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Bulletin de recherches, observations et découvertes se rapportant
à l'Histoire Naturelle du Canada
TOME DIXSEPTIEME
L'ABBÉ L. PROVANCHER, REDACTEUR-PROPRIGTAIRE
QUÉBEC
C. DARVEAU, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
No. 82, rue de la Montagne
1888
Le DOME
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Vol. XVII. Cap Rouge, Q., Juin, 1887 No. 1
Rédacteur: M. l'Abbé PROVANCHER.
PRIMES
La lére prime du mois d'octobre, N° 24%, De Québec a
Jérusalem, est échue aux Révérends Pères Oblats, de S.-Sau-
veur, Quebec. es
La 1ère prime du mois d'avril, N° GE, Faune Cana-
dienne, les Coléoptères, est échue aux Révérendes Sœurs du
Bon-Pasteur, Québec.
Les deux du mois de mai, Nos 287 et £08, n’ont pas en-
core été réclamées.
JUIN.
1ère Prime.— Une loupe de poche.................... N° 191
2 ie 2, Netria.duplicata..::.....ù. ANT
N. B.—Toute personne ayant l’exemplaire portant l’un ou
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page, devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date,
et envoyer des timbres ponr affranchir le postage. — Voir sur
la couverture.
———— +4 Dr —
1—J uillet, 1887.
Lt
bs
LE NATURALISTE CANADIEN
PRIMES POUR LE VOLUME XVII
Jére PRIME.
Juillet— Cassis Madagascarienis,
Lam. Casque de Madagascar.
Août — Faune, Les Coléoptères,
Volume de 785 pages.
Septembre — Cassis rufa, Lin.
Casque rouge.
Octobre— De Québec à Jérusalem.
Volume de 800 pages.
-Novembre — Turbo pica, Lin.
Sabot pie.
Décembre— Un petit microscope
pour la botanique et l'entomolo-
gie.
Janvier — Cecals Book of Birds.
Tilustré.
Février — Hyppopus maculatus,
Lam. Hippope maculé.
Mars — Cecil’s Book of Insects.
Illustré.
Avril Murer regius, Lam. Rocher
royal.
Mai — Crombie’s Lichens Britan-
nici. Les Lichens de lAncgle-
terre.
Juin — Murex radix, D’Argens.
Rocher racine.
2è Prime.
Cyprea scurra, Lin. Porcelaine
parasite.
Cone
Conus gubernator, Lam.
gouverneur.
Cyprea lynx, Lamark. Porcelaine
lynx.
Cassis testiculus, Lam.
bonnet.
Casque
Voluta musica. Lin. Volute ins-
trument de musique.
Fusus Dupetithouarsi, Kien. Fu-
seau de Dupetithouars.
Murex truneulus, Lam. Rocher
troncule.
Oliva litterata, Lam. Olive écrite,
Cassis echinophora, Lin. Casque
porte-épine.
Cyprea mappra, Lin. Porcelaine
géographique,
Purpura hæmastoma, Lin. Pour-
pre bouche rouge.
Cassis saburon, Brug. Casque sa-
buron.
N. B.—Pour avoir droit à réclamer la prime, il faut avoir
payé son abonnemert d'avance,
portant écrit en crayon bleu,
indiqué pour telle prime,
et posséder en outre, la livraison
sur la 1ère page, le numéro
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NOTRE DIX-SEPTIÈME VOLUME. 3
NOTRE DIX-SEPTIEUE VOLUME.
Tel que nous l'avons annoncé dans notre dernier numéro,
nous commençons dans celui-ci les importants travaux de MM.
Guignard et Crevier. (1)
Le premier, dans son Unité des forces duns la nature,
nous fera connaitre une foule de points de vue nouveaux aux-
quels nous accorderons bien volontiers notre assentiment, tant
la force de la logique nous empêchera de nous en écarter, mais
qui ne nous en étonneront pas moins par les conclusions dont
l'industrie a sn s'emparer et sur lesquelles notre attention ne
s'était pent-être encore jamais portée. Le progrès en tout sens
s’opère si rapidement de nos jours, que, pour peu que nous né-
gligions de suivre, du moins de l'œil, la marche de la science,
nous nous trouvons bientôt dépistés, et les lecons que de sa-
vants professeurs font réciter à leurs élèves d'aujourd'hui de-
viennent des énigmes pour ceux qui comptent déjà quelques
décades depuis qu’ils ont fait leurs adieux aux banes du col,
lége.
Le second, M. le Dr Crevier, dans son Etude sur les mie
crobes, nous montrera comme quoi le microscope a pour ainsi
dire révolutionné le monde, en moins d’un quart de siècle, par _
les études sur les infiniment petits. Microbes sur nous, mi-
crobes au dedans de nous, microbes dans dans l’air que nous res-
pirons, dans l’eau, le vin, la bière que nous buvons, dans le pain
que nous mangeons, et, semblables au bourgeois-gentilhomme
de Molière qui ne savait pas s’il parlait en vers ou en prose,
nous ne les connaissons pas ces microbes! Cependant quel
rôle ne jouent-ils pas! ici, puissants auxiliaires de la vie, ils
sont un agent essentiel de sa conservation; 14, viciés et détour-
(1) Le défaut d’espace nous a forcé à renvoyer le travail de M. Gui-
gnard au prochain numéro,
4 LE NATURALISTE CANADIEN
nés de leur but, ils deviennent des agents effectifs de la mort,
dans les nombreuses maladies dont ils sont la cause.
Ce sera donc «vec une curiosité toute pleine d’intérêt que
nous suivrons ces démonstrations de la science, que, pour la
plupart, nous n’aurions ni le temps, ni les moyens peut-être de
poursuivre ailleurs,
Nous ue inanquerons pas non plus de terminer notre réfu-
tation du darwinisme, qui pourrait être portée à de bien plus
amples développements, mais que nous croyons avoir renfermée
dans des déhiitations suftisantes pour faire ressortir conveua-
blement tout le vide et absurde d’une telle théorie.
ETUDE SUR LES MICROBES
PAR LE DR J. A. CREVIER, MONTREAL
La scieuce des microbes est née d’hier, mais cn quuigucs
années elle a fait d'immenses progrès. De plus c'est une science
essentiellement francaise, car c’est grâce aux almirables travaux
de Pasteur, de Béchamp ete. etc., surtout à la fermeté et au génie
du premier secondé par la foi et l’activité de ses disciples, que
cette science a pu vaincre des préjugés séculaires et pénétrer
par toutes les portes au cœur même de l’antique médecine Galé-
nique, pour la transformer et la régénérer.
Aujourd’hui, tout le monde parle des microbes, mais bien
peu de personnes, parmi celles qui ont ce mot à la bouche, se
font une idée nette des êtres dont ils prononcent le nom, se ren-
dent un compte exact du rôle que les microbes jouent dans la
nature. Ce rôle, cependant, est immense, et intéresse chacun
de nous.
ÉTUDES SUR LES MICROBES 5
Le médecin et l’hygiéniste en premier lieu, l’homme du
monde désireux de prendre part à une discussion scientifique,
lavocat forcé de traiter, en face d'experts, une question d’hy-
giène ou de médecine légale, l'ingénieur, l'architecte, l’indus-
triel, l’agriculteur, l’adminisirateur, tous ont à compter avec
ces infiniment petits, qui sont les grands générateurs de la vie,
ou les destructeurs des êtres organisés, et dont le rôle, est ainsi
de maintenir l'équilibre dans la nature. C’est en eux que réside
le principe vital, le microzyma de Béchamp, ou le générateur de
la cellule vivante, que Dieu créa, en ordonnant à la terre de
produire son jet, et aux eaux de produire toutes espèces d’ani-
maux, mollusques, poissons, reptiles, mammifères, que l’on voit
apparaître aux différentes époques géologiques.
Tous les lecteurs du Naturaliste trouveront dans cette
étude des notions claires et précises sur les microbes, notions
qu’ils trouveraient difficilement ailleurs, dispersées qu’elles sont
dans des livres destinés aux wédecins ou aux botanistes de
profession.
Les questions de patholozie microbienne, d'hygiène prati-
que, celles surtout qui intéressent l’économie domestique, l’agri-
eulture ou l’industrie, et qui se rattachent à l’étude des microbes,
attireront tout spécialement mon attention. Ces questions sont
tout-à-fait à leur place dans un travail comme celui-ci. Il n’y
a que des avantages à mettr: à la portée de tous les préceptes
de Phygiéne qui ne peuvent devenir réellement populaires qu’en
pénétrant par l’habitude, par la routine pour dire le mot, dans
les usiges d’une nation.
Sous ce rapport, que de chain à faire, avant que notre so-
ciété moderne soit, dans la pratique, au niveau des progrès de la
science !...que de préjugés à déraciner, que de notions fasses à
remplacer par des notions plus justes et plus saines !
C’est pourquoi j'ai cherché à mettre ces notions à la portée
de toutes les intelligences; pour les lire avec fruit, il suffit de
6 LE NATURALISTE CANADIEN
posséder les connaissances élémentaires des sciences naturelles
qui font partie désormais du programme de l’instruction primaire,
Bien que cette étude sur les microbes ne soit pas écrite
spécialement pour les médecins, ils y trouveront beaucoup d’ex-
périences et de faits nouveaux qui ne se rencontent pas dans
les auteurs les plus récents, publiés depuis 1880 jusqu’à
1886, ce sont surtout des expériences faites sur l'effet de
certains médicaments affectant la vitalité des microbes ou
bactéries, possédant le pouvoir d’anéantir leur action mor-
bide sur le système, en conséquence pouvant guérir et pré-
server l'humanité, de la plupart des maladies contagieuses et
épidémiques, qui encore aujourd’hui la déciment. C’est par
des expériences de cette nature que j'ai réussi à trouver un spé-
cifique contre le terrible choléra asiatique, lequel, en 1854, désola
le Canada et l’Europe. La méthole expérimentale m'a aussi
servi à découvrir des remèdes spécifiques pour la guérison cer-
taine et rapide, de la diphthérie, du croup, de la variole, de la
scarlatine, de la rougeole, de la coqueluche, traités dès le début ;
aussi la possibilité de juguler, dans l’espace de 6 à 12 ou 24
heures, la fièvre, et toutes les maladies zymotiques, contagieuses
et épidémiques prises dès le. début. Une chose certaine, c’est
que si tous les médecins employaient cette thérapeutique ra-
tionelle, la mortalité générale diminuerait au moins des trois-
quarts et peut-être des neuf-dixièmes. Tous les travaux que j'ai
entrepris sur les infiniment petits, et sur les autres parties
des sciences narurelles accessoires À la médecine, n’ont eu
pour but que le perfectionnement de la science médicale, destinée
uniquement au soulagement de l'humanité souffrante. Pendant
le cours de cette étude, je ferai connaître aux lecteurs les moyens
médicaux et les médicaments employés dans ce but. Les méde-
cins et les hygiénistes tronveront réunis dans ce travail élémen-
taire des matériaux qu'il leur faudrait chercher dans nombre
d'auteurs différents; mes études embrasseront non seulement les
bactéries, mais encore les champignons et les algues microscopi- ©
ques attaquant l’homme, les animaux et les plantes, de plus, les
ETUDES SUR LES MICROBES yi
moyens de combattre leur action muisible et de protéger les
espèces utiles, qui sont les auxiliaires de l’homme dans ses com-
bats contre les infiment petits, comme ils sont dans d’autres
_ circonstances, ses plus terribles ennemis.
Si l’on peut affirmer sans hésiter que les travaux, de notre
savant entomologiste, M. l'Abbé, L. Provancher, ont sauvé
des millions de piastres à la province de Québec, et aux pays
en général, en faisant connaître les insectes utiles et nuisibles ;
de même aussi, la connaissance des microbes bien comprise,
pourra sauver des millons de dollars, et aussi des milliers de vies
précieuses.
Pour le médecin et l'amateur des sciences, ce travail ne
pourra-t-il pas leur servir d'introduction pour aborder ensuite la
lecture des ouvrages plus considérables de MM. Sternberg, Koch,
Duclos, Béchamp, Klein, Cohn, Topf, Thabenhorst, Hallier,
Marchand, Pasteur, De Bary, d’Hoffman, Warming, et de beau-
coup d’autres dont les travaux ont servi de puissant stimulant
à l'étude de la Bactériologie.
Dès 1879 je commencai de nouvelles études. sur les ani-
maux etles plantes microscopiques, afin de me mettre au courant
des nouvelles découvertes dans ce champ d’étude, dont les cory-
phées cités plus haut ont tellement activé le progrès, qu’ils ont ré-
volutionné toute la pathologie et la thérapeutique. Par cette étu-
de, j'ai pu ajouter 856 nouvelles espèces à celles déjà étudiées
depuis 1849 à 1875, formant un total de 1645 espèces diffé-
rentes. Ce nombre, étant réparti dans les différentes classes des
infusoires, ou microzoaires proprement dits, des microbes, des
algues et des champignons microscopiques, comprenant les
principaux parasites de l’homme, des animaux et des plantes,
soit nuisibles ou utiles à connaître. Ce sont ces êtres nouvelle-
ment découverts que j'ai particulièrement en vue de faire con-
naître dans les pages qui vont suivre.
A suivre.
8 LE NATURALIETE CANADIEN
LE CHEMIN DEFER DU LAC ST-JEAN.
LES LACS SERGENT ET ST-JOSEPH.
Dans ces temps de température torride, ce n’est pas une
mince jouissance que de pouvoir, pour quelque temps, aban-
donner son gîte, se soustraire à tous soucis, et aller respirer Pair
frais des forêts verdoyantes, humer les doux parfums qu’exhalent
les foins verts et les fleurs sauvages, recucillir dans quelque
rustique embarcation sur l'onde de quelque lac solitaire, les
suaves émanations qu’un doux zéphir apporte des rives herbeuses
qui l’enchassent, satisfaire un légitime orgueil de conquérant dans
les victoires qu’assurent la ligne et l’hamecon, s’aiguiser l'appétit
par des marches forcées, en se frayant des sentiers à travers de
longues herbes antrelacées ou des broussailles résistantes, parta-
ger, ne fut-ce que pour une seule nuit, la rude couche de nos
bucherons dans la forêt, où les branches de sapin ou un foin
fraîchement fauché tiennent lieu de matelas et d’oreillers !
Ces diverses petites miseres embrassées d'abord avec répu-
enance, supportées avec | orands efforts de bonne volonté, aban-
données peut-ütre même par intermittences par découragement,
et souvent aussi par épuisement passage r, ne tardent pas A faire
goûter un certain charme qui leur est propre, et à‘nous attacher
de plus en plus à leur poursuite. PEL
Avec quelle avidité on se remplit l'estomac dé fruits de
toute sorte et de mets les plus substantiels, quoique communs
et réputés grossiers. Le jambon sous le pouce avec la ‘ranche
de pain pour assiette, une lourde crêpe au lard on le biftèque
froid dont on s’est pourvu, avec l’eau limpide, légère et glacée
du ruisseau’ voisin, tout est ingureité avec empressement, et
vous êtes tont étonné de voir que le travail de la digestion
s'opère sans que, pour ainsi dire, vous vous en aperceviez, et
cependant vous avez dévoré en un seul repas ce que vous n’au-
riez pu consumer chez vous dans l’espace d’une journée.
LE CHEMIN DE FER DU LAC ST-JEAN 9
Vous vous étendez le soir sur le moelleux lit de sapin,
rompu de fatigue, vous vous croyez même rendu, épuisé ; mais
un sommeil des plus lourds, que les maringouins et les brûlots
ne peuvent pas même interrompre, vient rétablir l'équilibre dans
la machine de votre corps, et dès le lendemain, vous vous
éveillez remis, dispos, et pret A répéter vos prouesses de la
veille où à en entreprendre de plus sérieuses encore.
Votre estomac vous demande de plus amples provisions
que d'ordinaire, et aussitôt satisfait, le mouvement, l’action sem-
ble vous commander, et avec encore plus d’ardeur que la
veille, vous courez à de nouvelles jouissances, au prix de
fatigues plus pénibles encore.
Pour nous, un déplacement quelconque, quelque peu con-
sidérable qu’il soit, une excursion à la campagne, quelque peu
attrayante qu'elle puisse paraître, est toujours une bonne au-
Laine. Par ce que, en outre de la distraction que nous y trou-
vons, elle nous offre l’occasion de faire peut-être quelque rare
capture, et toujours le plaisir de constater que telle plante, tel
insecte, tel mollusque se rencontre en cet endroit.
Nous saisimes done avee d'autant plus d’empressement
l’occasion de faire, le 20 du courant, une excursion au lac St-
Joseph sur le chemin de fer du lac St-Jean, que la maladie
nous avait forcé de garder la chambre durant presque tout le
mois de juin. Nous prévoyions, comme tel a été aussi le ré-
sultat, qu’un semblable voyage ne pourrait manquer d'opérer
notre parfait rétablissement, en respirant un air nouveau et en
nous forçant a prendre plus d’exercice que d'ordinaire, sans
compter que nous allions avoir une occasion de chasser aux spé-
cimens dans un endroit que nous n'avions encore jamais visité.
Le chemin de fer du lac St-Jean a commencé et continuera
à être toujours la ligne des plus agréables piqnes-niqués porr
Québec. L’Ile-aux-Grues, la Malbaie, Tadoussac etc., avec la
navigation si pittoresque de notre roi des fleuves, offrent des
avantages Inappréciables aux touristes, aux grandes excursions,
10 LE NATURALISIE CANADIEN
dans lesquelles vous transportez la ville, avec son con comfort,
ses exigences et son étiquette à la campagne; mais pour ces pi-
ques-niques de familles ou d'amis, dans lesquels on se fait véri-
tablement campagnard, dans lesquels le sans-gêne et la liberté
@allures remplacent le guindage et l'étiquette des salons, c’est
le chemin de fer du lac St-Jean qui vous l’offrira toujours. La,
à quelques lieues seulement de la cité, vous trouvez la forêt
solitaire, la forêt vierge, avec son silence, sa verdure, son om-
brage, l’eau murmurante de ses ruisseaux, la solitude et l'écho
prodigieux de ses lacs, ses fruits spontanés etc., et sans con-
trainte aucune, vous pouvez vous livrer à toutes ces douces
jouissances. Ajoutez qu’étant à deux pas de la voie ferrée, le
retour ne vous inquiète en aucune façon, orages, coups de vent,
vous n’avez rien à redouter.
© Nous ajouterons une autre considération, et qui n’est pas
de moindre importance celle-ci, c’est que tant que la compagnie
du Chemin de fer du lac St-Jean aura des officiers comme
M. Allan, le Surintendant et M. Clear le conducteur, les ex-
cursions deviendront doublement agréables. On ne peut désirer
plus de politesse, de courtoisie, d’égards et de facile entente
que nous en avons trouvé dans ces deux messieurs On en
pourra juger par ce qui suit.
La compagnie annonce un train d’excursion à prix réduit
pour le mercredi et le samedi, de Québec à St-Raymond. Nous
nous rendons au nombre de treize à la station de la Petite-
rivière ; là le gardien ne connait pas de réduction, si bien que
nous nous réservons à prendre nos billets dans les chars. Une
fois en mouvement, M. Clear, le conducteur, se présente —C’est
à prix réduit aujourd’hui, lui dimes-nous ? —- Oui, mais c’est de
Québec que se fait la réduction.—C’est-a-dire que si un homme
du lac St-Joseph voulait aller à St-Raymond par ce train, il lui
faudrait passer par Québec ?— Attendez, le Surintendant est à
bord, je vais le consulter.
Puis se présente M. Allan le Surintendant.
LE CHEMIN DE FER DU LAC ST-JEAN 11
:— Nous voulons aller au lac St-Joseph, nous sommes 13
de notre bande, quel sera le prix pour l'aller et le retour ? —Le
prix réduit ne compte que de Québec,—Et bien done supposez
que nous partons de Québec.—Le prix ordinaire serait de 90
cts., nous dirons 60 cts., pour aller et revenir.—Fort bien ;
mais entendons-nous bien; le retour devrait s’opérer aujour-
d’hui, et nous voulons ne revenir que demain.— Vous reviendrez
quand bon vous semblera.—Très bien; mais nous disons au
lac St-Joseph, et c’est à 14 mille et demi plus loin que nous
voulons descendre, à l'établissement de M. Drolet ; nous laisse-
rez-vous là ? Certainement, —Aurez-vous demain la même com-
plaisance pour nous reprendre au même endroit ?—Certaine-
ment; vous n'aurez qu’à faire un signal à l’approche du train.—
Voici donc le prix pour nos 13 personnes, mais nous avons en
outre deux petits garcons de 12 à 15 ans, combien exigez-vous,
pour eux ?—Ils passeront avec les autres.
Nous le demandons, peut-on trouver employés plus accom-
modants, plus faciles ? Aussi nous ne leur ménageñmes point
les remerciments, et nous plaisons-nous à faire connaître ic
publiquement leur urbanité et leur bienveillance.
Le lendemain 21, nous nous décidâmes à prendre le train
du matin pour venir passer la journée au lac St-Joseph. Nous
faisons donc un signal à approche du train qui s’arrête pour
nous reprendre avec tout notre bagage. Nous retrouvons dans
le char le même M. Clear qui aurait bien pu nous forcer à
continuer notre retour sans interruption, mais qui de la meilleure
grâce du monde, nous dépose au lac St-Joseph, sans rien exiger.
Nous passons là une partie de la journée et reprenons le train
de 4.20 h. pour revenir à la Petite-Rivière.
Comme nous faisions part de ces remarques à un voisin
dans les chars, en revenant. C’est avec de tels employés qu’une
compagnie prospère, nous dit-H ; car vous avez des parents, des
amis, vous leur communiquez vos impressions, un autre en fait
autant, et bientôt la compagnie possède les sympathies de tout
12 LE NATURALISTE CANADIEN
le monde. Tandis qu'avec des mal-appris, des rustres, comme
on en voit encore tant sur le Grand-Trone, souvent un employé
pour sauver un à cts à la compagnie, lui fait perdre des cen-
taines de piastres, en compromettant sa réputation et en lui
aliénant toutes les sympathies.
A 10.30 h. dans les chars à la Petite-Rivière, à 11.45
nous étions au lac St-Joseph, et 20 minutes plus tard nous
étions descendus sur la voie en face de l'établissement de M.
Drolet.
Une fois qu’on a laissé la station de St-Ambroise, le
paysage est des plus pauvres et n'offre absolument rien d’inte-
ressant. Les stations de St-Gabriel et de Ste-Catherine sont
plutôt des points d’arrét pour se rendre à ces villages, que des
véritables stations. Nous traversons avant d’arriver a la station
de Ste-Catherine une immense savane ou plutôt un grand
marais, car nous voyons ea et là de nombreuses flaques d'eau
bordées des broussailles marécageuses qui paraissent flotter elles-
mêmes dans l’eau, plutôt que fermement attachées: à la terre. :
Des canards sauvages en grand nombre viennent ici faire leurs
couvées, à l'abri de toute attaque, car on nous dit qu'il n'y a
d'autre moyen de s’aventurer sur ce terrain mobile, qu'en mar-
chant en raquettes sur la mousse ou la tête des broussailles,
risquant encore «d’enfoncer en certains endroits ou de se perdre
dans les dédales que forment les innombrables flaques d’eau.
Nous avons pu voir à un certain endroit uneycaune suivie de
sa couvée se promenant sur l’eau. | |
Au Jae St-Joseph, le paysage change tout-à-coup d'aspect ;
nous laisons ici les plaines et les marécages pour prendre un
pays tout accidenté de collines, de montagnes entremêlées de
lacs nombreux des plus pittoresques. A la station, où se groupent
déjà plusieurs maisons auprès des nombreuses piles de madriers
que fournit Pimportante scierie de M. Sewell, nous traversons
sur un pont en fer la décharge du lac St-Joseph, qui verse ici
ses eaux dans la rivière Jacques-Cartier. Quoique tout auprès,
LE CHEMIN DE FER DU LAC ST-JEAN 15
nous ne pouvons entrevoir la surface du lac, les constructions
de la scierie à vapeur avec un bocage qui l’avoisine nous en
dérobant la vue. |
A un mille et demi plus loin, notre bienveillant conduc-
teur fait arrêter le train pour nous déposer sur la voie, avec
tout notre bagage, en face du château qui doit nous offrir un
abri jour la nuit prochaine. Ce chéteau, construit en bois
ronds dont les têtes inégales et saillantes figurent les chevaux
de frise des anciennes , fortifications, ne réclame, à aucun titre,
des droits au style grec ou romain ni à celui de la renaissance,
son otnementation n'a pas même encore de caractère qui lui soit
propre, et on pourrait reprocher à sa construction d’avoir trop
ménagé les ouvertures et surtout de n’avoir pas partont fixé des
chassis mobiles susceptibles de s'ouvrir dans le besoin.
Trajet en voiture, en chemin de fer, attente aux stations
transport et scin du bagage, tous éprouvaient les besoins de
Pestomac et hâtaient le moment de les satisfaire. Cependant
en entrant dans la pièce principale, l'atmosphère élevée de l’ex-
térieur dilatée encore davantage par un poéle à deux ponts tenn
chaud pour le service culinaire, portait à la suffocation, aussi
tous proclamèrent-ils qu’il valait bien manger dehors. Cepen-
dant il fait un soleil ardent, et les arbres ont disparu ici pour
faire place à des broussailles et à un foin très haut à la vérité,
mais incapable toutefois de nous garantir des rayons du soleil.
Mais nous avions avec nous un homme inépuisable en res-
sources. M. Kho, est de fait un ouvrier universel: sculpteur,
peintre, architecte, menuisier, mécanicien, forgeron, doreur, in-
venteur inépuisable, tous les genres de travaux semblent lui
être devenus familiers, et le tout est exécuté avec une justesse
de coup d'œil, une promptitude qui jettent dans §]’étonnement
tous ceux qui le voient à l’œuvre. En moins de cinq minutes,
des gaules sont érigées en charpente, nos châles et chappes sont
tendus en couverture, et nous voila sous une tente parfaitemert
à l'abri des rayons du soleil, et pouvant en même temps rece-
14 LE NATURALISTE CANADIEN
voir sans obstacle la légère brise qu’il faisait alors. Rangés
autour d’une table surabondamment chargée des mets les plus
appétissants, il va sans dire que les mâchoires eurent à leur
tour rude besogne à exécuter. Nous mangeons comme des
Gargantuas, et aucun de nous n’aurait voulu échanger sa table
pour celle des réfectoires les mieux tenus de nos hôtels de
renom. Les jambons, les omelettes, les côtelettes avec les
pouddings et les tartes ont ici un fumet, une saveur qu'on ne
se rappelait pas leur avoir jamais trouvée ailleurs.
Le dîner est à peine pris, qu’il faut de suite partir pour
nous rendre au lac Sergent. Il n’est qu'à vingt arpents d'ici,
nous dit M. Drolet. Oui, vingt arpents en mesurant le travers
de terres, mais la courbe que fait la voie ferrée qu’il nous faut
suivre, double au moins cette distance. Ajoutons que partout
nous trouvons sur les talus qui bordent la voie des framboisiers
gigantesques surabondamment chargés de leurs baies rouges
parfaitement mures, qui exigent quelque attention de notre
part, sans compter de nombreux petits filets d’eau qui no s
apportent un liquide si clair, si limpide, si léger, si froid qu'il
nous force à boire pour ainsi dire sans que nous sentions la soif.
Et cette eau est tellement légère, que nous sentons à peine sa
pesanteur dans l'estomac.
Nous cheminons donc assez lentement, les uns cueillant
les succulentes framboises, les autres s’abreuvant et s’arrosant
des eaux fraîches, pendant que nous promenons, nous, notre filet
sur les herbes à gauche et à droite, entassant de nombreux in-
sectes dans notre fiole de chasse.
Enfin, après un dernier détour, nous nous trouvons sur la
rive même du lac Sergent, qui se montre à nous dans toute son
étendue. Les montagnes de l'autre côté, déboisées à leur base
et où nous voyons plusieurs bâtiments de ferme, une petite île
qui surgit vers son milieu avec un bouquet de verdure, l'eau
claire et limpide de la rive, qu’un fort remblai de la voie ferrée
a coupée sur un assez long espace, tout s’harmonise ici pour
nous offrir un coup d’œil des plus enchanteurs.
LE CHEMIN DE FER DU LAC ST-JEAN LS
Nous sommes tout étonné de nous trouver en descendant
sur la rive en face de larges touffes de Pontédérie à feuilles cor-
dées, en parfaite floraison. Nous voyons aussi de nombreux
Nénuphars en certains endroits, mais nulle part de Nymphea,
nous inclinons à croire qu’elle ne se trouve pas ici.
Les quatre jeunes garcons qui nous accompagnent, qui ont
déjà fait maintes courses à gauche et à droite dans le trajet, qui
ont méme rapporté quelques jolies truites prises dans un
ruisseau du voisinage, se sont précipités en arrivant dans l’uni-
que embarcation qui se trouve ici, et dans leur ardeur du mov-
vement, nous invitent à nous conduire à l’île, Nous acceptons
bien volontiers l'invitation, dans l'espoir de quelque capture
intéressante. En moins de cing minutes nous avons touché la
terre, où nous ne trouvons que quelques épinettes rabougries,
des framboises en quantité, des airelles encore imparfaitement
mures, et de nombreuses gadéles sauvages. Les insectes sont
peu nombreux et des plus communs. Nous nous rabattons
alors sur le rivage, espérant y trouver certains mollusques. Nous
prenons de fait de belles anodontes, Anodonta fluviatilis, mais
c'est partout la même espèce, et nul autre genre en perspective.
Nous reprenons de suite l’embarcation et revenons au point de
départ, où les dames ont déjà fait de fort belles pêches en lan-
cant leurs lignes de la rive même. Il va sans dire que l’em-
barcation est aussitôt envahie, éloignée du rivage, et que de
nombreuses lignes la bordent de tous côtés. Et à chaque ins-
tant on voit voler en l'air ici une truite, 1A une perche, un
crapet, un poisson blanc, l’un de nos gamins tire même une
barbote de grosseur peu ordinaire.
Mais tandis qu'ici on s'emploie à la pêche, 1A à cueillir des
fruits, plus loin à prendre des bains de pieds en marchant au
bord de l’eau, pour nous, nous promenons le filet-fauchoir sur les
herbes des talus de la voie, et M. Rho, installé sur la voie même
et muni de ses cartons, est occupé à nous grouper dans un su-
perbe croquis, où nous voyons nos silhouettes se dessiner dans
16 . LE NATURALISTE CANADIEN
le miroir de la surface liquide, qui réflète aussi les pittoresques
mamelons des Laurentides qui s'élèvent de l’autre côté du lac
en servant de fond à toute la scène. Ce croquis, mis en cou-
leurs, aura d'autant plus de prix pour nous, que chacun, par son
costume et sa position, pourra s’y reconnaître très facilement.
M. Rho s’est déjà distingué comme peintre paysagiste, dans le
sroupe des pèlerins de Terre-Sainte qu’il a pris sur les bords du
Jourdain en 1884, scène qui lui a valu les plus grands éloges
de la part des maîtres à Rome, et nous pensons que le paysage
du lac Sergent, couché sur la toile et revêtu du coloris qui lui
est propre, pourra aussi constituer une pièce non moins recom-
mandable. a
Mais il est déjà 4 h. passées, il faut songer au retour sans
plus tarder, nous avons deux bons milles à faire, la température
est accablante, et nous voyons à horizon de gros nuages bleus
qui portent la plupart à redouter un orage, le tonnerre commence
même à bruire. Cependant la direction de ces nuages qui fuient
vers le nord nous rassure contre l’éventualité d’avoir à subir un
bain d’orage dans l’état de transpiration où nous nous trouvons.
Aussi le retour s’opère-t-il lentement, avec haltes à chaque ruis-
seau pour se rafraîchir et se désaltérer, et à 53 h. nous nous
trouvions tous réunis autour de notre table sous la tente.
Les pêches réunies ont produit une superbe brochetée de
poissons variés qui sont aussitôt apprétés pour le souper.
Quelques grains de pluie viennent alors nons forcer d’en-
lever les tentures de notre tente, et nous craignons un moment
de nous trouver dans l'impossibilité de nous tenir à l'extérieur
durant la soirée.
(A suivre)
©, o 93 O4:
>
BS: (ey Meg COLLINS
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Août, 1887 No. 2.
Rédacteur: M. l'Abbé PROYANCHLR.
ERRATUM.
Notre ds rnier miméro, le ler du vol. XVII, porte au titre de la première page, la
date de Juin au lieu de celle de Juillet.
——————————+ _ —-—- —
PRIMES
La lére prime de mai, N° 257, de Québec & Jerusalem,
est échue à M. le Juge H. Miot, de Beaune, Cote d’Or, France.
La 1ère de juin, N° BE&K, une loupe de poche, est échue au
révérend M. Séguin, curé de Verchères.
La 2e du mois de mai, N° 508, 2 Oliva litterata, ainsi
que la 2e de juin, N° 87, 2 Ncveritu duplicutu, wont pas
encore été réclamées.
JUILLET
ler Prime.— Cassis Madagascariensis................-.No. 264
CE te CY PTA SCUTTO..6.1.008 dnassenes eseser sees NO, 208
N. B.—Toute personne ayant l’exemplaire portant l’un on
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, devra réclamer l’objet dans les deux mois
de cette date, et envoyer des timbres pour affranchir le postage.
— Voir sur Lu couverture.
3— Août, i837.
18 LE NATURALIETE CANADIEN
UNE CHENILLE INTURESSANTE.
St. Théodore d’Acton, 16 août 1887.
Monsieur V Abbé,
Je vous envoie une chenille singuliére telle que. je n’en
ai encore jamais vu. Elle a été prise sur un pommier où elle
a exercé un terrible ravage.
E. H. Guizserr, Ptre.
La chenille a été recue en parfaite condition, bien vivante
et encore si active que nous conservons l'espoir de l’amener à
sa métamorphose pour avoir Pinsecte parfait. Vous avez grande-
ment raison de la qualifier de singulière, les appendices con-
tournés et frangés qu’elles porte sur le dos lui donnent une
apparence tout-à-fait en dehors de celle des chenilles ordiuaires.
En recourant au vol. VIII (1876) du Naturuliste, page
339, vous verrez que cette chenille est la larve du papillon noc-
turne Limacodes pithecium, Smith et Abbott. Celle que nous
mentionnions alors nous venait de Lavaltrie, la vôtre de St-
Théodore d’Acton qui n’est guère plus au nord ; nous ignorons
encore si cette noctuelle peut se rencontrer dans les environs
de Québec,
he
LE CHEMIN DE FER DU LAC ST-JEAN.
LES LACS SERGENT ET ST-JOSEPH.
(Continué de la page 16).
Mais ce n’était pour ainsi dire qu'une fausse allarme, et
comme il arrive quelquefois qu’à quelque chose malheur
est bon, cette rosée eut pour effet de nous délivrer d’une
LE CHEMIN DE FER DU LAC ST-JEAN 19
l'gion de brûlots qui nous avait assaillis à notre arrivée, Nous
nous sentions piqués aux mains, a la figure et sur tontes
les parties découvertes de la peau, et il fallait regarder bien at-
tentivement pour reconniitre la présence de lêtre microscopi-
que qui nous infligeait ces blessures. Tant qu'aux moustiques
et aux maringoins (malins coins, disaient nos gamins), il est
probable qu’on les avait omis dans Vinvitation, car nous n’en
vimes aucun à la curée.
Munis d’une lampe Wanzer que nous avions apportée, .
nous l’installimes en plain air et nous nous rangeñmes tout
autour pour passer la plus agréable des soirées. Cette lampe
nouvelle, dont il n’y a pas encore de dépôt à Québec, est des-
tinée à faire une concurrence sérieuse à toutes celles qui l'ont
précédée, Ne portant pas de cheminée, elle résiste à to1s les
courants d’air sans s’éteindre, ajoutons qu’elle remplace dans
une foule de cis le poéle de cuisine ordinaire.
| Mais la soirée est déjà fort avancée, il faut songer au repos,
nous en sentons d'autant plus le besoin, que depuis midi jus-
qu’à ce moment, nous avons presque toujours été en mouve-
ment, somme d'exercice que nous ne prenous pas même dans
l'espace de trois mois à notre domicile.
Notre château, qui n’est qu’un campement ponr les buche-
rons qui exploitent ici la forêt pour le bois de chauffage, est
divisé en deux pièces, et porte 3 lits. Comme les dames sont
en plus grand nombre, et qu’elles ne pourraient se loger toutes
dans les lits, il fut decidé que le parquet leur serait livré en
entier et que les messieurs seuls occuperaient les lits.
Mais plancher et lits ne se distinguaient pour ainsi dire
que par une différence de niveau, le foin qui formait partout le
fond de la couche étant à per près le même. La chaleur est
partout suffoccante, et on n’enten Î de toute put que révrimi-
nations et éclats de rire de ceux qui se trouvent mieux partagés.
Celle-ei se plaint d’une bosse à lui rompre les côtes, cette autre
n'a ni oreiller ni traversin, et veut forcer sa voisine à lui en
oy
90 LE NATURALISTE CANADIEN
tenir lieu, lutte alors et branle-bas géntral, si bien que co ne fut
‘awapreés minuit que le silence put régner et qu'on put entendre
‘des ronflements indiquant que Morphée était véritablement
-Vainquéur,
Quatre heures n'étaient pas encore sonnées que le branle-
bas était renouvelé et que tout le monde était sur pied.
On se décide alors à prendre le train de 7 h. pour aller
déjetiner et diner au lac St-Joseph. En conséquence tout est
‘remis dans les paniers, et nous montons dans le train à l’heure
‘indiquée, Nous retrouvons dans le char notre M. Clear
qui nous accueille avec la même bienveillance que la veille et
nous dépose à la station du lac St-Joseph, sans rien exiger de
plus.
M. Fortunat Bertrand, que nous connaissions tous, tient ici
une maison de pension ; nous ayant reconnus dans les chars la
veille, il avait pensé que par le train de retour de 8h. du soir,
nous reviendrions coucher chez lui, et nous avait préparé des lits
en conséquence. Sa dame nous dit même qu’elle s'était rendue
à la station pour nous conduire chez elle, se croyant sûre de
nous y trouver, Mais, comme on le sait tous, pour avoir du
plaisir dans un piyue-niqre, il fant y trouver aussi uu peu de
misère, et les bons lits de M. Bertrand n’eussent pas valu pour
nous le foin du Châtean-Drolet où nous avions passé une si
agréable nuit,
En attendant que le déjeûner soit prêt, nous visitons la
scierie et traversons le bocage pour noùs rendre au débareadère
du petit bateau à vapeur qui sert à transporter les touristes à
l'autre extrémité du lac, où ge trouve un grand hôtel, et où l’ho-
rizon présente, dit-on, une plus grande (tendue, car vu du pointoù
nous sommes, le lac a une bien médivere apparence, se courbant
sur une pointe qui en dérobe la moitié à la vue. Malheureu-
sement pour no.s nous ne pfimes nous rendre à l’autre extré-
mité, le bateau Étant en réparation, ayant perdu deux dents sur
les trois dont se compose son hélice. I était 10 h. lorsque nous
LE CHEMIN DE FER DU LA4C:ST-JEAN 21
pûmes nous attabler pour le déjeûner, aussi le primes-nous si
copieusement qu’il nous servit aussi de diner,
Ayant pris notre repas, nous fimes une courte sieste, après
laquelle nous nous ren times au bas da rapide qui coupe iei la
décharge du lac. La rivière forme en cet endroit un joli bassin
sur les rives duquel nous espérions trouver quelques mollus-
ques, mais c'était comme au lac Sergent, partout lAnodontu
fluviutilis, de forte taille parfois. Nous tronvâmes aussi. quel-
ques coquilles vides de la Margaritana undulata, mais nulautre
mollusque.
A 4.30 h. nous prenons le train de retour avec tout no-re
bagage, et à 5.30 h. nous sommes à la station de la Petite-Rivière
où nous attendaient nos voitures qui, en une heure nous rame-
naient à notre domicile, satisfaits on ne peut plus de lPagréable
excursion que nous venions de faire.
En voyant les pauvres terres défrichées de Ste-Catherine
qui bordent la voie ferrée, nous avons grande raison de nous
étonner que les colons se soient d’abord fixés là en laissant
intacte la riche et vigoureuse forêt qui couvre les collines du
moment que nous avons franchi la décharge da lac St-Joseph. —
Quand nous voyons des collines couvertes d’érables et de
merisiers de la taille de ceux que l’on exploite actuellement
pour le bois de chauffage, on ne peut douter de la qualité du
sol, et nous en avons une nouvelle preuve dans ce mila hauteur
d'homme qui remplit partout les chemins d'hiver qui ont servi
au transport du bois que l’on exploite. Nous avons trouvé de
ces épis de mil mesurant set pouces et demi de longueur.
Aussi est-ce notre conviction que l’on verra bientôt toute cette
partie de la voie ferrée bordée de fermes prospères rémunérant
largement leurs propriétaires.
Ci-suit la liste des spécimens entomologiques capturés par
nous dans cette excursion. |
22 LE NATURALISIE CANADIEN
HÉMIPTÈRES. Aneurus politus, Say
Homœmus æneifrous, Say. Coriscina ferus, Lin.
Canthophorus cinctu-, Beauv. (1)
Ælia americana, Dail. (2) HYMÉNOPTÈRES.
Cymus angustatus, Sal. - Cladius isomira, Harris.
* tabidus, Stal. Formica Pensylvanica, DeGéer.
Pamera bilobata, Say. Solenopsis fugax, Latr.
Collaria Meilleurii, Prov. Crabro rufifemur, Pack.
Lyzus flavonotatus, Prov. (3) T denticulatus, Pack.
“ invitus, Say. (2) Thyreopus argus, Harr.
Pamerocorie brunneus, Prov. Gorytes atricornis, Pack.
Plagiognathus fuscosus, Prov. Umalus corruscans, Nort.
Idolocoris agilis, Uhler, (5) Puis :
Oncotylus punctatus, Peut. Cicindela vulgaris, Say.
Aradus rectus, Say. Amara angustata, Say.
Elater lacustris, Lec. Buprestis fasciata, Fabr.
Un Psocus voisin du Salicis, Walsh, peut-être une espèce
nouvelle, divers diptéres, lépidoptères, etc., etc.
(1) Par centaines sur le Galeopsis tetrahit.
(2) Un seul exemplaire.
(3) Très commun comme partout ailleurs.
(4) Trois exenplaires.
(5) Pris 5 exemplaires en fauchant dans les herbes, géné-
ralement rare.
ETUDE SUR LES MICROBES
PAR LE DR J. A. CREVIER, MONTREAL
(Continué de la page 7).
————
INTRODUCTION
Microses ov BACTÉRIES
Le mot Microbe est d'introduction très récente dans la
angue française ; il n’y a guère que huit ans qu’il existe, et c’est
ce qui explique pourquoi on le chercherait vainement dans la
plupart des dictionnaires, Voici dans quelles circonstances ce
ÉTUD:S SUR LES MICKOBES 23
terme, aujourd'hui si employé, à té eréé, en 1878, par un sa-
vaut chirurgien dont la France déplore la perte récente, M. Sé-
dillot. ,
Les naturalistes qui ont étudié les plus petits êtres vivants,
ont été de tout temps fort embarrassés pour trancher la question
de savoir s'ils avaient affaire à des animaux ou à des plantes.
Beaucoup de végétaux inférieurs appartenant aux groupes
des Algues et des Champignons, vivent librement dans l’eau,
sans êtres fixés par des racines : beaucoup sont animés de mou-
vemeuts plus où moins apparents, au moins pendant une partic
de leur existence, de sorte que lorsqu’on les examine au mi-
croscope, il est souvent assez difficile de les distinguer des êtres
que l’on designe, d’une façon générale, sous le nom de @’Infu-
soires, et qui sont de véritables animaux.
De tout ceci, il résulte que la limite entre le règne animal
et le règne végétal reste encore indécise, et que beaucoup de ces
êtres microscopiques pourraient être rangés indifféremment dans
l’un ou l’autre règne.
C’est à l’Académie des sciences de Paris, le 11 mars
1878, que M. Sédillot, assistant à l’une des discussions proba-
blement interminables entre les partisans des Microzoaires, ou
petits animaux, et ceux des Microphytes ou petites plantes mi-
croscopiques, proposa, avec son esprit de critique bien connu, le
nom de Microbe, qui semblait de nature à mettre tout le monde
d’accord.
Le mot microbe, en effet, qui veut dire seulement petit
être vivant, ne préjnge rien quant à la nature animale ou vité-
tale des êtres en litige. Ila été adopté par M. Pasteur et ap-
prouvé par M. Littré, et il est généralement usité en France de-
puis 4 ou 5 ans.
Les Anglais et les Allemands n’ont pas encore introduit ce
mot dans leur langue. Pour désigner les organismes produc-
teurs des maladies, qui sont nos microbes proprement dits, ils
se servent du terme de Bactéries, qui n’est que le nom de l’un
24 LE NATURALISTE CANADIEN
des genres particuliers que l’on range dans ce groupe, le plus an-
ciennement connu ; ce nom se trouve ainsi généralisé et appli-
qué au groupe tout entier.
Les auteurs Italiens qui se sont occupés récemment des
microbes ont adopté, de leur côté, le nom de Protiste, emjrunté
à Haeckel, et dont le sens, si non l’étymologie est A peu de
chose près le même que celui du mot microbe. Avant lui, un
naturaliste du commencement du siècle, Bory de Saint- Vincent
avait déjà employé ce mot. Ils ont essayé d’éluder cette dffi-
culté en créant un règne intermédiaire entre le règne végétal
et le règne animal, auquel ils ont imposé le nom de Règne des
Protistes, voulant indiquer par 1A que ce règne renferme les pre-
miers animaux qui sont apparus à la surface de la terre dans
les temps géologiques ; ce règne des Protistes renferme les
groupes suivants, en allant des plus simples aux plus com-
posés.
1. Monères, ou Microbes proprement dits : Schyzomycètes,
Bactéries, Bacilles, Vibrioniens, ete., ete.
>
Rhizopodes amorphes, ou Amibes ;
Grégarines ;
Flagellés ;
Catallactes ;
Infusoires ;
Acinètes ;
0
2
7
ID ON PO
8. Labyrinthulés ;
9, Diatomées ;
10, Myxomycètes;
11. Champignons ;
12. Thalamophores, Foraminifères ou Rhizopodes à co-
quille ;
13. Radiolaires, ou Rhizopodes à squelette siliceu x.
Est-ce qu’il y a réellement avantage à admettre un règne
des Protistes intermédiaire entre lesdeux règnes organiques,
règne animal et règne végétal? Je ne le pense pas; c’est aussi.
UNII& DES FORCES DE LA’ NATURE 25
l'opinion de la masse des naturalistes éminents ; ce troisième
règne organique ne sert qu'à compliquer l’échafaudage de nos
classifications modernes : il renferme, comme on a pu voir par la
liste donnée plus haut, un assemblage de groupes très hétéro
gènes, qu'il serait plus simple de laisser dans lun ou l’autre
règne. On se rapprocherait d'avantage, du plan de la nature
en admettant seulement deux grands règnes : règne organique,
réunissant les animaux et les végétaux, et règne inorganique
pour les minéraux. Le règne org nique se subdiviserait ensuite en
deux sous-règnes, les animaux et les végétaux, dont les Micro-
es ou Protistes (ou quelque soit lemom qu’on veuille leur
donner) forment le trait d'union, attestant ainsi l’origine com-
mune des deux grands règnes organiques.
J’adopterai le mot Microbe pour désigner d’une manière
générale tous les êtres organisés de très petite taille qui sont
sur la limite indécise qui sépare les animaux des végétaux, Au-
jourd’hui il est généralement admis par la grande majorité des
naturalistes, et des micrographes, que ces êtres sout dans la
plupart des cas de véritables plantes.
(A suivre).
Unite des forces de la nature, ct nouvelle théorie de la
chaleur solaire et de la gravitation universeile,
PAR
Le Prof. J. A. GUIGN ARD, Ottawa.
1. LES AGENTS PHYSIQUES.
© Pourquoi tout corps inanimé que nous mettons en mouve-
ment reprend-il inévitablement l’état de repos, lors même qu'il,
ne rencontre point d’obstacle apparent? Pourquoi la -continua-
tion du mouvement exige-t-elle la continuation des impulsions ?
26 LE NATURALISTE CANADIEN
Pourquoi, par exemple, une boule que nous avons lancée
sur une surface unie, une roue, une toupie en retation rapide,
un pendule qui a été écarté de la position d'équilibre et qui
oscille librement, finissent-ils toujours par s'arrêter d'eux-mêmes ?
Dans tous ces cas comme dans tous ceux que nous pou-
vons remarquer autour de nous, l'impulsion reçue va toujours
s'affaiblissant jusqu’à la complète immobilité Quelle en est
done la raison? La réponse,—le lecteur l’a sans doute touta
prête, —c’est : le frottement.
Ainsi, dans toutes les machines, une partie de la force
employée est dépensée à vaincre la résistance qu'offrent les
surfaces en contact qui glissent ou roulent les nnes sur les
autres : et par suite, la quantité de force qui se perd ainsi, ne
produit aucun travail-utile. Sans doute nous réduisons consi-
dérablement le frottement en diminuant autant que possible les
surfaces de contact, en les polissant et les graissant avec soin,
mais il est impossible de l’éviter tout à fait. Supposé qu’on le
pat de ce côté, le frottement contre l'air de l'atmosphère, à lui
seul suffirait à la longue pour arrêter tout mouvement ; ainsi
c’est surtout lair qui est l’obstacle à la continuation indéfinie
des oscillations d’un pendule délicat.
Le frottement explique donc cette perte de force mécanique.
Nous savons d'autre part que tout frottement un peu vif produit
de la chaleur sensible. Les essieux des roues d’une voiture
lancée à toute vitesse, s’ils viennent à toucher le caisson, peu-
vent en faire jaillir la flamme. Plus d’une tribu sauvage n’a
d’autre moyen de se procurer du feu qu’en faisant tourner très
rapidement un morceau de bois sec contre un autre. Et com-
ment faisons-nous prendre nos allumettes chimiques, sinon par
le frottement ?
En réalité il se produit ainsi une multitude de petits chocs
des aspérités d’un corps contre celles d’un autre, et dans les
chocs proprement dits, on peut coustater aussi que le mouvement
soudainement arrêté s’est transformé en chaleur. Par exemple,
UNITÉ DES FORCES DE LA NATURE 21
il y a échauffement plus on moins sensible dans une barre de
fer qu'on sonmet au martelage, dans une balle de fusil frappant
une cible de fer, dans de l’eau qu’on laisse couler d’une certaine
hauteur ou qu’on agite, dans un gaz qu'on comprime, etc.
Il est extrêmement intéressant de se rendre ainsi compte
de ce qu’est devenu le travail ou mouvement qu'on aurait pu
croire entièrement ancanti. Le mouvement n’a fait que devenir
chaleur : une forme d'énergie s’est changée en une autre forme
d'énergie. Et nous savons encore transformer le mouvement
en une troisième forme d'énergie, l'électricité. Tout le monde
a essayé la jolie expérience de frotter un bâton de verre, de cire
ou de caoutchouc avec de la fianelle ou une peau de chat, puis
de l’approcher de corps très légers, cheveux, barbes de plume,
paillettes ; aussitôt ceux-ci se précipitent vers l’object électrisé.
Dans toutes les machines électriques, c’est aussi le frottement
qui engendre l'électricité.
Si le travail est ainsi une souree de chaleur, dans la pra-
tique c’est plutôt de la chaleur que nous dérivons le travail par
l'intermédiaire des machines à vapeur, Ainsi nous savons qu’il
faut brûler plus de combustible pour avoir plus de force, et l’on
constate de plus que la température de la vapeur sortant du
cylindre est d'autant plus refroidie qu’elle a fourni plus de
travail par sa pression contre le piston, C’est done bien réelle-
ment que la chaleur s’est changée en force mécanique,
La chaleur nécessaire pour ces machines, comme pour le
chauffage de nos habitations, pour les feux de nos cuisines, pour
les fourneaux des fonderies, etc., nous l’obtenons d’une action
chimique, la combustion du bois, du charbon, du gaz. D’actions
chimiques plus compliquées dérive la force musculaire de
l’homme et celle des animaux ; la nourriture assimilée par la
digestion et l’air respiré se transforment en produits nouveaux
qui se détruisent à leur tour en fournissant du travail. La
plupart de nos lumières artificielles sont aussi dues à l’action
chimique de la combustion dans les lampes à huile, les bougies,
28 LE NATURALISTE CANADIEN
les bees de gaz. En un mot, chaleur, lumière, travail peuvent
résulter d'actions chimiques ; mais il y a constamment des effets
réciproques. Ainsi par la chaleur, Partilleur en appliquant la
fusée allumée à la lumière de sa pièce, cause l'explosion de la:
poudre, action chimique qui de son côté développe chaleur, et
lumière, et monvement.
De même pour l'électricité, ce sont des actions chimiques
qui la produisent dans les piles voltaïques, et par contre elle est.
constamment employée dans les laboratoires de chimie pour
opérer des combinaisons ou des décompositions. D’autre part
elle peut être trausformée en chaleur, en lumière, comme elle
peut pareillement naître de la chaleur; elle peut daus des
appareils convenables dériver d’une force mécanique quelconque
et elle-même fournir du mouvement. Ainsi l’électro-magné-
tisme, c’est-à-dire, l'électricité agissant conjointement avec le
magnétisme, produit toute l'énergie qui met en action les télé-
gra] hes, les pendules lect et nombre d’autres machines
délicates.
Enfin, quelle que soit la variété d’énergie que nous consi-
dérions à l’œuvre, il est remarquable que nous la voyons
toujours s eee mais en réalité elle ne fait que se transformer
en quelque autre et cela indéfiniment; l'énergie n’a point été
auéantie. Au contraire, essayons-nous de remonter à l’origine
d'une forme quelconque d'énergie, de forme en forme, nous
arriverons toujours, ou à très peu près, à deux grandes sources:
premières d'énergie : le soleil et la gravitation.
(A suivre)
——-— - $= ——
LE DARWINISME
(Continué de la page 192 dw Vol. XVI).
Nous croyons avoir suffisamment démontré que l'espèce,
quoique variable dans de certaines limites, pos-ède un carac-
tère de fixité qui exclut toute erreur à cet égard, ca caractère,
c’est la fécondité continue.
aioe
2 LE DARWINISMS. 29
La fécondité continue est le caractère essentiel de l’esyèce.
Les formes extérieures penvent quelquefois nous tromper, mais
du moment que la fécondité subsiste continuement, nous sommes
surs de Videntité de lesjèce.
Nous avons cité des faits à l'encontre de la prétention des
transformistes qui sontiennent que certaines variations, cer-
tains défants ou qualités dans des individus, venant à se perpe-
tuer, constituaient des espèces différentes, et qu’en remontant à
la source de ce . principe, on arrivait à la conclusion que toutes
les espèces descendent les unes des autres.
Nous avons fait voir que cette prétendue règle n'existe
qu’en théorie chez nos adversaires, et que les faits sont là pour
en démontrer Vinanité. Des momies d'hommes, de bœnfs,
d'ibis ont été rapportées de l'Egypte; et les hommes, les bœufs,
‘Jes ibis, à une date antérieure de 3000 ans, étaient en tont sem-
blables à ceux de nos jours. Si les espèces ctaient continuelle-
ment en travail de transformation, comme on le prétenl, com-
ment pourrait-il se faire que celles-ci n'auraient subi aucune al-
tération pendant un si long espace de temps. -
Aristote qui vivait il y a 2000 ans, guidé par l'anatomie
comparée, divisait le rèune animal comme nous le faisons encore
aujourd'hui. Il y avait des quadrupèdes vivipares ou mammi-
fères, des oiseaux, des quadrupèdes ovipares ou des reptiles, des
poissons, des insectes, des crustacis, des mollusques, des rayon-
nés où zoophytes, absolument comme nous le ‘reconnaissons de
nos jours. Aristote avait done sous ses yeux les mêmes ani-
maux que nous possédons, et ces animaux possédaient les
mêmes caractères essentiels qui les distinguent encore aujour-
dhui, puisque c’est en se guidant sur l’anatomie comparée,
comme l’a fait Cuvier, qu’Aristote a donné ses divisions du
règne animal,
A toutes les preuves que nous avons données jour d'mon-
trer que la fécondité continue est le seul caractère essentiel
pour établir sans conteste la fixité de Ves; èce, et que les croise-
30 LE NATURALISTE CANADIEN
ments, par conséquent, entre espèces différentes ne peuvent par-
venir à former des espèces intermédiaires qui, d’après les darwi-
nistes, peuvent remonter à un type unique, nous n’en ajoute-
rous qu'une seule autre, mais qui est péremptoire, c’est que de
nombreuses expériences ont été faites et n’ont jamais pu parve-
nir à altérer la solidité de ce principe.
Des espèces en apparence fort voisines, ont été croisées, et
ont donné des produits lorsqu'elles ne diffraient pas par des
caractères essentiels ; ainsi le chien et le loup, le chien et le
chacal, le bouc et le monton, le cheval et l’âne, ont donné des
produits, ces produits ont pu même se reproduire, mais non in-
définiment en créant des espèces intermédiaires ; jamais on a
pu dépasser la quatrième génération. ,
suffon, et surtout M. Flourens, ont fait à cet égard les ex-
périences les plus concluantes. Voici comment M. Flourens
nous traduit le résultat de ses expériences :
Ou les métis nés de l’union de deux espèces distinctes
“ s'unissent entre eux, et ils sont bientôt stériles, ou ils s’unis-
“ sent à l’une des deux tiges primitives, et ils reviennent bien-
“tôt à cette tige; ils ne donnent dans aucun cas, ce qu’on
“ pourrait appeler une espèce nouvelle, c’est-à-dire, une espèce
“ intermédiaire.”
Eutendons encore le savant secrétaire de l’Académie des
Sciences racontant ses expériences de croisements entre le cha-
chal et le chien :
“ Je donne au produit des unions croisées le nom de métis,
“ parce que le métis me paraît fait, par moitié, de chacune des
“ deux espèces productives.
“ Le métis du chacal et du chien tient à peu près égale-
“ ment du chacal et du chien. Il a les oreilles droites, la queue
‘ pendante ; il n’aboie pas : il est aussi chacal que chien.
“ Voilà pour la première génération. Je continue à voir
‘de génération en génération, les produits successifs avec l’une
=
Ci
“des deux espèces productives, avec celle du chien, par ex-
“ emple.
A suivre.
NOUVELLES ENTOMOLOGIQUES 31
NOUVELLES ENTOMOLOGIQUES
—
Chrysomèle de la pomme de terre —La Chrysoméle
de la pomme de terre, on mouche à patate, comme on se plait à
l’appeler, s’est montrée cette année plus nombreuse que jamais.
Nul doute que les chaleurs exceptionnelles que nous avons eues
en mai n’aient été favorables à son développement. Mais quel-
quelque nombreuse qu’elle se montre, pour peu qu’on apporte
de soins à la combattre, il est reconnu aujourd'hui qu’on
peut très facilement soustraire le précieux tubereule à ses
ravages. C’est incontestablement le vert de Paris que l’ex-
périence a démontré être le remède le plus effectif, Un ou
deux arrosages dans le cours de la saison suffisent pour ren-
dre ses dégats inappréciables, surtout si l’on a le soin de faire
la chasse aux œufs dès que les premières feuilles de la plante
sont développées. Ces œufs, de couleur jaune-orange, sont
agglomérés en taches au-dessous des feuilles. Rien de plus
facile que de les écraser alors ou d'enlever ces feuilles pour les
jeter au feu.
Comme l’arsénice qui fait la Lase du vert de Paris est un
poison des plus dangereux, ce n’est toujours qu'avec les plus
grandes précautions qu’il faut faire usage de cette matière. C’est
surtout pour les patates qu’on cultive dans les jardins qu’il faut
être soigneux. N’allez pas semer du vert de Paris sur les
patates avoisinant des salades, fèves, tomates, concombres, etc.
qui pourraient retenir une partie quelconque de la poudre dan-
gereuse et produire des empoisonnements. Délayée dans l’eau,
la poudre est d’un emploi plus facile et bien moins propre à
produire des accidents,
Le Némate du Mélèse.—Cet autre redoutable ennemi,
la chenille de Vépinette rouge, comme on le désigne, n’a pas
voulu en céder à la chrysomèle pour se montrer aussi en légions
innombrables. Partout nos forêts de mélèses sont tellement
— “7
Vom
ray
Se LE NATURALISTE CANADIEN
dépouillées de verdure, qu'elles paraissent rougeâtres comme si
le feu y avait passé. Nul doute qu’un grand nombre de ces
arbres ne pourra survivre à ce dépouillement. Cette ‘essence
précieuse menace de disparaître complètement sous les atta-
ques de ce rayageur, contre lequel on n’a pu encore trouver de
remèrle efficace. Quel remède employer contre un tout petit
insecte, à peine plus gros qu’une mouche de maison, qui atta-
ques des forêts entières, à vol élevé, déposant ses œufs sur les
branches les plus élevées des plus hauts arbres ! Aussi n’atten-
dons-nous d'échec à ses ravages que de la part de ses ennemis
naturels, qu’il rencontrera sans aucun doute dans quelques
autres insectes, ou des accidents atmosphériques qui pour-
raient lui être fatals. Un cultivateur observateur nous disait,
qu'ayant eu occasion de passer au commencement de ce mois,
dans la route de la Suette, à Lorette, à la suite d’un orage qui
venait d’éclater subitement, il avait vu, sous les nombreux mé-
lèses de cette forêt, les chenilles en telle quantité, qu’en beau-
coup d’endroits on en pouvait mesurer 2 à 3 pouces d'épaisseur,
et que les eaux des ruisseaux en étaient tout épaisses. D’éta-
chées de leurs branches par les gouttelettes de pluie, elles avaient
été ainsi amoncelées au pied des arbres, où le plus grand nom-
bre aura dû nécessairement périr, incapables de remonter aux
branches où elles trouvaient leur nourriture. Il est tout pro-
bable qu’on pourra constater l’an prochain que, par suite de cet
accident, ces insectes seront beaucoup moins nombreux dans
cette forêt.
Répandus ici par milliers, la capture de ces insectes, à l’é-
tat parfait, n’en demeure pas moins encore des plus difficiles,
nous n'avons pu en prendre un seul cette année, et sur
une vingtaine de cocons recueillis par nous l’automne dernière,
et que nous avons laissé hiverner dans le sol renfermés dans un
pot convert d’une gaze, nous n’avons pu voir aucune éclosion
s’opérer. ‘
ee ean en rn
: v2, 1
EURE
DÙ
quil aloe We vd a) ) Ga 1s NODES AS
sae Lam IAS pi
fatnealiate
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Septembre, 1887 No. 3.
Rédacteur: U. l' Abbé PROVANCHER,
PRIMES
La 2e prime du mois de juillet, N° 203, Porcelaine para-
site, Cypraa seurra, est échue au Rév. Frère du Sacré-Cœur,
Henri, de Richmond.
La 1ère du même mois, N° 264, Cassis Madagascariensis
ainsi que les denx du mois de juin, Nos. 194 et 87, n’ont pas
encore été reclamées.
AOUT.
lerce Prime—Faune, les Coléopteres............ No. 30.
2e “« —Conus gubernator, Lam........... No. 812.
N. B.—Toute personne ayant l’exemplaire portant l’un ou
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, devra réclamer l’objet dans les deux mois
de cette date, et envoyer des timbres pour affranchir le postage.
— Voir sur la couverture.
L'HISTOIRE NATURELLE A L'EXPOSITION DE QUEBEC
La récente exposition de Québec a été un beau succès, tout
“le monde se plait à le proclamer. Mais ce résultat est plutôt
dai à la bonne volonté des exposants et à la valeur incontestable
des produits exhibés, qu'à l'organisation qui a présidé aux dé-
3—Septembre, 1887.
34 LE NATURALISTE CANADIEN
tails, car tout le monde s’aceorde aussi à proclamer cette organi-
sation comme très défectuense,
Nous voulons bien croire qu’il y a eu bonne volonté et
zèle de toute part, mais soit manque d'expérience de la part
des officiers et des employés, ou toute antre cause, l’organisation
péchait en plus d’un point, et eela lorsqu'il eut été tres facile en
plus dune circonstance de parer aux inconvénients dont on
avait à se plaindre.
Les journaux, dès avant l'ouverture, ont reproché aux di-
recteurs de ne pas assez annoncer, et en entrant dans l'édifice,
onaurait pu croire qu'il y avait dans la direction horreur de
imprimé, car d'affiches on en voyait nulle part. Que de
plaintes, de récriminations cependant l’on aurait épargnées pour
quelques centins seulement d'affiches. Voyons un peu.
Nous avions fait régulierement notre entrée en temps con-
venable, et nous allons au bureau prendre les renseignements
nécessaires pour savoir où déposer nos cases, car nous exposions
des insectes exotiques. On nous donne une grande carte rouge
portant notre nom, avec la désignation des objets à être exposés :
Classe 85, section. 11, numéro 319.
— Mais. où la prendre cette classe 85.2 -
— Allez dans la bâtisse, on vous l’indiquera,
Nous parcourons l'édifice en tout sens pendant plus de
trois-quarts d'heure, interrogeons maintes personnes, regardons
de tout côté, et ne voyons nulle part d'indication des classes,
‘pas plus 20 ou 50 que 85, Quen eut-il coûts de désigner sur
les murs mêmes l'endroit de chaque elasse ?
Nous nous avisons à la fin de monter dans Ia galerie. Nous
trouvons là un officier qui nous dit : c’est ici, à gauche, la classe
85, vous pouvez placer 1 vos objets. Nous faisons done monter
nos cases ct nos disposons à les étaler sur une estrade qu’il y
avait là, lorsqu'un monsieur se présente et nous apostrophe : —
Monsieur, j'ai fait construire cette estrade, j'espère bien qu’elle
sera pour moi, et non pas pour vous; si vous en voulez une»
L'HISTOIRE NATURELLE A L’EXPOSITION DE QUÉBEC 35
faites comme moi. — Mais l’on m'a dit de me placer ici.—
Chacun doit faire les frais de son installation, puisque j’y ai
jourvu, je veux en avoir le bénéfice. — Fort bien, répondimes-
nous, notre exposition est faite ; nous ne sommes nullement dis-
posé à aller trouver des marchands de bois et à engager des ou-
vriers pour construire les estrades nécessaires. Et là dessus nous
‘emballons de nouveau nos casés pour les remporter,
Nous cherchons quel.ju’un des directeurs pour les informer
de la chose et wen pouvons trouver. Nous allions laisser le
terrain, lorsque quelqu'un est venu nous dire : M. Stivenson a
appris que vous remportiez vos insectes et il en serait très cha-
grin, il vous fait dire que M. Peters est à vos ordres pour cons-
truire les étalages que vous désirerez, — Allons, tant mieux !
Nous étions le lendemain à disposer nos cases, lorsqu’une
dame arrive avec une caisse qu'elle veut ranger entre un étala-
ge de monnaies anciennes d’un côté et un herbier de l’autre.
Nous étions anxieux de voir ce qui allait sortir de la caisse. Et
“A notre grande surprise nous voyons la dame en tirer des briqués
de savon. |
—Mais, Madame, êtes-vous bien sûre d’être 1A A votre
place ? Vous faites de la chimie, je le vois, et c’est ici le dépar-
tement de l’histoire naturelle. 11 serait difficile de trouver
ordre et la famille dans cette science où l’on pourrait faire
entrer votre savon.
— On n'a dit de me mettre ici, j'y suis, et j’y reste.
Puis elle exhibe sa carte qui porte Classe 81 et non 85.
Tout de même son savon a figuré là tout le temps entre les
monnaies de M. Alphonse Drolet, l'herbier de feu M. Bédard, et
les oiseaux de M. Anderson. Nul officier n'étant là pour veiller
à la classification des objets et à la due observation des règle-
ments. Dans presque toutes les autres parties la classification
méthodique des objets a été ainsi intervertie et a fourni des su-
jets de plainte à maints exposants.
Quant à ce qui se rapporte spécialement à l’histoire natu-
36 LE NATURALISTE CANADIEN
relle, on peut dire qui si exposition n'a pas été très considé-
rable, Montréal n'ayant rien présenté dans cette classe, la
qualité a suppléé à la quantité,
Mentionnons en premier lieu les vitrines de M. Chs E.
Dionne, taxidermiste de l'Université Laval, qui n'avait pas
moins, à son propre compte, de 400 oiseaux tons parfaitement
montés et habilement disposés. Aussi a-t-il rem; orté un pear
prix et un diplôme justement mérités.
Venait ensuite, dans la méme branche, le Rév. Anderson,
de Lévis, avee quelques douzaines d’oiseanx, partiénlièrement
des rapaces, que nous avons déja vu figurer duns plusieurs ex-
positions précédentes. Il y avait aussi une vitrine contenant
quelques imnammifères.
Le Departement de l’Instruetion Publique exposait une
collection considérable d'insectes indigènes de tous les ordres ;
et tout à côté se trouvaient nos cases d'insectes exotiques, se
com) osant particulièrement de Coléoptères, Hémiptères et Lépi-
do teres. Ces derniers presque to's du Pérou et de la Californie
offraient plusieurs pièe:s fort intéressantes et très rares. Dans
les deux premiers ordres, coléoptères, et hémiptères, se trou-
vaient représentés la Chine, le Brézil, les Indes orientales, PA-
frique centrale, l'Egypte, la «Palestine et presque toutes les
autres régions du gobe. Les deux collections ont été chacune
gratifiées d’un premier prix.
On voyait aussi étalé sur une table l’herbier de feu M.
Bédard, notaire à Lotbinière. M. Bédard, par un travail de
plus de trente années, et avec les auteurs les plus élémentaires,
était parvenu à déterminer toutes les plantes de sa localité, mais
son hérbier laisse beaucoup à désirer sous le rapport de la pré-
} aration et de la disposition des plantes, tel qu’on les range au-
jotud’hi dans les collections.
Une dame Paulet de. Lévis expossit un large bloc de cal-
caire tout rempli de fossiles, mais de fossiles de dimensions et
d'une conservation comme on n’en reneontre nulle part. Aussi,
ELUDES SUR LES MICROBES oT
x
en examinant }lus attentivement, avons-nous reconnu que le
tout était artificiel, et que ces oursins parfaits, ces hippopus si
distincts, et toutes les autres pièces n'étaient que de la glaise mo-
derne fagonnée et coloriée de manière à nous montrer une
nature beaucoup plus parfaite que celle que renferme les
couches géologiques des âges primitifs.
Enfin venaient les fameux savons de la dame, qui ont pu
fournir aux juges ample sujet de diseussion jour déeider dans
quel ordre zoologique et même dans quel règne ils pouvaient
prétendre à un prix.
ETUDE SUR LES MICROBES
(Continué de la page 25).
INTRODUCTION
DU RÔLE DES MICROBES DANS LA NATURE.
Le rôle des microbes dans la nature est immense et incal-
culable. On les rencontre partout ; chaque espèce de plante a
ses parasites particuliers ; la vigne, par exemple, est attaquée
par plus de cent espèces différentes. Le blé, les autres céréales, les
fruits, les arbres de nos forêts, etc., ete., sont aussi attaqués par
des ceutaines de parasites sjéciaux. Ces algues et ces cham-
pignons ont sans doute leur utilité dans l’économie générale de
la nature ; se nourissant aux dépens des matières organiques en
décomposition, ils en réduisent les éléments plus simples en
substances minérales solubles qui retournent au sol d’où les
plantes les ont tirées, en les rendant propres à servir de nou-
veau à la nourriture de ces plantes. Ils débarrassent ainsi la
surface de la terre des cadavres, des matières mortes et iautiles
qui sont les déchets de la vie, et relient par un cercle sans fin
les animaux et les plantes.
38 LE NATURALISTE CANADIEN
Ce sont eux aussi qui dévorent les cadavres dans les cer-
cueils, et réduisent le corps humain en une substance terreuse
de nature minérale, dont plus tard je ferai connaitre la composi-
tion chimique.
Ce sont aussi les microbes qui nous débarrassent d’une
quantité énorme d’insectes nuisibles à l’agriculture, au com-
merce et à l’industrie. Ce sont des microbes. particuliers, appe-
lés ferments, qui. produisent industriellement toutes nos bois-
sons fermentées : le vin, l’alcool, la bière, le cidre, le vinaigre,
etc., ete., qui font lever le pain, fermenter le houblon ; ce sont
eux qui produisent le salpétre, l’ammoniac, le souffre, aux dé-
pens des sulphates calcaires, ete., etc., et bien d’autres produits
chimiques ; c’est à leur action que le suc gastrique doit-en partie
son pouvoir digestif.
Mais à côté de ces microbes utiles, il s’en trouve un grand
nombre d’autres qui nous sont très nuisibles dans l’accomplisse-
ment du rôle physiologique que la nature leura tracé. Tels sont
les microbes qui produisent les maladies épidémiques et conta-
gieuses, les différentes maladies de la peau, attaquant l’homme,
les animaux. Tels sont ceux qui produisent les maladies du
vin, et la plupart des altérations de nos substances alimentaires.
Les germes de ces maladies, qui ne sont autre chose que les spores
ou graines de ces microbes, flottent dans l'air que nous respirons,
dans l’eau que nous buvons et pénètrent ainsi dans l’intérieur de
notre corps.
On voit par ce qui précède combien il importe de connaître
ces mibrobes. Leur étude intéresse chacun de nous, quelque
soit sa profession ou sa position sociale, car il n’est pas un seul
jour, un seul instant de notre vie où nous Ne soyons aux prises
avec les microbes. Ce sont véritablement les ouvriers invisi-
bles de la wie et de la mort ! et c’est ce qui ressortira encore
mieux de l'étude particulière que nous allons faire sur ce sujet,
si intéressant et plein d'actualité.
A suivre.
— TONER So eB ~
UNITÉ DES FORCES DE LA NATURE 39
Unité des forces de la nature, et nouvelle théorie de la
chaleur solaire et de la gravitation universelle,
PAR
Le Prof. J. A. GUIGNARD, Ottawa.
(Continue de lu page 28). 3
1. LES AGENTS PHYSIQUES.
L'influence immense du soleil est suprême sur toute la
vie de la nature. La chaleur, l'énergie chimique, la lumiere de
ses rayons sont indispensables à tout être organisé. Sans le
soleil, aucune plante, aucun animal ne pourrait se développer
ni ne saurait éxister. A part une proportion infinitéshhale
venant de l’intérieur de notre globe, toute la chaleur sensible à
la surface nous vient du soleil, soit directement, soit indirecte-
ment. Car nos combustibles, bois, huiles ou charbons, nous les
devons en effet tous à son action chimique qui dans le passé a
décomposé l’acide carbonique de l'air ét en a fixé le carbone dans
les tissus des végétaux. Si l’eau des mers remonte au sommet
des montagnes, c’est aussi que la chaleur solaire l’a d’abord:
réduite en vapeur et fait élever en nuages, puis à suscité tes
vents qui peuvent la transporter à des distances quelconques. :
Ensuite, quand Peau est retombée sur le sol, sur son chemin de:
retour vers l'océan, sollicitée par la force de la pesanteur, elle
offre à l’homme une quantité énorme d'énergie; une partie en:
est utilisée duns les chutes d’eau pour faire mouvoir des mou- :
lins à eau et toute sortes de machines hydrauliques. Les vents
eux-mêmes fournissent la force motrice à des moulins, à des
pompes, ete. Nous pouvons ainsi attribuer au soleil toute
l'énergie qui se manifeste dans les phénomènes mécaniques,
chimiques ou physiologiques.
L'état magnétique ou électrique du soleil, tel qu'il est
rendu apparent par ses taches et ses protubérances, semblerait,
40 LE NATURALETE CANADIEN
produire un effet très marqué sur l'électricité atmos) hérique et
sur le magnétisme terrestre. Toutefois on ne pent-pas expliquer
encore cette influence d’une manière tout à fait satisfaisante.
Mais en définitive, les agents qhysiques que nous avons
rapidement passés ea revue, mouvement mécanique, chaleur,
lumière, action chimique, électricité, magnétisme, (manent tous
presque entièrement du sol.
Un autre agent non moins actif, non moins nécessaire est
la pesanteur ; sans relâche ancune, elie travaille à maintenir en
place chaque corps sur son appui, ou, s’il n’est pas soutenu, à le
faire tomber plus bas. C’est pourquoi les rivières coulent, les
navires flottent étant plus légers que Peau Qu'ils déplacent.
C’est pourquoi aussi l'air chaud, la fumée, les ballons s'élèvent,
la vapeur d’eau va former les nuages, lair plus froid et plus
pesant qui se trouvait plus haut ayant été appelé au-dessous ;
et ainsi s'exyliquent les déplacements d'air que nous appelons
brise, vent ou tem) éte.
Un des plus grands triomphes de lesjrit humain a été la
ecleb:e démonstration par Sir Isaac Newton de la parfaite iden-
tité entre la pesanteur et la gravitation universelle qui régit
tous les mouvements des corps célestes et maintient leur ordre
admirable. C’est done jar la même cause que la lune suit son
orbite autour de la terre, . la terre la sienne autour dn soleil, et
que la pomme détachée de sa branche tombe sur le sol, que les
fleuves roulent leurs eaux, ‘et que les vents soufflent. Les atomes
et les mondes sont soumis à ses lois, et l’homme met constam-
ment à contribution l'énergie de cette force, comme il le fait de
celle des autres forces naturelles ou agents physiques.
2. TOUYE FORME D'ÉNERGIE EST MOUVEMENT.
Imaginons dans une salle tout-a-fait obscure un corps froid
au repos et parfaitement élastique auquel nous puissions com-
muniquer un mouvement d’abord lent puis de plus en plus rapide.
Mettons-le en branle, sa surface frôlera la main et on s’aperce-
vra qu’il se meut. Accroissez peu à peu la vitesse du mouve-
-
UXIIÉ DES FORCIS DE LA: NATURE 41
ment, Lors ue le corps fra 16 vibrations par seconde dans
un sens et 16 dans la direction opposée, nons entendrons un son
extrêmement grave. A mesure que la vitesse augmentera, le
son deviendra de plus en pinsaivu, et pour une vitesse de vibra-
tion double, le eorps émettra lPoctave du premier son percu. En
continuant ainsi, on traversera octave apres octave, et enfin il
arrivera un moment ct. le cor;s faisant de 20,000 à 40,000 vi-
brations -par seconde, l'oreille cessera d’entendre. La vitesse
devenant de plus en ylus grande, le corps arrivera à faire dans
un millionnième de seconde 63 millions de vibrations, alors on
éprouvera une sensation nouvelle, la chaleur. Cette chaleur
> . 1 1 1 1 of aa De Chali eR ID ee AS EURE
Le lecteur est prié de vouloir bien remplacer les trois
lignes 15, 16 ef 17 dela page 41 du numéro de septembre,
par les suivantes, qu'il peut découper et coller par dessus :
remplacée par le rouge vif, le jaune, puis le blanc ou union
des sept couleurs de l’arc-en-ciel, qui ensuite s’effacera peu à
peu, et à 758 millions de vibrations, la vue ne sera plus impres-
son, Ge Ja Chaleur, QG 14 AUIUIÈTE, Ge 1 ACUUL CohiuniguG suuU aus
à des mouvements vibratoires plus ou moins rapides, et par des
méthodes exactes, on à pu s'assurer de la durée, de la vélocité
et de lamplitude de ces vibrations. Nous comprenons ainsi
d'autant mieux comment il se fait que les chocs produisent son
et chaleur, que la chaleur produise lumière et action chimique.
L'action de Pélectricité et celle du magnétisme sont plus
obscures et suggerent plutôt l'existence de courants de ce qu’on
a appelé les fluides électriques et les fluides magnétiques. Mais
quoiqu'il en soit, ces deux agents physiques sont intimement
liés Pun à l’autre, si même ils ne sont pas identiques (théorie
d'Ampère) ; ils sont aussi, quoiqu'il en soit, des formes de
42 LE NATURALISTE CANADIEN .
mouvement. ' De plus, ils peuvent se transformer en Œautres
formes d'énergie, et dériver eux-mêmes d’antres formes d’éner-
gie; camme nous en avons vu plus haut quelques exemples.
Les sons qui viennent frapper notre oreiile se propagent en
général dans lair, mais ils peuvent aussi se propager sous les
autres gaz, dans les liquides et dans les solides, et c’est toujours
sous forme de vibrations se communiquant de proche en proche,
comme les ondes ciiculaires que produit une pierre jetée dans
une eau tranquille: les ondes vont tovjours croissant en dia-
mètre et s’affaiblissant. Mais dans un récipient où l’on a fait le
vide lé son ne peut se transmettre. Au contiaire, la chaleurret
la lumière se transmettent parfaitement au travers du vide
pneumatique, et par suite aussi, comme nous savons, au travers
des espaces célestes :: le soleil nous envoie ainsi lumière et cha-
leur, et des étoiles, qui sont à des distances plus d’un million de
fois plus grandes, il nous arrive encore de la lumière. Ona
done imaginé que tout l’espace est rempli d’un fluide extréme-
ment élastique, et d’une densité excessivement faible qui sert
de véhicule aux ‘vibrations provenant de tous les astres. Ce mi-
lieu a été appeler éther. On suppose qu’il remplit les pores qui
sé, arent les molécules des corps pondérables; et qu'en raison de
son extrême ténuité, il n’oppose aucune résistance appréciable
- aux mouvements des corps célestes. Ses éléments tous égaux,
sont si subtils que le moindre volume sensible en contient des
millions et des milliards. Dans l’éther même il n’y a d’ailleurs
ni chaleur ni lumière, il ne peut y avoir que mouvements vi-
bratoires de ses éléments. C’est le choc de ces éléments en vi-
bration qui seul engendre la chaleur, la lumière et les autres
transformations du mouvement, Ainsi aussi, quand on dit que
le son voyage dans l’air ou toute autre substance, on veut seule-
ment parler des vibrations qui deviennent son, lorsqu'elles frap-
pent les organes auditifs, mais seulement alors.
(A suivie)
==
LE DARWINISME 43
LE DARWINISME
(Continue de la page 30).
“ Le métis de seconde génération naboie. pas encore, mais
“ i] a déja les oreilles j'endantes jar le bout ; il est moins sau-
cc »
vage.
«Le métis de la troisième génération aboie ;il a les oreilles
“ pendantes, la quene relevée ; il west plus sauvage.
“ Le métis de la quatrième génération est tout à fait chien.
4 D
“Quatre générations m’ont done suffi pour ramener l’un
“ des deux types primitifs, le type chien ; et quatre générations
“ me suffisent de même pour ramener l’autre type, le type chacal.”
Si les produits des espèces différentes sont croisés entre eux,
ou ils sont tout-à-fait stériles, comme les produits de l’outarde
avec Joie, du cheval avec Vane, ou ils le deviennent bientôt
après une ou deux générations.
Quantaux croisements d’espèces différant par des carac-
tères cssentiels, quoique souvent en apparence fort rapprochées,
ils sont constamment inféconds. Ainsi le eroisement du chien
et du renard n’a jamais pu douner de produits. : Ces animaux
diffèrent en effet dans des caracteres essentiels. Le renard a la
pupille allongée ; le chien à la pupille arrondie en disque ; le.
chien est un animal diurne, le renard voit mieux la nuit que
le jour &e.
De ces expériences et d’une foule d'autres non moins con-
cluantes, on en est venu à formuler la règle invariable qui suit :
La fécondité continue est le caractère essentiel de l'espèce ;
et la fécondité bornée le caractère du genre.
Ainsi toutes les races de chiens sont fécondes entre elles,
par ce qu’elles appartiennent toutes à la même espèce; les
44 LE NATURALISTE CANADIEN —
croisements entre le chien et le loup, le chien et le chical, le
renard et le chien, le cheval et l’Ane ete., sont où inféconds
ou n'ont qu'une féeondité bornée, par ce que ces animaux
apparticunent à des genres differents.
111I—— LA SÉLECTION NATURELLE DANS LA LUTTE POUR LA VIE,
Ayant démontré, d’une manière péremptoire, la fixité de
l'espèce, on pourrait juger inutile de diseuter la théorie de la sé-
lection naturelle pour en établir la variabilité on mobilité, ee-
pendant nous consentons bien volontiers à descendre aussi sur
ce terrain, pour faire voir comment, là encore, le savant anglais
a fait fausse route,
Ou a vu que Linné, Buffon et antres, dans leur matéria-
lisme, avaient laissé planer certains doutes sur le transformisme,
qui dès lors cependant n’était pas encore en cause. C’est Lamarck
qui le jremier en a formulé la théorie. Mais Lamarck s’appuyait
sur une toute autre base que eelle qu’emploie Darwin.
Lamarck proclamait done Vévolution des êtres vivants,
mais il donnait pour principe des changements qui se sont
opérés dans la transformation des espèces, des besoins nouveaux
et des habitudes nouvelles, déterminés par l’action du milieu
ambiant., Ainsi la girafe, par son habitude de broriter les feuil-
les des aibrisseaux les plus élevées, que d’autres herbivores de
moindre taille ne pouvaient atteindre, a vu son cou s’allonger
tel que nous le voyons aujourd’hui. Ainsi la taupe qui habite
des terriers sans presque jamais en sortir, a vu par le non-usage
de ses yeux, ces organes s’atrophier en partie et devenir presque
inutiles pour la vision etc.
Nous ne nions pas que certaines habitudes fréquemment
répétées peuvent, à la longue, influer sur certains organes de
mapière à les rendre plus forts ou plus faibles, plus ou moins
propres au service qu’on en exige; nous adimettons même que
ces qualités ou imperfections peuvent se transmettre par l’héri-
dité et se perpétuer par l’usage qu’on en ferait constamment à
de nombreuses générations ; mais de 14 à une transformation ra-
LE DARWENISMS 45
dicale qui ferait disparaitre certains organes pour Tes remplacer
par d'autres, et à produire ainsi de nouvelles espèces, 11 y a un
abîme, et malgré toutes les prétentions des tran-formistes, cet
abîme n’a encore jamais été franchi et ne le sera jamais, Qu'ils
se mettent À l’œuvre pour démontrer le contraire et nous com-
muniquent le résultat de leurs expériences.
Les besoins et les habitudes feraient naître, dit-on, des organes
nouveaux ou disparaitre des anciens devenus sans usage. L’é!é-
phant, par l’élévetion de sa bouche an-dessus du sol, a vu s’al-
longer ses narrines de manière à pouvoir pomper l’eau des ruis-
seiux sans se courber. Mais comment se fait-il que la oirafe
qui éprouve le même besoin, n'ait pu acquérir le même privi-
lége ? Le polatouche vole d’un arbre à l'autre en se servant de
la peau de ses flanes comme d’un paracknte ; comment se fait-ik
que l’écureuil qui saute d’une branche à Pautre, nait pu parvenir
a‘issi à voler ?
Comment se fait-il que des peuplades, habitant des îles
isolées, ont été pendant des siècles livrées à des habitudes répé-
tées, par exemple pour la chasse et la pêche, et ne sont jamois
parvenues à acquérir des organes spéciaux pour atteindre plus
sûrement le but qu’elles poursuivent ? Ona pu devenir d’ha-
biles nageurs, mais jamais passer a létat d’amphybies ou d’a-
quatiques ; ona pu acquérir une grande vélocité à la course
pour poursuivre les bêtes des forêts, mais jamais assez de force
musculaire pour les arrêter et les terrasser. Depuis des siècles,
l’homme cherche en vain à s'élever dans les airs, que les trans-
formistes se livrent dune à des exercices de sauts continus, pour
voir si plus tard ils ne se verront pas pousser des ailes,
Non ! les modifications que certaines habitudes, dans la
satisfaction de certains besoins ou l’exécution de certains tra-
vaux, peuvent amener dans quelques organes, ne sont toujours
qu’éphémères, même lorsqu'elles sont transmises par l’hérédité ;
les individus abandonnés à eux-mêmes où soustraits au milieu
qui les a affectés, finissent bientôt jar revenir à l’état normal ;
uous pouvons eu trouver des exemples par mithers dans nos
46 LE NATURALISTE CANADIEN
plantes de culture et nos animaux domestiques. Nos chevaux
gris, blancs, blonds, deviennent bientôt d’un brun uniforme
abandonnés a état sauvage ; il en serait de même pour nos
poules, nos pigeons, nos canards &c., tous ces animaux retour-
neraient à leurs types primitifs. Nos choux abandonnés à
eux-mêmes ne savent plus pommer ; nos carottes n’ont plus
qu'une racine grêle sans suceulence; nos roses, nos œillets
doubles, perdent la profusion de leurs pétales pour reprendre
leurs organes générateurs principaux, sortant ainsi de l'état
de monstruosité pour revenir à l’état naturel normal. Tant il
est vrai que la nature abandounée à elle-même ne saurait sortir
de ses lois, et que l’industrie de l’hommes avec toute Ja puis-
sance de son génie, ne pourra que modifier les organes dans des
limites assez restreintes, sans jamais parvenir à créer des
espèces.
Darwin admet comme Lamarck l’évolution des êtres vivants,
comme lui il en trouve aussi le motif dans la satisfaction des
besoins de la vie, mais il ajoute à la théorie un nouveau mobile
qui, aux yeux de ses partisans, en scèle la confirmation. Ce
nouveau mobile c’est que la sélection naturelle qui produit l’é-
volution, n’a d’autre cause que la lutte pour l'existence, et cette
lutte se rencontre également et dans le règne animal et dans le
règne végétal.
On sait que les animaux et les plantes sont doués d’une
faculté de reproduction très grande, si grande qu’abandonnés à
eux-mêmes, sans obstacles à leur développement, quelques
espèces seulement suffiraient pour occuper seules, en peu d'an-
nées, la superficie entière du globe. La morue produit plus
d’un million d'œufs, débarrassez-la de ses ennemis, quelques
générations seulement lui suffiront pour occuper toute la c}a-
cité des mers. Ainsi pour les autres espèces d'animaux et de
végétaux. “ Fatalement, dit M. De Kerville, il doit dès lors y
avoir lutte pour lexistence.”
Non pas fatalement, mais nécessairement cependant, par
LE DARWINISME 47
ce que la souveraine sagesse la ainsi réglé. Les animaux les
plus faibles servent de nourriture aux plus forts, mais ceux-ci
nexercent jamais leurs ravages de manitre à amener lextinc-
tion des espèces, car ces faibles en ont encore de: moins pnis-
sen!s qu'eux qi leur servent aussi de pâture, et plus nous des-
cendons léchelle des êtres, plus nous tronvons la fécondité
prodigicuse, en-rapport avec les besoins que chaque espèce est
destince à satisfaire.
Lutte, oui il y a lutte certainement, mais ce combat ponr la
vie ne va pas jisqu’à lextinction des faibles, autrement il y
aurait déjà longtemps que les forts seuls domineraient et ne se-
raient réduits qu'à un petit. nombre d'espèces. Le hareng et le
caplan servent de nourriture à la morue, qui se multivhie par
millions, comme nous l'avons dit plus haut; la morue a son tour
sert de proie aux phoques, aux baleines, aux requins ete., et la
morue, et le: eaplan, et le hareng sont aussi abondants. qu'ils
Vétaient du temps d’Aristote, 2000 ans avant l’époque actuelle.
Le même phhéncmène se retrouve aussi chez les végétaux.
Non pas qwiei les plus forts dévorent les plus faibles, mais les
grands arbres, par l'abondance de leur fewllage ct la multitude
de leurs racines, privent souvent d’autres espèces plus faibles de
Vair, des gaz et des sucs qui leur sont nécessaires, et les font
parfois disparaître de lenr voisinage. Mais la chose ne se fait
pas toujours jusqu’à l’extinction des espèces, car telle plante, le -
cornouillier, par exemple ,la linnée, les fougères, les mousses, ete.,
prosjerent à l’ombre des sapins et autres grands arbres, et
périraient si elles se trouvaient exposées au grand air, sans
protection contre les rayons trop ardents du soleil. De
leur côté, ces plantes infimes servent en quelque sorte de
nourriture aux végétanx plus forts qui les abritent, Elles
s’assimilent dans leur végétation des gaz, des principes
minéraux qu’elles rendent au sol dans leur décomposition, et
que les racines des grands aibres viennent pomper pour
conserver leur existenee et poursuivre leur dévelop)ement.
Tant il est vrai que si on a pu dire avec quelque raison que
dans la nature la force prime le droit, eette domination des forts
ER LE NATURALISTE CANADIEN
sur les faibles ne s'opère pas toutefois sans certaines restri tions,
car partout nous trouvons une hirmonie, un accord que le ha-
sard aveugle aurait pu proluire et qui ne peuvent émaner
que d’une sagesse et d’une justice infinie dont l’aveuglement et
le parti pris peuvent seuls nier existence.
Nous admettons volontiers que même dans notre âge géo-
logique certaines espèces animales, en fort petit nombre il est
vrai, se sont éteiutes, et qu'un bien plus grand nombre d’autres
sont devenues plus rares. Mais nous sommes loin de voir là
des résultats de la lutte des forts contre les faibles, car s’il en
était ainsi, le nombre des espèces faibles, comme nous l'avons
déjà observé, devrait être aujourd’hui extrêmement réduit, tan-
dis que les disparitions ne s’énumèrent que par quelques unités
seulement,
Lage gologique actuel formant un tout harmonique dans
son ensemble, a dû, comme tout ce qui a eu un commencement,
avoir une période d’accroissement, et devra nécessairement finir
par un mouvement en sens contraire. L’homme établi le roi
et le dominateur de cette période, n’occupait dès le début, vu
son petit nombre, qu'un coin très resserré de son vaste domaine,
les immenses forêts qui couvraient le reste étant entièrement
livrées aux fauves et autres animaux sauvages. Mais à mesure
que la famille humaine s’augmenta, les défrichements s’agran-
dirent aussi, et 11 progression se continuant, les forêts disparu-
rent de certaines contrées, leurs hôtes naturels furent forcés
d'aller chercher refuge ailleurs, et rien de surprenant si alors
quelques rares espèces ont pu disparaître ; mais loin de voir la
des effets d’une loi fatale, inconsciente et brutale, qui veut la
destruction des faibles par les forts et la transformation de ces
derniers en espèces nouvelles, nous ne voyons au contraire que
les résultats de cette sagesse et de cette bonté infinie qui veille
sans cesse à la conservation de son œuvre, permettant que cer-
taines espèces puissent disparaître lorsque leur rôle se trouve
rempli et que leur soustraction ne peut en aucine facon trou-
bler l'harmonie de l’ensemble.
FA suivre).
2
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AMNONODONMONNMEUMO
ps CE Go fe S| 7
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Octobre, 1887 No. 4
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
PRIMES
La 1ère prime dn mois de juillet, No 264, de même que
les deux du mois d'août, Nos 3@ et S82, n'ont pas encore été
réclamées.
N. B.—Toute personne ayant l’exemplaire portant l’un ou
l’autre de ces deux numéros écrit en erayon bleu sur la première
page de la couverture, et ayant payé son abonnement d’avance,
devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date, et
envoyer des timbres pour affranchir le postage.— Voir sur lu
couverture.
ETUDE SUR LES MICROBES
Dr PAR LE DR J. A. CREVIER, MONTREAL
(Continué de la page 38).
a
INTRODUCTION
NOUVELLE CLASSIFICATION, OU TERMINOLUGIE DES MICROBES,
Le polymorphisme des microbes a eu pour conséquence
une grande instabilité dans la terminologie employée par diffé-
reuts auteurs, c’est pourquoi nous ne pouvons nous dispenser
4—Octobre, 1887.
50 LE NATURALISTE CANADIEN
de donner ici quelques indications destinées à faciliter la lecture
des ouvrages récents publiés sur cet intéressant sujet.
Il est d’abord deux genres que l’on parait avoir de la ten-
dance à éliminer de la nomenclature : ce sont les genres Bac-
terium et Vibrio.
MM. Cornil et Babes donnent an groupe tout entier des
Bactériacés, ou microbes proprement dits, considéré comme un
ordre à art, le nom de Bactéries qu’ils ont omis comme titre à
leur ouvrage, Par suite ils ont été amenés à supprimer le
genre “ Bactcrie” (Bacterium), ponr éviter des confusions, et
la plupart des espèces que l’on rangeait autrefois dans le genre
Bactérie sont pour eux des Baeilles (Bacillus), qu'ils soient
longs ou courts, mobiles ou immobiles. Dans la description
des microbes des maladies de Phomme, nous nous conformerons
à cette nomenclature, qui semble devoir être adoptée par les
histologistes, et afin de ne pas surcharger la synonymie déjà
trop encombrée des microbes. —
La plupart des Bacilles passent abord par une phase où
ils sont conrts et mobiles, avant de s’allonger et de devenir im-
mobiles. Par contre, certains types de l’ancien genre Bacterium
(les bactéries en 8 de chiffre par exemple) rentreraient plutôt
dans le genre Micrococcus ou dans le nouveau genre Diplococeus,
Le genre Vibrio parait m'avoir été primitivement qu'un
assemblage assez hétérogéne renfermant à la fois des chapelets
et chainettes de Microccques ou de Bactéries courtes, et des
organismes réellement unicellulaires qui peuvent rentrer dans le
genre Spirillum. Cependant Klein conserve ce genre pour
les seuls Vibrio regula et V. serpens.
Le genre Micrococcus, Hallier, est aussi appelé Sphcerobac-
terium d’après Cohn, et on désigne aujourd’hui sous ces deux
noms les seuls microbes unicellulaires qui sont arrondis ou
ovales, immobiles, et par conséquent déjourvus de cils ou de
flagellum, organe de propulsion.
Ces microcoecus peuvent du reste former des chainettes ou
chapelets (torula), des haltères ou Dum bells, Klein, ou 8 de
ÉTUDE SUR LES MICROBES 51
chiffres (Diplococcus) Billrath, des Sarcines (ou gronpes de 4)
et des Zooglées ou masses plus nombreuses. Le genre Bacteriwin
(Microbacterjum de Cohn) différerait surtout du précédent,
d’après Klein, par sa forme de cellules ovales ou cylindriques,
mais surtout par la présence d’un cil ou flagellum à une de
leurs extrémités, ce qui leur donne un mouvement spontané.
Ils peuvent a: ssi prendre la forme de biscuit à la cuiller et
d’altère lorsqu'ils se divisent en deux, et former ainsi de courtes
chaînes ou bien des Zooglées.
Le genre Bacillus (Desmobacterium, Cohn) comprend,
d’après Klein, les microbes en forme de bâtonnets plus où moins
allongés, qui se divisent par scissiparité en chaînes droites,
courbes ou en zigzags, formées d'éléments qui se touchent en
général par un bord coupé carrément, et peuvent s’allonger con-
sidérablement en forme de Leptothrix. Quelques-uns d’entre
eux, quand ils sont-isolés on en chaines courtes, possèdent un
flagellum à une de leurs extrémités, et sont par conséquent mo-
biles, tels sont le Bacillus subtilis et la plupart des bacilles de
‘la putréfaction, mais ils perdent cet organe de mouvement en
passant à l’état de leptothriæ. Le Bacillus anthracis est toujours
immobile et dépourvu de flagellum. Le fait de la présence d’un
cil vibratil et de mouvement dans ce genre, abaisse la barrière
entre les genres Bactérium et Bacillus et donne raison à la ma-
nière de voir de M. Cornil.
Les genres Spirillum (ou Spirobacterium, Cohn) et Spiro-
choete sont beaucoup plus rares et n’ont pas donné lieu aux
mêmes variantes dans la nomenclature.
Nous avons adopté la classification de Rabenhorst etFliigge,
telle qu’elle est donnée par MM. Cornil et Babes, comme pou-
vant servir “ de cadre commode aux bactéries pathogènes qui
nous intéressent spécialement, ”
52 LE NATURALISTE CANADIEN
Classification de Rabenhorst & Flügge,
Schizophytes ow Schizomycetes.
{ Isolées ou en chapelet, ou en zooglée..._..... Micrococcus.
Gellales Formant des (Hn grand nombre
zooglées en
Len | ( en colonies irrégulières. .. Ascococcus.
J forme de {
ou colonies En petit nombre
solides déterminé
ARE AA remplies et
a de ceilules, Len groupes réguliers.... SARCINA.
|
( | Une couche simple à la périphérie. CLorHRocystis.
Courtes, isolées ou en amas, ‘ou en zooglées...... .... BACTERIUM.
b) 2 D
if ( ( Courts, cloisonnés.......- . Baorrxus.
Filaments | :
| oe 4 Longs, f minces..... LEPTOTHRIX.
| droits,
| mal
: | cloisonnés | gros.,....... BEGG'ATOA.
en
spirale,
faisceaux,
~
ans ramifications,
Filaments +o rigides.... SPIRILLUM ( Vibrio).
Longs, flexibles. ........ SPIROCHOETE,
|
|
Cellules cylindriques,
——q—
| À
Txolés on entrelacés ou en
Longues formant des filaments
A fausses ramifications STREPTOTHRIX:
( b: OH Tu CLADOTHRIX.
AMEN ZOOPICES. ce = cieqceee'. Ew see ea «sae ture Mycoxosroc.
(A suivre)
Unité des forces de la nature, et nouvelle théorie de la
chaleur solaire et de la gravitation universelle.
PAR
Le Prof. J. A. GUIGNARD, Ottawa.
(Continué de la page 42).
3. CONSERVATION DE L'ÉNERGIE.
Le fait que l'énergie qui a produit un effet quelconque ne
s’est point perdue mais a simplement changé de forme, est en
UNITÉ DES FORCES DE LA NATURE 53
lui-même des plus frappants ; l'énergie est done aussi indestruc-
tible que la matière ; mais dans toutes ces métamorphoses, une
particularité qui est de la plus haute valeur etde la plus grande
importance dans l’économie de la nature, c’est qu’elles n'ont
nullement lieu sans règle ni mesure. Les proportions entre les
variétés d'énergie qui disparaissent, et celles qui prennent nais-
sauce sont constantes. Tel corps en mouvement, par exemple,
produit toujours par son arrêt la même quantité de chaleur ; et
la quantité de chaleur pour la même vitesse, est directement
proportionnelle à la masse du corps, soit double, triple, ete.
si la masse est double, triple, etc. Pareillement, une quantité
donnée de charbon fournit une quantité fixe de chaleur ; du
même volume d’eau tombant de la même hauteur, on obtient
toujours la même quantité de travail; et, en un mot, pour
toutes les variétés d'énergie, on a pu s'assurer qu’il y a toujours
équivalence dans leurs transformations. Ce principe de la trans-
formation de l’énergie est acquis à la physique.
Mais à ce principe qui semblerait être inépuisablement
fécond, les physiciens en opposent un autre dit de la dissipation
de l'énergie. Voici comment il est énoncé par le professeur
P. G. Tait, dans son Æsquisse historique de lu Théorie dyna-
mique de la chaleur. (1)
__“ Il n’existe aucun procédé naturel rigoureusement réver-
sible ; toutes les fois qu’on essaie de transformer ou de retrans-
former l'énergie par un procédé imparfait, une partie de cette
énergie est nécessairement convertie en chaleur et dissipée de
manière à ne pouvoir plus subir de transformation utile. Il
résulte de la : que puisque l'énergie est dans un état incessant
de transformation, il y a déperdition constante d'énergie sous la
forme finale, et sans valeur, de chaleur uniformément diffusée ;
et qu’il en sera ainsi tant que les transformations auront lieu,
jusqu’à ce que toute l'énergie de l'univers ait pris cette forme
dernière de chaleur dispersée et inutile.”
(1) Traduction de l’abb$ Moigno, publiée dans la série: Actualités
scientifiques, Paris 187..—pige 53.
54 LE NATURALISTE CANADIEN
Voici encore ce que nous lisons sur le même sujet dans le
traité de physique de Gaust :
“ La chaleur tend à se disperser uniformément par conduc-
tibilité et radiation, jusqu’à ee que toute Ja matière ait acquis
la méme température. Par suite, pour autant que nous com
prenons la condition actuelle de Punivers, il y a tendance vers
un état dans lequel toute énergie physique sera sous forme de
chaleur, et cette chaleur sera si égalisée, que toute matière sera
à la même température; et ainsi tout phénomène physique aura
pris fin. Quelque vaste que puisse paraître cette spéculation,
elle semble reposer sur de solides données expérimentales et
représenter en effet l’état actuel de l'univers autant que nous le
connaissons.”
Après le chemin que nous avions fait parcourir au lecteur,
il y a quelque chose de très désappointant dans cette assertion.
L'énergie se conserve donc sans jamais se perdre, elle ne fait
que se métamorphoser ; mais, nous dit-on, sa forme définitive
inévitable, c’est la chaleur diffusée également et intransfor-
mable, par suite, état de mort.
Remarquons toutefois que les résultats auxquels la science
est arrivée ne sont après tout présentés que comme théoriques ;
la science de l'énergie qui n’a pas encore un demi siècle d’ex-
istence, ne prétend point imposer ses conclusions comme des
oracles infaillbles.
Nous voyons la vie se continuer, se reproduire sans cesse
autour de nous; les forces de la nature nous paraissent tou-
jours fraîches et vigoureuses, malgré tous les changements qui
se produisent et résultent Jes uns des autres. Se peut-il vrai-
ment que tout le mouvement et toute la vie dans l'univers s’é-
puisent cependant de la manière supposée ?
Le but principal de cet article est de signaler aux lecteurs
du Naturaliste Canadien, un ouvrage remarquable qui a paru
aon
LE DARWINISME 55
nes l'année dernière (1) et dont l’auteur, M. J. H. Redzie, répond
| à cette question par la négative. On y trouve aussi développées
_ des vues extrêmement hardies sur l’origine de la chaleur solaire,
_ celles des taches du soleil et en particulier sur celle de la gravi-
tation universelle ; quelque extraordinaires que ces conceptions
puissent paraitre au premier abord, elles méritent bien la consi-
_dération de tous ceux qui s'occupent .de ces sujets. L'auteur,
d’ailleurs, les présente comme ce qu’elles sont, de pures théories,
il invite les savants à les examiuer, quittes à les rejeter si elles
ne donnent pas, comme toute bonne théorie doit le faire, une
explication simple et claire de tous les phénomènes considérés.
Certainement elles sont très séduisantes et paraissent très
. viables, car elles satisfont d'autant plus l'esprit qu’elles se relient
admirablement à la doctrine autrement incomplète de la con-
servation de l'énergie. Nous savons en effet que la gravitation
est une puissante source de mouvement, et, par suite, de toute
espèce d'énergie, mais comment les autres variétés d'énergie
_ peuvent-elles redevenir force de cravitation ? C’est une chaîne
- où il manque un chaînon des plus importants.
Le lecteur doit done se préparer à trouver ici une spécula-
tion fort hardie sur l’origine de la gravitation, en même temps
que sa contre-partie quant à l’origine de la chaleur solaire, et
par suite, de la chaleur et de la lumière de tous les soleils, qu’en
raison de leur distance nous nommons “ étoiles.”
(A suivre).
> TE PATIQRIN
LE DARWINISME
: (Continué de la page 48)
2 Mais si les transformistes font valoir si haut certaines dis-
: paritions qui ont pu avoir lieu, où sont donc, de leur côté, les
f
J. i. Redzie. So'ar Heat, Gravilation and Sun Spots. Chicago,
>») 1885. 320 pages,
56 LE NATURALIETE CANADIEN
nouvelles apparitions qui les ont remplacées? Les voyages et
les découvertes signalent parfois la rencontre de certains ani-
maux inconnus jusque là ; mais où est la preuve que ees
animaux nexistaient pas déjà du temps d'Adam ? où est la
preuve de leur filiation de certains types dont ils ont pu ori-
giner ?
D'ailleurs la même règle qui a présidé au développement
des différentes classes d’êtres vivants dans les âges géologiques
antérieurs, s’est continuée aussi dans le nôtre ; à mesure que
Pair atmosphérique s’épurait davantage, il devenait impropre à
la conservation de la vie de certaines espèces qui exigeaient une
composition différente, et ees espèces dis) araissaient bientôt.
Or il n’y a pas à douter que plus d’une espèce de Pépoque ter-
tiaire, telles que par exemple, £lephas primigentus, Ursus
speleus ete, qui sont disparus après avoir été contempo-
rains de l'homme, étaient des restes de l’époque précédente,
qui ne pouvaient prospérer dans la constitr tion actuelle de no-
tre atmosphère et sous le nouveau genre de vie qui leur était
fait.
Darwin appuie encore sa thèse de l’évolution de la sélec-
tion sexuelle et du milieu ambiant. Mais les faits viennent
encore ici donner le démenti à ses prétentions.
+ La sélection sexuelle porterait les animaux les plus forts, les
plus parfaits, à rechercher l’umion de leur similaires. Rien de
plus faux, car l'amour est aveugle; les faits le confirment et
chez l’homme et chez les animaux.
Quant au miliea ambiant, nul ne peut nier son influence ;
mais, comme nous l'avons déjà fait observer, ectte influence
west toujours qu’éphémere, et les variétés produites reviennent
bientôt à leurs types primitifs, du moment qu’elles sont sous-
traites aux influences qui les avaient affectées. Que des blancs
habitent les contrées brûlantes de l’Afrique centrale, après de
nombreuses générations le pigment sousépidermijue se colo-
rera jusqu’à passer au noir foncé, c’est le milieu ambiant qua
So
LE DARWINISME ey ae
aura produit ce résultat. Mais leur race pour cela aura-t-
elle perdu son caractère propre ? Verra-t-on leurs lèvres s’épais-
sir, leur chevelure devenir laineuse ? Nullement ; les Abyssins,
les Arabes, les Kabyles sont 14 pour preuve. Si done le milieu
ambiant ne pent pas méme transformer des races, produit d’une
même espèce, à plus fortes raisons sera-t-il impuissant pour
transformer des espèces qui ne sont alliées que par les carac-
tères du genre,
Terminons ce chapitre par une citation de M. De Kerville
qui, après avoir exposé la théorie de la sélection naturelle, s’ap-
plaudit lui-même en s'imaginant avoir terrassé les anti-trans-
formistes.
“ La sélection naturelle, dit-il, a donné une solution des
plus elaires à ee grand problème, considéré jusqu'alors comme
insoluble : comment des êtres vivants, dent chacun est partaite-
ment adapté à un but spécial, ont-ils pu se développer sans lin-
tervention d’une cause agissante en vue de ce but ; ou, si vous
le préférez : comment cet édifice de la nature, d’une complexité
et d’une régularité admirables, a-t-il pu s'élever sans un plan
concn d'avance et sans aucune cause intelligente, par la seule
action des forces physieo-chimiques, de forces mécaniques, forces
d’une puissance infinie, mais brutales et imconscientes.”
