause  y  est  graude, 
28925   terrible,  penetrable  et  dui'e  : 

vous  souvient  il  i>oiut  do  l'injure 
dont  ce  Jhesus  nous  a  lobé», 
qm  nous  a  ainsy  desrobés 
et  despouillié  nostrc  manoir 
88930  qu'il  n'y  a  laissio  remanoir 
saint  prophète  ne  patriarche 
qu'il  n'aist  fait  vuidier  de  cest  arche 
ou  jamès  ne  seront  reclus? 

BERICU 

Harau  !  maistre,  n'en  parlez  plus  : 
28935  ducil  ramontu  tousjours  agriefve, 
et  tout  lo  couraige  me  crevé 
touteft'oiz  que  vous  en  parlez. 

ASTAROTII 

Les  wallequins  furent  foules 
bien  laidement,  au  dire  voir  ; 
28940  se  vous  pensez  a  les  ravoir, 
Lucifer,  d'ung  coussin  nuisez. 

LUCIFER 

l'ourquoy  dea  ? 

FBRGALUS 

Vous  vous  abusez  : 
entendez  vous  point  qu'il  veult  dire? 
nous  n'y  avons  peu  contredire, 
2S945  ne  pouons  encore  do  fait  : 
tout  est  perdu,  il  eu  est  fait, 
jamais  n'y  attendez  plus  rien. 

LUCIFER 

Nenuil,  mais  voicy  ou  je  vien  : 
depuis  que  l'esprit  de  Jhesus 
28950  nous  a  desrobés  sus  et  jus, 
réservé  le  peuple  dampné, 
ou  quel  lieu  s'est  il  destourué  ? 
ou  se  tient  il  ne  en  quel  place  ? 

CERBERUS 

Il  n'a  celluy  qui  riens  en  sache 
2895r>  du  colliege  Leviatan. 

LUCIFER 

Kt  toy  en  sces  tu  riens,  Sathan  ? 


28887  dun  son  C.  —  28-i91  ce  hault  B.  C.  —  2889A  Commun  B.  C.  —  2S900  noires  que  C.  —  28907-10  nia/i7u«ii«  A.  — 
28911  Jay  mes  cheuaulx  mes  B.  C.  —  28912  De  mes  B.  —  28916  Ojl  jen  ay  puis  dun  puis  dautre  B.  C—  28920  ne  «miii/ur 
A.  —  28930  ne  manoir  G.  —  2893i-">5  m/tntwnl  A.  —  28941  Ay  l'omment  fera  C.  —  2S9-19  esperit  B.  C.  —  28950  8  r«H- 
placéx  A  2>ar  les  v#r«  iuirants  :  Quest  il  deuenu  ce  jhesus  Ou  est  son  esperit  tourne  Sathan  qui  las  tant  espie. 


380 


MISTRRE    DR   LA    PASSION 


si  bien  l'as  espié  tousjours 
et  essayé  par  tant  de  tours, 
tu  en  dois  sçavoir  quelque  chose, 
2S900  ou,  quant  est  a  moy,  je  suppose 
que  deable  n'y  scet  bouter  groing. 

SATHAN 

Le  sens  m'est  failly  au  besoiiig, 
ne  sçay  qui  deable  m'a  tenu  ; 
je  ne  sçay  qu'il  est  devenu  : 
28965  il  m'est  eschappé  bien  et  beau, 

LUCIFER 

Et  sou  corjis  ? 

SATHAN 

Il  est  au  tombeau; 
au  moins  ainsi  le  croy  je,  moy. 

LUCIFER 

Me  respons  tu  cy  par  je  croy  ? 
escoutez,  mes  deables,  qu'il  dit  ; 
28970  passez  avant,  deable  maudit, 
allez  sçavoir  comment  il  va, 
ou  oncqucs  deable  ne  trouva 
son  sanglant  museau  mieulx  escous. 

SATHAN 

J'y  vois,  magister,  taisez  vous  : 
28975  ne  me  tensez  point  si  en  haste, 
et  je  vous  promès  par  ma  pâte 
qu'a  mon  retour  orrez  nouvelles 
de  Jhesus  ou  laides  ou  belles, 
telles  que  je  les  tiouveray, 
2S980  mes  vostre  benisson  aray 

s'il  vous  plaist,  avant  que  je  pai-te. 

LUCIFER 

Va,  que  de  forte  fièvre  quaite 
chaulde  comme  feu  infernal 
soit  seinct  ton  museau  desleal 
2S985   et  affuUé  par  tel  contraire 

que  jamès  ne  cesses  de  braire  ! 

Icy  s'en  ta  Sathan  vers  le  tombeau. 

[SlLEÏE.I 


DIEU    LE  PERE 

Or  est  la  nuit  très  désirée, 
très  haultcdne  et  très  bien  euree, 
pleine  d'honneur  et  de  vertus, 
28990  que  mon  filz  le  benoit  Jhesus 
doit  retourner  de  mort  a  vie, 
et  par  sa  puissance  infinie 


puissamment  doit  ressusciter, 

après  qu'il  a  voulu  porter 
28995  de  mort  la  terrible  pointure 

pour  le  bien  d'humaine  nature 

qu'il  a  remise  en  liberté  ; 

la  nuit  qui  n'a  point  d'obscuité, 

la  nuit  qui  plaisant  rcgart  a, 
29000  la  nuit  de  qui  David  chanta 

disant  on  ses  pieulx  regrés 

ainsi  :  Et  nox  sicui  dies 

plene  illumivabitur  ; 

prophetizant  du  temps  futur, 
29005  David  chanta  a  voix  haultaine 

que  ceste  nuit  de  joie  plaine 

seroit  par  raison  ordonnée 

comme  ung  beau  jour  enluminée  : 

or  la  vouldray  je  enluminer 
29010  et  a  mon  filz  déterminer 

d'anges  par  exultacion 

tout  pour  sa  résurrection 

qui  en  elle  sera  parfaicte 

selonc  la  lettre  du  prophète 
29015  qui  de  bon  cueur  la  désira. 

Mes  angles,  il  vous  convendra 

a  ceste  nuytee  présente 

faire  feste  très  excellente 

de  vostre  vray  roy  et  seigneur, 
29020  affin  que  la  dure  douleur 

que  pour  sa  mort  avez  sortie 

soit  en  plaisance  convertye, 

quand  ressusciter  le  verrez. 

MICHEL 

Ce  que  vous  nous  commanderez, 
29025  nostre  bon  Dieu,  nostre  cher  maistre, 
sera  accomply  sans  y  mettre 
ung  seul  point  de  dilacion, 
esperans  que  la  mancion 
du  ciel  en  sera  resjouye. 

RAPHAËL 

29030  La  vostre  volonté  ouye, 
incontinant  l'acomplirons 
et  le  doulx  Jhesus  servirons 
a  sa  bénigne  vol  enté. 

DIEU    LE    PERE 

Four  monstrer  la  grant  majesté, 
29035   la  dignité,  la  grant  puissance 
que  nostre  divine  ordonnance 
monstrera  ceste  nuit  eu  terre, 
je  veil  que  vous  allez  grant  erre 
au  monument  ou  il  est  mis 
290'i0  pour  exterrir  ses  ennemis 


28963  quel  gibet  B.  C.  —  28972  Ou]  Car  B.  G.  —  28974  mon  maistre  B.  C.  —  28978  ou  bonnes  ou  B.  —  28980  vostre] 
une  B.  C.  —  2S99S  na  obscurité  B.  G.  —  89008  beau]  vray  G.  —.29015  deuisa  G.  —  29018  preocllente  B.  C.  —  29027  point] 
peu  C. 


QUARTli   JOrRNEE 


381 


qui  s'ctlofccnt  a  le  gai-dcr, 
et  i)our  noncer  et  commander 
aux  bonnes  dames  qui  vctidi'oiit 
comment  elles  se  niaintcndront 

29045  pour  la  vcrito  publier; 

et  ne  vouldray  i)as  oublier 
de  metti'c  a  execucion 
ce  dont  David  fait  mançion 
quand  il  dit  :  Terra  Intnuit 

20050  et  finalittr  convertit 

dum  surgcret  et  cetera, 
la  terre  briefniont  tremblera 
quand  ressuscitera  mon  fdz, 
dont  très  fort  seront  descouftis' 

29055  les  Juif/,  de  voidoir  cruel. 
Allez,  Michel  et  Raiihacl, 
et  faictes  bonne  diligence  ; 
Gabriel  est  en  la  présence 
de  nostre  pucelle  Marie 

29000  qui  do  sa  tristesse  marrie 

a  son  pouoir  la  resconfforte  ; 
mes  foy  n'est  pas  en  elle  morte  : 
_  tousjours  a  tenu  et  tcudi'a 

\  que  son  filz  briefnient  revendra 

29065  vivant  en  corps  gloriffié, 

et  s'est  tousjours  son  cucur  fié 
en  sa  bcneuroe  promesse, 
et  briefnient  a  joye  et  liesse 
veiTa  la  promesse  adverir, 

MICHBI, 

29070  Pcre,  vostre  divin  plaisir 
allons  faire  a  chère  jolie. 

RAPHAËL 

Et  je  vous  tendray  conipaignie  : 
tantost  au  monument  serons. 


Tandis  nous  nous  rcsjouirons 
29075  en  ce  paradis  glorieux 
a  chanter  motès  gracieux 
par  devant  le  trône  divin  : 
chantons  ensemble,  Séraphin, 
par  gracieuse  mélodie. 

SERAPHIN 

29080  J'y  veil  mettre  mon  estudie 
a  moduler  dittiez  serains 
pour  resjouir  les  souverains 
do  liesse  haulte  et  nouvelle, 
car  jouinee  si  sollennelle 

29085  requiert  bien  de  mener  soûlas. 


Icy  se  doit  ferc  ung  grant  tempeste  en  enfler 
et  nir  la  terre  pour  faire  trembler. 


EUILItS 
Oncques  mes  je  ne  fus  si  las 
ne  senty  douleur  si  tenant 
ainsy  que  je  fais  maintenant  ; 
je  tremble  tout  comme  une  fueille 
29090   et  n'ay  mcnbre  qm'  bien  me  vucille, 
tant  suis  mat  et  adventuré. 

MAKC   ANTHOINE 

Et  l'eusse  sur  mes  dens  juré, 
le  résister  riens  ne  m'y  vault  : 
dormir  sur  la  terr(!  me  fault  ; 
29095  je  sens  mon  corps  tant  traveillier 
que  ne  pourroyc  ])lus  vcillier, 
dont  je  meurs  de  dueil  et  d'augaigne. 

ASCANUS 

Viengno  qui  peust,  soit  perte  ou  gaigne, 
et  deusse  estre  mort  ou  pendu, 
29100  coucher  me  fault  tout  estendu  ; 
seigneuiTs,  veilliez  se  vous  voulez  : 
la  terre  tremble  de  tous  lés 
tellement  que  c'est  grant  merveille. 

EMILIUS 

Cil  qui  pourra  yeillier  si  veille; 
29105  quant  a  moy,  j'en  quitte  ma  part. 

MARC   ANTHOINE 

En  tel  destresse  nompareillc 

cil  qui  pourra  veillior  si  veille. 

ASCANUS 

Le  sommeil  tant  fort  me  traveillc 
que  me  veez  la  ja  mis  appart  : 
29110  cil  qui  pourra  veillier  si  veille; 

quant  a  moy,  j'en  quitte  ma  part. 

[SlLETE.] 

ley  les  cher.aliers  s'endorment,  puis  les  angles 
ostent  la  pierre  de  l'huit  dit  monument;  lors 
Jhesus  ressuscite  portant  une  croix  vermeille, 
et  les  angles  demeurent  assis  sur  la  pierre 
du  dit  motmment. 


NOSTRE    DAME 

Depuis  le  douloui-eux  dcppart 


Î90VJ-50  Dedans  son  psciuillii!i-  ou  il  dist  Terra  tremult  et  qiiieiiit  (ou  cunulenit)  A.  —  29066  cueur]  corps  .\.— 19069 
«duenir  li.  C.  —  29071  fournir  a  cliiere  Ije  B.  C.  —  2907i  reposarons  B.  C.  —  29080  .le  voulilrav  ja  metr«  B.  C.  —  Sgoa5 
Car  tant  sccus  B.  C.  —  2009fi  Hrief  que  je  ne  puis  B.  nuiiv/ur  C.  —  29097  de  gnisiiie  C.  _  JsxVj".'    u  |  et  B. 


382 


MISTERE   DE   LA   PASSION 


très  angoisseux  qu'eu  moy  s'espart 
pour  toy,  mou  filz, 
29115  cherc  joyeuse  je  ne  feis 

fors  lamenter  toujours  appart  ; 
J'ay  souffert  si  dure  penance 
et  douleur  a  telle  habondance,- 
sans  point  cesser, 
29120  qu'il  n'est  huy  cueur  qui  peust  penser 
ma  très  amere  desplaisancc, 

Mon  onffant,  quand  je  te  perdis 
et  que  mort  ou  la  ci'oix  pendis 
en  douleur  dure  ; 
29125  bien  amas  humaine  nature 

quand  pour  luy  tes  br-as  estendis  : 

Et  ta  povre  mère  piteuse 
voyant  ccste  peine  honteuse 
qu'on  te  faisoit, 
29130  Dieu  scet  lors  s'elle  se  taisoit 
de  voir  douleur  tant  angoisseuse. 

Mes  non  obstant  ta  passion, 
mon  dueil,  ma  lamentacion 
dont  je  fus  et  suis  oppressée 
£9135  Pour  la  cruelle  extorciou, 
la  piteable  exaction 
ne  m'a  pas  si  fort  transgressée 
Que  j'aye  en  rien  ma  foy  blessée 
ne  vraye  "espérance  laissée  ; 
29140  mes  croy  sans  variaeiou 

Qu'en  la  journée  coinmancee, 
a  la  joye  de  ma  pensée, 
verray  ta  résurrection. 


29155  dy  :  Exsurgam  dihtculo. 

JHESUS 

Ma  très  chère  mère  et  lealle, 
la  paix  du  ciel  imperialle 
ayez  en  vostre  humilité. 

NOSTRE    DAME 

Mon  filz,  ma  liesse  totalle, 
29160  ma  seulle  gloire  principalle, 

bien  soiez  vous  ressuscité  ; 

[par  foy  et  ardant  charité] 

En  mes  plaintes  vous  attendoye 

et  a  vous  seul  voir  entendoye 
i9165  comme  du  tout  a  vous  ravye. 

JHESUS 

Si  vucil  donc  que  vostre  oeil  me  voie, 
car  en  liesse  et  en  grant  joie, 
suis  revenu  de  mort  a  vie. 

NOSTRE   DAME 

Helas  !  mon  beneuré  enffant, 
29170  se  de  mort  estes  triumphant, 
ceste  mort  seule  souffîra. 

JHESLS 

Soiez  vostre  cueur  appaisant, 
car  la  mort  et  son  dart  pesant 
jamès  ne  me  dominera. 
29175       Vivant  suis  en  perhennité, 
et  en  amoureuse  unité 
tousjours  avec  vous  demourray. 
Icy  Jhesus  part  et  s'evanoyst  d'elle. 

NOSTRE    DAME 

Louée  en  soit  la  trinité 
que  mon  cher  filz  s'est  présenté 
29180  a  moy  !  plus  joieuse  en  seray. 


GABRIEL 

Poursuyvez  vostre  inteiicion, 
29145  ma  maistresse  très  honorée  : 
vosti-e  ferme  foy  beneuree 
pi'esentement  s'adverira. 

NOSTRE    DAME 

Exsurge^  gloria  maa, 
levé  toy,  ma  gloire  parfaicte, 
20150  psalteriurn  et  cithara, 

mélodie  doulcement  faicte; 
Ne  laisse  ta  mère  deffaicte, 
désolai am  in  seculo, 
mais  selon  la  voix  du  prophète 


MADELAINE 

Mes  seuls,  oyez  que  je  dii'ay  : 
droit  au  monument  sans  séjour 
nous  fault  aller  aius  qu'il  soit  jour, 
et  le  doulx  Jhesus  oinderons  ; 
29185  plus  matin  nous  en  reviendrons, 
et  de  moins  serons  apparceues. 

MARIE  .TiCOBY 

Vos  raisons  très  bien  entendues, 
Marie,  point  n'y  debatons  : 
il  est  heure  que  nous  partons  ; 


29120  puist  li.  G.—  29125  aym.is  B.  G.—  29127  I)  .«  C  oJouteiU  contrairement  au  rhythmc  des  strophes  :  En  la  croix 
la  ou  tu  fus  mis.  —  29134  fort  pressée  B.  C.  —  29137  angoissée  B.  en{;i-essee  G.  —  29144  vostre]  ceste  B.  C.  —  2914?; 
ma  dame  G.—  29147  saduerera  U.—  29119  reffaicte  B.  C.—  29151  Ma  mélodie  très  parfaiote  B.  G.—  29155  diliculo  B.  — 
29162  Ce  vers,  contraire  au  rhythmc  l'c  la  strophe,  nous  semble  Interpolé.  —  29164  voir  manque  C.  contendoie  B.  — 
29182-3   Faisons  au  monument  retour  Auant  quil  soit  le  point  du  jour  B.  C.  —  29181  Kt]  Ou  A.—  29185  y  renderons  A. 


or  A  RTF. 

29100  que  Dieu  soit  ou  aostre  convoy  ! 
Icy  s'en  vont  cm  monument. 

MARIE  SAI.OMÉ 

Daines,  selono  co  que  je  voy, 

iioiw  sommes  bien  on  adveutui'o 

qu'on  poitaot  ceste  digue  oingtui-e 

nous  ne  pardons  nostre  voyage. 
2'J19.")  .)'ay  cy  pensé  on  mon  courage 

que  quand  lo  doulx  .Ihesus  fut  uii;: 

au  sépulcre  [lar  ses  luiiis, 

une  grande  pierre  et  quarree 

fut  portée  et  mise  a  l'entrée, 
Ï9200  qui  poise  tant  qu'a  souhaidier  ; 

et  donc,  qui  nous  pourra  aidicr 

a  l'oster  et  la  remouvoir  ? 

seules  ne  la  pourrons  mouvoir 

qui  sommes  povres  fameletes, 
i92(K  et  ainsi  toutes  nos  apprestes 

aront  esté  faictes  en  vain. 

MAUELAINB 

Mes  ung  point  y  a  plus  gi-evain, 
car  les  faulx  luifz  plains  d'errour 
ont  mis  gardes  tout  a  l'entour, 
29210   dont  approcher  n'y  oserons. 

MARIE  JACOBY 

,\pprochez  vous,  seurs,  si  ferons  : 
la  besongne  va  mieulx  assés 
a  nostre  veil  que  ne  pense/.  : 
je  voy  la  pierre  révolue, 
29215  elle  est  de  devant  l'huis  tolue  : 
je  ne  sçay  qui  l'a  peu  tiurner. 

MARIE  SALOMB 

L'entrer  ne  nous  peust  detouiuer  : 
l'huia  est  tout  ouvert  bas  et  hault; 
et  encore,  qui  mieulx.  nous  vault, 
19220  je  voy  les  gardes  bien  remis, 
car  ilz  sont  couchés  endormis 
comme  pourccaulx  a  la  renverse. 

MADELAINE 

Cousoilliez  vous  donc  qu'on  traverse 
hardieiiieut  tout  au  milieu  d'oulx  i 

MARIE  JACOBY 

tï022û  Dieu  (^st  miséricordieux  ; 

si  luy  plaist,  il  nous  aydera  : 
entrons  dedens. 

MARIE  SALOMÉ 

Qui  s'en  faindra 
s'en  voist  a  l'ostol  reposer, 
car  le  corps  m'en  vois  arrouser 
«30  de  ce-*  unctions  redolentes. 


J  0  LI  R  N  p;  K  383 

/cy  entrent  au  monument  et  regardent 
partout, 

MAPËLAINE 

Las  !  bien  devons  estre  dolentes  ! 
mes  seurs,  regardez  la  dolcur  : 
le  corps  de  nostre  doulx  seigneur 
nous"  est  emblé  et  transpoi-té. 

MARIE   JACOBY 

29235  Helas  !  et  qui  l'a  emporté, 

mon  très  cher  maislre  delwnnaire? 
il  n'y  a  mes  que  le  suaire 
ou  son  corps  fut  ensevely. 

MARIE   3AU>MB 

Doulx  Dieu,  qui  a  esté  cely 

29210  qui  a  voulu  mettre  sa  cure 
a  l'oster  de  sa  sépulture? 
helas  !  que  n'a  il  attendu 
que  nous  trois  eussions  espandu 
dessus  son  corps  nostre  unction  ? 

29245  j'en  ay  si  grant  compassion 

que  j'en  sens  mon  cueur  tout  transy. 

MADELAINE 

Chères  dames,  regardez  cy  : 
de  grant  paour  tout  lo  cueur  me  tremble 
de  ces  deux  jouvenceaux  ensemble 
292j0  qui  sont  sur  ceste  pierre  assis. 

MARIE  JACOBY 

Leurs  vestemens  sont  refulcis 
d'une  blancheur  clere  a  merveille, 
et  a  l'ung  la  face  vermeille 
eomuK;  foudre  venant  du  ciel. 

MARIE  SAIX)MÉ 

2»25i  Son  regard  est  si  très  cruel 
que  je  n'ose  lever  la  cherc. 

MADEI.AINE 

Fom'  l'espovantable  lumière 
Je  ne  ra'oze  bouger  aussi. 


MICHEL 

Femmes,  que  qucrez  vous  icy 
29260  en  plorant  si  piteusement  ? 
querez  vous  en  ce  monument, 
qui  est  lieu  propre  pour  les  moi-s, 
do  .Ihesus  le  précieux  corps  ? 
c'est  en  vain,  car  en  vérité 
29265  sachez  qu'il  est  ressuscité, 

et  n'en  faictes  quelque  donblance. 


29193  (loul.e  i;.  -  29199  Koil  posant  fut  A.  -j 
Iï9232  regardon»  B.  -  29254  nouuel  B.  C. 


par  manuni»  tour  A.  —  29215  Et  toute  a  lorre  descendue  B.  C.  - 
leuer  B.  —  29262  To'ite»  trois  de   coramuiu  .icors  A. 


384 


MI  STERE   DE   LA    PASSION 


RAPHAËL 

N'avez  vous  pas  en  remambraiice 
les  paroles  qu'il  vous  disoit 
quand  en  Galilée  regnoit  ? 

Ï9270  souvent  il  vous  preschoit  en  somme 
qu'il  falloit  que  le  filz  de  l'homme 
fust  es  mains  des  pécheurs  haillié 
et  puis  en  la  croix  traveillié, 
en  quoy  la  mort  receveroit, 

89275  et  comme  il  ressusciteroit 

puissamment  au  troi/.ierae  jour. 
Allez,  et  dictes  sans  séjour 
aux  apostres  que  l'assemblée 
totallc  voist  en  Galilée, 

29280   car  yla  les  précédera, 

et  la  chacun  voir  le  pourra, 
comme  il  vous  a  dit  aultreffois. 


MARIE   JACOHV 

Ma  seur,  avez  vous  pas  les  voix 
de  ces  haulz  messagers  ouy  ? 

MARIE   SALOMÉ 

29285  Marie,  chère  seur,  ouy  ; 
je  les  ay  très  bien  entendu, 
dont  j'ay  eu  le  cueur  espardu 
et  presque  tout  evanouy. 

MADELAINE 

Mon  cueur  craint  et  est  resjouy 
Î9290  de  ce  que  leur  ay  ouy  dire. 
Allons  aux  disciples  de  tire, 
et  si  leur  portons  ces  nouvelles 
qui  sont  terribles  et  moult  belles  : 
je  ne  sçay  qu'il  en  adveudra. 

MARIE  JACOBY 

29295  s'en  viengne  après  moy  qui  vouldra  ! 
se  je  puis,  j'y  seray  première 
pour  leur  reciter  la  manière 
de  ce  que  nous  y  avons  veu. 

Icy  se  mectent  a  rotje. 


ASOANUS 

Haro  !  que  m'est  il  advenu  ? 
29300  ay  je  dormi  ou  j'ay  veillié? 
oncques  ne  fus  tant  traveillié 
ne  si  durement  molesté 


comme  j'ay  maintenant  esté, 
tellement  suis  je  corbatu. 

MARC   ANTHOINE 

2930ri  Je  n'ay  ne  force  ne  vertu, 

ne  membre  qui  me  puist  porter. 

EMILIUS 

Il  n'est  cueur  qui  puist  raconter 
la  disme  de  mon  grand  csmoy, 
quand  tout  de  force  et  niau  gré  moy 
29310  me  suis  icy  trouvé  dormant. 

ASCANUS 

Ha  !  meschant  honniio  et  meci'eant 
que  je  suis,  et  malheureux  homme  1 
je  porte  de  dueil  si  grant  somme 
que  j'en  souffre  jusqu'au  cueur  fendre. 

MARC   ANTHOINE 

29315  Je  ne  sçay  nostrc  fait  entendre  ; 
dui'ement  nous  est  mesvenu  : 
qu'est  le  corps  Jhesus  devenu  ? 
veez  cy  le  monument  ouvert  : 
s'en  est  il  allé  ? 

EMILIUS 

11  y  pert  : 
89320  oroiez  qu'il  nous  est  eschappé. 
Oncques  homme  ne  fut  trompé 
]iar  la  manière  que  nous  somme". 

ASCANUS 

Nous  sommes  les  plus  raeschans  hommes 
qu'oncques  Dieu  fit  au  siècle  naistre  ; 

29325  que  dira  tantost  nostre  maistre 

qui  nous  tient  pour  gens  esprouvés, 
quan(f  plainement  serons  trouvés 
les  plus  infâmes  de  jamès  ? 
sçavez  vous  bien  qu'il  n'y  est  mes  ? 

89330  encor  y  ai  je  mon  recours. 

MARC   ANTHOINE 

Vous  y  pourriez  queiir  trois  jours  : 
soiez  tous  sceurs  qu'il  est  party. 

ASCANUS 

C'est  par  vous. 

MARC   ANTHOINE 

Vous  avez  ment}'! 
ne  m'imposez  point  lascheté; 
29335  j'ai  mieulx  gardé  de  mon  costé 
que  vous  et  de  meilleur  party. 

EMILIUS 

James  il  ne  fust  dcparty 

se  vous  eussiez  songneux  esté. 

C'est  par  vous. 

ASCANUS 

Vous  avez  mentv  ! 


292S3  Marie  B   C. 
29295  pourra  B.  C.  - 


-  292S8  après  tout  B.  C.  —  20289  Tout  inoii  cueUr  si  est  A.  - 
29304  corps  batu  A,  —  29316  aduenu  B.  C.  —  25)321  frappe  A. 


29293  '>ioii  bonnes  et  bien  C.  — 


QUAHTK    .lOlIRNKK 


3R5 


29340   110  in'iinposoz  |)()iiit  Inschoté. 
Tout  ce  mal  nous  est  lovcrty 
par  vostro  gruiid  lucschanccto  : 
vous  l'avez  prins  et  emi>orté, 
qui  qu'en  ait  le  moyen  basty. 

Î93'i3   C'est  jiai'  vous. 

EMII.IUS 

Vous  avez  nienty  ! 
ne  m'imposez  point  lascheté; 
j'ai  mieulx  gardé  de  mon  costc 
que  vous  et  de  meilleui'  party; 
et  qui  me  dira  :  «  C'est  par  ty  », 
29350  j'en  appelle  do  champ  de  gage. 

MARC    ANTHOINE 

Mcsseigiieurs,  cessons  ce  langage  ; 
se  par  tel  point  nous  coniporlons, 
nostrc  l'ait  rompons  ot  gastons. 
Se  vos  corapaignons  accusez, 

29355  pourtant  ne  vous  en  excusez, 
et  si  pourroit  tel  coup  courir 
qu'on  nous  feroit  tous  trois  mourir, 
car  il  y  a  danger  assés, 
et  i)lus  bcaucoi)  que  ne  pense/.  ; 

29360  si  nous  fault  tenir  aultre  voye  : 
c'est  que  chacun'  do  nous  s'avoyc 
et  nous  en  allons  tous  unis 
présenter  devant  les  Juif/, 
pour  nous  excuser  contre  tous. 

ASCAM.S 

293ii5   Noire,  mes  que  leur  dirons  nous, 
quand  d'eulx  interrogués  serons  ? 

MARC   ANTHOINE 

IMaiucnient  nous  attermcrons 
de  fait  et  franche  volonté 
que  Jhesus  est  ressuscité 
29370  et  ramené  de  mort  a  vie. 

EMILIUS 

\'oirc,  mes  vous  ne  comptez  mie 
que  nous  les  ferons  crever  d'ire. 

.MARC   ANTHOINE 

Ne  vous  chaille  qu'ilz  sachent  dire  : 
nous  ne  poons  voie  trouver 

29375  pour  mieulx  le  noslre  honneur  sauver, 
et  vcez  c\'  la  cause  pourquoy  : 
se  nous  affeiinons,  vous  et  moy, 
qu'aucuns  se  soient  assemblé 
par  nuit  qui  ont  ce  corps  cmbli', 

29380   nous  alléguons  nostre  mesehance, 
et  ne  vauldra  riens  l'excusaiice, 
car  c'est  fait  de  mauvaise  iront 


({ui  ont  le  eucui'  si  négligent 
que  par  faulte  do  .soy  gai'der 

29385  se  laissent  surprendre  et  fraudei'  ; 
mes  se  nous  disons  que  ce  signe 
soit  fait  par  puissance  divine, 
cela  riens  nostre  honneur  ne  menst, 
car  encontre  Dieu  nul  ne  jieust 

29390  qu'il  ne  fasse  le  vouloii'  sien. 

ASCANUS 

Marc  Anthoine,  vous  dictes  bien; 
et  quand  vendroit  au  conformer, 
je  s^^ai'oio  bien  affornu'r 
sur  Dieu  et  sur  tout  tant  que  j'ay 
Xrxyj  qu'il  est  ressuscite  pour  vray, 

qu'oncquos  riens  ne  cuiday  toii'  mieulx, 
que  je  l'ay  choisy  de  mes  youlx 
yssir  du  tombeau  tout  vivant. 

EMII.IL'S 

Se  la  mort  m'estoit  au  devant 
29400   et  on  me  voulloit  conjurer, 
j'en  osci'oy  autant  jurer 
que  vous  m'en  dictes  sur  cela. 

MAUC.   ANTHOINE 

Taisiez  vous  :  quand  nous  vendrons  la, 

le  vray  en  seray  confessant. 

Jcy  s'en  retournent  aux  Pharisiens. 


MADELAINE 

29105   Ghors  amis,  le  Dieu  tout  [luissant 
vous  maintienne  on  sa  sainte  grâce  ! 
je  viens  maintenant  de  la  place 
ou  le  corps  .Jhesus  fut  pose  ; 
mes  aucuu  l'a  ja  deiiosc 

29110   et  (5sté  de  son  digne  lieu. 

s.    PlKnRE 

.Jhesus,  mon  maistre  !  benoit  Dieu, 
qui  a  ceste  faulte  commise 
d'avoir  du  sépulcre  démise 
sa  précieuse  hmnanité  ? 

s.    JEHAN 

29U5  J'en  vois  sçavoir  la  vérité, 

car  jamés  nul  jour  bien  n'aray 
jusqucs  a  ce  que  je  sçaray 
que  le  .saint  corps  est  devenu. 

s.    l'IBRRE 

Pour  en  s(;avoir  le  contenu, 
29520  se  je  puis,  premier  y  vendray. 


29349  paily  B,  C.  —  2y351  icsi.ez  li.  C.  -  2\'3&i  laiilx  .\.  —  29378-U  asMiiililez.  eiiibicz  H.  -  293S0  i(;ii.irtlic(-  1'.. 
C.  —  miSl  lepeiisnncc,  maucaise  /ctlme  île  lexcuiauce  B.  —  293W  df]  a  H.  C.  —  ï9Hi9  ja  dispose  B.  —  Î9U5  tost 
Sf'auoîr  .\. 


Pas. 


25 


386 


MlSTERE   DE    LA    PASSION 


Icy  s'en  vont  S.  Pierre  et  S.  Jehan  au  monu- 
ment, et   vient  S.   Jehan  devant. 

MADEI.AINE 

De  mon  pouvoir  je  vous  siiivray 
pour  sçavoir  que  vous  trouverez. 
Icy  s'en  v.i  Madelaine  devant  les  autres 
Maries. 

MARIE    JACOBY 

Chère  seur,  nous  irons  api)rcs, 
se  vous  inc  eroiez. 

MARIE    i;ALOMÉ 

Je  le  veil. 

MARIE   JACOBY 

29425  Allons  doncques,  je  le  conseil, 
,       tout  ))ellement  après  ces  hommes  : 
ilz  sont  plus  soubtilz  que  ne  sommes 
pour  sçavoir  tout  ce  qui  eu  est. 
Et  s^en  vont  bien  bellement  après. 


s.    JEHAN 

J'ay  si  bien  couru  sans  arrest 
29430  que  premier  suis  au  monument. 
Regarder  veil  présentement 
pour  sçavoir  s'il  y  est  ou  quoy. 

Il  regarde  sans  entrer  ens. 
Qu'est  ce  cy  ?  je  n'y  apparçoy 
fors  les  draps  dont  il  fut  couvert. 

s.    PIERRE 

29135  Le  monument  est  il  ouvert 
ou  nostre  maistre  fut  posé  ? 

s.    JEHAN 

D'y  entrer  n'ay  je  esté  osé, 
mes  j'ay  regardé  par  dehors. 

s.    PIERRE 

Trouvez  vous  riens  ?• 

s.    JEHAN 

Tant  qu'est  du  corps, 
29410  il  ne  s'y  est  point  admonstré. 

s.    PIERRE 

Puisque  dedens  n'avez  entré, 
vous  ne  pouez  sçavoir  le  vi'ay  ; 
mes  quant  a  moy,  j'y  entreray  : 
si  sçaray  tout  de  point  en  point . 

s.    JEHAN 

29445  Comment  en  va  ? 

s.    PIERRE 

Il  n'y  est  point  ; 


il  n'y  a  mes  que  les  liiisseux 
et  le  suaire  précieux 
dont  son  chef  fut  ensevely  ; 
je  l'ay  trouvé  tout  appart  ly 
29450  et  tout  des  aultres  devise', 

Icy  entre  S.  Jehan  au  uicnumcnt. 

s.    JEHAN 

Quand  j'ay  bien  par  tout  advisé, 
vous  dictes  la  vérité  pure  : 
allons  compter  ceste  aventure 
a  nos  frères,  je  le  consens. 

s.    PIERRE 

29455  Je  pense  que  nous  ferons  sens, 

car  de  le  quérir  cy  cntour 

il  n'y  fault  ja  faire  retour, 

ce  seroit  abus  a  nous  deux  ; 

or  l'allez  compter  a  l'ung  d'eulx 
29460  ou  a  tous  comme  vous  vouldrez, 

et  je  vous  suivray  bien  après  ; 

mes  aultre  chose  veil  sçavoir. 

s.    JEHAN 

Je  m'en  vois  donc  faire  devoir 
de  l'adnbncer  a  nos  amis. 
Icy  s'en  vu  S.  Jehan  aux  apostres  ; 
S.  Pierre  demeure  derrière. 


MADELAINE,  Seule. 

29465  Helas  !  qui  est  cil  qui  a  mis 
et  tiré  hors  de  ce  tombeau 
le  corps  du  doulx  Jhesus  tant  beau, 
qui  tousjours  tant  de  bien  m'a  fait  { 
cil  m'a  bien  de  joye  deffait 

29470  et  mis  en  duoil  et  en  tristesse  ; 
cil  m'a  bien  toUu  ma  liesse 
et  mis  en  piteux  desconffort  ; 
faulx  Juifz,  c'est  de  vostro  effort, 
qui  oncques  jour  bien  no  luy  feistes  ; 

29475  au  mohis  puisque  vous  me  tolistes 
mon  cher  maistre  en  terre  vivant, 
souffire  devoit  en  avant, 
et  souffrir  au  moins  que  je  l'eusse 
a  faire  ce  que  je  volusse. 

29480  Xennil,  vous  ne  l'avez  vollu  : 
vif  et  mort  me  l'avez  tollu , 
vif  et  mort  me  voulez  grever 
pour  vostre  faulx  cueur  esprouver 


29423  alons  C.  —  2942 i-j  Ou  voulez  vous  i[ue.  nous  tournons  M,  J .  Syur  je  lo  que  nous  retournons  B.  C.  —  £94^9 
Veez  vous  A.  —  29440  11  nest  point  cy  atlemonstre  A.  —  29454  je  my  B.  C.  —  29463-4  Falotes  en  a  vostre  vouloir  Car 
au  vostre  me  suis  submis  B.  G.  —  29466  Hors  du  tombeau  et  trait  enssus  B.  G.  —  2)467  de  mon  maistre  jliesus  B.  C.  — 
29473  fort  B.  C. 


QI'ARTK    .lOMRNRK 


en  tout  mal  sans  coy  jamcs  faiiidi'c  ; 
-'^',85  si  le  vouidia  ploufor  et  plaindre 
mon  cucur  de  tonte  sa  vert». 


MIOlKl. 

Femme,  je  te  piy,  que  quicra  tu, 
faisant  tel  tristesse  et  tel  pleur  ? 

MADELMNE 

Helas  !  je  quiers  mon  doulx  seigneur 
Ï9400  qu'on  a  du  monument  esté  ; 

je  ne  sçay  qui  l'a  ompoi"té 

pour  nosti-e  unctioii  emposchei-. 

0  doulx  Jho.sus,  mon  maiatrc  cher, 

ou  mon  recoui-s  souloio  avoir, 
Î949J  que  je  désire  plus  a  voir 

qu'on  ne  sçai'oit  penser  ne  dire  ! 
foi  vient  Jhexus  par  derrière  en  forme  d'un 
jardinier. 

JIIESUS 

Femme,  que  quiors  tu  cy  ? 

MADELAINE 

Cher  sire, 
je  te  pry  jiar  humilité, 
se  tu  l'as  pi'is  et  emporlt', 
29J00  ne  me  le  celle  \mut,  amis  ; 

dy  moy  en  quel  lieu  tu  l'as  mis, 
car  porter  le  veil  et  remettre 
a  mon  gr('". 

JHESUS 

Marie  ! 

MADEl-AINE 

0  mon  maistre, 
si  vous  plaist,  je  m'enclineray 
2050j  et  vos  dignes  pii's  baiseray  : 

ce  sera  grant  bien  à  ma  bouche. 

JHESUS 

Cesse,  Marie,  ne  m'atouclie, 

et  vueilles  ton  cucur  appaisier 

de  costc  heure  mes  pii's  haisier, 
205)0  car  encore  n'ay  pas  monté 

a  la  haultaine  majesté 

de  la  doxtre  de  Dion,  mon  pero  ; 

car  puisque  ce  divin  mistere 

de  mon  hault  rossuscitement 
Î9515  ne  crois  pas  en  cueur  fermement, 

foiblc  foy  te  veult  empescher 

que  ne  me  pous  ne  dois  toucher. 

Mes  va  et  dys  a  mes  disciples 


387 


qui  (mur  moy  sont  triste»  et  simples 
Ï05Ï0  je  m'en  vois  do  ce  monde  cy 
a  mon  Dieu  et  au  vostre  aussy, 
a  mon  pcrc  éternellement 
et  au  vostre  prochainement, 
qui  s'entend  que  devant  leurs  yeulx 
2«5ïj  ilz  me  verront  monter  aux  cieûlx 
lie  haullo  gloire  reflulcy. 

Jhesus  s'eranouyt. 


MA  BELAI  NE 

Or  est  mon  cueur  hors  de  soucy 

ot  privé  de  toute  douleur, 

quand  .Ihesus,  mon  ties  doulx  seigneur, 
î!»30  de  mort  a  vie  est  revenu 

et,  qui  |)lu8  est,  il  est  veuu 

apparoir  a  moy  pdr  sa  grâce  : 

c'est  bien  raison  donc  que  je  feco 

sa  haulte  volonté  bénigne, 
Î8535  et  la  vraye  essence  divine 

en  dois  mercier  sans  cesser. 

Je  voy  cy  mes  seui-s  approcher, 

lesquelles  grant  osmoy  surmonte  ; 

si  sera  ton  que  je  leur  compte 
a)510  ce  que  j'ay  peu  voir  et  ouyr 

pour  ieui'8  cueurs  ung  peu  rosjouyr. 


Chères  seurs,  cessez  pleui-s  et  plains, 
prenez  cueurs  de  Uesse  plains, 
car  certes  bien  le  devez  faire. 
MAKIE  JAcnuv 
»5i5  Comment? 

MAbKLAINB 

Jhesus  le  débonnaire, 
nostrc  luaistrc,  est  i-essuscité. 

MARIE    8ALOMÉ 

Jhesus  ? 

MADELAINE 

Ouy  eu.  venté  : 
je  l'ay  rccongnu  sans  doubtanco, 
j'ay  veu  sa  forme  et  sa  semblance  ; 
K)550  il  ne  s'est  point  a  moy  cel»;  ; 
plus  fort  :  il  a  a  moy  parlé 
et  devisé  très  grant  espace. 

MARIE  JACOBY 

Vee«  cy  nouvelle  l'oiUtreiMisse 


Î9491  ou  on  la  porte  B.  C.  —  29199  cMliij  .Milporle  B.  C.  —  2^00  beaux  duulx  amis  B.  C.  —  KOlO-eœ  manqacM  C. 
feuillet  déchiré.  ■»  Ï9jïl  A  mon  peru  A.  B.  —  Ï9522  A  mon  dipu  A.  B. 


38» 


MISTKRE    DE    LA   PASSION 


(les  nouvelles  qui  oncqucs  furent  ! 
295jr>  mes  affîn  que  ]>lus  nous  asseurent, 
l'avez  vous  bien  coiignu,  Marie  ? 

MADELAINE 

James  nul  jour  je  n'en  vai-ie, 
et  en  soiez  au'si  certaine 
comme  j'ay  a  nom  Madelaine  : 
29560  mes  raisons  sont  toutes  notores. 

MARIE    SALOMÉ 

Helas  !  que  ne  le  scevent  ores 
les  apostres  tout  a  leur  veil  ! 
jo  s(;ay  bien  qu'ilz  ont  tant  de  dueil 
que  cueur  ne  le  pourroit  penser. 

MADELAINE 

29565   Aussi  leur  alloy  jo  anoncei' 

quand  je  vous  ay  cy  rencontrées  : 
tempiement  leur  seront  inonstroes 
nouvelles  de  joie  infinie. 

MARIE    JACOBY 

Et  nous  vous  tendrons  compaignie, 
29570  s'il  plaist  la  haulte  majesté. 

MADELAINE 

Or  y  allons  tost. 


vos  pies  dignes  et  précieux  ? 

JHESUS 

Femmes,  allez  de  cueur  joieulx 
29590  faire  aux  aposties  mencion 

de  cestc  résurrection, 

et  leur  dictes  que  leur  allée 

se  face  brief  en  Galilée, 

car  la  me  pourront  voir  vivant 
29595  comme  souvent  par  si  devant 

leur  ay  voulu  faire  sçavoir. 

Icy  se  part  Jhesus  sotibdainemcn' . 


MADELAINE 

Très  doulx  .Ihesus,  vostre  vouloir 
accomplirons  joieusement. 
Mes  seurs,  allons  bastivcment 
29000   ce  haultain  message  fournir. 

MARIE   JACOBY 

J'ay  si  grant  désir  d'y  venir 

que  l'aller  ne  m'est  point  grevable. 


Icy  vient  Jhesus  a  l'encontre. 

JHESUS 

Avete, 
humbles  dames  de  grand  value  ; 
de  Dieu,  mon  père,  vous  salue 
qui  règne  et  régnera  sans  fin. 

MARIE   .JACOBY 

29575  Jhesus,  iiostre  maistrc  bcgnin, 
Jhesus,  nostre  leal  pasteur, 
Jhesus,  nostre  vray  conducteur 
qu'en  tant  de  soupire  avons  quis, 
or  avons  tous  plaisirs  conquis 

29580  a  veoii"  vostre  doulce  présence  : 
mes  plaise  vostre  humble  clémence 
que  vos  pies- puissions  atoucher. 

JHESUS 

Vueillez  les  hardiment  toucher  : 
n'ayez  en  vous  aucune  doubte. 
Icy  s'inclinent  toutes  trois  et  baisent  ses  pie;, 

MARIE    SALOMÉ 

295S5  Jhesus,  mon  espérance  toute, 

quel  bien  nous  pourroit  plus  venir 
que  lie  vous  veoir,  et  tenir 


Ici/  doit  eslre  S.  Pierre  par  soy  arrière 
des  autres  apostres 

s.    PIERRE 

O  Dieu,  créateur  parduraljle, 
mon  père  et  mon  facteur  haultain, 

29605  qui  tout  gouvernes  par  ta  main 
quauqu'il  est  ne  jamès  sera, 
ne  sçay  quand  l'heure  approchera 
que  j'aye  ung  peu  de  resconlFort 
sur  le  douloureux  dcsconffort 

29610   que  pour  mon  doulx  maistrc  ay  receu. 
Jhesu,  mon  doulx  maistre  Jhesu, 
en  grand  [lerplexité  me  mes  ; 
helas  !  te  verray  je  jamès  ? 
Jhesus,  mon  très  amoureux  sire, 

29615   Dieu  scet  comment  je  te  désire, 
et  en  tdV  forment  desii-ant 
jo  croy  que  je  m'en  voys  mourant. 
S'il  est  vray  que  de  mort  t'excites 
et  qu'en  vie  tu  ressuscites 

29620   comme  tu  en  as  la  puissance, 
ayes  de  mon  fait  souvenance  : 
vraye  amour  en  toy  m'a  lyé  ; 


29557  a  nul  joui-  iiy  varie  li.  —  2U360  toutes]  aussi  B.  —  29565  alia^  A.  —  29568  .Se  ja  |juis  ne  vuus.  doublez  mie  B.  ~ 
29570  a  la  B.  —  29571  Or  y  venez  donc  J.  aue  te  B.  —  2y5S2  .Tpprmnher  H.  —  29602  points]  riens  B.  —  29603  mon  père 
sperit:ible  B.  —  29601  O  mon  créateur  souuerain  B.  —  29608  petit  de  eonlfort  B.  C.   —  29620  bien  en  as  C. 


QUARTi:    ini^RNKF 

s'a  eo,  befomg;  m'as  (mbiiô, 

je  no  sçay  uii's  ou  ooiisoil  qucrro. 


389 


JHEsi;.s 

îixiîS  Faix  soit  o  t(iy,  mon  amy  Pierre, 
oonffort  et  joyc  sus  et  jvis  ; 
je  suis  ton  cher  maistro  Jhesus 
qui  ay  receu  ta  penitnuce  : 
et  pour  toy  donner  espérance, 

89C30   saches  que  i-essuscité  suis 
haulti'inont  comme  je  le  puis 
par  ma  divine  prepotance. 

S.    PIERRE 

l'iii  eeste  vraye  confidence 
vueil  demourcr  toute  ma  vie, 

29C35    et  de  rcchief  je  vous  mereie, 

mon  cher  maistre,  mon  seul  recours, 
qu'il  vous  plaist  me  donnei'  secours 
on  ma  piteuse  pacienco  ; 
et  requicr  mercy  de  l'oirence 

29fl'i0  que  j'ay  fait  vers  vous,  roy  des  rois, 
car  je  vous  renyay  trois  fois 
par  mon  vouloir  desordonné. 

JHESUS 

Pierre,  amy,  tout  t'est  pardonné  : 
le  péché  ne  fut  pas  si  gi'ant 
êt)6'.5  qu'est  ma  grâce  large  et  imissant 
a  miséricorde  et  pardon. 

S.    PIERRE 

De  ce  hault  et  excellent  don 
soiez  vous  loué  sans  cesser  ! 

Il  1/  se  part  Jhesus  subitement . 

I  Pose.  | 


MADELAINE 

Frères,  vueillez  vous  a<lvancer 
89050  d'ouir  le  sahit  a  vos  aines  ! 
s.  A.vnnv 
Que  nous  diront  ces  saint(>s  dames 
qui  si  fort  vieiment  devei-s  nous  ? 

MA.RIE   JA.CORY 

Mes  amis,  resjouissez  vous 


en  Dieu  qui  tout  biin  cueur  confoi-te, 
80<1.V)  cai'  la  nouvelle  vous  n|)porte 

la  plus  liaultaine  qui  puist  twti-e. 

s.    JAQUES  ZBHBDEY 
De  qui  ? 

MARIE  JAOOIIY 

Ik»  .llicsUH,  nostre  maistre, 
eeluy  i|ue  plus  ainaates  oncque«. 

8.    IIERTHEI.EMY 

Qu'en  est  il  ? 

MARIE   JACOHY 

Sans  doubles  quelconques, 
W680  poui-  venté  nous  aifcrinous 
qu'il  est  suscité. 

s.    ANDBY 

Telz  sermons 
ne  sont  pas  bons  a  controuver 
qui  n'est  bien  sceui-  do  les  prouvei- 
tellement  qu'il  soit  tout  notoire, 
SOeCTi   car  par  une  telle  invéntoire 
plusieurs  se  [Murroient  abuser. 

s.    THOMAS 

Dames,  ne  vueillioz  pas  user 
de  telles  paroles  soudaines, 
se  vous  n'en  estes  si  certaines 
ïsero  qu'on  ne  vous  en  puist  accuser. 

MARIE   SALOMÉ 

Nous  ne  faisons  amc  nmser  : 
ce  sont  choses  vrayes  et  plaines. 

s.    BERTHELEMT 

Dames,  ne  vueilliez  pas  user 

de  telles  paroles  soubdaines. 

MADEIJVINE 

89tt75  Se  nous  y  voulons  proi)Oser 
choses  véritables  et  saines, 
posé  qu'elles  soient  haultaines, 
vous  no  les  pouez  reffuser. 

S.    THOMAS 

Dames,  ne  vueillez  pas  user 
S9S80  de  telles  paroles  soubdaines, 
se  vous  n'eu  estes  si  certaines 
qu'on  ne  vous  en  puist  accuser. 

MARIE  JACOBY 

Kiens  ne  vous  venons  exposer 
que  souffisamment  ne  prouvons  : 
sg685    tous  trois  ensemble  veu  l'avons 
et  avons  ses  pies  atouchiés, 
tenus  en  nos  mains  et  baisiés 
el  honorés  par  grant  estude  ; 


29G37  plaist  iiian^ui'  A.  —  296'>0-l  manquent  B.  C.  —  8964e  Dont  jr  suis  oocaiionne  B.  C.  —  S9&19  dieu  vous 
viieillp  adiianrpr  B.  C.  —  29650  Et  donner  saint  B.  C.  —  £9651  femmes  B.  —  i96ô6  Qui  plus  il<>  joyc  vous  doit  paistir 
B.  G.  —  290:.9  doubtance  B.  —  29661  ressusoiti-  C.  —  Î9C71-88  manquent  A.  C.  —  S9688veuerei  B.  Ix-uevs  C. 


390- 


MISTRRK   DE   LA   PASSION 


encor  pour  plu»  grant  certitude, 
29890  veez  cy  Marie  Madelaine 

qui  en  sa  doulce  char  Immaiue 
le  dit  ja  avoir  veu  deux  fois. 

MADELAINE 

Sur  la  créance  et  sur  la  fois 
que  j'ay  a  Dieu,  mon  créateur, 
29C95  il  est  vray. 

s.    SIMON 

Sauf  le  vostre  honneur, 
Madelaine,  très  chère  amye, 
nous  ne  vous  en  dédisons  mie  ; 
bien  pouez  dire  a  nous  ensemble 
qu'ainsi  est,  ou  qu'il  le  vous  semble, 

29700  et  cuido  qu'il  fault  la  venir, 
car  on  voit  souvent  advenir 
quand  on  pert  ung  amy  leal, 
et  pour  cause  qu'il  en  fait  mal, 
on  le  requiert  par  mainte  voye  : 

89705  il  samble  tousjours  qu'on  le  voie, 
ou  peust  estre  qu'on  n'en  voit  rien, 
et  vient  cela  par  le  moyen 
d'une  bien  forte  fantasie 
qui  tousjours  songe  et  fantasie 

89710  ce  qui  lui  touche  au  cuour  plus  fort. 

s.  JUDE 

Simon,  je  suis  de  vostre  accord, 
et  ne  puis  croire  ceste  clause  ; 
et  je  veil  assigner  la  cause  : 
s'il  fust  ja  de  mort  relevé 
affiu  que  son  fait  fust  prouvi' 
et  plus  pleinement  apparu, 
fust  il  point  plus  tost  comparu 
a  nous  tous  ensemble  qui  sonnnes 
ses  vrais  serviteurs  et  ses  hommes 
qu'aux  femmes  de  legier  courage 
qui  en  ung  si  hault  tesmoignage 
ne  sont  creues  nulle  saison  ? 

s.    MATHIEU 

Jude,  amy,  vous  avez  raison 
et  ne  le  croiray  de  cest  an  : 
veez  la  Pierre  et  veez  la  Jehan, 
veez  la  Jaques  d'aultre  costé 
qui  passé  long  temps  ont  esté 
ses  secrétaires  de  plus  près 
et  qui  ontsceu  de  ses  secrès 
29730  plus  qu'homme  jamès  ne  sçara  ; 
devant  eulx  se  transfigura 
en  la  montaigne  de  Thabor,  * 

et  beaucop  de  secrès  encor 


29715 


89780 


89725 


qu'il  ne  fault  ja  ramontevoir  : 
£9735  a  eulx  se  deust  il  apparoir 

premier,  s'il  en  fust  quelque  chose  ; 
mes  non  a  :  par  quoy  je  suppose 
qu'il  n'est  pas  de  mort  surrexi. 

s.    PHELIPE 

Et  je  suis  dos  vostres  aussi  : 
i9740  quant  a  moy,  quiconque  ou  estrivo, 

jamès  nul  jour  tant  que  je  vive 

je  ne  croiray  quoy  qu'on  me  face  ; 

se  je  ne  le  voy  face  a  face 

je  me  tendray  au  contredit, 
29745  et  comme  vous  avez  cy  dit 

point  n'y  metz  d'oppoticion 

que  si  haulte  apparicion 

ne  puist  manifester  a  tous, 

mes  principallement  a  nous 
29750  se  deust  la  chose  demonstror  ; 

et  puis  s'il  se  vouloit  moiistrer 

a  ces  dames  de  haulz  maintiens, 

faire  le  doit,  car  moult  de  biens 

lui  ont  fait  au  temps  qu'il  rogna. 

s.    ANDRY 

89755  Leur  rapport  fin  ne  raison  n'a, 

car  avec  Jhesus,  nostre  chef, 

avons  souffert  tant  do  meschief, 

par  quoy  doua  nostre  collège 

d'ung  très  singulier  privilège 
29760  quand  il  nous  dit  ces  motz  plaisans 

qu'avec  luy  nous  sciions  seans, 

jugeans  par  jugement  cruel 

les  douze  tribus  d'Israël. 

Or  puisqu'a  nous  tant  se  fia 
29765  que  ces  motz  nous  signiffia, 

nous  lairroit  il  comme  incertains 

pour  monstrer  ses  secrès  haultains 

aux  estranges?  ce  sont  durs  signes. 

s.    HERTHELEMV 

Ce  sont  paroles  femenynes 
89770  qui  ne  servent  rien  que  pour  rire  : 
on  scet  que  femmes  scevent  dire 
ainsi  que  leur  vouloir  les  meust. 

s.    JAQUES   ZEBEDEY. 

Quand  a  cela,  y  croit  qui  voult; 
ja  n'en  fault  plus  avant  aller  : 
29775  on  ne  les  peust  qu'ouir  parler, 

mes  quant  pour  ma  part,  riens  n'y  compte. 

MADELAINE 

Mes  seigneurs,  vous  ne  tenez  coni|)te 
de  la  nouvelle  pi'oposee. 


29695  le  manque  B.  C.  —  29099  nous  lî.  —  29725  et  manqur  B.  —  29735  A  ceulx  soeust  il  iloti  B.  C.  —  29749  prinri- 
paument  euuers  B.  C.  —  29761  nous  manque  C.  —  29763  lignées  A.  —  29772  leur]  le  A.  —  Ï977()  Mes  ou  ny  a   regard 
ue    compte  B.  Mais  uy  regarde  ne  ne  conte  C- 


Q  V  A  R  T  K 

et  n'en  faictisi  qu'une  risée 
29780  eouinio  d'une  chose  non  ferme  ; 

mes  je  vous  [iromès  et  atternie 

que  la  nouvelle  est  véritable  : 

Jhosus,  mon  maistre  charitable, 

avons  veu  île  mort  restauré, 
ii97sr>  l'avons  tenu  et  adoré 

ou  nous  espérons  grans  mérites. 

s.    THOMAS 

Ma  chère  amie,  vous  lu  dittes, 
s'allcz  ces  nouvelles  ^lortant  ; 
je  ne  vous  en  croy  pas  pourtant, 
29790  et  en  ce  point  je  demourray 
que  jamès  je  ne  le  cioiray 
jusques  a  ce  que  l'aray  ven. 

s.    JAQl'ES   ALPHEV 

O  mon  très  doulx  maistre  JLesu 

que  j'ayme  de  paifaicte  amour, 
89795  quand  verray  je  l'heure  et  le  jour 

qu(^  j'aray  approbaciou 

de  ta  grand  résurrection 

que  tant  a  veoir  je  désire  ? 

mon  maistre  et  mon  souverain  sire, 
29800   de  qui  le  saint  uoni  soit  loué, 

souviengne  toy  que  j'ay  voué 

a  toy  que  de  quelconques  mes 

mon  corps  no  goustera  janiès, 

et  dcusse  de  fain  cstre  moi's, 
29805  jusques  a  tant  que  ton  saint  corps 

voie  en  plaine  vie  remis. 


Ici/  s'appert  Jhesus  subitement. 

JHESUS 

Paix  soit  o  vous,  mes  doulx  amis! 
affm  qu'on  vos  eueurs  ne  se  liouto 
quelque  suspicion  ou  doul)te, 
29810  je  viens  cy  pour  vous  resjouir, 
et  s'il  vous  plest  ma  voix  ouir 
incontinant  mettez  la  table. 

RUHEN 

Voez  en  cy  une  assés  notable 
qui  tantost  y  sera  assize. 

GEDEON 

29Sir>  Tenez,  vecz  la  la  nappe  mise: 
no  reste  qu'apporter  le  pain. 

NEPTALIN 

Tenez,  vecz  en  cy  do  bon  grain  : 


.lOI'RNKK  3«1 

il  me  fait  a  sentir  grant  bien. 
Icy  brise  Jhe.ius  lu  pain  et  en  donne  a  S.  Jaques 
en  fniianl  la  croix  dcsstts. 

JHE8US 

Jaques,  mon  très  cher  fi'oi-e,  tien, 
t98ÎO  monjrue  et  pren  rcflTection, 
et  do  parfaicte  intoncion 
tien  ;  et  croy  que  le  filz  de  l'homnic, 
qui  de  tourmens  {wrta  grant  !>oinine, 
de  mort  a  vie  est  revenu. 

.s.    JAQIIKS   ALPHEV 

20885       Mon  doulx  maistre,  mon  clior  tenu, 

qui  passion  as  soustenu 

a  qui  nulle  ne  se  compère. 

Tu  nous  soyes  le  bien  venu  ! 

maintenant  ay  je  bien  congnu 
898.10  que  tu  m'es  vray  amy  et  pero, 

Quand  en  ma  piteuse  misère 

ta  doulco  gi-acc  me  conffere 

confort  et  m'as  entretenu  ; 

Or  congnoy  je  ce  hault  mistiîre  : 
89835  ta  l'esurrection  est  clero; 

de  mort  l'effort  a»  pi-evenu. 

/ry  se  part  Jhesus  subitement. 


UIBEN 

Doulx  Dieu,  et  qu'est  il  devenu? 
il  s'est  acop  evanouy. 

