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Full text of "Le Naturaliste canadien"

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LIBRARY 


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THE AMERICAN MUSEUM 


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NATURAL HISTORY 


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NATURALISTE CANADIEN 


BULLETIN DE RECHERCHES, OBSERVATIONS ET DÉCOUVERTES 


SE RAPPORTANT A L'HISTOIRE NATURELLE DU CANADA 


TOME TRENTE-TROISIÈME 


(TREIZIÈME DE LA DEUXIÈME SÉRIE) 


L'abbé V.-A. HUARD, Directeur-Propriétaire 


QUÉBEC 
2, RUE PORT-DAUPHIN 


1906 


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LE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Janvier 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No ! 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


LE TRENTE-TROISIÈME 


Ce titre un peu etrange n'a rien à faire, qu’on veuille 
bien le croire, avec tel haut grade de la diabolique franc-ma- 
çonnerie. C’est tout simplement le nombre ordinal du vo- 
lume nouveau que nous commençons en ce mois. 


Disons, sins y insister beaucoup, que notre Va/uraliste 
canadien est déjà parvenu à un bel âge, pour une revue 
canadienne-française consacrée à l’œuvre scientifique. Elle 
a vu, au cours de sa carrière d’un tiers de siècle, naître et 
mourir tant de publications littéraires, artistiques ou politi- 
ques, qui s’adressaient par conséquent à une clientèle rela- 
tivement considérable ! 


Quant à la clientèle du Varuraliste, elle est nécessaire- 
ment réduite, puisque l'étude des sciences naturelles compte 
si peu d’adeptes parmi nous. Nous savons parfaitement que 
la plupart de nos abonnés qui restent fidèles à cette revue 
ne le font que par patriotisme, parce qu’ils la considèrent 
comme une sorte d'œuvre nationale, ce qu’elle est bien en 
effet. C’est que, grâce à. cette modeste publication, le Ca- 
nada français a toujours bien un représentant dans la presse 
scientifique qui de nos jours a pris tant d importance dans 
tous les autres pays. 
I 2 Janvier 1906. 


w 


LE NATURALISTE CANADIEN 


Sur la fin de sa vie, le fondateur du MVaturaliste se dé- 
solait de voir que le goût de l’histoire naturelle faisait si 
peu de progrès chez les Canadiens-Françaïis ; il allait jus- 
qu’à se demander si les quarante années de ses efforts et de 
ses travaux n'avaient pas été inutiles à ce point de vie. 
Assurément son zèle n’avait pas été sans résultat; mais 
celui-ci était loin d’être en proportion de celui-là. Il faut 
bien reconnaître que, depuis les quatorze ans que l’abbé 
Provancher est décédé, la situation ne s’est pas non plus 
beaucoup améliorée. 


Il est permis toutefois d'espérer que l’introduction récente 
des éléments des sciences naturelles dans le programme d’étu- 
des des écoles publiques de la Province devra, à la longue, 
avoir pour effet de répandre parimi la population un certain 
intérêt pour la connaissance des trois règnes de la nature. 
Les instituteurs et les institutrices étant désormais tenus, 
par les nécessités de leur enseignement, d'acquérir des no- 
tions plus ou moins développées sur les sciences naturelles, 
il est très probable qu’un certain nombre d’entre eux seront 
pris à l’appât, et voudront pousser assez loin l’acquisition 
de connaissances si facilement passionnantes. 


Mais nous ne verrons rien de sérieux, en la matière, tant 
que l’histoire naturelle ne recevra pas de l’enseignement 
secondaire, en notre Province, une attention beaucoup plus 
grande qu'aujourd'hui. Et rien ne permet encore de corjec- 
turer à quelle époque se produira une réaction de ce genre, 
qui compléterait enfin, nous en sommes sûr, la prédomi- 
nance intellectuelle des Canadiens-Français sur toutes les 
races qui les entourent..En attendant, ce sont les Anglais, 
non seulement d'ici, mais de l'Ontario et des Etats-Unis, 
qui sont chargés d’étudier l’histoire naturelle de la province 
de Québec, ce qu’ils ne peuvent d’ailleurs accomplir qu’a- 
vec beaucoup de lenteur. 

Revenant, après cette digression sur le peu de progrès 
que fait en notre Province l’étude des sciences naturelles, 


LE TRENTE-TROISIÈME 3 


sur la question de la clientèle du Ma/uraliste canadien 
nous avons la satisfaction de voir què les désabonnements 
sont assez rares. Par exemple, nous somines chagrin de 
constater que la qualité d’abonné au Va/uraliste ne confère 
pas l’immortalité, au moins ici-bas : de temps à autre des 
croix s'élèvent, comme en un cimetière, sur nos listes déjà 
si peu longues. Ces disparitions, pour cause de décès, et les 
quelques désabonnements qui se produisent chaque année, 
créent des vides que les abonnements nouveaux ne suffisent 
pas à remplir.—Et, encore, si tous ceux qui restent pre- 
naient soin de payer leur abonnement |—En tout cas, nous 
voyons s'approcher le moment déplorable où les recettes ne 
seront plus suffisantes pour couvrir les dépenses. Cela ne 
veut pas dire, par exemple, qu'alors le Vaturaliste se cou- 
chera dans la tombe, et cette fois pour ne plus en sortir. 
Ah non! C’est même alors que son existence deviendra 
réellement merveilleuse : car il n’est pas ordinaire de voir 
une œuvre marcher toujours, en déficit toujours et jamais 
en faillite !.. Mais, comme à chaque jour suffit son mal, 


n'appuyons pas sur ces perspectives plus glorieuses que ré- 


jouissantes, et occupons-nous plutôt du présent. 


Nos lecteurs ont dû trouver que notre revue avait l'air, 
après tout, d’être plus ou moins malade, à voir depuis quel- 
que temps ses livraisons ne leur parvenir que plusieurs se- 
imaines après le mois dont elies portaient la date. Cela 
pourtant n’était pas le moins du monde un symptôme de 
maladie, mais le résultat de circonstances qu’il n'était guère 
en notre pouvoir de modifier. Heureusement, d’ici à peu 
de mois, cet état de choses va s'améliorer, et le Vaturaliste 
reprendra ses dates régulières d'apparition. 


Nous comptons bien aussi, au cours du présent volume, 
reprendre, et pour les terminer, la biographie de notre Fon- 
dateur, l’abbé Provancher, et la monographie des Mollus- 
ques de la province de Québec. 

Nos collaborateurs, désintéressés autant que dévoués, 


4 LE NATURALISTE CANADIEN 


nous continueront sans doute leur important concours à 
cette œuvre, qui est autant la leur que la nôtre. Ce groupe 
encore si restreint de nos naturalistes écrivains, nous espé- 
rons le voir se grossir de quelques nouvelles recrues. Car 
nous ne serons jamais trop nombreux pour étudier l’his- 
toirelle naturelle d’un pays aussi vaste que même la seule 
province de Québec. Du reste, cet excès dans le nombre 
des naturalistes canadiens-français, nous ne sommes pas 
près, suivant les apparences, d’avoir à le déplorer et à le 
réprimer. 


M MAN Nr LOS 
LA PRATIQUE DE L'HISTOIRE NATURELLE 


Nous commençons en ce numéro une série d'articles sur 
l’organisation d’une collection entomologiqu:. Nous y dou- 
.nerons successivement les directions les plus pratiques sur 
la chasse aux insectes, la façon d’assurer la conservation 
des spécimens, la manière de les disposer, le matériel re- 
quis pour ces diverses opérations. v 
Il est probable que nous. continuerons ensuite ce travail 
par des directions destinées à aider les amateurs en d’autres 
branches des sciences naturelles. 
Pour rédiger ces renseignements pratiques, nous mets 
trons à profit les travaux des spécialistes, l’expérience des 
collectionneurs et nos propres observations personnelles. 


LE MENU DU “NATURALISTE” 


Depuis longtemps nous regrettions que le défaut d’espace 
nous empêchât de faire profiter nos lecteurs, à l’occasion, 


d'excellents articles que nous rencontrions souvent dans les 


revues scientifiques de l'étranger. De ce temps-ci, et en 


attendant que nous puissions commencer la publication des 


QUEL EST CE POISSON 5 


travaux de longue haleine dont nous parlons ailleurs, nous 
pouvons reproduire quelques articles de cette sorte, prove- 
nant surtout des revues de France. 

Nous n’avons pas besoin de dire, au reste, que notre sa- 
tisfaction serait encore plus grande, si nos collaborateurs se 
faisaient plus nombreux et remplissaient même toutes nos 
pages d’écrits relatifs à l’histoire naturelle du Canada, 
comme cela s’est déjà vu dans le passé, non encore beau- 
coup lointain, de notre revue. 


QUEL EST CE POISSON ? 


Nous avons reçu de M. H. Vassal, industriel de Drummondville, P. 
Q., la lettre suivante. Si quelqu'un de nos lecteurs reconnaissait de quel 
“poisson il peut être ici question, nous le prions de nous en informer. 


Monsieur, 


Permettez-moi de vous entretenir d’un poisson capturé 
dans un rêts dans les environs de Kikandatch, un poste de 
la Cie de la Baïe d'Hudson, sur le haut du Saint-Maurice, 
il y a cinquante-Six ans. 

C’est vous dire assez que la description que je puis 
vous en donner ne peut pas vous satisfaire ; mais je puis du 
moins vous en donner certains traits caractéristiques qui 
vous permettront d'en obtenir une description par l’entre- 
mise des missionnaires visitant les Sauvages de Wamonta- 
chingue et de Kikandatch.—On m’a nommé ce poisson une 
Carpe rouge ; la tête est certainement celle d’une carpe, 
mais plus petite que celle de nos carpes ; le corps est allon- 
gé-comme celui de la truite, mais le ventre est plat et sa 
forme est celle d’un triangle bien prononcé; les écailles sont 
petites comme celles du hareng, la peau est d’un rouge sang 
sur les côtés et plus foncé sur le dos. Je ne puis vous dé- 
crire les nageoires, cependant celle du dos m'a paru tout à 
fait étrange. De souvenir je risquerai de dire qu’elle consis- 
tait en une touffe de pointes à plusieurs rangs n'étant pas 
reliées entre elles comme les nageoires ordinaires. 


6 LE NATURALISTE CANADIEN 


Comnre comestible, je me rappelle que nous l’avions clas- 
sé parmi nos meilleurs poissons d'eau douce du Canada, tels 
que la truite et le poisson blanc (l’Atikamak des Têtes de 
Boule). Montpetit ne paraît pas en avoir donné la descrip- 
tion parmi les poissons d’eau douce du Canada, et s’il ne 
vous est pas connu, il me paraît mériter de l'être. 

Montpetit dit dans son ouvrage ne pas connaître la nour- 
riture du poisson blanc. On ura dit qu’il se nourrissait 
d’un brin d'herbe qui croît sous l’eau à Ta décharge de sour- 
ces souterraines ; 1l prend aussi la mouche à fleur d’eau 
comme la /agraîche. 


Pour connaître la valeur de ce poisson, il faut le manger 
frais sortant de l’eau ; dans cet état on peut s’en nourrir 
presque constamment sans en être dégotité ou rassasié. 


H. VASSAL, 
SRE 


CHRONIQUE 


Les métiers chez les animaux.—\,es abeilles sont des géo- 
mètres: leurs cellules sont construites de façon à avoir, 
avec le moins de matériaux possible, les plus grands espa- 
ces et le moins de perte possible. La taupe est un météoro- 
logiste. La torpille, la raie et la gymnote sont des électri- 
ciens. Le nautilus est un navigateur, il lève ét baisse ses 
voiles, jette et lève l’ancre et accomplit encore d’autres ex- 
ploits nautiques. Des tribus entières d'oiseaux sont des mu- 
siciens. Les chenilles filent de la soie. [/écureuil est un 
nautonier, il traverse une rivière avec un éclat de bois ou 
un morceau d’écorce pour canot et sa queue pour une voile. 
Le castor est uñ architecte, un constructeur et un scieur de 
bois : il abat des arbres et bâtit des maisons et des barrages. 
La marmotte est un ingénieur civil : elle ne construit pas 
seulement des habitations, mais aussi des aqueducs et des 


CHRONIQUE 7 


drains pour les conserver sèches. Les fourmis blanches en- 
tretiennent une armée permanente et régulière. 
* 
* * 

Un étrange oiseau.—On trouve, en Nouvelle-Zélande, le 
kiwi, un étrange oiseau de la famille de l’autruche. Les au- 
truches ont deux orteils, mais les moas d'antan avaient 
trois orteils ; il en est de même des émus, des casoars et 
des rhéas, les autruches de l'Amérique du Sud. Le kiwi 
dame le pion à tous ces échassiers, car il a quatre orteils. 
Autre particularité : tout en appartenant à la famille des 
échassiers, il a la taille d’une poule domestique. La tête 
est petite, son cou gros et fort, et son bec long et mince ; 
les narines se trouvent tout près de l’extrémité du bec ; les 
jambes sont courtes, mais les muscles des cuisses sont très 
développés et les pieds sont forts et pourvus de griffes ai- 
guës. Le kiwi est un oiseau apparemment sans ailes ; il ne 
montre pas non plus trace de queue ; mais à la place de cet 
appendice il y a des plumes longues, étroites et semblables 
à des cheveux, cependant que la partie antérieure de la tête 
et les côtés de la face ont des antennes éparpillées çà et là 
qui ressemblent à des poils. 

Er 

Les journaux d'Honolulu (îles Sandwich) mentionnent 
le fait qu’un pêcheur japonais de cette ville a pris une es- 
pèce de poisson qui n’a encore jamais été vue. On l’a ap- 
pelé le poisson-grenouille, parce qu’à part des ouïes et des 
nageoires habituelles, ce poisson a des pattes et des pieds ! 
On est prié de ne pas oublier que les îles Sandwich sont 
aujourd’hui une colonie des Etats-Unis d'Amérique. 

* * 

Il paraîtrait que l’huître, même éloignée de la mer, ouvre 
ses écailles à l'heure où la marée montante couvre les ri- 
vages de son pays d’origine. Elle sait quand elle a faim et 
mange toujours avant que la mer monte. 


LE NATURALISTE CANADIEN 


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% 

% % 
Le jardin zoologique dé Dublin (Irlande) offre em cæ 
moment le curieux spectacle d’une lapine qui élève um 


_ jeune siffleux, dont les parents sont mnrts. La petite mar- 


motte se couche sur le dos de sa mère adcptive. 
«+ : 

On vient de trouver, enfoncé à une grande profondeur 
dans une mine de charbon près de Stratford (Angleterre), 
un sabot de cheval pétrifié. Le sabot est d’une grandeur, 
extraordinaire, ce qui permet de supposer que, dans les 
temps préhistoriques, les chevaux étaient plus grands qu’ils 
ne le sont aujourd’hui. 


HENRY TILMANS. 
4h 


LES RATS AU MANITOBA 


Nous avons entendu souvent les pionmiers du Saguenay 
parler di temps où les Rats domestiques étaient inconnus 
dans cetie région de la Province. Mais 1l y a déjà des an- 
nées qu’une pareille lacune dans la faune saguenéenne à 
été comblée, grâce sans doute aux facilités de communica- 
tion qui se sont établies, par ean et par terre, entre ce dis- 
trict et le reste du pays, et dont les quadrupèdes sont aussi 
à même que les bipèdes de profiter à l’occasion. 


D'autre part, la Northwest Review, de Winnipeg, nous ap- 
prenait, dans son numéro du 13 janvier, que le Manitoba 
manque encore de Rats, mais que cette situation, suivant les 
prévisions les plus raisonnables, ne va plus durer longtemps. 
“The ratless days of the Canadian Northwest are num- 
bered,” disait notre confrère. En effet, d’après les rensei- 
gnements qu'il a, le Rat s avance d’année en année à tra- 
vers l'Etat du North Dakota, Etats-Unis, et n’est plus, aux 
dernières nouvelles, qu’à 28 milles de la frontière eana- 


COLLECTION D’INSECTES 9 


dienve, où il arrivera probablement dès cette année. D'ici 
à une couple d'années, il sera installé à Winnipeg mêmes 

Tout ce que l’on peut dire, c’est que le Rat ne fait que 
suivre le mouvement : on sait, en effet, qu’il y a ces aunées- 
ci un fort courant d’émigration du nord des Etats-Unis vers 
les provinces canadiennes de l'Ouest. 

Cette espèce animale, que: l’on dit originaire des pays 
orientaux, n’en est pas d’ailleurs à sa première migration, 
puisqu'il lui aurait suffi de deux siècles pour infester l’Eu- 


rope et l'Amérique. 
SU 


OU IL EST DÉMONTRÉ QU'UN ENTOMOLOGISTE 
DOIT FAIRE UNE COLLECTION D’'INSECTES 


Tous ceux qui ont l’occasion de voir une collection d’in- 
sectes, rangée systématiquement, trouvent cela beau et 1n- 
téressant. Il est en effet certain qu'aucun genre de collec- 
tions, ni de botanique, ni de numismatique, ni de timbres- 
poste, etc., n'offre l’attrait de casiers remplis de ces petits 
animaux, aux formes si curienses, souvent si élégantes, et 
qui généralement se conservent avec tant de facilité tels 
qu'ils étaient au moment de leur mort. De cette admira- 
tion que l’on conçoit à la vue d’une collection de cette sorte, 
on passe aussitôt au désir d’en posséder soi-même une sem- 
blable. Mais la plupart des gens en restent là, parce qu'ils 
n’ont pas le loisir de se livrer à la pratique de l’histoire 
naturelle. | 

Quant à ceux qui éprouvent un goût spécial pour l’étude 
des sciences naturelles, et particulièrement pour celle de 
l’entomologie, nous disons qu’ils doivent absolument entre- 
prendre de faire une collection d'insectes. S'ils ne se dé- 
cident’ pas à mettre de la sorte la main à la pâte, suivant 
le terme populaire, leur goût pour l’histoire naturelle ne 
sera qu'un feu de paille, et s’éteindra facilement sous le 


2 — Janvier 1906. 


1O LE NATURALISTE CANADIEN 


coup des impressions et des préoccupations qui se succèdent 
sans relâche dans la vie. 


Le goût de l’entomologie, pour durer, doit être alimenté. 
Or rien ne saurait le soutenir et le développer comme le 
but que l’on se propose de trouver et de posséder le plus 
grand nombre possible d'espèces d'insectes. Les efforts qu’il 
faut faire pour rencontrer et capturer les espèces que l’on 
n’a pas encore, l’imprévu et le hasard qui marquent Îles 
trouvailles que l’on fait, la joie que l’on ressent à pouvoir 
ajouter à sa collection une espèce ou une variété qui y man- 
quaïit, le désir de pouvoir encore combler le plus tôt pos- 
sible des lacunes qui y persistent : tout cela donne un in- 
térêt incroyable à l’occupation de réunir une collection 
d'insectes, et en fait bientôt une sorte de passion beaucoup 
plus vive, et surtout beaucoup plus justifiée que celle de la 
timbrophilie. Il y a, dans la classe entomologique, un nom- 
bre si considérable d’espèces différentes, qu’il est pratique- 


ment impossible, même pour ie seul pays qu'on habite, de: 


les réunir à peu près au complet dans ses casiers. Cette dif- 
ficulté même d'atteindre le but projeté, jointe au plaisir 
d'ajouter sans cesse à sa collection, est justement ce qui en- 
tretient et aiguise, pour ainsi dire, ce goût que l’on ressent 
pour s’occuper d’entomologie. Il faut donc conclure, des 
considérations qui précèdent, que le fait de travailler à 
faire une collection d'insectes est le sûr moyen d’aimer 
lentomologie, de conserver et d’accroître l'intérêt que l’on 
prend à s'occuper de cette science, si attrayante quand on 
s’y livre un peu sérieusement. 


Nous ajouterons que monter une collection entomologi- 
que, c’est la voie la plus certaine pour acquéir la connais- 
sance du monde des insectes. En effet, 1l ne s’agit pas seule- 
ment de capturer et de fixer sur des épingles ie plus grand 
nombre d’insectes que l’on pourra, et de remplir ainsi des ti- 
roirs ou des boîtes à fond recouvert de liège. Ce ne serait 
là que jeu d’enfant, et personne ne tiendrait longtemps à 


COLLECTION D'INSECTES II 


faire de l’entomologie de cette façon par trop élémentaire. 
Ce qu'il faut, au contraire, c’est d'établir de l’ordre parmi 
les spécimens que l’on possède, c’est de les disposer suivant 
les familles, les genres et les espèces auxquels ils appar- 
tiennent. Or, pour trouver quelle est la place qui convient 
à chacun, il faut recourir aux descriptions faites par les 
auteurs, où bien s’aider d’autres collections déjà classifiées: 
mais chacune de ces deux méthodes exige une inspection 
très attentive, et même minutieuse, des spécimens, — par 
quoi l’on acquiert en peu de temps une connaissance appro- 
fondie des caractères anatomiques des insectes de tous les 
ordres. 

Du reste, ce qui attache vraiment dans la pratique de 
l’entomologie, ce n’est pas principalement l'étude faite dans 
les livres, ni l'étude de l’insecte mort; c’est plutôt, pour 
Pesprit curieux des choses de la nature, l’observation di- 
recte et personnelle de l’insecte vivant, l’observation de ses 
mœurs si curieuses et si différentes de celles des autres 
êtres animés. Ces connaissances prises sur le vif, on les 
acquerra par les efforts mêmes que l’on s'imposera pour 
capturer les spécimens destinés à sa collection, par la re- 
cherche et la poursuite que l’on en fera dans l'air, dans 
Peau, dans les gazons, dans les feuillages, dans les milieux 
divers où l’on a la chance de les trouver. 


On ne peut donc pas monter soi-même une collection 
sans acquérir des connaissances très variées et d’un extra- 
ordinaire intérêt sur les insectes. 


Il y a même, en cette matière, et quelque surpre- 
nant que cela soit, un côté sentimental, poétique, voire hy- 
giénique. 

‘ Si vous voulez monter une collection d'insectes, vous en- 
tendez bien que vous avez autre chose à faire qu’à vous 
balancer dans votre chaise berceuse. Vous ne vous atten- 
dez pas que, dès votre intention proclamée hautement, les 
Papillons, les Ichneumons, les Carabes, les Libellules, etc., 


12 LE NATURATLISTE CANADIEN 


vont s’en venir à tire-d’aile pour nue pas manquer l’hon- 
neur d’entrér dans votre collection. Non, si vous ne bou- 
giez pas de votre chambre, vous ne pourriez guère collec- 
tionner que des espèces domestiques, Aouches, Punaises, 
Blattes, Criquets, Poux et Puces: et encore, à part les 
Mouches domestiques, vous ne trouverez que très excep- 
tionneilement les autres espèces dans les maisons bien te- 
nues: ce qui, après tout, est fort heureux, si lon se met 
au point de. vue des gens que l’entomologie n’intéresse 
d'aucune façon. 

Il faut donc aller trouver les insectes où ils sont, c’est-à- 
dire dans les prés verdoyants, le long des gais ruisseaux, 
parmi les fieurs, sous les frais bocages.. Voyez-vous la poé- 
sie qui déjà se dégage de ce tableau tracé en deux coups de 
pinceau ?..Et les “ombres” ne manquent même pas au 
tableau, puisqu'il est nécessaire d'indiquer, comme endroits 
à scruter pour trouver certaines espèces, les bois pourris, 
les charognes, et autres objets encore moins ragoûtants.. 


Mais ces courses à travers champs et forêts, dans l'at- 
mosphère salubre des campagnes, n'est-ce pas tout ce qu’il 
y a de meilleur pour la santé à recouvrer ou à maintenir, 
de plus hygiénique, en un mot ? 

Enfin, il reste encore un argument à présenter, pour 
achever de convaincre le lecteur qu’il y a peu de chose, 
dans le monde profane, de supérieur au métier ou à Part 
du collectionneur d'insectes. 

Une collection entomologique n’a de valeur, suivant les 
idées qui ont cours aujourd’hui, qu’en proportion de ce que 
son histoire écrite est plus complète. Il faut, en effet, que 
l’on puisse dire de chaque spécimen qu’il a été capturé en 
telle localité, et même à quelle date et par quelle personne. 
Ces renseignements s'inscrivent sur les étiquettes mêmes. 
des spécimens ou dans un régistre spécial. . 


Eh bien, il résultera de cette manière de pramdes que 
votre collection sera comme le journal de votre vie, durant 


INFLUENCE DE LA LUNE SUR LA VÉGÉTATION 13 


votre carrière d’entomologiste. Chacun des spécimens vous 
rappellera l’agréable souvenir de tel voyage ou de telle ex- 
cursion, dont les dates précises se trouveront fixées sur les 
étiquettes ou dans le journal de la collection. Quel charme, 
encore, de voir que tel spécimen a été capturé, il y a tant 
d'années, par un ami disparu, dont vous n’aurez peut-être 
que cet unique souvenir ! 

. La conclusion de ces considérations diverses, c’est qu’il 
est indispensable, pour quiconque veut étudier un peu sé- 
rieusement la vie entomologique, de se mettre sans aucun 
délai à réunir une collection d’insectes. 


FER —E 


INFLUENCE DE LA LUNE SUR LA VEGETATION 


À la suite de plusieurs études publiées sous ce titre, nous 
manifestions le désir de voir nos savants prendre en main 
cette question et chercher à la résoudre dans un sens ou 
dans l’autre. 

Cet appel a été entendu, paraît-il, car le Bulletin de l'of- 

_Jfice de renseignements agricoles, publié sous les auspices 
du ministère de l'Agriculture, rend ainsi compte—dans un 
de ses derniers numéros, des expériences que M. Camiile 
Flammarion, l’astronome bien connu et si populaire, a 
comimencées en 1904 à la station de climatologie agricole 
de Juvisy, afin de vérifier la réalité de l'influence que la 
commune croyance attribue à la lune sur la végétation. 

“Bien qu’invraisemblable au premier abord, dit M. Flam- 
marion, 1] y a cependant lieu d'examiner avec soin si cette 
influence existe réellement. La lumière lunaire, en effet, 
diffère de la lumière solaire en ce qu’elle est relativement 
beaucoup plus riche que celle-ci en rayons obscurs, de sorte 
que ce rayonnement particulier pourrait être une cause ca- 
pable de produire des effets spéciaux. La différence entre 
les effets dus à la lune croissante et à la lune décroissante, 


14 LE NATURALISTE CANADIEN 


si e‘le existe, pourrait également tenir à ce que le végétal 
ne se trouve pas dans jes,:mêmes conditions : au dernier 
quartier, le végétal reçoit le rayonnement lunaire après. 
avoir subi le refroidissement nocturne dans la prenrière par- 
tie de la nuit, tandis qu’au premier quartier, c’est l'inverse 
qui a lieu.” 

M. Flammarion a donc fait de nombreux semis à des: 
dates correspondantes aux différentes phases de la lune, em 
tenant compte de la température du sol au nroment des se- 
mailles et de son humidité. 

“Des pois semés en nouvelle lune, le 15 avril, ont mieux 
réussi que ceux qui ont été semés en pleine lune le 3 mars ; 
les semis du dernier quartier (7 avril} et du premier quartier 
(22 avril} ont mal réussi. 

“Pour les betteraves, c’est le semis du dernier quartier 
(7 avril) qui a le mieux réussi. 

“Des carottes semées aux mêmes dates n’ont réussi dans. 
aucune des planches, Des semis de poireaux n’ont présenté 
aucune différence bien sensible. La planche d’oignons la 
plis belle a été semée en nouvelle lune, ie 15 avril. 


“Des pommes de terre plantées en pleine lune, le 29 
avril, et au dernier quartier, le 7 mai, ont mieux réussi que 
celles qui avaient été plantées le 15 avril en nouvelle tunes 
et le 22 avril, au premier quartier. 


“Des haricots semés le 29 avril, en pleine lune, et le 7 
mai, au dernier quartier, ont bien réussi, et la récolte a été 
abondante: semés en nouvelle lune et au premier quartier, 
ils ont donné un plus faible rendement. 

“Des romaines, des laitues, des choux, des radis, des ca- 
rottes ont été semés en pleine lune, le 29 mai et le 27 juin; 
en nouvelle lune, le 13 juin'et le 13 juillet; la réussite a 
été bonne pour le semis du 29 mai; dans les trois autres 
semis, les graines n’ont pas bien levé et les plantes sont mal: 
venues.” 

Sans doute, le résultat de ces premières expériences n’a 


PSS 


PUBLICATIONS REÇUES 15 


rien de bien concluant, mais au moins, la science s’est mise 
en marche et maintenant nous avons lieu d'espérer qu’elle 
ne s'arrêtera pas et nous fixera définitivement dans... quel- 
ques années. 

Cela ne doit pas empêcher nos lecteurs de faire, de leur 
côté, de sérieuses expériences. 

(Pèlerin.) KE, 


PUBLICATIONS REÇUES 

— Actes de la Société linnéenne de Bordeaux. Vol. LIX. 
1904. 

— Bulletin de la Socrêté royale de Botanique de Belgique, 
1902-3-4-5- | | 

—(Bulletin of the U. S. National Museum, No 53, Part I) 
Catalogue of the type and higured specimens of fossils, mi- 
nerals, rocks and ores in the deparrment of geology, U.S. 
National Museum, Part I. Fossil invertebrates. Washing- 
ton. 1905. 

Ce volume, qui a plus de 700 pages, devra être suivi de 
plusieurs autres, pour contenir toute la liste des spécimens 
de l'immense musée de Washington. 

— Minnesota Plant Diseases, by KE. M. Freeman, Saint- 
Paul, Minnesota, 1905. Volume in-8° de 432 pages, illus- 
tré de 211 gravures. 

Ce superbe volume, publié aux frais de l’Université de 
Minnesota, contient une étude générale des champignons et 
autres organismes nuisibles aux végétaux de l’état du Min- 
nesota, avec indication de procédés pour lutter contre les 
ravages de ces maladies diverses. 

—(N. Y. State Museum.) 20/4 Report of the State En- 
tomotogist on Injurious and other Insects of the State cf New 
}ork, 1904. Albany. 1905. 

Ce volume compte environ 250 pages, et les entomolo- 


. gistes sont au fait de son importance scientifique. 


/ 


16 LE NATURALISTE CANADIEN 


— Annuaire statistique du Canada, 1904. Ottawa. 1905: . 


— Nous accusons réception de l’A/manach Agricole, Coms 
mercial et Historique de 1906, publié par la Cons 
J.-B. Rolland & Fils, Montréal. 

Dans cette 40e édition se trouve le nom de tous les 
Membres du Parlement fédéral et de la Législature de 
Québec qui viennent d’être élus. Il contient aussi le nom 
de la Hiérarchie eatholique du Canada, l’administration 
des divers départements de la province de Québec, et grand 
nombre d'informations très utiles. Cet Almanach est en 
vente chez tous les principaux libraires au prix de cinq 
centins l’exemplaire. 

—Almanach des Cercles Agricoles, 1906, publié par la 
Compagnie J.-B. Rolland & Fils, Montréal. 

Il contient, outre le calendrier ordinaire des autres alma- 
nachs, des conseils agricoles pour chaque mois, des articles 


sur la culture du sol, des notions sur l’horticulture, l’hy- . 


giène, ainsi que des recettes sur l’économie domestique. 
Cet ouvrage fait vraiment honneur à son rédacteur M. Na- 
gant, du /ournal d'Agriculture. 


Cet aimanach est en vente chez tous les principaux li-. 


braires, à 10 cts. | 

— Calendrier de la Puissance du Canada, 1906. Ce ca- 
lendrier contient une liste complète de la hiérarchte ecclé- 
siastique, ainsi que le nom de tous les curés de la Puis- 
sance. ki 

Il est en vente chez tous les principaux libraires à 5. cts 
J'exemplaire. 


| (1 4 17 F. 


LE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Février 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No2 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


LE DISTRICT MINIER DE COBALT 


Rockes et Minéraux 


Jusque dans ces dernières années, avant la construction 
du chemin de fer de ‘*Témiscamingue et Nord d'Ontario”, 
la récion sise à l'Ouest du lac Témiscamingue n'était 
guère connue que des bûcherons ; ces braves gens, forts 
à la hache mais très faibles en...minéralozie, avaient 
même, dit-on, égratigné ou labouré, avec leurs charges de 
bois, mais sans y prendre garde, l’affleurement plus ou 
mo'ns décomposé d’une grande et riche veine métallifère 
uon lein de l’endroit où s’élève aujourd’hui la ville nais- 
sante de Cobalt. 


Au printemps 1903, quelques employés du ‘’Temiscaming 
and Northern Ontario Ry.”, attirés par la teinte rosée de 
certaines pierres (cette teinte rosée indique souvent un ar- 
séniate hydraté de cobalt, érythrite ou fleur de cobalt). 
conçurent l'idée que ces minéraux pouvaient avoir une 
certaine valeur économique. Plus tard on trouva des échan- 
tillons de niccolite (arséniure de nickel), et les découvertes 
de minerais relativement rares de cobalt, de nickel et 
d'argent se succédèrent. Le bureau des mines de Toronto 
fit faire une étude de la région, et M. W. Miller, géologue 


provincial d'Ontario, publia l’été dernier un rapport très 
3 — Février, 1906. 


18 LE NATURALISTEH CANADIEN 


intéressant, avec une carte géologique détaillée, pouvart 
servir de guide à tous ceux qui accourent en foule pour 
prospecter et exploiter ce district. 

Actuellement, on y a découvert plus de 40 veines ou 
filons, qui sont distribués sur environ 25 lots de 40 acres, 
c’est-à-dire sur une petite surface entourant la ville de 
Cobalt ; presque chaque jour on fait de nouvelles découver- 
tes en egrandissant le cercle des recherches. Les filons de 
minerais occupent presque sans exception des fissures verti- 
cales traversant le terrain ‘‘Huronien inférieur”. . 

Voici, d’après le géologue Miller, une liste des princi- 
paux minéraux et minerais que renferment les gisements 
du district de Cobalt: 


I.— Eléments métalliques (à l'état natif) : Argent natif, 
Bismuth natif, Graphite. 

IT. —Arséniures : Niccolite (arsémiure de nickel): chlo- 
anthite (biarséniure de nickel) ; Smaltine (biarséniure de 
Cobalt. 

III. —Arséniates : Erythrine ( arséniate hydraté de co- 
balt) ; Annabergite (arséniate hydraté de nickel, fleur de 
nickel). 

IV.—Sulfures : Argentite (sulfure d'argent) ; Millerite 
(sulfure de nickel). 

V.—Sulfo-Arséniures : Mispickel (sulfo-arséninre de fer). 

VI.—Antimoniures : Dyscrasite (antimoniure d'argent). 

Vil.—Sulfo-antimoniures : Pyrargyrite ou argent rouge 
antimonié (sulfo-antimoniure d’argent). 

l'étrahédrite (sulfo-antimoniure de cuivre). : 

Outre un certain nombre de produits d’altération des 
minéraux précédents, tels que l’asbolane (cobalt oxydé 
noir) qui est de la fleur de cobalt très altérée, on trouve 
encore d’autres sulfures non mentionnés ci-dessus, spéciale- 
ment dans la roche formant le mur de la veine ; ces der- 
niers consistent en pyrite de cuivre et bornite (qui sont des 
sulfures de fer et de cuivre), galène (sulfure de plomb) et 


ROCHES ET MINÉRAUX 19 


pyrites de fer (sulfure et bisulfure de fer). La blende (sul- 
fure de zinc) s’y trouve aussi en certains points. 

Comme on le voit, il y a ici une remarquable collection 
de minéraux relativement rares et nombreux. Ce groupe- 
ment présente quelque analogie avec les gisements célè- 
bres de Joachimsthal, en Bohème, mais cependant ne sem- 
ble pas contenir, comme ces derniers, de l’uraninite ou 
pechblende, ce fameux minéral d'uranium radio-actif dont 
M. et Mme Curie ont extrait le radium. 

À défaut de pechblende (dont l'absence, d’ailleurs, ne me 
semble pas encore démontrée), les gisements du district de 
Cobalt sont beaucoup plus riches que ceux de Joachimsthai 
en argent, cobalt, nickel et arsenic. 

La richesse du minerai canadien est phénoménale. On y 
trouve parfois des veines de dix pouces contenant une forte 
proportion d'argent natif, en blocs qu'il est difficile de bri- 
ser pour la mise en sas ; certaines veines plus étroites, n’a- 
yant qu’un demi-pouce d'épaisseur, sont composées d'une 


seule feuille onu plaque d'argent massif. 
” 


L'argent natif ” se trouve en masses et également sous 
forme de pellicules, écailles, feuilles et filaments. A la mn 
ne “Trethewev”, à Cobalt, on a extrait des masses d’argent 
massif dont l’une pesait 79 livres. 

Le ‘“bismuth” natif se rencontre dans tous les gisements 
exploités à Cobalt. Sur les surfaces de cassure fraîche, il 
a presque la couleur de l'argent natif ; on le distingue de 
ce dernier par sa moindre dureté. 

Le “cobalt” est contenu principalement dans la smaltine 
qui est un biarséniure de ce métal. Comme on le sait, le 
cobalt est surtout employé en céramique et dans ia fabrica- 
tion des verres bleus. 

La plus grande partie du nickel se trouve surtout sous 
forme d’arséniure (niccolite et chloanthite). 

“Production et analyses”.— Pour donner une idée exacte 
de la richesse des minerais extraits de cinq ou six mines 


20 LE NATURALISTE CANADIEN 


exploitées autour de la station de Cobalt, citons un exem- 
ple tiré des rapports officiels : 

Du 31 mars au 30 juin 1905, on expédia de la station de 
Cobalt 537 tonnes de minerai brut, évaluées à $394,000, 
soit à $#834 par tonne. Cette charge contenait en moyenne: 


AGENTS RME MENUL URSS cd PONT ICETNE 
COBATENE FRIC UN QE MA ALTER ge: 
Nickér. 00: ASE te PP 5 
AFRICAN RS Le 47 A PERS " 


Les métaux contenus furent vendus approximativement 
aux prix suivants : argent, 60 cts l'once Troy ; cobalt, 65 
cents la livre ; nickel, 12 cts à 15 cts la livre, et l’arsenic à 
1 cent la livre. L 

Actuellement, 1l y a plus de 20 concessions minières mi- 
ses en exploitation. 

Une seule veine exploitée à la miue de La Rose, au nord- 
est de Cobalt, a déjà produit des minerais de nickel, cobalt 
et argent pour $1,000,000 avant la fin de l’année 1905. 

La mine Trethewey, au nord de la station, areçu des 
paiements de $ 80,000 par char de trente tonnes de mine- 
rails. 

Aperçu géologique.—X,e rapport de 1905 du Prof. Miller 
contient une très belle étude géologique de la région. Nous 
ne pouvons en présenter ici qu’un résumé très abrégé. 

Voici, en commençant par les plus anciennes, les div:r- 
ses formations géolowiques que l’on rencontre dans je dis- 
trict de Cobait : 

1.—Le Keewatin, formé d'un mélange complexe de ro- 
ches d’origine ignée et consistant en diorite, porphyre 
quartzeux, etc., a subi un certain nombre de plissements et 
de perturbations. Cette formation, qui se trouve en dessous 
du Huromen inférieur, présente un intérêt économique réel, 
car elle contient de puissants gisements encore peu explo- 
rés de minerais de fer, fer arsénical, pyrite de cuivre, etc., 
et même un peu d’or. 


RL + 


ROCHES ET MINÉRAUX 21 


2.—Le Granit laurentien qui pénètre par intrusion 
dans le Keewatin, mais s'arrête à la base du Huronien in- 
férieur. 

3.—Le Huronien inférieur, qui contient les fameux gise- 
ments d'argent et d'arséniures de cobalt et de nickel et est, 
à ce titre, la plus intéressante formation de la région. C’est 
Ja plus ancienne formation d’origine sédimentaire que l’on 
y «it encore trouvée. Elle contient, il est vrai, des frag- 
ments d’une roche sédimentaire encore plus ancienne, mais 
non encore identifiée. Le Hnronien inférieur est très va- 
riable de composition dans ses horizons les plus bas, ce 
qui montre que les conditions de sa sédimentation ont dû 
être très irrégulières. Il a été dépose sur un fond très iné- 
gal et accidenté. On trouve à sa base tantôt un conglomé- 
rat grossier, tantôt nn quartzite yris à graius réguliers, 
puis, en montant. une succession de schistes régulièrement 
zonés, quartzites, etc. Cette formation du Huronien inférieur 
semble avoir une épaisseur moyenne de 500 pds. Dans le 
voisinage des gisements de minerais, les roches de cette 
formation sont horizontales où faiblement inclinées. Vers 
le nord, près du lac Téimiscamingue, leur plongement est 
plus accentné. 


4.—Le Huronien moyen est un quartzite gris jaunâtre, 
feldspathique, à texture grossière, c’est-à-dire un arkose. Il 
repose en stratification discordante sur le Huronien infé- 
rieur. On le rencontre en plusieurs points sur les bords du 
lac Témiscamingue. Il présente peu d'intérêt. 

$s—Diabase.—Formation d’origine ignée, éruptive, com- 
posée en général de diabase, mais variant de la diorite au 
gabbro. Elle constitue d’importantes masses d’intrusion. 
Ces roches à diabase traversant toutes les autres formations 
précédemment nommées, on en conclut qu’elles sont de 
formation plus récente que le Huronien moyen ; mais elles 
sont cependant plus anciennes que la formation dite “Cal- 
caire de Niagara” qu’elles ne traversent pas. Les fissures 


‘ 


22 LE NATURALISTE CANADIEN 


occupées maintenant par ies minerais de cobalt-nickel-ar- 
gent dans le Huronien inférieur, furent probablement pro- 
duites par le bouleversement qui accompagna l’éruption 
de la diabase. Les minéraux d'argent, etc, aui font la ri- 
chesse de ce district, furent probablement déposés par les 
eaux chaudes et fortement chargées de solutions métalli- 
ques associées au phénomène de l’éruption (l’arrivée de 
ces eaux salines et chaudes marquent ordinairement Ja 
dernière phase des éruptions). 


6.— Le Calcaire de Niagara.—Cette formation se pré- 
sente au Nord et à l'Est du district, recouvrant les roches 
plus anciennes. Comme elle est apparemment plus récente 
que les gisements de minerais étudiés dans cet article, elle 
est à ce point de vue sans intérêt. 


7.—Enfin, les Dépôts glaciaires qui recouvrent toute la 
surface du sol. | 

Ces dépôts constituent souvent un obstacle formidable 
aux recherches des prospecteurs, surtout lorsqu'ils sont 
eux-mêmes recouverts par la végétation. - 

Telie est, en résumé, la série des terrains géologiques 
que l’on rencontre dans l’intéressante région de Cobalt. 
La région Nord-ouest de la province de Québec que va 
parcourir prochainement le chemin de fer du Grand-Tronc- 
Pacifique n’est, en somme, que la continuation des hori- 
zons géologiques étudiés ici; et il m'a semblé que les rensei- 
gnements condensés dans cet article seraient de quelque 
utilité à ceux des lecteurs du ‘“Naturaliste canadien” qui 
se proposent d'assister de près ou de loin au dévoilement 
des trésors minéraux que renferme le Nord. 


H. NAGANT. (1) 


(1) Comme on le constate, le Vuturaliste voit un nom nouveau, et loin 
d’être inconnu, s’ajouter à la liste de ses collaborateurs. Nos lecteurs 
seront heureux, comme nous, de ce que la minéralogie, depuis si long- 
temps absente de nos pages, y reparaisse aujourd’hui grâce à M, Nagant, 
qui, nous avons lieu de l’espérer, ne fait qu’ouvrir aujourd’hui une série 
d'articles intéressants et utiles. 269. h 


CHRONIQUE 23 


CHRONIQUE 


De la Grande-Bretagne nous vient ceci : En brisant un 
morceau de roche d’une corsidérable grandeur, récemment, 
à Blackburn, des ouvriers découvrirent dans l’intérieur de 
la pierre un ver mesurant sept pouces de longueur. Le 
journal de l’endroit nous assure qu’au contact de l’air ex- 
térieur le ver donna des signes de vie, et il conclut grave- 
ment par dire que l’opinion de plusieurs savants locaux est 
que le ver en question devait avoir à son actif plusieurs 
mille ans d'existence ! 

De l'activité et de la somme de travail que peuvent 
fournir les oiseaux, nous avons une preuve dans le fait 
suivant. À Louisville, Kentucky, Etats-Unis, des Moi- 
neaux qui n'avaient pas été dérangés depuis sept ans, 
avaient rempli un grenier de foin, de paille et de branches. 
Il y a quelques jours, le propriétaire de l'immeuble, vou- 
lant inspecter les lieux, dérangea les Moineaux qui avaient 
fait du grenier leur domicile ; et quand il l’eut vidé, il se 
trouva qu’il y avait là deux bonnes charges de foin, de 
paille et de branches. On y compta plus de deux cents nids. 
Et les Moineaux ne battirent en retraite qu'après une résis- 
tance prolongée. 

HA 

Le jardin zoologiqne d'Edimburgh, Ecosse, vient de s'en- 
richir d’un jeune Renne, le premier animal de son espèce 
ué dans le Royaume-Uni et le premier aussi, dit-on, né en 
captivité. 


* 
* * 


Il n’y a pas de serpents en Irlande, du moins à ce que 
nos amis les Irlandais assurent. Or, on vient de tuer un repti- 
le de ce genre, dernièrement, dans un champ d'Orklow, 
comté de Wicklow, et les gens de l’endroit n'ont trouvé 


24 LE NATURALISTE CANADIEN 


qu'une explication de ce fait extraordinaire : ils préten- 
ù AT ; \ 
dent que le reptile doit être sorti de l’eau. 


Un écrivain français parle. dans une revue scientifique 
des énorines profondeurs de l’océan, variant de 25009 à 
30,000 pds. La température y descend jusqu’à zéro, et au- 
dessous de 1280 pds, la nuit règne sans fin. A cette profon- 
deur, les plantes privées de luimière ne peuvent pas vivre, 
et les êtres qui y habitent doivent être carnivores. L'organe 
de la vue, n'étant pas en usage, a disparu. Et cependant il 
y a une sorte de lumière, même dans ce monde sombre. En 
effet, un navire allemand a trouvé à une profondeur de 
6,400 pds un poisson avec des yeux énormes. 

x 

Les castors recominencent à se propager dans les eaux 
du Manitoba. Il y a une famille de ces intéressants ani- 
maux à Carberry, cinq familles à la rivière du Cygne, 
trois ou quatre à Minitones, et plusieurs dans les coulées 
entre la montagne du Canard et Riding Mountain. Près 
de Nesbitt, sur la rivière Souris, il y a une trentaine de 
castors qui construisent un barrage ; et le département de 
l'Agricultuie a nominé nn homme dont la mission consiste 
à les protéger. Espérons que la protection sera efficace et 
permettra aux castors de reprendre domicile dans une pro- 
vince où ils abondaïient autrefois. 


k 
*X *X 


Les journaux scientifiques allemands nous apportent la 
description du squelette d’un éléphant de mer géant, que 
l’on vient de monter au jardin zoologique de Berlin et qui 
constitue le plus wrand exemplaire de cet animal qui aît 
été tué. Il mesure à peu près 21 pds du bout de la queue 
au bout de la défense, et devait peser vivant 10,000 Ibs ou 
près de quatre tonnes et demie. La circonférence de son 
corps à l'endroit le plus gros est de 18 pds'; le crâne seul 
mesure 2 pieds et 3 pes de long, sur 1 pied et 3 pouces de 
haut. 


AGE T4 


CHRONIQUE 25 


L’éléphant de mer, ou Eléphant-Morse, est à plusieurs 
points de vue une curieuse bête. Pour la taille, il peut 
lutter avec le Walrus, qui a l'aspect plus féroce. Son nez 
excepté, c’est un gros Morse noir, assez vif dans l’eau et 
très palot à terre, comme tous ceux de son espèce. Il est 
pesant comme un Hippopotame, qu'il rappelle vaguement. 
Il appartient aux deux hémisphères, mais il a été tant 
chassé que l’on en rencontre très peu d'individus au nord 
de l’Equateur. Il hante les rochers déserts des îles Kergue- 
len et Thetland, dans l’océan Antarctique, où jadis 1l exis- 
tait en bandes innombrables. On le tuait pour sa peau et 
pour l'huile que donnait sa graisse. Il se nourrit presque 
exclusivement de poissons. Une particularité des défenses 
de cet animal, c’est que celles du mâle sont pleines, tandis 
que celles de la femeile sont plus courtes et presque entiè- 
rement vides, 

HENRY TILMANS. 