Problème insoluble 7? Mais pas du tout; depuis Adam
jusqu’à nos jours la solution de ce problème a toujours eté com-
prise. Rendez l’ouvrier à son œuvre, et tout s’expliyue sans
efforts et sans difficulté,
L'édifice de la nature si complexe, si régulier, qui s'élève
parla seule action des forces physico-chimiques ! juste, les
forces physico-chimiques ; voila encore notre moulin de la forêt,
dans lequel les forces physico-chimijues inconscientes et bru-
tales, vont étaler des arbres de couche, ajuster des pignons,
planter des aluchons, ete. Faut-il avoir tant d'esprit, pour en
montrer si peu! tant de connaissances, pour afficher une telle
ignorance! Allez done à l'école du premier paysan venn, il
vous expliquera ce que votre orgueil et votre aveuglement ne
vous permettent pas de saisir. — (A suivre).
58 LE NATURALISTE CANADIEN
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN
La Presse associée de la Provinnee de Québec a coutume
de faire chaque année, une excursion plus ou moins éloignée en
quelque coin du pays.
Cette méthode a un double avantage : d’un côté, elle per-
met aux journalistes de mieux connaître le pays, d’appréeier plus
exactement les ressources de ses différentes parties, et de mieux
juger de leurs besoins pour un plus prompt dév-loppement ;
de l’autre, les occupants des parties visitées y trouvent une
occasion des plus favorables pour hâter le progrès dans leurs
quartiers respectifs, en faisant ressortir les avantages que
leur territoire peut offrir à la colonisation, souvent en si-
gnalant des éléments ignorés jusque la pour faire surgir des in-
dustries nouvelles, et toujours une nouvelle impulsion pour le
succès de celles déjà établies, chaque visiteur devenant pour
eux un avocat de la bonne cause, un organe pour faire ressortir
les avantages qu’on peut tirer des productions naturelles parti-
culières au coin qu'ils habitent.
Il avait été réglé que cette année l’excursion se ferait au
lac St-Jean, à ce royaume de Saguenay dont on dit des choses
si merveilleuses, surtout depuis que la nouvelle voie ferrée qui
doit relier cette contrée à Québec, a franchi les limites de ce
royaume et est sur le point de toucher la rive du lac.
Les membres de l'Association, au nombre de vingt-et-un,
laissaient donc la gare du Palais, vendredi le 9 septembre, à
5.30 h. P. M., emportés par un superbe char-palais, mis a leur
disposition par la bienveillante attention de l’entrepreneur, M,
Beemer, pour explorer cette nouvelle voie, et voir de leurs
yeux ce vaste territoire dune fertilité sans supérieure qu’on dit
offert à exploitation du défricheur.
Aussitôt le train en mouvement, notre premier soin fut de
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN 59
faire la connaissance de nos compagnons de voyage, car venant
de difiérentes régions du pays, plusieurs d’entre nous se ren-
contraient pour la première fois, bien que leurs écrits ou leurs,
oiganes de publication fussent connus de tous.
Ci-suit la liste de leurs noms avec les publications que
chacun représentait :
MM. Dr. E. Dionne du Courvier du Canada ; Olivier de
la Justice; E. Rouillard, de L’Evénement ; T. Cary, du Mer-
cury; T. Chambers, du Chronicle; tous ces journaux de
Québec ; l'abbé Provancher, du Vaturaliste, CapRouge ; Mer-
cier, du Quotidien de Lévis; F. Proulx et son fils de la Gazette
des Cumpagnes, Ste Anne Lapocatière ; N. Levasseur, de l’'Echo
des Luurentides, Malbaie; J. D. Guay, du Progrès du Sa-
guenay, Chicoutimi; G. T. Barthe, de la Sentinelle, Trois-
Rivières; C. T. Morel, de ’Observuteur, de Joliette ; A. Ger-
vais, de l'Etoile du Nord, Joliette ; J. B. Lippens, du Soreloris,
Sorel; Hon. B. de la Bruyère, du Courrier de St-Hyacinthe ;
T. C. Chapais, du Journal d'Agriculture, Montréal ; P. Lemay,
de la Patrie; N. Legendre, de la Presse; H. Brage du Free
Press, Ottawa; et L. H. Mineau, du Courrier de Maskinongé,
Louiseville.
Nous n'avions pas encore laissé la gare que le temps, de
lourd et écrasant qu’il était, était passé à la pluie, et tout oc-
cupés de nos présentations, nous avions à peine remarqué que les
deux machines qui traînaient notre convoi, n'avaient pu, du pre-
mier coup, franchir la rampe rapide qui se trouve an commen-
cement même de la nouvelle voie, aussitôt que sur les bords de
la riviére St-Charles, elle a laissé les lisses du Pacifique pour
s’eneager sur le territoire de Lorette. La rampe ne mesure
pas moins là de 132 pieds au mille, ce qui est une élévation peu
commune dans l'assiette des chemins de fer. Ajoutons que la
pluie rendant le fer plus coulant, ajoutait un nouvel olistacle à
la résistance qu’effrait la file de chars inaccoutumée que trai-
naient les deux engins. Mais revenus au bas de la rampe, les
4
60 | LE NATURALISTÉ CANADIEN
engins prirent un nouvel élan, et parvinrent cette fois à vaincre
Yobste cle.
Nous passons les stations de St-Ambroise, St-Gabriel, et
touchons à celle du lac St-Joseph, lorsque déjà les ténèbres
associées à la pluie ne nous permettent plus l'inspection des
paysages que nous traversons. A la station de St- Raymond,
nous sommes déjà en pleine nuit, Force nous est alors de nous
renfermer à l’intérieur et de chercher dans la conversation un
équivalent à ce que la vue des champs, lacs et forêts aurait pu
nous offrir d’intéressant ou d’attrayant. Mais entre gens d’es-
prit, comme chacun de nous s’en réclamait, ’ennui aurait pu
difficilement prendre place. Aussi il fallait voir quelle anima-
‘tion, quel entrain régnait sur tous les banc, et quelles reparties
fines et piquantes s’échangeaient souvent d'un bout du char à
l’autre, à travers l’épaisse fumée s’échappant de toutes les
bouches munies de cigares que les employés distribuaient à
pleines mains à tout instant,
Nous disons de toutes les bouches, car tel est, parmi tant
d'autres, ce travers de notre civilisation actuelle, que le tabac
est devenu, on peut dire, d’un usage général. C’est par millions
de piastres que figure la plante à Nicot (M. Levasseur, s'il n’é-
tait de la partie, nous ferait dire ici la plante à nigaud), sur le
budget des différentes nations. Et n'allez pas croire que ce
goût grossier de humer un poison, de se délecter d’une saveur
Acre, brûlante, A odeur nauséabonde, soit laissé aux rustres sans
savoir et sans manières policées, il faut aujourd’hui que tout le
monde fasse de la fumée; si vous ne savez pas culotter un brûle-
gueule on emboucher un bitonnet de tabac, vous courez le
ris jue d’être accusé d'ignorer les usages regis, de ne pas savoir
vous rendre aux exigences du bon ton. Aussi étions-nous le seul
à faire exception parmi tous nos compagnons !
Si encore on se bornait à faire de la fumée ; mais voyez
ecs dents jaunies, ces bouches noircies, ces lèvres bordées d’une
bave noirâtre solidifiée, ces parquets émaili¢s de plaques lui
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN GE
santes d’une salive jaunâtre ct nauséabonde.....voila qui recom-
mande la fameuse plante et dénote le bon ton !
Nous entrions un jour au bureau d’un de nos amis avocat,
nous le trouvons tenant d’une main une superbe blague, et de
l'autre puisant d'énormes pincées de tabac haché, pour se les.
entasser dans la bouche. — Mais qu'est-ce donc, êtes-vous en
voie de vous transformer en cheval on en bœuf ?—Comment ?
—Mais je vous vois absorber du fourrage comme ne le feraient
pas mieux ces quadrupèdes. — Dites-en ce que vous voudrez, |
chacun son goût ; et, tel est le mien.—Oh ! oui, chacun son
goût, car je vois que chez les chiens ce n’est pas à la bouche
qu’on va se sentir pour se saluer, et qui sait si, après vous
être repu de fourrage, il ne vous viendrait peut-être pas en
goût de les imiter ?
Nos bons amis compagnons de voyage nous pardonneront
cette tirade. Nous voulons bien laisser aux autres leur liberté
d’allures, comme nous la réclamons pour nous-même, et si
nous nous sommes trouvé faire une exception, sous ce rapport,
dans leur société, loin d’en rougir, nous nous faisons gloire
d’avoir tenu à nos principes philosophiques : “ Ne vous créez
aucun besoin sans utilité.” La nicotine est un poison ; comme
toutes les autres subtances toxiques elle peut servir de médica-
ment parfois, mais rien n’oblige à faire violence à ses goûts
naturels pour s’en familiariser l’usage. é
Mais oublions cigares, pipes et fumée, et prétons oreille à
nos causeurs. |
M. Levasseur est toujours en verve, toujours à l'affût pour
loger un bon mot, un calembourg, un épigramme piquant comme
les crocs qui terminent sa moustache. C’est un tirailleur infatigable
dont le carquois semble inépuisable. Très souvent il porte de rudes
coups, mais comme tous les boute-en-train qui ne connaissent
pas le repos, ses traits n’atteignent pas toujours le but, et
provoquent souvent des ripostes où l’avantage n’est pas toujours
de son côté. MM. Legendre, Lemay et autres savent souvent
62 LE NATURALISTE CANADIEN
lui rendre la monnaie de sa pièce, capital et intérêt à large
mesure, Il n’y a pas jusqu'à l'Hon. M. de la Bruyère, qui,
oubliant parfuis sa gravité présidentielle, ne déeoche son trait
pour attérer le lutteur déja triomphant, et faire passer les
rieurs d’un camp à l'autre. La mêlée devient par temps quasi
générale, MM. Chapais, Rouillard etc., montrant aussi que leurs
carquois ne sont pas vides. Mais toujours, la gaité et la bonne
entente règnent de toute part, les vaineus s’associint aux vaiu-
queurs dans les triomphes, ou souffrant sans dépitles défaites,
en compensation des victoires précédemment remportées.
Comme nous étions partis à 5.30 h., nous n'avions pu
prendre notre souper, et nos estomacs commencaient à faire sen-
tir leur exigence, car il était déjà 8 h. passées. Cependant nous
-roulions et roulions toujours, et n’entrevoyions pas de poste où
nous pourrions nous restaurer, lorsque soudain le sifilet de la
machine lance son cri strident, et qu’on annonce la Rivière-à-
Pierre, où, disait-on, on pourrait avoir quelque chose à se
mettre sous la dent.
L’obseurité est des plus profondes, et il pleut à boire
debout ; mais le train s'arrête en face du Windsor en bois ronds
qui doit nous recevoir, et nous n'avons, pour ainsi dire, qu'à
fañe un saut, pour tomber de la plate-forme dans le réfectoire
qui nous attend.
La table est converte d’une nappe et ne porte encore
qu'une lampe au milieu avec un certain nombre de couverts
étalés de chaque côté. Les plus empressés s'emparent des
siéges et les autres envahissent la cuisine ou se tiennent debout
à l'écart, Mais par malheur nous sommes au vendredi, et que
va-t-on nous servir pour ne pas enfreindre la loi de l’église ?
Arrivent, après quelques secondes d’attente, une bonne provi-
sion d’une excellent pain, un grand plat de pommes de terre
farineuses de la plus belle apparence, avec une superbe platée
de hareng boulli ; le beurre suit bientôt, et ceux de nos compa-
gnons restés debout, nous apportent, pour aider l'unique hôtel-
BIBLIOGRAPHIE 63
liére qui nous sert, des tasses de thé qu’ils échangent pour des
tranches de pain chargés de beurre qu’ils s’en vont manger en
marchant et en continuant leurs attaques et reparties.
(A suivre.)
oe ——>——————
BIBLIOGRAPHIE:
Dictionnaire Généalogique des Familles Canadien-
nes, par M. l'abbé Tanguay.
Nos remerciements aux éditeurs pour l'envoi du quatrième
volume de cette utile publication. Nous croyons devoir répéter
la sugoestion que nous faisions lors de Papparition du troisième
volume, savoir: que le gouvernement devrait donner des aides
à l’auteur afin de lui permettre de finir plus tôt son travail. Cet
ouvrage ne jouira réellement de toute son importance que lors-
qu'il sera coraplété, on du moins parvenu à une époque assez
rapprochée de nous pour qu'un chacun puisse tracer la filiation
de sa famille. Même après la complétion de la deuxième série,
il ne sera possible encore de tracer des filiations de familles
qu'après recherches dans des registres de paroisses, l'édifice
n'ayant encore pour ainsi dire que sa base.
Malgré le zèle et Vactivité que déploient l’auteur et les
éditeurs, ce n’est pas encore avant quatre on cinq ans que cette
deuxième série, qui en est aujourd’hui à la lettre J pourra
atteindre Z. En attendant les souscripteurs ont à débourser une
somme assez considérable pour garder sur leurs tablettes des
volumes pour ainsi dire sans utilité actuelle, Cependant, loin
de nous l’idée de conseiller d'attendre plus tard à se procurer ces
volumes, car nous n’avons pas de donte que ce précieux ouvrage
augmentera de valeur à mesure que les années s’écouleront.
64 - LE NATURALISTE CANADIEN
En parcourant les pages de ces volumes, on est étonné de
voir comme souvent les noms ont été défigurés, transformés,
changés, à tel point que la filiation deviendrait impossible sans
des études, des recherches, des confrontations de textes comme
en a faites M. l'abbé Tanguay, et c’est là nn point qui ne peut
être de minime importance, car ces transformations de noms ont
déjà été la cause de plusieurs procès et ont amené des pertes
sérieuses à certaines familles
En outre des troubles qte ces altérations peuvent souvent
causer dans des familles, n'est-ce pas disgracieux de voir des
noms remarquables et distingués affublés d’additions dénotant
toujours le vulgaire et le manque d'éducation, lorsqu'elles ne
sont pas triviales ou inconvenantes. Cependant ces transfor-
mations sont devenues jusqu'à un certain point nécessaires à
conserver par le long usage qu’on en a fait dans les transactions
et actes civils, si bien que leur soudaine soustraction pourrait
amener des conséquences assez sérieuses.
Qui empêcherait cependant, à présent que le Dictionnaire
Généalogique pourra faire autorité, de travailler à les faire dis-
paraître peu à peu. Pourquoi chaque famille ne reprendiait-
elle pas son ancien nom en le joignant, par un trait d'union, à la
transformation qu’il a subie? Ainsi on dirait: Rinfret-Malouin,
au Jieu de Rinfret dit Malouin; Guillet-Tourangeau, au lieu de
Guillet dit Tourangeau, ou, Tourangeau tout court; Gautier-
Larouche, au lieu de Larouche ; Gauthier-Landreville, Gautier-
St-Germain, Gautron-Larochelle, Filion-Dubois, Hunault-La-
chapelle, Brunet-Belhumeur, etc., etc.
Ce moyen nous paraitrait capable de répondre aux exigences
des litiges légaux, en même temps qu’il dénoterait une allure
plus policée et plus conforme aux formules de la civilisation.
> oy av
95M,coR0} ERA
; 2g rg ao 6 Da oo OF OIE SL 3
Vol. XVII Cap Rouge, + Novembre, 1887 No. 5.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
Ne voulant pas retarder davantage le récit de notre excür-
sion au lac St-Jean, nous en poursuivons la suite à l'exclusion
de toute autre matière, ;
ee ee
PRIMES
Les deux primes du mois d'août, N° 86 et BE n’ont pas
encore été réclamées.
SEPTEMBRE, NUMÉROS GAGNANTS.
lére Prime.—Cassis rufu, Lin. Casque rouge....No. 1714.
2e “« —Cyprea lynx, Lam. Porcelaine
Re. See cee NO SE.
OCTOBRE, NUMÉROS GAGNANTS.
lere Prime.—De Québec à Jérusalem.............No. #9.
2e “« —Cassis testiculus, Lam. Casque
bonnet scene 6 RE ee es IN O0: si.
N, B. — L'abonné ayant l’exemplaire portant l’un où
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, et ayant payé son abonnement d’avance,
devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date, et
envoyer des timbres pour affranchir le postage. — Voir sur la
couverture,
5—Novembre, 1887.
66 LE NATURALISTE CANADIEN
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN™
(Continue de la page 63)
Ce n'était pas 14 Ia table de Lucullus, mais nous avions
un appoint qui faisait souvent défaut au gourmet Romain, et
qui toujours a été considéré comme le meilleur des assatsonne-
ments, c’est la faim. Aussi, proclamons-nous que le hareng
de la Rivière-à-Pierre vaut le saumon de Gaspé, est que jamais
pommes de terre n’ont eu plus de saveur. Pour compléter notre
Lonne fortune, voilà que l’active fille de céans nous apporte
des œufs avec d'excellents pâtés aux pommes ; que pouvait-on
désirer de plus? Et ce qu'ily avait de non moins agréable
dans toute l'affaire, c’est que nous pouvions jouir de tous ces
avantages sans bourse délier, nos généreux conducteurs ayant
pourvu à tous ces détails.
Parfaitement remis, nous reprenons le train qui s’ébranle
aussitôt pour continuer sa course. Sans tarder le garcon de ser-
vice se met à transformer notre salon en dortoir, et les pétunenrs
avaient eu à peine le temps de consumer une pipe au de brûler
un cigare, que chacun prenait possession du lit quilui était
assigné. Le No. 6 nous était échu, et nous le troivémes aussi
bon comme lit, que nous avions trouvé excellente la table de
Vhotelliere de la Rivière-à- Pierre.
Nons avions eu à peine connaissance du trajet de la nuit,
et le matin, lorsque nous écartâmes Je rideau de notre fenêtre,
nous reconnûmes que nous étions encore en-pleine forêt, forêt
plane et peu diversifiée, se composant presque uniquement d’é-
jinettes fort longnes mais de fuble diamètre, à branches courtes
et toutes rabattnes. Le sol, A en juger par les Hgbres tranchées
de la voie, nons parut, sans être de première qualité, pouvoir
être utilisé porir la culture, lorsque dans la suite, les endroits
plus avantageux auront d’abord été occupés.
EXCULSION DE LA PRFSSE AU LAC ST-JEAN 67
Mais voici que se présentent à notre gauche, à quelques
pieds seulement de la voie, trois où quatre cabanes en bois
ronds qui constituent la station du lac Bouchette, terminus
actuel du parcours des chars.
Un nombre considérable de voitures sont là éparpillées à
travers les souches, attendant notre arrivée, ainsi que celle de
l’autre train qui ramenait les visiteurs de l'exposition. On nous
invite à aller prendre le déjeûner à l’une des maisons, et comme
nous ne sommes plus au vendredi,nous y trouvons des tables
chirgées de viandes diverses, délicatement apprêtées, pouvant
satisfaire les goûts mêmes des plus exigeants. Nous reconnais-
sons encore là la délicate attention de M. Cressman, le surin-
tendant de l’entrepreneir M. Beemer, qui n’a rien omis ponr
nous rendre le trajet anssi agréable que possible.
Nous mangeons comme des Gargantuas, car il est déjà 9 h.
passées, et aussitôt, sur l'invitation de M. Bragg, qui joint à sa
qualité de journaliste celle de photographe amateur, nous nous
groupons à travers les souches en face de la cabane, et son instru-
ment nous saisit sur le vif.
Comme nous savions que l’autre train ne tarderait pas
d'arriver, nous nous décidons à nous mettre aussitôt en route
pour franchir les 21 milles qui nous séparaient encore de Ro-
berval. Nous avions à faire quatre milles dans une route toute
nouvelle, pour prendre l’ancien chemin au 7e rang de la paroisse
de St-Louis de, Métabetchouan. Quelques-uns redoutant les
cahotements de cette nouvelle route, préférèrent franchir cette
distance en marchant sur le rewblai dela voie ferrée, déjà nive-
lée jusqu’à 5 où 6 milles plus bas.
Quatre milles à pied, mais ce n’est qu’une petite marche ordi-
naire, disaient nos piétons ; cependant, lorsqu'ils nous rejoignirent
au 7e rang, tous s’accordaient à dire que les milles du Saguenay
n'étaient pas de même mesure que ceux de Québec, et tous aussi
se déclaraient rassasiés de la marche.
Nous reprenons tous les voitures et poursuivons notre
68 LE NATURALISTE CANADIEN
route en descendant vers le lac. Nous suivons un chemin déjà
ancien à travers les concessions de la paroisse de St-Lonis. Le
terrain est içi montueux, et d'assez bonne qualité, quoique gé-
néralement de terre légère. Les moissons, dont une partie seule-
ment est encore enlevée, ont une bien belle apparence.
Poursuivant toujours notre course, nous gravissons une .
petite colline du haut de laquelle nous apercevons le lac dans
toute son étendne ; tout près de nous se trouve l’église de St-
Louis, ayant en face tne pointe qui se prolonge au loin dans
le lac et qui a valu à cette paroïsse le nom vulgaire de Pointe-
aux-Frembles, en raison des peupliers-trembles dont elle était
couverte. A notre gauche, nous voyons les files de fermes et de
maisons bordant le lac tout près de sa rive, jusqw’à l’église de
‘Roberval et au delà, où la vue se perd en confondant la masse
liquide et bleuâtre avec les rives abaissées qui la bordent.
A cette vue, une exclamation de surprise -s’échappe de
toutes les bouches : mais c’est une mer, une véritable mer! Quek
coup d'œil enchanteur ! Qui croirait à un endroit nouveau ? Cet
horizon lointain qui se confond avec le firmament, cette onde
tranquille qui a lair de se déleeter en se laissant pénétrer par
les rayons du soleil, brillant alors de tout son éclat, ees cultures
si considérables, ces constructions rurales dénotant l’aisance
malgré leur simplicité, tout nous reporte ici à nos anciennes
paroisses des bords du St-Laurent.
La route bientôt touche à la rive même du lac, et la longe
en contournant ses baies et en coupant quekques pointes pour
se rapprocher d'avantage de la ligne droite. ,
Nous traversons la rivière Ouiatchouan sur un pont auquel
est adossé un moulin avec sa digue. La rivière ici s’est frayé
un lit à travers d'énormes assises de calcaire, qu’elle a creusées
presque perpend culairement, et moins d'un mille à notre gauche,
nous la voyons s'échapper d’une hauteur de plus de 200 pieds, |
jar une cataracte des plus gracietses, simulant, par ses flots
poudreux et écumants, une nappe de neige attachée au roches
©
ra Cl
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN 69
et limitée sur ses côtés par la verdure d’arbrisseaux lui servant
de bordure.
Il était près de 4 h. lorsque nous nous trouvâmes réunis
au presbytère de Roberval. M. le curé Lizotte avec son vicaire
M. Tremblay nous firent l'accueil le plus empressé et nous invi-
torent à prendre un léger goûter avant de nous remettre en
voiture pour aller à la Pointe-bleue, à quatre milles plus loin,
où nous devions prendre le souper.
Nous nous remettons donc aussitôt en marche et suivons
encore la route qui borde Ja rive, à quelques pieds seulement
au-dessus de la grève, car le lac est à peu près ici sans côte
pour le border.
La Pointe-Bleue est sur la réserve des Montagnais qui ont
ici une lieue carrée de terrain. Nous visitons leur chapelle et nous
nous rendons à leur maison d'école, superbe bâtisse dont une
partie sert d'hôpital. C’est 14 que dans une salle magnifiquement
décorée, nous prenous un somptueux repas que préside M. le
curé assisté de M. Donohue le maire de la paroisse. On ne laisse
pas la table avant de boire à la santé de nos hôtes, M. le Curé,
M. le Maire, M. Latour le secrétaire, qui n’ont rien épargné
pour nous faire une telle réception. Ces santés sont accompa-
enées de yemarques convenables, et nous laissons de suite la
table pour permettre aux enfants des bois réunis la de se régaler
à leur tour.
Il faut sans plus tarder songer au retour à Roberval, car
c’est là où nous devons passer la nuit. Une partie revient en
voitures, et les autres, armés de torches, montent dans des canots
d’écorce, où, par de gaies chansons, ils soutiennent le courage
des rameurs qui les conduisent.
Mais c’est une véritable fête qui nous attend à Roberval ;
les maisons sont illuminées, le canon gronde, et des centaines
de lampes vénitiennes font du presbytère un vrai palais de
fées. La paroisse presque entière est rendue sur le lieu, et fait
escorte au maire qui présente à la presse une adresse des plus
70 LE NATURALISIE CANADIEN
sympathiques et des plus cordiales, Des réponses convenables
Jui sont faites, et vers les 11 heures, chacun se retire, enchanté
de sa journée, au logis qui lui a été assigné, les habitants les
plus aisés du village ayant offert avec empressement leurs
demeures pour héberger quelque visiteur.
Il avait été réglé que nous irions le lendemain entendre la
grand’messe à S. Prime à 11h, car M. Belley, le curé de S.
Prime, étant absent, le curé de S. Félicien, M. Girard, venait
chanter la une seconde grand’messe.
1
Nous disons notre messe à 7 h,, à laquelle assistent plu-
sieurs de nos compagnons. MM. Mineau, Lippens et quelques
autres montent à l'orgue, et nous révalent de chart et d’une
excellente musique tout le temps du saint sacrifice.
A 8 h. nous prenons les voitures pour nous rendre à S.
Prime. Nous suivons la même route que la veille allant vers
la Pointe-Bleue, mais nous nous arrêtons à une dizaine d’arpents
de l’église pour saluer en passant les Ursulines de Québec, qui
ont ici un établissement déjà très florissant et d’un plus grand
avenir encore. Leur maison est tout près de la rive du lac, dans
un site des plus enchanteurs. Comme les bonnes Sœurs pos-
sèdent ici un vaste terrain, elles peuvent, tout en s’isolant pour
se livrer à leurs exercices de recueillement et de piété, offrir
encore des amusements variés pour leurs élèves, promenades:
dans leurs champs et sur la rive du lac, excursions sur le lac
même ete. Quoique cloitrées, les filles de Ste-Ursule jouissent
ici de certains privilèges que ne possèdent pas leurs compagnes
habitant des villes, elle peuvent, par exemple, suivre leurs élèves
dans leu*s promenades sur leur terrain, faire des tours de
chaloupe vis-à-vis leurs propriétés, ete.
La maison qu’elles occupent étant déjà trop petite, on est à
en construire une nouvelle de vastes dimensions. L'édifice à
quatre étage, mesure, y compris la chapelle, 120 pieds de long
sur 45 de large, et est susceptible de recevoir encore des aïles
supplémentaires, lorsque le besoin s’en fera sentir. Le mur qui
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN 71
“est en belle pierre d’une carrière tout près d’ici, s'élève déjà au-
dessus des fenêtres du deuxième étage, et doit être terminé
bientôt.
Mais nous reprenons nos voitures et poursuivons notre
route.
Arrivés près de la réserve des montagnais, nous tournons
le dos au lac, et nous nous dirigeons directement vers le nord.
Des deux côtés de la route, nous voyons des grains de la plus ©
belle venue, soit encore sur pied, ou rangés en quintaux
pour les mettre à l'abri des accidents atmosphériques. On
parait comprendre ici, mieux que dans la plupart de nos anci-
enues paroisses, qu'après avoir rudement travaillé pour s'assu-
rer une bonne récolte, il ne faut pas risquer d’en perdre tout le
fruit en négligeant une précaution peu coûteuse et des plus
faciles. Nous ne voyons nulle part de javelles étendues sur le
chaume.
La route en s’élevant presque insensiblement, nous amène
au bout de la réserve ; nous traversons là quelques taillis, et
voilà que nous nous trouvons sur le bord d’un plateau coupant
abruptement une plaine unie, tonte en culture, et de la plus
magnifique apparence. Droit devant nous s’allonge la route a
perte de vue, bordée de chaque côté de résidences proprettes et
de vastes bâtiments de ferme dénotant la fertilité du sol qu’on
eultive. Une petite élévation traversant Ja route à environ
quatre milles de distance, nous montre l’église de S. Prime
comme trônant sur cette hauteur pour répandre de la ses béné-
dict'ons et sa protection sur les habitants de tous les côtés, car
au delà nous voyons encore le rang double qui poursuit la
même direction,
Mais qu'est-ce, dimes-nous à notre conducteur, il nous
semble entrevoir de l’eau à notre droite à travers les arbres ? —
Sans doute ; c’est le lac qui est là.— Comment le lac, mais nous
lui avons tourné le dos à plus d’une lieue d'ici, et nous le retrou -
verions la ?— Certainement, car lorsque nous avons quitté le
72 LE NATURALISTE CANADIEN
lac, nous étions sur une pointe, la Pointe-Bleue, et ici nous
côtoyons le fond de la baie qui fait suite à la pointe.
Nos conducteurs, qui tous étaient venus de $S. Prime pour
nous prendre à Roberval, tenaient à nous faire apprécier la
valeur de leurs coursiers, car c'était une course à fond de
train que nous poursuivions. Les chemins étaient en excellent
ordre, les voitures légères et solides, et les bêtes à jarets de fer,
nous pouvions donc les voir s'en donner à qui mieux mieux
sans avoir raison de craindre, Certains ruisseaux coupant la
route par-ci par là nous donnaïent parfois des descentes et des
montées fort abruptes, mais ces accidents de terrain, loin de
ralentir notre course, la favorisaient au contraire ; la descente
s’opérait en accélérant encore le train, et quatre ou cinq sauts au
galop nous faisaient franchir la montée pour continuer inconti-
nent l'allure suivie en premier lieu.
Nous trouvons toute la paroisse réunie à l’église, mais M.
le curé Girard n'était pas encore arrivé; il ariive peu après
et la messe commence aussitôt.
M. le curé nous invite à porter la parole en chaire, mais il
est déjà 11 h. passées, nous lui faisons observer qu’il faudrait
plutôt abréger qu’allonger l'office pour ne pas lui faire trop
longtemps prolonger son jeûne, et ne pas non plus trop fati-
guer les gens qui attendent ici depuis longtemps.
Ce ne sont pas seulement des gens d'esprit que nouns
avons pour Compagnons, nous y comptons aussi des artistes,
chantres, musiciens, littérateurs, poètes etc, MM. Legendre,
Lippens, Morel montent à l’orgue, et aidés par un musicien du
lieu, M. Marcou, clarinettiste de première force, nous font
entendre des accents que ne dédaigneraient pas les dillettanti
les plus exigeants de nos centres les plus en renom. M. Marcou
surtout, à l'offertoire, nous donne un solo de clarinette accom-
pagné de Pharmonium qui électrise tout l'auditoire,
Après la messe, nous nous rendons sur la galerie du pres-
bytère où M. Maurice, le maire de la paroisse, vient nous pré-
» * ,
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN one
senter une adresse de bienvenue. M. de la Brnyère y répond
en félicitant les résidents sur les progiès qu'il a pu constater
dans leurs établissements, car c’est la deuxième visite qu'il fait
à ces quartiers. Il les engage à rester maîtres du sol en coulant
sur leurs propriétés la vie libre, douce, indépendante dont jouit
l’homme des champs avant tous les autres.
Pressé & notre tour de prendre la yarole, nous saisissons
Yoceasion pour faire part à l'assemblée d’une observation qui
nous a agréablement réjoui, et prémunir les auditeurs contre le
danger de ne pas persévérer dans cette bonne voie : c’est
Vabsence du luxe. La paroisse réunie à l'église, et telle que
nous l’avions encore sous les yeux, présentait en effet un coup
d'œil d’une simplicité charmante.
C'était sans contredit nne tenue fort convenable, mais sans
ces afféteries, ces recherches déplacées qu’on voit régner partout
dans nos anciennes paroisses, et qui dénotent qu’on ne comprend
pas sa position. Le luxe est aujourd’hui la ruine de la plupart
de nos anciennes paroisses, Chevaux, voitures, habits, ameu-
blements, on veut briller partout sans considérer si on a les
moyens de le faire. Il est facile d» constater que nos cultiva-
teurs en général mènent un train de vie qui n’est pas en rapport
avec leurs ressources. On fait de folles dépenses pour la
toilette et l’accoutrement, et on ne s'inquiète pas de Pétablisse-
ment des enfants. Et qu’arrive-t-il! C’est que ces enfants ne
voyant aucun avenir devant eux, s’expatrient, s'en vont se
louer à des maîtres étrangers pour être des mercenaires toute
leur vie, au lieu de faire des rois sur les terres qu’ils auraient
en Canada. Nous disons des sois, car nul plus que le culti-
vateur n’est indépendant de tout contrôle. Si nos cultivateurs
vivaient avec l’économie et la tenue simple des cultivatenrs de _
France, comme nous avons pu le constater dans les différentes
parties du pays de ne ancêtres, ils auraient tous un coffre-fort
dans leurs demeures, ou plutôt des dépots dans les banques
74 LE NATURALISTE CANADIEN
d'épargne; mais avec ce luxe qui les ruine, tout s’en va en su-
perfluités, jusqu’à emporter souvent le fonds même.
Vons pouvez, dites-vous, avoir des beaux habits, des belles
voitures, comme les avocats, les médecins etc. ; mais voulez-
vous vous rendre ridicules ? Vos occupations vous permettent-
elles de porter la tenue d’un homme de bureau? T[rez-vous
curer vos fossés, étriller vos animaux, avec des bottes fines et
des grants Llanes ? Que chacun reste dans son rôle ; vous aurez
beau vous affubler d’habits recherchés, si vous m'avez pas la
culture intellectuelle qui convient à un homme de profession,
vous n’acquerrez que le ridicule au lieu de mériter la considé-
ration, vous ne serez ni plus ni moins qu’un geai paré de plumes
de paon.
Après quelques autres discours, tous écoutés avec la plus
grande attention, nous nous rendons à la maison d’école, où,
comme à la Pointe-Bleue, nous trouvons une salle très agréable-
ment ornée, et des tables chargées des mets les plus appétissants
et des mieux apprêtés.
Aussitôt après le diner, nous nous rendons, sur linvita-
tion de M. Bragg, sur le perron de l'église, où nous nous grou-
pons pour nous photographier de nouvean, et sans tarder nous
reprenons les voitures pour nous rendre à S.-Félicien, qui doit
être le terminus de notre excursion, et où, apiès un salut
chanté à 4 h., nos devons prendre le souper chez M. le curé
même, pour revenir ensuite coucher de nouveau à Roberval.
La route, comme nous l'avons dit plus haut, suit la même
direction jusqu'à près de la ligne de division entre les deux
paroisses, elle fait 14 un léger détour en traversant des taillis,
les défrichements des terres ayant été commencés à leur autre
extrémité. En sortant de ce taillis, une nouvelle surprise nous
attend : en face de nous s’étend une vaste plaine toute cultivée,
assez semblable à celle de S.-Prime, avec sa file de bitisses.de
chique côté du chemin, et à l'extrémité l'église dont nous
voyons brillerle clocher sur un léger côteau qui semble, du
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EXCU! SION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN
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point où nous sommes, clôre la plaine de ce côté ; et à quel-
ques arpents à notre droite, coule une rivière à travers cette
plaine, mais une rivière qui l'emporte encore en largeur sur
tons les tributaires les plus considérables du St-Laurent. C’est
YAschuapmouchonan (rivière où l’on guette l’orignal) qui ne
mesure pas moins de 14 arpents de largeur, et qui, depuis le
petit rapide qu’on voit au dessus de l'église, traîne ses eaux
paisibles et profondes en ligne directe vers le lac, éloigné de ce
point de 10 à 12 milles environ. La plaine se continue de
l'autre côté de la rivière où les fermes out lair tout aussi pros-
pères que de ce côté-ci.
Les terrains d’alluvion formant cette plaine, d’une fertilité
sans égale, se continuent, disent les arpenteurs qui les ont
explorés, tout autour de lextrémité Est du lac jusqu'à une
profondeur de 15 à 20 lieues, ou même davantage, et sont tra-
versés par des rivières encore plus considérables que celle que
nous avonssous les yeux. C’est d’abord Ja Mistassini, ne me-
surant pas moins de deùx milles de largeur, et qui, à 350 milles
à l'intérieur, prend sa source dans un lac de plus de 20 lieues
longueur parsemé d’une multitude d'îles et d’ilots. Puis, plus
à l'Est, la Péribonca, mesurant 3 milles à son embouchure, et
recevant plusieurs tributaires qui serpentent à travers cette
plaine, si bien qu'il y a place ici pour au moins 30 paroisses et
même davantage.
Après le salut chanté à 4 h., une adresse fut présentée,
sur le perron de l’église, par M. Roy le maire de la paroisse, et
plusieurs orateurs, entre autres MM. De la Bruyère, Levas-
seur, Barthe, Lemay prirent ensuite la parole, M.. Bragg
installa encore ici ses instruments pour prendre un nouveau
groupe, nous photographiant pour la troisième fois.
Pendant que les orateurs occupaient ainsi la foule, nous
descendimes sur la grève dans l'espoir d'y rencontrer des mol-
lusques, et promenâmes aussi le filet-fauchoir sur les herbes
pour y recueillir quelques insectes. Mais la récolte fut auss
76 LE NATURALISTE CANADIEN
maigre pour les uns que pour les autres. A la rivière, nous ne
trouvames autre chose que notre mulette la plus commune
Unio compressus, Lea, et sur la côte, où le foin avait déjà été
enlevé, nous ne primes que le Lygus fluvomaculatus, Prov.
gvou trouve partout, et notre sauterelle le plus commune,
Culoptenus femur-rubrum, Burm. Nous avions aussi donné
quelques coups de filet & St-Prime, dans les herbes prés de
l’église, et n’avions aussi fait là qu’une pauvre chasse. Comme
nous nous sommes particulièrement occupé des fourmis cette
année, nous avions espoir d’en faire une ample récolte de ces
endroits reculés, mais vain espoir, nous dépouillâmes trois ou
quatre souches que nous reconnûmes avoir été rongées par le
camponote géant, Cumponotus herculeanus, Lin., et ne pûmes
rencontrer qu'une pauvre ouvrière isolée de notre fourmi rouge,
Formica sanguinea, Latr. Notre filet nous rapporta aussi :
Limneria argentea, Prov, L. hyalina, Prov., Proctotrupes
abruptus, Say, Bassus humeralis, Prov., Phygadeuon ovalis,
Prov., Halictus constrictus, Prov. et dons Pievostichus mutus,
Say, que nous primes sous des copeaux, plus quelques diptères
des plus communs. Comme la saison était déjà avancée, et vu
la sécheresse prolongée aveeles grandes chaleurs qui ont signalé
eette année, nons pensions bien trouver les insectes peu abon-
dants, cependant nons ne nous attendions pas à les trouver si
rares.
Quant aux plantes, nous n’avons aussi rien rencontré de
particulièrement intéressant, et nous les avons aussi trouvées
beaucoup moins diversifiées que dans les environs de Québec.
Les essences forestiéres se sont bornées pour nous aux espèces
suivantes: le pin blanc, Pinus strobus, peu commun aujour-
d hui, le pin gris ou des rochers (vulgairement cyprès) Pinus
rupestris, Vépinette noire, Picea nigra, l'épine:te blanche,
Picea alba, la plaine, Acer rubrum, le frêne commun, Fraai-
nus pubescens, le louleau à papier, Betulu papyrifera, le me-
risier rouge, Betula lentu, le merisier blanc, Betula excelsa, le
— À de id à
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN FAT
peuplier-tremble, Populus tremuloides, le penplier baumier,
Populus balsumifera, Yorme blanc, Ulmus americana, le
sapin blanc, Abies balsamea, le sapin rouge, Abies Fraseri,
puis le cormier, ’anlne, quelques saules et autres petits arbris-
seaux communs.
Quant à l’érable à sucre, au bois-barré, au noyer, au chêne,
au hôtre, au tilleul, à la pruche, nous n’en avons vu nulle part.
Le Dr Dionne, dans son rapport de lexcursion dans le
Courrier du Canada, mentionne à plusieurs reprises, la pruche
comme étant très commune, tant au lac St-Jean que dans les
Laurentides, au delà du lac Edouard. Le Dr a certainement
fait erreur en ce point, ear la pruche, Abies Canadensis, Mi
chaux, le Hemlock des anglais, Varbre qui fournit la précieuse
écorce pour le tannage des cuirs, ne se rencontre pas dans toute
la région du Saguenay; on ne la trouve même plus à la Baie-
St-Paul et dans le reste du comté de Chorlevoix. Le Docteur à
sans doute pris l’épiuette pour la pruche.
Mais revenons de cette digression en histoire naturelle, à
la résidence de M. le curé Girard, où nous trouvons des tables
abondaminent pourvues, autour desquelles nous nous rangeons
sans plus tarder.
M. le curé, avee une délicate attention dont nous lui
A
tenons bon compte, a voulu nous régaler d’un mets du pays
qu’il habite, c’est la wananish ou saumon des laes, Salmo ame-
thistus, Mitchill, prise dans Ja rivière même tout auprès. Ce
magnifique saumon, mesurant de 2 à + pieds, a la chair légère_
ment rosée, d’un goût: excellent, peu inférieure à celle du sau.
mon commun et beaucoup moins compacte, Aussi les + ou 5
pièces étalées sur les tables furent-elles généralement préférées
aux viandes et disparurent dans un instant.
Le repas terminé, il fallut de suite songer au retour à
Roberval, distance de 16 millles, et il était déjà 6 heures pas-
sées. Malheureusement l’organisation se trouva ici un peu en
. défaut, par suite, nous dit-on, de ce qu’un des organisateurs de
78 LE NATURALISYE CANADIEN
In réc2ption s’é‘ait livré trop librement à la joie et avait un
peu trop encensé Bacchus. Chargé de pourvoir aux voitures, il
avait laissé s’en retourner chez eux ceux qui Ctaient venu
s’offrir, et an moment de partir, il fallut envoyer de tous côtés
pour des véhicules nécessaires, si bien que ce n’est qu'après 10
heures que nous arrivâämes au presbytère de Roberval, et
quelyues autres y arrivèrent encore beaucoup plus tard. |
Conviés à une soirée chez M. le Maire Donohue, dont la
demeure était toute illumineée, la plu} art s’y arrêtèrent de suite ;
mais pour nous, nous }référâmes nous acquitter sans délai de
notre office, et renouveler aussitôt après la connaissance avec
notre lit.
Le lundi matin, dès les 7 h., nous prenons congé de M. le
Curé Lizotte et reprenons la route de retour, Nous avons la
bonne aubsine d’avoir pour conducteur un brave cultivateur,
d’un âge mûr, dont nous avions bien connu la famille à Beau-
port. Ce brave homme nous donna des détails fort intéressants
sur les difficultés qu'ils avaient rencontrées dans leurs établisse-
ments, manque des choses nécessaires, absence de marché pour
l'écoulement de leurs jroduits, prix exhorbitants des effets chez
les marchands etc. ete. Mais, ajoutuit le vieillard, avec du
courage, du travail, une boune santé, et par dessus tout la grâce
de Dieu pour nous soutenir, nous avons surmonté tous ces
obstacles, et aujourd’hui une ère nouvelle va commencer pour
nous avec les facilités de communications que nous allons avoir.
— Certainement, vous allez pouvoir vous procurer les mar-
chandises à meilleur marché et écouler plus facilement vos
‘produits ; mais ne craignez-vous pas aussi des misères d’un
autre genre, avec cette facilité de communications ?
—Oh! oui; nous avons ici plusieurs ivrognes qui sont
venus se réfugier dans ces quartiers isolés après avoir bu de
beaux biens dans les anciennes paroisses. Maintenant que la
boisson va devenir plus commune, plus d’un vont reprendre
leurs anciennes habitudes, il faudra une plus grande vigilance
"À
fi
ci on fn ces à
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN 79
| pont retenir la jeunesse dans la sobriété, et le luxe va venir
aussi nous imposer ses exigences qui sont si souvent la canse
de la ruine des familles. Tous les habits que vous me voyez li,
ajonta-t-il, ont été fabriqués à la maison, et si je n’en avais pas
agi ainsi, je n'aurais pas aujourd'hui ma propriété qui m’a permis
de pourvoir à établissement convenable de mes enfants.
— Vous avez agi en bon chrétien, le Bon Dien vous a béni.
Le chemin de fer est certainement d'un immense avantage pour
vous; malheur à ceux qui s'en serviront pour leur propre
détriment, car, vous le savez, l’homme, dans sa perversité, peut
abuser de tout.
— Sans doute, sans doute, fit le vieillard, à chacun de se
tenir. 3
Arrivés à l’endroit où la route des eoncessions de St-Lonis
‘coupe la voie ferrée, les travailleurs qui se trouvaient là nous
dirent de laisser la voie publique pour suivre le remblai même
du chemin de fer.— Mais lorsque nous rencontrerons les traverses
en place que ferons-nous, avee nos voitures ?—Lorsque vous
rencontrerez les traverses en. place vous y trouverez aussi la
machine avec les chafs pour vous recevoir.
Et de fait, nous pûmes prendre les chars à plus de deux
milles au delà de l'endroit où nous les avions laissés le samedi.
Refaisant de jour le trajet fait de nuit en allant, nous
pûmes juger du ter ain dans toute la longueur de la route.
Entre le lac Bouchette et le lac Edouard, distance d’une cin-
quantaine de milles, c’est presque partout le même niveau, à
une élévation de 1500 pieds au dessus du niveau de la mer. La
forêt aussi est très peu diversifiée, de l’épinette, du bonleau en
certains endroits, et quelques merisiers a$sez rares, Lacs vri-
vières et ruisseaux sont en grand nombre, mais généralement à
bords peu élevés. Le terrain un peu froid et de qualité mé-
diocre, pourra cependant être exploité pour la culture. La
forêt offrira, en général, peu de ressources pour l'exploitation de
80 LE NATURALISTE CANADIEN
ses essences, les arbres de qualité inférieure pouvant à peine
fournir du bois de commerce.
Peu. après 4h. nous descendions à la station du lac
Edouard, où M. Cressman, qui était revenu avec nous, avait
pourvu à nons faire donner un souper princier. Le champagne
fut livré sans épargne et à la fin du repas des santés furent
portées à M. Beemer, à M. Cressman, à la Compagnie du che-
min de fer ete., et nombre de discours anglais et francais y ré-
pondirent.
Après le sonper, on nous propose une promenade sur le
lac, an moyen d’un tout petit yact A vapeur qui trainera deux
chalonpes où nous nous logerons. Il va sans dire que la pro-
position est acceptée avec impressement. Le sifflet se fait en-
tendre, nous nous rangeons sur les banes, et vogue la galere.
Le lac Edouard mesure à peu près six lieues de long, sur
une largeur dun à deux milles. I] est divisé dans presque
toute sa longnenr par une grande île, densément boisée. Ses
rives, comnie toutes celles des lacs 4 la hauteur des terres, sont
pen élevées, mais toutes sinuées de baies profondes plus ou
moins larges. La surface dit lac est lisse comme un miroir,
l'onde cristalline reflète les silhouettes des arbres bordant les
rives, l'atmosphère est douce et des plus agréables, l'écho se
réveille au moindre bruit produit dans les embarcations, nous
vaguons sans secousses et sans fatigue, il n’en faut pas plus pour
frapper l'imagination aux moins sensibles aux charmes de la
nature, et exciter la verve de nos poètes. Aussi MM. Legendre
et Lemay se laissent-ils entraîner à lancer quelques rimes, et
les calembourgs reprennent-ils un nouvel essor, Mais il est
facile de reconnaître qu’on n’a pas assez ménagé les provisions,
que les carqriois sont aplatis, et l’on s'amuse autant des coups
ratés que des traits qui ont porté juste. Pour faire diversion,
MM. Morel, qui possède un superbe organe, Chapais, hevasseur
font des soli de chansons canadiennes aux refrains desquelles
tous les assistants nrennent part avec un entrain admirable,
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN 8i
Cependant nous voguons et voguons toujours; les ténè-
bres se sont répandues sur l’onle ; déjà, de notre barque, les
rives se confondent avec la sombre verdure des arbres qu’elles
portent ; le silence est partout parfait, et nous nous plaisons à
faire répéter aux échos les apostrophes que nous leur lancons ;
voilà que nous remarquons droit devant nous, à la hauteur de
la rive, une lumière à peine perceptible, on dirait une étoile de
Se grandeur perdue dans les broussailles qui bordent partout
les rives du lac; notre conducteur nous dirige droit vers ce
point, et bientôt nous reconnaissons qu'il y a la des êtres hu-
mains, que la solitude possède ici quelque ermite ; les formi-
dables jappements d’un chien viennent d’ailleurs aussitôt nous
annoncer que les résidents ne sont pas la sans quelque dcfense,
Encore quelques verges en avant et nous disting.ons un fanal
qui s’en vient nous éclairer pour l’abordage. Le sifflet de notre
yact fait taire les aboiements du chien, nous touchons d'énormes
cailloux qui servent de quai, et descendons sur la giève, à la
faveur de la lumière qu’on tient pour nous éclairer. Nous
remarquons tout à côté des esquifs de différents genres, des
rames et autres ustensiles propres aux pêcheurs et aux explo-
rateurs. Nous faisons quelques pas sous le branchage, et péné-
trons dans la demeure du maître de l'endroit. Le château est
une superbe cabane en bois ronds, mesurant environ 15 pieds
carrés, sans portique ni véranda, mais orné à l’intérieur de tout
autres objets que ceux que l’on rencontre dans les cabanes des
pêcheurs ordinaires. Une lampe avec abat-jour orne une table
chaig‘e de papiers et d’écritures, des tablettes à côté portent
plusieurs volumes, puis près du double lit occupant un coin,
des fusils, des haches, des lignes, ete. Muis quelle n’est pas
notre surprise de trouver un journaliste, un écrivain dans le
maître de céans. M. Farnham, car tel est le nom du proprié-
taire, connait le Canada mieux que grand nombre de nos lettrés
Canadiens. Depuis trois ans il l’a parcouru en tous sens,
depuis les côtes du Labrador jusqu’à la plupart des lacs de
l’intérieur. Avec son aide, il se suffit à lui-même pour tous
6—Novembre 1887.
5
€
5 LE NATURALIETE CANADIEN
ses besoins. Amricuin d: naissance, il a passé trois ans en
France et parle un francis très correct. Il a connu nos ouvra-
ges et nous parla un peu d'histoire naturelle. M. Farnham.
écrit pour différentes revues et plus particulièrement pour le
Harpei’s Weekly Magazine, Enchantés d’avoir fait la con-
naissance de se savant ainsi caché dans une solitude, nous re-
prenons nos embarcatious et opérons notre retour au lac Edouard,
où nous allons occuper de suite nos places dans notre
char-palais.
Lundi matin, vers les 6 h., nous nous joignons a la
Rivière-à-Pierre au train régulier de Québee, et à 9 h. nous
descendons dans la gare du Palais.
Nous nous joignons de grand cœur à tous nos confrères de
la presse pour oftrir nos plus sincères remerciements à M-
Beemer, à M. Cressman, à tous les messieurs qui ont bien voulu
nous préparer une réception si cordiale et si généreuse, particu-
hérement à MM. les Curés Lizotte et Girard, à MM. les maires
Donohue, Maurice et autres., Grâce a leur dévouement et à
leurs soins empressés, notre exeursion s’est opérée de la manière
la plus heureuse. Tous nous remportons le plus agréable sou-
venir des attentions que nous avons rencontrées partout, qui
nous ont permis de novs former une juste idée de l'importance
de cette vaste région du Saguenay, qui a devant elle un si bril-
lant avenir. >
Si, avec des difficultés et des obstacles comme en ont ren-
contrés les colons déjà fixés là, on a pu y grouper une popula-
tion si considérable, que sera-ce dans dix ans d'ici, à présent que
la voie ferrée va les mettre À 10 ou 12 heures de marche de
Québec ? à présent qu’ils peuvent se procurer les choses néces-
saires à des prix raisonnables et trouver un marché pour leurs
produits ?
Nous avons omis de dire, en parlant de St-Prime, qu'il y
avait déjà une beurrerie d’installée 14; nons avons entendu
quelqu'un critiquer cette mesure, disant qu’il fallait avant tout
EXCURSION DE LA PRESSE AU LAC ST-JEAN 83
défricher et opérer sur le sol. Nous tenons une opinion toute
contraire. La mauvaise culture a causé la ruine d’un grand
nombre de cultivateurs dans nos anciennes paroisses. On sem-
blait croire qu’il n’y avait que les céréales pour appoiter lai-
sance à l’homme des champs; il fallait produire du blé et de
Yavoine, de l’avoine et du blé. On commence à comprendre
aujourd'hui que cette routine était vicleuse et tont-à-fait rui-
neuse. Cultivant mal, par ce qu’on en eultivait trop grand, on
n’obtenait que des résultats désastreux. Grace aux fromageries
et aux beurreries qu’on établit aujourd'hui, on va comprendre
la nécessité de changer le système. On reconnait que la vente
du lait et l'élevage des animaux rémunèrent davantage que la
culture des céréales, et on va y donner une plus grande attention,
Avec de nombreux animaux, il faut les bien entretenir pour en
retirer du profit ; on produira donc de bons pacages et beaucoup
de foiu. Avec de nombreux animaux, on a beaucoup d’engrais,
et avec les engrais on a de bonnes récoltes en tout genre. Tel
est le changement en voie de s’opcrer presque partout aujour-
hui.
D'ailleurs au Saguenay même, dans cet endroit encore
nouveau, il ne manque pas de terres déjà ruinées par une mau-
vaise culture. Semant grain sur grain, on a laissé envahir le
sol par les mauvaises herbes. En maints endroits nous avons
vu le blé tout gâté par le sarrazin vert dont la terre était infestée,
les moulins n’ayant pas de bons cribles, on n’obtenait qu’une
mauvaise farine et par suite un pain fort médiocre. Cultivant
moins grand, on cultivera mieux, ayant de nombreux animaux
on aura beaucoup d'engrais ; et avec les engrais on obtiendra de
meilleurs rendements. Les facilités de communication permet-
tant de se procurer de bons cribles, on ne semera que du grain
pur, et on adoptera ainsi un système rationnel et tout-à-fait
rémunératif. La théorie et la pratique sont la pour donner la
confirmation à ce système et convaincre de son efficacité, par les
résultats obtenus, même les plus incrédules et les plus récalci-
trants,
84 LE NATURALISTE CANADIEN
BIBLIOGRAPHIE:
Cinquième Rapport dela Société d'Industrie laitière de la
Province de Québec. —in 8 de 200 pages.
Voici, suivant nous, un des livres des plus utiles en rapport
avec l’agriculture, qui aient été publiés en cette province. Tous
les cultivateurs devraient avoir ce livre sur leur table, pour le
lire, le relire et le méditer. Ce n’est plus la de cette agriculture
théorique, qu'on a peine à comprendre souvent, et dont les
propagateurs ne voudraient pas garantir le succès ; mais c’est
avant tout de l’agriculture pratique ; vous suivez le détail des
opérations, comme si vous le voyiez faire sons vos yeux. Bien
plus, on résout les objections que vous auriez à faire à tel ou
tel procédé, et l’on vous fait toucher du doigt la cause de vos
insuccès si vous n'avez pu réussir dans des essais que vous
auriez tentés. Lisez la conférence de M. Casavant sur le drai-
nage, celle de M. J. C. Chapais, sur un plan de culture, celle
de M. l'abbé Chartier sur lensilage, les divers procédés de
fabrication de beurre et de fromage etc., vous trouverez la les
remèdes les plus efficaces pour faite sortir notre agriculture de
la routine pernicieuse qui la ruine, et des raisons convainquantes
pour entreprendre les r(formes reconnues nécessaires. Les fro-
mageries, les beurreries, et comme corollaire Vensilage, voilà ce
qui avant tout régénèrera notre agriculture en l’engageant dans
une voie nouvelle plus rationnelle et plus rémunérative.
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ae} VOC) A) ODE) OOM O10 DGG o- ay ok
Pri eae a i EE
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Décembre, 1887 No. 6.
Rédacteur : M. PABbE PROVANCHER.
SS 7 oan —— ee :
PRIMES
Les deux primes du mois de septembre N° HGH et BA, de.
même que celles du mois d’octobre, N° 39 et SE n’ont pas
encore été réclamées.
NOVEMBRE, NUMÉROS GAGNANTS.
1ère Prime.— Turbo pica, Lin., Sabot pie.........N° Qh
2e «< — Voluta musica, Lin. Volute ins-
trument de musique.............N° 221.
N. B. — L’abonné ayant l’exemplaire portant l’un ou
autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, et ayant payé son abonnement d'avance,
devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date, et
envoyer des timbres pour affranchir le postage. — Voir sur la
couverture.
ee Te
Unité des torces de la nature, et nouvelle théorie de la
chaleur solaire et de la gravitation universelle
PAR
Le Prof. J. A. GUIGNARD, Ottawa.
(Continué de la page 55).
4. NOUVELLE THÉORIE DE LA CHALEUR SOLAIRE.
- Comme l'indique le titre de louvrage de M. Kedzie, le
premier sujet traité est celui de la chaleur solaire.
6—Décembre, 1897.
86 LE NATURALISTE CANADIEN
Du soleil émanent de jour en jour, de siècle en siècle, des
flots de lumière et de chaleur qui rayonnent en tous sens dans
les abîmes de l’espace. Chaque minute notre terre en recoit la
chaleur qui suffirait pour porter à la température d’ébullition
37,000 millions de tonnes de glace, et le nombre de mondes
égaux au nôtre qui, placés à égale distance, pourraient en rece-
voir autant à la fois est de 2,200 millions. (Langley, dans Cen-
tury Magasine, 1864, p. 234). Ce sont là des nombres dont
notre esprit ne peut se faire qu'une bien faible idée, mais qui
n’ont rien d’exagéré. Oron ne peut croire qu’une dépense
aussi énorme, aussi inconcevable se continue incessamment
sans que le soleil recoive d’une manière ou d’une autre de nou-
velle énergie à distribuer. Car pour supporter l'hypothèse
qu’il se refroidit en effet, hypothèse qui a eu ses défen-
seurs, il faudrait pouvoir prouver que la chaleur solaire dimi-
nue à la longue, et de cela il n’y a pas la moindre indication.
On s’est done efforcé de déterminer quelle est la cause active
qui compense les pertes.
La chaleur pourrait-elle, par exemple, résulter d’une com-
bustion quelconque ? Non, car le soleil aurait depuis longtemps
déjà épuisé son combustible, sa température est d’ailleurs plus
élevée que celles auxquelles les combustions peuvent avoir heu,
et nous pouvons ajouter: que seraient done devenus les pro-
duits de la combustion ?
Une autre théorie attribue la chaleur au mouvement de
translation du soleil et à son choc continu contre une atmos-
phère d’ailleurs toute hypothétique qui remplirait l’espace ;
mais alors que n’éprouverions-nous pas sur la terre dont la
vitesse de révolution est quatre fois plus rapide ?
Les théories les plus généralement soutenues font résulter
la chaleur de la gravitation, soit du choc de corps météoriques
tombant sans interruption en nombre incalculable sur le soleil,
soit par contraction et par chutes de portions immenses de sa
masse vers son centre. Entre autres objections possibles, dans
ETUDE SUR LES FORCES DE LA NATURE 87
le premier cas, on n’a jamais observé de corps tombant direc-
tement vers le soleil et au point de vue mathématique, la pro-
babilité en est très faible; pour le second cas, la chaleur pro-
duite par contraction ne pourrait que causer une égale expan-
sion dans le soleil et non rayonner au loin dans l’espace.
M. Kedzie, dans son ouvrage, après avoir signalé les points
faibles des différentes théories, présente ensuite la sienne suivant
laquelle la gravitation serait la cause directe de la chaleur, par
son action sur les particules incandescentes de la photosphére
ou couche de nuages lumineux qui enveleppe le soleil de toutes
parts.
Vu le nombre infini des étoiles ou soleïls qui peuplent
limmensité, pourquoi ne recevrions-nous donc pas la nuit
autant de lumière et de chaleur que nous en recevons du soleil
pendant le jour ? En effet, que nous donnent ces astres distants ?
Seulement une faible lumière vacillante et pas la moindre cha-
leur appréciable. M. Kedzie en conelut que lumière et cha-
leur dans leur trajet vers la terre doivent nécessairement avoir
revêlu d’autres formes d'énergie et que de même la chaleur et
Ja lumière de notre soleil doivent être transformées en d’autres
formes d'énergie quand elles arrivent à la distance des étoiles,
Il est intéressant de noter sur ce point que Struve avait été
conduit à penser que la lumière des étoiles perdait de son
intensité dans son trajet jusqu’à nous: pour les étoiles de 1ère
grandeur, 1 pour cent; pour celles de 6ème grandeur, 8 pour
cent ; pour celles de 9ème grandeur, 30 pour cent.
La force quitte donc les étoiles sous forme de chaleur
intense, ou plutôt de vibrations de l’éther, capables de produire
une chaleur intense si elles rencontraient un corps matériel; puis
dans sa marche qui, rappelons-le-nous, exige des années, malgré
la vitesse inconcevable de la lumière, elle se transformerait ou
se séparerait, suivant la théorie proposée, en électricité, em ma:
gnétisme, en action chimique, ...en GRAVITATION, mais sans pour
cela perdre là moindre quantité d'énergie. Ces ondes continuent
88 LE NATURALISTE CANADIEN
ainsi leur marche jusqu'à ce qu’elles frappent un corps sus-
ceptible de les transformer en d’autres variétés d'énergie. Sur
le globe de la terre, elles agissent au moinns en partie sous:
forme de gravitation. Mais pour être retransformées en chaleur,
il leur faut un laboratoire particulier; et ce laboratoire, elles le
trouvent dans la photosphère du soleil, qui est sans doute for-
mée de nuages de carbone en particules d’une ténuité extrême.
Puis de la photosphère l'énergie rebondit en lumière et chaleur
intenses, qui s’élance en tous sens dans l'océan éthéré.
5. NOUVELLE THÉORIE DE LA GRAVITATION.
L'idée qu’on se fait généralement de la gravitation est que
tous les corps exercent les uns sur les autres une attraction
réciproque. Mais la matière aurait donc la propriété d'agir à
distance? Elle pourrait produire effet où elle n’est pas!
“ Newton, ce hardi créateur de la magnifique théorie de l’attrac-
tion universelle,” n’entretenait point une opinion aussi insoute-
nable. Il ne poursuivit pas ses idées, mais “ il conjecturait
que l'attraction pouvait être la conséquence de Pimpulsion d’un
milieu fluide quelconque ; il laissait entrevoir dans le lointain
un fluide subtil, qui traverserait les corps solides où s’aceumu-
lerait dans leur intérieur, et dont l’intervention pourrait expli-
quer plusieurs de leurs propriétés | hysiques : la cohésion, d'im-
pénétrabilité, les affinités chimiques, la pesanteur, les attrac-
tions et répulsions électriques où magnétiques, la pesanteur,
les attractions des corps célestes, et même plusieurs effets phy-
siologiques du genre de ceux qu'on à parfois attribués à un
fluide nerveux.”
“ Euler avant lui admettait comme certain qu’il y a une
matière extrémemeut sublime, qui, par son mouvement est
douée d’une force capable de pousser les corps en bas, et de
produire tous les phénomènes de la gravité,...... qu'il doit y
avoir dans chaque corps des particules destituées de pores, par
où la matière subtile qui produit la gravité ne saurait passer
ete.” |
ÉTUDE SUR LES FORCES DE LA NATURE "89
Les passages qui précèdent entre guillemets sont tirés de
la préface par le savant abbé Moigno à un des volumes d’Ac-
tualités scientifiques qu'il publiait: Constitution de la matière
et ses mouvements ; nature et cause de la pesanteur, par le
P. Leray. Dans cet ouvrage, M. Leray traite en particulier
des monvements des atomes ou éléments de l’éther, et dans ces
mouvements il parait avoir indépendamment découvert la cause
de la gravitation uuiverselle en s'appuyant sur des considéra-
tions de mécanique mathématique. 11 conçoit que l’éther étant
beaucoup moins dense que les gaz, ses atomes vibrent sans
doute, mais aussi voyagent en- courants qui s’entre-croisent et
qui frappent les corps en tous sens.
M. Kedzie au contraire pose comme principe que ce ne sont
pas les atomes qui voyagent, mais seulement les vibrations, ce
qu'il est certainement plus facile de concevoir, quoique, à la
vérité, nous ne puissions réellement nous former non plus
qu’une bieu imparfaite idée d’une vitesse de propagation de
190,000 milles par seconde.
Quel que soit le mode d’action de l’éther sur les corps, les
mouvements de ses atomes s’affaiblissent proportionnellement à
l'épaisseur et à la densité de ces corps qu’ils traversent. Il en
résulte que tout corps projette une sorte d’ombre, au côté op-
posé à celui d’où viennent certaines ondes ou courants 1’éther,
Par suite deux corps, tels que la lune et la terre se font récipro-
quement ombre lun à l’autre, et en conséquence ils sont poussés
Vun vers l’autre. Dans l'énoncé ordinaire de la théorie de la
gravitation, il serait donc plus exact de remplacer le mot attrac-
tion par appulsion et de lexprimer ainsi: L’appulsion de
deux corps l'un vers l'autre est proportionnelle à eur masse
et en raison inverse du carré de leurs distances.— A suivre.
Sa
COLORATION VERTE DE LA MER
M. Pouchet, d’apres de nombreuses observations faites par
lui à bord de “VHirondelle” sur l'océan Atlantique, prétend
90 LE NATURALISTE CANADIEN
que la coloration verte de la mer est due à la combinaison de Ie
teinte bleue de l’eau avec la couleur d’une matière jaunâtre, la
diatomine; répandue en abondance dans les végétaux unicellu-
laires, dans lesquels il conviendrait, d'après lui, de faire rentrer
les foraminifères et les radiolaires.
nn ee ee
LE DARWINISME
(Continué de la page 57).
TV.—L’HOMME ET L'ANIMAL.
Nous avons expliqué ce que c’est que le darwirisme oy
transformisme ; nous avons démontré la fixité de l'espèce, sans
nier sa variabilité ; nous avons fait voir que la sélection natu-
relle dans la lutte pour la vie, fut-elle admise en principe,
serait eneore impuissante à établir le transformisme, c’est-à-dire
à donner la preuve que toutes les espèces animales et végétales
descendent d’un type unique ou de quelques types primitifs
peu nombreux. Il ne nous reste plus qu'à examiner si, sui-
vant Darwin, l’homme rentre dans la série animale, se confond
entièrement dans l’animalité, ne se distinguant de tous les
autres animaux, dans ses facultés physiques, physiologiques et
psychiques, que par des différences de degré et non de nature.
Tel sera le sujet de ce quatrième chapitre.
Observons que Darwin, dans son ouvrage de l’Origine des
espèces, pose son système d’évolution des êtres, sans éliminer
le Créateur. J'usque-là, son hypothèse pouvait être acceptée
sans répudier le récit biblique, ear Dieu aurait bien pu eréer la
matière inerte, In? donner ses lois, créer aussi la matière animée
dans une forme des plus infimes, et lui imposer des lois de déve-
loppement qui auraient pu conduire à la production des: diffé-
rents, êtres qui existent aujourd’hui. Mais, même dans cette
hypothèse, l’homme devrait-1l entrer dans la série, et ne se dis-
LE DARWINISME 91
tinguer des animaux supérieurs que par des différences de degré
et non de nature ? Evidemment non, et nous allons le démontrer.
Mais les disciples de Darwin, Haeckel, Wallace, Huxley
ete., ne se montrérent pas si réservés, si naifs, si timides que
leur maitre; ils proclamèrent de suite le système, d'un ton
triomphal, avec toutes ses déductions et ses conséquences:
Créateur, création, âme immortelle etc, expressions vides de
sens, absurdes, que la science ne saurait admettre.
Chez le grand nombre de nos lecteurs qui n’ont jamais
lu les ouvrages de ces savants matérialistes—ce dont nous som-
mes loin de les blâmer—on aura peine à croire que de telles
idées aient été sérieusement émises, que des intelligences saines
aient pu délibérément les épouser, Il va nous falloir mettre
sous leurs yeux quelques citations qui ne leur permettront plus
d'entretenir des doutes à cet égard, qui leur feront voir même
avec quelle assurance et quelle prétendue bonne foi, on se flatte
de faire partager de telles insanités. Entendons encore ici M.
DeKerville.
“ Lorsque la science nous prouve que l’idée de création
“est une idée vide de sens, une idée absurde en elle-même ;
“lorsque la science nous démontre que dans l'univers entier,
“rien ne se crée ét rien ne se perd, et que tous les animaux
“et tous les végétaux proviennent, sous la seule action de forces
“ physico-chimiques éternellement agissantes, d’une forme pri-
“mitive unique, d’une masse de protoplasma non différencié, il
“serait éviderament déraisonnable de supposer que l’homme
“ fasse exception à cette règle universelle. Si une force supé-
“rieure, consciente et intelligente, qu'on l'appelle Jéhovah
“ Brahma, Dieu, Allah, Nature, a pu faire sortir d’un bloc de
“terre, subitement et sans aucune préparation, un être aussi
“ perfectionné que l'Homme ; si cette foree a pu, à l’aide d’une
* côte de cet être, créer de toutes pièces la Femme, cette force
“n'a dû éprouver aucune difficulté pour créer le règne animal
“et le règne végétal, et toute discussion sur l’origine des êtres
92: LE NATURALISTE CANADIEN
“ vivants devient, par eela même, oiseuse et inutile. Mais je ne
“ doute pas un seul instant que tons les esprits libres de pré-
“ jugés, qui trouvent dans le transformisme l’explieation simple,
“ claire, positive et si ardemment cherchée depuis tant de siècles,
“de l’origine des animaux et des végétaux, sans l'intervention
“incessante de mystères et de miracles, n’hésisteront pas à
“reconnaitre que l'Homme appartient à l’animalité, et qu'il est
“ soumis, comme tous les êtres vivants, à l’action unique des
“forces naturelles. (1)
Examinons un peu ces énoncés.
Lorsque le science nous prouve que l’idée de Créateur
est une idée vide de sens, une idée absurde en elle-même ;
lorsque lu seience nous démontre que dans l'univers entier,
rien ne se crée et rien ne se perd, et que tous les animaux,
proviennent sous la seule action de forces physico-chimiques
éternellement agissuntes, d'une forme unique primitive, etc.
Mais non, la science ne prouve, ne démontre rien de sem-
blable. Vous avez émis eet énoncé, muis vous êtes loin de
l’avoir prouvé.
L'idée de création, une idée vide de sens. Mais la matière.
éxiste, d’où vient-elle ? Vous voulez qu’elle soit incréée, éter-
nelle? Voici une motte de terre, vous prétendez qu’elle @
toujours existé, qu’elle est éternelle! N’est-il pas plus juste,
plus conforme à la raison, de ereire qu’un être supérieur, tout-
puissant, un esprit immatériel, lui a denné l'existence, que de
vouloir qu’elle se serait faite elle-même ? qu’elle aurait toujours
existé ?
Sous Paction de forces physico-chimiques éternellement agis-
santes tout s’est opéré dans la nature. Mais ces forces phy-
sico-chimiques, qui leur a donré des lois pour les faire
agir ? qui leur conserve lene action à ces lois? puisque nous
voyons que tout mouvement imposé à la matière s’en va tou-
(1) Cinquième Conférence, p. 4
LE DARWINISME 93°
jours en diminuant jusqu’à se perdre? Nous disons, nous, que
ces forces et ces lois qui les révissent, ont été imposées à Ja
matière par un être souverain, au dessus de Ja matière, qui
veille continuellement à la conservation de son œuvre. Et vous,
vous prétendez que ces forces, ces lois, sont éternelles, qu’elles
se conservent d’elles-mêmes, lequel de nous deux est plus près
de labsurbe ?
Nous voyons la matière en mouvement, le soleil et tous
Tes astres se mouvant dans une régularité parfaite. Qui leur a
imposé ce mouvement ? l’a régularisé, le conserve ?
Nous: Dieu, le Créateur de toute chose.
Vous : Personne, il en a toujours été ainsi.
Lequel de nous deux tombe dans labsurde ? Le génie de
Fhomme, si puissant aujourd’hui, a-t-il jamais pu, au moyen
des forces physico-chimiques, produire le moindre mouvement
capable de se soutenir, nous ne dirons pas perpétuellement, ni
même pendant un siècle, on un an? mais pas même pendant
un jour, sans perdre de sa puissance, de son énergie ? Il passe-
rait pour fou, et archifou, celui qui voyant an mécanisme quel-
conque, un moulin, une horloge, par exemple, prétendrait que
ce n’est là l’œuvre de personne, mais un assemblage fortuit de
particules de matière, et vous.voudriez que l'immense méca-
nisme de l'univers, si régulier, si parfait; tous ces corps
célestes qui suivent chacun la route qui lui a été tracée, suivant
les lois de la gravité, de l'attraction si régulièrement ; vous vou-
driez que tout cela serait l’œuvre du hasard aveugle, sans faire
divorce avec la raison, sans outrager le sens commun!
Supposant que toutes les formes actuelles de la matière
seraient dues, comme vous le prétendez, aux seules forces
physico-chimiques, il serait déraisonnable d.tes-vous, d'admettre
que l’homme ferait exception à cette règle universelle.
Mais pas du tout déraisonnable ; est-ce que l’homme ne
se sépare pas distinctement de tous les animaux par la noblesse
de ses formes, son langage articulé, son intelligence, sa puis-
94 LE NATURALISTE CANADIEN
sance de conception, sa faculté de tirer bénéfice des avantages
de ses dévanciers à soumettre la nature à son domaine? Vou-
driez-vous lui ravir toutes ces nobles et précieuses prérogatives
pour le ravaler au rang de la brute? Jumentis quibus non est
intellectus ?
“Si Dieu, dites-vous, a pu faire sortir d’un bloc de terre,
“subitement et sans préparation, un être aussi perfectionné
“que l’homme, et former la femme de lune de ses côtes, il n’a
“da éprouver aucune difficulté pour créer le règne animal et le
“règne végétal, et toute discussion sur l’origine des êtres vivants
“ devient, par cela même, oiseuse et inutile.”
Mais qui a jamais prétendu que le Créateur eût sué à faire
un tel ouvrage ? Sans aucun doute, il n’a éprouvé nulle diffi-
culté à créer le règne animal et le règne végétal; mais comme
il n’a pas jugé à propos de nous révêler le modus operands
dans la production de ses œuvres, il n’est pas oiseuæ ni inutile,
d'appliquer la puissance de notre intelligence, les ressorts de
notre raison, à juger, par ce que nous voyons, de ce qu'ont dû
être ces œuvres dans leur origine, pour y trouver de nouveaux
motifs d'admirer sa toute puissance, sa sagesse infinie et ses
prévisions sans nombre ni bornes.
“ Pour démontrer, dit M. DeKerville, que l’homme est de
nature animale, examinons l’homme physique et Fhomme
psychique, et nous verrons que dans toutes ses facultés, il ne
se distingue des animaux qme par des différences de degré et
“ non de nature.”
(42
«ec
Fort hien ; suivons notre auteur dans le développement de
sa proposition, et voyons si les conclusions découlent bien légiti-
mement des prémisses.
L’homme n’est qu’un singe perfectionné a proclamé cent
fois le matérialisme.
Parmi tous les singes, il en est quatre, des plus grands,
LE DARWINISME - 9%
qu’on a qualifiés d’anthropomorphes (1), par ce que, disait-on, il
n’y a que de bien légères différences qui les séparent des hommes.
Ces singes anthropomorphes sont : Porang-outan, le gibbon,
le chimpanzé et le gorille.
Certains naturalistes da siècle dernier leur ont trouvé si
peu de différences avec l’homme, qu’ils ont voulu, dans la clas-
sification, les ranger dans le genre même Homo ; mais on con-
nait mieux aujourd'hui, et quelque rapprochés que soient ces
singes de l’homme dans leur conformation générale, il y a
cependant des différences si marquées— même en considérant
Yhomme dans sa partie matérielle seulement —que lalliance
devient nettement impossible aux yeux de tous les naturalistes
d’ane certaine autorité.
Voyons si, avec M. DeKerville, on n’y peut trouver que
des différences de degré.
L’angle facial de l’homme varie de 80° à 90°; celui du
singe varie entre 30° à 60°. :
La station verticale est la station normale chez l’homme ; le
singe ne peut marcher debout que difficilement, c’est pour lui
une contrainte, la station normale chez lui est de reposer sur les
branches des arbres en s’y maintenant au moyen de ses quatre
membres.
La peau chez l’homme est toujours lisse et nue ; chez le
singe elle est couverte de poils.
L'homme possède deux mains et deux pieds ; le singe a
quatre mains, ear dans ses membres inférieurs le pouce est
opposable aux autres doigts comme dans les supérieurs.
Le foie dans l’homme est en grande partie à gauche ; dans
le singe il est en majeure partie à droite etc. etc.
“ Aujourd'hui, dit M. Paul Gervais, dans le Dictionnaire
“ d'Histoire Naturelle de D’Orbigny, a Yarticle “Singe ”, la
(1) Anthropos, homme, morphé, forme.
96 LE NATURALIETE CANADIEN
“réunion de l’homme et des premiers singes dans un seul et
“méme genre, n’est plus admissible, malgré les rapports de
‘ structure incontestables et incontestés qui existent entre lui et
“Jes espèces anthropomorphes, et même tous les singes de l’an-
“ cien continent,” Une connaissance plus complète, toujours au
“point de vue organologique, a démontré que si le gibbon,
“Vorang-outan et le chimpanzé diffèrent moins de l’homme que
“ des autres singes, makis, ouistitis etc ; il est assez facile cepen-
«dant de les en distinguer par de bons caractères zoologiques,
, 1
“pour qu'on ne les laisse pas confondus génériquement avec
“Jui. L'homme n’a pas un seul caractère organique, dont on
“ne retrouve la trace, souvent même la reproduction, dans les
“ singes de l’ancien monde ; mais sa station, sa forme généiale,
“ son grand développement crânien, et la masse cérébrale dont
“ce développement est la conséquence ; la forme de ses mem-
“bres inférieurs, dont le pouce n’est pas opposable, et d’autres
“ caractères encore en font, même au point de vue organique, un
“ genre bien distinct de ceux des singes.”
Comme on le voit, ce savant naturaliste, ne partage pas
l'opinion de M. De Kerville qui ne voit, lui, entre l’homme et
le singe que des différences spécifiques.
Nous venons de voir que l’homme, examiné au point de
vue physique, quoique très rapproché des animaux sujérieurs,
en differe cependant assez pour former un genre qui lui est
propre ; examinons Je maintenant au point de vue psychique (1),
c’est-à-dire, dans ses facultés intellectuelles et morales.
Tci encore, l’eussiez-vous eru, lecteurs, notre auteur prétend
qu'entre les facultés mentales de l’homme et des animaux, il n'y
a pas de différence de nature, mais uniquement des différences
d'intensité dans leurs manifestations.
Observons tout d’abord que les deux facultés fondamentales
de tous les actes de l’homme et des animaux, sont l’ins-
(1) Psyché, âme, esprit.
là ei
LE DARWINISME 97
tinct et l'intelligence ; chez l’homme toutefois, il y a un
troisième motif déterminant des actes, qui ne se trouve pas chez
la bête, c’est l'intelligence raisonnée, ou la raison.
L'instinct est la facnlté d'exécuter les actes, indéj'endam-
ment de la volonté, pour atteindre un but que, généralement
l'individu ne connait pas; tandis que l'intelligence est la faculté
d'employer des moyens propres à atteindre un but déterminé
que Vindividn comprend.
L'instinct a ses caractères, mais ils sont tous opposés à ceux
de l'intelligence.
L'instinct agit sans instruction; l'intelligence n’agit que
par instruction, par expérience.
L’araignée n’apprend point à faire sa toile, ni l'abeille à
construire ses alvéoles, non plus que le castor sa cabane. J’ap-
prends à mon chien à faire ma volonté, opposée, souvent, à
ce que son instinct lui suggère. A mon commandement il se
tient assis, quelque génante que soit pour lui cette position ;
il m’apporte une proie que son instinct lui suggérerait de dévo-
rer. Mon cheval, à ma voix, vient }rendre le mors, hâte son
allure contre ses propensions naturelles.
L'instinct, ne fait point de progres ; l’intelligence en fait.
L’araignée ne fait pas mieux sa toile le dernier jour de sa
vie qu’elle ne l’a faite le premier. Elle Ja bien faite le premier
coup, ne l’a jamais faite mal, n’a jamais pu la faire mieux.
Nous voyons tous les jours les animaux qu’on dresse dans les
cirques, chevaux, chiens, éléphants, ete., faire des choses qu’on
leur a appris à faire. Ils les exévutaient fort mal au début, ils
sont venus à faire mieux, puis à la fin à les bien faire.
L'instinct est toujours particulier; l'intelligence est tou-
Jours générale. °
Le castor a l'instinct de construire sa cabane, la tarentule
de suspendre une porte mobile à son logis, la guêpe de con-
fectionner le papier pour ses nids; le chien qui a tant d’in-
98 LE NATURALISTE CANADIEN
telligence, ne possède aucune des industries de ces animaux. Il
y a plusieurs instincts, mais il n’y a qu’une seule intelligence,
et cette intelligence s'étend à tous les actes qu’on aura appris à
l'animal à exécuter. C’est en vertu de cette intelligence, une
et générale, que mon chien a appris à m'apporter la proie qu’il
aurait dévorée, à venir quand je l’appelle, mon cheval à obéir à
mon commandement etc.
L'instinct est très développé dans l'animal, et fort restreint -
dans l’homme, par ce que son intelligence raisonnant ses actes,
il ne les exécute bientôt plus qu'après réflexion. L'enfant tette
en venant au monde, c’est par pur instinct; il ne l’a jamais
appris, il n’aurait pu l’apprendre.
“ Les nombreuses études de psycologie animale, dit M. De
“ Kerville, nous montrent que l'intelligence ne peut servir, en
“aucune facon, à distinguer l’homme des autres animaux.
“ Sans doute, l'intelligence humaine est immensément plus dé-
“ veloppée que celle des animaux réputés les plus intelligents,
-“ mais il n’y a entre elles que des différences d'intensité et non
“ de nature. ” (1)
Voyons s’il en est ainsi, et si l’homme ne possède rien de
plus que la bête, seulement à un degré différent.
Les animaux incontestablement ont une certaine intelli-
gence ; nous venons d'en citer plusieurs exemples.
“ Les animaux out, comme nous, des sens, des sensations,
“ des perceptions, de la mémoire ; ils comparent leurs souvenirs,
‘ leurs perceptions ; ils jugent, ils veulent, etc.
“ Mais, ce qui fait ici toute la question, l’animal ne sort
‘jamais du physique. J’agis sur lui, mais par des conps, par
‘ des cris, par le son de ma voix, par des gestes, par des ca-
resses, etc.
e
a
<
=
“ Il ne s'élève jamais. jusqu'au métaphysique. Ila des
(1) Conférence V, p. 25.
Le
à
LE- DARWINISME 99
“ sensations, et n’a pas des idées ; il a Vintelligence et n’a pas
“ Ja réflexion.
“ L’homme seul est caparle de réfléchir, disait Aristote ;
“ et tous les bons esprits l’ont dit après lui. Mais qu'est-ce que
a
‘ la réflexion ?
« Je définis la réflexion: l'étude de l'esprit par l'esprit, la
«=
‘ connsissance de la pensée par la pensée.
“ L'étude de la pensée par la pensée est le monde métaphy-
“ sique. Et ce monde est propre à l’homme.
“ L'intelligence de l’animal ne se voit pas, ne se comprend
“ pas. L’homme seul comprend son intelligence et se juge lui-
“ même ; et c'est par là qu’il est moral. Il est moral par ce
“ qu'il voit sa pensée et la juge.
“ I] y a done trois grands faits essentiellement distincts :
“ L'instinct qui ne connait pas. "
“ L'intelligence des bêtes qui connait.
“ L'intelligence de l’homme, la raison, qui connait et se
nw
‘ connait. ” (1)
Pouvoir connaître sa pensée par la pensée, la juger, en
tirer des conséquences abstraites, non attachées à des objets
sensibles, voilà ce qui constitue pour l’homme une intelligence
que ne peuvent posséder les animaux. Cette intelligence propre
à l'homme diffère de celle des animaux, non pas seulement par
un degré d'intensité, mais même par sa nature, puisqwelle peut
opérer sur les choses abstraites, métaphysiques, et que celle des
animaux ne peut aller au delà des choses sensibles, des objets
physiques.
(A suivre.)
(1) Flourens, Dictionnaire d'Histoire Naturelle de d’Orbigny, article
Snstinets ?
100 LE NATURALISTE CANADIEN
BIBLIOGRAPHIE.
Esquise biographique de Michel Sarrazin, par l'abbé
J.-C. K. Lafiamme, Professeur à l'Université Laval, et membre
de la Société Royale du Canada; 23 p. in-4°. — Nous offrons
nos remerciements à l'auteur pour l’envoi de cet intéressant
opuseule, Le savant professeur a consigné là des recherches
précienses pour servir à Vhistoire de la science en Canada, d’au-
tant plus précieuses que faites par un homme de science, elles
ne se renferment pas dans une vagne appréciation littéraire,
mais nous font connaître le sujet particulièrement sous le rap-
port des observasions scientifiques se ratachont surtout à l’his-
toire naturelle, et ses efforts constants dans la poursuite de cette
branche des études encore dans l’enfance à cette époque.
Contrairement à ce qui se fait aujourd’hui, ce n’était pas
alors aux hommes d'étude à solliciter les gouvernants de leur
fournir les moyens de poursuivre leurs investigations c’étaient ; les
gouvernants eux-mêmes, depuis les ministres du roi et les In-
tendants Généraux, jusqu'aux officiers subalternes, qui pressaient
les hommes de science de poursuivre leurs investigations, de
multiplier leurs observations, et surtout de faire ample provi-
sion de spécimens, plantes, oiseaux, mammifères, minéraux, in-
sectes, pour les transmettre aux savants d'Europe qui ne man-
queraient pas d’y trouver de nombreuses découvertes pour ser-
vir utilement la science, et en faire bénéficier la société en gé-
néral.
Champlain, le Dr Sarrazin, le Dr Gauthier, la Galisson-
nière, le P. Charlevoix ete., sont les pionniers qui ont planté
les jalons pour l'étude de nos productions naturelles, dès l’ori-
gine de la découverte de notre pays, à nous de scruter plus
partieulièremeut le domaine, et de mettre au jour les richesses
qu’il contient pour le plus grand avantage de la science. même
et les ressources qu’on en peut retirer par une utile application.
2 + ——
ASE
De
Nahivaliste (
RER DCE
gl S
OI ED OARCINTe
REC RS
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Janvier, 1888 No. 7.
Rédacteur : WU. Abbe PROVANGIER.
PRIMES
» —
Les deux primes du mois d'octobre N° 38 et S# n’ont pas
encore été réclamées, de même que celles du mois de novembre,
N° li et SVE.
DÉCEMBRE, NUMÉROS GAGNANTS.
1ère Prime.—Un petit microscope pour la botanique et
lentompblosies:.. sb: Mrs a à se + SOMMERS Nad eee Ni GS
2e « —Fusus Dupetithouarsi, Kieu.
Fuseau de Dupetithouars............... D NS ES ES Ÿ 4
N. B. — L’abonné ayant l’exemplaire portant lun ou
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, et ayant payé son abonnement. d'avance,
devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date, et
envoyer des timbres pour affranchir le postage.— Voir sur la
couverture.
eee
Unité des torces de la nature, et nouvelle théorie de la
chaleur solaire et de la gravitation universelle
PAR
Le Prof. J. A. GUIGNARD, Ottawa.
( Continué de la page 89)
6. NOUVELLE THÉORIE DES TACHES DU SOLEIL.
Dans la troisième partie de son livre, M. Kedzie appli-
que sa théorie sur l'origine de la chaleur solaire à da formation
7--Janvier 1888
102 LE NATURALISTE CANADIEN
des taches du soleil. Celles-ci, selon lui, sout dues à l’obstruc-
tion de Ja gravitation par les différentes planètes. La. force
employée à pousser les planètes vers le soleil, et par la à
les muntenir dans. leurs orbites, se trouve ainsi arrêtée et em-
péchée de se transformer en chaleur dans la photosphère. Il
en résulte done nn certain refroidissement sur l'hémisphère où
l’embre se projette, et le refroidissement étant plus considéra-
bles vers le centre, où lombre tombe plus verticalement, e’est
vers le centre aussi, vers l'équateur du soleil puis qu’il tourne,
que s’étend la région des taches.
L'auteur expliqne aussi par sa théorie tous les autres phé-
nomènes observés ; mais nous ne pouvons le suivre dans toutes
ses considérations ; nous en relèverons seulement une qui
ajoute un grand poids à ses vues, car elle paraît démontrer que
l'énergie produisant chaleur arrive bien à la photosphère non de
l'intérieur du soleil, mais du dehors, C’est. que les ouvertures
ou déchirures de la photosphère qui: constituent les taches en
permettant d’apercevoir an. travers. le noyau. plus sombre. du
soleil, sont non seulement moms lumineuses et paraissent même
noires par contraste, mais émettent aussi moitié moins de cha-
leur qu’une surface égale de la photosphère. Si l'énergie arrive
done du dehors, ce n'est pas du moins sous forme de chaleur ;
ce doit être sous une autre forme : pourquoi pas sous celle de
gravitation ? A moins que des objections sérieuses ne s’oppo-
sent à l’acception de cette théorie, elle semble devoir être dans
l'étude de la transformation de l'énergie et suppléer ce qui
manquait à la théorie de sa conservation.
Nous coneluruns par la traduction de quelques lines de
M. Kedzie, qui donneront. une idée de son, style parfois
trop imagé pour le traitement de faits scientifiques, où
l'exactitude toute nue conviendrait d’ avantage. Mais nous nous
associons sans réserves à l’admiration exprimée dans.sa citation
du Roi-psalmiste qui clot le passage :
“ Soit qug le soleil, la lune ou les ctoiles brillent au ciel,
LR ee
ÉTUDE SUR LES MICROBES 105
nous ne pouvons tourner nos regards vers un point quelconque
de l’espace, duquel il ne procède lumière, chaleur et force méca-
nique. Même par les ténèbres Cymmériennes les plus noires,
quant une moitié du monde est ensevelie dans le sommeil et le
silence, les ondes de force mécinique sans cesse à l œuvre
accomplissent la tâche qui leur à été assignée : elles guident la
rencontre de l'aurore matiniére. Que tes œuvres sont nom-
breuses, 6 Eternel ! tu les as toutes faites avec sagesse.”
ETUDE SUR LES MICROBES
PAR LE DR Jd. A. CREVIER, MONTREAL
bes
| (Continué de la page 52). ‘
La plupart des microbes dont nous allons donner la des-
cription, peuvent rentrer dans l’un ou l’autre des genres dont
nous venons de donner l’'énumération systématique, et quelque-
fois dans plusieurs, en raison de leur polymorphisme.
Les MICROBES AEROBIES ET ANAEROBIES. æ
Nous avons vu que les microbes peuvent présenter aux
différentes époques de leur existence, et suivant la nature du:
milieu où ils se trouvent, des formes très diverses. Lés
mœurs et le genre de vie établissent aussi des catégories bien
tranchées parmi les microbes.
Les uns ne peuvens vivre qu’en respirant l'oxygène en
nature, et par conséquent eu l’empruntant à l'air atmosphéri-
que: on conçoit qu'ils ne puissent exister qu'à la surfuce des
liquides, ou des substances organiques dont ils se nourrissent :
on les appelle aérobies (qui vivent à l’airf. Les autres, au con-
traire, peuvent vivre dans la profondeur des liquides et des or-
ganismes vivants ou morts, ou en voie de décomposition, et’
doivent nécessairement alors emprunter loxygène nécessaire à
leur respiration aux substances oxysénées au milieu desquelles
ils se trouvent: on les appelle (anadrobies) ou qui vivent sans
104 LE NATURALISTE CANADIEN
air; tels sont ceux qui dévorent les cadavres, ou qui habitent
dans l’intérieur des organes profonds n'ayant aneun rapport
avec l’air extérieur.
Cette distinction a été introduite dans Ja science par M.
Pasteur, et semble bien fondée sur l'observation des faits. Ainsi
le Bacterium termo, qui vit à la surface des liquides en putré-
faction, est aérobie, tandis que le Vibrio rugula, qui vit dans
l’intérieur même du liquide, au-dessous de la conche formée par
le précédent, est anaérobie et doit emprunter loxygène à l’eau
ou aux substances solides qui s’y trouvent en suspension et en
dissolution, et même à d’autres microbes. De même la levure
supérieure de bière est aérobie, et M. Paul Bert considère les
globules du sang et les cellules qui composent tous nos tissus
comme de véritables microbes anaérobies ; les microbes qui
s’introduisent dans le sang et sont la cause des maladies conta-
gieuses et épidémiques, le sont également.
LES MICROBES CHROMOGENES.
A côté des microbes incolores, il en est d’antres qui sont
très remarquables par les couleurs vives et variées dont ils se
parent, et trahissent leur présence aux yeux les moins exercés.
Beaucoup de ces microbes attaquent nos matières alimentaires,
et à ce titre ils doivent être connus de lindustriel, de l'hygic-
niste, car leur action sur l’économie est loin d’être sans danger.
3eaucoup de phénomènes qui ont frappé l'imagination ve
populations ignorantes et crédules ne sont dus qu’à la présence
de ces microbes colorés. En 1819, nn cultivateur de Ligura,
près Padoue, apercut avec terreur des taches de sang épaisses
sur de la bouillie de mais faite de la veille et renfermée dans
son buffet, Le lendemain, des taches semblables apparurent
sur le pain, la viande et toutes les matières alimentaires qui se
trouvaient dans ce même baffet. On crut naturellement à un
miracle, à un avertissement du ciel, jusqu'au moment où l’on
se décida à soumettre la cause du prodige à un naturaliste de
Padoue, qui y reconnut facilement la présence d’un végétal _
ETUDE SUR LES MICROBES 105
microscopique qu’Ehremberg retrouva dans des circonstances
analogues A Berlin en 1848 et qu'il nomme Monas prodigiosa.
Tous les microbes à cette épo jue étaient confondus dans le genre
monade, C’est pour les modernes le Micrococcus prodigiosus.
On la vu non seulement sur le pain, mais encore sur de la pate
azime, sur des hosties, du lait, de la eolle, et en général sur ton-
tes les substances alimentaires ou farineuses exposées à la chi-
leur humide.
Ce microcoque a été vu plusieurs fois en Canada, moi-
même j'ai eu l’occasion de le rencontrer sur des pâtisseries
exposées à l'humidité. D’après M. Rabenhorst, qui l’a étudié
récemment, ce microbe serait très polymorphe et aurait recn une
foule de noms différents: Pulmella merifera, Zoogalactina
imetropha, Bacterium prodigiosum, qui ne sont que des
variétés du Micrococcus prodigiosus se modifiant suivant le
milieu qui lui sert d2 support et de nourriture. Cet observa-
teur l’a vu apparaître dans une cave sur de la viande cuite: les
cellules sphériques du végétal se montraient au microscope
remplies d’une huile rongeâtre qui leur donnait la couleur
fleur de pêcher: transporté sur de la viande crue, il prit une
couleur de fuchsine magnifique imitant des taches de sang. Ce
végétal ne se développe que dins lobscurité, et azote néces-
saire à sa nourriture doit être emprunté à l'air, surtout quan il
se développe sur des matières qui en contiennent peu, comme le
pain, les hosties, les pâtisseries etc,
Les pluies de'sang sunt également dues à la présence d'un
petit végctal peu différent de celui qui colore souvent en rouge,
a l'automne, les étangs et les bassins de nos jardins. C'est cette
Fig. 1.
algue qu’ Mhrenberg découvrit en 1836 dans un ruisseau pres
@iéna, et qu'il nomma Ophidomonas jenensis où sanguines.
En raison de sa forme, on le range aujourd'hui dans le genre
Fig. 1.—Spirillum sanguimeum.
1061 LE NATURALISTE CANADIEN
Spirillum, Fig. 1. Comme beaucoup d’autres végétaux, il passe
facilement du vert au rouge: lorsque lon voit pendant
l'été l’eau de nos bassins couverte d’une végétation verte, per-
sonne ne songe à s’en étonuer, tant le fuit est ordinaire et com-
mun ; mais lorsque cette couleur change, souvent en une seule ©
nuit, et passe du vert au rouge, on ne peut s'empêcher d’être
surpris de cette teinte inaccoutumée ; elle est causée cependant
par le même végétal que l’on avait vu vert la veille. Qu’un
orage se produise et qu’une trombe vienne à pomper l’eau de
ces bassins on de ces étangs teintés en rouge sang, et à la déver-
ser, comme cela s’observe quelquefois, sous forme de pluie, à
une distance plus ou moins grande, on aura le phénomene de la
pluie de sang, et il sera facile de retrouver dans les gonttes de
pluie le microbe rovgeatre qui leur communique cette couleur ;
Ces pluies de sang ont été observées plusieurs fois au Canada.
Dans le mois d’Avril dernier, les journaux de Montréal
en ont cité un cas. Dans une sucrerie du diocèse de Montréal
où, dit-on, il yavaiteu un meurtre de commis, des gens trouve-
rent l’eau d’érable changée en sang ; ils prétendirent que c'étoit
un miracle que Dieu avait fait pour indiquer l'endroit où le
meurtre avait eu lieu. 4
(A suivre)
LE DERWINISME
(Continné de la page 99)
Les animaux, il faut le reconnaître, peuvent se former de
certaines idées, mais ces idées ne sont toujours que des
représentations mentales de choses ou de sensations sensibles ;
‘animal en rapprochant tel acte de tel autre dont la résultante a
été telle sensation, pourra, par sa mémoire, juger du résaltat de
celui qu'il pose actuellement, mais nullement en tirer des dédue-
tions abstraites qui ne se rapporteraient pas à des objets sen-
+41
4
STE a
LE DARWINISME 107
sibles. Mon chien me rapporte telle proie que, dans sa faim, il
eut volonticrs dévorée. Mais c’est que sa mémoire lui rappelle
que chaque fois qu'il en a agi ainsi, il en a été récompensé par
des caresses où quelque bon morceau. : Il donne la chasse aux
animaux étrangers qui abordent de ma demeure, et laisse en
paix ceux dela maison; parce qu’on lui a appris à les distin-
guer, et à en agir ainsi. Tel cheval modere son allure lorsqu'il
rencontre un chemin négligé, cahoteux, par ce que les secousses
qu'il recoit aux épaules le fatigue d'avantage ete, etc. Ces
animaux, dans tous ces cas, se sont rappelé les conséquences de
leur conduite dans de semblables circonstances, et ont posé de
nouveau la cause pour avoir le même effet ; mais n’ont pas saisi
n'ont pu comprendre le motif métaphysique qui aurait pu les
porter à tenir une telle conduite, par ce que ne jouissant pas de
la raison, ils n’ont pu comparer une idée à une autre idée pour
en tirer une conséquence.
Ce chien qui rapporte la proie, le ferait-il s’il n’eut été
récompensé pour l'avoir déjà fait, quelque désir qu’il ait de
plaire à son maitre? L’autre ne chasserait-il pas tous les ani-
maux indistinctement, si on ne lui eut appris à épargner ceux
de la maison ? Ce cheval fougueux modérera-t-il son train dans
les endroits cahoteux, par ce qu’il incommoderait son maître
fatigué ou convalescent ? Non, sans doute ; par ce que dans
tons ces cas, 1l faudrait réfléchir, connaître sa propre pensée par
sa pensée, ce que ne peut faire l'animal.
Nous avons un chien qui aime beaucoup à nous suivre
lorsque nous allons à la chasse aux insectes ; en toute circon-
stance il aime à nous plaire; mais il ne lai est jamais venu à
J'idée de se tenir eoi lorsque nous avions un papillon en vue
que nous voulions saisir; nous n'avons jamais pu lui apprendre
à ne pas venir gratter davantage, lorsqwil nous voyait remuer
_le sol à la recherche de quelque coléoptère ; il n’a jamais pu com-
prendre qu'il y avait pour nous bénéfice à cueillir ces insectes
et mal pour lui d’y venir mettre obstacle.
108 LE NATURALIETE CANADIEN
Cuvier rapporte qu'ayant uu jeune orang-ontan, on lu;
donnait souvent du sucre enveloppé dans du papier. On enve-
loppa un jour une guêpe dans un papier, et on la lui présenta.
Le singe développa ce papier et se fit piquer par linsecte,
Chaque fois ensuite qu’on Ini présenta de tels papiers, il les
porta à son oreille pour s'assurer qu’il n’y avait pas bourdonne-
ment à l’intérieur. C’est là sans doute un trait remarquable
de l’intelligence de cet animal, Toutefois il n’y avait encore là
que jeu de la mémoire pour comparer et tirer la conelusion de
deux faits physiques ; papier contenant du suere muet, et
papier contenant un insecte à craindre.
Nous avons un chien fort intelligent. La distribution de
notre logis est telle que le poéle de la cuisine, placé dans une
cloison, nous donne la chaleur nécessaire pour notre cabinet
d'étude. El est arrivé plus d’une fois qué ce chien, couché
sous le poële dans la cuisine, se soit levé précipitamment pour
fuir, lorsque quelque liquide s’échappant des vaisseaux, s’'épan-
chait dans le fourneau et menacaient de Fatteindre. Lami
fidèle vient souvent aussi se coucher près da poéle dans notre
cabinet ; s’il vient à s’échapper de même quelque liquide dans
le fourneau, il prend de même précipitamment la fuite, incapa-
ble de faire la distinction que le liquide ne peut l’atteindre, par
ce qu’il n’y a pas d'ouverture de notre côté.
La souris qui pénètre avec peine dans l’entonnoir de bro-
che qui clôra sa prison, l’orignal qui se passe la tête dans le
nœud coulant qu’on lui a tendu, le rat qui vient saisir Pap) at
sur la palette du piège, en agissent aussi de Ja même façon.
La mémoire ici ne pouvant les aider, parcequ’ils n’ont jamais
été “pris, ils sont incapables de distinguer le danger dans le
traquenard tendu devant eux.
On cite le castor comme animal très intelligent, Des
écoliers du séminaire de Québec passant leurs vacances à la
résidence du Petit-Cap à St-Joachim, avaient avec eux l’un de ces
LE DARWINISME 109
animaux très doux et bien apprivoisé. On lui permettait de
circuler librement dans toute la maison. Comme on laissait
souvent les fenêtres du dortoir, situé au deuxième étage, onver-
tes pendant la nuit, on fut fort surpris, en s’éveillant un bon
matin, de ne plus trouver pres des lits ni pantalons, ni chaus-
sures, ni Casquettes. On crut à un tour de quelque mauvais
plaisant ; mais étant allé voir à la fenêtre, on trouva le castor
dans le fossé tout près de la maison, qui était encore à l’œuvre
à sa construction. il avait tout transporté et jeté par la fené-
tre les effets libres dans le dortoir, était lui-même ensuite des-
cendu sur la masse, et transportant chaque article dans le
fossé, qui heureusement était alors complètement à sec, il avait
eutrepris de construire une chaussée avec tous ces matériaux,
Chaussettes, pantalons, souliers, casquettes, tire bottes, tout Ctait
massé là pour faire un barrage au fossé. Pourquoi ce barrage,
puisqu'il n’y avait point d’eau ? Pourquoi ce travail puis qu'il
était tout-a-fait inutile, animal ne manquant de rien, et ayant
tous les jours à sa disposition une auge remplie d’eau ? Il
n'avait pu faire ces réflexions.
Nous observerons que nous sommes loin de reconnaître que
‘le castor soit très intelligent ; c’est tout le contraire qu'il faut
admettre. Le castor est doué d’un instinct merveilleux, oui ;
or, l'intelligence est d'autant moins développée dans les ani-
maux, que l'instinct l’est davantage. L’abeille, la fourmi,
Paraignée sont douées d’un iustiuct remarquable ; tandis que
le chien, le cheval, le singe, n’eu possèdent que peu; chez
l’homme l'instinct est presque nul.
L'animal est doué d’un certain degré de perfectibilité, mais
cette perfectibilité est fort restreinte et toujours relative à l’in-
dividu, tandis que dans l’homme, elle n’a presque pas de limi-
tes, et s'étend a toute l'espèce. Le chien qu'on a dressé à la
chasse ne communiquera pas aux autres cette qualité qui le
distingue. Seul l’homme jouit de la faculté de bénéficier des
découvertes de -ses semblables, parce qu'il a trouvé des signes
110 LE NATURALISTE CANADIEN
pour représenter ses pensées, et que oes signes sont transmissi-
bles à tous les individus, à toute l'espèce.
L'animal est curieux, mais cette curiosité ne le porte qu'à
examiner dans ce qu’il voit s’il ne trouvera pas l’occasion de
satisfaire son goût ou d’éprouver une sensation agréable ; tandis
que dans l’homme, la curiosité est sans bornes, elle le porte à
comparer les idées qu’il possède à d'autres nouvelles, pour en
tirer des conséquences sans fin.
Les animaux ont des cris, des sons, des chants, une voix ;
mais ils n’ont pas de langage.
Citons encore ici M. Flourens : “ Les animaux ont des voix
“ d'amour, des cris de douleur, des accents de fureur, de haine
“ etc.; ils ont des gestes,
“ Mais pour l’animal le son est un son, le cri est un cn, le
“ geste, un geste etc. Pour l’homme, le son, le cri, le geste etc.
“ sont des expressions d'idées; ce sont des signes.
“ T’homme se sert de la voix ; il se sert des gestes etc., mais
“ j] peut se servir de tout autre signe. L'écriture est une
“ Jangue.
“ Dans la langue de l’homme tout est invention, car ce qui
“fait la langue ee ne sont pas les voix, les sons ete., que
« donne la nature; ce qui fait la langue c’est l’art, créé par
“ Jhomme de combiner les sons pour avoir la parole, les
“ mote, et par les mots des signes d'idées. :
«“ Tout est artificiel dans la langue; la combinaison des
“sons, d’où vient la parole, partie physique du langage, que
“Vanimal imite ; et l'association de l’idée au mot, partie méta-
“ physique du langage, et qui, par cela même qu’elle est méta-
“ physique, n’est plus de la nature de l'animal, et le passe.
“ L'animal n’imite que le physique de la parole.
“ Les sansonnets, dit Bossuet, répètent le son et non le
“ signe.”
Après d’aussi justes considérations, comment prétendre en-
we
LE DARWINISME ist
core, avec M. De Kerville, que le langage articulé à sa sonrce
dans les cris des animaux. Les premiers hommes, nous disent
les évolutionnistes, n’eurent d’abord qu’un langage monosylla-
bique, c’est-à-dire, des cris auxquels ils attachaient l'expression
d’une ilée, puis, peu-a-peu les polysyllabes s’y joignirent, ces
articulations furent imitées par les compagnons de ceux qui les
avaient proférées, et finirent par devenir les signes représentatifs
des idées mêmes.
S'il en était ainsi, comment se ferait-il que l’homme seul
eût pu parvenir à ce degré de perfectionnement des cris et des
sons ? pour juoi n’en retrouverait-on pas des ébauches plus au-
moins parfaites dans les animaux supérieurs par leur intelli-
gence, les singes, par exemple? C’est qu'ici encore s’entrepose
la barrière qui sépare l’homme de la bête. L'homme est perfec-
tible dans l'espèce, ct l'animal ne l’est que dans individu. La
chienne qui sait se tenir debout, danser, s'asseoir, simuler le
mort etc., donnera le jour à des petits qui n'auront aucune de ces
aptitudes,*et jamais elle ne se mettra en frais de les leur ay prendre,
Si l’araignée étend sa toile, si le castor consiruit sa cabane, ce
nest pas par ce-qu'ils ont vu leur générateurs en agir ainsi
La plupart des insectes meurent sans pouvoir voir leur progéni-
ture. Mais le jetit sorti de l’œuf, après la mort de sa mere,
aura les même aptitudes, construira de même son nid, par ce que
c’est un instinct inné chez lui, et non une faculté acquise à
l'espèce et perfectible.
Cuvier a gardé un castor qu’on avait pris tout jeune sur
les bords du Rhône. On l'avait fait allaiter par une femme, et
placé ensuite dans un enclos grillé ; er, comme celui de notre
séminaire, il s’avisa un jour de se construire une cabane avec
tout ce qu’il put trouver dans son enclos. Qui lui avait appris
à en agir ainsi? d’ailleurs pourquoi construire une cabane inu-
tile puisqu'il en avait déjà une ?
L'instinct à l'animal ; la reflexion, la raison à l’homme;
Ea heed LE NATURALISTE CANADIEN
telle est la barrière qui sépare l’un de l'autre et qu’on ne fera
jamais disparaître.
(A suivre.)
ee
PTT ANT
L'EMPUSE DE LA MOUCHE.
Montréal, 20 Décembre 1887.
A. M. L’ABBé PROVANCHER,
Rédacteur du Naturaliste Canad'en.
Monsieur le Rédacteur,
Vous vous êtes montré déjà, en maintes circonstances, si complaisant
pour donrer les renseignements ayant rapport à l’histoire naturelle qu’on
so!licitait de vous, que je me sens enhardi, dans ce te temps de faveur
microbique, à vous demander des éc aircissements, sur un fait qui, sans
aucun doute, n’a pas échappé à votre œil observateur —si toutefois la
chose se rencontre chez voas—et que vous n’aurez pas dû manquer d'étu-
dies. Voici ie- probiéme dont la solution, en n’in-truisant, en instruira
indubitablenient plus d’un autre.
La mouche des maisons qui, qui durant tout le cours de lété se
montre dans l’état le plus prospère, se multipliant à profusion comme on
a trop sujet de s’en plaindre, paraît, tout-a-coup, vers la dernière moitié
de septembre, sujetie à une affection qui en fait pérr un grand nombre.
‘Yous les matins, à cette époque, j'en trouve par dizaines mortes,
fixées aux boiseries, aux murs, aux glaces des fenêtres etc., gouflees, et
ayant tout autour d'elles une poussière blanchatre paraissant comme
rayonnant d’un centre qu’occuperait la mouche sans vie. Quelle peut-êire
Ja cause de ce phénomène ? Je soupçonne que quelque microbe est au
fond de affaire comme acieur. Mais quel est-il ? comment agit-il? Voilà
ce que je voudrais savoir, et je compte sur votre bienveillance et vos
va-tes connaissances pour avoir Pexplication du fait, mystère pour moi,
comme pour bien d’autres.
Un Abonné du Naturalis'e.
Nous dirons en réponse à notre intelligent abonné que le fait
qu'il mentionne se reproduit ici tout autant, pensons-nous, qu'à
Montréal, et que nous l'avons observé depuis plusieurs années
déjà.