OEDEO.N 

Nous  n'en  avons  guaires  jouy  : 
89840  si  doit  bien  estro  reclamé. 


rP<wK.| 


laj  sa  plaint  Joseph  en  la  prison. 
JOSEPH  d'Arismathie. 
Doulx  .Ihosus  que  j'ay  tant  amé 
et  i)our  qui  je  suis  tant  blasnié, 
vueilles  ouir  mou  oroison  ; 
Tu  me  vois  icy  diffamé, 
S98'.s  en  ceste  prison  affamé, 

sans  ciiusc  et  a  grand  déraison  ; 
Et  si  n'y  a  aultre  achoison 


297X8  Et  nll.z  B.  C.  —  29807  ihers  B.  C.  —  29815  Elle  est  bien  scsl  B.  C.  —  29S10  El  du  poin  dessus  liel  el  bien  A. 

—  2<>817-S  m'<n'i,i-iH  A.  -  29823  innislre  i-liiur  tenu  B.  —  89831  je]  par  B.  C.  —898^  Que  de  ta  B.  C.  est  «inm/iw  B.  C. 

-  29S3I1  leffort]  le  fait  0.  —  29810  Son  s.iiiit  nom  en  soit  A.  -  29858  qui  non  suis  B.       29813  ouir]  examiner  C.  —  »8iD 

l>es  juitz  qui  mont  enlTerini-  lî.  G. 


392 


M  I  S  T  1<:  R  K    DE    r.  A    PASSION 


fois  que  ton  coi'lis  que  moult  prison 

ay  au  saint  sépulcre  fermé  ; 
29850  Pour  toy  suis  pugny  sans  raison, 

et  par  toy  do  ceste  prison, 

s'il  te  plaist,  scray  deffermé. 
S'en  ce  lieu  icy  mal  famé, 

let  et  horrible  et  difforme, 
29853  je  meurs  par  aucune  aventure. 

Tu  en  seras  troi)  blasphémé 

et  ton  saint  nom  plus  infamé 

que  do  me  donner  ouveiturc  ; 

Les  -luifz  en  feront  murmure 
29860  et  si  diront  par  grant  injure  : 

Joseph  fut  très  mal  informé 

D'avoir  mis  eu  sa  sépulture 

cil  qui  l'a  en  la  chartre  obscure 

délaissé  mourir  enfermé. 
29803   En  ccst  espoir  suis  confermé, 

Jhesus,  qui  les  mors  suscitas 

et  tant  de  miracles  fait  as 

quand  en  ce  monde  pouvoyes  vivre, 

que  par  toy  je  seray  délivre 
29870  quand  te  plaira  :  j'ay  ceste  foy. 
Icy  Jhesus  entre  dans  la  prison  par  Jessouhz 
et  le  b  lise. 

JHESUS 

Amy  Joseph,  paix  soit  a  toy  ! 
n'ayes  ja  doubte  en  ton  courage 
pourtant  se  tu  voys  mon  visage 
de  lumière  resplendissant. 
•  29875  Qui  suis  je  selonc  ton  samblant? 
je  voy  bien  que  ton  sens  varie. 

JOSEPH 

Raby,  tu  me  sambles  Helye, 
a  la  face  que  luysant  as. 

JHESUS 

Joseph,  Helie  ne  suis  pas; 
29SS0  i-egarde  moy,  je  suis  celly 
que  tu  as  mesme  ensevely, 
Jhesus,  propre  fdz  de  Marie. 

JOSEPH 

Doulz  Jhesus  donequcs,  je  te  prie, 
puisqu'a  moy  indigne  te  monsti'es, 
29S85  que  le  sépulcre  me  denionstres 
en  qnoy  ton  digne  corps  posay. 

JHESUS 

Vien  t'en,  je  te  le  monstreray  ; 
il  n'y  a  prison  n'aultre  chose 
tant  soit  bien  fermée  ne  close 


29890  qui  ja  t'y  face  empeschement. 

Iry  le  iiiahie  rers  le  sepulrrc. 


JOSEPH 

C'est  le  sépulcre  proprement 
ou  je  vous  mis  pour  ma  partie. 

JHESUS 

Or  t'en  va  en  Arismatliie, 
et  quand  la  aras  fait  retour, 
29895  jusques  au  quarantième  jour 
ne  te  bouge  de  ta  maison  ; 
car  il  est  l'heure  et  la  saison 
qu'a  mes  disciples  je  m'appere. 

JOSEPH 

Je  me  teudray  en  mon  reppei'e 
29900  a  vostre  gré,  mon  cher  seigneur; 
je  vous  mercy  de  la  doulceur 
que  vous  avez  vers  moy  gardée. 
Icy  s'esvanouyt  Jhcnis. 


-MARDOCEUS 

Seigneurs  et  princes  de  Judée 
qui  avez  l'adniinistratoire 

29905  de  la  loy  liaulte  et  peremptoiro 
a  laquelle  sonnnes  submis, 
avez  vous  ja  en   oubly  mis 
Joseph,  nostre  grand  adversaire, 
qui  tant  nous  a  voulu  meft'aire 

29910   pour  porter  la  bende  Jhesus? 

N.VASON 

II  avoit  esté  dit  dessus 
et  conclu  en  plam  consistoire 
que  pour  son  offense  notoire, 
après  la  pasque  solennelle, 
29915  il  en  mourroit  de  mort  cruelle  : 
or  est  ja  la  pasque  passée  : 
parquoy,  connne  dit  Mardocoe, 
de  sa  mort  traictier  convendra. 

CAYPHE 

Mes  leaulx  amis,  qui  vouldra, 
29920  il    en  sera  tout  a  cop  fait. 

ELIACHIN 

Mes  vous  en  prions  tous  de  fait, 
car  très  foit  offencé  nous  a. 


29833-01  Cfll--  atrophe  eal  m  cfrs  de  sept  sylhibfs.  B.  C.  —  298Ô3  Celuv  qui  en  la  A.  —  29864  Laissie  B.  Laisser  C.  — 
29568  pouviez  B.  pouez  C.  —  29S70  dieu  plaira  jeu  ay  la  foy  B.  C.  —  29»71  C  remplwe  liaux  l'indiration  scéilique  le 
baise  par  la  brise.  —  29884  tu  tes  denionstre  C.  —  29885  tu  nie  monstres  \\,  Que  le  sépulcre  me  çoit  monstre  C.  —  29891 
Regarde  ajoutr  par  \.  Voicy  le  sépulcre  voirement  B.  C. 


QUAHTF.    lOURN  K  R 


3»J'-! 


Malnl)riii? 


r.WPHE 

M  AI,  A  mu. \ 
Monseiguem-. 

CAYPHK 


Vieil  (;a. 


On  a  ioy  dctoriniiK'! 
ÎOOÎS  que  ce  .Toso|ih  soit  adiiioiK' 

devant  iiiesseigneui'B  qui  cy  sont  : 
va  le  quoiir. 

MAI.AIIRIN 

Vous  Tarez  dont 
incontinant  sans  sans  plus  i)lai(lifir. 


dont  oncques  hoinrao  ouyi«t  |>arler  : 
j'ai  trouvi-  l'huis  sniu  desceller 
ïfiftjo  et  si  l'uy  trouvé  verroiiillic-, 
serré,  bcndé  et  ratrouillii-  ; 
et  s'est  Joseph  hors  transport)*  ! 

DRAGON 

Les  diables  si  l'ont  emporté 
l>ar  eiichaiitenient,  soie<s  sueuiit. 

(iUBULi;  X 

SiK):>.'>   Vieil  le  compter  a  imsueigneuis, 

nffin,  s'ilz  veulent,  qu'ilz  le  trassent. 

MAI.ÀBRIN 

Une  fols  fault  il  qu'ilz  U:  sachent, 
je  leur  vois  compter  de  i-oideur. 


Ça,  sergens,  venez  moy  aidier  : 
Ï9930  que  mal  disnés  puissiez  vous  e-^tre  ! 

BRUYANT 

Qui  l'a  commandé  ? 

MALABRIN 

Vostre  maistro: 
ne  faictos  point  le  contredit. 

BRUYANT 

Nous  y  courrons  puisqu'il  l'a  dit, 
vueillons  ou  non  maulgri'  nos  deiis. 

MALABRIN 

89935  Joseph  a  bon  temps  ci  dedens. 
encor  n'est  il  pas  on  allé  : 
veez  cy  l'huis  scellé  et  Imrh' 
tout  ainsy  que  je  le  laissay. 
Haro! 

ESTONNÉ 

Y  est  il  ? 

MALABRIN 

Je  ne  sçay, 
29940  je  1(!  quiers  cy  de  point  en  point  : 
mes  brief 

ESTONNÉ 

Tu  ne  le  treuves  point  ? 
est  ce  ce  que  tu  veulx  hongner? 

MALABRIN 

Ou  me  peust  tout  vif  meshaiguer, 
s'il  ne  s'en  est  esvauouy  ! 

MALCUIDANT 

S994a   11  s'en  est  bien  et  beau  fouy  : 
croiez  qu'il  y  a  tromperie. 

MALABRIN 

^'eez  cy  la  plus  forte  faerie 


Mcsseigneurs,  une  grand  hideur 
89960  VOUS  est  advenue  au  jour  d'uy  : 
.Joseph  est  do  prison  sailly, 
et  si  ne  sçay  par  quel  partuis  : 
j'ay  trouvé  fermé  tous  les  huis 
do  verrous  bien  especiaulx, 
89965  scellés  et  hurlés  de  vos  soaulx 
sans  y  avoir  quelque  fracture, 
et  s'est  hors  de  la  fermetui'O  ; 
je  ne  S(;ay  comment  j'en  foray. 

CAYPHK 

Que  dis  tu,  dea? 

MALABRIN 

Il  est  tout  vray  : 
89970  vos  sergens  si  l'ont  veu  eulx  meismes. 

CAYPHE 

Veez  cy  les  plus  horribles  criâmes 
qui  oncques  furent  pourpensés. 
Anne,  dictes  que  vous  pensez  : 
que  ferons  nous  de  cest  exploit? 

ANNB 

89975   Puisqu'il  est  fait,  il  faut  qu'il  soit: 
tous  remèdes  en  sont  forclos  ; 
mes  d'ung  homme  en  ce  point  enclos 
sans  riens  deffermei"  en  saillir, 
c'est  bien  pour  soy  ti-op  esbahir, 

899S0  et  je  m'en  esmerveille  moult. 

BANANIAS 

Il  fauldra  enquérir  paitout 
ou  il  est,  c'est  noccessitc, 
pour  mieulx  sçavoir  la  venté 


299:î0  (lignes  h.  —  29938  Bciu  sire  .>sl  il  iloii.-  Iri>p  petit  H.  C.  —  2SW.  iiasj  vos  U.  C.  —  XlXn  Vovs  tu  C.  bulle  B.  C 
—  89938  Iny  laissie  B.  laisse  C.  —  29943  esi'orcliier  C.  —  89950-1  miiii-j%ent  B.  C.  —  Ï9958  Joseph]  mon  huuiuie  B.  C.  — 
21KJ55  nos  seigneurs  B.  C.  —  899j(i  facsnt  B.  —  8i)<>58  la  teneur  B.  C.  —  29965  Je  y  treuue  attaobiei  vos  seaulx  B.  C.  — 
89909  tout]  si  B.  aussi  C.  —29970-1  niesmes,  i-resmes  U.  —  29982  ne  en  quel  eyte  B.  C.  —  29983  l'our  9<-auoir  toute  la  A. 


394 


Ml  STERE    DE    LA    PASSION 


de  ce  fait  par  soubtil  chemin. 

JOATHAN 

S9985  C'est  bien  dit. 


30015  que  se  mi  darà?  piiint  n'y  vise; 
je  vois  dire  vostre  venue. 


Jcy  viennent  les  irais  chevaliers. 

ASCANUS 

Dieu  gart  Malabiiu, 
et  te  doint  d'argent  pleine  tasse  ! 

MALABRIN 

Messeigneuis,  Dieu  vous  doint  sa  grâce  ! 
veez  la  ung  salut  bien  assis. 

ASCANUS 

Ou  sont  messeigneurs? 

MALABRIN 

Tous  pensifz 
Î9990  Hz  songent  en  leur  siguagogue  : 
n'a  celluy  qui  ne  soit  plus  rogue 
et  plus  enfilé  iju'ung  rat  pelle. 

EMILIU.S 

Pourrions  nous  point  estre  apellé 
pour  compter  deux  mos  de  besongne  ? 

MALABRIN 

£999j   Je  na  s^ay  par  Dieu  :  je  resongne 
d'y  aller  tant  que  Dieu  le  scet; 
c'est  icy  a  dire  en  secret  : 
tout  le  ménage  est  bien  trompé  : 
Joseph  leur  est  huy  eschappé, 

30000  dont  près  qu'ilz  ne  crèvent  d'engaigne, 
et  sont  plus  enfilés  qu'une  graigne 
qu'ilz  n'ont  veau  a  leur  dessus. 

MARC  ANTHOINE 

Encor  y  a  il  pis  :  Jhesus, 
qu'ilz  ont  fait  mourir  a  tel  claiu, 
S0Û05  est  ressuscité. 

MALABRIN 

Pour  certain? 
haro  !  quel  rengrege  vecy  ! 

ASCANUS 

Pour  aussi  vray  que  tu  es  cy  : 
il  est  dcsja  tout  manifeste. 

MALABRIN 

Si  ara  taiitost  belle  leste  ; 
30010  mes  qu'ilz  oyent  ces  beaux  devis, 
ilz  en  enrageront  tous  vifz 
et  s'enfileront  comme  ung  ciapault : 
mes  voit  autfort,  il  ne  m'en  chault  : 
droit  par  manière  de  devise, 


Seigneurs,  le  grant  Die\i  vous  salue 
et  voas  gard,  nobles  conseilliers  ! 
Voy  la  trois  gentilz  chevaliers 
30020  qu'a  vostre  portai  laissés  ay, 

mes  qu'ilz  demandent,  je  ne  sçay  : 
ilz  ne  veulent  riens  descouvrii'. 
Qu'en  feray  je  ? 

CAYPHE 

Fais  les  venir  : 
s'orrons  qu'ilz  vouldront  proposer. 

JOATHAN 

300?,T  J'espère  par  présupposer 

par  ma  foy  que  ce  sont  ces  trois 
que  nous  commismes  l'autre  fois 
d'aller  garder  ce  monument. 

ANNE 

Croyez  que  ce  sont  ilz  voirment  : 
30030  quand  ilz  ont  bien  par  tout  gard('', 
peut  estre  qu'ilz  ont  regardé 
que  Jhesus  du  sépulcre  n'yst 
et  qu'il  se  passe  et  se  pourrist  : 
eulx  qui  sont  cauteleuse  gent 
30035  s'en  viennent  quérir  leur  argent, 
voulans  estre  sallariés. 

CAYPHE 

C'est  raison  qu'ilz  soient  payés, 
car  ilz  ont  eu  peines  plusieurs. 

NACHOR 

C'est  raison. 


MALAURIN 

l^ntrez  eus,  .seigneur?  : 
30040  le  baing  est  ehault,  on  le  vous  mande. 

ASCANUS 

Allons,  puisqu'on  le  nous  commande  ; 
auliort  aller,  je  ne  les  crains. 


EUILIUS 

Princes  des  prostrés  souverains, 


29984  soubtilz  moyens  B.  C.  —  29991  rouge  C.  —  30003  a  il  pis  oe  B.  G.  -  30004  elnin]  uliam  C.  —  3Û0Û6  veez  cv 
A.  —  30015  yuose  mydave  A.  Cause  (espiice  en  blawj  poiul  u_v  vise  B.  Cora  se  que  point  je  ne  vise  C.  -  30018  Et  garil 
vos  nobles  B.  ses,  nobles  G.  —  30029-38  manquent  A.  —  30039  Entrez  seigneurs  légèrement  A. 


I 


Q  U  A  R  T  !■: 
Diou  soit  en  vostre  compaigiiie  ! 

OA.YPHE 

30015   Diou  guvii  l'assonibleo  jolie 

et  leur  doiiit  bon  jour  touteflbis  ! 

Que  (lient  les  g-entilz  gallois  ? 

connnent  s'est  leur  exploit  porté? 

Jhcsus  est  il  l'essuscité  ? 
30050  je  croy  qu'il  no  luy  en  souvient. 

MARC  ANTHOINE 

Puisque  dire  lo  vous  convient 

du  point  dont  nous  examinez, 

par  vostre  gré  m'en  pardonnez 

se  j'en  dis  riens  aux  préjudices 
30055  de  vous  tous  et  de  vos  complices  ; 

ne  vous  en  vucillicz  csniouvoir, 

une  fois  le  vous  fuult  sçavoir, 

si  vault  mieiUx  cnnuit  q\ic  demain  : 

Jkcsus,  le  prophète  haultain, 
30060  est  relevé  de  mort  a  vie. 

CAYPHE 

Kscoutez  cy  quel  dcableric, 
quel  dueil,  quel  passion,  quel  rage; 
escoutez  quel  liideux  langage 
pour  un  cueur  humain  depaisier! 

NATHAN 

30065  Sire,  vueillez  vous  appaisier  : 
par  trop  se  ti  aveille  d'ire  lions, 

EMILIUS 

C'est  tout  pour  voir  que  nous  dirons. 

NACHOR 

Hz  se  jouent  :  que  vous  pensez  ? 

JAcoa 
Hola  !  compaignons,  c'est  assés  : 
30070  comptez  le  cas  aiusy  qu'il  va. 

ASCANIIS 

>'e  m'appeliez  point  jeu  cela, 
afiin  qu'il  n'y  aist  point  d'estrif: 
Jhcsus  est  régnant  liomnie  vif, 
je  ne  sçay  s'il  vous  en  desplest. 

JORRAN 

Me.sseigneurs,  sçavoz  vous  qu'il  est? 
no  proferez  point  telz  paroles, 
car  elles  sont  lourdes  et  foies 
et  moult  priUouses  a  compter  : 
car  tel  vous  pouri-oit  escouter, 
combien  qu'en  esbatant  lo  dictes, 
qui  les  tondroit  pour  vray  redietes 
et  y  vouldroit  adjouster  foy, 
et  ainsy  img  aultre  après  soy 


30075 


30080 


.1  0  II  R  N  K  K 

et  tonsjours  au  dernier  le  |iir«, 
30085  car  mauvaise  nouvelle  empire 
en  la  bouche  d'ung  frivoleur  : 
ainsi  en  sourdoroit  erreur 
telle  qu'on  no  pourroit  abatrc, 

EMtI.IL'8 

l'ensez  vous  qu'il  se  vueille  esbalre 
30090  a  donner  boiu'des  n  entendre? 

prenez  ou  vous  le  vouldrez  prendre  : 
je  dis  connne  il  a  dit  devant 
que  Jhesus  est  homme  vivant 
sensiblement  comnic  vous  estes. 

ANNE 

30095  Taisiez  vous,  taisiez,  foies  bestes  : 
nou.«  semez  vous  ces  boui'des  cy 
pour  nous  faire  entendre  cecy  ? 
Taisiez  vous,  que  plus  n'en  oyons, 
car  de  desplaisir  nous  noyons, 

3O10O  puisqu'il  nous  vient  quelque  pai-sonue 
qui  de  ce  .Ihosus  nous  sermonne, 
car  do  luy  ce  n'est  qu'ung  abus. 

MARC  ANTHOINE 

.Je  ne  s^ay,  sire,  quel  Jhesus  : 
TOUS  le  mettez  a  graut  rabat, 
30i05  mes  par  le  gloi'ieux  sabat 

qui  est  vosti'o  joui'  solorapnel, 
il  est  issi  do  son  tombel 
raaulgré  nous  et  tout  uostrc  |K)rt. 

CAYPHE 

Veez  cy  le  plus  cruel  raporl 
.30110  qu'oncques  homme  oyst  prononcer; 
c'est  assés  pour  ung  cuour  porscr 
de  dueil  et  en  quatre  pars  fondre, 
et  n'est  qui  m'en  sache  deffeudro 
que  je  ne  meurre  de  courroux. 

YSACAR 

;t0115  Siro,  pour  Diou  appaisie/.  vous, 

telz  nios  n'yssent  de  vostre  bouche; 
je  sçay  bien  que  le  fait  vous  touche, 
mes  il  fault  que  vous  le  passez: 
s'ilz  se  sont  ung  peu  elTorccs, 

301Î0  il  fauldra  bien  qu'ilz  se  modei-ent. 

CAYPHE 

Vous  ouyez  que  tous  pei-sevei-ent 

fermes  en  une  oppinion  ; 

si  fault  par  inquirioion 

qu'on  leur  face  aultre  chemin  prendre. 

UARUOCEUS 

30125  O  faulces  gens,  l'en  vous  deust  pendre 


305 


30055  ne  des  vosln>s  li.  —  30064  despei-ier  0.  —  3C067  pour  tout  vray  que  lu  disons  A.  —  3Û07S  nioull  mauijuf 
|p<>rilleuses  B.  G.  —  30084  au]  le  B.  C.  —  30093  homni.']  de  fait  B.  C.  —,30099  Tensoz  vous  que  nous  (l,i  fin  mtinquf)  C. 
—  30103  sire  nir/fiyuc  jhesHs  réitelti  A.  li.  —  30107  yssu  C.  —  ."Oll.S  nous  li.  —  30119  Sili  sont  ung  petit  eHVonss«i  B. 
effrayez  C.  —  30121  voie/  B.  C.  —  301Ï3  vojc  dncUon  B.  0.  —  30J25  on  vous  puist  pondre  11. 


396 


M  I  S  T  K  R  E    DR   LA    PASSION 


a  iing  gibet  et  estranglcr 
rl'avoir  laissié  Jliesus  omblor  : 
dont  tout  vostre  fait  est  rompu. 

NAASON 

Vous  avez  esté  corrompu 
30130  et  séduit  par  force  d'argent 
de  ses  disciples  et  sa  gent 
qui  vous  ont  sceu  bien  abruver, 
et  puis  pour  vostre  honneur  sauver 
vous  nous  servez  de  vos  ponnees  : 
30135  elles  sont  ung  peu  trop  pellees  ; 
portez  les  aultre  part  reffalre. 

ELUCHIN 

Pensez  si  bien  a  vostre  affaire 
que  vous  vouldrez  :  s'il  est  trouvé 
encontre  vous  sceu  et  prouvé 

30140   qu'il  y  aist  en  vous  faulte  aucune, 
et  que  par  argent  ou  peccuue 
ayez  le  corps  Jhesus  vendu, 
il  vous  sera  bien  cher  rendu  ; 
car  par  la  verge  de  Moyse 

30145  vostre  char  en  sera  subraise 

a  tel  dueil  que  vous  en  mourrez. 

.\SCANUS 

Vous  ferez  ce  que  vous  vouldrez, 
mes  s'en  vous  n'y  a  mesprison 
vous  ne  nous  ferez  que  laison, 

.30150  car  en  riens  nous  n'avons  raespris  ; 
mes  vous  estes  si  bien  appris 
de  gens  injustement  pugnir 
que  ne  vous  en  sçavez  tenir: 
ne  créiez  point  que  pour  menace 

30155  ne  pour  honte  que  l'en  nous  face 
n'yrons  encontre  de  nos  ditz  : 
j'ay  dit  et  de  rechief  le  dis 
que  Jhesus  en  corps  et  en  ame 
est  yssu  de  dessoubz  sa  lame 

30160  pour  aussi  vray  que  je  vous  voy. 

ANNE 

Or  bien  <,:a  doncques,  respons  moy  : 
se  du  fait  tu  as  ou  la  vcue, 
que  ne  doffeniloi.s  tu  l'issue 
affin  qu'il  ne  s'en  fust  party  ? 

ASCANUS 

30165  Nous  estions  tous  en  tel  party 
et  en  si  giant  |)erplexité 
qu'il  nous  sambla  que  la  cité 
et  toute  la  terre  trembla. 


E.MII.ILS 

La  veuo  si  fort  nous  troubla 
.30170  que  tandis  qu'il  yssit  dehois 
a  terre  cheusmes  comme  mors 
de  paour  de  fouldre  et  de  tempeste, 
et  n'eusse  bougé  pié  ne  teste 
qui  m'eust  donné  cinq  cens  besans, 
30175  tant  estoie  mas  et  pesans, 

et  tous  mes  compaignons  aussi. 

MARC  ANTHOINE 

Mes  plus  fort  :  nous  estans  ainsy, 
je  ne  s'çay  pas  se  c'estoit  songe 
ou  vision  ainsi  qu'on  songe, 

30180  femmes  ouysmes  qui  qucrroient 
le  corps  Jhesus  et  fort  ploroicnt 
qu'il  n'estoit  plus  en  son  tombeau  ; 
lors  perceusmes  ung  jouvenceau 
ayant  le  vis  resplendissant 

301 S5  conmie  fouldre  du  ciel  yssant 
qui  la  ])ierre  a  terre  versa 
et  puis  aux  femmes  dénonça  : 
«  Ne  querez  plus  dorénavant 
le  corps  Jhesus:  il  est  vivant. 

30190  Allez  a  ses  disciples  dire 

que  bien  tost  s'en  voisent  de  tire 
en  Gtdilee  :  la  ira 
si  brief  qu'il  les  pi'ocedeia.  » 
Kt  beaucop  de  menus  sermons 

30195  que  pour  tout  vray  vous  affermons, 
mes  compaignons  et  moy  vrayment. 

ANNE 

Or  me  dis  donc  par  ton  serment, 
qui  estoient  ces  femmes  la 
a  qui  ce  jouvenceau  parla, 
30200  comme  vous  nous  faictes  entendre? 
pourquoy  ne  les  alliez  vous  prendre 
affin  qu'en  feussions  informés  ? 

BANANIAS 

Aviez  vous  paour  ainsi  armés 
et  (stophés  de  bonnes  haches? 
30205  il  pert  bien  que  vous  estes  lasches, 
couars  et  pleins  de  recraudise  : 
s'en  vos  cueurs  eust  eu  vaillandise, 
vous  en  eussiez  eu  piet  ou  elle. 

ASCANUS 

II  ne  fault  que  dire  prenez  le, 
30210   qui  vous  ot  ainsy  caqueter  : 

qu'or  pleust  a  mon  dieu  Jupiter 
qu'a  nostre  point  eussiez  esté, 


30132  nbeuurer  H.  b.iliiller  C.  —  30134  pellees  B.  C.  -  30139  et]  ou  B.  C.  —  301'i0-l  manquent  C.  —30142  le  corps  jhesus] 
ce  séducteur  B.  C.  —  30147  pourrez  C.  —  30155  Nerubescenre  quon  B.  C.  —  30165  tou.s  munque  B.  C.  —  30177  dormalis 
B.C. —30181  jhesus  et]  et  de  ce  B.  C.  —  30191  Que  leur  chemin  vueillenteslire  B.C.  — 30196  Qui  ne  lait  veu  pareillement 
B,  C.  —  30202  Seussent  du  fait  nous  H,  C.  —  30206  couars]  gras  B.  mas  C.  reoraindise  B.  recreandisc  C.  —  30208  eu) 
ou  C.  -  30209  tenez  le  B.  C. 


guA 

voir  comiiioiit  vous  feussiez  jwi'tc 
et  conduit  (le  liaultes  lii(,'oiia  ; 

30215   pensez  vous  que,  se  nous  cusson» 
nous  peu  tetiii'  en  nostre  estage, 
nous  n'e\issions  point  tenu  visage 
et  barbe  d'homme  a  tous  oostés? 
si  eussions,  ne  vous  en  doubtez. 

.10220  Mes  contre  tel  merveilleux  signe 
qui  se  fait  par  vertu  divine 
comme  nous  croions  sans  doubtoi', 
il  ne  s'i  fait  pas  bon  bouter  : 
aussi,  vous  le  sçavez  assés, 

30225  nous  (>stans  ainsi  renvei-sés 
a  terie  par  terrible  instance, 
estoit  il  on  nostre  puissance 
de  deftendre  et  de  retenir 
aux  fenmies  l'aller  et  venir? 

30230  vous  |)ouez  congnoistre  que  non. 

CAYPHE 

Par  le  vi'ay  Dieu  et  par  son  nom, 
vous  estes  trois  mauvais  barteurs, 
et  comme  desloyaulx  menteurs 
en  riens  nous  no  croyons  vos  ditz. 

EMII.IUS 

30235  Nous  ne  sommes  point  csbahis 
se  peu  de  bien  tenez  de  nous  : 
vous  avez  peu  veoir  devant  vous 
.Ihesus  faire  tant  de  miracles 
sur  muetz,  sur  demoniacles, 

3fl2'éO  et  oncqui>s  n'y  voulustes  croii-e  : 
tendrez  vous  donc  pour  chose  voire 
chose  di>  quoy  jioint  ne  farçons? 

ANNE 

Vous  estes  trois  mauvais  garçons 
et  en  vos  malices  unis  ; 
302^5  briefmcnt  vous  eu  serez  pugnis 
si  serrement  qu'il  y  perra. 

MARC  ANTHOINE 

Autfort,  qui  nous  en  pugnira, 
nous  serons  pugnis  sans  mcffaire  ; 
mes  aussi  vous  le  pouez  faire, 
:J0250  que  vous  avez  emprisonné, 
injurie  et  villeué 
Joseph,  le  notable  seigneur, 
ou  vous  n'avez  guaire  d'ouneur, 
qui  vo\is  en  osast  i)ien  l'cmettre. 

ASCANIJS 

;»2^   Puisqu'il  fault  parlei'  a  la  lettre, 
la  chose  soit  ainsy  partie  : 
rendez  Josejih  d'Arisniatie 

302iri  que]  point  A.  —  3()21(i  de  lier  courage 
vo^l^i^lr■s  li.  voulstes  C.  —  .';02'i2  nous  vous  ili'si 
Kt  se  C.  —  30275  roinprenons  B.  taisons  fort  C  - 


IITK    lOURNEK 


397 


I 


que  vous  avez  sans  mcspiisons 
enfermé  d<îden»  vo»  prisons, 
30260  et  s'a  ce  vous  voulez  comprendre 

nous  nous  faisons  fort  de  vous  rendre 
Jhesas  que  nous  avons  ganlé 
au  sépulcre. 

CAYPHB 

C'est  bien  lardi-  ! 
Très  bien  vos  cautellet»  entons, 

3026Ô  et  sur  ce  point  sonnnes  contons  : 
faictes  que  .Ihesus  sçit  rendu, 
car  .Josoi>h  n'est  mort  uo  pendu, 
en  Arismatie  demeure, 
et  y  envoirons  de  «este  heure 

30Ï70  [Miur  l'admcuer,  s'il  est  bcsoing. 

EMIUliS 

Kt  aussi  ne  soyez  eu  soing  : 
ce  n'est  pas  chose  trop  cellei! 
que  .Ihesus  est  en  (jalilee  : 
se  do  .Ios<!ph  pouez  (iner, 
30*75  nous  vous  promettons  d'admencr 
.Ihesus,  se  le  cas  le  requiert. 

JOATHAN 

Qui  plus  de  la  matière  enquicrt 
et  plus  est  fol,  ce  m'est  advis  : 
Caiphe,  cessons  ces  devis 

30880  de  paour  qu'il  n'en  sourde  contraire  ; 
faictes  ces  chevalière  retraire, 
et  vuidier  du  parquet  grand  omble, 
et  puis  ayons  conseil  ensemble, 
car  je  veil  mouvoir  une  <loubte 

30285  qui  en  mon  courage  se  boute, 
ou  il  chet  argumcns  bien  foi-s. 

CAYI'HE 

J'en  suis  content. 

MALABRIN 

Vuidcz  deliors, 
soigneurs,  faictes  d'icy  deppart; 
messeigncurs  parleront  a  part, 
30290  puis  vous  orrez  votre  libelle. 

ASCANtS 

<  )uyl,  ilz  nous  la  bauUiront  belle  : 
nous  en  sei-ons  très  bien  roU'ais. 


JOATHAN 

Seigneui-s,  jwur  pourvoir  a  nos  fais, 
je  regarde  plusieui-s  daugiers  : 

A.  —  30217  Que  nous   l'ussions  A.  —  'SOîSi  barrelteurs  C.  —  30MO 
ssons  H.  disons  C.  —  30*51  oseroit  C.  —  30260  sur  re  nous  C  —  30271 
.30291  bailleront  B.  Je  oruis  quilt  luy  bailleront  A. 


398 

30295 


MISTEREDE    LA   PASSION 


vous  avez  a  ces  chevaliers 

une  grand  matière  entamée; 

mes  s'elle  estoit  parconsomniee, 

ce  seroit  pour  nous  fort  restraindre  : 

vous  les  avez  voulu  contraindre 
30300  qu'ils  nous  facent  Jhesus  avoir, 

mes  vous  ne  pourriez  pas  vouloir 

s'il  est  vif  qu'il  nous  fust  rendu  : 

tout  nostrc  fait  seroit  pardu, 

mes  trop  mieulx  nous  vault  qu'il  s'estrangc 
30305  de  nous  en  ung  pays  estrange, 

que  jamès  n'en  oyons  parler  : 

par  ce  jioint  pourrons  mieulx  celer 

sa  résurrection  par  droit, 

s'il  est  vray  que  suscité  soit  : 
30310  au  moins  se  la  nouvelle  a  cours, 

nous  le  pourrons  nyer  tousjours, 

qui  que  le  nous  aist  exposé. 

CAYPHE 

Joathan,  c'est  bien  proposé  : 

mes  comment  en  ferons  nous  dont  ? 

JO.VTHAN 

30315  Veez  cy  deux  voies  qui  y  sont 

dont  il  nous  fauldra  prendre  Tune  : 
ou  les  corrompre  par  peccune 
et  les  tirer  de  nostre  bcnde 
a  force,  ou  que  l'argent  se  prende, 

30320  tant  qu'ilz  facent  cheoir  ce  bruit; 
ou  les  prendre  de  belle  nuit 
tous  trois  par  soubtille  manière 
et  les  getter  en  la  rivière 
ou  leur  trancher  les  hastereaux. 

JHEROBOAN 

303J5  Tant  qu'il  touche  ces  deux  consaulx, 
très  volentiers  je  vous  escoute, 
mes  le  dernier  ne  me  piaist  goûte, 
quoy  qu'il  soit  du  premier  en  soy  ; 
et  veez  cy  la  raison  pourquoy  : 

30330  se  ces  trois  nous  faisons  mourir, 
c'est  pour  ung  danger  encourir 
bien  terrible  de  deux  costés  : 
l'ung  est  car  ilz  nous  sont  prestes 
de  Pilate,  nostre  prevost, 

'30335  qui  le  sçaroit  ou  tard  ou  tost, 
et  pour  soy  venger  de  l'erreur 
en  resoriproit  a  l'empereur 
que  ses  gens  avons  fait  occii'e, 
et  voyla  pour  nous  tous  dcstruire  ; 


30340  l'aultre  qui  vault  pis  que  le  sept 

si  est,  que  se  le  peuple  scet 

et  ouyt,  combien  qu'il  diffère, 

que  nostre  rigueur  se  jirefcre 

sur  ces  trois  pour  les  mettre  a  mort, 
30345  chacun  jugera  nostre  tort 

et  que  Tarons  fait  par  cnvye 

pour  ce  que  Jhesus  est  en  vye  : 

lors  sera  Jhesus  élevé  ; 

adonc  nous  sera  repprouvé 
30350  mille  fois  la  mort  du  brigueur, 

et  comment  a  toute  rigueur 

y  procedasmes  en  derrière; 

ainsi  desmourrons  en  l'arriére 

sans  seignorie  et  sans  pouoir  : 
30355  mes  pis,  le  menu  peuple,  espoir, 

encontre  nous  s'eslevera, 

qui  ensemble  nous  destruii'a 

de  mort  honteuse  a  desmesure  ; 

et  ainsi  dont  je  vueil  conclurre 
30360  qu'il  vauldroit  mieulx  pour  ce  cop  rompre 

))ar  force  d'argent  les  corrompre 

que  d'y  quérir  aultres  sentiers. 

ANNE 

Je  vous  escoute  volentiers, 

Jhoroboan  :  subtillement 
30363   proposez  et  prudentemcnt, 

et  n'est  courage  qui  vous  oye 

qu'a  vous  ouyr  ne  se  resjoie  ; 

vous  avez  l'art  de  rhétorique, 

et  sçavez  toute  la  pratique 
30370  que  doit  avoir  bon  orateur, 

et  comme  un  sage  consiUteur 

je  me  tiens  de  vostro  partie. 

NACHOR 

La  chose  est  très  bien  assortie  : 
on  ne  la  pourroit  mieulx  songer  ; 
30375  mes  encor  y  gist  il  danger 

qu'ilz  n'y  veuUcnt  pas  consentir. 

NATHAN 

Je  cuide  bien  d'eulx  tant  sentir 
que  si  feront,  sauf  vostre  grâce  : 
il  n'est  chose  qu'argent  ne  face  : 
30380  argent  courrouce,  argent  relessc; 
argent  abat,  argent  redresse  ; 
argent  donne,  argent  toit  office  j 
argent  corrompt  droit  et  justice 
et  d'aultres  choses  cent  milliers. 


30296  Ja  une  B.  C.  —  30301  valoir  A.  Vouldriez  pas  vouloir  C.  —  30321  sur  une  B.  C.  —  30328  du]  dit  A.  —  3033' 
rescrira  C.  —  30338  arions  A.  —  30340  les  sept  C.  —  30342  quil]  quon  C.  —  30344-7  quand  mors  les  scaront  Tous  leurs 
oppinions  arout  Que  Jhesus  sera  surrexi  Et  qua  tort  leur  ferons  reoy  B.  C.  —  30350  begueur  C.  —  30300-i  les  cor- 
rompre, le  cop  rompre  A.  —  30368-9  «t'i/i'/iteiK  A,  —  30370  Vous  estes  prudent  orateur  A.  —  30380  resjoye  A.  —  30i81 
l'ait  joye  A. 


QUARTE    JOUUNKR 


r»9 


TAYPHE 

30385  Fay  rctoiii'iier  ces  chevnliei-s, 

la  sinngogiio  los  désire  ; 
et  les  hasU". 

MAI.AimiN 

Voleiiticrs,  siro, 
vous  les  aiez  a  peu  do  plest. 


Chevaliers,  rentrez  s'il  vous  plaist  ; 
30390  vostre  fait  est  tout  appoiutié. 

ASCANUS 

II/,  ont  bien  loiigueiiiont  traictio 
et  fuit  (les  devis  inig  grand  tas. 


CAYPHE 

Ça,  messoigneurs,  veez  cy  le  cas  : 
nous  avons  pensé  a  l'erreur 
du  fait  de  Jhesus  l'enchanteur, 
DU  rudement  vous  comportez 
eu  tant  que  vous  nous  rapportez 
nouvelle  do  luy  forte  a  croire, 
([ue  ne  ci'oions  pas  estre  voire 
no  croirons  tant  que  siècle  dure  : 
car  ee  nous  samble  chose  dure 
a  ouir  et  tout  impossible 
qu'ung  homme  mortel  et  passible 
qu'on  a  pu  vivant  tant  grever, 
après  la  mort  pui.st  relever  ; 
co  ne  soroit  pas  seulement 
folie,  mes  abuscment, 
par  toute  la  loy  do  Judée  : 
car  vous  S(,avez  qu'il  a  fondée 
et  presché  une  loi  nouvelle  ; 
et  donc  se  cecy  se  revelle, 
grand  meschief  nous  en  advendra, 
car  tout  le  monde  so  tendra 
a  la  loy  qu'il  a  connnanccc, 
et  sera  la  nostro  laissée 
qui  n'est  ne  d'Eve  m;  d'Adam, 
ne  de  Xoé  ne  d'Abraham  : 
Dieu  en  fit  la  fondaciou. 
Neantmoins  vostre  rolacion 
avons  paciemment  receu, 
et  ont  messeigneurs  très  bien  sceu 


30305 


30100 


30'iOj 


:;0110 


,  30'il5 


80420 


30i35 


30U0 


qu'a  celluy  sépulcre  gai'dci- 
V0U8  vous  este»  laissic  frauder, 
et  que  des  disciples  grant  somme 

30425  do  Jhesus,  ce  malheureux  homme, 
se  sont  sur  la  nuyt  assombh? 
et  qu'ilz  vous  ont  le  corps  erablé  : 
la  chose  est  ja  notoire  et  clere  ; 
chacun  le  scet  et  considère 

30430  qu'ilz  ont  ce  fait  furtivement. 
Confessez  le  tant  seulement  : 
rémission  vous  est  donnée, 
la  chose  vous  est  pardonncc 
et  le  Jmrdonnous  de  rechief. 

EMII.IUS 

Prince,  ce  seroit  giant  meschief 
que  pour  recouvrir  vos  offcnccs 
nous  naviions  tant  nos  consciences 
de  mentir  si  evidamment  : 
ja  ne  le  dirons  aultremcnt  ; 
bien  noas  gouvernez  en  entfant. 
Jhesus,  victeur  et  tiiumpliant, 
est  vivant  du  tombeau  sailly  ; 
nous  n'avons  erré  ne  failly; 
nous  l'avons  gardé  contre  tous 

30445  et  encore  demandons  nous 

nos  gages  pour  ces  ti'ois  journées 
pour  nos  poncions  ordonnées, 
combien  que  despit  en  ayez; 
et  se  nous  no  sommes  payés, 

;i0450  maulgi'é  vous  nous  eschapperons 
et  publiquement  prescherons 
que  Jhesus  maulgi'é  vostro  effort, 
comme  Dieu  tout  puissant  et  fort, 
est  ressuscité  en  vray  estre. 

ANNE 

304K  Ha  !  seigneurs,  par  le  Dieu  cclestrc, 
voas  estes  gens  comtois  et  sages  : 

•  modérez  un  peu  vos  langages 

et  ne  tenez  plus  ce  chemin  : 
prenez  de  nous  ung  courtois  vin 

30460  pour  nourrir  amour  et  concoixle, 
et  vous  tenez  de  nostre  corde  : 
en  vostre  raercy  nous  mettons 
et  de  tous  poins  nous  submettons 
a  passer  tout  par  vostre  esgart, 

30465  ou  cas  que  vous  arez  regai't 

a  gai'der  l'honneur  qu'en  vous  pose. 

MARC  ANTHOINE 

0  dea  !  voila  bien  aulti-e  chose  : 
vous  reffraindoz  ung  peu  vosti-c  ii'C. 


30387  El  le  A.  —  30400  sieile]  ricl  C.  —  30102  ouir)  hiik  homm.-  B.  -  30103  ung  iii.ia'iur  A.  ^  30117  iio<-|  '"^fj- - 
Sont  voulu  dp  nuyt  assembler  A.  —  30437  sont  venu  lanibler  A.  —  30137  blessissions  B.  bk'ssions  C.  —  304»  1 
lîostre  escient  IS.  C.  —  30157  couralges  B.  C.  —  30162  nous)  vous  C. 


■  30167  lela  Psl  nultro  B.  f. 


400 


MISTEHK    DE    LA    l'ASSlON 


Dictes  ce  que  vous  vouldrez  dire 
30170  et  doulceiuent  nous  vous  oi  tous. 

JMnDOCEUS 

Regardez  quel  vin  nous  donroiis 
après  noises  et  tous  debas, 
et  en  tous  lieux  ot  hault  et  bas 
que  jamos  vous  vous  tiouvercz, 
30i75  ])ar  serment  vous  affcrmorez 
que  les  disciples  de  Jbesus 
ont  par  nuit  levé  le  sercus 
et  ravy  leur  maistre  dedens. 

ASCANUS 

Nous  mentirons  par  my  nos  dens  : 
30180  il  n'est  rien  qui  ce  moyen  vaille. 

NAASON 

Et  bien,  de  cella  ne  vous  chaille  : 
s'il  est  tout  vray,  pour  vray  s'en  voit, 
se  c'est  mcnty,  bien  nionty  soit  : 
tousjours  serez  creus  en  l'enqueste  ; 
30485  accordez  nous  ceste  requeste, 
voire  pour  bien  le  desservir. 

F.MILIUS 

J'entens  bien  :  on  nous  veult  servir 
d'ung  beau  dard  de  corrupcion. 

MARC  ANTHOINE 

Vous  nous  faictes  cy  mencion 

30490  d'estre  faulceres  et  baveux 
en  payant  un  vin  gracieux  : 
je  ne  sçay  quel  vin  ne  quel  saidce, 
mes  s'il  fault  que  mon  serment  faulce 
pour  devenir  menteur  en  fin, 

30495  j'en  aray  ung  si  bon  lopin 

qu'il  n'y  fauldra  point  retourner. 

ASCANUS 

Regardez  que  voulez  donner 
habillement. 

ELIACHIN 

11  faut  svavoir 
quel  argent  vous  voulez  avoir', 
30500  et  après  vous  serez  souldés. 

EMILIUS 

Faictes  ottre. 

BANANYAS 

Mes  demandez; 
faire  le  devez,  ce  me  samble, 
et  puis  nous  penserons  ensemble 
se  Testât  le  pourra  souffrir. 

MARC  ANTHOINE 

30505  N'osez  vous  quelque  chose  offrir  ? 
avarice  vous  retient  bien. 


JOATHAN 

Aussi  vous  ne  demandez  rien  : 
la  demande  vous  appartient. 

NACHOV, 

Nous  tenons  cy  halle  de  nyent  : 
30510  conmie  le  plus  fol  je  m'advancc  : 
gens  chevaliers,  pleins  de  vaillance, 
serez  vous  ce  bruit  apaisans 
se  vous  avez  cinq  cens  besans 
de  fin  or  du  coing  de  la  ville  ï 

ASCANUS 

30515    En  voulez  vous  donner  dix  mille? 
vous  nous  rabaissiez  \mg  i)eu  trop. 

CAYPHE 

Dix  mille,  ce  seroit  beaucop  : 
vous  nous  mettez  fort  en  renchere. 

EMILIUS 

Aussi  vendons  nous  chose  cherc 
30520  et  de  grant  precieusetc'. 

ANNE 

Et  que  vendez  vous? 

EMILIUS 

Vérité, 
qui  est  trésor  a  l'espriser 
qu'on  ne  pourroit  assés  piiser  : 
vous  nous  faictes  bien  rabaissier 
30525    quand  vérité  nous  fault  laissiei' 
l)our  mentir  a  vostre  querelle. 

NATHAN 

La  sonmie  est  ung  peu  trop  cniello  : 
s"il  vous  plaist,  vous  en  quitterez. 

MARC  ANTHOINE 

11  fault  que  vous  considérez 

30530  que  quand  son  disciple  fraudastes 
et  de  le  livi-er  marchandastes 
en  vos  mains,  sauve  sa  deffenco, 
ce  fut  petite  rescompence, 
baillier  trente  deniers  en  somme 

3fô35  pour  avoir  la  mort  d'ung  tel  homme  ; 
et  si  ne  passa  pas  avant, 
que  vous  eustes  maistre  et  servant  : 
le  maistre  a  la  croix  se  rendy, 
le  faulx  disciple  se  pendy  : 

30510   si  vous  fut  vostre  argent  rendu  ; 
et  par  ce  tout  bien  entendu, 
se  par  vostre  énorme  péché 
eustes  sa  mort  a  grant  marché, 
sa  vie  vous  sera  vendue 

30545   de  tant  plus  cher  a  la  vallue, 
pour  ce  que  la  voulez  estaindre. 


30478  tire  C.  —  ;  04S0  que  B,  C.  —  30i84  Uci|Ueste  lî.  -  30«I9  quel  Hnance  B.  C.  —  30509  cy  viatique  A.  —  SOJIl 
Oenlilz  hommes  B.  C.  —  30517  seigneurs  cest  B.  C.  -  30521  Et  que  r.ous  A.  —  30522  a  bien  in iser  A.  eks  [.rier 
B.  —  30523  midiîiie  A.  —  30532  sauf  B. 


Q  U  Ul  T  K    .1  0  U  R  N  K  K 


iOl 


MAllDOCEl  s 

Voiis  voulez  noslre  fait  attaindrc 
par  trop  foit,  dont  ave/,  mespris ; 
mes  dictes  eu  regard  du  pris 
3œjO  que  nous  en  irons  rabatant. 

ASCANUS 

Riens,  fions,  vous  en  payerez  tant  : 
il  n'en  fault  ja  tant  faire  noisc; 
et  de  fait  encor  il  nio  poisc 
que  nous  ne  l'avons  rais  plus  hault. 

CAYPHE 

30555  Ung  petit  reti'iiii'c  vous  fault, 
si  conduirons  do  cest  affaii'O. 

EMILItS 

Volentiers. 


et  nostrc  prince  Oaiphas 
30580  qui  cy  est  iiresent,  si  luy  pleit, 
en  fera  la  niiso  et  le  prcst, 
et  nous  prometrms  a  luy  rendre. 

CAYPHB 

Je  le  s\-ara_v  bien  ou  reprendre, 
et  ne  vous  en  souciez  plus. 

JACOB 

30585  Est  ce  fait  ?  sommes  nous  conclus  ? 
y  savez  vous  plus  qu'esplucher  ? 

JHBÇOROAN 

Il  n'y  a  que  de  les  hucher 
et  leur  délivrer  leur  argent. 


|P0SE.| 


CAYPHE 

Ça,  qu'est  il  de  faire  ? 
on  besonge  si  dangei'ouse, 
fault  bien  prudence  cauteleuse; 
30360   vous  avez  leur  rapport  ouy  ; 
aront  ilz  ccsto  somme  ? 

ANNE 

Ouy, 
il  no  so  poust  faire  nultrcniont. 

MARDOCEUS 

11  fault  bien  qu'ilz  l'ayent  voirement  : 

nous  no  pouons  plus  délayer. 

JACOH 

30565  Voire,  mes  s'il  vient  a  payer, 

ou  prendrons  nous  somme  si  ample  ? 

JORRAN 

Ouvi'ir  fault  tous  les  trous  du  temi)le, 
et  ce  qui  est  pour  la  fabrique 
il  fault  qu'on  le  motte  et  applique 
0570  a  faire  ces  solucions. 

YSACAU 

Nous  ferons  des  exactions 
sur  le  peuple  toutes  nouvelles, 
et  gi'ossos  tailles  et  gabelle? 
a  tous  costos  larges  et  grandes, 
575  et  ferons  croistro  les  offrandes 
sur  le  peuple  a  si  grosse  monte 
que  tost  vendrons  a  nostro  compte 
soit  par  jihas  ou  soit  par  nephas; 


CAYPHE 

Ça,  chevaliei's  et  vaillant  gent, 
30S0O  messeigneurs  ont  cy  ordonné 
que  cest  argent  vous  soit  donné. 
Le  veez  cy,  vous  l'emijorterez, 
mes  avant  vous  prometorez 
sur  tons  les  dieux  de  vostre  loy. 
30595  lie  tenir  leaulté  et  foy 

sur  ce  que  vous  ferons  promettre  : 
c'est  de  tesmoigner  a  la  lettre 
par  tout  et  devant  gens  quelconques 
que  Jlirsus  ne  suscita  oncques, 
30600  et  que  SOS  disciples  sui'viudrent 
qui  le  corps  levèrent  et  [irindrent 
en  dormant  sur  la  nuit  obscure. 

EMILIUS 

Chacun  de  nous  promet  et  jure 
de  tesmoigner  qu'ainsi  se  fit. 

JACOB 

30605  Or  levez  les  mains. 

Icij  lievent  les  mains. 

ANNE 

Il  souffit. 
Tenez,  raectez  en  vostre  bourcc  ; 
veez  la  de  besans  belle  source 
pour  fourrer  vostre  canepin. 

MARC  ANTHOINK 

Allons  partir  noslre  butiu 
306)0  rie  a  rie,  a  chacun  sa  pièce. 

ASCANUS 

Je  ne  vous  desdiroic  en  pièce, 
car  aussi  fault  il  bien  qu'il  soit, 
/cy  s'en  tont  partir  ensemblr. 


30547  entuiulre  B.  C.  —  30551  autant  A.  —  301)53  l'ait]  fault  A.  —  3tt66  La  vo)c  a   Irouuer  ncst  |«is  aiii(il«  B.  C.  — 
0507  les  trésors  A.  —  30584  buucicz]  essouicz  B.  —  3ti5S6-7  manquent  C.  —  3U5SU  rc5»uscita  A.  C.  —  306(fâ  iiieltei 
Iles  mains  '',.  —  30612  munnu,!-  C. 


Pas 


26 


402 


MISTERE    DE    LA    PASSION 


ELIXCHIN 

Nous  avons  fait  ung  bon  exploit 
d'avoir  ces  soudards  corrompus-  : 
30615  aultrement  nous  estions  rompus 
et  nostre  fait  tout  esclandry. 

NAA.S0N 

A  nostre  honneur  bien  eatendy 
cil  qui  premier  l'a  pourpensé. 

EMILIUS 

Savez  vous  que  j'ay  cy  pensé, 
30620  en  nostre  butin  partissant  '( 

MARC  ANTHOINE 

Et  quoy  ? 

EMILIUS 

Ung  moyen  suffisant 
pour  avoir  fourrée  la  patc  : 
allons  a  monseigneur  Pilate     » 
porter  nostre  bourde  premier; 
30685  il  est  de  donner  coustumier  : 
mes  que  très  bien  y  procédons, 
il  nous  donnera  de  beaux  dons, 
car  la  nouvelle  luy  plaira. 

ASCANUS 

Or  y  allons,  qui  m'en  croira  : 
30630  je  croy  que  nous  ferons  que  sage. 

MARC  ANTHOUNE 

Allons  dont  sans  plus  de  language  : 
si  gaignerons  pour  l)ien  mentir. 

[Pose.  | 


s.  LUC 
Cleophas,  temps  est  de  partir 
tandis  que  le  temps  est  umbrage, 
30635  pour  aller  en  nostve  voyage, 
c'est  en  Emaus  le  bon  chasteau. 

CLEOPHAS 

Le  temps  est  gracieux  et  beau 
et  n'a  pas  trop  ardant  chaleur  : 
le  partir  nous  est  le  meilleur' 
30ê40  ou  cas  que  vous  y  consentez. 

s.   LUC 

•     Veez  cy  nos  bourdons  apprestës  : 
il  ne  fault  que  nous  mettre  en  voie. 

CLEOPHAS 

Le  Dieu  d'Israël  nous  convoyé  ! 
il  fait  ung  beau  jour  et  plaisant 


30645  qui  vault  mieulx  que  souleil  luysant 
a  gens  qui  vont  par  le  chemin. 
le  y  se  mecleiit  a  loye  et  tendis  viennent  les 
chevaliers  vers  Pilate, 


MARC  ANTHOINE 

Prévost,  le  grand  dieu  Apolin 
accomplice  vostre  désir  ! 
se  vous  avez  ung  peu  loisir 
30650  de  besongner  a  nos  parsonnes, 

nous  vous  dirons  nouvelles  bonnes 
et  que  vous  orrez  volontier. 

CII.ATE 

Aussi  m'en  est  il  bien  mestior 
qu'aucune  nouvelleté  j'oyo 
306»  qui  ra'esjouyssc  et  me  resjoye 
et  qui  voit  mon  cueur  appaisant, 
car  il  est  tant  triste  et  pesant 
que  c'est  le  plus  triste  des  tristes. 

EMILIUS 

Je  cuide  que  pieça  n'ouystes 
30*660  nouvelle  a  vous  plus  agréable. 

PILATE 

Ha  !  fortune  très  variable, 
variant  variableraent, 
tu  m'as  fait  faire  ung  jugement 
dessus  l'innocent  et  le  juste 

30665  le  plus  faulx  et  le  plus  injuste 
qu'oncques  juge  sentencia  ! 
ho  !  que  dure  sentence  y  a  ! 
plus  m'ennuye,  tant  plus  y  pense, 
car  jamès  juste  resconipense 

30670  n'y  sçaroie  rescompcnsor 

pour  riens  que  j'y  sceusse  pencer  ; 
mes  ma  malheuree  pensée 
en  est  très  bien  l'ecompensee 
en  très  depiteux  pensement; 

30675  par  ma  loy  ma  pensée  ment, 
car  de  dueil  en  a  au  surplus 
si  grant  charge,  qu'el  ne  pcust  plus. 
Pour  complaire  a  ces  faulx  Juifz 
je  me  suis  eu  ung  danger  mis 

30680  d'estre  privé  de  mon  office  : 
pour  complaire  a  leur  maléfice 
je  me  suis  mis  en  ung  destroit 
ou  nul  d'eulx  ne  me  congnoistroit 
se  fortune  me  vouloyt  nuyre  : 


30622  de  largent  en  haste  A.  —  30630  que  sage]  si^auoir  B.  C.  —  30631-2  maurjumit  B.  C.  —  30033  partir]  mouuoir 
B.  C.  —  30642  en]  a  B.  G.  —  30640  peu  manque  C.  —  30654  nouuelle  B.  C.  —  30655  inosleesse  B.  par  quoy  jaye 
liesse  C.  —  30674-5  manquent  B.  C.  —  30676  Qui  a  tant  de  dueil  A.  —  30678  faulx]  maudis  A.  —  30682  mis  manque  ('.. 


Q  I  :  A  R  T  E 

30685  une  foys  m'en  verray  dostruire, 
c'est  ma  foy,  le  cueur  me  le  dist. 

ASCANUS 

Taisiez  vous,  sire,  c'est  mal  dist  : 

ja  ne  vous  fault  en  tel  dueil  traire, 

car  nouvelles  tout  au  contraire 
30690  apportons  a  vostrc  [jlaisance. 

Je  croy  que  vous  avez  doubtance 

que  Jhesus  de  mort  no  l'clieve, 

par  quoy  cy  npW's  ne  vous  gi-icfve 

la  sentence  que  vous  donuastcs, 
30695  quand  en  croix  mourir  le  jugeaste»  '< 

ne  créez  jamès  telz  sermons, 

car  tous  li-ois  nous  vous  affci'mons 

sur  la  foy  et  la  leaulté 

qu'a  to\is  nos  dieux  de  majesté 
30700  devons  en  vray  honnnage  rendre 

qu'il  est  mort,  aussi  mort  que  cendre 

et  que  jamcs  n'en  lievcra. 

PILATE 

Qui  est  celluy  qui  le  sçara  ? 
vous  pouez  savoir  a  grant  peine 
30705  se  la  chose  est  faulce  ou  certaine  : 
tout  le  monde  en  parle  en  derrière, 
et  est  la  voix  si  coustuniicrc 
qu'elle  voUn  jusqucs  aux  ciculx. 

MARC  ANTHOINE 

11  n'est  qui  le  puist  sçavoir  mioulx 
33710   que  nous  trois,  tout  bien  regarde  : 
le  moniunent  avons  gardé 
puissanniient  et  de  bonne  taille, 
tous  fcriues  eu  Ijonnc  bataille 
pour  le  deffcndre  a  toutes  mains. 

PILATK 

30715  Mes  a  quoy  estes  vous  certains 
que  ce  Jhesus  n'est  point  vivante 
est  le  corps  encore  gisant 
ou  sépulcre  ou  on  le  posa  ? 

EMILIUS 

Nennil,  sire,  mes  pis  y  a  : 
30720  très  bien  nous  sommes  contenus  : 
mes  ses  disciples  sont  venus 
par  nuit  en  armes  asscs  fors, 
lesquelz  si  ont  emblé  le  corps 
et  ont/',  cauteleusenient. 

l'ii.ATK. 

30725   Donc  vous  portâtes  meschamraent 
(piand  il/,  vous  sourvindrcnt  ainsy  : 
que  ne  gettastes  vous  ung  cry  ? 


J  0  U  K  N  K  K  403 

tantost  le  peuple  y  fust  couru, 

et  eussiez  esté  secouru  ; 
.30730  mes  vous  l'avez  laissic  embler, 

par  quoy  il  pouri'a  ja  sambicr 

que  de  ce  mal  soicz  contens, 

participans  et  consenteus 

de  leurs  inTasions  malignes, 
:t0735  et  par  con.scqucnt  estes  dignes 

il'avoir  tranché  les  hastereaux, 

car  auteurs  et  douuans  consaulx 

on  doit  [lugnir  par  poix  égal. 

A.SCANU8 

Ha  !  sire,  vous  entendez  mal  ; 
30740  pardonnez  moy  se  je  le  dis  : 

ces  faulx  disciples  dessus  dis 

ne  l'ont  pas  omble  ne  receu 

en  veillant  no  de  nostre  sccu, 

mes  ont  guaitié  nos  ennemis 
30745 'que  nous  feussions  tous  endormis. 