+ &+— 
UNE APPRÉCIATION 


Nous traduisons et reproduisons. de la livraison®de fé- 
vrier de l’Ot/awa Naturalist, un compte rendu bibliogra- 
phique de notre 7rarté élémentaire de Zoologie et ;d'Hy- 
giène, écrit par M. J.-A Guignard, assistant-botaniste et en- 
tomologiste du Canada, et qui est déjà bien connn de nos 
lecteurs. 

“Cet ouvrage, très utile et très précis sur la zoologie et 
l'hygiène et dent on attendait la publication depuis quel- 
que temps, vient de paraître. Cette publication sera sans 


doute accueillie avec un plaisir particulier par tous ceux 


qui ont du goût pour les sciences naturelles, même en de- 
hors de la population française du Canada. En effet, c’est 
à notre connaissance le seul ouvrage contenant un aperçu 


général de la faune du Canada qui ait encore été publié. 
4 — Février, 1906. 


26 LE NATURALISTE CANADIEN 


En outre, les genres les plns importants où les plus intéres- 
sants de la faune de tous les pays v sont mentionnés et 
souvent aussi 11lustrés, en sorte que l’on a là une. vu: d’en- 
semble fort complète de tout le rèxne atiiunal. 

“auteur du livre est un naturaliste de race et passionné 
pour le sujet qu'il traite ; la clarté de l'exposition est la 
note caractéristique de sa manière. [l n’a épirgné aucune 
peine pour atteindre la précision et l'exactitude, qui sont 
indispensabies dans un livre de science, c’est-à-dire un livré 
où tout doit être exact. 

‘Les amateurs, les instituteurs et les étudiants trouveront 
donc un guide sûr, pour l’étude de la faune canadienne, 
dans l’ouvrage dont nous parlons, et qui contient aussi des 
notions fort développées de l'anatomie et de la physiologie 
animales. 

“Enfin, il est à souhaiter que ce livre soit largement in- 
troduit dans les écoles françaises du Cinada”: 


I.-A: GUIGNARD. 


a rt GR DE ae 
Em S 


DE LA*CHASSE AUX INSECTPES 


Pour faire un civet de lièvre : 2yenez un lièvre, etc. 

Pour faire une collection d'insectes : Prenez des insectes. 

C’est bien, dans les deux cas, la même coudition impé- 
rieuse, et d’une vérité encore plus littérale dans le second. 

A serrer la question de près, il y a, à vrai dire, deux fa- 
cons de former une collection entomologique. 

De même qu'il y a des marchands de boutons et de tant 
d’autres articies divers, il y a aussien plusieurs grandes 
villes des marchands d’insectes, et l’on pourrait parfaite- 
ment se faire expédier leurs catalogues, y choïsir les 
espèces que l’on voudrait avoir, et se les faire expédier chez 


soi, où l’on prendrait tout le loisir voulu pour les classer : 


DE LA" CHASSE, AUX INSECTES 27 


suivant le meïlleur ordre scientifique. Seulement, ce 
moyen pen hérn'que de faire de l’histoire naturelle est loin 
d’être à la portée de tout le monde, parce qu’il serait extrê- 
mement coûteux, au moins autant que l+ serait l’établisse- 
ment d’une collection philatélique exclusivement à prix 
d'argent. Et puis, comme il n’est ici question que de la pro- 
vince de Québec, et qu'il ne se trouve en aucune de nos 
villes des magasins entomologiques ; comme il faudrait donc 
fair ses achats l: spécimens par exemple à New-Vork, 
pour ne pas parler de Londres, Paris, etc., on peut être as- 
suré an‘une collection formée ainsi de spécimens achetés 
en des villes de l'étranger manquerait de beaucoup d’es- 


pèces communes dans notre pays. 

One si, pour des raisons spéciales, l’on tenait absolument 
à monter une collection d'insectes à prix d'argent, le plus 
pratique serait d'acheter la collection de quelqu'un de nos 
amateurs obligé dese “retirer des affaires”  entomologi- 
ques. Maïs l’on trouvera rarement des occasions de ce gen- 
re, surtout parce que le nombre de nos amateurs est très 
restreint. 

Non! Ce qu’il y a à faire pour l’aspirant entomologiste, 
c'est d’aller prendre lui-même les insectes où ils se trou- 
vent, c’est-à-dire partout. Des insectes ! Mais, durant cinq 
bons mois chaque année, les champs et les jardins, les 
montagnes et les vallons, les cours d’ean et es lacs en 
sont remplis ! I] n’y a qu’à aller les y capturer en tel nom- 
bre qu’on le désire. Et voilà justement ce qui rend sa col- 
lection si chère au collectionneur, puisqu'elle représente à 
ses yeux une somme considérable de soins et de fatigues, 
qu’elle devient même comme un tableau d’une partie plus 
ou moins considérable de sa vie. Il ne peut promener ses 
regards à travers les casiers de sa collection sans se rappe- 
ler, souvent avec le plus grand charme, qu'il a capturé tel 
et tel insecte, en telle année, en telle campagne, avec. tels 
ou tels incidents plus ou moins pittoresques. 


38 LE NKATURALISTE CANADIEN 


Mais, encore, il ne fant pas oublier que ce n’est qu'e, se 
Jivrant à la chasse anx insectes que l’on peut amasser une 
réserve de ‘“doubles’”, c’est-à-dire de spécimens dont l’on 
possède déjà des semb'ables dans sa collection. Ces doubles, 
il y a intérêt à en accroître la quantité le plus qu'il est pos- 
sible. C’est, ei effet, pour le collectionneur, un véritable 
trésor qui lui permettra d’avoir les plus avantageuses rela- 
tions d'échange avec d’autres collectionneurs du pays, et 
de se procurer ainst le plus facilement du monde, des espè- 
ces qu’il n’a pu rencontrer encore dans ses chasses. Et com- 
me il pourrait avoir le goût d’ajouter à sa collection d'in- 
sectes du pays une collection spéciale d'insectes des pays 
étrangers, il n'aura qu’à se mettre en rapport avec des col- 
lectionneurs de ces pays, pour échanger avec eux des spé- 
cimens. 11 y a ainsi, dans la plupart des pays civilisés, des 
entomologistes très désireux d’avoir des correspondants en 
Amérique, et spécialement au Canada, et l’on ne sera ja- 
n ais en jeine de disposer de tous les spécimens que lon 
aurà capturés en nombre. De cette façon et sans qu’il en 
coûte à peu près aucun déboutrsé, on peut réunir une col- 
lection considérable d'insectes des autres pays ou conti- 
nents. Pour ce qui est de connaître les noins et les adresses. 
de ces collectionneurs étrangers, il n’y a qu’à consulter les 
annonces des revues entomologiques, où mieux encore 
l’'Æntomologists Directory (Etats-Unis et Canada), publié 
par ie Dr H. Skinner (:); ou l'/x/ernational Screntists” 
Directory, S. E. Cassino (Boston, Mass, U.S.): ces ou- 
vrages contiennent la liste assez complèt: des naturalistes 
professionnels ou amateurs de tous les pays. 


Nous croyons pouvoir supposer que le .naturaliste ; ama- 
teur, à qui nous nous adressons 1c1, s’est laissé convaincre 
de l'intérêt qu’il y a pour lui à se livrer à la chasse aux 
insectes. Il convient donc maintenant de,iui donner des 


(1) American Entomological Society, Philadelphia, Pa., U. S. 


DE LA CHASSE AUX INSECTES 29 


conseils pratiques qui l'aideront à tirer bon profit de cètte 
attrayante occupation. 


Et de même que le chasseur de gibier à poii où à plui- 
nie ne se met pas en campagne sans ses cartouches et sa 
carabine, ainsi le chas<eur d'insectes ne siurait se passer de 
certains instruments propres à lui faciliter sa tâche. Nos 
allons faire ici une uue énumération desc’iptive des arti- 
cles qui composent l’outiilage de l’entomologiste en c«um- 
pagne. 

FiLET.—Vulgairement, cet appareil est souvent disizné 
par le nom de #/oche. Il consiste essentiellement en une sorte 
de sac profond de tulle, de gaze, de soie, à mailles claires, 
dont l'ouverture est fixée tout le long d’un cercle inétalli- 
que, qui est lui-même ajusté au bout d’une canie ou d’un 
n anche long de trois ou quatre pieds. 


Comme on le voit, jour peu que l’on soit ingénieux, cet 
instrument n’est pas difficile à fabriquer. Il y suit d’un 


bout de fil de fer un peu fort, d'un morceau de 
mousseline, et disous, du manche d’un...ex- 
balai. Et comme il arrive assez souvent que 
des ga’s de la campagne, munis des plus élé- 
inentaires fourniments de pêche, font les cap- 
tures les plus intéressantes sur les lacs et les 
rivières, rien n'empêche que l’amateur, armé 
de la filoche la plus invraisemblablement fa- 
briquée, n’en retire des spicimens eutomologi- 
ques absolument extraordinaires, c’est-à-dire 
très rares et même inconnus jusque-là. Cela 
soit dit pou! la consolation et l’encouragement 
des amateurs qui, ainsi que cela se rencontre, 
sont beaucoup mieux pourvus de zèle et de 
courage que de ressources monétaires. 


Il est toutefois avantageux, si on peut le 
faire, de se procurer un filet tout fait, chez les marchands 


30 LE NATURALISTE CANADIEN 


d'objets d'histoire naturelle. Comme c’est le cas pour beau- 
coup de marchandises, il y en a de tous les prix et pour 
tous les goûts. C’est ainsi, par exemple, qu’on en trouvera 
dont le cercle peut se détacher du manche et se fermer en 
deux on en quatre ; le manche lui-même se défait en trois 
ou quatre bouts, et voilà un instrument qu’il est facile de 
faire entrer dans les poches de son pardessus ou dans sa sa- 
coche de voyage, et d’emporter avec soi dans la moindre 
petite excursion que l’on va faire à la campagne. On peut 
aussi faire disposer le cercle du filet de telle sorte qu’il 
s’adapte au bout de sa canne, c'est là un procédé qui ré- 
N 


duit au minimum le souci d’être prêt à profiter de toutes 
les occasions qui peuvent se présenter. 


(À suivre.) 
TK ER = D 


LE SPOTSSON SOTETL? 


La Croix (Paris) publiait, en son numéro du 28 décem- 
bre dernier, l'entrefilet suivant : 


Un nouveau poisson 


“On signale l'apparition, dans la rivière d’Aïn, d’un nou- 
veau poisson d’origine canadienne, appelé poissou-soleil, en 
raison de ses écailles brillantes. 

-Ce nouveau poisson, qui « multip'ie rapidement, est 
très vorace. Heureusement, sa longuerir ne dépasse pas o 
im. 15 et il faut trois ans pour atteindre le poids de 40 
grammes.’ 

Le correspondant parisien du .So/ei! (Québec) lui écri* 
vait, à la date du 9 janvier, au cours d’un arti:le publié le 
24 janvier : 

“ On signale l'apparition dans plusieurs rivières de l’Est 


de la France d’un nouveau poisson d’origine canadienne;.’ 


appelé poisson-soleil en raison de ses écailles brillantes. 


ie 


LE POISSON-SOLEÆEIL 31 


‘“ Ce nouveau poisson, qui se multiplie rapidement, est 
très vorace. Heureïisement sa longueur ne dépasse pas 7 
centimètres et il lui faut trois ans pour atteindre le poids 
de 40 grammes. 

“ Le journal de Saônc-et-Lo're, auquel j'emprunte ces 
renseignements, dit en forme de conclusion : “Comine on 
f ne voit guère un poisson aussi menu traverser tout seul 
f“ l'océan, pour venir, du Cauada, peupler les cours d’eau 
“ français, il faut que quelqu'un nous aïît fait ce cadeau. Il 
‘ aurait mieux fait de le garder pour lui.” 

Si nous enregistrons l'affirmation contenue dans ces en- 
trefilets, c’est uniquement parce qu'il y est question de ia 
faune canadienne, quoique sans doute sans aucune sorte de 
fondement. Car rien n’est plus invraisemblable que l’intro- 
duction dans une rivière européenne d'une très petite es- 
pèce de poisson d'Amérique, 

Après cela, nous pouvons bien dire qu'il n'y a pas an 
Canada de poisson à qui nos donnions, en français, le nom 
vulgaire de “Poisson-Soleil”. Par contre, toute une famille 
de nos poissons d'Amérique, celle des Centrarchidés, porte 
le nom anglais de Suw-Æishes, soit Poissons-Soleils. Notre 
Pomote, nommé :zénéralement Crapet, si abondant par 
toute la Province, est l’un de ces poissons ; et sa longueur 
qui est de 6 ou 7 pouces, correspond précisément à celle de 
15 centimètres attribuée par la Croix au poisson dont elle 
parle (les “7 cent.” de la co: respondance du ,So/ez/ nous pa- 
raissent invraisemblables et n'être que le résultat d'une in- 
attention.) l 

La question du Poïsson-Soleil, originaire du Canada et 
acclimaté dans les rivières de France, est en définitive loin 
d être élucidée. Bien plus, nous trouvons très douteux 
qu'elle soit même sérieusement ouverte. 


SR 


32 LE NATURALISTE CANADIEN 


NOS FRUITS CANADIENS EN BELGIQUE 


Afin de montrer, d’une part, la valeur des fruits du Cana- 
da telle qu’on l’apprécie à l'étranger, et, d’autre part, l’im- 
portance qu’il y a pour notre pays de prendre part aux 
expositions universellss ou autres, nous reproduisons ici 
une lettre que nous recevions dernièrement de M. N. Sé- 
chers, secrétaire de la Société royale linnéenne de Bruxel- 
les et éditeur du Monzteur horticole belge. Il] nous a été 
agréable de fournir à M. Séghers, dès la réception de sa let- 
tre, tous les renseignements que nous étions en mesure de 
lui donner sur le sujet dont il nous avait entretenu. 

‘A l’occasion de l’assemblée générale annuelle de Ja 
Société royale linnéenne qui vient de l'appeler à la prési: 
dence, M. Vernieuwe, directeur au ministère de l’Agricul- 
ture. a entretenu la réunion de l'abandon dans lequel se 
trouve actuellement la pomologie en Belgique. 

‘‘Peu de chose, dit-il, nous rattache encore à un passé 
brillant : car on oublie trop que la Belgique est en réalité 
la terre classique de la pomologie moderne. La plupart de 
uos ineilleures poires et pommes ont été obtenues par des 
semeurs belges, dont maiheureusement la tradition, s'est 
perdue ou tout ou moins a cessé d'être vivace. 

“M. Vernieuwe a démontré l’urgente nécessité d'étudier les 
moyens de renouer le présent au passé. Il a signalé les 
travaux des pomologues américains qui se sont précisé- 
ment inspirés des travaux des semeurs belges. 

Bref, le comité de la Société linnéenne a pris la résolu- 
tion de mettre tont en œuvre pour relever la pomologie et 
de faire connaîtie par la vor: de son journal les obtentions 
nouvelles tant belves qu'étrangères. 

“L'exposition universelle de Liève a permis au gou- 
vérueiment canadien de nous montrer des fruits superbes, 
inconnus dans nos cultures, que nous serions «lésireux de 
cultiver pour pouvoir les apprécier. 

“Me serait-il permis de vous demnnder de bien vouloir 
me donner quelques adresses Jde semeurs, de pépiniéristes 
consciencieux, et m'indiquer les journaux horticoles qui 
s'occupent plus spécialement d'arboriculture.” 

Le Secrétaire, 


N. SÉGHERS. 


LE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Mars 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 3 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


LA GRANDE LAMPROIE DE MER 


Dans le huitième volume du ÂVaturaliste canadien, 
l'abbé Provancher décrit trois espèces de Lamproie appar- 
tenant à la faune canadienne, et dont la taille varie de 3 à 
8 pouces. Or, on n’a apporté l’été dernier une Lamproie 
capturée à Saint-Joseph de Lévis et qui mesurait près de 30 
pouces: Aucune des descriptions de l’abbé Provancher ne 
pouvait convenir à cet individu. Il s’agissait donc d’une 
espèce qui avait échappé à l’attention de notre Linnée ca- 
uadien ou qui avait été introduite depuis son temps. Inter- 
rogé là-dessus, le directeur actuel du Vaturaliste répondit 
que ce pouvait bien être la grande Lamproie marine, Peftro- 
myzon marinus Lin., dont il m’envoyait la description. Ce 
fut aussi mon avis après une étude attentive de cette des 
cription et du spécimen. 

Cette Lamproie habite ordinairement l'Atlantique nord, 
mais elle remonte aussi les rivières le printemps pour 
frayer et retourne l’automne à la mer. Dans le cas actuel, 
il ne s’agit pas d’un individu isolé, mais plutôt d’une imi- 
vration en masse, car les pêcheurs de Saint-Joseph en trou- 
vent jusqu’à huit ou neuf par marée dans leurs engins de pê- 
che, et cela depuis plusieurs années, si j'en crois les rensei- 
gnements qui m'ont été donnés. Il est donc permis de pen- 

5—Mars 1906. 


34 LÉ NATURALISTE CANADIEN 


ser que depuis assez longtemps déjà cette Lamproie remot- 
te chaque année le Saint-Laurent, au moins jusqu’à Québec. 
Nous pouvons donc la considérer comme faisant partie de 
notre faune ichthyologique et ajouter son nom à la suite 
des trois espèces déjà connues. 

Le système dentaire de ce poisson est particulièrement 
remarquable. A part l'anneau maxillaire qui porte trois 
dents à la partie supérieure et sept à la partie inférieure, 
il y a plusieurs rangées de dents, les unes simples, les au- 
tres à deux pointes incrustées sur les parois de la bouche. 
La langue elle-même est munie de dents qui dans une 
section horizontale ressemblent à des arcs de cercle se tou- 
chant par leur convexité. A quoi servent toutes ces dents, 
dont quelques-unes ont plutôt la forme d’ongles pointus 
et crochus ? 

On a constaté que les Lamproies se fixent sur d’autres 
poissons tels que Morues, Esturgeons et autres. Il y a là 
sans doute un moyen facile de se faire transporter à de lon- 
gues distances. Mais n’y a-t-1l pas autre chose encore ? 

La bouche de la Lamproie est une espèce d’entonnoir à 


ouverture circulaire, conformé pour la succion. Il est donc : 


fort possible que ces dents soient destinées non pas tant à 
déchirer les aliments qu’à accrocher solidement l’animal 
aux flancs du poisson qui doit lui servir de proie. Ces 
pointes acérées ouvrent en même temps les veines de la 
victime ; et la Lamproie mettant sa ventouse en jeu se gorge 
alors de sang. Il n’est pas facile de se débarrasser d'un hôte 
siimportuu, car les pêcheurs qui jettent des Lamproïes daus 


leurs embarcations doivent faire de grands efforts ponr dé-, 


tacher celles qui se sont fixées sur le fond. Force est donc 
au malheureux poisson de fouruir gratuitement le véhieuie 
et la nourriture à son agressenr. 

Telle est l'explication qui se présente à l'esprit, lorsqu'on 
examine la bouche de la Lamproiïe toute hérissée de dents 
pointues. FE. ROY,Sptre 


téis +, 


LAMPROIE DE MER 35 


RËD.—A la suite de l’article de M. l'abbé E. Roy, nous croyons uti- 
le de reproduire ici la description de la Lamproie de mer, telle qu’elle se 
trouve dans le Manual of the Vertebrate Animals, de Jordan. 


PETROMIZON MARINUS L., Great Sea Lamprey. “Lam- 
per Eel”. 

Anterior lingual tooth with a deep median groove, and 
extending in an incurved point ; dorsal fin divided. 

Supraoral lamina bicuspid ; infraoral eusps 7 to 9; first 
row of lateral teeth on side of mouth bicuspid ; the others 
simple ; myocommas, 64 between gills and vent ; males in 
spring usually with an elevated fleshy ridge before the dor- 
sal. Color dark brown, usually mottled with blackish. L. 
3 feet. N. Atlantic, S. to Va., ascending rivers to spawn, 
and permanently land-locked (var. #zcolor Dekay) in the 
lakes of W. and N. N. Y. The larva is blind, toothless, 
with a contracted moeuth, in which the lower lip forms a 
lobe distinct from the upper. The eyes appear before the 
mouth is enlarged. 


SSS- 
CHRONIQUE 


Dans son dernier livre “Across Widest America”, le Rév. 
Père Devine, S. J., rapporte avoir vu à Keewalik, Alaska, 
deux défenses de mastodonte qui avaient plus de douze 
pieds de long et neuf pouces d'épaisseur ‘à l'extrémité su- 
périeure. L'une d’elles pesait 168 livres, et l’autre 172. 
Voilà quelque chose d’extraordinaire même pour les espè- 
ces disparues du genre Eléphant ; mais ce n’est pas invrai- 
semblable, puisqu'il y a une huitaine d'années, un parti de 
nègres chassant l’Eléphant près du mont Kilimanpro, en 
Afrique, tuèrent un de ces énormes pachydermes et le trou- 
vèrent armé d'une défense qui pesait 247 livres. Comme 
on le sait, les Eléphants d’Afrique ont les défenses beau- 
coup plus grandes que leurs frères d'Asie, et les poids ex- 


36 LE NATURALISTE CANADIEN 


trêmes de ces défenses constatés jusqu’à l’année dont nous 
venons de parler étaient de 2261 et de 175 livres. 
* 
s %X _% 

On se demande souvent comment il se peut faire qu’un 
animal inconnu dans certains pays à certaine époque puisse 
y être rencontré quelque temps après et y acquérir souvent 
droit de cité. Il n’y a pas encore de Rats au Manitoba, à 
lPexception de celui qui, à la fin de décembre 190, sortit 
d’une boîte de chaussures récemment arrivée de France. Il 
appert que le rongeur en question avait élu domicile dans 
ladite boîte quand on l'avait préparée pour le voyage, qu’il 
avait traversé la mer dans l’icelle demeure, qu’il avait vécu 
aux dépens des chaussures, ses compagnes de voyage, et 
qu’il se présenta, à Winnipeg, aux veux stupéfaits des em- 
ployés de la douane qui...1le laissèrent échapper. Et voilà 
comment il peut se faire que le Manitoba dans quelques 
années soit peuplé de Rats, si, avec le rongeur en question, 
il se trouve par hasard une de ses compagnes dans la bonne 
ville de Winnipeo. 


FA 
# 


Kk x 
Jamrach, le naturaliste bien connu de Londres, vient 
d'acquérir plusieurs espèces d'animaux rares. L'un d'eux 
est un Renard rouge d'Autriche taché de blanc; de Pile 
Mayotte. une des îles Comores, au nord de Madagascar, 
il a reçu huit Lémurs, d’un brun rougeâtre, couleur incon- 
nue jusqu'ici ; du Brésil, deux Singes macaques d’une taille 
énorme, tandis que d’Ecosse Ini sont arrivés six poneys 


minuscules de 28 pouces de haut ! 


FES 
Le “‘pajaro mosea'’, où oiseau-mouche de Cuba, est proba- 
blement le plus petit oiseau connu. Un couple de ces iuf- 
niment petits—le seul connu vivant en captivité — a été 
montré à New-Voik dernièrement. Ces oiseaux volent avec 
une rapidité telle qu’il est quasi impossible de les attraper; 
mais un ouvrier avait eu la chance de trouver ce couple 


La 


CHRONIQUE 37 


quand ils étaient encore tout jeunes. Il s’en était emparé 
en couvrant le nid d’une cage sans fond, et avait laissé les 
parents nourrir les petits jusqu'à ce qu'ils fussent assez 
vieux pour en être séparés. On les nourrit de miel dilué 
dans de l’eau, qu'ils mangent, ou plutôt qu'ils sucent, sans 
se poser sur le vaisseau qui contient ce régal, en faisant 
entendre en même temps cette vibration d’ailes qui leur a 
donné le nom de “‘humming birds” dans la langue de nos 
amis anglais. 

Une expérience qui se pratique de plus en plus commu- 
uément de nos jours est celle d’attacher une marque quel- 
conque à un poisson, de le lâcher après et d'attendre en- 
suite que quelqu'un le reprenne ; on fait alors les compa- 
raisons d'usage, Cette expérience qui, à première vue, 
peut paraître ridicule et sans aucun but pratique, en ap- 
prend pourtant aux savants. Il est surprenant de consta- 
ter, en passant, en égard au nombre incalculable de poissons 
qu'il y a dans l’océan, combien de ces poissons ainsi mar- 
qués se font reprendre rapidement. Ainsi, sur 479 Homards 
mis en liberté dernièrement dans et autour de la baie de 
Buzzard, 76 marqués d’une certaine façon ont déjà été re- 
pris. Un fait acquis par cette expérience est que le Homard 


peut faire dix milles en 48 heures. 
% 


Dans une relation publiée récemment par divers jour- 
uanx anglais, relation ayant trait au genre de vie des em- 
ployés de la Compagnie de la Baie d'Hudson dans les pre- 
mières années, il se lit un passage intéressant au sujet 
de lOurs polaire. Les Ours polaires, y est-il dit, ainsi 
que les Phoques, ne dévorent pas dans l’eau le poisson 
qu’ils prennent, maïs montent sur la glace on sur un 
rocher pour s’en repaître. Ces Ours vont loin au large 
pendant l'été sur des banquises, mais reviennent au rivage 
quand l'hiver approche ; seulement, ils n’hivernent pas 


38 LE NATURALISTE CANADIEN 


comme les ours des autres espèces. La femelle va à terre 
et se creuse un trou dans la neige épaisse, ou se met là 
où les rafales de neige la couvriront rapidement et 
y. demeure, sans manger, jusqu'à ce qu’elle ait mis 
bas. Le mâle, que la glace empêche d’aller à l’eau, 
erre le long des bords de la mer; et la femelle, dès 
qu'elle a charge de famille, fait la même chose en 
quête de nourriture. Le mets qu'ils affectionnent est la 
chair du Phoque : cet amphibie a toujours un trou ouvert 


dans la’glace,et sort par là pour consommer ses repas. L'Ours 


connaît ces trous et se traîne comme un Chat pour saisir le 
Phoque quand celui-ci apparaît. Son habitude est de trai- 
ner sa proie à une certaine distance avant de la dévorer. 
L'Ours est toujours suivi d’une bande de Renards blancs qui. 
pendant qu’il guette le Phoque, s'efforcent de rester tran- 
quilles, se contentant de grimacer et de virer la tête d’un 
bord à l’autre, mais aussitôt que la proie a été saisie, 1ls se 
mettent à trotter en cercles dans l'attente de la bonne au- 
baine ; i!s ricanent, ils agitent la queue, ils babillent. ils se 
chicanent, jusqu’à ce que l’Ours, ayant satisfait les exigences 
de son estomac, s’en va, laissant aux Renards ies débris de 


son festin. 
HENRY TILMANS. 


DE LA CHASSE AUX INSECTES 


C’est du /£/et jauchoir que nous avons parlé jusqu’à 
présent. Ce nom lui vient de ce qu’on s’en sert en lui im- 
primant un mouvement de va-et-vient sur les gazons et les 
plantes basses pour y faire entrer les insectes qui se trou- 
vent sur son chemin : ou imite un peu, de cette façon, le 
mouvement du faucheur qui coupe les foins ou les autres 
graminées. 


DE LA CHASSE AUX INSECTES 39 


Les marchands, qui s’ingénient à offrir aux gens le plus 
de variétés des articles de commerce qu’ilest possible, dans 
un intérêt facile à deviner, distinguent du filet fauchoir le 
filet troubleau, dont l’on se sert pour racler le fond des 
pièces d’eau où peuvent se trouver des insectes, comme 
pour capturer ceux qui se promènent à la surface des ruis- 
seaux et des étangs. La poche du filet troubleau est en 
toile claire plus forte que celle du filet fauchoir ; le cercle 
est aussi en fer plus gros et plus résistable, à cause de Pu- 
sage plus rude auquel on l’emploie. Après cela, nous 
pouvons dire que la plupart des entomologistes n’ont qu’un 
filet, qu'ils utilisent, avec les précautions voulues, dans 
Pair, sur l’eau et dans l’eau. 


Cependant, voici que les marchands nous présentent en- 
core une autre variété de filet entomologique : c’est le 7/67 
à papillons. Celui-ci, dont l’on voit tout de suite l’usage 
auquel il est destiné, est plus délicat que les autres, comme 
il convient en bonne esthétique, et aussi léger qu’il se peut, 
mais pourtant fort solide. Le sac, dont le fond se termine en 
pointe, est en crêpe lisse de soie et d'aussi bonne qualité 
que possible, pour nepas se déchirer aux premières as- 
pérités venues. 

Or, croyez-vous qu’un entomologiste sérieux va partir 
pour la chasse avec ces trois sortes de filets ? Le voyez- 
vous, avec ce faisceau d’outils sur l'épaule, se promenant 
sur le bord d’un ruisseau, et à tout moment, lorsque passe 
une Libellule, un Ichnenmonide, un Papillon, un Hydro: 
philide, le voyez-vous délibérant sur la sorte de filet dont 
il vaut mienx se servir pour capturer le spécimen qui 
marche, qui vole ou qui nage à sa portée ? Avec un pareil 
système, l’occasion, qu’il est si souvent nécessaire de 
saisir aux cheveux, serait perdue sans retour lorsque notre 
chasseur aurait enfin arrêté son choix. 

Non, pour être pratique, il faut en général ne se servir 
que d’un seul filet, et ne pas se faire scrupule de capturer, 


40 LE NATURALISTE CANADIEN 


même avec le filet à papillons, un Gerris qui patine sur les 
eaux. Il peut toutefois arriver que l’on ne veuille recher- 
cher, par exemple, que les insectes aquatiques : il est alors 
tout à fait raisonnable de se munir pour cette chasse très 
spéciale du seul filet troubleau, que l’on n'aura pas à crain- 
dre de gâter en le tenant dans l’eau, puisqu'il est fait pour 
cela. 


BOUTEILLES ET BOITES DE CHASSE.—Quand nous avons 
fait nos débuts en entomologie, vers 1872, la bouteille de 
chasse consistait en un petit flacon à large ouverture, que 
l’on remplissait jusqu’au tiers de brau de scie imbibé d’al- 
cool. On introduisait là-dedans les coléoptères et autres insec- 
tes de consistance solide. Ces pauvres petites bêtes, plongées 
dans cette atmosphère alcoolisée, ne tardaient pas à perdre 
la tête, et enfin la vie elle-même. C'était une fameuse leçon 
sur les inconvénients de l’ivrognerie | et l’on peut imagi- 
ner que plus d’un jeune entomologiste a pris là des résolu- 
tions d’‘‘abstinence totale” qui ont fait le bonheur de sa 
vie. 

Mais ce procédé du bran de scie alcoolisé avait ses incon- 
vénients. D'abord, on ne pouvait s’en servir que pour des 
insectes à técœuments assez durs. Les hyménoptères, les diptè- 
res, les orthoptères en sortaient avec les ailes pliées et collées 
de façon désagréable. Quant aux papillons, la belle figure 
qu’ils auraient eue, si leurs ailes délicates avaient subi un 
bain et des contacts aussi rudes ! Il y avait aussi ce désa- 
vantage que les insectes soumis à cette ivrounerie forcée 
mettaient encore trop de temps à mourir, et pouvaient, 
durant les premières phases de l’ivresse, se causer des dom- 
mages réciproques plus ou moins irréparables. Il vous 
souvient, entre autres faits, d’avoir capturé à la fois, cer- 
tain jour, trois ou quatre Monohammus scutellatus Say, 
et de les avoir mis aussitôt dans notre flacon alcoolisé. Or, 
quand nous reprîmes le flacon, qüelque temps après, pour 
y enfermer quelque nouvelle capture, on n’y voyait plus 


+ 


DE LA CHASSE AUX INSECTES AT 


aue les débris d’un affreux massacre, ‘“‘horrible méiange” 
sinon ‘‘d’os et de chairs meurtries”, au moins d'antennes 


et de pattes en tronçons. 
Mais il y a bien des années déjà que ce procédé assez 


primitif n’est plus guère en usage. On l’a remplacé, et très 
avantageusement, par la bouterlle à cyanure. Le cyanure 


_ dont il s’agit est le cyanure de potassium, qui est un poi- 


son très violent, et qu’il faut par conséquent ne manipuler 


qu'avec la plus grande précaution. 
On peut très bien préparer soi-même la bouteille à cya- 


nure. Il s’agit, pour cela, de se procurer d’abord un flacon 
à large goulot, d'environ quatre pouces de hauteur sur un 
pouce et deini à deux pouces de diamètre. Au fond de cet- 
te bouteille, on place quelques morceaux concassés de cya- 
nure dans du plâtre ou de la ouate ; et l’on recouvre le 
tout d'un papier mince, collé sur les parois de verre, et 
trauspercé de nombreuses piqûres d’épingle. Avant de se 
servir de cet engin mort, il faut laisser le flacon ouvert 
durant quelque teinps, afin que le cyanure devienne assez 
hydraté par la vapeur d’eau contenue dans l’air pour qu’il 
s'en échappe des émanations fatales pour les hôtes du réci- 
pient. Mais il faut avoir soin, hors ce cas, de tenir le flacon 
fermé, parce que le cyanure perdrait rapidement au con- 
tact de l’air ses propriétes insecticides. 

Mais hâtons-nous d’ajouter que cette sorte de préparation 
de la bouteille à cyanure donne assez peu de satisfaction, 
soit parce qu'il est difficile de tenir ce flacon dans un état 
satisfaisant de propreté, soit parce qu’on peut avoir beau- 
coup de goût pour l’histoire naturelle et être en même 
temps le plus maladroit du monde pour édifier l’appareil 
le plus simple. Nous ajouterons même que le cyanure 
étant au nombre des poisons les plus terribles, le législa- 
teur a pris souvent soin d’en entourer la vente de précau- 
tions très sages et très rigoureuses. C’est donc toute une 


affaire que de s’en procurer, et l’on n’y réussira peut-être 
6—Mars, 1906. 


CS 25 “2 


427 LE NATURALISTE CANADIEN 


pas ordinairement, montrât-on patte blanche tant que l’om 
pourra et fit-on savoir les très pures intentions scientifiques 
dont l’on est animé. Nous ne blâmons certes pas cette sé- 
vérité des lois, et nous faisons même des vœux pour qu’elle 
soit strictement maintenue, parce que, s’il importe que les 
insectes destinés aux collections soient proprement et 
promptement mis à mort, il importe bien aussi que la vie 
des gens soit mise en sûreté. 

Ce qu’il y a donc à faire, c’est d'acheter, chez les mar- 
chands d’articles entomologiques, de ces bouteilles à cya- 
nure toutes préparées et qui ne coûtent qu'un prix infime. 
Celles de la maison Deyrolle, de Paris, sont particulière- 
ment recommandables, parce que le cyanure est contenm 
dans une petite ampoule en verre, fixée à travers le bou- 
chon iui-même et s’ouvrant à l’intérieur du flacon. Si l’on 
est obligé de fabriquer soi-même sa bouteille à collecter, 
c'est cette disposition que l’on doit exécuter. Il suffit pour 
cela de mettre le cyanure dans une toute petite fiole que 
Pon passera dans le bouchon, l'ouverture en dedans. Cette 
petite fiole ou ampoule, qui n’est bouchée que par un léger 
tampon de ouate, laisse échapper dans la bouteille des éma- 
nations suffisantes pour tuer rapidement les insectes que 
l’on y a introduits. 

Cette mort rapide, c'est précisément le grand avantage 
des flacons à cyanure. Lorsque la bouteille a été bien pré- 
parée et que le poison est encore dans sa force, une mouche 
de maïson ÿ tombe foudroyée en quelques secondes. La 
respiration étant très active chez les insectes, ils s'imprè- 
guent très vite des émanations vénéneuses. Les coléoptères, 
plus robustes, résistent parfois assez longtemps avant de 
succomber ; mais les insectes des autres ordres, papillons, 
punaises, etc., ne font pas vieux os dans la bouteille à cya- 
nure. 

Comme on le voit, cette sorte de flacon est, avec le filet, 
loutil le plus essentiel de l’entomologisté en chasse. 


TRAITÉ DE ZOOLOGIE 43 


Les insectes de tous les ordres y peuvent être plongés. Mé:- 
me les delicats papillons y passent sans dommage pour 
leur fragile fourrure, à condition que l’on tienne le réci- 
pient en bon état de propreté. Ajoutons que, les patients y 
mourant très promptement, cela est propre à toucher les 
coeurs sensibles. Seulement, comme nous le verrons, il y a 
lieu de s'assurer, avant de retirer les cadavres, si -le décès 
m'est pas qu'à moitié ou aux trois quarts survenu : car, 
en ce cas, les spécimens ne se font pas faute de revenir en 
vie, au contact de l’air, et l'opération serait à recommencer, 
pour ne rien dire des autres inconvénients auxquels on 
pourrait avoir à faire face. 


(A suivre.) 


LE “TRAITÉ ÉLÉMENTAIRE DE ZOOLOGIE ET 
D'HYGIÈNE" 


Nous sommes heureux de pouvoir dire que le public a 
fait excellent accueil à notre manuel de Zoologie et d'Hy- 
giène, récemment publié ét dont l'écoulement se fait avec 
rapidité. On peut en conclure qu’il y avait, dans le pays, 
un réel besoin d’un ouvrage traitant du règne animal et ré- 
digé au point de vue spécial de la province de Québec. On 
ne pouvait jusqu'ici étudier la zoologie qu’au moyen de 
traités publiés en France et dans lesquels, naturellement, 
il n’était guère question de la faune de notre pays, 

Il nous est agréable de pouvoir exprimer notre recon- 
naissance à nos confrères de la presse, pour la bienveillance 
avec laquelle ils ont signalé à leurs lecteurs la publication 
de ce volume. Quatre d’entre eux, il est vrai, parmi les 
journaux quotidiens, n’en ont pas fait mention, du moins à 
notre connaissance : le C#ronicle, de Québec ; le Quotidien, 
de Lévis ; le Canada et la Patrie, de Montréal. Mais nous 


{4 LE NATURALISTE CANADIEN 


sommes bien convaincu que cette omission n’a pu se pro 


duire, chez eux, que par suite d’oubli ou d’un malentendu 
quelconque. 

En effet, quel motif aurait pu empêcher le Casada, par 
exemple, lui qui met tant de zèle à promouvoir le progrès 
de l’instruction publique, de signaler un ouvrage qui vient 
combler une lacune dans l'outillage éducationnel du pays ? 

Et la Patrie, qui a plusieurs fois témoigné de la sympa- 
thie pour l’œuvre que nous poursuivons, comment auraït- 
elle pu intentionnellement ignorer un ouvrage qui se ter- 
mine en traité d'Æ/ysgiène, elle qui a réclamé maintes fois 
l’enseignement et la pratique de l'hygiène dans nos éta- 
blissements d'éducation ? 

Nous dirons, en terminant, que la vente de ce volume, 
au prix modique que nous en demandons, ne doit pas nous 
apporter un sou de bénéfice. Mais nous nous considérons 
comme déjà récompensé du travail qu’il nous a coûté par 
l'accueil qui lui est fait ; et nous estimerons notre récom- 
pense encore bien plus grande, si nous constatons, comme 
il est à espérer, que ce modeste essai contribue à produire 
et à développer, surtout dans la jeunesse, le goût des sciences 


naturelles, dont le progrès dans notre pays nous tient tant 


à cœur. 


LES TERRES :COMESTIBLES 


Voici un titre qui paraîtra étrange, et cependant, c’est 
un fait attesté par un grand nombre de voyageurs, et qui 
peut être vérifié encore dans presque toutes les colonies, 
que certaines argiles sont utilisées, de temps immémorial, 
comme inmatière alimentaire. 

Les argiles sont essentiellement formées de silice, d’alu- 
mine et d’eau, en proportions variables, colorées par des 
oxydes métalliques, et se présentent en masses amerphes, 
douces et onctueuses au toucher, sur lesquelles le frotte- 


PORTE ST nr CAP 


| 
; 


TERRES COMESTIBLES 45 


ment de l’ongle laisse une trace luisante comme un mor- 
ceau de savon. Elles happent à la langue, et font avec 
l’eau une pâte liante et fine à laquelle on peut donner 
toutes sortes de formes. Par une cuisson suffisante, les ob- 
jets ainsi façonnés acquièrent une grande dureté ; les terres 
à poterie, à porcelaine (kaolin) sont des argiles. 

Comment les hommes en sont-ils venus à recourir à un 
sembiable aliment ; on n’a aucun renseignement à cet 
égard, mais les mêmes circonstances ont amené des résul- 
tats semblables dans des contrées très éloignées les unes 
des autres. “L'usage de manger des quantités considérables 
d'argile, dit le savaut naturaliste Guibourt, comme un sup- 
plément nécessaire à une nourriture trop insuffisante, est 
presque universellement répandu chez les peuplades sau- 
vages de l'Afrique, de l'Amérique, de l’Asie.” Les Otoma- 
ques, peuplade de l'Amérique méridionale, absorbent régu- 
lièrement une livre à une livre et demie par jour d’une ar- 
gile grasse qui apaise leur faim sans compromettre leur 
santé. Chez les Indiens des bords de lAmazone, l'argile 
fait partie du régime, même quand les autres aliments sont 
en aboudance. La terre comestible est vendue sur les mar- 
chés de Bolivie, et une sorte, qui possède une odeur agréa- 
ble, est fort estimée des Péruviennes. 

Les nègres de la Jamaïque, au dire des voyageurs, n’y 
ont recours qu'à défaut d’autres aliments, mais la mangent 
sans répugnance ; au contraire, les nègres de Guinée, trans- 
portés en Amérique, cherchent une terre analogue à celle 
dont ils ont l'habitude et ne la trouvant pas toujours, faute 
de mieux, ils absorbent de l’argile blanche ou #erre de pipe, 
dont l’usage altère leur santé et en fait mourir un certain 
nombre. 


Dans le royaume de Siam, les femmes et les enfants sont 
mangeurs de terre ; à Java, dit Labillardière, on fait des 
espèces de gâteaux d’une argile ferrugineuse que les hom- 
mes mangent lorsqu'ils veulent maigrir et dont les femmes 


46 LE NATURALISTE CANADIEN 


font usage pendant leur grossesse. C’est un objet de cori- 
merce dans J’Annam et le Tonkin. 

“Je ne pense pas, ajoute Guibourt, qu’un usage aussi ré» 
pandu sous toutes les latitudes ait pour seul effet de trom- 
per l’estomac et d’apaiser momentanément la faim, sans au- 
cuu résultat utile pour la nutrition. Il est probable, au con- 
traire, que l'instinct de conservation a fait reconnaître à ces 
peuples misérables des espèces d’argiles qui contiennent en- 
core une certaine quantité de matière organique provenant 
de végétaux détruits, et que cette matière contribue à Îles 
soutenir, principalement dans les mois de l’année où une 
nourriture plus efficace vient à manquer. Cette raison pa- 
raît très plausible sur l’usage, plus modéré, des terres co- 
mestibles, qui s'est conservé pendant les années d’abon- 
dance : c’est sans doute pour ne pas perdre la tradition et 
le souvenir d’une ressource qui peut devenir précieuse à un 


moment donné.” 
Presque partout, ces terres coinestibles sont modelées 


grossièrement, sous forme de figurines rappelant nos bons- 
hommes de pain d'épice ou nos sucreries modernes. Nous 
ne possédons pas assez de documents pour remonter à l’ori- 
gine de cette tradition, qui fait que depuis des temps recu- 
lés on donne la forme humaine à certa‘nes préparations ali- 
mentaires. Des savants ne sont pas éloignés d’y voir comme 
un vague souvenir des horribles festins qui siccédaient aux 
sacrifices humains chez les peuples antropophages ; à dé- 
faut de prisonmiers et de victimes désignées on en serait 
venu, peu à peu, à une représentation symbolique qui s’est 
maintenue, tout en perdant son caractère religieux. 
E. FERRAND. 
PSS 79 @ERRESE 
DANS LA PRESSE 

Nous remercions beaucoup le Progrès du Saguenay, de 
Chicoutimi, et l’/#dépendant, de Fall-River, Mass., des pa- 
roles sympathiques dont ils ont signalé notre 33e anniver- 
saire. 


RSR =, . 


» a taf États 


OUVRAGE SCIENTIFIQUE SUR LE I.AIT 47 


Merci aussi à la Crozx, de Montréal et à l’ÆAwer du Foyer. 
de Saint-Boniface, Man., qui veulent bien publier le som- 
maire de nos livraisons 


PIESPVE<ETE 
NOUVEL OUVRAGE SCIENTIFIQUE SUR LE LAIT 
Par S. M. BARRÉ 


Ancien délégué de la prorince de Québec dans les prin- 
cipaux pays d'Europe, ancien professeur de larterie au col- 
lègeid Agriculture de Guelph, dans la province d'Ontarto. 


L'auteur, se basant sur sa grande expérience personnelle 
et sur les recherches scientifiques de plusieurs savants qui 
se sont occupés de la chose, nous présente la question du 
lait sous un nouveau jour. 

Il mentionne, en passant, que sur les 6000 morts d’er- 
fants que la ville de Montréal enregistre chaque anuée, un 
grand nombre est dû à la mauvaise qualité du lait. 

Monsieur Barré énumère ensuite les causes multiples de 
contaminations auxquelles le lait est exposé, depuis sa 
source de production jusqu’au biberon de l'enfant. 

L’apparence trempeuse du lait endort la méfiance, et 
explique l’inconcevable indifférence du consommateur à 
l'égard des scandaleux abus dont il est victime. 

L'étude de M. Barré sur les falsifications, la gravité de 
ce genre d’offense, la faiblesse des pénalités et les défauts 
de l'inspection, est de vrande valeur. Il reproduit et analy- 
se d'excellents tableaux d'expertise compilés par le bureau 
de Montréal, et en tire des conclusions pratiques. 

Il démontre de plus que l’expertise actuelle est impuis- 
sante à déceler le mauvais du bon lait. A la fin de l’ouvra- 
ge, monsieur Barré présente quelques suggestions, dans le 
but d'améliorer l'inspection du lait, qui méritent haute 
considération. 

L'auteur mérite de chaleureuses félicitations pour son 
beau travail, et est en droit d'attendre de grands encoura- 
gements qui lui permettront de pousser encore plus loin 
ses études sur une matière aussi importante. 


F. LACHANCE, M. D. 
Int. en chef, Hôtel-Dieu de Montréal. 


He VOS S Ergre 


45 LE NATURALISTE CANADIEN 


BIBLIOGRAPHIE 

— Engrais Georges Truffaut (39, Avenue de Picardie, Versailles) pour 
arbres fruitiers, cultures potagères, plantes à fleurs, gazons.—Demander 
le catalogue. 

—(Smithsonian Institution) Proceedings ofthe U.S. National Mu- 
seu. Volume XXVIII. ' Washington. 1005. 

A signaler dans le contenu de ce volume : N. Banks, A Treatise on 
the Acarina or Mites.—R. MacFarlane, Vofes on Mammals collected and 
observed in the N. MacKenzie River District, N. W. T. of Canada, et 
‘Bibliographie’ relative au règne animal de cette région. 


— 3614 Annual Report of the Entomological Society of Ontario, 1905. 
Toronto 1906. 

Grande brochure illustrée de 144 pages, et d’un grand intérêt pour les 
entomologistes canadiens. 

— Proceedings of the Indiana Academy of Science. 1904. Indianapolis 
1905. 

Travaux sur la botanique, l'entomologie, et autres branches de l’his- 
toire naturelle, concernant surtout l’Etat de l’Indiana. 


—(Memoirs of the American Museum of Natural History. Vol. IX, 
P. 1.) Z. The Osteology of Champsosaurus Cope, by Barnum Browu, New- 
Vork, 1905. 

Brochure in-4°, sur les reptiles fossiles du genre Champsosaurus trou- 
vés dans le centre des Etats-Unis. à 


— Bulletin of the American Museum of Natural History. Nol. XXI, 
1905, New Vork. 

A signaler, dans ce volume, une étude très curieuse sur les Flamants 
des îles Bahama. 

—Les Fermes Expérimentales. Rapports pour 1904. Ottawa. 1905. 

Tous les rapports contenus dans ce volume, avec leurs bonnes illustra- 
tions, sont intéres:ants. Mais le naturaliste canadien étudiera avec un 
profit particulier celui du Dr Fletcher, sur la botanique et l’entomologie, 
considérées surtout au point de vue économique. = 

—(Bulletin of the U. S. National Museum.) N° 54. Monograph on the 
{sopods of North America, by H. Richardson, Washington. 1995. Vol, 
in 8° de LIV-728 pages ; 740 gravures. | 

Les ‘‘Isopodes ? constituent l’un des ordres des Crustacés. 