Oui, il y a là un microbe comme acteur, et plut à Dieu
qu'il fût encore plus nombreux, pour nous débarrasser de la
LE CHAMPIGNON DE LA MOUCHE DES MAISONS LS
mouche importune qui nous harcrlle de tant de manières, souil-
lant nos aliments, troublant notre sommeil, nous distrayant dans
nos études, et nous forcant souvent à interrompre nos observa-
tions microscopiques au moment où elles requièrent la plus
série:se attention. Nous disons qu'il y ala un microbe, si
toutefois—comme la fait remarquer le Dr Crevier dans son
étude —ce terme s’apphque également aux infinement petits
vivants animaux et Végétaux. Celui qui est ici en cause appar-
tient à cette dernière classe, des végétanx. C’est un champi-
enon microscopique dont le nom est Empusa muscæ, Cohn,
(de empuos, qui suppure, purulent.) Les Empuses appartien-
nent à la classe des Entomophthorées (de entomos, insecte et
plhthora, mort, destruction).
On sait que parmi les champignons microsco) iqnes, comme
parmi les animaux inférieurs, la même espèce possède souvent
plusieurs modes de reproduction, par semence, division au fissi-
parité, bourgeonnement ete. Or dans les Entomophthorées la
reproduction a lieu par bourgeonnement ou sectionnement des
ramifications. :
La mouche absorbe les semences du champignon dissémi-
nées dans l'air. Ces semences parvennes dans les intestins de
Vinsecte subissent là une es; éce de germination, elles se gon-
flent en produisaut leur mycélium ou ce que nous nommong
racine dans les autres plantes, et se. dévelo;pent en filaments
ramifiés et septés, sortant de Vinseete et enlacant son cadavre,
Les spores ou semences nées dans l’intérieur du eorp$ par
excroissances terminales ou latérales du thalle, sont: rejetées au
dehors élastiquement et avec grande force lors de la maturité.
Ce qui distingue jarticulièrement les Empuses, c’est que
chez elles le thalle ne consiste d’abord qu’en une seule cellule
arrondie qui bourgecnne et dont les bourgeons détachés bour-
geonnent à leur tonr en envahissant pen a peu le corps de
linseete. Les cellules s’allongent bientôt en un filament qui
perce la peau de la mouche en se terminant en spore ; j uis le
114 LE NATURALISTE CANADIEN
filament progressivoment distendu se rompt à la fin brusque-
ment en lancant les spores tout autour.
Dans l'£mpusa muscæ, les filaments portant les spores
sont hyalins, contournés en tout sens, élargis au sommet et
claviformes. Les spores sont anssi hyalines, campanulées, con-
sistant en un corps arrondi, rétréci inférieurement en un pro-
Jongement en forme de tige, et terminé ordinairement par une
petite pointe.
L'étude des champignons microscopijues, qui n’est encore
qu’à ses débuts, occupe déjà l'attention d’un assez grand nom-
bre de botanistes. MM. Pasteur en France, Cooke en Angle-
terre, Cohn en Allemagne, et notre ami M. le Baron Von
Thiimen en Autriche, avec bien d’autres, en ont fait leur étude
de prédilection.. Cette étude est dun actès assez difficile, vu
surtout l’innombrable synonymie employée, non pas seulement
dans la distribution des familles et des genres, mais encore
dans la désignation des parties constitutives de ces plantes ;
chaque auteur employant des termes de sa propre création. Il
nous faudra attendre encore assez longtemps peut-être, avant
qu’un génie transcendant, réunisse en un faisceau unique, les
travaux épars et disparates que nous avonsaujourd’hui, pour en
former un tout régulièrement constitué, capable de faire autorité
ct de servir de guide dans ve dédale inextricable.
N’oublions pas de mentionner que le Dr Crevier de Mont-
réal, microscopiste fort distingué, a fait aussi une étude spéciale
de ces infiniment petits.
PORN. EE
RICHESSE MINIERE DES ETATS-UNIS
Le territoire de la République Américaine est un des plus
vastes } armi tous les autres Etats, c’est aussi le plus riche en
fait de productions minérales. +
Or, orgeat, platine, cuivre, étain, fer, plomb, pierres pré-
cieuses, toit ce que le commerce, lart et l'industrie demandent
‘au sol, se trouve abondamment distribué dans les divers Etats
dé la riche République.
Voici un apercu des principales productions minières de la
Confédération pour 1885, puisé dans les compte-rendus offi-
ciels.
RICHESSE MINIÈRE DES ÉTATS-UNIS 115
Charbon : 95,000,000 de tonnes. La Girard Trust montre
une masse d’anthracite de 224 pieds cubes, pesant 2256 livres.
Fer: jour une valeur de $24,000,000 ; les principales
sources étant dans Alabama, pres de Sheffield et Birmingham.
Gaz naturel: dès 1825 on avait reconnu sa }résence à
Fredonia, N. Y. En 1875 on l'amena à Etna, près: Pittsburg,
pour fondre le minerai de fer, de Harvey, distance de 27 milles,
et telle est sa pression que dans un tuyau de 6 pouces de dia-
mètre, il parcourt cette distance en 20 minutes. Il coûte en-
viron le quart du charbon et remplace celui-ci pour un montant
d'environ $24,000,000. Le puits de Haymaker en produit an-
uuellement pour $1,600,000, environ $800 par jour.
-Or et argent, valeur: $40,000,000; principales sources :
Colorado, Nevada, Arizona, ete. A Lake Valley, Nouveau-
Mexique, dans l’espace d’une chambre ordinaire, on en retira
pour $400,000. :
Cuivre: les plus riches mines du monde; valeur annuelle
$16,000,000. Sources : Montana, Arizona, ctc.
Plomb: jour $8,000,000.
Zine: pour $4,000,000; sources Missouri, Kansas, etc.
Mercure, nickel, manganèse, étain, platine, etc.
Phosphates de la Caroline du Sad: $3,000,000.
M ca, émeraudes, bérylle, grenat, et presque toutes les
autres pierres précieuses.
LEE
IGNORANCE EN. FAIT D'ENTOMOLOGIE
Il arrive rarement que ceux qui n’ont pas spécialement étu-
dié l’entomologie, puissent parler d'insectes, nous ne dirons pas
d’une manière assez intelligible, mais sans. commettre le plus
souvent des balourdises très sérieuses. M, G. D. Halst, rédac-
teur de Æntomologica American, nous fait par’, dans sou nu-
méro de décembre, de l'extrait suivant d’un sermon qu'un certain
ministre Ainéricain débita dans une église tout récemment, don-
nant pour titre à son article: Une abeille nouvelle pour les
entomologistes.
“ Une merveille dans sa conformation, c’est l'abeille: cing
“yeux, deux langues, dont lextérieure est entourée d’une
“ caine, de poils sur tous les côtés de son petit corps, pour eule-
“ ver les particules des fleurs en les brossant; son vol est en
“ligne si droite que la bee line est connue de. tout le monde.
116 LE NATURALISIE CANADIEN
“ Sa ruche est un palais dont un Dieu seul ponvait donner le
plan, et que seule Pabeille peut construire ; ses cellules sont
“ un dortoir, quelquefois un magazin, et d’autrefois un cimetière.
* Ces ouvrières.ailées font d’abord huit bandes de cire, et au
“ moyen de leurs antennes, qui leur tiennent lieu de marteau,
“de ciseaux, d’équerre et de plomb à niveau, elles les confec-
“ tionnent pour l’usage qui leur est propre. Deux à deux ces
“ouvrières forment le mur. S'il survient un accident, elles
‘ajoutent des are<-bontants et des soliveaux extra pour répa-
“rer le dommage. Lorsque vers 1776 un insecte, jusque là
“ inconnu, attaquait dans la nuit les ruches d’abeilles dans pres-
“ que toute l’Europe, et que leurs possesseurs cherchaient en vain
“ quelque moyen de chasser cet envahisseur, qui était la ter-
“ reur des ruches sur tout le continent, on trouva que partout
“les abeilles avaient pris les moyens de se jrotéger en cons-
“ truisant devant leurs ruches un mur en cire avec un trou
“ pour porte dans lequel pouvaient passer les abeilles, mais trop
“ petit pour livrer passage à Pennemi ailé connu sous le nom
“ de Sphinx atropos.
“Savez-vous que l’essaimage des abeilles est divinement
“ dirigé ? La reine, partie pour une nouvelle demeure, aussitôt -
“ toutes les autres abeilles de la ruche entrent dans une grande
“excitation qui élève Ja température de quelque quatre
« degrés, et les ferait mourir toutes si elles n’abandonnaïent la
« demeure.”
Le prédicant, ajoute le rédacteur, n’a pas donné le nom
scientifi;ue de eres mais les entomologistes reconnaitront
sans aucun doute par la description, qu'il est différert de toutes
les espèces connues jusqu’à ce jour. Ses habitudes sont aussi
toutes particulicres. Il est à souhaiter que Vinsecte étudié
n'ait pas été ditruit faute de soins. Ce spécimen serait une
précieuse acquisition pour tont entomologiste.
Mais songez done comme nous sommes peu fatés ! L’élo-
quent doctor faisait sans «loute allusion à linsecte connu
comme “ bee on the bonnet.” On peut pardonner aux ento-
mologistes de ne pas le connaître, vu que c’est pour eux une
“rar apis.’ Nous espérons dans l'intérêt dé la science que
la prochaine fois que le Docteur en rencontrera un spécimen, il
en fera la capture, le piquera, lui mettra son nom (peut-être
Apis krankii), désignera son habitat (probablement Cuput
inane), et l'enverra à quelque société entomologique pour être
dûment conservé.”
1 ( L
ee NE NM) 60109 a) CAC GT CHOOSE IP Ou 5 SH Mera) 6) AN OOM LOO Ws d'A'ORD
AIG con D {2 (ee C ) ©) u S ES U DO de) DIGS LOVE D'OR
To Osan & Cen LE Se 6 AE cS A AGE La Ce “CSA LG Ur OG ?
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Février, 1888 No. 8
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
PRIMES
La 1ère prime du mois de décembre, un petit microscope
pour la botanique et l’entomologie, N° 469, est échue à M. a.
Rousseau, de Lyster, Mégantic. La 2e, N° S87, n'a pas encore
été réclamée.
JANVIER, NUMÉROS GAGNANTS.
ère prime.—Cecil’s Book of Birds, illustré.. ........... N° Hs
2e & Murex trunculus, Lam., Rocher tron-
N. B. — L'abonné ayant l’exemplaire portant l’un ou
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, et ayant payé son abonnement d'avance,
devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date, et
envoyer des timbres pour affranchir le postage.— Voir sur la
couverture.
Sarr ——— ——
ERRATA.
Nous regrettons beaucoup que plusieurs fautes typographiques, parfois assez
-graves, se soient glissées dans l'article de M. Guignard, sur l'Unité des Forces de
ta Nature. Ains), p. 88, 6e ligue du bis, au lieu de swb/imz, lisez : subtile; p. 102,
ligne 10 du bas, au lieu de : ‘‘l’acception ce cette théorie,” lisez : l'acceptation
d= cette théorie ; même page. même ligne, au lieu de: ‘elle semble devoir être
dans l’étude,’’ lisez : elle sen:ble devoir être utile dans l'étude ; p. 105, ligne 6e du
haut, au lieu de: ‘elles guident la rencontre,’ lisez : elles guideut la terre dans
son sentier à la rencontre.
8—Février 1888.
a
118 LE NATURALISTE CANADIEN
ETUDE SUR LES MICROBES
PAR LE DR J. A. CREVIER, MONTREAL
(Continué de la page 106).
Dans les régions du nord, la neige est souvent teinte de
sang par un micrococcus anologue et qui présente le même pas-
sage du vert au rouge: on trouve, en cffet, à quelques pas de
cette neige sanglante, de la neige teinte en vert, qui, examinée
au microscope, montre de petits globules verts, ne différant que
par la couleur des globules que lon trouve dans la neige teinte
en rouge.
La variété des couleurs de ces microbes est extrême : le
Micrococcus aurantianus colore en jaune orange le pain et les
œufs ; le M. chlorinusest d’un vert d'herbe, le M. cyanus, d'un
bleu d’azur magnifique, le M. violaceus, violet ou Hilas, et le A.
fulvus a la couleur de la rouille : tous peuvent s’observer sur
nos divers aliments, surtont sur le pain de ménage vieilli des
cultivateurs ; le W candidus forme sur le fromage de petits
amas blanchâtres.
Le genre Bacterium fournit aussi son contingent d'espèces
colorées ; telles sont les B. wanthinum et B. cyanogenum qui
colorent le lait en jaune ou en bleu. Les paysans disent alors qu’on
A jeté un sort sur le lait, mais il est facile de prouver que le
développement de ces microbes tient à un lavage insuffisant des
vases de ferblane où l’on met le lait, car on fait disparaître la
coloration en prenant des soins de propreté plus minutieux, en
passant les vases a la lessive et à l’eau bouillante.
Le pain présente souvent des végétations microscopiques
d’un vert foncé ou d’un jaune orage qui ne peuvent être intro-
duites sans danger dans l’estomac Le pain mal fait et mal cuit
de nos cultivateurs, que l’on ne mange souvent que 13 jours et
plus après la cuisson, et qui reste pendant ce temps exposé à
l'humidité et à la chaleur qui favorisent le développement des
microbes, présente souvent la première de ces altérations ; la se-
ÉTUDE SUR LES MICROBES 119
conde s’observe surtout sur le pain de troupe, que l’on est
obligé de cuire également plusieurs jours à l'avance et de trans-
porter dans des voitures ou il est exposé à toutes les intempéries
des saisons. M. P. Mégnin a signalé récemment une végita-
tion cryptogamique de ce genre sur du pain qui avait été dis-
tribué à la garnison de Vincennes.
Les spores de ces microbes se trouvent dans la farine et ré-
sistent à une température de 120 degrés centigrades, bien
qu’elles périssent à 140 degrés, de sorte que si elles sont dé-
truites dans la croûte dont la température atteint 200 degrés,
elles peuvent très bien résister dans la mie dont la température
est beancoup moins élevée. De là la néesssité de n’employer
que des farines parfaitement pures de tous germes, Dans
hiver de 1886, vers la fin de mars, toute une famille, celle de
l’honnorable juge Desnoyers, de Montréal, fut empoisonnée
par un pâté de viande: et de petits raisins de coriathe, qui avait
été laissé pendant quelques jours dans une cave froide et hu-
mide. Appelé au près des malades, je constatai les symptômes
d’un empoisonnement septique. Ayant fait l'examen microsco-
pique du pâté, je constatai la présence des microbes ci-haut
mentionnés, et de quelques autres des genres Aspergillus
(gluucus) et Hurotiun.
Heureusement des soins médicaux leur furent donnés À
point, et on réussit à supprimer les graves symptômes dont
quelques uns des malades, ceux qui en avait le plus mangé, se
trou vaient affectés.
Le pus des plaies est souvent coloré en bleu par un m:-
crococcus aérobie, dout le protoplasma est incolore, mais qui fa-
brique une matière colorante appelée pyocianine, teignant en
bleu les linges et la charpie du pansement.
MICROBES DE L’AIR, DU SOL, ET DES EAUX.
il est aujourd’hai admis que la majorité des maladies épi-
démiques et contagieuses qui attaquent l’homme, les animaux
et même les végétaux, ont pour cause l'introduction dans lorga-
120 LE NATURALISTE CANADIEN
nisme de certaines espèces de microbes. Mais par où s’intro-
Cuisent ces microbes, et où sont-ils avant d’envahir notre corps ?
Il est facile de s'assurer que ces microbes existent en nombre
immense, eux ou leurs spores, dans l'air que nous respirons,
dans l’eau que nous buvons, dans le sol que nous foulons et
d’où s'élève, dès qu’il se dessèche, une fine poussière chargée de
germes de toute espèce, qui pénètrent avec l’air dans notre bou-
che et dans nos poumons.
On a longtemps ignoré presque complètement les condi-
tions d'existence de ces microbes lorsqu'ils sont dans le sol ou
dans Peau. Les recherches récentes d’un botaniste allemand, M.
Zopf, tendent à faire admettre qu’il existe chez les algues infé-
rieures, désignées sous le nom de Bactéries où de Schizophytes,
un dimorphisme de mœurs et d'habitat fort remarquable. Chez
les Beggiatoa des eaux sulfureuses, par exemple, chez les
Cladothrix qui forment une pellicale blanchâtre à la surface
des liquides en putréfaction, M. Zojf a trouvé, dans certaines
circonstances, toutes les formes que lon désigne sous le nom de
Micrococcus, de Bacillus, de Leptothrix et de Bactéries, c’est-
à-dire de microbes proprements dits, y Compris ceux qui sont
les agents producteurs des maladies contagieuses.
Tant que ces algues rencontrent dans l’eau, ou dans le sol
humide, les conditions d'existence favorables à leur développe-
ment, elles y vivent et s’y multiplient, Mais que ce sol vienne
à se dessécher, qu'une rivière rentre dans son lit apres une
inondation, qu’un marais disparaisse par lévaporation de ses
eaux, toute ces algues donneront des spores dormantes, des-
tinées à assurer leur conservation. Ces algues forment leur
spores par la concentration du plasma dans lintérieur de cha-
que cellule ; sons cette forme, qui leur donne un très petit vo-
lume et une grande légèreté, dès qu’elles sont desséchées, et
seulement alors, ces spores sont emportées par le moindre
soufile de vent comme une fine poussière qui flotte au loin, et
constituent ce qu’on appelle les gerines de l'air.
ÉTUDE SUR LES MICROBES EE
Que ces germes rencontrent sur leur chemin un milieu fa-
vorable, c’est-à-dire à la fois humide et tiède, comme est la
bouche ou le poumon de l’homme et des animanx, ils s’y
fixeront et s’y développeront immédiatement sous forme de mi-
crococeus d’abord, puis sous celle de Bactérium, de Bucillus on
bâtonnet, ou de Leptothriz ou filament, suivant l’espèce à la-
quelle appartient la spore en question.
Les Schizophytes peuvent done avoir deux genres de vie
très différents, que l’on peut comparer a l’hétéræcie (change-
ment d'habitat) et au dimorphisme des Champignons que nous
avons étudiés sois le nom d’Ascomyceètes et de Basidiomycetes.
Seulement les Schizophytes, bien que se nourissant, à la ma-
nière des champignons, de matières organiques déjà ‘élaborées,
ne sont pas de véritables parasites dans la première phase de
leur existence où elles vivent librement dans l’eau ou dans le
sol humide, mais elles le deviennent quand elles pénètrent dans
le sang et les tissus de l’homme et des animaux, et y vivent
nécessairement aux dépens de leur substance en véritables pa-
rasites.
On comprend d’après cela comment les marais à demi des-
séchés, les prairies qu’une rivière vient de laisser à découvert
pour rentrer dans son lit, les grandes fouilles du sol nécessaires
pour les tranchées de chemins de fer, le relevé des cimetières, le
voisinage des marais, des éyouts des villes et villages, ou des
eaux croupissantes, des déchets de cuisine ete., deviennent la
source d’un grand nombre de maladies épidémiques ou conta-
gieuses. C’est que, sur tous ces points, l’eau en se retirant a
laissé à sec des Schizo, hytes, des microbes, qui se transforment
bientôt en spores dormantes, se répandent dans Vair et s’intro-
duisent dans la bouche et les poumons des hommes qui habi-
teut près de ces rivières, de ces marais, ou qui sont employés
aux terrassements que nécessitent ces tranchées. Le sol qui n’a
pas été remué depuis longtemps est rempli de spores dormantes
129 LE NATURALISTE CANADIEN
que-les pluies y ont entraînées à une profondeur plus ou
moins grande, et qui peuvent conserver leur vitalité pendant de
longues années, attendant un milieu favorable qui leur permette
de se développer de nouveau.
(A suivre)
So ST
LE MICROBE DES DENTS
Québec, 9 févaier 1888.
Monsieur le Rédacteur, \
J'ai lu avec le plus vif intérêt, dans votre numéro de janvier,
les détails que vous donnez sur le microbe ou champignon de la:
mouche; permettez moi done de vous demander des explica-
tions sur un autre, car ce doit en être un aussi, qui m'intrigue
depuis longtemps et sur lequel je n'ai jamais pu rien trouver
dans des auteurs, Quel est ce microbe qui constitue cette mu-
cosité qui nous vient sur les dents, pour peu qu’on néglige de les
brosser, et que je crois identique à celle qui se montre aussi sur
Ja langue, à la suite de mauvaise digestion ou dans certaines
fièvres ? Il doit sans doute y voir là aussi un champignon pour
auteur ? PTC,
Il nous est toujours agréable de répondre aux diverses
questions que nous adressent nos correspondants sur l’histoire
naturelle, lorsque nous pouvons le faire, et lorsque notre séience
est à bout, il ne nous répugne aucunement de le confesser et de
chercher ensuite nous-n1ême à nous renseigner.
Dans le cas actuel, c’est encore à un champignon que nous
avons affaire; mais appartenant à une famille différente de
celle de l’'Empuse de la mouche, celle des Schizomycètes. Ces
champignons sont aussi unicellulaires, et se propagent par divi-
sions répétées dans une, deux ou trois directions, et quelque-
fois aussi par spores intérieures. Ils se montrent dans des
LE MICROBE DES DENTS 6 123
liquides ou des organismes vivants ou morts où ils produisent
la décomposition ou une certaine fermentation, mais jamais la
fermentation alcoolique.
Celui qui se montre sous forme de mucosité blanche sur
les dents, la langue et les dents creuses, et qui probablement
est l’auteur de la carie dentaire, porte le nom de Léptothrix
buccularis, Robin. Ces champignons sont constitués par des
filaments très longs et minces, non ramifiés, non articulés,
hyalins, droits ou courbés, sans granules, libres ou feutrés,
réunis en masses blanches.
Pour celui-ci, comme pour la plupart des autres champi-
gnons microscopiques, des soins assidus de propreté paralysent
son développement, :
Voulant avoir de plus amples renseignements sur le mi-
crobe de la bouche, nous nous adressimes a notre savant micro-
graphe de Montréal, le Dr Crevier, et voici ce qu'il nous
répondit: ,
“ Le chancre des dents ne contient pas seulement le Lep-
tothria buccalis, mais encore leMicrococcus dentalis, le Vibrio
rugula, le Bacterium termo, le Bucillus subtilis, le Spirillum
undula, et un grand nombre d’autres encore mdéterminés et de
forme tres polymorphe ; si bien qu'on peut dire que la bouche
de l’homme et des animaux est un appareil de culture dans
lequel les germes de, microbes trouvent toutes les conditions
nécessaires à leur complet développement.
“ Le Spirochete bucculis, et le Sp. plicatilis se rencon-
trent aussi dans la bouche de ’homine en bonne santé, mélés à
ceux déjà susmentionnés. . Deplus, chez homme, dans les
mêmes conditions, se rencontre encore un microbe très véné-
neux gui, Inoculé dans le systéme, produit une mort rapide.
C’est un micrococcus bien distinct de celui de la rage. Il est
assez commun chez l'homme; et l’histoire médicale cite de
nombreux exemples de personnes mourant des suites de mor-
sures faites par l’homme ou des animaux en santé. Ilya 3
124 ; LE NATURALISTE CANADIEN
ou 4 ans, un M. Roy, riche marchand de St-Pie, mourut en
24 heures à la suite d’une morsure faite au pouce par un écu-
reuil gris en parfaite santé! Les personnes en général qui ont
la salive très abondante, possèdent cette triste propriété.
“ Quand j'ai fait mes examens des eaux putrides du fan-
bourg Québec à Montréal, ainsi que celui de Pair des charniers
et des cimetières de St-Césaire et de Montréal, à la côte des
Neiges, en râclant ma langue et en me rincant la bouche, j'ai
retrouvé en partie tous les microbes et champignons contenus
~
dans ces milieux mal sains.
“ Dans lair ordinaire, on peut en moyenne catculer
300,000 microbes ou sporules aspirés par jour par chaque hom-
me dans l’état de santé le plus parfait ! Ce qui fait un million
par année! Mais dans un air impur et contagieux, on peut en
aspirer 100 fois plus, soit 30,000,000 par jour; le systéme
s’en débarrasse sans conséquence sérieuse d’ordinaire. Mais
s'ils passent dans le sang et s’y multiplient, ils engendrent
une maladie plus ou moins grave.
“ Les microbes qu’on rencontre dans la bouche se tronvent
aussi dans le tube digestif, et même parfois dans le sang, s'il y
a des érosions ou des solutions de continuité dans les tissus,
ils peuvent engendrer alors des maladies graves, comme le cho-
léra, le typhus, les fièvres malignes, la dipthérie, ete.
“L'eau contient infiniment plus de microbes que la terre
et air. La vapeur de l’air condensé contient de 900 à 1000
microbes par pinte; les eanx ordinaires des rivières 48,000,000,
les eaux de pluie 65,000,000, celles recevant les égouts 250,-
000,000. Les eaux des égouts des grandes villes depuis 4, 12,
jusqu’à 80 à 90 millions dé microbes par pinte de 2 livres.”
Comme on peut le voir par ces données, l’étude des micro-
bes mérite plus d'attention qu’on ne serait porté à le croire.
Avant dix ans, nous disait un savant médecin de Québee,
le microscope aura complètenrent révolutionné la médecine dans
sa thérapeutique en changeant les bases ‘de la pathologie. La
chose est bien possible.
—-—— jh
UNE VISITE AU ST:BERNARD 125
UNE VIS ELE AU “SEP TRN RD
Les lecteurs du Naturaliste n’ont pas oublié, sans doute,
les agréables voyages que nous a fait faire M. Gasnault-Guérin,
les années précédentes, au Mont Etna, aux glaciers de la Suisse
etc. ; notre ami veut bien nous réjouir encore de son agréable
conversation en nous racontant une visite qu'il a faite l'été der-
nier au Mont St-Bernard, ainsi qu'aux localités avoisinant cette
partie des Alpes qui séparent la France de lftalie et de la Suisse.
Chalet Delmérique, à Uriage-les-Bains (Esère),
7 juillet 1887.
Mon CHER ABBE PROVANCHER,
Il y a bien longtemps que je n'ai causé avec vous, et je
veux profiter des loisirs que me donne mon séjour aux bains
d’Uriage, pour vous adresser queljues lignes,
Je suis ici depuis trois semaines ; m’étant bien trouvé, les
années précédentes, des eaux d’Uriage, pour la guérison d’un
eczéma, dont j'ai beaucoup souffert, j'espère que cette dernière
saison m'en débarassera tout à fait. Comme l'année dernière, je
suis venu ici avec une famille amie,qui veut bien me céder une
chambre et me donner une place à sa table dans le chalet
qu’elle occupe, De toutes les personnes dont se compose cette
famille. une seule a besoin des eaux; le père et le fils sont des
marcheurs iutrépides, qui emploient leurs loisirs à faire de
longues excursions dansles montagnes environnantes, et malgré
la résolution que j'avais prise de ne faire que de courtes prome-
nades, la fatigue étant contraire aux bons effets qu’on attend des
eaux, ils out réussi, la semaine dernière, à m’entrainer avec eux
au grand St:Bernard, me promettant d’abréger cette course le
“plus possible.
Nous quittions Uriage, (ces bains-sont situés à douze kilo-
mètres de Grenoble)le mercredi 22 juin, A Giers, première station
126 LE NATURALIETE CANADIEN
du chemin de fer après Grenoble, nous entrons dans la belle
vallée de Gresivaudan que nous traversons en entier ; à Mont-
melliant nous prenons la ligne du Mont Cenis, que nous quit-
tons bientôt pour prendre celle qui nous conduit à Albertville.
Cette petite ville est fort jolie et très bien située; partis à 9 h.
de Giers, nous étions peu après onze heures à Aibertville ; à midi
une voiture nous conduisit à Beaufort; la vallée que suit la
route entre ces deux villes est une des plus pittoresques que
j'aie vues. Arrivés à Beaufort à quatre heures, nous prenons
nos sacs et montons à pied ; quoique la route soit très bonne, elle
suit presque continuellement un torrent au milieu d’une forêt
d’épicéas, et est aussi belle, mais beaucoup plus longue que lest
celle de St-Laurent à la Grande-Chartreuse. IL nous fallut
trois heures 4 pour gagner Rotlende ; c’est que la pente est rapide
et l'élévation grande, Beaufort étant à 800 m. seulement d’alti-
tude et Rotlende à 1484 m. Rotlende est un tout petit hameau,
habité pendant quatre mois au plus chaque année, et les pâtres
de la vallée y étaient installés de la veille seulement; aussi notre
diner fut des plus frugals, et à sept heures 20 nous nous remet-
tions en route pour le Chapieu, autre hameau où nous comptions
coucher. Un jeune garcon consentit à nous guider jusqu’au
Col du Cormet, élevé de 1,902 mètres, nous ne latteignions
qu’à neuf heures. La nuit venait et notre guide ne voulut pas
aller plus loin. Les pentes couvertes de neige fondue formant
partout de petits ruisseaux, étaient fort glissantes, et nous avions
continuellement les pieds dans l’eau. Bientôt, grâce à la nuit,
le sentier disparut tout à fait, la pente devenait de plus en plus
rapide, et souvent des rochers nous barraient le chemin; malgré
les indications qu'on nous avait données, nous marchions à
l'aventure, quand nous rencontrons un chalet, perdu sur ces
hauteurs, où les habitants veuaient d'arriver. Grace aux ren-
seignements qu’ils nous donnèrent, il nous fut possible de retrou-
ver notre sentier et aussi le pont sur lequel il nous fallait traver-
ser un torrent, et à dix heures 4 nous arrivions au Chapieu, dont
l'altitude est à peu près celle de Rotlende (1480 m.), et qui n'est
UNE VISITE AU ST-BERNARD 127
qu’un petit hameau comptant une demi-douzaine de chalets dont
deux servent d'hôtels aux touristes. L’hétesse était couchée,
mais elle fut vite debout et nous donna de bons lits qui nous
firent grand bien.
Le jeudi matin, dès cinq heures $, nous quittions nos hôtes,
dont nous n’avions qu’à nous louer; à sept heures nous étions
au Mottet, petit chalet servant d’auberge et élevé de 1,898
mètres. Nous passions sans nous arrêter, quand l’hôtesse nous
appela et nous dit que le passage de la Seigne, placé audessus
de nos têtes, serait difficile à franchir, à cause de l’abondance de
la neige tombée cette année et que, pour la même cause, le chalet
qui sert de cantine dans lAllée-Blanche, n’était probablement
pas encore habité, ce qui nous obligerait à gagner Conrmayeur
sans manger ; nous nous déeidèmes, n'ayant pris le matin que du
lait et du café, à manger quelques œufs, c'était tout ce que notre
hôtesse pouvait nous offrir; arrivée depuis peu et ne pensant
pas, de jlusieurs jours encore, recevoir de voyageurs, elle
n'avait pas fait de provisions. Elle nous fit durcir une demi-
douzaine d’œufs et nous donna du pain et du café. De plus un
enfant se chargea de nous conduire jusqu’au col. Le Chapieu
et les Mottets ne sout habités que de la fin de juin au milieu du
mois de septembre. Notre hôtesse est née aux Mottets, il y a
cinquante sept ans, et depuis y a passé tous les étés, le chalet
appartenant à sa famille avec une partie des paturages qui le
dominent.—A peine montions-nous depuis deux heures que
nous entrions dans la neige, les pentes en étaient couvertes et
nous avancions difficilement ; aussi était-il pr s de onze heures
quand nous atieignimes le col de la Seigne dont l'altitude est
de 2,532 mètres. Au sommet une croix indique la frontière
entre la France et l’Italie, Arrivés en cette endroit, nous avions
une vue merveilleuse, éclairée par un beau soleil.
Devant nous s’étendait une large vallée, l’Allée- Blanche,
dont la pente est rapide et quia plusieurs lieues détendue, Elle
était bien nommée ce jour la, car elle était partout couverte de
neige. A notre gauche, le massif du Mont-Blanc se dresse à pie
à des hauteurs effrayantes ; immédiatement à gache du col,
YAiguille des glaciers, élevée de 3,884 m., et l'aiguille de Tre-
Jatéte plus élevée encore (3,982 m.), dominées par le dôme du
Mont-Blanc. Parmi les cimes éloignées, on remar.jue I’ Aiguille
du Géant et les Grandes-Jorasses. Ensuite, au-dela du col Ferret,
les moutagnes du Grand St-Bernard : le mont Velaa, le Grand-
Combiv, etc. ; au sud, PAÏ6-Blanche est bornée par une chaîne
de montagnes uniformes, qui se groupent autour du Mont-Favre,
128 LE NATURALISTE CANADIEN
invisible de cet endroit; en arrière, on a encore un joli coup
d'œil sur les montagnes de la Tarentaise, mais il n’est rien en
comparaison de la vue grandiose du côté du Mont-Blanc. Je
prends ces derniers détails dans notre guide et sur l'excellente
carte qui l'accompagne. Car noùs n'avions personne pour nous
nommer cette multitude de pics, de monts, qui de tous côtés
dressaient leurs têtes blanches. Malgré l’éclatant soleil qui
éclairait ce magnifique paysage, un vent glacial nous força
bientôt à marcher. Nous commencions à peine à descendre, que
jenfoneai jusqu'aux épaules dans la neige sur laquelle nous
marchions péniblement et avec de grandes précautions, la pente
étant très rapide. Mes compagnons en venant à mon aide,
enfoncèrent aussi jusqu’à mi-corps, mais je ne me fisaucun mal
et c’est le seul accident qui nous soit arrivé. En été, on a bien
vite franchi la portion couverte par la neige et le sentier descend
par des éboulis au milieu des paturages jusqu'aux premiers
chalets de l’Allée-Blanche. Le jour de notre passage, du col
aux, chalets, tout avait disparu sous la neige, et la plupart des
chalets en étaient encore couverts. Cette grande quantité de
neige facilita notre marche où plutôt la rendit plus rapide. Une
heure nous suffit pour atteindre les chalets placés près le glacier
de l’Allée-Blanche, puis passant devant le glacier du Miage,
nous atteignimes le lac Combal encore en grande partie gelé.
Ce lac est borné au nord par la moraine colossale du glacier du
Miage. Vers quatre heures, nous arrivions enfin à la cantine
de l’Avizaille, pas encore habitée, puis nous rencontrions pen à
peu les premiers chalets habités, des prairies et des bois. Dela,
une jolie route, souvent ombragée de beaux arbres, nous con-
duisit en deux heures à Courmayeur, suivant toujours la Doire,
qui descend de l’Allée Blanche. Nous laissons à gauche le beau
glacier de la Breuva qui, nous dit-on, a beaucoup reculé depuis
quelques années. Au moment où nous nous arrétions pour
l'eximiner, nous entendimes un bruit épouvantable, et qui dura
bien une minute.
Je n’ai rien vu de plus beau et en même temps de plus
désolé que l'Allée-Blanché ; pendant près de six heures, nous
fûmes continuellement sur la neige et nous ne rencontrâmes pas
d’autres êtres vivants qu’un aigle m:gnifique qui s’éleva tout
près de nous ; je me trompe, vers le milieu de Ja descente, dans
un petit espace bien abrité par des rochers, d’où la neige avait
disparu, de petits papillons, (des argus), des mouches, volatent,
cherchant des fleurs absentes encore, des fourmis se montraient
aussi. Daus un endroit aussi nous vimes des traces de chamois.
nant. de nié. ne
AR ee ee à de
UNE VISITE AU ST-BERNARD 129
Un peu avant Courmayeur, en passant devant l'entrée du
val Ferret, nous voyons le village d’Entrave. ,
Nous étions bien las tous Jes trois en arrivant a Vhotel du
Mont-Blane, où, heureusement un bon diner et de bon lits nous
attendaient, Il était six heures, et nous nous étions mis le matin
en route à cinq heures et demie.
Le lendemain, 24 juin, à six heures, nous prenions la route
de Courmayeur à Aoste, regrettant de quitter si vite cette
petite ville, dont la situation est magnifique. Les eaux de Cour-
mayeur, que nous n'avons pas eu le temps de visiter, sont:
celle dite de la Victoire, bicarbonatée, sodique et calcique ;
celle de la Marguerita est en plus ferrugineuse, et celle de la
Sane, en plus sulfureuse,
Nous mimes quatre heures à nous rendre à Aoste. Nous
descendons par une belle route neuve à Pré St-Didier, où il
exite des bains qu’on ne nous donne pas le temps de voir; c’est
là que l’on prend la route qui conduit au Petit St-Bernard.
Après St-Didier, grâce au beau temps, nous avons une vue
magnifique sur le Mont-Blanc. Chemin faisant nous rencon-
trons une compagnie Alpine, qui fait l’exercicé de tirailleurs le
Jong des pentes rapides des montagnes qui bordent la route. De
Courmayeur à Aoste, la vallée est bordée de montagnes cou-
vertes de neige, elle est bien cultivée en vignes, dans les parties
où cette culture est possible ; près de Morges, on apercoit les
ruines pittoresques du château de Chalant, un peu plus loin, à
Ja Sallé, on voit aussi les ruines d’un vieux château. De jolies
villages, de belles cascades, se mon'rent nombreux des deux côtés
de la vallée. Je ne puis noter, nous passons trop vite, les
noms de tous les villages et lieux intéressants, nous arrivons à
Aoste à dix heures.
Pendant qu'on prépare notre déjeûner, nous visitons à la
hâte la ville, dont le centre est occupé par une belle place, nous
voyons la duuble porte du château, un vieux pont enfoncé dans
le sol, Pare de triomphe, tres bien conservé, et quelques autres
vestiges de lépoque romaine; à la cathédrale, nous admirons
les belles boiseries du chœur.
Après un court déjeûner, nous nous mettons en route à
midi 4; il faisait bien chaud, Une voiture nous conduit jusqu’à
Etrouble, et delà nous nous acheminons à pied, en passant par
St-Rémy. La montée est longue et rapide, j'étais un peu fatigue
des deux journées précédentes, aussi je n’atteignis qu’à sept
heures $ l'hospice après m'être reposé une demi-heure à St-
130 LE NATURALISTE CANADIEN
Rémy. D’Etrouble, où nous étions à 3 heures, il me fallut quatre
heures de marche pour atteindre le Col.
Les premières pentes après Aoste, l'altitude d'Aoste est de
583m., sont couvertes de vignes, nous avons devant nous la
magnifique pyramide de la Grivola. Plus haut, nons rencon-
trons encore pendant quelque temps des noyers, des chataigniers ;
à Gignod, nous passons devant une tour bâtie par les Romains.
Plusieurs villages se voient sur le côté opposé À Etrouble ; à
St-Oyen, la vallée est encore bien cultivée; à St-Rémy sont de
beaux bois d’épicéas ; à partir de ce point le senti ren lacets de-
vient en plus rapide, au chalet qui sert de cantine, nous com-
mencons à marcher dans la neige presque sans interruption jus-
qu’à Vhospice. Tout le col et la petite pleine où se trouve
Vhospice sont couverts de neige, et le petit lac est entièrement
glacé. Il n’en est pas ainsi ordinairement à cette époque de
l’année.
Les pères nous firent, comme à tons, le meilleuraccueil, mais
je crois qu'ils se montrèrent plus bienveillants encore pour nous,
si c’est possible; ils connaissaient depuis longtemps mes com-
gnons de route qui, plusieurs fois déjà,sont montés au St-Bernard.
Le lendemain samedi (25 juin) j’employai ma journée à visiter
l’hospice, sa chapelle, sa belle bibliothèque, les collections géo-
logiques, entomologiques et de numismatique si bien classées,
les intéressants objets trouvés sur l'emplacement du temple de
Jupiter, ex-votos, statuettes en bronze, lampes, ete. Ce temple
était placé à peu de distance du lien où s'élève la croix qui mar-
que la frontière entre la Suisse et l’Italie. L’hospice est construit
à l'altitude de 2,472 mètres, c’est l'habitation la plus élevie de
l’Europe ; nous avons eu le regret, la pluie étant tombée dans
l'après midi, de ne pouvoir monter sur la Chenolette, montagne
qui s'élève tout près du couvent à 2,889 mètres. On m’assure
que du sommet, qu’on peut atteindre en moins de deux heures,
on a une vue magnifique sur le mont-Blane, le mont-Rose, les
alpes Bernoises, etc.— Dimanche (26 juin), vers deux heures,
Ja pluie avait recommencé à tomber, craignant un plus mauvais
temps encore pour le lendemain, nous quittâmes: hospice à pied
par une pluie battante, qui nous accompagna jusqu'à Liddes.
Deplus, grâce à l’abondance des neiges tombées cette année, une
grande partie de la route, entre lhospice et la cantine de Proz
(1800 m. d'altitude) en était encore couverte, et la pluie aidant
rendait notre marche difficile ; nous passons dans l'endroit où eut
lieu l'accident de 1876, dans lequel périrent deux pères et sept
voyageurs ; sur 24 guides qui étaient venus secourir un troisième
UNE VISITE AU ST-BERNARD 131
père, un seul fut préservé, c’est celui qui aujourd'hui recoit les
étrangers à la cantine de Proz ; nous fûmes assez heurenx pour
rencontrer une voiture découverte: qui venait d’amener deux
dames anglaises et qui s’engagea à nous conduire jusqu’à Mar-
tigny. Seulement le cheval étant fatigué, 11 fut convenu que
nous coucherions à Liddes, nous y étions à cinq heures 5. L’alti-
tude de Liddes est de 1333 mètres. Nous fûmes très bien à hotel
de l'Union où nous conduisit notre voiturier,
Le lundi vers trois heures et demie nous nous remettions
enroute. Le chemin est très bon et très bien entretenu depuis
la cantine de Proz jusqu’à Martiony ; on y a même, dans cer-
tains endroits, placé des parapets, on aurait besoin d'en mettre
dans bien d’autres ; nous traversons successivement Orsières,
(882 m.), Lembroncher (710 m.), puis Bovernier, et nous arri-
vons à six heures à Martigny, à ter pour profiter du chemin
de fer qui partira à six heures 4. Il ne pleut plus, mais le
temps est humide et froid, et maloré mon manteau, j'ai peine à
me réchauffer. La route de ce côté est beaucoup meilleure que
du côté italien; la montée est moins rapide; aussi j'engagerai
toujours à monter de ce côté ; notre cheval depuis la contrée de
Proz a pu continuellement marcher au trot.
GASNAULT GUÉRIN.
-e = +
bi IBLIOGRAPHIE.
Etrennes M ie BEN remereiments à MM. Lavigne
et Lajoie, de Montréal, pour leurs ctrennes musicales, consis-
tant en cinq morceaux de belle musique encore inédite.
Si la nrusique a fait d'immenses progrès parmi nous, de-
puis. une dizaine (années, le succes en est en grande partie dû
an zèle de MM. les éditeurs Lavigne et Lajoie qui ont mis les
pièces les plus rares et les plus recherchées à la portée de tout
le monde.
Colonisation—Le Nord, par M. B. A. T. de Montigny,
Montréal. - Nos félicitations et remereiments à l’auteur pour
l'envoi de cette intéressante brochure de 163 pages in-8.
L'auteur y fait le récit d’une excursion de Montréal au lac No-
miningue, à travers cette douzaine de paroisses nouvellement
établies par les soins de M. le curé Labelle. Récit des plus
attrayants et des plus instructifs pour ceux surtout qui n'ont
Jamais visité d'établissements nouveaux. Les citadins surtout y
apprendront comment on peut vivre, et vivre heureux, sans ce
132 LE NATURALISDE CANADIEN
confort et ce luxe d'ameublement qu'ils s’imaginent être: néces-
ta)
saires. Ils y apprendront comment naissent et se forment les,
véritables patriotes, les maîtres: du sol qui peuvent, avant tous
les autres, se réclamer de nécessité pour former un état indé-
pendant, riche et prospère. “C'est um bouquet eueilli sur le
bord du chemin, dit M. de Montigny, sur la rive d'un lae, et
dont les fleurs pour être jetées péle-méle, n’en seront pas, moins
odorantes pour ceux, bien entendu, qui ont conservé la délica-
tesse du sentiment.” La note est juste. Ce récit aux allures
libres et sans gêne, comme la route raboteuse qu'il nous fait
suivre à travers les montagnes et les savanes des Laurentides,
ne permet pas au lecteur attentif de regretter le peigne et. le
fard qu'on lui à épargnés, car il né manque pas de charmes
réels et se montre toujours gai, alerte et convenable, même
dans le terre-à-terre où il lui faut souvent descendre.
Mais ce qui plait surtout dans le récit de M. de Montigny,
c’est le sentiment profondément religieux qui sy montre par-
tout. Ecoutons-le; il est ala Chute aux Iroquois, “ La Nati-
vité.” |
«J'ai prié, dit-il, pour que Dieu me rende semblable à ces
hommes primitifs qui sont les petits que Jésus à tant aimés.
Ah! que je me sentais inférieur à ces ferveuts chrétiens qui,
après avoir travuillé toute la semaine à des travaux pénibles,
venaient de plusieurs milles, s’agenouiller dans cette église pour
y entendre la messe et les vépres!”
Il est regrettable qu’un tel recit ne soit pas aecompagné
d'une carte géographique de la partie explorée ainsi que des
comtés voisins, Ceut été ajouter grandement à Pintérêt du livre,
au point de vue surtout de la colonisation.
Annales de la Société des Sciences Naturelles de la
Charente Inférieure, pour 1885.—Les précieuses Annales de
cette Société qui en sont a Jeur 22e volume, offrent cette année
un intérêt tout particulier, par l'abondance des matières qu’elles
contiennent. Elles forment deux volumes dont le 2e contient
une Flore complète de POuest de la France par M. James
Lloyd, augmentée des plantes de la Gironde, des Landes, et du
littoral des Basses-Pyrénées, par M. J. Foucaud.
Bulletin de la Société des Sciences Historiqu’s et
Naturelles de Semur (Cote-d’Or).—Ce Bulletin qui forme le
3e volume de la nouvelle série, contient la suite de la Flore
de l’Arron iissement de Semur, commencée dans le volume pré-
cédent.
alta Canadien
6 <> G
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Mars, 1888 No:29
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
PRIMES
La 1ère prime du mois de janvier, Cecil’s Book of Birds,
N° 448, est échue à M. l'abbé V. Chartier, curé de Ste
Madeleine St-Hyacinthe). La 2e du même mois, N° G4, ainsi
que la 2e de décembre, N° 2357, n’ont pas encore été réclamées.
FÉVRIER, NUMÉROS GAGNANTS.
lére prime. — Hippopus maculutus, Lam. superbe coquille
WE EV Gri à de à « «cs Meee Lae cone. ec AN + MAM
2e SOLU MUb CRORE aA IN). Mer Er Ne 67
N. B. — Labonné ayant l’exemplaire portant l’un ou
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, et ayant payé son abonnement d'avance,
devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date, et
envoyer des timbres pour affranchir le postage, — Voir sur la
couverture. 6
9— Mars 1888.
|
|
13 LE NATURALISIE CANADIEN
LE DARWINISUE
(Continné de la page 112)
CONCLUSION.
Nous avons suffisament démontré, pensons-nous, l’absur-
dité du darwinisme. Réfuter ce système anti-rationnel, anti-
religieux et anti-social, dans toutes les conséquences de ses
rincipes, demanderait des volumes. Mais ce que nous en avons
dit devra suffire pour faire voit sur quelles bases futiles et illu-
soires repose cette théorie, qui ne peut avoir d'apparence de
solidité qu'aux yeux de ceux qni, trop amateurs des nouveautés,
sont toujours prêts à embrasser des voies nouvelles de prime
abord, sans calculer où elles peuvent les conduire.
D'ailleurs si nous avons offert une réfutation de ces erreurs
anti-bibliques ce n’est pas que nos lecteurs en eussent besoin ;
car dans notre pays de foi, nous en sommes encore heureuse-
ment, À ce temps béni où tout ce qui sent l'irréligion, le rationa-
liste, la libre pensée, le scepticisme, est rejeté sans discussion ;
nous nous abstenons sans peine de demander à Dieu raison
de la facon dont il a fondé le monde, ni de forcer et Providence
à nous rendre compte de la maniere dont elle le gouverne.
Si nous avons consenti à mettre sous les yeux de nos
lecteurs ces thèses anti-religieuses, ce n’est pas qu’ils eussent
besoin de leur réfatation, non, nous le répétons ; mais c'était
plutôt pour leur signaler ce ver pernicieux qui ronge les bases
des vieilles sociétés européennes, et leur permettre de recon-
naître cet ennemi lorsqwil se présentera à eux, ce qui me
manquera pas d'arriver dans un aveuir plus ou moins rapproché.
Combien qui pour n’avoir vu qu’en passant, daus les
journaux, les mots de darwinisme, transformisme, sélection
naturelle etc., n'avaient encore que des idées imparfaites et
confuses de ces systèmes, et se contentaient, dans leur foi naïve
LE DARWINISME 155
et sineère, de les répudier sans vouloir les connaître d'avantage.
Nous pensons qu'avec ce que nous en avons dit, ils pourront
désormais les apprécier leur juste valeur, et les condamner en
connaissance de cause.
Il ne nous reste plus qu’à tirer les conclusions des deux
systèmes opposés, et à en déduire les règles de conduite qui en
découlent naturellement.
Pour nous, chiétiens, anti-darwinistes, nous croyons en
un être tout-puissant, éternel, immortel, principe et créateur de
toute chose. Nous croyons qte ee Dieu créateur, en faisant
surgir la matière du néant, lui a imposé des lois à la conserva-
tion desquelles il veille constamment, Créateur de la matière
inerte, il l’est également de la matière vivante, et parmi les
uuités de cote dernière, il en est une privilégiée, qu'il a formée
à son image, qu’il a douée d’une Ame immortelle, capable de le
connaitre, qu’il a faite libre de ses actions, susceptible de dis-
tiuguer le bien du mal, attachant une sanction à tous ses actes,
récompenses infinies à ceux qui seront bons, et peines éternelles
pour ceux qu'elle connait mauvais. Ea un mot nous confes-
sons le christianisme avec ses dogmes, ses croyances, sa morale
pure et sainte, pour notre règle de conduite, attendant une ré-
>
compense, proportionnée a la fidélité que nous aurons apportée
dans l’observance de cette règle. Nons soumeitons sans répu-
gnance notre raison aux croyances et aux mystères de notre
religion, parce que, en aucun point, nous les trouvons contraires
à ses lumières, bien que quelquefois ils se trouvent au dessus
de notre intelligence.
Nous confessons de plus que la souveraine Sagesse en
laissant l’homme déchu par le péché en proie à tous les er-
rernents, a dû nécessairement instituer un moyen infaillible de
distinguer la vérité de l'erreur, pour parvemr à sa fin, et que
c'est dans l’Église catholique que se trouve ce suprême magis-
tère, ce flambeau qui peut faire parvenir sûrement au port.
Voila pour notre part,
156 LE NATURALISTE CANADIEN
Voyons maintenant les principes du parti opposé, les ma-
térialistes ou darwinistes, et tirons les conséquences logiques
qui nécessairement découlent de ces principes.
Dieu, créateur, Ame immortelle, mots vides de sens, illu-
sions, préjugés, erreurs, disent les.darwinistes.
La matière est éternelle, elle a toujours existé et subsistera
toujours, en se transformant continuellement, Les aninaux
sont des portions de matière plus épurées que le reste de la
masse, et l’homme ast un animal comme tous les autres, seule-
ment un peu plus perfectionné.*
Les darwinistes ont-ils jamais songé à tirer les consé-
quences rigoureuses de tels principes ? Oh!-sans ancun donte,
ils les ont déduites pour eux-mêmes, pour leur servir de guides
dans leur conduite, mais ils se sont abstenus de les proclamer
pour les autres, craignant, ou de devenir les premières victimes
des dangereux principes qu’ils professaient, ou tout au moins
de tomber dans la déconsidération et le mépris, en froissant si
brutalement les principes d’honnéteté admis de tout le monde,
et en sapant les bases des sociétés qui assurent le bonheur de
ceux qui les composent,
_ Et bien, ce que n’ont osé faire les darwinistes, nous allons
le faire pour eux.
Autorité, justice, propriété, bienséances sociales, vous
n'êtes que de vains mots.
L'homme n’est qu'un animal comme tous les autres; en
se nourrissant de la chair des animaux, il se nourrit done de la
chair de ses sembiables. Voici un enfant de trois à quatre ans,
aux muscles tendres et potelés, qui ferait certainement un bon
rôti, pourquoi ne le meitez-vous pas à la broche? Ca devra
faire certainement un plat appétissant? Une certaine répu-
gnance naturelle vous détournerait-elle de dévorer ainsi votre —
propre progéniture ? alors pourquoi ne pas aller vous pourvoir
ailleurs ? Mais on ne vous laisserait pas faire, De quel droit
LE DARWINISME 197
voudrait-on vous empêcher de vous nourrir ainsi de ce qui vous
plait ? Mais les maîtres de cet enfant tenant à le garder le
défendraient par tous les moyens. Voici done la loi qui résulte
de vos principes, la loi du plus fort. Vous voulez vous appro-
prier un objet, un autre le veut aussi, au plus fort le lot; rixes,
batailles, au vainqueur la dépouille! Allez donc parmi les
fauves, lions, tigres, ours, hyènes, apprendre les règles qui doi-
vent vous guider dans vos rapports avec vos semblables !
Voici encore un pauvre vieillard, octogénaire, nonagénaire ,
il a cent infirmités, il souffre beaucoup ; pourquoi ne pas termi-
ner ses souffrances en Lui donnant le coup de grace? Ce sera
lui rendre un service !
Vous manquez de mille choses et votre voisin régorge de
biens ; de quel droit accapare-t-il tout pour lui seul ? Pourquoi
ne pas partager avec lui ? Mais il se défenira et pourra me
faire un mauvais parti C'est-à-dire qu'il conservera son bien
par ce qu'il est plus fort que vous. Mais il y a force et force ;
gil peut opposer des bras et des armes à vos attaques, ne pou-
vez-wous pas le vaincre par la ruse? Qui offenserez-vous en
faisant des faux, en lui tendant des pièges, eu le trompant par
mille inventions et fourberies ? Dieu? il w’y en a point! la con-
science ? elle n'existe pas, puisqu'il n’y a point dame! La so-
ciété ? Mais la socicté n’a d’autre loi que celle du plus fort, et si
mes ruses peuvent l'emporter sur les bras qui le défendent,
pourquoi ne profiterais.je pas de ma supériorité 2
Mais direz-vous, pour le bonheur des individus, les so-
ciétés en sont venues à Ctablir des lois auxquelles tous doivent
se soumettre, car sans cela l’homme perdrait la civilisation por
retourner à la barbarie. :
Fort bien, pour le bon ordre dans la société, tous doivent
se soumettre aux lois établies. Mais Dieu et l'âme n’existant pas,
quelle est la sanction de toutes ces lois ? Uniquemznt la force du
plus puissant! Si done sans troubler l'ordre extérieur, je par-
viens à m’emparer adroitement de ce qui était la propriété d’un
autre, qui aurait droit de me le reprocher ?
à
158 LE NATURALISTE. CANADIEN
Ne savez-vous pas que du moment que vous enlevez le
Créateur à son œuvre, que vous soustrayez l'âme immortelle à
l'homme, il n'y a plus ni propriété, ni justice, ni bienséances so-
ciales ? la seule force brutale gouverne le monde, et toute morale
n'est plus qu'un vain mot !
Voici un couple qui après dix ans, quinze ans de mariage
trouve plus à propos, chacun de son côté, de contracter de nou-
velles alliances ; on se partage les enfants à l'amiable, et chacan
se rend à ses désirs; qui pourrait s'opposer à un tel arrange-
ment ? Qu’aurait à faire la société avec ses lois dans les rap-
ports sexuels entre personnes libres ? Volenti non fit injuria,
comment la société peut-elle venir s’interposer entre deux vo-
lontés qui s’accordent entre elles pour régler leurs rapports 7...
Inutile d’aceumuler les argaments ; Dieu est l’auteur et la
clef de voute de tout ce qui existe, faites le disparaitre, et le
monde rentre dons le chaos!
Mais diront les matérialistes, vous voulez que par une
foi avengle et non raisonnée je eroie à Dieu, à Vimmortalité de
l'âme, à la religion ; or ma raison me convainc que rien de tel
wexiste; il n'y a pas d’antre surnaturel que celui que crée
l'imagination, je ne puis croire à ce que je ne puis voir, \oucher,
sentir ou comprendre.
Vous ne pouvez croire qu'à ce que vous pouvez com-
prendre? Jamais proposition plas fausse ne fit énoncée! - Car
Ja foi aveugle à ce que nous Ne potvons croire, est la loi qui
régit l'humanité tout entière, et sans elle il n’y a mi socicté, ni
civilisation possible. Tous les jours, et presque à chaque ins-
tant, vous fuites profession de fui en ce que voue ne pouvez
comprendre, expliquer. Vous tenez un caillon dans votre
main, vous soustrayez votre main qui lui sert d'appui, et le
caillou roule sur le sol. Mais pourquoi ? Quelle est la cause de
ce phénomène ? La pesanteur, direz-vous. Mais qu'est-ce que
la pesuiteur ? Qu'est ee que Pattraction, sinon la formule mys-
térieuse d’un fait qua vous constatez eb que vous ne pouvez ex-
LE DARWINISME 139
pliquer ? Pourquoi, dirai-je avec un grand philosophe, les corps
célestes s’attirent-ils en proportion direete de leur masse, et en
proportion inverse du carré des distances ? C'est ainsi pw ce
qu'est ainsi; mais d'explication ? zéro !
La semence mise en terre pourrit, se décompose et donne
naissance à un nouvel inlividi.. Vous le croyez, par ce que
vous voyez le fait se produire. Mais comment l'expliquez-
vous ?…
Et ainsi dans mille autres circonstances.
Si le religion nous commandait des croyances contraires à
Ja raison, nous aurions droit de nous soustraire à ses préceptes.
Mais la foi ne commande rien de tel; car le rôle scientifique
de la raison humaine et aussi libre et aussi efficace dans la
science religieuse, que dans n'importe quelle autre science.
S’élever au dessus des puissances de la raison, n’est pas se
mettre en opposition avec ses lumières. Si donc vous donnez
votre foi à une. foule de faits matériels que vous ne pouvez
comprendre, pourquoi la refuseriez-vous lorsqu'il s’agit de
matières spirituelles d’un ordre encore plus élevé ?
Mais la foi est tellement la loi de notre nature, que dans
mille occasions nous agissons purement sur cette foi, sans autre
explication. N'est-ce pas par la foi que le soldat obéit aux
ordres donnés, sans pouvoir se rendre compte de leur apportu-
nité ? N'est-ce pas par la foi que l'élève épelle ses syllabes
pour pouvoir plus tard comprendre les textes ? Comment coriiez-
vous votre existence à des bateaux, à des locomotives Z N'est-ce
pas sur la foi que vous avez en ceux qui les dirigent? Et le
semeur qui confie son grain à la terre, et le boulanger qui mêle
la levure à sa pâte, et le chasseur qui confie la joudre à son
fusil, et le marchand qui fait provision pour son commerce, tous
ne s’en reposent-ils pas-sur leur foi en leurs procédés, dans les
moyens qu'ils emploient ?
La foi n'est-elle pas encore l'expression souveraine de l’atta-
chement, de l’amitié, du dévouement ? J’ai fai en vous !
140 LE NATURALISTE CANADIEN
Soyons certains d’une chose, et que cette vérité soit notre
sauvegarde contre les errements où pourraient nous entraîner
une fausse philosophie. Entre le catholicisme mal interprété
et la science mal comprise, il y a antagonisme, nous l'avons
clairement fait voir ; mais entre la vraie science et le vrai catho-
licisme, il y a toujours accord parfait, absolu, éternel. La science
et la religion sont comme les deux bras de Dieu pour étreindre
l'humanité sur son cœur. |
Peu de science éloigne de Dieu, a dit Bacon, beaucoup de
science y ramène.
0 <> + —___—___
ITUDE SUR TES MICROBES
PAR LE DR J. A. CREVIER, MONTREAL
( Continué de la page i 22)
La connaissance des germes de lair, des microbes du sol et
des eaux, est done devenue indispensable au médecin et à l’hy-
giéniste qui se préocupent de déterminer exactement la cause
des grandes épidémies, afin de les prévoir et de se munir contre
elles, s’il est possible. C’est là une nouvelle branche de la
météorologie que l’on a appelée la micrographie atmosphé-
rique, car elle nécessite avant tout l'emploi du microscope.
Les microbes de ? Atmosphère. Depuis l'année 1885 seu-
lement il existe à l'observatoire de Montsouris, à Paris, un la-
boratoire spécial dirigé par M. le Dr P. Miquel, et dont le but
est d’étuaier les organismes vivants de lair, den établir la
statistique suivant le temps et les saisons, et d’en tirer les eon-
elusions générales au point de vue de état hygiénique de
l’atmosphère plus ou moins chargée de microbes et de spores
facteurs de maladies.
Miquel, au moyen de l'appareil de Pouchet qu’il a modi-
fié, a pu déterminer les lois qui régissent l’apparition des mi-
ÉTUDE SUR LES MICROBES 141
crobes dans l’atmosy hère, et a pu compter leur nombre dans un
volume d’air donné; voici les résultats auxquels il est arrivé
pour la localité où il opérait, c’est-à-dire à Montsouris.
Faible en janvier et février, le nombre des spores des moi-
sissures diminue en mai et en juin, mois où a lieu le maximum.
La décroissance est lente jusqu’en octobre, s’accentue en no-
vembre, et le minimum a Heu en décembre. L'influence des
pluies et de l'humidité de lair est ici très sensible. Ainsi pen-
dant lhiver, on ne compte guère que 7,000 en moyenne par
mètre cube d'air, tandis qu’en juin on en trouve jusqu’à 35,000.
En été, cependant, alors que la tempéatrure est très élevée,
on trouve le nombre des spores très minime ; c’est qu’alors, maleré
la chaleur, lair est très humide et que les spores se fixent sur
le sol, les plantes, les fruits et tous les objets, au lieu de flotter
dans lair, De même, en hiver, les temps froids, étant g'néra-
lement plus secs, élevent le nombre des germes transportés par
Pair.
En été, les orages ne purifient latmosphére que pour un
temps très court; 15 à 18 heures après la pluie les germes ré-
apparaissent, ciny à dix fois plus nombreux. Il semble que
l'orage donne une poussée plus énergique à la reproduction des
moisisures. Si l’on passe maintenant aux microbes propre-
ment dits, aux bactéries canses des maladies virulentes, leur
recherche est plus difficile en raison de leur petite taille et de
leur grande transparence. Au moyen d’un certain artifice on
arrive cepend int à déceler leur présence et à les compter avec
exactitude ; cet artifice consiste à les colorer par divers pro-
cédés, dont je dirai quelques mots à propos de l'étude micro-
graphique des eaux potables. M. Miquel emploie surtont et
de préférence les procédés de filtration de l'air, inventés par
Pasteur, et qui consistent à faire passer Vair et l’eau atmosphé-
riques dans des liqueurs favcrables à la nutrition des microbes
et préalablement stérilisées,
D’après Miquel il y a en moyenne 80 bactéries dans un
142 LE NATURALISTE CANADIEN
mètre cube d’air à Montsouris. Sur cent de ces bactéries, on
compte 66 Microccocus, 21 Bacterium, 13 Bacillus. La pro-
portion est un peu différente dans Peau de plaie: on y compte
28 Microccocus, 9 Bacterium, et 63 Bacillus. Il est à re-
marquer qu'au début d’une orage la pluie en renferme une assez
grande quantité (15 environ par centimètre cube d’eau): puis
cette quantité diminue, “ mais, dit M. Miquel, au bout de deux
ou trois jours d’un temps humide et pluvieux, cette eau météo-
rique renferme souvent plus de bactéries qu'au débat de la
période pluvieuse. L’atmos; hère étant alors d’une pureté ex-
cessive, il semblerait que les bactéries puissent vivre et se mul-
tiplier au sein des nuages, ou bien que ces nuages puissent se
charger, dans leur couse à travers l’espace, d’un contingent de
germes très variables.”
Le maximum dss germes de l'air s’observe en automne, le
minimum en hiver: ainsi on compte 50 à 60 bactéries en dé-
cembre et janvier, 30 à 40 seulement en février, 105 en mai,
150 en juin et 170 en octobre, par mètre cubed’air.
A l'inverse de ce qui a lieu pour les moisissures, le chiffre
des bactéries, faible en temps de pluie, s'élève quand toute
l'humidité a disparu de la surface du sol. L'action de la séche-
resse l’emporte sur celle de la température. C’est ce qui ex-
plique la rareté des bactéries après les grandes pluies du prin-
temps, (mars, avril, Juin). Cependant les longues périodes de
sécheresse leur sont défavorables. Cela explique limnportance
de l’'arrosage des rues pendant l'été, afin d'empêcher les sporules
et les germes des microbes de se répandre dans l'atmosphère.
Les expériences de M. Miquel le portent à admettre que
la rosée, l’eau évaporée dn sol, n'est jamais chargée de spores.
Au contraire, les poussières sèches des lieux habités, et surtout
celles des hôpitaux, sont chargées de microbes. Au centre de
Paris, rue de Rivoli, par exemple, l'atmosphère est de 9 à 10
fois plus chargée de microbes qu'au voisinage des fortifications.
A l'observatoire de Montsouris, situé au sud de Paris, les vents
1
L
|
|
rs
ÉTUDE SUR LES MICROBES 143
du nord en apportent beanconp plus que les vents du sud. Le
vent le plus impur arrive des collines de la Villette et de B-le-
ville, quartier agulomérés et populeux où se tronvent en outre
des cimetières, des abattoires, etc.
On a constaté depuis longtemps que lair est beaucoup plus
pur sur les hautes montagnes, ou bien en mer, que dans les
plaines et surtout au voisinage des lieux habités. Si l’on porte
des ballons de verre où le vide a été fait d’avarce, et qui ont
été stérilisés par la chaleur, à une grande altitude dans les
Alpes ou les Pyrénées, et qu'on les remplisse de Fair qui #y
trouve, on aura beaucoup de peine à y constater quelques rares
microbes. De même, au sommet du Panthéon, un métre cube
d’air ne contient que 28 microbes, tandis qu’on en trouve 43
‘au pare de Montsouris ct 462 au centre de Paris.
L'eau, quelque soit sa provenance, contient beaucoup plus
de microbes que lair. Les eaux de source elles-mêmes, prises
à leur sortie du so}, en contiennent, ce qui prouve qu’il en ex-
iste danse l’intérieur. Voici quelques chiffres empruntés à M.
Miquel, et qui donneront une idée de la quantité de microbes
que contiennent les eaux à Paris, suivant leur provenance.
Nombre de. mi-
PROVENANCE DES EAUX. crobes par
pinte d'eau.
Vapeur condensée de l'atmosphère... ............... 900
ET cher rain Ambre. MR ee ee ove 48,000
PAU WIIG M cee ise noue re » ses om elses ss 64,000
Eau de Vanne (Bassin de Montrouge)... 248,000
Eau de la Seine (a Berey en amont de Paris)... 4,300,000
Eau de la Seine (puisée à Asnières en aval de Paris). 12,800,000
Eau d’égouts (puisée à Clichy)... 80,000,000
Ces chiffres sont des minima ; ainsi l’eau d’égouts devenue
staguante se putréfierait et par la proliferation des germes, les
microbes y deviendraient en quelques jours plus de mille fois
plus nombreux.
(A suivre.)
144 - LE NATURALIETE CANADIEN
UNE VISITE AU SAINT-BERNARD
(Continué de la page 131).
Durant notre séjour à l’hospice du St-Bernard, nous avons
eu constamment froid, les 25 et 26 juin on a fait du feu dans la
salle à manger et il gelait la nuit. Le 26, étant allé avant déjeû-
ner visiter emplacement du temple, il faisait si froid, que nons
rentrâmes glacés au bout d’une demi-heure. Cependant, dans
un endroit abrité, la neige avait disparu et il y avait quel-
ques fleurs ; j'y vis même un joli petit coléoptère vert-doré que
j'eus la maladresse de perdre en route et 2 papillons blanes.
Huuibold dit dans son Cosmos, que “ la température moyenne
“ de l’hospice du St- Bernard, situé par 45 degrés de latitule nord,
“ est de 0°.79 Réaumur au-dessous de zéro. En hiver 0.76; au
“ printemps 3°.1; en été + 7.2; en automne 0.1. Elle ne se
‘“ yetrouverait dans la plaine qu’à une latitude de 73 degrés,
“au cap sud du S;itzberg.”
L’air est si vif au St-Bernard et favorise si peu la décom-
position, que des cadavres déposés dans un petit bitiment près
du couvent s’y dessèchent, et j'en ai vu qui y sont depuis des
années et qui seraient encore reconnaissables,
L’hospice a été fondé par St-Bernard de Menthon en 962.
Le bitiment actuel a été construit au 16e siécle; la chapelle
date de 1680. Ce couvent du St-Bernard est la maison mere
d’une congrégation d@Avgustins d'environ quarante religieux.
Quinze d’entre eux, dont quatre prêtres, l’habitent, avec sept
domestiques. Leur hospitalité et leur dévouenent sont trop
connus pour que je vous en parle. Pour les aider dans la recher-
che des voyageurs en danger en temps de neige — et la saison
des neiges dure ici 9 mois—ils entretiennent de gros chiens à
UNE VISITE AU ST-BERNARD 145
poil ras et à l’odorat très fin qui les accompagnent dans leurs
courses. (1)
L'hospice était très riche au moyen âge ; ces richesses ont
disparn ; les 30 à 40,000 louis, que réclame son entretien, pro-
viennent des subventions des gouvernements français et italien
ainsi que des collectes faites chaque année en Suisse. La mai-
son a reen pendant ces dernières années près de 20,000 voya-
geurs par an, et, sur ce nombre, 2,000 à peine ont payé quelque
chose, et encore n’ont-ils payé en moyenne, que leur prix
d’auberge.
Pendant les campagnes d’Italie de 1798 à 1801 plus de
100,000 francais et autrichiens ont franchi ce passage. Les
Romains Vont utilisé cent ans av. J.-C.; Constantin fit améliorer
le passage en 539; les Lombards y passèrent en 547; une
armée de Charlemagne en 773, ete.
J'oubliais de vous dire que quelques uns des religieux
desservent l’hospice du Simplon ; d’autres ont des cures, et les
infirmes et les vieillards ont un asile à Martigny.
Je ne vous dirai que peu de chose de notre dernière jour-
née de voyage passée en chemin de fer, car je n’ai vu les mer-
veilleuses contrées traversées par la voie que par la fenêtre de
notre wagon. Partis de Martigny à 64 heures, la voie descend
la vallée du Rhône jusqu’à son embouchure dans le lac. J'avais
parcouru cette magnifique vallée, il y a trois ans, en me ren-
dant de Chamounix a Lausanne, mais J'ai eu bien du plaisir à
la revoir; à partir du Bouvret tout était nouveau pour moi, et
je regrettais de passer vite dans ces belles contrées que j'avais à
peine le temps d’apercevoir en passant. Un arrêt de vingt cing
(1) Les chiens de St-Bernard sont avec raison rar gés parmi les plus
beaux échantillons de la race canine. Les Pères ont toujours tenu à con_
server la race pure detont mélange, et se sont d'ordinaire montrés très
difficiles pour en céder des spécimens ; cepen lant, depais quelques années,
on a pu en obtenir quelques uns même en Canada; M. J. A. Lang'ais, le
-ibraire de St-Roch, en possède un échautillon de premier choix.
146 LE NATURALISTE CANADIEN
minutes À Evian nous permet d'admirer le lac qui s’offre à nous
dans toute son étendue ; grâce à un brillant soleil, nous distin-
guons très bien Lausanne et les autres villes placées sur ses
bords, nous passons sans nous arrêter à Thonon; un peu plus
loin le chemin de fer s'éloigne du lac, passe À Amerssase, gagne
Anneci, puis Aix-les Bains et Chambéry ; à Montrélian nous ren-
trons dans la belle vallée de Grésivandan, à 8 heures nous
étions à Giers notre point de dépari, et à 9 heures nous ren-
trions à notre hôtel bien heureux et pas trop fatigués de notre
courte excursion en Suisse et en Italie.
Exeusez mon trop long bavardage, je aurais fait plus court
si j'avais en plus de temps, et j'en aurais 6té bien des détails peu
intéressants, mais depuis mon retour à Uriages, nous faisons
chaque jour des excursions dans les environs, et le soir nous
sommes presque toujours si fatigués que nous n'avons pas le
courage d'écrire, aussi ai-je bien souvent quitté et repris la
plume, ce qui fait que mon récit a peu de suite. Dimanche
dernier j'ai passé la journée chez le bon abbé Guénard, aumonier
de St-Anthelme, près Chambéry, notre ancien compagnon de
voyage en Orient. I] vient de faire un second voyage en Pales-
tine avec le dernier pèlerinage, et n’est rentré chez lui qu'il y a
quinze jours. J’ai été heureux de parler avec lui de nos con-
naissances à Jérusalem, du frère Liévin qui a été encore cette fois
leur conducteur, du frère Evagre des écoles chrétiennes, des bons
pères Franciscains, ete. Nous n'avons pas oublié, non plus,
de parler de nos bons compagnons de route de 1881, dont nous
avons gardé si bon souvenir. -
Adieu, mon cher abbé Provancher, veuillez recevoir l’assu-
range de mes sentiments les plus affectueux et les plus dévoués.
E. GASNAULT.
UN NOUVEAU BOTANISTE 147
UN BOPANISTE NOUVEAU.-
M. l'abbé L. Z. Chandonnet nous était connu depuis plu-
sieurs années déjà, mais nous ignorions qu'il pit être raugé
parmi les naturalistes. Ce n’est que tout dernièrement, dans
un voyage que nous avons fait à New-York, que nous avons pu
apprécier le rôle important que joue M. l'abbé Chandonnet dans
la société Canadienne de la grande ville américaine. Ce n’était
pas assez pour cette colonie Canadienne d’avoir des prêtres ca-
pables et zélés, des journalistes, des littérateurs, des médeeins dis-
tingués, des commercants, des industriels importants, des insti-
tuteurs et institutrices de hante capacité, il lui fallait aussi avoir
voix parmi les savants, et elle peut réclamer dans la personne
de M. Chandonnet un représentant bien capable de lui faire
honneur par ses aptitudes pour les sciences et ses connaissances
déjà si vastes.
M. Chandonnet est chapelain des Frères des Ecoles Chré-
tiennes à Amawalk, dans la banlieue de New-York. “ telegué
dans une solitude au milieu des chumps, séparé de la soci“té de
mes confrères, nous dit le modeste savant, il me fallut chercher
une distraction à l'ennui dans les moments de loisir que me
laissaient mes occupations officielles, et c’est naturellement à
mes livres que je m’adressai. Je ne dirai pas à ma bibliothèque,
car je n'avais encore que quelques volumes. Votre Flore Cana-
dienne m'avait déjà plus d’une fois intéressé, je me décidai ré-
solument à l’étudier et à la mettre en pratiqne. Je commencai
d'abord à faire la connaissance des plantes qui m’avoisinaient, par-
courant chaque jour les jardins, les chemins, les champs et les
forêts. Et j'éprouvai de suite un tel attrait pour cette étude,
que, maintenant que je ne trouve plus rien de nouveau dans les
environs, je n'ai plus qu’un désir, pouvoir m’éloigner pour faire
des connaissances nouvelles en fait de plantes.”
Il va sans dire que ses études ne se firent pas sans com-
mencer de suite la collection d’un herbier, Et cet herbier, qui
148 LE NATURALISTE CANADIEN
est déjà considérable, et que nous avons pu examiner en pas-
sant: est fait avec un tel soin que nous n’en avons encore vu
aucun de plus parfait. Aucune peine n’a été uégligée pour lui
donner cette perfection, tant pour la dessication que pour la dis-
position de chaque spécimen et de ses différentes parties.
Epris du véritable feu sacré, M. l'abbé Chindounait ne
voyage jamais sans avoir la boîte de Dillénius sons le bras,
aussi ses diverses visites au Canada sont-elles notées par nom-
bre de plantes recueillies sur notre sol.
Comme M. Chandonnet possède un grand nombres de dou-
bles, il serait prêt à faire des échanges avec des collectionneurs,
ou même à disposer entièrement de son superbe herbier.
Voir à la couverture,
== —
TENACITE DE LA VIE DANS LES PLANTES.
Il n’y a pas que dans le règne animal que la vie se montre
parfois très tenace.
On a, cité des mollusques qui après trois ans de mort appa-
rente, n'ayant pris aucune nourriture et donné ancun signe de
vie, se sont mis tout-à-coup à se mouvoir et à se livrer à leurs
allures ordinaires, sans paraitre avoir souffert,
Certaines plantes nous fournissent des exemples tout aussi
extraordinaires. En voici un arrivé tout ‘dernièrement dans la
paroisse de 8. Nicolas, et qui a causé un certain émoi parmi ceux
qui en ont été témoins, C’est une résurrection de plante après
HUI ANS de mort apparente. Il y a huit ans, la mort enleva
une enfant de six ans à une respectables famille de lPendroit,
On avait déposé sur le cereeuil une couronne de fleurs dans
laquelle entrait surtout une plante grasse qu’on désigne vulgaire-
ment sous le nom de glace dans les jardins. Après Vinhu-
mation les parents rapportèrent la couronne à la maison et la
suspendirent dans leur salon. Or tout dernièrement, après huit
aus de repos, la glace se mit à végéter. Bien qu'elle parut
complètement desséchée, sauf la tige qui était presque hgneuse,
elle poussa quelques rameaux qui se garmirent de feuilles. On
ne manqua pas de voir du surnaturel dans l'affaire, bien qu’il
n'y eut la rien en dehors des lois naturelles. Nous avons vu
végcter dans notre herbier une joubarbe aprés deux ans de
dessication. Ici c’est après huit ans, le cas est plus extraordi-
paire, cependant il rentre dans les lois propres de la nature,
Nous regrettons de n’avoir pu obtenir un échantillon de la
plante afin d'en faire la détermination, d'en connaître le genre
et l'espèce,
——— HR ds à
MOMNCEMES ME) Pre Cy i)
a 6° Ce S à 6
Ny eos à GO ‘ON
: RS
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Avril, 1888 No. 10.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
PRIMES
La 1ère prime du mois de février, Hippopus maculatus,
N° 14, est échue aux Frères du Sacré-Cœur d’Arthabaskaville,
La 2e du même mois, No 67, ainsi que la 2e du mois de
janvier, N° 64, n’ont pas encore été réclamées.
Mars, NUMÉROS GAGNANTS.
1ère Prime—Cecil’s Book of Insects,............... N° 198.
2e “ —Cassis echinophora, Casque porte-épines N° 40.
N. B. — Labonné ayant l’exemplaire portant l’un ou
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, et ayant payé son abonnement d’ avance,
devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date, et
envoyer des timbres pour affranchir le postage. — Voir sur la
couverture.
mm —
10— Avril 1888.
eS
150 LE NATURALISTE CANADIEN
SJ TUDE SUR LES MICROBES
À
PAR LE DR J. A. CREVIER, MONTREAL
«Continué de la page 143)
Les microbes du sol.—La présence des microbes dans le
sol a été mise en évidenee par les recherches de M Pasteur et
de ses collaborateurs MM. Chamberland et Roux, sur la mala-
die charbonneuse. Ayant recueilli la terre dans le voisinage des
fosses où l’on avait enfoui des animaux morts du charbon, ces
observateurs trouvèrent anssi bien celle des profondeurs sue
celle de Ja surface, remplie, non seulement de bactéridies
(Bacillus antracis), mais encore d'une foule d'autres microbes
ou germes plus ou moins dangereux et pouvant produire, par
’ inoculation à des animaux, des maladies plus ou moins sérieuses.
Voulant se proeurer de la terre à un état de division plus par-
faite, M. Pasteur eut l’idée de recueillir les déjections que ks
vers de terre viennent déposer à la surface, et qui sont presque
exclusivement formées d’une argile riche en humus (terre
végétale), que les vers avalent pour s'en nourrir. Cette terre,
après avoir traversé le canal intestinal du ver, contenait encore
des microbes qui n'avaient nullement perdu leur virulence.
Enfin j'ai déjà dit que les eaux de sources, au sortir du sol,
contiennent déjà des microbes qu’elles ont entrainés en filtrant
à travers les couches séologiques. M. Béchamp a même reconnu
la présence de microbes vivants dans la craie, qui appartient à
l'époque des terrains secondaires, dont les dépôts remontent à
plusieurs millions d'années ; puisque les mers ont eu le temps
de déposer à leur surface plus de 10,000 pieds de sédimeut,
à raison d’un pouce par siècle, en moyenne.
Lathéorie tellurique et la théorie diblastique. On comprend,
d’après cela comment l’on a pu établir une théorie qui attribue la
plupart des maladies épidémiques à l'influence des microbes du sol
qui peuvent, à un moment donné, envahir le corps de l'homme, en
ip eet aaah ‘alah aoe (ae
ÉTUDE SUR LES MICROBES Pht
=
pénétrant d'abord dans ses poumons et son canal digestif, puis
de là dans le sang.
Deux.savants allemands, Pettenkofer et Naegeli, se sont
faits les promoteurs de cette théorie tellurique (qui a son
origine dans le sol) des maladies, et beaucoup de faits vien-
nent la confirmer. C’est ainsi que la fièvre intermittente, la
malaria, ne sévit dans les pays de marais que lorsque ces ma-
rais se dessèchent en partie, surtout pendant l'été. Pour
assainir ces marais, il faut les dessécher et les combler comple-
tement, et surtout les transformer en terres cultivées. De
méme les vallées de nos fleuves et riviéres ne deviennent dan-
gereuses qu'au moment où le cours d’eau rentre dans son lit,
Jaissant à découvert les prairies voisines transformées en vérita-
bles marais qui se dessèchent lentement, en livrant à l’air une
foule de spores provenant des schizophytes que l’eau y a dé-
posées. Enfin les grandes fouilles du sol, surtout celle des ci.
metières, répandent dans l'atmosphère les spores dormantes
que les pluies y avaient entrainées etqui s’y étaient desséchées.
Dans bien des cas, l’intervention de deux microbes de na-
ture différente a dû être invoquée pour expliquer la nature et
la marche des grandes épidémies (choléra, fièvre typhoïle,
fièvre jaune, etc., etc). C’est ce que M. Naegeli appelle la
théorie diblastique, ou à deux agents producteurs des maladies,
Ainsi le microbe de la malaria ou fièvre intermittente (vule :
tremblante,) qui n’est pas contagieuse, prédispose souvent le
malade à subir l'atteinte d’un autre microbe contagieux d'homme
à homme, comme celui du choléra ou celui de la fièvre ty-
phoïde. Les deux microbes peuvent vivre simultanément dans
l’économie, et leur deux actions s'additionnent pour affaiblir
l'organisme aux dépends duquel ils vivent et pullulent. Des
faits nombreux peuvent être cités, à l'appui de cette théorie ; en
voici quelques exemples : “ Dans l'été et l'automne de 1873, la
ville de Spire fut visitée par le choléra, qui se borna à la partie
basse de la ville, sur les bords du Speierbachb. Dans Vhospice
des vieillards, située dans la partie haute de la ville restée ex-
152 LE NATURALISTE CANADIEN
empte du choléra, 24 des 200 pensionnaires que renfermait
Yhospice, devinrent malades du choléra. Or 33 de ces hommes,
et des plus valides, avaient été employés à récolter des pommes
de terre pourries dans un champ très bas, peu au dessus de la
nappe d’eau souterraine (une sablière abandonnée) .Hls n’avaient
pas bu d’eau dans ce champ et n’avaient pas traversé la partie
de la ville visitée par l'épidémie ; 20 de ces 33 hommes eurent
Je choléra, et 4 autres seulement, dans tout l’hospice, contrac-
tèrent la même maladie.” (Naegeli).
Des observations faites à bord des navires anglais transportant
des troupes dans l’Ince donnent des résultats analogues. “ Des
détachements égaux de deux régiments sont embarqués dans nn
même transport à vapeur. Le choléra se déclare quelques jours
après et enlève beaucoup de soldats ; mais tous appartiennent a
un seul des deux régiments et viennent d’un camp où le choléra
se déclare avee violenee peu après leur départ. Au contraire, le
détachement de l’autre régiment venant d’un endroit exempt de
choléra, est entièrement épargné.” L'influence de la localité, du
sol, est ici évidente ; elle seule à été l'agent essentiel de la ma-
Jadie, puisque la contagion n’a pas pu se faire à bord du navire
(localité généralement saine), ni par le contact des hommes, ni
par celui de leurs vêtements et de leurs bagages, qui se trou-
vaient confondus. Le microbe du choléra, seul apporté à bord
du navire, n’a pu agir que sur le détachement miasmatique-
ment prédisposé (Naegelï) par un séjour antérieur dans une
localité insalubre (microbe de malaria).
Miasmes et microbes. —Ce-ei nous amène à dire quelques
mots de ce terme de mèasmes, si souvent employé autrefois, et qui
n’a plus de sens aujourd’hui. Avant que l’on connût l’existence
des microbes et celle des germes de Pair, on désignait sous le nom
de miasmes Jes principes inconnus et mystérieux que l’on croyait
être la cause des maladies violentes et contagieuses ; ces miasmes
étaient généralement considérés comme des gaz plus ou moins dé-
létères. Aujourd’hui qu’il est prouvé que cette canse réside dans
des particules solides et vivantes (les microbes et leur germes),
UN JARDIN BOTANIQUE 153
on abandonne de ples en plus cette expression de miasmes, ou
bien l’on s’en sert pour désigner les germes de Pair. Ainsi, il est
évident que le mot de miasme est synonyme de microbes ou de
germes atmosphériques. Il suit de la que l’on ne peut plus
appliquer qu’abusivement l'expression de miasmes aux véri-
tables gaz, dont quelques-uns exercent une action délétère sur
l'économie humaine. Tels sont l'hydrogène sulfuré et le sulphy-
drate d’ammoniaque qui se dévagent des fosses d’aisance et pro-
duisent la maladie qu’on appelle le plomb chez les vidangeurs.
Ces gaz sont délétères pour les microbes comme pour l’homme
et les animaux, et, méme les plantes. Les microbes ne peuvent
done coéxister dans les fosses, et leur action mitigée, ex-
plique peut-être pourquoi les vidangeurs semblent à l’abri de la
plupart des maladies contagieuses,
(A suivre)
UN JARDIN BOTANIQUE.
En compulsant les données sur la vie du Dr Gray, dont
nous donnons dans le présent numéro une notice nécrologique,
un fait nous a surtout frappé. Nous voyons que c’est avec le
Manuel d’Eaton à la main, que Gray se mit en 1827 à pour-
suivre l'étude des plantes de sa localité.
A peu près à la même époque, et avec le même Manuel à
la main, un savant du Canada se mettait aussi à étudier les
plantes qu’il pouvait rencontrer, et à les classifier dans un herbier.
Nous voulons parler de feu le Notaire Bédard, de S. Louis de
Lotbiuière, Tous deux à la même époque, à peu près du
même âge, avec le même livre, se livrent aux mêmes études.
Mais partant du même point, et avec les mêmes aptitudes,
voyons comme la carrière de ces deux savants,a eu une issue
différente. Le premier, appelé à de hautes fonctions, largement
154 LE NATURALIETE CANADIEN
rémunéré, a pu livrer au publie des ouvrages nombreux et de
grande valeur, faire retentir son nom dans presque toutes les
chaires scientifiques du monde, et s'assurer une } lace distinguée
parmi les sommités du savoir. Le second, non moins bien
doué, non moins laborieux, peut-être plus tenace même pour
faire des conquêtes sur l'inconnu, est mort pauvre, générale-
ment ignoré, ne laissant aucun volume signé de son nom, quoi-
que ayant acquis, dans la carrière même de l’enseignement,
des mérites non moins précieux, supérieurs même peut-être à
ceux de son collègue. Ses nombreux élèves distribués dans le
clergé, les ordres religieux, le droit, la médecine, ete., sont là
pour la preuve.
D'où vient cette différence ?
Uniquement de ce que le premier a trouvé la protection
que ses talents et ses aptitudes lui méritaient, et que le second
a été abandonné totalement A ses uniques ressources. Luttant
toute sa vie contre la pauvreté jour le soutien de sa famille, il
s’est épuisé dans des labeurs ingrats qui lui ont constamment
ravi les loisirs qui auraient pu permettre à son génie de se livrer
À son essor, pour aller prendre, dans Yaréopage des savants, le
rang distingué que sa vaste intelligence pouvait lui assurer,
illustrer son nom, tout en faisant honneur au pays qui la vu
naître.
Sans doute un pays dont la population se chiffre par quel-
ques centaines de mulles seulement ne peut accorder aux
sciences la même protection qu'un autre de 40,000,000 ; inais
sans faire autant, ne pourrait-on pas faire quelque chose ?
On a répété bien des fois que si les lettres et les sciences
ont pu être conservées en Canada, on le doit uniquement au
clergé. Mais ceux qui se plaisent à rendre ainsi hommage à la
vérité, songent-ils qu’il n’en pourra pas toujours être ainsi? Et
que si, par dévouement, le clergé a pu se substituer à l’état
durant l'enfance de notre nationalité, le temps est arrivé pour
l'état de faire aussi sa partie. Aujourd'hui que nous sommes pas-
OE — :
L’INDUSTRIE LAITIÈRE, SES ENNMMIS. 155
sés à l'adolescence, un devoir incombe à nos gouvernants d’accor-
der plus d'attention aux sciences qu’ils ne l'ont fait jusqu’à présent.
Nous voyons dans la notice citée plus haut que dès 1805
_LPuniversité Harvard établissait un jardin botanique. Cette
université n’était encore qu’a ses débuts à cette époque. Est-
ce que le temps ne serait pas encore venu pour notre Province
de songer à un tel établissement ? Une telle fondation exige si
peu de fonds qne son absence accuse davantage les vues peu
éclairées de ses gouvernants que le manque de ressources.
Pourquoi n’établirait-on pas un tel jardin sur les vastes
terrains qui avoisinent les bitisses du Parlement à Québec ?
Ne serait-il pas tout-à-fait intéressant, de pouvoir saisir là d’un
coup d'œil toutes les productions végétales de notre Province,
réunies dans une espace restreint, et rangées dans l’ordre de
leurs familles naturelles, portant chacune son nom scientifique,
avec ses noms vulgaires francais et anglais. Puis, tout à côté,
les plantes étrangères, particulièrement celles de nos Provinces
Sœurs, qui peuveut s’accommoder de notre climat, pour montrer
jusqu’à quel point elles peuvent y prospérer ?
Nous appelons tout particulièrement l'attention de nos
gouvernants actuels sur lapropos d’une telle fondation ; les res-
sources dont ils peuvent disposer leur permettent d'atteindre
cetie fin. . Qu'ils dotent notre capitale d’une fondation si impor-
portante
passage au pouvoir, et mériteront d’être cités avec honneur par
et nous dirons si facile—, ils éterniseront par là leur
4 . .
tous ceux que le progres matériel et intellectuel de leur pays
attachent à l'étude.
+ De -
LES CHAMPIGNONS ET LES INSECTES DANS
L'INDUSTRIE LAITIERE.
Ayant été invité à donner une conférence à la réunion de
l'Association de Industrie Laitière, tenue à St-Hyacinthe, le
156 LE NATURALISTE CANADIEN
13 janvier dernier, nous croyons intéresser nos lecteurs en
mettant sous leurs yeux le texte de nos remarques.
e
MONSIEUR LE PRESIDENT,
MESSIEURs,
Je regrette que l’on ait commencé par moi la série des
conférences ; je crains fort d’ennuyer l’auditoire en l’entretenant
d'insectes si peu connus qu’on en soupçonne pas même l’exis-
tence, si peu remarquables qu’il faut s’armer de verres convexes
pour les distinguer, et à noms si étranges et parfois si baroques,
qu’on désespère de les retenir. Mais comme il arrive souvent
que dans un repas, des mets appétissants et succulents font
oub'ier la soupe désagréable qu’on a d’abord servie, j'ai tout lieu
de croire qu’il en sera ainsi dans la présente occasion, et que
ceux qui viendront après moi feront oublier l'ennui du début.
Nous sommes, vous le savez tous, Messieurs, dans le règne
des microbes.
Il n’y a pas encore cing ans que le nom même de cet en-
nemi nous était inconnu, et aujourd’hui on le proclame comme
la cause de presque tous les maux qui nous affligent. La petite
vérole, la diphthérie, la coqueluche, les fièvres de tout genre,
les inflammations, la fermentation, la putréfaction, et presque
toutes les altérations qui détruisent nos provisions alimentaires,
ont les microbes pour principes, pour acteurs. Il importe done
bien de les connaitre, du moins d’être renseignés sur leur dé-
veloppement, leur propagation, leur reproduction ; car, comme
vous ne l’ignorez pas, le premier pas à faire dans toute guerre,
est de bien connaître l'ennemi que l’on a à combattre.
Comme notre Société concentre particulièrement son ac-
tion sur les produits de la laiterie, je vous entretiendrai done
spécialement des microbes qui s’attaquent à ces produits. Jus-
qu’à présent, m'a-t-on dit, on n'a pas eu encore à souffrir
grandement de la déterrioration de ces produits, parce que, gé-
néralement, leur écoulement s’opérant dans un temps assez
L'INDUSTRIE LAITIÈRE, SES ENNEMIS 157
court, On n’a pas à compter avec une longue conservation en
magazin; ajoutez que notre température d'hiver nous met à peu
près pendant 7 mois à l'abri des attaques d’un grand nombre de
ces ennemis. Mais il peut arriver que ces causes changent
tout-a-coup, et quand il faut faire face à un ennemi, on ne
saurait jamais prendre trop de précautions pour résister à ses
attaques, quelque peu formidables qu’on ait lieu de los supposer.
Et tout d’abord qui dit microbe, n'entend pas nécessaire-
ment parler d'insectes. Le nom microbe vient de deux mots
grecs, Micros, qui siguifie petit, et bios, qui veut dire vie. Ce
sont donc des êtres vivants infiniment petits Mais comme il
y a deux vies, la vie végétale et la vie animale, à laquelle des
deux se rapportent les microbes ? A lune et à l’autre, pourrais-
je répondre, et très probablement plus à la première qu’à la
seconde,
Le microscope nous a révêlé des mystères dont on ne soup-
connait pas même l'existence auparavant; et il n’a pas encore
dit son dernier mot sur une foule de problèmes dont on attend
encore la solution.
Ainsi les verres convexes nous ont permis de constater que
l’élement essentiel de toute vie est la cellule, tant dans les
animaux que dans les végétaux. Les tissus de notre corps, de
même que ceux Ges plantes, ne sont constitués que de cellules ;
ils ne prennent d’accroissement ou de développement que par la
production, l'addition, la muitiplication des cellules déjà exis-
tantes.
Mais qu'est-ce que la cellule? C’est un petit, un infini-
ment petit sac, de conformation des plus simples, sans articula-
tions, sans appendices, sans divisions, rempli d’un liquide qui
en occupe toute la capacité. Ce sont ces petits sacs, réunis par
milliers et par millions, qui constituent la chair de nos mem-
bres, les poils, les cornes, les os des animaux, de même que le
tronc, l'écorce, les racines des arbres les plus durs, aussi bien
que la substance spongieuse des champignons, et les animalcules
AM d L LS
=
158 LE NATURALISTE CANADIEN
invisibles à l'œil nu que le microscope nons montre dans pres-
que tous les liquides répandus sur le sol ou renfermés dans les
corps vivants.
Mais direz-vous, pent-être, ces petits sacs étant clos de toute
part, comment le liquide qu’ils renferment peut-il passer de l’un
à l’autre pour entretenir le mouvement vital? En vertu d’une
loi physique bien connue, l’endosmose, qui veut que toutes les
fois que deux liquides sont séparés par une cloison non imper-
méable, ils tendent à se mettre au même niveau en s’échangeant
leurs particules, d'après le rapport de leur densité. Les aliments
ingurgités dans notre estomac fournissent bien le sang, le chyle
et tous les autres liquides nécessaires à l'entretien de notre
corps, sans avoir d’autres conduits que la capillarité ou l’endos-
moe pour les porter aux vaisseaux qui leur sont propres ; ains 1
en est-il des cellules pour leur communication des unes avec les
autres.
Si nous soumettons au miscroscope des cellules éarses
dans un liquide qui leur convient, nous les voyons, sous la tem-
pérature qui leur est propre, en fort peu de temps, subir certains
mouvements, se gonfler, s’allonger, montrer souvent une certaine
cloison qui les divise, ou produire des espèces de bourgeons, qui
les multiplient, les cloisons de division se séparant pour former
des cellules complètes, qui se cloisonneront à leur tour, les bour-
geons se détachant pour bourgeonner à leur tour, et ainsi de
suite en augmentant la masse.
On voit sur la platine même du microscope les cellules pro-
duites, tantôt globuleuses, ovales, elliptiques, tantôt allongées
en filaments, quelquefois armées Ce cils où de pavillons à la
facon des animalcules infusoires ; où prendre là la division entre
les animaux et les végétaux ?......Aussi le problème reste-t-1l
encore à résoudre dans une foule de cus.
Mais hâtons-nous de déclarer que tous les microbes ne sont
pas nécessairement nuisibles. La Divine Sagesse qui a livré le
monde à l'exploitation de l'homme, lui a permis, dans une foule
L'INDUSTRIE LAITIÈRE, SES ENNEMIS 159
|
‘de cas, d'utiliser le travail de ses ennemis avec avantage et
erand profit. Ainsi le microbe qui produit la décomposition Ju
beurre et du fromage, pourra être utilisé pour produire la fer-
mentation acétique du vinaigre, la fermentation alcoolique du
vin, de la biere, et plus avantageusement encore la fermentation
butirique du lait, ete.
Ces prémisses posées, venons jlus spécialement aux enne-
mis qui s’attaquent particulièrement aux produits de la laiterie,
et qui, abandonnés à eux-mêmes, peuvent en fort peu de temps
en ruiner la production. Ces ennemis sont de deux classes, les
végétaux et les animaux, les premiers sont d'ordinaire les plus
redoutables.
De tous les microkes nuisibles, rangés parmi les vég'taux,
la moisissure est sans contredit le plais redoutable, non yas seu-
lement pour la conservation du fromage, mais por la conserva-
tion de tous nos produits alimentaires, pain, viandes, fr its, ete.
Le champignon de la moisissure qui s’attaque au benrre et
au fromage porte le nom de Pencillium crustuceum. Voyons
d’où il nous vient, et quel est son mode d’évolution.
Les anglais donnent à ce champignon le nom de mol, et
les francais l’appellent aussi simplement moisissure. Mais il
est important d'en. connaître aussi le nom scientifique, car e’est
par ce nom que vous parviendrez à vous renseigner sur tout ce
qui le concerne dans les auteurs qui en ont spécialement traité.
La moisissure se trouve partout à la surface du sol, se
présentant en petites taches bleu-verditre sur les matières ani-
males et végétales qui lui ont offert les conditions de chaleur
et d'humidité nécessaires pour son dévelo;pement. Ces taches,
examinées au microscope, où même avec une forte loupe, nous
montrent un assemblage de filaments blancs, extrêmement
déliés, portant à leur extrémité des spores ou petites têtes sous
forme de grains de poussière bleu-veidatre. Si ces spores sont
répandues sur une substance de méme composition chimique
que celle qui les à produites, elles se reproduisent ensuite de
160 LE NATURALISTE CANADIEN
génération en génération. Mais si on les répand sur de l’eau
distillée, elles se gonflent alors, se fendent, et laissent échapper
un grand nombre de petits corps appelés zoospores. Ceux-ci se
mettent aussitôt à s’allonger et à se partager par des cloisons, et
ces divisions se séparant les unes des autres, deviennent à
leur tour des mères pour en produire d’autres, si bien qu’en
quelques heures seulement, leur multiplication se sera accrue
en nombre indéfini. D’après Hallier, qui a spécialement étudié
les champignons microscopiques, on trouverait chaque nuit, dans
la bouche et la gorge des organes de la digestion, de ces filaments
cloisonnés formant de petites chaînes, en nombre considérable
Mais si au lieu de jeter les spores de la moisissure sur de
l'eau distillée, on les répand sur un liquide riche en azote,
comme le blanc d'œuf, la colle de farine etc. elles se gonflent
bientôt, et Jaissent échapper leurs zoopores, qui produisent
chacun un bourgeon qui se détache pour devenir lui-même une
mère en produisant d’autres, et ainsi de suite pour une multi-
plication presque sans fin.
On donne à cette forme de spores le nom de micrococcus ;
et c’est ce micrococcus bourgeonnant qui devient le principe de
la fermentation putride ou putréfaction.
Si les cellules du micrococcus sont répandues sur une sub-
stance pauvre en azote, elles se multiplient alors par une autre
espèce de bourgeonnement en produisant la fermentation alcoo-
liyue, dont les agents prennent le nom de eryptococcus.
Si l’on répand les spores du pencillium sur du lait qui a
bouilli, pour en détruire les germes étrangers qu’il pourrait con-
tenir, on a alors le même effet que si on les eut répand ies sur une
matière riche en azote, les zoospores ou micrococcus, et en moins
de deux jours, on voit le lait sûrir et cailler. Et lorsqu'une
petite quantité d'acide lactique a été ainsi formée, le champi-
gnon a assumé une nouvelle condition. Les cellules du mi-
crococcus se gonflent comme pour passer en cryptococcus, mais
avec un résultat tout différent, elles s’allongent alors en cellules
L'INDUSTRIE LAITIÈRE, SES ENNEMIS lol
quadrilatérales, ayant souvent leurs bouts carrés, possédant un
lustre particulier, et se multipliant par subdivision des chat-
nettes, et formant ainsi des arthrococeus ou cellules septées,
comme nous les voyons dans l'acide lactique du lait sûr.
Si maintenant on répand les spores du pencillium dans du
vin ou de la bière complètement fermentés, où tont le sucre a
été converti en alcool, nous avons alors une autre forme de fer-
ment qui est celle propre au vinaigre.
D'où il suit que le pencillium crustaceum peut fournir
6 formes de cellules différentes suivant les substances sur les-
quelles on applique ses spores, et chaque forme produisant un
effet constant et toujours le même sur le milieu où elle se
trouve. Et telle est sa rapidité de multiplication, qu’en moins
de 24 heures, une seule cellule peut produire plus de 400,000,
000 de micrococcus.
D’après ce qui vient d’être exposé, on voit donc que la
semence du pencillium peut se développer sous six formes diffé-
reetes, savoir :
1° En multipliant ses propres cellules.
2° Les cellules produisant des zoospores ou micrococcus!
30 Les micrococeus sur des matières riches en azote se mul-
tipliant par bourgeonnement en produisant la fermentation pu-
tride.
4° Les micrococcus sur des matières pauvres en azote et
sucrées se multipliant par bourgeonnement en produisant la
fermentation alcoolique.
5° Les micrococcus produisant des filaments cloisonnés qui
se multiplieut par divisions en produisant la fermentation lac-
tique.
Et 6° les micrococcus appliqués sur un liquide dont le
sucre a déjà été converti en alcool se développant en petites
chaînettes en produisant la fermentation acétique ou du vinaigre,
(A suivre.)
162 LE NATURALISTE CANADIEN
NÉCROLOGIE
DR'ASA GRAY.
Les sciences naturelles viennent de faire une perte sé-
rieuse dans la persoune de M. Asa Gray, professeur de botani-
que à l’université Harward, Cambridge, Mass., décédé le 30
janvier dernier, à l’âge de 77 ans.
Le champ de la botanique américaine n’est pas encore dé-
limité de toute part, et plusieurs de ses divisions r2stent encore
impaifaitement explorés ; cependant il faut reconnaître qu'Asa
Gray a contribué plus que tout autre à formuler le code qui
fait maintenant autorité, sur notre continent, pour l'étude si
intéressante de ses plantes.
Asa Gray est né, en 1810, à Paris, comté d’Onéida, état
de New-York. Son père, qui était tanneur, l’employa dès son
jeune âge à divers travaux dans son usine, et surtout au char-
royage du tan. Mais le jeune homme, qu’une intelligence peu
commune portait à de plus nobles aspirations qu’à parfaire ces
travaux manuels, ne manquait pas de se livrer à l’étude tout
autant de temps qu’on lui faisait des loisirs. Aussi, après un stage
de quelques années à la Grammar School de Clinton, put-il
entrer au collége Médical de Fairtield, et être gradué docteur en
médecine à Page de 21 ans.
Mais quoique gradué médecin, Gray ne pratiqua jamais la
médecine. Les livres avaient pour lui trop d’attraits pour qu'il
ne se livrât pas presque exclusivement à en scruter les arcanes.
La chimie, la géologie, et surtout la botanique attirèrent parti-
culièrement son attention. Aussi est-ce à cette dernière science
qu'il se voua définitivement pour le reste de ses jours.
Sa curiosité piquée par un article qu’il lut, dans Phiver de
1827, daus la Brewster’s Edinburgh Encyclopedia, lui fit
désirer ardemment le printemps pour faire la connaissance de
toutes les plantes qu'il pourrait rencontrer. N’ayant encore
entre les mains que le Manuel d’Eaton, dont la classification est
—_ PS NOUS OPA eee DRE,
‘s 4 é ; ee
DR ASA GRAY Ge
d’après le système de Linné, abandonnée presque compléetement
aujourd'hui, la première plante sur laquelle il exerca ses con-
naissances analytiques fut la Claytonia Curoliniana de
Michaux. Cette |remière victoire, qui lui coûta une assez forte
somme de travail, lui inspira un désir irrépressible d’en pour-
suivre nombre d’autres ; aussi parvint-il en peu de temps à se
rendre familières tous les plantes de son voisinage.
Associé, en 1833, au Dr Torrey, alors professeur de chimie
et de botanique au N.-Y. College of Physicians and Surgeons,
il commenca bientôt la publication de ses centuries de Grami-
nées et Cypéracées Américaines. En 1834 il publia 4 Mono-
graph of the North American Rhyncospore, et en 1836 son
premier ouvrage sur les principes de la science des plautes
intitu.é: Klements of Botany.
En société avec le Dr Torry, il publia en 1836 la premidre
partie de la Flora of North America, où les plantes sont
rangées dans l’ordre naturel. Cet ouvrage, fort précieux alors,
ne put malheureusement parvenir à si complétion, et n’alla pas
plus loin, après plus d’une interruption, qu’au deuxième volume,
sur les cinq ou six qu’il devait comprendre,
Dans automne de la même année 1838, Gray passa en
Europe, et visita l'Angleterre, |’ Ecosse, la France, l'Allemagne,
la Suisse, l'Italie et l'Autriche, inspectant partout les herbiers
et se mettant en rapport avec toutes les sominités de sa science
favorite.
Appointé professeur de botanique à l’université Harvard
en 1842, c'est à lui que l'institution doit en grande partie la
collection de son vaste herbier, la construction de ses serres ma-
guifiques, et la résurrection, on pourrait dire, de son jardin bo-
tanique, dont la fondation remonte cependant à 1805.
C’est aussi en 1842 que parut la première édition de son
Botanical Text-Book, et en 1848 Genera Americæ Boreuli-
Ore talis Illustrata; puis, parurent successivement : How
164 LE NATURALISTE CANADIEN
Plants grow (1858), How Plants behave (1872), Field, Forest
and Garden Botany (1868), Elements of Botany (1887) etc.
Mais il faut remonter à 1848 pour trouver l'ouvrage le plas
important du savant botaniste, A Manuel of the Botany of the
Northern United States, qui a vu sa cinquième édition en 1867.
A part ces ouvrages, le Dr Gray publia encore une foule
d’écrits dans les journaux et les revues scientifiques, tous mar-
qués au coin du savoir, de la clarté et de la précision.
Le Dr. Gray n’appartint jamais à l’école de Darwin, où se
rangent aujourd’hui la plupart de ses compatriotes dévoués aux
sciences. Il écrivit même plusieurs articles pour combattre
cette théorie. “Je l’admets sciertifiquement, écrivait-il une
fois, mais philosophiquement, je la repousse, car je suis un
déiste convaincu.”
On voulut célébrer en 1885 le 75e anniversaire de la nais-
sance de Gray, et une corbeille d'argent qu'on lui présonta
alors, recueillit les cartes de 180 botanistes de l'Amérique du
Nord. .
Le Dr. Gray traversa cing fois en Europe, et en 1869 il
passa en Egypte, remonta le Nil et pénétra jusqu'en Nubie.
Il ne manqua pas de visiter aussi la côte du Pacifique de notre
continent; trois fois il passa en Califournie.
Encore tout occupé de ses travaux scientifiques, il fut
frappé de paralysie en novembre dernier, et jugé dés lors ne
pouvoir se rétablir. Luttant depuis cette date entre la vie et
la mort, il succomba à la fin le 30 janvier dernier.
Le Dr. Gray appartenait, à différents titres, à 70 sociétés
savantes. Il épousa en 1848 la fille de l'Honorable C. G. Loring,
avocat de Boston, mais nous ne voyons nulle part qu'il ait
laissé des enfants.
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i DANCE DANS FFE DO
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Mai, 1888 No. 11.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
PRIMES
La deuxième prime du mois de février, No 67, ainsi que
les deux du mois de mars, N° 498 et N° 40, n'ont pas encore
été réclamées.
AVRIL, NUMÉROS GAGNANTS.
1ère Prime.—Murex regius, Lam. Rocher royal.........N° 19
2e « —Cyprea mappa, Lin., Porcelaine géogra-
png lee eo - =. ce eee erates ccewacrecoa ee
MAI, NUMEROS GAGNANTS.
lére Prime.—Crombie’s Lichens Britanmict..............N° 128
2e « —.Purpura hemastoma, Lin... N° 88
N. B. — Labonné ayant l’exemplaire portant lün ou
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, et ayant payé son abonnement d'avance,
devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date, et
envoyer des timbres pour affranchir le postage.— Voir sur La
couverture.
ee ee
11—Mai 1888.
166 LE NATURALISTE CANADIEN
Absent depuis deux longs mois de notre bureau, plusieurs
de nos correspondants ont eu sans doute à se plaindre de ne
recevoir aucune réponse à leurs lettres. Qu'ils veuillent bien
prendre patience encore quelques jours, nos premiers soins vont
être de donner satisfaction à tout ce qu’on pouvait réclamer de
nous. Nous avons espoir aussi de publier dans le cours de ce
mois, les deux numéros à paraître pour compléter le présent
volume.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-SOUS-LE-VENT.
PREMIÈRE PARTIE.
DE QUEBEC A ST-KITTS.
Le Départ.—De Québec à New. York.—New-York en mars.—Le Muriel.—
Mes compagnons de route.—Le mal de mer.—Raisins des tropiques ;
méduses ; poissons volants; mer d’huile; baleines ; paille-en-queue.
— Sombréro la première terre rencontrée, St-Martin, St-Sabas, An-
guilla, Barbuda, St-Eustache, St-Kitts.
