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FOR EDVCATION
FOR SCIENCE
LIBRARY
OF
THE AMERICAN MUSEUM
OF
NATURAL HISTORY
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NATURALISTE CANADIEN
BULLETIN DE RECHERCHES, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES
SE RAPPORTANT A L'HISTOIRE NATURELLE DU CANADA
TOME TRENTE-TROISIÈME
(TREIZIÈME DE LA DEUXIÈME SÉRIE)
L'abbé V.-A. HUARD, Directeur-Propriétaire
QUÉBEC
2, RUE PORT-DAUPHIN
1906
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LE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Janvier 1906
VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No !
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
LE TRENTE-TROISIÈME
Ce titre un peu etrange n'a rien à faire, qu’on veuille
bien le croire, avec tel haut grade de la diabolique franc-ma-
çonnerie. C’est tout simplement le nombre ordinal du vo-
lume nouveau que nous commençons en ce mois.
Disons, sins y insister beaucoup, que notre Va/uraliste
canadien est déjà parvenu à un bel âge, pour une revue
canadienne-française consacrée à l’œuvre scientifique. Elle
a vu, au cours de sa carrière d’un tiers de siècle, naître et
mourir tant de publications littéraires, artistiques ou politi-
ques, qui s’adressaient par conséquent à une clientèle rela-
tivement considérable !
Quant à la clientèle du Varuraliste, elle est nécessaire-
ment réduite, puisque l'étude des sciences naturelles compte
si peu d’adeptes parmi nous. Nous savons parfaitement que
la plupart de nos abonnés qui restent fidèles à cette revue
ne le font que par patriotisme, parce qu’ils la considèrent
comme une sorte d'œuvre nationale, ce qu’elle est bien en
effet. C’est que, grâce à. cette modeste publication, le Ca-
nada français a toujours bien un représentant dans la presse
scientifique qui de nos jours a pris tant d importance dans
tous les autres pays.
I 2 Janvier 1906.
w
LE NATURALISTE CANADIEN
Sur la fin de sa vie, le fondateur du MVaturaliste se dé-
solait de voir que le goût de l’histoire naturelle faisait si
peu de progrès chez les Canadiens-Françaïis ; il allait jus-
qu’à se demander si les quarante années de ses efforts et de
ses travaux n'avaient pas été inutiles à ce point de vie.
Assurément son zèle n’avait pas été sans résultat; mais
celui-ci était loin d’être en proportion de celui-là. Il faut
bien reconnaître que, depuis les quatorze ans que l’abbé
Provancher est décédé, la situation ne s’est pas non plus
beaucoup améliorée.
Il est permis toutefois d'espérer que l’introduction récente
des éléments des sciences naturelles dans le programme d’étu-
des des écoles publiques de la Province devra, à la longue,
avoir pour effet de répandre parimi la population un certain
intérêt pour la connaissance des trois règnes de la nature.
Les instituteurs et les institutrices étant désormais tenus,
par les nécessités de leur enseignement, d'acquérir des no-
tions plus ou moins développées sur les sciences naturelles,
il est très probable qu’un certain nombre d’entre eux seront
pris à l’appât, et voudront pousser assez loin l’acquisition
de connaissances si facilement passionnantes.
Mais nous ne verrons rien de sérieux, en la matière, tant
que l’histoire naturelle ne recevra pas de l’enseignement
secondaire, en notre Province, une attention beaucoup plus
grande qu'aujourd'hui. Et rien ne permet encore de corjec-
turer à quelle époque se produira une réaction de ce genre,
qui compléterait enfin, nous en sommes sûr, la prédomi-
nance intellectuelle des Canadiens-Français sur toutes les
races qui les entourent..En attendant, ce sont les Anglais,
non seulement d'ici, mais de l'Ontario et des Etats-Unis,
qui sont chargés d’étudier l’histoire naturelle de la province
de Québec, ce qu’ils ne peuvent d’ailleurs accomplir qu’a-
vec beaucoup de lenteur.
Revenant, après cette digression sur le peu de progrès
que fait en notre Province l’étude des sciences naturelles,
LE TRENTE-TROISIÈME 3
sur la question de la clientèle du Ma/uraliste canadien
nous avons la satisfaction de voir què les désabonnements
sont assez rares. Par exemple, nous somines chagrin de
constater que la qualité d’abonné au Va/uraliste ne confère
pas l’immortalité, au moins ici-bas : de temps à autre des
croix s'élèvent, comme en un cimetière, sur nos listes déjà
si peu longues. Ces disparitions, pour cause de décès, et les
quelques désabonnements qui se produisent chaque année,
créent des vides que les abonnements nouveaux ne suffisent
pas à remplir.—Et, encore, si tous ceux qui restent pre-
naient soin de payer leur abonnement |—En tout cas, nous
voyons s'approcher le moment déplorable où les recettes ne
seront plus suffisantes pour couvrir les dépenses. Cela ne
veut pas dire, par exemple, qu'alors le Vaturaliste se cou-
chera dans la tombe, et cette fois pour ne plus en sortir.
Ah non! C’est même alors que son existence deviendra
réellement merveilleuse : car il n’est pas ordinaire de voir
une œuvre marcher toujours, en déficit toujours et jamais
en faillite !.. Mais, comme à chaque jour suffit son mal,
n'appuyons pas sur ces perspectives plus glorieuses que ré-
jouissantes, et occupons-nous plutôt du présent.
Nos lecteurs ont dû trouver que notre revue avait l'air,
après tout, d’être plus ou moins malade, à voir depuis quel-
que temps ses livraisons ne leur parvenir que plusieurs se-
imaines après le mois dont elies portaient la date. Cela
pourtant n’était pas le moins du monde un symptôme de
maladie, mais le résultat de circonstances qu’il n'était guère
en notre pouvoir de modifier. Heureusement, d’ici à peu
de mois, cet état de choses va s'améliorer, et le Vaturaliste
reprendra ses dates régulières d'apparition.
Nous comptons bien aussi, au cours du présent volume,
reprendre, et pour les terminer, la biographie de notre Fon-
dateur, l’abbé Provancher, et la monographie des Mollus-
ques de la province de Québec.
Nos collaborateurs, désintéressés autant que dévoués,
4 LE NATURALISTE CANADIEN
nous continueront sans doute leur important concours à
cette œuvre, qui est autant la leur que la nôtre. Ce groupe
encore si restreint de nos naturalistes écrivains, nous espé-
rons le voir se grossir de quelques nouvelles recrues. Car
nous ne serons jamais trop nombreux pour étudier l’his-
toirelle naturelle d’un pays aussi vaste que même la seule
province de Québec. Du reste, cet excès dans le nombre
des naturalistes canadiens-français, nous ne sommes pas
près, suivant les apparences, d’avoir à le déplorer et à le
réprimer.
M MAN Nr LOS
LA PRATIQUE DE L'HISTOIRE NATURELLE
Nous commençons en ce numéro une série d'articles sur
l’organisation d’une collection entomologiqu:. Nous y dou-
.nerons successivement les directions les plus pratiques sur
la chasse aux insectes, la façon d’assurer la conservation
des spécimens, la manière de les disposer, le matériel re-
quis pour ces diverses opérations. v
Il est probable que nous. continuerons ensuite ce travail
par des directions destinées à aider les amateurs en d’autres
branches des sciences naturelles.
Pour rédiger ces renseignements pratiques, nous mets
trons à profit les travaux des spécialistes, l’expérience des
collectionneurs et nos propres observations personnelles.
LE MENU DU “NATURALISTE”
Depuis longtemps nous regrettions que le défaut d’espace
nous empêchât de faire profiter nos lecteurs, à l’occasion,
d'excellents articles que nous rencontrions souvent dans les
revues scientifiques de l'étranger. De ce temps-ci, et en
attendant que nous puissions commencer la publication des
QUEL EST CE POISSON 5
travaux de longue haleine dont nous parlons ailleurs, nous
pouvons reproduire quelques articles de cette sorte, prove-
nant surtout des revues de France.
Nous n’avons pas besoin de dire, au reste, que notre sa-
tisfaction serait encore plus grande, si nos collaborateurs se
faisaient plus nombreux et remplissaient même toutes nos
pages d’écrits relatifs à l’histoire naturelle du Canada,
comme cela s’est déjà vu dans le passé, non encore beau-
coup lointain, de notre revue.
QUEL EST CE POISSON ?
Nous avons reçu de M. H. Vassal, industriel de Drummondville, P.
Q., la lettre suivante. Si quelqu'un de nos lecteurs reconnaissait de quel
“poisson il peut être ici question, nous le prions de nous en informer.
Monsieur,
Permettez-moi de vous entretenir d’un poisson capturé
dans un rêts dans les environs de Kikandatch, un poste de
la Cie de la Baïe d'Hudson, sur le haut du Saint-Maurice,
il y a cinquante-Six ans.
C’est vous dire assez que la description que je puis
vous en donner ne peut pas vous satisfaire ; mais je puis du
moins vous en donner certains traits caractéristiques qui
vous permettront d'en obtenir une description par l’entre-
mise des missionnaires visitant les Sauvages de Wamonta-
chingue et de Kikandatch.—On m’a nommé ce poisson une
Carpe rouge ; la tête est certainement celle d’une carpe,
mais plus petite que celle de nos carpes ; le corps est allon-
gé-comme celui de la truite, mais le ventre est plat et sa
forme est celle d’un triangle bien prononcé; les écailles sont
petites comme celles du hareng, la peau est d’un rouge sang
sur les côtés et plus foncé sur le dos. Je ne puis vous dé-
crire les nageoires, cependant celle du dos m'a paru tout à
fait étrange. De souvenir je risquerai de dire qu’elle consis-
tait en une touffe de pointes à plusieurs rangs n'étant pas
reliées entre elles comme les nageoires ordinaires.
6 LE NATURALISTE CANADIEN
Comnre comestible, je me rappelle que nous l’avions clas-
sé parmi nos meilleurs poissons d'eau douce du Canada, tels
que la truite et le poisson blanc (l’Atikamak des Têtes de
Boule). Montpetit ne paraît pas en avoir donné la descrip-
tion parmi les poissons d’eau douce du Canada, et s’il ne
vous est pas connu, il me paraît mériter de l'être.
Montpetit dit dans son ouvrage ne pas connaître la nour-
riture du poisson blanc. On ura dit qu’il se nourrissait
d’un brin d'herbe qui croît sous l’eau à Ta décharge de sour-
ces souterraines ; 1l prend aussi la mouche à fleur d’eau
comme la /agraîche.
Pour connaître la valeur de ce poisson, il faut le manger
frais sortant de l’eau ; dans cet état on peut s’en nourrir
presque constamment sans en être dégotité ou rassasié.
H. VASSAL,
SRE
CHRONIQUE
Les métiers chez les animaux.—\,es abeilles sont des géo-
mètres: leurs cellules sont construites de façon à avoir,
avec le moins de matériaux possible, les plus grands espa-
ces et le moins de perte possible. La taupe est un météoro-
logiste. La torpille, la raie et la gymnote sont des électri-
ciens. Le nautilus est un navigateur, il lève ét baisse ses
voiles, jette et lève l’ancre et accomplit encore d’autres ex-
ploits nautiques. Des tribus entières d'oiseaux sont des mu-
siciens. Les chenilles filent de la soie. [/écureuil est un
nautonier, il traverse une rivière avec un éclat de bois ou
un morceau d’écorce pour canot et sa queue pour une voile.
Le castor est uñ architecte, un constructeur et un scieur de
bois : il abat des arbres et bâtit des maisons et des barrages.
La marmotte est un ingénieur civil : elle ne construit pas
seulement des habitations, mais aussi des aqueducs et des
CHRONIQUE 7
drains pour les conserver sèches. Les fourmis blanches en-
tretiennent une armée permanente et régulière.
*
* *
Un étrange oiseau.—On trouve, en Nouvelle-Zélande, le
kiwi, un étrange oiseau de la famille de l’autruche. Les au-
truches ont deux orteils, mais les moas d'antan avaient
trois orteils ; il en est de même des émus, des casoars et
des rhéas, les autruches de l'Amérique du Sud. Le kiwi
dame le pion à tous ces échassiers, car il a quatre orteils.
Autre particularité : tout en appartenant à la famille des
échassiers, il a la taille d’une poule domestique. La tête
est petite, son cou gros et fort, et son bec long et mince ;
les narines se trouvent tout près de l’extrémité du bec ; les
jambes sont courtes, mais les muscles des cuisses sont très
développés et les pieds sont forts et pourvus de griffes ai-
guës. Le kiwi est un oiseau apparemment sans ailes ; il ne
montre pas non plus trace de queue ; mais à la place de cet
appendice il y a des plumes longues, étroites et semblables
à des cheveux, cependant que la partie antérieure de la tête
et les côtés de la face ont des antennes éparpillées çà et là
qui ressemblent à des poils.
Er
Les journaux d'Honolulu (îles Sandwich) mentionnent
le fait qu’un pêcheur japonais de cette ville a pris une es-
pèce de poisson qui n’a encore jamais été vue. On l’a ap-
pelé le poisson-grenouille, parce qu’à part des ouïes et des
nageoires habituelles, ce poisson a des pattes et des pieds !
On est prié de ne pas oublier que les îles Sandwich sont
aujourd’hui une colonie des Etats-Unis d'Amérique.
* *
Il paraîtrait que l’huître, même éloignée de la mer, ouvre
ses écailles à l'heure où la marée montante couvre les ri-
vages de son pays d’origine. Elle sait quand elle a faim et
mange toujours avant que la mer monte.
LE NATURALISTE CANADIEN
(9
%
% %
Le jardin zoologique dé Dublin (Irlande) offre em cæ
moment le curieux spectacle d’une lapine qui élève um
_ jeune siffleux, dont les parents sont mnrts. La petite mar-
motte se couche sur le dos de sa mère adcptive.
«+ :
On vient de trouver, enfoncé à une grande profondeur
dans une mine de charbon près de Stratford (Angleterre),
un sabot de cheval pétrifié. Le sabot est d’une grandeur,
extraordinaire, ce qui permet de supposer que, dans les
temps préhistoriques, les chevaux étaient plus grands qu’ils
ne le sont aujourd’hui.
HENRY TILMANS.
4h
LES RATS AU MANITOBA
Nous avons entendu souvent les pionmiers du Saguenay
parler di temps où les Rats domestiques étaient inconnus
dans cetie région de la Province. Mais 1l y a déjà des an-
nées qu’une pareille lacune dans la faune saguenéenne à
été comblée, grâce sans doute aux facilités de communica-
tion qui se sont établies, par ean et par terre, entre ce dis-
trict et le reste du pays, et dont les quadrupèdes sont aussi
à même que les bipèdes de profiter à l’occasion.
D'autre part, la Northwest Review, de Winnipeg, nous ap-
prenait, dans son numéro du 13 janvier, que le Manitoba
manque encore de Rats, mais que cette situation, suivant les
prévisions les plus raisonnables, ne va plus durer longtemps.
“The ratless days of the Canadian Northwest are num-
bered,” disait notre confrère. En effet, d’après les rensei-
gnements qu'il a, le Rat s avance d’année en année à tra-
vers l'Etat du North Dakota, Etats-Unis, et n’est plus, aux
dernières nouvelles, qu’à 28 milles de la frontière eana-
COLLECTION D’INSECTES 9
dienve, où il arrivera probablement dès cette année. D'ici
à une couple d'années, il sera installé à Winnipeg mêmes
Tout ce que l’on peut dire, c’est que le Rat ne fait que
suivre le mouvement : on sait, en effet, qu’il y a ces aunées-
ci un fort courant d’émigration du nord des Etats-Unis vers
les provinces canadiennes de l'Ouest.
Cette espèce animale, que: l’on dit originaire des pays
orientaux, n’en est pas d’ailleurs à sa première migration,
puisqu'il lui aurait suffi de deux siècles pour infester l’Eu-
rope et l'Amérique.
SU
OU IL EST DÉMONTRÉ QU'UN ENTOMOLOGISTE
DOIT FAIRE UNE COLLECTION D’'INSECTES
Tous ceux qui ont l’occasion de voir une collection d’in-
sectes, rangée systématiquement, trouvent cela beau et 1n-
téressant. Il est en effet certain qu'aucun genre de collec-
tions, ni de botanique, ni de numismatique, ni de timbres-
poste, etc., n'offre l’attrait de casiers remplis de ces petits
animaux, aux formes si curienses, souvent si élégantes, et
qui généralement se conservent avec tant de facilité tels
qu'ils étaient au moment de leur mort. De cette admira-
tion que l’on conçoit à la vue d’une collection de cette sorte,
on passe aussitôt au désir d’en posséder soi-même une sem-
blable. Mais la plupart des gens en restent là, parce qu'ils
n’ont pas le loisir de se livrer à la pratique de l’histoire
naturelle. |
Quant à ceux qui éprouvent un goût spécial pour l’étude
des sciences naturelles, et particulièrement pour celle de
l’entomologie, nous disons qu’ils doivent absolument entre-
prendre de faire une collection d'insectes. S'ils ne se dé-
cident’ pas à mettre de la sorte la main à la pâte, suivant
le terme populaire, leur goût pour l’histoire naturelle ne
sera qu'un feu de paille, et s’éteindra facilement sous le
2 — Janvier 1906.
1O LE NATURALISTE CANADIEN
coup des impressions et des préoccupations qui se succèdent
sans relâche dans la vie.
Le goût de l’entomologie, pour durer, doit être alimenté.
Or rien ne saurait le soutenir et le développer comme le
but que l’on se propose de trouver et de posséder le plus
grand nombre possible d'espèces d'insectes. Les efforts qu’il
faut faire pour rencontrer et capturer les espèces que l’on
n’a pas encore, l’imprévu et le hasard qui marquent Îles
trouvailles que l’on fait, la joie que l’on ressent à pouvoir
ajouter à sa collection une espèce ou une variété qui y man-
quaïit, le désir de pouvoir encore combler le plus tôt pos-
sible des lacunes qui y persistent : tout cela donne un in-
térêt incroyable à l’occupation de réunir une collection
d'insectes, et en fait bientôt une sorte de passion beaucoup
plus vive, et surtout beaucoup plus justifiée que celle de la
timbrophilie. Il y a, dans la classe entomologique, un nom-
bre si considérable d’espèces différentes, qu’il est pratique-
ment impossible, même pour ie seul pays qu'on habite, de:
les réunir à peu près au complet dans ses casiers. Cette dif-
ficulté même d'atteindre le but projeté, jointe au plaisir
d'ajouter sans cesse à sa collection, est justement ce qui en-
tretient et aiguise, pour ainsi dire, ce goût que l’on ressent
pour s’occuper d’entomologie. Il faut donc conclure, des
considérations qui précèdent, que le fait de travailler à
faire une collection d'insectes est le sûr moyen d’aimer
lentomologie, de conserver et d’accroître l'intérêt que l’on
prend à s'occuper de cette science, si attrayante quand on
s’y livre un peu sérieusement.
Nous ajouterons que monter une collection entomologi-
que, c’est la voie la plus certaine pour acquéir la connais-
sance du monde des insectes. En effet, 1l ne s’agit pas seule-
ment de capturer et de fixer sur des épingles ie plus grand
nombre d’insectes que l’on pourra, et de remplir ainsi des ti-
roirs ou des boîtes à fond recouvert de liège. Ce ne serait
là que jeu d’enfant, et personne ne tiendrait longtemps à
COLLECTION D'INSECTES II
faire de l’entomologie de cette façon par trop élémentaire.
Ce qu'il faut, au contraire, c’est d'établir de l’ordre parmi
les spécimens que l’on possède, c’est de les disposer suivant
les familles, les genres et les espèces auxquels ils appar-
tiennent. Or, pour trouver quelle est la place qui convient
à chacun, il faut recourir aux descriptions faites par les
auteurs, où bien s’aider d’autres collections déjà classifiées:
mais chacune de ces deux méthodes exige une inspection
très attentive, et même minutieuse, des spécimens, — par
quoi l’on acquiert en peu de temps une connaissance appro-
fondie des caractères anatomiques des insectes de tous les
ordres.
Du reste, ce qui attache vraiment dans la pratique de
l’entomologie, ce n’est pas principalement l'étude faite dans
les livres, ni l'étude de l’insecte mort; c’est plutôt, pour
Pesprit curieux des choses de la nature, l’observation di-
recte et personnelle de l’insecte vivant, l’observation de ses
mœurs si curieuses et si différentes de celles des autres
êtres animés. Ces connaissances prises sur le vif, on les
acquerra par les efforts mêmes que l’on s'imposera pour
capturer les spécimens destinés à sa collection, par la re-
cherche et la poursuite que l’on en fera dans l'air, dans
Peau, dans les gazons, dans les feuillages, dans les milieux
divers où l’on a la chance de les trouver.
On ne peut donc pas monter soi-même une collection
sans acquérir des connaissances très variées et d’un extra-
ordinaire intérêt sur les insectes.
Il y a même, en cette matière, et quelque surpre-
nant que cela soit, un côté sentimental, poétique, voire hy-
giénique.
‘ Si vous voulez monter une collection d'insectes, vous en-
tendez bien que vous avez autre chose à faire qu’à vous
balancer dans votre chaise berceuse. Vous ne vous atten-
dez pas que, dès votre intention proclamée hautement, les
Papillons, les Ichneumons, les Carabes, les Libellules, etc.,
12 LE NATURATLISTE CANADIEN
vont s’en venir à tire-d’aile pour nue pas manquer l’hon-
neur d’entrér dans votre collection. Non, si vous ne bou-
giez pas de votre chambre, vous ne pourriez guère collec-
tionner que des espèces domestiques, Aouches, Punaises,
Blattes, Criquets, Poux et Puces: et encore, à part les
Mouches domestiques, vous ne trouverez que très excep-
tionneilement les autres espèces dans les maisons bien te-
nues: ce qui, après tout, est fort heureux, si lon se met
au point de. vue des gens que l’entomologie n’intéresse
d'aucune façon.
Il faut donc aller trouver les insectes où ils sont, c’est-à-
dire dans les prés verdoyants, le long des gais ruisseaux,
parmi les fieurs, sous les frais bocages.. Voyez-vous la poé-
sie qui déjà se dégage de ce tableau tracé en deux coups de
pinceau ?..Et les “ombres” ne manquent même pas au
tableau, puisqu'il est nécessaire d'indiquer, comme endroits
à scruter pour trouver certaines espèces, les bois pourris,
les charognes, et autres objets encore moins ragoûtants..
Mais ces courses à travers champs et forêts, dans l'at-
mosphère salubre des campagnes, n'est-ce pas tout ce qu’il
y a de meilleur pour la santé à recouvrer ou à maintenir,
de plus hygiénique, en un mot ?
Enfin, il reste encore un argument à présenter, pour
achever de convaincre le lecteur qu’il y a peu de chose,
dans le monde profane, de supérieur au métier ou à Part
du collectionneur d'insectes.
Une collection entomologique n’a de valeur, suivant les
idées qui ont cours aujourd’hui, qu’en proportion de ce que
son histoire écrite est plus complète. Il faut, en effet, que
l’on puisse dire de chaque spécimen qu’il a été capturé en
telle localité, et même à quelle date et par quelle personne.
Ces renseignements s'inscrivent sur les étiquettes mêmes.
des spécimens ou dans un régistre spécial. .
Eh bien, il résultera de cette manière de pramdes que
votre collection sera comme le journal de votre vie, durant
INFLUENCE DE LA LUNE SUR LA VÉGÉTATION 13
votre carrière d’entomologiste. Chacun des spécimens vous
rappellera l’agréable souvenir de tel voyage ou de telle ex-
cursion, dont les dates précises se trouveront fixées sur les
étiquettes ou dans le journal de la collection. Quel charme,
encore, de voir que tel spécimen a été capturé, il y a tant
d'années, par un ami disparu, dont vous n’aurez peut-être
que cet unique souvenir !
. La conclusion de ces considérations diverses, c’est qu’il
est indispensable, pour quiconque veut étudier un peu sé-
rieusement la vie entomologique, de se mettre sans aucun
délai à réunir une collection d’insectes.
FER —E
INFLUENCE DE LA LUNE SUR LA VEGETATION
À la suite de plusieurs études publiées sous ce titre, nous
manifestions le désir de voir nos savants prendre en main
cette question et chercher à la résoudre dans un sens ou
dans l’autre.
Cet appel a été entendu, paraît-il, car le Bulletin de l'of-
_Jfice de renseignements agricoles, publié sous les auspices
du ministère de l'Agriculture, rend ainsi compte—dans un
de ses derniers numéros, des expériences que M. Camiile
Flammarion, l’astronome bien connu et si populaire, a
comimencées en 1904 à la station de climatologie agricole
de Juvisy, afin de vérifier la réalité de l'influence que la
commune croyance attribue à la lune sur la végétation.
“Bien qu’invraisemblable au premier abord, dit M. Flam-
marion, 1] y a cependant lieu d'examiner avec soin si cette
influence existe réellement. La lumière lunaire, en effet,
diffère de la lumière solaire en ce qu’elle est relativement
beaucoup plus riche que celle-ci en rayons obscurs, de sorte
que ce rayonnement particulier pourrait être une cause ca-
pable de produire des effets spéciaux. La différence entre
les effets dus à la lune croissante et à la lune décroissante,
14 LE NATURALISTE CANADIEN
si e‘le existe, pourrait également tenir à ce que le végétal
ne se trouve pas dans jes,:mêmes conditions : au dernier
quartier, le végétal reçoit le rayonnement lunaire après.
avoir subi le refroidissement nocturne dans la prenrière par-
tie de la nuit, tandis qu’au premier quartier, c’est l'inverse
qui a lieu.”
M. Flammarion a donc fait de nombreux semis à des:
dates correspondantes aux différentes phases de la lune, em
tenant compte de la température du sol au nroment des se-
mailles et de son humidité.
“Des pois semés en nouvelle lune, le 15 avril, ont mieux
réussi que ceux qui ont été semés en pleine lune le 3 mars ;
les semis du dernier quartier (7 avril} et du premier quartier
(22 avril} ont mal réussi.
“Pour les betteraves, c’est le semis du dernier quartier
(7 avril) qui a le mieux réussi.
“Des carottes semées aux mêmes dates n’ont réussi dans.
aucune des planches, Des semis de poireaux n’ont présenté
aucune différence bien sensible. La planche d’oignons la
plis belle a été semée en nouvelle lune, ie 15 avril.
“Des pommes de terre plantées en pleine lune, le 29
avril, et au dernier quartier, le 7 mai, ont mieux réussi que
celles qui avaient été plantées le 15 avril en nouvelle tunes
et le 22 avril, au premier quartier.
“Des haricots semés le 29 avril, en pleine lune, et le 7
mai, au dernier quartier, ont bien réussi, et la récolte a été
abondante: semés en nouvelle lune et au premier quartier,
ils ont donné un plus faible rendement.
“Des romaines, des laitues, des choux, des radis, des ca-
rottes ont été semés en pleine lune, le 29 mai et le 27 juin;
en nouvelle lune, le 13 juin'et le 13 juillet; la réussite a
été bonne pour le semis du 29 mai; dans les trois autres
semis, les graines n’ont pas bien levé et les plantes sont mal:
venues.”
Sans doute, le résultat de ces premières expériences n’a
PSS
PUBLICATIONS REÇUES 15
rien de bien concluant, mais au moins, la science s’est mise
en marche et maintenant nous avons lieu d'espérer qu’elle
ne s'arrêtera pas et nous fixera définitivement dans... quel-
ques années.
Cela ne doit pas empêcher nos lecteurs de faire, de leur
côté, de sérieuses expériences.
(Pèlerin.) KE,
PUBLICATIONS REÇUES
— Actes de la Société linnéenne de Bordeaux. Vol. LIX.
1904.
— Bulletin de la Socrêté royale de Botanique de Belgique,
1902-3-4-5- | |
—(Bulletin of the U. S. National Museum, No 53, Part I)
Catalogue of the type and higured specimens of fossils, mi-
nerals, rocks and ores in the deparrment of geology, U.S.
National Museum, Part I. Fossil invertebrates. Washing-
ton. 1905.
Ce volume, qui a plus de 700 pages, devra être suivi de
plusieurs autres, pour contenir toute la liste des spécimens
de l'immense musée de Washington.
— Minnesota Plant Diseases, by KE. M. Freeman, Saint-
Paul, Minnesota, 1905. Volume in-8° de 432 pages, illus-
tré de 211 gravures.
Ce superbe volume, publié aux frais de l’Université de
Minnesota, contient une étude générale des champignons et
autres organismes nuisibles aux végétaux de l’état du Min-
nesota, avec indication de procédés pour lutter contre les
ravages de ces maladies diverses.
—(N. Y. State Museum.) 20/4 Report of the State En-
tomotogist on Injurious and other Insects of the State cf New
}ork, 1904. Albany. 1905.
Ce volume compte environ 250 pages, et les entomolo-
. gistes sont au fait de son importance scientifique.
/
16 LE NATURALISTE CANADIEN
— Annuaire statistique du Canada, 1904. Ottawa. 1905: .
— Nous accusons réception de l’A/manach Agricole, Coms
mercial et Historique de 1906, publié par la Cons
J.-B. Rolland & Fils, Montréal.
Dans cette 40e édition se trouve le nom de tous les
Membres du Parlement fédéral et de la Législature de
Québec qui viennent d’être élus. Il contient aussi le nom
de la Hiérarchie eatholique du Canada, l’administration
des divers départements de la province de Québec, et grand
nombre d'informations très utiles. Cet Almanach est en
vente chez tous les principaux libraires au prix de cinq
centins l’exemplaire.
—Almanach des Cercles Agricoles, 1906, publié par la
Compagnie J.-B. Rolland & Fils, Montréal.
Il contient, outre le calendrier ordinaire des autres alma-
nachs, des conseils agricoles pour chaque mois, des articles
sur la culture du sol, des notions sur l’horticulture, l’hy- .
giène, ainsi que des recettes sur l’économie domestique.
Cet ouvrage fait vraiment honneur à son rédacteur M. Na-
gant, du /ournal d'Agriculture.
Cet aimanach est en vente chez tous les principaux li-.
braires, à 10 cts. |
— Calendrier de la Puissance du Canada, 1906. Ce ca-
lendrier contient une liste complète de la hiérarchte ecclé-
siastique, ainsi que le nom de tous les curés de la Puis-
sance. ki
Il est en vente chez tous les principaux libraires à 5. cts
J'exemplaire.
| (1 4 17 F.
LE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Février 1906
VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No2
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
LE DISTRICT MINIER DE COBALT
Rockes et Minéraux
Jusque dans ces dernières années, avant la construction
du chemin de fer de ‘*Témiscamingue et Nord d'Ontario”,
la récion sise à l'Ouest du lac Témiscamingue n'était
guère connue que des bûcherons ; ces braves gens, forts
à la hache mais très faibles en...minéralozie, avaient
même, dit-on, égratigné ou labouré, avec leurs charges de
bois, mais sans y prendre garde, l’affleurement plus ou
mo'ns décomposé d’une grande et riche veine métallifère
uon lein de l’endroit où s’élève aujourd’hui la ville nais-
sante de Cobalt.
Au printemps 1903, quelques employés du ‘’Temiscaming
and Northern Ontario Ry.”, attirés par la teinte rosée de
certaines pierres (cette teinte rosée indique souvent un ar-
séniate hydraté de cobalt, érythrite ou fleur de cobalt).
conçurent l'idée que ces minéraux pouvaient avoir une
certaine valeur économique. Plus tard on trouva des échan-
tillons de niccolite (arséniure de nickel), et les découvertes
de minerais relativement rares de cobalt, de nickel et
d'argent se succédèrent. Le bureau des mines de Toronto
fit faire une étude de la région, et M. W. Miller, géologue
provincial d'Ontario, publia l’été dernier un rapport très
3 — Février, 1906.
18 LE NATURALISTEH CANADIEN
intéressant, avec une carte géologique détaillée, pouvart
servir de guide à tous ceux qui accourent en foule pour
prospecter et exploiter ce district.
Actuellement, on y a découvert plus de 40 veines ou
filons, qui sont distribués sur environ 25 lots de 40 acres,
c’est-à-dire sur une petite surface entourant la ville de
Cobalt ; presque chaque jour on fait de nouvelles découver-
tes en egrandissant le cercle des recherches. Les filons de
minerais occupent presque sans exception des fissures verti-
cales traversant le terrain ‘‘Huronien inférieur”. .
Voici, d’après le géologue Miller, une liste des princi-
paux minéraux et minerais que renferment les gisements
du district de Cobalt:
I.— Eléments métalliques (à l'état natif) : Argent natif,
Bismuth natif, Graphite.
IT. —Arséniures : Niccolite (arsémiure de nickel): chlo-
anthite (biarséniure de nickel) ; Smaltine (biarséniure de
Cobalt.
III. —Arséniates : Erythrine ( arséniate hydraté de co-
balt) ; Annabergite (arséniate hydraté de nickel, fleur de
nickel).
IV.—Sulfures : Argentite (sulfure d'argent) ; Millerite
(sulfure de nickel).
V.—Sulfo-Arséniures : Mispickel (sulfo-arséninre de fer).
VI.—Antimoniures : Dyscrasite (antimoniure d'argent).
Vil.—Sulfo-antimoniures : Pyrargyrite ou argent rouge
antimonié (sulfo-antimoniure d’argent).
l'étrahédrite (sulfo-antimoniure de cuivre). :
Outre un certain nombre de produits d’altération des
minéraux précédents, tels que l’asbolane (cobalt oxydé
noir) qui est de la fleur de cobalt très altérée, on trouve
encore d’autres sulfures non mentionnés ci-dessus, spéciale-
ment dans la roche formant le mur de la veine ; ces der-
niers consistent en pyrite de cuivre et bornite (qui sont des
sulfures de fer et de cuivre), galène (sulfure de plomb) et
ROCHES ET MINÉRAUX 19
pyrites de fer (sulfure et bisulfure de fer). La blende (sul-
fure de zinc) s’y trouve aussi en certains points.
Comme on le voit, il y a ici une remarquable collection
de minéraux relativement rares et nombreux. Ce groupe-
ment présente quelque analogie avec les gisements célè-
bres de Joachimsthal, en Bohème, mais cependant ne sem-
ble pas contenir, comme ces derniers, de l’uraninite ou
pechblende, ce fameux minéral d'uranium radio-actif dont
M. et Mme Curie ont extrait le radium.
À défaut de pechblende (dont l'absence, d’ailleurs, ne me
semble pas encore démontrée), les gisements du district de
Cobalt sont beaucoup plus riches que ceux de Joachimsthai
en argent, cobalt, nickel et arsenic.
La richesse du minerai canadien est phénoménale. On y
trouve parfois des veines de dix pouces contenant une forte
proportion d'argent natif, en blocs qu'il est difficile de bri-
ser pour la mise en sas ; certaines veines plus étroites, n’a-
yant qu’un demi-pouce d'épaisseur, sont composées d'une
seule feuille onu plaque d'argent massif.
”
L'argent natif ” se trouve en masses et également sous
forme de pellicules, écailles, feuilles et filaments. A la mn
ne “Trethewev”, à Cobalt, on a extrait des masses d’argent
massif dont l’une pesait 79 livres.
Le ‘“bismuth” natif se rencontre dans tous les gisements
exploités à Cobalt. Sur les surfaces de cassure fraîche, il
a presque la couleur de l'argent natif ; on le distingue de
ce dernier par sa moindre dureté.
Le “cobalt” est contenu principalement dans la smaltine
qui est un biarséniure de ce métal. Comme on le sait, le
cobalt est surtout employé en céramique et dans ia fabrica-
tion des verres bleus.
La plus grande partie du nickel se trouve surtout sous
forme d’arséniure (niccolite et chloanthite).
“Production et analyses”.— Pour donner une idée exacte
de la richesse des minerais extraits de cinq ou six mines
20 LE NATURALISTE CANADIEN
exploitées autour de la station de Cobalt, citons un exem-
ple tiré des rapports officiels :
Du 31 mars au 30 juin 1905, on expédia de la station de
Cobalt 537 tonnes de minerai brut, évaluées à $394,000,
soit à $#834 par tonne. Cette charge contenait en moyenne:
AGENTS RME MENUL URSS cd PONT ICETNE
COBATENE FRIC UN QE MA ALTER ge:
Nickér. 00: ASE te PP 5
AFRICAN RS Le 47 A PERS "
Les métaux contenus furent vendus approximativement
aux prix suivants : argent, 60 cts l'once Troy ; cobalt, 65
cents la livre ; nickel, 12 cts à 15 cts la livre, et l’arsenic à
1 cent la livre. L
Actuellement, 1l y a plus de 20 concessions minières mi-
ses en exploitation.
Une seule veine exploitée à la miue de La Rose, au nord-
est de Cobalt, a déjà produit des minerais de nickel, cobalt
et argent pour $1,000,000 avant la fin de l’année 1905.
La mine Trethewey, au nord de la station, areçu des
paiements de $ 80,000 par char de trente tonnes de mine-
rails.
Aperçu géologique.—X,e rapport de 1905 du Prof. Miller
contient une très belle étude géologique de la région. Nous
ne pouvons en présenter ici qu’un résumé très abrégé.
Voici, en commençant par les plus anciennes, les div:r-
ses formations géolowiques que l’on rencontre dans je dis-
trict de Cobait :
1.—Le Keewatin, formé d'un mélange complexe de ro-
ches d’origine ignée et consistant en diorite, porphyre
quartzeux, etc., a subi un certain nombre de plissements et
de perturbations. Cette formation, qui se trouve en dessous
du Huromen inférieur, présente un intérêt économique réel,
car elle contient de puissants gisements encore peu explo-
rés de minerais de fer, fer arsénical, pyrite de cuivre, etc.,
et même un peu d’or.
RL +
ROCHES ET MINÉRAUX 21
2.—Le Granit laurentien qui pénètre par intrusion
dans le Keewatin, mais s'arrête à la base du Huronien in-
férieur.
3.—Le Huronien inférieur, qui contient les fameux gise-
ments d'argent et d'arséniures de cobalt et de nickel et est,
à ce titre, la plus intéressante formation de la région. C’est
Ja plus ancienne formation d’origine sédimentaire que l’on
y «it encore trouvée. Elle contient, il est vrai, des frag-
ments d’une roche sédimentaire encore plus ancienne, mais
non encore identifiée. Le Hnronien inférieur est très va-
riable de composition dans ses horizons les plus bas, ce
qui montre que les conditions de sa sédimentation ont dû
être très irrégulières. Il a été dépose sur un fond très iné-
gal et accidenté. On trouve à sa base tantôt un conglomé-
rat grossier, tantôt nn quartzite yris à graius réguliers,
puis, en montant. une succession de schistes régulièrement
zonés, quartzites, etc. Cette formation du Huronien inférieur
semble avoir une épaisseur moyenne de 500 pds. Dans le
voisinage des gisements de minerais, les roches de cette
formation sont horizontales où faiblement inclinées. Vers
le nord, près du lac Téimiscamingue, leur plongement est
plus accentné.
4.—Le Huronien moyen est un quartzite gris jaunâtre,
feldspathique, à texture grossière, c’est-à-dire un arkose. Il
repose en stratification discordante sur le Huronien infé-
rieur. On le rencontre en plusieurs points sur les bords du
lac Témiscamingue. Il présente peu d'intérêt.
$s—Diabase.—Formation d’origine ignée, éruptive, com-
posée en général de diabase, mais variant de la diorite au
gabbro. Elle constitue d’importantes masses d’intrusion.
Ces roches à diabase traversant toutes les autres formations
précédemment nommées, on en conclut qu’elles sont de
formation plus récente que le Huronien moyen ; mais elles
sont cependant plus anciennes que la formation dite “Cal-
caire de Niagara” qu’elles ne traversent pas. Les fissures
‘
22 LE NATURALISTE CANADIEN
occupées maintenant par ies minerais de cobalt-nickel-ar-
gent dans le Huronien inférieur, furent probablement pro-
duites par le bouleversement qui accompagna l’éruption
de la diabase. Les minéraux d'argent, etc, aui font la ri-
chesse de ce district, furent probablement déposés par les
eaux chaudes et fortement chargées de solutions métalli-
ques associées au phénomène de l’éruption (l’arrivée de
ces eaux salines et chaudes marquent ordinairement Ja
dernière phase des éruptions).
6.— Le Calcaire de Niagara.—Cette formation se pré-
sente au Nord et à l'Est du district, recouvrant les roches
plus anciennes. Comme elle est apparemment plus récente
que les gisements de minerais étudiés dans cet article, elle
est à ce point de vue sans intérêt.
7.—Enfin, les Dépôts glaciaires qui recouvrent toute la
surface du sol. |
Ces dépôts constituent souvent un obstacle formidable
aux recherches des prospecteurs, surtout lorsqu'ils sont
eux-mêmes recouverts par la végétation. -
Telie est, en résumé, la série des terrains géologiques
que l’on rencontre dans l’intéressante région de Cobalt.
La région Nord-ouest de la province de Québec que va
parcourir prochainement le chemin de fer du Grand-Tronc-
Pacifique n’est, en somme, que la continuation des hori-
zons géologiques étudiés ici; et il m'a semblé que les rensei-
gnements condensés dans cet article seraient de quelque
utilité à ceux des lecteurs du ‘“Naturaliste canadien” qui
se proposent d'assister de près ou de loin au dévoilement
des trésors minéraux que renferme le Nord.
H. NAGANT. (1)
(1) Comme on le constate, le Vuturaliste voit un nom nouveau, et loin
d’être inconnu, s’ajouter à la liste de ses collaborateurs. Nos lecteurs
seront heureux, comme nous, de ce que la minéralogie, depuis si long-
temps absente de nos pages, y reparaisse aujourd’hui grâce à M, Nagant,
qui, nous avons lieu de l’espérer, ne fait qu’ouvrir aujourd’hui une série
d'articles intéressants et utiles. 269. h
CHRONIQUE 23
CHRONIQUE
De la Grande-Bretagne nous vient ceci : En brisant un
morceau de roche d’une corsidérable grandeur, récemment,
à Blackburn, des ouvriers découvrirent dans l’intérieur de
la pierre un ver mesurant sept pouces de longueur. Le
journal de l’endroit nous assure qu’au contact de l’air ex-
térieur le ver donna des signes de vie, et il conclut grave-
ment par dire que l’opinion de plusieurs savants locaux est
que le ver en question devait avoir à son actif plusieurs
mille ans d'existence !
De l'activité et de la somme de travail que peuvent
fournir les oiseaux, nous avons une preuve dans le fait
suivant. À Louisville, Kentucky, Etats-Unis, des Moi-
neaux qui n'avaient pas été dérangés depuis sept ans,
avaient rempli un grenier de foin, de paille et de branches.
Il y a quelques jours, le propriétaire de l'immeuble, vou-
lant inspecter les lieux, dérangea les Moineaux qui avaient
fait du grenier leur domicile ; et quand il l’eut vidé, il se
trouva qu’il y avait là deux bonnes charges de foin, de
paille et de branches. On y compta plus de deux cents nids.
Et les Moineaux ne battirent en retraite qu'après une résis-
tance prolongée.
HA
Le jardin zoologiqne d'Edimburgh, Ecosse, vient de s'en-
richir d’un jeune Renne, le premier animal de son espèce
ué dans le Royaume-Uni et le premier aussi, dit-on, né en
captivité.
*
* *
Il n’y a pas de serpents en Irlande, du moins à ce que
nos amis les Irlandais assurent. Or, on vient de tuer un repti-
le de ce genre, dernièrement, dans un champ d'Orklow,
comté de Wicklow, et les gens de l’endroit n'ont trouvé
24 LE NATURALISTE CANADIEN
qu'une explication de ce fait extraordinaire : ils préten-
ù AT ; \
dent que le reptile doit être sorti de l’eau.
Un écrivain français parle. dans une revue scientifique
des énorines profondeurs de l’océan, variant de 25009 à
30,000 pds. La température y descend jusqu’à zéro, et au-
dessous de 1280 pds, la nuit règne sans fin. A cette profon-
deur, les plantes privées de luimière ne peuvent pas vivre,
et les êtres qui y habitent doivent être carnivores. L'organe
de la vue, n'étant pas en usage, a disparu. Et cependant il
y a une sorte de lumière, même dans ce monde sombre. En
effet, un navire allemand a trouvé à une profondeur de
6,400 pds un poisson avec des yeux énormes.
x
Les castors recominencent à se propager dans les eaux
du Manitoba. Il y a une famille de ces intéressants ani-
maux à Carberry, cinq familles à la rivière du Cygne,
trois ou quatre à Minitones, et plusieurs dans les coulées
entre la montagne du Canard et Riding Mountain. Près
de Nesbitt, sur la rivière Souris, il y a une trentaine de
castors qui construisent un barrage ; et le département de
l'Agricultuie a nominé nn homme dont la mission consiste
à les protéger. Espérons que la protection sera efficace et
permettra aux castors de reprendre domicile dans une pro-
vince où ils abondaïient autrefois.
k
*X *X
Les journaux scientifiques allemands nous apportent la
description du squelette d’un éléphant de mer géant, que
l’on vient de monter au jardin zoologique de Berlin et qui
constitue le plus wrand exemplaire de cet animal qui aît
été tué. Il mesure à peu près 21 pds du bout de la queue
au bout de la défense, et devait peser vivant 10,000 Ibs ou
près de quatre tonnes et demie. La circonférence de son
corps à l'endroit le plus gros est de 18 pds'; le crâne seul
mesure 2 pieds et 3 pes de long, sur 1 pied et 3 pouces de
haut.
AGE T4
CHRONIQUE 25
L’éléphant de mer, ou Eléphant-Morse, est à plusieurs
points de vue une curieuse bête. Pour la taille, il peut
lutter avec le Walrus, qui a l'aspect plus féroce. Son nez
excepté, c’est un gros Morse noir, assez vif dans l’eau et
très palot à terre, comme tous ceux de son espèce. Il est
pesant comme un Hippopotame, qu'il rappelle vaguement.
Il appartient aux deux hémisphères, mais il a été tant
chassé que l’on en rencontre très peu d'individus au nord
de l’Equateur. Il hante les rochers déserts des îles Kergue-
len et Thetland, dans l’océan Antarctique, où jadis 1l exis-
tait en bandes innombrables. On le tuait pour sa peau et
pour l'huile que donnait sa graisse. Il se nourrit presque
exclusivement de poissons. Une particularité des défenses
de cet animal, c’est que celles du mâle sont pleines, tandis
que celles de la femeile sont plus courtes et presque entiè-
rement vides,
HENRY TILMANS.