No 55. A Contribution to the Oceanography of the Pacific, by TJ. M. 
Elint. Washington, 1905. 

— (Field Columbian Museum) À Check Listof Mammalsof the N, À. 
Continent, the West Zndies and the Neighboring Seas, by D. G. Elbot. 
Chicago, 1905. Vol. in-8° de 762 pages. 

An Annotated List of à Collection of Reptiles from” S. California and 
N, Lower California, by S. E. Meek, Chicago, 1905. 


ci " 


LE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Avril 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 4 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


MIGRATION DES HIBOUX RLANCS 


La migration des oiseaux, celle de l’automne comine 
celle de printemps, s'opère ré :ulièrement chaque année, et 
cela à des époques plus ou moins déterminées, soit que Îles 
oiseaux nous quittent pour :e sud, soit qu’ils nous vien- 
nent du nord. 

Toutefois 1l arrive que cette migration ne s'exécute, 
pour certaines espèces, qu’à des intervalles de quelques an- 
nées ; tel est le cas pour le Hibou blanc, qui n'apparaît sous 
notre latitude en moyenne que tous les huit ou dix ans. 
Cependant, daus l'automne de 1902, il s’est montré en grand 
nombre, et plusieurs ont été vus même dans les Etats- 
Unis. 

Cet oiseau affectionne les régions froides ; au prin- 
temps il s'enfonce dans le nord et pour fuir les graudes cha- 
leurs de l'été et pour y faire sa ponte ; à l'automme, lors- 
qu’il émigre au nord, il ne dépasse guère la ligne 45°. 

Cet automne, nous avons eu une migration tout à 
fait extraordinaire de Hiboux blancs, quise sont dispersés 
sur une grande étendue de la Province ; et, pour ma part, 
j'en ai reçu plusieurs de la côte nord du fleuve, comme 


aussi d’un bon nombre de paroisses de la rive sud du Saint- 
7—Avril, 1906. 


30 LE NATURALISTE CANADIEN 


Laurent, de la Beauce, des Cantons de l'Est, etc. On me 
dit qu’à Montréal plusieurs de ces Hiboux ont été vus. 

Cette grande migration de ces oiseaux, probablement 
la plus considérable depuis plus de quarante ans, ne s’est 
pas restreinte au Canada seulentent, mais elle s’est étendue 
dans le nord et le centre des Etats-Unis, voire: même dans 
Pouest, puisque M. R. Deane, ornithologiste bien connu .de 
Chicago, me dit que deux taxiderimistes de cette ville ont 
eu, pour leur part, plus d’une cinquantaine de ces ‘oiseaux, 
et que Ini-même est parvenu à en retracer plusieu:s centai- 
nes qui ont été tués dans les différents Etats de la Répu- 
blique. 

Ce nombre est considérable, surtout si l’on considère 
que cet oiseau n’est pas absolument bien commun et que 
les observations de M. Deane n’ont été relevées que sur une 
étendue relativement très restreinte. 

Le déplacemen! en masse de ces Hiboux vers le sud, 
est-il le résultat des grands froids qui peuvent avoit Sévi 
dans les latitudes boréales ? Je ne le crois pas, puisque nous 
avons eu une température douce. D'ailleurs, ces oiseaux 
ont presque tous émigré dans les mois d’octobre, de no- 
vembre et de décembre. Serait-ce le manque de nourriture 
qui aurait occasionné ce déplacement ? Je ne le pense pas 
non plus, puisque cet oiseau. qui voit et chasse aussi bien 
le jour que la nuit, trouve de la nourritue en quantité daus 
le poisson, les Perdrix, les Lagopèdes, les Lièvres, etc., qui 
pullulent dans ces contrées. 

_ Si ce n’est ni l’une ni l’autre de ces causes, il nous 
faudra alors supposer que c'était par simple désir de voya- 
ger qu'ils ont entrepris cette migration ; mal leur en a pris, 
car la plupart ne reverront jamais leur séjour glacé de pré- 


dilection, et leur dépouille montée ira grossir les musées 


d'histoire naturelle ou ornera les en ATES des habitations 
de particuliers. 


C-E. DIONNE. | 


LE SCINTILLOSCOPE 51 


LE SCINTILLOSCOPE 
RECHERCHE DE 1A RADIOACTIVITÉ DES MINÉRAUX 


Comme on le sait seulement depuis quelques années, 
certaines substances, qualifiées de radioactives et, en géné- 
ral, très rares, émettent spontanément des rayons spéciaux, 
jouissant de propriétés merveilleuses et se manifestant, bien 
qu'invisibles eux-mêmes, sous forme . d'énergie chimique, 
calorique, électrique et, lumineuse. 


La découverte de la radioactivité date de 1896. Elle 
est due à l’illustre physicien français H. Becquerel, au cours 
des recherches entreprises par ce savant sur les propriétés 
des sels d'uranium. 


Deux ans plus tard, en expérimentant sur divers imé- 
taux et en cherchant à en mesurer la radioactivité, M. et 
Mme Curie découvrirent, dans les résidus de la pechblende 
de Bohème (imine:ai d'uranium), l'existence de deux nou- 
veaux corps éminemment radioactifs, le polonium et le ra- 
dim, ce dernier constituant la substance radioactive par 
excel'ence. Rappelons en passant qu’il faut traiter plusieurs 
tonnes de résidus de pechblende pour en retirer un gramme 
de radium. A partir de ce moment, les méthodes d’études 
se perfectionnèrent rapidement, et de nombreux procédés 
d’une délicatesse extrême permirent d'approfondir les re- 
cherches poursuivies dès lors dans ce nouveau domaine par 
un grand nombre de savants, entre autres par M. le profe 
E. Rutherford, de Montréal. 


Dans le rayonnement des corps radioactifs on distin- 
gue trois espèces de rayons (alpha, bêta, gamma) de natures 
distinctes,”existant soit simultanément, soit séparément, 
et’qui rappellent par certaines de leurs propriétés les divers 
rayons de l’ampoule de Crookes. La radium les émet tous 
les trois. Examinons-les rapidement. | 


52 LÉ NATURALISTE CANADIEN 


Rayons alpha.—1es raycns alpha sont constitués de 
particules très petites chargées d'électricité positive (2075 po- 
sitifs), sortes de projectiles lancés avec une vitesse relative- 
ment faible par rapport à celle de la lumière (de 10 à 20 fois 
moindre que celle de la lumière). Ils constituent la plus gran- 
de partie du rayonnement total (99 pour cent), mais leur pou- 
voir pénétrant, qui ne dépasse pas quelques centimètres (7 
centimètres) dans l’air, est arrêté par une simple feuille de 
papier, de mica où d'aluminium. Ces rayons ‘alpha’ ne sont 
que légèrement déviés par un électro-aimant puissant. Ils ont 
la propriété (partagée avec les rayons bêta et ganima) 
d'intoser l'air ambiant et de pouvoir, en conséquence, dé- 
charger un électroscope à feuilles d’or placé à proximité. 
Enfin, ils donnent lieu à un phénomène des plus reniarqua- 
bles, la production de points lumineux scintillants sur ur 
écran de sulfure de zinc placé sur leur parcours. Nous y 
reviendrons tantôt. | 

Rayons bêla.—T%.es rayons bêta sont fortement dé- 
viés par un électro-1imant, ont un pouvoir pénétrant beau- 
coup plus grand que les rayons alpha ; et. leurs particules 
d’une ténuité extrême, dites électrons négatifs, sont char- 
gées d'électricité négative et animées d’une vitesse considé- 
fable atteignant les cinq sixièmes de celle de la lumière. 
Hs ressemblent aux rayons cathodiques de l’ampoule de 
Crookes. 

Rayons gamma.—Les rayons gamma ont la plus 
grande aralogie avec les rayons X de Roentgen ; comme 
eux, ils sont insensibles à l’action de l’aïñmant, et leur puis- 
sance de pénétration est telle qu’ils peuvent rester percep- 
tibles. après avoir traversé une masse de fer d’un pred d'é- 
paisseur. 

Pour reconnaître qu’un corps est radioactif, on dispose: 
des moyens-suivants : 1° La rapidité plus ou moins gran- 
de avec laquelle ce corps décharge un électroscope ; 2° som 
action sur jes plaques photographiques (obtention plus ow 


LÉ SCINTILLOSCOPE 53 


toins rapide de radiographies) ; 3° <es effets sur diverses 
substances phosphorescentes ou fluorescentes, telles que le 
platino-cyanure de bariuim, le sulfure de zinc, etc. 


Ce sont surtout les rayons bêta qui impressionnent Îla 
plaque photographique. 


Les ravons bêta et gamma causent la fluorescence de 
certaines substances organiques ou minérales. Quant aux 
rayons “alpha”, qui constituent la plus grande partie de la 
radiation du radium et la totalité de la rad:ation du polo- 
nium, ils donnent lieu à un phénomène remarquable que 
Sir William Crookes a mis en évidence au moyen de sou 
spinthatiscope. En effet, si on place une parcelle d’un sel 
de radium (ou de polonium) à proximité d’un écran enduit 
de sulfure de zinc (substance très fluorescente), les particu- 
les ‘‘alpha”’ du radium, qui sont projetées 
contre l’écran sensible, produisent au mo- 
nent du contact, ou du choc, des étin- 
celles ou éclairs minuscules, et l’ensemble 
de ce bombardement lumineux, vu à tra- 
vers un imicroscope ou une forte loupe 
(dans une chambre noire), présente le 
spectacle merveilleux d'un ciel étoilé et 


Fig. 2.—Spintharis SCintillant, 
cope de Crookes. 


Dans le croquis de la fig. 2, on voit en Z un microscope ; 
en à, un fil métallique supporte à son extrémité une très 
petite parcelle d’un sel de radium à proximité d’un écran 
Æ de sulfure de zinc. 


re À 


SIN 


L 


LOMME: 


Tout récemment, le spinthariscope a reçu une heureuse 
simplification qui en fait, sous le nom de Scnrlloscope de 
Glew, non seulement un objet de démonstration, mais sur- 
tout un instrument pratique de grande utilité dans la re- 
cherche des minéraux et des corps radioactifs. 


54 LE NATURALISTE CANADIEN 


Flg. 3.—Scintilloscope de Glew posé sur 
un morceau de Pechblende. 


La partie essentielle du scintilloscope consiste tout 
simplement en une petite lame de verre enduite sur sa face 
inférieure d’une substance fluorescente extra-sensible aux 
rayons “alpha et assez transparente pour que l’on puisse 
voir les scintillations en regardant à travers l'écran de ver- 
re, au moyen de la loupe qui surmonte ce deruier. Cet écran 
sensible repose par ses bords, épaissis au inoven d'un enca- 
drement de papier, sur la substance radioactive que l’on 
examine (le contact direct eutre la substance examinée et 
l'écran doit être évité.) | 

Les plaques enduites de polonium, de radium, de pech- 
blende de Bohème, etc., fournies avec l'instrument, donnent 
de très beaux effets de scintillations. Le polonium, spéciale- 
ment, n’émettant que des rayons alpha, montre un scin- 
tillement très net sur fond noir, tandis qu'avec le radium 
les rayons bêta et gamma donnent un fond plus ou moins 
éclairé qui masque un peu l’effet du scintillement. 


Le scintilloscope est beaucoup plus sensible que le 
spinthariscope, et rivalise, dit-on, avec les électroscopes les 
plus délicats, quand il s’agit de découvrir les rayons “alpha.” 


UN INSECTE ÉTRANGE 55 


Il permet de trouver des élémeits radioactifs dans des 
corps qui n’en contiennent à peine qu’un imillionième. 
Les manchons de terres rares des lampes à incandescence 
Auer contiennent assez de thorium radioactif pour produire 
un petit bombardement lumineux sur l'écran très sensible 
du scintilloscope. | 
Remarquons, en terminant, que le thorium et le radium 
émettent les trois espèces de rayons. Le polonium est le 
seul élément qui ne donne que des rayons alpha. Quant 
à l'uranium, il ne produit pas de rayons alpha, il n’émet 
que des rayons bêta et gamma, et si, comme cela m'est arri- 
vé dernièrement, on obtient sur l'écran du scintilloscope 
quelques points lumineux, par seconde, avec certzins ‘sels 
d'uranium du commerce, c'est qu’ils ne sont pas purs et 
contiennent des traces d’autres éléments radioactifs. 


. H. NAGANT. 
Re 


UN INSEÉCTE ÉTRANGE 


On nous écrit de Saint-Roch de Achigan (Assomption) : 

Je vous envoie dans une petite boîte de carton un joli 
insecte que j'ai capturé l’été dernier. Il faisait brun, je me 
promenais sur le trottoir : je le trouvai qui s'était laissé choir 
ne pouvant plus voler, paraissant égaré et en peine de re- 
trouver son gîte, comine un soudard attardé. Je le saisis 
avec précaution, car j’apercevais deux pinces imenaçantes 
comme celles d’une écrevisse. Je fus surpris de sa grandeur 
et de sa grosseur comparables à celles des plus grosses li- 
bellules ; et sans avoir l’idée de faire une collection d’insec- 
tes ou de papillons, j'eus l'instinct de le conserver. Je l’en- 
fermai dans cette petite boîte où il mourut et subit les 
ravages de la dessication, ce qui a pas mal délabré sa struc- 


56 LE NATURALISTE CANADIEN 


ture anatomique. Mais, tel qu’il est, l'imagination peut 
fort bien encore reconstituer l’ensemble de ses formes. Je 
w’ai jamais rencontré de ma vie pareil spécimen, et person- 
ne autour de moi n’en avu et n’a pu me donner le nom 
vulgaire ou scientifique de cette curieuse bestiole. E«t-ce là 
le fameux ‘Kissing bug” dont la presse a tant jasé jadis ? 
Toujours est-il qu’il a deux crochets capables de donner, 
en se resserrant, un terrible baiser, et que de son vivant, 
il avait l’air de pincer fort sur les objets queje lui présen- 
tais. Je vous le donne tel que tel ; tant mieux s’il peut vous 
être utile. Quant à moi, je ne demande d’autre retour que 
la satisfaction de ma curiosité, à savoir : une carte postale 
de votre part, me faisant connaître le nom vulgaire et 
scientifique de cet insecte, avec quelques mots sur ses ins- 
tincts malicieux ou pacifiques, etc. 


EUG. GUILBAULT, ptre. ® 


Le spécimen reçu, et dont l’état anatomique est en 
effet déplorable, est la Corydalis cornuta Lan. Il a été ques- 
tion de cet insecte dans le voluine IX du Waturaliste cana- 
dien. Pour l'avantage des ahonnés actueis qui ne possè- 
dent pas la première série de cette revue, nons reprodui- 
sons de ce volume l'illustration de la page suivante, qui 
donnera l’idé: de l’insecte dont l'aspect et la taille ont tel- 
lement surpris notre correspondant. 

Ainsi que l’écrivait l’abbé Provancher dans le volume 
indiqué, p. 173, cette gravure représente la Con atss COT- 
nue, de grandeur naturelle.” 

En a, on voit la larve parvenue à son complet déve- 
loppement. Ces larves se trouvent particulièrement dans 
les ruisseanx à courant rapide et à lit pierreux, occupées à 
faire la chasse aux larves d'Ephémérides, etc. 

En 4, c’est la chrysalide, telle qu’on la voit, immobile 
et comme en léthargie, dans le cocon que la larve s’est 
construit dans la terre pour subir sa métamorphose. 


+ 


UN INSECTE ÉTRANGE 57 


c représente un mâle à l’état parfait ; à montre la tête 
d’une femelle. 


Notre correspondant aura reconnu à première vue que 
le spécimen qu'il nous a expédié est une femelle, dont les 
mandibules (ou mâchoires), dentées au côté interne, ont à 
peine le tiers de la longueur de celles du mâle. 


SERRE 


SRE 


m2 


La Corydalis cornuta, la seule espèce du genre que nous 
ayons dans notre faune, appartient à l'ordre des Névroptères. 
L'abbé Provancher l'indiquait comme très rare à Québec ; 
pour nous, nous n’avons jainais eu connaissance de son 
existence dans cette partie du pays. Mais elle se rencontre 


8— Avril, 1906. . 


58 LE NATURALISTE CANADIEN 


de temps en temps dans la région ouest de la province de 
Québec. - ose 

Notre fondateur ajoutait sur la Corydalis les détails 
suivants : 

“Ce sont des insectes fort lourds, tant pour la marche 
que pour le vol. Ils ne se livrent guère au vol que le soir ; 
durant le jour, on les trouve sur les murs ou les pièces de 
bois près des rivières. Si on les touche, ils déploient les 
ailes pour se laisser choir sur le sol, mais visent à peine à 
se cacher. Lorsqu'on les saisit, ils tentent de mordre avec 
leurs longues mandibules, mais sont impuissants à! produi- 
re une douleur appréciable ; l'abdomen se relevant: en mê- 
me temps se joint aux mandibules pour se débarrasser de 
lPobstacle.” 


“ SL, 


HISTOIRE D'UN ENTOMOLOGISTE 


On était en l’année 1793. La France était en deuil. 
Le sang de ses enfauts coulait à flots ; c'était le règne de 
la terreur. Un pauvre jeune prêtre proscrit, vêtu d’un ha- 
bit de paysau, veuait de quitter sa paroisse et fuyait, triste 
et pensif, pour échapper à la hache révolutionnaire. Parfois 
il jetait en arrière un regard mélancoiique, comme pour 
dire adieu aux âmes que le Seigneur lui avait confiées et 
qu’il laissait seules au milieu de la tourmente politique. 
Alors ses yeux se baïgnaient de larmes et il priait. 

Où allait-1l ? Dieu seul le savait. 

Un jour il arrive dans une petite ville où il espère 
trouver l'hospitalité chez un ancien compagnon de classe, 
fl cherclie cet ami ; mais au nom qu'il prononce, la foule: 
aveuglée et fanatisée s’émeut, l'entoure et le saisit... ,Ce 
nom est celui d’un noble dont la tête a roulé sur l’écha- 


CO ON iv 


HISTOIRE D'UN FENTOMOLOGISTE 59 


faud. Lui aussi, cet étranger doit être un ennemi de la pa- 
trie. On le conduit au tribunal révolutionnaire, qui était 
alors en permanence. Il avoue qu’il est prêtre, et comme 
son ami, il est condamné à mort. L’exécution doit avoir 
lieu le lendemain. ; | | 

Le pauvre prêtre, r’espérant plus qu’en Dieu, se prépa- 
re à la mort et, pour réparer un peu ses forces épuisées par 
une longue marche et par de si terribles emotions, il de- 
imande à son geôlier, ex échange de ses derniers vêtements, 
un souper modeste. 

Comme le marché était bon, le weôlier ft convenable- 
nent les choses. Il ne refusa pas de s'asseoir à la table du 
condamné et de répondre à un toast de longue vie et de 
santé pour lui et sa famille. Tout en vidant une bouteiile, 
il se mit à raconter au condamné l'histoire détaillée, héris- 
sée de crimes et de tortures de toute espèce, de la vieille 
et solide prison. 

Après l’histoire de-la prison et celle des prisonniers, 
vint celle des juges, pourvoyeurs naturels de la prison. 


—Par exemple, comment trouvez-vous la figure du 
citoyen président, celui qui est allé aux voix et qui vous a 
condamné ? Beile tête de président, n'est-ce pas ? 

Le prêtre ne peut se rappeler sans émotion le ton bref 
et dur du citoyen président. Il ne répond pas et le geôlier 
continue : 

— Eh bien ! une fois sorti de l’audience, ce n’est plus 
plus ça : pas plus de fiel qu’un mouton .. Pourtant, je 
lui trouve un défaut, une bêtise. Croiriez-vous qu’il n’est 
pas plutôt débarrassé de sa besogne patriotique, qu’il court 
les champs pour attraper des papillons, des chenilles, des 
insectes : une vraie petitesse indigne d’un citoyen qui con- 
naît ses devoirs. 

_À ces mots, le condamné tressaille ; car lui aussi a 
étudié les insectes, et il se rappelle que, dans le fond de son 
chapeau, il possède une rareté entomologique, la Mecrobia 


60 LE NATURALISTE CANADIEN 


ruficornis, qu’il a trouvée dans sa fuite. Tout en feignant dé 
se cacher, il s'empare de l’insecte et le pique mystérieuse 
ment à l'extrémité inférieure.du bouchon de la bouteille. 

Le geôiier, qui n’a perdu aucun de ses mouvements, 
croyant voir dans cet insecte un emblème séditieux, un si- 
gne suspect, dessert à la hâte, saisit le bouchon accusateur 
et va le porter au citoyen président, auquel ïl raconte ce 
qu’il a vü. 

OQueiques instants après, dans le cabinet du président» 
deux hommes étaient assis en face l’un de l’autre, les coudes 
appuyés sur une table couverte d'échantillons scientifiques 
de toute espèce : c’étaient le fuge et le condamné ; le prê- 
tre enseignant, expliquarnit longuement, recommençant dix 
fois la leçon dix fois interronrpue ; le juge écoutant atten- 
tivement, applaudissant du geste, niant du regard, mais 
finissant toujours par se rendre à l'évidence, et alors ne se 
contraignant plus pour manifester son étonnement et son 
admiration. 

Quelques ireures après encore, deux hommes se disaient 
adieu en se serrant la main. L'un était le condamné, qui 
montait en voiture mtüni d'argent et d’un passeport en: 
règle ; l’autre était le juge, qui avait voulu conduire Iui- 
même le prêtre et s'assurer qu’il ne seraïît ni inquiété à sa 
sortie, ni interrogé jusqu’à l’endroit où 11 devait prendre la 
voiture de Paris, ville où tout se perd et s'oublie. 

Le prêtre si miraculeusement sauvé s'appelait Latreil- 
le, qu'on a surnommé plus tard le Prince de l’entomologie 


française: 


EDR = 


Nous remercions l'Æs#seignement primaire de la bien- 
veillante mention qu’il a faite, en sa livraison: d'avril, de‘ 


uotre 33e anniversaire. 


L 


ns € 


LÉ GULF-STREAM 61 


LE GULEF-STREAM SE DÉRANGERAIT:IL, ? 


La douceur du climat de l’Europe du Nofd-Ouest est 
menacée, et c’est le Gulf-Stream qui en serait cause. Ce 
Courant du Golfe aurait dévié de sa route habituelle, et 
une de ses branches irait baigner les rives du Groenland 
et du Labrador. Ce fut le capitaine d’un baleinier, jadis, 
qui annonça à Franklin l'existence du Gulf-Stream, et qui 
en fit un vaste tracé. C'est le capitaine d'un paquebot 
allemand qui rencontra, il y a quelques jours, un nouveau 
courant dans les parages de New-York. 


Le courant était puissant et ses eaux étaient chaudes ; 
il se trouvait dans une région où l’on n’en avait jamais 
observé; on pense que c'était le Gulf-Stream qui, pour une 
raison inconnue, se serait dirigé vers le nord. Si le fait est 
vrai, ses conséquences seraient incalculables. Une solitude 
glacée couvrirait la Norvège et la Suède, qui se trouvent 
À la même hauteur au-dessus de l'équateur que le Groen- 
land, Les îles Britanniques seraient inhabitables. L’An- 
gleterre, l’Ecosse et la verte Irlande seraient ensevelies sous 
un manteau de glace pendant la moitié de l’année, comme 
le Labrador et le Nord-Canada. Il ne pousserait plrs de 
plantes tropicales dans les îles Scilly, et à Paris, il ferait 
aussi froid qu’à New-Vork pendant les mois d'hiver. Les 
Américains de Boston et de New-Vork, qui sont plus près 
que nous de l'équateur de quinze cents kilomètres, et qui 
subissent maintenant des gels rigoureux en hiver, jouiraient 
alors d’une température agréable et douce. Des change- 
ments interviendraient dans la vie des peup'es, et tout cela 
serait dû à une déviation d’un des courants marins qui sil- 
lonnent les Océans. 


Les Océans sont, en effet, parcourus par de grandes 
routes liquides, par d'immenses fleuves, les uns qui remon- 


62 LE NATURALISTE CANADIEN 


tent de l'équateur vers les pôles, les antres qui descendent 
des régions boréales vers les tropiques. Sous l'équateur et 
les tropiques, les eaux, chauffées par les rayons d’un soleil 
ardent, s’acheminent d’après une loi naturelle vers jes 
régions plus froides. Il se produit pour les eaux ce qui 
arrive pour les vents. Il nous vient des vents chauds 
d'Afrique, des vents froids du Nord. Dans l'Océan. on 
trouve des courants équatoriaux et des courants arctiques 
qui ont une marche et une direction constantes, comme 
ies vents alizés ou les moussons. 


De tous ces courants marins, le Gulf-Stream est le 
plus connu. Il prend sa source dans le golfe du Mexique, 
comme dans une bouilloire géante, il accumule la chaleur 
du soleil et trouve un aliment dans un des courants équa- 
toriaux de l'Atlantique. C’est un fleuve immense dont les 
berges sous-marines sont distantes de cinquante à quatre- 
vingts kilomètres, et dont la profondeur atteint 3001nètres. 
A sa sortie du golfe, sa vitesse est de plus de six kilomè- 
tres à l’heure, et la température de ses eaux est en moyenne 
de 25 degrés en hiver et de 28 en été, sur toute la lon- 
-œueur de son parcours. Ses eaux sont d’une transparence 
parfaite et d’un bleu qui tranche nettement avec le vert 
wlauque du reste de l'Océan. 


Le Gulf-Stream se dirige un peu vers le Nord-Ouest, 
puis à la hauteur du 40° degré de latitude, s’éparpillant en 
un faisceau de bandes ‘chaudes, séparées par des bandes 
d’eau froide. Il va enserrer entre ses bras l’Irlande, PAn- 
gleterre et l’Ecosse, va baigner les côtes de Norvège et de 
Suède, et remonte vers la Nouvelle-Zemble et le Spitzberg. 

‘Un mince filet s’égare vers Terre-Neuve et suffit pour 
produire par compensation les brumes épaisses qui désolent 
les pêcheurs de Morue. A en juger d’après les masses con- 
sidérables d’eau chaude que déplace le Gulf-Stream, on 
peut se rendre compte de son influence au point de vue 
climatérique. C’est à lui que l’on doit la plupart des tem- 


LE GULF-STREAM 3 


pêtes qui viennent aboutir en Éurope occidentale, et les 
Anglais l’appellent le ‘ père des tempêtes ”. C’est au Gulf- 
Stream qu’on doit le fait bizarre qu'à New-York, à Boston 
et à Philadelphie, il fasse plus froid qu’à Londres ou à 
Paris, quoique, ainsi que nous le disons plus haut, ces villes 
américaines soient beaucoup plus rapprochées de l'équateur. 
Aussi les Américains disent-ils que les Anglais ‘“ leur ont 
volé le climat.” | 


La déviation du Gulf-Stream n’a point reçu de confir- 
mation et aucune recherche plus approfondie n’a été faite 
au sujet du phénomène signalé par le capitaine allemand. 
Au service central météorologique, on ne sait rien. 
M. Mascart, cependant, en a entendu parler, mais il lui 
semble impossible qu’un courant aussi sage et aussi régu- 
lier ait changé tout à coup sa route, route qu’il suit depuis 
des centaines de siècles, pour faire l’école buissonnière. La 
chose, toutefois, est dans les possibilités terrestres, et si 
elle se confirme, nous serons les témoins impuissaunts d'une 
de ces immenses transformations géologiques qui out imar- 
qué l’histoire de la tetre. 


(Moniteur d Horticulture, Paris.) 
OMNIS. 
— ki — 


DE L'ORIGINE DES PLANTES CULTIVÉES 


La connaissance de l’époque et du lieu d’origine des 
plantes cultivées, quoique ne présentant aucune utilité di- 
recte, est cependant de nature à intéresser les amateurs et 
jardiniers cherchant à s’instruire dans tontes les branches 
se rapportant à leur profession. Cette’ étude permet de se 
rendre compte de, l’ancienneté des cultures, de l’évolution 
des formes cultivées et du commencement de la civilisa- 


tom. Là 


64 LE NATURALISFE CANADIEN 


M. Alph. de Candolle, le botaniste genevois bien connn, 
s'est occupé d’une façon spéciale de l'étude de cette ques- 
tion et a développé, dans un livre portant le titre ci-dessus, 
le résultat de ses investigations, avec sa compétence et son 
souci habituel de rechercher la vérité. 

Parmi les causes déterminantes qui ont suscité des ten- 


tatives de culture, on peut citer : 

1” Me as d’avoir à à sa vortée des plantes offrant des avan- 
tages réels pour l’alimentation et que tous les hommes re- 
cherchent 

2° un climat pas trop rigoureux et dans les pays chauds 
une sécheresse pas trop prolongée : toutes causes rendant 
les cultures plns faciles ; 

3° enfin la plus importante de toutes : une nécessité 
pressante résultant du défaut de ressources dans la pêche, 
la chasse ou dans le produit de végétaux indigènes à fruits 
très nourrissants ; 

Les indigènes, se trouvant dans ces conditions, ont donc 
cherché dans leur propre pays les plantes les plus propres 
à leur alimentation, puis, par leur contact avec des tribus 
plus civilisées, ils ont introduit chez eux des espèces plus 
profitables. Le début des cultures a done été marqué par 
le choix des espèces et c’est après, par une sélection pa- 
tiente et continuelle, que les générations qui se sont succé- 
dées ont amené ces espèces au degré d’ amélioration qu'elles 
ont atteint aujourd’hui. 

L'époque du commencement de ia culture dans chaque 


région est assez obscure. De Candolle estime qu’en Egypte, 
l’agriculture devait être bien établie plus de 2000 ans avant 
Jésus-Christ. En Chine, l'empereur Chennung, 2700 ans 
avant J.-C., institua une cérémonie durant laquelle, cha- 
que année, on semait 5 espèces de plantes utiles : riz, soja, 
blé et deux espèces de millet ; ce qui fait supposer que, pour 
avoir attiré à ce point l’attention de l’empereur, ces plan- 
tes devaient déjà être depuis quelque temps en culture. 
(Mouiteur horticole belge). (A suivre.) 


y 
PROPRES ee © 


M R-  - 


"+ 


PE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Mai 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 5 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


AUX AMATEURS D'HISTOIRE NATURELLE 


Depuis ces dernières semaines nous avons été très occupé 
à mettre la dernière main à un volume dont nous avions à 
fournir le manuscrit, aussitôt que possible, aux impri- 
meurs. Et nous n'avons pu travailler que très peu à 
la préparation de la présente livraison du Vaturaliste. Mais, 
bien que nous ne puissions continuer en ce numéro les con- 
seils pratiques que nous avons cominencé à donner aux dé- 
butants de l’entomologie, nous voulons pourtant leur adres- 
ser un appel, à eux comme aux amateurs des autres bran- 
ches des sciences naturelles. 

C’est qu’en effet, pour les naturalistes amateurs ou pro- 
fessionnels, le temps de la moisson est arrivé, et 1l importe 
d'en profiter pour recueillir le pius de spécimens que l’on 
pourra. Ceux que l’on ne pourra utiliser pour ses propres 
collections, on n’aura pas de peine à s’en servir pour obte- 
nir par échange des spécimens que l’on ne pourrait trouver 
soi-même, parce qu’ils sont particuliers à des pays étran- 
gers ou à des régions plus ou moins éloignées de notre pro- 
pre pays. Il faut donc se créer, au moyen des spécimens 
que l’on trouve facilement, des sortes de réserves que l’on 
peut être sûr d'utiliser pour l’augmentation rapide de ses 


propres collections. Car il y a, dans tous les pays du 
9—Mai 1906. 


66 LE NATURALISTE CANADIEN 


monde, de nombreux amateurs qui sont très désireux d’a- 
voir des relations d'échanges avec d’autres collectionneurs. 

Comme on le comprend très bien, c’est à la eampagne 
que l'on peut le plus facilement recueillir des spécimens, 
et les gens qui y résident sont à cet égard les plus favorisés. 
L'on n’y peut faire un pas sans être à même de collection- 
ner quelque chose. Les champs, les forêts, les jardins, les 
eaux, les rivages, tout y fourmille d'espèces minérales, 
zoologiques et botaniques. On n’a qu’à tendre la maïn pour 
amasser des trésors, dans le sol, sur la terre, dans air et 
dans l’eau: 

Ce qu’il y a d’important pour le naturaliste, pendant Ja 
belle saison, c’est donc de recueillir des spécimens. Les 
études techniques, on les fera plus tard, quand la nature 
sera retombée dans sa léthargie des mois d’hiver. 

Mais il y a encore autre chose à faire, lété, qu’à col- 
lectionner des insectes, des plantes, des mollusques, etc. Il 
y a encore, et surtout, à observer. Car l’histoire naturelle 
ne consiste pas seulement, surtout à notre époque, à éti- 
queter et à classer desspécimens. Elle consiste bien plutôt à 
se renseigner sur le mode de vie, d'alimentation, de rela- 
tion des espèces animales et végétales. C’est par la con- 
naissance de tous ces détails que l’histoire naturelle peut 
rendre et rend en effet d'importants services à l’agriculture, 
à l’industrie, à la médecine et autres arts. 

On aura donc soin, en faisant la chasse aux spécimens, 
de recueillir des observations sur tout ce qu’on verra; on 
consignera par écrit le détaii des faits qu’on aura remar- 
qués ; et l’on se constituera de la sorte encore un trésor, de 
connaissances celui-là, qus l’on ne sera pas en peine non 
plus d'utiliser à l’occasion. 

I1 faut donc se mettre en campagne le plus tôt qu’on 
pourra, et profiter de la saison favorable pour remplir ses 
casiers et son cahier de notes. 


+ 


__S 


CONGRÈS DE GÉOLOGIE 67 


NÉCROLOGIE 


Nous avons le regret d’avoir à enregistrer la mort récente 
de deux anciens collaborateurs de notre revue. 


M. P.-H. Dumais, arpenteur-géomètre, décédé ie 5 de ce 
mois à Chambord (Lac Saint-Jean), a été notre plus actif col- 
laborateur, depuis le mois d’avril 1894, jusqu’au mois de 
mai 1906 où nous avons publié sou dernier article. 

M. Chs Baillargé, ingénieur civil, décédé à Québec le 10 
mai, s’intéressa beaucoup à notre œuvre, il y a plusieurs 
années, et y publia quelques travaux. 


Le mois prochain nous parlerons avec plus de détails de 
la carrière de ces deux hommes de science. 


Nos lecteurs voudront se souvenir de ces défunts dans 
leurs prières. 


BRÉRATD AR 10 
HÉROS 


CONGRÈS DE GEOLOGIE 


Le 10e Congrès Géologique international se tiendra dans 
la ville de Mexico, du 6 au 15 septembre prochain. Avant 
et après la session du Congrès, il y aura des excursions, 
d’une durée variable, dans le pays du Mexique. 


La cotisation ou prix d'inscription est de 20 francs, ou 
quatre piastres, et doit être remise au trésorier du Comité 
d'organisation, M. Juan D. Villarello, 5a del Ciprès No, 
2728, Mexico, D. F., Mexique. 

Pour s'inscrire comme membre du Congrès, il faut s’a- 
dresser à M. Ezequiel Ordanez, secrétaire général du Co- 
mité d'organisation, sa del Ciprès No 2728, Mexico, D, 
F., Mexique. 

Sur les chemins de fer mexicains, il y a en faveur des 
congressistes une réduction de moitié sur les prix de pas- 


68 LÉ NATURALISTE CANADIEN 


sage. En s'adressant immédiatement au secrétaire général, 
on recevra de lui des renseignements sur les réductions du 
prix de passage que les chemins de fer des Etats-Unis ont 
pu accorder. 


UNE ENQUETE ENTOMOLOGIQUE 


Par l’éntremise du bureau du secrétaire d'Etat, nous re- 
cevions il y a quelque temps une circulaire du directeur de 
la section des sciences naturelles du British Museum, Lon- 
dres, relative à certaines recherches intéressant l’entomolo- 
gie, dans les diverses colonies anglaises. 


Le British Museum, en effet, s'occupe depuis plusieurs 
années de réunir le plus de connaissances possibles sur 
l’histoire naturelle des insectes ‘“suceurs de sang” et autres 
sortes d'organismes vivants qui peuvent jouer un rôle dans 
la transmission de certaines maladies. C’est ainsi que, jus- 
qu’à présent, la grande institution scientifique de Londres 
a étudié à fond la question des Moustiques et celle des 
Mouches Tsé-Tsé, et a publié de 1991 à 1903 des monogra- 
phies de ces insectes. La Monographie des Culicides ou 
Moustiques, par F. V. Theobald, se compose de 4 volumes ; 


celle des Tsé-Tsé, par E. E. Austen, n’a qu’un volume. 


On se propose maintenant, dit la circulaire, de publier 
des monographies du même genre sur les autres genres 
d'insectes ‘’suceurs de sang”, et l’on désire avoir la colla- 
boration des naturalistes et des médecins résidant dans 
les colonies anglaises, on en quelque partie que ce soit des 
régions tropicales, à qui l’on demande l’envoi de spécimens 
aussi nombreux que possible de ces sortes d'insectes, et 
tous les détails que l’on pourrait fournir sur leur histoire 
naturelle et leur présence en tel ou tel district. 


“TAMR 


ns 


CHRONIQUE 69 


Pout le cas où quelqu'un de nos lecteurs voudrait ré- 
pondre à cet appel du British Museum, il devra adresser 
ses communications comme suit: 7%e Director, Brilish 
Museum (Natural History), Cromwell Road, London, S. 
W., England. 


ET ER r ST nd 
CHRONIQUE 


Les ossements d’un Eléphant maintenant disparu et qui 
mesurait 16 pieds de haut à l'épaule, ont été trouvés, dit 
un journal de Calcutta, dans le lit de la rivière Godaviri 
(Inde anglaise) et reposent actuellement au Musée Hindou 
de Calcutta. 


* 
X * 


L'Angleterre importe chaque année de 25 à 30 millions 
d'oiseaux. Un marchand de Londres a reçu, l'an passé, de 
l’Inde seule, 400,000 Oiseaux-Mouches, 6000 Colibris et 
400,000 oiseaux de diverses sortes. (On estime d’une ma- 
nière générale que les chapeaux de “ces dames” exigent 
annuellement le massacre de 200 à 300 millions d’oiseaux 
de toutes espèces ! 

Pipes 

Lord Allington possède à Crichel (Angleterre) un parc 
qui ne contient que des animaux blancs. Il y a là un Daim 
âzé de 25 ans et presque aveugle ; un Taureau Brahna 
blanc qui est très sauvage ; des Chèvres Angora blanches ; 
un énorme Cochon blanc Yorkshire; des Paons, des Din- 
dons, tout blancs, des Oies Sébastopol blanches ; des Lièvres 
blancs de race pure ; des Pigeons, des Canards, des Poules 
d'Inde, des Pouies, jusqu’à des Souris blanches. Une sym- 
phonie en blanc majeur, comme aurait dit Théophile Gau- 
tier. 


70 LE NATURALISTE CANADIEN 


La 

Il est peut-être intéressant de noter ce que dit un citoyen 
de Winnipeg, Man., au sujet de messire Moineau : “J'étais 
à Québec en 1860 et j'y vis les trois premiers Moineaux 
envahisseurs du Canada. Ils sortirent d’un char de fret 
dans lequel ils étaient cachés, après avoir probablement 
traversé l'Atlantique dans la cale d’un navire.” (9 Le citoyen 
en question se trouvait en ce temps employé dans le dépar- 
tement du fret du chemin de fer. Les trois Moineaux s’é- 
taient réfugiés dans le hangar aux marchandises : et les 
employés leur fournirent de quoi manger. Un an après, 
les visiteurs avaient une respectable famille d'enfants et de 
petits enfants. Un an plus tard encore, les villages des 
alentours pullulaient de Moineaux, et en 1863 toutes les 
villes entre Québec et Montréal, y compris cette dernière, 
regorgeaient de ces passereaux. Les Moineaux ne firent 
leur apparition à Winnipeg que lorsque l'immense hôtel 
du Manitoba (aujourd’hui incendié et non rebâti) fut en 
opération. Alors, un certain jour, sans avoir eu la cour- 
toisie de payer leur billet de passage, l’avant-garde de l’ar- 
mée en question nous arriva ; et aujourd’hui la province de 
Manitoba compte des centaines de mille de ces hôtes un 
peu turbulents mais, somme toute, utiles de plusieurs ma- 


nières. : 
% 
*X % 
Le gouvernement des Etats-Unis vient de finir un re- 
censement intéressant. Il s'agissait de savoir, le plus ap- 
proximativement possible, le nombre de Bisous (buffalos) 


actuellement en existence, et incidemment, aussi, de s’assu- 


(1) Nous voulons bien croire à l’exactitude de souvenir du citoyen de 
Winnipeg dont il est ici question. Toutefois, dans le district de Québec, 
on attribue la présence des Moineaux dans notre faune à une importation 
d’un certain nombre de couples de ces oiseaux, qui furent amenés d’Eu- 
rope À titre d'oiseaux utiles : importation dont nous nous rappelons très 
bien nous-même.— éd. 


CHRONIQUE FE 


rer de la possibilité d'envoyer ces Bisons dans la ‘Réserve 
Nationale” d'Okhahoma où, paraît-il, les conditions clima- 
tologiques assureraient la reproduction de ces intéressants 
quadrupèdes. Le résultat du recensement constate qu’il 
existe aujourd’hui 800 Bisons aux Etats-Unis. De ces 800 
animaux, la moitié est de race pure; et à cause d'accidents 
divers et de mauvais traitements, cette moitié même ne 
tardera pas à diminuer considérablement et même à dispa- 
raître complètement. 
De 

Dans un récent ouvrage “The Source of the Blue Nile” 
Arthur J. Hayes, qui accompagna un parti d’explorateurs 
en Abyssinie, prétend que le delta du Nil doit à la Fourmi 
blanche l'extraordinaire fertilité de la vase qui y est appor- 
tée tous les ans par les inondations. Le Dr Hayes ne dit 
pas que les Fourmis fournissent toute la vase qui est appor- 
tée dans le delta, mais il prétend que sa propriété produc- 
tive est causée par leur ouvrage sur la frontière occiden- 
tale de l’Abyssinie.— Cette découverte, si découverte il y 
a, est intéressante ; et dans un avenir plus ou moins éloigné, 
on pourra inoculer une terre pour s’y assurer une plus 
grande récolte. 

re 
On vient de tuer à l’île Orkney un ‘ King Eider ”, 

adulte femelle, le gros oiseau arctique, le 19e de cette es- 
pèce qui ait été tué en Angleterre depuis 1813. Les prin- 
cipales particularités de cet oiseau : sont la gorge pâle et 
couleur châtaigne, les pattes et les jambes d’un jaune som- 
bre, tandis que le côté de la mandibule supérieure est cou- 
vert de poils jusqu'aux narines. : 


HENRY TILMANS. 


SR 


72 LE NATURAILISTE CANADIEN 


DE L'ORIGINE DES PLANTES CULTIVEES 


(Suzite.) 


Les plantes cultivées furent propagées dans les régions 
méditerranéennes par les Egyptiens et les Phéniciens. Les 
peuples Aryens, dont les migrations vers l’Europe eurent 
lieu vers 2500 à 2000 avant J.-C., ont également répandu 
beaucoup d’espèces déjà cultivées dans l’Asie occidentale. 
En Amérique, l’agriculture n’est pas si ancienne et ne pa- 
raît pas remonter beaucoup plus haut que le début de l’ère 
chrétienne. 


La distribution originelle cultivée est très inégale. Cer- 
taines espèces sont communes à 2, 3 ou 4 régicns, d’autres 
sont cantonnées dans une petite partie d’un seul pays. Le 
Fraisier (Fragaria vesra), le Groseiller (X1bes rubrum), le 
Chataignier (Castanea vesca), et le Champignon de couche 
(Agaricus campestris), sont communs aux régions septen- 
trionales de l'Ancien et du Nouveau Monde. Aucune 
espèce, avant d’être mise en culture, n’était commune aux 
régions tropicales et australes des deux Mondes. 


Un très grand nombre d’espèces sont originaires à la fois 
d'Europe et de l’Asie occidentale, d'Europe et de Sibérie, de 
la région méditerranéenne et de l’Asie occidentale, de 
l'Inde et de l’archipel asiatique, des Antilles et du Mexique, 
du Pérou et du Brésil, du Pérou et de la Colombie, etc. 
Certains pays: les régions arctiques et antarctiques, n’ont 
donné aucune espèce cultivée ; d’autres, comme les Etats- 
Unis, la Patagonie, le Cap, l'Australie, la Nouvelle-Zélande 
sont caractérisés par une extrême rareté dans ce même 
genre de plantes. En général les régions australes n'ont 
fourni que fort peu de plantes annuelles ; or ce sont celles- 
ci qui sont les plus faciles à cultiver et quiont joué le plus 
grand rôle dans les anciennes cultures de notre pays. Sur 


ORIGINE DÉS PLANTES CULTIVÉES 73 


247 espèces étudiées par de Candolle, l'Ancien Monde en a 
fourni 199, l'Amérique 45, et 3 qui sont encore douteuses. 

Chose curieuse, la majorité des espèces cultivées dans 
l'Ancien Monde, depuis plus de 4000 ans et en Amérique 
depuis plus de 2000 ans, existent encore sauvages, dans un 
état identique avec l’une des formes cultivées. On aurait 
cru que beaucoup d’espèces ainsi cultivées depuis plus de 
4000 ans, aurait dévié de leur état ancien à un degré tel 
qu’on ne pourrait plus les reconnaître parmi les plantes 
spontanées. Il parait, au contraire, que les formes anté- 
rieures à la culture se sont conservées à côté de celles que 
les cultivateurs obtenaient et propageaient de siècle en 
siècle. Ceci pourrait être expliqué par deux causes: 1° la 
période de 4000 ans est courte relativement à la durée des 
formes spécifiques dans les plantes phanérogames ; 2° les 
espèces cultivées reçoivent hors des cultures des renforts 
incessants par les graines que l’homme, les oiseaux et les 
divers agents naturels dispersent. Ces naturalisations ain- 
si produites confondent souvent les pieds, issus de plantes 
sauvages, avec ceux de plantes cultivées, d'autant mieux 
qu’elles se fécondent mutuellement, puisqu'ils sont de 
même espèce. 

Certaines espèces enfin, telles que la Fève (#e6a vulga- 
ris), le Pois chiche (Czser arirtinum), la Lentille (ÆZrvum 
lens), le Tabac (Wzcotiana tabacum), le Froment (7774- 
cum vulgare), le Maïs (Zea Mays), sont, à l’état sauvage, 
en voie d'extinction ou éteintes depuis l’époque historique. 
En supposant que leur culture cessât dans le monde, elles 
disparaîtraient de la nature. On peut attribuer cette dis- 
parition à ce que ces plantes ont des graines remplies de 
fécule, lesquelles étant recherchées par les insectes, les oï- 
seaux et les rongeurs, sont digérées et ne peuvent traverser 
intactes leurs voies digestives. .. 

M. de Candolle termine son exposé par quelques ré- 
flexions dont nous reproduirons textuellement les princi- 

11—Mai 1906. 


7/4 LE NATURALISTE CANADIEN 


pales : “ 1° les caractères qui ont le plus varié daté Îles 
cultures sont, en commençant par les plus variables : &) la 
grosseur, la forme et la couleur des parties charnues. qüelle 
que soit leur situation (racine, bulbe, tubercule, fruit ou 
vraine) et l’abondance de Ja fécule, du sucre et autres tña- 
tériaux, qui se déposent dans ces parties ;—4) labondätte 
des graines qui est souvent inverse du développement des 
parties charnues de la plante ;—c) la forme, la grandeur où 
la pubescence des organes floraux qui persistent autour des 
fruits ou des graines ;—4) la rapidité des phénomènes de 
végétation, de laquelle résulte souvent la qualité dé 
plante ligneuse ou herbacée ou de plante vivace, bisan- 
nuelle ou antiuelle, 

Les tiges, feuilles et fleurs varient peu dans les plantes 
cultivées pour ces organes, Ce sont les dernières forma- 
tions de chaque pousse annuelle ou bisannuelle qui varient 
le plus; en d'autres termes, les résultats de la végétation 
varient plus que les organes qui en sont la cause. 