Le foyer domestique a des attraits que la jeunesse peut
parfois méconnaître, mais que l’âge mûr n'hésite jamais à pro-
clamer, et qu’on apprécie de plus en plus à mesure que les an-
nées s'ajoutent aux années, surtout lorsqu'on ne voit plus son
enfance qu’à la distance d’un demi-siècle.
Après avoir été balloté sur bien des eaux différentes, ayant
sillonné les mers d’eau douce de notre Canada, traversé quatre
fois Atlantique, autant de fois la Méditerrannée, avoir vu les
rives de la mer Rouge, enfilé le canal de Suez, admiré la déso-
lation des bords de la mer Morte, et m'être baigné dans les eaux
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 167
fraîches ct limpides du lac de Génésareth, lorsque je sentais
déjà le poids de soixante huit hivers s’appésantissant sur ma
tête, Je pensais que rien ne viendrait plus me soustraire aux
charmes de ma retraite, pour me livrer de nouveau aux mouve-
ments des voyages, et me faire faire connaissance avec des mers
encore nouvelles pour moi.
Mais je calculais sans compter avec mon goût, je dirais
mieux avec ma passion, pour l'étude de la nature. Aller goûter
des clinats tropicaux, admirer la nature dans ses productions
les plus riches et les plus variées, et cela au milieu de popula-
tions partageant en partie notre origine et parlant notre langue,
était une occasion que je ne pouvais refuser, du moment que
l'exécution d’un tel voyage m'était rendue, possible. Ajoutez
l'espoir d’avoir pour compagnon de route un ancien ami parta-
geant mes goûts et mes aptitudes. Qui peut nier que la pré-
sence d’un ami dans le voyage en pays étranger, en toute cir-
constance en double les charmes.
Vingt fois en lisant des voyages de naturalistes, tels que
ceux de Darwin, de Humbolt, d’Agassiz et autres, j'avais en
imagination savouré leurs jouissances, et, aux détails de leurs
narrations, rêvé de voir de mes yeux les phénomènes et les
spectacles dont la seule description me captivait si fortement.
Toujours j'en renvoyais l’ilée comme une tentation importune,
irréalisable pour mes ressources, lorsque la rencontre d’un ami
qui revenait des Antilles, où le désir d'améliorer sa santé l'avait
entraîné, me permit d’entrevoir par ses récits, la possibilité de
réaliser ce rêve entretenu depuis de longues années déjà, et
toujours repoussé comme chimérique. Le secours de quelques
amis s’y joignant, il fut enfin décidé que le 26 mars, en compa-
gnie de M. l'abbé Huart, professeur de rhétorique au collége de
Chicoutimi, je me mettrais en route pour New-York, afin de
prendre la l’un des steamers de la Quebec Steamship Company,
qui font le trajet bi-mensuellement entre cette ville et les
petites Antilles ou Lles-sous-le-vent.
168 LE NATURALISTE CANADIEN
La compagnie précitée, en considération du but qui nous
portait à entreprendre ce voyage, dans l’intérêt de la science
avant tout, ayant bien voulu nous faire une réduction de moi-
. tié dans le tarif de ses prix, je me fais un devoir de lui en
exprimer ici publiquement toute ma reconnaissance.
Le Natwraliste ne s'adressant qu'aux admirateurs de la
nature, ou du moins à ceux qui portent quelque intérêt à l'étude
de ses productions, j'ai pensé qu’un récit simple mais fidèle de
cette excursion aux climats tropicaux ne manquerait pas d’in-
térêt pour la plupart de ses lecteurs.
Abandonnant aux littérateurs proprement dits les charmes
du beau discours, les périodes harmonieuses, les descrictions
fantaisistes qui souvent semblent n'avoir pour but que de fa-
conner des phrases pour fasciner les yeux des lecteurs ou flatter
l'imagination, en donnant l'avantage à l’image sur la réalité, je
veux ici mettre sous les yeux de mes lecteurs le journal pur et
simple de mes pérégrimations, consignant jour par jour les ren-
contres que j'ai pu faire, et les impressions que j'ai éprouvées
à la vue de tout ce qui s’offrait à mes regards de nouveau pour
moi.
Ce récit, écrit tantôt sur un bateau en course balloté par la
la mer, tanrôt sur une table d’hétel au milieu de mille distrac-
tions, et souvent aprés des courses pénibles et épuisantes, quel-
quefois même au crayon, sur un carnet, au milieu de la forêt,
ne réclame d’autre mérite que celui de l’exaetitude et de la sin-
cérité, laissant même souvent à désirer des études plus étendues
sur des sujets à peine effleurés, pourra, cependant, j’ose le croire,
n'être pas sans quelques charmes pour les amateurs de la nature,
et servir de guide peut-être aussi, à plus d’un voyageur qui se-
raient tentés de suivre la même route, si surtout ils avaient
déjà accordé quelques moments d'attention aux produits de la
nature.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 169
CapRouge, lundi, 26 mars 1888.—C’est aujourd'hui le
jour fixé pour le départ.
La séparation de ceux qui nous sont chers a toujours quelque
chose de poignant pour un cœur sensible, quelque grandes que
soient les joies qu’on se promette durant l’absence. Et quand il
faut dire adieu de plus à ses aises, à ses habitudes, aux cent
bagatelles même auxquelles on s'attache à sou foyer, pour un
temps dont on ne peut exactement déterminer la durée, c’est quel-
que chose de plus pénible encore. Adieu donc livres, collections,
paperasses qui font mes occupations de chaque jour ; peut-
être ne vous reverrai-je jamais ? Qui sait si je ne vas pas dans
ces climats lointains pour y laisser mes os ?... Qui sait si je ne
vas pas préparer de ma pauvre individualité un repas aux
habitants des mers sur lesquelles je vais m’aventurer ?... Quant
aux deux personnes qui composent seules toute ma domesticicé,
elles veulent bien m’accompagner jusqu’à Québec, pour me
permettre d'apprécier d'avantage leur attachement à ma personne,
mais en me rendant la séparation encore plus pénible,
Le temps est sec et froid, quatre bons pieds de neige
recouvrent encore le sol; la voiture avec toutes ses fourrures
est à la porte, il est 8 h. passées, il faut partir. L'instinct a fait
pressentir à mon pauvre chien Sibi, qui m'est si attaché, ce
qui va arriver. Il paraît déjà triste, abattu, et d’un air inquiet
épie tous nos mouvements. Mais il a déjà deviné la séparation
qui va avoir lieu, et se soustrait à mes dernières caresses en
cherchant une retraite obscure.
L’air est vif et piquant ; la neige tombée de la veille a gâté
le chemin ; cependant nous atteignons la ville en assez peu de
temps.
Je me rends de suite à l’archevêché pour me munir des
dernières autorisations. Heureusement que j'avais eu la précau-
tion d'écrire quelques jours d'avance, car il m’est impossible de
voir le Cardinal. Il est, me dit-on, en conseil avec les ministres,
pour le règlement de la question des biens des Jésuites.
Après différentes petites affaires réglées, je me rends à St-
170 LE NATURALISTE CANADIEN
Roch, chez un mien neveu, pour y prendre en famille le dernier
repas.
À 1h. P. M., mon compagnon de voyage, M. Huart, vient
me prendre, et nous nous rendons sans plus tarder au quai du
Grand-Tronc, pour la traverse. Quelques connaissances viennent
encore nous souhaiter un bon voyage a bord du bateau ; mais,
pour moi, j’aspirais après la solitude, j'avais hâte d’être aban-
donné seul à mes propres réflexions.
Il y a peu de passagers dans le char, et parmi eux aucun
que je connaisse. A 2 h. nous sommes en mouvement et filons
vers l’Ouest.
A la station de St-Etienne, M. Montminy, curé de St-
Agapit, qui a fait le voyage des Antilles l’année dernière,
monte dans notre char pour nous confier différents petits
messages à des amis qu’il s’est faits là, et nous donner une
foule de renseignements qui pourront nous être très utiles.
C’est avec chagrin qwarrivés à la station de sa paroisse nous
lui serrons la main pour nous séparer de Ini.
A la station d’Arthabaska, viennent se joindre à nous deux
familles Canadiennes, avec nombreux enfants, émigrant aux
Etats-Unis. Les enfants, comme d'ordinaire, sont tout en joie à
la vue de tout ce qui s'offre à leurs regards; mais une fillette
de 15 à 16 ans semble mieux apprécier la situation et étouffe
en sanglots. Un grand garcon, de stature remarquable, en fait
autant en serrant la main à un vieillard, probablement le
grand père, qui lui fait d'excellentes recommandations. La mère
paraît tout occupée de ses enfants dont elle allaite encore le
dernier. Quant au père, qui vient chercher sa famille pour
Yamener la où il a travaillé depuis quelque temps, il paraît
déjà avoir pris toute la suffisance de ces Canadiens à qui il
manque quelque chose, qui, après s’étre défaits de biens qu’ils
n’ont pas su conserver, ont été se faire les serviteurs des Amé-
ricains, et veulent se faire gloire de ce qu’ils ont pu apprendre
dans leurs pérégrinations à gauche et à droite. Il a le verbe
haut, écorche quelques mots anglais, montre à ses enfants
|
1
L
>
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 171
comment on ouvre une porte de char, comment on retourne un
bane &e. C’est le lourdaud, Vignare, l’imbécile, qui se croit un
personnage. Rien de plus insupportable !
A la station de Danville, le fort vent de N.-E. qu'il faisait
depuis le matin, coumence à nous donner de la neige. Arrivés
à Richmond, la neige continue, mais le thermomètre semble
monter.
Nous avons plus d’une heure à passer ici, nous en profitons
pour aller saluer le curé de l’endroit, M. l'abbé Quinn, une
ancienne connaissance pour nous, qui nous invite à prendre le
thé, et avec lequel nous passons fort agréablement une couple
de quarts d'heure.
A 6. 20 heures nous reprenons le train et filons vers Sher-
brooke. La giboulée de Richmond s’est changée ici en pluie bat-
tante. Nous remarquons que la neige dans les champs est par-
tout moins abondante ici qu'aux environs de Québec; cepen-
dant elle recouvre encore le sol de toutes parts à une épaisseur
de 12 à 15 pouces. |
‘Nous atteignons Newport vers les dix heures, et nous ne
devons en repartir qu’à 11.10 heures. Neige et pluie tout a
cessé, il ne tombe plus rien, mais le temps reste toujours cou-
vert. Remis en mouvement à l’heure indiquée, chacun s’ins-
talle sur son banc pour y passer la nuit le plus eommodément
possible, ou plutôt le moins incommodément possible, car une
nuit dans les chars ne peut jamais être qu’une nuit fort désa-
gréable, Cependant les voyageurs sont peu nombreux, et nous
en entendons plusieurs ronflant de manière à donner l’idée des
lits les plus confortables.
Nous passons Holyoke, New-Haven, Hartford, etc., et par-
tout le linceul de neige, quoique moins épais, couvre encore le
sol.
Nous entrons dans la gare de New-York à 11.15 heures
A. M.; le temps est froid, humide, et je ne suis pas peu étonné de
trouver encore partout dans les rues des amas de neige, reliquats
TE
LA LE NATURALISTE CANADIEN
de la récente tempête qu’ils ont éprouvée, tempête qui en avait
amoncelé en certains endroits jusqu’à 10 et 12 pieds.
Dela gare nous nous dirigeons directement au bateau pour
y déposer notre bagage et nous assurer de l’heure du départ. Le
Muriel qui doit nous transporter aux Antilles est à son quai,
No. 47, livré tout entier à l'équipage qui s’empresse d’y entasser
le reste du chargement. Ce bateau en fer, qui jauge 1200 ton-
neaux, nous parait bien étroit pour sa longueur, et fort élevé
au-dessus de l’eau ; les cabines, quoique petites, ont lair assez
confortables.
On nous dit que le départ aura lieu le lendemain à 3 heures
P. M.
Comme il est l’heure du dîner, et que nous sommes dans
la semaine sainte, nous remettons au lendemain à faire une plus
ample inspection de notre bateau, et nous rentrons dans un
restaurant de la rue Broadway pour nous réconforter et nous
diriger aussitôt, par les chars élevés de la 3e avenue, à l’église
Canadienne de la 76e rue.
M. l'abbé Tétreau avec son vicaire M. Corriveau, nous
accueillent avec leur urbanité bien connue, et nous font passer
le plus agréable aprés-diner. Nous faisons aussi là la rencontre
des Drs Fontaine et Michon qui sont pour moi tous deux d’an-
ciennes connaissances.
Mercredi, 28 mars.—New-York nous offre aujourd’hui la
même température qu'hier, temps couvert, humide, désagréable.
Les rues qui, par endroits, avec leurs bancs de neige ou leur boue
épaisse sont de véritables cloaques, nous offrent si peu d’attraits,
que nous préférons les charmes de la conversation du foyer, au
plaisir de les parcourir. Nous remettons au retour à faire plus
ample connaissance avec elles.
Comme le départ était fixé à 3 heures P. M., à 2 heures
nous faisons nos adieux à nos hôtes si charmants, et nous nous
rendons au bateau par les chars élevés de la 3e avenue et les
tramways de la 18e rue.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 173
Les passagers arrivent les uns après les autres, et le para-
chèvement du chargement se poursuit avec diligence. Cependant,
malgré toute l’activité qu’on y emploie, on nous dit que ce n’est
pas avant 7 heures qu’on pourra en atteindre la fin. Mais voila
que bientôt un épais brouillard se répand sur toute la rivière
Hudson jusqu’à nous dérober la vue de la côte du New-Jersey,
On entend continuellement le concert le plus discordant des cen-
taines de bateaux se croisant en tout sens, et faisant crier leurs
sifflets pour éviter les collisions.
Le chargement est bien complété a 7 heures, mais le brouil-
lard est trop épais pour qu’on puisse se hasarder a se mettre en
marche ; aussi nous annonce-t-on qu’on peut dormir tranquille,
qu'on ne laissera le quai que le lendemain matin.
Vers Sh. nous montons sur le pont. Le spectacle a changé
d'aspect ; les sifflets à vapeur sont rentrés dans le silence, les étoiles
brillent même au firmament ; les mille feux aux couleurs va-
riées se croisant en tout sens dans le fleuve et se mariant aux
nombreuses lumières des rues et des édifices de Jersey-City, nous
présentent un coup d'œil vraiment féérique Mais la tempéra-
ture froide et humide qui se poursuit nous engage à nous
retirer d’assez bonne heure dans nos cabines.
Jeudi-Saint, 29 mars.—1Il n’était pas encore 5 h. que les
piétinements de l’équipage nous faisaient comprendre qu’on
allait définitivement quitter le quai. Je m’empresse de laisser
ma cabine que j'avais trouvée bien trop chauffée, malgré le petit
carreau tenu ouvert, pour monter sur le pont, enveloppé dans
ma chape. Nous étions déjà en mouvement, mais nous avan-
cions lentement, par ce que le brouillard se montrait encore,
quoique moins dense que la veille. La brume semble se dissi-
per à mesure que nous avancons, et bientôt nous voyons dé-
taler à notre la gauche Long-Island et à notre droite celle de
Staten-Island ; nous passons la quarantaine et gagnons rapide-
ment la pleine mer.
Une forte brise venant de l'Est semble fraîchir encore da-
174 LE NATURALISTE CANADIEN
vantage et nous donne une mer passablement houleuse. Au dé-
jeûner, à 9h., chacun est à son poste, et nous lions connaissance
avec nos compagnons de route.
Nous sommes en tout 7 passagers, sans aucune dame, ce
dont nous nous réjouissons fort ; car si la belle moitié du genre
humain a des charmes particuliers, il faut reconnaitre qu’elle a
aussi des exigences parfois assez gênantes. Il faut être partout
poli et convenable sans doute, mais on peut se montrer tel
sans être obligé d’être galant.
Nous avons la bonne fortune de trouver parmi nos compa-
enons de route deux francais, l’un de la Martinique et l’autre de
la Guadeloupe. Ce dernier, M. Castéra, est un jeune homme
qui avait un emploi parmi les travailleurs du canal de Panama,
Pris des fièvres paludéennes, après un séjour à l'hôpital de
Colon, il était enfin parvenu à obtenir son passage sur un vais.
seau se dirigeant à New-York. Impossible de songer à se rendre
directement à son île, vu les quarantaines qu’on imposait aux
vaisseaux venant de Panama qui avaient déjà transporté la
variole à la Martinique, et qu’on ne voulait pas voir se répandre
ailleurs. Ce jeune homme, maigre, faible, au teint livide, n’ayant
que des habits très légers, malgré la toux qui le tourmentait,
faisait pitié à voir, et nous donnait à craindre d’avoir peut-être
à lui donner une sépulture marine avant d’atteindre son île.
Celui de la Martinique est M. de Pompignan, l’un des
rédacteurs du journal La Défense Coloniale. Ce monsieur a fait
son droit, a pris part à la guerre de 1871 et au siège de Paris
parle l’anglais, et est très intéressant. I] nous donne une foule
de renseignements sur son île et la triste situation des colons
français dans larchipel des Antilles. Il habite les Etats-Unis
depuis près de trois ans, ayant parcouru la plupart des Etats de
l'Ouest et ceux de la nouvelle Angleterre. Notre qualité d’abbés
n’a rien qui l’effraye, car du premier abord il nous déclare qu’il
est royaliste et catholique sincère.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 179
En outre de ces deux messieurs, nous comptons un tout
jeune ministre protestant du Nouveau Brunswick, M. Johnson,
qui s’en va évangéliser ses coreligionaires de Trinidad et de la
Guyane anglaise; puis un jeune Allemand de New-York, M.
Kuhlke, et un vrai type de Yankee dans la personne d’un grand
effilé, mince, au ton masillard des mieux prononcés, et aux
allures à lui propres, M. Moore.
Tourmenté depuis quelques jours par une bronchite assez sé-
rieuse, J'étais arrivé à New-York tout enroué, et très fatigué
de ma nuit sans sommeil passée dans les chars. La température
désagréable que nous avons ces jours-ci n’est pas propre à me
remettre ; aussi la houle qui ballotte notre vaisseau réussit-elle
à me donner le mal de mer plutôt que je n’ai coutume de le
prendre. J’ai presque honte, en ma qualité de vieux marin, de
donner le mauvais exemple à M. Huart, mais malgré toutes mes
bonnes résolutions et le diner que j'avais pris en blanc aujour-
@hui, il m’a fallu restituer mon repas du matin. Je laisse aussi
passer le dîner de 6 h. sans songer à quitter mon lit,
Vendredi-saint, 30 mars.—A 6 heures, je suis sur le pont ;
le Soleil n’est encore que fort peu élevé au-dessus de l’horison.
Je remarque que les décors du lever de Vastre du jour sont
beaucoup plus brillants que dans nos climats. Chez nous ce
sont des clairs brillants qui sont ménagés pour faire plus ample
part aux ombres; ici c’est tout le contraire ; tout l’orient est
embrasé, les ombres semblent faire exception dans le tableau qui
reflette de toute part les émaux les plus brillants.
Le mouvement du vaisseau me semble bien moins sensible,
mais je ne me sens pas encore le cœur bon, et je recours à mon
grand remède dans mes indispositions, la diète la plus sévère. Je
consens à peine à prendre quelque chose au déjeûner, je laisse
passer le luuch et ne prends encore qu’une légère collation au
diner. Je suis heureux, d’un autre côté, d’être pour ainsi dire
forcé d'offrir mon malaise en compensation du jeûne de ces saints
jours que je ne puis observer comme il conviendrait de le
176 LE NATURALIETE CANADIEN
faire. Il va sans dire que toutes les viandes de la table sont
indistinctement refusées.
Samedi-saint, 31 mars.—La mer semble regretter de nous
avoir si rudement malmenés ces jours-ci, aussi a-t-elle Pair de
vouloir prendre des allures beaucoup plus paisibles.
Vers les 8 heures, nous entrons dans le Gulf-stream, et
remarquons que la température se fait beaucoup plus douce. Le
soleil brille dans tout son éclat, et le froid humide qui nous
accompagnait depuis New-York, semble nous faire ses adieux
définitifs.
Toutes les tribulations des deux derniers jours semblent
déjà oubliées. Tout le monde est sur le pont, dispos et gai, aussi
les conversations s’engagent-elles de toutes parts vives et animées,
Notre Guadeloupien semble avoir répudié toute idée de donner
de sa dépouille un repas aux habitants de l'océan, il tousse
moins, paraît plus fort et se montre même plus agile. Quant à
notre Martiniquois, en sa qualité de militaire, de journaliste, de
voyageur qui a beaucoup vu et beaucoup lu, il est celui qui
nous intéresse le plus, surtout par les détails qu’il nous donne
sur son ile.
(A suivre)
ETUDE SUR LES MICROBES
PAR LE DR J. A. CREVIER, MONTREAL
( Continué de la page 153)
Le public, en temps d’épidémie, est beaucoup trop porté a
accuser les fosses d’aisance dont les émanations, dans les cir-
constances ordinaires, ne sont offensives que pour l’odorat, sauf
exception des maladies contagieuses, choléra, fièvres conta-
gieuses, variole, dyssenterie, fièvres putrides, ete. etc; dans ces
cas, il faut désinfecter les fosses d’aisance par le chlorure de
ÉTUDE SUR LES MICROBES AT
chaux, ou le sulphate de fer ou couperose. Lorsque les fosses,
de même que les égouts, sont bien construites, elle ne peuvent
présenter de danger. Mais il faut que l’eau coule en quantité
suffisante dans les unes et les autres, pour recouvrir toujours
les matières solides. Nous savons que sil s’y trouve des mi-
crobes, chose inévitable dans les maladies contagieuses, ces mi-
crobes ne seront dangereux que lorsqu'ils seront desséchés pour
flotter dans l'air.
Dans une épidémie contagieuse, par exemple en temps de
fièvre typhoïde ou autre maladie contagieuse, les linges de corps
et la literie salis par les malades sont beaucoup plus dangereux
que les fosses d’aisance qui renferment cependant une quantité
bien plus considérable de microbes. Ce sont donc ces linges,
ainsi que les logements et les meubles contaminés, qui doiveut
être immédiatement désinfectés par les moyens que les commis-
sions sanitaires ont portés à la connaissance du public.
Le systéme de “tout à l'égout”, qui tend à être appliqué
aujourd’hui dans toutes les grandes villes, et qui a rencontré
tant d'opposition, est certainement excellent, pourvu qu'il soit
bien conçu et bien appliqué. Les vidanges, de même que les
corps morts, doivent être éloignés le plus tôt possible des babita-
tions des vivants ; puis enterrés profondément ; il est aussi
contraire à la salubrité publique de garder au sein des villes des
fosses qui se remplissent lentement pendant des années et qui
deviennent ainsi des foyers de pestilence; il faut aussi éviter
d’y installer des cimetières ; on peut laisser emporter toutes les
vidanges par l'égout, pourvu que l’eau y eoule assez abon-
damment pour entrainer et recouvrir complètemene toutes les
matières solides. Celles-ci se déposent dans les endroits appelés
dépositoirs, qui doivent nécessairement être éloignés des orandes
agglomérations humaines. Là, ces matières, étendues sur une
grande surface, se desséchent à l’air, dont Poxygéne est le grand
puricateur et destructeur des microbes, comme l'a démontré par
ses expériences le célèbre Pasteur.
178 LE NATURALISTE CANADIEN
A Paris, les eaux d’égouts provenant du grand collecteur
sont déversées, en partie, dans la presqu’ile de Genevilliers, où,
réparties dans des rigolles, elles servent d'engrais aux cultures
maraichères ; après le filtrage à travers les terres cultivées, l’eau
s'écoule en un ruisseau l’impide.
Un rapport récent de M.le Docteur Cornilleau, qui exerce
à Gennevilliers, prouve surabondamment le peu de danger de ces
vidanges, pour les habitants de la presqu’ile. Pendant l'épidémie
de fièvre typhoide qui a sévi à Paris en 1882, il n’y eut, dans
toute la commune de Gennevilliers, que 2 cas de fièvre typhoide, .
et ces deux malades venaient de l’intérieur de Paris !...
LE MICROBE DU CHOLÉRA ASIATIQUE.
C’est en 1854, au commencement du mois de juin, que je
fis la découverte du Microbe du Choléra Asiatique, 6 ans avant
les micrographes Européens. C’est a l’état de bactérie que je
l’observai d’abord, car, ce n’est que tout récemment qu'on a
découvert son polymorphisme prodigieux. De l’état de bactérie
il passe à celui de virgule, de celui-ci à la forme spirale, ou
spirillum. A Vextrémité de la spire il se forme un renflement
sphérique, qu’on a nommé oogone, lequel se remplit de granu-
lations, qui, en s’échappant au travers de l’oogone brisé, se pré-
sentent sous l'aspect de microcoques qui, ensuite, s’allongent et
deviennent des bactéries.
Le choléra, cette cruelle maladie est originaire d'Asie, où,
par ses ravages, elle joue le même rôle que la fièvre jaune en
Amérique. Elle est endémique, c’est-à-dire permanente dans le
delta du Gange, d’où elle se répand presque chaque année dans
l'Inde. Elle esu restée inconnue en Europe jusqu’au commen-
cement du siècle ; mais depuis elle a fait six apparitions succes-
sives, et semble destinée à remplacer la peste noire du moyen
âge, maladie qui paraît désormais confinée dans quelques rares
l’ocalités de l'Orient.
En 1807, une violente épidémie de choléra éclata à Jessore
dans Inde. De là il passa bientôt dans les Iles de la Sonde et
| LE | ae
4 x
ÉTUDE SUR LES MICROBES 179
jusqu’à Bourbon (1819), envahit la Chine et la Perse (1821),
la Russie d'Europe, et particulièrement Saint-Petersbourg et
Moscou (1830). L'année suivante il parcourut la Pologne,
Allemagne, l'Autriche, l'Angleterre, et parut pour la première
fois à Paris le 6 janvier 1832. Il y sévit jusqu’à la fin de sep-
tembre.
En 1849, le choléra suivit la même marche. Venu de l’Inde
par la voie de terre à travers la Russie, il débuta à Paris le ler
mars et s’éteignit en Octobre. En 1853 le choléra, venu tou-
jours par le même chemin, fut meurtrier à Paris, mais dura plus
longtemps (de novembre 1853 à décembre 1854).
Les trois dernières épidémies (1865, 1873, et 1884.,)different
des précédentes en ce qu’elles n’ont pas suivi la route continen-
tale, mais sont venues par mer en traversant la Méditerrannée.
Propagée de l’Inde à l'Egypte par les pèlerins de la Mecque,
l'épidémie de 1865 entra en France par Marseille, ravagea la
Provence pendant l'été de 1866, et fut portée à Paris vers la
fin de septembre par une femme venant de Marseille; elle fut
moins meurtrière que les précédentes. Il en fut de même en 1873.
| L’épidémie de 1884 a présenté une marche identique.
D'abord localisée à Alexandrie (1883), elle envahit Naples,
Marseille et Toulon dans l’été de 1884, et parcourut toute la
Provence ; de là elle fut transportée à Nante, dans plusieurs
villes du nord-ouest de la France et A Paris, où elle fut relati-
vement bénigne. Enfin, entrée en Espagne par Barcelone vers
la fin de cette année, elle ravagea presque toute la Péninsule
(été de 1885).
I] semble en outre que l'épidémie ne fut pas complétement
éteinte en France, puisqu'on a constaté (août 1885) sa réappari-
tion à Marseille et à Toulon, sans qu’on eut accusé une impor-
tation nouvelle d’Espagne ou d'Orient.
La marche essentiellement épidémique et contagieuse de
cette maladie indique de la facon la plus nette la présence d'un
microbe, dont le siége d'élection est évidemment l'intestin, et
!:80 LE NATURALISTE CANADIEN
qui, entrainé par les déjections des malades, constitue l'élément
de la contagion dans les localités atteintes par l'épidémie.
Les premières recherches micrographiques précises faites à
ce sujet sont celles des deux missions Française et Allemande
envoyées à Alexandrie en 1883. C’est le Dr Koch, de l'office
sanitaire allemand, qui, le premier en Europe, a décrit le mi-
crobe que l’on s'accorde à considérer comme l'agent producteur
du choléra. I] lui a donné le nom de Bacille virgule (Bacillus
komma) à cause de sa forme en virgule. (1)
Pour voir ces bacilles en nombre, il faut aveir affaire à un
cas de choléra foudroyant; c’est ce qui explique pourquoi on a
recherché longtemps ce parasite sans réussir à le distinguer des
nombreux microbes qui se rencontrent avec lui dans l'intestin
des cholériques.
On étale sur une lamelle de verre un petit fragment de
selle cholérique riziforme, puis on colore au violet de méthyl, ou
au blanc de méthylène, on laisse écouler le liquide en excès et
on examine la préparation avec un fort grossisement (1,200 a
1,500 diamètres) en se servant d’un objectif à immersion éclairé
par la lumiére du condensateur.
Les bacilles virgules présentent dans leur apparence la
forme des figures 1 et 2, et sont animés de mouvements
très vifs qu’ils conservent longtemps. Ils sont courbés en are,
présentant grossièrement l'apparence d’une virgule. Leur lon-
gueur est de 6 millièmes à 7 millièmes de millimètre, et leur
largeur d’un millième et demi de millimètre. Ils sont souvent
disposés en chaînes ou en chapelets de manièrer à figurer une S
ou plusieurs S bout à bout. Ceux-là sont les plus caractéristiques.
(A suivre.)
(1) Fig. 1—(1,200 diamètres). Fig. 2—(2 500 diamètres.)
END END OMENCONE
SEN LEE EP
al
(ee)
Vol. XVII Cap Rouge, Q., Juin, 1888 No. 12.
——
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
AVS
Comme le présent numéro clot le vol. XVII, tous ceux qui
ne veulent pas continuer leur abonnement sont priés de nous en
donner avis par écrit en payant les arrérages, s’il s’en trouve.
PRIMES
Les primes du mois d'avril, 1ère N° 195%, 2e N° 228 de
même que celles du mois de mai, 1ère N° 128, 2e N° 88, n’ont
pas encore été réclamées.
JUIN, NUMÉROS GAGNANTS.
1ère Prime.—Murex radia, d'Argens................. N° 269
2e “« — Cassis saburon, Brug......…..........….... No 250
N. B. — L’abonné ayant l’exemplaire portant l’un ou
l’autre de ces deux numéros écrit en crayon bleu sur la première
page de la couverture, et ayant payé son abonnement d'avance,
devra réclamer l’objet dans les deux mois de cette date, et
envoyer des timbres pour affranchir le postage. — Voir sur la
couverture,
12—Juin 1888.
BEC, eee
182 LE NATURALIETE CANADIEN
LES CHAMPIGNONS ET LES INSECTES DANS
L'INDUSTRIE LAITIERE.
(Continué de la page 161).
Remarquons toutefois que certains savants venlent que
ces différentes fermentations aient pour cause des microbes diffé-
rents, dont ies semences se trouveraient éparses dans lair, et les
tiennent pour étrangères au pencillium crustaceum. I) faudra
de nouvelles études pour nous fixer sur ce point. i
On me demandera sans doute: mais d’où vient la semence
du pencillium qui produit les microcroccus, est-elle produite par
la seule altération des matiéres qui les portent ?
A cela je répondrai qu’il est passé depuis longtemps le
temps où l’on croyait à la génération spontanée, où l’on procla-
mait, par exemple, que des entrailles de beenf en putréfaction
donnaient naissance à des abailles ete. Omne vivum ex ovo, tout
être vivant vient d’un œuf ou d’une semence, a proclamé le
grand Linné, et depuis cette époque, tous les savants conscien-
cieux se sont rangés à son avis. Si dans les infiniment petits,
comme les champignons microscopiques, les semences échappent
d'ordinaire à nos investigations superficielles, elles n’en existent
pas moins, puisque au moyen du microscope nous les voyons se
développer et se reproduire sous nos yeux. Leur extrême ténuité
leur permet d’être tenues en suspension dans l'air, et par là de
pouvoir pénétrer dans le corps des animaux et dans tous les
liquides exposés à l’air libre.
Comme nous l’avons vu, la même cellule est susceptible de
se développer sous différentes formes, suivant les matières sur
lesquelles on l’appliquera ; or il paraît que les liquides de notre
corps en contiennent des quantités innombrables qui, 1a, loin de
nous nuire, sont indispensables à l'entretien de notre santé, mais
A ene Cine li oe
à 2 à 4 +58 5 7
L’INDUSTRIE LAITIÈRE, SES ENNEMIS 185
deviennent causes de maladies, si par altération elles sont por-
tées a se développer sous une forme différente. Tel est le cas
pour le sang, le lait etc., leur simple exposition à l’air pendant
quelques minutes seulement, suffit pour amener le développe-
ment de micrococcus qui altèrent bientôt toute la masse. Les
semences de ces ferments viennent-elles de l’air ou étaient-elles
contenues dans le liquide même ? Les savants ne sont pas encore
tous d’accord sur ce point; mais ce qu’il y a de certain, c’est que
l’assomption de nouvelles formes de la part des cellules ne s’est
opérée que sous l’influence de l’air libre.
Que certains vaisseaux de notre corps contiennent de telles
semences, nous en avons un exemple bien frappant dans la
présure, cette peau intérieure de l’estomac du veau qui contient
les spores de la fermentation lactique ou butirique qui fait
caiïller le lait en si peu de temps.
Ces spores ou semences ont la vie trés tenace ; desséchées,
gelées, chauffées, pourvu que ce soit au-dessous de 212° Far.,
elles ne paraissent nullement avoir souffert, et retiennent leur
faculté générative trés long-temps, jusqu’a trois ans et plus.
Il suit de ce qui précède que, si vous voulez conserver
votre beurre, votre fromage sans aucune altération, il ne faut
pas les exposer à l’air libre où ils pourraient prendre la se-
mence de la moisissure, du Pencillèum, pour fournir plus tard
à ces semences un milieu convenable pour leur développement.
Inutile d'ajouter que la dessication ou une salaison conve-
nable peut soustraire nos substances alimentaires à l’action des
semences des champignons microscopiques, et très souvent
aussi aux insectes qui les recherchent, car, outre les ennemis
végétaux, nous avons aussi des ennemis animaux contre les-
quels il fart mettre les produits de la laiterie à l'abri.
Les insectes qui sont reconnus pour s'attaquer au beurre
et au fromage sont les Acares ou mites, et les larves de
mouches.
OR RE
184 LE NATURALISTE CANADIEN
Je joins le beurre au fromage, cependant il est assez rare
que les insectes attaquent le beurre, parce que sa salaison le
met à l’abri de leurs dégats, et dans le cas d’une salaison insif-
fisante, on verra la masse plutôt envahie par les champignons
microscopiques que par les insectes.
On entend souvent répéter que tous les insectes subissent |
des métamorphoses; qu'avant de passer à l’état parfait, il leur
faut rester plus ou moins longtemps à l’état de larves, on de
vers. Cependant, il y a un grand nombre d’inseetes qui ne
connaissent pas de telles métamorphoses, qui sortent de l’œuf
parfaitement constitués, tels qu’ils le seront toute leur vie,
moins toutefois l'accroissement qu'il prendront avec lage.
Tout voisin des insectes, se trouve l'ordre des Arachnides, aux-
quels appartiennent les Acares, qui constituent les poux, mites,
teiones, cirons, etc., qu’on trouve différents sur un grand nombre
d'animaux, et la plupart des produits alimentaires, et qui sont
d'ordinaire très nombreux en individus lorsqu'on les rencontre
quelque part. Les chevaux, les vaches, les moutons, les chiens,
les poules, etc., nous en fournissent des exemples. On donne
oénéralement à ces parasites les noms de cirons, poux, ou mites.
Le nom de mite est plus particulièrement appliqué à ceux qui
attaquent nos produits alimentaires, comme la farine, le sucre,
le fromage, etc. ; le véritable nom de ceux-ci est: Acarus,
acare, Le nom scientifique des insectes, comme je l'ai observé
tout à l’heure, est plus important qu’on pourrait le croire; car
c’est au moyen de ce nom que vous parviendrez à vous rensel-
gner dans les auteurs sur ces ennemis dent vous aurez à vous
plaindre. Et sans ce nom comment pourrez-vous vous guider
dans vos recherches? Comment pourrez-vous même vous faire
comprendre des savants qui se sont spécialement appliqués à
l'étude de ces petits êtres ? Les noms vulgaires servent souvent |
à nous faire reconnaître dans les auteurs, mais souvent aussi ils
ne contribuent pas peu, par leurs variations suivant les loca- |
lités, à nous écarter et à nous faire faire fausse route. Ainsi, |
cherchez le mot Acarus dans le Dictionnaire des Sciences de |
: _
L'INDUSTRIE LAITIERE, SES ENNEMIS ~ 185
Deschanelle et Focillon, et vous trouverez là à vous renseigner
sur ces animaleules ; le dictionnaire de Bescherelle vous en dira
aussi quelque chose.
Les Acares, mites, cirons ou teignes, comme on les désigne,
sont toujours très petits, à peine visibles à l'œil nu; presque in-
colores, et n'étant pas revétus d’une peau crustacée, ils se con-
fondent avec la substance qui les porte, fromage, farine, pain,
ete. Ils se distinguent des véritables insectes en ce que leur
corps n’est pas divisé en segments, et qu’ils possèdent 8 pattes
au lieu de 6; aussi Latreille les a-t-il rangés, pour cette consi-
dération, avec les araignées, et classés parmi les Arachnides ; ils
sont voisins des Trombidions, ces petites araignées d’un rouge
vif et velouté qu’on trouve si communément sur le sol au
printemps.
La mite du fromage a recu de Degeer le nom d’Acarus
domesticus. Cette mite se distingue d’autres voisines par des
palpes de deux articles, conformés en forme de pinces. Quel-
ques auteurs ont prétendu que c'était la même qui était la
cause de cette sérieuse affection de la peau que nous nommons
la gale, mais il est reconnu aujourd’hui que cette dernière est
bien différente, tant dans sa conformation que dans sa manière
de vivre, aussi porte-t-elle un nom différent, sarcopte.
La mite du fromage se rencontre généralement sur des
produits desséchés et vieux, le pain, la viande séchée on fumée,
les confitures, ete. ; on la trouve aussi sur les oiseaux, les in-
sectes conservés dans les collections, etc.
Comme tous les autres insectes, les mères pondent un
grand d'œufs, et pour peu que les circonstances se montrent fa-
vorables à leur développement, ce sera par milliers et par mil-
lions qu’on pourra compter la progéniture.
Le moyen de se mettre à l'abri de ses attaques ? C’est de
ne rien laisser vieillir dans les armoires des restes des aliments
dont on a fait usage, pain, viande, fromage, poisson, etc. Ce
qui revient à ia règle si sage, si vantée, et si souvent répétée,
186 LE NATURALISTE CANADIEN
mais non toujours respectée, d’une propreté irréprochable dans
les cuisines et les dépenses où l’on garde les provisions.
Mais les véritables insectes s’attaquent aussi aux produits
de la laiterie et particulièrent au fromage. Ce sont surtout des
mouches. Les mouches ont leurs métamorphoses complètes.
Trois espèces différentes sont reconnues pour s'attaquer au fro-
mage: la mouche des maisons, Musca domestica, Lin., Musca
putris, Fabr., et Musca Cesar, Lin.
Pour nous, nons n’avons a redouter que la premiere de ces
trois mouches, celle des maisons; la mouche César a aussi été
rencontrée en Amérique, mais trop 1arement pour être réputée
nuisible; quant à la mouche de la pourriture, je ne sache pas
qu’on ait jamais signalé sa présence en ce pays.
Il serait grandement à désirer qu’on eût généralement des
notions plus completes sur les insectes, leurs mœurs, la manière
de les combattre, car en agriculture surtout, nous avons tous les
jours à compter avec eux. La cécidomye nous enlève souvent
plus de la moitié de nos récoltes de blé, en attaquant le grain
dans l’épi; les agrostides coupent dans le champ les jeunes
plantes, blé, avoine, tabac, melons, etc. ; les bruches rongent les
pois à l’intérieur ; la pierride fait périr les choux ; les altises les
raves et les navets ; les pyrales s’introduisent dans nos pommes,
tandis que les saperdes rongent le tronc des pommiers. Il n’est,
en un mot, aucune de nos récoltes qui ne serve de pâture à
quelque insecte, et qui n’ait plus ou moins à souffrir de leurs
dégats. Et si nous examinons l’intérieur de nos maisons, nous
trouvons encore les terribles ravageurs: poux dans la tête des
enfants, punaises dans les lits, puces partout, dermestes dans
nos armoires, mites dans nos fourrures et nos lainages, ravets,
coquerelles dans nos cuisines, rongeant et souillant tout ce
qu'ils rencontrent, etc., etc. Aussi, quelle rançon la gent in-
secte prélève sur nous! Je vous étonnerais peut-être en vous
disant que c’est par centaines de mille piastres qu’on évalue-
rait leurs dégats. Et bien je ne crains pas d'avancer que c’est
L'INDUSTRIE LAITIÈRE, SES ENNEMIS 187
par millions. Voulez vous vous en convaincre, prenez seule-
ment un article, et supputez la perte. Prenez par exemple les
oignons. Il y a 120,000 fermiers dans la province de Québec.
C’est certainement rester an-dessons de la réalité en estimant à
2 minots par ferme la perte des oignons détruits par l’antho-
mie, puisque en bien des endroits on en a complètement aban-
donné la culture. Estimons-les à 50 cts le minot, voila done
pour ce seul article $120,000 annuellement d’enlevées.
Or, si on était mieux renseigné sur les mœurs, les habi-
tudes des insectes, on aurait des moyens, je ne dis pas de les
exterminer, mais du moins de diminuer considérablement leurs
dégats. Je ne vous en citerai qu'un exemple.
On estime la production annuelle du Canada a $200,000,-
000. Les insectes en font périr au moins 1720, voilà done
$10,000,000 de perte par leurs dégats!
Dans toute guerre, ce n’est pas toujours en attaquant son
ennemi en face qu’on obtient la victoire. Il] arrive souvent que
cet ennemi se soustreit à nos rencontres, se comporte de ma-
nière à rendre nulles les batteries qu’on dresse contre lui ; il faut
alors avoir recours à des ruses de guerre pour le dominer. Or,
nous avons dans l’insecte un ennemi puissant, c’est par millions
qu'il décime nos produits; un ennemi nombreux, son nom est
légion ; un ennemi souvent insaisissable par sa manière de
vivre et l’exiguité de son volume; c’est donc avec un tel en-
nemi qu’il faut employer les ruses, les détours et les artifices, et
pour que ces moyens réussissent, il faut avant tout bien con-
naître la manière de vivre de celui que l’on veut combattre, la
nourriture qui lui convient, les retraites où il se cache, etc. Or,
à cet égard, il faut convenir que les connaissances nous man-
quent encore presque complètement. Nos écoles d'agriculture
sont encore muettes sur cet article important. Visitez-les et
cherchez leurs collections d'insectes utiles et nuisibles ; elles
sont encore invisibles. Je lai déjà proclamé et je ne crains pas
de le répéter ici: sur ce point, ces écoles ne sont pas à la hau-
188 LE NATURALISTE CANADIEN
teur de leur tache. A quoi bon prendre les moyens de montrer
en herbe de magnifiques récoltes, sion ne sait pas les garantir
contre les insectes qui en enlévent la moitié ou davantage !
Voulez-vous un exemple bien frappant de ce que peut
faire la science dans la guerre aux insectes? Voici ce qui est
arrivé dans Ontario. En 1883 cette province produisait pour
$648,000 de graine de tréfie. Mais voici qu’une petite mouche, la
Cecidomia leguminicota, Lintner, vient s’attaquer à cette récolte,
en déposant ses œufs dans les têtes mêmes du trèfle au moment
où elles se forment. Le petit ver qui en éclot se met aussitôt
à ronger la graine, et à la récolte, on n’a plus que des balles
vides et desséchées, si bien qu’au bout de deux ans, au lieu
d'exporter, on était obligé de demander de la graine à l’étran-
ger. Comment résister à un tel ennemi? L'observation per-
mit de constater que les petits vers laissaient les têtes de trèfle à
la mi-juin pour s’enfoncer dans le sol, subir leur métamorphose,
et reparaître vers la mi-juillet, juste en temps convenable pour
déposer leurs œufs sur les têtes de la seconde pousse, et faire
manquer la seconde récolte de graine, toujours la plus profitable.
On tenta alors de faucher de bonne heure la première récolte ;
mais le fond des charrettes devenait tout jaune par la présence
des larves et des cocons qui s’échappaient des têtes, et tombaient
sur le sol, pour produire une nouvelle légion d’ennemis prêts
à attaquer la deuxième récolte. Quelqu'un sugoéra alors de faire
pâturer la première récolte ; et ce moyen réussit parfaitement ;
les animaux en mangeant les jeunes têtes, au moment de leur
floraison, faisaient en même temps disparaître les œufs et les
larves qui s’y trouvaient. Comment aurait-on pu recourir à ce
moyen, si l’on n’eut connu auparavant les allures de cette petite
mouche ?
Mais je reviens à la mouche des maisons qui dépose ses
œufs sur le fromage lorsqu'on l’expose à sa portée. Le petit ver
qui éclot de l’œuf s'enfonce aussitôt dans la masse dont il se
repait, et comme une seule mouche en dépose plus d’un cent, la
masse entière se trouve bientôt tout criblée par ces vers. Ces
L'INDUSTRIE LAITIÈRE, SES ENNEMIS 189
vers, de couleur jaunâtre, sont sans pieds, mais il jouissent de
la faculté de pouvoir sauter en se rapprochant les extrémités
pour courber leur corps qui agit alors comme un ressort. J'ai
vu une fois un fromage déposé sur une table au moment ou lon
mangeait la soupe. Les larves des mouches étaient si nom-
breuses dans ce fromage, qu’on les voyait en quantité sur les
bords du plat qui le contenait, et telle était leur activité, qu'elles
sautaient jusque dans nos assiettes contenant la soupe. Plusieurs
auteurs ont proclamé que les insectes pourraient offrir un aliment
très riche et fort appréciable, mais aucun des amis présents ne
voulut consentir à en faire 14 même l'essai en mangeant de ces
vers, et tous s’accordèrent à demander l'éloignement du fromage
endommagé.
Le ver ou larve parvenu à maturité, c’est-à-dire après 3 ou
4 mues suivant les espèces, sort de sa retraite, s’enfonce en terre
ou dans quelque fente, et là se file un cocon, une espèce d'œuf à
écaille assez tenace, dans lequel œuf il se transforme en insecte
parfait et en sort en soulevant l’une des extrémités de sa prison
qu’il décalotte ainsi sans trop d'efforts.
La mouche prend alors son vol dans les airs, pour la ren-
contre de l’autre sexe, et, après fécondation, va déposer ses œufs
à l'endroit où la larve qui en sortira trouvera à sa portée la nour-
riture qui lui convient. Et ainsi de suite.
On croit généralement que les petites mouches que l’on
rencontre si communément en été sont les jeunes des plus
grosses qu’elles égaleront en taille lorsqu'elles auront pris leur
complet développement; erreur, les mouches, comme tous les
autres insectes à métamorphoses complètes, éclosent à leur
orosseur normale, et ne prennent plus d’accroissement ensuite.
Les larves— vers ou chenilles—de tous ces insectes, prennent
de l'accroissement ; cot accroissement toutefois ne s’opère pas
insensiblement comme chez les animaux ordinaires, mais tout à
coup, par étapes ou saccades. La larve, sous sa formé de ver
ou de chenille, mange beaucoup et augmente en conséquence le
eS es
190 LE NATURALISTE CANADIEN
volume de son corps. Cependant, extérieurement ce volume
parait le méine, parce que la peau consistante qui le recouvre ne
se prête pas à la dilatation ; or il arrive que cette peau se fend
tout à coup et montre la nouvelle larve beancoup plus forte
qu’elle n'était auparavant, laquelle continue à manger et à
croître jusqu’à ce qu'elle subisse une nouvelle mue; les larves
subissent ainsi d'ordinaire trois ou quatre de ces mues en aug-
mentant de volume. Parvenues à la dernière période, elles
assent à l’état de nymphe en se filant un cocon ou en se ren-
P |
fermant dans une espèce d’ceuf ou de chrysalide pour en sortir,
après un temps plus ou moins long, à l’état ailé ou parfait.
Les insectes d’ordinaire ne se rendent nuisibles qu’à l’état
de larve. Ilen est même, comme plusieurs bombyx, qui à
l'état parfait ne mange pas du tout, quelques-uns n’ont pas
même de bouche. L'état parfait ne semble destiné chez eux
qu'à assurer la reproduction en favorisant l’accouplement des
sexes.
Cependant chez Jes insectes à métamorphoses incomplètes,
comme les hémiptères, les orthoptères, sauterelles, grillons, etc.
il en est tout autrement ; ces insectes commencent à exercer
leurs ravages à leur sortie de l'œuf, et les poursuivent jusqu’à
leur mort.
Il serait facile d'apprendre anx élèves des écoles d’agri-
culture à distinguer les insectes d’après leurs ordres, et de
connaître de suite ce qu’on doit redouter de leurs larves.
Si le temps me le permettait, je vous ferais voir ici même
comme toute personne intelligente et qui veut se rendre compte
de ce qu’elle voit, peut connaître, à première vue, ce qu’elle
peut avoir à redouter de tel ou tel insecte qu’elle rencontre, et
comme conséquence, quel moyen on peut employer pour le
combattre avec avantage.
Puisque ces congrès que vous réunissez chaque année ont
particulièrement pour but de régénérer notre agriculture par
l'industrie laitière, je me permettrai de soumettre ici mes vues
2 .
4
L’INDUSTRIE LAITIERE, SES ENNEMIS 191
sur quelques points quiparalysent le progrès que nous avons
tous en vue. Mes idées sont loin d’être infaillibles .et sont
toutes discutables ; mais on m’accordera de les considérer comme
venant d’un homme qui a observé, beaucoup étudié, et quelque
peu pratiqué, et qui de plus, comme vous tous messieurs, cher-
che la prospérité de notre commune patrie dans la régénération
de son agriculture, qui se ruine dans une routine surannée et
condamnable.
Et tout d’abord je vous dirai que je suis contre le Conseil
d'agriculture, les commissions d’acriculture, et les inspecteurs :
des récoltes sur pied; parce que je vois trop de politique dans
tous ces rouages ; politique qui semble wavoir pour but que de
tourner à l’avantage de ceux qu’une bonne fortune a mis a »
méme d’étre acteurs dans ces drames.
Le conseil d’agriculture ne me paraît que comme une cin-
quième roue ajoutée à un char qui nuit grandement à son mou-
vement, loin d'activer sa rapidité. Le gouvernement a un excel-
lent moyen de se renseigner sur l’agriculture dans les comités
spéciaux de la chambre. Je préférerais done au conseil, un
commissaire à la hauteur de sa position, avec des clercs en
nombre suffisant pour le service, qui deviendrait beaucoup plus
efficace.
Je dis la même chose des commissions d'agriculture qui
sont un autre rouage surnuméraire et dans lequel on ne voit que
trop percer le favoritisme du perti politique, et trop peu se mon-
trer les véritables capacités en agriculture.
De même pour l'inspection des récoltes sur pied qui se fait
à grands frais, et sans autre profit que les récompenses qu’on
vient apporter à des gens de moyens qui ont pu faire mieu x que
beaucoup d’autres parce qu’ils avaient plus de ressources.
On voulut bien, en 1854, lorsque j'étais curé de St-Joachim,
dans la côte de Beaupré, m’inviter à organiser une société d’agri-
culture dont on ne jouissait pas encore. Je formulai de suite le
programme povr donner des prix a la plus grande quantité
,
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A. 4 ee ere ast ha ee Wh ae)
‘ |
192 LE NATURALISTE CANADIEN
récoltée dans un arpent. Dès la première année, les prix se
repartirent comme suit: Récolte dans un arpent: blé, 19 minots ;
avoine, 45; pois, 18; foin, 377 bottes, etc. Et de suite on
entendit répéter de toute part: “attendons l'année prochaine,
on verra si je ne battrai pas cela. Je vais prendre un
arpent pour du blé, un autre pour de l’avoine, un autre pour
des pois, ete., et les préparer spécialement.” Et la 2e année
arrivée, les prix furent comme suit: blé, 34 minots ; 2e prix 23 ;
avoine 65 minots; pois 23 ; foin 400 bottes, ete., etc. N’était-
ce pas la un véritable progres? et à la portée de tous, puisqu'on
ne prenait qu’un seul arpent? Et la pièce de terre qu'on aura
amenée à produire 34 minots de blé dans un arpent, n’aura-t-
elle pas subi une amélioration dont elle se sentira pendant 5 et
6 ans ou plus ? Si chaque cultivateur prenait le soin d'améliorer
3 ou 4 arpents de son champ chaque année, ne serait-ce pas un
progrès réel et des plus promettants ?
Quant aux écoles d'agriculture, je ne veux ici blesser per-
sonne, mais pardonnez-moi ma franchise, je ne les trouve pas à
la hauteur de leur position.
J'ai sugoéré au départemnt, il y a déjà plusieurs années, de
donner à chaque abonné du Journal d'Agriculture, qui soit
dit iei en passant, est très bien fait et des plus efficaces, un plan
fignratif de chaque ferme école, donnant des explications com-
plètes sur la situation, la nature du sol de chaque pièce, etc. ;
et de rendre compte ensuite, chaque mois, des opérations
exécutées, de la venue des semis, des accidents survenus, des
moissons récoltées, etc. De cette facon, chaque abonné pourrait #
suivre chez lui les opérations d’une ferme modèle, et se rendre —
compte des succès obtenus. Mais on n’a pas jugé à propos de |
le faire. On craignait peut-être de rendre publics des insuccès M
compromettants ?
Pourquoi n’enseigne-t-on pas dans ces écoles la botanique, «
la taille et la oreffe des arbres, la connaissance des insectes
utiles et nuisibles ? Ce sont la des appoints qui ne sont pas à
lal ee
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 193
n'gliger en agriculture, surtout lorsqu’on veut former des agri-
culteurs modèles. »
On vient de mettre sur pied, à Ottawa, une ferme expéri-
mentale ; mais pour cela comme pour bien d’autres choses, les
canadiens-francais semblent avoir été oubliés.
Vous voudrez bien remarquer, MM., que je ne fais qu’é-
mettre des idées en passant, sans avoir le temps de leur donner
le développement convenable. Je sais qu’elles n’auront pas
l'assentissement de tous ceux qui m’entendent, mais on ne
pourra, je pense, accuser la pureté de mes intentions pour
activer le progrès, et rendre de plus en plus prospère notre beau
et riche pays, qu’avec tant de droit, nous pouvons être fiers de
posséder, et qui ne pourra grandir et prospérer que par le
perfectionnement de son agriculture,
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT,
PREMIÈRE PARTIE.
( Continué de la page 176)
De ses nombreuses possessions d’autrefois dans les Antilles,
la France ne retient plus que la Martinique, la Guadeloupe, St-
Vincent, Marie-Galante et quelques autres petites îles de peu
d'importance. L’Angleterre en majeure partie, Espagne, la
Hollande, le Danemark occupent les autres,
L’esclavage qui a régné de longues années dans toutes ces
îles, a produit une race bâtarde de mulâtres, à peau plus ou
moins foncée, qui, dans les colonies françaises, en vertu du
suffrage universel, asservit complètement les’ blaues aux noirs
eu raison de la supériorité de ces derniers par le nombre.
194 LE NATURALISTE CANADIEN
S'il est vrai que devant Dieu et en face du droit la couleur
de la peau ne peut créer de distinction, il faut reconnaître aussi
que cette couleur, pour ce qui en est dans les Antilles, n’est pas
moins un signe de l’illégitimeté de ces fils d’esclaves, de ces
descendant ; de Cham, qui, par la fraction de sang plus noble
qui coule dans leurs veines, ont pu s'élever de quelques degrés
dans l'échelle de la civilisation, mais non pas en atteindre le
sommet, ni même se rendre nos égaux. [ls peuvent s’instruire,
se policer, acquérir des richesses, se donner le comfort matériel
de l’aisance, mais acquérir des sentiments nobles, généreux,
relevés qui inspirent ces dévouements qui distinguent les âmes
d'élite, ils en sont encore incapables, ou du moins ils n’en ont
pas encore donné d'exemples. |
Avec leur instruction plus ou moins superficielle, et leur
éducation presque nulle, les mulâtres de la Martinique et de la
Guadeloupe n’ont pu se défaire encore entièrement des senti-
ments de servilité de la race maudite dès son origine.
Avec un certain vernis de politesse extérieure, ils affecteront
bien de montrer des sentiments de cœurs larges, nobles et géné-
yeux, mais dans l’occasion, les passions brutales, la hautesse, la
haîne, la vengeance auront bientôt fait disparaître ces vertus
empruntées, pour ne laisser voir que la cheté, la bassesse et la
servilité des enfants d'esclaves. Ceux qui ont étudié leurs
mœurs à la Martinique et à la Guadeloupe s'accordent tous à le
proclamer. Si les démolisseurs sans Dieu qui gonvernent au-
jourd’hui la France n'avaient pas entrepris de ravaler et avilir
ce qui fait Pogueil de tout enfant qui vient de France, ils se se-
raient au moins contentés de faire des anciens esclaves des égaux
des blancs, sans vouloir en faire leurs maîtres.
On sait que la Martinique et la Guadeloupe sont repré-
sentées au corps législatif de Paris par des hommes de couleur.
Ces derniers sont aussi chez eux en possession de presque tous
les emplois civils, ils sont maires, instituteurs, collecteurs de
droits, inspecteurs d'écoles, journalistes, ete. etc.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 195
À propos de ces derniers, M. de Pompignan nous rappor-
tait un comble des plus piquants en fait @ignorance. Il s’agis-
sait de l'expulsion en France, de certains religieux de leurs cou-
vents ; et l'ordonnance portait que les frères seraient expulsés
etiam manu militari. Or un rédacteur noir de la Martinique
qui n'était pas très familier avec la langue de Virgile, disait, en
rapportant le décrêt, qu’on devra expulser de leur couvents les
frères £tiam, Manu et Militari ! ! ! Et c’est à de tels génies
qu'on veut asservir les blancs!
J'ai mentionné plus haut le Gulf-stream ; j'en dirai un
mot ici pour ceux de mes lecteurs qui ne se seraient pas encore
rendu compte de cette expression.
Le Gulf-stream est un courant équatorial dû au mouve-
ment de rotation de la terre, joint à la haute température de la
zone torride et aux vents alisés qui dominent dans cette région.
Ce courant qui origine dans le golfe de Guinée, sur ia côte
d'Afrique, prepd sa direction vers l’ouest, mais rompu par les
hauts promontoires de l'Amérique du sud, il se divise là en
deux branches, dont Pune descend le long des côtes du Brézil,
en se dirigeant vers le sud, et l’autre pénètre dans la mer des
Caraïbes, à travers les petites Antilles les plus méridionales.
Poursuivant sa marche vers le nord, il sort de ce vaste bassin,
pour prendre sa course à l’est à la pointe méridiovale de la Floride,
jusqu’à ce qu’il atteigne la côte occidentale de l'Irlande et péné-
tre encore plus au nord. Mais il ne peut parcourir cette course
sans rencontrer un courant opposé et d’une tonte autre tempé-
rature, c'est celui qui part de la baie de Baffin et de la mer
arctique, pour longer les côtes de l'Amérique du nord. Res-
serré à sa sortie du golfe du Mexique entre la côte Floridienne
et les Bahamas, le courant chaud s’élargit à mesure qu’il
s'avance vers Vest et mêle ses eaux à celles du courant opposé.
Mais un fait bien digne de remarque, c’est que les eaux des
deux: courants, en contact au milieu de l'océan, semblables à
deux nationalités étrangères habitaut le même territoire, semblent
) pray Nc REE PG, CY eee ea
196 LE NATURALISTE CANADIRN
pendant longtemps se refuser à l’absorption, et s’entreméler
sans se confondre, comme si de chaque côté, on voulait conser-
ver ses caractères propres.
Le Dr A. D. Bache, de la commission d’exploration des
côtes des Etats-Unis, est celui qui a le plus étudié et observé le
Gulf-stream, et il a pu constater, par de nombreux sondages,
que les deux courants se rencontrent et se superposent par
couches, en conservant longtemps, avant de se confondre la tem-
pérature qui leur est propre, Et cette différence est tellement
tranchée d’une couche à l’autre, qu’il n’a pas craint de qualifier
de cold wall, la paroi des couches du courant froid.
A sa sortie dans l’océan au sud de la Floride, la largeur du
Gulf-stream ne dépasse pas 40 milles ; au niveau de Charleston
elle est de 150 milles, et a Sandy-Hook elle dépasse 300 milles.
A 9 heures je vais prendre possession de mon lit. M.
Huart, qui s’y était rendu avant moi, semblait vouloir reprendre
le sommeil perdu par le mal de mer, aux caresses duquel il
s'était montré si impressionné. Cependant la cabine érait sur-
chauffée et sans beaucoup d’air, aussi je n’hésite pas à laisser le
petit carreau ouvert, lair extérieur semblant n’avoir rien à faire
redouter de sa bénigne fraicheur.
Je n’avais pas encore déposé mes habits que je suis invité
à faire une chasse entomologique, la première depuis mon départ,
dans la personne d’une respectable dame coquerelle (Blatta
orientalis) qui semblait me narguer en étalant ses grâces coque-
relloises sur le rideau de ma couche. Il va sans dire que son
procès fut bien vite fait, et que l’exécution s’en suivit incon-
tinent.
Dimanche de Pâque, ler avril. — Pâque ! résurrection !
alleluia ! il semble aussi que tout renait, revit, se réjouit dans
notre solitude océanique.
A 5 heures, je suis sur le pont, après avoir passé la meil-
leure des nuits depuis que je suis dans le vaisseau. Le temps
est serein, la mer des plus calmes, c’est à peine si l’on entend le
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UNE EXCURSION AUX CUIMATS TROPICAUX 197
léger clapotement des eaux que déplace notre Muriel dans son
allure pacifique, mais constante. Bientôt l’astre da jour se
montre à l’orient, embrase tout horizon même avant de paraître,
et verse des flots de lumière sur les flots de l’océan, en même
temps qu’il lance des gerbes de rayons inflammés qui atteignent
jusqu'au zénith. Ajoutez une température tiède des plus
agréables aux décors du tableau, et vous comprendrez facilement
que la joie doit nécessairement s'emparer du cœur, lorsque
surtout on a été tourmenté pendant plus de trois jours, par des
troubles de digestion, des insomnies, et ce malaise général que
seuls ceux qui ont éprouvé le mal de mer peuvent justement
apprécier. Aussi, au déjeûner de 9 heures, chacun est-il à son
poste, la conversation prend-elle un entrain tout nouveau, en
même temps que les estomacs se montrent plus exigeants qu’au-
paravant.
Oui ! le specta:le est grandiose, magnifique, mais ce n’en
est pas moins un bien triste jour de pâque. Ces charmes de la
nature cessent de nous impressionner par nous être devenus
trop familiers ; combien plus parlent à lame la décoration de
nos-temples en ce saint jour, les feux et les fleurs qui brillent
sur nos autels, les flots d'harmonie que répandent les orgues
sous les vastes voutes, l’encens qui embaume cette atmosphère
religieuse, et ces alleluia mille fois répétés, qui veulent con-
vaincre jusqu'au dernier qu'il y a partout surabondance de joie,
et qu'on s’y livre sans contrainte.
Hier je faisais ma première chasse entomologique, et voici
qu'aujourd'hui je vais faire ma première cueillette botanique.
Deux ou trois fois déjà j'avais remarqué certaines végétations à
la surface de la mer. Ce sont sans doute des varecs détachés des
rivages, m'étais-je dit, et entraînés par les courants. Mais voici
que ces végétations se montrent de plus en plus fréquentes. Ce
sont souvent des nappes ou tapis d’un beau jaune d’or de 30 à
50 pieds d’étendue, les plantes paraissant fortement liées les
unes aux autres, si bien que le déferlage des vagues ne réussit pas
toujours à les diviser. J’en voyais souvent très près du bateau,
13—Juin 1888.
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198 LE NATURATISTE CANADIEN
mais non toutefois de manière à ce que je pusse reconnaître
leur structure et leur agencement. J’interroge sur le sujet M.
de Pompignan, et il me dit que ve sont des raisins des tropi-
ques, plantes tres communes dans ces mers. Comme le nom
seul ne suffisait pas pour me renseigner sur ces plantes nou-
velles pour moi, M. de Pompignan dit un mot à un matelot, et
presque aussitôt, au moyen d’un seau lancé à la mer, on en
rapporte une talle en pleine fructification. Je pus remarquer
de suite que la plante différait grandement de nos varees du
nord, mais que cependant c'était bien une fucacée ou hydro-
physe. Une tige assez grêle, rameuse, à rameaux portant des
feuilles régulières, petites, imparfaitement pinnées, et des
fiuctifications en forme de globules vésiculeux, pédiculés, res-
semblant assez 4 des grains de raisin, ont valu a la plante le
nom vulgaire dont on l’a affublée. Détachée du fond des mers
où elle prend ravine elle s’en va flottant ainsi à la surface
durant des mois sans se déterriorer. C'est cette plante que
Colomb rencontra au sud des Canaries dans sa navigation
vers l'Amérique, Linné lui a donné le nom de Fucus natans,
et Agarth celui de Sargassunt bacciferum, qu’elle porte encore
aujourd'hui. On la trouve en telle quantité dans l’Atlantique,
entre les îles du Cap-Vert et les Canaries, que les marins ont
donné à cette partie de l’océan le nom de de mer-des-sargasses,
et qu’elle suffit souvent pour retarder considérablement les vais-
scaux dans leur course. (1)
Les vésicules fructifères de la sargasso, comme on la désigne
d'ordinaire, sont encroutées entièrement ou en partie, d'une
couche crustacée, fragile, ayant la consistance du verre, toute
parsemée d’alvéoles obliques, présentant l’apparence d’un tissu
vitreux vue à la loupe.
A midi nous sommes au 29e degré de latitude, au niveau
par conséquent de St-Augustin dans la Floride, et un peu au
delà de Suez en Egypte ; c’est le point le plus méridional que
(1) La mer-des-surgasses s'étend du 22e au 16e degré de latitmde
nord, et du Bee au 44e degré de longitude ouest de Paris.
FEU G. W. TRYON 199
_ j'aie encore atteint dans mes différents voyages. Nous avons
parcouru 237 milles dans les 24 heures, ce qui fait une vitesse
bien modeste comparée à celle des steamers transatlantiques.
On nous dit que nous atteindrons St-Kitts, la première île ou
nous devons toucher, mercredi soir ou jeudi matin.
Peu après midi nous avons un petit grain qui vient
mouiller nos banquettes et nous forcer à nous mettre à l’abri
pour un instant.
La mer se faisant de plus en plus calme, nous avons ce
que les marins appellent la mer d'huile, c’est une surface plane où
ne se dessinent aucunes vagues, mais seulement de fines rides
semblables à ces guipures dont s’affublent parfois les dames.
Les habitants des profondeurs profitent sans doute de ce calme
pour venir nous faire visite, de nombreux marsouins suivent
notre vaisseau comme pour nous faire escorte, et nous voyons, a
quelques verges plus loin, trois baleines exhibant leur large dos
semblables à des îles mobiles, et faisant jaillir l’eau de leurs
évents à 10 ou 12 pieds en l'air d’un jet continu qui s’égrène
en gouttelettes en retombant. Nous voyons aussi quelques
poissons volants qu’on nous dit devenir beaucoup plus communs
à mesure que nous avancerons vers le sud.
(A suivre.)
EU G. W. TRYON
Les sciences naturelles ont fait dernièrement une perte des
plus sérieuses dans la personne de G. W. Tryon, de Philadel-
phie. M. Tryon, qui était un des principaux membres de PAca-
démie des Sciences de Philadelphie, est mort, en février dernier,
d’une maladie du cœur, à l’âge peu avancé de 50 ans.
On sait que c’est spécialement à la conchyliologie que M.
Tryon s'était livré, et il était le savant le mieux entendu dans
cette branche des sciences, de tous les Etats-Unis, et peut-être
même du monde entier. Après avoir fourni à différentes
revues une foule d'articles sur sa science favorite, il publia en
1883 son ouvrage en deux gros volumes intitulé: Séructural
and Systematic Conchology. Mais ce n’était là qu'un prélude
à Youvrage bien plus codsidérable qui devait l’occuper toute sa
vie et qu'il na pu terminer, le Manual of Conchology, dans
lequel il voulait d'écrire et figurer toutes les espèces connues de
200 LE NATURALISTE CANADIEN
mollusques, tant terrestres que marines et d’eau douce. Nenf
volumes ont Céjà vu le jonr, et l’ouvrage trminé n’en aurait
pas formé moins de 50. Cet ouvrage, Te plus complet encore
publié sur les moilusques, n’a qu’un-défaut, c'est qu'il ne
peut être mis à la portée des petites bourses. L'édition avec
planches coloriées ne coûte pas moins de $32 le volume, et avec
planches noires et sur papier plus commun $10 le volume.
Nous voyons avec plaisir que M. H. A. Pilsbry, ci-devant
de l’Académie des sciences de Davenport, Iowa, a été nommé
eurateur du musée de Philadelphie, et chargé de continuer
l’œuvre commencée par M. Tryon.
44D > Ln—————
Le Némate du mélèse.— Nous n’avons pas été peu sur-
ae de rencontrer, le 26 juin dernier, de nombreux individus
du Némate du mélèse, Nematus Hrichsonvi, cet hyménoptère
qui fait ces chenilles qui depuis quelyues années ravagent nos
épinettes rouges, Laria americana, sur les trottoirs des rues
de Québec. Tous les individus que nous avons capturés étaient
des femelles, toutes gonflées d'œufs, qu’elles cherchaient à répan-
dre, sans doute, sur leurs arbres privilégiés. Auraient-elles telle-
ment ravagé nos mélèses qu’elles seraient cbligées de chercher
au loin pour pouvoir établir convenablement leur progéniture ?
Nous serions porté à le croire, car en certains endroits c’est par
centaines qu’on peut compter les arbres morts.
Ces insectes se montrent jlus tard que d’ordinaire cette
année, mais si Ja saison continue à être sèche, elles auront
encore tout le temps d'exercer des ravages sérienx, et d'autant
plus dommageables que la végftation étant plus développée, les
arbres auront moins de force pour réparer les dommages causés
en poussant de nouvelles feuilles.
Une preuve que les redoutables insectes trouvent plus
rares leurs champs de pâture, c’est qu’ils ne se bornent pas à
attaquer senlement les arbres des forêts, mais savent trouver
tous les mélèses isolés qu’on peut avoir pour ornements près des
résidences. Pour la première fois, nous avons trouvé ces che-
nilles ravageant un seul mélèse que nous avons à notre porte.
cxaminant les rameaux nouveaux dans lesquels les mères dé-
posent leurs œufs, nous avons compté de 40 à 50 loges, wuvre
de chaque femelle, Rien de surprenant alors si des forêts
entières se trouvent complètement envahies, car sur chaque
arbre, la grande majorité des rameanx se trouvent ainsi chargés
des œufs de ces innombrables ravageurs,
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES
Annales de la Société d'histoire naturelle de la Charente-Inférieure 132
Brionaphiede Michel Sarrazin 2e... Rte es Pen 100
Botaniste (Un); M. labbé Chandonnet. . _ 2980... 12 rat
Bulletin de la Soc. des Sciences historiques et naturelles de Semur. 132
Chemin (ie) de fendu lac St-Jean... en Eee 8, 18
Chenille @Une)mteressantes-2 23 Lb CONTE eme 18
Chrysomèle de la pomme de terre........-....----.- Saas shied
Champignons et insectes dans l’industrie laitière. ........... 153, 182
Solcraionrverte dela mers. 222.0... 2er NEA PAS 89
Dictionnaire généalogique des familles canadiennes. _........... 63
DArNIDISMOn le) SRE MELTETER.. .. sae 28, 43, 55, 90, 106, 134
Etude sur les microbes. ._...... 4, 22, 37, 43, 103, 118, 140, 150, 176
Excursion de la presse au lac St-Jean... LCR RES 58, 66
Excursion (Une) aux climats. tropieaux. . _ Pen RS 166, 193
Pn PUeNMENANNnOUCRE RTE. Re a ER 112
Etienne musicales 25220222... 1 0 0 OMR MARNE ES 131
Grays DOPASa 3s n6 AP SO QUOTE PRES - - - ét ee OR 162
Histoire (L’) naturelle à l’exposition de Québec.---..........-.. 33
Kenoranee en, fait. d’entomologie. 3... -. aeticaedoo=scudocacaat 115
garda (Un)ebotäniques "ice... PPS Re ocd os 153
Microbe (Le) des dents. .__. PORC. ae taie nier à Das oe 122
Némate du mélèse.2022222:32" ECM cocon eme no ie 33, 200
Nord) colonisation = on scenes = -- cee eRe nels aed nance oe 131
Notre .dix-septiome, Volume. 22822... RER NO EURE 3
[Esti ea 1, 17, 31, 49, 65, 85, 101, 117, 133, 149, 165, 181
Brunes dvolnme Xe Vi LD hol Le. A tees Yat aia ere Gea 2
mapper de Vindustrienaiienrey, scwc's. AR a sat Vire 84
Richesse minière des Etats-Unis. -......J5.--..-..- Serene aa 114
‘Renacite. de la vie dans les plantes: . Rene LT sce eke 148
Hit des forces dela nature: 27... 2 25, 39, 52, 85, 101
mY OT CANNES RS ARR. ER ue 199
Wisiten( Une) au Saint-Bernard... =. 125, 144
TABLE ALPHABETIQUE
Des noms de genres et d'espèces mentionnés dans ce volume
|
PAGE PAGE
Ælia americana, Dall...----. 22/Halictus constrictus, Prov..... 76
Amara angustata. Say..----- . 22/Homæmus eneifrons, Say. ..-- 22
Aneurus politus, Say. ---- _... 22|Idolocoris agilis, Uhl......... 22
Anodonta fluviatilis, Say....15, 21|Larix americana, ------ 226000
Aradus rectus, Say------ . _.. 22|Limacodes pithecium........-. 18
Bacillus anthracis -.....----.
ieee sD bse Sai pres
Bassus humeralis, Prov..---- 3
Buprestis fasciata, Mabr..--.- -
Caloptenus femur-rubrum.Bur.
Camponotus herculeanus, Lin.
Canthophorus cinctus, Beaw...
Cicindela vulgaris. Say...----
Cladius isomira, Harris..---- ss
Collaria Meilleurii, Prov----2 1
Coriscina ferus. Lin....------
Crabro denticulatus, Packard..
‘s+ rufifemur, Pauck..--- a
Cymus angustatus. Stal ..-..-
‘6 -tabidus, Stdl...-.----
Elater lacustris, Lec.... --- .
Elephas primigenius. ~-..--- ae
Formica pensylvanica, De)...
a sanguinea, Latr...--
Fucus nataus.---- ARE
Galeopsis tetrahit....--- ca
Gorytes atricornis, Pack. -----
KR
Page
22, ligne 11, au lieu de:
28, lère ligne du bas, oe
54, ligne 2, ce
SAME E de
55, lère ligne du bas, “
56, ligne 24, es
FOR 4, “
BBs a) tee a
MOS hee, “
LOS)" 6, «6
51|Lygus flavonotatus, Prov....22, 76
Bil. st. invitus. SG: - see pneee dee
76 Margaritana undulata.....--. 21
92|Nematus Erichsonti. ..... ISSU
76|Omalus corruscans, Nort...... 22
76|Oucotilus punctatus, Reut..-.. 22
22|/Pamera bilobata, Say..--..--- 32
99|Pamerocoris brunneus, Prov.. 22
22|Phygadeuon ovalis, Prov...... 76
92) Pinus strobus....- Suse Lee - 76
22|Plagiognathus fuscosus, Prov.. 22
29 |Proctotrupes abruptus, Say.-.. 76
99|Psocus salicis, Walsh....-.--. 22
99|Pterostichus mutus, Say... 76
22|Sargassum bacciferuam.....--- 193
29|Solenopsis fugax, Latr...._... 22
56|Thyreopus argus, Harr.----- = yee
99|Unio compressus, Lea.....-.. 76
92\Ursus spelzeus.-... AES SE à 56
198|Vibrio regula.. SP SÉRCRES 50
99|. « gerpens.kwadsceeseeeb etl
22
RATA
Pamerocorie, lisez : Pamerocoris.
continue, “ continue.
Gaust, ‘6 Ganot
Redzie, st Kedzie.
1885, 01 1800:
leur similaires, ‘ Jeurs similaires.
flavomaculatus, ‘ flavonotatus.
sublime, “ subtile.
l’acception, “ Vaeceptation.
guident la rencontre, lisez : guident la
terre dans son sentier à la rencontre.
155, ligne 14,
166, “ 10, x
167, ligne lére du bas ‘*
au lieu de : une espace,
Iles-sous-le vent, ‘‘ Iles-du-vent.
Iles-sous-le-vent, ‘* Iles-du-veut.
lisez : un espace.
Abatutuliste Canadien
Bulletin de recherches, observations et découvertes se rapportant
à l’Ilistoire Naturelle du Canada.
ee
TOME DIX-HUIT
——
L’ABBE L. PROVANCHER, Rédacteur-Propriétaire,
QUEBEC:
C. DARVEAU, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
1889
Vol. XVIII Cap Rouge, Q. Juillet, 1888 No. 1
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
PRIMES
Les primes du mois de mai, 1ère N° 128, 2e N° $8, de
même que celles du mois de juin, Lère N° 269, 2e N° 250,
n’ont pas encore été réclamées.
Le peu d’empressement qu’on a montré à réclamer ces
primes nous a engagé à les supprimer pour l'avenir.
ETUDE SUR LES MICROBES
PAR LE DR J. A. CREVIER, MONTREAL
( Continué de la page 196 du Vol, XVII)
MICROBES DU CHOLÉRA ASIATIQUE
Comparé au microbe de la tuberculose, celui dn choléra est
moins long et plus large. Cette forme en spirale a fait consi-
dérer ce microbe comme intermédiaire entre les genres Bacillus
et Spirillum.
1—Juillet, 1888.
2 LE NATURATISTE CANADIEN
On trouve dans la plupart des eaux courantes ou stagnantes
des microbes en virgule assez semblables à celui-ci; mais ils
sont en général beaucoup plus grands, et aucun autre ne pré-
sente les dimensions caractéristiques du Bacillus komma.
Ce bacille se trouve dans les grains riziformes des selles
cholériques, formées, comme on sait, par la desquamation de la
muqueuse intestinale. Cette muqueuse est en effet, littérale-
ment mise au vif, écorchée d’un bout à l’autre, et les parois de
l'intestin sont d’un rouge vif par suite de la congestion de la
muqueuse. Les grains riziformes sont formés de petites pelotes
de cellules épithéliales aglomérées ensemble, et contenant des
bacilles en grand nombre.
On les trouve aussi dans les glandes de l'intestin où ils
pénètrent grâce à la desquamation de l'épithélium. On n’en à
pas encore trouvé ni dans le rein, ni dans les urines, ni dans le
sang suivant Koch, mais moi-même, ainsi que d’autres micro-
graphes avons pu les voir dans les liquides susmentionés.
Les cultures de ce microbe réussissent très bien sur la
gélatine ou Vagar-agar (gélose); Koch à vu qu'il se multiplie
très facilement sur le linge humide et dans le lait, le bouillon,
les œufs, le pain mouillé, les pommes de terre etc. La tempé-
rature qui lui convient le mieux est comprise entre 30 et 40
degrés centigrade, 85 à 105 Farh ; mais à 20 degrés, il se mul-
tiplie encore sur la gélatine. Au dessous de 16 degrés, il ne
fait plus que végéter lentement, mais ne meurt pas. On a
constaté que le froid ne les tue pas; à 10 degrés audessous de
zéro centigrade, il est encore vivant et capable de reprendre
toute son activité, si on le place de nouveau dans des conditions
qui lui sont favorables. Ce microbe est aérobie; la privation
dair le tue en quelques jours. L'eau peut lui servir de véhicule,
mais comme elle ne lui fournit pas assez de substances nutri-
tives, il y disparait bientôt. Mais il n’en est pas de même des
eaux stagnantes contenant des matières organiques. Lorsque
le niveau des eaux souterraines s’abaisse, les flaques d’eau se
ÉTUDE SUR LES MICROBES 3
chargent d'avantage de débris de toute espèce et la pullulation
des germes s’y opère avec plus de facilité. Les bacilles cultivés
dans l’eau distillée meurent en 12 heures, tandis qu'ils peuvent
vivre pendant 7 jours dans l’eau de boisson. L'influence du
niveau des eaux souterraines sur le développement des épidé-
mies de choléra a été démontrée par Petteakeefer, en Allemagne,
bien avant que l’on songeât sérieusement à mettre en cause un
microbe quelconque.
Pendant son récent voyage dans l'Inde Kock a rencontré
le Bacille virgule dans les eaux stagnantes de ce pays. En
1854, pendant que le choléra sévissait dans le ville de St-Hya-
cinthe et dans les principales villes du Canada et des paroisses
environnantes, les Bacilles du choléra asiatique existaient dans
les eaux stagnantes avoisinant notre ville, et, j'ai pu constater
leur existence jusqu’à la fin du mois de septembre. Un mois
et demi plus tard, le Dr Annibal Oleary, un de mes confrères
d'étude médicale, demeurant a St-Uésaire de Rouville, suc-
combait, le 15 novembre, à une attaque de choléra Asiatique,
qu'il avait contracté en visitant une femme de St-Damase
affectée de cette terrible maladie’ Le Révérend Père Resther,
alors curé de St-Hyacinthe, ainsi que plusieurs des prêtres du
Séminaire, MM. Dessauniers, Raymond V. G. et plusieurs no-
tables de la ville, furent témoins de mes expériences sur le ba-
cille du choléra, que je foudroyai en leur présence avec une
parcelle de mon anti-cholérique ; spécifique contre le choléra
asiatique !... et celui du Pays, dit choléra-morbus. Quelques
années plus tard, je donnai une conférence devant le corps mé-
dical des comtés de St-Hyacinthe, Rouville, Bagot, Chambly,
Richelieu, Yamaska, &., je répétai devant eux les expériences
citées plus haut, mais cette fois, sur les microbes du choléra du
Pays qu'il tue aussi instantanément |...
On a longtemps cherché en vain à produire le choléra asia-
tique chez les animaux ; au moyen (injections de bacilles vir-
gules, afin de pouvoir donner ainsi la preuve de la nature para-
“on
+ LE NATURALISTE CANADIEN
sitaire de la maladie. Les animaux ‘les contrées atteintes de
choléra semblant avoir une grande immunité sons ce rapport.
Nicati et Rietsch, à Marseille, ont réussi les premiers à pro-
duire le choléra en injectant le liquide cholérique directement
dans le duodénum des animaux (cochons d’Inde, chiens, etc.)
Presque tous ont succombé en deux ou trois jours, et l'intestin
congestionné contenait une quantité de bacilles en virgule, bien
supérieure à celle de l'injection. Le docteur Rochefontaine, à
Paris, a avalé des pilules contenant des déjections cholériques.
Il a éprouvé un malaise de quelques jours qui n’a pas eu d’autres
suites fâcheuses. Il est probable que, dans ce cas, l'acidité du
suc gastrique a produit une atténüation des bacilles, ou les a, en
partie, détruits. Nous verrons, en effet, que les acides sont
contraires au développement des microbes. Rochefontaine s’est
aussi injecté du virus cholérique sous la peau du bras, et n’a
éprouvé qu'un peu de rougeur adémateuse localisée autour de
la piqûre, sans réaction générale comparable à celle produite par
l'injection du même virus dans le canal digestif.
TENTATIVE D’INOCULATION DU DR FERRAN
Ceci nous amène à parler des tentatives d’inoenlation faites
sur une grande échelle, par le docteur Ferran, en Espagne, sous
le nom de vaccinations anti-cholériques.
En 1884, le Dr Ferran (de Tortosa) fut chargé par la mu-
nicipalité de Barcelone d'aller à Toulon étudier agent infec-
tueux du choléra. Ses précédentes études de micrographie le
désignaient pour cette mission. Revenu de Toulon avec une
provision de cultures du bacille virgule, le docteur Ferran se
hâta d'étudier l’évolution de ee microbe. Les faits qu’il annonce
avoir observés diffèrent beaucoup de tout ce qui a été vu avant
lui et ne peuvent être acceptés sans des recherches contradic-
toires.
D'après le Dr Ferran, le microbe du choléra présente un
polymorphisme qui aurait échappé jusqu'ici aux investigations
MR Au di gpu Goa | :
1
~
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 2
de Koch et autres micrographes qui l'ont étudié et cultivé.
Transporté dans du bouillon alcalin stérilisé, le Bacillus komma
s’allonge, forme des filaments flexueux, puis se gonfle à l’une de
ses extrémités, jusqu'à atteindre le volume d’un globule rouge
de sang, constituant ainsi un oogone rempli de protoplasma.
Une enveloppe transparente (périplasme) se forme à l’oogone
qui devient ainsi une oosphère. Tout près de celle-ci, sur le
filament primitif, se montre un petit renflement que Ferran
considère comme le pollinide (ou anthéridie), qui doit féconder
l’oosphère et le stranformer en oospore. Celle-ci se rompt alors,
| et les granulations qu’elle contenait nagent dans le liquide.
Celle qui ont été fécondées croissent jusqu’à atteindre le volume
de l’oogone précédente et coustituent les corps müriformes,
ainsi nommés en raison de leur aspect mamelonné dû à de nom-
breux noyaux ou microcoques.
On voit bientôt de l’un des points de ce corps müûriforme
sortir avec force un filament très ténu, qui s’allonge. Souvent
deux filaments se montrent à la fois.
Ces filaments deviennent flexueux, se tortillent en spirale,
forment des spirilles, qui bientôt se segmentent et fournissent
ainsi, par scissiparité, les bacilles en virgule de Koch qui ont été
le point de départ de la culture et de ce cycle évolutif.
| (A suivre)
—_——_—_—+ << >-____
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
PREMIERE PARTIE,
(Continué de la page 199 du Vol. XVII).
Lundi 2 avril.—Vent toujours debout, un peu plus fort,
cependant mer toujours calme. On sent que ces vents sont
toujours plus légers que ceux qu’on rencontre dans les mers
boréales, ou même dans la traversée de Québec à Liverpool.
6 LE NATURALISTE CANADIEN
Les poissons volants sont beaucoup plus nombreux qu’hier ;
à tout instant, on en voit, effrayés sans doute par le bruit du
bateau, sortir de l'élément liquide pour s’élancer dans l'air, mais
jamais à une hauteur au dessus de 2 à 3 pieds sur la surface
de l’eau. Leur ventre blanc qu’on distingue fort bien, les ferait
prendre à première vue, pour de petits oiseaux, et comme ces
derniers aussi, ils se montrent souvent en bandes, quelquefois
fort nombreuses. Leur nom de poissons volants n’est pas d’une
exactitude rigoureuse, car, comme il est facile de le reconnaître,
leurs nageoires pectorales ne sont pas des ailes véritables, aussi
ils nagent dans Fair plutôt qu’ils ne volent. On ne peut distin-
guer de mouvements dans leurs nageoires pectorales pour répéter
les élans, comme le font les oiseaux et même les chauve-souris-
Certains naturalistes, ou plutôt certains observateurs, ont pré-
tendu que ces poissons ne se soutiennent dans lair qwautant de
temps que leurs nageoires conservent leur humidité, et qu’ils
tombent à l’eau du moment qu’elles sont sèches. D’autres sou-
tiennent, avec beaucoup plus de raison, suivant moi, que toute
leur impulsion vient de la nageoire caudale, qui, en s’agitant
par secousses répétées, les lance hors de l’eau, et les pousse dans
Yair. Si, souvent on les voit toucher le haut des vagues pour
reprendre leur course, ce n’est pas pour s’humecter de nouveau
les nageoires, mais bien pour prendre un nouvel élan dans un
milieu plus résistant. J’en ai vu sduvent faire des courses de
plus de 300 pieds, et on affirme qu'ils peuvent aller jusqu’à
1000 pieds et au delà.
Nous avions ce matin deux navires en vue à notre droite,
s’en allant dans une direction opposée à celle que nous suivons.
Au milieu d’une monotonie continue, l'écart le plus futile qui
vient en interrompre le cours, est souvent un événement. Il
suffit souvent de la moindre singularité de la part d’un passager
pour égayer toute la compagnie.
Mais voici que M. de Pompignan qui, à toutes ses autres
qualités joint celle de chasseur émérite, nous signale un oiseau
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 7
tout nouveau pour moi, et de bon augure pour ceux qui suivent
notre route, car sa présence nous annonce le voisinage des
tropiques. Cet oiseau est le phaéton, valgairement appelé paille-
en-queue, Phaeton ethereus, Linné, C’est un bel oiseau blanc, un
peu plus petit que notre oie, qui porte à l’extrémité de sa queue
deux longs brins qui lui ont valu son nom vulgaire. Ila la
région de l’œil et le haut de Vaile noirs, avec le bec rouge ; ses
doigts palmés avec des pattes fort courtes, lui rendent la marche
difficile sur un terrain plan, aussi ne le voit-on d'ordinaire que
sur la mer ou sur les rochers escarpés des îles désertes où il va
faire ses petits, au nombre de deux ou trois. Il vit particulière-
ment de poissons volants et autres proies que la mer peut lui
offrir. Il saisit sa proie sans se poser, car ses longues ailes avec
ses courtes pattes lui sont un obstacle pour prendre son vol, il
ne peut y parvenir, dit-on, que lersqu’une vague le soulève au
dessus de la surface. Il habite presque exclusivement la zône
torride, ce qui lui a valu le nom, pour plusieurs, d'oiseau des
tropiques.
A midi, nous sommes à 25° 36’ de latitude; cest une
bonne distance depuis 46° 48’ point d’où nous sommes partis,
mais c’est encore loin de 10° où nous devons aller. La course
dans les 24 heures a été de 235 milles, c’est le train ordinaire de
notre Muriel, qui craindrait, je pense, de s’échauffer en dépas-
sant ses 10 milles à l'heure.
Voulant faire une reconnaissance sur le devant du bateau,
voilà que le vent pousse le pan de mon habit sur un panneau
tout fraîchement peinturé en blanc, et transforme en gris une
large plaque sur mon habit noir. J’en étais tout désolé, lors-
qu’un complaisant matelot s’en vint avec une éponge imbibée de
térébenthine, enlever toute trace de l'accident et restituer au
drap sa couleur et son lustre d’auparavant. Allons, me dis-je,
je n’oublierai plus la lecon, qu’on n’est jamais plus en sûreté que
lorsque chacun est à sa p lace.
Mardi, 3 avril.—Sur le pont au lever du soleil. Temps
LE NATURALISTE CANADIEN
superbe ; vent E. $. E., un peu plus fort; bateau avec forte
pente, cependant mer toujours calme. Les poissons volants sont
encore plus nombreux que la veille. Je remarque qu'il y ena
deux espèces bien distinctes ; les uns plus petits, en bandes fort
nombreuses, les autres beaucoup plus gros, un peu moins com-
muns. Le premier est, si je ne me trompe, l’Exocetus volitans,
Linné, et le second l’£xoccetus exiliens, Bloch. Le second se
distingue surtout du premier par sa taille plus forte et la lon-
gueur de ses ventrales, qui sont placées plus en arrière que le
milieu du corps, et qui probablement lui servent comme d’ailes
supplémentaires dans son vol aérien.
Les Exocets sont à couleurs très brillantes ; un lustre ar-
gentin domine sur toute leur surface ; la tête, aplatie en dessus,
avec le sommet du dos et des côtés, sont d’un bleu d’azur,
tandis que les pectorales sont d’un bleu plus foncé. La bouche
est armée de petites dents avec la mâchoire inférieure plus
avancée que la supérieure. Les flancs portent une rangée
d’écailles carénées qui se détachent assez facilement lorsqu'on
les touche. La nageoire caudale a sa partie inférieure plus longue
que la supérieure, ce qui facilite davantage la puissance d’im-
pulsion pour s’élancer dans l’air.
Certains auteurs prétendent que les Exocets s’élancent hors
de l’eau pour le seul plaisir de voler dans lair, tandis que
d’autres veulent que ce ne soit que pour échapper aux pour-
suites de leurs ennemis, ou pour fuir à l’approche d’un danger
qu’ils appréhendent à tort ou à raison, comme lapproche d’un
vaisseau, Ce qu’il y a de certain, c’est que dans l’eau ou dans
l'air, ces jolis poissons rencontrent des ennemis nombreux ; les
scombres, les dorades, les coryphènes etc. les poursuivent dans
l’eau ; les frégates, les fous, les paille-en-queue etc. les guettent
dans l'air. Ajoutons que leur chair délicate les fait rechercher
q
par l’homme et dans l’eau et dans lair. Les poissons volants se
nourrissent de vers et de productions végétales.
J’en étais à me demander ce qu’on pourrait rencontrer de
nouveau aujourd'hui pour nous intéresser, lorsque je vis glisser
ee er
> a
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 9
sur l’eau une forme encore nouvelle pour moi. C’est-un être à
conformation fort singulière, qui tend au vent une voile, que je
crois double sans pouvoir bien m’en convaincre, d'apparence
gélatineuse ou vitreuse, d’une belle couleur blane-bleuâtre, pour
profiter de la brise qui agit sur elle et la pousse en avant. Tout
d’abord j'ai cru avoir affaire à une Physalie, dont j'avais lu à
maintes reprises des descriptions dans les auteurs. Les réponses
que les matelots donnèrent à mes questions, me confirmèrent
aussi dans cette opinion, — Ces fioles vitreuses que lon voit
glisser sur l'eau, leur demandai-je, sont-elles accompagnées
d’une coquille ? — Non, il n’y a point de coquille ; c’est une
masse gélatineuse qui nous coule entre les doigts lorsqu'on la
saisit.
Que j'aurais voulu pouvoir en capturer quelqu’une ! mais
impossible ; bien qu’on en vit plusieurs, et assez près du bateau,
elles ne l’approchaient pas assez cependant pour pouvoir être
prises avec un seau.
Les Physalies sont des espèces de méduses, de consistance
gélatineuse, de forme elliptique, avec une créte plissée sur le
dos et des tentacules nombreux en-dessous. Comme la crête
dorsale leur sert de voile, les marins les désignent souvent sous
le nom de frégates, de galères, etc., et comme leurs tentacules
inférieurs causent sur la peau, lorsqu'on les saisit, une brûlure
assez piquante, on lear donne aussi le nom d’orties de mer. Je
regrette de ne m'être pas enquis de cette singulière propriété
auprès des matelots, j’aurais pu dès lors fixer mes incertitudes
sur la détermination de l’animal en notre présence; car plus j’y
réfléchis aujourd’hui, et plus je me convaines que c’est à un
mollusque que nous avions affaire, et non à une hydrophyse ou
méduse. Ce n’est rien moins, je pense, que l’Argonauta argo,
que nous avions là en notre présence.
En effet, la crête de la Physalie est allongée, adhérente
dans toute sa longueur au dos de l'animal; et les ailes vitreuses
que nous avions devant nous, étaient étroites, paraissaient
10 LE NATURALISTE CANADIEN
élargies à l'extrémité, ne mesurant pas moins de 6 à 7 pouces
ou même davantage, au-dessus de l’eau, sans rien laisser voir
de la souche ou base qui les portait. Or ce sont bien là les
caractères extérieurs de l’Argonaute. Que les matelots aient dit
qu'il n’y avait pas de coquille, rien de surprenant. Peut-être
n’en avaient-ils jamais pris eux-mêmes, ou, les saisissant trop
brusquement, ils auraient pu briser la coquille fragile sans
remarquer sa présence.
L’Argonaute est un octopode à coquille fragile, carénée,
plissée ou ondulée, ayant assez la forme de la proue d’un vais-
seau à son extrémité postérieure. L'animal, dans les temps
calmes, s’éléve du fond des eaux pour voguer dans sa nacelle à
la surface. Retenant dans sa nacelle autant d’eau qu’il lui est
nécessaire pour lui servir de lest, il dresse perpendiculairement
ses bras palmés, les tient écartés, et la membrane élargie et
oblongue qui règne sur une partie de leur longueur présentant
une plus grande surface au vent, lui sert de voile pour voguer
dans la direction du vent. Les trois autres bras de chaque côté
sont employés comme balanciers, et le bas du corps, qui forme
un crochet hors de la coquille, fait les fonctions de gouvernail.
Mais survient-1l du mauvais temps ou un ennemi, dans l'instant
même tout l’attirail rentre en dedans, l’animal retire ses rames,
ses voiles, son gouvernail, ses avirons, et fait chavirer son frêle
navire, qui se remplit d’eau, et s’enfonce dans les profondeurs
des mers.
Telle est, d’après les auteurs, la manière de procéder de cet
intéressant mollusque.
Après avoir examiné attentivement les coquilles d’Argo-
naute que je possède dans ma collection, et les avoir confrontées
avec les figures de l'animal qu’en donnent les auteurs, je n’ai
plus de doute aujourd’hui que ce sont ces mollusques que j'ai
rencontrés là, et n’ai qu’un regret, c’est de n'avoir pas insisté,
auprès des employés du bateau, pour pouvoir en capturer quel-
ques uns.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX IE
Les Argonautes, de même que les Physalies, habitent les
mers chaudes de la zône torride. Certaines coquilles de l Argo-
nauta argo mesurent jusqu’à 8 et 9 pouces de longueur.
La température s’attiédissant de plus en plus à mesure que
nous avancons vers le sud, je commence à souffrir de l'épaisseur
des vêtements que j'ai portés jusqu'ici, et en remplace une partie
par de plus légers, caleçons, chaussettes, etc. ; cependant, pour
le buste, je ne veux pas cesser de porter toujours de la laine sur
la peau : c’est le plus puissant préservatif contre les refroidisse-
ments trop subits, qui sont presque toujours des occasions de
graves maladies, même dans les climats les plus chauds.
La mer depuis longtemps déjà a laissé sa couleur verte des
latitudes élevées, pour prendre une teinte bleu-foncé des plus
agréables, c’est la couleur de la mer de Naples, d'Alexandrie et
de presque toute la Méditerranée, à l’exception du voisinage
des côtes.
Lorsqu’aucune rencontre ne m’apporte de sujets d'étude, je
m'amuse à étudier le caractère des différents personnages qui
nous entourent ; c’est ce qu'avec M. Huart nous appellons faire
des études de mœurs. Notre yankee, M. Moore, fournit sur-
tout ample matière à nos observations.
La couleur pâle, livide, l'apparence débile de notre guade-
loupien, M. Castéra, l'avaient frappé en mettant le pied sur le
bateau, et du moment qu'il sut que ce convalescent venait de
Panama, il voulut absolument se convaincre que c'était un
échappé de la fièvre jaune qu'il avait devant lui. Il paraissait
avoir une crainte extrême de se trouver en face de la redouta-
ble épidémie. Vingt fois M. Castéra lui avait dit qu’il n’y avait
pas de fièvre jaune à Panama lors de son départ; tous les jours
cependant il revenait à la charge pour en obtenir un aveu. Il
était parfois tout-à-fait amusant d'écouter leurs colloques, d’au-
tant plus que l'américain ne savait pas deux mots de français,
et que le guadeloupien n’était pas non plus très fort en an-
glais, — Well, tell me, disait l'américain, is there no yellow
nn 9
12 LE NATURALISTE CANADIEN
Jiever in Panama? Are-you not recovering from this
illness ?— No, no ! I told you, no, before, and I repeat you: no !
et là dessus, il s’en allait chercher un poste ailleurs, Mais
notre américain ne se tenait pas encore pour satisfait, il suivait
le patient: surely you have suffered from fiever, you look to
weak, to pale! Et les témoins de rire aux éclats en vue de telles
obsessions. Ajoutons que l'américain paraissait déjà tout
troublé en prévision d’une réponse qui aurait confirmé ses
craintes.
Une atmosphère tiède et des plus agréables, des zéphirs
paisibles qui rident à peine la surface de l’eau, un ciel pur et
sans nuages qui S’harmonise si bien avec la couleur bleue de la
mer, nous procurent des nuits qui ne sont pas moins attrayantes
que les heures qu’éclaire l’astre du jour. Phébé nous fait défaut,
mais par contre les étoiles scintillent d’un éclat que nous ne leur
avions pas encore connu. Le fond sombre sur lequel elles se dé-
tachent, nous les montre comme autant de clous étincelants ser-
vant à capitoner l'immense voile d'azur qui nous sert de voute.
Déjà certaines de nos constellations boréales se rapprochent sen-
siblement de l'horizon, et du côté opposé se dessinent au firma-
ment des groupes de soleils dont je suis enchanté de faire pour
la première fois la connaissance. M. de Pampignan, qui a fait
une étude spéciale du planisphère céleste, m'intéresse beaucoup
en me faisant distinguer certaines constellations de l'hémisphère
austral inconnues pour nos latitudes. C’est avant tout la grande
Croix-du-sud, si facile à reconnaitre par les quatre étoiles prin-
cipales, sur les onze quila composent, rangées en un carré presque
parfait dont les diagonales formeraient une belle croix. La croix
laisse voir aussi dans sa zône quelques autres constellations
moins importantes et un peu plus difficiles à distinguer.
Mercredi 4 mai.—Nous avons un peu de tangage ce matin,
bien que la mer puisse encore être qualifiée de clémente. M.
Huart a encore, comme on dit vulgairement, les ailes pendantes.
Je crois qu’il s’habituera difficilement à faire un marin, et il pro-
teste aussi hautement au’il n’ambitionnera jamais cet honneur.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX HS
A 6 hs. nous voyons un vaisseau à notre droite, filant sa
course dans une direction opposée à celle que nous suivons.
A 8.30 hs., grande joie à bord, nous voyons la terre, la
terre que nous avions perdue de vue depuis plus de six longs
jours. Ce n’est d’abord qu’une petite tache à lhorizon sur notre
droite en avant, mais à mesure que nous avancons, nous voyons
la forme se dessiner plus distinctement. Bientôt nous distin-
guons les rochers avec une tour qui les surmonte se mouler en
crénaux sur l'horizon. C’est, nous dit-on, la petite île de Sombrero
qui ne se compose que de rochers arides et n’a d’autres habi-
tants que les gardiens du phare qu’on entretient 1a pour lavan-
tage de la navigation. Le capitaine nous annonce qu’à 7 h. ce
soir, nous serons à St-Kitts, premier port où nous devons faire
eseale.
Je me rappelle avoir lu quelque part dans les écrits de Paul
Féval, qu’étant un jour en route pour un pèlerinage au tombeau
de St-Martin, à Tours, il fut tout étonné d'entendre quelques
uns de ses compagnons de route, qui voyageaient dans le même
but que lui, discutait certaines questions en rapport avec les
principes religieux bien entendus, de manière à laisser des
doutes sur leur foi plus ou moins avariée de maximes mon-
daines que la pure orthodoxie ne pourrait que répudier. Il y
avait, dit-il, un avocat, un médecin, un militaire avec lui dans
le même compartiment ; la conversation étant tombée, par
hasard, sur le duel, le médecin condamnait sans ambages la
fausse maxime ; l’avocat sauvait le principe, mais, disait le dis-
ciple de Thémis, avec des épées à quinze pieds de distance, ou
des pistolets à une portée de canon, comme c’est le plus sou-
vent le cas, je ne vois pas beaucoup qu’on puisse nuire à son
prochain. Le militaire, lui, tout en se proclament catholique de
bon aloi, soutenait qu’il y avait des coutumes, des usages de
mœurs; des règles de société, auxquelles on ne pouvait décem-
ment se soustraire, et que la religion, tout en les condamnant
dans le principe, devait les tolérer dans la pratique.
14 LE NATURALISTE CANADIEN
Nous sommes tellement habitués chez nous à n’entendre
que des discours en tout conformes aux prescriptions de l'Eglise,
que plus je poursuis mes entretiens avec celui de mes compa-
gnons qui m’intéressent le plus, et plus je me sens porté à douter
de l’orthodoxie de son catholicisme. Je crains fort de ne trouver
à la fin dans cet aimable narrateur qu’un de ces catholiques à
gros grains, comme on en trouve tant en France, qui ont grand
soin de répudier la libre pensée, mais qui se fabriquent volontiers
un évangile de leur facon ; qui ne vo'idraient pas se donner au
diable, mais qui ne veulent pas non plus se donner à Dieu.
Hier, mon martiniquois me rapportait qu'ayant fondé, en
compagnie de quelques amis, au nombre desquels était le Dr
Lota, dont j'aurai occasion de parler plus tard, un journal à St-
Pierre de la Martinique, ayant nom la Défense Coloniale, parti-
culièrement destiné à prendre les intérêts des blancs (créoles) de
la colonie, contre la tyrannie des noirs, qu'un gouverneur sans
cœur et sans vergogne favorisait de tout son pouvoir, même
contre les règles de l'équité et de la justice, ils avaient, tous les
jours, à ferrailler dans leur feuille contre certains rédacteurs
noirs à la tête d’une autre feuille jouissant des faveurs de l’au-
torité. Or il était arrivé, comme la chose a souvent lieu dans
les polémiques ardentes, que l'écrivain noir avait fort maltraité
ses confrères blancs; donnant libre essor av caractère grossier
et brutal de sa race, il n'avait pas même respecté les égards que
des hommes bien élevés se doivent entre eux en toute circons-
tance. Rencontré sur la rue par le Dr Lota, qui en sa qualité
de Corse a le sang vif, le noir l’avait insulté sans ménagement.
Mais le bouillant docteur, emporté par son caractère, n'avait pas
été lent à faire jouer sur le crâne de lafricain la canne qu’il
tenait à sa main pour le mettre en fuite.
Voilà une bien mauvaise affaire dirent ses amis au docteur,
vous connaissez nos mulâtres, forts par leur nombre et comptant
aussi sur l’abstention de lautorité pour tout ce qui pourrait
arriver, vous êtes sûr qu'ils vont Venir en grand nombre tirer
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 1
vengeance de cette défaite. Il faut sans délai se préparer à les
recevoir.
Et en effet, ’appel est fait dans tout le voisinage, et plus
de 1000 faces noires se présentent dans la rue pour faire le sac
de la maison du docteur. Nous avions, dit M. de Pampignan,
une carabine à dix-sept coups, des épées, et quelques fusils.
Connaissant le manque de bravoure des afrricains, j'étais sûr
qu’en cing minutes, nous pouvions, à sept ou huit que nous
étions, en coucher une cinquantaine sur le sol, et mettre inconti-
nent toute la bande en déroute. Mais, ajouta-t-il, le docteur ne
voulut jamais consentir à ce qu’on fit usage des armes meur-
trières. Auss la maison fut-elle complètement démolie, les
meubles brisés en mille pièces, et le docteur forcé d’émigrer à
Trinidad, par ce que ses jours n'étaient plus en sûreté à la
Martinique.
— Mais le docteur en a bien agi dans la circonstance, lui-
dis-je ; il ne voulait pas ajouter une nouvelle faute à celle
commise en premier lieu.
— Comment? n’était-il pas en légitime défense ? Devait-il
laisser ruiner sa propriété sans prendre les moyens de la
protéger ?
—Légitime défense ? Je ne l’admets pas ; car il était le
provocateur. Il pouvait s'adresser aux tribunaux pour mettre
son noir à l’ordre ; mais en se portant à une voie de fait, il
perdait tout droit à réclamer réparation de l’injure commise à
son égard. Je trouve en outre que, même au point de vue de la
prudence humaine, le docteur a encore eu raison de ne pas faire
feu sur la foule. Si, pour le moment, vous aviez mis la masse
en déroute, vous pouvez être bien sûrs que, forts de leur nombre,
ils auraient repris leur revanche plus tard. Et d’ailleurs, ne
comptez-vous pour rien cinquante vies que vous auriez ainsi
sacrifiées à votre ressentiment, lorsque le tort venait de votre
côté ? En outre, cette foule n’était pas là sans armes, et une
balle, une seule balle aurait suffi pour le docteur on pour vous-
'
À ij ie : f
LE NATURALISTE CANADIEN
même. Et qu'importe que cinquante noirs mordent la poussière,
si vous allez vous coucher parmi eux ?
Il va sans dire que mes paroles furent loin d’amener la
conviction chez mon interlocuteur, mais je me disais tout de
même à part moi : Comme ils sont sublimes, comme ils sont
sages, ces préceptes de notre sainte religion ! et comme souvent
aussi on ne les viole pas impunément, même en ce monde ! Et
j'ajouterai ici: comme ils sont à plaindre ceux qui, nourris dans
un milieu perverti, ont entendu mille fois résonner à leurs
oreilles des maximes perverses, des doctrines impies, des juge-
ments erronés ; ils s’en sont imbus sans s’en apercevoir, et les
retiennent encore tout en faisant profession de bouche de leur
orthodoxie ! ;
Aujourd’hui M. de Pompignan me raconte une autre scène,
encore au sujet de ses nègres, et où les principes religieux n’ont
pas été non plus respectés.
Cette fois, c'est lui-même qui est le héros du drame, et
c’est encore au sujet de polémiques dans les journaux ; et je ne
pourrais sûrement affirmer qne ce n’est pas avec le même
rédacteur noir.
On s'était donc, de part et d’autre, j’ai raison de le croire,
fort maltraité chacun dans sa feuille. M. dè Pompignan, en bon
chrétien, comme il se plait à le déclarer, n’hésita pas à envoyer
ses témoins au mulâtre pour une rencontre sur le terrain. L’arme
choisie était le pistolet. Le noir s’y rendit, mais tellement défait,
tellement tremblant, que les médecins durent déclarer qu'il
n’était pas en état de se battre. Il fallut donc remettre la partie
à un autre jour, pour attendre que l’africain pit rentrer dans sa
peau, et faire passer dans son cœur une parcelle de cette bravoure
qu'il avait si abondante au bout de sa plume. Mais rendu de
nouveau sur le terrain au jour fixé, la première scène se répéta
encrre plus accentuée; lafricain pâle, défait, complètement
décontenancé, n’était pas même capable de retenir l’arme dans sa
main. Force fut encore aux Esculapes d’intervenir pour un
nouveau délai qui, cette fois, s’étendit aux calendes grecques.
(A suivre.)
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Vol. XVIII Cap Rouge, Q., Août, 1888 No. 2.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER. A
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
PREMIERE PARTIE.
(Continué de la page 16).
Je veux bien croire qu’il y avait du tort des deux côtés, et
qu'un fils d’esclave ait pu, avée raison, craindre pour sa peau en
allant se mesurer avec un militaire exercé, de la stature de M.
de Pompignan ; mais je n’en vois pas moins non plus, de part et
d'autre, une absence notable de principes religieux ; en premier
lieu, dans le manque d’égards de cette justice que les hommes,
fussent-ils blancs, jaunes, rouges ou noirs, se doivent les uns
aux autres, et en second lieu, dans la manière de réparer l’injure
une fois commise,
I] faut, dit-on, pour satisfaire à l'honneur, s’échanger une
balle ou deux, ou se piquer quelque part. Quelle convention
absurde et irrationelle ! Combien le code évangélique l'emporte
sur ce reliquat de paganisme ! “Si, vous présentant devant
Dieu, vous vous rappelez que votre frère a quelque raison d’être
irrité contre vous, allez sans délai vous réconcilier avec votre
2— Août, 1888.