+ &+—
UNE APPRÉCIATION
Nous traduisons et reproduisons. de la livraison®de fé-
vrier de l’Ot/awa Naturalist, un compte rendu bibliogra-
phique de notre 7rarté élémentaire de Zoologie et ;d'Hy-
giène, écrit par M. J.-A Guignard, assistant-botaniste et en-
tomologiste du Canada, et qui est déjà bien connn de nos
lecteurs.
“Cet ouvrage, très utile et très précis sur la zoologie et
l'hygiène et dent on attendait la publication depuis quel-
que temps, vient de paraître. Cette publication sera sans
doute accueillie avec un plaisir particulier par tous ceux
qui ont du goût pour les sciences naturelles, même en de-
hors de la population française du Canada. En effet, c’est
à notre connaissance le seul ouvrage contenant un aperçu
général de la faune du Canada qui ait encore été publié.
4 — Février, 1906.
26 LE NATURALISTE CANADIEN
En outre, les genres les plns importants où les plus intéres-
sants de la faune de tous les pays v sont mentionnés et
souvent aussi 11lustrés, en sorte que l’on a là une. vu: d’en-
semble fort complète de tout le rèxne atiiunal.
“auteur du livre est un naturaliste de race et passionné
pour le sujet qu'il traite ; la clarté de l'exposition est la
note caractéristique de sa manière. [l n’a épirgné aucune
peine pour atteindre la précision et l'exactitude, qui sont
indispensabies dans un livre de science, c’est-à-dire un livré
où tout doit être exact.
‘Les amateurs, les instituteurs et les étudiants trouveront
donc un guide sûr, pour l’étude de la faune canadienne,
dans l’ouvrage dont nous parlons, et qui contient aussi des
notions fort développées de l'anatomie et de la physiologie
animales.
“Enfin, il est à souhaiter que ce livre soit largement in-
troduit dans les écoles françaises du Cinada”:
I.-A: GUIGNARD.
a rt GR DE ae
Em S
DE LA*CHASSE AUX INSECTPES
Pour faire un civet de lièvre : 2yenez un lièvre, etc.
Pour faire une collection d'insectes : Prenez des insectes.
C’est bien, dans les deux cas, la même coudition impé-
rieuse, et d’une vérité encore plus littérale dans le second.
A serrer la question de près, il y a, à vrai dire, deux fa-
cons de former une collection entomologique.
De même qu'il y a des marchands de boutons et de tant
d’autres articies divers, il y a aussien plusieurs grandes
villes des marchands d’insectes, et l’on pourrait parfaite-
ment se faire expédier leurs catalogues, y choïsir les
espèces que l’on voudrait avoir, et se les faire expédier chez
soi, où l’on prendrait tout le loisir voulu pour les classer :
DE LA" CHASSE, AUX INSECTES 27
suivant le meïlleur ordre scientifique. Seulement, ce
moyen pen hérn'que de faire de l’histoire naturelle est loin
d’être à la portée de tout le monde, parce qu’il serait extrê-
mement coûteux, au moins autant que l+ serait l’établisse-
ment d’une collection philatélique exclusivement à prix
d'argent. Et puis, comme il n’est ici question que de la pro-
vince de Québec, et qu'il ne se trouve en aucune de nos
villes des magasins entomologiques ; comme il faudrait donc
fair ses achats l: spécimens par exemple à New-Vork,
pour ne pas parler de Londres, Paris, etc., on peut être as-
suré an‘une collection formée ainsi de spécimens achetés
en des villes de l'étranger manquerait de beaucoup d’es-
pèces communes dans notre pays.
One si, pour des raisons spéciales, l’on tenait absolument
à monter une collection d'insectes à prix d'argent, le plus
pratique serait d'acheter la collection de quelqu'un de nos
amateurs obligé dese “retirer des affaires” entomologi-
ques. Maïs l’on trouvera rarement des occasions de ce gen-
re, surtout parce que le nombre de nos amateurs est très
restreint.
Non! Ce qu’il y a à faire pour l’aspirant entomologiste,
c'est d’aller prendre lui-même les insectes où ils se trou-
vent, c’est-à-dire partout. Des insectes ! Mais, durant cinq
bons mois chaque année, les champs et les jardins, les
montagnes et les vallons, les cours d’ean et es lacs en
sont remplis ! I] n’y a qu’à aller les y capturer en tel nom-
bre qu’on le désire. Et voilà justement ce qui rend sa col-
lection si chère au collectionneur, puisqu'elle représente à
ses yeux une somme considérable de soins et de fatigues,
qu’elle devient même comme un tableau d’une partie plus
ou moins considérable de sa vie. Il ne peut promener ses
regards à travers les casiers de sa collection sans se rappe-
ler, souvent avec le plus grand charme, qu'il a capturé tel
et tel insecte, en telle année, en telle campagne, avec. tels
ou tels incidents plus ou moins pittoresques.
38 LE NKATURALISTE CANADIEN
Mais, encore, il ne fant pas oublier que ce n’est qu'e, se
Jivrant à la chasse anx insectes que l’on peut amasser une
réserve de ‘“doubles’”, c’est-à-dire de spécimens dont l’on
possède déjà des semb'ables dans sa collection. Ces doubles,
il y a intérêt à en accroître la quantité le plus qu'il est pos-
sible. C’est, ei effet, pour le collectionneur, un véritable
trésor qui lui permettra d’avoir les plus avantageuses rela-
tions d'échange avec d’autres collectionneurs du pays, et
de se procurer ainst le plus facilement du monde, des espè-
ces qu’il n’a pu rencontrer encore dans ses chasses. Et com-
me il pourrait avoir le goût d’ajouter à sa collection d'in-
sectes du pays une collection spéciale d'insectes des pays
étrangers, il n'aura qu’à se mettre en rapport avec des col-
lectionneurs de ces pays, pour échanger avec eux des spé-
cimens. 11 y a ainsi, dans la plupart des pays civilisés, des
entomologistes très désireux d’avoir des correspondants en
Amérique, et spécialement au Canada, et l’on ne sera ja-
n ais en jeine de disposer de tous les spécimens que lon
aurà capturés en nombre. De cette façon et sans qu’il en
coûte à peu près aucun déboutrsé, on peut réunir une col-
lection considérable d'insectes des autres pays ou conti-
nents. Pour ce qui est de connaître les noins et les adresses.
de ces collectionneurs étrangers, il n’y a qu’à consulter les
annonces des revues entomologiques, où mieux encore
l’'Æntomologists Directory (Etats-Unis et Canada), publié
par ie Dr H. Skinner (:); ou l'/x/ernational Screntists”
Directory, S. E. Cassino (Boston, Mass, U.S.): ces ou-
vrages contiennent la liste assez complèt: des naturalistes
professionnels ou amateurs de tous les pays.
Nous croyons pouvoir supposer que le .naturaliste ; ama-
teur, à qui nous nous adressons 1c1, s’est laissé convaincre
de l'intérêt qu’il y a pour lui à se livrer à la chasse aux
insectes. Il convient donc maintenant de,iui donner des
(1) American Entomological Society, Philadelphia, Pa., U. S.
DE LA CHASSE AUX INSECTES 29
conseils pratiques qui l'aideront à tirer bon profit de cètte
attrayante occupation.
Et de même que le chasseur de gibier à poii où à plui-
nie ne se met pas en campagne sans ses cartouches et sa
carabine, ainsi le chas<eur d'insectes ne siurait se passer de
certains instruments propres à lui faciliter sa tâche. Nos
allons faire ici une uue énumération desc’iptive des arti-
cles qui composent l’outiilage de l’entomologiste en c«um-
pagne.
FiLET.—Vulgairement, cet appareil est souvent disizné
par le nom de #/oche. Il consiste essentiellement en une sorte
de sac profond de tulle, de gaze, de soie, à mailles claires,
dont l'ouverture est fixée tout le long d’un cercle inétalli-
que, qui est lui-même ajusté au bout d’une canie ou d’un
n anche long de trois ou quatre pieds.
Comme on le voit, jour peu que l’on soit ingénieux, cet
instrument n’est pas difficile à fabriquer. Il y suit d’un
bout de fil de fer un peu fort, d'un morceau de
mousseline, et disous, du manche d’un...ex-
balai. Et comme il arrive assez souvent que
des ga’s de la campagne, munis des plus élé-
inentaires fourniments de pêche, font les cap-
tures les plus intéressantes sur les lacs et les
rivières, rien n'empêche que l’amateur, armé
de la filoche la plus invraisemblablement fa-
briquée, n’en retire des spicimens eutomologi-
ques absolument extraordinaires, c’est-à-dire
très rares et même inconnus jusque-là. Cela
soit dit pou! la consolation et l’encouragement
des amateurs qui, ainsi que cela se rencontre,
sont beaucoup mieux pourvus de zèle et de
courage que de ressources monétaires.
Il est toutefois avantageux, si on peut le
faire, de se procurer un filet tout fait, chez les marchands
30 LE NATURALISTE CANADIEN
d'objets d'histoire naturelle. Comme c’est le cas pour beau-
coup de marchandises, il y en a de tous les prix et pour
tous les goûts. C’est ainsi, par exemple, qu’on en trouvera
dont le cercle peut se détacher du manche et se fermer en
deux on en quatre ; le manche lui-même se défait en trois
ou quatre bouts, et voilà un instrument qu’il est facile de
faire entrer dans les poches de son pardessus ou dans sa sa-
coche de voyage, et d’emporter avec soi dans la moindre
petite excursion que l’on va faire à la campagne. On peut
aussi faire disposer le cercle du filet de telle sorte qu’il
s’adapte au bout de sa canne, c'est là un procédé qui ré-
N
duit au minimum le souci d’être prêt à profiter de toutes
les occasions qui peuvent se présenter.
(À suivre.)
TK ER = D
LE SPOTSSON SOTETL?
La Croix (Paris) publiait, en son numéro du 28 décem-
bre dernier, l'entrefilet suivant :
Un nouveau poisson
“On signale l'apparition, dans la rivière d’Aïn, d’un nou-
veau poisson d’origine canadienne, appelé poissou-soleil, en
raison de ses écailles brillantes.
-Ce nouveau poisson, qui « multip'ie rapidement, est
très vorace. Heureusement, sa longuerir ne dépasse pas o
im. 15 et il faut trois ans pour atteindre le poids de 40
grammes.’
Le correspondant parisien du .So/ei! (Québec) lui écri*
vait, à la date du 9 janvier, au cours d’un arti:le publié le
24 janvier :
“ On signale l'apparition dans plusieurs rivières de l’Est
de la France d’un nouveau poisson d’origine canadienne;.’
appelé poisson-soleil en raison de ses écailles brillantes.
ie
LE POISSON-SOLEÆEIL 31
‘“ Ce nouveau poisson, qui se multiplie rapidement, est
très vorace. Heureïisement sa longueur ne dépasse pas 7
centimètres et il lui faut trois ans pour atteindre le poids
de 40 grammes.
“ Le journal de Saônc-et-Lo're, auquel j'emprunte ces
renseignements, dit en forme de conclusion : “Comine on
f ne voit guère un poisson aussi menu traverser tout seul
f“ l'océan, pour venir, du Cauada, peupler les cours d’eau
“ français, il faut que quelqu'un nous aïît fait ce cadeau. Il
‘ aurait mieux fait de le garder pour lui.”
Si nous enregistrons l'affirmation contenue dans ces en-
trefilets, c’est uniquement parce qu'il y est question de ia
faune canadienne, quoique sans doute sans aucune sorte de
fondement. Car rien n’est plus invraisemblable que l’intro-
duction dans une rivière européenne d'une très petite es-
pèce de poisson d'Amérique,
Après cela, nous pouvons bien dire qu'il n'y a pas an
Canada de poisson à qui nos donnions, en français, le nom
vulgaire de “Poisson-Soleil”. Par contre, toute une famille
de nos poissons d'Amérique, celle des Centrarchidés, porte
le nom anglais de Suw-Æishes, soit Poissons-Soleils. Notre
Pomote, nommé :zénéralement Crapet, si abondant par
toute la Province, est l’un de ces poissons ; et sa longueur
qui est de 6 ou 7 pouces, correspond précisément à celle de
15 centimètres attribuée par la Croix au poisson dont elle
parle (les “7 cent.” de la co: respondance du ,So/ez/ nous pa-
raissent invraisemblables et n'être que le résultat d'une in-
attention.) l
La question du Poïsson-Soleil, originaire du Canada et
acclimaté dans les rivières de France, est en définitive loin
d être élucidée. Bien plus, nous trouvons très douteux
qu'elle soit même sérieusement ouverte.
SR
32 LE NATURALISTE CANADIEN
NOS FRUITS CANADIENS EN BELGIQUE
Afin de montrer, d’une part, la valeur des fruits du Cana-
da telle qu’on l’apprécie à l'étranger, et, d’autre part, l’im-
portance qu’il y a pour notre pays de prendre part aux
expositions universellss ou autres, nous reproduisons ici
une lettre que nous recevions dernièrement de M. N. Sé-
chers, secrétaire de la Société royale linnéenne de Bruxel-
les et éditeur du Monzteur horticole belge. Il] nous a été
agréable de fournir à M. Séghers, dès la réception de sa let-
tre, tous les renseignements que nous étions en mesure de
lui donner sur le sujet dont il nous avait entretenu.
‘A l’occasion de l’assemblée générale annuelle de Ja
Société royale linnéenne qui vient de l'appeler à la prési:
dence, M. Vernieuwe, directeur au ministère de l’Agricul-
ture. a entretenu la réunion de l'abandon dans lequel se
trouve actuellement la pomologie en Belgique.
‘‘Peu de chose, dit-il, nous rattache encore à un passé
brillant : car on oublie trop que la Belgique est en réalité
la terre classique de la pomologie moderne. La plupart de
uos ineilleures poires et pommes ont été obtenues par des
semeurs belges, dont maiheureusement la tradition, s'est
perdue ou tout ou moins a cessé d'être vivace.
“M. Vernieuwe a démontré l’urgente nécessité d'étudier les
moyens de renouer le présent au passé. Il a signalé les
travaux des pomologues américains qui se sont précisé-
ment inspirés des travaux des semeurs belges.
Bref, le comité de la Société linnéenne a pris la résolu-
tion de mettre tont en œuvre pour relever la pomologie et
de faire connaîtie par la vor: de son journal les obtentions
nouvelles tant belves qu'étrangères.
“L'exposition universelle de Liève a permis au gou-
vérueiment canadien de nous montrer des fruits superbes,
inconnus dans nos cultures, que nous serions «lésireux de
cultiver pour pouvoir les apprécier.
“Me serait-il permis de vous demnnder de bien vouloir
me donner quelques adresses Jde semeurs, de pépiniéristes
consciencieux, et m'indiquer les journaux horticoles qui
s'occupent plus spécialement d'arboriculture.”
Le Secrétaire,
N. SÉGHERS.
LE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Mars 1906
VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 3
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
LA GRANDE LAMPROIE DE MER
Dans le huitième volume du ÂVaturaliste canadien,
l'abbé Provancher décrit trois espèces de Lamproie appar-
tenant à la faune canadienne, et dont la taille varie de 3 à
8 pouces. Or, on n’a apporté l’été dernier une Lamproie
capturée à Saint-Joseph de Lévis et qui mesurait près de 30
pouces: Aucune des descriptions de l’abbé Provancher ne
pouvait convenir à cet individu. Il s’agissait donc d’une
espèce qui avait échappé à l’attention de notre Linnée ca-
uadien ou qui avait été introduite depuis son temps. Inter-
rogé là-dessus, le directeur actuel du Vaturaliste répondit
que ce pouvait bien être la grande Lamproie marine, Peftro-
myzon marinus Lin., dont il m’envoyait la description. Ce
fut aussi mon avis après une étude attentive de cette des
cription et du spécimen.
Cette Lamproie habite ordinairement l'Atlantique nord,
mais elle remonte aussi les rivières le printemps pour
frayer et retourne l’automne à la mer. Dans le cas actuel,
il ne s’agit pas d’un individu isolé, mais plutôt d’une imi-
vration en masse, car les pêcheurs de Saint-Joseph en trou-
vent jusqu’à huit ou neuf par marée dans leurs engins de pê-
che, et cela depuis plusieurs années, si j'en crois les rensei-
gnements qui m'ont été donnés. Il est donc permis de pen-
5—Mars 1906.
34 LÉ NATURALISTE CANADIEN
ser que depuis assez longtemps déjà cette Lamproie remot-
te chaque année le Saint-Laurent, au moins jusqu’à Québec.
Nous pouvons donc la considérer comme faisant partie de
notre faune ichthyologique et ajouter son nom à la suite
des trois espèces déjà connues.
Le système dentaire de ce poisson est particulièrement
remarquable. A part l'anneau maxillaire qui porte trois
dents à la partie supérieure et sept à la partie inférieure,
il y a plusieurs rangées de dents, les unes simples, les au-
tres à deux pointes incrustées sur les parois de la bouche.
La langue elle-même est munie de dents qui dans une
section horizontale ressemblent à des arcs de cercle se tou-
chant par leur convexité. A quoi servent toutes ces dents,
dont quelques-unes ont plutôt la forme d’ongles pointus
et crochus ?
On a constaté que les Lamproies se fixent sur d’autres
poissons tels que Morues, Esturgeons et autres. Il y a là
sans doute un moyen facile de se faire transporter à de lon-
gues distances. Mais n’y a-t-1l pas autre chose encore ?
La bouche de la Lamproie est une espèce d’entonnoir à
ouverture circulaire, conformé pour la succion. Il est donc :
fort possible que ces dents soient destinées non pas tant à
déchirer les aliments qu’à accrocher solidement l’animal
aux flancs du poisson qui doit lui servir de proie. Ces
pointes acérées ouvrent en même temps les veines de la
victime ; et la Lamproie mettant sa ventouse en jeu se gorge
alors de sang. Il n’est pas facile de se débarrasser d'un hôte
siimportuu, car les pêcheurs qui jettent des Lamproïes daus
leurs embarcations doivent faire de grands efforts ponr dé-,
tacher celles qui se sont fixées sur le fond. Force est donc
au malheureux poisson de fouruir gratuitement le véhieuie
et la nourriture à son agressenr.
Telle est l'explication qui se présente à l'esprit, lorsqu'on
examine la bouche de la Lamproiïe toute hérissée de dents
pointues. FE. ROY,Sptre
téis +,
LAMPROIE DE MER 35
RËD.—A la suite de l’article de M. l'abbé E. Roy, nous croyons uti-
le de reproduire ici la description de la Lamproie de mer, telle qu’elle se
trouve dans le Manual of the Vertebrate Animals, de Jordan.
PETROMIZON MARINUS L., Great Sea Lamprey. “Lam-
per Eel”.
Anterior lingual tooth with a deep median groove, and
extending in an incurved point ; dorsal fin divided.
Supraoral lamina bicuspid ; infraoral eusps 7 to 9; first
row of lateral teeth on side of mouth bicuspid ; the others
simple ; myocommas, 64 between gills and vent ; males in
spring usually with an elevated fleshy ridge before the dor-
sal. Color dark brown, usually mottled with blackish. L.
3 feet. N. Atlantic, S. to Va., ascending rivers to spawn,
and permanently land-locked (var. #zcolor Dekay) in the
lakes of W. and N. N. Y. The larva is blind, toothless,
with a contracted moeuth, in which the lower lip forms a
lobe distinct from the upper. The eyes appear before the
mouth is enlarged.
SSS-
CHRONIQUE
Dans son dernier livre “Across Widest America”, le Rév.
Père Devine, S. J., rapporte avoir vu à Keewalik, Alaska,
deux défenses de mastodonte qui avaient plus de douze
pieds de long et neuf pouces d'épaisseur ‘à l'extrémité su-
périeure. L'une d’elles pesait 168 livres, et l’autre 172.
Voilà quelque chose d’extraordinaire même pour les espè-
ces disparues du genre Eléphant ; mais ce n’est pas invrai-
semblable, puisqu'il y a une huitaine d'années, un parti de
nègres chassant l’Eléphant près du mont Kilimanpro, en
Afrique, tuèrent un de ces énormes pachydermes et le trou-
vèrent armé d'une défense qui pesait 247 livres. Comme
on le sait, les Eléphants d’Afrique ont les défenses beau-
coup plus grandes que leurs frères d'Asie, et les poids ex-
36 LE NATURALISTE CANADIEN
trêmes de ces défenses constatés jusqu’à l’année dont nous
venons de parler étaient de 2261 et de 175 livres.
*
s %X _%
On se demande souvent comment il se peut faire qu’un
animal inconnu dans certains pays à certaine époque puisse
y être rencontré quelque temps après et y acquérir souvent
droit de cité. Il n’y a pas encore de Rats au Manitoba, à
lPexception de celui qui, à la fin de décembre 190, sortit
d’une boîte de chaussures récemment arrivée de France. Il
appert que le rongeur en question avait élu domicile dans
ladite boîte quand on l'avait préparée pour le voyage, qu’il
avait traversé la mer dans l’icelle demeure, qu’il avait vécu
aux dépens des chaussures, ses compagnes de voyage, et
qu’il se présenta, à Winnipeg, aux veux stupéfaits des em-
ployés de la douane qui...1le laissèrent échapper. Et voilà
comment il peut se faire que le Manitoba dans quelques
années soit peuplé de Rats, si, avec le rongeur en question,
il se trouve par hasard une de ses compagnes dans la bonne
ville de Winnipeo.
FA
#
Kk x
Jamrach, le naturaliste bien connu de Londres, vient
d'acquérir plusieurs espèces d'animaux rares. L'un d'eux
est un Renard rouge d'Autriche taché de blanc; de Pile
Mayotte. une des îles Comores, au nord de Madagascar,
il a reçu huit Lémurs, d’un brun rougeâtre, couleur incon-
nue jusqu'ici ; du Brésil, deux Singes macaques d’une taille
énorme, tandis que d’Ecosse Ini sont arrivés six poneys
minuscules de 28 pouces de haut !
FES
Le “‘pajaro mosea'’, où oiseau-mouche de Cuba, est proba-
blement le plus petit oiseau connu. Un couple de ces iuf-
niment petits—le seul connu vivant en captivité — a été
montré à New-Voik dernièrement. Ces oiseaux volent avec
une rapidité telle qu’il est quasi impossible de les attraper;
mais un ouvrier avait eu la chance de trouver ce couple
La
CHRONIQUE 37
quand ils étaient encore tout jeunes. Il s’en était emparé
en couvrant le nid d’une cage sans fond, et avait laissé les
parents nourrir les petits jusqu'à ce qu'ils fussent assez
vieux pour en être séparés. On les nourrit de miel dilué
dans de l’eau, qu'ils mangent, ou plutôt qu'ils sucent, sans
se poser sur le vaisseau qui contient ce régal, en faisant
entendre en même temps cette vibration d’ailes qui leur a
donné le nom de “‘humming birds” dans la langue de nos
amis anglais.
Une expérience qui se pratique de plus en plus commu-
uément de nos jours est celle d’attacher une marque quel-
conque à un poisson, de le lâcher après et d'attendre en-
suite que quelqu'un le reprenne ; on fait alors les compa-
raisons d'usage, Cette expérience qui, à première vue,
peut paraître ridicule et sans aucun but pratique, en ap-
prend pourtant aux savants. Il est surprenant de consta-
ter, en passant, en égard au nombre incalculable de poissons
qu'il y a dans l’océan, combien de ces poissons ainsi mar-
qués se font reprendre rapidement. Ainsi, sur 479 Homards
mis en liberté dernièrement dans et autour de la baie de
Buzzard, 76 marqués d’une certaine façon ont déjà été re-
pris. Un fait acquis par cette expérience est que le Homard
peut faire dix milles en 48 heures.
%
Dans une relation publiée récemment par divers jour-
uanx anglais, relation ayant trait au genre de vie des em-
ployés de la Compagnie de la Baie d'Hudson dans les pre-
mières années, il se lit un passage intéressant au sujet
de lOurs polaire. Les Ours polaires, y est-il dit, ainsi
que les Phoques, ne dévorent pas dans l’eau le poisson
qu’ils prennent, maïs montent sur la glace on sur un
rocher pour s’en repaître. Ces Ours vont loin au large
pendant l'été sur des banquises, mais reviennent au rivage
quand l'hiver approche ; seulement, ils n’hivernent pas
38 LE NATURALISTE CANADIEN
comme les ours des autres espèces. La femelle va à terre
et se creuse un trou dans la neige épaisse, ou se met là
où les rafales de neige la couvriront rapidement et
y. demeure, sans manger, jusqu'à ce qu’elle ait mis
bas. Le mâle, que la glace empêche d’aller à l’eau,
erre le long des bords de la mer; et la femelle, dès
qu'elle a charge de famille, fait la même chose en
quête de nourriture. Le mets qu'ils affectionnent est la
chair du Phoque : cet amphibie a toujours un trou ouvert
dans la’glace,et sort par là pour consommer ses repas. L'Ours
connaît ces trous et se traîne comme un Chat pour saisir le
Phoque quand celui-ci apparaît. Son habitude est de trai-
ner sa proie à une certaine distance avant de la dévorer.
L'Ours est toujours suivi d’une bande de Renards blancs qui.
pendant qu’il guette le Phoque, s'efforcent de rester tran-
quilles, se contentant de grimacer et de virer la tête d’un
bord à l’autre, mais aussitôt que la proie a été saisie, 1ls se
mettent à trotter en cercles dans l'attente de la bonne au-
baine ; i!s ricanent, ils agitent la queue, ils babillent. ils se
chicanent, jusqu’à ce que l’Ours, ayant satisfait les exigences
de son estomac, s’en va, laissant aux Renards ies débris de
son festin.
HENRY TILMANS.
DE LA CHASSE AUX INSECTES
C’est du /£/et jauchoir que nous avons parlé jusqu’à
présent. Ce nom lui vient de ce qu’on s’en sert en lui im-
primant un mouvement de va-et-vient sur les gazons et les
plantes basses pour y faire entrer les insectes qui se trou-
vent sur son chemin : ou imite un peu, de cette façon, le
mouvement du faucheur qui coupe les foins ou les autres
graminées.
DE LA CHASSE AUX INSECTES 39
Les marchands, qui s’ingénient à offrir aux gens le plus
de variétés des articles de commerce qu’ilest possible, dans
un intérêt facile à deviner, distinguent du filet fauchoir le
filet troubleau, dont l’on se sert pour racler le fond des
pièces d’eau où peuvent se trouver des insectes, comme
pour capturer ceux qui se promènent à la surface des ruis-
seaux et des étangs. La poche du filet troubleau est en
toile claire plus forte que celle du filet fauchoir ; le cercle
est aussi en fer plus gros et plus résistable, à cause de Pu-
sage plus rude auquel on l’emploie. Après cela, nous
pouvons dire que la plupart des entomologistes n’ont qu’un
filet, qu'ils utilisent, avec les précautions voulues, dans
Pair, sur l’eau et dans l’eau.
Cependant, voici que les marchands nous présentent en-
core une autre variété de filet entomologique : c’est le 7/67
à papillons. Celui-ci, dont l’on voit tout de suite l’usage
auquel il est destiné, est plus délicat que les autres, comme
il convient en bonne esthétique, et aussi léger qu’il se peut,
mais pourtant fort solide. Le sac, dont le fond se termine en
pointe, est en crêpe lisse de soie et d'aussi bonne qualité
que possible, pour nepas se déchirer aux premières as-
pérités venues.
Or, croyez-vous qu’un entomologiste sérieux va partir
pour la chasse avec ces trois sortes de filets ? Le voyez-
vous, avec ce faisceau d’outils sur l'épaule, se promenant
sur le bord d’un ruisseau, et à tout moment, lorsque passe
une Libellule, un Ichnenmonide, un Papillon, un Hydro:
philide, le voyez-vous délibérant sur la sorte de filet dont
il vaut mienx se servir pour capturer le spécimen qui
marche, qui vole ou qui nage à sa portée ? Avec un pareil
système, l’occasion, qu’il est si souvent nécessaire de
saisir aux cheveux, serait perdue sans retour lorsque notre
chasseur aurait enfin arrêté son choix.
Non, pour être pratique, il faut en général ne se servir
que d’un seul filet, et ne pas se faire scrupule de capturer,
40 LE NATURALISTE CANADIEN
même avec le filet à papillons, un Gerris qui patine sur les
eaux. Il peut toutefois arriver que l’on ne veuille recher-
cher, par exemple, que les insectes aquatiques : il est alors
tout à fait raisonnable de se munir pour cette chasse très
spéciale du seul filet troubleau, que l’on n'aura pas à crain-
dre de gâter en le tenant dans l’eau, puisqu'il est fait pour
cela.
BOUTEILLES ET BOITES DE CHASSE.—Quand nous avons
fait nos débuts en entomologie, vers 1872, la bouteille de
chasse consistait en un petit flacon à large ouverture, que
l’on remplissait jusqu’au tiers de brau de scie imbibé d’al-
cool. On introduisait là-dedans les coléoptères et autres insec-
tes de consistance solide. Ces pauvres petites bêtes, plongées
dans cette atmosphère alcoolisée, ne tardaient pas à perdre
la tête, et enfin la vie elle-même. C'était une fameuse leçon
sur les inconvénients de l’ivrognerie | et l’on peut imagi-
ner que plus d’un jeune entomologiste a pris là des résolu-
tions d’‘‘abstinence totale” qui ont fait le bonheur de sa
vie.
Mais ce procédé du bran de scie alcoolisé avait ses incon-
vénients. D'abord, on ne pouvait s’en servir que pour des
insectes à técœuments assez durs. Les hyménoptères, les diptè-
res, les orthoptères en sortaient avec les ailes pliées et collées
de façon désagréable. Quant aux papillons, la belle figure
qu’ils auraient eue, si leurs ailes délicates avaient subi un
bain et des contacts aussi rudes ! Il y avait aussi ce désa-
vantage que les insectes soumis à cette ivrounerie forcée
mettaient encore trop de temps à mourir, et pouvaient,
durant les premières phases de l’ivresse, se causer des dom-
mages réciproques plus ou moins irréparables. Il vous
souvient, entre autres faits, d’avoir capturé à la fois, cer-
tain jour, trois ou quatre Monohammus scutellatus Say,
et de les avoir mis aussitôt dans notre flacon alcoolisé. Or,
quand nous reprîmes le flacon, qüelque temps après, pour
y enfermer quelque nouvelle capture, on n’y voyait plus
+
DE LA CHASSE AUX INSECTES AT
aue les débris d’un affreux massacre, ‘“‘horrible méiange”
sinon ‘‘d’os et de chairs meurtries”, au moins d'antennes
et de pattes en tronçons.
Mais il y a bien des années déjà que ce procédé assez
primitif n’est plus guère en usage. On l’a remplacé, et très
avantageusement, par la bouterlle à cyanure. Le cyanure
_ dont il s’agit est le cyanure de potassium, qui est un poi-
son très violent, et qu’il faut par conséquent ne manipuler
qu'avec la plus grande précaution.
On peut très bien préparer soi-même la bouteille à cya-
nure. Il s’agit, pour cela, de se procurer d’abord un flacon
à large goulot, d'environ quatre pouces de hauteur sur un
pouce et deini à deux pouces de diamètre. Au fond de cet-
te bouteille, on place quelques morceaux concassés de cya-
nure dans du plâtre ou de la ouate ; et l’on recouvre le
tout d'un papier mince, collé sur les parois de verre, et
trauspercé de nombreuses piqûres d’épingle. Avant de se
servir de cet engin mort, il faut laisser le flacon ouvert
durant quelque teinps, afin que le cyanure devienne assez
hydraté par la vapeur d’eau contenue dans l’air pour qu’il
s'en échappe des émanations fatales pour les hôtes du réci-
pient. Mais il faut avoir soin, hors ce cas, de tenir le flacon
fermé, parce que le cyanure perdrait rapidement au con-
tact de l’air ses propriétes insecticides.
Mais hâtons-nous d’ajouter que cette sorte de préparation
de la bouteille à cyanure donne assez peu de satisfaction,
soit parce qu'il est difficile de tenir ce flacon dans un état
satisfaisant de propreté, soit parce qu’on peut avoir beau-
coup de goût pour l’histoire naturelle et être en même
temps le plus maladroit du monde pour édifier l’appareil
le plus simple. Nous ajouterons même que le cyanure
étant au nombre des poisons les plus terribles, le législa-
teur a pris souvent soin d’en entourer la vente de précau-
tions très sages et très rigoureuses. C’est donc toute une
affaire que de s’en procurer, et l’on n’y réussira peut-être
6—Mars, 1906.
CS 25 “2
427 LE NATURALISTE CANADIEN
pas ordinairement, montrât-on patte blanche tant que l’om
pourra et fit-on savoir les très pures intentions scientifiques
dont l’on est animé. Nous ne blâmons certes pas cette sé-
vérité des lois, et nous faisons même des vœux pour qu’elle
soit strictement maintenue, parce que, s’il importe que les
insectes destinés aux collections soient proprement et
promptement mis à mort, il importe bien aussi que la vie
des gens soit mise en sûreté.
Ce qu’il y a donc à faire, c’est d'acheter, chez les mar-
chands d’articles entomologiques, de ces bouteilles à cya-
nure toutes préparées et qui ne coûtent qu'un prix infime.
Celles de la maison Deyrolle, de Paris, sont particulière-
ment recommandables, parce que le cyanure est contenm
dans une petite ampoule en verre, fixée à travers le bou-
chon iui-même et s’ouvrant à l’intérieur du flacon. Si l’on
est obligé de fabriquer soi-même sa bouteille à collecter,
c'est cette disposition que l’on doit exécuter. Il suffit pour
cela de mettre le cyanure dans une toute petite fiole que
Pon passera dans le bouchon, l'ouverture en dedans. Cette
petite fiole ou ampoule, qui n’est bouchée que par un léger
tampon de ouate, laisse échapper dans la bouteille des éma-
nations suffisantes pour tuer rapidement les insectes que
l’on y a introduits.
Cette mort rapide, c'est précisément le grand avantage
des flacons à cyanure. Lorsque la bouteille a été bien pré-
parée et que le poison est encore dans sa force, une mouche
de maïson ÿ tombe foudroyée en quelques secondes. La
respiration étant très active chez les insectes, ils s'imprè-
guent très vite des émanations vénéneuses. Les coléoptères,
plus robustes, résistent parfois assez longtemps avant de
succomber ; mais les insectes des autres ordres, papillons,
punaises, etc., ne font pas vieux os dans la bouteille à cya-
nure.
Comme on le voit, cette sorte de flacon est, avec le filet,
loutil le plus essentiel de l’entomologisté en chasse.
TRAITÉ DE ZOOLOGIE 43
Les insectes de tous les ordres y peuvent être plongés. Mé:-
me les delicats papillons y passent sans dommage pour
leur fragile fourrure, à condition que l’on tienne le réci-
pient en bon état de propreté. Ajoutons que, les patients y
mourant très promptement, cela est propre à toucher les
coeurs sensibles. Seulement, comme nous le verrons, il y a
lieu de s'assurer, avant de retirer les cadavres, si -le décès
m'est pas qu'à moitié ou aux trois quarts survenu : car,
en ce cas, les spécimens ne se font pas faute de revenir en
vie, au contact de l’air, et l'opération serait à recommencer,
pour ne rien dire des autres inconvénients auxquels on
pourrait avoir à faire face.
(A suivre.)
LE “TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE DE ZOOLOGIE ET
D'HYGIÈNE"
Nous sommes heureux de pouvoir dire que le public a
fait excellent accueil à notre manuel de Zoologie et d'Hy-
giène, récemment publié ét dont l'écoulement se fait avec
rapidité. On peut en conclure qu’il y avait, dans le pays,
un réel besoin d’un ouvrage traitant du règne animal et ré-
digé au point de vue spécial de la province de Québec. On
ne pouvait jusqu'ici étudier la zoologie qu’au moyen de
traités publiés en France et dans lesquels, naturellement,
il n’était guère question de la faune de notre pays,
Il nous est agréable de pouvoir exprimer notre recon-
naissance à nos confrères de la presse, pour la bienveillance
avec laquelle ils ont signalé à leurs lecteurs la publication
de ce volume. Quatre d’entre eux, il est vrai, parmi les
journaux quotidiens, n’en ont pas fait mention, du moins à
notre connaissance : le C#ronicle, de Québec ; le Quotidien,
de Lévis ; le Canada et la Patrie, de Montréal. Mais nous
{4 LE NATURALISTE CANADIEN
sommes bien convaincu que cette omission n’a pu se pro
duire, chez eux, que par suite d’oubli ou d’un malentendu
quelconque.
En effet, quel motif aurait pu empêcher le Casada, par
exemple, lui qui met tant de zèle à promouvoir le progrès
de l’instruction publique, de signaler un ouvrage qui vient
combler une lacune dans l'outillage éducationnel du pays ?
Et la Patrie, qui a plusieurs fois témoigné de la sympa-
thie pour l’œuvre que nous poursuivons, comment auraït-
elle pu intentionnellement ignorer un ouvrage qui se ter-
mine en traité d'Æ/ysgiène, elle qui a réclamé maintes fois
l’enseignement et la pratique de l'hygiène dans nos éta-
blissements d'éducation ?
Nous dirons, en terminant, que la vente de ce volume,
au prix modique que nous en demandons, ne doit pas nous
apporter un sou de bénéfice. Mais nous nous considérons
comme déjà récompensé du travail qu’il nous a coûté par
l'accueil qui lui est fait ; et nous estimerons notre récom-
pense encore bien plus grande, si nous constatons, comme
il est à espérer, que ce modeste essai contribue à produire
et à développer, surtout dans la jeunesse, le goût des sciences
naturelles, dont le progrès dans notre pays nous tient tant
à cœur.
LES TERRES :COMESTIBLES
Voici un titre qui paraîtra étrange, et cependant, c’est
un fait attesté par un grand nombre de voyageurs, et qui
peut être vérifié encore dans presque toutes les colonies,
que certaines argiles sont utilisées, de temps immémorial,
comme inmatière alimentaire.
Les argiles sont essentiellement formées de silice, d’alu-
mine et d’eau, en proportions variables, colorées par des
oxydes métalliques, et se présentent en masses amerphes,
douces et onctueuses au toucher, sur lesquelles le frotte-
PORTE ST nr CAP
|
;
TERRES COMESTIBLES 45
ment de l’ongle laisse une trace luisante comme un mor-
ceau de savon. Elles happent à la langue, et font avec
l’eau une pâte liante et fine à laquelle on peut donner
toutes sortes de formes. Par une cuisson suffisante, les ob-
jets ainsi façonnés acquièrent une grande dureté ; les terres
à poterie, à porcelaine (kaolin) sont des argiles.
Comment les hommes en sont-ils venus à recourir à un
sembiable aliment ; on n’a aucun renseignement à cet
égard, mais les mêmes circonstances ont amené des résul-
tats semblables dans des contrées très éloignées les unes
des autres. “L'usage de manger des quantités considérables
d'argile, dit le savaut naturaliste Guibourt, comme un sup-
plément nécessaire à une nourriture trop insuffisante, est
presque universellement répandu chez les peuplades sau-
vages de l'Afrique, de l'Amérique, de l’Asie.” Les Otoma-
ques, peuplade de l'Amérique méridionale, absorbent régu-
lièrement une livre à une livre et demie par jour d’une ar-
gile grasse qui apaise leur faim sans compromettre leur
santé. Chez les Indiens des bords de lAmazone, l'argile
fait partie du régime, même quand les autres aliments sont
en aboudance. La terre comestible est vendue sur les mar-
chés de Bolivie, et une sorte, qui possède une odeur agréa-
ble, est fort estimée des Péruviennes.
Les nègres de la Jamaïque, au dire des voyageurs, n’y
ont recours qu'à défaut d’autres aliments, mais la mangent
sans répugnance ; au contraire, les nègres de Guinée, trans-
portés en Amérique, cherchent une terre analogue à celle
dont ils ont l'habitude et ne la trouvant pas toujours, faute
de mieux, ils absorbent de l’argile blanche ou #erre de pipe,
dont l’usage altère leur santé et en fait mourir un certain
nombre.
Dans le royaume de Siam, les femmes et les enfants sont
mangeurs de terre ; à Java, dit Labillardière, on fait des
espèces de gâteaux d’une argile ferrugineuse que les hom-
mes mangent lorsqu'ils veulent maigrir et dont les femmes
46 LE NATURALISTE CANADIEN
font usage pendant leur grossesse. C’est un objet de cori-
merce dans J’Annam et le Tonkin.
“Je ne pense pas, ajoute Guibourt, qu’un usage aussi ré»
pandu sous toutes les latitudes ait pour seul effet de trom-
per l’estomac et d’apaiser momentanément la faim, sans au-
cuu résultat utile pour la nutrition. Il est probable, au con-
traire, que l'instinct de conservation a fait reconnaître à ces
peuples misérables des espèces d’argiles qui contiennent en-
core une certaine quantité de matière organique provenant
de végétaux détruits, et que cette matière contribue à Îles
soutenir, principalement dans les mois de l’année où une
nourriture plus efficace vient à manquer. Cette raison pa-
raît très plausible sur l’usage, plus modéré, des terres co-
mestibles, qui s'est conservé pendant les années d’abon-
dance : c’est sans doute pour ne pas perdre la tradition et
le souvenir d’une ressource qui peut devenir précieuse à un
moment donné.”
Presque partout, ces terres coinestibles sont modelées
grossièrement, sous forme de figurines rappelant nos bons-
hommes de pain d'épice ou nos sucreries modernes. Nous
ne possédons pas assez de documents pour remonter à l’ori-
gine de cette tradition, qui fait que depuis des temps recu-
lés on donne la forme humaine à certa‘nes préparations ali-
mentaires. Des savants ne sont pas éloignés d’y voir comme
un vague souvenir des horribles festins qui siccédaient aux
sacrifices humains chez les peuples antropophages ; à dé-
faut de prisonmiers et de victimes désignées on en serait
venu, peu à peu, à une représentation symbolique qui s’est
maintenue, tout en perdant son caractère religieux.
E. FERRAND.
PSS 79 @ERRESE
DANS LA PRESSE
Nous remercions beaucoup le Progrès du Saguenay, de
Chicoutimi, et l’/#dépendant, de Fall-River, Mass., des pa-
roles sympathiques dont ils ont signalé notre 33e anniver-
saire.
RSR =, .
» a taf États
OUVRAGE SCIENTIFIQUE SUR LE I.AIT 47
Merci aussi à la Crozx, de Montréal et à l’ÆAwer du Foyer.
de Saint-Boniface, Man., qui veulent bien publier le som-
maire de nos livraisons
PIESPVE<ETE
NOUVEL OUVRAGE SCIENTIFIQUE SUR LE LAIT
Par S. M. BARRÉ
Ancien délégué de la prorince de Québec dans les prin-
cipaux pays d'Europe, ancien professeur de larterie au col-
lègeid Agriculture de Guelph, dans la province d'Ontarto.
L'auteur, se basant sur sa grande expérience personnelle
et sur les recherches scientifiques de plusieurs savants qui
se sont occupés de la chose, nous présente la question du
lait sous un nouveau jour.
Il mentionne, en passant, que sur les 6000 morts d’er-
fants que la ville de Montréal enregistre chaque anuée, un
grand nombre est dû à la mauvaise qualité du lait.
Monsieur Barré énumère ensuite les causes multiples de
contaminations auxquelles le lait est exposé, depuis sa
source de production jusqu’au biberon de l'enfant.
L’apparence trempeuse du lait endort la méfiance, et
explique l’inconcevable indifférence du consommateur à
l'égard des scandaleux abus dont il est victime.
L'étude de M. Barré sur les falsifications, la gravité de
ce genre d’offense, la faiblesse des pénalités et les défauts
de l'inspection, est de vrande valeur. Il reproduit et analy-
se d'excellents tableaux d'expertise compilés par le bureau
de Montréal, et en tire des conclusions pratiques.
Il démontre de plus que l’expertise actuelle est impuis-
sante à déceler le mauvais du bon lait. A la fin de l’ouvra-
ge, monsieur Barré présente quelques suggestions, dans le
but d'améliorer l'inspection du lait, qui méritent haute
considération.
L'auteur mérite de chaleureuses félicitations pour son
beau travail, et est en droit d'attendre de grands encoura-
gements qui lui permettront de pousser encore plus loin
ses études sur une matière aussi importante.
F. LACHANCE, M. D.
Int. en chef, Hôtel-Dieu de Montréal.
He VOS S Ergre
45 LE NATURALISTE CANADIEN
BIBLIOGRAPHIE
— Engrais Georges Truffaut (39, Avenue de Picardie, Versailles) pour
arbres fruitiers, cultures potagères, plantes à fleurs, gazons.—Demander
le catalogue.
—(Smithsonian Institution) Proceedings ofthe U.S. National Mu-
seu. Volume XXVIII. ' Washington. 1005.
A signaler dans le contenu de ce volume : N. Banks, A Treatise on
the Acarina or Mites.—R. MacFarlane, Vofes on Mammals collected and
observed in the N. MacKenzie River District, N. W. T. of Canada, et
‘Bibliographie’ relative au règne animal de cette région.
— 3614 Annual Report of the Entomological Society of Ontario, 1905.
Toronto 1906.
Grande brochure illustrée de 144 pages, et d’un grand intérêt pour les
entomologistes canadiens.
— Proceedings of the Indiana Academy of Science. 1904. Indianapolis
1905.
Travaux sur la botanique, l'entomologie, et autres branches de l’his-
toire naturelle, concernant surtout l’Etat de l’Indiana.
—(Memoirs of the American Museum of Natural History. Vol. IX,
P. 1.) Z. The Osteology of Champsosaurus Cope, by Barnum Browu, New-
Vork, 1905.
Brochure in-4°, sur les reptiles fossiles du genre Champsosaurus trou-
vés dans le centre des Etats-Unis. à
— Bulletin of the American Museum of Natural History. Nol. XXI,
1905, New Vork.
A signaler, dans ce volume, une étude très curieuse sur les Flamants
des îles Bahama.
—Les Fermes Expérimentales. Rapports pour 1904. Ottawa. 1905.
Tous les rapports contenus dans ce volume, avec leurs bonnes illustra-
tions, sont intéres:ants. Mais le naturaliste canadien étudiera avec un
profit particulier celui du Dr Fletcher, sur la botanique et l’entomologie,
considérées surtout au point de vue économique. =
—(Bulletin of the U. S. National Museum.) N° 54. Monograph on the
{sopods of North America, by H. Richardson, Washington. 1995. Vol,
in 8° de LIV-728 pages ; 740 gravures. |
Les ‘‘Isopodes ? constituent l’un des ordres des Crustacés.