CH. CHEVALTER: 


(À suivre.) 
BK ED 


LES TERRES R'ARES DE LA PROVINCE DE 
QUÉBEC (1) 


Par H, NAGANT, INGÉNIEUR-CHIMISTE 


On désigne sous ie nom de /erres rares un groupe spé- 
cial d'oxydes métalliques difficilement réductibles. assez 
voisins les uns des autres par leurs propriétés chimiques et 


(1) Nous croyons ütile de reproduire cet article, très intéressant 
pour la minéralogie canadienne, de notre collaborateur M. Nagant, et 
qui fait partie du rapport officiel tout récemment publié sur les Opéra- 
lions minières dans la province de Québec, par M. Obalski, surintendant 
des Mines, qui nous a fort aimablement permis cet emprunt. RÉD. 


D 


LES TERRES RARES DE LA PROVINCE 75 


physiques, et qui se trouvent le plus souvent associés en 
semble dans un certain nombre de minéraux relativement 
rares, tels que la cérite, la gadolinite, la monazite, la sa- 
marskite, la thorite, la fergusonite, le zircon, etc. Ces 
oxydes constituent, pour la plupart, des bases puissantes 
combinées, dans la nature, aux acides silicique, titanique 
phosphorique, niobique, tantalique, auxquels s'ajoute le 
fluor. Comme exemple de fluorure, on peut citer la fluo- 
cérite qui contient environ 80 pour cent de cérium avec 
un peu d’yttrium. Mais, ordinairement, les minéraux qui 
contiennent des terres rares sont des plus complexes et ren- 
ferment, outre toute une série de terres rares proprement 
dites, beaucoup d’autres oxydes métalliques tels que ceux 
d'uranium, de fer, de manganèse, de la chaux, de l’alumi 
ne, de la magnésie, ainsi que de petites quantités de plomb, 
de bismuth, d’étain, etc. | 

On connaît actuellement une vingtaine de terres rares 
que l’on peut classer en quatre groupes principaux : 

1. Glucinium. 

2. Groupe du cérium, comprenant les métaux suivants : 
cérium, lanthane, métaux de l’ancien didyme (praséodyme 
et néodyme), samarium, gadolinium, europium. 


3. Groupe de Pyttrinm : yttrium, erbium, terbium, yt- 
terbium, scandium, holmium, thulium, dysprosium, phi- 
lippium. 

4. Groupe du zirconium : zirconium, thorium et germa 
nium. Le titane, qui fait partie de ce groupe, a été omis 
pour la raison qu’on ue le considère plus comme un élé- 
ment rare. 


Plusieurs de ces terres rares (thorium, cérium, zirco- 
nium, etc.), sont utilisées dans l’éclairage, soit comme fila 
ments des lampes électriques, soit surtout dans la fabrica- 
tion des manchons incandescents des lampes Auer et au- 
tres lampes du même genre; l’importance qu’a prise de- 
puis vingt ans l’industrie de ces lampes à manchons incan 


76 LÉ NATURALISTE CANADIEN 


descents a provoqué dans beaucoup de pays la recherche et 
l'exploitation des gisements de minéraux contenant des 
terres rares: 

Avec les progrès de l’industrie chimique qui s'exerce ac- 
tuellement sur ces intéressantes substances, on y découvre 
sans cesse de nouvelles propriétés remarquables, et les ap- 
plications dont elles sont susceptibles occupent de plus en 
plus l'attention des spécialistes. Enfin, c’est dans ces 
mêmes terres rares que se trouvent disséminés les fameux 
métaux radio-actifs tels que le radium, le polonium, le tho- 
rium radio-actif et l’uranium. 

Dans la province de Québec, l'étude et l'exploitation des 
terres rares n’en sont encore qu’à leur début ; ces minéraux, 
que l'on ne considérait guère il y a quelques années que 
comme déchets sans valeur de l’exploitation du mica (avec 
lequel on les rencontre souvent dans les veines de pegma- 
tite traversant le gneiss laurentien), ont enfin attiré lat- 
tention de plusieurs propriétaires de mines de mica, et 1l 
peut se faire que, dans un avenir peu éloigné, le mica lui- 
même m’ait plus qu’une importance secondaire à côté de 
minéraux mieux appréciés et ayant une valeur marchande 
très élevée. 

Dans son rapport de 19go1, sur “Le mica dans la pro- 
vince de Québec”, M. J. Obalski avait déjà donné des indi- 
cations intéressantes sur quelques minéraux de terres rares 
trouvés en plusieurs points de la Province. 

En rappelant brièvement les renseignements que l’on y 
trouve à ce sujet, j'y ajouterai les résultats de nouvelles 
recherches. 

MINE DE VILLENEUVE, CO. LABELLE 


Dans cette mine, outre l’'émeraude commune (demandée 
aujourd’hui pour l'extraction du gl/ucinium qu'elle contient), 
on a trouvé des échantillons remarquables de cérite, 
pechblende, monazite et d’uraninite (minéraux d'uranium et 
de cérium). 


d 


LES TERRES RARES DE LA PROVINCE 77 


MINE DE MAISONNEUVE, CO. BERTHIER 


On y trouve de l’émeraude et surtout de la samarskite 
qui est un niobate et tantalate d’urane, de fer et d’yttrium, 
avec un peu d’acide tungstique. En analysant cette samar- 
skite j'y ai trouvé un peu d’éfaiën. Examinée au scntillos- 
cope, elle m’a donné quelques scintillations qui indiquent 
la présence d’un métal radio-actif, probablement du tho- 
rium. 


Dans un échantillon voisin de la samarskite, j'ai pu 
reconnaître la #ergusonite qui est un tautalo-niobate d’yt- 
trium, cérium, avec zirconium, étain, fer, tungstène. Ce 
minéral est radio-actif. 

Le tantale, que contiennent la samarskite et la ferguso- 
nite, est un métal très dur, très réfractaire au feu et est 
employé actuellement, en Allemagne, à la fabrication de 
lampes incandescentes électriques, de plumes inusables, 
ete. 

En 1905, le tantale valait $5,000 la livre, ce qui néces- 
sairement restreint son emploi; malgré son prix si 
extraordinairement élevé, ses propriétés physiques et chi- 
miques sont si remarquables que la maison allemande Sie- 
mens et Halske ont pris, en Allemagne et ailleurs, plus de 
200 brevets d'invention pour divers procédés de prépara- 
tion et d'emploi de ce métal. 


Dans la nouvelle lampe électrique où le filament de 
charbon est remplacé par un fil de tantale, 1l ne faut plus, 
paraît-il, employer que la moitié du courant électrique 
exigé par les lampes otdinaires, pour obtenir la même 
intensité de lumière. 


MINE DU LAC DU PIED DES MONTS (CHARLEVOIX) 


C’est dans cette mine de mica, située à 17 millesau N.- 
©. de la Malbaie, que l’on a trouvé la fameuse c/évezte, qui, 
à l'exposition universelle de Liége, a attiré l'attention des 
spécialistes sur ses propriétés radio-actives si remarquables. 


78 LE NATURALISTE CANADIEN 


Vue à travers le scintilloscope, cette cléveite (qui est com- 
posée d'oxydes d'uranium et d’autres métaux rares) donne 
des scintillations plus nombreuses et plus fortes que la 
célèbre pechblende de Bohème (dont M. et Mme Curie ont 
extrait le radiurm). 


MINE DU CANTON TACHÉ, LAC SAINT-JEAN 


J'ai examiné avec soin quelques échantillons de miné- 
raux noir verdâtre ou brunâtre, d’aspect vitreux, prove- 
nant de ce nouveau gisement qui sera mis cette année en 
exploitation. Les deux variétés qu'ils contenaient sont 
des silicates de terres rares, non encore signalés dans la 
Province, la gadolinite et l'orthite (allanite). 


Gadolinite.—Densité, 4.5.—Dureté, 6.5 à 7, poussière 
vert grisâtre. 

La gadolinite est un silicate d’yttrium, de lanthane, de 
fer et de glucinium (10 ); elle contient aussi tous les 
métaux des groupes yttrique et erbique. Elle peut être 
exploitée pour l'extraction du glucinium et de Pyttrium 

Orthite {allanite).— Densité, 3.20. — Dureté, 5.5 à 6 
poussière gris verdâtre. Aspect vitreux plus ou moins 
résineux, couleur noir brunâtre ; se gonflant à la flamme 
du chalumeau en donnant une scorie jaunâtre. Attaqué 
facilement par l’acide chlorhydrique concentré en formant 
gelée (silice). 

J'y ai constaté la présence d’une petite quantité à étain 
(environ 27) ainsi que des paillettes de dzswuth natif. 

C’est un silicate de cérium, yttrium, avec alumine, oxyde 
de fer, chaux et manganèse. 

Ces deux minéraux ne sont pas radio-actifs, du moins à 
l'essai avec le scintilloscope. 


QUELQUES PRIX DU COMMERCE 
Avec la découverte et l’exploitation de pius en plus 


étendues de terres rares pour fins industrielles, le prix de 
ces minéraux a beaucoup baissé durant ces dernières 


OISEAUX À VOI. RAPIDE 79 


années. Cependant ils conservent encore une tiès grande 
valeur commerciale qui mérite d'être prise en considéra- 
tion par tous ceux qui s'intéressent aux questions minières. 

Pour fixer les idées sur la valeur relative de quelques 
minéraux de terres rares, je transcris ici les prix extraits 
du catalogue de MM. Eimer et Amend, de New-York, par 
livre de minéral : 


Emeraude commune (silicate d’alumine et de glu- 


SNS RARE OR SAR, en LEA RTE TUE 8020 

| Allanite (silicate de cérium, yttrinm, etc.)....... MOTO 

Cérite (silicate de cérium, lanthane et didyme}).... © 50 
Fergusonite (niobate et tantalate d’yttrium, cérium, 

AGO. Leles) ARR ner 10 us SE NE) 00 


(A Londres, Angleterre, la fergusonite radio-active 
atteint au moins 50 cents l’once.) 
Gadolinite (silicate d’yttrium, lanthane, glucine, etc.) 2 50 
Sable monazité (la monazite est un phosphate de 


cédum, dnENane thoritmrett).4 2: 24800 41 "01:20 
Pechblende ou Uraninite (minéral d'uranium, cé- 
a TANGO Va CE POESIE SON ee 


A Londres, la Méyeite radio-active (sorte Duras) 


se vend au prix de #2.00 l’once. 
Samarskite (niobate et tautalate d’urane, fer et 


yttrium) je»; verve ses see ee I O0 


FJD DS ER 


OISEAUX A VOL RAPIDE 


La rapidité du vol, chez certains oiseaux, est réellement 
prodigieuse : des observations authentiques en font foi. 
Quatre pigeons voyageurs (Columba domestica), apparte- 
nant au comte Karolyi, sont venus de Pesth à Paris (1293 
kilomètres) en sept heures (1), ce qui suppose une vitesse 
de 185 kilomètres à l’heure et de plus de 51 mètres par 
seconde, vitesse double de celle des trains les plus rapides. 


(1) J. JACKSON. Tableau de diverses vilesses exprimées en mètres par 
. seconde (Nice, 1893). 


80 LE NATURALISTE CANADIEN 


Comme conséquence, nous voyons que la famille des Pi- 
geons (Co/umbidæ) est absolument cosmopolite et très 
abondamment répandue dans toutes les îles de la Polynésie 
(plus de 50 espèces). 


Les Hirondelles ont un vol encore plus rapide et qui 
peut atteindre 67 mètres par seconde ou 240 kilomètres à 
l’heure (d’après les observations de Spallanzani) Même en 
considérant ces chiffres comme des #axima qui sont rare- 
ment atteints, on admettra sans peine que les Hirondelles, 
lors de leur migration d'automne, puissent franchir la Mé- 
diterranée et passer d'Europe en Afrique er une seule nuit. 


(Le Naturaliste.) Dr TROUESSART. 
TN 


PUBLICATIONS REÇUES 


—A. H. Mackay, Pibliography of Canadian PBotany for 1904. 
Report of the Botanical Club of Canada for 1904-1905. 
Nous engageons tous les botanistes amateurs à se mettre en rapport 


aaec le Dr MacKay, secrétaire du ‘‘Botanical Club of Canada’”’, Darth- 
mouth. 


4 

—Horace Têtu, Oiseaux de Cage. Québec. 1906. (Prix, 25 sous l’ex., 
chez l’auteur et à la librairie J.-P. Garneau, Québec.) 

Ce joli opuscule de 85 pages est le premier, comme l’auteur le fait 
remarquer, qui ait été publié en Canada, sur ce sujet. Il traite de tout ce 
qui peut intéresser et instruire les persounes qui gardent des oiseaux en 
captivité, depuis la capture jusqu’au traitement en cas de maladie. Et il 
s’agit dans cet ouvrage non seulement du Serin, mais encore des princi- 
paux genres d’oiseaux sauvages et chanteurs. - 

Le nombre des gens qui gardent des oiseaux en captivité étant con- 
sidérable, l'écoulement de ce petit volume, tiré à quelques centaines 
d'exemplaires, sera sans doute très rapide. 


— (Ferme expérimentale centrale, Ottawa.) /usectles nuisibles aux 
Céréales et aux Plantes fourragères, aux Plantes-racines et aux Légumes, 
par J. Fletcher. Ottawa. 1905. 


— Puiletin de la Société des amis des Sciences naturelles de Rouen. 
45e année, 1904. Rouen, 1905. 


hd 


ÉE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Juin 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 6 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


EN RETARD 

Ce n’est qu’au milieu du mois d’août que nous pu- 
blions la livraison de juin du Va/uraliste canadien.  Beau- 
coup de nos lecteurs connaissent déjà la cause d’un si long 
retard. Pour ceux de l’étranger, nous dirous qu’une grave 
maladie nous a empêché, durant plus de six semaines, de 
nous occuper de notre Revue. 

Nous ferons notre possible, bien entendu, d'abord pour 
n'être plus malade si longtemps, et aussi pour rétablir dans 
une parfaite révularité la publication de nos livraisons. 


EAU » 
er D Le 


NECROLOGIE 1 


Le mois de mai a vu mourir, à quelques jours d’inter- 
valle, deux de nos hommes de science canadiens-français. 
Le nombre de ceux qui, chez nos compatriotes, s’o:cupent 
d’études scientifiques est si restreint, que nous ue le voyons 
pas diminuer sans un véritable chagrin. Jes deux défunts 
dont il s’agit ici, MM. Dumais et Baillairgé, furent aussi 
de nos collaborateurs et amis, et leur décès nous cause par 
là même un deuil véritable. Suivant notre coutume en ces 
tristes occasions, nous voulons leur consacrer ici quelques 
lignes et surtout les recommander aux prières de nos lec- 


teurs: 
11—Juin 1906. 


82 LE NATURALISTE CANADIEN 


PASCAL-HORACE DUMAIS 


M. P.-H. Dumais, décédé le 5 mai dernier, était né à 
Saint-Georges de Cacouna le 27 août 1837, et a donc vécu 
69 anset 8 mois. “Il fit ses études au collège de Sainte-Anne, 
et fut reçu arpenteur-géomètre à l’âge de 21 ans. Il avait 
jour patron, lors de ses études. feu l’arpenteur Ballantyne, 
et c’est avec ce dernier qu’il vint alors au Lac Saint-Jean 
pour faire les arpentages des différents cantons dort se com: 
pose ce beau royaume. 


“M. Dumais s'établit alors sur des lots de cette colonie, 


qu’il défiicha avec un talent peu ordinaire, tout en conti- 
nuant à exercer sa profession d'arpenteur. Outre ses talents 
de géomètre et d’agriculteur, M. Dumais était écrivain à 
ses heures; penseur sérieux en même temps que fin obser- 
vateur. 

«M. Dumais est un de ceux qui ont le plus contribué 
par leur travail et leur énergie à amener le chemin de fer 
au Lac Saint-Jean. C’est lui qui comme arpenteur a fait les 
premières explorations et le premier tracé de la ligne du 
chemin de fer de Québec et du Lac Saint-Jean, tracé qui a 
été adopté presque partout sur le parcours de la ligne.” 

M. Dumais est décédé à 
Chambord (Lac Saint-Jean), 
et ses funerailles ont eu lieu 
en cette paroisse le 8 mai. 
Malade depuis près d’une 

| année, il est mort dans les 
: meilleures dispositions chré- 
tiennes. 

Le défunt à été notre 
plus actif collaborateur, de: 
puis que nous avons fait re- 
vivre le Vafuraliste cana- 


dien. Dès la première année 
(1894), nous avons commencé à publier les notes de M. Du- 


pont sida 


 olies “mat 


NÉCROLOGIE 83 


mais sur la formation géologique du Saguenay, et cette pu- 
blication s’est continuée jusqu’à l’an dernier, où notre col- 
laborateur est tombé sérieusement malade. 


Ce n’est pas que nous accordions une foi entière aux 
théories géologiques de M. Dumais. C'est lui qui imagina 
le fameux ‘“cataclysine” pour expliquer l’origine de l’extra- 
ordinaire rivière Saguenay, et fournit à Buies la matière 
d’un chapitre (1) qui dans le temps fit sensation, au moins 
dans le monde non savant, car les géologues de profession 
prétendent bien qu’ils peuvent se passer de cataclysme pour 
rendre compte de la formation de l'étrange cours d’eau. 
D'ailleurs, Buies faisait grand cas du talent de M. Dumais, 
et goûtait beaucoup, dans ses chasses aux matériaux de ses 
livres, les rapports d'exploration de ce géomètre qui savait 
donner un tour littéraire à ses comptes rendus. 


Pour nous, nous regardions M. Dumais comme l’homme 
qui connaissait le mieux la géographie scientifique de l’im- 
portante région de la Province qui comprend les comtés de 
Chicoutimi et du Lac Saint-Jean, et nous avons eu à cœur 
de le pousser à mettre par écrit la plus grande somme pos- 
sible de ses connaissances et de ses souvenirs d'exploration, 
pour les enregistrer dans nos pages et les conserver ad futu- 
ram utilitatem. Nous nous applaudissons aujourd'hui de 
cette collaboration de onze années, qui nous a permis de 
sauver de l'oubli tant de renseignements et de détails qui 
se seraient perdus sans retour par la mort du seul homme 
qui les connaissait. 


Comme écrivain, M. Dumais avait de précieuses res- 
sources. Original, d’une imagination de feu, phraseur facile, 
âme toute poétique, une suffisante culture littéraire aurait 
fait de lui un publiciste remarquable. Cette formation lui a 
manqué, et il est resté avec ses qualités poussées très sou- 
vent jusqu'aux défauts. Nous devions constamment, avant 


(1) Dans son ouvrage Le Saguenay. 


84 LE NATURALISTE CANADIEN 


de publier ses écrits, jouer de la serpe pour élaguer des 
frondaisons trop touffues et redresser on rabattre tant de 
brindilles mal alignées... 


CHARLES BAILLAIRGÉ 


Le 10 mai, décédait à Québec M. Chs Baillairgé, archi- 
tecte et ingénieur civil. Il était né en 1827, et était âgé par 
conséquent de 79 ans. 

Bien qu’il ne fût pas à 
proprement dire un adepte 
des sciences naturelles, M. 
Baïllairgé portait beaucoup 

. d'intérêt à l’œuvre du Vatu- 
raliste canadien, et y publia 


7 À quelques articles. 
.,);) | a , Q 2 
71 A no) C'était un travailleur 
LEA la 4 
SR acharné. Il conserva jus- 


qu'au vieil Âge une santé re- 
lativement bonne. et put se 
livrer jusqu’à la fin à ses 
études favorites, qui étaient 
les mathématiques et les 
branches diverses du génie civil. Il a dirigé des travaux de 
grande importance, à Québec et ailleurs. 

Il a publié un bon nombre d'ouvrages relatifs aux 
études qu’il affectionnait. Il manquait malheureusement 
du talent littéraire. Mais la valeur scientifique de ses publi- 
cations lui assurèrent une renommée universelle. Il était 
membre de beaucoup de sociétés savantes, et se vit décerner 
grand nombre de médailles et de diplômes d'honneur. M. 
Baillairgé a donc été l’un des savants qui ont le plus con- 
tribué à porter au loin la réputation du Canada scientifique. 


Ode CO 
— RES 


CHRONIQUE 85 


CHRONIQUE 


L'UTILITÉ DES REQUINS.—Le Requin a sans contredit 
une mauvaise réputation. On l’appelle “Tigre des mers ”, ou 
l Enneminé des marins”, ou de tout autre nom mépr'sant 
qui se présente. On lui jette bien des pierres ; et comme il 
ne trouve que rarement un défenseur, sa mauvaise répu- 
tation reste. Dura lex, sed lex! Et pourtant, s’il faut en 
croire un magazine américain, ce pauvre Requin ne serait 
qu'un humble et utile serviteur public, un poisson-chiffon- 
uier, quoi ! 

Le Requin est le grand vidangeur de l’océan. Il n’est 
pas et ne peut pas être — vu sa vitesse relativement très 
modérée — un poisson de proie. Ouvrez un Requin quel- 
conque qui a été capturé et vous pourrez vous assurer de 
ce fait. Quelques fragments de cordages, une boîte de bœuf 
de conserve, une bouteille bouchée contenant quelque mes- 
sage fantaisiste, ou une casquette de matelot perdue dans 
une bourrasque, tout cela tend à prouver que ie Requin! est 
un poisson d’affaires, qui a l’œil sur toutes les chances qui 
peuvent lui arriver ; mais les matières plus digérées de son 
estomac, consistant principalement en détritus de toutes 
sortes, prouvent — l’odeur surtout — surabondamment que 
les premiers possesseurs de tous ces objets n'étaient pas vi- 
vants ; étaient, de fait, bien morts, iorsque cet inspecteur 
d'hygiène vint à passer et, les condamnant comme dangers 
publics, les fit passer dans son propre réceptacle digestif. 

Une foule d'observations soigneusement contrôlées 
prouvent irréfutablement qu’il n’y a que deux articles de 


. Son menu ordinaire que le Requin peut prendre vivants, 


savoir: un oiseau de mer qui de temps à autre se fait 
surprendre endormi sur la crête des vagues, et la Pieuvie, 
cette hideuse créature, dont la lenteur bien connue donne 
une chance à notre infatigable chiffonnier de la devancer. 


86 LE NATURALISTE CANADIEN 


Le Requin donc, loin d’être le terrible pirate que nous 
décrivent les romanciers, serait au contraire un pauvre et 
misérable travailleur ; et à ce titre il mériterait sinon notre 
tendresse, du moins notre pitié. 


UN SQUELETTEÉ GÉANT.—On vient de monter à l’Ins- 
titut de Brooklyn, Etats-Unis, le squelette d’une Baleine ; 
il a 47 pieds de long et est le plus grand squelette de Baleine 
d'Amérique, dit-on, et peut-être du monde entier. Les os 
seuls de ce monstre marin pèsent trois tonnes, la tête mesure 
15 pieds 8 pouces de long sur 7 pieds 4 pouces de large; 
le tronc a près de sept pieds de diamètre. Ce squelette 
appartient à une Baleine femelle qui fut capturée en 1903 
près des îles du Cap Vert, et pesait de 40 à 45 tonnes, 
tandis que sa longueur était de 50 pieds. 


UN ICHTHYOSAURE EN ANGLETERRE.—A une profon- 
deur de 60 pieds, dans une briqueterie d'Vatley, près de 
Peterborough, on vient de déterrer, enchassé dans l’argile, 
le squelette fossile d’un monstre reptile d’une douzaine de 
pieds de long, le corps ressemblant à celui d’nn Crocodile, 
et la queue étant longue de 3 pieds. L'animal avait apparem- 
ment des ailerons et non des pattes, car on a recueilli plu- 
sieurs centaines de ces ailerons. Malheureusement on n’a 
pas trouvé la tête. On pense se trouver en présence d’un 
Ichthyosaure ou Lézard de mer. 


UN AUTRE SERPENT DE MER.—Le capitaine Mills, du 
brick ‘Duke of Vork?”, et son équipage ont été attaqués 
près de Cork (Irlande) par un monstre marin qui semble 
avoir été un authentique serpent de mer. Comme le brick 
se rendait à son poste de pêche, près de Baliycotton, le ca- 
pitaine vit quelque chose de sombre dans l’eau en avant du 
bateau. Quand celui-ci vint proche de l’objet, on découvrit 
que c'était un énorme poisson ressemblant à une Baleine. 
Le monstre aussitôt attaqua le petit navire avec fureur et 


D... 


° FE NTS 


DE LA CHASSE AUX INSECTES 87 


le frappa “trois ou quatre fois.” Le capitaine alors fit 
arrêter son bâtiment et attaqua le monstre marin qui ne 
lÂcha prise qu'après une demi-heure de combat. (Version 
du Weekly Star, de Montréal, 23 mai 1906.) 


LES HUITRES ET LE VÉSUVE.—Une calamité due à la 
dernière éruption du Vésuve n’a pas été rapportée par 
câblogramme. Les journaux italiens de date récente nous 
annoncent la disparition des huîtres napolitaines.' I] appert 
que la baie de Naples produit une huître particulièrement 
estimée des épicuriens de l'Italie. Or, les cendres du volcan 
tombées dans la baie ont complètement couvert le fond, et 
out étouffé tout ce que les bancs contenaient d’huîtres, et 
ces bancs sont eux-mêmes à tout jamais ensevelis. 


HENRY L ILMANS. 
J Cd, 59 KL 
PCR +< LD de+ AO 


DE LA CHASSE AUX INSECTES 


(Suite de la page 43) 

L'emploi de la bouteille à cyanure offre encore l’avan- 
tage de ne pas abîmer les spécimens, comme faisait souvent 
le flacon au bran de scie alcoolisé, où les émanations spiri- 
tueuses modifient plus ou moins la coloration des insectes à 
couleurs claires et de ceux à reflets métalliques ; de même 
le duvet léger que portent beaucoup d'espèces était plus ou 
moins gâté. 

Nous supposons, dans tout cela, que l’on ne laisse pas 
les spécimens séjourner un très long temps dans le flacon à 
cyanure, Un tel séjour prolongé ne serait pas sans altérer 
en une certaine mesure la surface extérieure des insectes. 


Il est en outre permis de faire remarquer que ia mani- 
pulation du flacon de chasse est vraiment facile à appren- 
dre et à pratiquer. On le porte dans une poche de son habit, 
du côté gauche et à portée de la main gauche. Or, tout à 


88 LE NATURALISTE CANADIEN 


coup vous saisissez un insecte de la main droite et le retenez 
entre le pouce et l’index—ce pendant que, de la main gau- 
che vous extrayez le flacon de votre poche et en retirez 
facilement le bouchon du pouce et de l’index gauches pour 
laisser tomber le spécimen dans le récipient. Toutes ces 
opérations se font aisément, et par la pratique on acquiert 
promptement le tour de main qu’il y faut. Il y a dans la 
vie quantité de choses beaucoup plus difficiles à exécuter. 


On a besoin d’un peu plus d'adresse pour faire passer 
dans le flacon les insectes que l’on a capturés dans le filet. 
On risque, en effet, lorsqu'on déplace le filet d'ouvrir une 
porte par où les prisonniers, souvent très apiles, ne se 
feront pas faute de s'envoler pour reprendre la liberté qu’on 
leur a ravie. Et il ne manquerait plus que cela, qu’on vit 
partir à tire d’aile des spécimens que l’on a eu parfois 
beaucoup de peine à prendre. C’est par la pratique,et après 
maintes évasions de prisonniers, que l’on apprendra à éviter 
ces périls. En général, on ne doit ouvrir le filet que peu à 
peu et lentement. À mesure que, de la sorte, on atteindra 
un spécimen, on le saisira avec les pinces droites dont nous 
parlerons plus loin, ou plus simplement avec les doigts, 
pour le transférer du flacon à cyanure. Si l’on y va de Ja 
sorte avec ses doigts, il arrivera parfois que l’on ait affaire 
à un insecte armé d’un dard et qui saura s’en servir pour 
sa défense personnelle. La douleur pourra être aiguë ; mais 
au moins vous goûterez la jouissance entomologique de 
connaître jusqu’à quel point telle espèce a des ressources 
de protection et de voir, par cette occasion, s’augmenter le 
trésor de vos connaissances. Il est rare que la science se 
paye trop cher... 

BOITES DE CHASSE.—Le chasseur fera bien d’avoir 
aussi un ‘carton de poche”, ovale de préférence, avec fond 
garni de lièse ou mieux d’agavé. Lorsque son flacon au 
cyanure contiendra déjà trop de spécimens, il les fixera tout 
de suite sur des épingles et les placera dans ce carton. 


PP ne 


DE LA CHASSE AUX INSECTES 89 


Seulement il devra veiller à ce que les insectes qu’il traitera 
de la sorte ne soient pas seulement à moitié morts. Dans 
ce cas, “en effet, ils ne se feraient pas prier pour sortir de 
leur demi asphyxie, au contact de l’air pur, et pour se re- 
mettre à vivre comme de plus belle; et l’on aurait perdu 
tous ies avantages que l’on avait cherchés dans l’usage du 
flacon à cyanure: c’est-à-dire, la mort assez douce des 
patients (ez cas qu’ils souffrent beaucoup lorsqu'ils sont 
transpercés d’une épingle et mettent des jours et parfois 
des semaines à y perdre le souffle), la meilleure apparence 
et conservation des individus qui n’ont pas eu à se débattre 
longtemps dans une agonie prolongée. Mais comment cons- 
tater que les hôtes du flacon sont tout à fait morts? On 
doit bien s'attendre à ce que la jeune entomologie n’ait pas 
beaucoup de symptômes infaillibles à énumérer en cette 
affaire, lorsque la médecine, dont l’âge se perd dans la nuit 
des temps, se trompe encore, trop souvent, dans la consta- 
tation du décès des hommes. 


Il y a des insectes qui, de leur vivant, ont le tour de 
simuler la mort lorsqu'on les saisit; c’est leur seul moyen 
de défense contre leurs ennemis. Mais on peut être sûr que, 
souinis aux vapeurs du cyanure et plutôt mal à l'aise 
là-dedans, ils ne recourent pas d'eux-mêmes à cette simu- 
lation du trépas au foud de la bouteilie de chasse. 


On peut dire, en général, que plus les insectes ont des 
téguments durs, plus ils mettent de temps à mourir dans le 
flacon à cyanure ; les espèces à consistance molle sont les 
plus prompts à y perdre la vie. 


Donc, en résumé, l’entomologiste en chasse doit avoir 
dans sa poche une petite boîte à fond liégé, pour débarras- 
ser de temps à autre sa bouteille à cyanure, ou encore pour 
y placer dès leur capture certaines espèces de consistance si 
délicate qu’elles ne pourraient, sans être abîmées, passer 


par le flacon. 
21—Juin 1906. 


90 LE NATURALISTE CANADIEN 


L'abbé Provancher se servait parfois, dans ses chasses 
entomologiques, de sa ‘boîte de Dillénius”, plus ou moins 
garnie de liège à l’intérieur. On sait que cette sorte de 
cylindre en métal, qui se porte en bandoulière, est destinée 
à contenir les plantes recueillies au cours des herborisations. 
On n’a douc qu’à y installer de quelque façon des plan- 
chettes de liège, et l’on aura en effet une excellente boîte 
pour la chasse aux insectes. 

Mais il arrive souvent que l’entomologiste fait un sé- 
jour prolongé en une localité quelconque, et y multiplie 
ses parties de chasse aux insectes. Il aura, dans ce cas, en 
son logement,des boîtes de dimensions plus ou moins gran- 
des où il installera à mesure ses captures de chaque jour. 
Conime ces boîtes à fond liégé peuvent aussi servir pour 
installation d’une collection entomologique générale, nous 
en reparlerons lorsque nous aurons à traiter de l’aménage- 
ment des collections. 


Disons encore, en attendant, que l’on trouve en abon- 
dance des modèles variées de boîtes de chasse ou de collec- 
tion chez les marchands d’articles entomologiques, parmi 
lesquels nous indiquerons la Maison Deyrolle, 46, rue du 
Bac, Paris (7e), et l'American Entomological Co., 55 Stuy, 
vesant Ave., Brooklyn, N. V. (voir l’annonce de celle-ct 
sur la couverture de notre Revue). 


PELOTE A ÉPINGLES.—Puisqu’en chasse on peut avoir 
à placer les spécimens sur des épingles, soit pour vider sa 
bouteille de chasse, soit parce que l’on a affaire à des insec 
tes qui ne pourraient, saus risquer d’être endommagés- 
passer quelques heures dans ledit réripient, 1l faut donc 
être pourvu d'une provision d’épingles entomologiques 
dont on se servira au bon moment. Ces épingles, on les 
porte sur une pelote de forme spéciale. La pelote classique, 
chez les entomologistes, se compose de deux disques en 
carton, recouverts de soie, et réunis à la circonférence par 
un ruban qui contourne la machine, laquelle est remplie 


DE LA CHASSE. AUX INSECTES OI 


d'une matière appropriée. (C’est à travers ce ruban, qui 
constitue le côté de la boite arrondie, que l’on enfonce les 
épingles. Que l’on constitue ce ruban en sections de 
couleurs différentes ; que l’on assigne à chaque couleur les 
épingles de telle ou telle grosseur : et l’on arrivera promp- 
tement à prendre tout de suite, sans tâtonnement, l’épingle 
dont on aura besoin dans tel cas particulier. 


Une gance fixée au contour de la pelotte permet d’at- 
tacher l’article à la boutonnière de son habit, et l’on peut 
très bien, par suite, saisir d’une main l’épingle qu'il faut 
pour l’insecte que l’on retient entre le pouce et l'index de 


l’autre main. Les entomologistes sont des gens pratiques | 


| . . . 
Il est donc facile de faire construire sous ses yeux la 


pelote entomologique. Mais la plupart du temps on trou- 
vera plus simple de s'en procurer une toute faite, au prix 
de quelques sous, chez le maichand d'articles entomolo- 


giques. 
EN CHASSE 


Nous commencerons cet article par une citation de 
l'abbé Provancher, qui fut un entumologiste de grande ex- 
périence. Cette page de notre grand naturaliste est de 1869 ; 
mais elle contient beaucoup de conseils qui n’ont rien perdu 
de leur utilité et de leur sens pratique à travers le cours 
des années : 


‘Les lieux qui promettent davantage au chasseur 
d'insectes sont les jardins, les champs, les bords des bois et 
des ruisseaux, les broussailles qui bordent les chemins, et 
les grèves des rivières et des étangs; les forêts épaisses et 
étendues, de même que les brûlés ou savaues, sont d’ordi- 
naire très pauvres en insectes. Muni des instruments que nous 
venons de faire connaître, c’est-à-dire, filet à la main, boîtes 
et fioles dans la poche, pelote à la boutonnière, vous atten- 
dez d'ordinaire vers huit ou neuf heures, c’est-à-dire que la 
rosée soit disparue, pour vous mettre à l’œuvre, Vous 


92 LE NATURALISTE CANADIEN 


fauchez à l’aveugle les prés et les buissons pour les diptè- 
res, hémiptères, orthoptères, etc. ; vous guettez les papil- 
lons sur les fleurs ; vous soulevez les pierres, enlevez les 
vieilles écorces et inspectez les troncs d'arbres pour des 
coléoptères ; des os frais ou débris d'animaux vous offriront 
des Staphylins, des Silphes, etc. ; les pierres des ruisseaux 
vous découvriront, en les remuant, des Bélostomes, des Co- 
rises, des Dytisques, etc. ; la sève découlant des souches 
d’érables, bouleaux, etc., qu’on aura abattus au printemps, 
vous offrira des Histers, des Nitidules, des Chrysomèles, 
etc., etc. Et à chaque prise que vous faites, vous la met- 
tez de suite en sûreté : si c’est un coléoptère on un hémip- 
tère, vous le faites entrer de suite dans votre fiole ; si c’est 
un diptère ou un hyménoptère, vous le piquez de suite, 
prenant la précaution pour ces derniers de les piquer à tra- 
veis les mailles du filet pour vous mettre à l’abri de leur 
aiguillon, où bien les saisissant avec les brucelles (1) qu’on 
aura emportées pour cette fin; si c’est un papillon, vous 
évitez de le prendre par les ailes pour ne pas les dépouiller 
de leurs écailles, mais, le saisissant par le corps en dessous 
des aïles, vous le pressez fortement (2) et vous le piquez 
dans votre boite, le disposant de manière qu’il ne puisse se 
déchirer les ailes sur ses voisins ou les bords de la boîte. ”? 


Lorsque l’abbé Provancher rédigeait les recommanda- 
tions qu’on vient de lire, on ne connaissait encore, en fait 
de flacors de chasses, que ceux préparés au bran de scie 
imbibé d’alcool. C’est pourquoi l'écrivain ne conseillait 
d’incarcérer dans ces récipients que les insectes à téguments 
résistables, comme les coléoptères et les hémiptères. Maïs 
aujourd’hui on ne se sert plus que de flacons préparés au 
cyanure de potassium ; et l’on peut, en général, y mettre, 
sans risque de dommage, même les insectes de consistance 
peu dure. Du reste, la pratique aura vite fait d'enseigner à 
chacun jusqu'où l’on peut aller en cette inatière. 


(A suivre.) 


(1) Sotte de pinces à pointes larges. 
(2) Pour le faire mourir promptement. 


LES MINUSCULES OUVRIERS DE LA TERRE 93 


LES MINUSCULES OUVRIERS DE LA TERRE 


L 4 


Vous croyez peut-être qu'en fait de travailleurs de la 
terre, il n’y a que vous et vos semblables les manieurs de 
la charrue, de la bêche, de la houe, de la faux, etc. 

—Il y a aussi ces amis de l’homme qu’on appelle le 
bœuf, le cheval, l'âne, etc., tous les animaux domestiques 

—Et puis ? 

—Et puis c’est tout, à moins que vous ne compreniez, 
dans la catégorie, les oiseaux et certains animaux sauvages 
utiles, voire même quelques insectes. 

— Encore. 

— ?? 

—]l y a les microbes, ces minuscules êtres, tellement 
petits qu’il a fallu de puissants microscopes au service 
d'hommes de génie comme Pasteur pour les deviner, les 
apercevoir et les voir à l’œuvre. 

Il y a des microbes partout, disent les savants, dans 
lair, dans l’eau, dans le lait, et par myriades ; comment n'y 
en aurait-il pas dans la terre ? 

L'un des plus utiles est celui de la nitrification. 

Car il faut savoir que les en_.rais azotés, fumiers, ga- 
doues, sulfate d’ammoniaque et autres doivent se transfor- 
mer en nitrates pour convenir aux plantes et s’en faire ab- 
sorber. 

Il y a vingt-cinq ans environ, MM. Schlæsing et Müntz 
découvrirent le microbe qui transforme en nitrates les eaux 
des égouts des villes. | 

Hellriegel et Wilfarth ont trouvé celui qui fixe l’azote 
de l’air sous les racines de la luzerne, du trèfle et autres 
plantes qui, grâce à ce microbe, sont améliorantes. 

Cette découverte faite, on en a facilement conclu que, 
pour avoir de belles récoltes, il fallait cultiver... quoi 
donc ?... les bons microbes nitrificateurs et autres, (car il 


= 


94. LE NATURALISTE CANADIEN 


y en a de toutes sortes, 1l y en a, assure-t-on, pour chaque 
sorte de plantes, le b'é a les siens, la betterave aussi, etc.) 

Les savants précités se mirent donc à l’œuvre pour 
multiplier ces excellents ouvriers de la terre appelés fer- 
ments, microbes, bactéries ; de même que les brasseurs mul- 
tiplient la levure de bière, ils cultivèrent le microbe de la 
nitrification et inventèrent une sorte de levure pour le sol 
qu’ils appelèrent w7/ragène. 

—Répandons de la nitragène dans nos terres, dirent- 
ils, ce Sera y installer des milliards de fabricants de nitrate ; 
on le verra bien aux récoltes. 

—Il faut convenir que le résultat n’a pas encore dé- 
passé ni même'atteint les espérances. M. Caron a de même 
inventé de l’anzlite, dont les effets sur le sol sont tantôt 
excellents et tantôt nuls. Cela ne veut pas dire que ces 
savants ont tort et que leur invention ne vaut rien, mais 
cela signifie qu’on ignore encore certaines données de la 
nature, et la manière d’agir de tous ces microbes; c’est 


comime des chevaux indomptés ; 1l s’agit de les discipliner 


pour en tirer un travail utile. 

On en est donc actuellement à la recherche des bons 
microbes, à leur élevage et à leur domptage. 

Qui sait? Dans quelque dix ans, nos neveux iront sans 
doute semer dans leur terre de la quintessence de fromeu- 
tine pour avoir du beau blé. 

Vous riez? Vous dites : impossible ! Est-ce qu’ils n’en 
font pas de même quand, au lieu de grosses charretéss de 
fumier, un malin se met à jeter sur ses terres des poignées 
d'engrais chimiques ? 

Attendons. Dieu a mis à notre disposition tant de 
forces encore inconnues ! 

(Za Croix.) D. 


ne 


rs 
von y 


CONTREPOISON UNIVERSEL JS 


QT 


CONTREPOISON UNIVERSEL 
(Du Photo Pêle-Mêle.) 


Je trouve dans les ‘Awnales Politiques et Liltéraires,” 
sous le titre ‘lettre ouverte”, la recette d’un contrepoison 
universel très simple. Je m’empresse de vous l’adresser. 
Nous connaissons tous les empoisonnements, heureusement 
fort rares, qui peuvent se produire par méprise dans le 
laboratoire. Puisse cette formule fort simple et facile à 
employer, éviter à l’avenir de graves malheurs. 

“En septembre 1902, paraissait, dans le journal l’Aoyrz- 
culteur, l'article suivant: A Touiouse, quinze personnes 
furent empoisonnées dans une même maison, pour avoir 
mangé des champignons. On appela le Dr Secheyron, 
médecin des Hôpitaux de Toulouse. Il fit préparer des 
carafes d’eau charbonnée dont burent quatorze personnes 
pendant qu’à l’aide d’une sonde il introduisait de la même 
eau dans l’estomac de la quinzième plus malade que les 


autres. 
“Des éclats de rire lui apprirent bientôt que les qua- 


torze personnes ne souffraient plus, l’autre guérit également. 

“Un docteur qui avait iu cet article, écrivit au docteur 
Secheyron pour lui demander des détails. Celui-ci répondit 
que le charbon est un contrepoison ; que son père, un savant 
pharmacien-chimiste ayant fait un jour un mélange de char- 
bon et de strychnine (celle-ci à dose assez forte pour tuer 
plusieurs personnes) l’avala devant témoin et n’en fut pas 
incommodé. Donc, en cas d'empoisonnement, quelle que soit 
la matière absorbée et à n'importe quelle dose, en attendant 
le médecin, pulvériser avec une bouteille du czarbon de bors 
(1) ou de la brasse, en mettre dans l’eau une qnantité assez 
grande, boire ce méiange par cuillerées à soupe de dix en 
dix minutes, jusqu’à ce que toute douleur disparaisse.”” 


A. CLAVEYROLY. 


(1) On nous dit, à Québec, que des croûles de pain carbonisées ent en- 
core plus d'efficacité pour la préparation de ce remède. N.C. 


96 LE NATURALISTE CANADIEN 


PUBLICATIONS REÇUES 


— Nous venons de re-evoir quelques exemplaires de l'ÆZ/evage, journal 
illustré paraissant tous les 15 jours. 

Cette belle publication donne avec chaqu: numéro une gravure colo- 
riée représentant à tour de rôle tous les genres d'animaux peints d'après 
nature, et s'occupe exclusivement de l’élevage des animaux de la ferme, 
des chiens, des faisans, des lapins, des poules, des pigeons et des oiseaux 
de volière. 

Chaque numéro.contient aussi 16 pages d’annonces conceraant l’a- 
chat ou la vente de tous ces genres d'animaux et ces annonces sont insé- 
rées gratuitement pour les abonnés. ; 

L'abonnement annuel est de 7 francs pour tous pays. 

Ceux de nos lecteurs désireux de recevoir un numéro spécimen de 
l’Ælevage, l'obtiendront gratuitement en s’adressant de notre part à 
M. EDOUARD DEWAEL, RUE DH PALAIS, 415, LAEKEN-BRUXELLES 
BELGIQUE. 

— Leçons d'Hygiène pratique, par le Dr E.-F. Panneton. Montréal, 
1906. R 

Ce manuel contient 140 pages et est illustré. I1 comprend les quatre 
parties suivantes: Précis d'hygiène ; hygiène de la première enfance ; 
hygiène de l’écolier ; hygiène des malades. Cet ouvrage, rédigé par 
quelqu'un qui connaît bien son sujet, et en un langage clair et précis, 
devrait être répandu à profusion dans nos familles. 

— Proceedings of the Mount Royal Entomological Club, 1905-1906 - 
Montréal. 

Petite publication de 16 pages, qui est peut-être ie commencement 
d’une œuvre de longue durée et de grande valeur scientifique. 

— Travaux scientifiques de l'Université de Rennes (France). Tome 
IV. 1905. 

— Bulletin of the University of Kansas, vol. VII, No 3. 

— Department of the Interior (Canada) : Resource Map, Dominion of 
Canada. 

—Pullettino del Laboratorio ed Orto botanico. Institut botanique 
de l’Université royale de Sienne, Italie. Se année, fasc. 1-4. 


\ 
7 


ÊE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Juillet 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 7 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


A PROPOS DE PATTES 


ETUDE SUR LES PISTES DE QUELQUES ANIMAUX 


Les histoires les plus anciennes ont été écrites, non sur 
le parchemin ou le papyrus, par la main des hommes, mais 
sur les sables, les vases, dans les savanes, par le pied des 
bêtes. 

Heureux autant que rare, qui peut déchiffrer ces écri- 
tures tracées sur les argiles, les rivages, les neiges, dans 
les déserts ou les forêts, et nous dire ce qu’elles racontent. 

Le chasseur doit apprendre, de bonne heure, à lire 
l’histoire de ses victimes—tout le long de son sentier de 
chasse : C’est donc une science. 

Suivre un Cerf à la piste, sur les blanches neiges du 
Manitoba, ou dans les montagnes Rocheuses, quelle plus 
pure jouissance pour un Nemrod ! Mais le Cerf est alerte 
et fin, et quiconque veut faire sa conuaissance aura besoin 
d’avoir de bons poumons, des jambes solides, et surtout un 
grand sens d'observation pour lire parfaitement l'écriture 
que tracent les pieds de l'animal sur cette grande feuille 
de neige. 

13 —Juillet 1906. 


id 
4 


08 LE NATURALISTE CANADIEN 


: 


L’empreinte du Cerf, très élégante, toujours reconnue 
du vieux chasseur, ne laisse pas d’être confondue aisément, 
par un novice, avec l’empreinte d’un Mouton ou d’un Co- 
cho, tant elles se ressemblent. Pour suivre un Cerf à la 
piste, il faut toute la ruse de l’Indien américain, qui peut 
dire, rien qu’au toucher et au sentir, non seulement quand 
les pistes ont été faites, mais aussi la grosseur de l'animal 
qui les a laissées ! L’Indien est aussi rusé que le Cerf. 


La première erreur d’un chasseur de peu d'expérience, 
serait de suivre sa proie de trop proche. Les Cerfs surveil- 
lent toujours ies pistes qu’ils laissent, traversent les monta- 
gnes pour regatder en arrière, se fiant à leur flair pour dé- 
couvrir un danger qui approche. Qu'un chasseur n’observe 
que l’empreinte des pas,—au lieu de regarder tout droit, — 
il se peut qu’il tombe à l’improviste sur son Cerf, mais sil 
suit toujours cette piste, il fera sans doute des milliers de 
milles sans tirer un coup de fusil. Il faut qu’il s’é'oigne, 
quand la piste paraît fraîche, qu’il fasse un détour, se met- 
te en embuscade. En manœuvrant habilement, un chas- 
seur robuste peut suivre le plus habile des Cerfs, et au bout 
d’une longue poursuite, les pistes de plus en plus resserrées, 
sur la neige, lui diront assez l’histoire d’un Cerf à peu près 
épuisé. 

Parfois la trace est obscure, on ne peut qne diffcile- 
ment dire où elle va ; mais l'empreinte du pied est toujours 
un peu plus pointue aux orteils qu’au talon: dans une 
montagne le chasseur reconnaîtra aisément de quel côté 
l'animal est venu ; car s’il a grimpé, l’espace entre les pistes 
sera courte, à cause de la difficulté de l’ascension. 


Le Cerf, dès qu’il se sent chassé, à recours à toutes 
sortes de tours d'adresse. Ce qu’il fait souvent, c’est de reve- 
nir sur ses pas, de sauter hors du sentier, puis de se sauver 
dans une autre direction. Pressé de plus près, il répète 
cette manœuvre çàet là, se couche, pour se reposer là où il 


#e 


A PROPOS DE PATTES 99 


peut flairer le chasseur longtemps avant qu’il soit à la por- 
tée des balles, 


C’est au chasseur à démêler patiemment l’histoire en- 
chevêtrée que les pieds du Cerf ont écrite sur la neige, re- 
traitant sur les vieilles pistes jusqu’à ce qu’il retrouve les 
nouvelles. 