Ainsi,  nous  dormans  d'aventure 

])ar  la  pesance  de  nature 

qui  ne  peust  pas  tousjoui-s  veillier, 

mes  luy  esconvient  sommeillier 
30750  aucuncffois  quoy  qu'on  s'efforce, 

sont  venus  de  fait  et  de  force 

prendre  lo  cori)s  entour  myuuit 

et  l'emporter  s;uis  mener  bruit 

enterrer  dessoubz  une  aultre  arche, 
30755  mes  en  quel  terre  n'en  quel  mai-che, 

nous  trois  n'en  sçavons  plus  avant. 

FII.ATE 

Vostre  fait  va  pis  que  devant, 

et  vous  iiionstrez  gens  très  luesclians 

pour  deux  poins  qui  vous  sont  touchans. 

30760  Kt  premier  estes  a  pugnir 
qui  alléguez  vostre  dormir, 
veu  que  pour  hommes  esprouvés 
et  gens  dignes  de  foy  trouvés 
on  vous  bailla  loi"8  l'avengarde 

30766  de  pi'endrc  a  ce  sépulcre  gai-de, 
et  connue  las  et  recrcans 
avez  esté  trouvés  dormans, 
par  quoy  a  deshonneur  et  honte 
vous  trois  n'avez  aceu  rendre  compte 

30770  de  ce  que  vous  avez  empris. 

D'aultro  part  vous  avez  mespris  : 
car  quand  nu^chant  homme  s'excuse 
et  en  s'excusant  il  s'accuse, 
c'est  petite  excusacion 


3071S  laillie  B.  -  30723  ont  eniporlo  li.  0.  -  307Î4  El  érable  B.  C.  —  307ÎG  souppridrent  A.—  3073Î-3  le  ra«l  fussiez 
LonsentOM»  Pnitieipiuis  H  .itou.-b.ins  H.  .lechellaos  Piirlioipiaua  et  .•onseutKiis  C.  —30737  «gens  B.  C.  —  S0743  de 
mawiue  B,  -  30747  pes.inteur  C.  -  3U749  Ansois  se  veult  reffor.-iller  B.  C.  -  3075Ï  comme  a  iiiNnuil  B.  C.  -  3076» 

Vous  qui  A.  —  30763  lov  1   lait  B.  C. 


404 

30775 


I)ien  digne  de  puguicion  : 
vous  eu  avez  fait  ensement, 
car  niaisement  et  faulcemeiit 
vous  mentez,  et  vous  veil  desdire  : 
comment  osez  vous  icy  dire 

30780   par  vostre  faulz  cueur  négligent 
que  ses  disciples  et  sa  gent 
qui  vivant  l'ont  voulu  servir 
soyent  venus  son  coi'ps  ravir 
dehors  du  tombeau  remouvoir  ? 

30785  comment  le  pouez  vous  savoir  ? 

EMILIUS 

Nous  avons  veu  qu'ilz  l'ont  recous. 

PILATE 

Et  vous  dormiez,  ce  dictes  vous  ? 
vous  cuydez  cy  vous  excuser 
pour  autruy  a  tort  accuser  ? 

30790  tout  vostre  fait  ne  vault  pas  maille.  ■ 
Allez,  mauvaise  ribaudaille, 
allez,  orde  et  pute  maignie, 
allez,  perverse  progenie, 
passez,  troussez  hors  de  ma  voie, 

30795  que  jamès  nul  jour  ne  vous  voie  : 
vous  avez  parlé  aux  Juifz  ; 
faulx  larrons,  vous  estes  séduis  ; 
servez  vous  de  venin  couvert  ? 
se  jamès  jour  au  descouvert 

30800  je  vous  puis  en  ung  méfiait  prendre, 
je  vous  feray  tiayner  et  pendre, 
et  se  ce  ne  fust  pour  l'honneur 
de  nostre  sire  l'empereur 
a  qui  je  suis  et  qui  vous  estes, 

30805  tout  a  cop  vous  feisse  les  testes 
voiler  des  espaules  tous  trois  ; 
allez,  allez  ;  une  aultre  fois 
je  vous  retrouveray  a  part. 


MARr  ANTHOINE 

Or  sus  !  que  le  deable  y  aist  part  ! 
30810  quel  serventois  ! 

EMILIUS 

Pas  trop  pieulx. 

ASrANlIS 

Est  ce  cy  le  vin  gracieux 

que  nous  avons  pour  nostre  paino  ? 

MARC  ANTHOINE 

Je  n'y  rentreray  de  sopmaine  : 


MISTKRE    DE   LA   PASSION 

il  cy  gist  ung  mauvais  escot. 


[Pose.  | 


s.  LUC 

30815  Gleophas,  nous  ne  disons  mot, 
nous  en  allons  icy  busant  : 
quand  on  s'en  va  tout  devisant, 
on  en  va  plus  joieulx  par  droit, 
et  la  lasse  qu'on  y  reçoit 

30820  ne  donne  pas  tant  de  labites. 

CLEOPHAS 

Il  est  ainsy  que  vous  le  dictes  : 
on  en  va  plus  aise  d'assés. 

s.  LUC 

Or'  chantez  ce  que  vous  pensez  : 
il  m'est  advis  qu'il  nous  ennoic. 

CLEOPHAS 

30825  Frère,  chanter  se  je  vouloye, 
la  chançon  seroit  bien  piteuse  : 
je  pense  a  la  mort  douloureuse, 
a  la  terrible  passion 
et  dolente  execucion 

30830  qu'on  a  fait  au  prophète  saint 

que  tout  le  peuple  pleure  et  plaint 
si  foi-t  qu'il  n'est  plus  de  pitié. 

s.  LUC 
0  frère,  il  a  esté  traictic' 
bien  piteusement,  Dieu  le  scet, 

30835  et  le  jour  des  fois  plus  de  sept, 
toutes  les  fois  qu'il  m'en  souvient, 
si  grand  doleur  au  cueur  me  vient 
que  je  ne  le  puis  oublier. 

CLEOPHAS 

Il  se  souffrit  prendre  et  lier 
30840  et  admener  boutant,  tirant, 
sus  Anne,  le  mauvais  tirant, 
par  les  mains  de  faulx  garnemens, 
et  la  souffrit  tant  do  toui'mens 
que  Dieu  seul  en  congnoit  le  nombi'c. 

s.    LUC 

sos^iS  Mes  parlez  de  l'horrible  encombre, 
des  letz  mots,  des  illusions, 
des  tormens,  des  derrisions 
qui  luy  furent  fais  en  l'ostel 
de  Gaiphe;  et  fut  mené  tel, 

30850  craché  son  précieux  viaire 


30777  niauuaisement  C.  —  30783  ayeiit  venu  A.  —  30785  pourries  B.  C.  —  30786  Emilius  ne  fait  2>iis  il' 
Que  [C.  Qui]  sauez  vous  quil  a  B.  C,  —  30792-3  maijfnee,  fauloe  progeuiee  A.  —  307!'0  à  ces  A.  aux  fau 
Quel  bien  veij-'nant  A.  —  30S1C  bcsant  C.  —  30S21  est  manque  B.  —  30824  aduuie  B.  —  30S'cO  hâtant  C. 


'Intcrricptioii  : 
faulx  C.  —  30810 


Q  U  A  R  T  !•: 

sur  le  mauvais  jugo  advei'sairo, 
Pilato,  que  Dieu  puist  iimuldiro  ; 
et  la  n'est  liomine  qiii  scout  dire 
lesgi'ans  hidimis  qu'il  ondMi'ii; 
MSSr.  je  no  s(,'ay  conuncnt  il  dura 

veu  le  sang  qui  do  luy  eourust, 
i^t  in'osbahys  qu'il  n'y  inourust 
lo  joui-  plus  de  coût  mille  fois. 

CI.EOl'llAS 

Mes  parlez  de  riiurriblo  cioix 
iiisoo  qu'apprés  ce  luy  firent  porter 

pour  sou  [jovre  corps  oraventoi', 

tout  jircst  do  la  mort  recevoir  ; 

quel  pitié  c'ostoit  <le  le  voir, 

lo  povre  homme  tant  fort  blossc-, 
308or>  tout  difforme,  tout  deffacé, 

.  ploiei'  soubz  ceste  croix  posante, 

qu'il  n'est  personne  si  puissante 

qui  n'eust  eu  a  souffrir  beaucop  1 

s.    LUC 

Gloophas,  nous  en  parlons  trop  : 
30870  de  ccsto  matière  il  souffit. 

CLEOPHAS 

Pourquoy,  Luc  ? 

s.    LUC 

Le  cueur  m'atendrit 
quand  ma  pensée  s'i  affonde  ; 
il  n'est  si  dur  cueur  en  ce  monde 
qui  ne  se  deust  de  larmes  fendre 

3087")  a  voir  ses  piteux  bras  esteudre 
en  coste  croix  tout  au  travers  : 
la  eussiez  veu  ses  povres  nci'fs 
tous  rompre  par  fortes  tractures, 
desevrer  veinfs  et  joincturcs, 

30880  parforer  ses  pies  et  ses  mains. 
0  tii'ans,  o  cucurs  inhumains, 
o  meurtriers,  o  cueurs  sans  pitié, 
avez  vous  a  tel  mort  traictio 
celluy  qu'oncques  no  vous  meffit  ? 

n.EOPHAS 

30885  Mes  parlez  moy  quel  douleur  fit 

Marie,  sa  mère  piteuse  : 

s'oncques  femme  fut  douloureuse, 

elle  l'estoit  lors,  je  m'en  vaut, 

quand  elle  vit  son  cher  enffant, 
30890  des  humbles  lo  jilus  gracieux 

et  des  begnins  le  plus  piteux, 

en  ce  gros  arbrier  estendu 

comme  une  corde  en  l'are  tendu. 


.1  0  U  R  N  R  R  403 

et  de  troio  clous  a  grosses  pointes 
30895  vit  perser  pié-s  et  mains  et  jointes 
et  atachor  a  ce  gros  arbre. 

s.    LLC 

O  cueur  plus  dur  que  le  noir  marbre, 

qui  do  plourer  se  fust  tenu 

a  voir  ce  povre  homme  tout  nu 
30900  dresser  par  ces  mauvais  gloutons 

a  dar»,  a  lances,  a  bâtons? 

après  ce  que  son  |)itcux  chef 

a  terrible  peine  cl  nieschief 

d'cspines  courono  estoit, 
30905  tout  lo  corps  sur  les  clous  |K>rtoit  : 

le  coriis  d(!  toutes  pai's  se  font, 

car  la  pesiuitcur  y  descent  ; 

le  corps  se  veult  en  bas  retraire, 

les  clous  estrivent  au  contraire  ; 
30910  la  veoit  on  ses  plnyes  ouvrir, 
.   le  sang  de  toutes  pars  courir 

comme  l'uisscaux  d'uno  fontaine, 

et  luy  estant  en  ceste  paine 

que  ces  faulx  meurtriers  lui  faisoient, 
30915  Dion  scet  quelz  mot/,  ilz  y  disoient  : 

il  n'cstoit  point  de  tel  horreur. 
Les  ungs  l'impugnoient  d'erreur, 

les  aultrcs  de  l'art  de  magique  ; 

aultres  l'appeloiont  enchanteur, 
309S0  l'ung  le  mocque,  l'aultre  le  pique  ; 

Rricf  tout  11'  plus  mauvais  pratique 

qu'on  sçaroit  penser  ilz  luy  font  : 

et  le  doulx  .Ihosus  ne  repi)lique, 

mes  souffre,  et  mot  ne  leur  resiwnt. 

CI.KOI'HAS 

30925  Tout  le  cueur  on  larmes  me  font 
quand  me  souvient  du  maléfice  ; 
car  c'est  la  plus  grand  injustice 
qu'oncques  homiue  mortel  pensa  ; 
cil  qui  premier  la  comman(,'a 

30930  puist  deffiuer  de  mort  villaine  ! 


le;/  Bt'evi  Jh<:iHs  en  fourme  tic  pèlerin. 
JHESl'S 

Amis,  je  pry  Dieu  qu'il  vous  maine 
au  vouloir  de  vostro  courage. 

s.   LUC 
Frère,  bon  oeuvre  et  bon  voyage 


SnSr.l  Sus]  Clicz  B.  —  SOSSS  yue  bouche  si  ne  sjuroil  iliro  C.  —  308C1  f<>°anenter  B.  C.  —  30871  me  ralendrist  C 
—  30878  par  les  contractures  B.  G.  —  30879  Crorquier  desseurer  [C.  dessarer]  des  B.  C—  308.81  cupurs]  chien»  B.  C.  — 
3Û8S7  migoisseuce  B.  C.  —  30892  abre  B.  C.  —  30897  mabre  B.  dur«  pierre  C.  —  30904  eouronnes  B.  C.  —  30908  le  unt 
C-  -  30907  man'iue  H.  -  30986  du  man(tu.e  B. 


406 


.MISTER  F.    DK    LA    PASSION 


vous  doint  faire  Dieu,  si  luy  plest: 
m>rD  vous  samble/.  honimn  prompt  et  prest 
pour  faire  ung  voiago  loiiigtaiu. 

JHESUS 

Qui  est  ce  parler  si  liaultain 
que  vous  allez  cy  recollant, 
et  vous  plaindez  cy  en  allant 
30910  comme  gens  tristes  et  remis  ? 

CLEO  P  H  AS 

Qu'est  ce  a  dire  cy,  beaux  amis  ? 
comment  !  n'en  sces  tu  aultre  chose  ? 
quand  a  moy,  je  tiens  et  suppose, 
puisque  tu  viens  nostre  chemin, 

309'i5  que  tu  as  esté  pèlerin 

en  Jherusalem  tout  seulet  : 
or  me  dis  doncques,  s'il  te  plet, 
comment  ne  sces  tu  des  nouvelles 
bien  piteuses  et  bien  cruelles 

30950  qui  ces  jours  y  sont  advenues? 

s.    LUC 

Grans  merveilles  y  sont  venues 
depuis  trois  journées  en  sus. 

JHESUS 

Quelles? 

CLKOPHAS 

Du  prophète  Jhosus 
de  Nazareth  la  cité  bonne, 

30955  qui  fut  doulce  et  sainte  parsonne, 
prophète  très  juste  et  parfait, 
puissant  par  pai'ole  et  par  fait, 
bon  devant  Dieu  et  tout  le  monde, 
et  comment  par  leur  coulpe  immonde 

30960  nos  prostrés  et  princes  haultains, 
d'envye  et  de  rancune  plains, 
l'ont  mis  en  condampnacion, 
et  en  grand  detestacion 
l'ont  jugé  a  crucifier  : 

30965  cela  nous  faisoit  soucier 

naguaires  allant  nostre  voye. 

s.    LUC 

James  espérance  n'avoye 

qu'il  fust  mort  a  tel  deshonneur, 

veu  le  grand  port  et  la  faveur 
30970  qu'au  peuple  eust  trouvé  pour  secours  ; 

mais  avons  espéré  tousjours 

que  ce  fust  cil  Emmanuel 

qui  le  royaulme  d'Israël 

devoit  oster  de  servitude, 
30975   et  desmouvoir  la  charge  rude 

qui  le  travcille  sans  bcsoiiig  ; 

mes  nous  nous  en  trouvons  bien  loing, 


car  depuis  sa  vie  flnee 
veez  cy  ja  la  tierce  journée 
:1098fl    que  nous  demourons  tous  pcnsis. 

CLEOPHAS 

Nostre  fait  en  est  moult  rassis, 
et  en  demourons  a  l'arriére, 
Dieu  le  scet. 

JHESUS 

far  quelle  manière  ? 

CLEOPHAS 

Gai'  il  estoit  nostre  ducteur, 

30985  nostre  maistre,  nostre  pasteur  : 
ne  sçavons  qu'il  est  devenu  ; 
mes  depuis  qu'est  il  advenu  ? 
aucunes  femmes  de  nos  gens, 
de  bon  vouloir  et  diligens, 

30990   ont  le  sépulcre  visité, 

et  nous  ont  moult  espouanté 
a  leur  retour,  car  ilz  ont  dit 
que  du  prophète  dessus  dit 
n'ont  point  trouvé  le  corps  dedens, 

30995  mes  afferment  par  motz  prudcns 
qu'elles  ont  eu  la  vision 
des  anges  sans  illusion, 
qui  leur  ont  dit  et  recité 
que  Jhesus  est  ressuscité  : 

3i000  ce  seroient  moult  grans  misteres  ; 
et  depuis  aucuns  de  nos  frères 
s'en  coururent  hastivement 
qui  la  chose  pareillement 
et  en  la  manière  trouvèrent 

31005  que  les  femmes  leur  racontèrent  ; 
car  quand  le  corps  ne  virent  point, 
s'en  retournèrent  sur  ce  point 
a  leurs  compaignons  le  noncer. 

JHESUS 

O  folle  gent  de  fol  penser 
31010   et  en  cueurs  pesans  et  tardis 
a  ci'oirc  les  fais  et  les  dis 
que  les  prophètes  par  escript 
vous  ont  dénoncé  et  escript  ! 
savez  vous  pas  qu'il  a  fallu 
31015  pour  le  bien  et  pour  le  salu 
de  totalle  nature  humaine 
que  Cristus  ait  souifert  tel  paine  ? 
savez  vous  jias  que  neccessaire 
estoit  sa, mort  et  salutaire, 
31020  et  que  mort  luy  falloit  porter 
et  de  la  moit  ressusciter 
et  ainsi  rentier  en  sa  gloire  ? 
cela  vous  deust  estre  notoire 


30987-S  il  est  ndueiui  Qun  G.  —  3099ji  ilz]  elles  A.  elle  B,  —30996  Qnilz  A.  aiUilsion  G.  —  3099S-9  sur  ce  poiul  cy, 
estoit  surrexi  B.  G.  —  31003  moult  manrjiie  A.  —  31010  en  cor   B.  G.  —  31013  manque  B. 


:tl030 


31035 


31 OW 


QUARTE 

sfi  reRci'i])tiin^  eussiez  enquise  ; 
31025  regardez  moy  <lc|)uis  Moyse 

le»  prophètes  qui  ont  esté  : 

il/,  ont  cecy  maguifesté  ; 

niosmes  Moyso  on  volt  parler 

qui  dit  qu'a  l'agneau  innuoler 

Uieu  avoit  CCS  mol/,  assortis  : 

os  c-ic  IV  1111)1  fnuigetis  ; 

cela  vouloit  estro  figure 

de  riuimolaciou  très  dure 

que  Jhesus  devoit  recevoir, 

ncantmoins  qu'il  n'y  devoit  avoir 

en  quelque  part  du  corps  de  ly 

quelque  os  froissié  ne  demoly, 

quoi  qu'il  endurast  mort  amore. 
s.   LUC 

11  parle  très  bien,  très  cher  frère, 
3i0i0  et,  a  bien  l'escriptuie  prendre, 

il  nous  le  fait  très  bien  entendre  : 

car  quand  Jhesus  fut  mort  en  crois, 

et  on  fut  venu  a  eulx  trois 

pour  rompre  et  brisier  les  os  d'eulx, 

trop  bien  on  les  rompit  aux  deux, 

mes  a  luy  on  ne  le  fit  mie. 

JHESUS 

Vous  avez  aussi  d'Ysaie, 

qui  en  tant  de  lieux  que  merveille 

parle  de  la  peine  iniparcille 

que  (Iristus  devoit  endurer 

pour  ses  bons  aniis  délivrer  ; 

n'a  il  pas  en  uug  lieu  touchié 

que  depuis  la  plante  du  pié 

jusqucs  au  chicf  n'ara  paitie 
31055  qui  de  douloir  ne  soit  partie  ? 

Jheremye  s'en  est  il  teu  ; 

nemiil,  il  l'a  bieu  rainentu, 

quand  il  dit  telz  mots  ;  Plangilis, 

0  130.Ï  omnes  qui  transitin 
31060  secii.1  niatn,  et  cetera: 

Jheremye  considéra 

que  la  douleur  que  souflreroit 

Cristus  en  soy  jamès  n'aroit 

pareille  peine  supportable 
310C5  ne  jamès  ne  seroit  semblable. 

Daniel  pas  ne  le  cella  : 

haultement  |)arla  sur  cela, 

quand  les  sepmaines  mist  eu  nombre, 

que  Cristus  aroit  cest  encombre. 

Et  se  deinando/.  l'achoison 

quant  au  fait  de  la  traysou 


31050 


31070 


.1  0  U  K  N  K  R 

que  Judai)  a  son  maiHti«  fit, 
lisez  le  psnimisle  David  : 
très  bien  y  trouverez  awùii 

3107S  ung  ver  qui  dit  :  Homo  pacis, 
qui  8'entend  que  son  bon  amy, 
comme  son  mortel  onnoniy, 
le  doit  supplanter  et  trahir, 
et  la  pourrez  vous  ensuir 

31080  les  malédictions  en  Higno 
que  1(>  prophète  luy  assigne 
pour  le  trnhitre  .salarier. 

CLKOI'HAS 

Oncqucs  n'ouys  mieulx  declarier 
cecy  :  oncques  ne  l'entendis, 
s,  LUC 
3tog.s  Qui  bieu  considère  ses  ditz, 

il  n'est  rien  au  monde  plu-î  vray. 

JHESUS 

Maintenant  toucher  vous  vouldi-ay 
qu'il  est  force  qu'il  res.suscite  : 
Jonas  clerement  le  l'ocite 

31090  en  parlant  au  Dieu  d'Abraliam, 
quand  il  chanta  :  \itiim  ineam 
leva)is  de  rorrupcione  ; 
Jonas  dit  :  Dieu  a  ordonui' 
que  ma  vie  soit  élevée 

31095  et  de  cori-ompre  presoivee, 
et  luy  niesmes  la  figura 
quand  dedens  la  mer  domoura 
trois  jours  et  trois  nuis  [uiur  deniaine 
ou  ventre  de  la  grant  balaine, 

.31100  dont  depuis  tout  vivant  yssi. 
Sainson  la  figura  aussi 
quand  maulgré  les  Philisteeus, 
les  portes  de  leurs  citoiens 
emporta  hors,  tant  estoit  fort  ; 

31105  qui  figuroit  que  par  eft'ort 
Cwistus  devoit  par  iKitillier 
les  portes  cl'enfl'er  despouiller. 
David  eu  ung  aultre  sermou 
dit  :  Non  dabis  saneUttn  itium 

SlllO  x-idere  corrupcionem, 

et  nolando  huiic  sermonem 
il  veult  dire  et  s'est  conffié 
que  le  vray  corps  sanctiflié 
do  Grist  après  .«a  passion 

31115  ne  scntiroit  corrupcion, 

par  quoy  il  n'en  fault  point  doubler 
qu'il  doit  de  moi-l  if^suseiter. 
Après  dit  David  clerement 


407 


310l.'9  que  laipnel  C.  —  31O50  Qiia  jhesus  se  deuoit  liiircr  A.  —  31058  pugnitifi  B.  pingatift  C.  —  31061  dit  «insjr  U 
f  A.  —  31064  par  paiiie  imporlalile  B.  par  manqw  C.  —  31088  Pour  liiv  son  salaire  payer  B.  C.  —  31092  tn<m<7«t*  T.  — 
t8109'i  Qua  A.  —  31106  .Ihesu<rist  deuoit  batillier  A.  —  31113  Qua  A.  " 


408 


MI  STERE    DE    LA    PASSION 


que  Jhesu  Ciist  iluit  puissamment  • 

31120  au  Iiault  ciel  faire  ascension 
après  sa  resuri'ection, 
et  d'aultres  beaulx  tiltres  assés 
que  i'ay  laissés  et  trespassés 
pour  cas  de  briefté  maintenant. 

3H25  De  Jhesus  vous  souffice  ataut, 
et  de  sa  mort  n'ayez  plus  soiug  : 
j'ay  bien  mcstier  daller  plus  loing, 
et  vous  demourez,  ce  nie  sanible. 
Icy  feint  Jhesus  dealer  plus  loing  et  les 
pèlerins  le  retiennent. 

CI.EOPHAS 

Ha  !  sire,  demourons  ensemble  : 
31130  soiez  avec  nous,  s'il  vous  ple.'^t  ; 

veez  cy  nostre  logis  tout  prcst. 

Ou  voulez  vous  aller  meshuit  ? 

vous  voicz  qu'il  est  presque  nuit 

et  va  la  journée  a  déclin. 
s.  i-uc 
31135   Vous  estes  tout  las  de  chemin  ; 

sire,  tenez  nous  compaignie, 

car  nostre  ame  avez  i-esjouye 

a  vous  ouir  ainsi  parler. 

JHESUS 

Je  suis  content  au  fort  aller 
31140  ceste  fois  a  vostre  requeste. 


CI.EOPHAS 

Mon  hoste,  est  la  viande  preste  ? 
ajjportez  nous  tost  a  manger. 

l'oste 
Volentiers,  seigneurs,  sans  danger 
en  arez,  et  de  plusieurs  nietz 
31145  et  de  bon  vin  je  vous  promés. 

Tenez,  veez  cy  bon  pain,  bon  vin, 
du  meilleui'  certe  et  du  plus  fin 
que  j'aye  point  dans  mon  hostel. 

s.    LUC 

Vive  tousjours  ung  hoste  tel 
31150  qui  ainsi  scet  servir  ses  gens! 

Cher  pèlerin,  plain  de  grant  sens, 
mangez  et  faictes  bonne  chère, 
u'espaignez  chose  tant  soit  chère  : 
vous  nous  ferez  plaisir  haultain. 
Icy    brise  Jhesus  le  pain   tellement  qu'il 
sanible  estre  coppé. 

JHESUS 

31155   Tenez,  enfl'ans,  vêla  du  pain  : 


meugoz,  ne  le  reffuscz  pas. 

Icy  s'esvanout/t  Jhesus  d'eulx. 


s.    LUC 

Qu'est  ce  cy,  ainy  Cleophas  ? 
qu'est  ce  pèlerin  devenu  ? 

CLEOPHAS 

Kn  vérité,  j'ay  bien  congneu 
31100  a  l'ompre  le  pain  seulement 

que  c'est  Jhesu  Crist  proprement 
qui  s'est  voulu  manifester 
a  nous. 

s.   LUC 
11  n'en  fault  point  doubtoi-  : 
maintenant  m'en  voj'  recordant. 

CLEOPHAS 

31165  N'estoit  pas  nostre  cueur  ardant 
en  nous  du  beneuré  Jhesu, 
quand  a  la  voye  s'apparu 
a  nous,  et  qu'il  nous  recordoit 
les  esci'iptures  et  glosoit 

31170  que  les  prophètes  autentiquos 
ont  escript,  lesquelles  cantiques 
bien  averries  ont  esté 
[lar  luy? 

s.    LUC 

Ouy,  en  vérité  ; 
tout  tant  qu'il  nous  a  sermonné 
31175   et  le  vray  motif  admené 

de  nos  doubte.s  de  point  en  point, 
j'ay  sentu  mon  cueui'  en  tel  point 
qu'on  ne  le  sçaroit  concevoii-. 

CLEOPHAS 

11  nous  convient  d'icy  mouvoir 
311S0  prestement  sans  plus  séjourner, 
et  aux  disciples  retourner, 
affin  que  ce  fait  exposé 
leur  soit. 

S.    LUC 

C'est  très  bien  proposé  : 
a  ce  me  veil  bien  consentir; 
31185   mes  ains  que  nous  puissions  partir, 
nostre  hoste  nous  convient  payer. 

CLEOPHAS 

C'est  raison,  il  le  fault  huchier, 
affin  qu'il  soit  content  de  nous. 


31120  assumpcion  G.  —  31140-7  m  i 
A.  —31168  proposoit  B         oti~r.  -^ 


niqaent  B.  C.  —  31149  ronileaa  inromphl  B.  C. 
3117Ô  Nous   a   entendement  donne  K.  — 


-  31155  amis  C.  —  31159  recongnu 


Q  U  A  R  T  !•: 
^  Ça,  nostro  hosle  ! 

1,'OSTE 

Je  vois  a  vous. 
:iil90  Ça,  vous  faultil  chose  que  j'ayo? 
s.   I.IJC 
Neiuiil,  mes  il  fault  qu'on  vous  paio 
de  ce  que  du  vostre  on  avons  ; 
regaidcz  que  nous  vous  dcvon», 
et  puis  vous  serez  contante. 

I.'OSTE 

3119:)   l'ayez  a  vostie  volcnté. 

Mes  je  n"entondz  point  vos  adaires  : 
vous  estiez  icy  trois  nagaires  ; 
ou  est  le  troisième  sailly  ? 

CLEOPHAS 

Ne  vous  chault,  nous  payerons  pour  ly  ; 
31200  veez  la  trois  deniers  de  César, 

et  se  le  taux  est  trop  eschar, 

nous  sommes  près  de  l'admender. 
l'ostb 

Plus  n'en  vouldroie  demander, 

vous  me  i)ayez  très  largement  : 
31205  mais  il  me  poise  grandement, 

que  mesuy  vous  partiez  d'icy. 

s.  LUC 

C'est  force,  il  le  convient  ainsy  : 

grant  mei'cy  de  toutes  vos  paines  ; 

nous  avons  nouvelles  soubdaines 
31210  par  quoy  nous  n'y  pourrons  gésir. 
l'oste 

Mes  amis,  a  vostro  iilaisir; 

le  grant  Dieu  vous  soit  en  aide, 

a  joye  et  a  santé  vous  guide 

sans  encombrier  et  sans  reproche  ! 
s.  i.uc 
3tîf5  Grant  niercy.  La  nuit  fort  approche 

et  si  trait  le  jour  a  déclin  : 

il  nous  fuuldra  haster  chemin 

et  nous  haster  pai'  tel  façon 

que  nos  frères  trouver  puisson 
31220  tretous  assamblés  en  ung  lieu, 

et  leur  dirons,  s'il  plest  a  Diiu, 

chose  dont  seront  bien  joieulx. 

[PosE.I 


CI.EOPHAS 

Loué  soit  le  Dieu  vertueux, 
que  si  bien  sommes  arrivés 


I  0  U  R  N  F,  R 

.)12S5  que  nos  freroa  avons  trouTés  : 
il  nous  convient  entrer  dctlans. 

8.  LUC 

Si  ferons  nous.  Dieu  soit  ceanit  1 

CLEOPHAS 

Dieu  gard  tout  ! 

s.  ANDRY 

Uien  sciez  venus, 
mes  bons  frères  et  chers  tenus  : 
3IÏ3U  d'où  venez  vous  ne  ilo  quel  part? 

s.  JAQl  ES  ZF.IIEDEY 

\'eu  encore  qu'il  ciil  si  tard, 
je  croy  qyc  bien  estes  lassés; 
sçavez  lien  de  nouvel  ? 

8.  LUC 

Assés; 
une  nouvelle  a  mon  entente 
31235  vous  dirons  la  plus  excellente 
que  janiès  escouter  pourrez. 

s.  PHELIPE 

Et  quelle  est  elle  ? 

s.  LUC 

Vous  Tarez. 
Naguaircs  nous  nous  en  alKon 
nous  deux,  moy  et  mon  compaignon, 

31240  de  cestc  cité  en  l'smaulx, 

et  la  nous  devisions  des  maulx 
qu(!  nostro  maistre  avoit  souffert, 
et  comment  l'avoycut  offert 
les  .luifz  de  rage  enivré 

3l2'i5  en  la  ci'ois  et  :i  mort  livré, 
de  la  conduite  et  la  manière; 
nous  parlans  de  cestc  matière, 
s'apparust  en  nostre  chemin 
Jhesus  ainsy  qu'ung  pèlerin, 

31250  et  vint  avec  nous  grant  espace; 
qui  plus  est,  entra  en  la  place 
ou  nous  allasmrs  héberger, 
et  si  nous  donna  a  manger 
du  )iain  qu'il  bctiist  de  sa  bouche. 

s.  MATHIEU 

31255  C'est  une  chose  qui  trop  touche, 
et  se  n'estes  bien  asseuri's 
des  parlers  que  vous  pi-offerez, 
gardez  vous  de  les  affenncr  : 
très  fort  vous  en  fei-ez  blasmer, 

31200  et  y  aroit  raison  notoire, 

se  vous  nous  voulez  faii-e  accroire 
chose  qui  fut  a  reprocher. 

s.  BERTHKLEMY 

Vous  nous  en  ferie*  enipescher, 


409 


pS1199  forons  B.  C.  —  31205  Dieu  vous  coniliiye  seureineut  A.  —  312e<i-13  m<iiK/u«ii/  A. 
Uain  B.  C.  —  31233  Scauons  A.  —  31241  nous  manque  B.  C.  —  3124A  de  grant  rage  A.   - 


—  31211  Sans  bUme  el  uns 
'  31257  propheriei  C. 


410 


M  1  S  T  E  R  R    D  K  L  A    PASSION 


et  blcssier  iiostre  conscience. 

OLEOPHAS 

31265  Croyez  nous,  vous  ferez  science, 
la  chose  est  toute  véritable  : 
le  saint  prophète  charitable, 
sensiblement  congneu  l'avons, 
tout  certainement  le  si,-avons  ; 

31270  on  ne  nous  en  pourroit  hors  mettre. 

s.   ANDRY 

Et  quand  vous  veistes  nostre  raaistre, 
fut  vostre  sons  assés  soubtil 
do  congnoistre  que  c'estoit  il 
d'ung  seul  l'egard  prescntornonl  ? 
s.  LUC 
31275  Nennil,  il  vint  bien  longuement 
avec  nous  en  ceste  façon, 
avant  que  nous  le  congneusson  ; 
en  nostre  pas  se  disjtosoit 
et  en  allant  nous  cxposoit 
31280  par  tesmoingnagos  manifestes 
les  escriptures  des  prophètes 
et  bailla  par  similitude, 
si  bien  qu'il  n'est  engin  si  rude 
qui  ne  l'eust  entendu  très  bien, 
31285  et  cela  nous  fit  tant  de  bien 

qu'oncques  chose  ne  fut  mieulx  mise. 
La  nous  commença  a  Moyse 
et  de  la  vint  a  Ysaie 
et  d'Ysaie  a  Jheremye, 
31290  de  Jheremye  a  Daniel, 
a  David,  a  Ezechiel, 
et  tout  posé  en  si  bel  ordre 
qu'il  n'est  homme  qui  y  sceust  mordre  ; 
la  exposoit  ses  escriptures, 
31295  rapportoit  ses  belles  figures, 
comment  tout  estoit  acomply 
en  Jhesus  et  si  bien  remply 
que  faulte  n'y  a  d'ung  seul  point. 

s.    THOMAS 

Quant  a  moy,  je  ne  le  croy  point  ; 

31300  et  suis  tousjours  en  cest  espoir 
qu'il  se  doit  a  nous  api)aroir 
des  premiers  se  la  chose  est  vraye, 
et  jusques  a  ce  que  veu  l'aye 
sensiblement  devant  mes  yeulx, 

31305  je  ne  le  croiray,  se  m'aist  Dieux, 
pour  double  de  la  decevance. 

s.    JAQUES   ZEBEDEY 

Serons  nou»  en  celle  doubtance 

sans  sçavoir  le  deffinitif, 

se  nostre  maisti'e  est  mort  ou  vif? 


31310  S'il  est  vivant,  comme  on  raconte, 
j'ay  cest  espoir  et  fais  mon  compte 
que  brief  en  arons  vision. 

s.    THOMAS 

J'ay  pris  une  conclusion, 

mes  frei'es  et  bons  habitans, 
31315  de  moy  retraire  l'our  ung  temps 

et  aller  ailleurs  besongner 

pour  tousjours  ma  vie  gaigner, 

pour  deux  poins  qui  m'en  donnent  garde. 

Le  premier  est  quand  je  regarde 
31320   que  nostre  maisti'o  avons  pardu, 

si  ay  une  espace  attendu, 

attendant  qu'il  ressuscitast 

et  humblement  nous  confortast; 

or  n'avons  de  luy  riens  peu  voir  : 
31325  si  ay  advisé  d'y  pourvoir. 

Le  second  point  pourqudy  je  doubte, 

c'est  qu'en  grant  cr'ainte  et  en  grant  doubte 

nous  sommes  cy  et  joui's  et  nuys  ; 

et  se  ces  desleaulx  Juifz 
313.30  nous  y  peuleut  apparcevoir, 

la  mort  nous  ferons  recevoir 

comme  a  nostre  maistre  il/,  ont  fait. 

Pourquoy  j'ay  pensé  a  mon  fait 

de  changer  ung  peu  mon  repère, 
31335  car  j'ay  souffert  tant  de  misère 

avec  vous  que  j'en  suis  tout  mas  : 

je  m'en  vois. 

s.    BEHTHELEMY 

Cher  amy  Thomas, 
puisqu'a  nous  voulez  congé  prendre 
nous  ne  le  vous  pouons  deft'cndre  ; 
31310  le  Dieu  tout  puissant  vous  couduye  ! 

s.    SIMON 

Quant  est  a  moy,  que  que  s'en  suye, 
de  nostre  hostel  et  territore 
je  ne  m'en  iray  pas  encore  ; 
je  ne  sçay  qu'il  en  advendra. 
Icy  se  part  S.  Thomas  des  autres  et  lors  doit 
venir  S.  Pierre  et  S.  Jehan  et  S.  Jaques  le 
mineur  et  se  doivent  tenir  ensemble. 


CLEOPHAS 

31345  Je  suis  sceur  que  Jhesus  vendra 
se  monstrer  a  nous  biiefvement, 
ear  riens  ne  sçay  plus  seurement 
que  je  l'ay  devant  mes  yeux  veu. 


31293  qui  si-eust  que  C.  —  31311  quant  a  moy  monte  B.  C.  —  31330  peuent  H.  r„  point  H.  —  31333  je  pense  C.  —  31.;46 
Monstrez  a  nous  prochainement  B.  Monsirer  C. 


QUARTE 

8.   JUDE 

Coraïuent  l'avez  vous  rocongncu  ? 
3l;t50   faictes  en  un(<  pou  meneion. 

CLEOPHAS 

Congnu  l'ay  a  la  fraction 
(lu  pain  benist  qu'il  nous  bailla, 
lequol  sensiblcniput  sanibla 
estro  (l'ung  (in  Cousteau  party  ; 
:i:t55  et  quand  il  nous  l'eust  doparty, 
en  moment  s'absconsa  de  nous. 

s.    1,1'C 

11  est  ainsi, 
Icy  vient  Jhesii.t  suubdainement  on  millicii 
d'eulx, 

JHESUS 

Paix  soit  o  vous  ! 
Mes  chors  fieres,  n'ayez  ja  crainte 
ne  paour  eu  vos  cueurs  empraintc  : 
31300  je  suis  Jhesus,  ne  doublez  riens, 
qui  pour  vous  leconli'orter  viens, 
apportant  nouvelle  joieuso. 

s.    MATHIEU 

Veez  cy  chose  bien  merveilleuse, 
assés  pour  esbahir  ung  homme. 

s.    l'HEUPE 

31365  Est  ce  ung  esprit  ou  ung  fantôme 
qui  nous  fait  ceste  domonstrance  ? 
il  a  proprement  la  semblancc 
de  nostre  cher  maistre  Jhesus. 

s.    BEnTHELE.MY 

Je  crains  que  ne  soyons  deccus, 
31370  qui  sommes  icy  assamblcs. 

JHEStS 

Dont  estes  vous  ainsi  troublés, 

ne  pourquoy  avez  tolz  pensées 

par  dedens  vos  cueurs  amassées? 

rega'rdez  mes  pies  et  mes  mains  : 
31375  se  suis  je,  soyez  tous  certains; 

vous  le  sçarez  :  tastez  moy,  car 

ung  esprit  n'a  os  ne  char 

comme  vous  me  voyez  avoir; 

vous  pouez  regarder  et  voir 
31380  dedans  mes  mains  les  conclaveures 

et  en  mes  pi('s  les  transfixeures 

que  dedans  la  croix  enduray. 

M'  s.    ANURY 

^k       Se  ce  miracle  icy  est  vray, 
^^B       il  touche  mistcre  excellant. 

^^  s.    JEHAN 

31385  C'est  ung  fait  si  très  pi'ecellant 


.1  O  U  U  N  K  F. 

que  nous  ne  !o  sçavons  aitaindro. 

.IHRSUB 

Affiu  que  vous  ne  puiat  rcniaindro 
liens  pour  vostrc  foy  retai'ger, 
jiar  le  boire  et  par  le  menger 
31390  vueil  qu'il  vous  soit  manifesté 
que  je  suis  vray  ressuscit»!  ; 
avez  vous  icy  quelque  clio«e 
qu'on  puisse  manger  ? 

ti.   PIERRE 

Je  suppose, 
sire,  qu'il  y  en  a  vrayment  ; 
31395  mes  ce  n'est  pas  si  largement 

ne  si  bon  qu'on  pourroit  bien  dire. 

JHK.SUS 

Or  l'appoi-tez. 

s.    ANORY 

Volentiei-s,  sii-c, 
j'en  vois  faire  la  diligence. 
Sire,  prenez  en  pacience  : 
31*00  veez  cy  du  miel  bien  assoily 
et  ung  peu  de  poisson  roty  ; 
c'est  toute  la  provision. 

JHESUS 

Bien  me  souffit  la  porcion; 
s'il  vous  plest,  du  pain  me  ilonncz  : 
3l'i05  si  mangeray. 

s.    JAQUE.S   ZEBEDEY 

Sire,  tenez, 
et  prenez  en  gré  tel  qu'il  est. 

JHESUS 

Il  est  bon  et  très  bien  me  pUst. 
Premier  benitre  le  vouldray 
et  puis  devant  vous  mangeray  : 
31410  par  ce  point  sçarez  de  certain 
se  je  suis  en  vray  corps  humain 
ressuscité  de  mort  a  vie. 

Icy  Jhesus  mengue, 

s.    KERTHELBMY 

Ce  n'est  pas  icy  fantasio 
n'esprit  qui  nous  puist  décevoir  : 
3H15  tout  cler  pouons  apparcevoir 
qu'il  est  vray  homme  naturel. 

s.    JAQLES   AlPHEY 

Ung  esprit  vi'ayment  n'est  pas  tel: 
vous  voyez  qu'il  mangue  et  boit, 
laquelle  chose  no  ferait 
314ÏO  s'il  estoit  angle  ou  esperis. 
Qu'en  dictes  vous? 


411 


31353  visablflinem  U.  visiblem.Mit  G.  -31359  terreur  B.C. -31377  «nii/««  H.  —  31380  clauBurcs  C  — SI*"*  miel  «a»- 
711^  C.  sorty  A.  —  31101  poison  H.  —  31404  mapporlej  B,  C.  —  31410  serez  plu»  rerUiii  A.  —  31418  inciigui  A. 


412 


s.    SIMON 

Je  suis  soui'pris 
si  fort  que  ne  sçay  que  juger. 

JHESUS 

Frères,  jugez  par  ce  manger 
dont  nous  avez  veu  cy  repaistre 

31425  que  je  suis  Jhesus,  vostre  niaistre, 
l'essuscité  corn  vous  voyez, 
et  pourtant  plus  n'y  variez. 
Icy  aspire  Jliesus  sur  ses  apostres. 
Frères  ciiaritables  et  doulx, 
prenez  le  saint  Esprit  eu  vous, 

31430  par  lequel  tel  puissance  arez 

qu'a  quiconqucs  vous  iiardourez 
les  péchés,  pardonnes  seront 
a  ceux  qui  les  confesseront, 
et  a  ceulx  a  qui  les  vouldrez 

31435  retenir,  vous  les  retendrez, 
tant  arez  la  puissance  liaulto  : 
ne  doublez  sans  quelque  deffaulte. 
Affin  que  soicz  plus  lyés, 
tenez,  mangez  de  ces  reliez 

3U40   qui  sont  devant  moy  demeuré. 

s.  ANURY 

Ha  !  mon  très  cher  maistre  honoré, 
louange  te  devons  bien  rendre, 
quand  il  t'a  pieu  ta  grâce  estendrc, 
et  qu'en  ce  point  tu  nous  consolles. 

JHESUS 

31445  Mes  amis,  vecz  cy  les  paroUes 
que  benigncment  vous  disoie 
quand  avec  vous  régnant  estoie  : 
certes  il  est  neceossité 
que  les  escrips  qui  ont  esté 

31450  de  moy  fais  en  la  loy  Moyse 
soient  remplis  par  la  devise 
qu'ilz  ont  esté  prophétisés 
des  prophètes  auctorizés. 
Sçavoir  devez  qu'il  est  escript 

31455   devant  l'advencmcnt  du  Crist 
qu'il  luy  falloit  souffrir  doulour 
et  lever  de  mort  au  tiers  jour, 
et  presclier  en  son  digne  nom 
penitance  et  remission 

31460  des  péchés,  et  de  tous  ces  poins 
serez  preuves  et  vrais  tesmoingz; 
et  comme  mon  pero  haultain 
m'envoya  au  règne  mondain, 
finaWement  je  vous  transmés 

31465  par  tout  le  monde  desormès 

pour  prescher  mon  nom  a  voix  haulte 


MISTER  E   DE   LA   PASSION 

Icy  s'esvanouyl  Jkesu.i  comme  dessus. 


s.  JL'DE 

Qu'est  Jhesus  devenu  ? 

s.  MATHIEU 

Sans  faulte, 
esbahir  je  ne  m'en  puis  trop, 
comment  il  s'est  si  très  acop 
31470  ovanouy  ;  c'est  forte  chose. 

s.   PHELIPE 

Veu  que  nostre  porte  estoit  close 
par  nous  qui  sommes  cy  presens, 
comme  a  il  peu  entrer  dedans? 
ce  me  samble  ung  cas  bien  nouvel, 
31475  veu  qu'il  a  corps  matériel 
comme  nous  et  de  tel  figure. 

s.   ANDRY 

Il  fault  par  ce  moyen  conclure 
que  son  corps  est  glorifié, 
et  lui  est  ce  don  octroie 
31480  de  par  la  divine  puissance. 

s.  JAQUES  ZEBEDEV 

11  a  fait  moult  grant  alligence 
a  nos  simples  entendemens 
de  nous  faire  lei  preschemens 
qu'il  nous  a  nagueres  appris  : 
31485  j'y  ay  ung  si  grant  bien  compris 
que  j'entendz  bien  en  place  mainte 
les  fais  de  l'escripture  sainte 
que  devant  n'entendoye  pas. 

s.   BERTHELEMY 

Aussi  j'cntons  en  plusieurs  pas 
31490  escrips  qu'oncques  mes  ne  congnus, 
lesquelz  je  S(,'ay  estre  venus 
en  Jhesu  Crist,  nostre  seigneur. 

s.  JAQUES  ALPHEV 

11  nous  a  fait  ung  grant  honneui' 
et  bien  sa  grâce  habandonnee, 
314^  quand  puissance  nous  a  donnée 
de  retenir  et  pardonner 
les  péchés  et  pardon  donner  : 
c'est  une  noble  liberté. 

s.   SIMON 

Se  VOUS  croyez  ma  volonté, 
31500  nous  nous  tendrons  entre  nous  hommes 
encore  une  espace  ou  nous  sommes 
sans  ambuler  par  le  pays, 
car  nous  sommes  forment  hays 


31421  espris  A.  —  3142S-37  se  Irouvi'nt  placés  dans  U  et  C  après  le  rets  314fi5.  —  31450  la  manque  B.  —  31455  De 
ladueinent  jhesu  crist  C.  —  31401  premiers  B.  C.  ->  .3i471  fut  B.  C.  —  3149<t  auez  ma  C.  —  31501  ung  petit  B.  C. 


QUART1-:   JOURNEE 


413 


rie  CCS  Juifz  et  peu  nmés. 

8.   JlIDE 

31505   11/,  sont  conli'c  nous  animés 

si  très  fort  quo  lo  cucur  leur  part  : 
nous  nous  tcuilrons  icy  appart 
sui'  le  soir  et  clorrons  les  huis, 
en  servant  par  jours  et  par  nuys 

31510  Dieu,  nostre  pero  et  frcateur. 

8.  MATlIIEi; 

J'ay  espoir  quo  nostre  pasteur, 
•Ihesus,  brief  nous  eonflVirtera 
et  les  moyens  nous  monstrcra 
comment  conduire  nous  devons. 

s.  PHELIPE 

31515   Ou  se  tient  il  ? 

s.   MATHIEU 

Nous  ne  sçavons, 
ame  de  nous  n'en  est  expert  ; 
a  celluy  qu'il  veult  il  s'appert 
et  aux  aultres  se  musco  et  celle. 

s.  PHELIPE 

Je  plie  l'essence  éternelle 
31520  que  brief  nous  le  doint  voir  a  joye. 


s.  THOMAS,  seul. 
La  nuyt  est  assés  bonne  et  quoye  : 
je  m'en  puis  bien,  ce  croy  je,  aller 
avec  mes  frères  consoUor. 
Est  ce  mon  miculx?  je  croy  que  ouy, 
31525   pour  sçavoir  s'ilz  ont  riens  ouy 
depuis  qu'ensamblc  les  laissay. 
Sont  il/,  pas  ccans?  je  ne  s(,-ay  : 
je  n'y  voy  entrer  amc  née, 
et  si  est  leur  porte  fermée  ; 

31530  bucquier  ung  bon  cop  m'y  fauldra, 
sçavoir  se  parsonne  en  sauldra 
des  bons  frères  de  nostre  cloistrc 
qui  mon  nom  veille  recongnoistrc. 
Je  ne  sçay  s'ilz  sont  endoi-mis. 

31535  Hola! 

Fiei-l  a  l'uys. 


s.  piEnriE 
Qui  estes  vous? 

s.  THOMAS 

.\niis  : 

31532  De  vous  B.  —  31554  face  0.  —  31556  UoU 
manque  B. 


s'il  voua  plaist,  je  suis  do  céans. 

s.  JEHAN 

Voslre  nom?- 

'  s.  THOMAS 

Thomas. 

s.   PIERRE 

Entrez  ens. 
Paidonnez  moy,  je  vous  rcquier, 
s'ung  peu  vous  avons  fait  songier, 
31540  car  en  si  grant  crainte  vivons 
que  nos  portes  ouvrir  n'osons 
se  nous  ne  sçavons  bien  a  qui. 

S.  THOMAS 

Depuis  que  je  vous  relinqui 
l'aultricr  comme  siniiilc  paisonno, 
31545  est  il  quelque  nouvelle  bonne 
quo  me  sachez  compter  ne  dire? 

s.   ANDRY 

Ouy  bien  :  Jhesus,  nosti-e  sire, 
s'est  depuis  a  nous  apparu. 
Et  vous,  quoy  ? 

S.  THOMAS 

Je  n'en  ay  riens  veu. 

s.   ANDRY 

31550  Riens,  non? 

s.  THOMAS 

Non,  quoique  chose  nce. 

s.  JAQUES  ZKREDEY 

Veez  cv  la  huitième  journée 
qu'en  cesle  propre  mansion 
a  nous  fit  apparicion 
droit  en  sa  propre  fomie  hiunaiuo, 
31555  et  que  ce  soit  chose  certaine, 
il  mangea  et  but  avec  nous. 

s.   THOMAS 

Dire  poucz,  quand  est  de  vous, 
ce  qu'il  vous  plaira  :  je  l'ori-ay  ; 
mes  James  rions  je  n'en  croiray 

31560  tant  quo  j'aray  v<>u  les  fixures 
de  clous,  les  playes  et  blessures. 
Se  vous  avez  veu  quelque  cori>» 
quelque  esperit  des  anciens  nioi-s, 
que  sçavez  vous  se  c'estoit  il  ? 

31365  je  vouldray  estro  plus  soubtil  : 

quant  j'aray  bien  veu  ces  cinq  plaies 
dedans  son  corps  plaines  et  vraies, 
et  mon  doy  bouté  y  aray. 
lors  diray  je  qu'il  scia  vray. 

31570  mes  i)our  quérir  vos  alibis, 
je  n'en  croy  riens. 

uul  nous  B.  C.  -  31558  manque  C.  -  31500  flchures  B.  -  31566  bion 


414  MISTERE   DE 

Icu  s'appert  Jhesus  comme  dessus  au  milieu 
d'eulx  tous. 

JHESUS 

Pax  sit  vobis  ! 

Mes  t'ieres,  la  paix  souvei'ainc 

vous  octroie  parfaicte  et  plaine  ! 

De  rechief  vous  viens  visiter 
31575  pour  vos  courages  confforter. 

Thomas,  mon  disciiile,  ça  vieu  : 

regarde  et  considère  bien 

se  ce  suis  je  sans  quelque  double  ; 

approche  ton  doit  et  le  boute 
31580  en  la  playe  de  mon  costé 

dont  il  fut  moult  de  sang  osté  ; 

regarde  mes  pies  et  mes  mains, 

se  ce  sont  ilz  ne  plus  ne  mains  : 

se  foy  as  eu  petite  ou  nulle, 
31585  or  ne  soies  plus  iucreduUe, 

mes  servant  discret  et  loyal. 

s.  THOMAS 

Mon  Dieu,  mon  sire  espeeial, 
tel  te  confesse, 

JHESUS 

Amis  Thomas, 
pour  ce  qu'a  présent  veu  tu  m'as, 
31590  ton  sire  et  ton  Dieu  me  rcvellcs; 
benois  soient  tous  ceulx  et  celles 
qui  ce  luistere  n'ont  point  veu 
et  de  bon  courage  l'ont  creu  : 
ma  gloire  en  aront  a  la  fin. 

s.  THOMAS 

31595  Loué  soit  mon  perc  divin, 

et  te  mcrcy  d'ardant  désir 

quand  il  t'a  pieu  moy  resjouyr 

de  cesto  visitacion  : 

je  croy  ta  résurrection, 
31600  je  croy  que  tu  es  celluy  meismes 

qui  pour  nos  pèches  et  nos  ciismcs 

en  crois  a  la  mort  endurée. 
Icy  s'esvanouyt  Jhesus  nomme  dessus. 


s.   BERTHELF.MY 

Il  n'a  guaires  fait  domouree 
depuis  qu'il  nous  est  survenu  : 
31005  a  portos  closes  est  venu 
et  a  portes  closes  party. 

s.  JAQUES  ALPHEY 

Thomas,  tenez  nosti-e  party, 

31601  man'iUP  B.  —  31613  LaurfZ  touchée  et  detteliue  C. 
31629-30  loue  9oH  dieU  et  le  vers  suivant  )naiiqueiU  C. 


LA    PASSION 

ne  jamès  tel  doul)te  n'ayez 
que  tel  suscitement  nycz; 
31610  avoir  n'en  pouez  plus  vray  signe, 
■     car  sa  char  précieuse  et  digne 
a  deacouvert  et  toute  nue 
avez  atouchee  et  tenue  : 
c'est  signe  de  bien  grant  amour. 

s.  THOMAS 

31615  Jamès  je  n'en  doubte  nul  jour, 
j'en  ay  vraye  approbacion. 


Icy  viennent  les  trots  Maries  a  Nostre  Dame. 

MADELAINE 

Honneur,  glorificacion 
et  le  règne  qui  tousjours  dure 
vous  doint  Dieu,  dame  sainte  et  pure, 
31620  après  ceste  vie  mondaine! 

NOSTRE  DAME 

Chère  Marie  Madelaine, 
ma  compaigue,  ma  doulce  seur, 
Dieu  vous  doint  joie  a  vostre  cueur 
telle  que  jamès  ne  deffine 
31625  et  gard  de  pensée  maligne 
la  vostre  compaignie  aussi  ! 
Comment  vous  est  ? 

MARIE  JACOBY 

\'ostre  mercy, 
doulce  seur  au  cueur  humble  et  pieu  : 
il  nous  est  liieii. 

NOSTRE  DAME 

Loué  soit  Dieu, 
31630  qui  vous  doint  parfaicte  liesse  ! 

MARIE  SALOMÉ 

Et  vous,  nostre  cherc  maistresse, 
il  vous  est  bien  a  l'avefiant  ? 

NOSTRE  DAME 

Très  bien.  Dieu  mercy  ;  maintenant 

il  ne  me  pourroit  aller  mal, 
31635  puisque  mou  trésor  principal, 

mon  cnffant,  mou  bien,  mon  avoir 

a  voulu  souvenance  avoir 

de  moy  et  m'a  fait  demonstrance 

que  de  la  mort  et  son  oultrance 
31640  est  relevé  victorieux, 

et  en  sou  saint  corps  glorieux 

que  dedans  mon  ventre  forma 

le  misterc  demonstré  m'a 

do  sa  résurrection  clicre; 

31616  belle  B.  C.  —  31028  preu  B.  et  pieu  manquent  G.  — 


^660 


Q  U  A  R  T  K 

3J845  par  quojKJ'oii  fcriiy  incilleui'  cliei'o 
tant  qu'au  siocle  pourray  durei'. 

MADKI.AISE 

Ma  (luiuu  qu'oïl  iliiit  Imuoiei' 
sur  toutes  les  femmes  du  monde, 
vosti-o  liaulte  joye  se  fonde 

31650  sur  fondement  certain  et  forme, 
ot  quant  a  ce  je  voua  afferme 
que  .Ihesus,  mon  très  doulx  soigneur, 
maulgré  Juil'z  et  leur  erreur 
est  ressuscité  de  ceste  heure  : 

31655  n'est  riens  dont  je  soye  plus  sceure, 
car  de  sa  très  humble  vertu 
il  m'a,  sa  giace,  eonseutu 
que  je  l'ay  ja  veu  par  doux  fois 
en  aussi  bon  point  touteffois 
que  nous  sommes  et  que  vous  estes, 

MARIE  JACOBY 

Ce  sont  choses  si  manifestes 
que  nous  ne  le  poons  nyer. 
Bien  s'est  voulu  humilier 
quant  après  sou  suscitement, 
31(565  de  sou  très  doulx  consentement, 
pour  nos  doUans  cueure  appaiaier 
nous  a  souH'eit  srs  pics  baisier 
tOBtes  trois  d'ung  comnmn  accord. 

NOSTRE  DAME 

Qui  est  au  monde  le  l'ecord 
31670  qui  plus  me  jiourroit  resjouyr  ( 

quel  nouvelle  pourroy  je  ouir 

pour  quoy  plus  do  plaisir  amasse? 

O  mon  entt'ant,  ta  more  lasso 

par  toy  grant  détresse  souffrit 
31675  quand  ton  [irecieux  corps  s'offrit 

a  la  croix  terrible  et  grevaine 

pour  délivrer  nature  humaine 

qui  alloit  a  perdioion  ; 

mes  celle  desolacion 
3)680  m'est  tournée  en  parfaicte  joye, 

et  ne  reste  mes  que  je  voye 

ta  glorieuse  asccncion. 

MARIE  SALOMÉ 

Vous  avez  donc  intcncion 
que  briefment  l'heure  approchera 
3168.')  que  lassus  ou  ciel  montera 

a  la  dcxtre  de  Dieu,  son  père? 

NOSTRE  UAMK 

.l'ay  espoir  qui;  briefment  m'appere, 
fc^        et  que  je  le  voie  partir. 


J  o  11  R  N  K  V. 

.MABEI.AI.NE 

Or  Dieu  nou»  veille  dopartii- 
31690  s'aniour  et  sa  grâce  i>rc»ter, 

que  nous  le  imission»  voir  monter 
en  honneur  et  haultc  excellence  ! 

II'nsB.) 


s.  PIERRE 

Le  temps  se  met  en  api>arcncc 

de  soy  mettre  au  beau,  se  Dieu  plest. 

s.    ANDRV 

31695  Se  le  temps  se  tient  ou  il  est 
et  la  nuit  se  parcontinue, 
la  mer  ara  grant  contenue 
«le  toiLs  pescheurs  avnnturcux. 

S.  JAQUE.S  ZEBEDEY 

Aussi  fait  il  bon  temps  i)our  eulx, 
31700  si  très  joieulx  qu'a  souhaidiei'. 

S.  PIERRE 

Qui  me  vouldi'a  venir  aydier, 
tandis  que  le  beau  temps  nous  dure, 
j'iray  pescher. 

s.  BBRTHBLEMT 

A  l'aventure 
je  suis  tout  prest  de  commancer, 
31705  car  aus.si  nous  fault  il  penser 
de  soustenii'  la  povre  vie. 

s.  JAQUES  ALPHEY 

.Je  vous  y  tendray  conn>aignic 
plus  volentiei-s  que  ne  vouldrez. 

s.  PIERRE 

Thomas,  aussi  vous  y  vendre/., 
.S1710  se  vosti-e  bon  vouloir  l'accorde. 

s.  THOMAS 

.le  n'y  veil  point  metti'C  discorde  : 
il  fault  que  chacun  s'i  emploie, 
car  il  n'a  forme  do  inounoyo 
en  l'ostel,  puis  que  j'y  revins. 