No 55. A Contribution to the Oceanography of the Pacific, by TJ. M.
Elint. Washington, 1905.
— (Field Columbian Museum) À Check Listof Mammalsof the N, À.
Continent, the West Zndies and the Neighboring Seas, by D. G. Elbot.
Chicago, 1905. Vol. in-8° de 762 pages.
An Annotated List of à Collection of Reptiles from” S. California and
N, Lower California, by S. E. Meek, Chicago, 1905.
ci "
LE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Avril 1906
VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 4
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
MIGRATION DES HIBOUX RLANCS
La migration des oiseaux, celle de l’automne comine
celle de printemps, s'opère ré :ulièrement chaque année, et
cela à des époques plus ou moins déterminées, soit que Îles
oiseaux nous quittent pour :e sud, soit qu’ils nous vien-
nent du nord.
Toutefois 1l arrive que cette migration ne s'exécute,
pour certaines espèces, qu’à des intervalles de quelques an-
nées ; tel est le cas pour le Hibou blanc, qui n'apparaît sous
notre latitude en moyenne que tous les huit ou dix ans.
Cependant, daus l'automne de 1902, il s’est montré en grand
nombre, et plusieurs ont été vus même dans les Etats-
Unis.
Cet oiseau affectionne les régions froides ; au prin-
temps il s'enfonce dans le nord et pour fuir les graudes cha-
leurs de l'été et pour y faire sa ponte ; à l'automme, lors-
qu’il émigre au nord, il ne dépasse guère la ligne 45°.
Cet automne, nous avons eu une migration tout à
fait extraordinaire de Hiboux blancs, quise sont dispersés
sur une grande étendue de la Province ; et, pour ma part,
j'en ai reçu plusieurs de la côte nord du fleuve, comme
aussi d’un bon nombre de paroisses de la rive sud du Saint-
7—Avril, 1906.
30 LE NATURALISTE CANADIEN
Laurent, de la Beauce, des Cantons de l'Est, etc. On me
dit qu’à Montréal plusieurs de ces Hiboux ont été vus.
Cette grande migration de ces oiseaux, probablement
la plus considérable depuis plus de quarante ans, ne s’est
pas restreinte au Canada seulentent, mais elle s’est étendue
dans le nord et le centre des Etats-Unis, voire: même dans
Pouest, puisque M. R. Deane, ornithologiste bien connu .de
Chicago, me dit que deux taxiderimistes de cette ville ont
eu, pour leur part, plus d’une cinquantaine de ces ‘oiseaux,
et que Ini-même est parvenu à en retracer plusieu:s centai-
nes qui ont été tués dans les différents Etats de la Répu-
blique.
Ce nombre est considérable, surtout si l’on considère
que cet oiseau n’est pas absolument bien commun et que
les observations de M. Deane n’ont été relevées que sur une
étendue relativement très restreinte.
Le déplacemen! en masse de ces Hiboux vers le sud,
est-il le résultat des grands froids qui peuvent avoit Sévi
dans les latitudes boréales ? Je ne le crois pas, puisque nous
avons eu une température douce. D'ailleurs, ces oiseaux
ont presque tous émigré dans les mois d’octobre, de no-
vembre et de décembre. Serait-ce le manque de nourriture
qui aurait occasionné ce déplacement ? Je ne le pense pas
non plus, puisque cet oiseau. qui voit et chasse aussi bien
le jour que la nuit, trouve de la nourritue en quantité daus
le poisson, les Perdrix, les Lagopèdes, les Lièvres, etc., qui
pullulent dans ces contrées.
_ Si ce n’est ni l’une ni l’autre de ces causes, il nous
faudra alors supposer que c'était par simple désir de voya-
ger qu'ils ont entrepris cette migration ; mal leur en a pris,
car la plupart ne reverront jamais leur séjour glacé de pré-
dilection, et leur dépouille montée ira grossir les musées
d'histoire naturelle ou ornera les en ATES des habitations
de particuliers.
C-E. DIONNE. |
LE SCINTILLOSCOPE 51
LE SCINTILLOSCOPE
RECHERCHE DE 1A RADIOACTIVITÉ DES MINÉRAUX
Comme on le sait seulement depuis quelques années,
certaines substances, qualifiées de radioactives et, en géné-
ral, très rares, émettent spontanément des rayons spéciaux,
jouissant de propriétés merveilleuses et se manifestant, bien
qu'invisibles eux-mêmes, sous forme . d'énergie chimique,
calorique, électrique et, lumineuse.
La découverte de la radioactivité date de 1896. Elle
est due à l’illustre physicien français H. Becquerel, au cours
des recherches entreprises par ce savant sur les propriétés
des sels d'uranium.
Deux ans plus tard, en expérimentant sur divers imé-
taux et en cherchant à en mesurer la radioactivité, M. et
Mme Curie découvrirent, dans les résidus de la pechblende
de Bohème (imine:ai d'uranium), l'existence de deux nou-
veaux corps éminemment radioactifs, le polonium et le ra-
dim, ce dernier constituant la substance radioactive par
excel'ence. Rappelons en passant qu’il faut traiter plusieurs
tonnes de résidus de pechblende pour en retirer un gramme
de radium. A partir de ce moment, les méthodes d’études
se perfectionnèrent rapidement, et de nombreux procédés
d’une délicatesse extrême permirent d'approfondir les re-
cherches poursuivies dès lors dans ce nouveau domaine par
un grand nombre de savants, entre autres par M. le profe
E. Rutherford, de Montréal.
Dans le rayonnement des corps radioactifs on distin-
gue trois espèces de rayons (alpha, bêta, gamma) de natures
distinctes,”existant soit simultanément, soit séparément,
et’qui rappellent par certaines de leurs propriétés les divers
rayons de l’ampoule de Crookes. La radium les émet tous
les trois. Examinons-les rapidement. |
52 LÉ NATURALISTE CANADIEN
Rayons alpha.—1es raycns alpha sont constitués de
particules très petites chargées d'électricité positive (2075 po-
sitifs), sortes de projectiles lancés avec une vitesse relative-
ment faible par rapport à celle de la lumière (de 10 à 20 fois
moindre que celle de la lumière). Ils constituent la plus gran-
de partie du rayonnement total (99 pour cent), mais leur pou-
voir pénétrant, qui ne dépasse pas quelques centimètres (7
centimètres) dans l’air, est arrêté par une simple feuille de
papier, de mica où d'aluminium. Ces rayons ‘alpha’ ne sont
que légèrement déviés par un électro-aimant puissant. Ils ont
la propriété (partagée avec les rayons bêta et ganima)
d'intoser l'air ambiant et de pouvoir, en conséquence, dé-
charger un électroscope à feuilles d’or placé à proximité.
Enfin, ils donnent lieu à un phénomène des plus reniarqua-
bles, la production de points lumineux scintillants sur ur
écran de sulfure de zinc placé sur leur parcours. Nous y
reviendrons tantôt. |
Rayons bêla.—T%.es rayons bêta sont fortement dé-
viés par un électro-1imant, ont un pouvoir pénétrant beau-
coup plus grand que les rayons alpha ; et. leurs particules
d’une ténuité extrême, dites électrons négatifs, sont char-
gées d'électricité négative et animées d’une vitesse considé-
fable atteignant les cinq sixièmes de celle de la lumière.
Hs ressemblent aux rayons cathodiques de l’ampoule de
Crookes.
Rayons gamma.—Les rayons gamma ont la plus
grande aralogie avec les rayons X de Roentgen ; comme
eux, ils sont insensibles à l’action de l’aïñmant, et leur puis-
sance de pénétration est telle qu’ils peuvent rester percep-
tibles. après avoir traversé une masse de fer d’un pred d'é-
paisseur.
Pour reconnaître qu’un corps est radioactif, on dispose:
des moyens-suivants : 1° La rapidité plus ou moins gran-
de avec laquelle ce corps décharge un électroscope ; 2° som
action sur jes plaques photographiques (obtention plus ow
LÉ SCINTILLOSCOPE 53
toins rapide de radiographies) ; 3° <es effets sur diverses
substances phosphorescentes ou fluorescentes, telles que le
platino-cyanure de bariuim, le sulfure de zinc, etc.
Ce sont surtout les rayons bêta qui impressionnent Îla
plaque photographique.
Les ravons bêta et gamma causent la fluorescence de
certaines substances organiques ou minérales. Quant aux
rayons “alpha”, qui constituent la plus grande partie de la
radiation du radium et la totalité de la rad:ation du polo-
nium, ils donnent lieu à un phénomène remarquable que
Sir William Crookes a mis en évidence au moyen de sou
spinthatiscope. En effet, si on place une parcelle d’un sel
de radium (ou de polonium) à proximité d’un écran enduit
de sulfure de zinc (substance très fluorescente), les particu-
les ‘‘alpha”’ du radium, qui sont projetées
contre l’écran sensible, produisent au mo-
nent du contact, ou du choc, des étin-
celles ou éclairs minuscules, et l’ensemble
de ce bombardement lumineux, vu à tra-
vers un imicroscope ou une forte loupe
(dans une chambre noire), présente le
spectacle merveilleux d'un ciel étoilé et
Fig. 2.—Spintharis SCintillant,
cope de Crookes.
Dans le croquis de la fig. 2, on voit en Z un microscope ;
en à, un fil métallique supporte à son extrémité une très
petite parcelle d’un sel de radium à proximité d’un écran
Æ de sulfure de zinc.
re À
SIN
L
LOMME:
Tout récemment, le spinthariscope a reçu une heureuse
simplification qui en fait, sous le nom de Scnrlloscope de
Glew, non seulement un objet de démonstration, mais sur-
tout un instrument pratique de grande utilité dans la re-
cherche des minéraux et des corps radioactifs.
54 LE NATURALISTE CANADIEN
Flg. 3.—Scintilloscope de Glew posé sur
un morceau de Pechblende.
La partie essentielle du scintilloscope consiste tout
simplement en une petite lame de verre enduite sur sa face
inférieure d’une substance fluorescente extra-sensible aux
rayons “alpha et assez transparente pour que l’on puisse
voir les scintillations en regardant à travers l'écran de ver-
re, au moyen de la loupe qui surmonte ce deruier. Cet écran
sensible repose par ses bords, épaissis au inoven d'un enca-
drement de papier, sur la substance radioactive que l’on
examine (le contact direct eutre la substance examinée et
l'écran doit être évité.) |
Les plaques enduites de polonium, de radium, de pech-
blende de Bohème, etc., fournies avec l'instrument, donnent
de très beaux effets de scintillations. Le polonium, spéciale-
ment, n’émettant que des rayons alpha, montre un scin-
tillement très net sur fond noir, tandis qu'avec le radium
les rayons bêta et gamma donnent un fond plus ou moins
éclairé qui masque un peu l’effet du scintillement.
Le scintilloscope est beaucoup plus sensible que le
spinthariscope, et rivalise, dit-on, avec les électroscopes les
plus délicats, quand il s’agit de découvrir les rayons “alpha.”
UN INSECTE ÉTRANGE 55
Il permet de trouver des élémeits radioactifs dans des
corps qui n’en contiennent à peine qu’un imillionième.
Les manchons de terres rares des lampes à incandescence
Auer contiennent assez de thorium radioactif pour produire
un petit bombardement lumineux sur l'écran très sensible
du scintilloscope. |
Remarquons, en terminant, que le thorium et le radium
émettent les trois espèces de rayons. Le polonium est le
seul élément qui ne donne que des rayons alpha. Quant
à l'uranium, il ne produit pas de rayons alpha, il n’émet
que des rayons bêta et gamma, et si, comme cela m'est arri-
vé dernièrement, on obtient sur l'écran du scintilloscope
quelques points lumineux, par seconde, avec certzins ‘sels
d'uranium du commerce, c'est qu’ils ne sont pas purs et
contiennent des traces d’autres éléments radioactifs.
. H. NAGANT.
Re
UN INSEÉCTE ÉTRANGE
On nous écrit de Saint-Roch de Achigan (Assomption) :
Je vous envoie dans une petite boîte de carton un joli
insecte que j'ai capturé l’été dernier. Il faisait brun, je me
promenais sur le trottoir : je le trouvai qui s'était laissé choir
ne pouvant plus voler, paraissant égaré et en peine de re-
trouver son gîte, comine un soudard attardé. Je le saisis
avec précaution, car j’apercevais deux pinces imenaçantes
comme celles d’une écrevisse. Je fus surpris de sa grandeur
et de sa grosseur comparables à celles des plus grosses li-
bellules ; et sans avoir l’idée de faire une collection d’insec-
tes ou de papillons, j'eus l'instinct de le conserver. Je l’en-
fermai dans cette petite boîte où il mourut et subit les
ravages de la dessication, ce qui a pas mal délabré sa struc-
56 LE NATURALISTE CANADIEN
ture anatomique. Mais, tel qu’il est, l'imagination peut
fort bien encore reconstituer l’ensemble de ses formes. Je
w’ai jamais rencontré de ma vie pareil spécimen, et person-
ne autour de moi n’en avu et n’a pu me donner le nom
vulgaire ou scientifique de cette curieuse bestiole. E«t-ce là
le fameux ‘Kissing bug” dont la presse a tant jasé jadis ?
Toujours est-il qu’il a deux crochets capables de donner,
en se resserrant, un terrible baiser, et que de son vivant,
il avait l’air de pincer fort sur les objets queje lui présen-
tais. Je vous le donne tel que tel ; tant mieux s’il peut vous
être utile. Quant à moi, je ne demande d’autre retour que
la satisfaction de ma curiosité, à savoir : une carte postale
de votre part, me faisant connaître le nom vulgaire et
scientifique de cet insecte, avec quelques mots sur ses ins-
tincts malicieux ou pacifiques, etc.
EUG. GUILBAULT, ptre. ®
Le spécimen reçu, et dont l’état anatomique est en
effet déplorable, est la Corydalis cornuta Lan. Il a été ques-
tion de cet insecte dans le voluine IX du Waturaliste cana-
dien. Pour l'avantage des ahonnés actueis qui ne possè-
dent pas la première série de cette revue, nons reprodui-
sons de ce volume l'illustration de la page suivante, qui
donnera l’idé: de l’insecte dont l'aspect et la taille ont tel-
lement surpris notre correspondant.
Ainsi que l’écrivait l’abbé Provancher dans le volume
indiqué, p. 173, cette gravure représente la Con atss COT-
nue, de grandeur naturelle.”
En a, on voit la larve parvenue à son complet déve-
loppement. Ces larves se trouvent particulièrement dans
les ruisseanx à courant rapide et à lit pierreux, occupées à
faire la chasse aux larves d'Ephémérides, etc.
En 4, c’est la chrysalide, telle qu’on la voit, immobile
et comme en léthargie, dans le cocon que la larve s’est
construit dans la terre pour subir sa métamorphose.
+
UN INSECTE ÉTRANGE 57
c représente un mâle à l’état parfait ; à montre la tête
d’une femelle.
Notre correspondant aura reconnu à première vue que
le spécimen qu'il nous a expédié est une femelle, dont les
mandibules (ou mâchoires), dentées au côté interne, ont à
peine le tiers de la longueur de celles du mâle.
SERRE
SRE
m2
La Corydalis cornuta, la seule espèce du genre que nous
ayons dans notre faune, appartient à l'ordre des Névroptères.
L'abbé Provancher l'indiquait comme très rare à Québec ;
pour nous, nous n’avons jainais eu connaissance de son
existence dans cette partie du pays. Mais elle se rencontre
8— Avril, 1906. .
58 LE NATURALISTE CANADIEN
de temps en temps dans la région ouest de la province de
Québec. - ose
Notre fondateur ajoutait sur la Corydalis les détails
suivants :
“Ce sont des insectes fort lourds, tant pour la marche
que pour le vol. Ils ne se livrent guère au vol que le soir ;
durant le jour, on les trouve sur les murs ou les pièces de
bois près des rivières. Si on les touche, ils déploient les
ailes pour se laisser choir sur le sol, mais visent à peine à
se cacher. Lorsqu'on les saisit, ils tentent de mordre avec
leurs longues mandibules, mais sont impuissants à! produi-
re une douleur appréciable ; l'abdomen se relevant: en mê-
me temps se joint aux mandibules pour se débarrasser de
lPobstacle.”
“ SL,
HISTOIRE D'UN ENTOMOLOGISTE
On était en l’année 1793. La France était en deuil.
Le sang de ses enfauts coulait à flots ; c'était le règne de
la terreur. Un pauvre jeune prêtre proscrit, vêtu d’un ha-
bit de paysau, veuait de quitter sa paroisse et fuyait, triste
et pensif, pour échapper à la hache révolutionnaire. Parfois
il jetait en arrière un regard mélancoiique, comme pour
dire adieu aux âmes que le Seigneur lui avait confiées et
qu’il laissait seules au milieu de la tourmente politique.
Alors ses yeux se baïgnaient de larmes et il priait.
Où allait-1l ? Dieu seul le savait.
Un jour il arrive dans une petite ville où il espère
trouver l'hospitalité chez un ancien compagnon de classe,
fl cherclie cet ami ; mais au nom qu'il prononce, la foule:
aveuglée et fanatisée s’émeut, l'entoure et le saisit... ,Ce
nom est celui d’un noble dont la tête a roulé sur l’écha-
CO ON iv
HISTOIRE D'UN FENTOMOLOGISTE 59
faud. Lui aussi, cet étranger doit être un ennemi de la pa-
trie. On le conduit au tribunal révolutionnaire, qui était
alors en permanence. Il avoue qu’il est prêtre, et comme
son ami, il est condamné à mort. L’exécution doit avoir
lieu le lendemain. ; | |
Le pauvre prêtre, r’espérant plus qu’en Dieu, se prépa-
re à la mort et, pour réparer un peu ses forces épuisées par
une longue marche et par de si terribles emotions, il de-
imande à son geôlier, ex échange de ses derniers vêtements,
un souper modeste.
Comme le marché était bon, le weôlier ft convenable-
nent les choses. Il ne refusa pas de s'asseoir à la table du
condamné et de répondre à un toast de longue vie et de
santé pour lui et sa famille. Tout en vidant une bouteiile,
il se mit à raconter au condamné l'histoire détaillée, héris-
sée de crimes et de tortures de toute espèce, de la vieille
et solide prison.
Après l’histoire de-la prison et celle des prisonniers,
vint celle des juges, pourvoyeurs naturels de la prison.
—Par exemple, comment trouvez-vous la figure du
citoyen président, celui qui est allé aux voix et qui vous a
condamné ? Beile tête de président, n'est-ce pas ?
Le prêtre ne peut se rappeler sans émotion le ton bref
et dur du citoyen président. Il ne répond pas et le geôlier
continue :
— Eh bien ! une fois sorti de l’audience, ce n’est plus
plus ça : pas plus de fiel qu’un mouton .. Pourtant, je
lui trouve un défaut, une bêtise. Croiriez-vous qu’il n’est
pas plutôt débarrassé de sa besogne patriotique, qu’il court
les champs pour attraper des papillons, des chenilles, des
insectes : une vraie petitesse indigne d’un citoyen qui con-
naît ses devoirs.
_À ces mots, le condamné tressaille ; car lui aussi a
étudié les insectes, et il se rappelle que, dans le fond de son
chapeau, il possède une rareté entomologique, la Mecrobia
60 LE NATURALISTE CANADIEN
ruficornis, qu’il a trouvée dans sa fuite. Tout en feignant dé
se cacher, il s'empare de l’insecte et le pique mystérieuse
ment à l'extrémité inférieure.du bouchon de la bouteille.
Le geôiier, qui n’a perdu aucun de ses mouvements,
croyant voir dans cet insecte un emblème séditieux, un si-
gne suspect, dessert à la hâte, saisit le bouchon accusateur
et va le porter au citoyen président, auquel ïl raconte ce
qu’il a vü.
OQueiques instants après, dans le cabinet du président»
deux hommes étaient assis en face l’un de l’autre, les coudes
appuyés sur une table couverte d'échantillons scientifiques
de toute espèce : c’étaient le fuge et le condamné ; le prê-
tre enseignant, expliquarnit longuement, recommençant dix
fois la leçon dix fois interronrpue ; le juge écoutant atten-
tivement, applaudissant du geste, niant du regard, mais
finissant toujours par se rendre à l'évidence, et alors ne se
contraignant plus pour manifester son étonnement et son
admiration.
Quelques ireures après encore, deux hommes se disaient
adieu en se serrant la main. L'un était le condamné, qui
montait en voiture mtüni d'argent et d’un passeport en:
règle ; l’autre était le juge, qui avait voulu conduire Iui-
même le prêtre et s'assurer qu’il ne seraïît ni inquiété à sa
sortie, ni interrogé jusqu’à l’endroit où 11 devait prendre la
voiture de Paris, ville où tout se perd et s'oublie.
Le prêtre si miraculeusement sauvé s'appelait Latreil-
le, qu'on a surnommé plus tard le Prince de l’entomologie
française:
EDR =
Nous remercions l'Æs#seignement primaire de la bien-
veillante mention qu’il a faite, en sa livraison: d'avril, de‘
uotre 33e anniversaire.
L
ns €
LÉ GULF-STREAM 61
LE GULEF-STREAM SE DÉRANGERAIT:IL, ?
La douceur du climat de l’Europe du Nofd-Ouest est
menacée, et c’est le Gulf-Stream qui en serait cause. Ce
Courant du Golfe aurait dévié de sa route habituelle, et
une de ses branches irait baigner les rives du Groenland
et du Labrador. Ce fut le capitaine d’un baleinier, jadis,
qui annonça à Franklin l'existence du Gulf-Stream, et qui
en fit un vaste tracé. C'est le capitaine d'un paquebot
allemand qui rencontra, il y a quelques jours, un nouveau
courant dans les parages de New-York.
Le courant était puissant et ses eaux étaient chaudes ;
il se trouvait dans une région où l’on n’en avait jamais
observé; on pense que c'était le Gulf-Stream qui, pour une
raison inconnue, se serait dirigé vers le nord. Si le fait est
vrai, ses conséquences seraient incalculables. Une solitude
glacée couvrirait la Norvège et la Suède, qui se trouvent
À la même hauteur au-dessus de l'équateur que le Groen-
land, Les îles Britanniques seraient inhabitables. L’An-
gleterre, l’Ecosse et la verte Irlande seraient ensevelies sous
un manteau de glace pendant la moitié de l’année, comme
le Labrador et le Nord-Canada. Il ne pousserait plrs de
plantes tropicales dans les îles Scilly, et à Paris, il ferait
aussi froid qu’à New-Vork pendant les mois d'hiver. Les
Américains de Boston et de New-Vork, qui sont plus près
que nous de l'équateur de quinze cents kilomètres, et qui
subissent maintenant des gels rigoureux en hiver, jouiraient
alors d’une température agréable et douce. Des change-
ments interviendraient dans la vie des peup'es, et tout cela
serait dû à une déviation d’un des courants marins qui sil-
lonnent les Océans.
Les Océans sont, en effet, parcourus par de grandes
routes liquides, par d'immenses fleuves, les uns qui remon-
62 LE NATURALISTE CANADIEN
tent de l'équateur vers les pôles, les antres qui descendent
des régions boréales vers les tropiques. Sous l'équateur et
les tropiques, les eaux, chauffées par les rayons d’un soleil
ardent, s’acheminent d’après une loi naturelle vers jes
régions plus froides. Il se produit pour les eaux ce qui
arrive pour les vents. Il nous vient des vents chauds
d'Afrique, des vents froids du Nord. Dans l'Océan. on
trouve des courants équatoriaux et des courants arctiques
qui ont une marche et une direction constantes, comme
ies vents alizés ou les moussons.
De tous ces courants marins, le Gulf-Stream est le
plus connu. Il prend sa source dans le golfe du Mexique,
comme dans une bouilloire géante, il accumule la chaleur
du soleil et trouve un aliment dans un des courants équa-
toriaux de l'Atlantique. C’est un fleuve immense dont les
berges sous-marines sont distantes de cinquante à quatre-
vingts kilomètres, et dont la profondeur atteint 3001nètres.
A sa sortie du golfe, sa vitesse est de plus de six kilomè-
tres à l’heure, et la température de ses eaux est en moyenne
de 25 degrés en hiver et de 28 en été, sur toute la lon-
-œueur de son parcours. Ses eaux sont d’une transparence
parfaite et d’un bleu qui tranche nettement avec le vert
wlauque du reste de l'Océan.
Le Gulf-Stream se dirige un peu vers le Nord-Ouest,
puis à la hauteur du 40° degré de latitude, s’éparpillant en
un faisceau de bandes ‘chaudes, séparées par des bandes
d’eau froide. Il va enserrer entre ses bras l’Irlande, PAn-
gleterre et l’Ecosse, va baigner les côtes de Norvège et de
Suède, et remonte vers la Nouvelle-Zemble et le Spitzberg.
‘Un mince filet s’égare vers Terre-Neuve et suffit pour
produire par compensation les brumes épaisses qui désolent
les pêcheurs de Morue. A en juger d’après les masses con-
sidérables d’eau chaude que déplace le Gulf-Stream, on
peut se rendre compte de son influence au point de vue
climatérique. C’est à lui que l’on doit la plupart des tem-
LE GULF-STREAM 3
pêtes qui viennent aboutir en Éurope occidentale, et les
Anglais l’appellent le ‘ père des tempêtes ”. C’est au Gulf-
Stream qu’on doit le fait bizarre qu'à New-York, à Boston
et à Philadelphie, il fasse plus froid qu’à Londres ou à
Paris, quoique, ainsi que nous le disons plus haut, ces villes
américaines soient beaucoup plus rapprochées de l'équateur.
Aussi les Américains disent-ils que les Anglais ‘“ leur ont
volé le climat.” |
La déviation du Gulf-Stream n’a point reçu de confir-
mation et aucune recherche plus approfondie n’a été faite
au sujet du phénomène signalé par le capitaine allemand.
Au service central météorologique, on ne sait rien.
M. Mascart, cependant, en a entendu parler, mais il lui
semble impossible qu’un courant aussi sage et aussi régu-
lier ait changé tout à coup sa route, route qu’il suit depuis
des centaines de siècles, pour faire l’école buissonnière. La
chose, toutefois, est dans les possibilités terrestres, et si
elle se confirme, nous serons les témoins impuissaunts d'une
de ces immenses transformations géologiques qui out imar-
qué l’histoire de la tetre.
(Moniteur d Horticulture, Paris.)
OMNIS.
— ki —
DE L'ORIGINE DES PLANTES CULTIVÉES
La connaissance de l’époque et du lieu d’origine des
plantes cultivées, quoique ne présentant aucune utilité di-
recte, est cependant de nature à intéresser les amateurs et
jardiniers cherchant à s’instruire dans tontes les branches
se rapportant à leur profession. Cette’ étude permet de se
rendre compte de, l’ancienneté des cultures, de l’évolution
des formes cultivées et du commencement de la civilisa-
tom. Là
64 LE NATURALISFE CANADIEN
M. Alph. de Candolle, le botaniste genevois bien connn,
s'est occupé d’une façon spéciale de l'étude de cette ques-
tion et a développé, dans un livre portant le titre ci-dessus,
le résultat de ses investigations, avec sa compétence et son
souci habituel de rechercher la vérité.
Parmi les causes déterminantes qui ont suscité des ten-
tatives de culture, on peut citer :
1” Me as d’avoir à à sa vortée des plantes offrant des avan-
tages réels pour l’alimentation et que tous les hommes re-
cherchent
2° un climat pas trop rigoureux et dans les pays chauds
une sécheresse pas trop prolongée : toutes causes rendant
les cultures plns faciles ;
3° enfin la plus importante de toutes : une nécessité
pressante résultant du défaut de ressources dans la pêche,
la chasse ou dans le produit de végétaux indigènes à fruits
très nourrissants ;
Les indigènes, se trouvant dans ces conditions, ont donc
cherché dans leur propre pays les plantes les plus propres
à leur alimentation, puis, par leur contact avec des tribus
plus civilisées, ils ont introduit chez eux des espèces plus
profitables. Le début des cultures a done été marqué par
le choix des espèces et c’est après, par une sélection pa-
tiente et continuelle, que les générations qui se sont succé-
dées ont amené ces espèces au degré d’ amélioration qu'elles
ont atteint aujourd’hui.
L'époque du commencement de ia culture dans chaque
région est assez obscure. De Candolle estime qu’en Egypte,
l’agriculture devait être bien établie plus de 2000 ans avant
Jésus-Christ. En Chine, l'empereur Chennung, 2700 ans
avant J.-C., institua une cérémonie durant laquelle, cha-
que année, on semait 5 espèces de plantes utiles : riz, soja,
blé et deux espèces de millet ; ce qui fait supposer que, pour
avoir attiré à ce point l’attention de l’empereur, ces plan-
tes devaient déjà être depuis quelque temps en culture.
(Mouiteur horticole belge). (A suivre.)
y
PROPRES ee ©
M R- -
"+
PE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Mai 1906
VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 5
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
AUX AMATEURS D'HISTOIRE NATURELLE
Depuis ces dernières semaines nous avons été très occupé
à mettre la dernière main à un volume dont nous avions à
fournir le manuscrit, aussitôt que possible, aux impri-
meurs. Et nous n'avons pu travailler que très peu à
la préparation de la présente livraison du Vaturaliste. Mais,
bien que nous ne puissions continuer en ce numéro les con-
seils pratiques que nous avons cominencé à donner aux dé-
butants de l’entomologie, nous voulons pourtant leur adres-
ser un appel, à eux comme aux amateurs des autres bran-
ches des sciences naturelles.
C’est qu’en effet, pour les naturalistes amateurs ou pro-
fessionnels, le temps de la moisson est arrivé, et 1l importe
d'en profiter pour recueillir le pius de spécimens que l’on
pourra. Ceux que l’on ne pourra utiliser pour ses propres
collections, on n’aura pas de peine à s’en servir pour obte-
nir par échange des spécimens que l’on ne pourrait trouver
soi-même, parce qu’ils sont particuliers à des pays étran-
gers ou à des régions plus ou moins éloignées de notre pro-
pre pays. Il faut donc se créer, au moyen des spécimens
que l’on trouve facilement, des sortes de réserves que l’on
peut être sûr d'utiliser pour l’augmentation rapide de ses
propres collections. Car il y a, dans tous les pays du
9—Mai 1906.
66 LE NATURALISTE CANADIEN
monde, de nombreux amateurs qui sont très désireux d’a-
voir des relations d'échanges avec d’autres collectionneurs.
Comme on le comprend très bien, c’est à la eampagne
que l'on peut le plus facilement recueillir des spécimens,
et les gens qui y résident sont à cet égard les plus favorisés.
L'on n’y peut faire un pas sans être à même de collection-
ner quelque chose. Les champs, les forêts, les jardins, les
eaux, les rivages, tout y fourmille d'espèces minérales,
zoologiques et botaniques. On n’a qu’à tendre la maïn pour
amasser des trésors, dans le sol, sur la terre, dans air et
dans l’eau:
Ce qu’il y a d’important pour le naturaliste, pendant Ja
belle saison, c’est donc de recueillir des spécimens. Les
études techniques, on les fera plus tard, quand la nature
sera retombée dans sa léthargie des mois d’hiver.
Mais il y a encore autre chose à faire, lété, qu’à col-
lectionner des insectes, des plantes, des mollusques, etc. Il
y a encore, et surtout, à observer. Car l’histoire naturelle
ne consiste pas seulement, surtout à notre époque, à éti-
queter et à classer desspécimens. Elle consiste bien plutôt à
se renseigner sur le mode de vie, d'alimentation, de rela-
tion des espèces animales et végétales. C’est par la con-
naissance de tous ces détails que l’histoire naturelle peut
rendre et rend en effet d'importants services à l’agriculture,
à l’industrie, à la médecine et autres arts.
On aura donc soin, en faisant la chasse aux spécimens,
de recueillir des observations sur tout ce qu’on verra; on
consignera par écrit le détaii des faits qu’on aura remar-
qués ; et l’on se constituera de la sorte encore un trésor, de
connaissances celui-là, qus l’on ne sera pas en peine non
plus d'utiliser à l’occasion.
I1 faut donc se mettre en campagne le plus tôt qu’on
pourra, et profiter de la saison favorable pour remplir ses
casiers et son cahier de notes.
+
__S
CONGRÈS DE GÉOLOGIE 67
NÉCROLOGIE
Nous avons le regret d’avoir à enregistrer la mort récente
de deux anciens collaborateurs de notre revue.
M. P.-H. Dumais, arpenteur-géomètre, décédé ie 5 de ce
mois à Chambord (Lac Saint-Jean), a été notre plus actif col-
laborateur, depuis le mois d’avril 1894, jusqu’au mois de
mai 1906 où nous avons publié sou dernier article.
M. Chs Baillargé, ingénieur civil, décédé à Québec le 10
mai, s’intéressa beaucoup à notre œuvre, il y a plusieurs
années, et y publia quelques travaux.
Le mois prochain nous parlerons avec plus de détails de
la carrière de ces deux hommes de science.
Nos lecteurs voudront se souvenir de ces défunts dans
leurs prières.
BRÉRATD AR 10
HÉROS
CONGRÈS DE GEOLOGIE
Le 10e Congrès Géologique international se tiendra dans
la ville de Mexico, du 6 au 15 septembre prochain. Avant
et après la session du Congrès, il y aura des excursions,
d’une durée variable, dans le pays du Mexique.
La cotisation ou prix d'inscription est de 20 francs, ou
quatre piastres, et doit être remise au trésorier du Comité
d'organisation, M. Juan D. Villarello, 5a del Ciprès No,
2728, Mexico, D. F., Mexique.
Pour s'inscrire comme membre du Congrès, il faut s’a-
dresser à M. Ezequiel Ordanez, secrétaire général du Co-
mité d'organisation, sa del Ciprès No 2728, Mexico, D,
F., Mexique.
Sur les chemins de fer mexicains, il y a en faveur des
congressistes une réduction de moitié sur les prix de pas-
68 LÉ NATURALISTE CANADIEN
sage. En s'adressant immédiatement au secrétaire général,
on recevra de lui des renseignements sur les réductions du
prix de passage que les chemins de fer des Etats-Unis ont
pu accorder.
UNE ENQUETE ENTOMOLOGIQUE
Par l’éntremise du bureau du secrétaire d'Etat, nous re-
cevions il y a quelque temps une circulaire du directeur de
la section des sciences naturelles du British Museum, Lon-
dres, relative à certaines recherches intéressant l’entomolo-
gie, dans les diverses colonies anglaises.
Le British Museum, en effet, s'occupe depuis plusieurs
années de réunir le plus de connaissances possibles sur
l’histoire naturelle des insectes ‘“suceurs de sang” et autres
sortes d'organismes vivants qui peuvent jouer un rôle dans
la transmission de certaines maladies. C’est ainsi que, jus-
qu’à présent, la grande institution scientifique de Londres
a étudié à fond la question des Moustiques et celle des
Mouches Tsé-Tsé, et a publié de 1991 à 1903 des monogra-
phies de ces insectes. La Monographie des Culicides ou
Moustiques, par F. V. Theobald, se compose de 4 volumes ;
celle des Tsé-Tsé, par E. E. Austen, n’a qu’un volume.
On se propose maintenant, dit la circulaire, de publier
des monographies du même genre sur les autres genres
d'insectes ‘’suceurs de sang”, et l’on désire avoir la colla-
boration des naturalistes et des médecins résidant dans
les colonies anglaises, on en quelque partie que ce soit des
régions tropicales, à qui l’on demande l’envoi de spécimens
aussi nombreux que possible de ces sortes d'insectes, et
tous les détails que l’on pourrait fournir sur leur histoire
naturelle et leur présence en tel ou tel district.
“TAMR
ns
CHRONIQUE 69
Pout le cas où quelqu'un de nos lecteurs voudrait ré-
pondre à cet appel du British Museum, il devra adresser
ses communications comme suit: 7%e Director, Brilish
Museum (Natural History), Cromwell Road, London, S.
W., England.
ET ER r ST nd
CHRONIQUE
Les ossements d’un Eléphant maintenant disparu et qui
mesurait 16 pieds de haut à l'épaule, ont été trouvés, dit
un journal de Calcutta, dans le lit de la rivière Godaviri
(Inde anglaise) et reposent actuellement au Musée Hindou
de Calcutta.
*
X *
L'Angleterre importe chaque année de 25 à 30 millions
d'oiseaux. Un marchand de Londres a reçu, l'an passé, de
l’Inde seule, 400,000 Oiseaux-Mouches, 6000 Colibris et
400,000 oiseaux de diverses sortes. (On estime d’une ma-
nière générale que les chapeaux de “ces dames” exigent
annuellement le massacre de 200 à 300 millions d’oiseaux
de toutes espèces !
Pipes
Lord Allington possède à Crichel (Angleterre) un parc
qui ne contient que des animaux blancs. Il y a là un Daim
âzé de 25 ans et presque aveugle ; un Taureau Brahna
blanc qui est très sauvage ; des Chèvres Angora blanches ;
un énorme Cochon blanc Yorkshire; des Paons, des Din-
dons, tout blancs, des Oies Sébastopol blanches ; des Lièvres
blancs de race pure ; des Pigeons, des Canards, des Poules
d'Inde, des Pouies, jusqu’à des Souris blanches. Une sym-
phonie en blanc majeur, comme aurait dit Théophile Gau-
tier.
70 LE NATURALISTE CANADIEN
La
Il est peut-être intéressant de noter ce que dit un citoyen
de Winnipeg, Man., au sujet de messire Moineau : “J'étais
à Québec en 1860 et j'y vis les trois premiers Moineaux
envahisseurs du Canada. Ils sortirent d’un char de fret
dans lequel ils étaient cachés, après avoir probablement
traversé l'Atlantique dans la cale d’un navire.” (9 Le citoyen
en question se trouvait en ce temps employé dans le dépar-
tement du fret du chemin de fer. Les trois Moineaux s’é-
taient réfugiés dans le hangar aux marchandises : et les
employés leur fournirent de quoi manger. Un an après,
les visiteurs avaient une respectable famille d'enfants et de
petits enfants. Un an plus tard encore, les villages des
alentours pullulaient de Moineaux, et en 1863 toutes les
villes entre Québec et Montréal, y compris cette dernière,
regorgeaient de ces passereaux. Les Moineaux ne firent
leur apparition à Winnipeg que lorsque l'immense hôtel
du Manitoba (aujourd’hui incendié et non rebâti) fut en
opération. Alors, un certain jour, sans avoir eu la cour-
toisie de payer leur billet de passage, l’avant-garde de l’ar-
mée en question nous arriva ; et aujourd’hui la province de
Manitoba compte des centaines de mille de ces hôtes un
peu turbulents mais, somme toute, utiles de plusieurs ma-
nières. :
%
*X %
Le gouvernement des Etats-Unis vient de finir un re-
censement intéressant. Il s'agissait de savoir, le plus ap-
proximativement possible, le nombre de Bisous (buffalos)
actuellement en existence, et incidemment, aussi, de s’assu-
(1) Nous voulons bien croire à l’exactitude de souvenir du citoyen de
Winnipeg dont il est ici question. Toutefois, dans le district de Québec,
on attribue la présence des Moineaux dans notre faune à une importation
d’un certain nombre de couples de ces oiseaux, qui furent amenés d’Eu-
rope À titre d'oiseaux utiles : importation dont nous nous rappelons très
bien nous-même.— éd.
CHRONIQUE FE
rer de la possibilité d'envoyer ces Bisons dans la ‘Réserve
Nationale” d'Okhahoma où, paraît-il, les conditions clima-
tologiques assureraient la reproduction de ces intéressants
quadrupèdes. Le résultat du recensement constate qu’il
existe aujourd’hui 800 Bisons aux Etats-Unis. De ces 800
animaux, la moitié est de race pure; et à cause d'accidents
divers et de mauvais traitements, cette moitié même ne
tardera pas à diminuer considérablement et même à dispa-
raître complètement.
De
Dans un récent ouvrage “The Source of the Blue Nile”
Arthur J. Hayes, qui accompagna un parti d’explorateurs
en Abyssinie, prétend que le delta du Nil doit à la Fourmi
blanche l'extraordinaire fertilité de la vase qui y est appor-
tée tous les ans par les inondations. Le Dr Hayes ne dit
pas que les Fourmis fournissent toute la vase qui est appor-
tée dans le delta, mais il prétend que sa propriété produc-
tive est causée par leur ouvrage sur la frontière occiden-
tale de l’Abyssinie.— Cette découverte, si découverte il y
a, est intéressante ; et dans un avenir plus ou moins éloigné,
on pourra inoculer une terre pour s’y assurer une plus
grande récolte.
re
On vient de tuer à l’île Orkney un ‘ King Eider ”,
adulte femelle, le gros oiseau arctique, le 19e de cette es-
pèce qui ait été tué en Angleterre depuis 1813. Les prin-
cipales particularités de cet oiseau : sont la gorge pâle et
couleur châtaigne, les pattes et les jambes d’un jaune som-
bre, tandis que le côté de la mandibule supérieure est cou-
vert de poils jusqu'aux narines. :
HENRY TILMANS.
SR
72 LE NATURAILISTE CANADIEN
DE L'ORIGINE DES PLANTES CULTIVEES
(Suzite.)
Les plantes cultivées furent propagées dans les régions
méditerranéennes par les Egyptiens et les Phéniciens. Les
peuples Aryens, dont les migrations vers l’Europe eurent
lieu vers 2500 à 2000 avant J.-C., ont également répandu
beaucoup d’espèces déjà cultivées dans l’Asie occidentale.
En Amérique, l’agriculture n’est pas si ancienne et ne pa-
raît pas remonter beaucoup plus haut que le début de l’ère
chrétienne.
La distribution originelle cultivée est très inégale. Cer-
taines espèces sont communes à 2, 3 ou 4 régicns, d’autres
sont cantonnées dans une petite partie d’un seul pays. Le
Fraisier (Fragaria vesra), le Groseiller (X1bes rubrum), le
Chataignier (Castanea vesca), et le Champignon de couche
(Agaricus campestris), sont communs aux régions septen-
trionales de l'Ancien et du Nouveau Monde. Aucune
espèce, avant d’être mise en culture, n’était commune aux
régions tropicales et australes des deux Mondes.
Un très grand nombre d’espèces sont originaires à la fois
d'Europe et de l’Asie occidentale, d'Europe et de Sibérie, de
la région méditerranéenne et de l’Asie occidentale, de
l'Inde et de l’archipel asiatique, des Antilles et du Mexique,
du Pérou et du Brésil, du Pérou et de la Colombie, etc.
Certains pays: les régions arctiques et antarctiques, n’ont
donné aucune espèce cultivée ; d’autres, comme les Etats-
Unis, la Patagonie, le Cap, l'Australie, la Nouvelle-Zélande
sont caractérisés par une extrême rareté dans ce même
genre de plantes. En général les régions australes n'ont
fourni que fort peu de plantes annuelles ; or ce sont celles-
ci qui sont les plus faciles à cultiver et quiont joué le plus
grand rôle dans les anciennes cultures de notre pays. Sur
ORIGINE DÉS PLANTES CULTIVÉES 73
247 espèces étudiées par de Candolle, l'Ancien Monde en a
fourni 199, l'Amérique 45, et 3 qui sont encore douteuses.
Chose curieuse, la majorité des espèces cultivées dans
l'Ancien Monde, depuis plus de 4000 ans et en Amérique
depuis plus de 2000 ans, existent encore sauvages, dans un
état identique avec l’une des formes cultivées. On aurait
cru que beaucoup d’espèces ainsi cultivées depuis plus de
4000 ans, aurait dévié de leur état ancien à un degré tel
qu’on ne pourrait plus les reconnaître parmi les plantes
spontanées. Il parait, au contraire, que les formes anté-
rieures à la culture se sont conservées à côté de celles que
les cultivateurs obtenaient et propageaient de siècle en
siècle. Ceci pourrait être expliqué par deux causes: 1° la
période de 4000 ans est courte relativement à la durée des
formes spécifiques dans les plantes phanérogames ; 2° les
espèces cultivées reçoivent hors des cultures des renforts
incessants par les graines que l’homme, les oiseaux et les
divers agents naturels dispersent. Ces naturalisations ain-
si produites confondent souvent les pieds, issus de plantes
sauvages, avec ceux de plantes cultivées, d'autant mieux
qu’elles se fécondent mutuellement, puisqu'ils sont de
même espèce.
Certaines espèces enfin, telles que la Fève (#e6a vulga-
ris), le Pois chiche (Czser arirtinum), la Lentille (ÆZrvum
lens), le Tabac (Wzcotiana tabacum), le Froment (7774-
cum vulgare), le Maïs (Zea Mays), sont, à l’état sauvage,
en voie d'extinction ou éteintes depuis l’époque historique.
En supposant que leur culture cessât dans le monde, elles
disparaîtraient de la nature. On peut attribuer cette dis-
parition à ce que ces plantes ont des graines remplies de
fécule, lesquelles étant recherchées par les insectes, les oï-
seaux et les rongeurs, sont digérées et ne peuvent traverser
intactes leurs voies digestives. ..
M. de Candolle termine son exposé par quelques ré-
flexions dont nous reproduirons textuellement les princi-
11—Mai 1906.
7/4 LE NATURALISTE CANADIEN
pales : “ 1° les caractères qui ont le plus varié daté Îles
cultures sont, en commençant par les plus variables : &) la
grosseur, la forme et la couleur des parties charnues. qüelle
que soit leur situation (racine, bulbe, tubercule, fruit ou
vraine) et l’abondance de Ja fécule, du sucre et autres tña-
tériaux, qui se déposent dans ces parties ;—4) labondätte
des graines qui est souvent inverse du développement des
parties charnues de la plante ;—c) la forme, la grandeur où
la pubescence des organes floraux qui persistent autour des
fruits ou des graines ;—4) la rapidité des phénomènes de
végétation, de laquelle résulte souvent la qualité dé
plante ligneuse ou herbacée ou de plante vivace, bisan-
nuelle ou antiuelle,
Les tiges, feuilles et fleurs varient peu dans les plantes
cultivées pour ces organes, Ce sont les dernières forma-
tions de chaque pousse annuelle ou bisannuelle qui varient
le plus; en d'autres termes, les résultats de la végétation
varient plus que les organes qui en sont la cause.