Plus.on acquiert de science en lisant ces vieilles écri- 
- tures, plus elles" deviennent absorbantes. (Chaque animal 
laisse une trace qui le distingue. Un expert peut même lire 
l’histoire tracée par un Serpent sur la terre, la vase, les 
herbes. La trace du Serpent à sonnettes, par exemple, ne 
peut tromper—guand vous la connarssez : elle est plus ar- 
ge en proportion de sa longueur, que toutes les autres tra- 
ces de Serpent, et les courbes de sa course en zigzag sont 
plus rapprochées. Quelques Serpents, tels que le Couwreur 
rouge d'Amérique, petit et vif, ne laisse qu’une pete pres- 
que droite. 


Fig. 7.—Flan. Fig. 3.— Antilope d'Afrique. 


Les nègres Bantus, au sud de l'Afrique, sont @es dépis- 
teurs d'une merveilleuse adresse. Leur pays, d’ailleurs, est 
le paradis des chasseurs. Le plaisir de dépister un’animal 
l'emporte de beaucoup sur la satisfaction d’une rencontre 
fortuite. L’Afrique-Sud est le domaine de l’Eléphant, du 
Rhinocéros, de l’Hippopotame, des Zèbres, des Girafes, des 


100 LE NATURALISTE CANADIEN 


Antilopes (25 espèces), des Lions, des Panthères, des Hyè- 
nes, des Crocodiles et des Singes. 

M. Georges Lacy, quia fait une étude spéciale des 
empreintes laissées par le pied des bêtes, affirme reconnaï- 
tre la différence qui existe entre les traces de vingt-cinq 
espèces d’Antilopes. Voici quelques-unes de ses observa- 
tions : ‘Tel peut chasser toute sa vie, qui n’en saura pas 
plus long à la fin qu'au commencement ! Dans la saison 
sèche, quand les grande chasses se font, la terre se durcit 
au point qne les plus gros animaux mêmes y laissent à 


peine une faible empreinte. A cette époque, ce n’est que. 


sur les bords des mares d’eau que les pistes peuvent être 
reconnues et étudiées, quand l'animal va boire souvent. 
Mais ces pistes, parfois, diffèrent de celles qu’il imprime en 
rôdant, surtout si c’est un animal alerte. Dans cette saison 
donc, l’étude des empreintes de pieds ne donne de bons ré- 
sultats qu'après les rares orages qui rafraîchissent le pays. 


‘ Pendant la saison des pluies, il y a moins de difficul- 
tés, mais l’herbe croît si luxuriante, si épaisse, que les ani- 
maux touchent à peine la terre du pied ; il faut chercher 
les endroits arides, où l’herbe croît peu, et 1ls ne sont pas 
toujours faciles à trouver. En outre, une grande partie du 
sud de l’Afrique est sablonneuse, er sauf après les pluies, 
les animaux ne laissent aucune trace reconnaissable. 


“Sans doute, la meilleure place pour obtenir une 
empreinte parfaite est le grand chemin, où les wagons 
passent, où l’herbe a disparu ; là on peut y lire l’histoire 
d’un Antilope, y reconnaître les escapades d’une Chèvre, 
mais les gros animaux ne s’y montrent guère. C’est loin 
de ces routes, dans les endroits les plus sauvages, qu’ils se 
tiennent d'ordinaire.” 

Les empreintes laissées par une même espèce scuvent 
varient à tel point que les chasseurs les plus expérimentés 
les prennent les unes pour les autres. ‘ Personne, au dire 
de M. Lacy, ne pourrait discerner les pistes d’une femelle, 


CRT à 12 


A PROPOS DE PATTES IOI 


arx trois quarts de sa grosseur, d'avec nn adulte mâie, d'une 
autre espèce. Mais les empreintes de la feirelle sont tou 
jours plus petites, plus délicates que celles du 1âle : pas 
d'exception à cette règle. 

Les pieds de derrière font des marques différentes, 
ridicalement différentes, des pieds de devant, les premiers 
sont plus petits, plus allongés, plus pointus, Ceci s'ap- 
plique non seulement à la famille des Chevreuils, mais à 
tous les animaux, même aux carnivores: dont les pieds de 
derrière tournent plus en dehors que les pieds de devant, 
sauf des cas tiès rares, Quant à certains Antilopes, qui 
séjournent lonytemps dans l’eau, leurs sabots deviennent 
naturellement allongés, avec les pointes retroussées, on 
même croisées l’une sur l’autre. L’empreinte, daus ce der- 
uier cas, ne donne pas correctément l’apparence des pieds.” 

Les empreintes des grands carnivores sont assez dis- 
tinctes, mais celles des petits, qu’ils soient Chats on Chiens, 
sont embarrassantes, et je doute qu’un vieux fouilleur de 
broussailles puisse réussir toujours-à identifier son añimal. 
Puis, il y a les végétariens, les insertivores—qui ne des- 
cendent sur le sol que pour passer d’un arbre à l'autre, — 
dont les pistes demeurent incertaines. Ce sont précisément 
ces difficultés qui en rendent l'étude si attrayante. 

de . Pour commencer par jies gros, l’Elé- 
phant femelle fait du pied de devant un 
cercle parfait, tandis que celui qu’im- 
prime le mâle est lésèrement ovale. 
Quant aux pieds de derrière, chez les 
deux sexes, ils laissent une empreinte 
ovale. Le pied de devant laissera, en 
plus, quatre marques d'orteil, le pied de 
derrière, trois, et les bords de ce dernier 

sont plus marquants et le coussinet laisse 
# une empreinte plus profonde.—Une large 
piste mesure. à peu près 15 pouces de 
diamètre. 


Fig. 9.—Eléphant. 


102 LE NATURALISTE CANADIEN 


Ces particularités ne se découvrent que quand l’animal 
est au repos. En marchant, l’Eléphant passe un pied 
devant l’autre sur une seule ligne, fait donc une trace, un 
sentier continu, et non une succession d'empreintes. Pour 
le poursuivre, le chasseur peut se guider, dans les endroits 
rocailleux, sur les buissons et les branches que le pachy- 
derme a arrachées avec sa trompe pour en brouter les 
feuilles et les rejeter, quand elles sont à demi mâchées. 


Le Rhinocéros est plus difficiie à suivre. Malgré son 
poids, un novite perdra sa trace sur un terrain pierreux. 
Son empreinte ne diffère pas beaucoup de ceile de l’Elé- 
phant, bien que plus petite: imnême coussinet, mais avec 
trois marques d'orteiis en avant. Les pieds de derrière, 
comme ceux de l’Eléphant, sont un peu plus allongés. 


L’empreinte du Rhinocéros blanc, 
(presque éteint) est plus large. M. 
Lacy en découvrit une aussi grosse 
que celle d’un Eléphant de six pieds. 
de hauteur. Ce devait être une ex- 
ception, mais la piste était trop vieil- 
le pour qu’on se donnât la peine de. 
la suivre. Le Rhinocéros noir est 
un excentrique qui varie et multi- 
plie ses pas, car son empreinte est 
partout. * J'a' vu une empreinte, dit 
le naturaliste déjà cité, qui semblait 
avoir été faite sans que les autres 
pieds touchassent par terre.” 


Fig. 15.—Rhinocéros. 


L'Hippopotame s> distingue d’entre tous ses confrères 
d'Afrique. Bien que plus petit que l’Éléphant, il laisse 
néanmoins une plus large trace dans l’herbe. Les jambes 
de devant semblent avoir le sentiment des distances et s'y 
maintiennent ; celles de derrière, au contraire, o1t une 


A PROPOS"DE PATTES 103 


affinité l’une pour l’autre et abattent 
l'herbe que es pieds de devant n'ont 
pu atteindre. 

Cette empreinte d'un coussinet et 
de quatre marques d’orteils font un 
sentier qui parfois mesure trois pieds 
de largeur. Ah!siles missionnai- 
res avaient ‘#z#po7 comme pré- 
curseur ! leur chemin, à travers les 
hautes herhes et la végétation tropi- 
cale de l’Afrique deviendrait facile : 
un gros c/rgyman et sa famille, son LCR 
piano et ses caisses de bibles faisi- ® «1: 
fées, y passeraient aisément. à 


Fig. 11.— Hippopotame. 


Fig. 12.—Crocodile. 


Voici une piste qui ressemble à une main gantée. 
C’est très alarmant à découvrir sur les bords d’une rivière, 
surtout quand on s’y baigne. Il n’y a pas à hésiter, la 
fuite est le salut, car il y a un Crocodile dans le voisinage. 
Ce particulier a, comme singularité, cinq orteils aux pieds 
de derrière et quatre à ceux de devant ; pieds palmés 
comme ceux du Canard ; les orteils extérieurs n’ont pas de 
criftes, les intérieures en laissent des marques. 


Une autre piste qui cause de l’effroi est celledu Lion, qui 
est très belle et qui consiste en un coussinet et quatre petits 
cercles. Les pieds de devant ont bien cinq orteils, mais le pre- 


104 LE .N'ATURALTIS T'E CANADIEN 


Les 


Fig .13.—Lion. 


Le Léopard fait de même, suivant le 
chasseur jusqu’au camp dans l'espoir d'y 


trouver Chèvres 


preinte est semblable à celle du Lion, 
inais plus petite et plus allongée. 


Fig. 1c.—Hyène, 


mier ne touche pas la terre, quand le Lion 
marche, sauf par accident, quand il saute. 


Les pieds de derrière n’ont que quatre orteils. 


griffes n'apparaissent que rarement, re- 


pliées qu’elles sont dans les tissus ; quand le 
Lion court, elles font des petits points dans le 
sable. Qu'un Lion découvre un chasseur à 
ses trousses, il fera, parfois, un cercle et revien- 
dra sur ses pas, afin d’avoir son enuemi bien 


en face, puis décampeia bien promptement. 


et Moutons. Son ein- 


Fig. 14.—Léopard. 
Parmi les carnivores, l’'Hyène se dis- 
tingue par quatre orteils à chaque pied 


(les pieds de derrière sont plus étroits, et 


| tournent plus en dehors que les pieds de 


devant). Les oriffes paraissent, car étant 
de race canine, l’'Hyène ne peut les-ren: 
trer dans les tissus, comine les Chats, les 
Lions. Le Chien de chasse et le Chacal 
sont faciles à distinguer de l'Hyène : ils 


ont cinq orteils aux pieds de devant. 


TVR 


à à 


A PROPOS DE PATTES 105 


La Girafe a des pieds d'â- 
ne, pas aussi pointus que 
ceux de l’Antilope. Dans 
les bas districts de l'Afrique, 
sa piste se rapproche plutôt 


de celle du Bœuf et mesure @ 


huit pouces. 
Fig. 16.—Girafe. 

La marque du Bison, sembla- 
ble à celle du Bœuf, est plus lar- 
ge et bien fendue. Ii aime les 
endroits marécageux, où il laisse 
une empreinte facile à lire. Un 
long séjour dans l’eau allonge ses 
sabots. Son amour de la vase est 
tel qu’il y séjourne jusqu’à ce 
qu’elle sèche et le retienne pri- 
sonnier, pour tomber sous la balle 
du chasseur passant. 


Fig. 17.—Bison. 


Comuie 1l y a vingt-cinq espèces d’Antilopes, leurs pis- 
tes diffèrent en grosseur et sont de deux classes: orteils 
ronds et orteils pointus. 

Une autre piste intéressante, celle de l’Elan, varie à 
l'infini. C’est une très noble bête, plus grosse que tous les 
ongulés, sauf le Bison et la Girafe. Sa piste s’échelonne 
depuis le mignon pied pointu de l’Antilope jusqu’à la gros- 
se empreinte ronde du Bison. L’Elan zébré du Nord-central 
laisse une piste plus fine que l’'Elan commun: plus le type 
est délicat, plus délicate aussi est la piste. 

Les Singes impriment sur le sol d’intéressantes mains 
qui n’ont cependant rien d’humain: les orteils (car ils ont 
des pieds) sont pius longs que les nôtres,- avec le gros 
14—Juillet 1906. 


O6 LE NATURALISTE CANADIEN 


Fig. 18.—Singe. 
orteil à angle droit. Une règle si simple de géométrie ferme 
à jamais la porte à toute aspiration darwinienne, et détruit 
pour le présent notre noble parenté avec les baboons. Les 
mains sont plus humaines, mais on ne peut les confondre 
avec les nôtres. 


Fig, 19.—Ours. 


Voici un particulier qui a ôté ses bottes et marche en 
chaussettes ; mais ça mesure dix-huit pouces de longueur ! 
Quel est donc cet ours ? 


Les pistes du Loup ressemblent à 
celles du Chien, ayant un coussinet à 
cinq points, en avant. Un gros Loup 
laisse une empreinte de quatre pouces et 
demi, mesurée du bout des griffes au 


talon. 


Fig. 20.—Loup. 


A PROPOS®PF PATTES 107 


Fig. 21.—Autruche. 

Pour faire entrer ici un oiseau, disons que l’Autruche 
marche et court en cercles, et laisse, somme toute, un al- 
phabet bien difficile à démêler. Poire et deux points : 7 
vouces de long, 4 pouces de large, ce qui fait qu’on ne peut 
pas prendre cette dame pour une autre. 

On ne peut pas, non plus, se méprendre 
sur l’empieinte du Chameau, qui fait, du 
même pied, 38 enjambées par minute, quand 
il va de son petit pas. Sa vitesse a donc 
été quelque peu exagérée. Le Heirie, le 


chameau le plus rapide du désert, fait rare- 


ment plus de 4 miles à l’heure. 


Fig. 22.--Chameau. 


DT 


Fig. 23.—Lapin. 


Pour descendre aux Lapins et aux Lièvres, le Lièvre 

laisse une marque qui ressemble à celle du Lapin, mais 
I 

plus large, impritnant un coussinet et quatre orteils. Sur 


108 LÉ NATURALISTE CANADIEN 


le versant des collines, où le Lièvre prend ses ébaïts, l’em- 
preinte de ses pieds se relève en lignes très nettes et se voit 
distiuctement à une grande distance. 

Le Lapin, en courant, fait un triangle qui a pour 
sommet les pieds de devant, et pour base les pieds de der- 
rière. Ses triangles se suivent sur une seule ligne. 

Un chasseur, qui n’en sait rien, voyant pareille trace 
conclurait que Jean allait en sens opposé à la piste ; mais 
non, le Lapin, en courant, oublie ses jambes de devant, 
pour faire passer celles de derrière. Quand 1l y a espace 
de plus en plus long entre les pieds de devant et les pieds 
de derrière, l’histoire, écrite alots sur la neige, nous en- 
seigne que ce Aèdre a dû débulonner à toute enjambée, et 
que peut-être 1l court encore... | 

l'outée empreinte d'animal a son histoire. 

Em.-B. GAUVREAU, ptre, 
curé de Beardsley, Minnesota. 


2 


STATION DE BIOLOGIE MARITIME DU CANADA 


Pour la première fois, le laboratoire de la Station de 
Biologie maritime est, cette année, fixé dans la province de 
Québec, à Gaspé. Nous espérons qu’on y pourra faire du 
travail scientifique très intéressant. 

Grâce à la bienveillante ‘autorisation de l'honorable 
M. Brodeur, ministre de là Marine et des Pêcheries, le croi- 
seur ?rircess sera utilisé durant quelques semaines pour 
faire des dragages en eau profonde dans le golfe Saint-Lau- 
rent, en vue d'étudier la faune marine de la région est du 
Canada. En outre, ce vaisseau fera un ou deux voyages 
aux Sept-Isles, où fonctionne une exploitation industrielle 
de la pêche à la Baleine, et où par conséquent les travail- 


Si 


STATION DE BIOLOGIE MARITIME DU CANADA 109 


leurs de la Station pourront puiser d’utiles informations 
sur les Cétacés qui fréquentent les eaux canadiennes. 

Nous avons appris que MM. Ramsay Wright et Mc- 
Callum, de l’université de Toronto, MacBride, de l’univer- 
sité McGill, et Knight, de la Queen University, doivent 
passer un certain temps à la Station de Gaspé, à poursuivre 
leurs recherches scientifiques, que facilitera grandement, 
celte année, le concours du croiseur ?r2ncess pour l'étude 
de notre faune maritime. 

On aura une idée de l’importance des travaux scienti- 
fiques qui se font à notre Station de Biologie, en prenant 
connaissance du programme qui a été établi pour les études 
à faire durant la présente saison et dont voici le résumé : 

1° Recherches sur la fanne maritime de l'Est, sur le 
littoral et en eau profonde. 

2° Collection de spécimens de Batraciens et de Pois- 
sons d’eau douce. 

3° Etnde comparative de la boette fraîche et de la 
boette en congélation, pour la pêche à la morue, etc. 

4° Etudes de botanique (Diatomées, etc.) 

»° Etudes des Cétacés capturés aux Sept-Isles. 

6° Recherches sur les migrations du Saumon et de la 
Truite de mer. 

Nous ajouterons, comme nous l’avons déjà dit ici à 
plusieurs reprises : quand donc y aura-t-il parmi les Cana- 
diens-Français des naturalistes en mesure de profiter, à l’ins- 
tar de nos compatriotes de langue angiaise, des facilités 
d'étude qu'offre la Station de Biologie maritime, grâce au 
soutien intelligent que lui donne le gouvernement du 
Canada ? 


—— 


LIO LE NATURALISTE CANADIEN 


LA VERMOULURE DES BOIS 


On rencontre très fréquemment des morceaux de bois 
de toute essence, tout vermoulus, soit par les Azobrum ou 
vrillettes, ou bien encore par toute une foule d’autres lar- 
ves ou même de chenilles, suivant le bois ravagé. L'un des 
plus savants sylviculteurs de France, M. Emile Mer, a pu- 
blié dans le /ournal de l'Agriculture les résultats de ses mi- 
nutieuses observations sur ce sujet qui lui ont permis de 
reconnaître la véritable cause de la vermoulure des bois 
d'œuvre, et de découvrir un moyen d’une efficacité certaine 
pour supprimer cette cause. 

Les bois abattus et mis en œuvre sont sujets à la ver- 
moulure ; l’aubier y est bien plus exposé que: le bois pai- 
fait ; aussi est-on presque toujours obligé de le supprimer : 
ce qui entraîne une perte assez considérable de matière. 
Il est à remarquer que les essences le plus souvent atta- 
quées par les insectes sont celles qui se distinguent par un 
bois p:rfait bien caractérisé et un aubier très amylifère. 

Il y a quelques années, M. Emile Mer avait remarqué 
que la poussière qui résulte de la perforation du bois par 
les vrillettes ou Arobium et qui consiste en débris li- 
gneux très ténus ne renferme.plus d’amidon, inême quand 
elle provient d'un bois où cette substance se trouve abon- 
damment répartie. L'amidon avait donc été consommé par 
les insectes. Cette observation lui fit supposer que c'était 
peut-être la présence de ce corps qui les attirait, et que, si 
l’on parvenait à débarrasser une pièce de bois de son ami- 
don, elle se trouverait indéfiniment préservée de la vermou- 
lure. Je venais précisément, dit-il, de constater que l’écor- 
cement sur pied, trois ou quatre mois avant l’abatage, a 
pour résultat de faire disparaitre l’amidon de toute la région 
décortiquée et j'avais même reconnu qu'une annélation de 
quelques centimètres de longueur suffit, pourvu qu’on ait 


LES GOMMES VÉGÉTALES YTI 


soin de ne laisser aucune pousse se développer sur la portion 
située au-dessous de l’anneau. L’amidon se résorbe peu à 
peu dans toute cette région. 

M. Mer vérifia alors d’une façon rigoureuse l’exactitu 
de de son hypothèse. Aïnsi, en faisant disparaître l’amidon 
de l’aubier, on rend celui-ci réfractaire à la vermoulure. 

Le savant sylviculteur explique pourquoi la résorption 
de l’amidon est la conséquence de l’écorcement. [L’amidon 
est produit par les feuilles sous l’influence de la lumière ; 
c’est par le liber qu’il se rend des branches au tronc et aux 
racines. Or, par suite de l’annélation, l’amidon a sa mar- 
che vers Ja partie inférieure du tronc interceptée, 1l s’accu- 
mule dans la région supra-annulaire, la région inférieure 
étant réduite à vivre sur la provision de matière. amylacée 
qui s'y trouvait au moment de l’opération. Cette provision 
est résorbée plus ou moins vite, suivant les essences, les 
dimensions de l’arbre et les saisons. En été, la résorption 
se fait beaucoup plus rapidement qu’en hiver. 

En conséquence, M. Mer propose de décortiquer l’arbre 
sur pied plusieurs mois avant l’abatage, ou, plus simple- 
ment, de pratiquer une annélation à la partie supérieure 
du tronc en ayant soin de supprimer toutes les pousses qui 
se développent sur lui. Le printemps est l’époque la plus 
convenable pour cette opération. L’amidon a disparu en 
automne et l'on peut alors commencer l’abatage dans le 
courant d'octobre. (Cosmosr 


4-45 


ORIGINE BACTÉRIENNE DES GOMMES 
VÉGÉTALES 
Elle a été mise en évidence par les travaux de M. RK. 
Greig Smith, publiés dans le journal de la Royal Society 
de ia Nouvelle-Galles du Sud, à Sydney. M. G. Smith, 
bactériologiste à Double Bay, a pu isoler les diverses bac- 
téries gommogènes dans les tissus des arbres à gomme. La 


I12 LE NATURALISTE CANADIEN 


gomme arabique ou arabine, soluble, la métarabine et la para- 
rabine, insolubles, sont produites par des bactéries distinctes. 

On a pu reproduire, par culture de ces bactéries, des 
gomumes identiques aux gommes végétales. Il est probable 


\ 


que l’on pourra augmenter à volonté la production des 
gommes, par une judicieuse infection d'arbres susceptibles. 

Dans les milieux ordinaires, les bactéries gomimogènes 
vivent et se multiplient, mais sans fournir une quantité 
appréciable de gomme; une addition de tannin a une 1in- 
fluence marquée sur l’augmentation de cette production. 


(Bul. de la S. d'Encouragement.) 
ô 


ee 


PUBLICATIONS REÇUES 


—(Smithsonian Institution) Proceedings of the U. S. National Museum. 
Volume XXIX. 1906.—Une grande partie de ce volume est consacrée à 
des travaux entomologiques sur des pays étrangers. Nous signalerons 
seulement les mémoires suivants : The Classification of the American 
Siphonaptera ; Revision of American Paleozoic Insects. 

— The Philippine Journal of Science (Vol. T. N° 3, April 1906.) 

— The Asnerican Museum of Natural History (New-York). Annual 
kReport. 

— (Field Colnmbian Museum.) Annual Report. 

— Transactions of the Kansas Academy of Science. (Vol. XX, p. 1.) 

— Anales del Museo Nacional de Montevideo. (Serie II, entrega 2.) 

— (Instituto geologico de Mexico.) Za Faune marine du Trias Supé- 
rieur de Zacatecas. par le Dr €. Burckhardt et le Dr Salvador Scalia. 

— Proceedings of the Academy of Natural Sciences of Philadelphia. 
(VOST ALN ITU Ep 3 ENOlN DIM") re) 

—(Memoirs of the American Museum of Natural History, vol. IX 
p. 2.) Il. 7e Phytosauria, with especial reference to Mvstriosuchus and 
Rhytidodon, by J. H. McGregor. 


TN 


LE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Aout 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 8 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


LE LUSSOEK MOTH? 


Dans les pays anglo-saxons, un grand nombre d’in- 
sectes ont des noms vulgaires. Chez nous, très peu d’es- 
pèces entomologiques sont assez connues du grand public 
pour avoir reçu les désignations qui leur soient propres. 
Par exemple, cette dénomination de 7zssock Motk, si 
usitée chez les Anglais di Canada et des Etats-Unis, n’a 
chez nous aucun terme correspondant. Nous avons bien 
vu l’insecte dont il s’agit désigné sous le nom de ‘“ mouche 
T'ussock ”, sur un journal de la Province ; maïs cette déno- 
mination, qui d’un /éprdoptère fait un diptère, n'a sans 
doute aucune chance de durer. Car il n’est pas nécessaire 
d'afficher aussi haut l’ignorance qui règne chez nos compa- 
triotes en matière d'histoire naturelle. 


Un correspondant de Montréal nous écrivait ce qui 
suit, à la date du 31 juillet dernier : 


“CJIl y a une quinzaine de jours, une multitude de che- 
nilles devoraient les feuilles de nos arbres. sans paraître 
avoir aucune préférence : Orme, Plaine, Frêne, Peuplier, 
tout leur était bon.—Depuis, la plupart ont filé leur cocon, 
dont plusieurs déjà sont sorties. 
1£—Août 1C06. 


TA LE NATURALISTE CANADIEN 


‘Je vous envoie par la poste des échantillons de trois 
phases de cet insecte: 1° la chernzlle, antennes formées de 
touffes de poils noirs terminés en massue; tout près de 
l'extrémité postérienre, une touffe de poils bruns à bout 
noir, de même longueur que les antennes ; sur le dos, -un 
peu eu arrière de la tête, quatre touffes de poils blancs, 

, courts et serrés. 2° Le cocon. 3° La nymphe, sortie du cocon 
depuis trois ou quatre jours, qui n’a pas encore d’ailes, et a 
Lu sur son cocon un dépôt blanc me paraissant un amas 
d'œufs. 


“ Vous m’obligeriez si vous vouliez bien me dire le nom 
de cet insecte ; si ce sont bien des œufs qui constituent le 
dépôt blanc; quel est le rôle de l’insecte après qu'il a fait 
cetteYponte. 

Nous avons déjà répondu à notre correspondant que 
l’insecte au sujet duquel il nous interroge est le fameux 
Tussock Moth ”, dont la désignation entomologique ac- 
tuelle est la suivante: Æemerocampa leucostioma Abbot & 
Smith. D'autre part, ce qu’il appelle du 
nom de “nymphe, sortie du cocon depuis 
trois on quatre jours ””, est bien l’insecte 
parfait, mais une femelle, ‘qui n’a pas 
encore d'ailes ”, et qui même n’en aura 


jamais, non seulement parce que le fil de 
ibie4 Le papillons son existence EST complètement rompu, 
du Tussock Moth. mais aussi parce que dans toutes les es- 
pèces du genre //emerocampa les mâles seuls sont ailés. Si 
jamais le féminisme s’introduit dans le monde entomolo- 
viaue, il est à présumer que l’une des premières revendica- 
tions que l’on fera valoir sera bien l'égalité, chez les deux 


sexes, des instruments du vol. 


En attendant, donnons en quelques mots l'histoire na- 
turelle de l’Æ/emerocampa. Le papillon mâle est brun 
noirâtre ; ses ailes, dont l’extension dépasse un pouce et 
quart, portent quelques courtes lignes b'anches. La fe- 
nelle, de couleur grise, a le corps beaucoup plus gros que 
celui du mâle. Elle ne fait pas autre chose, dans sa courte 


LE ‘TUSSOCK MOTH ”? 115 


vie, que de pondre ses œufs. Elle les dépose sur le 
cocon même d’où elle est sortie. Klle les recouvre avec 
les poils qui se détachent de son abdomen, et auxquels elle 
mêle une sécrétion visqueuse qu’elle produit, de manière à 
former une sorte d'enduit qui durcit à l'air et devient un 
abri protecteur pour les œufs destinés à perpétuer la race. 
C'est ‘à le ‘ dépôt blanc ” dont parlait notre correspondant. 
Lorsque la poute est finie et les œufs couverts de leur enduit, 
la femelle passe de vie à trépas, sans tambour ni trompette. 


Le soleil, qui opère tant de choses diverses dans le 
vaste univers, fait aussi éclore sous ses rayons ardents les 
œufs de l’Æ/ermerocampa. Les jeunes larves ont dans le bas 
âge la propriété curieuse de sécréter un fil léger au bout 
duquel, si quelque danger se montre à l'horizon, eiles se 
laissent descendre de la feuille où elles étaient fixées, et 
qui leur sert à revenir à leur station lorsque la paix est ré- 
tablie. Cette curieuse faculté se perd quand la larve a 
grossi et a pris du toupet. Ces larves sont douées d’un ap- 
pétit vorace, et c’est durant cette période larvaire que l’in- 
secte exerce ses ravages sur le feuillage des arbres. 


Parvenue à sa 
grosseur, la che. 
nille de l’Æemero- 
campa est de toute 
beauté, avec sa 
tête d’un rouge 
vif, ses bandes 
noires et blanches, 
ses quatre toufies d’un blanc crême. Il faut avoir assez de 


largeur d'esprit pour reconnaître les qualités de ses 
ennemis ! 


Fig. 25.—Chenille du 7wssock Mofh. ? 


Toujours est-il qu'après avoir passé par le nombre ré- 
glementaire de mues successives et après avoir dévoré 
maints et maints parenchymes foliaires, notre chenille s’en 


116 LE NATURALISTE CANADIEN 


va établir son cocon dans quelque anfractuosité de l’écorce, 
sur l’arbre natal, ou en quelque autre endroit mieux abiité 
des environs, pour en sortir papillon après un temps plus 
ou moins long. 

Dans les régions du nord, le 7#ssock Moth a deux gé- 
térations par été, et trois dans les pays du sud, par exem- 
ple sous la latitude de New-Vork. Nous ignorons si dans 
notre district il y a ainsi deux ou trois générations. Sui- 
vant le cas, les insectes de la deuxième ou de la troisième 
génération déposent les œufs qui subissent l’hiver et don- 
nent naissance à la première éclosion du printemps. Com- 
me les chenilles qui ont causé des ravages un peu sérieux 
dans notre pays l’ont fait au mois de juillet, c’est-à-dire à 
peu près à la même époque qu'à New-Vork et à Philadel- 
phie, nous ne serions pas surpris qu’il y eût encore une 
éclosion au mois de septembre comme il arrive en ces loca- 
lités : et ce serait, en notre pays comme en ceux-là, la troi- 
sième génération. Car 1l semble qu’il soit un peu hâtif de 
se mettre en hivernement dès la fin de juillet. 

Le Zussock Moth parait avoir fait beaucoup de dom- 
mages à Montréal, cette année et l’année dernière. A Qué- 
bec, il n’a attiré l’attention que pendant la présente saison ; 
mais ses ravages ont été assez restreints. Dans le faubourg 
Jacques-Cartier, nous avons vu des Saules absolument cou- 
verts de chenilles et de cocons de cet insecte. A la Haute- 
Ville, il a paru en assez grande quantité sur quelques ar- 
bres de l’Esplanade et du Jardin Montmorency. 


On demande souvent quel peut être le moyen de lutter 
efficacement contre le 7’#ssock Moth, lorsqu'il existe à l’é- 
tat de fléau. On conseille, pour le printemps et lorsque le 
feuillage est encore peu développé, d’arroser de temps à 
autre les feuilles et le tronc avec l’un ou l’autre des liqui- 
des recommandés comime insecticides: à ce moment, les 
larves sont encoie petites, et l’on a des chances de réussir à 
les atteindre et à les exterminer. 


CHRONIQUE 117 


Mais le vrai moment de détruire ce terrible ennemi, 
c’est l'automne et l’hiver. Il n’y a qu'à examiner, à ces 
époques de l’année, le tronc des arbres, les clôtures ou les 
murs situés dans leur voisinage, pour y apercevoir aisé- 
ment les cocons, recouverts d'œufs, qui adhèrent à ces dif- 
férents endroits. Il n’y a qu’à enlever ces cocons et à les 
détruire. (C’est le moyen le plus radical; et s’il était un 
peu généralement employé dans une localité quelconque, 
on enrayerait facilement le fléau. Mais, naturellement, on 
ne pense à lutter que lorsque les arbres sont dévorés par les 
chenilles, et à ce moment il n’y a rien à faire. 


Il nous paraît probable que l’été prochain le 7zss0ck 
Moth abondera sur nos arbres, à Québec, lorsqu’ii serait si 
facile d'empêcher ces ravages en détruisant, cet automne 
ou cet hiver, le nombre relativement peu considérable des 
cocons couverts d'œufs qui sont destinés à éclore au prin- 
temps. 


CHRONIQUE 


Un yossile géant.—Te professeur Henry F. Osborn, 
conservateur du département de Paléontologie vertébrale 
au Musée américain d'Histoire naturelle, à New-Vork, 
vient d'enrichir sa déjà remarquable collection d’un spéci- 
men nouveau, le fossile d’un monstre terrestte, le plus gros 
que l’on connaisse actuellement, On l’a étiqueté du nom 
de Cyrannosaurus rex ; et s’il faut en croire les natura- 
listes qui ont monté son énorme carcasse—et ce sont tous 
des gens du métier, —_Cyrannosaurus était certainement roi 
dans son domaine. Ses ossements, c’est-à-dire la plus gran- 
de partie d’entre eux, ont été enlevés des terrains monta- 


118 LE NATURALISTE CANADIEN 


eneux du Montana septentrional. C'était un animal car- 
uivore sur lequel on a très peu de renseignement encore. 

Le professeur Osborn raconte avec orgueil la décou- 
verte du monstre préhistorique. Il y a quelques années, M. 
Hornaday, directeur du Parc zoologique à New-York, s’en 
Ylla au Montana avec un parti de chasseurs. Il trouva là une 
corne fossile, et l’emportant avec lui vint la montrer à son 
ami Osborn en lui demandant si elle avait quelque valeur. 
Le professeur lui répondit qu’elle n'avait pas beaucoup de 
valeur par elle-même, mais qu’elle était d’une valeur réelle 
pour de futures explorations. Nous avons eu jusqu'ici, dit- 
il, plusieurs ossements de lanimal auquel appartenait cette 
corne, et votre trouvaille pourra peut-être nous ramener à 
une place où d’autres parties peuvent se trouver de l’ami- 
maljque nous avons, encore iinparfaitement, découvert. L’a- 
nimal auquel appartenait la corne était le 77zceratops, un 
herbivore. 

L'année suivante, le Musée de New'Vork envoya une 
expédition dans le Montana sous la direction de Barnum 
Brown, un chasseur émérite de ‘ fossiles ”, et l’on trouva 
des restes précieux du 7r2ceratops, le monstre à cornes qui 
pesait dix tonnes. Au cours des recherches, on découvrit 
aussi quelques ossements d’un animal apparemment tout 
différent. Ces ossements furent trouvés dans la pierre de 
sable dure et extraits avec beaucoup de difficulté. L'année 
suivante aussi, dans l’espoir de découvrir encore d’autres 
fragments du monstre inconnu, MM. Osborn et Brown re- 
tournèrent au Montana. Les premiers spécimens furent 
trouvés sous un rocher; et après bien des efforts, on parvint 
à recueillir les priucipaies parties du corps de l'animal. 

I1 a été possible de reconstruire assez exactement le 
monstre en question. Du bout de la queue à l'extrémité 
du nez, il mesurait environ 39 pieds. Du bout de la tête, 
levée comme un animal la lève ordinairement, la distance 
au sol aurait été de 19 pieds environ. Un dessin repré- 


, CHRONIQUE 119 


sentant Ja grandeur de l’animal comparée à celle du sque- 
lette humain nous montre quelque chose comme une au- 
truche et une poule domestique. Lorsque les paléontolo- 
gistes auront examiné et étudié les restes du monstre, ils 
espèrent pouvoir nous dire quelle quantité de chair il con- 
sommait en un jour, quelle était la grandeur de son cer- 
veau, quel Âge il atteignait et à quelle époque préhistorique 
il terrifiait les autres habitants du globe terrestre. Cette 
dernière découverte est si importante pour la science que 
celle-ci a dû reclasser les Dinosaures carnivores de la période 
géologique crétasée. 7yrannosaurus est maintenant le 
nom d’un nouveau genre. Ces Dinosaures carnassiers ont 
bien pius de caractères différents qu’on ne l'avait supposé 
d'abord. Maïs leur amusement favori semble avoir été de 
troubler encore davantage l'existence déjà passablement 
épineuse des Dinosaures herbivores, leurs contemporains. 
Le Tyrannosaurus rex, disent les savants, n’aimait rien 
mieux que d'attaquer le 7Yzceratops à trois cornes, celui-ci, 
un des plus intéressants individus de la famille des Dino- 
saures et dont il existe au Musée national de Washington 
un squelette de toute beauté. Lui aussi était un monstre 
remarquable, mesurant 25 pieds de haut environ et ayant 
deux fois la pesanteur d’un éléphant. Le professeur Osborn, 
qui a monté le squelette du 7yrannosaurus rex, est d’a- 
vis que même avec ses trois cornes, le Triceratops était une 
proie facile pour le Dinosaure carnivore qui a été exhumé 
au Montana. 

Uue collection de coléopières.—Alexander Fry, en 
mourant, a légué au Musée d'Histoire naturelle de Londres 
(Angleterre) sa-superbe collection de coléoptères, qui com- 
prenait environ 200,000 numéros, divisés en 72,000 espèces. 
Quand un Canadien fera-t-il la même chose pour un musée 
du pays ? 

Des Grenoutlles géantes.—A la dernière assemblée des 
membres de ja société de Zoolovie, en Angleterre, on a 


‘ 


120 LE NATURALISTE CANADIEN 


montré une Grenouille géante qui ne mesurait pas moins de 
dix pouces de long d’une extrémité à l’autre du corps. 
C’est une espèce, inconnue de la science jusqu'ici, qui a été 
trouvée dans la colonie allemande de Cameroon. en Afrique, 
et que l’on a nommée ana Goliath. A la même as- 
semblée, on a exhibé une autre espèce de Grenouille remar. 
auable, dont la femelle porte ses œufs dans la gueule, où ils 
éclosent. Quand les petits sortent des œufs, ce ne sont point 
des têtards, mais des Grenouilles parfaitement constituées, 
bien que très petites. Nous avons, il est vrai, en Amérique, 
une sorte de rainette qui a une espèce de poche tout le long 
du corps, où elle porte ses œufs jusqu’à ce qu’ils éclosent. 

Un. Crapaud qui a la vie dure.—Au cours de répara- 
tions faites au clocher de l’église Evangélique à Hespeler, 
Ont.—édifice construit il y a seize ans,—les ouvriers ont 
trouvé un Crapaud qui avait été emprisonné dans le mor- 
tier entre deux pierres. Quand on le sortit de sa prison, 
le Crapaud était bien en vie et paraissait n’avoir souffert 
en rien de sou long emprisonnement. 

HENRY TILMANS. 


LE MARCHAND D'ŒUFS DE FOURS 


Un nouveau commerce vient de naître : c’est celui des 
œufs de Fourmis. 

Mes lecteurs me sauront gré, je l'espère, de leur présen- 
ter le marchand d'œufs de Fourmis. 

Il y a quelques jours, je cheminais pédestrement le 
long d’une de ces belles avenues qui sillonnent dans tous 
les sens la forêt de Bercé (Sarthe), qui à bon droit passe pour 
la plus belle de France et l’une des plus belles de l’Europe. 
Je m’arrêtaïs à chaque instant pour admirer ces merveil- 


ŒUFS DE FOURMIS 12} 


leux Chênes plusieurs fois centenaires, d’une hauteur pro- 
digieuse, droits comme des joncs, sans nœuds, unis comme 
des cylindres qui semblaient autant de colonnes supportant 
la voûte d’un temple de la nature. De ci et de là alternaient 
des Hêtres majestueux, à l'écorce d’un blanc cerndré, à la 
cime touffue, qui me rappelaient lorsque j'étais sur les bancs 
du collège, ce berger de Virgile qui, il y a deux mille ans, 
se reposait nonchalaminent à l’ombre d’un Hêtre. 
Tityre, tu patulæ recubans sub tegmime fagi. 


Un merveilleux tapis de mousse recouvrait le sol. 


Le soleil baïssait, j'activais le pas lorsque soudain 
j'entends derrière moi un bruit de voiture : je me retourne, 
je vois venir un véhicule conduit par un individu que je 
prends pour un cultivateur du voisinage et qui en passant 
m'invite à monter, j'accepte. 


L'homme que j'avais à côté de moi, avec sa voix rau- 
que, son teint basané brûlé par le soleil, ses cheveux en 
broussailles, sa barbe inculte, sa mise depenaillée, ne ressem- 
blait guère à nos braves campagnards avec leur figure fran- 
che et ouverte, leur mise propre et cossue. 

Le cheval apocalyptique qui portait sur son dos des 
lambeaux de harnais rapiécés avec des cordes, et traînait 
une voiture grinçante toute disloquée, remplie de sacs sci- 
gneusement fermés et bondés d’un produit dont j'étais loin 
de soupçonner la nature, n'avait rien de comparable avec 
le robuste percheron de nos campagnes bien harnaché qui 
enlève fièrement, d’un vigoureux coup d'épaule, une con-* 
fortable carriole remplie de sacs de blé ou d’avoine. 

Cette rencontre n'était pas très rassurante en pleine 
forêt... Je m'étais trompé. 

Mon automédon était un de ces coureurs de foires et 
de marchés, pilier de cabarets de bas étage, toujours à la 
recherche d’une position sociale, comme Jérôme Paturot, 


changeant à chaque saison de métier. 
16— Août 1906. 


122 LE NATURALISTE CANADIEN 


Au bout de quelques instants, je ressens de vives pi- 
qûres aux jambes. Je regarde à mes. pieds... et, stupéfac- 
tion ! je vois des processions de Fourmis qui couraient d’un 
‘air inquiet ; j'en fais l'observation à mon homme qui me 
répoud en souriant qu’il est marchand d'œufs de Fourmis ; 
puis, avec une bonne grâce dont je lui sais gré, il me racon- 

te les dessous de son métier. 

I1 rayonvait, sur 40 kilomètres à la ronde. Il passait à 
jour et heures fixes dans des endroits désignés à Pavance ; 
ses employés lui appottaient le produit de leur chasse, qu’il 
leur pavait immédiatement sur le pied de 4 à 5 francs le 
boisseau de 20 litres, suivant la qualité de la marchandise. 
Une fois son chargement fait, il portait ses œufs de Fourmis 
chez ses acheteurs, dont par discrétion je n’ai pas cherché 
à connaître les noms. 

Le métier était lucratif; 11 faisait des journées de 40 à 
50 francs. 

Ce comimerce n’est pas aussi banal qu'on pourrait le 
croire de prime abord. Il paraît que depuis quelque temps 
l'Angleterre entre en scène pour venir s'approvisionner 
chez nous d'œufs de Fourmis, dont elle fait une énorm: 
consommation pour l'élevage des Faisans destinés au peu- 
plement des grandes chasses à rabat. 

C'est donc à un redoublement d'enlèvement d'œufs de 
Fourmis que nous allons assister au printemps prochain. 


(L'Elevage, Bruxelles.) 


SC 


0 


LES 


LES MOYENS DE DÉFENSE DES INSECTES 


Quand on touche un coléoptère, une Fourmi, une Coc- 
cinelle, on sait que ces insectes #4 le mort ; ils replient 
sous ‘, *.: rc leurs antennes et leurs pattes; *SEMIASSEnt 


DÉFENSE DES INSECTES 123 


tomber à terre et gardent pendant longtemps une immobi- 
lité parfaite. C'est leur moyen de défense pour dérouter 
leurs ennemis habituels, Lézards et Batraciens, qui ne se 
nourrissent que de proies vivantes et surtout mouvantes. 
Au moment où l’insecte se roule sur le sol, on voit sourdre 
par sa bouche ou ses pattes de grosses gouttes d’un liquide 
un peu visqueux coloré généralement en jaune ou en rouge. 

La nature de ce liquide a fourni l’occasion de nom- 
breuses controverses, et, tout récemment encore, une reve 
anglaise, dont, par politesse, nous tairons le nom, imprimait 
cette erreur monumentale que le liquide ainsi sécrété était 
un produit spécial, instantanément sécrété par l'animal 
dans un but de se/fdefence. 

Nous nous contenterons de rappeler à notre confrère 
d’outre-Manche que, il y a plusieurs années déjà, M. Cuénot, 
professeur à Nancy, s’est assuré au microscope que ce li- 
quide est du sang. Bien que son opinion ait été lon- 
guement et abondamment combattue, elle n’en a pas moins 
prévalu, et, à l’heure actuelle, elle est généralement ad- 
inise. 

Ce rejet de sang est, d’ailleurs, un procédé de défense 
chimique analozue à celui qu’emploient d'autres insectes en 
projetant le liquide nauséabond que sécrètent certaines de 
leurs glandes. Rappelons à ce propos qu’au cours de ses 
expériences M. Cuénot a placé dans un récipient des Adé- 
monta et des Lézards verts. Un des Lézards n’a pas tardé à 
attaquer une Adémonia en la prenant dans sa gueule : celle- 
ci a rejeté par l’orifice buccal une grosse goutte de sang 
jaune. Le Lézard a immédiatement lâché sa proie et s’est 
frotté la gueule contre la terre, afin de la débarrasser du li- 
quide dont elle était enduite. Dans la suite, il ma plus 
jamais attaqué des Adémonia. 

Le sang, ainsi rejeté par ces insectes, a une odeur assez 
forte : il renferme une substance chimiquement voisine des 
alcaloïdes, et capable de tuer des Cobayes et des Grenouilles 


124 LE NATURALISTE CANADIEN 


par arrêt du cœur. Le sang des mouches cantharides contient 
de même une grande quantité de cantharidine, dont les 
_ propriétés vésicantes font un produit éminemment défensif. 


(Cosmos.) FM 


LES ARAIGNÉES A SOIE DE MADAGASCAR 


A l’époque où nous vivons, chacun travaille, d’un la- 
beur soit intellectuel, soit manuel, et nous mettons même 
à profit les travaux que les insectes font pour leur propre 
plaisir. 

En d’autres termes, ces insectes existent, ils doivent 
donc, pour justifier cette existence, produire ce qui peut 
être d’une utilité quelconque à la communauté humaine. 


En vertu de ce principe, l’Araignée de Madagascar 
est soumise aujourd’hui à un élevage qui permettra, avant 
peu, au gouvernement français, d'établir l’industrie perma- 
nente des Araignées à soie dans cette vaste colonie. 

On a, d’ailleurs, souvent parlé déjà dans la presse du 
développement de l'Aranéiculture à Madagascar, et nous 
croyons intéressant de donner quelques détails sur la façon 
dont on force les Araignées à produire leur fil précieux. 
Les indigènes désignent sous le nom de ‘“ Halabé” cette 
espèce particulière d'Araignées, qui diffère sous plus d’un 
rapport des autres espèces connues, bien que leurs points 
caractéristiques soient semblables. 

Les Halabés sont de dimensions beaucoup plus gran- 
des, et chez elles comme chez toutes les Araignées, en gé- 
néral, la femelle est plus forte que le mâle, et son naturel 
incertain, changeant, n'est pas fait pour rendre l’existence 
heureuse à ce dernier, par moments du moins. 


LES ARAIGNÉES A SOIE 125 


À la saison de l’accouplement, les mâles qui sont en 
quête de compagüe doivent employer, dans leur choix, de 
très grandes précautions, car si leurs assiduités ne sont pas 
du goût de celle-ci, si tel ou tel poursuivant ne répond pas 
à son idéal, ou si elle est d'humeur méchante, elle fond sur 
les bestioles et les dévore sans plus de façon. 


Après l’accouplement, la femelle se montre très diff- 
cile sur le choix de la résidence du couple nouvellement 
uni et, fort avisée, refuse obstinément de s'installer en des 
endroits où la nourriture qui lui est nécessaire, à elle et à 
ses petits futurs, ne se trouverait pas en abondance. 


Les vastes buissons de manguier des Jardins royaux 
de Tananarive sont un de ses lieux de prédilection : aussi 
les Araignées à soie s’y trouvent-elles en très grand nom- 
bre. 

Dame Halabé, il faut bien le dire, a des habitudes dé- 
testables. Se trouve-t-elle, par accident, dans un lieu où les 
provisions sont rares, ou bien éprouve-t-elle le besoin de 
faire diversion à ses menus quotidiens, qu’on la voit aussi- 
tôt se mettre en quête d’une collègue; à peine la-t-elle 
trouvée, qu’elle l’attaque de coups terribles, et celle des 
deux combattantes qui survit à l’autre se met en devoir de 
se livrer à un vrai festin de cannibale. 

Les autorités coloniales de Madagascar encouragent de 
leur mieux l’industrie de la soie d’Araignées. 