».   JEHAN 

31715  Quelque  forme  d'argent  ne  tins, 
il  a  plus  de  six  joui-s  pas.«t''s. 

S<    PIERRE 

Nous  irons  nous  sept,  c'est  assés  ; 
et  vous  quatre  cy  demourrez 
qui  continuelment  prierez 


41.5 


11640  iiumqui:  C.  —  31650  liaullain  A.  —  3165;)  Il  iiest  A.  —  31682  Sa  A.  —  31690  Son  amour  et  graoc  B.  —  31698  De 

pescherrez  B.  pescherie  C.  —  317U3  a  laueulure]  son  nieii  requiert  sniw  rinte  lî.  C.  —  31713  il  n»)  y  ot  B.  —  31717 
Quans  sommes  nous  S.  A.  sept  S.  P.  eest  assez  B.  G.  —  31718-19  remplacés  .  Puisque  sept  frères  y  vendrout  Le» 
aullres  iey  deniourront  En  leurs  deuocions  tretous  Et  requerrons  a  dieu  pour  nous  B.  C. 


416 


MISTERE   DE    LA   PASSION 


3i720  pour  nous  a  Dieu  qu'il  nous  conserve. 

s.    SIMON 

Je  pry  a  Dieu  qu'il  nous  préserve 
de  mal  et  de  tout  encombrier. 

s.    JUDE 

Dieu  vous  doint  si  bien  besongnier 
que  nous  en  ayons  joie  enfin  ! 
Icy   s'en   vont    peschcr    S.    Pierre,    Jehan, 
Jaques  Zebedey,  Jaques  Alphey,   Thomas 
et  Berthelemy,  et  les  autres  demeurent. 


31750  d'entrer  ens. 

S.    JEHAN 

Chacun  s'i  accorde. 

s.    JAQUES   ALPHEY 

Je  m'en  vois  dénouer  la  corde. 
Sus  !  c'est  fait,  tirons  dedons  bort. 

s.    A.NDRY 

11  nous  convient  nager  d'accort 
nous  six  pour  tirer  conti'o  val, 
31753   et  Pierre  ira  au  gouvernai 
qui  bien  conduyra  nostre  nef. 

s.    JAQUES 

C'e.st  bien  dit. 


s.    JEHAN 

31725  Frères,  mettons  nous  a  chemin  ; 

chacun  s'en  viengne  et  plus  ne  tarde. 

s.    AN  DRY 

Quand  je  vous  voy  bien  et  regarde, 
nous  sommes  sept  hommes  bien  pris , 
qui  avons  le  meslier  appris 
31730  des  a  pou  que  nous  fumes  né.s. 

s.    JAQUES    ZEBEDEY 

Se  nous  ne  sommes  fortunes, 
a  ce  que  le  temps  s'appareille, 
nous  devrions  faire  merveille 
d'avoir  du  poisson  bel  et  gent 
31735  et  par  conséquent  de  l'argent, 
s'il  est  que  marée  se  vende. 

s.   BERTHELEMY 

Ce  qu'on  pourra  prendre  on  le  i)rende, 
au  moins  on  s'en' mettra  en  paine  : 
je  voy  la  mer  clere  et  serame, 
81740  et  nette  conmie  ung  beau  cristal. 

s.   THOMAS 

Je  ne  s^ay  se  j'csiiere  mal, 

mes  j'ay  espoir  que  nous  peschons 

largement. 

s.  PIERRE 

Or  nous  depeschons 
acop  sans  faire  long  procès; 
31745  veez  cy  ja.  les  bateaux  tous  près 
et  tretous  les  habillemens. 

s.    ANDRY 

Il  n'est  fors  que  d'entrer  dedens 
et  nager  a  toute  puissance. 

s.    JAQUES   ALPHEY 

C'est  le  point,  il  fault  qu'on  s'avancu 


[PosK.] 


s.    BERTHELEMY 

Sus  !  halle  le  tref  ! 
je  suis  ja  de  nager  tout  las. 

s.    THOMAS 

.\rons  nous  bon  vent  ? 

s.    BERTHELEMY 

A  soulas : 
31760   il  n'est  mes  besoin  de  rimer  ; 
tantost  serons  en  plaine  mer, 
il  n'est  que  d'apprester  les  roiz. 

s.    PIERRE 

Enffans,  nous  sommes  ceste  fois 
assés  avant  ;  nos  retz  fault  tendre  : 
317(»  j'ay  espoir  de  largement  prendre  ; 
il  fault  nos  seines  desployer. 

s.  JAQUES  ALPHEY 

Ça,  que  Dieu  nous  veille  envoyer 
bonne  niaree  a  ccste  fois  ! 

s.    JEHAN 

Or  est  a  ce  coup  cy  la  roiz 
31770  de  tous  costés  bien  estenduc. 

s.    ANDRY 

S'elle  est  a  son  droit  bien  tendue, 
nous  en  arons  ou  miel  ou  cire. 
Icy  posent  ung  peu. 

s.    JAQUES   ZEBEDEY 

Vous  samble  il  point  temps  qu'on  la 
le  jugement  vous  en  comnietz.  [tire? 

s.    BERTHELEMY 

31775  Pour  nous  expédier  de  tire. 


31729-41  remplacés  .4.  par  ces  trois  vers  :  Pour  pescher  poissons  de  hault  pris  Se  la  chose  ne  tourne  niai  S,  T.  Le 
temps  est  bien  especial  —  31733  maii'jue  B.  —  31736  vente  C.  —  31741  Après  ce  te) s,  B  e(  C  répètent  le  vers  31738;  C. 
ajoute  un  second  vers  faux  et  sans  rime  :  Mais  a  tout  le  moins  je  espère  —  31751  dénouer]  des  vouer  B.  —  31754  six 
sj-  par  espii'ial  B.  C,  —  31760  nager  C.  —  31766  saurez  B.  seigucii  C.  —  31708-0'J  A  cesle  fois  bonne  uiarce  Or  est  la  roix 
a  lesparee  B.  C. 


(i  C  A  K  T  K  .1  0  V  R  N  li  E 


'.17 


vous  samble  il  |ii>iiit  trnips  qu'on  la 
s.  THOMAS  I  tire? 

(Jii;iii(l  est  a  cela,  il  fault  tliic; 
Hii"il  y  a  poisson  ou  jamos  ; 
vous   s  a  ml)  le  il  point  temps  qu'on  la 

s.    JAQUES   ALI'HEY  [lil'O? 

:M780  Le  jugement  vous  on  commet/.: 
je  no  m'y  oongnois  point  bien,  mes 
je  (loul)te  que  trop  ne  targoon». 
s.    PlEnRE 

Or,  tirez,  tirez,  eonipaignons, 
tirez  la  roiz  do  vive  main, 
:il785  car  je  cuidc  estre  tout  certain 

qu'il  y  ait  (les  poissons  grant  tas. 

s.    ANDRY 

l'as  n'y  faulfgrant  force  de  bras  : 
elle  est  de  ligiere  façon. 

s.    JAQUES   ZEHEDEV 

Qu'est  ce  cy  ?  il  n'y  a  poisson  ; 
31790   vêla  lavai  le  dernier  bout 
de  la  rois. 

s.    THOMAS 

Conmient  !  e.st  ce  tout  ? 
le  ménage  est  trop  bien  pugny  ; 
il  n'y  a  poisson  ne  deniy 
dont  ung  chat  se  sceut  desjeuncr. 

s.    HEUTHELEMY 

31795  H  nous  fault  la  nef  ramener 

plus  près  du  bort  a  granl  foison, 

car  nous  pardons  noftre  saison 

en  ccste  mer  .si  très  parfondc  : 

nostre  rois  si  bas  s'i  affonde, 
31S0O   et  n'i  jircnons  chose  qui  .soit. 

s.    JEHAN 

Nageons  fort,  tant  que  nostre  exploit 
se  tire  ung  pitit  |ilus  avant. 


que  vostrc  fait  est  cinposché 
de  ce  que  riens  n'avez  penché  ; 
31810   mes  veuillez  vostre  roix  conduire 
au  dexti'e  de  vostre  navire, 
et  largement  en  trouverez. 

s.   THOMAS 

Par  son  comniaudenieul  ferez, 
mes  chei's  frères,  qui  m'en  croira. 

s.    FIEIIRE 

31815  Je  ne  sçay  qu'il  eu  advcudia 
ne  qui  c'est  qui  a  nous  parolle, 
mes  seulement  a  sa  parole 
laclieray  la  roix  par  manière 
qu'il  a  dit. 

s.    ANDRY 

La  chose  est  ligierc  : 
31820  il  ne  couste  riens  d'essayer. 

s.    JAQUES   ZEBEUEY 

Il  fault  cy  ung  peu  délayer, 
attendans  que  le  poisson  vicngne. 


s.    MATHIEU 

C'est  bien  raison  qu'il  nous  souviengne 
d'estre  en  bonnes  oraisons  nijs 
318^  I)our  nos  frères  et  bons  amis 
qui  sont  ore  a  la  pescheric 
et  qui  adventurent  leur  vie, 
l)0ur  nos  neccessilés  acquerre. 

s.    PUBLIPE 

S'ilz  sont  ou  iiar  mer  ou  par  terre, 
31830   Dieu  les  garde  d'adversité  ! 


/ei/  iiVii/  Jhesi'X  slir  te  2>oi't. 

JHESUS 

Mes  bons  amis,  Dieu  vous  avant 
et  vous  doiut  sa  paix  salutaire  ! 
31805  avez  vous  quelque  puhnentairc 
ne  chose  qu'on  puisse  manger  ! 

s.    JEHAN 

Nennil. 

JHESUS 

•l'apperçoy  le  danger 


.s.    BERTUElJiMY 

La  rois  a  cy  assés  esté  : 
il  est  temps  de  nous  attirer 
a  l'assamblcr  et  la  tirer 
pour  voir  cemment  la  chose  va. 

s.    JAQUES   AI.PHBY 

31835  Nous  verrons  tantost  qu'il  y  a  : 
chacun  se  mette  a  la  iielote. 

s,    THOMAS 

J'apperçoy  bien  a  voir  la  flote 
qu'il  y  en  doit  avoir  grant  mont  : 
sus!  conipaignons,  amont! 


r,17?4  la  ploy  U.  C.  —  31704  se  peust  C.  —  317'.ti  port  1).  —  0I8I6  «jui  la  conseille  lî.  0.  -  31S17  Mrs  ve.-v  tout  appa- 
reille B.  C.  —  31818  pour  en  faire  B.  C.  —  31836  Jespoirc  quil  y  a  poiston  A.  —  31S37  J-ipcn-oy  bien  a  la  façon  A.  — 
3i839  l^s  rondrau  viaurjut-  lî,  G. 

Pas.  ^'î 


ii8 


MISTERE   DK   LA   PASSION 


s.    AN  DRY 

Amont  ! 
31S40  chacun  sa  puissance  y  employé! 
les  poissons  qu'i  sont  poisent  monlt  ; 
sus!  compaignons,  amont! 

s.   PIERRE 

Amont! 
11  en  y  a  tant  que  tout  rout 
et  que  tout  l'eschigne  m'en  ploie  : 
3)8-15  sus!  compaignons,  amont! 

s.    BEllTHELEMY 

Amont! 
chacun  sa  puissance  y  employé! 

s.    PIERRE 

Veez  cy  la  plus  belle  monjoie 
de  poissons  qu'oncqucs  mes  fut  veue, 
et  si  n'est  jias  la  rois  roniime, 
31850  dont  bien  devons  estro  esmaiés. 

s.    JEHAN 

Pierre,  janiès  ne  me  créiez 
se  ce  n'est  Jhcsus,  nostre  sire, 
qui  nous  est  icy  venu  dire 
nostre  manière  de  pcscher. 

s.    PIERRE 

3t855  Si  n'est  qui  m'en  sache  empescher 
que  tantost  devers  luy  ne  voise  ; 
il  n'y  a  pas  trop  longue  toise, 
tout  surpiez  me  voudi  ay  trouver  : 
il  me  fault  ma  robe  lever 
31860  et  nioy  aventurer  tout  oultre. 

Icy  s'en  va  S.  Pierre  tout  seul  sur  la  mer 
au  port  ou  Jhesus  est, 

s.    JAQUES   ALPHEY 

Pierre  bien  parfaicte  amour  moustre 
a  nostre  maistre,  a  tout  entendre, 
quand  il  ne  nous  vcult  pas  attendre, 
que  nous  l'eussions  mené  a  no. 

s.    THOMAS 

31SC5   Nageons  au  bateau,  je  le  lo, 
et  admenons  nostre  niaree. 


s.    PIERRE 

Tressainte  parsonne  honorée, 
mon  maistre  et  mon  tresdoulx  seigneur, 
vous  nous  faictcs  mig  grant  honneur 
31870  quand  de  nous  vous  plaist  souvenir  ; 
par  vostre  bon  conseil  tenir 
avons  pris  poisson  largement. 


JHESUS 

Apportez  m'en  présentement 
tant  qu'a  nostre  diner  souffico. 

s.    PIERRE 

31875  C'est  bien  raison  que  j'obeysse 
et  me  rigle  a  vostre  rapport  ; 
je  vois  traire  la  roix  a  port  ; 
si  verrez  toute  nostre  prise. 


Icy  descendent  les  autres  après, 

s.   ANDRY 

Qui  a  mis  en  ceste  pourprise 
31880  ce  brasier  et  ce  poisson  sus  ? 

s.    JAQUES   ZEliEDEY 

C'a  fait  nostre  maistre  Jhesus , 
qui  est  ja  assis  pour  mangier. 

JHESUS 

Frères,  venez  moy  compaignier 
hardiment,  je  le  vous  commando  : 
31885  si  partirez  a  la  viande 

que  je  vous  ay  cy  appresteo. 

s.    JAQUES   ZEIÎEDEY 

J'ay  nostre  marée  comptée  : 
nous  avons  que  bars,  qu'aigrefins, 
que  saulmoiis,  que  gros  niarsoins, 
31890   plus  de  cent  et  cinquante  trois. 

s.    BERTHELEMY 

Je  m'esbais  bien  que  nos  roix 
ne  sont  tout  en  pièces  voilées, 
mes  je  n'y  voy  mailles  foullces 
ne  plus  que  quand  on  les  y  mist. 

s.    THOMAS 

31895  Puisqu'ilz  sont  a  terre,  il  souffit  : 
)iour  avoir  consolacion 
prenons  ung  peu  reft'ection, 
car  nostre  maistre  nous  appelle. 

s.    ANDRY 

Est  il  ce? 

s.    PIERRE 

Ma  créance  est  telle 
31900  que  c'est  il,  dont  j'ay  bien  grant  joye. 

s.    JEHAN 

Interroguier  ne  l'oseroye, 
car  je  me  tiens  trctout  asseur 
que  c'est  il. 

s.    JAQUES   AI.PMEY 

Le  hault  créateur 
en  soit  loué  de  bon  vouloir  ! 


31857  II  ny  a  pas  longue  voyo  C.  —  31864  nou  B.  voU  G.  —  318.88  esci-ouis  B.  esgreCtins  (J. 
Ksse  cil  Al  La  fin  du  vers  manque  G. 


■  31Syl  nostre  A.  —31899 


QUARTE  JOUllNElî 


419 


JHESUS 

31905  Ne  souffrez  pas  deffaulto  avoif  : 
venez  et  mangez  tous  ciisonible. 
Regardez  de-nioy  qu'il  vous  .samblo 
se  je  suis  vivant  restably, 
et  n'ayez  pas  mis  en  l'oubly 

31910  de  vous  transporter  cy  après 
en  Galilée  ou  par  exprès 
feray  nianifestaciou 
quant  a  ma  résurrection 
sur  Thabor,  la  montaignc  liaulte. 
s.  ANimv 

31915  En  ce  n'y  aia  point  de  fnulte, 
sire,  nous  tendrons  ce  pai'ty. 
Icij  Jhesui  s'csnanouyt  comme  dessus. 


s.    JA.QUKS    ZEUEDEY 

Nostre  niaistre  s'est  deppaity  : 
il  n'a  gucres  fait  long  devis. 
Si  seroit  bon  a  mon  advis 
31920  que  nostre  marée  atournons 
et  en  nostre  hostel  retournons, 
si  en  ferons  nostre  i)roffit. 

s.    HERTHEI.EMY 

Jaquts,  vous  avez  très  bien  dit  : 
poi-tons  tout  et  nous  en  allons, 
/et/  s'en  retournent. 


SATHAN 

319;5  Deables  maudis,  deablos  fêlions, 
ennemis  de  gloire  forclos, 
ne  me  tenez  plus  vos  huis  clos  : 
ouvrez  moy  prestement  la  porte, 
car  telz  nouvelles  vovis  apporte, 

31930   dont  vous  me  devez  fcstoier. 

LLCIKEK 

Comment  va  nostre  souldoicr? 
as  tu  fait  ung  nouvel  ouvrage 
digne  de  mémoire  ? 

SATHAN 

C'est  1  âge 
du  beau  brassiii  que  j'ay  brasse  : 
31035   avant  qu'il  soit  ung  mois  passé 
vous  eu  verrez  bel  exemplaire! 

ASTAROTII 

Compte  le  donc  sans  si  hnult  braire  l 


si  orrons  quel  bout  va  devant. 

I.UC'lKEK 

Avant  qu'on  parle  [ilus  avant 
31910  asseure  moy  pour  vérité 
se  Jhesus  est  rcssiucité 
qui  nous  a  mené  si  grant  guerre  '.    ' 

SATHAN 

(k'cy  est  ja  vielz  comme  terre  : 
il  est  ressuscité  sans  doubtc, 

31915  et  ja  plus  de  cinq  fois  en  route 
il  s'est  a  ses  gens  apparu  : 
or  appam,  or  disparu  : 
je  ne  s^ay  que  gibet  il  brasse; 
et  d'aultre  costé  je  dcsbrasso 

31930  tout  tiuit  qu'il  fait  entièrement, 
ne  tout  sou  ressuscitement 
ne  lui  vauldra  pas  une  osiere, 
cai-  j'ay  ja  trouvé  la  manière 
que  les  Juifz  n'en  cioyent  rien. 

KERGALUS 

31955  Or  nous  eu  compte  le  moyen, 

et  ne  nous  fais  point  trop  long  compte. 

SATHAN" 

Deables,  je  vous  dis  et  voua  compte 
que  quand  j'ay  esté  ad\crty 
que  Jhesus  estoit  reveity 

31960  tout  en  vie  apprès  son  ti-espas, 
sachez  que  je  ne  dormis  pas. 
Les  chevaliers  bien  l'adnonceroDt 
et  pour  tout  vray  le  tesmoignereut 
aux  princes  do  la  loy  Moyse, 

31965  mes  je  leur  ay  tel  pusce  mise 
en  l'oreille  et  si  bien  empraiiite 
que  la  nouvelle  en  est  estainte, 
car  aloi's  trouvay  les  sentiers 
de  corrompre  les  chevaUei's 

31970  et  dire  de  communs  accors 

qu'on  leur  avoit  emblé  le  corps  ; 
et  de  fait  ilz  l'ont  prononcé 
et  en  tant  de  lieux  anoncc 
que  jamos  Juif  n'y  croira, 

31975  et  ainsi  Jhesus  demourra 

sans  peuple  qui  le  veille  ensuivre, 
par  quoy  nous  avons  a  délivre 
ces  faulx  Juifz  comme  dessus. 

LICIKER 

Les  as  tu  doue  ainsi  dcceus 
31980  en  leur  ccste  atache  baillant  ? 
pw  ma  pâte  tu  es  vaillant  : 
il  n'y  a  deable  qui  te  vaille; 
ma  grant  couronne  je  le  baille 


31918  long]  ilB  lî.  —  31925  maudis)  ilespis  B.  —  31928  présentement  n.  C.  —  31940-1  sur  ce  point  cy,  sarrexi  B.  C.  — 
H1907  en  man'iuc  IJ.  —31974  si  uy  A.  —  319;7  nous  a  dicipli  deliure  B,  nous  .■>  este  de)iure  Ci 


420 

qui  est  d'jing  treppié  tout  aidant, 
31985  comnio  le  deablc  mieulx  gardant 
les  drois  de  l'infernal  pallu. 
Mes  tout  ton  fait  u"a  riens  vallu, 
se  tu  ne  vas  veoir  de  plus  belles 
pour  sçavoir  certaines  nouvelles 
31990  que  ce  faulx  Jhesus  devendra, 
qu'il  fera  et  ou  il  mendia 
ce  très  desleal  gendre  humain 
qu'il  a  osté  de  nostrc  main  : 
sçavoir  le  veil  a  ceste  fois. 

SATHAN 

31995  Mon  maistre  Lucifer,  j'y  vois, 
mes  je  vous  prie  a  ung  brief  mot 
que  vous  me  baillez  Astaroth 
et  Berich  i)0ur  moi  conipaignier. 

BERICH 

Nous  convient  il  la  voyager? 
32000  trop  long  temps  a  que  je  n'y  fus. 

LUCIFER 

Allez,  que  des  eternalz  feus 
vous  puist  on  les  museaux  brûler  ! 
Icy  s'en  vont  eulx  trois. 


s.   A.NDRY 

Frères,  entendez  moy  parler  : 
chacun  ses  compaignons  assemble, 

32005  et  nous  en  allons  tous  ensemble 
sur  la  montaigne  en  Galilée, 
laquelle  est  Thabor  appelée. 
Partons  nous  sans  faire  séjour, 
car  j'espoire  que  dans  brief  jour 

32010  Jhesus  se  doit  manifester. 

s.  JAQUES  ZEBEDEY 

Cy  ne  nous  fault  plus  arrester, 
mes  frères  et  amis  très  doulx  ; 
pourtant  s'il  est  aucun  de  vous 
ayant  aucun  amy  par  voie, 
32015  s'il  a  désir  que  Jhesus  voie 
en  ceste  appariciou  belle, 
je  lui  conseille  qu'il  l'appelle, 
et  puis  l'admainc  avec  nous  tous. 

S.  JAQUES  ALPHEY 

C'est  bien  dit;  ça,  que  dictes  vous, 
3i020   Ruben,  mon  très  chier  compaignon, 
Neptalin  et  vous,  Gedeon, 
Moab  et  cculs  de  vostre  sorte  ? 
serez  vous  de  nostre  consorte  ? 
re-*pondic  vous  fault  sur  ce  iioint. 


Ml  STERE   Dli    LA    PASSION 


HUBE.V 

32025  (Juant  a  moy,  je  n'y  fauldray  jioint; 
vous  me  faictos  ung  grand  plaisir, 
car  de  le  voir  ay  lel  désir 
qu'il  n'est  bons  qui  le  sceut  penser. 

MOAB 

Pour  moy  ung  petit  rapaisicr 
32030  des  douleurs  que  j'ai  enduré 
depuis  que  fut  a  mort  livré 
nostre  cher  maistre  débonnaire, 
je  veil  bien  le  voiage  faire, 
car  s'une  fois  voir  je  le  puis, 
3J035  il  m'est  advis  que  guery  suis 
entièrement  de  tout  mon  dueil. 

GEDEON 

Ces  nouvelles  sont  a  mon  veil 
les  plus  plaisantes  qu'oncques  furent, 
puisque  les  frères  nous  asseurcnt 
320'éO  que  le  doulx  Jhesus  y  verrons. 

s.   BERTHEl.EMY 

Venez,  et  nous  vous  y  menrons,  . 
puisqu'a  Voir  Jhesus  contendez. 

NEPTALIN 

Pour  nous  tant  soit  peu  n'attendez  : 
quand  faire  vouldrez  départie, 
32045  nous  serons  de  vostre  partie  ; 

partez  quand  vous  vouldrez  partir, 
affin  que  nous  puissions  partir 
aux  biens  dont  on  vous  partii  a. 

s.   MATH  I AS 

Chacun  de  nostre  part  ira 
32050  si  tost  que  vous  vous  pat  tirez, 

et  pourtant  en  la  part  irez 

dont  vous  nous  faictes  mencion. 
JOSEPH,  le  Jititc. 

J'aroie  grant  aftéction 

que  je  puisse  estre  aussi  du  nombre  ; 
32055  pour  ce,  se  je  ne  vous  encombre, 

s'il  vous  plaist,  je  vous  suiveray. 

RUBEN 

Aussi  volentiers  le  verray, 
qu'oncques  je  mengeay  en  mon  aage. 

ABIRON 

S'il  [ilaist  a  Dieu,  aussi  ira  je  : 
32060  il  est  temps  de  ne. us  abréger. 

TUI'AL 

Je  ne  fauldray  pas  au  voiage. 

CELirs 
S'il  plaist  a  Dieu,  aussi  ira  je. 

ABACUT 

Plus  le  désire  en  mon  courage 


lilDQl  ne  ou  iloinourra  C.  mourra  U.  —  ClUUi  pour  une  foiz  B.  C.  —  3190C  hricf  iiuiii'juc  G.  ~  32013  vous]  nous  C. 
3201S  tous  mniiqite  A.  —  32040  partir  mniviuc  C.  —  32054  aussi  minf/ue  C.  —  3205S  menge  A. 


OTTAHTI';    lOURNKK 


421 


quo  le  lioiio  nn  \o  manjfpr. 

TIBAI. 

3Î0OJ   S'il  jilaist  a  Dieu,  aussi  ira  je: 
il  est  temps  de  nous  abréger. 

s.  PIEHRE 

Allons  nous  eu  sans  jilus  targor  ; 
nous  sonuiuîs  giant  tas  assenihlés  : 
toutes  boiiucs  gens  inc  saniblcz 
32070  qui  a  bien  mettez  vostre  estude. 

s.    JEHAN 

Nous  sonnnes  grosse  multitude, 
quand  j'ny  bien  partout  regardé. 

s.  SIMON 

De  Dieu  soions  nous  tous  gai'dé 
et  conduit  si  tost  et  si  bricf 
3J075  quo  vooir  puissons  de  rcchief 
cel(iy  quo  sui'  tous  ilcsiions. 

MO  A  H 

Se  longuement  ainsi  tii-ons, 
tantost  en  arons  vive  enseigne, 

AHIUON 

Je  commaiice  a  voir  la  montaigne 
ou  Jhesus  nous  doit  précéder. 

TUHAI, 

Mon  cueur  de  lecsse  se  baigne  : 

je  commance  a  voir  la  montaigno, 

CEI.IL'S 

De  cheminer  nul  no  se  faigno  : 
a  ce  nous  fault  il  accorder. 

ABACl'T 

0S5  Je  conunanco  a  voir  la  montaigno 
ou  .Ihesus  nous  doit  procéder. 

s.  MATHIEU 

11  n'est  mes  saison  de  tarder  : 
montons  amont,  petis  et  grans. 

JOSEPH,  le  Juste. 
Vous  dictes  bien. 

Icij  uiontent  amont. 

[FosE.l 


Icy  s'appert  Jhesus  de  rechief. 

JHESUS 

Mes  chers  enffans 
qui  vous  estes  voulu  unir 
et  enseinl)le  en  ce  lieu  venir 
a  mon  command  especial, 
la  paix  du  lieu  celestial 


V0U.1  soit  liuy  a  lou.i  ottroyce! 

s.  SIMON 

^îOO.'i  O  sainte  parsonne  louée, 

grâces  vous  rendons  et  mercis 
quand  nos  cueui's  do  double  ob^ctirois 
enlumines  d(>  tii  clémence 
par  la  lumière  do  crodence, 

3!ilOO  si  bien  que  t.;  croions  en  sonniie 
estre  fil/,  de  Dieu  et  vray  homme 
relevé  par  |)ouoir  divin. 

s.  THOMAS 

Jhesus,  noslre  mai^ti-e  béguin, 

celuy  qu'a  tort  on  empescha, 
3S105  le  juste  qu'oncqucB  ne  pécha, 

quand  tu  fus  en  In  croix  cloui-, 

ton  nom  soit  bonoit  et  loué 

quand  tu  nous  fais  si  bieueureux 

que  ton  digne  corps  précieux 
;«M0  tu  nous  daignes  faire  ap|)aroir. 
JOSEPH,  le  Juste. 

0  digne  et  l'overand  miroir, 

di:  tout  bien  la  similitude, 

dont  de))pend  la  béatitude 

que  nous  devons  plus  désirer, 
3*115  a  toy  voir,  a  toy  remirer 

tout  bon  cueur  se  regarde  el  mirej 

car  tu  es  médecin  et  mire 

pour  pouoir  cueurs  dollans  mirer. 

MOAB 

Je  ne  puis  assés  a<lmirer 
3Î120  ton  saint  corps,  car  tant  plus  l'admire  ; 
a  toy  voir  et  toy  remirer 
tout  bon  cueur  se  regarde  et  mire. 

ABIRON 

A  les  louanges  aspirer 
cueur  humain  ne  i>ourroit  souflire, 
3«Î5  qui  as  peu  la  mort  desconftrc 
et  mau  gré  la  mort  respirer. 

TUBAI. 

A  toy  voir,  a  toy  remirer 
tout  bon  cueur  se  regarde  et  mire, 
car  tu  es  médecin  et  mire 
3Î130  pour  pouoir  cueurs  dollans  mirer. 

CELIUS 

A  ton  fait  bien  considérer, 
Jhesus  ou  tout  bien  sont  compris, 
il  n'est  bonis  qui  sceut  mettre  a  pris 
la  valleur  de  ta  grant  puissance. 

JHSSUS 

32135  Frères,  ayez  eeste  espérance 
que  pai'  la  loy  Dieu  ordonnée 


32081-C  manquent  A.  —  32082  Je  voy  lout  a  plaiii  B.  C.  —  32115-30  Le»  refrains  da  rondeau  mnnqueni  A. 


MISTERE    DE    LA    PASSION 


toute  puissance  m'est  donnée 
pai-tout  et  en  ciel  et  en  terre 
pour  saulver  tous  ceulx  qui  requerre 
32140  et  invocquer  youldront  mon  nom 
en  toute  tribulacion 
quoy  qu'elle  soit  penetrative. 

ABACUT 

Veez  cy  merveille  admirative 

la  plus  merveillant  de  jamés, 
32145  et  en  grant  doubtance  me  mes 

de  ce  que  je  voy  a  mes  yeulx 

qu'oncques  riens  ne  cuiday  veoir  mieulx, 

que  je  voy  Jhesus  proprement, 

sa  face,  son  contenement, 
32150  et  sa  très  bénigne  samblance  ; 

mes  d'autre  part  j'ay  grant  doubtance 

s'il  est  possible  et  liien  licite 

qu'ung  homme  mortel  ressuscite  : 

veez  la  ma  difficulté  toute. 

s.  THOMAS 

32155  Abacut,  jaraès  n'ayez  doubte 

de  cela,  c'est  vérité  plaine  ; 

car  ja  soit  que  nature  humaine 

ne  puist  a  cecy  parvenir, 

toutefibis  nous  devons  tenir 
32160  que  cil  est  Dieu,  qui  peust  tout  faire. 

JHESUS 

N'y  veilliez  mettre  aucun  contraire, 
car  jamos  plus  vray  ne  direz  ; 
et  pourtant  cy  après  irez 
au  monde  et  serez  diligens 

32165   de  prononcer  a  toutes  gens 
du  baptesme  le  hault  mistere, 
les  baptizant  ou  nom  du  Père, 
du  Filz  et  du  saint  Esperit, 
et,  comme  autreffois  vous  ay  dit, 

32170  leur  baillerez  enseiguemcns 
de  garder  les  commandemens 
qu'aultreffois  vous  ay  prononcés  : 
publiquement  les  anoncez 
a  garder  a  toutes  et  tous. 

s.  PHELIPE 

32175  Helas!  sire,  nous  lerrez  vous 
en  ce  très  misérable  val, 
sans  avoir  ducteur  principal  ? 
a  qui  pourrons  nous  recourir? 

JHESUS 

Je  seray  pi'est  a  secourir 
32180  a  toutes  les  neccessités 

dont  vous  serez  fort  incités 
en  ce  monde  de  toutes  pars. 


car  pourtant  se  de  vou«  me  pars 

quant  a  présence  corporelle, 
32185  ma  présence  espirituelle 

avec  vous  fera  mansion 

jusqu'à  la  consommacion 

en  la  fin  de  ce  siècle  cy. 

JOSEPH,  le  Juste. 

Ha  !  cher  sii'e,  vostre  raercy, 
32190  moult  de  haulx  biens  nous  avez  fait 

et  faictcs  encore  de  fait, 

et  plus  que  desservy  n'avons. 

Iry  s'esvar.oiiyi  Jhesus  comme  de.siis. 


s.    MATHIAS 

Ou  est  Jhesus  ? 

s.    PHELIPE 

Nous  ne  sçavous  : 
le  corps  a  agille  et  expert 
.32195  par  quoy  ou  il  veult  il  s'appert, 

et  quand  il  luy  plaist,  il  s'abseonce. 

s.    PIERRE 

Qui  croire  vouidra  ma  responce, 
nous  nous  en  irons  a  l'ostel 
en  louant  le  Dieu  immortel 
32200   qui  nous  povres  gens  désolés 
a  de  sa  grâce  consolés 
si  bien  que  de  mieulx  nous  en  est. 

s.    ANDRY 

Nous  nous  eu  irons,  s'il  vous  plcst, 
tous  ensemble  en  nostre  demeure 
32205  prier  de  bon  cueur  sans  demeure 
a  la  divine  pourveance 
qu'elle  guide  nostre  ordonnance 
pour  le  mieulx  comme  il  luy  plaira. 

RUBEN 

Nul  de  nous  n'y  contredira  : 
32210  partons  ;  que  Dieu  qui  lassus  règne 
en  son  saint  et  glorieux  règne 
soit  en  nostre  protection  ! 
Icy  s'en  retournent  en  leur  logis. 


[Pose.] 


s.    SIMON 

J'aperçois  nostre  mansion, 


32139  pernuer  ceulx  B.  C—  3216S  benoit  B,—  32170  Leurs  A.— 32181  fort  incites]  nécessites  B.  C—  32203  vous]  dieu  B. 
32204  logis  B.  G.—  32205  Et  nous  tendrons  tousjours  subjitz  B.  C—  32212  guide  et  conuoy  A.—  32213-20  manjuent  A, 


iRl  A  R  T  K   JOUR  N  E  K 


423 


mes  nmis  sages  ot  pnulens  ; 
33815  force  est  que  nous  entrons  deilcns, 
et  puis  clorron»  de  pao\ir  dos  doul)tcR 
les  huis  et  les  fenestres  toutes, 
que  ces  Juif/,  ne  nous  y  sachent. 

s.    JUDE 

Les  mauvais  tirans  nous  menacent 
32820  de  |faire  moui'ir  a  douleur. 


NOSTRE    n\MK 

Mes  seurs  en  Dieu,  nostie  seigneui', 
s'a  mon  vueil  vous  plcst  consentir, 
je  vous  veil  d'ung  point  advortir 
dont  vous  vous  tendiez  bien  eureuses. 

MADELAINB 

32825  S'il  y  a  nouvelles  joyeuses, 
nostre  maistresse  singulière, 
racontez  nous  en  la  manière 
et  vous  nous  ferez  grant  plaisir. 

NOSTHE    DAME 

Pour  ce  que  tout  vostrc  désir 
32830  est  d'oir  le  rapport  plaisant 

de  Jhesus,  mon  très  cher  enffant, 
en  qui  tant  vostre  cueur  se  fie, 
je  vous  dis  et  vous  certifie 
que  biiefment  montera  ou  ciel 
32235   a  Dieu,  son  cher  père  éternel, 
qui  par  grâce  me  le  donna, 
et  le  don  qu'en  terre  oi'donna 
veult  traire  en  son  noble  royalme. 

MARIE   JACOBY 

llelas  !  Marie,  chcre  dame, 
38240  nous  donrra  pas  Dieu  lors  sa  grâce 
que  ce  hault  mistere  se  face 
devant  nous  ?  le  verrons  nous  point? 

MAKIE   SALOMÉ 

Il  nous  est  advis  sur  ce  point 
que  puisque  vous  estes  sa  mère, 
38245  ce  baultaiu  et  puissant  mistere 
ne  sera  pas  que  n'y  soyez  ; 
c'est  raison  que  vous  le  voyez  : 
vous  y  devez  estrc  présente. 

NOSTRE   DAME 

Je  n'en  pense  pas  estre  exempte  : 
32250  se  Dieu  plest,  présente  y  seray 
et  devant  mes  yeux  le  verray 
monter  au  trosne  pardurable. 

MADELAINE 

0  nostre  maistresse  honorable, 


miroir  d'honneur  et  de  prudence, 
3!2:w  plaise  vous  do  vostre  licence, 

que  nous  voua  y  accompaignona  ; 
au  moins  avec  vous  y  ferons 
le  mistere  qui  so  fera. 

MARIE    JACOBT 

0  quel  grant  noblesse  sera 
38800  de  voir  ce  noble  corps  humain 
monter  au  trosne  souverain  I 
tout  le  ciel  s'en  esjouira. 

NaSTRB   DAME 

J'ay  espoir  qu'il  st!  montrera 
lors  en  sa  force  tout  a  plain. 

MARIE  SALOMÉ 

38865  0  quel  grant  noblesse  sera 

de  voir  ce  noble  corps  humain  ! 

NOSTRE   DAME 

Lors  sera  cil  qui  laissera 
ses  amis  au  règne  mondain. 

MADELAINE 

0  quel  grant  noblesse  sera 
32870  de  voir  ce  noble  corps  humain 

monter  au  trosne  souverain! 

tout  le  ciel  s'en  esjouira. 

Ma  dame  que  servir  devons, 

que  nous  trois  avec  vous  soions 
38275  pour  voir  ceste  feste  joyeuse. 

NOSTRE   DAME 

Je  me  tendray  [wur  bien  eureuse 
s'avecques  moy  vous  plest  venir  ; 
et  pour  plus  briefment  pai'venii- 
a  ce  bien  que  tant  desirons, 
38280  se  vous  me  croiez,  nous  ii-ons 
vers  les  apostres  de  ceste  heure, 
car  je  cuide  estre  toute  seure 
qu'ilz  y  seront  tous  a  ce  jour. 

MARIE   JACOBY 

Or  nous  partons  donc  sans  séjour: 
38885  Jhesus  nous  conduye  a  bon  port  ! 

Icy  s'en  vont  les  Maries  vers  les  apostres. 

[Pose.] 


PILATE 

Seigneurs,  est  il  quelque  rajwrt 
qu'on  face  mes  de  ce  Jhesus  ? 
qu'en  dittes  vous  ?  n'en  parle  on  plus 
de  ses  fais  aval  la  cité  ? 


38221  je  vous  pry  oycs  moy  A.  —  38249  absepte  C.  —  32256-72  «i<jn^u<«(  A.  —  38888  asseure  B. 


M  I  s  T  !■:  R  E    DR    LA    PASSION 


3J290  est  il  mort  ou  l'cssuscité  ? 

est  il  nul  de  vou«  qui  le  isaclie  ? 
vous  qui  allez  en  mainte  place 
et  en  mains  lieux  divers,  et  donequrs 
dittes  moy  nouvelles  quelconques 

32293  pour  rcsjouir  :  vous  songez  trop. 

BARRAQL'IX 

Fi'evost,  on  nous  en  dit  beaucop 
et  plus  que  savoir  n'en  vouldroic, 
mes  pour  riens  no  le  vous  diroie  : 
ce  ne  sont  point  choses  a  diio, 
32300   car  a  fureur  et  a  grant  ire 

vous  pourroient  tost  csniouvoir. 

PILATE 

Si  les  me  convient  il  savoir, 
et  deusse  forcener  de  rage  1 
Ha  !  qu'il  me  poise  en  mon  courage 

32305  de  la  mort  de  ce  liault  prophète 
que  j'ay  jugé  a  la  requcste 
de  ccste  lignée  interdite  ! 
que  l'heui'e  puist  estre  maudite 
qu'a  leur  rcqueste  obtemperay  ! 

32310  bien  sçay  qu'en  la  fin  en  mouriay 
de  mort  honteuse  et  villenable. 

LA    FEMME   PILATK 

Ha  !  mon  très  cher  frère  amiable, 
vous  estes  tant  prudent  et  sage, 
comment  dittes  vous  tel  langage  ? 
32315  ne  sçay  comment  l'osez  penser  : 
bien  pourriez  les  dieux  offencer 
par  itelles  paroUes  dire, 
et  pourroit  cheoir  sur  vous  l'ire 
des  dieux  et  sur  vostre  maison. 

PILATE 

32320   Taisez  vous,  ce  seroit  raison, 
je  l'ay  bien  et  beau  desservy  : 
aux  Juifz  me  suis  asservy, 
et  par  leur  faulx  exhortement 
j'ay  fait  le  plus  faulx  jugement 

32325  qu'oneques  pensa  homme  vivant. 

LA  FEMME   PILATE 

Tousjours  dittes  pis  que  devant  ; 
il  vous  fault  ces  plaintes  cesser, 
et  n'y  vueillez  jamès  penser  : 
s'il  est  mal,  ainsi  demourra, 
38330  s'il  est  bien  jugé,  bien  sera, 
et  n'en  prenez  jamès  ennoy, 
car  je  cuide  tant  qu'est  a  moy 
que  jamès  parler  n'en  orrez. 

PILATE 

Vous  direz  ce  que  vous  vouldrez. 


32335  mes  enfin  il  m'(>n  mescherra, 
et  mon  estât  en  decherra 
briefment,  il  n'e.i  fault  point  doubtor. 
Que  n'abrogcs'tu  de  comnter 
le  cas  dont  j'ay  icy  touché  ? 

BARRAQUIN 

323'iO  Vos  plaintes  m'en  ont  empesché  ; 
mes  puisque  tant  le  desirez, 
auffort  aller  vous  le  sçarcz, 
et  tousjours  sous  correcciou 
vray  est. 

PILATE 

Abrège  ton  sermon  : 
323'.5  ne  fay  point  le  long  langager. 

BARRAQUIN 

Puisque  tant  le  fault  abréger, 
le  cas  est  tel  que  je  vous  compte  : 
tout  le  monde  si  tient  son  compte 
que  Jhesus  qui  en  croix  est  moi  t 

383r)0  est  suscité  après  sa  mort, 
et  dit  on  huy  tout  en  appert 
qu'il  se  demonstre  et  qu'il  s'appert 
a  ses  disciples  et  ses  gens, 
et  fait  sermons  et  preschemens, 

32355  comme  l'aultrier  on  me  disoit, 

ne  plus  ne  moins  comme  il  faisoit 
,       avant  qu'il  fust  en  croix  pendu. 

PILATE 

Quand  j'ay  bien  tretout  entendu, 
tu  me  racomptes  grans  merveilles. 

CENTURION 

32360   Prévost,  se  tu  t'en  esmerveilles, 
neantmoins  tu  le  dois  ainsi  croire  ; 
chacun  y  tient  son  consistoire  : 
cy  ung,  cy  deux,  cy  trois,  cy  quatre. 
L'ung  dit  que  vous  l'avez  fait  bati-e  ; 

38365  aultre  dist  :  il  a  mal  jugi<>  ; 
aultres  :  il  a  interroguié 
en  mains  pas  et  en  mainte  clause, 
et  si  n'y  a  sceu  trouver  cause 
sur  quoy  il  l'eust  deu  condampner 

32370  a  le  faire  en  la  croix  pener. 

Briefment,  quant  est  de  ceste  charge, 
tout  le  monde  vous  en  encharge, 
cessant  toute  excusacion. 

PILATE 

Taisiez  vous  en.  Centurion  ; 
32375   quelconques  s'en  veille  meller, 
vous  seul  n'en  devez  point  pai'ler, 
et  estes  blasmé  des  premiers  : 
car  vos  trois  meschans  chevaliers, 


38297-8  vouldrion,  dirion  B.  C.  —  32302  Si]  Se  A.   —  32317  Par  si  fleres  B.   C.  —  32339  je    vous  ay  B.   C.  —  3234 
manquent  A.  —  32348  maintient  et  compte  B.  G.  —  32370  pîrcier  G.  — 32372  Tretout  le  monde  vous  en  charge  B. 


»$390 


3î39ri 


mrschans  et  de  moRi'liaiit  nrioy. 

32380  Ifsquclz  trois  soiibz  l'oiubro  do  moy 
vous  avpz  aux  .luifz  prfsli's, 
fi'i  sont  tios  mpsclianiiiioiit  poit^'s, 
et  mal  a  1(mu-  hniunui'  venu, 
qu'ilz  ne  sccvcnt  quVst  devenu 

32885  le  corps  JhpsuR  ;  et  dit  on  plus 
que  tous  ont  esté  corrompus 
par  puissance  d'argent  content, 
et  ont  Juif/  exploitii'  tant 
qu'ilz  les  ont  attraits  de  leur  sorte. 

CENTURION 

S'ilz  ont  mal  fait,  je  m'en  rapporte 

a  leur  bonne  discrecion  ; 

s'il  y  a  PU  cori'upcion, 

auffort  ti'os  bien  leur  en  conviengne. 

Mes  comment  que  la  chose  adviengne 

ne  qui  qui  en  soit  excusé, 

vous  en  estes  fort  accuse'» 

de  luy  avoir  fait  grant  injure, 

et  brief  tout  le  monde  en  murmure, 

et  la  coulpe  sur  vous  so  couche. 

PII.ATK 

38400  Leur  murnmre  moult  peu  me  touche  : 
s'aucuns  s'en  veuUent  esmouvoir, 
ce  sont  ces  gens  mêmes,  espoir, 
gens  de  commun,  gent  populaire 
qui  ne  servent  i-iens  que  de  braire 
toute  jour  a  perte  et  a  gaigne. 
Je  croy  bien  qu'ilz  en  ont  engaigno 
et  ne  s'i  sont  point  consentu, 
mes  ilz  n'ont  force  ne  vertu  : 
je  n'en  fais  ne  compte  ne  mise  ; 
mes  demandez  aux  gens  d'église, 
assavoir  s'il/,  nj'en  blasmcront  ; 
je  croy  qu'ilz  m'en  garaudiront 
envers  tous  et  encontre  tous, 

CENTl'RION 

[Non  est  dea. 

PILATB 

Si  est,  je  le  trouve. 

CENTl'RION 

Rien,  rien,  non  est. 

.  PILATE 

Je  le  vous  picuve.l 

CENTURION 

Tant  vault  pis,  car  c'est  contre  vous: 
la  voix  commune  veult  courir 
que  les  Juifz  l'ont  fait  mourir 
par  la  faulse  et  mauvaise  envye 


Ql'ARTR    JOURNF.F, 

.IMÏO 


425 


S8405 


.  SS410 


415 


3*4Ï5 


aîoo 


38435 


384  iO 


38445 


38450 


38455 


38460 


38465 


qu'il/,  ont  eu  sur  sa  bonne  vie. 
Trop  ))ien  dit  on,  quand  \ea  oy»le», 
au  premier  très  fort  contcndiste» 
de  gardei-  qu'il  ne  fust  delTait  ; 
mes  quoy  ?  cela  ne  fut  riens  fait, 
sn  mort  ne  s'en  retanla  point; 
car  quand  vint  au  principal  point 
que  vous  le  poviez  délivrer 
ou  a  vie  ou  a  inoit  livrer, 
comme  ung  homme  mal  tempéré 
a  eulx  avez  obtempéré , 
par  quoy  tout  le  monde  vous  juge 
ung  très  faulx  et  desleal  juge, 
et  y  pensoz  bien  au  surplus. 

PII.ATK 

Ho  !  il  souffit,  n'en  jiai'lons  plus, 
car  tel  iiarler  m'a  moult  despieu  : 
j'en  ay  fait  le  niieulx  que  j'ay  pou 
f  t  oncoi'c  chacun  me  griofve  ! 
Vien  ça,  Rarraquin  :  parachevé 
l'ofTot  de  ta  narracion. 

HARRAQUIN 

Quant  a  la  suscitacion 

de  Jhosus,  selon  qu'on  tesmongne, 

c'est  une  approuvée  bcsongne  : 

oultre  on  dit  que  plusieurs  ostans 

en  terre,  moi-s  passé  long  temps, 

sont  suscités  et  levés  sus 

avec  le  prophète  Jhesus, 

et  ilepuis  sont  magnifesté 

a  plusieurs  gens  do  la  cité. 

et  monstrent  fais  innumerables 

a  ouir  bien  espouantables  ; 

mes  en  tant  que  le  surplus  wucho, 

Jhesus  ont  confessé  de  bouche 

estre  vray  fliz  de  Dieu  le  vif. 

PI  LAIE 

Veez  la  ung  mot  ponetratif 

pour  percer  ung  cucur  de  douloui  s  ! 

Je  me  suis  bien  doublé  tousjours 

qu'il  no  fust  conmie  tu  le  dis, 

mes  ces  parvers  Juifz  maudis 

me  crioyont  a  tel  effort 

que  je  l'ay  condampné  a  mort 

poui-  éviter  plus  grant  nuy.sance  ; 

et  s'il  vient  a  la  congnoissanco 

lie  Tibère,  oniporour  do  Rommi>, 

et  il  scot  qu'il  estoit  saint  homme 

très  utille  pour  le  pays, 

je  seray  de  luy  tant  hays 


38381  a  CCS  A.  —  32393  souuicngno  U.  —  38403  gens  populaire  A.  0.  _  SJUI  noieront  n.  noICoironl  C.  —  .32112  ciiide 
quilz  mon  sortiront  H.  C.  —  32114-5  «i>iii7iirn(  A.  —  32428  contredites  A.  —  32433  pense  C.  —  32448  Et  pour  »p- 
prouer  B.  C. 


426 


MISTEREDE   LA   PASSION 


que  mourir  bricf  m'en  convendra, 
et  au  mieulx  qu'il  m'en  advendra 
si  je  ne  suis  mort  ou  tué, 
32470  du  tout  seray  destitué 

et  desniis  de  mon  hault  office. 

CENTURION 

Vous  y  estes  si  très  propice 
et  si  soubtil  en  tous  amès 
que  je  ne  croiroie  jamès 

38475  que  l'empereur  vous  en  déboute  ; 
et  se  de  ce  fait  avez  doubte,    ■ 
rescripvez  moi  aux  sénateurs, 
aux  conseilliers  et  gouverneurs 
de  Romme,  en  leur  donnant  joyaulx 

32480  a  part  bien  precieulx  et  beaulx  : 
pour  vous  vers  l'empereur  seront 
et  bien  vostre  paix  vous  feront, 
ja  si  courroucé  ne  sera. 

PILATE 

Guaire  de  temps  ne  demourra 
32485  que  j'en  feray  par  ce  moien. 

[Pose.] 


Icy  viennent  les  Maries  avec  les  apostres. 

s.    A.NDRY 

Resjouissez  vous  en  tout  bien, 
frères,  et  faisons  bonne  chère  : 
veez  cy  nostre  maistresse  cherc, 
la  mère  de  nostre  seigneur, 
32490  qui  cy  vient. 

s.    PIERRE 

Faisons  luy  honneur, 
comme  bien  faire  le  devon. 

NOSTRE  UAME 

A  ceste  dévote  union 
doint  Dieu  salut  de  corps  et  d'ame  1 

s.  JEHAN 

A  nostre  cougregaoion 
32495  bien  venez,  nostre  chei'c  dame  ; 
chacun  do  nous  tant  vous  reclame 
que  raconter  ne  le  sçavon  ; 
car  point  d'aultro  recours  n'avon 
pour  resconforter  nos  douleurs. 

s.    JAQUES  ZEBEDEY 

3S00  Nous  n'avons  point  d'espoir  ailleurs  : 
puis  que  nostre  maistre  pardimes, 
a  vous  du  tout  nous  attandismes 
pour  nostre  foy  soliciter. 

32473  ametz  B.  endrois  G.  —  32486  Resjouissons  la  B.  C.  - 
manqueiU  A.  —  32543  Je  ne  quiers  pas  grant  mengerie  B, 


NOSTRE  DAME 

S'en  riens  je  vous  puis  profiter 
32505  ou  vous  avancer'  près  ou  loing, 

j'en  appelle  Dieu  a  tesmoing 

que  je  m'y  vouldroie  emploier 

sans  attendre  le  supplier 

pour  l'honneur  de  Jhesus  mon  filz 
32510  a  qui  comme  leaulx  et  fidz 

avez  compaignie  tenue. 

s.    BERTHELEMY 

Vous  soiez  la  très  bien  venue, 
nostre  conffort  et  vraye  adresse, 
et  ces  femmes  de  grant  noblesse 
32315  qui  vous  ont  volu  compaignier  ! 

MADELAINE 

Chers  frères,  Dieu  vous  doint  gaignier 
son  regard  qui  est  perdurable  ! 

s.    MATHIEU 

.    Temps  sera  de  mettre  la  table 
et  la  viande  préparer 
32520  pour  recevoir  et  honorer 

nostre  maistresse  que  veez  cy, 
et  de  sa  compaignie  aussi 
songnei'ons  bien,  s'il  plaist  a  Dieu. 

s.    SIMON 

Vous  devisez  très  bien,  Mathieu  : 
32525  bien  le  vault  sa  digne  parsonne, 
et  avecques  ce,  puis  hier  nonne, 
nous  ne  mangeasmes  que  du  pain 
ung  bien  petit,  par  quoy  la  fain 
nous  commance  fort  a  surprendre. 

s.    JUDE 

32530  Selonc  ce  que  je  puis  entendre, 

pour  plus  anticiper  le  soir, 

qui  vouldra  .se  peult  très  bien  seoir  ; 

les  biens  que  Dieu  nous  a  prestes 

sont  ordonnés  et  apprestés 
32535   dont  pas  n'avons  grant  affluence. 

s.    PIERRE 

Chacun  prendra  eu  pacience, 
c'est  le  plus  fort  puisqu'il  est  prest  : 
nostre  maistresse,  si  luy  plest, 
de  bien  peu  se  tendra  contente. 

NOSTRE   DAME 

32510  Pierre,  c'est  très  bien  mon  entente  : 
les  biens  très  eschars  y  seront 
quand  bien  ne  me  contenteront  : 
peu  me  souffit,  je  vous  affie. 

s.    PIERRE 

0  ma  maistresse,  je  vous  prie, 
32515  et  aussi  fout  mes  compaignons, 

-32?2'i  très  mawiue  C,  -  32526  aueo  A,    B.  C.  —  32531-3 


y  U  A  11  T  K 

que  sans  plus  d'cxcusncions 
vous  vous  secz  en  costo  ploce. 

NOSrnE   DAME 

A  mis  Pierre,  sauf  vostre  grâce, 
tes  us  no  sont  pas  poustuniiors  : 
i'aictes  seoir  les  frères  premiers 
S2550  tinisjours  en  iilaces  plus»  honneste», 
et  puis  entre  nous  femmelettes 
nous  serrons  bien  tout  a  nostro  aise. 

s.    JEHAN 

Ghei'e  dame,  ne  vous  desplaise, 
32X>h  soit  chose  estrangc  ou  coustumiere, 
vous  vous  y  serrez  la  première, 
ou  mcshuy  no  nous  y  serrons  : 
c'est  raison,  faire  le  devons, 
vrayo  cliarito  nous  y  lie. 

NOSTRE    DAME 

:î2500  C'est  do  la  vostre  courtoisie 

que  si  grant  honneur  me  voulez  : 
vostre  mercy  ! 

s.    THOMAS 

Vous  le  valiez  : 
si  ne  vous  devons  pas  extordre. 
Ça,  chacun  se  mette  en  son  ordre, 
3?5r>5  chacun  so  siée  appartement, 
et  a  mon  petit  scntement 
do  mon  pouoir  vous  serviray. 

RUBEN 

Thomas,  et  je  vous  aideray 
volontiers,  c'est  bien  mon  office  ; 
38570  nonobstant  tant  qu'est  de  service, 
il  sera  ligierement  fait. 

NOSTUE    DAME 

Amy  Pierre,  c'est  vostre  fait 
devant  costo  reffoction 
faire  la  bénédiction, 
32575  car  mon  filz  Jliesus  ou  ses  joure 
l'avoit  do  coustume  tousjours, 
et  nous  le  devons  ensuyr. 

s.    PIERRE 

Maistresse,  a  vous  veil  obéir, 
obstant  que  pas  ne  m'appartiongne. 
Ici/  l'ail  Piervo  la  benedicion  en  ba^. 

s.    THOMAS 

32580  Seigneurs,  chacun  content  so  tiengne 
des  biens  que  Dieu  nous  a  laissés. 

s.    JAQUES   ALPHEY 

11  souffit  ti'os  bien,  c'est  assés  ; 
et  tant  qu'il  touche  la  pitance, 
elle  est  large  a  grant  habondance 


JOnUNKK  427 

.32t>85  et  beaucop  plus  qu'il  ne  nous  fault. 

s.    PHELIPB 

De  nous,  frères,  riens  ne  nouii  cbault  : 
nous  ne  poons  trop  peu  avoir  ; 
mes  que  ja  veille  recevoir 
noslre  maistresse  l'ordinaire, 
32590  il  nous  souffit. 

NOSTRE  DAME 

Bien  me  doit  plaire, 

car  les  bien»  largement  y  sont. 

s.    HEHTUELEHY 

Or  faictes  lM>nne  clïere  dont, 
ma  dame,  et  puis  nous  parlerons 
do  nostre  niaisti-c  et  vous  dirons 
.32595  ce  que  nous  en  sçavons  de  vray. 

NOSTRK   DAME 

Dieu  scot  que  volontiers  l'orray, 
et  aussi  fera  Madelaine 
et  mes  scui's. 

MADELAINE 

Soiez  en  certaine  : 
c'est  la  chose  que  plus  désire. 


Icy  s'apert  Jhesus  devant  eulx. 

JHE.SII8 

.38600  l'aix  soit  o  vous  ! 

8.   JEHAN 

C'est  nostre  sire, 
nostre  maistre  et  nostre  vray  chief. 

JHESUS 

Frères,  a  vous  vicn  de  rechief 
faire  manifestacion 
do  ma  ressuscitacion 

32605  pour  oster  la  fragilité 
de  la  vostre  incrédulité, 
et  que  plus  ne  vous  y  boutez 
ne  jamés  de  nioy  ne  doublez. 
S'aucun  y  a  qui  en  aist  double, 

38810  chacun  on  bonne  foy  se  boute 
que  vrayment  ressuscité  suis 
et  que  jamés  mourir  ne  puis. 
Knsuyvez  mes  commanderaens 
et  allez  faire  prcschcmons 

32015  par  tout  le  monde  universel, 
preschans  le  hault  fait  solennel 
de  l'euvangilo  :  qui  croira 
en  elle  et  baptizé  sera 
sera  sauvé  sans  faute  nulle. 


325'.S-r>9  man'iurnt  A.  —  SSrxi)  Ghers  frères  cest  de  vostre  graoe  A.  —  32570  tant  qu']  quant  G.  —  32578  Maistre  G. 
—  Sasi  dieu  manijue  A.  —  325S0  nou<]  noz  B.  C.  —  32598  Et  mes  seura]  Que  vec^-  U.  C.  —  32018  celle  B.  C.  —  38CJ9 
Sera  salut  B. 


428 

32620 


MISTER  E    DE    LA    PASSION 


et  qui  en  sera  incredullc 

sei'a  en  fin  a  grief  torment 

condampné  iiorduiablement ; 

et  do  ceulx  qui  en  nioy  croiront, 

iteulx  signes  s'en  ensuyvront  : 
32025  en  mon  nom  feront  grans  miracles, 

ilz  guériront  demoniacles, 

nouvelles  langues  parleront 

et  les  serpens  porter  pourront  ; 

se  mortel  bruvage  regoyvent, 
32030  ja  ne  leur  nuyra  quoy  qu'ilz  boivent  ; 

sur  malades  mettront  leurs  mair.s, 

qui  tantost  seront  saufz  et  sains, 

et  beaucop  d'aultres  grans  misteres. 

Et  pourtant,  mes  très  araés  frères. 
32035  ja  plus  loin  n'allez  ne  venez  : 

en  Jherusalem  vous  tenez 

attendans  le  don  du  hault  signe 

du  saint  Esprit  benoit  et  digne. 

Jehan  que  le  peuple  assés  piisa 
32640  dedans  l'eaue  me  baptiza, 

signifiant  mendicité, 

mes  pour  avoir  en  charité 

vos  courages  mieulx  attisés 

vous  serez  briofment  Ijaptisés 
32645  au  saint  Esprit  parfaictement. 

s.    PIERRE 

Par  vostre  bon  commandement, 
sire,  gouverner  nous  voulons. 