CH. CHEVALTER:
(À suivre.)
BK ED
LES TERRES R'ARES DE LA PROVINCE DE
QUÉBEC (1)
Par H, NAGANT, INGÉNIEUR-CHIMISTE
On désigne sous ie nom de /erres rares un groupe spé-
cial d'oxydes métalliques difficilement réductibles. assez
voisins les uns des autres par leurs propriétés chimiques et
(1) Nous croyons ütile de reproduire cet article, très intéressant
pour la minéralogie canadienne, de notre collaborateur M. Nagant, et
qui fait partie du rapport officiel tout récemment publié sur les Opéra-
lions minières dans la province de Québec, par M. Obalski, surintendant
des Mines, qui nous a fort aimablement permis cet emprunt. RÉD.
D
LES TERRES RARES DE LA PROVINCE 75
physiques, et qui se trouvent le plus souvent associés en
semble dans un certain nombre de minéraux relativement
rares, tels que la cérite, la gadolinite, la monazite, la sa-
marskite, la thorite, la fergusonite, le zircon, etc. Ces
oxydes constituent, pour la plupart, des bases puissantes
combinées, dans la nature, aux acides silicique, titanique
phosphorique, niobique, tantalique, auxquels s'ajoute le
fluor. Comme exemple de fluorure, on peut citer la fluo-
cérite qui contient environ 80 pour cent de cérium avec
un peu d’yttrium. Mais, ordinairement, les minéraux qui
contiennent des terres rares sont des plus complexes et ren-
ferment, outre toute une série de terres rares proprement
dites, beaucoup d’autres oxydes métalliques tels que ceux
d'uranium, de fer, de manganèse, de la chaux, de l’alumi
ne, de la magnésie, ainsi que de petites quantités de plomb,
de bismuth, d’étain, etc. |
On connaît actuellement une vingtaine de terres rares
que l’on peut classer en quatre groupes principaux :
1. Glucinium.
2. Groupe du cérium, comprenant les métaux suivants :
cérium, lanthane, métaux de l’ancien didyme (praséodyme
et néodyme), samarium, gadolinium, europium.
3. Groupe de Pyttrinm : yttrium, erbium, terbium, yt-
terbium, scandium, holmium, thulium, dysprosium, phi-
lippium.
4. Groupe du zirconium : zirconium, thorium et germa
nium. Le titane, qui fait partie de ce groupe, a été omis
pour la raison qu’on ue le considère plus comme un élé-
ment rare.
Plusieurs de ces terres rares (thorium, cérium, zirco-
nium, etc.), sont utilisées dans l’éclairage, soit comme fila
ments des lampes électriques, soit surtout dans la fabrica-
tion des manchons incandescents des lampes Auer et au-
tres lampes du même genre; l’importance qu’a prise de-
puis vingt ans l’industrie de ces lampes à manchons incan
76 LÉ NATURALISTE CANADIEN
descents a provoqué dans beaucoup de pays la recherche et
l'exploitation des gisements de minéraux contenant des
terres rares:
Avec les progrès de l’industrie chimique qui s'exerce ac-
tuellement sur ces intéressantes substances, on y découvre
sans cesse de nouvelles propriétés remarquables, et les ap-
plications dont elles sont susceptibles occupent de plus en
plus l'attention des spécialistes. Enfin, c’est dans ces
mêmes terres rares que se trouvent disséminés les fameux
métaux radio-actifs tels que le radium, le polonium, le tho-
rium radio-actif et l’uranium.
Dans la province de Québec, l'étude et l'exploitation des
terres rares n’en sont encore qu’à leur début ; ces minéraux,
que l'on ne considérait guère il y a quelques années que
comme déchets sans valeur de l’exploitation du mica (avec
lequel on les rencontre souvent dans les veines de pegma-
tite traversant le gneiss laurentien), ont enfin attiré lat-
tention de plusieurs propriétaires de mines de mica, et 1l
peut se faire que, dans un avenir peu éloigné, le mica lui-
même m’ait plus qu’une importance secondaire à côté de
minéraux mieux appréciés et ayant une valeur marchande
très élevée.
Dans son rapport de 19go1, sur “Le mica dans la pro-
vince de Québec”, M. J. Obalski avait déjà donné des indi-
cations intéressantes sur quelques minéraux de terres rares
trouvés en plusieurs points de la Province.
En rappelant brièvement les renseignements que l’on y
trouve à ce sujet, j'y ajouterai les résultats de nouvelles
recherches.
MINE DE VILLENEUVE, CO. LABELLE
Dans cette mine, outre l’'émeraude commune (demandée
aujourd’hui pour l'extraction du gl/ucinium qu'elle contient),
on a trouvé des échantillons remarquables de cérite,
pechblende, monazite et d’uraninite (minéraux d'uranium et
de cérium).
d
LES TERRES RARES DE LA PROVINCE 77
MINE DE MAISONNEUVE, CO. BERTHIER
On y trouve de l’émeraude et surtout de la samarskite
qui est un niobate et tantalate d’urane, de fer et d’yttrium,
avec un peu d’acide tungstique. En analysant cette samar-
skite j'y ai trouvé un peu d’éfaiën. Examinée au scntillos-
cope, elle m’a donné quelques scintillations qui indiquent
la présence d’un métal radio-actif, probablement du tho-
rium.
Dans un échantillon voisin de la samarskite, j'ai pu
reconnaître la #ergusonite qui est un tautalo-niobate d’yt-
trium, cérium, avec zirconium, étain, fer, tungstène. Ce
minéral est radio-actif.
Le tantale, que contiennent la samarskite et la ferguso-
nite, est un métal très dur, très réfractaire au feu et est
employé actuellement, en Allemagne, à la fabrication de
lampes incandescentes électriques, de plumes inusables,
ete.
En 1905, le tantale valait $5,000 la livre, ce qui néces-
sairement restreint son emploi; malgré son prix si
extraordinairement élevé, ses propriétés physiques et chi-
miques sont si remarquables que la maison allemande Sie-
mens et Halske ont pris, en Allemagne et ailleurs, plus de
200 brevets d'invention pour divers procédés de prépara-
tion et d'emploi de ce métal.
Dans la nouvelle lampe électrique où le filament de
charbon est remplacé par un fil de tantale, 1l ne faut plus,
paraît-il, employer que la moitié du courant électrique
exigé par les lampes otdinaires, pour obtenir la même
intensité de lumière.
MINE DU LAC DU PIED DES MONTS (CHARLEVOIX)
C’est dans cette mine de mica, située à 17 millesau N.-
©. de la Malbaie, que l’on a trouvé la fameuse c/évezte, qui,
à l'exposition universelle de Liége, a attiré l'attention des
spécialistes sur ses propriétés radio-actives si remarquables.
78 LE NATURALISTE CANADIEN
Vue à travers le scintilloscope, cette cléveite (qui est com-
posée d'oxydes d'uranium et d’autres métaux rares) donne
des scintillations plus nombreuses et plus fortes que la
célèbre pechblende de Bohème (dont M. et Mme Curie ont
extrait le radiurm).
MINE DU CANTON TACHÉ, LAC SAINT-JEAN
J'ai examiné avec soin quelques échantillons de miné-
raux noir verdâtre ou brunâtre, d’aspect vitreux, prove-
nant de ce nouveau gisement qui sera mis cette année en
exploitation. Les deux variétés qu'ils contenaient sont
des silicates de terres rares, non encore signalés dans la
Province, la gadolinite et l'orthite (allanite).
Gadolinite.—Densité, 4.5.—Dureté, 6.5 à 7, poussière
vert grisâtre.
La gadolinite est un silicate d’yttrium, de lanthane, de
fer et de glucinium (10 ); elle contient aussi tous les
métaux des groupes yttrique et erbique. Elle peut être
exploitée pour l'extraction du glucinium et de Pyttrium
Orthite {allanite).— Densité, 3.20. — Dureté, 5.5 à 6
poussière gris verdâtre. Aspect vitreux plus ou moins
résineux, couleur noir brunâtre ; se gonflant à la flamme
du chalumeau en donnant une scorie jaunâtre. Attaqué
facilement par l’acide chlorhydrique concentré en formant
gelée (silice).
J'y ai constaté la présence d’une petite quantité à étain
(environ 27) ainsi que des paillettes de dzswuth natif.
C’est un silicate de cérium, yttrium, avec alumine, oxyde
de fer, chaux et manganèse.
Ces deux minéraux ne sont pas radio-actifs, du moins à
l'essai avec le scintilloscope.
QUELQUES PRIX DU COMMERCE
Avec la découverte et l’exploitation de pius en plus
étendues de terres rares pour fins industrielles, le prix de
ces minéraux a beaucoup baissé durant ces dernières
OISEAUX À VOI. RAPIDE 79
années. Cependant ils conservent encore une tiès grande
valeur commerciale qui mérite d'être prise en considéra-
tion par tous ceux qui s'intéressent aux questions minières.
Pour fixer les idées sur la valeur relative de quelques
minéraux de terres rares, je transcris ici les prix extraits
du catalogue de MM. Eimer et Amend, de New-York, par
livre de minéral :
Emeraude commune (silicate d’alumine et de glu-
SNS RARE OR SAR, en LEA RTE TUE 8020
| Allanite (silicate de cérium, yttrinm, etc.)....... MOTO
Cérite (silicate de cérium, lanthane et didyme}).... © 50
Fergusonite (niobate et tantalate d’yttrium, cérium,
AGO. Leles) ARR ner 10 us SE NE) 00
(A Londres, Angleterre, la fergusonite radio-active
atteint au moins 50 cents l’once.)
Gadolinite (silicate d’yttrium, lanthane, glucine, etc.) 2 50
Sable monazité (la monazite est un phosphate de
cédum, dnENane thoritmrett).4 2: 24800 41 "01:20
Pechblende ou Uraninite (minéral d'uranium, cé-
a TANGO Va CE POESIE SON ee
A Londres, la Méyeite radio-active (sorte Duras)
se vend au prix de #2.00 l’once.
Samarskite (niobate et tautalate d’urane, fer et
yttrium) je»; verve ses see ee I O0
FJD DS ER
OISEAUX A VOL RAPIDE
La rapidité du vol, chez certains oiseaux, est réellement
prodigieuse : des observations authentiques en font foi.
Quatre pigeons voyageurs (Columba domestica), apparte-
nant au comte Karolyi, sont venus de Pesth à Paris (1293
kilomètres) en sept heures (1), ce qui suppose une vitesse
de 185 kilomètres à l’heure et de plus de 51 mètres par
seconde, vitesse double de celle des trains les plus rapides.
(1) J. JACKSON. Tableau de diverses vilesses exprimées en mètres par
. seconde (Nice, 1893).
80 LE NATURALISTE CANADIEN
Comme conséquence, nous voyons que la famille des Pi-
geons (Co/umbidæ) est absolument cosmopolite et très
abondamment répandue dans toutes les îles de la Polynésie
(plus de 50 espèces).
Les Hirondelles ont un vol encore plus rapide et qui
peut atteindre 67 mètres par seconde ou 240 kilomètres à
l’heure (d’après les observations de Spallanzani) Même en
considérant ces chiffres comme des #axima qui sont rare-
ment atteints, on admettra sans peine que les Hirondelles,
lors de leur migration d'automne, puissent franchir la Mé-
diterranée et passer d'Europe en Afrique er une seule nuit.
(Le Naturaliste.) Dr TROUESSART.
TN
PUBLICATIONS REÇUES
—A. H. Mackay, Pibliography of Canadian PBotany for 1904.
Report of the Botanical Club of Canada for 1904-1905.
Nous engageons tous les botanistes amateurs à se mettre en rapport
aaec le Dr MacKay, secrétaire du ‘‘Botanical Club of Canada’”’, Darth-
mouth.
4
—Horace Têtu, Oiseaux de Cage. Québec. 1906. (Prix, 25 sous l’ex.,
chez l’auteur et à la librairie J.-P. Garneau, Québec.)
Ce joli opuscule de 85 pages est le premier, comme l’auteur le fait
remarquer, qui ait été publié en Canada, sur ce sujet. Il traite de tout ce
qui peut intéresser et instruire les persounes qui gardent des oiseaux en
captivité, depuis la capture jusqu’au traitement en cas de maladie. Et il
s’agit dans cet ouvrage non seulement du Serin, mais encore des princi-
paux genres d’oiseaux sauvages et chanteurs. -
Le nombre des gens qui gardent des oiseaux en captivité étant con-
sidérable, l'écoulement de ce petit volume, tiré à quelques centaines
d'exemplaires, sera sans doute très rapide.
— (Ferme expérimentale centrale, Ottawa.) /usectles nuisibles aux
Céréales et aux Plantes fourragères, aux Plantes-racines et aux Légumes,
par J. Fletcher. Ottawa. 1905.
— Puiletin de la Société des amis des Sciences naturelles de Rouen.
45e année, 1904. Rouen, 1905.
hd
ÉE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Juin 1906
VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 6
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
EN RETARD
Ce n’est qu’au milieu du mois d’août que nous pu-
blions la livraison de juin du Va/uraliste canadien. Beau-
coup de nos lecteurs connaissent déjà la cause d’un si long
retard. Pour ceux de l’étranger, nous dirous qu’une grave
maladie nous a empêché, durant plus de six semaines, de
nous occuper de notre Revue.
Nous ferons notre possible, bien entendu, d'abord pour
n'être plus malade si longtemps, et aussi pour rétablir dans
une parfaite révularité la publication de nos livraisons.
EAU »
er D Le
NECROLOGIE 1
Le mois de mai a vu mourir, à quelques jours d’inter-
valle, deux de nos hommes de science canadiens-français.
Le nombre de ceux qui, chez nos compatriotes, s’o:cupent
d’études scientifiques est si restreint, que nous ue le voyons
pas diminuer sans un véritable chagrin. Jes deux défunts
dont il s’agit ici, MM. Dumais et Baillairgé, furent aussi
de nos collaborateurs et amis, et leur décès nous cause par
là même un deuil véritable. Suivant notre coutume en ces
tristes occasions, nous voulons leur consacrer ici quelques
lignes et surtout les recommander aux prières de nos lec-
teurs:
11—Juin 1906.
82 LE NATURALISTE CANADIEN
PASCAL-HORACE DUMAIS
M. P.-H. Dumais, décédé le 5 mai dernier, était né à
Saint-Georges de Cacouna le 27 août 1837, et a donc vécu
69 anset 8 mois. “Il fit ses études au collège de Sainte-Anne,
et fut reçu arpenteur-géomètre à l’âge de 21 ans. Il avait
jour patron, lors de ses études. feu l’arpenteur Ballantyne,
et c’est avec ce dernier qu’il vint alors au Lac Saint-Jean
pour faire les arpentages des différents cantons dort se com:
pose ce beau royaume.
“M. Dumais s'établit alors sur des lots de cette colonie,
qu’il défiicha avec un talent peu ordinaire, tout en conti-
nuant à exercer sa profession d'arpenteur. Outre ses talents
de géomètre et d’agriculteur, M. Dumais était écrivain à
ses heures; penseur sérieux en même temps que fin obser-
vateur.
«M. Dumais est un de ceux qui ont le plus contribué
par leur travail et leur énergie à amener le chemin de fer
au Lac Saint-Jean. C’est lui qui comme arpenteur a fait les
premières explorations et le premier tracé de la ligne du
chemin de fer de Québec et du Lac Saint-Jean, tracé qui a
été adopté presque partout sur le parcours de la ligne.”
M. Dumais est décédé à
Chambord (Lac Saint-Jean),
et ses funerailles ont eu lieu
en cette paroisse le 8 mai.
Malade depuis près d’une
| année, il est mort dans les
: meilleures dispositions chré-
tiennes.
Le défunt à été notre
plus actif collaborateur, de:
puis que nous avons fait re-
vivre le Vafuraliste cana-
dien. Dès la première année
(1894), nous avons commencé à publier les notes de M. Du-
pont sida
olies “mat
NÉCROLOGIE 83
mais sur la formation géologique du Saguenay, et cette pu-
blication s’est continuée jusqu’à l’an dernier, où notre col-
laborateur est tombé sérieusement malade.
Ce n’est pas que nous accordions une foi entière aux
théories géologiques de M. Dumais. C'est lui qui imagina
le fameux ‘“cataclysine” pour expliquer l’origine de l’extra-
ordinaire rivière Saguenay, et fournit à Buies la matière
d’un chapitre (1) qui dans le temps fit sensation, au moins
dans le monde non savant, car les géologues de profession
prétendent bien qu’ils peuvent se passer de cataclysme pour
rendre compte de la formation de l'étrange cours d’eau.
D'ailleurs, Buies faisait grand cas du talent de M. Dumais,
et goûtait beaucoup, dans ses chasses aux matériaux de ses
livres, les rapports d'exploration de ce géomètre qui savait
donner un tour littéraire à ses comptes rendus.
Pour nous, nous regardions M. Dumais comme l’homme
qui connaissait le mieux la géographie scientifique de l’im-
portante région de la Province qui comprend les comtés de
Chicoutimi et du Lac Saint-Jean, et nous avons eu à cœur
de le pousser à mettre par écrit la plus grande somme pos-
sible de ses connaissances et de ses souvenirs d'exploration,
pour les enregistrer dans nos pages et les conserver ad futu-
ram utilitatem. Nous nous applaudissons aujourd'hui de
cette collaboration de onze années, qui nous a permis de
sauver de l'oubli tant de renseignements et de détails qui
se seraient perdus sans retour par la mort du seul homme
qui les connaissait.
Comme écrivain, M. Dumais avait de précieuses res-
sources. Original, d’une imagination de feu, phraseur facile,
âme toute poétique, une suffisante culture littéraire aurait
fait de lui un publiciste remarquable. Cette formation lui a
manqué, et il est resté avec ses qualités poussées très sou-
vent jusqu'aux défauts. Nous devions constamment, avant
(1) Dans son ouvrage Le Saguenay.
84 LE NATURALISTE CANADIEN
de publier ses écrits, jouer de la serpe pour élaguer des
frondaisons trop touffues et redresser on rabattre tant de
brindilles mal alignées...
CHARLES BAILLAIRGÉ
Le 10 mai, décédait à Québec M. Chs Baillairgé, archi-
tecte et ingénieur civil. Il était né en 1827, et était âgé par
conséquent de 79 ans.
Bien qu’il ne fût pas à
proprement dire un adepte
des sciences naturelles, M.
Baïllairgé portait beaucoup
. d'intérêt à l’œuvre du Vatu-
raliste canadien, et y publia
7 À quelques articles.
.,);) | a , Q 2
71 A no) C'était un travailleur
LEA la 4
SR acharné. Il conserva jus-
qu'au vieil Âge une santé re-
lativement bonne. et put se
livrer jusqu’à la fin à ses
études favorites, qui étaient
les mathématiques et les
branches diverses du génie civil. Il a dirigé des travaux de
grande importance, à Québec et ailleurs.
Il a publié un bon nombre d'ouvrages relatifs aux
études qu’il affectionnait. Il manquait malheureusement
du talent littéraire. Mais la valeur scientifique de ses publi-
cations lui assurèrent une renommée universelle. Il était
membre de beaucoup de sociétés savantes, et se vit décerner
grand nombre de médailles et de diplômes d'honneur. M.
Baillairgé a donc été l’un des savants qui ont le plus con-
tribué à porter au loin la réputation du Canada scientifique.
Ode CO
— RES
CHRONIQUE 85
CHRONIQUE
L'UTILITÉ DES REQUINS.—Le Requin a sans contredit
une mauvaise réputation. On l’appelle “Tigre des mers ”, ou
l Enneminé des marins”, ou de tout autre nom mépr'sant
qui se présente. On lui jette bien des pierres ; et comme il
ne trouve que rarement un défenseur, sa mauvaise répu-
tation reste. Dura lex, sed lex! Et pourtant, s’il faut en
croire un magazine américain, ce pauvre Requin ne serait
qu'un humble et utile serviteur public, un poisson-chiffon-
uier, quoi !
Le Requin est le grand vidangeur de l’océan. Il n’est
pas et ne peut pas être — vu sa vitesse relativement très
modérée — un poisson de proie. Ouvrez un Requin quel-
conque qui a été capturé et vous pourrez vous assurer de
ce fait. Quelques fragments de cordages, une boîte de bœuf
de conserve, une bouteille bouchée contenant quelque mes-
sage fantaisiste, ou une casquette de matelot perdue dans
une bourrasque, tout cela tend à prouver que ie Requin! est
un poisson d’affaires, qui a l’œil sur toutes les chances qui
peuvent lui arriver ; mais les matières plus digérées de son
estomac, consistant principalement en détritus de toutes
sortes, prouvent — l’odeur surtout — surabondamment que
les premiers possesseurs de tous ces objets n'étaient pas vi-
vants ; étaient, de fait, bien morts, iorsque cet inspecteur
d'hygiène vint à passer et, les condamnant comme dangers
publics, les fit passer dans son propre réceptacle digestif.
Une foule d'observations soigneusement contrôlées
prouvent irréfutablement qu’il n’y a que deux articles de
. Son menu ordinaire que le Requin peut prendre vivants,
savoir: un oiseau de mer qui de temps à autre se fait
surprendre endormi sur la crête des vagues, et la Pieuvie,
cette hideuse créature, dont la lenteur bien connue donne
une chance à notre infatigable chiffonnier de la devancer.
86 LE NATURALISTE CANADIEN
Le Requin donc, loin d’être le terrible pirate que nous
décrivent les romanciers, serait au contraire un pauvre et
misérable travailleur ; et à ce titre il mériterait sinon notre
tendresse, du moins notre pitié.
UN SQUELETTEÉ GÉANT.—On vient de monter à l’Ins-
titut de Brooklyn, Etats-Unis, le squelette d’une Baleine ;
il a 47 pieds de long et est le plus grand squelette de Baleine
d'Amérique, dit-on, et peut-être du monde entier. Les os
seuls de ce monstre marin pèsent trois tonnes, la tête mesure
15 pieds 8 pouces de long sur 7 pieds 4 pouces de large;
le tronc a près de sept pieds de diamètre. Ce squelette
appartient à une Baleine femelle qui fut capturée en 1903
près des îles du Cap Vert, et pesait de 40 à 45 tonnes,
tandis que sa longueur était de 50 pieds.
UN ICHTHYOSAURE EN ANGLETERRE.—A une profon-
deur de 60 pieds, dans une briqueterie d'Vatley, près de
Peterborough, on vient de déterrer, enchassé dans l’argile,
le squelette fossile d’un monstre reptile d’une douzaine de
pieds de long, le corps ressemblant à celui d’nn Crocodile,
et la queue étant longue de 3 pieds. L'animal avait apparem-
ment des ailerons et non des pattes, car on a recueilli plu-
sieurs centaines de ces ailerons. Malheureusement on n’a
pas trouvé la tête. On pense se trouver en présence d’un
Ichthyosaure ou Lézard de mer.
UN AUTRE SERPENT DE MER.—Le capitaine Mills, du
brick ‘Duke of Vork?”, et son équipage ont été attaqués
près de Cork (Irlande) par un monstre marin qui semble
avoir été un authentique serpent de mer. Comme le brick
se rendait à son poste de pêche, près de Baliycotton, le ca-
pitaine vit quelque chose de sombre dans l’eau en avant du
bateau. Quand celui-ci vint proche de l’objet, on découvrit
que c'était un énorme poisson ressemblant à une Baleine.
Le monstre aussitôt attaqua le petit navire avec fureur et
D...
° FE NTS
DE LA CHASSE AUX INSECTES 87
le frappa “trois ou quatre fois.” Le capitaine alors fit
arrêter son bâtiment et attaqua le monstre marin qui ne
lÂcha prise qu'après une demi-heure de combat. (Version
du Weekly Star, de Montréal, 23 mai 1906.)
LES HUITRES ET LE VÉSUVE.—Une calamité due à la
dernière éruption du Vésuve n’a pas été rapportée par
câblogramme. Les journaux italiens de date récente nous
annoncent la disparition des huîtres napolitaines.' I] appert
que la baie de Naples produit une huître particulièrement
estimée des épicuriens de l'Italie. Or, les cendres du volcan
tombées dans la baie ont complètement couvert le fond, et
out étouffé tout ce que les bancs contenaient d’huîtres, et
ces bancs sont eux-mêmes à tout jamais ensevelis.
HENRY L ILMANS.
J Cd, 59 KL
PCR +< LD de+ AO
DE LA CHASSE AUX INSECTES
(Suite de la page 43)
L'emploi de la bouteille à cyanure offre encore l’avan-
tage de ne pas abîmer les spécimens, comme faisait souvent
le flacon au bran de scie alcoolisé, où les émanations spiri-
tueuses modifient plus ou moins la coloration des insectes à
couleurs claires et de ceux à reflets métalliques ; de même
le duvet léger que portent beaucoup d'espèces était plus ou
moins gâté.
Nous supposons, dans tout cela, que l’on ne laisse pas
les spécimens séjourner un très long temps dans le flacon à
cyanure, Un tel séjour prolongé ne serait pas sans altérer
en une certaine mesure la surface extérieure des insectes.
Il est en outre permis de faire remarquer que ia mani-
pulation du flacon de chasse est vraiment facile à appren-
dre et à pratiquer. On le porte dans une poche de son habit,
du côté gauche et à portée de la main gauche. Or, tout à
88 LE NATURALISTE CANADIEN
coup vous saisissez un insecte de la main droite et le retenez
entre le pouce et l’index—ce pendant que, de la main gau-
che vous extrayez le flacon de votre poche et en retirez
facilement le bouchon du pouce et de l’index gauches pour
laisser tomber le spécimen dans le récipient. Toutes ces
opérations se font aisément, et par la pratique on acquiert
promptement le tour de main qu’il y faut. Il y a dans la
vie quantité de choses beaucoup plus difficiles à exécuter.
On a besoin d’un peu plus d'adresse pour faire passer
dans le flacon les insectes que l’on a capturés dans le filet.
On risque, en effet, lorsqu'on déplace le filet d'ouvrir une
porte par où les prisonniers, souvent très apiles, ne se
feront pas faute de s'envoler pour reprendre la liberté qu’on
leur a ravie. Et il ne manquerait plus que cela, qu’on vit
partir à tire d’aile des spécimens que l’on a eu parfois
beaucoup de peine à prendre. C’est par la pratique,et après
maintes évasions de prisonniers, que l’on apprendra à éviter
ces périls. En général, on ne doit ouvrir le filet que peu à
peu et lentement. À mesure que, de la sorte, on atteindra
un spécimen, on le saisira avec les pinces droites dont nous
parlerons plus loin, ou plus simplement avec les doigts,
pour le transférer du flacon à cyanure. Si l’on y va de Ja
sorte avec ses doigts, il arrivera parfois que l’on ait affaire
à un insecte armé d’un dard et qui saura s’en servir pour
sa défense personnelle. La douleur pourra être aiguë ; mais
au moins vous goûterez la jouissance entomologique de
connaître jusqu’à quel point telle espèce a des ressources
de protection et de voir, par cette occasion, s’augmenter le
trésor de vos connaissances. Il est rare que la science se
paye trop cher...
BOITES DE CHASSE.—Le chasseur fera bien d’avoir
aussi un ‘carton de poche”, ovale de préférence, avec fond
garni de lièse ou mieux d’agavé. Lorsque son flacon au
cyanure contiendra déjà trop de spécimens, il les fixera tout
de suite sur des épingles et les placera dans ce carton.
PP ne
DE LA CHASSE AUX INSECTES 89
Seulement il devra veiller à ce que les insectes qu’il traitera
de la sorte ne soient pas seulement à moitié morts. Dans
ce cas, “en effet, ils ne se feraient pas prier pour sortir de
leur demi asphyxie, au contact de l’air pur, et pour se re-
mettre à vivre comme de plus belle; et l’on aurait perdu
tous ies avantages que l’on avait cherchés dans l’usage du
flacon à cyanure: c’est-à-dire, la mort assez douce des
patients (ez cas qu’ils souffrent beaucoup lorsqu'ils sont
transpercés d’une épingle et mettent des jours et parfois
des semaines à y perdre le souffle), la meilleure apparence
et conservation des individus qui n’ont pas eu à se débattre
longtemps dans une agonie prolongée. Mais comment cons-
tater que les hôtes du flacon sont tout à fait morts? On
doit bien s'attendre à ce que la jeune entomologie n’ait pas
beaucoup de symptômes infaillibles à énumérer en cette
affaire, lorsque la médecine, dont l’âge se perd dans la nuit
des temps, se trompe encore, trop souvent, dans la consta-
tation du décès des hommes.
Il y a des insectes qui, de leur vivant, ont le tour de
simuler la mort lorsqu'on les saisit; c’est leur seul moyen
de défense contre leurs ennemis. Mais on peut être sûr que,
souinis aux vapeurs du cyanure et plutôt mal à l'aise
là-dedans, ils ne recourent pas d'eux-mêmes à cette simu-
lation du trépas au foud de la bouteilie de chasse.
On peut dire, en général, que plus les insectes ont des
téguments durs, plus ils mettent de temps à mourir dans le
flacon à cyanure ; les espèces à consistance molle sont les
plus prompts à y perdre la vie.
Donc, en résumé, l’entomologiste en chasse doit avoir
dans sa poche une petite boîte à fond liégé, pour débarras-
ser de temps à autre sa bouteille à cyanure, ou encore pour
y placer dès leur capture certaines espèces de consistance si
délicate qu’elles ne pourraient, sans être abîmées, passer
par le flacon.
21—Juin 1906.
90 LE NATURALISTE CANADIEN
L'abbé Provancher se servait parfois, dans ses chasses
entomologiques, de sa ‘boîte de Dillénius”, plus ou moins
garnie de liège à l’intérieur. On sait que cette sorte de
cylindre en métal, qui se porte en bandoulière, est destinée
à contenir les plantes recueillies au cours des herborisations.
On n’a douc qu’à y installer de quelque façon des plan-
chettes de liège, et l’on aura en effet une excellente boîte
pour la chasse aux insectes.
Mais il arrive souvent que l’entomologiste fait un sé-
jour prolongé en une localité quelconque, et y multiplie
ses parties de chasse aux insectes. Il aura, dans ce cas, en
son logement,des boîtes de dimensions plus ou moins gran-
des où il installera à mesure ses captures de chaque jour.
Conime ces boîtes à fond liégé peuvent aussi servir pour
installation d’une collection entomologique générale, nous
en reparlerons lorsque nous aurons à traiter de l’aménage-
ment des collections.
Disons encore, en attendant, que l’on trouve en abon-
dance des modèles variées de boîtes de chasse ou de collec-
tion chez les marchands d’articles entomologiques, parmi
lesquels nous indiquerons la Maison Deyrolle, 46, rue du
Bac, Paris (7e), et l'American Entomological Co., 55 Stuy,
vesant Ave., Brooklyn, N. V. (voir l’annonce de celle-ct
sur la couverture de notre Revue).
PELOTE A ÉPINGLES.—Puisqu’en chasse on peut avoir
à placer les spécimens sur des épingles, soit pour vider sa
bouteille de chasse, soit parce que l’on a affaire à des insec
tes qui ne pourraient, saus risquer d’être endommagés-
passer quelques heures dans ledit réripient, 1l faut donc
être pourvu d'une provision d’épingles entomologiques
dont on se servira au bon moment. Ces épingles, on les
porte sur une pelote de forme spéciale. La pelote classique,
chez les entomologistes, se compose de deux disques en
carton, recouverts de soie, et réunis à la circonférence par
un ruban qui contourne la machine, laquelle est remplie
DE LA CHASSE. AUX INSECTES OI
d'une matière appropriée. (C’est à travers ce ruban, qui
constitue le côté de la boite arrondie, que l’on enfonce les
épingles. Que l’on constitue ce ruban en sections de
couleurs différentes ; que l’on assigne à chaque couleur les
épingles de telle ou telle grosseur : et l’on arrivera promp-
tement à prendre tout de suite, sans tâtonnement, l’épingle
dont on aura besoin dans tel cas particulier.
Une gance fixée au contour de la pelotte permet d’at-
tacher l’article à la boutonnière de son habit, et l’on peut
très bien, par suite, saisir d’une main l’épingle qu'il faut
pour l’insecte que l’on retient entre le pouce et l'index de
l’autre main. Les entomologistes sont des gens pratiques |
| . . .
Il est donc facile de faire construire sous ses yeux la
pelote entomologique. Mais la plupart du temps on trou-
vera plus simple de s'en procurer une toute faite, au prix
de quelques sous, chez le maichand d'articles entomolo-
giques.
EN CHASSE
Nous commencerons cet article par une citation de
l'abbé Provancher, qui fut un entumologiste de grande ex-
périence. Cette page de notre grand naturaliste est de 1869 ;
mais elle contient beaucoup de conseils qui n’ont rien perdu
de leur utilité et de leur sens pratique à travers le cours
des années :
‘Les lieux qui promettent davantage au chasseur
d'insectes sont les jardins, les champs, les bords des bois et
des ruisseaux, les broussailles qui bordent les chemins, et
les grèves des rivières et des étangs; les forêts épaisses et
étendues, de même que les brûlés ou savaues, sont d’ordi-
naire très pauvres en insectes. Muni des instruments que nous
venons de faire connaître, c’est-à-dire, filet à la main, boîtes
et fioles dans la poche, pelote à la boutonnière, vous atten-
dez d'ordinaire vers huit ou neuf heures, c’est-à-dire que la
rosée soit disparue, pour vous mettre à l’œuvre, Vous
92 LE NATURALISTE CANADIEN
fauchez à l’aveugle les prés et les buissons pour les diptè-
res, hémiptères, orthoptères, etc. ; vous guettez les papil-
lons sur les fleurs ; vous soulevez les pierres, enlevez les
vieilles écorces et inspectez les troncs d'arbres pour des
coléoptères ; des os frais ou débris d'animaux vous offriront
des Staphylins, des Silphes, etc. ; les pierres des ruisseaux
vous découvriront, en les remuant, des Bélostomes, des Co-
rises, des Dytisques, etc. ; la sève découlant des souches
d’érables, bouleaux, etc., qu’on aura abattus au printemps,
vous offrira des Histers, des Nitidules, des Chrysomèles,
etc., etc. Et à chaque prise que vous faites, vous la met-
tez de suite en sûreté : si c’est un coléoptère on un hémip-
tère, vous le faites entrer de suite dans votre fiole ; si c’est
un diptère ou un hyménoptère, vous le piquez de suite,
prenant la précaution pour ces derniers de les piquer à tra-
veis les mailles du filet pour vous mettre à l’abri de leur
aiguillon, où bien les saisissant avec les brucelles (1) qu’on
aura emportées pour cette fin; si c’est un papillon, vous
évitez de le prendre par les ailes pour ne pas les dépouiller
de leurs écailles, mais, le saisissant par le corps en dessous
des aïles, vous le pressez fortement (2) et vous le piquez
dans votre boite, le disposant de manière qu’il ne puisse se
déchirer les ailes sur ses voisins ou les bords de la boîte. ”?
Lorsque l’abbé Provancher rédigeait les recommanda-
tions qu’on vient de lire, on ne connaissait encore, en fait
de flacors de chasses, que ceux préparés au bran de scie
imbibé d’alcool. C’est pourquoi l'écrivain ne conseillait
d’incarcérer dans ces récipients que les insectes à téguments
résistables, comme les coléoptères et les hémiptères. Maïs
aujourd’hui on ne se sert plus que de flacons préparés au
cyanure de potassium ; et l’on peut, en général, y mettre,
sans risque de dommage, même les insectes de consistance
peu dure. Du reste, la pratique aura vite fait d'enseigner à
chacun jusqu'où l’on peut aller en cette inatière.
(A suivre.)
(1) Sotte de pinces à pointes larges.
(2) Pour le faire mourir promptement.
LES MINUSCULES OUVRIERS DE LA TERRE 93
LES MINUSCULES OUVRIERS DE LA TERRE
L 4
Vous croyez peut-être qu'en fait de travailleurs de la
terre, il n’y a que vous et vos semblables les manieurs de
la charrue, de la bêche, de la houe, de la faux, etc.
—Il y a aussi ces amis de l’homme qu’on appelle le
bœuf, le cheval, l'âne, etc., tous les animaux domestiques
—Et puis ?
—Et puis c’est tout, à moins que vous ne compreniez,
dans la catégorie, les oiseaux et certains animaux sauvages
utiles, voire même quelques insectes.
— Encore.
— ??
—]l y a les microbes, ces minuscules êtres, tellement
petits qu’il a fallu de puissants microscopes au service
d'hommes de génie comme Pasteur pour les deviner, les
apercevoir et les voir à l’œuvre.
Il y a des microbes partout, disent les savants, dans
lair, dans l’eau, dans le lait, et par myriades ; comment n'y
en aurait-il pas dans la terre ?
L'un des plus utiles est celui de la nitrification.
Car il faut savoir que les en_.rais azotés, fumiers, ga-
doues, sulfate d’ammoniaque et autres doivent se transfor-
mer en nitrates pour convenir aux plantes et s’en faire ab-
sorber.
Il y a vingt-cinq ans environ, MM. Schlæsing et Müntz
découvrirent le microbe qui transforme en nitrates les eaux
des égouts des villes. |
Hellriegel et Wilfarth ont trouvé celui qui fixe l’azote
de l’air sous les racines de la luzerne, du trèfle et autres
plantes qui, grâce à ce microbe, sont améliorantes.
Cette découverte faite, on en a facilement conclu que,
pour avoir de belles récoltes, il fallait cultiver... quoi
donc ?... les bons microbes nitrificateurs et autres, (car il
=
94. LE NATURALISTE CANADIEN
y en a de toutes sortes, 1l y en a, assure-t-on, pour chaque
sorte de plantes, le b'é a les siens, la betterave aussi, etc.)
Les savants précités se mirent donc à l’œuvre pour
multiplier ces excellents ouvriers de la terre appelés fer-
ments, microbes, bactéries ; de même que les brasseurs mul-
tiplient la levure de bière, ils cultivèrent le microbe de la
nitrification et inventèrent une sorte de levure pour le sol
qu’ils appelèrent w7/ragène.
—Répandons de la nitragène dans nos terres, dirent-
ils, ce Sera y installer des milliards de fabricants de nitrate ;
on le verra bien aux récoltes.
—Il faut convenir que le résultat n’a pas encore dé-
passé ni même'atteint les espérances. M. Caron a de même
inventé de l’anzlite, dont les effets sur le sol sont tantôt
excellents et tantôt nuls. Cela ne veut pas dire que ces
savants ont tort et que leur invention ne vaut rien, mais
cela signifie qu’on ignore encore certaines données de la
nature, et la manière d’agir de tous ces microbes; c’est
comime des chevaux indomptés ; 1l s’agit de les discipliner
pour en tirer un travail utile.
On en est donc actuellement à la recherche des bons
microbes, à leur élevage et à leur domptage.
Qui sait? Dans quelque dix ans, nos neveux iront sans
doute semer dans leur terre de la quintessence de fromeu-
tine pour avoir du beau blé.
Vous riez? Vous dites : impossible ! Est-ce qu’ils n’en
font pas de même quand, au lieu de grosses charretéss de
fumier, un malin se met à jeter sur ses terres des poignées
d'engrais chimiques ?
Attendons. Dieu a mis à notre disposition tant de
forces encore inconnues !
(Za Croix.) D.
ne
rs
von y
CONTREPOISON UNIVERSEL JS
QT
CONTREPOISON UNIVERSEL
(Du Photo Pêle-Mêle.)
Je trouve dans les ‘Awnales Politiques et Liltéraires,”
sous le titre ‘lettre ouverte”, la recette d’un contrepoison
universel très simple. Je m’empresse de vous l’adresser.
Nous connaissons tous les empoisonnements, heureusement
fort rares, qui peuvent se produire par méprise dans le
laboratoire. Puisse cette formule fort simple et facile à
employer, éviter à l’avenir de graves malheurs.
“En septembre 1902, paraissait, dans le journal l’Aoyrz-
culteur, l'article suivant: A Touiouse, quinze personnes
furent empoisonnées dans une même maison, pour avoir
mangé des champignons. On appela le Dr Secheyron,
médecin des Hôpitaux de Toulouse. Il fit préparer des
carafes d’eau charbonnée dont burent quatorze personnes
pendant qu’à l’aide d’une sonde il introduisait de la même
eau dans l’estomac de la quinzième plus malade que les
autres.
“Des éclats de rire lui apprirent bientôt que les qua-
torze personnes ne souffraient plus, l’autre guérit également.
“Un docteur qui avait iu cet article, écrivit au docteur
Secheyron pour lui demander des détails. Celui-ci répondit
que le charbon est un contrepoison ; que son père, un savant
pharmacien-chimiste ayant fait un jour un mélange de char-
bon et de strychnine (celle-ci à dose assez forte pour tuer
plusieurs personnes) l’avala devant témoin et n’en fut pas
incommodé. Donc, en cas d'empoisonnement, quelle que soit
la matière absorbée et à n'importe quelle dose, en attendant
le médecin, pulvériser avec une bouteille du czarbon de bors
(1) ou de la brasse, en mettre dans l’eau une qnantité assez
grande, boire ce méiange par cuillerées à soupe de dix en
dix minutes, jusqu’à ce que toute douleur disparaisse.””
A. CLAVEYROLY.
(1) On nous dit, à Québec, que des croûles de pain carbonisées ent en-
core plus d'efficacité pour la préparation de ce remède. N.C.
96 LE NATURALISTE CANADIEN
PUBLICATIONS REÇUES
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— Leçons d'Hygiène pratique, par le Dr E.-F. Panneton. Montréal,
1906. R
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parties suivantes: Précis d'hygiène ; hygiène de la première enfance ;
hygiène de l’écolier ; hygiène des malades. Cet ouvrage, rédigé par
quelqu'un qui connaît bien son sujet, et en un langage clair et précis,
devrait être répandu à profusion dans nos familles.
— Proceedings of the Mount Royal Entomological Club, 1905-1906 -
Montréal.
Petite publication de 16 pages, qui est peut-être ie commencement
d’une œuvre de longue durée et de grande valeur scientifique.
— Travaux scientifiques de l'Université de Rennes (France). Tome
IV. 1905.
— Bulletin of the University of Kansas, vol. VII, No 3.
— Department of the Interior (Canada) : Resource Map, Dominion of
Canada.
—Pullettino del Laboratorio ed Orto botanico. Institut botanique
de l’Université royale de Sienne, Italie. Se année, fasc. 1-4.
\
7
ÊE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Juillet 1906
VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 7
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
A PROPOS DE PATTES
ETUDE SUR LES PISTES DE QUELQUES ANIMAUX
Les histoires les plus anciennes ont été écrites, non sur
le parchemin ou le papyrus, par la main des hommes, mais
sur les sables, les vases, dans les savanes, par le pied des
bêtes.
Heureux autant que rare, qui peut déchiffrer ces écri-
tures tracées sur les argiles, les rivages, les neiges, dans
les déserts ou les forêts, et nous dire ce qu’elles racontent.
Le chasseur doit apprendre, de bonne heure, à lire
l’histoire de ses victimes—tout le long de son sentier de
chasse : C’est donc une science.
Suivre un Cerf à la piste, sur les blanches neiges du
Manitoba, ou dans les montagnes Rocheuses, quelle plus
pure jouissance pour un Nemrod ! Mais le Cerf est alerte
et fin, et quiconque veut faire sa conuaissance aura besoin
d’avoir de bons poumons, des jambes solides, et surtout un
grand sens d'observation pour lire parfaitement l'écriture
que tracent les pieds de l'animal sur cette grande feuille
de neige.
13 —Juillet 1906.
id
4
08 LE NATURALISTE CANADIEN
:
L’empreinte du Cerf, très élégante, toujours reconnue
du vieux chasseur, ne laisse pas d’être confondue aisément,
par un novice, avec l’empreinte d’un Mouton ou d’un Co-
cho, tant elles se ressemblent. Pour suivre un Cerf à la
piste, il faut toute la ruse de l’Indien américain, qui peut
dire, rien qu’au toucher et au sentir, non seulement quand
les pistes ont été faites, mais aussi la grosseur de l'animal
qui les a laissées ! L’Indien est aussi rusé que le Cerf.
La première erreur d’un chasseur de peu d'expérience,
serait de suivre sa proie de trop proche. Les Cerfs surveil-
lent toujours ies pistes qu’ils laissent, traversent les monta-
gnes pour regatder en arrière, se fiant à leur flair pour dé-
couvrir un danger qui approche. Qu'un chasseur n’observe
que l’empreinte des pas,—au lieu de regarder tout droit, —
il se peut qu’il tombe à l’improviste sur son Cerf, mais sil
suit toujours cette piste, il fera sans doute des milliers de
milles sans tirer un coup de fusil. Il faut qu’il s’é'oigne,
quand la piste paraît fraîche, qu’il fasse un détour, se met-
te en embuscade. En manœuvrant habilement, un chas-
seur robuste peut suivre le plus habile des Cerfs, et au bout
d’une longue poursuite, les pistes de plus en plus resserrées,
sur la neige, lui diront assez l’histoire d’un Cerf à peu près
épuisé.
Parfois la trace est obscure, on ne peut qne diffcile-
ment dire où elle va ; mais l'empreinte du pied est toujours
un peu plus pointue aux orteils qu’au talon: dans une
montagne le chasseur reconnaîtra aisément de quel côté
l'animal est venu ; car s’il a grimpé, l’espace entre les pistes
sera courte, à cause de la difficulté de l’ascension.
Le Cerf, dès qu’il se sent chassé, à recours à toutes
sortes de tours d'adresse. Ce qu’il fait souvent, c’est de reve-
nir sur ses pas, de sauter hors du sentier, puis de se sauver
dans une autre direction. Pressé de plus près, il répète
cette manœuvre çàet là, se couche, pour se reposer là où il
#e
A PROPOS DE PATTES 99
peut flairer le chasseur longtemps avant qu’il soit à la por-
tée des balles,
C’est au chasseur à démêler patiemment l’histoire en-
chevêtrée que les pieds du Cerf ont écrite sur la neige, re-
traitant sur les vieilles pistes jusqu’à ce qu’il retrouve les
nouvelles.
Plus.on acquiert de science en lisant ces vieilles écri-
- tures, plus elles" deviennent absorbantes. (Chaque animal
laisse une trace qui le distingue. Un expert peut même lire
l’histoire tracée par un Serpent sur la terre, la vase, les
herbes. La trace du Serpent à sonnettes, par exemple, ne
peut tromper—guand vous la connarssez : elle est plus ar-
ge en proportion de sa longueur, que toutes les autres tra-
ces de Serpent, et les courbes de sa course en zigzag sont
plus rapprochées. Quelques Serpents, tels que le Couwreur
rouge d'Amérique, petit et vif, ne laisse qu’une pete pres-
que droite.