Des écoles professionnelles ont été fondées pour la pro- 
pagation et l’élevage scientifiques des Halabés, et pour la 
tuition à donner aux indigènes sur le travail de la soie. Ces 
écoles, dues à l'initiative du général Gallieni, sont l’une 
des créations les plus utiles parmi celles qui ont été fondées 
à Madagascar par les soins de cet officier : elles donnent du 
travail aux indigènes et forment le noyau d’une industrie 
peut-être appelée à prendre une très grande extension dans 
un avenir piochain. 

Malheureusement ces insectes, en raison même de leur 


126 LE NATURAIISTE CANADIEN 


nature ultra-sanvage, sont d’un élevage très difficile, et bien 
que l’Araionée ne soit pas eucore parvenue à atteindre le 
succès sans précédent du ver à soie, l'expérience est inté- 
ressante tout au moins, et le tissu ainsi obtenu deviendra 
sans nul doute rare et de grande valeur. 


Peut-être arrivera-t-on aussi, avec le temps, à transfor- 
mer le caractère personnel de ces Araignées et à en faire des 
producteurs de soie, sains et dosiles. 


Les indigènes suivent les cours de cette institution très 
attentivement et mettent bien en pratique: les leçons que 
leur apprend la théorie. 

Lorsque les Araignées ont été capturées dans les buis- 
sons de mauguiers, les femmes indigènes les apportent à 
Pécole dans de légers paniers ; elles ont bien soin de ne pas 
les y laisser trop longtemps, car, à l'arrivée, il pourrait se 
faire que chaque panier nue contînt plus qu’une seule Arai- 
gnée qui se serait alors nourrie du corps de ses compagunes, 
tout le long du chemin. 

Le travail des Halabés diffère de celui des vers à soie, 
en ce qu’elles emploient leur soie à tisser leurs toiles, et non 
à faire des cocons : aussi est-on obligé d’extraire le fil de 
lPinsecte, pendant qu'il est en vie, si l’on veut obtenir un 
filament bien égal. 

Les Araignées conservées dans les écoles de Mada- 
gascar sont donc, à cet effet, placées dans un appareil cu- 
rieux, qui en contient de vingt à vingt-cinq, encagées 
séparément. 

Chacune de ces petites cases carrées contient ce qu’on 
pourrait appeler une guillotine en miniature, une petite 
deimi-lune faite de bois, ‘qui tient solidement l’Araigaée à 
l'endroit exact du corps où la tête ‘vient rejoindre l’abdo- 
men ; les pattes sont ramenées vers le thorax, et l'abdomen 
se trouve ainsi dirigé du côté où l'on doit extraire la 
soie. 


Pour mettre les bestioles dans cette position bizarre, 


LES ARAIGNÉES À SOIE 127 


on doit prendre de grands soins, afin de ne pas les blesser 
ou les mutiler. 

La quantité de fil de soie qu’elles peuvent produire 
est énorme : on a vu des spécimens dévidés jusqu’à 12,500 
mètres en un mois, au cours de quatre à cinq opérations, 
mais ils sont morts ensuite, de surmenage probablement. 


Les jeunes filles indigènes ont, pour ce travail. un 
doigté très délicat, et par l’action très légère de leurs doigts 
elles parviennent à extraire les filaments doucement et totis 
à Ja fois des différentes Araignées que contiennent les vingt 
à vingt-cinq cases d’un même appareil. Elles se bornent à 
placer un doigt sur chaque insecte, l’un après l’autre, et à 


_retirer ensuite la main. Le fil ainsi extrait s’enroule dans 


une cordière mécanique qui, à son tour, le dirige sur une 
bobine. 

Les insectes, ainsi fixés solidement dans ces sortes de 
camisoles de force, se laissent extraire leurs filaments de 
soie sans montrer la moindre résistance. Lorsque leur pro- 
vison est épuisée, on les enlève de la position qu'elles ont 
occupée jusque-là, et d’autres Araïgnées prennent leur 
place dans les cases. 

Les Araignées, du fait de cé surmenage, se trouvent 
naturellement très fatignées, mais on met tout en œuvre 
pour ranimer leur santé débilitée. On les envoie dans le 
# Parc aux Araignées”, qui est le lieu de convalescence des 
travailleuses affaiblies ; elles sont placées au milieu-de bam- 
bous dont les tiges sont entrelacées de façon à former un 
véritable treillage, et les Halabés délicates ‘y regagnent, 
avec leurs forces perdues, de nouvelles provisions de fils de 
soie. 

Quelques jours après, celles qui n’ont pas été dévorées 
par leurs compagnes plus robustes sont réintégrées dans 
les cases, soumises à un rouveau travail d'extraction de soie. 


Le fil des Halabés est d’une couleut d’or merveilleuse 
et sa qualité est absolument supérieure. 


128 LE NATURALISTE CANADIEN 


On n’a point encore essayé de laver cette soie, coinme 
on le fait de celle que fournissent les vers :. aussi est-il im- 
possible de savoir si la couleur ne passe pas, mais son ex- 
trême finesse, son élasticité et sa fermeté, de beaucoup su- 
périeures à la soie des vers, permet de la tisser en tissus dé- 
licats, souples et très solides. 

Réaumur fut le premier à tenter d’extraire de la soie 
des Araignées, et ses expériences remontent à 1710: elies 
portaient sur l’Épeira de France, qui est nn insecte de très 
petites dimensions. Selon les calculs de ce savant, il eût 
fallu 700,000 de ces bestioles pour produire une livre de 
soie. Ces essais furent donc abandonnés en Europe. 

Les Chinois du Vunnan extraient depuis longtemps de 
la soie des Araignées, et celle qu’ils ont ainsi mise en vente 
a souvent été confondue avec celle qu’on obtient du Bom- 
byx, ce papillon dé nuit qui ressemble au ver à soie et qu'on: 
rencontre également à Madagascar. Le Bombyx fait un 
cocon et vit le plus souvent dans les acacias. 

On ne sait encore ce que l’avenir réserve à cette bran- 
che nouvelle de l’industrie de la soie, mais, d’après les rap- 
ports connus, on est en droit d’espérer que les filatures mal- 
gaches rivaliseront un jour avec celles de Lyon. 


Adapté de l'anglais, de J.-E. WHITBy, 
(Le Naturaliste.) par H.-R. WOESTYN. 


Gb 


PUBLICATIONS REÇUES 


—E.-Z. Massicotte, Cent Fleurs de Mon Herbier. Etudes sur le Monde 
Végétal, à la portée de tous. Suivies d’un Calendrier de la Flore de la 
Province de Québec. Nombreuses illustrations, Montréal, Librairie 
Beauchemin. 1906. (Vol. in-8° de 222 pages. Prix, $o0.75.) 

Ce volume de M. Massicotte est le plus bel ouvrage de vulgarisation 
scientifique qui ait été publié chez nous, et nous comptons qu’il aura 
pour résultat d'amener bien des amateurs à l’étude de la botanique 

Plantes aquatiques et des lieux humides ; Plantes des prés et des 
bois ; Arbres et arbustes : telles sont les divisions de l’ouvrage. Après 
quelques détails techniques très succincts, chaque article, consacré à une 
plante en particulier, contient des renseignements sur la localité où on 
la trouve, l’usage qu’elle peut recevoir, son histoire ancienneet moderne, 
et souvent quelque extrait de prosateur ou de poète qui en fait le panégy- 
rique. Tout cela en un style aimable. L'ouvrage de M. Massicotte est 
donc très intéressant ; et, quand on se met à le feuilleter, on n’en sort 
pas aisément. 


ÉE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Septembre 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 9 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


EXTINCTION DU POISSON BLANC 


Encore une espèce qui disparaît, qui aura bientôt dis- 
paru ! Après le Dodo et le Grand Pingouin ; après la vache 
marine, ÆAyéinus borealis ; après le Bison des prairies, 
Bonassus Americanus ; voici le tour du Poisson blanc, ou 
Lavaret blanc, Coregonus albus, de se faire rare et de ten- 
dre à disparaître des grands lacs du Haut-Canada. Hélas! 
où donc s'arrêtera l’acharnement de la stupide espèce hu- 
naine dans la destruction des espèces animales que le 
Créateur lui avait données pour son utilité ou son agré- 
inent ? Déjà les ornithologistes prétendent qu’ils pourraient 
dresser une longue liste mortuaire des espèces d'oiseaux 
qui ont disparu dans le cours de la période historique. On 
sait encore que le Phoque à fourrure, Cal{korinus ursinus, 
est condamné à disparaître avant longtemps. 

Pour en revenir à nos poissons, on a donc le chagrin 
d'apprendre, par les journaux du Haut-Canada, que les 
pêcheurs canadiens, le long de la rivière Détroit et dans le 
lac Saint-Clair, accusent une rareté de plus en plus considé- 
rable du Poisson blanc, à tel point qu'ils n’en prennent 
plus assez pour payer leurs dépenses. Il n’y a encore que 


peu d'années, le Lavaret blanc se trouvait en abondance 
17—Septembre 1906. 


130 LE NATURALISTE CANADIEN 


dans la rivière Détroit et les environs. Aujourd’hui on le 
demande avec impatience, et les pêcheurs sontincapables de 
satisfaire leurs pratiques. 

Les bassins d’incubation de Sandwich ont envoyé ne- 
guère un approvisionnement de 25 millions de jeunes su- 
jets pour les Grands Lacs. Or les pêcheurs nous disent 
que cette quantité n'approche même pas du montant qui 
serait nécessaire pour combattre la destruction amenée par 
la pêche et par la voracité de plusieurs autres. espèces de 
poissons. Des millions de Carpes de toutes sortes, Meuniers, 
Catastomes, etc., se nourrissent des œufs et des petits du 
Poisson blanc. A peine sur un millier de petits, un seul 
parvient-il à maturité. 

L’incubatoire de Sandwich a une capacité de 100 muil- 
lions de jeunes sujets; mais la difficulté est qu’on ne peut 
capturer une quantité suffisante de femelles, dans le temps 
du frai, pour en extraire les œufs. Elles manquent de plus 
en plus ; ce qui fait que le Poisson blanc dans les lacs sera 
bientôt aussi rare que le Bison d'Amérique dans les 
prairies. 

On dit que le département ne dépense guère plus de 
50 mille piastres, en tout, annuellement, pour la propaga- 
tion du poisson dans les pêcheries intérieures de Québec, 
Ontario, Manitoba et du Nord-Ouest ; tandis qu’il dépense 
jusqu'à 55 mille piastres pour les pêcheries des seules 
provinces maritimes. On ne réagit donc pas assez. 

Les pêcheuts ont observé comment les Poissons blancs 
déposent leurs œufs. . Les fonds pierreux en seraient litté- 
ralement couverts. Mais tout à coup apparaissent les Car- 
pes, et les œufs disparaissent. Une petite partie seulement 
échappe au massacre, dans les interstices des rochers. Il 
va sans dire que les pêcheurs eux-mêmes, décimant les 
adultes, ajoutent énormément à cette guerre d’extermi- 


nation. B. 


bo. 


LES FRUITS AU KLONDIKE 131 


DES FRUITS AU KLONDIKE 


Pourquoi pas ? On se fait une fausse idée de la tem- 
pérature estivale de cette région. On croit qu’il n’y a à 
que neige et glace éternelle et que toute espèce de végéta- 
tion est aussi rare que rabougrie. (C’est une erreur. Une 
telle opinion reçoit un formel démenti de la part de M. 
Harvey Grant, de Dawson, qui, de passage à Montréal ces 
jours derniers, parle d’une abondante moisson de fruits 
sauvages, cette année, dans le Vukon. Ces fruits sont des 
baies de différentes sortes. 

“ Les familles, dit-il, récoltent une riche moisson de 
baies sauvages sur les flancs des collines autour de Dawson 
et sur les plaines où des mineurs sont campés. De toutes 
parts, au Vukon, vers le mois d'août, plusieurs sortes de 
baies se trouvent en grande abondance. On peut y faire 
ample provision de gadelles, de bluets, de framboises, 
d’atocas et même de groseilles, mais en plus petite quan- 
LEE" 

La population accueille avec joie cette agréable variété 
dans sa diète ordinaire. On en ramasse des monceaux. 
Il n’est pas rare de voir des familles de plusieurs enfants 
se faire des réserves de plusieurs centaines de livres pour 
la diète d'hiver, sans compter ce que l’on consomme au 
jour le jour durant l'été. On va tout exprès camper dans 
les plaines ; on va aux framboises, aux biuets, sur les 
flancs des collines, à la façon du Canada. 

Fait-on de ces fruits des confitures? Oui; maïs pas 
toujours, pas même le plus souvent. On a des manières 
de les empaqueter qui les conservent tout l’hiver dans leur 
condition naturelle de fraîcheur. La méthode favorite 
est d’y répandre du sucre et de mettre les vaisseaux conte- 
nant les fruits sur la glace au fond de trous creusés dans le 
glacier sur lequel est sise la ville. Une autre méthode. 


132 LÉ NATURALISTE CANADIEN 


spéciale aux framboises, consiste à les presser dans le vaïs- 
seéatt jusqu'à ce que le jus recouvre entièrement la masse 
des fruits. Mise en cet état sur la glace, la provision se 
conserve parfaitement fraîche et indéfiniment. 

Voilà pour nous une consolation au sujet de nos 
parents et amis du Klondike, si nous en avons d’échotés 
à. Nous savons maintenant que les friandises ne leur 
manquent pas sous forme de ces bons fruits, de ces bonnes 
confitures, de ces bonnes tartes, de ces bons pâtés du pays! 


ANNE 


CHRONIQUE 


La conservation du Bison.—La Société zoologique de 
New-Vork vient d'offrir au gouvernement des Etats-Unis 
de placer le troupeau de Bisons, dont elle est propriétaire, 
dans la réserve forestière de Wichita, Oklahoma du Sud. 
Le gouvernement a accepté et l’on expédiera de New-Vork 
un troupeau de 15 à 20 Bisons. dès que l’on aura clôturé 
un bon terrain de pacage. La Société veut aider au gor- 
vernement à empêcher ce qui reste de Bisons de s'éteindre, 
mais elle a exigé qu’un endroit propice leur fût réservé, 
où l’on n’eût pas à les nourrir continuellement, où l’on 
pt avoir ün abri contre les tempêtes et où les Bisons pus- 
sent se reproduire sans difficulté. 

On est d'accord pour reconnaître que le Bison d'Amé- 
rique ne peut pas être sauvé d’une complète extinction, si 
on le renferme dans des parcs ou des. jardins zoologiques, 
où sa liberté de marcher est trop restreinte. On ne peut 
réussir à préserver la race qu'en mettant des troupeaux 
dans de très grands espaces de terre, de façon à leur donner 
autant que possible lillusion d’une complète liberté, et où 
ils peuvent trouver l'exercice qui est absolument indispen- 


CHRONIQUE Re 


sable à leur santé. On a donc choisi un excellent terrain 
de pacage, où il y à de l’eau en quantité et en tous temps, 
et le département d'Agriculture a fait voter $15,000 pouf 
construire la clôture. 

Il n'y à pas de doute que l'essai tenté dans Oklahoma 
sera suivi avec beaucoup d'intérêt par bien des personnes ; 
et si le succès peut récompenser les efforts du gouverne- 
nent américain et de la Société zoologique de New-Vork, 
on leur devra la canservation du Bison qui, il y a une cin- 
quantaine d'années, silonnait en tous sens les grandes 
prairies de l'Ouest. 

Encore Le Serpent de mer:—Pour être complet, nous 
signalerons une autre apparition du fameux Serpent de 
mer. Devant une nombreuse assemblée de membres de la 
Société zoologique de Londres, le mois dernier, MM. 
Meade Walds et Nicol ont raconté qu’étant sur un navire 
le long des côtes du Brésil, à hauteur de Para, ils virent ce 
qui pafaissait être, au-dessus de l’eau, les nageoïtes d’un 
grand poisson ; puis ils virent s'élever une énorme tête et 
un cou d'à peu près sept pieds, gros comme un homme; 
le tête ressemblait à celle d’une tortue, et l'étrange animal 
se mouvait par secousses curieuses. M. Walds ajouta que le 
monstre ressemblait, à s'y méprendre, à un sous-marin à 
demi enfoncé. (Peut-être en était-ce un?! !) 

Un Chat.….qui n'en est pas un.—Peut-être un de nos 
lecteurs pourra-t-il nous renseigner au sujet de l'étrange 
animal qui vient de délivrer les habitants du Queensland 
(Australie) d’une énorme invasion de Soutis. Les jour- 
naux australiens enregistrent le fait qu'une invasion de ces 
petites bêtes, très malfaisantes, dont les exploits ennuyaient 
beaucoup les fermiers du Queensland, a été soudainement 
et complètement arrêtée par l'apparition d’un petit animal 
qui a fait maison nette des Souris envahisseuses. Chose 
étrange : aucun Européen n'avait jamais vu le destructeur 
des rongeurs en question; quelques-uns des plus vieux 


134 LE NATURALISTE CANADIEN 


naturels du pays prétendent que l’animal existait en foule, 
bien des années écoulées, et ils l’appelaient “ Modockoora.”? 
[1 a près de neuf pouces de long du bout du nez à l’extré- 
mité de la queue ; sa taille est de 272 pouces, 1l a le nez 
très pointu, une tête ressemblant à celle du Renard et de 
grands yeux noirs très brillants. Sa queue est longue de 
quatre pouces environ, la moitié en est ronde et couverte 
de poil gris, tandis que l’autre moitié est plate et d'un noir 
sombre. Le corps de l’animal est gris et ses mouvements 
sont vifs et tiennent un peu du Chat. Les Souris, elles, 
semble-t-il, connaissent leur ennemi; car celles qui 
avaient pas été tuées par le ‘“ Modockoora ” disparurent 
immédiatement. 

Si ce fait signalé par les journaux australiens n’est pas 
un vulgaire canard, —et il semble que ce soit un fait avéré, — 
il nous serait bien agréable de savoir le nom scientifique 
de ce nouvel ennemi de la gent rongeuse. 


HENRY TILMANS. 
PERRRE ) —— 


UNE RÉIMPRESSION 


Notre Zraité Clémentaire de Zoologie et d'Hygiène, 
publié au mois de décembre dernier, s’est écoulé en quel- 
ques semaines, [La demande a même dépassé l'offre de 
beaucoup, et nous avons été loin de pouvoir remplir toutes 
les commandes que l’on nous a faites. C’est à rechercher 
si nous sommes bien dans la province de Québec, où nos 
compatriotes n’ont pas coutume de perdre souvent le souffle 
à s’efforcer d'acquérir les récentes publications scientifiques 
ni littéraires ! 

Une réimpression immédiate de l'ouvrage était tout 
indiquée. Nous avons dû pourtant en différer l’entreprise, 
pour donner tous nos soins à l'achèvement et à la publica- 


LES PARURES CRUELLES 135 


tion d'une autre œuvre (/w»pressions d'un Passant, 
volume paru au mois de juillet). 

Nous pouvons toutefois annoncer ici que la deuxième 
édition du 7rarté élémentaire de Zoologie et d'Hygiène est 
maintenant sous presse, et qu'elle sera mise en librairie dès 
le commencement du mois de novembre. 

Cette nouvelle édition sera ‘revue et corrigée”, sui: 
vant la formule séculaire et consacrée. Quelques vignettes 
y seront remplacées ; le style sera quelque peu revisé, et 
certains détails recevront quelque modification au point de 
vue technique. 

En outre, l'ouvrage ayant été adopté dans plusieurs 
institutions scolaires, nous lui dennerons le format plus 
pratique dun in-douze, plus favorable au maniement 
quotidien. Surtout son aspect soigné sera une améliora- 
tion sensible sur son prédécesseur, que nous avions tant de 
confusion à présenter au public en une forme que les 
circonstances avaient faite assez pitoyable, 

Puisse la population étudiante, et inême le grand 
public, accueillir cette nouvelle édition avec autant de 
faveur qu’on a fait à l'égard de la précédente ! Nous leur 
dirons d'avance, pour finir par ce misérable détaïl matériel, 
qu'il n’y a pas jusqu’au prix de vente de cette deuxième 
édition qui ne sera aussi, probablement, l’objet d’une amé: 
lioration assez notable... 


CT e _ 6) 
“+ LL Nes Se 


Jin 


LES PARURESURUELLES 


Une campagne à laquelle nous nous associons entière: 
iment—dit le Moniteur d'Horticuliure (Paris)— est entre: 
prise contre les plumes qui ornent les chapeaux des dames, 
et voici ce qu'écrit à ce sujet, Friquet, un de nos confrères 
très sensé : 


136 LE NATURALISTE CANADIEN 


Etant allé, il y a quelque temps, au théâtre et étant 
placé aux fauteuils d'orchestre au neuvième rang, je crois, 
j'eus soudain l’impression d’être, non pas dans un théâtre, 
mais dans une volière. Autour de moi ce n’était que 
plumes d'oiseaux ornant les chapeaux des spectatrices, 
flottant dans l'air, droites, recourbées, hautes ou larges, 
faisant panache. 

Et la réflexion que toutes ces plumes m'inspiraient ne 
fut pas, comme vous pourriez le croire, une pensée de 
révolte contre les chapeaux de femme au théâtre, mais un 
étonnement presque douloureux en pensant au grand 
nombre de gracieux volatiles que la coquetterie féminine 
forçait à tuer. 

En effet, le commerce des plumes d'oiseaux a pris 
depuis quelque temps une extension considérable. Toutes 
ces dames tiennent à avoir, surmontant leur coiffure, une 
petite dépouille de Geai où d'Hirondelle. Et, pour que nul 
n’en ignore, certaines ne se contentent pas de l'aile; elles 
veulent l’oiseau tout entier qu’elles disposent élégamment, 
l'œil fixe et le bec menaçant, entre les rubans et les fleurs. 


Pour subvenir à cette production de jour en jour plus 
tyrannique, des chasses s'organisent dans toutes les Colo- 
nies, et des pays d'Orient nous viennent les oiseaux mer- 
veilleux aux robes éclatantes. | 


Il en est de fort précieux, donc de fort chers ; ilen est 
de race plus commune, donc accessibles à toutes les bourses. 
Mais qu'ils soient rares où non, le massacre n'en est pas 
moins ordonné sur une très grande échelle. | 

Un récent document de statistique nous apprenait 
qu’à Londres, voici de cela deux ans, un marchand avait 
relevé en un seul envoi, 32,000 Oiseaux-Mouches, 80,000 
oiseaux aquatiques, 809,099 paires d'ailes. N'est-ce pas 
formidable ? 

En France, pour subvenir aux besoins de la mode, les 
correspondants de Long-Island expédièrent aux modistes 


* 


LES PARURES CRUELLES 137 


parisiennes 40,000 Hirondelles de mer en une seule saison. 
N'est-il pas temps de mettre un terme à cette rage de des- 
truction qui menace de faire bientôt totalement disparaître 
les oiseaux, ces fleurs du ciel, fleurs animées, fleurs chan- 
tantes ? 

Le bienfait serait double, car en dehors de la joie 
esthétique que nous éprouverions à ne pas priver la nature 
d'un de ses ornements les plus précieux, nous ferions du 
même coup cesser des coutumes barbares. 

Les oiseaux rares, dont sont vendues très cher les ailes 
ou les aigrettes, ne sont généralement pas tués d’un coup 
de fusil. Le plomb est brutal, il risque de détériorer la 
matchandise. Aussi a-t-on imaginé des moyens plus pra- 
tiques. 

Pratiques, c’est impossible, mais d’une cruauté vrai- 
ment exagérée. 

Savez-vous par quel procédé on obtient chez les petits 
oiseaux qu’on pose sur les coiffures entièrement empaillées, 
entre autres chez les Colibris aux multiples couleurs, “ la 
beauté de la plum”? Savez-vous pourquoi cette plume 
demeure toujours bien fournie et frissonne comme si elle 
était vivante ? 

C’est qu’en effet, malgré la mort, il lui reste un sem- 
blant de vie, qu’on a essayé de lui conserver en évitant de 
tuer l'oiseau tout de suite, et en l’écorchant vif ! 

Il paraît qu’ainsi les plumes adhèrent plus fortement 
à la peau, et que la marchandise expédiée est meilleure, 
étant plus durable. | 

Ecorcher vif un oiseau, quelle horreur ! 

Le procédé s'emploie en Amérique, et c’est bien là 
qu'il devait naître, en ce pays où couramment on scalpe. 

Scalper, c’est enlever la chevelure. Mais ce scalpe 
du Colibri, c’est toute la peau arrachée, le corps de l’infor- 
tunée bestiole apparaissant sanglant et misérable... Je vois, 

15— Septembre 1906. 


138 LE NATURALISTE CANADIEN 


au cas Où la mort bienfaitrice ne serait pas surveñue ati 
cours de l'opération, se sauver sur ses deux pattes titubantes 
cette pauvre loque rouge ! 

Vous ignorez ce détail, mesdaines. Puisse le spec- 
tacle que j’'évoque, vous détourner de donner suite à ces 
coquetteries cruelles ! 

Je veux également parler du Héron qui fournit à nos 
jolies mondaïnes les aigrettes si recherchées. La pauvre 
bête, à l'heure du massacre, n'a même pas le pouvoir. 
moral de se défendre. 


. + 


Le Héron (je parle d’une certaine espèce qui se plaît 
en Océanie) n'a pas la tête perpétuellement ornée de cette 
aigrette, Ilne la porte que pendant la saison nuptiale, 
durant les jours où ces oiseaux perpétuent leur race et 
survetllent leur nid. l 

À cette époque l'usage veut que l'on respecte les 
oiseaux de toute sorte. ‘Il y a un intérêt à cela: Ja perpé- 
tuité de l'espèce. C’est la raison qui fait condamner les 
braconniers, lesquels non contents de prendre les perdreaux 
au collet, en détruisent bêtement les œufs. 

Mais alléchés par l'espoir d'une proie précieuse, les 
chasseurs de: Hérons profitent au contraire de ce que parle 
au cœur de ces oiseaux l'instinctif sentiment paternel, 
pour les troubler dans leur œuvre de création. 

Is guettent les nids : aussitôt qu'ils en ont découvert, 
ils escaladent l’arbre, et trouvent devant eux le ménage 
héron occupé à nourrir leurs petits. 

Impossible de les soustraire au péril, car les oiselets 
ne savent pas encore voler. Les parents les défendront, 
Ils font face à l’enniemi qui n’a pas de peine à s’en rendre 
maître, à les tuer au seuil de la maison qu’ils gardent. 

Les enfants? On ne s'en occupe plus Qu'importe, 
puisque l'on a l’aigrette convoitée ? 

_ “Et trop jeunes pour se suffire, les petits Hérons récla- 
went pendant de longues heures la nourriture coutumière ; 


REVIVISCENCE DU ‘GORDIUS AQUATICUS ? 139 


des cris plaintifs traversent l'air, s’affaiblissent, cessent... 

Tout est fini. Ils sont morts de faim ! 

Saviez-vous cela, mesdames, que chaque aigrette 
dressée férocement sur le chapeau qui contribue à votre 
beauté, a causé le supplice de toute une couvée ? 

Et que chaque année, pour votre plaisir, on écorche 
vifs des ‘‘ centaines de mille ” de Colibris ? 

Ne pensez-vous pas que les fleurs suffiraient pour faire 
de vous les plus belles ? 

FRIQUET. 


Re CR 


REVIVISCENCE DU “GORDIUS AQUATICUS ” 
ET DE L'ANGUILLULE DU BLÉ NIELLÉ (x) 


(Du Cosmos, 25 avril.) 


Dans un article du Cosmos (1er novembre 1902), J'ai 
eu l’occasion de signaler un animalcule dont le moindre 
défaut est d’être réfractaire à toute pose photographique. 
Je n'aurais pas à y revenir, n’était que le même sujet par 
moi ‘‘ pêché ” (je ne dis pas découvert) dans une petite ri- 
vière de Normandie vient d’être l’objet des plus curieuses 
observations de la part de plusieurs naturalistes canadiens. 
Toutefois, malgré l’intérêt considérable que présentent ces 
observations, je tiens à écarter le nom de Dragonneau par 


(1) Nous croyons devoir reproduire cet article où M. Emile Maison, 
l'un des distingués collaborateurs du €257105, fait si agréablement écho 
au travail que nous avons publié, en 1905, sur le Go’dius aqguaticus 
(N. C., XXXII, pp. 117-seq.) 

M. Maison fait un peu chicane aux naturalistes canadiens, parce 
qu'ils désignent ce Gordius sous le nom de ‘‘ Dragonneau.’' Nous vou- 
lons bien croire que nous avons tort de lui donner cette dénomination. 
Mais, du moins, nous sommes en compagnie passable dans notre erreur, 
puisque nous trouvons cette désignation jusque dans le Vouveau Dic- 
lionnaire des Sciences, publié en r9o2 (chez Delagrave, Paris), par 
Edmond Perrier, etc.—Note du Vafuralisle canadien. 


[40 LE NATURALISTE CANADIEN 


eux donné au Gordius aguaticus. Le Dragonneau appar- 
tient exclusivement à la filaire de Médine (Gemlin, 1789) 
que, dès 1690, Lister décrivait sous le nom de /racunculus, 
peu ou prou emprunté du grec. 

Certains autres contemporains, parmi lesquels Cuvier, 
se sont au contraire obstinés à penser que la /7/aria medi- 
nensis n'était pas différente des Gordius ; et c’est ce qui 
explique l’erreur d'appellation où ont été entraînés nos 
distingués confrères des bords du Saint-Laurent et de l’Ot- 
tawa. Aucun doute en effet dans leur esprit, quant à lPes- 
pèce, puisqu'ils spécifient bien le Gordins aquaticus, tout 
en lui maintenant le surnom de Dragonneau, par une sorte 
d’accoutumance classique ou atavique. 

Rappelons en deux miots, pour ceux qui n'auraient pas 
lu notre premier article, que le Gordius est un genre de 
ver ‘créé? par Linné pour caractériser une VamÉenEnt 
famille des nématoïdes ; :ver filiforme, très long, très grêle, 
téguments élastiques, résistants. Les embryons ont une 
bouche, un intestin, un eloaque. Munis d'un perforateur 
trifide, ils s’'enkystent dans les larves de certains éphémères. 
Les coléoptères et autres insectes aquatiques, les crustacés 
et certains arachnides avalent ces larves, et les jeunes Gor- 
dius se développent dans leur cavité viscérale. 

D'après Villot, les embryons peuvent devenir libres 
dans lPintestin des poissons, puis s'enkyster une seconde 
fois dans la muqueuse. La métamorphose à toujours lieu 
en hiver; au printemps, les jeunes Gordius quittent leurs 
kystes et arrivent dans l’eau avec les fèces de leurs hôtes. 
La reproduction a lieu en été. ‘“ Vit en Europe dans les 
eaux stagnantes et à faible courant ” ; disons plutôt de fai- 
ble tirant, quoique la nautique n’ait rien à voir ici. 

Au Canada comime en Normandie, les paysans sont 
persuadés que les Gordius sont des crins de jument qui re- 
muent dans l’eau. Il est vraisemblable, nous dit M. Paul 
Sébillot, l’auteur du folk-lore de France, que la superstition 


REVIVISCENCE DU “GORDIUS AQUATICUS ” 141 


l'après laquelle des poils ou des cheveux peuvent produire 
des reptiles est basée sur ue analogie d'aspect entre des 
petits serpents très déliés et des crins auxquels l’eau com- 
munique une sorte de mouvement. En Poitou, les cheveux 
mis dans l’eau, où même abandonnés à l'air libre, se méta- 
morphosent en reptiles. Une vieille sorcière de ce pays 
vait infesté de serpents le champ d’un voisin en venant s’y 
peigner chaque jour..... Ne dit-on pas ailleurs que la ma- 
tière s’est créée toute seule ? 


Revenons au Canada, où le Gordius noûs réclame. 
Comme chez nous, la longueur ordinaire de cet animalcule 
est d'environ une douzaine de pouces (le système métrique 
n'ayant pas encore été adopté par le Dominion). Cepen- 
dant, l'abbé Provancher en reçut un spécimen en 1878, du 
district de Saint-Hyacinthe, prevince de Québec, qui était 
long de 20 pouces, soit près de deux pieds. Et maintenant 
laissons parier le professeur E.-E. Prince, commissaire des 
Pêcheries du Canada, dans la livraison d'octobre 1905 de 
l'Ottawa Naturalrst. 


* [l'est démontré, dit-il, que ces êtres, même tfetirés 
de l’eau et desséchés, peuvent rester en vie. On a mis en 
doute l’histoire, d’une saveur un peu antique, de ce Dra- 
vonneau que Pabbé Fontana conserva dans un tiroir durant 
trois années et qui, séché et durci, ne donnait plus signe 
de vie; mais, ayant été remis dans l’eau, il retrouva très 
vite sa vigueur et son activité de jadis. Eh bien, l'autorité 
du distingué professeur Alexander MacAlister est venue 
confirmer la véracité de ce récit lécendaite. “Les Dragon: 
‘ neaux, dit-il, sont remarquables par la persistance de leur 
“ vie ; ils peuvent en effet se dessécher, au point de n'être 
‘plus qu’à l’état de fils raides et fragiles, et reprendre pour- 
“tant, au contact de l’eau, toute leut activité.” Certain au- 
teur, dont je ne me rappelle pas le nom, ajoute M. Prince, 
parle d’un directeur de musée qui vit un Dragonneau sortir 


1427 LE NATURATLISTE CANADIEN 


du corps d’un coléoptère qui depuis longtemps était mort, 
desséché et placé dans une case de collection.” 


De son côté, dans le premier volume du MVaturahste 
canadien, imprimé à Québec, l'abbé Provancher raconte 
cecit 


(M. Maison reproduit ici le récit de l'abbé Provancher, cité dans le 
NACRE p'ATO et Conte .:) 


L'abbé Provancher eut donc l’envie d'étudier les Goy- 
dius à l’état larvaire, s'enkystant dans le corps des petits 
mollusques, des grenouilles, des poissons, au moyen d’une 
tête couronnée d'épines en crochets, tandis que leurs petits 
corps sont très mous. Maïs il y a aussi, suivant M. Prince, 
des Gordius qui, sous une autre forme larvaire, plus allongée 
et sans crochets à la tête, s’introduisent dans le corps des 
gros insectes, des araignées, de certains poissons et amphi- 
bies, et circulent à travers les orgaues intérieurs de leurs 
hôtes. Enfin, au bout de cinq ou six mois de cette vie pa- 
rasitaire, la larve passe à l’état adulte en prenant la forme 
dufameux ‘Ecrin de cheval: 


Ici, une observation personnelle. Les adultes du Cana- 
da revêtent la couleur noire; en France, au contraire, als 
sont d’un rouge très vif, comme les vers de vase dont se 
servent les pêcheurs de la Seine pour taquiner le goujon. 
En remontant le cours de la Bièvre jusqu'au-dessous du 
village de Bouviers, peut-être aurait-on quelque chance de 
trouver le Gordius ; dans la zone parisienne, non, la Bièvre 
étant une gadoue. En tout cas, les zoologistes qui vou- 
draient se livrer à des expériences de reviviscence pourront 
s'en procurer dans toutes les petites rivières de Norman- 
die. Veut-on que je précise mieux? Eh bien, qu’ils explo- 
rent l’ancienne Béthune, aujourd’hui la Varenne, en s’a- 
dressant de ma part au moulin de Biville, commune de 
Saint-Germain-d'Etables, à une lieue d’Arques-la-Bataille. 


Bacon a dit excellemment : ‘“ Un peu de science éloi- 
gne de Dieu, beaucoup de science y ramène” ; moyennant, 


REVIVISCENCE DU GORDIUS AQUATICUS ” 143 


peut-on ajouter, que le chercheur puise cette science dans 
le livre de la nature et non dans les ouvrages de pure imé- 
taphysique. C’est ce qu'on fait l'abbé “Prov ancher, M. 
Prince et quelques autres estimables savants canadiens. 

Un point d’interrogation, à présent, auquel ils ont 
déjà répondu. Quand des Gerdius sont animés de l'esprit 
d'aventure, qu ils désirent voir du pays, comment s'y pren- 
uent-ils pour passer d’un ruisseau à un autre? Très ingé- 
nieusement, ma foi. Ils pénètrent à l’intérieur des saute- 
relles qu des grands coléoptères aquatiques et s’y allongent 
de leur mieux, pour en sortir lorsque le véhicule est par- 

venu à destination. D’autres individis moins frileux s’en- 
Ale tout simplement autour de l akdomen, par-dessous 
les ailes de l’insecte, et fouette cocher ! Cette dernière mé- 
thode est év idemment d'une exécution moins hasardeuse. 

Quant au fait de la reviviscence du Gordius, dans son 
numéro de novembre 1905, notre confrère du AVa/wraliste 
canadien, M. l'abbé Huard, conclut ainsi: ‘“ Pour nous, 
voulant apporter à la science, en cette petite matière, notre 
petite contribution, nous dirons qu’au mois d'août 1904, 
nous reçûmes un Dragonneau vivant, long d’une douzaine 
de pouces et venant de Saint- Eleuthère (Kamouraska). 
Nous l’avons placé au musée de F Instruction publique, et 
les visiteurs prenaient grand intérêt à le voir s ’enrouler et 
se dérouler constamment dans son petit flacon rempli 
d’eau. En septembre ou octobre il cessa tout mouvement, 
et il est ainsi resté plus d’un an dans le même état. L'eau 
du flacon n’a pas été changée depuis cette époque ; elle est 
encore limpide et l'animal lui-même ne présente aucun si- 
one de corruption. (1) Nous regardons donc comme possible 
qu'il soit encore vivant. L'avenir qui garde tant de secrets 
nous renseionera peut-être sur celui-là.” 

Le fait de la reviviscence du Gordius est d'autant 
plus acceptable en principe que, dans la famille des néma- 
todes, l’anguillule dite du blé niellé joue le même rôle 
d’une façon péremptoirement démontrée par une série d’ob: 
servations d'ordre en quelque sorte rustique ; d’où son sur- 
nom, cat elle cause de sérieux ravages dans les graines de 

() En septembre 1906, ies choses sont encore dans le même état. 
L'eau Gu flacon est toujours limpide, et l’animalcule ne donne aucun 


signe de décomposition. Nous piquant au jeu, nous voulons poursuivre 
l'expérience jusqu'au bout, quand il y faudrait des siècles... V. C. 


144 LE NATURALISTE CANADIEN 


blé encore vert et y occasionne la maladie bien conne 
sous le nom de yze//e. Chaque grain est un nid de larves 
d'anguilulides. 

Aussitôt qu’ils tombent, observe M. Raphaël Blan- 
chard, les grains attaqués de la sorte se ramollissent si la 
terre est humide, et commencent à se putréfier; en même 
temps les larves reviennent à la vie et commencent à grim- 
ger le long de la tige de blé. Sont-elles saisies en route par 
la sécheresse, elles tombent de nouveau en vie latente et 
demeurent en cet état cachées dans la gaîne des “feuilles 
jusqu’à ce que la pluie vienne derechef les faire ressusciter. 
Finalement ces larves atteignent l’épi, pénètrent dans son 
épaisseur et deviennent adultes pendant qu'il fleurit et 
mûrit. Bientôt après, les anguillules s’accoupient, puis 
meurent après avoir pondu des œufs. De ceux-ci sortent 
des embryons qui parcourent à leur tour le cycle. Les lar- 
ves de l’anguillule du blé niellé peuvent rester de longues 
années en vie latente. .. 

M. Raphaël Blanchard mentionne ensuite quelques 
cas de reviviscence, dont un au bout de vingt-sept ans. I 
cite également l’expérience de Davaine faisant revivre, 
après un séjour de trois heures dans l’eau tiède, des anguil- 
lules sèches depuis trois ans et soumises au vide absolu 
pendant cinq jours. 

Foutes ces observations sont extrêmement curieuses 
et elles méritent de retenir l'attention du philosophe autant 
que celle du naturaliste par détermination professionnelle : 
car si les êtres les plus bas placés dans l’échelle animale 
peuvent ainsi revivre, pourquoi l'être humain dispataitrait- 
il tout entier, une fois emporté par la mort? Donc mort 
apparente, puisque tout revit! d’où, chez les hommes, à 
quelque religion qu'ils appartiennent, la certitude d’une 
Âme immortelle. Que s’ii y a des doutes dans l'esprit de 
quelques-uns, ces doutes valent des certitudes. Il n’est pas 
besoin d’être grand élève en philosophie pour opiner en ce 
sens et constater en inême temps que l’homme s’ingénie 
parfois à tourner le dos à la lumière; de sa part, simple 
préjugé pseudo-scientifique. Le transformisme dont il se 
réclame n’en a pas fait encore un être de raison: ce sera 
pour plus tard, dans la suite des siècles. 


EMILE MAISON. 


"BE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Octobre 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 10 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


PÊCHE ET RENDEMENT DE LA BALEINE 
DEPUIS LE XVile SIÈCLE 


Grâce à un canard gigantesque expédié de Terre- 
Neuve, via New-Vork, en septembre, la Baleine a fait 
beaucoup parler d’elle en ces temps derniers. A en croire 
ce pseudo-messager sous-marin, un certain professeur du 
nom de Muller, en villégiature à Saint-John ou aux envi- 
rons, aurait capturé cinquante Baleines femelles, qu’il au- 
rait domestiquées ; elles se laisseraient traire avec autant 
de bonne grâce que les hôtesses indolentes des pâturages 
normands. Le lait de ces Baleines, recueilli à l’aide d'un 
appareil spécial, posséderait des vertus curatives auprès 
desquelles pâlirait l’huile de foie de morue. 

N'insistons pas sur la valeur de ce produit pharma: 
ceutique ; énonçons simplement ceci que, vu là rareté du 
cétacé en question, qui est la Baleine franche et non un 
mammifère quelconque du même ordre, quant à la classifi- 
cation de l’espèce, la capture d’une cinquantaine d’exem- 
plaires (du même sexe) exigerait plusieurs années, même 
en y employant de nombreux équipages baleinïers ; puis il 
faudrait nourrir les captives dans des endroits de quelque 

19— Octobre 1906. 


146 LE NATURALISTE CANADIEN 


profondeur et les ramener à soi suivant les besoins de cette 
nouvelle industrie laitière. | 

Encore un coup, ce canard d'Amérique est d’une en- 
vergure à défier la Baleine de la mer indienne dont parle 
Pline, longüe de plus de 900 pieds, cependant moins extra- 
vagante que celle des AZ7/le et une nuits, recueil de contes 
écrits, on le sait, d'après des légendes et des manuscrits 
arabes fort anciens. 

Sindhbad le Marin aborde quelque part: “ Un jour 
que nous étions à la voile, le calme nous prit vis-à-vis une 
petite île. Le capitaine fit plier les voiles et permit de 
descendre aux personnes qui le voulurent. Je fus du 
nombre de ceux qui débarquèrent. Mais dans le temps 
que nous nous divertissions à boire et à manger, l’île trem- 
bla tout à coup et nous donna une rude secousse.. “C'était 
une Baleine.” 

On voit que les Marseillais n’ont pas eu à se creuser 
la tête pour inventer l'histoire de la Sardine obstruant le 
port de la Joliette. Mais laissons là tous ces contes à 
dormir debout, pour amusants qu’ils soient, et voyons Îles 
Baleines d’un peu plus près, même chez nous; car il fut un 
temps, non trop éloigné encore, où, au témoignage de 
Frédéric Martens (1), les Français en mangeaient, ‘tous 
les jours,” aussi bien ceux de l’intérieur que du. littoral. 
Cependant, dit-il, la chair de Fa Baleine est coriace et gros- 
sière, 


(1) Emibärqué comme chirurgien, Îe 15 avril 1671, à bord du trois- 
mâts du port de Hambourg baptisé sous le nom bizarre de /onas-dans-la 
Baleine et commandé par Pierre Peterson, de Friseland, Martens nous a 
laissé une curieuse relation de ses Foyages au Nord. Noir aussi le 
Journal d'un baleinier, par ÉIERCELIN (1866), et Les monstres sous- 
marins, par ARMAND LANDRIN (1889), mais après avoir lu d’abord le bel 
ouvrage de M. Estancelin, publié en 1832, sous le titre de: Wecherches 
sur les voyages et découvertes des navigateurs normands, suivies d’obser- 
vations sw la marine et les établissements coloniaux des Français. 11 me 
plaît toujours de rendre hommage à cet écrivain sagace et érudit, dont le 
nom est un peu trop oublié, même de ses compatriotes de la Ncrmandie; 


LA CHASSE À LA BALEINE 14? 


Il paraît que les Anglais, comme les Français, ne par- 
tageaient point le mépris du voyageur hambourgeoïis pour 
cette viande de boucherie aquatique. Ce fut longtemps, 
en effet, un mets royal en Angleterre, à telle enseigne que, 
vers le milieu du XIIIe siècle, un des successeurs imimé:- 
diats de Guillaume le Conquérant, Henri III, invitait les 
shérifs de Londres à fournir à sa table cent pièces de 
Baleines. Celles qui étaient capturées dans la Tamise ap- 
partenaient de droit au lord-maire, qui les faisait servir 
dans les festins municipaux. 


Grands amateurs de victuailles, les Normands ser: 
vaient les quartiers de Baleines bouillis avec des pois : 
d’autres fois, nous apprend le Dr ‘Tiercelin, ils mélan: 
geaient cette viande à du porc salé pour en confectionner 
de ‘ ces énormes boulettes qui font les délices des balei- 
miers. | 

Chacun d'eux, jusqu’au mousse, plaçait une üe ces 
boulettes, bien saupoudrée de farine et assaisonnée d'ail et 
de poivre, dans un filet de bitord, et, l’attachant au bout 
d’un manche de harpon, la plongeait dans l'huile bouil- 
lante pour la faire frire. Après quelques minutes, la cuis: 
son était complète ; “ les boulettes sortaient bien: rissolées 
et constitnaient alors un plat .de hachis dont la couleur 
provoquait l'appétit, dont l’odeur chatouillait l'estomac, 
dont la saveur âcre et mordante flattait le palais de nos 
marins, comimne aurait pu le faire une friture de sole ou un 
rôti de vencison.” Festin de Balthazar. 


À Londres, à présent, faute de Baleines, on se contente 
d’une soupe à la Tortue, et c’est encore un mets quasi royal. 

Au temps de;François Ier, où l’on chassait dans le 
voife de Gascogne la Palæna biscayensis, seule la difficul- 
té du transport de ces monstres marins sur le marché inté- 
rieur présentait un aléa, du moins sous le rapport comes- 
tible. Néanmoins, comme on les traquait de tous côtés, 
leur exode commença bientôt vers les parages de l'Écosces 


148 LE NATURALISTE CANADIEN 


pe CAC . * "4 e 
pour reculer encore, et déjà, voici à peine un siècle, elles 
ne franchissaient plus la hauteur de lIslande. Nous par- 
lons ici des Baleines boréales. 


On la détruisait alors par milliers.  Aïnsi, en 1697, on 
en prit 1957 ; de 1719 à 1778, 69086 ; de 1784 à 1840, les 
Groenlendais en prirent 858; de 1827 à 1830, les Anglais, 
3391 ; de 1847 à 1851, on en a tué6; de 1852 à 1854, au- 
cune ; de 1855 à 1856, 3; en 1857, on n’en vit même pas ; 
en 1858, on en captura 4. La capture d’une seule Baleine 
franche rapportait jusqu’à 70,000 francs. Avec les fanons 
de la Baleine, suffisamment atmineis, on garnit les corsets, 
robes, parapluies communs, etc. Unique pour la prépara- 
tion de certains tissus, l'huile que donne la fusion de la 
graisse sert en outre à l'éclairage, au corroyage. 


Phoques et Marsouins sont également condamnés à 
disparaître ; car c’est une grave erreur de s’imaginer que 
Pocéan est un réservoir inépuisable. Au regard du moins 
des espèces mammifères, l'erreur est manifeste, comme le 
prouvent les chiffres ci-dessus, et étant donnés les moyens 
de destruction dont disposent aujourd'hui chasseurs et 
pêcheurs, avec cette circonstance aggravante qu’on ne 
laisse même pas aux monstres marins le temps de croître 
et de multiplier. C’est la ruine d’un métier qui faisait des 
hommes, et d’une industrie que les chimistes ne remplace- 
ront pas. 


Cependant, de terips à autre, quelques individus 
échouent sur nos côtes ou sur nos plages, mais ce sont des 
isolés. Le 29 juillet 1874, un jeune individu mâle de l’es- 
pèce boréale, Iong de 8 mètres, fut jeté à la zôte dans les 
parages de Biarritz ; son squelette figure au musée de Tou- 
louse. Le 6 janvier 1877, une grande Baleine de l'espèce 
stbbaldr a été recueillie près des Sables-d'Olonne (Vendée). 
Longue de 15 mètres, sa circonférence approximative était 
de 14 mètres ; un monstre ! Enfin, en 1886, plusieurs Ba- 


LA CHASSE À LA BALEINE 149 


leines »usculus ont échoué sur les côtes de Provence. Ce 
furent les dernières que l’on vit sur nos côtes. 