JHESUS 

Avant  que  nous  nous  en  allons 
au  lieu  ou  je  vous  veil  mener, 
32650  j'ay  voulu  en  moy  ordonner 

de  prendre  avec  vous  mon  repas, 

s.    ANllUY 

Nous  ne  le  reffuserons  pas, 
maistre,  bien  y  sommes  tenu. 
Icy   se  siet   Jhcsus   a   table    [emprés  Nostre 
Dame]  au  dessus  d'eulx  et  luy  font  tous 
honneur,  et  après  qu'ilz  oit  tnangé,font 
samblant  de  dire  grâces  tout  bas. 

NOSTRE   DAME 

Mon  cher  filz,  Jnen  soiez  ^■enu 
32655  et  a  joie  en  vie  remis  ! 

tous  vos  frères  et  bons  amis 

a  vous  veoir  sont  forment  joyculx. 

JHESUS 

Ma  mère,  je  me  deppars  d'eulx 
et  de  vous  corporellement. 


32060   mes  espii'ituellement 

avec  vous  demouriay  sans  fin. 


NICODEMUS 

Joseph,  mon  très  leal  affin, 
mon  cher  aniy  et  compaignon, 
j'ay  grant  exultacion 

32665  en  mon  cueur  quant  j'ay  oy  dire 
comment  Jhesu  Crist,  nostre  sire, 
vous  a  de  prison  délivré, 
pourquoy  vous  avez  retrouvé 
vostre  terre  et  vostre  pays 

32670  maulgré  les  desloyaulx  Juifz 
qui  a  vous  nuyre  contendoient. 
JOSEPH  d'A  rismathie. 
Certes,  Nichodeme,  ilz  tendoient 
a  ma  mort  a  toute  rigueur 
tant  seulement  pour  la  faveur 

32675  que  vous  et  moy  a  Jhesus  feismes, 
quand  de  la  croix  le  despendismcs  ; 
et  m'en  ont  très  fort  occupé, 
mes  j'ay  de  leurs  mains  échappé 
la  mercy  mon  maistre  Jhesus. 

NICODEMUS 

32680  Aussi  se  sont  ilz  bien  formus 
encontre  moy  pour  me  deffalro, 
et  .s'ilz  l'eussent  bien  osé  faire, 
ilz  m'eussent  par  leur  fol  désir 
fait  ung  si  mortel  desplaisir 

32685  que  ma  mort  s'en  feust  ensuivye. 

JOSEPH 

Jhesu  Crist  m'a  sauvé  la  vie, 
Nichodeme,  je  vous  prometz  ; 
et  de  luy  ne  doublez  jamès 
quoy  que  ces  mauvais  Juifz  dient 

32690  qui  cnpugnent  et  contredient 
sa  résurrection  très  haulte  : 
il  est  ressuscité  sans  faulte 
et  ainsi  fermement  le  crois, 
car  ainsi  bien  que  je  vous  vois 

32695  je  l'ai  veu  en  humaine  forme 

sans  riens  corrompu  ne  difforme, 
et  m'a  jusques  cy  amené. 

NICODEMUS 

Leur  sens  a  esté  fourmené 
"     et  retourné  bien  au  revers, 
32700  quant  les  faulx  traistres  parvers 


32623-4  manquent  A.  —  32040  me  maiv^ue  B.  baptisera  G.  —  32651  De  minqae  C.  —  32601  A  ojoute  :  Et  si  seray  tous 
jours  enclin  A  vous  guider  par  bon  aduis  —  32602-727  manquent  A.  —  32304  Jay  eu  grant  exaltaclon  C.  —  326(i8  trouue 
B.  —  3S674  fureur  B.  —  32678  Je  suis  C.  —  32680  fort  meuz  C.  —  32689  faulx  juifs  si  en  C.  —  32698  fort  mené  C. 


y  i:  A  R  T  !•:  j  o  u  r  n  i-:  k 


'r,".l 


110  niius  (Jiit  trouvi-  a  loiir  viicil. 

JOSEPH 

.le  soay  liieii  (pi'ilz  mouifiit  do  diioil; 
mais  que  vo\illoiit  ilz  contiodire 
oiiooro  ? 

NICODEMUS 

Hz  n'en  scevent  quo  tliio. 
"?705   tant  sont  esbayz  et  couffuz  ; 
ilz  sont  aussi  i-oiigrs  qiio  fous 
do  la  honte  qu'on  leur  en  dit. 

JOSEPH 

C'est  ung  mauvais  gendi-c  maudit, 
envieux  et  plain  do  rancune. 

NICODEMUS 

32710   Encor  dit  on  que  par  peocune, 

pour  niioulx  leurs  cautolles  atteindre, 
ilz  ont  trouvé  moyen  d'e^teindrc 
le  bruyt  qui  se  magnifestoit 
que  Jhesus  suscite  ostoit, 

32715  et  par  mailles  et  par  deniers 
ont  corrompu  les  chevaliers 
qui  le  monument  ont  gardé. 

JOSEPH 

Quant  j'ay  bien  partout  regardé, 
c'est  une  gent  dure  et  maligne.. 

NICODEMUS 

32720  Aussi  la  puissance  divine 

briefiuent  sur  eulx  dcsscndcia 
et  tellement  s'en  vengera 
qu'aux  aultrcs  seront  exeniplaiic  ; 
mais  pour  la  doubtc  d'oulx  desplaiie, 

32725  il  est  bon  de  nous  despasser. 

JOSEPH 

Nous  lairi'ons  leur  fureur  passer 
ung  petiot  par  bon  advis. 


.IHKSLS 

Frères,  entendez  mon  devis  : 
le  haultain  jour  est  adjourné 

32730  que  Dieu,  mon  père,  a  ordonné 
qu'en  joie  et  exultacion 
je  face  es  cieulx  ascension 
ot  qu'en  ma  pro|)ro  forme  humaine 
je  voise  sortir  la  domaine 

32735  de  gloire  liaulte  et  beneuree 
que  mon  père  m'a  préparée 
sans  temps  mes  en  éternité, 
ot  pour  coste  mondanité 


qui  est  caducquo  et  transiuuablo 
32710  aray  le  règne  pardurablo 

ou  il  n'a  plaintes  ni  douloui's. 

Au  jour  d'uy  a  quarante  jours 

que  lie  la  mort  res.su»citay, 

et  puis  i)our  vosli-e  proufit  ny 
32745  fait  apparicions  plusieurs 

IK)ur  vous  extirper  tous  erreur» 

et  mener  a  vraye  lumière  ; 

et  pour  regarder  la  manière 

de  mou  asconcion  liaiiltaine 
32750  qui  sera  on  l'heure  prochaine, 

mes  frères,  tous  vous  unirez 

et  de  ce  lieu  vous  en  irez 

en  la  montaignc  d'Olivct, 

sus  Inquollo  maint  olive  est  : 
32755  s'i  menrez  ma  more  bonign?, 

et  la  la  puissance  divine 

manifestée  vous  sera. 

s.  PIERRE 

Sire,  chacun  s'adrancera 
de  faire  vostre  bon  plaisir. 
Icy  s'estaxoiiyt  Jhesus  'omine  dessus. 


NOSTRE    DAME 

327CO  Mon  seul  et  souverain  dosir 
que  plus  je  désire  en  ce  monde 
et  ma  pensée  plus  parfondc 
est  de  voir  a  ma  volonté 
mon  fdz  monter  en  majesté 

32765  a  la  dcxtre  do  Dieu,  son  perc. 

8.  ANDRV 

Quand  la  chose  bien  considère, 
ce  sera  ung  fait  de  grant  los. 

s.   nERTHKI,EMY 

Partons  nous  d'icy,  je  le  los  : 
avançons  nous  de  voiager. 

S.  J\(IUBS  ZEOEDEV 

32770  Nous  ne  gaignons  rions  de  targer  : 
ung  petit  hastci'  nous  convient, 
affin  se  iiostre  maistre  vient 
il  nous  treuve  tous  approstt's. 

s.  MATHIAS 

.laques,  baultemcut  protestez  : 
32775  vostre  raison  bien  se  consonne; 
toujours  est  diligence  bonne, 
soit  sur  homme  ou  soit  sur  enfl'ant. 


[Pose.) 


32711-2  att.'iiUre,  pstandr.'  li.  -  3>T23  siTa  C.  -  32729  aduomi  U.  —  327S0  terrours  II.  -  3275»  Eus  ou  liu.l  mont  R. 


430 


MISTERE   DE    LA   PASSION 


MARIE   SALOME 

Loué  soit  Dieu  le  triomphant 
quand  si  beneurés  nous  serons 
3;7S0  que  ce  hault  mistere  verrons  ! 

j"ay  grant  désir  que  l'eure  approelie. 

MARIE   JACOBY 

De  blasrae  et  de  villaiu  l'eproche 
nous  vueille  Dieu  contregarder  ! 

[SlLETK.J 


ADAM 

EniTans,  bien  devons  habonder 
327S5  en  liesse  et  joie  excellante, 
car  en  la  journée  presante 
Jhesus,  nostre  vray  rédempteur, 
comme  puissant  triomphateur 
en  l'arche  du  ciel  montera,  . 
32790  et  lors  il  nous  transportera 
avec  luy  en  parfaietc  joye, 
en  quoy  de  tout  bien  la  inoujoye 
nous  pourrons  contempler  sans  fin. 

EVE 

Loue  soyez  tu,  roy  divin, 
3i795  très  bon  Dieu  qui  tout  procuras 
et  qui  règnes  et  régneras 
sans  règne  jamais  terminer, 
quant  il  t'a  pieu  aterminer 
celle  saison  tant  désirée 
32800  que  bien  sera  rémunérée 

de  son  loyer  très  bieneureux 
nostre  ame  ou  logis  glorieux 
qu'a  tes  amis  as  préparé. 

YSAIE 

Or  est  le  péché  reparé 
32605  que  le  premier  perc  pécha, 
qui  nostre  salut  erapescha 
et  nous  tint  long  temps  en  tenebi-e, 
nous  privans  de  gloire  célèbre 
que  nous  deussions  avoir  conquise; 
82810  or  l'avons  si  long  temi)s  requise 

que,  s'il  plaist  Dieu,  en  cestuy  jour 
au  gloiieux  throne  majour 
en  serons  doués  noblement. 


JHEREMYE 

Quel  joye  !  quel  envoisement  ! 
32815  quelz  chants  par  joyeux  entrechanges 

menrront  huy  anges  et  archanges  ! 

par  tous  les  thrones  souverains 

leur  dictiés,  leurs  motès  scrains 

qui  vouldront  a  festoyer  querre 
32820  feront  resonner  ciel  et  terre 

en  l'armonnie  do  leurs  voix. 

Doulx  Jhesus  qui  tous  cueurs  pouivoys 

de  vraye  consolacion, 

quel  bien,  quel  retribucion 
32825  te  forons  nous  pour  les  bicnfaiz 

qu'a  ceste  journée  nous  fais  ? 

Vers  toy  n'avons  point  desservy 

qu'a  mort  te  soyes  asservy 
pour  nous  mener  a  tel  haultesse 
32830  plaisant,  singulière  en  noblesse, 

et  pour  tel  bien  distril)uer 

ne  te  pouons  aèribuer 

restribucion  bien  condigno, 

penssans  et  adniiraus  com  digne 
32835  est  la  haulte  bouté  do  toy  ! 

EZECHIEL 

Jhesus,  nostre  Dieu,  nostre  roy, 
nostre  remède  salutaire, 
nostre  salut  très  neucessaire,  ' 
sans  qui  nostre  fait  n'ostoit  l'ion, 

3iS'iO  de  bon,  hault  et  singulier'  bien 
nous  fais  huy  pai'ticipans  estre, 
et  de  la  mansion  terrestre 
nous  transfères  a  la  plus  haulte 
ou  jamais  nul  jour  n'arons  faulte, 

328'iD  remiraus  de  ta  clere  face 
la  vision  qui  nous  reface 
de  tant  que  cueur  peut  désirer, 
et  desirans  toy  remirer 
en  parfaietc  finicion, 

32850  n'arons  quelque  imperfection    ' 
qui  jamais  dessus  nous  s'applique. 

DAVID 

Jadis  en  esprit  prophétique 

de  ceste  ascension  beaux  diz 

ay  prophctizé  quand  jo  diz 
32855  que  Dieu  feroit  ascension 

en  haulte  jubilacion, 

en  voix  de  trompes  bien  sonnans 

et  d'instrumens  bien  ressounans  | 

si  tiens  qu'a  telle  envoysorie 
32860  toute  la  grant  chevallerie 

des  haulx  cieulx  s'i  employera. 


32790S61  maiijifnt  A.   —  32793   pourras  li.  poiu'iras   C.  —  32830   singulier  et   haultesse  B.  C.  —  32839  Sus  (ou 
Bas)  B;  —  32840  nous  mnnjue  C. 


Q  U  A  R  T  1-:    J  O  U  K  N  K  K 


<31 


ADAM 

0  quel  gruiit  liowRC  sera 
a  nous  do  montor  on  tel  joye! 
il  m'est  ja  l)icn  advi»  que  j'oyo 
3Ï865  la  liesse  qui  s'i  fera. 

EVE 

Tout  paradis  ressonuei-a  : 
angle  n'aia  qui  iic  s'esjoye. 

YSAIE 

0  quel  grant  liesse  sera 

a  nous  de  monter  en  toi  joye! 

.niEREMYE 

;!2870  JjOrs  quand  Jhesus  s'oslievora 

par  dessus  les  cieulx  tout  en  voie, 
Dieu  scet  par  quel  exquise  voie 
son  pore  le  recevra. 

EZECHIEI. 

()  quel  grant  liesse  sera 
:i.i875  a  nous  de  monter  en  tel  joyel 
il  m'est  ja  bien  advis  que  j'oyc 
la  liesse  qui  s'i  fera. 

DAVin 

Lors  quant  eslevés  nous  ara 

on  ce  royaume  pardural)le, 
;!2880  y  ara  festj  inestimable, 

car  angles  seront  tous  certains 

que  leurs  beaux  sièges  et  haultains 

dont  les  deables  furent  gcctés 

seront  de  par  nous  habités 
32885  et  par  nos  ensuyvans  remplis, 

quant  les  jours  seront  acomplis 

do  celle  repai'acion. 

ADAM 

A  toy  soit  adoraciou, 
bon  Dieu  qui  règnes  sans  finer! 
Devers  toy  allons  cheminer  : 
vers  tçy  nostre  voye  s'adresse. 

s.  JEHAN  BAPTISTE 

Joye  sans  jamais  terminer 
arons  et  parfaicte  liesse, 
a  voir  ton  immense  haultessc 
32895  rognant  sans  jamais  décliner. 

LB  BON  LARH0N 

Devers  toy  allons  cheminer  : 
vers  toy  nostre  voye  s'adresse, 
car  tu  os  la  voye  et  l'adresse 
|)our  iieloi'iiis  aterminer. 

s.  JEHAN  BAPTISTE 

32900  Bien  vol/,  jadis  déterminer 


quant  les  .Juifz  m'inteiroguercnt 

dn  mon  baplcsme  et  qu'ilz  doubtorent 

par  folyo  qui  les  surprist 

que  nioy  mesiiies  ne  fcusse  Christ  : 

32905  jo  leur  i-espoiuly  sur  ce  pan, 
que  cil  Cristus  n'estoye  pas, 
qu'il  aroit  puissance  divine 
et  que  je  n'estoye  pas  digne 
do  deslier  et  desnocr 

32910  la  coui-roye  do  son  soler; 
alors  dis  je  bien  V(^ritô  : 
huy  veons  nous  la  dignité, 
le  hault  siège,  lo  ])arfait  lieu 
que  ce  bcnoist  aigneau  de  Dieu 

32915  sortira  au  haultain  emiiire. 

LB  BON  LABnON 

Kt  moy  qui  des  mauvais  le  pire 
ay  rogné  des  ans  i)lus  de  vint, 
si  grant  félicité  m'advint 
qu'a  l'euro  qu'il  fut  mis  en  croix 

32920  pour  mourir,  jo  fus  l'ung  des  trois 
pour  mettre  a  cxecucioii. 
Quant  j'apercou  l'extoi'cioii 
qu'on  luy  faisoit  et  le  martire, 
j'en  ruiî  pitié  et  luy  dis  :  »  Sire, 

32925  qui  reçoys  icy  passion, 
ayes  de  moy  compassion 
quand  tu  Vendras  en  ton  royalme  !  » 
Et  lors  au  salut  de  mon  ame 
estre  me  promit  par  beaux  ditz 

32930   ce  jour  o  luy  en  pai'adis  ; 
ft  la  promesse  s'ensuivy, 
car  tost  apri-s  mon  t résidas  vy 
l'essence  divine  de  fait 
qui  est  ung  païadis  parfait  ; 

3'î935  mais  encoi-es  j'atcns  briefment 
avoir  de  joye  accroissement, 
quant  en  celle  haultc  contrée 
si  a  plain  me  sera  nionstree 
qu'il  n'y  ara  quelque  deffault. 

ADAM 

32940  Chanter  et  resjouir  nous  fault, 
enrt'ans,  en  ce  bonoit  re])perc  : 
Adam  suis,  vostre  premier  pore, 
qui  la  chanson  commanceray, 
et  ja  tost  vous  presenteray 

32945  devant  la  haultc  trinité. 

YSAIB 

Or  chantons  en  vraie  unité 
pour  demonstrer  esjouyssance. 


32379  AU  lieu  (jui  veult  lictermincr  A.  —  3S880-91  iiinn^iicnl  A.  —  3289*  Im  fin  du  rcrj  mnnquf  C.  —  32S95 
Kequcrant  G.  —  32900-939  man'iueiit  A.  —  3ÎJ22  jo  sceii  C.  —  32.>40  Pour  granilo  f.'st.-  dome[u>r  Kt  liesse  sun»  nul 
ilelTault  Chanter  A.  vous  li.  C.  —  3iB42  Je  adani  suis  voblre  amicn  père  iî.  C  —  32943  (presenteray  B.  C. 


432 


MISÏERE    DE   LA    PASSION 


Il  u  doivent  chanter   quelque    motet    ou    chose 
joyiwe. 

|l'nsE.] 


s.  PIERRE 

Nous  avons  fait  graiit  diligence 
de  cheminer  grans  et  menus  ; 
3;9:o   Dieu  mei  cy,  nous  sommes  venus 
sur  la  mc^ntaigno  d'Olivct. 

s.  ANDRY 

11  est  vray  ;  tautost  se  Dieu  jilest, 
de  Jhcsus  nouvelles  arons  : 
scions  tandis  en  oroisons 
329:5  attendaus  son  adveneuient. 


Icy  s'appert  Jhesus  comnie  dessis  entre  eub:. 

JHESUS 

Paix  soit  0  vous  pleuierement, 

euttans  de  Dieu  et  bous  amis  ! 

comme  aultretfôis  vous  ay  promis, 

de  recbief  vous  viens  visiter 
32960  affin  que  me  voyez  monter 

par  nia  puissance  superncUe 

en  la  région  éternelle 

dont  premièrement  desceudy. 

Enffans,  a  pâtre  exivi 
3ï965  olim  et  teni  in  mundum; 

iterum  relinquo  eum 

et  ad  patrem  me  transféra, 

et  quia  isia  pro/fero 

iristicia  tos  implevit. 
32970   Frères,  connne  je  vous  ay  dit, 

de  mon  père  jadis  yssi 

et  m'en  vins  eu  ce  inonde  cy  : 

maintenant  le  monde  delesse 

et  a  mon  père  me  radresse  ; 
*  32975  mes  pourtant  ne  vous  oubliiay 

car  briefriient  je  vous  envoiray 

le  saint  Esprit  sanctifiant 

qui  vous  sera  rectifiant 

en  toute  voie  véritable. 
3-;980   Et  quand  ce  bault  don  cliaiittiltlc, 

l'esprit  qui  tous  vivans  excède, 

l'esprit  qui  du  Père  procède, 


en  ce  monde  fera  voiage, 
il  baillera  vray  tesmoignage 

3i9sr)  de  mon  fait,  et  vous  l'ensuivrez, 
car  vray  tesmoignage  en  donrez 
par  paroles  très  magnifestes; 
car  avec  moy  feustes  et  estes 
tousjours  des  le  commancement 

32990   mes  secrétaires  privement. 
Ce  dis  je  affin  que  ne  soyez 
soubvertis  ou  scaiidalizés, 
car  pour  mon  nom  manifester 
arez  largement  a  porter 

32995   doleurs  et  tribulacions, 
peines  et  pei  secucions 
ou  moult  souffrir  vous  convendra  : 
mes  apris  ce  l'heure  vendra 
que  ceulx  qui  vostre  mort  vouldi  ont 

33000  au  jugement  de  Dieu  vendront 
recevoir  leur  honteux  salaire; 
et  tous  ces  maulx  vous  vouldi  ont  faire, 
car  de  moy  n'ont  compte  tenu 
ne  mou  père  ne  moy  congnu, 

33005  mes  nyé  par  leurs  contredis. 
Ces  choses  icy  je  vous  dis 
affin,  se  vous  voyez  que  vieiignc 
leur  heure,  qu'il  vous  en  souviengne  : 
de  cecy  riens  ne  vous  disoye 

33010  devant,  car  avec  vous  j'estoyc, 
et  maintenant  suis  avoy»'; 
a  celluy  qui  m'a  envoyé  ; 
c'est  mon  père  en  majesté  grande, 
et  nul  de  vous  ne  me  demande 

33015  ou  je  voys  n'en  quel  lieu  je  monte  ; 
mes  pour  ce  que  cecy  vous  compte, 
tristesse  a  vostre  cueur  lemply. 
Frères,  le  temps  est  accomply 
qu'il  fault  que  de  vous  me  depparte  ; 

33020  c'est  expédient  que  je  parte,  * 

car  s'au  ciel  ne  monte  en  ce  point 
le  saint  Esprit  ne  vendra  point, 
et  quand  en  mon  règne  seray 
■de  l'envoier  m'advanceray. 

33025   Moult  d'aultres  exhortacions, 
preschemeus  et  moiiicions 
vous  eusse  bien  a  enhortcr, 
mes  vous  ne  le  pouez  porter 
n'entendre  la  vérité  plaine 

33030  pour  la  fragilité  humaine 

de  vous  qui  n'est  pas  conformée  ; 
mes  quand  bien  sera  refformee 
et  par  le  saint  Esprit  relfaicto. 


32948  abreganre  B.  .ibregn  C.  —  32957-8  aymez,   prouiiez  lî.  —  3S97S  laliflbiil  C.  —  329S1  Lcspoir  A.  li.  C.  —  329S2 
Lespoir  B.  G.  —  3:'.027  onuoyer  B.  —  33032  mnnr/ue  B. 


g  r  AKT1-; 

alors  la  veriui  pat-faicto 
3:so:j5   pourrez  concevoir  et  coitipronilre  : 

vucillo/,  l'on  vrnyo  foi  entendre, 

mes  aniia  et  frères  dcvotz  : 

orphuHos  non  relinqu  tm  vos, 

orphelins  pas  ne  deniourrez  : 
33010  devant  vous  monter  me  verre/ 

en  l'arche  de  gloire  infinie, 

je  laisse  vostrc  t-ompaignie 

quant  a  corporelle  présence, 

mes  ma  grâce  et  ma  providence 
330'.5  avec  vous  sans  fin  demourra; 

drsplaisanee  vous  accourra 

quand  de  vous  departy  soray, 

mes  de  rechief  je  vous  verray, 

et  vostrc  cueur  s'esjouira 
33050  du  tout  et  cesto  joye  ira 

a  félicité  pardurable, 

ne  jamès  par  fortune  instable 

homme  no  la  vous  ostera. 

RU  BEN 

Puisque  le  fait  se  portera 
33055  ainsi  que  de  vous  l'entendons, 
cher  sire,  nous  vous  demandons 
s'en  ce  temps  cy  restitui'o/, 
et  de  servitude  osterez 
tout  le  royaulnie  d'Israël  ? 

NEPTAI.IN 

33000  Ruben  deniamlo  bien  et  bel  : 

tousjours  avons  eu  espei-ance 

que  par  la  vostre  provoancc 

serons  relevés  et  re^sours; 

dictes  nous  quand  vendront  les  jours  ? 
33065  car  très  fort  nous  en  doubtions. 

JHESUS 

Amis,  cessez  ces  questions 

qui  sont  fortes  a  desserrer  : 

trop  font  rontoiulcuient  eri'or, 

qui  sagement  ne  s'i  contient  ; 
33070  car  a  vous  pas  il  n'appartient 

en  la  vie  m  rlelle  estaii» 

s^avoir  les  niomons  et  les  temps 

desquelz  mon  pore  en  sa  puissance 

a  retenu  la  congnoissance  ; 
33075  mes  aultre  don  receverez 

briefiiieut,  car  vous  [lerceveroz 

manoir  on  vostre  cueur  couti'it 

la  puissance  du  saint  Esprit, 

et  me  sei'ez  loyaulx  tesmomgz 
33080  en  toutes  terres  près  et  loingz, 

en  Iherusaloiu  renommée. 


JOCKNKK 


433 


on  Saraario  et  en  Judeo 
et  jusqu'à  la  fin  de  la  terre 
pour  la  gloire  du  ciel  ncquerrc 

33085  qui  est  mon  royaulnie  infiny, 
.lohari,  mon  singtdior  amy 
mou  cher  disciple  et  vray  servant, 
ung  temps  qui  passa  par  avant 
quand  la  mort  en  croy  endnray, 

3300O  ma  more  vous  rccommanday, 
affin  qu'après  ma  mort  amei-e 
toiyoui-s  la  tenissiez  a  merc 
et  elle  son  filz  vous  tenist 
et  que  bien  vous  entretenist. 

33095  Kt  ce  foi»  je  pour  la  doulvour, 
charité  et  parfaicte  amour 
qu'a  elle  vous  sentz  avoir  grande  : 
de  rechief  vous  la  reconunande, 
et  comme  a  chaste  et  sceure  gai-do 

3.1100  je  la  conimotz  en  vostre  garde 
pour  la  bien  seuromont  garder. 
8.  JEHAN,  l'evangeliste. 
Puisqu'il  le  vous  plest  commander, 
mon  cher  maistre,  c'est  courtoisie 
de  laquelle  je  vous  mercye 

3310»  très  humblement  a  deux  genoulx. 

JHESl  s 

Frères,  je  prcns  congé  de  vous, 
je  me  pai-s  de  vostre  consorte 
et  vers  mon  père  me  transporte, 
et  atant  fine  mon  devis. 

NOSTRE  DAME 

33110       Adieu  Jhesu  Crist,  mon  cher  filz  : 
vous  allez  en  gloire  divine, 
dont  parfaicte  joie  entérine 
domaine  plus  qu'oncquos  ne  fois. 

JUESUS 

Mère  doulce  en  fais  et  en  ditz 
33115  et  des  humbles  la  plus  biuigne, 

vers  Dieu,  mon  pore,  m'achemine 

et  au  partir  adieu  vous  dis. 
Icy  munie  Jhesus  ou  ciel  acvcqucs  waiiis  angles 
et  Ion  se  doivent  les  jjatriarches  absconscr. 


MO  A 11 

Précieux  roy  do  paradis, 
qui  vit  oncques  plu-»  noble  o 
331  so  a  iwu  se  regarder  je  l'ose, 
tant  est  le  misterc  haultaiii. 


hoso  ? 


33030  alteiulro  C.  —  ;i30(55  nous  nous  <-ii  doublons  A.  —  J3Û77  Mouuoir  A.—  33081  lalosce  C.  —  330SIÎ  uiontres  B.  C. 
33094  Pour  qui'lquc  dui'il  qui  lui  veiiist  A.  —  33095  doulour  A. 

Pas.  28 


MISTERE    DE   LA   PASSION 


ABIRON 

Or  peust  chacun  estre  ccitain 
que  la  deité  souveraine 
est  en  luy  si  parfaicte  et  plaine 
33125  qu'il  en  peust  a  son  veil  user 
sans  engins  humains  abuser  : 
nous  le  voyons  devant  nos  yeulx 
sensiblement  monter  aux  cieulx 
sans  soy  grever  ne  travaillier. 

TU  BAL 

33130  Assés  ne  .m'en  puis  raerveillier  : 

si  hault  fait  no  vis  oncques  mes. 

Ne  le  revoirons  nous  jaraos  ? 

fait  il  deppartie  fmable  ? 

nostre  assemblée  piteable 
33135  demourra  toute  désolée 

sans  luy. 


Icy  sont  deux  angles  en  hault. 

RAPHAËL 

Hommes  de  Galilée, 
que  vous  tenez  vous  en  estant, 
ne  pourquoy  regardez  vous  tant 
ce  raisterc  qui  se  consoniiue  ? 

33140  Veez  cy  Jhesus,  vray  Dieu  et  homme, 
qui  par  deité  haulte  et  forte 
est  ravy  de  vostre  consorte  : 
ne  vueillez  penser  ne  doubler 
que  jamés  il  doyvc  habitei' 

33145  cprpoi'ellemeut  avec  vous, 
mes  vous  tenez  asseurés  tous 
que  droit  en  la  forme  et  manière 
qu'il  monte,  en  pai  faicte  lumière, 
de  ce  liaultain  lieu  descendra 

33150  au  jugement,  quand  il  vendra 
juger  toute  humaine  lignée. 


NOSTRE    DAME 

L'ascension  est  achevée 
de  Jhesus,  mon  filz  très  begnin  ; 
maintenant  au  trosne  divin. 
33155   est  sa  belle  forme  eslcvee. 

ABACUT 

Sa  puissance  est  bien  csprouvee  ; 
maintenant  croions  sans  deffault 


que  sa  vertu  tout  peult  et  vault 
et  qu'il  est  filz  de  Dieu  le  père. 

RU  BEN 

33160  11  n'a  cil  a  qui  il  n'appere  : 
présentement  congnu  l'avons, 
dont  de  bon  cueur  remercions 
Dieu,  nostre  père  créateur. 

s.    MATH I AS 

Puisque  nostre  leal  ducteur, 
33165  Jhesus,  nostre  gouveinement, 
s'est  departy  présentement 
de  nostre  compaignie  ainsy 
et  nous  a  delaissiés  icy, 
je  los  que  plus  ne  séjournons, 
33170   mes  a  nostre  ostel  retournons 
tous  enseml)le  par  bon  advis. 

s.    PHELIPE 

Nous  ensuyrons  vostre  devis, 

Mathias,  par  bonnes  raisons  ; 

la  nous  tendrons  en  oraisons 
33175  avec  nostre  chero  maistresse, 

attandans  la  haulte  promesse 

que  nostre  maistre  nous  a  fait. 
.  JOSEPH,  le  Juste. 

C'est  le  plus  beau  do  nostre  fait. 

Partons,  mettez  nous  a  chemin  ; 
331S0  le  vray  Dieu  qui  règne  sans  fin 

vueille  estro  nostre  eondueteiw  ! 

[POSE.J 


Icy  vient  Jhesus  en  paradis 

JHESUS 

Salut,  reverance  et  honneur, 
victoire,  etei-uelle  puissance, 
hommage  et  vraye  obeyssance 
33185   de  quanque  vous  avez  créé 
soit  a  vous,  mon  père  honoré 
en  qui  tout  bien  est  contenu  ! 

DIEU  LE  PERE 

Mon  fils,  bien  soiez  vous  venu 
et  receu  a  haulte  noblesse  ! 

331U0  a  noble  et  parfaicte  haultesse 
soiez  retourné  par  de  ça  ! 
désiré  estes  grant  pièce  a, 
affin  qu'a  vostre  advenement 
liesse  et  hault  festoiement 

33195  feussent  fais  en  haultesse  plaine 


331Cc-7  yeiniilacés  A  par  Snst  prrsentemeiit  departy.  -  3319--  desirez  G. 


QUARTE   JOURNKE 
jiar  toute  la  court  eouveraino 
resjouir  chacun  a  som  entre  ; 
venez  vous  stoir  a  ma  dcxlre, 
vo»tre  siège  y  est  proparé. 

JHESIS 

33;(X)  Riche  est  et  nchenient  paré  : 
par  i-aison  lue  doit  bien  souffire. 

DIEL-  LE  PERE 

Mes  angle?,  vee/.  cy  vostre  sire, 

vostre  roy,  vostro  capitaine 

qui  d'une  région  loingtaine 
33:;o5  au  jour  d'huy  vous  est  reverty 

par  un  arroy  bien  assorty. 

Venez  et  luy  rendez  hommage, 

comme  a  chief  de  noble  heiilagc 

ou  de  gloire  avez  affluence. 
Icy    viennent    tous    les   anges    adorer    Nustre 
Seigneur,  chacun  a  son  ordre. 


i35 


MICHEL 

33Ï10         Haulte  prefference 
et  magnificence 
soit  au  bon  seigneur 
qui  a  tel  honneur 
vient  cy  en  présence! 

GABRIEL 

33Ï15  C'est  nosti-e  deffence, 
c'est  nostro  potence, 
nostre  gouverneur. 

URIEL 

Uaultc  prefference 
et  magnificence 
33Ï20         soit  au  bon  soigneur  ! 

CHERUBIN 

C'est  toute  excellance, 
toute  joie  immense, 
([uaiiil  en  tel  haulteur 
le  liault  créateur 
33:^25         luy  fait  assistance. 

SERAPHIN 

Haulte  prefference 
et  magnificence 
soit  au  bon  seigneur 
qui  a  tel  honneur 
33230        vient  cy  en  présence  ! 

dieu' LE  PKRK 

C'est  mon  filz,  c'est  ma  sapience, 
mon  hoir  parfait  et  naturel. 
.Vngles,  par  ung  chant  solennel, 
csmouvez  nous  dame  Musique, 
33Î35  applicans  dame  Rcthorique 
a  doulx  et  aru:onieux  sons  ; 


chantez  nous  uiutOK  et  uhansoui) 
fulci»  de  doulee  mélodie, 
ot  briefnient  chacun  lay»  nous  die 
33440  les  plu»  somptueux  qu'il  poui'ra, 
et  nostre  cour  s'esjouira 
en  l'armonic  do  vos  voix, 

MICHEL 

Raphaël,  coramancer  m'en  vois 
de  voix  donice  et  consolative; 
33245  qui  vouldra  de  vous  si  in'ensuyve: 
je  voys  la  fesle  entériner. 

RAPHAËL 

Joyo  nous  y  fait  incliner 
a  ceste  nouvelle  venue. 

GABRIEL 

La  compaignie  y  e«t  tenue, 
3;t;&0  car  a  nostre  roy  festoier 

trop  ne  nous  pouons  iinploier. 
Cy  chmtent  tous  les  anyes. 

[SlLETB.J 


.IUE.SL'S 

.Mon  père  tout  bon  et  tout  sage, 
or  ay  je  acomply  le  voiage 
dont  vou.s  me  chargcastes  jadis 

331SÙ   quand  de  ce  haultaiu  paradis 
m'envoyastes  la  bas  au  monde 
pour  relever  la  coulpe  immonde 
qui  obligeoit  lignage  humain 
en  ung  lieu  de  ténèbres  plaiii  : 

33Î60  or  ay  pour  luy  mort  endiu'ee, 
or  ay  l'offence  repparee, 
or  ay  accomply  les  escrips 
qui  de  nioy  ont  esté  escrii>s  : 
vos  bons  amis  sont  a  délivre  ; 

33265  les  veez  cy  tous  ;  je  vous  les  livre 
<le  leurs  oflences  francs  ot  quittes. 

DIEU    LE   PERE 

Mon  beneurc  filz,  les  acquites 
avez  fait  bien  nutablcment 
l)ar  haulte  voie  et  tolteineut 

33270  que  toute  humaine  créature 
iauiés  tant  que  le  siècle  dure 
a  vous  obligée  en  sera 
et  grâce  vous  en  reudera 
s'elle  considère  son  fait. 

3327J  11  iouffil,  le  devoir  est  fait. 


3319ci  Et  vous  see/  en  mou  B.  a  ma  C.  —  33206  assouy.  —  33221-8  maitq'ttnl  C.  —  3,323t  nous]  vous  C.  —  33239  Uv>] 
li'«  A.  C.  —  3.  240  quon  A.  G.  —  33246  Je  men  voys  la  feste  ontamer  A.  -  33Ï,">1  nous]  vous  C.  —  33255  de]  en  A. 


^436 


MISTERE    UE     LA    PASSION 


leparee  est  la  dure  perte, 
la  porte  du  ciel  est  ouverte 
a  ceulx  qui  quérir  la  vouldront. 
Nos  chers  apostres  se  tendront 
33^80  en  ung  lieu  encor  une  esiiace, 
et  uostre  haultain  don  de  grâce 
leur  envoîrons  prochainement 
en  la  manière  proprement 
comme  vous  leur  avez  promis. 

JHESLS 

33285  Mes  frères  sont  et  mes  amis, 
mon  père  ;  je  vous  remercie 
de  la  bénigne  courtoisie 
que  de  par  moy  leur  promettez. 

[Pose.] 


s.    BERTHELEMY 

Gueres  ne  sommes  arrestés 
33290  a  faire  icy  noetrc  retour, 

s.    MATHIAS 

Mes  frères  en  parfaicte  amour, 

puisqu'il  a  pieu  a  .Jhesu  Grist 

qui  pour  nous  char  humaine  ju'ist 

es  flancs  de  la  vierge  pucelle 
33293  nous  faire  révérence  telle 

que  nous  prendre  et  nous  evocquer 

et  a  son  service  applicquer 

par  dessuz  toutes  uascions, 

plus  parfaictes  devocions 
33300  devons  aussi  avoir  ensemble 

trop  plus  qu'aultres  gens,  ce  me  semble, 

et  vacquer  au  divin  service, 

recongnoissans  le  bénéfice 

que  nous  a  vouUu  ordonner 
33305  celluy  qui  tout  bien  peust  donnei' 

et  en  qui  grâce  est  habondant. 

s.    .lEHAN 

Il  nous  a  fait  honneur  si  grant 
quant  eu  tous  ses  fais  excellans 
il  nous  a  fait  ses  chambellans 
33310  et  secrétaires  principaulx 
les  plus  près  et  especiaulx 
qu'en  ce  monde  ait  voulu  choisir. 

s.    THOMAS 

Si  doit  estre  nostre  désir 


a  le  servir  sans  destrier, 

33315  a  l'invoquer  et  deprier 

qu'il  nous  envoyé  le  guerdou, 
le  très  noble  et  précieux  don 
qu'il  nous  a  iiromis  de  sa  bouche, 
et  j'espère,  en  tant  qu'il  me  touche, 

33320  qu'il  n'y  aia  point  défaillance. 
JOSEPH,  le  Juste. 
Nous  avons  parfaicte  espérance 
de  voir  la  promesse  adverir, 
et  qu'il  nous  vouldia  secourir 
de  ce  don  de  haultain  envoy 

33325  pour  nous  confermcr  en  sa  foy 
et  oster  dubitacion. 

s.    MATHIAS 

Dieu  doint  que  la  promission 
se  puist  adverir  en  brief  terme  ! 
car  jamès  n'arons  le  cueur  ferme 
33330  tant  que  le  don  s'accomplira. 

[Pose.] 


SATHAN 

Astaroth  ! 

ASTABOTH 

II  enragera  : 
malle  mort  te  puist  entester  ! 
te  fault  il  ainsi  tempester, 
fauls  serpent  au  feu  condampné  ? 

BEUICH 

33335  II  brait  comme  ung  lou  forcené, 
je  ne  sçay  que  deable  il  luy  fault. 

SATHAN 

Se  je  sceusse  crier  si  hault 

que  je  pousse  estonner  tous  ceulx 

qui  sont  en  gloire  tant  joieulx, 

33340  volentiers  je  m'y  emploiasse 
afiin  que  je  lc;\r  empeschasse 
a  faire  leui's  chans  et  esbas 
qui  sont  au  jour  d'uy  hauls  et  bas 
a  ceste  grant  recei)cion. 

333i5  0  quel  maudite  ascencion, 

et  que  grandement  me  dosplest  ! 

ASTAROTH 

Ue  qui  ? 

SATHAN 

De  ton  sanglant  gibet 


33288  Leurs  A.  —  3328f>  morcye  B.  C.  —33292-9  manquent  A.  —  3)29()  inuooquer  C.  —  33300-301  Nous  ronuient 
tenir  ee  me  semble  En  oraisons  tretous  ensemble  A.  —  33308-15  remplacés  A  imr  Que  nul  ne  searoit  exprimer  Si  le 
(leuons  tousjours  .imer.  —  33314  destrier]  de  ouer  B.  —  33310  Kn  attendant  le  bault  A.  —  33322  ad\ienir  B.  €. — 
33332  soiibiter  B.  C.  —  33337  peusse  B.  C.  —  33339  tant]  si  B.  C. 


aasi» 


33360 


Q  U  A  R  T  K 
qui  lo  ool  to  puisl  encorder  ! 
le  to  fault  il  tant  reeorder? 
33350  as  tu  point  do  ton  nuisoau  vou 
monster  es  oioulx  ce  faulx  Jlinsu 
qui  a  nostre  pidie  adnionco  ? 

ASTAnOTII 

Au  joui-  d'uy  n'en  vy  chose  née, 
(luisqu'il  convient  qu'on  le  te  die; 
U-oyi  liion  j'ay  ouy  mélodie 
d'angles  doulcenicnt  accorder, 
mes  quand  j'ay  cuido  regarder 
amont  ceste  chose  diverse, 
je  suis  tombé  a  la  renverse, 
les  picz  dessus,  comme  unjr  crappault, 
par  quoy  de  ce  qu'on  fit  la  hault 
je  n'en  sçay  riens,  tant  fus  frappé. 

BEHICH 

Tout  ainsi  ay  je  esté  trompé  : 

je  cuiday  lever  la  paupière 
33365   pour  r(^garder  quelle  lumière 

c'estoit  qui  reluisoit  d'amont, 

mes  jo  fus  frappé  par  le  front 

miculx  qu'ung  veau  n'est  d'une  massue, 

par  quoy  je  n'ay  |)eu  veoir  l'yssue 
33370  du  fait  ne  la  conclusion. 

Mes  que  fu  ce  ? 

SATHAN 

L'ascension 
de  Jhesus  que  Dieu  puist  niauldirc  ! 

ASTAnOTH 

Quelle  ascension  ?  qu'est  ce  a  dire  ? 
qu'il  nous  soit  plus  a  plain  compté. 

SATHAN 

33375  C'est  a  dire  qu'il  est  monté 

maulgré  nous  et  maugré  nos  yeulx 
en  hault  par  dessus  tous  les  cieulx 
pour  gloire  parfaictc  acquérir. 

HEIllCH 

Je  ne  l'iray  pas  la  quérir, 
:«380  puisqu'il  a  pris  si  hault  manoir. 

ASTAROTH 

11  est  hors  de  nostre  prenoir, 
riens  ne  noua  vault  le  conspirer  : 
qu'est  il  de  faire  ? 

SATHAN 

De  virer 
Aux  infernaulx  de  belle  pousse 
33385  et  leur  racomptcr  la  bcscousso 
comment  nous  sommes  acroupis. 


!  C)  I T  H  N  R  i-, 

HKniCH 

Kt  qui  aroit  sa  plioc  c«oou.s»e 
ires  bien  sans  mercy  ne  rescouiiitc 
a  l'entrei'  ? 

ASTAIKJTH 

Ce  Dcroit  le  pis. 
33300  Mais  si  m'atens  je  entre  «tampis 
de  Corberus,  nosti'o  portier, 
comme  beaux  aux  en  uug  mortier 
par  force  de  lourde»  buiturcs. 

HKRICH 

Courons  a  toutes  adventures  : 
33395  a  l'ostcl  uous  fault  ra|>ostir. 

ASTABOTH 

Ce  ne  sera  \>as  sans  sentir 
des  miches  de  nostre  couvent. 

BERIGH 

Bé  !  nous  en  sentons  bien  souvent, 
par  quoy  no  m'en  fait  point  si  mal. 

SATHAN 

33400  Quant  a  moy  i)ar  esi)ecial 
je  m'y  l'apostis  bien  envis, 
car  je  m'atens  d'estre  servis 
d'une  pitance  renforcée. 

ASTAROTH 

Se  la  feste  y  est  commencée, 
■33V&  les  compaignoDs  aront  mal  guust. 

BERIC» 

Soit  qu'il  peut,  au  diable  voyt  tout, 
il  nous  convient  pa.sser  par  la. 


Hau  !  Lucifei'  ! 

LUCIPBR 

Qu'est  la  ?  qu'est  la  ? 
d'où  me  viennent  ces  estradeurs  ? 

ASTAROTH 

33410  Ce  sont  vos  trois  ambassadcui's 
qui  reviengnent  cy  bien  en  haste. 

LUCIFER 

Comment  va  l'exploit  ? 

SATHAN 

Par  ma  pâte, 
ix>y  Lucifer,  appaisiez  vous, 
car  il  n'a  pas  tenu  a  nous  : 
33415  plus  diligens  ne  veistes  oncques. 

LLCIKER 

Comment  !  vous  n'avez  riens  fait  doncquea  1 


33358  emiucni-e  H.  C.  —  33356  re.onler  B.  —  33362  fus]  suis  A.  —  33370  ne]  de  A.  —  33380-81  II  est  hors  de  noitra 
prenoir  S.  Retournons  en  nostro  manoir  Raconter  reste  grant  destrousse  Mes  se  nous  raeeuons  la  trousse  A.  — 
33382-406  ntan'iufHl  A.  —  33383  viser  C.  —  33:195  repposer  C  33401  My  en  retourne  C.  —  33402  sorbi»  a  —  33403 
potenee  C.  —  33408  (jue  la  p.  esse  la  G.  —  33409  Dou  viennent  res  gentils  courï-urs  H.  C. 


438 


M  I  S  T  R  R  R    DR    LA    PASSION 


s'avez  tant  eerchio  boys  et  hayes . 

KERGALUS 

Cerberus,  aprestc  boullayes  ; 
a  ce  que  j'eiitcns  dos  devis 
33420  nos  troys  gens  aront  du  remis 

pour  radoucir  ung  peu  leurs  vaines. 

CERBERL.S 

Veez  en  cy  quelques  deux  douzaines, 
cinglant  droitement  a  l'eslite. 

LUCIFER 

Or  ça,  progenie  mauldite, 
33i25  serpens  interditz  et  dampnés, 
horribles  monstres  forcenés, 
catherve  d'envie  imprimée, 
vous  ne  m'avez  point  imprimée 
la  manière  de  vostre  cas. 

FERGA.LLS 

33430   Hz  eussent  uiesticr  d'avocatz 

pour  plaidoyer  ung  pou  leur  cause, 
car  comme  j'entons  par  leur  clause 
leur  fait  n'est  point  droitement  net. 

CERIiERUS 

11  y  a  eu  crime  en  leur  fait 
33435  bien  grand  encore,  ou  je  m'abuse. 

LUCIFER 

Ne  m'escouez  point  de  la  muse, 
comptez  moy  le  fait  tout  au  cler. 

SATHA.N 

Riens  je  ne  vous  en  veil  celer, 
le  cas  est  tel  que  je  vous  dis  : 

33440  ce  Jhesus  est  en  paradis 

monté  en  grant  gloire  anobly 
et  a  mené  avecques  ly 
tous  ces  anciens  pères  humains, 
patriarches,  iirophetes  sains, 

33445  eu  tel  multitude  a  compter 

que  quand  je  les  ay  veu  monter 
je  suis  près  forcené  de  rage. 

LUCIFER 

Faulx  ennemy  d'humain  lignage, 
pourquoy  ne  t'en  tins  tu  bien  près 
33450  ou  que  tu  ne  courus  apprès 

pour  en  recouvrer  par  les  champs 
.    dix  ou  douze  des  plus  raeschans 
et  traîner  en  nostre  fournaise  ? 

SATHAN 

Vous  en  parlez  bien  a  vostre  aise  : 
33455  de  vous  ne  de  nous  paour  n'avoient, 
car  tous  resplendissans  estoicnt 
comme  ung  soleil  de  grant  lueui', 


et  quand  je  vy  cesto  liideui-, 
je  oheus  le  museau  contre  terre, 
33460  tout  confus,  puis  m'en  vins  grant  erre 
poui'  vous  dire  la  vérité. 

LUCIFER 

Le  deable  vous  a  rapporté, 
faulx  larrons  et  tous  vos  consors, 
car  a  tormens  hideux  et  fors 
33465  sera  vostre  groing  hutiné. 
Cerbenis  ? 

CERBERUS 

Hola  !  Domine, 
commandez  et  nous  vous  orrons. 

LUCIFER 

Pren  moy  ces  trois  mauvais  larrons, 
puis  les  traine  bas  eu  la  cuve 

33470  et  la  les  me  plonge  et  estuve 
tout  ens  au  gibet  estendus, 
les  pies  encontremont  pendus, 
en  grant  brasier  et  avivé, 
et  quand  les  aras  estuvé 

33475  tant  qu'ilz  trcssuent  de  meshaing, 
Fergalus  leur  fera  ung  baing 
de  beau  plonc  et  de  beau  métal , 
bruyant  comme  feu  infernal  ; 
de  grande  radeur  de  bouUir 

33480  je  les  apprendray  a  faillir 

une  aultre  fois  a  leurs  attaintes. 

ASTAROTH 

Nous  avons  cy  unes  estraintes 
dont  nostre  groing  sera  servy. 

CEHHERUS 

Ça,  enffans,  dictes  :  Pec-avi; 
33485  vous  arez  le  baing,  je  m'en  double. 

KERICH 

Helas  !  maistre,  une  seule  goûte 
de  mercy  pour  tous  nos  rabas  ! 

LUCIFER 

Passez,  riliaulx,  en  bas,  on  bas  ; 
passez  quei'ir  vostre  salaire  : 
33490   qu'a  peine  et  a  terrible  haire 
puissiez  de  mort  estre  pugnis  ! 


Icy  se  lieve  S.  Pierre  par  dessus  tous  les 

autres  apostres. 
s.    PIERRE 

Frères  qui  sommes  cy  unis, 


33417-36  manquent  A.  — 33432  la  causs  C.  —  33434  .;uMi((n;«'.',  faultn  C.  enoime  B.  — 33 137  ens  plus  au  olair  A.  — 3343 S 
ne  vous  y  vault  B,  fault  C.  —  3,3451  rescourre  A.  —  33452  Ou  V  ou  VI  B.  C.  —  33461  vous]  venir  B.  —  33464  creueulx  A, 
—  33469  a  bas  a  lestuue  B.  G.  —  33473  a  vlue  C.  —  33478  Viuanl  G.  —  334S8  restraintes  B,  G.  —  33490  et  a]  et  en  A. 


OIARTF,   JOURNKK 


ise 


labourons  pour  nostrc  salu  : 
sçavoir  dovo/.  qM'il  a  fallu 

33495  aecomplii'  les  esciip»  piiso» 
qui  ont  esté  pioplictizos 
par  le  nu)y(^u  du  saint  Ksprit 
parlant  par  la  bouche  David, 
do  Judas  qui  fut  lo  ductour 

33500  de  ceulx  qui  nostre  bon  pasteur 

vindront  par  nuit  au  jardin  prendre  ; 
et  devez  s(;avoir  et  cntondro 
que  trente  deniers  leur  vendy, 
de  quoy  coulpabic  se  rendy, 

33!i05   car  leur  argent  leur  rapporta 
et  au  milieu  d'eulx  le  gcttn 
qui  d'eulx  fut  reprins  et  ravy, 
et  leur  dit  Judas  :  Peccnti 
tradendo  sanguinern  jttstum  ! 

33:)io  11  dit  en  criant  a  hault  ton  : 

«  J'ai  péché  coin  faulx  et  injuste 

d'avoir  livré  le  sang  du  juste  !  " 

Alors  fit  satisfacion 

et  si  monstra  coutrieion  ; 

mes  en  Dieu  ot  si  peu  d'cspoii' 

qu'il  se  pendit  i>ar  desespoir. 

De  ei^st  ai'geiit  dont  j'ay  comiité 

qui  par  Judas  fut  r(\ectté 

les  Juifz  qui  le  reloveront 

depuis  ung  champ  en  achetèrent, 

et  fut  en  maint,  lieu  revollo 

qu'Alchedemac  fut  appelle 

cestuy  champ  par  mainte  jiaisonne, 

qui  en  leur  langage  ainsi  sonne 

comme  champ  de  sang,  c'est  leur  dit; 

bien  doit  estrc  champ  de  sang  dit 

quand  pour  l'acheter  quitte  et  franc 

fut  vendu  le  précieux  sang 

di'  Jhesus  par  piteuse  encombre. 

33r»3û  Judas  donc  fut  de  iio-stre  nombre, 
mes  par  son  infidélité 
obtint  le  champ  d'iniquité, 
car  sans  quérir  miséricorde 
il  s'est  estranglé  d'une  corde, 

335.35  crevé  par  le  milieu  du  corps, 
ses  entrailles  luy  saillent  hors  : 
oncques  telle  hideur  ne  vit, 
et  de  cecy  parle  David 
et  fait  belles  uarracions 
33540  des  grandes  malédictions 
dont  devoit  estre  récepteur 
ce  faulx  disciple  et  producteur 
dont  en  ceste  forme  chanta  : 


3351  ri 


.!3520 


33525 


SU  domua  ejus  dciertn 

33545   W  tion  sit  qui  iiihabiltl; 
et  la  (in  de  son  labit  est 
que  David  chante  sus  et  jus  : 
et  episcojiatitm  ejuji 
post  hune  accijuat  aller; 

S3X>0  en  quoy  David  volt  dénoter 

qu'uDg  aultre  prendroit  l'eveschii' 

de  cil  qui  nou-s  a  rcnoucié 

et  «croit  jioaé  en  son  lieu. 

Kt  pourtant,  mes  frères  en  Dieu, 

33555  pour  la  prophccle  avérer 

et  Dieu,  nostrc  sire,  honorer 
comme  chacun  de  vous  désire, 
il  nous  convient  ung  homme  eslire 
qui  ou  lieu  Judas  sera  mis. 

s.  JEHAN,  l'ecangeliste. 

33M0  Pierre,  vous  dictés  voir;  amis, 
Foions  y  tretous  diligens  : 
veez  ey  ung  grant  nombre  de  gens 
qui  ont  volu  grant  peine  mettre 
a  suivir  Jhesus,  nostre  maistre  ; 

33565  soit  ung  o.slu  qui  près  ou  loing 

puist  estre  aveequcs  nous  tesmoing 
que  Jhesus  est  vray  surrexi 
et  de  tous  les  liaulz  fais  aussi 
qu'il  fit  puis  l'entrée  de  l'an 

33570  du  saiutisme  Baptiste  Jehan 
jusqu'à  la  journée  présente. 

s.    MATHIAS 

Tout  rassaml)lee  se  présente 
a  vous  et  s'i  veult  accorder  ; 
mes  du  moyen  de  procéder 
33575  il  y  fault  trouver  quelque  voie. 

s.    JAQLE.S   ALPHBY 

Vee/.  cy  que  regardé  j'avoye  : 
il  m'est  advis  qu'assamblés  sommes 
environ  cent  ou  six  vint  hommes 
ou  gist  grand  circonspection  ; 

33580  pour  éviter  confusion 

en  tout  la  multitude  d'eulx 
élisons  en  seulement  deux 
des  plus  humbles  et  véritables, 
des  plus  sceurs  et  plus  charitables 

33585  par  ung  consentement  commun  ; 
puis  de  ces  deulx  prenons  en  ung 
par  ung  moien  qu'on  sortira, 
et  cil  a  qui  le  sort  ira 
fera  le  douzième  de  nous. 
.  JOSEPU,  le  Justi'. 

33590   Â  ce  nous  consentons  nous  tous, 


33495  passes  C.  —  33509  Tr.idpns  C. 
}M-endroiis  lî.  C 


33-,oo  ari'hedemnrli  A.  —  :i.3539  fist  B.  en  fist  C—  3aK0  «lecr^ter  C.  —  S3JS6  en 


40 


M  I  S  T  R  R  !■    D  F  L  A    PASSION 


n'est  ame  qui  y  contredie, 
mes  premier  fault  qu'on  estudie 
a  trouver  cos  deulx. 

s.    SIMON 

CVst  le  mioiilx. 
Pierre,  vous  estes  le  plus  vieulx, 
33595  nostie  ducteur,  nostre  rccouis 
a  qui  nous  venons  a  secours  : 
s'il  vous  plest,  doux  en  nommerez 
que  i)lus  ydonnes  trouvoro/ 
entre  toute  la  compaignio. 

s.    PIERRE 

33600  Frères,  je  ne  présume  in\'o 
de  moy  devant  vo\is  advancer, 
mes  s'il  vous  plaisoit  dénoncer, 
des  deux  tantost  nous  conclurons. 

RUBEN 

Nennil,  mes  nous  vous  requérons 
33605   que  les  nommez  a  vosti'c  veil. 

s.    PIERRE 

Puisqu'ainsi  vous  plest,  je  lo  veil  ; 
sans  parsonne  trop  hault  prisier 
et  sans  ame  aussi  desprisier 
de  toutes  ces  saintes  parsonnes, 

33610  combien  que  tous  soient  ydonnes, 
principallement  deux  en  nomme  : 
premièrement  img  devost  homme, 
vray  disciple,  c'est  Mathias, 
et  Joseph  qu'on  dit  Barsabas, 

33615  aultrement  le  Juste  appelle. 

s.    JAQUES   ZEBEDEY 

Advis  m'est  qu'il  a  bien  parlé  : 
je  suis  de  son  consentement. 

s.    PIERRE 

Et  vous.  Jaques? 

s.    JAQUES    ALPHEY 

Pareillement. 

s.    PIERRE 

Et  vous  ? 

s.    ANDRY 

Je  tiens  vostre  querelle. 

s.    PIERRE 
33620   Et  vous  ? 

s.    JUDE 

La  chose  est  bonne  et  belle  ; 
n'en  demandez  plus,  car  j'entens 
que  les  frères  en  sont  contens, 
et  n'est  homme  qiii  s'i  discorde. 

NEPTALIN 

Brief  tout  le  couvent  s'i  accorde 
33625  que  ces  deux  soient  acceptés. 


s.    MATHIAS 

Seigneurs,  grant  honneur  nous  poi  tez 
Dieu  nous  le  doint  bien  desservir 
et  Jhesu  Crist  si  bien  servir 
que  son  vouloir  jiuissions  parfaire. 

s.    PHELIPE 

33030  Encor  est  le  plus  fort  a  fairp, 
car  des  deux  par  moyen  aucun 
il  nous  fault  convenir  en  ung 
qui  soit  le  douzième  et  non  i)lus. 

s.  MATHIEU 

Or  parconcluons  au  seurplus 
33635   et  faisons  pour  estre  plus  seurs 
comme  nos  bons  prédécesseurs 
en  l'ancien  testament  faisoient  : 
quand  de  deux  choses  double  avoieut 
et  n'avoient  couleur  aucune        ^ 
336'.0  de  prendre  l'aultre  plus  que  l'une, 
leur  volenté  a  Dieu  soubmise 
et  sa  grâce  premier  requise, 
gestoient  sort  ou  qu'il  allast 
affin  que  Dieu  en  disposast 
33645  ainsi  que  bon  luy  sembleroit  ; 
et  qui  par  ce  point  en  feroit, 
je  croy  qu'il  n'y  aroit  que  bien. 

s.    BERTHELEMY 

Mathieu,  vous  proposez  très  bien, 
et  vostre  rapport  moult  prisons. 

s.    JEHAN 

33650  Oi'  nous  mettons  en  croisons 
.tous  ensemble  comme  il  propose 
a  celle  fm  que  Dieu  dispose 
du  fait  ainsy  qu'il  luy  plaira. 

GEDEON 

Ung  chacun  s'i  consentira 
33655  de  bon  cueur  et  obeyssant. 

s.  ANDRY 

Dieu  souverain  et  tout  puissant, 
tout  gouvernant,  tout  nourrissant 
quanqu'il  vient  par  creacion  ; 
A  qui  tout  est  obeyssant 

33660  et  qui  es  le  vray  congnoissant 
du  secret  de  l'intencion. 
Donne  nous  vi'aye  ostencion 
de  faire  icy  élection 
a  toy  agréable  et  servant, 

33665  Pour  avoir  restauracion 
de  la  dure  transgression 
de  Judas,  le  mauvais  servant. 

s.    JEHAN 

Ça,  Pierre,  procédons  avant  : 


33594  Pierre]   Plus  B.  —  33603  conclurions  B.  —  .33608  raesprisier  G.—  33634  partoul  laissons  B.  pour  conclurre  G. 
33648  parlez  G.  —  33662  manqiie  G.  intencion  B.  —  33664  feruant  A. 