Fig. 7.—Flan. Fig. 3.— Antilope d'Afrique.
Les nègres Bantus, au sud de l'Afrique, sont @es dépis-
teurs d'une merveilleuse adresse. Leur pays, d’ailleurs, est
le paradis des chasseurs. Le plaisir de dépister un’animal
l'emporte de beaucoup sur la satisfaction d’une rencontre
fortuite. L’Afrique-Sud est le domaine de l’Eléphant, du
Rhinocéros, de l’Hippopotame, des Zèbres, des Girafes, des
100 LE NATURALISTE CANADIEN
Antilopes (25 espèces), des Lions, des Panthères, des Hyè-
nes, des Crocodiles et des Singes.
M. Georges Lacy, quia fait une étude spéciale des
empreintes laissées par le pied des bêtes, affirme reconnaï-
tre la différence qui existe entre les traces de vingt-cinq
espèces d’Antilopes. Voici quelques-unes de ses observa-
tions : ‘Tel peut chasser toute sa vie, qui n’en saura pas
plus long à la fin qu'au commencement ! Dans la saison
sèche, quand les grande chasses se font, la terre se durcit
au point qne les plus gros animaux mêmes y laissent à
peine une faible empreinte. A cette époque, ce n’est que.
sur les bords des mares d’eau que les pistes peuvent être
reconnues et étudiées, quand l'animal va boire souvent.
Mais ces pistes, parfois, diffèrent de celles qu’il imprime en
rôdant, surtout si c’est un animal alerte. Dans cette saison
donc, l’étude des empreintes de pieds ne donne de bons ré-
sultats qu'après les rares orages qui rafraîchissent le pays.
‘ Pendant la saison des pluies, il y a moins de difficul-
tés, mais l’herbe croît si luxuriante, si épaisse, que les ani-
maux touchent à peine la terre du pied ; il faut chercher
les endroits arides, où l’herbe croît peu, et 1ls ne sont pas
toujours faciles à trouver. En outre, une grande partie du
sud de l’Afrique est sablonneuse, er sauf après les pluies,
les animaux ne laissent aucune trace reconnaissable.
“Sans doute, la meilleure place pour obtenir une
empreinte parfaite est le grand chemin, où les wagons
passent, où l’herbe a disparu ; là on peut y lire l’histoire
d’un Antilope, y reconnaître les escapades d’une Chèvre,
mais les gros animaux ne s’y montrent guère. C’est loin
de ces routes, dans les endroits les plus sauvages, qu’ils se
tiennent d'ordinaire.”
Les empreintes laissées par une même espèce scuvent
varient à tel point que les chasseurs les plus expérimentés
les prennent les unes pour les autres. ‘ Personne, au dire
de M. Lacy, ne pourrait discerner les pistes d’une femelle,
CRT à 12
A PROPOS DE PATTES IOI
arx trois quarts de sa grosseur, d'avec nn adulte mâie, d'une
autre espèce. Mais les empreintes de la feirelle sont tou
jours plus petites, plus délicates que celles du 1âle : pas
d'exception à cette règle.
Les pieds de derrière font des marques différentes,
ridicalement différentes, des pieds de devant, les premiers
sont plus petits, plus allongés, plus pointus, Ceci s'ap-
plique non seulement à la famille des Chevreuils, mais à
tous les animaux, même aux carnivores: dont les pieds de
derrière tournent plus en dehors que les pieds de devant,
sauf des cas tiès rares, Quant à certains Antilopes, qui
séjournent lonytemps dans l’eau, leurs sabots deviennent
naturellement allongés, avec les pointes retroussées, on
même croisées l’une sur l’autre. L’empreinte, daus ce der-
uier cas, ne donne pas correctément l’apparence des pieds.”
Les empreintes des grands carnivores sont assez dis-
tinctes, mais celles des petits, qu’ils soient Chats on Chiens,
sont embarrassantes, et je doute qu’un vieux fouilleur de
broussailles puisse réussir toujours-à identifier son añimal.
Puis, il y a les végétariens, les insertivores—qui ne des-
cendent sur le sol que pour passer d’un arbre à l'autre, —
dont les pistes demeurent incertaines. Ce sont précisément
ces difficultés qui en rendent l'étude si attrayante.
de . Pour commencer par jies gros, l’Elé-
phant femelle fait du pied de devant un
cercle parfait, tandis que celui qu’im-
prime le mâle est lésèrement ovale.
Quant aux pieds de derrière, chez les
deux sexes, ils laissent une empreinte
ovale. Le pied de devant laissera, en
plus, quatre marques d'orteil, le pied de
derrière, trois, et les bords de ce dernier
sont plus marquants et le coussinet laisse
# une empreinte plus profonde.—Une large
piste mesure. à peu près 15 pouces de
diamètre.
Fig. 9.—Eléphant.
102 LE NATURALISTE CANADIEN
Ces particularités ne se découvrent que quand l’animal
est au repos. En marchant, l’Eléphant passe un pied
devant l’autre sur une seule ligne, fait donc une trace, un
sentier continu, et non une succession d'empreintes. Pour
le poursuivre, le chasseur peut se guider, dans les endroits
rocailleux, sur les buissons et les branches que le pachy-
derme a arrachées avec sa trompe pour en brouter les
feuilles et les rejeter, quand elles sont à demi mâchées.
Le Rhinocéros est plus difficiie à suivre. Malgré son
poids, un novite perdra sa trace sur un terrain pierreux.
Son empreinte ne diffère pas beaucoup de ceile de l’Elé-
phant, bien que plus petite: imnême coussinet, mais avec
trois marques d'orteiis en avant. Les pieds de derrière,
comme ceux de l’Eléphant, sont un peu plus allongés.
L’empreinte du Rhinocéros blanc,
(presque éteint) est plus large. M.
Lacy en découvrit une aussi grosse
que celle d’un Eléphant de six pieds.
de hauteur. Ce devait être une ex-
ception, mais la piste était trop vieil-
le pour qu’on se donnât la peine de.
la suivre. Le Rhinocéros noir est
un excentrique qui varie et multi-
plie ses pas, car son empreinte est
partout. * J'a' vu une empreinte, dit
le naturaliste déjà cité, qui semblait
avoir été faite sans que les autres
pieds touchassent par terre.”
Fig. 15.—Rhinocéros.
L'Hippopotame s> distingue d’entre tous ses confrères
d'Afrique. Bien que plus petit que l’Éléphant, il laisse
néanmoins une plus large trace dans l’herbe. Les jambes
de devant semblent avoir le sentiment des distances et s'y
maintiennent ; celles de derrière, au contraire, o1t une
A PROPOS"DE PATTES 103
affinité l’une pour l’autre et abattent
l'herbe que es pieds de devant n'ont
pu atteindre.
Cette empreinte d'un coussinet et
de quatre marques d’orteils font un
sentier qui parfois mesure trois pieds
de largeur. Ah!siles missionnai-
res avaient ‘#z#po7 comme pré-
curseur ! leur chemin, à travers les
hautes herhes et la végétation tropi-
cale de l’Afrique deviendrait facile :
un gros c/rgyman et sa famille, son LCR
piano et ses caisses de bibles faisi- ® «1:
fées, y passeraient aisément. à
Fig. 11.— Hippopotame.
Fig. 12.—Crocodile.
Voici une piste qui ressemble à une main gantée.
C’est très alarmant à découvrir sur les bords d’une rivière,
surtout quand on s’y baigne. Il n’y a pas à hésiter, la
fuite est le salut, car il y a un Crocodile dans le voisinage.
Ce particulier a, comme singularité, cinq orteils aux pieds
de derrière et quatre à ceux de devant ; pieds palmés
comme ceux du Canard ; les orteils extérieurs n’ont pas de
criftes, les intérieures en laissent des marques.
Une autre piste qui cause de l’effroi est celledu Lion, qui
est très belle et qui consiste en un coussinet et quatre petits
cercles. Les pieds de devant ont bien cinq orteils, mais le pre-
104 LE .N'ATURALTIS T'E CANADIEN
Les
Fig .13.—Lion.
Le Léopard fait de même, suivant le
chasseur jusqu’au camp dans l'espoir d'y
trouver Chèvres
preinte est semblable à celle du Lion,
inais plus petite et plus allongée.
Fig. 1c.—Hyène,
mier ne touche pas la terre, quand le Lion
marche, sauf par accident, quand il saute.
Les pieds de derrière n’ont que quatre orteils.
griffes n'apparaissent que rarement, re-
pliées qu’elles sont dans les tissus ; quand le
Lion court, elles font des petits points dans le
sable. Qu'un Lion découvre un chasseur à
ses trousses, il fera, parfois, un cercle et revien-
dra sur ses pas, afin d’avoir son enuemi bien
en face, puis décampeia bien promptement.
et Moutons. Son ein-
Fig. 14.—Léopard.
Parmi les carnivores, l’'Hyène se dis-
tingue par quatre orteils à chaque pied
(les pieds de derrière sont plus étroits, et
| tournent plus en dehors que les pieds de
devant). Les oriffes paraissent, car étant
de race canine, l’'Hyène ne peut les-ren:
trer dans les tissus, comine les Chats, les
Lions. Le Chien de chasse et le Chacal
sont faciles à distinguer de l'Hyène : ils
ont cinq orteils aux pieds de devant.
TVR
à à
A PROPOS DE PATTES 105
La Girafe a des pieds d'â-
ne, pas aussi pointus que
ceux de l’Antilope. Dans
les bas districts de l'Afrique,
sa piste se rapproche plutôt
de celle du Bœuf et mesure @
huit pouces.
Fig. 16.—Girafe.
La marque du Bison, sembla-
ble à celle du Bœuf, est plus lar-
ge et bien fendue. Ii aime les
endroits marécageux, où il laisse
une empreinte facile à lire. Un
long séjour dans l’eau allonge ses
sabots. Son amour de la vase est
tel qu’il y séjourne jusqu’à ce
qu’elle sèche et le retienne pri-
sonnier, pour tomber sous la balle
du chasseur passant.
Fig. 17.—Bison.
Comuie 1l y a vingt-cinq espèces d’Antilopes, leurs pis-
tes diffèrent en grosseur et sont de deux classes: orteils
ronds et orteils pointus.
Une autre piste intéressante, celle de l’Elan, varie à
l'infini. C’est une très noble bête, plus grosse que tous les
ongulés, sauf le Bison et la Girafe. Sa piste s’échelonne
depuis le mignon pied pointu de l’Antilope jusqu’à la gros-
se empreinte ronde du Bison. L’Elan zébré du Nord-central
laisse une piste plus fine que l’'Elan commun: plus le type
est délicat, plus délicate aussi est la piste.
Les Singes impriment sur le sol d’intéressantes mains
qui n’ont cependant rien d’humain: les orteils (car ils ont
des pieds) sont pius longs que les nôtres,- avec le gros
14—Juillet 1906.
O6 LE NATURALISTE CANADIEN
Fig. 18.—Singe.
orteil à angle droit. Une règle si simple de géométrie ferme
à jamais la porte à toute aspiration darwinienne, et détruit
pour le présent notre noble parenté avec les baboons. Les
mains sont plus humaines, mais on ne peut les confondre
avec les nôtres.
Fig, 19.—Ours.
Voici un particulier qui a ôté ses bottes et marche en
chaussettes ; mais ça mesure dix-huit pouces de longueur !
Quel est donc cet ours ?
Les pistes du Loup ressemblent à
celles du Chien, ayant un coussinet à
cinq points, en avant. Un gros Loup
laisse une empreinte de quatre pouces et
demi, mesurée du bout des griffes au
talon.
Fig. 20.—Loup.
A PROPOS®PF PATTES 107
Fig. 21.—Autruche.
Pour faire entrer ici un oiseau, disons que l’Autruche
marche et court en cercles, et laisse, somme toute, un al-
phabet bien difficile à démêler. Poire et deux points : 7
vouces de long, 4 pouces de large, ce qui fait qu’on ne peut
pas prendre cette dame pour une autre.
On ne peut pas, non plus, se méprendre
sur l’empieinte du Chameau, qui fait, du
même pied, 38 enjambées par minute, quand
il va de son petit pas. Sa vitesse a donc
été quelque peu exagérée. Le Heirie, le
chameau le plus rapide du désert, fait rare-
ment plus de 4 miles à l’heure.
Fig. 22.--Chameau.
DT
Fig. 23.—Lapin.
Pour descendre aux Lapins et aux Lièvres, le Lièvre
laisse une marque qui ressemble à celle du Lapin, mais
I
plus large, impritnant un coussinet et quatre orteils. Sur
108 LÉ NATURALISTE CANADIEN
le versant des collines, où le Lièvre prend ses ébaïts, l’em-
preinte de ses pieds se relève en lignes très nettes et se voit
distiuctement à une grande distance.
Le Lapin, en courant, fait un triangle qui a pour
sommet les pieds de devant, et pour base les pieds de der-
rière. Ses triangles se suivent sur une seule ligne.
Un chasseur, qui n’en sait rien, voyant pareille trace
conclurait que Jean allait en sens opposé à la piste ; mais
non, le Lapin, en courant, oublie ses jambes de devant,
pour faire passer celles de derrière. Quand 1l y a espace
de plus en plus long entre les pieds de devant et les pieds
de derrière, l’histoire, écrite alots sur la neige, nous en-
seigne que ce Aèdre a dû débulonner à toute enjambée, et
que peut-être 1l court encore... |
l'outée empreinte d'animal a son histoire.
Em.-B. GAUVREAU, ptre,
curé de Beardsley, Minnesota.
2
STATION DE BIOLOGIE MARITIME DU CANADA
Pour la première fois, le laboratoire de la Station de
Biologie maritime est, cette année, fixé dans la province de
Québec, à Gaspé. Nous espérons qu’on y pourra faire du
travail scientifique très intéressant.
Grâce à la bienveillante ‘autorisation de l'honorable
M. Brodeur, ministre de là Marine et des Pêcheries, le croi-
seur ?rircess sera utilisé durant quelques semaines pour
faire des dragages en eau profonde dans le golfe Saint-Lau-
rent, en vue d'étudier la faune marine de la région est du
Canada. En outre, ce vaisseau fera un ou deux voyages
aux Sept-Isles, où fonctionne une exploitation industrielle
de la pêche à la Baleine, et où par conséquent les travail-
Si
STATION DE BIOLOGIE MARITIME DU CANADA 109
leurs de la Station pourront puiser d’utiles informations
sur les Cétacés qui fréquentent les eaux canadiennes.
Nous avons appris que MM. Ramsay Wright et Mc-
Callum, de l’université de Toronto, MacBride, de l’univer-
sité McGill, et Knight, de la Queen University, doivent
passer un certain temps à la Station de Gaspé, à poursuivre
leurs recherches scientifiques, que facilitera grandement,
celte année, le concours du croiseur ?r2ncess pour l'étude
de notre faune maritime.
On aura une idée de l’importance des travaux scienti-
fiques qui se font à notre Station de Biologie, en prenant
connaissance du programme qui a été établi pour les études
à faire durant la présente saison et dont voici le résumé :
1° Recherches sur la fanne maritime de l'Est, sur le
littoral et en eau profonde.
2° Collection de spécimens de Batraciens et de Pois-
sons d’eau douce.
3° Etnde comparative de la boette fraîche et de la
boette en congélation, pour la pêche à la morue, etc.
4° Etudes de botanique (Diatomées, etc.)
»° Etudes des Cétacés capturés aux Sept-Isles.
6° Recherches sur les migrations du Saumon et de la
Truite de mer.
Nous ajouterons, comme nous l’avons déjà dit ici à
plusieurs reprises : quand donc y aura-t-il parmi les Cana-
diens-Français des naturalistes en mesure de profiter, à l’ins-
tar de nos compatriotes de langue angiaise, des facilités
d'étude qu'offre la Station de Biologie maritime, grâce au
soutien intelligent que lui donne le gouvernement du
Canada ?
——
LIO LE NATURALISTE CANADIEN
LA VERMOULURE DES BOIS
On rencontre très fréquemment des morceaux de bois
de toute essence, tout vermoulus, soit par les Azobrum ou
vrillettes, ou bien encore par toute une foule d’autres lar-
ves ou même de chenilles, suivant le bois ravagé. L'un des
plus savants sylviculteurs de France, M. Emile Mer, a pu-
blié dans le /ournal de l'Agriculture les résultats de ses mi-
nutieuses observations sur ce sujet qui lui ont permis de
reconnaître la véritable cause de la vermoulure des bois
d'œuvre, et de découvrir un moyen d’une efficacité certaine
pour supprimer cette cause.
Les bois abattus et mis en œuvre sont sujets à la ver-
moulure ; l’aubier y est bien plus exposé que: le bois pai-
fait ; aussi est-on presque toujours obligé de le supprimer :
ce qui entraîne une perte assez considérable de matière.
Il est à remarquer que les essences le plus souvent atta-
quées par les insectes sont celles qui se distinguent par un
bois p:rfait bien caractérisé et un aubier très amylifère.
Il y a quelques années, M. Emile Mer avait remarqué
que la poussière qui résulte de la perforation du bois par
les vrillettes ou Arobium et qui consiste en débris li-
gneux très ténus ne renferme.plus d’amidon, inême quand
elle provient d'un bois où cette substance se trouve abon-
damment répartie. L'amidon avait donc été consommé par
les insectes. Cette observation lui fit supposer que c'était
peut-être la présence de ce corps qui les attirait, et que, si
l’on parvenait à débarrasser une pièce de bois de son ami-
don, elle se trouverait indéfiniment préservée de la vermou-
lure. Je venais précisément, dit-il, de constater que l’écor-
cement sur pied, trois ou quatre mois avant l’abatage, a
pour résultat de faire disparaitre l’amidon de toute la région
décortiquée et j'avais même reconnu qu'une annélation de
quelques centimètres de longueur suffit, pourvu qu’on ait
LES GOMMES VÉGÉTALES YTI
soin de ne laisser aucune pousse se développer sur la portion
située au-dessous de l’anneau. L’amidon se résorbe peu à
peu dans toute cette région.
M. Mer vérifia alors d’une façon rigoureuse l’exactitu
de de son hypothèse. Aïnsi, en faisant disparaître l’amidon
de l’aubier, on rend celui-ci réfractaire à la vermoulure.
Le savant sylviculteur explique pourquoi la résorption
de l’amidon est la conséquence de l’écorcement. [L’amidon
est produit par les feuilles sous l’influence de la lumière ;
c’est par le liber qu’il se rend des branches au tronc et aux
racines. Or, par suite de l’annélation, l’amidon a sa mar-
che vers Ja partie inférieure du tronc interceptée, 1l s’accu-
mule dans la région supra-annulaire, la région inférieure
étant réduite à vivre sur la provision de matière. amylacée
qui s'y trouvait au moment de l’opération. Cette provision
est résorbée plus ou moins vite, suivant les essences, les
dimensions de l’arbre et les saisons. En été, la résorption
se fait beaucoup plus rapidement qu’en hiver.
En conséquence, M. Mer propose de décortiquer l’arbre
sur pied plusieurs mois avant l’abatage, ou, plus simple-
ment, de pratiquer une annélation à la partie supérieure
du tronc en ayant soin de supprimer toutes les pousses qui
se développent sur lui. Le printemps est l’époque la plus
convenable pour cette opération. L’amidon a disparu en
automne et l'on peut alors commencer l’abatage dans le
courant d'octobre. (Cosmosr
4-45
ORIGINE BACTÉRIENNE DES GOMMES
VÉGÉTALES
Elle a été mise en évidence par les travaux de M. RK.
Greig Smith, publiés dans le journal de la Royal Society
de ia Nouvelle-Galles du Sud, à Sydney. M. G. Smith,
bactériologiste à Double Bay, a pu isoler les diverses bac-
téries gommogènes dans les tissus des arbres à gomme. La
I12 LE NATURALISTE CANADIEN
gomme arabique ou arabine, soluble, la métarabine et la para-
rabine, insolubles, sont produites par des bactéries distinctes.
On a pu reproduire, par culture de ces bactéries, des
gomumes identiques aux gommes végétales. Il est probable
\
que l’on pourra augmenter à volonté la production des
gommes, par une judicieuse infection d'arbres susceptibles.
Dans les milieux ordinaires, les bactéries gomimogènes
vivent et se multiplient, mais sans fournir une quantité
appréciable de gomme; une addition de tannin a une 1in-
fluence marquée sur l’augmentation de cette production.
(Bul. de la S. d'Encouragement.)
ô
ee
PUBLICATIONS REÇUES
—(Smithsonian Institution) Proceedings of the U. S. National Museum.
Volume XXIX. 1906.—Une grande partie de ce volume est consacrée à
des travaux entomologiques sur des pays étrangers. Nous signalerons
seulement les mémoires suivants : The Classification of the American
Siphonaptera ; Revision of American Paleozoic Insects.
— The Philippine Journal of Science (Vol. T. N° 3, April 1906.)
— The Asnerican Museum of Natural History (New-York). Annual
kReport.
— (Field Colnmbian Museum.) Annual Report.
— Transactions of the Kansas Academy of Science. (Vol. XX, p. 1.)
— Anales del Museo Nacional de Montevideo. (Serie II, entrega 2.)
— (Instituto geologico de Mexico.) Za Faune marine du Trias Supé-
rieur de Zacatecas. par le Dr €. Burckhardt et le Dr Salvador Scalia.
— Proceedings of the Academy of Natural Sciences of Philadelphia.
(VOST ALN ITU Ep 3 ENOlN DIM") re)
—(Memoirs of the American Museum of Natural History, vol. IX
p. 2.) Il. 7e Phytosauria, with especial reference to Mvstriosuchus and
Rhytidodon, by J. H. McGregor.
TN
LE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Aout 1906
VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 8
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
LE LUSSOEK MOTH?
Dans les pays anglo-saxons, un grand nombre d’in-
sectes ont des noms vulgaires. Chez nous, très peu d’es-
pèces entomologiques sont assez connues du grand public
pour avoir reçu les désignations qui leur soient propres.
Par exemple, cette dénomination de 7zssock Motk, si
usitée chez les Anglais di Canada et des Etats-Unis, n’a
chez nous aucun terme correspondant. Nous avons bien
vu l’insecte dont il s’agit désigné sous le nom de ‘“ mouche
T'ussock ”, sur un journal de la Province ; maïs cette déno-
mination, qui d’un /éprdoptère fait un diptère, n'a sans
doute aucune chance de durer. Car il n’est pas nécessaire
d'afficher aussi haut l’ignorance qui règne chez nos compa-
triotes en matière d'histoire naturelle.
Un correspondant de Montréal nous écrivait ce qui
suit, à la date du 31 juillet dernier :
“CJIl y a une quinzaine de jours, une multitude de che-
nilles devoraient les feuilles de nos arbres. sans paraître
avoir aucune préférence : Orme, Plaine, Frêne, Peuplier,
tout leur était bon.—Depuis, la plupart ont filé leur cocon,
dont plusieurs déjà sont sorties.
1£—Août 1C06.
TA LE NATURALISTE CANADIEN
‘Je vous envoie par la poste des échantillons de trois
phases de cet insecte: 1° la chernzlle, antennes formées de
touffes de poils noirs terminés en massue; tout près de
l'extrémité postérienre, une touffe de poils bruns à bout
noir, de même longueur que les antennes ; sur le dos, -un
peu eu arrière de la tête, quatre touffes de poils blancs,
, courts et serrés. 2° Le cocon. 3° La nymphe, sortie du cocon
depuis trois ou quatre jours, qui n’a pas encore d’ailes, et a
Lu sur son cocon un dépôt blanc me paraissant un amas
d'œufs.
“ Vous m’obligeriez si vous vouliez bien me dire le nom
de cet insecte ; si ce sont bien des œufs qui constituent le
dépôt blanc; quel est le rôle de l’insecte après qu'il a fait
cetteYponte.
Nous avons déjà répondu à notre correspondant que
l’insecte au sujet duquel il nous interroge est le fameux
Tussock Moth ”, dont la désignation entomologique ac-
tuelle est la suivante: Æemerocampa leucostioma Abbot &
Smith. D'autre part, ce qu’il appelle du
nom de “nymphe, sortie du cocon depuis
trois on quatre jours ””, est bien l’insecte
parfait, mais une femelle, ‘qui n’a pas
encore d'ailes ”, et qui même n’en aura
jamais, non seulement parce que le fil de
ibie4 Le papillons son existence EST complètement rompu,
du Tussock Moth. mais aussi parce que dans toutes les es-
pèces du genre //emerocampa les mâles seuls sont ailés. Si
jamais le féminisme s’introduit dans le monde entomolo-
viaue, il est à présumer que l’une des premières revendica-
tions que l’on fera valoir sera bien l'égalité, chez les deux
sexes, des instruments du vol.
En attendant, donnons en quelques mots l'histoire na-
turelle de l’Æ/emerocampa. Le papillon mâle est brun
noirâtre ; ses ailes, dont l’extension dépasse un pouce et
quart, portent quelques courtes lignes b'anches. La fe-
nelle, de couleur grise, a le corps beaucoup plus gros que
celui du mâle. Elle ne fait pas autre chose, dans sa courte
LE ‘TUSSOCK MOTH ”? 115
vie, que de pondre ses œufs. Elle les dépose sur le
cocon même d’où elle est sortie. Klle les recouvre avec
les poils qui se détachent de son abdomen, et auxquels elle
mêle une sécrétion visqueuse qu’elle produit, de manière à
former une sorte d'enduit qui durcit à l'air et devient un
abri protecteur pour les œufs destinés à perpétuer la race.
C'est ‘à le ‘ dépôt blanc ” dont parlait notre correspondant.
Lorsque la poute est finie et les œufs couverts de leur enduit,
la femelle passe de vie à trépas, sans tambour ni trompette.
Le soleil, qui opère tant de choses diverses dans le
vaste univers, fait aussi éclore sous ses rayons ardents les
œufs de l’Æ/ermerocampa. Les jeunes larves ont dans le bas
âge la propriété curieuse de sécréter un fil léger au bout
duquel, si quelque danger se montre à l'horizon, eiles se
laissent descendre de la feuille où elles étaient fixées, et
qui leur sert à revenir à leur station lorsque la paix est ré-
tablie. Cette curieuse faculté se perd quand la larve a
grossi et a pris du toupet. Ces larves sont douées d’un ap-
pétit vorace, et c’est durant cette période larvaire que l’in-
secte exerce ses ravages sur le feuillage des arbres.
Parvenue à sa
grosseur, la che.
nille de l’Æemero-
campa est de toute
beauté, avec sa
tête d’un rouge
vif, ses bandes
noires et blanches,
ses quatre toufies d’un blanc crême. Il faut avoir assez de
largeur d'esprit pour reconnaître les qualités de ses
ennemis !
Fig. 25.—Chenille du 7wssock Mofh. ?
Toujours est-il qu'après avoir passé par le nombre ré-
glementaire de mues successives et après avoir dévoré
maints et maints parenchymes foliaires, notre chenille s’en
116 LE NATURALISTE CANADIEN
va établir son cocon dans quelque anfractuosité de l’écorce,
sur l’arbre natal, ou en quelque autre endroit mieux abiité
des environs, pour en sortir papillon après un temps plus
ou moins long.
Dans les régions du nord, le 7#ssock Moth a deux gé-
térations par été, et trois dans les pays du sud, par exem-
ple sous la latitude de New-Vork. Nous ignorons si dans
notre district il y a ainsi deux ou trois générations. Sui-
vant le cas, les insectes de la deuxième ou de la troisième
génération déposent les œufs qui subissent l’hiver et don-
nent naissance à la première éclosion du printemps. Com-
me les chenilles qui ont causé des ravages un peu sérieux
dans notre pays l’ont fait au mois de juillet, c’est-à-dire à
peu près à la même époque qu'à New-Vork et à Philadel-
phie, nous ne serions pas surpris qu’il y eût encore une
éclosion au mois de septembre comme il arrive en ces loca-
lités : et ce serait, en notre pays comme en ceux-là, la troi-
sième génération. Car 1l semble qu’il soit un peu hâtif de
se mettre en hivernement dès la fin de juillet.
Le Zussock Moth parait avoir fait beaucoup de dom-
mages à Montréal, cette année et l’année dernière. A Qué-
bec, il n’a attiré l’attention que pendant la présente saison ;
mais ses ravages ont été assez restreints. Dans le faubourg
Jacques-Cartier, nous avons vu des Saules absolument cou-
verts de chenilles et de cocons de cet insecte. A la Haute-
Ville, il a paru en assez grande quantité sur quelques ar-
bres de l’Esplanade et du Jardin Montmorency.
On demande souvent quel peut être le moyen de lutter
efficacement contre le 7’#ssock Moth, lorsqu'il existe à l’é-
tat de fléau. On conseille, pour le printemps et lorsque le
feuillage est encore peu développé, d’arroser de temps à
autre les feuilles et le tronc avec l’un ou l’autre des liqui-
des recommandés comime insecticides: à ce moment, les
larves sont encoie petites, et l’on a des chances de réussir à
les atteindre et à les exterminer.
CHRONIQUE 117
Mais le vrai moment de détruire ce terrible ennemi,
c’est l'automne et l’hiver. Il n’y a qu'à examiner, à ces
époques de l’année, le tronc des arbres, les clôtures ou les
murs situés dans leur voisinage, pour y apercevoir aisé-
ment les cocons, recouverts d'œufs, qui adhèrent à ces dif-
férents endroits. Il n’y a qu’à enlever ces cocons et à les
détruire. (C’est le moyen le plus radical; et s’il était un
peu généralement employé dans une localité quelconque,
on enrayerait facilement le fléau. Mais, naturellement, on
ne pense à lutter que lorsque les arbres sont dévorés par les
chenilles, et à ce moment il n’y a rien à faire.
Il nous paraît probable que l’été prochain le 7zss0ck
Moth abondera sur nos arbres, à Québec, lorsqu’ii serait si
facile d'empêcher ces ravages en détruisant, cet automne
ou cet hiver, le nombre relativement peu considérable des
cocons couverts d'œufs qui sont destinés à éclore au prin-
temps.
CHRONIQUE
Un yossile géant.—Te professeur Henry F. Osborn,
conservateur du département de Paléontologie vertébrale
au Musée américain d'Histoire naturelle, à New-Vork,
vient d'enrichir sa déjà remarquable collection d’un spéci-
men nouveau, le fossile d’un monstre terrestte, le plus gros
que l’on connaisse actuellement, On l’a étiqueté du nom
de Cyrannosaurus rex ; et s’il faut en croire les natura-
listes qui ont monté son énorme carcasse—et ce sont tous
des gens du métier, —_Cyrannosaurus était certainement roi
dans son domaine. Ses ossements, c’est-à-dire la plus gran-
de partie d’entre eux, ont été enlevés des terrains monta-
118 LE NATURALISTE CANADIEN
eneux du Montana septentrional. C'était un animal car-
uivore sur lequel on a très peu de renseignement encore.
Le professeur Osborn raconte avec orgueil la décou-
verte du monstre préhistorique. Il y a quelques années, M.
Hornaday, directeur du Parc zoologique à New-York, s’en
Ylla au Montana avec un parti de chasseurs. Il trouva là une
corne fossile, et l’emportant avec lui vint la montrer à son
ami Osborn en lui demandant si elle avait quelque valeur.
Le professeur lui répondit qu’elle n'avait pas beaucoup de
valeur par elle-même, mais qu’elle était d’une valeur réelle
pour de futures explorations. Nous avons eu jusqu'ici, dit-
il, plusieurs ossements de lanimal auquel appartenait cette
corne, et votre trouvaille pourra peut-être nous ramener à
une place où d’autres parties peuvent se trouver de l’ami-
maljque nous avons, encore iinparfaitement, découvert. L’a-
nimal auquel appartenait la corne était le 77zceratops, un
herbivore.
L'année suivante, le Musée de New'Vork envoya une
expédition dans le Montana sous la direction de Barnum
Brown, un chasseur émérite de ‘ fossiles ”, et l’on trouva
des restes précieux du 7r2ceratops, le monstre à cornes qui
pesait dix tonnes. Au cours des recherches, on découvrit
aussi quelques ossements d’un animal apparemment tout
différent. Ces ossements furent trouvés dans la pierre de
sable dure et extraits avec beaucoup de difficulté. L'année
suivante aussi, dans l’espoir de découvrir encore d’autres
fragments du monstre inconnu, MM. Osborn et Brown re-
tournèrent au Montana. Les premiers spécimens furent
trouvés sous un rocher; et après bien des efforts, on parvint
à recueillir les priucipaies parties du corps de l'animal.
I1 a été possible de reconstruire assez exactement le
monstre en question. Du bout de la queue à l'extrémité
du nez, il mesurait environ 39 pieds. Du bout de la tête,
levée comme un animal la lève ordinairement, la distance
au sol aurait été de 19 pieds environ. Un dessin repré-
, CHRONIQUE 119
sentant Ja grandeur de l’animal comparée à celle du sque-
lette humain nous montre quelque chose comme une au-
truche et une poule domestique. Lorsque les paléontolo-
gistes auront examiné et étudié les restes du monstre, ils
espèrent pouvoir nous dire quelle quantité de chair il con-
sommait en un jour, quelle était la grandeur de son cer-
veau, quel Âge il atteignait et à quelle époque préhistorique
il terrifiait les autres habitants du globe terrestre. Cette
dernière découverte est si importante pour la science que
celle-ci a dû reclasser les Dinosaures carnivores de la période
géologique crétasée. 7yrannosaurus est maintenant le
nom d’un nouveau genre. Ces Dinosaures carnassiers ont
bien pius de caractères différents qu’on ne l'avait supposé
d'abord. Maïs leur amusement favori semble avoir été de
troubler encore davantage l'existence déjà passablement
épineuse des Dinosaures herbivores, leurs contemporains.
Le Tyrannosaurus rex, disent les savants, n’aimait rien
mieux que d'attaquer le 7Yzceratops à trois cornes, celui-ci,
un des plus intéressants individus de la famille des Dino-
saures et dont il existe au Musée national de Washington
un squelette de toute beauté. Lui aussi était un monstre
remarquable, mesurant 25 pieds de haut environ et ayant
deux fois la pesanteur d’un éléphant. Le professeur Osborn,
qui a monté le squelette du 7yrannosaurus rex, est d’a-
vis que même avec ses trois cornes, le Triceratops était une
proie facile pour le Dinosaure carnivore qui a été exhumé
au Montana.
Uue collection de coléopières.—Alexander Fry, en
mourant, a légué au Musée d'Histoire naturelle de Londres
(Angleterre) sa-superbe collection de coléoptères, qui com-
prenait environ 200,000 numéros, divisés en 72,000 espèces.
Quand un Canadien fera-t-il la même chose pour un musée
du pays ?
Des Grenoutlles géantes.—A la dernière assemblée des
membres de ja société de Zoolovie, en Angleterre, on a
‘
120 LE NATURALISTE CANADIEN
montré une Grenouille géante qui ne mesurait pas moins de
dix pouces de long d’une extrémité à l’autre du corps.
C’est une espèce, inconnue de la science jusqu'ici, qui a été
trouvée dans la colonie allemande de Cameroon. en Afrique,
et que l’on a nommée ana Goliath. A la même as-
semblée, on a exhibé une autre espèce de Grenouille remar.
auable, dont la femelle porte ses œufs dans la gueule, où ils
éclosent. Quand les petits sortent des œufs, ce ne sont point
des têtards, mais des Grenouilles parfaitement constituées,
bien que très petites. Nous avons, il est vrai, en Amérique,
une sorte de rainette qui a une espèce de poche tout le long
du corps, où elle porte ses œufs jusqu’à ce qu’ils éclosent.
Un. Crapaud qui a la vie dure.—Au cours de répara-
tions faites au clocher de l’église Evangélique à Hespeler,
Ont.—édifice construit il y a seize ans,—les ouvriers ont
trouvé un Crapaud qui avait été emprisonné dans le mor-
tier entre deux pierres. Quand on le sortit de sa prison,
le Crapaud était bien en vie et paraissait n’avoir souffert
en rien de sou long emprisonnement.
HENRY TILMANS.
LE MARCHAND D'ŒUFS DE FOURS
Un nouveau commerce vient de naître : c’est celui des
œufs de Fourmis.
Mes lecteurs me sauront gré, je l'espère, de leur présen-
ter le marchand d'œufs de Fourmis.
Il y a quelques jours, je cheminais pédestrement le
long d’une de ces belles avenues qui sillonnent dans tous
les sens la forêt de Bercé (Sarthe), qui à bon droit passe pour
la plus belle de France et l’une des plus belles de l’Europe.
Je m’arrêtaïs à chaque instant pour admirer ces merveil-
ŒUFS DE FOURMIS 12}
leux Chênes plusieurs fois centenaires, d’une hauteur pro-
digieuse, droits comme des joncs, sans nœuds, unis comme
des cylindres qui semblaient autant de colonnes supportant
la voûte d’un temple de la nature. De ci et de là alternaient
des Hêtres majestueux, à l'écorce d’un blanc cerndré, à la
cime touffue, qui me rappelaient lorsque j'étais sur les bancs
du collège, ce berger de Virgile qui, il y a deux mille ans,
se reposait nonchalaminent à l’ombre d’un Hêtre.
Tityre, tu patulæ recubans sub tegmime fagi.
Un merveilleux tapis de mousse recouvrait le sol.
Le soleil baïssait, j'activais le pas lorsque soudain
j'entends derrière moi un bruit de voiture : je me retourne,
je vois venir un véhicule conduit par un individu que je
prends pour un cultivateur du voisinage et qui en passant
m'invite à monter, j'accepte.
L'homme que j'avais à côté de moi, avec sa voix rau-
que, son teint basané brûlé par le soleil, ses cheveux en
broussailles, sa barbe inculte, sa mise depenaillée, ne ressem-
blait guère à nos braves campagnards avec leur figure fran-
che et ouverte, leur mise propre et cossue.
Le cheval apocalyptique qui portait sur son dos des
lambeaux de harnais rapiécés avec des cordes, et traînait
une voiture grinçante toute disloquée, remplie de sacs sci-
gneusement fermés et bondés d’un produit dont j'étais loin
de soupçonner la nature, n'avait rien de comparable avec
le robuste percheron de nos campagnes bien harnaché qui
enlève fièrement, d’un vigoureux coup d'épaule, une con-*
fortable carriole remplie de sacs de blé ou d’avoine.
Cette rencontre n'était pas très rassurante en pleine
forêt... Je m'étais trompé.
Mon automédon était un de ces coureurs de foires et
de marchés, pilier de cabarets de bas étage, toujours à la
recherche d’une position sociale, comme Jérôme Paturot,
changeant à chaque saison de métier.
16— Août 1906.
122 LE NATURALISTE CANADIEN
Au bout de quelques instants, je ressens de vives pi-
qûres aux jambes. Je regarde à mes. pieds... et, stupéfac-
tion ! je vois des processions de Fourmis qui couraient d’un
‘air inquiet ; j'en fais l'observation à mon homme qui me
répoud en souriant qu’il est marchand d'œufs de Fourmis ;
puis, avec une bonne grâce dont je lui sais gré, il me racon-
te les dessous de son métier.
I1 rayonvait, sur 40 kilomètres à la ronde. Il passait à
jour et heures fixes dans des endroits désignés à Pavance ;
ses employés lui appottaient le produit de leur chasse, qu’il
leur pavait immédiatement sur le pied de 4 à 5 francs le
boisseau de 20 litres, suivant la qualité de la marchandise.
Une fois son chargement fait, il portait ses œufs de Fourmis
chez ses acheteurs, dont par discrétion je n’ai pas cherché
à connaître les noms.
Le métier était lucratif; 11 faisait des journées de 40 à
50 francs.
Ce comimerce n’est pas aussi banal qu'on pourrait le
croire de prime abord. Il paraît que depuis quelque temps
l'Angleterre entre en scène pour venir s'approvisionner
chez nous d'œufs de Fourmis, dont elle fait une énorm:
consommation pour l'élevage des Faisans destinés au peu-
plement des grandes chasses à rabat.
C'est donc à un redoublement d'enlèvement d'œufs de
Fourmis que nous allons assister au printemps prochain.
(L'Elevage, Bruxelles.)
SC
0
LES
LES MOYENS DE DÉFENSE DES INSECTES
Quand on touche un coléoptère, une Fourmi, une Coc-
cinelle, on sait que ces insectes #4 le mort ; ils replient
sous ‘, *.: rc leurs antennes et leurs pattes; *SEMIASSEnt
DÉFENSE DES INSECTES 123
tomber à terre et gardent pendant longtemps une immobi-
lité parfaite. C'est leur moyen de défense pour dérouter
leurs ennemis habituels, Lézards et Batraciens, qui ne se
nourrissent que de proies vivantes et surtout mouvantes.
Au moment où l’insecte se roule sur le sol, on voit sourdre
par sa bouche ou ses pattes de grosses gouttes d’un liquide
un peu visqueux coloré généralement en jaune ou en rouge.
La nature de ce liquide a fourni l’occasion de nom-
breuses controverses, et, tout récemment encore, une reve
anglaise, dont, par politesse, nous tairons le nom, imprimait
cette erreur monumentale que le liquide ainsi sécrété était
un produit spécial, instantanément sécrété par l'animal
dans un but de se/fdefence.
Nous nous contenterons de rappeler à notre confrère
d’outre-Manche que, il y a plusieurs années déjà, M. Cuénot,
professeur à Nancy, s’est assuré au microscope que ce li-
quide est du sang. Bien que son opinion ait été lon-
guement et abondamment combattue, elle n’en a pas moins
prévalu, et, à l’heure actuelle, elle est généralement ad-
inise.
Ce rejet de sang est, d’ailleurs, un procédé de défense
chimique analozue à celui qu’emploient d'autres insectes en
projetant le liquide nauséabond que sécrètent certaines de
leurs glandes. Rappelons à ce propos qu’au cours de ses
expériences M. Cuénot a placé dans un récipient des Adé-
monta et des Lézards verts. Un des Lézards n’a pas tardé à
attaquer une Adémonia en la prenant dans sa gueule : celle-
ci a rejeté par l’orifice buccal une grosse goutte de sang
jaune. Le Lézard a immédiatement lâché sa proie et s’est
frotté la gueule contre la terre, afin de la débarrasser du li-
quide dont elle était enduite. Dans la suite, il ma plus
jamais attaqué des Adémonia.
Le sang, ainsi rejeté par ces insectes, a une odeur assez
forte : il renferme une substance chimiquement voisine des
alcaloïdes, et capable de tuer des Cobayes et des Grenouilles
124 LE NATURALISTE CANADIEN
par arrêt du cœur. Le sang des mouches cantharides contient
de même une grande quantité de cantharidine, dont les
_ propriétés vésicantes font un produit éminemment défensif.
(Cosmos.) FM
LES ARAIGNÉES A SOIE DE MADAGASCAR
A l’époque où nous vivons, chacun travaille, d’un la-
beur soit intellectuel, soit manuel, et nous mettons même
à profit les travaux que les insectes font pour leur propre
plaisir.
En d’autres termes, ces insectes existent, ils doivent
donc, pour justifier cette existence, produire ce qui peut
être d’une utilité quelconque à la communauté humaine.
En vertu de ce principe, l’Araignée de Madagascar
est soumise aujourd’hui à un élevage qui permettra, avant
peu, au gouvernement français, d'établir l’industrie perma-
nente des Araignées à soie dans cette vaste colonie.
On a, d’ailleurs, souvent parlé déjà dans la presse du
développement de l'Aranéiculture à Madagascar, et nous
croyons intéressant de donner quelques détails sur la façon
dont on force les Araignées à produire leur fil précieux.
Les indigènes désignent sous le nom de ‘“ Halabé” cette
espèce particulière d'Araignées, qui diffère sous plus d’un
rapport des autres espèces connues, bien que leurs points
caractéristiques soient semblables.
Les Halabés sont de dimensions beaucoup plus gran-
des, et chez elles comme chez toutes les Araignées, en gé-
néral, la femelle est plus forte que le mâle, et son naturel
incertain, changeant, n'est pas fait pour rendre l’existence
heureuse à ce dernier, par moments du moins.
LES ARAIGNÉES A SOIE 125
À la saison de l’accouplement, les mâles qui sont en
quête de compagüe doivent employer, dans leur choix, de
très grandes précautions, car si leurs assiduités ne sont pas
du goût de celle-ci, si tel ou tel poursuivant ne répond pas
à son idéal, ou si elle est d'humeur méchante, elle fond sur
les bestioles et les dévore sans plus de façon.
Après l’accouplement, la femelle se montre très diff-
cile sur le choix de la résidence du couple nouvellement
uni et, fort avisée, refuse obstinément de s'installer en des
endroits où la nourriture qui lui est nécessaire, à elle et à
ses petits futurs, ne se trouverait pas en abondance.
Les vastes buissons de manguier des Jardins royaux
de Tananarive sont un de ses lieux de prédilection : aussi
les Araignées à soie s’y trouvent-elles en très grand nom-
bre.
Dame Halabé, il faut bien le dire, a des habitudes dé-
testables. Se trouve-t-elle, par accident, dans un lieu où les
provisions sont rares, ou bien éprouve-t-elle le besoin de
faire diversion à ses menus quotidiens, qu’on la voit aussi-
tôt se mettre en quête d’une collègue; à peine la-t-elle
trouvée, qu’elle l’attaque de coups terribles, et celle des
deux combattantes qui survit à l’autre se met en devoir de
se livrer à un vrai festin de cannibale.
Les autorités coloniales de Madagascar encouragent de
leur mieux l’industrie de la soie d’Araignées.
Des écoles professionnelles ont été fondées pour la pro-
pagation et l’élevage scientifiques des Halabés, et pour la
tuition à donner aux indigènes sur le travail de la soie. Ces
écoles, dues à l'initiative du général Gallieni, sont l’une
des créations les plus utiles parmi celles qui ont été fondées
à Madagascar par les soins de cet officier : elles donnent du
travail aux indigènes et forment le noyau d’une industrie
peut-être appelée à prendre une très grande extension dans
un avenir piochain.
Malheureusement ces insectes, en raison même de leur
126 LE NATURAIISTE CANADIEN
nature ultra-sanvage, sont d’un élevage très difficile, et bien
que l’Araionée ne soit pas eucore parvenue à atteindre le
succès sans précédent du ver à soie, l'expérience est inté-
ressante tout au moins, et le tissu ainsi obtenu deviendra
sans nul doute rare et de grande valeur.