18 LE NATURALISTE CANADIEN
frere”...... “Ne faites jamais aux autres ce que vous ne vou-
d Ks ? i AL à A »f
riez pas qu'on vous fit à vous-même ” !
Comme Jes hommes ne sont pas des anges, ni même tous
des saints, il arrive quelquefois que dans les moments de viva-
cité, on oublie aussi chez nous les sages préceptes de l’évangile ;
mais comme alors Ja pratique canadienne l'emporte encore sur
le prétendu point @honneur qu’on fait sonner si haut en Europe.
Chez nous, on le sait, le coup de poing tient lieu de pistolet et
d'épée ; et un œil poché, une lèvre fendue, une côte rudement
caressée, suffisent d'ordinaire pour satisfaire & l'honneur, et
mettre le manant à sa place sans danger pour ses jours.
Ceci me met en mémoire un petit ineident dont le quai du
Palais, à Québec, fut le théâtre, il y a quelques années.
Un hâbleur francais, comme il nous en arrive quelquefois,
avait réuni là une cinquantaine de flâneurs, et les amusait de ses
vantardises. — Moi, disait-il, je sais l’art de la boxe, et au moyen
de cette connaissance, je puis me défendre contre un homme
deux fois plus fort que mot.
—Que dit-il done là, ce francais, demande un luron de
batelier, de stature imposante et a mine fort peu gracieuse, qui
arrive sur ees entrefaites et écarte les rangs pour pénétrer au
centre du cercle ?
— F1 dit qu’il connaît la boxe et peut se défendre contre
un homme deux fois plus fort que tui,
—Tu sais l’art de la boxe ? dit-il au francais, lorsqu'il fut
parvenu jusqu’à lui; eh bien, moi, je ne le sais pas; mais
tiens toi ben !
Et en disant cela, il lui porte un rude coup de poing, un
un vrai coup de massue en pleine figure, et ’envoie mesurer le
pavé de toute sa longueur.
Ce fut un éclat de rire général de la part de tous les
assistants, et le blessé eut beau crier “au meurtre !” en tombant
et en se relevant la figure tout ensanglantée, personne ne vou-
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 19
lut faire connaître aux agents de police qui intervinrent alors,
le boxeur sans art qui avait porté le coup et qui, confondu
avec les autres, partageait leur hilarité.
On peut donner comme suit le mode de réparer les
injures, en dehors des maximes évangéliques, chez les différents
peuples: En France, l'épée; en Angleterre, le pistolet; en
Canada, le coup de poing. Or, comme entre différents maux, il
faut choisir le moindre, je préfère de beaucoup le dernier aux
deux autres, il est moins dangereux, plus rationnel, et moins
éloigné des règles de la charité fraternelle, puisque souvent il
se réduit à une correction méritée,
Tout en devisant ainsi de politique, d'astronomie, d'histoire
naturelle, de coutumes et de mœurs, nous poursuivons notre
route vers le sud.
Déjà nous avons dépassé le phare de Sombréro, et, laissant
à notre gauche l’île de St-Martin, et à notre droite celle de Saba,
nous pénétrons dans la mer des Caraïbes ou des Antilles, cette
mer intérieure à demi close, que les Iles-du-Vent ou petites
Antilles ferment à Vest, le Vénézuéla au sud, le Guatimala à
l’ouest, et que la presquwile de Yucatan avec les grandes An-
tilles, Cuba, Haiti, ete., closent au nord.
Saint-Martin, à 18° 4’ de latitude nord, est occupée con-
jointement par la France et la Hollande. En partie’ composée
de montagnes, sa population ne dépasse guère 5,000 habitants.
La portion française fait partie du gouvernement de la Guade-
loupe.
Vile de Saba, plus petite que la précédente, appartient
aussi aux Hollandais ; sa population s'élève à environ 1700
habitants.
Nous voyons souvent de nombreux marsouins prendre
leurs ébats autour de notre bateau, parfois en très grand nombre,
et il arrive fréquemment que dans leurs courses, ou leurs jeux
comme il paraît plus probable, on les voit s’élancer hors de l’eau
de maniére a se séparer totalement de sa surface.
20 LE NATURALISTE CANADIEN
De ce point nous ne devons plus perdre la terre de vue,en
quittant une île nous en apercevons aussitôt une autre,
A 11 heures nous sommes en face de Saint-Barthélémi, à
17° 56’ de latitude, seule île de eette région possédée par la
Suede. Colonisée par la France en 1648, cette île fut cédée aux
Suédois en 1784. Sa population est d'environ 10,000 habitants ;
sa capitale est Gustavia.
Bien que Ja vue des îles qui se succèdent les unes à la
suite des autres vienne rompre la monotonie de notre naviga-
tion des jours précédents, les conversations à bord n’en devien-
nent ni moins fréquentes, ni moins animées ; mais plus je les
prolonge avec M. de Pompignan, et plus jai raison de m’éton-
ner du code religieux de ce brave homme, qui reflète dans sa
personne, je le suppose, le- milieu dans lequel il a vécu dans
les camps, et dans les salons qu’il a fréquentés ; à tout instant
il lui échappe quelque pointe soit contre la Providence, soit
contre les Saintes-Ecritures. Entendons-le sur le passage de la
mer Rouge à pieds sees par les Isradlites :
— Les hommes de génie, dit-il, et surtout ceux qui com-
mandent aux masses, savent habilement tirer partie des moin-
dres circonstanees pour se grandir aux yeux du peuple. Moïse,
poursuivi par les Egyptiens, arrive sur le bord de la mer Ronge,
au moment où il voit la marée qui s’en va, Il n'hésite pas à
proclamer'que c’est par son ordre que l’eau se retire ainsi. Et
les habitants de Gessen quile suivent, n'ayant jamais vu de
marées, n'hésitent pas à le croire. Toute la masse s'engage
done sur la plage à sec et passe de l’autre côté. Les Ecyptiens
arrivent presque aussitôt et suivent la même route; mais le
moment du reflux était arrivé, et l’armée presque entière dis-
parait sous les flots. Pas plus difficile que cela de faire un
miracle.
—Mais que faites-vous donc du texte sacré qui dit que
les eaux se séparèrent et formèrent comme un mur de part et
d'autre ?
—KEst-ee que le passage de la mer Rouge est un article de
foi ?
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 21
— Non, sans doute; mais quelles preuves apportez-vous
pour le contredire ? Ou vous croyez aux miracles, où vous n’y
croyez pas. Dans le premier cas, comment pouvez-vous gratui-
tement en récuser un formellement rapporté dans l'écriture
sainte? Si vous rejetez l'autorité de la Bible sur ce point, ne
pourrez-vous pas de même la repousser pour tout le reste? Si
vous me dites que vous ne croyez pas aux miracles; inutile
aiors de discuter, il vous faut un autre évangile, et cessez de
vous dire catholique.
L'eau que Moise fait jaillir du rocher était une autre finesse
de sa part. Il savait qu'il y avait là une source, et il fait accroire
au peuple que c’est en frappant le roe de son bâton qu’il la fait
surgir !
Mais la grande préoccupation de mon savant créole (1) était
de trouver assez d’espace pour loger sur la terre tous les descen-
dants de Ja population actuelle.
— Avant deux siècles, disait-il, la terre sera insuffisante
pour loger tous les hommes, avec la proportion d’accroissement
que les différentes races montrent aujourd’hui.
—Soyez sans inquiétude sur ce point ; celui qui remplit
de sa présence le ciel et la terre, saura bien trouver de l’espace
pour les hommes qu’il a tirés du néant et rachetés de son sang,
Il a plus d’une corde à son are, pourrait-on dire vulgairement.
Ne pourrait-il pas, par exemple, construire un appentis à notre
globe pour y établir de nouvelles colonies ?... Qui l’empécherait
de déerocher une petite planète, Junon ou Vesta, par exemple,
pour la coller à notre terre ? Ce ne serait guère plus qu’une
verrue sur une face humaine!......
Comme il serait difficile de gouverner le monde, en faisant
disparaitre la providence ! Et ce sont de prétendus sages qui
veulent en agir ainsi !... Pitié !
(i) Les créoles ne sont pas des métis entre européens et les abori-
gènes de Amérique du sud, mais les descendants d’eurcpéens nés en
Amérique.
22 LE NATURALISTE CANADIEN
Cependant les îles se succèdent toujours les unes aux autres
sans interruption, après Saint-Barthélémi, c’est Anguille qui
appartient à Angleterre, à 18° 40’ de latitude, avec une popu-
lation de 2,000 habitants ; au N. E. à 17° 38’ Barboude (1),
aussi à l'Angleterre avec une population de 1500 habitants.
Puis à 17° 29’, Saint-Eustache, beaucoup plus considé-
rable que les précédentes, qui appartient aux Hollandais, avec
une population de 7,000 habitants.
Enfin à 7h., tel qu’annoncé, nous jetons l’ancre dans la
rade de Basseterre, capitale de Saint-Kitts, où nous devons
faire une escale. Mais nous mouillons assez loin de la rive et
la nuit est déjà arrivée, car dans ces climats tropicaux, il n’y a
presque pas de crépuscule ni d’aurore, une demi-heure après le
-coucher du soleil, c’est la nuit complète, de sorte qu’il nous
faut remettre au lendemain matin l'heure du débarquement.
DEUXIÈME PARTIE
DE SAINT-KITTS A TRINIDAD.
Le Rév. M. Smyth, curé de Saint-Kitts. — Le jardin public. — L’Arec ou
Chou-palmiste.— Le cactus tête d'anglais. — Le Figuier des Indes.—
Un Strombe.—N évis—Monserrat.— Antigue ; Pélicans; jardin bota-
nique ; la Victoria regia en fleur.— La Dominique; Roseau ; hôpital
pour les affligés du pian. — La Guadeloupe ; Pointe-à-Pitre ; M.
Vabbé Minoret ; l’arbre du voyageur ; le Pandanus; M. Guesde; une
Pleurotomaria toute fraiche; le Scarabée géant. — La Martinique ;
Saint-Pierre sa capitale ; nageurs nègres ; un requin; la quaran-
taine.—Ste-Lucie ; le Rév. P. Tapon, curé de Castries ; serpents.—
La Barbade ; le R. P. Strickland, curé de Bridgetown ; coquillages ;
visite à M. Belgrave, marchand de curiosités ; un corail nouveau.—
Trinidad.
Jeudi 5 avril.— Dès 6.30 h. je descends avec M. Huart
dans une chaloupe qui nous dépose sur le quai en face de la
(1) Barboude, Barbuda, ne pas confondre avec la Barbade, Barbados,
plus au sud, et dont nous parlerons plus loin.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 23
douane. N'ayant d'autre bagage que nos bréviaires, l’inspec-
tion est bien vite faite, et nous voilà dans la rue à la recherche
de l’église catholique, que nous savions avoir pour curé le Rév.
M. Smyth, pour lequel nous avions une lettre d'introduction.
Nous hésitions sur la direction a prendre, lorsqu'un jeune
homme à mine bienveillante, nous entendant parler français,
nous accoste.
— Vous cherchez l’église catholique ? Et bien, suivez-moi, je
vais vous y conduire.
— Vous êtes français ?
—Non, je suis danois et l’un des employés de l’église.
Nous marchons done à la suite de ce guide, tournons un
coin de rue, traversons un jardin public où maints objets nou-
veaux frappent mes regards, mais dont je remets l’examen à
quelques quarts d'heure plus tard, et entrons au presbytère.
M. le curé Smyth nous accueille-avec une politesse charmante
et nous conduit sans plus tarder à la sacristie pour la célébration
de ln sainte messe, à laquelle je tenais fort pour remercier Dieu
de Fheureuse traversée que nous venions de faire. M. Huart,
trop fatigué du malaise éprouvé à bord, ne se sentit pas capable
de célébrer. ;
L'église, quoique petite, était tenue dans un grand état de
propreté, et une vingtaine de personnes qui assistèrent à ma
messe sy montrèrent dans la tenue la plus convenable et la
plus attentive.
° M. Smyth nous invite à prendre le déjeûner avec Ini,
et après une demi-heure de conversation avec ce brave curé,
auquel nous ne reconnaissons qu’un défaut, celui de ne pas
parler français, nous prenons congé de lui pour retourner à
notre bateau, car l’on nous avait assigné 9 h. pour le moment
du départ.
Mais comme nous avons encore plus d’une heure à notre
disposition, je ne veux pas laisser la ville sans faire une courte,
mais attentive étude de sa physionomie et surtout de ses pro-
ductions naturelles.
24 LE NATURALISTE CANADIEN
Le jardin public en face du presbytère est en premier lieu
ce qui fixe mon attention.
Ce qui me frappe plus
particulièrement à première
vue ce sont les palmiers,
avec leurs trones droits,
lisses, vernis comme des
manches de lignes, dirait
Buies, et leurs longues
feuilles en parasol au som-
met seulement. La figure 1
ei-jointe en donne une re-
présentation fidèle. C’est
l'Oreodoæu regia, Willde-
now, que les anglais ap-
pellent Mountain cabbage,
Cahbage palm, et les fran-
cais, très improprement, pal-
a miste, et mieux chou-pal-
miste.
On sait que les palmiers
se rangent dans les mono-
colylédones, dont nos céré-
ales, blé, avoine, maïs, etc.,
& font aussi partie. Les pgl-
miers sont tres nombreux
en espèces, les Antilles en
possèdent, assure-t-on, dix-
huit différentes.
L’Arec au chou-palmiste
tly qui nous occupe particu-
lièrement ici, a d’abord été
le nom d’Arect oleracea,
Fig. 1.—L’Aree ou Chou-palmiste, Oreodoxa regia, Willd.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 25
Wildenow quia fait ensuite une étude spéciale de ces plantes,
lui a donné le nom d’Oreodoxa regia, qu'il conserve encore
aujourd’hui, Son nom spécifique regia lui convient tout par-
ticulièrement, car c’est un des arbres des plus élevés, des plus
élégants et de plus belle apparence de toute sa famille ; ila une
majesté réellement royale. Sur un diamètre atteignant rarement
deux pieds, il s'élève jusqu'à 80, 100 et même 120 pieds, et ne
porte de feuilles qu’à son sommet, comme la plupart de ceux de
sa famille. Son stipe ou tige est dans le jeune âge renflé en
bulbe vers le bas, comme on peut le voir dans la figure ci-contre ;
mais en croissant il perd avec l’âge cette apparence bulbiforme,
c’est-à-dire que le reste du stipe vient à prendre à peu près le
diamètre du bulbe primitif,
La racine se compose d’abord de la radicule qui s'enfonce
en terre, mais qui disparaît ensuite pour faire place à un grand
nombre de petites racines adventives qui le retiennent si soli-
dement fixé au sol, que sur le grand nombre de tous ceux que
j'ai pu observer, je n’en ai jamais vu un seul renversé par le
vent, même, comme on en voit souvent, isolés en pleins champs
ou sur des places publiques, maloré la prise que peut donner
son parasol de feuilles compacte au sommet de sa tige nue,
élancée, et relativement grêle.
L'arbre, dans le jeune âge, produit un certiin nombre de
feuilles engaînantes, pennées, de 8 à 10 pieds de longueur et à
folioles de 13 à 20 pouces. Mais ces feuilles tombent bientôt
pour faire place à une hampe qui s’échappe de leur centre et se
projette jusqu’à 40, 50, 70 pieds et même au dela pour porter
les fleurs qui donneront naissance aux fruits. Les feuilles tom-
bées ne laissent pas des cicatrices soulevées comme on en voit
sur les dattiers, mais seulement des cercles parallèles blanchâtres,
sans aucun relief, ne se distinguant du reste que par leur cou-
leur, et disparaissant avec l’âge dans la croissance de larbre.
La fleur consiste en un spadice ou régime renfermé dans
une spathe bivalve qui s'ouvre à la floraison et persiste long-
26 LE NATURALISTE CANADIEN
‘
temps sur l’arbre avant de se détacher et de tomber sur le sol.
Les fleurs sont à six divisions disposées sur deux rangs, et trois
stigmates, formant une drupe ronde, recouverte d’un brou fila-
menteux contenant une amande. Les fleurs blanches, fort
petites, sont suivies de fruits oblongs, bleuâtres, de la grosseur
d’une olive, à amande non comestible.
ATK
LLG
Paz
Des =
Mais si le fruit de l’arec n’est pas comestible, l'énorme
bourgeon qui doit le produire est par contre très recherché. On
le mange en salade, cru à ia manière des artichauts, où cuit
comme les choux. Il est cependant regrettable que pour se
procurer ce met, on donne la mort chaque fois à un individu de
ces rois des forêts tropicales. On va finir, en plusieurs endroits,
par amener l'extinction complète de cette race intéressante.
Le bois, qui avee l’âge prend la couleur et la dureté de
l'ébène, est creusé en tuyaux, taillé en planches, en poteaux,
etc., et ses feuilles servent à couvrir les cases des habitants
des campagnes.
Fig. 2.—Le Figuier des Indes, Ficus indiea, Lam.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 24
Il me fait plaisir de reconnaître en passant un arbre dont
j'avais fait déjà la connaissance au jardin public, au Caire, en
Egypte. C’est le figuier des Indes, Ficus indica, Linné. Cet
arbre, de taille supérieure, a la singulière propriété d'émettre de
ses branches des racines adventives qui descendent vers le sol,
s’y enracinent et forment de nouveaux troncs, si bien que l'arbre
vient à la fin à couvrir des espaces considérables, figurant un
immense temple supporté par des colonnes. Cet arbre est origi-
naire des Indes Orientales, les anglais lui donnent le nom de
Banyan tree. Fig. 2.
Mais pour un arbre que je reconnais, ce sont des donzaines
que je vois partout pour la première fois. Les arkrisseaux, les
herbes même sont de toute part, des éspèces étrangères à nos
climats. De superbes haies de Crotons, à feuillage d’une variété
sans fin bordent partout les allées, et n’ajoutent pas peu à l’agré-
ment du coup d'œil général, en mariant leur nuances diversifiées
à celles des nombreuses et éclatantes fleurs des parterres.
Je remarquai près de ces haies, autonr du bassin qui forme
le centre du jardin où convergent les diverses allées, des cactus
d'apparence tout à fait singulière. Ce sont des espèces de globes
oblongs, à nombreuses côtes munies d’épines, de 12 à 15 pouces
de hauteur, portant à leur sommet un céphalium ou tubercule
sphérique tout couvert d’un coton blane à travers lequel percent
de nombreuses épines rougedtres entremélées de fleurs roses,
petites, mais très nombreuses et du plus bel effet.
— How do you call this plant, dis-je à un monsieur que je
vis là avec une dame accompagnée de quelques enfants ?
-— Ît vs called Pope’s head, répondit il.
Allons, me dis-je, voici une dénomination bien impropre ;
passe pour le blanc de la calotte du Pape, mais que faire du
rouge des fleurs et des épines ? Ce monsieur est sans doute un
protestant.
Revenu au bateau, je témoigne à l’un des passagers ma
surprise à la vue de ce cactus singulier et du nom par lequel
28 LE NATURALISTE CANADIEN
on me l'avait désiené.—Téte-du-Pape le nom de ce cactus ?
mais pas du tout; c’est Téte d'anglais qui est son véritable
nom. Ne voyez-vous pas, ajoute celui-ci, dans le mamelon qui
couronne la plante, le fond d’un crâne anglais, sur lequel s’en-
trecroisent des mèches de cheveux roux à la manière des épines
qui couronnent cette calotte? C’est d’ailleurs un nom si bien
admis qu’on le trouve mentionné dans plusieurs auteurs.
Et, en effet, dans le dictionnaire Pittoresque d’ Histoire
Naturelle de Guérin, à l’article Mamillaire, on lit, vol. V, page 6:
Melocactus, DeCandolle, vulgairement : Bonnet-à-langlais.
Basseterre compte environ 10,000 âmes. La ville est propre
et assez bien bâtie, mais la population qui l’habite ne manque
pas de nous frapper tout particulièrement, On ne voyait de
toutes parts que figures noires, c’est-à-peine si par-ci, par-là
nous rencontrions un blanc, et comme c'était à peu près la pre-
mière fois que nous nous trouvions en face d’une population
colorée, elle ne manqua pas de faire une vive impression sur
nous.
Je n’eus pas de peine à reconnaitre dans ces mulâtres les
types des africains que j'avais vus dans la Floride et la Georgie,
partie inférieure de la figure plus ou moins avancée en grouin,
lèvres demesurément épaisses, cheveux laineux etc. Tous ces
noirs ici parlent l’anglais, plus ou moins patoisé, et portent le
costume européen, moins toutefois les enfants jusqu’à l’âge de
7 à 8 ans, qu'on trouve plus commode et plus économique
d'abandonner au costume de notre père Adam dans le Paradis
terrestre.
Voulant pousser une reconnaissance, avec M. Huart, sur la
rive qui borde le rivage, nous ne pouvions nous lasser d'admirer
partout les étranges allures de ces gens: des cases de quelques
pieds seulement en dimensions et couvertes de feuillages leur
servant de demeures, absence presque complète de meubles à
l'intérieur ; des enfants nus, à tête laineuse, s’ébattent dans la
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 29
rue, celle-ci souvent interrompue ou plus ou moins torturée par
des cases sans ordre empiétant sur son aire, tout ce monde aux
aguets et tout étonnés de notre présence parmi eux ete., etc.
Il ÿ avait là tout près, échoue sur la plage, une vieille
carcasse de bâtiment, retenant encore quelques uns de ses agrès
dans lesquels des gamins noirs s’exerçaient aux manœuvres des
matelots en grimpant dans les cordages. ‘Les enfants sont bien
partout les mêmes, dis-je à M. Huart, le mouvement, les cris,
les courses, les jeux de toute sorte, semblent une nécessité à
leur nature,
— Oui, sans contredit, mais avec cette différence que chez
nous les enfants comprennent, dès l’âge le plus tendre, qu'ils sont
des hommes et se couvrent en conséquence, tandis qu'ici ils ont
encore moins d’habits que les petits chiens et les petits chats.
— Mais comment, en voici de plus grands qui portent une
bien modeste chemise.
— Oui, modeste, s’ils se tenaient toujours sur leurs pieds,
mais en grimpant dans des cordages, leur chemise ne leur sert
guère de couverture.
Je trouvais partout, et principalement sur la grève, de
nombreuses coquilles, souvent plus grosses que le poing, d’une
espèce de Furbo qu’on devait sans doute trouver dans le voisi-
nage. On répondit à mes questions sur le sujet qu’en effet on
allait la pêcher tout près de là, et qu’on en faisait une grande
consommation comme aliment, en la faisant cuire. (C’est le
Turbot ondulé, Turbo undulatus, Lamarck.
Revenus au bateau à 9 h., heure ‘fixée pour le départ, on
nous dit là qu’on ne partirait pas avant midi, le déchargement
du vaisseau n'étant pas encore terminé. Nous profitons de ce
délai, pour admirer davantage Vile du point où nous sommes et
nous renseigner sux son histoire.
Passeterre, qui porte bien son nom pour être située sur un
plateau peu élevé au dessus du niveau de la mer, sé trouve au
pied du mont Misère, point le plus haut le la chaîne de mon-
30 LE NATURALISTE CANADIEN
tagnes qui occupe tout le milieu de l’île. Ces montagnes érup-
tives sont toutes d'anciens volcans éteints ; recouvertes d’une
couche de lave rougeatre plus ou moins décomposée, elles pré-
sentent jusqu’à leurs cimes les plus hautes une riche végétation
qui ne laisse voir nulle part le roc nu, comme dans nos climats
du nord. Avec la chaleur et l’humidité, certaines plantes peuvent
prendre racine sur le roe même, encore bien plus sur ces résidus
de volcans que l'air et la température convertissent avec le
temps en terroir susceptible de se prêter à la culture.
Le mont Misère ne mesure pas moins de 4,300 pieds
d’élévation au dessus du niveau de la mer. En 1880, à la
suite de pluies prolongées, les rnisseaux qui descendent de la
montagne se convertirent en torrents, et se répandant dans la
ville après avoir ruiné les moissons de la plaine, ils enlevèrent
les maisons et firent périr plus de 200 habitants dans leur
course vers la mer.
Les montagnes boisées sont la retraite de singes nombreux
que les amateurs. se plaisent à aller chasser, et les plaines qui
les bordent tout autour de l’île sont d’une fertilité extraordinaire.
Ces plaines sont presque exclusivement cultivées en canne à
sucre.
Du pont du bateau où nous sommes l'île offre un coup
d’œil vraiment enchanteur. Droit en face se montre la ville
qui, basse et peu apparente, semble vouloir se confondre avec le
pied de l’altier mont Misére; à droite et à gauche s'étendent de
vastes champs de canne, variés dans leur coloration suivant
l’âge et le degré de maturation de la précieuse chevelure qu’ils
portent. Ici c’est le vert tendre et brillant des pousses dans le
jeune âge ; 1a le jaune doré de celles parvenues à maturité ; et
plus loin le jaune testacé des têtes et feuilles qu’on laisse sur le
sol après la récolte. OA et là, au milieu des cultures, s'élèvent
les résidences princières des propriétaires, avec leurs massifs de
verdure, leurs vastes usines dans le voisinage, et nombre de
palmiers majestueux dominant le tout en bercant mollement
leurs parasols de verdure à la brise qui les agite. L'une de ces
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 81
résidences à droite, nous montre une allée d’au moins un mille
qui y conduit, bordée de chaque côté d’une file sans fin de
cocotiers au troncs plus où moins penchés et aux longues palmes
pendantes touchant presque le sol. Répandez sur le tout un
soleil aux rayons étincelants qui semble s’empresser d’accentuer
les ombres de la verdure pour vous soustraire à l’éblouissement,
et vous pourrez Vous former une idée de l’apparence de ces
paysages tropicaux.
L'île Saint-Kitts ou Saint-Christophe fut découverte par
Christophe Colomb en 1493. Colonisée par les Anglais en 1623,
les français et les espagnols leur en disputèrent longtemps la
possession, mais à la fin, par le traité d’'Utrecht en 1713, elle fut
définitivement reconnue possession anglaise et l’a toujours été
jusqu’à ce jour.
Les matelots du bord ayant jeté une ligne à l’eau hier soir,
la retirèrent ce matin avec une superbe prise qui ne manquait
pas d'intérêt pour moi. A la résistance qu’opposait la ligne à
sortir de l’eau, ils jugèrent que l’hamecon devait avoir acroché
quelque débris métallique perdu dans le port ou quelque pièce
de bois lourd incapable de flotter. Mais quelle ne fut pas leur
surprise lorsqu'ils virent paraître un superbe mollusque vivant,
le Strombe géant, Strombus gigas, Linné. La pièce, quoique
de bonne taille, n’était cependant pas aussi grande que certaines
que j'avais vues, mais sa coquille était fort épaisse, et par les
déchiquetures de sa lèvre extérieure on pouvait juger qu’elle
avait subi plus d’une mutilation, et ee qui la rendait encore
plus lourde et plus intéressante, c’est qu’elle portait sur son dos
une tige de corail très forte et très résistante de quatre à cinq
pouces de long. C’était la première fois que je voyais l’animal
vivant. Sa chair, nous dirent les nègres, est excellente à manger
cuite.
Les Strombes, que les anglais appellent Fountain-shells,
sont ces superbes coquilles qu’on rencontre très fréquemment
sur les corniches des salons ; leur spire, généralement très courte,
34 LE NATURALISTE CANADIEN ;
a le dernier tour couronné de tubercules solides, leur lèvre est
étalée, ondulée, et ornée de la plus belle couleur rose en dedans
de même que la columelle. Leur opercule est petit, onguiculé,
à bord rugueux.
I] paraît que les trombes exécutent leur locomotion, non
en rampant sur le sol comme le font Ja plupart des autres mol-
lusques, mais par sauts et par bonds, la petitesse de leur oper-
cule leur servant A cette fin de point d’appui pour soulever
toute la masse.
On exporte ces coquilles en Angleterre en trés grand nom-
bre des îles Bahamas, pour la confection des camées et autres
ouvrages. En 1850 Liverpool n’en reçut pas moins de 300,000
venant de ces îles. Ces coquilles pèsent souvent jusqu’à 4 et 5
livres.
A midi précis nous levons l’ancre et continuons notre route
vers le S. E,
Allons, dis-je à M. Huart, il faut continuer nos ‘études de
mœurs. Voyons avant tout comment se compose notre per-
sonnel actuel. Nous avons perdu notre yankee Moore, que M.
Castéra ne regrettera guère, je pense. Il nous offrait pourtant
parfois l’occasion d’intéressantes remarques, tant dans ses pro-
pres allures que dans ses rapports avec ceux qui l’avoisinaient.
L’un de ces derniers jours, il en était encore à poursuivre M.
Castéra de ses obsessions ; lorsque celui-ci ne pouvant plus y
tenir, lui tourna brusquement le dos, s’exclamant en s’éloignant :
“ il va tant faire que je vais détester les américains.” Les amé-
ricains détestés par un jeune créole de la Guadeloupe, travail-
leur au canal de Panama; c’est à tirer l'échelle ! comment sur-
vivre à une telle calamité!
(A suivre)
St << oe
Comme dans notre récit de voyage nous traitons des sujets
variés d'histoire naturelle, nous avons cru, pour le présent nu-
méro, pouvoir nous dispenser de faire des articles spéciaux avec
des titres particuliers.
Of 9. 9 9. AA © © a PIE 9 9
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DES HOSVOGS DEW MGM) | DOOUDUDA De
À Cr i ame CDS “ya ole
Vol. XVIII Cap Rouge, Q., Septembre, 1888 No. 3.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
DEUXIÈME PARTIE.
(Continué de la page 32).
M. Castéra a plusieurs fois visité la France, et il a bien su
emprunter à ses frères d'Europe cet esprit arrogant, suffisant,
altier, qui rend les français si souvent maussades aux yeux des
étrangers. La France est le pivot sur lequel tourne le monde,
semblent-t-ils nous dire. Eux seuls savent juger ce qui est
juste, convenable, recommandable. Tout ce qui n’est pas coulé
dans leur moule, n’est pas digne d’attention. S’ils se conten-
taient encore de le penser, mais ces humbles sentiments d’eux-
mêmes percent à tout instant. Avec un sans gêne inconcevable
ils se croient autorisés à faire la lecon à tous ceux qui ne pen-
sent pas comme eux. Imaginerait-on, par exemple, qu’un jeune
créole puisse se croire un personnage jusqu’au point de me-
nacer une nation entière de son dédain ou de son mépris ?
Mais revenons à nos compagnons de route.
Voici que je retrouve sur le pont mon homme au cactus
3—Septembre, 1888.
34 LE NATURALISTE CANADIEN
du jardin public de Basseterre qui, cette fois, m’adresse la parole
en francais.
— Vous étes francais, me dit-il ?
— Non, nous sommes, mon compagnon et moi, des prêtres
canadiens, qui visitons ces fles pour la premiere fois.
— Et moi, je suis curé de Ste-Marie, à quelques milles de
Basseterre ; si à votre retour vous voulez bien venir passer une
quinzaine chez moi, je vous recevrai avec le plus grand plaisir.
—Vous étes curé......catholique romain ?
—Oh! non; j’appartiens à l’église presbytérienne.
Tout de méme je lui tins compte de sa bienveillante invi-
tation et admirai le sans géne avec lequel il semblait nous con-
sidérer comme des confrères.
Le Rév. Hughes, car tel était son nom, me dit qu'il était
né à St- Vincent et avait étudié en Suisse. Il s’en allait avec
sa femme, quatre enfants et une négresse, passer un mois de
vacance chez son beau-père à Antigue, pour revenir à son poste
aussitôt après.
Ce fut à peu près la seule conversation que nous tinmes
avec lui, car la mer étant un peu houleuse, sa révérence fut
tout le temps occupée à donner ses soins à sa digne moitié et à
ses futurs héritiers, qui tous avaient la bile bouleversée par le
mouvement du vaisseau.
Nous passimes bientôt devant Névis qui semble faire
suite à Saint- Kitts, n’en étant séparée que par un canal assez
étroit. Puis plus loin devant Monserrat, fle plus considérable,
mais où nous n’arrétames pas non plus. Encore un peu plus
loin nous vimes sur notre droite la Rotonde, rocher inhabité
qui s'élève isolé à une grande hauteur au dessus de la mer.
Enfin à 7 h. nous jetons l’ancre dans le port d’Antigue, à
une assez grande distance de la ville Saint-John que nous ne
pouvons voir du point où nous sommes et où nous ne pouvons
nous rendre le soir même,
CEA).
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 35
Vendredi 6 avril.—Le cayitaine qui avait cru un instant
pouvoir opérer le déchargement dans quelques heures seulement,
pour se remettre aussitôt en route, nous anaonce ce matin que
ce n’est pas avant 8 h. du soir que nous laisserons ce port, nous
nous décidons en conséquence à nous rendre sans tarder à terre.
Le trajet a plus de trois milles et la mer est passablement
houleuse, mais un petit bateau à vapeur vient nous prendre et
nous transporte au quai dans un instant,
L'entrée du port est très accidentée et offre maints ceups
d'œil des plus agréables. Tandis que nous voyons à notre droite
un sémaphore avec ses pavillons au vent couronnant un picélevé,
une forteresse à notre gauche nous montre, sur un rocher escarpé,
des murs et des canons dont notre artillerie moderne ne s’em-
barrasserait guère en cas d’attaque pensons-nous.
Nous passons tout près d’un petit rocher s’élevant à quel-
ques pieds seulement au dessus de l’eau, tout blanchi par les
excréments des oiseaux aquatiques qui viennent s’y reposer, et
sur lequel nous voyons à l'instant même, sept à huit pélicans
bruns, Pelecanus fuscus, Linné, paraissant tixes et sans mou-
vements, occupés qu'ils étaient à faire la digestion de leur pêche
de la nuit précédente.
On sait que les Pélicans sont ces oiseaux aquatiques, de
très forte taille, dont le bec fort long est muni à sa mâchoire
inférieure d’un sac ou poche qui peut se dilater de manière à
contenir plus d’un gallon d’eau. Ces oiseaux qui vivent exclu-
sivement de poissons, sont très habiles pour en faire la capture,
car quoique de forte taille, ils jouissent d’un vol iéger et très
rapide à volonté; planant tranquillement dans lair, on les voit
se lancer avec la rapidité d’une flèche sur un poisson que leur
œil perçant a distingué sous l’eau ; le poisson est saisi par le
bec et logé tout vivant dans la gibecière de la mandibule infé-
rieure. Lorsque la poche est remplie—contenant souvent de
sept à huit pièces d’assez bonne taille—le pêcheur va se fixer
sur un rocher, et là, tirant de son sac où les poissous dans l’eau
36 LE NATURALISTE CANADIEN
se conservent vivants, les pièces à mesure que la faim le presse,
il les ingurgite jusqu’à la dernière, pour se mettre de nouveau
en poursuite d’une nouvelle pêche.
Le Pélican brun dont il s’agit ici est de taille un peu infé-
rieure à celle du pélican commun, Pelecanus onocrotalus,
Linné. Ila la tête, le cou, les ailes, variés de blanc argenté et
de cendré. Le milieu des plumes qui couvrent le dos est gris
marqué de blanchâtre ; les grandes pennes sont noires, les secon-
daires brunes ; le bec verdâtre à sa base, bleuâtre dans le milieu
et rouge à l'extrémité; la poche est d’un bleu cendré rayé de
rougeatre. |
On sait que la fable du pélican qui se perce la poitrine de
son bec pour nourrir ses petits, a inspiré aux auteurs anciens
l’idée de le traduire comme figure du Christ qui s’immole pour le
salut de son peuple. On rencontre encore fréquemment cette
figure du pélican dans les bas-reliefs de nos églises, bien qu'il
soit connu de tous aujourd’hui que cette prétendue immolation
de l'oiseau pêcheur n’est qu’un pur mythe.
Notre petit bateau accoste à un beau quai en pierre de
taille, où nous n’avons à gravir que quelques marches pour
nous trouver dans la rue.
Comme le marché est attenant à cette rue, nous en faisons
incontinent la visite. Presque tous les objets que nous y voy-
ons exposés, fruits, légumes, produits de l’industrie, sont dif-
férents de ce que nous voyons chez nous. Ce sont entre
autres: des ignames, des salades, des racines de différents
genres, des graines de job, des gousses de vanille à odeur suave,
des bonnets de salon en graines colorées en guise de perles, etc.
etc. Puis, conduits par un gamin noir, nous nous rendons chez
le curé, dont la résidence se trouve de l’autre côté de la ville,
avoisinant la campagne. Nous admirons le pavage parfait et
la propreté des rues. Les résidences et les boutiques n’ont rien
de bien remarquable, mais dénotent cependant une tenue con-
venable.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX oi
Le curé, M. l'abbé Fogarty, qui a sur son voisin de St-
Kitts, l'avantage de parler notre idiome, quoique comme lui
enfant de la verte Erin, nous accueille avec une extrême bien-
veillance et nous fait les honneurs de sa maison avec une grâce
charmante. |
Le presbytère, construit pour les besoins de ces climats,
semble n'avoir rien à redouter de la haute température qui
règne ici, Des salles vastes et bien éclairées, des plafonds qui
se confondent avec le toit même, permettent à l'air de circuler
librement, et pour peu qu’on interrompe les rayons du soleil, on
jouit d’une atmosphère relativement fraîche et qui n’a rien d’in-
commodant. Ajoutez des fleurs en pots, et d’une grande variété,
sur le perron, d’autres non moins éclatantes, ni moins nom-
breuses dans le jardin au milieu duquel s'élève la résidence,
des meubles confortables qui garnissent les chambres, et vous
pourrez croire qu'on puisse habiter ici sans se considérer rigou-
reusement partagé par le sort,
Après le déjeûner, M. le curé nous conduit à son église,
que nous trouvons fort convenable et dans un grand état de
propreté. Nous admirons surtout le tombeau de son autel prin-
cipal qui représente en statues l’ensevelissement du sauveur ;
les poses et les attitudes des personnages sont tout-à-fait natu-
relles et forment un tableau très impressionnable.
Tout à côté de l’église se trouve le couvent, où quatre
sœurs, des Filles-de-la-Vierge-Fidéle, donnent l'instruction aux
petites filles. Les bonnes sœurs font chanter à leurs élèves,
avec musique, quelques prières de chant sacré qui sont exécutées
avec beaucoup de précision, et laissent deviner plusieurs voix
très distinguées parmi ces enfants.
Je remarque que les élèves sont à teint plus ou moins
foncé, mais sans montrer les traits des figures africaines que
partagent plus ou moins les mulâtres. Sur l'observation que
j'en fais à une sœur, elle me dit qu’en effet toutes ces enfants,
excepté une seule, n’ont aucun sang africain dans les veines. —
FS
F4
x
2
38 LE NATURALISTE CANADIEN
Pourriez-vous reconnaître l'exception, dit la sceur?—Je pro-
mène mes regards sur la file et m’arréte sur celle qui fait un
type à part par ses lèvres et sa chevelure. C'était précisement
celle-là ; presque toutes les autres étaient d’origine portugaise,
bien qu’elles parlassent l’anglais.
Le jardin des sœurs qui sépare le couvent de la rue nous
montre une grande variété de fleurs comme on en voit partout
ici; et je trouve sur ces fleurs, de même que sur le tronc des
arbres du voisinage, une punaise rouge et noire en immense
quantité ; c’est le Disdercus suturalis, Fabr. C’est ma seconde
chasse entomologique.
Après le diner nous allons visiter l’hôpital, la prison, et un
jardin botanique qui se trouve tout auprès. Nous examinons
en passant un champ de canne à sucre que nous voyions de
près pour la première fois. Les tiges sont toutes par talles, de
3 à 5, avec d’autres plus jeunes; quoique mûres pour la récolte
du sucre, elles ne montrent pas encore de fleurs à leur sommet.
Elles mesurent de 4 à 5 pieds de hauteur sur un diamètre de
deux pouces environ ; elles sont presque toutes plus ou moins
courbées vers le bas. Je remarque que leurs nœuds sont beau-
coup plus rapprochés que dans les tiges de maïs avec lequel
elles ont en outre plus d’un point de ressemblance. Nous goû-
tons à la chair intérieure qui recèle le sucre, et je suis tout
étonné d’en trouver le jus si abondant et si sucré, et j’ajouterai
d’une saveur tout-à-fait agréable pour moi.
Nous avons la chance de pouvoir admirer dans un petit
étang du jardin botanique, en pleine floraison, la reine des fleurs,
sinon par la richesse du coloris, du moins par ses dimensions,
c’est la Victoria regia. C’est une plante aquatique de la famille
des Nymphéacées, et très voisine aussi de notre Nymphea
odorata, Aiton. La feuille fort épaisse, de 3 à 4 pieds de diamètre
presque circulaire, repose à plat sur l’eau avec un rebord d’en-
viron deux pouces tout autour. Ce rebord est formé par le
limbe qui se redresse ainsi presque à angle droit.
DR SL i da ds on
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 39
D’un vert foncé en dessus, elle prend une belle teinte
rouge à sa surface inférieure qui est toute cloissonnée par des
côtes nombreuses et fortement épineuses. Les pétioles, les
pédoneules, les calices, et même les fruits sont de même épineux.
La fleur, qui est dans la forme de celles des Nymphéas, atteint
jusqu’à 11 et 12 pouces de diamètre. Chaque fleur ne dure que
deux jours, mais la plante en donne en grand nombre. D'un
blane pur avec le centre rosé la première journée, elle est toute
carminée le lendemain. Mais ce qui surprend surtout dans
cette plante, c’est que tout en prenant de telles dimensions, elle
est cependant une plante annuelle. On en a obtenu en Belgi-
que des pieds monstres, à feuilles de sept à huit pieds de diame-
tre, à fleurs nombreuses, et cela après cinq mois seulement de
la date du semis.
TS
Au jardin botanique de Gand, en 1869, sept des énormes
feuilles de la Victoria couvrirent entièrement la surface du
bassin, qui ne mesure pas moins de 150 pieds carrés, de sorte
qu'il fallut couper les plus anciennes pour faire de la place aux
Fig 3—La Victoria regia, Lindley.
Dh Me on Kota Pk on ee
40 | LE NATURALISTE CANADIEN
plus jeures. On voulut là faire une nouvelle expérience pour
connaître le poids qu’une feuille pouvait porter. Après l'avoir
couverte de toile, pour éviter les déchirures, on l’a chargée, et
on est arrivée à 450 livres. La feuille étant déchargée, un des
ouvriers du jardin, un fort gaillard ne pesant pas moins de 150
livres, est sauté dessus, la feuille bougeait à peine, un compa-
gnon aurait pu sy joindre. Imaginez done deux pêcheurs,
tranquillement assis sur une feuille, et descendant le courant
d’un fleuve.
Découverte en 1837 par Schomburgh, dans la Guyane
anglaise, Lindley l’annonga comme une plante nouvelle et Jui
donna le nom qu’elle porte aujourd’hui, bien qu’elle eût déjà été
signalée dès 1799 par Hæncke, botaniste allemand, et décrite sous
le nom d'Æuryale amazonica. Sic vos non vobis, pourrait-on
dire au sujet de cette plante, comme pour beaucoup d’autres
découvertes.
J'avais déjà vu des Victorias au British Museum, à Londres,
mais malheureusement lors de ma visite elles n'étaient pas en
fleur.
Nous passons dans un champ planté en patates sucrées,
Dioscorea batatas, et je m'étonne toujours de voir qu’une tige si
grêle, si faible, puisse produire de si gros tubercules. On sait
que la patate sucrée, de même que tous les autres ignames,
appartient à la famille des Convolvulacées, dont toutes les
plantes sont à tiges volubiles ou du moins faibles et rampantes.
Je trouve très abondante dans le jardin du presbytère une
petite plante gazonnante, fort agréable, que j'ai longtemps cul-
tivée en pots; c’est la Pilea microphylla. On Pemploie ici à
faire des bordures ; ses feuilles petites et d’un vert gai, rangées
en touffes compactes, ses petites fleurs rouges se confondant
presque avec les feuilles, ses tiges presque nulles et feuillées
dès Ja base, ne mesurant pas plus de 3 à 5 pouces de hauteur,
en font des bordures dn plus bel effet dans Jes jardins bien
entretenus. Elle appartient à la famille des Urticacées bien que
dépourvue de poils urticants.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 41
Les plantes que l’on voit le plus communément en pots
sur les galeries des vérandahs, les perrons et les avenues en face
des demeures, sont les suivantes : les Bégonias, de sept à huit
variétés, les Gloxinias aux entonnoirs si variés de leur couleurs
pourprées, une superbe fougere, | Adiantum capillus-Veneris,
à frondes tellement fournies, qu’elles forment souvent des masses
compactes ; comme la nôtre, cette capillaire est à tiges noires et
gréles et ses folioles découpées sont glabres et très délicates, pres-
que translucides, puis quelques liliacées, certains géraniums, etc.
Chose assez singulière, la plupart de nos fleurs ne réussis-
sent ici que médiocrement ; ainsi les rosiers deviennent des ar-
brisseaux de 5 à 6 pieds et pauvres en fleurs ; je n’ai vu nulle
part notre rosier cent-feuilles. Les œillets deviennent de même
à tige à demi ligneuse de 2 à 3 pieds et A fleurs assez rares.
Les giroflées y sont inconnues ; nulle part je n’ai vu de pensées ;
nos phlox si variés ne se rencontrent que très rarement ; nos as-
teres si diversifiés de forme et de coloration, sont ici communs
et des plus pauvres, ete.
Je dois dire aussi qu’en général les jardins sont ici fort peu
soignés. S'ils ont une certaine apparence de recherche et par-
fois beaucoup d'éclat, cela est di bien plutôt à la nature qu’à
l’art et au travail. Remarquons aussi que si l’on cultive des
plantes en pots, ce n’est pas qu’elles ne puissent réussir en pleine
terre, mais c’est uniquement pour les avoir à sa portée, et quel-
quefois aussi, pour soustraire certaines d’entre elles trop délicates
aux rayons brûlants du soleil. Il est certaines de nos plantes
d'appartements ou de jardins qui prennent ici des proportions
tout-à-fait colossales, ainsi j'ai vu des géraniums, des chèvre-
feuilles couvrir en entier de longs murs de jardins, des lauriers-
roses prendre la taille de moyens arbres, etc., ete.
Comme le rendez-vous au quai avait été fixé à 4h. P. M,
M. Fogarty veut bien faire atteler sa voiture pour nous y ame-
ner lui-même. Nous trouvons là notre petit bateau qui nous
attend, et après avoir cordialement serré la main au bienveillant
42 LE NATURALISTE CANADIEN
curé en lui disant: au revoir, au retour, nous nous dirigeons
vers notre steamer, qui presque aussitôt se met en marche pour
la Guadeloupe.
Samedi, 7 avril.—A 6.30 h. ce matin, nous jetions l’an-
cre dans le port de la Pointe-a-Pitre, île de la Guadeloupe. Le
port forme une immense baie, presque close à l'entrée par des
îles basses et couvertes de végétation. D’autres îles, en partie
cultivées, se montrent aussi dans l’intérieur de la baie, et la
surface de cet estuaire, presque converti en lac par son abrite-
ment contre les vents, réfléchit dans son miroir les îles et ha-
bitations qui s’y mirent en offrant un coup d’œil des plus char-
mants. Ajoutez qu’à l'heure où nous y pénétrons, les rayons
obliques du soleil levant viennent projeter au loin ’ombre des
grands arbres des rives, et dorer de leurs feux les sables des
rivages des îlots entre lesquels nous tragons notre route, en
faisant de l’ensemble un tableau jetant le défi aux pinceaux les
plus habiles et les mieux exercés.
Devant nous, droit en face, se montre la ville avec ses
constructions en pierre blanchâtre, ses rues allignées au cordeau,
dans lesquelles se montrent ga et la d’altiers palmiers, sa vaste
église un peu en arrière et dominant le tout, et des collines de
verdure fermant le fond de tout côté. Un peu à droite, se voit
une vaste usine à sucre, la plus considérable nous dit-on de
toutes les Antilles. Ses hautes cheminées vomissent des tor-
rents de fumée qui se dessinent en gros nuages sombres sur la
verdure des collines qui s’élèvent en arrière, De longs quais
sont couverts de monceaux de charbon et l’on voit des chars
traînés sur des rails qui en transportent aux différentes cons-
tructions qui forment le groupe. On nous invite à la visiter,
mais comme nous n'avons que quelques heures à passer ici,
nous préférons visiter la ville, où quelques petites affaires d’ail-
leurs réclament ma présence.
En attendant que les officiers du hâvre nous autorisent à
mettre pied à terre, nous nous amusons à examiner les nècres
\ DOME TEE ON ANR ni NOEL Be ee PORT PRO alate EN
Co cie à ARE cdi
= [4 - à , 1
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 43
qui s’approchent dans leurs bateaux plats pour opérer le décharge-
ment. Les figures sont à peu près celles des noirs de St-Kitts
et d’Antigue, mais nulle part nous n’avons encore vu tel accou-
trement. La plupart sont sans chemise, et on hésiterait à
qualifier de culotte ou de pantalon le haillon qui en tient lieu.
Mais voici que l’un d'eux veut nous faire voir quel soin il
apporte à conserver cet indispensable étui des pays bas. Il s’en
dépouille sans cérémonie, le plie soigneusement, et va le serrer
sous la pointe d'avant du bateau qui est couverte, il retire en
même temps de cette espèce d’amoire un sac vide de sel, se
fourre dedans, et s’en fait une espèce de jupe pour procéder au
travail. Il craignait sans doute de ne pouvoir ménager assez le
précieux vêtement dans les travaux qu’il avait à exécuter.
A 10 h. nous sommes sur le quai et nous parcourons de
suite quelques rues de la ville. Comme nous avions quelques
renseignements à obtenir à la mairie, nous nous en faisons indi-
quer la direction et nous y rendons sans plus tarder.
Nous pénétrons dans le corridor et frappons à la première
porte que nous rencontrons. Nous trouvons à l’intérieur un
jeune clerc noir, élégamment mis, qui nous demande dans un
français tout-à-fait parisien :
2 J \ © .
—(Qu’y a-t-il à votre service, messieurs ?
—C’est un acte de naissance de 1786 ou environ dont
J'aurais besoin.
—J’en suis bien fiché, mais nos régistres ne remontent
pas ici au dela de 1800; les anciens ayant été détruits dans
le grand tremblement de terre de 1843.
— Est-ce que ces anciens régistres ne se trouvent plus
nulle part ?
—Pardonnez ; vous pourrez les voir à Basseterre, la capi-
tale de l’île, à une soixantaine de kilomètres d'ici. Puis-je vous
être utile en quelque autre chose ?
44 LE NATURALISTE CANADIEN
—Je vous suis très obligé pour vos offres de services et les
renseignements que vous m'avez donnés, et ne requiers rien de
plus.
Puis, saluant, nous nous retirons.
En laissant la mairie, nous nous dirigeons vers l’église dont
nous avions remarqué les tours en débarquant.
Mais voici que nous rencontrons le marché, et comme à
Antigue, nous prenons notre route à travers les étalages plutôt
que de suivre la rue. Il serait difficile de se faire une juste
idée, sans l'avoir vu, de l’aspect qu'offre un tel marché. Repré-
sentez-vous 300 à 400 figures, la plus grande partie de femmes,
plus au moins laides les unes que les autres, à teinte noire de
toutes les nuances, depuis le gris sale de souliers non cirés jus-
" qu'au luisant de la plaque de poêle récemment brossée, et toutes
ces gueules sales et dégoutantes parlant ou plutôt jappant à tue-
tête un langage qu’on dit être du français, mais dont nous ne
comprenons pas un seul mot. La plupart de ces femmes sont
assises par terre; plusieurs allaitent des enfants nus qu'on voit
ensuite se traîner dans la poussière ; toutes ont la tête envelop-
pée d’un mouchoir à carreaux et le reste de leur vêtement se
résume en guenilles plus où moins passées où en haillons plus
ou moins sales. Quant aux objets offerts, c’est à peu près les
mêmes qu'à Antique, fruits de différents genres, légumes, pro-
duits domestiques &c.
Arrivés à l’église, nous traversons la place qui s'étend au
devant et rentrons au presbytère, vaste corps de logis à deux
étages, entouré d’un jardin. Nous pénétrons dans le corridor
dont les portes sont ouvertes, mais ne trouvant aucune sonnette
pour annoncer notre présence, nous montons au deuxième par
un escalier en pierre à l'extérieur et frappons à la première
porte. C'était la chambre de l’un des vicaires qui nous conduit
à celle de M. le curé, du côté opposé du corridor.
Le-curé, M. l'abbé Minoret, qui paraît à peine toucher à la
soixantaine, bien au’il la dépasse de quelques années, nous ac-
A MU TAN CB
ELA ~ t
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 45
cucille avec une urbanité toute francaise et une cordialité toute
ecclésiastique. Il nous invite à prendre le déjeûner avec lui et
nous présente à ses trois vicaires, ainsi qu'au R. P. Sire-Dey,
jeune religieux de la Miséricorde, que l’on avait fait venir de
Paris pour prêcher le carême à la Pointe-à-Pitre
Après le dîner, M. le curé veut bien nous conduire chez un
M. Guesde, gardien du musée civique et qui s'occupe particu-
lièrement d'archéologie. M. Guesde a fait de nombreuses et
précieuses découvertes sur l’âge de pierre des aborigènes de l’île.
La Smithsonian de Washington a publié un compte-rendu
complet, avec nombreuses gravures, des découvertes du savant
archéologue. Après avoir examiné les nombreux spécimens
archéologiques que M. Guesde conserve chez lui, nous l’accom-
pagnons à son musée public, à peu de distance de Ja. Nous
comprenons de ce point qu’on a pu avec raison donner à la
ville le nom qu’elle porte aujourd'hui, car nous sommes tout
étonnés en suivant une rue qui semblait nous conduire à l’inté-
rieur, de nous trouver encore’ en face de l’eau. Quoique au fond
d’une baie, c’est réellement sur une pointe quest située la
Pointe-à-Pitre.
Le musée, qui forme au corps de logis spécial, a une fort
belle apparence sans être très considérable. La bâtisse est en
retraite sur la rue, et l’espace qui la sépare du grillage en bronze
qui borde cette dernière est tout rempli de plantes aux formes
des plus étranges, au feuillage des plus variés en coloration, et
aux fleurs odorantes et du plus vif éclat. Citons entre autres :
Varbre du voyageur, Urania speciosa, Schreber, arbre à tronc
nu de 10 à 12 pieds de hauteur, et même d’avantage avec l’âge,
terminé par de longues feuilles se rangeant de chaque côté en
formant un vaste éventail ; les feuilles très entières, ne mesurant
pas moins de 6 à 15 pieds de longueur sur 1 à 2 de largeur,
sont tenues par de longs pétioles imbriqués à leur base et dont
les gaînes forment un réservoir toujours rempli d’une eau très
fraîche, ce qui a mérité à la plante son surnom d'arbre du
46 LE NATURALISTE CANADIEN
voyageur, par ce que souvent cette eau est d’un grand secours
pour ceux qui parcourent les contrées torrides où croît cette
plante.
L’Uranie appartient à la famille des Musacées, parmi les
monocotylédones ; le bananier appartient aussi à cette famille.
Puis des Pandanus en flenrs, exhibant des spadices de tout
près deux pieds de longueur ; des crotons aux couleurs diver-
sifiées, des dracænas, des chèvrefeuilles, des ketmies à fleurs
rouges, jaunes, doubles, simples, &c. &e.
Nous pénétrons dans la bâtisse, et nous trouvons la un
jeune homme occupé à réunir ensemble les mêmes espèces de
deux caisses de coquilles récemment apportées de l’île Saint-
Martin. Nous en remarquons un grand nombre de fort belles,
telles que Cyprœa éxhantema, C. clandestince, Sigaretus,
Purpura, Fusus, Tellina &e. &ce. Mais M. Guesde nous en
montre une encore plus rare et plus précieuse que toutes celles-
la, c’est une Pleurotomaria, dau moins 4 pouces de hauteur
et à peu près de même largeur à la base, qu’on a prise tout
dernièrement vivante, Les Pleurotomaires ont été longtemps
considérées comme exclusivement fossiles, ce n’est qu’assez
récemment qu’on en a découvert des espèces vivantes. Ce sont
des espèces de Troques à ouverture entière, mais présentant le
singulier caractère d’avoir une fente profonde sur le bord droit.
Ces mollusques, selon toute probabilité, ne sont pas aussi rares
qu'on pourrait le croire. Mais leur capture n’étant due qu’au
hasard, et le plus souvent opérée par des pêcheurs qui n’atta-
chent aucune importance à ces sortes d'animaux, ils sont ren-
voyés à l’eau aussitôt que pris, et soustraits ainsi à l’inspection
des hommes d’étude ou des connaisseurs.
Nous aurions bien désiré avoir plus de temps à notre dis-
position pour examiner plus en détail une foule d’objets que
nous voyions exposés là, mais le départ du bateau était fixé à
trois heures, il fallait songer à retourner à bord,
™
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 47
Je ne voulus pas toutefois partir sans jeter un coup d'œil
sur quelques cases d'insectes, ne pouvant les examiner toutes.
M. Guesde prévenant mes désirs m’exhiba une case toute rem-
plie de scarabés monstres par leur taille, c'était le Scarabé
Hercules, Scurahœus hercules, Linné, qu'on trouve fréquem-
ment dans les bois en août et septembre. Ily en avait bien
une douzaine de spécimens, mâles et femelles, et tous remar-
quables par leur taille. Les plus grands mesuraient près de
trois pouces de longueur. On sait que ce scarabé porte sur sa
tête une longue corne qui lui donne toute lapparence d’un
énorme charancon. M. Guesde voulut bien m'en offrir quel-
ques spécimens ; il va sans dire que l'offre fut acceptée avec
empressement, mais craignant de les perdre dans le trajet, et
pensant que je pourrais m’en procurer facilement à Trinidad où
nous nous proposions de séjourner quelque temps, je le remer-
cial pour le moment, en lui disant que je mettrais sa bonne
volonté à contribution lors de notre retour au pays. Mais j’ou-
bliais qu’un tieat vaut mieux que deux tu l’auras, car notre
bateau ne toucha pas à la Guadeloupe au retour, et cet insecte
géant ne se rencontre pas à Trinidad, de sorte que mes cases
demeurent encore veuves de spécimens si extraordinaires et si
intéressants.
Nous prenons congé de notre bienveillant M. Guesde et
retournons au port avec M. le curé qui pousse la complaisance
jusqu’à se faire notre, conducteur pour nous ramener au lieu
d'embarquement. Nous serrons cordialement la main à ce brave
et obligeant curé et sautons dans la chaloupe qui nous ramène
aussitôt au bateau. C’était bien lheure réglementaire, mais
comme il arrive souvent en de telles circonstances, ce n’est qu’à
5h. que nous levâmes l’ancre pour sortir de la baie.
La Guadeloupe, qui fut aussi découverte par Colomb en
1493, resta encore longtemps entre les mains des aborigènes, les
Caraïbes. Colonisée par les francais en 1635, elle a été plu-
sieurs fois occupée par les angais, et finalement remise à ses pre-
48 LE NATURALISTE CANADIEN
miers possesseurs en 1810. Elle forme un gouvernement avec
les Saintes, Marie-Galante, la Désirade et la partie française de
St-Martin, formant en tout une population totale de 139,000
habitants. j;
L'ile est partagée en deux parties par un détroit appelé
Rivière-Salée. La partie située à l’est de ce canal est la Grande-
terre, bien qu’elle soit la plus petite en étendue. Son unique
ville est la Pointe-a-Pitre. La partie de l’ouest est la Basse-terre, ©
dont la ville du même nom forme la capitale de tout le groupe.
La Guadeloupe est située entre les 15e et 16e degrés de latitude
nord, Ses principales cultures sont: la canne à sucre, le café,
le cacao, le coton etc.
La partie de l’est n’a pas de montagnes élevées comme
celle de l’ouest, aussi, quoique plus fertile, est-elle exposée plus
que l’autre à des ouragans, des ras de marée, et parfois des trem-
blements de terre. On sait qu’en 1843 la Pointe-a-Pitre fut
presque entièrement détruite par un tremblement de terre.
Relevant du gouvernement de la France, comme la Marti-
nique dont j'ai parlé plus haut, la Guadeloupe subit tous les in-
convénients du suffrage universel, qui permet à la canaille de
dominer, et soumet la classe intelligente et propriétaire du sol,
aux passions aveugles des prolétaires et des voyous. Ces négril-
lons mulâtres qu’on envoie à Paris prendre un vernis de civili-
sation et d'éducation en fournissent de nombreux exemples.
Suffisance, arrogance, esprit révolutionnaire, tel est le contin-
gent qu’on rapporte des quelques années que l’on va passer en
Europe.
Partis de la Guadeloupe à 5. 30h., à 11. 30h. nous jetions
l’ancre dans le port de Roseau, capitale de la Dominique.
Dimanche, 8 avril.— Dès les 6h. du matin une chaloupe
nous déposait sur le quai en bois qui fait suite au revêtement
en pierre de la rive, dans le genre des quais de Montréal. Nous
nous dirigeons directement vers la cathédrale que nous avions
remarquée du bateau même.
NC G G
MM OOOO COTON
SES EPA ee
Vol. XVIII Cap Rouge, Q., Octobre, 1888 No. 4.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
UNE EXCURSION AUX .CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
DEUXIÈME PARTIE.
(Continué de la page 48).
Il n’y avait encore que quelques personnes dans les rues,
et nous sommes tout étonnés de ne trouver partout que des
pavés en cailloux ronds plus ou moins cachés par l'herbe
qui croît dans leurs interstices, et nulle part traces de sillages
de roues. (C’est que, comme on nous l’a fait connaître plus
tard, l’usage des voitures est presque inconnu ici, tous les tra-
jets se font à pied, à cheval, ou en chaloupe pour se rendre
d’une partie de l’île à l’autre.
Conduits par un gamin noir, nous allons frapper au pres-
bytère qui est une bâtisse différente de l’évêché. Nous sommes
reçus par le KR. P. Pichaud et le R. P. Couturier, tous deux
Pères du Saint-Esprit, et le dernier administrateur du diocèse
en l'absence de l’évêque, Mgr Naugton qui est en Europe. On
nous fait l’accueil le plus cordial, et nous nous rendons incon-
tinent à l’église pour y célébrer.
4—Octobre, 1888.
50 LE NATURALISTE CANADIEN
La cathédrale est vaste, bien convenable sans être très
riche, et bien entretenue,
Après le déjeûner, voici que le P. Couturier fait des ins-
tances auprès de moi pour le remplacer dans la chaire. Ce
serait, disait-il, un service à lui rendre d'autant plus grand,
qu'ayant tout dernièrement fait une chute de cheval, il s'était
blessé à la jambe et avait pris un peu de fièvre. Malgré la
fatigue et mon manque de préparation—vu surtout que je ne
connaissais nullement la population du lieu—il ne me fut pas
possible de refuser.
Comme c'était le dimanche de Quasimodo, je leur parlai
un peu de la paix, que tout le monde cherche et que bien peu
savent aller prendre là où elle se trouve, puis je les entretins du
Canada. “ Le spectacie que vous n’offrez en ce moment, mes
chers frères, leur ai-je dit, m’émeut vivement. A plus de douze
cents lieues’ de mon pays, au milieu d’une population toute dif-
férente de couleur, d’usages et de coutumes, je retrouve ici des
frères ! Oui! sans nous connaître, nous nous aimions déjà, parce
que nous servions le méme maitre, uous donnions notre af-
fection au même père, et j’ajouterai encore que nous dépendons
du méme gouvernement. Sujets anglais comme vous, nous par-
lons Je francais comme vous, avons à peu près les mêmes lois,
jouissons des mêmes libertés qui nous sont garanties par la
méme protection.”
La vaste nef était entièrement remplie, et ce ne fut pas peu
étrange pour moi de ne voir, dans une aussi grande réunion, que
quelques faces blanches par-ci par-là ; depuis le bedeau et les
servants jusqu'aux marguillers et aux vhantres, tout était noir.
Et j’ajouterai qu’on m’accorda l'attention la plus soutenne, mal-
gré Ja chaleur suffocante qu’il faisait alors et la simplicité de
mon langage, sans art et sans préparation.
Ici comme à Antigue, le presbytère est entouré d’un jardin,
ou plutôt est érigé au milieu d’un jardin. Il va sans dire que je
ne tardai pas à en examiner tous les recoins. Je me glorifiais,
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX oil
à part moi, des nouvelles connaissances que j'avais déjà faites
en fait de plantes ; ici Je retrouvais un chou-palmiste, là un co-
cotier, plus loiu un arbre-du-voyageur, partout des crotons au
feuillage varié à l'infini, ete. Mais je rencontre aussi des pièces
qui mettent ma science à bout, un cyprès, le premier que j’aie
vu dans ces îles, une fougère en arbre, un papayer, ete. La fou-
gère en arbre était encore jeune, elle mesurait guère plus de
trois pieds de haut, mais étalait des feuilles de 4 à 5 pieds de
longueur. Le papayer, carica, est un petit arbre de 15 à 20
pieds, à trone nu, presque fongueux, ne portant des feuilles qu’à
son sommet, à la manière des palmiers, et en en affectant aussi
grandement le port, bien qu’il s’en écarte botaniquement très
considérablement, puisqu'il appartient à la famille des Cucurbita-
cées. Ses feuilles et son écorce laissent couler un suc laiteux
lorsqu’on les entame. Ses fruits, de la grosseur de moyens
melons, pyriformes, sont tous groupés au sommet. On les pré-
pare au vinaigre lorsqu'ils sont jeunes, et on les confit au sucre
lorsqu'ils sont mûrs.
Originaires des îles Molluques, le Papayer s’est naturalisé
au Brézil; ou le rencontre très souvent dans les jardins dans
presque toutes les Antilles, étant cultivé tant pour ses fruits
que comme ornement par son port qui peut le faire confondre
avec les palmiers. Fig. 4.
Les fruits du papayer portent le nom de papayes.
En passant dans le jardin, je remarque une allée couverte
par une plante grimpante qui laisse pendre au dessous du
treillis de gros fruits semblables à des melons, En examinant
la fleur de la plante—car pour celle-ci de même que pour la
plupart des autres de ces climats, nous voyons souvent simulta-
nément sur la même plante, fleurs plus ou moins développées,
et fruits plus ou moins mûrs—je reconnais une passiflere ou
fleur de la passion. La fleur porte les mêmes couleurs et
montre la même forme que celles que l’on rencontre parfois
dans les appartements chez nos amateurs, et que j’ai moi-même
cultivée avec succès durant plusieurs années; mais ces fleurs
Re NE OY Rt A DER Ch Gp Ut Le cute.
52 LE NATURALISTE CANADIEN
sont de plus grandes dimensions, et les tiges qui les portent
sont aussi beaucoup plus fortes. Demi-ligneuses au pied, elles
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Fig. 4.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 53
sont tout à fait herbacées dans leur partie supérieure. Je
n'avais jamais obtenu de fruits de mes cultures, et j'étais
anxieux de connaître l’intérieur de ceux que je voyais ainsi
pendre sur ma tête, dont les plus gros n’avaient pas moins de
8 à 9 pouces de longueur, sur un diamètre de cinq à six.
— Avez-vous jamais mangé des barbadines, nous dit l’ai-
mable Père Couturier au dîner ?
—Non, certainement, car nous ne connaissons pas même
la chose.
—Et bien, c’est un fruit du pays, et nous allons vous le
faire goûter.
Sur son ordre, je vois la servante noire qui apporte deux
de ces citrouilles que je venais d'examiner pendantes au treil-
lis ; elles les ouvre, et fait couler dans un bol tout le contenu
de l’intérieur ; c’est un liquide épais, dans lequel les graines
fort petites et peu consistantes paraissent flotter. Elle verse un
verre de vin de Madère dans le contenu, et y ajoute un morceau
de glace. On nous en présente à chacun un verre avec une
petite cuiller ; goûtez, nous dit le P. Couturier, et dites-nous
ce que vous pensez des barbadines ?
Nous goûtons et nous sommes d'accord à déclarer que c’est
le fruit le plus délicieux que nous ayons encore savouré.
On nous présente aussi une espèce de cerise, la seule de
ces contrées, que nous trouvons bien inférieure à celles que
nous cultivons dans nos jardins. Elle est à trois noyaux, a la
chair plus ferme que les nôtres et possède une saveur qui ne
plait d'ordinaire qu'à ceux qui y sont habitués.
Je remarque un joli carré de fraises dans le jardin, d’une
belle venue; on nous dit qu’il n’y avait que deux ans qu'on
les avait importées, et qu’ellss avaient donné une excellente
récolte. C'était, je pense, la première plante de nos climats
que je rencontrais dans cette région ; mais je n’ai pas de doute
quon pourrait réussir avec un grand nombre d’autres si on en
tentait l'essai.
54 LE NATURALISTE CANADIEN
Dans ces climats fortunés, où la nature est toujours prête
à produire, on croit devoir se contenter de ce qu'on rencontre
pour se procurer de nouvelles jouissances ou de nouvelles res-
sources. Les bons religieux qui desservent la plus grande
partie de l’île nous assurèrent que c’est tellement le cas, que dans
un grand nombre de paroisses, on laisse les terres sans cul-
ture, permettant aux mauvaises herbes et aux broussailles de
s'établir à la place des cultures qu’on entretenait auparavant,
L’africain paresseux, insouciant, à peu près indifférent pour le
comfort de la vie, préfére sa paresse au travail qu’exigerait la
culture pour avoir la vie plus abondante. Quelques batons fi-
chés en terre avec des feuilles de palmier lui font une demeure,
une guenille quelconque lui tient lieu de chemise et de panta-
lon, et pour la vie, les bois lui offrent des dattes, des mangos,
les fruits de l’arbre à pain, et pour peu qu’il remue le sol, des
ignames, entre autres la coussecouche et la patate sucrée en abon-
dance ; il ne désire rien de plus. Ajoutons que les eaux des
rivages sont épaisses de poissons d’une grande variété, sans
compter les tortues, les huitres et autres mollusques que lui
offrent les grèves.
Comme les bas prix du sucre depuis quelques années
avaient forcé les cultivateurs de canne à diminuer ies prix de
leurs travailleurs, la plupart préférèrent cette vie aisée aux dé-
pends de la nature, plutôt que de travailler pour lavoir plus
substantielle et plus agréable.
Mais la Dominique offre encore une ressource pour la vie
qui ne se trouve pas, je pense, dans les îles sœurs qui les avoi-
sinent, dans un reptile que les bois, surtout dans les endroits
humides, fournissent en quantité. On le désigne ici, sans céré-
monie, pas le nom de crapaud, mais ce n’est pas un crapaud,
c’est une véritable grenouille. On en consomme une très grande
quantité. Sa chair tendre, délicate, est, dit-on, d’une saveur fort
agréable, et convient surtout aux estomacs faibles.
Fait bien digne de remarque, la Dominique ne possède
Len
Mae Gee ER. re
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 55
aucun animal venimeux. Elle n’a que deux ou trois serpents,
et ils sont tout-à-fait innocents ; tandis que la Martinique, Ste-
Lucie, ete., régorgent de serpents redoutables. On dit même
qu’on a essayé—je ne saurais dire dans quel but—d’acclimater
ici des serpents venimeux de Ste-Lucie, et ils ont disparu en
fortpeu de temps, ils n’ont pu s’y multiplier.
Les vêpres ne se chantant qu’à 6h. 30, nous visitons dans
Yaprés midi l'évêché, construction en bois non extraordinaire,
mais bieu convenable, le couvent tenu par des sœurs de St-
Joseph de Cluny, 10 à 12, dont une mulâtresse.
: J'ai toujours peur, en passant près des cocotiers, de voir
quelques uns de ces énormes fruits me tomber sur la tête. Mais
celui qui les a élevés ainsi de terre a bien fait toute chose, il
les a attachés si solidement à leur pédoncule, que les vents les
plus forts sont insuffisants pour les en séparer.
Jusqu'ici, malgré mes recherches, je n’avais encore ren-
contré que des mollusques marins, je tenais surtout à en cap-
turer de terrestres, mais à St-Kitts, à Antigue, pas la moindre
trace. Pour la première fois, j'en trouve ici, au pied des coco-
tiers, sur les murs du jardin, les poteaux, etc. Mais c’est par-
tout la même espèce, quoique variée dans sa coloration; c’est,
si je ne me trompe, le Bulimulus marielinus, Poey; jen
prends au moins une douzaine de spécimens. Les uns sont
blanchâtres ou d’un jaune corne uniforme, presque pellucides,
les autres avec lignes spirales roussâtres sur un fond blanchatre,
presque tous ont la partie supérieure de la spire plus ou moins
noirâtre ; longueur .70 pouce, l'ouverture moins de la moitié de
la longueur totale ; la lèvre est très mince, simple, la columelle
aussi simple et subperforée.
Le P. Pichaud ayant une visite à faire à l’hôpital situé sur
un morne en arrivre de la ville, nous invite à l'accompagner, ce
que j'accepte avec empressement; M. Huart y acquiesce aussi,
mais comme il n’est jamais monté à cheval, il redoute un peu
son habileté de cavalier, surtout dans un chemin inégal comme
+. ver 2 LS à. rw Ret i as ee
.) . :
= ?
56 LE NATURALISTE CANADIEN
celui qu’il nous faut parcourir. Comme l’une des bêtes était
sujette à butter, quoique d’allure fort paisible, on me la donne
pour ne pas trop exposer M. Huart, et il se trouve, lui, en avoir
une beaucoup plus alerte, non pas disposée à s’emporter, mais
n’aimant pas trop à être contrôlée, voulant parfois imposer sa
volonté dans le choix des sentiers à suivre.
Nous voici partis; détour à droite, détour à gauche, as-
cension ci, descente là, nous n’avons pas 300 pieds de route
unie, avant de prendre vne montée continue et assez raide qui
nous mène à l’hôpital même. Nous cotoyons le bord très
escarpé d’une rivière qui coule à une grande profondeur plus
bas, pour aller se jeter dans la mer tout auprès. A notre droite
c’est cet escarpement profond contre lequel nous ne sommes
protégés que par une ligne de bambous plus ou moins rachi-
tiques ou complètement morts, et à notre gauche, l’autre escar-
pement qui s'élève au dessus de nos têtes, car la route a été
tranchée dans la pente même de la montagne en suivant l’es-
carpement qui borde la rivière.
M. Huart ne peut dissimuler la frayeur qui l’obsède, à
droite il voit le précipice dont la seule vue lui donne le vertige,
et devant lui des montées dans lesquelles il croit à tout instant
que sa bête va se débarrasser de son craintif cavalier, Enfin
nous parvenons à la porte de lhôpital, et l’intrépide cavalier
pousse un soupir de satisfaction, quitte à reprendre ses craintes
au moment de la descente,
Le point de vue est ici magnifique; rivière à droite, rivière
à gauche, de sorte que c’est sur le flanc d’un véritable dos d’âne
quest tracée la route que nous avons suivi. La ville qui se
baigne daus la mer, paraît occuper le milien de la base du
triangle.
Le pharmacien directeur de l'hôpital est un noir policé, qui
a étudié en Angleterre et parle aussi le français. Il nous ac-
cueille fort poliment, et nous fait servir des rafraîchissements par
sa digne moitié que ses marmots tiennent par la robe.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 57
Nous allons en sa compagnie examiner ses cultures, cour-
ges, patates sucrées, coussecouches, etc. ; puis, faisons la con-
naissance de plantes croissant spontanément le long du chemin,
citrons incultes, à fruits ronds, verts, couverts d’une écorce très
mince, à saveur très aigre et non désagréable; manguiers à
fruits encore verts, et arbrisseaux épineux, que par leurs gousses
nous reconnaissons appartenir à la famille des Légumineuses,
produisant ces petites graines dures, luisantes, rouges avec une
tache noire au bout, que les dames savent utiliser dans divers
ouvrages de fantaisie, C’est l’£rythrina corallodendron,
Linné. Comme le temps de la maturité de ces graines était
passée, on en voyait en grand nombre dans leurs gousses ou-
vertes et plus ou moins contournées, cependant il fallait user
de précautions pour les cueillir, parce que les rameaux et même
les feuilles étaient plus ou moins épineux.
Revenus à hôpital, le pharmacien nous montra quelques
coquilles tirées de la mer dans le voisinage et nous les oftrit
très volontiers. C’étaient toutes pièces fort communes, nous
ne primes que quelques porcelaines fort jolies et bien conser-
vées, Cypræœa exhantema.
Nous procédâmes ensuite à la visite des malheureux gisant
à l'hôpital.
Cet hôpital, tenu par des laïques, aux frais du gonverne-
ment, n’est pas pour tous les malades indistinctement, mais
seulement pour ceux pris d’une espèce de lèpre qu’on désigne
sous le nom de pian. C’est une espèce de dartre qui s'attaque
à la figure, au cou, aux pieds, aux mains, rongeant ces parties
en s'étendant. Plusieurs enfants de 3 à 15 ans, en étaient
attaqués à la figure. Ils ne paraissaient pas trop souffrir. Le
pian paraît restreint aux seules personnes colorées. Les patients,
au nombre de 42, nous ont paru convenablement tenus.
Il y avait ci-devant une chapelle ici, mais renversée par
un cyclone, on attend des fonds pour la reconstruire,
Enfin il fallut songer à prendre la ronte du retour et forcer
58 LE NATURALISTE CANADIEN
M. Huart à subir de nouvelle transes ; il les appréhendait d’au-
tant plus qu’il n’ignorait pas que les descentes à cheval sont
plus dangereuses que les montées. Mais sa bête se montra
fort docile dans toute la descente, et n’imposa ses volontés à
l'intrépide et habile cavalier que rendue dans la ville où elle
voulut, contre tout gré, faire elle-même le choix de la rue à
suivre.
Les bambous qui servaient de haie pour protéger la route,
ne nous donnèrent, sur cette crête aride, qu’une bien pauvre
idée de la puissance de cette graminée lorsqu'elle est en lieu
convenable ; ce n’était partout que pousses chétives et miséra-
bles, mutilées, déracinées ou complètement mortes.
Il ne me fut pas peu agréable de reconnaître en passant
quelques unes de mes cultures en pots, que je trouvais croissant
spontanément dans les taillis ; entre autres l’Amaryllis de la
reine, Amaryllis reginæ, Lin. mais à fleurs plus grandes, plus
brillantes que celles que j'avais jamais obtenues, une Tigridie
qu’on appelle ici faussement water lily, bien qu’elle croisse sur
les montagnes, etc.
Comme nous entrions dans la ville, je ne vis pas sans
satisfaction une agave prête à fleurir, sur le bord de la route ;
sa rampe ne mesurait pas moins de 12 à 15 pieds, elle offrait
un port tout à fait remarquable.
Enfin, peu après six heures, nous descendions dans la cour
du presbytère, délivrant M. Huart de toutes ses craintes, et
nous amusant beaucoup du détail qu’il nous en faisait. Il jurait
ses grands dieux qu’on ne le prendrait plus à de semblables
excursions, tant il s’était cru à tout instant, à deux doigts de sa
perte en roulant sur le sol.
Comme on tenait à nous faire faire la connaissance de
toutes les nouveautés du pays, on avait projeté de nous régaler
du fameux crapaud qu’on met en gibelotte ici, et dont on vante
fort le fumet et la saveur. Mais malheureusement, nous dit-on,
—heureusement me disait M. Huart—on n’avait pu s’en procu-
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 59
rer dans le moment. On se contenta de nous en exhiber un
spécimen empaillé. Je me plais à reconnaître que ce n’est pas
une bête très désagréable, et tel que posé, il paraissait faire son
m'sieur de crapaud. La gueule fendue jusqu'aux oreilles, s'il
en avait eu, on aurait dit qu’il allait s'éclater de rire, Il avait
les cuisses renflées comme un bourgeois de son espèce, et parais-
sait étaler avec complaisance les larges bandes brunes qui
rayaient en travers le fond vert-jaunâtre de ses pantalons. I]
avait donné, je pense, toutes ses pustules ornementales a sa
femme, car il ne lui en restait presque plus. Bref, e’était un
gros monsieur de crapaud, le président, je pense, de la république
crapaudine. |
Inutile de faire remarquer, comme je lai dit plus haut,
que ce prétendu crapaud n’est rien autre chose qu’une grenouille.
C’est le Cystignathus ocellatus, Wagler, Rana gigas, Spix,
qui se rencontre aussi au Brézil.
A 7 heures, nous nous rendons à la cathédrale pour les
vépres et le salut. L'assistance est encore fort nombreuse. Il y
a instruction avant le salut, et on y réeite le chapelet et les lita-
nies de la Ste Vierge en francais, auxquels l'assistance répond.
En passant dans le jardin en revenant, comme il faisait
déjà noir, je remarque le chant d'un grillon, ou autre insecte,
tout nouveau pour moi ; je tâche en vain d’en saisir, on fuit à
mon approche ou l’on cesse la chanson qui pourrait faire décou-
vrir la retraite.
Lundi, 9 avril.—Tl m'est arrivé un petit accident la nuit
dernière qui m'a fait craindre quelque peu de devenir plus
grave.
Comme les fenêtres ici sont sang vitres, n'étant fermées
que par des persiennes, voila qu’au milieu de la nuit, j'entends
craquer la porte de ma chambre qui donne sur le corridor ; je
comprends de suite que c’était le vent qui la faisait ainsi chanter.
pensant qu’elle allait bientôt se taire, je décide de ne m’en plus
occuper et je demeure tranquille dans mon vaste lit, tout entourré
60 LE NATURALISTE CANADIEN
de mousseline pour nous mettre à l’abri des cousins. Mais ma
porte se montre de plus en plus insolente, et malgré ma dispo-
sition au sommeil, amenée par les exercices de la journée et
auquel m’invite aussi le comfort de ma couche, impossible de
pouvoir en jouir de nouveau avec cette chanson. Force m'est
done de me lever pour aller imposer silence à l’impertinente.
Mais elle est renflée et ne veut pas rentrer dans son cadre.
J’approche alors une chaise pour la retenir en place, et me rends
à la fenêtre pour clore plus exactement les persiennes. L’obscu-
rité est profonde, je me dirige vers mon lit en traversant la
chambre, Mais voici que je sens quelque chose de croustillant
sous mon pied, pensant que ce pouvait être un scorpion, je
m’élance d’un bond vers mon lit ; mais je rencontre avant d’y
arriver un prie-dieu qui était auprès, et me heurte si violem-
ment les orteils du pied gauche sur l’arête de l’angle de sa base,
que je crus m'en avoir disloqué deux, tant le heurt avait été
violent. Je me roule sur ma couche et porte aussitôt ma main
à mes orteils pour m’assurer si je n’en avais pas laissé quelques
unes à l’angle du prie-dieu. Elles sont toutes en place, mais les
deux frappées me font horriblement mal.
N’eut-il pas mieux valu faire la rencontre d’un scorpion,
que j'aurais tout simplement anéanti en mettant le pied dessus,
que de m’imposer ainsi une blessure si douloureuse ? C’est ainsi
que souvent nos faux calculs vont à l’encontre de la sagesse ;
pour éviter un malheur possible, mais encore incertain, on se
voue à une mésaventure disgracieuse et bien réelle.
Je pus à peine goûter du sommeil le reste de la nuit, tant
la douleur lancinante que j'éprouvais aux orteils était intense.
Le jour arrivé, je reconnus, de fait, que mes orteils étaient encore
à leur place, mais qu’elles étaient enflées et fortement échauffées,
si bien que j'eus quelque peine à mettre ma chaussure,
Mais qu'était devenu mon scorpion ? Il était encore en
place au milieu de la chambre. Ce n’était rien autre chose qu’une
petite plante herbacée que j'avais eneïllie pour mon herbier, et
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 61
qui perdue 1a, 4 moitié desséchée, était devenue la cause de mon
accident.
Les bons Pères nous font de pressantes instances pour nous
engager à passer une quinzaine dans leur île, pour mieux en
connaître l’histoire et les productions, mais notre programme
étant fixé d'avance, nous ne pouvons nous en départir ; il nous
faut, dès ce matin, retourner à notre bateau.
La Dominique fut aussi découverte par Colomb, le 3
novembre, en 1493 ; comme c'était un dimanche, il lui donna
le nom qu’elle porte encore aujourd’hui,
Vile qui mesure 27 milles en longueur sur une largeur de
13, est située par le 14e degré de latitude nord. Elle est parta-
gée du nord au sud par une chaîne de montagnes dont le point
le plus élevé, le mont Diablotin, mesure 4,747 pieds. Sa popu-
lation est d’environ 27,000 habitants.
Colonisée par les français, elle ne passa aux anglais qu’en
1763. Plus que toutes ses sœurs plus au nord, elle offre au
voyageur le spectacle des riches productions tropicales, palmiers,
bignonias, fougères en arbre, épiphytes, lianes, etc., etc. Ses
principales productions sont le café, le sucre, le cacao, le coton,
les ananas, etc.
A quelques heures de marche seulement de Roseau, on
trouve à la hauteur de 2,300 pieds au-dessus du niveau de la
mer, un lac entouré de toute la luxuriance de végétation propre
aux climats tropicaux, lianes monstrueuses, arbres gigantesques,
plantes aériennes aussi variées dans leur nombre qu’extraordi-
naires dans leur développement, la forme et la richesse de leurs
fleurs ; tous les arbres en sont couverts et leur ensemble offre
souvent des abris où les rayons du soleil ont peine à pénétrer.
Un peu plus loin, se voit une cataracte de pas moins de 200
pieds de chute.
Mais la grande merveille de l’île est le lac d’eau bouillante,
qui n'avait été visité jusqu’en 1880, que par un nombre assez
restreint de curieux. Mais à cette date, il arriva que la chau-
62 LE NATURALISTE CANADIEN
dière volcanique qui tenait l’eau en constante ébullition s’étel-
gnit et se dessécha tout à coup, si bien que les visiteurs qui se
rendirent alors pour l’observer de nouveau, ne trouvèrent plus
qu’un cratère à sec, et un torrent sans eau creusé dans le roc
par où l’eau chaude se rendait à la mer mer en se refroidissant,
La Dominique est la seule des Iles-du-vent qui ait con-
servé des restes des aborigènes de ces îles, les Caraïbes. Pour
ces indigènes, comme pour ceux de nos régions boréales, la
civilisation semble avoir soufflé dans leur atmosphère un air
délétère. Encore quelques années, et leur existence ne sera plus
qu’un souvenir.
Les caraïbes de la Dominique, sous la surveillance de leurs
pasteurs, se sont gardés purs de tout mélange jusqu’à ces
dernières années. Ils ont même conservé, en grande partie, leurs
coutumes, leur gouvernement, leur manière de vivre. De mœurs
douces et paisibles, les fruits, quelques petites cultures, la pêche
et la chasse suffisaient à leur subsistance. Leurs traits ne sont pas
désagréables, et ne présentent pas d'écarts bien marqués de
conformation, comme ceux des africains. Ils habitent la côte
est de l’île et ne comptent guère plus de 200 âmes aujourd’hui.
Vers les 9 heures, nous prenons congé du bon Père Coutu-
rier pour nous rendre à notre bateau. Le P. Pichaud avec le
P. Molloy, de l'évêché, poussent la bienveillance jusqu’à nous
accompagner jusqu’au qual.
Nous arrivons juste a l'heure du départ, et cing minutes
après, nous sommes en mouvement.
J'ai oublié de mentionner plus haut que nous n’avions fait
qu’un échange, en laissant M. Castéra à la Guadeloupe ; un M.
Parrock avec sa femme étaient venus se joindre à nous à sa
place, pour se rendre, eux aussi, à Trinidad. Ce M. Parrock
qui est dentiste, est anglais, et sa femme, grêle, blême comme
toutes le créoles des îles, est une française de Trinidad. Le
mari qui parle bien le français, est brun, de bonne taille, a le
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 63
cou court avec un abdomen qui semble parfois l’incommoder,
La femme est svelte, très gaie, sans prétentions et fort aimable.
— Je suis entrée à la cathédrale hier, au moment où
vous montiez en chaire, me dit-elle en arrivant.
—Je suis édifié, madame, de votre ponctualité à vos devoirs
religieux.
— Le temps de débarquer, de refaire un peu ma toilette à
l'hôtel, ne m’a pas permis de me rendre plus tôt à l’église; mais
jai l’espoir que le bon Dieu m’a tenu compte de ma bonne vo-
lonté, et d’un autre côté, jai trouvé compensation d’une autre
facon, dans votre si intéressante instruction.
— Vous êtes bien indulgente, madame, et je suis charmé de
me trouver en société de personnes pour qui la piété n’est plus
chose nouvelle,
—Oh ! M. l'abbé, ma piété n’est pas à servir de modèle,
mais je m’efforce de me tenir au moins, dans toute circonstance,
dans les limites du devoir.
Puis elle me dit que née et mariée à Trinidad, ils habitaient
la Guadeloupe depuis neuf ans. N'ayant pas d'enfants, son mari
était décidé à repasser en Angleterre, et qu’il la conduisait dans
sa famille avant de partir pour l’Europe, car il était probable
qu’elle irait, elle aussi, rejoindre son mari dans quelques mois
en Angleterre.
C'était la première fois que j'avais l’occasion de m’entre-
tenir avec une dame créole, et je ne pouvais me lasser d’admirer
sa manière de parler. Elle parlait un français très pur, n’accen-
tuant pas les A aussi fortement que nous le faisons d'ordinaire,
s'exprimant correctement, mais avec un accent tout particulier,
articulant bien chaque syllabe, c'était une espèce de chant, un
son filant à la finale de chaque phrase. J’ai eu occasion de
remarquer depuis que toutes les créoles avaient le même accent
dans leur langage.
Je ne manquai pas de faire des comparaisons entre le fran-
çais de ces insulaires et notre français du Canada. Après tout,
64 LE NATURALISTE CANADIEN
dis-je à M. Huart, nous sommes partis du même point, puisque
nos pères ont émigré à peu près à la même époque, et ces insu-
laires nous sont supérieurs pour la correction du langage. —
Remarquez, me dit-il, que nous ne nous sommes pas trouvés
dans les mêmes conditions. Ici, aux îles, les émigrants ont été
peu nombreux, et toujours de la classe riche et instruite ; ce
n’était pas des colons qui venaient coloniser ces territoires, mais
bien des bourgeois qui venaient exploiter le travail des esclaves
pour se faire des revenus, pour faire fortune. Rien de surprenant
alors si les descendants de ces petits seigneurs ont pu, avec
leurs richesses, faire toujours donner 4 leurs enfants une bonne
éducation qui leur a permis de conserver et même de perfec-
tionner leur langage.
Je pense aussi que là réellement est la solution du pro-
lême.
Dès les 11 h., nous longeons les côtes de la Martinique,
située au sud de la Dominique par le 14e degré de latitude
nord. Comme toutes ses sœurs, elles portes des marques évi-
dentes des érosions que les vagues de la pleine mer poussées
par les vents, ont pratiquées sur sa côte de l’est. Plusieurs
petits rochers isolés, baignés par les eaux, se montrent même
vers son extrémité.
Nous suivons la côte d’assez près pour pouvoir admirer les
beaux champs plantés de canne à sucre, au dessus desquels se
balancent par-ci par-là de superbes palmiers, et les sites pitto-
resques des résidences des propriétaires avec leurs groupes de
constructions, simulant, moins les tours crenelées et les murs
d’enclos, ces châteaux du moyen âge que nous retrouvons encore
en tant d’endroits en France.
A 11.30 h. nous sommes en face de St-Pierre, ville princi-
pale de la Martinique.
Comme Vile était infestée de la variole depuis plus de huit
mois, aucun vaisseau ne pouvait en aborder sans étre astreint
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Vol, XVIII Cap Rouge, Q., Novembre, 1888 No. 5.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
DEUXIÈME PARTIE.
(Continue de la page 64).
ensuite dans les autres ports à une quarantaine de vingt-et-un
jours. En conséquence nous stopons au large, pour le temps
d'envoyer les sacs de la malle à terre et de recevoir ceux que
Yont vient nous apporter au large.
Au moment précis où nous arrivons, nous voyons toute la
population sur pied, les quais présentent des milliers de têtes
qui les couvrent, les cloches de la cathédrale sonnent à toute
volée ; qu'y a-t-il donc, demandons-nous—? C’est, nous dit-on, le
gouverneur qui arrive de Fort-de-France, l’autre ville de Pile.
De fait, dimes-nous, il ne faut pas oublier que nous sommes ici
en pays francais, et comme on a tout laïcisé autant qu’on a pu,
les cloches ne sont plus destinées seulement aux services reli-
gieux,mais aussi à faire honneur aux représentants de la Répu-
blique sans Dieu.
La cathédrale qui nous paraît une construction assez ré-
cente a une superbe façade flanquée d’une tour de chaque côté.
La ville aussi, du point où nous sommes, présente une appa-
5—Novembre, 1858.
66 LE NATURALISTE CANADIEN
rence bien supérieure à toutes les autres que nous avons visitées
jusqwici.
Du pont de notre bateau, l’île présente un coup d’ceil réel-
lement enchanteur. La ville qui paraît propre et bien bâtie, se
baigne dans la mer. La colline qui la borde en arrière
semble séparée du reste par une gorge on dépression considé-
rable du côté de l’est, et au delà, ce sont de magnifiques champs
de canne variés en coloration suivant le point où en est la
végétation de la précieuse plante, ou plutôt suivant que
la récolte en est plus ou moins avancée. Ici, les pousses encore
trop jeunes pour la récolte, nous montrent un tapis du plus
beau vert ; là, les tiges mûres présentent une chevelure com-
pacte d’un vert jaunatre ou testacé ; et plus loin, ce sont les
feuilles détachées, étalées sur le sol avec leur couleur paille
plus ou moins claire. Ça et là se montrent les résidences des
propriétaires, entourées de leurs vastes usines aux longues che-
minées fumantes, et précédées d’allées plus ou moins longues
sur les bords desquelles s’allignent d’altiers palmiers balançant
dans l'air leurs élégants parasols de verdure,
On qualifie souvent la Martinique de reine des petites
Antilles, et de fait, elle paraît bien mériter ce nom, du moins
sous le rapport de sa configuration et de ses cultures.
Pendant que nous sommes ainsi arrêtés au large, attendant
qu’on vienne prendre les malles de la poste, voici que de jeunes
nègres s’approchent de nous dans des embarcations comme je
n’en avais encore jamais vu. Prenez une planche de 12 à
13 pouces de large et de 4 à 5 pieds de long, rétrécissez-là en
pointe aux deux bonts, clouez sur ses côtés une bordure de 6
pouces de haut, et vous avez l’emharcation en question. Le
jeune homme, le plus souvent dans le costume complet de
notre père Adam, est assis au milieu, tenant dans chaque main
un bardeau ou une petite planchette qui lui sert d’aviron, et la
pirogue s’aVance avec une vitesse incroyable.
— Mais que viennent donc faire ces négrillons ?
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 67
—Ils viennent à la pêche aux sous, me dit M. de Pompi-
gnan, lancez-en un à la mer, et vous allez voir avec quelle
promptitude ils vont plonger pour attraper la pièce.
Nous en lancons quelques uns, et aussitôt les pirogues
sont vides, et les trois noirs luttent de vitesse en s’enfoncant
dans l’eau, pour capturer la pièce. Revenus à la surface, le
vainqueur nous montre triomphant le sou qu’il met dans sa
bouche, n'ayant pas d’autre poche pour le loger. Puis chacun
de recueillir sa pirogue avec ses bardeaux pour guetter une
nouvelle chance. A voir l’avilité avec laquelle ils se meuvent
dans l’eau, on dirait qu’ils sont réellement dans leur élément
naturel. Il est arrivé plus d’une fois que deux sous lancés en
même temps de deux points différents du bateau, aient été re-
cueillis par le même individu, et on les voyait souvent s’enfon-
cer à une telle profondeur que nous avions peine à les distin-
guer,
—Mais n’y a-t-il pas de requins dans ces parages deman-
dai-je à M. de Pompignan ; ces plongeurs ne courent-ils pas quel-
que risque de devenir les victimes de ces voraces carnassiers ?
— Les requins sont très communs ici, fut la réponse, mais
je pense que la chair africaine ne leur va pas, car je n’ai jamais
oui dire que quelqu'un d’entre eux ait été dévoré.
J'avais déjà vu semblable pêche dans le port de Naples, et
je pense que les pêcheurs napolitains sont encore plus habiles
nageurs que ces négrillons, je les ai vus se tenir dans l’eau pen-
dant près d’une demie heure et demeurer comme s'ils étaient
assis, toutes les épaules hors de l’eau, et ne se maintenant dans
cetie position qu’au moyen de leurs pieds qu’ils agitaient sans
cesse,
Nous venions à peine de nous remettre en mouvement, que
nous vimes un énorme requin tout près de notre bateau, faisant
saillir la branche supérieure de sa queue arquée en forme de
faulx. J’ai peine à croire vraiment comment ces plongeurs
peuvent ainsi s’exposer à faire d’aussi peu agréables rencontres.
68 LE NATURALISTE CANADIEN
Nous continuons notre route ayant toujours l’île à notre
gauche et assez proche souvent pour nous permettre de distin-
guer les cultures, les habitations, et même le mouvement des
personnes en vue. A un certain endroit, nous voyons un pont
construit sur un cours d’eau qui se jette dans la mer, et un
cavalier traversant ce pont, qui disparaît aussitôt sous un cap
bordant la mer; mais ce n’était que pour tn instant, car nous
le voyons reparaître et continuer sa route sur la rive. M. de
Pompignan, qui se trouve ici dans son pays, nous dit qu’effec-
tivement il y avait là un court tunnel pour la voie publique que
la colline de la côte venait interrompre en cet endroit.
L'île nous présente à peu près partout la même apparence,
superbes résidences au milieu de vastes cultures, usines par-ci,
par-là, avec leurs cheminées fumantes, et majestueux palmiers
avec leurs parasols de verdure. En certains endroits, sur la
rive même, nous distinguons des vergers on plutôt des forêts
de cocotiers, avec leurs trones plus ou moins verticaux, leurs
longues feuilles pendantes au vert jaunatre, et leurs masses de
fruits logés au centre du parasol, mais que le feuillage est im-
puissant à dérober à la vue.
La Martinique sise sous le 14e degré de latitude nord,
mesure 18 lieues de longueur sur environ huit ou dix de largeur.
Le milieu de Vile est tout occupé par une chaîne de montagnes
assez élevées et parmi lesquelles on distingue trois volcans
éteints. Toutes ces montagnes sont couvertes d’une végétation
comme on n’en voit que dans les climats tropicaux, formant en
maints endroits des forêts impénétrables. Les e:ltures sont
toutes sur les bords de la mer et s’avancent plus où moins sur
la base des montagnes. Découverte par les espagnols en 1493,
elle ne fut colonisée par les français qu'en 1635. Les caraïbes,
anciens habitants de l’île, firent aux conquérants une guerre
acharnée pendant plus de vingt-trois ans. Les anglais s’en empa-
rerent en 1762 pour la rendre l’année suivante. Ils loccupèrent
de nouveau en 1794 et en 1809 ; et elle fut rendue définitive-
ment à la France en 1814.
et
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 69
La population de la Martinique est de 154,000 âmes, avec
toutes les nuances de conleurs depuis le blane rosé des habitants
du nord, jusqu’au noir d’ébène des adorateurs du soleil d'Afrique.
Une qualité particulière à cette population panachée, nous
dit M. de Pompignan—et on pourrait le dire de presque toutes
les autres Iles-du-Vent —est la propreté. A St-Pierre, deux
courants d’eau coulent continuellement dans chaque rue près
des trottoirs, et tous les matins, nous dit notre martiniquois,
vous pouvez voir les enfants obstruant le courant pour s’en
faire une baignoire et sy étendre, où des mères y faisant la
toilette de leurs enfants. Aussi remarque-t-on que leurs habits,
qui très souvent tombent en Ieques et sont plus ou moins écor-
chés, sont toujours propres; ce sont de nettes guenilles et non
de sordides haillons.
Sur ces 154,000 habitants, les blanes ne comptent guére
plus de dix a douze mille.
Si les hommes paraissent souvent se plaire à s’affubler de
guenilles, il n’en est pas de méme des femmes, elles ne sont
pas indifférentes à la coquetterie propre à leur sexe, et vous
pouvez voir très souvent dans les rues de St-Pierre des figures
de bronze, ou même d’ébéne, à mise tout-à-fait convenable et
même dénotant la recherche. Robe à longue traîne en calicot
aux couleurs très gaies, taille resserrée par une ceinture plus
riche, tête couverte d’un énorme turban rayé de bleu, de blane,
de rouge, d'orange, etc., telle se présente le plus souvent l’afri-
caine de la Martinique sur les trottoirs et les places publiques.
Issue, pourrait-on dire, de francais, puisqu'elle en a toujours
une fraction plus ou moins considérable dans le sang — mais
toujours a éducation francaise — avec la belle langue du pays
le plus policé du monde, elle a retenu aussi sa politesse et ses
prévenances. Demandez-lui quelque renseignement, et vous
verrez aussitôt avec quel empressement elle s’efforcera de vous
être agréable. La barbarie et la cruauté du sang africain sem-
blent être disparues avec l’infiltration du sang français.
70 LE NATURALISTE CANADIEN
Mais pourquoi faut-il que de si belles qualités n'aient pas
été soignées de manière à être conservées, et aient été gitées.
perverties, perdues, par l’inoculation du microbe de l'impiété
importé de la mère patrie! Il en est ici comme à la Guade-
loupe. Semez de la graine d’impie ou d’athée, vous en récol-
terez des diables. On pardonnera volontiers à la figure plus ou
moins couleur fer ou noir de fumée, avec son grouin plus ou moins
saillant et ses babines de gorille, de se réclamer de sa qualité de
francais avec à peine la soixante-quatriè me partie de ce sang dans
les veines ; mais du moment que vous le verrez aff: her l’impiété,
proclamer l’affranchissement de la raison des préjugés des siècles
d’ignorance, déclarer que la nature est tout et que Dieu n’est
qu'un mythe; vous ne retrouverez plus en lui que le barbare
du Congo ou l’antropophage du Sénégal, et s’il se réclame de sa
descendance du singe, vous avouerez qu’il peut trouver en lui-
même des motifs assez plausibles pour appuyer cette mons-
truosité.
M. de Pompignan avait toujours compté pouvoir être dé-
posé à la Martinique, car s’il y avait danger de contagion a
recevoir quelqu'un de l’île infestée, il ne pouvait y en avoir à
lui faire des d‘pots quelconques. Mais voilà qu’au dernier
moment on vient le notifier que d’après les règlements, son dé-
barquement même n’est pas possible, qu’en lopérant le bateau
serait forcé de subir la quarantaine au prochain port ; force lui
fut donc de poursuivre jusqu’à Ste-Lucie, pour revenir de la
avec le bateau de la malle royale, qui avait, lui, des privilèges
plus étendus pour communiquer avec la malheureuse île. Ce
contretemps nous assurait donc encore la présence de notre in-
téressant compagnon de route pour quelques heures de plus.
A cinq lieues de St-Pierre, nous passons devant Fort-de-
France, seconde ville de l’île, chef lieu du gouvernement, car
St-Pierre, pour étre la ville la plus populeuse et la plus commer-
cante, n’est pas la capitale.
Mais bientôt nous dépassons Vextrémité sud de Vile et
yey ee
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 71
mettons le cap sur Ste-Lucie que nous entrevoyons déjà devant
nous. La mer est paisible, le temps splendide, et tous les pas-
sagers de la meilleure humeur possible. Madame Parrock, qui
est extrêmement sensible au mal de mer, s’enhardit jusqu’à lui
faire des bravades, et promet de fermer l'oreille à ses sugges-
tions si elles se présentent. Et de fait, elle conserve tout le
temps sa bonne humeur que sa solide piété lui avait appris
depuis Jengtemps, je pense, à savoir soigner en toute éventua-
lité.
Mais avant de laisser la Martinique n’oublions pas de noter
que cette île a donné le jour à une célébrité qui a joué un grand
rôle dans l’histoire de la France. C’est à Trois-Ilets, non loin de
Fort de-Frarce, qu’est née en 1761, Marie Rose Tascher de la
Pagerie, qui devint plus tard l’impératrice Joséphine. Fille du
comte Tascher de la Pagerie, capitaine de port dans la marine
royale, elle avait épousé en premières noces le comte Alexandre
de Beauharnais, né comme elle à la Martinique, qui fut deux
fois élu président de l'assemblée nationale et périt sur l’échafaud
en 1794, laissant à sa veuve un fils, Eugène de Beauharnais, qui
fut plus tard vice-roi d'Italie. En 1796 la veuve de Beauhar-
pais épousa Napoléon Bonaparte, bien qu’elle fût de huit ans
plus âgée que lui. Bonaparte n’était alors que général d'armée.
Couronnée impératrice en 1804, elle fut abandonnée de son mari
qui obtint son divorce d’avec elle en 1809. Elle se retira alors
à la Malmaison où elle mourut en 1814. Joséphine fut un noble
caractère et une épouse irréprochable; l’autrichienne Marie-
Louise a plus d’une fois forcé Napoléon à faire une comparaison
qui ne tournait pas à son avantage. On lui a érigé une statue
sur la place publique à Fort-de-France.
A 6h. nous doublons une pointe et nous nous engageons dans
une vaste baie an fond de laquelle se trouve Castries, capitale
de l’île Ste-Lucie, qui comme St-Kitts, Antigue et la Dominique,
appartient aux anglais.
Nous passons près d’un cureméle à notre gauche, occupé à
12 LE NATURALISTE CANADIEN
creuser le hâvre, et nous voyons à notre droite, perché sur
une pointe élevée, un vaste hôpital qu’ombragent en partie de
nombreux palmiers et autres arbres de ces contrées.
Contrairement à ce que nous avions vu jusqu'ici, nous
accostons à un quai à Castries, et comme il n’est encore que 6
h., nous nous proposions bien de descendre aussitôt pour passer
la nuit en ville; mais il fallait compter avec les formalités
qu’appelait notre pavillon jaune hissé au mat, et tenir compte
aussi du soleil de ces latitudes qui, aussitôt disparu à l’horizon,
s'enveloppe, je pense, soigneusement dans ses couvertures pour
passer la nuit, car il ne laisse plus échapper la moindre lumière ;
il fait ici presque totalement divorce tant avec l’aurore qu’avec
le crépuscule.
Castries, île de Ste- Lucie, mardi 10 avril.— Les formalités
de la quarantaine ayant été remplies la veille au soir, dès les 6
h. je descends avec M. Huart sur le quai, et nous nous diri-
geons directement sur l’église que l’on nous avait fait distin-
guer du pont du bateau.
Comme nous n'avions absolument aucun bagage, nous
n’eûmes rien à déméler avec la douane. |
Nous entrons au presbytère, et la servante nous ayant dit
que les prêtres étaient à la sacristie, nous nous y rendons
aussitôt.
Une messe allait se terminer au maître autel, nous atten-
dons quelques minutes.
Je m'adresse alors au prêtre pour lui demander l’autorisa-
tion de célébrer en lui exhibant mon celebret.
— Vous êtes probablement le curé de la ville ?
— Non, je suis curé de la Soufrière, paroisse du voisinage ;
le curé de la ville est allé aux malades, il sera bientôt de
retour.
—Je vais attendre alors, car il ne convient pas de se
rendre ainsi maître à l'étranger.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 73
—Oh! ne craignez rien, vous pouvez célébrer sans plus
tarder.
Par ses instances réitérées, je prends les ornements et me
rends à l’autel. Ma messe était finie lorque le curé est arrivé.
Loin de me blâmer, le Rév. P. Tapon—c’est le nom du enré—me
Joua beaucoup de n’avoir pas attendu et d’avoir compté sur sa
bienveillance à l'égard des prêtres du Canada qu'il connaissait
déjà quelque peu.
Il me fait plaisir d’avoir à reconnaître ici que le P. Tapon
est loin de faire exception à la règle générale qui attribue des
vertus d’hospitalité et de bienveillance à un suprême degré à
tous les curés des Iles-du-Vent,
Revenus an presbytère, il nous présenta au P. Branchaud,
4 À Oy, | Ci . . \
curé de la Soufrière, que nous avions vu à la sacristie, et à son
vicaire le P. Veillet, car ce sont tous des prêtres de la con-
gréoation du St-Esprit, et sans plus tarder nous invita à passer
au réfectoire pour prendre le déjeûner.
Qu'il est agréable de rencontrer ainsi des fières en pays
étanger; je dis des frères, car après cinq minutes d’entretien, on
se trouve tout de suite a aise, comme en famille, en commu-
nauté de sentiments pour apprécier les événements qui sont du
ressort du public, et juger toute chose pour ainsi dire du même
point de vue.
Le P. Tapon nous fit parcourir sa maison qui est vaste
et à deux étages, et voulut nous assigner à chacun une chambre
en insistant pour nous retenir chez lui au moins une quinzaine,
pour nous permettre de visiter la Soufrière et de prendre une
connaissance plus parfaite de Vile. Mais nous ne pouvious
dévier de notre programme qui nous astreignait à suivre notre
bateau jusqu’au terme de sa course, à Trinidad.
Comme l’histoire naturelle nous interesse toujours tout par-
ticulièrement, nous remarquons un spécimen de reptile dans le
salon du euré ; c’est un iguane, bien préparé et tout fraîchement
monté.
74
LE NATURALISTE CANADIEN
L'espèce en question, qui est assez commune à Ste-Lucie,
est PIguana delicatissima, ainsi nommée de sou nom spécifique
pour la délicatesse de sa chaire qui est généralement fort
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Fig. 5.
estimée. Allons, dis-je an enré, il paraît que dans vos Antilles
on prise fort les reptiles, à la Dominique on mange des crapauds,
et ici des lézards, peut-être va-t-on en venir bientôt à manger
des serpents.
_-Mais la chose ne serait pas nouvelle; les anciens
caraïbes très souvent se nourrissaient de la chair des serpents.
—Est-ce que les serpents sont communs ici ?
—Tres communs.
Il n'ya encore que quelques jours,
j'ai voulu faire préparer une pièce de terre, ici même, tout à
côté, pour y faire une prairie, et en enlevant les herbes et brous-
sailles qui s’y trouvaient, on n'a pas trouvé moins de trois beaux
serpents qui y avaient leur refuge.