QUARTE  .lOURNRR 

veez  cy  nos  deux  gens  sepaivn  : 
83670  ça,  veez  cy  nos  sors  préparés 

comme  le  commun  les  assign.T; 

Tuiig  on  y  a  qui  n  ung  sifrno 

lie  quoy  a  part  signé  l'avons 

par  l'accoi'cl  de  nos  compaignons  ; 
33075  le  second  de  signe  n'a  point  : 

s'avons  consenti  sui'  ce  point 

que  vous  les  tendiez  en  vos  mains, 

et  culx  deux  qui  sont  incertains 

ou  est  le  signe  n'en  quel  lieu 
aViSO  vendront  tirer  ou  nom  do  Dieu, 

et  celluy  a  qui  eseherra 

le  signe  subrogué  sera 

au  lieu  qui  est  ja  devisé. 

s.    PIERRE 

Jehan,  vêla  ti'es  bien  advisé  ; 
33683  veez  cy  les  sors  tous  telz  qu'ilz  sont. 

s.  JAQUES  ZEBEDKY 

Mathias,  or  approchez  dont 
et  choisissez  a  votre  advis. 


441 


s.    MATHIAS 

Je  le  feroye  bien  envis 
devant  Joseph,  nostro  cher  frère 
33690  tirez,  Joseph. 

JOSEPH,  le  Juste. 
Je  vous  plevis  : 
je  le  feroye  bien  envis. 

s.    MATHIEU 

Choisissez  sans  plus  de  devis, 
la  chose  n'est  [las  si  amere. 

s.    MATHIAS 

Je  le  feroye  bien  envis 
33695  devant  Joseph,  nostre  cher  frère. 

s.    PIERRE 

11  convient  que  l'ung  se  modère  ; 
toutett'ois  il  on  est  graut  temps  : 
Mathias,  soyez  consentens, 
soy  excuser  tant  rions  n'y  vaiJt. 

s.    MATHIAS 

33700  Ça,  do  par  Dieu,  puisqu'il  le  fault, 
je  m'y  consens  en  ce  party  : 
je  prens  cestuy. 

JOSEPH 

Et  moy  cestuy. 
soubz  la  proveance  divine. 

s.    BEHTHELEMY 

Or  regardez  qui  a  le  signe  : 
:!i705  celly  doit  possesser  du  lieu. 


R.    JRHAS' 

C'est  Mathias. 

H.    JAQUES   AI.PHEV 

l^>ué  soit  Dieu 
puisque  la  chose  est  advenue  '. 
Il  fauldra  a  sa  bienvenue 
le  conforinei-  en  son  estât. 

8.    PIERRE 

33710   Cher  Mathias,  proficint  : 

puisque  le  hault  vouloir  divin 

a  mené  nostre  doubto  a  (in 

et  vous  a  donné  cest  honneur, 

ou  lieu  du  mauvais  traditeur 
.33715  nostre  douzième  vous  prenons, 

et  le  siège  vous  ordonnons 

pour  en  joir  paisiblement 

et  nous  aider  scinblablement 

a  nosti-e  inistere  conduire. 

s.    MATHIAS 

3.T720  Combien  que  peu  vous  puisse  duire, 

aussi  que  ma  simple  parsonne 

ne  se  reppute  pas  ydonue 

a  estre  si  hault  colloequé, 

puisque  Dieu  m'y  a  evocqué 
337Î5  je  mercie  sa  bienveillance 

quand  a  si  bonne  poui-veance 

il  m'a  par  sa  grâce  accepté 

que  je  suis  douzième  compté 

eu  un  si  reverand  collège, 
33730  et  tien  pour  ung  hault  privilège 

a  quoy  sa  majesté  divine 

m'evocque  au  jour  d'uy,  moy  indigne  ; 

Dieu  le  me  doiut  bien  desservir 

et  Jhesu  Crist  si  bien  servir 
33735  que  mon  sauvement  s'i  parface. 

JOSEPH 

Mathias,  amy,  preu  vous  face 
ce  bénéfice  gracieux  ! 
nous  tous  sommes  liés  et  joioux 
que  Dieu  vous  ait  fait  ceste  grâce. 

s.    MATHIAS 

33740  J'occupe  une  notable  place 

dont  baimy  est  le  malheureux. 

MOAB 

Mathias,  amy,  preu  vous  face 
ce  bénéfice  gracieux  ! 

s.    MATHUS 

Dieu  me  doint  le  temps  et  l'espace 
33745   d'ostre  au  labourer  si  songneux 
que  par  mon  devoir  curieux 


■  S3670  sers  séparez  B.  nos]  deux  C.  —  33679-80  nen  quelle  espesse  Vendront  tirer  chacun  sa  piet-e  B.  C.  —  SS706  le 
lieu  B.  —  33710  proflcial  C.  —  337Ï0  que  bien  peu  vous  puist  B.  C.  —  33738  tous  inaniue  A.  —  33748-S.  Les  rrfraint 
miinquent  A. 


iiO 


M  I  s  T  R  R  R    DE    LA    f  A  S  S  I  0  N 


enfin  voj'e  sa  doulce  face  1 

ABIRON 

Mathias,  aray.  preu  vous  face 
ce  bénéfice  gracieux  ! 
33750  nous  tous  sommes  liés  et  joieux 
que  Dieu  vous  a  fait  ceste  grâce. 

JUBAL 

La  charge  qu'il  prent  et  embrasse 
puist  estre  a  sa  salvacion  ! 

CEUUS 

Mes  amis  en  devocion, 
33755  tous  ensemble  icy  nous  tenons 
et  humblement  nous  maintenons 
en  oroizon  sans  point  cesser; 
car  je  cuide  de  vray  penser 
que  temprement  sera  le  jour 
33760  que  Jhesus  du  tro.sne  majeur 
nous  envoira  le  saint  Rsprit  ; 
requérons  le  de  cueur  eontrict, 
que  de  nostro  fait  luy  souviengne  ! 

ABACUT 

J'ay  grand  désir  que  l'heure  adviengne 
33765  que  nous  le  voyons  advenir  : 

Dieu  doint  que  briefment  puist  venir 
en  lumière  nous  habiter, 
qui  nous  pourra  plus  proffiter 
que  chose  qui  soit  en  ce  monde. 


JHESUS 

33770  Mon  père  en  qui  tout  bien  habonde 
et  soubz  qui  haulte  pourveance 
le  monde  prent  sa  gouvernance 
et  nature  son  fait  conduit, 
le  terme  est  ja  comme  déduit 

33775  et  le  temps  bien  près  révolu 
que  vostre  bonté  a  volu 
former  une  conclusion 
au  fait  de  la  provision 
de  mes  disciples  bien  aimés 

33780  affin  qu'il?,  t'eussent  confermés 
du  saint  Rsprit,  nostre  pareil, 
lequel  leur  donrra  vray  conseil, 
vraie  charité  et  fervence 
de  foy,  de  paix,  de  pacience, 

33785  pour  résister  aux  ennemis  : 
ce  noble  don  leur  ay  promis 
par  quoy  je  vous  requier  et  prie 


qu'au  jour  d'uy  leur  soit  adverie 
la  promesse  que  je  leur  fis. 

DIEU    LE    PERE 

33790  .Ihesus,  mon  très  bencui'é  filz, 

nous  sommes  ung  pouoir,  ung  veil, 

et  ce  que  vous  voulez  je  veil 

ne  jamès  n'y  puis  dissentir 

mes  me  veil  du  tout  consentir 
33795  que  vos  bons  amis  et  loyaulx, 

vos  disciples  especiaulx, 

obtiengnent  la  promission. 

JHESUS 

Quant  a  la  consolacion 

que  le  saint  Esprit  leur  fera 
33800    quand  ainsi  les  confortera, 

ce  hault  don  leur  est  ottroié, 

et  vueil  qu'il  leur  soit  envoyé 

eu  ceste  journée  présente  ; 

ce  don  de  grâce  leur  présente 
3380)  eu  ma  foy  pour  la  publier. 

DIEU    LE  PERE 

Hz  ne  sont  pas  a  oublier  : 

bien  ont  ce  noble  don  gaigné, 

car  tousjours  vous  ont  compaigné 

en  toutes  vos  temptacions, 
33810  et  ont  eu  moult  de  passions 

avec  vous  en  plusieurs  partis  ; 

or  sont  moult  doubtoux  et  craiutifz 

pour  la  cause  de  vostre  absence, 

mes  tantost  aront  affluence 
33815  de  puissance  et  de  hardement 

par  ce  divin  embrasement 

qui  du  tout  les  promovera. 

JHESUS 

Charité  les  esmouvera 
a  nostre  nom  manifester  ; 
33820  mes  premier  pour  les  apporter 

ung  grant  son  du  ciel  vouldrons  faire 
pour  mieulx  disposer  leur  affaire 
a  recevoir  ce  don  parfait. 

DIEU    LE    PERE 

Mon  filz,  ainsi  tout  sera  fait  : 
33825  cy  lo  que  nous  nous  advenson. 

Icy  soit  fait  ung  grant  son  a  manière  de 
tonnerre  et  doit  descendre  le  saint  Esprit 
en  façon  de  feu  et  de  langues  sur  toute 
la  compaignie. 


33747  distne  facfi  B.  C—  33752-3  Dieu  si  le  faoe  pnr  sa  grâce  Pour  la  nostre  saluacion  A.  —  33765  De  ce  que  briefment 
doit  venir  B.  C.  —  33766  Si  que  nous  voyons  aduenir  B.  C.  —  33774-825  sont  surchargés  des  corrections  peu  raisonnées 
nUn  lecteur  du  A"  W  siècle  C.  —  33778  promission  A.—  337S0  soient  B,  —  33813  assenée  B.—  338?2  leur]  nostre  B. 


QUARTF    JOURNRR 


443 


s.    ANDRY 

Doulx  Dieu,  qui  ost  ce  haultain  boii 
que  j'os  si  très  hault  résonner  ? 
oncques  mes  jo  u'ouys  sonner 
(lo  si  merveilleuse  fnçon. 

s.    l'IERnK 

33830  Frères,  il  fuult  que  nous  ijcuson 
de  nos  cueurs  a  Dieu  ordonner 

s.    JEHAN 

Doulx  Dieu,  qui  est  ce  haultain  son 
que  j'os  si  très  hault  résonner  ? 
Mes  amis,  n'ayez  soupeçon  : 
33835  veilliez  vos  eucurs  arraisonner  ; 

car  c'est  Diou  qui  nous  veult  donner 
le  saint  Es[irit,  il  est  saison. 

MADEIAINE 

Doulx  Dieu,  qui  est  ce  haultain  son 
que  j'os  si  très  hault  resonner? 
338W  oncques  mes  je  u'ouys  sonner 
do  si  merveilleuse  façon. 

s.    THOMAS 

Veez  cy  grant  admiiacion  : 

chers  fi'sres,  croyons  de  vray  tous 

que  le  saint  Esprit  est  sur  nous 
33845  tout  soubitcmcnt  descendu  : 

VOUS  avez  le  son  entendu 

qui  s'est  fait  icy  en  soubdain  ; 

si  voiez  nostre  logis  plain 

de  langues  et  do  feu  ensemble, 
33850  qui  est  ung  signe,  ce  me  sanible, 

que  de  Jhesus  sommes  amés 

quand  il  nous  a  tous  enflammés 

de  son  amour  divinement. 

s.  jaqi;es  alphey 

Les  langues  font  signiflmcnt 

que  Dieu  qui  tout  bon  cuour  reflforce 

nous  a  huy  donné  sens  et  force 

de  divers  languages  entendre. 

S.    .IAQUES   ZEBEDEY 

Il  est  bien  ligier  a  comprendi'e  : 
cestuy  feu  jiouons  voir  poser 
et  dessus  nos  chiefz  repposer: 
n'y  a  celluy  en  ccste  part 
qui  n'en  ait  porciou  ot  part  ; 
encor  depuis  qu'il  est  venu 
je  suis  plus  hardy  devenu 
33805  mille  fois  que  devant  n'estole. 

I^k  s.    IIERTHEI.E.MY 

^^L      N'a  gueres  que  tant  redoubtoie 
^^B     ces  faulx  Juifz  a  dire  voir 
^^M     que  jamès  ne  m'eusse  ose  voir 


33885 


3.3860 


devant  eulx  par  quelque  moyen, 
33870  mes  je  n'ay  mes  double  de  rien , 
et  tant  bien  asseuré  nie  sens, 
que  se  j'en  veoye  deux  cens, 
qu'ilz  m'eussent  jureo  ma  mort, 
au  cueur  n'aroye  ja  reniort 
33875  de  leur  prescher  et  tesmningner 
la  foy  Jliesus,  sans  ressongner 
leurs  menaces  ou  mauvais  ditz. 

8.   SIMON 

Mon  amy,  tout  autel  vous  dis  : 
je  suis  en  ccste  oppiiiion 
.33880   que  pour  quelque  pugnicion 

qu'on  sceuxist  sur  moy  exercer, 
je  ne  luiroie  a  dénoncer 
Jhesus  sur  toute  ci'eature. 

s.  JunE 
i'our  menace  ne  pour  baturc 
qu'on  me  sceust  ou  ]>eust  inférer 
ne  cesseray  de  proférer 
le  nom  de  Jhesus  par  devant 
toute  créature  vivant  : 
c'est  ma  resolucion  toute. 

».    PHELIPB 

Naguaires  estoie  en  grant  double, 
mes  maintenant  sens  ma  foy  ferme 
par  le  saint  Esprit  qui  coufermc 
toute  ma  volcnté  et  sens. 

RIJBEN 

Il  m'est  advis  que  bien  j'entens 
3.3895  toutes  les  langues  qu'oncques  furent 
et  tous  les  esciips  qu'oncques  sceurent 
les  sains  prophètes  deviser. 

8.    MATHIA8 

Il  ne  nous  fault  riens  exposer, 
car  celluy  qui  tout  peut  comprendre 
33900  nous  donne  la  force  d'entendre 
ce  qui  nous  est  d'utilité. 

NOSTBE   DAME 

Haulte  irinité, 
parfaicte  unité, 
singulière  essence, 
.\  ta  majest(î 
soit  huy  potesté, 
los  et  prefference  ! 

Car  par  ta  clémence 
en  nostre  présence 
nous  as  envoyé 
L'esprit  de  science, 
qui  nostre  creence 
a  fortifié. 


33905 


33910 


S!<35  a   roisonier  B.  —  3,3853  Ile]  En  D.   C. 
dénoter  B.  —  33900  proteste  H.  profère  C, 


3:!^^  e>i<e  aille  B.  —  3;t87t  Encore  nnroye  j,i  r.-confjrl  B.  • 


s.    PIERRE 

Crainto  qui  dévoie 
33915         nous  mettoit  en  voie 
de  grant  inconstance  ; 
Mes  ta  grâce  advoyo 
nos  cueurs  et  convoyé 
en  ferme  constance. 

s.   AN  DRY 

339J0  Don  de  grant  puissance, 

don  de  grant  vaillance, 
don  de  reconfFort, 
Tu  viens  a  l'instance 
que  vraye  alliance 

33925         nous  donne  coutibrt. 

s.    JAQUES   ZEHBDEY 

Tu  es  nostre  fort, 
noBtre  chasteau  fort 
et  nostre  advengarde  : 
Quelque  desconffort 
33W3Û         n'y  fera  011011;, 

si  tu  es  en  garde. 

s.  JEHAN,  l'ecangeliste. 
Ta  grâce  regarde 
nos  cueurs  et  les  garde 
de  destresse  dure  : 
33935         L'ame  ce  feu  larde 

qu'il  samble  qu'elle  hardo 
par  ceste  soudure. 

s.    BERTHELEMY 

0  très  sainte  ardure, 
par  qui  toute  ordure 
33940         se  met  a  déclin  : 
Qui  telle  l'endure 
tant  qu'elle  luy  dure 
a  bien  est  enclin. 

s.  THOMAS 

0  père  divin 
33945         qui  règnes  sans  un 
en  gloire  éternelle, 
Bien  a  la  parfin 
te  monstres  affin 
a  nostre  querelle. 

s.    JAQUES    ALPHEY 

33950  Gloire  perhennelle, 

honneur  superuelle 
soit  a  toy,  Jhesus, 
Qui  liesse  telle 
nous  rens  et  si  belle 

33955        pour  nous  mettre  sus  ! 

s.    PHELII'E 

Nous  feusmes  reclus 


M  1  S  T  K  R  F.    D  K   LA    PASSION 

et  de  dueil  inclus 
avant  sa  venue  ; 


Or  sommes  conclus 
33960         de  non  craindre  plus 
doleur  survenue. 

s.    MATHIEU 

Don  de  grant  value, 
chacun  te  salue 
de  vouloir  parfait  ; 
33965         Bien  avons  congnue 
l'heure  cher  tenue 
qu'en  nous  as  parfait. 

s.  SIMON 

Nostre  piteux  fait 
estoit  moult  deflfait 
33970         et  moult  désolé  : 
Or  nous  as  reffait, 
esté  tout  meffait 
et  reconsolé. 

s.    JUDE 

Trop  avons  celle 
33975         et  trop  peu  parlé 

des  fais  Jhesu  Crist  : 
Le  fait  recello 
sera  revellé 
par  le  saint  Esprit. 

s.    MATHIAS 

33980  Quand  il  nous  esprit, 

nostre  cueur  comprit 
vertu  très  certaine  ; 
Tout  bien  nous  apprit 
quand  il  nous  surprit 

33985         de  l'arche  haultaine. 

JOSEPH,  te  Juste. 
0  bonté  puraine, 
o  richesse  plaine, 
o  ferme  sçavoir. 
Quel  joye  seraine 

33990         en  la  vie  humaine 
Ijoons  plus  avoir  ? 

S.    LUC 

Tu  es  nostre  avoir, 
précieux  a  voir, 
joieux  a  saisir, 
33995         Digne  a  recevoir 
hault  a  parcevoir, 
soubtil  a  choisir. 

CLEOPHAS 

En  nostre  plaisir 
n'avons  desplaisir, 
34000         scrupule  ne  doubte  ; 


33935  Tant  nostre  ame  larde  B.  C.  —  33950  ini-lus  B.  C.  —  33957  de]  en  C.  recludz  B.  C- 
Et  comme  G.  —  33973  parconsole  B.  C.  —  33989  manque  B.  —  33998  désir  C. 


33970  Et  moult]  Comme  B. 


QUARTK    JUURNKK 


4i5 


31010 


:î1015 


Mes  y  veult  gosiv 
vray  aidant  dosir 
iiui  crainte  redoute. 

BUBEN 

Ma  pensée  toute 
l  84005         s-ans  que  riens  je  double 
charité  l'esprend  ; 
Vraye  foy  la  boute 
a  la  voye  et  route 
qui  tout  bien  apprend. 

GEDEON 

Kngin  ne  comprend 
ta  vertu  110  prinid, 
tant  par  est  féconde  ! 
Celluy  qu'elle  emprcnd 
anie  ne  surprend, 
tant  la  garde  et  monde  ! 

NEPTALIN 

O  miroir  du  monde, 
bonté  très  parfondc, 
rubis  reluisant, 
Tu  es  nostre  fonde, 
1020         et  on  toy  se  fonde 

nostre  espoir  plaisant. 

ABIRON 

Ducteur  bien  duisant, 
docteur  bien  lisant, 
prédicateur  sage 
ïi025         Du  ciel  procédant, 
tu  nous  es  rendant 
ung  grant  avantage. 

TIJBAL 

()  liaultain  message 
a  qui  doit  hommage 
>30         toute  créature, 

Par  ce  hault  ouvrage 
sens  en  mon  courage 
moult  ardant  pointure. 

CEI.IUS 

0  deité  pure, 
0  parfaicte  cure 
pour  cueurs  maladis, 
Ta  bont(''  nous  cur(>, 
nostre  bien  procure 
en  fais  et  en  dis. 

A.HACUT 

34010  Au  temps  de  jadis 

moult  bien  entendis 
aux  prophètes  sains. 
Par  leur  bouche  dis, 


beaux  fais  cl  bien  dis 
34045        des  lempx  inccrlalna. 

MO  AU 

Or  n'en  fais  |>oint  mainM, 
car  avec  nous  mains 
(l  nous  fais  cntciuh-u 
Langages  haultains, 
34050         divers  et  loingtains 

et  au  vray  coniproudrc. 

M^DELAINB 

Donc  a  grâces  rendre 
a  loy  les  mains  tendre 
ensemble  devons, 
3i055         Quand  en  simple  cendre 
fais  tel  don  descendre 
que  nous  i-ecovon». 

MARIE  .lACOBY 

Pas  ne  desservons 
ce  que  nous  trouvons 
34060         soubz  ta  doulcc  face  : 
Se  bien  le  servons, 
bel  exemple  avons; 
Dieu  nous  doint  l'espace  ! 

MARIE  SALOMÊ 

Précieuse  face, 
34065         ta  bonU;  nous  face 
les  cueurs  resjouir  ; 
Et  si  les  parface 
qu'en  la  haulle  place 
en  puissions  jouir  ! 

s.    PIERRE 

34070  Frères,  vous  avez  peu  ouir, 

chacun  en  soy  tout  maintenant, 
le  saint  Esprit  sur  nous  venant 
qui  par  grâce  nous  a  fermés 
et  très  fermement  conformés 

34075  en  l'amour  de  Dieu,  nostre  sire  ; 
par  quoy  je  conclus  et  veil  dire 
qu'en  tant  plus  parlait  e«-tat  sommes, 
et  plus  nous  devons  monstrcr  honmtes 
a  Dieu  servir  et  honorer, 

34080  car  nous  devons  considérer 
qu'en  plus  grande  perfection 
chet  plus  grande  dcvocion 
pour  i>arvenir  de  bien  en  niieuls. 

s.    MATHIAS 

Si  (larfaicte  la  nous  doint  Dieux 
34085  qu'au  liaultain  estât  ou  il  regno 
le  voyons  en  bcncuro  règne 
qui  jami-s  ne  terminera  ! 


34002  wia;i7iic  B.  Nostrr>  bon  dcsir  C.  -  34015  1»)  li-,  cl  widiiîue  B.  C.  -  340Î4  Dominateur  B.  IViiion'itre  C. 
Au]  o  B.  —  34053  A]  ICt  B.   C.  —  31055  tendro  0.  —  SlOfil  gne.^  B.  C.  —  34070  ««noir  B.  sentir  C. 


■34040 


446 


MISTKRE    DE   LA    PASSION 


Moralité   finable. 


Et  commencera 

DIEU    I.E   PERE 

Mon  filz,  nccessito  sera 
d'evocquer  la  court  souveraine 
34090  après  la  mission  haultaine 

du  saint  Esprit  digne  d'honnour 
qui  est  nette  et  parfaicte  amour 
de  nous  doux  et  vrayo  union, 

JHESUS 

Déclarez  vostre  oppinion, 
34095  mon  père  de  begnin  affaire, 
et  de  ce  qui  vous  plaira  faire 
n'y  ara  point  de  contredit. 

DIEU    LE   PERE 

Cher  fllz,  comme  je  vous  ay  dit, 
vous  sçavez  qu'il  n'a  pas  gramment 

31100  le  saint  Esprit  divinement 
avons  envoyé  et  transmis 
pour  confoi  tel'  vos  bons  amis 
la  dessoubz  au  monde  attendans 
et  de  tout  leur  vouloii-  tondans 

31105  a  parfaicte  salvacion, 

car  au  faict  de  la  mission 
avoit  jadis  mencion  faicte, 
et  parle  Joël  le  prophète 
sur  ceste  proposicion  : 

34110  Effundam  spiritum  meum 
super  omne,  et  cetera  ; 
sur  toute  char  qui  vivera, 
dit  Joël,  qui  de  nous  le  prit, 
j'effonderay  mon  esperit 

31115   largement,  dont  vos  filz  et  filles 
propheteront  choses  soubtilles, 
et  beaucop  d'aultres  motz  exprès 
qui  la  s'entresuy vent  apprès ; 
et  David  prophétisa  sus 

31120   qui  dist  :  Flabit  spiritus  ejus, 
que  le  saint  Esprit,  uostrc  per, 
doit  inspirer  et  occuper 
les  vrais  courages  des  humains 
qui  seront  prépaies  et  sains. 

34125  Or  puis  donc  que  ces  prophecies 


sont  parfaictes  et  accomplies, 
et  que  pour  tout  humain  lignage 
avez  terminé  le  voyage 
(font  avez  esté  voyageur, 

31130  et  qu'a  triomphe  et  grant  honneur 
estes  devers  nous  rcverty, 
posé  que  ne  soiez  party 
de  nous  quant  a  divine  essence, 
l'esté  d'evocquer  en  présence 

34135  dame  Justice  l'excellente 

et  enquérir  s'elle  est  contente 
de  ceste  repparacion. 

JHESUS 

Fere,  vostre  narracion 

me  sanible  haultement  attainte  : 

31140  Justice  jadis  s'est  moult  plainte 
et  a  grand  rigueur  procedoit 
pour  ses  drois  qu'elle  pretendoit 
luy  estre  deubz  en  grosse  somme 
pour  l'ofi'euce  du  premier  honune,- 

34145  Icsquelz  je  cuide  avoir  payé 
et  si  très  bien  satisfié 
qu'a  Justice  je  n'en  doy  rien. 

^     DIEU    LE    PERE 

Mon  filz  Jhesus,  je  le  sçay  bien  : 
le  gendre  huii;aiu  vous  a  cousté 

34150  du  cher  sang  de  vostre  costé, 
dont  en  le  rachetant  si  cher 
monstrates  combien  l'avez  cher; 
Justice  l'a  peu  bien  veir, 
mes  neantuioius  il  est  bon  d'ouir 

34155   quelle  chose  elle  vouldra  dire. 

JHESUS 

Et  je  n'y  veuil  pas  contredire  : 
volentiers  en  verray  l'airoy. 

DIEU    LE    PERE 

Michel  ? 

MICHEL 

Xostre  souverain  roy, 
quel  est  vostre  commandement  ? 

DIEU    LE    PERE 

31160   Alez  assembler  haultement 
nostre  court  a  son  de  busine, 
qu'a  nostre  majesté  divine 
viengnent  prestement  comparoir, 
et  nous  faictes  cy  apparoir 

34165  angles,  archangles,  chérubins, 
trosnes,  potestés,  séraphins, 
dominacionj,  princeaultés, 


31107  termission  D.  —  3110S  ysaie  B.  —  31114  de  mon  B.  G.  —  34121  père  B.  —  31127-30  man'juent  A.  —  31131  Par 
vous  qui  esles  A.  —  341S3  De  nous]  Voire  B.  C.  —  34153  veir]  clioisir  B.  C.  —  34154  fait  il  bon  B.  —  3415li-293  man- 
'liwnt  A  remplacés  ainsi  .  Justice  J.  (jue  vous  ptaist  cher  sire  Me  veez  cy  en  vostre  présence  Auecques  dame  sapience 
Paix  vérité  miséricorde.  —  34167  principalites  C. 


Q  U  A  H  r  !•:    .1  0  U  R  N  K  E 


447 


vertus,  pt  a|)ros  nous  cytoz 
Justice,  l'aix,  Miseritoidc, 
3 '.470  Vérité  qui  est  de  leur  corde 
avec  ma  dame  Snpicuce  : 
avoir  les  voulons  eu  preseucc 
|ioiu-  ouir  ung  pou  leur  rapport, 

MICHEL 

Dieu  éternel,  puissant  et  fort, 
3il7j   puisqu'il  vous  plaist  a  le-!  mander, 
bien  sçay  qu'a  vostrc  commander 
vendront  sans  aucun  intervalle. 


Toute  la  cour  cclestialle 
qui  habite  le  firmament, 

34)80  venez  et  comparez  brii  fmcnt 
au  mandement  du  créateur, 
comme  son  inunenso  haulteur 
m'en  a  donné  charge  et  office  : 
vous  pi'emieie,  dame  Justice, 

3'il85  estes  a  la  court  invitée, 
Miséricorde  y  est  comptée, 
Paix,  Sapience  et  Vérité  ; 
chacune  en  son  auctorité 
y  viengne  faire  comparenco. 

JUSTICE 

34190  11  y  a  bien  grant  apparence 

que  nous  accomplissons  son  mand, 
car  son  hault  et  divin  command 
ne  voulons  jamais  cscoiiduiro. 


SAPIENCE 

Bon  Dieu  qui  on  ce  hault  empire 
3411)5  règnes  devant  et  dessus  tous, 
nous  comparons  par  devers  vous 
sans  vostrc  mand  mettre  en  absence, 
savoir  que  vostre  providence 
a  de  nouveau  ilcterminé. 

DIEU    LE    PERE 

34200  Le  cas  vous  sera  terminé 
présentement  on  audience. 
Très  saigc  dame  Sapience, 
pour  vous  narrer  le  cas  en  brief, 
vous  savez  le  niellait  très  grief 

31205  dont  le  premier  homme  pécha, 
qui  tant  son  salut  empescha 


qu'il  en  fut  en  enfer  rccludz 

le  temps  de  cinq  mille  anx  et  jiIuk 

ou  moult  de  tournicns  n  passéo 

34810  comme  la  court  le  scct  anses  ; 

il  n'est  besoiiig  qu'on  le  roeoixie  : 
a  ce  propos  Miséricorde, 
la  bonne  dame  que  vecy, 
moue  dn  pitié  et  raercy, 

34215  voyant  l'omme  ain.iy  depuisc 
et  en  ténèbres  expulsé 
haultement  pour  luy  ]iroposa  ; 
mais  Justice  tost  s'opposa 
a  ceste  humaine  délivrance, 

34220  domaudant  a  très  fort  instance 
grant  somme  en  reparacion 
pour  la  diti!  transgression, 
laquol  somme  luy  competoit 
ainsi  connue  elle  pi-otestoit. 

34225  Quant  au  fait  fut  bien  pix)cedé, 
et  alors  luy  fut  demandé 
se  l'omme  la  iiourroit  payer, 
dist  que  non,  voulant  dcclairer 
que  pour  i-iens  que  l'onmie  sceust  faire, 

34230  il  ne  luy  i)ourroit  satisfaire, 
tant  se  tonoit  elle  offenceo  ; 
par  quoy,  la  chose  bien  penssee, 
fut  conclu  que  Dieu  seul  scroit 
qui  Justice  satisfiroit 

31235   et  non  pa<  Dieu  tant  seullenicnl, 
mais  Dieu  incarné  proprement, 
et  pour  ce  qu'en  nostre  unité 
a  numei'able  trinité 
de  persomies  bien  distinguées 

31210  furent  lors  doubles  assignées 
et  questions  haultes  et  bonnes, 
a  savoir  qui  des  trois  personnes 
prendroit  ceste  incarnacion  ; 
sur  quoy  baillia  conclusion 

31215  dame  Sapience  la  sage, 

qui  de  ce  présent  arbitrage 
des  parties  fut  juge  esleue, 
que  mon  fil/,  de  haultc  value 
ceste  incarnacion  prendroit 

31250  et  que  mieulx  le  devoit  par  droit, 
et  la  bas  eu  la  vie  humaine 
pi-endroit  ceste  charge  grevaine 
conmie  les  prophètes  jadis 
l'avoyent  nonce  par  beaux  ditz. 

34255  Ne  fut  pas  tel  l'api^intcment? 

SAPIEiNCE 

Hault  créateur  du  firmament. 


34104  Le  cuphle  ii  moi  lu  cl  <i  nii.*  s.  pieruu  pour  svi-iknte  B.  —  34211  3e  Iiomcc  A  «  ««<•  iiuttv  plac  i  cf.  />*«« 
loin  V.  34294.  —  31220  a  très  forl]  .1  forte  C.  —  3424S  Et  que  B.  —  34*50  mieulx  le  deuoir  prendroit  C. 


448 


MlSTEKli    DE    LA    1' A  S  S  I  0  N 


34;-60 


miroii'  d'éternelle  lumière, 
il  fut  en  la  forme  et  manière 
que  vous  l'avez  cy  recollé. 

MISERiaORDE 

Vous  avez  récapitule 
en  briefz  termes  et  tout  déduit 
comme  le  procès  fut  conduit  : 
vrayment  vous  feisje  une  requeste 
.  assés  l'aisonnablc  et  honneste 

34265   qu'il  vous  plcu>ist  mercy  livrer 
aux  humains  it  les  délivrer, 
car  d'eux  moult  grant  pitié  prenoye 
quant  leur  fait  bien  consideroye, 
que  poui'  une  trangression 

34270  avoient  telle  pugnicion 
on  une  charte  obtenebree 
qui  si  longtemps  avoit  durée  ; 
le  temps  me  sembloit  et  les  jours 
qu'ilz  eussent  mercy  et  secours, 

34275   et  veant  leur  grant  doleance 
je  requis  pour  leur  allegence, 
a  laquelle  moult  contendy. 

JUSTICE 

Et  sur  ce  je  vous  respondy 
que  non  obstant  vos  intercès 

34280  a  la  fin  de  vostre  procès 
jamais  ne  me  consentiroye 
jusqu'à  ce  que  le  droit  ai'oye 
que  je  me  sentoye  estre  deu, 
et  que  de  mon  droit  et  mon  deu 

34285  je  seroye  satisfiee, 

tant  que  seroit  veriffiee 
la  sainte  escripture  authentique 
que  soubz  vision  prophétique 
les  anciens  avoyent  escript  ; 

34200  et  tant  que  de  tout  leur  escript 
n'aroit  mot  qui  ne  feust  remply 
et  plenierement  acomply 
a  qui  qu'il  tournast  préjudice. 

DIEU    LE   PERE 

Faictes  l'appoint,  dame  Justice, 
et  considérons  vostre  faict  : 
vous  semble  il  que  pour  ce  mettait 
ayez  eu  juste  recompense  ? 
vous  est  point  advis  que  l'oflbnce 
de  l'omme  soit  bien  rcpparee  ? 
la  chose  bien  considérée, 
vous  n'avez  cause  de  vous  plaindre, 
et  se  riens  y  sentez  remaindre, 
dedairez  la  cy  sans  attente. 


34295 


34300 


34303 


34310 


34315 


34320 


34325 


34330 


31335 


34340 


3 1345 


3 '.350 


JUSTICK 
Hault  juge,  je  me  tiens  contente 
de  cueur,  de  pensée  et  de  bouclie, 
et  en  tant  que  l'offence  touche 
qu'Adam,  premier  homme,  conmiist 
quand  la  pomme  en  sa  bouche  mist, 
je  croy  bien  qu'il  y  eust  grant  faulte, 
mes  j'ay  repparence  si  haulte, 
tant  précieuse  a  regarder 
que  je  n'oze  plu'^  demander 
et  n'argue  plus  du  meffait. 

niEU    LE   PERE 

Je  cuide  avoir  bien  satisfait 
a  la  haulte  offre  que  je  feis, 
quant  mon  hault  et  bien  aimé  filz 
ay  laissé  en  la  croix  estendre 
pour  vostre  recompense  rendre  ; 
a  vostre  vouloir  l'ay  rendu 
en  la  croix  tout  mort  estendu  : 
en  sacrifice  l'avez  pris  ; 
or  regardez  quel  plus  hault  pris 
a  jamais  recevoir  querez. 

JHESUS 

Justice,  se  plus  requérez 
avoir  de  reparacion, 
declairez  vostre  intencion  ; 
avoir  ne  pouez  plus  parfaicte 
que  celle  que  je  vous  a\  faicte, 
et  en  peult  la  raison  telle  estre  : 
Adam  au  paradiz  terrestre 
prist  delict  ou  fruit  qu'il  choisy  ; 
contre  cela  je  fus  saisy 
par  nuit  au  jardin  d'Olivet 
ainsi  comme  malfaiteur  est, 
et  mené  par  sergons  terribles 
en  la  main  de  mes  fers  nuisibles. 
Adam  vit  l'arbre  delictable, 
plaisant  luy  fut  et  agréable, 
dont  tantost  la  main  y  tendy  ; 
Ung  aultre  arbie  eus  trop  plus  grevable 
d'une  croix  grande  et  redoubtablc 
en  quoy  mes  deux  bras  cstendy. 

Adam  de  fol  cuider  usa 
quant  vame  gloire  l'abusa 
o  pouoir  divin  contendant; 
Humblesse  contre  reffusa 
quant  tout  le  monde  n^accusa, 
n'oncq  ne  me  fut  mot  respondant. 

Gloutomiie  Adam  fort  tempta, 
car  du  fruit  défendu  goûta 


34261  dit  C.  —  34:03  Voii-ement  1!.  C.  —  34205  pleust  C.  —  34288  les  visions  B.  —  34294-3  II  iiest  ja  besoing  quon 
recorde  Le  procès  qui  fut  pii-ca  fait  A.  ~  34296-34347  C.  est  presque  tout  e/Tacé.  —  3'.313  l'ris  ou  toute  valeur  redoiide 
A.—  31314-84  man'jlieilt  A.—  34319  moult  fort  H. 


QUARTE  JOURNEE 


440 


contPiulant  d'en  esti'o  saoullo  ; 
De  goustcr  bien  cher  me  eoimta, 
car  en  la  croix  on  m'agousta 
de  vin  aigre  et  de  fiel  mcslc. 

34355       Adam  trop  en  liasto  chey, 
Ciir  tost  a  Dieu  desobey 
pour  le  dolent  fr\iit  ou  il  mort  ; 
Avec  constance  ne  niechey, 
car  fermement  ay  obcy 

34360  a  mon  pero  jusqu'à  la  mort. 
J'ay  esté  accusé  a  tort, 
soufl'ert  opprobres  et  laidureu 
et  toutes  les  plus  graus  injures 
qu'oncques  homme  mortel  souffry  : 

34365  mes  joes  aux  frappans  offry, 
comme  la  prophecie  chante; 
j'ay  soustenu  la  croix  pesante, 
porté  sur  le  mont  de  Calvaire, 
j'ay  souffert  mes  membres  detraire 

34370  de  grans  clous  et  parfons  fichiés, 
et  perciés  mes  mains  et  mes  pies, 
mon  chef  d'cspines  couronner, 
mon  corps  tout  de  sang  randonner, 
mes  nerfz  tendre  de  la  pesance, 

34375  mon  costé  percier  de  la  lance, 
sang  et  eaue  en  départir, 
mou  corps  mourir,  l'ame  pai'tir, 
puis  mon  humanité  posoi', 
ou  saint  sépulcre  reposer, 

3'i3S0  mettre  mes  amis  a  délivre, 

au  tiers  jours  lever  et  revivre, 
monter  au  ciel  ;  dont  au  surplus, 
Justice,  que  voulez  vous  plus  ? 
c'est  raison  que  sur  vous  me  fonde. 

JUSTICE 

34385       0  vray  saulveur  de  tout  le  monde, 
vraye  fontaine  de  clémence, 
0  vray  rédempteur  pur  et  monde, 
0  parfaicte  magnificence, 
Je  no  quiers  plus  de  i-escorapeuse, 
ceste  m'est  de  trop  graiit  haultem'  ; 
o  doulce  et  beneuree  offence 
qu'as  eu  ung  tel  rédempteur  ! 

SAPIENCK 

Doulx  Jhesus,  filz  de  Dieu  le  père, 
vray  roy  de  l'arche  souveraine, 
14393  a  qui  vivant  ne  se  comperc 
en  la  povre  vie  mondaine, 
La  rescompeuse  est  si  haultainc 
ja  pal-  vous  faicte  a  la  pai-fin 


que  toute  créature  humaine 
34*00  est  a  vous  tenue  sans  fin. 

VERITE 

Justice,  V0U8  este»  pnyco 
d'ung  trésor  de  haulle  stature, 
quand  Dieu  vous  a  Halisficc 
de  son  filz  pour  vostre  paslure  ; 
34405  0  toy,  humaine  créature, 
voy  et  considère  ton  fait, 
et  regarde  ung  peu  ta  nature 
com  grant  honneur  Dieu  hiy  a  fait. 

MISBIMCORDE 

Quel  honneur  pouoit  il  plus  faire 
34410  a  ta  povre  fragilité  ? 

dont  la  pouoit  il  plus  parfaire 

que  d'en  vestir  sa  deité  ? 

O  beneuree  humanité, 

ta  grant  loange  cent  pars  soune 
a4415  quand  de  la  haultc  trinito 

cucuvrcs  la  seconde  parsonne. 

PAIX 

Qui  eust  janics  os<'  penser, 
qui  est  l'entendement  si  gain 
que  tant  s'eust  voulu  abaissiei' 
344Î0  le  roy  du  tix>sne  souverain 

Que  pour  sauver  lignage  humaiu 
eust  esleu  sa  chambre  et  sa  celle 
pour  mucer  trésor  si  haultain 
es  flans  d'une  vierge  [lucelle  ? 

SAPIENCK 

34425  Juge,  puisque  la  chose  est  telle 
que  vostre  iilz  a  tant  ouvré 
qu'il  a  rescous  et  recouvré 
la  beaulté  de  nature  humaine 
et  l'a  rendue  entière  et  saine 

34130  que  plus  n'oseroit  demander, 
ne  reste  mes  que  d'accorder 
ces  quatre  dames  moult  prisées 
qui  jadis  furent  divisées 
pour  les  questions  devant  dittes. 

DIEU  LB  PEaE 

34435  Dame  Sapience,  or  nous  dittes 

quel  concordance  y  voulez  mettre, 
et  elles  vous  vouidront  promettre 
d'en  faire  tout  par  vostre  dist. 

S.U>IENCE 

Il  me  souvient  du  roy  David 
3i440  qui  chanta  aucuns  joicus  mos 
qui  servent  a  nostre  propos, 
et  cuidc  qu'il  vit  en  esprit 


34353  on  lajrousta  C.  -  3435.'<  Aiiis  C.  —  34365  frappans;]  crapaux  B.  —  34371  Kl  m,inque  C.  —  3S375  roste|  corps  C.  — 
^84376  et  manque  B.  —  34377  lamp]  larmes  B.  — 1'43»6  Vraye]  O  la  B.  C.  —  »4414  sans  personne  B.  —  344Î4  de  la  B.  C. 
344Î5-87  Le  ms.  C  est  tout  efface. 


Pas. 


80 


/i50 


34445 


34450 


34455 


34460 


34465 


34470 


MISTERE   DE   LA    PASSION 


34475 


31480 


344?: 


34490 


ce  fait  icy,  car  il  escript 

sur  ce  :    Veritas  de  terra 

orta  est,  et  Justicia 

de  siimmo  celo  prospexit  ; 

Vérité,  comme  dit  David, 

est  engendrée  de  la  terre, 

qui  s'entend,  sans  plus  glose  querre, 

que  cil  qui  en  éternité 

est  voie,  vie  et  vérité 

a  pris  sa  doulce  char  fleurie 

es  flans  de  la  vierge  Marie 

qui  de  luy  fut  mère  et  nourrice  ; 

et  quand  il  parle  de  Justice 

qui  regarda  du  ciel  en  hault, 

se  traire  a  mon  propos  le  fault, 

j'entens  que  Justice  a  gardé 

et  songneusement  regardé 

se  c'estoit  le  pi-ix  précieux 

dont  les  prophètes  glorieux 

par  haulte  et  divine  dispence 

luy  prometoient  recompence  ; 

or  trouve  Justice  qu'oy 

car  comme  vous  avez  oy, 

le  pris  y  est  tant  acceptable 

tant  précieux,  tant  agréable 

que  nature  humaine  tient  quitte 

et  toute  la  franchist  et  quitte 

de  ce  que  luy  pouoit  devoir, 

ne  James  n'en  requiert  avoii' 

point  d'aultre  satisfacion. 

DIEU    LE   PERE 

Or  venez  a  conclusion, 
dame  Sapience,  il  est  heure. 

SA.PIENCE 

Je  conclus  pour  voie  plus  sceure 
que  puisque  cette  autorité 
a  eu  de  fait  véracité 
et  que  ce  ver  doulx  et  sery 
de  David  sy  est  advery, 
adverir  nous  fault  en  aveuit 
le  ver  qui  est  joignant  devant, 
moult  noble  et  hault,  ou  il  y  a 
escript  :  Misericordia 
et  Veritas  obviaverunt 
sibi,  et  osculate  sunt 
sibi  Pax  et  Justicia  ; 
David  ainsy  prophetiza 
que  deux  dames  que  la  recorde. 
Vérité  et  Miséricorde, 
après  toutes  guerres  passées, 


doulcement  se  sont  enibrassees  ; 
et  dit  après  consequamment 
que  Justice  et  Paix  doulcement 
pour  toute  discorde  appaisier 
34495  se  sont  volu  entrebaisier  : 

si  ces  deux  poius  sont  parconclus, 
je  ne  sçay  que  demander  plus  : 
nostre  sentence  est  terminée. 

VERITE 

Dame  d'honneur  enluminée, 
34500  en  moult  haulte  fin  nous  posez, 
et  tant  sagement  proposez 
qu'on  n'y  sçaroit  plus  répliquer. 
David  veult  ti'es  bien  appliquer 
ces  deux  vers  et  de  grant  manière  : 
34505  car  quant  a  la  guerre  première 
que  Justice  aux  humains  tenoit 
quand  en  prison  les  maintenoit, 
aucunement  je  tins  sa  corde 
contre  dame  Miséricorde 
34510  qui  moult  fort  procedoit  pour  eulx, 
et  de  tant  que  querelle  y  eus 
et  qu'aux  humains  est  faicte  grâce, 
je  luy  requier  que  je  l'embrasse 
en  signe  de  paix  et  d'amour. 

MISERICORDE 

34515  0  Vérité,  dame  d'honneur, 

vostre  amour  m'est  bien  acceptée, 
si  ne  veil  pas  estrc  exceptée 
de  vous  embrasser  en  présence. 
Icy  embrassent  l'une  Vautre  Miséricorde 
et  Vérité. 

PAIX 

Et  vous,  dame  de  grant  vaillance, 
34520  Justice,  haulte  parsonniere, 

rigle  directe  et  droituriere 

pour  baillier  a  chacun  le  sien, 

encore  me  souvient  il  bien, 

contre  Miséricorde  feustes, 
34525  et  accorder  ne  luy  voluste^ 

aucune  requeste  nouvelle  : 

aucunement  en  faveur  d'elle 

je  tins  encontre  vous  partie, 

mes  a  la  nostre  départie 
34530  pour  la  fin  de  toute  querelle. 

Justice  toute  boime  et  belle, 

ung  baisier  requérir  vous  veil. 

JUSTICE 

Paix,  chère  dame,  a  vostre  veil, 
et  do  bon  cueur  je  vous  l'ottroie. 


34451  Ait  B.  —  34457  pouoir  B.  —  34465  Et  ne  veult  comme  auez  A.  —  34466-71  manquent  A.  —  34476-7  manqnml 
A.  —  3347S  Que  puisque  ce  doulx  ver  A.  —  334S0  Veoir  B.  —  34485  Sibi)  Se  se  B.  —  34488  Qui  C.  —  34502  requerre  A, 
—  34503-4  manquent  A.  —  34505  première  guerre  A.  —  34519  prudence  B.  C.  —  34524  Que  contre  G. 


g  U  A  R  T  K 


Icy  elles  se  baisent. 

DIEU    I.E    PEKE 

31535  Or  est  faictc  i)ar  haulto  voyc 
la  rcdenipcion  des  humains  ; 
or  sont  par  moyens  trc»  haultaius 
les  quatre  dames  en  accord, 
ou  jamès  n'y  ara  discord 

31540  tant  est  l'accord  seurement  fait. 
Angles,  pour  conclurre  le  fait 
mettez  vous  en  belle  ordonnance  : 
chantez  par  doulcc  concordance, 
menez  joie  parfaicte  et  plaine 

345-15   tant  que  la  région  haultaine 
en  l'arraonye  de  vos  sons 
icsonne  [lar  doulces  chansons. 

[SlLETE.J 


Prologue  final  et  total. 

Seigneurs,  qui  demonstracion 
avez  eu  de  la  jiassion 
34550  de  nostre  saulvcur  Jhesu  CrisI, 


JOURNEE  451 

Et  de  sa  résurrection 

et  gloriettsa  ascension 

et  mission  du  saint  Esprit, 

se  riens  avons  dit  ou  escripi, 

34555  ou  mat  fait  ou  mal  ordonna, 

pour  Dieu  qu'il  nous  soit  pardonné  : 
le  cray  sentier  voulons  tenir 
sans  faulte  ou  erreur  soustenir; 
s'erreur  disons  ou  expliquons 

34560  des  maintenant  la  recoquons, 

souhmettans  nos  fais  et  nos  signes 
a  vos  correctioni  bénignes, 
ou  a  ceulx  qui  parceu  l'aront 
ou  qui  mieulx  faire  le  sçaront  : 

34565   nous  contendons  chacun  en  soy 
tenir  chemin  de  vraye  foy, 
sans  y  riens  changer  ne  muer 
qui  puist  au  contraire  arguer, 
Ne  faire  a  la  foy  vitupère; 

34570  et  pour  finer  nostre  mistere 

joieusement  d'honneur  promus. 
Et  que  la  fin  ni;ileur  appere, 
rendons  grâces  a  Dieu  le  Père, 
chantans  :  Te  Ueum  laudamus  ! 

•  Fin  du  quart  jour  de  la  passion  nostre 
seigneur  Jhesu  Crist. 


31535  L'indication  scéniquc   n'existe  i;itc  dans  A.  -  3453U  ara]  a  B.  —  31547  Silbtb    n'ejciile   daiu  aucun  de» 
trois  mxs.  —  34553  naoion  B.  —  34571-74  La  fin  est  effacée  C.  —  34573  noatre  B.  C. 


GLOSSAIRE 


Aage,  l'ifK'  :  s'il  vient  on  nvnnl  ange,  s' (7  ilnienl  grand. 

55M. 
Abayer.  aboyfr  :  je  n'iibairay  point  a  mon  ombre,  jfi  nr 

mf  tromperai  pas,  ia5(>2. 
Abillep,i)-i-«ii(7er, 20867;  habillier,  préparer, iMi,Sn3!16. 

^7:^^l),  cf<\ 

Aboissonner  :  je  suis  très  nin)  alioisaonnA,  ta  botsaon 
commence  mal  pour  moi,  3781. 

Abouclep,  27377. 

About.  place,  lieu  où  l'on  se  met,  11189,  etc. 

Abouter,  concorder,  8223;  s'abouter,  xe  loger,  3565. 

Abréger,  faire  rite,  20769;  a'abreger,  se  dépêcher, 
2'é23fl,  etc. 

Abrevep,  abréger,  4895. 

Absconoer  (s'),  ae  cacher,  H9i9,  «"". 

Absenter,  éloigner,  25416,  etc. 

Absourdl,  sourd,  25445. 

Abusement,  erreur,  7549,  etc. 

Abusion,  alius,  4512. 

Accointe  (estre),  avoir  connaissance,  24721. 

Accombler.  donner  en  abondance,  20268. 

Accouardir,  rendre  peureux,  16'»48. 

Accourser,  arrourcîr,  24528. 

Accroupir  ;  nous  en  serons  tous  accroupis,  ruinés^  per- 
dus, 17418;  Bi.  .«.,  33386. 

Acertené.  eerlnin,  7180,  etc. 

Acertener,  instruire,  4272,  etc. 

Acliarier,  amener,  charrier,  3793. 

Achasser,  chasser,  21315. 

Achoison,  occasion,  cause,  268,  etc. 

Aconauyvre,  atteindre,  81S  ;  aconsuivir,  1S6C5. 

Acop.  Inut  de  suite,  4532,  etc. 

Acourer,  frapper  au  eo-ur.  25351. 

Acqueste,  acquêt,  21250,  25377. 

Acquit,  action  de  s'acquitter,  8867. 

Acteur,  auteur,  322,  etc. 

Actif,  .f/fiiré.  20877. 

Adevancer,  devancer,  5798. 

Adeviiier,  deviner,  926, 

Adgesir  :  part.  pass.  adjute,  accouchée^  4059. 

Adjournement,  point  du  jour,  4192. 

Adjourner.  faire  Tuiîtrc  (en  partant  du  jour),  Ï080,  etc.  ; 


a  l'adjonrner,  au  point  du  jour,  ÎTS'M  ;  pari.   pnti. 

.adj.iurni'.  2019. 
Adminisiratoire,  29904. 
Admlratif,  admiral'le,  £2!47. 
Admordre  :  aniordre,  mettre  en  appétit.  2'  91T  :  «"admiir- 

ilrc,  se  prendre,  t03\,  etc. 
Adonner,  accorder,  10898. 
Adouber,  équiper.  7605,  etc. 
AoovN.  .\donis,  T498. 

Adrecier,  se  iliriger,  2*.39l  ;  adresser,  assigner,  SI17Î. 
Adresse,  flirection,  11123.  etc. 
AdrcssemenI,  direction,  7100. 
Advanturé.  égaré,  19469. 
Advenement,  venue.  36.35. 
Adverir.  S91S.  Vnij.  Averir. 
Adversiere.  ennemie,  17983. 
Advertance.  15921,  etc. 

Advertir,  connaître,  s'enquérir  de,  87380,  etc. 
Advesprer,  arriver  au  soir,  1S499. 
Advlslon,  vision.  69ô5,  etc. 
Advocate,  2422. 
Advoutrie,  adultère,  10795. 
AfralctK,  affélé,  23985. 

Atlhire,  ma.ic,  m<ini.>>v  dV(re,  1724,  .'«28.  etc. 
AfTalUer,  arranger,  23838. 
AfTectiva,  faculté  daffection,  Î63J. 
AfTier,  promettre,  32543. 
Affln,  parent,  proche,  4428,  etc. 
AfTolblier,  affaiblir.  HC2. 
AfToncer,  étudier  à  fond,WK>,  MHIO. 
Affonder,  aller  nu  fond,  30872,  etc. 
Affronter,  attaquer  de  front,  13912. 
AfftaUer,  a/fubler,  22910;  mettre,  imposer.  18718;  afl^iller 

1.1  tournelle,  être  mis  en  prison,  283.13. 
Affulure,  a/fublement,  28639. 
Af ftiter ,  a».»m>lir,  26S39  ;  s'afiister,  se  mettre,  s'rmpé 

fier.  i3Kl, 
Aggravanc*,  9;tl9. 

Aggresser.  agresser,  attaquer,  170B9,  tle. 
Agios:   faut  il  l'airo  tant  d'agios  1  faul-it  faire  tant  dt 

faeons  1 3843. 
Agonter,  plair»  au  goùi,  1I2SS. 


GLOSSAIRE 


Agrever,  devenir  plus  gr-ive,  28935. 

AOBIPPABT,  448. 

Agu,  aigu,  ï:3830,  etc. 

Aguettes,  aguets,  87704. 

Aham,  peine,  10168;  ahan,  16961. 

Aherdre  (s'),  s'attnrher,  s'obstiner,  72S6. 

Aboutir  (s*),  avoir  honte,  17048. 

Aider  :  se  m'aist  Dieux,  1387. 

Aillot,  petit  ail,  4788. 

Ainçois,  mais,  1402,  etc. 

Aisier,  mettre  à  rai5f,5660,  etc. 

Alibi  :  pour  quérir  vos   alibis,    pour   entrer  d'ms   vos 

imaginations,  31570. 
Aliboron,  22931. 
Aliter,  coucher^  5612. 
Allée  :  je  paie  ma  bien  allée,  18090. 
AUeniere,  étui  à  alênes,  4710. 
Allons  m'en,  allons  nous  en,  1135,  1240,  7296. 

Alloué,  a/ot's,  S7755. 

AUoy  :  mort  terrible  de  dur  alloy,  16"^5. 

Aloser,  louer,  3346,  etr. 

Ambdeuz,  tous  deux,  2610,  etc. 

Amble  (grant),  au  plus  vite,  20160. 

Amblee  (a  I).  Voy.  Emblée. 

Ambler.  Voy.  Embler. 

Ambuler,  marcherj  12443. 

Ame,  personne,  7321,  17C62,  etc.:  rnasc,  ame  de  nous  n  v 
est  venu,  98'6;  il  n'ara  ame  grevé,  22528. 

Amender,  s'améliorer,  7784. 

Amendrir,  amoindrir,  259. 

Aménité,  SSO. 

Amet,  piège,  ruse:  s'ilz  nous  tiennent  en  leurs  ann'-s, 
19223  en  note,  19235  en  note  ;  et  si  soubtil  en  tous 
amès,  32473. 

Amiable,  120,  etc. 

Amoderer,  adoucir,  i^\  régler ^  2hil&;  arranger,  £59*2. 

Amour,  fém.,  8004. 

Ance,  anche,  tuyau,  4349. 

Ancelle,  servante,  1880,  etc. 

Anchois,  avant,  2532,  etc. 

Angle,  ange,  205,  etc. 

Annoy,  9336.  Voy.  Ennoy. 

Ante,  tante,  24319. 

Antenois,  de  l'année  passêcy  spec.  jeune  animal  d'un 
an:  il  rit  du  bout  du  dent,  c'est  risée  d'ung  antenois, 
20233. 

AorneFf  orner,  5578. 

Aourer,  adorer,  6003,  etc.;  monos,,  6816. 

Apenser,  20202. 

Apoint,  2192.   Voy.  Appoint. 

Apolin,  30647;  Apolo,  7483,  7497. 

Aposte,  en 2)îace,convenablemenlfGS37,  etc.  Voy.  Poste. 

Apostiller,  amplifier,  20356. 

Apotagé,  arrangé  comme  un  potnge,  17228. 

Appaisier,  contenir,  em,pécher,  29308. 

Appareiller  (s'),  s'égaler,  5263. 

Apparoir,  apparaître,  6630,  etc.;  s'apparoir,  32195. 

Appatis,  domaines  :  courez  moy  tous  nos  appatis,  1714. 

Appert,  évident,  9864,  etc.  ,■  habile,  23809;  en  appert, 
oucertement,  9097. 

Appoint  ;  mal  appoint,  désagréable,  3767. 

Appointement,  sentence,  3232,  etc. 

Appointier,  arranger,  13628. 

Apprécier,  payer,  21702. 

Apprendre  :  apprendra  aller,  apprendre  à  marcher, 
7783, 


Appresser,  ap2yrocher,  5736. 
Appreste,  prépnratif,  4626,  etc. 
Apprestement,  5926. 
Aprochement,  10602. 

Arabe,  Arabie,  6069,  8799. 
Arbaleste,  niasc,  24756. 

Arbrîer,  madrier,  30892. 

Arche,  sommet,  10645, ^(c;  tombeau,  30754. 
Archedeclin,  20024;  (nom  jiropre),  11289,  etc. 

Archeprestrise,  souverain  pônti/icat,  9>4:ï. 

Ardence,  ardeur,  19579. 

Ardre,  brûler,  1037,  etc.;  pirU  pass,  ars,  11277. 

Ardure,  brûlure,  12333. 

Argu,  soupçon,  11295;  au  phir.,  discussions,  raisonne- 
ments, 187,  etc. 

Arguer,  reprocher,  754  ;  s'arguer,  se  fâcher,  27894. 

Arismetique,  2523. 

Armée,  expédition  en  armes,  27352,  etc. 

Aroyer  (s'),  se  mettre  en  ordre,  5419. 

Arrabi,  enragé,  19026. 

Arr  es  tance,  28657. 

Arrestoison,  retard,  10342. 

Arroy,  ordre,  5000,  etc. 

Assaisonné,  venu  en  temps  utile,  5572. 

Assener,  arriver,  28608. 

Assens,  direction,  1S014. 

Assenser,  indiquer,  9256. 

Assentement,  consentem''nt,  28101. 

Asservir  ;  de  riens  ne  nous  asservons,  365. 

Asseurement,  assurance,  19478. 

Asseurer,  devenir  szir,  29555. 

Assimply,  abattu,  attristé,  1133,  etc.;  humble,  1007G, 

Assortir,  établir,  12343;  s'assortir,  se  joindre,  .',844. 

Assourfi,  convaincu,  8501,  etr. 

Assouvir,  terminer,  552,  etc.  ;  part.  pass. ,  complet,  iS2i3. 

Assuffir,  satisfaire,  18837. 

Assumer,  prendre  pour  soi,  3234. 

Atache,  pot  eau,  i97bi. 