A Betsiamis, au Labrador, un portique assez curieux 
décore l'entrée de l’ancien presbytère de la mission ; 1l est 
fait de deux côtes de Baleine, longues de 22 pieds et réu- 
unies par l’une de leurs extrémités de façon à former ogive. 
Tout auprès sont des vertèbres de Baleine disposées comme 
des fauteuils, qu’elles imitent assez bien. 

Ceci est extrait d'un fort intéressant ouvrage intitulé 
Labrador et Antirosti et dû à la plume de l'abbé V.-A. 
Huard, supérieur du Séminaire de Chicoutimi et directeur 
du Vaturaliste canadien (Montréal, 1897). M. l'abbé Huard 
a visité en missionnaire toute cette région voisine de Terre- 
Neuve, vivant parmi les pêcheurs et se familiarisant avec 
les choses de la pêche, sur lesquelles il nous fournit des 
documents de première main. Or, c'est seulement à Bet- 
siamis qu'apparaît la Baleine, et l’on a vu comment. C'est 
pourquoi il nous semble bien que la Baleine a fait son 
temps là-bas comme ailleurs. 

(Cosmos, 30 déc. 1905.) ÉMILE MAISON. 


Nos lecteurs auront lu avec plaisir l'agréable et ins- 
tructif article qui précède, et qui est du même écrivain que 
l’article reproduit ici, le mois dernier, sur le Gordius aqua- 
dcus. M. Maison nous avait bienveillamment signalé et 
même communiqué, au mois de janvier dernier, ce travail 
sur la pêche de la Baleine. Dès lors, nous voulions, au 
nom des cétacés de ce côté de l'Atlantique, dire au spiri- 
tuel collaborateur du Cosmos qu'il n’a pas tant raison que 
cela de verser des larmes sur le trépas de la dernière Ba- 
leine d'Amérique, et qu’il pourra même,—au cours de son 
futur voyage du Canada, lorsqu'il sera tanné de prendre 
des Ouananiches, des Truites et des Achigans,—goûter aux 


150 LE NATURAIISTE CANADIEN 


émotions de la chasse aux Baleines en plein fleuve Saint- 
Laurent. Mais, l'hiver dernier, les documents nous man- 
quaient pour appuyer nos affirmations; et, sachant bien 
que la saison prochaine nous les fouruirait, nous avons pré- 
féré attendre jusqu’à l'époque où nous sommes pour éclai- 
rer la religion de M. Maison sur le chapitre des Baleines. 


Disposons d’abord du fait que M. Maison tire argu- 
inent, pour démontrer la disparition de la Baleine de nos 
eaux du Canada, de ce que dans notre Zabrador et Antr- 
costi —dont il parle si aimablement,—nous n'avons fait 
inention de ces cétacés que pour décrire le curieux por- 
tique du presbytère de Betsiamis, fait de deux côtes de Ba- 
leine formant ogive. Mais il ne faut rien conclure de cette 
sorte de ce que nous avons dit, ou plutôt du silence que 
nous avons gardé là sur la chasse à la Baleine. Car, 1 
uous n'avons rien dit de cette chasse, c'est qu'on ne la fai- 
sait pas, à cette époque, sur la côte du Labrador canadien. 
Car on peut croire que, après nous être arrêté si longtemps 
et si fréquemment, dans l'ouvrage susdit, sur la pêche du 
Hareng, de la Morue, et autres poissons peu volumineux, 
si nous avions eu aussi des Baleines à nous mettre sous la 
dent, nous ne les aurions pas oubliées dans un coin de 
notre portefeuille. 


Donc en 1895, année de notre expédition au Labrador, 
il n’était pas question de chasse à la Baleine, ni de plu- 
sieurs autres choses que l’on y a vues depuis. Ce pauvre 
hameau des Sept-Isles, que nous trouvions si chétif, 1l est 
voisin aujourd’hui d'une usine qui coûte des millions ! I] 
entend le bruit des locomotives! Bien plus, il est devenu la 
résidence d’un évêque (vicaire apostolique du Labrador) ! 
—Mais aussi, et voici qui tombe en notre sujet : une com- 
pagnie industrielle formée depuis une couple d'années, la 
‘ Quebec Steam Whaling Co.”, a établi dans la baie des 
Sept-Isles une station de chasse à la Baleine: ce qui, tout 
de suite, donne à penser qu'il y a encore des Baleines là-bas. 


LA CHASSE À LA BALEFINE 151 


D'après des renseignements donnés par les Journaux, 
cette Compagnie, composée de Canadiens-Français et d’'An- 
glais (l'entente cordiale, encore !), est organisée sur un 
pied considérable.  KHlle emploie 75 hommes. Elle a bâti 
un quai long de 500 pieds, et des réservoirs d’une conte- 
nance de 100,000 gallons d'huile. Enfin son installation 
aurait coûté déjà $130,000.00, c’est-à-dire plus de 650,000 
francs, | 

On capture les Baleines dans un rayon d’une vingtai- 
ne de milles, autour des Sept-Isles. 

En 1905, on dépeça 66 Baleines, au cours de la saison. 
Cette année, durant les seuls mois de juin et juillet, on a 
pris 47 spécimens. D’après des nouvelles récentes, vers la 
mi-septembre on avait atteint le nombre de 71 captures, la 
dernière étant une Baleine de 80 pieds de longueur. 


Comime plusieurs membres de la Station de Biologie 
maritime du Canada ont dû visiter, cet été, la station des 
Sept-Isles, nous espérons pouvoir connaître bientôt quelles 
espèces de cétacés l’on capture ainsi dans ces parages du 
fleuve Saint-Laurent. 

Il paraît que les marchés où la Compagnie dispose des 
produits de son industrie sont les-provinces d’Ontario et du 
Nouveau-Brunswick, la France et l’Ecosse. 

Passons maintenant à la colonie de Terre-Neuve. 
Dans un récent article d'un journal québecquois sur la 
chasse à la Baleine, on lit que, en ces dernières années, on 
a capturé annuellement de 1000 à 1200 Baleines dans les 
eaux qui entourent la grande île. Il faut dire aussi que 
les entreprenants T'erre-Neuviens sont supérieurement outil- 
lés non seulement pour la poursuite des cétacés, maïs aussi 
pour l’utilisation de toutes les parties de la Baleine. Etil 
paraît que l’industrie baleinière, pratiquée en de telles con- 
ditions, est extrêmement lucrative.—Tant pis, alors, au 
point de vue de l’histoire naturelle. Plus en effet cette in- 
dustrie donnera de profits, plus on l’exploitera, et plus tôt 


152 LE NATURALISTE CANADIEN 


l’on en aura fini avec les gros cétacés, l’ornement des 
océans ! Maïs, on peut croire que les industriels ne vont 
pas renoncer à tirer des Baleines tous les profits qu'ils 
pourront, afin de laisser aux naturalistes de l'avenir le 
‘plaisir de contempler des monstres marins de cent pieds ! 

En tout cas, nous croyons que notre estimable ami de 
Paris sera charmé d’apprendre qu’il y a encore des Baleines 
dans les eaux canadiennes, et qu’il ne différera pas trop le 
voyage qu’il projette de faire en Amérique, pour ne pas 
laisser le temps aux gens des Sept-Isles et de Terre-Neuve 
d’exterminer tous nos cétacés. 


TT 
GLANURES D'HISTOIRE NATURELLE 


LE PLUS VIEIL HABITANT DE LA TERRE 


Ï1 vient de mourir! C'était Drake, la fameuse vieille 
Tortue du Jardin zoologique de Londres. Il s'agit de cen- 
taines d'années ! La Tortue fut capturée dans les îles Ga- 
lapagos, vers la fin du XVIIIe siècle. On estima alors son 
âge à une couple de siècles, d’après une date écrite au 
couteau sur sa carapace, où l’on voyait encore le nombre 
16, les autres chiffres à droite étant effacés. On conclut 
de là qu’elle avait dû être capturée d’abord au XVIIe 
siècle par les pirates anglais ou français qui, à cette époque, 
disputaient aux galions espagnols le passage de Mexico 
aux Philippines et avaient fait des îles Galapagos leur lieu 
de rendez-vous. Un de ces flibustiers, en veine de plai- 
santerie ou de zèle scientifique, aura inscrit la date de la 
capture sur le dos de l’animal et remis celui-ci en liberté. 
Drake, le fameux Sir Francis Drake, ayant été le chef de 
ces pirates, on donna son nom à la Tortue. Klle fut em- 
portée en Angleterre en 1821. Après avoir changé plu- 


GLANURES SCIENTIFIQUES 153 


sieurs fois de propriétaire, elle finit par trouver un refuge 
confortable pour son vieil âge dans les jardins du Xegexls 
Park. Sion ajoute foi à cette histoire et si on tient 
compte du fait que le reptile, lors de sa première capture, 
avait au moins cinquante ans, le temps requis pour at- 
teindre l’âge adulte, on voit qu’il a vécu au delà de trois 
siècles ! Sa mort a été une surprise pour les employés du 
Jardin zoologique. Ils étaient accoutumés à le voir abso- 
lument immobile pendant de longues périodes, ne remuant 
même pas les yeux. Il y aura dans la biographie de 
‘“ Drake ?” une sérieuse lacune : c'est qu’on ne poufra indi- 
quer la date précise ni de sa naissance, ni de sa mort ; car 
lorsqu'on s’aperçut du fait, elle était probablement morte 
depuis plusieurs jours. ,Szc éransit gloria mundi 


LES BIJOUX VIVANTS 


Il y a quelques années, le Caméléon vivant était le 
bijou favori des grandes dames et des belles demoiselles de 
New-York, dont aucune, soit sur la rue, soit en voituie où 
en char, n'aurait voulu paraître sans le petit reptile multi- 
colore aux yeux brillants, retenu, par une chaînette d'or pas- 
sée autour de son cou et dont l’autre extrémité, au moyen 
d’une épingle à diamant, se fixait au sein de la propriétaire, 
Un instant, on put croire que le Caméléon serait aussi le 
favori des messieurs, du moins des messieurs chaüves, dont 
il était chargé de défendre l’occiput désert contre les atta- 
ques des mouches. De cette tâche il s’acquittait à mer- 
veille. D'un coup de langue infaillible, il happait l’in- 
truse à tout coup. Maïs dans son élan m’avait-il pas l’indé- 
licatesse d’enfoncer ses griffes dans le cuir chevelü—ou ex- 
chevelu—de son maître ? A cela point de remède. Il fal- 
lut y renoncer. 


Le gros coléoptère appelé “ pinch-bug” fut quelque 


temps en faveur auprès de ces dames, Noir et brillant 
20— Octobre 1906, 


154 LE NATURALISTE CANADIEN 


comme du cuir verni, il faisait assez bonne figure. Mais 
enchaîné, il mourait du tétanos. Il n'eut qu’un règne 
éphémère. 

Le diminutif chimpanzé vint à son tour disputer au 
petit chien les faveurs de mesdames. A son tour il passa. 

Aujourd’hui ce sont les puces qui font fureur à New- 
Vork ! Elles ont envahi l’avenue Riverside, où se trouvent 
les résidences les plus chic de Gotham. (Cela ranime les 
‘“ sangs bleus”; et on se demande si la nouvelle fantaisie, 
accréditée dans la haute gomme, ne se répandra pas géné- 
ralement dans toutes les grandes villes de la Nouvelle- 
Angleterre. 


ETRANGE SAURIEN FOSSILE, 


Une découverte paléontologique du plus grand inté- 
rêt a été faite récemment, à Peterborough, Angleterre, 
dans une excavation de briqueterie. En coupant dans l’ar- 
gile dure, à une profondeur de 60 pieds, les travailleurs 
mirent à découvert les restes d'un des sauriens les plus re- 
marquables dont on ait encore signalé l'existence. Le 
squelette est celui d’un reptile qui mesurait 14 pieds de 
longueur. La queue était longue de trois pieds. Le corps, 
semblable à celui du Crocodile, devait être épineux.  Dé- 
pourvu de pieds, l’animal était muni de pattes-nageoires 
(fippars), dont on trouva des centaines de petits os. Mal- 
heureusement, la tête manquait ; ce qui va rendre l'identi- 
fication fort difficile. Tous les experts qui ont examiné 
cette trouvaille ne savent qu’en dire. Un Crocodile avec 
des membres-nageoires, voilà qui est étrange. En tout cas, 
s’il s’agit d’une espèce d’Ichthyosaure, elle est entièrement 
différente de toutes les espèces déjà connues. 


LAPINS D'AUSTRALIE 


Depuis un bon nombre d'années, les Lapins en Aus- 


GLANURES SCIENTIFIQUES 155 


tralie sont un des plus grands fléaux des agriculteurs. 
Mais ils semblent maintenant être une source de revenus 
et l’objet d’une florissante industrie. On estime que lex- 
portation du Lapin rapperte annuellement à l’Australie 
une dizaine de millions. Et l’industrie se développe rapi- 
dement. Le revenu ne fera qu'augmenter. 


Comment le Lapin a-t-l été rendu profitable ? Les car- 
casses, en chambre froide (cold storage), sont expédiées en 
Angleterre et dans l’Extrème-Orient à Vokohama et Hong: 
Kong. Des milliers de caisses à Jour en sont journelle- 
ment expédiées. Mais ceci ne représente qu’une fraction 
du profit La chair de l’animal mise en conserve rapporte 
aussi beaucoup. Toutefois, ce sont les peaux qui rappor- 
tent le plus. Chaque semaine, 150 tonnes de peaux sont 
vendues à Sydnev, et 100 tonnes à Melbourne. Les prix 
ont déjà monté de 50 pour cent depuis janvier dernier. 
Cette dernière industrie est devenue tellement profitable 
que nombre de chasseurs négligent entièrement les car- 
casses et ne retiennent que les peaux. 


Au reste, le Lapin australien ne peut plus être comme 
autrefois un objet de si grande terreur. Autrefois c'était 
un fléau sans profit, et un fléau dont 1l était impossible 
d’enrayer la prodigieuse multiplication. Aujourd’hui, non 
seulement on en retire un immense revenu, inais on peut 
encore le détruire si on y tient. Tous les procédés employ- 
és pour faire disparaître ces animaux si nuisibles étaient 
jusqu'à présent demeufés sans effet. Mais on vient d’in- 
venter une petite chaudière à vapeut pouvant se transpor- 
ter aisément au milieu des champs. Des tuyaux, partant 
de cette machine, s'adaptent hermétiquement aux terriers, 
et des jets de vapeur sont lancés qui vont tuef tous les 
rongeurs à domicile. On a donc le choix maintenant ou 
de les exterminer ou de les convertir en or! Pour Îles ex: 
terminer, il ne s’agit plus que de trouver les orifices des 
terriers. Quand on connaît les trous, on prend les Loup:, 


156 LE NATURALISTE CANADIEN 


dit le proverbe. C'est maintenant la même chose avec les 
jeannots d'Australie ! B. 


——( O)—— 


LES ROIS DE RATS (1) 


Je serais curieux de savoir si l’on a observé récemment 
fe singulier phénomène connu sous le nom de Xoz de Rats, 
et s’il en existe une explication satisfaisante (2). 

Le seul cas qui, à nta connaissance, ait été signalé ent 
France (dans la Sarthe) est celui qui est relaté en 1900 
dans le joutnal la Mature, et sur lequel je reviendrai pius 
tard. 

Si, en France, ce phénomène paraît tout à fait excep- 
tionnel, il semble, au contraire, qu’autrefois en Allemagne 
il était assez fréquent. J'ai fait à ce sujet quelques re- 
cherches dans ma bibliothèque et y ai trouvé les documents 
suivants relatés dans trois anciens opuscules : 

1° Observatio D. Günthert Christophort Schelham- 
mert Hurts maïoris monstrosus partus (Ex. Æphemeridac 
Naturae Curiosorum, 1690, Pp. 253). 

2° Jos. Joach. Bellermann.  Ueber das bisher bez- 
wetrelte Daseyn des Raltenküniges. Etre naturgeschicht- 
liche Vorlesung. Berlin, 1820. 

3° Alan. Der Rattenkünig, rex rattorunr.  Raltt 


(1) Si quelqu'un de nos lecteurs x eu connaissanc : d'exemples, arri- 
vés en Amérique, de la monstruosité dont il est quest'on dans l'articie 
que nous reproduisons ici, nous le prions d’en dire un mot au Vafuru- 
liste canadien.—(Note du À. C}) 


(2) On appelle Lois de Rats des agglomérations de Rats dont les 
queues sont nouées, formant ainsi une couronne dont les corps sont les 
rayons ; le nœud des queues est généralement surélevé. Ces singuliers 
monstres ne peuvent pas se déplacer et paraissent être nourris par les 
Rats libres du voisinage. 


LES ROIS DE RATS 157 


Un 


caudis implicati (Ex. Fünfter Jahresb. des Mannhermer 
l’ereines für Naturkunde, 1838, p. 13.) 

Le cas cité par Schelhamimer (1690) est le suivant: 
Le plancher carrelé d’une cuisine laissait par un trou sortir 
quelques Rats. On essaya de les ébouillanter par cette ou- 
verture ; on vit aussitôt s'échapper quatre Rats et, de petits 
sifflements plaintifs se faisant entendre, on enleva les car- 
reaux et on vit un Rat qui ne pouvait fuir. Une servante 
le saisit avec des pincettes, mais la queue se détacha; elle 
plongea de nouveau les pincettes et amena tout le paquet 
sifflant et gémissant, au milieu duquel se dressaient les 
queues ‘ comme une chevelure de mégère ou une tête de 
méduse”. Ces Rats ainsi réunis ne pouvaient pas se dé- 
placer, car ils étaient disposés en cercle autour du centre 
formé par la jonction de leurs queues ; on les tua et on les 
jeta au cabinet. Schelhaimmer croit qu’ils étaient nourris 
par les quatre Rats libres qui s'étaient échappés les pre- 
iniers, 

Ce mème Schelhammer dit que, quelques années au- 
paravant, à Weimar, on trouva également un Roi de Rats 
dans le mur d’un vieux moulin. 

Passons aux faits plus nombreux décrits par Beller- 
mann. 

En 1714, Valentin: (Wuseum Museorum, 1714, page 
151) parle d’une couronne de six individus trouvée à Son- 
dershausen (est-ce celle qui existait encore dans le musée 
de cette ville plus d’un siècle plus tard ?) 


En 1727, le pharmacien Lincke, de Leipzig, raconte 
dans Sammilnng von Natur-und Medicin. Geschichte (1727, 
pages 205-223), plusieurs anecdotes sur les Rois de Rats et 
en cite un notamment que possédait le licencié Carl à Gæ- 
deru (Saxe). Il dit aussi qu’en juillet 1719, un domestique 
du comte de Stolberg en trouva un de neuf individus sous 
ua toit, et qu'à Tambachshof près Gotha, en 1722, on dé- 
couvrit un Roi de Rats 1rort et desséché dans une petite 


158 LE NATURALISTE CANADIEN 


cage au fond d’une vieille chambre qu'on déménageait ; 1f 
avait encore cinq corps, sans poils. La cage n’avait que 7 
pouces de long et 5 de latge, tout juste la place nécessaire 
pour contenir le monstre, et on ne put l’en retirer qu’en dé- 
truisant la cage dont l'ouverture était petite. Ce sont là 
d’intéressants détails, car ils permettent de supposer que 
l'animal composite était probablement né dans la cage et y 
avait grandi sans pouvoir en sortir. 

Enfin, Lincke parle d’un écrit remontant à 1683, édité 
à Strasbourg chez J.-J. Felsenecker, qui couwipare (à tort) 
les Rois de Rats aux Chats soudés par leur cordon ombili- 
cal dont il cite un exemple repris par Chr. B. Carpzov dans 
son X'alzenhistorie. Ce dernier auteur donne d’autres ex- 
emples de Chats soudés ainsi. [1 n’y a pas lieu d'insister 
ici, car il s'agit évidemment d'un phénomène tératologique 
d’un ordre différent de celui qui nous occupe. 

Le Dr Lieffmann (Zreslauer Naturgeschichte, mars 
1722, p. 296) remarqua, en cette année 1722, dans la pro- 
priété de M. Dicskau, à Leipzig, dix à douze Rats dont les 
queues complètement jointes (il ne dit pas soudées) formaient 
un appendice très épais et très large ; ce monstre fut con- 
servé dans le cabinet d’histoire naturelle polonais-saxon. 

Lyons-la-Forêt (Eure). ADRIEN DOLLFUS. 

(Feuille des Jeunes Naturalistes). 
(À suivre.) 


O 


LE MASSACRE DES OISEAUX 


Nous reproduisions, le mois dernier, un article d'une 
tevue parisienne sur le véritable massacre qui se pratique, 
en divers pays, d'oiseaux destinés à l’ornementation du 
chapeau de ces dames. 


L'ARACHIDE (PEA-NUT) 159 


Qu'on lise maintenant cette coupure de l’U/wzvers, du 
19 septembre dernier, sur ces barbares tueries : 

D'après la revue Awimals friend, V'Angleterre a 1m- 
porté en 1905 trente millions d'oiseaux exotiques destinés 
aux chapeaux de femmes. Un seul fabricant de Londres a 
reçu des Indes-Orientales, pour les besoins de sa clientèle, 
400,000 Oiseaux-Mouches, 600,000 Oiseaux de paradis, 450, 
000 oiseaux de variétés diverses. La revue en question 
affirme que, tous les ans, de 290 à 300 millions d'oiseaux 
sont tués pour faire face aux demandes des modistes des 
pays civilisés ! 


[e) 


J/ARACHIDE (PEA-NUT) 


Le Courrier de Saint Hyacinthe (6 octobre) rapporte 
qu'on a cultivé, cette année. des Arachides (Pea-Nuts) à 
Saint-Hyacinthe. Sans doute, les fruits ne sont pas arri- 
vés à maturité ; mais il est déjà ‘intéressant de constater 
qu'ils ont pu être produits dans notre Province. 

L'abbé Provancher a raconté (W. C., vol. V, p. 423) 
que, à l'exposition provinciale tenue à Montréal en 1873, 
il a vu cette même plante, portant des gousses, parmi les 
productions du Kansas. Il n’y a donc rien d'étonnant à ce 
qu'elle puisse croître, fleurir et faire des fruits sous notre 
climat. Seulement, il n’y a pas lieu d’espérer que ces 
fruits arrivent à maturité en notre pays. 

Le noin botanique de l’Arachide, dite aussi Pistache 
de terre, est: Arachys kvpogen, L. Elle appartient à la 
fainille des Légumineuses, et n’a qu’un pied de hauteur. 
Après la floraison, ses gousses s'enfoncent en terre pour v 
croître et müûrir: une façon d'agir qui est pour le moins 
étrange, les végétaux ordinaires n'ayant pas coutume de 
fuir le soleil pour mener leurs graines à maturité. 


160 LE NATURALISTE CANADIEN 


PUBLICATIONS REÇUES 


— Annual Report of the Smithsonian Institution, 1904. U. S. National 
Museum. Washington, 1906. —Une grande partie de ce volume est consa- 
crée à une histoire de la Géologie américaine, avec nombreux portraits. 
La question de l’Zozoon y est traitée dans un chapitre spécial et résolue 
dans la négative. 

— Annales de la Société entomologique de Belgique.— Tome 49. Bru- 
xelles, 1905. 

-_ Bulletin de la Société linnéenne du Nord de la France.—Nos 366- 
368. 1905. 

— Bulletin de la Société des Siences historiques et naturelles de Semur- 
en-Auxois.— Année 1904. 

— Annuaire du Séminaire de Chicoutimi, 1905-06. Belle brochure, 
très intéressante pour les amis de l'éducation, et qui indique combien en 
cette maison d'enseignement se continuent les progrès du passé. 

—Le Nouveau Québec, région du Témiscamingue. Ressources agri- 
coles, forestières, minières el Sportives. Par Alfred Pelland, publiciste 
du Département de la Colonisation, des Mines et Pécheries. Québec, 1906. 

Cette brochure de 168 pages contient,avec une carte de la région décrite, 
une foule de gravures hors texte très bien exécutées. Géographie, his- 
toire, ressources, tout est mis à contribution pour faire connaître le 
‘* Nouveau Québec.” L'auteur n’a pas manqué non plus de donuer des 
preuves de ses assertions, sous forme d'‘‘exemples de prospérité’, dont 
l’on peut dire qu'ils sont ‘‘vécus”’. Enfin, une foule de renseignements 
propres à guider les colons futurs, ou du moins possibles, ajoutent beau- 
coup de valeur pratique à cette publication officielle, qui est bien l’une 
des plus avenantes qu’ait publiées le gouvernement de la Province. 


SR 


CE 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Novembre 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No jf 


= LEE _— == 22 


Directeur-Propriétaire : L'abbé V.-A. Huard 


LES VERS DE TERRE OÙ LOMBRICS 


On nous demande s’il est un moyen pratique pour se 
débarrasser des Lombrics ou vulgaires Vers de terre se 
trouvant en abondance dans la terre d’un jardin. Cette 
question montre que l’on a encore, sur le rôle joué par ces 
animaux dans la terre arable, des idées erronées, ce qui 
justifie quelques explications à leur sujet. 

L'action des Lombrics sur la terre arable a été étudiée 
par Darwin qui a écrit, sur cette question, un magistral 
ouvrage ; à sa suite, d’autres naturalistes ont repris cette 
étude et leurs recherches ont confirmé les observations 
faites par ce savant. 

Chacun sait que les Vers creusent dans le sol des ga- 
leries pouvant atteindre jusqu'à 1 et 2 mètres de pro- 
fondeur ; ces galeries contribuent à l’aération, à l’assainis- 
sement du sol, dans une proportion qui n’est pas négli- 
geable, si l’on songe qu’un hectare de jardin peut héberger 
jusqu’à 100,000 Lombrics. On admet que la terre des 
champs et prairies en contient environ la moitié de ce 
chiffre, quoique leur nombre varie beaucoup, suivant la 


nature du sol; les terres fraîches, argileuses et humifères 
21—Novembre 1906. 


162 LE NATURALISTE CANADIEN 


en renferment davantage que les sols légers, pauvres en 
humus. Les plantes utilisent les galeries creusées par les 
Vers pour enfoncer leurs racines à une profondeur plus 
grande que celle qu'elles pourraient atteindre dans une 
terre compacte, ce qui leur permet d'utiliser mieux les 
réserves accumulées dans le sous-sol. 

Pour creuser leurs galeries, les Lombrics avalent la 
terre qu’ils rejettent pendant la nuit à la surface du sol, où 
elle forme les petits tas ou turricules bien connus, abon- 
dants surtout dans les prairies, après la pluie. Darwin a 
calculé qu’ils rejettent, en moyenne, environ 24.500 kilog. 
de terre par hectare, dans le cours d’une année, contribuant 
ainsi à niveler la surface. Ce sont donc de véritables la- 
boureurs, et le rôle qu’ils jouent pour l’ameublissement et 
l’aération du sol est des plus utiles. 

Les Vers de terre se nourrissent essentiellement de 
feuilles tombées, de débris végétaux qu'ils entraînent dans 
leurs galeries pour les ramollir par le suc alcalin sécrété 
par leur bouche et les avalent ensuite. Ces débris sont 
transformés ensuite en humus plus rapidement décompo- 
sable, à preuve que la terre contenant des Vers dégage plus 
d'acide carbonique, produit de la décomposition, que celle 
qui en est dépourvue. La nitrification s’y fait aussi plus 
rapidement ; dans des recherches que nous avons faites 
ainsi que M. Th. Bieler, la proportion d’azote passé à l’état 
de nitrate était la suivante, après trois'semaines : 


CEE : 
Mérre primitive .. 14 te l000,7n7 
Terre rejetée par les Vers  3,80/ 


Cest une proportion de cinq fois plus considérable. 

Le Lombric possède de chaque côté de l’œsophage ou 
canal digestif, trois paires de grosses glandes qui sécrètent 
une quantité surprenante de calcaire ou carbonate de 

_chaux ; celui-ci s’y trouve en petits cristaux ou sous forme 
de concrétions. Ces glandes servent d'organes d’excrétion 


LES VERS DE TERRE OÙ LOMBRICS 163 


et aident à la digestion, en neutralisant les acides contenus 
dans les débris végétaux qui constituent la nourriture. 
Dans les échantillons de déjections de Lombrics, recueillis 
sur des sols divers, nous avons trouvé que la proportion du 
carbonate de chaux v est plus grande que dans la terre ad- 
jacente, n'ayant pas passé dans le corps de ces animaux; 
d’après nos chiffres, la quantité de carbonate de chaux 
ainsi régénérée serait de 25 à 250 kilog. par hectare, en 
admettant pour la terre rejetée le poids indiqué par Dar- 
win. Le calcaire du sol tend à disparaître de la couche 
arable, entraîné dans la profondeur par l’action dissolvante 
de l’eau de pluie et de neige chargée d’acide carbonique. 
Les Vers jouent donc, à ce seul point de vue, un rôle des 
plus utiles, en régénérant le calcaire, dont la proportion 
tend sans cesse à diminuer. 

I résulte des explications précédentes que les Lom- 
brics sont d'importants auxiliaires de l’agriculture, en 
ameublissant, aérant le sol, activant la formation et la dé: 
composition de l’humus, reconstituant le calcaire, etc. Au 
lieu de les détruire, en arrosant par exemple le sol avec du 
purin fort, on doit, au contraire, en favoriser la multiplica- 
tion, en supprimant leurs ennemis, en particulier les T'aupes. 
Ce n’est que dans des conditions exceptionnelles, quand 
leur nombre serait devenu très grand, dans un jardin, par 
exemple, que l’on pourrait craindre qu’ils ne s’attaquent 
aux plantes elles-mêmes ; et les moyens pour en diminuer le 
nombre ne manquent pas: labourage, arrosage au purin, 
etc. G. DUSSERRE, 

directeur de la Station d'essais 
de Lausanne (Suisse). 


—— (0) — 


164 LE NATURALISTE CANADIEN 


CHRONIQUE 


Un oiseau à quatre pattes. —Y,es indigènes de l’Amé- 
rique méridionale donnent le nom de ‘ Cigana” à un 
oiseau remarquable, assez rare, dont un explorateur vient 
de capturer un exemplaire. L'oiseau a quatre pattes, et 
celles de devant, en même temps que l’oiseau se développe, 
deviennent des ailes. Pendant un temps assez considérable 
après son éclosion, le jeune oiseau, incapable de voler 
encore, monte sur les arbres en se servant de ses griffes, 
L’habitat favori de cet étrange volatile est parmi les Callas 
géants des tropiques, dans des endroits vaseux et bas. La 
taille du Cigana est celle de notre Faisan ordinaire. J/oi- 
seau émet un cri lugubre qui n’est pas précisément encou- 
rageant pour le voyageur perdu au milieu d’une région 
sauvage et peu fréquentée. 

Un Eléphant extraordinaire. —On a plus de facilité 
à croire à l’énorme taille du défunt Mastodonte quand on 
voit des Eléphants tels que le Musée d'histoire naturelle 
de South Kensington (Angleterre) vient d’en recevoir un 
d'Afrique. Ie pachyderme en question—le plus gros qui 
aété tiré en Afrique depuis bien des années — mesurait 11 
pieds 6 pouces de hauteur sur 23 pieds 2 pouces de lon- 
vueur | 

Æncore le Serpent de mer.—Un correspondant d’Ecosse 
in’envoie un journal de Lochbroom qui contient la relation 
suivante. ‘Un énorme Serpent de mer a été vu dans nos 
environs plusieurs fois depuis quelques jours. Ses ébats 
ont été constatés par plusieurs pêcheurs écossais, dont 
l'imagination n’a pas pris le mors aux dents et qui ont fait 
le récit qui suit. Le monstre marin a une longueur pro- 
bable de 90 pieds, et hante sans doute les profondes caver- 
nes situées dans l’océan près de nos côtes. Il a d’abord été 
aperçu par trois pêcheurs de Corgeach, ensuite par deux 


CHRONIQUE 165 


commis des accises ; il sortit de l’eau à environ 800 verges 
d'eux et s’en vint droit à eux à une vitesse de 60 milles à 
l'heure. Un coup de fusil l’atteignit et le fit plonger subi- 
tement. Quelque temps après, le monstre en question 
heurta un yacht de 100 tonneaux qui s’en allait à Ullapool, 
et le choc fut si violent que le petit navire fut soulevé à 
plusieurs pieds hors de l’eau et sa coque plus ou moins 
endommagée.” 

Ce dernier détail me rend rêveur. Peut-être que 
sachant tout le bruit qui se mène autour de sa curieuse 
personnalité, le Serpent de mer a l’intention d’en finir avec 
la vie, et a trouvé ce moyen original pour essayer de mettre 
son plan à exécution... 

Un vandalisme. — Un individu, malheureusement 
resté jusqu'ici inconnu, a considérablement endommagé 
l'œuf du grand Pingouin au musée de Scarborough (Angle- 
terre), Cet œuf, valant £300, est conservé dans une boîte 
avec un couvert vitré. Il y a quelque temps, cette boîte 
fut trouvée sur une chaise du musée, tandis qu’une petite 
fêlure qui avait commencé dans l’œuf l’aunée passée était 
agrandie, et une partie de la coquille manquait. Cet acte 
de vandalisme a enlevé à l’œuf une grande partie de sa 
valeur, naturellement, le dommage étant évalué à £60. 


Longévité des oiseaux. — Dernièrement mourait en 
Angleterre une Oïe à l’âge authentique de 50 ans. Un 
journal ayant qualifié cette mort de “prématurée”, un 
chercheur établit clairement dans la Pal Mall Gazette, de 
Londres, que 50 ans d'existence n’a rien de bien extraor- 
dinaire pour une Oie, et qu’il y a des preuves bien établies 
d'Oies et de Canards ayant vécu pendant plus de 100 ans. 
Un ouvrage publié en 1807 mentionne l'existence dans un 
des faubourgs de Glasgow d’une Oie encore très alerte à 
âge de 120 ans. Il est curieux de constater que la plus 
grande longévité existe chez des oiseaux de genres bien 
différents : l’Aigle, par exemple, qui généralement dépasse 


166 LE NATURALISTE CANADIEN 


la centaine, et le Perroquet, qui lui aussi devient souverit 
centenaire ; l’Oie et le Pigeon, qui vivent ordinairement de 
50 à 75 ans. Parmi les oiseaux chanteurs, c’est l’Alouette 
qui remporte la palme : il y a un cas bien prouvé d’une 
Alouette encagée vivant jusqu’à l’âge de 22 ans et chantant 
encore. Il est aussi prouvé que les bons soins et la nour- 
riture propre à l’espèce prolongent de PHARES années la 
vie des oiseaux chanteurs. 

Un arbre...meurtrier.—Les journaux du Nicaragua 
annoncent que le gouvernement de ce pays a nommé un 
expert pour examiner un arbre remarquable récemment 
découvert, et ce, à la suite de la mort d’un jeune homme 
dont on trouva le cadavre, ainsi que celui du cheval qu'il 
montait, au-dessous de l’arbre en question. Le cadavre 
semblait avoir été touché par des flammes, et l'arbre exha- 
lait une senteur extrêmement pénétrante, Il y avait au- 
dessous de l’arbre meurtrier des ossements en quantités 
considérables de Cochons, d’Anes, de Serpents et d'oiseaux. 

HENRY TILMANS. 


PCT ere 
GLANURES D'HISTOIRE NATURELLE 


UN BON MOT POUR LA MOUCHE 


Ne vous répandez pas trop en imprécations contre la 
Mouche domestique, Son extermination est loin d’être 
désirable. (Comme beaucoup d’autres petits organismes 
méprisés des hommes, elle accomplit une fonction vitale 
dans la nature, en se multipliant dans des substances 
mortes. ou putréfiées qu’elle prépare pour de précieuses 
productions de vie animale et végétale. La pureté et la 
douceur de l’atmosphère dans laquelle elle flotte sont en 
grande partie dues à son ouvrage. Comme être nettoyeur 


GLANURES SCIENTIFIQUES 167 


et vidangeur, la Mouche, par conséquent, a droit à notre 
estime et à notre reconnaissance. Mais pour la même 
raison, bien entendu, elle doit être exclue autant que pos- 
sible de nos demeures; et il faut soustraire à sa conta- 
mination avec le plus grand soin toutes les substances co- 
mestibles.  Puissions-nous seulement, en considération de 
leurs services, pardonner un peu aux Mouches les piqûres 
qu’elles nous font et les ennuis qu’elles nous causent | 


EE à - 
L'ÉLEVAGE DES PAPILLONS 


Une industrie nouvelle : l'élevage des Papillons. C’est 
à Scarnborough, en Angleterre, que vient d’être faite cette 
tentative d’ailleurs pleine de promesses. 

L'année dernière, des Anglais avaient lancé dans les 
parcs de Londres, plusieurs douzaines de magnifiques 
Papillons, aux couleurs diaprées et chatoyantes, qui firent 
la joie des habitués de ces lieux verdoyants. 

Ce n’était qu'un essai, il a réussi admirablement. 
Aussi va-t-on le renouveler, mais cette fois sur une plus 
vaste échelle. 

En effet, on a créé, il y a quelque temps, près de 
Scarnborough, une ferme modèle, où l’on élève toutes les 
variétés de Papillons, depuis les Papillons des régions 
équatoriales, qui portent sur leurs grandes ailes toutes les 
couleurs de l’arc-en-ciel. 

Actuellement, il y a 20,000 Papillons dans cette ferme ; 
ils seront répartis dans tous les parcs de la grande cité. 

En outre, on tient en réserve 40,000 chrysalides desti- 
nées, en cas de besoin, à combler les vides. 

Et, sous peu, les Londoniens verront s'élever sur 
leurs têtes de grands vols de Papillons de toutes grandeurs 
et de toutes nuances qui peupleront les arbres de leurs 


parcs. 
*k * *X 


168 LE NATURALISTE CANADIEN 
LA ‘“GvyrPrsy MOTH ” EN AUTOMOBILE 


I1 ne manquait plus que cela pour mettre le comble à 
l’exécration publique envers les automobiles : il paraît que 
les teufs-teufs servent à la transportation des “Gypsy Moths?, 
cette peste qui a déjà causé des millions de dommages dans 
le Massachusets, s’est répandue dans le New-Hampshire et 
le Connecticut, et menace d’envahir maintenant, au sud 
l’État de New-Vork, et au nord, le Canada A Mont- 
réal, le cri d’alarme s’est déjà fait entendre contre cet 
ennemi des arbres et de la végétation. Eh! bien, l’ento- 
mologiste officiel de l'Etat de New-York, en prémunissant 
le public de son Etat contre cette peste, révèle ce fait, aussi 
effrayant qu’épatant, que la “ Gypsy Moth” se colle aux 
automobiles et se transporte ainsi rapidement à de longues 
distances. ‘“I/expérience, dit-il, a démontré que les auto- 
mobiles sont réellement des moyens très actifs de transpor- 
tation pour cet insecte; et étant donné la multiplication 
toujours croissante de leur nombre, nul ne peut prévoir, 
sous ce rapport, leur influence néfaste.” (C’est bien cela : 
dorénavant tous les chemins appartiendront aux automo- 
biles, que rien au monde n’empêchera de brûler les distances, 
d’écraser les poules et les chiens, les moutons et les cochons, 
les enfants et les femmes, bref, tous les piétons assez stu- 
pides pour se trouver sur leur passage! Et par-dessus le 
marché ces machines infernales répandront partout Île 
fléau des “Gypsy Moths ” ! B. 


LES ROIS DE RATS 
(Suite et fin) 


Le Dr Bellermann raconte qu'étant étudiant, à Erfurt, 
en 1772, il y vit un Roi de Rats qu’on venait de capturer, 
et malheureusement de massacrer. Il était formé de onze 


LES ROIS DE RATS 109 


individus dont les queues étroitement entrelacées formaient 
une pelote de la grosseur d’un poing d'homme. (Cette 
masse de queues entortillées dominait un peu les corps des 
Rats qui rayonnaient autour de ce centre. Ce monstre fut 
recueilli, en compagnie de Rats libres, en soulevant le 
plancher d’une vieille maison qui servait de grenier. 


D’après Lieffmann (toujours cité par Bellermann), le 
le Dr Schultze trouva un Roi de Rats desséché comme 
une momie en démolissant un vieux mur; il avait dans 
cet état la largeur d’une gtande assiette. Les queues 
étaient si bien embrouillées qu'un ‘fabricant de courroies 
n'aurait pu faire aussi bien””, 


Dans le Wiltenbergsche Wochenblatt, de 1774, pages 
41-45, le Prof. Titius mentionne et figure seize Rats, dont 
les queues étaient ‘‘ artistement nouées’”, trouvés dans un 
moulin. L'auteur ne peut admettre qu’un pareil phéno- 
mène soit l’œuvre de la nature et croit que pour le pro- 
.duire il a fallu une intervention artificielle. Pourtant le 
même Titius cite l'exemple d’nn autre Roi de Rats, formé 
de douze individus, trouvé dans une écurie pendant la 
guerre de Sept Ans, 


Bellermann vit, à Arnstadt, en 1783, dans l’ancienne 
résidence des princes de Schwarzburg, cinq tableaux à 
l'huile qui représentaient autant de Rois de Rats: il en 
donne la description. Nous en retenons la couleur des 
Rats ainsi reproduits: le premier était formé de six Rats 
d’un jaune brun (trouvés, dit la légende, à Arnstadt, le 26 
novembre 1759). Le second se composait de huit grands 
individus d’un brun rouge, recueillis, le 18 février 1705, à 
Sondershausen. Le troisième paraît reproduire le phéno- 
mène décrit par Valentini. Le quatrième, très intéressant, 
est formé de plusieurs (on ne dit pas le nombre) Souris 
blanches. 1, cinquième, qui comprend neuf individus, ne 


présente rien de particuler, 
22—Novembre 1906, | 


170 LE NATURALISTE CANADIEN 


M. Weitsch, directeur de l’Académie de peinture, 


raconte qu’en 1794, à Brunswick, dans une fosse à fumier 
) 9 


qui n'avait pas été vidée depuis dix ans, on trouva une ag- 
glomération de sept individus. 

Les observations du Prof. Meisner, de Berne, ont un 
certain intérêt, car elles sont accompagnées d’hypothèses 
bizarres pour l'explication du phénomène; elles sont con- 
signées dans VNaturwissenschafiliher Anzeiger der allge- 
meinen Schweizserischen Gesellschaft für die gesammiten 


Naturtwissenschaften, Zweiter Jahrgang, Aarau, 1819. Un. 


de ses amis lui apporta, en 1816, un groupe de quatre in- 
dividus morts trouvés dans une pièce où on avait conservé 
de la tourbe. L’'explication est amusante : le savant pro- 
fesseur, ayant constaté que la cavité formée par le nœud 
des queués était remplie de tourbe et de paille, suppose 
qu’il s’agit là d’une sorte de nid formé par la mère rate; 
celle-ci sur le point de mettre bas aurait mis à mort d’au- 
tres Rats et leur aurait noué la queue pour en faire une 
véritable litière ! [1 y a mieux encore. Ayant entendu par- 
ler de la découverte, sous un parquet, d’un Roi de Rats 
vivant, fotiné de sept gros individus, il conclut sans hési- 
ter que ces malheureux captifs se sont introduits dans 
l’'étroit espace qu’ils occupaient et s'y sont noué la queue 
afin de faire de leurs corps une couche moelleuse pour une 
Rate pleine qui aurait sans doute, quelques jours plus 
tard, trouvé ainsi un doux berceau pour la jeune portée ! ! 


Laïssons ces dévouements sublimes à la gent ratière 
et à l'imagination du professeur Meisner, et voyons les faits 
exposés par d’autres auteurs. 

Le professeur Kilian, dans l’excellente note citée plus 
haut, dit qu’en 1837, à Zaisenhausen, près Bretten, à la fin 
de mars, un homme travaillait dans ‘une écurie d’où il vit 
sortir, à diverses reprises, quatre Rats qui cherchaient des 
fruits et rentraient aussitôt. Il les tua l’un après l’autre 
et il entendit alors du bruit derrière la boiserie; il décloua 


LES ROIS DE RATS 171 


celle-ci et vit une masse de douze gros Rats adultes dont 
les queues étaient nouées ; le correspondant de Kilian fait 
remarquer qu'il lui aurait été impossible de défaire ce 
nœud gordien sans le briser et qu'il devait évidemment 
s'être formé dès le jeune âge des Rats. Il est certain aussi 
que le Roï de Rats devait être nourri par les Rats libres qui 
apportaient continuellement de la nourriture dans le trou. 


Passons aux auteurs modernes. Brehm, dans sa clas- 
sique Ve des Animaux illustrée (édition française, 12e 
série, p. 109), raconte le singulier procès qui s’est déroulé 
en 1774 devant le tribunal de Leipzig: un Roi de Rats 
formé de seize gros individus adultes avait été découvert 
en janvier dans un moulin à Lindenau et tué par un nom- 
mé Christian Kaiser; un de ses amis, Fasshauer, avait em: 
prunté le monstre, pour le peindre, disait-il Mais il en 
tira parti en le faisant voir pour de l’argent, d’où procès à 
lui intenté par Kaïser. Le médecin chargé par le tribunal 
d'examiner l’objet, conclut que les Rats devaient s'être 
blottis dans un coin pour chercher à se protéger mutuel- 
lement ; et les excréments des Rats placés au-dessus étant 
tombés sur leurs queues qui étaient au-dessous devaient 
s'être gelés et avaient maintenu les queues collées ; dans 
leurs efforts pour se détacher, celles-ci s'étaient entortillées, 
Nous ne nous arrêterons pas à cette invraisemblable ex- 
plication. 


Brehm cite d'après Lenz un autre exemple plus inté- 
ressant à cause du nombre des Rats qui s'étaient ainsi réu- 
nis: “ A Dollstedt, près Gotha, on trouva en même temps 
deux Rois de Rats en décembre 1822 ‘Trois batteurs en 
grange entendirent un léger piaulement dans là grange du 
forestier ; ils cherchèrent avec l’aide du domestique, et 
virent qu'une poutre était creuse. Dans sa cavité, se trou- 
vaient quarante-deux Rats vivants. Cette cavité avait été 
probablement faite par eux; elle avait environ 15 centi- 
mètres de profondeur ; on ne voyait aux alentours 


172 LE NATURALISTE. CANADIEN 


ni excréments, ni débris de nourriture. Elle était d'u 
accès facile surtout pour des Rats, et restait couverte 
de paille toute l’année. Le domestique retira les Rats 
qui ne voulaient ou me pouvaient quitter leur de- 
meure. Îles quatre hommes virent alors avec horreur 
vingt-huit de ces Rats attachés par la queue et formant un 
cercle autour du nœud ; les quatorze autres présentaient 
la même disposition. Ces quarante-deux Rats paraissaient 
tous souffrir de la faim et piaulaient continuellement ; du 
reste, 1ls paraissaient bien portants. Ils étaient tous de 
même grandeur et, d’après leur taille, on pouvait conelure 
qu'ils étaient nés le printemps précédent. Leur couleur 
était celle des Rats ordinaires. Aucun ne paraissait mott. 
Ils étaient très tranquilles et supportaient paisiblement 
tout ce que leur faisaient les hommes qui les trouvèrent. 
Les quatorze Rats furent portés vivants dans la chambre 
du forestier, où arrivèrent bientôt une foule de gens, 
curieux de voir cette monstruosité. Quand la curiosité 
publique fut satisfaite, les batteurs les transportèrent en 
triomphe dans la grange et les tuèrent tous à coups de 
fléau. Ils prirent ensuite deux fourches, les transpercèrent, 
tirèrent de toutes leurs forces en sens opposé, et sous cet 
effort trois Rats se séparèrent du groupe. Leur queuen’en 
fut point arrachée ; elle paraissait intacte, et montrait seu- 
lement l’empreinte des autres queues, à la façon d’une 
courroie qui aurait été longtemps serrée par une autre. 
Les vingt-huit furent apportés à Pauberge et exposés aux 
veux de tous les curieux.” 


Nous retenons dans ce dernier exemple deux faits in- 
téressants : d’abord la présence simultanée, dans un même 
réduit, de deux Rois de Rats, dont l’un était formé de 
vingt-hurt individus, nombre de beaucoup supérieur à celui 
d’une portée unique (celle-ci ne dépassant guère seize 
jeunes).  Lautre, c’est que les queues de l’un des groupes 
ont pu se détacher sans se briser. De sorte qu’elles ne 


LES ROIS LE RATS / 173 


sont pas toujours si étroitement entrelacées que semblent 
le faire croire les exemples cités plus haut. 