On en découvrit d’abord
Fig. 5.—Iguana delicatissima.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 75
deux qu’on tua aussitôt. Puis l’un des hommes ayant fait une
botte de foin de ces herbes qu’on avait coupées, la placa sur sa tête
suivant leur coutume, et s’en allait ainsi par la ville, lorsqu'un
superbe serpent s’échappa de la botte et glissa dans la rue. Ce
fut une alarme tout d’abord, mais on g’arma bientôt de bâtons
et de balais et l’on tua le terrible animal.
— Est-ce que ces serpents sont dangereux ? Quelle en est
l'espèce ?
— Très dangereux ; il ne se passe guère d’année sans que
quelque nègre subisse leur morsure qui est presque tonjonrs
mortelle, Ces serpents sont des trigonocéjihales, et vous sa\ez
que ces reptiles sont toujours à venin très prompt et le plus
souvent mortel.
Mais revenons à notre igiane Ce nom d’iguane a été
emprunté aux naturels de l'Amérique du sud qui désivnaient
ainsi des lézards de grande taille, à queue fort longue, capable
de s’enrouler comme organe de préhension pour sauter d’une
branche à l’autre, portant sous la gorge un jabot ou fanon consi-
dératle, et sur le dos une crête frangé: depuis le vertex jusqu’à
tout près l’extrémité de la queue. L’espéce en question mesure
quatre pieds de longueur, dont la moitié au moins appartient à
la queue. Ses yeux sout couverts de deux panpières a peu près
égales, garnies d’écailles granuiées ; le tympan est largement
ouvert à la surface de la peau, sans organes de protection pour
le couvrir. Tout le corps est couvert de très petites écailles
minces, couchées, subverticillées, très peu consistantes. Sa lan-
gue est molle, fongueuse, et les dents petites, comprimées, aiguës.
Ses doigts sont longs, gréles, simples, terminés par un ongle fort
et crocbu, bien adapté pour grimper dans les arbres où on les
voit fréquemment à la recherche des œufs et des petits oiseaux
qu’ils prennent dans leurs nids. Ils se nourrissent aussi d'in-
sectes, sauterelles, cigales, de petits mollusques, et même de
fruits. Ils habitent d'ordinaire le voisinage des eaux, et sans
être aquatiques, ils savent fort bien nager. Ils pondent des œufs
76 LE NATURALISTE CANADIEN
assez semblables à ceux des pigeons et les abandonnent, comme
tous les autres sauriens, à l’incubation solaire dans le sable ou
les feuilles sèches. Le corps est d’un vert grisâtre, jaunatre,
plus ou moins violacé, susceptible, vu la mobilité des écailles,
comme dans les caméléons, de varier à chaque instant sa nuance
de coloration. (1)
Les nègres sont très frian ls de la chair de Piguane, qu'ils
proclament excellente, et que plusieurs blancs m'ont dit aussi
avoir trouvée de fort bon goût.
?
« A beau mentir qui vient de loin”, dit le proverbe, et
j'ajouterai que même en voulant être véridique, il est très facile
aux voyageurs qui voient des choses étranges et nouvelles pour
eux, de se méprendre et d’en faire de fausses représentations,
surtout lorsqu'il s’agit d'histoire naturelle à l'étude de laquelle
on n’a jamais prêté d'attention, Ainsi le fondateur de Québec,
Samuel de Champlain, raconte, dans son Voyage aux Indes Oc-
cidentales en 1599, au sujet des lézards qu'il avait pu voir à
Portorico :
« En laquelle île il y a grande quantité de caméléons, que
« ont dit qu'ils vivent de l'air, ce que je ne puis assurer, com-
“bien que j'en aie vus par plusieurs fois; il a la tête assez
“ pointue, le corps assez long pour sa grosseur, à savoir un pied
« et demi, et n’a que deux jambes qui sont devant, la queue
‘fort pointue, mêlée de couleurs gris jaunatre. ”
Le célèbre voyageur n’ose assurer que le caméléon vit de
Yair, mais il ne craint pas d'avancer que ce lézard n’a que deux
pattes. et pour faire ressortir toute l'originalité de cette anomalie,
il donne une figure ds l’animal avec seulement ses deux pattes
antérieures.
Le trigonocéphale jaune. appelé aussi serpent jaune des
Antilles, Fer de lunce, Trigonocephalus lanceolatus, est uu
serpent assez semblable aux crotales, mais dépourvu de son-
(1) On peut en voir au musée de l'Universté-Laval un spécimen que j'ai
rapporté de Trinidad.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 77
nettes au bout de la queue. Il mesure quelquefois jusqu’à 6
et 7 pieds. Ilest jaune ou grisâtre plus où moins varié de
brun. Il est trés commun à Ste-Lucie, à la Martinique et dans
la petite île de Boquia, près de St- Vincent, mais ne se rencontre
pas dans les autres îles de Parchipel des Caraïbes ; on dit même
que des essais d’acclimation tentés dans ces îles n’ont pu réussir.
Fig. 6.
Comment se trouverait-il ainsi dans quelques îles et nulle-
ment dans les autres ? Voici ce que le P. Dutertre rapporte à cet
égard.
“ Quelques sauvages nous ont assuré qu’ils tenaient, par
une tradition certaine de leurs pères, que les serpents de la
Martinique venaient des Arrouages, nation de la terre ferme,
auxquels les Caraïbes de nos îles font une guerre cruelle. Ceux-
la, disent-ils, se voyant continuellement vexés par les fré-
quentes incursions des nôtres, s’avisèrent d’une ruse de guerre
non commune, mais dommageable et périlleuse à leurs ennemis,
car ils amassèrent grand nombre de serpents qu’ils enfermérent
dans des paniers et des calebasses, les apportèrent à la Marti-
nique, et là leur donnèrent la liberté.”
Ona essayé différents moyens de destruction contre ces
serpents à différents temps, mais toujours sans succès, par ce
Fig. 6.—Le fer de lance, Trigonocephalus lanceclutus.
78 LE NATURALISTE CANADIEN
que l'on n’employait pas les précautions nécessaires pour les
faire réussir.
L'abbé Legault qui habitait Trinidad en 1820, suggéra de
transporter à la Martinique le Vautonr-corbeau qui se trouve
la, et qui fait la guerre à tous les petits animaux qu’ils ren-
contre. On en prit donc une dizaine de couples et on les y
transporta. Mais on les tint renfermés dans des paniers avec
si peu de précautions, qu’ils périrent en partie dès leur arrivée,
et le reste disparut sans s’y multiplier. Une importation du Ser-
pentaire ou Messager du Ca), rapace qui fait aussi la guerre
aux ‘serpents, n’eut pas plus de succès, par ce qu’on n'en prit
pas non plus plus de soin. Le moyen le plus efficace de res-
treindre leur multiplication, ce sont des primes offertes à tous
ceux qui en tuent ou apportent leurs œufs.
Presque tous ceux qui habitent des contrées, où ne se ren-
contrent pas de serpents venimenx, et notamment les dames,
s'imaginent facilement qu’il leur serait à peu près impossible de
demeurer dans des pays infestés de ces redoutables ennemis. Et
j'avoue que pour ma part, je n'étais pas étranger à ce préjugé
avant mon voyage en Floride ; mais c’est là exagérer outre
mesure un danger qui n’est qu'éventuel et dont il est assez
facile de se garer.
Qu'on n’aille pas croire que les Trigonocéphales de même
que les Crotales (serpents-à-sonnettes) courent après le monde
pour faire des victimes. Ce sont des serpents à mouvements
en général lourds et peu rapides, et l’on peut dire que c’est tou-
jours pour se défendre, qu’ils infligent leurs morsures ; comme
lorsque sans les voir on met le pied dessus, ou lorsqu'on les
poursuit.
Les Trigonocéphales se nourrissent de souris, de rats et
autres petits animaux qu’ils tuent de leur venin avant de les
avaler ; voilà jourquoi on les rencontre souvent dans les champs
de canne à sucre où il vont chasser aux rats. A première ren-
contre en géncral ils prennent la fuite, et si vous les laissez aller,
eee
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 79
vous n’avez plus a vous en occuper, mais si vous les poursuivez,
ou si ayant surpris de trop près, vous n’étes pas prompt à le
frapper avant qu’il se dresse la tête, gare à vous, car d’un bond
il sera sur vous.
“ J'étais un jour dans un champ de cannes qu’on coupait,
me dit M. de Pompignan, avec mon fusil pour la chasse ; voilà
que tout à coup un nègre s’écrie : Un serpent ici ! — Fort bien,
dis-je, je vais le recevoir. Je me rends à l'endroit ; mais rien
ne paraissait. Il est certainement là, dit le nègre, nous allons
le cerner en coupant les cannes. Bien ! à la besogne ; et je les
suis mon fusil au bras prêt à faire feu. Toup à coup un nègre
crie : ici, ici. Je m’y rends à la course. Déjà le serpeut avait
la tête a plus d’un pied au dessus du sol.——Ote-toi, dis-je à un
nègre qui se trouvait devant moi.— Non, je veux le tuer, moi.
Et comme il s’éiance sur la bête avec son coutelas à couper la
canne, le serpent le prévient par un mouvement subit et vient
lui engueuler la cuisse en lui enfoncant ses crochets dans les
chairs. Malyré tous nos soins, le malheureux expirait une
heure après.
C’est surtout lorsque les serpents sont excités par la colère
que leur venin est plus subtil. Mais lerrs morsures ue sont pas
toujours mortelles, et l’on a aujourd’hui des moyens de traiter ces
accidents qui réussissent le plus souvent. J’en reparlerai plus
loin.
A propos du Fer-de-lance, qu’on me permette de rapporter
ici ce qu’en disait dernièrement un journal de Paris.
‘ Cet être immonde et redoutable n’existe que dans les deux
îles de la Martinique et de Sainte-Lucie, ces édens où tout est
brise et rayons, fleurs, verdure, parfums—venin !
La Martinique lui appartient. C'est son laboratoire sinistre
et inviolable. Avec une étonnante audace, il entre dans les cités
et les villages, se glisse et se cache dans les maisons, se blottit
derrière les meubles, s’allonge, syburite abject, dans les lits.
‘Sa longueur atteint parfois 18 pieds et sa grosseur est celle
80 LE NATURALISTE CANADIEN
du poignet. L'effet de son poison est foudroyant. L'homme mordu
s'uffaise et meurt. C’es: le fléau irrémédiable de la Martinique.
Comment, en effet, pourrait-on attrindre le Fer-de-Lance dans
les retraites inaccessibles des forêts vierges, où sa femelle élève
en toute sécurité quatre-vingt petits serpents ?
“ Le serpent corail trahit sa présence par l'éclat éblorissant
de sa robe; le crotale s'annonce en faisant sonner, comme un
glas de mort, ses sinistres écailles, avant de s’élancer sur sa vic-
time; le cobra indien se coiffe de son lugubre capuchon; le
giboya colossal fait entendre des miaulements affreux; enfin
l'horrible cracheur de venin avertit le passant, par les miasmes
empestés qu’il dégage.
“Pout cela est comme un “qui vive” de la prévoyante na-
ture. Prévenu, l’homme se gare.
“ Le Fer-de-Lance, lui, ne se trahit par aucun signal; il
surprend, il mord, il tue. La teinte terreuse de sa robe se con-
fond avec la couleur du sol, et c’est toujours embusqué au bord
d'un chemin que ce bandit rampant guette sa proie. Aucun
serpent ne s'élance aussi vite et aussi haut que le Fer-de Lance.
C'est une flèche vivante qui part du milieu des herbes et qui tue
en frappant. Sa tête hideuse se dresse jusquà cinq pieds de
haut; et son crochet mortel s'attaque presque toujours à la face
de la victime.
“ Sa puissance de reptation est prodigicuse. Le Fer-de-Lance
glisse sur les surfaces les plus verticales et les plus nues avec
autant de rapidité que sur le sol. Sa fureur est telle, qu'il
abandonne souvent un de ses crocs empoisonnés dans l’objet qu’il
a mordu, et la blessure que produirait, au bout d’un an, ce crochet
desséché est mortelle,
“ Un jour, le savant Duëffer veut étudier la dent d’un Fer-de-
Lance qui trempe depuis neuf mois dans de lalcooi ; il se blesse,
et meurt.
& L'habitant des Antilles ne s’aventure jamais dans les forêts
sans un couteau énorme et tranchant cogme un razoir. S'il est
mordu par un Fer-de-Lance, il n'hésite pas à s’amputer lui-même,
en coupunt le doigt, la main, le bras atteint par le reptile.
(A suivre )
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per ce Dr Con DE Gogo
Vol. XVIII Cap Rouge, Q., Décembre, 1888 No. 6.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
NECROLOGIE
Le 23 août dernier, décédait à l’âge de 70 ans, à Torquay,
en Angleterre, PHILIP Henry Gosse, qui peut être compté
parmi les modernes naturalistes comme l’un des premiers qui se
soient occupés des productions naturelles du Canada. M. Gosse
passa quelques années en Canada, dans les cantons de l'Est,
pensons-nous, vers 1838, et publia à Londres en 1840, le résul-
tat de ses études dans notre pays sous le titre: Canadian
Naturalist ; a series of conversations on the natural history
of Lower Canada, illustré de représentations fort. exactes de
plantes, mammifères, oiseaux, insectes ete. M. Gosse qui après
sa visite au Canada passa ensuite à la Jamaïque, s’occupa
d’abord de la zoologie marine, mais après ses voyages, fixé à
Torquay, il s’adonna plus spécialement à l’entomologie. II était
membre de la Société royale de Londres, et de la Société Ento-
mologique de la même ville.
6—Décembre, 1853.
x Pod po EN PRET ES) A:
‘ FT)
\ vr
82 LE NATURALISTE CANADIEN
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
DEUXIÈME PARTIE.
(Continué de la page 80).
‘ À Saint-Pierre, à Fort-de-France, dans les villages, il n’est
pas rare de rencontrer des invalides qui n’ont échappé au venin
du Trigonocéphale qu’en se mutilant.
“ Un jour, un Fer-de-Lance est surpris et décapité dans un
village de la Martinique. Sa tête mourante et baveuse git depuis
quatre heures sur le sable. La gueule horrible et toujours mena-
gante répand dans un affreux baillement un mélange infect de
sang noir et empoisonné. Tout-à-coup un dogue monstrueux
arrive, fiaire le museau du reptile, pousse comme une ordure
cette tête sanglante.
“ La bête se réveille, la gueule s'ouvre et mord Ie dogue qui
s'enfuit en gémissant. Quarante minutes après, le chien meurt
en poussant des hurlements affreux.
“Dans ses écrits sur les serpents de la Martinique qu'il
habita pendant dix ans, le docteur Rufs de Lavison, membre de
l’Académie de médecine de Paris, rapporte une histoire émou-
vante.
‘ Le fait se passa vers 1840, dans un village de Sainte-Lucie.
‘ Une nuit d'orage, une nourrice négresse se réveille avec
Yintolérable impression d’un grand poids sur la poitrine. Elle
ouvre les yeux, regarde et reste pétrifiée en apercevant un Fer-
de-Lance enroulé sur sa couverture.
“ Bouger, crier, c’est mourir. Avec un sang-froid admirable,
elle reste immobile et muette, attendant, respirant à peine.
“ L’affreux reptile s’agite lentement sur le corps tremblant
de la négresse, tantôt disparaissant sur ses épaules, s’arrondis-
sant sur son ventre, allongeant ses anneaux glacés le long des
reins, dardant sa large tête aplatie vers la gorge, vers le visage
de la nourrice affolée.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 83
“Elle ferma les yeux; mais aussitôt elle éprouve au sein une
sensation étrange, mystérieuse, et la malheureuse comprend que
l’effroyable reptile, attiré par l’odeur du lait dont il est si friand,
s'est mis à téter.
‘ Ce supplice horrible et nouveau dura environ dix minutes,
Enfin le Trigonocéphale, repu, se glisse hors du lit en balançant
sa tête visqueuse avec une volupté gourmande, et disparaît par
la porte laissée la veille imprudemment entr'ouverte.
“Une heure après, on découvrit et tua le terrible serpent,
engourdi au pied d'un mur. La négresse était sauvée, mais elle
devint folle, voyant toujours dans ses hallucinations la gueule
immonde et glacée de son formidable nourrisson.”
En faisant la revue des objets exposés dans le salon, je
trouve sur une corniche, une masse blanchâtre, informe, granu-
leuse, de quatre à cinq pouces de longueur sur un et demi de
diamètre à peu près, paraissant comme un corps refroidi après
qu'il aurait été mis en fusion. Qu’est-ceci, demandai-je au
curé ?
—Sentez-le et vous allez le deviner.
— Mais c’est de l’encens ?
—Précisément, un encens que nous trouvons ici. L'arbre
exsude cet encens de son écorce, comme les cerisiers laissent
échapper leur gomme.
Cet encens, jeté sur le feu, répand une odeur des plus
agréables.
L'arbre qui le produit est l’Zcica heptaphylla, Aublet,
l'Iriquier à-sept-feuilles, vulgairement arbre d& Vencens, Arou-
cou. C’est un petit arbre de quinze à trente pieds de hauteur,
sur un diamètre de huit à douze pouces. [l produit un fruit à
peine charnu et devenant coriace par la dessication, à deux ou
quatre valves, et renfermant deux, quatre ou six osselets mo-
nospermes enveloppés d’une pulpe rouge, d’un goût très agré-
able, dont les nègres surtout sont fort avides. Ce fruit miiit
en septembre.
84 LE NATURALISTE CANADIEN
Si l’on entaille l’arbre ou coupe quelque branche, il en
sort un suc abondant qui en s’évaporant produit la résine
blanche qui constitue l’encens.
L'iriquier appartient à la famille des Amyridées qui est
voisine des Térébinthacées.
Je ne manque pas de faire une revue minutieuse du jardin
qui avoisine le presbytère ; mais ce sont à peu près les mêmes
plantes que j'avais vues à la Dominique, Crotons en quantité,
des Palma-Christi qui deviennent des petits arbres, des Géra-
niums, Chèvrefeuilles ete. Je trouve en plusieurs endroits des
larmes de Job, Coix lachryma-Christi, toutes chargées de
leurs graines pierreuses, et qui m'ont l’air à pousser ici sans
aucun sin ; le P. Tapon me dit que c’est presque une mauvaise
herbe ici, qui croît partout.
Nous allons avec le curé visiter son couvent qui se trouve
tout auprès. Les sœurs, au nombre de douze, dont une mula-
tresse, sont iei ce que sont partout les religieuses, des femmes
d'ordre, d’une extrême propreté et d’un dévouement sans
bornes pour l'instruction et l'éducation de leurs enfants. Les
classes sont très propres, et toutes ces petites figures noires ne
paraissent pas dépourvues d'intelligence. Comme dans tous les
autres couvents, il y a ici jardins avec fleurs à profusion.
Au milieu du parterre se trouve un tertre artificiel sur-
monté d’une belle statue de la Sainte Vierge. Les gradins qui
servent de base à la statue sont tous chargés de fleurs plus ou
moins attrayantes et toutes fort intéressantes par leur nouveauté
pour novs, leur port étrange, la coloration de leur feuillage etc.
Nous retrouvons encore ici la passiflore qui produit la barbadine,
ce fruit si délicieux, et l’on nous fait remarquer un géroflier
tout en fleurs embaumant lair de leur arôme. Le geroflier,
Caryophyllus aromaticus, est un petit arbre de dix à vingt
pieds, à branches et feuilles opposées, à fleurs roses assez petites,
mais fort élégantes et à odeur suave, rangées en corymbes for-
mant une panicule, Le calice est très allongé et les étamines
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 85
fort nombreuses. Ce sont les fruits mûrs que l’on vend dans
les épiceries sous le nom de clous de girofle; le plus souvent le
fruit qui forme un drupe à une ou deux graines est adhérent au
tube du calice desséché et retenant encore ses divisions. Le
géroflier appartient à la famille des Myrtacées, il est originaire
des Moluques et ne se rencontre aux Antilles que dans les jar-
dins,
Les sœurs qui donnent ici l'éducation aux enfants, sont les
mêmes qu’à la Dominique, des sœurs de St-Joseph de Cluny.
En face du presbytère, n’en étant séparé que par la lar-
geur de la rue, se trouve une place publique, pour le moment
en fort mauvais état. Les arbrisseaux en partie rongés par les
animaux, dénotent qu’on n’a pas veillé avec assez de soin à fer-
mer les barrières ; les allées demanderaient aussi des visites plus
fréquentes de la part des sarcleurs. Des herbes, des arbres,
des broussailles, des gazons négligés, allons, me dis-je, il y a
ici à faire bonne récolte d’insectes ; mais c’est d’une pauvreté
décourageante ; les feuilles sont partout sans parasites ; je lève
une quantité de copeaux, de grandes feuilles pourrissant sur le
sol, par le plus petit coléoptère ; je ne rencontre partout qu’un
petit lézard aux couleurs variées et d’une agilité extrème.
Nous examinons dans ce pare plusieurs individus de
choux-palmistes, mesurant une trentaine de pieds de hauteur et
d’un fort diamètre à la base. Vous pouvez voir, me dit le P.
Tapon, à quelle hauteur vont parvenir ces palmiers, puisque
leur croissance va se poursuivre jusqu’à ce que la tige prenne le
même diamètre dans toute sa longueur, Ces palmiers n’attein-
dront certainement pas moins de 60 à 80 pieds avant de mon-
trer leurs fleurs.
Comme je voyais des trous nombreux sur une platebande
du jardin, je demande à un travailleur qui était là qui creusait
ces trous la ?
—Ce sont des crabes, me dit-il.
86 LE NATURALISTE CANADIEN
—Des crabes sur la terre, dans les jardins? mais ces ani-
maux ne vivent qu’à la mer.
— Dans l’eau et sur la terre, me dit-il; venez ici la nuit
avec une lumière et vous en verrez en quantité.
—Je serais très curieux d’en voir; ne pourralt-on pas en
atteindre en piochant ces trous ?
— Oui, si vous voulez piocher de trois à quatre pieds dans
cette terre compacte.
—Mais n’y aurait-il pas danger de faire la rencontre de
quelque serpent en creusant ainsi sur ces trous ?
—Oh! ne craignez pas; ce n’est pas dans les trous des
crabes que se retirent les serpents, ils savent trop bien qu'ils y
seraient fort mal reçus. Ce sredoutables bêtes préfèrent guetter
des proies qui ne peuvent leur offrir, comme chez les crabes,
une croute où se briseraient leurs dents sans pouvoir exercer
l’action de leur venin.
— Vous est-il quelquefois arrivé d’en rencontrer de ces
serpents, des Fers-de-lance ?
— Plusieurs fois.
—Et vous avez su éviter leur morsures ?
—Toujours. Le plus souvent, si le serpent n’est pas surpris
de trop près, il prend la fuite pour se mettre à l'abri. Mais s’il
fait mine de résister, il n’y a pas une minute à perdre, il faut
le frapper incontinent sur la tête avec un bâton ou encore
mieux avec un coutelas, car s’il a eu le temps de s'élever la tête
de 2 à 3 pieds avant qu’on le frappe, la morsure est presque
inévitable, parce qu’alors d'un seul bond il est sur vous. Mais
en se tenant attentif quand on marche dans le bois ou les brous-
sailles, on peut toujours résister à leur rencontre.
—Je préfère vous laisser cette chance, et ne pas m’exposer
à une telle visite.
On nous régale encore ici avec la délicieuse barbadine ; on
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 87
nous fait aussi manger des sapotilles, epèce de poires du pays,
et autres fruits nouveaux pour nous.
En faisant ma revue du jardin, j'avais remarqué un certain
clapotement dans une cuve qui se trouvait là; je m’en approche,
et je vois deux jolies tortues de mer, de dix à douze pouces de
longueur, que l’on garde ainsi vivantes, pour les sacrifier les
jours maigres, car leur chair est excellente.
La langue du peuple ici est le français, mais un francais
que nous avons beaucoup de peine à comprendre, tant on l’a dé-
figuré et transformé. Cependant nous estimons comme un
grand avantage de pouvoir être compris de ces gens, si nous ne
pouvons pas toujours les comprendre. Mais nous voyons avec
chagrin qu’on fait des efforts de tout côté ponr glisser l’anglais
partout et faire perdre le francais; c’est surtout dans les écoles,
qui sont soutenues par le gouvernement, que cette anglicisation
est poursuivie plus activement et plus efficacement. Aussi pres-
que tous les jeunes gens préfèrent-ils, surtout lorsqu'ils s’adres-
sont à des étrangers, employer l’idiome anglais.
Enfin à 4 h., nous prenons congé de nos charmants hôtes,
enchantés de tout ce que nous avons vu de nouveau ici, et
chagrins de ne pouvoir y faire un plus long séjour pour faire
plus ample connaissance avec ce riche pays. Nous nous pro-
posons bien au retour de mettre à profit la station que nous
aurons à y faire.
Aussitôt sur le pont de notre Muriel, les amarres sont
lâchées et nous sommes en mouvement. L’enfoncement de la
baie où nous nous trouvons ne nous permet pas de juger de
l'état de la mer, mais le vent du S. S. E. qu’il fait nous fait pré-
sager que nous pourrions bien avoir du mouvement pour nous
rendre à la Barbade. En effet, à peine sommes-nous en pleine
mer, que la houle nous soumet à un tangage assez fort pour
obliger plusieurs à faire de nouveau connaissance avec le mal de
mer. Je me garde bien cette fois de donner le mauvais exemple
à M. Huart, et je rentre complètement dans mes allures de
A Ai
88 LE NATURALISTE CANADIEN
vieux marin, méprisant les attaques du redoutable Neptune, et
laissant mon compagnon sans prétexte pour se livrer ainsi à des
combats si peu glorieux.
Nous suivons la côte de très près jusqu’à l'extrémité S. O.
de l’île, et nous pouvons ainsi admirer tout à notre aise les
points de vue magnifiques qu’elle nous offre, avec ces montagnes
boisées, ses vallées en culture, d’où se détachent par-ci par-là de
hauts palmiers ou des cocotiers plus humbles cachant leurs
énormes fruits sous le large parasol de leur feuillage au vert
jaunatre.
Ste-Lucie, comme toutes les autres Iles-du-Vent, n’est qu’un
volcan éteint. La Soufrière, qui est tout près de Castries, en
offre encore parfaitement la forme. On dit cette montagne tout-
à-fait intéressante à visiter; elle s’éléve de 4,000 au dessus du
niveau de la mer.
Il me tardait d’atteindre l'extrémité 8. O. de l'île pour
voir ces fameux Pitons dont on m'avait si souvent parlé. Je
craignais qu'avec l'allure de notre lent Muriel, nous ne pussions
les atteindre de jour; mais à ma grande satisfaction, il n’était
pas encore 6 h. que nous étions en face. Ce sont deux magni-
fiques montagnes ou plutôt deux pics isolés, à peu près à un mille
de distance entre eux, s’élevant de la plaine tout près de la
mer, et ne paraissant nullement liés aux collines élevées qui
se trouvent en arrière. Le paysage est ici des plus pittoresques.
Ces cônes gigantesques dont l’un mesure 2,680 pieds et l’autre
2,710, sont tout couverts de verdure jusqu’au sommet. A
mesure que nous avancons nous voyons leurs cimes qui se con-
fondaient d’abord, s’écarter peu à peu, en même temps que
leurs bases se déploient graduellement sur les riches plantations
qui les entourent et s’étalent surtout en arrière.
Les marins qui ont d'ordinaire des expressions caractéristi-
ques pour tout ce qu'ils rencontrent, qualifient ces deux pics,
eu égard à l'apparence qu’ils présentent de la mer, du nom
d'oreilles d'âne, sans respect pour la majesté de leur port et le
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 89
pittoresque de leur aspect ; mais la géographie plus respectueuse
leur a réservé la simple désignation de Pitons. Leurs flancs
boisés de toute part indiquent assez que leur isolement n’est
pas dû à des érosions qui les auraient séparés des montagnes
voisines, qu'ils dépassent d’ailleurs en hauteur, mais que ce
sont bien des roches éruptives, qui ont été soulevées de l’inté-
rieur; quelles magnifiques chandelles devaient présenter ces
deux cônes lorsque leurs sommets étaient couronnés de
flammes.
Comme nous passons près des Pitons, nous voyons à notre
gauche trois baleines qui font jaillir, tout près de nous, l’eau de
leurs évents, à une hauteur de douze à quinze pieds. On dirait
des pompes à incendie lançant en l'air leurs jets vigoureux
pour le plaisir de les voir s’émietter en gouttelettes en retom-
bant. Mais qui sait si ces rois des eaux ne venaient comme
nous admirer la scène que l’île offre ici aux regards dss pas-
sants ?
Ste-Lucie mesure trente cinq milles de long sur douze de
large. Sa population est de 32,000 âmes.
En laissant Ste-Lucie, nous mettons le cap sur la Bardarde
qui est de toutes les Petites-Antilles celle le plus à l’est; elle
semble même écartée du cordon qui se poursuivant en ligne
courbe continue depuis la pointe sud de la Floride jusqu’au Vé-
nézuela, formait peut-être, dans les âges géologiques, une médi-
terrannée du golfe du Mexique. L’étroite bande de terre for-
mant cette méditerrannée à l’est, toute semée de cratères plus
ou moins élevés vomissant des flammes, se serait égrenée par
suites d’éruptions répétées et de l’action des vagues sur les dé-
bris, en ne laissant que les jalons actuels de ce demi-cercle ;
Cuba, St-Domingue, Portorico, les Bahamas élargissant cette
bande au nord, comme Trinidad, Tobago, Ste-Maguerite la dila-
taient semblablemet au sud.
Malgré le vent debout que nous avons, le tangage est assez
modéré pour nous permettre encore une agréable soirée sur le
90 LE NATURALISTE CANADIEN
pont, moins toutefois M. Huart et Mad. Parrock, retenus dans
leurs cabines, et M de Pompignan que nous avons laissé à Ste-
Lucie.
Bien que M. de Pompignan eût un catholicisme quelqne
peu frelaté, qui dans la pratique probablement s'élevait guère
au-dessus de zéro—conséquence, il est probable, de ses accoin-
tances dans les camps français— ce n’était certainement pas un
athée, ni un libre-pensenr, et on trouvait en lui un homme bien
élevé, un voyageur qui avait vu beaucoup, etun conteur fort
aimable. Aussi est-ce avec chagrin que nous lui serrâmes la
main en le quittant à Ste-Lucie, et serait-ce avec plaisir que
nous le reverrions s’il nous était donné de le rencontrer.
Bridgetown, tle de Barbade, mercredi, 11 avril.—A 6h.
nous montons sur le pont. Les matelots sont à jeter l'ancre
dans la rade de Bridgetown, capitale de la Barbade, au milieu
de nombreux vaisseaux mouillés là, frégates, steamers, voiliers,
il n’y a pas moins de 40 à 50 vaisseaux de tout genre.
La ville a une bien belle apparence ; nous y distinguons
de très grandes bâtisses, un pont sur un canal, et une grande
activité dans les rues.
Nous descendons dans la première chaloupe venue, et
mettons le pied sur la terre. Nous sommes en face d’un tram-
way, mais refusons de le prendre, ne sachant où il nous con-
duira. Comme nous demandons l’église catholique, un gamin
noir s'offre de nous y conduire, nous disant que le trajet n'est
pas long.
La chaleur est intense et de temps en temps il tombe quel-
ques grains de pluie, pas assez cependant pour nous obliger à
nous couvrir de nos ombrelles.
Nous remarquons que les rues sont partout fort belles,
empierrées, tirées au cordeau, et bordées de boutiques et
de résidences fort convenables. Nous voyons que nous sommes
ici au milieu d’une population dense, car même à cette heure
matinale, les rues sont partout fréquentées.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 91
Nous commencions à trouver la course un peu longue, et
regrettions de n'avoir pas pris une voiture, lorsque notre négril-
lon nous faitentrer dans un grand jardin dans lequel nous
voyons la petite église, au milieu d'un véritable parterre, et
tout auprès la résidence du curé.
Nous montons les quelques degrés d’une galerie couverte,
faisant véranda sur toute la face de la bâtisse, et sonnons. Un
jeune homme blanc vient nous ouvrir et nous invite à entrer.
Nous demandons à voir le curé, lui disant que nous som-
mes deux prêtres du Canada.
—Le Père n’est pas bien, nous dit le jeune homme, il est
retenu au lit depuis plusieurs jours, je vais aller l'avertir.
Il revient aussitôt en nous disant que le Père nous priait
de monter à sa chambre.
Nous gravissons l'escalier et trouvons le Père souffrant
sur son lit, avec un peu de fièvre et retenu par un lumbago
qui lui interdit presque tout mouvement.
— Mais quelle bonne fortune, dit le Pere Strickland, car
tel est son nom, m’améne deux braves prêtres du Canada,
moi qui n’ai pas pu faire mon office dimanche dernier, et qui
ne sais pas encore si je pourrai le faire dimanche prochain.
Vous allez passer ici au moins une quinzaine.
—Ce sera affaire à régler plus tard; pour le moment, si
vous voulez nous le permettre, nous allons aller célébrer si la
chose peut se faire ?
—Mais certainement, et avec grand plaisir, puisque vous
aller me remplacer. Veuillez-vous rendre à la sacristie, et vous
trouverez là un servant qui vous donnera tout ce qui est néces-
saire. Et à votre retour vous me trouverez debout, j'espère, pour
prendre le café avec vous.
—Trés bien, mon Père, mais ne vous génez en rien dans
vos habitudes, Nous serions très fâchés si, en passant ici, nous
nous trouvions en quelque sorte une occasion d'augmenter votre
malaise.
92 LE NATURALISTE CANADIEN
Le P. Strickland, qui appartient à la Compagnie de Jésus,
est d’une forte stature et n’a pas encore atteint la soixantaine.
Il est anglais d’origine, mais ayant étudié en France, il parle
très bien le français, bien qu’il ait rarement occasion de le faire
ici où la langue anglaise est presque la seule en usage. Il est
le seul prêtre catholique de l’île, et sa congrégation ne depasse
pas 500 nous a-t-il dit.
Nous nous rendons à l’église, où nous trouvons quelques
personnes qui y priaient. Un sacristain noir nous présente tout
ce qui est nécessaire pour la sainte messe, et je me rends aussitôt
à l’autel.
L'église, la sacristie, les linges, les ornements, tout est ici
dans une grande propreté. Cependant il n’y a pas de religieuses
ici, comme dans les autres îles que nous avons visitées. On voit
que le curé est un religieux qui sait donner aux choses saintes
le soin qu’elles commandent.
M. Huart, malgré son malaise, célèbre aussitôt après moi.
Pendant son action de grâces, je pousse une petite reconnaissance
dans un bosquet qui avoisine la sacristie et qui confine au
cimetière qui se trouve aussi dans le même enclos. La plupart
des arbres me sont inconnus, et je trouve aussi de nombreuses
fleurs que je ne connais pas. Plusieurs tombes du cimetière en
portent de superbes et bien soignées.
Le petit bulime, Bulimulus marielinus, que j'avais ren-
contré à la Dominique, se trouve ici aussi en quantité. Il va
sans dire que j'en augmente davantage ma provision.
Revenus au presbytère, nous retrouvons le P. Strickland
debout et en soutane ; il se met à table avec nous, bien que les
douleurs lancinantes qu’il éprouve le forcent de temps à autres
à certaines crispations des traits de sa figure.
Nous sommes enchantés de la conversation du bon Père.
Il est anglais et né en Angleterre; sa famille en est une de ce
petit nombre qui a su subir les avanies et les persécutions des
Henri VIII, Elizabeth, Cromwell, sans broncher dans foi. Reli-
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 93
gieux, quoique vivant seul, tout est réglé chez lui comme s’il
habitait un couvent, Sans aspirer au luxe il est monté, fort
convenablement,
Chose assez singulière, tandis que Ste-Lucie relève de l’é-
vêché de Trinidad, la Barbade, qui se trouve entre les deux,
appartient au vicariat apostolique de la Guiane anglaise, sur la
terre ferme.
En mettant le pied sur la véraudah du presbytère, j'avais
été frappé des superbes échantillons de mollusque, coraux, crus-
tacés etc., étalés 14 comme dans un musée. Ce sont tous des
spécimens des productions de notre île, nous dit le bon Père,
ils sont à votre disposition.
—Je me garderais bien de vous en priver, répondis-je»
d'autant plus que je vois la certains échantillons très remar-
quables, sinon par leur rareté comme espèces, du moins par leur
qualité comme spécimens. Je vois la des Strombes, des Casques
ete, de dimensions hors lignes, et de conservation parfaite.
— Prenez, prenez, dit le Père, il me sera très facile de m’en
pourvoir de nouveau.
Mais, reprit le Père, nous avons ici un M. Belgrave qui
tient un magasin de tous ces objets, vous serez intéressés en
visitant ses collections, je vais vous y faire conduire.
Et dix minutes, après son groom était à la porte avec la
voiture. Nous montons dans le carosse et enfilons les rues de
la ville en nous dirigeant au nord est pour atteindre le bord de la
mer. Le trajet nous parut passablement long, malgré les nou-
veautés qui frappaient partout nos regards, palmiers, caroubiers,
cierges (cactus) gigantesques de 20 à 30 pieds de hauteur,
agaves, fleurs de toutes sortes dans les jardins, sur les galeries,
étalées partout, ete. Nous nous trouvons à peu près aux limites
de la ville, et la voiture nous arrête à une muison en retraite
sur la voie publique et devant laquelle nous voyons quelques
singes à la chaîne, certains oiseaux etc.
Pr Tt. oe =~ = a T le B.! L'd: eo UF mr
J ae Det Wo) ee apn oe
94 LE NATURALISTE CANADIEN
Nous sonnons, et en attendant qu'on vienne nous ouvrir
nous lisons sur une pancarte : Museum open from 9 to 4 ;
admission 1 shelling. Singulier magasin, dis-je à M. Huart,
où il faut payer pour la seule inspection des marchandises.
Le propriétaire, un tout jeune homme encore, vient à la
fin ouvrir et nous invite à entrer.
Les spécimens, sinon très nombreux en espèces, sont tous
remarquables par leurs dimensions, leur éclat, la symétrie dans
laquelle ils sont rangés, et la constante propreté où on les tient.
Quelques questions posées au propriétaire me convainquent de
suite que nous avons affaire ici à un industriel, de maigre
savoir, et qui attend meilleure aubaine des badauds étrangers
visitant son étalage, que des hommes de science désireux d’aug-
menter leurs connaissances ou leurs collections. Très peu de
spécimens portaient leurs noms, et j'ai pu remarquer que plu-
sieurs mollusques en avaient d’erronnés. Il va sans dire qu'il
n’y avait aussi que des coquiiles remarquables par leur éclat,
strombes, porcelaines, olives, casques, tellines, etc.
A part les mollusques, il y avait aussi de nombreux
coraux, des tortues, des serpents, des poissons volants, tous
bien montés. On nous montra un coralliaire nouveau, pêché à
la Barbade même, et de forme très singulière; mince, délié et
très long, il avait l'apparence d’une tige de graminée, montrant
des espèces de nœuds de distance en distance. M. Belgrave
nous dit que l'ayant envoyé en Angleterre, on avait constaté
que c'était une espèce nouvelle, encore innommée, On lui en
avait offert £12, mais il n’avait pas voulu le céder à ce prix.
Le groom a le soin de nous ramener au presbytère par des
rues différentes de celles que nous avions suivies en allant, afin
de nous donner une connaissance plus parfaite de la ville.
C’est à peu près partout le même aspect, rues propres et bien
allignées, arbres superbes par-ci, par-là, couvrant les maisons
de leur ombre, arbrisseaux à fleurs abondantes et du plus vif
éclat, et partout sur les galeries, ravissants étalages de fleurs en
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 95
ots. où nous distinguons surtout une très grande variété de
P ? le) 5
bégonias, des géraniums, des fougères, etc., etc.
Revenus au presbytére, je ne manque pas de faire une
minutieuse revue tant des étalages de la galerie, que du jardin
et d’un petit champ qui se trouve auprès. Comme il y avait la
de vigoureux bananiers, dont la plupart laissaient pendre leurs
énormes régimes de fruits charnus, je remarque, ce que je n’avais
pas encore observé, que le régime, à son sommet, a toujours un
plus ou moins long espace du rachis dénudé, et se termine par
une masse en forme de toupie, de cing 4 six pouces de long sur
trois à quatre de diamètre, et d’un beau violet presque san-
guin. Le régime étant toujours pendant, on dirait que cette
masse est destinée à lui servir de poids pour letenir dans sa
position. Je saisis I’un de ces poids, et je reconnais de suite
sa nécessité et l'emploi qu’il a à remplir. Cette masse violette
n’est rien autre chose que le bouton qui renferme les étamines,
les pistils se trouvant plus haut à la suite des fruits. En sou-
levant les feuilles violettes de ce bouton géant, je trouve sous
chacune les larges étamines jaunâtres, toutes gonflées de pollen.
Le bouton se dépouille de ses enveloppes, pour permettre aux
étamines de s'ouvrir, à mesure que les pistils placés plus haut
sont prêts pour la fécondation. Aussi remarque-t-on que lors-
que les bananes de la base du régime sont mûres, celles du
sommet sont encore toutes petites ou à peine formées. C'est
une inflorescence indéfinie,
Comme à Ste-Lucie, je suis tout étonné de ne trouver
aucun coléoptère sur le sol, et même très peu d’insectes volants.
(A suivre.)
96 LE NATURALISTE CANADIEN
BIBLIOGRAPHIE
DICTIONNAIRE GÉNÉALOGIQUE DES FAMILLES CANADIENNES.
VOLUME V.
Poursuivant l’ordre alphabétique, ce cinquième volume
s'étend de JOAàMER. Il est tout probable qu'avec encore
deux autres volumes, on complètera cette série.
Cet ouvrage, comme on l’a répété plusieurs fois, sera le
livre de la noblesse canadienne. Chaque famille aura la ses
parchemins pour y tracer sa descendance. Mais parmi tous
les renseignements que nous offrira ce DICTIONNAIRE, on
devra compter comme l’un des plus précieux la lumière
qu’il apporte à la nombreuse synonymie de nos noms de
familles. Il suffit d'ouvrir un volume au hasard pour se con-
vaincre à première vue, avec quel peu de soin on a veillé à
conserver son nom. Qui pourrait croire, par exemple que
Lejeune, Bonaventure, et Laprairie remontent à une même
souche. Manseau est encore plus surprenant, puisqu'il se con-
fond avec Manteau, Monceau, Garigour, Lajoie, Manfret, Mau-
rier, Morain, Moursin, Robidas et Vitral.
On a suggéré de placer ce Dictionnaire dans toutes les bi-
bliothèques paroissiales, nous pensons qu’il serait encore plus à
propos de lui donner place dans les archives de chaque paroisse,
I] ne manquerait pas, dans une foule de circonstances d’être très
utile aux curés, devenant d’un grand secours pour débrouiller
les parentés dans les cas de mariage.
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DEMERS OGD ÉD ava recta GOO a ERA
Vol. XVIII Cap Rouge, Q., Janvier, 1889 No. 7.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
NECROLOGIE
LE DR J. A. CREVIER,
La science vient de faire une perte sérieuse dans la per-
sonne du Dr JOSEPH ALEXANDRE CREVIER, décédé à Montréal
le premier du courant.
Né au Cap de la Madeleine en 1824, le jeune Crevier, protégé
par son oncle le Grand-Vicaire Crevier, alors curé de St-
Hyacinthe, alla faire son cours classique au collège de cette ville.
Très intelligent et doué de talents brillants, il ne sut pas
malheureusement à cette époque les mettre assez à contribution
pour l'étude des classiques, et il eut grandement à souffrir par
la suite de cette lacune dans la poursuite des vastes connais-
sances qu’il parvint à acquérir. Architecte d’un édifice remar-
quable, il ne put jamais réussir à voiler les défauts de sa base.
Cet homme qui connaissait toutes les étoiles par leur nom de
baptême, comme le disait pittoresquement un jour un savant
astronome qui venait de faire sa connaissance, ne savait cepen-
dant pas la grammaire. Aussi, avec toutes ses connaissances si
j—Janvier, 1359,
98 LE NATURALISTE CANADIEN
variées et si profondes tout à la fois, ne fut-il jamais qu’un fort
médiocre écrivain, Il étonnait toujours ceux qui l’étudiaient
de près. On reconnaissait promptement, en conversant avec lui,
que sa science, tout profonde qu’elle était, manquait d'ailes pour
prendre son essor ; les ressources du langage, les subtilités gram-
maticales lui faisant défaut pour faire briller son savoir.
Si le Dr Crevier eut fait un cours classique plus soigné et
plus fructueux, nul doute qu’il n’eût étonné le monde par son
vaste savoir; car peu d’hommes ont acquis autant que lui des
connaissances si profondes sur tant de sujets divers.
L’astronomie, la chimie, la minéralogie, la géologie et la
microscopie furent surtout ses sujets d'étude de prédilection.
Doué d’une mémoire prodigieuse, il retenait pour ainsi
dire sans efforts les noms techniques, parfois si baroques, semés
avec tant de profusion dans toutes les sciences. Interrogé sur
l'anatomie, l'astronomie, la chimie, etc., il semblait par ses
réponses que ces sciences n’eussent aucun secret pour lui. Il
lui suffisait d’avoir lu une seule fois tel ou tel auteur, pour s’en
approprier les plus subtiles conceptions, et tout en hésitant
souvent sur la tournure à donner à sa phrase, il parvenait tou-
jours à nous rendre sa pensée saisissable en la traduisant avec la
plus grande concision.
Ajoutons que privé de fortune, pauvre comme le sont
d'ordinaire les savants, il lui fallait avant tout songer aux
ressources de la vie pour une famille nombreuse, et recourir
souvent à son adresse et à son habileté pour se procurer les
moyens de poursuivre ses investigations. C’est ainsi qu'il entre-
prit et réussit à se construire un télescope très puissant et sans
le secours d'aucun autre mécanicien.
Cœur affectueux et dévoué, ami sincère et constant, le
Docteur ne pouvait avoir d’ennemis. Aussi humble que savant,
jamais il ne cherchait à faire parade de ses connaissances. Il ne
semblait se plaire à faire connaître ce qu'il avait appris, que
dans le but de rendre service ou d’intéresser ceux qui l’écou-
taient.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 99
De bonne taille, avec un pen d’embonpoint avant ces
dernières années, le front haut, le teint brun, l’œil extrêmement
percant, et si vifque quelques mois encore avant sa mort il
pouvait lire les caractères les plus fins sans lunettes, le Docteur
semblait destiné à poursuivre encore une longue carrière. Mais
attaqué d’un violent diabète il ya 7 à 8 ans, il réussit à
dominer l'affection, mais sa santé en fut dès lors tellement
ébranlée, qu’elle s’en est toujours ressentie depuis, et c’est en le
minant ainsi lentement qu’elle l’a conduit au tombeau.
C’et le premier janvier au soir, entouré de ses enfants, après
avoir très dévotement reçu les sacrements de l'Eglise, qu'il
ferma les yeux à la lumière.
Le Docteur laisse pour regretter sa perte, une épouse,
deux garçons et quatre filles, dont trois sont religieuses.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
DEUXIÈME PARTIE.
(Continué de la page 96).
Voyant sur la véranda dss écailles des cocos ouvertes qui
émettaient de grandes feuilles vertes de leur intérieur,
— Mais ce ne sont pas là les semences du coco même qui
ont germé et se mettent à pousser, demandai-je au P. Strick-
land.
—Non, ce sont des avocats ; il suffit de leur donner de
l’eau pour entretenir leur végétation.
—Heureux pays où les avocats se contentent de l’eau
claire ! ceux de chez nous sont beaucoup plus exigeants.
100 LE NATURALISTE CANADIEN
— Ceux-ci, voyez-vous, ne fréquentent jamais le palais, et
se laissent volontiers manger, loin de manger eux-mêmes les
gens. Mais nous avons aussi des avocats disciples de Thémis, et
ici comme chez vous, leur boisson n’est pas toujours l’eau
claire, et il n’est pas rare d’en voir qui, après avoir dévoré la
subsistance de plusieurs familles, ne végètent encore que misé-
rablement.
Les avocats dont il est ici question sont les fruits de l'Avo-
catier, Persea gratissima, Nies, arbre de 36 à 45 pieds, de la fa-
mille des Laurinées, qui renferme aussi le Camphrier, le Can-
nellier, le Sassafras, le Benjoin, le Laurier ete. Les feuilles ca-
duques, sans stipules, atténuées aux deux bouts, sont réticulées
a leur face inférieure qui est pubescente et glauque. Les bran-
ches dans le jeune âge sont anguleuses et cotonneuses-blan-
chatres.
Le fruit, qu’on appelle avocat ou poire-avocat, est une baie
monosperme, de la grosseur du poing, portée sur un long pédi-
celle ; sous une écorce consistante, verte ou violette, il renferme
une chaire butireuse, fondante, presque sans odeur. Sa saveur
a quelque chose qui la rapproche de la noisette et de lartichant.
Ce fruit est très estimé dans Amérique tropicale, mais les étran-
gers qui en mangent pour la première fois, le trouvent fade et
l’assaisonnent avec du sucre ou du jus de citron. Les animaux
en sont très friands. La graine ou noyau contient un sue laiteux °
qui rougit à l’air et tache le linge d’une manière durable.
Continuant mon inspection des pièces du musée de la
véranda, je trouve des mollusques de plusieurs espèces et de
très fortes dimensions, des éponges de différentes formes, des
Atingas ou hérissons de mer desséchés, mais malheureusement |
déterriorés, ayant été rongés par des blattes, des groupes de
coraux ramifiés d’un blanc pur et de très fortes dimensions, des |
< |
pierres, des fruits tropicaux etc. etc.
—Je vais, me dit le P. Strickland, puisque la chose vous!
intéresse, vous préparer une caisse de ces spécimens ; de quelles
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 101
dimensions la voulez-vous ? Celle-ci serait-elle suffisante, dit-il,
en me montrant une caisse vide d’au moins quatre pieds carrés !
—Mon Père, puisque vous poussez la générosité jusqu’à
ce point, ne vous donnez pas tant de peine. Je veux bien pro-
fiter de la bonne aubaine que je devrai à votre bienveillance,
mais comme nous aurons le plaisir de vous revoir en retournant,
je ferai moi-même le choix des pièces que je n'aurais pu me
procurer à Trinidad, pour ne pas trop m’embarrasser en faisant
double provision, et ne pas trop mettre votre musée au pillage.
Je me contenterai de prendre, pour le moment, quelques petits
mollusques avec ces deux petits échantillons de coraux, me pro-
mettant bien, au retour, de mettre amplement à contribution
votre bienveillante générosité.
—Je ne suis pas, malheureusement, dit le Pere, un natu-
raliste, mais les formes étranges des productions naturelles, de
celles surtout qu’on a rarement occasion de rencontrer, m'ont
toujours fortement intéressé, c’est pour cela que j'en fais une
provision, et rien ne m'est plus agréable que de pouvoir servir
utilement la science, lorsque j'en trouve loccasion, en offrant
mes spécimens à ceux qui, mieux partagés que moi sous ce rap-
port, ont pu donner plus d’attention à l’étude si intéressante et
si attrayante de l’histoire naturelle. Donc à votre retour.
Des deux spécimens de coraux ou zoophytes que j'avais
retenus, l’un était ramifié, à protubérances nombreuses et scabres,
dun beau blanc pur. J’en possédais déjà quelques échantillons
qui me venaient de Cuba. C’est le corail le plus commun que
que l’on voit fréquemment, en branches ou masses ramifiées
plus ou moins considérables, sur les corniches des salons, dans
certaines vitrines etc.
On sait que les Polypes, les petits animaux qui pro-
duisent ces masses calcaires, appartiennent à l’embranchement
des Radiés en histoire naturelle, c’est-à-dire à cette classe d’aai-
maux dont les membres rayonnent régulièrement d’un centre
vital, réduit, chez ceux-ci, à un simple sac couronné d’une bouche.
102 LE NATURALISTE CANADIEN
On sait aussi que les bancs de récifs qui bordent les côtes du
Brézil et de presque toutes les îles de l'Océanie, sont unique-
ment composés des masses de coraux que ces animalcules ont
entassées les unes sur les autres. Fig. 7.
Chez ceux-ci, comme chez les insectes et les autres ani-
maux plus élevés, c’est le nombre, c’est la légion, qui l'emporte
en puissance sur la valeur individuelle,
Les polypes ou animaux qui forment ces bancs de coraux,
sont, comme je viens de le dire, très simples dans leur contor-
mation, ne consistant qu’en un sac renfermé dans un pédicule
plus ou moins consistant, couronné par une bouche autour de
laquelle rayonnent des bras ou lanières qui sont les seuls organes
mobiles de l'animal. Ils sont tous de très petites dimensions,
Fig. T.—Madr:pora aspera, Dana.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 103
_ Tes plus grands atteignant rarement un demi-pouce de diamètre.
Rien ne peut en donner une plus juste idée que les astères ou
marguerites de nos jardins. Mettez une bouche à la place du
disque central de l’astère en lui laissant ses rayons marginaux,
et vous avez la forme exacte d’un polype.
On les appelle quelquefois animaux composés, par ce que
les masses de carbonate de chaux qu’ils secrètent ne sont pas
les écorces calcaires d'individus isolés qui se sont plus tard
aglutinés en de telles masses, mais sont le produit d'individus
sans nombre qui ont travaillé en commun à secréter ces masses
arborescentes ou sphériques qui composent le banc. La tige
centrale ou l'axe du polypier est quelquefois pleine et
d'autrefois alvéolée, mais toujours sans vie après avoir atteint
une certaine dimension. Il n’y a jamais plus d’une à deux
lignes d'épaisseur de la surface ayant la vie et donnant nais-
sance à de nouveaux individus pour augmenter la croissance.
Chaque polype avec sa bouche et ses bras, émarge de cette en-
veloppe animée sous forme de bourgeon, et se multiplie pas fis-
siparité, c’est-à-dire en se partageant en deux.
Dans les Actinies, le sac du polype est sans divisions à
l’intérieur, mais ces polypes ne produisent pas de secrétions cal-
caires, tandis que chez les vrais polypiers, le sac porte de 4 à 8,
ou le multiple de ces nombres, de divisions ou semi-cloisons, car
le milieu est tonjours libre dans leur intérieur.
Dans les Madrépores, auquel appartient la branche arbo-
rescente que j'ai mentionnée plus haut, la croissance du polypier
a lieu comme suit. Le premier polype donne naissance à un
bourgeon de Pun de ses côtés, et ce bourgeon continue sa crois-
sance pour se couronner de san polype qui en produira d’autres
de la même manière, de sorte que l'ensemble forme comme un
arbre vivant, plus ou moins ramifié, qui va toujours en se dé-
veloppant tant par le sommet de l’axe principal, que par celui de
chacune des branches.
Le nom de celui en question est le Madrépore hérissé, Madre-
104 LE NATURALISTE CANADIEN
pora aspera, Dana, fig. 7, ainsi nommé par ce que les bourgeons
qui portent les polypes sont très nombreux, piquants quoique
non terminés en épines, et assez petits pour n'être considérés
que comme des aspérités, relativement à la masse principale.
Ce Madrépore, dont l’axe principal est poreux ou à loges cloison-
nées, est un des plus communs, et avec son blanc pur et ses nom-
breuses ramificatiens, il présente souvent un ornement de cor-
niche trés agréable.
Le second spécimen de corail que je prends a une toute
autre apparence que le premier, et de fait, sa croissance et sa
multiplication sont aussi bien différentes. Ainsi, tandis que
dans le premier les nouveaux polypes originent de la sur-
face du polypier, comme des bourgeons adventifs se faisant jour
à travers l’écorce d’un arbre, dans celui-ci, les polypes, qui sont
beaucoup plus volumineux, n’occupent que le sommet de cha-
que ramification. Lorsque le moment de se multiplier arrive
pour le polype, la bouche commence par s’allonger à gauche et
a droite, et bientôt une cloison se forme au milieu pour former
deux bouches différentes, et dés lors chaque bouche continue sa
croissance séparément en allongeant et élargissant le stipe ou
tige qui la porte. Ainsi dans la fig. 8, on voit 4 gauche un polype
isolé, et 4 droite un autre qui est en voie de se partager en
deux. L'ensemble du polypier n’offre jamais de ramifications
arborescentes comme dans les Madrépores, mais présente des
faisceaux ou gerbes de tiges cylindriques, toujours tronquées au
sommet et couronnées chacune de son polype vivant qui lui
donne la croissance. Le nom de cette espèce est la Caulastrée
fourchue, Caulastreea furcata, Dana, dont la forme présente
un aspect tout à fait insolite et fort agréable.
Quoique chaque individu soit seul pour la croissauce de
son support dans cette espéce, il prolonge souvent ce support
jusqu'à plus d’un pouce en lui conservant la vie avec plus d’un
demi pouce de diamètre pour chaque support.
La base, de ce polypier est toujours alvéolée, et chaque po-
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 105
lype vivant présente à l'intérieur un grand nombre de lamelles
rayonnantes, qui semblent se faire jour à l'extérieur en parta-
geant le stipe en arètes longitudinales jusqu’à sa base. Les la-
melles intérieures qui sont beaucoup plus larges, ont la marge
interne unie, tandis que les extérieures plus étroites, c’est-a-
dire moins saillantes, sont crénelées et denticulées. Le polype
dont l'enveloppe est d’un beau blane an sommet, prend une
teinte verdâtre à sa base à l’endroit où il se sépare de la masse
sans vie qui lui sert de support, et l’on voit aussi vers le milieu
du stipe une bande d’un verdâtre moins accentué, dans un léger
étranglement qui ne contribue pas peu à donner l'apparence
d’une tige de plante florifère se renflant au sommet pour pro-
duire sa fleur.
Inutile d'ajouter que le polype de cette espèce, a la même
forme que celui des Actinies, c’est-à-dire, que l'animal vivant
qui occupe la cavité du réservoir pierreux qu'il secrète, se com-
pose uniquement d’un petit sac sans outre ouverture que la
bouche au sommet qui est entourée d’un grand nombre de ten-
Fig. 8,—Cuulastræa furcata, Dana.
106 LE NATURALISTE CANADIEN
tacules ou lanières qui s’étalent à la manière des pétales d’une
fleur, et se referment aussi à la volonté de l’animal,
Les polypes ont toujours été jusqu’assez récemment consi-
dérés comme des productions végétales. Il n’y a guère plus
d’un siècle qu’on a reconnu que c’étaient de véritables animaux:
N’est-il pas réellement surprenant aussi que des animaux
soient privés de locomotion, attachés à des rochers, et sans
forme rigoureusement déterminée, qu’ils forment ici des arbres,
là des boules hémisphériques, ailleurs des faisceaux de tiges
florifères etc ! Et ce qui pouvait confirmer davantage dans cette
opinion, c’est que, retirés de l’eau, on ne voyait qu’une masse
pierreuse, percée de trous nombreux, sans reconnaitre d’êtres vi-
vants jouissant de sensibilité Car retirés de l’eau, c'est a
peine si des fragments de polypier laissent voir les animalcules
renfermés dans chacun de ces trous, l’eau en se retirant semble
avoir entrainé avec elle toute la matière gélatineuse constituant
les hôtes vivants de chacune de ces petites loges. Aussi, pour
observer les polypes et bien juger de leur forme, faut-il ne les
voir que sous l’eau dans la mer ou encore bien mieux dans des
bocaux de verre où l’on peut les garder vivants.
Qui aurait pu croire en effet que des arbres, mais à tronc
pierreux, croissant sous l’eau, se partageant en branches et en ra-
meaux qui se couvrent de fleurs nombreuses et de couleurs très
diversifiées, rouges, jaunes, violettes etc., pouvaient être sous-
traits au règne végétal pour être rangés parmi les animaux ?
Mais on avait déjà reconnu dans quelques animaux, comme
les poulpes, une certaine tendance à s'éloigner du systême bi-
naire ; à part les yeux rangés de chaque côté,on ne voyait aussi
dans le poulpe qu’un sac terminé par un bec formidable et cou-
rouné de dix bras ou lanières de très grandes dimensions. De
là au sac encore plus simple du polyype, la distance est assez
rapprochée.
Mais c’est surtout par les Actinies qu’on est parvenu à
bien reconnaitre les polypes. Du moment qu'on constata que
les Anemones de mer, jusque là aussi considérées comme pro-
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 107
ductions végétales, étaient réellement des animaux, jouissant de
la sensibilité, quoique dépourvus de locomotion, se nourissant
d’autres animaux plus faibles, vers, mollusques ete, il fut facile
de leur assccier les polypes qui ont exactement la méme forme,
bien que renfermés dans des enveloppes pierreuses qu’ils savent
se construire
Les coralliaires ne sont-ils pas une preuve des plus conclu-
antes, entre bien d’autres, de la puissance quasi illimitée des
infiniment petits? Voyez ces animalcules si petits, si peu con-
sistants qu’on ne peut distinguer leurs formes qu’en les surpre-
nant pour ainsi dans leurs retraites, dans leur logis sous les
eaux, qui, ramenés à Yair libre, ne laissent voir que leurs de-
meures, les occupants semb ant s'être enfuis avec l’eau qui s’est
écoulée des pores criblant la masse pierreuse qui constitue leur
maisons ! ce sont cependant ces êtres si faibles, si pauvrement
organisés, qui n’habitent que les profondeurs des abimes inca-
pables de se détacher du roc où ils ont pris la vie, ces êtres que
pendant tant de sièeles on a, d’un commun accord, exclus du
règne animal, qui ¢lévent du fond des eaux ces constructions
gigantesques qui constituent de véritables barrières à la naviga-
tion des puissants vaisseaux qu’on possède aujourd'hui, Ces
chaînes de récifs qui prottgent les côtes du Brézilet de la plupart
des nombreux archipels de l'Océanie, ne sout rien autre chose
que des bancs de coraux, que les coustruc'ions de ces animal-
cules.
Voici le mode d'opérer de ces êtres quasi microscopiques.
L’animalcule en se séparant en deux, a d’abord produit un
être à lui semblable, ceux-ci en ont agi de la même manière, en
se multipliant toujours de la même façon ; chacun, en secrétant
le carbonate de chaux pour constituer sa cellule, a ajouté à la
masse commune, qui s’est allongée en dôme, en arbre, en rami-
fications de tout genre. Tout ce travail s’est opéré au fond de
Ja mer, à des profondeurs que ne découvrent jamais les plus
forts reflux. La masse en ajoutant toujours à sa construction, a
108 LE NATURALISTE CANADIEN
vu ses habitants de la base s’éteindre ; un accident quelconque,
un vent de tempête par exemple, activant les flots, a renversé
l'édifice et dispersé ses débris ; sur ces débris de nouveaux ani-
malcules ont érigé à leur tour d’autres constructions, et ces nou-
velles érections s’ajoutant toujours ainsi aux anciennes, l'édifice
est parvenu à toucher à la surface de la mer, et ainsi se sont
formées, petit à petit, les chaînes qui aujourd’hui bordent les
côtes des terres tropicales.
On a remarqué que les récifs de corail bordent toujours les
côtes ou entourent les îles à une certaine distance des rives ;
c’est que l’action des flots dans le ressac, surtout lors des tem-
pétes, n’a pu favoriser l'érection des constructions en dedans de
ces limites.
Que d’autres objets intéressants se trouvent encore dans ce
musée! mais nous remettons au retour à en faire une plus
ample connaissance, car voici le moment qui arrive de re-
tourner à notre vaisseau.
Le bon P. Strickland toutefois n’a pas voulu nous laisser
partir sans se donner le plaisir, disait-il, de nous faire faire une
promenade en ville.
A l’aide de son groom il parvint à se hisser dans sa voiture et
nous invita à y prendre aussi place, et, conduisant lui-même sa
superbe bête, il nous fit voir l’autre partie de la ville que nous
n'avions pas encore visitée. C’est à peu près le même aspect
que dans la première, maisons superbes, fleurs à profusion sur les
vérandas, faces noires partout et surtout très nombreuses dans
les rues, résidences princiéres en certains endroits, etc., etc.
Revenus au presbytère, nous allons à quelques pas seule-
ment, de l’autre côté de la rue, prendre une chaloupe qui nous
ramène à notre bateau. Nous n’avions pas remarqué en venant
le matin ; que nous suivions une direction à peu près parallèle
au bord de la mer du côté sud, etque l’église catholique, quoique
un peu distante du port, se trouve encore tout près de la mer.
Nous serrons affectueusement la main du charmant P.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 109
Strickland, en ne lui marchandant pas les remerciments pour
tant de bienveillance, et en lui promettant bien une nouvelle
visite au retour, puis, sautant dans la chaloupe, un quart d’heure
après nous sommes de nouveau sur le pont du Muriel qui était
tout prét pour le départ.
Tous nos compagnons sont aussi de retour, et chacun se
plait à raconter ce qu’il a pu observer de nouveau.
Madame Parrock ne vante guère la galanterie des faces
noires de la Barbade. Comme elle se rendait à Trinidad pour y
demeurer, elle avait tout Son ménage avec elle, et de plus, une
fort jolie petite chienne qui la suivait partout. Ayant voulu
prendre place dans un tramway, le nègre conducteur lui en
défendit l'entrée, bien qu’elle portât sa favorite dans ses bras,
“ Ces nègres, ajoutait-elle, feraient bien mieux de se montrer
plus exigeants sous certains rapports, et moins sévères lorsqu'il
s’agit de convenances qui ne peuvent offenser personne.”
La Barbade est la plus orientale de toutes les Antilles,
aussi est-elle la dernière terre que touchent les steamers en
route pour l’Europe, et la première où ils abordent en revenant.
Elle est située par les 13° 5’ de latitude nord, et 62° de
longitude ouest de Paris.
La Barbade est après la Chine le pays du monde le plus
densément peuplé eu égard à son étendue. Elle compte 162,000
habitants, et n’a que 162 milles carrés en superficie, ce qui
donne 1000 habitants par mille carré. Sur ce nombre de 162,-
000, les blanes ne comptent que pour environ 12,000, les 150,-
000 autres étant tous de race colorée.
La Barbade est essentiellement anglaise, ayant été possédée
sans interruption par Angleterre depuis 1625. Dépourvue de
hautes montagnes, l’île offre moins de vues pittoresques et gran-
dioses que ses autres sœurs du Vent, mais elle présente de su-
perbes plaines pour la culture de la canne à sucre surtout, eu
égard au manque presque complet de rivières pouvant donner
des vallées humides.
110 LE NATURALISTE CANADIEN
Nous voilà enfin en route pour notre dernière étape.
Comme la Barbade est l’île la plus orientale, nous suivons une
direction exactement sud-ouest.
Le vent qui nous vient directement du sud pourrait nous
nuire s’il était plns fort, mais c’est à peine s’il imprime à notre
bateau de lents balancements que nous sommes habitués main-
tenant à supporter sans nous plaindre. Nous avons plus à lui
reprocher les chaudes haleines qu’il nous apporte de l'équateur,
que l'agitation qu’il produit sur les vagues.
Trinidad, jeudi 12 avril.—Tout le monde se plaint ce
matin sur le pont, de la nuit chaude qu’il a fallu passer dans
les cabines, cependant, malgré le mauvais sommeil qui a été le
partage du plus grand nombre, on voit la joie éclater sur
toutes les figures, c’est que bientôt, dans quelques heures, nous
serons au terme de notre course. Déjà se préparent les opéra-
tions du débarquement ; les écoutilles sont enlevées, les cabes-
tans sont montés, et le gros bagage tiré de la cale sur le pont,
Vers les 9 heures, nous nous amusions à observer des
légions de ces petits poissons volants qu’on appelle titiris, nous
nous plaisions à noter comme souvent quelques uns filaient une
longue course avant de se remettre à l'élément liquide, lorsque
tout-à-coup nous distinguâmes une terre à gauche, assez éloi-
gnée encore, cependant déjà bien distincte. C'est l’île de Tobago,
nous dit le capitaine, dans quatre heures au plus nous serons
ancrés devant Port-d’Espagne.
Ainsi sot-il, dis-je à M. Huart, car malgré les nombreux
sujets d'étude que m'a offerts cette navigation, j'ai grande hâte
de pouvoir me livrer, au moins pendant quelques jours, à des
observations plus attentives, sans être contrôlé par des ordres de
départ qui sont venus tant de fois interrompre les jouissances
dans lesquelles je me complaisais.
—Et moi donc, fit celui-ci ; je vous le répète, les plaisirs
de la navigation sur mer ne se compteront jamais chez moi que
par du négatif, ce sera toujours un désagrément plus ou moins
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICARX 111
prononcé ; si jamais je suis à même de jouir du far niente, ce
ne sera certainement pas sur mer que j'irai le prendre.
Mais bientôt nous voyons les hautes montagnes qui cou-
ronnent l'extrémité nord de l’île de Trinidad se dessiner devant
nous, avec des îlots distincts qui se confondant dans la perspec-
tive, semblent liés à la terre ferme du Vénézuela dont ils ne sont
séparés ici que par un passage de vingt à vingt-cinq milles de
largeur. Or c’est dans ce passage qu’il nous faut entrer, car c’est
sur la côte ouest de l’île que se trouve Port-d’Espagne, sa capi-
tale, où nous devons prendre terre.
Poursuivant toujours notre course, nous nous engageons
bientôt dans le passage qui sépare le premier îlot de l’île principale,
passage assez étroit, n'ayant guère plus d’un mille de largeur.
Les montagnes qui sont ici fort escarpées, sont comme
toutes celles des autres îles, tout couvertes de végétation
jusqu’au sommet, d’où nous concluons qu’elles appartiennent
aussi à la même formation.
Mais déjà nous venons à peine de laisser derrière nous
Vile qui, à notre droite, formait le passage où nous sommes
engagés, et nous sommes tout étonnés de ne plus distinguer au
delà la terre ferme que nous voyions auparavant, C’est que
nous nous trouvons dans le golfe de Paria, qui se creuse fort
avant dans l’intérieur du Vénézuéla, et se termine par une
pointe vis-à-vis chaque extrémité de l’île de Trinidad. Imaginez
un immense fer à cheval de trente lieues de longueur qui rap-
proche les branches de sa base de chacune des extr mités de
l’île, ne laissant qu’un étroit passage de cinq à six lieues à ces
deux extrémités entre l'ile et la terre ferme. Dans les temps
de gros vents, ces passages deviennent presque infranchissables,
resserrés que sont les vents entre ces montagnes de part et
d’autres. Heureusement pour nous que le vent, quoique debout,
est assez paisible, cependant nous sentons que la mer est beaucoup
plus agitée à mesure que nous avançons ; le temps est aussi
couvert, et tout nous annonce que nous allons avoir un grain.
112 LE NATURALISTE CANADIEN
Nous suivons avec curiosité la côte à notre gauche qui n'offre
que par. ci par-là quelques établissements, et bientôt nons nous
trouvons dans la rade de Port-d’Espagne. La ville, qui s'étend
sur une plaine basse au pied des montagnes, n’offre que
peu de points saillants de Pendroit où nous sommes, à part une
certaine construction que nous voyons sur une colline, droit en
face, construction que nous primes d’avord pour un phare, mais
que Mad. Parrock, native de l’endroit, nous dit être la chapelle
de l’Aventille, chapelle dédiée à la Ste- Vierge sous ce titre.
A mesure que nous avançons, le vent semble augmenter
d'intensité, et commence à nous amener quelques grains de
pluie.
Nous jetons l’ancre à deux bons milles du rivage, dans le
voisinage de quelques autres vaisseaux qui se trouvent la,
parmi lesquels il en est un dématé, plus grand que les autres,
qui sert comme dépôt pour le charbon.
Aussitôt arrêtés, nous descendons dans la première cha-
loupe venue et nous dirigeons vers la terre. :
La houle est passablement forte, et nos parapluies que nous
sommes obligés de tenir tendus, offrant encore plus de résis-
tance au vent, rend fort pénible pour les deux vigoureux nègres
qui sont aux rames, la lutte qu’ils ont à soutenir contre ces
obstacles réunis.
Je commencais à craindre à part moi, en voyant la sueur
qui ruisselait sur leurs figures, qu’ils ne vinssent à bout de
forces avant d'atteindre le rivage, lorsque je les vis se diriger
derrière un vaisseau ancré devant nous, pour faire une halte en
se tenant à son gouvernail.
Nos matelots remis; nous poursuivons notre lutte contre
les éléments, et atteignons bientôt le quai.
Notre menu bagage réduit à une simple formalité pour
nous l'inspection de la douane.
(A suivre.)
4 IDG OC + É EN Tey) x ae o
g - i PAD @ SS À
ane RADIOS CE Lt o af pao 26) ce DA DE ys wise 4 o >
Vol. XVIII Cap Rouge, Q., Février 1889 No. 8.
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
nn
DEUXIÈME PARTIE,
(Continué de la page 112).
Nous montons dans la première voiture couverte qui se
trouve auprès, et, fouette cocher, chez les Pères Dominicains.
Nous traversons un bloc, et tournant à droite, nous nous
trouvons en face de la cathédrale, que précède une vaste place
publique, ornée de deux rangées d'arbres gigantesques faisant
voute au milieu.
La voiture s'arrête droit au flanc de la cathédrale, en face
d’une vaste résidence, le couvent des Révérends Pères, le
pouèbytè, comme l'appelle notre automédon noir. Nous entrons,
et cinq minutes plus tard nous nous croyions chez nous, tant
l'accueil qu’on nous fait paraît cordial et bienveillant.
Nous voici donc rendus au terme de notre course. Quelle
distance nous sépare de nos foyers ! caleulez. Québec est à
47°48’ de latitude, et Port d’Espagne à 10°, c’est done en tout
37 degrés, multipliez par 25, et vous avez 925 lieues ; ajoutez
à présent les degrés de longitude, vous avez plus de 1300 lieues
entre ces deux villes.
&— Février, 1889.
114 LE NATURALISTE CANADIEN
TROISIÈME PARTIE
SÉJOUR A TRINIDAD.
Les Pères Dominicains.—L’archevéque et son coadjnteur.—Un arbre à
fruit singulier —Le collège des Pères du Saint-Esprit.—L’hôpital.—
g 5 I }
Aspeet de la ville. — Les vautours vidangeurs. — Excursion bota-
P 2
nique dans le jardin.—Eucalyptus, cocotiers, massifs de ketmies,
haies de crotons, vignes, herbe-de-guinée, bananiers, ete —Agoutis.
> [=] > Le] 2 Le)
—La cathédrale avec la place pablique.—Les coulis et leur costume
1
étrange.—Boutique de barbier économique.— Diner chez larche-
vêque.—Mangos.—Départ de Mgr Flood. — L'église du Rosaire.—
Préché à la cathédrale.—M. Mélisant, le Dr Lota, M Devenish.—
Visite à Ste-Anne—Le jardin des plantes ; merveilles végétales ;
bambous gigantesques, palmiers, muscadiers, cannelliers, ananas,
lianes, etc., etc.
Port-d’ Espagne, jeudi 12 avril.—Nous avions quelques
lettres de recommandation pour les bons Pères Dominicains,
mais n’en eussions-nous eu aucune, l'hospitalité nous eût tout de
même été offerte, tant les Pères sont polis et bienveillants, et
tant aussi ils ont bonne opinion des Canadiens. M. l'abbé Mont-
miny, curé de St-Agapit, qui est passé par ici l’année dernière,
n'a pas peu contribué à confirmer la bonne réputation déjà
acquise en ces quartiers aux français du Canada.
La résidence des Pères, qui sont exclusivement chargés de
la desserte, non seulement de Ja cathédrale, mais de la ville
entière, porte ici le nom de presbytère, bien que ce soit un véri-
table couvent.
C’est une vaste construction en bois à deux étages, en
forme d’une H, construite et disposée comme le sont la plupart
des résidences dans ces pays tropicaux, c’est-à-dire offrant le
plus d'ombre possible, tout en laissant partout la libre circula-
tion de l'air. Les ouvertures, portes et fenêtres, donnant sur
les vérandas qui bordent les murs de toute part, sont sans vitres,
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX PES
n'étant closes que par des persiennes, très légères, qu’on ouvre
et ferme à volonté. Ces vérandas sont partout fort larees, et,
abritées par le toit,elles mettent à Pabri de la pluie en permet-
tant à peine au soleil d'atteindre les murs quelques instants
durant la journée. Tout le corps du logis n’a aucune division
dans le sens de sa longueur, mais seulement des cloisons trans-
versales pour séjarer les chambres les unes des autres. De
cette facon, chaque chambre se trouve avoir double issue, sur
la véranda d'avant, et sur celle d’arrière, de sorte que les
ouvertures correspondant les unes aux autres, on peut toujours
avoir un courant d’air, même durant la nuit. Aussi, maloré
la hante température de ces régions, j'ai, quant à moi, à peiné
eu à souffrir de la chaleur, et me suis fort b'en accommodé de
ce climat qu’on donne cependant comiue si redoutable,
Le corps principal qui relie entre elles les deux ailes, est
occupé par le réfectoire, la chapelle, etc., et les ailes, sont pour
les cellules des Pères et les autres pièces nécessaires au service
de la maison.
L’aile du nord, longeant la rue qui se trouve entre le
presbytère et la cathédrale, renferme les chambres réservées aux
étrangers. C’est la qu'avec M. Huart je fus installé, au
deuxième, ayant vue d’un côté sur la rue, la cathédrale, la
place publique, et de l’autre sur une petite cour intérieure,
cultivée en jardin, et portant à ses angles de superbes choux-
palmistes, encore jeunes, mais émettant cependant des feuilles
de huit à dix pieds de longueur, dont l’une venait s'étendre sur
la véranda en face de ma chambre, lorsqu’elle n’était pas retenue
par le toit que l’arbre dépassait déjà en hauteur.
Outre deux arbres-du-voyageur encore jeunes, je vois
encore dans le même parterre, grand nombre d’autres arbres et
atbrisseaux, presque tous en fleurs, dont je me propose bien de
faire une connaissance plus intime,
L’Ordinaire ici se comppse d’un archevêque avec son
coadjuteur qui résident à quelque distance de la cathédrale,
»
116 LE NATURALISTE CANADIEN
Le vieil archevéque, Mgr Gonin, qui ne compte pas moins de
74 ans, vient tous les dimanches dire sa messe a la cathédrale a
sept heures, et assiste ensuite à la grand messe, à 9} hs. Il
appartient aussi, de même que son coadjuteur, Mor Flood, à
l’ordre de S. Dominique. L’archevêque est francais et le coad-
juteur irlandais; l’un et l’autre parlent également le francais et
l'anglais.
A la récréation qui suivit le souper, nous faisons la con-
naissance de tout le personnel de la maison.
Les Pères, chargés de la desserte de la ville, sont au nombre
de douze, avec quatre frères lais, dont un noir, et quelques
serviteurs laïcs, cuisiniers, grooms etc. Les bons Pères ont
beaucoup à faire, car à part la cathédrale, ils ont encore deux
succursales, le $S. Rosaire et le Sacré-Cœur, puis des hôpitaux,
orphelinats, casernes etc., ajoutez à cela les dévotions que leur
sugoère leur zèle, comme mois de Marie, enfants de Marie, con-
fréries etc., et l’on ne sera pas étonné qu'avec une population de
plus de 18,000 catholiques, la besogne ne soit parfois fort
onéreuse.
Nous avions hâte de faire la connaissance du P. Marie-
Joseph, dont M. Montminy nous avait fait tant de compliments,
et pour lequel il nous avait aussi donné une lettre de recom-
mandation. Le bon Père parut très flatté d’avoir des nouvelles
de son ami du Canada et nous témoigna des égards tout parti-
culiers.
Le P. Bertrand, prieur de la communauté, est actuelle-
ment en Europe; c’est le P. Hilaire, le sous-prieur, qui le rem-
place.
Le P. Hilaire n’a pas encore quarante ans, et a déjà été
prieur de sa communauté; mais à peine a-t-on fait sa connais-
sance, qu'on ne tarde pas à reconnaitre que ses talents et ses
nombreuses qualités—et j’ajouterai sa solide piété—lappellent
aux charges les plus importantes de son ordre. Toutes ses
qualités et ses graves fonctions ne l’empéchent cependant pas.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX EL,
d’être un très aimable canseur. Homme instruit, poète à ses
heures, d’une humeur charmante, ne dédaignant pas parfois le
calembourg, il sait donner à la conversation un entrain qui
plait toujours sans nuire à son intérêt.
‘
Port d'Espagne, vendredi 13 avril.—1T fait ce matin une
chaleur excessive, aussi je me sens faible, quoique que j’aie bien
dormi durant la nuit; la fatigue du voyage, avec la chambre
vaste et bien aérée qu’on m’a donnée, ont contribué, je pense, à
m’amener ce sommeil, car les lits dominicains exigent un certain
apprentissage pour accoutumer les gens du nord à s’en accom-
moder. Imaginez un lit de sangle, sans autre matelas que la
toile qui retient les deux montants, mettez là dessus deux draps
de coton avec deux oreillers, et vous avez le lit complet.
J'omets la cousinière en mousseline qui nous enveloppe de
toutes parts pour nous mettre à l'abri des cousins, car cette gaze
au dessus de la tête ne peut en aucune facon suppléer à l’édredon
qu’on rencontre d'ordinaire dans nos lits au Canada. Il faut,
dit-on ici, obvier à la chaleur autant que possible. Soit ; mais
j'aimerais autant une couche plus molle et un peu plus propre
à retenir le calorique, que de me faire rouer les côtes par les
ondulations d'une toile qui, n'étant plus vierge, a plus d’une
fois été forcée de céder en certains endroits à la pression à laquelle
elle était soumise, Au reste, si je mentionne ces petites misères,
ce n’est pas pour m'en plaindre, car les Pères nous ont offert de
faire mettre des matelas dans nos lits ; mais c’est plutôt pour
peindre plus exactement la position telle qu’elle était. Si ces
bons religieux n’ont pas d’autres couches, toute l’année durant,
ne pourrons-nous pas, nous, pendant quelques semaines seule-
ment, nous en contenter ? Allons, me dis-je, essayons du domi-
nicain, qui sait......? si j'étais plus jeune......
Nos messes dites, nous prenons, je ne dirai pas le déjeûner,
car ces bons religieux jetinent tous les jours, mais seulement
une tasse de café avec quelques bouchées de pain, comme nous
le faisons chez nous en caréme. Puis, comme nous voulons
avant tout aller présenter nos hommages à l'archevêque, le P,
118 LE NATURALISTE CANADIEN
Hilaire veut bien lui-même nous y conduire. Nous montons
cone dans l’une de leurs voitures et enfilons les rues.
Les pères, avec une senle résidence, ayant à pourvoir à
difiérentes dessertes à distance, n’ont pas moins de quatre voi-
tures pour les transporter d'un poste à l’autre, et chaque matin,
ce nest guère avant dix heures que ces courses se trouvent ter-
minces. Le bon Père nous fait observer que c’est en vertu
de dispenses qu’ils se servent ainsi de voitures, car d’après
leur règle, ils ne devraient aller qu’à pied. Mais eu égard à
la perte de temps qu’entraineraient de si fréquents déplace-
ments, et aux grandes chaleurs de ce climat, les supérieurs ont
jugé à propos d’adoucir la règle à cet égard.
L’archevêque, Mer Gonin, paraît un peu courbé par l’âge,
mais conserve encore toute son énergie et sa fermeté de carac-
tère pour remplir, non seulement les importantes fonctions de
sa charge, mais encore les rigoureuses prescriptions de sa règle
de religieux. Il n’y a pas jusqu’à l’habit des enfants de $8. Domin-
ene qu'il a voulu conserver, n’ayant absolument que sa croix
pectorale pour le distinguer des autres religieux.
Le vénérable vieillard nous accueille avec une touchante
bienveillance, et nous présente à son coadjuteur, Mgr Flood,
qui est encore jeune, et paraît plein de santé et de vigueur.
Comme Mer le coadjuteur devait partir le lendemain même
pour aller douner la confirmation dans d’autres îles, l’arche-
vêque nous invita à aller prendre le diner à Yarchevéché pour
voir encore une fois, avant son départ, Mgr Flood que nous
n’aurions probablement plus l’occasion de rencontrer.
De l’archevêché le P. Hilaire nous conduit au collège des
Pères du St-Esprit, qui se trouve tout auprès. Il nous présente
an P. Supérieur, qui nous fait visiter son établissement. Les
élèves, qui sont au nombre de 250, étaient alors en vacance, de
sorte que la maison était à peu près déserte.
De là, toujours en compagnie du P. Hilaire, nous nous
rendons à l'hôpital, situé près des limites de la ville du côté
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 119
ouest. Cet hôpital, que le P. Hilaire a sous ses soins, est tenu
par des tertiaires dominicaines laïques, qui ne sont encore qu’au
nombre de cinq, et qui devront plus tard faire les vœux de
religion. Les salles nous ont paru tenues avec une propreté
irréprochable. Il y avait seulement de 15 à 18 malades.
Je ne puis suffire à noter tout ce qui se présente partout à
mes regards, presque toujours nouveau pour moi, et le plus
souvent inconnu. C’est surtout en fait de plantes que ma curio-
sité est vivement frappée, et que mes connaissances botaniques
se trouvent en défaut. En fait de fleurs, c’est partout une
abondance qui va jusqu’à la profusion, et le plus souvent d’un
éclat, d’une richesse, que je n'aurais pu soupconner. Ilnya
pas que les plantes herbacées—elles sont ici assez rares—qui
donnent des fleurs ornementales, mais tous les arbrisseaux et
jusqu'aux grands arbres. J’en ai remarqué, parmi ces derniers,
devant la cathédrale, d’au moins soixante pieds de hauteur avec
un tronc tout couvert d’aiguillons, et une tête offrant une masse
compacte d’une belle couleur lilas. Ici ce sont des Draccenas,
à feuilles allongées, toutes panachées des différentes nuances du
rouge, depuis le sang vif jusqu’au brun chocolat ; là ce sont des
haies ou files sans fins de Ketmies (Hvbiscus) littéralement
couvertes de leurs patères rouges, roses, jaunes, etc., et souvent
doubles simulant des roses monstres ; et partout des Crotons
avec leur variété infinie de coloration dans le feuillage. Ajoutez
à cela par-ci par-là, des Cierges (Cereus) gigantesques, poussant
leurs bâtons anguleux au dessus des toits des résidences qu'ils
avoisinent ; des lianes flexibles enlacant de grands arbres et
mariant leurs fleurs à celles des troncs rigides qui les supportent.
Mettez y des Orchis parasites, qui fixées sur de hautes branches,
mêlent leurs longues feuilles monocotylédones au feuillage di-
visé des dicotylédones légumineuses sur lesquelles elles ont
pris naissance ; et vous comprendrez que partout c’est du nou-
veau, de l'étrange, de l’étonnant, j’oserais dire du merveilleux.
Plus j'examine, plus j’observe, plus j'ai lieu de m’étonner et
d'admirer la richesse et l'abondance de cette flore tropicale.
120 LE NATURALISTE CANADIEN
Mais ne voilà-t-il pas que devant la porte même de l’ar-
chevéché, je rencontre un arbre d’une vingtaine de pieds de
hauteur, tout chargé de fruits d’un rouge clair, brillant, de con-
sistance assez tendre, de la grosseur d’une poire moyenne avec
sa graine, brune, grosse, réniforme, non pas renfermée dans le
fruit, mais plantée à son extrémité en dehors. Allons, dis-je à
M. Huart, nous n’avons pas assez à nous étonner des merveilles
que nous rencontrons ici dans les productions végétales, il faut
encore s’extasier devant l'absurde que n’a pas su répudier la
nature: venez voir un fruit qui porte sa graine à son extrémité,
nue, sans protection, au lieu de la renfermer dans son centre,
de la couvrir de sa pulpe!
Comment appelez-vous ce fruit, demandai-je à notre
groom qui se tenait auprès ?
— C'est la pomme-d’acajou.
_ Pomme-d’acajou ? mais ce n’est certainement pas là le
fruit de l'arbre qui nous fournit le bois @acajou qu’on emploie
dans la meublerie; le nom vulgaire est ici en contradiction
avec les données de la science, puisque le véritable acajou,
Swictenia mahogani, Linné, appartient à Ja famille des Légu-
mineuses, et le présentarbre avec ses feuilles simples, n’appar-
tient certainement pas à cette famille.
—Ce fruit est-il bon à manger ?
, ,
— Quelques uns en mangent, mais généralement on le re-
jette.
Ayant pu saisir une branche qui portait des fleurs, j’ai
constaté sans peine que loin d’être une légumineuse, Varbre ap-
parienrit à la famille des Anacardiacées ; les botanistes lui
donnent le nom da Cassuvium pomiferum, Lamarck, et on le
désigne généralement sous le nom de Pomme-dacajou ou Aca-
jou-d-pommes; les anglais l’appellent Cashew. Fig. 9.
En l’étrdiant plus attentivement, j'ai pu reconnaitre qu’en
fin de compte, ce fruit n’était pas un écart de la nature, comme
il semble l’annoncer. La partie rouge qui semble le fruit, n’en
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX PL
est que le réceptacle, et la production grisâtre, réniforme, qui se
voit au bout, est le fruit méine, qui renferme sa graine dans sou
intérieur. Cvtte graine, grosse, blanche, qui se trouve renfermée
dans ces coques coriaces, m'a paru de si bonne mine, que je n’ai
pas hésité à me la porter à la bouche, et je l’ai trouvée de fort
bon goût.
En certains autres endroits des pays chauds, comme à
Haïti, par exemple, on exploite largement lAcajou-à-pornmes ;
on retire de ses fruits un vernis à meuble, une glue, une huile
caustique très inflammable, une teinture, et une boisson par la
fermentation. On voit: que c’est là un arbre précieux, mais on
ne sait pas l’exploiter à Trinidad.
La ville offre un aspect très satisfaisant, sans tendre toute-
fois an grandiose ; les rues sont superbes et se croisent toutes à
angles droits. Un filet d’eau de chaque côté, coule continuelle-
ment le long des trottoirs, ce qui ne contribie pas peu à main
tenir leur propreté. On a ici un immense avantage pour la
confection des trottoirs, et même des édifices, dans le concret,
amas de pieires cassées noyées dans du ciment ; on bâtit ainsi
une immense dalle de chaque côté de la rue, d’environ trois
pieds de largeur, légèrement inclinée vers le trottoir, avec son
bord extérieur relevé à la hauteur de celui-ci, et après quelques
jours seulement, grâce à la chaleur excessive du soleil, le tout
prend la fermeté d’une pierre compacte, allant ainsi d’uu bloc à
l’autre, ou plutôt d’une extrémité de la ville à l’autre, sans
aucune fissure ni solution de continuité.
C’est dans la gorge de cette immense dalle sans fin que
coule l’eau de chaque côté, et c’est la aussi que l’on voit les
nombreux vautours fouiller dans les débris qu’entraine le cou-
rant à la recherche de leur nourriture. La présence de ces
hideux oiseaux, avec leur cou dénudé et leur mine disgracieuse,
n’est pas l’un des caractères des moins étranges, comme cachet
particulier à cette ville.
Ces oiseaux peuvent se compter par centaines, et ils sont
122 LE NATURALISTE CANADIEN
si peu farouches, qu’ils se rangent à peine pour nous laisser
passer ; j'en ai vu plus d’une fois, dans le voisinage du marché
surtout, disputer aux chiens certains débris que leur offraient
des amas de déchets. De taille un peu inférieure à celle du
dindon, et avec les allures domestiques de la plupart de nos
volatiles de basse-cour, on les croirait à peine capables de voler;
et non-seulement ils peuvent s'élever rapidement dans les airs,
mais on les voit souvent planer à de très grandes hauteurs, les
ailes tendues, sans apparence de mouvements. Les croix des
églises, les toits élevés, le sommet des grands arbres, leur servent
souvent de postes d'observation ; et une carcasse quelconque
a-t-elle été reconnue quelque part par l’un d’eux, on en voit
aussitôt accourir par dizaines de tout côté, planer quelques
instants au dessus de l’objet convoité, puis s’abattre incontinent
et faire tout disparaître en un instant. Ils sont d’une telle vora-
cité qu’un cadavre de chien, de cochon, de chèvre, etc., est dans
un instant dépécé et réduit aux plus gros os qui seuls demeurent
en place. De couleur noire avec une tache blanchâtre vers
l’extrémité de l’aile, on croirait cette aile mutilée ou déchiquetée
lorsqu'on les voit planer dans les airs.
Ces vautours ont été importés depuis bien des années et se
sont prodigieusement multipliés. Une loi veille à leur protection
en infligeant une amende à ceux qui leur donnent la mort.
Comme je lai dit plus haut, on a essayé, sans réussir, à les
acclimater à la Martinique et à Ste-Lucie, mais sans prendre,
je pense, les précautions nécessaires pour leur propagation.
En plusieurs endroits, des maisons en retraite sur la rue,
avec les parterres et les massifs de fleurs qui les précèdent, nous
montrent des résidences tout-à-fait princières, et rompent fort
agréablement cette monotonie que présentent d'ordinaire nos
villes commerciales du nord; ajoutons que lair est souvent
embaumé du parfum que répandent ces fleurs en si grand nom-
bre, et presque toujours à odeur excessivement concentrée,
Il était près de onze heures lorsque nous revimes au pres-
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX
|
ALIEN
LU
123
124 LE NATURALISTE CANADIEN
/
bytère, enthousiasmés de tout le nouveau que nous rencontrions
à chaque pas, et charmés de l'accueil que nous recevions par-
tout.
Mon premier soin dans l'après-midi est de faire une visite
minutieuse dans le jardin des Pères qui entoure presque la
maison. C’est là que je me propose d'établir le champ particu-
lier de mes études et de mes chasses ; car ce jardin, de vastes
dimensions, occu; ant un bloc entier, bordé d’une rue sur cha-
cune de ses quatre faces, contient des arbres, des arbrisseaux, et
une foule d’autres plantes. Deux larges allées, se croisant à
angle droit au milieu, le partagent en quatre grand carrés, sans
compter les autres pièces longeant les murs ou avoisinant la
maison.
L’allée transversale qui se trouve immédiatement au bas
du perron, est bordée de chaque côté, d’une superbe rangée de
ketmies, à fleurs rouges, doubles ou simples, toujours en pro-
fusion.
L’allée principale qui s’étend jusqu’au mur d’arriere, est
bordée d’abord d’eucalyptus très élancés, puis de cocotiers chargés
de leurs énormes fruits. Une haie de crotons garnit les espaces
entre ces arbres. Sur les côtés, près des murs, se trouvent des
bananiers en grand nombre, très vigoureux, et se courbant sous
le poids des énormes régimes de fruits qui leur pendent du faite.
L’allée transversale du milieu est garnie de chaque côté de
poteaux auxquels sont attachés des ceps de vignes, destinés à
former un tunnel de cette allée. Mais ces vignes sont toutes
languissantes, ayant été attaquées par ces redoutables fourmis
qu’on rencontre partout ici, et qui,en très peu de temps, les ont dé-
pouillées et de leurs fruits et de leurs feuilles. On a été obligé d’en-
tourer et ceps et supports de cordons enduits de goudron pour
arrêter les maraudeuses dans leurs déprédations, mais la santé des
plants était déjà, je pense, trop fortement compromise, pour leur
permettre de reprenare leur vigueur première. Il est probable
aussi que la culture de la vigne réussirait mieux sur les col-
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 25
lines au pieds des montagnes, que dans cette plaine où une
humidité excessive de cing à six mois de durée, succède à une
sécheresse non moins longve et encore plus dommageable a la
santé des plantes. Quelqnes grappes cependant qui par-ci,
par-là pendaient au treillis, montraient une apparence des plis
encourageantes.
Les vastes carrés en culture sont presque tous, je ne diral
pas convertis en prairies, mais plantés en foin, car ici on ne
sème pas le foin, mais on le plante, par talles allignées au
cordeau. C’est l’herb-de-Guinée, Panicum jumentorum, que
Yon plante ainsi pour la nourriture du bétail, et surtout des
chevaux que l’on tient à l'écurie, Comme cette graminée peut
être coupée cing à six fois dans l’année, il n’en faut qu'un
carré très peu étendu pour suffire à la nourriture d’un cheval.
On la coupe à mesure du besoin, et on la sert ainsi aux ani-
maux toujours verte, la laissant à peine se faner avant de la
leur livrer. Je pense que nos chevaux ne lestimeraient guère
au début, car sa feuille rude au toucher et sa tige assez consis
tante paraissent offrir une nourriture peu appétissante à ces
nobles bêtes. Il va sans dire qu’on la coupe toujours avant la
maturité, même avant qu’elle ne montre sa Janicule de graines,
et telle est sa vigueur de végétation, qu'au bout de quelques jours
seulement, elle paraît à peine avoir souffe:t de Ja tonte.
J'avais déjà vu plus d’une fois des cocotiers, mais nulle
part je n’avais pu les examiner de près. Le cocotier, Cocos nu-
cifera, Linné, apprtient, comme l’on sait, à la famille des pal-
miers. Il dépasse rarement vingt pieds en hauteur (1) avec un
tronc de dix à 15 pouces, et des feuilles pinnées de 8, 10 et 12
pieds de longueur, qui souvent, le tronc étant penché, attei-
gnent le sol. Comme la plupart des arbres des climats tropi-
caux, le cocotier semble n'avoir pas de saison qui lui soit pro-
pre pour la maturité de ses fruits; il est rare qu’on ne voye
(1) Au Brézil, me dit-on, on voit des .cocotiers de 50 à 60 pieds de
hauteur. Je sais qu’il y en a de plusieurs espèces.
126 LE NATURALISTE CANADIEN
pas sur le même arbre, à côté de ses panicules de jolies fleurs
jaunatres, des fruits de différentes grosseurs, depuis celle d’une
noisette jusqu’à la taille de 6 à 7 pouces qu’ils atteignent à la
maturité, Je craignais toujours de m’approcher de ces arbres,
lorsqu'il ventait, redoutant la chute de quelques uns de ces
énormes fruits; mais la divine Providence a si bien réglé toute
chose, que ces lourdes noix ont un pédoncule assez fort jour les
retenir contre les plus grands vents; aussi, sur des centaines
que j'ai pu examiner, je n’ai jamais rencontré un seul fruit sur
le sol détaché spontanément de Varbre.
On plante le cocotier pour ses fruits dans les jardins, mais
on le trouve aussi à l’état sauvage sur le bord de la mer et des
rivières. Nous en avons vu, en passant à la Martinique, en véri-
tables forêts dans des plaines basses au fonds de certaines baies.
A la maturité, l’amande de la noix de coco en remplit
entièrement l’intérieur, mais jusque Ja le milieu est toujours
rempli par un liquide lactescent qu’on affectionne beaucoup ici.
Tous les matins, on rencontre par les rues, trainées par des bourri-
ques, des charrettes remplies de cocos verts, et de tous côtés on
voit les hommes, les femmes, les enfants s'approcher pour
s’abreuver du liquide recherché. Le vendeur, d’un coup de ces
forts coutelas dont on se sert pour la coupe de la canne-à-sucre,
fait partir la pointe du fruit, et le livre ainsi au consommateur
qui sans plus tarder en ingnrgite là même le contenu. On les
vend d'ordinaire un cent la pièce. Lorsque les fruits n’ant pas
été trop remués, le liquide intérieur est parfaitement limpide,
et il sur;rend par sa fraîcheur, malgré la haute température
du lieu. J’ai goûté plus d’une fois de ce liquide, qu’on prend
d'ordinaire le matin, mais, tout en lui trouvant un goût assez
agréable, il m'aurait fallu un usage de quelqne durée pour me
le faire particulièrement affectionner.
On tire dn coco une matière textile et une huile qu’on
exploite sur une grande échelle en certains quartiers.
Les eucalyptus, qu'on s’est plu à tant vanter dans ces
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 127
dernières années, n’ont pas donné ici les résultats qu’on en
attendait. Les arbres de vingt-cinq à trente pieds de hauteur
paraissent souffreteux, montrant par-ci par-là quelques bran-
ches sèches et émettant de la gomme en plusieurs endroits de
leurs trones. Ils sont loin d’avoir lair de santé et de vigueur
de ceux que j'ai vus aux Trois-Fontaines, près de Rome.
Pendant que j'étais à faire ainsi l'examen des plantes du
jardin, je n’ai pas été peu surpris de voir tout-à-coup deux
petits animaux étranges, traverser l'allée devant moi pour se
cacher sous la haie. Bruns, un peu plus grands que le lièvre,
ils en avaient quelque peu la ressemblance et en partageaient
aussi les allures. N’ayant qu'un rudimeut de queue avec les
pattes postérieures beaucoup plus longnes que les antérieures,
la lèvre supérieure fendue comme chez le lièvre et laissant
paraître deux grandes incisives, les rangeaient sans plus d’exa-
men, dans la famille des rongeurs.
—Quels sont ces animaux, demandai-je au père qui était
près de moi ?
— Ce sont des Agoutis; il y en a 8 ou 9.
—Sont-ce des animaux sauvages propres à l’île ?
— Oui, les Agoutis sont communs dans nos bois, mais ceux-
ci sont à peu près apprivoisés. D’ailleurs notre jardin étant
de tout côté entouré d’un mur, ils ne peuvent s’enfuir, Atten-
dez, je vais les faire venir.
Puis prenant un morceau de pain, il se mit à les siffler, et
aussitôt cinq à six se montrerent, s’emyjressant à l'envie de
saisir les bouchées de pain qu’on leur envoyait.
On fait souvent la chasse aux Agoutis pour leur chair ;
mais comme elle retient toujours une forte saveur de venaison,
elle ne plaît pas a tout le monde,
Une singulière faculté de cet animal, est qu'il ne boit pas.
Il se nourrit de fruits tombés des arbres, de racines, de bour-
geons et même de feuilles; c'est un omnivore.
128 : LE NATURALISTE CANADIEN
La femelle met bas quatre à cinq fois par année, et élève
de quatre à cing petits quelle allaite peu de temps et qui erols-
sent trés vite.
Les naturalistes donnent à l’Agouti le nom de Dasyprocta
agouti, Illiger.
La cathédrale, qui occupe un bloc entier de la vaste place
publique qui partage presque la ville en deux parties, est un
grand édifice à trois nefs, en belle pierre blanchatre, reflétant un
air de propreté fort agréable. Commencée en 1816, ce n’est
qu'en 1832 qu’elle a tté livrée au culte. Son autel principal qui
est en beau marbre «Italie, à la façon des grandes basiliques
Européennes, est situé en avant du sanctuaire, avec une vaste
chapelle en arrière. A droite, à côté du chœur, est la sacristie,
et du côté apposé la chapelle de 8. Dominique, qui possède
aussi un autel en marbre.
Un orgue à trois claviers, de trente régistres, fabriqué à
Londres, plusieurs statues et peintures, ornent l’intérieur du
temple ; parmi ces dernières, la mort de S. Jose|h, par je ne
sais quel artiste, m'a paru avoir un mérite plus ywordinaire.
La chaire et le trône de l’évêque sont en bois du pays et d’un
travail de seul; ture remarquable, On voit aussi dans le bas un
superbe baptiscére en marbre. Les fenêtres des longspans,
portent vis-à-vis chacune iin grand œil de bouc à verres colorés,
qui ne contrihuent pas peu à tamiser la lumière d’une manière
fort agréable. La facade, qui est flan juée d’une tour de chaque
côté, porte aussi un graud vitrail à trois compartiments, avec
sujets religieux peints sur les vitres. Les tours qui renferment
chacune une horloge, contiennent en outre douze cloches, d'un
poids cependant tout ordinaire.
A suivre.
2, €
CUOC Dar RON
fe:
) F) © oc D FO yo0egs og 2
Vol, XVIII Cap Rouge, Q., Mars 1889 No. 9
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
TROISIÈME PARTIE.
(Continué de la page 112).
La place publique, qui porte le nom de Marine Square,
est bien trop longue pour sa largeur. Comme les rues la
coupent à angle droit pour la traverser, elle se trouve ainsi
partagée en quatre ou cinq blocs, sur l’un desquels est une vaste
fontaine faisant jaillir l’eau claire et limpide de l’aquedue que
possède la ville. Cette place qui s’étend de l’ouest A l’est est
bordée de chaque côté par une avenue sur laquelle s'étendent
de nombreux étalages de marchands, et comme les côtés de
chaque carré portent chacun une ligne de grands arbres, maho-
ganés et autres, ces arbres se trouvent à former voute au milieu
par la réunion de leurs branches, et lorsqu'on se rapproche de la
cathédrale, on voit quatre gigantesques palmiers servant comme
de candelabres à l'édifice religieux qui se montre au milieu.
L’allée centrale dans toute la longueur de la place est macadé-
misée, mais les côtés, entre les arbres, sont tout couverts d’un
épais gazon, qui sert souvent de couche aux nombreux coulis
qui en font presque habituellement leur résidence.
9—Mars 1829.
Mampi Mitte rhe IN Reventon DMR MEG Sg Se ds à
130 LE NATURALISTE CANADIEN
Les coulis sont les habitants des Indes Orientales qui
émigrent en Amérique depuis une quarantaine d’années. Ils
sont aujourd'hui au nombre de 60,000 dans Trinidad, c’est-à-
dire formant un tiers de la population totale. Ils se partagent
en hindous , mahométans et chrétiens. Les premiers sont de
beaucoup les plus nombreux. Comme les mahométans ne doivent
boire ni vin ni liqueurs fortes, la tentation de savourer le bon
ram qu'ils voient déguster par leurs co-nationaux les engage
souvent à abjurer les prescriptions de Mahomet.
Les coulis, quoique avec forte teinte de noir souvent, ont
les traits fins et réguliers ; ils n’ont ni la chevelure laineuse, ni
les affreuses lèvres en grouin des africains. Ils sont aussi plus
intelligents et plus susceptibles de civilisation.
Ils sont économes à l’excès, se privant souvent de la nour-
riture suffisante pour mettre des épargnes de côté ; aussi plu-
sieurs d’entre eux parviennent-ils à acquérir des fortunes con-
sidérables. On cite deux marchands de Port-d’Espagne ne
valant pas moins chacun de $120,000. Le prêt à intérêt leur
sert souvent à augmenter leur pécule, à 10 par cent par mois,
comme ils l’exigent, les capitaux se multiplient rapidement.
Leur costume tranche si étrangement sur les accoutrements
ordinaires des gens civilisés, qu'ils ne manquent pas de frapper
les étrangers qui les voient pour la première fois. Si tout-à-
coup deux ou trois de ces individus pouvaient se montrer dans
les rues de Montréal on de Québec, je n'ai pas de doute que nos
chevaux même prendraient l’épouvante à leur vue, et que la
police les ferait aussitot disparaître comme outrageant le dé-
cence de rigueur.
Imaginez des hommes de bonne taille, à peau plus ou
moins noire, portant aux reins une ceinture se composant d'une
longue bande de coton qu'ils croisent et enroulent d’une
facon dont je n’ai jamais pu me rendre compte, mais disposée
toutefois de manière à former un énorme sac qui leur pend jus-
que sur les genoux, Ajoutez ensuite une couverture de tête
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX RTE
quelconque plus ou moins avariée, avec une chemise de coton
descendant au milieu des cuisses, et vous avez le costume com-
plet dn coulis tel que nous le voyons dans les rues et surtout
sur la place publique de Port-d’Espagne. Mais ce qui ne con-
tribue pas peu à rendre cet accoutrement encore plus disgra-
cieux, c'est que ces hommes sont entièrement dépourvus de
muscles saillants aux bras, aux jambes et aux cuisses. Plantez
deux bâtons noirs pour supporter une masse allongée ayant
quelque peu la forme d’un tronc humain, et vous aurez l'ap-
parence du coulis tel qu’il se présente vu à distance.
Ne sont-ils pas bien faits, observai-je à M. Huart, pour
aller avec les vautours, aux longues pattes, au corps noir et à
la mine disgracieuse ? On dirait vraiment qu’ils ont quelques
liens de parenté. S'il n’en peut être ainsi, ils ont du moins les
uns et les autres, plus d’un point dans les allures qui les met-
tent en harmonie. Ils viennent d’ailleurs du même pays.
Leurs prêtres ou brahmanes, pour les indous s'entend, por-
tent absolument le même costume, leur chemise cependant est
un peu plus longue, et toujours nette, d’un beau blanc.
J’en étais à me demander pourquoi ce sac qu’ils se dispo-
sent ainsi entre les jambes, lorsque j'en vis un, un jour, y
mettre la main pour en retirer un couteau. Je compris dès
lors que cette poche commune tenait lieu de celle de nos
blouses, pantalons, vestes, etc. pour loger les différents objets
que l’on porte sur soi.
Dans les campagnes, on se passe généralement de la che-
mise, et tout le costume se réduit à un turban sur la tête et à
ce brayet autour des reins.
En général les enfants vont nus jusqu’à l’âge de 7 à 8 ans,
et même souvent de 10 à 12, cependant ce sont les garçons
seuls qu’on voit ainsi sans vêtements, je n’ai jamais rencontré
de petites filles en cet état au-delà de 3 ou 4 ans; comme si une
parcelle de pudeur retenue par les mères les avait induites à
leur inspirer quelque soupçon de réserve,
‘
132 LE NATURALISTE CANADIEN
Une autre particularité dans les habitudes de ces indiens
est, lorsqu'ils conversent entre eux, non pas de se ténir debout,
en cercle, mais bien accroupis en ployant leurs genoux. Comme
les femmes aussi bien que les hommes prennent aussi cette
posture, on comprend que le brayet est également nécessaire
aux unes comme aux autres. Je m’étonnais toujours de Voir
sur la place publique des cercles de ces indiens passer des
heures, et presque des journées entières, dans cette fatigante et
disgracieuse posture; mais je comprends que leur manque de
mollets et de muscles saillants leur rend cette position moins
pénible ou plutôt supportable.
Les femmes des coulis sont toutes de fort petite taille,
accusant une grande différence avec celle des hommes. Leurs
traits réguliers les rendent assez jolies, et elles ont d’ordinaire
un air fort agréable. Ajoutons qu'elles ne partagent pas la
maigreur de leurs maris, et que leurs bras et leurs jambes,
qu’elles portent toujours nus, sont pourvus des muscles qui
manquent à l’autre sexe. Leur costume aussi n’a rien de dis-
gracieux. Outre la couche qu'elles portent comme les hommes,
elles ont une petite juppe qui leur vient 4 mi-cuisses, et par
dessus le tout une chemise ou robe, en indienne a couleurs de
bon goût, qui leur descend un peu plus bas que les genoux.
Cette chemise, qui est toujours sans manches, n’a qu’une
petite ouverture sous le menton.
Elles sont toutes très avides de joyaux. Toutes portent
un anneau à la narine, avec bracelets aux bras, aux jambes,
et souvent des anneaux aux doigts et aux orteils. J’en ai vu
quelques unes avec de grands anneaux en or passés dans la
narine et dans l'oreille. Beaucoup ont le cartilage entre les
deux narires percé, pour porter une superbe plaque d’or, avec
frange au bas, qui leur couvre toute la bouche jusqu’au menton.