Ataindre,  toucher,  6095. 

Ataine.  gageure,  13417. 

Atampir,  écraser,  33390. 

Aterer,  Jeter  à  terre,  1910G,  etc. 

Aterminer,  arriver  au  terme,  18925,  etc. 

Atouchement,  contact,  7367. 

Atoucher,  13861,  29507. 

Atoumer,  parer,  5118,  etc.;  arranger,  6828,  etc. 

Atout,  avec,  4652,  etc. 

Atre,  cour,  19337. 

Attainte,  but,  16382;  faillir  a  ses  attaintes,  échouer  dans 
son  entreprise,  33476. 

Attendre  (s*),  n'en  remettre,  9419. 

Attendue,  attente,  16036. 

Attinter,  embarrasser,  25208. 

Attirer,  ordonner,  6821  ;  s'attirer  a,  s'employer  à,  15041 . 

Auffort,  23621.  Voy.  Fort. 

Aulmonne,  bonne  œuvre,  21492,  etc.;  aulmone  fleurie, 
23928. 

Aulmonuiere,  distributrice,  2717  ;  miséricordieuse,  6947. 

Auner,  asse7nbler,  20565. 

AuRORA.  20156. 

Austérité, /c'rocif^,  2.3051. 

Autel,  tel,  13043;  prenez  en  d'autant  et  d'autel,  tant  que 
vous  voudrez,  17713. 

Avaindre,  atteindre,  26895. 

Avancer,  faire  prospérer,  26883. 

Averir,  donner  pour  vrai,  vérifier,  6990,  etc. 


GLOSSAIRE 


Aveugleté,  145S6. 
Aveugllr.  1/.1U7,  iUH. 
Avoyer^  conduire,  5217,  fie. 
Ayde,  rim.  tm  ide,  593. 
Aymant,  trysiU.,  acier  très-dur 
l'ayinant,  15819. 


trop  poindre  fiult 


BASILOtHE,  95'i6. 

Badelaire,  coutelas,  28854. 

Bague,  peut  objet,  5513  ;  au  plur.,  bagages,  4191. 

Baguette,  dim.  de  bague,  -4700,  etc.  ;  bagatelle,  Ï7703. 

Bahut,  coffre,  5335. 

Baigner  :  mon  ciieur  de  leesse  se  baigne,  3S081. 

Baille  luy  baille,  loc.  iron.,  ii(i9s. 

Baing,  ijuin  :  le  baing  est  l'bault,  tout  est  prit,  ,"t0040. 

Bancquier,  banquette,  153iS0. 

Baptlzement,  10236,  etc. 

Barbe  :  tenir  barbe  d'homme,  faire  résiulnncr.  30218. 

Barbelé,  petite  barbe,  4652. 

Barbeter,  terme  de  musique,  3846.  Voy.  Marmole. 

Barboter,  remuer  les  livres,  19901 , 

Barge,  barque,  6828. 

Bartenr,  trompeur,  20853,  «<". 

Bary,  baril,  11001, 

Basilique,  basilic,  7316. 

Bastlller,  munir  de  bastilles,  21987. 

Bâtant,    trèa-vilo,   9151;    tout  bâtant,   tout   de  suite, 

7S52,  et\ 
Batilller,  assiéger  (f),  batailler  (f),  31106. 
Batlr,  disposer,  travailler,  17451,  18193. 
Batnre,  coups,  15137,  etc. 
Bandin,  baudet,  4634. 
Bave,  6.(iv(rdaj/e,  23805. 
Baver,  bavarder,  18670. 
Baveux,  médisant,  3049U. 
Bavoir  :  se  tenir  au  bavoir,  bavarder,  2501(1. 
Beau  :  parler  beau,  doucement,  27692;  vous  y  avez  très 

beau  choisir,!/  y  a  beau -oup  de  choi.T,  i^i'^;  vous 

l'orrez  belle,  3S51  ;  jamès  ne  Tarez  en  si  belles,  19115; 

ilz    nous    la  baulJront   belle  (s.  e.  la  balle),  au  fig., 

30291  ;  du  plus  belles,  31988. 
Bec^aune,  20O37;  bejaune,  rim.  en  ane,  6368. 
Bedel,  goujat,  18508.  Voy.  Sanglant. 
Begard,  nigaud,  25258. 
Bblot,  dim.  d'Isabeau,  7826. 
Bamna,  sot,  22370. 
Bende  :  porter  bende  a  tous  venans,  .''unir  pour  résister, 

26504. 
Benedict.  16203,  etc. 
Beneuré.  bienheureux,  261,  etc. 
BeneysBon,  bénédiction,  5)fô,  etc. 
Bénignité,  117'i7,  etc. 
Benltre.  béair,  31408. 
Benivolence,  2902,  etc. 
Benoit.  bnii,2mm. 
Benysson.  2J43.  Voy.  Beneysaon. 
Bornage,  ■iis^miblée  de  seigneurs,  7210,  etc. 
Besague.  17761,  etc. 
Bescousse,  tromperie,  33385. 
Besitre,  désastre,  916. 
Besoing,  extrémité,  excès,  14193. 
Besongnes,  choses  nécessaires,  5336. 
Bestial,  b.'te,  22953. 

Biens,  au  sens  spécial  cTaliments,  13870,  etc. 
Bienvalgner,  bien  accueillir.  15875. 
Bievre,  castor,  63i4. 


Bigot.  umA. 

Blaaphemaoio»  19034. 

Blasphème,  fém.,  wr,6 

Blasphemie,  11021. 

Bloquer,  a.i.iujrttir,  Ï48i7. 

Boban,  vanité,  ^U'^. 

Bobance,  ostentation,  16137. 

Boe,  boue,  142IX),  ««<•. 

Boire,  «M  A(;  ,  ÎI602,  21664. 

Boite  a  caillou,  prison,  £«34i. 

Bombarde,  pierrier,  1056;!. 

Bona  diea,  21500. 

Bonhommeau,  14104,  etc. 

Bonnement,  33. 

Bottne,  4727. 

Bouchete,  petite  bouche,  9408,  etc. 

Bouge,  sac,  bourse,  5335,  etc. 

Bouillir  :  part.  pais,  boulu,  7992. 

Boulaya,  verge  de  bouleau,  17372,  33118. 

BouUe.   Voy.  Ké. 

Bourder,  dire  det  bourdes,  23995. 

Bourdon,  bâton  de  pilerin,  30611. 

Bourgeois  (en),  à  la  façon  bourgeoise,  1739.'. 

Bourgeoisie  (tn),  iron.,  bourgeoisement,  17358. 

Boursier,  qui  lient  la  bourse,  11109,  etc. 

Bouter,  pousser,  7614,  etc.  ;  repousser,  9021. 

Boutlole,  masc,  hôtel,  maison,  18219. 

Bracquemart,  sorte  d'épie,  7043. 

Brandonner,  agiter  des  brandons,  1701. 

Brarie,  cris,  26035. 

Braaer,  emliraser,  211iJ."i. 

Brassage.  Voy.  Brasser. 

Brasser,  au  /;/.  421;  tout  tel  que  nous  l'avont  bretii 
le  l'aull  boire,  447  ;  m.  s.,  7821,  etr.  ;  qui  noua  ■  braa< 
cebrassin,  1512:1;  qu'on  luy  brasse  ungbrasain,172S8; 
si  Ires  mauvais  brassage  ne  brassatea,  t8261. 

Braasin.  Voy.  Braaaar. 

Brebiete.  brebis,  4089. 

Breborlons,  prières,  19900. 

Brehaigne,  stérile,  801,  etc. 

Breteoqner,  *m))ris«nn«",  23369;  enchaîner,  20120,  etc. 

Bric  .  estre  pris  au  brie,  être  pris  au  piège.  921. 

Brierment,  24086. 

Brieftë.  ;r80:. 

Briet,  nom  de  chien,  4733,  4781. 

Brigade  (virer  la),  s'enfuir,  7084. 

Briguenr,  intrigant,  2793S,  etc. 

Bring.  brin,  branche,  17378. 

Brocquart,  mot  piquant,  28^73. 

Brongnee.  coup,  19840,  etc. 

Brouet  :  au  fig.,  je  leur  ay  brasaé ce  brouet,  929. 

Brouillas,  brouillard,  4310. 

Bronlement,  opération  magique,  £2353. 

Brooleur.  (jui  lirouille,  sorcier,  14312,  etc. 

Brouiller,  faire  des  sorcellerie,  19725,  «te. 

Brubier  (?i  :  oneques  tel  de  bruhier  n'yssi,  21579. 

Bnoqnler,  frapper,  3I53U. 

Buffe,  soufflet,  1985'^. 

BufTer,  frapper,  20196. 

Bagla,  buffle,  iOeSa. 

Burganlt  (I)  :  quel  burgaull  120448,  22740. 

Burler,  munir  de  la  bulle,  29037,  29965. 

Baser,  bouder,  30816. 

Bnsine,  sorte  de  trompette,  3761 ,  etc. 

Bttslner,  sonner  de  la  trompette,  3747. 

Butor,  26512. 


456 


GLOSSAIRE 


Cabas  :  jouer  du  cabas,  eacroquci-,  2C367. 

Caboche,  tftc,  28855. 

Cabusement.  tromperie,  25226. 

Cabuseur,  trompeur,  18661. 

Cahu  caha,  rahin  cafta,  24840. 

Caignon,  petite  ceinture,  lien,  21937. 

Caille  :  prcndrR  une  caille  de  puis,   toml>er  par  terre, 

IM'.O. 
Calmer,  faire  le  calme  plat,  28734. 
Camus,  au  /ig.,  7395. 
Canepin,  gibecière:  au  f!g.,  fourrez  vos  canepins,  maii- 

qez,  12941  ;  bouter  en  mon  canepin,  «i.  s.,  17661,  et''. 
Cantique,  féin.,  31171. 
Capeline^  sorte  de  casque,  7527. 
Cappe  :  de  pié  en  cappe,  18598. 
Carculler,  calculer,  2523. 
Carence,  74 

Caterve,  troupe,  7504,  eto. 
Cault,  rusé,  7344,  etc. 
Cauteleuaemont,  arec  ruse,  220'i7. 
Cautelle,  )•««•>,  7134,  etc. 
CaTilIacion,  chicane,  10591. 
Cayment.  mendiant,  23990. 
Celestlal,  352,  etc. 
Celestien,  298,  etc. 
Celestre,  203,  etc. 
Celle,  chambre,  4106. 

Cellny,  cely  (n'a,  n'y  a),  sans  e.cceptinn,  5904,  8215.  etc. 
Celsitnde.  2098. 
Cendal,  élo/fe  de  soie,  26827,  etc. 
Cent  :  cent  contre  ung  (s.  e.  je  gage),  86229. 
Ceptre,  .sceptre,  1934,  etc. 
Cercher,  aepchep,  chercher,  13645,  etc. 
Cercns,  1694.  Voy.  Sepcus. 
Cerne,  cercle,  5255. 
Cerner,  entourer,  2i29. 
Chalemelle  (jouer  de  la),  parler,  11237. 
Chaloir,  importer:  ne  vous  chaille,  2537. 
Champs  (rendre  les),  rappeler  ù  la  rie,  25914. 
Chance,  point  qu'on  amène  aux  rlés,  25~i36. 
Chandelier.  Voy.  Prest. 
Chandelle.  Voy.  Souffler. 
Chanter,  dire,  réciter.  10730. 
Chanterie,  3834. 
Chapeau,  couronne  :  au  fig.,  il  est  maint  plus  beau  cha- 

peRu,  il  y  a  bien  des  chose.':  plus  agréables,  22637. 
Chartre,  prison,  433,  etc. 
Chastoy,  punition,  6228,  etc. 
Châtaigne  (pellar),  s'amuser,  7524,  86595. 
Chausse.  Voy.  Jambe,  Tirer. 
Chayere,  chaire^  21343. 
Cheminer  le  pas,  5803. 
Cheoir  .■  s'il  cliet,  s'il  arrive,  2480. 
Chère,  chiere,  visage,  1357,  etc.  :  a  chère  lye,  la  mine 

joyeuse,  22425  ;  bonne  chiere,  7278,  etc. 
Chevance,  bien,  avoir,  14076. 
Chevetain,  chef,  capitaine,  8443, 
Chevir,  renir  à  bout,  2755,  etc. 
Chlpotrer,  tourmenter,  22159. 
Choisir,  aiiercecoir,  4268,  etc. 
Choix,  élite,  8S11,  13205. 
Chosette,  dim.  de  chose,  8115. 
Cbyeaaet,  petit  chien,  12316. 
Circonclr,  5979. 
Clroonvolu,  20149. 
Circuir.  entourer,  ?129  ;  tâcher,  7339. 


Circuits,  circonférence,  286. 

Clain.  clameur,  30004. 

Claré.  l'in  épicé,  25950. 

Clarir,  respleniHr,  13210. 

elle  clic,  onom  ,   5516. 

Cliquaille,  menu  butin,  7591. 

Cliquer,  pétiller.  9.38. 

Cloant,  agrafe,  4700. 

Cloche  :  ils  sont  fi-otés  a  grosse  cloche,  le  mieux  pos^ 

sihte,  10533. 
Clocher,  boiter,  lOrjSO,  etc. 
Clop,  boiteux,  13537,  15583. 
Cloto,  7499. 
Cloye.  rtaie,  4776. 

Cochevieulx  .lorte  d'alouette  :  au  fg.,  imiiécile,  24684. 
Cocodrille,  26384,  etc. 
Cocquart,  sot,  2.-274. 
Cocquols  (en),  niaisement,  1294?. 
Coffln,  panier,  4722. 
Cognlclon,  2625. 
Cointoler,  parer.  4678. 
Colege.  société,  1095?. 
Command,  ordre,  4948,  etc. 
Commeotre,  compromettre,  2709. 
Commun,  communauté,  20230. 
Compaignier,  accompagner,  4426,  etc. 
Comparer,  payer,  i,  etc. 
Comparnit.  3772. 
Compas,  mesure,  14029. 
Compasser,  mesurer,  2123,  etc. 
Compeller,  forcer,  appeler  en  justice,  21751;  compeller 

a,  répondre  à,  21775. 
Complectionné,  25428. 
Comprendre  (se),  .•:'accor<ler,  30260. 
Comturber,  troubler,  6168. 
Conart,  sot,  22894,  22937.  Voy.  Cornart. 
Concierge,  gardien,  7200. 
Conclaveure,  trace  de  clou,  31380. 
Conclus,  résolu,  6516,  etc. 
Concorder,  collationner,  9138. 
Cencuelllir,  ramasser,  11678,  14622. 
Condescendre,  consentir,  9654,  etc. 
Condigne.  3448,  etc. 
Conduit,  cortège,  réception,  16206. 
Conduite,  21300. 
Confesse,  nreu.  2iS76. 
Confflre,  /■<!»•(•,  21860;  imbiber,  24559. 
Congneus,  connaissances,  9234. 
Congnoistre  de,  avouer,  27887. 
Congreer.  plaire,  22231. 
Consentir;  part.  pass.  consentu,  .5294,  etc. 
Consolatif,  2069. 
Consumer,  renir  a  bout,  10876. 
Consonner,  s'accorder,  3154,  etc. 
Consorte,  3591,  etc. 
Consulteur,  30371. 
Contendre,  s'e/Jurcer,  10698,  etc. 

Contenemant,  manière  de  se  tenir,  13201,  14179.  32149. 
Contenue,  abondance,  31697. 
Content,  querelle,  23040;  c'est  content   de  vérité,  c'est 

aller  contre   la  vérité,  2268. 
Contraict,  estropié,  13141. 
Contraire,  dissension,  30280. 
Contre  sus,  fém.,  terme  de  musique,  3837. 
Contredit,  jugement  contradictoire,  2238. 
Contrepenser,  réfléchir,  10803. 


(î  L  0  s  s  A  I  R  y. 


4.-.7 


Contrire.  2i.<8:). 

Controversie,  i't'tOl. 

Convainquir.  2068?. 

Convenant,  3010. 

Convenient,  convennhU,  r>01. 

Ccnvenir,  se  réunir^  :i410. 

Converser,  habiter,  ÎHn. 

Convine,  "usevihlèe,  S4012. 

Convoy.  e.trofle,  5489,  etr. 

Convoyer,  rondiiire,  5370,  ete. 

Oopple,  prociftion,  communiration.  15150,  etr. 

Coppier.  fournir,  donner  communi'alion,  iôôli. 

Coquardeau.  not,  93$i:i. 

Coquardie,  sottise,  191',5. 

Coquart.  iiinllnril,  112:!6,  etr. 

Coquibus,  sot.  22390,  22952. 

Coquidé.  sot,  19634. 

Coqulnaille.  18368. 

Corbatre.  29304.  Voy.  Conrbatre. 

Corde  (de  nostre),  île  notre  pnrli,  30461  :  »i.  s.,  341'0. 

Cordelle.  rorrte,  chaîne,  3S54,  etc.  :  il  est  de  sa  conlcllo, 

.;.•  .in  Uande,  27867. 
Cordellé,  /•.(/£  de  corde,  22767. 
Cornart,  snl,  22894  en  note,  22937  en  note. 
Corner,  sonner  du  cor,  50694  ;  rorner  Jirise,  sonner   la 

prise.  1702. 
Cornette,  5.'>36. 
Cornu,  bi:,irre,  22399. 
Corpulence,  corps,  10374. 
Corruptif,  qui  corrompt.  7949. 
Gorsu,  c/ui  a  du  corps,  22957. 
Côtoyer,  toucher,  22294. 
Coucher,  exposer,  8972. 
Couleur,  ruse,  17173. 
C:anloa,  rolombe,    10429,    11850;  piyeon,  1139i;  poiilon 

tul)é,  pigeon  pattu,  7606. 
Conlpe,  /(>««<!,  1293,  etc. 
Cour  frtM  ^*>ii  de  cours,  powr  M  rime),  5257. 
Conrbatre,  26352. 
Courbon,  ronipa>7non,  15657. 
Coureux,  coureur»,  27965. 
Coargee.  ètririère.  22767. 
Courre,  rourir  :   après  roup  perd»    n'est  nul  courre , 

26351. 
Courrle,  artion  de  courir,  17362,  26151. 
Courroy  ;  souUiers  de  rourroy,  -routiers  rorroyés,  4710. 
Cours  (le),  au  plus  vite.  2437,  17336;  le  grant  cours,  tu. 

.••■.,  10681. 
Courser,  courroucer,  23774. 

Cousin  :  tant  est  bien  mon  petit   rousin,  tant  je  l'aime, 
5495;  suis  je  vostre  cousin?  est-ce  que  je  voua  aimef 

Coussin  (muser  d'ung),  perdre  son  temps  (?),  6785, 2S941 . 
Coustz  :   n  ses  chers  coustz,   A   son  grand  détriment, 

4782,  ete. 
Couvent,  assemblée,  17918,  etc. 
Couver  :  le  sanglant  gibet  le  couva.  15534  ;  que   tout  le 

dcable  te  couva,  263C0. 
Couvitt,  rf^uniort,  3912,  etc. 
Coy,  Iranciuille,  4597. 

Crachier,  act.,  couvrir  de  crachats,  27507,  308.">O. 
Cranter,  affirmer,  22194. 
Craventer,  crever,  15048,  etc. 
Crappaux  :  s'il  gelloit  jusques  aux  crappaux,  4849.  Vo</. 

EnffM. 
Credence,  croyance,  4980. 


Crédulité,  croyance,  4124,  ete. 

Craeur,  c,fateur,  5812. 

Cremeur.  crainte,  1397,  etc. 

Cremir.  craindre,  16765,  etc.;  part.  7>"»«  cr^mMi.  270-7 

Créneler,  ai,  /Ig.,  22794. 

Cressementa.  salive,  14t05.  . 

Crimlnal.  13600. 

Crocquler,  attraper,  S57^, 

Crois  :  quand  ce  sont  dix,  Taia  une  crois,  StSU). 

Croquer  :  gringotez  et  c.-oquez  vos  notes,  3845  ;  <ij  /g., 

2:i:i70. 
Croqueter.  frapper,  Î0877,  etc. 
Crotar  :  or  le  fais  court,  qu'il  ne  »e  croie,  lil,.,7. 
Cruches  de  plarro,  1126;}. 
Crudellt«,  2465,  ete. 
Crupeter,  gravir,  13181,  etc. 
Cruppe,  croupe,  4779,  etc. 
Cryee,  réputation,  13464. 
Cnelller,  recueillir,  20021. 
Coldiar,  arrogance,  14628. 
Coller.   Vn;/.  Pot. 
Cy  pris  oy  mis,  tout  autsilit,  17646,  *le. 

Damp,  seigneur,  81577. 

Dampnement,  1846,  etc. 

Danger  ;  ({u'ils  sont  de  faim  en  grand  danger,  462.1  ; 
refus,  31143. 

Bans,  dedans,  11101. 

Dard,  hameçon,  30488. 

Darde,  dard,  81893. 

Dea,  mono».,  exelam.,  38413,  tic. 

Deabla,  dtsyt.,  437;  le  deable,  beaucoup  de  elioses  éton- 
nantes, 18764;  je  ne  sc«y  qui  deable  l'arreele,  82V7I, 
Voy.  Sanglant. 

Deablerle,  614i\ 

Deablos.  3g',4. 

Debltoribus  noatris,  6781. 

Décent,  convenable,  6692. 

Decevance,  21804,  etc. 

Decberpir.  déchiqueter,  19278. 

Déceler,  tranrher.  8647,  ete. 

Deconfortar,  24056. 

Décoré,  illustre,  8953. 

Decoste,  à  côté,  4629,  etc. 

Decoulper.  excuser,  15834. 

Déduire  (se),  se  réjouir,  12173. 

Déduit,  amusement,  4677,  etc. 

Deffacer,  défîgurei-,  30865. 

DefTaire,  tuer,  1428. 

Deffaulte,  faulle,  2480  ;  ma)ique,  r.667,  etc. 

DefTermer,  détacher,  0988. 

Defflcher,  26916. 

Deffonder.  dépouiller,  390,  de. 

Delayance,  retard,  66.35. 

Délayer,  attendre,  3(ft64,  ete. 

Délicieux,  qui  ril  dans  let  délieet,  11771, 

Delitable,  délectable,  576,  ete. 

Delitenx,  délectable,  66S6,  et-. 

Délivre,  suhst.,  délirrnnce,  Î5457. 

Délivra,  adj.,  délivré,  95,  etc.  ;  alerte,  19089. 

Délivrer,  ccni'r  à  bout  de,  7757. 

Demaina,    domaine,  834,  etc.;   eontluile,    84662;    frm. 

32T34. 
Demanevar,  laisser  échapper,  04S0. 
Demis,  aboli,  9S48. 
Demiseau,  damoiseau,  84715. 


458 


GLOSSAIRE 


Demogdorgon,  dieu  ^aïenf  7500. 

Semoniacle,  12261. 

Demoniaclerie,  12258. 

DemoDStrance,  3203,  etr. 

Demour,  demnire,  18349. 

Demourance,  11719,  etc. 

Demouree,  retard,  4006,  etr, 

Demussons  (enj,  en  cnchelte,  12866,  19352. 

Demy  :  pitié  ne  demye,  aucune  pitié,  23943;  nous  n'atten- 
drons pas  ne  demy,  pas  le  moins  du.  monde,  2i3SJ. 

Denonceur,  10;9j,  etc. 

Denrée,  chose,  24655. 

Dent,  7nasc.,  2u232. 

Deo  gracias,  4311. 

Départ,  déchirement,  9198. 

Département,  départ,  7554,  '  (''. 

Départie,  départ,  8286,  etc. 

Depert,  départ,  27175. 

Depesclier,  débarrasser,  42â2. 

Déport,  pitié,  13288. 

Déporter  (se),  s'abstenir,  1500,  22048;  aller  en  se  dicer- 
tissant,  51C9. 

Depossesser,  1509. 

Depostir.  enlever,  17083. 

Deppointier,  mettre  en  mourais  point,   243,!;  accuser, 
15559.  Foy.  Despointier. 

Depporter.  donner  un  délai,  attendre,  2771. 

Depreder,  piller,  violenter,  18393. 

Deprier,  prier,  18505,  etc. 

Depalser,  34215. 

Deputaire,  rnaucais,  22788. 

Députer,  envoyer,  11052. 

Desbatre  (se),  se  quereller,  9813. 

Desbillier,  dévêtir,  19765,  24629. 

Desbrasser,  défaire,  31949. 

Descharpillier,  détacher,  22756. 

Deschaulx,  déchaussé,  1289. 

Desconffît,  lassé,  ïn-ajjaô/e,  8161. 

DesconfTort,  7362. 

Desduire,  amuser,  8117. 

Désert,  jierdu,  ruiné,  10464. 

Déserte,  récompense,  11990  ;  service,  13iOS,  elc. 

Désespérance,  2178!),  etc. 

Desevrir.  séparer,  28651. 

Desguiser  ;  part.  pjss.  desguisé,  étrange,  22412. 

Desirier,  désir,  1055. 

Desjeuner,  act.,  20916  ;  se  desjeuner,  31794;  estre  des- 
jeuné,  4305. 

Desjung,  action  de  rompre  le  jeûne,  15303. 

Desmerite,  22483. 

Desmesure  (a),  1207,  etc. 

Desmoderer  {se)fperdre  la  modération,  19081. 

Desmonter,  démunir,  270S1. 

.Desmouvoir,  enlever,  30975. 

Desnaturel,  contre  nature,  26106. 

Despacifier,  23081. 

Despaisier,  perdre  le  calme,  s'agiter,  17093;  se  despai- 
sier,  26339. 

Despasser  (se),  gagner  le  large,  327 :i5. 

Desperacion,  22166. 
Despit,  odieux,  3018. 

Despiter,  fâcher,  19030. 
Despitens,  furieux,  7319. 
Desplaisamment,  1457. 

Despointier,  maltroiter,'iiZ<}'î>l  ',  mettre  en  mauvais  état, 
24654. 


Desrain,  dernier,  16907. 

Desrobement,  26342. 

Desroy,  désordre,  2932,  Î0333.  etc. 

Dessaisiner,  déposséder,  23301. 

Dessembler,  séparer,  13258. 

Desserrer,  résoudre,  33067. 

Desserte,  salaire,  12894;  sans  quelque  desserte,  s,ins  le 

mériter,  28206. 
Desservir,  mériter,  2()04,  etc.  ;se  desservir,  être  récom- 
pensé, 6578. 
Dessirer,  déchirer,  1412. 

Dessus,  terme  de  musique,  3838, 174W;  «la-.,  chez,  22439. 
Destendre,  déployer,  28646. 
Destourbance,  16664. 
Destourber,  créer  des  embarras  à,  6109. 
Destourbier,  peine,  22004. 
Destresseux,  16580,  28293. 
Destroit,  subst.,  endroit  retiré,  194Û7  ;  en  telz  destrois, 

dans  une  telle  détresse,  27886  ;  adj., rigoureux,  16823  ; 

au  destroit,  étroitement,  13468. 
Desvé,  fou,  7308. 
Desver,  devenir  fou,  10482. 
Desvier,  perdre  le  sens,  16776. 
Desvoyer,  égarer,  12537,  14145. 
Detestacion,  30963. 
Detrier  (se),  séjourner,  18504. 
Devaller,  descendre,  13335. 
Devis,  discours,  3218,  etc. 
Devises,  paroles,  5266. 
Dévoiler,  .s*"  répandre  en  volant,  7234. 
Dextre,  droit,  6891,  etc. 
Diablerie,  3833. 

Dictlé,  comjtosition  poétique,  3658,  etc. 
Diffame,  subst.,  662;  adj.,  13960. 
Difformer,  2638. 
Dilaclon,  délai,  57,  etc- 
Dilection,  14941,  etc. 
Diligenter,  faire  diligence,  agir,  9325. 
Discipline,  exécution,  7270;  désastre,  7693 
Discort,  discorde,  24,  27,  etc. 
Discuter,  se  détacher,  tomber,  10190. 
Diseteux,  pauvre,  0699. 
Disme,  dixième  partie,  29308. 
Dismer,  prendre  pour  la  dîme,  22993. 
Disné  (estre),  29930. 
Dispencer,  donner  la  permission  :  dispencez  inoy  donc 

du  faillir,  671. 
Dispert,  dispersé,  25048. 
Dissentir,  être  en  désaccord,  12  !6S,  elc. 
Dissonance,  l'esaocord,  2386. 
Distracteur,  séducteur,  10675. 
Dittier,  5506.  Voy.  DlcOé. 
Divers,  étrange,  33358. 
Diversoire,  auberge,  5718. 
Dateur,  douleur,  (pris  adverb.)  beaucoup,  19310,  21036, 

22818,  23984. 
Domine,  puissance,  5399;  fém.,  6227. 
Domine,  lat.,  33466. 
Doré  :  ongnement  doré,  28407. 
Dormicion.  1'i9j9. 
Double,  terme  de   musique,  3839;  a  sept  doubles,   au 

septuple,  1200. 
Doubtance,6607,  etc. 

Doubte,  fém.,  3769,  et:  ;  pour  doubte,  de  peur,  7294. 
Doubter,  redouter,  5428;  se  doubler,  douter,  20290. 
Doucet,  3867  ;  douloet,  5513. 


G  li  0  s  s  A  I  R  K 


AM 


Douer,  21179,  ef. 

Oouloir.  reijrelter,  2j10;  sn  ilouluir,  sV/T/iV/T,  1130,  rlf. 

Douloire,  doloirf,  25690,  elr. 

DoulouzeF,  se  plaimlre,  135'',  etr. 

Doutance,  15S1.  Voi/.  Doubtance. 

Dragant,  {/ommf  adr<ujiiiUr  :  nn'sh-z  du   ilrn^ant  nvcf 

r.-igo,  12267. 
Dragonneanlx,  22112. 

Drapeau,  fnanf<;au,  14'J90  ;  drappoaulx,  lanyi^ft^  5153. 
Drapelez,  Innges^ttli^. 
Droiturier,  2738,  etc. 
Dubilacion,  4244,  etn. 
Ducteur,  nuide,  10,367,  rtr, 

Dulre,  duyre,  convenir^  12026,  ^(r.  ,■  i'iixfî(fnt*r,  iWT,  etr, 
Durté,  23941. 

Eaue,  irixi/ll.,  17618,  17994,  rir. 

Ecquarre,  éfjuet'i'e,  2.5745. 

Edifier,  munir,  597. 

Edire.  déifèter,  14389. 

Effondre,  répandre,  34114. 

Effree  (pour  offreee)  :  a  voix  effre*»,  (Xune  voir  rctnilin- 

x.iiilr,  23S55. 
Effroy,  riolence,  2262. 
Elacion.  nrrognnce,  10695,  etc. 
Embasaateur,  nmbasf^adeur,  1717. 
Embatonner,  armer,  18556, 19205. 
Embatre  (s'I,  venir  rapidement,  2SS12. 
Embesongner,  empêcher,  6.588,  et  \ 
Emble  (grand),  30282.  Vot/.  Amble. 
Emblée  (a  1'),  ctandestinem-iit,  15552,  '■('■. 
Embler,  ravir,  13420,  etc. 
Emblure.  allure,  14361. 

Emcombrier,  embarras,  empêchement,  5^7,  etc. 
Emmanteler,  4799. 

Empescher,  embarrasser,  16817  ;  tracasser,  32104. 
Empreindre,  marijuer,  20934,  ete, 
Emprendre,  entreprendre,  107,  3102,  etc. 
Emprès,  nupr'''^,  4617,  etc. 
Empreu  {terme  de  Jeu),  eu  prenii-fr,  22844. 
Emprinse,  entreprise,  19133  ;  emprise,  27793. 
Enarguer,  fâcher,  23S2S). 
Enboer,  rouvrir  de  boue,  14134. 
Encement,  ensement,  de  «iif me,  8061 ,  etc. 
Enceper,  mettre  en  cep,  278vj4. 
Enchanterie,  152i4,  etc. 

Encharger,  recommander,  20108  ;  acculer,  32372. 
Encombre,  fém.,  33529. 
Encontre,  rencontre,  14939. 
Encorner,  insinuer,  souf/ter,  7440. 
Encourir,  ert(rej)ren'/re,  10010;  tomber,  arriver,  10108. 
Endurci,  accoutumé,  li636. 
Enferme,  infirme,  malade,  4434, 
Enffançon,  petit  enfant,  5480,  «le, 
Enffançonnet,  petit  enfant,  5621 .  et\ 
Enfferrer,  27SS4. 
EnfOé,  orûrweiV/ew.T;,  16S06;  excité,  monté:  plus  onflU'S 

qun  crappaux  ,  21330  ;  plus  enfâés  qu'une  j^paigne, 

30001. 
Euffroidurer,  19470. 
Enfouer,  enfouir,  21710, 
Engaigne,  colère,  10479,  etc. 
Engendre, /'e'm.,  acte  d'engendrer,  40SI,  4152. 
Engendrement.  ;iénéralion,  7142. 
Engigner,  tromper,  21612. 
Engin,  esprit,  707,  etc.  ;  moyen,  907. 


Engrant,  désireux,  empretté,  tSOU,  etc. 
Engreger,  t'aggraver,  ISflO. 
Engroailr,  40<M. 
Enhort.  «mkOTt,  conseil,  JSSi,  etc. 
EnhortemenI,  conseil,  tStTO. 
Enliorter,  comêiller,  33027  ;  parler,  1(W50. 
Enluminacion,  14449. 

Enluminer,  briller,  53t1  ;  rendre  la  vue  à.  1353B. 
Ennojr,  '-n'iui,  14859  ;  rim.  en  ol,  3526. 
Ennnyt.  cette  nuit,  4843,  etc. 
Enoingdre,  13801,  2S420,  etc. 
Enormal,  prodigieux,  {0603. 
Enquerre,  enquérir,  6675,  8701 . 
Ens,  <ie<i>iiu,  10186. 
Ensaiainer,  <(ii«ir,  22072. 
Ensongniier,  embarrasser,  affairer,  173.50. 
Enionne.  .souci,  17920  ;  au  plur.,  U733. 
Enssuivre,  suivre,  13570,  etc.:  ensuyvir,  B971,  etc. 
Eut,  rim.  eu  ent,  729. 
EntallenM,  désireux,  3S2S. 
Entecher,  infecter,  10337. 
Entendible.  20569,  etc. 
Entendis,  tandis,  24569. 

Entante,  ce  A  r/uoi  on  l'enlenrl,  7801,  etc.  :  ee  qu'on  en- 
tend, 9095,  e(e. 
Ententif  (estre),  s'occuper,  1562, 14645. 
Enter,  /'rer,  5007. 

Enterln,  ender,  10318,  etc.  :  sincère,  3,i7l,  etc. 
Entériner,  rendre  complet,  33240. 
Entester.  fropper  sur  la  tile,  33332. 
Entre  vous  deux,  d  rous  deux,  14372. 
Entrechange,  acte  fTalterner,  3S315. 
Entrecongnoistre  (s*),  1315. 
Entrelarder  (•'),.«  faufiler,  20071. 
Entremès.  dirertistement  pendant  le  repos,    12077  ;  a* 

fin.,  ;r>437. 

Entremetre  (■').  »'0<!cup«-,  47271 . 

Entrestre,  assister,  21162, 

Entresuyvir,  18374, 

Entretenement,  entretien,  0745. 

Envair,  "ttaquer,  23574. 

Envaye,  incursion,  15743. 

Envers  :  cy  envers,  de  ee  eôlé-el,  6067. 

Enverser,  venrer«er,  21171. 

Envis,  milgré  soi,  8113,  etc. 

Envoisement,  réjouissance,  32814. 

Envoyserie,  réjouissance,  328U). 

Eqoal.  C'i'il.  256. 

Equalitë,  10117. 

Equiparaat,  équivalent,  374. 

Erre,  course  ;  grant  erre,   fou»  de  suite,   50  e(e  ;  fém., 

lionne  et  grant  erre,  pro»i;)(emen»,  4317  ;  bonne  erre, 

ri(e,  11261,  e(e. 
Esbanoy,  dirertitsemeni,  4714. 
Esbanyer  (s'),  se  divertir,  18584. 
Esbatement,  12030. 

Esbatre  :  en  esbatani,  en  plaisantant,  300%. 
Escaille,  plai.<iam.,  armure,  27966. 
Escarbote,  escarUot,  28900. 
Escarmonchler,  combattre,  frotter,  28810, 
Escarmuche,  7305,  etc. 
Escarmye.  bataille,  27930. 
Escarrir  la  place,  rider  la  place,  S;663.  etc. 
Eschapper.  fiire  parlir,  7846. 
Eschar.  minime,  mesquin,  31201,  etc. 
Escheoir  :  part.  pas»,  eacbeut.  9777. 


-'iCO 


G  L  O  S  S  A  1  R  E 


Eschever.  èriter,  3(W1  ;  jtréxprrer,  ploirini':-.  l'i'îeri. 

Esclandir,  esdandrir.  ditfnmfr,  4158,  etc. 

Esclandre,  srandale,  13108,  flf. 

Escondir,  refuser,  1377'i,  ef. 

Esconsser.  racher,  7ii2, 

Esconvenir,  élre  nécessaife,  falloir,  3  7'i9. 

Escorpion,  :^4152. 

Escourgee,  22836.  Voy.  Coupgee. 

Escûurre,  secoufy,  2ii~S9;  ne  m'esoouoz  point  il*'  la  muse, 

*!•  me    contoz  pns  d"  lialiri-rni'S,  33'i3C;  jyirt.  })n,«.<., 

pscoux,  20892,  etc. 
Escout,  aiti'icnce,  4518. 
Escremie,  bataille,  18589. 
Escroter.  ih'crotter,  torcher,  10515. 
Esdresser,  redresser,  3697. 
EBgard,  moment,  1483. 
E^ouir,  7101,  etc. 
Esjouyssance,  32947. 
Eslargir,  ''onner  libéralement,  2i22','>. 
Eslite  :  a  l'eslite,  au  choix,  33423. 
Eslongner,  s'éloigner  de,  4024,  etc. 
Esmayer,  èpoui:anter,  15857,  etc. 
Espace,  A"')»..  13170. 
Espardre  (s'),  se  disperser,  1087. 
Espars,  alerte,  27344. 
Especial,  8579. 
Esperique,  sphèrique,  275. 
Espesse,  apparence,  27089. 
Espie,  masc,  espion,  19296,  etc. 
Espier,  dépouiller,  788. 
Espinoche^  morceau,  aiguiïlette,  63.9. 
Espirituel,  11659. 
Esplourer,  couvrir  de  pleurs,  16394. 
Espoir,  adv.,  peut-être,  704,  etc. 

Espondre,  e.vpliquer,  6418,  etc.  ;  part.  pass.  cspoiis,  9635. 
Espourris.  mêlée,  27719. 

Espousee  (aller  a  pas  d'),  aller  lentement,  20273. 
Esprendre,  allumer,  3201. 
Espriser.  30.522. 
Espurgement,  10250. 
Espurger,  10251. 

Esquarl  (virer  a  !'),  s'enfuir,  27989.  Voi/.  Escrrrir. 
Esroguié,  arrofjant,  26272. 
Esseullé,  seul,  21543,  etc. 
Essoine,  souffrance,  peine,  9547,  etc. 
Estable,  stable,  10268. 
Eslancher  la  fain,  16402,  etc. 
Estature,  £96,  etc. 
Estatat,  16716. 
Estauré:  en  inale  heure  fus  esi&nvè,  maudite  soit  l'heure 

qui  t'a  vu  naître,  3262. 
Estelle,  étoile.  5285,  etc. 
Estoffer,  estopher,  garnir,  17571,  30204. 
Estorer,  ]irèparer,  17597. 
Estradeur.  batteur  d'estrade,  33409. 
Estraignement  de  dens.  17158. 
Estraine  :  a  l'estraine,  5104;  Dieu  leur  envoyé  pute  cs- 

traiiir,  l'.314. 
Estrainee,  étrenne,  22145. 

Estrainte  :  unes  estraintes,  des  toui^nents,  33i77. 
Estrange,  étranger,  8474,  etc. 
Estranger,  éloigner,  17470. 
Estrir,  dispute,  30072  ;  opposition,  21321,  etc. 
Estriner,  èlrenner,  5542. 
Estriver.  aller  contre,  7187,  etc.  ;  en  estiiver,   douter. 

11321  ;  s'estriver,  s'opposer,  16309. 


Estudie.  élude.  20412. 

Estuver,  brûler,  10522. 

Et  cetera,  9580. 

Eternal,  2063,  7299,  etc. 

Ethiope.  Ethiopie,  10655. 

Euvangille,  fém.,  16007,  32617. 

Evaser,  liouccr  une  échappa' oire,  9117. 

Evesque;  aller  a  pas  d'evesque,  aller  lentement.  19ÎS7. 

Evocqaer,  appeler,  ,33296. 

Examiner.  1627. 

Exaulcer,  élever,  8917. 

Exciter,  exiter,  éreilh-r,  002,  etc. 

Excusacion,  2506,  et-. 

Excusance,  24203,  etc. 

Exemple,  fém.,  8653. 

Exillier.  endontmager,  24634. 

Expenser,  imaginer,  6779. 

Expier,  purifier,  27598. 

Expirer,  e.vhaler,  10002. 

Exploiteur,  exécuteur,  27810. 

Exploitier,  terminer,  1605. 

Exterrir,  effrayer,  £9040. 

Extorcion.  tourment,  3:922, 

Extordre,  smi-itraire,  32563. 

Exultaclon,  1981,  etc. 

Fabler,  raconter,  14322. 

Fabuze,  tromperie,  16281  ;  fabuse,  17485. 

Façon  :  de  façon,  de  bonne  façon,  6768,  ef. 

Facteur,  fauteur,  19663,  etc. 

Facture,  création,  295,  etc. 

Fade,  mal  portant,  faible,  12100,  etc. 

Faerîe,  enchantement,  22947. 

Faille,  faite,  18470,  etc. 

Faillir,  faute,  8471. 

Fain  (avoir),  avoir  désir,  7520. 

Faindre,  se  lasser,  renoncer  à,  1265,  etc. 

Faire  :  eomment  le  fait  ?  comment  va  ?  15307. 

Falace,  ruse,  676,  etc.;  fallace,  2431  ;  sans  fallaee,  sans 
se  tromper,  3134. 

Fallee,  faillie,  S8741. 

Famé,  renom,  7909,  etc. 

Famée,  bruit,  renommée,  1644. 

Famis,  affamé,  912,  ««t. 

Fantasier  (se),  se  laisser  aller  à  son  imagination,  2725 î, 

Faon,  petit  de  l'animal,  16091. 

Farcer,  faire  une  farce,  7822,  etc. 

Fatras,  256S3. 

Fatrouillier,  barricader,  29951. 

Faulcere,  faussaire,  30490. 

Faultre.  Voij.  Lance. 

Feablement,  loyalement,  27567. 

Fel,  cruel,  perfide,  9998. 

Fenir,  finir,  2730,  etc. 

Ferial,  de  fête,  3864. 

Ferir  :  part.  pass.  féru,  22125. 

Fermail,  agrafe,  4241. 

Fermer,  fixer,  maintenir,  12275. 

Ferre,  paille,  5051. 

Ferré,  27969. 

Fervestu,  vêtu  de  fer,  18544. 

Fester,  chômer,  ne  rien  faire,  22S15,  24567. 

Festivité,  4915,  etc. 

Fêtard,  iJaresseux,  24412,  etc. 

Feur,  marché  :  tel  feur  tel  vente,  comme  nous  le  trou- 
verons, 19083. 


GLOSSAIRE 


m 


Fève  (poy  de  la),  mi  pom'  rii-e,  l'ÙTu 

Fevre,  forgeron,  23747,  <■(<■. 

Fiance,  0570,  etc. 

Fid,  siîr,  14405. 

Flena,  /imle,  13890,  <■(<•. 

Figruranlment,  /iyurémnH,  Ua. 

Flnable,  r.928,  <'<c. 

Finablement,  1S455. 

Finance,  mncnili;  96  ;  ait  ptur.,  argent,  5885. 

Finep, //«ir,  7040,  etc.;  «loitnV,  6805,  etc.;  Ilncr  de    .«• 

jiiocurfr,  KJ41,  26812. 
Finesse,  mauvais  coup,  20727. 
Finicion,  32849. 

Fixure,  31560.  Voy.  ïransflxeure. 
Fl^oller,  Iremblir  au,  vent,  25078  ;  souffler,  23279. 
Flora,  7502. 

Flote,  grande  quantité,  31837. 

Fois,  foiz  (iiu,  lieu  de  foi,  pour  la  riine),  20105,  29093. 
Foison,  (i''r.,  beaucoup,  111345;  graiit  foison,  m.  s. ,22197. 
Foisonné,  abon'Uml,  2022. 
Folâtre,  fou,  206:t7. 
Folier,  faire  folie,  20308. 
Fonde,  fondation,  5084,  etc. 
Fonde,  fronde,  18985,  etc. 
Forain,  écarté,  24218. 
Forbanir.  Voy.  Fourbanir. 

Force  ;  c'est  force,  il  est  nécessaire,  il  faut,  23540. 
Forcener,  jierdrc  ie  sens,  20339. 
Forclorre,  exclure,  32  ;  enfermer,  15433,  etc. 
Forcompter,  faire  nxauvais  compte,  0530. 
Forfaire  (se),  commettre  un  délit,  H763. 
Forfaiture,  2547. 

Formouvoir,  émouvoir  fortement,  32684). 
Fors  bourgs  (car.  faulz  bourgs),  faubourgs,  23339. 
Forse,  peut-être,  U19,  2965,  3766,  etc. 
Forsen,  folie,  048,  etc. 
Forsete,  ciseaux,  4720. 
Fort:  mes  a  le  trouver  gist  le  fort,  mais  le  dif/icile  est 

de  le  trouver,  5404  ;  au   fort,  au  bout  du  compte 

11732  ;  au  fort  aller,  m.  s.,  11070;  voit  aull'ort,  m.  s,, 

30013  ;  auffort  aller,  m.  s.,  30042. 
Fortirer,  enlever,  13240. 
Fortitude,  3350. 
Fortune,  malheur,  7294,  etc. 
Fortuné,  malheureux  :  ie  pays  eu  est  fortuné,  a  }tour 

cela  nue  mauvaise  chance,  13648. 
Fortuher,  rendre  malheureux,  21156. 
Fossoyer,  iimiii'r  de  fossés,  21991. 
Fourbanir,  banir,  666,  etc. 
Fourbet,  ruse,  malice,  23757. 

Fourme,  s'mblant  (dins  l'indic.  scén.  qui  auil  X>5j. 
Fourmener,  fourcoyer,  32098. 
Fournir,  garnir,  2820,  etc.;  fournir  une  demande,  fiin- 

une  demande,  13675. 
Fourrer  la  pale,  donner  de  l'argent,  30622. 
Fraeleté,  fragilité,  25453. 
Frainte,  r«;)(«rf  ;  sans  frainte  ne  corrupeion,  sans  que 

mon  corps  ait  été  endommagé  ou  souillé.  4989. 
Frappart  (firepe),  21117. 
FrauUer,  frotter,  19755. 
Fremier  :  tout  le  cueur  mo  iVemje,  1239. 
Frenasieux,  fou,  200'30. 

Frivolleur,  trompeur,  diseur  de  eho.^es  frivoles,  14401. 
Froid  :  que  froide  nuit  puist  il  avoir  !  impréc.,  26910. 
Fronsser  :  fronssez  de  vostre  orde  narine,  1698. 
Fructns  ventris,  6782. 


FrulotioB.  joulttiinee,  tUSO. 

Tu,  feu,  7350. 

Fnltir,  1368. 

Fnlclr,  munir,  4938. 

Fulminer,  2M14. 

Fnmee,  iiiée  hiiarre,  i31iO  ;  entrer  en  fumer,  /«  mettre 

en  colère,  igSn. 
Fumer  (■•},  se  mettre  en  eoltr»,  15S33  ;  ntre  fumé,  être 

fâché,  d«  mauvaise  humeur,  2TM1. 
Fnst,  bols,  24008. 
Fnsler,  fouiller,  28040. 

Gages  (garder  !•■),  être  timple  tpectateur,  7612. 

Oalgoaga,  gain,  14347. 

Oaigae,  gain,  10478;  braire  a  perte  et  a  gaigne,  it  tort  et 
à  travers,  32405.  Voy.  Oalag. 

OalBg  :  parlera  gaing  et  >  perte,  à  tort  ri  à  trnr.rt, 
8238. 

OallM,  galère,  SSmj. 

Oallols,  bons  compagnimt,  30047  ;  lae^s  au  gtlloia,  4731. 

Oarandlr,  défendre,  32412. 

Garde  corps,  garde  du  corps,  15730. 

Gardechevaulx,  18567. 

Cargate.  gorge,  3917,  22004  ;  parole,  24490. 

Garmenter,  lamenter,  25713. 

Gaoltibb  (fiwra),  bon  rivant,  10841, 

Gahir,  avouer,  28201 . 

OaUae,  poule,  12240. 

Gendre,  genre,  4,  elr. 

OentalUe,  28818. 

Germain,  parent,  27C84. 

Getz,  iiropr.  fera,  liens  Ijiour  tenir  les  pietU  dfs  fau- 
cons), 15<i20.  • 

Gibet:  il  aroit  son  sanglant  gibet,  il  n'aurait  riVn, 20180; 
dequi?  — de  ton  sanglant  gibet,  33347;  adverb.,énor' 
mémeni, diablement  :  il  faille  gil>et  froit,  10408;  il  ■ 
le  gibet  grosse  teste,  22402;  adv.,  diable:  qui  gibet 
vous  sçaroit  fournir  ?  22827  ;  que  gil>et  le  lusIeruD» 
nous  I  24240  ;  je  ue  si;ay  que  gilwt  y  a,  27256  ;  je  ne  sfay 
que  gibet  il  brasse,  314>48. 

Glppoa,  >u;io/i,  4679,  4713. 

Glave,  épee,  18518,  etc.  ;  fém.,  lanee,  3260. 

Glosa  :  ne  puis  faillir  a  mes  gloses,>e  ne  pui»  m»  Irom» 
per  (iafi-H  mon  calcul,  23417. 

Glout,  eoquin,  20174. 

Gloutonnie,  gloutonnerie,  10603. 

Oobitre  (^)  :  et  m'auurez  comme  ung  gobilre,  Oij. 

Godet,  verre,  6347,  etc. 

Godonallle,  réunion  de  godons,  de  goujats,  27965. 

GouUee,  ce  qui  refnplit  la  gueule,  2Î06S. 

Grâce,  réitutation,  27870. 

Graigne,  grenouille,  [Vmi.  Voy.  Eafflé. 

Grain  ne  gonta,  le  moins  du  monde,  10462,  14732. 

Grandelet,  0398. 

Gras  :  lifinoranee  est  ung  peu  trop  graase.  2,'  13. 

Greigneur,  plus  grand,  4285,  etc. 

Grevain.  lourd,  1763. 

Grevance,  953,  etc. 

Grever,  alourdir,  18776. 

Grigner,  pleurer,  22965. 

Gringoter.  3»v45.  Voy.  Croquer. 

Grive  :  tu  ncntens  non  plu»  qu'une  prive,  2S6S7. 

Grommand,'.^OHrmrm^,  2315. 

Grommet.  gourmet,  iiZ7l. 

Gronder,  se  plaindre,  8096. 

Grongnae.  coup  sur  la  figure,  22299. 


462 


GLOSSAIRE 


Gros  bis  :  forgés  en  gros  bis,  excellcmmenty  23820.  Voy. 
Grosbis. 

Grosbis  (faire  le),  faire  des  manières,  2S127. 

Grue,  au  A;/.,  niais^  20280. 

Guaitier,  faire  le  [luet,  28846. 

Gttbernateur,  4289,  ctr. 

Guerdon,  récompenae,  cadeau^  171,  etc. 

Guerdonner,  rècotupen^er,  24040. 

Gueux,  3898,  7526. 

Guide, /em.,  28741. 

GuiLi'AUME  (c'est  aj,  à  d'autres  :  ouy,  ouy,  c'est  a  Guil- 
laume, 23584. 

Guimple,  ijuitnpe^i'tOoi. 

Guisarme,  hache,  19256,  etc. 

Guisarmier,  armé  de  guisarme,  18590. 

Habilemens,  a^/rès,  6831,  31746;  outils,  15102, 

Habilité,  adresse,  12084. 

Habillier.   Voy.  Abiller. 

Kabitateur,  1523,  >ir. 

Habondanl,  244U. 

HaboDder,  3486. 

Hahay,  interj.,  10829. 

Haire  (a  grant),  à  yrand'  peine,  24563. 

Haitié,  dispos,  12305. 

Halle  ;   nous   tenons   cy   halle  d»'  nyent,  nous  parlons 

2)0  ur  rien,  30509. 
Halle  bois,  24826. 
Haller,  drrsser,  68 il,  etc. 
Hantin,  séjour,  17472. 
ïlaparl,  crochet  ù  pendre,  I2i34,  etc.  ;  il  ara  son  Singlant 

hapart,  il  n'aida  rien,  22122. 
Happer,  aoripper,  i3063. 
H%rdel.  trtUfiVn,  23879. 
Kardement,  courage,  33815. 
Hare,  exclam,  pour  exciter  un  chien,  4781. 
Karpaille,  troupe  de  voleurs,  12450. 
Hart,  corde  ;  il  fera  sa  malle  hart,  il  ne  fera  rien,  iyi37. 
Hasterel,  nuque,  cou,  25691,  303;4,  30736. 
Batiplart,  coup  du  plat  de  la  main,  ^i2il. 
Kauberjon,  cotte  de  mailles,  7595. 
Haubreger,  anner  du  haubert,  l48i'». 
Hault  ;  de  haulte  eure,  de  bonne  heure,  4510. 
Haultain,  haut,  3290. 
Haultesse,  grandeur,  21405. 
Haussaire,  fier,  21554. 
Hay,  en  axant,  10540,  24242. 
Heaulme,  trisyll.,  17392. 
Hemee,  bataille,  tumulte,  7607,  27351,  28878. 
Héron  :  iiardiz  comme  un  héron,  27977. 
Hesperus,  ;<^155. 
ltLet,Joie,  25797. 
Hide,  frayeur,  ï3440,  etc. 
Hideur,  état  hideux,  7303,  rtc. 
Hochete,  hochet,  5514,  5518. 
Hongner,  grogner,  17452,  etc. 
Hons,  homme,  30066. 
Horribilité,  049,  etc. 
Houseau,  botte,  28902. 
Houser  (se),  se  botter,  28898. 
Housser,  passer  par  les  verges,  1  520. 
Houssu  ;  beneisson  houssue,  bénédiction  accompag  née 

d'aspersion,  3971. 
Hucher,  appeler,  15110,  etc. 
Hucque,  bonnet,  capuchon,  14350. 
Huiler,  hurler,  17412. 


Humblesse,  humilité,  3696,  etc. 

Humer  :  j'en  bumeroie  la  pwree,  c'est  moi  qui  en  souffri- 
rais, 18574. 

Humiliate,  20879. 

Hurture,  heurt,  3949. 

Hutin,  querelle,  7589. 

Hutiner,  maltraiter,  74î3,  etc. 

Huvete,  rhapeau  de  fer,  7597  ;  au  fig.,  coup  sur  la  tête, 
19851. 

Huy,  aujourd'hui,  6904,  etc. 

lUec,  là,  6545,  etc. 

XUusion,  raillerie,  30846. 

Hz,  elles,  30992. 

Impareil,  31049. 

Imperateur,  4288,  etc. 

Imperer,  imposer,  8993. 

Xmplecion,  accomplissement,  9088. 

Importable,  qu'on  nr  peut  porter,  15415,  28560. 

Importun,  inopportun,  2355. 

Imprimer,  empreindre,  4128. 

Improuver,  contredire,  8295. 

Improveu,  imprécu,  soudain,  11730,  etc. 

Impotence,  2155,  etc. 

Impugner,  attaquer,  8423,  etc. 

Inciter,  susciter,  23583. 

Incohacion,  19954. 

Incorporer,  s'assimiler,  ii7'~>. 

Increé,  4875. 

Induce,  délai,  8320,  17971. 

Induire,  instruire,  20093. 

Infect,  infecté,  1345. 

Infinable,  interminable,  2568. 

Informateur,  10801. 

Informer,  garnir,  551,  etc. 

Innuer,  f'ire  entendre,  10791. 

Inobedience,  949,  etc. 

Inquiricion,  recherche, 'SOWS. 

Inquisicion,  recherche,  2026. 

Instance,  contrainte,  30226. 
Insynuer,  faire  connaître,  20310. 

Intellectif,  598. 

Xntercès,  intercession,  34279. 

Interlocuter,  27297. 

Interlocutoire,  ï240  ;  épisode,  intermède,  159. 

Intermission,  intervalle,  23225. 

Interroguer,  interroger,  6331. 

Intitulacion,  8451. 

Introduire,  instruire,  1424,  etc. 

Inventoire,  29065. 

Ire,  colère,  6107,  etc. 

Isnel,  ysnel,  subtil  (en  parlant  du  fcu)^  rapide,  2^5, 
etc.  ;  ysnel  le  pas,  rapidement,  5803. 

Issir,  yssir,  sortir^  810,  etc. 

Itel,  Ici,  7244. 

Ja,  déjà  :  ja  soit  ce  que,  quoique,  6902, 

Jambe  :  selon  la  jambe  la  chausse,  22969. 

Jamèj,  à  Jamais,  22430. 

Janglerresse,  bavarde,  17012. 

Jaquete  (de  mailles),  7601. 

Jarbe,  ijcrbe,  1032,  etc. 

Jengle,  bavardage,  8737. 

^fisne.  Jeûne,  rim.  avec  règne,  7916. 

Jeu  de  parture,  jeu  sans  importance,  19375. 

Jeunesse  :  c* estait  la  plus  belle  jeunesse  d'enlTant  qu'on 


GLOSSAIRE 


i«3 


pcnsl  regardop  d'acil,  9-il1  ;  é(/at*ement.^  ih-  M  Jeu- 
nesse, I39'.9. 

Jherarohie,  hièrnri:hie,  302. 

Joindre  les  mains,  rendre  hommnije,  9  )43. 

JoUJni/eii.r,  137S9. 

Joliel,  25799. 

Jollivet,  200Sd. 

Jorroise.pi'un'^  de  Jouarre,  «m  fig.,  2t)912.  Vnij,  Prune 

Jour,  /■(•m.,  16S53. 

Joyeuseté,  121)75,  etc. 

Jubaee,  Jubilation,  28698. 

Judicatif,  r/ui  foil  fonction  dtjuge,  11307, 132S7. 

Juffe,  Joue,  2U9S6. 

Jngenr,  267'i:!. 

Juis,  Juif  :  la  imrion  juifze,  95.S3,  ets . 

June,  Jfiine,  12816. 

JuNO,  7503,  22'i26. 

JnpiN,  Juppin,  -'.97,  2232S,  227«,  23S18,  27285  ;  Jupitor, 
■i-iAiS,  23.'i'il,  Ï7270,  30211. 

Juppé,  'i778. 

Justicier,  215S8,  etc. 

Juyverie.  nation  Juive,  0222. 

Kalendrier  de  bois,  4723,  5521. 
Kallenger,  deiiinider  injuxtice,  21803. 

Labit,  désastre,  23896,  eU.  ;  labitc,  fèm.,  791,  etc. 

Labourer.  traraiUer,  7St)6,  etr. 

Laboureux,  ouvrier,  16851. 

Labourier,  travailleur,  16863. 

LiACHEsis.  T490. 

Ladre,  lépreux,  15583. 

Lame,  pirrre  tombale,  7957,  30159. 

Lamproye  :  il  cii  rôtira  la  lainproye,  (7  en  paiera  tes 

frais,  26390. 
Lance  surfaultre,  aufifj,,  rmmddmf^m«f»t, 22150, 24761. 
Langaige  :  servir  de  langaiges,  donner  de  belles  paroles, 

2735S. 
Langager,  tenir  langage,  830(,  etc.  ;  sulist.,  dis  -oureiii; 

.■i23'.5 
Languoré,  l'ingoureux,  25324. 
Lapidement,  13666. 

Largesse  :  a  largesse,  en  abondance,  6829. 
Larmoyer  :  mon  cueur  larinye,  4021. 
Larronceau,  20869. 
Lasse,  lassitude,  8157,  etc. 
Lasseté,  lassitude,  4545. 
Lassus,  'ù  haut,  661,  etc. 
Latéral,  770. 