Peut-être arrivera-t-on aussi, avec le temps, à transfor-
mer le caractère personnel de ces Araignées et à en faire des
producteurs de soie, sains et dosiles.
Les indigènes suivent les cours de cette institution très
attentivement et mettent bien en pratique: les leçons que
leur apprend la théorie.
Lorsque les Araignées ont été capturées dans les buis-
sons de mauguiers, les femmes indigènes les apportent à
Pécole dans de légers paniers ; elles ont bien soin de ne pas
les y laisser trop longtemps, car, à l'arrivée, il pourrait se
faire que chaque panier nue contînt plus qu’une seule Arai-
gnée qui se serait alors nourrie du corps de ses compagunes,
tout le long du chemin.
Le travail des Halabés diffère de celui des vers à soie,
en ce qu’elles emploient leur soie à tisser leurs toiles, et non
à faire des cocons : aussi est-on obligé d’extraire le fil de
lPinsecte, pendant qu'il est en vie, si l’on veut obtenir un
filament bien égal.
Les Araignées conservées dans les écoles de Mada-
gascar sont donc, à cet effet, placées dans un appareil cu-
rieux, qui en contient de vingt à vingt-cinq, encagées
séparément.
Chacune de ces petites cases carrées contient ce qu’on
pourrait appeler une guillotine en miniature, une petite
deimi-lune faite de bois, ‘qui tient solidement l’Araigaée à
l'endroit exact du corps où la tête ‘vient rejoindre l’abdo-
men ; les pattes sont ramenées vers le thorax, et l'abdomen
se trouve ainsi dirigé du côté où l'on doit extraire la
soie.
Pour mettre les bestioles dans cette position bizarre,
LES ARAIGNÉES À SOIE 127
on doit prendre de grands soins, afin de ne pas les blesser
ou les mutiler.
La quantité de fil de soie qu’elles peuvent produire
est énorme : on a vu des spécimens dévidés jusqu’à 12,500
mètres en un mois, au cours de quatre à cinq opérations,
mais ils sont morts ensuite, de surmenage probablement.
Les jeunes filles indigènes ont, pour ce travail. un
doigté très délicat, et par l’action très légère de leurs doigts
elles parviennent à extraire les filaments doucement et totis
à Ja fois des différentes Araignées que contiennent les vingt
à vingt-cinq cases d’un même appareil. Elles se bornent à
placer un doigt sur chaque insecte, l’un après l’autre, et à
_retirer ensuite la main. Le fil ainsi extrait s’enroule dans
une cordière mécanique qui, à son tour, le dirige sur une
bobine.
Les insectes, ainsi fixés solidement dans ces sortes de
camisoles de force, se laissent extraire leurs filaments de
soie sans montrer la moindre résistance. Lorsque leur pro-
vison est épuisée, on les enlève de la position qu'elles ont
occupée jusque-là, et d’autres Araïgnées prennent leur
place dans les cases.
Les Araignées, du fait de cé surmenage, se trouvent
naturellement très fatignées, mais on met tout en œuvre
pour ranimer leur santé débilitée. On les envoie dans le
# Parc aux Araignées”, qui est le lieu de convalescence des
travailleuses affaiblies ; elles sont placées au milieu-de bam-
bous dont les tiges sont entrelacées de façon à former un
véritable treillage, et les Halabés délicates ‘y regagnent,
avec leurs forces perdues, de nouvelles provisions de fils de
soie.
Quelques jours après, celles qui n’ont pas été dévorées
par leurs compagnes plus robustes sont réintégrées dans
les cases, soumises à un rouveau travail d'extraction de soie.
Le fil des Halabés est d’une couleut d’or merveilleuse
et sa qualité est absolument supérieure.
128 LE NATURALISTE CANADIEN
On n’a point encore essayé de laver cette soie, coinme
on le fait de celle que fournissent les vers :. aussi est-il im-
possible de savoir si la couleur ne passe pas, mais son ex-
trême finesse, son élasticité et sa fermeté, de beaucoup su-
périeures à la soie des vers, permet de la tisser en tissus dé-
licats, souples et très solides.
Réaumur fut le premier à tenter d’extraire de la soie
des Araignées, et ses expériences remontent à 1710: elies
portaient sur l’Épeira de France, qui est nn insecte de très
petites dimensions. Selon les calculs de ce savant, il eût
fallu 700,000 de ces bestioles pour produire une livre de
soie. Ces essais furent donc abandonnés en Europe.
Les Chinois du Vunnan extraient depuis longtemps de
la soie des Araignées, et celle qu’ils ont ainsi mise en vente
a souvent été confondue avec celle qu’on obtient du Bom-
byx, ce papillon dé nuit qui ressemble au ver à soie et qu'on:
rencontre également à Madagascar. Le Bombyx fait un
cocon et vit le plus souvent dans les acacias.
On ne sait encore ce que l’avenir réserve à cette bran-
che nouvelle de l’industrie de la soie, mais, d’après les rap-
ports connus, on est en droit d’espérer que les filatures mal-
gaches rivaliseront un jour avec celles de Lyon.
Adapté de l'anglais, de J.-E. WHITBy,
(Le Naturaliste.) par H.-R. WOESTYN.
Gb
PUBLICATIONS REÇUES
—E.-Z. Massicotte, Cent Fleurs de Mon Herbier. Etudes sur le Monde
Végétal, à la portée de tous. Suivies d’un Calendrier de la Flore de la
Province de Québec. Nombreuses illustrations, Montréal, Librairie
Beauchemin. 1906. (Vol. in-8° de 222 pages. Prix, $o0.75.)
Ce volume de M. Massicotte est le plus bel ouvrage de vulgarisation
scientifique qui ait été publié chez nous, et nous comptons qu’il aura
pour résultat d'amener bien des amateurs à l’étude de la botanique
Plantes aquatiques et des lieux humides ; Plantes des prés et des
bois ; Arbres et arbustes : telles sont les divisions de l’ouvrage. Après
quelques détails techniques très succincts, chaque article, consacré à une
plante en particulier, contient des renseignements sur la localité où on
la trouve, l’usage qu’elle peut recevoir, son histoire ancienneet moderne,
et souvent quelque extrait de prosateur ou de poète qui en fait le panégy-
rique. Tout cela en un style aimable. L'ouvrage de M. Massicotte est
donc très intéressant ; et, quand on se met à le feuilleter, on n’en sort
pas aisément.
ÉE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Septembre 1906
VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 9
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
EXTINCTION DU POISSON BLANC
Encore une espèce qui disparaît, qui aura bientôt dis-
paru ! Après le Dodo et le Grand Pingouin ; après la vache
marine, ÆAyéinus borealis ; après le Bison des prairies,
Bonassus Americanus ; voici le tour du Poisson blanc, ou
Lavaret blanc, Coregonus albus, de se faire rare et de ten-
dre à disparaître des grands lacs du Haut-Canada. Hélas!
où donc s'arrêtera l’acharnement de la stupide espèce hu-
naine dans la destruction des espèces animales que le
Créateur lui avait données pour son utilité ou son agré-
inent ? Déjà les ornithologistes prétendent qu’ils pourraient
dresser une longue liste mortuaire des espèces d'oiseaux
qui ont disparu dans le cours de la période historique. On
sait encore que le Phoque à fourrure, Cal{korinus ursinus,
est condamné à disparaître avant longtemps.
Pour en revenir à nos poissons, on a donc le chagrin
d'apprendre, par les journaux du Haut-Canada, que les
pêcheurs canadiens, le long de la rivière Détroit et dans le
lac Saint-Clair, accusent une rareté de plus en plus considé-
rable du Poisson blanc, à tel point qu'ils n’en prennent
plus assez pour payer leurs dépenses. Il n’y a encore que
peu d'années, le Lavaret blanc se trouvait en abondance
17—Septembre 1906.
130 LE NATURALISTE CANADIEN
dans la rivière Détroit et les environs. Aujourd’hui on le
demande avec impatience, et les pêcheurs sontincapables de
satisfaire leurs pratiques.
Les bassins d’incubation de Sandwich ont envoyé ne-
guère un approvisionnement de 25 millions de jeunes su-
jets pour les Grands Lacs. Or les pêcheurs nous disent
que cette quantité n'approche même pas du montant qui
serait nécessaire pour combattre la destruction amenée par
la pêche et par la voracité de plusieurs autres. espèces de
poissons. Des millions de Carpes de toutes sortes, Meuniers,
Catastomes, etc., se nourrissent des œufs et des petits du
Poisson blanc. A peine sur un millier de petits, un seul
parvient-il à maturité.
L’incubatoire de Sandwich a une capacité de 100 muil-
lions de jeunes sujets; mais la difficulté est qu’on ne peut
capturer une quantité suffisante de femelles, dans le temps
du frai, pour en extraire les œufs. Elles manquent de plus
en plus ; ce qui fait que le Poisson blanc dans les lacs sera
bientôt aussi rare que le Bison d'Amérique dans les
prairies.
On dit que le département ne dépense guère plus de
50 mille piastres, en tout, annuellement, pour la propaga-
tion du poisson dans les pêcheries intérieures de Québec,
Ontario, Manitoba et du Nord-Ouest ; tandis qu’il dépense
jusqu'à 55 mille piastres pour les pêcheries des seules
provinces maritimes. On ne réagit donc pas assez.
Les pêcheuts ont observé comment les Poissons blancs
déposent leurs œufs. . Les fonds pierreux en seraient litté-
ralement couverts. Mais tout à coup apparaissent les Car-
pes, et les œufs disparaissent. Une petite partie seulement
échappe au massacre, dans les interstices des rochers. Il
va sans dire que les pêcheurs eux-mêmes, décimant les
adultes, ajoutent énormément à cette guerre d’extermi-
nation. B.
bo.
LES FRUITS AU KLONDIKE 131
DES FRUITS AU KLONDIKE
Pourquoi pas ? On se fait une fausse idée de la tem-
pérature estivale de cette région. On croit qu’il n’y a à
que neige et glace éternelle et que toute espèce de végéta-
tion est aussi rare que rabougrie. (C’est une erreur. Une
telle opinion reçoit un formel démenti de la part de M.
Harvey Grant, de Dawson, qui, de passage à Montréal ces
jours derniers, parle d’une abondante moisson de fruits
sauvages, cette année, dans le Vukon. Ces fruits sont des
baies de différentes sortes.
“ Les familles, dit-il, récoltent une riche moisson de
baies sauvages sur les flancs des collines autour de Dawson
et sur les plaines où des mineurs sont campés. De toutes
parts, au Vukon, vers le mois d'août, plusieurs sortes de
baies se trouvent en grande abondance. On peut y faire
ample provision de gadelles, de bluets, de framboises,
d’atocas et même de groseilles, mais en plus petite quan-
LEE"
La population accueille avec joie cette agréable variété
dans sa diète ordinaire. On en ramasse des monceaux.
Il n’est pas rare de voir des familles de plusieurs enfants
se faire des réserves de plusieurs centaines de livres pour
la diète d'hiver, sans compter ce que l’on consomme au
jour le jour durant l'été. On va tout exprès camper dans
les plaines ; on va aux framboises, aux biuets, sur les
flancs des collines, à la façon du Canada.
Fait-on de ces fruits des confitures? Oui; maïs pas
toujours, pas même le plus souvent. On a des manières
de les empaqueter qui les conservent tout l’hiver dans leur
condition naturelle de fraîcheur. La méthode favorite
est d’y répandre du sucre et de mettre les vaisseaux conte-
nant les fruits sur la glace au fond de trous creusés dans le
glacier sur lequel est sise la ville. Une autre méthode.
132 LÉ NATURALISTE CANADIEN
spéciale aux framboises, consiste à les presser dans le vaïs-
seéatt jusqu'à ce que le jus recouvre entièrement la masse
des fruits. Mise en cet état sur la glace, la provision se
conserve parfaitement fraîche et indéfiniment.
Voilà pour nous une consolation au sujet de nos
parents et amis du Klondike, si nous en avons d’échotés
à. Nous savons maintenant que les friandises ne leur
manquent pas sous forme de ces bons fruits, de ces bonnes
confitures, de ces bonnes tartes, de ces bons pâtés du pays!
ANNE
CHRONIQUE
La conservation du Bison.—La Société zoologique de
New-Vork vient d'offrir au gouvernement des Etats-Unis
de placer le troupeau de Bisons, dont elle est propriétaire,
dans la réserve forestière de Wichita, Oklahoma du Sud.
Le gouvernement a accepté et l’on expédiera de New-Vork
un troupeau de 15 à 20 Bisons. dès que l’on aura clôturé
un bon terrain de pacage. La Société veut aider au gor-
vernement à empêcher ce qui reste de Bisons de s'éteindre,
mais elle a exigé qu’un endroit propice leur fût réservé,
où l’on n’eût pas à les nourrir continuellement, où l’on
pt avoir ün abri contre les tempêtes et où les Bisons pus-
sent se reproduire sans difficulté.
On est d'accord pour reconnaître que le Bison d'Amé-
rique ne peut pas être sauvé d’une complète extinction, si
on le renferme dans des parcs ou des. jardins zoologiques,
où sa liberté de marcher est trop restreinte. On ne peut
réussir à préserver la race qu'en mettant des troupeaux
dans de très grands espaces de terre, de façon à leur donner
autant que possible lillusion d’une complète liberté, et où
ils peuvent trouver l'exercice qui est absolument indispen-
CHRONIQUE Re
sable à leur santé. On a donc choisi un excellent terrain
de pacage, où il y à de l’eau en quantité et en tous temps,
et le département d'Agriculture a fait voter $15,000 pouf
construire la clôture.
Il n'y à pas de doute que l'essai tenté dans Oklahoma
sera suivi avec beaucoup d'intérêt par bien des personnes ;
et si le succès peut récompenser les efforts du gouverne-
nent américain et de la Société zoologique de New-Vork,
on leur devra la canservation du Bison qui, il y a une cin-
quantaine d'années, silonnait en tous sens les grandes
prairies de l'Ouest.
Encore Le Serpent de mer:—Pour être complet, nous
signalerons une autre apparition du fameux Serpent de
mer. Devant une nombreuse assemblée de membres de la
Société zoologique de Londres, le mois dernier, MM.
Meade Walds et Nicol ont raconté qu’étant sur un navire
le long des côtes du Brésil, à hauteur de Para, ils virent ce
qui pafaissait être, au-dessus de l’eau, les nageoïtes d’un
grand poisson ; puis ils virent s'élever une énorme tête et
un cou d'à peu près sept pieds, gros comme un homme;
le tête ressemblait à celle d’une tortue, et l'étrange animal
se mouvait par secousses curieuses. M. Walds ajouta que le
monstre ressemblait, à s'y méprendre, à un sous-marin à
demi enfoncé. (Peut-être en était-ce un?! !)
Un Chat.….qui n'en est pas un.—Peut-être un de nos
lecteurs pourra-t-il nous renseigner au sujet de l'étrange
animal qui vient de délivrer les habitants du Queensland
(Australie) d’une énorme invasion de Soutis. Les jour-
naux australiens enregistrent le fait qu'une invasion de ces
petites bêtes, très malfaisantes, dont les exploits ennuyaient
beaucoup les fermiers du Queensland, a été soudainement
et complètement arrêtée par l'apparition d’un petit animal
qui a fait maison nette des Souris envahisseuses. Chose
étrange : aucun Européen n'avait jamais vu le destructeur
des rongeurs en question; quelques-uns des plus vieux
134 LE NATURALISTE CANADIEN
naturels du pays prétendent que l’animal existait en foule,
bien des années écoulées, et ils l’appelaient “ Modockoora.”?
[1 a près de neuf pouces de long du bout du nez à l’extré-
mité de la queue ; sa taille est de 272 pouces, 1l a le nez
très pointu, une tête ressemblant à celle du Renard et de
grands yeux noirs très brillants. Sa queue est longue de
quatre pouces environ, la moitié en est ronde et couverte
de poil gris, tandis que l’autre moitié est plate et d'un noir
sombre. Le corps de l’animal est gris et ses mouvements
sont vifs et tiennent un peu du Chat. Les Souris, elles,
semble-t-il, connaissent leur ennemi; car celles qui
avaient pas été tuées par le ‘“ Modockoora ” disparurent
immédiatement.
Si ce fait signalé par les journaux australiens n’est pas
un vulgaire canard, —et il semble que ce soit un fait avéré, —
il nous serait bien agréable de savoir le nom scientifique
de ce nouvel ennemi de la gent rongeuse.
HENRY TILMANS.
PERRRE ) ——
UNE RÉIMPRESSION
Notre Zraité Clémentaire de Zoologie et d'Hygiène,
publié au mois de décembre dernier, s’est écoulé en quel-
ques semaines, [La demande a même dépassé l'offre de
beaucoup, et nous avons été loin de pouvoir remplir toutes
les commandes que l’on nous a faites. C’est à rechercher
si nous sommes bien dans la province de Québec, où nos
compatriotes n’ont pas coutume de perdre souvent le souffle
à s’efforcer d'acquérir les récentes publications scientifiques
ni littéraires !
Une réimpression immédiate de l'ouvrage était tout
indiquée. Nous avons dû pourtant en différer l’entreprise,
pour donner tous nos soins à l'achèvement et à la publica-
LES PARURES CRUELLES 135
tion d'une autre œuvre (/w»pressions d'un Passant,
volume paru au mois de juillet).
Nous pouvons toutefois annoncer ici que la deuxième
édition du 7rarté élémentaire de Zoologie et d'Hygiène est
maintenant sous presse, et qu'elle sera mise en librairie dès
le commencement du mois de novembre.
Cette nouvelle édition sera ‘revue et corrigée”, sui:
vant la formule séculaire et consacrée. Quelques vignettes
y seront remplacées ; le style sera quelque peu revisé, et
certains détails recevront quelque modification au point de
vue technique.
En outre, l'ouvrage ayant été adopté dans plusieurs
institutions scolaires, nous lui dennerons le format plus
pratique dun in-douze, plus favorable au maniement
quotidien. Surtout son aspect soigné sera une améliora-
tion sensible sur son prédécesseur, que nous avions tant de
confusion à présenter au public en une forme que les
circonstances avaient faite assez pitoyable,
Puisse la population étudiante, et inême le grand
public, accueillir cette nouvelle édition avec autant de
faveur qu’on a fait à l'égard de la précédente ! Nous leur
dirons d'avance, pour finir par ce misérable détaïl matériel,
qu'il n’y a pas jusqu’au prix de vente de cette deuxième
édition qui ne sera aussi, probablement, l’objet d’une amé:
lioration assez notable...
CT e _ 6)
“+ LL Nes Se
Jin
LES PARURESURUELLES
Une campagne à laquelle nous nous associons entière:
iment—dit le Moniteur d'Horticuliure (Paris)— est entre:
prise contre les plumes qui ornent les chapeaux des dames,
et voici ce qu'écrit à ce sujet, Friquet, un de nos confrères
très sensé :
136 LE NATURALISTE CANADIEN
Etant allé, il y a quelque temps, au théâtre et étant
placé aux fauteuils d'orchestre au neuvième rang, je crois,
j'eus soudain l’impression d’être, non pas dans un théâtre,
mais dans une volière. Autour de moi ce n’était que
plumes d'oiseaux ornant les chapeaux des spectatrices,
flottant dans l'air, droites, recourbées, hautes ou larges,
faisant panache.
Et la réflexion que toutes ces plumes m'inspiraient ne
fut pas, comme vous pourriez le croire, une pensée de
révolte contre les chapeaux de femme au théâtre, mais un
étonnement presque douloureux en pensant au grand
nombre de gracieux volatiles que la coquetterie féminine
forçait à tuer.
En effet, le commerce des plumes d'oiseaux a pris
depuis quelque temps une extension considérable. Toutes
ces dames tiennent à avoir, surmontant leur coiffure, une
petite dépouille de Geai où d'Hirondelle. Et, pour que nul
n’en ignore, certaines ne se contentent pas de l'aile; elles
veulent l’oiseau tout entier qu’elles disposent élégamment,
l'œil fixe et le bec menaçant, entre les rubans et les fleurs.
Pour subvenir à cette production de jour en jour plus
tyrannique, des chasses s'organisent dans toutes les Colo-
nies, et des pays d'Orient nous viennent les oiseaux mer-
veilleux aux robes éclatantes. |
Il en est de fort précieux, donc de fort chers ; ilen est
de race plus commune, donc accessibles à toutes les bourses.
Mais qu'ils soient rares où non, le massacre n'en est pas
moins ordonné sur une très grande échelle. |
Un récent document de statistique nous apprenait
qu’à Londres, voici de cela deux ans, un marchand avait
relevé en un seul envoi, 32,000 Oiseaux-Mouches, 80,000
oiseaux aquatiques, 809,099 paires d'ailes. N'est-ce pas
formidable ?
En France, pour subvenir aux besoins de la mode, les
correspondants de Long-Island expédièrent aux modistes
*
LES PARURES CRUELLES 137
parisiennes 40,000 Hirondelles de mer en une seule saison.
N'est-il pas temps de mettre un terme à cette rage de des-
truction qui menace de faire bientôt totalement disparaître
les oiseaux, ces fleurs du ciel, fleurs animées, fleurs chan-
tantes ?
Le bienfait serait double, car en dehors de la joie
esthétique que nous éprouverions à ne pas priver la nature
d'un de ses ornements les plus précieux, nous ferions du
même coup cesser des coutumes barbares.
Les oiseaux rares, dont sont vendues très cher les ailes
ou les aigrettes, ne sont généralement pas tués d’un coup
de fusil. Le plomb est brutal, il risque de détériorer la
matchandise. Aussi a-t-on imaginé des moyens plus pra-
tiques.
Pratiques, c’est impossible, mais d’une cruauté vrai-
ment exagérée.
Savez-vous par quel procédé on obtient chez les petits
oiseaux qu’on pose sur les coiffures entièrement empaillées,
entre autres chez les Colibris aux multiples couleurs, “ la
beauté de la plum”? Savez-vous pourquoi cette plume
demeure toujours bien fournie et frissonne comme si elle
était vivante ?
C’est qu’en effet, malgré la mort, il lui reste un sem-
blant de vie, qu’on a essayé de lui conserver en évitant de
tuer l'oiseau tout de suite, et en l’écorchant vif !
Il paraît qu’ainsi les plumes adhèrent plus fortement
à la peau, et que la marchandise expédiée est meilleure,
étant plus durable. |
Ecorcher vif un oiseau, quelle horreur !
Le procédé s'emploie en Amérique, et c’est bien là
qu'il devait naître, en ce pays où couramment on scalpe.
Scalper, c’est enlever la chevelure. Mais ce scalpe
du Colibri, c’est toute la peau arrachée, le corps de l’infor-
tunée bestiole apparaissant sanglant et misérable... Je vois,
15— Septembre 1906.
138 LE NATURALISTE CANADIEN
au cas Où la mort bienfaitrice ne serait pas surveñue ati
cours de l'opération, se sauver sur ses deux pattes titubantes
cette pauvre loque rouge !
Vous ignorez ce détail, mesdaines. Puisse le spec-
tacle que j’'évoque, vous détourner de donner suite à ces
coquetteries cruelles !
Je veux également parler du Héron qui fournit à nos
jolies mondaïnes les aigrettes si recherchées. La pauvre
bête, à l'heure du massacre, n'a même pas le pouvoir.
moral de se défendre.
. +
Le Héron (je parle d’une certaine espèce qui se plaît
en Océanie) n'a pas la tête perpétuellement ornée de cette
aigrette, Ilne la porte que pendant la saison nuptiale,
durant les jours où ces oiseaux perpétuent leur race et
survetllent leur nid. l
À cette époque l'usage veut que l'on respecte les
oiseaux de toute sorte. ‘Il y a un intérêt à cela: Ja perpé-
tuité de l'espèce. C’est la raison qui fait condamner les
braconniers, lesquels non contents de prendre les perdreaux
au collet, en détruisent bêtement les œufs.
Mais alléchés par l'espoir d'une proie précieuse, les
chasseurs de: Hérons profitent au contraire de ce que parle
au cœur de ces oiseaux l'instinctif sentiment paternel,
pour les troubler dans leur œuvre de création.
Is guettent les nids : aussitôt qu'ils en ont découvert,
ils escaladent l’arbre, et trouvent devant eux le ménage
héron occupé à nourrir leurs petits.
Impossible de les soustraire au péril, car les oiselets
ne savent pas encore voler. Les parents les défendront,
Ils font face à l’enniemi qui n’a pas de peine à s’en rendre
maître, à les tuer au seuil de la maison qu’ils gardent.
Les enfants? On ne s'en occupe plus Qu'importe,
puisque l'on a l’aigrette convoitée ?
_ “Et trop jeunes pour se suffire, les petits Hérons récla-
went pendant de longues heures la nourriture coutumière ;
REVIVISCENCE DU ‘GORDIUS AQUATICUS ? 139
des cris plaintifs traversent l'air, s’affaiblissent, cessent...
Tout est fini. Ils sont morts de faim !
Saviez-vous cela, mesdames, que chaque aigrette
dressée férocement sur le chapeau qui contribue à votre
beauté, a causé le supplice de toute une couvée ?
Et que chaque année, pour votre plaisir, on écorche
vifs des ‘‘ centaines de mille ” de Colibris ?
Ne pensez-vous pas que les fleurs suffiraient pour faire
de vous les plus belles ?
FRIQUET.
Re CR
REVIVISCENCE DU “GORDIUS AQUATICUS ”
ET DE L'ANGUILLULE DU BLÉ NIELLÉ (x)
(Du Cosmos, 25 avril.)
Dans un article du Cosmos (1er novembre 1902), J'ai
eu l’occasion de signaler un animalcule dont le moindre
défaut est d’être réfractaire à toute pose photographique.
Je n'aurais pas à y revenir, n’était que le même sujet par
moi ‘‘ pêché ” (je ne dis pas découvert) dans une petite ri-
vière de Normandie vient d’être l’objet des plus curieuses
observations de la part de plusieurs naturalistes canadiens.
Toutefois, malgré l’intérêt considérable que présentent ces
observations, je tiens à écarter le nom de Dragonneau par
(1) Nous croyons devoir reproduire cet article où M. Emile Maison,
l'un des distingués collaborateurs du €257105, fait si agréablement écho
au travail que nous avons publié, en 1905, sur le Go’dius aqguaticus
(N. C., XXXII, pp. 117-seq.)
M. Maison fait un peu chicane aux naturalistes canadiens, parce
qu'ils désignent ce Gordius sous le nom de ‘‘ Dragonneau.’' Nous vou-
lons bien croire que nous avons tort de lui donner cette dénomination.
Mais, du moins, nous sommes en compagnie passable dans notre erreur,
puisque nous trouvons cette désignation jusque dans le Vouveau Dic-
lionnaire des Sciences, publié en r9o2 (chez Delagrave, Paris), par
Edmond Perrier, etc.—Note du Vafuralisle canadien.
[40 LE NATURALISTE CANADIEN
eux donné au Gordius aguaticus. Le Dragonneau appar-
tient exclusivement à la filaire de Médine (Gemlin, 1789)
que, dès 1690, Lister décrivait sous le nom de /racunculus,
peu ou prou emprunté du grec.
Certains autres contemporains, parmi lesquels Cuvier,
se sont au contraire obstinés à penser que la /7/aria medi-
nensis n'était pas différente des Gordius ; et c’est ce qui
explique l’erreur d'appellation où ont été entraînés nos
distingués confrères des bords du Saint-Laurent et de l’Ot-
tawa. Aucun doute en effet dans leur esprit, quant à lPes-
pèce, puisqu'ils spécifient bien le Gordins aquaticus, tout
en lui maintenant le surnom de Dragonneau, par une sorte
d’accoutumance classique ou atavique.
Rappelons en deux miots, pour ceux qui n'auraient pas
lu notre premier article, que le Gordius est un genre de
ver ‘créé? par Linné pour caractériser une VamÉenEnt
famille des nématoïdes ; :ver filiforme, très long, très grêle,
téguments élastiques, résistants. Les embryons ont une
bouche, un intestin, un eloaque. Munis d'un perforateur
trifide, ils s’'enkystent dans les larves de certains éphémères.
Les coléoptères et autres insectes aquatiques, les crustacés
et certains arachnides avalent ces larves, et les jeunes Gor-
dius se développent dans leur cavité viscérale.
D'après Villot, les embryons peuvent devenir libres
dans lPintestin des poissons, puis s'enkyster une seconde
fois dans la muqueuse. La métamorphose à toujours lieu
en hiver; au printemps, les jeunes Gordius quittent leurs
kystes et arrivent dans l’eau avec les fèces de leurs hôtes.
La reproduction a lieu en été. ‘“ Vit en Europe dans les
eaux stagnantes et à faible courant ” ; disons plutôt de fai-
ble tirant, quoique la nautique n’ait rien à voir ici.
Au Canada comime en Normandie, les paysans sont
persuadés que les Gordius sont des crins de jument qui re-
muent dans l’eau. Il est vraisemblable, nous dit M. Paul
Sébillot, l’auteur du folk-lore de France, que la superstition
REVIVISCENCE DU “GORDIUS AQUATICUS ” 141
l'après laquelle des poils ou des cheveux peuvent produire
des reptiles est basée sur ue analogie d'aspect entre des
petits serpents très déliés et des crins auxquels l’eau com-
munique une sorte de mouvement. En Poitou, les cheveux
mis dans l’eau, où même abandonnés à l'air libre, se méta-
morphosent en reptiles. Une vieille sorcière de ce pays
vait infesté de serpents le champ d’un voisin en venant s’y
peigner chaque jour..... Ne dit-on pas ailleurs que la ma-
tière s’est créée toute seule ?
Revenons au Canada, où le Gordius noûs réclame.
Comme chez nous, la longueur ordinaire de cet animalcule
est d'environ une douzaine de pouces (le système métrique
n'ayant pas encore été adopté par le Dominion). Cepen-
dant, l'abbé Provancher en reçut un spécimen en 1878, du
district de Saint-Hyacinthe, prevince de Québec, qui était
long de 20 pouces, soit près de deux pieds. Et maintenant
laissons parier le professeur E.-E. Prince, commissaire des
Pêcheries du Canada, dans la livraison d'octobre 1905 de
l'Ottawa Naturalrst.
* [l'est démontré, dit-il, que ces êtres, même tfetirés
de l’eau et desséchés, peuvent rester en vie. On a mis en
doute l’histoire, d’une saveur un peu antique, de ce Dra-
vonneau que Pabbé Fontana conserva dans un tiroir durant
trois années et qui, séché et durci, ne donnait plus signe
de vie; mais, ayant été remis dans l’eau, il retrouva très
vite sa vigueur et son activité de jadis. Eh bien, l'autorité
du distingué professeur Alexander MacAlister est venue
confirmer la véracité de ce récit lécendaite. “Les Dragon:
‘ neaux, dit-il, sont remarquables par la persistance de leur
“ vie ; ils peuvent en effet se dessécher, au point de n'être
‘plus qu’à l’état de fils raides et fragiles, et reprendre pour-
“tant, au contact de l’eau, toute leut activité.” Certain au-
teur, dont je ne me rappelle pas le nom, ajoute M. Prince,
parle d’un directeur de musée qui vit un Dragonneau sortir
1427 LE NATURATLISTE CANADIEN
du corps d’un coléoptère qui depuis longtemps était mort,
desséché et placé dans une case de collection.”
De son côté, dans le premier volume du MVaturahste
canadien, imprimé à Québec, l'abbé Provancher raconte
cecit
(M. Maison reproduit ici le récit de l'abbé Provancher, cité dans le
NACRE p'ATO et Conte .:)
L'abbé Provancher eut donc l’envie d'étudier les Goy-
dius à l’état larvaire, s'enkystant dans le corps des petits
mollusques, des grenouilles, des poissons, au moyen d’une
tête couronnée d'épines en crochets, tandis que leurs petits
corps sont très mous. Maïs il y a aussi, suivant M. Prince,
des Gordius qui, sous une autre forme larvaire, plus allongée
et sans crochets à la tête, s’introduisent dans le corps des
gros insectes, des araignées, de certains poissons et amphi-
bies, et circulent à travers les orgaues intérieurs de leurs
hôtes. Enfin, au bout de cinq ou six mois de cette vie pa-
rasitaire, la larve passe à l’état adulte en prenant la forme
dufameux ‘Ecrin de cheval:
Ici, une observation personnelle. Les adultes du Cana-
da revêtent la couleur noire; en France, au contraire, als
sont d’un rouge très vif, comme les vers de vase dont se
servent les pêcheurs de la Seine pour taquiner le goujon.
En remontant le cours de la Bièvre jusqu'au-dessous du
village de Bouviers, peut-être aurait-on quelque chance de
trouver le Gordius ; dans la zone parisienne, non, la Bièvre
étant une gadoue. En tout cas, les zoologistes qui vou-
draient se livrer à des expériences de reviviscence pourront
s'en procurer dans toutes les petites rivières de Norman-
die. Veut-on que je précise mieux? Eh bien, qu’ils explo-
rent l’ancienne Béthune, aujourd’hui la Varenne, en s’a-
dressant de ma part au moulin de Biville, commune de
Saint-Germain-d'Etables, à une lieue d’Arques-la-Bataille.
Bacon a dit excellemment : ‘“ Un peu de science éloi-
gne de Dieu, beaucoup de science y ramène” ; moyennant,
REVIVISCENCE DU GORDIUS AQUATICUS ” 143
peut-on ajouter, que le chercheur puise cette science dans
le livre de la nature et non dans les ouvrages de pure imé-
taphysique. C’est ce qu'on fait l'abbé “Prov ancher, M.
Prince et quelques autres estimables savants canadiens.
Un point d’interrogation, à présent, auquel ils ont
déjà répondu. Quand des Gerdius sont animés de l'esprit
d'aventure, qu ils désirent voir du pays, comment s'y pren-
uent-ils pour passer d’un ruisseau à un autre? Très ingé-
nieusement, ma foi. Ils pénètrent à l’intérieur des saute-
relles qu des grands coléoptères aquatiques et s’y allongent
de leur mieux, pour en sortir lorsque le véhicule est par-
venu à destination. D’autres individis moins frileux s’en-
Ale tout simplement autour de l akdomen, par-dessous
les ailes de l’insecte, et fouette cocher ! Cette dernière mé-
thode est év idemment d'une exécution moins hasardeuse.
Quant au fait de la reviviscence du Gordius, dans son
numéro de novembre 1905, notre confrère du AVa/wraliste
canadien, M. l'abbé Huard, conclut ainsi: ‘“ Pour nous,
voulant apporter à la science, en cette petite matière, notre
petite contribution, nous dirons qu’au mois d'août 1904,
nous reçûmes un Dragonneau vivant, long d’une douzaine
de pouces et venant de Saint- Eleuthère (Kamouraska).
Nous l’avons placé au musée de F Instruction publique, et
les visiteurs prenaient grand intérêt à le voir s ’enrouler et
se dérouler constamment dans son petit flacon rempli
d’eau. En septembre ou octobre il cessa tout mouvement,
et il est ainsi resté plus d’un an dans le même état. L'eau
du flacon n’a pas été changée depuis cette époque ; elle est
encore limpide et l'animal lui-même ne présente aucun si-
one de corruption. (1) Nous regardons donc comme possible
qu'il soit encore vivant. L'avenir qui garde tant de secrets
nous renseionera peut-être sur celui-là.”
Le fait de la reviviscence du Gordius est d'autant
plus acceptable en principe que, dans la famille des néma-
todes, l’anguillule dite du blé niellé joue le même rôle
d’une façon péremptoirement démontrée par une série d’ob:
servations d'ordre en quelque sorte rustique ; d’où son sur-
nom, cat elle cause de sérieux ravages dans les graines de
() En septembre 1906, ies choses sont encore dans le même état.
L'eau Gu flacon est toujours limpide, et l’animalcule ne donne aucun
signe de décomposition. Nous piquant au jeu, nous voulons poursuivre
l'expérience jusqu'au bout, quand il y faudrait des siècles... V. C.
144 LE NATURALISTE CANADIEN
blé encore vert et y occasionne la maladie bien conne
sous le nom de yze//e. Chaque grain est un nid de larves
d'anguilulides.
Aussitôt qu’ils tombent, observe M. Raphaël Blan-
chard, les grains attaqués de la sorte se ramollissent si la
terre est humide, et commencent à se putréfier; en même
temps les larves reviennent à la vie et commencent à grim-
ger le long de la tige de blé. Sont-elles saisies en route par
la sécheresse, elles tombent de nouveau en vie latente et
demeurent en cet état cachées dans la gaîne des “feuilles
jusqu’à ce que la pluie vienne derechef les faire ressusciter.
Finalement ces larves atteignent l’épi, pénètrent dans son
épaisseur et deviennent adultes pendant qu'il fleurit et
mûrit. Bientôt après, les anguillules s’accoupient, puis
meurent après avoir pondu des œufs. De ceux-ci sortent
des embryons qui parcourent à leur tour le cycle. Les lar-
ves de l’anguillule du blé niellé peuvent rester de longues
années en vie latente. ..
M. Raphaël Blanchard mentionne ensuite quelques
cas de reviviscence, dont un au bout de vingt-sept ans. I
cite également l’expérience de Davaine faisant revivre,
après un séjour de trois heures dans l’eau tiède, des anguil-
lules sèches depuis trois ans et soumises au vide absolu
pendant cinq jours.
Foutes ces observations sont extrêmement curieuses
et elles méritent de retenir l'attention du philosophe autant
que celle du naturaliste par détermination professionnelle :
car si les êtres les plus bas placés dans l’échelle animale
peuvent ainsi revivre, pourquoi l'être humain dispataitrait-
il tout entier, une fois emporté par la mort? Donc mort
apparente, puisque tout revit! d’où, chez les hommes, à
quelque religion qu'ils appartiennent, la certitude d’une
Âme immortelle. Que s’ii y a des doutes dans l'esprit de
quelques-uns, ces doutes valent des certitudes. Il n’est pas
besoin d’être grand élève en philosophie pour opiner en ce
sens et constater en inême temps que l’homme s’ingénie
parfois à tourner le dos à la lumière; de sa part, simple
préjugé pseudo-scientifique. Le transformisme dont il se
réclame n’en a pas fait encore un être de raison: ce sera
pour plus tard, dans la suite des siècles.
EMILE MAISON.
"BE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Octobre 1906
VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 10
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
PÊCHE ET RENDEMENT DE LA BALEINE
DEPUIS LE XVile SIÈCLE
Grâce à un canard gigantesque expédié de Terre-
Neuve, via New-Vork, en septembre, la Baleine a fait
beaucoup parler d’elle en ces temps derniers. A en croire
ce pseudo-messager sous-marin, un certain professeur du
nom de Muller, en villégiature à Saint-John ou aux envi-
rons, aurait capturé cinquante Baleines femelles, qu’il au-
rait domestiquées ; elles se laisseraient traire avec autant
de bonne grâce que les hôtesses indolentes des pâturages
normands. Le lait de ces Baleines, recueilli à l’aide d'un
appareil spécial, posséderait des vertus curatives auprès
desquelles pâlirait l’huile de foie de morue.
N'insistons pas sur la valeur de ce produit pharma:
ceutique ; énonçons simplement ceci que, vu là rareté du
cétacé en question, qui est la Baleine franche et non un
mammifère quelconque du même ordre, quant à la classifi-
cation de l’espèce, la capture d’une cinquantaine d’exem-
plaires (du même sexe) exigerait plusieurs années, même
en y employant de nombreux équipages baleinïers ; puis il
faudrait nourrir les captives dans des endroits de quelque
19— Octobre 1906.
146 LE NATURALISTE CANADIEN
profondeur et les ramener à soi suivant les besoins de cette
nouvelle industrie laitière. |
Encore un coup, ce canard d'Amérique est d’une en-
vergure à défier la Baleine de la mer indienne dont parle
Pline, longüe de plus de 900 pieds, cependant moins extra-
vagante que celle des AZ7/le et une nuits, recueil de contes
écrits, on le sait, d'après des légendes et des manuscrits
arabes fort anciens.
Sindhbad le Marin aborde quelque part: “ Un jour
que nous étions à la voile, le calme nous prit vis-à-vis une
petite île. Le capitaine fit plier les voiles et permit de
descendre aux personnes qui le voulurent. Je fus du
nombre de ceux qui débarquèrent. Mais dans le temps
que nous nous divertissions à boire et à manger, l’île trem-
bla tout à coup et nous donna une rude secousse.. “C'était
une Baleine.”
On voit que les Marseillais n’ont pas eu à se creuser
la tête pour inventer l'histoire de la Sardine obstruant le
port de la Joliette. Mais laissons là tous ces contes à
dormir debout, pour amusants qu’ils soient, et voyons Îles
Baleines d’un peu plus près, même chez nous; car il fut un
temps, non trop éloigné encore, où, au témoignage de
Frédéric Martens (1), les Français en mangeaient, ‘tous
les jours,” aussi bien ceux de l’intérieur que du. littoral.
Cependant, dit-il, la chair de Fa Baleine est coriace et gros-
sière,
(1) Emibärqué comme chirurgien, Îe 15 avril 1671, à bord du trois-
mâts du port de Hambourg baptisé sous le nom bizarre de /onas-dans-la
Baleine et commandé par Pierre Peterson, de Friseland, Martens nous a
laissé une curieuse relation de ses Foyages au Nord. Noir aussi le
Journal d'un baleinier, par ÉIERCELIN (1866), et Les monstres sous-
marins, par ARMAND LANDRIN (1889), mais après avoir lu d’abord le bel
ouvrage de M. Estancelin, publié en 1832, sous le titre de: Wecherches
sur les voyages et découvertes des navigateurs normands, suivies d’obser-
vations sw la marine et les établissements coloniaux des Français. 11 me
plaît toujours de rendre hommage à cet écrivain sagace et érudit, dont le
nom est un peu trop oublié, même de ses compatriotes de la Ncrmandie;
LA CHASSE À LA BALEINE 14?
Il paraît que les Anglais, comme les Français, ne par-
tageaient point le mépris du voyageur hambourgeoïis pour
cette viande de boucherie aquatique. Ce fut longtemps,
en effet, un mets royal en Angleterre, à telle enseigne que,
vers le milieu du XIIIe siècle, un des successeurs imimé:-
diats de Guillaume le Conquérant, Henri III, invitait les
shérifs de Londres à fournir à sa table cent pièces de
Baleines. Celles qui étaient capturées dans la Tamise ap-
partenaient de droit au lord-maire, qui les faisait servir
dans les festins municipaux.
Grands amateurs de victuailles, les Normands ser:
vaient les quartiers de Baleines bouillis avec des pois :
d’autres fois, nous apprend le Dr ‘Tiercelin, ils mélan:
geaient cette viande à du porc salé pour en confectionner
de ‘ ces énormes boulettes qui font les délices des balei-
miers. |
Chacun d'eux, jusqu’au mousse, plaçait une üe ces
boulettes, bien saupoudrée de farine et assaisonnée d'ail et
de poivre, dans un filet de bitord, et, l’attachant au bout
d’un manche de harpon, la plongeait dans l'huile bouil-
lante pour la faire frire. Après quelques minutes, la cuis:
son était complète ; “ les boulettes sortaient bien: rissolées
et constitnaient alors un plat .de hachis dont la couleur
provoquait l'appétit, dont l’odeur chatouillait l'estomac,
dont la saveur âcre et mordante flattait le palais de nos
marins, comimne aurait pu le faire une friture de sole ou un
rôti de vencison.” Festin de Balthazar.
À Londres, à présent, faute de Baleines, on se contente
d’une soupe à la Tortue, et c’est encore un mets quasi royal.
Au temps de;François Ier, où l’on chassait dans le
voife de Gascogne la Palæna biscayensis, seule la difficul-
té du transport de ces monstres marins sur le marché inté-
rieur présentait un aléa, du moins sous le rapport comes-
tible. Néanmoins, comme on les traquait de tous côtés,
leur exode commença bientôt vers les parages de l'Écosces
148 LE NATURALISTE CANADIEN
pe CAC . * "4 e
pour reculer encore, et déjà, voici à peine un siècle, elles
ne franchissaient plus la hauteur de lIslande. Nous par-
lons ici des Baleines boréales.
On la détruisait alors par milliers. Aïnsi, en 1697, on
en prit 1957 ; de 1719 à 1778, 69086 ; de 1784 à 1840, les
Groenlendais en prirent 858; de 1827 à 1830, les Anglais,
3391 ; de 1847 à 1851, on en a tué6; de 1852 à 1854, au-
cune ; de 1855 à 1856, 3; en 1857, on n’en vit même pas ;
en 1858, on en captura 4. La capture d’une seule Baleine
franche rapportait jusqu’à 70,000 francs. Avec les fanons
de la Baleine, suffisamment atmineis, on garnit les corsets,
robes, parapluies communs, etc. Unique pour la prépara-
tion de certains tissus, l'huile que donne la fusion de la
graisse sert en outre à l'éclairage, au corroyage.
Phoques et Marsouins sont également condamnés à
disparaître ; car c’est une grave erreur de s’imaginer que
Pocéan est un réservoir inépuisable. Au regard du moins
des espèces mammifères, l'erreur est manifeste, comme le
prouvent les chiffres ci-dessus, et étant donnés les moyens
de destruction dont disposent aujourd'hui chasseurs et
pêcheurs, avec cette circonstance aggravante qu’on ne
laisse même pas aux monstres marins le temps de croître
et de multiplier. C’est la ruine d’un métier qui faisait des
hommes, et d’une industrie que les chimistes ne remplace-
ront pas.
Cependant, de terips à autre, quelques individus
échouent sur nos côtes ou sur nos plages, mais ce sont des
isolés. Le 29 juillet 1874, un jeune individu mâle de l’es-
pèce boréale, Iong de 8 mètres, fut jeté à la zôte dans les
parages de Biarritz ; son squelette figure au musée de Tou-
louse. Le 6 janvier 1877, une grande Baleine de l'espèce
stbbaldr a été recueillie près des Sables-d'Olonne (Vendée).
Longue de 15 mètres, sa circonférence approximative était
de 14 mètres ; un monstre ! Enfin, en 1886, plusieurs Ba-
LA CHASSE À LA BALEINE 149
leines »usculus ont échoué sur les côtes de Provence. Ce
furent les dernières que l’on vit sur nos côtes.