Quelques unes portent autour du cou un collier de pièces de
monnaies d'or; il n’est pas rare d’en rencontrer qui ont ainsi
en joyaux pour quelques centaines de piastres en valeur.
RL 7
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX foo
Comme ces femmes se marient fort jeunes, a onze ou
douze ans, et qu’elles ont ainsi à supporter avec les fatigues de
la maternité des travaux fort pénibles, elles atteignent la décré-
pitude de très bonne heure; à 25, et 30 ans, ce sont déjà des
vieilles, défraichies, fanées, usées. Etant beaucoup moins
nombreuses que les hommes, elles imposent leur volonté ou
leur caprice dans le choix d’un mari; et la polygamie est
quelquefois prise ici en sens inverse, c'est-à-dire que ce n’est
pas l’homme qui a plusieurs femmes, mais bien l'épouse qui a
plusieurs maris, et il est arrivé plus d’une fois que lorsqu'elle
voulait se défaire de quelqu'un d’entre eux, le poison ou le
poignard a su faire son œuvre.
Ce qui me frappa étrangement dans les allures des coulis,
ce sont leurs boutiques de barbier qu'ils étalent sur la place
publique. Rien de plus simple. Un rasoir, une tasse de fer
blanc, avec un morceau de savon, voilà tous les ustensiles
nécessaires. Le raseur avec le candidat à la rasade, s’accrou-
pissent en se ployant les genoux l’un en face de l’autre, là, sur
le gazon à côté de Vallée des passants. Le premier sauce les
doits de sa main gauche dans sa tasse remplie d’eau, les frotte
un peu sur son morceau de savon que retient une coque de
coco, et les passe ensuite sur les lèvres et le menton de son
client. N’allez pas croire qu’il voile la face noire de son client
de la blanche écume du savon, c’est à peine si on en voit des
traces. Puis s’armant de son rasoir, il le promène sur la figure
de son vis-à-vis, en l’épilant plus ou moins exactement.
— Mais, direz-vous, pas de serviette ? pas d’eau pour se
laver ?
— Rien de tout cela; qu’il se frotte la figure de ses doigts,
et la toilette sera terminée.
Je craignais toujours, en voyant ces barbiers à l’œuvre,
qu'un accident quelconque, le heurt d’un passant, par exemple,
venant à faire perdre l'équilibre à l’un des deux acteurs, n’amenît
l'autre à se blesser sur le rasoir. Mais il paraît que rien de tel
MATOS Ces à LÉ
bé
134 LE NATURALISTE CANADIEN
n’est à redouter ; ils sont parfaitement à-plomb dans cette pos-
ture si génante et qu’on croirait si peu sûr. :
Samedi, 14 avril.—Déjà je ne me sens plus des fatigues
du voyage, et la chaleur m’accommodant comme d’ordinaire, je
me trouve tout-a-fait acclimaté.
Je continue dans l’avant-midi mon exploration du jardin.
Comme je tenais beancoup à recueillir des coquilles terrestres,
je fouille avec soin entre les racines, à demi aériennes des coco-
tiers; et je suis tout triomphant d’avoir pu y trouver six à sept
exemplaires d’un petit bulime qui m'était déjà connu, c’est le
Buliminus octona, gmelin, à coquille subcylindrique, presque
hyaline et assez fragile.
—Frenez garde, me dit un Père, en fouillant ainsi au pied
des arbres, vous pourriez y rencontrer de nos redoutables myria-
podes; c’est la qu’ils se tiennent d'ordinaire.
—Comment! vous entretiendriez de si vilaines bêtes dans
votre jardin? y en avez-vous déjà rencontré ?
—Non; mais c’est au pied des arbres, sous les feuilles et
les herbes qu’on les trouve.
— Dans les bois, passe; mais dans un jardin clos de murs
de toutes parts, pas possible. Aussi, sans aucune crainte, j'ai
continué à fouiller dans les feuilles et les décombres de tous les
recoins, sans rien trouver de redoutable, J’aurais été moins
surpris d’y rencontrer des scorpions, mais comme j'avais déjà
fait la connaissance de ces intéressantes bestioles, en Floride et
en Orient, je ne les redoutais nullement.
Vers les 11h., toujours accompagnés du P. Hilaire, nous
nous rendons à l’archevêché pour répondre à la gracieuse invi-
tation que l'archevêque nous avait faite la veille.
On nous fait, comme la première fois, l’accueil le plus
bienveillant,
L'heure du diner arrive bientôt, et nous passons au réfec-
toire.
<r
L
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 135
L’archevéque occupe le bout de la table, qui est assez petite,
il me fait mettre à sa droite et M. Huart à sa gauche, le P.
Hilaire prend place à côté de moi, et Mgr Flood occupe l'autre
extrémité de la table.
Le Frère Vincent, qui est le factotum de la maison, se tient
debout près de nous pour le service.
Si les deux évêques mènent d'ordinaire une vie de reli-
gieux, la table pour cette fois n’avait rien qui rappelat le domi-
nicain. Voici, 4 peu de chose prés, qu’elle en était le menu :
soupe, pigeons, bœuf roti, poulets, eoussecouches, patates, hari-
cots, petits pois, salade, costarde, jus d’ananas à la glace et
préparé je ne sais comment, mais délicieux, mangos ete, etc.
J'avais déjà précédemment goûté aux mangos, et ils ne
m'avaient plu qu’à demi, mais en voyant le bon archevêque, au
dessert, en déguster un énorme avec une évidente satisfaction, je
me décidai à renouveler l'essai, Et j'avoue que cette fois, je ne
trouvai pas le fruit-au-beurre indifférent. On les prise beau-
coup ici ; quoiqu'ils soient tras communs, tout le monde parle
des mangos comme d’un régal. Il faut remarquer aussi qu'il
y a mangos et mangos, les fruits des arbres greffés surtout sont
bien supérieurs aux autres.
Les mangos, qu’avec bien. plus de raison on devrait appeler
mangues, sont les fruits du manguier, Mangifera indica
Linné, arbre des Indes Orientales, qu'on trouve maintenant
dans toutes les Antilles. Cet arbre, de 30 a 40 pieds, a feuilles
simples, alternes, coriaces, et à fleurs en panicules terminales,
appartient à la famille de Térébinthacées. IL a l'écorce rabo-
teuse et le bois cassant. Son fruit, qui varie en grosseur sui-
vaut les variétés depuis celle des moyennes pêches à celle des
grosses poires, est un peu comprimé, plus gros à sa base, avec
un sillon sur le côté, il renferme un noyau pierreux entouré
d’une enveloppe fibreuse désagréable aux goumets; sa peau,
de couleur jaunâtre à la maturité, est lisse, mince, ety laisse
échapper des gouttes résineuses aux moindres piqüres; sa
136 LE NATURALISTE CANADIEN
chaire est d’un jaune orangé de carotte, et sa saveur se rapproche
un peu de celle du beurre ou encore d'avantage de celle de la
térébenthine a laquelle il faut s’accoutumer.
Pendant que nous étions à table, un singe qu’on retient
captif dans la cours, se passait la main à travers les palettes des
.persiennes, sollicitant quelques friandises, en même temps
qu'un perroquet s’efforcait de lui faire concurrence, en débitant
des gammes de toute façon. Il va sans dire que le bon Frère
Vincent n’était pas toujours sourd à de telles invitations.
Mgr Flood qui faisait ses préparatifs de départ, m’invita à
entrer dans sa chambre pour voir sa chapelle portative. Je ne
fus pas peu surpris de voir qu'il disposait toute chose sans le
secours de personne.
—Mais, Monseigneur, n’avez-vous pas un secrétaire, pour
s'occuper de ces détails ?
—Je suis à moi-même mon secrétaire et mon serviteur,
On n’est jamais plus libre que lorsqu'on ne dépend de personne.
—E vous allez ainsi, seul, faire vos visites pastorales ?
—Comme vous le voyez. Les curés qui m’hébergent sont
eux-mêmes toute ma suite.
J’admirai conme la chapelle complète, ealice, missel, boîtes
aux Saintes-Huiles, mitres, etc., se disposait dans un ordre par-
fait dans une valise encore assez petite.
Le bon évêque s'était engagé à aller faire une visite
d’adieux au couvent qui est tout auprès, mais ses préparatifs ne
lui en laissant pas le temps, il nous invita à aller saluer les
bonnes sœurs et visiter leurs élèves, en faisant valoir ses excuses
pour son absence.
C’est très bien, dis-je à M. Huart, allons avec le P. Hilaire,
recevoir des honneurs épiscopaux par accident, en attendant
que ces honneurs arrivent par droit au bon religieux.
Nous nous rendons donc au couvent, où nous trouvons
toutes les élèves, blanches et noires, en grande tenue, pour la
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 13%
visite épiscopale qu’on attendait. Nous offrons les excuses de
Monseigneur, et les bonnes Sœurs nous font monter sur l’estrade
tout préparée pour entendre les pièces de chant qu'on devait
exécuter.
Mettez des relieuses quelque part, et vous êtes sûr que
l’ordre, la propreté, la mise convenable s’y montreront sans
tarder, Les petites noires surtout niintéressent particulièrement ;
ce ne sont plus ces enfants sales, déguenillées, insouciantes,
qu’on rencontre par les rues, mais des petites filles propres, bien
mises, avec un air de naive modesdie dénotant qu’elles ont sû
profiter des leçons qu’on leur a données. De toutes petites réci-
tèrent des compliments en anglais et en français avec un aplomb
& une grâce dont on les aurait crues incapables.
Ces religieuses sont du même ordre que celles que nous
avons vues à Ste-Lucie, des Sœurs de St-Joseph de Cluny.
Mais voici l'heure du départ arrivée pour Mer Flood, nous
retournons donc à l'évêché, et trouvons les voitures toutes prètes
pour le transport au quai.
Le vénérable archevêque veut bien m'inviter, avec M.
Huart, a prendre place dans sa voiture, et le P. Hilaire monte
avec Mer Flood. Ainsi s’opére le départ de l’évêque pour sa
visite pastorale, sans plus de cérémonies; suite de voitures,
cloches, rien de tout cela.
Arrivés sur le quai, le vieil archevêque voulait aussi mettre
pied à terre, mais comme il faisait un fort vent avec quelques
grains de pluie, nous l’engageons à garder son siège dans la
voiture. Mgr Flood nous sert affectueusement la main, descend
dans la chaloupe, et, matelotsaux rames pour le transporter au
steamer mouillé au large. Il doit d’abord se rendre à Ste-Lucie
et à quelques autres îles pour donner la confirmation. Son
absence doit se prolonger au dela d’un mois.
Mgr l'archevêque voulait nous ramener au presbytère,
mais nous le faisons consentir à ce que nous allions plutôt le
138 LE NATURALISTE CANADIEN
reporter à sa résidence, Arrivés à l’évêché, nous avons peine A
résister à ses instances pour nous faire entrer de nouveau et
prolonger davantage la conversation. On ne peut voir plus de
bonhommie, de sans gêne, et d’affectueux accueil que dans ce
vénérable et digne prélat. Son thème, chaque fois qu'il nous
rencontre, est toujours de faire en sorte que nous puissions lui
envoyer des prêtres du Canada, car à Trindad, comme en bien
d’autres endroits dans ces quartiers, les prêtres sont bien trop
rares, et ce n’est qu'avec des difficultés sans nombre qu’on parvient
à remplacer les postes qui deviennent vacants. Mgr Gonin n’a
pas moins actuellement de six cures vacantes qui toutes atten-
dent des curés. Le service cependant est assez facile, et les
revenus bien suffisants pour un honnête entretien. Chaque curé
recoit soixante gourdes (ce sont nos piastres) par mois, et le
tarif des différents services est très élevé, les honoraires des
messes basses sont ici d’une gourde, et les prêtres en sont tou-
jours fournis. On n’a pas l’habitude ici de faire chanter des
services aux enterrements, mais on fait dire un grand nombre
de basses messes. (1)
Mais n'allez pas croire que ce sont les paroissiens qui
payent ces $60 par mois à leur curé, c'est l’évêque même. En
outre, après vingt ans de service, tout curé a droit à sa retraite
avec un traitement de $50 par mois.
Mais d’où viennent ces ressources à l’évêque, demanderez-
vous ?
Du gouvernement. L’évéque recoit du gouvernement £ 1000
par an et soixante gourdes par mois pour chaque curé. On aurait
lieu de s'étonner d’une telle générosité de la part d’un gouverne-
ment protestant, mais, comme en Canada, on a, à Trinidad, un
traité dont il faat respecter les stipulations.
La cession de Trinidad par la France à l'Angleterre a eu Jieu
(1) I] y a actuellement un curé Canadien à Trinidad, c’est le Rév.
C. F. Sirois, ci-devant procureur du collège de Rimouski ; il est curé de
la paroisse de Cédros, à l'extrémité sud de l'ile.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 139
en 1797 ; comme les vauriens qui gouvernaient alors la France
regardaient peu aux conditions, en cédant leurs colonies, pourvu
qu’on leur donnât de l'argent, ils consentirent bien volontiers à
servir ainsi les intérêts de la religion en retour des concessions
qu’on leur fit alors.
Plusieurs curés qui ont servi leurs vingt années, sont
actuellement en Europe, au repos avec leur rente. Je dois dire
cependant qu’on a changé cette règle depuis quelques années.
L’évêque recoit bien le montant stipulé du gouvernement, mais
en nommant des curés, il s'engage à pourvoir à leur entretien
sur leurs vieux jours, sans leur allouer la rente d'autrefois, et
sans aussi faire une obligation de la retraite après vingt ans.
La province ecclésiastique de Port-d’Espagne ne comprend
que deux diocèses et un vicariat apostolique, savoir : le diocese
de Port-d’Espagne, et celui de Roseau, avec le vicariat aposto-
lique de la Guyane anglaise,
Le diocèse de Port-d’Espagne se compose des îles qui
suivent : Trinidad, Grenade, Tabago, St-Vincent et Ste-Lucie.
Le diocèse de Roseau s'étend aux îles ci-dessous : Domi-
nique, Antigue, Montserrat, St-Kitts, St-Thomas et Ste-Croix.
Le vicariat apostolique est restreint a la Barbade avec la
Guyane sur la terre ferme.
Le P. Hilaire m’avait proposé de le remp lacer en chaire
le lendemain à la grand’messe, alléguant que ce serait lui rendre
un grand service. Je reconnaissais bien que je devais
quelque chose à ces bons Pères pour la généreuse et si cordiale
hospitalité qu’il nous donnaient, mais je pensais que ma faiblesse
habituelle de poumons, mon manque de préparation, et aussi le
manque de connaissance de l'auditoire auquel je m’adresserais
pouvaient me faire une excuse convenable pour ne pas me sub-
stituer dans la chaire aux Freres-Précheurs, qui semblent avoir
des droits particuliers à l’oceuper. Cependant je ne fus pas peu
surpris de lire, sur l’ordo pour le lendemain qu’on apporta à la
140 LE NATURALISTE CANADIEN
grande salle après le souper, Predicator : Revsimus Provan-
cher ; il fallut done s’exécuter.
Dimanche, 15 Avril.—C'était tout un événement que la
visite de deux prêtres Canadiens à Trinidad, aussi pour lui
donner plus de solennité, le P. Hilaire ne manqua pas d'inviter
l'archevêque au dîner. Monseigneur vint donc dire sa messe à
7h. comme d'ordinaire, assista à la grand’messe, et attendit pour
prendre le diner avec nous.
Tel que réglé la veille, j’allai célébrer à 6h. à l’église du
Rosaire, dans un autre quartier de la ville où me transporta
l’une des voitures de la maison.
Je ne fus pas peu édifié de voir l’affluence et la bonne
tenue des assistants à l’église du Rosaire. Je distribuai la sainte
communion à plus de cent personnes, sur lesquelles on pouvait
à peine compter quinze blanches. Presque toutes les négresses
pour recevoir la communion se couvrent la tête d’un grand voile,
ce qui n’ajoute pas peu à la mise décente et tout-à-fait conve-
nable qui les distingue d’ordinaire.
A la grand’messe, à la cathédrale, il me fallut done, tel que
convenu, monter en chaire. C’est précédé du bedeau noir avec
la robe bleue de rigueur, que j’allai, avant de monter à la tribune
sacrée demander la bénédicion à archevêque.
La vaste nef était bien remplie, et ici, comme à Roseau |
les figures blanches semblent faire exception. Je fus frappé de
la mise tout-a-fait convenable et de la bonne tenue de cet audi-
toire. On préta à mes paroles une attention tout particulière,
malgré le peu de préparation que j'avais pu y apporter. Mais
qu’il est beau, ce spectacle que nous offre le catholicisme, qui
rend tous ses enfants véritablement frères! Ces figures noires,
naguère encore courbées sous le joug de l'esclavage, différant si
grandement de nous par les mœurs, les allures, les habitudes,
et tout leur genre de vie, adorent le même Dieu que nous, et
Je servent de la même manière ; ils écoutent avec respect sa
parole, acceptent ses commandements, se nourrissent du même
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 141
pain divin, combattent dans la même lice, et aspirent au même
but. Nous sommes réellement des frères; et malgré les disson-
‘nances apparentes qui nous séparent, nous sentons, au pied des
autels, l’action le la charité qui nous rapproche et nous fait
aimer les uns les autres !
Oui! l'Eglise fondée par Jésus-Christ, est véritablement
catholique, universelle, J’ai été en Europe, en Afrique, en
Asie, et me voici en Amérique près du milieu de la terre, et
partout, j'ai rencontré des frères. Malgré des climats différents,
des mœurs, des coutumes, des races diftérentes, un genre de vie
tout différent, 1l semble que je ne sois étranger nulle part.
J’entre dans l’église, et me voici chez nous. Qu'importe que
ceux qui la remplissent aient la figure noire, j'y retrouve nos
autels, nos croix, nos calices, nos missels, nos ornements, notre
langue, les enfants noirs qui me servent me répondant dans la
langue liturgique.
L'Eglise, dans sa sagesse, a statué sur la fixité et la perma-
nence de son langage propre, pour ne pas abandonner son institu-
tion divine aux fluctuations des coutumes et changements qui
distinguent les institutions humaines. Tempora mutantur, et
mutamur cum lis, a chanté la poète ; mais l'Eglise qui n’ap-
patient pas au temps, est soustraite à cette règle ; sa langue
est aujourd'hui ce qu’elle était il y a mille ans, et elle sera telle
jusqu’à la consommation des siècles.
Les différents peuples qui se partagent le domaine de la
terre, se distinguent en diverses nationalités, dont chacune se
montre jalouse de conserver les caractères qui lui sont propres.
Or la langue est peut-être parmi ces caractères le plus puissant,
le plus efficace, pour assurer à une nationalité sa conservation
permanente.
“ Si les Canadiens français, ai-je dit en passant, abandon-
nés à eux-mêies parmi une race ennemie, après À peine plus
d'un siécle, ont vu leur nombre s’avgmenter de 60,000 jusqu’à
plus de 2,000,000, c’est qu’ils portaient cette divise inscrite sur
142 LE NATURALISTE CANADIEN .
leur bannière : NOS INSTITUTIONS, NOTRE LANGUE ET NOS LOIS !
La langue est souvent la sauvegarde de la religion. Enlevez
sa langue à un peuple, et il finira tôt ou tard à se fondre avec
la nationalité au milieu de laquelle il se trouve, en épousant
ses coutumes et ses habitudes, et, malheureusement souvent
aussi, ses croyances religieuses.”
J’ignorais alors qu’il se faisait des efforts soutenus pour
angliciser le peuple de ces colonies anglaises, et surtout pour en
faire disparaître la langue française. Aussi ai-je reçu après,
force félicitations de ceux qui résistent autant qu’ils le peuvent
à ce mouvement.
Comme coutumes particulières, je noterai que l’évêque ne
donne pas ici la bénédiction au peuple après l’instraction, c’est
au prédicateur même à le faire, et après la messe, on chante le
Domine salvum fue regem, avec le verset et l’oraisou que le
prêtre chante au missel.
Après la chapelle, chez les Dominicains, c’est le réfectoire
qui requiert le plus d'attention. Jamais viande ne peut paraître
dans ce réfectoire, et toujours le silence doit y être observé. Le
général même de l'Ordre ne peut y donner le Deo gratias; ce
droit est réservé aux seuls évêques qui appartiennent à l’ordre. Si
quelque Père a dispense de la règle, pour faire gras, en raison
de sa santé, il lui faut manger dans une autre pièce, 1l ne peut
alors prendre sa place au réfectoire. Il en est de même des
étrangers que l’on recoit, s’il ne veulent s’astreindre au maigre,
ils doivent prendre leurs repas dans un autre réfectoire. Mais
cela n’a lieu que pour le diner seulement, car les autres repas
sont toujours en maigre. Il va sans dire que pour M. Huart
et moi, le réfectoire principal ne nous a vus au diner que les
vendredis, tous les autres jours c’est dans un autre réfectoire
que nous avons pris notre dîner.
C’est aussi dans ce réfectoire que se prenait le diner au-
jourd’hui, auquel assistait l’archevêque pour honorer les deux
prêtres Canadiens. Il y avait à part nous, un autre étranger
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 143
dans la personne d’un M. Mélisant, jeune plantenr originaire de
Marseille, qui avait comme nous passé la nuit au presbytère,
et que les Pères m’ont paru favoriser tout particulièrement,
Il va sans dire que la table sujourd’hui ne ressemblait en
rien à celle du réfectoire principal, et que la santé des deux
Canadiens fut proposée par l'archevêque même.
On fait usage ici de vin comme en France, et on le prend
rarement sans l’assaisonner avec de la glace. On fait une con-
sommation extraordinaire de glace, dans toutes ces îles, contrai-
rement à ce qui se pratique en Orient ou dans le midi de
l'Europe. Et, fait bien digne de remarque, maleré le contraste
frappant de la haute température de ces lieux avec un liquide
glacé, on ne mentionne aucun cas de ces pleurésies ou fluxions
de poitrine dont l’eau froide est si souvent la cause dans nos
climats.
La glace qu’on consomme est ou Hnportée de New-York,
ou fabriquée ici.
Il paraît que les refroidissements subits sont plus dange-
reux ici pour le corps en général, que pour l’estomac en par-
ticulier ; on cite plusieurs cas de personnes, entre autres celui
d’un Père nouvellement arrivé, qui, pour s'être mouillé les
pieds seulement sans changer aussitôt de chaussure, ont été
pris d’inflammations violentes, qui en quelques jours seule-
ment les ont conduites au tombeau. I] en est de même des
indigestions, qui sont toujours sérieuses et souvent fatales.
Comme nous sommes ici dans le pays du rum, on en fait
un usage assez fréquent, pour se mettre à l'abri de ces accidents
dus au refroidissements subits. Toutes les fois qu'après une
marche ou un exercice qui a pu nous échauffer le sang, on a à
prendre du repos dans un appartement plus frais, on prend un
petit coup de rum pour se mettre à l'abri de ces accidents.
Les offices du soir, vépres et chapelet, n'ayant lieu dans
les diverses églises qu'a 7h., nous avons dans l'après midi la
144 LE NATURALISTE CANADIEN
visite du Dr Lota et de M. Devenish, avec lesquels nous pas-
sons quelques agréables quarts d'heure.
Le Dr Lota est le héros de cette scène de la Martinique
que j'ai rapportée précédemment, dans laquelle il a failli perdre
la vie et où il a vu sa résidence réduite en mille pièces. Heu-
reuse faute, nous disent les Pères, car elle nous a donné dans
ce brave citoyen un modèle du chrétien pieux. J’avais remar-
qué cette figure le matin ‘parmi les assistants à ma messe à
l'église du Rosaire. Je dois dire que la figure du docteur tranche
étrangement parmi les faces noires qui composent les masses ici.
De bonne taille, haut en couleur, cheveux blonds grizonnants, il
est facile à distinguer parmi tous les autres. Nous lui remettons
la lettre d'introduction que M. de Pompignan avait bien voulu
nous donner, et le brave homme nous fait l'honneur de nous
inviter à aller prendre le dîner chez lui, le dimanche suivant.
Il choisit le dimanche, par ce que sa nombreuse clientelle lui
laisse d'ordinaire plus de loisirs ce jour là que dans la semaine.
Le docteur a une fille religieuse dans un couvent de Lyon.
M. Sil. Devenish, fait bien le couple avec le docteur ; c’est
un beau vieillard, encore tout frais avec ses cheveux blancs,
grand, ayant encore toute l’agilité de sa jeunesse, et d’une
humeur que la gaité n’abandonne jamais. Il parie francais:
anglais, italien, espagnol, et que sais-je encore, a fait son stage
militaire en France, parcouru toute l’Europe, venu en rapport
avec les personnages les plus marquants, et rapporté de tout
cela une foule d’anecdotes et de réminiscences qu’il sait rappeler
avec un entrain plein d’attraits et dintérét. Il vous chantera
des bouts d'opéra italien, vous déclamera du Shakespeare, ou
vous récitera de ses vers français, de telle facon que vous êtes
embarrassé au début sur le caractère à lui attribuer, et ne savez
trop quel jugement porter sur l’ensemble. Il parle de zoologie, de
géologie, de botanique, d'histoire, de littérature francaise, an-
glaise, italienne, et avec cela a toujours le calembourg prêt
pour mieux vous écarter encore sur le jugement à porter.
(A suivre).
ADH
SNS LE
Vol. XVIII Cap Rouge, Q., Avril 1889 No. 10
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
TROISIEME PARTIE,
(Continué de la page 144).
— Vous êtes naturaliste, me dit-il ? à la bonne heure, je
vous verrai avec plaisir, car c’est une étude qui m’a grandement
plu.
— Quelle partie de l’histoire naturelle a particulièrement
fixé votre attention ?
Oh! je suis à peu près comme le jack of all trade du pro-
verbe anglais, master in none; j'ai mordu partout et n’ai rien
approfondi. Cependant, ma position d'ingénieur civil, chargé
d’arpenter l’île entière, m’a mis en moyen d'étudier avec plus
d'avantage la botanique et l’erpétologie. Je dis la botanique,
mais particulièrement les essences ligneuses ; quant aux plantes
herbacées, je les connais peu. Je n’ai pas présenté moins de
235 espèces de bois de Trinidad, à ’exposition de Londres de
l’année dernière; j'aurai du plaisir à vous montrer ces spéci-
mens. Quant aux reptiles, je crois connaître tous ceux de
notre ile.
10—Avril 1889.
146 | LE NATURALISTE CANADIEN
—Avez-vous des serpents venimeux ici ?
— Nous en avons trois, je dirais mienx deux, car l’un des
trois le boa, pour être dangereux, n’a cependant pas de venin.
Nous avons done le serpent-à-sonnettes, qui n’a pas de sonnettes,
Lachesis mutus, Daudin, le serpent corail, Llaps corallinus,
Schlegel, et le boa, Hunectes murinus, Cuvier, Mais on peut dire
en général qu’à Trinidad nous n’avons pas de serpents à redouter ;
le boa et le crotale sont devenus rares, le premier ne se ren-
contre que dans les baies marécageuses de la rive est qui sont
peu fréquentées, et le second dans les montagnes solitaires.
Quant au serpent corail, qui ne se trouve aussi que dans les
bois, sa petite taille ne le fait guère redouter. Nous n'avons
ici rien de comparable au redoutable fer-de-lance, le trigonocé-
phale de la Martinique et de Ste-Lucie.
— Votre nom, me suis-je permis d'ajouter, dénote une ori-
gine anglaise, vous appartenez probablement à cette nationa-
lité ?
—Mon père était irlandais, ma mère allemande, et je suis né
sur mer, voilà pourquoi je suis français.
Voilà l’homme ; véritable Protée, il vous échappe au mo-
ment où vous avez le plus d'assurance de le saisir.
Vers les quatre heures, je pousse une petite reconnaissance
dans la partie est de la ville, près du bord de la mer, jusqu’à
une petite rivière alors presque à sec; aussi à raison de son
manque d’eau durant la sécheresse, est-elle appelée Rivière
sèche, Dry river. Je vois sur ses rives une quantité de petits
crabs, de deux pouces environ, qui au moindre bruit, s’en-
foncent dans les trous qui leur servent de retraites,
Le bord de la mer n’est rien moins qu’agréable ici. Plat,
entièrement vaseux, il est presque inabordable, et les nombreux
décombres qu’on y apporte tous les jours, ajoutent encore au
peu d’attraits qu’il possède par lui-même. Les quais sont peu
nombreux et peu considérables, vu qu'ils ne peuvent servir
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 147
qu’à de petites embarcations, les gros vaisseaux étant forcés
de mouiller au large.
J'avais été frappé des allures des coulis que je voyais tout
le jour sur la place publique ; je ne suis pas moins étonné de
voir ici leurs résidences. C’est bien la demeure réduite à sa
plus simple expression. Quatre piquets fixés en terre, reliés
entre eux avec des feuilles de palmier, et portant une toile (une
vieille voile de vaisseau) pour couverture, voilà la demeure
construite. Elle peut bien mesurer huit pieds en tout sens ;
les enfants nus sont là, à la porte, se roulant dans la poussière,
à côté de poules en recherche des quelques graines qu’elles
peuvent rencontrer, ou à la poursuite des nombreuses fourmis
qu’on voit partout.
Je n’ai pas été peu surpris d'apprendre que la marée se
fait très peu sentir ici, de quatre à six pieds, m’a-t-on dit,
Quelle en est la raison? Je n’en vois pas d’autre que l’étroi-
tesse des bouches, aux deux extrémités de l’île, qui sert
comme de couvercle à la concavité du golfe de Paria. L'eau
de l’océan soulevée à la haute mer à l'équateur, n’a pas le temps
de se retirer par ces étroites bouches, avant le retour du flux ; de
là ces marées peu considérables et à peu près toujours les
mêmes. Sans doute qu'il en doit être autrement sur la côte
est qui se trouve en plein océan.
La récitation du chapelet, le chant des vêpres, avec le
salut du saint-Sacrement eurent lieu à 7h., comme à l'ordinaire,
avec une assistance remplissant toute la vaste église, comme
aux offices du matin.
J’ai cru pouvoir remarquer, de même qu’à Roseau, que les
bonnes voix étaient assez rares dans ces quartiers, et qu'en gé-
néral les chœurs sont peu remarquables et le plus souvent fort
pauvres.
Lundi, 16 avril. — Ayant à me pourvoir de quelques
petits articles de toilette, je vais dans les magasins, ce matin.
On y parle partout le français et l'anglais; j'ai cru remarquer
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148 LE NATURALISTE CANADIEN
cependant que l'anglais était plus généralement employé. La
cause en est, je pense, à ce que presque tous les marchands
sont des anglais. Tous les commis sont des noirs.
Les prix des articles, manchettes, cols, chaussettes, pan-
toufles etc., sont à peu près les mêmes qu’à Québec. Important
directement d'Angleterre comme nous, on conçoit que les prix
doivent aussi être à peu près les mêmes, bien que le trajet soit
un peu plus long pour eux que pour nous.
Il y a ici grande confusion dans la désignation des mon-
naies ; les anglaises et les américaines paraissent être les plus
communes ; on parle rarement du franc francais. On donne à
la piastre, le dollar américain, le nom de gourde, et les fractions
de la gourde sont exprimées en cents. On a cependant une dési-
gnation particulière pour le 10 cents ou dime américain, c’est
Yescalin. On dit communément quatre escalins, cinq escalins,
pour quarante cents, cinquante cents. Lorsqu'on compte en
chelins, c’est toujours le sterling qu’il faut entendre.
Comme il nous tardait, à M. Huart et à moi, de faire la
visite du jardin botanique que possède la ville, nous nous déci-
dons à y aller ce matin même. Nous nous rendons sur la place
publique, et montons dans le premier tramway allant dans cette
direction.
Les voitures des tramways sont toutes à côtés découverts,
n'ayant que des toiles qu’on rabat à volonté lorsqu'il faut se
protéger contre la pluie. Les bancs sont en travers, pouvant
contenir chacun quatre personnes seulement. Cette disposition
nous permet de pouvoir examiner à notre aise toutes les rues
par où nous passons. Ces voitures sont tirées par deux forts
mulets qui, malgré la chaleur, dévanceraient en peu de temps
nos chars urbains de Québec.
Je reconnais en passant l’église du Rosaire où j'étais venu
célébrer la veille.
Les rues m’étonnent toujours par leur aspect étrange, et
surtout la profusion de fleurs que l’on voit partout,
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UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 149.
Les résidences ont plutôt Yair d’appartenir à un village
prospère, qu'à une cité commerciale. On n’en voit aucune à.
quatre où cinq étages comme dans nos Villes du nord, presque |
toutes sont à un seul ou deux étages. (C’est sans doute pour
pouvoir résister avec plus d'avantage aux secousses des trem-
blement de terre, assez fréquentes dans ces régions, qu’on emploie
ce genre de construction. Quelques unes sont en pierre, mais
le plus grand nombre sont en bois ou en briques.
Comme on nous avait dit de garder le tramway jusqu’à
l’extrémité de sa course, nous ne descendons de la voiture que
lorsque les rails font défaut, en face @une maison a droite qui
paraît la dernière dans cette direction, et ayant à gauche une
immense commune où nous voyons des troupeaux de vaches
paissant à l'ombre d’arbres gigantesques, à branches disposées
en étages et s'étendant horizontalement à une grande distance
du trone, de sorte que chacun d’eux couvre un espace considé-
rable. .
—Comment appelez-vous ces arbres, demandai-je au con-
ducteur de notre voiture ?
—Cow tree fut sa réponse, ou encore Rain tree.
Cow tree, Rain tree me font bien comprendre que ces
arbres peuvent étre trés utiles aux vaches pour les garantir du
soleil et même de la pluie, mais ne servent guère à me rensei-
gner sur la famille botanique à laquelle ils peuvent appartenir.
Comme nous nous informions sur la route à suivre pour
parvenir au jardin botanique, qu’on nous avait dit être tout
près du terminus du tramway, un galonné noir qui était des-
cendu avec nous, et que nous devinâmes être un facteur de la
poste, s’offrit à nous y conduire, devant lui-même sy rendre,
disait-il.
Nous continuons done en se compagnie, La route est ici
en pleine campagne ; nulle habitation en vue. Bientôt nous
laissons la commune à gauehe, et, appuyant sur la droite, nous
150 LE NATURALISTE CANADIEN
suivons une route dans une belle plaine aux pieds des collines
que nous voyons tout près.
Nous examinons en passant quelques arbres isolés par-ci,
par là, et d'immenses talles de bambous, de pas moins de dix a
quinze pieds de diamètre et à travers lesquelles un chat ou
même un rat n’aurait pu passer, tant les tiges étaient pressés
les unes contre les autres. Ces tiges pouvaient mesurer de
quatre a six pouces de diamètre, avec une distance de dix-huit
à vingt-quatre pouces entre les nœuds, et atteignant une hau-
teur de vingt-cinq à trente pieds. C’étaient les premiers que
nous voyions aussi vigoureux.
Mais il fait un soleil à nous rôtir debout, qui nous tombe
droit sur la tête, et malgré nos ombrelles, nous nous sentons
épuisés par la transpiration qui perle de tous nos pores. Cepen-
dant nous marchons, et marchons toujours, sans voir apparence
de changement.
— À vons-nous encore loin, pour parvenir au jardin, deman-
dai-je au facteur noir ?
— Nous arrivons, dit-il.
— Il en serait bien temps, car nous nous sentons fatigués.
— Dans une couple de minutes, nous serons rendus.
Nous continuons donc,
Mais voici que la route fait un angle à gauche, et sur la
droite se présente une superbe résidence, où notre facteur doit
entrer, nons disant de l’attendre, qu’il revient aussitôt.
Nous poursuivons dans cette nouvelle route, passons un
petit ruisseau, et apercevant, à notre gauche, tout près de uous
un petit clocher,
— Mais qu'est-ce, demandâmes-nous, que ce clocher ?
—C'est l’église de Ste-Anne.
—Mais où est donc le jardin botanique, que vous disiez
être tout près ? dyes
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 151
— Pas loin d’ici, suivez-moi encore.
—Non, nous n’allons pas plus loin. Nous allons entrer
saluer le curé de cette église.
—Et souhaitant le bonjour à notre nègre, nous entrons au
presbytère, dont nous ignorions aussi bien l'existence, que le
curé nous était étranger, n’ayant jamais entendu parler de lui.
La véranda, comme partout ailleurs, est chargée de pots de
fleurs, les portes sont grandes ouvertes, et l'ombre que projet-
tent sur la maison des grands arbres qui l'entourent, nous fait
entrevoir le lieu le plus propice que nous puissions désirer
pour faire une halte dont nous sentions grandement le besoin.
Nous sonnons, et la portière nous invite à rentrer. Nous
demandons à voir M. le curé.
Il se présente aussitôt.
C’est un gros irlandais qui, malgré son embonpoint, semble
ne pas souffrir de la chaleur qui nous accable. C’est le Rév.
P. O’Hanlan, qui approche bien la soixantaine, et qui avec
toutes ses allures irlandaises, parle bien le français.
En deux mots, nous lui racontons notre aventure.
Mais ce nègre, dit-il, vous à fait prendre une fausse direc-
tion ; vous êtes tout près du jardin botanique, il est vrai, mais
pour y parvenir vous avez parcouru la courbe du cercle, au lieu
d’en suivre la corde. Vous allez prendre un verre de vin, et
continuerez ensuite si vous le désirez.
Une bouteille cachetée est apportée, et nous trouvons déli-
cieux le vin de notre confrère irlandais, autant par sa qualité,
qui n’était pas à dédaigner, qu’en raison du besoin que nous
sentions de rafraichissements pour réparer nos forces.
Après un petit quart d'heure de conversation avec le bon
Père, voyant qu’il était déjà onze heures passées, nous nous
décidames à remettre à un autre jour la visite du jardin, et à
refaire notre route pour retourner au presbytère.
Nous déclinames douc Joffre que nous fit le brave curé de
152 LE NATURALISTE CANADIEN
prendre le diner avec lui, et nous remimes en marche avec un
nouveau courage pous atteindre le terminus du tramway.
Nous arrivâmes au presbytère, juste à l’heure du midi, bien dis-
posés à faire honneur au dîner qui allait bientôt sonner.
Il nous arrive, dans l’après midi, un compagnon de cham-
bres, dans la personne d’un jeune prêtre italien employé au
Vénézuéla, M. l'abbé Petrus De Marco, plein de gaîté et de
bonhommie ; malheureusement impossible de nous comprendre ;
il ne parle que l'italien et l'espagnol, et vaudrait à peu près au-
tant pour nous du sanscrit ou du chinois. Nous essayons le latin,
mais sans plus de succès ; notre maniér2, ou plutôt sa manière
de prononcer la langue de Virgile, ne nous permet pas de nous
comprendre. Nous rions aux éclats des longues tirades qu’il
nous débite, sans pouvoir même deviner le sujet dont il veut
nous entretenir, lui-même rit de son côté, car il est très gai, et
semble avide de causer; mais il parle toujours à des personnes
qui l’entendent fort bien, sans pouvoir le comprendre.
A la fin, dis-je à M. Huart, il doit y avoir un moyen de
nous entendre ; essayons l'écriture. Je lui écris done une
phrase latine, et lui dis en la lui présentant : lege.
I] lit, mais grand Dieu ! de quelle manière !
Ah ! voilà done sa manière de prononcer le latin ; je n’au-
rais jamais pu parvenir à le comprendre, si je ne l’eusse ainsi
mis à l'épreuve par la lecture.
J’ai entendu maints italiens parler à Rome, et presque
toujours je suis parvenu à les comprendre ; mais pour lui, la
chose m'était impossible. Il faut dire aussi que sa manière
d’articuler, ajoutait encore aux difficultés de son langage peu
counu de nous.
Mais il était un article sur lequel M. Huart n’hésita pas
un instant et qu’il comprit du premier coup, c’est celui de la
pipe. S'ils ne pouvaient toujours s'entendre en s’échangeant
des phrases, ils étaient toujours d’accurd pour faire surgi des
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 153
nuages de fumée plus ou moins compacts et plus ou moins
odorants.
Mardi, 17 avril.— Bien décidé à reprendre ’excursion du
jardin botanique, je me trouve forcé a y aller seul ce matin,
parce que M. Huart, qui s’était déjà senti un peu de fièvre hier,
s’en trouve incapable.
Je prends done le tramway comme la veille, mais arrivé
à un certain endroit, je crois remarquer qu il ne suit pas la
même route, cependant je laisse passer. Parvenus à l’ext:émité
des rails, je reconnais que je me trouve de l'autre côté de la
commune que nous avions remarquée la veille, où paissent
plusieurs troupeaux de vaches laitières.
Je demande au conducteur si je puis de ce point me ren-
dre au jardin botanique. Oui, dit il, en traversant ce vaste
champ que vous avez devant vous.
Je m'engage done dans ce champ à travers bœufs et vaches
et quelques arbres par-ei, par-la, surtout de ceux qui m’avaient
si fort étonné la veille par leurs dimensions et leur port étrange.
Il va sans dire que je les examine très minutieusement et que
je leur découvre de nouveaux caractères aussi intéressants dans
leurs détails que frappants daus leur apparence générale. Ces
arbres, avec un diamètre de 4 à 5 pieds sur la souche, s'élèvent
à une hauteur de 40 à 50 pieds, avec leurs branches super-
posées en étages horizontaux s'étendant très loin, si bien que
200 à 300 bêtes pourraient s’abriter à la fois sous leur ombrage.
On pourrait eroire qu'avec une tête offrant une masse si étendue
et si compacte, ils ne pourraient que difficilement résister aux
grands vents; mais la providence y a pourvu; le tronc qui est
assez court sans branches, est entouré de 8 à 10 grosses racines,
à moitié hors de terre s'étendant de tout côté jusqu’à 15 et 20
pieds, de sorte que si la tête est lourde, la base est proportionnée
pour Ini faire nn appui. Ces arbres étaient tout émaillés de
belles fleurs roses. Ayant pu saisir quelques rameaux florifcres,
29
j'ai reconnu de suite que j'avais affaire à une légumimeuse; les
154 LE NATRALISTE CANADIEN
feuilles sont pennées et à folioles assez petites, et les fleurs sont
rangées en bouquets à l'extrémité des branches. Le nom scien-
tifique de l'arbre est Pithecolobium saman, du grec pithecos,
singe, en raison probablement que croissant dans les montagnes,
il offre aux singes un abri des mieux appropriés pour y chercher
une retraite.
Inutile d'observer que les arbres, les sentiers, sont scru-
puleusement examinés pour y trouver des insectes et noter
leurs caractères propres. Je m'attendais surtout de trouver
des bousiers dans ce champ occupé par des vaches, mais à
ma grande surprise, je ne pus en découvrir un seul. Je vois
de nombreux hyménoptères, des polistes surtout, des papillons,
des sauterelles, mais je ne puis en prendre aucun. Ne pré-
voyant pas que j'aurais une si belle occasion de faire des chasses,
je ne m'étais pas pourvu des instruments nécessaires. Ma
canne à la main droite, et supportant mon ombrelle de la main
gauche, j'avais cru ne pas devoir m’embarrasser davantage.
Le champ traversé, je me trouve à la maison où nous
avions laissé le tramway la veille. Je continue donc la route,
mais en suivant à gauche cette fois, au lieu de prendre la droite.
Mais bientôt je me trouve en face d’un superbe jardin où
je vois au fond une magnifique résidence avec des canons de
cuivre brillants sur leurs affuts, et une sentinelle à l’entrée.
— Quelle est cette résidence, demandai-je au soldat ?
—C’est celle du gouverneur.
—Et le jardin botanique, où se trouve-t-il ?
— Encore quelques pas et vous y êtes.
Je continue donc et je m'engage dans la première entrée
que je trouve libre.
Un monsieur que je voyais venir de la commune à travers
champs, se trouve en même temps que moi à prendre la même
direction. C’était un homme déjà sur l’âge, fort bien mis et
d'apparence tout-à-fait convenable. Jl ne parlait que l'anglais.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 155
J’appris plus tard que c’était l’un des conseillers du gonver-
neur.
Comme nous cheminions côte à côte dans une allée, voilà
qu’un petit serpent traverse devant nous. Le monsieur parut
tout transporté à cette rencontre. Mais d’un coup de canne je
lui donnai le coup de grâce. Ce petit serpent, d’un gris uni-
forme, de 8 à 10 pouces de long, et pas plus gros qu'un doigt
d'enfant, ressemblait beaucoup à ceux que nous avons ici.
Pour sûr il ne pouvait être dangereux, et je pus même consta-
ter qu’il n’était pas venimeux.
Ayant fait connaitre au monsienr que j'étais étranger et
que je venais visiter le jardin pour la première fois, il me ¢ n-
duisit avec une extrême obligeance, en divers endroits, et me
nomma une foule de plantes qne je n'avais encore jamais vues,
entre autres un muscadier, un caféier, le thé ete., etc. Il voulut
bien m2 conduire au directeur du jardin, mais celui-ci n’y étant
pas, il me remit à un noir, conducteur des travaux, passable-
ment instruit et connaissant la plupart des plantes du jardin.
Un petit ruisseau, alors à sec, mais qui devient un torrent
dans la saison des pluies, traverse le jardin, et comme ses bords
conservent plus d'humidité que les parties plus élevées, il y
a à une luxuriance de végétation dont je n'avais pas d’idée au-
paravant. De grands arbres de 50 à 60 pieds sont enlacées par
des lianes aussi grosses que le corps d’un homme, qui, après
avoir atteint le faîte, reviennent au sol en se subdivisant en filets
plus ou moins volumineux, s’enracinent là même, et grim-
pent de nouveau sur les plantes du voisinage. C’est de cette
facon que des forêts se trouvent souvent tellement enlacées et
enchevétrées, qu'il n’y pas d'autre moyen de s’y frayer un
chemin qu’en employant une serpe.
Tous les grands arbres près de ce ruisseau portaient sur
leurs grosses branches, une foule de plantes parasites dont les
feuilles, amples, longues, et surtout les fleurs, contrastaient
étrangement avec le feuillage de l'hôte qui leur offrait un
refuge, AE
156 LE NATRUALISTE CANADIEN
Comme dans la crue des eaux le courant devenait très fort
et entrainait les terres des bords, on avait tout pavé son lit et
ses côtés de pierres, comme j'ai vu qu'on l’a fait sur les bords
du canal de Suez pour arrêter l’éboulement du sable, et sur les
grèves de la Seine à Paris, pour les tenir toujours propres.
On me montra de vastes pépinières, à demi ombragées, où
l’on fait un élevage considérable de plantes ornementales et
utiles, comme bégonias, fougères, palmiers, crotons, canne-à-
sucre etc., ‘etc.
Un petit arbre d’une vingtaine de pieds de hauteur, me
frappa surtout par l'éclat extraordinaire de ses fleurs. C’est
bien là Pune des plus magnifiques productions végétales que
l’on puisse voir. L’Amherstia, car tel est son nom, est une
légumineuse de la tribu des césalhinées. Le calice bibractéolé
est à tube long, cylindrique, à limbe quatripartit, à lobes étalés.
Corolle à 5 pétales inégaux, dont le supérieur est beaucoup
plus grand que les autres. Pédoncules, bractées, calices, pétales,
sont de l’écarlate le plus brillant. Chaque fleur est bien de la
longueur de la main sur deux pouces de large, et réunies sur
un rachis aussi semblablement colorié, elles forment des grappes
axilaires, pyramidales, pendantes, d’environ 3 pieds de lon-
gueur avec une largeur de près de 10 pouces à la base. Ima-
ginez si un petit arbre de 12 à 15 pieds, au port noble, droit,
élancé, avec son feuillage délicat du plus beau vert, doit avoir
de l'éclat charge de telles masses de fleurs.
Le café, qu’on cultive en plusieurs endroits de l’île, est un
petit arbre de 12 à 15 pieds qui appartient à la famille des
Rubiacées. C’est dire de suite que ses fleurs sont peu remar-
quables. Il y en a un grand nombre d'espèces. Celle que l’on
cultive pour le commerce est le Coffea arabica, à feuilles assez
petites, opposées, toujours vertes; ilse charge d’une profusion de
fruits, d’un rouge brun à la maturité, d’une apparence assez at-
trayant:, mais ayant peu de chair, par contre portant deux
glosses graines dont on connait l'usage et la saveur.
j
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 157
Le café, originaire de la Haute-Ethiopie, était en usage de
temps immémorial en Arabie, et dans les pays voisins, lorsqu’au
commencement du XVIIe siècle, il fut introduit en Europe.
Au commencemut du siècle dernier, un capitaine Duclieux en
prit trois pieds dans une serre à Paris où l’on cultivait la pré-
cieuse plante, pour les transporter à la Martinique. Deux sur
les trois périrent dans la traversée, et c’est de ce seul pied sur-
vivant qu'est venu tout le café qu’on cultive aujourd’hui dans
toute l'Amérique. Sa diffusion fut si rapide dans Amérique
tropicale, que dès 1776 on évaluait à 33 millions de livres la
quantité que la seule partie francaise de St-Domingue expor-
tait en France.
Le café ne peut prospérer dans un climat ot le thermo-
mètre descend au dessous de 10° ; il préfère un sol un peu hu-
mide et s’accommode très bien du penchant des collines.
Semé de graine, après 15 à 18 mois il peut être mis en
place, où on l’espace de 7 à 8 pieds entre chaque plant, et après
quatre aus, il commence à donner du fruit. Lorsqu'il a atteint
8 à 10 pieds de hauteur, on l’étête, afin de forcer la tige à
émettre des branches latérales en plus grand nombre, lesquelles
sont d'ordinaire les plus fructifères.
Comme la plupart des plantes tropicales, le caféier, porte
des fleurs toute l’année, mais c’est particulièrement au prin-
temps et en automne qu'il donne les plus fortes récoltes.
On cueille les fruits à la main, et on les expose au soleil
pour les débarrasser de leur pulpe, mais il faut avoir grand soin
de remuer les tas pour éviter la fermentation, ou bien on les fait
macérer dans l’eau pendant 24 ou 48 heures, pour les faire
sécher ensuite.
Il en est du café comme de plusieurs autres productions de
la nature, le terrain, le climat, la température, ont sur sa
qualité une grande influence. Le plus estimé vient de Moka,
les quatre autres qui à la suite se disputent la préférence, sont
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158 LE NATURALISTE CANADIEN
celui de Java, celui de Bourbon, celui de la Guiane et celui de
la Martinique ou des autres Antilles.
Le café est une culture assez restreinte à Trinidad, bien
qu’il y soit d’une excellente qualité, mais la canne-à-sucre et le
cacao seinblent tenir lieu de toutes les autres récoltes que l’on
pourrait faire.
Le café, sous le rapport hygiénique, est tonique, stimulant,
facilite la digestion et les sécrétions ; il excite les facultés intel-
lectuelles sans trop les exalter ; cependant les personnes à cons-
titution délicate, nerveuse ou bilieuse, doivent s’en abstenir.
La cannelle du commerce n’est rien autre chose que
l'écorce d’une espèce de laurier, Laurus cinnamomum, Linné,
privée de son épiderme.
Le Laurier cannelle est aussi un joli petit arbre pouvant
s'élever jusqu’à 25 au 30 pieds, mais on ne le laisse pas par-
venir d'ordinaire à cette hauteur. Comme il croît en touffes,
lorsque les tiges ont atteint 10 à 12 pieds de hauteur, on coupe
les plus fortes de chaque touffe pour en enlever l'écorce, en lais-
sant croître les autres plus faibles, et ainsi de suite. C’est parti-
culièrement à Ceylan que la cannelle est le plus cultivée, et
c’est de là aussi que viennent les meilleures qualités.
Le muscadier, Myristica aromatica, Lamarck, est aussi
un bel arbre de 20 à 40 pieds, des climats tropicaux de l'Asie,
de l'Afrique et de l'Amérique. Il appartient à la famille des
Myristicidées, à fleurs dioïques et diclines, c’est-à-dire fleurs
mâles et femelles portées par des individus différents, à feuilles
alternes, d’un beau vert en dessus, pâles en dessous, à rameaux
dressés, portant des fleurs et des fruits durant toute l’année.
Son fruit est une espèce de noix de 2 à 3 pouces de grosseur,
de forme un peu allongée, de couleur verte et jaunissant à la
maturité. Le brou, à cette époque, s’ouvre en deux valves et
laisse voir la noix qui est de couleur brune et couverte d’un
arille de couleur pourpre qui se partages en branches anasto-
mosées ; c’est cette noix qui renferme l’amande, la muscade dont
AAC
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 159
on fait usage dans noscuisines. Ce fruit ne saurait être mangé
cru, à cause de son goût âcre et astreingeant, cependant, uni au
brou on en fait des confitures, qu’on estime tant pour leur goût
que pour leur vertu tonique. Le goût et l’âcreté de la mus-
cade plaisent à tout le monde, à petites doses, comme condi-
ment, mais nul ne voudrait consommer le fruit entier à la ma-
turité; cependant grand nombre d’indiens le mâchent avec dé-
lices. Rien de surprenant en cela, si l’on considère que, malgré
nos prétentions aux rafinements en tout genre, il n’est pas rare
de rencontrer dans nos meilleures sociétés, des délicats à goût
dépravé qui ont contracté l’habitude de mâcher du tabac, poison
vif et à goût encore plus âcre et infiniment plrs désagréable que
celui de la muscade.
Je ne fus pas peu surpris, lorsque je fus en présence dn
premier muscadier que je rencontrai, de voir ces beaux fruits
jaunes, à valves entrouvertes par le bas et laissant voir leur
noix enlacée de son arille pourpre. J’avais bien vu dans les
étalages des revendeuses sur le marché, de ces boules noires cou-
vertes en partie de ces lanières rouges, mais je ne soupconnais
pas que ce pussent être des fruits naturels, je pensais que c’é-
taient des bonbons qu’on s'était plu à configurer de cette facon ;
mais lorsque j’apercus ce macis rouge sur la noix brune entre les
valves de la muscade, j'ai reconnu sans peine mes bonbons du
marché, que je n’hésitai plus de ce moment à classer parmi les
productions naturelles.
On me montra tout près un champ d’ananas, qu’on cul-
tive en rangs comme on le fait de nos pommes de terre.
A chaque pas, de quelque côté qu’on se tourne, c’est du
nouveau, de l’étonnant ; on passe d’une surprise à une autre.
Mais ce qui est constant et se retrouve partout, c'est la vigueur
la luxuriance de végétation qui semblent viser à se surpasser
d’une variété de plante à une autre. On me fit voir une liane,
dont la tige aussi grosse que le corps d’un homme, enlacait le
tronc d’un arbre d’au moins 60 pieds, puis parvenue au faite, se
all
160 xe . LE. NATURALISTE CANADIEN
répandait en une multitude de tiges flexibles descendant jus-
qu’au sol, où elles s’enracinaient de nouvean pour se répandre
sur des arbrisseaux voisins qu'elles étreignaient de leurs liens
flexibles. C’est à tel point que dans les endroits humides des
forêts, il est impossible de se frayer un chemin à travers ces
fourrés, à moins de se servir d’une serpette tranchonte pour
couper tous ces cordons entrelacés, s’interposant en barrages que
ne romprait pas même un bœuf des plus vizoureux.
Le jardin botanique qui est situé au pied d’une colline dont
il couvre une partie, fait suite au jardin du gouverneur toujours
paré d’un luxe tropical, et offre un lieu de promenade des plus
instructives et des plus amusantes. Quel immense avantage
d’avoir ainsi réunis dans un espace restreint toutes les produe-
ductions végétales d’un pays! Vous n'êtes pas obligé pour
admirer la nature dans la production de ses œuvres si variées
de parcourir forêts, montagnes, vallons, rochers, marais etc.
c’est la nature elle-même qui, pour ainsi dire, vient au devant
de vous, se range autour de vous, pour vous permettre d’admirer
et son ensemble si riche, et ses varictés si étonnantes.
Pourquoi done n’en pas faire autant à Québec? C’est une
petite colonie noire, de 160,000 âmes, qui nous donne ainsi en
exemple une fondation remontant à 1820 ! et nous, avec notre
million et demi, nous n'avons pas encore pu faire un pas dans
cette voie. Ah! c’est que la on ignore encore la graissage, la
bonne main, dont il faut user pour faire le bien de la commu-
nauté, pour pousser au progres; et que chez nous rien ne se fait
sans auparavant garnir le gousset des satellites de nos ministres
qui jouent du grand feigneur en seignant le patriotisme. Triste,
et bien triste état de chose en vérité !
(A suivre).
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Vol. XVIII Cap Rouge, Q., Mai 1889 No. 11
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Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
CONCHYLIOLOGIE OU ETUDE DES MOLLUSQUES.
Nous avons recu de deux voies différentes, la même demande
formulée à peu près comme suit :
“ Les quelques mots que vous avez dits de temps à autres
dans le Naturaliste sur la Conchyliologie, joints à la liste de
vos duplicata que vous publiez actuellement, m’ont inspiré le
désir de me livrer à cette étude, ou du moins de lui consacrer
quelques moments d’attention, tout en commençant une collec-
tion de coquilles, Je veux ramasser tout ce qui me tombera
sous la main, sous les feuilles mortes, les écorces, sur les
plantes, dans les ruisseaux, les étangs, les rivières, etc. et déter-
miner les espèces, autant qu'il me sera possible de le faire.
Mais je ne sais comment débuter. J’ignore quels auteurs il me
faudrait avoir et à qui m'adresser pour me les procurer. Je
vous seras donc grandement obligé si vous vouliez bien m’avi-
ser à cet égard. C’est surtout l'étude de cette science qui
m'embarrasse, car bien qu'il puisse y avoir des moyens plus
avantageux pour se procurer les spécimens, et peut-être aussi
quelques règles pour les préparer, ilest toujours facile de
mettre la main sur ceux que l’on rencontre et de ménager la
coquille en la débarrassant de l'animal qui l’habite.”
1
11—Mai, 1889
162 LE NATURALISTE CANADIEN
Nous nous rendons avec plaisir à la demande de nos intel-
ligents correspondants, avec d'autant plus d’empressement que
nous leur connaissons déjà des goûts pour l'étude de la nature ;
ils reconnaîtront sans peine que la Conchyliologie peut marcher
de pair, sans nuire en aucune façon, avec la plupart des autres
branches de l'histoire naturelle, botanique, entomologie, ete.
Pour la géologie, elle est presque une nécessité, faisant en grande
partie la base de la paléontologie. Voici done pour les auteurs.
Jusqw’ ces dernières années, Woodward's Manual of
Mollusca était regardé comme indispensable à tous les débutants,
vu surtout les excellentes gravures qu’il contient. Mais Tryon
chez les américains, et Fischer chez les francais, tout en emprun-
tant à Woodward ses précieuses illustrations, viennent de dé-
vancer considérablement cet auteur, en corrigeant son texte,
pour le mettre d'accord avec les progrès qu’a faits la science, et
en l’enrichissant d’une foule de commentaires, d'observations
et de découvertes que les plus hautes autorités sur cette science
ont pu livrer dans ces dernières années.
Woodward. Manual of Mollusca, in-12 avec nombreuses
gravures et 23 planches. Prix: $2.75 chez Dawson, Montréal.
o
Tryon. Structural and Systematic Conchology, 3 volu-
mes in-8, avec 140 planches et nombreuses gravures. Prix : $8 ;
s'adresser à S. R. Roberts, Corner 19th and Race Sts, Phila-
delphia, Pa.
Fischer. Manuel de Conchyliologie, in-8 de 1370 pages
(qu’il vaut mieux faire relier en 2 volumes) avec 23 plan-
ches et 1138 gravures dans le texte. Prix: 34 franes, chez
Savy, 77, Boulevard St-Germain, Paris.
On peut également se procurer ces ouvrages en s’adressant
à MM. Cadieux & Derome, Montréal, ou à M. J. A. Langlais,
Québec.
Nous nous proposons de commencer prochainement une étude
sur nos mollusques caaadiens.
LE CENTENAIRE DE M. CHEVREUL 163
THE NAUTILUS.
M. W. D. Averell, qui publiait à Philadelphie The Con-
chologists Exchange, uniquement voué à la science des Mol-
lusques, interrompu en mars 1888, vient de s'associer à M. H.
A. Pilsbry, le continuateur de Tryon, pour reprendre sa publi-
cation sous le nom susdit, en augmentant ses pages et en
changeant son format. Le NAUTILUS, 12 pages in-8 par mois.
Prix: $1. S’adresser à M. W. D. Averell, Mount Airy, Phi-
ladelphia, Pa.
LE CENTENAIRE M. CHEVREUL.
M. Michel Eugène Chevreul, dont nous avons donné une
notice biographique lors de la célébration de son centenaire en
1886, s’est éteint le 9 avril dernier, à l’âge de 102 ans, 7 mois et
9 jours.
M. Chevreul, comme nous l’avons noté alors, était un
croyant et un pratiquant, aussi n’a-t-il laissé ce monde que
muni des sacrements de l’Eolise.
“ La mort calme et sereine du savant chrétien, dit le jour-
nal La Croix, qui va chercher auprès de Dieu la connaissance
des secrets impénétrables qu’il a tant étudiés sur la terre, est un
enseignement pour ce siècle de septicisme et d’incrédulité. Elle
offre un contraste saisissant avec les agitations et les angoisses
qui ont accompagné la fin de Victor Hugo, de Paul Bert, de
Gambetta, entrés dans l'éternité sans avoir entendu un mot
d'espérance, sans avoir reçu le gage du pardon.”
M. Chevreul menait une vie d'une régularité extrême ;
il était d’une sobriété remarquable. Il ne buvait jamais de vin,
encore moins de liqueurs alcooliques. “Je n’ai jamais bu de
lait, disait-il un jour, depuis que j'ai tété ma mère” L’odeur
du lait et du poisson lui était désagréable,
—— 2 —
164 LE NATURALISTE CANADIEN
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX:
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
TROISIÈME PARTIE.
(Continué de la page 160).
*
* *
Trinidad.—Sa découverte.—Ses aborigénes.— Ses martyrs.— Quelques
mots de son histoire.—$Sa population actuelle, som Jangage.—Ses pro-
ductions naturelles.—Son gouvernement ; l’instruction publique.
Avant aller plus loin, je crois devoir interrompre ici mon
journal de chaque jour, pour faire, en quelqu2s mots, l’histoire
de cette île que je veux faire connaître particulièrement à mes
lecteurs.
L'île de Trinidad, l’une des plus belles et des plus riches
de toutes celles que baignent les eaux équatoriales de l'Amé-
rique, s'étend entre les dixième et cinquantième degrés de lati.
tude nord, mesurant 55 milles de long sur 40 de large, et formant
une superficie de 1750 milles carrés, étendue que pourraient
lui envier plusieurs petits états indépendants de l’ancien monde.
Creusée du côté ouest en fer à cheval pour parfaire le
cercle avec le golfe de Paria, qui la sénare du Vénézuéla par un
étroit passage de vingt milles seulement, tant à l’une qu’à
l’autre de ses extrémités, elle partage du climat et des riches
productions de l'Amérique du sud, avec les brises rafraichis-
santes dont jouissent partout les terres de médiocre étendue que
baigne la mer de tout côté.
C’est le 31 juillet 1496, que Christophe Colomb, qui
quatre ans auparavant avait doté l’ancien monde d’un monde
nouveau, mit le pied le premier des européens, sur la terre
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 165
d’Iere (ou Cairi, suivant l’autres) comme l’appelaient alors les
habitants qui l’oceupaient. Ce nom d’Iere, dans la langue du
pays, signifiait colibri ou oiseau-mouche, nom imposé, sans
doute, pour l’abondance de ces charmants bijoux de lair qui
encore aujourd'hui ne s'élèvent pas à moins de dix-huit espèces
différentes dans cette ile.
Christophe Colomb chez qui, à l’encontre des découvreurs
de nos jours, dominait le sentiment religieux, sentiment qui
l'avait porté à donner à la première île américaine qu’il dé-
couvrit le nom de Ste-Croix, frappé de l’apparence que pré-
sentent au sud de l’île les trois pics de Moruga, qu’on appelle
aujourd’hui les Trois-Sceurs, donna à l’île le nom de Trinidad
ou de Trinité, de l’idée du grand mystère que suggère la vue de
ces trois pics d’égale hauteur et de conformation à peu de
choses près semblable.
Trinidad, aussitôt après la visite du grand Génois, fut re-
couverte du voile de l'oubli, et ce ne fut que 36 ans plus tard,
c’est-à-dire en 1532 que les espagnols songèrent sérieusement
à y faire des établissements.
Ce fut à St-Joseph d’Arunna, à quelque distance dans les
terres, que les espagnols fixèrent leur principal établissement.
Bien que l’île fût alors occupée par les Caraïbes, nation féroce
et anthropophage, on redoutait davantage les attaques qui pou-
vaient venir des aventuriers de mer, que celles des farouches
habitants de l’intérieur. Ces derniers cependant leur firent
sentir plus d’une fois les dangers de leur voisinage.
Trinidad, comme le Canada et la plupart des autres colo-
nies européennes établies dans le Nouveau-Monde, compte
aussi des martyrs de la foi et de la civilisation.
Etait-ce pour faire germer de nouveaux chrétiens que
Dieu permit que cette terre nouvelle fut arrosée du sang de ses
ministres, ou pour punir les méfaits, les scandales et la hon-
teuse exploitation de ces peuplades indigènes que faisaient sou-
vent les nouveaux conquérants du sol? C’est la un secret que
166 LE NATURALISTE CANADIEN
Dieu s’est réservé, mais il nous est bien permis de juger au-
jourd’hui que ces immolations eurent le plus souvent cette
double fin. Au sang innocent des victimes répandu pour le
salut de ces Ames assises à l'ombre de la mort, se mélait sou-
vent le sang coupable du brigandage, de la cupidité et de la
sensualité des nouveaux possesseurs.
De méme que nous avons espoir de voir le jour ot les
restes de nos martyrs seront exposés à notre vénération sur nos
autels, Trinidad peut avec raison compter sur le méme honneur
pour plusieurs de ses premiers missionnaires.
Parmi les plus marquantes de ces victimes du dévouement,
les Pères Francois de Cordoue, et Juan Garces, tous deux
dominicains espagnols, s’offrent les premiers à notre admiration.
Dévorés de la soif du salut des âmes, plus encore que les
conquérants n'étaient avides de conquêtes et de richesses, les
missionuaires, surtont les enfants des grandes familles reli-
gieuses, quoique animés d’un motif bien différent, suivirent
souvent ces derniers dans leurs poursuites aventureuses de nou-
velles découvertes, pour gagner de nouveaux royaumes au
Christ. Et en même temps que les découvreurs assuraient de
nouvelles possessions à leurs souverains, les missionnaires qui
se joignaient à eux, toujours furent les premiers à braver les
périls de tout genre, à s’exiler de toute civilisation, à se condam-
ner à mille privations, pour établir leurs conquêtes sur les âmes.
Malheureusement il est arrivé plus d’une fois qu'ils ont vu leurs
travaux anéantis par les scandales et l’inconduite de leurs co-
nationaux, et ont même payé de leur vie les excès et les injus-
tices dont se rendaient coupables ces prétendus porte-flambeaux
de la civilisation, à l’égard de ces peuples pour lesquels la loi
naturelle seule, plus ou moins oblitérée ou pervertie par les
passions, faisait toute la règle de conduite.
Ces deux Pères avaient d’abord évangélisé les peuples de
St-Domingue; mais découragés de voir leurs efforts réduits à
néant par la brutalité des espagnols qui exploitaient les na-
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 167
turels comme des bêtes de somme, ils résolurent d’aller annon-
cer la bonne nouvelle à des peuples qui n’eussent pas encore
subi le joug de la domination espagnole.
S’étant done embarqués sur un vaisseau espagnol, ils se
firent jeter sur l’île de Trinidad, qu'aucun missionnaire n'avait
encore visitée. C'était en 1513, à peine quinze ans après
que Colomb eût découvert cette île importante,
Hélas !'ils croyaient fuir les avides persécuteurs qui avaient
jusque là anéanti leurs travaux et paralysé leurs efforts, et ils
les traînaient pour ainsi dire à leur suite.
A peine avaient-ils touché le sol de Trinidad, que les na-
turels leur firent le plus bienveillant accueil, s’estimant heureux,
disaient-ils, de faire la connaissance de ces hommes de la lu-
mière, dont ils avaient entendu parler. C’est sur le territoire
de la tribu des Conquérabias, à l'endroit, croit-on, où est bâti
aujourd'hui Port-d’Espagne, qu’étaient descendus les deux mis-
sionnaires. Maquérima, Atérima, Caroaori, et autres Acariwa-
nas (1) qui se trouvaient la réunis, se disputaient lhonneur
d’avoir les premiers les messagers de la bonne nouvelle.
Mais, tandis que la grace semble préparer la voie à la lu-
mière qui doit éclairer ces peuplades infidèles, satan ne voit pas
sans peine les nouvelles conquêtes que l’on va faire dans ses do-
maines, et met tout en œuvre pour en obstruer la marche. Ré-
veillant donc Ja cupidité des espagnols, il leur soufile dans l’es-
prit le dessein diabolique d’enlever un certain nombre de ces
naturels comme trophees de leurs conquétes dans les terres
d’occident, qu’on exhibera avec orgueil aux yeux des autorités
européennes.
Le choix des tribus chez lesquelles on se rendra d’abord
est fixé, et les missionnaires sont sur le point de se diviser pour
se livrer sans retard à la diffusion de la bonne semence dans
une terre en apparence si bien préparée. Mais il faut qu’au-
(1) Acariwanas, caciques ou chefs de tribu.
168 LE NATURALISTE CANADIEN
paravant, ils aillent porter un message aux espagnols dont le
vaisseau allait sans retard prendre la route de l'Europe. Il fut
convenu que le P. Francois de Cordoue irait lui-même porter
le message, tandis que le P. Juan Garcès resterait à terre.
Caroaori, acariwana de la tribu des Népoios, qui occupait,
croit-on, les environs de Guapo, vers l’extrémité sud de l'île,
ayant obtenu la faveur d'emmener chez luile premier le P.
Francois de Cordoue, voulut l’accompagner à bord du vaisseau,
dans l'espoir de lier des rapports d'amitié avec ces puissauts
étrangers qui reviendraient plus tard, sans doute, les visiter de
nouveau. <A peine ent-il fait connaître sa détermination, que
plusieurs autres, hommes, femmes, jeunes filles, poussés par la
curiosité, et ne prévoyant rien à redouter, voulurent être de la
partie. Le vaisseau est abordé, le message remis, et à peine le
Père est-il descendu dans sa pirogue, que l’ancre est aussitôt
levée sans qu'on permette aux trop confiants indiens de re-
prendre leurs embarcations. Caroaori est lui-même au nombre
des victimes de cette noire trahison. On répond à ceux qui
descendus dans les pirogues, réclamaient la liberté des leurs, par
des coups de feu, qui sèment la mort parmi eux.
Les pirogues touchent le rivage, et comme la traînée de
poudre qui fait sauter la mine en un clin d'œil, la triste nou-
velle, en deux minutes, a soulevé toutes les tribus réunies là.
C’est la rage portée au paroxisme. Perfidie! trahison !....1l
faut se venger .... Il faut faire périr par de longs supplices ces
deux étrangers pour assouvir notre vengeance, avant de nous
nourrir de leur chair, de nous abreuver de leur sang.
En vain les deux martyrs leur représentent-ils qu’ils détes-
tent autant qu’eux-mémes l’infâme trahison dont on s’est rendu
coupable ; qu’ils les aiment; qu’ils veulent faire leur bonheur;
qu’ils veulent vivre de leur vie, se faire leurs frères pour se
dévouer uniquement à leur bien. Vaines remontrances ; il faut
se venger,
On les lie à des poteaux ; on leur enlève les articulations
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 169
des doigts des mains et des pieds les unes après les autres, on
leur tranche les museles des jambes et des bras, pour s’en
repaître sous leurs yeux; on les scalpe, et à la fin on leur ouvre
la poitrine pour leur arracher le cœur et boire jusqu’à la der-
nière goutte de leur sang.
L'enfer avait triomphé ; satan comptait une nouvelle victoire ;
mais le chœur des martyrs couronnés au Ciel recevait deux nou-
veaux sujets, et Trinidad comptait deux puissants protecteurs !
Colonisée quelques années plus tard par les espagnols qui
y firent quelques établissements, Trinidad devint possession
anglaise en 1575 par le fait de Sir Walter Raleigh qui s’en ren-
dit maitre.
Un siècle plus tard, en 1676, lorsque les établissements
n’avaient encore pris que de bien faibles développements, les
guerres européennes occupant toute lattention des différentes
puissances, Trinidad passa des mains des anglais à celles des
français, qui la remirent quelques années plus tard à ses pre-
miers possesseurs.
Le ler décembre 1699, eut lieu une seconde hécatombe
d’européens de la part encore des Caraïbes, qui ne souffraient
qu'avec peine le joug que leurs divers possesseurs s’appliquaient,
pouvait-on croire, à rendre de plus en plus lourd et intolérable.
Ce second massacre fat encore bien plus déplorable que le
premier, puisqu'il ne comprit pas moins de quinze victimes,
savoir: le gouverneur même de l'île, José de Léon y Echales,
un Père dominicain, Juan de Mosin Sotomayor, trois franscis-
cains, les Pères Estévan de San Felice, Marco de Vique, et le
frère Ramon de Figuérola, et dix personnages des plus marquants
de la colonie.
Impatients du joug qu’on faisait peser sur eux, et peut-
être aussi des vexations qu’on exerçait à leur égard, les abori-
gènes de l’île s'étaient, parait-il, concertés pour une révolte
générale, dans laquelle on exterminerait jusqu’au dernier des
blanes encore peu nombreux à cette époque,
170 LE NATURALISTE CANADIEN
On avait donc, dans ce but, organisé une grande fête à
San Franciseo de los Arenales, à laquelle toutes les notabilités
de Vile avaient été invitées. Et voila que tout à coup, au milieu
des dances et des chants de guerre, qu’on croyait donnés seule-
ment en spectacle, une grêle de flèches empoisonnées tombe sur
les spectateurs, et atteint les quinze victimes ci-dessus mention-
nées.
Heureusement qu’au milieu de l’effroi général que causa
ce massacre, le reste des membres du Cabildo (1) ne se laissa
pas ébranler par la peur, et poursuivit avec vigueur les auteurs
de ce lâche et révoltant guet-apens. On fut tellement occupé,
avec le peu de forces que l’on avait alors, à la poursuite de ces
criminels, que ce ne fut que seize mois plus tard, au mois
d'avril 1761, qu'on put donner la sépulture à ces saintes
victimes. (2)
Les prêtres de St-Joseph, avee plusieurs membres du
Cabildo, suivis de soldats et de guides, et accompagnés du P.
Luis, dominicain, frère de celui qui avait été tué, se transpor-
tèrent donc sur le lieu du massacre pour rapporter les ossements
des martyrs. Mais quelle ne fut pas leur émotion, en arrivant
sur le lieu où les victimes avaient répandu leur sang, de trouver
ce sang tout vermeil, comme s’il venait d’être répandu ; à l’église
où avait succombé le P. Estévan, à la porte de la cuisine où le
frère Ramon était tombé, le sang paraissait aussi frais que s’il
eut été répandu de la veille. On déblaya la fosse où on avait
jeté les cadavres pêle mêle, en les recouvrant à peine de terre,
fosse qui n’était autre chose qu’une excavation creusée pour les
fondations de la nouvelle églises qu’on devait construire, et l’on
trouva là encore une nouvelle preuve que Dieu voulait faire
reconnaître la sainteté de ces martyrs de la foi. Les corps
(1) Le Cabildo est le conseil à qui est dévolu, avec le gouverneur,
le gouvernement de la colonie.
(2) Le R. P. Bertrand, prieur actuel des dominicains de Port-d’Es-
pagne, a mis en vers en 1886 le drame émouvant de ce massacre, après
être parvenu, non sans des difficultés multiples, à retrouver l’endroit où
gisait autrefois le village de San Francisco de los Arenales.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 171
étaient parfaitement conservés, souples, et le sang coulait de
leurs blessures limpide et vermeil !
Les corps furent transportés à St-Joseph, et pendant neuf
jours qu’on les exposa dans l’église en y célébrant des services
solennels, le miracle de leur conservation pendant seize mois
dans une fosse humide, sans montrer aucun signe de décomposi-
tion, se perpétua, en ne donnant aucune odeur et sans qu’on
pit remarquer sur eux la plus légère alteration.
On a des documents authentiques de la sépulture des trois
martyrs franciscains ; il est probable, bien que la chose ne soit
pas attestée, que des mains pieuses donnèrent aussi la sépulture
au dominicain Sotomayor, au gouverneur don José de_ Léon, et
aux dix nobles espagnols qui partagèrent leur sort dans le
massacre.
Aucun endroit de l’île ne porte aujourd’hui le nom de San
Francisco de los Arenales ; les diverses recherches tendant à
cette découverte étant toujours demeurées infructueuses. On
lisait même dans l’histoire de Trinidad par M. Borde, cette
note désespérante : “ Cette mission (San Francisco de los
Arénalés) frappée d'anathéme, ne se releva jamais plus de
ses ruines, et il serait impossible den indiquer aujourd'hui
le site certain.”
Anges de paix, abandonnons ces lieux,
Mais marquons en la place,
Et que rien ne l’efface,
Pour qu’on retrouve un jour,
La glorieuse trace
De ces martyrs du virginal amour. (i)
En 1885, le P. Bertrand étant allé prêcher une retraite à
Tumpuna, apprit du curé, qu’un vieil espagnol pourrait peut-
être lui donner quelques renseignements sur le lieu où le mas-
sacre avait eu lieu. Il furent donc tous deux trouver le vieillard,
qui ne put rien leur apprendre sur les recherches qu’ils vou-
(1) Stance du drame du P. Bertrand.
B72 LE NATURALISTE CANADIEN
laient faire. Cependant, il leur dit qu’un indien, demeurant
dans la forét, et connaissant bien tous les environs, pourrait
peut-être les mettre au fait de ce qu'ils cherchaient. Ils se
laissèrent done conduire au conuco (cabane) de Vindien au sein
de la forêt par un sentier assez difficile, si bien que pour se
frayer un chemin avec leurs chevaux, il fallut le secours d’un
noir qui les précédait armé d’un coutelas pour couper les lianes
et autres plantés grimpantes s’entreposant en barrages sous les
grands arbres de cette riche forêt. L’indien, quoique venu de la
terre ferme, leur dit bien connaître l’endroit du massacre des
prétres, pour y avoir été conduit bien des fois dans son enfance,
par sa grand’mère, qui ne manquait pas d'aller chaque année,
avec les autres indiens habitant alors cette région, prier
sur la terre sanctifiée par le sang des martyrs que cette terre
avait bu. S’étant done mis à leur tête, il leur fit suivre divers
sentiers, et les amena sur le bord d’une ravine où il fallut
laisser les chevaux pour la descendre et la gravir à pied. Et
aussitôt parvenus de l’autre côté, c’est ici, dit-il, où était San
Francisco de los Arenales où furent tués les prêtres.
— Mais sous le couvert de cette verte forêt, quelles preuves
pouvez-vous nous donner que ce lieu a été autrefois cultivé et
habité ? |
— Regardez, dit-il, en montrant des morceaux de bouteilles
et de plats cassés, puis ces deux avocatiers et ces méréys
(pommiers d’acajou), peut-on trouver choses semblables en
forêt vierge ?
Laissons ici la parole au P. Bertrand.
“T’indien parlait avec enthousiasme et comme absolument
certain des choses qu’il racontait, et il était étonné, presque
scandalisé de la froideur et de Vapparente indifférence avec
laquelle nous acceptions ses communications. Il ne nous cacha
pas son désappointement et nous dit : Oui, Pères, vous en pen-
“ sefez ce que vous voudrez, mais moi je suis bien certain que
“ c’est ici que furent tués les prêtres, tous les anciens indiens le
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICUAX 173
“ croyaient, ils l'ont dit à ma grand’mére, qui le croyait et moi
« je le crois aussi. Du reste ajouta-t-il, avec un air mystérieux
“et comme s’il allait faire une révélation importante, je puis
“ vous assurer, et bien d’autres vous le diront avec moi, que
“tous les jeudis-saints et les vendredis-saints, on entend dans
“ce lieu des choses extraordinaires, et plusieurs fois jy ai
“ entendu moi-même des voix qui parlaient et chantaient dans
“Je lointain. Il y a à peine quelques années, une commere a
“ moi (una comadre mia), passait dans le sentier de Tamana,
“lorsque arrivée en face de ce lieu, elle entendit comme un
“ prêtre qui disait la messe et le murmure d’un peuple qui
“ priait à haute voix. Elle s’avança du eôté d’où venaient ces
“ voix, et plus elle approchait, plus distinctement elle les enten-
“ dait ; mais lorsqu'elle eût gravi la petite pente au delà de la
“ravine, elle ne vit ni n’entendit plus rien.”
Ges renseignements sont bien suffisants pour confirmer la
tradition que cet espace de terre actuellement encore parsemé
de débris de poterie et abrité par quelques arbres fruitiers et
d’autres grands arbres forestiers, est celui-là même qui a bu le
sang des martyrs. “ Et, ajoute le P. Bertrand, nous nous age-
nouillâmes pour implorer ces glorieux apôtres de la Trinidad, qui
nous précédèrent ici en des temps autrement difficiles.” Et
comme parmi les arbres de cette riche forêt il se trouvait un
grand nombre d'arbres à encens, nous ne manquâmes pas, ajoute
le Père, de détacher de leurs trones plusieurs fragments de la
résine odorante, pour nous rappeler la bonne odeur des vertus
des généreux martyrs.
Quoique la forêt ait recouvert le lieu qui fut autrefois San
Francisco de los Arenales, il parait bien évident aujourd’hui
que cette mission se trouvait entre Tumpuna et Arouca, à en-
viron cing ou six lieues de St-Joseph, sur la route de Tamana,
Après diverses vicissitudes, occupée tantôt par les français
tantôt par les espagnols, quelquefois par les deux nations à la
fois qui s’en disputaient la possession, Trinidad demeura à la fin
possession espagnole.
174 LE NATURALISTE CANADIEN
Mais le développement de la colonie ne se fit toujours que
fort lentement et au milieu d’épreuves sans fin. On peut juger
de sa richesse d’alors par le fait suivant:
Comme on ne cultivait alors que le cacao (1), cette récolte
étant venue à manquer en 1733, un édit fut émané pour im-
poser une taxe sur le peuple, en proportion de ses moyens, pour
couvrir la halle du Cabildo de feuilles de palmier. Couvrir en
feuilles de palmier l'hôtel du gouvernement, dans un pays tout
boisé, n'indique guère la prospérité. D’aprés le recensement
qu'on fit alors, la population mâle se montait à 162, dont 28
seulement étaient des blanes. Dans ce calcul n’entraient point
les indiens ni les esclaves dont on ne tenait jamais compte.
En 1740, la récolte de cacao venant encore à manquer, le
peuple de la colonie adressa une pétition au roi d’Espagne, le
priant de le soulager dans sa détresse, qui était telle, disait-on,
que la plupart ne pouvaient aller à la messe qu’une fois par an,
et encore avec des habits empruntés. La tradition va même
jusqu’à dire que les membres du Cabildo n'avaient à eux tous
qu'une seule paire de culottes, qu'ils portaient à tour de rôle
Jorsqu’il leur fallait fiyurer en public.
La colonie demeura ainsi dans un état quasi stationnaire
jusqu'en 1780, qu'un francais, M. de St-Laurent, résidant à
Grenade, entreprit d’en faire une colonie française, quoique
soumise au gouvernement espagnol. Après avoir pris ses me-
sures avec les autorités, il fit passer dans Vile en 1783, un
nombre considérable de cultivateurs français, auxquels se joi-
gnirent des émigrants de la Martinique, de St-Domingue, de la
Guadeloupe, avec des noirs des diverses autres îles, si bien qu’en
une seule année le chiffre de la population fut porté de 1000 à
12,000.
Enfin, en 1797, au milieu des guerres qui bouleversaient
alors toute l’Europe, l'Angleterre étant aux prises avec l’Es-
(1) On sait que c’est avec la graine du cacao que se fait le chocolat.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 175
pagne, obtint de cette dernière la cession Trinidad, qui devint
de ce moment colonie anglaise, mais demeura toujours française
par la religion, la langue et les habitudes. (1)
Depuis cette époque, Trinidad, sous la protection de la
couronne d'Angleterre, a joui en paix des libertés que lui assu-
rait le traité de cession, et a été toujours se développant et
s'améliorant, bien qu'il reste encore une quantité considérable
de la surface du sol à défricher.
Il est bien naturel que les gouverneurs et autres officiers
qui viennent d'Angleterre prendre part au gouvernement des
diverses colonies, s’efforcent d’y implanter la langue d’Albion,
mais maloré tous les efforts tentés jusqu’à ce jour, le français est
demeuré dans Trinidad, la langue du peuple, et je doute fort qu’on
puisse jamais le faire disparaître. Cependant, comme il n’y a pas
là de gouvernement représentatif, et que le gouverneur se trouve
une espèce d’autocrate, libre à peu près d'imposer sa volonté
comme il l’enterd, on a fait dans ces dernières années de grands
efforts pour implanter anglais partout. Dans les écoles on
semble ne voir que l'anglais ; bien que l’enseignement du fran-
cais soit libre, on n’en tient aucun compte.
Mais ce qui m'a le plus surpris à cet égard, e’est que l’au-
torité religieuse favorise ce mouvement. Que n’y résiste-t-on
avec énergie ? Qu'importe al’ Angleterre que ses sujets coloniaux
parlent francais, espagnol au hindou, s'ils n’en sont pas moins
loyaux,et dévoues. | La loyauté des Canadiens-francais est-elle
inférieure à celle des anglo-Canadiens ? Quand Sir E. P. Taché
a proclamé que le dernier coup de canon qui serait tiré pour
conserver le Canada à l’Angleterre le serait par un Canadien-
francais, il n’a pas été déinenti, et il ne pouvait l’être.
(1) C’est par erreur que j’ai écrit aux pages 147 et 148 que Trinidad
avait été cédée à l'Angleterre, en 1797, par la France; c’est par l'Espagne
qu’il eut fallu dire. Comme, de même qu’au Canada, c'était une cession
et non une conquête que livrait l'Espagne, elle imposa des conditions
dont les catholiques ressentent encore aujourd’hui le bon effet,
176 LE NATURAIISTE CANADIEN
L'autorité religieuse à Trinidad ne voit pas — du moins
d'après mon humble opinion, et c’est ici une question de poli-
tique libre—que le langage est souvent la sauvegarde de la foi ?
Le milieu dans lequel on vit, déteint toujours plus ou moins,
sans qu'on le veuille, sans qu’on le remarque souvent, sur tous
ceux qu'il embrasse. Répudiant sa langue pour adopter celle
d’un autre peuple, dont on fait partie, on finit bientôt par
épouser aussi ses idées et sa manière de voir dans les questions
libres, et de là à passer aux préceptes de foi, la chute est facile.
Le fait est malheureusement confirmé par de nombreux exemples.
Mais malgré tous les efforts, réussira-t-on à faire prendre
l'anglais parmi le peuple? Je ne le crois pas. Car c’est un
français à eux que parlent les noirs des Antilles, et malgré leur
contact avec d’autres langues qu'ils viennent à apprendre plus
ou moins, leur langage à eux, qu'ils ont toujours conservé, et
qui est leur langue propre, n’en ayant point d’autre, c’est ce
francais, ou si on aime mieux ce patois.
On est étonné en arrivant à la Martinique, à Ste-Lucie, à
la Guadeloupe, à Trinidad ete. de voir qu’on nous comprend
quand on parle francais, et de ne rien comprendre, nous, à
leurs réponses. |
Comme dans les écoles, les administrations, on ne fait
usage que de l’anglais, que l'anglais est aujourd’hui la langue
officielle de l’île, la plupart des enfants de 12 à 18 ans, surtout
dans les villes, emploient volontiers l’idiome anglais lorsqu'on
leur adresse la parole, mais entre eux, dans la famille, c’est
toujours le français qu’ou emploie.
Le patois qu’on parle aux Antilles, est en grande partie le
langage imparfait qu’emploient les enfants lorsqu'ils commencent
à parler, et que nous sommes nous-mêmes les premiers à leur
suoguérer, losque nous voulons nous faire comprendre d'eux.
(À suivre).
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Vol. XVIII Cap Rouge, Q., Juin 1889 No. 12
Rédacteur : M. l'Abbé PROVANCHER.
Prière instante à tous ceux de nos abonnés qui ont reçu
. des comptes d'arrérages en février dernier, de vouloir bien les
solder suns délai,
————— EP 0-4 ED > a
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX.
VOYAGE AUX ILES-DU-VENT
TROISIEME PARTIE,
(Continué de la page 176).
Comme il fallait se faire comprendre des négres qu’on tirait
d'Afrique au commencement de l'établissement de ces îles,
nègres qui avaient un idiome propre suivant les contrées d’où
on les avait tirés, on leur parla comme 4 des enfants, et ces
noirs, au lieu de perfectionner ce demi-langage, comme le font les
enfants en grandissant, le perpétuèrent entre eux, et finirent
par en former une langue propre, que les blancs durent eux-
mêmes employer pour se faire comprendre. Et encore aujour-
d’hui, quelle est la langue que les enfants des blanes apprennent
en premier lieu ? Le patois; par ce que les bonnes et les servantes
ne parlent pas autrement. Plus d’une fois dans les familles que
12—Juin 1885.
178 LE NATURALISTE CANADIEN
j'ai visitées, j'ai été étonné en adressant la parole à des enfants
de 4 à 8 ans, de voir qu'ils ne me comprenaient pas, tant que le
père où la mère ne leur eût répété mes paroles en patois.
Les prêtres dans les catéchismes, au confessionnal avec les
enfants, sont souvent obligés d'employer ce langage, pour se
faire mieux comprendre.
Ceux qui possèdent bien ce langage s'accordent à dire qu’il
ne manque pas d'énergie, de piquant dans ses tournures, et
même n’est pas dépourvu d'élégance chez les gens à parole facile.
Il a été récemment régularisé et grammatisé par un certain
Martiniquois; la poésie même ne l’a pas répudié,
Tous les verbes sont invariablement à l’infinitif, certaines
particules servant à désigner les temps. Ajoutez qu’on ne
prononce pas les r 7, et que dans l’énonciation on emploie un
accent particulier qui ne contribue pas peu à écarter davantage
les étrangers. Notez encore que tous les vieux mots français
qu’on trouve chez nos paysans canadiens, sont en honneur dans
ce dictionnaire.
Ainsi on dira:
Je mange: moé qua manger; j'ai mangé: moé quai
manger.
Moé quai mangé pommes hie : j'ai mangé des pommes
hier.
Comment ou yé? Comment êtes-vous ?
Ravet pas tini raison douvent poule. Le ravet (coque-
relle) n’a pas toujours raison devant la poule; en d’autres
termes : la raison du plus fort est toujours la meilleure.
Gnon doigt pas ça pouend pices. Un doigt ne prend pas
de puces.
S'ils veulent exprimer beaucoup, ils diront: en pile, en
pile ; peu, pas pièce, pas piece; un peu: un ti buin.
Mais pour mieux faire apprécier ce langage de mes lecteurs,
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICUAX 179
je leur mettrai ici sous les yeux, une poésie d’un littérateur
Guudeloupéen, en la faisant suivre de la traduction.
L’AME DE FEU BOULIQUI
(Conte Guade'oupéen)
Gnon jou apoué midi, là-haut, dans ti Mihaut,
Gnon jène homme fiscal qui té bhillé faraud,
Té qua dandiné li mirant li dans la glace,
Soué disant li té nobl et soti dans grand race,
Li té fier, mépouisant, rempli Vambition,
Pace li té tini gnon p'tit situation. j
Gnon ti monte au gousset, gnon vié jiment Bonahangue,
Qui té soti, yo dit, dans quiou à man Champagne,
Poutant, grand-papa li, té gnon negue hibo,
Mengeur di catman, coscaille et grignogo,
Li té tint, jour-là, gnon belle déringotte,
Beau velou noir autour, pa dessus la pagotte,
Gnon gilet blanc piqué. Pendant bel mouché-là,
TE qua faire li fier, tant com gnon grand pacha,
La, su quilotte à li, li péci gnon ti tache,
Di poussière tout blanc, gros con gnon pistache,
Li tiré gan à li, aussitôt li vouer ça,
El fou gnon chiquinotte la sur tache la,
Au coup, li tend soudain, gnon train con gnon tonnerre,
#
Avec fouacas, vini faire trembler la terre,
EL gnon petit bonhomme, espèce di zombis,
Soti dans tache là, en pêtant des grands cris ;
“ Ta faire moé ben mal! Ta blessé moé dans Vame,
Li hélé tout en feu ; fouleamp con gnon flassame.”
Pitit poussière là, bouge là té couché,
C'était li papa-là qui voye effarouché,
Not hom là rété couac, quand Vaute disparaite,
Con gnon voué concougaut ; et li trouvé li bite,
Quand il dit en li-méme, avec l'esprit trouble :
Mi moune ; c’est poussière au vent qui qua volé! ? sesccooee
Baupor, dit Foxpoc.
4
180 . LE NATURALISTE CANADIEN
Traduction,
Un jour, après-midi, la-haut, dans le village de Mahaut,—
Un jeune homme riche, cossuement vétu,—Se dandinait en
se mirant dans une glace.—Il était noble soi-disant et descen-
dait d’une grande famille. —I] était fier, méprisant, rempli d’am-
bition,—Parce qu'il avait une petite situation. — Une petite
montre au gousset, une vieille haridelle bonne pour l’équarris-
seur,—Qu'il était fils de madame Champagne.—Pourtant son
grand père était un nègre ibos,—Mangeur de caimans, de coquil-
lages et de grignogo.—Il avait ce jour là une belle redingotte,—
Avec pagottes en beau velours noir,—Un gilet de piqué blanc.
— Pendant que ce beau monsieur—Fuisait le fier, tout comme
un grand pacha,— Sur son pantalon, il aperçoit une petite tache
—De poussière blanche, large comme une pistache. —Il tire son
gant aussitôt qu’il a vu cela—Et flanque une chiquenotte sur
la tache en question.—Au coup, il entend soudain un bruit de
tonnerre, — Venant avec fracas, faire trembler la terre, —Et un
petit bonhomme, espèce de zombi,—Sort de la tache en pous-
sant de grands cris.—“*Tu m'a fait grand mal! Tu m’a blessé
jusqu’à l'âme !” — Dit-il en fureur ; et il disparait comme un
éclair.
—Le brin de poussière que ce quidam avait touché, —
C'était l’âme de son père qu’il avait effarouchée.
— Notre personnage resta cei, quand l’autre eut disparu—
Comme on voit une coucouille (1).—Et il se trouva vain—
quand il réfléchit dans son trouble :—“ Voilà bien l’homme ; un
peu de poussière qu’emporte le vent.........
On dirait que les noirs ont horreur du bon langage, car
dans les colonies anglaises de longue date, comme la Barbade
D o ?
par exemple, les négres ont un patois anglais, calqué sur celui
du français, et tout aussi inintelligible pour les étrangers.
(1) Coucouille, mouche-a-feu.
1
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 181
Peu de pays, je pense, peuvent offrir une mosaïque aussi
variée de population que ‘Trinidad, car en addition aux espagnols,
français, anglais, portugais, nègres et indiens qui forment la
partie principale de cette population, il faut compter aussi les
chinois, qui, importés comme cultivateurs, ont bientôt aban-
donné le travail des champs, pour se louer comme jardiniers ou
se livrer à diverses petites industries.
En disant “indiens,” j'entends les coolis ou habitants des
Indes Orientales (1), car pour les indiens aborigènes, les anciens
Caraïbes, ils sont entièrement disparus de Trinidad et de pres-
que toutes les autres îles, à part la Dominique où il s’en trouve
encore un petit noyau, comme je l'ai mentionné plus haut.
Par un acte d'humanité qui l’honore, l'Angleterre en 1834,
décréta l’affranchissement de tous les esclaves de ses possessions
d'Amérique, et depuis cette époque, et même plusieurs années
auparavant, aucunes nouvelles recrues africaines ne sont
venues s'ajouter aux noirs qui sy trouvaient déjà. La popu-
lation actuelle est donc la descendance des premiers esclaves qui
se sont multipliés entre eux et se sont plus ou moins alliés
avec des coolis ou des chinois, car pour des alliances légitimes
avec des européens, elles ont toujours été extrêmement rares.
Je dis alliances légitimes, car du temps de l'esclavage, 1a
comme partout ailleurs, les jeunes esclaves ont toujours offert
un puissant appas au libertinage de leurs possesseurs, si bien
que la population actuelle est presque entièrement composée
de mulâtres, et compte peu de familles de race noire pure.
Ces alliances irrégulières ont été tellement fréquentes,
qu’elles constituent encore aujourd'hui la plus grande plaie
dans la moralité de ce peuple, d’ailleurs sobre, paisible, frugal,
et certainement religieux ; et celà dans toutes les Antilles. Sur
douze, quinze baptêmes qui se font à Trinidad, à la Martinique
(1) Dans Pextréme Orient, comme au Japon, on entend par coolis,
des hommes de peire.
182 LE NATURATISTE CANADIEN
etc., à peine 4 ou 5 sont légitimss. C’est à 3h. P. M. que se
faisaient les baptêmes à Port-d’Espagne. Le prêtre en arri-
‘vant à la sacristie commence par enregistrer les noms. I voit
4, 5 enfants qu’on présente. La première question est toujours
celle-ci: cet enfant est-il légitime ?—Non, mon Père. Celui-ci ?
non, mon Père; celui-là ? non mon Père ; cet autre ? Oui!
mon Père, avec satisfaction, On n’en rougit pas ; on n’objecte
pas à l’admettre. La chose est si commune, qu’il semble qu’elle
n’a rien qui doive surprendre. Cependant, comme on est tres
avide d'éclat et d'honneur, les parents des illégitimes ont grand
soin de ne jamais présenter leurs enfants qu’en compagnie des
légitimes, afin d’avoir les honneurs de la cloche. Quatre, cing
voitures, le plus souvent à deux chevaux, détalent sur la place,
au bruit étourdissant des cloches en mouvement, reste aux
eurieux à deviner auxquels dans ie nombre s'adresse ce ca-
rillon.
Ce peuple est certainement religieux, il en a le sentiment,
et ne rougit nullement de sa foi. Voyez les églises s’emplir,
non seulement aux offices du dimanche, mais même aux
messes sur semaine, aux prières de l’archiconfrérie etc. Que de
fois j'ai été étonné et édifié, en voyant de la fenêtre de ma
chambre, ces noirs se découvrir en passant vis à vis la cathé-
drale, faire un grand signe de croix, et malgré le soleil brûlant
de ces latitudes, ne remettre leur coiffure que lorsqu'ils avaient
dépassé les limites du temple saint,
—-Vous dites, mon Père, disais-je A un religieux, que votre
peuple est religieux ; mais comment accordez-vous cela avec sa
coutume de ne faire bénir les mariages qu'après quinze, vingt
et trente ans d'union? Le tiers de vos ouailles vit dans le
concubinage ; où est leur religion ?
— C'est la grande plaie du pays, mais dans le fond, ces
geus ont la foi et le sentiment religieux.
— Ne pouvez-vous pas parvenir à abolir cette abominable
coutume ?
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 183
— Nous y travaillons de toutes nos forces, sans pouvoir y
gagner grand’chose.
— Quelles raisons donnent-ils pour s’excuser dans de sem-
blables écarts 1
— C'est toujours le manque de moyens qu’on fait valoir
pour satisfaire aux exigences de la coutume. Comme on est ici
très avide de démonstrations pour les mariages, baptémes et fu-
nérailles, il ne faut pas moins de $150 à $200 pour une noce
ordinaire. I] faut couvrir la future de soie, la pourvoir de bi-
joux, s'habiller soi-même en drap fin, payer les voitures etc., et
comme on n’a pas le gousset assez garni pour répondre à de
telles dépenses, on remet la fête à une autre époque, en cohabi-
tant ensemble en attendant, ou plutôt l’on s’autorise de la cou-
tume ponr mettre ainsi de côté les lois de l’église. |
— Mais pourquoi ne pas les marier sans cérémonies, secrè-
tement s'il le faut, même à leur domicile si nécessaire, pour
mettre leur conscience en sureté ?
— Oh ! c’est ce à quoi nous ne pouvons les amener, malgré
toutes nos remontrances et soilicitations.
— Hé bien, mon père, je pense qu'il y a au fond une autre
raison que celle qu’ils allègnent. On en a vu, m’a-t-on dit, qui,
ayant fait bénir leur mariage après trente ans d’union, ne sont
pas demeurés ensemble ensuite plus de quinze jours, incapables
de s’accorder. Ne voyez-vous pas la le manque de confiance
réciproque dans les engagements de part et d'autre? et la large
part qu’il faut faire au caractère de ces fils d'esclaves habitués
à n’agir que sous le frein de la menace? Avec cette union sans
engagement, le mari se dit que s’il maltraite sa femme, elle s’en-
fuira ; et la femme de son côté, que si elle ne satisfait pas son
mari, il la chassera. Mais du moment qu’ils savent que le lien
est indissoluble, chacun veut faire valoir sa maîtrise, et l'accord
n'est plus possible. ;
Je pense, en effet, d’après tout ce que j’ai pu connaitre,
que c’est la la raison capitale de ces unions illégitimes.
184 LE NATURALISTE CANADIEN
Mais ces négres sentent tellement la réprobation de ces
unions irrégulières qui avoisinent, avouons le, la promiscuité
des sexes, que chez eux on ne tient pas compte de sa filiation, et
que la plupart, surtout parmi les femmes, cachent avec soin leur
nom; on en a même trouvé qui l'avaient perdu complètement.
Un médecin se rend un jour dans une campagne, pour la
vaccination des enfants. Il ‘rencontre une petite fille dans le
cours de ses opérations, et s'adresse à celle qui l’avait amenée.
La conversation est en anglais.
— Are you this child’s mother ?
— Yes, sir,—is me darter.
— What is your name?
—Is my name ?
—(Avec impatience étant à plusieurs milles de sa rési-
dence et étant preessé par la faim): Yes, J ask you what is
your name ?
—(Avec hésitation): Dey does caal me Sal.
— Well, Sal what ?
—(Avec assurance mais avec un sonpconneux coup d’œil
sur tous ceux qui étaient 14): Dey does allus’ caal me Sal.
—(Avec colère): Oh! botheration, will you tell me your
proper name or not ?
—(S’approchant du docteur, avec répugnance, elle lui mur-
mure dans l'oreille sur le ton le plus bas possible) : Delphine
Segard.
— (Avec un dédain évident) : Then why couldn't you
say so?
Craignant que leurs noms n’évoquent quelques ficheuses
réminiscences, elles préftreut les taire, et voila comment il ar-
rive que ces noms demeurert le plus souvent inconnus du plus
grand nombre, et viennent parfois à se perdre complètement.
Nul doute qu'avec une telle manière d'agir, bon nombre de
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 185
mariages ne soient canoniquement nuls par des empéchements
de parenté qu’on n’a pas pris soin de découvrir.
Non, me disait un jour, un homme qui connaissait bien ces
nègres, ce n’est pas 14 un peuple religieux, il conserve une cer-
taine religiosité apparente, mais pour le véritable sentiment reli-
gieux, il ne l’a pas.
Je n’oserais, quant à moi, souscrire à un tel jugement; je
sais que ce peuple-enfant réfléchit peu, résiste difficilement aux
idées qui ont cours chez lui, la paresse chez lui est aussi in-
hérente aux opérations de l'esprit qu’aux mouvements du corps.
J'ai précédemment mentionné. en. passant, quelques unes
des productions naturelles de Trinidad, je veux ici eompléter la
liste des principales.
Bien que Trinidad ne possède aucune mine de métaux
précieux, elle renferme cependant des minerais qu’on pourra
peut-être exploiter avec avantage plus tard. Le fer surtout
parait y être très abondant. Des échantillons tirés de l’île de
Gasparillo dans le golfe de Paria ont donné 61.56 par cent de
fer pur, et d’autres tirés de la vallée de Maracas 67.16 par
cent !
L'or, l'argent, Ie cuivre, le mercure, étain, n’ont pas
encore été signalés dans Tile.
Mais sa mine la plus précieuse et sa plus abondante est l’as-
phalte, qui s’y trouve en immense quantité, et dont la demande
va toujours croissant tant sur les marchés d'Amérique que sur
ceux de l'Europe. Les journaux de tous les pays ont men-
tionné tour à tour le lac de bitume ou d’asphalte de La Bréa,
dans l’île de Trinidad, qui est une source abondante de revenu
et qui parait inépuisable. On en tire chaque année des milliers
de tonnes et toujours la surface demeure la même. Ayant fait
la visite de ce lac, je donnerai de plus amples explications sur
ce qui le concerne, lorsque j'en serai rendu à je mentionner
dans le journal que je poursuis de mes excursions dans l’île,
186 LE NATURALISTE CANADIEN
Il se trouve aussi des carrières de gypse très abondantes
près de St-Joseph, mais on n’en a à peu près tiré encore aucun
parti jusqu’à ce jour.
Peu de pays au monde peuvent égaler Trinidad pour la
fertilité de son sol et la variété des cultures dont il est suscep-
tible. Toutes les productions des régions intertropicales peu-
vnnt y réussir: la canne à sucre, le cacao, le café, le coton, le
mais, le riz, le tabac, l'indigo, les épices de tout genre. Même
variété et même abondance pour les fruits, tels que : ananas,
oranges, citrons, bananes, sapotilles, mangos, pastèques, pommes
d’acajou, pommes de cythére, barbadines, ignames, grenades etc.
Et que d’autres cultures pourrait encore y faire propérer
l'industrie! Les céréales, par exemple ; il suffirait d’en tenter
la culture pour être sûr du succes. L’avoine que lon fait
venir de New-York ou des Provinces Maritimes, s’y vend d’or-
dinaire 4 gourdes le barril de trois minots. : Nul doute qu’une
telle culture ne puisse être très remunérative si ou la tentait,
Il en serait ainsi du blé.
On ne voit ni fraises, ni framboises dans ces îles. Le curé,
de Roseau, dans la Dominique, fit venir l’année dernière des
plants de fraisiers et en planta un carré de son jardin, et dès la
première année il eut une récolte très satisfaisante.
Mais il en est ici comme partout ailleurs, la routine exerce
un empire souverain qui paralyse tout progrès. La culture de
la canne à sucre a été autrefois très rémunérative, et on s’est
voué presque exclusivement à la canne à sucre. Le cacao, le
café, le coton, le riz, ont été à peu près abandonnés pour livrer
tous les champs à la canne à sucre.
Ce n’est pas le nègre avec la paresse qui le caractérise et
son quasi mépris pour les aisances de la vie, qui cherchera à
améliorer sa position par quelque industrie nouvelle. Pour lui,
pourvu qu’il puisse se remplir le ventre, peu importe la qualité
des aliments ; il fait sans peine le sacrifice de ses goûts, devant
les labeurs nécessaires pour améliorer sa position. Et les blanes,
A OO ES AUTRES EEE DR |
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 187
propriétaires d’usines et de terrains, trouvant leur affaire—ils
sont d’ailleurs tous riches—dans la culture de la canne, ne son-
seront nullement à porter leur vues ailleurs.
Mais voici que la betterave, qu’on cultive aujourd’hui sur
une vaste échelle en Europe, menace de supplanter la précieuse
canne. Le sucre a déjà subi une baisse considérable, Aussi
commence-t-on à s’allarmer dans les îles. Et n'étaient les bas
prix avec lesquels on s'assure le travail des nègres, la concur-
rence deviendrait impossible. Un propriétaire d'usine me disait
que l’an dernier sur une expédition qu’il avait faite à Londres,
il n’a pu obtenir que $2 par barril de 196 livres de sucre. Nulle
culture ne peut devenir payante à ce prix. Aussi songe-t-on,
depuis quelques années, à faire une plus large part à la culture
du cacao. Nul doute qu’on en fasse autant pour le café dont
les produits de Trinidad jouissaient déjà d’une excellente répu-
tation en Europe,
On a aussi tenté la eulture du thé; mais était-ce dû à la
préparation, bien qu’on eut des chinois pour l’opération, on n’a
pas été satisfait du résultat. Les quelques pieds que jen ai
vus au jardin botanique paraissaient cependant forts et vigou-
reux.
Trinidad avec une population de 172,000 âmes, n’a ce-
pendant pas de gouvernement représentatif, Et ce qui est
encore plus surprenant, c’est que le peuple ne veut pas en
avoir.
Une commission royale, sur requête d’un certain nombre
d'habitants, demandant cette forme de gouvernement, a siéoé
pendant le séjour même que j'ai fait dans cette île, et une très
grande majorité des personnes entendues s’est prononcée contre,
préférant l’état de choses actuel.
Le gouverneur qui est nommé directement par la reine,
se choisit six conseillers parmi les personnes les plus notables
de la colonie. Ce conseil siège une fois par mois, et tous ceux
qui ont des pétitions à présenter, sont admis à les faire valoir.
188 LE NATURALISTE CANADIEN
C’est à peu près comme un conseil municipal. Comme tous,
gouverneur et conseillers, sont animés du véritable patriotisme»
c’est-à-dire, veulent avant tout le bien du peuple et le progrès
de la colonie, les affaires publiques sont conduites avec sagesse
et une extrême économie, et l’on ne désire rien moins que le
changement d’un tel état de choses.
On ne connait point 14 le favoritisme indu, les positions
lucratives sont peu nombreuses, et petit aussi est le nombre des
personnes qualifiées pour les remplir. Le mérite réel est le seul
appoint pour les nominations aux emplois ; on ne connait là ni
boodlage, ni entremetteurs, ni graissage. Il serait difficile de
trouver un gouvernement plus économique. Cependant les
améliorations publiques ne sont pas négligées ; le commerce,
l’agriculture, l'éducation sont protégés. Sans viser au gran-
diose, les édifices publics sont convenables, des ponts néces-
saires sont jetés sur les rivières, les routes sont en bon état. Le
gouvernement possède un chemin de fer de Port-d’Espagne à
St-Fernando, 32 milles, et doit prochainement le pousser plus
loin. L'exploitation du lac de bitume de LaBréa, donne de
l'emploi à un grand nombre d'ouvriers en même temps qu’elle
est un ressource précieuse pour la colonie, etc.
Comme j’exprimais ma surprise à l’un des témoins de la
commission royale, de ce que l’on préférait l’état actuel à un
gouvernement représentatif, vous aimez donc mieux, ajoutai-je,
vous faire gouverner par un autocrate, qui vous impose sa Vo-
lonté, plutôt que d’avoir voix au conseil de Pautorité qui vous
régit ?