Laval.  .11  bas,  8831,  27722,  etc. 
Lavoir:  pot  lavoir,  bassin  pour  se  lacer,  23,^9l. 
Lay,  laïque,  27848. 
Lay,  terme  de  musique,  33239. 
Lé.  large,  22099,  etc.  :  a  la  longue  et  a  la  lee,  en  long  el 

lar:/,;  28731. 
Ledanger,  outrager,  27774. 
Léger,  legier  (de),  ficitement,  6017,  etc 
Leonesse,  lionne,  23050. 
Lerme,  riin.  en  erme,  1338. 
Lés,  lez,  ';ûlé,  1850,  <■('•. 
Libelle:  vous  orrez  vostre  libelle,  t'ows  enteu'lrez  ce  qui 

vnus  concerne,  30290, 
Lice,  lisse,  chienne,  7756, 
Lieppart,  léopard,  1902'î. 
Lièvre  :  je  le  si;ay  plus  courant  qu'ung  lièvre,  >i'  le  siis 

mieu.v  qu''un  lièvre  ne  court,  6345. 


Ligne,  lignage,  0062. 

LignoUat  (au),  bien  fait  «n  parUxnt  de  la  ehatuiurf,  «( 

par  ext.  Joli,  élégant,  5501. 
Hng*,  de  lin,  4708. 
LlTrss,  distribution  faite  par  les  granilt  :  hurque  ou 

robe  de  livrée,  14350  ;  iiu  fig. ,  11  ara  de  aoitre  livra», 

22808. 
Lobe,  tromperie,  15150,  etc. 
Lober,  tromper,  28027, 
Lobenr,  trompeur,  2S657. 
Loer,  conseiller,  28848. 
Loire,  piège,  leurre,  lOOOi. 
Loqneaoe,  parole,  7177,  etc, 
Los,  louanges,  4020,  >(".  ;  renommée,  7K5,  etc.  ;  a  los, 

nu  los,  au  sort,  19810,  ÏEe76. 
Loture,  lavage,  10340. 
Loudier,  vaurien,  14677,  Ï3707. 
Lourdiar.  terme  dinjure,  221110. 
Loordois  (en),  grossièrement,  4730,  12042,  82400. 
Losenger,  perfide,  10701. 
Lyé.ioyi-u.r,  12488. 

Hachefrala  :  ce  nom  appliqué  àunhommttsl  la  m^ine 

ijijure  qu'animal,  4815. 
Macliouere,  4636. 
■lagical,  13732. 
Magique,  magie,  7S89,  etc. 
Hagister,  19258,  «le. 
Magnifier,  3625. 
Mahom,  4443;  Mahomet,  7482,  740t;  Mahommet,  4339, 

60S6. 
Maignee,  famille,  10932. 
Malgnie,  fimille,  4422,  etc. 
n^llB,  jiet été  monnaie,  14001. 
mailliet,  arme,  7601,  etc. 
Main,  matin,  15878,  27872. 
Main  :  avoir  quelqu'un  bien  a  main  ,  être  trés-tié  avec, 

27871  ;  ne  me  joues  point  de  main  mise,  ne  mette:  pas 

la  main  sur  moi,  17373;  jn  deffens  la  main  mil»,  m. 

s..  22,300. 
Mains,  moins,  rim.  en  ains,  3115. 
Mainsaé,  puîné,  1004. 
Maisement,  mauvaisement,  27(V75,  30777. 
Maisoncell»,  petite  maison,  14307. 
Maistrier,  dominer,  13761. 
Maistriae,  coup  de  maître,  186:11. 
Majeur,  fém.,  m<y"<-urc  <f  u»  syllogisme,  8520. 
Mal,  nuxuvais,  2663 . 
Maléfice,  méfait,  2487. 
Malement,  10685,  etc. 
Mallieuré,  matheureu.v,  1145,  etc. 
Malice,  masc,  2483,  2668,  etc. 
Mallete,  iirtite  malle,  11824. 
Malostrn.  malheureu.r,  16380,  lOOIii. 
Manandie,  séjour,  £1080. 
Mancion,  mansloa,  séjour,  19K>,  etc. 
Mand,  ordre,  4301,  etc. 
Mande,  mnine,  12987,  i:W3. 
Manendise,  diynaine,  11307. 
Mangeoner»,  4630,  46%. 
Manière  :  tenei  manière,  eontenes-rous,  15781  ;  il  n'v  « 

manière  en  son  fait,  il  tie  sait  plt^t  se  mesurer,  270  00 
Manoir,   demeurer,  rester,  6015,  etc.:  subst.,  dememte, 

118.2. 
Marche,  frontière  :  de  nos  marches,  ie  ehet  lao»)  SM  i. 
Mardaill»,  canaiUe,  7705,  etc. 


\6i 


GLOSSAIRE 


Marmiteux  (faire  le),  élrc  triste,  19392,  22745. 

Marmote  :  barbetez  comme  marmote,  3S'i6. 

Marmouserie,  dépit,  713S. 

Marmouset,  petitr  image,  5326.  « 

Marpaull.  terme  d'injure,  21038. 

Harrir,  fiicher,  14780. 

Marrison,  2yeine,  13497,  etc. 

Mars  (le  dieu),  21326. 

Martin  :  il  fault  chanter  d'auUre  martin,  il  fout  parler 
d'outre  ehose,  19683. 

Martirer,  martyriser,  9999,  etc. 

Massacle,  massacre,  23366. 

Massis,  massif,  10598,  etc. 

Mat,  abattu,  6861,  etc. 

Matlienot,  matelot,  6830  eti  note. 

Matines  :  au  fiij.,  il  y  ara  belles  matines,  15205. 

Hatinet,  15317,  etc. 

Hauffés,  mauvais  génie,  diable,  23277. 

Mauvaistié,  14669  ;  mauvaitié,  18662. 

Medeciner,  guérir,  1353S. 

Meignie,  16801.  V'oy.  Maignie. 

Membrn,  1378. 

Ménage,  séjour,  10546. 

Mencion,  proposition.  30489. 

Mendre,  moindre,  506,  etc. 

Menée,  acte,  22376. 

Menistrer,  servir,  25944. 

Mengeaille,  4328. 

Mensonge,  fém.,  20694. 

Menterie,  20509. 

Mercier,  remercier,  9162. 

Mercure,  7483,  22328,  23441,  27Ï70. 

Merelle,  jeton,  au /ig.,  coup,  20965. 

Merencolié,  27282. 

Merencolye,  tristesse,  10604,  etc. 

Merir,  récompenser  ;  Dieu  vous  le  mire,  8118;  mériter, 

18306,  etc. 
Merrir,  4387.  Voi/.  Marrir. 
Merveillable,  étonnant,  5722,  etc. 
Merveillant,  merveille'ux,  32144. 
Meschance,  malheur,  1898  ;  méchanceté,  2923,  etc. 
Mescliant,  malheureux,  pauvre,  4530. 
Mesclief,  mescliief,  malheur,  1250,  etc. 
Mesclieoir,  mésavenir,  32335. 
Mesdit,  mauvaise  parole,  1253. 
Mesel,  lépreur,  15582,  etc. 
Mesliaigner,  mutiler,  29943. 
Meshaing,  blessure,  1235,  33471. 
Mesliuy,  aujourd'hui,  108,0,  etc.  ;  meshuit,  31132. 
Mesnage,  domaine,  7410. 
Mesouen,  dorénavant,  11110. 
Mtsparler,  mal  parler,  19650. 
Mesprendrs,  prendre  mal,  26964. 
Mespresure,  faute,  258. 
Mespiison,  faute,  79,  etc. 
Message,  messager,  4955. 

Messe:  au  /ig.,  tous  les  deables  y  chantent  messe,  15191. 
Mestier,  besoin,  4864,  etc. 
MesTenir,  mésavenir,  29316. 
Meurison,  maturité,  17329. 
Miel  :  nous  en  arons  ou  miel  ou  cire,  31772. 
Mierre,  myrrhe,  6639,  etc. 
Mignot,  mignon,  12062. 
Minière,  mine,  21630. 
Ministrateur,  serviteur,  18437. 
Ministrer,  offrir,  13469. 


Mirable,  5268. 

Bliracle,  fém.,  14506. 

Mire,  médecin,  13881,  etc. 

Mirer,  regarder,  19991,  etc. 

Mise  :  je  n*en  fais  ne  compte  ne  mise,  32409. 

Misericors,  1641, 1660. 

Mistere,  fém.,  2125. 

Misterial,  mystique,  460. 

Mocion,  émotion,  3012. 

Mode,  t'ém.,  ^manière,  27525. 

Moisonnage,  17028. 

Moleste,  masc,  action  de  molester,  7387,  27433. 

Moller,  mouler,  fondre,  21625. 

Mon  (ça),  ccrics,  9263  ;  of/irm.,  c'est  mon,  2953,14588;  ce 
sera  mon,  7261  ;  ce  fait  mon,  16774  ;  ce  feras  mon,  22636. 

Moncelle,  monceau,  19247. 

Mondanité,  vie  mondaine,  32738. 

Monde,  pur,  5081,  etc. 

Monder,  puri/ier,  10318,  etc. 

Mendicité,  pureté,  23584. 

MondiBer,  purifier,  18036,  etc. 

Monicion,  avertissement,  2604,  etc. 

Monjoye,  grande  quantité,  685,  etc.  :  prééminence,  pcr~ 
fection,  2892,  etc.  ;  pris  adverb.,  5139. 

Monstree,  montre,  action  de  montrer,  8431. 

Monte,  importance,  valeur,  23515,  30576. 

Monter,  itnporter,  15479,  etc. 

Morcelet,  petit  morceau,  6350. 

Mordre  ;  part.  pass.  mors,  1512. 

Moriginer,  1379. 

Moron  (songer  le),  rêvasser,  19392,  209S2. 

Mortier  ;  quelque  chose  soubz  le  mortier,  anguille  sous 
roche,  7147. 

Motet,  terme  de  musique,  3835,  5001. 

Mouffles,  gros  gants  d'hiver,  4721,  4848. 

Mourne,  morne,  17306. 

Moustarde  (le  pot  a  la),  le  derrière,  7615. 

Mouton,  hélier,  22741. 

Mouvoir,  exciter,  2>ousser,  1352. 

Moye,  mienne,  10242. 

Moyen,  miYieu,  3214  ;  alfaire,  15513;  intervalle,  21846; 

intermédiaire,  27528, 
Murmurir,  murmurer,  2005J. 
Murtrir,  tuer,  7904. 
Musardie,  sottise,  8598. 
Knsart,  sot,  19731. 
Muse.  Voy.  Escourre. 
Muser,  ^'oy.  Coussin. 
Musette,  4092,  etc. 

Musser,  cacher,  757,  etc.  ;  muscer,  7732. 
HvDAs,  17443. 
Myner  :  au  fi  g.,  20115. 
MvNCRVE,  7503. 
Myniera,  S',2.  Yoy.  Minière. 

Nageouere,  piscine,  14133. 

Nager,  nariguer,  6813. 

Naissement,  65.35. 

N&ve,  bateau,  10868. 

Navrer,  blesser,  17037. 

Nayf,  naturel,  845. 

Ne  ;  il  ne  nous  demourra  visage  qui  de  griffes  ne  soit 
deffait,  tout  notre  visage  sera,  etc.,  7636;  n'est  ne  Dieu 
ne  deable  qui  nous  laisse  prendre,  ni  Dieu,  ni 
diable,  etc.,  7924;  jambe  n'arez  que  je  ne  froisse, 
toutes  vos  jambes  seront  froissées,  25590. 


GLOSSAIRE 


465 


Ntf  :  rhosn  n«e,  rien,  33853. 

Nannll,  551)0. 

Nennin.  non,  r>'i9fl,  r<r. 

Nephaire,  icéténit,  ÏS'iTS. 

Nephas,  ^795. 

Nercy,  noirci,  1154. 

Nesung,  <iuci(n,  16685. 

Nice,  sot,  -.mn,  etc. 

Nichil.  :i7Si. 

No  (a),  (?»  ramn/K,  31?04. 

No,  )io(i-e,  968,  f(c.    ' 

Nobilitë,  (>'i6,  elc. 

Nobille,  nobli;  15?i7. 

Nobis,  10025,  28128. 

Noiseur,  querelleur,  21507. 

Noisier.  fitire  noise,  2164,  <•(■.•. 

Noncer,  d/iKoncpr,  15367,  etc. 

Nosire.  20.i23. 

Notable,  parole  remarquable,  23568. 

Notre,  de  première  nualilë,  6299,  etc. 

Nouer,  noijer,  25007. 

Nouvelet,  9870. 

Nouvelleté,  3480,  etc. 

Noyaulx,  houtona,  4848. 

Noyer  :    do  despl.aisir  nous  noyons,   nous  mourons  de 

(lépil,  30099. 
Numerable,  .■(4238. 
Nuysance,  32461. 
Nuyttee,  4508,  etc. 

O,  ai-ec,  10976,  (■<(•. 

Obanye,  assemblée,  17548  ;ar»ie«  convoquée,  18580.  foy. 

Ost. 
Obduracion,  endurcissement,  10121. 
Obédience,  1397,  etc. 
Obicer,  mnlredire,  22213  ;  opposer,  27519. 
ObUgatoire,  fétn.,  obligation,  23621. 
Ûbnubiller,  obscurcir,  3132,  28701. 
Obstant,  nonobstan),  32j"(0. 
Obstinât,  22369. 
Obtenebré,  ténébreux,  34271. 
Obumbrer,  couvrir  de  son  ombre,  3190. 
Obvier,  rontredire,  10871,  etc.  ;  remontrer,  25354. 
Occision,  ino,  etc. 

Occupassion,  peine,  embarras,  10107. 
Occuper,  accuser,  2787G. 
Odorer,  1J951. 

Oeille,  brebis,  5;i5  ;  oueille,  16557. 
Oeuvre,  masi\,  27796. 
Off^ncement,  2067,  (•(/•. 
OiTendre  :  pnrt.  pass.  offendu,  2517. 
Office,  A»i.,2315l. 

Oracial  :  (■•.■st  ung  soublil  officiai,  17280;  iron.,  20213. 
OInture,  "icd'oii,  12624,  etc. 
Oiselet, 1U772. 

OIseleux,  marchaml  Soiseaux,  1693Ï. 
Oiseuse,  oyseuse,  oisiveté,  9891,  etc. 
Olivct,  17:>!-5,  JSJ03,  2U0S0,  :  2753,  32951. 
Oagnement,  onction,  9626  ;  onguent,  15949,  etc. 
Onny,  c[ial,  3007  ;  tout  a.  l'onni,  égalemen',  7621,  elc, 
Opresse,  opprcss-on,  10121,  24144. 
Oratoire,  fém.,  1322S. 
Orfanté,  abandon,  24551. 
Original,  1,507. 
Orme  (peller  1')  :  je  croy  qu'il  fait  meilleur  ioy  qu'il  l« 

l'ait  allci'  jeller  l'orme,  11220. 
Pas. 


Omatanr,  18706. 

Ort,  sale,  (0762,  elc. 

Oalara,  osier,  4700,  etc. 

Oat,  mtsc.,  armée,  22't30;  /Vm.,  oti  b(nye,  armé*  eon- 

roijuée,  grand*  réunion,  18580  en  note. 
Catanclon,  20017,  3:1602. 
Oultrage,  e.refs,  cri'm*,  1201,  etc. 
Oultranca,  31630. 

Oaltrepaaaa,  subst.  fém.,  nte plu*  »Ura,  540,  n663. 
Ouvrant,  om-rabte,  4761. 
Ouvrar,  Ir  iv  iill«r,  7638. 

Paffns,  sorte  de  pique,  17756,  etc. 

Paire  (invar,  au  plur.),  22810. 

Palab,  23141. 

Paletoc,  manteau  de  berger,  4725. 

PalUot,  vêlements  de  soit,  14052,  19301,  «(«. 

Palus,  m  irais,  12336,  ««<•. 

Pana,  7199. 

Paneron,  petiit  corbeille,  6932. 

Papelardle,  16722. 

Papelart,  202S0,  etc. 

Par  :  tout  par  elle,  tout*  seule,  4194  ;  avec  pari,  pris  , 

12.S94. 
Paracomplir,  15824,  etc. 
Parconclure.  :i3034. 
Parconsommer,  19944,  ''('-. 
Pardre.  pndre,  9199,  elc. 
Pardurabla,  4Ï0,  elr. 
Parer,  préparer,  2847. 
Parfln  (a  la),  <'i»A't,  33947. 
Parfond,  profond,  2842,  etc. 
Parfourmer,  parfaire,  7453. 
Parfournir,  garnir  eompléli  ment,  10588,  15355. 
Paroir,  paraitre,  5276,  etc. 
Partage,  lieu,  19008. 
Partldpalment,  14650. 
Partie,  lieu,  pays,  5825. 

Partir,  séparer,  déchirer,  9224  ;  partager,  30600. 
Partnla,  ouverture,  29962.  Yoy.  Fartaia. 
Partare,  partie.  Jeu,  20920,  etc. 
Party,  lieu,  pays,  5716,  elc.  ;  èlat,  8030. 
Pas,  af/irm..  16141. 
Passade,  promenade,  20.415. 
Passe  routa  :  des  prudontes  la  pasae  route,  i/ue  nulle  M 

.turpa.^se  en  prudence,  4232  ;  m.  ».,  7360  ;  m.  ».,  15600. 
Passer  :  accepter,  10921  ;  accorder,  12298;  faire  passer, 

27127  ;  se  passer,  se  contenter,  4580,  4602,  etc. 
Pasta,  palte,  rim.  en  osie,  3750. 
PasM  :  on  luy  a  fait  tous  ses  pasMs,  eon  a/faire  est 

réglée,  20184. 
Paalonrrle,  *««(  de  pasteur,  4848,  etc. 
Pautonnier,  (erwie  d'injure,  ribaud,  28319. 
Favae,  paré,  7492. 

Peaultre,  grabat,  paillasse  :  croupir  an  peaaitre,  28015. 
Psanltre,  aorte  if alliage  métallique,  19406. 
Paccavi.  ÏM84. 

Pecune,  peccuna,  argent,  7625,  etc. 
Peller  :  elles  sont  ung  peu  trop  pellers,  vous  voutrM  nous 

en  faire  un  peu  trop  aca-ttire,3l)i3(>.  V'oy»  CkaMlgaa, 

Orma. 
Pelote  :  chacun  se  mette  a  la  pelola,  à  ^i  irsogne,  31836. 
Penance,  pénitence,  1313,  etc. 
Pener,  se  donner  de  la  peine,  11448, 
Penatratir,  13284,  «c 
Pcaaetiara,  panetière,  470Ci 

30 


466 


GLOSSAIRE 


Penaé,  pensée,  3398. 

Pensement,  pensée,  7712,  etc. 

Penser,  s'occuper,  4622;  act.,  soigner,  27095. 

Pensis,  pensif,  13677, 

Per,  sem'tlable,  10774. 

Percevoir,  16820. 

Perçus,  fr'ippé,  12213,  etc. 

Perdurable,  27607,  etc. 

Perhennel,  éternel,  23251. 

PeriUisr,  être  en  péril,  24633. 

Périr  (se),  se  tuer,  11525. 

Permancion,  permansion,  séjour,  3454,  etc. 

Perpetrateur,  21370. 

Perron,  b!o<:  de  pierre,  15043. 

Perce.  Voy.  Gaigne,  Gaing. 

Pertuis,  trou,  24729. 

Pesance,  4S90,  etc. 

Peser,  élre  pénible  :  ne  vous  poise,  2539. 

Pesme,  cruel,  25231. 

Petiot  (ang),  un  peu,  7781. 

Petit  (nng),  un  peu,  S660,  etc. 

Plias.  3785. 

Pbebds,  20145. 

Pheton,  Phaèton,  20146. 

Pic  (en  estre),  être  perdu,  922,  23350,  24502. 

Fié  :  tenir  pié  a  bouHe,  ne  pa^  quitter  le  jeu,  25056. 

Pieça,  il  y  a  longtemps,  5401,  etc. 

Pièce,  espace  de  temps,  28539,  etc. 

Piétaille  :  il  fault  desploier  ma  piétaille,  il  faut  jouer 

des  jambes,  4331  ;  homme  de  pied,  irnn.,  28822. 
Pieu,  pieu.r,  2870  ;  pieulx,  disyll.,  29001,  30810. 
Fiez  (sur).  Voy.  Surpies. 
Piller,  fouler  aux  pieds,  11843. 
Pillete,  inslrum,ent  «  carder  la  laine,  12273. 
Pillier  de  taverne,  4307. 

Pinsson:  pinsson  tout  vert  (jeu  de  mots  sur  les  homo- 
nymes pinçon  et  pinson),  15059. 
Piper,  résonner,  435il. 
Pipeter,  râler,  26608. 
Pirouet,  toton,  5538. 
Pis,  poitrine,  14729. 
Pissot  (a),  ùjet  continu,  19195. 
Pitace  :  je  n'en  ay  pitié  ne  pitaoe,  19759. 
Piteable,  5721,  etc. 
Piteux,  attendri,  655S  ;  triste,  9331. 
Placete,  petite  place,  4520. 
Plaidoire,  disputeuse,  24307,  24687. 
Planier,  abondant,  15756. 
Fiante,   qu-mtitè,  1028,  etc.  ;  a  planté,    ttijonOomment. 

7194. 
Plasmacion,  230. 
Plasmateur,  563,  etc. 
Plege,  garant,  22599. 
Plet,  langage,  15049. 
Plevir,  engager,  9501. 
Plice,  relisse,  871,  33387. 
Floi,  pli,  4727. 
k*loissier,  plier,  1917. 
Plommee,  massue  plombée,  10489,  itC. 
Ployé,  plaie,  22859. 

Plue,    épluehure  ,  vnlg.  grattage,  Itti'ili 
^iucqaaiiie,  menu  butin,  7591  en  note. 
Piume.  Yoy.  Souffler. 
Pocesser,  11822.  Voy.  Possésser. 
Poignie,  poignée,  6788. 
Poindre,  peindre^  13714. 


Poindre,  piquer,  i 
Poinsson,  poignard,  7600. 

Point,  état  :  vous  me  samblez  en  petit  point,  1475  ;  argu- 
ment, 2436. 
Pointure,  p/^Ki-c,  9486,  12679  ;2)o;Kt  qu'on  amène  au.r 

(lés,  25775,  25779. 
Poire  :  taste  quelz  poires  ce  sont  (en  parlant  de  coups), 

20201  ;  poires  d'angoisse,  15195. 
Poison,  fém.,  au  /!g.,  1C253. 
Poissant:  pour  moy   il  est  assés   poissant,  assez  bon, 

4603. 
Point,  souillé,  9776  ;  réprouvé,  21359;  polu  ,  19082,  etc. 
Pommette,  petite  pomme,  8081. 
Pondérable,  23474. 
Ponderosité,  21982. 
Ponnee,  insolence,  30134. 
Porce,  porche,  rim.  en  orce,  3719. 
Porchet,  petit  porche,  14587. 
Porion,  poireau,  20979. 
Port,  importance,  puissance,  15644  ;    conduite,   30108  ; 

support,  30969. 
Portatif,  19898. 
Portière  :  le  fruit  dont  elle  est  portière,  Cenfant  qu'elle 

porte,  4215;  subsl.  (s.  e.  brebis),  4750. 
Pose,  espace  de  temps,  5519. 
Possesse,  avoir,  18298,  etc. 

Possésser,  être  en  possession,  984  ;  posséder,  6562,  etc 
Possessoirp,  fém.,  possession,  17162. 
Poste,  conrenance,  19521,  etc.  ;  a  poste,  comme  il  faut, 

18539;  a  ina  poste,  à  mon  pouvoir,  4630. 
Postis,  porte,  1501. 
Pot  :  elle  est    a  tel  pot  tel  culier,  elle  convient  bi^n, 

22968;  m.  ».,  25023. 
Putacion,  18127. 
Potages  ^pour  tousj,  7611. 
Potence,  béquille,  appui,  3302,  3524,  etc. 
Potesté,  puissance,  307,  etc. 

Pouloir  (?),  pouvoir  :  nous  y  peulent  apparcevoir,  31330. 
Poupart,  7644;  iron.,  15895. 
Pourbondir,  faire  lever,  chasser,  28051. 
Pourchasser  a,  tendre  à,  8560. 
Pourmener,  1.^270. 
Pourpenser,  29972,  etc. 
Pourpuintel,  petit  pourpoint,  23880. 
Pourporter,  12880. 

Pourpre,  m^isc,  morceau  de  pourpre,  22900. 
Pourpris,  enclos,  lieu,  1209,  etc. 
Pourprise,  enclos,  lieu,  6888,  etc. 
Poursuir,  poursuivre,  20135,  etc 
Poursuivant,  10541. 
Pourtraicture,  24127. 
Pourtraire  a,  ressembler  d,  288,  etc. 
Pourveance,  1897,  etc. 
Pousse  :  de  belle  pousse,  en  hr'tte,  33384. 
Pousser,  respirer  fortement,  22015. 
Pouvoir,  absol.  .*  je  ne  sçay  se  tout  y  pourra  (s.  e.  tenir). 
129t9;  cela  ne    peut  hors  de  ma  teste  (s.  e.  sortir), 
15123. 
Pragois,  de  Prague,  4720. 
Pratique,  mnse.,  20387,  30921. 
Precellance.  e.rcellence  prééminente,  328,  etc. 
Precellant,  1727,  etc. 
Precesseur,  supérieur,\i&k2^. 
Precieusetë,  3!'S20. 
Prédicat,  épithèle,  16770. 
Preelictj  Choisi  entre  tous,  7034. 


GLOSSAIRE 


étn 


Preeminanca,  5110. 

PrefTerenoe,  yirééminence^  2153,  33810. 

Prellateur,  combattant,  330. 

Prem«raln,  pfcmitr,  2744. 

Premis,  mis  en  avant,  2797. 

Prénommé,  suadit,  2742. 

Prenolr  :  il  ost  hors  du  iiustre  prenoir,  de  notre  atteintt, 

:«38i. 

Prenonoiatenr,  26303. 

Prenoncer,  annoncer  iVavance,  8213. 

Prenostiquer,  jifonostiquer,  53®. 

Preparance,  13780. 

Préparatoire,  endroit  ou  Von  préparr,  5029  ;  <iu  plur,, 

préparatifs,  6762. 
Preparement,  12957. 
Prepotence,  407,  ''le. 
Prepotent,  trés-puiisant,  330,  etc. 
PresQavoir,  prfscience,  8592,  etc. 
Preschement,  prédication,  19585. 
Présenter  (se)  de,  t'o/frir  pour,  28012. 
Président  :  parler  en  président,  excellemment,  6776  ; 

ai'rc  autorité,  14014. 
Prest  ;  je  suis  prest  comme -ung  chandelier,  13935. 
Preu,  en  premier,  27726.  Voy.  Empren. 
Preu,  pro/it,  21706,  etc. 
Prieur,  patron,  maitre,  17774. 
PriUeux,  périlleux,  30078. 
Primerain,  373.  Voy.  Premerain. 
Prinoeaulté,  principauté,  34107. 
Princier,  prince,  8995,  etc. 
Principié,  ayant  eu  un  commencement,  251. 
Privé  (on),  en  petit  comité,  0470. 
Pro  ne  contra,  144'è7. 
Probacion,  '2617,  etc. 
Proceat,  procès,  suite,  15549,  15902. 
Procurer,  se  charger  de,  2075. 
Prodicion,  trahison,  22165. 
Proditeur,  traitre,  18213. 
Profilciat,  3807. 
Progenie,  race,  919,  etc. 
Prolieme.  proloijue,  8450. 
Prolonger,  retarder,  27015. 
Promission,  2036,  etc. 
Promotif,  <iai  excite,  13286. 
Promouvoir,  exciter,  26976. 
Propheter,  3'ill6. 
Prophetisse,  8C5'^. 
Propice,  atjréable,  utile,  5491. 
Proposer,  mettre  en  avant,  8662;  lendre,  18433. 

Propre,  capable,   intelligent,  8671;  adr.,  proprement, 
15127. 

Proterve,  méchant,  19036. 
Proveance,  providence,  33062. 

Proverbe,  litre,  3153;  parole  remarquable,  7062. 

Provision,  action  de  pourvoir,  15293. 

Troxlm»,  proche,  4867. 

Prune,  au  fiO-t  coup,  10532. 

Psealme,  Irùyll.,  16268;  pseaulme,  trityll.,  186i. 

Publican,  10172, 

Publique,  puhlic,  14602. 

Pugnivimus,  7390. 

Puir,  pui  r,  7948. 

Puissant  de  corps,  arrivé  A  l'âge  d'homme,  8863. 

Pnllant,  puant,  15185. 

Pulmentaire,  mets,  31805. 

Puraiai  1972,  etd 


PwgaoloB,  purifleatlon,  (SMl. 
Porporé,  empourpré,  25430. 
Put,  sale,  igno'ile,  433,  rlc. 
Pntaan,  marais,  gouffre,  13900,  etc. 
Pntlar,  terme  ilinjure,  débauché,  10910. 

Quand  ;  quand  det  rilsoni,  quant  auw  raisons,  At2S. 

Quant,  ailj.,  en  quel  nomOre,  4360. 

Qnarre,  25746. 

Que,  comme,  2;t393. 

Que  sa  ml  daràfi'ta/i'-n^T  30015. 

Quai,   s'emploie  dans   des  loc.  conim«   celle-ci:  quel» 

messeigneur»  t  à  quoi  ^strt  de  dire   messeigneurs  I 

23072. 
Quaralla  (tenir  la),  <f(r«  de  tavis  de,  33619. 
Quid  pro  quo,  23289. 
Quoy,  13197.  Voy.  Coy. 
Quoyamant,  tranquillement,  8614. 

Rabat,  diminution,  22593,  etc. 

Raby,  maitre  (en  hébreu),  16980,  18198, 19078. 

Radresse,  direction,  3974. 

Radresser  (sa^,  aller  vers,  32974. 

Raffoler,  abimer,  pousser  à  bout,  23061, 

Rage  :  voua  dictes  rage,  tous  dites  des  cKoêe*  extraor' 

•  linaires,  2,3306. 
Ragiable.  21890. 
Raidesse,  raideur,  201  i7. 
Rain,  rameau,  nu  /ig.,  7845,  etc. 
Ramentavolr,  rappeler  à  la  mémoire,  2813  ;  ramentc- 

\i)ir,  2407,  etc. ;  part.  pass.  rainentu,  23S97,  etc. 
Ramonner,  ramasser,  177&i. 
Randlr,  errer,  courir  rapidement,  1300,  ««c.  ;  aci.,  r«n- 

<lir  villes,  chasteaux  et  for»,  4334. 
Randon  (de  grant),  au  plus  vite,  12071,  etc. 
Rapostir,  retourner,  33:t95,  etc. 
Rappalllardlr,  rendre  gueur,  20S50. 
Rapporter,  faire  rapport,  £4209. 
Rasolu,  résolu,  27226. 

Rassis,  pourru,  3467  ;  déprimé,  dinUniM,  30081. 
Rassoter,  radoter,  10820. 
Ratizer,  allirrr  souvent,  28901. 
Ratruandir,  rendre  mendiant,  20843. 
Ravalluer,  restituer,  2759,  etc. 
Ravel,  Jeu,  22111. 
Ravoir,  13805,  etc. 
Ravoyer,  remettre  en  la  roi»,  10991, 
Ravy,  pâmé,  26028. 
Real,  réel,  2125. 
Realement,  réellement,  6132. 
Rebeller  a,  se  révolter  contre,  6191. 
Rabouter,  remettre,  19164. 
Recaler,  ■•••cher,  28778. 
Recallee  la),  en  cachette,  13640, 17574. 
Récépissé,  3767. 
Récepteur,  3,i541. 
Réceptif,  i;ui'  reçoit,  3188. 
Receptoire,  réception,  27003. 
Recès,  déinrt,  18420. 
Recipe,  15154. 

Recitateur,  chroniqueur,  8549. 
Reclain,  jriére,  24023. 
Reclinatore,  lit  de  repos,  1S88,  etc. 
Receler,  i  epasser  (dans  l'esprit),  8318,  etc. 
Reoordar.  rappeller,  12402,  etc. 
Raoort,  mention,  souvenir,  7056,  etc.  ;  aebt  27899t 


468 


GLOSSAIRE 


■Hecourir,  reprendre^  20006. 
Recous,  rcscous,  Voy.  Rescourre. 

Recouvrance,  li'419. 
Recrandise,  lAchelé,  30206. 
Recréant,  fatigué^  \  0766. 

Recreu.  ronvnin'^u  d'un  crime^  13604;  fatigué^  176S1. 

Reculoire  Ijouer  de  la),  reculer,  24417. 

Redarguer,  hinmer,  16037. 

Redolent,  .idoratU,  29230,  etc. 

Redonder,  ilèborder,  5083,  etc. 

Réduire,  ntmener,  18S.il. 

Refreclionner,  2S622. 

Reffonder,  restaurer,  3690. 

Refforcer,  forcer,  21891. 

Reffraindre,  empêcher,  9874. 

Refrrener,  empêcher,  5245. 

Reffuir,  se  réfugier,  18724. 

Refulcir,  pourvoir,  876,  etc. 

Regalité,  9702,  etc. 

Regnart,  ruse,  19732. 

Règne,  royaume,  0170  ;  séjour,  1496. 

Régner,  vicrc,  4162. 

Relainquir,  relinquip,  laisser,  613,  etc. 

Relessier,  apaiser,  30380. 

Remain,  nrrêl,  retard,  10909,  etc. 

Remaindre,  rester,  attendre,  9174. 

Remanoir,  rester,  15339. 

Remède,  fém.,  7152,  etc. 

Remembrance,  10152,  etc. 

Remetre,  réprimander,  2020G,  etc.;  part.  pnss.  rpmis, 
repoussé,  4688;  abattu,  30940;  du  remis,  au  fig.,  des 
coup.',  33420. 

Remetz,  1362. 

Remirer,  regarder,  12399,  etc. 

Remontrement,  15731. 

Remordre,  préoccuper  péniblement,  7873;    interdire, 

13618. 
Remouvoir,  remu-r,  7394  ;  empêcher,  18373. 
Rencheoir,  retomber,  12647. 
Renchere,  eni-hère,  9791,  etc.;  a  renchere,  fn  grande 

quantité,  24122. 
Rencz  (faire),  se  faire  faire  plaça,  24514. 
Renfformer,  remettre  en  bonne  forme,  20215. 
Renforce.  21SS9. 
Rengrege,  'fugmentation,  30006. 
Rengregement,  aggravation,  7250. 
Renluminer,  rendre  la  rue  ô,  14383. 
Rente,  ^^''/ejnent,  2533. 
Renvers,  renverse,  75il. 
Renvi,  propr.  augmentation  de  la  mise  au  jeu,  au  fig,, 

reiloublemcnt  i.he  coups,  21228. 
tt^nvoy,  refuge,  4993. 
fîeonde  ;  .t  la  reonde,  à  la  ronde,  6211. 
Replecion,  618. 

Repasser,  13187.  Voy.  Respasser. 
Repondre,  caiher  :  part.  puss.  repost,  22440, 
Reppairier,  revenir,  2737. 
ttepparaison,  2273. 
Repparateur,  18980. 
Repparement,  29S9,  etc. 
Repparence,  réparation,  34310. 
Reppas,  dé/ai,  23497, 

Reppere,  lieu  oi'<  l'on  riiiient,  491,  etc. 
fteppos,  caché,  842. 
Repprouche,  fém.,  27477. 
Répugnance,  contridictioU,  8686,  <■(". 


Rescourre,  rattraper,  26350;  j)ni'f.  pass.,  rescoux,  4783; 
délivré,  recoax,  rattrapé,  17520. 

Rescousse,  secours,  33388, 

Resjouir  ;  sans  quelque  amo  qui  nous  resjoye,  1967;  i>ion 
esperit  se  resjoye,  3626. 

Respasser,  soulager,  12397. 

Respillier,  repousser,  28820. 

Respiter,  donner  un  délai,  épargner,  13831 

Respons,  réponse,  2065S. 

Resservir,  fournir,  28649. 

Ressongner,  craindre,  7632,  etc. 

Ressourdre,  rel,  ver,  9367,  33063. 

Ressuscitation,  32604. 

Rester,  s'arrêter,  19257. 

Restraindre,  séparer,  5941,  etc. 

Resveillement,  28828. 

Resverie,  réjouissance,  16344, 

Retarger,  retarder,  11936,  fie. 

Retournée  (faire),  862,  etc. 

Retrainte,  dureté,  228)1. 

Retraire,  se  diriger,  10S5;  raconter,  3480. 

Retrait,  retret,  endroit  où  l'on  se  relire,  287, 19119 

Revanger,  11430. 

Révéler  de,  révéler  à,  10006. 

Revenue  :  a  ma  bien  revenue,  11156;  revenu,  1346), 

Reveramment,  en  révérance,  4945. 

Revertir,  retourner,  2639,  etc. 

Revocquier,  rétracter,  23533. 

Révolu,  retourné,  29214. 

Ribauldaille,  troupe  deribauds,  7329,  etc. 

Ribault,  7400. 

Rie  a  rtc,  juste,  23349,  30610. 

Rideler,  découler,  22988. 

Rien,  chose,  21342, 

Riffler,  frapper,  7399;  tuer,  7870. 

Rlgle,  règle,  3414. 

Rigoler,  se  moquer  de,  21563. 

Rimer,  ramer,  2S740,  etc. 

R  nceau,  raineau,  16152,  etc. 

Rober,  voler,  20747,  etc. 

Robin,  le  mouton,  4782. 

Roc,  tour  au  jeu  d'échecs  :  il  n'y  venist   roc  ne  roy,  il 

n'y  vint  per.'i0Hne,Si66. 
Roideur  (de),  tout  droit,  29958. 
Roisin,  raisin  :  vous  serez  roisin  de  Viineu,  vendangé 

serez  a  l'eselielle,  22632. 
Roix,  filet,  10874,  etc. 
Rompre  :  part.  pass.  rout,  4577. 
Rouge,  rasé,  3779,   etc. 
Rougement,  liabilement,ViTi9. 
Route  (en),  sur  le  champ,  25014. 
Roy,  ordre,  8865. 
Roj  aime,  rim.  en  ame,  2803,  7910. 
Rudesse,  mal,  7690. 
Ruer,  ,;c(!!r,  5062. 

Saba,  0069,  8799. 

Sabbatizër,  célébrer,  26477. 

Sachet,  sac,  8080. 

Sacre,  prodige;  chose  sainte,  5218. 

BaiUant,  hauteur,  17763. 

BaiUir,  .':nrlir,  440. 

Baintisme,  très-saint,  5924,  etc. 

Saisine,  249S, 

Saisir,  garnir,  15531. 

Balvacion,  1069,  etc.; réfutation,  2560. 


GLOSSAIRE 


IG9 


Samblance,  13218,  et,-. 

Sanctlsme,  :il74. 

Saner,  fjiti'fir^  1590,  etc. 

Sanglant,  èitithéte  injurieuse  :  finnglant  bodcau,  l(M(l'i  ; 

s.  iloalil.i,  «9  ;  s.  gibet,  15534,  Wc.  ;  s.  hapart,  221Ï2  : 

8.  [lis,  ia32,  etc.;  sanglante  aepma'me,  10X42. 
Saoulée,  14U85,  ef. 
Sapience.  205S,  cir. 
Saquement,  lestement,  7982. 
Sarrazinois,  4725. 

Satalite.  s.itrllite,  19130  ;  satelito,  2()()',11. 
Satisfner,  satisfaire,  23843. 
Saturne,  740S. 
Sanice  :  si  Iny  ffrnv  bien  vostre  saulce,.;>  ne  enus  m''n<'~ 

gérai  pas  auprès  de  lui,  7825. 
Saulve,  sauf,  1721S. 
SauteUer,  sautiller,  5657. 
Sauvement,  4000. 
Sauver,  réfuter.  2437,  2740,  etc. 
Savoie  (oufs  de),  24732. 
Savourable,  577. 
Savourer,  a-coir  du  {joût,  16556. 
Scabelle,  escabeau,  15321 . 
ScELioN  (?),  7503. 
Scourre,  secouer,  11S44. 

Sec,  comptant  (en  parlant  d'argent),  17456,  17559. 
Secret,  se-ri^tement,  13339. 
Segongne,  cigorine,  23.360. 
Sehur,  snreau,  21060,  21964. 

Seignier.  snigner  :  il  n'en  est  pas  bon  a  aeignier,  15190. 
Seignoreux,  puissant,  25139. 
Seing,  si, me,  190'^8. 
Seminateur,  12740. 
Seminer,  semer,  12742. 
Sens  :  faire  sens,  apir  sagement,  29455. 
Sensible,  en  possession  de  ses  facuUés,19't'H  ;  intelligent, 

23^09. 
Sensuel,  des  sens,  1S733. 
Sentement,  odeur,  79'.7  ;  sentimeni,  12746. 
Sentenoier,  213S9,  rlc. 
Sentir  :  part.  pass.  sentu,  1420,  etc. 
Sepmaine.  l'oy.  Sanglant. 
Sercher,  chercher,  8271,  etc. 
Sercus,  cercueil,  12212,  etc. 
Seri,  doux,  4657,  etc. 
Serpente,  serpent,  10821,  etc. 

Serre,  force,  8025  ;  prison,  401  ;  serre  tenir,  f  acharner,  40. 
Serrement,  fortement,  21936,  etc. 
Serrer,  enfermer,  278'3. 
Serventois,  au  fig.,  4737,  30810. 
Servir  d'une  chose,  servir  une  chose,  14325. 
Seuiet,  185r.2,  etc. 
Seur,  rim.  en  en,  537. 
Seure,  dessus,  2738S. 
Seurmanoir,  dépasser,  19S65. 
SiCHAR.  SIchem,  11555. 
SiooNMC,  flidon,  12265. 
Sidonne.  loile  tn^s-fine,  2a827. 
Signer,  marquer,  1419,  etc. 
Signiflance,  5220,  etc. 
Signifiment,  33854. 
SUance. /'«'»i.,227. 
Silete,  terme  de  musique,  647,  2875,  383Ï,  3864,4914, 

,-tc.  :  silence,  17339. 
Simplement,  peu  habilement,  9325. 
Simplesse,  abattement,  tristesse,  1108. 


Simplet,  t095e. 

Simploier,  a'altritler,  1S1T7. 

Slnaolc,  signe,  22303. 

Soçon,  compagn'in,  11624. 

Sol,  sotil,  22413. 

Salas,  Boulas,  ennsolnllon,  6856,  tie.  ;  ■  «oula*,  à  eirw 

joie,  31759. 
Saler,  soulier,  10245. 
SoUctter,  surteillir,  24525. 
SoUe,  sorte  de  Jeu,  22114. 
SoUoir,  sonloir,  avoir  eoutuma  de,  6100,  etc. 
Sommer,  faire  ta  lomme  d'un  compte, 'Mi',  ritumer, 

2047S. 
Sommterement.  snmm'iirement,ii80n. 
Singeart,  rérasseur,iiXî9. 
Songer,  4328:  on  ne  la  pnurroil  mieuU  Mager,  o»  »•■  ('■ 

.i.ittr<n'l  tii(<!i«,i;  imaginer,  3 1:174.  Vo.v.  lloro». 
Songner,  s'occuper,  4321  ;  aongner  du  bee,  pemrr  <V  M 

mnngeaille,  7525. 
Borcerie.  sorcellerie,  19553. 
Sornette,  54.S7, 19ï$2. 
Sorte,  compagnie,  10934,  etc. 
Sortir,  obtenir  par  le  sort,  834,  tte..;  partenir  par  sa 

destinée,  18311  ;  tirer  au  sort,  19S09. 
Soubtir,  subtil,  9928. 
Soubtll  :  ou  pr.mver  giat  le  loubtil.to  dif/leulli  "t  dant 

In  prcure,  8.871. 
Soubzmareher,  fouler  aux  pieds,  "TS?. 
Soucier,  jifèoccupcr,  1611  ;  allrisler,  30965. 
Soudain  ;  si  soudain,  14W. 
Soudas,  .■:oldals,  22073. 
Sonder,  payer,  19633.  Voy.  Souldor. 
Sonef,  suave,  1531. 
Soufflsance,  2528. 
Soufflace.  soufflet,  19603. 

Souffler  :  souffler  la  plume,  boire,  6362;  souffler  U  chan- 
delle, donner  un  camouflet,  11231. 
Soufft-ete,  disette,  manque,  16405, 16rv80. 
Souhaldler,  souhaiter  :  tant  qu'a  «onhaidier,  tant  qu'on 
peu'    imaginer.  29200;  «i  trea  joieulx  qu'a  «oubaidi» 

aussi  Joi/eu.v  qu'on  saurait  le  touhailer,  SilO  . 
Sonldee.  paiement,  7986,  etc. 
Soulder,  payer,  20841. 
Souldre,  résoudre,  9616. 
Soulier,  Jouer  A  la  solle,  22116. 
Souillon,  valet  d'armée,  18567. 
Souppe.  tranche  de  pain,  11276. 
Souppeçon.  fém.,  soupçon,  5699. 
Sources  (a  grans),  en  grande  quantité,  8135. 
Sourdre,  se  lever.  439  ;  faire  lever,  5577. 
Sourvenir.  tromper,  circonvenir,  307*6.  Voy.  Sarvsa'J* 
Souvenir  :  il   ne  luy  en  aouvient,  il  n'y  tonge  guère, 

30050. 
Subit  (en),  iue>i(<-m(>nt,  14590. 
Subjit,  s„Jet,  10736. 
Snbjugnier,  26273. 
Sublimé,  3193. 

Submetre.  subordonner,  7158. 
Subroguer,  21483. 

Subscide.  secours,  592.  , 

Substance,  tu'isistance,  2S5il. 
Substraire,  sou.,>lraire,  9703. 
Subvertir,  15639,  «le. 
Sulr,  sui'iir,  17670,  etc. 
Suire,  beau-pire,  19335. 
SolTir,  suivre,  10339,  «le. 


470 


GI.OSSAIRE 


Suivre  a,  jiremire  garde  n,  12351. 

Sulphurieax,  1700. 

Supernel,  204,  et'', 

Superscription,  17264. 

Suppediter,  supplanter,  7901. 

Supperlatif,  suprême,  2070. 

Supplanter,  2164. 

Supplir  l?),  suppléer  :  raison  supplest  au  résidu,  2521. 

Suppost,  sujet,  967,  etc.;  compagnon,  11241. 

Sur,  che-,  13783,  etc.  Voy.  Sus. 

Surauré,  iiorè  par  dessus,  14052. 

Surpiez,  »np  piez,  sur  Je  champ,  668,  etc. 

Surprendre,  enlever  par  surprise,  14620. 

Surrexi,  ressusc-itè,  29738,  etc. 

Survaincre,  18739. 

Survenir,  souvenir,  2/301. 

Eus,  cliez,  21  046;  sus  et  jus,  dit  haut  en  bas,  28015. 

Euscitacion,  32440. 

Suscitement,  31664. 

Susciter,  ressusciter,  32350. 

Suspens,  suspendu,  66,  etc.  ;  privé  de,  426. 

Suspicieux,  suspect,  21505. 

Suyr.  5473.  Voy.  Sulr. 

Sy  :  par  tel  sy,  en  telle  manière,  23126. 

Tabour,  tambourin,  4729. 

Tacon,  pièce  de  cuir,  4717. 

Taille  :  venir  a  taille,  venir  à  bout,  15178;  clieoir  a  taille, 

«i.  s.,  17333. 
TaiUier  :  vous  estes  tailliés,  vous  avez  la  chance.  19448  ; 

il  est  taillié,  il  est  en  passe,  23370. 
Taint,  livide,  1154,  etc. 
Tant  que,  tout  ce  que,  14950. 
Tantet,  tantinet,  4349,  etc. 
Tarabara  :  a  tous  propos,  tarabara,  27987. 
Tarder,  arrêter,  contenir,  16788. 
Tardif,  ai'artce,  9929. 
Tardivet,  17584. 

Targer,  tarder,  5158,  etc.  ;  s'arrêter,  5830. 
Tas  :  beau  tas,  beaucoup,  26255. 
Tatin,  coup,  4348,  et". 
Taulir,  14152.  Voy.  Tolir. 
Tanxer,  taxer,  2615,  etc. 
Te  Penm,  34574. 
Tel  :  par  tel,  en  telle  façon,  11724. 
Tempester,  agiter  violemment,  21719. 
Tempore,  temps,  7055,  etc. 
Temprement,  promptement,  13440,  etc. 
Ténèbre,  25969,  32807. 
Tenebrosité,  473. 
Tenement,  domaine,  5^0,  etc. 
Teneur,  terme  de  musique,  3836. 
Termine,  terme,  3998,  etc. 
Terquoy,  poix,  4712. 
Terribilité,  21798. 
Terrien,  habitant  du  territoire,  14927;  de  terre,  10942. 

etc. 
Terronoir,  territoire,  6321. 
TzRVAG&NT,  dieu  païen,  21541,  23664. 
Thabsc,  6069,  6835,  8798. 
Theume,  thème,  27455. 
Timbre,  (en  plaisant.)  tête,  27966. 
Tira  via  (italien),  va-t-en,  22013. 
Tirant,  bourreau,  7752  ;  tyran,  8010. 
Tiaz,  Tyr,  12265. 
Tire  :  estes  vous  tous  de  ceste  tire?  vous  rangez-vous. 


tous  à  cet  avis?  27948;  il  en  y  a  trop  longue  tire,  c'est 

trop  long,  4342;  de  tire,  tout  droit,  5679,  etc. 
Tirer  ;  Belot  t  ire  ta  chaulse  (sobriquet  d'une  cham  hrièrc  -, 

7S26. 
Toise,  étendue,  31857. 
Tolir,  enlever,  3704 ,   etc.  ;  cela  ne  nous  toit  ne  donne. 

cela  nous  est  indifférent,  27900;  part.  pass.  toUu, 

11939,  etc. 
Tomber,  aci.,  16933. 
Toucher  :  r'est  une  chose  qui    trop  touche ,   est   trop 

grave,  31S55. 
Torche  :  il  reçoit  la  torche,  il  est  frotté,  3787, 
Torcher,  fcdHre,  3788,  f('-. 
Torchon,  coup,  7312. 
Torchonner,  battre,  3782,  etc. 
Tortue  (ro/i.sidérèe  comme  un  reptile  renimeure},  737,'^, 

10825. 
ToualUe,  serviette,  23591. 
Tour  d'escoUe,ritsc,  20403. 
Tourbe,  Iroupe,  3831,  etc. 
Tournelle.  Voy.  AffuUer. 
Tousdis,  toujours,  19497. 
Toussir,  tousser,  22015. 
Tout  :  par  tout  la  ville,  9319  ;  par  tous  les  joinetures, 

18054. 
Tracer,  suivreàla  trace,  chercher ,liS^.  Voy.  Trasser. 
Tracture,  action  de  tirer,  30878. 
Traditeur,  15456,  etc. 
Trahltre,  traître,  19270. 
Traict,  direction,  5472. 
Trainee,    manière  de   prendre   les  oiseaux  :  au,  fiu  , 

l'omme  est  frappé  a  la  trainee,  920  ;  série,  22146. 
Transflxeure,  phiie  causée  par  un  instrument  perçant. 

31381. 
Transgrès,  transgression,  17. 
Transmuable,  changeant,  32739. 
Transsir,  passer,  1707. 
Trasser,  chercher,  28786,  etc. 
Traveil,  fatigue,  souffrance,  13,  etc. 
TraveiUier,  fatiguer,  4412. 
Travers  ;  c  travers,  3801. 
Tref,  màt,  31757. 
Tresbucherle,  19101,  etc. 
Tresorlere,  4939. 
Trespas,  infraction,  2681,  etc. 
Trespercer,  transpercer,  7316. 
Tresque,  danse,  1928<. 
Tressuer,  suer  beaucoup,  16767, 
Tretous,  tous,  6819,  etc. 
Trin,  triple,  256, 1041)7. 
TripaiUe,  26400. 
Triple,  terme  de  'inusique,  17440. 
Trompe,  tromperie,  17190,  etc. 
Trot  (le  grant),  au  plus  vite,  15527. 
Troteler,  trotter,  21079. 
Trotiner,  24324. 
TronlAe.  terme  de  musique,  un   trouble  continué,  3840. 

Voy.  Triple, 
Trousser,  c»i«i-er,  12041,  e/c;  marcher,  1925S. 
Trouver  :  gens  trouvés,  gens  qui  font  précisément  l'af- 
faire, 27350. 
Tmage,  tribut,  1465. 
Truander,  mendier,  19559. 
Trawat,  mendiant  ;  c'est  ung  ver  tout  truant,  c'est  un 

proverbe  qui  court  les  rues,  25008. 
Truffe,  tromperie,  14310,  etc. 


OLOSSAl RK 


m 


Trnffep,  tromper  :  truffer  1«  dent,  Sf  palier  if  mnngrr, 

077'.. 
Tube.  V'>y,  Coulon. 
Tumer,  (o«iô*»r,  7488. 
TurbacloB,  3'i57f  etc. 
Turte,  tnicrtei-rll'\  6fl27. 

Umblesae,  :!028,  etc. 

Umbrage,  (■  l'ombre,  30634. 

Un  ;  uns  chnns,  des  chants,  4AÔ7. 

Une  ;  ils  en  ont  pour  une,  <issei  pnur  une  foitt,  105S7;  n 

\ines,  à  «05  ff'ii)!.  1678(>, 
Ungture.  tfiOOO. 
Usurpeur,  21460. 
Utenoille,  17712. 

Vaast.  interj.  de  mépris,  2M46. 

Vacant,  errant,  1177. 

Vagant,  allant  'le  droite  et  de  gaurlte,  21542. 

Vaine,  prière  :  (j'on., c'est  pour  tes  vaines,  17773. 

Value,  valeur,  3332. 

Vantise,  prétention  vaine,  2G593,  etr. 

Varlance,  4042. 

Varier,  dire  au  contraire,  21855;  te  détouriur,  27461  ; 

hésiter,  29557,  29876. 
Vaulte,  voûte,  19626. 
Veil,  volonté,  S74,  etc. 
VendioioB,  9785. 

Vendre  :  la  les  vent  on,  il  n'en  manque  pas,  20962. 
Vengement,  25S0. 
Vent,  bruit,  querelle,  19816;  vent  ne  soye,  aucune  trace. 

9i54. 
Vente,  Voy.  Fenr. 

Venu»,  6392,  7483,  7496,  21327,  22198,  23440. 
Ver,  ver.i,  proverbe,  5469,  25008,  etc. 
Vermeillet,  9399. 
Vers  (yeuxt,  yeux  bleU'Vert,  9400. 
Versatille,  ci  deux  tranchants,  899. 
Vertir,  tourner,  8908,  etr. 
Vertu,  miracle,  18545. 
Vertuable,  500,  etc. 
Vesperier,  ou  fig.,  bafouer,  20189. 
Viaire.  visage,  807,  etc. 


TlaBd»,  aUmmt;  11157,  llflBS. 

VlatauF,  2450,  itc. 

Viault<,  condition  vil»,  £470. 

Villain  du  pays  plat,  campagnard,  tt.770. 

ViUenable,  /i'»i(<-ii  r,  .32311. 

Vlllener,  honnir,  21707,  etc. 

Vlllonner,  outrager,  S7506. 

Tin  ;  ung  eoortots  vin,  au  Itg.,  un  lion  pot-4f-vin,  30450; 

m.  .«.,-30471,  etc. 
Vlnage,  impôt  sur  le  vtn  .*  au  flg.,  7413. 
Tirade,  tour,  28826. 
Vlreton,  trait  iCarbalite,  18565. 
Vlrtuaulté.  rertu,  ordre  d'anges,  308. 
Visage  (tenir),  faire  face,  30S17. 
Vitupère,  action  honttui;  2320  ;  hIAme,  10103,  He. 
Vitupérer,  blâmer,  24050.  ' 
Vivra  (sa),  20723. 
Via,  visage,  9187,  etc. 
Vo,  rostre,  226,  etc. 
Voir,  vrai,  6286,  etr. 

Voirement,  vraiment,  8£3{;  roirment,  14tM. 
Voirre,  verre,  938. 
Voiler:  Hz  8<:arontbien  du  bas  voiler,  ils  sauront  de  boni 

tours  (métaph.  empruntée  i\  la  fauconnerie),  t5077. 
Tuell.  Voy.  Vetl. 
VuLCAHUs,  2îr<3. 
Vuyder,  vider  la  place,  10466. 

Walleqaln,]i<^c«  (Titoffe  destinée  au  foulage:  au  /Ig.,  1*1 
walW'quins   furent  foulés  bien  laidement,  tS038. 

Y  fau  lieu  de  lui;,  30915. 
VcAsiis,  7501 . 
Tdee,  image,  type,  270. 
Tdone,  apte,  303,  etc. 
Via.  là,  1.573,  etc. 
Vpocras,  25950. 
TsAManiM,  le  loup,  4773. 
Taia,  7500. 
TaaaI.   Voy.  Isnel. 
Tsslr.  Voy. 


SBPBimos,  7502 


!  VON.  —  IMPRIMBRIB  f  ITRAT    Alt»*,  «P»   0«NTII..   4. 


ERRATA 


232  Su2>primez  les  parenthèses.  11818 

774  /-«  rers  a  une  syllabe  rie  trop,  H311 

1387,  1510  povoir,  lisez  pouoir.  11415 

2853  Lise:  littoral.  11757 

302iS  Lisez  quoi  que.  11758 

3141  Place:  à  la  fin  du  vers  un  ;.  11875 

32U  Supprimez  la  virgule  après  cil.  11876 

3215  Suppritnez  la  virgule  après  lien.  11906 

3',S2  ce,  lisez  se.  122» 

W23  d'envyp,  lisez  demye.  ,  12396 

5138  qui,  lisez  que.  12543 

4322  Lise:  qu'il.  W.V, 
1C()3  Adopte:  la  leçon  du  ms.  A,  duysant   au  lieu  de        I't5i6 

poissant.  14896 

4940  Supprimez  la  virgule  après  reffaite.  15731 

4058  Supprimez  la  virgule  après  demonstree.  20223 

5571  Lise:  doulceur.  21766 

^612  Supprimez  ta  virgule  après  alité.  22827 

5ol3  Placez  une  virgule  après  humilité.  13350 

COiO  Lisez  enquerez.  Î5352 

0206  Placez  un  ;  après  pays.  25387 

0786  Lisez  vostre.  25476i 

0861  Supprimez  la  virgule  après  las.  85942 

"104  Placez  une  virgule  après  feste.  26813 

7207  trop,  lises  cop.  27271 

(428  Supprime:  la  virgule  après  sire.  28147 

7889  11  faudrait  un  blanc  après  ce  vers.  28200 

7920  Lisez  n'en  aye.  28273 

8S31  Lisez  lavai.  30290 

8856  Lise:  qu'ilz.  30695 

1)620  Lise:  ongnemenl.  34279 
9027  Lise:  longuement. 


Lises  Teil. 

Lisez  veej  ci  si. 

Lise:  couches. 

Placez  un  ;  après  fait. 

Supprimez  le  ;  après  parfait. 

Supprimez  ta  virgule  après  qui. 

Supprimez  la  virgule  après  p«rseTerera. 

Placez  une  virgule  après  dame. 

Lisez  paatés. 

Supprimez  les  virgules  après  hny  et  tir». 

me,  lisez  ne. 

Placez  un  1  à  la  fin  du  vers. 

Remplacez  le  î  par  un  ;. 

Remplacez  In  virgule  pjr  un  ;. 

Lisez  renrontrement. 

Lise;  no  sire. 

Lise:  a  tout. 

Remplacez  te  !  par  u»l 

Lisez  il  en  est  pir. 

Lisez  demeurant. 

Lisez  engendré. 

Lisez  l'amoderei. 

Lisez  l'amodere. 

Lisej  ce  sera. 

Lisez  je  m'entremis. 

Lisez  qu'il. 

Ajoutez  que  au  commeneemtnt  du  teri. 

vous,  lises  nous. 

Lises  vostre. 

Remplaces  le  1  par  un  point. 

Lises  intercè*. 


0 


PQ 
1357 

P2G8 
1878 


Greban,  Amoul 

Le  mystère  de  la  passion 
d'Amotdd  Greban 


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