Dans Za Nature, 1900 (11), p. 19-20, M. Oustalet, 
professeur au Muséum, dit avoir reçu de M. Henri Richer 
la photographie d’un Roi de Rats formé de sept individus 
encore jeunes, dont les corps avaient environ dix centi- 
mètres. 

Ce Roï de Rats, trouvé à Courtalain, en novembre 1899, 
au fond d’un trou de mur(1}, a été donné au musée de Châ- 
teaudun par M. H. Lecomte. M. Oustalet croit, comme le 
médecin de Leipzig dont je viens de parler, que les adhéren- 
ces des queues sont causées par la gelée; cette hypothèse 
est d'autant moins plausible que presque tous les Rois de 
Rats se trouvent dans des endroits très abrités, hors de 
toute atteinte de la gelée. 

Quoi qu’il en soit, laissant de côté les hypothèses ori- 
ginales ou simplement invraisemblables dont j'ai donné 
des exemples, et les croyances populaires qui, autrefois, en 
Allemagne, avaient fait du Roi de Rats l’objet de légendes 
merveilleuses, 1l faut admettre tout simplement (ainsi que 
Kilian l’expose très nettement dès 1838) qu’à l’état jeune, 
les petits Rats, d’une ou de plusieurs portées voisines, se 
trouvant dans un réduit très étroit, s’entortillent et s’entre- 
lacent en formant un nœud d’autant plus inextricable que 
ces queues, à cet Âge, sont tendres, longues, très mobiles et 
couvertes d’un exsudat collant. La présence de paille, de 
foin ou de poil dans le trou où se trouve la jeune nichée 
peut faciliter l’entrelacement des queues. 

Un autre fait qui me paraît curieux à faire ressortir, 
car il a une réelle importance au point de vue psycholo- 
gique, c’est la manière dont les Rois de Rats sont alimen- 
tés. Des exemples cités plus haut, il résulte bien net- 
tement que les Rois de Rats sont incapables de se mouvoir 


(1) C’est par erreur que, dans le dernier numéro, en parlant de cette « 
découverte, j'avais écrit Sarfhe. C'est Eure-et-Loir qu'il faut lire, 


f74 LE NATURALISTE CANADIEN 


partant d'aller chercher leur nourriture, et qu’ils sont err- 
tretenus d’une façon continue et pendant toute la durée 
d’une vie normale, par des Rats libres, sans doute de la 
même portée qu'eux. Sans aller aussi loin que le Prof. 
Meisner, on ne peut qu'être frappé de la constance de ce 
sentiment de solidarité dans la gent ratière. 

Lyons-la-Forêt (Eure). ADRIEN DOLLFUS. 


NOTES ADDITIONNELLES SUR LE ROI DE RATS 


Je reçois de M. le marquis du Buysson lintéressante 
lettre qui suit : 

Je ne veux pas attendre la fin de votre note pour vous 
envoyer quelques détails sur ce que j'ai observé moi-même 
cette année-ci à ce sujet et pour la première fois il y a 
environ deux mois, 

On vint un jour me prévenir qu'il y avait un nombre 
considéfable de gros Rats dans le compartiment d’un pou- 
lailler où l’on avait mis une mue à engraisser la volaille. 
Deux de mes domestiques et moi-même, les uns armés 
d’une pelle, les autres d’un balai, nous nous mîmes à faire 
la chasse et à abattre à mesure les Rats quigrimpaient aux 
murs. On en tua neüf et tous appartenaient à la même 
espèce, au Rat noir (Aus rattus L,.), auquel le Rat dégoût 
(Mus decumanus Pall.) déclare une guerre acharnée au 
point de faire craindre la disparition de cette espèce (V. 
Ern. Olivier, Æssar sur la faune de l'Allier, p. 19, 1880). 

Deux des couvercles de la mue étaient relevés depuis 
un temps assez long, et les Rats y avaient accumulé un 
monceau de paille qui leur servait de cachette. C'était en 
abaissant ün de ces couvercles qu’on avait découvert cette 
nombreuse famille. Un seul d’entre eux s’échappa par un 
trou qu'on n'avait pas eu la précaution de boucher tout 
d’abord. Il y avait là le père et la mère, faciles à recon- 
naître à leur taille plus avantageuse, et huit petits qui 
avaient presque atteint la taille d’adulte. C'était ceux 


LES ROIS DE RATS 175 


d’une première portée, car, en écartant la paille, on en 
trouvait une seconde de tout jeunes, non encore sevrés, 
mesurant environ six centimètres du nez à la naissance de 
la queue. Chose bizarre qui frappa mon attention et m’em- 
pêcha de les tuer sans regarder, c’est qu’ils étaient tous 
adhérents les uns aux autres par la queue, et je me suis 
demandé aussitôt comiment cet amas de sept bêtes, deve- 
nues adultes, auraient pu trouver les moyens d’existence. 
En les saisissant, le septième se détacha, il n'avait plus que 
la moitié de sa queue, et l'extrémité qui le retenait aux 
autres s'était atrophiée et j'estime qu’il serait arrivé de lui- 
imême à se détacher du bloc. Quant aux autres, la sou- 
dure était à peu près faite par le milieu de la queue de 
chacun, l'extrémité conservant peu sa mobilité; l’un 
d’entre eux avait même une de ses pattes postérieures en- 
gagée dans ce nœud gordien; je l’ai tirée de force pour 
l'en arracher et je l’ai trouvée blanchie et atrophiée, 
comme le bout de la queue de celui que j'avais d’abord dé- 
taché. Je continuais à examiner cette rosace composée de 
cinq animaux, et Je vis que cet accident provenait de ce 
que la mère avait fait ses petits dans un nid garni de duvet 
et c'est ce duvet qui, par l’effet d’une bizarrerie due au put 
hazard, s’est feutré de lui-même sous le frétillement de 
toutes ces petites queues, probablement encore humides 
du lit de la mère ou humidifiées par son lait. La bizar- 
rerie consiste surtout en ceci, c’est qu’il a fallu que tous 
ces Rats en naissant soient exactement placés dans le même 
sens, côte à côte, ou en rond et se tournant le dos. Le 
duvet ne pouvait prendre de l’adhérence et se feutrer en 
englobant toutes ces queues au même point de leur lon- 
gueur que parce que celles-ci se sont mues d'un mouve- 
ment de rotation uniforme. J'ai été très surpris de ce que 
j'avais rencontré, mais j'ai pensé que ces bêtes, ainsi atta- 
chées, seraient crevées dès que la mère aurait cessé de les 
allaiter. C’est la première fois que j'observais cela, et 


176 LE NATURALISTE CANADIEN 


comme je l’ai expliqué, cette soudure n'était pas congéni- 
tale, mais due à un simple accident survenu après la nais- 
sance. 

Le Vernet (Allier). H. pu BUYSsoN. 


M. Louis Dupont, aux Damps (Eure), m'écrit pour 
ine signaler, dans la Pze curieuse des Bêtes, par Henri 
Coupin, la phrase suivante : ‘ Dernièrement on a envoyé 
au Muséum un Roi de Rats composé de sept individus 
et trouvé à Châteauroux. 

Je recois cette lettre au moment de donner le bon à 
tirer de ma note, et n'ai pu donc m'informer si le Roi de 
Rats en question offre des particularités intéressantes. 

(Feurlle des Jeunes Naturalistes.) AND 


CE 
OC > pe sut 


a ONCE 
ESS 


PUBLICATIONS REÇUES 


— THE CECROPIA EMPEROR MorH (Sumia cecropia Länn.), by 
Arthur Gibson, Assistant Entomologist, Experimental Farm, Ottawa, 
1906. 

Ce bel article de M. Gibson, sur l’un de nos vers à soie, ‘‘le plus 
grand et l’un des plus beaux insectes de l'Amérique du Nord’’, a paru 
d’abord dans l'Offawa Naturalist äu mois d'octobre. 

— The Tylostomeæ, Wlustrated by twelve plates and six figures, by 
C. G. Lloyd, Cincinnati, 1906. 

Nous avons déjà signalé le bulletin Æycological Notes que publie 
aussi M. Lloyd, et qui est consacré à l’étude des Lycoperdacées, famille 
des champignons nommés communément ‘‘ Vesces de Loup.” 

— Report of the Museum of Natural History. Springfeld, Mass. 
1906. 

— Catalogue of British Columbia Lepidoptera. Provincial Museum, 
Victoria, B. C. 1904. 

Cette liste, comprenant 1128 espèces—ce qui est déjà une belle col- 
lection, a été publiée par l’assistant-conservateur du Musée provincial, 
M. E. M. Anderson. Nous avons eu le plaisir de visiter ce beau musée 
en 1904, et nous en avons parlé un peu dans nos /mpressions d'un 
Passant. 


ir 


4 


NATURALISTE CANADIEN 


Québec, Decembre 1906 


VOL. XXXIII (VOL. XIII DE LA DEUXIÈME SÉRIE) No 12 


A NOS LECTEURS 


En ces derniers mois nous avons consacré tout notre temps à ter- 
miner ce Manuel des Sciences usuelles que, de concert avec M. :’abbé 
H. Simard, professeur à l'Université Laval, nous préparons pour le pei- 
sonnel enseignant des écoles de la Province. Aussi, à notre grand regret, 
nous n'avons pu rien faire durant cette fin de l’année pour la rédaction 
du Vaturaliste canadien. Nos lecteurs, du reste, n’y perdent pas, puis- 
que, à la place dle nos écrits, nous pouvons leur offrir des articles de 
choix, extraits d'excellentes revues scientifiques. ès notre prochaine 
livraison, espérons-nots, il nous sera possible de reprendre notre place 
au... fauteuil de rédaction du .Vaturaliste, 


— 2 — () — — 


CHRONIQUE 


Un oiseau de prix.—M. Beville Stanier, de Peplow Hal, 
Shropshire, Angleterre, a informé la Sociéti d'histoire 
naturelle de Shrewsbury qu’il a vendu un spécimen em- 
paillé du Grand Pingouin pour 400 guinées,. 

La maillequi...manquait.—Un télégramme venant 
d'Australie, et qui est arrivé à Londres en passant par les 
Etats-Unis de l'Amérique du Nord, est actuellement publié 
par tous les journaux de langue anglaise du monde entier. 
D'après cette dipêche télégraphique,le professeur (?)Flatsch 

23— Décembre 1906. 


178 LH NATURAIISTE CANADIEN 


aurait découvert à Port Darwell, dans le nord du continetit 
australien, une femme aborigène dont les pieds ressem- 
blent aux mains. Et le professeur, naturellement, consi- 
dère cette découverte comme d’une importance biologique 
extraordinaire, et...Darwin doit sûrement en tressailir 
dans sa tombe. I/auteur du canard en question est le cor- 
respondant melbournois du CArouzcle, de Londres, et je 
vous laisse à juger si notre homme doit en avoir du plai- 
sir! Cette ineptie sera évidemment traduite dans la plu- 
part des grands (!!) journaux d’autres langues, et traînera 
dans la presse universelle aussi longtemps probablement 
que cette autre sottise : la découverte de la langue des sin- 
ges par je ne sais plus quel histrion. 

La moisson de. fossiles.— Après une absence de plu- 
sieurs mois passés dans les régions avoisinant les Monta- 
ones Rocheuses, trois missions du Musée américain d'His- 
toire naturelle viennent de revenir à New-York. Les 
explorateurs apportent avec eux des squelettes pétrifiés 
d'environ 500 animaux, dont beaucoup sont inconnus ou 
peu connus des savants. Il y a dans la cargaison, entre 
autres, deux Dinosaures non encore classés, dont l’un est 
d'énormes dimensions et ressemble vaguement at monstre 
géant que l’on a baptisé du nom de 777ceratops. 

L'Emu d'Australie.—Cet oiseau étrange est menacé 
d’une disparition prochaine. De tous côtés on a érigé des 
clôtures de broche pour barrer le chemin aux Lapins qui 
dévastent le pays ; mais en même temps on a barré Île che- 
min à l'Emu, qui chaque année émigre de l’est à l’ouest, et 
eprend la route de l’est au commencement de la saison de 
sécheresse. Sur leur chemin, les Emus arrivent aux clô- 
tures. trouvent leur marche arrêtée et meurent de soif par 
centaines. Un voyageur a trouvé une cinquantaine d’oi- 
seaux morts sur un parcours de six milles, tandis que, sur 
une distance de 60 milles, on a estimé qu’il v avait au 
moins 300 Emus morts de soif. 


CHRONIQUE 179 


Le Diable de Ceylan.—Tous ceux qui ont visité l’île 
de Ceylan et pénétré dans son intérieur mystérieux ont 
entendu le cri du diable. Ce cri terrible ressemble étran- 
gement au cri d’un être humain à qui l’on ferait subir les 
tortures les plus féroces. Ce diable n’est heureusement 
qu'un oiseau, que l’on dit apparenté avec le Hibou brun 
des bois de l’Inde. Les indigènes l’appellent ‘ Ulama ” ; 
c'est un oiseau inoffensif et extrêmement farouche dont 
on n’a pu encore capturer un spécimen, mort ou vivant. 
Il est naturel qu'étant doué d’un cri si terrible, l'oiseau 
passe là-bas pour un “manitou””, à qui à l’occasion les indi- 
gènes offrent des sacrifices pour détourner les désastres 
que sa voix lugubre ne peut manquer d'annoncer. M. 
Mitford a étudié l'étrange oiseau pendant un long séjour 
dans Ceylan. ‘La note ordinaire, dit-il, est un cri ma- 
gnifique et clair, tel un cri humain, et peut être entendu 
à une très grande distance ; pouss£ dans le silence du cré- 
puscule, il produit un bel effet. Mais le cri qui lui a valu 
son vilain nom et que je n’ai entendu distinctement qu'une 
szule fois, est indescriptible, le plus épouvantable cri qui 
52 puisse imaginer et que l’on ne peut écouter sans frisson- 
aer. C’est n1 plus ni moins que le cri qu'arracherait à un 
ètre human un supplice qui se terminerait par la stran- 
gulation.” 

HENRY TiLMANS. 


———(0)———— 
LE MAMMOUTH GELÉ DE LA SIBÉRIE 


Le Mammouth (ZÆ/ephas primivenins CUV.) est une 
espèce d'Eléphant qui vivait au commencement des temps 
quaternaires ou pléistocènes. 

Il était bien plus grand que l’Eléphant actuel de 
l'Inde ; ses défenses étaient bien plus longues et largement 
recourbées par en haut ; il était muni d'une crinière et tont 


180 jE NATURALISTE CANADIEN 


son corps était couvert d'une longue et épaisse fourrure, 
Cet animal s’est éteint avant l'époqne historique ; maïs il 4 
dû être très abondant, car on retrouve, çà et là, presque 
partout, des fragments plus où moins importants de son 
squelette. | 

[1 semble avoir persisté plus longtemps dans l'Asie 
septentrionale et en Sibérie que partout ailleurs, et l’abon- 
dance de ses ossemenis qu'on découvre dans ces fégions 
semble les indiquer comme étant sa véritable patrie. 

«A l’époque où les troupeaux de ce pachyderme 
parcouraient ces pays, le climat, dit M. de Lapparent, était 
doux et humide. De la sorte, la Sibérie septentrionale 
formait une steppe ou une forêt immense abondamment 
pourvue de la végétation convenable aux Eléphants. Il est 
vraisemblable que l'invasion du froid s’y est, fait sentir à la 
fois par le nord sous l'influence des glaces polaires, et par 
le sud en raison des neiges accumulées sur les montagnes 
des chaînes méridionales, déterminant la fuite du Maiu- 
mouth dans la direction de l’Europe. De plus, cette inva- 
sion a dû être très subite; car non seulement on a de la: 
peine à s'expliquer d’une autre manière l’innombrable 
quantité de restes de Mammouth que recèlent les rivages 
septentrionaux de la Sibérie et plus encore les îles qui les 
bordent ; mais il convient de ne pas oublier la rencontre 
plusieurs fois réalisée de cadavres entiers de cet animal, 
dont la chair a pu être mangée par des chiens: les cadavres 
étaient enfouis, quelquefois debout, dans les aluvions, et, 
pour que la chair en ait été conservée sans avoir subi la 
transformation en adipocire que produisent les tourbières, 
il faut que peu après la chute de l’animal dans les marais 
où il avait péri, la gelée ait Hour doujours pris possession 
du sol.” 

La dernière découverte de ce geure, et la plus impor- 
tante, eut lieu dans le courant du mois d'avril 1901. 

À cette époque, l’Académie impériale des sciences de 


LE MAMMOUTH GELÉ DE LA SIBÉRIE 181 


Saint-Pétersbourg fut informée par le gouverneur de 
Yakutsk de la trouvaille d’un Mammouth gelé, dans un 
état de conservation presque parfait, enfoui dans une fa- 
laise des rives de la Berezovka, affluent de droite de la 
Kolymaäa, à 200 milles environ au nord-est de Sredne- 
Kolymsk, c’est-à-dire à environ Soo milles à l’ouest 
du détroit de Behring et à 60 milles en deça du cercle 
arctique. 

Cette nouvelle, d’une importance capitale, mit en 
émoi tout le monde savan‘: une expédition fut organisée 
pour aller sur les lieux dégager le Mamimouth, et une som- 
me de 15.300 roubles fut affectée par le ministre des Finan-: 
ces de Russie aux paiements des nombreux frais nécessités 
par la inise au jour de l'animal et son transport au Musée 
de Saint-Pétersboure: 

L'expédition, sous la direction de M. O..F. Herz, par: 
tie le 31 mai 1007. n’atteignit que le 9 septembre la loca: 
lit5 où se trouvait le Mämmouth, et après avoir établi son 
campement, elle se mit immédiatement à l’œuvre. On 
conçoit que c'était une opération délicate et difficile de 
déterrer un animal enseveli depuis tant de siècles, dout les 
chairs, les téguments ét les os ne devaient leur conservation 
qu'à une gelée persistante et risquaient de perdre toute 
cohésion et toute adhérence à l'instant fatal où survien- 
drait le dégel. 

Il fallut employer de très minutieuses précautions : 
M. Herz écrivit jour par jour le résultat de ses travaux, 
et son rapport fut publié intégralement dans le Æw/letii 
de l’Académie impériale de Saint-Pétershourg. 

Le Mainmouth était enfoui dans une haute falaise, à 
35 mètres au-dessus du niveau actuel des eaux de la Bere: 
zovka et à 62 mètres en atrière de la rive. Cette falaise 
est formée d'une masse de terre argileuse mélangée de 
pierres, de racines, de moïrceaux de bois agglutinés avet 
des fragments de glace depuis un temps incalculable, Du- 


152 LE NATURALISTE CANADIEN 


rant l’été de 10a00, à la suite de fortes pluies et d’un com- 
mencement de dégel, il se produisit un éboulement qui 
mit à nu une partie du corps de lPanimal. Des chasseurs 
de rennes de la tribu des Lamuts, habitants de cette 
région, le remarquèrent et firent part de leur découverte 
au gouverneur de Vakutsk qui prévint à Saint-Péters- 
bourg. 

L'opération du déblayage dura un mois entier, du 11 
septembre au 11 octobre. 

On commença par enlever le plus de terre possible 
autour du cadavre sans l’endommager, ce qui n'était pas 
facile, car la gelée avait solidement lié toutes les parties 
du corps avec les masses argilenses qui l’entouraient. A 
cause de la rigueur de la température, ce travail u'a pu 
être terminé à ciel ouvert : on était obligé de tailler dans le 
bloc comme dans une carrière de pierres; et l’épaisse four- 
rure du Mammouth qui était ébouriffée en tous sens ne 
pouvait être dégagée des matières glacées qui l'enserraient. 
Il fallut construire au-dessus de l'animal une sorte de 
hangar, dans lequel nuit et jour on entretint une tempéra- 
ture qui monta graduellement à quelques degrés au-dessus 
de zéro, et amena un dégel bienfaisant qui permit de sépa- 
rer les membres et la fourrure de la terre gelée qui v 
adhérait depuis si longtemps. 

Les membres et les différentes parties de la tête furent 
désarticulés, enveloppés de bandages et soigneusement 
empaquetés ; la peau fut enlevée et subit de suite, avant 
d’être emballée, une première préparation ; des portions 
de chair, de graisse et le contenu de l'estomac ainsi que 
du sang solidifié furent également recueillis, et le tout par- 
vint en bon état à Saint-Pétersbourg où :le squelette du 
Mammouth put être complètement reconstitué: 

L'animal, qui était un mâle, avait la jambe droite de 
devant, un os du bassin et plusieurs côtes brisés ; il avait 
la bouche pleine d'herbes, et d’après la position de ses 


LE MAMMOUTH GELÉ LÉ LA SIBÉRIE 183 


membres, il résulte qu’étant en train de manger, il a dû 
tomber subitement dans une profonde crevasse d’où il à 
fait des efforts pour sortir; mais il s'était blessé trop sé- 
rieusement dans sa chute; il ne put s’en tirer et les ali- 
ments qui remplissaient sa bouche, dont il n’avait pas eu 
le temps de se débarrasser, dénotent que sa lutte contre la 
mort fut courte et qu'il a dû périr rapidement. 

La peau de la tête et la trompe, qui, par suite de 
l’'éboulement partiel de la falaise, étaient découvertes de- 
puis plusieurs mois, avaient été presque totalement dévo- 
rées par les ours et les loups La défense de droite 
manquait, elle avait dû être brisée durant la vie de 
Panimal. 

La fourrure s'était conservée sur presque toût le corps, 
sauf sur le dos. La lèvre inférieure était garnie de poils, 
noirs, de 50 centimètres de long ; sur les joues ils n'avaient 
que 23 centimètres et étaient partie brun châtain et partie 
blonds; les poils du ventre, jaunâtres, avaient 35 centi- 
mètres, mais ils étaient beaucoup moins épais; les jambes 
étaient couvertes d'une sorte de laine d’un brun jaunâtre 
ou roux d’où sortaient d’épaisses touffes de poils raides, 
d’un brun sombre, de 12 centimètres de long. La queue 
était courte (36 centimètres), composée de 22 à 25 vertè- 
bres; son extrémité était garnie de longs et gros poils (25 
centimètres) d’un brun roux. 

Les aliments qui se trouvaient entre les molaires sont 
des fragments d’heibes variées ; l'estomac en contenait une 
énorme quattits, près de 27 livres ; le cœur, les poumons 
et les autres viscères avaient été détruits. 

La chair, fibreuse et marbrée de graisse, était d’un 
rouge brun et paraissait aussi fraîche que de la viande de 
bœuf ou de cheval congelée. Malgré son appétissante 
apparence, les membres de l’expédition ne purent se déci: 
der à en goûter et ne changèrent pas leur ordinaire quoti- 
dien dont la viande de cheval faisait le fond. Les chien 


184 LE NATCRALISTE CANADIEN 


furent moins difficiles et dévorèrent tout ce qu’on voulut 
leur abandonner. 

L'épaisseur du cuir variait entre 19 et 23 millime- 
tres ; au-dessous se trouvait une couche de graisse blanche, 
inodore, spongieuse, d’une épaisseur de 9 millimètres. 

Tel est succinctement décrit l’état de conservation 
presque parfait où fut trouvé le Mammouth de la Bere- 
zovka. Tout le monde savant s’est occupé de cette capti- 
vante découverte ; mais personne n’a essayé d'établir des 
conjectures sur la date de la mort de cet animal et de son 
enfouissement dans la falaise formée des matériaux allu- 
vionnaires qui l’ont si bien préservé, 

C’est qu’il s'agissait de discuter les données de la 
science officielle, et que nul n’a osé risquer de convaincre 
d'erreur grossière l’enseignement 7#,#po056 dans les hautes 
écoles gouvernementales. 

Le Mammouth vivait en même temps que les premiers 
hommes, dès le commencement de l’époque quaternaire, 1l 
y a certainement beaucoup de siècles. Mais G. de Mortillet 
(Le Préhistorique) fait remonter l'apparition de l’homme à 
230 000 OÙ 240 000 ans au InOINS ! 

Pas un savant n’a tenté d'établir un doute sur cette 
chronologie qui n'a pas de bases sérieuses et est évidem- 
nent tout à fait arbitraire. 

Le fait actuel est un argument probant pour réduire 
considérablement ces chiffres, 

C'était une bien bonne usine de conserves que cet 
amas d’alluvions en partie éboulé, qui a permis à des chiens 
de se régaler de la chair en très bon état d’un animal mort 
depuis 240,000 ans...au moins ! 

Il est plutôt probable que les Mammouths ont existé 
beancoup plus longtemps qu’on ne l’admet, et qu'à une 
époque relativement récente, ces animaux habitaient encore 
les immenses solitudes inconnues de la Sibérie du Nord. 
(Revue scientifique du Bourbonnats.) ERNEST OLIVIER. 


RECHERCHES BOTANIQUES D'UN CHAT 185 


LES RECHERCHES BOTANIQUES D'UN CHAT 


Darwin a dit que les pays où l’on rencontre le plus de 
vieilles demoiselles sont les plus riches au point de vue 
agricole, et il l'explique ainsi: les vieilles demoiselles ont 
toutes des Chats ; or, ceux-ci se plaisent à détruire les nom- 
brenx rongeurs, fléau des guérets, donc...Quelques mau- 
vais esprits se sont empressés d'ajouter que si les Chats 
aiment le gibier à poil, ils ont un goût non moins prononcé 
pour le gibier à plumes, qu’ils massacrent nombre de petits 
oiseaux, grands destructeurs d'insectes nuisibles, et que 
ces méfaits doivent largement compenser les avantages ré- 
sultant de la mise à mort de quelques Mulots. D'après 
eux, le Chat pourrait être plus nuisible qu'utile aux choses 
de l’agriculture. 

Or, voici qu’une observation, faite à Boston, en Amé- 
rique, apporte un nouvel argument aux ennemis de la race 
féline. 

Le professeur Sargent, de l’Arboretum de Boston. 
avait importé de la Chine centrale une plante absolument 
inconnue en Amérique aussi bien qu’en Europe, une nou- 
velle vigne, l’Actinidia polygama. On entreprit d’accli- 
mater les quelques sujets que l’on possédait : ils furent 
plautés dans une serre et entourés de tous les soins néces- 
saires. Bientôt, on s’aperçut qu’un animal inconnu dévo- 
rait tous les jeunes rejetons ; ce ne pouvait être un Rat, car 
un Chat était enfermé en permanence dans la serre. On 
n’arrivait pas à découvrir le coupable, car l’idée ne pou- 
vait venir que le Chat, animal carnivore, pensait à s’atta- 
quer aux plantes; on sait qu’en fait de végétaux ces félins 
u’apprécient guère que la Valériane. C'était cependant ce 
gardien infidèle qui commettait le dégât; non seulement 
il mordillait la plante, mais il en dévorait toutes les par- 


ties. Il fut chassé, et tout alla bien. 
24— Decembre, 1906. 


186 LE NATURALISTE CANADIEN 


Au printeimps, on put établir dehors, sur une couche, 
une centaine de jeunes plants; dès qu’ils eurent pris de la 
vigueur, on enleva les châssis, et alors on vit accourir tous 
les Chats du voisinage qui, en un rien de temps, détruisi- 
rent toute la plantation. Je Chat de la serre m'était done 
pas un animal exceptionnel, ayant des goûts contre nature ; 
il partageait seulement ceux de sa race ; en la circonstance, 
il les devançait. Depuis, on n’arrive à élever le précieux 
arbrisseau qu’en l’entourant complètement d’un treillage 
en fil de fer, et encore, toute pousse qui s'approche des 
mailles est aussitôt dévorée. 

Le fait est curieux et suggère quelques réflexions à 
M. David Fairchild, qui le signale dans Scence. 

Comment les Chats ont-ils pris goût à cette plante 
nouvellement importée et qui leur était complètement in- 
connue ? Elle n’a ni odeur ni goût spécial que nous puis- 
sions reconnaître ; l'odorat de ces animaux est-il plus subtil 
que le nôtre, ou leurs instincts carnivores les portent-ils à 
goûter à tout ce qui tombe sous leurs veux, même aux 
plantes ? 

En l’admettant, comment se fait-il que tous les Chats 
d'une région aient appris aussitôt les vertus d’une plante 
qui leur était absolument inconnue ? Faut-il croire que le 
Chat de la serre, chassé de son domaine, a été leur révéler 
le fruit de son expérience, ou tous ont-ils eu en même temps 
l’idée de tenter une expérience personnelle ? 11 n’y a pas là 
un instinct conservé par hérédité, puisque la plante était 
inconnue aux ancêtres des Chats actuels, aussi bien en 
Amérique qu'en Europe. C’est un nouveau chapitre de 
histoire des Chats qui mérite l'attention : Ont-ls, la ques- 
tion d'intelligence mise de côté bien entendu, des facultés 
de recherche et d'investigation plus développées que celles 


de l’homme ? 
(Cosmos.) 


GLANURES SCIENTIFIQUES 19; 


GLANURES D'HISTOIRE NATURELLE 


MONNAIES D'ALUMINIUM 


Il semble que les Etats-Unis vont être la première na- 
tion à employer l'aluminium pour la fabrication de la 
monnaie, Dès cet automne, paraît-il, on va faire l’expé- 
rience de pièces d'aluminium pour les substituer aux piè- 
ces en bronze de un centin. Il n’y a encore que quelques 
années, la considération économique eût seule empêché 
une tentative de cette sorte. En 1855, une livre de ce métal 
coûtait $200. En 1880, il fallait encore payer $4.50 pour 
une livre. Il est probable maintenant que le prix va tom- 
ber à 39 cents. Ordinairement l'aluminium est extrait de 
l'argile commune. Jusqu'à une date récente, cependant, 
on n’a pu l’extraire que par des procédés extrêmement dis- 
pendieux. Depuis une dizaine d’années, les savants et les 
inventeurs américains ont surmonté un bon nombre des 
obstacles primitifs. 

Le premier article en aluminium dont on fasse men- 
tion est une table à l’usage du tout jeune Prince Impérial, 
—compliment du premier manufacturier, St-Clair Neville, 
à l’empereur Louis-Napoléon qui l'avait assisté. De nos 
jours 1l serait presque impossible de signaler un usage pour 
lequel ce métal n’est pas employé. 

L’'aluminium est plus léger que le verre, et pèse les 
trois quarts moins que l'argent auquel il ressemble beau- 
coup. Quoiqu'il soit aussi dur que le zinc, c’est à peine si 
aucun autre métal est aussi malléable et ductile. I1 peut 
être étiré en fil de la plus grande ténuité, et battu en feui 
les de la plus délicate épaisseur. 

Une fois vendu à bon marché, comme il ne tarnit pas, 
il aura vite fait de remplacer l'argent, sur une grande 
échelle, pour toutes les œuvres décoratives. (C’est un ex- 
cellent conducteur et il pourra être substitué avantageuse- 


135 LE NATURALISTE CANADIEN 


ment au cuivre dans toutes les installations électriques. 
Aucun métal, si ce n’est l'acier le plus raffiné, ne pouvant 
lui être comparé, poids pour poids, pour la force de résis- 
tance, il pourra rivaliser avec l’acier dans toutes les indus- 
tries de manufacture. La France, l'Allemagne et les 
Etats-Unis ont construit des torpilleurs en aluminium, 
après avoir constaté que sa légèreté augmente la vitesse du 
navire, tandis que sa dureté résiste à la corrosion et à l’ac- 
tion galvanique mieux que celle d'aucun autre métal. On 
en a fait des yachts, des chalouvpes, des bicycles, des chars à 
moteur, des instruments de chirurgie, des patins, des wsten- 
siles de cuisine, etc. Onen fera des monnaies, et mille 
autres choses encore. 
RE 
DES OISEAUX DANS LES PRAIRIES 


On se propose aux Etats-Unis, avec infiniment de raï- 
son, de peupler les prairies de l'Ouest de plusieurs espèces 
d'oiseaux de chasse. Pour commencer, on a commandé 
1000 couples de Faisans de l’Orégon, et on va prochaine- 
ment les lâcher dans les prairies du Kansas. On les dis- 
tribuera par lots de quatre à cinq couples, en différentes 
sections. Déjà, depuis quelques années, une cinquantaine 
de couples avaient été lâchés en cet endroit et s’y étaient 
répandus. 

[is seront protégés par la loi pendant cinq ans. Et 
comime ils se multiplient rapidement, on a bon espoir de 
les fixer. On les établira de préférence dans les comtés 
de l'Est, parce qu'ils y seront mieux protégés contre les 
vents et les froids de l'hiver, aussi parce que les comtés de 
l'Est ont contribué plus que les autres au fond d’acquisi- 
tion et d'établissement. Cette première entreprise va coû- 
ter au delà de #5000. On achète les oiseaux avec le revenu 
des licences de chasse, licences qui sont surtout accordées 
et surtout profitables dans la partie est du Kansas. 

Le Faisan est un très bel oiseau de chasse; et dans tous 


GLANURES SCIENTIFIQUES 18Ù 


des Etats où il s'est introduit, son établissement a été un 
succès. Au reste, on introduira aussi d’autres oiseaux dans 
les prairies. Ainsi, dans les mêmes prairies du Kansas, on 
introduit des Cailles bleues, qu’on a fait venir du Nouveau- 
Mexique ; seulement, ces Cailles bleues sont dirigées vers 
les parties occidentales, où les conditions atmosphériques 
sont à peu près les mêmes que celles de leur pays d’ort- 
vine. 
* * * 


UN GRAND PROJET D’'IRRIGATION 


C’est toujours l'Ouest qui se développe et crée des 
merveilles. Un projet est sur pied à Denver, Colorado, 
pour emmagasiner les eaux de la rivière Platte et, par ce 
moyen, soumettre à l’irrigation, par conséquent fertiliser 
un imillion d'actes de terre stérile. 

Le plan est de créer un réservoir long de 34 milles et 
«en moyenne profond de 35 pieds. On calcule que 40 mil- 
liards de pieds cubes d’eau de la rivière Platte sont perdus 
annuellement, et que cette quantité est amplement suff- 
sante pour l'irrigation d’un million d’acres de terre Une 
compagnie a été formée pour l’utilisation de ces terres sur 
lesquelles on coustruira des fésidences pour cent mille 
habitants. 

La dame coûtera $4,000,000, ce qui revient à $4.00 
de l’acre pour la terre fertilisée. La terre, après irrigation, 
augmentera en valeur ; de là, soutce de profit. Aujour: 
d’hui cette terre stérile vaut à peine $2.00 où $3-00 l’acre 
Après irrigation, elle vaudra de $50 à $100 l’acre selon 
sa qualité. (Certaines pafties vaudront encote plus. De 
cette manière, il est évident que l’entreprise rappottera à 
ses contributeurs de larges profts, tout en constituant un 
bienfait public immense à raison de la vaste étendue ou- 
verte à la colonisation. 

À présent, on peut dire qu’il n'y a plus de bonnes 
terres de colonisation aux Etats-Unis. Cependant de telles 


O0 LÉ NATURALISTE CANADIEN 


terres sont en plus grande recherche que jamais. Les co 
lons en quête d'établissement devront donc se rabattre sur 
les terres d'irrigation, les seules disponibles. Ces terres: 
seront certainement occupées aussi vite que l’action privée 
ou l’action du gouvernement pourra les ouvrir. Il ya 
d’ailleurs, en réserve, des millions d’acres de terre qui 
attendent l'irrigation pour devenir fertiles. A ce point de 
vue, le développement de lFOuest américain ne fait que: 
commencer. 
LÆ CANADA ET LE COMMERCE DE FOURRURES 

Le Canada, ‘et spécialement la partie septentrionale, 
encore sauvage, est la dernière des grandes réserves de: 
fourrures du monde entier. En dépit du fait que le com- 
merce de fourrures y a été vigoureusement exercé depuis. 
au delà de trois siècles, il n’y a encore aucun sienne de 
déficit dans la quantité d'animaux, si ce n’est dans un 
petit nombre d'espèces. Le Bison, comme animal sauvage, 
à pratiquement disparu. Je Castor sera lui-même exter- 
iminé si on ne recourt pas à des mesures extraordinaires, 
pour le préserver. La Loutre de mier et le Renard argenté 
sont devenus très rares, depuis un certain nombre d'années. 
Mais il y a de vastes régions encore inexplorées, et la di- 
sette de fourrures, en général, n’est pas à craindre, d’ici à 
de longues années. 

Telles sont les vues exprimées naguère à Montréal 
par un M. R.-G. Groves, de Vancouver, qui est un spéci- 
aliste en fait de fourrures et qui parle d'après sa propre 
science et expérience. 

Quant aux mesures à prendre pour la conservation 
des animaux à fourrure, il avoue que l’on n'a encore rien 
ou presque rien fait à cet égard. La raison en est que 
lapprovisionnement du commerce ayant toujours été con- 
tinu et facile, personne jusqu'ici ne s’est trouvé en face 
d’une telle nécessité. Généralement, c’est quand il ne reste . 


GLANURES SCIENTIFIQUES 191 


presque plus rien à conserver que l'on commence à parler 
de conservation, surtout à agir. Cependant il est remar- 
-quable que les sauvages, les premiers, paraissent déjà com- 
prendre la nécessité de la prudence, afin de se conserver 
des moyens d'existence en conservant les animaux qui leur 
donnent la fourrure du commerce; et ils prennent à cet 
effet des précautions que l’on pourrait à peine attendre de 
leur patt, étant donnée leur caractéristique imprévoyance. 

Voici comment le commerce de fourrures est prati- 
qué avec les sauvages : ils apportent deurs peaux aux dif 
férents postes et les échangent pour des marchandises. 
C’est un simple trafic. L’étalon de valeur, selon les en- 
droits, sera une peau de Castor, ou une peau de Marte, ou 
une peau de Renard rouge. 

L’apparence actuelle pour le commerce est-elle bonne ? 
Elle est excellente. [1 demande pour les fourrures aug- 
mente sans cesse, non seulement dans les pays où elles sont 
nécessaires comime vêtements, pour protéger contre le 
froid, mais dans d’autres où elles sont portées comme at: 
ticle de luxe et d’oraement. Cette demande croissante est 
probablement le résultat de 1a prospérité générale qui rè- 
‘ne actuellement des deux côtés de l'Atlantique. La fin 
de la guerre russo-japonaise peut aussi, partiellement, en 
être la cause, parce que la Russ'e est un des plus grands 
marchés de fourrures qne l’on connaisse dans l'univers. 

Fa 
HISTOIRE D'UN CAMÉLÉON 

Faute de pouvoir distinguer entre un anneau d’or à 
diamant et un collier d’or, que la petite créature avait cou- 
tume de porter au bout d’une jolie chaînette, un Caméléon 
fut dernièrement, pour un Monsieut KE. A. Crippen, hôte 
de l'hôtel Murray Hill, Omaha, la cause d’une demi-heure 
de très vive anxiété. Ce monsieur avait laissé son anneau 
dans le plat à savon, dans sa chambre. Quand il revint 
après le lunch, l'anneau avait disparu. Il chercha sans 


r92 LE NATCRALISTÉ CANADIEN 


succès dans toute la chambre, puis il appela le garçon à 
qui il déclara sa perte. Or le lave-mains sur lequel était 
le plat à savon se trouvait adossé à une fenêtre ouverte, 
protégée par un grillage en fil de fer. Sur ce grillage, le 
jeune homme aperçut le Caméléon du premier commis, un 
bijou vivant, qui avait déjà porté uu petit collier d’or 


au bout d’une chaïnette pour l’empêcher de se perdre: 


au loin. Eu ce moment la petite bête avait justement un 
anneau autour du cou, mais sans chaînette. (On examine 
ce collier : c’est l’anneau que l’on cherche Le Caméléon 
avait été dressé à mettre, à ôter de lui-mêime son collier ; et 
en vertu de son habitude, peut-être aussi fasciné par l’éclat 
de l’or et du diamant, 1l avait tout bonnement fait glisser 
par dessus sa tête l'anneau de M. Crippen, pris pour son 
propre collier ! B. 


n oo 


PUBLICATIONS REÇUES: 


J.-C, Chiapais, L' Œuvre des Ecoles ménagères agricoles. Québec, 1906. 
Cette brochure de l’assistant-commissaire de l'Industri: laitière du 
Canada contient une conférence prononcée, en juillet derni-r, Gurant la 


convention des missionnaires agricoies de la province de Québec. les 


idées qu'y exprime M. Chapais, sur la nécessité et les avantages de la 
bonne éducation ménagère, ont paru tellement justes aux missionnaires 
agricoles, qu’à l’issue de la conférence ces messieurs oit formulé le vœu 
de les voir de plus en plus mises en pratique. 

— Notes sur la Truffe, par M. Em. Boulanger (1904-1906). Lons-le- 
Sauuier, 1906. 

M. Boulanger a réuni dans cette plaquette plusieurs mémoires qu’il 
a présentés, depuis deux ans, à la Société mycologique de France, et où. 
sont consignés les résultats des intéressantes expériences qu’il a pour- 
suivies dans la culture de la Truffe. De belles planches hors texte ac- 
compagnent ces mémoires. 

— Recherches physiologiques sur les matières de réserves des arbres, 
par M. Jeclerc du Sablon. (Extrait du Tome XVI de la evnue générale 
de Botanique, Paris.) 35 pages in-8°. | 

‘“ Je me suis proposé, dit l’auteur, de recherclier comment les réser- 
ves et, d'une façon générale, les substances pouvant servir d’aliment à 
la plante variaient pendant le cours d’une année dans les tiges, les racines: 
et les feuilles des arbres.’ Tel est l'intéressaut sujet de physiologie 
végétale qu'a traité M. Leclerc du Sablon dans le savant m£moire dont 
il a bien voulu nous envoyer un exemplaire. 


TABLE DES MATIÈRES 


DU VOLUME XXXIII 


PAGR 
LE gt ET ETES OR PRES RS Le A RS A 
lmpratique de'l’histoire, naturelle ...0.. 4m... 4 
M CRM Va MPa Se Re RE . . be anse decide 
Ouelest ce poisson ?...... ...... Lt Ne btelier 5 
Chronique (H. Tilmans). ............ 6, 23, 35, 69, 85, 117, 132, 164, 177 
les Rats au Manitoba. ...... .... ... D ro bobutioc one 0 UE 8 


Où il est démontré qu’un entomologisie doit faire une collection 


SEE... dur niuna ve à Me ces aussa connus lp mai ce 9 
Influence de la lune sur la végétation ..... PAS ne id ouh aà | 13 
BIBPIGGRAPEREER de: 2 donasasie, noel 15, 45, 80, 96, 112, 128, 160, 176, 192 
Le district minier de Cobalt (H. Nagant)...... ................... 17 
Re chasse aux-inisectes: .:.2."2215400.. ue ds NO e ET 
PÉMPoISsoN SOlEIL 4. 6 den Pet ed 30 
Nos fruits canadiens en Belgique (N. RE ter) ET MORE CT sésstin az 

La grande Lamproie de mer (L'abbé E. Roy)...... SAMIR TE NOR a 


De la chasse aux insectes... .. ...... Bo AA CE CL 38, S7 


104 TABLE DES MATIÈRES 


Traité élémentaire de Zoologie et d'Hygiène................. 25, 43, 134 
Les terres comestibles (H."Nagant).- 1..." Er ENENERERR PE 44 
Nouvel ouvrage scientifique sur le lait...... ....................: 47 
Migration des Hiboux blancs (C.-E. Dionne) .. ....... ........... 49 
Le scintilloscope (H. Nagaut)........:........: "tr SI 
Un insecte étrange... OM . 2.1, CRE NN 55 
Histoire d'un'entomologiste.#......,.1.. ... NE 58 
Le Gulf-Streamise dérärngerait-1l ?:....420,1 21 SN PANNES 3 61 
De l’origine des plantes rultivées ..... ....... .. 2" 64072 
Atxamateurs d'listoirematurelle "FEMME EEE N ENTREE NET 65 
Feu P.-H. Dumais ..... En : OR to ut € 67, 82 
Hem C-Baillairent 2-00. : nc concu oncne. 67, 84 
Congrès géologique international.... ............. 1 RÉECREE 67 
Une enquête entomologique:Æ#. . ! °° MON SONORE 68 
Les terres rares de la province de Québec (H. Nagant) ...... ..... 74 
Oiseaux à vol NE SAME RON < OR DEA 3 NEMOTENER A TMNM EN E 79 
Bniretard Chic Ha RE à cette M NOT ENTER 81 
Les minuscules ouvriers de la terre...... Duus STONE 93 
Contrepoison\ universel: "22%... 4er RP SAIOS 
A propos de pattes (Etude sur les pistes de quelques An L'abbé 
Em.-B. Gauvreau ....... see ee CREER 97 
Station de Biologie maritime du Cause SES a - M lors 
L'arvéetmoniureries DOIS SM ICNCSR:. . TOR TR ONE se à BIT) 
Origine bactérienne des gommes vépainiee de 0 one TRS TII 
Let Tassock MORIN MIEL EURE. : 2, UTC PRES LÉ NÉE RES 113 
Le marchand d'œufs de Fourmis. .. 7 ECC RE RER 120 
les moyens de défense des insegtes 07 MST 122 
Les Araignées à soie de Madagascar (J.-K. Whitby) 2 0 CORRE : st bed 
Extinction du Poisson blauc (L’abbé F.-X. Burque). .... ......., 129 
Des fruits au Kilondike: 5.22... 1.8 CANON EEE 135 
Les parures cruelles....... on A oo ose use eue SE RER 131 
Reviviscence du Gordius ve 0 et de r ane In du blé niellé 
(EF. Maison)... h214.26e MR. . CREER NS EE NES 139 
Pêche et rendement de la Baleine depuis le XVIIe siècle (E. Maison). 145 
Glanures d'histoire naturelle (L'abbé F.-X. BRrQUE) s DES CES 152, 166, 187 
Les Rois de Rats (A. Dollfus).2%....,.42.24), 2 cÉENeReS 156, 168 
ILe massacre des oiseaux... 2... SSSR 158 
L'Arachide (Pea-Nut).. 7-20... tr SR ie 159 
Les Vers de terre ou Lombrics (G. Dusserre) ............ 161 
Amos lecteurs Lee TRIER... NAN PRE 177 


Ie Marmouth gelé de la Sibése É. .L ANNSNSRT ERATRSS à 
Les recherches botaniques d’un Chat .,.. ...... Lu 185 


TABLE ALPHABÉTIQUE 


HÉPLÉEVALPHABÉTIQUE 


DES PRINCIPAUX NOMS DE FAMILLES, 


DE GENRES ET 


D'ESPECES MENTIONNÉS DANS CH VOLUME 


NCHMAUS eue + 48 
Actinidia polygama .... 185 
ATÉMONIAEE Re acer 123 
Agaricus campestris.......... 72 
ATODIUL ce 110 
ATACNYS HV DOSEA SL... 159 
Balæna Biscayensis ... ...... 147 
Bonasus Americauus.......... 129 
CalOnDINUs HrSinUus 3 2.10! 

SASTATEAINES CAE, het 72 
Champsosaurus...... 48 
SE D LL Rd rto no 73 
Colu:nba domestica 79 
COIUIPbId SE 20 ER E. 80 
Coregonus albus ...... 129 
CoRvHANSiCorAutA, +... 56 
CyraunosantnsirTex 7". 117 
DITACHACNIASER EN 140 
Elephas primigenius...... 179 
ÉEVUMAIENS 2 LE De... 73 
Feba vulgaris..... Se see se 


Filaria medinensis .... 
Fragaria vesca..... 72 
Gordius aquaticus......... 139, 149 


Hemerocampa leucostigma.... 114 
Monohammus scutellatus..... 40 
Mus decumanus........ 174 
ARTS EE EE Ce ne ci 
MYStMOSUCRUS Ne 112 
Necrobia rUfCOrUIS.......... 59 
Nicotianatabacum ........... 73 
PaTaArO MOSEA Re ee 36 
Petromyzon marinus.......... 33 
Phytosaane ts en 112 
RATATGONAN EC RER EC NE 120 
Rhytdodon nt 1.000. 112 
Rhytinus borealis...... 129 
RibeS UD TE 72 
Sata lCeCTOPIR ET 7 
Lriceratops Li. heu 118, 175 
L'RICHMAYAISATE PE CE 73 
Lea MAYS ER MEET re 


ERRATA 


Page 41, rère ligne, lisez : horrible mélange. 
55, z3e ligne du bas, lisez : Saint-Roch de l’Achigan. 


‘“ 120, 4e ligne, lisez: Bonasus. 


4, 73e ligne, lisez : Callorhinus. 


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