— Votre surprise, repliqua-t-il, vient de ce que vous nous
prenez pour un peuple homogène, comme le sont la plupart des
habitants des autres contrées. Mais il faut compter ici avec
les éléments hétérogènes dont se compose notre population.
Voyons quels sont ceux qui se partageraient l'autorité, si nous
avions un gouvernement représentatif. Il va sans dire que
n'ayant aucun attrait pour le communisme, il faudrait proscrire
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 189
le suffrage universel. En exigeant une qualification foncière de
la part des représentants, vous écartez du coup les trois quarts
des nègres, qui ne sont pas propriétaires, resteraient les créoles
avec les coulis ; or vous savez que les créoles sont très peu nom-
breux, et la plupart des coulis sont propriétaires. Car à
l'expiration du terme de leur engagement de cinq ans, la
plupart, d’après la convention stipulée d'avance, préfèrent rece-
voir la moitié du prix de leur retour aux Indes en argent
et l’autre moitié en terres pour se fixer dans le pays. Ce
sont donc ces derniers, les coulis, qui par leur nombre, au-
raient le haut du pavé dans notre législature. Les créoles de
la Martinique, de la Guadeloupe et des autres colonies fran-
gaises, se plaignent d’être à la merci des nègres par le suffrage
universel, ce serait bien pis pour nous, nous serions à la merci
des coulis, c’est-à-dire gouvernés par des mahométaus, des
boudhistes et autres payens.
—Mais sous une autocratie telle que celle qui vous régit,
ne craignez-vous pas des abus d'autorité parfois ?
— Toute médaille a son beau côté et son revers, et, somme
toute, nous pensons qu'il vaut mieux pour nous conserver
l’état de choses actuel. Nous avons d’ailleurs recours à l’An-
gleter lorsque nous nous trouvons lésés par l'autorité.
I n’y a encore que quelques années qu’un conflit s'étant élevé
entre le gouverneur et notre arpenteur général, M. Devenish,
celui-ci fut sommairement destitué et mis à la retraite avec une
pension de $150 seulement par année, lorsque d’après la loi, il
avait droit à $800. Il porta aussitôt sa plainte en Angleterre ;
sa juste réclamation fut écoutée, le gouverneur fut aussitôt
rappelé, et on répara l'injustice commise à son égard.
Sans doute que dans une colonie comme le Canada où
nous jouissons d’une quasi indépendance, où le parlementarisme
est depuis longtemps inféodé, il serait impossible de revenir à
cet état de simplicité dont j'ai admiré le fonctionnement plus
d’une fois ; d’ailleurs le nombre de notre population, son homo-
190 LE NATURALISTE CANADIEN
généité quant à ses besoins et à ses aptitudes, et son degré de ci-
vilisation, exigent des rouages beaucoup plus compliqués pour
son gouvernement, mais sur plus d’un chapitre nous pourrions
aller demander à cette colonie de nègres des exemples de sage
administration, et surtout d’une économie réellement avanta-
geuse au peuple. L'éducation peut nous en fournir un ex-
emple.
L'éducation tant supérievre que primaire et secondaire est
sur un très bon pied à Trinidad.
Trinidad posède trois collèges pour l’éducation supérieure,
dont le principal est celui que dirigent les Pères du Saint-Esprit,
comprenant d'ordinaire de 220 à 250 élèves. Le second est le
collège Bolivar, de langue espagnole ; la population parlant cette
laugue est assez peu considérable dans l’île, mais, chaque année,
un certain nombre d’élèves vient de la terre ferme se joindre à
ceux de la colonie. (1) Enfin vient en troisième lieu le Queen's
Royal College, de langue anglaise, qui donne aussi des cours
classiques.
Ce nombre de collèges pourrait être nuisible, sous un certain
rapport, eu égard à la population totale, si, comme en Canada,
on était épris d’un certain engouement pour les études classi-
ques. Mais tous ces collèges ont des cours supplémentaires pour
l'éducation secondaire, qui peut convenir aux situations admi-
nistratives ou au commerce dans la colonie, et le nombre
d'élèves qui poursuivent les cours jusqu'aux classiques latins et
grecs est toujours assez restreint.
Mais les cours classiques ordinaires n’étant pas générale-
ment suflisants pour ceux qui aspirent aux professions li-
bérales, le gouvernement s’est encore astreint à pourvoir à ce
qui manquait sous ce rapport.
Chaque année, d’après un programme connu d’avance,
des concours ont lieu entre les trois collèges, et les quatre
éléves qui ont obtenu le plus grand nombre de points dans ce
eet
(1) Le collège Bolivar reçoit aussi une subvention du gouvernement
du Vénézuéla.
UNE EXCURSION AUX CLIMATS TROPICAUX 191
concours, sont gratifiés d’une pension de £150 pendant trois ans,
pour aller suivre en Angleterre, les cours des hautes études ;
ils en reviennent toujours avec les diplômes de docteurs en droit,
en médecine ou en génie civil, et peuvent aspirer aux plus
hauts emplois civils dans toutes les possessions de l'empire
britannique. Il faut voir quel zèle et quelle application
déploient les élèves pour ce concours annuel. Aller passer
trois années en Angleterre aux frais du gouvernement, est
aussi un appoint bien capable de stimuler des jeunes gens
pour s'appliquer à l'étude et Vemporter dans cette lutte.
L'an dernier les PP. du Saint-Esprit fournissaient deux lau-
réats sur les quatre. Si nos gouvernements parvenaient à
s'affranchir de la quasi nécessité d'enrichir leurs supports pour
se maintenir au pouvoir, c'est par dizaines qu’on pourrait porter
les talents supérieurs, mais privés de fortune, à parfaire leurs
études pour le plus grand avantage de la communauté.
L'éducation des filles est dévolue aux Sœurs de Saint-
Joseph de Cluny, dont j'ai déjà parlé plus haut, Confier l’édu-
cation des personnes du sexe à des religieuses, c’est dire de
suite qu’elle est éminement chrétienne, convenable, suffisante,
et bien propre à faire reposer le plus grand espoir dans la gé-
nération future pour le progrès bien entendu,
Les Sœurs dominicaines donnent aussi une excellente édu-
cation aux orphelins dont elles ont la charge.
ok ke
L’orphelinat du P. Forestier. —Fruits nouveaux.—Chasse aux insectes.—
M. Devenish.—Chasse aux mollusques des plus faciles.—Excursion
à St-Fernando.—M. le curé Maingot; son personnel.—LaBréa ; le lac
de bitume ; diner de gourmet dans une hutte; chasse aux mollus-
ques ; un crustacée.—Les Sœurs de St-Joseph ; une liane étonnante.
—Insectes lucifères, mollusques.—A la Pointe-à-Pitre avec M. Osen-
da.—Une usine à sucre, ses diverses opérations.—M. Hawkins, sa
résidence.—Une belle cigale.—Retour à Port-d’Espagne.
Mercredi, 18 avril.—Conduits par le P. Mannés, nous
192 LE NATURALISTE CANADIEN
allons ce matin visiter l’orphelinat que tient le P. Forestier,
avec un dévouement que rien ne saurait décourager.
— Combien avez-vous d’orphelins sous vos soins, deman-
dai-je au P. Forestier ?
—Le gouvernement, répondit-il, paye pour soixante, et
j'en ai soixante-quatorze.
—Mais qui pourvoit aux dépenses de ces 14 surnumé-
raires ?
—Moi-méme, avec mes industries à solliciter des secours.
Le bon Père, contre l’usage des autres dominicains, porte
la barbe. Avec cette épaisse barbe blanche, par sa taille et
même par quelques traits de sa figure, je lui trouve une ressem-
blance frappante avec le Frère Liévin, le franciscain de Jéru-
salem qui dirige les pèlerins dans la visite des Lieux-Saints.
Plus encore que le dernier, c’est un type dans des allures qui
lui sont propres.
Par économie, il se fait instituteur de ses enfants. Nous
avons assisté à une lecon d’hindoustani qu’il donnait à ses élèves
de cette langue. Par dévouement, il s’est astreint, malgré ses
soixante ans, à apprendre cette langue difficile, pour sauver le
traitement qu’il était obligé de faire à un instituteur couli. Ila
eu le bonheur de convertir au catholicisme, le boudhiste qu’il
employait ainsi tant pour sa propre instruction que pour celle
de ses élèves. Voyez-le, toujours armé de sa verge, et feignant
une sévérité outrée, entouré de ses marmots, près du tableau
noir, leur faisant donner l'explication des caractères hiérogly-
phiques déjà tracés, ou leur apprenant à en tracer eux-mêmes.
Ne faut-il pas un dévouement sublime pour s’astreindre à son
âge, à une besogne si ennuyeuse et si fatigante ?......
Mais voici les 4h. de l'après-midi arrivées, il faut aller
aux provisions pour le lendemain, il faut pourvoir aussi à un
pantalon pour l’un de ses quatorze ou à une chemise qui manque
à un autre. On ne parle pas des chaussures, car elles ont été
supprimées totalement.
(A suivre).
.
TABLE ALPHABETIQUE
Des nom de genres et d'espèces mentionnés dans ce volume.
ACAjOU A-POMMESeer-se-.eeeee-- 121
Adiantum capillus-Veneris..... 41
PAG OULI Siam wi telsts «16 SIolaisisloleltassisietar . Led
Mal Ty AUS NCA DIS Peer eme LUC
IN TKS RER ME Ne ee eee see | Mao
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VAN DCI ET E ces een e\cleielein sielee M TOU
Bacs EMMONS eee secte 2
IBANYUUIE ER eee saine clos nee ee
Buliminus octona.............." 134
Buliminus marielinus........ 55,92
CHINE HMC ocbeAooCQOnGeOGOG | aee
(Chink BacRoodoshbpoaagoacccaoog | ol
Caryophyllus aromaticus....... 84
Cimber apoesoncodoadooconoo, LOU
Cassuvium pomiferum......... 120
Caulastræa furcata...........2. 1204
HOUSE QUO eee eee OO
COCOSMNCHELR NN eee esetetetee ts LA
COHÉMATADICH EEE eee ISO
Coix lachryma-Christi ......... 3
(Haan Iipf@ecoGhs boadon odo cpcae cool) Mile
Cypræa clandestina............ 46
“ EXNANÉCMA Bee eee ee AD
Cystienathus ocellatus 00059
IDASVDIOC IAA TOUR EE eee ste aie) kee
DIFdeLCUSISUDUTA NS Reel er
Hlapsicorallinus eee. 140
Erythrina corallodendron....... 57
HUME CLES MOUIIMUS lees ec 40
Euryale amazonica............. A
BROCE buss ex EMS erctateis ccm os 8
“ VCE SS se LE -Le te
WeTAdeslONee ars Sea dela e se Ni a0
NIGMS HNL Caary create cfeleisieivisiels es
Hountata shell MERE. CN O07
ÉTIDISGUR RER ee oeeeereeeeue
IciCAHEDIOPDhyIIA RP ER
Iguana delicatissima..........,
RETRAIT Eee etes
LachéME NIUE ER siete oie sialcrsterele
L'UTMERAE- JOLIE
Laurus cinnamomum..........
Madremoraras era «ic .)/ein aioreleielersie
Mansiferaindicas eee eee .cce
HONOR EREECEE SCENIC EE
MelOcHCnBR EM eee ee ee
MasSCHRER ER eee relances
Myrstiemaromatiea eee.
Nymphea adorata..............
Oreqdaxaenerlaselelp clelaelelele sin ele
Onivestdemeneiverae Eee
Palleer-queue ee eee os
Bel ECamuseUcG Use leletwialersielsielere c
« OMOGCTOLAUS! Serres
PETRAIETATISSIMA oleic: eee eee
PhaËtonelNELEUS cics\eeichers ciclse
Pileammatexophiydilas esse
Pithecoiobiu’ saman..........
POTENGI CHOU sia eee eee eee
RODESE HAE EE RCE EE CRE
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Serpent jaune des Antilles. .......
SITOMONSNSIDIHS SEE eee sels ele relire
Swietenia mahogani............
RC LEMAIOTG IAT Sho e\erelete! sleleleVsiatelotel=ia\e
HITS C50 cSBO BOC UCDO DUONOOCOOD
Trigonocephalus lanceolatus....
Purbolundulatus RES eee ere.
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74
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158
35
24
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36
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154
120
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Imprimé par C. Darveau, 80 à 84, rue de la Montagne, Québce
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Primes pour le volume XVII. .... PI os s à 20 da RAO he SCENE
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Le Naturatiste CANADIEN. ie au - commencement de ‘chaque’
mois, par livraisons de 32 pages in-8.~ ies
Avonubmnat pour le Canada et ie ines Unis, ay. par année, ou
mieux par volume; chaque volume commençant au premier juillet.
. chaque-année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent,
Pour la France et les autres pays faisant, partie de: PUnion Postale
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-12 francs.
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On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent 13s
numéros déjà parus de ce volume. -
kas Toutes correspondances, remises, réclamations, ete., doivent
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
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AVIS IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
: Lion Se a ain 8 a
AGENTS DU NATURALISTE, ~ :
Québec.—M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins,:
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Nous expédions avec le présent numéro le titre du vol. X VI, -
DE QUEBEC A JÉRUSALEM.
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Journal d’un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à :
travers l'Angleterre, la France, l'Egypte, la Judée, la Samarie, la |
Galilée, la Syrie et l'Italie, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
géographiques. Par l'Abbé Provancher.—Québec, C. Darveau, 1884, :
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et .
plans d’une exécution parfaite, est encoré l’ouvrage le plus complet
publié jusqu’à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comme les |
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux |
qui se proposent ce voyage, ne peuvent mieux s’y préparer que par la !
lecture de ces pages, et ceux qui s’en voient empêchés peuvent, jusqu’à
un certain point, s’en dédommager en parcourant par la pensée, au
moyen de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables,
PRIX $2.— Chez M. Chaperon, libraire, rue de la Fabrique, |
Québec.
(Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.)
wert
This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
size and circulation with the rapid improvement and settlement of San |
Diego City and County, whose growth within the past few months has |
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies, and circulates among a very intelligent class through- |
out the Pacific Coast, especially in the southern counties.
It is the first and only purely Scientific Journal-of all the 393 periodi- |
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
tific magazines of the day. ‘
Subscription price, $] a year. Single copy, 10 cents.
Adress :
C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor,
SAN DIEGO, CALIFORNIA,
PRIMES
| lère Prime. 2e Prime.
Juillet : un microscope pour insectes Voluta vespertilio.
Août : Cecil’s Book of Insects, illus- 2 ere caurica.
tré et élégam ment relié.
Septembre: Faune Canadienne ; Co- Oliva puttata,
léoptères.
Octobre: De Québec à Jérusalem, Murex bicolor.
Novembre: Cecil’s Book of Birds. 2 Cerithium erythrense.
Décembre : Dictionnaire des Scien- Oliva porphyria.
ces, des Lettres et des Arts, par
C. de Bussy, 1 vol. broché,
Janvier : Cyprea tigris. Cassis decussata.
Février : Cecil’s Book of Beasts. Conus sulcatus.
Mars : De Québec à Jérusalem, Cypræa Mauritiana.
Avril: Faune Canadienne. Les Co- Cypræa mappa.
léoptères.
Mai : De Québec à Jérusalem. 2 Oliva litterata.
Juin : Une loupe de poche. 2 Neverita duplicata.
Tout abonné réclamant Pune quelconque de ces primes,
devra envoyer 8 centins pour en payer le postage.
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AOUT 1887, No.
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CR Me, |
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LLETIN DE RECHFRCHFA, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
BE RAPPORTANT A L’ HISTOIRE NATURELLE DU CANADA,
Rédacteur: M. L'ABBE PROVANCHER.
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CAP ROUGE:
PROVINCE DE QUEBEC,
* CANADA,
Impriné par C. Danveau, 80 à 84, me de la Montagne, Québec.
Erratun....s AN TR ee Lt PTT rae wm ale ee soeneccus 666ees eesnss ved TEE
PLUMES vic cccccwoss 7 sonest © teeeeeee: « re ee Pin fe
à Une chenille intéressante: A 3) «= pipe MPT = ad
; | - Le Chemin de fer du lac St-Jean (uses SES NOR PTT
| Etude snr les Microbes (snite —Dr:? De ce soie SIN TE Marte
Unité des forces de la nature—J, A. Ghignard - RS Te
Le: Darwimsme(suite)...”.: +0: Soa LS ose one eae
Nouvelles Entomo'ogiques—La Las ary -omèle de la pomme de
torre:—Le Némate du Mélèse Ms + ve Betyg sete ae
ADDITIONS A LA FauXe Hywéxorrénorociave. ‘
Fam. IX—Les Chrysides’ (suite) at a LOU aie RESTES
Fam, X—Les Formicides - ; ie PEAU, VE D)
Hémierènes =Hérénor i ERES.
Fam. VIl—Phymatides:.. 2, me so 22s a Le sink
Fam. IX—Aradides ...... ee : as esata Spee
Le NATURALISTE CANADIEN parait au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8. :
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou ~
mieux par volume; chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent. :
Pour la France et les autres pays faisant partie de PUnion Postale
12 francs. : 4 Soa! ie
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux.
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent 14s
numéros déjà parus de ce volume.
kes Toutes correspondances, remises, réclamations, etc. doivent.
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
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AVIS IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’éniet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les :
prendre, et les règlements postaux exigeant Jes noms et prénoms du desti- —
pataire, tous maudats pour le Natwraliste doivent être pris au nom de M.
Lron PROVANCHER. : ;
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AGENTS DU NATURALISTE
Québec— M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins. DENSE
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DE QUEBEC 4 JERUSALEM.
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Journal d’un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à
travers PAngleterre, la France, l'Egypte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l'Italie, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
géographiques. Par PAbbé Provaucher.—Québee, C, Darveau, 1884,
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exécution parfaite, est encore l'ouvrage le plus complet
publié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada, Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne peuvent mieux sy préparer que par la
lecture de ces pages, et ceux qui s’en voient empêchés peuvent, jusqu’à
un certain point, s’en dédommager en parcourant par la pensée, au
moyen de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables,
: PRIX $2.— Chez M. Chaperon, libraire, rue de la Fabrique,
Québec. .
(Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.)
oe:
The West American Scientist.
This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased
size and circulation with the rapid improvement and settlement o
Diego City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries |
of many societies, and circulates among a very intelligent elass through- }
out the Pacific Coast, especially in the southern countics, ANT
It is the first and only purely Scientific Journal of all the 393 periodi- ‘|
cals in the state. in fact the only one west of the Rocky Mountains. and
-it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Seien- |
tific magazines of the day. |
Subscription priee, $1 à year. Sin
Adress :
BOT: : -
PRIMES POUR LE VOLUME XVIL .
Tére PRIME.
Juillet — Cassis Madagascarienis, 2 Cypr ea scurra, Lin. Porcelaine pa-
Lam. Casque de Madagascar =~ Ve A
Août—Faune, les Coéoptères. “Vor
lume de 785 pages.
Septembre — Cassis rufa, Lin. Cas:
que rouge.”
Octobre—De Québec à Jérusalem. |
Volume de 800 pages.
Novembre— Turbo pica;
bot pié.
Décembre — Un petit microscope
Lin. Sa-
pour la botanique et lPentomolo- :
gie.
Janvier — Cecil’s Book of Birds...
Illustré.
Février — Hyppopus . maculatus,
Lam. Hippope maculé.
Mars—Cecil’s Book of Insects.
lustré.
A vril—Murex regius, Lam. Rocher.
royal
Mai — Crombie’s Lichens
nici. Les Lichens
terre.
Juin—Murex radix, d’Argens, Ro-
cher racine.
N. B.—Pour avoir droit à réclamer la prime, il fant avoir paÿé son |
abonnement d’avance, et posséder en outre, la livraison portant écrit en
crayon bleu, sur la couverture, le numéro indiqué pour telle prime.
Tout abonné réclamant Pune quelconque de ces primes, devia envoyer à
8 centins pour en payer le postage. |
«
gle copy, 10 cents, |
C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
Il.
Britan-.
de l’Angle=:
- SAN DIEGO, CALIFORNIA.
2ème PRIME.
rasite. Re La
Conus gubernator, Lam. Cone gou- |
yerneur. : ; ¥ SN Sartor heen
Cyprea lynx, Lamark,
lynx. RAC SRE
Cassis testiculus, Lam. Casque bon= |.
net. £ aie
Porcelaine: |:
: Voluta musica, Lin. Volute instrus | TA
ment de musique. Sacre eee
Fusus Dupetithouarsi, Kien. Fu-
seau de Dupetithouars. Py
Murex trunculus, Lam. Rocher tron- |
cule.
Oliva litterata, Lam. Olive écrite.
Cussis echinophora, Line Casque
porte-épine. Le
Cyprea mappra, Lin. Porcelaine
géographique. ADN.
Purpura hemastoma, Lin. Pourpre
bouche-rouge. BAS es
Cassis saburon, Brug. Casque sa- |
buron. | iP
ol. XVII. SEPTEMBRE 1887 No. 3.
CANADIEN.
47 <> gyLLETIN DE RECHERCHES, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
A Ui BE RAPPORTANT A L’ HISTOIRE NATURELLE DU CANADA,
Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER.
UAP ROUGE:
PROVINCE DE QUÉBEC,
CANADA.
{mprimé par C. Darveau, 80 à 84, rue de la Montagne, Québce.
‘nataire, tous mandats pour le Natiraliste doivent être pris au nom de M.
SOMMAIRE DE LE NUMERO, =
2 4 . + +
* Â Le » ju Nene » iy
i PSE: k ‘
I AMOR does se à presse ow teereeee «eneeae. Hee eee wasn ne sean
L’Histoire Naturelle à l'E Exposition de Québec... ss ;
Etude sur Jes Mierobes (suite)—Dr, Crevier.. acess. nse derseeeee | À
Unité des forces de la nature De a A. Guignard | sites ECTS 39
Le. Darwinisme (suite). verres.
Ann io ue A LA Pause Hywéxorrinorocique, |
à 1
ah qe À
Fam. X—Les Formicides rio wenn es dir sets ee cénsrene ne 229
Le Navura.iste CANADIEN. (een au commencement. de chaque FE
mois, par livraisons de 32 pages in-8. Si
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par andes ou
mieux par volumé; chaque volume commençant : au premier juillet
chaque année, et se complétant agus les 12 mois qui suivent. aioe
Pour la France et les autres. pays faisant partie se PUnion Postale.
12 francs, Bria
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou Su cole Eee
qui en fontla demande dans le cours de la publication, es Le Mast!
Duméros déjà parus de ce volume, : i
pes Toutes corr respondances, remises, réclamations, te, doivent!
étre adressées au Rédacteur, CapBonge, Québec.
AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet- |
tant pas de mandats d’argent,.c "est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti=
Lion PROVANCHER. be 5
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AGENTS: DU NATURALISTE ~
Québec— M. J. A. Panslais: libraire, 177, rue St Joseph, Stock.
Paris.—MM. Roger et Chesney rue des nn 0 7
TROISIEME PELERINAGR CANADIEN
EN TERRE-SAINTE
N'y ayant pas eu dé pèlerinage aux Lienx-Saints en 1885 et 1886,
plusieurs mont sollicité d'en organiser uu peur cette année, de manière
a ce que les pèlerins pussent en méme nemps assister aux solenuités
‘des noces Wor de Sa Sainteté Léon XIII. Après diverses correspon=:
dances avec mes agents en Orient, voici ce qui a été définitivement
‘réglé. . | Sr aang
Le pèlerinage prendra à New-York le steamer de la ligne française
pour le Havre, samedi le 19 Novembre, et voici quel sera l'itinéraire : |
New-York Norembre 19 A RETOUR
Le Havre a 30 Jésuralem . Janvier 5,
Paris és 30.Déc. 1,2,3 Ramleh de 5
Lyon PRES. VEN Jaffa — re 6
Marseille 6e 6, 7 Port-Said “6 7
Steamer des Mexsageries Ma- Alexandrie es Or EU
ritimes je 8, 9 Naples x 14
Naples (1) — “4 10 Rome (7) ef 16
Alexandrie a 14 Ancône (8)
Le Caire (2) “ 14,15, 16 Vénise
: Ismailia (3) a 17 Milan
| Port-Said ae 18 Turin
Jaffa (4) ff 19 Lyon
Ramleh {! 19 Lourdes
Jérusalem % 20 Bordeaux
S. Jean, Bethléem (5) S. Sabas, le Patis |:
* Jourdain la Mer Morte (6) Havre —
New-York
(1) Arrivée à Naples le samedi vers les 6h., on en repart à 1h. P. M,
(2) Du Caire on va visiter les Pyramides, l'arbre de la Vierge etc.
(3) Du Caire on se rend par pee de fer à Isinailia où l’on prend
un bateau sur le canal de Suez ‘ui nous améne à Port-Said dans la
soirée du samedi. Le dimanche soir om reprend le steamer et le lundi
matin on débarque à Jaffa. SR |
(4) Le trajet de Jaffa à Jérusalem, 16 lieues, se fait en voitures.
On laisse Jaffa dans après midi et lou conche à Ramleh (5 lieues) pour
arriver à Jérusalem le léndemain vers les 4h. P.M.
| (5) On s’arrangera de manière à passer nuit de Noël à Bethléein,
tg (6) Partant de Jérusalem à 2h. P.M.) on couche aS. Sabas, le
| lendemain omvisite lamer Morte et le Jourdain et l'on couchea Jéricho, ©
‘et l’on arrive le jour suivant pour le diner à Jérusalem.
. (7) Les pèlerins se réunissent à Rome pour l’audience du Saint-
Père. et ensuite chacun opère son retour quand bon lui semble, les
‘billets étant valables pour un an. Fe
(8) Ceux qui veulent visiter Lorette doivent s'arrêter à Ancône
pour prendre une autre voie qui les ramèné au même lieu le lendemain
s'ils le désirent, :
PRIX.”
Première classe dans les steamers et 2e classe en chemins de fer $480.
Seconde classe partout , ‘ ORE ur Si $425.
géogray hiques. Par Abbé Provancher.— Québec, C. Darveau, 1884 |
Ot Sa
plans dune exéention parfaite. est encore l'ouvrage le plus complet
Lea Dre = RON
DEUXIÈME ITINÉRAIRE |
Le même que pour le premier jusqu'au retour à Paris, puise
Dieppe, New-Heayenis, Londrés, Liverpool, Québec.
PRIX.
Première elasse en steamers et 2e classe en chemins de fer SAT?
Ces prix comprennent tous les transports tant par steamers que par | |
voies ferrées et par terre en Terre-Sainte, en outre la pension a bord}.
des steamers ainsi que durant les 18 jours que l’on passe en Terre- | *
Sainte. Re
Ceux qui voudraient visiter Ja Samarie. la Galilée, Ja Syrie ete.,
voyage des plus intéressants, pourront faire changer leurs billets à
Jérusalem, ty hie
Une croix spéciale, argent émaillé en ronge, est donnée anx
pélerins ; cette croix leur sera remise A Marseille. + os
Tous ceux qni se proposent de faire fe voyage sont priés de vonloir | —
bien n’en informer au plus tôt, peur que les anangements soient pris |
sans délai. : by is Sagan ea i
Conime tous les arrangements se clôront à Québec. il faudra m’en-
voyer le coût du trajet par traites sur les banques de cette Province ou |
celles des Etats-Unis, Quant aux argents qu'un chacun voudra em
porter pour roi, on pourra prendre des traites de la Compagnie Cook, E =
divisées en £10 sterhng, payables dans toutes les principales villes du |
parcours, Paris, Naples, Alexandrie, Jérusalem, Rome ete., ete, _
Pour plus amples informations adresser au soussigné,
L'ABBÉ PROVANCHER, ~
CapRouge, Québec.
N. B.—Si les nouvelles du choléra qu'on mentionne en Orient se |
continuaient, le départ serait ajourné à une date uliérieure. Avis en
sera donné en temps convenable, Bee ae RE
DE QUEBEC A JERUSALEM.
Jourval @an pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à |
travers l'Angleterre, Ja France, PF gypte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l'Itahe, Onvrage accompagné de plans et de cartes
_Ce récit qui fo:me un volume de 724 pages in 8, avec cartes et
pablié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comme les ba
pelerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, Beux
qui se. proposent ce voyage, ne peuvent mieux sy préparer que par la
lecture de ces pages. et ceux qui sen voient empéchés peuvent, jusqu'à
un certain point, s’en dédommager en parcourant par Ja pensée, au
moy n de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables, RES
PRIX $2.— Chez M. Chaperon, libraire, rue de la Fabrique,
bec. DR lig oes
(Sur réception du prix, le voliune est expédié par la poste.)
CANADIEN.
5 A BULLETIN DF RECHERCHFS, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
ja CN BE RAPPORTANT A HISTO!) NATURELLE DU CANADA,
CAP ROUGE:
PROVINCE DE QUEBEC,
CANADA,
Me Imprimé par C. Danveau, 80 4 84, rue de la Montagne, Québec.
PHASE ur IN s nine a © terne. Landes ste 2
Etude sur les Microbes (suite Marian. LUNA eo!
Unité des forces de Ja nature (suitey— J. A. Guignard 5 ees MRE,
Le Darwinisme (suité)..:...4. EX. Soh iia a Mates ec cee
Exenrsion de la presse au lac StJean i oie sees ver <a er ny iehiecr ets Sarna
Bibliographies... 9... ein ae :
a eeeerere es eee ee + sanene
ADDITIONS A LA FAUNE, Hywixorrénonoeiqus. Be | Les
Fam. X.—Formicides (suite) - SAR Se MEN EURE oe 245.
Fam. X1—Matilhdes .:.:."..2% a PETRY oc AGED ae
HEMIPTERES SHRTEROPTERES. cee ae
Fam. X,.—Cimicides 2.2... .:: Bel De Pog ae 2 dite = tg eae eee RE 169 2
Fam. XI— Nabidési.. 2) 3.220% ppc ae
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12 francs:
On ne s’abonne pas pour moins ae une année ou dun “de Coie
quien fontla demande dans le cours de la RERO recommen’ the
uuméros déjà parus de ce volume, ees
ues Toutes corr espondances, remises, ENST bios doivent
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.” ee Paye HEAR
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AVIS IMPORTANT. DER Pass de poste du Hoptbouge ee
tant pas de mandats d’argent, C’est sur celui de Québec quil faut les -
us ê is et les AR CE pee exigeant Tes poms et préenema ce det:
aoe Base ANCHER -
AGENTS pu NATURALISTE -
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“PROISIEME PELERINAGR CANADIEN
EN TERRE-SAINTE
N'y ayant pas en de pèlerinage aux Lienx-Saints en 1885 et 1886;
plusieurs wont sollicité Wen organiser th pour cette année, de amanicre
à ce que Jes pèlerins passent en cme temps assister aux solennités
des noces Wor dé” Sa Sainteté Léon XT Après diverses correspon-
dances avec mes agents en Orient, voici ce qui a été définitivement
réglé.
Le pèlerinage prendra à New-York lesteamer de la ligne française
pour le Havre, samedi le 19 Novembre, et voici quel sera l'itinéraire :
New-York Novembre 19 RETOUR
Le Hävre RE et Jésuralem Janvier 5
Paris be 30.Déc. 1,2,3 Riunleh > D
Lyon 4.5 Jaffa LA 6
Marseille pe G, 7 Port-Said ce 7
Stcamer des Mexsageries Ma- Alexandrie oom ower kG
ritimés af 8, 9 Naples F 14
Naples (1) “ 10 Rome (7) i 16
Alexandrie < 14 Ancone (8)
Le Caire (2) 1415, 16 Vénise
Ismailia (3) fs ry Milan.
Port-Sai t fé 18 Turin
Jaffa (4): é 19 Lyon :
Ramlch ie 19 Lourdes
Jérusalem DS Le 20 Bordeanx
* S. Jean, Bethiéem (5) S. Sabas, le Paris
; Jourdain la Mer Morte (6) Havre
| Niw-York
(1) Arrivée A Naples le samedi versles 6b., on en repart à Th. P. M.
2) Du Caire où va visiter les Pyramides, Parbre de la Vierge ete.
(3) Du Caire on se rend par chemin de fer à Ismaiia où Von prend
un bateau sur le canal de Suez qui nous améne à Port-Said dans la
soirée du samedi. ue dimanche soir on reprend le steamer et le lundi
matin on débarque a Jaffa. sees
(4) Le trajet de Jaffa à Jérusalem, 16 Tienes, se fait en voitures.
Qn laisse Jaffa dans l'après midi et l’ou conehe à Ramleh (5 lieues) pour
arriver à Jérusalem le lendemain vers les 4h. P, M.
(5) Ow sarrangera de manière à passer lamiut de Noël à Bethléenr,
é (6) Partant de Jérnsaiem à 2h. P. M., on couche aS. Sabas, le
> > | Jendemai on visite la mer Morte et le Jourdain et l'on couched Jericho,
‘ et l'on arrive le jour suivant pour le diner a Jerusalem.
| (7) Les pèlerins se réanissent à Rome pour Paudience du Saint-
Père. et ensuite chacun opère son retour quand bon lui semble, les
billets étant valables pour un au. eae
(8) Ceux qui venlent visiter Lorette doivent. s'arrêter à Ancone
pour prendre une autre voie qui les ramène, au même lieu le lendemain
s'ils le désirent. :
PRIX.
Première classe dans les steamers et 2e classe en chemins de fer $480.
Seconde clase partout À PRE 6 : oP $425,
se, CPR age
Wigeeeae —— ee rss
DEUXIÈME ITINERAIRE GIS ARE
Le ième que pour le premier jusqu'au retour à Paris, puts? g
Dieppe, Now-Heavens, Londres, Liverpool, Québec." "#07.
PRIX. Be te
Premiere classe en steamers et Qe classe en chemins de fer 8900.
Ces prix comprennent tons les transports tant par steamers qire pa
voies ferrées ct par terre en Terre-Sainte, cn outre la pension à bord
des steamers ainsi que durant les 18 jours que lon passe en Tevre- |
Sainte. Spake gee att th, ae
Cenx qui voudraient visiter la Samarie. la Galilée, Ja Syrie ete. [> 4
voyage des plus intéressants, pourront faire changer leurs billets à}
Jérusalem. LE
Une croix spéciale, argent émaillé en rouge, est donnée aux.
pèlerins ; eette croix leur sera remis@à Marseille, ee À
Tous ceux qui se proposent de faire fe voyage sont priés de vouloir
bienan'en informer an plus tôt, pour que les arrangements soient pris,
sans délai wie ra
Comme tons les arrangements ge cléront à Québee. il fandra m'en:
veyer le coût du trajet par triutes sur les banques de cette Province ou
celles des Etats-Unis, Quant anx argents qu'un chacun vondra em
porter pour sel, on pourra prendre des traites de la Compagnie Cook, +
divisées en £10 sterling, payables dans toutes les principales villes du | -
parcours, Paris. Naples, Alexaudrie, Jérusalem, Rome ete., ete. ML
Pour pius amples infortuations adresser au sonssigné,
L'ABBÉ PROVANCHER,
CapRouge, Québec.
N. B.—Si les nonvelles du choléra qu'on mentionne en Orient se,
continuaient, Je départ serait ajourné à une date ulrérienre. Avis en.
sera donné en temps conven:ble. ‘
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-RILEY’S MISSOURI ENTOMOLOGICAL REPORTS
For sale or Exchange. Write for terms to Hry Skhaer,2' 7 N. Third Street. ©
; StLouis, Mo.
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DE QUEBEC A JERUSALEM.
Journal d'un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à —
travers l'Angleterre, la France, VEgypte, la Judée, la Samarie, Ja
Galilée, la Syrie et Plrahe, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
séographiques. Par Abbé Provancher.— Quéliee, C. Da veau, Le
Ce récit qui foime un volnuie de 724 pages in 8, avec cartes et
plans d'une exécution parfaite. est encore l'ouvrage le plus complet
publié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comine lés
pelorumges anx Lienx-Saints deviétiuent de plus en plis fréquents, ceux |
qui se proposent ce Voyage, ne peuvent mieux sy préparer que par la
lecture de ces pages, et ceux qui s'én voient empechés penvent, jasqu'à.
un certain. point, s'en dédommager en parcourant par la pensée, ‘au:
} moy n de ce régit, ces lienx bénits et à jamais mémorables, Es |
yy, Hope S2,— Chez M. Chiperon, iibraire, rue de ja Fabrique; M
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@ (Sur récéption du prix, le volume est expédié par Ja poste.) : oY) ‘
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CANADIEN,
BULLETIN DE RECHFERCHFS, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
BE RAPPORTANT A L’ HISTO!!!) NATURELLE DU CANADA,
Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER,
CAP ROUGE:
PROVINCE DE QUÉBEC,
CANADA.
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Imprimé par C. Darveav, 86 à 84, rue de la Montagne, Québec
SOMMAIRE DE CE NUMERO.
Primes 220200 raed Suigan sod ae. crever rate er en ee EC
Excursion de la presse au lac St-Jean (Suite) .... .............. 58
Bibliographie ue e jade d'u pe » sa = a soirs ie qooccses ose < nn sm» PO NVESPEERR 63
ADDITIONS A LA FAUNE HYMÉNOPTÉROLOGIQUE.
Pam. &l-—Mutillides (suite) . : 22 20e... ete meus shure
Bani es -Scohadides. - 2-21... CR ER EEE
Fam. XIII.—Sphégides........... DER UT Lu: 2 2 Sie tee Re DE
Fam. X1V—Pompilides.... ..... ie RE ae 259
HÉMIPTÈRES—HÉTEROPTÈRES.
Ram.eXN="Réduvnties ses... es EEE de ee eee LUE
Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume; chaque volume commengant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de l'Union Postale
12 francs.
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent ls
numéros déjà parus de ce volume.
pes? Toutes correspondances, remises, réclamations, ete., doivent
être adres-ées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
AVIS IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qwil faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
LÉON PROVANCHER.
AGENTS DU NATURALISTE
Québec.— M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins. ï
ÉROINEEME PELERINAGE CANADIEN
EN TERRE-SAINTE
Les journaux ayant signalé quelques nouveaux cas de choléra en
Italie, j'ai cru devoir retarder l’époque du départ du pèlerinage au mois
de janvier, pour ne pas exposer les pèlerins à subir en Egypte des qua-
rantaines des plus disgracieuses, que le gouvernement se plait à im-
poser sous le moindre prétexte.
En conséquence, le pèlerinage prendra à New-York le steamer de
la ligne française pour le Havre, samedi Je 28 janvier prochain, au lieu
du 19 novembre tel que précédemment annoucé, et voici quel sera le
nouvel itinéraire.
New-York Janvier 28 RETOUR
Le Havre Février 8
Paris bs 8 Jésuralem Avril 4
Bordeaux À 13 Ramleh oe 5
Lourdes “6 14 Jaffa fe 6
Marscille és , 18 Port-Said oe 7
Génes US De Alexanudrie 2 87,9 0G
Florence cs 29 Naples se 14
Assise fs 26 Rome (7) es 16
Rome sé 27 Ancône (8)
Naples (1) Mars 10 V énise
Steamer des Messageries Milan
Mariiimes Mars Tate sls Turin
Alexandrie SE 14 Lyon
Bie, Care. (2): 15, 16 touen
Isinailia (3) sm ICA Dieppe
Port-Said re à 18 Lourdes
Jaffa (4) ci 19 Liverpool
Ramleh UC 19 Ligne Allan Québec
Jérusalem oy 20
S. Jean, Bethléem (5), 8. Sabas,
le Jourdain, la Mer Morte (6).
(1) Le steamer français laisse Naples lesamedi à 1h. P. M.
(2) Du Caire on va visiter les Pyramides, l’arbre de la Vierge ete.
(3) Du Caire on se rend par chemin de fer à Ismailia où l’on prend
un bateau sur le canal de Suez qui nous amène à Port-Said dans la
soirée du samedi. Le dimanche soir on reprend le steamer, et le lundi
matin on débarque à Jaffa.
(4) Le trajet de Jaffa à Jérusalem, 16 lieues, se fait en voitures.
On laisse Jaffa dans l'après midi et l’on couche à Ramleh (5 lieues) pour
arriver à Jérusalem le lendemain vers les 4h. P. M.
(5) Dans une première excursion on visite St-Jean et Bethléem, et
dans une seconde St-Sabas, la Mer Morte, le Jourdain, Jéricho, ete.
(6) Partant de Jérusalem à 2h. P. M., on couche à S. Sabas, le
lendemain on visite la mer Morte, le Jourdain, Jéricho, où l’on passe la
nuit, et l’on arrive pour le diner à Jérusalem.
(7). Comme on aura eu l’audience du S. Père avant d’aller en
Orient, revenu à Rome, chacun sera libre d'opérer son retour quand
bon lui semblera, les billets étant valables pour un an.
(8) Ceux qui veulent visiter Lorette, doivent s’arrêter à Ancône
pour prendre une autre voie qui les ramène au même lieu le lendemain
s’ils le désirent.
Seconde clase partout : : _ $430. 4
Je ne donne le détail que d'un seul itinéraire, parce que je suppose |
que personne visitant PEnrope ne voudrait s’en revenir sans passer par
l'Augleterre. D'ailleurs à quelque point du trajet qne l'on se trouve, |
si l’on se décide à changer de direction. il est toujours facile de le faire,
en ajoutant au prix si on allonge le trajet, où en retirant si on le racourcit.
_ Les prix ei-dessus compr ennent tous les transports tant par steamers
que par voies ferrées et par terre en Terre-Sainte, en outre Ja pension
à bord des steamers ainsi que durant les 18 jours que l’on passe en
Terre-Sainte ; mais si par suite d'accidents, on se trouvait exposé à des
dépenses non-ordinaires, ces dépenses seraient à la charge sc chacun.
Ceux qui voudraient visiter Ja Samarie, Ja Gatilée, la Syrie ete.,
voyage des plus intéressants, et revenir par Smyrne, Constantinople,
cte., pourront faire changer leurs billets à Jérusalem.
"Une croix spéciale, argent émaillé en rouge, est donnée aux
pèlerins ; cette croix leur sera remise à Lourdes,
Tous ceux qui se proposent de faire fe voyage sont priés s de vouloir
bien n'en informer au plus tôt, pour que les arrangements soient pris
sans délai. |
Comme tous les arrangements se cloront à Québec, il faudra m’en-
voyer le coût du trajet par traites sur les banques de cette Province on
celles des Etats-Unis, pas plus tard que le 10 janvier prochain, Quant
aux argents qu’un chacun as emporter pour soi, on pourra prendre,
à New-York, des traites de la Compagnie Cook, divisées en £10
sterlmg, payables dans toutes les principales villes du parcours, Paris,
Naples, ” Alexandrie, Jérusalem, Rome ete., ete.
Pour plus amples informations s'adresser an soussigné,
L’ABBE PROVANCHER,
CupRouge, Québec.
RILEY’S MISSCURI ENTCMOLCGICAL REPORTS
For sale or Exchange. Write for terms to Hry Skaer, 2.7 N.Third Street.
St-Louis, Mo.
DE QU LBEC Bi JER USALEM.
Journal d'un pèlerinage du du en Terre-Sainte, en passant à
travers Angleterre, la Fiance, PEgypte, la Judée, la Samarie, Ja
Galilée. la Sy rie ch ltalie, Ouvrage wecompagne de pli ims ei de cartes
géograrhiques. Par Abbé Proyancher.— Québee, C. Dai venu, 1884
Ce récit qui fo me un volume de 724 pages in 8, aves Cartes et
plaus dune exécution parfaite. est encore l'ouvrage le plus comple
publié jusqu'à ce jour sur In Terre-Sainte en Canada. Comme les
pelerinages aux Lienx-Saints deviennent de pius en plus fréquents, eeux
qui se proposent ce voyage. ne pOur elt We UX xy Préparer que par la
lecture de ces pages. ec Ceux qui s'en Votent empethés peuvent, jus qu'à |
un certain point, sen dédomimager eu parcouranl par liu pensée, au
moy nde ce récit, ces lienx bé its et à jtumais mémorables,
PRIX &2.— Chez M. Fournier, nbraire, rue de la ae
, Québec. ou s'adresser directement à Vauienr, au Cap Rouge.
(Sur réception du prix, le volmme est expédié par Ja pus: &
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= classe dans les steamers et 2e classe en chemins ae fay $50
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BE RAPPORTANT A L'HISTOIRE NATURELLE DU CANADA,
Rédacteur: M. [. L'ABBÉ PROVANCHER,
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CAP ROUGE:
PROVINCE DE QUEBEC,
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Imprimé par C. Darveau, 80 à 84, rue de la Montagne, Québec
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Primes Dee torenres 10000 mm seems mms. &5
Unité des forces de la nature, et nouvelle théorie de Ja chaleur solaire
et de Ja gravitation universelle (Suite)... seseee cnneneaseneee OO
Coloration verte de Ja mer... IS. 2 RP
Le Darwinismeé: (Suile).:... 2,2 ae Cs 0 0b Ve SR eae oe ee
Bibliographie RS foe tein MARNIE = ace vee center RE RERO aie
ADDITIONS A LA FAUNE HYMÉNOPTÉROLOGIQUE.
Fam. XIV—Pombpilides (suite) ... D... Cees 261
Fam; & V.1.2—Tnarrides 002 os 2s ade aie’ OS UD
Fam: X VIE—Nyssonides ©..." AOL st hs siecle ae a eee ann
BREMIPTERES—HETEROPTERES.
Fam. XII: Réduvides (suite). deca nea. a's ae ESSOR
Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume; chaque volume commençant au premier juillet.
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de l’Union Postale
12 francs.
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent 12s
numéros dé;à parus de ce volume.
mé” Toutes correspondances, remises, réclamations, ete., doivent
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec. À
AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
Léon PROVANCHER.
AGENTS DU NATURALISTE
Québec.—M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
The West American Scientist.
This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
size and circu'ation with the rapid improvement and settlement of San
Diego City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientifie in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and cireulates amon ig a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the south rn counties,
It is the first and only purely Scienfific Journal of all the 393 periodi-
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
tific magazines of ‘he day.
Subscription price, $1.00 year. Single copy, 10 cents.
Addrrss :
€. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
SAN DIEEO, CALIFORNIA,
PRIMES POUR LE VOLUME XVII.
lére Prime.
Juillet — Cassis Madacascarienis,
Lam. Casque de Madagascar.
Août—Faune, les Coléoptères.
lume de 785 pages.
Septembre—Cassis rufa, Lin. Cas-
que rouge.
Octobre—De Québec à Jérusalem.
Volume de 800 pages.
Novembre— Turbo pica, Lin. Sa-
bot pie.
Décembre — Un petit microscope
pour la botanique et Pentomole-
gie.
Janvier—Cecil’s Book of Birds.
Illustré.
Février — Hyppopus maculatus,Lam.
Hyppope maculé.:
Mars—Cecil’s Book of Insects.
lustré.
Avril—Murez regius, Lam. Rocher
royal.
Mai — Crombies Lichens Britan-
nici. Les Lichens de lAngle-
terre.
Juin—Murex radix, d'Argens, Ro-
cher racine.
Vo-
q]-
2iéme PRIME.
Cyprea seurra, Lin. Porcelaine pa-
rasite.
Conus gæbernator, Lam. Cône gou-
verneur.
Cypraa lynx, Lamark. Porcelaine
lynx,
Cassis testiculus, Lam. Casque bon-
netese
Voluta musica, Lin. Volute instru-
ment de musique.
Fusus Dupetitheuarsi, Kien, Fu-
seau de Dupetithouars.
Murex trunculus, Lam. Rocher tron-
cule.
Oliva litéerata, Lam. Olive écrite.
Cassis echinophora, Lin. Casque
porte-épiue.
Cyprea mappra,
géographique.
Purpura hemustema, Lin.
bouche-rouge.
Lin.
Porcelaine
Peurpre
Cassis saburon, Brug. Casque sa-
buron.
N. B.—Pour avoir droit à réclamer la prime, il faut avoir payé son
abonnement d'avance, et posséder en outre, la livraison portant écrit en
crayon bleu, sur la couverture, le numéro indiqné pour teile prime.
Tout abonné reclamant l’une quelconque de ces primes, devra envoyer
8 centins pour en payer le postage,
REP SP PP EEE Vo PERTE
La date du départ de New-York pour le pèlerinage en
| Terre-Sainte à été reportéé au 28 janvier prochain.
DE QUEBEC A JERUSALEM.
Journal d'un pélerinage du Canada en Terre-Sainte, en Pagsant à
travers JAngleterre, la France, PF gyyte, la Judée, la Samarie, Ja
Galilée, la Syrie et l’Itahe, Ouvrage aceompagué de plans et de cartes
Receraniquce: Par l'Abbé Provaneher.— Québec, C. Darveau, 1884.
Ce réeit qui forme un volume de 724 pages in-8, avee cartes et
plans d’une exéeution parfaite, est encore l'onvrage le plus complet
publié jusqu’à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plas en plus fréquents, ceux
qui se proposent ee voyage, ne peuvent mieux s'y préparer que par Ja
lecture de ces pages, et ceux qui s’en voient empêchés peuvent, jusqu’à
un certain point, s’en dédommager en parcourant par la pensée, au
moyen de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables.
PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire, rue de Ja Fabrique,
Québec, ou s'adresser directement à Pauteur, au Cap Rouge,
(Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.)
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CANADIEN.
“BULLETIN DE RECHERCHFS, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
BE RAPPORTANT A L'HISTOIRE NATURELLE DU CANADA,
Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER,
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CAP ROUGE:
PROVINCE DE QUÉBEC,
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[mprimé par C. Darveau, 80 à 84, rue de la Montagne, Québec
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Tzrora.ce en fait d’entomologie .2428..... dde SP RACE LE a
© ADDLITIONS A LA FAUNE HYMÉNOPTÉROLOGIQUE.
Fam XVIII = Grabronden, 2. M... Jaane os NE
Sous-Fam.1.—Philanthides LAN UN, SR Re E
Sous-Fam.TI=Mimiésides ....\\ RO ced iran PTT 4
Sous-Fam. IIT.—Pemphrédonides..-:.. APRES Sia See et Pattes NI ER De
Sous-Fam. IV.—Crabronides vraies:-...:.:..-
k HÉMIPTÈRES—HÉTEROPTÈRES.
Fam XT! =Réduvidés (suite). veus vevesssar ce 0e OR NOR
am, A le—Saldides 2.2". 22. SR" Je es NH RETES LE a
Le Naturarjste CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, go par année, ou à
mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet 4
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de PUnion Postale ae
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Ouméras déjà parus de ce volume.
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tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
- prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Natwraliste doivent être pris au nom de M. F
Lion PROVANCHER.
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ea Québec. —M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
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~The West American Scientist,
This Magazine was first issued in in 1884, a has steadily increased in
size and cireu ation with the rapid improvement and settlement of San
Diogo City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character,
cates, yet of a popular stylé, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates amoig a very intelligent class through-
as its name indi-
out the Pacifie Coast, especially in the south rn counties.
It is the first and only purely Scienfific Journal of all the 393 periodi-
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains,
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it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
tifie magazines oF he day.
. Subscripti on price, $1.00 year. Single copy, 10 ce. ‘ts.
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C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
SAN DIEEO, CALIFORNIA.
PRIMES POUR LE VOLUME XVII.
lére Prime.
= Juillet — Cassis Madacascarienis,
Lam. Casque de Madagascar.
Août—Faune, les Coléopières.
lume de 785 pages.
Septembre—Cussis rufa, Lin. Cas-
que rouge.
Oc obre—De Québec à Jéru-alem.
Volume de 8)0 pages.
Novembre— Turbo pica, Lin.
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pour la botanique et l’entomolo-
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Janvier— Cec ls Book of Birds.
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N. B.—Pour avoir droit à réclamer la prime, il faut avoir payé son.
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ment de musique.
Fusus Dupetithouursi, Kien.
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Murex trunculus, Lam. Rocher tron-
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Oliva litteruta, Lam. Olive écrite.
Cassis echinophora, Lin.
porte-épine.
Cyprea mappra, Lin.
géographique.
Purpura hemustoma, Lin
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Cassis saburon, Brug.
buron.
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abonnement davance, et posséder en outre, la livraison portant écrit en
crayon bleu, sur la couverture, le numero indiqné pour te le prime.
Tout abonné reclamant V’ une quelconque de ces primes, devra envoyer
8 centins pour en payer le postage.
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l'un des premiers Canadiens qui se'soient liviés à l'étude de notre Flore. |
et qui pendant plus de 40 ans, à glané à gauche et à droite, parmi nos 3
plantes, tant indigènes qu’exotiques cultivées dans nos jardins, pour for-
mer cette collection.
Conditions des plus faciles. Demandez le Catalogue. |
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La date du départ de New-York pour le pèlerinage en
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Journal d'un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à
travers l'Angleterre, la France, l'Egypte, la Judée, la Samarie, la
Bl Galilée, la Syrie et ’'Itahe, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
s géographiques. Par l'Abbé Provancher.— Québec, C. Daiveau, 1884.
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exécution parfaite, est encore l’onvrage le plus complet
publié jusqu’à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
Rs qui se proposent ce voyage, ne penvent mieux s'y préparer que par la
. lecture de ces pages, et ceux qui s'en voient empêchés peuvent, jusqu’à
un certain point, s’en dédommager en parcourant par la pensée, au 4
moy. n de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables.
PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire, rue de la Fabrique,
Québec, ou s'adresser directement à l’auteur, au Cap Rouge.
(Sur réception du prix, le volume est expédié par Ja poste.) ;
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CANADIEN,
BULLETIN DE RECHFRCHFS, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
BE RAPPORTANT A L’ HISTO! hk) NATURELLE DU CANADA,
Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER,.
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ADDITIONS A LA FAUNE HYMÉNOPTÉROLOGIQUE.
Le NaTuRALISTE CANADIEN parait au commencement de chaque
Rte par livraisons de 32 pages in-8.
: Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume chaque ‘volume commençant au premier joallee
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de l'Union Postale
12 francs.
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On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent Les
| numéros déjà parus de ce volume. :
| : yes" Toutes correspondances, remises, réclamations, etc., doivent
_ être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
AVIS IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
| prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
_nataire, tous mandats pour le Natuwraliste doivent être pris au nom de M.
Léon PROVANCHER.
à AGENTS DU NATURALISTE
| Québec —M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
| Paris —MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
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ihe West American Scientist.
This Magazine was first issued in n 1884, and has steadily increased in
size and circu'ation with the rapid improvement and settlement of San
Diogo City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out.the Pacific Coast, especially in the south rn counties.
It is the first aud only purely Scienfifie Journal of all the 393 periodi- -
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
it is surely taking the front.rank with the Popular, as well as the Scicu-
tific magazines of ‘he day.
Subscription price, $1.00 year. Single copy, 10 ce ts.
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C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
SAN DIEEO, CALIFORNIA.
PRIMES POUR LE VOLUME XVII.
lére PRIME.
Juillet — Cassis Madacascarienis,
Lam. Casque de Madagascar.
Août—Faune, les Coleopiéres.
luine de 785 pages.
Septembre—Cassis rufa, Lin. Cas-
que rouge.
Oc obre—De Québec à Jérusalem.
Volume de 810 pages.
Novembre— Turbo pica, Lin. Sa-
bot pie
Décembre — Un petit microscope
pour Ja botanique et l’entomolo-
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Février— Hyppopus maculatus,Lam.
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N. B.—Pour avoir droit à réclamer la prime, il faut avoir payé son
abonnement d’avance, et posséder en outre,
la livraison portant ecrit en
crayon bleu, sur la couverture, le num*ro indiqné pour. te le prime.
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8 centins pour en payer le postage.
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Journal dun pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à
travers l’Angleterre, la France, l'Egypte, la Judée, la Samarie. la
Galilée, la Syrie et l'Italie, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
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publié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comme les 1
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un certain point, s’en dédommager en parcourant par la pensée, au
+ moyen de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables.
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CANADIEN,
BULLETIN DF RECHERCHFS, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
BE RAPPORTANT A L'HISTOIRE NATURELLE DU CANADA,
Rédacteur : M. L'ABBÉ PROVANCHER.
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ADDITIONS A LA FAUNE HYMÉNOPTÉROLOGIQUE.
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
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qui en font la demande dans le cours de Ja publication, reçoivent 12s
numéros déjà parus de ce volume.
Hé Toutes correspondances, remises, réclamations, etc., doivent
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d'argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
Lton PROVANCHER.
AGENTS DU NATURALISTE
Québec.— M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
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The West American Scientist,
This Magazine was first issued in
1884, and has steadily increased in
size and circulation with the rapid improvement and settlement of San
Diogo City and County,
been. remarkable.
whose growth within the past few months has
Original and Scientific in ehar acter, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the south rn counties.
It is the first and only purely Scienfific Journal of all the 393 periodi-
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
tific magazines of the day.
Subscription price, $1.00 year. Single copy, 10 cents.
Addrrss:
C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
SAN DIEEO, CALIFORNIA.
PRIMES POUR LE VOLUME XVII.
lére PRIME.
Juillet — Cassis Madacascarienis,
Lam. Casque de Malagascar.
Aott—Faune, les Coléoptères. Vo-
lume de 785 pages.
Septembre—Cassis rufa, Lin. Cas-
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Ociobre—De Québec à Jérusalem.
Volume de 810 pages.
Novembre— Turbo pica, Lin. Sa-
bot pie.
Décembre — Un petit microscope
pour la bofanique et l’entomolo-
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Janvier—Cecils
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Février — Hyppopus maculatus,Lam.
Hyppope maculé.
Book of Birds.
Mars—Cecil’s Book of Insects. Il-
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Avril Murexreyius, Lam. Rocher
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Juin— Murex radix, d’Argens, Ro-
cher racine.
2ième PRIME.
Cyprea scurra, Lin. Porcelaine pa-
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ment de musique.
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Oliva litterata, Lam. Olive écrite.
Cassis echinophora, Lin. Casque
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abonnement d’avance, et posséder en ontre, la livraison portant écrit en
crayon bleu, sur la couverture, le numero indiqné pour tele prime.
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de quinze volumes, grand format. et contenant plus de 500 es) éces de
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l'un des premiers Canadiens qui se soient livrés à l’étuce de notre Flore.
et qui pendant plus de 40 ans, a glané à gauche et à droite, parmi wes :
plantes, tant indigénes qu exotiques euitivi ées dans nos jardins, pour for-
mer cette collection.
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AUGUSTE BÉDARD.
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Galilée, la Syrie et l’Itahe, Ouvrage accompagné de plans et de cartes |
géographiques. Par l'Abbé Provancher.— Québec, C. Diu veau, 1884 s
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Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exéention parfaite. est encore l'ouvrage le plus complet
publié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne penvent mieux sy préparer que par la
lecture de ces pages, et ceux qui s’en voient empéchés peuvent, jusqu'à
un certain point, s’en dédommager en parcourant par la pensée, au
moyen de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables.
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Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER.
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par yo'ume chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans Jes 12 mois qui suivent. -
Pour la France et les autres pays faisant partie de l'Union Postale
12 francs.
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent Lis
numéros déjà parus de ce volume. |
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être adres-ées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
AVIS IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
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Québec.— M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
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The West Amarican Scientist,
This Magazine was first issued in 1834, and has steadily increased in
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it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
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| C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
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. PRIMES POUR LE VOLUME XVII.
lére PRIME.
Juillet — Cassis Mudacascarients,
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Août—Faune, les Coléop.éres. Vo-
lume de 7X5 pages.
Septembre—Cussis rufa, Lin. Cas-
que ronge.
Oc obre—De Québec à Jérusalem.
Volume de 810 pages.
Novembre— Turbo pica, Lin. Sa-
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Décembre — Un petit microscope
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Janvier—Cecil’s
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Février—Ayppopus maculatus,Lam.
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Mars—Cecil’s Buok of Insects. Il-
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Avril—Murex reyius, Lam. Rocher
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Mai —Crombie’s Lichens Britan-
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2ième PRIME.
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abonnement d’avance, et posséder en outre, la livraison portant écrit en
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L'ABBÉ L. Z. CHANDONNET,
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exactement cétarminées et en Lan état de conservation, cet ffert en
vente. Cet herhicr est l'œuvre de fer le Notaire Bédard, de Lothiniere.
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et qui pendant plus de 40 ans. à glané à gauche et à droite, parmi nos
plantes, taut indigenes qu'exotiques cultivées dans nos jardins, pour for-
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AUGUSTE BEDARD.
St-Louis de Lotbiniére, Québec.
DE QUEBEC A JERUSALEM.
Journal d'un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à .| . a
travers l'Angleterre, la France, PF gypte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et lItahe, Ouvrage accompagné de plans et de eartes
géographiques. Par PAbbé Provancher.— Québec, C. Da veau, 1884.
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exéeution parfaite, est encore l'ouvrage le plus complet
publié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comime les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce Voyage, ne peuvent mieux S'y préparer que par la
lecture de ces pages. et ceux qui s’en voient empéchés peuvent, jusqu'à
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Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER.
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ADDITIONS A LA FAUNE HYMÉNOPTÉROLOGIQUE.
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
.mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet.
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent. é
Pour la France et les autres pays faisant partie de l'Union Postale
12 franes.
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent 1+s
‘numéros déjà parus de ce volume.
yes Toutes correspondances, remises, réclamations, etc., doivent
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
‘tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu'il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
Léon PROVANCHER.
AGENTS DU NATURALISTE
Québec.— M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
The West American Scientist.
This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
size and circulation with the rapid improvement and settlement of San
Diogo City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable.
Original and Scientifie in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the south rn counties.
It is the first and only purely Scienfifie Journal of all the 393 periodi-
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
tific magazines of the day.
Subscription price, $1.00 year.
Addrrss :
Single copy, 10 cents.
C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
SAN DIEEO, CALIFORNIA.
PRIMES POUR LE VOLUME XVII.
lére Prime.
Juillet — Cassis Madacascarienis,
Lam. Casque de Madagascar.
Août—Faune, les Coléoptéres. Vo-
lume de 785 pages.
Septembre—Cassis rufa, Lin. Cas-
que rouge.
Octobre—De Québec à Jérusalem.
Volume de 800 pages.
Novermbre— Turbo pica, Lin. Sa-
bot pie.
Décembre — Un petit microscope
pour la botanique et. l’entomolo-
gie.
Janvier—Cecil’s Book of Birds.
Illustré.
Février —Hyppopus maculatus, Lam.
Hyppope maculé.
Mars—Cecil’s Book of Insects. II-
lustré
Avril— Murex reyius, Lam. Rocher
royal.
Lichens Britan-
de: PAngle-
Ro-
Mai — Crombie’s
nici. Les Lichens
terre.
Juin—Murex radix, d’Argens,
cher racine.
_ 2ième PRIME.
Cypræa scurra, Lin. Porcelaine pa-
rasite.
Conus gubernator, Lam. Cône gou-
‘verneur.
Cyprea lynx, Lamark. Porcelaine
lynx.
Cassis testiculus, Lam. Casque bon-
net.
Voluta musica, Lin. Volute instru-
ment de musique.
Fusus Dupetithouarsi, Kien, Fu-
seau de Dupetithouars.
Murex trunculus, Lam. Rocher tron
. cule. Fant
Oliva litterata, Lam. Olive écrite.
Cassis echinophora, Lin. Casque
porte-épine.
Cyprea mappra, Lin. Porcelaine
géographique.
Purpura hemustoma, Lin. Pourpre
bouche-rouge.
Cassis saburon, Brug. Casque sa-
buron. |
N. B.—Pour avoir droit à réclamer la prime, il faut avoir payé son
abonnement d'avance, et posséder en outre, la livraison portant écrit en
crayon bleu, sur la couverture, le numéro indiqné pour tele prime.
Tout ab nné reclamant l’une quelconque de ces primes, devra envoyer
8 centins pour en payer le postage.
Un Herbier a
A vendre UN HERBIER fait avec un soin extréme se composant |
de quinze volumes, grand format, et contenant plus de 510 espèces de
plantes des environs de New-York, toutes exactement déterminées.
S'adresser au soussigné.
L’ABBE L. Z. CHANDONNET,
Amawaik Station, N. Y.
Un Herbier a vencre.
UN HERBIER de près de 1000 espèces de plantes Canadiennes,
exactement déterminées et en hon état de conservation, est ert en
vente. Cet herbier est l'œuvre de fenle Notaire Bédard, de Lothirière.
l'un des premiers Canadiens qui se soient liviés à l'étude de notre Flore,
et qui pendant plus de 40 ans, a glanéà gauche et à droite. pari nos
plantes, tant indigènes qu’exotiques cultivées dans nos jardins, pour for-
mer cette collection. |
Conditions des plus faciles. Demandez le Catalogue.
S’adresser a
AUGUSTE BEDARD.
St-Louis de Lotbiniére, Québec.
DE QUEBEC A JERUSALEM.
Journal d'un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à
travers l'Angleterre, la France, l’Egypte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l’Itahe, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
géographiques. Par PAbbé Provancher.— Québec, C. Darveau, 1884.
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exécution parfaite, est encore l'ouvrage le plus complet
publié jusqu'à ce jour sur Ja Terre-Sainte en Canada. Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne peuvent mieux s'y préparer que par_la
lecture de ces pages, et ceux qui s’en voient empéchés peuvent, jusqu’a
un certain point, s'en dédommager en parcourant par la pensée, au
moyen de ce récit, ces lieux bénuits et à jamais mémorables,
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i PRIX $2.— Chez MM. Fournier, libraire, rue de Ja Fabrique,
aa ou s'adresser directement à Pauteur, au Cap Rouge.
(Sur réception du prix, le volume est expédié par Ja poste.)
Vol. XVII. | JUIN 1€88 No. 12
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PROVINCE DE QUÉBEC,
CANADA.
Imprimé par C. Darveau, 80 à 84, rue de la Montagne, Québec
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ADDITIONS A LA FAUNE HYMÉNOPTÉROLOGIQUE. : 3
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
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mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de l'Union Postale
12 francs,
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qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent 12s
numéros déjà parus de ce volume.
ges" Toutes correspondances, remises, réclamations, ete., doivent
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
AVIS IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
LÉON PROVANCHER.
AGENTS DU NATURALISTE
Québec.— M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch,
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
The West American Scientist.
This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
size and circulation with the rapid improvement and settlement of San
Diego City and County, whese growth within the past few months has
been remarkable. Qriginal and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a pepular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the sonth»rn counties,
It is the first and only purely Scienfific Journal of all the 3
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cals in the state, in fact the only one west of the Rocky ‘ata and
it is surely taking the front rank with the Pepular, as well as the Scien
tific magazines of the day.
Subscription price, $1.00 year. Single copy, 10 cents.
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_C: R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
SAN DIEEG, CALIFORNIA.
PRIMES POUR LE VOLUME XVII.
lère PRIME.
Juillet — Cassis Madacascarienis,
Lam. Casque de Madagascar.
Août—Faune, les Coléoptères. Vo-
lume de 785 pages.
Septembre—Cussis rufa, Lin. Cas-
que rouge.
Ociobre—De Québec à Jérusalem.
Volume de 800 pages.
Novembre— Turbo pica, Lin. Sa-
bot pie.
Décembre — Un petit microscepe
pour la botanique et l’entemole-
gie.
Janvier—Cecils Book of Birds.
Illustré.
Février — Hyppopus maculatus, Lam.
Hyppope maculé.'
Mars—Ceeil’s Book of Insects. Il-
lustré.
Avril— Murex regius, Lam. Rocher
royal.
Mai —Crombie’s Lichens Britan-
nici, Les Lickens de l’Angle-
terre.
Juin—Murex radix, VArgens, Ro-
cher racine.
2iérae Prime.
Cyprea scurra, Lin. Porcelaine pa-
rasite.
Conus gubernator, Lam. Cône gou-
verneur.
Cyprea lynx, Lamark. Porcelaine
lynx.
Cassis testiculus, Lam.
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Voluta musica, Lan.
ment de musique.
Fusus Dupetithouarsi, Kien, Fu-
seau de Dupetithouars.
Casque bon-
Volute instru-
Murex frunculus, Lam. Rocher tron
cule.
Oliva litterata, Lam. Olive écrite,
Cassis echinophora, Lin. Casque
porte-épine.
Cyprea mappra, Lin. Porcelaine
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Purpura hemustema, Lin. Peurpre
bouche-rouge.
Cassis saburon, Brug, Casque sa-
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abennement d’avance, et posséder en outre, la livraison portant écrit en
crayon bleu, sur la couverture, le numéro indigné pour telle prime.
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8 centins pour en payer le postage.
CHANGEMENT D’ADRESSE
Les correspondants de 1 LL, A, Montandos sont informés qu'il |
a laissé son poste de Sinaia en Valachie, et que son adresse est main
tenant comme suit: L. A. Montanden, Directeur de la fabrique M. }
Th. Mandrea & Cie., Filarete— Bucarest, Roumanie.
Un Herbier a vendre.
A vendre UN HERBIER fait avec un soin extreme se composant
de quinze volumes, grand format, et contenant plus de 500 espèces de
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S’adresser au soussigné.
L’'ABBÉ L. Z. CHANDONNET,
Amawaik Stat.on, N. Y.
Un Herbier : a Ventre,
UN HERBIER de près de 1000 espèces de plantes Canadiennes,
exactement déterminées et en bon état de conservation, est offert en
vente. Cet herbier est l’œuvre de feule Notaire Bédard, de Lothirière.
l'un des premiers Canadiens qui fé soient liviés à l'étuse de notre Flore.
et qui pendant plus de 40 ans, a glané à gauche et à droite, parmi nos
plantes, tant indigènes qu’exotiques cultivées dans nos jardins, pour for-
mer cette collection.
Conditions des plus faciles. Demandez le Catalogue.
S’adresser à
AUGUSTE BÉDARD.
, St-Louis de Lotbiniére, Québec.
DE QUEBEC A JERUSALEM.
Journal dun pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à
travers l'Angleterre, la France, lEgynte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l'Jtahe, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
géographiques. Par l'Abbé Provancher.— Quebec, C. Darveau, 1884.
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d'une exécution parfaite. est encore l’onvrage Je plus complet
publié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada, Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus eu plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne peuvent mies Sy préparer que par la
lecture de ces pages. et ceux qui s’en voient empêchés peuvent, jusqu'à
un certain point, sen dédommager en parcourant par la pensée, au
moyen de ce recit, ces lieux béuits et à jamais mémorables.
PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire, rne de la Fabrique,
4 Québec, ou 8 adresser directement à l’auteur, au Cap Rouge. :
\ (Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.)
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ei BULLETIN DF RECHERCHES, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
| LA gE RAPPORTANT A L'HISTOIRE NATURELLE DU CANADA,
Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER,
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PROVINCE DE QUEBEC,
CANADA;
impriné par © Darveac, 50 à 84, rue de la Montagne, Québec
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ADDITIONS A LA FAUNE HyMENOPTEROLOGIQUE.
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mois, par livraisons de 32 pages in-8.
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mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de l’Union Postale
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qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent 12s
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être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
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tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu'il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et-prénoms du desti-
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Québec.—M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
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The West American Scientist,
This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
size and circulation with the rapid improvement and settlement of San
Diogo City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the southern counties.
It is the first and only purely Scienfific Journal of all the 393 periodi-
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
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SAN DIEEO, CALIFORNIA,
CHANGEMENT D’ADRESSE
Les correspondants de M. L. À. Montandon sont informés qu'il
a laissé son poste de Sinaia en Valachie, et que son adresse est main-
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tenant comme suit: L. A. Montandon, Directeur de la fabrique M. |
Th. Mandrea & Cie., Filarete— Bucarest, Roumanie. |
Un Herbier a vendre.
A vendre UN HERBIER fait avec un soin extrême se composant
de quinze volumes, grand format. et contenant plus de 500 espèces de
plantes des environs de New-York, toutes exactement déterminées.
S’adresser au soussigné.
L’ABBE L. Z. CHANDONNET,
Amawalk Station, N. Y.
Un Herbier : a ventre,
UN HERBIER de près de 1000 espèces de plantes Canadiennes,
exactement déterminées et en bon état de conservation, est offert en
vente. Cet herbier est l’œuvre de feu le Notaire Bédard, de Lothiriére.
l'un des premiers Canadiens qui se soient livrés à l'étude de notre Flore,
et qni pendant plus de 40 ans, a glané à gauche et à droite. parmi nos
plantes, tant indigènes qu’exotiques cultivées dans nos jardins, pour -for-
mer cette collection.
Conditions des plus faciles. Demandez le Catalogue.
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AUGUSTE BEDARD.
St-Louis de Lothiniére, Québec.
DE QUEBEC A JERUSALEM.
Journal d’un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant a
travers l'Angleterre, la France, ’Egypte, la Judée, la Samarie, la = |
Galilée, la Syrie et l’Itahe, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
géographiques. Par l'Abbé Provancher.— Québec, C. Daiveau, 1884.
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exécution parfaite, est encore l'ouvrage le plus complet
puilié jusqu’à ce Jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne peuvent mieux S'y préparer que par la
lecture de ces pages. et ceux qui s’en voient empechés peuvent, jusqu’à
un certain point, s’en dédommager en parcourant par la pensée, au
moy: n de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables.
PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire, rue de la Fabrique.
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( (Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.)
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BULLETIN DE RECHERCHES, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
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Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER,
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PROVINCE DE QUÉBEC,
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imprimé par ©. Darveau, 80 à 84, rue de la Montagne, Québec
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ADDITIONS A LA FAUNE HYMÉNOPTÉROLOGIQUE.
Supplément aux Additions: se ---.-..cens=sessse-m-----e GDL
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Ré Toutes correspondances, remises, réclamations, etc., doivent
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
Lion PROVANCHER.
AGENTS DU NATURALISTE
Québec.—M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
The West American Scientist.
This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
size and circulation with the rapid improvement and settlement of San
Diogo City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the southern counties.
It is the first and only purely Scienfific Journal of all the 393 periodi-
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
tific magazines of the day.
Subscription price, $1.00 year. Single copy, 10 cents,
Addrrss :
C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
SAN DIEEO, CALIFORNIA,
Les correspondants de M. L. A. Montandon sont informés qui
a laissé son poste de Sinaia en Valachie, et que son adresse est main-
tenant comme suit: L. A. Montandon, Directeur de la fabrique M.
Th. Mandrea & Cie., Filarete— Bucarest, Roumanie.
Un Herbier a vendre.
A vendre UN HERBIER fait avec un soin extrême se composant
de quinze volumes, grand format. et contenant plus de 500 espèces de
plantes des environs de New-York, toutes exactement déterminées.
S’adresser au soussigné.
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Amawaik Station, N. Y.
Un Herbier a venüre,
UN HERBIER de près de 1000 espèces de plantes Canadiennes,
exactement déterminées et en bon état de conservation, est offert en
vente. Cet herbier est l'œuvre de feule Notaire Bédard, de Lothiriére.
l'un des premiers Canadiens qui se soient hy) és à Pétuue de notre Flore,
et qui pendant plus de 40 ans, a glané à gauche et à droite, parmi nos
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mer cette collection. ‘
Conditions des plus faciles. Demandez le Catalogue.
S’adresser à
AUGUSTE BEDARD,
St-Louis de Lothinière, Québec,
DE QUEBEC À JERUSALEM,
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travers l'Angleterre, la France, PFgynte, la Judée, la Samarie, Ja
Galilée, la Syrie et PItahe, Ouvrage aceompagné de plans et de cartes
séographiques, Par PAbbé Provancher.—Quebee, C. Darveau, 1884.
Ce réeit qui forme un volume de 724 pages in-8, avee cartes et
plans d’une exécution parfaite, est encore louvrage lè plus complet
publié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada, Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne pelivent MIEUX s'y préparer que par Ja
scture de ces pages. et ceux qui s'en voient empechés peuvent, jusqu’à
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PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire. rue de la Fabrique,
A Québec, ou s'adresser directement à Pauieur, au Cap Rouge.
(Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.)
SEPTEMBRE 1888 No.
CANADIEN.
BULLETIN DE RECHERCHFS, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
Sk RAPPORTANT A L'HISTOIRE NATURELLE DU CANADA,
Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER
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PROVINCE DE QUEBEC,
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imprimé par ©, Darvrac, 86 à 8t, rue de la Montagne, Québee
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chaque année, et se complétant-dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de l’Union Postale
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On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent 12s
numéros déja parus de ce volume.
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étre adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
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AGENTS DU NATURALISTE
Québec.—M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch. —
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
The West American Scientist.
This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
size and circulation with the rapid improvement and settlement of San
Diogo City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the south:rn counties.
It is the first and only purely Scienfifie Journal of all the 393 periodi-
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
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CHANGEMENT D’ADRESSE
Les correspondants de M L. A. Montandon sont informés qu il
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l'un des premiers Canadiens qui se soient livrés à l'étude de notre Flore,
et qui pendant plus de 40 ans, a glané à gauche et à droite. parmi nos
plantes, tant indigènes qu ‘exotiques cultivées dans nos jardins, pour for-
mer cette collection.
Conditions des plus faciles. Demandez le Catalogue.
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AUGUSTE BEDARD.
St-Louis de Lotbiniére, Québec.
DE QUEBEU A. JÉRUSALEM.
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travers l'Angleterre, la France, Pi gypte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l'Italie, Ouvrage accompagné de wl ms et de wife
géographiques. Par l'Abbé Provancher.— Québec, C. Din veau, 1884.
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avee cartes et
plans d’une exécution parfaite. est encore Vouvrage le plus complet
publié jusqu’ à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada, Comine les
pele rinages aux Lieux-Saints deviennent de plus eu plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne pel uvent mictx. sy piéparer que par la
lecture de ces pages. et ceux quis en voient empechés peuvent, jusqu à
un certain point, sven dédonmmager en parcourant par la pensée, au
qu n de ce récit, ces lieux bé et à jamais mémorables,
PRIX $2.— Chez M. Fouruier, libraire, rue de la Fabrique,
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(Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.)
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Rédacteur: M. L’ [. L'ABBÉ PROVANCHER.
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ADDITIONS A LA FAUNE HYMÉNOPTÉROLOGIQUE.
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de l'Union Postale
12 francs. .
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent 12s
numéros déjà parus de ce volume.
ges Toutes correspondances, remises, réclamations, ete. doivent
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
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AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
Lron PROVANCHER.
AGENTS DU NATURALISTE
Québec —M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
The West American Scientist.
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This Magazine was firet issued in 1884, and has steadily increased in
size and circulation with the rapid improvement and settlement of San
Diego City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the southern counties.
| It is the first and only purely Seienfific Journal of all the 393 periodi-
| cals in the state, in fact the only One west of the Rocky Mountains, and
~ it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
tific magazines of the day.
Subscription price, $1.00 year. Single copy, 10 ceuts.
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CHANGEMENT D’ADRESSE
Les correspondants de M L. A. Montandon sont informés qu'il
a laissé son poste de Sinaia en Valachie, et que son adresse est main-
tenant comme suit : L. A. Montandon, Directeur de la fabrique M.
Th. Mandrea & Cie., Filarete— Bucarest, Roumanie.
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Un Herbier a vendre. | /
A vendre UN HERBIER fait avec un soin extrême se composant
de quinze volumes, grand format, et contenant plus de 500 espèces de
plantes des environs de New-York, toutes exactement déterminées. |
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Un Herbier a vendre.
UN HERBIER de près de 1000 espèces de plantes Canadiennes,
exactement déterminées et en bon état de conservation, est offert en
vente. Cet herbier est l'œuvre de feu le Notaire Bédard, de Lothirière.
l'un des premiers Canadiens qui se soient liviés à l’étude de notre Flore,
et qui pendant plus de 40 ans, a glané à gauche et à droite, parmi nos
plantes, tant indigènes qu’exotiques cultivées dans nos jardins, pour for-
mer cette collection.
Conditions des plus faciles. Demandez le Catalogue.
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AUGUSTE BEDARD.
St-Louis de Lotbiniére, Québec.
DE QUEBEC A JERUSALEM.
Jourual d’un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant a
travers l'Angleterre, la France, l'Egypte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l'Italie, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
séouraphiques. Par l'Abbé Provancher.— Québec, C. Daveau, 1884.
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exécution parfaite. est encore l'ouvrage le plus complet
publié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada, Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne penvent mieux sy préparer que par la
lecture de ces pages. et ceux qui sen Volent empechés peuvent, jusqu'à
un certain point, ven dédonmager en parcourant par la pensée, au
moy«n de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables.
i PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire, rue de la Fabrique,
Québec, où s'adresser directement à l’auteur, au Cap Rouge.
(Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.) (à
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Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER,
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume chaque volume commençant au premier jui let
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent,
Pour la France et les autres pays faisant partie de l'Union Postale
12 francs.
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent ls
numéros déjà parus de ce volume.
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être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
Léon PROYANCHER.
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AGENTS DU NATURALISTE
Québec—M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
The West American Scientist.
This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
size and cireulation with the rapid improvement and settlement of San
Diogo City and County, whese growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the southern counties.
It is the first and only purely Scienfific Journal of all the 393 periodi-
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
tific magazines of the day.
Subscription price, $1.00 year. Single copy, 10 cote,
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C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
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CHANGEMENT D’ADRESSE
Les correspondants de M. L. A. Montandon sont informés qu'il j
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Th. Mandrea & Cie., Filarete— Bucarest, Roumanie.
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plantes des environs de New-Youk, toutes exactement déterminées.
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UN HERBIER de près de 1000 espèces de plantes Canadiennes,
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travers Angleterre, la France, PEgypte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l'Italie, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
séographiques. Par Abbé Provancher.— Québec, C. Dai veau, 1884.
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exécution parfaite, est encore l’onvrage le plns complet
publié jusqu'à ce jour sur la Terre Sainte en Canada. Comme les
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lecture de ces pages. et ceux qui s’en Voient empechés peuvent, jusqu'à
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent,
Pour la France et les autres pays faisant partie de l’Union Postale
12 francs. ,
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans Je cours de la publication, reçoivent lis
numéros déjà parus de ce volume.
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nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
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AGENTS DU NATURALISTE
Québec —M. J BA. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
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This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
size and circulation with the rapid improvement and settlement of San
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cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the southern counties.
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cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
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Un Herbier a vendre.
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de quinze volumes, grand format, et contenant plus de 500 espèces de
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S'adresser au soussigné. :
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Un Herbier : a vendre.
UN HERBIER de près de 1000 espèces de plantes Canadiennes,
exactement déterminées et en bon état de conservation, est offert en
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l'un des premiers Canadiens qui se soient livrés à étude de notre Flore,
et qui pendant plus de 40 ans, a glané à gauche et à droite. parmi nos
plantes, tant indigènes qu’exotiques cultivées dans nos jardins, pour for-
mer cette collection.
Conditions des plus faciles. Demandez le Catalogue.
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St-Louis de Lotbiniére, Québec.
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pelerinages aux Lienx-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
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un certain point, sen dédommager en parcourant par la pensée, au
moy: n de ce récit, ces lieux béuits et à jamais mémorables.
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(Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.)
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Vol. XVIII.
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Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER.
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mois, par livraisons de 32 pages in-8.
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mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
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être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec. à
AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
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prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
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AGENTS DU NATURALISTE
Québec.— M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch;
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins,
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size and circulation with the rapid improvement and settlement of San
Diogo City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the southern counties.
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it is surely taking the front rank with the Pepular, as well as the Scien-
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Les correspondants de M. L. A. Montandon scnt informés qu'il À
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tenant comme suit : L. A. Montandon, Directeur de la fabrique M.
Th. Mandrea & Cie., Filarete— Bucarest, Roumanie.
Un Herbier a vendre.
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de quinze volumes, grand format. et contenant plus de 500 espèces de
plantes des environs de New-Youk, toutes exact ment déterminées.
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Une série complète du NATURALISTE CANADIEN, depuis son |
premier numéro publié en 1869, jusqu’à celui qui terminera le 1$e!
volume en cours de publication.
On sait que l'édition de plusieurs volumes ‘étant épuisée, on ne pent
plus se procurer la série complète que d’oecasion. Prix: $40.
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L’Abbé PROVANCHER,
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publié jusqu'à ce jour sur la Terre. Sainte en Canada, Comme les:
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À PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire, rue de la Fabrique,
Vol. XVII. FÉVRIER 1889 Noé
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
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AGENTS DU NATURALISTE
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Les correspondants de M. L. A. Montandon sent informé- qu'il
a laissé son poste de Sinaia en Valachie, et que son adresse est main-
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Th. Mandrea & Cie., Filarete—Bucarest, Roumanie.
Un Herbier a vendre.
A vendre UN HERBIER fait avec un soin extrême se composant
de quinze volumes, grand format. et contenant plus de 500 espèces de
plantes des environs de New-York, toutes exactement déterminées.
S’adresser au soussigné.
L’ABBE L. Z. CHANDONNET.
Amawaik Stat on. N. Y.
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Une série compléte du NATURALISTE CANADIEN, depuis son
premier numéro. publié en 1869, jusqu’à celui qui terminera le 18e
volume en cours de publication.
; On sait que l'édition de plusieurs volumes étant épuisée, on ne peu |
plus se procurer la série complète que d'occasion. Prix : $40.
S’adresser à
L’Abbé PROVANCHER,
CapRouge.
DE QUEBEC A JERUSALEM.
Journal d'un pèlerinage dw Canada en Terre-Sainte, en passant à
travers l'Angleterre, la France, l'Egypte. la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l'Italie, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
géographiques. Par Abbé Provancher.—Québec, C. Darveau, 1884
Ce réeit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exécution parfaite. est encore l’onvrage le plus complet
publié jusqu'à ce jour sur Ja Terre. Sainte en Canada, Comme le-
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne penvent mieux sy préparer que par la
ture de ces pages. et ceux qui s’en voient empechés peuvent, jusqu'à
lecture ¢ \ À à I | > Jusq
un certain point, sen dédommager en parcourant par la pensée, au
moyen de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables. :
PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire, rue de Ja Fabrique.
Québee, ou s'adresser directement à l’auteur, au Cap Rouge.
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Vol. XVIII. MARS 1689 No. 9.
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Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER,
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PROVINCE DE QUÉBEC,
CANADA,
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imprimé par C. Darveau, 80 à 84, rue de la Montagne, Québec
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Table alphabétique des noms, de genres et d’espéces mentionnés (suite) 473
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume chaque volume commençant an premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de l'Union Postale
12 francs.
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent lis
numéros déja parus de ce volume.
kes Toutes correspondances, remises, réclamations, ete., doivent
être adressées au Hedectenr, CapRouge, Québec.
AVIS IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec gu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
Lton PROVANCHER.
: AGEN TS DU NATURALISTE —
Québec.— M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
Une série complète du NATURALISTE CANADIEN, depuis son
premier numéro publié en 1869, jusqu’à celui qui terminera le 18e
volume en cours de publication.
On sait que l'édition de plusieurs volumes étant épuisée, on ne peut
plus se procurer la série complète que d’occasion. Prix : $40.
S’adresser à
à L’Abbé PROVANCHER,
CapRouge
~The West American Scientist
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VENDRE
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This Magazine was first issued in 1884, and has steadily increased in
; sizeand circu'ation with the rapid improvement and settlement of San
Ÿ Diozo City and County, whose growth within the past few months has
been remarkable. Original and Scientific in character, as its name indi-
cates, yet of a popular style, it reaches the reading rooms and libraries
of many societies and circulates among a very intelligent class through-
out the Pacific Coast, especially in the southern counties.
It is the first and only purely Scienfific Journal of all the 393 periodi-
cals in the state, in fact the only one west of the Rocky Mountains, and
it is surely taking the front rank with the Popular, as well as the Scien-
tific magazines of the day.
Subscription price, $1.00 year. Single copy, 10 cents.
Addrrss :
C. R. ORCUTT, Editor and Proprietor.
SAN DIEEO, CALIFORNIA,
SX
CHANGEMENT D’ADRESSE
Les correspondants de M. L. A. Montandon sont informés qu'il i
a laissé son poste de Sinaia en Valachie, et que son adresse est main-
tenant comme suit: L. A. Montandon, Directeur de la fabrique M. |
Th. Mandrea & Cie., Filarete—Bucarest, Roumanie.
VENTE DE COLLECTIONS.
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Sexes
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Mad. Vve. Crevier, de Montréal, offre en vente, les collections,
livres de médecine, de science, les instruments, ete., de feu son mari.
le Dr. Crevier. Les collections Jes plus considérables sont celles de
minéralogie et de paléontologie, dans lesquelles se trouvent des pièces
rares et très intéressantes. Parmi les instruments se trouvent un bon
microscope, une Junette astronomique, avec un télescope de grande
puissance. On fera les conditions les plus faciles, surtont si c’est à
quelque institution qui prendrait le tout.
S’adresser à
Due. Vve. Dr CREVIER,
Rue Craig, Montréal.
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Un Herbier a vendre.
A vendre UN HERBIER fait avec un soin extrême se composant
de quinze volumes, grand format, et contenant plus de 500 espèces de
plantes des environs de New-Youk, toutes exactement déterminées.
S'adresser au soussigné.
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L’ABBE L. Z. CHANDONNET,
Amawalk Stat.on, N. Y.
DE QUEBEC A JERUSALEM.
Journal d'un pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à
travers l'Angleterre, la France, l'Egypte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l'Italie, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
géographiques. Par l'Abbé Proyancher.— Québec, C. Darveau, 1884.
Ce récit qui forme un volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exécution parfaite, est encore l'ouvrage le plus complet
publié jusqu’à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada, Comme les
pèlerinages aux Lieux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne peuvent mieux s'y préparer que par la
lecture de ces pages, et ceux qui s’en voient empéchés peuvent, jusqu'à
un certain point, s’en dédommager eu parcourant par la pensée, au
moyen de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables.
CONS UN CNET TA
PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire, rue de la Fabrique,
Québec, ou s'adresser directement à l’auteur, au Cap Rouge.
(Sur réception du prix, le volume est expédié par Ja poste.)
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imprimé par C. Darveau, 86 à 84, rue de la Montagne, Québec
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HEMIPTERES—HOMOPTERES.
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Le NATURALISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie de FRE Postale
12 francs.
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de Ja publication, reçoivent ls
numéros déjà parus de ce volume.
sé Toutes correspondances, remises, réclamations, etc., doivent
être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec. .
AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
Lion PROVANCHER.
AGENTS DU NATURALISTE
Québec —M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
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36.
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MOLLUSQUES A ECHANGER,
CONTRE D’AUTRES ESPECES MARINES, FLUVIATILES OU TERRESTRES,
(Pour la correspondance, il suffira de spécifier le numéro.)
ee tenuispinosus, Lam,
brandaris, Zam.
GO regius, Lam.
se bicolor, Valence,
“ ramosus, Len.
« trunculus, Zam.
Trophon truncatus, Strom.
Purpura biserialis, Blainv.
“ canaliculata, Bellard,
& lapillus, Lam.
“6 hemastoma, Lin.
2: Choncholepas aperta, Blainv.
Triton variegatus, Zam.
“ nquatilis, Reeve.
. Fusus cereus, Lin.
“ Dupetithouarsi, Kien,
. Fasciolaria tulipa, Lin.
Pisinia pusio, Lin.
Bucciuum undatum, Mull.
Nassa reticulata, Lin.
6“ incrassata, Mill.
“ fossata, Gould.
“ trivittata, Say.
« tegula, Reeve.
Neritula neritea, Monter.
Voluta musica, Lin.
&“ vespertilio, Reeve,
. Mitra episcopalis, Lam.
. Marginella bivaricosa, Lam.
“ nivea, Brod.
“ cincta,
Oliva litterata, Lam.
“ reticularis, Zam.
Olivella biplicata, Say.
bi mutica, Say.
Columbella cribraria, Sowerb,
« fulgurans, Lam.
“ mercatoria, Lam,
« rustica, je
“ nitida, Fr
. Terebra hastata, Adams.
Conus mus, Lin.
6“ sulcatus, Hwass.
“ obesvs, Hwass.
“ Mediterranneus, Hwass,
« echinulatus,
Strombus accipitrinus, Mont.
sf bituberculatus, Lam,
49,
Pterocera aurantia, Lam.
. Chenopus pes- -pelecani, Lin,
. Cypiæa carneola, Lin.
“ exhanthema, Lin.
se lynx, Lam
se reticulata, Mart.
46 annulus, Lin.
“ moneta, Sia
a caput-serpentis, Lin.
6“ mappa, Lin.
“ tigris, Lin.
. Trivia pediculus , Lin.
Ovulum gibbosum, Zin.
2. Cassis testiculus, Lam.
. Cassidaria ec hinophora, Lin.
. Dolium perdix, Lin.
. Pyrula melongena, Schum.
“ paradisiaca, Mart.
7. Lunatia heros, Say.
Neverita duplic ata, Say.
. Crepidula fornic: ita, Lin.
. Scalaria communis, Lam.
. Vermetus lumbricalis, Gmel:
. Littorina obtusata, Lin.
“ angulifera, Zam,
“ irrorata, Say.
5. Tectarius coronarius, Lam,
fe muricatus, Lea.
Cerithium erythræonense, Lam,
eburneum, Brug.
“ mamillatum, R7sso.
16 rupestre, Risso.
“ Mediterranneum, Lin,
Cerithidea scalariformis, Say.
3. Pleurocera undulatum, Say.
“ elevatum, Zea.
. Goniobasis livescens! Mencke,
. Melanopsis Mariei, Crosse,
Anculosa car inata, Brug.
oe subg lobosa, Say.
de ampla, Anth.
Rissoa Bruguieri, Payr. d
“ granulata,
“ minuta,
. Amnicola Dupoteti, Féruss,
Valvata tricarinata, Say.
. Paludina cyrniaca, Vai,
= decisa, Say.
EE
97. Palu-dina integra, Sag.
Ys. “ . obesa, Say,
YY: “ subsolida,
100. Marisa cornu-arietis, Chemn.
101. Ampullaria urceus, Midd.
102. lomatias maculatum, Sturé.
103. “ patulum, Drap.
104. LS striolatum, Porro.
105. Cyclostoma elegans, Müll.
106. Ncrita ornata, Sow.
107 tessellata, Gmel.
108 & cornea, Lin.
7 092 ME meleagris, Cab.
1420" * fluviatilis, Lin.
Tian. % punctulata, Lam.
112. Turbo rugosus, Lin.
i13 — crenulatus, Gmel.
114. “© undulatus, Chemn.
115. Trochus Nilotieus, Lin.
17e “ ziziphinus, Lin.
Tie. “ Laugieri, Payr.
119. 4 villicus,
120. “« magus, Lin.
121. Chlorostoma tunebrale, Adams.
116. à
122. Tegula pellis-serpentis, Wood,
124.
126.
157; 5
128.
129. .
Me —
123. Margarita striata, Lam.
Haliotis rubra, Leach.
Acmæa persona, Lsch.
Patella vulgata, Lin.
feruginea, Lin.
Vitrina pellucida, AZülL,
brevis, /éruss.
130. Zonites gularis, Say.
151. “ eustilbus, Bourg.
132. « olivetorum, Gel,
133. Hyalinia cellaria, Müll,
134. Conulus piulex, Jan.
135. Macrocyclis concava, Say.
136. Si lapicida, Lun.
137. striatellu, Anthon.
129.
138. ‘4 alternata, Say.
139. “ perspectiva, Say.
140. “ 7-volva, Say.
141. < inflecta, Say.
142. 4 pulchella. Hill.
143. “ exoleta Binn.
144. “ carthusiana, Jill,
345%. “ Carpenteriana, Bland.
146. “™ uvulifera, Schutt.
147. “ hortcusis, Gmel.
148 “ nemoralis, Lin. et Var
149, ™ . acuta, Jun
150. “ pomatia, List.
151. © candidissima, Drap.
152. “ ericetorum, Hill,
153 “© rugosiuscula, Mich,
154, 4 variailnlis, Drap.
155. 4“ Cesareana, Payr.
156. “ arenosa, Drap.
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argyrostomus, Chemn.
157%
158.
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| Helix arbustorum, Lin.
« neglecta, Braz.
« aspersa, Midd,
“« candidula, Stud.
“ pygmiea, Drap,
« rotundata, Vad,
“ apicina, Lam,
“barbara, Lin.
“ conoidea, Drap.
« explanata, Midd.
«“ pyramidata, Drap.
“ syriaca, Zhrenb.
« serpentiua, féruss.
« Jorrentina, A. Schm.
“ splendida, Drap,
«Ville, Charts.
« pisana, Mül.
« vermiculata, Mild,
“ naticoides, Drap,
“ _ aperta, Bonn
“ ponentina, Mar.
“ constricta, Bonn.
“ obvia, Bart.
«“ frigida, Jan..
“ fruticum, Jill.
“ Gobausy, frahneuf.
“ amnomis, Schmidt.
“ Hermessiana, l’a,
“ colubriua, Jan.
« -angigyra, Jan.
« tetrazama, Jan.
« conspurcaia, Drap.
“ ciliata, Verety.
& profuga, Schm.
“ submaæitima, Bourg.
« apalotena, Bourg.
“ Jenticula, Féruss.
“ cinectella, rap.
« — obvoluta, Mild.
« Milleri, Perf.
Bulimus decollatus, Lin.
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f oblongus, Chemn.
Buliminus detritus. Stud.
4 4-dens, Will.
a 5-dentatus, Mill.
Orthalicus undata, Brag.
Ferussacia subcylindrica, Lin.
Cæcianella acicula, Bourg.
Pupa uva, Lin.
“ frumentum, rap.
& avenacea, Drap.
« megachilos, Jan.
“« amicta, Par.
Clausilia bidens, Turton.
“ cæru.ea, l'éruss.
me leucostigina, Val.
“ solida, Drap.
& Itala, Mart.
“ Comensis, Schutt.”
u plicatula, Drap.
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Vol. XVIII. MAI 1689 No. 11.
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Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER.
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PROVINCE DE QUEBEC,
CANADA,
imprimé par C. Darveau, 80 à 84, rue de la Montagne, Québec
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Le Navuratiste CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
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être adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
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tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du désti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom de M.
LÉéox PROYANCHER.
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AGENTS DU NATURALISTE
Québec. —M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
CHANGEMENT D’ADRESSE
Les correspondants de M. I. A. Montandon sont informés qu'il
a laissé son poste de Sinaia en Valachie, et que son adresse est main-
tenant comme suit: L. A. Montandon, Directeur de la fabrique M.
Th. Mandrea & Cie., Filarete—Bucarest, Roumanie.
VENTE DE COLLECTIONS.
Mad. Vve. Crevier, de Montréal, offre en vente, les collections,
livres de médecine, de science, les instruments, ete., de feu son mari.
le Dr. Crevier. Les collections les plus considérables sont celles de
minéralogie et de paléontologie, dans lesquelles se trouvent des pièces
rares et très intéressantes. Parmi les instruments se trouvent un bon
microscope, une lunette astronomique, avec un télescope de grande
puissance. On fera les conditions les plus faciles, surtout si c’est à
quelque institution qui prendrait le tout.
S'adresser à
Dur. Vve. Dr CREVIER,
tue Craig, Montréal
Un Herbier a vendre.
A vendre UN HERBIER fait avec un soin extréme se composant
de quinze volumes, grand format. et contenant plus de 500 espèces de
plantes des environs de New-York, toutes exactement déterminées.
S'adresser au soussigué,
L’ABBE L. Z. CHANDONNET,
Amawalk Station, N. Y.
DE QUEBEC A JERUSALEM.
f Journal dun pèlerinage du Canada en Terre-Sainte, en passant à
travers l'Angleterre, la France, l'Egypte, la Judée, la Samarie, la
Galilée, la Syrie et l’Itahe, Ouvrage accompagné de plans et de cartes
géographiques. Par PAbbé Provancher.— Québec, C. Darveau, 1884.
Ce récit qui forme nn volume de 724 pages in-8, avec cartes et
plans d’une exécution parfaite, est encore l'ouvrage le plus complet
publié jusqu'à ce jour sur la Terre-Sainte en Canada. Comme les
pèlerinages aux Licux-Saints deviennent de plus en plus fréquents, ceux
qui se proposent ce voyage, ne peuvent mieux s'y préparer que par la
lecture de ces pages. et ceux qui s’en voient empéechés peuvent, jusqu'à
un certain point, s'en dédommager en parcourant par la pensée, au
moy. n de ce récit, ces lieux bénits et à jamais mémorables.
PRIX $2.— Chez M. Fournier, libraire, rue de la Fabrique,
Québec, ou s'adresser directement à l’auteur, au Cap Rouge.
{Sur réception du prix, le volume est expédié par la poste.)
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MOLLUSQUES A ECHANGER
(Pour la correspondance, tl suffira de spécifier le numéro.)
Clausilia lincolata, Held.
Succinea putris Lan.
a ob'onga. Drap.
Alexia elongata, Parr.
a myosotis, Drap.
Carychium minimum, Mi,
-Melampus bidentatus, Suy.
“ coffea, Lin
as olivaceur, Carp.
Limnea stagnalis, Zan.
e colnmella, Say.
« aurieularia, Drap.
“ minuta, Drap.
« emarginata, Say.
& decollata, Mighels.
Physa ancillaria, Say.
“acuta, Drap.
&° rivalis, Sow.
Planorbis campanulatus, Say.
macrostomus. Whileaves,
Le bicarinatus, Say.
“ trivoivis, Sry.
« corneus, Drap.
“ complanatus, Stud.
us deflectus, Say.
« imbricatus, Midd.
a Mitidgensis, Forbes.
Dentalium entalis, Lin.
Carychinm tr dentatum, Risso.
Bulla occidentalis,
BIVALVES.
Anomia ephippiuin, Zin.
“ cepa, Lin.
Pecten Istandicus, Mii//.
“ dislocatus, Say.
“ g uber, Lin.
Lima squamosa, Lam.
Mytilus edulis, Lin
a gallo;vovincialis, Lam.
“« cy indricus, Mars.
Dreissena polymorpha, Van Ben.
. Arca New, La.
« Jactea, Gaimardi.
« barbata, Lin,
Pectunculus violaceus, Lain,
& pilosus, Lam.
Unio plicatus, Lesuenr.
“ pressus, Leu.
“ Jacrymosus, Lea
“« muitiradiatus, Lea.
“ erculus, Lea.
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Unio occidens, Lea.
_ Teevissimus, Lea.
“ rhonboidens, M.-Tandon.
« Canadensis, Lea.
* Doiealis, Gray.
“ radiatis, Lam.
« rusticus. Pani.
« clavus, Lam.
« —mytiloides. Raf,
“ ~ obliquus, Lam.
“ cylindricus, Say.
« requieuii, Awet.
“« aatus, Say.
Anodonta implic ata, Say.
ic Moulinssiana, Dup.
“ depressa, Droit
a. Curdita alone Lam.
3. Lucina t'gerina, Zen.
Loripes edeutula, Lin.
Cardium megnum, Brown.
Q echinatum, Lam.
“ muricatum, Lin.
« Islandicum, Zin.’
« edule, Lam.
S, herium rhomboideum, Say.
“ striatinum, Say,
Venus cing n ‘a,
“ cancellata, Lin.
« verrucosa, Lin.
Dosinia discus, Reeve
“ cone ntrica, Conr.
« exoleta Zin.
Tapes geographicr, Chemn.
« decussata, Lan.
Capsu'a rugosa, Lam.
: vespertina,
Tellina alternata, Say.
& Groenlandia. Beck.
“ 1a‘liata, Lin.
« carnaria, Lin.
“« omitida, Pols.
Calista gigantea. Chemn.
Micoma secta, Conr.
Donax dentitera,
43 trunculus, Lam.
Mactra stultorum, Zin.
« lactuca, Lum.
“edulis, King.
Co.bnla ine quivalvis.
Mya arenaria, Lin,
Saxicava rug osay Lan.
Solcn ensis, Lin.
« siliqua, Lin.
Solenocurtus carybeeus.
Adressez : M. l'abbé PROVANCHER
CapRouge, Québec, Canada.
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Vol. XVIII. JUIN 1889
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CANADIEN.
¢ BULLETIN DF RECHERCHES, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
BE RAPPORTANT A L’HISTOIRS NATURELLE DU CANADA,
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Rédacteur: M. L'ABBÉ PROVANCHER, | Ed
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PROVINCE DE QUEBEC,
CANADA.
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imprimé par C. Darveav, 80 à 84, rue de la Montagne, Québec
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SOMMAIRE DE CE NUMERO.
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HÉMIPTÈRES—HOMOPTÈRES.
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Fam. XIX.—Membracides. nn nn mm nm Cnnnnr none comes tone nm = « 225
Le NATURAILISTE CANADIEN paraît au commencement de chaque
mois, par livraisons de 32 pages in-8.
Abonnement pour le Canada et les Etats-Unis, $2 par année, ou
mieux par volume chaque volume commençant au premier juillet
chaque année, et se complétant dans les 12 mois qui suivent.
Pour la France et les autres pays faisant partie .de l’Union Postale
12 francs.
On ne s’abonne pas pour moins d’une année ou d’un volume. Ceux
qui en font la demande dans le cours de la publication, reçoivent los
numéros déja parus de ce volume.
kes Toutes correspondances, remises, réclamations, ete. -» doivent
étre adressées au Rédacteur, CapRouge, Québec.
AV1S IMPORTANT.—Le bureau de poste du CapRouge n’émet-
tant pas de mandats d’argent, c’est sur celui de Québec qu’il faut les
prendre, et les règlements postaux exigeant les noms et prénoms du desti-
nataire, tous mandats pour le Naturaliste doivent être pris au nom Fe M.
Lion PROVANCHER.
AGENTS DU NATURALISTE ?
Québec. — M. J. A. Langlais, libraire, 177, rue St Joseph, St-Roch.
Paris.—MM. Roger et Chernoviz, 7, rue des Grands-Augustins.
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ASSOCIATION UNIVERSELLE
(Fondée en 1880 et autorisée par Décret) pour l'expansion de la langue et
de la littérature nationale et l’encouragement des voyages d’études.
——
Concours annuels.
L'Association universelle dite Académie des Palmiers, disposant d'un revenu
de 500 fr, destiné à former des prix applicables indifféremment à la Poésie et à
la Prose, ouvre tous les ans : IC un concours simple, clos le 30 mars, et un
grand concours, dit annuel, clos le 30 septembre, terme de rigueur,
Outre les prix en numéraire, elle accorde des médailles en nombre propor-
tionné à l’importance des concours, gratuits pour les sociétaires,
Après Vadjudicrtion des prix, les lauréats sont convoqués aux Xétes des Pal-
miers. «C'est le nom des séances publiques. Ces deux solennités, patriotiques
et intellectuelles, se célèbrent en mai et en décembre, avec le plus grand éclat,
au siège social,
Lecture est donnée du rapport sur le concours et ‘sur la situation générale
de l'Association, On proclame les vainqueurs. S'ils sont présents, le prési-
dent de la séance les invite à lire, eux-mêmes, leurs ouvrages, et leur remet les
récompenses,
La fête s'achève au milieu d’une conférence, de déclamations, de morceaux
de musique et de chant.
Adresser franco adhésions, souscriptions pour l'Association ; livres et ma-
nuscrits pour le concours ; abonnements pour la Revue, à M. le Secrétaire géné-
1al, 100, rue Truffaut, Paris.
Le programme des concours et les Statuts de la société sont envoyés sur
demande affranchie contenant 50 centimes en timbres-poste, prix du numéro
spécimen où ils se trouvent.
Parmi les lauréats proclamés dans sa fête de printemps de l'Association
universelle tenue le 12 mai dernier, se trouvent les auteurs canadiens qui
suivent :
MM. l'abbé A. Gingras, curé de Ste Claire; L. Fréchette, Québec ; le Dr
Dionne, Québec ; Chs. Buillargé, Québec ; Jos. Marmette, Québec ; Faucher de
Saint-Maurice, Québec ; l'abbé Laflamme, Québec ; l'abbé Provancher, Cap
Rouge, pour le Naturadiste Cunadien (1).
. (1) M. l'abbé Provancher avait aussi été proclamé lauréat en décembre
dernier, pour son ouvrage Le Verger, le Potager et le Parterre.
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L'ERE NOUVELLE FRANCAISE,
MONITEUR SPECIAL DES SOCIÉTÉS HUMANITAIRES, ET LA
REVUE EXOTIQUE ILLUSTRÉE.
Primes exceplionnelles à nos abonnés.
Nous croyons mêler l'utile à l’'agréable et bien mériter de nos abonnés, en
mettant à la disposition des anciens et des nouveaux les primes suivantes.
1° L’Ere NoUvELLE ET LA REVUE Exorique.
Une entente avec la direction nous permet d'offrir à nos lecteurs, au prix
de 12 fr, au lieu de 14, un abonnement d’un an à cette publication illustrée,
très littéraire, très intéressante, qui paraît à Paris 2 fois par mois, le premier et
le quinze, par livraison de 16 pages grand in-4° raisin, imprimées sur 2 colonnes
sous couverture de couleur.
Cette double Revue, mise à un prix excessivement abordable, afin qu’elle
ne soit pas une charge pour la famille, et puisse se répandre dans toutes les
maisons, où se rencontre un esprit éelairé, publie des romans, des nouvelles
et des contes ; des études littéraires et géographiques ; des récits de voyage
des biographies et des monographies ; des poésies, même exotiques, dans une
mesure déterminée ; des articles portant sur toutes les questions et tous les
intérêts ; des informations internationales ; une tribune aux réclamations et
un carnet bibliographique.
Elle reproduit, par la gravure, les photographies des chefs et des hommes
d'Etat, de MM. les gouverneurs, les résidents, les commandants des forces de
terre et de mer, les sénateurs, les députés, les hauts fonctionnaires, les agents
diplomatiques et consulaires, les notabilités, les célébrités coloniales, sans
négliger les types indigènes, les beaux paysages, les curiosités naturelles, les
monuments, les villes, etc. etc.
Le groupe des collaborateurs, dont les noms sont connus, montre quelle
variété, quelle valeur spéciale chacun apporte à l'œuvre commune ; mais ce
groupe est loin d'être fermé. Tous les sociétaires de l'association universelle,
tous les abonnés de la Revue sont collaborateurs-nés.
2° Romans exotiques,
En souscrivant 4“ l'Ere nouvelle et Revue exotique ”, non seulement nos
abonnés bénificieront de la réduction de prix indiquée plus haut, mais en outre
ils auront droit gratuitement, à l'envoi franco, d’un Roman exotique, soit :
1° Le c£néraz Cocoyo, étude des mœurs haïtiennes (dont le prix en
librairie est de 3 fr. 50) ;—soit : Sous Les PALMIERS D’ALGÉRIE (dont le prix en
librairie est de 3 ir.) J
Pour profiter de ces avantages exceptionnels, il suffit à. nos abonnés d'en-
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& voyer un mandat-poste de 12 fr, à l’ordre du directeur de l’Ere nouvelle et
> . e .
Revue exotique, 100, rue Truffaut, Paris,
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