A Betsiamis, au Labrador, un portique assez curieux
décore l'entrée de l’ancien presbytère de la mission ; 1l est
fait de deux côtes de Baleine, longues de 22 pieds et réu-
unies par l’une de leurs extrémités de façon à former ogive.
Tout auprès sont des vertèbres de Baleine disposées comme
des fauteuils, qu’elles imitent assez bien.
Ceci est extrait d'un fort intéressant ouvrage intitulé
Labrador et Antirosti et dû à la plume de l'abbé V.-A.
Huard, supérieur du Séminaire de Chicoutimi et directeur
du Vaturaliste canadien (Montréal, 1897). M. l'abbé Huard
a visité en missionnaire toute cette région voisine de Terre-
Neuve, vivant parmi les pêcheurs et se familiarisant avec
les choses de la pêche, sur lesquelles il nous fournit des
documents de première main. Or, c'est seulement à Bet-
siamis qu'apparaît la Baleine, et l’on a vu comment. C'est
pourquoi il nous semble bien que la Baleine a fait son
temps là-bas comme ailleurs.
(Cosmos, 30 déc. 1905.) ÉMILE MAISON.
Nos lecteurs auront lu avec plaisir l'agréable et ins-
tructif article qui précède, et qui est du même écrivain que
l’article reproduit ici, le mois dernier, sur le Gordius aqua-
dcus. M. Maison nous avait bienveillamment signalé et
même communiqué, au mois de janvier dernier, ce travail
sur la pêche de la Baleine. Dès lors, nous voulions, au
nom des cétacés de ce côté de l'Atlantique, dire au spiri-
tuel collaborateur du Cosmos qu'il n’a pas tant raison que
cela de verser des larmes sur le trépas de la dernière Ba-
leine d'Amérique, et qu’il pourra même,—au cours de son
futur voyage du Canada, lorsqu'il sera tanné de prendre
des Ouananiches, des Truites et des Achigans,—goûter aux
150 LE NATURAIISTE CANADIEN
émotions de la chasse aux Baleines en plein fleuve Saint-
Laurent. Mais, l'hiver dernier, les documents nous man-
quaient pour appuyer nos affirmations; et, sachant bien
que la saison prochaine nous les fouruirait, nous avons pré-
féré attendre jusqu’à l'époque où nous sommes pour éclai-
rer la religion de M. Maison sur le chapitre des Baleines.
Disposons d’abord du fait que M. Maison tire argu-
inent, pour démontrer la disparition de la Baleine de nos
eaux du Canada, de ce que dans notre Zabrador et Antr-
costi —dont il parle si aimablement,—nous n'avons fait
inention de ces cétacés que pour décrire le curieux por-
tique du presbytère de Betsiamis, fait de deux côtes de Ba-
leine formant ogive. Mais il ne faut rien conclure de cette
sorte de ce que nous avons dit, ou plutôt du silence que
nous avons gardé là sur la chasse à la Baleine. Car, 1
uous n'avons rien dit de cette chasse, c'est qu'on ne la fai-
sait pas, à cette époque, sur la côte du Labrador canadien.
Car on peut croire que, après nous être arrêté si longtemps
et si fréquemment, dans l'ouvrage susdit, sur la pêche du
Hareng, de la Morue, et autres poissons peu volumineux,
si nous avions eu aussi des Baleines à nous mettre sous la
dent, nous ne les aurions pas oubliées dans un coin de
notre portefeuille.
Donc en 1895, année de notre expédition au Labrador,
il n’était pas question de chasse à la Baleine, ni de plu-
sieurs autres choses que l’on y a vues depuis. Ce pauvre
hameau des Sept-Isles, que nous trouvions si chétif, 1l est
voisin aujourd’hui d'une usine qui coûte des millions ! I]
entend le bruit des locomotives! Bien plus, il est devenu la
résidence d’un évêque (vicaire apostolique du Labrador) !
—Mais aussi, et voici qui tombe en notre sujet : une com-
pagnie industrielle formée depuis une couple d'années, la
‘ Quebec Steam Whaling Co.”, a établi dans la baie des
Sept-Isles une station de chasse à la Baleine: ce qui, tout
de suite, donne à penser qu'il y a encore des Baleines là-bas.
LA CHASSE À LA BALEFINE 151
D'après des renseignements donnés par les Journaux,
cette Compagnie, composée de Canadiens-Français et d’'An-
glais (l'entente cordiale, encore !), est organisée sur un
pied considérable. KHlle emploie 75 hommes. Elle a bâti
un quai long de 500 pieds, et des réservoirs d’une conte-
nance de 100,000 gallons d'huile. Enfin son installation
aurait coûté déjà $130,000.00, c’est-à-dire plus de 650,000
francs, |
On capture les Baleines dans un rayon d’une vingtai-
ne de milles, autour des Sept-Isles.
En 1905, on dépeça 66 Baleines, au cours de la saison.
Cette année, durant les seuls mois de juin et juillet, on a
pris 47 spécimens. D’après des nouvelles récentes, vers la
mi-septembre on avait atteint le nombre de 71 captures, la
dernière étant une Baleine de 80 pieds de longueur.
Comime plusieurs membres de la Station de Biologie
maritime du Canada ont dû visiter, cet été, la station des
Sept-Isles, nous espérons pouvoir connaître bientôt quelles
espèces de cétacés l’on capture ainsi dans ces parages du
fleuve Saint-Laurent.
Il paraît que les marchés où la Compagnie dispose des
produits de son industrie sont les-provinces d’Ontario et du
Nouveau-Brunswick, la France et l’Ecosse.
Passons maintenant à la colonie de Terre-Neuve.
Dans un récent article d'un journal québecquois sur la
chasse à la Baleine, on lit que, en ces dernières années, on
a capturé annuellement de 1000 à 1200 Baleines dans les
eaux qui entourent la grande île. Il faut dire aussi que
les entreprenants T'erre-Neuviens sont supérieurement outil-
lés non seulement pour la poursuite des cétacés, maïs aussi
pour l’utilisation de toutes les parties de la Baleine. Etil
paraît que l’industrie baleinière, pratiquée en de telles con-
ditions, est extrêmement lucrative.—Tant pis, alors, au
point de vue de l’histoire naturelle. Plus en effet cette in-
dustrie donnera de profits, plus on l’exploitera, et plus tôt
152 LE NATURALISTE CANADIEN
l’on en aura fini avec les gros cétacés, l’ornement des
océans ! Maïs, on peut croire que les industriels ne vont
pas renoncer à tirer des Baleines tous les profits qu'ils
pourront, afin de laisser aux naturalistes de l'avenir le
‘plaisir de contempler des monstres marins de cent pieds !
En tout cas, nous croyons que notre estimable ami de
Paris sera charmé d’apprendre qu’il y a encore des Baleines
dans les eaux canadiennes, et qu’il ne différera pas trop le
voyage qu’il projette de faire en Amérique, pour ne pas
laisser le temps aux gens des Sept-Isles et de Terre-Neuve
d’exterminer tous nos cétacés.
TT
GLANURES D'HISTOIRE NATURELLE
LE PLUS VIEIL HABITANT DE LA TERRE
Ï1 vient de mourir! C'était Drake, la fameuse vieille
Tortue du Jardin zoologique de Londres. Il s'agit de cen-
taines d'années ! La Tortue fut capturée dans les îles Ga-
lapagos, vers la fin du XVIIIe siècle. On estima alors son
âge à une couple de siècles, d’après une date écrite au
couteau sur sa carapace, où l’on voyait encore le nombre
16, les autres chiffres à droite étant effacés. On conclut
de là qu’elle avait dû être capturée d’abord au XVIIe
siècle par les pirates anglais ou français qui, à cette époque,
disputaient aux galions espagnols le passage de Mexico
aux Philippines et avaient fait des îles Galapagos leur lieu
de rendez-vous. Un de ces flibustiers, en veine de plai-
santerie ou de zèle scientifique, aura inscrit la date de la
capture sur le dos de l’animal et remis celui-ci en liberté.
Drake, le fameux Sir Francis Drake, ayant été le chef de
ces pirates, on donna son nom à la Tortue. Klle fut em-
portée en Angleterre en 1821. Après avoir changé plu-
GLANURES SCIENTIFIQUES 153
sieurs fois de propriétaire, elle finit par trouver un refuge
confortable pour son vieil âge dans les jardins du Xegexls
Park. Sion ajoute foi à cette histoire et si on tient
compte du fait que le reptile, lors de sa première capture,
avait au moins cinquante ans, le temps requis pour at-
teindre l’âge adulte, on voit qu’il a vécu au delà de trois
siècles ! Sa mort a été une surprise pour les employés du
Jardin zoologique. Ils étaient accoutumés à le voir abso-
lument immobile pendant de longues périodes, ne remuant
même pas les yeux. Il y aura dans la biographie de
‘“ Drake ?” une sérieuse lacune : c'est qu’on ne poufra indi-
quer la date précise ni de sa naissance, ni de sa mort ; car
lorsqu'on s’aperçut du fait, elle était probablement morte
depuis plusieurs jours. ,Szc éransit gloria mundi
LES BIJOUX VIVANTS
Il y a quelques années, le Caméléon vivant était le
bijou favori des grandes dames et des belles demoiselles de
New-York, dont aucune, soit sur la rue, soit en voituie où
en char, n'aurait voulu paraître sans le petit reptile multi-
colore aux yeux brillants, retenu, par une chaînette d'or pas-
sée autour de son cou et dont l’autre extrémité, au moyen
d’une épingle à diamant, se fixait au sein de la propriétaire,
Un instant, on put croire que le Caméléon serait aussi le
favori des messieurs, du moins des messieurs chaüves, dont
il était chargé de défendre l’occiput désert contre les atta-
ques des mouches. De cette tâche il s’acquittait à mer-
veille. D'un coup de langue infaillible, il happait l’in-
truse à tout coup. Maïs dans son élan m’avait-il pas l’indé-
licatesse d’enfoncer ses griffes dans le cuir chevelü—ou ex-
chevelu—de son maître ? A cela point de remède. Il fal-
lut y renoncer.
Le gros coléoptère appelé “ pinch-bug” fut quelque
temps en faveur auprès de ces dames, Noir et brillant
20— Octobre 1906,
154 LE NATURALISTE CANADIEN
comme du cuir verni, il faisait assez bonne figure. Mais
enchaîné, il mourait du tétanos. Il n'eut qu’un règne
éphémère.
Le diminutif chimpanzé vint à son tour disputer au
petit chien les faveurs de mesdames. A son tour il passa.
Aujourd’hui ce sont les puces qui font fureur à New-
Vork ! Elles ont envahi l’avenue Riverside, où se trouvent
les résidences les plus chic de Gotham. (Cela ranime les
‘“ sangs bleus”; et on se demande si la nouvelle fantaisie,
accréditée dans la haute gomme, ne se répandra pas géné-
ralement dans toutes les grandes villes de la Nouvelle-
Angleterre.
ETRANGE SAURIEN FOSSILE,
Une découverte paléontologique du plus grand inté-
rêt a été faite récemment, à Peterborough, Angleterre,
dans une excavation de briqueterie. En coupant dans l’ar-
gile dure, à une profondeur de 60 pieds, les travailleurs
mirent à découvert les restes d'un des sauriens les plus re-
marquables dont on ait encore signalé l'existence. Le
squelette est celui d’un reptile qui mesurait 14 pieds de
longueur. La queue était longue de trois pieds. Le corps,
semblable à celui du Crocodile, devait être épineux. Dé-
pourvu de pieds, l’animal était muni de pattes-nageoires
(fippars), dont on trouva des centaines de petits os. Mal-
heureusement, la tête manquait ; ce qui va rendre l'identi-
fication fort difficile. Tous les experts qui ont examiné
cette trouvaille ne savent qu’en dire. Un Crocodile avec
des membres-nageoires, voilà qui est étrange. En tout cas,
s’il s’agit d’une espèce d’Ichthyosaure, elle est entièrement
différente de toutes les espèces déjà connues.
LAPINS D'AUSTRALIE
Depuis un bon nombre d'années, les Lapins en Aus-
GLANURES SCIENTIFIQUES 155
tralie sont un des plus grands fléaux des agriculteurs.
Mais ils semblent maintenant être une source de revenus
et l’objet d’une florissante industrie. On estime que lex-
portation du Lapin rapperte annuellement à l’Australie
une dizaine de millions. Et l’industrie se développe rapi-
dement. Le revenu ne fera qu'augmenter.
Comment le Lapin a-t-l été rendu profitable ? Les car-
casses, en chambre froide (cold storage), sont expédiées en
Angleterre et dans l’Extrème-Orient à Vokohama et Hong:
Kong. Des milliers de caisses à Jour en sont journelle-
ment expédiées. Mais ceci ne représente qu’une fraction
du profit La chair de l’animal mise en conserve rapporte
aussi beaucoup. Toutefois, ce sont les peaux qui rappor-
tent le plus. Chaque semaine, 150 tonnes de peaux sont
vendues à Sydnev, et 100 tonnes à Melbourne. Les prix
ont déjà monté de 50 pour cent depuis janvier dernier.
Cette dernière industrie est devenue tellement profitable
que nombre de chasseurs négligent entièrement les car-
casses et ne retiennent que les peaux.
Au reste, le Lapin australien ne peut plus être comme
autrefois un objet de si grande terreur. Autrefois c'était
un fléau sans profit, et un fléau dont 1l était impossible
d’enrayer la prodigieuse multiplication. Aujourd’hui, non
seulement on en retire un immense revenu, inais on peut
encore le détruire si on y tient. Tous les procédés employ-
és pour faire disparaître ces animaux si nuisibles étaient
jusqu'à présent demeufés sans effet. Mais on vient d’in-
venter une petite chaudière à vapeut pouvant se transpor-
ter aisément au milieu des champs. Des tuyaux, partant
de cette machine, s'adaptent hermétiquement aux terriers,
et des jets de vapeur sont lancés qui vont tuef tous les
rongeurs à domicile. On a donc le choix maintenant ou
de les exterminer ou de les convertir en or! Pour Îles ex:
terminer, il ne s’agit plus que de trouver les orifices des
terriers. Quand on connaît les trous, on prend les Loup:,
156 LE NATURALISTE CANADIEN
dit le proverbe. C'est maintenant la même chose avec les
jeannots d'Australie ! B.
——( O)——
LES ROIS DE RATS (1)
Je serais curieux de savoir si l’on a observé récemment
fe singulier phénomène connu sous le nom de Xoz de Rats,
et s’il en existe une explication satisfaisante (2).
Le seul cas qui, à nta connaissance, ait été signalé ent
France (dans la Sarthe) est celui qui est relaté en 1900
dans le joutnal la Mature, et sur lequel je reviendrai pius
tard.
Si, en France, ce phénomène paraît tout à fait excep-
tionnel, il semble, au contraire, qu’autrefois en Allemagne
il était assez fréquent. J'ai fait à ce sujet quelques re-
cherches dans ma bibliothèque et y ai trouvé les documents
suivants relatés dans trois anciens opuscules :
1° Observatio D. Günthert Christophort Schelham-
mert Hurts maïoris monstrosus partus (Ex. Æphemeridac
Naturae Curiosorum, 1690, Pp. 253).
2° Jos. Joach. Bellermann. Ueber das bisher bez-
wetrelte Daseyn des Raltenküniges. Etre naturgeschicht-
liche Vorlesung. Berlin, 1820.
3° Alan. Der Rattenkünig, rex rattorunr. Raltt
(1) Si quelqu'un de nos lecteurs x eu connaissanc : d'exemples, arri-
vés en Amérique, de la monstruosité dont il est quest'on dans l'articie
que nous reproduisons ici, nous le prions d’en dire un mot au Vafuru-
liste canadien.—(Note du À. C})
(2) On appelle Lois de Rats des agglomérations de Rats dont les
queues sont nouées, formant ainsi une couronne dont les corps sont les
rayons ; le nœud des queues est généralement surélevé. Ces singuliers
monstres ne peuvent pas se déplacer et paraissent être nourris par les
Rats libres du voisinage.
LES ROIS DE RATS 157
Un
caudis implicati (Ex. Fünfter Jahresb. des Mannhermer
l’ereines für Naturkunde, 1838, p. 13.)
Le cas cité par Schelhamimer (1690) est le suivant:
Le plancher carrelé d’une cuisine laissait par un trou sortir
quelques Rats. On essaya de les ébouillanter par cette ou-
verture ; on vit aussitôt s'échapper quatre Rats et, de petits
sifflements plaintifs se faisant entendre, on enleva les car-
reaux et on vit un Rat qui ne pouvait fuir. Une servante
le saisit avec des pincettes, mais la queue se détacha; elle
plongea de nouveau les pincettes et amena tout le paquet
sifflant et gémissant, au milieu duquel se dressaient les
queues ‘ comme une chevelure de mégère ou une tête de
méduse”. Ces Rats ainsi réunis ne pouvaient pas se dé-
placer, car ils étaient disposés en cercle autour du centre
formé par la jonction de leurs queues ; on les tua et on les
jeta au cabinet. Schelhaimmer croit qu’ils étaient nourris
par les quatre Rats libres qui s'étaient échappés les pre-
iniers,
Ce mème Schelhammer dit que, quelques années au-
paravant, à Weimar, on trouva également un Roi de Rats
dans le mur d’un vieux moulin.
Passons aux faits plus nombreux décrits par Beller-
mann.
En 1714, Valentin: (Wuseum Museorum, 1714, page
151) parle d’une couronne de six individus trouvée à Son-
dershausen (est-ce celle qui existait encore dans le musée
de cette ville plus d’un siècle plus tard ?)
En 1727, le pharmacien Lincke, de Leipzig, raconte
dans Sammilnng von Natur-und Medicin. Geschichte (1727,
pages 205-223), plusieurs anecdotes sur les Rois de Rats et
en cite un notamment que possédait le licencié Carl à Gæ-
deru (Saxe). Il dit aussi qu’en juillet 1719, un domestique
du comte de Stolberg en trouva un de neuf individus sous
ua toit, et qu'à Tambachshof près Gotha, en 1722, on dé-
couvrit un Roi de Rats 1rort et desséché dans une petite
158 LE NATURALISTE CANADIEN
cage au fond d’une vieille chambre qu'on déménageait ; 1f
avait encore cinq corps, sans poils. La cage n’avait que 7
pouces de long et 5 de latge, tout juste la place nécessaire
pour contenir le monstre, et on ne put l’en retirer qu’en dé-
truisant la cage dont l'ouverture était petite. Ce sont là
d’intéressants détails, car ils permettent de supposer que
l'animal composite était probablement né dans la cage et y
avait grandi sans pouvoir en sortir.
Enfin, Lincke parle d’un écrit remontant à 1683, édité
à Strasbourg chez J.-J. Felsenecker, qui couwipare (à tort)
les Rois de Rats aux Chats soudés par leur cordon ombili-
cal dont il cite un exemple repris par Chr. B. Carpzov dans
son X'alzenhistorie. Ce dernier auteur donne d’autres ex-
emples de Chats soudés ainsi. [1 n’y a pas lieu d'insister
ici, car il s'agit évidemment d'un phénomène tératologique
d’un ordre différent de celui qui nous occupe.
Le Dr Lieffmann (Zreslauer Naturgeschichte, mars
1722, p. 296) remarqua, en cette année 1722, dans la pro-
priété de M. Dicskau, à Leipzig, dix à douze Rats dont les
queues complètement jointes (il ne dit pas soudées) formaient
un appendice très épais et très large ; ce monstre fut con-
servé dans le cabinet d’histoire naturelle polonais-saxon.
Lyons-la-Forêt (Eure). ADRIEN DOLLFUS.
(Feuille des Jeunes Naturalistes).
(À suivre.)
O
LE MASSACRE DES OISEAUX
Nous reproduisions, le mois dernier, un article d'une
tevue parisienne sur le véritable massacre qui se pratique,
en divers pays, d'oiseaux destinés à l’ornementation du
chapeau de ces dames.
L'ARACHIDE (PEA-NUT) 159
Qu'on lise maintenant cette coupure de l’U/wzvers, du
19 septembre dernier, sur ces barbares tueries :
D'après la revue Awimals friend, V'Angleterre a 1m-
porté en 1905 trente millions d'oiseaux exotiques destinés
aux chapeaux de femmes. Un seul fabricant de Londres a
reçu des Indes-Orientales, pour les besoins de sa clientèle,
400,000 Oiseaux-Mouches, 600,000 Oiseaux de paradis, 450,
000 oiseaux de variétés diverses. La revue en question
affirme que, tous les ans, de 290 à 300 millions d'oiseaux
sont tués pour faire face aux demandes des modistes des
pays civilisés !
[e)
J/ARACHIDE (PEA-NUT)
Le Courrier de Saint Hyacinthe (6 octobre) rapporte
qu'on a cultivé, cette année. des Arachides (Pea-Nuts) à
Saint-Hyacinthe. Sans doute, les fruits ne sont pas arri-
vés à maturité ; mais il est déjà ‘intéressant de constater
qu'ils ont pu être produits dans notre Province.
L'abbé Provancher a raconté (W. C., vol. V, p. 423)
que, à l'exposition provinciale tenue à Montréal en 1873,
il a vu cette même plante, portant des gousses, parmi les
productions du Kansas. Il n’y a donc rien d'étonnant à ce
qu'elle puisse croître, fleurir et faire des fruits sous notre
climat. Seulement, il n’y a pas lieu d’espérer que ces
fruits arrivent à maturité en notre pays.
Le noin botanique de l’Arachide, dite aussi Pistache
de terre, est: Arachys kvpogen, L. Elle appartient à la
fainille des Légumineuses, et n’a qu’un pied de hauteur.
Après la floraison, ses gousses s'enfoncent en terre pour v
croître et müûrir: une façon d'agir qui est pour le moins
étrange, les végétaux ordinaires n'ayant pas coutume de
fuir le soleil pour mener leurs graines à maturité.
160 LE NATURALISTE CANADIEN
PUBLICATIONS REÇUES
— Annual Report of the Smithsonian Institution, 1904. U. S. National
Museum. Washington, 1906. —Une grande partie de ce volume est consa-
crée à une histoire de la Géologie américaine, avec nombreux portraits.
La question de l’Zozoon y est traitée dans un chapitre spécial et résolue
dans la négative.
— Annales de la Société entomologique de Belgique.— Tome 49. Bru-
xelles, 1905.
-_ Bulletin de la Société linnéenne du Nord de la France.—Nos 366-
368. 1905.
— Bulletin de la Société des Siences historiques et naturelles de Semur-
en-Auxois.— Année 1904.
— Annuaire du Séminaire de Chicoutimi, 1905-06. Belle brochure,
très intéressante pour les amis de l'éducation, et qui indique combien en
cette maison d'enseignement se continuent les progrès du passé.
—Le Nouveau Québec, région du Témiscamingue. Ressources agri-
coles, forestières, minières el Sportives. Par Alfred Pelland, publiciste
du Département de la Colonisation, des Mines et Pécheries. Québec, 1906.
Cette brochure de 168 pages contient,avec une carte de la région décrite,
une foule de gravures hors texte très bien exécutées. Géographie, his-
toire, ressources, tout est mis à contribution pour faire connaître le
‘* Nouveau Québec.” L'auteur n’a pas manqué non plus de donuer des
preuves de ses assertions, sous forme d'‘‘exemples de prospérité’, dont
l’on peut dire qu'ils sont ‘‘vécus”’. Enfin, une foule de renseignements
propres à guider les colons futurs, ou du moins possibles, ajoutent beau-
coup de valeur pratique à cette publication officielle, qui est bien l’une
des plus avenantes qu’ait publiées le gouvernement de la Province.
SR
CE
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Novembre 1906
VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No jf
= LEE _— == 22
Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard
LES VERS DE TERRE OÙ LOMBRICS
On nous demande s’il est un moyen pratique pour se
débarrasser des Lombrics ou vulgaires Vers de terre se
trouvant en abondance dans la terre d’un jardin. Cette
question montre que l’on a encore, sur le rôle joué par ces
animaux dans la terre arable, des idées erronées, ce qui
justifie quelques explications à leur sujet.
L'action des Lombrics sur la terre arable a été étudiée
par Darwin qui a écrit, sur cette question, un magistral
ouvrage ; à sa suite, d’autres naturalistes ont repris cette
étude et leurs recherches ont confirmé les observations
faites par ce savant.
Chacun sait que les Vers creusent dans le sol des ga-
leries pouvant atteindre jusqu'à 1 et 2 mètres de pro-
fondeur ; ces galeries contribuent à l’aération, à l’assainis-
sement du sol, dans une proportion qui n’est pas négli-
geable, si l’on songe qu’un hectare de jardin peut héberger
jusqu’à 100,000 Lombrics. On admet que la terre des
champs et prairies en contient environ la moitié de ce
chiffre, quoique leur nombre varie beaucoup, suivant la
nature du sol; les terres fraîches, argileuses et humifères
21—Novembre 1906.
162 LE NATURALISTE CANADIEN
en renferment davantage que les sols légers, pauvres en
humus. Les plantes utilisent les galeries creusées par les
Vers pour enfoncer leurs racines à une profondeur plus
grande que celle qu'elles pourraient atteindre dans une
terre compacte, ce qui leur permet d'utiliser mieux les
réserves accumulées dans le sous-sol.
Pour creuser leurs galeries, les Lombrics avalent la
terre qu’ils rejettent pendant la nuit à la surface du sol, où
elle forme les petits tas ou turricules bien connus, abon-
dants surtout dans les prairies, après la pluie. Darwin a
calculé qu’ils rejettent, en moyenne, environ 24.500 kilog.
de terre par hectare, dans le cours d’une année, contribuant
ainsi à niveler la surface. Ce sont donc de véritables la-
boureurs, et le rôle qu’ils jouent pour l’ameublissement et
l’aération du sol est des plus utiles.
Les Vers de terre se nourrissent essentiellement de
feuilles tombées, de débris végétaux qu'ils entraînent dans
leurs galeries pour les ramollir par le suc alcalin sécrété
par leur bouche et les avalent ensuite. Ces débris sont
transformés ensuite en humus plus rapidement décompo-
sable, à preuve que la terre contenant des Vers dégage plus
d'acide carbonique, produit de la décomposition, que celle
qui en est dépourvue. La nitrification s’y fait aussi plus
rapidement ; dans des recherches que nous avons faites
ainsi que M. Th. Bieler, la proportion d’azote passé à l’état
de nitrate était la suivante, après trois'semaines :
CEE :
Mérre primitive .. 14 te l000,7n7
Terre rejetée par les Vers 3,80/
Cest une proportion de cinq fois plus considérable.
Le Lombric possède de chaque côté de l’œsophage ou
canal digestif, trois paires de grosses glandes qui sécrètent
une quantité surprenante de calcaire ou carbonate de
_chaux ; celui-ci s’y trouve en petits cristaux ou sous forme
de concrétions. Ces glandes servent d'organes d’excrétion
LES VERS DE TERRE OÙ LOMBRICS 163
et aident à la digestion, en neutralisant les acides contenus
dans les débris végétaux qui constituent la nourriture.
Dans les échantillons de déjections de Lombrics, recueillis
sur des sols divers, nous avons trouvé que la proportion du
carbonate de chaux v est plus grande que dans la terre ad-
jacente, n'ayant pas passé dans le corps de ces animaux;
d’après nos chiffres, la quantité de carbonate de chaux
ainsi régénérée serait de 25 à 250 kilog. par hectare, en
admettant pour la terre rejetée le poids indiqué par Dar-
win. Le calcaire du sol tend à disparaître de la couche
arable, entraîné dans la profondeur par l’action dissolvante
de l’eau de pluie et de neige chargée d’acide carbonique.
Les Vers jouent donc, à ce seul point de vue, un rôle des
plus utiles, en régénérant le calcaire, dont la proportion
tend sans cesse à diminuer.
I résulte des explications précédentes que les Lom-
brics sont d'importants auxiliaires de l’agriculture, en
ameublissant, aérant le sol, activant la formation et la dé:
composition de l’humus, reconstituant le calcaire, etc. Au
lieu de les détruire, en arrosant par exemple le sol avec du
purin fort, on doit, au contraire, en favoriser la multiplica-
tion, en supprimant leurs ennemis, en particulier les T'aupes.
Ce n’est que dans des conditions exceptionnelles, quand
leur nombre serait devenu très grand, dans un jardin, par
exemple, que l’on pourrait craindre qu’ils ne s’attaquent
aux plantes elles-mêmes ; et les moyens pour en diminuer le
nombre ne manquent pas: labourage, arrosage au purin,
etc. G. DUSSERRE,
directeur de la Station d'essais
de Lausanne (Suisse).
—— (0) —
164 LE NATURALISTE CANADIEN
CHRONIQUE
Un oiseau à quatre pattes. —Y,es indigènes de l’Amé-
rique méridionale donnent le nom de ‘ Cigana” à un
oiseau remarquable, assez rare, dont un explorateur vient
de capturer un exemplaire. L'oiseau a quatre pattes, et
celles de devant, en même temps que l’oiseau se développe,
deviennent des ailes. Pendant un temps assez considérable
après son éclosion, le jeune oiseau, incapable de voler
encore, monte sur les arbres en se servant de ses griffes,
L’habitat favori de cet étrange volatile est parmi les Callas
géants des tropiques, dans des endroits vaseux et bas. La
taille du Cigana est celle de notre Faisan ordinaire. J/oi-
seau émet un cri lugubre qui n’est pas précisément encou-
rageant pour le voyageur perdu au milieu d’une région
sauvage et peu fréquentée.
Un Eléphant extraordinaire. —On a plus de facilité
à croire à l’énorme taille du défunt Mastodonte quand on
voit des Eléphants tels que le Musée d'histoire naturelle
de South Kensington (Angleterre) vient d’en recevoir un
d'Afrique. Ie pachyderme en question—le plus gros qui
aété tiré en Afrique depuis bien des années — mesurait 11
pieds 6 pouces de hauteur sur 23 pieds 2 pouces de lon-
vueur |
Æncore le Serpent de mer.—Un correspondant d’Ecosse
in’envoie un journal de Lochbroom qui contient la relation
suivante. ‘Un énorme Serpent de mer a été vu dans nos
environs plusieurs fois depuis quelques jours. Ses ébats
ont été constatés par plusieurs pêcheurs écossais, dont
l'imagination n’a pas pris le mors aux dents et qui ont fait
le récit qui suit. Le monstre marin a une longueur pro-
bable de 90 pieds, et hante sans doute les profondes caver-
nes situées dans l’océan près de nos côtes. Il a d’abord été
aperçu par trois pêcheurs de Corgeach, ensuite par deux
CHRONIQUE 165
commis des accises ; il sortit de l’eau à environ 800 verges
d'eux et s’en vint droit à eux à une vitesse de 60 milles à
l'heure. Un coup de fusil l’atteignit et le fit plonger subi-
tement. Quelque temps après, le monstre en question
heurta un yacht de 100 tonneaux qui s’en allait à Ullapool,
et le choc fut si violent que le petit navire fut soulevé à
plusieurs pieds hors de l’eau et sa coque plus ou moins
endommagée.”
Ce dernier détail me rend rêveur. Peut-être que
sachant tout le bruit qui se mène autour de sa curieuse
personnalité, le Serpent de mer a l’intention d’en finir avec
la vie, et a trouvé ce moyen original pour essayer de mettre
son plan à exécution...
Un vandalisme. — Un individu, malheureusement
resté jusqu'ici inconnu, a considérablement endommagé
l'œuf du grand Pingouin au musée de Scarborough (Angle-
terre), Cet œuf, valant £300, est conservé dans une boîte
avec un couvert vitré. Il y a quelque temps, cette boîte
fut trouvée sur une chaise du musée, tandis qu’une petite
fêlure qui avait commencé dans l’œuf l’aunée passée était
agrandie, et une partie de la coquille manquait. Cet acte
de vandalisme a enlevé à l’œuf une grande partie de sa
valeur, naturellement, le dommage étant évalué à £60.
Longévité des oiseaux. — Dernièrement mourait en
Angleterre une Oïe à l’âge authentique de 50 ans. Un
journal ayant qualifié cette mort de “prématurée”, un
chercheur établit clairement dans la Pal Mall Gazette, de
Londres, que 50 ans d'existence n’a rien de bien extraor-
dinaire pour une Oie, et qu’il y a des preuves bien établies
d'Oies et de Canards ayant vécu pendant plus de 100 ans.
Un ouvrage publié en 1807 mentionne l'existence dans un
des faubourgs de Glasgow d’une Oie encore très alerte à
âge de 120 ans. Il est curieux de constater que la plus
grande longévité existe chez des oiseaux de genres bien
différents : l’Aigle, par exemple, qui généralement dépasse
166 LE NATURALISTE CANADIEN
la centaine, et le Perroquet, qui lui aussi devient souverit
centenaire ; l’Oie et le Pigeon, qui vivent ordinairement de
50 à 75 ans. Parmi les oiseaux chanteurs, c’est l’Alouette
qui remporte la palme : il y a un cas bien prouvé d’une
Alouette encagée vivant jusqu’à l’âge de 22 ans et chantant
encore. Il est aussi prouvé que les bons soins et la nour-
riture propre à l’espèce prolongent de PHARES années la
vie des oiseaux chanteurs.
Un arbre...meurtrier.—Les journaux du Nicaragua
annoncent que le gouvernement de ce pays a nommé un
expert pour examiner un arbre remarquable récemment
découvert, et ce, à la suite de la mort d’un jeune homme
dont on trouva le cadavre, ainsi que celui du cheval qu'il
montait, au-dessous de l’arbre en question. Le cadavre
semblait avoir été touché par des flammes, et l'arbre exha-
lait une senteur extrêmement pénétrante, Il y avait au-
dessous de l’arbre meurtrier des ossements en quantités
considérables de Cochons, d’Anes, de Serpents et d'oiseaux.
HENRY TILMANS.
PCT ere
GLANURES D'HISTOIRE NATURELLE
UN BON MOT POUR LA MOUCHE
Ne vous répandez pas trop en imprécations contre la
Mouche domestique, Son extermination est loin d’être
désirable. (Comme beaucoup d’autres petits organismes
méprisés des hommes, elle accomplit une fonction vitale
dans la nature, en se multipliant dans des substances
mortes. ou putréfiées qu’elle prépare pour de précieuses
productions de vie animale et végétale. La pureté et la
douceur de l’atmosphère dans laquelle elle flotte sont en
grande partie dues à son ouvrage. Comme être nettoyeur
GLANURES SCIENTIFIQUES 167
et vidangeur, la Mouche, par conséquent, a droit à notre
estime et à notre reconnaissance. Mais pour la même
raison, bien entendu, elle doit être exclue autant que pos-
sible de nos demeures; et il faut soustraire à sa conta-
mination avec le plus grand soin toutes les substances co-
mestibles. Puissions-nous seulement, en considération de
leurs services, pardonner un peu aux Mouches les piqûres
qu’elles nous font et les ennuis qu’elles nous causent |
EE à -
L'ÉLEVAGE DES PAPILLONS
Une industrie nouvelle : l'élevage des Papillons. C’est
à Scarnborough, en Angleterre, que vient d’être faite cette
tentative d’ailleurs pleine de promesses.
L'année dernière, des Anglais avaient lancé dans les
parcs de Londres, plusieurs douzaines de magnifiques
Papillons, aux couleurs diaprées et chatoyantes, qui firent
la joie des habitués de ces lieux verdoyants.
Ce n’était qu'un essai, il a réussi admirablement.
Aussi va-t-on le renouveler, mais cette fois sur une plus
vaste échelle.
En effet, on a créé, il y a quelque temps, près de
Scarnborough, une ferme modèle, où l’on élève toutes les
variétés de Papillons, depuis les Papillons des régions
équatoriales, qui portent sur leurs grandes ailes toutes les
couleurs de l’arc-en-ciel.
Actuellement, il y a 20,000 Papillons dans cette ferme ;
ils seront répartis dans tous les parcs de la grande cité.
En outre, on tient en réserve 40,000 chrysalides desti-
nées, en cas de besoin, à combler les vides.
Et, sous peu, les Londoniens verront s'élever sur
leurs têtes de grands vols de Papillons de toutes grandeurs
et de toutes nuances qui peupleront les arbres de leurs
parcs.
*k * *X
168 LE NATURALISTE CANADIEN
LA ‘“GvyrPrsy MOTH ” EN AUTOMOBILE
I1 ne manquait plus que cela pour mettre le comble à
l’exécration publique envers les automobiles : il paraît que
les teufs-teufs servent à la transportation des “Gypsy Moths?,
cette peste qui a déjà causé des millions de dommages dans
le Massachusets, s’est répandue dans le New-Hampshire et
le Connecticut, et menace d’envahir maintenant, au sud
l’État de New-Vork, et au nord, le Canada A Mont-
réal, le cri d’alarme s’est déjà fait entendre contre cet
ennemi des arbres et de la végétation. Eh! bien, l’ento-
mologiste officiel de l'Etat de New-York, en prémunissant
le public de son Etat contre cette peste, révèle ce fait, aussi
effrayant qu’épatant, que la “ Gypsy Moth” se colle aux
automobiles et se transporte ainsi rapidement à de longues
distances. ‘“I/expérience, dit-il, a démontré que les auto-
mobiles sont réellement des moyens très actifs de transpor-
tation pour cet insecte; et étant donné la multiplication
toujours croissante de leur nombre, nul ne peut prévoir,
sous ce rapport, leur influence néfaste.” (C’est bien cela :
dorénavant tous les chemins appartiendront aux automo-
biles, que rien au monde n’empêchera de brûler les distances,
d’écraser les poules et les chiens, les moutons et les cochons,
les enfants et les femmes, bref, tous les piétons assez stu-
pides pour se trouver sur leur passage! Et par-dessus le
marché ces machines infernales répandront partout Île
fléau des “Gypsy Moths ” ! B.
LES ROIS DE RATS
(Suite et fin)
Le Dr Bellermann raconte qu'étant étudiant, à Erfurt,
en 1772, il y vit un Roi de Rats qu’on venait de capturer,
et malheureusement de massacrer. Il était formé de onze
LES ROIS DE RATS 109
individus dont les queues étroitement entrelacées formaient
une pelote de la grosseur d’un poing d'homme. (Cette
masse de queues entortillées dominait un peu les corps des
Rats qui rayonnaient autour de ce centre. Ce monstre fut
recueilli, en compagnie de Rats libres, en soulevant le
plancher d’une vieille maison qui servait de grenier.
D’après Lieffmann (toujours cité par Bellermann), le
le Dr Schultze trouva un Roi de Rats desséché comme
une momie en démolissant un vieux mur; il avait dans
cet état la largeur d’une gtande assiette. Les queues
étaient si bien embrouillées qu'un ‘fabricant de courroies
n'aurait pu faire aussi bien””,
Dans le Wiltenbergsche Wochenblatt, de 1774, pages
41-45, le Prof. Titius mentionne et figure seize Rats, dont
les queues étaient ‘‘ artistement nouées’”, trouvés dans un
moulin. L'auteur ne peut admettre qu’un pareil phéno-
mène soit l’œuvre de la nature et croit que pour le pro-
.duire il a fallu une intervention artificielle. Pourtant le
même Titius cite l'exemple d’nn autre Roi de Rats, formé
de douze individus, trouvé dans une écurie pendant la
guerre de Sept Ans,
Bellermann vit, à Arnstadt, en 1783, dans l’ancienne
résidence des princes de Schwarzburg, cinq tableaux à
l'huile qui représentaient autant de Rois de Rats: il en
donne la description. Nous en retenons la couleur des
Rats ainsi reproduits: le premier était formé de six Rats
d’un jaune brun (trouvés, dit la légende, à Arnstadt, le 26
novembre 1759). Le second se composait de huit grands
individus d’un brun rouge, recueillis, le 18 février 1705, à
Sondershausen. Le troisième paraît reproduire le phéno-
mène décrit par Valentini. Le quatrième, très intéressant,
est formé de plusieurs (on ne dit pas le nombre) Souris
blanches. 1, cinquième, qui comprend neuf individus, ne
présente rien de particuler,
22—Novembre 1906, |
170 LE NATURALISTE CANADIEN
M. Weitsch, directeur de l’Académie de peinture,
raconte qu’en 1794, à Brunswick, dans une fosse à fumier
) 9
qui n'avait pas été vidée depuis dix ans, on trouva une ag-
glomération de sept individus.
Les observations du Prof. Meisner, de Berne, ont un
certain intérêt, car elles sont accompagnées d’hypothèses
bizarres pour l'explication du phénomène; elles sont con-
signées dans VNaturwissenschafiliher Anzeiger der allge-
meinen Schweizserischen Gesellschaft für die gesammiten
Naturtwissenschaften, Zweiter Jahrgang, Aarau, 1819. Un.
de ses amis lui apporta, en 1816, un groupe de quatre in-
dividus morts trouvés dans une pièce où on avait conservé
de la tourbe. L’'explication est amusante : le savant pro-
fesseur, ayant constaté que la cavité formée par le nœud
des queués était remplie de tourbe et de paille, suppose
qu’il s’agit là d’une sorte de nid formé par la mère rate;
celle-ci sur le point de mettre bas aurait mis à mort d’au-
tres Rats et leur aurait noué la queue pour en faire une
véritable litière ! [1 y a mieux encore. Ayant entendu par-
ler de la découverte, sous un parquet, d’un Roi de Rats
vivant, fotiné de sept gros individus, il conclut sans hési-
ter que ces malheureux captifs se sont introduits dans
l’'étroit espace qu’ils occupaient et s'y sont noué la queue
afin de faire de leurs corps une couche moelleuse pour une
Rate pleine qui aurait sans doute, quelques jours plus
tard, trouvé ainsi un doux berceau pour la jeune portée ! !
Laïssons ces dévouements sublimes à la gent ratière
et à l'imagination du professeur Meisner, et voyons les faits
exposés par d’autres auteurs.
Le professeur Kilian, dans l’excellente note citée plus
haut, dit qu’en 1837, à Zaisenhausen, près Bretten, à la fin
de mars, un homme travaillait dans ‘une écurie d’où il vit
sortir, à diverses reprises, quatre Rats qui cherchaient des
fruits et rentraient aussitôt. Il les tua l’un après l’autre
et il entendit alors du bruit derrière la boiserie; il décloua
LES ROIS DE RATS 171
celle-ci et vit une masse de douze gros Rats adultes dont
les queues étaient nouées ; le correspondant de Kilian fait
remarquer qu'il lui aurait été impossible de défaire ce
nœud gordien sans le briser et qu'il devait évidemment
s'être formé dès le jeune âge des Rats. Il est certain aussi
que le Roï de Rats devait être nourri par les Rats libres qui
apportaient continuellement de la nourriture dans le trou.
Passons aux auteurs modernes. Brehm, dans sa clas-
sique Ve des Animaux illustrée (édition française, 12e
série, p. 109), raconte le singulier procès qui s’est déroulé
en 1774 devant le tribunal de Leipzig: un Roi de Rats
formé de seize gros individus adultes avait été découvert
en janvier dans un moulin à Lindenau et tué par un nom-
mé Christian Kaiser; un de ses amis, Fasshauer, avait em:
prunté le monstre, pour le peindre, disait-il Mais il en
tira parti en le faisant voir pour de l’argent, d’où procès à
lui intenté par Kaïser. Le médecin chargé par le tribunal
d'examiner l’objet, conclut que les Rats devaient s'être
blottis dans un coin pour chercher à se protéger mutuel-
lement ; et les excréments des Rats placés au-dessus étant
tombés sur leurs queues qui étaient au-dessous devaient
s'être gelés et avaient maintenu les queues collées ; dans
leurs efforts pour se détacher, celles-ci s'étaient entortillées,
Nous ne nous arrêterons pas à cette invraisemblable ex-
plication.
Brehm cite d'après Lenz un autre exemple plus inté-
ressant à cause du nombre des Rats qui s'étaient ainsi réu-
nis: “ A Dollstedt, près Gotha, on trouva en même temps
deux Rois de Rats en décembre 1822 ‘Trois batteurs en
grange entendirent un léger piaulement dans là grange du
forestier ; ils cherchèrent avec l’aide du domestique, et
virent qu'une poutre était creuse. Dans sa cavité, se trou-
vaient quarante-deux Rats vivants. Cette cavité avait été
probablement faite par eux; elle avait environ 15 centi-
mètres de profondeur ; on ne voyait aux alentours
172 LE NATURALISTE. CANADIEN
ni excréments, ni débris de nourriture. Elle était d'u
accès facile surtout pour des Rats, et restait couverte
de paille toute l’année. Le domestique retira les Rats
qui ne voulaient ou me pouvaient quitter leur de-
meure. Îles quatre hommes virent alors avec horreur
vingt-huit de ces Rats attachés par la queue et formant un
cercle autour du nœud ; les quatorze autres présentaient
la même disposition. Ces quarante-deux Rats paraissaient
tous souffrir de la faim et piaulaient continuellement ; du
reste, 1ls paraissaient bien portants. Ils étaient tous de
même grandeur et, d’après leur taille, on pouvait conelure
qu'ils étaient nés le printemps précédent. Leur couleur
était celle des Rats ordinaires. Aucun ne paraissait mott.
Ils étaient très tranquilles et supportaient paisiblement
tout ce que leur faisaient les hommes qui les trouvèrent.
Les quatorze Rats furent portés vivants dans la chambre
du forestier, où arrivèrent bientôt une foule de gens,
curieux de voir cette monstruosité. Quand la curiosité
publique fut satisfaite, les batteurs les transportèrent en
triomphe dans la grange et les tuèrent tous à coups de
fléau. Ils prirent ensuite deux fourches, les transpercèrent,
tirèrent de toutes leurs forces en sens opposé, et sous cet
effort trois Rats se séparèrent du groupe. Leur queuen’en
fut point arrachée ; elle paraissait intacte, et montrait seu-
lement l’empreinte des autres queues, à la façon d’une
courroie qui aurait été longtemps serrée par une autre.
Les vingt-huit furent apportés à Pauberge et exposés aux
veux de tous les curieux.”
Nous retenons dans ce dernier exemple deux faits in-
téressants : d’abord la présence simultanée, dans un même
réduit, de deux Rois de Rats, dont l’un était formé de
vingt-hurt individus, nombre de beaucoup supérieur à celui
d’une portée unique (celle-ci ne dépassant guère seize
jeunes). Lautre, c’est que les queues de l’un des groupes
ont pu se détacher sans se briser. De sorte qu’elles ne
LES ROIS LE RATS / 173
sont pas toujours si étroitement entrelacées que semblent
le faire croire les exemples cités plus haut.
Dans Za Nature, 1900 (11), p. 19-20, M. Oustalet,
professeur au Muséum, dit avoir reçu de M. Henri Richer
la photographie d’un Roi de Rats formé de sept individus
encore jeunes, dont les corps avaient environ dix centi-
mètres.
Ce Roï de Rats, trouvé à Courtalain, en novembre 1899,
au fond d’un trou de mur(1}, a été donné au musée de Châ-
teaudun par M. H. Lecomte. M. Oustalet croit, comme le
médecin de Leipzig dont je viens de parler, que les adhéren-
ces des queues sont causées par la gelée; cette hypothèse
est d'autant moins plausible que presque tous les Rois de
Rats se trouvent dans des endroits très abrités, hors de
toute atteinte de la gelée.
Quoi qu’il en soit, laissant de côté les hypothèses ori-
ginales ou simplement invraisemblables dont j'ai donné
des exemples, et les croyances populaires qui, autrefois, en
Allemagne, avaient fait du Roi de Rats l’objet de légendes
merveilleuses, 1l faut admettre tout simplement (ainsi que
Kilian l’expose très nettement dès 1838) qu’à l’état jeune,
les petits Rats, d’une ou de plusieurs portées voisines, se
trouvant dans un réduit très étroit, s’entortillent et s’entre-
lacent en formant un nœud d’autant plus inextricable que
ces queues, à cet Âge, sont tendres, longues, très mobiles et
couvertes d’un exsudat collant. La présence de paille, de
foin ou de poil dans le trou où se trouve la jeune nichée
peut faciliter l’entrelacement des queues.
Un autre fait qui me paraît curieux à faire ressortir,
car il a une réelle importance au point de vue psycholo-
gique, c’est la manière dont les Rois de Rats sont alimen-
tés. Des exemples cités plus haut, il résulte bien net-
tement que les Rois de Rats sont incapables de se mouvoir
(1) C’est par erreur que, dans le dernier numéro, en parlant de cette «
découverte, j'avais écrit Sarfhe. C'est Eure-et-Loir qu'il faut lire,
f74 LE NATURALISTE CANADIEN
partant d'aller chercher leur nourriture, et qu’ils sont err-
tretenus d’une façon continue et pendant toute la durée
d’une vie normale, par des Rats libres, sans doute de la
même portée qu'eux. Sans aller aussi loin que le Prof.
Meisner, on ne peut qu'être frappé de la constance de ce
sentiment de solidarité dans la gent ratière.
Lyons-la-Forêt (Eure). ADRIEN DOLLFUS.
NOTES ADDITIONNELLES SUR LE ROI DE RATS
Je reçois de M. le marquis du Buysson lintéressante
lettre qui suit :
Je ne veux pas attendre la fin de votre note pour vous
envoyer quelques détails sur ce que j'ai observé moi-même
cette année-ci à ce sujet et pour la première fois il y a
environ deux mois,
On vint un jour me prévenir qu'il y avait un nombre
considéfable de gros Rats dans le compartiment d’un pou-
lailler où l’on avait mis une mue à engraisser la volaille.
Deux de mes domestiques et moi-même, les uns armés
d’une pelle, les autres d’un balai, nous nous mîmes à faire
la chasse et à abattre à mesure les Rats quigrimpaient aux
murs. On en tua neüf et tous appartenaient à la même
espèce, au Rat noir (Aus rattus L,.), auquel le Rat dégoût
(Mus decumanus Pall.) déclare une guerre acharnée au
point de faire craindre la disparition de cette espèce (V.
Ern. Olivier, Æssar sur la faune de l'Allier, p. 19, 1880).
Deux des couvercles de la mue étaient relevés depuis
un temps assez long, et les Rats y avaient accumulé un
monceau de paille qui leur servait de cachette. C'était en
abaissant ün de ces couvercles qu’on avait découvert cette
nombreuse famille. Un seul d’entre eux s’échappa par un
trou qu'on n'avait pas eu la précaution de boucher tout
d’abord. Il y avait là le père et la mère, faciles à recon-
naître à leur taille plus avantageuse, et huit petits qui
avaient presque atteint la taille d’adulte. C'était ceux
LES ROIS DE RATS 175
d’une première portée, car, en écartant la paille, on en
trouvait une seconde de tout jeunes, non encore sevrés,
mesurant environ six centimètres du nez à la naissance de
la queue. Chose bizarre qui frappa mon attention et m’em-
pêcha de les tuer sans regarder, c’est qu’ils étaient tous
adhérents les uns aux autres par la queue, et je me suis
demandé aussitôt comiment cet amas de sept bêtes, deve-
nues adultes, auraient pu trouver les moyens d’existence.
En les saisissant, le septième se détacha, il n'avait plus que
la moitié de sa queue, et l'extrémité qui le retenait aux
autres s'était atrophiée et j'estime qu’il serait arrivé de lui-
imême à se détacher du bloc. Quant aux autres, la sou-
dure était à peu près faite par le milieu de la queue de
chacun, l'extrémité conservant peu sa mobilité; l’un
d’entre eux avait même une de ses pattes postérieures en-
gagée dans ce nœud gordien; je l’ai tirée de force pour
l'en arracher et je l’ai trouvée blanchie et atrophiée,
comme le bout de la queue de celui que j'avais d’abord dé-
taché. Je continuais à examiner cette rosace composée de
cinq animaux, et Je vis que cet accident provenait de ce
que la mère avait fait ses petits dans un nid garni de duvet
et c'est ce duvet qui, par l’effet d’une bizarrerie due au put
hazard, s’est feutré de lui-même sous le frétillement de
toutes ces petites queues, probablement encore humides
du lit de la mère ou humidifiées par son lait. La bizar-
rerie consiste surtout en ceci, c’est qu’il a fallu que tous
ces Rats en naissant soient exactement placés dans le même
sens, côte à côte, ou en rond et se tournant le dos. Le
duvet ne pouvait prendre de l’adhérence et se feutrer en
englobant toutes ces queues au même point de leur lon-
gueur que parce que celles-ci se sont mues d'un mouve-
ment de rotation uniforme. J'ai été très surpris de ce que
j'avais rencontré, mais j'ai pensé que ces bêtes, ainsi atta-
chées, seraient crevées dès que la mère aurait cessé de les
allaiter. C’est la première fois que j'observais cela, et
176 LE NATURALISTE CANADIEN
comme je l’ai expliqué, cette soudure n'était pas congéni-
tale, mais due à un simple accident survenu après la nais-
sance.
Le Vernet (Allier). H. pu BUYSsoN.
M. Louis Dupont, aux Damps (Eure), m'écrit pour
ine signaler, dans la Pze curieuse des Bêtes, par Henri
Coupin, la phrase suivante : ‘ Dernièrement on a envoyé
au Muséum un Roi de Rats composé de sept individus
et trouvé à Châteauroux.
Je recois cette lettre au moment de donner le bon à
tirer de ma note, et n'ai pu donc m'informer si le Roi de
Rats en question offre des particularités intéressantes.
(Feurlle des Jeunes Naturalistes.) AND
CE
OC > pe sut
a ONCE
ESS
PUBLICATIONS REÇUES
— THE CECROPIA EMPEROR MorH (Sumia cecropia Länn.), by
Arthur Gibson, Assistant Entomologist, Experimental Farm, Ottawa,
1906.
Ce bel article de M. Gibson, sur l’un de nos vers à soie, ‘‘le plus
grand et l’un des plus beaux insectes de l'Amérique du Nord’’, a paru
d’abord dans l'Offawa Naturalist äu mois d'octobre.
— The Tylostomeæ, Wlustrated by twelve plates and six figures, by
C. G. Lloyd, Cincinnati, 1906.
Nous avons déjà signalé le bulletin Æycological Notes que publie
aussi M. Lloyd, et qui est consacré à l’étude des Lycoperdacées, famille
des champignons nommés communément ‘‘ Vesces de Loup.”
— Report of the Museum of Natural History. Springfeld, Mass.
1906.
— Catalogue of British Columbia Lepidoptera. Provincial Museum,
Victoria, B. C. 1904.
Cette liste, comprenant 1128 espèces—ce qui est déjà une belle col-
lection, a été publiée par l’assistant-conservateur du Musée provincial,
M. E. M. Anderson. Nous avons eu le plaisir de visiter ce beau musée
en 1904, et nous en avons parlé un peu dans nos /mpressions d'un
Passant.
ir
4
NATURALISTE CANADIEN
Québec, Decembre 1906
VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 12
A NOS LECTEURS
En ces derniers mois nous avons consacré tout notre temps à ter-
miner ce Manuel des Sciences usuelles que, de concert avec M. :’abbé
H. Simard, professeur à l'Université Laval, nous préparons pour le pei-
sonnel enseignant des écoles de la Province. Aussi, à notre grand regret,
nous n'avons pu rien faire durant cette fin de l’année pour la rédaction
du Vaturaliste canadien. Nos lecteurs, du reste, n’y perdent pas, puis-
que, à la place dle nos écrits, nous pouvons leur offrir des articles de
choix, extraits d'excellentes revues scientifiques. ès notre prochaine
livraison, espérons-nots, il nous sera possible de reprendre notre place
au... fauteuil de rédaction du .Vaturaliste,
— 2 — () — —
CHRONIQUE
Un oiseau de prix.—M. Beville Stanier, de Peplow Hal,
Shropshire, Angleterre, a informé la Sociéti d'histoire
naturelle de Shrewsbury qu’il a vendu un spécimen em-
paillé du Grand Pingouin pour 400 guinées,.
La maillequi...manquait.—Un télégramme venant
d'Australie, et qui est arrivé à Londres en passant par les
Etats-Unis de l'Amérique du Nord, est actuellement publié
par tous les journaux de langue anglaise du monde entier.
D'après cette dipêche télégraphique,le professeur (?)Flatsch
23— Décembre 1906.
178 LH NATURAIISTE CANADIEN
aurait découvert à Port Darwell, dans le nord du continetit
australien, une femme aborigène dont les pieds ressem-
blent aux mains. Et le professeur, naturellement, consi-
dère cette découverte comme d’une importance biologique
extraordinaire, et...Darwin doit sûrement en tressailir
dans sa tombe. I/auteur du canard en question est le cor-
respondant melbournois du CArouzcle, de Londres, et je
vous laisse à juger si notre homme doit en avoir du plai-
sir! Cette ineptie sera évidemment traduite dans la plu-
part des grands (!!) journaux d’autres langues, et traînera
dans la presse universelle aussi longtemps probablement
que cette autre sottise : la découverte de la langue des sin-
ges par je ne sais plus quel histrion.
La moisson de. fossiles.— Après une absence de plu-
sieurs mois passés dans les régions avoisinant les Monta-
ones Rocheuses, trois missions du Musée américain d'His-
toire naturelle viennent de revenir à New-York. Les
explorateurs apportent avec eux des squelettes pétrifiés
d'environ 500 animaux, dont beaucoup sont inconnus ou
peu connus des savants. Il y a dans la cargaison, entre
autres, deux Dinosaures non encore classés, dont l’un est
d'énormes dimensions et ressemble vaguement at monstre
géant que l’on a baptisé du nom de 777ceratops.
L'Emu d'Australie.—Cet oiseau étrange est menacé
d’une disparition prochaine. De tous côtés on a érigé des
clôtures de broche pour barrer le chemin aux Lapins qui
dévastent le pays ; mais en même temps on a barré Île che-
min à l'Emu, qui chaque année émigre de l’est à l’ouest, et
eprend la route de l’est au commencement de la saison de
sécheresse. Sur leur chemin, les Emus arrivent aux clô-
tures. trouvent leur marche arrêtée et meurent de soif par
centaines. Un voyageur a trouvé une cinquantaine d’oi-
seaux morts sur un parcours de six milles, tandis que, sur
une distance de 60 milles, on a estimé qu’il v avait au
moins 300 Emus morts de soif.
CHRONIQUE 179
Le Diable de Ceylan.—Tous ceux qui ont visité l’île
de Ceylan et pénétré dans son intérieur mystérieux ont
entendu le cri du diable. Ce cri terrible ressemble étran-
gement au cri d’un être humain à qui l’on ferait subir les
tortures les plus féroces. Ce diable n’est heureusement
qu'un oiseau, que l’on dit apparenté avec le Hibou brun
des bois de l’Inde. Les indigènes l’appellent ‘ Ulama ” ;
c'est un oiseau inoffensif et extrêmement farouche dont
on n’a pu encore capturer un spécimen, mort ou vivant.
Il est naturel qu'étant doué d’un cri si terrible, l'oiseau
passe là-bas pour un “manitou””, à qui à l’occasion les indi-
gènes offrent des sacrifices pour détourner les désastres
que sa voix lugubre ne peut manquer d'annoncer. M.
Mitford a étudié l'étrange oiseau pendant un long séjour
dans Ceylan. ‘La note ordinaire, dit-il, est un cri ma-
gnifique et clair, tel un cri humain, et peut être entendu
à une très grande distance ; pouss£ dans le silence du cré-
puscule, il produit un bel effet. Mais le cri qui lui a valu
son vilain nom et que je n’ai entendu distinctement qu'une
szule fois, est indescriptible, le plus épouvantable cri qui
52 puisse imaginer et que l’on ne peut écouter sans frisson-
aer. C’est n1 plus ni moins que le cri qu'arracherait à un
ètre human un supplice qui se terminerait par la stran-
gulation.”
HENRY TiLMANS.
———(0)————
LE MAMMOUTH GELÉ DE LA SIBÉRIE
Le Mammouth (ZÆ/ephas primivenins CUV.) est une
espèce d'Eléphant qui vivait au commencement des temps
quaternaires ou pléistocènes.
Il était bien plus grand que l’Eléphant actuel de
l'Inde ; ses défenses étaient bien plus longues et largement
recourbées par en haut ; il était muni d'une crinière et tont
180 jE NATURALISTE CANADIEN
son corps était couvert d'une longue et épaisse fourrure,
Cet animal s’est éteint avant l'époqne historique ; maïs il 4
dû être très abondant, car on retrouve, çà et là, presque
partout, des fragments plus où moins importants de son
squelette. |
[1 semble avoir persisté plus longtemps dans l'Asie
septentrionale et en Sibérie que partout ailleurs, et l’abon-
dance de ses ossemenis qu'on découvre dans ces fégions
semble les indiquer comme étant sa véritable patrie.
«A l’époque où les troupeaux de ce pachyderme
parcouraient ces pays, le climat, dit M. de Lapparent, était
doux et humide. De la sorte, la Sibérie septentrionale
formait une steppe ou une forêt immense abondamment
pourvue de la végétation convenable aux Eléphants. Il est
vraisemblable que l'invasion du froid s’y est, fait sentir à la
fois par le nord sous l'influence des glaces polaires, et par
le sud en raison des neiges accumulées sur les montagnes
des chaînes méridionales, déterminant la fuite du Maiu-
mouth dans la direction de l’Europe. De plus, cette inva-
sion a dû être très subite; car non seulement on a de la:
peine à s'expliquer d’une autre manière l’innombrable
quantité de restes de Mammouth que recèlent les rivages
septentrionaux de la Sibérie et plus encore les îles qui les
bordent ; mais il convient de ne pas oublier la rencontre
plusieurs fois réalisée de cadavres entiers de cet animal,
dont la chair a pu être mangée par des chiens: les cadavres
étaient enfouis, quelquefois debout, dans les aluvions, et,
pour que la chair en ait été conservée sans avoir subi la
transformation en adipocire que produisent les tourbières,
il faut que peu après la chute de l’animal dans les marais
où il avait péri, la gelée ait Hour doujours pris possession
du sol.”
La dernière découverte de ce geure, et la plus impor-
tante, eut lieu dans le courant du mois d'avril 1901.
À cette époque, l’Académie impériale des sciences de
LE MAMMOUTH GELÉ DE LA SIBÉRIE 181
Saint-Pétersbourg fut informée par le gouverneur de
Yakutsk de la trouvaille d’un Mammouth gelé, dans un
état de conservation presque parfait, enfoui dans une fa-
laise des rives de la Berezovka, affluent de droite de la
Kolymaäa, à 200 milles environ au nord-est de Sredne-
Kolymsk, c’est-à-dire à environ Soo milles à l’ouest
du détroit de Behring et à 60 milles en deça du cercle
arctique.
Cette nouvelle, d’une importance capitale, mit en
émoi tout le monde savan‘: une expédition fut organisée
pour aller sur les lieux dégager le Mamimouth, et une som-
me de 15.300 roubles fut affectée par le ministre des Finan-:
ces de Russie aux paiements des nombreux frais nécessités
par la inise au jour de l'animal et son transport au Musée
de Saint-Pétersboure:
L'expédition, sous la direction de M. O..F. Herz, par:
tie le 31 mai 1007. n’atteignit que le 9 septembre la loca:
lit5 où se trouvait le Mämmouth, et après avoir établi son
campement, elle se mit immédiatement à l’œuvre. On
conçoit que c'était une opération délicate et difficile de
déterrer un animal enseveli depuis tant de siècles, dout les
chairs, les téguments ét les os ne devaient leur conservation
qu'à une gelée persistante et risquaient de perdre toute
cohésion et toute adhérence à l'instant fatal où survien-
drait le dégel.
Il fallut employer de très minutieuses précautions :
M. Herz écrivit jour par jour le résultat de ses travaux,
et son rapport fut publié intégralement dans le Æw/letii
de l’Académie impériale de Saint-Pétershourg.
Le Mainmouth était enfoui dans une haute falaise, à
35 mètres au-dessus du niveau actuel des eaux de la Bere:
zovka et à 62 mètres en atrière de la rive. Cette falaise
est formée d'une masse de terre argileuse mélangée de
pierres, de racines, de moïrceaux de bois agglutinés avet
des fragments de glace depuis un temps incalculable, Du-
152 LE NATURALISTE CANADIEN
rant l’été de 10a00, à la suite de fortes pluies et d’un com-
mencement de dégel, il se produisit un éboulement qui
mit à nu une partie du corps de lPanimal. Des chasseurs
de rennes de la tribu des Lamuts, habitants de cette
région, le remarquèrent et firent part de leur découverte
au gouverneur de Vakutsk qui prévint à Saint-Péters-
bourg.
L'opération du déblayage dura un mois entier, du 11
septembre au 11 octobre.
On commença par enlever le plus de terre possible
autour du cadavre sans l’endommager, ce qui n'était pas
facile, car la gelée avait solidement lié toutes les parties
du corps avec les masses argilenses qui l’entouraient. A
cause de la rigueur de la température, ce travail u'a pu
être terminé à ciel ouvert : on était obligé de tailler dans le
bloc comme dans une carrière de pierres; et l’épaisse four-
rure du Mammouth qui était ébouriffée en tous sens ne
pouvait être dégagée des matières glacées qui l'enserraient.
Il fallut construire au-dessus de l'animal une sorte de
hangar, dans lequel nuit et jour on entretint une tempéra-
ture qui monta graduellement à quelques degrés au-dessus
de zéro, et amena un dégel bienfaisant qui permit de sépa-
rer les membres et la fourrure de la terre gelée qui v
adhérait depuis si longtemps.
Les membres et les différentes parties de la tête furent
désarticulés, enveloppés de bandages et soigneusement
empaquetés ; la peau fut enlevée et subit de suite, avant
d’être emballée, une première préparation ; des portions
de chair, de graisse et le contenu de l'estomac ainsi que
du sang solidifié furent également recueillis, et le tout par-
vint en bon état à Saint-Pétersbourg où :le squelette du
Mammouth put être complètement reconstitué:
L'animal, qui était un mâle, avait la jambe droite de
devant, un os du bassin et plusieurs côtes brisés ; il avait
la bouche pleine d'herbes, et d’après la position de ses
LE MAMMOUTH GELÉ LÉ LA SIBÉRIE 183
membres, il résulte qu’étant en train de manger, il a dû
tomber subitement dans une profonde crevasse d’où il à
fait des efforts pour sortir; mais il s'était blessé trop sé-
rieusement dans sa chute; il ne put s’en tirer et les ali-
ments qui remplissaient sa bouche, dont il n’avait pas eu
le temps de se débarrasser, dénotent que sa lutte contre la
mort fut courte et qu'il a dû périr rapidement.
La peau de la tête et la trompe, qui, par suite de
l’'éboulement partiel de la falaise, étaient découvertes de-
puis plusieurs mois, avaient été presque totalement dévo-
rées par les ours et les loups La défense de droite
manquait, elle avait dû être brisée durant la vie de
Panimal.
La fourrure s'était conservée sur presque toût le corps,
sauf sur le dos. La lèvre inférieure était garnie de poils,
noirs, de 50 centimètres de long ; sur les joues ils n'avaient
que 23 centimètres et étaient partie brun châtain et partie
blonds; les poils du ventre, jaunâtres, avaient 35 centi-
mètres, mais ils étaient beaucoup moins épais; les jambes
étaient couvertes d'une sorte de laine d’un brun jaunâtre
ou roux d’où sortaient d’épaisses touffes de poils raides,
d’un brun sombre, de 12 centimètres de long. La queue
était courte (36 centimètres), composée de 22 à 25 vertè-
bres; son extrémité était garnie de longs et gros poils (25
centimètres) d’un brun roux.
Les aliments qui se trouvaient entre les molaires sont
des fragments d’heibes variées ; l'estomac en contenait une
énorme quattits, près de 27 livres ; le cœur, les poumons
et les autres viscères avaient été détruits.
La chair, fibreuse et marbrée de graisse, était d’un
rouge brun et paraissait aussi fraîche que de la viande de
bœuf ou de cheval congelée. Malgré son appétissante
apparence, les membres de l’expédition ne purent se déci:
der à en goûter et ne changèrent pas leur ordinaire quoti-
dien dont la viande de cheval faisait le fond. Les chien
184 LE NATCRALISTE CANADIEN
furent moins difficiles et dévorèrent tout ce qu’on voulut
leur abandonner.
L'épaisseur du cuir variait entre 19 et 23 millime-
tres ; au-dessous se trouvait une couche de graisse blanche,
inodore, spongieuse, d’une épaisseur de 9 millimètres.
Tel est succinctement décrit l’état de conservation
presque parfait où fut trouvé le Mammouth de la Bere-
zovka. Tout le monde savant s’est occupé de cette capti-
vante découverte ; mais personne n’a essayé d'établir des
conjectures sur la date de la mort de cet animal et de son
enfouissement dans la falaise formée des matériaux allu-
vionnaires qui l’ont si bien préservé,
C’est qu’il s'agissait de discuter les données de la
science officielle, et que nul n’a osé risquer de convaincre
d'erreur grossière l’enseignement 7#,#po056 dans les hautes
écoles gouvernementales.
Le Mammouth vivait en même temps que les premiers
hommes, dès le commencement de l’époque quaternaire, 1l
y a certainement beaucoup de siècles. Mais G. de Mortillet
(Le Préhistorique) fait remonter l'apparition de l’homme à
230 000 OÙ 240 000 ans au InOINS !
Pas un savant n’a tenté d'établir un doute sur cette
chronologie qui n'a pas de bases sérieuses et est évidem-
nent tout à fait arbitraire.
Le fait actuel est un argument probant pour réduire
considérablement ces chiffres,
C'était une bien bonne usine de conserves que cet
amas d’alluvions en partie éboulé, qui a permis à des chiens
de se régaler de la chair en très bon état d’un animal mort
depuis 240,000 ans...au moins !
Il est plutôt probable que les Mammouths ont existé
beancoup plus longtemps qu’on ne l’admet, et qu'à une
époque relativement récente, ces animaux habitaient encore
les immenses solitudes inconnues de la Sibérie du Nord.
(Revue scientifique du Bourbonnats.) ERNEST OLIVIER.
RECHERCHES BOTANIQUES D'UN CHAT 185
LES RECHERCHES BOTANIQUES D'UN CHAT
Darwin a dit que les pays où l’on rencontre le plus de
vieilles demoiselles sont les plus riches au point de vue
agricole, et il l'explique ainsi: les vieilles demoiselles ont
toutes des Chats ; or, ceux-ci se plaisent à détruire les nom-
brenx rongeurs, fléau des guérets, donc...Quelques mau-
vais esprits se sont empressés d'ajouter que si les Chats
aiment le gibier à poil, ils ont un goût non moins prononcé
pour le gibier à plumes, qu’ils massacrent nombre de petits
oiseaux, grands destructeurs d'insectes nuisibles, et que
ces méfaits doivent largement compenser les avantages ré-
sultant de la mise à mort de quelques Mulots. D'après
eux, le Chat pourrait être plus nuisible qu'utile aux choses
de l’agriculture.
Or, voici qu’une observation, faite à Boston, en Amé-
rique, apporte un nouvel argument aux ennemis de la race
féline.
Le professeur Sargent, de l’Arboretum de Boston.
avait importé de la Chine centrale une plante absolument
inconnue en Amérique aussi bien qu’en Europe, une nou-
velle vigne, l’Actinidia polygama. On entreprit d’accli-
mater les quelques sujets que l’on possédait : ils furent
plautés dans une serre et entourés de tous les soins néces-
saires. Bientôt, on s’aperçut qu’un animal inconnu dévo-
rait tous les jeunes rejetons ; ce ne pouvait être un Rat, car
un Chat était enfermé en permanence dans la serre. On
n’arrivait pas à découvrir le coupable, car l’idée ne pou-
vait venir que le Chat, animal carnivore, pensait à s’atta-
quer aux plantes; on sait qu’en fait de végétaux ces félins
u’apprécient guère que la Valériane. C'était cependant ce
gardien infidèle qui commettait le dégât; non seulement
il mordillait la plante, mais il en dévorait toutes les par-
ties. Il fut chassé, et tout alla bien.
24— Decembre, 1906.
186 LE NATURALISTE CANADIEN
Au printeimps, on put établir dehors, sur une couche,
une centaine de jeunes plants; dès qu’ils eurent pris de la
vigueur, on enleva les châssis, et alors on vit accourir tous
les Chats du voisinage qui, en un rien de temps, détruisi-
rent toute la plantation. Je Chat de la serre m'était done
pas un animal exceptionnel, ayant des goûts contre nature ;
il partageait seulement ceux de sa race ; en la circonstance,
il les devançait. Depuis, on n’arrive à élever le précieux
arbrisseau qu’en l’entourant complètement d’un treillage
en fil de fer, et encore, toute pousse qui s'approche des
mailles est aussitôt dévorée.
Le fait est curieux et suggère quelques réflexions à
M. David Fairchild, qui le signale dans Scence.
Comment les Chats ont-ils pris goût à cette plante
nouvellement importée et qui leur était complètement in-
connue ? Elle n’a ni odeur ni goût spécial que nous puis-
sions reconnaître ; l'odorat de ces animaux est-il plus subtil
que le nôtre, ou leurs instincts carnivores les portent-ils à
goûter à tout ce qui tombe sous leurs veux, même aux
plantes ?
En l’admettant, comment se fait-il que tous les Chats
d'une région aient appris aussitôt les vertus d’une plante
qui leur était absolument inconnue ? Faut-il croire que le
Chat de la serre, chassé de son domaine, a été leur révéler
le fruit de son expérience, ou tous ont-ils eu en même temps
l’idée de tenter une expérience personnelle ? 11 n’y a pas là
un instinct conservé par hérédité, puisque la plante était
inconnue aux ancêtres des Chats actuels, aussi bien en
Amérique qu'en Europe. C’est un nouveau chapitre de
histoire des Chats qui mérite l'attention : Ont-ls, la ques-
tion d'intelligence mise de côté bien entendu, des facultés
de recherche et d'investigation plus développées que celles
de l’homme ?
(Cosmos.)
GLANURES SCIENTIFIQUES 19;
GLANURES D'HISTOIRE NATURELLE
MONNAIES D'ALUMINIUM
Il semble que les Etats-Unis vont être la première na-
tion à employer l'aluminium pour la fabrication de la
monnaie, Dès cet automne, paraît-il, on va faire l’expé-
rience de pièces d'aluminium pour les substituer aux piè-
ces en bronze de un centin. Il n’y a encore que quelques
années, la considération économique eût seule empêché
une tentative de cette sorte. En 1855, une livre de ce métal
coûtait $200. En 1880, il fallait encore payer $4.50 pour
une livre. Il est probable maintenant que le prix va tom-
ber à 39 cents. Ordinairement l'aluminium est extrait de
l'argile commune. Jusqu'à une date récente, cependant,
on n’a pu l’extraire que par des procédés extrêmement dis-
pendieux. Depuis une dizaine d’années, les savants et les
inventeurs américains ont surmonté un bon nombre des
obstacles primitifs.
Le premier article en aluminium dont on fasse men-
tion est une table à l’usage du tout jeune Prince Impérial,
—compliment du premier manufacturier, St-Clair Neville,
à l’empereur Louis-Napoléon qui l'avait assisté. De nos
jours 1l serait presque impossible de signaler un usage pour
lequel ce métal n’est pas employé.
L’'aluminium est plus léger que le verre, et pèse les
trois quarts moins que l'argent auquel il ressemble beau-
coup. Quoiqu'il soit aussi dur que le zinc, c’est à peine si
aucun autre métal est aussi malléable et ductile. I1 peut
être étiré en fil de la plus grande ténuité, et battu en feui
les de la plus délicate épaisseur.
Une fois vendu à bon marché, comme il ne tarnit pas,
il aura vite fait de remplacer l'argent, sur une grande
échelle, pour toutes les œuvres décoratives. (C’est un ex-
cellent conducteur et il pourra être substitué avantageuse-
135 LE NATURALISTE CANADIEN
ment au cuivre dans toutes les installations électriques.
Aucun métal, si ce n’est l'acier le plus raffiné, ne pouvant
lui être comparé, poids pour poids, pour la force de résis-
tance, il pourra rivaliser avec l’acier dans toutes les indus-
tries de manufacture. La France, l'Allemagne et les
Etats-Unis ont construit des torpilleurs en aluminium,
après avoir constaté que sa légèreté augmente la vitesse du
navire, tandis que sa dureté résiste à la corrosion et à l’ac-
tion galvanique mieux que celle d'aucun autre métal. On
en a fait des yachts, des chalouvpes, des bicycles, des chars à
moteur, des instruments de chirurgie, des patins, des wsten-
siles de cuisine, etc. Onen fera des monnaies, et mille
autres choses encore.
RE
DES OISEAUX DANS LES PRAIRIES
On se propose aux Etats-Unis, avec infiniment de raï-
son, de peupler les prairies de l'Ouest de plusieurs espèces
d'oiseaux de chasse. Pour commencer, on a commandé
1000 couples de Faisans de l’Orégon, et on va prochaine-
ment les lâcher dans les prairies du Kansas. On les dis-
tribuera par lots de quatre à cinq couples, en différentes
sections. Déjà, depuis quelques années, une cinquantaine
de couples avaient été lâchés en cet endroit et s’y étaient
répandus.
[is seront protégés par la loi pendant cinq ans. Et
comime ils se multiplient rapidement, on a bon espoir de
les fixer. On les établira de préférence dans les comtés
de l'Est, parce qu'ils y seront mieux protégés contre les
vents et les froids de l'hiver, aussi parce que les comtés de
l'Est ont contribué plus que les autres au fond d’acquisi-
tion et d'établissement. Cette première entreprise va coû-
ter au delà de #5000. On achète les oiseaux avec le revenu
des licences de chasse, licences qui sont surtout accordées
et surtout profitables dans la partie est du Kansas.
Le Faisan est un très bel oiseau de chasse; et dans tous
GLANURES SCIENTIFIQUES 18Ù
des Etats où il s'est introduit, son établissement a été un
succès. Au reste, on introduira aussi d’autres oiseaux dans
les prairies. Ainsi, dans les mêmes prairies du Kansas, on
introduit des Cailles bleues, qu’on a fait venir du Nouveau-
Mexique ; seulement, ces Cailles bleues sont dirigées vers
les parties occidentales, où les conditions atmosphériques
sont à peu près les mêmes que celles de leur pays d’ort-
vine.
* * *
UN GRAND PROJET D’'IRRIGATION
C’est toujours l'Ouest qui se développe et crée des
merveilles. Un projet est sur pied à Denver, Colorado,
pour emmagasiner les eaux de la rivière Platte et, par ce
moyen, soumettre à l’irrigation, par conséquent fertiliser
un imillion d'actes de terre stérile.
Le plan est de créer un réservoir long de 34 milles et
«en moyenne profond de 35 pieds. On calcule que 40 mil-
liards de pieds cubes d’eau de la rivière Platte sont perdus
annuellement, et que cette quantité est amplement suff-
sante pour l'irrigation d’un million d’acres de terre Une
compagnie a été formée pour l’utilisation de ces terres sur
lesquelles on coustruira des fésidences pour cent mille
habitants.
La dame coûtera $4,000,000, ce qui revient à $4.00
de l’acre pour la terre fertilisée. La terre, après irrigation,
augmentera en valeur ; de là, soutce de profit. Aujour:
d’hui cette terre stérile vaut à peine $2.00 où $3-00 l’acre
Après irrigation, elle vaudra de $50 à $100 l’acre selon
sa qualité. (Certaines pafties vaudront encote plus. De
cette manière, il est évident que l’entreprise rappottera à
ses contributeurs de larges profts, tout en constituant un
bienfait public immense à raison de la vaste étendue ou-
verte à la colonisation.
À présent, on peut dire qu’il n'y a plus de bonnes
terres de colonisation aux Etats-Unis. Cependant de telles
O0 LÉ NATURALISTE CANADIEN
terres sont en plus grande recherche que jamais. Les co
lons en quête d'établissement devront donc se rabattre sur
les terres d'irrigation, les seules disponibles. Ces terres:
seront certainement occupées aussi vite que l’action privée
ou l’action du gouvernement pourra les ouvrir. Il ya
d’ailleurs, en réserve, des millions d’acres de terre qui
attendent l'irrigation pour devenir fertiles. A ce point de
vue, le développement de lFOuest américain ne fait que:
commencer.
LÆ CANADA ET LE COMMERCE DE FOURRURES
Le Canada, ‘et spécialement la partie septentrionale,
encore sauvage, est la dernière des grandes réserves de:
fourrures du monde entier. En dépit du fait que le com-
merce de fourrures y a été vigoureusement exercé depuis.
au delà de trois siècles, il n’y a encore aucun sienne de
déficit dans la quantité d'animaux, si ce n’est dans un
petit nombre d'espèces. Le Bison, comme animal sauvage,
à pratiquement disparu. Je Castor sera lui-même exter-
iminé si on ne recourt pas à des mesures extraordinaires,
pour le préserver. La Loutre de mier et le Renard argenté
sont devenus très rares, depuis un certain nombre d'années.
Mais il y a de vastes régions encore inexplorées, et la di-
sette de fourrures, en général, n’est pas à craindre, d’ici à
de longues années.
Telles sont les vues exprimées naguère à Montréal
par un M. R.-G. Groves, de Vancouver, qui est un spéci-
aliste en fait de fourrures et qui parle d'après sa propre
science et expérience.
Quant aux mesures à prendre pour la conservation
des animaux à fourrure, il avoue que l’on n'a encore rien
ou presque rien fait à cet égard. La raison en est que
lapprovisionnement du commerce ayant toujours été con-
tinu et facile, personne jusqu'ici ne s’est trouvé en face
d’une telle nécessité. Généralement, c’est quand il ne reste .
GLANURES SCIENTIFIQUES 191
presque plus rien à conserver que l'on commence à parler
de conservation, surtout à agir. Cependant il est remar-
-quable que les sauvages, les premiers, paraissent déjà com-
prendre la nécessité de la prudence, afin de se conserver
des moyens d'existence en conservant les animaux qui leur
donnent la fourrure du commerce; et ils prennent à cet
effet des précautions que l’on pourrait à peine attendre de
leur patt, étant donnée leur caractéristique imprévoyance.
Voici comment le commerce de fourrures est prati-
qué avec les sauvages : ils apportent deurs peaux aux dif
férents postes et les échangent pour des marchandises.
C’est un simple trafic. L’étalon de valeur, selon les en-
droits, sera une peau de Castor, ou une peau de Marte, ou
une peau de Renard rouge.
L’apparence actuelle pour le commerce est-elle bonne ?
Elle est excellente. [1 demande pour les fourrures aug-
mente sans cesse, non seulement dans les pays où elles sont
nécessaires comime vêtements, pour protéger contre le
froid, mais dans d’autres où elles sont portées comme at:
ticle de luxe et d’oraement. Cette demande croissante est
probablement le résultat de 1a prospérité générale qui rè-
‘ne actuellement des deux côtés de l'Atlantique. La fin
de la guerre russo-japonaise peut aussi, partiellement, en
être la cause, parce que la Russ'e est un des plus grands
marchés de fourrures qne l’on connaisse dans l'univers.
Fa
HISTOIRE D'UN CAMÉLÉON
Faute de pouvoir distinguer entre un anneau d’or à
diamant et un collier d’or, que la petite créature avait cou-
tume de porter au bout d’une jolie chaînette, un Caméléon
fut dernièrement, pour un Monsieut KE. A. Crippen, hôte
de l'hôtel Murray Hill, Omaha, la cause d’une demi-heure
de très vive anxiété. Ce monsieur avait laissé son anneau
dans le plat à savon, dans sa chambre. Quand il revint
après le lunch, l'anneau avait disparu. Il chercha sans
r92 LE NATCRALISTÉ CANADIEN
succès dans toute la chambre, puis il appela le garçon à
qui il déclara sa perte. Or le lave-mains sur lequel était
le plat à savon se trouvait adossé à une fenêtre ouverte,
protégée par un grillage en fil de fer. Sur ce grillage, le
jeune homme aperçut le Caméléon du premier commis, un
bijou vivant, qui avait déjà porté uu petit collier d’or
au bout d’une chaïnette pour l’empêcher de se perdre:
au loin. Eu ce moment la petite bête avait justement un
anneau autour du cou, mais sans chaînette. (On examine
ce collier : c’est l’anneau que l’on cherche Le Caméléon
avait été dressé à mettre, à ôter de lui-mêime son collier ; et
en vertu de son habitude, peut-être aussi fasciné par l’éclat
de l’or et du diamant, 1l avait tout bonnement fait glisser
par dessus sa tête l'anneau de M. Crippen, pris pour son
propre collier ! B.
n oo
PUBLICATIONS REÇUES:
J.-C, Chiapais, L' Œuvre des Ecoles ménagères agricoles. Québec, 1906.
Cette brochure de l’assistant-commissaire de l'Industri: laitière du
Canada contient une conférence prononcée, en juillet derni-r, Gurant la
convention des missionnaires agricoies de la province de Québec. les
idées qu'y exprime M. Chapais, sur la nécessité et les avantages de la
bonne éducation ménagère, ont paru tellement justes aux missionnaires
agricoles, qu’à l’issue de la conférence ces messieurs oit formulé le vœu
de les voir de plus en plus mises en pratique.
— Notes sur la Truffe, par M. Em. Boulanger (1904-1906). Lons-le-
Sauuier, 1906.
M. Boulanger a réuni dans cette plaquette plusieurs mémoires qu’il
a présentés, depuis deux ans, à la Société mycologique de France, et où.
sont consignés les résultats des intéressantes expériences qu’il a pour-
suivies dans la culture de la Truffe. De belles planches hors texte ac-
compagnent ces mémoires.
— Recherches physiologiques sur les matières de réserves des arbres,
par M. Jeclerc du Sablon. (Extrait du Tome XVI de la evnue générale
de Botanique, Paris.) 35 pages in-8°. |
‘“ Je me suis proposé, dit l’auteur, de recherclier comment les réser-
ves et, d'une façon générale, les substances pouvant servir d’aliment à
la plante variaient pendant le cours d’une année dans les tiges, les racines:
et les feuilles des arbres.’ Tel est l'intéressaut sujet de physiologie
végétale qu'a traité M. Leclerc du Sablon dans le savant m£moire dont
il a bien voulu nous envoyer un exemplaire.
TABLE DES MATIÈRES
DU VOLUME XXXIII
PAGR
LE gt ET ETES OR PRES RS Le A RS A
lmpratique de'l’histoire, naturelle ...0.. 4m... 4
M CRM Va MPa Se Re RE . . be anse decide
Ouelest ce poisson ?...... ...... Lt Ne btelier 5
Chronique (H. Tilmans). ............ 6, 23, 35, 69, 85, 117, 132, 164, 177
les Rats au Manitoba. ...... .... ... D ro bobutioc one 0 UE 8
Où il est démontré qu’un entomologisie doit faire une collection
SEE... dur niuna ve à Me ces aussa connus lp mai ce 9
Influence de la lune sur la végétation ..... PAS ne id ouh aà | 13
BIBPIGGRAPEREER de: 2 donasasie, noel 15, 45, 80, 96, 112, 128, 160, 176, 192
Le district minier de Cobalt (H. Nagant)...... ................... 17
Re chasse aux-inisectes: .:.2."2215400.. ue ds NO e ET
PÉMPoISsoN SOlEIL 4. 6 den Pet ed 30
Nos fruits canadiens en Belgique (N. RE ter) ET MORE CT sésstin az
La grande Lamproie de mer (L'abbé E. Roy)...... SAMIR TE NOR a
De la chasse aux insectes... .. ...... Bo AA CE CL 38, S7
104 TABLE DES MATIÈRES
Traité élémentaire de Zoologie et d'Hygiène................. 25, 43, 134
Les terres comestibles (H."Nagant).- 1..." Er ENENERERR PE 44
Nouvel ouvrage scientifique sur le lait...... ....................: 47
Migration des Hiboux blancs (C.-E. Dionne) .. ....... ........... 49
Le scintilloscope (H. Nagaut)........:........: "tr SI
Un insecte étrange... OM . 2.1, CRE NN 55
Histoire d'un'entomologiste.#......,.1.. ... NE 58
Le Gulf-Streamise dérärngerait-1l ?:....420,1 21 SN PANNES 3 61
De l’origine des plantes rultivées ..... ....... .. 2" 64072
Atxamateurs d'listoirematurelle "FEMME EEE N ENTREE NET 65
Feu P.-H. Dumais ..... En : OR to ut € 67, 82
Hem C-Baillairent 2-00. : nc concu oncne. 67, 84
Congrès géologique international.... ............. 1 RÉECREE 67
Une enquête entomologique:Æ#. . ! °° MON SONORE 68
Les terres rares de la province de Québec (H. Nagant) ...... ..... 74
Oiseaux à vol NE SAME RON < OR DEA 3 NEMOTENER A TMNM EN E 79
Bniretard Chic Ha RE à cette M NOT ENTER 81
Les minuscules ouvriers de la terre...... Duus STONE 93
Contrepoison\ universel: "22%... 4er RP SAIOS
A propos de pattes (Etude sur les pistes de quelques An L'abbé
Em.-B. Gauvreau ....... see ee CREER 97
Station de Biologie maritime du Cause SES a - M lors
L'arvéetmoniureries DOIS SM ICNCSR:. . TOR TR ONE se à BIT)
Origine bactérienne des gommes vépainiee de 0 one TRS TII
Let Tassock MORIN MIEL EURE. : 2, UTC PRES LÉ NÉE RES 113
Le marchand d'œufs de Fourmis. .. 7 ECC RE RER 120
les moyens de défense des insegtes 07 MST 122
Les Araignées à soie de Madagascar (J.-K. Whitby) 2 0 CORRE : st bed
Extinction du Poisson blauc (L’abbé F.-X. Burque). .... ......., 129
Des fruits au Kilondike: 5.22... 1.8 CANON EEE 135
Les parures cruelles....... on A oo ose use eue SE RER 131
Reviviscence du Gordius ve 0 et de r ane In du blé niellé
(EF. Maison)... h214.26e MR. . CREER NS EE NES 139
Pêche et rendement de la Baleine depuis le XVIIe siècle (E. Maison). 145
Glanures d'histoire naturelle (L'abbé F.-X. BRrQUE) s DES CES 152, 166, 187
Les Rois de Rats (A. Dollfus).2%....,.42.24), 2 cÉENeReS 156, 168
ILe massacre des oiseaux... 2... SSSR 158
L'Arachide (Pea-Nut).. 7-20... tr SR ie 159
Les Vers de terre ou Lombrics (G. Dusserre) ............ 161
Amos lecteurs Lee TRIER... NAN PRE 177
Ie Marmouth gelé de la Sibése É. .L ANNSNSRT ERATRSS à
Les recherches botaniques d’un Chat .,.. ...... Lu 185
TABLE ALPHABÉTIQUE
HÉPLÉEVALPHABÉTIQUE
DES PRINCIPAUX NOMS DE FAMILLES,
DE GENRES ET
D'ESPECES MENTIONNÉS DANS CH VOLUME
NCHMAUS eue + 48
Actinidia polygama .... 185
ATÉMONIAEE Re acer 123
Agaricus campestris.......... 72
ATODIUL ce 110
ATACNYS HV DOSEA SL... 159
Balæna Biscayensis ... ...... 147
Bonasus Americauus.......... 129
CalOnDINUs HrSinUus 3 2.10!
SASTATEAINES CAE, het 72
Champsosaurus...... 48
SE D LL Rd rto no 73
Colu:nba domestica 79
COIUIPbId SE 20 ER E. 80
Coregonus albus ...... 129
CoRvHANSiCorAutA, +... 56
CyraunosantnsirTex 7". 117
DITACHACNIASER EN 140
Elephas primigenius...... 179
ÉEVUMAIENS 2 LE De... 73
Feba vulgaris..... Se see se
Filaria medinensis ....
Fragaria vesca..... 72
Gordius aquaticus......... 139, 149
Hemerocampa leucostigma.... 114
Monohammus scutellatus..... 40
Mus decumanus........ 174
ARTS EE EE Ce ne ci
MYStMOSUCRUS Ne 112
Necrobia rUfCOrUIS.......... 59
Nicotianatabacum ........... 73
PaTaArO MOSEA Re ee 36
Petromyzon marinus.......... 33
Phytosaane ts en 112
RATATGONAN EC RER EC NE 120
Rhytdodon nt 1.000. 112
Rhytinus borealis...... 129
RibeS UD TE 72
Sata lCeCTOPIR ET 7
Lriceratops Li. heu 118, 175
L'RICHMAYAISATE PE CE 73
Lea MAYS ER MEET re
ERRATA
Page 41, rère ligne, lisez : horrible mélange.
55, z3e ligne du bas, lisez : Saint-Roch de l’Achigan.
‘“ 120, 4e ligne, lisez: Bonasus.
4, 73e ligne, lisez : Callorhinus.
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